BINDING LIST MAY 1 19^1.
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«ENFANT», <€ARÇON», «FILLE»
DANS LES LANGUES ROMANES
ÉTUDIÉS PAETICULIÈEEMENT
DANS LES DIALECTES GALLO-EOMANS
ET ITALIENS
ESSAI DE LEXICOLOGIE COMPAREE
PAR
IVAN PAUL!
LUND
A.-B. PH. LINDSTEDTS UNIVEESITETS-BOKHANDEL
EN DISTRIBUTION
jPrînted in Sweden"
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LUND 1919
BERLINGSKA BOKTRYCKERIET
A MA FEMME
AVANT-PROPOS.
C'est en lisant, dans la Romania^, les lignes suivantes
d'un compte rendu de l'ouvrage bien connu de M. E.
Tappolet, Die romanischen Verwandtschaftsnamen, que j'ai eu
la première idée de cette dissertation: «L'auteur a laissé
de côté tous les termes qui désignent la parenté collec-
tive . . . , les réservant pour une étude ultérieure; il
semble nous en promettre une autre sur les mots
qui désignent, sans détermination de parenté, l'hom-
me et la femme aux différentes époques de leur
vie» ^. Après m'être assuré que M. Tappolet n'avait pas
l'intention de faire un travail de ce genre, j'ai commencé
à recueillir les matériaux nécessaires à une étude sur ce
sujet. Mais ces matériaux, spécialement ceux qui se rap-
portent aux premiers âges de la vie, devinrent bientôt si
abondants, que je me suis vu contraint de n'en utiliser
cette fois que la moitié, et de me borner, pour ma thèse
de doctorat, à étudier les termes qui servent à rendre,
dans les langues romanes, les idées de 'enfant', 'garçon'
et 'fiUe'.
Avant de terminer ce travail, je tiens à exprimer ma
gratitude envers mon cher et vénéré maître de philologie
romane, M. Fr. Wulff , pour l'intérêt bienveillant qu'il m'a
^ Romania, XXIV, p. 625.
* Souligné par moi.
— 2 —
toujours témoigné au cours de mes études. Je prie aussi
MM. E. Walberg, professeur de langues romanes à l'Uni-
versité de Lund, et Chr. Thorn, maître de conférences à
l'Université de Lund, principal du Collège mixte d'Eslôv,
de recevoir ici l'expression de ma grande reconnaissance
pour les conseils précieux qu'ils ont bien voulu me
donner pour cette thèse. Qu'il me soit encore permis de
présenter mes remerciements respectueux à M. Louis Gau-
chat, professeur à l'Université de Zurich, qui a eu l'ex-
trême obligeance de dépouiller pour mon compte les ma-
tériaux inédits du Glossaire des patois de la Suisse romande,
et à qui je dois bien des renseignements utiles. M. Paul
Vaucher, lecteur de français à l'Université de Lund, s'est
donné la peine de rendre la forme de mon travail moins
imparfaite et de m' aider à corriger les épreuves. Qu'il
veuille bien recevoir ici mes remerciements les plus sin-
cères. Je tiens à remercier aussi mon ami, M. Cari Collin,
docteur es lettres, de tout l'intérêt qu'il a montré pour ce
travail. J'exprime enfin aux fonctionnaires de la Bibliothèque
de l'Université de Lund ma reconnaissance de la manière pré-
venante avec laquelle ils ont toujours facilité mes recherches.
Lund, mai 1919.
Ivan Pauli.
3
INTRODUCTION.
I 'étude que voici appartient à une branche de la lin-
^ guistique romane à laquelle M. E. Tappolet a donné
une forme précise par son travail devenu classique: Die
romaniscJien Verwandtschaftsnamen, Strassburg 1896, et qui
depuis a été cultivée avec succès par plusieurs romanistes,
parmi lesquels il faut nommer en première ligne MM.
Zauner et Merlo ^. M. Tappolet a donné dans son travail
aux recherches de cet ordre le nom de lexicologie comparée
(«vergleichende Lexicologie»); M. Zauner propose le terme
onomasiologie, nom qui rappelle celui de sémasiologie, dont
la nouvelle science forme, à certains égards, le pendant
et le complément, c Quand on part d'un mot donné pour
grouper dans un ordre logique les différentes significations
de ce mot, on fait de la sémasiologie; quand on part d'une
idée donnée pour grouper les différents mots qui servent
à exprimer cette idée, on îa-it' de V onomasiologie* ^. Ainsi,
le travail de M. Tappolet répond à la question: Comment
rend-on dans les langues romanes les idées de 'père', 'mère',
'fils', 'fille', etc.? et M. Zauner s'est demandé comment on
exprime, dans les mêmes langues, celles de 'tête', 'bouche',
' A. Zauner, Die romaniscfien Namen der Kôrperteile, BF, XIV,
p. 33î) — 530. Cl. Merlo, I nomi romanzi délie stagioni e dei mesi,
Torino 1904. — Pour une liste complète des travaux de ce genre,
voyez Grammaire et lexicographie des patois de la Suisse romande,
Bibliographie analytique par L. Gauchat et J. Jeanjaquet (Extrait de
la Bibliographie linguistique de la Suisse romande), Neuchâtel 1916.
' J'emprunte ces définitions au compte rendu par M. A. Thomas
du travail précité de M. Merlo {Bomania, XXXIII, p. 289).
'bras', etc. La méthode de l'onomasiologie a été soumise
à un examen critique par M. von Wartburg dans son
ouvrage intitulé Die Ausdrucke fiir die Fehler des Gesichts-
organs in den romaniscJien Sprachen und Dialekten ^ A son
avis, l'onomasiologie, ainsi conçue, repose sur une suppo-
sition fausse. «Zauner spricht . . . von gegebenen Begriffen,
dit-il ^, ohne des Einwands zu gedenken, dass das Volk
solche oft gar nicht kennt. Es sind bloss Eindrûcke und
Einzelvorstellungen, die in der Sprache des Volkes zum
Ausdrucke kommen, und es ist daher missverstândlich und
leicht irrefiilirend, von Begriffen zu sprechen.» De ce
raisonnement, qui est sans doute tout à fait juste, bien
qu'il ne soit point nouveau ', M. von Wartburg tire la con-
clusion que le procédé onomasiologique est «insuffisant
et inadmissible» *. Ce jugement est cependant trop caté-
gorique; aussi a-t-il formulé ailleurs d'une manière plus
juste la conclusion que renferment ses prémisses, lorsqu'il
parle, au premier paragraphe, de «l'impossibilité de traiter
onomasiologiquement certains ordres d'idées». Car, s'il est
vrai que les mots ne représentent pas, au moins dans le
langage du peuple, des notions absolument constantes, nettes
et précises, il ne résulte point de là que toutes les idées
1 RLM, III, p. 402—503.
* op. cit., p. 402.
' Dans La Vie des mots, p. 104, A. Darmesteter a dit a peu près
la même chose: «La pensée populaire, qui aime l'image et la sensation,
n' a pas toujours des idées nettes et précises; elle confond entre elles
des choses différentes en se laissant entraîner par des rapprochements
vagues et inexacts». — M. Karl Otto Erdmann, dans son ouvrage intitulé
Vorstelîungswert und Gefiihlswert der Worte {Beilage zur Allg. Zei-
tung, 1896, N:o 222, p. 5), dit sur la même question: «Klare und scharfe
Begriffe im Sinne der Logik bezeichnet das Wort nicht, sondern nur
unbestimmte Komplexe von Vorstellungen, die man allenfalls Popular-
begriffe nennen konnte.» (Cité d'après K. Jaberg, ZMPh, XXVII,
p. 26.) — Cf. Erdmann, Die Bedeutung des Wortes, p. 5, où il dit la
même chose d'une manière moins concise.
* Voir op. cit., p. 405, où il parle de la « Unzulàngîichkeit und Un-
statthaftigkeit dièses Vorgehens».
— 6 —
que les mots représentent soient aussi dénuées de précision
et de constance que le sont les idées de 'myope', 'borgne'
et 'louche', dont traite la thèse de M. von Wartburg ^
La vérité est, comme l'a fait remarquer M. Zauner ^, qu'il
y a certains groupes d'idées dont l'aperception, et, par con-
sé(}uent, l'expression verbale, sont relativement constantes ',
d'autres qui sont plus indécis et variables. Celui qui
choisit un groupe du premier genre, comme l'ont fait
MM. Tappolet, Zauner et Merlo, peut mettre en pratique
avec moins de difficulté le procédé onomasiologique, tandis
qu'il est impossible de l'appliquer aussi strictement aux
travaux qui ont pour objet un groupe du second genre.
Comme je l'ai mentionné déjà, la plupart des idées dont
traite M. von Wartburg, sont assez indécises et se con-
fondent facilement. On peut en dire autant de celles
qui forment le sujet de mon travail. Je vais essayer de
répondre dans cette étude à la question suivante: De
quelles expressions se sert-on dans les langues et dialectes
romans pour désigner un être humain dans les premiers
âges de la vie: l'enfance et la jeunesse'?*
Pour appliquer strictement la méthode onomasiologique
à ce sujet, il faudrait répondre dans des chapitres parti-
' Tandis que ces idées se confondent souvent, celle de 'aveugle'
est beaucoup plus précise; aussi les mots latins qui servaient à rendre
cette idée ont-ils persisté beaucoup plus souvent que ceux qui expri-
maient les autres.
2 Voir RF, XIV, p. 341, et ZRPh, XXXVII, p. 249.
' Voici ses propres mots: «Trotzdem lassen sich bestimrate
Gruppen von Begriffen aufstellen. von denen man behaupten kann,
dass sie verhàltnismâssig bestàndig in ihrer Auffassung und daher
in ihrer sprachlichen Bezeichnung seien».
* Il va sans dire que je ne me suis pas occupé des mots qui
désignent les enfants par rapport aux parents, sauf dans les cas où
des termes signifiant 'fils' — 'fille' ont pris le sens de 'garçon' —
'fille' (jeune ou petite). La plupart de ceux que mentionne M. Tap-
polet sous la rubrique de Sohn und Tochter, {op. cit., p. 36 — 50), n'ont
pas eu primitivement ce sens-là, mais celui de 'garçon' — 'fille'. On les
retrouvera donc dans cette étude, à côté d'un grand nombre d'expres-
sions qui ne figurent pas dans l'ouvrage de M, Tappolet.
— 6 —
culiers à chacune des questions suivantes : Comment rend-
on dans les langues romanes l'idée de 'enfant'; celles de
'garçon' — 'fille', de 'adolescent' — 'adolescente'? ou bien:
Comment désigne-t-on dans les mêmes idiomes un être
humain dans le premier âge de la vie, dans le deuxième
âge, dans le troisième âge, etc.?
On comprend sans peine qu'il serait impraticable de
disposer ainsi mes matériaux. La langue ne distingue pas
en général très clairement entre l'idée de 'enfant' et celle
de 'garçon'. Un mot qui a primitivement la première signi-
fication prend quelquefois ensuite la deuxième. Dans
certains patois français et franco-provençaux, enfant veut
dire 'garçon'; l'ancien provençal et l'espagnol fournissent
des exemples du même phénomène sémantique, qui semble
s'expliquer ici par la présence du féminin enfanta {in-
fanta) ^ Le développement en sens inverse se rencontre
aussi assez souvent. Un enfant s'appelle en Bretagne petit
gars, en Lorraine: {petit) gachenot, dans le canton de Vaud:
bueb, en Gascogne: gouyat^. Dans bien des cas, cette
évolution a probablement son point de départ dans ce
phénomène très fréquent, qu'un pluriel signifiant 'garçons'
s'emploie au sens plus général de 'enfants', comme c'est
le cas pour le lat. pueri, Vital, ragazzi, etc.
Il n'y a pas non plus de limite précise entre les idées
qui se rapportent aux différents âges de l'enfance et de
la jeunesse. De cette indécision témoignent les nombreux
systèmes qu'on a faits, pour distinguer entre eux les âges,
depuis Hippocrate jusqu'à nos jours ^. Elle ressort aussi
» Voir § 7.
^ Voir la carte 461 de VAtlas linguistùiue de la France.
* A titre de curiosité, j'en donne ici quelques exemples. Voici
le «système hebdomadaire» d'Hippocrate: la première enfance 1 — 7
ans, l'enfance 7 — 14, l'adolescence 14 — 21, la jeunesse 21 — 28, etc.
Ceux de Varron: pueritia 1 — 15, adolescentia 15 — SO, juventus SO — 45,
etc.; d'Isidore: infantia 1 — 7, pueritia 7 — 15, adolescentia 15 — 28, jm-
ventus 28 — 50, etc.; de Daubenton: l'enfance 1 — 20, l'adolescence 20
— 7 —
de la manière confuse dont on emploie les termes qui
servent à désigner les enfants d'âges différents. Le même
mot qui, dans un certain dialecte, désigne un enfant à la
mamelle, peut s'appliquer, dans un autre, à un garçon de
dix ou douze ans, ou même à un adolescent. Dans la
Suisse romande, un poupon est un enfant au maillot; en
Bretagne, on appelle ainsi un enfant jusqu'à l'âge de dix
ans. A Belmont, un poupard est un enfant nouveau-né;
dans le Bas-Maine, c'est un adolescent. Dans la Valtelline,
on désigne par put un petit enfant; à Rovereto, à Trente,
à Parme et ailleurs, le mot correspondant signifie 'jeune
homme'; et, dans la plupart des parlers haut-italiens, on
appelle ainsi un homme non marié d'un âge quelconque.
Le frioulan infant est synonyme de frut et de fantulin
'petit enfant'; mais, dans de vieux poèmes frioulans, on
le trouve au sens de 'jeune homme'. De même, l'anc.
bellun. fant, proprement: 'petit enfant', avait pris le sens
de 'jeune homme', 'jeune fille'. — Très souvent, surtout
en italien, le féminin analogique, tiré d'un mot signifiant
'enfant', 'jeune garçon', a perdu sa signification primitive
de 'fillette', et en est venu à désigner une jeune fille nu-
bile; c'est le cas pour ragasza, fanciulla, zitella et beau-
coup d'autres.
Comment s'expliquer que ces idées aient des limites
aussi flottantes? Je crois qu'il faut voir dans la plupart
des cas précités le résultat d'un emploi hypocoristique
de mots signifiant 'fillette', 'garçonnet'. A force d'être
appliqués comme termes de tendresse à des jeunes filles
ou à des jeunes gens, ces mots ont fini par prendre réelle-
ment le sens de 'jeune fille', 'jeune homme'. On sait du reste
qu'aux yeux des personnes d'un âge un peu avancé, tous
les jeunes gens sont encore des enfants. Rappelons
aussi que le développement physique et intellectuel d'un
— 25, la jeunesse 25 — 35, etc. (Voir La grande encyclopédie, à Part.
Age, et Forcellini, Lexicon totius latinitatis, à l'art. Aetas).
enfant ne correspond pas toujours à son âge; un garçon
de douze ans peut avoir l'air d'un adolescent, et une fil-
lette de dix peut être si peu développée qu'on est tenté
de ne lui en donner que sept ^.
Je n'ai pas cru nécessaire d'employer le raisonnement
par l'absurde, comme l'a fait M. von Wartburg, qui a
disposé ses matériaux d'après des principes onomasiologi-
ques, afin de démontrer jusqu'à l'évidence combien ils
étaient inapplicables dans ce cas ^. En ce qui concerne
mon travail, cela résulte, je crois, assez clairement des
exemples allégués plus haut. Il me semble préférable de
traiter séparément de chaque famille de mots ^, quand bien
même les termes qui lui appartiennent serviraient à désigner
des enfants de tout âge et des deux sexes: des bébés ou
des adolescents, des garçons ou des filles. De cette ma-
nière on aura une idée plus nette et plus complète des
facultés créatrices du langage, qui ont contribué à créer
toutes ces dénominations.
Dans tous les travaux de ce genre, les premières
questions qui se posent sont les suivantes: Quels sont les
^ Cf. ce que dit M. K. O. Erdmann sur la difficulté de distinguer
entre les âges différents: «Und ob Jemand 'Kind' oder 'jugendliche
Person' genannt wird, das hàngt nicht nur von der Zabi der Lebens-
jahre. sondern auch von gewissen kôrperlichen und geistigen Merk-
malen ab, die sich freilich ebensowenig klar und bestimmt fassen
lassen wie das Alter». {Die Bedeutung des Wortes, p. 11.)
2 «Wenn ich, obgleich iiberzeugt, dass die Anordnung meines
Materials nach onomasiologischen Prinzipien den Tatsachen direkt ins
Gesicht schlàgt, mein Material jedoch in vier Abschnitten: blind,
kurzsichtig, einâugig, schielend geboten habe, so geschah
dies aus zwei Griinden: Erstens wollte ich die Unzulânglichkeit und
Unstatthaftigkeit dièses Vorgehens ad o cul os demonstrieren; und
zweitens tat ich es aus praktischen Griinden, der Ûbersichtlichkeit
wegen» {op. cit., p. 405).
* Par ex. infans et ses dérivés, *mansionata, *mansionatieum et
leurs dérivés, etc.
— 9 —
termes qui représentent la tradition latine? Quelles
expressions ont été créées par les langues romanes?
Nous verrons que les mots qui représentent la tradi-
tion propre ^, c'est-à-dire la persistance d'un terme qui
servait en latin à désigner un enfant, ne sont pas très nom-
breux. Puer — puella^ les expressions les plus usitées pour
'garçon', 'fille', ont disparu. Des termes signifiant 'enfant', il
n'y a guère que infans qui ait survécu. A côté de ce mot,
dont la vitalité en Gaule et en Italie est témoignée par un
grand nombre de dérivés, l'héritage latin n'est représenté que
par quelques termes enfantins: pupus — pupa, puttis — puta.
Ils n'ont eux-mêmes été conservés que dans les vallées al-
pestres de la Haute-Italie, mais leurs dérivés montrent une
diffusion plus étendue.
Pourquoi infans a-t-il remporté la victoire sur ses con-
currents? Nous ne le savons pas avec certitude. A. Funck,
dans son ouvrage intitulé Was heisst 'die Kinder' ? (ALL, VII,
p. 75), suppose que c'est plutôt la faiblesse- des concurrents
que sa propre vigueur qui lui a donné l'avantage ^. Quant aux
termes enfantins, pupus, etc., ils doivent peut-être leur per-
sistance à leur caractère onomatopoétique, à la ressemblance
qu'ils offraient avec d'autres expressions de ce genre, que crée
tous les jours de nouveau le babil des bébés et des nourrices.
Parmi les termes qui servaient à désigner un jeune
homme, une jeune femme, juvenis s'est maintenu dans
tout le domaine roman ^. Probablement c'est son emploi
double comme substantif et comme adjectif qui a contribué
le plus à le maintenir vivant.
* J'emprunte les termes tradition propre («eigentliche Tradi-
tion»), et tradition impropre («nneigentliche Tradition»), à l'ouvrage
cité de M. Tappolet.
' Voici ce qu' il en dit: «Liheri hatte die Mehrdeutigkeit gegen
sich ; filii sowohi wie pueri waren ebenfalls so wenig vor Missver-
standnJssen geschiitzt, dass, wo es auf Genauigkeit ankam, schwer-
fallige Zusatze wie cuiuscunque sexus erforderlich wurden».
* On sait pourtant qu'en français moderne il n'est employé que
comme adjectif.
— 10 —
Par tradition impropre nous entendons le cas où
un mot latin, dont la signification usuelle n'était pas celle
de 'enfant', 'garçon' ou 'fille', mais qui était employé, plus
ou moins occasionnellement, avec quelqu'une de ces ac-
ceptions ^, a été conservé par les langues romanes comme
dénomination d'enfant. Faute d'exemples rencontrés dans
la littérature ou les inscriptions, il m'a été impossible de
dire, dans la plupart des cas, à quelle époque s'est produit
ce passage de l'emploi occasionnel à l'emploi usuel ^.
Cependant, même si la transition définitive n'a eu lieu
qu'à l'époque romane, les débuts de ce développement
sémantique appartiennent toutefois à la latinité; et c'est
pourquoi j'ai rangé des mots tels que le frioulan frut et
l'espagnol mozo dans le chapitre de la tradition impropre ^.
Les procédés, dont se servait le latin pour opérer ces
changements de sens, étaient du même genre que ceux que
nous allons rencontrer dans les langues modernes ; un mot
ayant à l'origine une autre signification (par ex. celle de
'fœtus', 'ce qui est engendré') prenait peu à peu le sens de
'enfant'; on dénommait l'enfant d'après une qualité parti-
culière, la petitesse: parvulus, pisinnus, etc.; ou on lui ap-
pliquait métaphoriquement le nom d'un animal: pullus.
Sous la rubrique de «tradition latine» je range aussi,
à l'exemple de M. Zauner, pour des motifs pratiques, les
dérivés des mots latins, parmi lesquels les diminutifs sont
les plus importants. Je ne me dissimule pourtant pas
qu'il faut voir dans ces dérivés le résultat des forces créa-
trices des langues romanes. M. Tappolet s'est servi, dans
ce cas, de l'expression: romanische Wortschôpfung im An-
schluss an die Tradition.
Si le nombre des dénominations latines qui ont été
conservées est relativement peu considérable, les expres-
^ Quelquefois cet emploi ne se rencontre que dans le bas-latin.
* Je me sers de ces termes dans la signification que M. H. Paul
leur a donnée {Prinzipien der Sprachgeschichte, 4e éd.. p. 75).
* Cf. aussi Tappolet, op. cit., p. 7.
— li-
sions nouvelles que les langues romanes ont créées elles-
mêmes sont d'autant plus riches et variées.
Quelles sont les sources de tous ces néologismes? La
réponse à cette question forme la partie la plus étendue
et aussi la plus intéressante de notre étude.
Comme tous les autres mots nouveaux, les déno-
minations d'enfants proviennent de sources différentes:
elles peuvent être le résultat d'une création primitive,
ou être tirées d'un mot déjà existant par une modifi-
cation de la forme, ou par un changement de la signifi-
cation; enfin, elles peuvent être empruntées à une langue
étrangère.
Parmi ces procédés, les changements de sens ^ sont les
plus importants.
J'ai essayé de réunir les mots provenant d'un chan-
gement sémantique dans deux grands groupes: mots pro-
venant d'un changement passif, et mots provenant d'un
changement actif'^.
Par la signification d'un mot il faut entendre, à mon
avis, l'ensemble d'idées et de sentiments que ce mot
éveille dans notre esprit et que nous exprimons en le pro-
nonçant. Dans cet assemblage d'idées que nous associons
à un certain mot, il y en a toujours une qui prédomine,
qui se trouve, pour ainsi dire, au centre de la conscience ;
et c'est cette idée principale qu'on appelle, dans un sens
' Sous cette rubrique je vais traiter aussi des cas où la forme
du mot a été modifiée en même temps que sa signification; par ex.
prov. mod. ragas 'valet' :> ragasset 'petit garçon'; ital. mamma 'mère'
> mammola 'fillette'.
^ J'ai emprunté ces termes à M. Sandfeld Jensen. On les re-
trouve dans le passage suivant du Sprogvidenskaben, § 62: «Af en
bel anden beskaffenhed end de bidtil omtalte betydningssendringer,
der for saa vidt er passive, som de ikke er tilsigtede, men er et
résultat af de krsefters virksomhed, der ogsaa i andre henseender bar
en omdannende indflydelse paa sproget, er nu en rœkke betydnings-
forandringer, som man kunde kalde aktive, idet der lœgges en ny
betydning in i et ord, fordi der af en eller anden grund er brug derfor».
— 12 —
plus étroit, la signification du mot ^. Or, il peut arriver
que l'une des idées accessoires se place occasionnellement
au premier plan dans la conscience de celui qui entend
le mot, tandis que l'idée principale se présente à lui moins
distinctement; et la prochaine fois qu'il prononce le mot,
il lui fait peut-être représenter justement cette idée même
que le mot a éveillée chez lui. A force d'être répété par
plusieurs individus, cet emploi occasionnel peut devenir
usuel; et alors on dit que le mot a changé de signification.
Le mot provençal fnacip (du lat. mancipium) signifiait
proprement 'esclave', 'serviteur'. Mais les serviteurs étant
le plus souvent des jeunes gens, on s'habituait à associer
aussi à ce mot l'idée de 'jeune homme'; et d'accessoire,
cette idée devenait peu à peu l'idée prédominante.
De môme un mot signifiant 'fils' ou 'fille', et auquel
on joint volontiers l'idée de 'jeune garçon' ou dé 'jeune
fille', a pris quelquefois, au cours des temps, cette der-
nière signification.
A l'idée de 'non marié' se joint souvent, dans certains
dialectes, celle de 'jeune'. Puis, celle-ci étant devenue le sens
principal du mot schietto (lomb. sc&t)^ ce terme a servi à dé-
signer aussi, dans certains dialectes haut-italiens, les enfants,
et a fini par s'employer exclusivement dans cette dernière
acception.
Certains mots qui désignent primitivement la famille,
tous les gens de la maison, ont pris peu à peu un sens
individuel, de sorte qu'ils peuvent servir à désigner ou la
femme, ou l'enfant, ou le serviteur.
1 Dans son ouvrage prémentionné Die Bedeutung des Wortes, p.
82, M. K. O. Erdmann distingue dans la signification d'un mot les
éléments suivants:
«1) den b egrit'f lichen Inhalt von grosserer oder geringerer
Bestimmtheit — — — ,
2) den Nebensinn (ailleurs il a employé le terme 'Vorstel-
lungswert'),
3) den Gefiihlswert (oder Stimmungsgehalt)».
«Und ich verstehe unter dem Nebensinn, poursuit-il, aile die Begleit-
— 13 —
Ces exemples révèlent un déplacement de la signifi-
cation passif, lent et insensible, qui se produit par degrés,
et sans que l'individu qui y coopère en ait conscience ^
Les changements sémantiques de l'autre groupe ont
par contre pour point de départ une création instantanée
et consciente de l'individu; et voilà pourquoi je les appelle
changements actifs. Il s'agit ici d'une épithète, qu'on
applique à un enfant ^, soit pour exprimer le sentiment
qu'il vous inspire, soit pour le dénommer d'après une
qualité frappante, et qui, grâce à une répétition continue,
finit par s'associer si étroitement à l'idée de cet enfant
qu'il en devient la dénomination même, une sorte de nom
propre. Si plusieurs individus se servent du même terme
de la même manière, il finit par prendre le sens de 'en-
fant'. Il va sans dire que cette dernière phase du déve-
loppement est un phénomène de «changement passif»;
mais c'est, nous le répétons, le premier emploi occasionnel
et individuel, qui nous fait caractériser ce procédé comme
un changement actif.
Tandis que les termes dont nous venons de parler,
ont un caractère plus objectif, les expressions dont il
s'agit ici, sont, ou ont été d'abord, des mots subjectifs.
Elles reflètent l'impression que fait l'enfant sur l'esprit de
ceux qui l'entourent, et ce sont les sentiments qu'il leur
und Nebenvorstellungen, die ein Wort gewohnheitsmâssig und un-
■willkurlich in uns auslôst, unter dem Geftihlswert oder Stim-
mungsge hait aile reactiven Gefiihle und Stimmungen, die es erzeugt».
^ M. Jaberg, qui donne à ce genre de changements sémantiques le
nom de Bedeutungsverschiebung, le caractérise de la manière suivante:
«Die Bedeutungsverschiebung charakterisiert sich dadurch. dass die
Bedeutung des in Frage kommenden Wortes occasionell, d. h. bei der
einzelnen Verwendung. als eine alte und zutreffende erscheint. Das
Wort bleibt dem zu bezeichnenden Begriffe in jedem Augenblicke.
adaquat; die neue Bedeutung entsteht nach und nach; sie wird von
der gesamten 8prachgenossenschaft geschaffen». (ZltPh, XXVII, p. 25.)
* Cf. ce que dit M. E. Wellander sur Namengebung dans son
ouvrage intitulé Studien zum Bedeutungswandel un Deutschen, I, p.
138 s.
2
— 14 —
inspire qui nous expliquent la richesse et la variété éton-
nantes de ces dénominations. Le proverbe suédois: <^Kàrt
harn liar mânga namn» («A enfant chéri bien des noms»)
fait ressortir ceci assez clairement. Aux yeux de la jeune
mère tous les noms habituels sont trop usés, trop banals;
ils ne peuvent point rendre ce qu'elle éprouve pour son
bébé, et elle en invente de nouveaux. Ce n'est qu'un
nombre relativement petit de ces créations, qui persistent
assez longtemps pour être enregistrées par les lexicographes
(et je m'en félicite!); toutefois, ce nombre est encore assez
considérable.
Les sentiments, que rendent ces épithètes, ne sont
pourtant pas toujours des sentiments d'affection et de
tendresse. Ils varient naturellement avec le point de vue
de celui qui parle, et avec les qualités de l'enfant. C'est
sans doute aux parents et aux nourrices que nous devons
les épithètes purement hypocoristiques : carocce, naccherino,
mon petit chat, mon poulot, etc. ; tandis que les voisins, les
étrangers et d'autres personnes qui regardent les petits
d'un œil plus froid et plus critique, qui aperçoivent sur-
tout leurs côtés les moins attrayants (leur malpropreté,
leurs criailleries, leur turbulence, leur impertinence) sont
probablement les auteurs des épithètes injurieuses : mor-
veux, miaïllon, lucifar, stronzolino, etc.
Il faut cependant observer ici un phénomène qui joue
un rôle très important pour la création des dénominations
d'enfants: l'emploi «cacophémique» ^ des termes injurieux,
qui en fait des épithètes hypocoristiques ^.
Bien que tous les termes qui proviennent d'un «chan-
gement actif» servent à exprimer, en quelque mesure, un
^ Pour l'explication plus détaillée de ce terme, voir § 191.
^ Le langage du peuple n'hésite pas à employer de cette ma-
nière les termes les plus grossiers; et, entre les expressions que
je citerai dans ce travail, il y a des mots qui blessent les convenances
d'une manière très sensible. Mais ce sont là des considérations aux-
quelles l'étymologie et la lexicologie ne peuvent pas s'arrêter.
— 16 —
sentiment, ce caractère affectif est plus prononcé dans
certains mots que dans d'autres *. J'ai rangé dans un
groupe particulier les épithètes dont l'emploi a été dicté
en première ligne par un sentiment, soit de tendresse,
soit de mépris; ce sont les termes affectifs. Les mots qui
servent à désigner l'enfant par une qualité particulière
forment le groupe des termes descriptifs et ceux qui ca-
ractérisent l'enfant en le comparant à un objet, avec lequel
il a quelque chose de commun, celui des métaphores. Dans
ces deux derniers groupes, on trouvera un grand nombre
d'épithètes qui mériteraient d'être désignées comme des ter-
mes affectifs; mais parce qu'ils contiennent en outre un élé-
ment intellectuel bien distinct (un trait caractéristique
ou une comparaison), j'ai préféré les ranger à côté des
autres expressions descriptives ou métaphoriques.
Il va de soi que je ne me suis pas proposé de traiter
ici de toutes les épithètes hypocoristiques, cacophémiques
ou injurieuses, que j'ai trouvées dans les langues romanes.
Ce qui m'intéresse en première ligne, ce sont les mots
qui ont passé la phase purement subjective et qui servent
à désigner un enfant, un garçon ou une fille en général.
Mais, si je me contentais de citer seulement ces expres-
sions, elles resteraient souvent inexpliquées; et, du reste,
il est pratiquement impossible de les distinguer par des
limites précises de celles qui conservent encore, plus
ou moins, le timbre affectif. Le même mot qui, dans un
certain parler, signifie simplement 'enfant', 'garçon', peut
s'employer, dans un autre, au sens primitif, tendre ou
^ «Si d'une part on peut affirmer que nous ne pensons ni ne
parlons jamais d'une façon entièrement intellectuelle, d'autre part la
dose affective de la pensée peut être si minime que pratiquement son
expression doit être classée dans la catégorie du langage de la logi-
que. Mais la réciproque est également vraie: le sentiment peut do-
miner au point de réduire l'idée au zéro pour l'observateur». (Ch. Bally
Traité de stylistique française. Heidelberg 1909, I, p. 7.) — Cf. aussi
Erdmann, op. cit., p. 12.
— 16 —
injurieux, tandis qu'on le trouve peut-être, à d'autres
endroits encore, dans une phase intermédiaire ^ J'ai
donc trouvé utile de m'occuper aussi un peu des mots qui
représentent ces phases antérieures; et je me suis permis
en outre quelquefois de citer des termes affectifs, qui ne
s'emploient point dans un sens général, mais qui servent à
illustrer quelqu'un des procédés sémantiques dont j'ai traité.
Auprès des changements de sens, les autres procédés
dont se servent les langues romanes pour créer de nou-
velles dénominations d'enfants, sont d'une importance rela-
tivement peu considérable.
Les onomatopées d'origine enfantine sont peu nom-
breuses, chose assez naturelle, puisque ce ne sont pas les en-
fants eux-mêmes qui en ont été les auteurs, mais leurs
parents, leurs nourrices et d'autres personnes adultes, qui
répètent les premiers mots que bégaie le bébé, et lui en font
des noms, parce qu'ils les trouvent«jolis» ^. Un groupe
assez nombreux est formé par les mots qui tirent leur
origine de ninna-nanna, chant monotone avec lequel on
berce l'enfant pour l'endormir.
Quant aux mots d'emprunt, c'est l'allemand qui en a
fourni la plupart.
De tous les noms d'enfants les plus usités on a
tiré des diminutifs. Souvent ce ne sont que des termes de
tendresse, mais il y en a aussi qui ont un sens tout à
fait objectif. Il n'est point rare qu'ils entrent dans la
fonction du mot simple, surtout quand celui-ci a disparu
ou changé de signification. — En ce qui concerne les
' Ainsi bardassa, qui en italien commun conserve toujours l'ancien
sens péjoratif de 'giton', 'bardache', signifie dans le Sud de l'Italie 'ra-
gazzo' sans aucune idée dépréciative, tandis que le Nord l'emploie
tantôt dans cette signification, tantôt avec une nuance de reproche
^ 'ragazzaccio'). L'ital. mulo 'mulet', qui a en toscan le sens exclusif
de 'bâtard', signifie à Settimo Vitone (Piémont): 'enfant'; le triestin
présente les deux sens, et, en outre, le sens intermédiaire de 'co-
quin', 'drôle'.
^ Cf. Sandfeld Jensen, op. cit., p. 119.
— 17 —
dérivés augmentatifs, je me suis borné le plus souvent à
mentionner ceux qui servent à désigner des enfants d'un
âge plus avancé que ne le fait le mot simple.
Dans un dernier groupe j'ai réuni les termes dont je ne
m'explique pas l'origine, et que je n'ai pas discutés ailleurs.
Pour ce travail j'ai utilisé presque exclusivement des
sources imprimées: dictionnaires des langues littéraires,
glossaires de patois, ouvrages spéciaux, périodiques et —
last but not least — V Atlas linguistique de la France. Pour
les détails, je renvoie à la Bibliographie. A cause de la
guerre, qui a retardé ou rendu impossible le service postal,
j'ai dû renoncer à recueillir des renseignements par cor-
respondance. L'été dernier j'avais projeté un voyage à
Zurich, pour utiliser les collections précieuses qui four-
niront les matériaux du Glossaire des patois de la Suisse
romande. Malheureusement, ce projet n'a pas pu se réa-
liser par suite du refus des autorités allemandes de viser
mon passeport. Alors M. Louis Gauchat a entrepris lui-
même, avec une complaisance et un dévouement dont je
ne saurais assez le remercier, la tâche pénible de dé-
pouiller les Matériaux, et de m 'envoyer la liste des déno-
minations d'enfants qu'ils renferment.
Quant au mode de transcription, j'ai ordinairement
adopté l'orthographe de mes sources. Pour les mots tirés
de V Atlas linguistique de la France, il m'a fallu cependant
me contenter le plus souvent, pour des raisons typogra-
phiques, de les reproduire tels qu'ils figurent dans la Table
de cet ouvrage, c.-à-d. sans signes de quantité ou de qualité ^
Le sujet de ma thèse a été effleuré déjà par Diez
dans son excellent petit ouvrage, Bomanische Wortschôp-
^ Je me suis en outre permis d'échanger certains caractères,
qui ne se trouvaient pas à l'imprimerie, contre d'autres.
— 18 —
fung, où il a étudié sommairement les mots dont se servent
les langues romanes pour rendre vingt-sept groupes d'idées;
parmi ceux-ci on retrouve aussi les sujets des travaux de
MM. Tappolet^ Zauner et Merlo. Le septième chapitre,
qui est consacré aux âges de la vie, contient 2 ^2 pages.
Comme je l'ai fait remarquer déjà ^, la plupart des termes
que M. Tappolet a réunis dans le deuxième chapitre de son
ouvrage, signifient primitivement 'garçon' — 'fille'. M. Sal-
vioni a enrichi les matériaux recueillis par le savant
suisse d'un grand nombre d'additions, tirées des dia-
lectes italiens ^.
Le seul travail qui, avant le mien, se soit occupé
spécialement des dénominations d'enfants dans les langues
romanes, est un article de M^^® Alice Sperber, Zur Bil-
dung ronianischer Kindernamen, publié dans la Zeitschrift
fur romanische Philologie, Beiheft XXVII, p. 144 — 161. Dans
cet article, M^^® Sperber a essayé de donner l'étymologie
de quelques-unes des plus usitées entre ces dénominations.
Plusieurs des explications, qu'elle a proposées ou adoptées,
me semblent convaincantes, et quelquefois il m'a été
possible de les confirmer en indiquant des phénomènes
parallèles. Excepté toso — tosa, elle considère (dans plu-
sieurs cas certainement à tort) tous les mots dont elle
traite, comme provenant de noms d'animaux. Cet emploi
métaphorique des noms d'animaux, dont la fréquence est
témoignée aussi par les paragraphes 313 — 371 de cette thèse,
a été signalé et mis en évidence au moyen d'une foule
d'exemples par M. Lazare Sainéan dans deux travaux
richement documentés : La création métaphorique en français
et en roman. Images tirées du monde des animaux domesti-
ques. I. Le chat, avec un appendice sur la fouine, le singe
et les strigiens. II. Le chien et le porc avec des appendices
^ Voyez p. 5, n. 4.
2 BendlL, sér. II, XXX, p. 1497—1520. Les dénominations
ants se trouvent p. 1504 — 1508.
d'enfants se
— 19 —
sur le loup, le renard et les batraciens ^ Malheureusement,
il y a dans ces ouvrages intéressants un assez grand
nombre de renseignements douteux, et l'auteur désigne
souvent comme métaphores tirées du monde des animaux
des expressions qu'il faut expliquer autrement.
Les dénominations d'enfants en latin ont été étudiées
par A. Funck dans son travail mentionné plus haut: Was
heisst 'die Kinder^? M. W. Heraeus, dans un article inti-
tulé Die Sprache der rômischen Kinderstuhe (dans VArcJiiv
fUr lateinische Lexiho graphie und Grammatik, XIII, p. 149
— 172), s'occupe du même sujet *.
Dans l'introduction de son travail, M. Tappolet ra-
conte que c'était l'étude de Funck qui lui avait donné le
point de départ pour ses recherches sur les noms romans
de parenté. «Von diesem Begriff [die Kinder] ausgehend,
poursuit-il, aber im Verlauf ihn wegen seiner Vielseitig-
keit und Elastizitât immer mehr bei Seite lassend, dehnte
ich die Arbeit auf die leichter definierbaren Verwandt-
schaftsbegriffe aus>.
En étudiant les idées de 'enfant', 'garçon', 'fille' au
point de vue de l'âge, j'ai donc eu la hardiesse de reprendre
un sujet que le savant initiateur en ce genre de recher-
ches avait laissé de côté. Que les difficultés de cette
entreprise, qu'il a lui-même ainsi indiquées, servent d'excuse
aux défauts de mon travail!
1 ZBPh, Beih. I et X.
^ Ajoutons encore que M. Sandfeld Jensen, dans son travail pré-
mentionné Sprogvidenskaben, p. 118 — 119, a fait sur l'origine des dé-
nominations d'enfants quelques remarques bien fondées, qui se rap-
portent aussi aux langues romanes. Cf. encore, pour les langues ger-
maniques. Lis Jacobsen, Kvinde og Mand; En sprogstudie fra dansk
Middelalder. Kebenhavn 1912; E. Bjôrkman, Neuschwed. gosse 'Knabe,
Junge', eine semasiologisch-tnethodologische Studie {Indogermanische
Forschungen, XXX, p. 252 — 278), et les ouvrages qu'il y cite.
■9
PREMIERE PARTIE.
TRADITION LATINE.
a/
I. TRADITION PROPRE.
A. Expressions latines pour rendre les idées de
«enfant», «(petit) garçon», «(petite) fille».
Infans,
1. Le latin classique employait ordinairement le mot
pueri pour désigner des êtres humains des deux sexes dans
les premières années de leur vie. Le singulier pwer signi-
fiait 'garçon'. D'autres expressions, telles que liberi, nati^
servaient à exprimer le rapport de parenté ^. Dans les
langues romanes, puer a disparu ^, et déjà en latin il
commençait de bonne heure à être supplanté par d'autres
expressions, surtout par infans. Dans son ouvrage signalé
plus haut, Was heisst 'die Kinder^?, A. Funck nous fait
suivre ce développement en étudiant certaines combinai-
sons fixes («formelhafte Verbindungen»), telles que pueros
ac senes, senes juvenes piieros, etc., dans lesquelles la signi-
fication de 'jeunes enfants' apparaît très nettement ^. Au
* «Das Lateinische ging, um den Begriff 'Kind' auszudriicken,
von der pluralischen Bezeichnung aus, und in dei' alteren Zeit bediente
man sich, um ein einzelnes Kind zu bezeichnen, stets der deutlicheren
Masculina oder Feminina natus, nata, filius. filia, puer, puella, u. a.
Es ist aber charakteristisch fiir die Macht der Grewohnheit, dass selbst
sorgfâltige Schriftsteller es mit dem Plural liberi gelegentlich einmal
nicht so genau nahmen und ihn setzten, wo sie nur von einem Kinde
sprachen». (Funck, op. cit., p. 75.) — Sur cet emploi du pluriel au
sens du singulier, cf. encore Schmolz, dans Glotta. III, p. 44.
' Le diminutif puerculus a subsisté en toscan; voir § 21.
« ALL, VII, p. 73.
— 24 —
lieu de pueri, on trouve infantes déjà chez Quinte-Curce,
IX, 5, 20: non senihus, non feminis, non infantïbus parcitur;
et chez Sénèque, Dial., III, 13, 5: iracundissimi infantes
senesque et œgri sunt ^. Chez les écrivains ecclésiastiques,
parvuli se rencontre fréquemment en pareil cas. Il en
est de même pour mulieres (ou feminae) atque pueri, com-
binaison fixe encore plus fréquente: infantes (et plus tard
parvuli) y est très souvent substitué à pueri par Jules
César et par les auteurs qui l'ont suivi.
2, Infans, qui remplaça ainsi en première ligne puer,
fut employé à l'origine comme un adjectif, mais, déjà an-
térieurement à la période classique, il avait pris peu à
peu le caractère d'un substantif. Le sens primitif de
'celui qui ne parle pas' (< in + fari) paraît avoir été con-
servé dans la langue assez longtemps pour expliquer que
le mot ait été employé toujours en latin au • sens de
'petit enfant' et même de 'enfant dans le sein de sa mère'.
Cependant sa signification s'est généralisée de bonne
heure. Funck cite plusieurs exemples tirés des auteurs
classiques qui permettent une interprétation plus largo
du mot, et les écrivains ecclésiastiques désignent souvent
par infantes des enfants de cinq à quinze ans; cf. aussi
Jérôme (vol. XI, Migne, 30, 240 D): cum hodieque Bomae
omnes filii vocentur infantes. Cette généralisation est mise en
évidence par les inscriptions, qui nous donnent l'âge des
défunts en chiffres précis, tinfans ne désigne plus seule-
ment un enfant incapable encore de parler, mais bien le
jeune homme, la fillette, au même titre que puer etpuella»,
dit M. Pirson ^, en citant des exemples où le mot infans
^ Pour d'autres exemples, voir Funck, op. cit., p. 88.
^ La langue des inscriptions latines de la Gaule (Bibliothèque
de la Faculté de philosophie et lettres de V Université de Liège, Fasci-
cule XI) Bruxelles 1901, p. 258.
— 26 —
est appliqué à des enfants de trois à douze ans, à côté
d'autres où il conserve encore son sens primitif K
Infans était aussi un terme juridique, synonyme de
l'expression qtd fari non potest, où fari est pris dans le
sens le plus large du mot: «il s'applique, non pas à l'en-
fant qui commence à articuler les mots, mais à celui qui
comprend ce qu'il dit. Infans est un incapable ; il ne peut,
s'il est- sui juris, exercer les droits dont il a la jouissance» ^.
Sous Justinien la limite de Vinfantia fut fixée à sept ans.
Cette limitation précise de l'enfance se retrouve encore
aujourd'hui en espagnol et en portugais, oixinfante — infanta
signifie un garçon, une fille qui lî'a pas encore sept ans.
3. Infans s'est maintenu en français et dans les parlers
rhétiques des Grisons ; il se rencontre aussi, bien que plus rare-
ment, dans le Frioul, en Italie, et dans la péninsule ibérique.
D'une forme abrégée de ce mot l'italien et les dialectes
italiens ont tiré une foule de dérivés très employés.
4. La carte 461 de V Atlas linguistique de la France
nous montre l'étendue géographique actuelle de infans dans
le domaine gallo-roman. Nous voyons que c'est l'expression
la plus usitée pour désigner un enfant en Wallonie, dans la
Suisse romande et dans toute la France, à l'exception
d'une large zone au sud-ouest, embrassant la Gascogne, la
Guyenne, la partie méridionale du Languedoc, le Périgord,
le Limousin et le Poitou, où maynat, maynadje, drôle et, dans
le nord, quenaille servent à exprimer la même idée ^. Au
* Il ajoute : «Cette généralisation du sens d''evfant n'a fait que
s'accentuer. Au VIII® siècle, dans les gloses de Reichenau, il sert
à expliquer liheri et pueri; dans l'ancien français, il est devenu
l'équivalent de adolescens et s'emploie pour désigner le jeune homme
noble, non encore créé chevalier».
' Daremberg et Saglio, Dictionnaire des antiquités grecques et
romaines, art. Infans.
* Dans la Saintonge, l'Aunis, la Bretagne et le Bas-Maine, enfant
s'emploie à côté de quenot, quenaille et garçaille.
— 26 —
sud-est, dans les patois du Dauphiné, des vallées piémon-
taises et du Valais, il existe quelques îlots de meina ^,
probablement des restes d'une aire cohérente, aujourd'hui
submergée par enfant, l'expression du français commun,
qui supplante peu à peu les expressions patoises («diffusion
indirecte» ^), et qui a aussi franchi les Alpes en pénétrant
dans la vallée d^Aoste et dans celle de la Doire Ripaire
(voir VAtlas linguistique 461, aux points 966, 985, 972).
5. En français, comme dans les autres langues ro-.
mânes, la forme du mot dérive de l'accusatif infantem.
Le nominatif, qui en ancien français donna enfes, en ancien
provençal efas, a disparu ^. — A côté de infans, le latin
1 Cf. § 134.
- Cf. ce que dit M. Tappolet sur «diffusion directe et indirecte»
(«direkte und indirekte Verbreitung»), Die romanischen Verwandt-
schaftsnamen, pp. 13, 15.
^ Au point914 (Saint-Lager, Hhône) de la carte enfant, nous trouvons
êf au lieu de ëfû. Je ne crois pas qu'on y doive voir un représentant de
infans, qui se serait maintenu au milieu des descendants de infantem.
Cette forme s'explique sans doute par un déplacement de l'accent
tonique qui a amené la chute de la voyelle finale. A tous les points
environnants on voit des formes qui ont l'accent tonique sur la pre-
mière syllabe, et, au point 957 (Haute-Savoie), afé fournit un exemple
du même développement phonétique qui n'a cependant pas encore
produit le même résultat. M. A. Thomas, dans son compte rendu de
VAtlas linguistique (voir Nouveaux essais de philologie française, p.
357), met en doute les indications données sur l'accent tonique par M.
Edmont: «on se demande, dit-il. si réellement l'accent tonique s'est
déplacé, ou si M. Edmont a confondu l'effort musculaire initial (accent
d'intensité) avec l'élévation de la voix (accent de hauteur)». M. Gril-
Héron, dans sa brochure intitulée Atlas linguistique de la France.
Compte rendu de M. Thomas, répond à cette critique en renvoyant
à des exemples tels que épna<cspina, Tcorna<icorona, et en deman-
dant si ce serait l'effort musculaire initial qui aurait fait disparaître
la voyelle portant l'accent tonique latin. — On trouvera dans
mon travail certains féminins qu'on ne saitrait guère expliquer sans
recourir à l'hypothèse d'un pareil déplacement de l'accent tonique.
A la question votre fillette {est-elle déjà baptisée?) M. Edmont a reçu,
au point 614 (Dordogne), la réponse votro pito fito; au point 608
(Haute-Vienne), votro pito. Ce féminin correspond au masculin piti
— 27 —
connaissait la forme ifans ^ Cette chute de la nasale se
retrouve dans l'ancien provençal efas, efant. Les langues
modernes présentent des formes sans nasale à côté de
formes commençant par en-, in-. Tandis que le français
commun et les patois du Centre ont le type enfant, la
carte 461 de V Atlas linguistique nous montre au nord-ouest,
au nord et à l'est une large zone, où les formes èfa, afa,
ofà sont entremêlées avec afa, 'e.fa, etc. ^ Dans ces dernières
il faut probablement voir le résultat de l'influence crois-
sante du français commun. — De même on trouve, dans
les parlers rliétiques des Grisons, des formes telles que
infaunt (Haute-Engadine), imfaunt (Bivio-Stalla ; Savognin),
à côté de iffant (suivant M. Pallioppi, c'est une forme
vieillie de la Haute-Engadine), uffant (Basse-Engadine)
afon (Obwald). Les formes avec n devant f s'expliquent
par l'influence de l'ital. infante; dans la prononciation, le
peuple supprime toujours la nasale ^. — Dans l'espagnol
moderne, infante a remplacé l'ancien ifante.
{=petit), qui se dit pour 'enfant' au point 608 et à plusieurs autres
endroits dans les départements de la Haute-Vienne et de la Creuse.
Cf. mù pjti gqrsu (Dordogne. Haute-Vienne). — Cf. aussi tsar ko —
tsarka, § 287 .
' La chute de Vn est due à la prononciation populaire; voir
Meyer-Liibke. Grammaire des langues romanes, I, § 484. — Les in-
scriptions fournissent aussi des exemples de- la perte de n devant s:
infas {Corp. Inscr. Lat. VI, 520, d'après Georges, Ausfûhrliches latei-
nisch-deutsches Handwôrterbuch).
^ Dans son travail intéressant sur les dénominations gallo-roma-
nes du 'tailleur', Sartre — Tailleur, pp. 33. 34. M. Chr. Thom indique
ce phénomène phonétique à propos de certaines formes du mot par-
mentier sans n qu'on trouve dans la carte 1276 de V Atlas linguistique-
Il y écrit: «c'est une des caractéristiques des dialectes de l'Est et du
wallon de dénasaliser souvent dans cette position. A Liège par
exemple, on dit aujourd'hui efâ ou lieu de ëfû etc.» Il renvoie aussi
à deux travaux de M. Horning: Die Ostfranzôsischen Grenzdialekte
zwischen Metz und Belfort, p. 77 {FSt, V) et Die Schicksale von en
-\- Kons. im Ostfranzôsischen {ZEPh, XI, p. 542 ss.).
' Voir E. Walberg, Saggio sulla fonetica del parlare di Celerina-
Cresta {Alta Engadina), Lund 1907, §§ 207, 207 a.
— 28 —
Dans certains cas, la chute de la nasale a amené
l'aphérèse de la première syllabe. Dans les cartes 461
{enfant) et 1708 {nourrisson) de V Atlas linguistique, nous
trouvons fa aux points 706 et 805 (Puy-de-Dôme) ^, en-
touré de formes sans nasale: afa, éfa, ufà. Mistral donne
fant (Nice), font (Rouergue), et le diminutif fantou (Au-
vergne). — Cf. aussi l'anc. prov. fantin (§ 9), et le haut-
ital, fante, fantin etc. (§11 ss.).
6. En général, les représentants romans de infans
ont conservé la signification que ce mot avait pris en
latin ^. Ils désignent un enfant dans l'âge qu'on appelle
en français V enfance (en italien infanzia), c.-à-d. «la pé-
riode de la vie qui s'étend depuis la naissance jusque
vers la septième année, et, dans le langage général, un
peu au-delà, jusqu'à treize ou quatorze ans» (Littré).
Mais il s'est produit aussi une distinction du genre
naturel: en français, enfant prend le sens de 'garçon'
ou de 'fille'; le provençal et les langues de la péninsule
ibérique désignent le féminin en différenciant la finale.
Le français commun emploie enfant au féminin pour dé-
signer une petite fille ou une jeune fille ^: une charmante
enfant. D'un autre côté, le sens de ce mot a été restreint
en certains dialectes, de sorte qu'il signifie le plus sou-
vent 'enfant mâle', 'garçon'. C'est le cas dans le Centre,
dans les cantons de Vaud et de Fribourg, et en Savoie *.
* Sur la carte 572 {mon fils), on trouve fa au point 705 avec
le sens de 'enfant de moins de cinq ans'.
- Pour les acceptions spéciales de l'esp. infante, anc. fr. enfes
«te. ('soldat à pied', 'fils de roi', 'jeune noble'), voir Yuchs, Die rotna-
nischen Sprachen in ihrem Verhàltnisse zum Lateinischen, Halle 1849,
p. 201, et Funck, op. cit., p. 97.
" Cf. V Introduction, p. 7, sur la généralisation du sens de fan-
ciulla, ragazza^ etc.
* Le suisse allemand Chind 'enfant', s'est développé en sens
inverse; il se dit très souvent pour 'enfant du sexe féminin': D' Chind
— 29 —
«Pour beaucoup de nos paysans, dit le comte Jaubert, une
fille n'est pas un enfant. 'J'ai deux enfants et trois filles'» '.
7, L'ancien provençal avait formé le féminin enfanta,
infanta 'jeune fille'. Les exemples qu'en donnent les
dictionnaires de Levy et de Lespy et Raymond, montrent
que cette forme était usitée dans l'Aude, en Gascogne et
en Béarn. On y trouve aussi le masculin avec le sens
de 'enfant mâle', 'garçon'. Levy cite deux exemples
de cet emploi, où enfant 'garçon' se trouve à côté de en-
fanta 'fille' ^; et c'est probablement cette combinaison avec
le féminin qui a fait prendre à la forme masculine le
sens particulier de 'enfant mâle'. Lespy et Raymond
citent l'exemple suivant de VHistoire Sainte (d'après un
manuscrit béarnais du XV® siècle): Ditz Saul a l'enfant
qui ère ah luy. en le traduisant par «Saiil dit au jeune
garçon qui était avec lui».
Le provençal moderne aussi connaît la forme fémi-
nine: enfanto (gasc. infanto) 'enfant femelle' ^.
En catalan, espagnol, portugais, infanta désigne une
petite fille de moins de sept ans *. Le masculin infante (cat.
infant) désigne en général un enfant du même âge, mais
dans certaines phrases, où il est combiné avec infanta.
il signifie 'enfant mâle', ce qui ressort de ce passage tiré
und d'Buebe^. 'les filles et les garçons' (voir Staub-Tobler. Schiceizeri-
sches Idiotikon, III, 340).
' M. Tappolet. op. cit.. p. 39, a i-elevé le sens de 'fils' en pli^-
sieurs endroits du Siid-Est, et les données de la carte 572 {mon fils)
de l'Atlas linguistique confirment son assertion.
' cTotz les enfants e las efantas que d'aquestz avant digs homes
se issit». {Layettes du Trésor des Chartes par Mr. Alexandre Teulet.
n:o 1951, 1. 6.) «Item que tôt efantz e efanta pubisis, si a XIIII. ans.
que s.ia tengutz de pagar tota justesia». {Les coutumes, libertés et
franchises de Montréal {Aude), (texte inédit de 1319) par l'abbé Sar-
thès, p. 47, 1. 1.)
■ Moins usité que chato, drolo.
* Les dictionnaires de Franciosini (1620) et d'Oudin (1675) ne
donnent que le sens de 'infante', 'fille du roi'.
8
— 30 —
du dictionnaire d'Oudin: «quand on porte baptiser un
enfant, le Curé demande selon la reigle du manuel, en
parlant aux parains et maraines, que traeys, infante o
infantal est-ce fils ou fille» ^
8. Le frioul. infant, qu'enregistre Pirona avec le
sens de 'bambino' ^, a été aussi autrefois l'équivalent de
'jeune homme', et c'est évidemment de cette signification
que provient l'acception actuelle de 'vagheggino', 'damo'.
qu'on trouve également dans Pirona. Dans une traduc-
tion de VOrlando Furioso de l'Arioste, datant du XVI*^
siècle ^, gVinfanch est usité avec le sens de 'jeunes gens',
par opposition à Us pohettis 'les jeunes filles' (strophe 1).
(}n y trouve aussi le dérivé inf misât 'jeune homme' (strophe
42), formé au moyen du suffixe -at, caractéristique
du frioulan *, et qui s'employait aussi dans les dialectes
anciens de Trévise et de Vicence (cf. fantat § 21, putatto
§ 41, zouenat § 46, sovenatt § 47).
9. L'ancien français et le provençal ont formé de
nombreux diminutifs de notre mot. Le français moderne
n'en a pas conservé un seul, mais dans les dialectes on
en rencontre quelquefois.
Voici les diminutifs que j'ai trouvés en ancien français:
enfantel (enfanfeau), enfantin, enfantet, enfanset, enfanton,
enfançon ^ {enfanchon, enfeçon, enfechon). Les poètes du
moyen âge et ceux de la Renaissance montraient une
^ Littéralement: «Qu'est-ce que vous apportez, garçon ou fille?»
^ Frut et fantulin sont plus usités
3 Voir Joppi, AGll, IV. p. 233.
■• Cf. Meyer Liibke, Grammaire des langues romanes II, § 506.
Il ne mentionne ici que le sens péjoratif du frioulan -at; mais, dans
infanzat, fantat, zovenat, le sens du suffixe n'a rien de dépréciatif;
il est augmentatif ou neutre.
^ Si;r le suffixe -çon, voir Meyer-Liibke. op. cit., § 459. — En-
fançon a été repris par La Fontaine, Jean-Baptiste Rousseau et Delille.
Mercier, dans sa Néologie (1801), le cite parmi les mots à renouveler.
— 31 —
forte prédilection pour les diminutifs, et surtout pour les
«superdiminutions» ^ à suffixe double: enfantelet ^, enfan-
tinet, enfantillon, enfanronneati, enfançonnet, enfançonnete.
F/nfancenon se trouve dans l'ancien bourguignon (Mignard).
Le patois actuel de Bourgogne connaît efanti, le pi-
card enfancîion.
L'ancien provençal se servait à peu près des mêmes
suffixes que l'ancien français: enfantet, enfanton, enfantonet,
enfanson ^. Les féminins enfanteta, enfantina signifiaient
'jeune fille'*, de même que la forme abrégée fantina;
fantin pouvait désigner un enfant ou un jeune homme.
Fantin — fantina se rencontre aussi dans la langue lit-
téraire des Vaudois qui habitaient les vallées du Dau-
phiné et du Piémont depuis le XII" siècle °. Ces formes
s'emploient souvent dans le Nouveau Testament vaudois
avec les sens de 'enfant' et de 'jeune fille' (p. ex. Math.,
IX, 24), mais aussi dans l'acception de 'serviteur' (p. ex.
Math., XIV, 2). Dans les dialectes vaudois qui se par-
lent encore aujourd'hui dans les vallées piémontaises des
Alpes Cottiennes, fantin ne se dit plus, mais on y trouve
un autre diminutif du tnême radical, fantett (Pral), fintàtt
(Angrogna) " avec le sens de 'petit enfant'. (Cf. le hauf^-
ital. fante, fantin.)
* Terme employé par H. Estienne. Préceîlance du langage fran-
{'ois, p. 97 (voir Nyrop, Grammaire historique de la langue française.
III, § 108).
' Repris par Chateaubriand: c. . . de pareilles enfantelettes tétant
ou fiançant . . .» (Mémoires; cité d'après Godefroy).
' Ce mot signifiait aussi 'gentilhomme', de même que l'espagnol
infamon.
* Enfantin s'employait exclusivement comme adjectif (= 'enfan-
tin', 'niais').
'' M. Meyer-Liibke. op. cit., I, § 6, range le vaudois parmi les
dialectes provençaux. Rôsiger, Neu-Hengstett. Geschichte und Sprache
einer Waldenser Colonie in Wiirttemberg. Greifswald 1882, con.sidère
le vaudois et le dauphinois comme un groupe linguistique à part, à
<îôté des patois franco-provençaux.
« Voir Morosi, AGII, XI, pp. 358, 374.
— 32 —
Pour le provençal moderne, Mistral enregistre les di-
minutifs suivants: enfantet, efantet, efatel (lang.), enfantoun,
enfançoun, efantot (rouerg.), efantou, efatou (lim.), enfantounet.
efantounet (lang.), enfantounèl (rouerg.), efantounèl, efatou-
nel (lang,), et le féminin enfantouno^ 'jeune fille enfant'.
Pour les parlers franco-provençaux, l'Atlas linguistique
montre efantet à Vissoj'-e, Valais (carte 1708 nourrisson);
dans les matériaux du Glossaire des patois de la Suisse
romande je trouve: infanè (Fribourg), afna (Berne), infanin
(Valais), infante (Vaud, Valais), infanton (Vaud). Effenot
est employé dans le patois de Montbéliard.
L'engadinois possède les diminutifs infauntin, infauntet
(Pallioppi); l'espagnol: infantieo, infantillo. infantuelo.
10. Au moyen d'aphérèse et de redoublement d'une
syllabe, le langage enfantin a transformé enfant en fan-
fan, qui s'emploie aussi dans la langue familière comme
terme de tendresse. Dans le patois de Blonay, fafiyo
est également une expression familière pour désigner
un enfant,
11. L'italien infante n'appartient qu'à la langue lit-
téraire et juridique (Petrôcchi). On le trouve cependant
dans quelques dictionnaires de patois: sic. infanti, mil,
infant (vieilli, suivant Cherubini).
L'italien a préféré les formes abrégées par aphérèse:
fanciidlo est le mot le plus usité pour 'enfant', et dans
la Haute-Italie fante et ses dérivés ont été très répandus.
12. L'ancien vénitien nous fournit plusieurs exemples
de fante et de ses dérivés.' La traduction vénitienne de
Paniphile, comédie latine du X® siècle \ rend le mot
pueros du texte latin par fainti (vers 488), et le mot pue-
^ Le codex de Berlin, qui contient ce texte à côté de plusieurs
autres, date du XlIIe siècle (voir AGII, X, p. 232).
— 33
riliter par cont un fantulin (vers 559). Cependant, on y
trouve aussi enfante, au vers 599, où puériles curas est
traduit par soleçetudene de enfante. La rédaction vénitienne
du • Tristan (vers l'an 1300) ^ emploie souvent fante dans
le sens de 'petit enfant', une fois avec l'épithète çovene.
Cf. fantia qui se rencontre dans le même ouvrage avec
les significations de 'enfantillage' et de 'enfance'. Dans
les poèmes de Cavassico. notaire de Bellune au XVI''
siècle, fant lou fent) se trouve fréquemment; ce mot ne
désigne pourtant pas ici un petit enfant, mais un jeune
liomme ou une jeune fille nubile, tandis que le diminutif
fantuz sert à désigner les bambins. Parfois cependant
fantu2 est synonyme de fant, de même que fantoz signifie
ragazza'.
Le glossaire latin-bergamasque, publié par M. Lorck ^,
traduit infans par ol fanti e la fantina; infantia par
la edad de'l fanti. Fantin — fantina, 'fanciullo', 'fan-
ciulla', a été relevé plusieurs fois par M. Salvioni dans
deux textes d'ancien lombard ^ Dans l'un de ces textes,
qui est une paraphrase du Neminem laedi nisi a se ipso
de Chrysostome '*, on trouve ces deux mots réunis dans le
passage suivant: — e martiri. c vergine. homi c fcmene.
fantin c fantinne. quaxi innomerahel. chi han tutti merio co-
ronna de martirio. Evidemment, fantin ici signifie 'gar-
çons'. Dans le sermon en vers de Barsegapé (XIII'"
siècle), nous trouvons fantin 'petit enfant', et, dans les
poésies de Bonvesin da Riva, fantincto — fantineta 'petit
garçon', 'petite fille'. Cherubini enregistre les pluriels
fànc (prononcez fànl), fancitt, qu'il a trouvés dans Albani,
Varon milanes de la lenyua de Milan, Milano, Como 160G.
La forme fane, que Biondelli traduit par 'infante', et qu'il
* Voir StR, IV, p. 71.
* Voir Altbergamasktsc/ie SpracMenkmàler (IX— XV. Jahrhvn-
(hrt\ p. 96.
» Voir AGII, XII, p. 103.
* Voir AGU, VIT, p. 92. 1. U.
- 34 —
désigne comme un mot de l'ancien milanais (et du dia-
lecte de la Levantine), est évidemment le même mot que
le pluriel fane (cf. § 14).
Fante se rencontre aussi en ancien génois, Flechia ^
cite deux exemples du pluriel faniti (lisez fainti ^), ou fanti,
'fanciulli', 'ragazzi', tirés des Rime genovesi de la fin du XIIP
siècle et du commencement du XIV®, publiés dans ArcJd-
vio glottologico italiano II. Dans ces poésies on trouve aussi
fantin — fantina 'fanciullo', 'fanciuUa', — Je ne connais
pas d'exemple de fante (ou de fantin) en ancien piémon-
tais. Mais comme on le trouve en lombard, en génois,
en vaudois et .en provençal, il m'apparaît comme très
vraisemblable qu'il n'a pas été inconnu en piémontais.
L'existence en piémontais moderne des fqrmes fanciot
'fanciullo', faneiotin 'fanciullino' (monferrin fanciott ", fan-
eiutin)^ confirme aussi cette hypothèse. De même, le bol.
fantein nous fait supposer que fante a existé aussi dans
les anciens dialectes émiliens.
13. Ce mot, qui dans tous les parlers de la Haute-
Italie avait conservé son sens primitif, y était employé
aussi avec le sens dérivé de 'serviteur' *, qui est le sens
unique dans lequel le toscan emploie fante. C'est pro-
bablement ce développement sémantique du mot simple ^
qui a fait qu'on a eu recours en général à des diminutifs
pour désigner un enfant. Ainsi, dans le sermon de Bar-
segapé, l'enfant Jésus s'appelle toujours il fantin, tandis
que l'ange est désigné par il fante. L'ancien italien (au
XIII'' siècle, selon Tommaseo) employait fantino de la
même manière. Chez les auteurs florentins du XIV*"
1 Voir AGII, VIII, p. 352.
- Cf. Meyer-Liibke, op. cit., I, § 322.
^ Ce mot signifie aussi 'fils' (Biondelli).
* On trouve dans le Tristan vénitien fenti 'servi', dans la para-
phrase lombarde de Chrysostome fante 'servo', fanta 'fantesca', etc.
^ Plusieurs dérivés ont aussi pris le sens de 'serviteur' ou des
- m —
siècle on trouve fantino — fantina au sens de 'bambino',
'bambina', et le sous-diminutif fanticino (fantif/ino, fau-
fisino); fantinello 'bambino' est dans la Tavola Ritonda:
fantctto 'ragazzo' fut employé par Cecchi (XV!*^ s.). En
italien moderne, les diminutifs fantoHno iqui se trouve
déjà dans le Purgatorio de Dante) et fantolina sont des
termes de tendresse, employés dans la langue poétique
pour 'bambino'. 'bambina'.
14. Si nous passons maintenant aux parlers actuels
de la Haute-Italie, nous trouvons que le simple fant
ne s'est maintenu que dans quelques vallées des Alpes.
Au Val di Blenio, dans le Tessin, fant paraît avoir pris
le sens exclusif de 'fils' ^ (voir Biondelli, p. 46: de même,
à Valperga, Piémont, fcnt signifie 'des fils'; voir ibid.. p.
5B5j. Dans une autre vallée du Tessin. la Levantine,
fànc se dit pour 'infante' (Biondelli, Monti), fencc (pro-
noncez fmc)^ pour 'fanciulli': dim.. f en citi^ {^ontï). Ainsi,
le pluriel fane (cf. § 12) a remplacé le singulier au sens
de 'enfant', phénomène dont nous avons vu des exemples
déjà en latin (voir p. 23, note 1). A d'autres endroits dans
le Tessin, fant, aussi bien que fane, est usité avec l'ac-
ception de 'serviteur' : fant à Bellinzona, fent à Val Mag-
gia, fa7ic — fancia à plusieurs endroits autour du Lac
Majeur (Monti). Dans la Valtelline, fine signifie 'fanciuUo',
fencia 'fancella' (Monti),
15. Le diminutif fantin. que nous avons trouvé dans
les anciens dialectes lombards et génois, ne paraît avoir
sens analogues: fantino (lomb. fantin). Valdarno fantina, fanticello.
fanticella, etc.
* Cf. le développement presque analogue du mot enfant dans le
Centre de la France et dans les cantons de Vaud et de Fribourg (§ 6).
* Pour Ve, voir Meyer-Lûbke, op. cit.. I, § 322. et Salvioni. AGII.
IX, p. 235 S8
' Pour Vi du suffixe voir Meyer-Liibke, Italienische Grammu-
tik, % 68.
— 36 —
conservé sa signification primitive que dans le parler de
Bologne, où, d'après Coronedi Berti, fantêin se disait sou-
vent pour 'bambino' encore vers l'année 1870. Mais le
dictionnaire d'Ungarelli (1901) ne le mentionne pas, ce
qui semble montrer que le mot est en train de disparaître
en bolonais, comme il a disparu déjà ailleurs. Ordinai-
rement, le bol. fantein signifie 'jockey', de même que le
mil. fantin et l'ital. fantino. En génois moderne, fantin
— fantina signifie 'célibataire', 'jeune homme non marié',
'jeune fille nubile', de même que fantin — fantine à Bor-
dighera. Ce développement sémantique est très fréquent ':
cf. teram. fandelle, haut-ital. put, franc, garçon, et d'autres.
En Corse, fantinu — fantina, qui est probablement
d'origine génoise, signifie également 'célibataire', mais
il a aussi conservé son ancien sens de 'enfant', 'petite
fille'. Le bolonais connaît (ou a connu) aussi les formes
fandsein — fandseina 'fanciullino', 'fanciuUina' -, correspon-
dant à l'anc. ital. fantisino.
Dans le bergamasque nous trouvons le diminutif fan-
tolï (cf. ital. litt. fantolino). Le patois de Greden, Tyrol,
a emprunté fantulin au vénitien (cf. § 12) ou au frioulan
(cf. § 16), mais seulement dans l'expression l di d'i fan-
tuliys, 'le jour des Innocents' (le 28 décembre).
10. En dehors des dialectes de la Haute-Italie, fante
ou ses dérivés se trouvent encore dans deux régions: au
sud-est, dans les Marches et à Teramo, au nord-est, dans
le Frioul. Les patois des Marches possèdent fante 'gio^^
vinetta' et le diminutif fantella. A Teramo nous ne ren-
controns plus que le diminutif fandelle qui est ici des
^ Oïl trouvera des exemples d'un développement en sens inverse
au § 109 ss.
- On les trouve dans les dictionnaires de Ferrari (1853) et de
Coronedi Berti (1869 — 72); mais celui d'Ungarelli ne les enregis-
tre plus.
— 37 -
deux genres et signifie 'enfant' ou 'jeune fille'. De même
que le franc. filk\ il se dit aussi d'une femme d'un âge
plus avancé qui n'est pas encore mariée. Le diminutif
fandcllucce est un terme de tendresse.
Le frioulan connaît les dérivés fantat — fantafa^
'jeune homme', 'jeune fille', et les formes élargies fan-
tazzat — fantaszate. A fantasz- le frioulan peut ajouter
encore les suffixes -ett, -in, -ine, -utt, -utc, -on, -onc (Pi-
rona). Le diminutif fantulin. qui existait en ancien véni-
tien, est en Frioul l'expression la plus usitée pour 'petit
enfant' à côté de frnf. -
17. Le suffixe de l'ital. fanciullo est d'origine incer-
taine. M. Meyer-Lûbke, dans son Italienischc Grammatih,
^ bl, explique fanciullo comme une forme napolitaine re-
montant à "/anfrolua. et il le compare à l'ital. cifruUo du
nap. cctrulo. Mais, dans sa Grammaire dos langues roma-
nes, II, § 503, il est revenu sur cette opinion, et dit que
«pareille explication pour fanciullo (et barullo) serait su-
jette à caution».
Ce qui me semble mettre fortement en doute cette
explication, c'est qu'on ne trouve pas fanciullo dans les
dictionnaires napolitains. Ce dialecte désigne un enfant par
les mots pecciuotto, liccceriUo, hardasdo, zaccaro ou guafilione.
18. Le sens de fanciullo correspond en général à
celui du français enfant.^ Mais il s'emploie parfois avec
^ Gartner. Handbuch der rutoromanischen Sprache und Lite-
ratur. j). 381, cite iine traduction du Lied von der Glocke par Schil-
ler en dialecte de Gorice, où la forme fantata est employée; cf.
ibid., p. 272 s.
' Le mot simple fant signifie en frioulan 'serviteur', ou. de même-
i[ue fatitin, 'jockey'.
' D'après Toramaseo et Petrôcchi, fanciullo désigne celui qui est
dans lâge de la fanciullezza ou de la puerizia, c.-à-d. l'âge entre
Vinfanzia et Vadolescenza. Par fanciullo on désignerait donc l'en-
fant de sept à douze ans. tandis qu'un infante serait un enfant (jui n'a
— 38 —
l'acception de 'garçon' (sens que le français enfant n'a
pris que dans certains dialectes), surtout dans les cas
où fanciullo est réuni à fancudla^. Tommaseo en donne
l'exemple suivant : L'età atta [al matrimonio] nel fanciullo
è quattordici annl. r nclla favciulla dodici (Maestruzzo, XIV®
siècle). C'est principalement le pluriel fanciidli qui a le
sens neutre de 'enfants' (voir Petrôcchi). Cf. l'usage que
faisait le latin des pluriels lïberi, pueri, filii. infantes (voir
p. 23, note 1); cf. aussi le lomb. fane (§ 14).
Le sens du féminin fanciidla n'est pas tout à fait
analogue à celui du masculin. On désigne par fanciuUa
une jeune fille, parfois une jeune fille nubile, ^ fanciuUa
da marito». ou une femme d'un âge quelconque qui n'est
pas encore mariée. fCf. fandelle, ra(fas.za, et beaucoup
d'autres). De fanciullo — fanciidla on a tiré de nom-
breux diminutifs: fanciidlino—fanciidlina: fanciulletto —
fanciulletta (terme littéraire, suivant Petrôcchi); fan-
eiullettino—fanciullettina (Tommaseo) ; fanciidlusm — fan-
ciulluzsa 'piccolo fanciuUino'. 'piccola fanciuUina' ^ (hors
d'usage); fanciidlosso — fanciullozza 'fanciullo o fanciulla
poco esperta délie cose del mondo' TFanfani).
19. Dans ciullo — ciulla. qui se trouvait en ancien
italien avec le sens de 'fanciullo'. 'fanciulla'. et qui,
employé adjectivement, signifiait 'inesperto', 'ignorante',
il faut sans doute voir le résultat d'une aphérèse ulté-
rieure. Le terara. .^idle, dim. ndlettc, 'piccolo', 'piccolino',
s'explique peut-être de la même manière. Lu ."ullc mî, lu
Juliette ml sont des expressions caressantes qu'on adresse
aux petits enfants.
pas encore sept ans. Ces limites n'existent pourtant (|ue dans les
théories des lexicographes; c'est ce que montrent les exemples cités
par Tommaseo, où fancndlo s'emploie tantôt à propos de l'âge qu'on
appelle l'infansia, tantôt en parlant de Vadolescenza.
^ Cf. anc. prov. enfant — enfanta, esp. infante— infanta (§ 7).
- Selon Tommaseo, fanciiillnzsa s"est employé aussi au sens de
'fanciulla da marito'.
— 39 —
20. L'ancien italien possédait encore les formes
fancello — fanccUu qui signifiaient 'fanciullo", 'fanciuUa',
ou, de même que fanticdlo — fanticclla. '(jeune) serviteur",
'(jeune) servante'. Fanfani (Vocabolario délia pronunzia
foscana) les enregistre comme formes toscanes, en donnant
au masculin la première signification, mais au féminin
aussi le sens de 'fanticella' \ On trouve dans ce dictionnaire
encore le diminutif fanccUHto. — Dans une légende du
XIV'' siècle. Fanfani {Vocabolario dclV nso toscano) a relevé
fancilla pour fanmdla. Cette forme est encore vivante
dans la montagne de Pistoie.
Puerenlus,
21. Comme je l'ai déjà fait remarquer. i>«rr a disparu
du vocabulaire des langues romanes-. Le diminutif ^^wer-
culiis, qu'on trouve chez Arnobe et Apulée lavoir Forcellini),
et qui sert à traduire muàaolôiov dans le Corpus Glossario-
riim Latinorum II, p. B92, 1. 3, paraît avoir survécu dans
le dialecte de la montagne de Pistoie sous la forme de
hurchio 'bambino', 'figliuolo' iFanfani. Vocabolario delVuso
toscano).
1 M. Jaber-;. dans son ouvra^je intitulé Péjorative Bedeutungs-
entwickhmg im Fransosischen II (ZRI'h. XXVII. p. 42). en citant des
exemples de la transition si-mantiquf 'jeune garçon", 'jeune fille' >
'serviteur', 'servante', écrit dans la troisième note: «It. /an<e — ^ Magd.
ebenso rhâtorora. fantschella (fantschello :=^ Kind) — — — » Evi-
demment Tauteur veut dire par là que le rhétorom. fantschello signi-
fie 'Kind'. Mais le seul dictionnaire rhétique qui, à ma connaissance,
enregistre un substantif masculin, correspondant à fantschella, celui
de Pallioppi, traduit ce masculin, fantschè, par jiinger Dienstbote.
kleiner Knecht. Diener', et non par Kind".
'^ Il va de soi que je ne tiens pas compte ici du latinisme
pueri 'enfants', qui se rencontre souvent dans la paraphrase lombarde
d'un texte de Chrysostome (voir AGll. VII. pp. 37. 57. etc.). —
Puella a également disparu, sauf dans un latinisme cité par Raynouard:
Es dita puella quar es pura (Elue, de las propr.. fol. 69), et la locu-
tion H santi puello (lang. las santos jmellos) «nom qu'on donne à Tou-
louse aux femmes <|ui recueillirent le C0171S de saint Saturnin, évêque
— 40 —
JPupus — piipa,
22. Outre infans, puer et puella, le latin avait encore
quelques dénominations d'enfants, dérivées des thèmes pup-.
pus-, put-, qui rappellent le radical de puer et de pubcs ^.
M. W. Heraeus, dans son ouvrage mentionné plus haut.
Die Sprache der rômischen Kindcrstuhe, voit dans ces mots
des formations du langage enfantin, surtout dans pupus
et pupa, à cause de la simplicité de leur forme '. Le
redoublement d'une syllabe est un trait caractéristique des
mots enfantins.
23. On trouve très peu d'exemples de pupus dans la
littérature latine. Varron l'emploie au sens de 'enfant à
la mamelle': ac mammam lactis sugentem pascere pupum ''
(cité par Non. II, 675, d'après Forcellini). Suétone, Càli-
gula XIII, le mentionne parmi les termes d'affection que
le peuple adressa à Caligula à sa première apparition
comme empereur: densissimo et laetissimo ohviorum agmine
incessit, super fausta nomina sidus et pullum et pupum et
alumnum appellantium. Dans le Corpus Glossariorum Latino-
et martyr; d'où 'Le Mas-Saintes-Puelles' (bas-Iat. Mansus Sanctarum
Puellarum), localité de l'Aude» (Mistral). — Grôber, ALL., IV, p. 450,
a fait remonter le franc, puceîle, anc. prov. piucella, anc. esp. jmncelïa.
etc., à ^puel{li)cella, diminutif de i}uella; cf. p. 87, n. 2.
1 Cf. Walde. Lateinisches etymologisches Wôrterhuch, aux artic-
les pupus, pusus, putus.
2 Voir ALL, XIII, p. 1.59 ss.
* Cet emploi viendrait peut-être appuyer l'h\-pothèse de M. Stolz,
«dass nur pupa urspriinglich und mit *puppa 'Brustwarze' identisch
sei, das ebenso aus einer Nachahmung des schmatzenden Lautes des
Sauglings entstanden ist, Avie nhd. hiibhi, 'papilla'. engl. huhhy, nhd.
buben pi. 'mammae'. pupa in iibertragenem Sinne fiir 'Mâdchen' ge-
braucht, habe dann auch ^)MjpM5 ins Leben gerufen». (Voir Walde,
Lat. etym. Wôrterb., à l'art, pupus.). Il ne me paraît pourtant pas
très vraisemblable que *2}M|)2>« mamelle' se soit dit, par métonymie ou
par métaphore, pour 'petite fille*. Il est plus probable que -puppa 'ma-
melle' et pupa 'petite fille* proviennent tous deux de l'onomatopée
pupp-, pup-, qui imite le bruit que fait le nourrisson en tétant.
— 41 —
nnn, pupus est défini par ^gécpog ('enfant nouveau-né')j
i'aviov ('poupée' j II, 166, 20; TtaiààQiov 392, 2, jtaiôiOKÛQiov
3V»2, 15 ('petit enfant', 'petit garçon') ; 2)arvulus puer 590, 43;
puerculus IV, 382, 45, V, 545,7; puer vel alumnus V, 622, 16.
On y trouve aussi la forme popus, traduite par vivviov
(mot de tendresse pour 'enfant', voir Forcellini), II, 153, 46
et par filins V, 510, 46. Sur les inscriptions, les jeunes
garçons, qui n'ont pas encore atteint l'âge viril, sont par-
fois appelés pupi, de sorte que pupus représente en quel-
que façon le prénom qu'ils n'ont, pas encore le droit de
porter \
Le féminin piipa signifie, dans les exemples tirés de
la littérature, 'jeune fille'. Martial, IV, 20, 1, l'emploie par
opposition à anus'^] Ausone, Edyll. VII, 2,2, appelle Bis-
sula barbara sèd quae Latias vincis aïumna pupas. Le Corp.
Gloss. Lat. II, 393, 4, définit pupa par jtàÀÀi]^. Les in-
scriptions montrent que le langage populaire connaissait
aussi le sens de 'petite fille' qui est sans doute la signi-
fication primitive: Gassiae Faustinae pupae. V{ixif) a{nnos)
IV. (Or. 7419 c,^). 3
24. Deux significations figurées de pupus— pupa^ dé-
rivées des idées de 'petit enfant', 'petite fille', étaient d'un
usage fréquent en latin. De même que les Grecs ap-
pelaient uÔQai ('jeunes filles') les figurines en terre cuite
coloriée qui servaient à amuser les enfants, les Romains
donnaient le nom pitpac aux poupées en terre cuite, en
os ou en bois.* Forcellini a relevé cet emploi du mot
chez Varron et chez Perse; voyez aussi le Corp. Gloss.
Lat. II, 165, 16: piup^^ jiÀayyôveg al r€)v jtaiôlcjv vvfxcpai; V.
622,35: popa imayo puellarum.
* Voyez Heraeus, loc. cit.\ voyez aussi Pirsou, op. cit., p. 244.
' Dicit se vetulam cum sit Caerellta pupa,
Pupam se dicit Gellia cum sit anus.
* Voyez Heraeus, op. cit.. p. 159, où l'on trouve aussi d'autres
exemples tirés des inscriptions.
— 42 —
Celui qui regarde les yeux d'un autre, y voit son
image reflétée comme par un miroir. A cause de cette
petite image, les Grecs appelaient la pupille de l'œil 7i6Qt]
ôqydaÀfxov; les Romains employaient parfois le masculin
pupus avec le même sens ^; mais plus souvent ils se ser-
vaient de diminutifs de pupa: pupilla, pupula".
25. Dans les langues romanes nous trouvons pupa
(pupus) 'poupée' dans un domaine relativement étendu,
embrassant presque toute l'Italie, la Rhétie, le Jura
bernois, la Lorraine et la Wallonie ^. Dans le reste de la
France et en certains endroits de l'Italie, il a été rem-
placé par des dérivés en -ata ou d'autre suffixes. — Au
sens primitif, pupus — pupa * a subsisté dans un domaine
beaucoup plus restreint, comprenant, d'après ce que mon-
trent mes matériaux, les vallées de la Rbétie et celles
des parties limitrophes des territoires lombard et véni-
tien. On en trouve encore des représentants isolés dans
les Marches et en Sardaigne.
Voici les exemples que j'ai trouvés en Rhétie. Gri-
' Voir Forcellini, et Corp. Gloss. Lat. II, 353, 35 et 42.
2 Cette métaphore est très fréquente aussi dans les langues ro-
manes, qui emploient souvent pour exprimer la même idée des repré-
sentants de pupus — pupa ou des dérivés de ces mots. Voir Zauner,
RF, XIV, pp. 366, 367.
* Voici les exemples de pupa (pupus) dans le sens exclusif de
'poupée' que j'ai relevés dans les dialectes italiens: vén., mant. pûa;
triest. pupa; bol. pu (cf. parm. puà); sienn. popa; abr. pupe; nap.
pupo (le même dialecte a aussi pupata); calabr. ^Mjpa; sic. pupu— pupa.
— Pour la France et la Suisse romande, voir la carte 1074 de VAtlas
linguistique.
* Nous venons de voir que le latin littéraire ne présente que
pûpus — pûpa, mais il n'y a parmi les formes romanes qu'un assez petit
nombre qui puisse remonter à des formes latines avec un û. En gé-
néral elles semblent postuler un m (cf. Diez, Etym. Wôrterb. der rom.
Sprachen, p. 254; Meyer-Liibke, Boni. etym. Wb. 6852, 6854). On
trouve, en effet, puppae 'poupées' dans les scholies sur Perse, II, 7,
tandis que le texte a pupae (Forcellini). Nous avons vu aussi que le
— 43 —
sons: pop — poppa 'petit enfant', 'nourrisson'^; Vigo (Ty-
rol): pop 'enfant''-^; Greden, Fassa, Livinallongo ^: jijôjpo —
popa 'enfant', 'petite lîlle' (ou 'poupée'); Paularo (Alpes
Carniques, Frioul) pup 'petit enfant'.
En Italie j'ai relevé: Val Sesia (Piémont): poppu
'birabo' ou 'puppattolo' *; Y aMeUine: pup— pu2)]>a 'bambino'.
'bambina'; Poscbiavo: pop — poppa 'enfant à la ma-
melle' (ou 'poupée') ^; Pinzôlo (lomb.-vén.) pop 'enfant';
Kovereto et Trente: poppa — poppa 'bambino', 'bambina*
iou 'puppattola'); en Istrie: V^alle, Pola^JM^JO 'bambino', Ro-
vigno poupo 'poppante ragazzo', Pirano, Gallesano pup((
'bambina' (Ive); dans les Marches: Grottamare jow^o 'bam-
binello' **: logoud. puppa 'bimba', 'ragazzina' (cf. gallur.
puppa 'bamboccio', 'fantoccio'). Ajoutons que Petrôcchi
enregistre pupo mio comme un termine vczzeggiativo qui est
cependant hors d'usage.
26. Les dérivés sont un peu plus réjiandus que
le mot simple. On en trouve aussi dans la plaine lom-
barde et môme dans les territoires émilien, génois et
piémontais ^.
-inu:Qngaià.poj)pin — poj)pina 'petit garçon', 'petite fille'
(ou 'petite poupée') (Pallioppi); Poschiavo popiy, 'enfant
à la mamelle' (ou 'poupée'); Valle Calepio (bergara.) ptup/r
'puttino', 'ragazzino'; Valle Cavallina (bergam.)^opi 'bam-
Corp. Gloss. Lat. présente poptts 'enfant', popa 'poupée', à côté de pti-
ptis, pupa. Diez fait remarquer que le Vocab. S. Galli écTit popu<
'seha', c.-à-d. 'pupille'.
^ Poppa signifie aussi 'poupée'; M. Pult ne donne pour Sent
(Basse-Engadine) que cette signification.
- IHkol est plus usité; cf. Greden pitl.
^ En allemand Buchenstein.
* Voir Nigra, AGII, X, p. 294.
^ M. Longa traduit le borm. pop par 'bamboccio'. mot qui peut
signifier, comme on le sait, et 'enfant' et 'poupée*.
" A Fermo, pupu signifie '.stupido'; cf. § 246 ss.
' Voir p. 45. n. 6.
— 44 —
bino'; bresc. pupl (Pellizzari). poppi (Melchiori) 'bimbo',
poepina (Melcliiori) 'bambina'.
Le brescian pipi 'bambino' est probablement le même
mot; cf. le bergam. pipina 'pupilla delF occhio'. On trouve
dans le dialecte bergamasque un bon nombre de mots où
la voyelle atone de la première syllabe a été après un p
changé en i: piell—\&t. pupillum (voir § 35); piltrù = itsd.
poltrone] pilù = \tdi\. pelone\ p>isà =^'\ta\. ptcsarv, etc. ^.Le ber-
gam. pipéria 'fanciullaja', 'moltitudine di fanciulli', et le
valtell. pipera 'donna che ha cura dei bambini', viennent
également de pupus, d'après Tiraboschi. Monti donne pi-
pïnn — pipina 'bambolino', 'fanciullina' ^ comme des mots de
Poschiavo; ces formes manquent cependant au glossaire
de M. Michael qui n'enregistre que popiy (voir ci-dessus).
— Le frioulan change aussi très souvent la voyelle initiale
en i\ ce n'est pas d'ailleurs le seul exemple d'un déve-
loppement phonétique que cet idiome ait en commun avec
le bergamasque. (3n y txÇ)Vi\% pirùc}ie=^\t2X. parruca {per-
rucà)] pirlcuï pour pericnl='\tdl. pericolo; ^J^orfi = lat. j?e-
cora] j)m« = lat. pariarc, etc. Il est donc vraisemblable
que le frioul. pipîn 'fanciullo', 'bambolo' (avec les dérivés
pipinatt, pipinutt) et pipîne 'fanciulla' ^, sont aussi des di-
minutifs de pupms — piipa. *
-iiif -ia. Dans les dérivés, que le dialecte campida-
nien a tirés de pupus — pupa à l'aide du suffixe -iu, -ia,
dont je ne connais pas l'origine °, on rencontre le même
^ Cf. Walberg, op. cit. § 90 d. Cf. aussi gred. matôys > mutôps
> mitûys § 248. — Pour le développement en sens inverse {i > m-, etc.),
qui est beaucoup plus répandu, cf. plus bas § 130.
* Le féminin signifie aussi 'pupille de l'œil'.
' Ce mot signifie en outre 'poupée' et 'pupille de l'œil'.
■* Cependant, on pourrait peut-être expliquer tous ces mots, ainsi
que l'ital. pipino et pipi, noms de tendresse qu'on donne à un enfant
^Petrôcchi), comme des dérivés de pi pi, onomatopée imitant la voix de
certains oiseaux et qui s'emploie en frioulan, comme dans les dialectes
de la Haute-Italie, avec les sens de 'poussin', 'oisillon'; cf. § B57.
'* Ce suffixe ne serait-il pas identique à -iyu, -iya (<:lat.
— 45 -
phénomène phonétique: pipiu — pipia ' 'bambino'. 'bam-
bina' (d'après Spano, Vocabolario Italiano-Sardo, le féminin
signifie aussi 'fanciulla', 'ragazza'): dim. pipieddii — pipi-
edda (Porru).
-eolu: com., borm. popo ^ 'bimbo'. 'mammolo'. dim.
popolîn] mil. pojw, ou popœù^. dim. jOo;>orm *. ]pa,y. popo.
Le fém. popôln signifie 'jeune fille' ^; le langage des pay-
sans milanais emploie encore la vieille forme popψra, (jui
sert à désigner une petite fille (Cherubini), de même que
le diminutif popoUnna dans le langage de la ville. En oo-
masque et en milanais, popôla signifie aussi 'poupée', et
dans les parlers de Bormio et de Poschiavo. c'est là le seul
sens du mot.
-one ®: bergam. pop6 — popona 'bimbo. bimba'. dim. po-
poni; piac. pôpbn 'bimbo'. dim. pôpônhin\ gén. puppon (Oli-
-ic{u)lti, -■ic{u)la) qu'on trouve dans le mot sarde anniyu cheval d"uu
an' (voir Meyer-Lùbke, Gramm. des langues rom. II § 422j, et dans le
campid. pija (<: pic'la = plica. voir Wagner. ZRPh. Beih. XII. p.
45), etc.?
1 M"« Alice Sperber, ZBFh, Beih. XXVII. p. 153, voit dans ces
formes des dérivés de l'onomatopée pipi (cf. la note ci-dessus). Pour
les mots campidaniens cette étymologie paraît pourtant moins vrai-
semblable que pour les formes frioulanes et lombardes, parce que
pi pi ne s'emploie pas en Sardaigne comme nom d"oiseau (du moins
ne le trouve-t-on ni dans Spano. ni dans Porru i. Évidemment M' '
Sperber n'a pas observé que M. Wagner, dans sa Lautlehre der
.siidsardischen Mundarten {ZBPh. Beih. XII. p. 21). avait, trois ans
auparavant, rattaché pipiu — pipia au logoud. pupia 'pupjlla' ou fan-
toccio'. et au logoud. puppa 'ragazzina'. 11 y donne de.s exemples
analogues, comme pillôni 'oiseau' (logoud. puzoïiC); t/ip/iônt jujiou'
(logoud. yuppone. cf. ital. giuppu), et beaucoup d'autres.
-' !Sur la chute de VI final après une voyelle toui(iUf. \ o\ t;z Sal-
vioni, Fonetica del dialetto moderno délia città di Milano. Torino
1884, § 188.
* Cf. Salvioni, loc. cit.
* Voyez Salvioni. op. cit.. ^ 18U. et Meyer-Liibke. op. cit. I 4? 457.
' Cf. le teram. fandelle, l'ital. fanciulla, etc.
" D'après Meyer-Liibke, op. cit. II, 4? 456, le suffi.xe -one est en
italien ou augmentatif ou péjoratif. Mais les dérivés formés de pupua
à l'aide de ce suffixe, ne pr^entent ni Tune ni l'autre de ces nuances.
4
— 46 —
vieri: puppun) 'voce puérile colla quale si chiamano i ragazzi',
puponna 'bimba' (Casaceia); monf. pupun—pupunna 'bam-
bino e bimba nel linguaggio infantile'; march. (Macerata)
popb 'bambinello' (cf. Grottamare pupo, § 25).
27. On ne connaît pas d'exemple en Gaule du mot
simple avec le sens de 'enfant'. Mais nous nous rappelons que
poupe 'poupée' se trouve en wallon et en lorrain, et, à cause
des dérivés nombreux du même radical ^ qui se rencon-
excepté le piém. popdn qui signifie 'bambolone'. (Cette forme est peut-
être empruntée du prov. poupoun, franc, poupon, qui a la même ac-
ception). Ils ont tous un sens purement diminutif; n'empêche qu'ils ont
pu être autrefois des augmentatifs. En tout cas, cette dernière nuance
est aujourd'hui disparue, si bien que le parler de Plaisance a dû
ajouter à pôpàn encore un -on, pour en faire un augmentatif: pôpôndn-
^ Le Dictionnaire général (de même que le Dictionnaire béarnais
de Lespy et Raymond) dérive poupon, poupurâ, etc. de poupe 'ma-
melle' qui viendrait à son tour du lat. pop. ^puppa, lat. class. pupa
'petite fille'. Je ne trouve pas très vraisemblable qu'un dérivé d'un
mot signifiant 'mamelle' ait pris le sens de 'petit enfant' (cf. p.
40, note 3). Pour rendre l'idée d'un enfant qui tette, les langues ro-
manes ont recours à d'autres procédés (voir § 251). Quant k poupeau
'petit enfant', qui parait être le même mot que poupeau 'bout du sein'
(v. § 32), c'est là un cas isolé, une figure de lettré tout à fait indivi-
duelle. — Le Dictionnaire général parait voir dans poupée attssi un
dérivé de poupe 'mamelle'. Il le désigne comme «dérivé du même
radical que poupard». Mais il est évident que poupée est tiré de
poupe 'poupée'; originairement 'petite fille'. Il y a. surtout dans les
parlers du Midi, une foule d'autres dérivés du même radical qui signi-
fient 'poupée' (voir § 28). Si l'étynio(pgie de poupard, etc., donnée
par le Dictionnaire général, était exacte, nous aurions d'un côté pou-
pon— pouponne, poupard, popct — j^opoie ^' petit enfant', 'petite fille
(et en plusieurs endroits ='poupée') dérivés du primitii poupe 'mamelle':
d'un autre côté poupée, poupado, poupoio, povpoto, 'poupée' {poupée
est traduit par Cotgrave aussi par 'enfant', voir § 33) dérivés de ^om^<>
'petite fille', ce qui n'est pas très probable. J'incline donc à consi-
dérer, avec M. Meyer-Lûbke, tous ces mots comme dérivés directement
du \a.t. pupus — pupa 'garçon', 'fille'. Cependant, il serait imprudent d'en
conclure que ces mots n'aient pas du tout subi l'influence de poupe 'ma-
melle' ou de formations enfantines. — En Languedoc et en Quercy on
trouve le verbe poupa 'teter' (cf. l'anc. prov. popar^ et l'ital poppare):
en Dauphiné le participe poupa, poupat peut, à côté de tetaire, servir
à désigner un enfant qui tette beaucoup ji^le provençal possède le syno-
._ 47 —
trent dans toutes les parties de la France avec le sens de
'petit enfant', il m'apparaît comme très vraisemblable que
pupus—pupa a eu des représentants en Gaule aussi bien
qu'en Italie. Mais ils y ont disparu de bonne heure, sup-
plantés par enfant et par leurs propres dérivés, de même
que le haut-ital. pup — puppa est en train de disparaître
aujourd'hui, et ne doit sa survivance qu'à l'isolement de
ses vallées alpestres.
28. Voici un relevé des dérivés français et pro-
vençaux.
Poupon— pouponne se trouve en français littéraire dès
le XVI® siècle. Le Dictionnaire général le définit par 'petit
garçon', 'petite fille'. Littré n'enregistre que le masculin
poupon au sens de 'petit enfant au visage plein et potelé'.
Th. Corneille a employé poupon au féminin: une poupon
[Le Baron d'Albikrac, II, 10; d'après Littré). Dans les
patois, le mot sert à désigner des enfants d'âges différents.
Au pays de Dol, un poupon est un enfant n'ayant pas dix
ans; à Pléchatel, ce mot désigne 'un enfant mollasse, déjà
grand'. A Voultegon, dans le département des Deux-Sèv-
res, il se dit au contraire d'un nourrisson {Atlas lingui-
stique 1708) ; à Boulanger, dans le département de Maine-
nyme poupaire. On serait tenté de rapprocher poupard 'gros nour-
risson', 'enfant joufflu', de ces mots, et Mistral le fait venir, en effet,
de poupaire. Mais povpard ne peut guère être d'origine provençale,
car on le trouve dès le XIIP siècle en ancien français, tandis que ni
Raynouard, ni Levy ne le signalent en ancien provençal. Je ne par-
tage donc pas l'avis de Mistral; mais j'admets que le sens pariiculier de
'enfant joufflu, potelé, bien nourri', qu'on rencontre souvent dans ces
dérivés, peut être dû à un rapprochement avec des mors comme franc.
poupe, prov. poupo, poupa, poupat, poupaire ; cf. aussi les termes enfan-
tins provençaux poupo 'soupe', poupon 'bouillie'. (Quant à poupard.
cette explication n'est pourtant pas nécessaire, puisque -ord a souvent
un sens augmentatif, en français comme en provençal). Je crois aussi
que ce rapprochement, résultat d'une étymologie populaire, a pu con-
tribuer au maintien en gallo-roman de poupon, poupard, etc., si long-
temps après la disparition du mot simple.
— 48 —
et-Loire. V Atlas linguistique donne pupon au sens de 'fillette'.
Cf. Verrier et Onillon : popon — po2)onnc 'poupon', 'pouponne'.
Littré signale pôpon comme forme bourguignonne; toute-
fois on ne le trouve paSj dans Mignard. Dans la Suisse
romande, un poupon est un enfant nouveau-né (Bridel).
Le féminin pupona figure au point 40 (Vaud) de la carte
poupée (1074) de V Atlas linguistique. — En Provence, en
Languedoc et en Béarn, poupoun (lang. poupou) — pou-
pouno signifie 'très jeune enfant', 'fillette', en général avec
le sens particulier de 'enfant potelé, joufflu'. Suivant Mis-
tral, le féminin se dit pour 'poupée' en Dauphiné; suivant
V Atlas linguistique ce n'est pas là, mais dans les départe-
ments de l'Ardèche et de la Haute-Loire. Pour rendre cette
idée, des dérivés formés avec d'autres suffixes sont plus
fréquents: poupado, pou2)èio, 2>oupoio, poupoto. Mistral men-
tionne pouno 'jeune fille' comme un terme de Grenoble:
il manque cependant au dictionnaire de Bavanat. Evidem-
ment ce mot est une aphérèse de poupouno.
29. Le Midi, avec sa prédilection prononcée pour
les diminutifs, a formé ZMS^ipoupounel^poupounetÇMistrsiV).
— Apparemment il faut identifier avec ces deux diminu-
tifs poutounel, poutounef, qui s'emploient dans l'Albigeois
avec le sens de 'poupon', 'enfant potelé'. Ils signifient
en outre 'petit baiser'. On trouve aussi dans Mistral:
poutouno 'gros baiser'; terme de tendresse: 'mignonne':
poutoiineto, pouteto (lang.) 'amoureux baiser' ; 'petite mi-
gnonne'. Il n'est pas probable que le sens de 'baiser' ait
pu se transformer, par une sorte de métaphore, en celui
de 'mignon', 'enfant.' Dans le sens de 'baiser', poutouno.
poutounel^ etc. viennent évidemment de pot 'baiser', tandis
qu'il faut voir dans les formes ayant le sens de 'enfant' des
dérivés de *puppa, modifiés par un échange de phonèmes.
C'est ce que fait M. Meyer-Lubke, qui, dans son JRoma-
nisches etymologischcs Wôrterhuch. 6864, mentionne putu-
— 49 —
ncto, puteto 'Kosowort t'iir junge Mâdchen' comme des
dérivés de *pupi)a. Il y ajoute putino, qui ne se trouve
cependant dans Mistral et dans Azaïs qu'avec le sens de
'petite sardine très jeune'. Il doit avoir trouvé ce mot
dans l'ouvrage de M. P. Barbier fils sur les Noms de
poissons JiLB, LUI, p. 48), où celui-ci cite poutino comme
synonyme de poutouno, poutouncto, etc.. sans indiquer d'où
il tient ce renseignement. M, Meyer-Lûbke a eu l'obli-
geance de ine taire savoir qu'il explique les formes jjm-
fino, puteto, etc., pour poupino. poupeto, etc., par un phé-
nomène de dissimilation. Ne pourrait-on pas cepen-
dant trouver une autre explication? A l'article peteto,
Mistral donne entre autres les formes languedociennes
peteto. poutoto = 'poupée': 'petite fille', 'petite personne
fort parée'; 'doigt empaqueté, enveloppé de linge'; 'pu-
])ille de l'œil'. Au Midi, une poupée s'appelle aussi pou-
poto. (3r, en voyant poupoto, peteto, poutoto l'un à
côté de l'autre, dans la même langue et avec le même
sens, on est porté à considérer poutoto comme une con-
tamination de poupoto + peteto. Je crois que poutouno,
poutouneto, poutonet, poutonèl doivent également leur t à
l'influence de petit^. Poutountoun, qui, suivant Mistral,
se dit en Languedoc pour 'petit poupon', s'explique de la
même manière. Le redoublement de la dernière syllabe
indique une (jf igine enfantine -.
30. De même que le provençal, le normand possède
un dérivé en -ot: popot— popote 'petit garçon', 'petite
fille', qui se dit quelquefois aussi pour 'poupée'.
' Peut-être pot. poutoun baiser' y sont-ils aussi pour (luelrpif
chose.
' Toutefois, on ne saurait nier que ces mots puissent être le
résultat d'une création primitive, des onomatopées enfantines du
même genre que les termes mentionnés au § 376 ss. Suivant Mistral,
poutountoun est aussi une onomatopée imitant le bruit du marteau
à foulon.
— 50 —
31. A côté de poupon, le dérivé le plus répandu en
France est poupard. Le plus ancien exemple que le Dic-
tionnaire général en ait relevé, se trouve dans le Trésor
de Jean de Meung: «(7iZ n'a pas grandeur de poupart» ^
Dans les Poésies d'Eustache Deschamps nous trouvons le
renseignement suivant quant à l'emploi du mot: <i-Et nous
sommes jusqu'à sept ans poupard» (cité d'après Littré), En
français moderne, poupard ne se dit plus qu'en parlant
d'un enfant au maillot (ou d'une poupée représentant un
tel enfant). — Voici les exemples du mot que j'ai trouvés
dans les patois.
Papar, papa 'enfant', 'poupard' ^, s'emploie en Picardie,
dans la Flandre française, dans le Hainaut et dans tout
le pays wallon. G-randgagnage (wallon) et Forir (liégeois;
enregistrent aussi poupâ et le collectif poupadreie 'mar-
maille'. Dans le Saint-Polois on rencontre quelquefois la
forme abrégée par. Dans quelques parlers lorrains, on
trouve pupa (Deutsch Rumbach, St. Amé) et popà (Bel-
mont) signifiant 'enfant au maillot'. Au sens de 'pupille
de l'œil', le mot est bien plus répandu en lorrain. — Dans
le patois angevin, poupart signifie 'enfant joufflu, gros et
gras'; à Montourtier (Mayenne), pu2)a se dit aussi au sens
de 'adolescent'.
En provençal moderne, poupard (gasc. poupart) signifie
'gros nourrisson', 'enfant joufflu'; àini. poiif/ardoun. On le
trouve, à côté de nut/rigat, dans la carte nourrisson ri708)
de V Atlas linguistique.
32. Certains dérivés de ^piipp- ne se rencontrent que
dans le français de la Renaissance.
Poupin 'poupon' a été relevé par Godefroy dans un
^ Il resuite d'un exemple cité par Godefroy qiie Tanc. It. poupart
signifiait aussi 'membre viril'. (Cf. § 278).
- Il signifie aussi 'poupée', 'dessin' etc. (cf. le iv&n^.. bonhomme)^
et 'prunelle de l'œil' (cf. Zauner, BF. XIV, p. 3671.
— 51 —
poème du XVI'' siècle: <^Dont le petit poupin croissait . . .»
(Bonav. des Per., Recueil des œuvres, le Blason du Nom-
bril, p. 81,' éd. 1544) '. Le féminin poupine signifiait 'pou-
pée', mais se disait aussi d'une jeune fille comme terme
<ie tendresse: une belle poupine (Ronsard, Poésies VIII, 134)-
Dans le Moyen de parvenir (éd. de 1617, p. 127), Bé-
roalde de Verville emploie poupeau au sens de 'petit enfant' :
«petits poupaux de lait, je vous advertis que vielles folies devien-
nent sa(iesses-s> (d'après Godefroy). Il parait très vraisemblable
«jue c'est là un emploi métaphorique du mot poupeau 'bou-
ton du sein', dû à la ressemblance do ce mot avec poupon,
poupard, poupin, etc., et tout à fait conforme au style de cet
ouvrage, plein de plaisanteries frivoles. Si l'on en con-
naissait d'autres exemples, et de plus anciens, je serais
Toutefois porté à voir dans poupeau 'mamelon' et dans
poupeau 'enfant' deux mots différents: le diminutif de
poupe 'sein', et le diminutif de *pupp- 'enfant' ^.
Le français de cette époque possédait encore deux dimi-
nutifs hypocoristiques, formés à l'aide des suffixes composés
-elin, -elet. Poupelin, popelin 'petit enfant' se trouve dans plu-
.sieurs poèmes du XVI" et du XVIF siècles cités par
Godefroy. Cotgrave l'enregistre aussi. De poupelet 'petit
poupon', Godefroy ne cite qu'un seul exemple, où le mot
est usité comme terme de tendresse: «^ton petit poupelet
et ton petit dondon » (Les Amours de Tabarin et d'Isabelle, dans
les Oeuvres de Tabarin, Bibl. gaul.)
33. Dans Cotgrave nous trouvons deux dérivés de *pupp-
avec le double sens de 'petit enfant' et de 'poupée': pou-
' Le français moderne possède poupin avec le sens 'qui res-
semble à une poupée'.
' Godefroy cite un passage des Miracles de la Vierge par G. de
Ooincy, où poiiptllon (dans un autre manuscrit poupeillon) paraît sig-
nifier 'fou', 'insensé', 'enfantin' (et non 'petit enfant', comme le dit
(xodefroy). Ce mot est-il identique à l'anc. fr. poupillon 'bout du
sein'? Je ne le crois pas.
— 52 —
jiette «A little baby; puppet, bable»; poupée «A baby; a
puppet, or bable». Grodefroy a relevé poupette au sens de
'petite poupée' dans un texte de 1583. Le mot est resté
avec cette signification dans le parler dolois, mais il s'y
dit aussi, en mauvaise part, d'une petite fille. Ici le der-
nier sens est évidemment dérivé du premier par métaphore ;
mais que cela ait été aussi le cas en ancien français, je
n'oserais le dire. — Quant à poupée, on ne peut pas hé-
siter à considérer le sens de 'puppet or bable' comme le
sens primitif. On ne trouve pas ailleurs d'autres exemples
de poupée 'enfant'; en outre, les autres mots qui à ma
connaissance sont dérivés du radical *2mpp- à l'aide du
suffixe -ata, signifient tous 'poupée': anc. prov. popada,
prov. mod. poupado, parm. puà, nap. pupata, etc.
Ptipillus — pùpilla,
34. Le \at. pîtpillus — pupilla, dirainutit de pupus — pupa^
signifiait primitivement 'petit garçon', 'petite fille', mais on le
trouve souvent dans la littérature avec l'acception particulière
de 'pupille' = 'enfant mineur, orphelin de père et de mère ou
de l'un des deux, sous la conduite d'un tuteur'. Le fé-
minin avait en outre, de même que pupus, le sens de 'pu-
pille de l'œil'.
Dans le Corp. Gloss. Lat. II 227, 1, pupïllus — pupilla
(à côté de impuhes) sert à traduire àvrj^og] on y trouve
pupilla très souvent défini par uôgrj, quelquefois par ÔQ(paviî,
tandis que pupillus correspond toujours à ôgq)avôs, sauf
dans le cas cité précédemment.
35. Pupillus — pupilla a survécu avec son sens primitif
dans les dialectes lombards, en frioulan et dans le jargon
des gondoliers vénitiens.
A Bellinzone on trouve le féminin pôla 'ragazza' ^;
» Voyez Salvioni, EendlL, sér. II. XXXIX. p. 487.
— 5B —
en milanais pivcU—piveUn ' 'ragazzo', 'ragazza', avec le
diminutif invcUin —piiuMinna . De la vitalité du mot té-
moignent d'autres dérivés encore: pivcUott 'ragazzotto', pi-
vellarïn 'ragazzame', ^>«v^???«t?a 'ragazzata'. Monti n'enre-
gistre pour le comasque que le pluriel pivèi 'giovinetti'.
En bergamasque. le masculin xnèll - signifie 'fanciullo', 'ra-
gazzo', mais il a pris aussi les sens de 'semplicetto' ' et
fie 'frivolo'. 'leggero'. — Le frioulan possède aussi le iêisn-
nm: pivHl--pivcle 'fanciullo', 'fanciulla'. Dans le jargon des.
gondoliers vénitiens, pivèi signifie 'fanciulli', et spéciale-
ment 'figliuoli' (Boerio). Dans le môme jargon, pivela &
pris le sens généralisé de 'donna' '.
ï*upulus -piipula,
30. l*iipalas — pupula 'petit garçon', 'petite fille', se ren-
contre dans la littérature latine (Catulle, Sénèque, Apulée)
aussi bien que dans le Corp. Gloss. Lat. (II 393,4 jtâÀÀrj^
pupa pupidd) et sur des inscriptions (voyez Forcellini et
ALL, XIII, p. 160..
Ce mot ne semble exister aujourd'hui que dans le dia-
lecte de Modène: hùhel 'fautoccello'. 'bambolo' ".
Pusiis.
37. liC lat. pustis " 'petit garçon' se trouve chez Pom-
ponius Varr. : riatK rerr pitsns tu. tno nmica scncx (Forcel-
^ Cf. Salvioui. loc. cit.: dans sa Fonetica del dialetto viodern»
tiella città di Milano, il avait fait dériver pivèll du lat. puelJus.
^ Voici d'autres exemples de la chute du^ intervocalique en ber-
gamas(iue: pter, péer ^^- ita.\. pepe («clat. piper), pterU ^= ii&\. peperone.
» Cf. § 246.
* Cf. le logoud. pohidda 'padrona'. 'moglie'. 'madré', pohiddw
■padrone' l'voir Meyer-Liibke. Itom. etym. Wh. 0853).
» Cf. Flechia.\4(?/J, II. p. B2«.
" Suivant Bietz. Svevskt Dialektlexikon , pus, pys, qui dans cer-
tains dialectes suédois se dit pour 'petit garçon", vient du lat. pusus.
— 54 —
linil. Suivant M. Meyer-Liibke. Boni. etym. M^h. 6868, il
s'est conservé en napolitain: piise. Pourtant les diction-
naires de D'Ambra et de Puoti ne le mentionnent pas.
Putus—inita.
38. On ne connaît qu'un seul exemple de putus dans
le latin littéraire ^ Il se trouve dans le passage suivant
du Catalepton de Virgile (VU. 2):
Sci licct hoc smc fraude. Vari dulcissimc. dicam:
dispcream. nisi me 2)erdidit iste putus.
Sin autem praecepta vêtant me dicere, sane
non dicam. sed: me perdidit iste puer.
On voit que le poète désigne ici putus comme un mot
contraire aux «préceptes», ce qui paraît indiquer que le
mot appartenait à la langue du peuple. En réalité, tout
porte à croire que pntus a été. à l'époque de Virgile comme
aujourd'hui, un mot dialectal, originaire de la Vénétie et
de la Lombardie orientale. M. Pieri, dans son ouvrage
intitulé Gli omeotropi italiani ^. a émis l'hypothèse que Vir-
gile, le mantouan. aurait apporté le mot de son pays ^. Il
Je remets aux «nordistes» le soin de vérifier cette étymologie. qui me
paraît assez suspecte.
1 Dans le Corp. Gloss. Lat. Il 165, 45. imtus est traduit par
fiiKQÔc;, et ihid. 43 puti par fuuQÔi. — D'après Forcellini, puta a été
employé par Horace, Satirae III. 216: putam aut i^utillam appellat ;
mais les éditions modernes préfèrent la leçon: Mufam aut Futillam
appeîlet. (Voyez l'édition de F. Plessis et P. Lejay. Paris 1911).
' AGII, XV p. 185, note 1.
^ Dans son ouvrage intitulé Jugendverse und Heimatpoesie Ver-
gils, Erklàrung des Catalepton. Berlin 1910, p. 83 ss., M. Theodor
Birth propose de lire pothos (= nôûos) 'Sehnsucht', au lieu de putus.
En ce cas, le sens du troisième vers serait d'après lui: «Wenn aber
die Vorschriften es verbieten. griecliische Lehnwôrter zu verwenden,
so will ich mich anders ausdriicken». Si. par contre, on lit putus. le
sens du même passage serait, à son avis: «ich habe trochâisches ^m^ms
soeben gegen die Vorschrift als lambus .gemessen . . .» Évidemment,
— 56 —
croit aussi que plus tard, à l'époque de la Renaissance,
1(^ mot est venu de la Vénétie en Toscane *.
39. Dans la rédaction vénitienne du. Tristan (vers l'an
1300), M. Vidossich a relevé puUo ^ deux fois au sens de
'fanciuUo'. Dans l'ancien vicentin Bortolan a signalé puto
—puta 'fanciullo', 'fanciulla'. Mussafia ^ a trouvé dans un
glossaire haut-italien du XV** siècle les expressions ata-
senta el puto «gesweig das kint», bertona quel puto «berto-
nir das kint», ce qui veut dire probablement: «^schneide kurz
die Haare des Kindes». Dans le glossaire latin-bergamasque
(XV® siècle) puer est expliqué par ol put (Lorck, p. 96)
et par el puto da ocinqo anni {ibid., p. 162); puella ^ar puta
iibid.. p. 96) *.
40. Nous venons de voir que les anciens dialectes
vénitiens et lombards avaient conservé le sens primitif
àe ptitu^, celui de 'petit enfant'. Aujourd'hui cette signi-
iication a disparu presque partout. — Par la suite, le sens
s'est généralisé : le mot s'est employé pour désigner un
jeune homme, et de ce sens on a tiré celui de 'célibataire' ^,
l'idée ne lui est pas venue que putus pourrait <'tre un mot populaire
et. dialectal, apporté par le poète de son pays natal et que les prae-
cepta ne lui ont pas permis d'employer dans un poème.
* Par conséquent il combat l'hypothèse, émise entre autres par
Grôber ALL, IV, p. 454, d'après laquelle l'ital-jOtt^io, qui apparaît à l'épo-
(jue de la Renaissance, serait un mot savant, emprunté du putus virgilien.
^I nostri autori del Einascimento come mai avrebbero avuto, non dico
la meravigliosa virtù, ma pur l'intenzione di far risorgere il povero
âJta^ ?^yàjiievov de Virgile?» s'écrie-t-il.
- Un bon nombre des formes romanes semblent réclamer *puttus
— *putta. Cf. Uiez. Etym. Wôrterb. der roman. Spr. p. 259, et Meyer-
J.ûbke, Rom. etym. Wh. 0890.
' Beitrug sur Kumie der vorditalienischen Mundarten im XV.
.lahrhundert, pp. 130. 133.
* Le même glossaire traduit pueritia par la edad de'l put, mais
infantia par la edad de'l fanti, co qui semble indiquer que put ser-
vait à désigner un enfant plus âgé. fanti un enfant plus jeune.
*' Cf. ci-dessus. § 15.
— 66 —
qui est aujourd'hui le sens^le plus commun du mot en véni-
tien, en lombard et en émilien. Parfois il se dit pourtant
aujourd'hui encore pour 'giovane'. Tel. est le cas en vé-
nitien, ou, du moins, tel était le cas au temps de Boerio
(1829) ^. Comme dénomination des petits enfants, puto a
été remplacé dans ce dialecte par putin et par putelo. Le
premier sert à désigner les enfants de moins de sept ans,
le dernier les enfants un peu plus âgés (cf. § 41). — Dans
les parlers de Rovereto, de Trente, de Mantoue et de
Parme, put ^ présente également le sens de 'jeune homme'
à côté de celui de 'célibataire'; au sens de 'enfant', putel
l'a remplacé. Pellizzari (1769) donne au brescian put la
signification de 'giovane' ; mais Melchiori (1817) relève ^œ^
avec le sens ancien de 'putto', c.-à-d. 'petit enfant'. On
trouve en outre pot à Valle Gandino (Tiraboschi), put à
Côme et dans la Valtelline (Monti) avec cette même signi-
fication '*.
Le féminin puta {putta, bergam. j;tito) offre un déve-
loppement sémantique analogue à celui du masculin: en
vénitien, en lombard* et en émilien, il signifie 'jeune fille
nubile', et puis 'femme non mariée d'un âge quelconque' ".
Le toscan jjw#0 " a conservé le sens de 'jeune enfant'.
IjOs plus anciens exemples se trouvent chez Giambullari,
poète florentin du XV** siècle. Petrôcchi désigne putto
' Puto peut désigner aussi un commis, un garçon de boutique:
puto de hotega. On dit de même: sbvene de hotega.
- Cherubini (mant.) et Peschieri (parm.) écrivent pntt.
* Le valtell. put signifie aussi 'figlio'.
* D'après M. Longa, Monti s'est trompé en donnant puta comme
un terme de Borraio.
" Dans le sens de 'vieille fille', puta est généralement suivi d'un
(jualificatif: tviest. puta vecia; vén., vér., hresc. puta fatta; -paxm. putta
terzana; mirand. puta varnisza, etc.
" Dans son Dictionnaire franco-normand ou Recueil des mots
particuliers au dialecte de Guernesey, Métivier a un article ainsi
conçu: «Pouteau ou pouto, s. m. Petit enfant, bambin. — It. putto.
En néo-latin le sens de putus, comme esp. et prov. puto^ v. fr. put.
est obscène.
— 67 -
comme terme littéraire. Depuis la Renaissance, ce mot
s'emploie de préférence comme terme technique pour dé"
signer un bambin peint ou sculpté. — Le cors, ji'fttu 'bam-
bino' ])<iraît être venu de la Toscane ^
41, Parmi les dérivés, ceux en -pUh ot on -in» sont
1<'S plus fréquents.
-ellu: triest., vén., vic.^w^do; vér., rover., trent., raant.
ptitel: bresc. pntèl (Pellizzari), ou pœtd (Melchiori); bergam.
piitèl -. Ces mots signifient aujourd'hui 'fanciullo'. 'ragazzo' ^.
Bortolan a relevé le sens ancien diminutif de 'bambino',
'fanciuUino' dans les poésies en patois padouan de Ma-
gagno (1660), sens (ju'on trouve aussi en triestin à côté
Coumme Salomon savait qiri n"*'tait qu'un pouteart. i n'demàndit
à rÉternel ni richesse, ni hounneur. ni, bien mains, tnie longue vie.
mais la sagesse pour discernaïr entre l'bien et Fmal.
Onde Salomone. conosiendo d'esser putto non domandô al Signor
Iddio richezza, overo honore, ne meno de vivere longamente. ma sapi-
enza per discernere i giudici.
Discorsi sopra Corn. Tacit. âel Conte Virgilio Melvezzi. Venet.
16-22, p. 154.
Ego autem suin puer parvîduf.
1. Kois iii. 7. >
Le premier passage est, semble-c-il. une traduction du second, et,
en ce cas, pouteau ne serait, en effet, pas autre chose (jue l'italien
putto. accentiié et orthographié à la française.
' Pour Fesp. puto giton'. 'mignon', anc. ital. putta, esp. ptita.
port, putta, ital. puttana. franc, putain, voyez Meyer-Liibke. Uom.
etym. Wb. 6890. — Suivant Du Cange, l'anc. fr. pute s'est employé
foxiT puella dans le Boman de Robert-le-Diable:
«-Et li .-^enescaus pour ytant
A dit (ju'il le fera dolant
De la Pute qu'il n'a mie».
Ce passage se trouve dans le ms. H (Fr. 24405 1; voir l'édition
de Loseth, p. 67. D'après M. Loseth. pute signifie ici 'sale', 'odieux',
'détestable'.
■^ Monti donne putêî —putêla fanciullino'. fanciullina' comme des
termes de liormio. mais suivant M. Longa. ces mots n'y sont pas usités.
* Voici la définition plus précise de Boerio: Fanciullo d'età tra
rinfanzia e l'adolescenza».
— 58 —
de ceux de 'fanciullo' et de 'figlio'. D'après Angeli, le
mot a pris en véronais l'acception particulière de 'fanciullo
scriato'. Le vénitien possède les diminutifs putelïn, pute-
leto (celui-ci se rencontre aussi en ancien Yicentm), putilut
(Portogruaro) \ Cherubini signale en mantouan un dimi-
nutif à trois suffixes: putlottel, qu'il définit par 'ragazzet-
tucciaccio'(!). Le féminin putela aussi a le plus souvent
perdu le sens diminutif; il sert à désigner une jeune fille
nubile (cf. puta). Le triestin a généralisé le sens encore
davantage; putela y signifie 'femmina' en général, et, plus
particulièrement, 'amante', 'fidanzata', 'sposa'. Cependant,
il se dit aussi d'une petite fille, et M. Gartner l'a relevé
dans ce sens à Portogruaro. Tiraboschi ne donne que cette
dernière signification au bergam. pôtela. Le vénitien et
le mantouan se servent du diminutif ^w^eZe^to (ou putletta)
dans le même sens.
Le toscan possède la forme puttcllo 'petit enfant' (Fan-
fani, Vocaholario délia pronunsia toscana). Tommaseo l'a re-
levé chez Niccolô Forteguèrri, natif de Pistoie (1674 — 1735) ^.
-inii. Contrairement à putel(o) -putela, les dérivés en
-Inu ont conservé le sens diminutif et signifient partout
'petit enfant', 'garçonnet', 'fillette'. La diffusion du mot
est à peu près la même que celle de putel[o) — putela ; ce-
pendant putino — putina ne se trouve pas à Trieste, où
putelo —putela sert à désigner aussi les bambms ; pas non plus
à Trente ^. D'un autre côté, le dérivé en -in, -ina se rencontre
plus au sud que celui en -el, -ela; nous le trouvons au-
delà du Pô: à Mirandole, Parme et Bologne. — Dans la
^ Voir Gartner, Handbuch der ràtoroman. Sprache und Litera-
tur. p. 254.
2 En italien moderne, puttello est un terme technique des for-
gerons qui signifie 'il ragazzo che aiuta il lavorante' (Petrôcchi).
^ Pour le véronais. Angeli ne donne que le féminin au sens de
'bambola'; et on sait que ce mot italien peut signifier ou 'fillette'-
ou 'poupée'.
— 69 —
Valtelline, le diininntif putïn 'fanciullino' existe à côté de
put 'fanciullo'.
-eolu, Ija Valtelline possède en outre la forme pii-
toèu 'puttino'.
-attu, ^ Dans le vicentin du XVI® siècle, Bortolan
signale putatto — putatta 'giovinotto', 'fanciulla'; et le dimi-
nutif putattello 'giovinetto'.
-aceu. Ce suffixe ne se trouve que dans le vén.
puttaszô — putazza 'cittone', 'fanciullaccio'; 'cittona', 'fan-
ciuUona'; et dans un diminutif du bergamasque: p'ottazzol
'giovinetto' (Tiraboschi), qui ne paraît pas avoir le sens aug-
mentatif ou péjoratif des formes vénitiennes.
-oceu. Patozz ^ — patozza s'emploie dans la campagne
bolonaise au sens de «fanciullo, bambino, e per lo più
grasso e grosso» (Ferrari),
B. Expressions latines pour rendre les idées
de «jeune homme», «jeune femme».
tTuvenis,
42. Le latin juvenis 'jeune'; 'jeune homme', 'jeune
femme', signifiait proprement, d'après Forcellini, 'celui qui
se trouve entre l'adolescence et l'âge viril'; mais on ne
distinguait pas très nettement ce mot d'avec adolescens ^.
Juvenis s'est maintenu dans toutes les langues roma-
nes; et presque partout il s'emploie, comme en latin, tant
comme substantif que comme adjectif.
43. Dans la langue littéraire roumaine d'aujourd'hui,
on trouve quelquefois ^Mwe au sens de 'jeune' (cf. tînnr § 75).
Dans la vieille littérature roumaine, il s'employait aussi
comme substantif au sens de 'jeune homme (non marié)',
1 Cf. § 8.
' TJngarelIi écrit patôz. — Sur le changement de u atone en fl.
voyez Gaudenzi. 1 suoni, le forme e le parole dell'odierno dialetto di
Bologna, Torino 1889, p. 25.
* Cf. Forcellini, à l'art. Aetas, Nota I.
— 60 —
signification que connaissent encore aujonrcrhui les idiomes
transylvaniens et macédoniens (Tiktin) ^ Le fêmimn jûna
se dit quelquefois pour 'jeune fille': 0 prm friummca juna
(Pann, Povestea Vorbci. Bucur. 1852 — 53; d'après Tiktin).
44. De même que juvenis; l'ital. i/iovanr. f/iovine ^
signifie 'jeune', ou 'jeune homme' '. 'jeune femme'. On en
a tiré le diiainutii giovaneUo — f/iovanetta {giovinetto — giovinetta)
^jeune garçon', 'jeune fille', et le sous-diminutif giovanet-
tino — giovanettina. L'ancien italien connaissait encore gio-
venello {giovinello) — giovenella. GiovinccUo (anciennement
giovanzello ou giovenscllo) est un terme littéraire (}ui ne se
dit que par plaisanterie iPetrôcchi).
Le dérivé giovanoUo {giovinotto) s'emploie en général
avec le sens augmentatif qu'indique son suffixe: 'garçon
vigoureux'. On en a tiré le diminutif caressant giovanottino.
En toscan, le sens augmentatif concerne aussi l'âge *. —
Ce dérivé a pris encore le seiis de 'célibataire' ". Dans
d'autres mots aussi, tm suffixe augmentatif sert souvent
à rendre la même idée; cf. puUellona, .zitrllonn. etc.
45. Giovanr se retrouve dans la plupart des dialec-
tes italiens avec le sens de 'jeune homme', 'jeune fille' ^:
* Le megîen. suni signifie en outre 'héros', 'vaillant' (Puscariu .
- Cette forme ne s'emploie ({ii'au singulier.
^ Comme beaucoup d'autres mots signifiant 'jeune homme", gio-
vane peut aussi désigner un serviteur ou un employé subalterne:
giovane di banco, di hottega, etc. — Cf. le lat. junior, qui s"est con-
servé dans les langues romanes avec le sens exchisif de 'valet', 'ap-
prenti', 'ouvrier', etc. Voyez A. Thomas, Nouveaux essais de philologie
française, pp. 288, 289.
* Voici ce qu'en dit Fanfani dans son Vocabolario delVuso toscano:
«.Giovannbtto dicesi nelFuso commune ad un giovane ora mai uscito
di pupille e che va già faori da se, senza il babbo e senza il pedagogo.
* En ancien italien, le simple giovane pouvait s'employer avec
la même signification (Tommaseo).
" Quant à l'évolution du j initial, voir Meyer-Liibke. Gramni.
des langues rom., I, § 407.
— 61 —
cors., sard. giovann — giovana (campid. yiovmm): sic. gin-
vint (s. m.); abr. giotmic (s. f.); sienn. giovano — giovana;
géii. £!ovniO] monf. znvo] Realdo (}JHV0 ^—gjuvma] piém. gio-
vo'^ — giotma; tess. jùn—jôna\ borm. gôen — .r/oma, Livigno
zon (Longa); com., mil., ouest-émil. giovcn — giovcna (gio-
van — giovana)] est-émil. sovan {jzoven) — zovna; bergam., bresc.
eticn zucna (zovna, znvna, zimma) ; vén. zovcne {zoven) ;
triest. giovinc] istr. éûvano (s. m., Dignano), éûvono (s. m.,
Gallesano), éôvina (s. f., Sissano), gûvine (s. f., Fasana). ^ —
Le napolitain, qui, d'après le dictionnaire de D' Ambra,
n'emploie pas le mot simple, l'a remplacé par le dimi-
nutif giovcniello — giovrnicUa 'giovanottino', 'giovanotta'. —
Quelques dialectes du Nord possèdent des diminutifs en
-inu: borm. goenin; liv. éonîii; romagn. zuvncn — ztwnena.
D'autres parlers ont formé des diminutifs à l'aide du suf-
fixe -ittu : gén. zovenetto ; mil. giovcnctt — giovenetta (sous-dimi-
nutif: gioveneUin)] bergam., bresc. zucnèt, zuniPÛ] bol. zur-
nêt*; vén. zovenetto — zovenetta.
Les anciens dialectes de Trévise et de Vicence connais-
saient un dérivé en -attu: trév. zouenat 'giovinotto' ^, vie.
eovenata 'giovinetta' (Bortolan), qui se retrouve aussi en
1 ('f. prov. jove.
• Cf. (jivvv, 'giovine' dans les parlers gallo-italiens de la Sicile
(voir AGlï. VIII. p. 4U).
" Prescjue toutes ces formes s'emploient, comme Pital. giovane.
également an sens de 'commis', 'garyon de boutique', etc.; et souvent.
eomme lïtal. giovanotto, ils signifient en outre: 'célibataire', 'garçon'
on 'vieux garçon'. Dans le parler de Teramo, c'est là le sens uni-
que de 'ggiôvene. Par-ci par-là. le mot peut signifier encore 'fiancé',
'amoureux'. Ainsi, le cors, giovana (ou giovanuta) veut dire 'amou-
reuse' (voir V Atlas linguistique)] et dans le dialecte franco-proven-
çal qui se parle dans les deux villages Faeto et Celle, dans l'Italie
méridionale, lu ^nvene se dit pour 'il fidanzato'. (Voyez le dialogue
de deux paysans de Faeto. cité par Morosi, AGlI. XII, p. 73).
* Suivant Coronedi Berti. le bol. zom'en ne s'emploie que comme
•djectif.
' Voyez Salvioni. AGlI. XVI, p. 331. — En publiant les textes
d'où il a tiré cette forme tibid.. p. 69 ss.), M. Salvioni les avait
désignés comme provenant de Bellune, mais dans les Illustrazioni
5
— 62 —
frioulan (voir ci-dessous). — Des dérivés formés avec lo
suffixe -ottu se rencontrent dans bien des dialectes du Nord
avec les mêmes significations que celles de V iioX. giovanoUo^i
mais le sic. giiwinoUu a un sens diminutif et correspond
à l'ital. giovinctto. On en a tiré le sous-diminutif giuvinu-
teddu 'giovanottino'.
46. La langue de l'île de Veglia, dans le golfe
d'Istrie, langue morte aujourd'hui ^, possédait les formes
jaun (gun, guah) 'giovane', jauna {zoena, suovcna) 'ra-
gazza' ^
47. Tous les idiomes rhéto-romans possèdent des
représentants de juvcnis, qui en ont tous conservé le double
emploi. Le frioulan a sovin — sovine^, d'où les dérivés
20venatt— zovinate, zovcnott — sovinote^ sovenutt — zovimite^ zo-
venett, sovenon (Pirona). — En Tyrol, on trouve au Gader-
tal jôn—jôna, à Greden zoun — êouna, à Livinallongo
joven. A Ampezzo on rencontre la forme frioulane zovin ^.
— Le parler de l'Engadine a giuven — giuvna (bas-engad.
juven—juvna), dim. giuvnet—giuimefta.
48. L'anc. fr. juevne {jocvne, joigne) ne s'employait
pas seulement comme adjectif, mais aussi comme substan-
tif au sens de 'jeune homme', ou 'maître garçon d'un
sistematiche qu'il y a ajoutées (ibid., p. 245 ss.~) il se dit obligé,
pour des raisons différentes, de considérer ces textes comme prove-
nant de Trévise.
^ J'ai noté les formes suivantes: gén. zovenotto; monf. zuvnott;
piém. giovnot — giovnota; mil. giovenott — giovenotta ; borm. yojnôta;
bergam.. bresc. zuenott ; bol., romagn. zuvnott.
' Le dernier habitant de l'ile qui parlât cette langue, est mort
par accident, à l'âge de- 77 ans, en 1898.
' Les annotations de Cubtch (voir Bartoli, Das Dalmatische, II,
107, 124) prouvent que ce mot a été employé substantivement.
* Le z pour j s'explique par influencé vénitienne; voir Meyer-
Lûbke, Gramm. des langues rom. I, § 407.
6 Cf. du reste Ettmayer, BF, XIII, p. 583.
— 63 —
boulanger ou d'un meunier' (Godefroy) ^ En français
moderne, jeune a perdu son caractère de substantif, et l'on
sai^ qu'il faut exprimer les idées ([ue représentait le sub-
stantif Juvenis par jeune homme, jeune fille^ jeune ixrxonne,
jntne femme ^.
49. En ancien provençal, jove et joine étaient à la
fois des substantifs et des adjectifs ^. Dans le proven-
çal d'aujourd'hui, jouine est exclusivement adjectif, mais
joiive ^ — joitro a conservé le double emploi et peut signi-
fier aussi 'jeune homme', 'jeune femme', d'où on a dérivé
le sens particulier de 'amant', 'amante', Jouve s'em-
ploie tpiehpiofois comme synonyme de nbvi 'nouveau marié',
'jeune époux'. Le diminutif jouvenèl —jouvenello (lang.,
gasc. jouhenèl—joubenello) signifie 'adolescent', 'adoles-
cente'. A l'expression fi'ançaise jeune homme correspond
en provençal jouvenome °, qui a en outre l'acception spé-
ciale do 'célibataire' ".
Le béarn. yaubèle, qui se dit à Orthez pour 'jeune
fille', 'jouvencelle' (Lespy et Raymond), semble indiquer
que le béarnais a possédé autrefois une forme correspon-
dant au gascon joube. Mais, à en juger d'après le dic-
* Cf. le franc, mod.- gindre {<CJimior) 'premier ouvrier d'un bou-
langer'. — Le diminutif joignetel signifiait 'petit jeune homme'.
* Il ya. sans dire que l'emploi siibstantif de jeune au pluriel: les
jeunes 'les hommes peu avancés en âge' (Littré). qui se rencontre dans
la langue littéraire, est un cas de création romane, de même que
le mot jeune qui se dit pour 'jeune homme' dans la Suisse romande
(voir § 269).
* Jove home ne servait qu'à désigner un ouvrier ou commis.
* Voici les formes qu'enregistre Mistral: jouve, joue (niç.), joube
(lang., gasc), jôubi (auv.), jougue (rouerg.), joues (Ariège). La carte
022 de V Atlas lingtiistique indique au point 898 (dép. des Alpes-Mari-
times) âjuve pour 'garçon'.
* Aux bords du Rhône; juvenome; à Nice: jOMtnotne; en Dau-
phiné: juinome ; . en Gascogne: junotne (Mistral).
* Cf. le suédois ungkarl.
— 64 -
tionnaire de Lespy et Raymond, ce dialecte n'emploie
aujourd'hui, au sens de 'jeune', que la forme yoen onjoen ^
50. Le cat. jove — jova, ainsi que esp., port, jovcn, a
le même double emploi que juvenis. Suivant Vicente
. Salvâ, joven est une expression de «bon ton». Dans le
parler du peuple, mozo est plus usité. Le catalan a formé
le diminutif jovenct, correspondant à l'esp. jovenete. En
espagnol, nous avons en outre: jovensuelo, jovencico — jovencica.
jovencïllo — jovencilla, jovmcito — jovencîta.
Jiivenalis.
51. Deux dérivés latins de juvenis: juvenalis et juven-
cus, ont servi aussi, dans les langues romanes, à désigner
un jeune homme ou une jeune femme.
Dans la Haute-Engadine, juvenales a donné giuvnos
'jeunes gens' ^, mot vieilli "'', dont le singulier a cessé d'être
en usage de très bonne heure. M. Gartner * a relevé
giuvnals 'junge Leute' dans la langue littéraire de l'Ober-
land ^. M. Pallioppi enregistre aussi le singulier giuvno
'Jûngling', qui doit avoir été formé sur le pluriel.
tTuvencus,
52. Le sens propre du lat. jiwencus est 'jeune'. Pline
l'emploie avec ce sens en parlant de poules (X, 53), et
Lucrèce l'applique à des chevaux (V, 1074) ^. Il s'em-
1 Dans le béarnais, y se substitue souvent au j et au g (voir
Lespy et Raymond, op. cit., p. 392).
* M. Pallioppi en cite un exemple tiré des Volkslieder des Enga-
din, publiés par A. v. Flugi 1873.
* <Questa voce non appartiene più alla lingua parlata, ma essji
s'incontra ancora negli scritti di G. Mathis.> (E. Walberg, op. cit..
]>. 48, n. 3.)
* Handhuch der ràtoromanischen Sprache und Literatur, p. XXIV.
^ M. Walberg, îoc. cit., signale dans le dialecte oberlandais jMt'-
nals 'apostoli', en renvoyant à AGII, I. p. 12, note 2.
" D'après Klotz, Handwôrterbuch der lateinischen Sprache.
— 66 —
ployait plus souvent, il est vrai, comme substantif au sens
de 'jeune taureau'. Je crois cependant, et j'en donnerai
plus loin les raisons, (jue c'est de juvencus 'jeune', qu'il
faut tirer le béarnais ifonme — f/ouenco 'jouvenceau', 'jou-
vencelle'; 'adolescent', 'adolescente', qu'enregistre Mistral
à l'article jouvenccu. mais qui a échappé à Lespy et Ray-
mond.
*JuvenceJlu8,
53. Le diminutif du latin vulgaire *juvencellus—*ju-
vencella ^ est la base des formations suivantes. L'anc. vén.
çovcncdo 'jeune', 'jeune femme' se trouve quatre fois dans
la rédaction vénitienne de Pamphilc '. Dans l'un, au moins,
de ces cas (au vers 403) l'emploi substantif est hors de
doute. L'anc. ital. (jiovincrllo 'giovanetto', est attesté par
Tommaseo e Bellini. D'après M. Pallioppi, le bas-engadinois
possède juventschcl — juventschella 'Jiingling', 'Jungfrau';
pour le haut-engadinois il n'enregistre que le féminin giu-
vintschdla, qu'il a relevé dans un passage de la Bible:
Allura saro il reyinam dcl tschél .sumfjiaunt a desch giuvint-
Hchellas (Math. XV, 1). — L'ancien français connaissait jo-
venccl '^—jovencdle 'adolescent', 'adolescente'. Aujourd'hui,
jouvenceau— jouvencelle ne se dit plus que par plaisan-
terie, ou dans le style marotique. En provençal et en
catalan, le mot a persisté dans le sens ancien: anc. prov,
jovencel—jovencella; prov. mod. jouvencèu (jonvcncel) — jouven-
ecllo*': ca,t. jovenccl—joveneeln 'adolescent', 'adolescente'.
54, M. Meyer-Lûbke fait remonter le iraiK}. jouvenceau,
* La forme juvencella a été relevée j)ar Du Cange dans un do-
cument bas-latin de 1403: Item dicti consules fuerunt invîtati ad
nuptias Antonii Cayroli, qui nubiit in uxorem quandam Juvencellani
de S. Egidio. (Comput. anno 1423. inter Probat. tom. 3. Hist. Nem.
pag. 176. col. 1.)
=î Voir AGII. X, p. 253.
" On trouve aussi jovenencel (Godefroy).
* Gasc. joubenceu—joubenceUo; aveyr. Joubencel.
— 66 —
prov. jouvencel, à *juvencelliis au sens de 'junges Rind.' ^
Qii'il ait existé en latin vulgaire un juvencellus avec cette
signification, c'est ce que montre le comtois jouvence ou
djeveneé 'bouvillon' ^, mais cela ne prouve pas qu'il faille
en tirer également jouvenceau et jovencel. Aussi. M. Meyer-
Lûbke admet-il qu'on peut rattacher ces expressions à
juvenis; cependant, il renvoie au "valais hwata 'jeune fille'
(<:*bomtta) et au franco-prov. &o^?i 'jeune fille' (<; &oc«?a)'\
qui présentent un développement sémantique analogue à
celui de juvencellus ('jeune taureau') z> jouvenceau, et il
préfère les expliquer par une métaphore du même genre.
S'il en est ainsi, il faut aussi considérer le béarnais ijouene
■ — youvenco, dont nous venons de parler, comme provenant
de juvencus 'bouvillon', juvenca 'génisse'. Quelqu'un citera
peut-être, à l'appui de cette hypothèse, un passage d'Ho-
race * où le poète emploie l'expression tua juvenca pour tua
puella; mais, comme l'a fait remarquer avec raison N. de
Puitspelu ", c'est là une figure de lettré — d'ailleurs em-
pruntée à Anacréon, et dont Horace a fait encore usage dans
Carmina III, 1, où il parle de Lpde . . . quae velut latis equa
trima camjns liidit. Ovide aussi emploie juvenca en parlant
d'une jeune fille ^. Mais l'existence de ces métaphores
dans le style des poètes de la période>impériale ne prouve
rien quant à un emploi pareil dans le langage du peuple.
Il paraît plus vraisemblable que le latin vulgaire, en appli-
quant l'adjectif juvrneus, tantôt à un homme, tantôt à une
bête, en a formé deux substantifs à sens àiîférents: juven-
cus = 'jeune homme' (d'où le béarnais i/ouenc), et juvencus
= 'jeune taureau'. Evidemment, le diminutif juvencMÏus a
* Rom. etyin. Wijrterb. 4GiO.
2 Voir A. Thomas, Nouveaux essais âe philologie française, p. 287.
' Voir § 831.
* Carmina II. 5.
^ Voir Dictionnaire étypiologique lyonnais, à l'art, bolli.
" Epist. Heroidum V. 117. — Il est douteux qu'il faille voir une méta-
phore dans le juvenci qui se trouve chez Horace dans Carmina II. 8.
— 67 —
en aussi ces deux acceptions. Juvcnculus — jiwencula se
trouve souvent chez les écrivains ecclésiastiques au sens
<le pncr—pncUa, et l'existence de juvcncidus = 'bouvillon'
en latiu vulgaire semble résulter de cette remarque de
YAppindiv Prohi : jtirruciis non jnvniclus] elle est aussi
attestée par le maintien du mot dans le patois du Poitou,
où joinclc (joitinclr, jonclr ou junquc) signifie 'veau de deux
ans que l'on commence à mettre au joug' ^
Il est donc très probable qu'il en a été de même de
juvenccUns: dans le sens de 'jeune taureau', il aura donné
le comtois jonvcncr ou (fjawncé, et dans le sens de 'adole-
scent', il sera devenu le prov. jovencel. franc, jouvenceau.
etc., qui présentent dès l'origine, comme le fait remarquer
]M. Thomas, le sens exclusif de 'jeune homme'.
*Juventosus,
55. Ajoutons ici le mot jofnctus qui se trouve dans le
Fetit Flrf de Chardry (XIII® siècle), v. 10, au sens de 'jeune
homme' ^: il représente un type *jnventosu,s ^
Adolescens *.
50, • Le lat. adolescens (proprement 'celui qui grandit')
'jeune', 'jeune garçon', et plus rarement, 'jeune fille', a passé
du latin écrit dans la plupart des langues romanes. On
le trouve en italien, en français (le provençal moderne l'a
emprunté au français), et dans les langues de la péninsule
ibérique: ital. adolescente; franc, adolescent — adolescente'^] prov.
adouleseènt — adonlescènfo: cat. adolescent, esp., iport. adolescente.
1 Voyez A. Thomas. îoc. cit.
- ^i fu Vestrif mut delitus
Del ceiUart e del jofnetus. —
Le ms. d'Oxford a jeotnetus. le ms. du Vatican: juventus.
* Cf. Chardrys Josaphu^. Set Dormanz imd Petit Plef. p. p.
J. Koch. Heilbronn 1879. p. 203.
* Je me permets de ranger ici adolescens et virgo, bien qu'ils
n'appartiennent pas à la tradition latine, au sens propre de ce terme.
'^ Le féminin ne s'emploie que rarement.
— 68 —
Les exemples les plus anciens qu'en cite Tommaseo, datent
du XIII® siècle; en français, on trouve le mot dès le XV*
siècle. Aujourd'hui, le franc, adolescent n'est plus guère
usité en prose qu'ironiquement {Dictionnaire général) ^
Virgo,
57. Par virgo le latin classique désignait le plus
souvent une vierge, mais le mot se disait aussi de jeunes
femmes en général, même de celles qui avaient perdu
leur virginité ^. — <Le christianisme fit de virgo une sorte de
nom propre (|ui ne fut en usage que dans ]a langue ec-
clésiastique; on avait d'autres termes pour rendre la même
idée» ^. De la langue de l'église, virgo a pénétré dans
toutes les langues romanes, en conservant toujours l'accep-
tion restreinte que les écrivains chrétiens lui avaient donnée;
il se dit partout de la mère de Dieu, mais souvent il signifie
aussi 'vierge' en général: vegl. vérgina; ital. vcrginc^: tyr.
vergin: engad. vergina°: anc. fr. virgene; franc, et prov.
mod. vierge "; anc. prov., cat. verge; esp. virgen: port, virgem ''.
' La dégradation sémantique des mots savants est un phénomène
assez commun. Voyez Darmesteter, La Vie des mots, p. 105 ss.; Ja-
berg, Péjorative Bedeutungsentwicklnng im Fransôsischen {ZRPh,XXlK,
p. 61).
' Virgile l'emploie en parlant de Pasiphaé et de Penthésilée^
Ovide appelle ainsi Médée.
» Meyer-Liibke, Grammaire des langues romanes I. § 11.
* Cf. Meyer-Liibke, loc. cit.
^ Dans le supplément du dictionnaire de Carisch, Pallioppi a
relevé la forme verna, on il voit une graphie erronée pour vergna=^
ital. vergine.
" On sait que vierge s'emploie aussi comme adjectif, en parlant
d'un homme aussi bien que d'une femme.
' Le diminutif *OTV^MZa a donné le roum. vargura 'mère de Dieu'.
— L'albanais offre les formes virgjinna, virgjinésha (Weigand), ver-
gerese (Meyer) 'Jungfrau, ledige Person'. Vergeri, que M. Puscariu men-
tionne au sens de 'Jungfrau', signifie, d'après Meyer, 'Jungfrauschaft',
'Keuschheit'.
IL TRADITION IMPROPRE.
A. Mots signifiant primitivennent: «le fœtus»»
«ce qui est engendré».
58. Plusieurs mots latins qui signifiaient primitive-
ment 'le fœtus', 'ce qui est engendré', apparaissent dans
les langues romanes avec le sens de 'enfant' \ L'un do
ces mots, fctns^ présente cette signification déjà en latin
littéraire. Quant aux autres, le sens qu'ils avaient en latin
écrit indique que ce développement sémantique venait
seulement à cette époque de commencer. En ce qui con-
cerne crcatnro^ il est possible qu'il n'ait pris le sens de
'enfant' que dans la période romane, puis(j[ue les accep-
tions ([ui ont dû précéder celle-ci, savoir celles de 'ce
(pi est créé (ou engendré)' et de 'fœtus', se sont conservées
dans la plupart des langues romanes ^; mais à cause de
son développement analogue, je préfère le ranger dans ce
groupe.
' Les langues germaniques nous fournissent l'exemple d'un dé-
veloppement tout à fait analogue. Le suédois harn 'enfant' (= dan.,
anc. nor.. goth.. anc. sax., anc. haut-allem. harn. anglo-sax. bearn). qui
désigne aussi bien l'âge que le rapport de parenté, était originaire-
ment un participe passé du verbe hœre et signifiait 'ce qui a été en-
fanté". (Voir Falk und Torp. Norwegisch-dànisches etymologisches
Wurterbueh, à l'art, harn.) — Cf. aussi le lat. nati > 'filiV > 'pueri'
(voir Funck. op. cit., p. 85 s.).
* Les monuments connus de la langue de Veglia ne présentent
le mot cratoire qu'avec le sens de 'enfant'; mais, vu l'état fragmentaire
— 70 —
Fétus.
59. Le latin fdiis, appliqué d'abord aux fœtus des ani-
maux, avait pris aussi le sens de 'petit d'un animal'.
Appliqué à l'enfant dans le sein de sa mère, il s'était gé-
néralisé et pouvait parfois désigner également l'enfant
nouveau-né. Cela ressort des exemples que voici: sexu^
sequioris cdcrc f<inm (Apulée): pim^ matrona dahit (Tibulle);
ne nobis scripta famquam récentes fétus ^ hlandiantur (Quin-
tilien) ^. Le Corj). Gloss. Lat. définit fétus par natum (II,
579, 56) et par infrois (IV, 344, ô). On l'y trouve aussi au
sens collectif, par exemple IV, 442, 20: fétus natosvelplu-
res fiUos.
60. Nous retrouvons fétus en ancien roumain sous la
forme de fat (macédo-roum. f/fii: istro-i'oum. fef) 'garçon':
*fils'; aujourd'hui il s'emploie seulement dans les expressions
fâtul mien 'mon garçon', 'mon fils'^. fctii niiri 'mes garçons'.
La langue populaire moderne a remplacé fdt par feciôr (ma-
cédo-roum., megl. l'ttsor. i>iro-r(»um. ftsor, ■<.''' ft loi us) 'gar-
çon', 'adolescent', 'jeune homme'. Dans la vieille littéra-
ture roumaine, fecior signifiait 'enfant' (par rapport aux
parents), ou 'fils': cet emploi ^'e.si maintenu dans la langue
populaire. * Diminutifs: feciords^ feciorêl. fecior lit 'petit gar-
çon'; augmentatif: feciordndru. 'grand garçon".
Contrairement à fut. le féminin fâta (macédo-roum.
de ces sources, on n'ose pas conclure que le sens primitif ait été in-
connu dans cet idiome.
' «Comme des enfants nouvetiu-nés.»
- D'ai)rès Georges. Ausfnlirliches lateinifich-deutsches Hundwor-
terhuch.
* Dans la langue populaire il se dit aussi à une petite fille comme
terme de tendresse.
"• Fecior signifie aussi 'domestique mâle' (particulièrement 'gar-
<;on d'hôtel'), et 'célibataire'. En Transylvanie, on désigne par ce mot
le garçon d'honneur dans une noce de village. (Cf. gatinais puceau.
gasc. donsel).
— 71 —
feata. mogl. fçta, istro-roum. fçtej est toujours vivant; c'est
lo mot courant pour 'jeune .fille', correspondant à haiat
'garçon' (voir § 103). Dans le sens de 'fille' (==lat, filia)^
fdta est vieilli, mais il s'emploie encore avec ce sens dans
la langue familière, à côté de /iica ^. Diminutifs: /î"^/;S'o«/-a,
fctita, fctica (d'où par aphérèse le terme de tendresse tica):
faMfa 'fillette'. Les dérivés fetlscana, fctnef/ica. fatâica
signifient 'fille pubère'. — Le féminin de feclùr: fcdodra
(istro-roum. fctêore), signifie 'fille pubère', 'pucello', 'vierge':
Santa fcciodra Maria 'la sainte Vierge', De même que le
français nirrgc, il peut s'employer aussi comme adjectif.
Suivant Ciliac, et MM. Puscariu, Tiktin et Meyer-
Liibke, le roum. fâta 'fille' proviendrait du lat. fcta 'fe-
melle qui a mis bas', 'femme qui a enfanté' ; et son sens
primitif aurait été celui de 'gebiirungsfâhiges Wesen'
(voir Rom. Ett/m. Wôrtcrh., 3269). D'autre part, M.
Meyer-Ltibke rattache le prov. mod. fcdo 'Màdchen', à
fétus, bien que la môme langue possède le mot fcdo 'bre-
bis' {<ifeta). (Cf. § 63). — Pour moi, je trouve plus \Tai-
semblable l'explication de Diez ^ et de M. Densusianu '^.
qui considèrent fdta comme un féminin analogique, tiré
de fat.
W. Dans le dialecte des Marches, on trouve fctu 'en-
fant' *, et les dérivés fetaccir (Cingoli, Recanati, Arcevia)
'ragazzo', fctb, qui, à Osimo. veut dire 'ragazzo', à Maco-
rata, 'bambino appena nato' (Neumann-Spallart.) M.
' Fàta signifie aussi 'vierge', 'pucelle'; cette idée est rendue
d'une majiière plus précise par fàta fecioâra. ou fdta curata {curât =
'propre', 'pur', 'clair', etc.). Une vieille fille s'appelle fdta l>atrh\a.
En langage familier et populaire, une jeune fille nubile s'appelle quel-
quefois fdta mare (mare —-'grand'), fdta î'n 7>ar (j^ar = 'cheveux'). En
s'adressant à une femme, on emploie souvent l'abréviation /«.' /a/
- FAijmologisches Wurterbuch der romanischen ISprachen. p. 582.
^ Histoire de la langue romaine, p. 309.
* D'après Meyer-Liibke. Rom. etym. Wh.. 3-273; M. Neumann-
Spallart ne l'enregistre pas.
— 72 —
Meyer-Lûbke ^ traduit Cingoli fetaèce par 'Kinder' et men-
tionne en outre le féminin fetaccia 'junges Màdchen' -.
62. Le portugais possède le diminutif fedelho ^ 'petit
enfant', 'nourrisson'. Familièrement, il se dit aussi pour
'blanc-bec'
63. D'après M. Meyer-Lûbke, le provençal moderne
emploie un représentant de fétus d'une manière analogue.
Comme je viens de le faire remarquer, il considère ce mot
latin comme la base du prov. fedo 'jeune fille', tandis qu'il
dérive le roum. fdta du lat. fêta. Il me semble qu'il y
aurait beaucoup plus de raisons d'adopter cette dernière
étymologie pour le mot provençal que pour le mot rou-
main. Suivant Mistral, le prov. fcdo (gasc. hedo) présente
les acceptions suivantes: «Brebis; nouvelle accouchée, en
Grascogne; garce, en Languedoc». Azaïs le définit par
'brebis', en ajoutant: «au fig., personne d'un caractère
mou». D'Hombres et Charvet ne donnent que le sens de
'brebis'. — Pour dériver fedo de fetu.s\ il faudrait connaître
(l'abord un masculin avec le sens de 'enfant', 'garçon' (cf.
roum. fàtj march. fétu), d'où l'on pourrait tirer ensuite le
féminin. Mais, autant que je sache, un tel masculin ne
s'est rencontré ni en ancien provençal, ni dans les parlers
actuels du Midi. Cette . hypothèse écartée, il nous reste
deux explications possibles. Nous pouvons rattacher le
lang. fedo 'garce' au gasc. hedo (béarn. hede) 'femme en
couches', 'femme accouchée', mot qui vient évidemment
du lat. fêta qui avait le même sens. Le passage du sens
de 'femme accouchée' à celui de 'fille' me paraît ce-
* loc. cit.
* En Sardaigne, fétus a donné fèdu, qui a toujours le .>iens col-
lectif de 'descendance', 'progéniture'.
' Coelho y voit le même mot que fedelho tas de fumier',
'puanteur'.
— 73 —
pendant très peu vraisemblable. Ou bien nous pouvont;
voir dans fcdo 'garce' le même mot que fedo 'brebis' (du
lat. fêta 'bête qui a mis bas'), qui se trouve dans tout \v
Midi, et qui, par une métaphore assez commune \ aurait été
employé pour désigner vme jeune femme. Cette hypothèse
gagne en vraisemblance si nous rapprochons fedo du lyonii.
fcya. faya 'brebis', au figuré: 'jeune femme'; et du jur.
faille, qui signifie à la fois 'agneau' et 'fille' *.
Le radical fet- se retrouve encore dans un autre moi
du provençal moderne: fedotin 'jeune homme novice, doux,
docile' (Mistral). En ce cas aussi, nous avons sans doute
affaire à un emploi métaphorique; fedoun signifie, suivant
Azaïs: 'agneau nouveau-né'; suivant Mistral et D'Hom-
bres et Charvet: 'jeune poulain'. Nous reparlerons donc
de ce mot, comme de fedo 'garce', dans la partie traitant
de la «création romane».
Frii47tiis,
64. Le lat. fructus, qui désignait d'abord l'action de
jouir, la jouissance, avait pris plus tard le sens concret d'un
objet dont on jouit; spécialement des fruits des arbres
et de la terre. Puis, par métaphore, le mot s'appliqua
aussi aux fœtus des animaux ^, et les écrivains ecclésia-
stiques l'emploient même en parlant de l'enfant dans le
sein de sa mère *.
65. Evidemment, l'acception de 'fœtus' fut le point de
départ du développement sémantique, qui aboutit au frioul.
» Cf. § 331.
' Voir Diez. op. cit., p. 582.
» Cf. suéd. livsfrukt. allem. Leibesfrucht.
* Voici deux exemples de cet emploi, tirés de la Vulgate: de
fructn ventris tui ponam mper sedem tuam {Psaum. CXXXI, 11);
beneclictus fructus ventris tut (Luc, I. 42). Dans l'exemple suivant,
tiré de V Ecclésiaste, XXXIX, 17, fructus équivaut à Jilii: Obaudite
me, divini fructus (h. e. Jilii sancti, populus Dei electus, ajoute For-
cellini).
— 74 —
frut 'enfant', 'garçon'; plur. fruts (frus) 'enfants', 'garçons' ^
Malgré la vogue qu'a eu ce mot en frioulan, il ne semble
jamais avoir pris la fonction de 'fils'; cette idée se rend
par fi. — Le féminin frute (Pirona), fruto (Gartner), plur.
frutos (frutis)^ signifie 'petite fille' ou 'jeune fille'. Le
dérivé le plus usité est frutatt — frutate 'garçon', 'adoles-
cent'; 'fillette', 'jeune fille' ^. Pirona enregistre encore les
dérivés suivants: fruton, frutin, fnifutt; frutone, frutine, fru-
iuzzate.
Creatus,
66. D'après Funck, op. cit., p. 100, le lat. créatif pro-
prement 'ceux qui ont été procréés', a été employé quel-
quefois au sens de 'enfants'. Funck n'en cite pas d'exemple,
mais peut-être a-t-il songé au passage suivant des Méta-
morphoses d'Ovide (VI, 206): ego vestra ^^arens, vohis animosa
crcatis, où, suivant M. Georges ^, crcati doit être considéré
comme un substantif signifiant 'Kinder'. Mais il est sans
doute plus exact d'y voir un participe et de traduire: «fière
de vous avoir conçus» *. Creatus ne semble pas avoir été
employé en latin littéraire d'une manière absolue, mais
toujours combiné avec un ablatif: Erebo creata 'la fille
d'Erèbe'; illo ffcnifore creafns 'le fils de ce père', etc.
67. Monti a relevé criât 'fanciullo', 'creatura', 'bam-
bino' en comasque et dans le parler de Poschiavo. M. Mi-
ehael signale pour ce dernier dialecte aussi le féminin:
kreat — kreata ^. Créât et le diminutif creatin s'emploient
^ Au sens de 'fruit des arbres' on ne trouve presque jamais /rwif,
mais pomis. irut a, par contre, les sens plus abstraits de 'production',
'produit'.
* Cf. infanzat, fantate, etc.
^ op. cit.. à ]"art. creo.
* Çî. Thésaurus linguae latinae, à l'art, creo.
* Il y voit une forme abrégée de creatura.
~ 76 —
en oiitro dans les dialectes engadinois avoisinants avec le
sens de ^Geschôpf, 'Geschôpfchcn'. 'Kindlein', 'Sâugling'
(Pallioppi) ^ Comme l'indique sa forme, c'est un mot
d'emprunt.
En ancien provençal, créât {criât) avait lo double sens
de 'enfant' et de 'serviteur' ^. Au point do vue de la forme,
ce mot pourrait tout aussi bien être le participe passé du
verbe crcar {criar), mais ce verbe signifie toujours, dans la
langue ancienne comme dans la langue actuelle, 'créer',
non 'procréer', et pas davaiitage, comme le prétend M.
Meyer-Liibke ^: 'erziohen'*.
Cretitura,
08. Le lat. crcatura^ qui se rencontre chez les écri-
vains ecclésiastiques avec le sens de 'action de créer' ou
de 'chose créée', s'emploie dans la Vulgate. Sap. III, 13,
avec l'acception de '/77w': malcdicta crcatura corn m ic-à-d.
des impics). ^\ > r ]»Tobable (jue le développcîmt'iit séman-
tique de et I a (''té analogue à celui de fctuH et de
^ Peut-o;re n'cst-il pas iuutile de coustater que le participe passé
du verbe huut'eiijradiuois créer est creo, -eda, et qu'il s'emploie aussi
substantivement au 8ens de 'Gescluipt".
* Lespy et Raymond signalent eu béarnais un créât qui signifie
'créature' et parait avoir un sens péjoratif.
« Rom. ehfin. Wôrterh., 2305.
* L'espagnol et portugais criado—criada 'serviteur', 'servante',
paraît être le participe passé de criar 'créer', 'nourrir', 'élever', et
signifierait donc proprement 'celui (ou celle) qui est élevé et nourri
à la maison' (Oudin). iCf. l'anc. fr. norri 'serviteur'). Le cat. criât —
crioda est, suivant M. Vogel, un emprunt fait à l'espagnol. -7 On trouve
dans d'autres langues romanes des formes semblables, qui présentent
la mfsme signification: anc. prov. créât, criai 'serviteur'; anc. fr. créât
'domestique', 'écuyer subalterne dans une écurie'; anc. ital. creato 'servo';
piém. creada 'cameriera'; nap. creata 'serva'; sic. criatu — criata. et sard.
criadu — criada 'servo'. 'serva'. Le corse creatu, criatu signifie 'crea-
tura. nel senso di persona protetta da un altra e tutta devota a' servigi
di questa'; 'famigliare'. (Cf. l'ital. creatura, fr. créature, qui. dans ce
sens, est un emprunt fait à l'italien). Tous ces mots semblent re-
monter au latin vulgaire creatus, qui a probablement joint au sen»
de 'enfant' celui de 'serviteur' (cf. puer, fante, meschin. etc.).
— 76 —
frucins^. Peut-être la signification de 'enfant', que ce mot
a pris dans les langues romanes, a-t-elle été, dans certains
cas, le résultat d'un emploi collectif, tel que nous le montre
l'exemple cité plus haut ^.
69. En toscan et dans l'italien littéraire, creatura a
conservé le sens primitif de 'créature', mais il présente
aussi les acceptions secondaires de 'enfant dans le sein
de sa mère', 'fœtus': 'petit enfant', 'nourisson'; dans ces
derniers sens on emploie aussi le diminutif crcaturina. Le
mot se retrouve dans la plupart des dialectes avec le sens
de 'bambino', 'bambina'. Je l'ai relevé avec cette signi-
fication dans les parlers de la Corse, la Sardaigne, la Sicile.
Naples, Gênes, Milan, Côme, Poschiavo, Bologne et la
Romagne, Rovereto, Trente, Venise, Trieste, Sissano (Istrie).
A côté de criafura 'cosa creata', 'feto', 'bambino', 'bambina',
le sicilien emploie criaturi 'bambino', 'fanciuUo', qui paraît
être le même mot que creaturi 'creatore', usité comme
forme masculine de criatura au sens de 'giovine', 'pul-
zella' ^. — Diminutifs: sic. criatureddu — crioturrdda, mil.
criaturinna.
L'idiome dalmate de l'île de Veglia employait égale-
ment oratoire, Icreatoire au sens de 'enfant'. M. Bartoli en
cite deux exemples: la midér fiia doc krèatôirc «una donna
gli partori due figliuoli» (Das Dalmatischc, II. 66); le mai
cratoirc {op. cit.^ p. 123).
^ Comme on le voit par les exemples suivants, creatura s'employait.
ainsi que fructus, en parlant des fruits des arbres: non bibam amodo
ex ista creatura vitis (Itala. Math. XXVI, 29); sanctijicare olei creatu-
ram (Cyprien, Épîtr., LXX, 2; d'après Thésaurus linguae latinae).
2 Cf. les significations du mot en ancien provençal: 'postérité'
et 'enfant'.
* On sait que l'ital. creatura et le franc, créature s'emploient
souvent en parlant d'une femme. Che hella creatura se dit d'une jolie
femme , en toscan et en lombard, de' même qu'on dit en français une
belle créature (cf. une bonne créature, une pauvre créature, etc.). Dans
le patois manceau, creiature, queriature ou queriatcure se dit pour 'jeune
fille' et se prend souvent en mauvaise part.
— 77 —
A Greden et au G-adertal en Tyrol, j'ai trouvé creatura
'enfant', et creaturea 'enfants'. Les dialectes de l'Engadine
n'emploient avec ce sens que le diminutif creatiirina: una
hHla creatûrina — im bel creatin. D'après M. Pallioppi.
crratûrd signifie toujours 'Greschôpf ; en ce cas. creatûrina
'enfant' est apparemment le résultat d'un changement de
sens en période romane.
En ancien provençal, creatura avait le sens collectif
de 'postérité' et les sens individuels de 'créature', 'objet',
'enfant'. Ce dernier emploi s'est maintenu dans la langue
actuelle: creaturo 'enfant qui vient de naître'; dim.: crea-
tiironn 'fœtus', 'nouveau-né'. — Dans les langues de la
péninsule ibérique, criatura présente les mêmes acceptions
que le mot italien correspondant.
Creainen,
70. Un autre dérivé bas-latin du verbe creare, le
substantif creamen ^ 'chose créée', est la base de cream. qui
se dit pour 'bambino' à Val Verzasca (Monti) -.
B. Dénominations tirées d'une qualité
particulière.
JParvuSf ixirvulus,
71. C'est un phénomène assez naturel, très fréquent,
et dont le latin comme les langues romanes fournissent plu-
sieurs exemples, qu'on désigne les enfants par leur qualité
la plus frappante, la petitesse — soit en donnant pour
' Ce mot ne se rencontre qu'une seule fois dans la littérature
latine: dans les Hamartigenia de Prudence.
- C'est peut-être par une contamination de creatura et de creamen
qu'il faut expliquer le corse cridntuli (pi. f. et m.) 'créature', 'quantità
di bimbi o bimbe'; criàmpuli 'ragazzi', terme de mépris, est probable-
ment dû à quelque autre influence analogique.
6
— 78 —
attribut à une dénomination d'enfant un adjectif signifiant
'petit', soit en appliquant l'épithète directement à l'enfant:
«mon petit» — et que cette épithète finit par éveiller dans
l'esprit l'image totale de l'enfant: l'adjectif prend alors le
caractère d'un substantif.
72. Parvus et parvulus nous offrent un exemple de
ce développement. Comme il était à prévoir, parvi appa-
raît avant parvuli ', d'abord comme épithète de libcri, puis
comme substantif ^ Sauf dans l'expression a parvulis^ qu'on
trouve chez Jules César, parvuli n'apparaît comme sub-
stantif qu'au premier siècle ap. J.-C. Il s'emploie rare-
ment dans la littérature profane, mais se rencontre très
souvent chez les écrivains ecclésiastiques ^, qui montrent,
en général, une grande prédilection pour les diminutifs
hypocoristiques: fiUoli, pueruli^ infantuli, pusilli. Grâce à
l'influence puissante de la littérature chrétienne, le mot
franchit les portes de l'église et du monastère et devint
une expression courante, perdant, par la suite, la nuance
spéciale qu'il avait dans la langue religieuse. Les inscrip-
tions témoignent de son emploi dans le langage familier*.
Finalement, il pénétra aussi dans la langue juridique, et
la loi salique en offre encore des exemples ^.
73. Je n'ai pas trouvé de représentants romans du
latin classique parvus. Mais dans les patois dauphinois
^ Comme liberi, pueri, infantes, etc., ces termes s'employaient le
plus souvent au pluriel.
* Funck, op. cit., p. 95, le signale chez Cicéron, Quintilien, Silius
et Staoe. Chez les auteurs postérieurs, les exemples se font plus rares.
' La Vulgate traduit jtaiàia et vrjmot, par parvuli. Un exemple
du singulier se rencontre dans Isaïe IX, 6: Parvulus enim natus est
nohis. Chez saint Augustin, parvuli est le mot le plus usité pour 'en-
fants'. — Le Corp. Gloss. Lat. explique par parvulus vrjmog (II, 376,
18), vrjmcoTdtos (II, 376, 20), et veoyvôg (III, 378, 71; 570, 70).
* Voyez Pirson, op. cit., p. 262.
* Le chapitre XXIV porte le titre De homicidiis parvolorum.
F&T parvuli la loi entend les enfants depuis le bas âge jusqu' à la puberté.
— 79 —
des Alpes, Mistral ' a relevé pàrvi—pàrvio 'petit enfant',
'petite iille', avec le diminutif parviot—parmoto, qui sem-
ble remonter à *parvms^ de même que àvi à *avius.
Par/mlus se retrouve en italien, en ancien proven-
çal et dans les langues de la péninsule ibérique, mais
il paraît avoir partout un caractère littéraire et demi-
savant.
L'ital. pargolo (vieilli: parfjulo) 'piccol fanciullo', et le
diminutif i^arr/olctto — 2^^*'fil^^('^^^^ 4^i ^^^ P^^^ usité que le
mot simple, appartiennent à la langue littéraire. Parvola
{parvulo), et les diminutifs parvoletto. parvolino, sont des
termes poétiques, aujourd'hui hors d'usage. — Tous les
exemples de l'ancien provençal parvol. que cite Levy,
sont tirés de la version de la Bible -' et correspondent
toujours au mot parvulns dans la Vulgate. — Le catalan
possède parvol — xjarvola 'petit enfant', 'fillette'. L'esp.
parvulo — parvula s'emploie comme adjectif au sens de
'petit', 'petite', mais aussi comme substantif (Salvâ). Tol-
hausen ne donne que parvula 'petite fille', et le pluriel
parvulos 'petits enfants' (cf. lat. parvuli). Les dictionnaires
de Franciosini et d'Oudin n'enregistrent pas le mot. Le
portugais a parviilo 'petit enfant', 'petit garçon' ^. Le
pluriel parvulos sert à désigner les pauvres gens, les hum-
bles \
* Ces mots ne figurent pas dans le dictionnaire de Chabrand *t
Rochas d'Aiglun.
« I Cor. XIII. 11; Gai. IV, 1; Éphés. IV, 14.
* L'adjectif parvulo signifie 'petit', mais aussi 'innocent', 'niais';
cf. parvo 'idiote'.
■* Il n'est pas sans intérêt de constater que, dans une langue
germanique aussi, le lat. parvulus a donné naissance à un nom d'en-
fant, savoir le suéd. parvel 'petit garçon', qui. dans les dialectes de
l'Est, se prononce pirvel. pervel, et d'où l'on y a tiré les verbes parvla,
pirvla 'trottiner'. (Voir Eietz, Ordbok ôjver svenska allmogesprâket ;
Vendell. Ordbok ôver de ôstsvenska dialekterna).
— 80 —
JPisinniis,
lia. Le lat. pisinniis se trouve avec le sens de 'petit'
chez Martial (voir Forcellini), et le pluriel pisinni est em-
ployé substantivement au sens de 'enfants', 'garçons' par
Labéon dans sa traduction de l'Iliade: Crudiim mandtices
Friamum, Priamiquc pisinnos ^. Puis, le mot disparaît pour
des siècles de la langue écrite, mais, comme le fait re-
marquer M. E. Lôfstedt dans son Philoloyischer Kommentar
mr Peregrinatio Aetheriae, p. 197, il a sans doute vécu
pendant ce temps dans le latin vulgaire. Nous le ren-
controns de nouveau dans le bas-latin, et particulièrement
en Gaule. Le médecin gaulois Marcellus Empirions (pas
avant 408) l'emploie au sens de 'petit' ^. et dans la Pere-
grinatio ad loca sancta, qui date probablement du VI'' siècle ^,
on trouve a pisinno = 'a ^j/(e/Y>' et pisinni = ^2}ueri^ *.
11 est pourtant toujours un mot vulgaire; c'est ce que
montre VAppendix Prohi qui veut qu'on dise : pusillus, non
pisinnus °. — D'après l'opinion de M. Schuchardt ^, pisinnus
est identique à pusinnus ^, tandis que MM. Heraeus ^ et
Walde ^ l'expliquent comme une formation enfantine ^°, de
même que pitinnus, qui se lit sur des inscriptions italiennes ^^
A côté de pisinmis et de pitinnus, le latin vulgaire a
probablement possédé une forme *pitsinnus. On trouve le
nom propre Piisinnina sur une inscription des catacombes
^ D'après les scholies sur les Satires de Perse, I, 4.
» Voir Geyer, ALL, VIII, p. 480.
' Voir Lôfstedt, op. cit., p. 6.
* Voyez Wôlfflin, ALL, IV, p. 264; Lôfstedt, op. cit., p. 197.
" Cf. Lôfstedt, loc. cit.
'■' Ver Vokalismus des Vulgdrlateins, II, p. 201.
' Cf. Heraeus, ALL, XL p. 322.
« ALL, XIII, p. 160.
^ Lat. etym. Wôrterb., à l'art, pisinnus.
*• M. Heraeus voit dans pusinna une variante de pisinna, due à
l'influence de la famille de ptis-.
^* Voir Geyer, loc. cit.
— 81 —
de l'an 392 ap. J.-C. (Rossi, I, 404). Ce pitzinnus doit
être l'étymologie de l'anc. logoud. pithinnu 'petit' et de
pltftinnu — pitsinna^ qui, dans les parlers logoudoriens et gal-
luriens d'aujourd'hui, signifie 'enfant', 'garçon' ; 'jeune fille' ^
Sous rinfiuence du radical pic{c)- dans l'ital. piccino, sard.
piccioccu, etc. (voir § 264) se sont formés le logoud.
picimm — picinna, qui a la même signification, et le tarent.
piécinnu, dont j'ignore le sens précis ^. D'une manière
analogue, M. Meyer-Lubke explique l'esp. pequeno, port.
pequeno, comme le résultat d'une contamination de pitzin-
nus avec le radical pec{c)- ^. Le mot portugais s'emploie
substantivement au sens de 'petit enfant', de même que les
diminutifs pequenote et pequerrucho *.
Tener.
75. Le lat. tmer 'tendre', 'jeune" s"applic|uait souvent
à des êtres humains, particulièrement dans la dernière
acception. Ovide, dans ses 3Iétamorphoses, X, 84, parle des
teneri marcs, c.-à-d. des petits garçons. Teneri s'employait
aussi comme un substantif au pluriel, équivalant à pueri-
par exemple: parcendum est tcneris (Juvénal XIV, 215).
Le représentant roumain de tener: tinâr^j a le même
double emploi; il signifie, comme adjectif, 'tendre', 'jeune',
comme substantif, 'adolescent', 'jeune homme'.
Musteus.
76. Comme un cas de «tradition impropre» on peut
regarder aussi l'esp. tnozo — moza. port, moeo — moça, cat.
' Voir Meyer-Liibke. Rom. etym. M^b.. 6550, et Sitzuv gsherichte
(1er phil.-hist. Klasse der kaiserl. Akademie der Wissetisch.. AVien.
CXLV. 5. 22.
' Voir Meyer-Liibke, loc. cit.
* M. Schuchardt, loc. cit.. les fait venir d'nn tyi)e *piticoneus.
* Je ne m'explique pas Vr de cette forme.
^ D'après la graphie de MM. Puscariii et Alexi; les dictionnaires
de Cihac et de Tiktin écrivent tiner.
— 82 —
mosso — mossa, 'jeune'; 'garçon', 'célibataire', 'valet', 'ap-
prenti matelot'; 'jeune femme'; 'servante', pourvu que, à
l'instar de M. Meyer-Ltibke \ on fasse venir ces mots du lat.
mustcus 'jeune', 'frais', 'nouveau' ". Ce qui fait paraître assez
vraisemblable cette étymologie. c'est le passage suivant de
Naevius ^, où mustea se dit d'une jeune femme, et devient
ainsi à peu près synonyme de adoleacens: Utrum est melius.
virgincmne, an viduam nxorem ducerc? virginem, si mustea est.
L'espagnol possède les diminutifs mosiuelo — mo.zuela.
mocito — mocita^] le portugais: moçinho — moçinha, moçosinho
— moçosinha: D'après Michaelis, le port, moçoila signifie
'junges Mâdchen'; Coelho l'enregistre avec le sens aug-
mentatif de 'forte rapariga'. Le catalan a le diminutif mosset.
77. De la péninsule ibérique notre mot s'est répandu
vers le nord.
Nous trouvons en Béarn. dans le parler d'Osse, mous-
sou — mousse 'jeune garçon', 'jeune fille', et le diminutif
mousset — moussete. Le féminin se rencontre dans une chanson
du XV** siècle ^, dont la première strophe commence ainsi :
«Une mousse ^ de Bisquaye
L'autre jour près ung moullin
Vint a moi sans dire gairo
^ Royn. etym. Wh., 5779.
■ Guyet (suivant Ménage) et Diez tiraient mo.to, mousse, etc.. de
mustus. — Canello, AGIL III. p. 328, a proposé "^iniitius i^cf. aussi
Kôrting 6421). Sur les difficultés phonétiques de ces étymologies,
voir J. D, M. Ford, The old siumish .sibilants, Boston 1900. p. 76. — Au
dire de M. Sainéan, ZBPh, Beih. I, p. 65. moso garçon' est le même
mot que moso. nom familier du chat. (Cf. § 323 ss.;
* Cité par Nonius II. 518 (d'après Forcellini).
* Dans Franciosini et Oudin on trouve encore les dérivés moral-
bete (ou moçaliiete), moçalvillo (ou moçaluillo) 'jeune garçon', 'garçon-
net'; moceton 'jeune garçon', 'jeune gars', mocetona 'garse', 'fille de joie".
* Voyez Chansons du XV^ siècle, publiées par Gaston Paris. VII, 1.
" Godefroy rapproche à tort ce mousse de mage, mouge, mot de
la Suisse romande qui signifie 'génisse' (cf. ij 331 1.
— 83 —
Le provençal et le français modernes n'ont conservé
([ue le masculin. En français commun, mousse ne s'emploie
(j[u'avec l'acception spéciale de 'apprenti matelot'; mais,
en provençal et dans les patois de l'Ouest, le sens primi-
tif est resté. Ainsi, le prov. mossi, moussi signifie 'jeune
garçon', 'enfant', aussi bien que 'apprenti matelot'. Sui-
vant Azaïs, c'est un terme de mépris. — Dans les jjarlers
de l'Anjou, du Bas-Maine, de Pléchatel et du pays de Dol,
tnousse signifie également 'petit garçon', 'enfant', quelque-
fois avec une nuance de reproche amical (= 'gamin', 'en-
fant espiègle'). D'après Saubinet, le mot s'emploie dans
le bas-langage rémois avec un sens franchement péjoratif:
'enfant laid', 'désagréable'. — Le patois angevin possède
les dérivés moussaillon ^ mousfot 'gamin', 'moutard' ^
C. Emploi métaphorique d'un nom d'animal.
Pullus — pulla,
78. Le lat. piillus désignait — de même que catulus
— un jeune animal en général, mais il se disait le plus
souvent des volatiles, et spécialement des poules. Par une
sorte de métaphore très fréquente, surtout dans le langage
populaire, et dont les langues romanes nous fournissent de
' Mouissaillon se rencontre, au sens de 'petit mousse', d^ns les
ouvrages de plusieurs auteurs modernes. A. Darmesteter, De la créa-
tion actuelle de mots nouveaux dans la langue framjaise, p. 114, le si-
gnale chez J. Vallès, La Rue, AU right. Alphonse Daudet Ta employé
dans les Rois en Exil, p. 433 (Flammarion).
* Selon l'opinion de Diez et de Rigutini-Bulle. l'ital. mozzo 'gar-
zone di stalla". ragazzo di bastimento' et 'servo di faccende basse' (sens
vieilli), est également un emprunt fait à l'espagnol. D'autres y voient
le même mot que nwzzo tagliato' (cf. toso, § 271). D'origine espagnole
est probablement le sarde muzzu — muzza 'servo', 'guattero'; 'serva'.
'ancella'. Porru désigne expressément le féminin comme «termina
spagnolu». Le sens primitif, qui a disparu en Sardaigne, se retrouve
dans deux mots corses, qui semblent être dérivés de muzzu: muzza-
glione 'giovinotto dai sedici ai venti anni' (cf. mousnaillon), et muz-
zone 'ragazzone*.
— 84 —
nombreux exemples, pullus pouvait s'appliquer à des êtres
humains comme un terme de tendresse; et ce sont natu-
rellement en première ligne les enfants qu'on appellait
ainsi ^ Quelquefois le mot avait une nuance railleuse et
dépréciative, comme dans le passage suivant des Satires
d'Horace: Strabonem appellat paetum pater et pullum, mole
parvus si cui fiïius est ^. Marc-Aurèle dit, en parlant de
son fils : Pullus noster Antoninus tussit aliquo lenius ^. Pullus
était aussi l'une des dénominations caressantes qu'adressait
le peuple au jeune empereur Caligula*.
79. Nous retrouvons le lat. pullus dans le Tessin, et
spécialement à Biasca, sous la forme de pol — pola 'ragazzo',
'ragazza' (Biondelli). Il a survécu aussi à Alt-Mtinsterol
(Alsace): pue 'garçon' (Horning, Ostfrans. Grenzdial.). Le
diminutif *pullinus, dont on ne connaît pas d'exemple dans
le littérature latine, " a donné poljin—poljinâ, qui, à Val
Soana, se dit pour 'ragazzo', 'ragazza', 'figlio', 'figlia' ^.
L'anc. fr. polie 'jeune fille', qui se trouve dans la
^ D'autres noms d'animaux s'employaient aussi comme termes
liypocoristiques, ainsi que le montre le passage suivant, tiré des scho-
lies sur Perse, III, 16: columhos melius pueros intelligere est, quos quae
nutrmnt blandientes columhos et pullos et passeres vocant (cité d'après
Heraeus, ALL, XIII, p. 161). Cf. encore gallina, qui s'emploie comme
terme de tendresse dans la conversation de deux amants chez Plante.
Asinaria III, 3, 76.
* Satirae I, 3. 44, d'après Forcellini.
' Front. 1 ad Antonin. imp. ep. 1., d'après Forcellini.
* Voyez le passage cité au § 23: sidus et pullum et pupum e
alumnum. — De l'emploi hypocoristique de 2nillus résulta le sens
spécial de 'giton', 'ganymède': Pullus qui obscène ah aliquo amahatur,
eius, a quo amatus esset, pullus dicebatur (Festus. chez Paul Diac,
p. 244, Miill., d'après Forcellini). Cf. aussi Corp. Gloss. Lat. V., 95, 25
et 139, 5. — Le français mignon présente ce même développement
de sens.
* Le lat. pullinus était un adjectif et signifiait 'qui appartient
aux jeunes animaux, ou aux poules'.
« Voyez Nigra, AGIL III, pp. 28, 58; Biondelli. p. 573; Tappolet,
Die rom. Verwandtschaftsnamen, p. 49.
— 85 -
Séquence de sainte IJulalie, v. 10: La polie sempre non
amast lo Deo nienestier, doit remonter aussi au lat pulla K
M. Meyer-Lûbke fait venir le tess. pol — ^^)o/a, l'anc.
fr. polie et l'esp. jwlla (> port, polha) 'jeune fille' du lat.
pullus 'jeune animal'; mais il voit dans l'esp. ^oWa (> port.
polha) 'poulette', le lat. pulla 'poule'. Je ne peux pourtant
croire que polla 'fille' et polla 'poulette' soient deux mots
différents, qui auraient existé l'un à côté de l'autre depuis
l'époque latine. A en juger d'après les dictionnaires de
Franciosini et d'Oudin, où polla figure seulement au sens
de 'jeune poule', l'acception de 'jeune fille' est plus récente;
et, vu les exemples nombreux que fournissent les langues
romanes de la métaphore 'poulet' > 'enfant', 'poulette' > 'jeune
fille' ", je n'hésite pas à considérer l'esp. polla 'jeune fillo'
comme une métaphore analogue.
Selon toute probabilité, il faut expliquer de la même
manière poulot 'enfant' que Diez dérivait du lat. pullus
'enfant' (cf. § 351).
*JPullicella,
80. Dans son JEtymologisches Wôrterbuch der romanischen
Sprachen, p. 258. Diez fait remonter l'ital. pulcella; anc.
esp. puncella, poncella; anc. port., prov. pucella; franc, pu-
celle; engad. purscliella, 'jeune fille', 'vierge', à un type
*pulliceUa, diminutif de pulla.
M. Meyer-Liibke a adopté cette étymologie, en ex-
* Voir Diez. Eti/iii. Wurterb. der rom. Sjir., p. 258; Meyer-Liibke,
Rom. etym. Wôrterh. 6828. — M. Schuchardt, dans son Vokalismus des
Vulgàrlateins, II, p. 162, rattache J'anc, fr. polie au lat. vulg. poeîla,
qui se trouve dans une remarque de VAppendix Probi: piiella non
poella. (Le ms. porte puella non polla, mais le dernier mot a été corrigé
en poella; voir P. Meyer, Recueil d'anciens textes bas-latins, proven-
çaux et français, I, p. 3.) W. Foerster. ZRPh, XVI, p. 255, note 1,
iiésitait entre les étymologies pôlla (de poella avec déplacement de
l'accent) et pulla.
* Voir § 350 ss.
— 86 —
pliquant les formes romanes qui réclament un U latin, par
l'influence analogique de pUta^, dont le sens ressemble à
celui de pullicella, et qui commence à peu près de la
même manière '^. Cette hypothèse d'une influence analogi-
que me paraît d'autant plus vraisemblable qu'il y avait en
latin, comme nous l'avons vu, d'autres dénominations d'en-
fants semblables: pupus, pusus, pusio. etc., qui ont pu être
associées par analogie à pullicella et en modifier la pro-
nonciation.
Le plus ancien exemple qu'on connaisse de ce dimi-
nutif se trouve dans le troisième capitulaire de la loi
salique, dont le vocabulaire semble refléter le langage po-
populaire gallo-roman au commencement du VI** siècle '^.
On y lit: Si quis ancillae pecus mortuuni excusscrit, si puli-
cclla * fuerit, LXII solidos cum dimidio conponat^ similiter
et dinarium unum^. M. Geffcken traduit l'expression: .sv^
pulicella fiierit, par «wenn sie [die Mutter] eine gewohnliche
Magd war». Tel doit être, en effet, le vrai sens de la
phrase, car, dans le paragraphe suivant, se présente le cas
contraire: Si vero ancilla ipsa cellaria aut cfenicium^ domini
^ A cause des difficultés que présente Vii de j^)MH^ceZïa, Grrôber a
proposé {ALL. IV, p. 450) l'étymologie *puel(l)iceUa, dim. de puella.
M. Gr. de Gregorio soutient cette étymologie (ZBPh. XXXIY, p. 374).
mais il ne rejette pas absolument l'étymologie j)ullus. W. Foerster a
critiqué l'explication de Grober {ZBPh.. XVI. p. 255) et montré que
le franc, pucelle présupjoose un 'pnlicella. qu'il considère comme un
diminutif de pfihx. Le mot aurait donc signifié proprement 'petite
puce', et aurait été employé d'abord comme terme de tendresse, puLs
d'une manière générale. Si fréquents que soient les phénomènes sé-
mantiques de ce genre (voy. § 369) j'incline cependant davantage
à croire à l'hypothèse de M. Meyer-Liibke, d'autant plus que la con-
jecture de Foerster n'explique pas toutes les formes romanes (par
exemple l'engad. purschella avec u. non û).
^ YoiT Germ.-rovi. MonatsscJirift.1. 1^.636; Bom.etym. Wôrterb., 6816.
' Cf. Schramm, Sprachliches zur Lex Salica, Marburg 1911, p. 19 ss.
* Dans le ms. de Paris, Bibl. nat. anc. fonds lat. 4404, on lit la
variante spulicella; dans le ms. de Leyde, Voss. Lat. 119: si puella.
* Lex salica, éd. Geffcken, Leipzig 1898, p. 68.
* Dans son édition des capitulaires de la loi salique, A. Boretius
— 87 —
sni tenmrlt . . . Dans ce cas, l'amende était augmentée, à
cause de la plus grande valeur d'une servante de ce genre.
81. Le premier vers de la Séquence de sainte Eulalie
fournit le plus ancien exemple français: Buona pulcclla
fut Eulalia. Aux XI** et XII® siècles, on trouve encore
la forme puleelle. mais dès le XIII** siècle, les exemples
cités par Littré ne montrent plus que pucelle. Dans les
plus anciens textes, le mot signifie 'jeune fille', puis /cham-
brière', 'servante'. Littré cite un exemple du XIII® siècle,
où pucele présente encore le vieux sens de 'fille non ma-
riée'. De l'acception de 'jeune fille' est dérivée celle de
'vierge', qui a fini par supplanter le premier sens ^ Dans
la Vie de saint Gilles {XIV siècle), v. 2101 , pucele s'emploie
pour désigner la sainte Vierge. Dès le XVP siècle, pucelle
'vierge' appartient au langage familier, sauf l'expression la
Fucelle d'Orléans. — Les diminutifs pucclete, pucelote 'jeune
fille', s'employaient fréquemment dans la langue poétique du
moyen âge.
Le masculin puceau^ qui est également un terme fa-
milier, est plus récent que le féminin et a été créé d'après
celui-ci. Le plus ancien exemple, qu'en donnent Godefroy
et Littré, date du XIII*" siècle. Puceau , pucelle s'emploient
aussi comme adjectifs ^. ,
ajoute à ce mot la note suivante: <'yvvaiKelov ; L. Alam. 84, 2: ancilla
puUcla de gtniceo priorc» ivoir Lex Saliea. éd. Behrend, Berlin, 1874.
p. 5)2). Malheureusement, je n'ai pas eu l'occasion de vérifier l'exactitude
de ce renseignement; si la citation est exacte, elle montre que le
diminutif pulic{u)la a été usité à côté de pulicella.
* VA. Foerster. loc. cit.
- Pucean — pucelle se i-encontre aussi dans les patois actuels,
mais le sens primitif ne se retrouve nulle part. Dans le wallon de
Mou.><, le puciaii est «le jeune garvon ([ui mène la danse à certaines
kermesses de villages; ce (]ue dans la plupart des communes on nomme
capitaine» (Sigart), et. dans le parler du (laiinais (Ile-de-France), le
puceau est le gardon d'honneur dans une noce de village (Roux). Dans
It' Hainaut et dans la Flandre française, puchelle correspond au fran-
— 88 —
L'ancien provençal possédait les formes féminines j?m/-
céla ^, pieucela, pulcella, puncella ^ Vierge', les diminutif s j9w-
céleto, punceleto, et le masculin j)mcc? (adj. et subst.) '(garçon)
vierge'. Pour les parlers méridionaux actuels, Mistral enre-
gistre les formes smrvaxi.iQs: piéuccllo. piéusello {ra.&i^.)^ piôucello
(dauph.), puncello (gasc), pucello (lim.) 'pucelle', 'vierge',
'jeune fille', les diminutifs piéuceleto, piétiseleto (mars.), piéu-
celouno (dauph,); et le masculin piéucèu, piéucèl 'puceau',
vierge'.
82, En ancien catalan, le mot correspondant était
puncella, de même qu'en ancien espagnol^; et. héarn. jjun-
cele, hasqne 'j)hunsela, Guipuzcoa jJOw^^eZ *. Dans le catalan,
poncella a pris, à côté du sens de 'vierge', 'jeune fille',
celui de 'bouton', 'bourgeon'; cf. lat. pullus, ital. pollone.
qui ont subi le même changement ^. Le masculin poncrll
a pris un sens plus général que celui du franc, puceau
et du prov. piucet D'après le dictionnaire de Vogel, il
signifie 'Bursche'; d'après celui de Saura, il est l'équi-
valent de fadri. — L'ancien portugais connaissait la forme
pucella (cf. prov. piucella); en portugais moderne, poncella
ne se dit guère qu'en jiarlant de la Piicrllr (V Orléans
(Michaelis).
88. Les plus anciens exemples de *pullicella que j'aie
trouvés en Italie, datent du XIII*' siècle. Barsegapé, dans
çais pucelle- et, dans la Suisse romande, pusso — pussalla sont les
équivalents de puceau — pucelle.
^ Levy cite un exemple, tiré de la Chanson de la Croisade
contre les Albigeois, où domelas piuselas signifie 'jeunes filles'.
■^ Faut-il voir dans puncella, poncella un phénomène de dissimila-
tion, ou le résultat de l'influence analogique de donzela?
' En espagnol moderne, poncella est le nom d'un poisson ressem-
blant à l'alose (franc, pucelle s'emploie de la même manière); c'est
aussi le nom d'une fleur; l'idée primitive a tout a fait disparu.
* Voir Schuchardt, ZRPh, IX. p. 499.
" Pour des exemples d'un développement métaphorique en sens
inverse: 'bouton' > 'enfant', voir § 298.
— 89 —
son sermon (Milan 1274:), eitii}loie pohclla, on p(mx;('Ua. i)o\ir
désigner la sainte Vierge. Dans les poésies de Bonvesin,
t)n trouve ponzela avec la même signification. La rédac-
tion vénitienne de Pamphile (XIII'' siècle), rend le lat, virtfo
par ttna ponccla ^ Foresti, dans son Vocaholario piacentino-
itaUano. à rarticle piilsHl, nous apprend (pie pulccllo se lit
pour 'giovanotto' dans le Milione de Marco Polo, qui était
natif de Venise. Ihmcclla — mrf/inc se trouve plusieurs
fois dans les statuts de la république de Sassari (XIV*
siècle) ^. — En italien moderne, pulceUa 'fanciulla' est un
terme littéraire peu usité '. Il est encore vivant dans quel-
(|ues dialectes. A Morosaglia (Corse) et à \ aMeiri, posélla
se dit pour 'fanciulla'. A A' al Verzasca, ponzd signifie 'gio-
vane', sens général que nous retrouvons aussi en catalan
et en ancien vénitien. Dans le parler de Plaisance, pulsell
a pris le sens de 'scapolo'. 'ismogliato'.
84. Dans les Giisons. 2)ursch(d(i ( 2)nrschrlla.purt.scheUa)
et pursckal (purschell, partschc) ont la même acception spé-
ciale que les mots français correspondants *. — Le frioulan
possède j>o?^è^e {pulïètc) 'fanciulla'. 'ragazza'. formé à l'aide
du suffixe -cittu au lieu de -cellit. Le dérivé puhitate a le
même sens que le mot simple; cf. fantntc § 16. frntatr §65.
JlonedtUu.
85. L'ital. monello — moncUu s'emploie le plus sou-
vent avec un sens un peu péjoratif: 'ragaxzo, ragazza,
birba, che fa délie birichinate'^, mais fréquemment il a
1 Voir AGII, X, p. 205.
2 Voyez AGII, XIII, p. 98. — Cf. ispuncellata, 'dépucelée', dans
les mêmes statuts. •
' Pulcellona. formé à l'aide du suffixe augmentatif -one. signifie
'vieille fille', cf. zitellona. etc.
■• Purschaî (pursché) — purschala (purschela) 'petit cochon', re-
monte, comme le franc, pourceau, à porcellus,
'•" Il se dit aussi de personnes adultes au sens de 'furbettolo'.
'astuto'. 'acorto' (Fanfani).
__ 90 —
un caractère cacophémique («tra il vezz. e il rimprôvero»,
Petrôcchi) ou purement hypocoristique, spécialement en
parlant des enfants vifs et gracieux. Petrôcchi "nous
apprend que monello se dit parfois d'un petit garçon ou
d'un adolescent en général. On le rencontre aussi dans
les dialectes: bergam. monell 'monello', 'mariuolo'^; mardi.
monell (Cagli niunell) 'fanciuUo'; lu menielle, la menella, à
Montalto: 'ragazzo', à Patrigne: 'figlio'.
Tommaseo a proposé pour ce mot l'étymologie mone-
dula^, qui a été adoptée par M. Neumann-Spallart ^ et par
M^,^® Sperber*. Le premier attire l'attention sur le fait
que Plante a employé monedula comme terme de ten-
dresse dans ses Asinaria^. Ajoutons que, d'après un pas-
sage des Captivi^, le même mot pouvait s'appliquer jus-
tement aux enfants. — Si cette étymologie est exacte,
le féminin est la forme primitive, d'où l'on a tiré plus tard
le masculin par analogie.
^ Dans le jargon des bergers bergamasques, il équivaut à 'ladro'.
^ M. Sainéan, ZRPh, Beih. I, p. 95, voit dans monello — mo-
nella un dérivé de l'anc. itai. monna 'guenon' (cf. § 339). Selon lui, un
autre diminutif de ce mot aurait pris aussi le sens de 'enfant', savoir
monninOj dans ce passage de Pataffio (VII, 192): credetti alor vedere
un bel monnino. Mais Tommaseo, qui cite le même passage, ne donne
que le sens de 'petit singe'; et celui de 'enfant' ne se trouve pas non
plus dans Fanfani et dans Petrôcchi.
3 ZRPh, Beih. XL p. 71.
* ZBPh, Beih. XXVII, p. 151. — Elle fait remarquer que mo-
nedula aurait dû donner *monella, avec un e fermé, mais que proba-
blement -elhi a été substitué de bonne heure à la terminaison pri-
mitive.
^ Asinaria 3, 3. 103: Die me anaticulam, columbam, vel catel-
lum, Hirimdinein, monedulam. passerculum putillum. — Cf. aussi
Spitzer, ZBPh, XXXVI, p. 233. n. 2.
" Captivi, 5, 4, 5r patriciis pueris aut monedulae aut anates, ant
eoturnices dantur, quicum lusitent. — Cf. l'emploi hypocoristique du
mot gracula (voir Heraeus, ALL, XIII, p. 161).
'K'
DEUXIEME PARTIE.
CRÉATION ROMANE.
I. CHANGEMENTS DE SENS.
A. Changements passifs.
1. Mots désignant primitivement les enfants par
rapport au père et à la mère.
«Fils», «fllle».
86. M. Tappolet, dans son travail prémentionné Die
romanischrn Vcruandtschaftsnamen. p. 50, a formulé cette
règle sémantique: «Wo ein Wort, welches.auch seine Her-
kunft oder Urbedeutung sei, nach irgend einer Seite hin
ein jugendliches Wesen bezeichnet, da ist die Neigung
vorhanden. falls nicht schriftsprachliclie Einflusse stôrend
einwirken, dass es die bestimmten Functionen von Sohn
und Tocliter ûbernimmt». Mais l'association d'idées, qui
a causé cette tendance dont parle M. Tappolet, peut pro-
duire aussi le résultat contraire: un mot, qui a commencé
par exprimer le rapport de parenté: 'fils', 'fille', peut finir
par exprimer l'âge: '(petit) garçon', '(petite, ou jeune) fille* ^
M. Tappolet lui-même en donne un exemple, op. cit.. p.
' Cf. Funck, op. cit., 74: «Wir werden uns freilich hiiten miissen.
mm die Sache auf die Spitze zu treiben und etwa zu behaupten: iiT/fri
beisst immer Kinder mit Bezug auf die Eltern, pueri mit Bezug auf
das Alter; vielmehr bestatigen auch hier unsere Beispiele durchaus
die Thatsache, dass wenn einmal ein Wort in einer Beziehung einen
Begriff zum Ausdruck bringt. es alsbald auch zum Ausdruck allt-r
anderen fahig wird.»
7
— 94 —
40: «vgl. Tochter in Basel = Mâdchen, und 'Tôchter-
schule'».
Le latin filii offre le même développement. Dans les
premiers siècles ap. J.-C, ce mot s'employa de plus en
plus souvent au sens de liberi, et on fut obligé de le combi-
ner avec mares ou masculi, quand on voulait désigner parti-
culièrement des fils. Plus tard on pouvait désigner par
jfUii non seulement ses propres enfants, ou les enfants d'autrui,
mais aussi des enfants en général: filii était devenu syno-
nyme de pueri ^. Le bas-latin employait ce mot, même au
singulier, dans le sens de 'jeune homme' ^, comme il ré-
sulte du passage suivant de la Vulgate: Filius triginta anno-
rum erat David cum regnare coepisset (Rois, Livre II, V, 1)^
87. On sait que, dans le français commun, le féminin
fille en est venu à signifier ^puellà' *■ aussi bien que 'filia\
tandis que le masculin fils ne sert qu'à exprimer l'idée
de 'filius\ On connaît cependant, en ancien français, un
exemple de fih au sens de 'jeune homme': «Lequel sergent
avoit pris et arresté un jeune Filz de l'aage de dix-huit
ans» {Archives nationales, registre du trésor des Chartes^ coté
JJ 165, pag. 229, anno 1411, d'après La Curne). Et, dans
le patois picard, les représentants actuels de filius s'em-
* On le- trouve même au lieu de pueri dans une de ces combi-
naisons fixes, où les enfants sont mentionnés par opposition aux vieil-
lards: de filiis et senectute (Donat, Hec. IV, 3, 4, d'après Funck, op.
cit., p. 88).
* Selon Du Cange, filia se trouverait au sens de puella, «quo-
modo Galli dicimus une Fille», dans la loi salique, tit. 70 (texte de
Herold): Si quis jiliam alienam ad eonjugium quaesierit, praesentibus
suis et puellae parentihus, et postea se retraxerit ... Il est pourtant
évident que filia aliéna veut dire ici «la fille d'un autre». Pour rendre
l'idée de 'jeune fille', la loi salique se sert de puella, et, une seule
fois, de pulicella {ci. § 80).
^ Je dois ce renseignement à M. Hey, le rédacteur en chef du
TJiesaurus Linguae Latinae, qui a bien voulu mettre à ma disposition
les épreuves de l'article filius.
* De cette signification on a dérivé le sens de 'femme non mariée'.
— 96 —
ploient au sens de 'garçon'. Les feuilles 622, 623 et 624
de VAtlas linguistique, qui contiennent les réponses aux
questions garçon, mon petit garçon, les garçons, montrent fyu
dans tout le département de la Somme, dans les parties
limitrophes de ceux du Nord, de l'Aisne, de l'Oise, de la Seine-
Inférieure et dans l'ouest du Pas-de-Calais ^ Aux extrémités
de ce domaine, on se sert de garçon à côté de fgu. Le
patois de Saint-Pol, où fgu ne signifie que 'fils', a pour-
tant l'expression œ ho fyu 'un bon garçon' ^. Le langage
populaire de Paris a adopté le provincialisme fieu au sens
de 'enfant'. Dans le Midi de la France, je ne trouve fieu
pour 'garçon' que dans les expressions: es un bèu fiéu,
«c'est un beau gars»; es un brave fim, «c'est un brave
garçon» (Mistral). Il est vrai que la carte 622 de VAtlas
linguistique montre fit pour 'garçon' à Bobi, dans l'arron-
dissement de Pignerol (Piémont), et fœt avec le même sens
à Champorcher, dans la vallée d'Aoste, mais c'est sans
doute l'influence de l'italien figlio qui est la cause de cet
emploi. A la question mon petit garçon, M. Edmont a reçu
à Bobi la réponse mu fit et; à Champorcher mo pétyo fétet.
Si le simple fils a pris très rarement en gallo-roman
le sens de 'garçon', il y a par contre une foule de dimi-
nutifs de ce mot, qui n'ont pas conservé aussi strictement
le sens d'une filiation. Je préfère cependant traiter de ces
diminutifs en même temps que des formations correspon-
dantes du genre féminin.
88. C'est un fait bien connu que fille a été em-
ployé très souvent comme atténuation euphémique, et que,
comme d'autres mots ayant le même sens, il est, pour cela,
devenu synonyme de 'prostituée'. Ainsi, pour rendre en
' Fyœ se trouve isolé au point 292 (Hainaut, Belgique).
' Cf. ce que dit M. Tappolet sur l'emploi analogue de Tital.
jigliolo, op. cit.. p. 40.
— 96 —
français l'idée de ^puella\ il faut actuellement avoir recours
aux expressions jeune fille ou jeune personne. De même
que garce, qui a partagé son sort, fille a conservé pour-
tant, par-ci par-là dans les dialectes, l'ancien sens honnête.
Malheureusement, il est parfois très difficile de le con-
stater, parce que les auteurs des glossaires de patois ne
distinguent pas toujours entre le sens de ^filia et celui de
'puella\ et que V Atlas linguistique ne donne le mot que
dans l'expression ma fille. Je me contenterai donc de citer
les exemples suivants, où j'ai trouvé le sens de" 'jeune fille'
formellement spécifié par les dictionnaires: rouchi file; poit.
feille; Montbéliard feille^: Bournois fcg; Suisse rom. fille,
filye, fele^', sav. /lie, felie. Dans tout le Midi, fiho (filho)
se dit pour 'jeune fille' ^.
89. Les diminutifs nombreux de fils — fille présentent
très souvent les sens de 'petit garçon', 'fillette'.
-ittu. En normand ce suffixe s'attache au nominatif:
hag. fisset — fillette 'fils', 'jeune garçon'; 'petite fille'. E. et A.
Du Méril l'écrivent filset. M. B,omdahl désigne fisé^ dans
le patois du Val de Saire, comme un «mot mignon».
Ailleurs on ne trouve que le féminin de ce diminutif ^.
Le franc, fillette joint au sens primitif celui de 'jeune fille',
en ancien français aussi bien que dans la langue actuelle.
D'après Levy, l'anc. prov. filheta ne signifiait que 'petite
* Moins usité que gaichotte.
- D'après les matériaux du Gloss. des pat. de la Suisse rom.,
l'idée de 'Màdchen' se rend partout par Jille. Hsefelin donne filye
pour le fribourgeois, M"*® Odin fête pour Blonay.
' Peut-être faut-il excepter la Gascogne et le Béarn (cf. Moncaut:
hilho 'fille par rapport au père ou à la mère'). En tout cas. le mot le
plus usité pour 'jeune fille' est ici gouyate. — En Gascogne, et parti-
culièrement dans le département du Gers, fifo s'emploie à côté de gujo
au sens de 'servante'. (Voir VAtl. ling., 1226), Cf. le franc, fille dans
fille de ferme, fille d'auberge, etc.
* L'anc. fr, fillet signifie 'fils', et non 'garçon', dans les deux
exemples qu'en donne Godefroy; l'anc. prov. filhet avait le même sens.
— 97 -
tille' \ mais dans les parlers méridionaux et franco-proven-
çaux d'aujourd'hui, fillette, filhHo ^, etc.. a le même double
emploi qu'en français.
-otfii. L'anc. fr. /illot — fiUofc 'petit garçon', 'petite fille',
se retrouve dans le bas-langage Verduno-Châlonnais: fiyot
— fii/ote 'petit garçon', 'fillette' ^; et en Saintonge: fillot 'jeune
tils', '])0tit garçon'. L'ancien provençal possédait également
filhot * — filhota 'jeune fils', 'petit garçon', 'jeune fille', mais
aujourd'hui on n'emploie (j^ue le féminin: gasc, béarn. hilhote
'petite fille', 'jeune fille' (d'où le sous-diminutif béarnais
hilhoutrto) ; lim.. auv. fîlhoto 'fillette', 'jeune fille' (d'où le
sous-diminutif fitotuno, usité en Cantal).
-atid ^ D'après Lalanne, fillau se dit pour 'petit en-
fant' dans les départements de la Vienne, des Deux-Sèvres
et de la Vendée; mais c'est probablement le même mot
* Ou 'prostituée'.
* Les formes fœde. f'edèta 'tille', 'fillette', qu'on trouve au point
969 (L'Étivaz, dans le canton de Vaud) de la carte 570 de VAtl. ling.,
méritent d'être signalées. Sur le changement de ly en d dans l'est
du canton de Vaud. voir Meyer-Liibke, Gramm. des lang. rom. I, § 517.
' Ils signifient aussi: 'petit-fils', 'petite-fille'. Ailleurs dans la
Bourgogne (Yonne et Morvan), fillot signifie 'filleul' (Godefroy).
■• Filhot a pris plus tard le sens de 'serviteur', développement
très fréquent dans les mots qui signifient 'jeune homme'. On trouve
hillot avec ce sens chez Clément Marot (voir Diez, Etym. Wôrterb.
der rom. Spr., p. 615).
•■' D'après M. Meyer-Liibke (Gramm. des lang. rom.,1. § 510), M.
Nyrop [Gramm. hist. de la langue franc. III. § 360) et M"^^ G. Ôstberg
{Studier ôfver deminutiva och augmentativa suffix i moddrn proven-
çalska, p. 66), le suffixe -aud (<;germ. -wald). s'emploie le plus sou-
vent, en français et en proven(;al. avec un sens péjoratif. Cependant,
plusieurs des exemples provençaux cités par M*"^ Ostberg témoignent
d'une nuance diminutive: iarawd! 'petit berger , ieftraMrf 'jeune lièvre'
(ou 'lièvre mâle'), pipaud 'petit drôle'. Or. dans bien des patois du
("entre et de l'Ouest, le suffixe -aiide se trouve, comme on va le voir,
dans des dérivés de fille, où il a un caractère indubitablement dimi-
nutif. Faut-il admettre ici une influence du sens diminutif de -ot,
-otte, avec lequel -aud est. au masculin, très souvent confondu'? Ou
-otte est-il le suffixe primitif, qui aurait été remplacé par -aude? Ce
dernier suffixe ne se rencontre pourtant pas assez souvent dans les
dialectes pour justifier cette hypothèse.
— 98 —
(|ue le saintongeois fillot. Le dérivé féminin en -aude
est beaucoup plus répandu. Brantôme, qui était natif
du Périgord, emploie fiUaude 'petite fille' deux fois dans le
neuvième chapitre des Dames galantes ^ D'après les glos-
saires de patois, fillaude se trouve aujourd'hui en Saintonge.
en Poitou ^, dans le Haut-Maine ' et dans le Centre * avec
le sens de 'petite fille' ou de 'jeune fille'. Cependant, on
le cherche en vain sur les cartes de VAtlas linguistique,
où drôlesse (drôlicrr) est signalé comme le mot le plus usité
pour 'petite fille' dans ces patois. Cela me semble indi-
quer que fillaude est en train de vieillir.
-on. L'anc. fr. fillon était des deux genres et signifiait
'petit garçon' ^, 'fillette'. — L'anc. prov. filJwn signifiait seu-
lement 'petit fils', mais, en provençal moderne, fihoun (lang.
filhou) a aussi le sens de 'jeune garçon'. On y trouve
en outre les sous-diminutifs fihounet et (en Auvergne)
filhounèl 'garçonnet', 'nouveau-né' (Mistral). D'après Vays-
sier, fiUoîi et fiïlounel (s. m.) signifient en Aveyron 'fillette'.
Le féminin fihouno, filhouno s'emploie, suivant Mistral, dans
les Alpes et en Languedoc; VAtlas lingtiistique l'inscrit dans
les départements du Puy-de-Dôme et de la Haute-Loire.
-ton **. Ce suffixe s'attache au nominatif (cf. /ilsct).
En ancien français, fiston était un mot d'amitié, adressé
à un petit garçon. Godefroy cite deux exemples de l'ex-
pression mon fiston. Oudin, dans ses Curiosité.?; françaises,
définit fiston par 'un jeune badin' et le désigne comme
vulgaire. Il mentionne aussi le diminutif fistonncau avec
' Voyez Lalanne. Lexique des œuvres de Brantôme, p. 113.
- Lalanne: jillaude, feillaude; Favre: fillaude. feillaude, fliaude
Simonneau: felyaude (Ile-d'Elle, Vendée).
^ Montesson le définit par 'jeune fille bonne à marier el à cour-
tiser', ou par 'filleule'.
* Jaubert enregistre aussi fillaud, mais seulement au sens de
'filleul' ou de 'petit-fils'.
^ D'après Godefroy. Les exemples qu'il cite à l'art, filloii.
faillon 'petit garçon', ne présentent que faillon (< "?)
* Sur Forigine de ce suffixe, cf. Nyrop, op. cit.. § 402.
— 99 —
!•' même sens. Ce sens péjoratif se retrouve dans le par-
ler de Guernesey, où l'on appelle fiton un polisson, un
enfant qui fait l'école buissonnière (Métivier), et dans
La Côte (Vaud), où Bridel a relevé fiston au sens de
'polisson', 'petit maroufle'. J'ai trouvé fiston^ avec le sens
de 'petit garçon', à Caen et ailleurs en Normandie, à Plé-
chatel et dans le département de Saôno-et-Loire. Comme
terme de tendresse il est plus répandu; je l'ai relevé, dans
cet emploi, en Anjou, en Normandie, en Picardie, à Messon
(^Aubo), dans le Vendômois, dans le Centre et à Paris, où
il n'appartient qu'à la langue populaire.
-ucu ^ Mistral a relevé en gascon hulhuco 'petite
tille'; et sur la carte 570 de V Atlas on trouve, au point
<i99 (Haute-Garonne) la forme hituJco (à côté de drollo) avec
le même sens ^.
90, Par redoublement de la première syllabe, le lang-
age enfantin a formé les termes caressants: fifi — fi fille ^
'fils chéri', 'fille chérie' {Dict. gén.). D'après Sachs-Villatte,
fi fille s'emploie dans la langue familière au sens de 'Mâdel'.
On le trouve aussi dans quelques patois, surtout au nord,
dans le sens de 'fillette': en rouchi fifile, dans la Flandre
française fi fille, à Namur fefey, à Saint-Pol fi fil et en Anjou
fifille.
91. L'ital. figlio — figlia, et surtout figliolo — figliola,
prennent quelquefois, à côté de leur seiis primitif, celui
* Pour ce suffixe diminutif, cf. Ostberg, op. cit., p, 31.
-' Ajoutons ici le mot curieux fillâge. s. f.. (jue Jaubert a enre-
gistré dans son Glossaire du Centre de la France avec le sens de 'fille':
un hiau corps de fillâge. Faut-il y voir un archaïsme? On sait que
le suffixe -âge. qui aujoui'd'hui ne désigne que des choses, servait à
désigner au moyen âge des personnes aussi. Ou le sens concret de
'fille', provient-il du sens abstrait de 'virginité', 'état de fille'?
^ Le latin avait une formation correspondante : Jifilia, qui se trouve
sur une inscription de la Gaule. Voir Pirson, op. cit., p. 114; et ALL,
XIII. p. 150, n.
— 100 —
de 'garçon' et de 'jeune (ou petite) fille' ^ En général,
c'est aussi le cas pour les représentants dialectaux de fi-
lius — filia et de fiUolus — filiola. Filiolus était en latin un
terme de tendresse, et figliolo a toujours, comme l'a con-
staté M. Tappolet ^, une nuance plus familière, plus vague
que figlio. Surtout le pluriel figlioli correspond plutôt à
l'allemand Kinder qu'à l'allemand Sôhne ^. «Je weiter
nach Sûden, je mehr nimmt die verwandtschaftliche Be-
deutung ab, je hàufiger \iQ\ssi figliolo 'kleiner Sohn', 'Knabe'»,
dit-il.
Quant à la répartition de figlio et de figliolo en Haute-
Italie, M. Tappolet a démontré qu'il faut y distinguer
trois territoires: 1) figlio — figlia {fi{o) — fia) ; 2) figliolo — figlia
{fioil) — fia)] 3) figliolo — figliola (fiol — fiola)*.
Il n'est pas sans intérêt de constater que le patoiî*
de Realdo, qui, d'après M. Tappolet, appartient au terri-
toire de figlio — figlia, et qui, en réalité, rend aussi les idées
de 'fils' — 'fille' par filje — filja^ emploie filjoo (au pluriel
filjôli) pour exprimer l'idée de 'enfant'. — Dans le génois,
qui, d'après M. Tappolet, se trouve aux confins du premier
et du deuxième territoire, et qui emploie figgiu — figgia au
sens de 'fils', 'fille', il en est à peu près de même: on j
trouve figgieu au sens de 'fanciullo', 'bambino' (figgieu de
lœte = 'enfant à la mamelle'). Cependant, il faut ajouter
que, d'après Casaccia, figgieu peut signifier aussi 'figliolo'.
Figgia^ à côté du sens de 'figlia', a encore celui de 'fan-
ciulla nubile', 'femmina vergine di qualunque età'. On
voit que, dans ces deux cas, figliolo a pénétré, au sens de
'enfant', dans le domaine de figlio — figlia. Dans le Mon-
ferrat, qui, d'après M. Tappolet, devrait être compris dans
* Cf. les définitions que donne le dictionnaire de Rigutini-Bulle
de figlio, figlia, figliuolo, figliuola. — Sur l'expression un huon figliolo,
una buona figliola, cf. Tappolet, op cit., p. 40.
2 op. cit., p. 38.
» Cf. fanciulli, § 18.
* Il faut y joindre: fiiil — fiôla.
— 101 —
le deuxième territoire (celui do /ir/Uolo — figlia) on trouve
cependant // à côté de //o au sens de 'fils', tandis que fib
(de môme (jue le diminutif jiulott) a aussi le sens de 'pe-
tit garc^'on'. Quant au féminin fija, Ferraro ne donne que
l'acception de 'ragazza da marito'. Dans la plaine du
Piémont, qui fait indubitablement partie du deuxième terri-
toire, ficul — fia signifient non seulement 'figlio', 'figlia', mais
aussi 'fanciuUo', 'fanciuUa' '. -- Dans le troisième territoire,
(|ui embrasse, suivant M. Tappolet, la plus grande partie
de la Haute-Italie (les plaines lombarde et vénitienne *,
le Tessin, la Valtelline et les Alpes bergamasques), j'ai
trouvé fio{l) — fiôla au sens de 'garçon', 'jeune fille' dans
les parlers de Milan, Bergame, Pavie, Plaisance ^, Parme,
Mantoue *. Le vénitien fiol (ou fio) s'emploie, d'après
tous les dictionnaires, exclusivement au sens de 'fils'.
Mais à Trieste, oîi l'on dit également fio ou fiol pour
*fils', le dernier est aussi synonyme de fanciuUo, surtout
au pluriel: far comr i fioi 'fare a' fanciuUi' ^. Le féminin
fiola a pris le sens spécial de 'bambinona', 'donna fatta e
grossa che vuol far la bambina'.
Dans la partie méridionale du domaine de figliolo —
fif/Uoln. limitée, suivant M. Tappolet, par Teramo, Chieti,
' Fieul da marie se dit pour 'scapolo', 'celibe'; jia da marié pour
fanciulla da marito'. et fia coii i sprbn (.s^rôù = 'éperons') pour 'pul-
cellona', 'zitellona'.
* Il faut observer pourtant que Boerio et Nazari enregistrent ^o
aussi bien que fiol; Boerio désigne même la première forme comme
la plus usitée à Venise, tandis ([ue fiol se dit plus souvent à Padoue.
La zone de transition, (jue M. Tappolet indique à l'est et qu'il ne fait
commencer que dans la région montagneuse, paraît donc être en réalité
un peu plus étendue.
' Ici. fio signifie, d'après Foresti, 'figliuolo' ou 'celibe', 'scapolo' Ç
mais ce dernier sens suppose, comme phase intermédiaire, celui de
'ragazzo', 'giovine'. (.'f. le piac. ^Za = 'figliuola'; 'ragazza', 'zitella';
celibe', 'non maritata'.
* Cherubini donne pour le mant. fi(rul les acceptions de 'fi-
gliuolo' et de 'ragazzo'; mais pour ^œwZa seulement celui de 'figliuola'.
* Le triestin connaît aussi l'expression bon fiol = buono figliuolo.
— 102 —
Monte Cassino et la Campanie ^, j'ai noté Fabr. fijôlc, ex-
pression familière pour 'fanciulla'j 'ragazza da marito' ^, et
le nap. figliulo {fegliulo) — figliola (fcqUola) 'giovanotto', 'gio-
vincello'; 'donzella'. 'pulzella', 'zitella'. Au sens de 'jeune
femme', le féminin se dit en napolitain aussi d'une femme
mariée: La mogliere de Nntonio p figliola ancora.
En corse, figliolu — figliola s'emploie partout au sens
de 'fils', 'fille', excepté à Bonifacio, où l'on dit fidjyu —
fidjya\ mais, tandis que figliolu est toujours un terme de
parenté (sauf au pluriel: /f/7Z»oZi = 'enfants' '), fidjyu se dit
à Bonifacio aussi pour 'enfant' *, fidjya pour 'fillette' ".
En Sardaigne, où le gallurien dit figliolu (fiddolu),
le logoudorien fizu. et le campidanien fillu, au sens de
'fils' (Spano), la première forme peut s'employer aussi
pour 'garçon', dans l'apostrophe caressante fitolu meyu 'mon
petit garçon' ^.
92. Il va sans dire que les diminutifs de figlio — figlia,
figliolo — figliola sont en général, comme le lat. filiolus —
filiola et les formations gallo-romanes correspondantes, plu-
tôt des termes de tendresse que de parenté; ils signifient
le plus souvent 'petit garçon', 'fillette'. L'ancien italien
connaissait les formes figlictto — figlietta, figlino — figlina;
l'italien moderne préfère les dérivés de figliolo — figliola:
^ op. cit., p. 39. II ajoute: «Der ganze Sùden sodann mit Sicilien
und Sardinien kennt keine Diminutivform». Cette assertion est trop
catégorique; on trouve, par exemple, à Lecce len Apulie) figghiûlu
'figliuolo' (v. AGII, IV. p. 131 1.
^ Cette idée se rend ordinairement dans ce dialecte par giovene
ou bardasce.
' C'est ce que montrent les proverbes cités par Palcucci à Part.
figliolu.
* Voir la carte 425 {Venfant crie) de V Atlas linguistique {Corse).
— Sur la carte 703 (fouetter un enfant), on trouve gartsu à Bonifacio.
* op. cit., carte 672.
* En ce cas, la plupart des jjarlers corses se servent de zitéllu
ou dé zitellucciu.
— 103 —
fifflioletto — figlioletta \ /igliolino — figliolina, et, les sous-dimi-
uutifs encore plus caressants: figlioldtino — figliolcttina, fi-
gliolinetto —figlioUnetta .
Le suffixe -ittu s'emploie aussi à Parme: fiolètt 'figlio-
letto'; 'ragazzetto'; et en piémontais, où fiëta a pris le môme
sens que le simple fia: 'figliola', 'ragazza'. Il a donc fallu
avoir recours au sous-diminutif fictina pour rendre l'idée
do 'bambina'.
Des dérivés formés à l'aide du suffixe -inu se trouvent
également en parmesan: fiolcin 'figliolino'; 'ragazzetto', 'gio-
vanetto'; et en piémontais: fiolin 'figliolino'; 'fanciullino'.
Le génois en a aussi tiré un féminin: figgioin — figgioina
'bambino', 'bambina'.
Les patois piémontais et monferrin présentent des di-
minutifs en -ottu: piém. fiolôf 'fanciullo', 'giovanetto' ; monf.
fiulott 'ragazzetto'. Dans le Vocaholario milanese-italiano
de Cherubini, fiolott est aussi défini par 'ragazzetto', mais
l'auteur y a ajouté un point d'interrogation, qui semble
indiquer un certain doute quant au sens diminutif de ce
mot. Ce qui atteste que le sens n'est pas en réalité di-
minutif, mais augmentatif, c'est que les dictionnaires mo-
dernes de Banfi et d'Arrighi rendent fiolott par 'ragazzotto',
'figliolone'.
Le suffixe -uceu, qui est le plus souvent d'un carac-
tère péjoratif, ce que montre l'ital. figlioluccio 'schwàch-
liches. unansehnliches Kind' (Rigutini-BuUe), sert aussi à
former des diminutifs: triest. fioluz 'bambinello'; nap. fi-
gliuzzo 'figliolino'; 'bambino'. Le napolitain, qui, à en juger
d'après D'Ambra, n'emploie aujourd'hui ([ue figliolo— figliola,
n^a pourtant formé des diminutifs qu'avec figlio — figlia:
jigliuzzo 'bambino', figliacca, figliàccara 'bambina'.
Ajoutons encore les termes de tendresse fiiulclu et
^ Ces formes s'emploient aussi adjectivement: cosï figliuoletto;
tanto figliuoletta : troppo figliuoletta (Tommaseo e Bellini).
— 104 —
fidjyurilu, qu'on trouve aux points 64 et 89 de la carte 729
(mon petit garçon) de V Atlas linguistique (Corse).
93. Le génois figgiuamme 'ragazzo'; 'giovinetto ines-
perto'; 'ragazzaccio', est originairement un collectif, corres-
pondant à l'ital. figliolame, qui se dit par mépris et par
plaisanterie d'une foule d'enfants. On trouvera plus bas
d'autres exemples d'une pareille transition du sens collec-
tif au sens individuel, qui paraît être, du reste, caractéri-
stique du génois (cf. garsunamme § 155, hardasciamme § 208).
C'est un fait bien connu que les mots collectifs subissent
facilement un développement péjoratif, et cette tendance
ne fait que s'accentuer dans le passage à l'acception in-
dividuelle.
«Héritier.»
94. Les dialectes lombards possèdent plusieurs mots
signifiant 'enfant', 'garçon', qui se rattachent de quelque
manière au lat. hères.
Dans la Valtelline, spécialement à Sondrio, on trouve
redes (s. m. et f.) au sens de 'ragazzo' ; 'ragazza' ^, et le
féminin analogique redesa 'ragazza' ^. Bedcs peut être un
pluriel aussi ( == 'ragazzi'). A Poschiavo nous trouvons
rédas 'enfant' ^, et plus au sud, à Brusio et dans la Val-
telline (autour de Tirano et de Bianzone) *, rais — raissa
^ Monti traduit redes par 'ragazzo'; 'figlio', mais M. Meyer-Lûbke,
Rom. etym. Wôrterb. 4115, ne donne que le sens de 'fils'. Cf. pour-
tant ce qu'en dit M. Pio E.ajna dans JRendiçonti délia Meale Accademia
dei Lincei, VII, 2, p. 341: «Quanto al senso. cosi redes corne rais non
hanno attualmente nella coscienza dei parlanti altro significato di 'ra-
gazzo'». Et en note: «Dicendo 'el to redes". 'la tua redes', per 'il tuo
figliolo', 'la tua figliola', nessuno sa di fare altra cosa che se dicesse
italianamente 'il tuo ragazzo', 'la tua ragazza'».
* Voir Biondelli, Monti, et Rajna, op. cit.. p. 340.
' Cf. Val Maggia rédas 'eredi'. Voir Salvioni dans BendlL^
sér. II, XXX, p. 1507.
* Par conséquent, on ne peut pas désigner ce mot comme un
erme comasque, ainsi que le fait M. Meyer-Liibke, loc. cit.
— 105 —
'ragazzo'. 'ragazza'. En continuant notre route vers le sud.
nous trouvons rais 'bimbo in fasce' à Val Camonica Su-
periore (Rosa) \ et, autour de Brescia, res 'bambino' ^, que
Biondelli traduit aussi par 'parto'. Ajoutons que le pluriel
ards 'ragazzi' (sing. aréj) a été relevé par M. Salvioni ^ à
Varzo (Val d'Ossola, dans le Tessin) *, et que le diminutif
razaëî 'fanciullo' est en usage à Plaisance ^.
Ce redcs. qu'on ne trouve actuellement que dans les
Alpes, a été employé autrefois dans la plaine lombarde
aussi. Il apparaît chez Bonvesin da Riva sous les formes
de heredcx et rrdrx. Suivant M. Seifert ^. il signifie chez
Bonvesin toujours 'héritier' ; mais, comme l'a relevé M. Sal-
vioni ^, le poète milanais l'a employé, tantôt avec le sens
collectif de 'figliuolanza'. 'proie', tantôt avec le sens indi-
viduel de 'figlio', 'ragazzo'. Dans les deux sens, le mot
est féminin.
95. M. Rajna tirait l'anc. mil. heredcx. redex et les
formes actuelles rcdes, rais du lat. hereditas. Cette expli-
cation a été repoussée par Ascoli '^ et par M. Salvioni ".
* M. Meyer-Lûbke, loc. cit.. signale ce mot comme appartenant
au bergamasque, mais il ne se trouve ni dans Tiraboschi, ni dans
Zappetini.
* Pellizzari ne relève ce mot que dans la partie toscane-bresciane
de son dictionnaire.
* loc. cit.
* Le valtell. ères 'figlio' (Monti, Biondelli) est peut-être mal ac-
centué; en ce cas. il doit remonter, ainsi que le tess. ares, à Fane,
mil. {he)redex; voir ci-dessous. Si, par contre, l'accent est correct, il
faut probablement y voir le nominatif hères (cf. Ascoli. dans AGII.
XIII, p. 282).
6 Voir Gorra dans ZRPh, XIV, p. 142. — Caix. Studi di etimo-
logia. 47S. rattachait à la même étymologie le vén. raisin 'bambino'.
qui n'a pourtant rien à voir avec hères. C'est un diminutif de.raisc
'radice' (voir § 307).
" Glossar zu den Gedichten des Bonvesin da Riva. p. 35.
' Giornale storico délia litteratura italiana. VIII. i). 41.5.
« AGII, XIII, p. 287.
» RendlL, sér. U, XXX, p. 1508.
— 106 —
Ce dernier a émis l'hypothèse suivante, qui paraît très
vraisemblable.
A son avis, heredex a été originairement un pluriel signi-
fiant 'héritiers', 'fils', qui a subi l'influence du pluriel de
abhiatico (chez Bonvesin abladhesi) ^ et qui a été regardé
plus tard comme un singulier collectif du genre féminin
avec le même sens ^. Ce collectif a pris au cours des
temps un sens individuel: la heredex = 'il figlio', 'il ragazzo';
il en est de même de familia, *mansionata, *mansionaticum
que nous étudierons plus bas ^. La proximité de ces trois
degrés de développement ressort de l'exemple suivant que
j'emprunte à M. Salvioni. L'expression: non havcva here-
dex^ qu'on trouve chez Bonvesin, peut être rendue par: «non
aveva figlio», «non aveva figli», «non aveva figliolanza>.
96. Le même radical se retrouve dans reda, que Pe-
trôcchi donne comme un terme des XIII^ et XIV^ siècles
avec le sens de 'erede', 'figlio'; il est pourtant usité aujour-
d'hui encore par les paysans toscans au sens de 'bambino'.
Cela ressort du passage suivant d'un chant populaire, publié
dans le recueil de Tommaseo, où rede signifie 'bambini':
Non puole star du' rede 'nd' una culla *. Cf. Fanfani, Voc.
délia pronunzia tosc: '<Itèda, e Bède, s. f. Figliuolo, o Dis-
cendente». On le trouve aussi en sicilien dans ces ac-
ceptions.
M. Meyer-Lûbke, dans son Bomanisches etymologisches
Wôrterhuch, fait remonter ce reda à hères, mais comme l'a
montré M. Eajna", reda doit représenter un type *heredita:
* «Quanto all'affinità del significato tra 'eredi' e 'discendenti',
cioè 'abbiatici', essa è palmare» (Salvioni, loc. cit.).
. } Cf. la heredex 'figliuolanza', 'proie', chez Bonvesin, et la redexe
'famiglia' qu'on lit dans un statut de Valmadrera, conservé dans la
bibliothèque de l'université de Pavie.
^ Rappelons que le valtell. redes signifie 'ragazzi' e 'ragazzo'.
* Voir Monti, à l'art, redes, et Rajna, op. cit., p. 338.
*■' op. cit., p. 338 s.
— 107 —
cf. l'anc. vén. rità 'figlio' <: hcrrditatem ^ Ces mots ont été
une fois des collectifs, à l'instar du lomb. redex ^. * Avère
eredità voleva dire aver fîgli che potessero ereditare, e
quindi aver figli o discendenza in génère» '. Puis, le sens
collectif a été remplacé, dans ce cas aussi, par le sens
individuel, tandis que le genre féminin s'est maintenu: la
reda = 'il figlio', 'il bambino' *.
«Ce qui est créé ou engendré».
97, Dans le dialecte rhéto-roman de Nonsberg, en Ty-
rol, Schneller a relevé le mot cria (s. f.) 'kleines Kind' ",
qui est probablement un substantif verbal du verbe crié
qu'on trouve dans Alton au sens de 'erschaffen'. La signi-
fication de 'enfant' paraît être le résultat d'un développe-
ment sémantique tout à fait analogue à celui que nous avons
étudié plus haut dans les mots creatus, creatura. creamen ^.
* Cf. l'anc. ital. podèsta et l'ital. podestà; l'anc. tr. poeste et poesté,
povérte et poverté, etc.
2 Cf. sard. erenzia 'stirpe', 'crédita', 'prosapia'.
' Rajna, op. cit., p. 337.
* Redo (à Arezzo et en Ombrie: arredo), qui s'emploie dans la
campagne toscane pour désigner le petit d'un animal, spécialement
un veau, est, suivant M. Eajna {op. cit., p. 340) et Fanfani {Voc. delVuso
toscano) le même mot que reda. M. E.ajna explique la différenciation de
la finale par Ja tendance à distinguer l'homme de l'animal.
* Schneller cite le couplet que voici, tiré d'un chant nuptial par
Piramonti : •
«E che festa, che allegria
Dopo n'am sentir oà
E veder na bella cria
Tutta mamma e tut papa!»
* Cependant, le sens de 'enfant' pourrait peut-être s'expliquer
autrement. En toscan, cria signifie 'l'ultimo nato di una covata', 'il
più piccolo e balordo uccello del nido'; et dans le dialecte arétin-,
'pidocchio nato di poco'. Par métaphore, il se dit du 'più stentato e
debole di una famiglia". Faut-il croire que le tyr. cria doive sa si-
gnification à un emploi figuré analogue? — Dans les parlers de Modène,
de Mirandole, de la Corse, et probablement ailleurs aussi, cria signifie
'un peu' ('briciola', 'mica'), sens tiré de celui de 'chose créée'. Peut-
être est-ce là le point de départ du développement qui a abouti au
jtens de 'enfant'. (Cf. mion, mioche, etc., § 283).
— 108 —
«Celui qui est nourri, élevé».
98, En espagnol et en portugais, il y a aussi un sub-
stantif verbal cria (s. f.), qui peut signifier 'enfant'. Voici
les acceptions que Tolhausen donne au mot espagnol:
«Fortpflanzung der Tiere; Zucht; Werfen, Wurf. Tracht (von
Tieren); Junges, junges Tier; Brut, Vôgelbrut: Fischbrut;
sàugendes Tier; Sâugling; Pflegekind» ^ Micliaelis traduit
le port, cria par «Junge (sic) eines Tieres, welclies sâugt:
Kind,» mais désigne le dernier sens comme tombé en dé-
suétude. Le verbe ctiar, d'où est tiré ce substantif, si-
gnifie 'créer', 'produire', mais aussi 'nourrir', 'allaiter', 'éle-
ver'; et c'est à ces derniers sens que correspondent les
acceptions de 'petit d'un animal qui tette', 'nourrisson',
*enfant à la mamelle'.
99. Du verbe criar, au même sens de 'nourrir', 'al-
laiter', 'élever', est dérivé aussi un autre mot portugais:
criança (Coelho: creança) 'petit enfant' {criança de peito
'enfant à la mamelle'); diminutif: criancinha. — M. Meyer-
Liibke, dans sa Grammaire des langues romanes, II, § 432,
mentionne le diminutif criançola, qu'il traduit par 'petit
enfant'. Mais, suivant Michaelis, il ne s'emploie qu'avec
le sens spécial de «erwachsene(!), junge(!) Menscli (der sich
kindlich benimmtj».
L'espagnol possède une formation correspondante:
crianza, qui a les sens abstraits de 'nourrissage de bestiaux',
*élève' (et aussi de 'éducation', 'politesse'). En portugais, ces
idées se rendent par criaçao, qui a en outre, de même que
l'esp. cria, le sens collectif de 'portée', 'ventrée', 'volée',
*couvée'. Faut-il croire que le portugais criança ait eu ja-
dis des sens abstraits et collectifs pareils, et que ce soit
en passant par ces acceptions que cria et criança aient
pris le sens de 'enfant'? Ce n'est pas impossible, en tout
' Hacer crias signifie 'faire des nourrissons'.
— 109 —
cas, puisqu'un développement analogue s'est produit eu
provençal et en français.
100. L'anc. prov. noiridura signifiait 'nourriture'; 'édu-
cation'; 'enfants', 'famille'; 'enfant' ^ En provençal moderne
on ne retrouve que le premier sens ^. — L'anc. fr. norreçon
signifiait de même primitivement 'action de nourrir', 'nour-
riture': puis il prit les sens collectifs de 'animaux qu'on
élève'; 'menu poisson': 'famille'. On sait que, aujourd'hui.
nourrisson a le sens individuel de 'enfant en nourrice'.
— L'ancien vénitien nous fournit encore un exemple d'un
développement analogue: norin 'enfant en nourrice' (du
lat. nutrimen. qui a donné en ancien provençal noirini
'nourriture'; 'jeunes animaux'; en français, nourrain 'petit
poisson qu'on met dans un étang pour qu'il s'y développe' i.
101. Du verbe adfior. atfier. atifier. ou affier (du bâc-
lât, aptificarc^) 'élever', 'nourrir'; 'planter', 'greffer'^, les
patois du Centre, de l'Anjou et du Poitou ont tiré le sub-
stantif adfiaii. affiau (Centre, Anjou), affié, affiéc (Poitou)
'enfant du premier âge', 'nourrisson' ". En Anjou il se dit
' E. Levy mentionne encore l'acception de 'créature', mais avec
un point d'interrogation.
- Le mot français correspondant, nourriture, primitivement action
de nourrir', e.st un autre e.vemple d'un mot abstrait employé pour di'--
signer l'objet de l'action. En ancien français, ce mot pouvait signifier
'jeune bétail qu'on élève', sens (jui survit aujourd'hui en îs^ormandie:
et les premiers poètes tragiques de la période classique .disaient nour-
riture pour personne nourrie'. (Voir Nyroj). Gramm. hist. de la langue
franc., IV. t? 304,.
' Voir Puitspelu. Dictionnaire étymologique du patois lyonnais, à
l'art, attofayi: A. Thomas, Mélanges d'étymologie française, p. 5; Meyer-
Liibke, Rom. etym. Wôrterb.. 5G5.
* Le franc, afjier n'a que ces dernières acceptions (^voir Littrcv.
^ On dit dans le dép. de la Vienne: Quiau yars s'afjie bien «cf
garçon se nourrit bieu>. Cf. lyonn. attofeyi 'gros", gras"; propre-
ment 'bien nourri'.
8
— 110 —
aussi pour 'fils', 'fille'. Par prosthèse d'un w, l'angevin en
a tiré nafiot: un affiau, mon affiau est devenu un naffiau,
mon naffiau, qu'on a écrit nafiot, en croyant y voir le
suffixe diminutif -ot ^
102. Le dolois ébluçon 'petit enfant' ou 'petit d'un
animal' (terme de mépris, d'après Lecomte) est évidem-
ment dérivé du verbe éblucer, qui dans le même patois se
dit pour 'élever', 'nourrir': La pauvre femme a hen du deul
à éblucer ses iras poupons. Ce verbe, dont on ignore l'ori-
gine, se retrouve dans les parlers voisins: Rennes s'éblusser
'se développer', 'grandir', 'prospérer' ; Pléchatel éôrMSsé 'tiré
d'affaire', 'grandi'; bas-manc. s'éblu^oter 'croître', 'se dé-
velopper contre toute prévision'.
103. Nous pouvons ranger aussi dans ce groupe de
dénominations le roum. baiat, pourvu que, à l'instar de
Cihac, nous le tirions du verbe baia 'élever', 'nourrir',
'soigner' ^, du même radical que le lat. bajulare 'porter',
qui dans le bas-latin s'employait au sens de 'regere',
'gubernare' (Du Gange) ^ Cependant l'explication de
Cihac a été contestée par M. Densusianu *, qui, ainsi que
M. Tiktin, voit dans baiat un dérivé de baia<:balneare:
le sens primitif serait donc 'enfant baigné'. J'avoue
que cette explication me paraît moins plausible que
l'autre. L'usage de baigner les enfants aurait dû être
d'une importance extraordinaire chez les Roumains pour
leur faire appeler les enfants 'les baignés'.
^ Ce phénomène de prosthèse n'est pas rare dans ce patois, non
plus qu'ailleurs. On dit un naim. pour un haim (de même en Berry,
à Blois et ailleurs), nanse pour anse, niole pour yole. Cf. Nyrop. Gramm.
hist. de la langue franc., I, § 491, 4; et ZBPh, XIII, p. 323.
' M. Meyer-Liibke, qui rattache également baiat à bajulare {Rom.
etym. Wôrterb., 887), traduit le roum. baia par 'streicheln', sens qu'on
ne trouve ni dans Cihac, ni dans Tiktin.
* Cf. le bas-lat. bajulus = 'custos\ 'paedagogu^'.
* Romania, XXXIII, p. 274.
111 —
Baiat 'pupille', 'nourrisson', 'garçon' ', est. devenu le
mot ordinaire pour 'garçon', correspondant à fdta 'fille' ^.
Le féminin baiata 'jeune fille' ne s'emploie qu'en Transyl-
vanie. — De la vogue de baiat témoignent les diminutifs:
baietél, baietâ^ 'petit garçon; et les augmentatifs: baietoiu
'grand garçon' ^, baietdn, haietandru 'garçon d'âge moyen'.
2. Mots désignant les enfants par rapport à
d'autres parents.
«Neveu».
104. De même que certains termes signifiant 'fils',
'héritier' ont pu éveiller l'idée de 'enfant', 'garçon', ceux
(|ui désignent un neveu ou un frère ont parfois subi la
même évolution.
L'anc. prov. bot 'neveu', tiré par aphérèse de nehot, a
pris les sens de 'fils' et de 'garçon' ^ dans les Alpes Cot-
tiennes, en Dauphiné comme dans les vallées piémontaises.
Les cartes 672, 573, 622, 623, 624 de V Atlas linguistique
nous montrent que bot (plur. bos) s'emploie avec ces sens
à Monêtier-les-Bains (Hautes-Alpes), et bwot^ diminutif
bivuteyu, à Oulx (Turin). Le dictionnaire de Chabrand et
Rochas d'Aiglun signale aussi (dans le supplément) bot
'jeune garçon' comme un mot de Monêtier-de-Briançon.
Mistral donne ce renseignement plus général: «Bot, s. m.
* Ce sont les acceptions qu'on trouve dans Cihac. M. Tiktin ne
donne que le sens de 'Knabe', 'Junge'. — Baiat se dit aussi d'un
jeune paysan (cf. le franc, gars, allem. Bursche), et, comme le franc.
garçon, il peut signifier aussi 'garçon de café' ou 'commis'. E bun baiat
correspond au français «c'est un bon garçon».
^ On dit par exemple: Avea doi copii, un baiât si o fdta «elle
avait deux enfants, un garçon et une fille».
* D'après Alexi, c'est un terme péjoratif, signifiant: 'Liimmel',
■Flegel".
* Il est très probable que le mot a pris d'abord le sens de 'fils'
Ht que le sens de 'garçon' a été dérivé de celui-ci.
- uâ -
fils, jeune garçon, dans' les Hautes-Alpes». Suivant Bion-
delli (p. 522), hot se dit à Giaglione (au nord-est d'Oulx ^
avec les mêmes significations, et le Vocabolario etimoloffico
joiemontese de Dal Pozzo mentionne aussi hot 'figlio' ^
- -*^ • «Frère».
105. Le cat. fadrï, du lat. *fratrinus, dont le premier
r est tombé par dissimilation '^, signifiait d'abord 'petit
frère': et ce sens est attesté encore au XVII® siècle par
Oudin: «Fadrin, m. Mot Valentian qui vaut autant que
Hermanito, petit frère, frérot». De ce sens a résulté celui
de '(petit) garçon', qu'on trouve dans le dictionnaire de
Saura: «Fadri. Soltero. jôven, doncel. Mozo, mancebd, ofi-
cial». Il paraît d'ailleurs en train de disparaître, car il
n'est plus enregistré par M. Vogel. Le dictionnaire de
celui-ci ne donne que les sens dérivés de 'célibataire' (subst.
et adj.) '^ et de 'ouvrier compagnon'. Le féminin fadrina
signifie 'femme qui n'est pas mariée', 'vierge' *. Dans
le diminutif fadrinet — fadrineta 'jeune garçon', 'jeune fille',
le sens ancien est encore vivant. Comme le montre la
citation d'Oudin ci-dessus, l'espagnol a emprunté le mot
en question. Tolhausen le traduit par 'junger Bursche' ■'.
' Pour le valais hb 'garçon', proprem. 'crapaud', voir § 364.
2 Cf. Schuchardt. ZRPh, Beih. VI, p. 53. Le mot a échappé à
M. Tappolet, et on ne le trouve pas non plus dans le Mom. etym.
Wôrterb.
' Un vieux garçon s'appelle fadrinot.
* En béarnais, fadrine s'emploie au sens de 'fille ou femme de
mauvaise vie'. C'est un phénomène bien connu que les mots d'em-
prunt subissent une dégradation de sens. Cf. mouçhacho en provençal,
§ 347. — L'ancien provençal avait emprunté fadrinesa 'jeunesse' du
cat. fadrinesa.
^ Ajoutons que *fratrinus a donné, en ancien provençal et en
ancien français, frairin, frarin 'pauvre', 'misérable', 'malheureux', et.
par extension, 'méprisable', 'mauvais', 'vil', 'lâche'. Suivant E. et A.
Du Méril, on dit aujourd'hui encore en Normandie frarin pour 'dolent',
'chétif. Lé point de départ de ce développement sémantique est
l'acception de 'moine', à laquelle s'associait facilement l'idée de pauvreté.
— 113 —
106. Suivant M. Tappolet, Die romanischcn Vtrwandt-
schaftsnamen, p. 61, les expressions familières pour 'frère'
ot 'sœur' s'emploient souvent au sens de 'garçon' et de
'fille'. Voici les exemples qu'il donne d'un tel emploi:
ital. tato 'frateilo' et 'fanciullo'; bord, tyatya 'frère' et 'gar-
çon' (de même que tato, c'est un mot que les petits gar-
çons s'adressent les uns aux autres); Labouheyre (Landes)
ya 'sœur' et 'petite fille' ^ Un exemple analogue nous est
fourni par Mistral: *Chichai. s. m. Petit frère, dans la Gi-
ronde; terme de bohémienne, enfant, petit garçon.» Ce mot
s'emploie donc dans la même contrée que tyatya 'frère' et que
tsitso 'sœur', mot mentionné aussi par M. Tappolet; au
point de vue de la forme, il y également une certaine res-
semblance entre ces trois termes.
Faut-il supposer, comme le fait M. Tappolet, qu'il y
ait eu dans ces cas un changement de sens proprement
dit: 'frère' > 'garçon'? Je me permets d'en douter. Tous
les mots en question sont des formations enfantines bien
typiques, et il me paraît plus probable (|u'ils ont été em-
ployés primitivement par un enfant à l'adresse de tout
autre enfant, qu'il fût de sa famille ou non. Nous en re-
parlerons donc plus bas, au § 377.
«Cadet.»
107. La carte 624 de V Atla^ linguistiqne, (jui montre
comment les parlers gallo-romans traduisent la phrase: «en
* Dans le patois des Fourgs (Doubs), il y a un terme de ten-
dresse ya ayant les mêmes acce])tions. Est-ce le même mot que le
neuchâtelois yaya dans l'expression faire yaya fiattieren'? M. Tap-
polet, dans son ouvrage intitulé Die alemannischen Lehnicôrter in
den Mundarten der franzôsichen Schweiz, II. p. 79, où il enregistre
cette expression, ajoute: «von Kindern gebraucht beim Liebkosen vou
Menschen und Tieren, urspriinglich wohl in der Bedeutung 'durch
fortwâhrendes ja-Sagen seine Ergebeuheit bekunden'». Le terme ca-
ressant yanyan petit veau', qui se trouve aussi dans le patois de»
Fourgs, est probablement le même mot yaya ^vec nasalisation de Va.
— 114 —
retournant de l'école, les garçons sont allés dénicher des
nids d'oiseaux», inscrit au point 916 (Saône-et-Loire) le
kadé pour 'les garçons' ^ Et M. Tappolet nous apprend ^
que cadet peut prendre aussi le sens de 'fils', à Payzac
(Ardèche). Nous trouvons un parallèle du développement
'cadet' > 'garçon' dans le patois briançonnais, où inenre,
mendre (proprement 'moindre', 'plus petit') signifie 'cadet'
et 'enfant'. — Peut-être en est-il de même en Morvan,
où moineai (= anc, fr. mainsné, moinsné, moinné etc. 'puîné',
'cadet'), signifie, suivant De Chambure, 'petit enfant, le plus
jeune, le plus petit' (il s'emploie encore en parlant des
animaux tout petits) '.
108. Les dialectes du Centre et du Sud de l'Italie
connaissent une dénomination d'enfant dont l'origine paraît
être, à certains égards, analogue à celle des mots dont
nous venons de parler. Dans le patois des Abruzzes.
Finamore a relevé quatrale 'ragazzo'. 'ragazza' ; il le désigne
comme i^milier. A Vaste le mot se prononce qaatrare:
^ En provençal moderne, cadet peut signifier, d'après Mistral, 'jeune
homme'j 'damoiseau', galant', 'luron'; on en a tiré le collectif carfefaio
'les jeunes gens d'une localité', qui est un terme de mépris. Les si-
gnifications de 'crâne luron', 'solide gaillard' se retrouvent en angevin
et en normand. Dans le langage populaire de Paris, la généralisation
a été poussée encore plus loin: ici cadet désigne tout simplement un
individu quelconque (H. France; Villatte le traduit par 'Kerl'). Cf.
l'expression ironique: Voilà un beau cadet (Dict. gén.). — Ajoutons
que, d'après Sachs-Villatte. cadet peut signifier 'junger. unerfahrener
Mensch'.
* op. cit., p. 48.
' Les dialectes français possèdent une foule de mots pour rendre
l'idée du dernier né d'une famille ou d'une couvée. Le berrichon seul
en connaît huit. Certaines de ces expressions prennent quelquefois
le sens plus général de 'petit enfant', 'enfant de petite taille', par ex-
emple pousse-cul, qui en normand signifie 'nabot', 'enfant d'une taille
exiguë pour son âge'. De Chambure enregistre pour le patois mor-
vandiau poussât 'petit enfant', 'le dernier de la famille'. Le même
double sens est présenté par le berr. houzou et le saint. nOquef (nocut).
Cf. aussi plus bas chacrot. chacrotte.
— 116 —
fi Aquila, Pescina ot Avezzano: quatrane^. Ziccardi en-
registre pour Agnone la forme kuatredrd 'ragazzo'; Savini
pour Teramo: quatrare 'ragazzotto', 'ragazzotta piuttosto
atticciata' *. Une canzone de Faeto. dans la province de
Foggia, que cite Morosi dans VArchivio glottologico italiano,
XII, pp. 70, 71, commence par les mots: 0 quattrd men!
«o ragazzi miei». et dans la dernière strophe on lit: e prijéj
quattrann! «e pregate, ragazzi». L'exemple suivant, qu'on
trouve dans le Codex Cavensis, montre que le mot a été
en usage dans la péninsule de Sorrente avant le XIII **
siècle; filins Ursi qui vocatiir quatraru^. Dans le calabrais,
Scerbo signale cotraru 'ragazzo'. — D'après l'opinion de
M. De Bartholomaeis, ce mot remonte à *quartariu 'il
quart ogenito', et il le compare à Quintilio, Settimio, Ottavio.
Peut-être *quartariu a-t-il été employé d'abord comme un
nom propre, lui aussi.
3. Mots ayant le sens primitif de «célibataire»,
«stérile».
109. C'est un phénomène très commun, et dont nous
avons déjà trouvé bien des exemples au cours de notre
travail, qu'un mot signifiant 'garçon' ou 'jeune fille' prend
le sens de 'célibataire', quelquefois aussi celui de 'vieux
garçon', 'vieille fille' *. — Un développement sémantique
en sens inverse ne se rencontre pas aussi fréquemment, mais
dans les langues romanes, surtout dans les dialectes italiens,
on trouve quelques exemples de mots, dont le sens primitif
est celui de 'célibataire' ou de 'stérile', et qui en sont
' Finamore donne encore le dérivé quatragnàtte 'ragazzotto', 'ra-
gazzotta'.
2 Le féminin se dit aussi pour Tinnamorata".
» Voir De Bartholomaeis, AGÎI, XV, p, SbS.
* Cette dernière idée se rend cependant plus souvent à l'aide
d'un suftixe: cat. fadrinot. ital. zitellone. zitellona, etc.
— 116 —
venus à désigner des jeunes gens en général et même de»
enfants.
110. Le mot germanique slïhts 'simple' (> allem. mod.
schlicht, schlecht) est la base de l'ital. schietto 'simple', 'pur',
'sincère', etc. En sicilien et en calabrais, schettu, schiettu
présente, à côté de ce sens, celui de 'celibe', 'scapolo'; et le
féminin schetta signifie 'ragazza nubile'. Nous trouvons le
même mot dans la Valtelline et dans les Alpes bergamas-
ques sous la forme de scet — sceta; au sens primitif de
'schietto', 'sincero', 'puro' il joint ceux de 'fanciullo', 'fan-
ciulla'; 'ragazzo', 'ragazza'; 'figlio', 'figlia'. Pour aller de
'schietto' à 'ragazzo', il a probablement fallu passer par
les sens intermédiaires de 'célibataire' et de 'jeune homme'.
— A côté du simple scet — séeta \ la Valtelline connaît le
dérivé s'ceton — s'cetôna 'fanciullo', 'fanciulla', 'giovanotto'.,
'giovanotta'. Le bergamasque et le brescian présentent
les diminutifs sëetl — sëetina, scefoUt — scetolèta; le premier
dialecte a en outre scetèl—scetèla.
111. Les représentants du lat. sterilis 'stérile' s'em-
ploient dans bien des dialectes italiens et rhétiques comme
substantifs pour désigner une vache (ou chèvre) stérile,
une génisse (ou jeune chèvre) qui ne donne pas encore de
lait ^. On les trouve aussi appliqués à une femme : mil.
sterla 'donna magra' ^ (cf. le bergam. sterla 'vacca magra
e stérile') *.
^ Monti écrit s^cèt, Zappetini sccett, Pellizzari sciet.
- Pour des exemples, voir Meyer-Liibke, Rom. etym. Wôrterb.,
8246.
' D'après M. Meyer-Liibke, loc. cit.. le haut-engadinois connaît
aussi un substantif sterla 'femme stérile'. Mais M. Pallioppi ne donne
pour ce mot que le sens de 'bouvillon ou génisse d'un an', ainsi que
M. Walberg, op. cit., § 17, — M. Walberg nous apprend aussi que^
dans Bjfrun, sterla est encore un adjectif et se dit des femmes.
* Cf. aussi l'alb. stertsE 'vieille femme'; c'est le même mot que
le bulg. sterica 'stérile', qui se dit des brebis.
— 117 -
Dans le Sud-Ouest de la France et en Sardaigne, ste-
rilis en est venu à désigner un jeune homme ou une jeune
femme et même un enfant. — Pour Pane. prov. esterle^
Levy enregistre les acceptions suivantes: 'stérile', 'non
marié', 'célibataire'; 'cadet', 'puîné', 'jeune'. En ancien
béarnais, sterle ou esterlc était le nom des enfants cadets
d'une famille, et on j)Ouvait même désigner par le mot sterîes
un jeune homme et une jeune femme qui s'étaient mariés.
C'est ce qui ressort du passage suivant du dictionnaire de
Lespy et Raymond: «Dans la Coutume de Barcge (Hautes-
Pyrénées), cadet et cadette, qui, s'étant mariés ensemble,
avaient assemblé leurs constitutions de mariage pour les avoir
en commun profit et commune perte, étaient appelés meytadéji
(= mitoyens) ou sterles». — Dans les patois actuels du Béarn,
de la Gascogne, du Toulousain et du Bas-Limousin, esterle,
astérie^ etc. signifie 'célibataire', 'jeune homme à marier',
'garçon', 'drôle', 'galopin'; et le féminin esterlo: 'jeune fille'.
En Rouergue ces deux mots ont pris le sens de 'amant',
'amante'; 'prétendu', 'prétendue'. Le diminutif esterlet 'jeune
garçon', s'emploie en Languedoc.
Comme l'a montré M. Salvioni \ le gallur. steddu ou
isteddu 'fanciullo'. 'bimbo', remonte également à sterilis
112. Le lat. vacans se disait des femmes au sens de
'libre', 'non mariée'. Il paraît qu'un type *vacantivus, formé
de ce mot sous l'influence de vacivus ^. a été la base d'un
terme, ([ui se retrouve dans plusieurs dialectes italiens avec
le sens de 'stérile': istr. vagantia (Sissano), vagantéja (Dig-
îiano, Gallesano) 'stérile, di donna o di animale che non abbia
figliato' (Ive); logoud. haganûu 'vacuo', 'libero', 'che non è sc-
minato' ', donna haçfanûa 'donna che non ha affigliato ancora'.
' BendlL, sér. II. XL, p. 1060.
« Cf. Schiichardt. ZBPh, XIII, p. 532; XXXII. p. 472.
• Cf. le logoud. bagante 'vacante', 'vacuo'.
— 118 —
Ainsi que les représentants de sterilis. ce terme a pris le
sens de 'célibataire', 'jeune femme nubile': campid. hagadia
(<z*vacativa)^ 'nubile', 'libéra', 'maritanda', hagadm 'scapolo',
'libero' ^, d'où le collectif hagadialla 'moltitudine di gio-
ventù'; nap. vacantîa 'pulcella', 'donzella', 'zitella': lecc.
acantîa 'fanciuUa da marito'^; apul. vakandie 'vieux garçon' *.
Au logoud. bagantlu et au campid. hagadlu répond le
gallur. et sass. vaggianu ou vagghianu 'celibe'. 'donzello',
vagghiana 'nubile', 'donzella'^. D'après l'opinion de M. Guar-
nerio **, ces formes remonteraient également à un dérivé de
vacare, dont la forme lui échappe. Ne pourrait-on pas y
voir le résultat d'un croisement avec bajanu — bajana. qui, en
logoudorien, s'emploie tout à fait dans le même sens?
4. Mots désignant le sexe.
«Mâle.»
113. Dans plusieurs dialectes italiens, provençaux
et franço-provencaux, on emploie des mots qui signifient
primitivement 'mâle', au sens plus restreint de 'enfant
mâle', 'garçon'.
Dans la plupart des cas, il faut sans doute chercher
l'origine de cet emploi dans des expressions où il s'agit
de distinguer entre les enfants des deux sexes, telles que
celles-ci: Incertus infans natus, ynasculus. an femina esset{Tite-
Live, XXXI, 12). — Berdot de Casenave a V enfanta. II
1 Cf. Guarnerio. AGîI, XIV, p. 407.
* En logoudorien, hagadiu veut dire 'festivo', 'che non si puô
lavorare': die di hagadïu 'giorno festivo'. (Le mot campidanien cor-
respondant est haganza.)
' Voir AGII, IV. p. 128.
* Voir Meyer-Liibke, Bom. etym. Wôrterb., 9108.
* Le masculin ne se trouve que dans la partie ital. -sarde du
dictionnaire de Spano.
* loc. cit.
— 119 —
niascles «B. de C. a cinq enfants, (dont) deux garçons». {En-
qnête sur les serfs du Béarn, XIV® siècle; d'après Lespy et
Raymond). * — La mojér ge j-ô partoré dô fi-ôj: vun mascô
r vûna femina {Leggenda sissanese, voir Ive, / dialetti ladino-
reneti delV Istria, p. 206). — àni dut dsitelli, u maeu e uno
femmena <àls ont deux enfants, un garçon et une fille» {Atlas
linguistique, Corse. 563, 729). — Ha due maschi e una fem-
mina «er hatzwei Knaben und ein Mâdchen» (Rigutini-Bulle).
Le dernier exemple, comparé aux précédents, nous
montre la phase de transition: on a éliminé le mot signi-
fiant 'enfants' et dit tout simplement: «il a deux mâles
et une femelle», pour: «il a deux garçons et une fille».
Puis on s'est servi du mot signifiant 'mâle' pour 'garçon',
sans le mettre en opposition avec des enfants du sexe fé-
minin, et voilà le changement de sens accompli.
114. Relevons d'abord un exemple de ce développe-
ment que nous fournit l'albanais: mashul 'mâle', signifie
aussi 'garçon' *.
115. Le glossaire latin-bergamasque du XV^ siècle
rend, entre autres, le lat. puer par maschio ^. — L'italien
moderne et les dialectes du Nord se servent avec prédi-
lection des diminutifs en -ittu, spécialement en parlant
des nouveau-nés: A fatto un maschietto. Un bel tnaschietto
di tre anni. lîegalerà al hahho un altro bel maschiettino
(Petrôcchi). En milanais nous trouvons les formes corres-
pondantes mas'cètt 'ragazzetto', mas'cettm 'ragazettino' (de
mas'e 'maschio'). Au même sens on emploie en parmesan
mascictt. en romagnol mastciétt et en vénitien maschivto:
dans les deux derniers dialectes ce mot se dit particulière-
' Cf. Texpression L'n Jilh mascle e une femele «(Ils onti un gar-
(.ou et une tille» {ibid.i.
* Voir Meyer, Albanesische Grammatik. p. 11.
' Voir Lorck. op. cit., p. 162.
— 120 —
ment pour 'bambino neonato'. — Très fréquents sont aussi
des dérivés formés à l'aide des suffixes augmentatifs -ottu,
-one ^ Voici quelques exemples empruntés à Petrôcchi:
È venuto un bel maschiotto. Che hèlla maschiotta. Bel ma-
.schione che à fatto. Bàlia che allèva certi maschioni. Dans
les dialectes haut-italiens nous relevons: mil., bergam.,
romagn. masciot: vén., vie, triest. maschioto {mascioto)\
bergam. masciii: parm. mascihn. Les parlers de Milan, Ber-
game, Parme et la Romagne présentent le féminin ana-
logique masciotta (masciota), qui, à l'instar du tosc. mastiotta,
ne se dit pas, en général, d'une petite fille, mais d'une
jeune fille forte et robuste. — Le corse possède le dimi-
nutif màeareïlu {maéaredu) 'petit garçon' ^.
116. A MoresteL dans le département de l'Isère, mâle
(proprement 'mâle') veut dire 'garçon' '. Le diminutif ma-
lot se dit pour 'petit gars' en Limousin (Mistral). L'aug-
mentatif macUa{.s) (proprement 'gros mâle') signifie en pa-
tois lyonnais 'garçon', 'jeune enfant mâle'; il a cependant
une nuance un peu dépréciative •*. Macliasso, dans le même
patois, est franchement péjoratif. Dans les environs de
Grenoble, où le mot individuel n"est pas relevé, on trouve
le collectif maelof 'réunion de jeunes garçons', 'garçonnée'.
«Femme».
117. Dans les ras que nous venons d'étudier, un mot
signifiant 'mâle' a pris le sens spécial de 'enfant mâle'.
Les patois de l'Ouest de la France nous offrent deux ex-
emples d'une restriction de sens semblable: un mot qui
^ En parlant d"enfants nouveau-nés. on attire volontiers l'atten-
tion sur le fait (ju'ils sont dodus et robustes: «La signora X. regal6
la famiglia d'un bel bamboccione».
- Voir VAtl. ling. (Corse), 729. aux points GO. <i9.
' Voir VAtl. ling.. 622. au point 922.
* En bas-dauphinois, maclia est une injure =^ homme de rien'.
- 121 —
signifie primitivement 'femme', prend racception particu-
lière de 'jeune fille'. Seulement, le procédé psychologique
est différent. Tandis que la restriction qu'ont subie mâle
et ses synonymes, est due à l'intention de distinguer entre
les enfants des deux sexes, le dernier changement s'ex-
plicjue par le fait (pie les idées de 'femme' et de 'fille' se
confondent très souvent: les limites entre ces deux notions
sont très flottantes K
118. Dans FOuest et dans le Centre, femelle (ou fii-
melle\ est très usité au sens de 'femme' ^. et il se dit pEir-
fois aussi pour 'jeune fille', surtout dans le patois du Maine^.
et, en outre, en Nomiandie *, dans le Yendômois '" et dans
le Centre. lie patois de Bournois emploie assez souvent
femelle en bonne part pour désigner une jeune fille. En
Savoie le diminutif fénôle (de fma 'femme') a la même
signification.
llî). A Pléchatel (en Bretagne), dans le Bas-Maine.
en Anjou et en Poitou, marraine a pris le sens de 'femme'.
Cette acception, ([ui est attestée par les dictionnaires,
ressort aussi de la carte 373 de V Atlas linguistique, qui.
au point 417 (Deux-Sèvres) rend l'expression 'une belle
dame' par bel marén, en ajoutant en note que dame ne se
dit ici (jue d'une femme d'un rang élevé. Au même en-
droit, marén s'emploie aussi dans la langue familière pour
'fiUe' ®. Verrier et Onillon ont relevé le même emploi en
' Cf. l'extension sémantique, si fréquente en italien, qui donne
aux jeunes tilles les noms de fillettes: fanciidla, zitella. etc.
* En Normandie. Anjou et Poitou, il a le plus souvent un sens
dépréciatif.
^ Voyez Dottiu. Montesson et VAtl. Ung., 570. au point 412.
* Voir VAtl. Ung.. 570. aux ])oints 334. 343.
•• Voir Martellièr»- et VAtl. Ung.. 570, au p. 306.
'■' Voir r.4//. Ung.. 570. — L'idée de marraine est rendue ici 1©
plus souvent })ar le mot enfantin nen.
— 122 —
Anjou, où l'on désigne par marraine 'une jeune fille grande
et forte, de 20 à 25 ans'.
5. Mots ayant le sens primitif de «jeunesse».
120. En français et en provençal, certains mots ayant
le sens de 'jeunesse' en sont venus à désigner un jeune
homme ou une jeune femme ^. Ce sens concret peut très
bien être dérivé directement du sens abstrait, de même
que c'est le cas pour une beauté, une célébrité, un talent,
etc.; mais je crois qu'on a le droit de supposer ici, au
moins dans certains cas, l'existence d'une phase inter-
médiaire, où le sens a été collectif ^.
L'anc. prov. joven ou jovent présente le sens collectif
de 'jeunes gens', à côté du sens abstrait de 'jeunesse'.
Suivant M. Appel, on l'a employé aussi avec un sens in-
dividuel: il traduit mon joven (voir Provenzalische Chresto-
mathie, 96, 11) par «ich junger Mann» ^ — En provençal
moderne, Ce développement de sens est fréquent. Nous
trouvons dans Mistral les exemples que voici: jouvent
(gascjoubent) (s. m.) 'jeunesse' ; 'jeunes gens'; 'jeune homme',
'jouvenceau'; jouventut (lang., gasc. joubentut), jouventuro
(s. f.) 'jeunesse'; 'jeunes gens'; 'jouvenceau', 'jouvencelle';
iouvento (s. f.) 'jeune fille', 'jouvencelle'.
121. L'anc. fr. jovente (s. f.) présente également les
trois acceptions: l'abstraite, la collective et l'individuelle.
' Cf. l'emploi analogue de Pangl. youth et du suéd. ungdom, sur-
tout au pluriel: ungdomar.
^ Déjà le latin nous fournit un exemple de ce développement
sémantique. Juventus se rencontre souvent au sens collectif de 'multi-
tudo juvenum' ; et le même emploi est attesté ^ oxxr juventa, par ex.:
Quintiliane, vagae moderator summe juventae (Martial, II, 90).
^ Dans une lettre à Levy; voir ProvenzaUsches Supplementwôrter-
buch, IV, p. 278. — En ce cas il s'agit probablement d'un emploi occa-
sionnel du mot abstrait au sens personnel.
— 123 —
Il signifie: 'jeunesse'; 'jeunes gens'; 'jeune homme', 'jeune
femme' (Godefroy). Il faut observer cependant que le sens
individuel, qui n'est point rare, apparaît déjà dans la Chanson
de Roland (2916), tandis que le sens collectif n'est attesté
(|u'uno seule fois par Godefroy, et dans un exemple datant
de 1638. — Le masculin jovent ne paraît avoir eu que les
sens de 'jeunesse' et de 'jeunes gens'.
A côté du sens abstrait primitif, le franc, jeunesse
peut prendre un sens collectif pour désigner les jeunes
gens et les enfants \ ou les jeunes gens à l'exclusion des
jeunes filles; et il s'emploie individuellement pour dési-
gner une personne jeune, surtout une jeune fille. Ce der-
nier emploi est aussi très répandu dans les parlers pro-
vinciaux et les patois.
6. Mots désignant la famille, la maisonnée.
122. Le lat. familia et les mots bas-latins *mansionata
et *mansionaticum, qui servaient tous à désigner l'ensemble
des personnes appartenant à la même famille et vivant
dans la même maison, la «maisonnée», ont pris en certains
cas le sens individuel de 'enfant', 'garçon'.
Familia.
123. Le sens primitif du lat. familia paraît avoir été
celui de 'réunion des esclaves (famuli) soumis à un maître'.
Mais, par une extension de sens, le mot en était venu à
désigner aussi la réunion des personnes libres, soumises à
la puissance d'un même père de famille: les enfants in
potestate et la femme in manu ^. De cette idée collective
on a passé soit au sens individuel de 'femme' (c'est le cas
* A Saint-Pol on dit la petite jeunesse pour désigner les enfants.
* Voir Daremberg et Saglio, op. cit.. II, p. 972.
— 124 —
eii roumain, oii feméie ^ désigne la femme, par opposition
à l'homme, barbatul). soit au sens individuel de 'enfant'.
en passant par le sens collectif de 'enfants' -.
124. Tandis que le macédo-roum. fumeuVe et le megl.
fameVa, fiimeVa n'ont que le sens collectif de 'enfants',
'famille', l'alb. femije ' signifie aussi 'enfant', 'poupon', et
ce sens individuel est même le plus usité.
Dans le patois limousin, familha prend également un
sens individuel, mais, à en juger par l'exemple suivant, le
seul que j'aie trouvé, il ne se dit qu'au pluriel et signifie
'enfants par rapport aux parents' : I an douas familhas «ils
ont deux enfants» *. En béarnais, le pluriel de familhe^faL-
inille' peut aussi signifier 'enfants': Qu'ey Ion debé deus
pays d'establi litrs familhas «c'est le devoir des pères d'éta-
blir leurs enfants» (Lespy et Raymond).
Dans le dialecte asturien, nous rencontrons le même
phénomène: tien cuatru familias «il a quatre enfants».
Suivant le dictionnaire de l'Académie espagnole, familia
s'emploie, dans certains parlers provinciaux, même au sing-
ulier, avec le sens de 'fils' ^ Le sens collectif de 'enfants*
('pueri^j, apparaît dans l'exclamation: Familia. arriba! «En-
fants, montez!» (Salvâ) ^.
* D'après Puscariu; Tiktin écrit femée. — Le sens étymologique
est vivant aujourd'hui encore dans les idiomes macédo-roumains.
2 Cf. Tallem. Hahen Sie Familie? = Haben Sic Kinder?
' D'après Meyer; Weigand écrit fëmi-ja.
* Voir Puitspelu, op. cit.. p. 254.
^ «Familia, en algunas provincias, hijo, singularmente varon.>'
(Cité d'après Munthe, Anteckningar om folktnâlet i en del av vestra
Asturien, p. 72).
"^ De familia, l'italien a tiré le dérivé famiglio 'serviteur', 'valet'.
Des formes correspondantes se trouvent dans différents dialectes, et,
dans le bergamasque actuel, famei a le même sens. Mais autrefois
ce mot a possédé le sens de 'jeune garçon' ; cela ressort du glossaire
bergamasque-latin du XV® siècle, qui traduit le lat. puer par famey
(LoTck, op^ cit., p. 162). Il est vrai que puer peut signifier aussi 'ser-
viteur', 'esclave'; mais, comme, à la ligne suivante, ce mot est rendu
- 12B —
■^Mansionata.
125. Le lat. jx)]). *niansionof(i, {\\\\ se trouve dans des
textes bas-latins du Xll® siècle sous la forme ii/fisi/afti ou
tnasnada (Du Gange), a subi le même développement de
sens (jue fanùlid.
Ij'ane. franc, mai.miee, mesniee, maif/nie. etc., avait,
d'après Godefroy, les significations suivantes: 'ménage';
'maison qui abrite un ménage'; 'famille'; 'gens dé la mai-
son' ; 'serviteurs domesti(}ues', 'suite d'un seigneur, ses hom-
mes d'armes'; 'compagnie en général', 'troupe'; 'ménage',
'train de maison'; 'garçon', 'apprenti' ^ L'anc. prov. niais-
Hiida, mas}iada, mainadtt signifiait, suivant les dictionnaire.^
de Raynouard et de Levy: 'famille'; 'gens de la maison',
'domestiques', 'serviteurs'; 'enfants'; 'compagnie'; 'société';
'suite d'un seigneur'; 'troupe de mercenaires'; 'écpiipage
ot passagers d'un vaisseau'. Le cat. ma ij h ad a offre les
mêmes acceptions: 'Gesinde', 'Gefolge', 'Heersçhar', 'Scliar'.
'Kindervolk', 'Kinder' (Vogel). Dans la dernière significa-
tion, il a donné naissance au dérivé n/a//)ia(Icya 'Kinder-
frau', 'Kinderwârterin'.
L'ancien français ne paraît donc pas avoir connu le
sens de 'enfants', (pii est apparu en ancien provençal et
en catalan. En étudiant les exemples que donne Godefroy
de mcsnicc 'famille', nous trouvons que ce terme est em-
]>loyé. dans la plupart des cas, avec le sens le plus général
du mot famille (cf. lat. fatmUa af/natorniH). En voici un
exemple bien typique: Il ahamlonva sa frcs helle et honnc
femme, sa helle maifinie d'enfavs. parens, ami/'^. Itrr/faif/es
(Louis XI, Nour., XIX. Jacob). Parfois, mesiuer ne sert à
])ar el puto da xinqo avni. et à la page 9G, par ol put. il me paraît hors de
doute que famey veut dire ici 'jeune gar(,'on' et non 'serviteur'. — Mais
peut-être le sens de 'serviteur' a-t-il précédé celui de 'gardon' (cf. § 136
s.V Ajoutons que, dans le dialecte de Subiaco, famel'ii signifie 'fils'.
' Les exemples cités par Godefroy ne semblent pourtant indiquer
qu'un emploi collectif.
9
— 126 —
désigner que le cercle extérieur, pour ainsi dire, de la fa-
mille; il se rapproche alors du sens de 'gens de la mai-
son', 'domestiques':
Deus f/art II rois et sa lignée,
Famé et enfant:, frères, megnee.
(J. L. Marchant, Mir de N.B., ms. Chartres f 51^.) •
Dans l'exemple suivant, il paraît s'opposer aussi à la
notion 'enfants': Ke front dont sa mahnie, ke feront soi en-
fanf? (Poème mor. en quat., ms. Oxf., Canon mise. 74,
fo 60 v''). Il peut donc paraître assez naturel que l'anc.
fr. mesniee, ayant ces acceptions, n'ait pris ni le sens col-
lectif de 'enfants', ni le sens individuel de 'enfant', 'gar-
çon'. Aussi est-ce surtout au Midi de la France et en
Piémont que *mansionata a subi ce développement. Quel-
ques-uns des patois actuels de l'Ouest, il est vrai, en pré-
sentent un analogue.
126. D'après la carte 461 de V Atlas linguistique,
*mansionata 'enfant' occupe, dans les parlers actuels de
la France, deux aires assez étendues, mais coupées d'en-
claves, l'une au sud-est, l'autre au sud-ouest. La première
comprend certaines parties des Alpes occidentales et de
la vallée du Rhône; elle s'étend du Rhône et du Lac
Léman au nord jusqu'à la Méditerranée au sud ^ La
seconde aire comprend la partie méridionale du départe-
ment des Hautes-Pyrénées et les points 690, 694 du dé-
partement des Basses-Pyrénées. — Les cartes 622, 623,
624 et 672 nous apprennent que les représentants de
*mansionata s'emploient aussi avec le sens de 'garçon' ^ et
^ Voici des détails plus précis: dans le Valais, les points 977,
978; dans la vallée d'Aoste, les points 975, 986, 987; dans la Drôme,
les points 837, 838 ; à peu près tout le département des Hautes-Alpes,
et, sur le versant oriental des Alpes, les points 982, 992; enfin le point
898 dans le département des Alpes-Maritimes.
'^ Les cartes 623 {mon petit garçon) et 624 {les garçons) montrent
à peu près la même extension du mot que la carte 451; mais la
— 127 —
de 'jeune fils'. — Quand un mot a pris le sens de 'garçon',
on peut presque toujours s'attendre à trouver, dans le
même parler, un féminin analogique pour désigner une
fille, jeune ou petite. Un coup d'oeil sur les cartes 570
et 1569 nous montre que tel est le cas ici pour le Béarn,
la Gascogne et la Guyenne, où maynado {maynadè) et
maynadeto se trouvent dans bien des localités au sens de
'petite fille', tandis qu'au sud-est nous ne voyons pas un
seul exemple féminin de notre mot.
127. Les glossaires de patois confirment en général
ces résultats. Ils reflètent cependant, dans la plupart des
cas, une phase plus ancienne de la langue que V Atlas
linguistique. Voilà pourquoi ils montrent, par-ci par-là, une
extension plus vaste de l'emploi personnel. Rappelons
pourtant aussi que V Atlas linguistique est «un filet à larges
mailles», et qu'on peut trouver dans les glossaires des
termes d'un emploi plus ou moins strictement local, qui
lui ont échappé. C'est aussi le cas ici, surtout pour la
Suisse romande et la Lorraine. — En outre, les glossaires
nous renseigneront sur l'emploi actuel du sens collectif,
d'où est sorti le sens individuel.
Pour le dialecte des Alpes, Mistral donne les formes
meinaio, meinau (s. f.) avec les sens collectifs de 'famille',
'gens de la maison', 'troupe d'enfants', 'les enfants', 'mar-
maille', et les sens individuels de 'enfant', 'petit gar-
çon', 'petite fille', 'jeune fille'. Il enregistre deux diminu-
tifs: meinarouet et meinaioun 'petit enfant', 'petit garçon'.
UAtlas linguistique nous apprend que mainau s'emploie à
Plan-du-Var, dans le département des Alpes-Maritimes,
comme masculin au sens de 'enfant'.
M. Edmont a reçu à la question enfant la réponse
meyna ou mena dans tout le département des Hautes-Alpes,
feuille 622 {garçon) ne donne que le béarn. mainad au point 690 et le
sav. mna, mena aux points 957. 958.
— 128 —
sauf en deux points; ce mot est féminin aux points 866,
869, masculin ailleurs. Au delà de la frontière italienne,
les points 982, 992 montrent également meina (meyna) 'en-
fant'. Cela étant, il est assez étonnant que le dictionnaire
de Cliabrand et Rochas d'Aiglun n'enregistre, pour le pa-
tois du Queyras, que le collectif féminin meyna 'les enfantïs
en général', 'la famille' ^.
D'après le Proveu.ïalisclies Siipplementivôrterhuch de Levy,
la langue populaire des Hautes-Alpes a connu déjà an
XV® siècle le sens individuel de 'enfant'. On y trouve
mainat^ traduit par 'Kind'; à l'appui, Levy cite le passage
suivant du Mystère de Saint Pons:
Ellos eron en pensoïncnt
Quant non poyon aver meyna ^.
Mais cet exemple n'est pas une preuve convaincante
du sens individuel, puisque meyna peut avoir ici aussi bien
un sens collectif: «Ils ne pouvaient pas avoir d'enfants» *.
128. Pour le Dauphiné, Mistral enregistre les formes
mena, meinau, menan (s. m.) 'enfant', 'gars', 'garçon', et le
diminutif meinasson ''petit enfant', 'petit garçon', tiré de
l'augmentatif meinassa 'gros garçon', 'grosse fille', qui s'em-
ploie dans les Alpes. liavanat a relevé, dans les environs
de Grenoble, le collectif masculin meyna 'l'ensemble des
1 Dans son Supplément, ce dictionnaire signale comme des mots
spécialement usités dans le Briançonnais, manin 'petit gar^'on'; manio
'petite fille'. D'après les auteurs, ces mots se rattachent à meyna. et
peut-être pourrait-on admettre une telle explication pour manio (cf.
bress. magnat); quant à manin, il me semble préférable de le rattacher
au type min- (voir § 325).
' Mainaton 'Kind'. (qu'enregistre aussi Levy, ne se trouve dans
aucun manuscrit. Comme il le fait remarquer lui-même, c'est une cor-
rection qu'a introduite M. Jeanroy {Annales du Midi, XIII. 437) dans
VInfanzia Gesù 343 et 658, au lieu de lo inatos et lo jnatons.
» Voir BLR. XXXI, p. 334.
* Cf. les significations différentes que peut avoir l'expression non
haveva heredex (^ 95),
— 129 —
jeunes garçons d'un village', 'la jeunesse masculine'; les
l)luriels masculins lou meina 'les garçons', meinaii 'mes
gaillards!' 'mes garçons!'; et le singulier mejjnâ (sans indica-
tion de genre) 'petit enfant', qui peut avoir aussi le sens
abstrait de 'enfance'. A en juger d'après la carte 461 de
['Atlas, ces expressions sont en train d'être supplantées
[)ar enfant dans les patois dauphinois. Tout le départe-
ment de l'Isère ne nous montre (pie a/a, efà, etc. (sauf au
[)oint 849. où l'on trouve marri)] et ce n'est que dans le
nord du département de la Drôme (pie meipia (s. m., au
[)oint 838), et mena (s. f., au point 837) ont subsisté.
Il en est de même des environs de Lyon : V Atlas lin-
(fnistiqae nous montre que enfant est actuellement le mot
le plus usité, mais les dictionnaires de Puitspelu et
d'Onotrio témoignent que maynat (etc.) y a été en usage au
sens de 'enfant', 'garçon' il n'y a pas longtemps; et sans
doute on l'emploie toujours dans bien des villages. Ils
l'ont relevé dans le Lyonnais sous les formes: maynat, me-
nât, maigna, meigna, méno\ dans le Forez: niaina, megnat,
mena-, dans la Bresse: magnat; et dans le nord du Dauphiné:
megnat, meina. Souvent le mot s'emploie au pluriel avec
le sens de 'enfants'. Dans l'ancien dialecte du Forez,
maynat était un collectif qui signifiait 'enfants', 'jeunesse',
'jeunes gens'. Une phase encore plus ancienne du déve-
loppement sémantique de ce mot est représentée par méno
à Riverie, dans le Lyonnais. Les maîtresses de maison
de ce village disent souvent noutros ménos pour désigner
tous les hommes de la ferme, jeunes et vieux.
129. Dans le nord de la Savoie (à Evian-les-Bains,
à Meillerie, au Biot, à Taninges et à Samoens) menïà (ou
mnïà) s'emploie au sens de 'garçon', 'fils', d'après VAtlas
linguistique et le dictionnaire de Constantin et Désormaux.
Ce dernier indique aussi, pour Evian-les-Bains, le féminin
menïotà 'jeune fille', fait digne d'attention, puisque c'est
■ —iso-
la première fois que nous rencontrons, dans les dialectes
de l'Est, un féminin analogique de notre mot. En allant
vers le nord, nous en trouverons plusieurs autres
exemples ^
Si de la Savoie nous allons vers l'est, nous trouvons
dans le Bas-Valais, au Val d'Illiez et à Vionnaz, méno 'en-
fant', 'fils' (Fankhauser, Gilliéron) ^, et, dans le Valais, à
Châble et à Nendaz, niqina et meno, avec les mêmes ac-
ceptions ^. D'après les matériaux du Glossaire des patois
de la Suisse romande, le Valais possède aussi d'autres formes:
mainô, niainâ, min-nô 'enfant', 'garçon', et le diminutif mèi-
noiin 'petit garçon'. Aujourd'hui encore, on emploie parfois
ces mots avec leur ancien sens collectif; cf. Bridel: mai-
fjnie s. f. 'tous les gens de la famille qui demeurent dans
la même maison', 'toute la maisonnée'. Le neucliâtelois
dit ménya (s. f.) pour 'bande d'enfants'; et, dans le
Jura bernois, min-nyid signifie 'domestique', 'gens de la
maison' *.
Plus au sud, la vallée d'Aoste fait partie aussi du
domaine de *mansionata. U Atlas linguistique signale meina
aux points 976, 987, et mina au point 986 avec le sens
de 'enfant' ^. Plus loin vers le sud nous trouvons majna
'ragazzo', à Val Soana ^.
^ Ce qui atteste en outre l'existence de ces formes en Savoie.
c'est que, dans le patois de Blonay, sur la l'ive opposée du Lac Lé-
man, on appelle mena, ménata les hommes (ou, plus souvent, les petits
garçons") et les femmes de la Savoie qui font les travaux de l'effeuillai-
son de la vigne. «Les femmes du pays ne suffisant pas pour une be-
sogne qui doit être expédiée rapidement, on en fait venir de Savoie
... Ce mot est très rarement employé au masc, parce que les hom-
mes qui se prêtent à ce travail ou qui ont le temps de s'en occuper
sont rares» (Odin).
' M. Meyer-Liibke, Bom. etym. Wb., 5313, écrit à tort mena.
3 Voir VAtl. ling., 461, 572.
■* Dans le patois de Montbéliard, maignie (s. m.) veut dire 'servi-
teur', 'domestique'.
* Au point 987, meina a aussi le sens de 'jeune fils'.
« Voir Nigra, dans AGII, III, p. 35.
— 131 —
D'après VAtla^s linfjuistiquc et les Matériaux, les patois
de la Suisse romande ne fournissent pas d'antres exemples
de *mansionata 'enfant' que ceux mentionnés ci-dessus.
Mais le dictionnaire de Bridel enregistre pour le fribour-
geois les formes mefinot, minot, mena, minau (s. m.) 'petit
garçon', où il faut voir, à mon avis, le même mot que le bas-
val, méno, aost. mina, sav. menia, etc. ^; et mef/notta, minotta
'petite fille', qui paraît être identique au sav. menïota.
Les diminutifs minolet (menolet) — minoleta 'petit garçon',
'petite fille' sont aussi signalés par Bridel comme formes
fribourgeoises, mais les correspondants du Glossaire les ont
relevés dans le canton de Vaud ^.
130, Dans quek^ues patois de la Franclie-Comté. nous
trouvons un mot pour 'jeune fille', qui ressemble beaucoup
au frib. megnotta et au sav. meniota: Plancher-les-Mines
mignotte. meugnotte (Poulet), Le Puix mvm/of ' (Horning),
Rougegoutte munôt (Atl. ling.. 570), Ronchamp munôt*' (ihid.).
Ces quatre localités sont situées tout près les unes des
autres; Plancher-les-Mines et Ronchamp dans le départe-
ment de la Haute-Saône, Le Puix et Rougegoutte dans
le territoire de Belfort. La situation géographi(]ue de ces
parlers comtois entre la Suisse romande et la Lorraine,
qui offrent toutes deux des exemples jîositifs de ^mansio-
nata au sens de 'enfant', etc., et les ressemblances de forme
et de signification, que présente ce mot avec les féminins
^ Bridel les fait venir de minor. ce qui est assez invraisemblable.
Cf. tnouindro {meindro) 'moindre', 'maigre', 'fluet' (dim. mouindrolet)
<Z minor.
' Pourrait-on peut-être rattacher ces dernières formes au thème
onomatopoétique min-, qui entre dans beaucoup de dénominations hy-
pocoristiques du chat? (Cf. § 325.) Dans Bridel on trouve par exem-
ple menet (fem. minetta), menon, minon.
' Sous l'influence d'une labiale, i se change souvent en y dans les
dialectes de l'Est. (Voir Horning, Die ostfranz. Grenzdialekte. § 77.)
* Terme familier. Le mot commun est fèy.
— 132 —
correspondants fribourgeois et savoyards, me semblent in-
diquer qu'il faut y voir le même mot \
Dans le patois messin, il y a un masculin meignat
'enfant', 'garçon' ^ et un féminin maiffneye 'jeune fille'
(Lorrain) ^. Ce féminin, ([ui, dans les parlers de la Bresse
(Horning) et de Saint- Amé (Adam), signifie 'servante', semble
être le même mot que le collectif mmyeif , (j^ui, suivant M.
Horning, se dit à Saint-Amé pour 'domestiques', 'gens de
la maison' ^
131, Comme nous l'avons déjà vu, le béarn. et gasc.
niaynat (mainad, etc.) a une extension beaucoup moins con-
sidérable (lue les formes correspondantes de l'Est. C'est
un autre dérivé de mansio : * mansionaticum , qui domine
dans lé Sud-Ouest. A l'aide du dictionnaire de Moncaut nous
pouvons cependant un peu élargir l'aire de maynat, telle
qu'elle est indiquée par V Atlas linguisUfiiie, en ajoutant aux
départements des Hautes et Basses Pyrénées celui du Gers. ''
' Je ne voudrais pourtant pas nier la possibilité d'identifier ce
niignotte, mugnotte, avec mignote, megnote, correspondant au masc.
mignot, megnot, qui, dans les patois du Doubs, de la Meuse, et ailleurs
dans FEst, signifie 'mignon', 'câlin', 'enfant gâté' (cf. l'expression parZe;-
mignot 'parler comme les enfants, d'une manière câline'). De même
<iue mignon, ce mignot se rattache probablement à l'onomatopée mign-
'chat' (cf. § 325).
'•* Suivant Lorrain, vieignat s'emi^loie aussi comme adjectif au
sens de 'délicat', 'mignard'. Cf. mignat 'qui aime à être caressé' (à
Landremont); mignot 'éveillé', 'turbulent' (k Saint-Amé). S'il faut
attribuer à meignat 'enfant' et à mignot 'mignon', 'câlin' une origine
différente (ce qui m'apparaît comme le plus vraisemblable) on pour-
rait cependant admettre qu'il semble avoir existé ici influence ré-
ciproque.
" Rolland: mètièif' 'jeune fille", 'jeune femme'; Jaclot: mègnèye
'petite fille'.
* Cf. le bernois min-nyi? avec le même sens, et le bas-latin
maagneya =--^ 'familia', 'domus' (Du Cange).
^ Le dictionnaire de Durrieux donne, à côté de maïnat, la forme
maïne. C'est probablement le même mot que mayno (s. f.) 'maison',
'village' (Moncaut), ou mayne (s. m.) 'demeure'; 'ferme', 'domaine' (Mon-
— 133 —
Le féiîiinin hko/iku/o a ([m'huiofois le sons collectif do 'en-
fants', (jui se rattache à l'ancienne signification de 'famille',
'maisonnée': tattfo hosfo mahiado 'le groupe de vos enfants'
^Duri'ienx). Pour l'cndre cette idée collective, le gascon
possède cependant un antre mot: luaj/tiafiiirro; et mai/nado
s'emploie généralemonr au sens individuel de 'jeune fille',
'[)etite fille'.
De nombreux diminutifs témoignent de la vogue du
mot : nidjinadet — mat/nadcfo. nirit/tiddot — nia//nadoto, mayna-
dou — ntai/ttadottno '2)etit enfant', 'petit garçon', 'petite fille'.
En Béarn se trouvent en outre: m<i(juadin 'petit enfant',
'petit garçon'; maf/nadèle 'jeune fille' (à Bayonne).
132. Les dialectes dti Nord-Ouest et de l'Ouest nous
fournissent quelques exemples d'un développement ana-
logue de niesniee {ni(i/f/)iee^ tuaf/nee): norm. mnigniers^. ))iaiy-
tiefs (s. m. pi.) 'les jeunes enfants de la famille'; bas-manc.
mène, mmdo 'enfants', 'marmaille'; Alençon mcincr ^ s. m.)
'petit enfant'; poit. manix'c s. f.) 'enfant nouveait-né'.
133, On a vu plus haut ([ue le franco-prov, met/na,
majna 'enfant' se trouve dans les vallées piémontaises, à
l'ouest de Turin, et dans les vallées d'Aoste et de Soana.
Dans tout le reste du Piémont, le même mot se rencontre
sous la forme de niasuà. parfois avec tm sens collectif:
'ragazzi' (Dàl Pozzo); mais le plus souvent dans le sens
individuel de 'neonato', 'bambino', 'fanciullo', 'ragazzo', oti
de 'fanciulla', 'ragazza'. On y trouve plusieurs diminutifs:
tnasnamij masuaiôt, masnoi 'bambino', 'ragazzino'; masnûna,
inasnaicta 'bambina', 'ragazzina' ^.
caut; Lespy et Raymond), (jui, après avoir pris le sens collectif de
maynado, a subi le même dt'veloppement sémantique que celui-ci.
' Il '^aut probablement écrire maignées, maignée pour maigniers.
ménier. Ou bien aurions-nous ici affaire à des descendants de l'anc.
fr. maisnier 'domestique', 'attaché à la maison ■:*
* Suivant Pipino, masnaitta. .masnauiia signifiaient encore au
XVIII® siècle 'bambino'. "^bambinello'.
— 134 —
Masnà s'emploie aussi dans le dialecte monferrin avec
le sens de 'bambino' ^
*]Slansionaticuin.
134. L'anc. prov. mainatf/e, menatge, du lat. pop.
*mansionaticum ^, s'employait souvent, comme l'anc. franc.
mesnage, masnage, etc., avec le même sens que maynadd
(et mesnieé); et, comme ce dernier mot, il en était aussi
venu à signifier 'enfants'. A cet emploi collectif a succédé
un sens individuel ', et, actuellement, maynadje [mainatee.
maynatse) est, d'après la carte 461 de V Atlas linguistique.
le mot le plus usité pour 'enfant' dans le Sud-Ouest de
la France *. Dans un territoire sur le versant septentrio-
nal des Pyrénées, on trouve cependant mainat, qui est
probablement le plus ancien des deux ^. Le seul mot,
qui dispute avec quelque succès le terrain à maynadje.
' Le génois ne connaît que l'emploi collectif du mot; masnà
y signifie 'famiglia', 'figliuolanza'. On trouve les mêmes acceptions
dans l'anc. gén. masna, masnda (Fiechia) et dans l'anc. mil. masnadha
(voir Salvioni dans Giorn. stor. délia lett. ital., VIII. p. 421). Cf. en-
core logoud., campid. masonada 'famiglia'. 'numéro di figli', 'gerla di
ragazzi', et le refrain enfantin de Sicile :
Matta la mamma. mattu lu tata.
Matta tutta la magasinata.
Magasinata doit être une corruption de masunata 'familia'. Le
mot actuellement usité est casata. (Voir Avolio, dans AGII. Xlll.
p. 266).
' Cf. Du Gange : mansionaticum. maisnagium.masnagium = 'd omu s',
'mansio'; masnagium se disait aussi «pro Familia quae in masnagio
seu domo est.»
' M. Tappolet. Die rom. Vertvandtschaftsn.. p. 48. suppose que
ménage, mainadze. etc. au sens de 'enfant' provient de ^mansionaticus
au sens de 'domestique', ce qui ne me paraît pas vraisemblable. —
Le piém. masnà. qu'il identifie à ménage, vient, comme nous liavons vu,
de *mansionata.
* Cf. Mistral, à l'art, meinage.
" D'après Lespy et Raymond, maynadye (maynatye) s'emploie en
Béarn aussi, à côté de magnat, au sens de 'enfant', 'garçon'.
— 136 —
est drôle (drolo): aux sens de 'garçon', 'fils' il l'emporte
même sur ce mot ^ Par contre enfant, le mot usuel
(lu français commun, n'apparaît pas en un seul point
au sud-ouest de la Garonne, sur la carte 461. — L'aire
de maynadje s'étend jusque dans le Poitou et le Limousin.
Le point le plus septentrional où nous le trouvions sur
la carte 461, est 609 (Vienne), où menâj se dit pour 'en-
fant', à côté de drOl. Lalanne le relève aussi en Poitou:
meinage, moinage 'enfant'; meinagé 'enfant', 'fils'. —'Dans
le patois de l'Aveyron on trouve le collectif maynachaillo
'les petits enfants d'une famille' (Vayssier).
Le féminin analogique maynadjo {mat/nadi/o, meynady'e)
signifie 'petite fille', de même que maynado et maynadeto,
mais s'emploie plus rarement que ces formes,
La présence des types ^mansionata et *mansionaticum
aux extrémités de la France: dans l'Ouest, dans le Sud-
Ouest, et en des régions isolées des Alpes, du Jura et
des Vosges, nous fait croire que ces vieux mots rustiques
ont eu autrefois une extension plus grande, et que peut-
être les territoires isolés d'aujourd'hui ont formé une grande
aire cohérente, avant que les mots du français commun
{enfant, garçon, fille) y pénétrassent en supplantant peu à
peu les expressions patoises.
135. Outre les mots que nous venons d'étudier, les
langues romanes présentent plusieurs autres exemples d'un
passage du sens collectif de 'enfants', 'marmaille' au
sens individuel de 'enfant', 'garçon'. Rappelons le gén.
/iggiiiamme et l'anc. mil. heredex, dont nous avons parlé
plus haut. Nous en trouverons beaucoup d'autres: garçaille,
hardasciamme, race, quenaille, barbesino. — Dans la plupart
de ces cas on peut constater que le mot collectif s'est
' Voir les cartes 622, 572 de VAtl. ling. — De la carte 624 ii'
ressort que maynadje 'garvon' s'emploie plus souvent au pluriel qu'au
singulier.
— I8(i —
employé aussi au pluriel: fanùllas: maif/Hers. nuiMjnets (=
maignées)^] maynadjes; f/arraillrs: (i/icnaUles: racr.s ^-^ et c'est
sans doute cet emploi (jui a amené le passage an sens
individuel.
Un mot collectif est l'éiiuivalent d'un pluriel; aussi
l'a-t-on souvent traité comme un pluriel. Dans les travaux
des écrivains ecclésiasticpies de la basse latinité, on trouve
parfois des constructions telles que celles-ci: omnis popultts
usque ad nnum diicnnt cpLsropnm ^•, mnxima tnrha perrigi-
lant*. Puis, on peut aller encore plus loin et ajouter au
mot collectif une désinence de pluriel. C'est ainsi qu'on
rencontre souvent cliez Victor Vitensis popidl au sens de
'homines^ ^, et ({n'en trouve f(wiiU(iH^ nialf/nép-s^ maipiad,jes-
au sens de 'enfants' ®. Mais dès ([u'on se mit à dire cou-
ramment iuaif/nées pour enfanta^ mie maiynée devint naturelle-
ment l'équivalent de nn enfant^ et cette signification put
amener à son tour un changement de genre ''. Ainsi on
trouve un ménier (= maiynre) \ un qucnalUe, itn (jarçaille,
à côté de une maifpiée, une quenaille, une f/arraille ^.
1 Cf. p. 133, n. 1.
- Cf. armaille (< animalia) 'bétail', dans la Suisse romande, ([ui
s'emploie souvent au pluriel: de belles armailles, et parfois au singulier
dans un sens individuel: une armaille = 'i\ne vache' ou 'un taureau'.
(Voir Tappolet, dans ASNS, CXXXI, p. 86.)
' Corpus Scriptorum Ecclesiasticorum Latinorum. XXXIX, 92, 22.
— Cf. ibid. 79, 17: populus de duc et episcopum.
* op. cit., 90, 16.
^ op. cit., VII, 1, 24; 2, 1, 18; 34, si; 3, 53.
® Je me rappelle un curieux exemple de ce phénomène dans la
langue des paysans et fermiers d'une contrée de Smâland où j'ai passé
({uelques mois d'été. On désignait les pensionnaires de l'hôtel de fa-
mille (en suédois: pensionat) voisin par le mot «pensionatera». phu-iel
dialectal de pensionat ; et il n'est pas impossible qu'on soit allé plus loin
et appelle maintenant un pensionnaire particulier «en }>ensionat».
'' Rappelons ici le développement du lomb. redes '% 94 s.).
* Après avoir- écrit ceci, je vois que M. Sandfeld-Jensen, dans
Sprogvidenskaben, p. 94, a expliqué d'une manière analogue la trans-
ition du sens collectif au sens individuel dans des mots tels que Vrauen-
zimmer, Bursche, camarade.
— 137 —
7. Mots désignant la condition sociale.
«Serviteur», «servante».
130. Dans bien des langues on rencontre ce fait ([u'une
expression signifiant 'jenne homme' ou 'jeune fille' prend
le sens de 'serviteur' ou de 'servante' ^; et les langues
romanes nous en fournissent aussi do nombreux exemples ^.
— Pour expliquer cette transition 'jeune' > 'domestique',
il suffit, comme le fait remarquer M. Jaberg ', de se rap-
peler que, très souvent, ce sont des jeunes gens qui sont
employés comme serviteurs *. Le môme fait nous fournit
aussi l'explication du développement contraire, que nous
allons étudier dans ce qui suit: un mot, qui signifie 'ser-
viteur' ou 'servante', prend le sens de 'garçon' ou de 'jeune
fille' ^. Puisque le serviteur est souvent un jeune garçon,
on s'habitue facilement à combiner l'idée 'jeune' avec un
mot. qui originairement ne signifiait pas autre chose que
serviteur'; et, dès (pe cette idée est devenue pour beau-
coup de personnes l'élément prépondérant de ce groupe
de représentations, le changement de sens est accompli.
•
' Cf. grec nais, ^^^- pi**'^! 'l"i signifient 'jenne gardon' et 'esclave':
allem. Knecht et Magd (M. Jaberg. ZRFh, XXVII, 42, n. 3. donne
l)lusienrs antres exemples, tirés de Tallemand et de l'anglais); suéd.
drùuff, piga. jungfriu etc.
' Cf. Vita,]. fante, fantesca; rhét. fantsché, fnntschello; esip. mozo:
port, moço, rapaz, rapariga; anc. prov. hillot; frany. fille (de ferme.
etc.); prov. mod. gonjo\ ital. giovane; engad. giuven; anc. fr. joene
'maître-garçon'; roura. baiat ; fecior ; bergam. bagai; angev. quenaille. etc.
^ oj). cit., p. 43.
* «Tritt in dem Vorstelhxngskomplexe, der in diesem Falle die
Vorstellnngen jung und dienend enthalt. fiir den Horer die letztere in
den Vordergrund des Bewusstseins, indem sie ihm als die wesentliche
ei'scheint, wàhrend die erstere schwindet. so ist die Verschiebung fiir
ihn vollzogen. Damit sie usuell werde. mnss in zahlreichen Verwen-
dungen dem Horer die Vorstellung 'dienend' als die wesentliche er-
scheinen». — M, Jaberg admet aussi TinHuence d'autres facteurs: des
I)ériphrases euphémiques, ou des conditions sociales, par e.\. Tautorité
du pater fnmilius.
' Cf. siiéd. tàrna. allem. Dirne 'jeune fille', proprement 'servante'.
- 138 —
137. Dans le Midi de la France et dans la péninsule
ibérique, le lat. mancipium (bas-lat. mancipius ^) 'esclave',
a pris le sens de 'jeune homme', 'garçon'. — En ancien
provençal, mancip {macip^ marcip) présentait encore le vieux
sens de 'serviteur', 'domestique', 'compagnon', qui s'est
perdu dans la langue actuelle, à côté du sens nouveau de
'jeune homme', 'garçon'. Il se disait même adjectivement
pour 'jeune'. On en avait tiré le féminin mancipa (macipa),
qui signifiait 'jeune fille' ou 'prostituée ^. Ce dernier sens,
qui est probablement dérivé de l'acception de 'servante' ^,
se retrouve en espagnol et en portugais. L'anc. béarn.
macip — macipe s'employait avec les mêmes significations:
'serviteur', 'servante', 'garçon', 'fille' *; 'concubine', 'prosti-
tuée'. Voici un passage des Fors de Béarn, qui montre
qu'on pouvait désigner par ces mots des enfants d'un âge
très peu avancé: Massip no es de hetat entroo XIII ans^ ni
massipe entroo dotse per hener fontz de terra, «Grarçon n'est
pas en âge avant quatorze ans, et jeune fille avant douze,
pour vendre fonds de terre» (Lespy et Raymond). — A
ce qu'il semble, le béarnais actuel ne connaît plus le mot.
1 Voyez Lex saîica, XXXIII (Geffcken), et Du Cange. — An
point de vue phonétique, un pluriel *mancipi{i) ferait mieux l'affaire
(v. Meyer-Liibke, JRom. etym. Wh.. 5284). Peut-être y a-t-il eu ici un
développement analogue à celui de l'anc. mil. heredex: mancipi{i) 'les
esclaves' serait devenu alors un collectif avec le même sens, d'où plus
tard on aurait tiré un substantif individuel: mancii){i) 'esclave'; 'garçon'.
2 Cf. Du Cange: meretricem x)ubiicam sive Mancipam {Statuta
Massil., lib. 5, cap. 13).
' Cf. anglo-sax. cefes (cyfes) 'servante' et 'concubine', allem. Kebse
'concubine', originairement 'esclave' (cf. anc. nor. kefsir, Tcepsir 'esclave';.
«Die sclavin war dem herrn ihren leib schuldig, wenn er es forderte; die
beifrauen vornelimer wurden aus den sclavinnen genommen» (Grimm).
* Il vaut la peine de citer à ce propos un renseignement intéres-
sant, qu'on trouve dans le Dictionnaire béarnais de Lespy et Raymond,
à l'article sterle: «Dans la Coutume de Barège (Hautes-Pyrénées) . . .
on donnait le nom di'esclau, esclahe (esclave) au puîné, à la puînée
(sterle) qui étaient sortis de la maison pour aller travailler ailleurs, y
demeurer valet, servante.»
— 139 —
mais, en Languedoc et en Gascogne, on emploie aujourd'hui
encore mancip — manclpo (matiKip — mnssipo) * au sens de
'jeune homme', 'jeune fille'. Mistral enregistre le diminutif
mancipeto (macipeto) 'fillette'; et, au point 790 (Ariège) de
la feuille 461 de Y Atlas linguistique, on trouve le diminutif
masipu 'enfant' ^.
138. L'esp. manceho présente les sens de 'jeune homme' ;
'l'amant d'une femme galante', et 'commis de magasin',
'compagnon' ^. Le port, manceho s'emploie à peu près de
la même manière; il signifie: 'jeune homme' (et, comme
adjectif, 'jeune'); 'galant'; 'serviteur'; 'matelot peu amariné'.
L'espagnol a formé les diminutifs maticebico, rnancehillo, man-
cebito, mancebillete^; le portugais: mancebinho. — Le fémi-
nin manceba a, en portugais, les trois acceptions de 'jeune
fille' (dim. mancebinha), 'servante' et 'concubine'. En espa-
gnol le premier sens était en usage encore au XVI'' siècle,
suivant Franciosini et Oudin; mais, déjà à cette époque,
il était pris le plus souvent en mauvaise part; et, de même
que le franc, (farce, il ne peut plus se dire aujourd'hui
d'une honnête fille.
139. En provençal moderne, diago ^, qui est le même
mot que diague 'diacre' (du lat. diaconus, grec ôiânovog
'serviteur'), a pris le sens de 'sous-gardien d'un troupeau*
* Moncaut rattache massip à mas 'maison de campagne'.
* Ajoutons ici que l'anc. prov. galan 'goujat', 'garçon', 'valet',
d'origine incertaine (cf. Rom. etym. ~Wb., .8655), s'est conservé dans le
lang. galané, terme d'affection que les nourrices et les bonnes d'enfant
adressent à leurs poupons (D'Hombres et Charvet).
* Le deuxième sens, qui ne figure pas dans les dictionnaires de
Franciosini et de Oudin. a ('té formé sans doute sous l'influence du fémi-
nin manceba 'concubine', 'prostituée'. Les dernières acceptions, qui
rappellent le sens primitif du mot, sont peut-être secondaires aussi;
du moins, les dictionnaires de Franciosini et de Oudin ne les enregis-
trent-ils pas,
•• Le dernier ne se trouve (lue dans Franciosini et Oudin.
^ Azaïs: diagou.
— 140 —
(Azaïs); à Béziers, dans l'Hérault, on appelle ainsi un jeune
garçon (jui aide les travailleurs des champs (Mistral i. Le
sens de 'aide-berger' est probablement le plus ancien des
deux et est peut-être dû à une comparaison avec la posi-
tion d'un diacre par rapport au prêtre. De ces acceptions
on a tiré celle de 'jeune garçon' en général. Cependant
on n'appelle ainsi, nous apprend Azaïs. (jue les enfants
des paysans. Ce mot peut s'employer au féminin aussi.
A Béziers, on désigne par diaf/o 'une jeune fille de la
campagne'; ailleurs il signifie 'fillette' (Mistral).
140. Le prov. diaf/o = 'garçon', 'fille' vient à l'appui
de l'hypothèse de M. Salvioni ^ que f/er/cDi^ qui à Val Mag-
gia s'emploie comme dénomination d'enfant, serait le pluriel
d'un *()af/an 'diacono'. M. Salvioni rappelle l'anc. lomb.
jsagano 'diacono'; cf. aussi saffo 'Schûler', que cite Mussafia
dans son Beitrafi sur Kimde der )iordif(ilieni.sr/ir)i 3Iiindarfen
im XV. Jnhrhnndert, p. 221.
141. La transition 'berger' > 'garçon' '^ se retrouve
dans le patois de Velletri, où htfero — httera (dans les parlers
voisins: vàttero — vnttera) se dit pour 'fanciullo', 'fanciulla'.
C'est le même mot que l'italien hiittero ^ 'guardiano a cavallo
di mandre di bufali, di tori', etc., qui vient du grec ^orrjQ
* berger' *.
142. Suivant M. Salvioni °. râtar «"emploie à Val
Maggia, ivâtar à Ossola, comme dénomination d'enfant.
1 RendlL, sér. II, XXX, p. 1507.
' Cf. suéd. (liai, ho'e 'g^arçon', 'jeune paysan', qui est identit^ue
an suéd. herde, anc. nor. hirctir 'berger'.
' Cf. Crocioni, // dialetto di Velletri. StR. Y. p. 4(5: «B. Spessô
in tJ . . .; talora financlie dilegua.» — Cf. abr. vuttere 'buttero', vuttere
de miindagne 'zoccolone'.
■* Caix 3^ voyait le lat. *2^uttnlus. dim. de ^puttus. M. Sainéan
(ZMPh, Beih. X, p. 134) voudrait le i-attacher à hottd 'crapaud'.
" 02>- cit., p. 1506.
— 141 —
Il l'identifie à l'ital. guattero, aguattero 'garçon de cuisine',
'marmiton', (jui vient, comme l'a montré M. J. Brûch \ du
langob. wahtarl 'gardien', puis 'serviteur' (cf. l'angl, ivaiter,
de la même origine).
148. Dans son Orthographia sarda, Spano a rapproché
déjà le logoud. teràcii 'servo' du grec êegàjicjv 'serviteur'.
M. Meyor-Liibke a adopté cette étymologie ^, en faisant
passer le mot par *therapicus 'Diener'. Si cela est exact, ce mot
nous fournit encore un exemple du développement séman-
tique 'serviteur' > 'jeune garçon', car, en ancien sarde, teracu
s'employait au dernier sens; c'est ce qui résulte de plusieurs
passages des statuts de la république de Sassari ^. En
logoudorien moderne, terùcu ne signifie plus que 'servo';
mais le sens de 'jeune garçon' est vivant dans le mot
terach'ta 'gioventù' (ou 'servitù').
144. Les deux mots, qui servent à rendre par excel-
lence, en italien et en français, l'idée de 'puer': ragazzo
et garçon, semblent avoir subi le même développement
sémantique que ceux que nous venons d'étudier. Le sens
le plus anciennement attesté de ragazzo, en italien comme
en gallo-roman, est celui de 'serviteur', 'valet d'écurie'.
Du Cange a relevé, dans des textes bas-latins de Bergame
et de Plaisance, regatius 'servus', 'famulus'; dans des
documents de Plaisance, de Padoue, etc., lagaUus-, ragazus
'servulus', 'calo', et le diminutif ragazimis, ragaciniis avec
les mêmes acceptions. Le glossaire latin-bergamasque du
XV*" siècle traduit le lat. strigilifer par ol rega.zo *. M.
1 ZR1% XXXV. p. 636.
» Rom. etym. Wb., 8702.
^ Voir A<il[, XIII. pp. 1 — 124, et T>e]ius^ Der sardiniftclte Dialekt
iJex XIII. Jahrhnnderts. pp. 11 — 24. En voici quelques exemples:
(lieriirhu qui non aiieret XIII. annos (AGII,X.I11, -p. H8); theracco.s <jiii
lion appan XIII. annos {ihid.. p. 94); tharachos qui non aen XIII.
/innos (ibid.. p. 98).
* Voir Lorck, op. cit.. p. 113.
10
— 142 —
Salvioni, dans ses Annota zioni lombarde ^, donne plusieurs
exemples de regaço, reaçço, reaçça au sens de 'servo', 'servb
da stalla', 'serva'; et Mussafia [op. cit. p. 193) enregistre
regazo^ regarni au sens de 'renner', 'stallknecht', 'knappe'. —
Les écrivains italiens du XIV® au XVI® siècle employaient
également ragazzo^ ragazzino au sens de 'servo adoperato
a vili esercizii', 'garzone di stalla'. Comme terme tech-
nique dans la langue militaire, ragazzo signifiait 'paggio'.
'terzo uomo délia Lancia che montava il ronzini' (Petrôcchi).
L'italien ragazzo pénétra en français et en provençal.
Chez les écrivains français du XV^ et du XVI^ siècles,
tels que Monstrelet et Pasquier, on trouve r agace .^ ragache.^
ragage, ragasse au sens de Valet', 'goujat'. Ils l'omployaient
aussi au féminin au sens de 'femme de rien'. — En pro-
vençal moderne, le mot se retrouve avec des acceptions
semblables. Mistral enregistre: ragas, ragach., regach (lang.j,
ragacho (Rhône) 'goujat d'armée', 'valet de meunier', 'gar-
deur de dindons', 'aide-berger'^, 'petit berger'; 'valet de
ferme'; 'homme bourru', 'grognon'; ragasso 'servante de
ferme', 'dindonnière' ^.
Cela étant, on ne peut guère hésiter à considérer
le sens de 'serviteur', 'valet', 'goujat' comme le sens pri-
mitif, d'où l'on a tiré celui de 'jeune garçon'. C'est
aussi l'avis de Mussafia, qui écrit {loc. cit.): «Die hier an-
gegebenen Bedeutungen 'Knecht, Knappe' sind die ur-
1 AGII, XII, p. 426.
"^ La carte 128 de VAtl. ling. montre au point 735 (Aveyron') ragas
au sens de 'aide de berger'.
* Ajoutons que le mot se retrouve aussi dans les langues ger-
maniques, avec diverses significations dépréciatives, qui pourraient être
dérivées de celles de 'valet', 'goujat': suéd. dial. ragat, ragàter 'vaga-
bond', 'marchand ambulant' (cf. ragatte-pack 'canaille'); suéd. ragata
'mégère' (dans les dialectes quelquefois: 'femme de mauvaise vie'j;
nor. dial. ragdt, ràgater 'personne folâtre'; angl. dial. raggard, raggart,
raggot 'vagabond', 'querelleur' (voir A. Torp, Nynorsk etymologisk
ordbok, à l'art, ragât).
— 143 —
sprûnglichen; dann auch 'Knabe' uberhaupt» \ Mais, en
acceptant cette explication, on est obligé de rejeter les
étymologies «'appuyant sur l'hypothèse que 'jeune garçon'
est le sens primitif du mot ^.
145. L'ital. ragazzo désigne un jeune garçon de tout
âge jusqu'à la puberté ^. Comme fanciuUa, fandelle, et
beaucoup d'autres, ragazza ne sert pas à désigner une
jeune fille du même âge que le masculin, mais une jeune
fille nubile ou une femme non mariée d'un âge quel-
conque *. Bagazzofto — ragazzoUa, proprement des augmen-
1 Cf. aussi Meyer-Liibke, Boni, etijm. Wh... 7019.
s MUe Alice Sperber iop. cit., p. 148 ss.) voit dans ragazza Je
même mot que le tosc. ragazza, sav. ragaso 'pie', qui se serait dit au
figuré pour 'jeune fille; le masculin serait alors une formation ana-
logique. Cette étymologie est ruinée par le fait que le masculin
apparaît bien antérieurement au féminin, et qu'il signifie 'serviteur',
non 'garçon'. Elle présente aussi des difficultés phonétiques (voir Meyer-
Liibke. loc, cit.) — D'après M. Lorck {op. cit.., p. 184), ragazzo repré-
sente un type latin *racatius, dérivé de raca (<c. grec. QàKi] 'haillon',
loque'): «*racatius -a ist urspriiuglich das Kind, dem noch eine raca
unterbreitet Averden muss oder das in racae eingewickelt wird.» —
Diez, qui voyait très justement que 'serviteur' est le sens primitif de
ragazzo, le rattachait aussi à raca ou raga. en proposant cette expli-
cation: * ragazzo, einer der die raga tragt, knecht. nachher auch knabe»
I Etym. Wh. der rom. Sj^r., p. 392). — Canello, qui considérait aussi
servo' comme le sens ancien, a rapproché ragazzo du verbe haut-
italien ragar, d'un type latin "^radicare 'radere', 'tagliare'. Ragazzo
aurait signifié d'abord 'servo tosato', puis 'giovine' (AGII, III, p. 3'28V
Cette dernière étymologie ne me paraît pas très vraisemblable. Le suffixe
-azzo représente probablement -aceu (cf. Meyer-Liibke, Gramm. des
langues rom., II, § 420), suffixe augmentatif et péjoratif qui ne s'ajoute
guère à des thèmes verbaux. D'après l'explication de Diez, ragazzo
signifierait proprement 'mauvais haillon', ce qui peut sembler plus
admissible (cf. § 235). — Il y a cependant aussi à considérer Ve dans
le vén., véron., crémon., anc. bergam.. anc. piac. regazzo, qui est peut-
être primitif, bien qu'il puisse aussi s'expliquer, comme le fait remar-
quer M. Meyer-Liibke, par l'influence analogique du préfixe re-.
* Il se dit d'un homme fait dans l'expression è un buon ragazzo;
cf. un bon garçon, un buon figliuolo, etc. — Ragazzo ou ragazzo da
bottega se dit pour 'garçon de magasin'.
* Fanfani dit de cette différence de signification: «Il ragazzo cessa
— 144 —
mentatifs, prennent quelquefois le même sens que raga.zso —
ragazza (Tommaseo). Diminutifs: ragaszino—ragazdna^ ra-
gazsetto — ragazseUa, ragazzettino — ragazzettina, ragasznolo —
ragazzuola.
Magazzo — ragazza se retrouve dans la plupart des dia-
lectes avec les mêmes sens qu'en toscan et en italien
commun: cors, ragazzu; sic. ragazzu^ — ragazza; abr. ra-
hazze; Velletri reazzo; Subiaco reazzu ^, dim. reazzittu: émil.
ragazz — ragazza^ dim. ragazsen—ragazzena^ ragazzetf — ra-
gazzetta^ ragazzol — ragazzola; bresc. ragàs] com. ragàz^:
crémon., véron., vie, vén regazzo — regazza^ dim. regazzeto.
Le triest. regazo signifie 'apprendista', 'garzoncello'.
146. Dans les patois franco-provençaux de la Savoie
et de la vallée d'Aoste, on trouve des dérivés du môme ra-
dical, qui ont pris, comme les formes italiennes, le sens de
'jeune garçon'. Ragat^ rago 'petit garçon', 'marmot'; est
employé dans le parler de Sainte-Foy. Savoie. Rache, qui
se dit aussi à Sainte-Foy, se rattache au même radical:
cf. ragâche, qui s'emploie à Genève dans les acceptions
péjoratives de 'taquin', 'tenace', 'avare'. Il ressort des cartes
1708, 572 et 624 de VAtlas linguistique que rago se dit à
Courmayeur, Aoste, pour 'nourisson', 'jeune fils' et, au plu-
riel, pour 'petits garçons'. De rago on a tiré le féminin
raga * 'fillette' (voir Atl ïing., 570).
Nous avons vu plus haut que les patois actuels de la
di esser taie ai 17 anni; la ragazza comincia ad esser taie a' 15 o 16
anni, e dura fin che non piglia niarito». Suivant Eigutini-BuUe, la ra-
gazza est la jeune fille pubère, Za/ancwZîa la jeune fille qui n'est pas
encore développée. — Précédé par un pronom possessif, ragazza se
dit souvent pour 'amante'.
^ Signifie aussi 'jockey'.
- Signifie aussi 'fiancé'.
* En milanais, ragàzz ne s'emploie que dépréciativement avec
le sens spécial de 'bracco', 'birro'. qui a probablement été tiré dvi sens
ancien de 'valet', 'coureiir'.
♦ Cf. p. 26, n. 3.
t
— 145 —
Provence, de la vallée du Rhône et du Languedoc possèdent
les formes ragas^ raf/ach, regach, ragacho, mais seulement
avec les sens primitifs de 'valet', 'goujat' et avec des accep-
tions <|[ui se rattachent à ceux-ci: 'berger', 'gardeur do
dindons', 'homme bourru'. Le Languedoc et les Cévennes
présentent quelques diminutifs en -o-u, -ouriy qui ont des
sens semblables: 'petit goujat', 'valet de cavalier', 'apprenti',
'gardeur de dindons', etc. Mais il y a aussi un diminutif
nigasset qui signifie 'petit garçon'; et le collectif ragassun
veut dire 'marmaille'. En vieux lyonnais, le diminutif ra-
gachoii se disait pour 'gamin', 'tout jeune homme'.
147. M. Tappolet se demande s'il convient de ranger
garçon parmi les expressions signifiant 'fils', dont le sens
premier a été 'serviteur' ^ Il me semble qu'il ne faut
pas hésiter à admettre ce développement, si l'on tient
compte des significations du mot dans les plus anciens
exemples connus.
Dans son excellent article sur l'étymologie de garçon.,
gars., garce {Le Moyen Age., II, p. 31 — 34), M. Vising in-
dique l'anc. haut-allem. gart., g^fijc 'verge', 'branche', 'bâton'
comme la racine de ces mots. Mais cette étymologie, si
attrayante qu'elle puisse sembler ^, s'appuie sur la suppo-
sition que ces mots ont signifié primitivement 'enfant mâle',
'jeune homme', 'jeune fille'; et, si cet appui tombe, elle
tombe aussi ^. M. Vising déclare (pe les trois significations
' Voir Die romanischen Verwandti^chaftsnamen, p. 43. Il place
ilans le même groupe ménage, dont j'ai traité ci-dessus, et valet, qxi'oii
trouvera dans le groupe suivant.
* Cf. les cas analogues étudiés au § 295 ss.
' Il va sans dire qu'il faut en ce cas rejeter également les autres
étymologies qui reposent sur la même supposition: germ. ''wartja (anc.
haut-allem. warza) (Korting); lat. carduiis (Diez); germ. Garsindis,
nom propre dont garce serait une forme hypocoristique ( Suchier. dans
ZMPh, XVIII. p. 281). — Quant à l'étymologie que M. E. Trana vient
d'émettre dans Svensk humanistisk tidskrift, 1919, p. 28 s., et d'après
laquelle le franc, garçon et l'ital. garzone seraient l'anc. nor. garit-
— 146 —
de garçon {gars): 'enfant mâle'; 'valet'; 'goujat', «ont né-
cessairement dû avoir cet ordre chronologique et généalo-
gique, et le n° 1 être antérieur aux n''^ 2 et 3». Pour
prouver cela, il attire l'attention sur la fréquence du dé-
veloppement sémantique 'enfant' >'valet', et il ajoute: «Un
développement en sens inverse serait tout à fait extraor-
dinaire et presque sans analogie.» Or, nous venons de
constater que ce dernier développement 'valet' > 'enfant'
n'est point si extraordinaire ; que, au contraire, les langues
romanes nous en fournissent de nombreux exemples, ce qui
enlève à cette argumentation toute force probante. — Nous
allons maintenant étudier les exemples cités par Du Cange,
Godefroy et Littré, et nous verrons que partout 'valet' est
le sens premièrement attesté, tandis que l'acception 'enfant
mâle' n'apparaît que plus tard.
Dans les plus anciens textes bas-latins où l'on trouve
garda, ce mot a le sens de 'valet d'armée' (voir Du Cange) ;
et garçon s'emploie de la même manière dès la première
fois qu'il apparaît dans un texte français: Ne n'i adeisf
esquiers ne garçun (Chanson de Boland, 2437). Il ressort
des exemples cités par Littré que, pendant tout le moyen
âge, gars, garçon ^ s'employaient au sens de 'valet' ou de
'goujat', 'misérable' ^. Godefroy ne donne, dans son Com-
sveinn, importé par les normands, elle paraît très acceptable au point
de vue de la sémantique, bien qu' elle présente des difficultés phoné-
tiques. Du reste M. Trana fait remarquer lui-même que garitsveinn
n"est attesté qu'au XIIP siècle, tandis que garçon apparaît dès le
XI® siècle.
* Faut-il considérer garçon (= bas-lat. garcionem) comme le cas
régime de gars (= bas-lat. garcio) V Ou garçon est-il dérivé du même
radical que gars au moyen du suffixe -on? La première théorie est
celle de la plupart des romanistes. La dernière opinion, qu'on trouve
déjà exprimée par Ménage, est émise par M. Vising {op. cit.. p. 33)-
Même si garçon est originairement le cas régime de ^ars, cela n'em-
pêche pas que -on puisse avoir été parfois considéré comme un suffixe
diminutif (cf. poupon, mignon, etc.), et avoir contribué à l'emploi du
mot dans le sens de 'petit garçon'.
' J'admets, avec M. Vising, que la signification de 'valet' est
— 147 —
plcmenf. que quatre exemples de (/arçon avec racceptiou
'enfant mâle', 'jeune homme', dont le plus vieux est tiré
du roman cVÉnéas (XIP siècle).
148. Comme on pouvait s'y attendre, les diminutifs
de fiarron présentent beaucoup plus souvent le sens de
'enfant mâle' que le mot simple \ Dans les Quatre.s
livres des rois, garçoncel peut s'interpréter des deux ma-
nières, et le sens de 'petit garçon' se retrouve sou-
vent dans des textes d'une date plus récente. Garçon-
net signifie, dans la geste de Boon^ 'valet'; dans Gi-
rart de Vienne et d'autres, 'petit garçon'. Garçonneau
'jeune garçon' se trouve dans deux exemples du XVI®
siècle que cite Godefro}-. Dans deu.x autres textes, datant
du XV^ siècle, Mer des hystoires, éd. 1488, et Vigiles du
roi Charles VII, par Martial d'Auvergne (éd. 1493), où.
d'après Godefroy, garçonneau est employé avec le même
sens, il semble en réalité être un terme péjoratif, syno-
nyme de 'truandeau' '.
149. Le féminin garce n'apparaît qu'au XIII*^ siècle;
la première fois dans Berte aux grands pieds^ par Adenet,
avec le sens de 'jeune fille'. 11 est évidemment tiré du
masculin gars 'jeune homme'. A l'instar de file, gouge,
meschine^ et d'autres, garce s'est employé comme euphé-
misme de décence, et, tout en perdant sa signification
honnête, est devenu synonyme de 'prostituée'. A en juger
antérieure à celle de 'goujat,'. M. Vising fait remarquer que «nous
rencontrons garçon, garz d'abord avec une signification très hon-
nête (Roland, 2437, Quatre livres des rois, I, XX), et, seulement
bien des années plus tard, comme terme injurieux.» C'est un phéno-
mène assez fréquent que des mots désignant des gens de service su-
bissent un développement péjoratif, et le mot goujat lui-même en est
un exemple.
1 Cf. prov. mod. ragas 'valet', ragasset 'petit garçon'.
* Il s'employait aussi comme adjectif aii sens de 'vil', comme
le montre un passage de Raoul de Cambrai, cité par Godefroy.
— 148 —
par les exemples donnés par Godefroy, ce développement
sémantique était, accompli dès le XVI*' siècle ^ Nous ver-
rons que le sens primitif s'est maintenu dans certains patois.
Les diminutifs garcette et garcelette 'jeune fille', se rencon-
trent dans les poésies du moyen âge et de la Renaissance.
150. L'anc. prov. gartz, garson avait les mêmes signi-
fications que les formes correspondantes en français. La
plupart des exemples qu'on trouve dans Raynouard et dans
Levy, montrent les sens de 'valet'; 'goujat', 'misérable'.
L'acception 'enfant mâle' est plus rare; Levy en cite des
exemples tirés de La Vida de Sant Honorât (XIII® siècle).
Raynouard donne un exemple du diminutif garsi 'petit gar-
çon'. Le pluriel garsons pouvait quelquefois prendre le sens
général de 'enfants', de même que le lat. pueri. C'est ce
que montre l'expression garsoos mascles 'enfants mâles', qui
se trouve dans un vieux texte béarnais, Baron héarnais (voir
Lespy et Raymond, à l'art, garsou).
A côté du féminin garsa 'fille', 'jeune fille', l'ancien
provençal possédait aussi garsona, tiré de garson.
151. Dans le français commun d'aujourdliui, garçon
a les significations suivantes: 'enfant mâle', 'jeune homme';
'personne du sexe masculin non marié' ; 'jeune ouvrier
travaillant pour le compte de son maître'; 'employé sub-
alterne' ^. he seul diminutif employé est garçonnet. La
forme gars ne se dit que rarement et appartient, suivant
Littré, à la langue familière. Dans les dialectes, par contre,
il est toujours bien vivant.
^ Dans ses Épithètes (1571) La Porte dit du. mot garse: «•Je sçay
que ce mot en d'aucuns pays simplement signifie une fille, mais l'usage
commun de nostre langue françoise me luy a fait donner quasi tous
ces épithètes en mauvaise part».
- Je n'ose me prononcer sur la question de savoir si les dernières
acceptions proviennent directement du sons ancien de 'valet', ou si
elles sont le résultat du développement si fréquent 'jeune homme'
> 'domestique.'.
— 149 —
lies cartes 622. 623 et 624 de V Atlas litif/uistique nous
montrent l'extension de (f arçon, gars dans les patois actuels
de la France. Nous y voyons qu'on se sert de ces mots
poui- rendre l'idée de 'enfant mâle' sur tout le domaine
gallo-roman, excepté le Sud-Ouest \ où le béarnais ' seul
a f/arsou ((/arsomi), et quelques territoires peu étendus au
nord et à l'est ^.
La forme plus courte, f/ars *, s'emploie dans le Centre
et l'Ouest sur un vaste domaine continu, embrassant la
Bretagne, le Maine ^, l'Anjou, la Vendée, l'Orléanais, le Berry
et le Bourbonnais ^ Dans le sud de la Normandie, dans
le Perche et ailleurs aux extrémités de ce domaine, r/ars
* Pour rendre la même idée, on emploie ici drôle, koee, goujat,
maynat, maynadje. Là, on drôle se trouve à côté de garx, par exemple
en Berry. Je premier désigne un petit garçon, le second un adolescent.
- Plus précisément: les Basses-Pyrénées et certaines parties des
Hautes-Pyrénées et du Gers.
* Le mot le plus usité en Picardie est fyu; en Wallonie on dit
gamin, crapaud ou valet; au sud de la Lorraine et dans la Suisse ro-
mande: hub, bweh; dans la partie occidentale du canton de Vaud: valet.
* On prononce généralement ga, en Bretagne gar. — Le patois
do Dol dit vwn hars pour mon garx (Lecomte); au point 338 (Mayenne >
de la carte 572 {mon fils) on trouve mo hû à côté de mô gît.
* Dans ces patois on dit aussi un vieux gars pour 'un vieux
garçon'.
* Comment s'expliquer cette répartition de gars et de garçon?
M. Spitzer {ZBPh, XXXVI, p. 236, note 1) se demande: «Sollte das
im Siiden produktive Suffix -oun (vielleicht auch das in mehreren
Punkten fiir garçon eintretende mignoun) daselbst Verallgemeinerung
von garsoun herbeigefiihrt haben';* Warum erscheint aber ^rtrfo// auch
lUngs der nordfrz. GrenzeVi ajoute-t-il. Comme je l'ai dit plus haut,
il est en effet très possible que -on ait été regardé comme un suffixe
diminutif, et qne cela ait contribué à la vogue de garçon. — Quant
à minu, il ne se dit pour 'garçon' que dans le département des Pyré-
nées-Orientales, c.-à-d. dans le domaine du catalan. On le retrouve
iiussi dans les dictionnaires catalans sous la forme de minyô. Il n'est
guère probable que ce mot catalan ait pu exercer une influence ana-
logique sur les patois méridionaux de la France. — Mais pourquoi gars
s'eat-il maintenu dans le Centre et dans l'Ouest'? Je ne me l'explique
pas complètement et me contenterai d'appeller l'attention sur un fait
«jui peut y avoir contribué. En certains parlers, garçon est réservé
pour désigner un serviteur, et alors c'est gars ([ui représente seul
— 160 —
et yarçon s'emploient concurremment ^ Suivant Mistral gars
se trouve encore à Agde, dans l'Hérault; mais V Atlas lin-
f/uistique n'indique que la forme f/arsu à cet endroit. Le
même développement, que nous venons de constater dans
l'anc. béarn. garsoos, se retrouve dans le pluriel gâs =
'enfants' du parler d'Alençon. En Bretagne et dans le
Maine petit gars se dit souvent pour 'enfant'.
Dans les patois lorrains, les diminutifs, gachenot^ ga-
chenatj gachenet sont très usités; quelquefois ils ont pris
le même sens que le mot simple et l'ont remplacée De
même on trouve en . Bourgogne gasnaiv. gasnœ pour garçon.
Ces diminutifs s'emploient même par-ci par-là au sens gé-
néral de 'enfant'. C'est le cas de geenœ au point 16 (Côte
d'Or), et de ptgo gaeno au point 121 fHaute-Marne). —
D'autres diminutifs sont garclionnal, qu'on trouve dans la
Flandre française et en Picardie ^, garçoîmiau, dans le
Centre, et garçounot. dans le Languedoc. Garçonnet est
du français commun (cf. plus haut) et se rencontre dans
toutes les parties de la France. Le Centré connaît deux
diminutifs de gars: gasin, gasou.
• 152. L'Ouest de la France, qui nous fournit bien
des exemples de formations collectives au sens indivi-
la notion 'garçon'. Tel est le cas, d'après Marte] lière. du vendômois,
et probablement d'autres dialectes aixasi. — Dans le Bas-Maine, gars
lui-même a évidemment conservé le sens de 'serviteur'; il désigne ici,
outre les enfants, «tous les hommes (jui ne sont pas chefs d'exploita-
tion ou patrons» (Dottin).
^ Dans ces cas, gars, qui est sans doute le plus ancien des deux,
se prend souvent en mauvaise part. Les glossaires ont relevé cet
emploi péjoratif en Normandie et en Poitou, M. Spitzer {loc. cit.) croit
que gars a hérité de la signification dépréciative qui caractérisait l'anc.
franc. ^ar.S' et garçon, parce qu'il a été employé comme vocatif (cf.
fam. copain à côté de compagnon). .
- Voir par exemple les points 58 et 28 de la carte 622 de VAtl. ling.
' Au sens diminutif ce mot joint parfois un sens péjoratif, M.
Edmont, dans son Lexique Sc^int-Polois, le définit par 'garçonnet', 'ga-
min', 'vaurien', 'polisson'.
— 151 —
duol \ a tiré de r/ars le dérivé <iarçaille, qui présente les
mêmes phases de développement sémantique que maignée.
La garçaille =? 'les jeunes enfants' se trouve, dans le Mor-
bihan (Bretagne) (aux points 475, 485 de la carte 461 de
V Atlas linguistique) et dans le Vendômois. Les garçaiïles =
'les (petits) garçons' s'emploie dans la Bretagne (aux points
462, 463, 483, 484, d'après la carte 624 de V Atlas) ; dans le
Bas-Maine, M. Dottin l'a relevé au sens de 'bande de
petits enfants, garçons on filles.'. La garçaille^ avec un
sens individuel, se trouve au point 463- (lUe-et-Vilaine,
Bretagne), où il signifie 'petite fille'. Il se dit pour 'en-
fant' en Bretagne (aux points 470, 483, 484, 494), dans le
Bas-Maine, et à Armaillé en Anjou. En Bretagne aussi,
mais plus à l'est (aux points 450, 451, 461, 463), garçaille —
'enfant', est des deux genres; tel est aussi le cas pour
Rennes, Pléchatel et Châtillon-sur-Colmont en Mayenne.
Enfin nous trouvons le garçaille^ avec la même signification,
au point 465 dans le Morbihan. — Ajoutons que, dans le
Bas-Maine, garçaille peut aussi s'employer comme adjectif,
et signifier 'jeune de caractère'.
153. Dans les patois du Nord et de l'Ouest, j'ai trouvé
(|uelques déformations hypocoristiques. De garchon, le picard
et le rouchi ont tiré chonchon 'petit garçon' ; de même qu'on
dit Chonchon pour Fanchon (< Françoise). Le redoublement
d'une syllabe, si caractéristique des formations enfantines,
se trouve aussi dans l'angevin gogars, gogas, dodas ^ 'petit
garçon'.
154. Comme je l'ai fait remarquer plus haut, le fé-
minin garce {gâs, gâe) s'emploie encore aujourd'hui dans
certains patois avec sa vieille signification honnête. Assez
* Cf. maignée, quennille, race.
' En commençaut à parler, les enfants remplacent souvent g par
d, k par t. Cf. § 876.
— 152 —
souvent, des diminutifs ont remplacé le simple au sens de
'jeune fille', surtout aux endroits, où garce est pris en
mauvaise part. Je trouve //â,s' ou <fâe = 'jeune fille' dans
les départements de la Meuse et de Meurthe-et-Moselle.
Dans la Haute-Marne, les Vosges, la Haute-Saône, la Côte-
d'Or, le Doubs et l'évêché de Bâle, on emploie les formes
gaeot, gaenot, gaeœt^ geeot^ gasœt, gaeel pour rendre la même
idée ^. Dans le Bourbonnais (dép. de l'Allier), on dit
gage. Dans le Centre, garce a le plus souvent un sens in-
jurieux, comme nous l'apprend déjà le comte Jaubert.
Suivant M. Dottin, garce se prenait encore en bonne part
il y a quelques années dans le nord-ouest du département
de la Mayenne. A Ernée et à Landivy, dans le même
département, le diminutif garcette a pris la fonction de
'jeune fille'; il en est de même à Avoines et dans les ar-
rondissements d'Argentan et de Mortagne dans l'Orne (Du
Méril). Ailleurs en Normandie, garce est pris généralement
en mauvaise part, quand il est employé seul ; mais, précédé
d'une épithète, il garde son ancienne signification: une
jeune garce, une jolie garce (Moisy). Dans l'île d'Aurigny.
garce est encore aujourd'hui le mot le plus usité pour dé-
signer une jeune fille; mais à Jersey et dans le départe-
ment des Côtes-du-Nord, il est vieilli dans cette acception.
Au Midi, garço est généralement un terme libre, mais dans
quelques contrées du Languedoc on l'emploie, en langage
familier, au sens de 'jeune fille'. — En limousin et en
sàintongeois, le dérivé garçouno (garçoune) désigne également
une jeune personne; dans ce dernier patois, il semble pour-
tant avoir une nuance péjorative -.
A côté des diminutifs qui sont devenus synonj^mes do
'jeune fille', il y en a d'autres qui ont conservé le sens
de 'fillette'. Voici les exemples que j'en ai trouvés: iness.
* Cf. l'eniploi de gachenot etc. pour garçon dans les mêmes contrées.
' Cf. Jônain: *ine boune garçoune est une fille très éveillée».
— 153 —
ifichote: champ. {Cl&iryRUX) (/ncheHott(\ «fa ichenotte'^; Hermès
( Hante-Marne j (fiieœt '; Pierrecourt i Hante-Saône) gasawt;
Bonrnois (Donbs) geenot ^ ; Centre «jagesse. Garcette, qui,
aux confins de la Normandie et du Maine, signifie 'jeune
tille' (voir plus haut), se dit au sens propre dans le reste
<le ces deux provinces, en Bretagne ^ et en Anjou. — A
Allanche (Comtal) une fillette s'appelle f/arsîinela, d'après
la carte 570 de VAflas Un<iimHqne.
155. Garçoii se retrouve en italien, sous la forme de
jiarzoyie. et, dans les idiomes de la péninsule ibérique, sous
les formes de (jarsô (cat.), garzoti (esp.), of/rrào (port.). M.
Vising, oj). cit., p. 32, trouve (jue ces mots ont l'air d'être
empruntés aux langues de la Gaule. Je me range à son
avis quant aux trois derniers; mais je me demande s'il a
raison pour le mot italien. On le trouve au sens de 'valet'
(lès le XHF siècle. Cela et l'existence du mot dans beau-
coup de dialectes (surtout les formes de Subiaco et des
Abruzzes, voir plus bas) me font croire (ju'on a affaire ici
H un mot indigène ", qui, comme le mot français, et, en
certains cas, peut-être sous une influence française (ou
provençale), a passé du sens de 'serviteur' à celui de 'jeune
homme', 'enfant mâle'. B vaut la peine d'observer aussi
<jue le mot italien ne présente pas le sens péjoratif, qui
caractérisait si fortement l'anc. fr. garçon, et qui se retrouve
en espagnol et en portugais. — Dans la vieille littérature
italienne, garzonc s'employait au sens de 'jeune homme'.
Tommaseo le relève dans ce sons dès le XI V siècle **.
Aujourd'hui il s'emploie, en style académiqiie, pour 'ra-
' Cf., dans le même patois, gachotte, gaichotte 'tille' ou 'fillette'.
' Cf., dans le même parler, gucel 'fille'.
' Cf. Montbéliard gaichotte 'jeune fille'.
•• Coulabin a relevé cet emploi dans le parler de Rennes.
" En certains dialectes, il parait cependant être emprunté au
français (ou provençal); voir plus bas,
" Au sens de 'célibataire' il se rencontre dès le XVII* siècle.
— 154 —
gazzo' (diminutifs: (jarzoncello — garzoncella, garzoncmo—
f/arzoncina, garzonetto — garzonetta) (Petrôcchi). Mais en ita-
lien commun, comme en . toscan et dans la plupart des
dialectes, il a conservé son sens ancien et sert à désigner
le plus souvent un valet de ferme, un compagnon, un
commis ^, etc. Le féminin garzona a le sens correspon-
dant de 'fille de ferme', et la littérature ne paraît pas
offrir d'exemples sûrs du sens de 'jeune fille'. A en croire
Petrôcchi, Pietro Bembo (1470 — 1647) l'aurait employé dans
ses lettres avec cette signification, mais Tommaseo nous
apprend qu'il signifie ici aussi 'servante', 'fille de ferme',
acception qu'il a encore relevée dans l'édition de la Bible,
imprimée à Venise en 1471.
Les rares exemples que présentent les dialectes de
garzone — garzona aux sens de 'enfant', 'garçon', 'fille', sem-
blent s'expliquer en général par une influence française
ou provençale.
Ainsi faut-il regarder sans doute le bordighotte garsu
'enfant' comme un emprunt fait au provençal; et le plu-
riel i gartsuni, qui, d'après la carte 727 de V Atlas linguis-
tique (Corse), se dit à Bonifacio pour 'les garçons', tandis
que le reste de l'île emploie le mot dzitelh\ témoigne pro-
bablement aussi de relations avec la France. Dans la
rédaction vénitienne du Tristan (vers l'an 1300), garçon se
lit souvent avec le sens de 'fanciuUo'; on est porté à y
voir un des gallicismes dont pullule ce texte ^. On trouve
cependant dans l'ancien vénitien aussi les dérivés garzonàto
'giovanetto soro e di poca esperienza' ^, et garzona 'ragazza';
cela semble indiquer que garzon 'ragazzo' a peut-être été
réellement en usage dans ce dialecte *. — En génois, où
^ J'ai trouvé cet emploi dans toute la Haute-Italie, en napolitain,
en calabrais et en sicilien.
2 Cf. Sm, IV, p. 72.
^ Aujourd'hui on dirait ragazzbto; voir Boerio, Appendice.
* Dans le patois istrien de Grallesano. on trouve le diminutif
gar'zunsiélo 'garzoncello' (Ive).
— 155 —
garsim {(/arson) désigne un valet de ferme ^, le féminin f/ar-
aonna se dit pour 'fanciulla', 'ragazza', et le dérivé gar-
fiunamme {garsonamme) * a les significations augmentatives
et péjoratives de 'giovane grande di corpo, ma di poca
età', et de 'giôvano soro et di poca esperienza'.
Dans le patois de Subiaco, M. A. Ijindstrôm a relevé
les formes warzone^ warzittu, ivarsittu ' qu'il définit par
'garzone'. Il a probablement employé 'garzone' au sens
de 'enfant mâle'; car, dans le Vocaholario delV usa ahruz-
sese par Finamore, on trouve le mot correspondant var'zHto
(à Ortucchio: varzljje) avec le sens de 'bambino', 'ragazzo'.
— Les formes warzittu^ varzcfto^ varz)jje semblent être tirées
d'un thème corespondant au français gars.
Le frioul. garzon — garzone^ qui signifie 'ragazzo'. 'ra-
gazza', ou 'fattorino', 'apprendista', 'fantesca', est sans
doute un emprunt fait au vénitien. Dans les autres par-
1ers rhétiques, je n'ai trouvé que l'engad. //mrsMW, qui sert
exclusivement à désigner un apprenti.
156. L'espagnol garzon 'junger Bursclie' (Tolhausen <
est aussi un terme militaire, qui signifie 'adjudant major
•dans la garde royale'. Le dictionnaire de Salvâ ne donne
que cette dernière acception. Le mot se trouve dans Fran-
ciosini: garçon 'garzonotto', 'giouanotto da moglie'; et dans
Oudin: garçon 'garçon', 'jeune homme à marier, et qui
cherche femme', 'fripon', 'droUe'. Ces dernières significa-
tions péjoratives, qui ont disparu aujourd'hui, témoignent
d'une origine française, comme je l'ai fait déjà remarquer *.
Que le mot ait été employé très souvent avec cette accep-
^ Suivant Olivier!, il peut cependant signifier aussi 'giovane senza
moglie'.
' Cf. figgiiiamme, % 93. et bardasciamme, % 208.
• Pour le passage de ff à, w, voir StR, V, p. 2.54.
* Echegaray, dans son Diccionario gênerai etimolôgico de îa lengtia
espatiola, considère aussi garzon comme un emprunt fait au français
ou au provençal.
— 156 —
tion. c'est ce qui ressort des dérivés suivants, vieillis à
présent: f/arçoma 'vie de garçon', 'débauche'; (/arronear
'faire la débauche' (cf. l'anc. franc, garçonner).
L'anc. port, (jarçom était aussi péjoratif. Diez, qui l'a
relevé dans le Codex Alfons. \ le traduit par 'lotterbube'.
En portugais moderne, on trouve non seulement le mascu-
lin: garçao 'garçon', 'jeune homme' (Coelho), mais aussi le
féminin: garçoa 'jeune fille' (Michaelis). qui manque à
l'espagnol.
Le catalan ne semble connaître que le masculin garsô
*garçon', 'jeune homme' (Vogèl).
157. Dans l'argot espagnol, la germania, un garçon
s'appelle garda, une fille garda, un petit garçon gardillo.
Echegaray voit dans ces mots des dérivés du français
j/ars. Il serait peut-être moins invraisemblable de les tirer
de l'anc. prov. gartz (Raynouard: (/fl/f). Suivant M. Sainéan ^,
c'est la Provence qui a été «le facteur intermédiaire entre
les divers argots romans.» — Il y a dans le génois un
mot gardettu 'petit garçon'. Faut -il y voir un diminutif
de l'esp. garda, porté à Gênes par des marins espagnols?
158. 'Servante' est la plus ancienne signification at-
testée pour ha.sse, bagesse, haisselle. basseUe, basselatte^ ba-
rheloUe, etc. Dans les patois de l'Est de la France, depuis
la Wallonie jusqu'au Jura, et dans ceux de Neuchâtel et
du Jura bernois, ces mots se disent très fréquemment j)0ur
\jeune fille' oa 'fillette'.
L'étymologie de ces mots est incertaine. G. Paris,
dans la Bomania, XXIII, p. 325, n. 1, les faisait provenir
d'un type *bacassa; Kôrting, Lateinisch-romanisches Wôr-
terbtich, 1131, propose *bagassa. Ce type est représenté
en ancien français par baiasse. haiesse, baasse, baes.se. baisse.
' Voir Etym. Wôrterb. der roui. Spr.. p. 157.
- L'argot ancie)), pp. 140, 142.
— 167 —
basse, heesse, etc.. 'servante', 'femme de chambre', significa-
tion qui se retrouve encore aujourd'hui dans le norm. basse
(Guernesey baisse). Le mot correspondant en ancien pro-
vençal, bagasa, signifiait 'femme de mauvaise vie' ^, ainsi
(jue le prov. mod. baf/asso. De ce bagasa le français a
emprunté basasse , (|ui se trouve chez Brantôme et encore
chez Molière, mais qui est vieilli aujourd'hui. De la même
origine proviennent l'ital. bagascia ^, piém., lomb. baf/assa,
esp. baf/asa, port. ba(/axa, qui signifient tous 'prostituée'.
Ije prov. mod. bagasso s'applique aussi comme injure à un
homme, avec le sens de 'mazette', 'mauvais homme': on
en a tiré le diminutif bagassonn, qui, par un emploi «ca-
cophémique» ^, se dit pour 'petit garçon'. On rencontre
des formations analogues dans certains dialectes italiens
limitrophes du provençal: gén. bagaso 'ragazzo' * (cf. gén.
bagdsn 'scaltro', monf. bagassà 'giovane astuto e dato ai
cattivi costumi'), et piém. bagassëta 'donzellina' (ou 'frittelle
di pasta').
159. Le mot simple se trouve aujourd'hui avec l'ac-
ception de 'petite fille' '^ dans le département des Vosges
et dans les parlers français de l'Alsace sous les formes
de bèyès et bivcyh. Suivant M. Horning, on dit bas à
Aubure et à la Poutroye (Alsace); mais V Atlas linguistique
donne bèyhs pour ce dernier endroit. Adam enregistre
béeusse pour Pexonne (Meurthe-et-Moselle) : M. Horning beges
pour Belfort.
' Pour le développement sémanti(iue. cf. nutncipu. — Cf. aussi
Jaberg, ZMFh, XXVII, p. 44.
- M. Meyer-Liibke, Hom. etym. Wb.. 8G1, expli<iue -se- par Tin-
tluence analogique de barddscta.
' Voir plus bas. au § 191.
* Voir Salvioui. EDU, IV, p. 194.
^ Au point 76 (^Vosgesj. M. Edmont a relevé aussi le st>ns de
jeune fille'.
11
— 158 —
160. Les diminutifs qu'on a tirés de ce thème sont
très nombreux, et, chose curieuse, ils présentent en géné-
ral le sens de 'jeune fille', tandis que le simple signifie
'fillette'.
L'anc, fr. haissele^ basele^ hasciele ^ désignait, à l'instar
de haiasse, baisse^ etc., une servante, mais quelques-uns des
exemples d'une date plus récente, qu'on trouve dans Gode-
froy, ont le sens de 'jeune fille'. L'acception de 'servante'
s'est maintenue en Picardie (bacelle, Corblet), dans le sud
du Luxembourg (baeèl, AU. ling.)^ et dans le nord du dé-
partement de Meurthe-et-Moselle {basèl^ AU. Uïkj.). En
Gascogne, bachelo ^ signifie 'servante' et 'jeune fille'.
Au sens de 'jeune fille' on trouve basseUe dans le nord
de la Wallonie (Liège, Malmédy); bauchelle à Charleroy et à
Namur; bweeel plus au sud, à Gedinnes; bivêsal à St. Hubert;
bwesel à Bastogne; bweeal à Haybes, dans les Ardennes.
Tarbé donne pour les Ardennes bwaicheUe 'fillette'. — Dans
les environs de Metz, jusqu'à Courcelles, Pange, Falken-
berg à l'est, et dans le département de Meurthe-et-Moselle,
nous trouvons basseUe et baisseUe 'jeune fille'.
Dans des poésies du moyen âge et de la Renaissance
on rencontre souvent les sous-diminutifs baisselete, bacheletc
(employé encore par La Fontaine) 'jeune servante', 'jeune
fille', et bachelote 'jeune fille'. BacheleUe se dit aujourd'hui
pour désigner une jeune fille en Picardie, dans la Flandre
^ Hasciele, bachelette s'expliquent peut-être par lïnfluence de ba-
chelier, bachelière (§ 170); cf. le JMct. gén., à Tart. bachelette. Quant à
bachelette, cette hypothèse est fortifiée par le fait que, dans le seul
exemple que Godefroy en cite, ce mot est réuni à bachelier:
«Mais que ce jeune bachelier
Laissast ces jeunes bacheletes.
Non!»
(Villon, Grand testament, 665).
- Cette forme semble présupposer un anc. prov. bachela. Mistral
cite aussi comme des formes «romanes»: bachela, bacela, baicela; mais
on ne les trouve pas dans les dictionnaires de Eaymond et de Levj-.
— 169 —
française et dans le Hainant; hraixelette ^ dans les Ardennes
id'ajn'ès Tarbé). Le patois messin a les formes bacelote,
hacelatte 'petite fille', hraichelatte 'jeune fille'. Comme for-
mes lorraines Adam cite en outre haicelatte^ haisseloUe
'jeune fille', et V Atlas linguistique montre à trois points dans
le département des Vosges bâslot au sens de 'fillette'.
A côté des sous-diminutifs en -elotte^ -elaite, les patois
lorrains possèdent aussi des dérivés en -otte, -ntte: hassotte^
hèssotte ^, bassatte 'fillette' et, si nous allons plus au sud,
nous trouvons que ces suffixes y sont très souvent em-
ployés. • A Jung Mûnsterol (en Alsace, près de la frontière
du territoire Belfort) une jeune fille s'appelle be,'^çt (Roming) ;
à Joncherey (Belfort): bâeot {Atl. ling.). La carte 570 de
V Atlas linguistique montre que ces dérivés s'emploient beau-
coup dans le Jura bernois. Au point 74 nous trouvons
haeôt^ bâcnot^ 'fille', au point 73: bceot*, bêenot 'fille',
'fillette', et, avec les mêmes significations, au point 72
bàeot^ bàenot, au point 71 béeat^ bèenat, au point 64 bèsât,
bèenât. Le neuchâtelois semble préférer les diminutifs en
-Hte; au point 63 nous trouvons bâsct, et M. Meyer-Liibko
(op. cit., 861) cite bàsét comme forme neuchâteloise. Les
matériaux du G-lossaire des patois de la Suisse romande
montrent que les formes bésèta, bésta^ bèchaf sont en usage
dans le Jura bernois et dans le canton de Neuchâtel, dans
les parties limitrophes du canton de Vaud et, sporadique-
ment, dans le canton de Fribourg. — Suivant Bridel on
trouve dans le Jura, à côté des féminins baichotta, baichetta
'petite fille', le masculin baicJiot 'petit garçon'. C'est le
^ Probablement Vr est-il dû à quelque influence analogique.
- Suivant Roquefort, l'ancien fran(,'ais a possédé aussi la forme
Ite.sotte (ou bosote, bozette, bozonette), et même le masc. besot {bozet,
hosot, bozon) 'jeune enfant'. On cherche cependant en vain ces mots
dans Godefroy et dans La Curne. Les formes avec o (si elles sont
exactes) ne proviennent probablement pas du même radical.
* Cf. lorr. gaeot. gaenot. § 154.
* Ou fêy.
— 160 —
seul masculin analogique tiré de ce thème que je con-
naisse ^. — Dans les parties voisines du département du
Doubs, on rencontre des dérivés semblables: à Montbé-
liard haissotte 'jeune fille', diminutif haissontotte (Conte-
jean ajoute que ce mot est «seulement usité à la Mon-
tagne»). A Damprichard hésot^ et aux Fourgs haiss'tot
ont le même sens.
Les patois de la Suisse romande présentent encore un
dérivé en -ola. Bridel enregistre comme formes fribour-
geoises hessaula^ hechaula^ hressaula ^ 'petite fille'. D'après
les Matériaux^ hdSCi°Ha s'est dit autrefois dans le canton
de Vaud, mais ne vit aujourd'hui que dans celui de Fri-
bourg. Dans la Gruyère il se prononce hrdcliCda ^. Le sens
le plus commun est celui de 'jeune fille nubile'. On en
a tiré un diminutif: hdsoleta 'très jeune fille".
161. On pourrait ranger aussi dans ce groupe le
poitev. oiivray, ouvré (Lalanne), ouvraié (Favre, Filleau).
dont le sens primitif est celui de 'ouvrier', et qui a pris
ensuite le sens de 'jeune homme'. On en a tiré un fé-
minin ouvrère^ qui, suivant Lalanne et Favre, sert à dé-
signer une jeune fille; suivant Filleau, une petite fille '.
— L'angev. ovérier peut avoir, outre le sens primitif de
'ouvrier', celui de 'individu', 'gaillard', 'particulier'. Le
prov. mod. ouhric, ouvré (Rhône), oubrèi (bord.) a subi une
généralisation semblable: un bon ouhrié \\n bon garnement';
quint oubrié! 'quel compère!' (Mistral). Il ne serait donc
^ Cf. Tappolet. op. cit., p. 48: *Baisselh ist die einzige Neii-
schopfung weiblichen Geschlechts. fur die es kein mannliches Pendant
gleichen Stammes giebt».
- LV doit provenir, ici encore, d'une sorte de contamination. M.
Gauchat m'apprend que les matériaux du Glossaire fournissent des
exemples nombreux de ce phénomène. Il propose pour ce cas spécial
l'explication que voici: «Es gibt ein Wort hrdsCio^^la, das einen Teil
des Wagens bezeichnet [braceola]. Vielleicht ist dièses Wort fiir das r
verantwortlichv.
^ Filleau en cite cet exemple: Via Vn ouvrère toute grande.
— 161 —
pas impossible c[ue lo poitev. ouvré doive son sens actuel
à un développement analogue : 'ouvrier' > 'individu' > 'jeune
homme'. Mais on pourrait en chercher l'explication aussi
dans le fait que ce sont très souvent des jeunes gens qui
s'emploient comme ouvriers.
«Jeune seigneur», «jeune dame».
1<>2. Nous venons de voir que des mots, servant à
désigner la classe des domestiques: 'serviteur', 'berger',
'ouvrier', sont devenus des noms d'enfants. On a employé
de la même manière les titres honorifiques qui désignaient
les classes supérieures. Dans les deux cas, l'empreinte
sociale est souvent restée. Rappelons que, par exemple,
le prov. diafjo ne s'applique qu'aux enfants de paysans.
D'autre part, le franc, demoiselle, s'il n'est plus le titre
«l'une fille noble, s'applique toujours à une fille de nais-
sance bourgeoise. Mais il y a aussi des termes de ce
genre dont le sens s'est tout à fait généralisé, et qui
en sont venus à désigner tout simplement un jeune homme,
une jeune femme ou un enfant. — Dans la plupart des
cas, il faut sans doute chercher la cause de ce déplace-
ment de sens dans la démocratisation continuelle de la
société dont parle M. Nyrop dans sa Grammaire histo-
rique de la lanffiie française, IV, § 182. Il ne faut pour-
tant pas oublier un autre facteur, qui a sans doute con-
tribué aussi à ces changements de sens: à savoir le
langage hypocoristique, qui emploie volontiers des titres
pareils comme termes de tendresse. Les expressions qui
s'expli([uent de cette manière appartiennent donc propre-
ment au chapitre des «changements actifs», mais il vaut
mieux réunir ici tous les cas, oii des titres honorifiques
ont été employés comme dénominations d'enfants. — Le
patois de l'Anjou nous en fournit un exemple. D'après
Verrier et Onillon, les mères angevines appellent leurs pe-
— 162 —
tites filles «ma reine», quand elles ne les décorent pas de
noms moins respectueux, tels que cane, poulette, chatte , etc.
Il n'est pas sans intérêt de constater que déjà le latin
connaissait l'emploi hypocoristique de dominus et de ses
dérivés ^ Le à\ïm.wi\\î domnulus — ^^owwwZa s'employait d'une
manière analogue, comme il résulte de ce passage de
Salvien: advolvor vestris, o parentes carissimi, pedibus, illo
ego vestra Palladia, iiestra gracula, vestra domnula . . .
(Epistnla, IV, 162, d'après Forcellini).
163. De donna l'italien a tiré les diminutifs donnino,
donnina, qui se disent comme termes de tendresse aux
enfants. Dans l'italien commun ils ont le sens spécial
de 'ragazzetta assennata' (Petrôcchi), mais, dans les dia-
lectes de Milan et de Côme, donin est purement «vezzeg-
giatif» et signifie 'cecino', 'caruccio', 'graciosetto'. Dans
la Romagne, dimen, dunena désignent, d'après Morri, une
petite fille en général; il les traduit par: 'mimma', 'bimba',
'picciola bambina'.
164. Je serais disposé à expliquer d'une manière
analogue les formes dun, don, donc, qui s'emploient dans
la Gironde pour désigner une fillette. Les cartes 461,
670 et 1669 de VAtlas linguistique montrent au point 630
^ Voici ce qu'en dit M. E. Lôfstedt dans son ouvrage intitulé
Philologischer Kommentar zur Peregrinatio Aetheriae. p. 115: «Ich
hebe — — — hervor, dass das Wort [dominus. domina] nicht nur
sehr haufig in wirklich ehrfurchtsvollen Ausdrùcken steht. wie es fiir
unser Gefûhl am natiirlichsten ist. sondern aiich allmâhlich etwas
herabgedriickt und gleichzeitig auf eine sehr weite Begriffssphâre von
Liebe, Frenndlichkeit usw. ausgedehnt worden ist. Ein einziges Bei-
spiel wird fiir dièse Entwicklung hinlànglich beleuchtend sein. Victor
Vitens. II 30 heisst es: conspicimtis muUerculam sacculum et alia uesti-
menta portantem, manu infantulum unum tenentem atque in his sermo-
nibus consolantem : curre, domne meus ; uides uniuersos sanctos, quomodo
pergunt et festinant hilares ad coronas. Das Kind, das die Frau hier
mit domne meus anredet. ist, wie gleich darauf gesagt wird, ihr nepos
paruuîus.*
— 163 —
</«>/, au point 632 dûn \ au point 641 dOn(\, au point 663
(ion'e, et, dans les Landes, au points 662, 672, dZn'c. C'est
sans doute le même mot que le prov. dono^ donno, rouerg.
flouof/no, etc.. terme vieilli et supplanté aujourd'hui par
damo.
165. A ce qu'il semble, les dénominations suivantes
sont dues aux causes indiquées par M. Nyrop (voir plus
haut); mais il n'est pas impossible que les diminutifs de
dominus — domina aient eu parfois d'abord un emploi hypo-
coristique.
Dans l'ancien frioulan on trouve dumhlo {dumhli) —
dumblf au sens de 'ragazzo', 'ragazza' ^. Le masculin se
rencontre dans la littérature jusqu' à 1400, le féminin jusqu'à
170C) (Pirona). Dans deux poèmes frioulans, datant des
années 1380 et 1416, et publiés par Joppi dans VArchivio
f/lottoloffico italiano^ IV, pp. 192, 205, la forme dumlo 'jeune
fille', est souvent employée. — Suivant MM. Gartner ^ et
Meyer-Liibke *, dnmhle {dumlo ) remonte à domina. Mais,
comme, autant (^ue je sache, -mn- n'a pas donné -m(b)l-
dans d'autres mots frioulans (cf. damnu> dam^ dan; scamnu
^scafpi: somnu>>sium), il me paraît plus vraisemblable
(l'admettre que dumblc provient du diminutif domnula.
166. On sait que, en Gaule, *domini(€llns—*domini-
ceUa désignait d'abord un jeune homme, une jeune femme
de noble extraction ". Mais l'anc. fr. dansel—danselle,
doncel — doncelle. et les diminutifs danselon, danselete, etc..
^ Aux points 630 et 632 on n'a pas de mot commun pour les
enfants des deux sexes; un enfant mâle s'appelle drôl, un enfant du
sexe féminin dun (ou don).
- Pirona traduit, p. 146, le masculin par 'donzello'; dans la par-
tie ital.-frioulane, par 'ragazzo'; et p. XLIII par 'giovinotto'. Pour
le féminin il donne en outre le sens de 'donzella nobile'.
' Handhuch der ràtorom. Sprttche und Literatur, p. 876.
* Boni. etym. Wh., 2733.
■' CF. Du Cange. à l'art, donncellae.
— 164 —
s'employaient souvent au sens de 'jeune homme', 'jeune
fille', 'enfant' ^; et il en était de même de l'anc. prov.
donsel—donsella^ doti^ellon, dons ellet— dons elleta^. Nous sa-
vons que, en français moderne, demoiselle désigne une
femme non mariée ^. M. Edmont a relevé, dans le parler
de Saint-Pol, mam'selle * au sens de 'jeune fille': œn bel
mamsèl. Dans le patois de Namur, M. Niederlânder signale
le diminutif mamselet 'petite fille'. Le masculin damoiseau
ne subsiste que dans le langage familier avec le sens
ironique de 'jeune homme qui ne s'occupe que de cour-
tiser les dames'. — Le prov. mod. damisèu a la même nuance
ironique. Le sens du féminin damisello (lang. doumeïsèlo,
gasc. damaysèlo) correspond à celui de demoiselle. Le di-
minutif dounscleto signifie 'fillette', tandis que dounsello a
le sens dépréciatif de 'fille légère' (cf. le franc, donzelle).
Le gascon a les diminutifs damayselot— damayseloto 'tout
jeune homme', 'demoiselle jeunette' ^.
Le toscan et l'italien littéraire emploient quelquefois
* Voici deux exemples (j^ue cite Godefroy:
Dous enfans de sa femme aveit,
L''uns ert vaslez. Vautre dansele.
(Benoît, Chronique des ducs de Normandie^ II, 17776, Michel).
Mais il en ot II. biaus enfans.
Danselons de petit eage.
(Mousket, Chronique rimée, 20146, Reiff).
- Voici un exemple que donne Levy. où do«^eZZ« est =' pue 11 a':
Tota femena, do\n]2ela o vezoa, liot totas las cauzas donar en dot . . .
{Le petit Thalamus de Montpellier, p. p. la Soc. archéol. de Montp.,
Montp. 1840, p. 63.)
^ Sur le développement sémantique de ce mot, voir Nyrop, loc.
cit. — L'anc. fr. damoiselle, qui avait été dégradé socialement jusqu'au
point d'être employé pour désigner une servante, se retrouve avec
cette acception dans les patois lorrains actuels sous la forme de
deni'hâV, dom''hàV (Horning).
•• Le napolitain a emprunté mademoiselle sous la forme de madamo-
sella 'donzt^Ua', 'damigella'. 'signorina' (D'Ambra).
^ Le gasc. dounzelo a pris le sens spécial de 'suivante de la
mariée'; et, de même, les formes masculines dounzeloun et dousèt (cf.
prov. dounzèu. lang. dounzèl) signifient 'garçon de noce'.
— 165 —
dotueUa au sens de 'jeune fille', 'vierge'. Le même sens
se retrouve dans le romagn., bol. (luuïHla^ et dans Fane,
vén. (loncella ^ D'après Boerio le vénitien actuel n'emploie
donzela que pour désigner une sorte de poisson -; mais
de l'ancien sens de 'jeune tille' témoigne encore l'expres-
sion la fanciulla è in domelon, qu'on peut entendre à
Chioggia, et (pii veut dire qu'elle est «in età da marito.>
Les autres dialectes vénitiens et émiliens, ainsi que les
dialectes lombards, ne semblent connaître que le sens de
'cameriera', qu'on trouve aussi dans la vieille littérature
italienne '. Les patois de la Suisse romande ont emprunté
donzela {donzala) avec cette signification (Bridel). Il peut
désigner aussi une femme ou fille en général, mais, en
dehors de l'évêché de Bâle, il a dans ce cas une nuance
marquée de mépris, de même que le franc, donzelle *.
Dans l'Engadine, dmuella, donzrlla a subi le même
développement. D'après Pallioppi, il a signifié autrefois
'Fràulein', mais ne s'emploie aujourd'hui (pi'avec le sens
de 'Aufwàrterin'. Plus à l'ouest, dans les vallées d'Ober-
halbstein, de Domleschg, et de Schams, donschcUa, dim-
schella se dit encore aujourd'hui avec sa vieille significa-
tion ou dans le sens généralisé de 'vierge', 'jeune fille'.
Conradi, qui était curé à Andeer, dans la vallée de Schams^
traduit dunschella par 'Fràulein'; M. Ijuvâ dundèéala ÇDom-
leschg et Schams) par 'adeliges, zimperliches Fràulein';
M. Candrian dimdzéela (Bivio-Stalla) par 'Jungfrau'. Dans
un texte oberlandais de la fin du XVI^ siècle (Barloatu
^ Dans la rédaction vénitienne de Tristan on trouve, an vers 52.
cet exemple reniarqnable du sens de 'vierge': dnmisella che sia don-
cella.
- Cf. l'usage analogue (ju'en fait l'italien. En fran(,*ais, demoiselle
est un nom donné à divers animaux.
* Cf. Pital. donzello 'usciere del municipio'. autrefois servo', 'do-
mestico'.
* On sait (jue les mots d'emprunt sont souvent d('?rra(lés. Cf.
plus bas Tesp. dnmiselhi.
— 166 —
H Giosaphat, par Jacob Bundi ^) dnnsrhaUa est usité, à côté
de f/itifna^ an sens de 'jeune fille', sans présenter aucune
trace de l'empreinte sociale.
Le cat. donsella a pris le sens spécial de Vierge',
tandis que le masculin donzcll ne présente que le sens
ancien de 'page'. L'esp. doncel et le j)ort. donzel ont, à
côté de ce sens, aussi celui de 'puceau' ^: et les féminins
donceUo. donsella s'emploient avec la signification corres-
pondante de 'vierge', 'pucelle'. Pour le port, donsella.
Michaelis donne encore les sens de 'mannbares Màdchen'
et de 'Edelfrâuloin' ^. Les diminutifs doneelUca. donceUifa
signifient 'petite fillette', 'pucelette' (Oudin. Tolhausen).
Donzelleja, donzcUuela., qui ont eu aussi, autrefois, cette
signification, ont subi une dégradation de sens, et désignent
actuellement une jeune fille de la bourgeoisie dont la ré-
putation est douteuse *; doncelleja se retrouve en portugais
avec le même sens dépréciatif °.
DamiseUa, qui en catalan signifie 'demoiselle' (cf. l'anc.
prov. damizela). a pris en espagnol le sens de 'jeune fille
aimable et jolie'; mais il a aussi partagé le sort de tant
d'autres mots semblables, et est devenu le synonyme de
'courtisane' **.
» Voir AGIL VIII. p. 284.
- Cf. Tesp. doncello 'célibataire'.
^ L'esp. doncella signifie aussi 'femme de chambre dans une
bonne maison' (cf. haut-ital. donseîla.)
* Suivant Tolhausen, doncelleja ^eut s'employer pourtant aussi au
sens honnête de 'jeune fille nubile'.
^ Lie dérivé doncelloiia idonzellona) signifie; dans la péninsule ibéri-
que comme en italien, 'vieille fille'. L'espagnol dit aussi doncellueca.
" Ajoutons que Tital. signorina et l'esp. seTiorita ont subi la même
démocratisation que demoiselle, dohzella etc. Ils désignent donc au-
jourd'hui une jeune fille d'une classe un peu plus élevée que le peuple.
Mais ils ne s'emploient pas avec le sens général de 'jeune fille' que
nous avons trouvé dans quelques-uns des représentants de *dominicellu.
■ — Les masculins signorino (signorello). senorito 'fils de famille', ont
une nuance ironique, à l'instar du franc. damoÏMeau. En portugais.
nenhorito et senhoritn ont tous deux un sens dépréciatif.
— 167 -
167. Un développement de sens, analogue à celui de
i/ansel, doïizel^ est représenté par vaslet en ancien français
et en ancien provençal. Godefroy enregistre les formes
7'allet, raillet. vaslet. vauletj vcuJlet^ rarlet, qu'il définit par
'onfant mâle', 'garçon'^; 'jeune guerrier'; 'jeune homme
non formé'; 'page', 'écuyer'; 'jeune homme en général':
'aide du maître, du patron', 'apprenti'; et, dans le Complé-
nwnf. 'domesti(|ue mâle'. Nous y trouvons encore valot
rallot. caillot, variât 'jeune homme', 'varlet', 'valet'; et le
diminutif valeton, valleton. vasleton, valton, etc. 'jeune gar-
çon'^: 'serviteur', 'valet'. — Dans l'ancien provençal aussi.
raMet. vaylet. vallet signifiait 'jeune homme' ou 'valet'. —
Le sens primitif de ralet. valot, qui semble représenter
un type *va)i{su)littu, -ottu. du même radical que vassal ^.
est, suivant Du Cange *, celui de 'jeune gentilhomme'.
On désignait par co mot, comme par dansel, les enfants
mineurs de nobles parents, et, au cours des temps, valet
a pris, à l'instar de cet autre mot, le sens général de
'enfant mâle', 'jeune homme'. La signification de 'servi-
* Cf. Texemple cité plus haut, p. 164, n. 5.
» Ou lit encore dans le Grand Testament de Villon, vers 732 ss.:
«Qu'est-ce a dire? que .Tehanneton
Plus ne me tient pour valeton.
Mais pour ung viel usé roquart . . .>
* Suivant le Dict. gén., "^vassulittum est dérivé de *vussnlum. «di-
minutif hypothéti(jue de vasstim qui, dans le latin mérovingien, signifie
'serviteur' et ([ui doit être' le primitif de vassal.» Il faut observer pour-
tant que. suivant Du Cange, VIII, 251. vassus ne signifiait pas toujours
serviteur'; il était souvent employé comme synonyme de vassalliis.
* Voici ce qu'il- en dit: «Valeti. vulecti, appellati vulgo magna-
tum filii qui necdum militare cingulum eiant consecuti. Nam ut Vas-
iiaïli iidem, qui postmodum Milites, quod in hac voce docemus: ita
vassalorum filii Vasselleti dicti, ut et Domicelli, respectu parentum.
qui Domini nude sppellabantur, unde postmodum formata vox Vasletim,
deinde Valetus ...» — Du Cange semble considérer valet comme dérivé
directement de vassallus, ce qui est phonétiquement impossible (cf.
le JJict. gi'H., à l'art, valet] et Meyer-Liibke, Bom. etym. Wh., 91G5).
— 168 —
teur' n'apparaît que plus tard, ce qui résulte des exemples
de vakt, valot, valeton que citent Godefroy et Littré ^
168. Dans les patois actuels de la Suisse romande
et de la Wallonie, valet se dit très souvent aux sens de
'enfant mâle', 'garçon' ; 'fils'. A cause de l'emploi si ré-
pandu de valet = 'domestique', on est naturellement dis-
posé à y voir le résultat du développement sémantique
'serviteur' > 'enfant', dont nous venons de constater tant
d'exemples dans les langues romanes. C'est aussi ce que
fait M. Tappolet dans Die romanischen Verwandtschaftsnu-
men^ p. 43, où il range valet, ménage, garçon sous la ru-
brique commune: Sociale Ahhdngigheit: Hausgesinde. Je
n'hésiterais pas à adopter cette explication, si une autre
ne jne paraissait au moins aussi vraisemblable: valet ^gar-
çon', dans les dialectes modernes, continuerait l'anc. fr.
vaslet 'enfant mâle', 'jeune homme.' On trouve cette opi-
nion émise par Littré, dans son petit travail intitulé Com-
ment les mots changent de sens, p. 58; et on la rencontre
aussi dans le dictionnaire wallon de Grandgagnage (tome
II, édité par Aug. Scheler): <s.Valet (garçon, enfant mâle).
Application élargie de l'afr. vaslet (= vasselet), var-
let: jeune gentilhomme, jeune homme non marié; le sens
moderne de 'serviteur' a été réservé en "W. à la forme varlet. >
Pour trancher la question, il faudrait avoir une série
d'exemples montrant que le mot a été employé, avec la
signification de 'enfant', 'garçon', dans la Suisse romande
et en Wallonie, depuis le moyen âge jusqu'à nos jours ';
' Cf. Cotgrave : «Valet, a Groom, yeoman, or houshold servant
of the meaner sort: In old tirne it was a more honourable title; for
ail young gentlemen, untill they came to be eighteen years of âge,
were termed so.» — Cf. aussi A. Darmesteter, La Vie des mots, p. 93;
Nyrop, op. cit., IV, § 181.
- M. Tappolet, op. cit., p. 44. dit que valè = 'fils' est d'une date
relativement récente dans la Suisse romande. La seule preuve qu'il
allègue de cette assertion est le fait, attesté par Bridel (pp. 455, 465)
qiie, dans le patois d'Orbe, valè se dit pour 'fils', et volé pour 'dômes-
— Kjy —
malheureusement, mes matériaux ne m'en fournissent pas ^
Il y a pourtant un fait qui vient peut-être à Fappui de
cette hypothèse. Suivant Godefroy, valot (vallot) se dit
dans la Meuse et dans la Haute-Marne pour 'jeune garçon'.
Si cela est exact '*, ces deux départements contigus sem-
blent former un îlot subsistant d'une aire cohérente, qui
se serait étendue autrefois de la Wallonie jusqu'au Ijac
Tjéman, et où valet, valot auraient conservé leur ancien
sens de 'enfant mâle', 'garçon' '.
tique' (on trouve, du reste, le même phénomène dans le patois des
Brassus. Vallée de Jou.k; voir Bridel. p. 463); *valef ist offenbar im-
portiert, ajoute-t-il, und hat dabei seine franzosische Bedeutung ein-
jîebusst». Cela ne me paraît pas du tout vraisemblable. Je crois qu' il
faut voir dans l'existence de ces deu.x formes l'une à côté de l'autre,
avec des significations différentes, le résultat d'une tendance à la dif-
férenciation. Elle serait analogue à celle qui, en wallon, a rattaché
le sens de 'enfant mâle' à la forme valet, tandis (|ue varlet se dit pour
'serviteur', et qui, en vendômois, a établi la même différence de sens
entre garx et garçon. — La carte 1537 de VAtl. liiig. montre que, dans
le Jura, la Haute-Savoie et ailleurs, les formes valè et vole se trouvent
pêle-mêle au sens de 'domestique'. — Quant à la dernière forme, M.
Gauchat vient de m'écrire dans une lettre: «Ob vôlè iiber vaulet mit
Il aus dem l als Parasitlaut entstand, ist nicht sicher.» Il m'apprend
que vaulet est relevé en fribourgeois au XV® siècle, à côté de valet,
varlet, varleit, au sens de 'Knecht', 'Gehilfe'.
*■ Pour vérifier Thj'pothèse de M. Tappolet, que valè 'fils' serait
d'une date relativement récente, j'avais demandé à M. Gauchat s'il
])Ourrait m'en fournir des exemples anciens. Il répond comme suit:
»Alte Beispiele fiir die Begriffe Sohn. Knabe habe ich leider nicht
. . . Immerhin zeigt das Zusammensein von Freiburg und Waadt in
der Verwendung des Wortes = Sohn. dass dièses schon vor der Kefor-
mation gebraucht war, die erst die Mundarten dieser Kautoiie ausein-
andertrieb.»
- On s'attend à trouver cette signification dans Labourasse. Glos-
saire abrégé du patois de la Meuse, mais il ne donne que valot =^ 'va-
let', 'serviteur'; ou, comme terme d'amitié: 'ami', 'camarade'.
' Ce qui vient compliquer encore la question, c'est l'emploi hj--
pocoristique de valet, qu'on trouve dans certains patois. A Genève,
une mère dit à son enfant: Viens, mon valet, (jue je t'embrasse (Cham-
bure). Volet, dans le patois des Fourgs. et volet, dans les parlers de
Plancher-les-Mines et Petit-Noir, et dans le bas-langage Verduno-
Châlonnais, s'emploient de la même manière. Ici. c'est petit-être valet
'serviteur' qui s'est appliqué par plaisanterie à un enfant, de même
— 170 —
169. Voici un relevé plus détaillé de la diffusion de
valet 'garçon'.
M. Gauchat m'apprend, d'après les matériaux du Glos-
saire des patois de la Suisse romande, que valet se trouve
partout dans ces patois, et qu'il signifie plus souvent 'fils'
que 'garçon'. Suivant V Atlas linguistique aussi, le premier
sens est plus répandu que le second. On trouve valet =
'fils' aux points 60, 61, 62 (Fribourg), 40, 50, 939, 959
(Vaud), mais valet = 'garçon'' seulement aux points 40, 50,
939. Au point 40 (Le. Pont, Vaud), le mot paraît être
plus en usage qu'aux autres endroits, car il s'y trouve non
seulement sur la carte 622 (garçon)^ mais aussi sur les car-
tes 623 {mon petit garçon) et 624 {les garçons). Bridel ne
donne valet qu'avec le sens exclusif de 'fils', et le valet
dans le sens collectif de 'tous les garçons d'un village'. Il
ajoute: <'0n dit valai dans le Jura.» D'après les traduc-
tions qu'il donne de la parabole de l'enfant prodigue, valet
se dit pour 'garçon', 'fils' dans les patois de Gryon, d'Or-
monts-Dessus, de Montreux, du Jorat, d'Orbe, de Marchissy, ^
des Brassus et de Sainte-Croix, tous dans le canton de
Vaud. Le patois de Blonay emploie le mot de la même
manière; o viio valé veut dire 'un vieux garçon' (Odin).
Les diminutifs valotet (Bridel, Odin), et vallotton (Bridel)
sont dérivés de la forme valot.
D'après les cartes de VAtlas linguistique, valet est le
mot le plus usité pour rendre l'idée de 'garçon' dans tout
le sud-est de la Belgique (Namur, Liège et Luxembourg)
et au point 186 dans le département des Ardennes. Dans
le sud de ce territoire, valet signifie aussi 'fils'. Au pluriel
on semble préférer à quelques endroits gamins à valets.
qu'on dit dans le Centre aux petites filles: Viens, ma sarvante. et dans
le Poitou: Vin dan, man p'quit douleau, vin iqui, man ji'quit valet. —
Cf. l'emploi péjoratif dans le parler de Macerata (Marches) de vassallti
(= ital. vassallo 'vassal'; 'serviteur', 'valet'), qui .se dit pour 'ragazzo
di strada'; 'birichino'.
' Guerçon est plus usité ici.
— 171 —
Suivant Remacle, rdlvt correspond aussi au franc, (jaroon
dans le sens de 'célibataire'. Dans le canton de Mons.
où, d'après V Atlas, un garçon s'appelle fyœ^ valet est tou-
jours vivant dans les villages comme terme d'amitié (Si-
gart). De même que Grandgagnage, Sigart constate que
la forme vnrlet sert à désigner un garçon de ferme. Cette
différenciation n'est pourtant pas strictement observée par-
tout; à Liège valet joint l'acception de 'serviteur' à celles
de 'enfant mâle', 'jeune homme', tandis que varlet n'a que
le premier sens. — Les patois du Hainaut connaissent en
outre le diminutif ralton (ivalton) ^ 'enfant', 'garçon', qui
est en usage aux Frameries et aux Pâturages, non loin de
Mons (^Sigart), et, plus au sud, au delà de la frontière
française, à Maubeuge et aux environs (Hécart). Cf. war-
fon 'valet de ferme', à Lille. Le diminutif valeton se ren-
contre aussi dans le Vendômois, où il signifie 'valet de
ferme' ou 'jeune garçon'.
170. C'est peut-être ici qu'il faut encore ranger l'anc.
franc, hacheler (plus tard: hachelier). Ce mot désignait au
moyen âge un jeune gentilhomme, qui aspirait à devenir
chevalier, et ensuite, par extension, un jeune homme en
général. La Fontaine l'emploie encore dans ce dernier
sens. Le féminin hachelicre 'jeune fille' n'est relevé par
Cxodefroy qu'une seule fois, dans le Grand Testament de
Villon ^. En français moderne, hachelier ne vit que dans
le ijens de 'celui qui, dans une faculté, a pris le premier
des grades universitaires'.
Le mot se retrouve en ancien provençal: haralar 'jeune
homme'; mais, d'après Levy, il avait ici une nuance
dépréciative (cf. aussi les exemples cités par Kaynouardi.
Il s'est conservé en Dauphiné et dans les Alpes: hachelar
^ En wallon, v initial devient quelquefois w (voir Grandgagnage.
op. cit., II, p. XXXIII'.
* Voir la citation p. 168, n. 2.
— 172 —
^garçon à marier', 'jeune amoureux', et, j)ar dérision: 'grand
niais', 'amoureux ridicule'. Le patois du Queyras en a tiré
le féminin hachelardo 'jeune fille', en substituant le suffixe
-ard à la terminaison de bachclar ^
Comment s'expliquer le sens péjoratif du mot provençal,
qui ne saurait guère être dérivé du sens de 'jeune gentil-
homme'? Cette dernière signification ne doit pas être le
sens primitif du mot. Dès le IX* siècle Du Cange relève
haccalarius, dans le nord-ouest de l'Espagne, au sens de
'rusticus', 'propriétaire d'une terre^ {baccalaria). Selon
Du Cange et Diez ^, le mot a pris ensuite le sens de
'personnage d'un rang inférieur', et a servi à désigner un
chevalier qui était trop pauvre ou trop jeune pour porter
sa propre bannière, et, ensuite, un jeune gentilhomme en
général. S'il y a du vrai dans cette hypothèse, le mot
provençal, avec sa nuance de mépris, se rattacherait au
sens plus ancien du mot, celui de 'paj'san', tandis que le
mot français représenterait une phase plus récente et
plus aristocratique de son développement ^.
8. Mots se rapportant à divers usages locaux.
171. Dans le Midi de la France on appelle levito (lang,
lehito, mars, nevito), proprement 'lévite', un jeune garçon
vêtu de blanc qui jette des fleurs à la procession de la
Fête-Dieu. Suivant Mistral, ce mot peut désigner aussi
un garçon impubère en général.
' Cf. les féminins vulgaires avarde. hizarde. ignurde pour avare,
bizarre, ignare (voir Xyrop, op. cit.. III, § 88). — Plusieurs glossaires
de patois (Azaïs, I)"Hombres et Charvet. Chabrand et Rochas d"Aiglun)
tîcrivent hachelard au lieu de haehelar.
* Etym, Wh. der rom. Spr., p. 3B s.
^ Quant à Tétymologie de baccalariu><, haccalaria et de haccularis.
type auquel M. Meyer-Liibke fait remonter ces mots {Rom. etym. Wb..
863), on n'en sait rien. — Pour rhypothèse de MUe A. Sperber {op.
«îï., p. 147, n. 1). selon laquelle bachelier se rattacherait à Fesp. bacalao
'cabillaud'', fig. 'individu sec et efflanqu»'' (it. baccalà, haccalaro). cf.
Spitzer, ZRPh, XXXVl, p. 236.
— 173 —
172. Un autre usage du Midi a donné naissance aussi
H une dénomination spéciale qui s'est généralisée. On y
appelle maio (ou hello-de-mai) une jeune fille vêtue de
blanc, couronnée de fleurs, tenant un bouquet de chaque
main, qui, dans le mois de mai, se place au coin d'une
rue, sur un siège élevé, entourée de ses compagnes qui
font appel à la générosité des passants ^ Ce mot est em-
ployé au sens plus général de 'jeune fille' dans l'expression
nmio a niarula 'jeune fille nubile' (Mistral).
9. Noms propres.
173, Dans diverses langues, les noms propres s'em-
ploient parfois comme noms communs ^. En français, plu-
sieurs noms de femmes, et surtout leurs formes hypoco-
ristiques, servent à désigner une fille galante: Catin, Ma-
delon, etc.
On trouve quelquefois aussi des diminutifs, tirés de
noms propres, employés d'une manière appellative pour
désigner une petite fille.
Le wall. trîne 'fille', 'fillette' (Grandgagnage) est une
abréviation hypocoristique de Catherine. Il peut signifier
en outre 'fiJle de mauvaise vie', de même que Catin.
Le tosc. tancina 'figliolina', 'bambina', est un diminu-
tif de tancia, qui est une forme contractée et corrompue
de Costanza. Voici ce que Fanfani nous apprend sur le
développement sémantique de ce mot: «Come Tancia è
nome contadinesco, le quali generalmente hanno del rozzo
^ Le même usage se retrouve, sous des formes variées, dans
d'autres contrées. Dans le canton de Vaud, les jeunes paysannes vont,
le premier dimanche de mai, en grand costume chanter de porte en
porte avec un panier au bras, pour recevoir de petits présents, des
œufs, des fruits, des gâteaux, etc. Bridel nous apprend qu'on les
appelle maïentze.
2 Cf. l'angl. Tommy 'soldier', le composé suédois dummer-jirns.
correspondant au franc,:, Jean-béte, etc,
12
— 174 —
e dello sciammannato, cosi anche a Firenze, quando si
vede una donna cosi fatta, benchè non contadina, si dice
che è una Tancia; e spesso odesi dire: Ho visto il taie
con la sua Tancia, cioè, o moglie, o ganza. Aile volte si
piglia anche per la specie; e quando nasce una bambina,
si dice Tancina, per esempio: La sora Carlotta ha parto-
rifo, e ha fatto una hella tancina» ^.
B. Changements actifs.
1. Termes affectifs.
a. Termes de tendresse.
174. Un certain nombre des mots dont nous avons
déjà parlé sont, ou ont été, des termes hypocoristiques.
Rappelons en première ligne les diminutifs, puis des mots
tels que donnino (§ 163), valet (p. 169, n. 3) et plusieurs
autres, dont le sens propre a disparu, et qui, quand ils
s'appliquent aux enfants, ne servent plus qu'à exprimer
la tendresse de celui qui parle. — Nous allons étudier ici
quelques termes qui servent, d'une manière encore plus
nette, à rendre les mêmes sentiments et qui ont pris par-
fois un sens plus objectif^; ensuite, nous passerons aux
épithètes qui expriment d'autres nuances de sentiment en-
vers les enfants.
175. S'il est une catégorie de mots qui méritent entre
tous d'être appelés «hypocoristiques», ce sont ceux qui
signifient 'cher', 'chéri', 'aimé', etc. Dans quelques dia-
lectes italiens, des adjectifs ayant cette signification sont
devenus des dénominations d'enfants.
1 Cf. du reste § 372.
^ On trouvera ailleurs aussi, surtout sous la rubrique de Méta-
phores, des exemples de termes hypocoristiqiies devenus des dénomi-
nations d'enfants.
— 175 —
Dans le parler de Teramo, rarorce^ qui est le même
mot que l'italien caruccio^ s'emploie comme substantif au
sens de 'bambino', 'bambina'. Le dialecte des Abruzzes en
a tiré lo diminutif carbcele 'bambino'. Finamore donne en-
core la forme cacaroz^e, qui se dit par plaisanterie à Castel-
frentano. Cf. l'oberland. cratsch 'l'ultimo nato' \ mil. ca-
rœu 'cucco', gén. caemn 'cucco', 'beniamino'.
176. Pour rendre un sentiment d'affection, on donne
volontiers à l'être aimé des épithètes signifiant 'joli', 'char-
mant', etc. C'est ainsi que l'italien hello s'emploie à peu
près au sens de 'carino' dans des expressions telles que:
Vieni hello! Non piangere, hello mio!^ Le franc, hellot a
le même sens dans mon petit hellot, ma petite hellote, qu'on
trouve dans bien des dialectes ^. Ces mots sont restés
cependant des termes de tendresse, tandis que, dans la
Suisse romande, une expression pareille est devenue un
appellatif. Les matériaux du Glossaire des pjatois de la Suisse
romande nous apprennent que, dans ces patois, gracieux —
gracieuse (vaud. gracha'^^ — gvacha'^^za, frib. graliâ — grahâja)
sont synonymes de 'adolescent', 'adolescente'. I)'après
l'article gràchau dans Bridel, l'emploi du mot est beaucoup
plus restreint: «Gràchau, subst. et adj. Gracieux. Ce titre
accompagne souvent, dans les cantons de Fribourg et de
Vaud, le bonjour et le bonsoir quand on le donne aux
jeunes gens. Adsivo, grachausa, bonjour la belle». Le
fribourgeois emploie de la même manière le mot galéza.
» Voyez ZRPh, XXXIV, p. 389; BDR, V, p. 178.
- Cf. l'emploi de beau — belle dans beau-père, belle-mère, etc. —
Sur beau = 'chéri', cf. du reste Tappolet, Die rom. Verwandtachaftsn.,
p. 124 s., et les ouvrages y mentionnés; Meyer-Liibke, Rom. etym. Wb.,
1027.
^ Dans l'Ouest et le Centre on prononce blot, dans le Morvan
bolot. On s'en sert aussi pour appeler les pigeons (dans le Centre),
ou les moutons (à la Selle-Craonnaise, Mayenne). En Poitou on en
a tiré le verbe bloter 'câliner', 'soigner tendrement'.
— 176 —
177. L'anc. fr. ^niste 'joli', 'gentil', 'bien mis', 'propret'
s'est conservé dans certains patois: comt., jur. miste, bress.
misto 'joli', 'charmant', 'paré'; prov. miste 'affable', 'gra-
cieux', 'bien mis'; et c'est probablement le même mot qui
entre dans plusieurs dénominations d'enfants: norm. mis-
teau (mistau) 'jeune garçon, bien tourné' ^ (Moisy), 'jeune
homme' (Du Méril); lang. misto 'jeune enfant', 'mioche'^;
prov. mistoun 'jeune enfant', 'bambin' ^ (comme adjectif:
'doux', 'mignon').
178. Au lieu d'adjectifs signifiant 'beau', 'gracieux',
on emploie parfois comme termes de tendresse les noms
d'objets jolis ou précieux. Ainsi on appelle, dans le Midi
de la France, un petit enfant aimable un perlet (lang. per-
lou)^ ou un jouieii; le franc, bijou s'emploie de la même
manière. Je crois qu'il faut expliquer d'une façon ana-
logue l'ital. naceherino, et y voir le diminutif de nacehero,
qui s'est dit pour nacchera 'nacre'. C'est un terme d'amitié
qui s'adresse très souvent à un petit enfant (ou à un petit
animal), mais il paraît être employé aussi quelquefois
comme simple synonyme de hamhino; du moins, on trouve
cette signification indiquée par plusieurs dictionnaires de
dialecte. Boerio, par exemple, définit le vén. hamhin par: ham-
bino, bambolo, bimbo, mammolo, naccherino, pargoletto, infante.
179. Dans bien des langues, les mots signifiant 'âme'
sont usités comme termes hypocoristiques * et prennent
^ Cf. Cotgrave: mistoudin 'A neat fellow, a spruce companion'. —
A ce propos, il convient de mentionner ^^woZef — fignoleta, proprement
'petit-maître', 'élégant'; 'petite-maîtresse', 'coquette', qui, dans les patois
de la Suisse romande, prend quelquefois le sens général de 'jeune
homme', 'jeune fille'.
' Mistral le relève à Nîmes, Azaïs dans les Cévennes.
' L^argot a emprunté ce mot: miston — mistonne 'jeune homme',
'jeune fille' (voir Sainéan, Les sources de l'arg. anc, II, p. 899 s.).
■* Cf. Grimm, Deutsches Wôrterbtich, IX, 2285: «. . . der liebende
[nennt] den geliebten geradezu seine seele, gewissermaszen den besten,
innersten, wesentlichsten theil von sich, sein eigentlichstes, wahres selbst.»
— 177 —
ainsi le sens de 'être aimé'. Quelquefois on emploie. des
diminutifs de ces mots au sens de 'enfant', par exemple
le bas-allem. min scelken (Grimm). De même, l'ital. ani-
metta, vén. anemeta, se dit comme terme de tendresse et
de pitié d'un petit enfant; dans le patois des Fourgs,
armetot a la même signification. Dans son Glossaire du
patois de Blonay, M"^*^ Louise Odin a constitué un ar-
ticle ainsi conçu: «arméta, s. f. Dim. de firuta. Petite âme.
— Par ext. enfant; sa pnr^ arméta: ce pauvre enfant.»
D'après cette définition, arméta a pris entièrement ici le
sens de 'enfant' ; mais l'exemple paraît indiquer qu'il s'agit
encore d'un terme d'affection.
b. Termes de pitié.
180. Les sentiments de pitié et de compassion, qu'in-
spirent les petits enfants faibles et sans défense, ont donné
naissance à plusieurs dénominations d'enfants dans les
patois franco-provençaux et les dialectes avoisinants.
Toutes ces épithètes sont des adjectifs signifiant 'pauvre',
'affligé', 'faible', etc.; la plupart d'entre elles joignent au
sens de 'enfant' celui do 'petit' ^
Les cartes 461 et 1708 de V Atlas linguistique nous
montrent que pur, proprement 'pauvre' ^, se dit pour 'enfant'
et pour 'nourrisson' à Sixt (Haute-Savoie). La carte 572
nous apprend que ce mot y peut signifier aussi 'jeune
fils', et que pôro a le même sens à Séez (Savoie). Le
1 Ce dernier sens a peut-être été antérieur à celui de 'enfant'.
'■^ Cf. la carte 981 {pauvre) de l'Atl. ling. — Pour exprimer l'idée
de 'mendiant', qui, d'après la carte 833, se rend par puro, pôro, etc.
en bien des endroits de la Savoie, de la vallée d'Aoste et de la Suisse
romande, on a eu recours, dans les parlers de Sixt et de Séez, à
d'autres expressions; à Séez on dit mîidya, à Sixt kuia. — Ce dernier
mot s'emploie du reste ailleurs aussi: Taninges coulion 'mendiant';
Annecy coulian 'fainéant'. C'est un diminutif de coulie 'testicule'; cf.
le franc, pop. coïon ou couilîon 'lâche', 'poltron', 'imbécile'.
— 178 —
féminin pura s'emploie à Sixt (à côté de gamina) au sens
de 'fillette', et même an sens de 'poupée'. Du reste, pur
se dit très fréquemment dans ces parlers pour 'petit'. Un
chaton s'appelle à Sixt pur se; à Séez: poro set; un oiselet
à Sixt: pur izé; à Séez: poro œjel. Pour 'jeune chien' on
dit à Sixt pur se; pour 'maisonnette' pure meo; et pour
'mon petit garçon' à Séez: mo poro garso. Dans le Cha-
blais, pouro désigne le petit d'un animal, spécialement de
la chèvre et du chamois. — Ajoutons que paurot se trouve
au point 791, dans le département de l'Ariège, comme ré-
ponse à la question 'mon petit garçon'.
182. Mendie j du lat. mendicus 'mendiant', avait pris
déjà en ancien provençal les sens de 'jeune' et de 'gar-
çon'. Levy a relevé cet emploi dans trois textes ^ Au-
jourd'hui on ne le trouve avec ce sens que dans le pa-
tois des Alpes Cottiennes '', où, d'après les dictionnaires
de Mistral et de Chabrand et Rochas d'Aiglun, mendie^
signifie 'garçon'; mendio (Mistral: mendia, mendïgo) 'jeune
fille'. Le masculin n'est pas relevé par V Atlas linguistique;
mais la carte 570 montre le féminin mœndya * à Monêtier-
les-Bains (Hautes-Alpes), et màndïe à Oulx, dans la vallée
de la Doire Ripaire, au delà de la frontière italienne ^.
^ Dans la traduction d'un évangile apocryphe, citée par Raynou-
ard; dans la Vida de Sant Honorât, LXXI, 28; et dans la Vie de
Saint Trophime, 56 (An. du Midi, 43, 310).
^ Ailleurs dans le Midi, mendi{c) (lang. mendil) signifie 'aide-
berger', 'apprenti-berger' ou 'ouvrier qui traîne les chariots de houille
dans les mines'; mendigo, mendio se dit pour 'jeune bergère'.
' M. Tappolet, Die rom. Verwandtschaftsnamen, p. 46, signale
la forme mendis comme usitée à Puy Saint Pierre et à Brius
(Queyras).
* M. Tappolet, lac. cit., accentue aussi mendio. Il paraît hors
de doute qu'un déplacement de l'accent a eu lieu dans le patois dau-
phinois sur le versant occidental des Alpes, tandis que l'accent du
latin mendicus s'est conservé dans les patois des vallées piémontaises.
^ D'après les cartes de V Atlas, un garçon s'appelle bot et non
mendie à ces deux endroits.
— 179 —
Il est assez intéressant do retrouver ce mot clans le dia-
lecte vaudois de Neu-Hengstett en Wiirtemberg, où il a
été apporté autrefois des vallées du Piémont : mendiii 'jeune
fille nubile' ^ — Mistral enregistre les diminutifs luendicoun,
mendigoun 'petit garçon', mendigueto, mcndioto 'petite fille'.
A Monêtier-les-Bains, M. Edmont a relevé le diminutif
mœndiora 'fillette', formé à l'aide du suffixe -ola ^. —
Dans le Midi de la Franco, mendie ne semble pas avoir
été employé adjectivement au sens de 'petit'; mais dans
le dialecte de la Romagne on trouve un développement
sémantique de numdicus, qui rappelle celui de 'pauvre' >
'petit': mindigh signifie ici 'mingherlino'. 'sottilino', 'ma-
grino', 'scriato'.
183. Avant de passer aux autres expressions de ce
genre, je voudrais discuter brièvement la manière dont
M. Tappolet explique comment tncndir est devenu une dé-
nomination d'enfant: «soi es nun dass die armen Kinder
dort [à Puy de Saint-Pierre] betteln gehen, sei es dass
eine Metapher vorliegt, wonach die kleinen liulfslosen Kin-
der mit dem ebenfalls notbedrângten Bettler verglichen
und nach ihm benannt wurden ^. »
Je ne crois pas qu'on ait le droit de supposer, comme
le fait ici M. Tappolet, un passage direct de l'acception
de 'mendiant' à celle de 'enfant' *, soit par voie de méta-
phore, soit par suite d'une analogie réelle dans la position
sociale. On pourrait alors, avec autant de raison, expli-
1 Voir Morosi, AGII, XI, p. 395.
* Dans le Brian(,onnais et le Queyras. l se change très souvent
en r. Voyez le dictionnaire de Chabrand et Rochas d'Aiglun, p. 6, et
Meyer-Liibke, Gramtn. des lang. rom., I, § 457.
' op. cit., p. 46.
* Dans le dictionnaire de Chabrand et Hochas d'Aiglun on trouve
cette question à propos de mendie: «Le garçon est en quête d'une
femme?» et cette définition de mendio: «jeune fille en quête d'un
mari.» Cela montre que les auteurs ont cru aussi à une association
directe entre l'idée de 'mendiant' et celles de 'gardon', 'fille'.
— 180 —
quer l'emploi du sav. pur^ au sens de 'enfant', par un
rapprochement entre la situation des enfants et celle des
pauvres proprement dits, des indigents. — Les autres mots,
dont je traite ici, qui ont tous l'acception commune de
'malheureux', 'qui est à plaindre', mais dont la plupart ne
signifient pas 'mendiant' ou 'indigent', montrent cependant
que nous avons affaire à des expressions de sentiment,
et non à des métaphores. La pauvreté est le plus sou-
vent un malheur, et, de même que pauvre^ mendie a par-
fois pris le sens de 'malheureux', 'misérable'. ^ C'est un fait
bien connu que des expressions de pitié, d'attendrissement
s'emploient souvent pour exprimer un sentiment plus gé-
néral de sympathie et d'affection. On sait, par exemple,
que pauvre^ en bien des cas, est usité à peu près comme
synonyme de 'chéri' ^. Puis, de même que beaucoup
d'autres termes de tendresse, ces mots en sont venus à
désigner des enfants d'une façon plus objective et plus
générale.
184. L'anc. prov. marrit 'embarrassé', 'affligé', 'sou-
cieux' est devenu, dans les Alpes Cottiennes, un terme de
pitié, synonyme de pauvre ^; et, ainsi que pur en Savoie,
il a pris le sens de 'enfant'. Le masculin marri est at-
testé * dans le Queyras, à Chorges (Hautes-Alpes) et au
Monestier de Clermont (Isère). Màrri-mdrria a été re-
levé à Saint-Firmin et à Brius (Hautes-Alpes), môri —
* Cf. ce passage cité par Godefroy:
Uns povres, uns las, uns menais.
Qui n'a amis en cest pais.
{Vie du pape Grég., p. 43, Luzanche.)
* Cf. mon puro peti 'mon cher petit' (Odin); mo pur ami 'mon
vieil ami' {AU. ling., 1388).
■* Ainsi, il se dit, comme pawwre, pour 'feu', 'dernièrement défunt':
lou marrit Mathieu 'feu Mathieu'.
■* Voir VAtl. ling., Chabrand et Rochas d'Aiglun, et Tappolet,
op. cit., p. 46 s.
— 181 —
môria à La Gravo (Hautes- Alpes), môrt/o à Die (Drôme) K
Marri est donc un peu plus répandu que mendie. Cepen-
dant, d'après VÂtlas linguistique, marri ne signifie 'enfant*
qu'au Monestier do Clermont; à Saint-Firmin et à Chor-
ges il paraît être exclusivement un terme de parenté (=
'(jeune) fils'). A Brius, marri — mdrria signifie de même,
suivant M. Tappolet, 'fils', 'fille', tandis que l'idée de 'en-
fant' y est rendue par menais. Il faut pourtant observer
que, dans le dictionnaire de Chabrand et Rochas d'Aiglun,
marri est défini. par 'petit enfant'. On y trouve aussi, p.
150, le proverbe suivant, qui montre que du moins le plu-
riel se dit pour 'enfants': Feno jouve è homme viei fan de
marris un plein fouyé ^. Mistral donne le renseignement
général que, dans les Alpes, marrit — marrie signifie 'petit
garçon', 'petite fille' ^.
185. Dans les patois de la Suisse romande, dole
(< lat. dolentem) nous fournit un pendant du dauphinois
marrit. L'anc. prov. dolen et Fane. fr. dolent signifiaient
'pitoyable', 'misérable', 'malheureux', etc., sens qu'on re-
trouve dans l'adjectif doleint 'faible', 'misérable', 'digne de
pitié' (Bridel). Les matériaux du Glossaire des ^yatois de
la Suisse romande indiquent que le fribourgeois ne connaît
pas d'autre emploi du mot. Mais, dans les Alpes vaudoi-
ses et dans le Valais, dolin — dolinta signifie 'enfant' (jus-
qu'à l'âge de quinze ans); 'petit garçon'; 'petite fille'.
\j Atlas linguistique ne relève que le féminin doleta 'jeune
fille', à Saint-Maurice (Valais) *. A Vionnaz (Bas-Valais),
^ M. Tappolet. op. cit.. p. 47, a relevé encore armis dans l'argot
de Mont-Morin (Hautes-Alpes). Il y voit on phénomène de mé-
tathèse.
^ «Femme jeune et mari vieux font d^enfants une pleine maison.»
* Mari 'petit', qu'on trouve dans l'expression mari lume 'lumi-
gnon', au point 847 (Die, Drôme) et à plusieurs points de la Provence,
est probablement le même mot que marri.
* Une petite fille s'appelle ici petyuda.
— 182 —
dàlé — dôlèta 'petit garçon'; 'petite fille', est signalé par
M. Gilliéron ^ Dole, à l'instar du sav. pur, peut aussi
signifier 'petit'. A Vissoye (Valais) on dit dole tsatet
pour 'chaton', doïe tsinet pour 'jeune chien' et doU» ftvatet
pour 'lumignon'.
186, Chêtif, du lat. captivum, a perdu peu à peu son
sens étymologique, qui a été remplacé par ceux de 'pauvre',
'malheureux', 'misérable', ou de 'débile'. Dans le patois
bourbonnais, et particulièrement dans le parler de Va-
rennes-sur- Allier, chetit ^ est un terme de commisération :
cou pourc chetit est hen malade (Choussy); et V Atlas lingui-
stique nous montre que eti — etit s'emploie dans le même
patois (à Vesse, dans le département de l'Allier) aux sens
de 'enfant', 'garçon', 'jeune fils'; 'fillette'. — Il signifie aussi
'petit'. A Trézelle, dans le même département, une mai-
sonnette s'appelle etit mesà. Ajoutons que chejtî, à Val
Soana, signifie 'piccolo', 'meschino' ^.
187. Peut-être faut-il ranger ici encore f/âte (f/ate),
qui se dit, dans plusieurs localités du Bourbonnais, pour
'petite fille'. Duchon le relève à Moulins, Choussy à
Varennes-sur-Allier. Jj^Atlas linguistique le signale au
point 901 (Allier) dans les acceptions de 'fille' et de 'fil-
lette', et, aux points 904 (Allier), 1 (Nièvre), dans ce der-
nier sens. Je crois qu'il faut identifier ce mot avec l'ad-
jectif bourbonnais gâte 'fatigué', 'harassé', 'malade', 'ruiné'
etc. (cf. gâter)-, et, dans ce cas, il a dû être primitivement
* Patois de la commune de Vionnaz (Bas-Valais), p. 14G. — Pour
la chute de la nasale, voir ibid., p. 67.
- Le mot s'écrit cheti ou chetit, au féminin chetite. Jaubert a
expliqué le t final de cette manière: «On dit par euphonie, pour éviter
l'hiatus, un ckHit houme, un clitit endreit.» J'incline à voir là l'in-
fluence analogique de petit, petite, qui, dans le Bourbonnais, est souvent
remplacé par cheti.
» Voyez Nigra, AGU, III, p. 48.
— 183 —
un terme de pitié (et peut-être de mépris.). — Le Centre
et le Morvan connaissent le dérivé gâtièrc 'petite fille' ',
qu'on retrouve au point 4 (Nièvre) de la carte ma fille
sous la forme de gâTcyèr ^,
188. L'arabe miskin (meskin) 'pauvre', 'misérable', qui
a passé en ancien provençal et en ancien français sous la
forme de mesquin (ou mescJiin)^^ y a subi le même développe-
ment sémantique que celui que nous avons retracé pour
mendie, marri, pur, doleint, ehefif. En ancien provençal, mes-
quin—mesquina a conservé le sens primitif de 'pauvre', 'faible',
'cbétif, 'piteux', 'malheureux', 'misérable' "*, à côté du
sens nouveau de 'jeune', 'garçon', 'jeune fille', L'anc.
fr. meschin — meschine se rencontre aussi quelquefois avec
le sens de 'pauvre' ". mais d'ordinaire il signifie 'jeune',
'jeune homme', 'jeune fille'. Du féminin on avait tiré le
diminutif meschinete. — De même que fille, (jougc et d'autres
expressions pour 'jeune fille', meschine a pris plus tard
les acceptions de 'concubine', 'fille de mauvaise vie' et de
'servante' *'. Dans ce dernier sens, meschine s'est conservé
1 De Chambure le traduit par 'fille malpropre, dont la toilette
est en désordre', 'souillon', sens qui se rattache à certaines accei)tions
du verbe gâter.
■ Dans plusieurs patois (berrichon, angevin, picard, etc.j k rem-
place le t dans la prononciation de la syllabe ti faisant partie d'une
diphtongue; amitié, chrétien, petiot, tien se prononcent ainiquié, chri-
quien, pequiot, quien (cf. Jaubert, Gloss. du Centre de la France, ])p.
390, 552).
' Le franc, mod. mesquin '([ui manque d'ampleur' a été emprunté
au XVI'' siècle de l'ital. meschino (d'après le Dict. gén. et Nyrop, op.
cit., I, § 20), ou de l'esp. inezquino (d'après Meyer-Liibke, Mom. etym.
Wb., 5539).
* Ce sens est vivant encore en provençal moderne.
' Voir La Curne.
, • Il semble que le masculin aussi se soit dit pour serviteur'
(voir La Curne). Quelques textes bas-latins (dans Du Cauge) em-
ploient mischini (ou meschini), avec cette acception, et on le trouve
une fois combiné à homines, qui avait le même sens. (Cf. Jaberg,
ZRPh, XXVII, p. 43). — Le glossaire champenois de Tarbé, qui est
— 184 —
dans les patois du Nord ^ et dans le parler de la vallée
d'Aoste l Dans quelques villages aux environs de Mons,
mesquenne ou mequenne est aussi une appellation d'amitié
adressée aux petites filles, de même que sarvante dans le
Centre. D'après Grandgagnage, le wall. mesquène se dit
aujourd'hui encore quelquefois pour 'fille': C'est V meskène
d'à Colas: «C'est la fille de Nicolas.»
189. Je me permets de ranger ici encore un terme de la
Valtelline, dont le sens primitif rappelle l'une des significations
de chétif: 'd'apparence débile'. Il s'agit de nerc, qui, dans
toute la Valtelline, signifie 'fanciullo', et qui, à Gerola, a
un mélange de mots anciens et modernes, signale meschin 'jeune gar-
çon'; 'valet', comme un mot du département des Ardennes. Sans
doute, il s'agit ici d'un mot ancien.
• Pic. mékaine, mékinc, dim. mékinete; rouchi méquéne, dim. nié-
quenon; mont, mesquenne, mequenne; wall. meskène. Les données des
dictionnaires sont confirmées par celles de l'Atlas linguistique; la
feuille servante (1226) montre meskên, meken et des formes semblables
dans les départements du Pas-de-Calais* du Nord, de la Somme et
dans les provinces belges du Hainaut et de Namur. — D'après
Nigra, StM, III, p. 100, le patois normand de la vallée d'Yères con-
naît aussi mékaine au sens»de 'serva'. 'ancella'. Cette assertion, qui
se retrouve dans le JRom. etym. Wôrterbuch de Meyer-Liibke, 5539:
«norm. wallon, meken 'Viehmagd'», est une erreur. Si nous ouvrons
le Glossaire de la Vallée d'Yères de Delboulle, nous trouvons à l'ar-
ticle mékaine ce renseignement: «Dans notre vallée on désigne sous
ce nom un instrument de cuisine, cercle en fer qu'on suspend à la
crémaillère pour supporter une poêle ou une chaudière.» Dans le
patois de Saint-Pol, meken peut justement s'employer avec le même
sens. Le patois picard de Démuin se sert de ce mot pour désigner
une autre sorte d'instmiment : «une sorte de dévidoir sur lequel les
faiseurs de bas enroulent les échevaux de laine pour les mettre en
bobines.» Godefroy a relevé mesquine, avec un sens analogue à celui
du mot haut-normand et Saint-Polois, dans une coutume de Valen-
ciennes; il le définit par 'meuble servant à tenir la vaisselle', 'ser-
vante'. Peut-être la méprise de Nigra s'explique-t-elle par une
lecture trop hâtive de la remarque suivante qu'on trouve à l'article
cité de Godefroy: «Hte-Norm., vallée d'Yères, mékaine, servante au
sens de meuble.»
^ Mekuna 'servante'. Le masculin mekœn 'serviteur' est aujourd'hui
hors d'usage (v. Nigra, op. cit., p. 101).
— 186 —
pris le sens de 'figlio'. Le féminin nèrcia se dit pour 'fan-
ciulla' à Rogolo, pour 'figlia' à Gerola (Monti) ^ Dans le nord
et dans l'ouest du domaine lombard, neré s'emploie comme
adjectif au sens de 'scricciolo', 'mingherlino', 'gracile',
Mebole', 'decimo', 'scriato' ^. Il est vrai que les glossaires
n'indiquent pas pour ce mot de sens affectif ('pauvre',
'misérable', etc.), et que, par conséquent, ils ne nous donnent
pas le droit de prétendre que c'est en passant par ce sens
que le mot en est venu à signifier 'enfant' ; mais, en tenant
compte de ce que nous ont appris les termes précédents,
il ne semble pas trop hasardé de supposer que nous avons
affaire ici à un cas analogue ^.
c. Termes dépréciatifs ou cacophémiques.
190. La pitié et le mépris sont des sentiments appa-
rentés; ils ont en commun la conscience de la supériorité.
Entre eux il y a des transitions aux nuances impercep-
tibles. «Man hat mehr als einmal konstatiert, dass der
Begriff des Unglûcks, des Bemitleidenswerten oft in den-
jenigen der Erbârmlichkeit, der Schlechtigkeit oder der
» Cf. aussi Salvioni, BendlL, XXX, p. 1506.
* Je l'ai relevé dans cet emploi en milanais et dans les patois
du Tessin, de la Valtelline, du Val de Blenio, de Bormio, du Val
Furva {sTterc, Longa). Dans la Valtelline, neri signifie en outre 'lom-
brico grosso'; à Bellinzone: 'lumaco'; cf. berc 'lumacone nudo', aux
Tre Pievi; et le lucq. nerchio 'lumaco' (AGII, XVI, p. 458). Est-ce
le même mot':* Et, dans ce cas, 'ver de terre' est-il le sens primitif,
ou a-t-il été dérivé de Tidée de 'mince', 'maigre"?
' De même qu'un enfant maigre et chétif éveille la pitié, un
bébé dodu et bien portant inspire la joie et l'admiration. Des mots
signifiant 'gros et gras', 'bien nourri' s'emploient quelquefois comme
termes de tendresse en parlant à un enfant où à une jeune fille. En
bergamasque, ciciù se dit à un bambin gros et gras, cicibta (ou ciciot)
à une jeune fille aux formes rebondies et au teint frais; et, en
comasque, ciciôta se dit tper vezzo-D d'une jeune fille en général. Cf.
Petrôcchi: donna cicciuta, ragazzo cicciuto, de ciecia 'carne', mot
enfantin et familier. Cf. aussi l'abr. ciaciônc 'bimbo grassoccio'.
'ragazza grassoccia', de ciacce, mot enfantin et familier pour 'carne'.
— 186 —
Groblieit ubergeht, ja, dass die beiden Begriffe oft kaum
auseinander gebalten werden», dit M. Jaberg ^ Les mots,
dont j'ai traité dans les paragraphes précédents, montrent
l'affinité de ces deux sentiments. Ils expriment, à côté
de la sympathie et de la pitié, le mépris et le dégoût.
Le prov. paure peut signifier 'médiocre', 'mauvais'; marrit
prend souvent le sens de 'mauvais', 'méchant'; en ancien
provençal, mendie se disait pour 'perfide', 'infâme'. L'anc.
fr. caitif et l'anc. prov. eaitiu signifiaient tous deux 'mau-
vais', 'méchant'; et, dans les patois du Centre, cti peut
s'employer avec la signification de 'mauvais' ^, même dans
le parler de Vesse, où il a pris le sens de 'enfant'. L'anc.
prov. mesquin joignait l'acception de 'méprisable' à celle
de 'malheureux'.
191. Le fait qu'un mot, ayant le sens de 'malheureux',
a pu prendre celui de 'méprisable', 'méchant' indique un
état de conscience intermédiaire, où la pitié et le mépris
étaient combinés dans un sentiment complexe '. Dans
les paragraphes suivants, nous ferons connaissance avec
un grand nombre de dénominations d'enfants, qui résul-
tent sans doute en partie d'une combinaison de ce genre.
Il arrive assez souvent dans toutes les langues, sur-
tout dans le langage du peuple, que des termes grossiers
et même injurieux s'emploient à l'adresse des enfants
d'une façon tout à fait amicale, et qu'ils deviennent sou-
vent peu à peu des noms d'enfants proprement dits. M.
Nyrop, dans sa Grammaire historique de la langue fran-
^ ZEPh, XXVII, p. 45. — M. Tappolet a attiré rattention sur
le fait qu'un même mot {Jtidr = 'taui'eau', dans le patois de Lens,
Valais) peut s'employer tantôt avec un sens compatissant, tantôt avec
un sens méprisant. «Es liegt im Wesen dieser Gefûhlswôrter, dass
sie enormen Scliwankungen ausgesetzt sind.» — Cf. aussi Wundt. Die
Sprache, II. p. 572 ss.
^ En berrichon, un cliHi gas est une injure (Jaubert).
3 Cf. Wundt, op cit., II. p. 573.
— 187 —
raise, IV, § 565, a introduit dans le langage de la sé-
mantique l'heureuse expression de cacophémisme pour dé-
signer ce phénomène ^.
Si l'on veut donner une explication psychologique
du passage des mots d'injure à des noms d'enfants, il
faut distinguer trois cas possibles. D'abord, l'injure peut
être sérieuse. Il va sans dire que, dans ce cas, nous
n'avons point affaire à un «cacophémisme». Les enfants
ont bien des qualités peu sympathiques, variant avec
l'âge, et qui sont faites pour évoquer des sentiments de
dépit et de colère, même chez les observateurs les plus
bienveillants. Mais, chez ceux-ci, l'affection vient presque
toujours se mêler à l'impatience, et de ce mélange naît
un sentiment nouveau, voisin de l'humour, une sorte d'iro-
nie bon enfant. «L'expression 'ces coquins d'enfants', dit
Littré, indique une impatience mêlée d'amour». De cette
manière s'expliquent, comme nous venons de le dire,
un bon nombre des termes en question. Mais ce n'est
pas là encore le cacophémisme typique. Celui-ci con-
siste dans l'application d'un mot injurieux à un être aimé
sans aucune nuance de reproche: l'outrage devient un
terme de tendresse; c'est une sorte de paradoxe linguisti-
que. D'après l'opinion de M. Wundt, il faut chercher
l'explication d'un usage si étrange dans un désir chez
celui qui parle de faire ressortir aussi fortement que
possible le sentiment qu'il éprouve^. Il admet cepen-
^ «Le cacophémisme donne de vilains noms à des choses jolies
et forme ainsi un contraste à Teuphémisme; hors dn domaine de la
superstition il s'emploie actuellement surtout dans le langage hypo-
coristique: c'est ainsi que des injures telles que crapaud, grande
dinde, cochon, grande bête, canaille, petit vilain, servent de termes
caressants», — M. Paul appelle le même phénomène Uerbheit {Prin-
zipien der Sprachgeschichte, 4e éd., p. 101).
' «Es ist nur der Drang, das Gefiihl so stark wie môglich zu
betonen. der dièses Résultat herbeifiihrt. Es beruht wohl auf der
Eigenschaft unseres Gefiihlslebens, dass die Unlustformen grôssere
Intensitàtsgrade erreichen kônnen. Wo ein sehr starker Lustaffekt
- 188 —
dant aussi qu'il peut exister d'autres raisons accessoires :
«Das Kontrastgefûhl, das durch die letztere [die ent-
gegengesetzte Gefûhlsqualitât] erweckt wird, sowie die zu
paradoxem Ausdruck neigende Stimmung scherzhafter
Ironie konnen dann ausserdem mitwirkende Faktoren
sein» ^. M. E. Wellander explique ce qu'il appelle «die
Derbheit im Ausdrucke» d'une manière semblable, en in-
sistant particulièrement sur le rôle que joue le contraste
entre l'épithète choisie et le sentiment qu'elle sert à ren-
dre ^. — Les termes injurieux, que nous allons étudier, sont
d'origines différentes, mais ils ont cela de commun que
le sens primitif (l'élément intellectuel dans l'état de
conscience qu'ils ont représenté d'abord) s'est effacé, et
que c'est l'élément affectif qui a dicté leur emploi
comme épithètes ^.
c. 1. Mots signifiant «méchant», «coquin», etc.
192. Un exemple de cacopbémisme des plus simples
et des plus typiques est celui que nous fournit l'emploi
hypocoristique de Vadjectii krouyo (ou Jcrouè)*', 'mauvais', 'mé-
Averden soll, da schiebt sicli daher leicht von selbst eine Bezeichnung
unter, die eigentlich dem Unlustgebiefc angehôrt.» {Die Sprache, II.
p. 576).
1 op. cit., p. 577.
^ Studien sum Becleutungswandel im Deutschen, I, p. 195.
* Prenons par exemple le franc, coquin, qui est devenu une
expression hypocoristique. Il signifiait originairement 'mendiant',
'gueux'; puis il s'est employé, comme terme de colère sans signification
déterminée; actuellement, il se dit aussi par plaisanterie d'un enfant
comme terme d'affection: «Cet enfant est un aimable petit coquin.»
(Littré). En rouchi, le diminutif coquinéte ou, par aphérèse, quinéte,
se dit amicalement aux petites filles. Un exemple analogue est l'em-
ploi du mot gueux dans le dialecte de Saint-Pol, où mon gueux est
un terme d'amitié donné aux enfants et même aux adolescents des
deux sexes. Aux tout petits enfants on dit gueu-gueux, suivant l'ha-
bitude du langage enfantin.
* M. Grauchat m'a communiqué qu'il y voit le celt. croudios.
Tissot. dans son glossaire du patois des Fourgs, le rattache à l'ital.
— 189 —
chant'. Dans le Glossaire du patois de Blonay (canton de
Vaud), on trouve plusieurs exemples de hruyo ou krui/é, au
sens primitif, appliqué à des enfants: le-z èfa so ta krûyo
«les enfants sont si méchants»; lé valoté so prou Tcruyé «les
petits garçons sont assez méchants». Le glossaire du
patois des Fourgs (dans le département du Doubs, près
de la frontière de la Suisse) nous montre le mot dans
sa deuxième phase de développement, comme terme de
tendresse: 2>oroi< crouâiou ^ 'pauvre petit', 'cher petit'. Dans
le même patois, crouâiou a pris aussi le sens de 'adoles-
cent'; et, dans le canton du Valais, Tcrouyo (ou krouè) est
devenu le synonyme de 'enfant'. C'est la troisième phase.
Le terme cacophémique a fini par devenir une dénomina-
tion d'enfant proprement dite. — A Bagnes (BaS-Vàlais)
ou trouve le diminutif krouëtsyo 'gamin'.
193. Le poitevin maraud semble avoir subi les mê-
mes changements de sens. On lit dans le Glossaire du
patois poitevin de l'abbé Lalanne: *Maraud (1. mas, maris ^)
[a bref], adj., terme de tendresse pour désigner les en-
croio 'cru'; au figuré: 'brut', 'impoli', 'grossier', etc. D'après l'opinion
de Rigutini et Bulle, ce mot remonte à un type *crudius, qui est peut-
être identique au celt. croudi- (cf. Thumeysen, Keltoromanisches,
p. 83).
*■ Ou crouâïeu.
* La même étymologie a été proposée par M. Horning, ZJRPh,
XXII, p. 487. Il suppose que le poit. maraud 'enfant' a signifié pri-
mitivement 'Mànnchen'. M. Sainéan critique — avec raison, me sem-
ble-t-il — cette étymologie dans l'introduction de son travail sur La
Création métaphorique, 1 {ZMPh. Beih. I, p. 2), où il dit: «Les mots
les plus vénérables d'une langue et ceux d'une date plus ou moins
récente sont jetés dans la même balance, et on s'efforce de rattacher
les uns et les autres à la même origine. Faire dériver, par exemple,
maraud, qui date seulement du XVP siècle, du latin marem homme,
ou d'un type maîaldus (voir Koerting) est non seulement une hypo-
thèse gratuite, mais une erreur de méthode.» M. Sainéan lui-même
voit dans le poit. maraud le même mot que mard (Deux-Sèvres), maro
(Cher, Indre, Creuse) 'matou', dérivé du radical onomatopoétique mar
{op. cit., p. 65).
18
— 190 —
fants; il signifie aussi enfant en général. V.-D,-S. Fran-
çais: terme de mépris, coquin, fripon, gneux.» La mar-
che du développement serait alors: 'coquin' > terme de
tendresse > 'enfant'. — Cependant maraud 'enfant' est
peut-être le même mot que l'adjectif poitevin maraud, qui,
dans ]e département des Deux-Sèvres, s'applique aux ani-
maux qui s'engraissent difficilement, et dont le sens pri-
mitif paraît être 'maladif. Dans ce cas, le développe-
ment sémantique serait analogue à celui que nous avons
constaté pour cliétif, marri, pauvre, etc. ^
194. C'est probablement à un emploi cacophéraique
qu'est aussi dû le fait que le mot marc — marcia
a pris les sens de 'fanciullo', 'fanciuUa', 'ragazzo', 'ra-
gazza', 'figlio', 'figlia', dans la Valtelline, à Bormio et à
Val Livigno, J'y vois, comme M. Tappolet ^, le même
mot que l'adjectif marc (= ital. marcio), qu'on trouve,
dans la Valtelline, à Bormio et à Poschiavo, au sens de
'putrido'. Cf. Petrôcchi: E un bmo marcio. liagazd marci^.
— De la vogue du mot, spécialement à Bormio, témoignent
les dérivés nombreux que ce patois en a tirés: mar-
ciolin 'ragazzino' (Monti); marcin — marcina 'giovinetto',
'giovinetta' ; marcuc — marcuca 'ragazzuccio', 'ragazzuccia';
marcec — marceca 'ragazzaccio', 'ragazzaccia' (Longa).
195. Dans le dialecte de Velletri (Latium), M. Cro-
cioni a relevé le mot sgidato 'ragazzo'. Il propose dubi-
tativement d'y voir l'ital. sguaiato ou sgolato. Au point de
^ Dans le brianoonnais et le génois, où l devient r, le lat. pop.*wa-.
îehabitus 'malade' a donné brianç. marate (ou malate), gén. marottu;
et M. Meyer-Liibke {Rom. etym. Wb., 52(54) explique le français ma-
raud 'coquin', dont le sens primitif aurait été, à son avis, celui de
'misérable' ('elend'), comme un emprunt fait à ces idiomes.
^ Die romanischen Vericandtschaftsnamen, p. 49.
* M. Salvioni, MendlL, sér. II, XXX, p. 1506, explique mare
par un croisement de mat (v. § 248) et de nerë (y. § 189).
— 191 —
vue de la sémantique, la première explication m'apparaît
comme la plus vraisemblable; cf. Petrôcchi: Ilagazzaccio
sguaiato.
c 2. Termes d'orig-ine mythologique ou superstitieuse.
1%. Je me permettrai de dire ici quelques mot d'un
autre groupe de dénominations, bien que, le plus souvent,
celles-ci ne servent pas à désigner des enfants en général,
mais des enfants vifs et turbulents. Ils offrent des
exemples assez typiques de cacopbémisme, et c'est pour-
quoi je trouve utile de les mentionner ici.
Les idées religieuses et mythologiques jouent un rôle
important dans la vie du peuple. Quand il s'agit de don-
ner un nom au nouveau-né, on choisit volontiers le nom d'un
ange, d'un saint, ou d'un personnage de l'histoire Sainte; et
les termes de tendresse ont souvent la même origine: mon
ange, mon chérubin, caro angiolino, povero angioUno, etc. M.
Edmont nous apprend que les mères Saint-Poloises appellent
leurs petits enfants mon petit Jésus; cette expression s'em-
ploie aussi dans la langue populaire de Paris. — Mais
le royaume du diable a aussi fourni sa part de dénomi-
nations d'enfants ^ Il va de soi que ce ne sont pas les
enfants sages et aimables qu'on désigne de cette manière.
Dans le patois messin on appelle antccrit 'Antéchrist*^
un jeune vaurien, un enfant turbulent. Diable et diablotin
s'emploient souvent de la même manière ^, et, dans la
Suisse romande, diablot (ou diablct) se dit des enfants vifs
et espiègles.
^ Sans doute, nous avons ici affaire à une sorte de métaphore.
Mais comme il s'agit plutôt d'une «association par sentiment» (cf.
ce que dit M. Wundt sur Gefithlsassociationen, Die Sprache, II, p. 571
ss.) que d'une association par ressemblance proprement dite, je
préfère ranger ces expressions ici.
* Diable, dans ce sens, peut s'employer aussi comme adjectif:
«Cet enfant est très diable» [Dict. gén.).
— 192 —
En italien diavoletto^ diavoUno ont un caractère essen-
tiellement hypocoristique : I mièi diavoletti (Petrôcchi) ; cf.
le bresc. diaoli 'frugolo', 'ragazzo vispo'.
197. Le bresc. ciapi 'mammolino', 'cecino', 'nacche-
rino', 'ragazzetto vezzoso' (Melcliiori) nous fournit un autre
exemple du même phénomène. Il est sans doute identique
au bresc. ciapï 'malatesta', 'demonio' (Pellizzari), qui se
retrouve en bergamasque: ciapi 'diavolo', 'demonio' («voce
di scherzo», Tiraboschi), et en milanais: ciappln 'diavolo',
'demonio' (Oherubini). Il est dérivé du verbe ciapà 'prendre'
(cf. ciapott, § 224), de même que le tosc. chiappino 'birro'
est tiré du verbe chiappare.
198. L'ital. lucifero s'emploie de la même manière
que diavolo. On dit, en parlant de gamins méchants: ra-
gazzi che son veri luciferi (Petrôcchi). — Dans les Marches
(à Recanati et à Fermo) ce mot a été abrégé par aphérèse:
cifro s'y dit pour 'lucifero', 'diavolo'. A Grrottamare, un
dérivé de ce mot, cciferù^ signifie 'ragazzo molto vivace',
A Sora, dans la Campanie, fricitto réunit les deux sens
de 'diavoletto' et de 'fanciullo vispo'. C'est le diminutif
*cifriUo qui, par métathèse, a donné cette forme ^
Le patois angevin emploie aussi Lucifer, prononcé
lucifar^ au sens de 'enfant turbulent', 'brise-tout'.
199. Dans le même patois on se sert d'une autre
expression pour rendre cette idée : jupitar ou Jupiter, mot
qui se retrouve avec le même sens dans le Bas-Maine,
le Vendômois, le Berry, le pays Messin, à Bournois (Doubs),
et probablement ailleurs ^. Comment expliquer cet emploi
ï Voir Nigra, StR, III, p. 99.
* Cf. jupî, qui, dans le patois de la Grand' Combe, signifie 'en-
fant qui saute et se démène sans cesse'. Selon Littré le mot est
attesté avec ce sens déjà au XVI® siècle. L'ancien français employait
souvent Jupin pour Jupiter (cf. Langlois, Table des noms propres
— 193 —
du nom du dieu suprême? D'après Verrier et Onillon, on
aurait appliqué métaphoriquement ce nom aux enfants
turbulents, parce que Jupiter était de maître de la foudre
et de la tempête». Mais ne serait-ce pas attribuer trop
de connaissances mythologiques aux paysans français?
Je ne crois pas non plus à l'explication proposée par
Jaubert: «nos paysans ont capricieusement emprunté ce
mot ... à la locution suivante: trait de Jupiter — terme
de charpentier — mode d'assemblage de poutres entées
l'une au bout de l'autre. Cette coupe de bois imite assez
bien les traits en zigzag sous lesquels on figure la foudre.»
— Il m'apparaît comme le plus vraisemblable que le dieu
romain est devenu, dans l'imagination populaire, un esprit
malin, un démon, et que plus tard son nom a été employé,
à l'instar de Lucifer, diable et d'autres mots synonymes,
pour désigner par plaisanterie un enfant pétulant. C'est
un fait souvent attesté par les folkloristes que les anciens
dieux païens ont survécu dans la croyance populaire comme
des génies mauvais \
200. Cet emploi de Jupiter nous explique l'origine
d'un mot qui serait autrement fort obscure. On relève,
dans la Table de V Atlas linguistique, le terme jiputr 'fille', qui
est évidemment le même mot que le norm. jipoutre, signalé
compris dans les chansons de geste); on le trouve encore chez La
Fontaine. Aujourd'hui il ne se dit plus que dans le style familier.
1 Dans le patois de Blonay, Jupiter s'adresse comme injure à
un traître: f ci bê à zûpitèr, tè! «tu es bien un Jupiter, toi!» Mme
Odin y voyait le nom de la planète Jupiter, considérée comme étoile
de mauvaise augure (voir Glossaire du patois de Blonay, p. 678). —
Un autre cas d'emploi figuré du même mot nous est fourni par l'ex-
pression provençale un grand Jupiter, qui sert à désigner un homme
de grande taille. Il faut probablement chercher son origine dans l'image
du dieu qui est promenée par la cavalcade du Guet aux jeux de la
Fête-Dieu d'Aix. — Cf. caramentran 'mannequin qui personnifie le
carnaval et qu'on promène dans les rues, le mercredi des Cendres' ;
puis: 'personne de haute taille'.
— 194 —
dans le hagais par Fleury avec le sens de 'grande jeune
fille un peu masculine et joyeuse'; et dans le patois de
Guernesey par Métivier ^ au sens de 'fille hommasse et
dégingandée'. Fleury le considère comme composé d'un
préfixe obscur et de poutre 'jument'; Métivier y voit le
bas-breton kilpaotre 'garçonnière'. Il faut cependant y voir
sans doute un dérivé du verbe normand gipoutrer 'folâ-
trer', qu'on trouve déjà dans Du Méril, et que M. Rom-
dahl a signalé, dans le parler du Val de Saire, sous la
forme de jipoutrô. Ce verbe se retrouve dans plusieurs
patois de l'Ouest, sous la forme de jopîtrer, joupitrer (Rennes)^
jaopitre (Château-Gontier^Mayenne), Jopi^rer, jupitrer (Anjou),
jopitrai (Poitou), et avec le sens de 'jouer avec turbulence',
'folâtrer'. Evidemment il a été dérivé de Jupiter 'enfant
turbulent'. La forme du verbe normand s'explique par une
métathèse ^.
201. Les mots, qui servent à désigner des fantômes,
des spectres et d'autres conceptions de la superstition
populaire, s'appliquent parfois aussi comme injures ou
comme noms de tendresse aux petits ^, et deviennent peu
à peu de vraies dénominations d'enfants.
Ainsi l'argot italien, le fourhesque, emploie le mot fanta-
sima, proprement 'fantôme', au sens de 'enfant' *. — Sui-
vant M. Bertoni ^, le romagn. hurdell, piac. bordlèin, etc.,
sont des dérivés d'un certain radical bord-, qu'on trouve
^ Métivier écrit gipoutre.
^ Cf. buleter > beluter > bluter; hireter à côté de hériter (v. Nyrop,
op. cit., I, § 517).
* Cf., dans certains dialectes danois, les exijressions: de œ da rœt
œn spôgdls, dœn drœng (expression de pitié); œn spôgdls drœng 'un
garçon méchant' (Feilberg); et, dans certains dialectes scaniens, ditt
spôj, nom de tendresse qu'on donne à un petit enfant.
* Voir Sainéan, Les sources de l'argot ancien, II, p. 400.
s AGII, XVII, p. 371.
— 195 —
dans plusieurs mots lombards et émiliens signifiant 'spettro',
'visione', 'apparizione' ^
M. Sainéan ' donne une explication analogue de
môme, mot de l'ancien argot français qu'on trouve dans le
vocabulaire de Vidocq (1837) avec le sens de 'adolescent',
'joli garçon', et dans les Maximes de Voleurs au sens de
*poupard'. Dans de langage populaire actuel, môme si-
gnifie 'petit enfant', 'petit garçon', 'gamin', 'gamine'. On en
a tiré les féminins niômesse, mômeresse 'fillette', 'jeune fille',
et une foule d'autres dérivés, dont la plupart ont un sens
diminutif: mômignard, mômichard^ mômard (argot militaire),
mômaque (déjà dans Vidocq) 'petit enfant'; mômon 'pros-
tituée de douze à quinze ans'; mômerie 'marmaille'.
L'argot marseillais possède la forme momo 'mioche', 'enfant'
(Mistral), qui paraît être le même mot. On retrouve môme,
avec le sens de 'enfant', 'gamin', dans quelques parlers
provinciaux, qui l'ont probablement emprunté au bas-
langage des villes. Il s'emploie à Montjean et à Briollay,
en Anjou (Verrier et Onillon); M. Fertiault le signale
dans le patois Verduno-Châlonnais. D'après Rigaud,
Dictionnaire d'argot moderne, on appelle, dans le patois
poitevin, un jeune homme ou un jeune garçon, un momon,
un momeur ^.
M. Sainéan voit dans môme le même mot que l'anc. iv. morne
'masque', 'épouvantail' *; cependant, on ne trouve la dernière
* J'ai cru cependant devoir expliquer ces mots d'une manière
différente; voir § 330.
» op. cit., pp. 241, 400.
' Il cite à ce propos le passage suivant, tiré d'un ouvrage
d'Ed. Ourliac, Le paysan poitevin: «Les chants finis, viennent les mo-
mons. Ce sont des garçons qui portent à la mariée un présent caché
dans une corbeille.»
* Cf. bijgg, mot de la Suisse allemande, qui signifie 'vermummte
Person die besonders an der Fastnacht bettelnd, die Jugend schreckend
und allerlei Unfug veriibend auf den Strassen herumtreibt', et qui s'a-
dresse, comme une sorte d'injure moqueuse, aux enfants. (Staub-Tobler.
Schweizerisches Idiotikon, IV. 1082 s.)
— 196 —
signification clans aucun des dictionnaires de Godefroy ^^
La Curne, Roquefort ou Cotgrave. D'un autre côté, Bridel
signale, comme un terme de la Suisse romande, monta
'épouvantail d'enfant', 'fantôme'. Il est possible que le
sens de 'mascarade', qu'on trouve dans l'ancien français,
ait produit celui de 'masque', 'personne déguisée' ^, et que
cette signification ait donné à son tour celles de 'épou-
vantail', 'fantôme' ^, d'où M. Sainéan fait dériver celle
de 'enfant'. Je me permettrai pourtant d'indiquer une
autre explication. Môme et momo ne pourraient-ils pas
provenir de mo-mo, imitation des bégaiements inarticulés
des petits enfants?* M. Meyer-Lûbke ^ explique le cat.
mom, esp., port, momo 'grimace', anc. fr. momer 'se mas-
quer', etc., par une onomatopée momo signifiant 'grimace';
et Mistral rattache le mars, momo 'enfant' au prov. mod.
momo, terme enfantin qui signifie 'nanan', 'bonbon'.
c 3. «Hérétique.»
202. La haine des orthodoxes contre les hérétiques
se montre dans l'emploi injurieux de mots tels que bougre,
libertin, et d'autres ^. Il paraît que le prov. mod. parpaiou
* Godefroy enregistre monte, momme s. f. 'mascarade'; et morne
s. m. 'médisant', 'calomniateur'. Cf. Cotgrave: mome 'A Momus, find-
fault, carping fellow'.
^ Cf. le piéra. mascrada 'Maskenzug'; 'einzelne Maske' (Diez,
Etym. Wb. der rom. Spr., p. 79).
^ La transition: 'personne déguisée > 'épouvantail', est illustrée
par un passage tiré de L'île des Cinq d'Ernest Fournet, Tours 1855,
p. 97, que cite La Curne à propos du mot vendéen momoue: «Bah, bah,
c'est le momoue, n'ayons donc pas peur, s'écrièrent à la fois toutes les
jeunes filles. . . Le momoue est le bouffon de toute joyeuse veillée;
c'est le plaisant du village, qui, déguisé invariablement en chèvre ou
en bouc, se jette au milieu des assemblées, qu'il divertit par ses gam-
bades ou épouvante par ses cornes menaçantes. . . .»
* Cf. § 376.
* Botn. etym. Wb., 5653.
" Cf. Jaberg, op. cit., p. 57; Nyrop, op. cit., §§ 26, 522.
— 197 —
'enfant', 'marmot', comme le rouchi parpaliot, qui a le
même sens, a été primitivement une injure d'origine ana-
logue '. ParpaioUj franc, parpaillot, rouchi parpaliot, était
autrefois un sobriquet donné aux calvinistes ^. Encore
aujourd'hui, les enfants catholiques du Dauphiné adres-
sent ce dicton injurieux aux jeunes protestants: Eifjanaud ^,
Parpalhau, Manjo Ion diable sens sau. (!) (Mistral.) *
c 4. Mots collectifs.
203. Nous avons étudié plus haut quelques dénomi-
nations d'enfants, qui proviennent de mots collectifs, et
nous avons vu que l'Ouest de la France montre une pré-
dilection marquée pour cette sorte de formations °. L'An-
jou et le Bas-Maine en fournissent encore un exemple.
C'est le mot race, qui s'emploie ici au sens de 'enfant'.
La carte 461 de V Atlas linguistique montre au point 433
(Maine-et-Loire) râs (s. f. ), à côté de afa et hèno. Dans
Verrier et Onillon on trouve également une raee traduit
par 'un enfant, souvent: espiègle, étourdi'. Le pluriel
races 'enfants', 'marmaille', paraît être plus commun
' Parpaiou signifie aussi 'papillon'. On pourrait donc être tenté
(le voir dans le sens de 'enfant' le résultat d'une métaphore telle qu'en
présente le pic. krèncd 'enfant', proprement 'grillon', et d'autres (voir
§ 369). Cette hypothèse n'explique pourtant pas le rouchi parpaliot
'enfant'.
^ On a proposé des explications différentes quant à l'origine de
ce sobriquet. Il vient, suivant les uns, du nom de Perrin, sieur de
Parpaille, décapité en 1562 après s'être rallié à la Réforme; suivant
les autres, d'un incident du siège de Clérac 1621 (voir Aza'is, à J'art.
parpalhou). Ces explications semblent pourtant inacceptables, puisque
Rabelais {Gargantua. I, chap. III, p. 246) parle de Parpaillons dès
1535, probablement à propos des protestants (voir La grande encycl.).
' 'Huguenot'.
* De même que bougre, au sens de 'hérétique', est devenu syno-
nyme de 'sodomite'. et libertin de 'débauché', parpaillot a pris, dans
la Drôme, le sens de 'libertin', 'paillard'.
' Cf. maignée, garçaille, quenaille.
— 198 —
(Dottin, Verrier et OnilloiD. Sans doute, le singulier
individuel est d'une date plus récente. Comme nous
l'apprend le dictionnaire de Verrier et Onillon, le mot
a souvent un sens péjoratif, et, certainement, il a été
d'abord un terme d'injure ^ Dans le Haut-Maine, race
signifie 'mauvais sujet', 'canaille'; et en normand on trouve
le sens collectif de 'mauvaise engeance', 'racaille', qui re-
présente une phase antérieure à celle de la signification
individuelle ^. Oudin, dans ses Cariositez françaises^ a tra-
duit également le mot race par 'canaille', 'méchantes per-
sonnes'. Cf. aussi la locution biblique race de vipères.
204. L'ital. razza, d'où vient le mot français, présente
le même sens dépréciatif: Che rasza di gente è questa? Bazza
di cani! En milanais, cette dernière expression s'emploie
même d'une manière individuelle: razza de can 'bagaglione'.
Il faut ranger probablement ici encore le tosc. stiat-
tone — stiattona 'ragazzo, ragazza fatticci e sani', qui se
rencontre chez les auteurs florentins du XVI *^ siècle et qui
survit encore aujourd'hui dans la campagne de Sienne.
On dit aussi schiattone — schiattona. Ces mots semblent
être des dérivés augmentatifs tirés de stiatta (forme vieillie),
schiatta 'stirpe', 'discendenza' (souvent avec une nuance
de mépris).
205. Dans quelques patois du Nord et du Nord-Ouest
de la France, on trouve le mot populo au sens de 'enfant'.
1 Le sens de 'engeance', 'descendants' doit pourtant avoir con-
tribué à son emploi comme désignation d'enfants. Cf. l'expression
faire race 'to get children' (Cotgrave) et le mil. fà razza.
^ Cf. le morv. eune mauvaille raiche 'une mauvaise engeance'. —
Ledieu, Petit glossaire du patois de Déniuin, donne rachine 'racine'
avec les sens figurés de 'être insupportable', 'mauvaise engeance'; et il
ajoute: «qtié rachinne dit-on d'un enfant turbulent.» Il me paraît plus
probable que rachinne. aux sens de 'mauvaise engeance', 'être in-
supportable', 'enfant turbulent', est un diminutif du mot rache 'race',
qu'on trouve dans Hécart.
— 199 —
Tel est le cas pour le rouchi, le hagais et le parler de Châ-
teau-Gontier (Mayenne). En Anjou il ne s'emploie guère
qu'au pluriel: poptdots 'enfants', 'marmaille' (Verrier et
Onillon). Le français du XVI^ siècle se servait de ce mot
au sens spécial de 'petit enfant gras et potelé'. Cotgrave
le traduit par 'A pretty plump-faced and cherry-cheekt
boy; or a représentation, or picture of such a one'. Dans
La Curne et dans le Dictionnaire rouclii- français de Hé-
cart on trouve le passage suivant ^: «Deux populots tenant
une corne d'abondance à l'endroit de chaque fronton». Le
mot est enregistré encore par Oudin, qui le dit vieilli, et
par Furetière, Le Roux et Richelet, qui le désignent
comme un terme bas. Furetière ne signale que le sens
collectif de 'multitude d'enfants': Voilà déjà bien du petit
populo. Le Roux donne la même signification, mais aussi
le sens individuel. Ajoutons que, dans le langage des
ouvriers, populo se disait encore vers 1867 pour 'marmaille',
'grand nombre d'enfants' (d'après Delvau, Dictionnaire de
la langue verte, 2^ édition). — Je pense, avec Littré et le
Dictionnaire f/énéral, que ce mot est emprunté du lat po-
pidus 'peuple'. Il doit avoir eu d'abord le même sens
collectif que celui-ci, mais probablement avec une nuance
dépréciative ". Puis, on l'a ' appliqué à un nombre d'en-
fants, et de ce sens collectif on a tiré le sens individuel,
de même que race 'marmaille' est devenu race 'enfant'.
Le Dictionnaire général explique cette forme comme l'ablatif
du mot latin. Il faudrait alors qu'il ait été emprunté à
une phrase très employée, où cet ablatif figurait ^. L'écri-
ture populot montre qu'on a vu dans la désinence le suf-
'■ Ce passage se lit, d'après La Curne, dans le Gloss. de l'Hist.
de Paris, III, 550 B.
* Cf. l'évolution péjorative du mot peuple. — Dans «l'argot des
bourgeois», populo est un terme de mépris pour désigner le peuple
(Delvau, Hector France).
^ Cf. Justin., X, 1: Ubi in tanto populo . . ., que Forcellini traduit
par: *in tanto filiorum numéro».
— 200 —
fixe diminutif -ot. — Quant au sens spécial de 'enfant
gras et potelé', qu'on trouve dans Cotgrave et dans le
passage cité plus haut, il est probablement dû à un rap-
prochement de ce mot avec poupon^ poupard.
c 6. Mots exprimant l'impatience.
206. Dans les dialectes lombards des Alpes on trouve
deux expressions, qui servent à rendre l'idée de 'enfants',
et qui paraissent avoir été primitivement des injures d'un
caractère métaphorique. Dans son travail intitulé Dialetti,
costumi e tradizioni nelle provincie di Bergamo e di Brescia,
3® édition, 1870, Gabriele Rosa signale torsec 'fanciulli'
comme un terme du patois de Val Brembana ^. Je crois
qu'il faut y voir le même mot que le bergam. tossec, bresc.
tosech, mil. tbssegh 'tossico', 'veleno', qui, appliqué à des
êtres humains, équivaut à 'importune', 'seccatore'. Ce
qui vient appuyer cette hypothèse, c'est que, en toscan,
on désigne par veleno un enfant méchant et acariâtre, et
que, dans le patois de Bournois, on appelle pujo ('poison')
un enfant 'qui fait de l'esprit ou qui veut jouer à la grande
personne' (Roussey) ^.
Suivant Monti {Appendice)^ le mot poeusc signifie en
comasque 'figli', 'fanciulli', 'seccature', 'noje' ^. Evidem-
ment les dernières significations ont été antérieures aux
premières. Le sens primitif paraît être celui de 'aggravio'.
Cf. le mil. poeusg 'aggravio qualunque, come di figli, di
persona dappoco e simili' (Cherubini) *.
1 Dans la première édition (1855). le mot s'écrit tôrecc.
^ Cf. poison, qui, dans le langage populaire, est un terme inju-
rieux appliqué à une femme ou fille.
* A Bellinzone, le mot signifie 'petit'; ona poeusc se dit pour
'una donna piccola'.
■* En milanais, poeusg signifie aussi 'pentolone', 'uomo grasse e
che difficilmente si muove'. — Cherubini se demande, si poeusg serait
«una grassa corruzione dell'italiano Peso» (mil. pes).
— 201 —
207. Dans le patois de la forêt de Clairvaux (Aube),
le mot nâillou sert à désigner un enfant, un gamin, avec
une nuance de mépris ou de plaisanterie narquoise. Dans
le môme patois et dans celui de Thévenot (canton de Ra-
merupt, Aube) le pluriel nûilles signifie également 'enfants',
avec une nuance dépréciative: V'iai lès nâilles qui soient
de V école «Voilà les enfants qui sortent de l'école > (Bau-
douin). — Ce nâillou est sans doute le même mot que le
morv. nâliiou,-onse 'taquin', 'contrariant', que De Cham-
bure enregistre aussi sous la forme de nâillou,-ouse 'gro-
gnon', 'maussade'; et il se rattache au verbe morvandiau
nâhier 'taquiner', 'tourmenter', 'contrarier', wall. nâhi 'fa-
tiguer', d'où le participe nâhiant 'fatigant', 'ennuyeux'. Ap-
pliqués à des enfants, nâillou, nâilles renferment donc le
même reproche que les mots cités dans le paragraphe
précédent ^
c 6. Mots se rapportant aux idées sexuelles.
208. Certaines injures, qui à l'origine proviennent
d'idées sexuelles, ont été employées d'une manière caco-
phémique et sont devenues, au cours des temps, des
dénominations d'enfants.
L'ital. hardassa 'giton', 'mignon' (de l'arabe hardag
'esclave') ^ a servi d'injure à l'adresse des enfants méchants
et impertinents, et est devenu de cette façon syno-
nyme de 'ragazzaccio'. Mais il se dit souvent par plai-
santerie ', et, dans plusieurs dialectes, il en est même
venu à désigner un enfant ou garçon en général. — Sui-
* On pourrait peut-être ranger ces mots parmi les termes des-
criptifs; cependant, puisqu'ils ne rendent pas une qualité bien définie
des enfants, mais plutôt les sentiments d'impatience et de mépris de
celui qui parle, je préfère les classer ici.
* Voir Diez, Etym. Wb., p. 42, Meyer-Liibke, Bom.etym. Wb., 956.
^ Cf. les expressions un buon ragazzaccio, un bon bougre 'un
bon garçon'.
— 202 —
vant les dictionnaires étymologiques de Diez, Pianigiani
et Meyer-Lûbke, cette signification générale se rencontre
dans tout le Piémont et toute la Lombardie. Les diction-
naires de patois nous apprennent cependant que, sauf
quelques dialectes mentionnés ci-dessous, tout le Nord de
l'Italie, jusqu'aux Marches ^, aux Abruzzes et au Latium,
a conservé le sens de reproche railleur: bardassa (hardass^
hardascia) ^ y est l'équivalent de 'monello', 'ragazzaccio'.
Toutefois, cette nuance péjorative doit être très faible,
puisqu'on a souvent formé, à l'aide du suffixe péjoratif
-on, le dérivé hardassôn pour désigner, d'une manière plus
énergique, un mauvais garnement ^. Voici les exemples
du sens de 'enfant', 'garçon' (dénué de la nuance péjora-
tive) que j'ai trouvés dans les dialectes du Nord-Ouest:
piém. hardàss 'raarmocchio' (Dal Pozzo), hardasset, hardas-
sin, hardassot 'fanciullino' (Ponza) *; gén. hardascia 'uomo
assai gi ovine, e di poca esperienza' ^, synonyme: harda-
sciamme (Casaccia) "; Val Verzasca hardàsa 'fanciullo^
(Monti) ', — Dans le Centre, le Sud, et en Sicile, Sar-
daigne et Corse, notre mot peut s'appliquer aux enfants
sans aucune nuance péjorative ®. Voici les exemples dont
' Encore à Arcevia (Ancona), hardascio équivaut à Fital. bardassa.
- En lombard on trouve aussi la forme bardcigna, avec substi-
tution de suffixe.
' A Trieste, hardassôn est la seule forme usitée.
* Ponza ne donne le simple bardassa qu'avec le sens de 'ragaz-
zaccio', 'giovinastro', etc. ; mais les diminutifs que j'ai cités, ainsi
que les dérivés bardassada 'ragazzata', bardassarïa 'ragazzame', 'fan-
ciullaja', semblent indiquer que ce mot peut aussi signifier 'ragazzo'
tout simplement. — Gavuzzi n'enregistre pas le mot.
" Il est vrai que ce sens implique un sentiment un peu défavo-
rable; le mot ne désigne pourtant pas ici un garçon méchant, ou un
vaurien, comme le font les mots ragazzaccio. giovinastro, etc.; mais
seulement un garçon naïf, inexpérimenté.
^ Cf. figgiuamme. garsunamme.
'' Bardatcho, qui se dit dans le canton du Valais au sens de
'gamin', paraît être le même mot avec un suffixe péjoratif.
•* Sauf dans le calabrais; voir plus bas. — Cependant, à côté de
cette signification honnête, il a conservé parfois (par . exemple en
— 203 —
je dispose: mardi, hardascc (Acqua Viva) 'fanciuUo', har-
dascia (à Macerata: vardascia) 'ragazza'; abr., teram. har-
dasce 'fanciuUo', 'fanciuUa', 'ragazzo', 'ragazza' (suivant
Finamore, c'est un terme familier) ; Subiaco hardasu 'ra-
gazzo'; nap. barda^cio, bardascia 'ragazzetto', 'fanciuUo';
calabr. bardasciu 'ragazzo' '; sic. bardascia 'ragazzo', 'ra-
gazzetto'; campid. bardascia 'marmocchio', 'ragazzo piccolo' ;
cors, bardasciu 'ragazzo' (à Bastia).
209. On se rappeUe que le provençal moderne a
tiré de bagasso 'prostituée', puis 'homme de rien', le dimi-
nutif bagassoim 'petit garçon', auquel correspondent le
gén. bagasô 'ragazzo', et le piém. bagassëta 'donzellina'
(voir § 158). Dans le patois de la Hague on trouve un
emploi analogue du mot hore. C'est l'anc. nor. hora
'femme de mauvaise vie'; suivant Ménage, il était au
XVIIl® siècle un terme de mépris fort commun en Nor-
mandie. Aujourd'hui il s'emploie dans le hagais aux sens
de 'petite fille', 'jeune fille'; et l'on y trouve aussi le di-
minutif horettc avec les mêmes significations.
210. Tout un groupe de dénominations d'enfants ont
le sens primitif de 'bâtard', 'enfant illégitime', et ont été
adressées d'abord comme injures à des enfants méchants.
Par un emploi parallèle, les mères viennoises appUquent
souvent le mot Bunggat (= allem. Bankert) à leurs propres
enfants ^. — Le romagn, bastêrd 'bastardo', se dit aussi
pour 'figliuolo', 'fanciuUo' ^. Le collectif bastardaja se
Sicile et en Sardaigne) le vieux sens de 'giton', et celui de 'garçon
méchant, impertinent'.
^ «In un certo senso dispregiativo, ma senza Tidea accesoria di
disonesto, che è nell' ital. bardassa», dit Scerbo. — L'alb. mardeVe
'jeune fille'; 'amante' (Calabre), est, d'après Meyer, tiré du calabr. bar-
dasciu, dont la terminaison a été remplacée par le suffix^^minutif -ella.
* Voir Much, dans WS, I, p. 45. —
^ Morri ajoute à ce propos que l'ital. bastardello ou bastardaccio
se dit par mépris à un enfant.
— 204 —
rattache à ce dernier sens et signifie 'moltitudine di
ragazzi o di fanciulli'. — A Arbedo, dans le Tessin, un
bâtard s'appelle, avec substitution de suffixe, hastrûch^-j
aux bords du lac de Côme (à Dongo, Gravedona et Sorico)
ce mot présente les sens de 'ragazzaccio' et de 'ragazzo'
(Monti). Dans l'Engadine le diminutif hastuchel ^ signifie
'bâtard' ou 'méchant enfant' '^.
211. Le triest. mulo (du lat, niîilus) nous fournit un
autre exemple du même phénomène sémantique ^ Ce dia-
lecte a conservé toutes les significations antérieures au
sens de 'enfant'; mulo j peut signifier 'mulo' (= 'mulet');
'bastardo'^; 'baroncio'; 'fanciullo'; 'figlio'; 'ragazzo'^. Le
féminin analogique mula joint à l'acception de 'fanciulla'
celle de 'amante', 'fidanzata'; ce qui témoigne aussi de
l'amélioration du sens. — Dans le Piémont, nous retrou-
vons le même mot avec un emploi correspondant: à Sèt-
timo Yittone mul et millet signifient 'figlio' ou 'fanciullo'
(Dal Pozzo, Biondelli).
212. Le cat. hordegas — hordegasa 'Bube', 'Mâdel' (Vo-
gel), 'minyô de poca edat' (Saura), hortigas 'Kind von weni-
gen Jahren', 'Knabe' (E. Richter) ', est évidemment le même
mot que hurdagas — hurdagasa 'bâtard', 'bâtarde', qui, d'après
1 Voir Salvioni, BDB, IV, p. 201.
" Cf. Horning, ZBPh, XX, p. 348.
* Comme injure on emploie parfois la combinaison hastuchel
bastard 'Hurenbalg'. 'Lump' (Pallioppi).
* Cf. Brinkmann, Die Metaphern, p. 389 ss.
^ Mulo se trouve encore, au sens de 'bâtard', en toscan, dans
les patois de Vérone, de Plaisance (mull), des Abruzzes (mule), et
ailleurs. Des diminutifs, signifiant 'enfant trouvé', se rencontrent en
vénitien {muletto) et dans le patois des Abruzzes (mulette).
® M. Meyer-Lûbke, Bom etym. Wb., 5742, ne traduit le triest.
mulo que par 'Strassenjunge'; suivant Kosovitz, cette idée se rend
par mulo de strada.
' Voir Elise Kichter, Die BedeutungsgescMchte der romanischen
Wortsippe bur{d), SBPhHKlAWWien, CLVI, p. 55.
— 205 —
la tarte 1466 de ÏAflas lirtf/nisfiqKc, s'emploie dans le dé-
partement des Pyrénées-Orientales, tandis que haatart —
basfarrfo est le mot commun du reste de la. France méri-
dionale. Comme le cat. bort, l'esp. borde, l'anc. prov. bort,
l'anc. fr. bourt, et le sard. burdu, qui signifient tous 'bâtard',
ce mot tire son origine du bas-lat. btirclus 'mulet', 'bâtard*;
il faut sans doute le rapprocher aussi de l'esp. burdégano
'mulet ou mule engendré d'un cheval et d'une ânesse',
d'où le port, bordr/fào 'homme rustique, grossier' *.
213. Le roum. copil 'enfant', d'où le féminin copila
'petite fille', les diminutifs copikf. copila.s 'petit enfant' et l'aug-
mentatif copilandru—ropilandra 'adolescent', 'adolescente',
est sans doute le même mot que l'anc. roum. côjnl 'enfant
illégitime', 'bâtard'. Copîl 'enfant' n'apparaît qu'au milieu
du XVII® siècle. — Le mot est d'origine slave (cf. anc.
bulg. kopilii, serb. kopile, ruth. Z;(>/>^7 'bâtard'). Probable-
ment, le passage du sens de 'bâtard' à celui de 'enfant'
ne s'est pas produit en Roumanie. Dans cette dernière
acception c'est un emprunt fait à l'albanais, ou au grec
moderne. En albanais. kopiV signifie 'bâtard', 'jeune homme'
ou 'serviteur' (fém. kopiVc 'servante') '■*; en grec, uojiéXc
' M"* Elise Eichter, op. cit., pp. 54. 55, rattache le \>vov.['^)hor-
deyas, bourdas 'grober Bavxer', le cat. bortigas 'Kind von wenigen
Jahren". 'Knabe', et le romagn. burdell 'Kind'. 'Bûbchen' (cf. § 330) à
nn type * burd 'roseau'. De ce sens on aurait tiré d'abord le sens de
'bourdon', 'bâton de pèlerin' (le fran^. bourdon, ital. bordone, etc.,
vient en réalité du lat. burdonem 'mulet'), puis celui de pèlerin', 'vaga-
bond'. «Vom Herumziehen. Herumvagabundieren wird die Vorstellung
des sich fort wRh rend Bewegenden ausgelôst und daher kommen
einige in Norditalien haufige Ausdriicke fiir Kind, und zwar zu leb-
haftes, belûstigendes Kind, cat. bortigas . . .. rom. burdell . . .» D'un
autre côté, le sens de 'Stocktrâger' aurait donné celui de 'Bauem-
tôlpel', 'Grobian': prov. bordegatf (faute d'impression pour port, ftorrfe-
gîlo?) etc. L'invraisemblance de ces constructions paraît évidente.
* Voir Meyer. Etymol. M'^b. der albanes. Sprache, à l'art. kopiV,
et Densnsianu, Histoire de la langue roumaine, I, p. 355.
14
— 206 —
signifie 'jeune homme', 'garçon', 'valet', et le féminin
KOTiéÀa 'jeune fille', 'servante' ^
214. Quelques dénominations d'enfants ont été ti-
rées de verbes signifiant 'coïre'. M. H. Sperber, dans
son ouvrage intitulé Uber don Einfims sexiieller Momente auf
Entstehun;) imd Entivicklim<f der Sprache, a dressé deux
tables, qui présentent la différenciation des sens provenant
des mots sexuels des types 'vulva' et 'coïre'- ^ On voit
par la dernière de ces tables qu'il y a un groupe de ces
significations qui a pris spécialement un sens péjoratif:
celui qui remonte à l'idée de 'faire du mauvais ouvrage',
'bousiller' ('schlecht arbeiten'). Aux exemples que M.
Sperber a tirés des langues germaniques, M. L. Spitzer a
ajouté, dans son compte rendu de ce travail ', un grand
nombre d'exemples empruntés aux langues romanes, sur-
tout des dérivés du franc, foutre et de l'ital. huggerare
(et des verbes dialectaux correspondants). — Ceux d'entre
ces dérivés qui nous intéressent ici, ont pour point de
départ l'idée péjorative, mentionnée ci-dessus, de 'schlecht
arbeiten', ou, comme le propose M. Spitzer: 'schlecht
tun'. Ils signifient 'quelque chose de mauvais', 'objet
petit et sans valeur', ou, s'il s'agit d'un être humain:
'homme petit', 'nabot'. Souvent ils s'appliquent aussi aux
enfants, spécialement comme termes de mépris pour dé-
signer un enfant qui fait l'important ou qui est méchant.
215. Voici les expressions qui se rattachent à futuere^
J'ai trouvé {petit) foutet 'petit garçon' dans les patois
du pays de Bray, de la Picardie et de Bournois (Doubs).
Dans ce dernier dialecte il est, suivant M. Roussey, «un
terme de mépris pour désigner un petit galopin, syn.
^ Cf. Cihac, Dictionnaire cVétymologie daco-romane. II, p. 051.
•' Voir Imago, 1912, p. 448.
» WS, V, p. 206—215.
— 207 —
mivejv.T^ — Fotttriquef, qui, dans la langue populaire de Paris,
désigne un homme petit, malingre, çhétif, propre à rien
(syn. foutriot et jean- foutre) , présente en normand, à côté
du sens de 'homme de petite taille', celui de 'petit garçon'
(Moisy). Ailleurs il paraît avoir une nuance péjorative
plus prononcée. En rouchi il signifie 'jeune blanc-bec,
ijui veut s'en faire accroire, qui se pavane'; en wallon: 'jeune
éventé', 'freluquet' ; en rouerguais et en auvergnat: 'polisson',
'petit garçon vif ou têtu, fatigant ou curieux' ^ Du Midi de la
France le mot a passé dans le piémontais: foutrichet (Dal
Pozzo). fotrif/hf't (Ponza i 'giovinetto che fa il prepotente' ^. —
En bolonais et romagnol. fufein ifiiten) se dit comme terme de
tendresse d'iui petit enfant ou d'un petit animal. Le bol.
ffttein s'emploie aussi comme adjectif au sens hypocoristique
de 'petit', et an sens péjoratif de 'iirrogant', 'insolent' ^.
til6. Passons maintenant aux dérivés de hufigerare. etc.
Le mot hulfiarns est devenu, en France sous la forme
de houf/rc, en Italie sous la forme de biif/f/eronf. Imzzeron,
etc. (avec un suffixe péjoratif), un terme d'injure des plus
grossiers, en passant par les significations de 'hérétique*
et de 'sodomite' *. Le toscan et les dialectes haut-italiens
en ont tiré un verbe: tosc. bn<i!if'rnre, lomb. hozarà ou hol-
^ Les patois méridionaux possèdent encore d'autres dérivés ayant
des significations analogues: foutisHOU (lang., bas-lim.); foutransou
(rouerg.); fouteirou (dauph.).
- Voici en outre ([uelques exemples de dérivés signifiant 'objet
de peu de valeur', 'vétille', 'bagatelle': prov. foute.so, franc;, pop.
foutaise, dauph. fouto. vivar. et dauph. foutraio (signifie aussi 'gens
de rien', 'canaille'), norm. foutiiiette.
^ Dans le même dialecte on se sert du verbe foter comme sub-
stantif pour désigner un homme de petite taille. En milanais, fotter
a le sens de 'coso', 'negozio', faccenda'. Cherubini ajoute ce ren-
seignement: «dicesi di ogni cosa di oui non conosciamo il nome e
che di primo aspetto ci sembri poco pregevole.*
■• Cf. parpaillot, § 202. — En franvais, le mot peut s'employer
pourtant sans idée péjorative dans l'expression un bon, bougre.
— 208 —
(jfird, romagn. bascaré, vén. busarar ou budelar ^, qui signifie
'battre', 'jeter', 'ruiner', 'tromper', 'faire du mauvais ouvrage',
'bousiller'; il présente enfin toute la série de significations
que M. Sperber a constatée pour les verbes signifiant primi-
tivement 'coïre'. Les substantifs qui en sont dérivés mon-
trent aussi le même type sémasiologique que les dérivés de
futuere ^. Ce qui nous intéresse en première ligne, c'est la
série de sens indiquée plus haut: 'objet petit sans valeur';
'homme de petite taille' ; 'enfant méchant', 'polisson'; 'enfant'.
La première de ces significations est présentée par le tosc.
buggcra 'Ijûge'. 'Irrtum', 'unbedeutendes Ding' (Mussafia):
mil. hôlgir 'bordelletto' ', 'cosetto', 'oggetto piccino', bôlgira,
bossera 'bazzecola', 'cosa da nuUa' ; Val d'Anzasca bosar,
bogar 'bazzecola', 'cosetta qualsiasi di nessun prezzo';
•romagn. busra, buscarêda 'bagatella', 'cosa da nulla', busren
'cosa piccola e galante'; rover., trent. buzera 'bazzecola';
vén. bùsara, bùdela 'bagatella', 'cosa da nulla'. Le deu-
xième sens se rencontre dans le mil. bôlgir 'omicciattolo',
'pmetto'; bresc. biîser 'cazzatello', 'omicciuolo' ; rover., trent.
buseret, buserino, buserot 'cazzatello', 'cosellino'; vén. bn-
.^aroto 'persona piccola'; regg. busser, busra 'omicciuolo'.
Nous en trouvons d'autres exemples dans les parlers rhé-
tiques, qui ont emprunté au lombard ou au vénitien *
le verbe buserar 'ruiner', etc.. et le substantif busra 'po-
* A cause de son sens obscène, ce mot a été déformé de diffé-
rentes manières. Cf. Mussafia. Beitrag zur Kunde der nordital. Mund-
arten im XV. Jahrh., p. 139.
- Cf. du reste Mussafia. loc. cit., et Spitzer, op. cit.. p. 21B.
•' Je saisis l'occasion de constater que les mots toscans bordel-
letto, bordelleria, qui se rattachent également à des idées sexuelles
(cf. bordello, bordeîlare), présentent le même sens de 'objet petit'.
'bagatelle', etc., que les dérivés de futuere et de buggerare. Faut-il
donc peut-être expliquer le tosc. bordello 'giovanotto', dim. bordelliuo
(voir § 330) de la même manière que le romagn. futeti, vén. bnsaro,
parm. busrett, etc.'?
* Cf. MDIt, IV, p. 221. Les patois du Tyrol possèdent en outre
busaré 'rusé', 'fin' (Alton\
— 209 —
lissonnerie', 'enfantillage': engad. hiizer (bas-engad. buser),
gred. buzer 'bout d'homme', 'nabot' '. — L'engad. hnscr
{buser) présente en outre la troisième signification, celle
de 'polisson'; M. Pallioppi le traduit par 'Schlingel'. Le
parler oberlandais de Dissentis et Trons emploie biiser —
bmera dans le sens analogue de 'kleiner Sclialk' (Carigiet).
Dans les dialectes de Côme et de Poschiavo, Monti a relevé
bozar — bosara au sens de 'petit enfant', mais avec une
nuance péjorative; en comasque, le mot signifie 'fanciullo
vispo, inquieto, cattivo'; dans le parler de Poschiavo: 'fan-
(dullo inetto' -. Le comasque a formé le diminutif bozarèt
'fanciulletto molesto e inquieto'. — Voici enfin les formes
qui semblent s'employer avec la signification générale de
'petit enfant', sans aucune idée dépréciative, mais parfois
avec une nuance hypocoristique: vén. bnzaro, buzareto,
budeleto 'marmocchio', 'ragazzo' ^ (se dit par plaisanterie);
parm. bnsrètt 'cittolello', 'fantolino', 'ragazzetto' : romagn,
busrcn 'naccherino', 'fanciuUino', terme de tendresse, qui
se dit aussi d'un petit animal; souvent il est qualifié par
hcll: bell buzren 'bel mammolino'.
<• 7. Mots ayant le sens de «objet insig-nifiant»,
«chose», «individu».
217, Plusieurs des termes que nous venons d'étudier
signifient à la fois 'objet petit, ou sans valeur', et 'en-
fant' *. Sans doute, ce dernier sens a été dérivé du
premier. On trouve dans bien des langues des exemples
d'un phénomène semblable: un mot, qui signifie 'objet' ou
* M. Gartner {Die Gredner Mundart) voit dans buzer l'alleni. tjT.
pûzer; d'après Monti. le com. hozar est emprunté de l'allem. lioser.
* M. Michael n'enregistre pas le mot.
' Ces mots signifient en outre 'magrino". 'si-ricciolo', 'persona
giovane e piccola'.
* Rappelons Val d'Anzasca bazar 'bazzecola' et com. buzar 'fan-
ciullo': romagn. huzren 'cosa piccola e galante' et mammolino'. etc.
— 210 —
'chose', s'applique à un être humain au sens de 'individu',
'personne quelconque'; et cet emploi implique presque
toujours une nuance de mépris ^, quelquefois aussi de
pitié et d'affection. C'est ainsi que les Allemands em-
ploient le mot Dinif pour désigner une personne quelconque;
mais surtout en parlant d'une jeune femme ou d'un enfant :
(dn jum/es l)in<j; das klcinc Dirif/, das arme Diny. etc. L'ang-
lais thinfi s'emploie d'une manière analogue: a youwj
tliing; pou stupid ihing; poor thiny. Nous allons étudier
dans ce qui suit quelques cas semblables dans les langues
romanes, et particulièrement des mots signifiant 'chose',
'objet' comme dénominations d'enfants.
218. L'anc. fr. chose et l'anc. prov. causa [cosa) s'em-
ployaient parfois au sens de 'personne', 'être humain' ^.
On sait que le franc, diosf se dit aujourd'hui très souvent
pour désigner une personne dont on ne se rappelle pas
le nom. Le petit Chose d'Alphonse Daudet est un exemple
connu de son application dépréciative à un enfant. En
béarnais, eausoti (proprement 'petite chose') signifie 'fillette';
le diminutif rausilliou a un sens plus hypocoristique : il
s'applique, au figuré, suivant Lespy et Raymond, «à une
mignonnette, à une jolie petite personne».
219. L'ital. eosa se dit parfois d'une femme, tantôt
comme ternie d'affection: co.s« yen file: tantôt, et plus sou-
vent, comme terme de mépris: Gran hrutta cosa!' Les
diminutifs cosina, cosettina, cosoUna (pist.) sont des termes
hypocoristiques : una cosettina yraziosa sui diciannov' anni.
* Le sens dépréciatif s'explique par le fait que c"est le nom de
quelque chose d'inanimé et sans valeur, qui s"appliqiie à un être hu-
main (cf. § 288). mais surtout par le sens indéterminé du mot (cf.
l'emploi péjoratif de mots tels que individu, type, espèce, et, pour
Tallemaud. Mensch, Geschôpf, Sorte).
'^ Godefroy cite un exemple de cet emploi; Raynouard en donne
deux, Appel trois.
— 211 —
Le masculin aualogi(iue coso ' sert à désigner, comme le
franc, pop. niaclihi (tiré de machine)^ un objet dont on ne
se rappelle pas le nom ou qu'on ne veut pas nommer; il
s'applique aussi à un homme ou un garçon, mais presque
toujours avec le sens dépréciatif de 'uomo o ragazzo rozzo,
sgarbato, goffo' (Petrôcchi). Cette nuance disparaît dans
les diminutifs: casino 'ragazzo' (ou 'uomo piccino'), cofseUino
'bambino'.
*220. Dans les dialectes lombards, le lat. lahorem ^ a
pris le sens de 'chose'. Comme l'ital, cosa, coso. il se dit
aussi d'êtres humains, surtout, ,semble-t-il, dans un ton de
pitié: itn por lor 'un pauvre homme' (Bormio). ^ Monti
nous apprend que le com. lavbo (proprement 'petit objet
de peu de valeur') peut signifier 'petit enfant'; mais, en
comasque comme ailleurs, ce sont surtout les diminutifs
qui ont pris cette signification: com, lavorêl, lavonvl: mil.
lavorsell — lavorseUa. lavorsellin — lavorsellinna : borm. lorin,
dans l'expression 2^^/^' l<P'in 'pauvre petit'; de même en
bergamasque: pôcr laur.ft. L'emploi des formes bergamas-
ques laurzèl. ImirzH. laurzï correspond du reste tout à fait
à celui des formes toscanes coscUino, cosolina, etc.
221. Deux dialectes émiliens, le mantouan et le bo-
lonais, emploient d'une manière à peu près analogue le
mot massarin (bol. mnssardn), qui signifie 'mammolino' et
^ Cf. vén. huzaro 'ragazzo', à côté de huzara 'cosa da nuUa'. Cf.
aussi la distinction de genre que fait la langue populaire allemande
en appelant un homme der iJinff (Diriger), une femme die Dint/
iiJingin) (Grimm).
* En voici les représentants modernes: mil. lava; com. îavào;
posch. laûr: borm. lor; bergam.. bresc. laùr. — D'après Meyer-Lûbke,
Motn. etym. Wb., 4809. Tobwald. lavxtr aurait le même sens de 'chose';
mais les dictionnaires que j'ai consultés ne donnent pour ce mot ijue
le sens de travail'.
•' Cf. le bol. parer bagai. p. "21;}. n. 3.
— 212 —
qui est identique au mant. massar'm 'bella cosuccia'. bol.
massarl 'masserizia' ^
222. Dans presque toute la Haute-Italie et dans le
Frioul on rencontre le mot hcKjai (vén. baijagio) au sens de
'enfant', 'petit garçon' ^. Le lombard et le vénitien en
ont tiré aussi le féminin analogique hagaja, hagagia 'fan-
ciulla', 'ragazza'. Ce mot est sans doute identique à l'ital.
hagaglio 'bagage', qui, de même que le mot français, dé-
rive du bas-latin haga 'outre' ^. Le vén. hagagio réunit
les sens de 'bagaglio' et de 'f anciullino' ; et ces deux
significations se retrouvent dans le bergam., bresc, frioul.
hagai ^. En milanais et en piémontais, hagai a le sens
exclusif de 'fanciullo', 'ragazzo', tandis que l'idée de
'bagage' se rend en milanais par hagagg, hagacc, en
piémontais par bagage, hagagi. Ces dernières formes
sont des emprunts faits au français °; ils ont été pro-
bablement d'abord des termes militaires, importés par des
soldats ".
M. Tappolet ', qui cite, d'après Biondelli (p. 52), le
crém. hagai au sens de 'enfants', le rattache aussi à
1 De même que Tital. viasserizia. ce mot érailien vient du lat. massa
'Teig', 'Klumpen', 'Menge', 'Landgut'; voir Meyer-Liibke. Hom. etym.
Wb., 5396.
- Le mot est signalé par les glossaires en piémontais, lombard,
émilien et vénitien.
=< Cf. Diez. op. cit., p. .S5: Meyer-Liibke, op. cit., 880; AGII,
XIII, p. 408; RDR, IV. p. 196. — M. Lorck, op. cit., p. 169, propose
de rattacher hagai dii-ectement à haga 'outre' (cf. hot<is, § 299).
* En bergamasque. hagai a pris aussi le sens de 'famiglio'. 'servo
^i casa', 'garzone', 'fattorino'.
" Ou les formes milanaises sont-elles peut-être d^origiue vénitienne?
Cf. D'Ovidio, AGII, XIII, p. 403: «Del mil. bagagg puô dubitarsi se
sia francesismo diretto o venetismo.»
'"' Cf. le franc, bagage, qui a pénétré en allemand d''une manière
analogue: «In der Bedeutung 'Gepâck' nur noch beim Militâr iibrig;
hier ist es ein alter technischer Ausdruck, der seit dem 16. Jahrh.
bezeugt ist». (Schulz, Deutsches Fremdwôrterhuch.)
' op. cit., p. 49.
— 213 ^
hni/af/Uo, Ouf/af/e, et suppose que le sens primitif a été
celui de 'Pack'. II faudrait dont supposer que le mot
a été appliqué d'abord comme injure à une troupe
d'enfants, de même que race, etc.. et qu'il a pris ensuite
un sens individuel. II faut pourtant observer que Bion-
delli ne donne pas seulement le sens de 'enfants', mais
aussi celui de 'garyon'. 'fils', et que je n'ai trouvé qu'un
seul exemple d'un sens exclusivement collectif: dans le
dictionnaire de Rosa, qui a relevé bagai 'enfants' dans
les Alpes bergamasques (près de la Valtelline). Il ne
paraît donc pas probable que l'acception de 'troupe d'en-
fants' ait été antérieure à celle de 'enfant'. Ce dernier
sens a été tiré sans doute de celui de 'paquet', 'objet
sans valeur', ou de l'idée plus générale de 'chose', 'indi-
vidu'. liC premier développement paraît avoir eu lieu
dans les parlers rhétiques d'Ampezzo et Greden en Ty-
rol, où hagdi est un terme d'injure, adressé aux petits
garçons. Voici les significations relevées par Alton: «Ge-
bàck (évidemment faute d'impression pour 'Gepâck'); un-
niitzes Ding; Schimpfname auf Knaben. » '. D'autre part,
dans les dialectes haut-italiens, où, d'après les dictionnaires,
notre mot n'implique aucune idée défavorable *, il a pro-
bablement été employé au sens de 'chose', 'machin', 'per-
sonne dont on ne se rappelle pas le nom', avant de pren-
dre celui de 'enfant', 'garçon'. J'ai trouvé cette significa-
tion générale dans les parlers de Mantoue, Parme, Miran-
■ dole et Bologne ^.
' Vian le traduit par 'kleiner Schiirke' et i)ar 'ragazziuo', M. Gai-tner
par 'kleiner Wichf.
'' Seul le glossaire modénais de Galvani le donne dans un sens
péjoratif: celui de 'galuppo. peggiorativo di ragazzo'. — Dans la
Romagne et à Bologne, bagai se dit par plaisanterie.
' Dans ce dernier dialecte, bagai peut avoir aussi une nuance
de pitié: pover bagai (ci. borm. jjor lor). ou de mépris i^=uomo «tu-
])idn e mal fatto*!.
— 214 —
De nombreux diminutifs témoignent de la vitalité du
mot:
-inn : mil. baf/ajn — huffojnna: piac, regg. baf/aîn; bol.
hagaiein^ — hagaicina; romagn., vén. hagagin; yen. hagarïn^;
frioul. hagarinc 'fanciuUina'. Le bresc. hagan est un ad-
jectif qui signifie 'piccino'.
-cttu: regg. hagajétt:
•eolu: mil. hagajœu; parm. bagaièul:
-relUc gén. hagarcllu, hagarillu : ce dialecte n'emploie
pas le mot simple.
223. Le brescian a tiré une dénomination d'enfant
du mot bagatcUa ^ 'cosa di poco conto', savoir bagatcl, qui
semble avoir un sens peu favorable. D'après Melchiori, il
est synonyme de diaolî^ c.-à-d. 'diavoletto', 'frugolo'. —
J'ai trouvé, en Corse et dans les districts de Roveredo et
de Trente, bagatella avec le sens dépréciatif de 'donna da
poco, da nulla'. Dans le dialecte de Roveredo et Trente,
on en a tiré le masculin bagatel 'uomo da poco'; et c'est
sans doute le même mot qui, en brescian, s'est appliqué,
par «cacophémisme», à un enfant.
224. Le mil., com. ciapoU (ciapôt) signifie 'fanciulletto',
'bambolo', 'bimbo', et Monti nous apprend qu'il s'emploie
comme voce vezzeggiativa. Le milanais possède le diminu-
tif (•iapottin — ciapottinna; le comasque préfère ciapotH. Je
vois dans ce mot le mil. ciapott 'bazzecola', 'ciarpame'.
1 Le bol. hagaiein ou hagarein signifie aussi 'agnellino. pecorino
appena nato'. — Quant à Vr, cf. mant. bagarott, dim. de hagaj au
sens de 'masserizia'.
* Outre 'fanciullino', ce mot a aussi le sens accessoire de 'fan-
ciullino scriato, gracile e poco vegnente'. — Il signifie encore 'membro
virile de' bambini'; le frioul. hagarln (bigarm) n'a que cette dernière
signification.
' J'incline à rattacher ce mot, comme Diez et M. Pianigiani. à
baga. D'après MM. Schuchardt et Meyer-Liibke, c'est un diminutif
de baca 'baie'. — Cf. aussi Walde. Lat. etym. Mb., à Part, baiulus.
— 215 -
([ui doit être dérivé du verbe milanais ciapottà 'brancicare',
'lavoracchiare' ^ Ce verbe est à son tour un dérivé fré-
quentatif et péjoratif du mil. rinpà. correspondant à l'ital.
chiappmu- 'pigliare' 'prendere' -. Au sens de 'bagatelle',
'objet sans valeur', ciapoU a été appliqué à un enfant, de
même (juo hovnr. haf/a/. etc. "''
225. Dans le Monferrat on trouve fticiàf-, dim. fu-
cianH, comme désignation d'un petit garçon. Après les
exemples cités dans les paragraphes précédents, il ne faut
guère hésiter à y voir le même mot que le gén. fuciara
'bagatella', 'cosa da nulla', usité surtout au pluriel: fu-
eiarr 'bazzecole'. 'coserelle di poco pregio' *.
226. Ajoutons enfin, à propos des mots étudiés plus
haut qui ont pris le sens général de 'individu' avant de
> Le verbe ciapottare 'bambineggiare' est évidemment tiré de
eiapott 'bambino'. — Ou pourrait se demander, si eiapdtt n'a pas eu
le sens primitif de 'celui qui manie, tripote', 'celui (jui bousille', ou,
puisque citipottà peut désigner aussi 'quello sguazzare e tramestar
neir acqua che fanno sovente i fanciulli': 'celui qui gargouille'; cf.
le prov. chauchouti [^ 244). Mais, comme il est rare que des substan-
tifs verbaux de ce type deviennent des nomina agentis. et que le mi-
lanais possède un dérivé en -one pour rendre justement cette dernière
idée: ciapottùii 'colui che volontieri maneggia acqua od altro cou mal
garbo', je trouve Fauti'e explication beaucoup plus vraisemblable.
» Cf. Salvioni. liBIi, V, p. 173.
' Cf. le tosc. chiappola 'bagatella', et le diminutif chiappolino
'uomo leggero', 'fraschetta', dérivés de ehiappa, proprement presa',
ironiquement 'acquisto'. — Par un emploi ironique de ehiappa, lomb.
ciappa, s'explique le sens de 'natica', d'où le bergam. ciapinc 'piccole
natiche"; ciapbte 'natiche alquanto grosse'. Bien que je n"aie point
l'intention de rattacher le mil. ciapàtt 'enfant' à ce dernier mot berga-
masque, je veux pourtant faire observer qu'un procédé sémantique de
ce genre n'est pas inconnu aux langues romanes (cf. § 279).
* Le parler de Bournois (Doubs) parait offrir encore un exemple
du même procédé. Dans ce parler. zXzï (probablement d'origine en-
fantine) signifie 'chose de peu de valeur' et 'enfant chétif. Dans le
patois de Pierrecourt (Haute-Saône), il a une autre nuance déprécia-
tive: 'garçon un peu bèbête'. Cf. Grand'Combe sizatû 'choses sans
valeur'.
— 216 —
passer à celui de 'enfant', un mot qui présente aussi ce
dernier développement. Gonze — gonzcsse, mot d'argot si-
gnifiant 'individu', 'femme', avec une nuance de mépris, a
pénétré dans le patois de l'Anjou aux sens de 'gamin',
'galopin'; 'gamine', 'petite fille', 'jeune fille', 'drôlesse'. Dans
l'argot ancien et dans le bas-langage actuel, ce mot s'em-
ploie aussi avec- son sens originaire de 'niais', 'dupe'.
C'est un emprunt fait au fourbesque: gonzo 'rustre' (=
ital. (fonso 'niais', 'balourd', d'origine inconnue).
La même transition sémantique est présentée par un
autre mot d'argot: niert 'individu' (Vidocq) \ qui se re-
trouve dans l'argot provençal (à Aix) sous la forme de
nierto et au sens de 'mioche', 'bambin' (Mistral).
c 8. Termes scatolog-iques.
227. Dans bien des langues on emploie des mots
signifiant 'stercus' ou 'peditus' pour désigner d'une ma-
nière méprisante un objet sans valeur ou une personne de
rien *. Les langues romanes appliquent souvent, dans un
sens ironique et dédaigneux ou bien d'une manière ca-
cophémique qui fait disparaître totalement le sens dépré-
ciatif, des mots de ce genre aux enfants, spécialement aux
tout petits ^.
Voici, tout d'abord, l'exemple d'un mot de cette sorte
employé comme sobriquet individuel. M"^^ Odin a relevé,
dans le patois de Blonay, tyét7> (dim. de tyéta 'petite flaque
de fiente, de crotte') comme sobriquet donné à un garçon
très petit.
' D'après Rigaud, ce mot signifie aussi 'complice', 'maladroit'.
■' Cf. l'emploi injurieux des mots allemands Dreck, Scheiss, qui
peuvent même signifier 'rien du tout'; Drecklein 'Taugenichtschen';
Scheissel 'kleines Personchen oder Ding' (Grimm).
^ Peut-être, dans certains cas, y a-t-il ici une sorte de métaphore,
une comparaison avec quelque chose de rond et de petit. Cf. § 288 ss.
— '217 —
D'un emploi plus répandu est inb\nui.n, proprement
'excrément' \ qui désigne un enfant petit, chétif, et parti-
culièrement un enfant nouveau-né, dans les cantons de
Vaud et du Valais. Bride! l'a relevé dans le Pays d'En-
haut: (inkrcmein, nnkrvmehi- \ M""' Odin à Blonay: ekremr^; et
M. Gilliéron à Vionnaz: ékremé*: il le désigne comme vieilli.
BoKse 'fiente de vache' se retrouve dans bien des épi-
thètes de ce genre. Dans l'arrondissement de Valognes,
en Normandie, hoHset signifie 'petit fat", 'marmot' (Métivier),
et, près de là, dans la Hague. Fleuiy relève bouscftc 'pe-
tite fille', 'adolescente', expression un peu péjorative ■".
Lorrain signale, comme termes de la Lorraine, Oonsaque^
hosèque ^ 'petit garçon', et, comme termes messins, hosot
'enfant', 'nabot' ^ hosck 'gros enfant' ou 'pansu', 'glouton',
■ M. Gauchat m'apprend que dans les matériaux du Gloss. des
pat. de la Suisse rom. on trouve bien des exemples d'une confusion
entre in- et ex-.
' Bridel y voit le lat. iiurementum. En effet, ce mot. qui dé-
signait proprement l'action de croître, se disait aussi métonymique-
ment de ce qui croît, et devint ainsi synonjme de 'progenies', 'fi-
lii'. Le développement sémantique supposé par Bridel am-ait donc
été à peu près parallèle à celui de fructus, fétus, etc.
^ Dans ce patois, il se dit aussi d'une petite bête, ou d'une chose
petite, fluette en général.
* Sur \'é pour e, cf. doîc. § 185.
^ Au lieu de le rattacher à bouset 'petit tas d'excréments hu-
mains', qu'il enregistre à la même page, ou à bonnettes 'crottin de che-
val', que donne Métivier. Fleuri' rapproche ce mot du bret. beuzik
'jeune gardon".
'= Cf. Horning. ZBFh. XIX, p. 183, XX, p. 337.
" Bien qu'on trouve dans le patois messin le dérivé boseau 'ma-
tière fécale', dans le lorrain: boset 'fiente de vache', dans le meiisien:
bouïon 'étron', bouzeil 'fiente de vache', etc., Lorrain voudrait rattacher
bosot enfant' à l'anc. fr. bos petit enfant' (forme très douteuse, qui
ne se trouve que dans Roquefort) et au lat. pusiis. — En général, les
lexicographes, qui n'ont pas connu le rôle important que joue le ca-
cophémisme dans la création des dénominations d'enfants, ont souvent
préféré une étymologie impossible, mais décente, à l'étymologie vraie,
mais choquante. Rappelons l'explication que propose Fleur3- pour
bauset; de même, Monti et Tiraboschi indiquent le lat. putiîîus comme
étymologie du com., bergam. pefêl (voir § 228).
— 218 —
'stupide', 'saligaud'; à Landremont, hosèquc est exclusive-
ment un terme de mépris (Adam). Cf. le pic. bousaquère
'femme malpropre' (Ledieu); lyonn. houza 'fille indolente'
(Puitspelu) \
Le provençal emploie caf/assomirt. dérivé de cagaf> 'gros
tas d'excréments', au sens de 'marmouset', 'petit enfant'.
De fourc 'excrément', le normand a tiré fonret—fourette
'petit garçon', 'petite fille', termes de dénigrement.
Dans la langue populaire de Paris, crotte, crottaillc,
crottaillon sont des mots d'amitié qu'on adresse aux en-
fants (Bruant) -. D'après Jaubert, rhicrottf, qui désigne,
dans les patois du Centre, une toute petite fille, signifie
proprement 'petite crotte'; 'objet de minime importance' ^'.
Dans le patois de la Grand' Combe (Doubs), èi/o. ou
ptè €i/Oj se dit pour 'gamin', 'petit gamin', mais ne s'em-
ploie qu'au vocatif. M. Boillot se demande s'il faut y
voir le franc. cJiiot {chiau) 'petit chien' (cf. § 316), ou s'il
' Cf. du reste Behrens, Beitràge zur franzôsischen Wortgeschichte
îind Grammatik, p. 177 s.
- «Le mot de Cambronne» ne s'emploie pas lui-même de cette
manièi'e; mais on se sert de nombrevix dérivés de ce terme pour dé-
signer des enfants; voir § 230.
^ Le même patois connaît aussi la forme chacrotte. Par chacrot.
ou chacouat, on y désigne le plus jeune des enfants d'une famille, ou
le dernier venu d'une bande de jeunes animaux. Cf. le prov. mod.
eacoîiat, qui a le même sens. Évidemment, le premier élément de tous
ces mots est le radical de cacare, franc,-, chier. — Quand il s'agit des
derniers nés, soit des enfants, soit des animaux. la tendance cacopbé-
mique apparaît très nettement. La pitié et la tendresse, qu'inspirent ces
petits êtres si faibles et si chétifs, sont rendues dans le langage du
peuple par les épithètes les plus crues. Dans le Poitou, on appelle le der-
nier né bouse, dans la Provence: petoun ou cago-nis. La même ex-
pression se retrouve dans le Doubs sous la forme de chie-nid (Mont-
béliard : tchenni). C'est probablement une allusion au plus petit oiseau
de la couvée «qui n'a pas la force de faire ses excréments hors du
nid, comme font les autres au bout de quelques jours» (Beauquier).
Le sicilien dit caca-nidu. Il est intéressant de trouver une expres-
sion tout à fait correspondante dans les dialectes suédois, où. d'après
Eietz, ho-skit (ou ho- fis) désigne «den senast fodde av valpar. katt-
ungar, kycklingar m. fl. husdjur.»
— 21Î) —
faut lo coiisidt'rer comme synonyme de nt/rrjr *mordeux\
'petit t^amin' (voir § '^30), ce ([u'il trouve plus probable.
Il est évident que c'est le même mot que tcJiiot 'crotte
d'oiseau, de mouche', 'toute espèce de crotte', qui, dans le
patois de Montbéliard. sert aussi à désigner un enfant
malingre et chétif ^
'Z'iS, Le mot 2^''^ l'in \a.t. pcdituutj entre dans un grand
nombre de dénominations d'enfants, d'un caractère plus
ou moins péjoratif. — Le provençal offre petoun, petot 'pe-
tit enfant', prfofa 'petite fille', jx'foulin 'petit bambin', tirés
de peto 'crotte', ou de pet 'vent', 'pet'. Dans le Valais,
au Val d'Hérens. p,)fola est un terme de mépris pour une
tille (petite ou jeune); le sens propre est 'crotte de chèvre',
etc. — Nous retrouvons ce mot dans quelques dialectes de
la Haute-Italie, où il est toujours un terme de mépris ou
de tendresse. Le mot simple j^^^f ^ s'emploie de la der-
nière façon dans la Romagne. Morri le traduit par 'ce-
cino', 'fanciuUino grazioso e vezzoso'; pétt sale (= 'salato')
se dit dans le même dialecte d'un enfant qui se fâche fa-
cilement. Les diminutifs sont plus fréquents: vén. pètolo
'bambinello', 'mammolo' (cf. pHola 'cacherello'); bresc. pè-
fol, syn. de duiol) 'frugolo': mil. petolln^ qui se dit par
plaisanterie à un petit enfant; bergam. petèl, petôl 'ragaz-
zetto', 'fanciulletto' (avec une nuance dépréciative) ; com.
petêl 'fanciuUino', terme de tendresse. .
Dans diverses régions de l'Italie, stronzo se dit, sur
un ton de mépris, d'un jeune garçon '. En langage fa-
milier vénitien on dit: Varï che stronzo! en parlant d'un
|)etit garçon arrogant et insolent. Le sic. strimzinu s'em-
^ Cf. chiot de mouche 'crotte de mouche', dans le patois du Doubs.
On dit «gros comme un chiot de mouche* pour indiquer un tout petit
objet. — Cf. encore Bournois teyo 'chiasse'.
- Le sens propre est celui de 'pef, 'vent'; mais il peut aussi
signifier 'crotte", par exemple à Mirandole.
3 Voir Schuchardt. ZRPh. XXVIII, p. 319.
— 220 —
ploie de la même manière. En E-omagne on appelle fami-
lièrement un petit garçon stronsolo di gallina. Le sons-di-
minutif stronsoUno est donné par Tommaseo comme terme
d'injure ou de plaisanterie, vieilli aujourd'hui. Le bergam.
stnmscU signifie, d'après Zappetini: 'marmocchio', 'fan-
ciullo', 'ragazzo' \ — Cherubini donne pour le mil. stronsèll le
sens figuré de 'scricciolo', c.-à-d. 'roitelet' ^ ou 'homme petit'^
et, dans le supplément, il définit le féminin stronzëlla par
'uno scricciolo di fanciulla', en ajoutant: «Per ischerzo lo
diciamo anche assai communem. in luogo di Donzèlla» ^.
229. Des mots signifiant 'crottin de boue', 'éclabous-
sure' ont été employés quelquefois de la même manière
que ceux cités plus haut.
Le prov. hôudrb (lang. bôudroc) — bôudroco, qui est un
dérivé de boudro 'vase', 'boue', 'crotte', a un sens légère-
ment péjoratif: 'crapoussin', 'petit drôle', 'petite drôlesse'
Le diminutif boudroucouti (lang. boudroucou) signifie 'petit
crapoussin', 'enfant qui commence à marcher'.
Le nap. sàccaro 'fanciullo', dim. zaccarieUo. est sans
' Zappetini donne en outre le sens péjoratif de 'citrullo', 'piiica-
strello'. Tiraboschi n'enregistre pour strunsèl que le sens primitif de
'piccolo stronzo'; pour strunsèt aussi celui de 'presuntuosello'.
* Il ajoute, en guise d'explication: «un po di merda su due fus-
cellini».
* On serait tenté de l'anger aussi dans ce gi'oupe le lomb. sciot.
sciotell 'fanciullo', 'fanciuUino', qui paraît être le même mot que le
lomb. sciot, sciotèll 'stronzo'. 'stronzolino'. Cependant il est sans doute
préférable de ramener ces deux mots à une origine commune, à un
mot signifiant 'quelque chose de gros et de court, d'informe et de
globuleux', d'où dériveraient en outre le mil., com. sciatt 'rospo' et le
com. sciât 'fanciullo' (voir § 310). — De même on serait porté à ex-
pliquer l'angevin et bas-inanceau cropet. et le bas-manceau cropichon
'petit enfant' par un emploi cacophémique de cropet, cropiclion 'ex-
crément', 'étron'. qui existe dans les mêmes patois. Mais il faut pro-
bablement les tirer tous deux de cropet. diminutif de croupe. (Cf.
Horning, ZHPJi, XIX, p. 173). Déjà eh ancien français cropet signi-
fiait 'nabot', sens que le mot présente encore aujourd'hui dans le Nord,
l'Ouest et le Centre. Nous y reviendrons plus loin (v. § 373).
— 221 -
doute le même mot que zaccaro 'zàcchera' (c.-à-d. 'écla-
boussure' ) \ que relèvent Tommaseo et Petrôcchi chez le
napolitain Jacopo Sannazaro (XVI*' siècle) ^. L'exemple
suivant, que D'Ambra a tiré des Muse Napolitane de Basile
Giambatista (1735), montre que zaccaro a eu le même sens
dépréciatif de 'enfant insolent, présomptueux', que le vén.
sfronzo et le sic. strunzinu: Zaccare mmerdosielle, presentuse,
Che ve sia dato maglio a sti caruse. — En romagnol le
diminutif zacarnen (de zacara) est un terme de tendresse,
qui se dit à un petit enfant ou à un petit animal.
230. Les mots du type merdeux constituent une autre
catégorie d'injures, très proche de celles que nous venons
d'étudier. Merdeux s'emploie, suivant Villatte, dans le
langage populaire au sens péjoratif général de 'Lump',
'Scheisskerl'. Dans le même langage et dans bien des
parlers provinciaux, on trouve ce terme et d'autres dérivés
du même radical appliqués aux enfants. Ils se disent des
enfants faibles, chétifs: angev. mardeux; bas-manc, Plé-
chatel merdu; ou bien des enfants impertinents: Blonay
merdo: merdau — merdauza; verduno-châl. merdaïllon. Ce
dernier mot se dit, au sens de 'petit enfant', dans le
langage populaire de toute la France ^, sur un ton plus
ou moins méprisant *. Voici quelques termes qui s'em-
* L'ital. zàcchera s'est employé autrefois avec le sens de 'inezia',
'bagatella' (aux XV® et XVP siècles), et au sens de 'uomo da poco'
(au XVP siècle). — Le cors, zakkalô 'crottin de boue' s'emploie,
d'après M. Guarnerio. comme vocatif dépréciatif.
* Tommaseo e Bellini accentuent zaccàro (cf. pourtant la rime
baccari — zaccari dans un des passages qu'ils citent). Mais la ressem-
blance de forme et de sens met hors de doute l'identité de ce mot
avec l'ital. zàcchera. Dans son Vocaholario délia pronunzia toscana.
Fanfani enregistre du reste zàccaro à côté de zàcchera.
* Je l'ai relevé dans le wallon montois, le rouchi, le vendômois,
le parler du Valais, le savoyard, le provençal et le béarnais.
* Souvent les termes de ce genre perdent tout à fait leur sens
dépréciatif. Tel est le cas. d'après ce que m'apprend M. Gauchat.
pour ceux qui s'emploient dans les patois de la Suisse romande.
15
- 222 —
ploient de la même manière: mweje (Grand' Combe); mèr-
dozè (Vand, Neuchâtel); merdouset — merdouscto: merdassier —
merdassieiro (Provence) ; merdaussou (Castres) ; mèrdason (Va-
lais), etc. — Ajoutons les collectifs merdaille (franc, pop.),
mèrdalyèri (Valais), nièrdèrô (Vaud) 'troupe (importune) de
petits enfants'.
Breneux, synonyme de merdeux^ s'applique également
aux enfants: bas-manc. hrœnœ, brœnu (Pail) 'enfant'^;
haut-norm. (Bray), rouchi herneux 'petit enfant'; lyonn.
barnaeux (Mornant) 'petit enfant'. — Ajoutons que, dans
la Table de VAtlas linguistique, on trouve le mot breyu
défini par 'enfant'. Le sens propre de ce mot doit être
celui de 'boueux'; cf. breya 'boueux' et breyé 'boue', qui
se rencontrent au point 938 des cartes 1767 et 154.
231. D'autres termes scatologiques semblent se rap-
porter plus spécialement à l'incapacité des petits enfants
de régler leurs besoins. — Dans la langue verte, une pis-
seuse veut dire une fillette ^ ; mais ce mot se dit aussi par
mépris d'une jeune fille ou d'une femme ^. La langue
triviale du Centre dit pissouse: «Il espérait qu'il lui naîtrait
un garçon, il n'a eu qu'une pissouse» (Jaubert). Dans le
patois de Bournois, piea est un petit garçon, piead une
petite fille. Le wallon montois emploie pichnette dans ce
dernier sens. A Saint-Pol piewit est un terme d'amitié
qu'on adresse aux petits enfants, tandis que piewar se
dit par dénigrement d'une personne du sexe féminin en
général.
L'italien possède plusieurs expressions correspondan-
' Le sens propre est 'sali par les aliments'; cf. se brœnuze, qui
se dit à Pail pour 'se salir avec les aliments'.
2 Cf. l'allem. Seichbûchse.
3 Avec le même sens général on emploie picheuse dans la Flandre
française, pissouse en Anjou. Dans le patois des environs de Gre-
noble, pissouse se dit de celles qui veulent faire les jeunes filles
avant l'âge.
— 223 —
tes. Piscione—pt.sritma. pisciacchera, piscialletto se disent,
dans la langue vulgaire, par mépris ou par plaisanterie,
des petits enfants. Les mots napolitains j>e6C*V>cca, ^îmtk-
colo s'emploient d'une manière analogue. Le bergam,
pieial (dim. piciall) est un terme d'amitié, qui signifie 'enfant'
ou 'rouge-gorge' *; le romagn. pissai est aussi un mot de
tendresse pour les petits.
La langue populaire parisienne désigne par chiard un
petit enfant. Dans le patois de Montbéliard, le mot cor-
respondant est tchia, au féminin tchiale. Le même patois
connaît aussi les expressions tcMenculottc 'petit garçon',
'petit morveux'; tcienlé (franc, pop. chienlit) 'petit garçon
sale'. Dans le Centre, cJiias (ou chiasse) se dit pour 'enfant
au maillot'.
Au même ordre d'idées se rapportent les termes sui-
vants : prov. pf'fareu ( lang. petarèl) ; auv., alp. petarrt 'petite
fille' (dim. de petaire 'celui qui pète') ^; ^roY . peto-bas 'petite
fille', terme de mépris et de badinage; trousse-pet — trousse-
pète 'petit garçon, petite fille qui fait des embarras', mot
du langage populaire, et qui se dit surtout au féminin^;
rouchi piss'pète 'jeune fille de deux ans'.
c 9. Mots signifiant «pouilleux», «teigneux», «puant».
*^B2, Une des injures qu'on affectionne le plus en
tous pays, consiste à reprocher à quelqu'un d'être infecté
* Cf. le bergam. piciolada 'bagattella'; picio 'membre virile'.
Comme pisà est le représentant bergamasque de l'ital. pisciare, on se
serait attendu à trouver dans ces mot -s- au lieu de -ci-; cf. pourtant
bergam. piciàrla et pissarbl, qui signifient- tous deux: 'pisciarello',
'vino sdolcinato' (bresc. pisôra).
■ Ces mots signifient encore: 'derrière', 'anus', et on les a appli-
qués à une plante dont les enfants font éclater les calices, la lychnide
dioïdique. Cf. le prov. petaire 'anus'; 'plante dont on fait éclater les
calices'; petadou 'tout ce qui détonne', 'anus'.
^ Le Dict. gén. voit dans trousse-pet un composé de trousse (du
verbe trousser) et de pet. (Cf. Kécart, Dict. rouchi-français: •Trousse-
péte: Nom qu'on donne à une petite fille dont on a ï'etroussé le jupon
— 224 —
de vermine. — En français, poîdllenx est un terme de mépris
de date ancienne ^; et, dans le Centre, on qualifie les per-
sonnes malpropres de pouillassoux. Dans la Vienne (arr.
de Civray) on désigne ipar pouillasse une petite fille (Lalanne),
ce qui s'explique sans doute par un emploi cacophémique de
ce mot. — Le mot loupiot 'gamin', 'enfant', terme du bas-
langage parisien, qui s'emploie aussi dans le parler angevin
du Longeron, doit être une création du largonji ^, une
anagramme de pouilleux avec le suffixe diminutif -iot^] cf.
loupel 'pouilleux', terme des floueurs parisiens, qui figure
dans le vocabulaire de Vidocq*.
233. Le reproche d'être teigneux ou galeux est éga-
lement très répandu comme marque de mépris ". C'est
ainsi qu'on emploie, dans la Picardie et la Flandre, rogneux^
proprement 'galeux' ou 'teigneux' ^, au sens de 'cliétif,
'faible', 'petit', en parlant de personnes et de choses.
En rouchi aussi, il a généralement un sens dépréciatif,
mais se dit quelquefois en terme d'amitié à un enfant:
tiot rogneux; et M. Edmont, dans son lexique Saint-Polois,
relève rogneux — rogneuse au sens de 'jeune enfant sans
expérience'.
par derrière, pour l'empêcher de faire ses ordures dedans».) — Le
féminin serait-il peut-être le mot primitif, composé de trousse (mot
trivial pour 'derrière') et de pète (du verbe peter)'^
\ Cf. l'allem. lausig.
2 Cf. Nyrop, op. cit., I, § 123.
* Cf. Hector France, Dict. de la langue verte, à l'art, loupiot.
* Voir Sainéan, L'argot ancien, p. 46. et Les sources de l'argot
ancien, II, p. 388.
* Cf. l'ital. tignoso, qui signifie proprement 'teigneux', 'galeux',
et qui a pris les sens de 'avare', 'vilain', 'chétif. L'allem. schàbig
sert à désigner une personne ou une chose sans valeur et s'emploie
comme injure. Les mots suédois skorva, skorvnacke s'emploient égale-
ment comme termes de mépris dans plusieurs dialectes.
" La carte 1288 de VAtl. ling. montre que ron correspond au
franc, teigne en bien des endroits de Picardie, d'Artois, de Flandre
et du Hainaut.
— 226 —
234. Le norm. piànt 'enfant', 'bambin', 'sot', que Mé-
tivier a relevé dans le patois de Guernesey, paraît être
le même mot que le norm. piant = 'puant' ^ Cf. le norm.
sent-piant (de sentir piant 'sentir mauvais') 'galopin', 'petit
vaurien' ^. Métivier dit que piànt est l'origine du norm.
pianehon 'enfant', pianche 'fille'. Ce dernier mot est signalé
par E. et A. Du Méril dans l'arrondissement de Bayeux,
au sens de 'fille', 'enfant'; par M. Romdahl dans le Val
de Saire, au sens de 'fille espiègle'; par Fleury dans la
Hague, au sens de 'petite fille', 'jeune fille maligne'. Sa
légère nuance péjorative s'explique très bien, si l'on le
rattache à piant. D'autre part le sens étymologique de
ce terme devait être oublié quand on en a tiré pianche ^ ;
on se serait attendu à piante.
c 10. Mots signifiant «guenille», «chiflfon», «torchon».
235. Ajoutons enfin quelques mots d'un caractère
métaphorique, qui signifient proprement 'guenille', 'chiffon',
'torchon' *. Bien qu'ils se fondent, comme les expressions
étudiées au § 282 ss., sur une comparaison avec un objet
inanimé ^, je préfère les ranger ici, parce qu'ils ont le
plus souvent une forte nuance de mépris *, et que ce doit
être leur valeur affective, bien plus que la vague associa-
^ Piant s'emploie, ainsi que ]e franc, puant, comme substantif,
au sens de 'vaniteux', 'suffisant', 'prétentieux'.
- Cf. aussi le suisse allem. Stinkerli, employé comme terme
d'amitié à l'adresse d'un enfant.
^ «Les patois affectionnent ... le suffixe -anche* (Sainéan, L'argot
ancien, p. 51.
■• Parfois ils peuvent désigner aussi, par métonymie, une per-
sonne déguenillée.
'" Les langues germaniques offrent des parallèles caractéristiques
de ce phénomène: suéd. jlicka, angl. lass (cf. E. Bjôrkman, dans
Indogerm. Forsch., XXX, p. 271 ss.). — Rappelons à ce propos qu'on
a voulu dériver l'ital. ragazzo de gàur) 'haillon' (voir p. 143, n. 2).
" Cf. le suéd. stycke au sens de 'salope', 'femme perdue'.
— 226 —
tion de ressemblance, qui a été la cause de leur emploi
comme dénominations d'enfants.
Le manceau gnenas, guenias 'guenille', 'vêtement sale
et usé' se dit aussi pour 'enfant', 'garçaille' ^ — Le pa-
tois du Bas-Maine connaît en outre na2)e 'petit chiffon',
'mouchoir d'enfant' ^ au sens de 'gamin'. Le même mot
se retrouve en normand: napin 'jeune garçon' (Moisy);
'petit garçon' (dans l'Orne, Du Méril) ^. Napon 'petit gar-
çon', dans le patois du Val de Saire, doit être aussi un
dérivé de nappe^ ainsi que le vendôm. napiot 'petit', 'ma-
lingre'; cf. bas-manc. napydo 'mouchoir', 'guenille'. Il
faut probablement rattacher à la même origine nâpyon
'enfant' (Petit-Noir; «terme qui indique le mécontente-
ment», Richenet); et le lorr., meus, napion'^ 'petit en-
fant', 'enfant au berceau', relevé à Allain-aux-Bœufs (dép.
de Meurthe-et-Moselle) par Adam et dans la Meuse par La-
bourasse. Cf. le lorr. napimi 'rabougri', relevé à Dompaire
par Adam.
Le prov. mod. patarassoim, lang. patraussou, petraasmu
'petit chiffon', 'guenillon' (diminutif de pataras 'chiffon',
'haillon', dérivé de pato, lyonn. patte^ qui a le même sens,
et dont l'origine est obscure) se dit, d'après Mistral, pour
'petit souillon', 'moutard'. Azaïs nous apprend que, à
^ Puisque, dans ce dialecte, g se substitue à h dans des mots
tels que canif, cosser (voir les dictionnaires de Dottin et de Mon-
tesson), on pourrait peut-être considérer guenas. guenias comme iden-
tique au manc. quenas. quenias 'enfant', proprement 'petit chien' (voir
§ 314j.
^ On retrouve ce mot avi point 338 (Mayenne) de la carte 878
(mouchoirs) de Y AU. ling. Dans le Centre, nappin signifie 'petite
nappe', 'essuie-mains'; cf., dans le même dialecte, napille, napillon.
najijjignon 'guenille', 'chiffon' (Jaubert); et, en bas-manceau. napiy
'mouchoir', 'souillon' (Dottin).
8 De même que Diez {Etym. Wôrterh., p. 645), É. et A. Du
Méril rattachent ce mot à l'island. Knapi. allem. Knappe.
* H. France, dans son Dictionnaire de la langue verte, fait dériver
ce mot du lat. naj)ut< 'navet', étymologie iijipossible, puisque le p inter-
vocalique aurait donné v ; cf. Boitrnois nevot. franc, navet, navette.
— 227 -
Castres, on emploie patraussou, petrausHou au sens de 'petit
enfant', 'bambin'; ici, le mot paraît donc avoir perdu sa
nuance dépréciative. Il faut sans doute rattacher à la
même étymologie l'aveyr. pHrm. petrumnt 'petite femme',
'petite fille' (Vayssier, Mistral) ^; cf. l'aveyr. pdroKmas^
petrumas 'guenille', 'vieille harde'; au figuré: 'cendrillon',
'fille sale ou mal mise' (Vayssier).
2. Termes descriptifs.
236. Sous le titre de termes descriptifs je range les
mots, qui désignent l'enfant par une qualité (physique
ou morale) ou par une habitude '•*. Il convient de ranger
ici encore les mots qui désignent l'enfant d'après sa coupe
de cheveux, ses vêtements on une partie de son corps.
Certaines de ces expressions ont une forte nuance affec-
tive, soi^ de mépris, soit de tendresse; d'autres sont
d'un caractère plus objectif. Je vais commencer par les
termes qui se rapprochent le plus de ceux que nous venons
d'étudier, pour passer ensuite à des expressions qui ont
un sens plus hypocoristique ou objectif.
a. Mots se rapportant à une qualité ou à une habitude.
«Goulu».
237. Dans les patois de la France" on trouve une
série de mots, qui commencent tous par gai- (f/an-)^ et
qui signifient 'garçon', avec une nuan«ce plus ou moins
dépréciative. Leur sens primitif paraît être celui de 'goulu',
* Mistral le dérive de peto (voir plus haut); il paraît considérer
petrus comme le même mot que trousse-pète, changé par une sorte de
métathèse.
* Parmi les termes dont nous venons de parler, il y en a quel-
ques-uns. p. ex. breneux. 2iisseu8e. qui contiennent aussi un élément
descriptif.
— 228 —
'goinfre', 'vorace'; plus tard ils ont pris le sens péjoratif
plus général de 'vaurien', 'fainéant', 'vagabond'. On trouve
ces deux significations côte à côte, et sans doute elles ont
été toutes deux présentes à l'esprit de celui qui le premier
appliqua ces épithètes à un petit garçon paresseux et doué
d'un trop bon appétit. — Parfois ces mots ont perdu leur
caractère péjoratif. A Eyguières (Bouches-du-Rhône), M.
Edmont a reçu, à la question f/arçon, la réponse galavar;
il ressort du point d'interrogation, dont il accompagne ce
mot, que ce renseignement l'a un peu surpris. Je n'ai
pas trouvé galavar(d) ailleurs dans le Midi, sauf avec le
sens de 'vorace', 'goinfre', ou de 'truand', 'fainéant',
'paresseux'. Dans le Lyonnais il signifie 'vaurien', 'vaga-
bond'; dans la Suisse romande: 'fainéant', 'dissolu' \ —
Suivant Vayssier, garlhapat a pris dans l'Aveyron le
sens de 'petit garçon', tandis que le lang. garliapa, le
dauph. galapian, galapia, le niç. galoupian, etc., ont con-
servé leurs anciens sens; Mistral les traduit par 'goinfre',
'homme grand et mal bâti', 'garnement', et Lespy et Ray-
mond définissent le béarn. galapia par 'glouton', 'sacri-
pant'. Le même mot se retrouve dans d'autres parties de
la France, sous des formes variées, au sens de 'gamin',
'polisson'. J'ai relevé: galapiat, galaubi, galhiau (Centre);
galopias (Anjou); galapia{s) (Vallée d'Yères, Saint-Pol,
Meuse); galoupiot (patois des matelots boulonnais); galoubi
(Picardie) ^. Il faut ajouter à ces formes l'angev. ganafiat
'gamin' ^. — Au sens de 'goulu', 'gourmand", cette famille
de mots est répandue sur toute la France. Le type le
plus commun est galafr {galoufr, galifr, goidafr, goulifr),
d'où le verbe galafa (galou/la, galoufé. goulifré) 'manger
^ Dans le canton de Vaud on en a tiré le féminin galavarda
'petite fille qui aime les petits garçons'.
^ La Table de VAtl. ling. enregistre au sens de 'vaurien' les
formes galapia, galopyo, gulipyo.
^ Cf. le bas-manc. ganaf 'gourmand' (Landivy), à côté de galaf(r)]
et le mess, ganofia 'gourmand', à côté de galaf.
— 229 —
avec gloutonnerie' \ A la môme famille se rattachent le
piém. (jalàp 'ghiotto', 'leccardo' et ses dérivés f/alupàss,
yalupêt, yalupè. Je crois qu'il faut rapprocher, à l'instar
de M. Meyer-Lûbke, tous ces mots du lat. (jiila, qui se
retrouve bien souvent dans le Nord et dans le Midi de
la France, au sens de 'bouche' ^. Mais on doit sans doute
admettre que bien des influences analogiques se sont
exercées sur cette famille. M. Ernault ^ signale en pre-
mière ligne les , mots populaires bâfrer, haufrer 'manger
gloutonnement'. Pour certains de ces mots il me paraît
plus vraisemblable de supposer, avec Puitspelu, une in-
fluence du franc, galoper (anc. prov. galaiipar, ital. galoppare).
«L'idée de manger avec avidité est analogue à celle de
faire passer la nourriture au galop», dit Puitspelu. On
connaît à Lyon l'expression galoper son dîner; et en Gas-
cogne on emploie le verbe galapia au sens de 'boire en
avalant', 'manger sans mâcher'. *
* Pour d'autres formes, voir Puitspelu, à Part, galavord; Ernault,
BC, XXVII. pp. 233, 237; Meyer-Lùbke, Eom. etym. Wh., 3910. — Voir
aussi, sur cette famille de mots, Nigra, AGII, XIV, pp. 275 ss., 360 ss.
- Voir la carte 151 de VAtl. ling. Pour l'alternance de gou- et ga-,
cf. Ernault, op. cit.. p. 237, et Puitspelu. loc. cit. La série suivante, que
donne Mistral pour le Eouergue, est bien caractéristique à ce point
de vue: galipo, galèpo, goulèpo, galupo. gulapo 'goinfre', 'glouton'.
Les deux dernières formes font supposer une métathèse. — Un ex-
emple de la même alternance nous est fourni par le verbe provençal
gala ou gola, qui signifie, d'après Mistral, 'réjouir', 'amuser'; 'boire à
longs traits sans fermer la bouche'. Mistral attribue à ce verbe la
même origine qu'à l'anc. fr. galer; mais, dans le dernier sens, c'est
sans doute le même mot que gouîa (Rhône: gula) 'engouler', 'avaler',
'goinfrer', 'bâfrer'.
=* op. cit., p. 238.
* Ce qui porte aussi à croire «lue galoper ou certains de ses dérivés
ont pu influencer les termes en question, c'est le fait qu'on a tiré de ce
verbe plusieurs substantifs ayant le même sens de 'vaurien', 'vagabond'
que nous avons trouvé dans galavard. galapiat, etc., et que, comme
ceux-ci, ces substantifs se sont appliqués à des enfants mâles. Dans le
lombard on relève: posch. galup 'Schlingel', 'Knabe', 'Bube' (Michael);
com. galop 'gaglioffo'. 'gonzo', 'stolido'. Le mil. ^aZM^>, bergam. ^aioj),
signifle 'ragazzo di bottega pei minuti servigi'. L'ancien italien possédait
— 230 —
238. Les mots provençaux i^aparèu (lang. paparèl) —
paparello 'jeune enfant', proprement 'celui, celle qu'on ap-
pâte, particulièrement avec de la bouillie', et paparot 'pe-
tit enfant' se rattachent à papa 'manger gloutonnement,
spécialement en parlant des enfants' (du lat. pappare). et
à papo 'bouillie'. Paparhu semble être un diminutif de
papaire (fém. paparello) 'glouton', 'mangeur de bouillie'.
Paparot signifie en outre 'bouillie': et l'on trouve la même
double signification dans papo, qui est féminin au sens
de 'bouillie', masculin au sens de 'enfant joufflu' (di-
minutif: papoti). Le provençal connaît encore pampre au
sens de 'enfant potelé'; c'est probablement le même radi-
cal pap- qui entre dans ce mot ^ — Bien que ces termes
ne soient pas dépréciatifs, je me permets de les ranger ici,
parce qu'ils désignent l'enfant par la même qualité que
les mots cités plus haut: la gloutonnerie ^.
galuppo 'soldato che porta i bagagli' (correspondant au ha,ii-\at. galuppus),
puis: 'uomo abietto'. L'esp. galopo présente les deux sens analogues
de 'Laufbursche' (à Alcala) et de 'Preller', 'Schurke'. Le français ne
semble pas avoir possédé un mot correspondant; on est donc obligé
de voir dans galopin un dérivé du verbe galoper (cf. trottin de trotter).
(On sait pourtant que Diez le considérait comme un diminutif de
l'esp. galopo ou de l'ital. galuppo). Galopin apparaît d'abord comme
nom propre; dans le Roman de Renard c'est le nom du lièvre, le
messager (Diez). Au XVP siècle on le trouve avec le sens de 'mar-
miton' (Cotgrave, Ménage); cf. l'angl. gallopin. On sait que, aujourd'hui,
galopin, de même que Je prov. galoupin, désigne un petit garçon qu'on
emploie à faire des commissions; par extension il se dit dépréciativement
d'un petit garçon quelconque. Dans TOuest le mot est à peu près syno-
nyme de galapiat. En Anjou il signifie 'mendiant', 'vagabond'; en Sain-
tonge: 'mauvais petit garçon'. Dans le Morvaïi, par contre, un gailôpin
est un petit garçon qui aime à jouer, à folâtrer, à courir, sans idée
péjorative. — Il n'est pas ^ans intérêt de constater que l'esp. galopin
présente, à côté des significations de 'Laufbursche'; 'Kiichenjunge',
'Schiffsjunge'. 'Strassenjimge' ; 'kleiner Schelm'. 'schlechter Kerl'; celle"
de 'gefràssiger, selbstsiichtiger Mensch' (Tolhausen). Faut-il voir
dans ce dernier sens le résultat de l'influence de la famille gtûap-,
gulaf-, galap-, etc.'?
1 Gf. poumpotma = potipouna 'caresser'; poumpina ^ poupina pa-
tiner'; Pampalouno ^=2in(i. prov. Papalona, etc.
■' Ou faut-il peut-être considérer ces expressions comme dérivées
— .231 -
«Paresseux», «traînard».
'l'M). Nous avons vu que l'idée de paresse, de fainéan-
tise se joint volontiers à celle de gloutonnerie, et que
l'épithète galavard peut les rendre toutes deux. — Dans
le patois bourbonnais, Choussy a relevé le mot traiynaii
'jeune enfant', qui a primitivement impliqué un reproche
de paresse, de «traînerie'^. (Dans le Centre, traîniau veut
dire 'traînard", 'lambin', ou 'vagabond', 'bohème'.) — Il en
est probablement de même pour clampin^ qui se dit pour
'gamin', 'petit garçon' dans le parler dolois (Bretagne) et
dans le patois de Montjean (Anjou), et qui signifie en
français familier 'traînard', 'fainéant' (selon le Dict. gén.^
proprement 'celui qui reste en arrière des autres en mar-
chant) ^
On pourrait ajouter à ces mots le nap. sciascillo 'bim-
bino', 'puttino', qui est le diminutif de sciascio 'sciatto',
'sciammanato'. La négligence de la toilette est souvent
causée par la paresse; cf. le nap. sciasciare 'poltrire',
'oziare'.
«Morveux».
240. L'épithète morveux et ses synonymes s'emploient
beaucoup pour désigner, dans un sens dépréciatif, un petit
enfant ou un adolescent. Tantôt c'est la simplicité, l'in-
expérience, tantôt l'impertinence qu'on veut railler, en em-
ployant ces épithètes ^. Parfois le sens dépréciatif disparaît,
d'une onomatopée pa-pa. imitant le bégaiement inarticulé des petits
enfants? (Cf. § 376 ss.)
' L'origine du mot est inconnue. Suivant Littré, c'était primi-
tivement un terme d'argot militaire, signifiant 'soldat retardataire'.
Merlin, dans La langue verte du troupier, ne le mentionne pourtant
pas. Le plus ancien exemple que j'en aie trouvé se rencontre dans
Le Roux, Dictionnaire comique, Lyon 1752, où clampin est défini par
'boiteux'. Peut-être faut-il le rapprocher de clopin':*
• Cf. l'allem. Botzhuhe et suéd. dial. snorhunn. s)wrhijvel, snor-
kibh. etc.. qui servent à désigner un garçon morveux ou impertinent.
— 232 —
et le mot prend la signification de 'enfant' en général. —
En français familier, un morveux, une morveuse est un petit
garçon, une petite fille dans l'âge où l'on est encore ob-
ligé de les moucher; ou bien un adolescent qui se donne
des airs d'homme, un 'blanc-bec'. On retrouve morveux,
au sens de 'gamin', 'polisson', 'marmot', dans les dialectes
du Nord ^. Selon Mistral, bourmous a le même sens dans
l'Aude et dans l'Hérault ^. Suivant Azaïs, on appelle, dans
le Midi, morveux, morveuse un jeune blanc-bec, une jeune
fille qui se donne des airs d'importance. — Le Centre et
l'Ouest préfèrent des dérivés formés avec d'autres suffixes.
Le suffixe -asse a généralement une valeur péjorative.
Aussi, en Anjou, morvasse veut-il dire 'petit souillon', tandis
qu'on désigne par morvouse, dans le même patois, une
petite fille de ferme et, plus spécialement, une petite fille
qui porte l'enfant au baptême. Dans le Centre, morvasse
a également le sens de 'petite fille malpropre, mal tenue' ;
mais il se dit souvent aussi sans idée péjorative, et, dans le
Morvan, il est même devenu un terme tout à fait amical.
En normand, morvaillon, morvette se disent par mépris d'un
petit garçon et d'une petite fille. Morvaillon se retrouve
en picard (à côté de morvatier, tiré de morvate 'morve') et
dans le patois messin.
Le patois de Saint-Pol possède plusieurs dérivés de
nôz 'morve': nasyôtv, nazyé — nazyere, nazu — nazût, qui s'em-
ploient avec les mêmes significations que morveux. Il en
est de même pour niflôr, niflwâr, proprement 'celui qui
renifle' ^.
Le patois du Doubs a tiré de nïk 'morve' le dérivé
^ Je Tai relevé en picard (Saint-Pol) et en wallon (Liège).
' La carte 1857 de l'Atl. ling. donne burmus 'morveux' dans
l'Aude et dans l'est des Pyrénées Orientales; mais dans PHérault on
trouve les formes murbus, gurmus, mekus.
^ Cf. niflète, nom qu'on donne en rouchi à un petit enfant qui a
l'habitude de renifler. Dans le Gard, niflo signifie 'morve' ou 'narine',
niflous 'morveux'.
— 233 —
nika—nikàdj, ([ui, à Montbéliard, s'emploie exclusivement
au sens primitif de 'morveux', 'morveuse', mais qui, dans
le parler du Bournois, désigne un petit garçon, une pe-
tite fille.
Le champ. naqiioH (nacou), bourg, naiqiiou (verduno-
châl. nciquoâ) 'morveux' (de naque 'morve') ^ s'applique
dépréciativement à un gamin qui fait l'important.
Le thème mûccus 'morve' entre dans plusieurs dérivés
qui ont un sens semblable: frib. mokkau 'morveux', 'petit
drôle' (Bridel); ital. moccione, mocdcone 'morveux', 'enfant
qui fait l'important' ^; sard. nmccosit; esp. mocoso — mo-
cosa: mocosnelo — mocosueld; mocosilla 'morveux', 'morveuse';
'enfant impertinent, mal élevé, ignorant'; cf. cat. mocos
'poch advertit' (Saura) ^.
«Baveux».
241. Dans la vieille paraphrase lombarde d'un texte
de Chrysostome, que Foerster a publiée dans VArchivio
glottologico italiano. VII, on trouve (p. 15, 1. 37) i hauosi,
proprement 'les baveux', employé au sens de 'les enfants'.
Le même mot se retrouve en sicilien sous la forme de
vavusu; à côté du sens propre ('che cola bava'), il présente
aussi celui de 'ragazzo leggiero e di poco giudizio', *fras-
chetta' *.
«Pleureur», «criailleur».
242. Les mots lyonnais miaille, miaillon 'petit enfant'
sont dérivés de miaiïler 'crier, en parlant des enfants'; cf.
^ Ce mot se trouve aussi en jurassien: nacou, ou naqueroux.
* Lital. moccichino signifie 'mouchoir' et 'petit morveux". Le
corse miscinghinu s'emploie d'une manière correspondante: il signifie
'moccichino' et 'ragazzo', 'monello'. Son étymologie est incertaine,
cf. Guarnerio. AGII, XIV, p. 399; Mussafia, op. cit.. p. 181; Lorck,
op. cit.. p. 168.
* Peut-être faut-il aussi ranger dans ce groupe le lomb. macà{n)
— macàna (voir § 249).
* Pour le sic. vava 'bambine', voir § 377.
— 234 —
le sav. miâlié. miâlyi 'miauler'. Miaillon se rencontre aussi
en normand. E. et A. Du Méril le définissent jDar 'petit
enfant'; Moisy par 'petit enfant pleureur'; cf. noria, piaillon
'enfant criard'. — Dans le patois oberlandais, un enfant
s'appelle parfois il hargielèr 'le pleureur' (Carigiet), de har-
(jir 'pleurer'. — Le mil. pîva 'bambocciotto', 'ragazzotto'
est probablement le même mot que piva 'cornamusa', qui
s'emploie aussi au figuré pour 'piagnone'.
«Barboteur».
243. Les enfants aiment à patauger dans l'eau, à
barboter dans la boue, et cette habitude leur a valu les
épithètes suivantes.
Le mot (jargouillard. qui, dans le Centre de la France,
se dit pour 'bambin', 'moutard', se rattache au verbe fran-
çais (jargoîiiller 'barboter dans l'eau' et à deux mots du
même patois: gargouillât 'gouillat', 'mare d'eau', 'fondrière';
gargouillis 'margouillis', 'mare', 'marais'. Cf. encore garguy
'limon', qui se trouve au' point 11 (Saône-et-Loire) sur la
carte 771 de V Atlas linguistique.
244. Le prov. chauchoun est, suivant Azaïs, féminin
et signifie 'petite fille' (terme familier); d'après Mistral, il
est masculin et signifie 'petite fille qui néglige sa toilette',
'souillon', 'tortillon', 'trousse-pète'. Mistral donne aussi le
diminutif chauchounet 'petit souillon', 'salisson'. Il fait dé-
river à tort ce mot de l'arabe chaouch 'domestique'; mais
ailleurs il indique une explication plus acceptable, en ajou-
tant à l'article gafouioun ('enfant qui patauge') le renvoi:
«V. chauchoun» . Ce mot est, en effet, un dérivé du verbe
chaucha 'patauger', 'patrouiller' (aussi: 'fouler, piétiner la
vendange'; du lat. calcare), de même que gafouioun vient
de gafouia 'patauger' \ Le sens de 'souillon', que donne
^ Cf. Meyer-Lûbke, Gramm. des lang. rom., II, § 456: < One . . .
s'attache à des thèmes verbaiix ou nominaux pour désigner la per-
sonne qui accomplit une action avec une prédilection particulière.»
— 236 —
Mistral, se rapproclie doue beaucoup du sons primitif: 'celui
qui patauge, barbote'.
Le prov. (jafet 'enfant', qu'enregistre Mistral (dans son
supplément), doit être tiré du même radical que (jafouioun;
il aurait donc signifié originairement, comme celui-ci, 'en-
fant qui patauge'. Il n'est pas sans intérêt de constater
que la forme gafeto est synonyme de (/afouioim au sens
de 'celui qui passe les voyageurs sur les épaules du bord
d'une rivière à l'autre bord'. Ces deux mots se rattachent
au verbe f/afa 'passer une rivière à gué', 'marcher dans
l'eau', 'patauger', et ce verbe vient du substantif f/af 'gué',
qui est en usage encore aujourd'hui dans le Tarn ^
«Gaspilleur».
245. Dans le wallon montois, en rouchi, en picard
et dans le patois de la Flandre française, on trouve le
mot (/aspiau(d), ou gastapyô (Saint-Pol), que Sigart, Corblet
et M. Edmont définissent par 'gamin', Vermesse par 'petit
garçon', Hecart par 'petit polisson'. Corblet se demande
s'il faut y voir un dérivé du franc, gaspiller. Cette hy-
pothèse me paraît d'autant plus vraisemblable que le verbe
wallon gaspii présente, à côté du sens de 'prodiguer', celui'
^ On doit peut-être expliquer d'une manière analogue margoulin
(dim. margoulinot) — margoulino, qui se dit par mépris, dans le Midi,
d'un petit garçon et d'une petite fille. Il paraît être dérivé du lang.
margoul (ou margoulis) 'margouillis'. 'bourbier', cf. margoulha 'patau-
ger', 'tremper et agiter dans l'eau'. Mistral voit dans margoulin le
bas-lat. pargulinus, mais pour margoulino il semble indiquer la même
explication que je viens de proposer, en rapprochant ce mot de chau-
choun. — Margoulin signifie en outre 'pauvre et mauvais ouvrier';
'petit marchand', 'colporteur'. Au dernier sens il se trouve en lyon-
nais aussi. Puitspelu l'explique comme 'celui qui patauge dans la
margaule' (mot du bas-dauphinois, répondant au lang. margoul). D'Hom-
bres et Charvet le font dériver aussi de margoul, mais dans le sens
figuré de 'embarras d'une mauvaise affaire', et en tirent les signifi-
cations de 'petit marchand qui ne peut faire que des affaires étriquées',
et de 'pauvre et mauvais ouvrier'.
— 236 —
de 'gâter', 'mettre en désordre', et que ce sont là des
choses qu'on a souvent lieu de reprocher aux enfants.
Gaspiau serait donc une variante du pic. gaspiyûr et du
wall. gaspyeu 'gaspilleur'. — La forme gastapyd semble se
prêter très bien à l'étymologie de gaspiller émise par M.
Homing ^ et adoptée par M. Meyer-Ltibke '^.
«Niais», «fou».
246. Dans les paragraphes suivants, nous étudierons
quelques dénominations d'enfants, appartenant aux idiomes
italiens et rhétiques, qui semblent provenir de mots signi-
fiant 'niais' ou 'fou'. Des mots de ce genre, contenant
une allusion à l'intelligence encore peu développée
des enfants, s'appliquent souvent aux petits d'une manière
cacophémique. En rouchi, sotelot est un terme amical
qu'on adresse à un petit enfant; le suéd. toha, l'allem.
Nàrrchen sont des exemples d'un emploi analogue.
L'ital. bambo, vieilli aujourd'hui, signifie 'petit enfant'
ou 'sot', 'niais'; en parlant de choses: 'vain', 'puéril' ^
D'après l'opinion de Tommaseo e Bellini, le sens de 'en-
fant' représenterait l'idée primitive, et le sens de 'niais'
en serait dérivé *. Selon l'avis de Diez, adopté par Grôber,
Kôrting et M. Meyer-Lûbke, c'est tout le contraire: 'niais'
est le sens primitif ^, et bambo tire son origine d'un thème
^ ZRPh. XXII, p. 485. — Il n'est pas sans intérêt. de constater
que le mot pillon 'épis, grains incomplètement battus qui restent après
le nettissage du blé', que M. Homing signale dans le Vendômois
(d'après Martellière) se retrouve aussi en rouchi: pion 'grain qu'on
n'a pu séparer des balles' (Hécart).
2 Bovi. etym. Wb.. 9168.
^ Ces dernières significations se retrouvent dans le mot sarde et
corse bambu, qui signifie spécialement 'insipide' (en parlant du sel);
et dans le bergam. bambo 'sciocco', 'uomo semplice'.
* Ce développement sémantique est représenté par le march.
pupu (Permo), v. p. 43, n. 6, et par le bergam. pièll, v. § 35.
^ Cf. l'esp. bamha 'homme niais', d'après Covarruvias (voir Diez.
Etym. Wb. der rom. Spr.. p. 39j.
— 237 —
onomatopoétique hamb- (ou bah-), qui se retrouve dans bien
des langues différentes, et qui imite le bruit que produit
un petit enfant ou une personne bégayante quelconque en
ouvrant et fermant les lèvres ^
Le simple bambo a été supplanté par ses nombreux
dérivés, dont le plus important est bmnbino — bambina.
C'est en italien le mot le plus usité pour désigner un en-
fant jusqu'à l'âge de huit ans environ. Le féminin bam-
bina s'emploie en outre comme terme de tendresse en
parlant d'une jeune fille. — Le mot est très répandu dans
les dialectes. Nous le retrouvons dans presque toute la
Haute-Italie ^, et dans plusieurs dialectes du Sud, où mb
a été assimilé en mm ^ : nap. batnmino (mammino) *, Ceri-
gnola (Apulie) bommoine; sic: bamminu (bambimi)^. — De
bambino le toscan a tiré les diminutifs bambinello — bambi-
nella, bambinetto — bambinetta, bambinuccio. Bambinetto dé-
signe un âge moins tendre que bambinello. On peut
appeler même une fille de dix ans bambinetta; il n'est
* Cf. Meyer-Liibke, Gramm. des lang. rom., I, § 24.
* Voici un relevé des formes que j'ai trouvées: piém., mil. bam-
bin; bergam. bamht; pav. bambèi; parm., regg. bambein ; romagn.
baben; vén., triest. bambïn; rover., trent. bambim. Il ne semble pas
être employé en génois; il n'est du moins relevé ni par Olivieri, ni
par Casaccia, ni par Randaccio.
» Cf. Meyer-Liibke, op. cit., I, § 497.
•* Mammino est probablement le même mot que bammino, avec
assimilation de b initial en m (cf. plus bas mammuôcéo, mammubccîolo).
— Cf. pourtant § 375.
' Bambino s'emploie souvent, seul ou dans l'expression Gesù
bambino, pour désigner l'enfant Jésus, et spécialement les images
peintes ou sculptées qui le représentent. Dans certains parlers c'est
la seule signification du mot. Tel est le cas pour le bolonais (d'après
Ungarelli; à l'ital. bambino correspondent dans ce parler fandsein ou
pinein); pour les dialectes des Abruzzes (l'idée de 'bambino' est rendue
ici par citéle); et en sarde (à l'ital. bambino répondent le logoud.,
picctnnu, pizzinnu. le campid. pipïu et le gallur. steddu). — A l'instar
de plusieurs autres dénominations d'enfants, bambino a pris parfois le
sens de 'pupille de l'œil': romagn. bamben (cf. ftaèen = 'bambino');
Versilia bambina. Cf. Zauner, op. cit., p. 366 s.
16
— 238 —
donc pas étonnant qu'on ait dérivé de ce mot un sous-
diminutif: hamhincttino — hamhinettina. A hambinello corre-
spondent le bergam. hamhinèl, le vén. hainhinèlo et le sic,
bmnmineddu ^.
En dehors de l'Italie, hamhino se retrouve dans l'ober-
landais, qui désigne par hamhin l'enfant nouveau-né (Ca-
rigiet). Il a aussi été emprunté par le provençal et le
français. D'après Mistral, hamhin s'emploie à Nice, ham-
hino à Toulon. Durrieux signale hamhin comme mot gascon
et relève aussi les diminutifs hamhinot, hamhinoutot. Le
plus ancien exemple du franc, hamhin — hamhine (fam.),
que donne le Dict. (jén., date de 1726. — A côté de hamhin,
on trouve à Quaregnon, près de Mons, la forme hinhin (ou
binhingne), qui s'explique probablement par un phénomène
d'assimilation harmonique.
Le dérivé hamholo est moins usité que hamhino et
désigne, suivant Tommaseo, un enfant moins âgé. Dans le
lucquois, la forme correspondante est hamhoro, d'où le dimi-
nutif hamhoretto (Petrôcchi). Boerio enregistre hamholo^
hamholïn comme termes vénitiens, synonymes de hambîn. —
Le féminin hamhola ne s'emploie guère au sens de 'fillette' ;
il signifie ordinairement 'poupée'. — Ajoutons ici les sous-
diminutifs peu usités hamherottolo, hamherottolino.
L'ital. hamhoccio a le sens spécial de 'bambin gros et
gras', ou de 'poupée', 'marionnette'. Dans plusieurs dia-
lectes du Nord on le retrouve au sens de 'petit enfant',
quelquefois avec l'idée accessoire de 'gros et gras': mil.
hamhocc; mant., mir., regg. hamhozs ^; vén., triest. hamhoso.
Dans le dialecte de Velletri on trouve la forme mam-
muocco; dans le napolitain, mammudccîolo, où mh a été
assimilé en mm, et h en m. Suivant D'Ambra, le sens
propre du mot napolitain serait celui de 'poupée', 'sta-
' Le nap. hammeniello ne se dit que de Penfant Jésus, ainsi que
bammenella de 'la verginella Maria'.
' Le bol. hamhosz signifie exclusivement 'poupée'.
— 239 —
tuette', d'où l'on aurait tiré plus tard celui de 'enfant'
(cf. § 372).
Le français a emprunté l'ital. hamboccio, ainsi que
fantoccio, au sens de 'marionette'. Le plus ancien exemple
donné par ' le Dict. gén. est tiré de B-ichelet (1680), ou
déjà hamhoche a aussi le sens figuré de 'femme de fort
petite taille'. C'est probablement de cette signification
que le bas-manceau a tiré celle de 'petite fille'. En Anjou,
hamhoche est une «interpellation familière <[u'on adresse
aux bambins» (Verrier et Onillon) ^
Il nous reste à mentionner l'ital. himbo — himha, où
l'alternance vocalique a été utilisée comme moyen séman-
tique pour donner au mot une valeur diminutive ^ Entre
les deux dérivés himhctto et himhino il y a la même dif-
férence de signification que celle déjà constatée entro
hamhinetto et hamhinello.
247. Mistral enregistre deux fois dans son dictionnaire
provençal le lang. bèco. A l'article hèc, bèco, hèico ', il le
relève à Carcassonne au sens de 'enfant', 'gamin'; à l'ar-
^ Dans le langage familier, une hamhoche se dit aussi au sens
de 'petite débauche', 'plaisir'. Dans cette signification, le mot vient
de bambochade, nom qu'on a donné aux tableaux de genre du peintre
hollandais Pieter Van Laer, qui fut baptisé H Bamboccio par les ar-
tistes hollandais de Rome, à cause de sa taille contrefaite, de son nez
long et de ses jambes démesurées.
' Cf. ce que dit M. Grammont sur le sentiment du rapport entre
le timbre de la voyelle et la nuance sémantique {RLM, XLIV, p. 128).
Cf. aussi von der Gabelentz, Die Sprachtcissenschaft, 2« éd., pp. 223,
225; A. Kock, Om sprâkets fôrdndring, 2 ^ éd., p. 38; Heilquist, Nàgra
anmàrkningar om de nordiska verben med mediageminata. Gôtehorgs
hijgskolas àrsskrift, 1908, II, p. 50.
•■' Dans cet article, il l'identifie à bec (s. m.), bèco, hèico (s. f.).
terme d'amitié usité dans les Alpes (voir aussi Chabrand et Bocbas
d'Aiglun). et y voit le même mot que bèco, terme enfantin du Gard
pour 'baiser'. Outre l'invraisemblance de la transition 'baiser' > 'en-
fant', il vaut la peine d'observer que, suivant VAtl. ling., le mot langue-
docien pour 'baiser' est putU, et les termes correspondants des Alpes
sont heze et karesa.
— 240 —
ticle bèco, il le traduit par 'enfant', 'gamin', 'niais', 'nigaud'
(dans l'Aude). Azaïs, qui signale le même mot à Castres,
ne donne que le sens de 'nigaud', 'sot', 'niais', et ce sens
a été probablement antérieur à celui de 'enfant'. Mistral
rattache le mot au grec ^éuuog 'imbécile'; mais il semble
plus naturel d'y voir l'ital. heco 'niais', 'imbécile'.
248. Dans un territoire cohérent, comprenant la par-
tie nord du Piémont et de la Lombardie, le Valais, le
Tessin et la partie rhétique des Grisons, on trouve le thème
mat au sens de 'enfant'. Dans ces mêmes idiomes il y a
aussi un mat signifiant 'fou', 'dément', 'imbécile', 'crétin',
qui est évidemment identique à l'ital. matto. Diez con-
sidérait mat 'enfant' et mat 'fou' comme deux mots dif-
férents, et rattachait le premier à l'anc. haut-allem. magat
'jeune fille' ^; mais Foerster ^, Nigra ^ et M. Tappolet *
ont été d'accord pour y voir le même mot. M, Tappolet
réunit mat, menais et marri dans un groupe d'expressions,
qui, selon lui, auraient eu pour point de départ «die ôko-
nomisch- oder moralisch-bedrângte Lage der Kinder.» ^
Conformément à cette opinion, il écrit à propos de 7nat:
«Das Bindeglied zum Begriff Knabe — Kind — Sohn wâre
die Bedeutung des Bedrângten, Bedriickten, Armseligen.»
Je ne crois pourtant pas nécessaire de supposer cette idée
intermédiaire; car, comme le fait remarquer Foerster, un
mot signifiant 'fou' peut très bien, par un emploi hypo-
coristique, prendre le sens de 'petit garçon' ^.
^ Etym. Wh., p. 384. — Cette étymologie a été adoptée encore
en 1897 par M. Gr. Pult dans sa dissertation sur le parler de Sent,
p. 131.
2 ZBPh, XVI, p. 254.
3 AGIL XV, p. 292.
* op. cit.., p. 47.
" Cf. § 183.
* Cf. plus haut i'allem. Nàrrchen = 'Knâblein'. Pour d'autres
exemples de l'association des idées de 'fou', 'déraisonnable' et de
'enfant', voyez Nigra, op. cit., p. 294.
— 241 —
Le simple mat — mata 'garçon', 'fille' est relevé par
Monti à Val d'Anzasca dans le Piémont. Biondelli et
Dal Pozzo signalent également mat 'fanciullo', 'figlio' comme
terme piémontais ^ (Dal Pozzo le donne cependant exclu-
sivement dans cette dernière acception); mais le diminutif
matêt est plus usité dans ce dialecte. Mat — mata s'emploie
en outre dans cette Tessin (plur. maUri, matàn), à Tre Pievi,
au Lac de Côme {met — meta) ^, à Poschiavo et dans les
Grisons ^, Dans la plupart des dialectes rhétiques, mat
forme son pluriel en -ones: matants; mata en -ânes: ma-
tôunts (obw.), matdys (oberhalbst.), matants (Schleins), etc.''.
Dans la vallée de Greden on emploie les formes
mut — muta pour désigner un garçon, une fille qui ne sont
plus dans la première enfance ". Le même mot se retrouve
dans le Gadertal: Abbaye miit, Enneberg mœt: et à Li-
vinallongo: mute 'filles' (Gartner, Handhuch). Le singulier
mut {mût, mcet) a été refait sur le pluriel mutôtjs {mitiiys)^
où Va atone a été changé en ii sous l'influence de la
labiale *.
' Suivant Biondelli. mattu (plur. mattàj) 'fils', 'garçon' se trouve
à Borgomanera. près du Lac Majeur.
* A Sondrio (Valtelline) met — meta signifie 'fils', 'fille'.
* D'après Carigiet, l'obw. mat — matta (Dissentis et Trons) signifie
'der ledige Jiingling', 'die ledige Weibsperson', tandis qu'un jeune
garçon et une jeune fille (de 14 à 16 ans) sont désignés par mattatsch —
niattatscha. Suivant Gartner, Handb. der ràtorom. Spr. und Lit., p. 209,
ce dialecte emploie pourtant mata aussi au sens de 'jeune fille' (mais
buep au sens de 'garçon').
* Cf. plus bas le lomb. tosôn, tosdnn % 271. — Voir Gartner, loc.
cit.. et Raetorom. Gramm., § 107.
'• Un tout petit enfant s'appelle pitl. — Dans les textes réunis
par M. Gartner, dans son travail sur Die Gredner Mundart. mut se
dit d'un écolier (p. 101). muta d'une jeune fille nubile (p. 102); na
védla muta est une vieille fille (p. 103). Un vieux garçon s'appelle védl
mut (voir Gartner, Handhuch. p. 356).
" Voir Gartner, Raetorom. Gramm., §§ 60, 107. — Alton voit dans
mut le lat. mutus, «weil die kleinen Kinder noch nicht sprechen kôn-
nen» (cf. le lat. infans). On pourrait alléguer, à l'appui de cette hy-
pothèse, le fait que le lat. mutus, auquel correspondent l'engad. mût.
— 242 —
Les dérivés sont très nombreux, spécialement en Pié-
mont: matêt — matêta: matât — matôta; maton — matona; ma-
tôcc — matôcia 'garçon', 'jeune fille'; matât 'enfant', 'garçon'.
M. Tappolet a relevé mata — 7ndta 'garçon', 'fille', à Oleggio
(Novara). De matêt — matêta, qui sont les formes les plus
usitées, on a tiré les diminutifs matetin — matetina (Gravuzzi) ;
Matotina paraît être vieilli; je ne l'ai trouvé que dans
Pipino (1783). De tiiatota, qu'on entend aussi dans le
Monferrat et à Nice, on a tiré par aphérèse tota, qui
signifie à Turin 'mademoiselle' (Foerster, loc. cit.), à Ales-
sandria 'jeune fille' (Tappolet, loc. cit.), et dans le Mon-
ferrat 'vierge' (Ferraro) ^. Biondelli et Ponza enregistrent
en outre le masculin toto 'giovinetto', qu'il faut cependant
considérer, d'après l'opinion de Foerster, comme «eine
italianisirende Scherzbildung.»
Matèl — matèla 'garçon', 'jeune fille', que Foerster
trouva dans quelques villages piémontais ^, est essentielle-
ment un terme lombard. Il se rencontre à Côme, dans la
Valtelline ^, à Poschiavo, à Bormio *, à Brescia, à Valle
Seriana Superiore (Tiraboschi), à Val Camonica (Rosa).
M. Longa nous apprend que le diminutif matelina se dit
à Bormio d'une «ragazzina séria». Le patois de la Valle
Seriana Superiore connaît les diminutifs matelï, matelèt 'ra-
gazzino'.
friouJ. mut. et qui précisément aurait donné, dans le Gadertal, mût,
mœt (cf. Gartner, op. cit., § 54), a été remplacé dans ce dialecte par
Fallem. stom.
1 Pipino définit tota par 'donzella', 'giovanetta'; Gavuzzi par:
'damigella', 'signorina' ; Dal Pozzo par: 'ragazza', 'damigella'. — De
tota on a dérivé totona (Ponza) ou toton (Gavuzzi) 'vieille fille'. On
dit aussi: tota cbn i spron.
' Voir op. cit., p. 253.
^ Ici et à Bormio, la forme mata s'emploie parfois à côté de ma-
tèla. Dans la Valtelline. mata a pris souvent le sens de 'amorosa',
'amata', et puis cekti de 'meretrice'.
* Le patois de Bormio a formé aussi le dérivé matôc 'poupée',
(cf. l'ital. fantoccio, bamboccio).
— 243 —
Les dialectes rhétiques des Grisons ont tiré de mat—
matta les diminutifs mattin — mattina, mattet — mattetta 'gar-
çonnet', 'fillette'. Matteïla est vieilli.
Dans le patois du Val d'Anzasca, mattacc — mataccia
est employé, à côté de mat — matta, au sens de 'giovanetto',
'giovanetta' (Monti). Le même dérivé se retrouve dans
les Grisons. Selon M. Pallioppi, l'engad. mattatsch — mat-
tatscha a conservé l'ancien sens péjoratif et augmentatif;
il le traduit par 'grosser derber Junge'; 'plumpes Mâd-
chen'. Mais, dans les vallées du Rhin, cette nuance a
disparu. Carisch traduit: 'Knabe', 'Jiingling', 'kleines Mâd-
chen'; Carigiet: 'Kind von 14 — 16 Jahren'; M. Luzi: 'Knabe
von 14 — 18 Jahren', 'Mâdchen von 2 — 18 Jahren'. A Sa-
vognin on dit au singulier mat, au pluriel matâtes \
D'après Monti, on emploie, dans le village de Santa
Maria (Basse-Engadine), matosa au sens de 'fanciulla';
c'est probablement le même mot que le tess. mattusa 'ra-
gazza', dont Biondelli et Monti voulaient à tort dériver le
mil. tusa, tosa. — Cf. aussi le bergam. matù 'giovanotto'
(Tiraboschi).
Le canton du Valais dit matton — matta pour 'garçon',
'jeune fille'; mattetta pour 'petite fille'. Suivant Bridel,
matta se retrouve aussi dans le canton de Fribourg, avec
le sens dépréciatif de 'petite fille simple', ou dans l'accep-
tion de 'poupée'.
249. A mat 'garçon' M. Tappolet rattache le thème mac-,
qu'on trouve avec le même sens dans la Valtelline et dans
les Alpes bergamasques. Il mentionne les formes macà —
macdna, que Monti a relevées à Berbenno (Valtelline),
aux sens de 'figlio', 'figlia*, 'fanciuUo', 'fanciulla'. Monti
signale en outre le valtell. macdn 'figlio', 'giovinetto';
et, à Rovere, dans la même vallée, macàn 'giovinastro'.
^ Cf. l'explication des phénomènes de ce genre que donne M.
Oartner dans Maetoromanische Grammatik, § 107.
— 244 —
Biondelli donne également màcan — màcana ^ 'fanciullo'y
'fanciulla' comme termes de la Valtelline. En allant vers
le sud, nous trouvons macà 'fanciuUi' dans les vallées
bergamasques près de Lecco (Biondelli) ; plus à l'est, dans
la Valle Calepio, nous relevons macà — macana 'ragazzo',
'ragazza', et les diminutifs macanèl, macanï (Tiraboschi) ;
à Val Trompia: macan 'fanciullo' (selon Ferraro); et à
Adrara: macà 'ragazzi' (Rosa).
M. Salvioni ^ ne trouve pas impossible que mat et mac-
soient identiques, et il les conipare aux termes piémontais
git ou gik 'getto', 'germoglio'; genit ou genik 'genuino'. Il
admet cependant qu'on pourrait rattacher mac-, à l'instar
de M. Tappolet, au sarde maccu 'pazzo', 'démente'. Cette
hypothèse a été adoptée aussi, bien que dubitativement,
par M. Meyer-Liibke ^, A l'exemple de Diez, il dérive
maccu du lat. maccus 'niais', 'nigaud' (Apulée ApoU. 81),
proprement le nom du bouffon des atellanes, et il y rattache
en outre le lucq. macchetto 'jeune fils' *. Je crois aussi
que le lomb. macà a eu autrefois le sens de 'niais', 'nigaud';
cf. le bresc. macanèl 'maccianghero', 'scipito', 'scimunito',
'sciocco' (Pellizzari) ; et, dans le même dialecte, macô
(Pellizzari), macil (Melchiori, Rosa) 'babaccio', 'gonzo'.
Mais est-il vraiment nécessaire de le tirer du lat. maccus?
C'est ce que nous allons voir. — Il y a, dans les dialectes
de Bergame et de Brescia, quelques autres mots qui
commencent par mac-, et qui, bien qu'ils signifient pro-
prement tout autre chose, s'emploient, par substitution ^,
au sens de 'baccelone', 'uomo sciocco', 'uomo dappoco'.
Il s'agit de macdco (proprement = macacco, franc, macaque),
et macarô, macarù (proprement = maccaroni). Dans les
^ L'accent doit être inexact.
* BendlL, sér. II, XXX, p. 1507.
* Bom. etym. Wh., 5197.
* Cf. AGII, XVI, p. 453.
= Cf. Nyrop, op. cit., IV, § 470 ss.
— 246 —
dictionnaires ces mots sont aussi traduits, de même que
macô, par 'moccicone', chose pas très étonnante, puisque
mocciconc se dit souvent pour *uomo dappoco'. Mais, lors-
qu'on constate que, suivant Tiraboschi, macarù peut signifier
encore 'moccio', et que, en bergamasque, le mot ordinaire
pour 'moccio' est macàc, on est tenté de voir dans ces
mots, comme dans macà 'enfant', le lat. mûccus 'morve',
au lieu de maccus 'nigaud' ^ Cette hypothèse est con-
firmée par le fait que, dans la Valtelline, où les idées de
'garçon', 'fils' peuvent être exprimées par niacàn, on dit
macdgn ou niôran pour 'moccio' (Monti). Cf. aussi le mant.
macagn (ou magalott) 'sputacchio'. Dans ce cas, les termes
lombards auraient subi le même développement séman-
tique que le prov. mod. mou, moue (<; mûccus), proprement
'morve qui pend au nez', puis usité comme injure au
sens de 'penaud', 'sot' (Mistral); et, dans ce dernier sens,
macà aurait été appliqué cacophémiquement aux enfants ^.
Le valtell. macàn 'giovinastro' (Monti) paraît témoigner
encore de l'ancienne nuance péjorative.
«Innocent».
250. De même qu'on a dénommé les enfants d'après
leur intelligence peu développée, on leur a aussi quelque-
fois donné des noms se rapportant à leur ignorance du
mal, leur innocence. Ces désignations ont toujours une
nuance de tendresse ^. — On trouve déjà chez les écri-
vains ecclésiastiques des premiers siècles ap. J.-C. le mot
innocentes, employé au sens de 'enfants' *; et c'est de la
^ Quant au changement de Wi atone en a. voir Salvioni, Fone-
tica del clialetto moderno délia città di Milano. § 140.
* Cf. morveux, etc., § 240.
' On sait que le mot innocent a pris aussi le sens péjoratif de
'simple d'esprit', 'idiot'; mais, comme dénomination d'enfant, il ne
semble impliquer aucune idée dépréciative.
* Voir Funck, op. cit., p. 90.
— 246 —
langue de l'église que vient l'expression les Innocents, ital.
gl'Innocenti, qui désigne spécialement les petits enfants
que fit égorger le roi Hérode. En français familier, un
innocent, des innocents se dit parfois des enfants au-des-
sous de l'âge de sept ou huit ans: «On a dépouillé ces
pauvres innocents». «Un pauvre petit innocent». (Littré.)
Parmi les glossaires de patois français que j'ai dépouillés,
Decorde seul {Dictionnaire du patois du pays de Bray)
mentionne le mot dans ce sens: innocent 'jeune enfant'.
Le prov. innoucent a le même sens.
«Téteur».
251. On a parfois désigné le petit enfant comme
'celui qui tette'. Le com. sciuscioèu 'puttello', 'bimbo', est
manifestement le même mot que le com. suscioèu 'caruccio',
qui vient de suscià 'succhiare', 'tettare'. Dans le premier
mot, Vs initial a été assimilé en .s. Monti nous apprend
que suscioèu se dit «per vezzegiat. a bimbo che succia, o
da poco lasciô di succiare il latte materno». La même
signification se trouve dans le mil. tettôn (borm. tetôn). Cf.
le prov. tetoun 'agneau de lait', 'petit cochon qui tette encore'.
252. Dans le Centre de la France et à Annecy (Haute-
Savoie), on trouve laiton, dérivé de lait, au sens de 'enfant
encore au sein'. Il se dit aussi par facétie au sens de
'jeune garçon qui va servir dans les fermes', 'blanc-bec'.
— A en juger d'après Grodefroy et De Chambure ^ ce
mot s'est dit déjà dans l'ancienne langue d'un jeune nour-
risson en général, et spécialement d'un enfant à la ma-
melle. Mais le seul exemple, qu'ils aient pu alléguer de
cet emploi, me semble loin d'être convaincant '\
^ Glossaire du Morvan, p. 484.
* Il est tiré du Dialogue de deux amoureux de Cl. Marot, p. 31.
(éd. 1596):
«Chantez-vous clair? — Comme layton.
Baillez-moi seulement le ton.»
— 247 —
Il est possible que laiton 'enfant' soit identique à
laiton 'jeune animal qui tette encore sa mère' (spécialement
'cochon de lait'), mot qui se trouve dans bien des patois
français ^ Nous aurions alors affaire à une sorte de mé-
taphore,
«Vif», «turbulent».
253. Quelques dialectes italiens ont dénommé les en-
fants d'après leur vivacité, en leur appliquant des mots
tirés de verbes servant à désigner un mouvement rapide.
A Bormio on appelle un garçon vif et turbulent hriyéla
ou brigol. En milanais, hrighellin est une désignation plai-
sante pour 'un bambino vispo e carino'; il s'emploie aussi
au féminin: hrighcllinna. On sait que hrighèlla est aussi
le nom de l'un des masques de la Commedia delV arte, qui,
à côté d'Arlequin, représente Bergame et Brescia et parle
le dialecte de ces villes. C'est probablement à ce per-
sonnage de comédie que l'italien a emprunté hrighèlla
'birichino'. — Brigol, hrighclla tire son origine du borm.
brigolar, posch. hrigolà, anc. mil. higolà 'brulicare', 'correre
qua e là', du lat. hullicare 'bouillir' ^.
254. Le sens accessoire de 'vif, 'turbulent', qui semble
se joindre toujours à hrighclla, a disparu dans quelques
mots du Centre de l'Italie, qui ont à l'origine renfermé
la même idée. Dans les Marches, à Teramo et dans les
Abruzzes, on trouve un groupe de mots signifiant 'petit
garçon', 'petit enfant', qui présentent tous le radical fric-,
frec-, fruc-: fricchino (Macerata), frichi (Sant-Elpidio a Mare,
San Ginesio), frighï (Recanati), frccchi (San Benedetto del
' Je l'ai relevé dans le Poitou, l'Anjou, le Maine, la Normandie
et le Jura bernois.
* Voir Meyer-Lùbke, Rom. etym. Wb.. 1388; Salvioni, RBR, IV,
p. 221.
— 248 —
Tronto), frico (Fermo), fricu (Monte Rubbiano); frechino
(Teramo); frechine (Abruzzi) ^
Dans les dialectes d'Arcevia (Ancona) et de Lacques^
on retrouve le même radical: furicchio 'frugolino', 'fan-
ciuUo vispo'; le tosc. fruccliino 'chi frucchia', est évidem-
ment le même mot que fricchino, frechino, etc. Cf. aussi
frugolo 'bambino che non sta mai fermo', et le verbe
frugolare. — Tous ces mots, dont le sens primitif este
'celui qui furète, qui met son nez partout', semblent pro-
venir d'un verbe *furicare ou ^furiculare 'fureter', de fur
'voleur' ^.
Dans la Valtelline on emploie spassos, proprement
'spassevole', 'trastullevole', aux sens de 'fanciullo', 'figlio*
(Monti). C'est probablement la vivacité qui explique aussi
cette désignation.
«Celui qui demande avec instance».
255. Le bol. fufgnein 'mammolino', 'fanciullino', 'bam-
binello', paraît être dérivé du verbe émilien fiifgnar 'ru-
bacchiare', 'prendere di nascosto', qui, en bolonais, signifie
aussi 'chiedere checchesia con taie insistenza da ottenerlo'.
Comme c'est là justement quelque chose que font surtout
les enfants, le substantif fufgnein 'enfant' doit se rattacher
à cette dernière signification.
«Petit».
256. La qualité la plus frappante des enfants est
leur petitesse. Aussi les appelle-t-on dans toutes les^
langues les petits; et mon petit est le terme de tendresse-
le plus généralement usité. Nous avons vu que les adjec-
tifs latins parvus, parvulus et pisinnus s'employaient sub-
^ D'après Finamore, ce dernier terme se dit par piaisanterie.
2 Voir Nigra, StB, III, p. 99; Meyer-Lubke, Bom. etym. Wè.,3598.
— 249 —
stantivement au sens de 'enfant', et, dans tout le domaine
roman, des adjectifs signifiant 'petit' ont été employés
d'une manière analogue.
Les plus répandus d'entre ces adjectifs dérivent des
trois thèmes différents que voici:
pctt-, pitt-, dans les idiomes gallo-romans;
pic(c)-, pec{c)-, en Italie (et dans la péninsule ibérique) ^;
cicc-, dans la péninsule ibérique ^.
pett-^ pitt-,
257. Le français familier emploie souvent le petit,
la petite au sens de 'enfant encore petit' ; le diminutif petiot
s'emploie surtout comme terme de tendresse: mon petiot,
ma petiote. — U Atlas linguistique et les glossaires de patois
nous apprennent que cet emploi substantif de petit et de
ses dérivés est connu par toute la France. Il paraît cepen-
dant que les patois de la côte sud-ouest (Les Landes et
1 Pour l'esp. pequeîîo, port, pequeno, et le logoud. piccinnu.
voir § 74.
' Il ne mappartient pas de démêler l'étymologie de ces impor-
tantes familles de mots. Je me contente de renvoyer aux explications
proposées dans les dictionnaires étymologiques de Diez, Kôrting et
Meyer-Liibke. Qu'il me soit permis cependant de mentionner ici deux
hypothèses, qui donnent à ces mots une origine onomatopoétique. M.
Sainéan, ZRPh, Beih. X, p. 110, émet l'hypothèse que l'esp. chico
'petit' est identique au port, chico et à un esp. dial. chico 'porc' (d'où
chiquero 'porcherie'), et que le tosc. cicco 'petit' est le même mot
que le nap. cicco 'cochon'; ces mots dérivent selon lui d'un cri dont
on se sert pour appeller la bête (voir op. cit., p. 85). Cf. pourtant ce
qu'en dit M. Meyer-Liibke, Bom. etym. Wh., 1899, 2. — M"« A. Sper-
ber propose [op. cit.. p. 153. n. 2) de dériver petit d'un cri dont on
se sert pour appeler les poules: péti, pti, ptito, tito, etc. Il me semble
pourtant préférable d'expliquer d'une manière toute contraire la res-
semblance de ces cris, tels que Rolland les a notés, avec les formes
dialectales de petit: c'est justement ce mot dont on s'est servi pour
appeler les poules, de même qu'on emploie le mot touset (--^- 'petit
enfant') en provençal moderne pour appeler les canards (voir § 272).
— Je ne veux pas nier pour cela que pett- et les autres thèmes
mentionnés ici puissent être d'origine onomatopoétique.
— 260 —
La Grironde) s'en servent moins souvent ^. Les cartes
461, 670, 672, 622, 623, 624, 1669 de VAtlas montrent que
c'est surtout dans les patois franco-provençaux, proven-
çaux et languedociens, que petit — petite, petiot — petiote, etc.,
signifient 'enfant', 'garçon', 'fille'. Cela ne nous étonne
point, vu la prédilection marquée du provençal moderne
pour les formes diminutives de substantifs et d'adjectifs.
Voici un relevé sommaire des données des cartes en
question. Il est tout à fait naturel que petit et les formes
dialectales correspondantes se rencontrent plus fréquem-
ment quand il s'agit de rendre l'expression 'mon (tout jeune)
fils', avec son timbre affectif très prononcé, que dans les
cartes garçon et enfant. Aussi la feuille 672 {mon fils; mon
tout jeune fils) montre-t-elle l'extension la plus considérable
de petit; l'aire de ce mot comprend de vastes domaines aux
deux côtés de la Saône et du Rhône, depuis le sud de la
Franche-Comté et de la Bourgogne jusqu'à la Méditerranée.
Vers le milieu, cette aire est pourtant interrompue par une
large zone, où d'autres expressions sont plus usitées: à
l'est marri, à l'ouest drôle. En dehors de ces aires cohé-
rentes, on trouve des territoires isolés dans la Marche et
le Limousin. La feuille 670 contient les réponses données
à la question 'ma fille, ma fillette', où le dernier mot est
mis en opposition au premier. Il va de soi que cette
question a causé un emploi plus étendu de petite que la
question 'votre fillette est-elle déjà baptisée?' (1669). Ces
deux cartes présentent quelques aires de petite, etc., qui
coïncident en général avec celles de la carte 672, et qui
embrassent en outre la plus grande partie des départe-
ments de l'Aude et de Tarn-et-Garonne. La carte 622
(garçon) indique pichot, pichoun à quelques points, tous
dans la Provence, région où ces mots s'emploient le plus
* Le seul exemple que j'aie trouvé dans cette région, est fourni
par la carte 623, où 'mon petit garçon' est rendu par mun pitit au
point 650 (Gironde).
— 261 —
souvent de cette manière ^; et piti au point 603 (Creuse).
A cette forme, qui signifie aussi 'enfant', correspond le
féminin ^;^Yo 'fillette' au point 608 (AU. liny., 461). (Cf.
p. 26, n. 3.) — Dans la carte 623, l'expression 'mon petit
garçon' est souvent rendue par mon petit, moti petiot, etc.
C'est surtout le cas en Provence, mais aussi dans le Nord,
dans le Nord-Ouest, et même à un point dans le Sud-Ouest ^.
La carte enfant ne montre que quelques aires peu étendues,
en Champagne, Bourgogne et Franche-Comté, en Limousin,
Auvergne et dans la Marche, et quelques points isolés
dans le Midi. La carte les garçons présente les petits, etc.,
dans le Sud-Est, et les petiots {le ptyO) à trois points de
de la Manche et dans l'île de Jersey. — Cette carte té-
moigne d'ailleurs du fait bien connu que le pluriel les
petits s'emploie encore plus souvent comme substantif que
le singulier. La même chose résulte, en ce qui concerne
l'ancien vaudois, de plusieurs passages du Nouveau testa-
ment vaudois, où le petit sert à rendre l'idée de 'enfants',
par exemple Math. XV, 38; XIX, 13, 14. Le catalan se
sert également du pluriel de petit pour désigner des gar-
çons (Vogel).
258. Il ressort du dépouillement des glossaires de
patois, que petit et petiot s'emploient beaucoup plus géné-
^ Il vaut la peine de comparer les indications des cartes diffé-
rentes pour deux points particuliers: 865 (Sault, Vaucluse) et 873 (Eyguiè-
res, Bouches-du-Ehône). Au premier point, les cartes enfant, garçon, mon
petit garçon et les garçons donnent toutes quatre pityo, et, suivant les
cartes 570 et 1569, une fillette s'y appelle pityota, tandis que l'idée
de 'fils' y est rendue par ënfun, drôle ou garsu. — Comme l'a fait
remarquer M. L. Spiczer {ZBPfi. XXXVI, p. 235), le mot garçon ne
s'emploie point à Eyguières, où ce mot, sur la carte 622, est remplacé
par galuvar (cf. § 287); toutes les autres cartes ici mentionnées y don-
nent pichot — pichoto, sauf la feuille 461, qui donne enfant. A la
question 'mon petit garçon' M. Edmont a reçu à cet endroit la ré-
ponse mum pityUm pityu; on voit par cela que pichot, dans ce parler
local, est un substantif (=: 'garçon'), pichoun un adjectif (= 'petit').
- Voir p. 250, n.
— 252 —
ralement comme substantifs que ne le feraient croire les
cartes de V Atlas linguistique. Voici les exemples que j'en
ai trouvés: mont, tio — tiotte; rouchi men tiot; pic. p'tiot,
piot, p'quiot — p'quiotte^, quiou; haut-norm. (Bray) piot^ titi^;
norvd. petiot — petiote, tiot, piot; haut-manc. ^^'o^ — piotte; angev.
pequiot, pequion, pequioune ^; vendôm. pequiot; berr. péquiot *;
TdorY.p'tiot — p'tiotte; verduno-cliâl.j)e^to^; Montbéliard ^e^e^ ^,
petiot; Petit-Noir p'thyo—pHhyote. Les matériaux du Glos-
saire des patois de la Suisse normande donnent petits 'en-
fants' et la variante pdtyou — pdtyouda (qu'on trouve aussi
dans Bridel), pour toute la Suisse romande, sauf les can-
tons de Neuchâtel et de Berne ; le diminutif patyolè ^ se
trouve dans les patois de Vaud, du Valais, de Genève et
de Fribourg ; le fribourgeois connaît aussi la forme abrégée
pyolè, d'où l'on a dérivé le collectif pyolatichd 'marmaille'.
— Le dépouillement des dictionnaires de Mistral, Azaïs,
d'Hombres et Charvet, Vayssier et Ravanat donne à peu
près le même résultat, quant à l'extension dans le Midi de
la France de petit, petiot, au sens de 'enfant', 'garçon', 'fille',
que les cartes de V Atlas linguistique. Ici, comme ailleurs,
ce sont surtout petiot et ses variantes qui s'emploient sub-
stantivement.
^ Cf. gâkyèr, § 287.
" Cette forme paraît être une réduplication enfantine du norm.
Ut 'petit' (Moisy). Cf. le prov. titi, terme enfantin pour désigner un
oiseau, un poulet, un chien, qui est, selon Mistral, dérivé de petit. —
Cf. aussi tite, titey, ptitey, qui sont, d'après la carte 1074 de l'Ail, ling.
les mots les plus usités en provençal pour 'poupée'; suivant Mistral,
ils signifient aussi 'petite fille fort parée'.
* Par une réduplication enfantine, le même patois a formé pe-
quionquion, qui se dit d'une petite fille mal mise ou grêle, mince.
.* Suivant Jaubert, on dit dans le Centre: un petit péquiot pour
'un petit enfant'. Entre petit et péquiot il s'est donc produit ici la
même différenciation de sens qu'entre pichoun et pichot à Eyguières.
» Voir aussi VAtl. ling., 461. aux points 42, 938; et 572, aux
points 918, 938.
" Aussi comme adjectif au sens de 'faible', 'chétif.
— 253 —
'259. Les patois méridionaux et franco-provençaux pré-
sentent une palatalisatiou de t devant i àdius petit ^ et jietiot.
A côté de la forme pichot, qui, d'après Mistral (et VAtlas
linguistique)^ s'emploie aux bords du Rhône, mais qui se
rencontre aussi en Languedoc (D'Hombres et Ctiarvet) et
en Auvergne (Vayssier), existe la forme pichoun, qui ap-
partient particulièrement au dialecte marseillais, mais qui
se trouve aussi à l'ouest du Rhône {piteyu ou pitsu) . Cette
forme nous montre une substitution de suffixe, analogue à
celle que nous avons pu constater dans l'angev. pequion
pour pequiot ^. Cette substitution de -oun à -ot est très
naturelle dans les parlers du Midi, qui surabondent en
diminutifs formés à l'aide de -Oîin '. M)^^ Sperber, op. cit.,
p. 162 ss., rattache ce prov. pichoun (de même que l'ital.
piccino) au lat. pipione, en renvoyant à d'autres cas, où
des noms d'animaux sont devenus des dénominations d'en-
fants. Comme cette hypothèse a été suffisamment réfutée
par M. Spitzer^ dans son article déjà cité Zur Bildung ro-
manischer Kinderfiamen *, je me borne à y renvoyer le
lecteur. — De pichot et pichoun on a tiré les diminutifs
^ M. Spitzer, ZBPh, XXXVI, p. 235, en citant, comme des exem-
ples de cette palatalisation dans le département de la Haute-Loire, les
formes suivantes, qu'on trouve dans la carte mon petit garçon: 813 petyî,
817 petyî, 815 peteyî, ajoute: «auf der Karte mon fiJs sogar 803 ett.'
S'il avait aussi regardé le point 803 dans la carte mon petit garçon,
il aurait pu constater la combinaison remarquable d'une forme de
petit, présentant palatalisation du t (-)- métatbèse!) avec une autre
forme du même mot, où ce changement ne s'est pas produit: mu ptî
etl. L'explication de ce phénomène est très simple: eti n'est point
identique à petit, mais à chétif (voir § 186).
' Il n'est donc pas tout à fait exact d'affirmer, comme le fait M. Spit-
zer (lac. cit.), «dass dieser Suffixwechsel nie in Nordfrankreich eintrat.»
' Cf. G. Ôstberg, Studier ofver deminutiva och augmentativa
suffix i modàrn provençalska. p. 69. — Il convient de mentionner
ici petitoun — petitouno (adj. et subst.). qu'on trouve dans Mistral; on en
a tiré la forme abrégée titoun. qui, à Avignon, signifie 'nourisson'.
en Gascogne: 'poussin'.
* ZBPh, XXXVI, p. 233—236. — Cf. aussi EDB, VI, p. 357 s.
17
— 264 —
suivants : picliouté —pichouteto ; pichounet — pichouneto ; pichou-
nèu (auv., lira, pichounèl) — picliounello 'garçonnet', 'fillette'.
260. Comme une variante de pichoun, avec le suffixe
-in au lieu de -oun, on pourrait peut-être considérer ^^c/^m,
pechin, qui, suivant Mistral, existe dans les Alpes Maritimes
au sens de 'petit', 'petite', 'en bas âge' (adj. et subst.) ^
A Bordighera et à Realdo aussi 2^^^'^'^ veut dire 'petit'
(Garnier). Mais, le vocabulaire de ces derniers dialectes
étant essentiellement d'origine italienne, j'incline plutôt à
voir dans ce pec}iin,picJiin Vital. piccino, gén.^iccm(Casaccia).
Mistral explique le béarn. cJdn — cJdno 'petit' (adj. et
subst.), inscrit par VAtlas linguistique au point 692 de la
carte enfant (teïn, teïno)^ comme une abréviation de pichin.
Pour réfuter cette hypothèse, il suffit de se reporter à la
distribution géographique de ces deux mots. Même en
partant de la supposition que pichin serait une variante
du prov. pichotm, il faudrait observer qu'on ne peut guère
s'attendre à trouver des formes pareilles en béarnais, où
petit ne présente pas de palatalisation du t (voir la carte
m<^ petit garçon).
261. Ajoutons enfin les formes suivantes, qui, selon
Mistral et Azaïs, proviennent du même radical que petit:
pitot — pitoto; pitouet — pitoueto (cév., mars.) 'jeune garçon',
'mousse', 'aide-berger'; 'jeune fille', 'servante'. Le lang.
totb — tototo 'petit enfant', 'bébé' (D'Hombres et Charvet)
pourrait être tiré de pitot — pitoto au moyen d'aphérèse et
de réduplication. Mais probablement vaut-il mieux y voir
le résultat d'une création primitive (voy. § 376).
* Le sous-diminutif pechenin (cf. l'ital. piccinino et les formes
dialectales mentionnées au § 264) se trouve dans la version vaudoise
du Nouveau Testament au sens de 'fanciullo' (voir AGII. XI, p. BOl).
— 2Ô5 —
262. Comme je l'ai mentionné plus haut, le catalan
emploie le pluriel petits au sens de 'garçons'. Suivant
Saura, le singulier peut s'employer de la même manière.
Les cartes de V Atlas linguistique nous apprennent que patit —
patita et le pluriel lus petits servent à désigner, aux points
797 et 798 des Pyrénées-Orientales, un petit garçon et
une petite fille. — Quand nous relevons petito au point
786 (Aude), situé aux confins des Pyrénées-Orientales,
tandis que tous les points environnants montrent pityuno,
nous sommes portés à y voir une immigration de la forme
catalane.
263. Le domaine rhétique nous offre aussi un dérivé
du radical pit-: l'engad. pittin 'petit', 'enfant'. Cf. le mil.
pitin, bergam. pitt, valtell. pit 'un peu'.
pic(c)'f /?ec(c)-.
264. Ce thème forme la base d'une foule de mots
signifiant 'petit', 'enfaiit', dont la plupart appartiennent à
l'italien, mais qui se rencontrent aussi dans d'autres par-
ties du domaine roman, depuis la Roumanie ^ jusqu'à la
péninsule ibérique. Je les ai classés ici d'après les diffé-
rents suffixes qui ont été attachés au thème primitif.
"iilu, L'ital. piccolo 'petit' s'emploie souvent comme
substantif au sens de 'bambino'. Dans les dialectes je n'ai
relevé cet emploi qu'en vénitien et triestin: ])icolo, picol.
Le calabrais présente le sous-diminutif picciuliddii ^ 'bam-
binetto'.
Dans la Rhétie on trouve le tyr. (Greden) pitl—pitla
'petit', 'enfant', 'garçonnet', 'fillette'; et le frioub. pizzul
{pitëul, pisul, ptsel) 'petit', 'enfant'.
' Le thème pic{c)- entre dans les mots roumains piciu, picilér
'petit', 'nain', 'bout d'homme', 'moutard' (Cihac, op. cit., II, p. 687).
Cf. le roum. pic 'goutte', 'point', 'peu'; megl. pica 'un peu'.
- En certains cas, le c s'est palatalisé devant la voyelle du suf-
fixe. L'italien connaît la forme picciolo à côté de piccolo.
— 256 —
L'idiome de l'île de Veglia employait également pelo
{Xjedlo) 'petit' comme substantif; c'est ce que montrent
les exemples suivants cités par M. Bartoli: pelo mi, restûa
JcauJc «bimbo mio, resta qua» {Das Daïmatische, II, 70);
se te fure bûn, pelo mi «se sarai buono, bimbo mio» {ihid.^
72); ju vis hatiziior join pelo «vado a battezzare un bimbo»
{ihid.^ bl^ 58); i peli «i bimbi» {ihid.^ 55, 56).
-rellUf -rillu. Le napolitain possède peccerillo 'fan-
ciullino', 'giovanottino', 'ragazzo'; peccerella 'fanciulletta',
'ragazzina' (D'Ambra). Le calabrais et le sicilien connais-
sent, à côté de picciriddu 'fanciullo', 'bambino', le sous-
diminutif picciridduzso 'fanciuUino'.
-ittu. Du piém. pcit — pcita 'piccolo', 'piccola', 'fan-
ciullo', 'fanciulla', 'ragazzo', 'ragazza' on a tiré les formes
abrégées cit — cita. Les diminutifs: pcitin — pcitina; citîn —
citina s'emploient également comme adjectifs et comme sub-
stantifs: 'piccolino', 'piccolina', 'fanciullino', 'fanciullina' ^_
En parmesan j'ai relevé picctt 'fanciuUetto', 'ragazzetto';
en sicilien piccittu, synonyme de picciriddu.
-ottu. Les dérivés en -ottu ne se rencontrent que dans
les dialectes du Sud. En napolitain ce suffixe paraît avoir
un sens diminutif, du moins dans le masculin pecciuotto,
que D'Ambra traduit par 'fanciuUo', 'ragazzetto', 'giova-
nottino' ; le féminin pecciotta, picciotta est défini par 'ra-
gazzotta', 'giovanotta'. Le calabr. picciuotto et le sic.
picciottu correspondent tous deux à l'ital. giovanotto. En
sicilien, ^^icdo^^w peut s'employer, comme ce mot italien,
au sens de 'célibataire'. Mais le plus souvent picciottu
est synonyme de l'ital. garzone, sic. garBuni, et signifie
'valet de ferme', 'garçon de magasin', 'apprenti', 'mousse',
etc. Le féminin picciotta a les significations correspon-
1 En monferrin, pcitt ne semble s'employer que comme adjectif;
pcittin signifie ici 'uomo piccolo e magro' (Ferraro). — Le dialecte
vaudois de Pral (dans la vallée de la Germanasca) emploie aussi les
formes p'citt (jp'ci) — p'cîto 'petit', 'petite' (v. AGII, XI, p. 358).
— 257 —
dantes de 'jeune fille nubile', 'servante', 'apprentie'; quel-
quefois il se dit pour 'bonne amie', 'amante'. Le dimi-
nutif picciuteddu signifie 'garçonnet' ou 'apprenti', picciu-
tcilda: 'jeune fille'.
"Of'cu. Le sard. piccioccu—picciocca correspond essen-
tiellement, quant à son emploi, au sic. piccioUu — piccioUa ^
Le dialecte campidanien en a tiré le diminutif piccioccheddu
— pivciocchedda 'ragazzino', 'ragazzina'.
"inii, L'ital. piccino 'petit' s'emploie aussi substantive-
ment. Il en est ainsi du com. piscen. borm. pîcen — picena,
iposch. 2)1 sna, engad. j^itschcn — pitschna (surtout au pluriel: ils
pitschens) ^. Les dialectes lombards se servent souvent
d'un diminutif de même type que l'ital. piccinino. Il a été
signalé en ancien lombard par M. Salvioni ^: picenin, pisi-
ni(n) 'piccinino', 'bambino'. La même double signification
se retrouve dans le mil. piscinîn, borm. picenin — picenina,
posch. pisniy *. Le frioulan littéraire connaît pizzinin 'petit
enfant' °.
Dans le parler populaire de Gênes on trouve les for-
mes cin — cinna 'enfant', 'petit garçon', 'petite fille', qui
sont dues probablement à une aphérèse du gén. piccin
'petit'; on doit sans doute expliquer de même le bol. cein,
cinein, cininein 'piccino', 'piccinino' (Ferrari), qui, dans la
campagne bolonaise, s'emploie substantivement: cen —
ceima 'ragazzo', 'bambinetta' (Ungarelli). Cette hypothèse
est appuyée par le fait que, dans les colonies gallo-italiennes
de Sicile, on trouve p>iccnïe à côté de la forme abrégée
^ Cf. piccioccu de huttega 'garçon de magasin'; piccioccu hugadiu
'garçon pubère'.
' Cf. le bergam. de pisènn ou de pïcol 'da bambino', 'da fan-
ciullo', 'in età puérile'.
' AGII, XII, p. 421.
* Le bergam. picinï, pisinï n'est relevé que comme adjectif par
les glossaires.
^ Voir Gartner, Ilandhucli. p. 381.
— 258 —
ch'nie au sens de 'petit enfant', 'petit garçon' ^ — Les ter-
mes corses cinimi — cinina, cinuciiUi 'petit enfant', 'petit gar-
çon', 'petite fille' paraissent être des diminutifs dérivés
du génois cin ^.
cicc-.
265. L'esp. chico — chica, cat. xic — xica, 'petit', 'petite',
s'emploie fréquemment au sens de 'enfant', 'garçon' ^,
'jeune fille'. L'espagnol a formé plusieurs diminutifs signi-
fiant 'petit enfant', 'petite fille': chiquillo — chiquilla; chi-
cuelo; chiquirritin ; chicorrotin. L'esp. chicote — chiçota, cat.
xicot — xicota, a un sens augmentatif: 'jeune garçon robuste
et bien fait', 'jeune fille robuste et bien faite'. Le catalan
en a tiré le diminutif xicotet et le collectif xicalla (quit-
xalla) 'marmaille' (terme familier et dépréciatif).
Chico — chica a pénétré dans les parlers gascons et
béarnais en conservant le même double emploi qu'il a en
espagnol. Selon Mistral, chiqueto (= esp. chiquita) se dit
dans les Pyrénées d'une petite fille; d'après Lespy et
Raymond, on ne désigne par ce mot qu'une fillette
espagnole.
266. Outre les expressions précédentes, il y a, dans
différents dialectes, d'autres mots signifiant 'petit', qui
s'emploient substantivement au sens de 'enfant', 'jeune
garçon', 'jeune fille'. — C'est le cas pour le prov., lang.
menut — tnenudo ^ et ses diminutifs; menudet — menudeto; me-
nuset — menuscto (Alpes); menudèl — menudcïlo (lang.).
' Voir Morosi, AGIL VIII, p. 421.
' Ou bien faut-il peut-être supposer pour ces termes une origine
onomatopoétique? Cf. cinu, cinu, mot qui sert à appeler les porcs,
dans certains parlers corses (Volpajola, Castagniccia); et cini, qui
signifie, à Bastia et dans le vernacolo cismontano, 'petits cochons'.
^ Cf. l'expression es un buen chico «c'est un bon garçon».
^ Dans TAveyron, menudo peut signifier aussi 'brebis'; cf. posch.
mùnùdi (plur.) 'Kleinvieh' (Michael).
— 259 —
267. Le patois du Val d'Illiez (Bas-Valais) dit pèro —
pèra ^ pour 'petit', 'petite' ^ et emploie ce mot aussi comme
substantif aux sens de 'garçonnet', 'fillette', 'fils', 'fille'.
Le pluriel lu pèro se dit pour 'les enfants'. L'origine du
mot est obscure. M. Tappolet, qui l'accentue à tort pairô ',
émet, d'après M. Gilliéron, l'hypothèse que ce serait le
lat. patronem 'Vàterchen'. Il n'en est rien, puisque patro-
nem, comme le fait remarquer M. Gauchat *, aurait donné
parou.
268. Dans le jargon du Val Soana, Nigra ° a relevé
tri — tria 'ragazzo', 'ragazza', proprement 'minuto', 'minuta.'
«Jeune.»
269. L'idée de 'jeune' est apparentée à celle de 'petit';
et on sait que jeune, de même que petit, peut s'employer
substantivement pour désigner les petits des animaux.
Dans le Nord et le Nord-Est, jeune peut servir aussi à
désigner les enfants. La carte les garçons de V Atlas linguis-
tique montre au point 263 (Somme): ee jon. Dans son
Lexique Saint-Polois, M. Edmont enregistre jon aux sens de
■'jeune enfant' et de 'petit d'un animal'; le dérivé joné —
^owè^ signifie 'jeune adolescent', 'jeune adolescente'. ADémuin,
joine a le même double sens que jon à Saint-Pol. Le patois
des matelots boulonnai^ désigne également un petit enfant
par yowe. Le mont, diaune veut dire 'enfant nouveau-né' *;
et, dans le patois de la Meuse, jone signifie 'jeune enfant'
' D'après les matériaux du Gloss. des pat. de la Suisse rom. —
Bridel écrit pero — j)era dans le lexique; pairo dans V Appendice (p.
480). M. Fankhauser écrit pèfo {RUE, III, pp, 37. 43); L. Franc
pèro {ibid., p. 43).
^ On dit par exemple pèro prû 'petit pré'.
^ JJie romanischen Verwandtschaftsnamen, p. 49.
* Dans une lettre.
6 AGII, III, p. 57.
" A S;t Hubert (wall.), djontriy se dit pour 'marmaille' (Marchot).
— 260 —
et 'oisillon' ^. Dans la Suisse romande, on trouve jeune
comme substantif à côté de jeune Jiomme, et le diminutif
jeunet — jeunette (prononcez: dzounè — dzounèta, etc.) au sens
de 'grand garçon', 'grande fille'. — De même, en français
littéraire, les jeunes s'emploie pour 'les jeunes gens' ^
270. Dans la paraphrase en ancien lombard d'un
texte de Chrysostome ^, M. Salvioni a relevé l'adjectif
broscJio ^ aux sens de 'brusco', 'acerbo', 'immature': Jii fantin
hroschi 'les jeunes enfants'. Il s'emploie aussi substantive-
ment pour 'bambino', 'fanciullo': la sentencia dH hroschi e
d'i hauosi ^.
b. Dénominations établies d'après la coupe des cheveux.
271. La plupart des étymologistes sen3.blent aujourd'hui
être d'accord sur l'explication du haut-ital. et prov. tos{o)
— tosa: ils y voient tonsus — tonsa. Si cette étymologie est
exacte, on aurait donc dénommé les enfants d'après la
manière de couper leurs cheveux. Avant d'aborder
les questions qui se rattachent à l'étymologie de ce mot,
voyons un peu quelle est son étendue géographique.
Suivant Petrôcchi, tosa 'ragazza' se rencontre en ita-
1 Comme il ressort de la carte 938 de l'Atl. ling., jone a pris,
par une extension de sens, la signification de 'oiseau' dans certains
patois de l'Est (dans le nord des départements de la Meuse et de Meurthe-
et-Moselle, et dans le sud-est de la Belgique). Dans le patois messin,
il a aussi pris ensuite le sens spécial de 'moineau'. Il n'est pas sans
intérêt de constater que, justement dans le patois messin, le mot ôMo
('petit oiseau') s'emploie au sens de 'enfant en bas âge'. Cela étant,
on serait tenté de voir dans le lorr. jone 'enfant' le résultat d'un
emploi métaphorique analogue, si ce substantif n'avait pas eu, en
picard et en montois, également le sens de 'enfant', sans présenter,
dans ces dialectes, celui de 'oiseau'.
2 Cf. p. 63, n. 2.
» Voir , AGll, VII, p. 15, 1. 18.
* Il explique Vo de hroscho par l'influence de l'anc. lomb. boço
'acerbo', 'immature'. (Voir AGlI. XII, p. 392).
"■ ibid., p. 15, 1. 36.
— 261 —
lien littéraire dès le XIII'' siècle, mais toso 'fanciullo',
'giovinetto' seulement aux XIV® et X-V® siècles. En y
regardant de plus près, on trouve cependant 'que Petrôcchi
a lui-même fourni la preuve de l'existence du masculin
dès le XIIF siècle. Il l'a relevé dans le Pataf/io, qu'on
attribue à Brunetto Latini et qui date de 1288. Le di-
minutif tosetta 'ragazzina' se trouve pour la première fois
dans le Mor(fante de Luigi Pulci (XIV siècle). — D'après
un passage de Boccace, cité par Tommaseo \ tosa était
considéré, à l'époque de la Renaissance, comme un mot
lombard. Abstraction faite du toscan, où, d'après Fanfani,
toso — tosa s'emploie toujours, on ne le trouve guère ac-
tuellement que dans les dialectes lombards et vénitiens ; il
est donc en réalité très vraisemblable que le toscan de la
Renaissance l'a emprunté à ces idiomes ^,
Dans le territoire lombard, on trouve tôs — tôsa 'fan-
ciullo', 'fanciulla', 'ragazzo', 'ragazza' ^ dans les parlers de
Milan, Côme, Chiavenna (pour la Levantine, Monti ne re-
lève que le masculin) et de Bergame {tus — tusa).
Le milanais offre les diminutifs tosètt, tosin; tosèfta,
tosettmna, tosettinœk. L'anc. mil. tosôn, qui était syno-
nyme de tôs, paraît être un exemple de la flexion impari-
syllabique en -0, -one, -a, -ane^: cf. le pluriel tosôn, qu'on
trouve à Côrae et à Chiavenna, le pluriel féminin tosànn,
que le milanais a en commun avec ces deux dialectes ^,
et le féminin comasque tosana. Le mil. mod. tosôn a un
1 «Ed ebbevi di quegli, che intender voUono alla melanese. che
fosse meglio un buon porco. che una bella tosa.» (G. 3, f. 7.)
^ Cf. Tappolet. op. cit.. p. 43: «Die Crusca verzeichnet es als
voce lombarda und da scheint auch sein eigentlicher Wohn- und Stamm-
sitz zu sein.» Cf. aussi Tommaseo. Eigutini-BuUe et Pianigiani.
' Pour l'ouest-lomb. tas — tosa au sens de 'fils', 'fille', voir Tap-
polet, loc. cit.
* Cette flexion est probablement d'origine germanique; voir Jud,
Recherches sur la genèse et la diffusion des accusatifs en -ain et en
-on. 1® partie. Halle 1907, et les ouvrages qui y sont cités.
^ Cf. aussi les pluriels rhétiques matûnts. matants, etc., § 248.
— 262 —
sens augmentatif: 'giovinotto', 'ragazzone', 'fanciullone'.
Est-ce le mot ancien, considéré comme un dérivé de tôs,
formé à l'aide d'un suffixe augmentatif, ou bien est-ce une
création nouvelle? — Le comasque présente un grand
nombre de diminutifs: tosêl^ tosèt, toseloèu, tosetoèu, tosetïn,
toseloeutîn; tosêla, foscta, tosetoèula, tosetoeulma] les dérivés
augmentatifs tosôt — tosôta 'bambone', 'ragazzona', et les
dérivés péjoratifs tosasc — tosascia 'ragazzaccio', 'ragazzac-
cia'. De toson 'giovane', 'pulzello', 'ragazzone' on a tiré
le dérivé tosonôt 'giovinotto', 'ragazzotto'; de tosàna 'fan-
ciulla da marito' les diminutifs tosanëla, tosanïta, et l'aug-
mentatif tosanona. Dans la Levantine, Monti relève les
dérivés tôsoi 'giovanetti', tôsei 'giovanette'. Le bergamas-
que offre les diminutifs tuset, tusï. Dans deux vallées
bergamasques (Valle Imagna et Valle San Martino), Tira-
boschi signale tusûl 'ragazzo', tosai 'fanciuUi', 'ragazzi',
tusall 'ragazzino', tusalbt 'ragazzotto'.
Dans le territoire vénitien, notre mot se rencontre
dès le XVI* siècle. Suivant Bortolan, toso 'fanciullo' (et
tusi 'fanciuUi') se lit dans les Rime rustiche du poète vi-
centin Caldiera (1690). Le pluriel tusi se trouve aussi
dans un recueil de poésies en dialecte padouan de 1560.
Ces deux textes contiennent en outre les dérivés tosatto,
tosatello, tosatella 'fanciuUo', 'fanciulla'. Cavassico, notaire
de Bellune au XVI® siècle, emploie dans ses poésies les
formes tos — tosa, tous — tousa, tosat, tosel 'ragazzo', 'ragazza',
*giovinetto', 'giovinetta'. Le parler actuel de Bellune ne
connaît que tosat. Le vénitien moderne a toso — tosa. toseto
— toseta; le vicentin: toso; le trévisan-: toso — tosa^ tosato —
tosata. Ces dernières formes se rencontrent jusque dans
la vallée de Comelico, dont la population parle un dialecte
rhéto-roman qui est fortement influencé par le vénitien ^
— A cause de l'extension considérable de toso — tosa dans
1 Voir Gartner, Ha^ndbuch der ràtorom. Spr., p. 6.
— 263 —
]e domaine vénitien, M. Salvioni ^ conteste l'affirmation
de Boerio que tosa, à Venise, serait un emprunt fait au
lombard.
On trouve aussi des traces de ce mot en émilien.
Le bolonais actuel n'emploie plus que les diminutifs fnsett
— tusetta ^ 'fanciullo', 'fanciulla', 'fanciullino', 'fanciullina'.
Mais que le simple tus ^ 'ragazzo', 'figlio' ait existé autre-
fois dans ce dialecte, c'est ce que nous montrent un pas-
sage de La Chiaqlira dla Banzola (1742), cité par Unga-
relli: Tûf, a vdî ch'a môr «Figli miei, vedete ch'io muoio»,
et un proverbe de joueurs, qu'on trouve dans le même
dictionnaire: La premma Vè di tûf^ la secânda di virtuus
«La prima è degli inesperti, la seconda de' capaci».
Le corse est le seul dialecte italien, en dehors de la
Haute-Italie et de la Toscane, où j'aie trouvé notre mot.
Suivant Falcucci, tosu — tosa y est employé pour 'ragazzo',
'ragazza'. Il faut sans doute le considérer comme un
emprunt fait au toscan.
Parmi les patois rhétiques il n'y a que les parlers de
Fassa, Livinallongo et Colle en Tyrol qui connaissent notre
mot *. Alton et Vian enregistrent tous — tousa (tosa) 'Knabe',
'Mâdchen' pour les deux premiers dialectes, et, à Livi-
nallongo et Colle, M. Gartner ° relève tozat — tozata (plur.
tozat^ — tozate), avec les mêmes significations. Ces mots
ont évidemment été importés du territoire vénitien. Au
delà de la montagne de Sella, dans la vallée de Greden,
ils sont inconnus; ici l'expression correspondante est mut
— mutta.
^ Voir Le rime di Bartolomeo Cavassico. p. p. Cian et Salvioni.
II, p. 97.
' Suivant Uugarelli, on prononce tufâtt — tufâtta.
^ Ungarelli: tau/.
* M. Meyer-Liibke, Rom. etym. Wh., 8785, signale tv^ — tuza dans
le patois d'Obwald; mais on le cherche en vain dans tous les dic-
tionnaires oberlandais que j'ai consultés. Probablement «obwald.»
est une erreur de plume pour «tirol».
* op. cit., p. 209.
— 264 —
272. En ancien provençal, tos—toza 'enfant', 'garçon',
'jeune homme', 'jeune fille' ^ était très usité, comme le
montrent les dérivés tozar — tozarda 'jeune homme', 'jeune
fille'; tozet—tozeta 'enfant', 'garçon', 'jeune homme', 'fillette',
'jeune fille'; tozel 'enfant'. — Les patois actuels du Midi
n'ont conservé que le féminin touso et le diminutif touset
— tousefo. Touso ne se trouve que dans le bas-limousin,
et il a tout à fait perdu son sens primitif. Il signifie
'fille de service', 'servante de cuisine', 'fille des champs',
'souillon'; on en a tiré le diminutif touzouirou 'petite souil-
lon', 'fille ragote'. Par contre, touset — touseto désigne en-
core aujourd'hui un petit enfant, une fillette ^.
Il y a dans les patois méridionaux quelques dénomi-
nations d'enfants qui pourraient peut-être s'expliquer comme
des dérivés du même radical, déformés par le langage en-
fantin. Mistral voit dans doussoun 'petit enfant' une for-
mation de ce genre; et Azaïs rattache à touso: toustoun —
toustouno^, toustet 'poupon', 'pouponne', 'mignon', 'mignonne';
toustounet — toustouneto 'petit poupon', 'petite mignonne' *.
L'ancien français avait emprunté le féminin au pro-
vençal: touse, tose, teuse^ 'jeune fille' (ou 'amante', 'con-
^ To2a signifiait aussi 'fille de mauvaise vie'; cf. fille, garce, etc.
' A force d'employer touset! touset! touset! pour appeler les ca-
nards, on a fini par adopter ce nom pour un canard. (Voir Azaïs.)
^ En Gascoj;ne aussi = 'poupée'.
* Mistral considère ces expressions comme identiques à toustet,
toustoun 'petite tartine', diminutifs de tosto 'tartine au beurre' (du lat.
tosta 'rôti'; cf. l'esp. toston 'pois rôti'), et cette hypothèse est appuyée
par le fait que les langues romanes présentent d'autres exemples de
la métaphore 'petit gâteau' > 'enfant' (voir § 305).
^ Suivant Godefroy, Pane. fr. touse serait vivant encore aujourd'hui
dans la vallée d'Yères (Haute-Normandie), au sens de 'jeune fille',
'fillette', et y aurait aussi donné naissance au dérivé touselle 'jeune
fille' (v. l'art, tousel). Mlle Sperber, s'appuj'ant sur l'autorité de Gode-
froy, cite «norm. touselle» entre les dérivés de tonsus. Si elle était
allée directement à la source où Godefroy a puisé, à savoir le Glos-
saire de la Vallée d^Yères de DelbouUe, elle aurait pu constater que
le savant lexicographe s'est mépris. Delboulle ne relève ni touse ni
— 265 —
cubine') ; le diminutif tousetfi, tonete ^ avait le môme sens.
Le masculin n'y était représenté que par les dérivés tou-
sart, tousel, touset 'jeune homme'.
273. Contre l'étymologie tonsus on a fait valoir que
nous ignorons si l'action de couper les cheveux des en-
fants constituait une coutume spéciale, qui aurait pu ame-
ner une telle dénomination. Diez écrit, dans son Etymo-
logisches Wôrterbuch, p. 323; «Buchstâblich kann toso
seinen ursprung in tonsus haben, allein was soU das ab-
geschorene haar zumal bei màdchen, wie schon Ferrari
einwendety Nur sklaven wurden geschoren.» Il préfère
y voir intonsus avec aphérèse de in-, ou bien torso {^C'dvQOog).
M. Meyer-Lûbke, Rom. etym. Wh., 8785, déclare: «Die
spezielle Sitte, die die Verwendung von tonsus als Be-
zeichnung fiir 'Knabe' und 'Màdchen' ermôglicht hat, ist
nicht bekannt.» 11 est donc singulier de le voir renvoyer,
dans le même article, à Romanische Forschungen, I, pp. 138,
326, où K. Hofmann a attiré l'attention sur l'usage chré-
tien du moyen âge de couper les cheveux des enfants
comme symbole d'adoption. Plus récemment M^'® Sperber
a montré ^, dans un article très nourri de faits, que le
sacrifice des cheveux, considéré comme un moyen de
gagner la faveur des dieux, a été pratiqué par les peuples
touselle dans ce patois, mais il joint à l'article touser la remarque
suivante, qui doit être la cause de l'erreur de Godefroy: «Il faut rat-
tacher à ce mot tousel, touse, tousette qui dans la vieille langue signi-
fiaient jeune garçon, jeune fille, fillette, touselle sorte de froment
précoce dont l'épi est sans barbe, tonsus.» — Ajoutons que Moisy a
fait, dans son dictionnaire, une addition semblable à l'article touser.
^ Godefroy paraît considérer tousete comme dérivé d'un participe
du verbe touser, car il le traduit par 'jeune tille qui porte les cheveux
courts'. Les exemples cités par lui montrent cependant que tousete
n'avait pas cette signification spéciale, mais qu'il servait à désigner
une jeune fille en général, de même que le prov. tozeta. Il faut donc
y voir, avec La Curne, un diminutif de touse.
' op. cit., p. 157 ss.
— 266 —
primitifs des pays les plus divers, et qu'on avait surtout
l'habitude de sacrifier les cheveux des enfants, pour les
protéger contre le malheur. Cet usage est attesté chez
les Grecs et les Slaves du Sud. Chez les Romains, la
jeunesse virile avait coutume de sacrifier les cheveux et
la barbe. Ces cérémonies païennes furent adoptées par
l'église chrétienne. Du Cange parle longuement de leur
christianisation, dans la XXII® Dissertation sur Vhistoire de
Saint Louis \ que cite M^^'' Sperber. Il y rapproche cet
usage chrétien de la coutume analogue dont parle la loi
salique. Je me permets de lui emprunter le passage sui-
vant: «Cette coupe des cheveux se faisait, lorsqu'après
avoir passé l'âge d'adolescence on entrait en celle de la
jeunesse. L'ancienne loi salique, c'est à dire celle qui fut
rédigée par nos rois encore payens ainsi qu'on prétend,
nous apprend que la cérémonie de couper les cheveux aux
enfants était en usage parmi les Français et qu'elle se
faisait au-dessus de douze ans: Si quis puerum infra duo-
decim annorum non tonsuratum occiserit ^. — Si quis puerum
crinitum sine consilio aut voluntate parentum totonderit, etc.»
M. Geffcken ^ est d'avis que cette cérémonie de la pre-
mière coupe des cheveux {capillaturiae), qui se faisait à
l'âge où le jeune homme était déclaré capable de porter les
armes *, est d'une provenance tout à fait différente de celle
de la cérémonie dont parlent les écrivains ecclésiastiques ^.
' Voir Glossarium mediae et infimae latinitatis, X, 73.
^ Du Cange a cité cette phrase d'après l'édition de Herold (Tit.
28, § 1). Les éditions plus récentes (Behrend, Geffcken) donnent la
leçon suivante: Si quis puerum infra X annos usque ad decimum
plénum occiderit (Tit. 24, § 1). — Dans l'édition de Merckel on lit: Si
quis puerum infra 12 annos usque ad decimum plénum {!) occiderit.
* Voir Lex Salica. éd. Geffcken, p. 235.
* «Die Zeremonie des ersten Scherens — — — erfolgt als Vor-
bereitung der Wehrhaftmachung. Dièse wird nicht notwendig im
Augenblick der JJ^iindigkeit vorgenommen, sondern kann spater, nacb
jûngerem Eecht aucli friiher erfolgen.» (op. cit., p. 134).
* Cf. ce qu'en dit K. Hofmann, op. cit., p. 326.
— 267 —
Quoi qu'il en soit, il paraît hors de doute que, pen-
dant les premiers siècles du moyen âge, la cérémonie de
la coupe des cheveux des jeunes garçons a été très ré-
pandue dans le domaine roman; elle a donc très bien pu
amener l'emploi du mot tonsus pour désigner un garçon
de plus de dix ans. — A notre connaissance, rien ne té-
moigne de l'existence d'un usage analogue pour les jeunes
filles des pays romans. J'incline à en conclure que cette
désignation ne s'appliquait d'abord qu'aux enfant mâles,
et qu'il faut considérer le féminin tosa comme une for-
mation analogique ^ M^^® Sperber suppose cependant que
cet usage a été pratiqué aussi par les jeunes filles roma-
nes, comme par celles des Grecs et des Slaves du Sud;
et elle appuie cette hypothèse sur la vaste diffusion de tosa^.
M. Tappolet ^, en invoquant aussi la diffusion du féminin,
croit même que cette forme a été antérieure au masculin:
«Nach dem weiter verbreiteten Gebrauch des Femininums
zu schliessen, dit-il, scheint Sitte und Bezeichnung bei
den jungen Mâdchen ihren Ausgangspunkt genommen zu
^ C'est aussi l'opinion de Liebrecht: «Tosa, Madchen, deren Haar
ungeschoren bleibt, ist movirt aus toso». {Jahrbuch fur romanische
und enylische Sprache und Literatur, XIII, p. 225.)
- Elle cherche à expliquer le manque de témoignages relatifs à
un tel usage par Phypothèse qu'on aurait renoncé de bonne heure au
sacrifice des cheveux des jeunes filles. «Es wâre jedenfalls begreif-
lich. wenn man friihzeitig auf das Haaropfer der Madchen verzichtet
hâtte. Da die Kaufehe noch im Mittelalter sehr haufig war. wollte
man wahrscheinlich den Haarschmuck der Jungfrau schonen, deren
Schônheit ein Kapital reprâsentierte. War sie aber einmal Braut, so
wurden ihr vor der Hochzeit die Haare geschnitten. — — — Rema-
nere aut esse in cajnllo bedeutet in Urkunden aus Italien unverheiratet
sein . . .» En note MUe Sperber ajoute que le roum. fdta in par
(Mâdchen im Haar) signifie 'vieille fille'; d'après Alexi. ce mot se
dit pourtant pour 'jeune fille niibile' (cf. p. 71, n. 1). — Il n'est pas
sans intérêt de constater que l'albanais aussi possède des dénomina-
tions de jeunes filles, qui font ressortir le même trait caractéristique:
tsupe, proprement 'cheveux longs'; et kotse, qui, suivant Meyer, est le
même mot que kose 'tresse', 'natte' (^^ anc. si. kosa 'cheveux').
' op. cit., p. 43.
— 268 —
haben.» M. Meyer-Lubke (loc. cit.) émet une opinion
semblable, et réfute à ce propos l'hypothèse d'après laquelle
la cérémonie des capillaturiae chez les Langobards aurait
été le point de départ de cette dénomination. Voici ce
qu'il en dit: « — — — das Abschneiden der Haare aus
Anlass der Mtindigkeitserklârung bei den Langobarden
[ist] darum kaum in Betracht zu ziehen, weil tosa 'Mâd-
chen' weiter verbreitet ist und, wie es scheint, âlter ist
als die mask. Form.» Ce que nous venons de constater
quant à l'âge et à la diffusion de tos(oJ — tosa enlève ce-
pendant à ces arguments toute force probante. Nulle part
nous n'avons trouvé le féminin antérieurement au mascu-
lin. Dans l'italien de la Renaissance, dans l'ancien véni-
tien et dans l'ancien provençal, les deux formes appa-
raissent ensemble. Il est vrai que le masculin manque à
l'ancien français; mais M. Meyer-Lûbke désigne lui-même
l'anc. fr. touse comme un emprunt fait au provençal; l'exis-
tence de cette forme ne saurait donc guère prouver que
le féminin ait été antérieur au masculin ^ Les patois
actuels de la Haute-Italie et du Tyrol présentent aussi les
deux formes ^. Je ne vois donc rien qui nous empêche
de considérer le masculin comme la forme primitive, d'où
a été dérivé le féminin.
274. Le sic. carusu 'ragazzo', diminutif caruseddu
Vagazzetto' ^, a été rattaché par Liebrecht * à carusari
*tondere', 'tosare'; et il est vraisemblable que l'origine de
ce mot est analogue à celle de tos{o) — tosa ^.
^ Inutile d'ajouter qu'on peur, en dire autant du bas-lim. touso.
^ Quant au «norm.» touse. touselle. voir plus haut.
' Suivant Mortiliaro, ce mot a une nuance dépréciative.
* loc. cit.
" Faut-il ranger ici également l'esp. muchaeho? Cf. p. 335, n. 2.
269
c. Mots concernant les vêtements.
275, Parfois l'enfant est dénommé d'après ses vête-
ments. — Suivant les matériaux du Glossaire des patois de
la Suisse romande, on peut désigner dans le Valais un petit
garçon par le mot houlotir (— 'culottier'). On trouve dans
plusieurs patois des termes correspondants. Le rouchi
maronier 'petit garçon qui porte des marones (culottes)'
présente le même suffixe que le mot valais. En Bretagne
on dit hannard; en Normandie hannot (de hannes =' culot-
tes'); dans certains patois du Midi: hraiet, braieto, bragueto,
braietoun, etc. (de braies); et, dans la plus grande partie
de France, culottin, qu'on trouve déjà dans le dictionnaire
de Trévoux ^. Mais aucune de ces dénominations ne
semble avoir pris le même sens général de 'garçon' que
le val. houlotir. — De même que braiet et culottin, qui
désignent proprement la pièce d'habillement, s'emploient,
par métonymie, pour désigner le garçon même qui en est
revêtu, les mots robichon (bas-manc.) et robinéte (rouchi),
signifiant proprement 'petite robe d'enfant', s'emploient
aussi comme termes d'amitié au sens de 'petit enfant',
'petite fille'
2
276. Le morvandiau aube 'enfant nouveau-né' re-
monte à albatus. Du Gange nous apprend que les nou-
* Cf la carte culotte (373) de VAtl. ling.
' C'est un phénomène extrêmement fréquent qu'une personne soit
désignée par un détail du vêtement. C'est ainsi que le franc, co-
tillon, l'ital. gonnella, l'esp. falda se disent pour 'femme', surtout en
parlant des femmes en général. Dans Cotgrave on relève courtes
chausses au sens de 'femmes', mot que nous retrouvons avec la même
signification dans le patois rouchi: courtes cauches. Dans les patois
picards, wallons, et dans le parler messin, on dit blanc-bonnet pour
'femme' ou 'fille'; et, dans les mêmes contrées, les hommes sont ap-
pelés les chapeaux. Rappelons que, dans Werther, Goethe fait dire à
Lotte: «Mein Chapeau walzt schlecht».
18
— 270 —
veau-nés étaient appelés albati on in aïbis positi, parce
qu'ils étaient vêtus de Valha (franc, auhe), «vesfis candida
... in puritatis et innocentiae^ quani profitchantur, sym-
holum» \
d. Dénominations établies d'après une partie du corps.
277. Dans le langage hypocoristique, ce procédé mé-
tonymique joue un rôle très considérable. En ancien fran-
çais on employait le diminutif musequin, tiré de museau,
pour désigner amicalement un petit enfant ou une jeune
fille. Ainsi, dans une chanson du XV® siècle ^, ce mot
est adressé à une jeune fille: Adieu, petit musequin! Cf.
l'expression moderne: C'est un joli minois, pour «c'est une
jolie fille» ^.
278. Le groupe le plus important de ces désignations
métonymiques est formé par celles qui dénomment les
enfants d'après leurs parties génitales*. En parlant d'un
garçon nouveau-né, le lyonnais peut employer l'expression:
Y est un borsat (<; *bursatus: 'qui est pourvu de bourses',
au sens d'enveloppe des testicules); et le patois du canton
de Vaud dit en pareil cas: on koyu (proprement: 'qui est
pourvu de couilles') °. Mais on peut rendre la même idée
en désignant le tout par la partie; ainsi, M. Gauchat a
noté à Bernex (Genève) la phrase que voici: sa fénâ a fé
^ Cf. aube, qui désigne une tunique blanche portée par les prêtres
sur la soutane pour célébrer la messe; et l'anc. fr. aube 'prêtre', 'clerc'.
2 Voir Chansons du XV^ siècle, p. p. G. Paris, VII, 29.
^ Cf. aussi le suéd. sôtnos.
* M. Spitzer, WS, V, p. 213, n., donne, d'après G. Meyer, plu-
sieurs exemples, tirés du grec, de l'albanais, du latin, etc., de mots
signifiant 'pénis', 'vulva', qui ont pris le sens de 'garçon', 'fille'.
5 Voir Gauchat, BGIPSR, IX, p. 5. Cf. aussi Tappolet, ASNS,
CXXXI, p. 92. — M. Gauchat se demande (dans une lettre), si le mot
valaisien bwata 'jeune fille' ne serait pas identique à bouata 'crevasse'^
'trou', 'caverne', employé au figuré pour 'vulva'. Pour une autre
explication de ce mot, voir § 331.
— 271 —
ou (plyon «sa femme a fait un 'guillon' (verge)» ^ Il faut
pourtant observer que la plupart des termes en question
ne semblent pas avoir servi à désigner ainsi, d'une ma-
nière tout objective, un garçon ou une fille au point de
vue du sexe: ils ont par contre en général une forte
nuance affective. Mais, tandis que ces mats, appliqués à
des personnes adultes, sont des injures grossières ^, ils
ont, quand ils s'adressent aux enfants, un caractère hypo-
coristique ^.
La plupart des termes en question se rencontrent en
France. L'anc. fr. vitaut * 'membre viril' se disait comme
terme de tendresse à un jeune garçon. Dans le Centre
on appelle amicalement un petit garçon ht, Mt, bitaud, à
Démuin (Picardie) bite, à Saint-Pol bitle. bitlO ^. Le patois
des environs de Grenoble emploie brauqiia (brôcca) 'membre
viril d'un petit enfant' d'une manière analogue. A Saint-
Pol, une toute petite fille peut s'appeller un petit trottignon
(d'après M. Edmont, Siippl., diminutif de trot 'parties na-
turelles d'une femme', ou 'anus') ou un petit trou du cul:
au Longeron (Anjou) on adresse à un petit enfant le mot
troufignon ('orifice anal'), «interpellation demi-caressante,
demi-dédaigneuse > (Verrier et Onillon).
* loc. cit.
■ Cf. le germ. fud ('vulva' ou 'anus'), qui s'employait comme
injure à l'adresse d'une femme ou d'un homme lâche (voir H. Sperber.
Imago, I. p. 432 ss.. où l'on trouve aussi d'autres exemples de ce
procédé); le com. pôta ('vulva') se dit quelquefois pour 'ragazzaccio',
'persona inetta'; Tital. minchione ('pénis') signifie souvent 'niais',
'bêta'; etc.
' Cf. les cas, où, inversement, les parties génitales sont dénom-
mées par des mots signifiant 'chéri', 'mignon', 'poupon': ital. cece,
cecino; pist. cinci; anc. fr. poupard ; ou par des mots signifiant 'petit
frère', etc.; voir Tappolet, Die romanischen Vericandtschaftsnamen, p.
56, n.; aux exemples cités par le savant suisse, on jiourrait ajouter
l'anc. fr. frère 'testicule', frérots 'testicules' (Godefroy).
■• Cf. Meyer-Liibke. Itoni. etym. Wb., 9173.
^ Cf. le prov. quico, quiqueto, queco, quequeto, terme de nourrice
pour 'membre viril', qui s'emploie comme terme de tendresse (Mistral),
— 272 —
Le roumain puta (< *putium 'membre viril' ^) 'parties
naturelles d'un petit enfant' se dit pour 'enfant' dans
l'apostrophe mai puta. Suivant M. Meyer-Liibke, le macéd.
tup 'enfant' remonte aussi à *putium.
279. En français, le mot blanc-bec (proprement une
métaphore pour 'bouche qui n'a pas encore de moustaches')
sert à désigner un jeune homme qui n'a pas encore de
barbe et qui manque d'expérience. Le provençal connaît
aussi ce mot: blanc-bè.
Dans le parler de Reims, le mot barhefolette est (ou
était) usité, selon Tarbé, au sens de 'jeune homme'.
280. Le napolitain guagnasta, guagnastra 'giovanotta',
'ragazza' ^ (diminutif: guagnastrella) a, d'après l'opinion de
M. Salvioni ^, adoptée par M. Meyer-Lûbke *, la même
origine que le mil. sguansgia 'femme de mauvaise vie' ou
'joue' et que l'ital. guancia 'joue'. En ce cas, le sens de
'jeune fille' provient probablement d'un procédé métony-
mique, analogue à ceux que nous venons de mentionner.
281. J'ajoute ici le mot corps (prononcez: hô, Jcouâ)^
qui, dans la Suisse romande, surtout dans le canton de
Vaud, se dit pour 'garçon'. Dans les cantons de Vaud et
de Fribourg, tm jeune corps veut dire un jeune homme. Il
faut considérer cet emploi aussi comme une métonymie
du type pars pro toto, puisque l'être entier est désigné
ici par sa partie matérielle ^.
^ Voir Mej-^er-Lûblie, op. cit., 6881.
^ Il signifie aussi 'donna dissoluta' (selon D'Ambra, ce sens est
vieilli). En sicilien, guagnastra signifie 'druda'.
* BendlL, sér. II, XL, p. 1111.
■* op. cit., 9499, 2.
^ Cf. animetta, arméta, etc. (§ 179) qui. au point de vue de la
logique, sont également des métonymies, mais qui, au point de vue
psychologique, sont, avant tout, des expressions de sentiments, des
termes affectifs.
— 273 —
3. Métaphores,
a. Métaphores tirées d'objets inanimés et du règne végétal.
282. Quand le nom d'un objet inanimé est appliqué
à un enfant, le caractère commun qui les fait comparer
est le plus souvent leur petitesse, leur forme (arrondie,
mince, etc.), ou leurs mouvements. Quand il s'agit de
petits rameaux, de tendrons, etc., ce sont pourtant d'autres
ressemblances aussi qui ont provoqué la comparaison:
l'âge tendre, la fraîcheur \ la croissance rapide, etc.
a 1. Métaphores faisant ressortir la petitesse.
283. Au lieu de faire ressortir directement la peti-
tesse de l'enfant, en employant un adjectif ayant cette
signification, on se sert fréquemment d'un substantif qui
désigne un objet très petit, une miette, un petit morceau, etc.
C'est ainsi que le franc, mioche ^ (s. f.), donné par
Cotgrave comme synonyme de miette^ et qui s'emploie en-
core avec ce sens dans quelques localités ^, a pris géné-
ralement dans les patois la signification de 'jeune enfant',
'petit garçon', en changeant le plus souvent aussi de genre.
Je l'ai trouvé en rouchi, où il se dit pour les deux sexes
et où il s'emploie aussi comme adjectif au sens de 'petit',
'délicat'; en haut-normand (Pays de Bray, Vallée d'Yères)
^ Cf. l'emploi symbolique du mot vert.
- M. Sainéan, ZRPh, Beih. I, p. 65, a identifié à tort ce mot
avfc le prov. miaoucho 'qui miaule'; au sens de 'chat', mioche aurait
été appliqué métaphoriquement à un enfant. Il attribue le même sens
primitif à mïon et à iniot. Mais dans Les Sources de l'argot ancien,
pp. 398, 399. il change d'avis quant à mioche et mion, adoptant l'éty-
mologie mie {<z m'ica) 'miette', qu'il avait jadis rejetée.
' La carte un peu (1007) de VAtl. ling. montre aux points 272.
295 (Nord): en myHe (les points environnants présentent un peu ou
une miette). Lie bas-manceau connaît le verbe myoee 'réduire en miettes',
d'où le substantif féminin myoee 'pain émietté dans du cidre, du vin
ou du lait'.
— 274 —
et en normand {une mioche, Dn Méril); dans les patois du
Centre, du Poitou, de la Saintonge, d'Auvergne et du
Doubs (Bournois). — Dans l'argot ancien, mioche signifiait
'apprenti-voleur' ^; dans le langage populaire et familier
actuel, il signifie 'enfant', 'garçon', comme dans les dia-
lectes.
284, Mion 'miette', relevé par un dictionnaire de 1604 ',
et qui s'emploie encore avec cette acception dans quelques
patois ^, se dit pour 'enfant', 'petit garçon' en rouchi, en
bas-manceau et dans le parler de E-ennes. Dans ses Cu-
riositez françoises, Oudin traduit un petit mion par 'un petit
badin'. De même que mioche, mion a fait partie de l'argot
ancien. Le Jargon ou Langage de V Argot réformé le donne
au sens de 'garçon' (éd. 1628) et de 'apprenti- voleur' (éd.
1660). Il a été familier au bas-langage, mais il a été rem-
placé aujourd'hui par mioche *.
285, Dans le parler roumain de Meglen, il y a un
mot mie 'petit enfant' ou 'petit', qui se retrouve en daco-
roumain avec la dernière acception. MM. Puscariu, Tiktin
et Meyer-Ltibke le dérivent alternativement du lat. mica
ou du grec juiKÔg °, tandis que M. Densusianu ^ rejette la
première de ces étymologies. «On ne saurait, en effet,
comprendre, dit-il. comment le substantif mica serait de-
^ Il se trouve avec ce sens dans VHistoire des Brigands Chauf-
feurs, 1800. Voir Sainéan, Les Sources de l'argot ancien, II, pp. 241,398. —
'^ D'après le Dictionnaire général.
^ Je l'ai trouvé dans ce sens à Nancy, au Tholy (Vosges), en
Anjou et en Poitou.
* Voir Sainéan, op. cit., II, p. 399. — Ajoutons que miot 'miette',
'pain émietté' (attesté avec ce sens en Normandie, dans le Bas-Maine
et dans le Vendômois) s'emploie en Normandie et dans le Bas-Maine
au sens de 'dernier éclos d'une couvée', et dans le Vendômois au sens
de 'dernier enfant', 'enfant gâté'.
* Cihac ne donne que l'étymologie mica.
" Histoire de la langtie roumaine, I, p. 201.
— 276 —
venu adjectif.» Mais cela s'explique sans difficulté, si
nous supposons, avec M. Puscariu, que mica 'miette' est
devenu d'abord, par un emploi métaphorique, mica 'petit
enfant' (d'où plus tard le masculin mie; cf. mioche), et que
le sens de 'petit' a été dérivé de celui-ci.
286. Voici en outre quelques exemples du même
procédé métaphorique, trouvés dans les patois français et
provençaux. Parfois ces termes ne s'emploient que comme
des mots d'amitié, et peut-être toutes les expressions de
ce genre ont-elles passé une fois par une phase affective.
A Lyon on adresse le mot braise (= braira, brèza 'miette',
'très petite quantité', d'après Puitspelu) ^ comme terme de
tendresse à un enfant. — En Quercy, spécialement à Cahors,
biquinnerre signifie 'petit enfant', 'gamin', 'moutard'. Selon
Azaïs, il faut y voir un dérivé de biqiii, qui se dit en
Quercy pour 'petit morceau' ^. — Chiffon 'petit morceau'
(surtout dans l'expression un chiffon de pain) s'applique
comme nom d'amitié à un enfant dans le Doubs (Beauquier),
à une petite fille dans le Morvan et en Saône-et-Loire.
Ce dernier patois connaît aussi les dérivés chifoneau, chi-
fonète. Cf. un chiffon d'enfant 'un bout d'enfant', expres-
sion du français commun {Dict. gén.) — Le normand de
l'île de Guernesey a tiré de chique 'chiffe', 'chiffon' le
diminutif chiquette 'chétive demoiselle', 'brin de fille'. On
dit aussi plus complètement chiquette de garce 'fille petite
et chétive'. Cf. un bout de chique, qui se dit dans le Doubs
d'un enfant malingre^.
* Le mot paraît remonter au gaul. hris-, qui se retrouve en briser
et dans une foule de mots signifiant'miette', 'débris', etc.: dauph. brise,
bas-dauph. bressa; émil. brisa, mil. brisïn. Cf. du reste Meyer-Lûbke.
Bom etym. \Vb., 1306, et la carte 1007 {un peu) de VAtl. ling.
' Le suffixe -{n)erre m'est inconnu. — Mistral propose comme
étymologie l'anglais beginner.
* A ce propos il convient de nommer le saintong. pougnon (s. m.)
'enfant gros comme le poing' (Eveillé), poit. pougnon, pougnasse (s. f.)
— 276 —
287. Dans le patois du Valais on trouve tsqrJco —
tsarha au sens de 'gamin', 'gamine'. Le masculin est le
même mot que tsarJco * 'petit morceau coupé' ^, de charcuter;
le féminin a été tiré du masculin ^.
Le bas-manc. bustro (Château-Gontier: hîistre) 'petit
bout', 'petit morceau', 'petite queue', se dit, de même que
l'angev. bousfrou, d'un homme petit ou d'un enfant qui
veut faire l'homme. Cela étant, il paraît probable que le
poit. boutron 'petit enfant' signifiait aussi primitivement
'petit bout' *. — Cf. du reste l'angev. petit bout de monde
'gamin', 'crapoussin', 'nabot', et le franc, bout d'homme.
a 2. Métaphores faisant ressoptir la forme.
288. «Es ist eine hâufig bewahrheitete Tatsache, dass
die Benennungen lebender Wesen, besonders die der Kinder
und gewisser Tiere (vor allem der Jungen) von gewissen
toten Gegenstânden geholt sind, die ftlr die àussere An-
schauung entweder als runde, gerundete, klumpige oder
abgestutzte Figuren hervortreten, wie z. B. 'Klumpen,
KnoUe, Kloss, Stûck, Stock, Stamm'. Besonders hâufig
ist dieser Bedeutungswechsel in etwas niedrigerer Sprache,
in der gemeinen Umgangssprache. Oft haben dièse Wôrter
'petite fille grosse comme le poing' (terme d'amitié); angev. pognon,
même sens (Montjean pâgnon est dépréciatif); bas-manc. ^owô, ^M/"aono
'petits enfants'. Le sens propre de pognon, pougnon paraît être celui
de 'poignée', 'ce que peut tenir la main fermée' (cf. Sachs- Villatte,
pognon, poignon 'HandvoH', 'Geld').
1 Pour le déplacement de l'accent, cf. p. 26, n. 3.
- Cf. l'abr. scacchiate (§ 296). — Cf. aussi le suéd. stumpa 'fillette',
suéd. dial. stump 'petit enfant', de stump 'tronçon', 'bout'.
^ Je dois ces renseignements à M. Gauchat.
* Kolland, Faune populaire de la France, XI, p. 88, y voit le même
mot que bouteron (boutron) 'têtard', qui se trouve dans les départements
de la Loire et de Saône-et-Loire; mais la distribution géographique
des deux mots ne permet pas une telle explication. — Le poit. boutron
'panier de forme conique' n'a probablement rien à voir avec boutron
'enfant'.
— 277 —
eineii komischen Anstrich». C'est ainsi que M. K. F. Jo-
hanssou ^ a caractérisé un phénomène sémantique, qui
est d'une très grande importance pour la formation de
noms d'enfants, surtout dans les langues germaniques,
mais aussi dans les langues romanes ^.
«Battant de cloche», «pilon», «pommeau», etc.
289. Commençons par quelques mots, appartenant
aux patois italiens et suisses, qui fournissent des exemples
bien typiques de ce changement de sens. Ils servent
primitivement à désigner des objets dont la forme offre
une vague ressemblance avec celle d'une personne petite
et trapue ', tels que des battants de cloches, des pilons,
^ Zeitschrift fur vergleichende Sprach/orschung, XXXVI, p. 373.
* Avant M. Johansson. M. G. v. Friesen en a présenté de nom-
breux exemples, tirés des langues germaniques, dans son ouvrage
intitulé De germanska mediageminatorna {Uppsala tmiversitets ârs-
skrift, 1897). Cf. sur ce travail E. Hellquist, Nâgra hidrag till nordisk
sprâkhistoria {Nordisk tidsskrift for filologi, 3 Esekke, XII) et Nâgra
anmdrkningar om de nordiska verben med mediageminata {Gôteborgs
hôgskolas ârsskrift, 1908, II). D'après M. Hellquist, il n'est pas
nécessaire de voir dans des mots tels que le suéd. dial. babbe 'petit
garçon' le résultat d'une métaphore: 'objet inanimé' > 'enfant'; cf.
ouest-flam. babbe 'enflure'. Ces mots pourraient être l'un et l'autre
une sorte d'onomatopée, servant ù exprimer l'intensité du senti-
ment (sympathique ou antipathi(|ue) de. celui qui parle à l'égard soit
d'un enfant soit d'un objet inanimé. — Ces changements de sens ont
aussi été traités par M. R. Much, dans son article Holz und Mensch
{Wôrter und Sachen, I), M. E. Bjôrkman. dans son tra,-vsii\ Neuschived.
gosse (Knabe, Junge), eine semasiologisch-methodologische Studie {Indo-
germanische Forschungen, XXX), et M. Wood, dans son étude sur
Germanie Etymologies {Modem Philology, 1905). Cf. encore Brug-
mann, dans Berichte iiber die Verhandlungen der kônigl. sàchsischen
Gesellschaft der Wissenschaften su Leipzig, phil.-hist. Klasse, LVIII.
p. 178, et Holthausen, dans ASNS, CV, p. 365 s.
^ Cf. le prov. boumbo 'grosse femme courte et replète', qui paraît
être identique à boumbo 'massue', ou à boumbo 'flacon de terre rond
à cou très court'; 'grosse noix'; 'grosse bille'; et les dérivés boumbeto
'petite femme rondelette", boumbùti 'petit homme ventru'. Cf. aussi
le bavar. Klâchel 'Klôppel' et 'plumpe, vierschrôtige Person' (v. Lorck.
AUbergam. Sprachdenkm., p. 212).
— 278 —
des pommeaux, des marteaux, etc. C'est probablement le
plus souvent le gros bout de ces objets qui évoque à
l'imagination la tête d'un être humain, tandis que le
reste représenterait son corps. Quant aux mots dési-
gnant des battants de cloches, M. Lorck a émis l'hypothèse
que l'oscillation de ces objets a aussi contribué à leur
rapprochement avec un enfant vif et turbulent ^. — Les
termes en question s'emploient aussi comme injures au
sens de 'lourdaud', 'nigaud' ^, et peut-être est-ce en passant
par ce sens dépréciatif que certains d'entre ces mots ont
pris, par un emploi cacophémique, l'acception de 'enfant'.
290. Le bergam. hacioc, mant., mirand. haciocch, qui
se rattache au lat. haculum 'bâton', a le double sens de 'battant
de cloche' (à Mantoue aussi celui de 'marteau de porte') et
de 'nigaud', 'benêt' ^. En bergamasque, hacioc et haciochi
sont en outre des désignations ironiques d'un homme de
petite taille, et le dernier mot se dit comme terme de
tendresse à un l)amhoccino\ Comme dénomination d'en-
fant proprement dite, haciocch paraît s'employer en mila-
nais et en comasque. Cherubini et Monti le définissent
par 'bambolino', 'bamboccio'; le milanais possède, comme
le bergamasque, un diminutif caressant en -imc haciocclàn ^.
— Le romagn. hatocc 'battaglio' '" s'emploie aussi au sens de
'marmocchio', 'giovanastro', 'fanciullaccio' (Morri). On voit
par ces derniers mots qu'il a une nuance péjorative.
^ loc. cit.
- Cf. le suéd. dumhom, l'allem. stockdumm, etc.; cf. encore Bjôrk-
man. op. cit., et Schuchardt, ZBPh, XY, p. 102.
•' Cette sig;nificatiou se rencontre dans d'autres dialectes encore
(voir Lorck, loc. cit.).
* Le mil. bacioccli — ftaciocca signifie en outre: 'amoroso'. 'amorosa'J
cf. le gén. bacioccu 'zerbinotto', 'giovane', 'galante'.
3 Cf. Meyer-Liibke. Bom. etym. Wb., 994.
— 279 —
291. Le lucq. pMello 'bambino grasso e pesante' ^
<^st le même mot que l'ital. i)esteUo 'pilon'.
292. Il convient de mentionner ici le valaisien martelein
'petit garçon', que Bridel a signalé au Val d'Illiez. Il ne
s'y dit plus, et M. Fankhauser ne l'enregistre pas. M.
Gauchat m'apprend que M. Jeanjaquet a relevé martèlœ
dans ce parler comme mot vieilli. Il remonte à un type
* martelliniH't et paraît avoir signifié primitivement 'petit
marteau' ^.
Le patois du canton du Valais connaît aussi le terme
porno 'garçon', qui semble être identique au franc, pom-
meau (cf. l'allem. Knopf. qui se dit dans certains dialectes
j)Our 'enfant'j ^.
293. Le vénitien mazsoca, maszocola, et le brescian
masùc signifient 'estremità di mazza, di bastone', 'capoc-
chia' *. Le mil. mazsàcch, qui figure dans Cherubini avec
le sens métaphorique de 'testa' (cf. vén. maszoca de testa,
maszuco 'testa'), a eu sans doute la même signification
primitive que ces mots et que le mil. maszocchera {mazzoc-
cora). De même qu'on a tiré du mot synonyme capocchia
le masculin capocchio 'nigaud', on a attribué à ces termes
et à leurs dérivés le sens de 'lourdaud', 'nigaud'. Tel est
le cas pour le vén. mazzncon 'capassone'; bellun. niazuc
'tànghero', 'buaccio' (Cavassico, XVI^ s.), mant. mazzucch
1 Voir Pieri. AGII. XII, p. 132.
- Bridel le rattache à masculus.
' Je dois cette explication à M. Gauchat. — Ajoutons ici blTi
('billot'), qui, dans le patois de Saint-Pol, sert à désigner un enfant
bien portant et lourd pour son âge.
* Cf. le bas-engad. mazzuch. meglen. macîocu, esp. mazocho 'bâton',
'massue'. — Cf. encore le bergam. mazàchera 'culaja', 'la pancia degli
uccelli stantii'; valtell. mazâcra 'grosso cacherello di uccello adulto'.
L'idée de 'quelque chose d'arrondi', que présentent ces mots, se retrouve
aussi dans le vén. mazzocola au sens de 'enfiagione', 'enfiatello'.
— 280 —
'stolidaccio' ; bresc. masùcher ^, masucô 'bietolone', 'capocchio'
(Pellizzari 1 769) ; Val Trompia mazacher ^ 'miserabile' ; mil.
mazzucch, mazsucôn^ mazsàcor 'capassone', 'uomo duro d'intel-
letto'; piém. massue, massucbh 'capassone', massàcher 'tanghe-
ro' ^. — Mais, dans deux dialectes, on trouve les mêmes mots
au sens de 'enfant': bellun. mod. mazzoch^ maszuccot 'fanciul-
lo', 'giovanetto', ma^^occa 'ragazza', 'fanciuUa' (d'après Ferrari^
Gloss. monf., qui rattache à tort ces formes à mata 'ragazza') ;
bresc. masàcher 'fanciullo' (Melchiori 1817, Biondelli). Comme
le sens de 'nigaud' est beaucoup plus répandu que celui
de 'enfant', et attesté antérieurement à celui-ci, on est
porté à croire que cette dernière signification est le ré-
sultat d'un emploi cacophémique de mazzoch, mazacher,
«Bouchon», «tampon».
294. A Parme, Plaisance et Mantoue, un bondon ou
bouchon (ital. turacciolo) s'appelle coccai, mot qui rappelle
l'ital. cocchiume et deux mots du bas-latin: cocîiio, cochonus.
A Plaisance, coccai se dit aussi d'une personne de petite
taille; dans le parler de cette ville et dans celui de Parme,
ce mot a pris en outre le sens de 'fanciullino', 'ragaz-
zetto'.
Il vaut la peine de faire remarquer ici que le franc.
bouchon s'emploie, dans le langage familier, comme terme
de tendresse en parlant d'un enfant ou d'une jeune fille *
^ Sur le suffixe lombard -er = -ûlu, voir Salvioni, Fonetica del
dial. mod. délia città di Milano, §§ 144, 18G.
' Une substitution analogue du suffixe -ac à -uc se trouve dans le
bas-engadinois: mazzûeh 'Schlegel' — mazzacun 'Morgenstern' (eine
Kriegswaffe') (Pallioppi).
* Ce mot paraît fournir une étymologie du prov., franc, massacre
'mauvais ouvrier', 'celui qui gâte un ouvrage', plus vraisemblable que
celle de Mistral et du Dictionnaire général, qui y voient massacre
'tuerie' (=piém. massacri, mil. massàcher, bresc. masacro).
* Dans ce dernier emploi on trouve même la forme bouchonne
(voir le Dict. gén.). — Dans La Coupe enchantée de La Fontaine, on
lit (se. 12): «Les deux jolis petits bouchons» (Perrette et Lucinde).
— 281 —
Le provençal moderne se sert des mots tapet, tapouis-
sotin, tahouisson (dim. de tap 'bouchon') au sens de 'cour-
taud', 'ragot', et, d'après Mistral, le dernier de ces termes
peut signifier en outre 'petit garçon' ^ — Le sens primitif
de bouchon est celui de 'faisceau de feuillage', 'paquet de
foin', et le prov. tabouissoun peut signifier aussi 'bouchon
de paille ou d'herbes'. Cette dernière signification a-t-elle
été le point de départ de l'emploi figuré? On est tenté
de le croire quand on relève le prov. garbo de civado
'gerbe de foin' comme désignation familière d'une fille ^.
«Baguette», «rameau», «scion», etc.
295. Pour faire ressortir la taille mince et gracile
d'un jeune garçon ou d'une jeune fille, on a eu recours à
des comparaisons avec des objets tels que des baguettes,
des rameaux, des scions '.
C'est encore une fois la Haute-Italie, avec son goût
prononcé pour les rapprochements de «.Hoh und Mensch» *^
1 Cf. encore le lang. boudissoun, boudouchoun 'bouchon', et. fig.,
'babouin', 'polisson', 'courtaud'. — Le patois de l'Aveyron présente une
métaphore du même genre. Cabillou 'petit drôle', 'petit polisson',
qui, à Villefranche en Aveyron, se dit aussi d'une personne de petite
taille, est, d'après Vayssier, le même mot que cabillou 'petite cheville'.
(Cf. le suéd. kil, qui, dans le langage populaire des provinces méridio-
nales, se dit pour 'petit enfant' et qui est peut-être identique à kil
'cheville'.) — Mistral dérive cabillou 'petit drôle', 'petit chicaneur' du
verbe cabilha, caviJia (ital. cavillare) 'chicaner', critiquer", 'railler', ou
du substantif cabilho. caviho 'chicane', 'vétille', 'personne qui trouve
toujours à redire'.
* Cf. le pic, wall. 7noie 'meule de gerbes, de fagots', etc., au sens
figuré de 'femme courte de taille et très grosse'. (Voir BehrenS. Sei-
tràge zur franz. Wortgeschichte und Grammatik, p. 177.).
* Rappelons à ce propos l'étymologie proposée par M. Vising pour
gars, garçon, garce: anc. haut-allem. gart (= allem. mod. Gerte) 'verge',
'branche', 'bâton', étymologie dont M. Herzog a dit qu'elle est «die
von deu bisher vorgebrachten einzig môgliche» (ZRPh. XXVII, p.
124). Pour des motifs indiqués plus haut (§ 147), je ne peux pourtant
pas m'y rallier.
* Cf. Much, op. cit.
— 282 —
qui nous fournit les exemples les plus caractéristiques. —
Le bergam. hàgol, Valle Imagna hacol^ dim. bagolî 'fan-
ciuUo', 'bambinello', 'naccherino', est le même mot que
bàgol (dim. haglèt)^ qui, dans quelques vallées des Alpes
bergamasques (Valle Seriana Superiore, Valle di Scalve^
Valle Calepio), s'emploie avec l'ancien sens de 'piccolo e
giovane pezzo' ^ Dans le patois de Valle San Martino
et en milanais, bacol a le sens de 'baggeo', 'babaccio'.
Le com. sciorscêll 'fanciullo', 'giovanetto' signifie pri-
mitivement 'pezzo piccolo e sottile di legno', 'fuscello',
'sarmento' (du lat. surcellus 'scion' ^); il se retrouve dans
plusieurs dialectes haut-italiens: mil. sciorscêll 'virgulto' ;
posch. hirëel 'Zweig'; mant. sorsei 'Reisig' ^.
296. 'Scion' ou 'rameau détaché de l'arbre' paraît
être la signification primitive du mot scacchiate^ qui s'em-
ploie dans les patois des Abruzzes, de Teramo et du Vo-
mano au sens de 'ragazzo' *, et qui est apparemment
identique au participe passé du verbe scacchià 'staccare
un ramo dal tronco, un rimessiticcio dal ceppo'. Finamore
^ Bagol, bacol se rattache sans doute au lat. baculum {*haccu-
lum); voir Salvioni, RDB, IV, p. 195. — M. Lorck. op. cit., p. 212.
qui le fait dériver aussi de bacuïum, paraît être d'avis que bacol a
signifié, comme bacoc et batoc: 'battant de cloche', avant de prendre
le sens de 'enfant'. Le seul fait qu'il ait allégué à l'appui de cette
hypothèse, est le verbe vénitien et frioulan bagola{r) 'wackeln', 'vor
Kàlte zittern' (=; lomb, baold frissonner'). Mais ce verbe n'a rien à
voir avec bacol, bagol; il provient, comme l'ital. vagolare, de vagus
(voir Meyer-Llibke, Rom. etyin. Wb., 9125).
* Cf. valtell., posch. scibr 'sarmento', 'fuscello', 'pezzo di legno
da fuoco' (< surus 'rameau').
'■^ Voir Salvioni, Memorie del Beale Istituto Lombardo, Classe di
lett., etc., XX, p. 275; Michael, Der DialeJct des Posehiavotals, p. 45;
Meyer-Liibke, Rom. etym. Wb., 8472.
* Dans les Abruzzes ce mot a une nuance dépréciative. — Cf.
le moyen bas-allem. drummel 'Tnimmer', 'Baumstixmpf; fig.: 'kleiner,
gedrungener Mensch'. et le suéd. drummel Tlegel' (v. Bjôrkman, op. cit.,
p. 271).
— 283 —
ajoute à l'article scacchiate: «Quasi: 'Staccato dal tronco'».
— On a dérivé de ce mot le diminutif scacchiatèlle (teram.
scacchiatille) et le collectif scacchiatarïje.
'2i)7. Dans ce groupe il faut peut-être ranger aussi
le franc, hardeau — har délie. Hardeau (hardel) signifiait
en ancien français 'jeune garçon' ou 'vaurien', 'coquin'.
Les plus anciens exemples cités par Godefroy pré-
sentent le premier sens K Le féminin hardelle semble
être d'une date plus récente. Dans le plus ancien
exemjile relevé par Godefroy (1397) ^, il a le carac-
tère d'une injure, mais dans les autres il signifie 'jeune
fille'. — Aujourd'hui, ]iardcau et hardelle ne coexistent
([u'en Picardie, où ils signifient 'jeune garçon', 'jeune fille'.
Le féminin s'emploie en outre dans le Hainaut français,
en Normandie ', dans le Vendômois, le Haut-Maine ^, l'Anjou
et le Berry ^.
On a proposé de rattacher hardeau — hardelle 'garçon',
' Le plus ancien d'entre eux est tiré d'Yzopet. II, fab. III, Ro-
bert (vers l'année 1230). Cf. Du Gange: hardellus 'nebulo', 'nequam'
(dès l'année 1351).
* Le Yoici. cité d'après le Glossarium de Du Cange, où il est
plus complet: «Icellui Yssebar. dit audit Goule qu'il estoit un mauvez
Hardelt hayneux et brigueur. Laquelle Jehanne eust deslengiés les
dittes trois jeunes filles, pour ce qu'elles mengeoient du fruit de
laditte Jehanne ... et leur dist que elle les feroit batre, en les appel-
lant sanglantes Hardelles» {Reg- 152. ch. 67).
^ Métivier a relevé héridelle 'jeune fille' dans le patois de Guer-
nese3-. Est-ce bien le même mot'?
* Montesson dit qu'il n'a jamais entendu le masculin hardeau
dans le Maine, mais que cette forme devait néanmoins y être autre-
fois usitée, à en juger par un passage emprunté à Despériers, qui
avait pour collaborateurs deux manceaux. et qui a placé les paroles
suivantes dans la bouche d'une paysanne mancelle parlant à son
évêque: «J'ai un autre hardeau», en ajoutant ce renseignement:
<ainsi appellent-ils aux champs un garçon, et une fille une hardelle.»
{Contes de Devis. Nouv. XVII).
'Ha parfois un sens défavorable; en Berry il signifie 'fille
facile'; en Normandie, d'après É. et A. Du Méril: 'fille complaisante'.
(Moisy le traduit par 'jeune fille' ou 'servante'.)
— 284 —
'fille' à l'anc. fr. Jiart \ Jiardeau, hardelle 'branche', 'lien
d'osier, de bois pliant, pour lier des fagots'. Cotgrave
donne hardeau, hardelle avec les deux sens. Du Bois,
dans son édition des Vaux-de-Vire (1821), dit, à propos
de hardelle, qui se trouve dans un de ces poèmes (n:o 44):
«Ces mots [hardeau et hardelle] viennent probablement de
hardes, harts, jeunes branches, et par extension jeunes
gens, comme on dit encore familièrement: un beau brin
de fille, pour dire une fille jeune, belle et svelte.» De
Chambure, dans son Glossaire du Morvan, p. 769 ss., donne
la même explication: «De harf (brin flexible de saule,
d'osier, etc.) on a tiré hardelle, verge, scion flexible et
jeune fille.» M. Behrens (op. cit., p. 178) paraît être du
même avis ^.
Cette hypothèse, appuyée par les parallèles que nous
venons d'étudier, paraît très admissible; seulement, elle
n'explique pas, me semble-t-il, la forte nuance de mépris
que le mot avait au moyen âge.
«Rejeton», «tendron».
298, L'idée d'un rameau mort, d'un petit morceau
de bois, et celle d'un rejeton, d'un brout vert et vivant,
se touchent naturellement de très près, et souvent la
langue se sert d'un seul mot pour rendre l'une et l'autre ^.
L'application métaphorique aux enfants de mots signifiant
'brout', 'rejeton', implique cependant, comme je l'ai fait
remarquer plus haut, une allusion non seulement à la forme,
mais aussi à la jeunesse, la fraîcheur, etc.
Le parler de Grenoble emploie hroi 'brout', 'bour-
geon' au sens de 'jeune enfant'. — Rappelons aussi l'ex-
' Suivant M. Meyer-Lûbke, Mom. etym. Wb., 4041, du franc
*hard 'cheveu'.
* Cf. aussi Kôrting, op. cit., 4548. — M. Jeanroy, Rev. des Uni-
versités du Midi, I, p. 99, rattache le mot au franc herda 'troupeau';
cette étymologie est rejetée par Kôrting et M. Meyer-Liibke.
* Cf. plus haut surcellus et ses descendants romans.
— 286 —
pression française un beau brin de fillf 'fille de belle venue'
{hnn= 'rejeton') ^.- - Peut-être le franc, tendron, prov. tendroun
'jeune fille' (en provençal aussi: 'jeune garçon') doit-il
s'expliquer d'une manière analogue. Le Dictionnaire général
voit dans ce sens un emploi figuré de tendron 'rejeton
jeune d'une plante' ; et la même opinion a été émise déjà
par Furetière. — Mais il y a aussi une autre explication
très acceptable, proposée par M. Nyrop -. suivant laquelle
tendron est un terme descriptif analogue à grison, un
adjectif (jui s'est appliqué, par polysémie, à différents
objets: le rejeton tendre d'une plante, le cartilage tendre d'un
veau, un jeune agneau (en provençal) et une jeune fille '.
Après ce qui précède, il ne doit pas être trop hardi
de rattacher le com. gît 'citto', 'fanciullo' * (d'où les dérivés
gitbn 'cittone', gitonàse 'fanciullaccio') au piém. git 'getto',
'germoglio'.
«Outre», «panse».
299. Pour faire ressortir spécialement la rondeur
d'un petit enfant bien portant, on l'a comparé à différents
objets de forme ari'ondie: une outre (ou panse) ", une miche
de pain, un petit fruit.
Dans la Valtelline et à Livigno, on peut entendre bo-
tàsc (botac) comme dénomination d'un enfant, d'un jeune
garçon. La Valtelline en a tiré le diminutif bofascêl; à
^ Cf. rejeton, qui. en poésie, se dit quelquefois pour 'descendant'.
Un développement sémantique en sens inverse est présenté par le
lat. pullus, Tital. pollone, le cat. ponceîla (voir plus haut. § 82), par le
prov. cadel, qui signifie à la fois 'petit chien' et 'rejeton', et par le
bas-manc. chiau 'petit chien qui vient de naître' et 'rejeton qui pousse
sur les racines des végétaux' (voir A. Thomas. Mélanges d'étymologie
française, p. 52).
' Gramm. hist. de la lang. franc.. IV, § 560.
' Cf. encore Cotgrave: <^ Tendron. A tender, nesh, délicate or
effeminate fellow».
* D'après Monti, ce mot a une nuance de mépris.
* Cf. l'allem. Balg, au sens de 'enfant'.
— 286 —
Livigno on trouve le diminutif hotacinéc — hotacinéca et le
dérivé dépréciatif botacéc — hotacéca. Le sens propre de ce
mot, qui se rattache au grec ^ovrig {^VT/.g) 'barrique' \ est
celui de 'outre'. Les patois de la Valtelline et de Livigno
ne connaissent plus ce sens, mais le sens dérivé de 'ventre',
'pancia'; celui de 'fiasco' y est vieilli. Cf. le mil. hotasc
'otro', 'ventre' (dans le jargon milanais: 'fiasco'); bergam.
hotas 'ventre'; bresc, crém. hotas 'orcio', 'ventre'; posch.
bot, butas 'ventre' (des animaux); liaut-eng. buttatsch 'ventre'.
Le milanais emploie ce mot au figuré comme sobriquet
d'une personne ventrue, et les garçonnets de Milan se mo-
quent d'un camarade à gros ventre en chantant: Peder.
Gamba de veder, Gamba de strasc, Peder bottasc. (Cherubini.) -
Le patois de Bormio fournit un exemple tout à fait
analogue: bagôn 'fanciuUo' (dim. bagonin. bagonûc. péjor.
bagonéc) est un dérivé de baga 'outre', 'ventre'.
300. Il convient de mentionner à ce propos deux
mots, qui appartiennent aussi aux dialectes de la Valtel-
line et des vallées voisines, et dont le sens primitif parait
être celui de 'panse' ou de 'quelque chose d'enflé' en gé-
néral. Dans la Valtelline et à Bormio. Monti et Biondelli
ont relevé beder 'ragazzo'; à Trepalle (près de Livigno i.
M. Longa signale bôder — bôdera 'ragazzo'. 'ragazza'. Suivant
Monti, boèudar (boeuidar) se dit à Poschiavo pour 'fanciullo',
'figlio'; mais M. Michael ne connaît pas ce mot. Ces ter-
' Voir Diez. Etym. Wôrterh. der rovi. Spi\. p. 62; Meyer-Lùbke.
Mom. etym. Wb., 1427. — Au même primitif se rattache le tyr. bottidl
(Livinallongo botûgle) 'Scliimpfname auf Kinder' (Alton), et peut-être
aussi le tyr. hot — boda (Pufels) 'garçon', 'fille'. Ou faut-il rapprocher
ce dernier mot de la famille bot-, but-, étudiée par M. Schuchardt
dans ZEPh, XV, p. 97 ss.? — Cf. aussi § 300.
* Puisqiie botac 'outre' a pris le sens de 'ventre', 'panse' partout
où il présente l'acception de 'enfant', il n'est pas impossible que ce
sens de 'ventre', 'panse' ait été le point de départ du changement
sémantique; en ce cas, nous aurions affaire ici à une métonymie
du type pars pro toto (cf. § 278 ss.), et non à une métaphore.
--- 287 —
mes rappellent le piém. hrdra 'pancia', hoiloro 'di piccola
statura-, ma panciuto' (Ponza); et le bergam., bresc. hoâtro
'picciolo panciuto'. Le posch. hodàn — hodàna 'fanciullo',
'tiglio', 'fanciulla' (Monti), huddy 'Kind' (Michael) S .paraît
contenir le même radical. M. Salvioni - rattache ces mots
au thème hot-. hod-, ([uo Mussafia a étudié dans son Bei-
traff zitr Ktinde der norditalienischen Mundarten im XV. Jahr-
hunderf. p. 134 s., et (]ui désigne 'quelque chose d'enflé'.
301. M. Salvioni nous apprend ^ cpi'on se sert à
Bellinzone du mot hô^ pour désigner 'un ragazzo tondiccio*,
et que le même mot se dit à Monte Carasso d'un garçon
en général; il l'identifie avec le tess. hih 'pancia' (que
Monti écrit hàz) *.
302. Le languedocien fournit aussi un exemple de
la métaphore 'outre' > 'enfant' : houdoli (proprement bout
d'bli 'outre d'huile') sert à désigner un petit homme, un
'bout d'homme', ou un enfant gros et court, replet et
joufflu ^.
' M. Micliael relève en outre un dérivé avec un suffixe péjoratif;
budanas 'Schlingel'.
» RendIL. sér. U, XXX, p. 1507.
* loc. cit., n. 2.
* Dans le même travail. M. Salvioni se demande si baloeut 'fan-
(îiulli'. (fue Monti a relevé dans le patois des environs de Bellinzone,
viendrait de hala 'palla' (franr. halle), et impli<iuerait, à Tinstar de bÔ2,
etc., une allusion à la rondeur d'un petit enfant. Cela me paraît d'au-
tant plus vraisemblable que les patois lombards possèdent plusieurs
mots pour désigner des objets de forme arrondie, qui se rattachent
sans doute à bala: valtell. baloèun; bergam. balôc 'testicoli', 'pudende';
anc. mil. haloeùs (= ital. ballotte) 'castagne lessate"; com. balôt 'involto
informe', etc. Cf. du reste l'ital. ballottino 'ragazzo che à il naso a
ballotta' (Petrôcchi). — Le tess. baient 'ragazzo', que Monti a relevé
aussi à Bellinzone, dérive probablement du môme mot.
' «Une outre à huile a les mêmes dimensions et une sorte de
ressemblance de conformation» (D'Hombres et Charvet).
— 288 —
îJOS. Le patois de ]a Grand'Combe emploie le mot
seteo 'petit sac' au sens figuré de 'petit marmot', 'mioohe'.
Dans le parler de Bournois. le même mot se prend en
mauvaise part pour désigner un homme lourd et trapu,
«Miche», «gâteau».
304, Le norm. miche 'brioche' sert à désigner aussi
une petite fille (Du Méril). La forme d'une brioche invite
en effet à un tel rapprochement, puisqu'elle a d'ordinaire
la forme d'une calotte renflée, surmontée d'une tête (Dict.
gén.). En français, miche signifie simplement: 'pain rond,
de grosseur moyenne'.
Le jargon comasque désigne un petit garçon par le
mot tortèl, qui signifie proprement 'tortello', 'cibo di pasta
intrisa in aqua e fritta in olio. di forma alquanto ritonda,
délia grossezza d'una piccola mêla' (Monti).
305. Dans le patois de Blonay M*"** Odin a relevé
honé (franc, vaud. bo(jné) 'petit garçon', honè (franc, vaud.
hogne) 'petite fille'. Cette dernière forme se trouve dans
les parlers savoyards d'Annecy et de Chambéry au sens
de 'fille molle et indolente'. Le masculin correspondant
est bonïon 'garçon mou et indolent'. D'après Constantin
et Désormaux. le sens propre de honte serait celui de
'beignet' (français local: hiigne) ^, et cela peut paraître très
plausible, vu l'emploi analogue de miche et de torteî. Mais
il y a une autre explication, qui me paraît, aussi vraisem-
blable. Tous ces mots, hugne. hogne, beignet, etc., signifient
primitivement 'petite bosse', 'enflure' *. sens qui est resté
1 D'après la carte 1765 de VAtl. ling.. un beignet s'appelle en
Savoie hune, burtete, boneta, etc. ; à Blonay on dit, suivant M^e Odin.
buné (franc, loc. beugnet).
* Voir Meyer-Liibke, Eotn. etym. Wb. 1396,2, Outre les mots
qu'il y a cités, cf. suiss. rom. bougna. bogna 'bosse', 'contusion au
front' (Bridel).
- 289 —
souvent à côté du sens de 'beignet'. Ainsi, fninè est, dans
le {latois de Blonay, le nom d'une excroissance sur certains
arbres; à Albertville en Savoie, honïon signifie 'enflure
produite par une foulure ou par la déviation d'un nerf;
cf. le prov. bougnoim 'petit renflement'. Ce dernier mot
peut signifier encore 'magot', 'figure grotesque', et peut-
être honïon, hogné 'garçon', hogne 'fillette' s'expliquent-ils
également par l'emploi figuré de mots signifiant 'bosse',
'enflure', 'quelque chose de rond, d'enflé' ^ Cela paraît
encore plus plausible, si l'on tient compte du berrichon
hogniassc 'fillette' (Jaubert), qui est sans doute un dérivé
du berr. hogne, beugne 'bosse', 'enflure' (et, ironiquement,
'panse', 'ventre'), et non de heugnct 'beignet'.
«Petit fniit)) (pois, fève ^ etc.).
306. Le campid. pisèddu 'pois chiche' se retrouve
dans le logoudorien au sens figuré de 'ragazzo'. — L'ital.
cecino, diminutif de cece 'pois chiche', s'emploie d'une ma-
nière analogue. D'après Fanfani et Tommaseo, ce mot
n'est usité que comme terme de tendresse, de même que
cecio ^, variante populaire de cece. Mais M. Salvioni traduit
eecino par 'ragazzino' (RJUB, IV, p. 196), et, dans le dic-
tionnaire de Rigutini-BuUe, on trouve, côte à côte, les
significations 'anmutiges. liebliches Kind' et 'Kindchen'.
Le mot se rencontre aussi, comme terme de tendresse,
dans les dialectes de la Haute-Italie: mil., com., piac,
vén. cicîn, piém. cicinôt 'bambino amabile', 'caruccio' *.
Les mots bergamasques fazeulott, fasûlà 'bel bamboccio',
'bamboccino', 'creaturina grassoccia' (Zappetini) sont des
' Cf. plus bas l'abr. ciammotte {% 311).
* Cf. le suéd. bôna 'fève', qui. dans le langage argotique, se dit
pour 'jeune fille'.
' Le lucquois connaît le dérivi' ceciône, qui se dit aux enfant»
«che fanno moine per essere accarezzati» (Fanfani).
* Dans le triestin, cicin est un adjectif et signifie 'petit'.
— 290 —
diminutifs du bergam. faseul (ital. fagiuolo) 'fève'. Comme
le mot italien, le premier de ces termes peut signifier
aussi 'semplicione', 'minchione': et Tiraboschi ne donne que
co sens pour fasolbt ^
Le hagais mousette 'petite fille', qui se rencontre aussi,
dans l'arrondissement de Caen et au Val-de-Saire, avec
le sens plus spécial de 'petite fille impertinente', paraît
être le même mot que moiiHcttc 'haricot', 'faséole', relevé
par Métivier dans le patois de Ouernesey ^.
307. Voici quelques exemples d'un emploi figuré de ter-
mes signifiant 'noix', 'cerneau'. Le français populaire désigne
quelquefois par cerneau une jeune fille innocente '. Evi-
demment ce n'est pas la forme, mais la verdeur du cerneau,
le manque de maturité, qui sert de terme de comparaison.
— Suivant D'Ambra, le nap. antrita 'nocciuole secche al
sole, o tostate a moderato calore', peut s'employer pour
* Qu'il me soir permis de mentionner ici le lojçoud. hajanu 'sca-
polo'. 'celibe', hajana 'nubile', 'zitella', hajaneddu — hajanedda 'zitel-
lino', 'zitellina' (cf. aussi bajama 'gioventù'i. qui se rattachent pro-
bablement au lat. haiana pour fahd haiana 'fève de Baies' (voir
Salvioni, BendlL, sér. II. XXXII. p. 132; EDB, lY. p. 196; A.
Thomas, Nouv. ess. de phil. franc., p. 178; Mej'er-Liibke. Bom. etym.
}Vh., 885). Il n'est cependant pas probable qu'il s'agisse ici d'une
métaphore 'fève' >- 'jeune homme non marié'. Le sens antérieur à
cette dernière acception doit avoir été le même que celui du sic, calabr.
vajana, qui, par métonymie, en est venu à désigner la cosse de la fève,
tandis que le mot en italien et dans plusieurs dialectes (ital. fo«^^?OMrt,
arét. hagiana. lomb. hazana. etc.) désigne diverses espèces de fèves. Dans
le sens de 'chose inutile", qui dérive facilement de celui de 'cosse'.
ce mot peut avoir été appliqué, comme une sorte d'injure plaisante,
à une femme non mariée, et, avec différenciation de la finale, à un
homme non marié.
* Ou faut-il peut-être voir dans mousette 'fillette' im diminutif
du norm. mouse 'museau', 'figure', 'mine'? Cf. musequin. minois {% 278 >.
* Le premier dictionnaire qui mentionne cet emploi doit être
celui de Delvau fl867), où le mot est signalé comme un terme de
«l'argot des gens de lettres». On le trouve dans un des romans
de Daudet: Bose et Ninette. p. 355 (Œuvres complètes. Paris 1899
—1901).
— 291 —
désigner 'una giovauetta trescoccia, tarchiata e rubiconda".
- Le com. grioèu 'noce smallata e sgusciata' (= mil. f/riceù
'gariglio') ^ se dit quelquefois pour 'caruccio', 'bimbo', 'cucco'.
Il faut mentionner ici encore que le vénitien se sert
do raisa ou raise 'radice' comme terme de tendresse:
'cecino'. 'saporitino'. On dit par exemi^le : earc le mie raisc
pour 'caro il mio gioiellino'. Le diminutif raisin (souvent
qualifié de bel) paraît avoir un sens plus général; Boerio le
traduit par 'mammolino'. 'bambolino' ^.
Le raisin, qui, plus encore que les objets prémen-
tionnés, joint à la forme ronde la douceiu* du goût, se
prête aussi volontiers à un tel emploi. Ainsi, dans le patois
do Saint-Pol, me pti roje^ me yro roje ('mon petit (grosi
raisin') sont des termes d'affection qu'on donne aux petits
onfants *.
308. Peut-être faut-il considérer aussi comme une
métaphore tirée du régne végétal le haut-manc. rouâmelle
[quouâmelle, couêmeUe), qui, à Loué (dép. de la Sarthe), se dit
pour 'fille' (Montesson). Cette désignation paraît reposer
sur une comparaison avec la forme d'une couamelle. ou
champignon ^, qui, avec son «pied», souvent ventru ou
renflé au milieu, et son grand «chapeau», rappelle une petite
fille en chapeau à larges bords ^.
* Ce n'est peut-être qu'un terme poétique, car D'Ambra n'en cite
que l'exemple suivant, tiré d'une vieille chanson: Ntrita mia roseca-
rella. Facce bella. Viene eea.
* Voir Meyer-Lubke. Rom. etym. Wb.. 172R.
» Cf. p. 105, n. 5.
■• Ajoutons que trognon, dans le langage populaire et familier, se
<lit comme terme de tendresse à un petit enfant ou à une jeune fille.
'- Dans Montesson on ne trouve pas couamelle dans ce sens,
mais il est attesté pour un parler voisin, celui du Vendômois.
" Dans le Vendômois. couamelle peut signifier aussi 'chapeau à
larges bords".
— 292 —
Animal ou objet inanimé?
309. A première vue, on est parfois tenté d'expliquer
comme une métaphore tirée du règne animal une déno-
mination qu'il faut en réalité ranger entre les métaphores
tirées d'objets inanimés.
Les noms de ces objets s'appliquent souvent, non
seulement à des êtres humains, mais aussi à des animaux,
dont la forme offre quelque similitude avec celle d'un
bloc de bois, d'une bosse, etc. Dans son ouvrage cité
plus haut, M. E. Bjôrkman a réuni un grand nombre
d'exemples, tirés des langues germaniques, de mots qui
présentent toutes ces trois significations ('objet inanimé',
'animal', 'être humain'). En voyant, côte à côte dans un
même mot, les deux dernières significations, on est na-
turellement porté à croire que le nom de l'animal a été
appliqué métaphoriquement à l'être humain. Mais, comme
le fait remarquer justement M. Bjôrkman, il faut donner,
dans la plupart des cas, à l'un et l'autre sens une origine
commune: l'objet inanimé. «In den hier zu besprechenden
Fàllen, dit-il ^, ist das mit den betreffenden Eigenschaften
ausgerûstete Ding, oder vielmehr die dem Ding anhaf-
tenden Eigenschaften selbst ^, das Primàre, der Aus-
gangspunkt fiir die weitere Bedeutungsentwicklung. Das
Wort kann also sekundàr entweder ein Tier oder ein
menschliches Wesen bezeichnen, sehr oft beides. Der nor-
male Prozess ist meines Erachtens der Folgende:
' Indogerm. Forsch., XXX, p. 258.
' Le mot primitif a-t-il été un substantif (le nom d'un objet) ou
un adjectif (le nom d'une qualité)? Voilà une question à laquelle il
est impossible de donner une réponse certaine. Probablement il
s'est employé tantôt d'une manière, tantôt de l'autre (cf. plus bas le mil.
ftciatt, qui peut signifier à la fois 'crapaud' et 'gros et court'). Si l'on
veut supposer, toutefois, qu'il a eu le caractère d'un adjectif, on n'a
naturellement pas affaire ici à des métaphores, mais à des termes
descriptifs.
— 293 —
-r^ ^. . . -r-.- 1 i- ^r' '^) das Tier
1 ) Das Ding bzw. semé Eigenschatten I on ^ i
liche Wesen ;
nichtetwa : 1) DasDing iisw. i^-> 2) Das Tier s^>- 3) Das mensch-
liche Wosen».
Nous allons étudier dans ce qui suit quelques expres-
sions des dialectes italiens, auxquelles ces paroles semblent
applicables.
310. Dans les dialectes lombards on trouve un mot
sciât ibergam., bresc. sat)^ qui signifie à la fois 'crapaud'
et 'enfant'. Quoi de plus naturel que de voir dans ce
dernier sens le résultat d'un emploi métaphorique de sdat
'crapaud'? C'est aussi ce que fait M. Sainéan dans son
ouvrage précité sur la création métaphorique ^ — Il ap-
plique cependant cette explication aussi au lomb. sciot 'en-
fant', bien que ce mot ne présente nulle part le sens de
'crapaud', mais bien celui de 'crotte' ^. Il serait donc pré-
férable de dériver le sens de 'enfant' de cette dernière
acception et de voir dans sciot un parallèle avec stronzo.
petolo^ etc. Mais, comme l'a fait remarquer M. Schuchardt'.
il est plus probable que sciot et sciât remontent tous deux
à un mot désignant quelque chose d'informe et de glo-
buleux, et que ce mot a été appliqué métaphoriquement
à un être vivant: un crapaud, un nabot, un enfant, ou à
un objet inanimé, une crotte, etc.; il s'est employé adjec-
tivement aussi, comme le montre le milanais sdatt 'tozzo' *.
» Voir ZliPh, Beih. X, p. 134.
' Outre sciât et seiot, M. Sainéan rattache à sciât 'crapaud' plu-
sieurs autres noms d'enfaiits qu'il faut expliquer autrement: lomb. scct
(voir § 110), Turin cet (qui doit être le même mot que le piém. cit ou
pcit, voir § 264); ital. citto (voir § 407).
» ZRPh. XXVIII, p. 318 8.
* Voici ce que M. Schuchardt écrit à propos de sciât, etc.: -i- . • em
Ausdruck fiir etwas Unfôrmliches oder Rundliches in der unbelebten
und der Pflanzenwelt, wie 'Klumpen', 'Klotz', 'Knorren' [wird] auf
— 294 —
L'alternance vooalique que présentent sciât et sciot dé-
pend, selon M. Schuchardt, de l'origine onomatopoétique
qn'il attribue aux expressions de ce genre ^, — L'expli-
cation de M. Schuchardt a été pleinement approuvée par
M. Meyer-Liibke, dans son Rom. etym. Wh., 2454. — M.
Salvioni, dans son travail précité Pcr i nomi di parentela
m Italia ^. suppose que le mot primitif n'a pas eu le
caractère d'un substantif, mais d'un adjectif signifiant,
comme l'adjectif milanais sciatt 'piccolo e grosso'. De là
on aurait tiré le sens de 'nano' ou de 'scriatello', qui
aurait à son tour donné naissance à celui de 'fanciallo'.
A l'appui de la supposition que l'idée de 'nain' a été
antérieure à celle de 'enfant' ^, on pourrait alléguer le fait
que le com. sciât signifie 'nano', 'basso di statura', et que
le sens de 'enfant' n'apparaît que dans le diminutif sciatcl.
qui, à côté de 'nanetto', présente la signification de 'fan-
ciuUino', 'ragazzino' (Monti).
Sciai 'fanciuUo', 'figlio' est essentiellement un mot
des Alpes; Monti le relève, dans le Tessin, à Val Malenco:
sciât — sciàta; à Albosaggia: sciatt 'giovanetti', ,s-da^M 'giova-
netto'. Sciot 'enfant' * est également usité dans les Alpes,
mais aussi à Milan: com. sciotêl 'fanciulletto'; bellinz.
sciot — sciota 'figlio', 'figlia' ^; mil. sciottèll 'cecino', 'bam-
berottolo' .
lebende Wesen (unser 'Knirps'. mdl. 'Knoiz' u. s. w. gehoren hierber)
oder auf die Extremitaten solcher ('Stummel' fur 'Hand'. 'Fuss') ùber-
tragen uiid in adjektivischer Geltung auf die Gestalt (einerseits 'dick
iind kurz'. 'plnmp',anderseits 'verstiimmelt'),auf dieBewegungen('plump'.
'ungeschickt'). auf die geistige Beschaffenheit ('stumpfsinnig', 'dumm')».
1 Cf. la théorie de M. Hellquist sur l'origine de mots tels que le
suéd. dial. babbe (voir plus haut, p. 277, n. 3).
'•* BendIL. sér. II, XXX, p. 1505 s^
» Cf., plus bas, § 373.
■• Cf. borm. cotin. cutin 'agnello' (Longa); engad. tscitot 'Schaf,
tschottin 'Lamm' (Pallioppi). Est-ce le même mot?
* Pour arriver à cette signification, le développement sémantique
a dû passer par celle de 'fanciullo', 'fanciulla'.
— 295 —
Hll. Dans son travail cité plus haut, M. Sainéan
range aussi parmi les noms du crapaud, qui auraient été
employés hypocoristiquement au sens de 'enfant', l'abr.
oiahhottr, nammottc 'enfant dodu'. Dans le Vocaholario
delV usu ahruzzesc de Finamore, à l'article ciahhhtte, on cherche
pourtant en vain le sens de 'crapaud'. Cet article nous
apprend que nabbbttc (s. f. ; à Civitella Alfedena: ciammbUë)
signifie 'galla', 'gallozza', 'escrescenza di alcune piante',
'eniiato'. 'boUa', 'vescica che viene suUa pelle', et qu'il
s'emploie au masculin, avec une nuance dépréciative, dans
le sens de 'ragazzo piccolo e grosso', 'ciccione'. D'autre
part, on trouve, dans le dialecte des Marches, ciamotto
(San Ginesio), ciamntte (Grottamare) au sens de 'botta',
c.-à-d. 'crapaud', et le dernier signifie en outre 'bambino
déforme'. Il ne parait pas impossible que ce sens de
'bambino déforme' soit dérivé de celui de 'botta'; en tout cas
on n'aurait pas été surpris que M. Sainéan eût allégué ce
mot des Marches comme exemple de la métaphore 'cra-
paud'>• 'enfant', ce qu'il n'a point fait. Mais pour le mot
des AbiTizzes, une telle explication est hors de question.
Ici. le sens de 'enfant joufflu' se rattache directement à
celui de 'enflure', etc. ': et c'est sans doute de ce dernier
sens que dérive aussi celui de 'crapaud' dans les Marches.
a H. Métaphores faisant pessortir les mouvements.
H12. La vivacité, l'agilité des enfants a donné nais-
sance à plusieurs termes descriptifs, tels que frccchino,
hrif/ol. et à des désignations cacophémiques ayant un cer-
tain caractère métaphorique, tels que diaolï, cifritto, ludfar,
iupitar. Cette qualité a fait aussi comparer les enfants
à une toupie. Pi'obablement la forme de ce jouet y est-eUe
aussi pour quelque chose.
Dans le parler de Castres (Tarn), un enfant, qui com-
«
* Cf. Bjôrkman, Indogerm. Forsch.. XXX, pp. 259, 267.
— 296 —
mence à marcher, s'appelle gaudufet (Azaïs). Mistral si-
gnale le gasc. gaudufle comme synonyme de ce mot. Sui-
vant Azaïs et Moncaut. gaudufié (gaouduflé) désigne en
Béam, non un enfant individuel, mais une troupe d'enfants.
Azaïs explique — avec raison, il me semble — gaudufet
comme un diminutif de gaudufo 'toupie' ^ La carte toupie
(1319) de y Atlas linguistique nous montre que cette forme
s'emploie justement aux environs de Castres. On y voit
aussi que, dans la partie occidentale des Hautes-Pyrénées,
une toupie s'appelle gaodufio. C'est donc probablement
dans cette région qu'on désigne une troupe d'enfants par
gaouduflé, et non précisément en Béarn, où une toupie
s'appelle ribot. D'après Lespy et Raymond, ce dernier mot.
se dit aussi au figuré d'une petite personne rondelette,
toujours en mouvement ^, Voici donc réunies les deux
mêmes qualités qui, le plus souvent, sont la raison de la
métaphore 'toupie' > 'enfant', — Le sens spécial de 'en-
fant qui commence à marcher' semble impliquer une com-
paraison entre les mouvements chancelants d'une toupie
([ui va s'arrêter et ceux d'un enfant qui apprend à mar-
cher. — La petitesse peut avoir été un autre point de
ressemblance. Cf. l'expression: Es pas plus aut qu'uno bau-
dufo «il n'est pas plus grand qu'une toupie».
Un parallèle de gaudufet 'enfant' nous est fourni par
l'italien trottoUna, diminutif de trottola 'toupie', qui se dit
comme terme de tendresse d'une fillette^ ou d'une jeune iîlle
vivace, et d'où l'on a tiré le masculin trottolino 'garçonnet'.
' Mistral rattache gaudujie. gaudufet 'enfant' à goudoufie 'flacon
^arni de paille', et à goudouvjie 'gonflé'. En effet, il ne semble pas
impossible que le sens primitif de gaudvjto, gaudufo, haudufo (etc.;
'toupie', soit celui de 'quelque chose de gonflé, de houdenfle' . Si nous
comparons entre elles les cartes toupie et vessie gonflée (1380) de
VAtî. ling., nous trouvons pour ces deux idées plusieurs dénominations
communes: guduflo, budufio. hudif. etc.. bien que ces mots ne s'em-
ploient pas généralement à la fois dans les deux sens.
2 Cf. le prov. gaudoufo, baudoufo, etc.' 'fille de joie'.
^ On dit aussi povera trottola à une petite fille.
-- 297 —
b. Métaphores tirées du règne animal.
î{13. La plupart (ies dénominations métaphoriques
sont des noms d'animaux ou des dérivés de termes de ce
içenre. Les associations d'idées, qui ont fourni le point
de départ de cet emploi figuré, ne sont pas toujours de
pures associations de similitude; très souvent ce sont des
«associations de sentiment:^ qui en ont été la cause. Cer-
tainement on a voulu, dans bien des cas, faire ressortir
les qualités que l'enfant et l'animal ont en commun: les
mouvements câlins du chaton, la petitesse et l'agilité de
la souris, la difformité et la gaucherie du crapaud, etc. ^
Mais, encore plus souvent, il faut sans doute expliquer le
rapprochement par le sentiment (soit de tendresse, soit de
dégoût et de mépris) que l'animal et l'enfant ont tous
deux inspiré à celui qui parle. Naturellement ces deux
causes ont souvent concouru au même résultat. Comme
termes d'affection on doit considérer les noms du chat,
«cet animal doux, bénin et gracieux»-; les noms de la
génisse, du poulain, de l'agneau, du poulet, animaux qui
ont l'air si gentil et qui jouent un rôle si important dans
la vie et dans l'économie des gens de la campagne''; les
noms des petits oiseaux, surtout des oiseaux chanteurs,
etc. * D'autres noms d'animaux s'emploient comme termes
d'injure et se sont appliqués par cacophémisme à un en-
fant; cela parait être le cas pour les noms du chien ^, du
1 Cf. Wundt. JJie Sprache, II, p. 576.
« Cf. Sainëan, ZRPh, Beih. I, p. 76.
» Cf. Tappolet. dans ASNS, CXXXI, p. 82.
* Plusieurs noms d'animaux, qui s'emploient de cette manière,
ne présentent qu'un sens purement hypocoristique. par ex. le franc.
bichette, qui se dit amicalement aux petites filles, et le champ, hiquot —
hiquotte 'biquet', 'biquette', terme de tendresse. On dit de même,
dans ce patois: rnai poulotte, mai chaitotte, mai raitotte, etc.; «souvent,
tous les animaux y passent» (Baudouin).
* »Tout ce qui est excessif, détestable, a été rattaché à la notion
chien, à l'encontre du chat que la langue comble de faveurs», dit M.
Sainéan (ZBPh, Beih. X, p. 1).
— 298 —
singe, du crapaud, de certains insectes, etc. Observons
pourtant que justement cet emploi dépréciatif des expres-
sions en question a souvent sa source dans les qualités,
réelles ou supposées, des animaux ^, et que. par consé-
quent, elles reposent, elles aussi, en quelque degré sur
une association de ressemblance. — Il va sans dire que.
dans tous ces cas, on se sert en première ligne des for-
mes diminutives. — J'ai dû renoncer cependant à
disposer mes matériaux, d'après ces points de vue, en
trois catégories strict:ement séparées l'une de l'autre. Je
me suis donc permis de grouper les termes suivants tout
simplement d'après les animaux dont ils ont emprunté
les noms, en commençant par le chien et le chat, en traitant
ensuite des autres mammifères et des oiseaux, et en finis-
sant par les reptiles, les poissons et les insectes.
• Chien.
314. La carte 461 de VAtlas linguistique nous montre
que, dans tout le Nord-Ouest de la France, depuis la Nor-
mandie jusqu'à la Gironde, la notion 'enfant' se rend, dans
beaucoup de localités, par des dérivés de canis: kèno.
kénay (Jcnay)^ et par leurs diminutifs ^. La plupart des
points offrent, à côté de ces formes, le mot enfant ou.
plus au sud, drôle^; mais, par-ci par-là, on trouve exclu-
sivement knay (387) ou kèno (412, 423), Quant à la distri-
^ M. Nyrop, qui. dans sa Gramm. hist. de la lahgne franc.. IV.
§ 352, attire l'attention sur ce fait, y cite plusieurs noms d'animaux
servant à désigner un hoinme ou une femme imbéciles, et rappelle
aussi les sens figurés qu'on attache aux mots cochon, lièvre, mouton.
singe, etc.
- Cf. le bas-manc. eeeo 'enfant chéri, préféré, dorloté' (d'où le
verbe eêeone 'caresser', 'traiter en enfant chéri'), qui semble être le
même mot que l'anc. fr. cienchon 'petit chien' (Godefroy). — Le lan-
gage populaire de Paris dit chienchien- comme terme d'amitié à un
enfant: «Viens, mon chienchien» (Bruant).
' A Chef-Boutonne (Deux-Sèvres), ou dit knay ou knay de draoh
— 299 —
Imtion (le knay et de kmo, la carte nous apprend que la
Manche, l'ile de Jersey et les parties septentrionales de
l'Orne et de l'Eure présentent le premier de ces dérivés V;
puis nous avons un domaine de heho, embrassant la
Mayenne, la Sarthe, la Loire-Inférieure, le nord de la Vendée
et le Maine-et-Loire. Plus au sud, dans les Deux-Sèvres,
la Vienne, la Charente-Inférieure et la Charente, c'est de
nouveau k'enay, knay qui prédomine. Ces données de V Atlas
sont confirmées et complétées par les glossaires de patois,
qui signalent (jtienaiUc aussi dans les parlers de Bray, de
Dol, de Rennes, du Bas-Maine, du Vendômois et du Bas-
(jâtinais. — Qucnaille est originairement, de même que
l'ital. canaglia (> franc, canaille)^ un collectif signifiant
'troupe de chiens'. Le sens dépréciatif, qui se joint vo-
lontiers à l'idée de 'chien', est renforcé encore davantage
par le suffixe -aille, qui a pris, au cours des temps, une
valeur péjorative. Cette nuance de mépris est restée
dans plusieurs parlers; ainsi le mot se dit «en mauvaise
part» à Jersey et dans le pays de Dol. — La signification
collective s'est aussi conservée par-ci par-là: haut-manc,
qwmaille 'bande d'enfants' ^; bas-gâtin. quenaille 'enfants'.
Mais en général notre mot a pris (comme le franc, ca-
naille) un sens individuel. Le plus souvent il est resté
féminin ^ : mais il est devenu quelquefois masculin (en
Poitou, selon Lalanne ^, et en Normandie, selon Du Méril),
<m des deux genres (dans la Hague, suivant Fleury, et
on Poitou, suivant Rousseau). Dans plusieurs localités,
on l'emploie surtout au pluriel: quenailles 'enfants'^; tel
* A Auderville (Manche) on prononce knat.
* Montesson relève en ce seus aussi queniôrie.
* En Anjou, une quenaille a pris aussi le sens de Momestique',
fille du commun'.
* Cf. pourtant Favre: la quenaille, et Rousseau, qui le fait des
deux genres.
•'• Cf. garçailles, % 152. races, § 203. Cf. aussi, pour le passage
du sens collectif au sens individuel, § 135.
— 300 —
est le cas dans le Bas-Maine, une partie de l'Eure et le
Poitou. De quenaillc on a tiré àeux. àxYainwi'iia : quenaillon
{hnayo) et quenaillin {knaye). Ce dernier ne se trouve
qu'au point 510 (Deux-Sèvres) de notre carte '. Le pre-
mier coexiste avec quenaille en Normandie, avec quenaillc
et drôle dans le sud de la Charente, et avec queniof dans le
Maine, dans le sud de la Loire-Inférieure et dans le nord de la
Vendée. — Sur la carte, le domaine de Jcèno coïncide à
peu près avec les patois du Maine et de l'Anjou. Les
glossaires de ces patois relèvent, à côté de cette forme,
aussi quenot (quenau); Montesson donne encore pour le
Haut-Maine le féminin queniotte. Mais queniot, quenot sont
enregistrés par d'autres glossaires encore. Favre et La-
lanne les signalent comme termes poitevins. Coulabin a
relevé queniot à Rennes, où il s'emploie toutefois surtout
au pluriel. D'après Lecomte, quenot est, au pays de Dol.
un terme de mépris, de même que quenaille. Dans le
patois de Pléchatel, kèlo ^ présente, suivant Dottin et Lan-
gouët, le sens spécial de 'petit enfant qui se laisse dorloter'.
En normand, queniot (caignot) signifie, d'après E. et A. Du
Méril, 'petit enfant', tandis qu'un quénaut est un petit
chien. Moisy donne aussi pour caignot le sens de 'petit
chien', en ajoutant la remarque suivante, qui parait té-
moigner que le mot en normand n'a pas (quitté la pre-
mière phase de développement, où le sens métaphorique
n'est pas encore oublié et où il a une forte nuance affec-
tive: «Quelquefois cette dénomination est appliquée à un
petit garçon; c'est un terme d'affection, analogue à 'mon
petit chat'». — Outre les formes déjà mentionnées, les
patois du Maine connaissent encore quenêt 'enfant' ^ (qui
* A cô^é de drol.
' Pour le passage de l k n, cf. oie 'venin', liméro numéro'. dan.s
le même patois.
* Suivant Dottin. le bas-manceau n'emploie ce mot qu'au pluriel:
qu'nez (kène) 'enfants'.
— 301 —
doit avoir existé aussi en hagais, puisque ce dialecte en
possède un féminin: quenetfe 'petite fille' j ^ et f/uenas,
quenias 'enfant'. Ija dernière de ces formes, qui ne semble
pas être employé en bas-manceau, se retrouve en angevin.
Ce dialecte connaît en outre le dérivé péjoratif quenasse^
quéniasse * (s. f.) 'enfant' (en mauvaise part), et son
pluriel qui signifie 'marmaille' et qui se retrouve en nor-
mand: qucnasses 'enfants mal élevés', 'vauriens'. — Le
dolois quenuche (s. f.) 'enfant', formé à l'aide du suffixe
argotique -uche ', a probablement aussi une nuance péjora-
tive (cf. dol. quenaille, quenot). — Le féminin queugne
^petite fille', relevé au Longeron en Anjou par Verrier et
Onillon, doit être considéré comme le résultat d'une sorte
de «dérivation régressive»*; il a été tiré probablement de
quetiiot ou quenias (mais non de queneau, comme le prétend
le dictionnaire de Verrier et Onillon). Nous avons un
diminutif de ce mot, queniellc 'petite fille', dans le patois
du Haut-Maine.
Les patois du Centre fournissent aussi un exemple
d'un dérivé de canis, employé comme nom d'enfant: cagni
*petit polisson', 'gamin' (Jaubert) ; cf. bas-manc. kâni 'chien',
terme de mépris. — Ajoutons enfin que jon-tye ('jeune
chien') se dit à Saint-Pol pour 'blanc-bec' (Edmont).
315. Dans les dialectes lombards et en frioulan, ca-
naja, canaj a pris quelquefois, comme l'ouest-franç. que-
naille, le sens de 'enfant', 'garçon'; mais la marche du
développement sémantique ne paraît pas avoir été tout à
fait la même. Les mots quenot, quenet présentent encore
aujourd'hui, dans certaines localités, le sens de 'chien'.
' Moisj' donne le norm. quenet 'petit chien'. — Cf. Bournois 1cè%è
'jeune chien mâle', employé comme sobi'iquet.
' On sait que le suffixe -anse {<. -acea) n'est originairement que
le féminin du suffixe -as (< -aceus).
* Cf. Sainéan. L'argot ancien, p. 50.
* Cf. Nyrop, op. cit., III. § 532 ss.
20
— 302 —
Quand ils s'emploient pour 'enfant', il s'agit donc d'une
métaphore proprement dite, d'une association des idées
'chien' et 'enfant'; et probablement il en est de même pour
quenaille ^. Le haut-ital. canaja (frioul. canaje, canae, tyroL
canaia), par contre, a été appliqué d'abord, comme l'ital.
canaglia, injurieusement à une foule de gens de rebut et
a pris plus tard aussi, comme le franc, canaille, le sens
individuel de 'homme méprisable'. Puis, quand on l'a
adressé à une troupe d'enfants ou à un enfant particulier,
ce mot doit avoir eu tout à fait le caractère d'un terme
affectif; le sens étymologique avait disparu. — Le sens
collectif de 'fanciulli', 'ragazzi', qui a précédé celui de
'fanciullo', 'ragazzo', se rencontre dans le Tessin: bellinz.
canàja 'ragazzaglia' (Monti); en Lombardie, entre Gavirate
et Laveno (sur la rive orientale du Lac Majeur): canaj
'figliuoli', 'ragazzi' (in senso buono) (Banfi) ^; et en Frioul:
canae, canaje 'fanciullaja', 'moltitudine di fanciulli', 'fan-
ciulli in générale' (Pirona). Le sens individuel a été relevé
par Monti, dans le domaine lombard, à Bellinzone et dans
la Levantine: canaja 'fanciullo', 'ragazzo'; à Albosaggia
(Valtelline) : canaja 'fanciullo', 'ragazzo', 'figlio'; canajusc
'fanciullino'; à Val d'Anzasca: canajun 'fanciullo'. Dans
le domaine frioulan, M. Gartner^ le signale à Erto: hanâi
— kandia 'Knabe', 'Màdchen', kanaiy 'kleines Kind'; à S.
Stephano: kanài — kandia; à Forni di sotto: kandi — kande;k
Cimolais, Aviano et dans le nord-ouest de la Garnie: kandi*.
Pirona donne canàj 'fanciullo', 'fantino'. 'bimbo' (à côté du
^ Cf. Moisy: «Çuenaillon, ^bambin, petit enfant, littéralement
petit chien».
- M. Banli a été surpris par cette signification d'un mot qui. en
milanais, ne signifie que 'canaille'. II ajoute à l'article canaj: «In
sulle prime credevo mal intendere o essere bubbolato; ma persone
autorevoli me ne fecero sicuro».
3 Voir ZBPh, XVI, p. 325.
* Dans une partie de la Garnie, ce mot a un sens péjoratif.
— 303 —
collectif canaje, voir ci-dessus), sans indiquer dans quelle
partie du Frioul ce mot est en usage.
316. Outre les dérivés de canis, plusieurs autres mots
pour 'chien' ont fourni des dénominations d'enfants.
Le prov. cadèu (lang. cadèl, lim. chadèl; du lat. catellus)
'jeune chien', se dit pour 'jeune gars', 'adolescent qui a
les manières enfantines'. Les augmentatifs cadelard (aveyr.
codelard) et cadelas, proprement 'jeune et gros chien', ont
un sens analogue: 'grand jeune homme qui fait l'enfant'.
Du dernier mot on a tiré le féminin cadelasso 'jeune et
grosse fille qui aime à s'amuser'. Le diminutif cadeloun
(lang. cadélou) 'petit chien fort jeune' est de plus une
désignation familière pour un jeune enfant, un petit gar-
çon. — Le haut-manc. chiou 'petit enfant' est, suivant
Montesson, le même mot que cMmi 'chien qui vient de
naître' (= anc. fr. rJiael <: catellus) ^ .
317. Le prov. mastin 'mâtin' est donné par Mistral
au sens figuré de 'gros enfant'. — A Pléchatel, eutè ('pe-
tit chien') se dit pour 'enfant malicieux' ^. — Le wall.
kayne-au-cu^ désignation facétieuse d'un petit chien (wall,
hayner = 'mordre'), peut s'employer, dans les parlers de
Mons et de la Flandre française, au sens de 'petit enfant'.
Vermesse l'écrit agnocu. — Le franc, bichon 'petit chien
d'appartement' (probablement une abréviation de harhichon)
se dit parfois amicalement à un enfant ^.
318. Un groupe nombreux de dénominations de chien,
qui a des représentants en Italie, en France et dans la
* Cf. A. Thomas, Mélanges d'étymologie française, p. 52.
' D'après M. Sainéan {ZEPh, Beih. X, p. 3), eutè représenterait
catellus.
* Fr. Brinkraànn, qui mentionne cet emploi de bichon {Die Me-
taphern, pp. 236, 278), le dérive de l'anc. fr. biche 'petite chienne'. 11
rattache à tort au même primitif bichette, terme d'amitié adressé aux
jeunes filles (cf. p. 297, n. 4).
— 304 —
péninsule ibérique, paraît être d'origine onomatopoétique.
M. Sainéan le dérive d'un cri d'appel \ M. Meyer-Lûbke
d'une onomatopée kuC, hos ^. Parmi les termes, qui en-
trent dans ce groupe, il y en a quelques-uns qui nous
intéressent ici. — D'après Monti, le borm. côcen 'cucciolo',
'cagnolino', 'bestiolino' se dit aussi pour 'fanciuUino'. Ce-
pendant, M. Longa, dans son Vocabolario bormino, n'en-
registre pas ce sens ; la seule acception figurée qu'il donne
de kôcen (Val Furva kôcan) est celle de 'di bassa statura'.
Le com. cocibnn, qui est évidemment le même mot, signifie,
d'après Monti, 'fanciuUo uso a vita molle', 'cucco'. —
L'ital. cucciolo 'jeune chien' ' présente le sens figuré de
'blanc-bec' (Rigutini-Bulle) *; le diminutif cucciolotto a la
même signification (Petrôcchi) .
319. Au même groupe appartiennent l'anc. fr. gous
(bas-lat. gossus)^ anc. prov. gos, prov. mod. gous^ cat. gos,
port, gozo, esp. gozq%ie 'chien', qui nous intéressent aussi,
parce que M. Sainéan ^ en fait dériver le franc, pop. gosse
'enfant', 'garçon' **, qui se retrouve dans quelques parlers
provinciaux. — Le diminutif gosselin apparaît, dans la
littérature argotique, antérieurement à gosse. On le trouve,
au sens de .'petit enfant', dans le lexique argot-français,
que Granval ajouta à son poème Le vice puni (1827); et
au sens de 'enfant nouveau-né' ou 'veau mort-né', dans le
glossaire d'argot de Vidocq (1828). Dans Le jargon de
l'argot réformé (éd. 1849), gosselin 'jeune garçon' figure à
côté de gosseline 'jeune fille'. Le premier exemple de gosse
'enfant' se rencontre (à côté de gosselin) dans un diction-
^ op. cit., p. 9 s.
2 Eom. etym. Wb., 4789.
^ Cuccio 'chien' est vieilli.
■ * Ce mot signifie aussi 'personne simple, inexpérimentée' en gé-
néral ; parfois il s'emploie adjectivement au sens de 'petit'.
^ op. cit., pp. 10, 48.
^ Ce mot n'a certainement rien à voii' avec le suéd. gosse 'garçon'.
— 306 —
iiaire d'argot de 1846 ^. Gosse et f/osselin appartiennent
aujourd'hui au langage populaire, où gosse est des deux
genres et signifie 'enfant', 'garçon' ou 'jeune femme',
'amante'. — Les glossaires de patois signalent gosse 'en-
fant', 'gamin', en Anjou (Montjean, Briollay, Le Longeron),
dans le Vendômois et à Saint-Pol, où il n'est usité que
depuis une trentaine d'années (Edmont). Cette répartition
sporadique, et la date récente des exemples ^, nous font
croire que le mot a pénétré dans ces parlers par le bas
langage des villes. Le dictionnaire de Verrier et Onillon
enregistre bien des termes triviaux; et Montjean, qui a
fourni le fonds principal de cet ouvrage, est un pays es-
sentiellement industriel, où le patois a été coloré de plus
en plus par l'argot des ouvriers. — Si l'on rattache, avec
M. Sainéan, gosse au prov. gous, béarn. gos, cat. gos, il
faut supposer que ce mot a passé dans l'argot français
directement des patois du Midi. Cet argot présente en
effet un assez grand nombre de termes d'origine méridi-
onale. Dans L'argot ancien, p. 232 ss., M. Sainéan donne
une série considérable de mots empruntés par l'argot au
provençal, depuis le XV® siècle jusqu'à l'époque moderne •
parmi les emprunts de date relativement récente, il men-
tionne gousse 'fille publique', du prov. goiisso 'fille ou femme
débauchée', proprement 'chienne'. Cf. aussi le prov. goiis-
soiin 'petit chien', employé pour 'polisson', 'paresseux'
(Mistral) ^
* Voir Sainéan, Les sources de l'argot ancien.
* Tous les glossaires de patois qui enregistrent ce mot sont
postérieurs à 1890.
' M. Vising. dans son travail cité plus haut {Le Moyen Age,
II, p. 33), se demand-e si gosse, gosselin ne pourraient pas se rattacher
à gars. «En effet, poursuit-il, gars se prononce dans beaucoup de
contrées gas et Vo de gosse est comme tous les o brefs du français
moderne, très rapproché d'à.» Un coup d'oeil sur la carte 622 de
VAtlas linguistique nous apprend cependant que gars ne se prononce
jamais gas. mais ga. ou bien (dans plusieurs localités de la Bretagne)
gar.
— 306 —
320. M. Sainéan (ZRPh, Beih. X, p. 34) range les mots
espagnols cacho, cachorro et le port, cachopo parmi les noms de
chien qui ont été appliqués aux enfants. Mais, d'après les
dictionnaires que j'ai pu consulter, ce n'est que cachorro qui
a réellement subi le développement sémantique 'chien' > 'en-
fant'. Ce mot qui, en espagnol et en portugais, présente les
significations de 'jeune chien' (ou de 'petit d'un animal
sauvage': loup, renard, etc.) et de 'enfant', a en espagnol
le sens spécial de 'petit enfant gros et gras', en portu-
gais celui de 'garçon intrépide' (ou de 'esclave', 'nègre').
D'après MM. Sainéan ^ et Meyer-Ltibke ^, l'esp. cacho
'petit garçon' aurait le sens primitif de '(jeune) chien';
on cherche cependant en vain cette signification dans les
dictionnaires de Franciosini, Oudin, Tolhausen et Salvâ.
Quant au port, cachopo, qui serait, selon M. Sainéan, un
diminutif de cacho, signifiant proprement 'jeune chien', il
ne figure avec ce sens ni dans Michaelis, ni dans Coelho.
Outre le sens de 'Knabe', 'Junge', 'Knâbchen' ^, le premier
donne celui de 'verborgene Klippe' *. On en a tiré le fé-
minin cachopa 'jeune fille' ° et les diminutifs cachopinho —
cachopinha, cachopito — cachopita. — A l'avis de M. Sainéan,
tous ces mots tirent leur origine du lat. catulus, étymolo-
gie proposée déjà, en ce qui concerne cachorro, par Co-
varruvias ^, et adoptée par plusieurs étymologistes ^. Mais,
comme l'ont fait remarquer à ce sujet MM. P. Barbier fils ^
^ op. cit., p. 3.
' op. cit., 1771.
* D'après Coelho, cachopo s'emploie aujourd'hui le plus souvent
au sens spécial de 'rapaz rustico'.
* En espagnol, cachopo a le même sens, et en outre celui de
'vertrockneter Baumstamm' (Tolhausen).
^ Spécialement: 'fille de campagne'.
^ Voir Diez, Etym. Wôrterb. der roni. Spr., p. 435.
' Voir P. Foerster, Spanische Sprachlehre, p. 157; Tobler, ZBPh,
IV, p. 377: Echegaray, Diccionario gênerai etimolôgico de la lengua
espanola, à l'art, cachorro.
8 BLB, LU. p. 100.
— 307 —
et Meyer-Lûbke \ -tl- en espagnol ne peut pas donner -ch-
et catulus serait devenu *cajo. On n'a donc pas réussi à
donner à ces termes une étymologie commune, qui réponde
aux exigences phonétiques; et, comme on vient de le voir,
leurs significations connues ne nous permettent guère
de rattacher cachorro et cachopo à cacho. Diez ^ a émis
l'hypothèse que cachorro serait d'origine basque, et M.
Gerland ^ y voit le même mot que le basque sahir, za-
kurra. Le suff. -orro paraît indiquer aussi une origine
ibérique. Quand à cacho, je suis porté à rattacher le
sens de 'enfant' à celui de 'barbeau', que ce mot présente
aussi *. Cela paraît d'autant plus probable qu'il existe,
en provençal et en languedocien, une métaphore tout à fait
analogue: barbèu {harhèl) 'barbeau' > 'garçon' '". Que 'bar-
beau' soit un sens très courant de cacho^ cela ressort de
nombreux dérivés, qui servent à désigner divers poissons ®.
— Si l'on rattachait cachopo au port, caçapo \ proprement
'lapereau', au figuré: 'lourdaud', 'malotru', on pourrait voir
aussi dans cachopo 'enfant' une métaphore tirée du règne
animal ®.
321. Peut-être faut-il encore ranger dans ce groupe:
calabr. guagnàne 'ragazzo' (terme un peu dépréciatif, d'après
Scerbo); alb.-calabr. ganûn 'Knabe', 'Jûngling', d'où ganuni
1 loc. cit.
' loc. cit.
" Voir Grôber, Grundriss der rom. Phiî., 2e éd., I, p. 426.
* M. P. Barbier fils, op. cit.. p. 101, propose de dériver cacho
'barbeau' de *catticuîus, diminutif de cattus, qui serait devenu *catculus.
5 Voir § 367.
" Je cite, d'après M. Barbier fils: cachuelo, cachuela, noms de
poissons de rivière; cachucho «a sort of sea-bream that hath large teeth» ;
cachorro «a sort of fish so called.» (Les deux derniers sont tirés du
Port.-Engl. Dict. de Vieyra, éd. 1794.) Faut-il voir, dans ce dernier
mot, cachorro 'chien', appliqué métaphoriquement à un poisson?
' Cf. Meyer-Lûbke, op. cit., 2483.
« Cf. lapin, § 349.
— 308 —
'Jugend' (Meyer); nap. cfiiagnonc 'ragazzone', 'giovincello',
guaglione 'giovanetto', 'garzone', 'monello', 'fattorino', d'où
le féminin guagliona 'ragazza', 'fanciulla da marito', et le
diminutif guaglioncello — guaglioncella (D'Ambra) ; Arpino iva-
jone 'ragazzo' (Parodi): abr. guajone 'ragazzo' (Finamore);
Velletri valons 'ragazzetto' (Crocione). — M. Meyer-Lûbke ^
rattache ces mots an franc, gagnon, anc. fr. gaignon, wai-
gnon 'chien de basse-cour', 'mâtin', qui, au moyen âge, si-
gnifiait aussi 'mauvais garnement', 'homme vil et méchant'.
L'origine de ce mot est obscure. M. Meyer-Lûbke mentionne
et rejette plusieurs étymologies; il ne dit cependant rien
d'une explication, proposée par Kôrting ^ et par MM. Bull ^
et Sainéan *, selon laquelle gaignon (waignon) dériverait
d'une onomatopée, imitant l'aboiement du chien, et qui
entrerait aussi dans le. verbe latin gannire (anc. ital. gan~
nire, esp. ganir). Quand il s'agit d'un nom d'animal, une
telle origine paraît très admissible °.
1 op. cit., 1583.
2 Lat.-rom. Wôrterb., 1829, 4156.
' Die fransôsischen Namen der Haustiere in alter und neuer Zeit
mit Berûcksichtigung der Mundarten, Diss. Phi]., Berlin 1902, p. 71.
* op. cit,. pp. 12, 15.
'•" M. Bull explique la terminaison du mot de la manière suivante:
«Môglich nun, dass lat. ga (in ga-nn-ire, klàffen), gleich germ. wau,
tonmalende Lautverbindungen, welche nach dem Geklâff des Hundes
gebildet sind, sich mit cagnon als der Benennung des klâffenden Hun-
des Termischten und so gagnon, daneben aber auch die hâufigen
Schreibungen guaignon und waignon zeitigen konnte» {loc. cit.). — Dans
quelques patois, par ex. dans le limousin, gagnoun se dit pour 'cochon*
(voir VAtl. ling., carte 1061). Il faut probablement, avec M. Sainéan
{op. cit., p. 12) faire remonter ce mot aussi à un type wan, «expression
du grognement commun au chien et au cochon». — On ne voit cepen-
dant pas pourquoi il identifie le nap. guagnone avec l'aveyr. gouagndu
'pourceau' (op. cit., p. 111), au lieu de le rattacher à gagnon 'chien'.
La métaphore 'chien' > 'enfant' est beaucoup plus fréquente que l'em-
ploi hypocoristique des noms du cochon; de plus, il faut observer que
le sens de 'chien' est seul attesté pour la langue ancienne tandis
qu'on n'a que des exemples récents de la signification de 'cochon*.
— 309
Ohat.
322. Le français familier emploie souvent, mon chat,
ma chatte comme termes de tendresse ^ Dans le patois
de la forêt de Clairvaux, Baudouin relève le dérivé chai-
totte 'petite chatte', qui s'adresse amicalement aux enfants.
— Le prov. chat — chato 'jeune garçon', 'jeune fille', d'où
l'on a tiré les diminutifs chatoun — chatouno, chatounet —
chatouneto, paraît avoir la même origine que ces termes
d'affection. Mistral nous apprend que chato se dit pour
'jeune fille' «sur les bords du Rhône», et que chat 'jeune
garçon' est en usage «sur les bords de la Durance.» D'après
M. Jules Ronjat, le domaine de ces expressions est encore
plus restreint: «Entre Avignon et Arles, dit-il^, chato . . .
est le mot le plus usité pour jeune fille, chat . . . n'est
point rare au sens de jeune garçon.» Il en ressort aussi
que le féminin s'emploie plus souvent que le masculin;
cela est confirmé par le dictionnaire d'Azaïs, où on lit:
*chat est moins usité que chato», et par V Atlas linguistique,
qui n'inscrit chat 'garçon' dans aucune de ses cartes.
Les cartes 570 et 1669 confirment en général ce que nous
venons d'apprendre- sur la répartition de cJiato et ses dé-
rivés. Elles donnent teato (teyato, tsato) au sens de 'fille'
aux points 862, 863, sur la rive droite du Rhône; au sens
de 'fillette' au point 853, sur la rive droite aussi, et au
point 871, à l'embouchure du Petit Rhône '. Le diminutif
teatuno (tsatuno) se dit pour 'fillette' aux points 862, 863.
En dehors de cette aire provençale, il en existe cependant
une autre, plus au nord-ouest, dans les départements du
Lozère et de la Haute-Loire. Dans une chanson populaire
de Saint-Germain de Calberte (Lozère), citée par M. Ron-
* Cf. Brinkmann, op. cit., p. 409.
» BLR, XLIX, p. 87.
* Dans ces derniers parlers, une jeune fille s'appelle fiyo; cf.
Mistral: quand sa chato fugue Jiho «quand sa fille fut nubile».
— 310 —
jat, on trouve ma cato pour 'ma fille'; et Mistral nous
apprend que chatou se dit pour 'petit enfant' dans le
Velay. — Contre la supposition que chato 'jeune fille' se-
rait le même mot que le prov. cato, auv., lim. chato 'chatte',
on a objecté qu'il se rencontre justement dans le domaine
où le c latin reste devant a, où, par conséquent, on dit
]ca, kato, katu pour chat, chatte, chaton. «Es mûsste somit
als ein Kosewort aufgefasst werden, das von der Schrift-
sprache ausgeht», dit M. Meyer-Lûbke \ et M. Ronjat consi-
dère aussi le provençal chat — chato comme un emprunt fait
au français. Mais, comme il le fait remarquer, une telle
explication n'est point nécessaire pour cato à Saint-Germain
de Calberte et pour le vellavien cJiatoii. «Pour la forme,
cato et chatou sont respectivement réguliers à St. G. de
Calberte et en Velay comme continuateurs de catta et de
cattu -\- snîûxe one . . . On s'exiplique aisément, poursuit-il,
que les métaphores petit chat — petit enfant, chatte — jeune
fille, etc. aient été réalisées en Velay et en Gévaudan
avec des mots indigènes, en Provence avec des mots
empruntés au français, car le français a pénétré plus tôt,
dans l'usage courant, en Provence qu'en Gévaudan ou en
Velay» ^.
323. Ce sont cependant surtout les noms hypoco-
ristiques du chat qui ont été appliqués aux enfants.
Comme l'a montré M. Sainéan ^, ces mots dérivent en général
d'une onomatopée, imitant le miaulement ou le ronron de
l'animal, *l'animal étant simplement conçu comme le miau-
leur, comme le miaou de nos enfants» '*. Les types, qui en-
trent ici en considération, sont mit-, moût-; min-, man- {mign-,
magn-), représentant, d'après M. Sainéan, la notion 'miau-
1 op. cit., 1770.
'^ op. cit., p. 88.
» ZBPh, Beih. I. p. 12 ss.
■* op. cit., p. 15.
— 311 —
1er' ^ et m-r (tnir-, mar-, niour-), imitant le ronron ^. Les
mots de ce genre, comme toutes les formations d'origine
imitative, sont sujets à une alternance vocalique (i — a — om)',
apophonie spéciale, sur laquelle, avant M. Sainéan, M.
Maurice Grammont a appelé l'attention dans une étude
très substantielle *.
324. Dans l'Ouest de la France, on se sert, à côté
de chatte, de deux termes hypocoristiques : mitte et
monte ^ ; souvent la première syllabe est redoublée (mimitte,
moumoute)^ ce qui témoigne d'origine enfantine. Ce n'est
que la dernière de ces formes, moute, qui s'applique aux
enfants. Dans le Haut-Maine, on désigne par moute une
«bonne grosse petite fiUe» (Montesson). M. Dottin le
signale dans le bas-manceau comme un terme d'affection
et relève le dérivé mutae, au sers de 'petite fille'.
325, Les langues romanes possèdent une foule de
dérivés de min- (mign-), qui servent à désigner un chat,
une chatte ou un chaton*; elles emploient souvent ces
termes, et surtout leurs diminutifs, comme dénominations
d'enfants. — Voici tout d'abord quelques exemples de
mots employés à la fois dans ces deux significations, et
dont le caractère métaphorique paraît, par conséquent, in-
1 Peut-être faudrait-il ajouter mis-, mas-, mous- (mos-), représenté
par l'esp. mozô 'chat', qui, suivant M. Sainéan. est identique à môzo
'garçon' (cf. p. 82, n. 2).
'^ Cf. l'allem. murren; suiss. allem. Murrkater, Murrner 'matou';
suéd. kisse-murr. mot enfantin pour 'chat'.
» Cf. § 376.
* BLB, XLIV, p. 97 ss. — Cf. aussi Nyrop, Gramm. hist. de la
langue franc., III, § 17.
* Voir la carte chatte; chaton (1498) de VAtl. ling., et Sainéan,
op. cit., p. 17.
" En voici quelques exemples: angev. mine, prov. mino 'chatte';
et. dans tout le Midi: minon, minou, minet 'chaton'; gén. minnu, piém.
migno, lomb. mignào 'chat'. Cf. du reste Sainéan, op. cit., p. 16;
Meyer-Lûbke. Rom. etym. Wb., 5581; Nigra, AGII. XIV, p. 280.
— 312 —
dubitable. A Saint-Pol, minut est un nom familier du chat,
et nie pti minut un terme d'amitié donné aux petits enfants.
Eh rouchi, minéte signifie à la fois 'petite chatte' et 'petite
fille délicate'. Le même mot présente à Démuin le même
double sens. Le norm. minet — minette 'petit garçon', 'petite
fille', enregistré par E. et A. Du Méril, est sans doute
identique à minet 'petit chat', signalé par Fleury dans le
hagais. — Quant aux termes suivants, je ne les ai relevés,
il est vrai, que dans le sens de 'enfant', mais il ne me
semble pas trop osé de les rattacher aussi au type min-
{mign-) 'chat'. C'est ce qu'ont fait, pour plusieurs d'entre
eux, MM. Sainéan et Meyer-Lûbke \ Sans suffixe dimi-
nutif nous trouvons mign- dans le jur. migna 'jeune fille' ^.
Le niv. niogne 'petite fille', est peut-être une variante de
ce mot ^. Les dérivés en -inu sont très répandus : lill.
ménin, berr. menin, bas-manc. (Ambrières) mène 'petit en-
fant'; brianç. manin 'petit garçon' *; niç. minin, mimin, mars.
menin — menine^ menim — menime 'petit', 'petit garçon', 'petite
^ Diez, Etym. Wôrterh. der rom. Spr.. p. 214, fait dériver tous les
termes de ce genre du gaél.-irland. mîn 'petit'. Il fait remarquer
pourtant lui-même, d'après Mahn, que la forme bretonne aux'ait été
mân et que, pour les langues romanes, il aurait été plus naturel
d'emprunter la forme bretonne que la forme irlandaise. — M. Meyer-
Liibke, Mom. etym. JVb., 5581, insiste sur le fait que ce mïn 'petit'
présente une signification, qvii ne se trouve justement pas dans le
domaine gallo-roman; «wohl aber, poursuit-il, wiirde sowohl die gal-
lische Entsprechung dièses mJn wie die von kymr. medyn 'mild'. 'sanft',
dem spanischen Worte geniigen». — M. Zauner {MF, XIV, p. 452 s.)
voudrait dériver des formes telles que béarn. minin, menin 'petit' (voir
plus bas) du lat. minimus -)- inu.
* D'après Sainéan, op. cit.. p. 65, et Mej^er-Liibke, loc. cit. —
M. Meyer-Liibke a probablement tiré le mot de l'ouvrage du premier.
Je l'ai cherché en vain dans tous les glossaires du parler du Jura et
des parlers voisins, que M. Sainéan indique dans sa Bihliograp)hie,
sauf le dictionnaire de Vautherin que je n'ai pas eu l'occasion de
consulter.
^ Cf. Sainéan, loc. cit. — Pour l'alternance vocalique, cf. le mil.
mognôn 'gros chat', mognà 'miauler'.
* Quant au brianç. mania, voir p. 128, n. 1.
— 313 —
fille'; béarn. minin, menin 'très petit', employé substantive-
ment comme terme de tendresse: lou minin (menin), la minine
{menine). L'esp. menino — menina n'a que les sens spéciaux
de 'jeune gentilhomme auprès des princes', 'fille d'honneur';
mais le port, menino — menina. qui a été emprunté à l'es-
pagnol, signifie en outre 'petit garçon', 'petite fille' ^ — C'est
probablement cette même racine qui a donné, avec le
suffixe -one, le franc, mignon ''', prov. mignoim ^, port, minhao
'personne chérie', 'enfant chéri'; et le cat. minyô 'garçon'
(de sept, à quatorze ans), 'gars', 'gendarme'; mimjona
'jeune fille' (de même âge), 'servante', avec le diminutif
minyoneta. La carte garçon de V Atlas linguistique donne
dans tout le département des Pyrénées-Orientales: mïnu
(sauf au point 797 qui offre patit); et la carte ma fille
montre en trois points: minuna, minunè (en deux points:
nina, nine). Le catalan d'Alghero (en Sardaigne) emploie
également tninô — minona au sens de 'garçon', 'fille'.
Au point 990 (Fontan, Alpes-Maritimes), M. Edmont
a inscrit le mot manà, aux sens de 'enfant', 'garçon', 'fils',
le pluriel manài pour 'garçons', le féminin manana pour
'fille', et le diminutif mananeta pour 'fillette'. D'après la
carte 1740, manà est, dans toute la Provence, le mot
courant pour 'ver à soie', sauf justement au point 990,
où l'on trouve le piém. higàt (= ital. higatto) et au point
890, où l'on dit ver à soie. Cela étant, on serait porté à
considérer manà 'enfant' comme un emploi métaphorique
de manà 'ver à soie', d'autant plus que les noms d'in-
sectes et d'autres petits animaux s'appliquent souvent aux
^ On- le dit spécialement de Penfant Jésus: menino Jésus; et mé-
taphoriquement pour 'pupille de l'œil': menina do olho.
» Cf. mignot, p. 132, n. 1 et 2.
' On appelle en Provence li mignoun de la Fèsto de Dieu, les
jeunes enfants qui servent de pages aux grands dignitaires des jeux
de la Fête-Dieu, à Aix (Mistral).
— 314 —
enfants ^ Il faut cependant tenir compte du fait que ce
magnmij comme l'a montré Nigra ^, doit être rapproché du
mil. manan, piém. minin et de plusieurs autres dénomina-
tions du chat, et de ce que ce mot, comme le mil. gattin
'ver à soie', et le bol. gatt^ piém. gatina, mil. gatozz 'ver
à soie malade ou mort', a signifié primitivement 'chat',
'chaton'. Il paraît donc probable que magnan, dans ce sens,
a été appliqué métaphoriquement, soit (comme en Pro-
vence en général) à un ver à soie, soit (comme à Fontan)
à un enfant. A l'appui de cette hypothèse on pourrait
peut-être alléguer aussi le fait prémentionné que, à Fontan^
on désigne un ver à soie non par mana, mais par bigàt.
326. Le thème m-r {niir, mar, mour) a donné nais-
sance à un bon nombre de mots pour 'chat', 'chatte',^
'chaton' ^. Dans le Nord de la France et en Wallonie,
on trouve deux mots pour 'petite fille', dont le premier
élément rappelle ce thème, et qu'on a voulu expliquer
aussi comme des métapnores du même genre que les ter-
mes précédents. Nous verrons ce qu'il en est. — Le
wallon, le montois et le rouchi désignent par mérotte la
femelle du chat. Dans ces deux derniers patois, ce mot
est aussi un nom d'amitié qu'on donne aux petites filles.
D'après Sigart, mérotte 'chatte' est un diminutif de mèrr. M.
Behrens rejette cette étymologie *, en faisant très justement
remarquer que la transition sémantique 'petite mère' >
'chatte' paraît peu vraisemblable. Il voit dans mérotte^
comme dans beaucoup d'autres mots pour 'chat', commen-
çant par mar-, mer-, mir-, mour-, un dérivé de l'onomatopée
1 Voir § 369.
» AGII, XIV, p. 280.
* Voir Sainéan, op. cit., p. 16; Atlas ling.. 250, 1498; Behrens,.
Beitràge zur franz. Wortgesch. und Gramvx., p. 169; Meyer-Lubke.
op. cit., 5705 a.
* lac. cit.
— 316 —
m-r, explication adoptée par M. Meyer-Lûbke ^ Il admet
cependant que le mot, bien qu'il n'ait originairement rien
à voir avec mère, peut avoir été rattaché à celui-ci par
l'étymologie populaire. Cette explication de mérotte 'chatte'
me paraît convaincante, mais, quant à mérotte 'fillette', j'en
doute un peu. Observons en effet qu'on trouve, dans plu-
sieurs glossaires picards et wallons, mérotte défini par 'petite
mère', mais non par 'chatte'. M. Edmont relève en Saint-
Polois merOt 'petite mère', et, familièrement, 'petite fille sage
et gentille'. Dans Corblet on trouve: mérotte, «diminutif de
mère: terme de caresse»; dans Forir: mérott 'petite mère',
'jeune mère'. Decorde signale, dans le parler du pays de
Bray: petite mérotte 'femme petite et replète', sens qui est
probablement dérivé de celui de 'petite mère'. Dans ces
cas, mérotte est sans doute dérivé de mèrCj et je crois qu'il
faut voir dans le rouchi et mont, mérotte 'fillette' ce même
diminutif, plaisamment adressé à une petite fille. Les
langues romanes et germaniques offrent plusieurs exemples
de procédés analogues ^.
327. M. Behrens, et, d'après lui, M. Meyer-Lûbke,
rattachent également le flandr. marotte ^ 'fillette' à la fa-
mille de mots mentionnée ci-dessus, ce qui doit être in-
exact. D'après Vermesse. marotte se dit, dans la Flandre
française, pour 'poupée' et 'petite fille' *. Hécart le relève
en rouchi, au sens de 'poupée'; Tarbé en champenois (Ar-
dennes), au sens de 'poupée', 'marionnette', 'statuette',
'jouet'. La esirte poupée (1074) de V Atlas linguistique montre
1 loc. cit.
■^ Voir § 374 s.
' Le Bom. etym. Wb. (loc cit.) donne niorot, probablement une
coquille pour marot.
* Le Diet. gén. donne aussi pour marotte le sens de 'petite fille',
mais le désigne comme vieilli et dialectal (Normandie). J'ai cherché
pourtant en vain cette signification dans tous les glossaires normands
que j'ai consultés.
— 316 —
marot à plusieurs points des départements du Pas-de-Calais
et du Nord, de la province de Hainaut en Belgique, et
à un point du département des Deux-Sèvres. Godefroy
a relevé deux fois marotte, au sens de 'poupée'. Il en
ressort que le sens le plus répandu de marotte est
celui de 'poupée', et il ne semble pas probable que les
fillettes se soient figuré leurs poupées comme des petites
chattes. D'où viennent donc en général les dénominations
de ces jouets? 1j Atlas nous apprend que les petites filles
de France les appellent souvent 'fillette' ou 'petite' {poupe,
poupée, nino, petita), mais que le mot le plus usité, à côté
de poupée, est catin (ou catou), abréviation familière de
Catherine. Il est hors de doute que marotte (proprement
mariotté) est aussi un nom propre de femme, diminutif de
Marie (de même que marionnette) ^, et qu'il n'a rien à voir
avec les chats. Le sens de 'fillette' est dérivé, par méta-
phore, de celui de 'poupée', procédé sémantique assez
fréquent dans les langues romanes ^.
Cheval.
328. Les métaphores dont il s'agit ici appartiennent
à deux catégories d'un caractère assez différent. En cer-
tains cas nous avons affaire à une métaphore proprement
dite: un jeune garçon, une jeune fille sont comparés à un
poulain, une pouliche, à cause de sa vivacité, sa docilité,
etc. ^. En d'autres cas on a appliqué injurieusement un
mot désignant un mauvais cheval, une «mazette», à une
personne petite, chétive ou maladroite, et, par un emploi
1 Voir le Dict. gén., à l'art, marotte; Nyrop, op. cit.. III. § 289.
— En français commun aussi, marotte présente une signification qui
rappelle celle de 'poupée': on désigne par ce mot une espèce de sceptre,
qui est surmonté d'une tête coiffée d'un capuchon bigarré, garni de
grelots, et qui est l'attribut de la Folie {Dict. gén.).
2 Cf. § 372.
' Pour des métaphores analogues dans les langues germaniques,
cf. Brinkmann, Die Metaphern, p. 320.
— 317 —
cacophémique, à un enfant. — Voici quelques expressions
du premier genre.
Le napolitain emploie stacca, proprement 'petite pou-
liche', au sens de 'jeune fille' (D'Ambra).
Le prov. mod. poulin (lang. poidî) 'poulain', se dit au
figuré d'un jeune garçon sans expérience, aux allures vives
(D'Hombres et Charvet); Mistral et Azaïs le traduisent
tout simplement par 'jeune homme'. Le diiaiimtii poulinât
(lang. poulinou) 'petit poulin', signifie en outre 'petit garçon'.
Ajoutons que l'augmentatif poulinas 'gros poulain' se dit,
selon Azaïs, d'un jeune homme vif, folâtre, qui saute et
gambade comme un poulain.
Le prov., lang. fedoun, (fedou), au sens de 'jeune homme
novice, doux, docile' (Mistral), est peut-être une métaphore
de la même sorte. C'est du moins l'avis de Mistral, qui le
rattache à fedoim 'jeune poulain'. Cependant, d'après Azaïs,
le sens ordinaire de ce mot n'est pas celui de 'poulain', mais
celui de 'agneau nouveau-né'; et c'est de cette signification
qu'il fait dériver celles de 'enfant d'un caractère doux', 'no-
vice', 'apprenti' ^ Il est vrai que l'épithète 'doux', 'docile'
paraît s'appliquer mieux, quand il s'agit d'une comparaison
avec un agneau, tandis que la gaieté folâtre est le caractère
dominant du poulain. Azaïs nous assure que le sens de
'poulain (d'une bête de somme)' ne se rencontre qu'en
Provence. Mais si nous consultons le Dictionnaire langue-
docien-français de D'Hombres et Charvet, qui parut quel-
ques années après l'ouvrage d'Azaïs, nous y trouvons un
démenti catégorique aux assertions de celui-ci. On y lit:
«Un agneau ne se dit jamais ainsi. Fédoù est au contraire
un jeune poulin, une jeune pouliche, cheval ou mule, tiré
des pâturages natifs de la montagne, pour le former et
l'élever». — Il faut probablement, dans ce cas, se rallier
à l'opinion de Mistral et de D'Hombres et Charvet.
^ Cf. ibid.: «Fedo s. f. brebis; au fig. personne d'an caractère
mou».
21
— 318 —
329. A la deuxième catégorie il faut attribuer les
expressions suivantes. Grinf/alet est un mot d'origine in-
connue, qui apparaît en français dès le XII^ siècle, et
qui servait dans l'ancienne langue à désigner une sorte de
cheval, d'après La Cume un petit cheval, d'après Roque-
fort un cheval maigre et alerte ^. Comme désignation
dépréciative d'un être humain je l'ai relevé pour la pre-
mière fois dans Cotgrave: » Gringalet: m. A merry grig,
pleasant rogue, sportful knave, conceited whoreson.» Oudin
{Trésor) le traduit par hurlon, c.-à-d. 'bouffon amusant'.
Dans le langage familier actuel, le mot désigne un
homme de cor^^s grêle, chétif. — Dans plusieurs patois
il se dit d'un enfant; mais partout il paraît avoir con-
servé l'idée accessoire de maigreur ou une valeur péjorative.
Pans le Centre, il signifie 'garçon mince'; dans le bas
langage rémois: 'morveux', 'petit enfant'; dans les cantons
de Vaud et du Valais: 'jeune étourdi', 'petit drôle',
'garçon fluet'.
Mazette (s. f.), qui est aussi d'origine inconnue ^,
signifiait au moyen âge 'mauvais cheval'. Aujourd'hui ce
sens est vieilli, et le mot ne vit, en français commun, que
dans l'acception figurée de 'personne inhabile à un jeu'.
Dans le langage populaire, il a aussi le sens plus général
* Les qualités particulières d'un gringalet ne ressortent pas des
exemples cités par Godefroy.
^ Diez, Etym. Wôrterb., p. 637, le dérive, d'après Frisch, de
Fallem. matz 'ungeschickt', 'klotz'. — G. Paris, Romania. III, p. 113,
rattache masette 'mauvais cheval', à mazeta 'bâton' (dim. de mcizza),
qu'il avait trouvé chez Mussafia, Beitrag, et qu'on retrouve dans
plusieurs dialectes actuels de la Haute-Italie. (Cf. bourdon, baudet,
poutre, et d'autres cas, où des objets de support ont emprunté leurs
noms aux bêtes de somme.) — M. Behrens, op. cit., p. 167, voudrait
le dériver de l'allem. Meise. ^Mazette bedeutet demnach eigentlich
(kleine) Meise, eine Bezeichnung die auf ein kleines schlechtes Pferd
und auf einen Schwâchling iiberhaupt iibertragen wui'de». Comme on
ne connaît point d'auti'es exemples de la métaphore 'petit oiseau'
> 'cheval' (M. Behrens n'en a pas allégué un seul), cette étymologie
paraît assez douteuse.
— 319 —
de 'maladroit', 'inexpérimenté' ^ et, comme f/rinf/alet', il
signifie aussi 'homme chétif, de petite taille'. Les patois
wallons et le parler messin l'emploient au sens de 'enfant':
liég. mazett 'galopin', 'bambin', 'drôlette'^; wall. mazett
'marmouset', 'mioche', et, collectivement: 'merdaille', 'troupe
importune et criante de petits enfants'; mont, mazette
'personne jeune, sans expérience', 'marmot' ; rouchi mazéte
(s. m. et fj 'marmot', 'jeune homme sans expérience';
'petite', 'femmelette'; mess, mazette 'petite fille ^étourdie'.
Mule, mulet.
330. On se rappelle que certains mots, ayant le sens
de 'mule', 'mulet', ont pris par métaphore le sens de 'bâ-
tard', et ont été appliqués cacophémiquement, dans cette
signification, à des enfants ^. On serait porté à expliquer
d'une manière analogue le tosc. hordello — bordella 'garçon
ou jeune fille robuste'; 'petit enfant gros et gras'. Dans
le premier sens on emploie aussi l'augmentatif bordellotto
— bordellotta; dans le dernier sens, le diminutif hordellino
— bordelUna. Le mot simple se retrouve en romagnol:
burdell — bnrdella*' 'petit enfant', 'petite fille'; le diminutif
en piacentin: bordlèin 'petit enfant', 'petit garçon'. Il faut
probablement, à l'exemple de Caix ^, rattacher ces mots
au bas-lat. burdtis 'mulet'. Mais, puisque, à ma connais-
sance, la péninsule italienne ne possède pas de représentant
de ce burdus au sens de 'bâtard', il ne me semble pas
probable que les diminutifs toscans et haut-italiens aient
passé par cette phase de développement sémantique. Il
* La carte maladroit de VAtl. ling. montre mazet, à côté de
maladreyt, au point 763 (Haute-Garonne). — L'argot des troupiers
désigne par ce mot spécialement les conscrits.
* Signifie aussi 'mauvais petit cheval'; 'joueur maladroit'.
3 Voir § 210 ss.
* Daprès Morri. M. Bertoni. AGII. p. 371. écrit hordéll.
■' Studi di etimologia italiana e romanza, p. 8.
— 320 —
faut donc supposer qu'ils reposent directement sur une
comparaison entre une mule et une jeune fille, un mulet
et un jeune garçon. Peut-être le mot avait-il pris, anté-
rieurement à cet emploi figuré, le sens plus général de
'bête', 'animal'. Cela paraît résulter du fait que le tosc.
hordella signifie en outre 'bestia grossa e fresca', et hor-
dellina: 'bestiolina' \ — Un parallèle nous est offert par
bardetto, proprement 'mulo', 'bestia che il mulattiere monta
seguendq il branco', qui, à Velletri, se dit pour 'ragazzo' ^.
— Voici enfin un exemple d'emploi injurieux d'un mot
signifiant 'bourriquet' : borricko, qui s'applique en Tyrol
comme sobriquet aux garçons (Alton).
Génisse, génisson.
331. Dans les patois franco-provençaux on a désigné
souvent les jeunes filles par des mots signifiant 'génisse',
métaphore assez naturelle dans des pays alpestres tels
que la Suisse, la Savoie et le Dauphiné, où l'élève du
bétail joue un rôle si important ^.
En Dauphiné, boyç {boyo, boya]<:bocida) est le mot
le plus usité pour 'génisse' *. Dans l'arrondissement d'Al-
bertville (Savoie), bouia a le sens plus spécial de 'génisse
de trois à douze mois' ; au-dessus de cet âge, on dit mose,
mojhe ^. Dans le canton du Valais (Val-de-Bagnes, Val
^ Sur d'autres explications proposées pour ces mots, voir § 201;
p. 205, n. 1; p. 208, n. 3.
^ Il signifie aussi 'ragazzo di bottega che incomincia a iavorar
di su arte'.
* Un exemple de la même métaphore nous est fourni par le
rouchi vélo 'petit veau', qui s'adresse comme terme d'amitié aux enfants.
— Selon Mistral, le prov. mod. armalho 'bêtes à cornes' (en Dauphiné),
'animaux de basse cour', se dit aussi pour 'marmaille'. Dans ce cas,
la ressemblance phonétique avec marmalho doit avoir contribué à l'ap-
plication métaphorique.
* Voir la carte 637 de VAtl. ling.
^ Voir Constantin et Désormaux.
— 321 —
d'Entremont, Conthey), hoye sert à désigner un taureau ^
— Au sens figuré de 'jeune fille', ce mot est beaucoup
plus répandu (dans son sens primitif il a été supplanté
par d'autres expressions, surtout par mozé). Nous le trou-
vons en dauphinois: hoya, boio; en lyonnais: bogli, hôi/e;en
forézien: bôye, hoyaude: en bressan et maçonnais: holha;
en savoyard : houlia. bouille '. — Dans le patois de la
Grand'Combe, boye se dit pour 'petit garçon', boy et (plus
rare) pour 'petite fille'.
Dans le canton du Valais, surtout sur la rive droite
du Rhône ', bwata se dit pour 'jeune fille', bivateta pour
'fillette'. M. Gauchat a proposé de faire remonter ce mot
à un type latin *bovitta *, et M. Meyer-Lûbke a adopté
cette étymologie, en renvoyant à boli < bocula ^.
En Savoie et dans les pays voisins (Jura, Vaud, Va-
lais, Val d'Aoste), une génisse s'appelle le plus souvent
moze {modze, mudze, modzo, etc.) ^, et, d'après les glossaires
de Constantin et Désormaux et de Bridel ", ce mot s'appli-
1 Voir Tappolet. dans ASNS. CXXXI, p. 98.
^ Suivant Puitspelu, l'orléanais boêle aurait la même origine que
ces formes. On trouve ce mot, sur la carte ma fille de Y AU. îing.,
aux points 208 (Seine-et-Marne), 209 (Loiret): bwël; et dans le Glos-
saire du ^ Vendômois de Martellière : bouélle (boile) 'iîlle', 'fillette'. M.
Martellière le rattache également au lyonn. boilla. Cependant, bocula
aurait donné en Orléanais *beuille, à l'instar de oculuXBil. (D'après
la carte 932 de ï Atlas, ce n'est que dans le Sud-Est que oculu est
devenu tcel.)
^ h'Atl. ling. l'indique à Lens.
* Voir ASNS, CXXI. p. 445. — Plus tard, en insistant sur le
fait que bwata sert à désigner surtout le sexe, M. Gauchat a indiqué
aussi une autre explication, d'après laquelle ce mot serait identique à
bouata 'crevasse', 'trou' (v. p. 270, n. 5).
'' Boni. etym. Wb., 1225.
" Cf. piém. mogia 'giovenca'; mogiôn 'vitello'. — L'origine de ce
mot est obscure. On serait tenté de le rattacher à la famille mtîtt-
'émoussé', (cf. vaud. moté, prov. màti, § 332); mais des difficultés phonéti-
ques s'y opposent (cf. piém. môcc 'émoussé', et mogia 'génisse').
' Leurs articles renferment plusieurs renseignements inexacts.
Bridel écrit: *Moza, jeune fille ; génisse, dans le langage des Pyrénées».
— 322
me
que aussi, en Savoie et en Suisse, à une jeune fille. M
Odin nous révèle une phase de ce développement séman-
tique, en signalant, dans le patois de Blonay, modze comme
sobriquet d'une fille coureuse, sauteuse ^
332. Les patois de l'Isère et de Lyon désignent un
petit enfant, un nourrisson, par motet, motillon ^, et le der-
nier connaît aussi le féminin mottette 'petite fille' ^. Motet
peut signifier en outre 'garçon', 'jeune homme'. Ce mot
a été connu autrefois en Savoie aussi, au sens de 'jeune
garçon' *. Vu la prédilection des patois franco-provençaux
pour la métaphore 'génisse' > 'jeune fille', il ne faut pas
C'est dans les Alpes que ce mot signifie 'génisse'; tandis que les
idiomes français des Pyrénées rendent cette idée par bedeto. badeta,
bedero et par d'autres représentants de *vitella (voir VAtl. ling., carte
637). — Dans Constantin et Désormaux nous lisons: «On trouve fré-
quemment ce mot [inojhe] au fig. avec le sens de jeune fille, sens
qu'on a relevé dans l'Aunis et dans la Suisse romande, comme aussi
au moyen âge (d'après une Chanson du XV® siècle, publiée par M. G.
Paris)». Cette dernière assertion repose sur un article de Godefroy.
où inoge. mouge. mousse sont définis par 'jeune fille' et par 'génisse'.
Les deux premières formes sont tirées de deux sermons de Calvin;
mais, dans les passages qu'en cite Godefroy, moge et mouge signifient
manifestement 'génisse', et non 'jeune fille'. Quant à mousse, qui se
trouve dans une chanson du XV® siècle, ce mot est identique à l'esp.
mozo — moza, et n'a rien à voir avec moza 'génisse' (voir § 77). —
Godefroy relève aussi, dans l'Aunis, moje 'grosse fille'; mais ce mot
ne doit pas non plus se rattacher au franco-prov. moza. mojhe, puisque
cette expression pour 'génisse' est inconnue dans TOuest.
1 Un dérivé en -on: sav. mojhon, val. modzon 'génisse' ou 'bou-
villon', s'emploie aussi au figuré, mais toujours avec un sens dépré-
ciatif; à Thônes (en Savoie) il signifie: 'fille plus développée de corps
que d'esprit'; à Blonay: 'homme niais'.
'■^ Voir Ravanat, Mistral (qui écrit motet, moutet. motilhon), Puits-
pelu (mottet) et VAtl. ling. (qui donne mu môté 'mon tout jeune fils'.
au point 922, Isère).
' D'après Puitspelu, cette forme est employée aussi en Dauphiné
et dans la Bresse.
* Constantin et Désormaux l'ont relevé dans la Muse savoisienne
(XV1I« siècle).
— 323 —
hésiter, à mon avis, à rattacher ce moté 'enfant' au vaudois
motr 'veau, génisson, qui n'a pas encore de cornes' fOdin) ^
Agneau, brebis, bélier.
888. Les mots signifiant 'agneau' s'emploient souvent
comme termes d'affection à l'adresse des enfants. En voici
quelques exemples: Saint-Pol. anOu\ et, avec redouble-
ment enfantin d'une syllabe: nonôw; val. guethelin, lyonn.
helot ^. Le prov. mod. ayneloun^ qui, d'après Mistral, peut
signifier 'petit enfant', a sans doute aussi une nuance af-
fective fort marquée ^. Il en doit être de même pour le
rouchi hédo, mot enfantin pour 'agneau', 'mouton', que
Hécart relève au sens de 'jeune enfant' *.
884. Comme nous l'avons vu plus haut (§ 68), le
lang., prov. fedo 'garce' est sans doute le même mot que
le lang., prov. fedo 'brebis'. La même métaphore se ren-
contre dans le lyonn. feya, faya, et dans le jur. faille. —
Peut-être faut-il expliquer par un procédé analogue le
1 D'après Constantin et Désormaux, motet 'garçon' est identique
au sav. motë 'qui est sans cornes'; Mistral fait dériver moiitet, motet
de moût 'mousse', 'épointé', 'qui n'a pas de cornes' (cf. prov. màti
'mouton écorné). Évidemment ils ne voient donc pas dans motet une
métaphore 'génisson' >- 'enfant', mais un rapprochement plus vague
entre un enfant et quelque chose d'émoussé. — M. Behrens. Beitr.,
p. 175, rattache motet, moutet au prov. mod. moto, mouto 'motte', 'mor-
ceau de terre', 'butte', en renvoyant à l'expression en pas plus mit
que très mouto, qui se dit d'un petit homme (Mistral). Cette explica-
tion, qui a été adoptée par M. Meyer-Liibke {Boni. etym. Wb., 5702),
me paraît cependant moins vraisemblable que celle indiquée ci-dessus.
- D'après Puitspelu; cf. pourtant § 176.
' Pour le prov. fedoun 'enfant ou jeune homme doux, docile',
qui, d'après Azaïs. signifie proprement 'agneau', voir plus haut, au § 328.
* Dans le patois de Démuin. angnus se dit, d'après Ledieu, pour
'enfant'. On sait que agnus est le nom d'tine petite figure en cire
ou en broderie, représentant l'agneau de Dieu et bénite par le Pape.
Probablement le sens de 'enfant' est di\ à un rapprochement méta-
phorique avec l'agneau de l'image.
— 324 —
haut-manc. piole 'petite fille' (Montesson), qui, suivant
Verrier et Onillon. se trouve aussi à Noyant-Méon (Indre-
et-Loire), et qui paraît être le même mot que piole {piaule)^
relevé dans le Perche et le Vendômois par Martellière,
au sens de 'brebis'. Il est vrai que ce dernier mot a
une nuance marquée de mépris (= 'vieille ou mauvaise
brebis'), et qu'il s'applique figurément, non à une petite
fille, mais à une femme insupportable, une vieille coquette.
Mais le sens de 'petite fille', qui se rencontre dans le
Haut-Maine, pourrait s'expliquer très bien par un emploi
cacophémique du mot ^.
335. Dans l'argot des savetiers de Bormio, har — hara
signifie 'ragazzotto', 'ragazzotta' (Longa). Dans le parler
commun de cette contrée, har s'emploie aux sens de 'pe-
corone' et de 'tarchiato e gagliardo'. Sans doute il faut
voir dans ce terme le même mot que har 'bélier', 'mouton',
qui se trouve dans les parlers voisins de la Valtelline et
des Alpes bergamasques, aussi bien que dans la Basse-
Engadine ^.
Cochon, truie, verrat.
386. Bien qu'on trouve assez souvent, dans diverses
langues, des mots signifiant 'cochon' employés comme ter-
mes de tendresse ^, les dénominations d'enfant proprement
dites, provenant d'une telle origine, ne sont pas très nom-
breuses dans les langues romanes.
^ Cf. mazette, qui, comme nous l'avons vu, a pris le sens de
'petite fille' dans le patois messin.
^ Sous d'autres formes, ce mot se rencontre dans beaucoup de
dialectes romans (voir Meyer-Liibke, Rom. etym. Wb., 1049). — Pour
le développement sémantique, cf. Val Verzasca Joett :=^ 'capretto' et
'figlio'.
' Pour les langues germaniques, voir Keinius, Gosse, en etym.-
semasiol. studie {Nord, studier, Uppsala 1904) p. 410—4-31, et Bjôrk-
man, Neuschtced. gosse (etc.).
— 326 —
Dans le Midi de la France, on emploie comme noms
d'enfant avec un sens plus spécial deux dérivés du thème
onomatopoétique <jorr, qui a donné naissance à beaucoup
de dénominations du cochon ^ (cf. le prov. <jorri, f/ourrin
'goret', (/oro 'truie'). Goiirrinot — gourrinoto, proprement
'petit cochon', se dit, sur un ton de reproche affectueux,
aux petits enfants: 'petit polisson', 'petite polissonne'.
Gourrotmeto désigne en Vivarais une fille toute petite.
337. Suivant M. Sainéan ^, il faut rattacher le lyonn.
<lone 'enfant', 'fils', 'gamin', 'garçon' à fjona 'truie'. Après
avoir montré que gone ne peut pas venir du grec, comme
le pensait Puitspelu ', M. Sainéan écrit, dans ses Étymo-
logies lyonnaises *, les mots suivants, que je me permets
de citer ici: «Groupons d'abord les variantes du mot. Le
berrichon a ganet °, ganillon gamin, et le champenois (Clair-
vaux) ganelle gamine, à côté du lyonnais gone gamin ^.
Le dauphinois gana a le sens de truie (et ganet, celui de
cochon de lait), répondant à gona du patois de l'Aoste
et au fribourgeois gouna, au même sens de 'truie'. Le
lyonnais gone serait-il pour gonet (comme le ferait suppo-
ser la forme dauphinoise citée par Puitspelu ') et aurait-il
l'acception primitive de 'goret' (= dauph. ganet), appliqué
1 Voir Sainéan. ZRPh, Beih. X. p. 87 s.; Meyer-Liibke. Rom.
etym. Wb.. 3820.
- op. cit., p. 111.
8 Dans son ouvrage intitulé Le Littré de la Grand'' Côte. Puits-
pelu a proposé deux étymologies: le grec yôvog 'fils', 'enfant'. etTanc.fr.
gonne 'robe'. Dans son Dictionnaire lyonnais, il a lui-même rejeté
cette dernière explication.
* RPhF. XXII, p. 122.
» Il faut ajouter ganette 'petite fille' (Jaubert).
" Il convient d'ajouter ici que M. Fertiault a relevé gône 'gamin',
'polisson' dans le bas langage Verduno-Châlonnais.
" Voici le passage en question: c. . . il figure sous la forme gonet
dans un texte dauphinois du XIII^ siècle» {Le Littré de la Grand''
Côte). Onofrio nous apprend aussi que le dauph. gonet équivaut au
lyonn. gone.
— 326 -•
à un jeune garçon espiègle? Je le crois. Le prov. chourro
signifie à la fois porc et jeune valet, et le piémontais gognin.
polisson (en italien gognolino), répond au parmesan gognin,
goret.» L'argumentation de M. Sainéan n'est peut-être pas
tout à fait convaincante: il me semble pourtant que cette
étymologie est préférable aux autres explications proposées V
338. Dans l'esp. harragan — barragana, port, harregào *
—harrega 'jeune homme non marié', 'jeune fille à marier',
mots vieillis aujourd'hui ^, M. Sainéan voit des dérivés de
l'esp. barraco 'verrat' *. Le passage de c k g offre des
difficultés ^; mais au point de vue sémantique, l'étymologie
paraît acceptable ^. Barragan a signifié aussi 'vaillant',
'courageux' ^; c'est de ce sens qu'on a dérivé celui de
'jeune homme vigoureux' (Michaelis), et le sens plus gé-
néral de 'jeune homme'. Qu'on ait comparé un homme
vaillant au porc sauvage, n'est point étonnant ^.
^ Quant à l'hypothèse de M. Sainéan, d'après laquelle le nap.
guagnone 'garçon' serait identique à l'aveyr. gouagnbu 'pourceau', voir
p. 308, n. 5. — Pour goujat, gouge, que M. Sainéan rattache au prov.
mod. goujo 'truie', gojo 'cochon', voir § 368.
■^ Michaelis enregistre aussi la forme barregueiro.
' Le féminin est toujours en usage au sens de 'concubine', et se
retrouve aussi en catalan.
* ZBPh, Beih. X, p. 102.
^ La forme barracan, que mentionne M. Sainéan {lac. cit.). ne
figure dans aucun des dictionnaires que j'ai consultés.
•^ On a proposé les étymologies barragan 'étoffe bourracan' et
*pallacana < jraXÀaKrj 'concubine'. Voir ZRPJi, XXX, p. 568. et Rom.
etym. Wb., 941.
' M. Sainéan, ZBPh, XXX, p. 569, dit que ce sens est encore
vivace. On ne le trouve pourtant ni dans Tolhausen, ni dans Salvà.
Oudin déjà l'enregistre avec une certaine réserve: «Barragan, selon
aucuns, signifie un homme de courage et valeureux». De l'existence
de cette signification témoigne cependant le dérivé barraganada 'vail-
lance', 'acte et fait valeureux' (Oudin, Franciosini).
" Cf. Sainéan, loc. cit.; cf. aussi" ZBPh., Beih. X, § 29. — Dans
le jargon des Abruzzes, verre 'verrat', se dit pour 'homme'; le prov.
verre 'verrat' peut signifier 'homme brutal'.
— 827 —
t
Singe.
S8U. La métaphore 'singe' > 'enfant' ^ s'explique sans
dout(> [lartiellement par une association de similitude: la
petitesse, la vivacité, la manie d'imiter, mais surtout les
traits humains du singe y sont certainement pour quelque
chose. Mais cet emploi figuré des noms de singes repose
aussi sur une association par sentiment. Ces animaux
inspirent en général du dégoût et du mépris; leurs déno-
minations ser^'^ent d'injures et s'appliquent ensuite caco-
phémiquement aux enfants. Presque tous les termes que
nous allons étudier, ont une nuance péjorative.
Il résulte d'un passage du Glossario modenese de Gal-
vani, p. 326 ^, que l'ital. scimiotto se dit occasionnellement
d'un garçon. — Le franc, babouin — babouine se dit aussi
par plaisanterie d'un petit enfant. Il se retrouve, avec
ce sens, dans plusieurs patois: bas-manc. hahivc 'gamin';
Guernesey baboninf 'brin de fille sotte et nigaude'; angev.
babouin 'enfant sale et dont les vêtements sont en dés-
ordre' ^. Mistral traduit le prov. babouin (lim. baboui. dauph.
babou) par 'babouin'; 'marmot'; 'épouvantail'. — Le lyonn.
mounina, monina, proprement 'petit singe' *, se dit pour
'petite fille', 'petite gamine'. — Les mots espagnols moni-
* Cette métaphore est assez fréquente aussi dans les langues
germaniques. «Oft werden auch junge kinder affen gescholten. wie
nach Aristoteles aile kinder ai/iià sind», dit Grimm. Dans la Suisse alle-
mande. Affli est un terme de tendresse pour les enfants. L'angl. inon-
key se dit également, par mépris et par plaisanterie, d'un jeune enfant.
* «Quando noi con . . . dispregio vogliamo dire di un ragazzo
ch'esso è un baraboccio da non contarsi ancora tra gli uomini, diciamo
ch'esso è uno scimiotto. >> — Cf. scimmietta, dit par plaisanterie d'un
enfant, qui imite tout ce qu'il voit ou entend (Petrôcchi).
* Si cette définition, donnée par Verrier et Onillon, est exacte,
le sens antérieur ne peut pas être celui de 'singe', mais celui de
'mannequin qui sert d'épouvantail pour les oiseaux', signification qui
paraît être la plus généralement usitée en Anjou.
■• Cf. le lyonn. mouna 'guenon', au fig. 'femme' len mauvaise
part): vellav. mouniina 'singe'; prov. mounino 'singe', au fig. 'femme laide'.
— 328 —
caco, monuelo 'petit singe' ont les sens dépréciatifs de
'enfant sot' ^, 'enfant petit et laid' ^. — Le port, huginico
'petit singe' se dit pour 'enfant vif, inquiet'. — Au Ijon-
geron, en Anjou, on appelle un méchant gamin un guenon,
une méchante gamine une (fiieniiche ^.
340. En présence de tous ces exemples de la méta-
phore 'singe' > 'enfant', j'incline à considérer, avec le
Dictionnaire général et M. Sainéan*, les mots français
marmot, marmouset 'enfant' comme le résultat d'une méta-
phore analogue. — Marmot — marmotte ^ 'petit enfant', 'petite
fille' se rencontre, tant dans la langue commune que
dans les patois du Nord et du Midi: Saint-Polois marmot
'petite fille' ou 'poupée'; rouchi marmotin 'petit marmot';
dauph. marmo 'jeune fils' "; prov., gasc. marmot 'petit enfant',
dim, marmoutoun. — Dans le sens de 'singe', marmot est
attesté dès le XV siècle {Dict. gén.). Au moyen âge, mar-
motte se rencontre souvent avec le même sens ^. Le sens
de 'enfant' ne se trouve ni dans Cotgrave, ni dans Duez^;
mais Oudin (1673) enregistre le sens de 'moçuelo' à côté
^ Cf. l'allem. Grasaffe.
■ D'après Salvâ, le dernier signifie: 'marmouset', 'jeune liomme
à prétentions ridicules'.
^ Dans cette dernière forme le suffixe argotique -uche a été
substitué à -on.
* ZMPh. JBeih. I. p. 95. — Cette hypothèse a été émise déjà en
1868 par Galvani. op. cit., p. 327. — M. Salvioni, à propos de l'étymo-
logie du posch. marmelin 'mignolo', veut qu'on tienne compte aussi
de cette explication (voir HetidlL, sér. II, XXXIX, p. 615).
^ Le féminin s'emploie rarement en français commun.
" Voir le point 921 de la carte 572 de VAtl. ling.
" Ces deux mots s'employaient concurremment aux sens de 'singe'
et de 'marmotte'. Dans Cotgrave, marmot figure avec cette dernière
signification. — L'étymologie de ces mots est obscure. Probablement
ils proviennent d"une môme origine, et j'incline à supposer que le pri-
mitif a été une onomatopée. Cf. les verbes marmotter, marmo user ; cf.
aussi babouin, bahouiner. Il y a des objections possibles contre cette
hypothèse, mais la place me manque de les discuter ici.
^ Dictionnaire françois-allemand-latin, Leyde 1650.
— 329 —
de celui de 'mono'. Furetière (1726) donne les significa-
tions suivantes: 'espèce de singe', 'petite figure laide et
malfaite', et ajoute: «on appelle aussi ironiquement des
enfants, petits marmots . . .: Un petit marmot, une petite
marmotte*. Richelet (1732) traduit marmot par 'singe',
'figure laide', 'petit écolier', 'petit garçon'; marmote par
'petite fille'.
341. Marmouset présente les mêmes sens et paraît
avoir subi le même développement sémantique que marmot.
D'après le Dictionnaire général, il signifie, dans la langue
actuelle: 'figurine représentant une idole'; 'figurine bizarre';
'petit garçon'; 'petit homme' ^ On le trouve dans plu-
sieurs patois: angev. marmouset, et, avec un autre suffixe
diminutif, marmousin 'marmot', 'gamin'; bas-manc. mar-
muzh, marmusc 'marmouset', 'enfant chétif; tournais, mar-
mouset 'gamin' (Godefroy); lorr. marmouset 'enfant' (Jeanroy,
Boni., XXIII, p. 238); sav. marmosë 'petit marmot'. Mistral
donne pour le provençal : marmouset, marmousonn '^ 'mar-
mouset', 'petit marmot'; Durrieux, pour le gascon: mar-
mousot 'très jeune enfant'.
Le plus ancien sens attesté de marmouset est celui
de 'petite figure grotesque' ^. On le trouve, avec ce sens,
1 Ajoutons, d'après Littré: 'jeune homme sans conséquence' (terme
de mépris).
- M. Sainéan signale à tort marmousilho avec le sens individuel
de 'moutard' (op. cit., p. 95); c'est un collectif, qui signifie 'marmaille'
(voir Mistral).
' M. Sainéan. loc. cit.. mentionne, il est vrai, comme terme du
XIII® siècle, marmouset 'écolier'; mais tant qu'il n'en a pas allégué
d'exemples, je me permets d'en douter. De plus, il relève chez Villon
marmouset au sens de 'jeune hovcimv': «YiWon: marmousets et marmou-
selles». On cherche en vain la dernière de ces formes chez Villon;
mais, dans la Ballade de mercy {Testament, 1982, dans l'édition de
1911, Paris), on trouve ce passage: «A marmosetz et a mariotes, Je
crie a toutes gens merci». L'éditeur anonyme, «un ancien archiviste»
(A. Longnon), traduit, dans le glossaire, marmoset par 'petit garçon', ma-
riote par 'petite fille'. Cette interprétation est cependant très contestable.
— 330 —
dans le nom de la rue des Marmousets, ainsi nommée dès
le XIII® siècle {Dict. gén.). Dans un texte latin de 1280,
relatif à cette rue, on lit: Duo marmoseti lapidei ^. Cotgrave
traduit marmouset (marmoset) par 'figurine bizarre' (d'une
fontaine, par laquelle l'eau sort, etc.) et par 'favori d'un
prince' ^. Duez et Oudin ne donnent que le premier sens,
mais dans Furetière on trouve cet article instructif: «Mar-
mouset. Petite figure grotesque et malfaite qui a quelque
air d'homme ou de femme ^. On dit aussi ironiquement
à un petit garçon qui se mêle de vouloir raisonner avec
les grands, vous êtes un beau marmouset! On le dit aussi
d'un homme mal bâti: Un visage de marmouset.» Il en
résulte que le sens de 'enfant' a été tiré de celui de 'figu-
rine bizarre', et il me semble indubitable que cette signi-
fication dérive à son tour de celle de 'singe', ou plutôt de
'petit singe', puisque marmouset est un diminutif. De même
que le bas-manc, angev. marmousin, prov., gasc. marmou-
Le poète énumère, dans cette ballade, d'une façon burlesque, toutes
sortes d'êtres humains, d'animaux, etc., auxquels il «crie merci»; on y
rencontre pêle-pêJe «mendians, musars, servans, ribleurs», et même
«chiens mastins». Il ne semble donc point nécessaire de supposer qu'il
ait entendu par marmosetz et mariotes des êtres humains. Le sens
ordinaire de ces mots était celui de 'idoles', 'figurines' {mariotte = image
de la Vierge), et il paraît qu'ils étaient employés souvent côte à côte
dans cette signification, comme dans ce passage d'un sermon de Calvin,
cité par Godefroy: «N'attendons point qu'on nous mette des mariottes,
des marmousetz devant les yeux.» Apparemment, c'est dans cette même
acception que Villon a employé les mots. — Ajoutons que M. v. Wurz-
bach {BF, XVI) traduit marmoset chez Villon par 'Narr', mariote par
'Puppe', 'kleines Frauenzimmer'.
^ D'après Ménage, la rue des Marmousets s'appelait, dans les
textes latins, Vicus marmoretorum ; et Littré en conclut que «mar-
mouset vient de Marmoretum, de Marmor, marbre». Il n'en est rien.
Marmoretum, pour marmosetum, est sans doute le résultat d'une étymo-
logie populaire.
2 L'anc. fr. marmouset signifiait aussi 'fou de cour', sens dérivé
peut-être de celui de 'singe'. Le fou était souvent le favori du prince.
^ La synonymie de marmot et de marmouset ressort du fait que
tous deux servaient à désigner les figurines que les apprentis pein-
tres faisaient sur les murailles.
— 331 —
soun, marmousot, il est évidemment tiré de marmous, qui,
d'après Mistral, existe encore aujourd'hui en provençal, à
côté de marmot. Que ce mot ait existé autrefois aussi
dans l'Ouest de la France, cela paraît ressortir du fait que
le bas-breton connaît un mot marmous 'singe', qui doit être
d'origine française '.
84'^. M, Jeanroy, dans la Eomania, XXIII, p. 236 ss.,
combat la théorie d'après laquelle le sens primitif do
marmot et marmouset serait celui de 'singe'. D'après lui.
marmot (et aussi marmouset) est une variante, par substi-
tution de suffixe, de mermet et mermel (marmel^ marmeau).
qui dérivent de merme i<cminimus). «Son sens primitif a
donc dû être, poursuit-il, comme celui de ces deux mots:
'enfant'». Mais est-il bien sûr que ces deux mots aient
eu le sens de 'enfant'? Mermet (mirmet) signifiait 'petit',
ce qui résulte du seul exemple qu'en donne Godefroy
(abstraction faite du nom propre Mermet). Mermel (mer-
miau, merméaus) était un terme juridique signifiant 'mineur'
(= merme iVaage; voir Godefroy et Roquefort). Dans le
Complément de Godefroy on trouve, il est vrai, marmot
défini par 'petit enfant'; mais le seul exemple cité contient
mermpuz, qu'il faut sans doute traduire ici encore par
'mineur'. Il ne reste donc aucune preuve de l'assertion
de M. Jeanroy quant au sens primitif de ce mot. —
D'après son opinion, on a tiré du sens de 'enfant' celui
de 'figure grotesque', et de ce sens on est passé à celui
de 'singe': «Ce visage de l'enfant maussade et pleureur
a dû souvent servir de modèle aux artistes sculptant ces
figures grotesques qui terminaient les poutres ou dont la
bouche vomissait l'eau des fontaines: la transition d'un
sens à l'autre s'expliquerait alors naturellement. Nulle
difficulté enfin à passer du dernier sens à celui de 'singe'
ce qui caractérise le singe étant évidemment son nez
1 Voir Jeanroy, dans Romania, XXIII, p. 289, n.
— 332 —
camus et sa figure grimaçante.» — Voilà qui me paraît
bien factice et peu vraisemblable. On se demande pour-
quoi un mot signifiant 'enfant', et qui aurait été, dès le
XV® siècle, assez souvent employé pour servir de nom aux
figurines des poutres et des fontaines, n'apparaîtrait dans la
littérature avec son sens propre qu'au XVII® siècle. Et pour-
quoi ne trouve-t-on jamais d'autres dénominations
d'enfants au sens de 'figurine bizarre'? La seule explication
plausible serait celle que marmot et marmouset ont eu juste-
ment le sens spécial de 'enfant grimaçant, pleureur', mais
comment ce sens particulier a-t-il pu être tiré de mermel,
mertnet 'petit'? Enfin M. Jeanroy n'a pas prouvé que
marmot 'figurine grotesque' ait été antérieur à marmot
'singe'. Il renvoie au fait que, dans un texte du XV
siècle, un roi musulman porte le nom 3ïarmot, «sans doute
par allusion au masque ridicule que l'auteur lui suppose.»
Mais il n'y a rien dans cela qui nous oblige à croire que
marmot signifie ici 'figure grotesque' et non 'singe'. —
Cependant, M. Jeanroy admet, dans une note p. 237, que
le sens primitif de marmot pourrait avoir été 'singe', en
supposant qu'il s'est dégagé directement de la racine mi-
nimuSj «le singe étant un petit animal». Quant à cette
dernière hypothèse, il convient de rappeler que la petitesse
n'est point l'un des traits les plus caractéristiques du
singe, et qu'on ne connaît pas un seul exemple où cet
animal soit désigné comme 'le petit' ^
343. Godefroy a relevé la forme marmion ^ 'enfant'
dans un poème burlesque du XV® ou XVI® siècle ^. Bridel
donne comme terme de la Suisse romande mairmoin 'mar-
mot', 'nain', 'petit garçon mal fait'. Est-ce le même mot?
Le sens de ce dernier terme se rattache très naturellement
' Cf. Sainéan. op. cit., p. 88 s.
- M. Sainéan donne inexactement marmoin. op. cit., p. 95.
^ Prenosticat. de Songecreux, Poés. fr. des XV^ et XVI*
XII. 186.
— 333 —
ù celui de 'singe'. Probablement c'est nno variante de
marmot^ avec siibstitution de suffixe.
344, Il paraît indiqué de rattacher aussi à marmot,
marmouset le collectif marmaille 'troupe d'enfants', prov.
marmaio, lang., gasc. marmalho, qui, dans plusieurs patois,
a donné naissance à des dérivés de sens individuel: bas-
manc. marmayè, périg. marmàlhet, poit. marmaillon, prov.
marmaioun, lang. marmalhou, gasc. marmalhot. — L'ital.
marmafjlia 'canaille' se dit aussi d'une troupe d'enfants et
se retrouve, avec ce sens, dans les dialectes: piém., lomb.,
émil. marmaja; com. marmaria; romagn. marmanaja; vén.
marmagia. — Pour marmaglia, marmaille, on est cependant
bien tenté d'adopter l'étymologie *minimalia, proposée par
Flechia^; d'autant plus que cette explication va très bien
avec le sens de 'quantità di moneta di poco valore', que
présente le mot italien à côté de celui de 'gente spregevole'.
Une transition de la première de ces significations à la
dernière ne serait pas impossible, tandis qu'un développe-
ment en sens inverse paraît inadmissible. D'autre ])art,
si l'on admet leur provenance d'un tj'^pe bas-latin *mini-
malia, il est étonnant que ni marmaglia, ni marmaille ne
soient attestés avant la Renaissance.
345. L'italien connaît aussi deux dénominations indivi-
duelles, où entre l'élément marm- : marmotta ^ et marmoc-
chio 'petit enfant'. Le premier se retrouve dans quelques
dialectes: romagn. marmbtt 'marmocchio', 'ragazzo', 'fan-
ciuUo'; teram. marmotte (s. m. et f.) 'disprezz. di ragazzo
discolo'; augment.: marmuttône. Cf. Subiaco marmotta
'spregiativo di donna'. — Faut-il voir dans ces termes des
emprunts faits au français? ^ En ce qui concerne marmott
1 AGII, II, p. 366.
* D'après Rigutini-Bulle.
' D'Ovidio, AGll. XIII, p. 406, a émis cette hypothèse pour
marmocchio: ^marmocchio, isolato com' è nel toscane ed estraneo alla
22
— 334 —
— marmotta^ sa présence dans les dialectes m'en fait douter.
J'incline plutôt à rattacher le romagn. marmbtt à marmotta^
qui, dans le même dialecte, sert à désigner la marmotte
et se dit au figuré pour 'scioccolone', 'stolido' ^ En toscan,
marmotta ou marmotto 'marmotte' sert aussi d'injure, et,
d'après Petrôcchi, c'est de ce mot qu'on a tiré le dimi-
nutif marmottino^ qui se dit par plaisanterie à un petit
garçon. Il est donc vraisemblable que les mots précités
de Teramo et de Subiaco, avec leur nuance péjorative très
marquée, ont la môme origine.
Je tiens à ajouter ici que, même en expliquant marmot,
marmouset, marmotto, marmoccJiio comme des métaphores
tirées du règne animal, je trouve très probable que mini-
mus a exercé une certaine influence sur le développement
sémantique de ces mots ^. On n'aurait peut-être pas choisi
justement ces expressions pour désigner les petits enfants,
si elles n'avaient pas commencé par marm- et ainsi rappelé
à la mémoire des mots tels que l'anc. fr. merme {niarme)
'petit', le haut-ital. marmel, marmelin^i^etit doigt', etc.
Rat.
346. Dans les patois du Centre de la France et dans
celui de Saône-et-Loire, j'ai trouvé rat—rate comme terme
d'amitié donné aux enfants ^. Le franc-comtois et le cham-
penois emploient le diminutif ratotte (raitotte) de la même
manière. Dans le patois de Blonay, M°^® Odin relève
ratagdhla (= 'souris gonflée') comme sobriquet donné à un
rimanente Italia peninsiilare. non molto antico e di sapor vernacolo e
scherzevole, . direi proprio che sia marmot accommodato alla buona».
— Eigutini et Bulle expliquent l'ital. marmotto de la même manière.
^ Peut-être à cause de l'engourdissement d'hiver de cet animal?
* Dans son Rom,, etym. Wôrterb., M. Meyer-Liibke rattache tous
ces termes à minimus.
* Pour des exemples analogues dans les langues germaniques,
voir A. Sperber, op. cit., p. 145.
— 335 —
petit garçon très grassouillet, — L'ital. topino, diminutif
de topo 'rat', se dit figurément d'un petit garçon: Ê un
topino. Povero topino. (Petrôcchi.) Morri le signale en ro-
magnol au même sens: tupefi, hèll tupen 'rabacchino', 'piccol
fanciullo', 'bambino'.
347. Ces exemples d'emploi métaphorique des déno-
minations du rat viennent appuyer l'étymologie proposée
par M^'® Sperber ^ pour l'esp. muchacho : musculu + -aceu ^.
Muscidus aurait donné en espagnol *mucho, et, comme l'a
fait remarquer M. Spitzer ^, cette forme existe en réalité
dans la péninsule ibérique, au sens de 'muscle': port, hucho
(= esp. muslo)*^. — L'esp. muchacho (Oudin: mochacho) dé-
signe un jeune garçon qui commence à sortir de l'en-
• op. cit., p. 145.
- L'étymologie la plus généralement adoptée est mutt-, miitilun
'émoussé', 'mutilé' (cf. Diez, Etym. Wb., p. 470; Grôber. dans ALL, IV,
p. 126; Kôrting, Lat.-rom. Wb., 6420; Meyer-Liibke, liom. etym. Wh.,
5793). M. Schuchardt, qui a jadis rattaché muchacho à un type *inu-
tidiis {ZRFh, XXIII, p. 181), a émis en 1914 une autre hypothèse que
je ne connais que par le renvoi suivant, contenu dans un article par
M. Spitzer, Die Sprachgeographie (1909—1914), RDR, VI, où il critique
quelques-unes des étymologies proposées par MUe Sperber. Il y dit^
p. 357, n. 1: «die Ableitung von span. muchacho 'Junge' habe ich sehr
skeptisch aufgenommen. Nun klaren Schuchardts (E,B 1914, S. 9 ff.)
Beraerkungen iiber bask. mutil 'Bursche' = dem mutilus kapite, tonso
kapite der Glossen und span. muchacho = *miittilus ailes auf.» D'après
cette explication, muchacho serait un pendant de toso et de carusu
(voir § 271 ss.). — L'expression «sehr skeptisch» est du reste un peu
exagérée. Dans son compte rendu du travail de Mlle Sperber (ZMPh,
XXXVI, p. 233 ss.), M. Spitzer approuvait parfaitement l'étymologie
musculus (<Wird raan den geistreichen Ableitungen sp. muchacho =
mu s cul us ... zustimmen miissen ...»); et ce n'est que dans une
note qu'on trouve une objection: il y fait remarquer que la forme
ancienne mochacho offre des difficultés. — Quant à l'étymologie de
M. Sainéan, qui rattache muchacho à l'ital. mueio, esp. micio 'chat',
cf. ce qu'en dit MUe Sperber {loc. cit.).
» ZRPh, XXXVI, p. 233, n.
* Cf. Grôber, Grundriss der rom. Phil, 2® éd., p. 964.
— 336 —
fance ^; muchacha, une fille de tout âge. Le pluriel mn-
chacJios se dit pour 'enfants'. Le mot se retrouve avec
les mêmes significations en portugais; selon Coelho, il ap-
partient au style familier. — Le provençal moderne a
emprunté mouchacho (s. m. et f.) aux sens péjoratifs de
'homme ou femme maussade'; 'enfant désagréable'; 'fille
bourrue', 'maritorne', 'laideron'; et le langage populaire de
Paris emploie mouchocJiou pour 'enfant' (Bruant). Le na-
politain a aussi emprunté le mot, mais, suivant D'Ambra,
mucciaccia signifie simplement 'ragazza' sans idée dépré-
ciative.
Chauve-souris.
348. Cet animal paraît avoir contribué aussi aux dé-
nominations d'enfants. M. Crocioni rattache palpastriéllo,
qui se dit à Arcevia (Ancona) pour 'giovincello', au parm.
parj^astrell (ital. pipistrello). Il n'aurait pourtant pas été
nécessaire d'aller jusqu'à Parme pour trouver une forme
ressemblante, puisque le bolonais déjà offre palpastrell
(= romagn. halhastrell).
Lapin,
349. Avant de quitter les rongeurs, je voudrais men-
tionner encore lapin, qui se dit par plaisanterie pour 'pe-
tit garçon' dans le Jura bernois^; et quenil^ nom d'amitié
qu'on donne aux enfants dans le Doubs, et qui doit être
le même mot que le frib., neuch. counni, l'anc. fr. conil,
l'anc. prov. conilh 'lapin'.
Poulet, poulette.
350. Les noms des poules, et surtout des petits pous-
sins, ont donné naissance, dans les langues romanes comme
^ D'après Tolhansen il signifie encore 'nourrisson' (sens nié par
Salvâ) et 'mousse'.
* Cf. lapin 'apprenti compagnon', dans l'argot des ouvriers.
— 8B7 —
dans les langues germaniques \ à quelques-uns des termes
liy[>(»<'()risti(|ues les plus usités ^.
851. On se rappelle que le lat. pidlus—pulla 'petit
d'un animaP, et, spécialement, 'jeune coq', 'jeune poule',
s'appliquait aux enfants (§ 78j. Parmi les dérivés nom-
breux, que les langues romanes ont tiré de ce mot pour
désigner des poules, il y en a plusieurs qui ont été em-
ployés d'une manière analogue.
Poulet — poulette^ les mots du français commun, s'em-
ploient très souvent comme termes de tendresse en par-
lant à un enfant, un jeune homme, une fillette ou une
jeune fille. Dans la Flandre française, on trouve pouUette
pour 'jeune fille'. — Dans quelques patois, les représen-
tants dialectaux de poussin s'emploient de la même façon:
le flandr., pic. pouchin est un terme de tendresse pour un
petit enfant; à ISLonthoiioxà pussenote ^ 'poulette' se dit pour
'jeune fille catéchumène'. — A cote àe poulet et àe poussin,
les patois français se servent de la forme poulot pour dé-
signer le petit d'une poule ou un jeune coq *. Il faut sans
doute identifier avec ce mot poulot— poulotte 'enfant', 'fil-
' En voici quelques exemples : suéd. pulla, proprement 'poule'
se dit amicalement à une fillette; dan. kylling 'poussin', se dit d'une
fillette, ou, au pluriel, d'enfants; le mot synonyme allemand, Kiichlein,
s'emploie d'une manière analogue; l'angl. chiclcen se dit d'un enfant
ou d"un «blanc-bec».
' Les noms du canard s'emploient souvent aussi comme termes
de tendresse, mais ne semblent pas être devenus des dénominations
d'enfants proprement dites. Voici quelques exemples: berr., angev.
canard, cane, canet, canette; bas-manc. kani; meus, caïene, caïenon,
pic. lurot, lirot ('petit du canard'). — Cf. aussi les mots latins anas;
anaticula, qui figurent comme termes d'affection dans les comédies
de Plante.
^ Le simple poussin n'est pas usité dans ce patois.
•* Je l'ai relevé dans le bas langage Verduno-Châlonnais et dans
les patois de Bournois et de Montbéliard. Les cartes poussin et coq
de VAtlas l'indiquent également dans l'Est (Nivernais, Bourgogne,
Franche-Comté), et aussi dans la Bretagne.
— ass-
iette' ^, qui, d'après Littré, est un terme de tendresse,
aujourd'hui vieilli dans la langue courante. Diez le dé-
signe comme un mot de l'ancien français, et Roquefort
l'enregistre au sens de 'jeune enfant' ^. A en juger d'après
le passage suivant, que cite La Curne, poulot était connu,
déjà dans la langue ancienne, comme un terme dialectal,
répondant au franc, poulet: «Poulets que appelle poulots
en sa baragouinage» {Des Ace. Bigarrures^ p. 8). Dans
les patois poulot est très répandu au sens de 'jeune enfant'.
Je l'ai relevé en rouchi, picard, normand, berrichon, ver-
duno-châlonnais, narbonnais ^ Le ièramm. poiilotte (pouloto)^
sans masculin correspondant, s'emploie comme terme d'ami-
tié en champenois et en bas-limousin.
352. L'esp. polla, port, polka, 'poulette' ont pris par
métaphore le sens de 'jeune fille' ^, Le diminutif espagnol
pollito — pointa 'poussin nouvellement éclos' se dit pour
'petit garçon', 'petite fille'; le masculin peut désigner aussi,
par extension de sens, un très jeune homme sans expé-
rience. Les augmentatifs polhastro (port.), pollastrôn, pol-
lancôn (esp.), qui signifient proprement 'gros poulet',
s'emploient, en style familier, pour 'jeune garçon grand,
élancé'.
Les dérivés en -aster et -ancu se retrouvent en Italie,
avec des significations analogues. Pollastra 'poulette' se
dit par plaisanterie pour 'jeune fille', spécialement en par-
lant d'une jeune paysanne (Petrôcchi). Pollastro et ^)0-
lastrotto ont, en italien commun et en vénitien °, le sens
dépréciatif de 'giovane semplice, inesperto' ; mais, en ber-
gamasque, polastrbt désigne, d'après Tiraboschi, un jeune
^ Diez. Etym. Wôrterb., p. 258, le rattache directement au lat.
pullus 'enfant' (cf. § 79).
' Godefroy et La Curne ne le mentionnent pas.
* Ici il a le sens de 'mignon', 'enfant chéri' (Mistral).
* Cf. § 79.
* Boerio donne polàco avec le même sens.
— 339 —
hommo en général, sans aucune nuance de mépris. En
napolitain, poUania. pollanclœlla signifient 'giovanotta', 'gio-
vanottina'; en milanais, jjollanca a le sens spécial de 'pul-
cellona già avanzata'.
35B. Le roum. pâica (du lat. *pullius avec un suffixe
slave) présente, à côté du sens de 'poulette', celui de
'jeune fille'.
354. D'après Tarbé, le champenois jau 'coq' s'em-
ploie figurément au sens de 'petit garçon' ^.
355. Plusieurs des noms du coq et de la poule sont
des onomatopées, imitant le cri de l'animal. De l'onoma-
topée qui a donné coq^ on a tiré aussi la formation en-
fantine cocotte 'poule', et ce mot s'applique souvent fa-
milièrement aux petites filles ^. ■ On appelle parfois un
petit garçon coco ^, mot qui sert en outre, dans le langage
enfantin, à désigner un œuf. Je ne crois pourtant pas
que le sens de 'petit garçon' soit dû à une métaphore
'œuf > 'enfant' *; il faut plutôt considérer coco (cocot),
1 Tarbé signale jau 'coq' comme un mot du département des
Ardennes; mais, suivant la carte 320 de VAtl. îing., les représentants
de galîus ne s'emploient plus au sens primitif dans ce département,
qui présente exclusivemenf kok (ou ko). Jo s'est conservé plus à l'est,
dans la Meuse et dans Meurthe-et-Moselle.
* On sait que ce mot est devenu aussi un terme libre.
3 Cf. Foerster, ZBPh, XXII, p. 272, n.
* C'est là l'opinion de M. Schuchardt (voir SBPhHKlAWWien.
CXLI, 3, p. 25). — Coco, au sens de 'œuf, provient probablement de
ce que le cri de la poule, qui est sur le point de pondre ou qui vient
de pondre, a été appliqué à l'œuf pondu. Cf. le pic. codak et le lill.
cocodac, qui désignent à la fois le cri de la poule et l'œuf qu'elle a
pondu (d'où le verbe picard codaquer, norm. coàaquer, quédaquer).
Cf. aussi le verd.-châl. cocodète, ou co-co-co-codète, imitation enfantine
du cri de la poule qui pond. Cette explication me paraît plus vrai-
semblable que celle de Foerster {ZBPh, XXII, p. 271), d'après laquelle
coco 'œuf serait une aphérèse de cocorico. — Du reste coco sert, dans
le langage des enfants, à rendre les idées les plus différentes. Dans le
patois de Blonay, coco signifie 'cheval', dans celui de Pléchatel, 'soulier'.
— 340 —
dans ce dernier sens, comme un masculin analogique, tiré
de cocotte. Dans bien des dialectes aussi, coco(t) — cocotte -^
sont des appellations caressantes, répondant au poulet —
poulette du français commun. — Dans le Midi, les dimi-
nutifs couteto (lang. coteto), coutino (tirés de coto^ coueto
'poule', en Daupliiné) ^ se disent pour 'jeune fille'.
L'Italie offre des exemples analogues. Petrôcchi nous
apprend que cocca 'poule' s'applique comme terme de
tendresse aux petites filles. Il en est de même dans plu-
sieurs dialectes, A Plaisance, Bologne et dans la Ro-
magne on crie cocca! cocca! pour appeler les poules, on
désigne les poules par ce mot, et on l'emploie aussi comme
terme d'amitié à l'adresse d'un enfant. — J'incline à con-
sidérer l'ital. cocco (cucco)^ mot enfantin et familier, qui
signifie 'œuf et 'enfant chéri', 'benjamin', comme un mas-
culin analogique tiré de ce mot (cf. plus haut coco(t) —
cocotte) ^. Dans certains dialectes on se sert d'un seul mot
pour désigner une poule et le «benjamin»: bol. coca (ou
coc), mant. cocca, etc. ^ On en a tiré plusieurs diminu-
tifs signifiant 'naccherino', 'bimbo': bol. cucchein^ vén., vér.,
trent. cocolo, vén. cocolin.
356. Cihac, et d'après lui MM. Schuchardt ° et Tik-
tin, rattachent à la même origine onomatopoétique 1
mots roumains suivants: côca 'bébé', terme de tendresse.
1 Sav. cocà — cocota; prov. mod. cocot—cocoto.
■ On se sert aussi de ces mots pour appeler les poules, et c'est
là peut-être leur premier emploi.
* Quant à cocco au sens de 'œuf, cf. la note ci-dessus sur le
franc, coco 'œuf. En ancien milanais, on se servait d'un même mot:
coco, pour imiter le chant d'un coq et pour désigner un œuf (Cheru-
bini). — L'étymologie de M. Meyer-Liibke: coccum 'Fruchtkern', 'Schar-
lachbeere', me semble moins naturelle.
* Galvani, Saggio di un Glossario Modenese, p. 235, voit dans
coch et coca 'enfant chéri' les correspondants des termes hypocoristi-
ques latins pullus et galUna.
•' loc. cit.
- 341 —
qui se dit aux petits enfants et qui souvent remplace
longtemps leur prénom; cocon (cucôn), qui se rencontre,
avec le sens de 'enfant', 'garçon', dans la vieille littéra-
ture; dès le début du XVII* siècle, il commença à être
supplanté par cojril. Dans la langue actuelle, il signifie
'seigneur' ^ (en style familier); et le féminin cocôna pré-
sente un développement analogue: 'fille', 'fillette' > 'dame',
'demoiselle' ^.
357. L'onomatopée pi pi^ qui imite le pépiement des
oisillons et spécialement des poussins, s'emploie fréquem-
ment pour appeler les poules et pour les désigner ^. Sans
doute faut-il identifier avec cette onomatopée l'ital. pipi,
terme de tendresse pour 'enfant' *, d'où l'on a tiré le di-
minutif pipino. Le pist. pipera 'bambina' paraît être un
dérivé du même mot °.
Caille.
358. Le napolitain, qui abonde en désignations mé-
taphoriques pour les enfants et les jeunes filles, se sert du
nom de la caille, quaglia^ et du dérivé qiiayliozza pour
désigner 'una donzella frescoccia, belloccia, tarchiata' ^.
Pigeon.
359. Le pigeon, si doux et tendre, a toujours suggéré
des comparaisons à celui qui cherche des noms nouveaux
' Selon Cihac le développement sémantique serait le suivant:
'fils préféré', 'mignon' > 'fils d'un seigneur' > 'seigneur en général'.
' Cf. le grec mod. uOKK&va. qui a le même sens.
^ Cf. abr., vén. pi pi, mots dont on se sert pour appeler les
poules (répondant à l'ital. bille bille); lomb., émil.. vén., frioul. pipi,
mot enfantin pour 'oiseau', 'poussin'.
* Cf. bol. pipi 'personne de petite taille'.
° Pour le bresc. pipi, poscli. jnpinn — pipina, etc., voir § 26.
® Plante emp.oie coturnix comme terme de tendresse dans ses
Captivi.
— 342 —
pour l'amante ou pour l'enfant ^ Plusieurs dialectes ita-
liens offrent des exemples d'un tel emploi. Le sarde pic-
cioni 'pigeonneau' se dit, d'après Porru, pour 'enfant chéri,
gracieux'. L'abr. piccione et le teram, pecciône^ pecciunetfe
s'emploient de la même façon. Le nap. p)eccioncella peut
signifier 'jeune fille', 'fillette' ^.
Oiseaux divers.
360. Les noms de plusieurs petits oiseaux se sont
appliqués aux enfants. M"^** Odin a relevé, dans le patois
de Blonay, ritola 'roitelet', comme sobriquet donné à un
garçon de petite taille. En rouchi, rotelot se dit également
pour 'petit enfant': Viens m'rotelot (Hécart). — L'ital. pis-
pola 'pipit' se dit comme terme de tendresse pour 'don-
netta o ragazza o bambina piacente' (Petr.); les diminutifs
pispoletta, pispolina s'appliquent à une fillette; le masculin
pispoUno à un petit garçon. Le nap. focètola 'bec-figue'
se dit, d'après D'Ambra, pour 'giovanotta' ^. — Le pro-
vençal moderne emploie passereto 'femelle du moineau', ou
'fauvette d'hiver', comme terme de tendresse en parlant
d'une jeune fille *. Le lyonn. mouvant 'jeune moineau qui
sort du nid' se dit pour 'enfant sautillant'; et gone mou-
vant ° signifie à Lyon 'petit garçon'.
1 Les nourrices romaines employaient columbiis, à côté de pullus
et passer, pour désigner leurs nourissons. Voir plus haut (p. 84, n. 1)
la citation tirée des scholies sur Perse.
' Ce mot a aussi le sens dépréeiatif de 'innocentina'. 'sempli-
cetta', de même que l'ital. piccione, pippione et le franc, pigeon peu-
vent signifier 'niais', 'dupe'.
^ C'est peut-être une figure de lettré; D'Ambra en cite un exemple
tiré de Lo Pippo, par Eossi (1715).
* Cf. l'emploi hyporistique du lat. passer, ^JrtssercMZa (voir He-
raeus, ALL, XIII, p. 161).
^ Puitspelu y voit un «composé de gone, gamin, et mouvant,
jeune moineau. Mouvant est pris adjectivement et probablement par
confusion avec fr. mouvant», ajoute-t-il. Mais n'est-ce pas en réalité
le même mot?
— 343 —
301. Grandgagnage a relevé à Stavelot (Liège; pi-
wichc 'jeune fille', et y voit une acception figurée de pi-
wiche 'vanneau', 'huppe', qu'on trouve à Malmédy. — Dans
le supplément de son dictionnaire provençal, Mistral relève
machoutin — machoutino, diminutif de machoto 'chouette', au
sens de 'petit enfant'. — Dans les Alpes, on désigne quel-
quefois les enfants amicalement par le mot rateiror. Ce
mot, qui se prononce en Provence rateirbu, en Rouergue
ratairol, sert à désigner, selon Mistral, divers oiseaux: le
petit faucon (tiercelet), le martinet noir, l'hirondelle de
rivage. Levy, dans sow Petit dictionnaire provençal- français,
traduit également ratairol par 'petit faucon', 'tiercelet' ^
362. Dans Mistral nous trouvons encore un exemple
de cette métaphore: dauph. pisto (pistro) 'femelle d'oiseau'
et 'jeune fille'. Le mot paraît être dérivé d'une onoma-
topée pist (pst), dont on se sert pour appeler les oiseaux ^
— Rappelons enfin que, dans le patois messin, oJiio 'oisil-
lon' s'emploie au sens de 'enfant en bas âge' ^.
Crapaud, grenouille.
363. Nous avons étudié plus haut (§ 309) quelques
mots, qui, au premier coup d'œil, paraissent fournir des
exemples de la métaphore 'crapaud' > 'enfant', tandis que,
en réalité, ces deux sens doivent remonter à une origine
commune, à un mot désignant quelque chose d'informe
* Selon Azaïs et Chabrand et Rochas d'Aiglun. rateiror {ratairol)
signifierait 'petit rat'. Evidemment cette traduction a été empruntée
sans critique au Lexique roman de Raynouard, qui définit le mot
par 'petit rat', 'taupe', et qui en donne un seul exemple. Dans son
Provenzalisches Sujyplementwôrterbuch, Y, p. 463, Levy a démontré
que la traduction, que donne Raynouard de ce passage, est archi-
fausse.
- Cf. pista 'faire pist', 'appeler les oiseaux avec un appeau';
pistaire 'celui qui appelle les oiseaux avec un appeau'.
8 Cf. p. 260, n. 1.
— 344 —
et de globuleux. Mais les langues romanes offrent en
outre un bon nombre de dénominations d'enfants, qui re-
posent sur une comparaison réelle entre un enfant et un
crapaud ^. — L'exemple le plus typique nous est fourni
par le wall. crapaut — crapaufe, qui, dans certaines régions,
est le terme courant pour 'garçon', 'fille' ^. L'amélioration
complète du sens de ce mot est attestée par le fait que
crapaute signifie aussi 'amante', 'bonne amie' ^. On en a
tiré le collectif Jcrapôtreie (Remacle), capotrèie (Grand-
gagnage) 'marmaille'. Crapaud se retrouve dans le langage
populaire et familier de Paris, appliqué à un gamin * ou
à un petit homme laid, et dans plusieurs patois. On l'a
relevé à Saint-Pol, en Suisse romande et à Montjean
(Anjou) au sens de 'gamin', 'marmot', 'moutard'. Dans le
Midi il a une nuance marquée de mépris: prov. grapaut,
lang. grapaôu (dim. grapaioù)^ béarn. crapaut (crepaut)
signifient tous 'drôle', 'polisson'; le béarnais en a tiré
crapaute (crepaute) 'petite fille insupportable', 'drôlesse'; le
collectif grapaudaio (béarn. crapautalhe, carpjautalhe) veut
dire 'tas de crapauds, de drôles'. — A côté du diminutif
crapautin 'garçonnet', qui se rencontre à Saint-Pol et en
Suisse romande, il y a un dérivé irrégulier, crapoiissin^ qui,
dans le langage populaire, se dit d'une personne courte, grosse
et mal faite, et qui, dans plusieurs patois (rouchi, picard,
^ Les mots signifiant 'crapaud' s'emploient souvent pour désigner
un homme trapu, de petite taille (cf. Sainéan, ZBPh. Beih. X, p. 132).
— Pour les langues germaniques, cf. Tallem. Krote pour 'enfant', sur-
tout en parlant d'enfants méchants; bavar. krott. terme de tendresse
pour une petite fille, un petit animal, etc.; flam. l-rut. kriitje 'petit
enfant'.
* Voir Grandgagnage, Remacle, et VAtl. ling., fi22^ 623, 624, au
point 197 (Namur, Belgique). — M. Sainéan dit, op. cit., p. 134, que
le wall. crapaud «a remplacé le lat. films» au sens de 'fils' ('garçon').
Cela n'est pas exact, puisque la carte mon fils montre au i^oint 197
me fi, tandis que crapaud n'y figure nulle part.
^ Cf. Eolland, Faune populaire de la France, XI, p. 96.
* Cf. Rolland, loc. cit.
-- 845 —
normand, berrichon), s'applique aussi aux enfants, mais
toujours avec un sens de mépris. Il en est de même des
dérivés angevins crapasson, crapuchon, crapichon ^ Rolland ^
relève encore crapion, crapàyon (Avon, Seine-et-Marne),. et
crapouya (Marne) 'crapaud', au sens de 'enfant' ^.
364. Les autres termes de ce genre qu'on trouve
dans le domaine français, semblent être d'un emploi
beaucoup plus local. — Le wallon présente encore un
exemple de cette métaphore: Malm. rabolè, diminutif de
raho 'crapaud', se dit, d'après Grandgagnage, pour 'petit
garnement'. — Dans la Suisse romande et les régions
voisines, on emploie hô concurremment avec crapaud; dans
le canton du Valais, hô se dit aussi pour 'garçon' et le
diminutif hotê pour 'garçonnet' *. Le champenois (Clairvaux)
applique hot 'crapaud' dédaigneusement à un gamin ou à
un homme court de taille °. — Jônain enregistre le mot
ponçhu ® 'petite marmaille', 'petit enfant' ^, qui est sans
doute identique à l'angev. ponhut 'sorte de rainette à ventre
jaune' (Verrier et Onillon), ou pon-hii 'crapaud sonneur'
(B-olland), et au bas-manc. pohu 'petit crapaud qui chante
^ Ces deux derniers mots désignent proprement la rainette.
' loc. cit.
' Rolland mentionne en outre Tangev. cropètt 'gamin' comme
exemple de la même métaphore. Il faut cependant observer que, en
angevin et en manceau. crapaud et tous ses dérivés présentent -a-,
et qu'on n'y trouve pas de mots ayant ce sens qui commencent par
crop-. Aussi je préfère expliquer autrement cropètt (cropet) 'gamin'
(voir § 373).
* D'après les matériaux du Glossaire des pat. de la Suisse rotn.
— M. Saioéan voit dans hot 'fils', 'garçon', terme des Alpes Cottiennes
(voir § 104), le même mot que bot 'crapaud'. La carte 346 de VAtl.
ling. montre cependant que cet animal s'appelle ici hahi ou crapaut,
et non bot.
^ Cf. aussi le comt. pousse-bô (= 'pousse-crapaud') 'gamin', 'indi-
vidu de petite taille', 'pousse-caillou' (Rolland, op. cit., p. 101).
*• Dans ce dictionnaire, çh se prononce comme ch allemand.
' Il en donne cette étymologie, qui ne doit pas être sérieuse:
«sur le çhu (= cul) de qui l'on fait pon.»
— 346 —
les soirs d'été' (Dottin), Les glossaires nous apprennent
que Vh de ce dernier mot est très fortement aspirée \ et
apparemment le çh de ponçhu reproduit ce son, que Jônain
rend par jh, quand il se trouve au commencement d'un
mot ^. — D'après Rolland, op. cit., p. 96, les mots sapou-
loU, cucass et cucarrou, qui se disent pour 'gamin', dans le
département de la Haute-Garonne, signifient proprement
'crapaud'. Sapoulott serait donc dérivé du lang., béarn.
sapou 'crapaud'^; cucass et cucarrou de cuco 'rainette',
'grenouille verte', relevé par Mistral en Quercy^.
Dans les Alpes, on appelle, en bien des localités, le
crapaud habi; parfois ce mot s'emploie (à côté de crapaud)
pour désigner un crapaud de petite espèce. Comme dé-
nomination d'enfant, ce mot paraît avoir toujours une
nuance péjorative. D'après Chabrand et Rochas d'Aiglun,
il signifie, dans le patois du Queyras: 'petit enfant étourdi';
Mistral le traduit par 'babouin', 'bambin', Azaïs par: 'cra-
poussin', 'babouin', 'crétin' ^. — Nous retrouvons le môme
^ On sait que Tancienne aspiration forte s'est conservée dans
plusieurs patois, notamment le saintongeois. le normand et le lorrain.
* M. Sainéan mentionne le même mot, mais sous la forme inexacte
de pognu: «pognu. Mayenne, petit crapaud' (cf. pognasser, salir de
boue)». L'étymologie indiquée est impossible; ^Ju/m n'a rien à voir
avec pognasser 'saisir et manier malprojjrement un objet', qui vient
sans aucun doute de x>ogne 'main'; cf. norm. pognasser (pognâjler,
pougnacher) 'manier salement, à poignée', et pogne 'main', 'étreinte de
main'; angev. pogasser 'prendre maladroitement avec des mains sales',
et pogue 'main'. — A ce propos, je me permettrai de signaler une
autre inexactitude dans le travail de M. Sainéan. On y lit, p. 134:
«fille (jeune): Poit. boque 'crapaude'.» Les glossaires de Favre et de
Lalanne. qui sont les seules sources poitevines de M. Sainéan, ne
traduisent point bocque par 'jeune fille', mais par 'femme très-petite';
et, quant au sens de 'crapaude', on le cherche en vain dans les glos-
saires, dans V Atlas linguistique et dans Ja Faune populaire de Eolland.
^ Cf. l'esp. sapo, basque zapoa.
■* Cucarrou est peut-être identique au lang., béarn. coucarrou
'vaurien', 'gueux', 'truand', esp. cucaro 'ivrogne', 'bohème'.
^ Le sens de 'badaud', 'niais', que donnent aussi ces deux diction-
naires, se retrouve dans une foule d'autres dérivés de l'onomatopée
bab-; cf. Meyer-Liibke, Bom. etym. Wb., 852. — Le bas-manc. babi
— 347 —
radical dans le piém. bahiôt 'rospetto'; figurément: *fan-
ciulletto'. 'bamboccio' (Gavuzzi)^; com. bahiôt 'fanciuUo',
'bambino' "; cf. aussi le mil. habhi, pahhi 'rospo', 'minchione".
366, L'ital. ranocchino 'petite grenouille' se dit de
petits garçons, de même qu'un autre diminutif hypoco-
ristique de ranocchio: ranocchiettaccio. — D'après Patriarchi,
ranocchio, ou ranahoccJno, se dit, en vénitien, pour 'ra-
baceliio', 'rabaccliino'. — Le parm. rancin 'petite gre-
nouille' est un terme de tendresse qu'on donne aux petits
enfants. — Faut-il voir dans le piac. raganeU 'rabacchino',
'scricciolino' le même mot que l'ital. raganella 'rainette'?
On se serait attendu à rencontrer ragnell^ puisque ragna
est le mot piacentin pour 'rana', 'ranocchio' *. — Pour le
march. ciamiitte 'botta' et 'bambino déforme', voir § 311.
366. Le roumain aussi connaît cette métaphore: brôsca
(brôasca) 'grenouille', 'crapaud' se dit familièrement pour
'petit enfant', 'petit morveux' doit être une formation enfantine (voir
§ 376"), et non une métaphore, puisque le crapaud n'est pas désigné
par bahi dans l'Ouest de la France.
^ Suivant Ponza, il a le sens spécial de 'fanciullo vispo, vivace'.
■■' Cf. com. bahiôt. bahi 'babbeo', 'sciocco'.
' Il faut que je m'occupe ici un instant du lomb. crot 'culot', que
M. Sainéan, loc. cit., signale comme un exemple de la transition 'cra-
paud' > 'enfant'. Il ressort de ce qu'il dit lui-même, p. 124, que les
dialectes lombards ne connaissent pas ce mot au sens de 'crapaud'
(le milanais dit sciatt ou hahbi); puis, il résulte des données de tous
les glossaires milanais, bergamasques et brescians que j'ai consultés,
(^ue crot (crott) signifie toujours 'jeune', 'pas développé', 'fluet', 'chétif ,
'maladif, et spécialement 'le dernier né d'une volée ou d'une famille',
significations qui ne sauraient guère être tirées de celle de 'crapaud'.
— Je traite ailleurs des autres termes que M. Sainéan rattache à tort
à l'idée de 'crapaud'.
* M. Lorck, op. cit., p. 184, identifie le piac. raganél avec le bergam.
racnel, bresc. raganell 'Bettunterlage bei Sâuglingen', et suppose que
son sens primitif aurait répondu à celui de l'allem. Lump, Liimpchen.
D'après Foresti, le patois de Plaisance ne connaît pourtant ni un di-
minutif correspondant à l'est-lomb. racnel, raganell, ni le simple mot
*ragna (<: bas-lat. racana) au sens de 'haillon', 'morceau d'étoffe', etc.
— 348 —
*petit enfant'. On en a tiré hroscôiu^ qui se dit d'un en-
fant plus âgé, et hroscét, broscime 'marmaille'.
Poissons.
367. Dans le patois du Bas-Maine, on trouve pcper-
ndo au sens de 'petit enfant', et, d'après Verrier et Onillon,
le comte de Montesson a relevé pempernelle ou pimprenelle,
avec le même sens, dans le haut-manceau \ Ce mot est
sans doute identique au normand et angevin pimperncau
(pimpénau), nom d'une esjjèce de petite anguille, de la
grosseur du petit doigt. — L'ancien français désignait par
pimperneau {pimpernelj et pimpernelle une espèce de petit
poisson remarquable par son agilité, et l'employait au. fi-
guré pour un homme (ou une femme) vif, léger, alerte,
souvent dans un sens défavorable. Cotgrave le donne
comme terme d'injure. Selon Mignard, imnpreîielle se dit
encore en Bourgogne pour 'jeune fille éventée et fringante'.
— Peut-être le mot manceau a-t-il aussi passé par une
phase péjorative.
Le prov. mod. harbèu (lang. harhèl^ bord, barbeau,
dauph. barbei) 'barbeau' sert aussi à désigner un jeune
gars, un «blanc-bec». L'augmentatif barbelas signifie 'grand
garçon encore jeune'; le collectif ôar6eZa'<V>; 'les jeunes gar-
çons'. — Rappelons encore que l'esp. caclto, qui, entre
autres, présente le sens de 'barbeau', se dit pour 'petit
garçon' ^. — En wallon on trouve campai 'jeune carpe',
employé figurément pour 'gamin'.
A Cerignola, en Apulie, on appelle un petit garçon
scazzueppele, à Naples, seazziwppolo. C'est le même mot
^ Dans le Gloss. des pat. de V Anjou, on lit, à l'article pimper-
neaux, cette citation: «Petit enfant — pempernelle, pimprenelle. (De
Mont.)» Je n'ai pas réussi à retrouver ce renseignement dans le tra-
vail cité, ni dans l'édition de 1859. ni dans celle de 1899.
■ Voir § 320.
— 349 —
{{ne scazzôpuln^ qni, dans le parler de Reggio (Calabre),
tlésigne une espèce de petit poisson ^
368. Les exemples précédents de noms de poissons
appliqués à des enfants viennent confirmer l'hypothèse de
M^^* Sperber ^, d'après la([nelle (joujat — f/oujate, gouge ^ et
leurs dérivés se rattachent à goujon (< gohionem)^ le nom
français du Cyprinus gohia. Elle fait remarquer que le
provençal moderne emploie goujoun (lang. goujon) comme
nom de poisson "*. et que, en Gascogne et en Limousin,
ce même mot signifie 'gars', 'petit garçon', 'enfant'. Pour
d'autres arguments, je renvoie le lecteur au travail de
M^^*" Sperber. — La forme la plus usitée n'est pas, comme
on le sait, goujoun^ mais goujat {gouyat). Ce n'est que
dans le Sud-Ouest ^ que ce mot a pris les sens de 'en-
* C'est un mot grec, tiré probablement, à l'aide du suffixe di-
minutif -jiovXog-, de OKàvûog 'oursin' (voir Morosi, dans AGII, XII, p. 84).
- op. cit., p. 145. — Pour mieux appuyer son étymologie, M^t'
Sperber allègue plusieurs exemples de noms de poissons appliqués à
des êtres humains, mais elle n'en cite qu'un seul qui se dise d'un
enfant (holl. schelvis 'morue'). — On pourrait ajouter à la liste qu'elle
présente: dan. torsk ('morue'), injure désignant une personne niaise;
suéd. snorgàrs (proprement 'gremille morveuse'), pour 'morveux', 'ga-
min impertinent'; dan. pibe.sild, scan. pipesill ('hareng pleureur') pour
'enfant pleureur'.
* Diez, oji. cit., p. 601. dérive goujat de gouge et voit dans ce
dernier mot l'hébr. goje 'christliche dienerin', étymologie proposée
déjà par Ménage. Je renvoie, pour cette explication, aux objections
de Mlle Sperber. — M. Sainéan considère également le féminin gouge
comme antérieur au masculin, et il le rattache au prov. mod. goujo
'truie', gojo 'cochon'. La répartition géographique s'oppose cependant
à cette hypothèse: tandis que, d'après Mistral, goujo est un terme du
pays de Sault fVaucluse), et gojo se dit dans les Alpes, goujat — gou-
jate, etc. ne se trouvent, au sens de 'garçon', 'fille', que dans le Sud-
Ouest de la France.
* Elle renvoie à Rolland, mais goujoun 'goujon' se trouve bien
dans Mistral, à côté de gbbi (lang. gbji).
* 1^' Atlas linguistique montre gujat, guyat 'garçon', 'fils', surtout
dans les départements de l'Aude, de l'Ariège. des Basses-Pyrénées,
des Landes, de la Gironde et de Lot-et-Garonne. Dans l'Aude il l'in»-
23
— 360 —
faut' \ 'garçon', 'jeune homme', signification que présente
déjà l'anc. prov. gojat 'jeune homme', relevé par Levy dès le
XIV® siècle. Si la théorie de M^^® Sperber est exacte, les
sens de 'valet d'armée', 'valet de ferme', 'serviteur', et,
puis, 'homme grossier', 'vilain', qu'on trouve en français
dès le XIV*' siècle (Godefroy), et qui se rencontrent aussi
dans le Midi (surtout, paraît-il, dans le patois de l'Aveyron),
sont dérivés du sens de 'garçon', 'jeune homme' ^. — Au
masculin goujat correspondent deux types de formes fé-
minines: goii/}o (gouge), et goujato (goujatte), qui, d'après
l'hypothèse de M^^*^ Sperber, ont été dérivés tous deux du
masculin. Cela paraît d'autant plus probable qu'on ne
trouve d'exemples du féminin qu'à partir du XV® siècle.
L'anc. prov. goja et l'anc. fr. gouge signifiaient l'un et
l'autre 'jeune fille'. Le mot français est aujourd'hui vieilli
aux sens de 'fille', 'femme', et ne s'emploie actuellement que
dans le sens de 'femme de mauvaise vie' ^. Dans le Midi
aussi le sens primitif a disparu presque partout, remplacé
par celui de 'servante'. Ce n'est que la Gironde qui a
conservé la vieille signification (voir V Atlas linguistique).
Les féminins en -ata ne se rencontrent aujourd'hui que
dans le Midi *, où goujato (gouyato) se dit pour 'jeune fille',
dans les mêmes régions qui emploient goujat (gougat) au
crit en outre au sens de 'enfant'. D'après Mistral, ce mot présente
aussi, en Guyenne, le sens de 'fiancé'.
1 Je fais abstraction ici du norm. goujart, qui, d'après Moisj-,
présente le sens de 'gamin' à côté de celui de 'petit domestique de
ferme', et qui, d'après Delboulle, signifie exclusivement 'gamin' dans
le patois de la vallée d'Yères. Peut-être en effet ce dernier sens est-il,
dans ce cas, dérivé de celui de 'petit domestique'.
* Aussi Littré et le Dict. gén. considèrent-ils le franc, goujat
comme un emprunt fait aux parlers méridionaux.
' Cf. le sort analogue de fille et de garce. Comme ces mots,
gouge paraît avoir conservé, dans certains patois, son sens honnête.
On le trouve, par ex., en bas-manceau avec l'acception de 'grosse
fille', sans nuance péjorative (Dottin).
* Goujatte se trouve chez Marguerite de Navarre et D'Aiabigné
aux sens de 'servante', 'chambrière', 'femme de soldat'.
— 361 —
sens de 'garçon'. Il résulte cependant des cartes de VAt-
las que le féminin est moins usité que le masculin \
Les diminutifs fréquents en -et-, -eto, ^ot, -oto ^, -in, -ino,
-oim, -ouno, que les parlers du Midi ont tirés de goujat —
goujato et de gonjo ^, signifient tous 'garçonnet', 'fillette',
(ou 'petit goujat', 'petite polissonne'). Le gascon connaît
aussi un diminutif tiré de youjou : goujoulet — goujouleto 'en-
fant au berceau', 'fillette'.
Insectes, vers, etc.
36Î). On compare quelquefois un enfant chétif à un
grillon. Ainsi, dans le patois de Saint-Pol, on dit hreneo
'grillon' pour 'enfant de faible complexion', et, par exten-
sion, pour 'moutard'. La Table de VAtlas linguistique
enregistre aussi kreed 'enfant' *. Dans le Bas-Maine, on
désigne un enfant chétif par gerziyo (= grésillon 'grillon'). —
Dans le patois de la Meuse, on emploie queun'ton 'hanne-
ton' plaisamment ou par dénigrement au sens de 'enfant',
'gringalet'. — La Table de VAtlas donne morpyo, propre-
ment le nom d'une sorte de pou tenace, au sens de 'enfant'.
Dans le patois de Saint-Pol, M. Edmont a relevé le même
mot comme terme injurieux dont on qualifie les enfants
petits et importuns. Dans la langue populaire de Paris,
morpion a le sens général de 'importun tenace', mais,
d'après Villatte, il s'applique aussi spécialement aux gamins
dans le sens de 'garstiger Bube'. — Dans le parler de
Castres, babarot (= gasc. barbot), nom du bruche ou du
^ En Guyenne, il signifie 'fiancée'. — Ailleurs dans le Midi,
goujato {goujardo) signifie 'servante', ou 'fille qui hante les garçons'
(Mistral).
' Dans les Landes, goityatote est le mot courant pour 'fillette'
(voir VAtl. ling.).
' Pour les formes je renvoie à Mistral et à Lespy et Raymond.
* La Table donne en outre kritiu aux sens de 'chétif, 'enfant'.
Il faut probablement rattacher ce mot à krinu 'grillon', qu'on trouve
dans le département de la Somme.
— 352
charançon de la vigne, se dit pour 'petit enfant': et le
diminutif baharoutonn 'petit bruche', etc., pour 'petit ba-
bouin', 'moutard'. — Le prov. mod. harbesino (lang. berbr-
sino) 'vermine', se dit collectivement pour 'marmaille' ^ et
a pris aussi le sens individuel de 'petit enfant', 'mirmidon' ^.
Le gén. zâneUin ^ 'mammolo', mammolino', 'fanciullinc»
non encor divezzato' paraît être un diminutif du gén.
saanellu * 'baco che rode la castagne'. — Ajoutons ici l'abr.
ciammajiche 'colimaçon', dim. ciammo'icône, qui se dit plai-
samment d'un enfant au maillot.
Dérivés du lat. nidus.
370. Comme des métaphores tirées du règne animal
il faut sans doute considérer aussi les dérivés du lat. nidus
qui ont pris le sens de 'enfant'. Le plus souvent ils signi-
fient 'nichet', 'œuf laissé dans un nid pour engager les
poules à pondre'. Cette signification, qu'on trouve dans
la plupart des représentants romans de *nidale, *nidari'ii,
*nidace, *nidaculu ^, remonte au sens primitif de 'ce qui con-
cerne le nid', 'ce qui en fait partie', qui est présenté par
ex. par l'ital. nidiace. A côté du sens de '(œuf) laissé dans
le nid' (cf. le mil. œuv niarœu) on en a tiré celui de '(oiseau)
qui n'a pas encore quitté le nid, ou qui vient d'être pris
au nid' (cf. faucon niais, uccello nidiace). et puis, par ap-
plication métaphorique à des êtres humains, ceux de
'blanc-bec', 'bête' (ital. nidiace, franc, niais) ^. ou 'enfant'.
^ Barbesin. d'où l'on a tiré ce collectif, et qui désigne l'hippo-
bosque du mouton, se dit au figuré d'un homme petit.
' Dans le canton de Neuchâtel, vermine s'emploie au sens de
marmaille'.
' Casaccia: zànellin.
* Casaccia: zànello.
6 Voir Nigra, AGIL XV, p. 291.
' «Pour le fauconnier, l'oiseau au nid est celui qui n'est pas
encore dressé et qui est sans habileté: c'est cette dernière notion qui
est pour lui la notion dominante. Passant de là dans la langue com-
- 353 —
On trouve nâ ^ (< *nidalis ''^), au sens de 'enfant', dans
la Touraino ^, le Vendômois, le Haut-Maine, et dans les
parties limitrophes de la Normandie *. Le berr. mias, que
Jaubert donne au sens de 'marmot', doit être le même
mot ^. — Le bresc. gnarcl 'ragazzo piccino', qui se ren-
contre aussi dans l'argot des bergers bergamasques : gna-
rèl — gnarèla 'ragazzo', 'ragazza', est rattaché par Nigra "
au mil. niarceu (< *nidariu + olu) 'nidiace' ''. ■- Le milanais
mune. le mot nidiace, niais désignera donc un être gauche, maladroit,
emprunté, incapable de se tirer d'affaire et ne comprenant rien. Avec
la disparition de la fauconnerie, niais a perdu toute trace de sens
techniqiie ...» (A. Meillet, Comment les mots changent de sens, L'année
.sociologique, IX. p. 26.)
' Les glossaires de patois écrivent gnias, gnâs ou nias. — Mar-
tellière a confondu ce mot avec le haut-manc. guenias (voir § 235), et
avec le lyonn. nias 'nichée' (voir ci-dessous). — La carte enfant de
VAtl. Jing. montre nû (à côté de afa) au point 306 (Loir-et-Cher); la
carte 572 rend l'idée de 'jeune fils' par tiâ (à côté de gam't) aux points
316 (Loir-et-Cher) et 311 (Eure-et-Loir).
- Cf. Meyer-Liibke, Rom. etym. Wb., 5908. Cf. aussi *nucale
(^=1 noyau), qui, dans plusieurs parlers de rOuest, est devenu Tia (voir
VAtl. ling.. 926).
' Voir, outre VAtl. ling., A. Brachet, dans Romania, I, p. 91.
■* Cf. bas-manc. nào 'nichet'; 'dernier né d'un nid'; angev. niaà.
niaô, niais 'nichet'; norm. nieu (gnient). niât 'nichet'; nia (gniot) 'niais'.
* Cf. miellé, qui se dit pour nteZZe à Nibelle-Saint-Sauveur (Loiret,
et dans plusieurs localités de la Bretagne (voir VAtl. ling.. 912).
" loc. cit.
' Nigra mentionne encore le sav. gnârœu (Albertville; le mot
n'est pas enregistré par Constantin et Désormaux), et le mant. gnarel
(Cherubini ne le donne pas) au sens de 'ragazzo o pulcino mal cresciu-
to, inetto. fiacco'. — Il rapproche de ce dernier mot aussi, bien que
dubitativement, le prov. mod. gnarre (Mistral: gnarro) 'petit cochon
de la ventrée', ou 'jeune valet'. M. Sainéan, ZRPh, Beih. X, p. 111.
voit dans gnarel, gnarro des dérivés d'une onomatopée, imitant le
grognement du cochon. Il faut cependant observer ({ue gnarro. d'après
Mistral et Azaïs. a le sens spécial de 'le plus petit cochon de la
ventrée', ce qui paraît appuyer l'étyinologie de Nigra (cf. brianç. mur.
répondant au prov. gnal 'nichet'). — Ajoutons que M. Hennicke, dans
son glossaire de Mireille, fait dériver gnarro, au sens de 'jeune valet',
du lat. ignaru.s 'ignorant'.
~ 354 —
présente en outre un dérivé en -ohi: niœu 'ragazzo poco
vegnente e di mal aspetto'.
A l'aide du suffixe -ata on a formé des collectifs
signifiant 'nichée', qui, dans plusieurs patois dauphinois et
franco-provençaux, s'emploient aussi au sens de 'troupe
d'enfants', 'marmaille': dauph. (Grenoble) nia (gniâ); sav.
nia (gnâ); lyonn. gna; Grand'Combe nyè: Blonay nâ {d'efa) V
371. Suivant Mistral, le lang. niscat 'enfant' (Tarnj,
et le prov. nistoun — nistouno 'petit enfant', 'petite fille',
dim. nistounet, seraient des dérivés de nis 'nid', et leur
sens primitif serait: 'oiseau qui n'a pas encore quitté le
nid' ^. Si cela est exact, ces mots fournissent un exemple
du même emploi métaphorique que ceux étudiés ci-dessus.
c. Cas divers '.
«Poupée».
372. Les poupées sont souvent désignées par des
mots signifiant 'enfant', 'fillette' *, et, vice versa, les enfants
sont appelés quelquefois 'poupées'. Tel doit être le cas
pour poupée et poupette dans Cotgrave (voir § 33), et pour
^ A ce sujet, je me permets de mentionner quelq[ue5 autres mots
collectifs désignant proprement des petits d'animaux et qu'on a em-
ployés au sens de 'enfants': angev., bas-manc. ponnée 'enfants' (terme
de mépris), du verbe ^onwer 'pondre', 'enfanter'; has-mànc. ponas {pa-
nas, pénas) 'enfants', qui paraît être identique à portas 'ovaire des
femelles d'oiseaux'; hsuS-m&nç,. purjiné {purjiné) 'enfants', proprem. 'por
tée de chiens, de chats', etc., du verbe purjine 'engendrer'. On voit
que ces termes appartiennent tous à l'Ouest, qui parait avoir un goût
prononcé pour ce genre de métaphores (cf. quenaille, quenot).
^ Cf. Azaïs, à l'art, nistoun.
* J'ai réuni ici quelques expressions qui n'entrent dans aucune
des catégories précédentes. Le caractère métaphorique de la trans-
ition 'poupée' >■ 'enfant' est évident. L'application aux enfants de mots
signifiant 'nain', 'petit homme' ou 'petite mère' (= 'petite femme')
paraît se fonder aussi sur une comparaison; mais on pourrait encore
voir dans ces mots des termes descriptifs.
♦ Cf. § 24.
— 356 —
l'abr. pnpucce, diminutif de l'abr. pupe 'poupée' et servant
de terme de tendresse aux sens de 'bambino', 'bambina'
(Finamore). Quant à l'ital. fantoccin et au piém. fantocc
'poupée' et 'enfant' ', le premier sens paraît être également
le sons primitif -. Les diminutifs fanfocrello, fantoccino se
trouvent dans le Glossario modcnese de Galvani comme
traductions de huhel ^. — Le lomb. ma(jaUèll 'burattino',
'fantoccio' se dit, en milanais et en comasque, pour 'bimbo
vispo et piccino'. 'frugolo' *. Le milanais en a tiré le fé-
minin magattèlla 'ragazzina vispa et piccina', et le dimi-
nutif magattellin 'bamberottolo', 'cittolello'. — J'ai montr*''
plus haut "* que le flandr. marotte 'fillette', diminutif de
Marie, signifie proprement 'poupée'. Le champ, mariole
'fillette' (Tarbé), dont le sens propre est aussi 'poupée',
'statuette', 'image', est également un diminutif de Marie.
employé au sens de 'statue de la Vierge'; d'après Roque-
fort, il se disait en ancien français d'une jeune fille sans
expérience. En picard, on trouve le diminutif marjolette
'jeune fille'; dans le patois messin: merjalat — merjalatte
'jeune garçon', 'jeime fille' **.
«Petit homme)), «nain» '.
873. Dans la Valtelline, omî^ proprement 'petit homme',
se dit pour 'enfant' (Monti) ^. — Un exemple analogue nous
* Suivant Petrôcchi. fantoccio est. dans ce dernier sens, un
terme de mépris ou d'amitiô.
' Peut-être en est-il de même pour le nap. mammuàceîoîo (voir ^ 246).
« Voir § 36.
* Pour la cause de ce sens spécial, cf. Cherubini, à Part, magattèll.
^ Voir § 327.
" Cf. le franc;, marjolet, mot vieilli pour 'freluquet'. — En rouchi,
mariolé. martolète, marjolin signifient, ainsi que l'anc. fr. marjolet. 'petit'
fagot', sens dérivé de celui de 'poupée', 'statuette'.
' M. Salvioni nous apprend {BendlL, sér. II, XXX. p. 1506) que
les mères lombardes appellent leur bambins: el me ndn.
* Cf. l'ital. omettino. employé en parlant d'un enfant: È un vero
omettino (Petrècchi).
- 366 —
est fourni par le norm. honhommiau, littéralement 'petit
bonhomme', qui se dit pour 'petit garçon'. — Le flamand
maneken (répondant à l'allem. Mànnchen) 'petit homme'.
que le français a emprunté sous la forme mannequin, au
sens de 'figure de bois, de eire, représentant un homme,
une femme', se retrouve en rouchi: manékin, et joint ici,
d'après Hécart, à l'acception primitive celle de 'bambin',
'marmot'. — Le prov. mod. mieeh-ome 'courtaud', 'petit
homme', s'emploie en terme de lutte au sens de 'jeune
homme', 'garçon au dessous de dix-huit ans': lucho de
miech-ome (Mistral). Alphonse Daudet le traduit par demi-
homme ^ Pau] Arène a employé demi-homme, avec un sens
plus général, dans ce passage des Nouveaux contes de Noël:
«Fiemmes, enfants, vieillards, les hommes et les demi-
hommes ramassent les escargots» ^. — Le prov. mod. nabo
(dauph. gnabo) 'nabot', 'bout d'homme' se dit aussi pour
'bambin', et spécialement on appelle ainsi un petit ramo-
neur ou décrotteur. — L'anc. fr. cropet signifiait 'nabot'
((xodefroy), 'trapu', 'homme fort gras et de petite taille'
(T)u Gange). Ce diminutif se rattache à crope 'croupe' ^
(<;germ. hruppa 'masse arrondie formant \\\\ tout'; cf.
l'allem. Kropf: anc. nor. kroppr). Au sens de 'nabot' il
se dit encore dans plusieurs patois du Nord, de l'Ouest
et du Centre *. Le vendôm. cropet sert en outre de terme
d'amitié: mon petit cropet. En Anjou et dans le Bas-Maine,
le mot a pris le sens de 'petit enfant'. Le diminutif cro-
* Par ex. dans Numa Moumestan., p. 2: «les luttes pour hommes
et demi-hommes».
' Cité d'après M. Burns, La langue d'Alphonse Daudet, p. 42. —
En français, demi-homme se dit d'un homme efféminé; cf. l'esp. semi-
hombre 'Halbmensch'. 'jâmmerlicher, elender. verâchtlicher Mensch'
(Tolhausen).
^ Dans le Vendômois, cropet se dit pour 'derrière': < Je vas te
donner une claque sur ton cropet» (Martellière).
* Je l'ai trouvé en liégeois, berrichon, vendômois, haut-manceau
et angevin.
— 367 —
picfiofi signifie, dans le Bas-Maine: 'nabot' ou 'enfant';
dans ]<> Trant-Mainc: 'petit', 'court d(^ taille' ^
«Petite mère».
374. Comme nous l'avons vu plus haut, mérotte, qui,
dans les parlers de Saint-Pol, du Hainaut et de Mous, se
dit amicalement pour 'fillette', est probablement identique
au pic, wall. mérotte 'petite mère' ^. Avant d'être appliqué
aux petites filles, ce mot doit avoir passé par le sens plus
général de 'femme'; cf. haut-norm. petite mérotte 'femme
petite et replète', et le franc, mère comme appellation
familière désignant une femme du peuple d'un certain âge ^.
375. En Italie on trouve des diminutifs de mamma
au sens de 'petite fille' *. — Les auteurs du XIV ** siècle
«employaient mammola '° au sens de 'bambina', 'fanciulla\
et le masculin analogique mammolo (dim. mamrnoletto, mam-
molettino) pour 'bambino'. Le mot est resté dans certains
dialectes: sic. màmmiilu—màmmula, dim. mammulinu^ mam-
muUneddu: Arcevia mammolo, dim. mammoletto — mammoletta
(plus usités que le mot simple); piém. mammolo; romagn.
mamul; istr. (Muggia) mâmul — màmula^. — L'ital. mammina
' Pour eropet. cropichon 'crotte', 'excrément d'enfant', cf. p. 220
n. 3. Cf. aussi p. 345, n. 3.
' Voir § 326. — Cf. dan., nor. lille Mot comme terme d'amitié
adressé à une petite fille.
^ Cf. l'emploi analogue du sucmi. ntor {mora). — Cf., du reste, le
développement marrame "> 'femme' > 'jeune fille' (§ 119).
* Faut-il chercher l'explication de ce phénomène dans un procédé
analogue à celui qui a donné à l'abr. mammasé le sens de 'figliol mio"?
Voir Finamore. Vocaholario délVuso ahruzzese. pp. 22. 210; Meyer-
Liibke, dans Literaturbî. fur germ. iind rom. Phil., XV, p. 236;
Tappolet, Die rom. Verwandtschaftsn., p. 45.
* Le lat. mammula, qu'on lit sur des inscriptions, n'a été relevé
qu'aux sens de 'nourrice' et de 'grand'mère' (voir Heraeus. ALL,
XIII, p. 158).
** Cf. l'anc. vén. mamolino 'bambino'. — Le frioul. mamule signifie
'fantesca' (Pirona). Dans la vieille littérature frioulane on trouve le
— 368 —
se dit comme terme d'amitié pour 'bambina', ï)ans les
parlers de Plaisance et de Bologne, le masculin mammein
signifie 'bambino' \ Le nap. mnmmino pourrait être le
même mot; il me semble pourtant préférable d'y voir le
nap. bammino (— bambino), avec assimilation du b initial
en m (cf. § 246). — L'ital. mimmo — minima, terme enfantin
pour 'bambino', 'bambina', que M. Meyer-Ltibke ^ rattache
au refrain ninna-nanna (voir § 380), doit être un diminu-
tif apophonique de mamma ' (cf. binibo < bambo, § 246) ; le
masculin serait alors plus récent que le féminin.
masculin mamuî avec les acceptions de 'giovanetto' et de 'servo',
Joppi, AGII, IV, p. 192, en donne uu exemple datant de 1395.
' Cf. bol. mamèina 'mammina'. diminutif hypocoristique de mamma.
* Rom. etym. Wh., 5817.
* Cf. le mil. mimin, mot enfantin pour mamïn 'petite maman'
II CREATION PRIMITIVE.
I. Formations enfantines.
îJ76. On sait que plusieurs noms de parenté: maman,
papa, tàta, etc. sont des créations du langage enfantin,
des syllabes vides de sens, bégayées par les petits et dont
les parents ont fait des mots significatifs en se les appli-
quant ^ Mais parfois la mère ou la nourrice applique à
l'enfant lui-même ces syllabes, qui deviennent ainsi son
nom ^. C'est de cette manière que j'expliquerais les ex-
pressions suivantes. Comme toutes les formations de ce
genre, ces mots présentent souvent une alternance voca-
lique ii — a — o) ^.
Bihi est. en Picardie, dans le Centre, dans le Midi,
»*t probablement ailleurs aussi, un nom caressant donné
aux petits enfants *. Babi signifie, dans le Bas-Maine,
'petit enfant', 'petit morveux' °. Bohée se dit. dans le
' Voir Tappolet. Die rorn. Verwandtschaftsn., p. 20; il cite Pictet.
Origines indo-europ.: cf. aussi Wundt. Die Sprache, 1, pp. 328, 354;
II, p. 639.
* M. O. Jespersen. dans Nutidssj)rog hos h0rn og voxne, p. 217.
raconte que, dans une famille danoise, on disait Babbe comme nom
d'amitié à une petite fille, dont le nom réel était Sophie; et il ajoute
que ce mot s'est sans doute formé par interprétation des syllabes
bégayées par l'enfant.
* Cf. § 328; cf. aussi Tappolet, op. cit.. p. 69.
* Le petit enfant, qui parle de lui-même à la troisième personne,
«'appelle souvent bibi, d'où le sens de 'moi' que ce mot présente dans
)a langue populaire. — Quant à bébé, voir § 892.
5 Cf. § 364.
- 360 —
parler de Reims, pour 'fillette', 'enfant gâté'. Peut-être
faut-il rattacher à ces mots le messin habrc (Rémilly),
hohré (Woippy) 'gamin' (Rolland) ^ — Le Bas-Maine
offre encore dada 'enfant' ^ ; ce mot signifie aussi 'grand
garçon d'apparence niaise' ; cf. franc, dadais. — Dans le
Grard, totb (fém. tototo ^) est un terme enfantin pour 'petit
enfant' *. Peut-être est-ce le même mot que coco (voir
§ 365) ; on sait que les enfants, en commençant à parler,
échangent volontiers h contre t.
î{77. (yomme je l'ai fait remarquer plus haut (§ 106),
l'ital. tato — tata 'bambino', 'bambina', qui se retrouve dans
plusieurs dialectes °, doit être également une création du
langage enfantin: des syllabes vides de sens, appliquées
par les enfants aux camarades, aux frères et aux sœurs,
etc.*: probablement il en est de même des autres mots
signifiant 'petit garçon', 'petite fille', mentionnés au § 106.
et qui, d'après M. Tappolet. auraient signifié primitive-
' Ou bien ces formes .sont-elles dérivées de hueh'i (Voir § H83).
' On sait que dada est un terme enfantin très répandu au sens
de 'cheval'.
=> Cf. § 261.
* Ou 'cheval'. — Ajoutons ici le béarn. toutougn enfant gâté'.
(jui doit être aussi une formation enfantine.
'' Vén. tato — tata; triest. tato; Arcevia tato; piém. têto — têta.
Tètèta 'petite fille', qu'on trouve au Val d'Hérens. dans le canton du
Valais, tout près de la frontière italienne, est sans doute le piém. têt(i
avec réduplication enfantine. — Le langage des enfants se sert d'expres-
sions semblables pour désigner le chien: tosc. tette; bol. tatà, tato, totb.
" Cf. ce que dit Petrôcchi à propos de tato — tata: <I bambini
piccini chiaman cosi gli amici, i compagni. i fratelli e le sorelle ; c
cosi i grandi parlando con loro.» — Contre l'hx'pothèse de M. Tappolet,
selon laquelle le sens de 'enfant' serait dérivé ici du sens de 'frère'
('sœur'), je me permettrai de citer ses propres i^ai'oles (op. cit., p. 20),
savoir que ces «Lallworter . . . zur Bezeichntnig der verschiedensten
Dinge ans der Umgebung und Welt des Kindes verwendet werden . . .
Dabei braucht kein eigentlicher Bedeutungswandel vorzu-
liegen, sondern der urspriin glich sinnlose Ausdruck wurde
beliebig mit einer b egriff 1 ichen Funct ion betraut» (souligné
par moi).
— m\ —
ment 'petit frère', 'petite sœur'. - I^e sic. et calabr. vava '
(s. m: et f.) 'hambino'. 'ragazzino' est un mot dont les
petits enfants, qui commencent à parler, se servent pour
s'appeler entre inix ': dim. vavarcdda^ (on imvareddu).
ÎÎ78. L'ital. ciocio'-nocia. dim. riofino — ciocina ; triest.
doci: corse riucciu: Subiaco cocone'*'^ termes d'affection adres-
sés aux petits enfants, qui s'emploient parfois pour 'bam-
bino' (par ex. le mot corse), semblent être des formations
analogues aux mots précédents ^. - Ou faut-il peut-être
y voir des onomatopées imitant le bruit que fait le nour-
risson en tétant "?
379. Le montois </»«« nian 'enfant', pti nian nian
'uouveau-né' (Sigart) est une sorte d'onomatopée imitant
les pleiirs, le vagissement des petits '; cf. nian gnan 'cri
' Traina accentue aus.si vavà. Sur l'accentuation variable des
formations de ce genre, cf. Tappolet, op. cit.. p. 34. n. 1.
* M. Meyer-Liibke, Rom. etym. Wh., 853. l'identifie avec ie sic.
v(wa (;=: ital. bava) 'bave', ce qui ne me paraît pas vraisemblable.
Kappelons que le sicilien possède le dérivé vavusu. au sens déprécia-
tif de 'ragazzo leggiero e di poco giudizio'. De même que morveux.
«te, c'est une de ces épithètes ironiques dont les adultes qualifient
souvent les petits. Mais, comme nous l'avons vu. ce sont les petits
eux-mêmes qui s'appellent vava entre eux. et il n'est guère probable
que l'un de ces bébés ait voulu se moquer d'un autre qui bavait, et.
pour cela, le qualifier de 'bave'!
* Signifie aussi 'pupille de l'œil'.
* Est-ce peut-être le même mot que ciacione (p. 185, n. 3)?
* Comme beaucoup d'autres termes enfantins, ceux-ci s'appliquent
aussi aux grands-parents, aux sœurs, etc.; cf. Tabr. ciocio 'nonno';
ciosce 'sorella', 'cara'. 'diletta'.
" Cf. le com. sciuscioèu (§ 251). Cf. aussi Meyer-Liibke. Rom.
etffm. Wb., 2452; et Pianigiani, à l'art, ciocio. — Des mots semblables
s'emploient, en bien des endroits, pour appeler divers animaux: pist.
ciô ciô (pour le bétail), cidcia (pour les chèvres); corse ciuccia (pour
bétail ou chèvres), etc.
' Cf. § 242.
— 362 —
d'enfant', 'vagissement'; fai gnangnan 'pleurer', 'pleur-
nicher' (Sigart) ^
2. Refrains.
380. Les refrains vides de sens, avec lesquels les mères
et les nourrices bercent l'enfant pour l'endormir, ont été quel-
quefois appliqués à celui-ci et ont ainsi donné naissance
à des noms d'enfants. L'esp. rorro 'enfant au berceau',
'enfant au maillot' est le même mot que roro, refrain pour
endormir les enfants. Plus important est un autre thème
de ce genre: ninna, nanna, nonna, qui s'emploie dans tout
le domaine roman, mais surtout en Italie, pour bercer les
enfants. On en a tiré des mots signifiant 'dormir', 'som-
meil', et un grand nombre de termes pour 'enfant en bas
âge'. En Italie je relève: ital. litt. nino {nini)—nina (anc.
ital. ninna)] piém. nino — nina; gén. ninnu— ninna: cors.
ninna; mil., com. nin — nina; com. nana; borm. nino—nini:
bergam. ninl: vén. nina^; nap. ninno — nenna''; apul. (Co-
rignola) meninne^. Diminutifs: piém ninin; monf. ninin:
mil. ninin (ou lilln)\ mil., com. ninoèu^: com., vén. ninèta:
nap. nennillo — nennella ^; cors, ninnarèlla. ninnerèlla. — Le
frioulan a le diminutif ninin 'bambino'. — Le français du
Nord et de l'Est n'offre que très peu d'exemples des
termes de ce genre; rouchi, pic. ninette, nom amical qu'on
donne aux enfants (cf. la phrase dodo ninettc 'dors, mon en-
fant'); rouchi, fiandr. nounou ®; Saint-Pol. nenè. nunut, nencf,
nonot. Dans le patois de Bournois, M. Roussey signale: nini
^ Gnan-gnan désigne, dans le langage populaire, une personm'
qui geint quand il faut faire un effort.
* Se dit aussi des jeunes filles.
2 C'est-à-dire 'mi-ninno' (v. AGII. XV, p. 233).
* En milanais: 'fanciulletta'; en comasque: 'bimbuccio'.
^ Signifie aussi 'pupille des yeux'. Cette signification se ren-
contre dans plusieurs autres dérivés de ce thème; voir Zauner. BF.
XIV, p. 367.
" Se dit en rouchi aussi pour 'chat'.
— 363 —
'petit enfant' («nom de gentillesse»); nino — ninot 'petit garçon',
'petite fille'. - Dans le Midi, par contre, les exemples foi-
sonnent. L'ancien provençal possédait nina, nineta 'jeune
fille', nin 'jeune'. L'alternance vocalique i — a — o est pré-
sentée par ces formes modernes: nini, f/nigni (Var) 'bébé',
(à Marseille : 'fillette') ; nanan 'petit enfant' (Guyenne) ; nono
'petite fille'. Ajoutons: lang. nino 'fillette' ^; nenet — neneto
'petit', 'petite'; ncnetoun {nenetou) 'petit poupon'; rouerg.
nene, nenou 'enfant au maillot'; neno 'fillette', 'jeune fille';
Quercy neneto 'fillette' ; béarn. nen ^ — nène 'enfant nouveau-né';
dim. nenet, neneret — nenerite; gasc. nenet, ninet, ninot, ninou
'nouveau-né', nineto 'fillette'. — Le catalan offre nin — nina,
nen — nena 'enfant', 'petit garçon', 'fillette', 'jeune fille';
nineta, ninota 'fillette'; l'espagnol: wewe—wewa 'petit enfant'
(terme de tendresse); nino — nina 'enfant', 'fillette', 'jeune
fille'; nineta, ninita 'fillette'; le portugais: ninî, nené 'petit
enfant' (terme enfantin).
3. Onomatopées proprement dites.
381. Le prov. mod. tintoun 'bruit que fait un enfant',
'crierie', 'tapage' (cf. le franc, tintouin 'bruit importun') se
dit aussi pour 'nourrisson' (Mistral).
382. Dans les dialectes lombards, on trouve quelques
dénominations d'enfants, qui paraissent remonter à un
type tapp-, t{a)rapp-, t{a)ramp-, onomatopée imitant le bruit
de pas '^. Les termes milanais tappascln, tappascinèll, tap-
pascèll, tappascellin 'bamberottolo' se rattachent au verbe
milanais tappascià 'scarpcttare', 'far passi piccioli e fre-
' Nino, neno, etc. signifient eu général aussi 'poupée'.
■■' Le béarn. nin est exclusivement un terme de tendresse: 'cher
petit'.
* Cf. Meyer-Liibke. Rom. etym. Wh., 8654: tapp; et Falk und
Torp, Noriveg.-ddn. Wôrterb., à l'art, trampe.
— 864 —
quenti' (cf. le franc, trotte-menu). Le brescian offre ta-
patl — tapatlna 'fanciullefcto'. 'fancinlletta': le bergamasque :
tarapati^ tarampantl 'bambino', 'ragazzino vispo che corre
snello' '. — Il faut probablement expliquer de la même
manière le mil. trappolm (ou trappolïn (fon hagaj) 'trotto-
lino', 'ragazzino'; bergam., bresc. trapolï 'bambino', 'piccolo
fanciullo'; borm. trapolino 'cucco', 'caruccio'; com. trapolèt
'ragazzino' ^.
* Des onomatopées pareilles servent à rendre le son du tam-
bour: mil. tarapattàn; bresc. tarapatam, tarapatôm.
- Cf. valtell. trapol 'uometto'; com. tarapaten 'uomo piccolo con-
traffatto'. — Peut-être trapolï. trapoUn, etc. ne sont-ils pas dérivés
directement d'une onomatopée. Ces mots signifient en outre 'trem-
plin', et, d'après Petrôcchi, l'ital. trappolino ou trampoUno (qui, ainsi
que tremplin, remonte à l'onomatopée tramp-, trapp-) se dit par plai-
santerie d'un enfant: trappolino elastico. Est-ce par un tel emploi
figuré que les mots lombards ont pris le sens de 'enfant"? (Cf. le ho)].
schomtnel 'balançoire', 'bascule', employé métaphoriquement pour uno
personne qui est toujours en mouvement; voir ASNS, CV. p. 365.)
m. MOTS D'EMPRUNT \
1. Mots allemands.
883. L'alsac. et suiss. allem. bueb est le plus impor-
tant des mots allemands qui aient fait des conquêtes en
domaine roman. Dans la Suisse romande et dans les pa-
tois lorrains des Vosges, c'est le mot le plus usité pour
'garçon' ; souvent il se dit aussi pour 'fils' ; le pluriel
signifie 'enfants'. Il a pénétré dans la Franche-Comté,
dans le nord de la Savoie et dans la vallée d'Aoste; et
il se rencontre en outre dans les parlers rhétiques des
Grisons et du Frioul. — Dans la deuxième partie de
son travail intitulé Die alemannischen Lehmvôrter in den
Munâarten der fransôsischen Schweiz^ M. Tappolet donne
un excellent article sur ce mot, où il utilise les maté-
riaux du Glossaire des patois de la Suisse romande et
les cartes de V Atlas linguistique; il serait inutile de ré-
péter ici ses renseignements sur les variantes et la dif-
fusion du mot ^. Quant aux patois en dehors de la Suisse,
les glossaires confirment et complètent les données de
V Atlas linguistique: ils relèvent houhe, houèbe, bouobe, etc.
^ Il va de soi que je ne traite pas dans ce travail des mots
d'origine slave, magyare, turque, etc.. qui servent de dénominations
d'enfants dans les idiomes roumains, albanais et dalmates, tels que le
roum. prune, prûnca, 'enfant'; Talb. tsutse, dade 'fille', 'fillette'; le vegl.
trok—troka 'garçon', 'fille', etc.
- Qu'il me soit pourtant permis de faire une petite correction.
M. Tappolet désigne bouèbe comme «volks-franzôsisch», en renvoyant
H Sachs- Villatte. Cependant, d'après ce dictionnaire, bouèbe n'est pas
du français populaire (P), mais un provincialisme (prov.).
24
— 366 —
dans bien des localités de l'Alsace, des Vosges, de la
Franche-Comté et de la Haute-Savoie \ — Dans la Suisse
romande (Vaud, Valais, Fribourg) on a formé des féminins:
hweba, buba, etc., signifiant 'jeune fille', 'petite fille', 'jeune
servante'. Le patois des Fourgs présente la forme boiiébot
'adolescente', 'bergère'. — M. Tappolet cite quelques
exemples des nombreux diminutifs du mot. Je me per-
mets d'ajouter encore les suivants: bouèbè (Vaud), bobet^
bobeta (Blonay) ^, buboté (Vaud), bouèbdlè (Frib., Neuch.j,
bubb (Damprichard), bôbot (Montbéliard).
Dans les Grisons on trouve: oberland. buob—buoba^^
bueb — bueba (Tavetsch, Dissentis), oberhalbst. bup — buhe
(Savognin), hdiS-eugdid. piiopp {Se,ni)^puep — pueba (Schleins).
— D'après Pirona, ptièm — puème (poème, pbime) se dit gé-
néralement dans le Frioul ^ pour 'garçon', 'fille'. M. Gart-
ner ne le relève que dans les Alpes Carniques: Pesariis,.
Coraeglians puém^^méma; Paluzza pué (plur. puéms)-^
puéme.
384. Le suisse allem. chinder 'enfants' s'emploie à
Samaden (Haute-Engadine), sous la forme de t)(inders (à
côté de im/amfe) ; au singulier on emploie pour 'enfant' (à
côté de popiny) le diminutif t^indliny (= suisse allem.
chindlin). Chindel (= suisse allem. chindel) ^-çeiit enfant'^
* Comme le fait remarquer M. Tappolet, la grande diffusion du
mot indique que l'importation est d'une date très ancienne. Quant à
sa cause, il insiste sur le fait que, dans les régions méridionales du
domaine de notre mot, celui-ci présente le double sens de 'garçon' et
de 'jeune domestique', 'berger'. Il est donc probable que l'usage de
faire venir des domestiques de la Suisse allemande ou de l'Alsace a
été ici la cause de l'importation du mot.
^ 3èta 'fillette' (Les Brassus, Vaud; voir VAtl. ling.) doit être
une aphérèse du vaud. bobeta, bwebeta.
^ Le diminutif buobetta se rencontre dans le Spieghel de Devotiun.
par Z. da Sal6, Verona 1665 (Gartner. Gramm.).
* Les Grisons et le Frioul ont en commun plusieurs mots em-
pruntés à l'allemand, qui ne se trouvent pas en Tyrol: JBraut, Hube,
Fingerhut, Ring, etc. (voir Gartner, Gramm., p. 22).
— 367 —
qui se rencontre aussi dans la Haute-Engadine, a, suivant
M. Pallioppi, une nuance dépréciative, de même que le
collectif chindlamainta 'marmaille': A Sent (Basse-Enga-
dine) kmdâl se dit pour 'enfant', sans aucune idée péjora-
tive (Pult).
Le wall. kin 'petit garçon' (Grandgagnage, Suppl.)^ le
tlandr. </mw, quinquin (Vermesse), et le Saint-Pol. A;e, A;eA;è,
keke^ noms d'amitié donnés aux petits enfants, paraissent
être le flamand kind 'enfant'.
385. Le franc, (famin — gamine est probablement
aussi d'origine allemande. — Constatons d'abord la dif-
fusion et les significations du mot. D'après Littré et le
Dictionnaire général^ gamin présente, en français commun,
les significations suivantes: 'petit garçon qui sert d'aide
aux ouvriers fumistes, maçons, etc'.; 'petit garçon qui joue
dans les rues, qui fait des espiègleries' ^ Le sens du fé-
minin gamine correspond à cette dernière acception. Mais
c'est un fait connu que gamin se rencontre très souvent
aussi, en français littéraire et dans la conversation, au
sens de 'petit garçon', sans aucune de ces idées acces-
soires. Dans les patois, gamin — gamine est très répandu
aux sens de 'garçon', 'fils', 'fille'. Les cartes de VAtlas
linguistique montrent que gamin se dit pour 'garçon', et
surtout pour 'petit garçon', en wallon et dans les patois
lorrains des Vosges et de la Meuse. Au pluriel il est en-
core plus répandu: il faut ajouter presque toute la Cham-
pagne et de vastes domaines en Bourgogne, Nivernais et
Bourbonnais. Au sens de 'jeune fils', gamin montre une
extension très considérable; il se rencontre en Champagne,
dans le Morvan et dans tout le Centre, et il s'étend jus-
que dans le Limousin, l'Auvergne et le domaine franco-
' En français propre, le mot parait être d'une date relativement
récente. Le plus ancien exemple qu'en cite le Dict. gén.. est tiré de
Boiste. Dictionnaire universel, éd. 1801.
— 368 —
provençal (Lyonnais, Bresse, Franche-Comté, Suisse roman-
de, Haute-Savoie). Gamine 'fillette', 'jeune fille' ^ montre
à peu près la même extension que gamin 'jeune fils'; mais
il a pénétré encore plus loin vers le sud, en suivant la
vallée du Rhône, et se rencontre dans les départements
de l'Isère et de la Drôme. On le trouve en outre dans
le département du Nord, tout près de l'aire wallonne de
gamin 'garçon'. — Le Berry et le Valais présentent un
diminutif en -aceu-}- one: berr. gamachon, val. gamasson 'petit
gamin'.
L'extension du mot indique incontestablement son
origine allemande. Les cartes de VAtlas nous montrent
sa diffusion en éventail, comment il s'est propagé du nord-
est vers l'ouest, le sud-ouest et le sud. Quel est donc le
mot allemand qui a pénétré si victorieusement dans les
parlers de la France? Le Dictionnaire général propose du-
bitativement de voir dans gamin l'allem. Gemeiner 'simple
soldat'. M. Meyer-Ltibke ^ l'identifie avec le moyen haut-
allem. gemein 'gemein', sans préciser le sens du mot. A
en juger diaprés la nuance péjorative de gamin en français
commun, il paraît probable qu'il a signifié d'abord: 'vilain',
grossier', 'voyou', sens que gemein a pris de très bonne
heure, comme le prouve son existence dans beaucoup de
dialectes allemands ^. Par application cacophémique aux
enfants, le mot a perdu ensuite, dans les patois, son sens
injurieux, comme il est en train de le faire dans la langue
commune. Le sens de 'apprenti', 'aide-maçon' est sans
doute dérivé de celui de 'garçon'.
386. Quelques mots qui, dans la Suisse allemande,
ont pris, par métaphore, le sens de 'enfant', ont été em-
' «Jusqu'à quinze ou seize ans au moins, une jeune fille est
toujours une gamine et on ne l'appelle pas autrement chez elle», dit
De Chambure. Jaubert définit gamine par 'petite fille'.
2 Bom. etym. Wb., 3719.
* Cf, Grimm, Deutsches Wôrterbuch, à l'art, gemein. 8 d.
— 369 -
pruntés, dans ce sens, par les dialectes français et rhéto-
romans de la Suisse. — Boiblè, qui se dit dans le patois
de la Gruyère pour 'petit garçon', est le même mot que
hndeli 'barbichon' (dim. de hudel 'barbiche,' allem. Pudel),
employé au même sens que hiidi, terme d'amitié désignant
un petit garçon gros et gras (proprement = 'petit chien
gros et gras') *.
387. M. Gauchat m'apprend qu'on trouve souvent,
dans le Conteur vaudois, le mot hofits 'enfant', et propose
d'y voir le suisse allem. huts. Ce mot, qui signifie pro-
prement: 'masse informe', 'homme trapu' ^ ou 'croque-
mitaine' "'', se dit souvent d'un enfant, comme terme d'ami-
tié (quelquefois avec une nuance de reproche) *.
388. Le haut-eng. cniebel — cniehla (bas.-eng. cnipel —
cnipla) 'petit enfant', 'petite fille' paraît être emprunté du
suisse allem. chnehel^ proprement 'pièce de bois' ^, qui se
dit au figuré d'un gars gros et trapu ".
389. L'allem. minder 'plus petit', qui a été emprunté
par les parlers rhétiques de Livinallongo, Fassa et Gre-
den, au sens de 'plus petit', 'plus jeune' (prononcez men-
der"^). et par le haut-engadinois, au sens de 'moindre', 'plus
mauvais', a pris, dans le bas-engadinois, les sens de 'gar-
çon' et de 'célibataire'; ils minders sont les garçons, les
jeunes gens non mariés, par opposition aux vefjls^ Jiomens
(Pallioppi). Carisch donne aussi minder ou mender avec
ce sens. D'après Carigiet, ménder a pris, dans le parler
^ Voir Tappolet, op. cit., p. 2<J.
* Cf. le tyr. allem. btttz.
» Cf. plus haut, § 201.
* Voir Staub-Tobler, Schioeizerisches Idiotikon, IV, 2004.
* * Cf. § 288 89.
« Voir Staub-Tobler, op. cit.. III, 714, et Pallioppi, op. cit.. à
l'art, cniebel.
' Mender pourrait être le lat. minor (voy. Walberg, op. cit.. § 85).
— 370 —
de Dissentis et de Trons, le sens, spécial de 'kilter' (c.-à-d.
garçon qui a un rendez- vous nocturne avec sa bonne
amie).
390. Le suisse allem. jimgfere (jumpfere) signifie,
d'après Staub-Tobler \ 'demoiselle', ou 'jeune fille nubile
en général'. Avec le premier sens, on trouve le mot dans
le dialecte lombard de Val Bregaglia ^ et dans le dialecte
rhétique de l'Engadine: r/iunfra (bas-eng. jimfra)^. A en
juger d'après Conradi et M. Michael, qui traduisent /«m/ra
{gunfra) par 'Jungfer', ce mot présente le dernier sens
plus général à Andeer (Schams) et à Poschiavo. Monti
signale aussi gibnfra comme un terme de Poschiavo * et le
traduit par 'giovinastra' °.
2. Mots néerlandais.
391. L'anc. fr. deerne 'fille', 'servante' (Borel, Roque-
fort), champ, deernée (Tarbé), est sans doute le néerlandais
deerne (répondant au haut-allem. Dirne^ suéd. tàrna). Dans
le patois de Guernesey, Métivier a relevé démette 'brin de
1 op. cit., I, 1246.
' D'après Bertoni. L'elemento germanico nella lingiia italiana^
p. 130. Il nous apprend aussi que. à Roveredo, yo>^/ra signifie 'donna
porduta'; cf. le développement analogue du vén. siora. sioreta.
* Dans le jargon des cordonniers de Borinio. on trouve snûnfra.
snunfrina 'signora'. 'signorina'. qui est évidemment le même mot.
* M. Bertoni. op. cit.. p. 129. le désigne à tort comme «voce co-
luasca».
^ Deux autres titres d"honneur allemands : Frànlein et Junker.
se retrouvent en territoire roman. Fràulein (suisse allem. fràuli,
souabe fraele. bavar. frauU) apparaît, au sens propre de 'demoiselle',
dans le tyr., rover., trent. fraila. triest. fraile, et, au sens de 'femme
de soldat', dans le tyr.. rover., trent., mil. fràola. Dans le jargon des
bergers bergamasques. fràula a pris le sens général de 'femme'. —
JunJcer se retrouve, au sens propre de 'jeune noble', dans le parler
de Sent (Basse-Engadine): yunkar. Dans un vieux document litté-
raire de la Haute -Engadine on le trouve employé au sujet d'un gar-
çon de dix ans (voir Gartner, Gramm., p. 25).
— 371 —
fille', diminutif du précédent. Démet 'fillette', qu'on trouve
dans la Table de VAtlas linguistique^ est probablement le
même mot. Métivier donne encore la variante drinette
*brin de fille' (cf. norm. drin, drein, derain pour dernier;
driere pour derrière) ^
3. Mots ang-lais.
392. Le franc, h^'hê^ mot familier pour 'petit enfant',
doit être l'angl. haby, importé par des nourrices et bonnes
anglaises.
Dans le Jura bernois, félô est un terme enfantin et
amical pour 'petit garçon'. Est-ce l'angl. fellotv, importé
par quelque immigré? ^
4. Mots grecs.
393. Les dialectes de l'Italie méridionale présentent
un grand nombre de mots grecs. On sait que ce pays
était sous la domination grecque pendant une notable
partie du moyen âge; encore aujourd'hui il y a des villages
en Apulie et Calabre qui parlent un idiome grec. — Dans
le dialecte de Reggio on trouve nipju 'enfant', du grec
mod. v7]mov^ anc. gr. vrjmog^. Le parler de Palmi offre
paddikédda 'jeune fille'; cf. le grec. mod. JiaXXiuàQi 'ado-
lescent'; anc. gr. 7tâÀÀa§^.
^ Ou bien drinette est-il identique au rouchi drinete. dim. de
drine (pic), forme hypocoristique du nom propre AlexandriM? Cf.
le Avall. trîne, abréviation de Catherine, qui se dit pour 'fille', 'fillette'.
* Je dois le renseignement comme l'hypothèse à M. Gauchat. —
Cf. du reste le franc, falot ' plaia&nV > fellow.
3 Voir Morosi, AGII, XII, p. 81.
■* Voir Morosi, loc. cit. — Je trouve inutile de mentionner ici les
mots signifiant 'enfant', 'garçon', 'fille', qui se trouvent dans les dia-
lectes purement grecs de Bova et de Cardeto, et qui sont enregistrés
par Morosi dans son étude sur ces dialectes {AGII, IV, p. 1 — 116).
372 —
5. Mots arabes.
894. L'esp. et port, zagal, cat. sagal 'jeune homme
vigoureux', 'garçon de village', 'berger', 'valet de mules
qui conduit la voiture' est emprunté de l'arabe zagal^ qui
signifie proprement 'vigoureux', 'vaillant', mais qui pré-
sente aussi les sens de 'mozo de meson' et de 'mancebo' ^
L'espagnol, le portugais et le catalan en ont tiré le féminin
zagala, sagala 'jeune fille de village', 'bergère' ^. L'espagnol
et le portugais possèdent en outre le diminutif sagalejo —
sagaleja 'jeune garçon', 'jeune fille', 'petit berger', 'petite
bergère' ^.
^ D'après Eguilaz y Yanguas. Glos. etim. de las palabras espa-
Jloîas de orignn oriental.
- Dans ce dernier sens, le mot appartient au langage poétique.
* Dans ce dernier sens, l'espagnol présente aussi des dérivés en
-ico, -illo, -ito; le portugais, des dérivés en -eto. -eta.
IV. MOTS D'ORIGINE INCONNUE.
1. Mots français, provençaux et franco-provençaux.
395. Les patois du Nord, Nord-Ouest et Nord-Est
possèdent plusieurs mots pour 'gamin', 'garçon', d'un carac-
tère un peu péjoratif, qui commencent tous par gai- : pic,
rouchi, flandr. (jalmite 'marmot', 'petit vaurien', 'gamin',
'gamine'; norm. galmm 'gamin', 'petit valet'; meus, gai-
miche, namur. galmicho 'galopin', 'polisson'; mess, galmirô
'gamin', 'polisson' (cf. aussi wall. calmotrai 'gamin'). Faut-il
peut-être les rattacher à la grande famille de mots du
type galtq), gulap, etc.?* Galmin pourrait être une conta-
mination de gamin avec galapiat, etc. — Grandgagnage
relève en wallon pinaguè 'gamin', en se demandant si c'est
le même mot que le wall. pinoket 'rabougri'. — Dans la
Table de V Atlas linguistique on trouve bradé 'enfant'. De
même que le Saint-Pol. bradêy 'enfant gâté', expression
de tendresse et de cajolerie, il paraît se rattacher au verbe
picard brader 'gâter'. — M. Edmont enregistre comme
termes Saint-Polois barnvt (ou barnœz) 'jeune fille sans
expérience' ^, et garluze — garluzet 'jeune homme, jeune
fille sans expérience'. D'après Hécart, ce cemier mot
s'emploie aussi en rouchi, au sens de 'jeune fille bien
éveillée' (ou de 'plaisanterie libre'). — Dans Hécart nous
trouvons aussi: ealibot 'bambin'^, et magaio 'petit garçon',
» Voir § 237.
* Cf. dans la Table de VAtl. ling. : barnet 'jeune'.
* Cf. liég. kalibo (ou kaliboss) 'chenapan' ^Forir).
— 374 —
'marmot', 'polisson'; 'pauvre' ('en parlant des enfants'). —
Vermesse relève, dans le patois de la Flandre française:
maralle 'petit enfant', 'gamin] ^
396. La Normandie offre plusieurs mots obscurs:
liag. hahyn 'enfant', 'petit garçon' ^; Guernesey filouc 'bam-
bin', 'chétif enfant' ^; mahet — mabette 'petit enfant', 'nabot',
'idiote'; Orne mêlau 'enfant au' maillot'*. — Dans les
patois du pays de Bray et de l'Anjou, on trouve motitard
'enfant', 'gamin', 'petit garçon', qui s'emploie aussi dans
le langage populaire de Paris. M. Meyer-Liibke, Bont.
etym. Wh.^ 5783, propose dubitativement comme étymolo-
gies le lat. mustum ou l'arabe mutahar.
397. En Normandie (Hague, Valogne), Orléanais (Ven-
dôme) et Bretagne (Saint-Malo, Rennes, Pléchatel), gouspin
{gouspyn^ goussepin) se dit pour 'petit enfant', 'petit garçon',
avec une nuance marquée de mépris. Ce mot se retrouve
dans l'argot ancien, d'après Fr. Michel, qui le traduit par
'recors', et dans le baslangage actuel, au sens de 'galopin',
'voyou'. Michel y voyait un composé de gousser, verbe
périmé pour 'manger', et de p«m, et le compare à mcngue-
pain et à gruge-pain, qui se sont dits autrefois pour 'men-
diant' ^. Cette étymologie paraît être adoptée par MM.
Dottin et Langouët, qui écrivent: guspe [goussepain ^], et
par Martellière. Une autre explication, qui est peut-être
préférable, est indiquée par E. et A. Du Méril : ils ratta-
' Cf. wall. maraille 'marmaille' (Remacle, Forir).
■^ Fleury le rattache à Pangl. hah 'paysan'.
^ Métivier le rapproche du verbe normand floquer 'faiblir', 's'af-
faiblir .
* «C"est probablement une corruption de ce dernier mot» (Du
Méril). J'en doute. — Est-ce peut-être le même mot que le norra.
mêlot 'petit merle'?
^ Cf. aussi rital. mangiapane. mil. mangiapàn 'disutilaccio'.
" On trouve cette orthographe aussi dans Verrier et Onillon:
gousse-pain (Sar.) 'mauvais sujet', etc.
— 376 -
chent f/ouspin au verbe gouspUler. Ce verbe, dont la forme
primitive était housjnc/ner ou honssepignier ^ (de housse et
pignier pour peigner^ d'après le Dict. gén.) signifie 'maltraiter
quelqu'un en le secouant', 'malmener quelqu'un en lui
faisant des reproches'. Ce qui paraît confirmer cette hypo-
thèse, c'est la forme Jwiispyn {houssepin). qui est usitée,
dans la Hague et dans l'Orléanais, à côté de gouspyn
{goHSsepin). — Comme c'est souvent le cas pour les termes
d'injure, ce mot a été altéré arbitrairement et contaminé
par d'autres mots d'un sens semblable. A côté de ïionsse-
pin, l'Orléanais dit JioiissepioTi . Le vendôm. moiissepion (ou
moNSsepin) 'gamin', 'moutard', 'polisson' ^ doit s'expliquer
par un croisement de ce mot avec mousse ^. De même
mushape. qui se dit à Pléchatel (à côté de mousse) pour
'gamin', 'petit garçon espiègle', est probablement dû à
une contamination de gouspin avec mousqne^ mot donné
par le dictionnaire de Trévoux, au sens de 'mousse', 'page
de vaisseau', et indiqué par ce dictionnaire aussi comme
terme populaire désignant 'un petit garçon un peu éveillé'.
— Le norm. trouspin (troussepin) 'enfant espiègle' (Du Méril.
Romdahl) est T^exat-èire = gouspin -\- trousse-pet (voir §231).
398, Dans le parler dolois, M. Lecomte relève vispi
'petit garçon'. Cf. vispin 'toupie de petite dimension' (mot
usité à Rennes). — Le bas-manc. hrœlô signifie, daprès
M. Dottin, 'petit enfant', ou 'qui tremble'. Au dernier
sens, ce mot se rattache évidemment au verbe hrcelhte
'travailler en tremblotant'. Le sens de 'enfant' est-il dérivé
de celui-ci, ou bien a-t-on tiré hrcelo 'enfant' de hrœl
'mauvais habit', 'culotte'? (Cf. § 276). — M. Dottin en-
registre encore pimus (s. f.) 'personne de petite taille'.
'•■ On aurait donc le droit de supposer aussi une forme *gouspi(/ner.
' La Table de VAtl. ling. enregistre muspyo au sens de 'enfant'.
' Cf. § 77. — M. Sainéan, ZRPh, Beih. I. p. 65, y voit un dimi-
nutif (?) de mousse 'chat'.
— 376 —
'enfant'. Avons-nous peut-être ici affaire à un emploi fi-
guré de pimousse (pimouche) (s. f.), nom angevin d'une gra-
minée qui ressemble un peu à l'ivraie? — Dans le Haut-
Maine, Montesson relève écras {équeras, équerias) 'enfant',
'enfant en bas-âge' (un michant écras 'un enfant chétif).
Ce mot se retrouve dans le patois vendômois, au sens de
'avorton', 'animal ou enfant mal venu, chétif, et dans le
Morvan: un enfant écra 'un enfant chétif. Un mot syno-
nyme, avéras 'avorton', 'animal chétif, jeune', s'applique
également, dans le parler vendômois, aux enfants faibles
et malingres. Le sens primitif de écras est donc probable-
ment 'chétif (cf. § 186) ^ — Au Longeron (Anjou), Ver-
rier et Onillon signalent maminot 'enfant', 'mioche', mot
vieilli. — Dans le Haut-Maine, le Poitou, la Saintonge et
le Bas-Gâtinais, on trouve moujasse {moujhasse^ mouyeasse)
'fillette', 'petite fille, qui fait des airs de grande dame',
'tatillon', 'enfant', 'moutard'. Dans ce dernier sens, qui
ne se rencontre que dans la Saintonge (Jônain), le mot a
donné naissance au diminutif moujhasson. Montesson dé-
signe moujasse comme un terme de mépris. Peut-être faut-il
rapprocher ce mot de moje 'grosse fille', qui, d'après Gode-
froy, se dit dans l'Aunis ^. — Le poitevin offre encore
trois termes obscures: vendéen acan 'enfant', 'personne petite
et de mauvaise grâce' (Lalanne); vendéen macréa 'petit
garçon', 'petit polisson' (Favre, Lalanne); vienn. mouchille
{moukille) 'petite fille' (Lalanne).
399, Dans le Centre de la France, et spécialement
dans l'Orléanais, on trouve pauque (poque) au sens de 'pe-
tite fille'. Jaubert le donne avec cette acception, et sur les
* Montesson le rattache au verbe s'éqtierier 's'écrier'. Charabure
y voit le mot écrit au sens de 'indiqué légèrement', 'ébauché' (!).
* M. Behrens, op. cit., p. 179, propose de rattacher le poitev.
moujasse à moie {<:zmeta). — Jônain paraît le dériver du verbe mou-
jhasser 'se mouvoir', 'faire son petit tapage'; mais il est plus probable
que le verbe a été dérivé du substantif.
— 377 —
cartes de V Atlas linguistique^ pok figure, au sens de 'fillette',
aux points 204 et 306 (Loir-et-Cher). Dans le Glossaire
du Vendômois de Martellière, il est traduit par «femme ou
fille, servante». On y trouve encore le à'\m.\ri\\.i\î poqiiette.
M. Martellière identifie ce mot avec le vendôm. imque 'pas
grand'chose', 'drogue' (cf. l'anc. ir. paiique 'mesure de vin' *),
l'anc. fr. pauche 'servante' ^, et le lat. pauca ^. Cette éty-
mologie, qui est admissible au point de vue de la séman-
tique, présente des difficultés phonétiques.
Sur la carte ma fille de VAtl. ling. on trouve, ati point
206 (Loiret), mazet, et, au point 303 (Indre), bwcm.
Dans le Bourbonnais, Choussy relève gazille 'fille';
'jeune fille de 7 à 8 ans'; 'fille de moyenne vertu'. Le
même mot se trouve au point 1 (Nièvre) de la carte ma
fille, a côté de gazut. Peut-être ces mots sont-ils dérivés
du bourbonnais gasa (s. f.) 'déplaisante'; la mère dit à sa
fille: «Veux-tu te taire, grande gaza» (Choussy) *. — A Va-
rennes-sur-Allier on dit, d'après Choussy, aria pour 'enfant'.
Est-ce le même mot que aria 'difficulté', 'ennui', 'tour-
ment', 'embarras', qui se rencontre dans le Doubs et en
Berry? (Cf. § 207).
■400. Dans le patois messin, Lorrain relève zig au
sens de 'gars'. C'est probablement le mot d'argot zig
(zigue) 'camarade', d'origine obscure ^. La transition de
sens a été peut-être produite par l'emploi de l'expression
' D'après Du Gange et Eoquefort. Cf. aussi Mistral: pauco,
paucho (auv.) 'petite mesure de vin', 'demi-litre' (en Kouergue et en
Limousin); 'petite quantité'.
^ D'après Du Gange et Eoquefort. Gf. Mistral : paucho 'servante',
'domestique', en Limousin.
' Gf. Tanc. prov. pauc 'petit', 'jeune'.
■• Ges mots n'ont rien à voir avec garce, qui. dans ce patois, est
représenté par gage.
* On trouve des essais d'explication dans Sainéan, Les sources
de l'argot ancien, II, p. 468. et dans H. France. Bict. de la langue
verte, à l'art, zig.
— 378 —
C'est un bon sig «c'est un bon garçon». — D'après Jaclot^
le même patois possède l'expression wecMowiZ^e pour 'mou-
tard', 'gamin'. — A Laneuveville-sous-Montfort Adam sig-
nale hérotte 'femme' ou 'fille' ; à Hamonville on dit baratte.
— A Saales, en Alsace, M. Horning relève petiro — petirot
'petit garçon', 'petite fille', et, plus au sud, à La Poutroye,
VAtl. ling. signale ptirat dans le même sens (à côté de
beyes). M. Horning le compare à ptéro (Jouve, Noels, p.
24) et à peterine (Bernli. 92, 28). Faut-il le rattacher à
petit, OHi au lorr. pet 'chiffon'?
401. Dans le département du Doubs, ârè (airet) se
dit pour 'enfant'. Ij Atlas linguistique le signale à Cerval^
M. Eoussey à Bournois, Contejean ^ à Montbéliard. Dans
ce dernier parler, le mot présente en outre les sens pé-
joratifs de 'enfant turbulent', 'enfant désagréable'.
402. Le patois du canton.de Fribourg, spécialement
de la Gruyère, et celui des Alpes vaudoises, disent vouet-
ton {ouetton) pour 'garçon', 'fils', 'amant' (Bridel, Haefe-
lin, Atl. ling., Matériaux). D'après Bridel, il s'emploie
dans le Pays d'Enhaut comme terme d'amitié au sens de
'petit garçon'. Pourrait-on le rapprocher de vouetta 'se
vautrer' (Fribourg), vouetti 'remuer', 'branler' (Orbe)? Peut-
être est-il d'origine germanique. — Dans la Gruyère,
Bridel a relevé un autre mot que je ne m'explique pas :
tsilcka 'fille', 'servante', tsikhala 'fillette'. A-t-il quelque
rapport avec teyeka {teeka) 'petite quantité', dans la vallée
d'Aoste, et avec l'esp. cliico 'petit'?
403. Dans le Sud-Ouest, drôle {drolle, droilé) — drolo
(drollo, droilo) est un mot très usité pour 'enfant', '(petit)
garçon', 'fils', 'fillette', 'jeune fille', 'fille'. Le plus souvent
^ Il le dérive de l'anc. fr. air. aire 'colère'.
— 379 —
il so dit pour 'petit garçon', 'fillette'. Les cartes de VAtlas
linymstique montrent pour le masculin un domaine, dont
les limites nord et est sont formées par les départements
de la Vendée, des Deux-Sèvi-es, d'Indre-et-Loire, de l'Indre,
de la Haute- Vienne, du Corrèze, du Cantal, de TAveyron,
du Tarn, de la Haute-Garonne et de l'Ariège. Dans la
plus grande partie des Landes et des Basses-Pyrénées, il
ne semble pas être employé. Le féminin est un peu plus
répandu que le masculin; il se rencontre souvent en
Auvergne et Languedoc, et même, au delà du Rhône, dans
la Drôme et en Vaucluse. D'après les glossaires, l'exten-
sion de notre mot est encore plus considérable. Puitspelu
nous apprend que drolo — drola est d'un usage fréquent
dans le canton de Néronde et celui de Saint-Symphorien-
de-Lay (Loire) \ Dans les cantons de Vaud et du Valais,
drôle 'garçon' se dit sur un ton de pitié (souvent précédé
par pmivré)] drôla 'fille', 'femme' est plus usité. Le Centre,
l'Orléanais et l'Anjou disent drôle — drôlicre pour 'enfant',
'petit garçon', 'fillette'; et dans le Bas-Gâtinais (Ile-de-
France) drôle— drôlesse s'emploie également sans aucune idée
péjorative. — Ailleurs aussi, le mot simple a été remplacé
au féminin par un dérivé. U Atlas nous montre que, dans
l'Ouest, drôles et droyïr [drotér) ont supplanté drOl. Aux
points 418 et 512 (Deux-Sèvres), droyrr signifie 'jeune
fille', drôles 'fillette'. D'autres dérivés sont: drœlûs (p. 510,
Deux-Sèvres), drôlasse (Verdun, Châlon) 'fillette"; drulâte
p. 676, Gers) 'fillette' (évidemment formé sui' gouyate)\
droulet^ — drouleto (prov., lang., vell.); droulot—drouloto
(gasc); drouloun (lang., lim.), droulouno (aveyr.); droulin
^ IjAU. Ung. ne relève que le féminin à Néronde.
- Dans ce dernier patois, il signifie aussi 'servante'. Dans le
Midi, droulas — droulasso a un sens augmentatif: 'grand garçon',
'grande fille'.
* En vellavien, un droulé est un petit gar(,;on au-dessous de 7
ans, UH drôle, un jeune garçon de 7 à 12 ans, et un droulas, un garçon
de 12 à 16 ans (Vinols).
— 380 —
(lang., lim.), drôline (vendôm.), droliau (berr.) 'garçonnet',
'fillette'. Mistral donne encore les sous-diminutifs drou-
lihoîin^ droulounet. — M. Tappolet, dans Die romanischen
Verwandfschaftsnamen, p. 46, émet l'hypothèse que drôle
'enfant' est d'origine allemande (drollig). Diez ^ était du
même avis pour le franc, drôle 'plaisant', 'coquin' ^. Mais,
comme le mot français apparaît dans la littérature au XVI®
siècle ^, tandis que l'allem. drollig n'est attesté qu'à la
fin du XVII'', il faut, au contraire, considérer celui-ci
comme un emprunt fait au français ^. Du reste, la diffu-
sion du mot dans les patois s'oppose à l'hypothèse d'une
origine allemande. Il a eu évidemment son point de dé-
part dans le Sud-Ouest, et de là il s'est répandu vers le
nord et vers l'est ^. Aux confins des domaines allemand
et flamand; il est tout à fait inconnu au sens de 'garçon',
'enfant', qui doit être son sens primitif. La signification
péjorative de 'coquin', 'misérable', que le mot présente par-
fois en français commun, est d'une date relativement ré-
cente. Dans les Vaux-de-Vire et dans Cotgrave, drôle
(drolle, drosle) signifie 'bon compagnon', 'gaillard', etc. ^,
acceptions qui peuvent très bien être dérivées de celle de
'garçon'. A l'époque de Furetière, le mot avait commencé
à prendre une nuance péjorative. On lit dans son diction-
naire que drôle {drosle) ^se prend aussi quelquefois pour
1 Etym. Wh., p. 564.
- On a aussi indiqué comme étymologie le Scandinave troll
'lutin', 'farfadet', 'mauvais génie' (voir Ménage, Mistral, Martellière).
* D'après Littré, il serait attesté dès le XV® siècle, dans les
Vaux-de-Vire de Basselin. Mais, comme l'a démontré Gasté, ce n'est
pas à ce poète normand qu'il faut attribuer les Vaux-de-Vire; ils
ont été écrits par l'avocat Jean le Houx de Vire au commencement
du XVIIe siècle.
* Cf. Meyer-Lubke, Bom. etym. Wh., 2775.
* Cf. la diffusion en sens inverse de gamin.
" Cotgrave le traduit par «A good fellow, boon companion, merry
grig, pleasant wag; one that cares not which end goes forward, or
how the world goes.»
— 381 —
un homme qui cherche à faire tort à quelqu'un, qui est
à craindre.»
404. Dans le patois des environs de Grenoble, brecot
— brecôta se dit pour 'petit garçon', 'petite fille' (Ravanat).
— D'après Mistral, le patois vellavien connaît le mot mar-
hioucho pour 'petite fille' ^
405. Durrieux relève en gascon bajoun, dim. bajounet,
'enfant qui vient de naître'. On pourrait peut-être le rat-
tacher au béarn. bajou {bayou) 'maillot', 'langes'. Cf. le
béarn. arbajou — arbajouno 'joli poupon', 'gentille fillette',
terme de tendresse (Mistral). — Dans le Dictionnaire béar-
nais de Lespy et Raymond on trouve toy — toye 'petit gar-
çon', 'jeune fille' ^. C'est un terme de la montagne; dans la
plaine, lou toy désigne le montagnard, le pâtre. D'après
Mistral, toio s'emploie en Rouergue aussi au sens de 'jeune
fille'; parfois avec une nuance dépréciative: 'laideron''.
En Béarn, toy se dit en outre pour 'petit': u gran^ u toy
«un grand, un petit (objet)» *. Est-ce peut-être là son
sens primitif? — Le même dictionnaire béarnais relève
à Garlin le mot nesque pour 'jeune fille'.
406. Dans quatre localités des Landes M. Edmont
a trouvé un mot pour 'garçon', '(jeune) fils', qui me paraît
assez énigmatique: kOeu (au point 682), Meu (681), kôeé
(674, 680). Au point 681, il a relevé en outre un dérivé
féminin: kueardè 'fillette', terme vieilli, qui est en train
d'être supplanté par guyatoté.
' Mistral y voit le même mot que mourbouso 'morveuse', mais,
sur la carte morve, morveux de VAtî. ling., on ne trouve marhioucho
ni dans la Haute-Loire, ni dans le reste du Midi.
* Lespy et Raymond rattachent ce mot à Tanc. prov. toza, ce
qui ne paraît pas admissible.
' Mistral traduit par contre le mot béarnais par 'beau gars',
'belle fille'.
* Cf. 5 toyè 'un peu', à Châble (Valais) (voir VAth ling., 1007).
25
382 —
2. Mots italiens.
407. Dans plusieurs parlers toscans: à Arezzo, dans
la montagne de Pistoie, mais surtout à Sienne, citto — citta
s'emploie pour 'ragazzo', 'ragazza'. On en a tiré plusieurs
diminutifs caressants, comme citolo, cittino, cittarello (Fan-
fani). Dans la littérature italienne des XIII® et XIV®
siècles, on trouve le même mot, parfois écrit zito — zita
(cita), et le diminutif zit{t)ello — zit{t)ella 'fanciullo', 'fan-
ciulla'. Le féminin s'emploie encore aujourd'liui, mais,
suivant Petrôcchi, c'est un terme littéraire \ — En dehors
de la Toscane le mot est toujours vivant dans les patois
des Abruzzes, de Naples, de la Sicile, et de la Corse.
Dans les Abruzzes, ntele est très usité pour 'bambino',
*piccino'; diminutifs: dtellélle, citelhicce. A Ortona a Mare,
le simple citte se trouve à côté de ciUele. A Aquila cituru
signifie 'ragazzo', cifola 'ragazza'. Le même passage de
l k r, que présente cituru, se retrouve à Agnone, ou citrd
est des deux genres: 'ragazzo', 'ragazza' ^ A Scanno on
dit cizze; à Avezzano et Celano: cicitte 'ragazzo', cicétte
'ragazza', avec réduplication enfantine. — Le féminin
zetèlle 'fanciulla da marito' est peu usité et doit être em-
prunté au napolitain ou à l'italien commun. — Dans le
napolitain D'Ambra relève zita^, zetella (Puoti: zitella)
'fanciulla pubère', 'pulcella'; zetelluccia 'giovanottina' ; citolo
'bambolo', 'puttino'. — En sicilien, le simple zitu — zita
signifie 'amant', 'amante', 'fiancé', 'fiancée'; une jeune fille
s'appelle zitella (zitedda) ou zitiduzza. — Le corse ne con-
naît pas le mot simple. Zitellu — zitella se dit pour 'en-
^ Zitéllone — zitellona signifie 'vieux garçon', 'vieille fille'. Les
dialectes offrent des formations analogues ayant le même sens: abr.
zetéllàne (s. f.); sic. sitiduna.
2 Voir Ziccardi, dans ZMPh, XXXIV, p. 416. Cf. ibid.: maskr»
'maschio', simhrs 'semola'.
' Le masculin zito signifie 'celibe', 'sposo novello' ; la première
idée s'exprime aussi par zitolo — zitela.
— 383 —
faut', 'garçon', 'fillette', 'jeune fille', et signifie aussi 'céli-
bataire'. U Atlas linguistique relève les diminutifs (hitelluteu,
dzitellufinlu 'enfant', 'garçonnet'. Falcucci enregistre le
dérivé zitellhna 'giovanottino'. — Ajoutons enfin que, d'après
Bridel, les patois de la Suisse romande ont emprunté l'ital.
zitella au sens de 'petite fille', 'petite causeuse". — Diez \
et, d'après lui, Korting ^, M. Tappolet ' et M. Pianigiani *,
rattachent citto^ zito à l'allem. Zitze. Le mot aurait donc
signifié d'abord 'bouton du sein', puis 'enfant à la mamelle'.
Cette transition sémantique ne me paraît pas vraisem-
blable ^; et, du reste, la diffusion du mot dans les dialectes
italiens ne donne aucun appui à l'hypothèse d'une origine
allemande. Peut-être le mot provient-il d'une création
primitive.
408. Bahacchio est un mot du parler lucquois, qui
signifie 'petit garçon', spécialement 'garçon vif et inquiet' ^.
Suivant M. Pianigiani, la forme rapacchio se trouve dans
d'autres localités de la Toscane. On a tiré de ce mot
les diminutifs rahacchino, rahacchiuolo, rahacchioUno. Le
dérivé rahacchiotto (rapacchiotto) signifie 'garçon'; à Massa
Maritima il se dit aussi pour 'enfant' (Fanfani), — Le
mot se retrouve dans la Haute-Italie, avec des suffixes
variés, au sens de 'petit garçon': piac. rabocc, dim, rabôc-
dn; romagn. rahacc; bol. rabai, dim. rahajein; mant. raboj;
mil. rahbtt — rabotta, dim. rabottèll—rabottella ^; monf. ra-
» Etym. Wh., p. 412.
' Lat.-rom. Wb., 10460.
* Die rom. Verwandtschaftsnamen. p. 48.
* Vocab. etim., à Fart. ^ito. — Le mot a échappé à M. Meyer-
Liibke.
° Le piém. têta et l'ital, mammola, qu'allègue M, Pianigiani comme
cas parallèles, doivent s'expliquer autrement (voir §§ 375, 377). — Cf.
du reste p. 46, n. 1.
" II se dit aussi de petits animaux, surtout de petits chevaux.
'' Ce mot a le plus souvent une nuance dépréciative : 'monello',
'inonella'; mais, comme monello, il s'emploie aussi amicalement. Ba-
bottl'll se retrouve à Plaisance comme synonyme de rabôcctn.
— 384 —
hatin. Un diminutif de ce mot s'emploie aussi dans le
patois des Alpes Cottiennes: rabachor 'petit enfant'. Caix ^
rattache rahacchio^ etc. au tosc. rapare 'raser le poil' (cf.
toso^ § 271 ss.). M. Pianigiani le fait dériver du lat. rapax,
en le faisant passer par un type *rapuculus. Nigra ^ le
rapproche du lat. rapum. Bien que les formes toscanes
avec un p^ citées par M. Pianigiani, puissent être alléguées
à l'appui de ces étymologies, il faut les rejeter à cause
des formes lombardes, où un p latin serait devenu un v. ^
409. Les dialectes haut-italiens offrent plusieurs
expressions obscures: gén. fuentu 'fanciullo', 'ragazzo',
'figliuolo' (Olivieri); a7Zw 'fanciullino' (Randaccio) ^•, pivettu
'ragazzetto', 'fanciulletto' (Olivieri); piém. maràia 'bimbo',
'bambina'; dim. maraiôt — maraiôta; niarain; Val Intragna
maràs — marasce 'figlio', 'figlia' (Biondelli); diia. maraseîtt
(plur.) 'bimbi' (Cherubini); Val Maggia voi — voina 'fan-
ciullo', 'fanciulla', 'figlio', 'figlia' (Monti); com. gtgia 'fan-
ciulla' (terme de tendresse), gigiôta 'giovanetta' (Monti);
valtell. mondin — mondina 'fanciullo', 'fanciulla'; posch.
mondoUn 'bambolino di bello aspetto' ^; valtell. sguàn —
sguàna 'fanciullo', 'fanciulla' (Monti). La patois de Val
Camonica Superiore présente les trois mots suivants pour
'fanciullo': cot^ tôt **, pi ^ (Rosa). A Bagolino, M. Salvioni ^
a relevé gâl — gâlla 'fanciullo', 'fanciulla', 'figlio', 'figlia'. Le
^ Studi di etimologia. 466.
2 AGII, XIV. p. 375.
» Cf. Meyer-Liibke. Rom. etym. Wb., 7048, 7065; Gramm. des
lang. romi^ I, § 433.
* Aphérèse de *fancillu? Cf. le tosc. fancilla (§ 30).
^ Faut-il voix' dans ce mot le bergam. mondî 'marron rôti' (cf.
§ 206 s.)? Ou est-ce un diminutif du valtell. monda 'fumier' (cf. §
227 ss.)?
® Cf., dans le même parler, tôt 'agnelle'; et le borm. tôtol 'ben-
iamino'. Peut-être est-ce le résultat d'une création primitive.
' Cf. § 357.
8 BendlL, sér. II, XXX, p. 1507.
— 386 —
bol. pein — peina 'fanciullo', 'fanciulla', à\m.. pinein — pineina,
signifie peut-être proprement: 'petit'; cf. le mil., com.,
tess. pin% pinîn, p(mtn 'piccino' ou 'fanciuUino', pinina
'fanciullina'.
410. Dans les divers argots de la Haute-Italie on
trouve aussi quelques mots énigmatiques. L'argot de Val
Soana offre: arméri, -ja 'ragazzo', 'ragazza'; cdjri 'figliuola',
'ragazza' (Nigra); l'argot des savetiers bormiens: hiréta
'giovinetta' ; ' hizel — kî^ela ^ 'ragazzo', 'ragazza', 'figlioletto',
'figlioletta' (Longa); l'argot des bergers bergamasques :
biifî — bufîna (hofi — hoftna) 'fanciullo', 'fanciulla', 'ragazzo',
'ragazzina'; gnafèl — gnafèla 'bambino', 'bambina' ^; manéa
'donna giovane' (Tiraboschi). L'argot parmesan offre pi-
vàster 'ragazzo' (cf. pivàster 'agnello', 'capretto'). Ce mot
appartient à l'argot italien, le fourhesque, sous la forme de
pivastro, et a été emprunté par l'argot français: pivaste
'enfant' {Le jargon de V argot réformé^ 1836). M. Sainéan '
le fait dériver du fourb. pivo 'garçon' *.
411. Le parler de Teramo dit seuàcquere pour 'bam-
bina appena nata'; le napolitain: zancolla pour 'donzella',
'zitella'; le dialecte de Lecce (Apulie): siu pour 'ragazzo'.
3. Mots phétiques.
412. L'engad. m'dffel 'petit garçon' est rattaché par
M. Pallioppi à l'engad. miifia 'grosse joue', franc, mufle '".
— Dans le patois de Wolkenstein (Greden) M. Gartner a
relevé môur — môura 'garçon', 'fille', d'étymologie inconnue.
' Est-ce le suisse allem. chàtzli 'petit chat"?
- Ce mot se retrouve dans l'argot des voleurs de la Romagne
au sens de 'giovane', 'fanciulla' (Morri).
* Les sources de Varg. anc. II, p. 423.
* Cf. le mil. piva, § 242. — Peut-être le gén. pivettu (voir ci-
dessus) est-il un diminutif tiré de pivo.
^ Cf. § 277.
386
4. Mots espagnols, portug-ais et catalans.
413. L'esp., port, rapaz — rapasa signifie 'petit garçon'
(en portugais aussi: 'jeune homme', 'serviteur' ^); 'petite
fille', 'jeune fille'. Le féminin est un terme très familier * :
en portugais, le dérivé rapariga 'jeune fille', 'servante',
dim. rapariginha^ est d'un usage plus fréquent. L'espagnol
possède le diminutif rapazuelo ' ; le portugais en présente
plusieurs: rapazelho, rapelho^ rapazinho^ rapasetc] et, en outre,
les dérivés rapamo 'garçon fort, robuste', rapazola 'jeune
homme'. L'esp. rapagon. port, rapagao 'jeune garçon qui
n'a pas de barbe', 'beau garçon', est sans doute aussi un
dérivé de rapaz. — On a le plus souvent proposé de voir dans
râpas 'garçon' l'esp., port, rapaz 'rapace', 'avide' (< rapa-
cem) *, qui aurait été appliqué aux enfants, parce qu'ils
ont l'habitude de saisir tout ce qu'ils voient. Mais l'ad-
jectif rapaz est évidemment un mot savant et apparaît
dans les dictionnaires plus tard que rapaz 'garçon'. Fran-
ciosini et Oudin, qui enregistrent ce dernier mot, ne men-
tionnent pas le premier. — Caix ° rattache rapaz 'garçon'
à l'esp., port, rapar 'raser le poil' ^. Le sens de 'jeune
garçon qui n'a pas de barbe', donné déjà pour rapagon
par Franciosini et par Oudin, paraît confirmer cette hypo-
thèse. Mais le sens de 'imberbe' s'explique peut-être par
une étymologie populaire.
^ On dit d'un homme adulte: E ho m rapaz «c'est un bon garçon».
' Dans le dictionnaire de Franciosini, rapaz — rapaza a un sens
péjoratif: 'frasca', 'fraschetta'; et. d'après Echegaray, le masculin a
aujourd'hui encore une nuance de mépris.
* Dans Franciosini on trouve rapazillo; dans Oudin: rapacejo.
* Voir Diez, Kôrting, Echegaray, Coelho. — Pour cette étymo-
logie, comme pour l'hypothèse de Nigra [AGII, XIV, p. 375), selon
laquelle ce mot se rattacherait à rapum, cf. Meyer-Liibke. op. cit.,
7048, 7065.
* Studi ai etim.. 466.
" Cf. plus haut l'explication analogue de rahacchio.
— 387 —
414. A en juger d'après le suffixe, l'esp. chahorra
'tendron', 'jeune fille', pourrait être un emprunt fait au
basque.
415. En catalan noy — noya sert à désigner un petit
garçon, une petite fille, qui n'a pas encore sept ans; on
en a tiré le diminutif noy et — noyeta.
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Normand: Du Méril, Dictionnaire du patois normand, Caen 1849;
Le Héricher, Histoire et glossaire du normand, de l'anglais et de la
langue française, Paris et Avranches 1862; Moisy, Dictionnaire du
patois normand, Caen 1887; Fleury, Essai .sur le patois normand de
la Hague, Paris 1886; Romdahl, Glossaire du patois du Val de Saire
(Manche), Linkôping 1881; Métivier, Dictionnaire franco-normand, ou
Recueil de mots particuliers au dialecte de Guernesey, London et Edin-
bourgh 1870; Viez, Essai sur le patois d'Alençon, BPhF, p. 191—219;
Robin, Le Prévost, Passy, De Blosseville, Dictionnaire du patois nor-
mand en usage dans le département de VEure, Evreux 1879; Decorde,
Dictionnaire du patois dtt pays de Bray, Rouen 1852; Delboulle, Glos-
saire de la vallée d'Yères, Le Havre 1876.
Patois de l'Ile de France: Puichaud, Dictionnaire du patois du
Bas-Gâtinais, BPhF. VII, p. 19—53, 101—137, 171—199; Roux, Glos-
saire du patois gâtinais, BPhF, IX, p. 294—304, X, p. 17 — 33; Nisard,
i^ude sur le langage populaire ou patois de Paris et de sa banlieue,
Paris 1872.
Patois de POnest: Lecomte, Le parler dolois, étude et glos-
saire des patois comparés de l'arrondissement de Saint-Malo, Paris
— 390 —
1910; Coulabin, Dictionnaire des locutions jwprdaires du bon pays de
Bennes-en-Bretagne, Eennes 1891; Dottin et Langouët, Glossaire du
parler de Pléchatel, Eennes et Paris 1901; De Montesson, Vocabulaire
du Haut-Maine, 2e éd., Le Mans et Paris 1859; 3e éd., Paris 1899: Dot-
tin, Glossaire des parlers du Bas-Maine, Paris 1899; Verrier et Onil-
lon, Glossaire étymologique et historique des patois et des parlers de
l'Anjou, Angers 1908; Brachet, Vocabulaire tourangeau, Boni., I. p.
88—91; Favre, Glossaire du Poitou, de la Saintonge et de VAunis,
Niort 1867; Beauchet-Filleau, Essai sur le patois poitevin, Niort et
Melle 1864; Lalanne, Glossaire du patois poitevin, Poitiers 1868; Rous-
seau, Glossaire poitevin, 2e éd., Niort 1869; Simonneau, Glossaire du
patois de Vlle-d'Elle (Vendée), BPhF, II, p. 89—130; Jônain, Diction-
naire du patois saintongeois, Eoyan 1869; Eveillé, Glossaire sainton-
geois, Paris et Bordeaux 1887.
lierriclion et Orléanais: Jaubert, Glossaire du Centre de la
France, 2e éd., Paris 1864; Martellière, Glossaire du Vendômois, Or-
léans et Vendôme 1893.
Bourbonnais, Morvandiau, Bourg-uig-non: Choussy, Le patois
bourbonnais. Moulins s. d.; Duchon, Grammaire et dictionnaire du pa-
tois bourbonnais (Canton de Varennes), Moulins 1904; De Chambure,
Glossaire du Morvan, Paris et Autun 1878; Mignard, Vocabidaire rai-
sonné et comparé du dialecte et du patois de la province de Bour-
gogne, Paris et Dijon 1870; Fertiault, Dictionnaire du langage 2>opu-
laire Verduno-Châlonnais (Saône-et-Loire), Paris 1896.
Champenois: Tarbé, Becherches sur l'histoire du langage et des
patois de Champagne, Eeims 1851; Baudouin, Glossaire du patois de
la forêt de Clairvaux, Troyes 1877; Guérinot, Notes sur le parler de
Messon (Aube), BPhF, XXIII, p. 241—276; XXIV, p. 18—38, 161—
174; Saubinet, Vocabulaire du bas langage rémois, Eeims 1845.
Lorrain: Adam, Les 2:)atois lorrains, Nancy et Paris 1881; Hor-
ning. Die ostfranzôsischen Grenzdialekte zwischen Metz und Belfort,
FSt, V, p. 429 — 550; Labourasse, Glossaire abrégé du patois de la
Meuse, notamment de celui des Vouthons, Paris 1887; Horning, Die
Mundart von Tannois, ZBPh, XVI, p. 458—475; Horning, Glossar der
Mundart von Belmont, ZBPh, XXXIII, p. 385-430; XXXIV, p. 162—
181; XXXV, p. 180—191; Dosdat, Die Mundart des Kantons Pange, ZBPh,
XXXIII, p. 187—225, 257—276; Jaclot, Vocabidaire patois du pays
messin, Paris 1854; EoUand, Vocabulaire du patois du pays messin tel
qu'il est actuellement parlé à Bemilly, Bom., II. p. 437—454; Eolland,
Vocabulaire du patois du pays messin, Bom., V. p. 189—229; Lorrain,
Glossaire du patois messin, Nancy 1876 (Extrait des Mémoires de
l'Académie de Metz, 1875—76); This, Die Mundart der franzôsischen
Ortschaften des Kantons Falkenberg. Strassburg 1887.
— 391 —
2. Patois franco-provençatix.
Fraiic-Comtols: Tissot, Le patois des Fourgs, Paris et Besançon
1865; Beauquier, Vocahxilaire étymologiiiue des provincialistnes usités
dans le département du Doubs, Paris et Besançon 1881; Contejean,
Glossaire du patois de Monthéliard, Montbéliard 1876; Gratnmont.
Le patois de la Franche-Montagne et en particulier de Damprichard
(FraucJie- Comté), Vocabulaire (Mémoires de la Société de linguistique,
XI, p. 52—72. 130—144, 198-216. 285—296, 362—368, 402—437); Rous-
sey, (rlossaire du parler de Bournois (Doubs), Paris 1894; Boilloti
Le patois de la commune de la Grand' Combe (Doubs), Paris 1910;
Poulet, Essai d'un vocabulaire étymologique du patois de Plancher-
les-Mines (Haute- Saône), Paris 1878; Juret, Glossaire du patois de
Pierrecourt, ZBPh, Beih. LI, p. 53—172; Richenet, Le patois de Petit-
Noir, Canton de Chemin (Jura), Dole 1896.
Patois de la Suisse roninnde: Bridel, (rlossaire du patois de
la Sîiisse romande, Lausanne 1866; Les matériaux du Glossaire
des patois de la Suisse romande; Odin, Glossaire du patois de Blo-
nay, Lausanne 1910; Gilliéron, Putois de la commune de Vionnaz (Bas-
Valais), Paris 1880 (Bibliothèque de l'École des Hautes-Études, XL);
Fankhauser, Das Patois von Val d'Hliez (Unterwallis), BDB, II, p.
198 — 344; III, p. 1 — 76; Haefelin, Les patois romans du canton de Fri-
bourg, Leipzig 1879.
Lyonnais, Forézien et Bressan: Onofrio. Essai d'un glossaire
des patois de Lyonnais, Forez et Beaujolais, Lyon 1864; Nizier du
Puitspelu. Dictionnaire étymologique du patois lyonnais, Lyon 1886;
Clédat, Le patois de Coligny et de Saint-Amour, BPhF, I, p. 161—
200; III. p. 37 — 88; Philipon, Le patois de Saint Genis-les-OUières,
BPhF, I, p. 258-281: II. p. 26—49, 195—217; III, p. 161—191; Philipon,
Patois de la commune de Jujurieux (Département de l'Ain), Paris 1892.
Savoîsien: Brachet, Dictionnaire du patois savoyard tel qu'il est
parlé dans le canton d'Albertville, Albertville 1883; Constantin et
Désormaux, Dictionnaire savoyard, Paris et Annecy 1902.
Daupliinois du département de l'Isère: Ravanat, Dictionnaire
du patois des environs de Grenoble, Grenoble 1911.
Patois franco-provençaux de l'Italie: Nigra, Fonetica del dia-
letto di Val-Soana (Canavese), avec un appendice: Il Gergo dei Val-
soanini, AGII, III, p. 1 — 60; Morosi, Il dialetto franco-provenzale di
Faeto e Celle, nelV Italia méridionale, AGII, XII, p. 33—75.
3. Ancien provençal et patois provençaux.
Ancien provençal: Raynouard, Lexique roman, Paris 1836 — 44:
Levy, Provenzulisches Supplementxcôrterbuch, Leipzig 1894 — 1910; Levy,
Petit dictionnaire provençal-français, Heidelberg 1909; Appel, Proven-
zalische Chrestomathie, Leipzig 1895.
— 392 —
Patois provençaux modernes: Honnorat, Dictionnaire provençal-
français, Digne 1846 — 48; Azaïs. Dictionnaire des idiomes romans du
Midi de la France, Montpellier 1877—81; Mistral, Lom trésor dôu Fe-
librige, ou Dictionnaire provençal-français, Aix-en-Provence, Avignon
et Paris 1878 sqq.
Gascon: Lespy et Raymond, Dictionnaire béarnais ancien et mo-
derne, Montpellier 1887; Cénac Moncaut, Dictionnaire gascon-français,
dialecte du département du Gers, Paris 1863; Durrieux, Dictionnaire
étymologique de la langue gasconne, Auch 1901; Luchaire, Etudes sur
les idiomes pyrénéens de la région française, Paris 1879.
Languedocien: D'Hombres et Charvet, Dictionnaire languedocien-
français, Alais 1884; Vayssier. Dictionnaire patois-français du dépar-
tement de VAveyron, Rodez 1879; Clugnet, Glossaire du patois de
Gilhoc (Ardèche), Paris 1883.
Auvergnat: Mège, Souvenirs de la langue d'Auvergne, Paris 1861;
De Vinols, Vocabulaire patois vellavien-français et français-patois
vellavien. Le Pny 1891.
Dauphinois des Hautes-Alpes: Chabrand et De Rochas d'Aiglun,
Patois des Alpes Cottiennes (Briançonnais et vallées Vaudoises) et en
particulier du Queyras, Grenoble et Paris 1877.
Langue des Vaudois: Salvioni. // Nuovo Testamente valdese,
secondo la lezione del Codice di Zurigo, AGII, XI, p. 1 — 308: Morosi,
Uodierno linguaggio dei Valdesi del Piemonte, AGII, XI, p. 309 — 415;
XII. p. 28—32; Rôsiger, Neu-Hengstett (Bursét), Geschichte und Sprache
einer Waldenserkolonie in Wiirtemberg, Greifswald 1883.
II. Italie.
A. Italien littéraire.
Tommaseo e Bellini, Dizionario délia lingua italiana, ïorino e
Napoli 1861 — 79; Petrôcchi, Novo dizionario universale délia lingua
italiana, Milano 1907; Rigutini e Bulle. Nuovo dizionario italiano-
tedesco e tedesco-italiano, Lipsia e Milano 1911 — 12; Pianigiani, Voca-
bolario etimologico délia lingua italiana, Roma e Milano 1907.
B. Patois italiens.
1. Patois de la Haute-Italie.
Mussafia, Beitrag zur Kunde der norditalienischen Mundarten im
X V. Jahrhunderte (Denkschriften der Kaiserl. Akademie der Wissen-
schaften, Philosoph.-hist. Klasse, XXII, p. 103—228), Wien 1873; Bion-
delli, S'tggio sui dialetti gallo-italici, Milano 1853.
Piémontais: Pipino, Vocabolario piemontese, Torino 1783; Ponza,
Vocabolario piemontese-italiano. 4e éd., Torino 1847; Gavuzzi. Voca-
— 393 —
bolario piemontese-italiano, Toi-ino e Roma 1891; Gavuzzi. Vocaholario
italtaiio-piemontese, Torino 1896; DalPozzo, Glossurio etimologico piemov-
tese, 2e éd.. Torino 1893; — Ferraro, Glossario movferrino, Torino 1889.
Génois: Flechia, Annotaeioni sistematiche aile Antiche Uime Ge-
novesi e aile l*rose Genovesi, AGII, VIII. p. 317—406; X, p. 141 — 16(>:
Olivieri. Dmonario genovese-italiano, Genova 1851: Casacoia, Vocaho-
lario genovese-italiano, Genova 1851; Randaccio, DelVidioma c délia
letteraUira genovese, Roma 1894; — Gamier. Grammaires et vocabu-
laires méthodiques des idiomes de Bordighera et de Healdo, Paris 1898.
Lombard: Seifert, Glossar zu den Gedichten des Bonvesin da
Eiva, Berlin 1886; E. Keller, Die Reimpredigt des Pietro da Barse-
gapè, Frauenfeld 1901; Salvioni, Annotazioni sistematiche alla «Antica
Parafrasi Lombarda del Neminem laedi nisi a se ipso di S.
Giovanvi Grisostomo^ (Archivio VII 1-120) e aile * Antiche scritture
lombarde» (Archivio IX 3—22), AGII, XII, p. 375—440; XIV. p. 201
— 268; Lorck, Altbergamaskische Sprachdenkmdler (IX. — XV. Jahr-
hundert). Halle a. S. 1893; Salvioni, Saggi intorno ai dialetti di alcune
vallate alVestremità settentrionale del Lago Maggii.re, AGII, IX, p.
188—260; Cherubini, Vocaholario milanese-italiano, Milano 1839-43;
Supplimento, Milano 1856; Banfi. Vocaholario viilatiese-italiano, Mil&no
1897; Arrighi, Dizionario miUinese-italiano, Milano 1896; Salvioni,
Fonetica del dialetto moderno délia città di Milano, Roma. Torino,
Firenze 1884; Monti, Vocaholario dei dialetti délia città e diocesi di
Como, Milano 1845; Appendice, Milano 1856; Michael, Der Dialekt des
Foschiavotals (Poschiavo-Brusio-Campocologno), Halle a. d. S. 1905;
Longa. Vocaholario hormino, StB, IX; Rosa, Dialetti, costumi e tradi-
zioni délie provincie di Bergamo e di Brescia, Bergamo 1855; 3e éd.
augm. et corr., Brescia 1870; Zappetini, Vocaholario hergamasco-italiano,
Bergamo 1859; Tiraboschi, Vocaholario dei dialetti bergamaschi, 2e éd..
Bergamo 1873; Appendici, Bergamo 1879; (Pellizzari,) Vocaholario bres-
ciano e toscano, Brescia 1759; Melchiori, Vocaholario hresciano-italiano,
Brescia 1817; Appendice, Brescia 1820; Gambini, Vocaholario pavese-
italiano, Pavia 1850.
Éniilien: Morri, Vocaholario romagnolo-italiano, Faenza 1840;
Coronedi Berti. Vocaholario bolognese-italiano, Bologna 1869 — 74; Fer-
rari, Vocaholario bologvese-italiano, Bologna 1853; Ungarelli. Vocaho-
lario del dialetto holognese, Bologna 1901 ; Gaudenzi, I suoni, le forme
e le parole delV odierno dialetto délia città di Bologna, Torino 1889:
Galvani. Saggio di un glossario modenese, Modena 1868; Vocaholario
reggiano-italiano, Reggio 1832; Peschieri, Dizionario parmigiano-ita-
liano, Parma 1828; Foresti, Vocaholario piacentino-italiano, 2e éd.,
Piacenza 1855; Gorra, Fonetica del dialetto di Piacenza, ZBPfi, XIV,
p. 133 — 158; Meschieri, Vocaholario mirandolese-italiano, Bologna 1876;
Cherubini, Vocaholario mantovano-italiano, Milano 1827.
— 394 —
Vénitien: Tobler, Il Panfilo in antico veneziano col latino a
f route, AGII, X, p. 177—255; Vidossisch, La lingua del Tristano ve-
neto, StB, IV. p. 67 — 148; Patriarchi, Vocabolario veneziano e pado-
vano, Padova 1796; Boerio, Dizionario del dialetto veneziano, Venezia
1829; Nazari, Dizionario veneziano-italiano, Belluno 1876; Bortolan,
Vocabolario del dialetto antico vicentino, Vicenza 1893; Nazari, Dizio-
nario vicentino-italiano, Oderzo 1876; Angeli, Piccolo vocabolario ve-
ronese e toscano, Verona 1821; Saggio di un dizionario veronese-
italiano, Verona s. d. ; Azzolini, Vocabolario vernacolo-italiuno pei di-
■stretti roveretano e trentino, Venezia 1856; SaWioni, lllustrazioni siste-
matiche alV «Egloga pastorale e Sonetti» in dialetto bellunese rustico
del sec. XVI, AGII, XVI, p. 244—331; Cian e Salvioni, Le rime di
Bartolomeo Cavussico, notaio bellunese della prima meta del secolo
JLVI, Bologna 1894; Kosovitz, Dizionario-vocabolario del dialetto tries-
tino e della lingua italiana, Trieste 1889; Ive, / dialetti ladino-veneti
delV Istria, Strassburgo 1900.
2. Toscan.
ï'anfani, Vocabolario delV usa toscano, Firenze 1863; Fanfani,
Vocabolario della prommzia toscana, Firenze 1863: Pieri, Fonetica del
dialetto lucchese, con appendice lessicale, AGII, XÏI, -p. 107— 134:] Pieri,
Fonetica del dialetto pisano, con appendice lessicalc, ibid., p. 141 —
160: Salvioni, Appunti sulV antico e moderno lucchese, AGII, XVI, p.
395-476; Pieri, Il dialetto della Versilia, ZBPh, XXYllî, p. 161— 191.
3. Patois du Centre.
Marelles: Neumann-Spallart, Beitràge zur CharaJcteristik des
Dialektes der Marche, ZBPh, XXVIII, p. 273—315, 450—491; Neu-
mann-Spallart, Weitere Beitràge zur Charakteristik des Dialektes der
Marche, ZBPh, Beih. XI; Crocioni, Il dialetto di Arcevia (Ancona),
Eoma 1906.
Latium: Crocioni, H dialetto di Velletri, StB., V, p. 27—88;
Lindstrôm, Il vernacolo di Subiaco, ibid., p. 237—300; — Campanelli,
Fonetica del dialetto reatino, Torino 1896.
Abrnzzes: Finamore, Vocabolario delV uso abruzzese,2e éd., Città
di Castello 1893; Savini, La grammatica ed il lessico del dialetto te-
ramano, Torino 1881; D"Ovidio, Fonetica del dialetto di Campobasso,
AGII, IV, p. 145—184; Ziccardi, Il dialetto di Agnone, ZBPh, XXXIV,
p. 405—436.
4. Patois du Sud.
Caïupanieii : D'Ambra, Vocabolario napoUtano-toscano, Napoli 1873;
Puoti, Vocabolario domestico napoletano e toscano, Napoli 1850; Savj-
— 896 —
Lopez, Appunii di napohinnu antico, ZJiPfi, p. 26—48; De Bartholo-
maeis, Contrilmti alla conoscenza de' dialetti delV Italia méridionale,
ne' secoli unteriori al XIII, I, Spoglio del 'Codex diplomaticus caven-
sis', AGII, XV, p. 247—274, 327-302; Parodi, // dialetto d'Arpino,
AGII, XIII. p. 299-308.
Apulien: Morosi, Il vocalismo del dialetto lecce.se, AGII, IV, p.
117—144; Zingarelli, Il dialetto di Cerignola, AGII, XV, p. 83—96,
•226-235.
Calabrais: Scerbo, Sul dialetto caZaôro, Firenze 1886 ; — Colonies
grecques: Morosi, L'elemento greco nei dialetti dell Italia méridionale,
AGII, XII, p. 76 — 96; Morosi, I dialetti romaici del manda mento di
Bova in Calabria, AGII, IV, p. 1—116.
Sicilien: Mortillaro, Nuovo dizionario siciliano-italiano, Palei-mo
183S — 44; Traina, Nuovo dizionario siciliano-italiano, Palermo 1868;
Biundi, Vocabolario manuale completo siciliano-italiano, PsAermo 1S51;
Perez, Vocabolario siciliano-italiano, Palermo 1870; Macaluso Storachi,
Nuovo vocabolario siciliano-italiano e italiano-siciliano, Siracusa 1875;
— Colonies gallo-italiennes : De Gregorio, Fonetica dei dialetti gallo-
italici di Sicilia, AGII, VIII, p. 304—316; Morosi, Osservazioni e ag-
yiunte alla «-Fonetica dei dialetti gallo-italici di Sicilia*, ibid., p.
407-422.
5. Patois de la Sardaigne et de la Corse.
Porru, Nou dizionariu universali sardu-italianu, Casteddu 1832;
Spano. Vocabolariu sardu-italianu e italianu-sardu, Cagliari 1851 — 52;
Guarnerio, / dialetti odierni di Sassari, délia Gallura e délia Cor-
sica, AGII, XIII, p. 125—140; XIV, p. 131—200, 385—422; Wagner,
Lautlehre der siidsardischen Mundarten, ZMPh, Beih. XII; Guarnerio,
Gli statuti délia repubblica sassarese, AGII, XIII, p. 1—124; Delius,
Der sardinische Dialekt des dreizehnten Jahrhunderts, Bonn 1868; Guar-
nerio, L'antieo campidanese dei sec. NI — NUI, StH, IV. p. 189 — 259;
Gilliéron et Edmont, Atlas linguistique de la France, Corse, 1er — 4e
fasc; Falcucci, Vocabolario dei dialetti, geograjia e costumi délia Cor-
sica, Cagliari 1915.
III. Idiomes phéto-romans.
Gartner, Raetoromanische Grammatih, Heilbronn 1888; Gartner,
Handbuch der ràtoromanischen Sprache und Literatur, Halle a. S. 1910.
Orisons: Conradi, Taschenwôrterbuch der romanisch-deutschen
Sprache, Ziirich 1825; Carisch, Taschenwôrterbuch der rhœtoromaniscfien
Sprache in Graubûnden, Chur 1848; Carigiet, Rœtoromanisches Wôr-
terbuch, surselvisch-dcutsch, Bonn et Chur 1882; Pallioppi, Dizionari
— 396 —
dels idioms romauntschs d'^Engiadin ota e bassa, delta Val Mûstair,
da Bravuogn e Filisur, Samedan 1895 — 1902; Ascoli, Saggi ladini,
AGII, I; Ascoli, Saggio di morfologia e lessicologia soprasilvana,
AGII, VII, p. 406 — 602; Luzi, Lautlehre der subselvischen Dialekte,
Erlangen 1904; Candrian, Der Dialekt von Bivio-Stalla, Halle a. S.
1900; Walberg, Saggio sulla fonetiea del parlare di Celerina-Cresta
(Alta Engadina), Lund 1907 (Lunds universitets ârsskrift, N. F., Afd.
1, Bd 1, Nr 5); Pult, Le parler de Sent (Basse-Engadine), Lausanne 1897.
TjTol: Alton, Die ladinischcn Idiome in Ladinien, Grôden, Fassa,
Buchenstein, Ampeszo, Innsbruck 1879; Schneller, Die romanischen
Volksmundarten in Sûdtirol, Géra 1870; Gartner, Die Gredner Mund-
art, Linz 1879; (Vian,) Zum Studium der rhetoladinischen Dialekte in
Tirol. Grôden, der Grôdner und seine Sprache, von einem Einheimischen,
Bozen 1864; v. Ettmayer, Lombardisch-ladinisches aus Sndtirol, MF,
XIII, p. 321—672.
Frioiil: Pirona, Vocabolario friulano, Venezia 1871; Gartner, 2>ïe
Mundart von Erto, ZBPh, XVI, p. 183—209; 308—371; Joppi, Testi
inediti friulani dei secoli XIV al XIX, AGII. IV, p. 185—842.
IV. Veg-lia.
Ive, L'antico dialetto di Veglia, AGII, IX, p. 115 — 187; Bartoli,
Das Dalmatische, Wien 1906 (Schriften der Balkankommission, Lin-
guistische Abteilung, Y).
V. Péninsule ibérique.
Espagnol: Franciosini Florentin, Vocabolario espanol e italiano,
Borna 1620; Oudin, Tesoro de las dos lenguas espatlola y francesa, I,
Lyon 1675; Tolhausen, Neues spanisch-deutsches und deutsch-spanisches
Wôrterbuch, Leipzig 1903; Vicente Salvâ, Nuevo diccionario francés-
espanol y espanol-francés, Paris 1886; Echegaray, Diccionario gênerai
etimolôgico de la lengua espanola, Madrid 1887—89; Munthe, Anteck-
ningar om folkmàlet i en trakt af vestra Asturien, Upsala 1887.
Portugais: Michaelis, Neues Wôrterbuch der portugiesischen und
deutschen Sprache, Leipzig 1887 — 89; Coelho, Diccionario manuel ety-
mologico da lingua portugueza, Lisboa s. d.
Catalan: Saura, Novissim diccionari manual de las llenguas cata-
lana-castellana, Barcelona 1878; Vogel, Taschenwôrterbuch der katala-
nischen und deutschen Sprache, Madrid et Berlin-Schôneberg 1911 —
16; Atlas linguistique (Pyrénées-Orientales); Guarnerio, 12 dialetto cata-
lano d'Alghero, AGII, IX, p. 261—364.
- 397 -
VI. Roumanie.
Cihac, Dictionnaire d'étymologic daco-romane, Francfort s. M.
1870—79; Alexi, Dictionar româno-german, 2e éd., Brassé 1906; Pu^-
cariu, Etymologisches Wôrterbuch der rumànischen Sprache, I, Latei-
nisches Elément, Heidelberg 1905; Tiktin, Dictionar român-german, 1,
II, BucurescT 1903 — 1911; Densusianu, Histoire de la langue roumaine,
I, Paris 1901; Weigand, Die Sprache der Olympo-Walachen, Leipzig
1888; Weigand, Vlacho-Meglen, eine etfmographisch-philologische Unter-
suchung, Leipzig 1892.
VII. Albanie.
G. Meyer, Kurzgefasste albanesische Grammatik, Leipzig 1888;
G. Meyer, Etymologisches Wôrterbuch der albanesischen Sprache, Strass-
burg 1891; Weigand, Albanesisch-deutsches und deutsch-albanesisches
Wôrterbuch, Leipzig 1914.
Périodiques.
Abréviations.
AGII = Archivio glottologico italiano.
AliL = Archiv fur lateinische Lexikographie.
ASNS — Archiv fur das Studium der neueren Sprachen und Literaturen.
BGIPSE = Bulletin du Glossaire des patois de la Suisse romande.
FSt = Franzôsische Studien.
liC = Revue celtique.
MDM = Revue de dialectologie romane.
RendlL = Rendiconti del Reale Istituto Lombarde.
RF = Romanische Forschungen.
RLR = Revue des langues romanes.
Rom. = Romania.
RPhF = Revue de philologie française et provençale.
RPGR = Revue des patois gallo-romans.
SBFhHKlAWWien = Siteungsberichte der philosophisch-historischen
Klasse der kaiserlichen Akademie der Wissenschaften, Wien.
StR = Studj romami.
WS = Wôrter und Sachen.
ZRPh = Zeitschrift fur romanische Philologie.
ZRPh, Beih. = Beihefte sur Zeitschrift fur romanische Philologie.
Pour les autres ouvrages consultés je renvoie le lecteur au texte.
Quant aux abréviations des noms des langues et des dialectes, on en
retrouve la plupart dans la Gramm. des langues rom. et dans le Rom.
etym. Wôrterb. de Meyer-Liibke.
26
INDEX
Albanais.
dade
365 n. «
kopil', -e
kotse, kose
205
267 n.
tsutâe
365 n
femije
gaiiùn
124
307
njardel'e
maskul
203 n.
119
vergerese
vergeri
virgjinna,
virgji
68 n
68 n
gariuni
307
tsupe
267 n.
nésha
68 n
AiFe, Affli
327
Balg
285 n.
Bankert,
Bânggat 203
^'ogg
195 n.
budel
369
bùdeli
. 369
budi
369
Burscbe
136 n.
butz
369
cbâtzli
385 n.
chindel
366
chind
28
n., 366
chnebel
369
Ding, Dinger,
Dingin 210, 211 n.
Dirne 137 n., 370
Dreck, Drecklein 216 n.
drollig 380
drummel 282 n.
Allemand.
Frauenzimmer 136 n.
Fraulein, frauli,
etc. 370 n.
gemem
Grasaffe
368
328 n.
jungfere, jumpfere 370
Junker 370 n.
Kebse
Klâchel
Knappe
Knechfc
Knopf
Kropf
krott
Krote
Kiichlein
138 n.
277 n.
226 n.
137 n.
279
356
344 n.
344 n.
337 n.
lausig 224 n.
Lump, Lûmpchen 347 n.
Magd 137 n.
Mânnchen 356
matz 318 n.
minder 369
murren 311 n.
Murrkater, Murr-
ner 311 n.
Nârrchen 236, 240 n.
Pudel 369
Eotzbube 231 n.
schâbig 224 n.
Scheiss, Scheiasel 216 n.
schlicht. schlecht 116
seelken
Seichbiichse
stinkerli
stockdumm
Zitze
177
222 n.
225 n.
278 n.
383
en note.
— 399
Anglais
baby
371
gallopin
230 n.
thing
210
beginner
375 n.
hab
374 n.
Tommy
173 n.
chicken
337 n.
lass
225 n.
waiter
141
fellow
371
youth
122 n.
raggard,
raggot
142 n.
Arabe (et hébreu).
chaouch
284
miskin, meskin
183
mutahar
374
goje
349 n.
zagal
372
mutil
Basque.
835 n. I 'phunzela 88
I pontzel 88
zakur, zakurra 307
zapoa 346 n.
Catalan.
adolescent
67
infant, -a
29
noy, -a
noyet, -a
387
387
bordegas, -a,
hUT-
jove, -a
64
dagas, -a
204
jovencel, -a
65
parvol, -8
i 79
bort
205
jovenet
64
petit, -o,
patit, -a 251,
255
criatura
77
maynada
125
poncell,
-a, pun-
maynadera
125
cella
88, 285 n.
damisella
166
minyô, -na, mintt,
donzell, -a
166
-na
313
sagal, -a
372
fadri, -na
88,
112
mocos
233
fadrinet, -a
112
mom
196
verge
68
fadrinot
112 n.
mosset
82
mosso, -a
82
xic, -a
258
garsô
153,
156
xicalla, quitxalla 268
gos
304
nin, -a, nen, -a
363
xicot, -a
258
nineta, ninota
363
xicotet
258
Celtique
beuzik
217 n.
kilpaotre
194
marmous
331
medyn
312 n.
croudios
188 n.
mân
312 n.
min
312 n.
— 400 —
jaun, -a, etc. 62
kreatoire, oratoire 76
adolescente
67
baccalà, bacca-
laro 172 n.
bacalao 172 n.
bagasa 157
bamba 236 n.
barracan 326 n.
barraco 826
barragan, -a 326
barraganada 326 n.
borde 205
burdégano 205
burlon 318
cacho 306 s., 348
cachorro 306 s.
cachuelo, -a. ca-
chuclîo 307 n.
*cajo 307
chaborra 387
chico, -a 249 n., 258, 378
chicote, -a 258
chicuelo, chiquillo,
-a, etc. 258
cria 108
crianza 108
criatura 77
cucaro 346 n.
damisella 166
doncel, -la 166
doncellica, don-
cellita 166
donzelleja, don-
zelluela 166
Dalmate.
pelo, pedlo 256
trok, -a
365 n.
vergina
68
Espagnol.
fadrin
112
falda
familia
269 n.
124
galopo. galopin 230 n.
ganir 308
garçonear 156
garçonia 166
gardillo 156
gardo, -a 156
garzon 153, 155
gozque 304
hermanito
112
monuelo 328
mozo, -a 10, 81
mozuelo, -a 82
muchacho, -a 268 n..
335 s.
*mucho 335
muslo 335
nene, -a 363
nineta, ninita 363
nino, -a 863
parvulo, -a 79
pequeno 81
ifante
27
polla
85. 888
infante, -a
6,
25
, 29 s.
pollancôn
338
infantico,
infan-
pollastrôn
388
tillo, etc.
infanzon
32
31 n.
pollito, -a
puncella,
338
poncella 85
joven
64
rapacejo.
rap
a-
jovencico,
-a,
jo-
zillo
88B n.
vencillo,
jovenete
jovenzuelo
-a,
etc. 64
64
64
rapagon
rapar
rapaz, -a
386
38fi
886
mancebico,
-ito
mancebo, -
-illo,
a
139
139
rapazuelo
roro
rorro
886
362
362
menino, -a
313
sapo
346 n.
mezquino
188 n.
semi-hombre
356 n.
micio
835 n.
senorito,
■a
166 n.
mochacho
385
mocito, -a
82
toston
264 n.
mocoso, -a
mocosuelo,
-a
233
virgen
68
mocosilla
238
zagal, -a
372
monicaco
327
zagalejo,
-a
372
— 401
Français (et patois).
acan 376
adfiau, affiau, affié 109
adfier, affier, etc. 109
adolescent, -e 67
agneau (anôw) 323
air, aire 378 n.
ange 191
angnus, agniis 323 n.
antecrit 191
aria 377
aube 270
aube 269
avéras 376
babi 359
babouin, -e 327
babouiner 328 n.
babré, bobré 360
bacheler, bache-
lier, bachelière 171
bachelete, baisse-
lete, etc. 168 ss.
bâfrer, baufrer 229
bagage 212 n.
bagasse 157
baisselle, bassel-
le, etc. 156 ss.
baisselote, bace-
lote, etc. 158 ss.
balle 287 n.
bambin, -e 238
bambochade 239 n.
bamboche 239
baratte, bérotte 378
barbefolette 272
barbichon 303
barnet, barnœz 373
basse, bayasse,
etc. 156 ss.
bassotte, bessot-
te, etc. 159 s.
baudet 318 n.
beau, belle
175 n.
braies
269
bébé
371
breneux, bemeux,
bellot, -e, blot
j
etc.
222
etc.
175
breya, breyé
222
*beuille
321 n.
brey«
222
bi, bit, bitaud
271
brin de fille
284 s.
bibi
359
briser
276 n.
bichette
296 n.
brœl
375
bichon
303
brœlô
375
bijou
176
brœlôte
375
binbin, binbingr
e 238
bueb, boube, (
îtc. 366 s.
biquot, -te
297 n.
bttstrô, bttstrê, etc. 276
bitlê, bitlô
271
bwêm
377
blanc-bec
272
blanc-bonnet
269 n.
cadet
114
bobée
359
cagni, kani
301
boêle, bouelle,
cagnon
308 n.
etc.
321 n.
caitif
186
bogne, beugne,
calibot
373
beugnet
289
calmotrai
373
bogniasse
289
camarade
136 n.
bonhommiau
356
canaille
299, 802
boque
346 n.
canard, cane
)
bos
217 n.
canet, etc.
337 n.
bosot
217
capotrèie, krapô-
bot
345
treie
344
bouchon, bou-
carpai
348
chonne
280
catin
173, 316
bougre
207
catou
316
bourdon 205 n.,
318 n.
cerneau
290
bourt
205
chacrot, chacouat 218n.
bousaque, bosè
chael
303
que, etc.
217 s.
chaitotte
309
bouse
217
chapeau
269 n.
bouset, -te
217
chat, chatte
14, 309 s.
bout d'homme
276
chaton
310
boutron
276
chérubin
191
bouze
218 n.
chétif, chetit,
-e 182, 186
bouzou
114 n.
chiard
223
bradé, bradêy
373
chias, -se
223
brader
373
chiau 285 n., 303
braichelatte-, -ette 159
chicrotte, chacrotte 218
— 402 —
chienchien 298 n.
chier 218 n.
chiffon 275
chifoneau, chifo-
nète 275
chiou 303
chique, chiquette 276
chonchon 151
chose 210
cienchon, eêeô 298 n.
clampin 231
clopin 231 n.
coco 339 n.
cocô(t), cocotte 339 s.
cocorico 339 n.
codak, cocodak,
etc. 339 n.
conil 336
coq 339
coquin 188 n.
coquinéte,
quinéte 188 n.
corps 272
cotillon 269 n.
couamelle, quoua-
melle, etc. 291
courtes chausses,
courtes cau-
ches 269 n.
crapasson, crapi-
chon, etc. 345
crapaud 344
crapaut, crapaute 344
crapautin 344
crapayon, crapion 345
crapouya 345
crapoussin 344
crope 356
cropet, cropett 220 n.,
345 n., 356
cropichon 220 n., 356 s.
crotte, crottaille,
crottaillon 218
culottiû 269
eutè
303
dada
360
dadais
360
damoiseau
164
damoiselle
164 n.
danse], -le.
don-
cel, -le
163
danselete
163
danselon
163
deerne, deernée 370
dem'hal', dom'hal' 164 n.
demi-homme 356
demoiselle
161, 164
démette
370 s.
diable
191
diablotin
191
dolent
181
donzelle
165 s.
driere
371
drin, drein,
derain 371
drine
371 n.
drinette
371
drôlasse, drœlas 379
drôle
379 s.
drôlesse
98, 379
drôlière
98, 879
drôline
3S0
éblucer. ébrusser,
etc. 110
ébluçon 110
écras, équeras,
équerias 376
enfançon, enfan-
set, enfantel, etc. 30ss.
enfant, efâ, etc. 6, 26 ss.
enfes 26
falot 371 n.
fanfan 32
femelle, fumelle 121
fifi, fifille 99
fillâge 99 n.
iillau 97
fiUaude 98
fille, file, etc. 96 s.
fillette 96
fil] on, faillon 98
fillot, -e 97
fils, filz, fyu, etc. 94 s.
filset, fisset 96
fiston, fistonneau 98 s.
floquer 374
fllouc 374
foure 218
fouret, -te 218
foutaise 207 n.
foutet 206
foutinette 207 n.
foutre 206
foutriquet 207
frère, frérots 271 n.
gaeel 152
gachenot, gachenat,
gachenet. etc. 150
gacot, gaenot, gecot,
etc. 152 s.
gagnon, gaignon 308
galer 229 n.
galafa, galoufla, etc. 228
galapiat, galaubi,
etc. 228 s.
galafr. galoufr, etc. 228
galmiche, galmicho 373
galmine 373
galmirô 373
galmite 378
galoper 229
galopin 230 n.
gamachon 368
gamin, -e 367 s.
ganafiat 228
ganet 325
ganette 325 n.
ganillon 326
garç aille 135 s., 151
- 403
garce 145, 161 s.
garcette, garce -
lette 148, 152 s.
garchonnal 150
garçon, gars 141, 145 ss.
garçon cel 147
garçonneau 147
garçonner 156
garçonnet 147, 148, 150
garçouniau 150
gargouillard 284
gai'gouillat, gar-
gouillis, etc. 234
gargouiller 234
garlttze, garlwzet 373
gasin, gasou 160
gaspiller, gaspii 235
gaspiyâr, gaspyeu 236
gaspiau(d), gasta-
pyô 235 s.
gâte 182
gâter 182
gâtière, gâkyèr 183
gaza 377
gazille 377
gazMt 377
gerziyô, grésillon 351
gnan nian, nian nian 361
gogars, dodas 151
gonne 325 n.
gonze, gonzesse 216
gosse 304 s.
gosselin, -e 304 s.
gouge 349 s.
goujart 350 n.
goujat, -e 349 s.
gous 304
*gouspigner 375 n.
gouspiller 375
gouspin, gousse-
pain etc. 374 s.
gousse 306
gousser 374
gringalet 318
grison 285
gruge-pain 374
guenas, guenias 226
guenon, guenuche 328
gueux, gueu-
gueux 188 n.
habyn 374
hagne-au-cu,
agnocu 303
hagner 303
hannard, hannot 269
hannes 269
hardeau, hardelle 283 s.
hart 284
héridelle 283 n.
hore, horette 203
houspigner. housse-
pignier 375
houspyn, houssepin 375
housse 375
houssepion 376
innocent
246
jau 339
Jean-bête 173 n.
jean-f outre 207
Jésus 191
jeunesse 123
jipoutre 193 s.
jipoutrô, gipoutrer 194
jeune, jeune hom-
me, jeune fem-
me, etc. 63, 259 a.
jeunet, -te, jôné,
-et 259 s.
jofnetus 67
joincle, etc. 67
jone, V. jeune
jon-tyê 301
jôpitrer, jupitrer,
etc. 194
jouvence, djevencé 66
jovencel, -le, jou-
venceau, -celle 65
jovent 123
jovente 122
juevne 62
jupin 192 n.
Jupiter, jupitar 192 ss.
kalibo, kaliboss
373 n.
kèlo
300
kin, quin, quinquin,
etc.
367
krêncô
351
krinô
351 n.
krinu
351 n.
laiton
246 s.
lapin
336
loupel
224
loupiot
■ 224
lucifar
192
lurot, lirot
337 n.
mabet, -te 374
macaque 244
machin, -e 211
macréa 376
mademoiselle 164 n.
magaio 373
magnée 133
maigneye 132
maigniers, maig-
nets 133, 136
maisniee, mesniee 133
maisnier 133 n.
maminot 376
mam'selle 164
mamzelet 164
manékin. manne-
quin 356
marâ, maro 189 n.
maraille 374 n.
maralle 374
ms^aud 188 s.
- 404
mariole 855
mariolé, -fce 355 n.
marionnette 316
mariote 329 n.
marjolet 355 n.
marjolette 355
marjolin' 355 n.
marmaille 333
marmaillon 333
marmayè 333
marmion 332
marmot, -te 328 ss.
marmotin 328
marmotter, mar-
mouser 328 n.
marmouselle 329 n.
marmouset 828 ss.
marmousin 329 s.
raaronier 269
marotte, mariotte 315,
855
marraine 121
massacre 280 n.
m.asnage, mesnage,
etc. 134
mazette 318 s,
màzet 377
mechtouille 378
meignat 132
mêlau 374
mêlot 374 n.
ménage, moinage,
etc. 135
mengue-pain 374
ménïer, méfié, mé-
nâo 133, 136
menin, méfié 312
merdeux, merdail-
lon, etc. 221 s.
mère 314 s., 357
merjalat, -te 355
merme, marme 334
mermel , marmel, etc. 331
mermet, mirmet 331
rnermouz
331
mérotte
314 s., 357
meschin, -e
;
mesquin
183
meschinete
183
mesquenne,
me-
quenne
184
miaillon
284
miaou
310
mias
353
miche
288
mie
273 n.
miette
273
mignat
132 n.
mignon
313
mignot
li32 n.
mine
311 n.
minet, -te
312
minois
270
rainut
312
mioche
273 s.
mion 273 n., 274
miot 273 n., 274 n.
miste 176
misteau 176
miston, -ne 176 n.
mistoudin 176 n.
mitte, mimitte 311
mogne 312
moie 376 n.
moineai, mainsné,
etc. 114
moje 322 n., 376
môme 195 s.
moraer 196
mômerie 195
mômesse, môme-
resse 195
momeur 195
mômignard, mômi-
chard, etc. 195
mômon 195
momoue 196 n.
morot 315 n.
morpion 351
morvaillon, mor-
vette 232
morvasse, mor-
vouse 232
morvate 2B2
morvatier 232
morveux, -se 2'^1 s.
mouchachou 336
mouchille,moukille 376
moujasse, mou-
geasse 376
moujhasson 376
mouse 290 n.
mousette 290
mousque 375
moussaillon 83
mousse 83, 375
moussepion, mous-
sepin 375
moustot 83
moutard 374
moute, moumoute 311
mufle 385
museau 270
musequin 270
mwskapê 375
mut&e 311
myo^e 273 n.
nafiot 110
nâhier, nâhi, nâ-
hiant 201
nâillou, nâilles 201
napille, napillon,
etc. 226 n.
napin, napon, na-
piot, etc. 226
nappe 226
naque 233
naquou, naiquou 233
nazyé, nazyèr, na-
zyôw, etc. 232
nenê 362
406
nias, njl. gniaa
'
pimousse,pimouche 376
l>ouj>ard. papar
etc.
853
piraperneau, pim
-
etc. 50,
271 n.
niaù. niPii. etc.
35.3 n.
pénau
348
poupe
46, 61
niais
352
pimpernel, pimper-
poupeau
61
nielle, miellé
353 n.
nelle
348
poupée
62, 354
niflâr, niflwSr
232
pimprenelle
348
poupelet
61
niflète
232 n.
pim«s
375
poupelin, popelin 61
ninette, nenet
362
pinagu('
373
poupette 51
s., 354
noquet. nocut
114 n.
pinoket
373
poupin, -e
60 8.
norreçon
109
ploie, piaule
326
poupon, -ne
47 s.
nounou, nunut
pisseuse, pissouse,
pousse-cul
114 n.
noiiot
362
etc.
222
poussin, poucbin 337
nourrain
109
piss'pète
223
poussot
114 n.
nourrisson
109
piti, -0 26 n..
250 s.
poutre 194,
318 n.
nourriture
109 n.
pivaste
385
ptéro
378
noyau
358 n.
piwiche
343
puant
225
nonôw
323
pogasser
346 n.
puceau
87
pognasser, pou-
pucelle
85 ss.
ôhiô
343
gnacher, etc.
346 n.
pucelete, -ote
87
ouvray, ouvré, etc. 160
pogne
346 n.
pue
84
ouvrère
160
pognon, poignon
276 n.
pulcella, pulcell
K 87
pognu
346 n.
ptirjiné, pwrjiné
354 n.
par
50
pogue
346 n.
parpaliot, parpaillot 197
poison
200 n.
quenaille (kénay
) 136 s.,
pauche
376
polie
84
298 ss.
pauque, poque
377 s.
pommeau
279
quenaillon,
pauvre
180
ponas, panas, etc
. 354n.
quenaillin
300
pequion. -oune,
etc. 252
ponçhu, ponhut,
quenas, quenias
226 n..
pet
219
etc.
345 s.
801
pet
878
ponnée
354 n.
quenasse, quéniasse 301
peterine
378
ponner
354 n.
quenet, -te
300 s.
petiot, -e, piot,
-e.
popot, -e
49
quenielle
301
etc.
249 ss.
populo(t)
198 ss.
queniot (kèno)
298 ss.
petiro, petirot,
poquette
H77
queniotte
300
ptirat
378
pougnon, pou-
quenot, quenau
803
petit, -e, etc.
249 ss.
gnasse, etc.
276 n.
quenuche
301
petit bout de
pouillasse
224
queugne
301
monde
276
pouillassou
224
queun'ton
351
piaillon
234
pouilleux
224
piànt, planche,
-on 225
poulet, poulette
337 s.
rabo
846
pichuette, etc.
222
pouliette
337
rabolè
345
pigeon
342 n.
poulot, poulotte 85,
race 136 s.,
197 3.
pignier, peigner
375
887 s.
rache, raiche.
pillon, pion
236 n.
poupadrele
50
rachine
198 n.
406
ragace, ragache,
etc. 142
rat, rate 334
ratotte, raitotte 834
reine 162
rejeton 285 n.
robichon 269
robinéte 269
rogneux, -se 224
rojê 291
rotelot 342
sarvante 169 n., 184
sent-piant 226
sotelot 236
tendron
285
tintouin 868
tousart, tousel 265
touse, teuse, etc. 264
touselle 264 n.
touset, -e 265
traignau, traîniau 281
tremplin 864 n.
trine 173
trognon 291 n.
trot 271
trottignon 271
trotte-menu 363
trou du cul 271
troufignon 271
trouspin, troussepin 875
trousse-pet, trousse-
pète 228, 875
valet, vaslet, varlet,
etc. 167 ss,
valeton, valton,
etc. 167 ss.
valot, varlot. etc. 167 ss.
vassal 167
vierge 68
virgene 68
vispi 875
vispin 375
vitaut 271
waignon 808
wel 321
zig, zigue
877
Germanique (ancien).
cefes, cyfes
138 u.
*hard
284 n.
kroppr
856
herda
284 n.
kruppa
356
fud
271 n.
hirdir
140 n.
hora
208
slibts
116
garSsveinn
145 n.
Garsindis
145 n.
kefsir, kepsir 188 n.
wahtari
141
gart, gartja 145
281 n.
knapi
226 n.
*wartja, warza
145 n.
Gre
c (ancien
et moderne).
àvïj^og
52
Konéh
205
naiôagiôiov
89, 41
KÔQIJ
41 s., 52
naiôàgiov
41
^éKKOg
(iOTTjQ
240
140
JUIKÔS
274
jiaibiauàQiov
Jialg
41
187 n.
PovTiSi fivng
286
HIKQÙS
54 n.
jraÀÀauiij
826 n.
fiQé(pos
41
jràÀÀa§
871
vaviov
41
nàXXr}^
41, 53
yôvos
325 n.
vi]jziov
871
naXXiuàQi
371
dvQOog
141
265
vtjjnos
vivvLov
371
41
JTÔÛOS
54 n.
148 n.
KOUK&Va
341 n.
ÔQ(pavrj
52
uonèka
206
oQ(pavôg
52
OKàvdos
349 n.
— 407 -
abbiatico 106
abladhesi 106
acantia, voy. va-
gantia
adolescente 67
angiolino 191
animetta, anemeta 177
an tri ta 290
arredo 107 n.
arèj, ares 105
armèri, -ja 385
babbi. pabbi 347
babiôt 347
baciocch, -a 278
baciocchin 278
bacol, bagol 282
baga 286
bagadialla 118
bagadiu, -a 118
bagagg, bagage,
etc. 212
bagagio, -a 212
bagaglio 212
bagai, -a 212 s.
bagajètt 214
V)agajn, -na, ba-
gaiein, -a, etc. 214
bagajœu, bagaièul 214
bagantiu, -a 117
bagarellu, bagarillu 214
bagarin 214
bagascia, bagassa 157
sô 157, 203
3sa 167
ta 167, 203
bagasu 167
bagatel 214
bagatella 214
baggiana, bazana,
etc. 290 n.
baglet 282
Italien (et patois).
bagol a(r), baolà 282 n.
bagoli 282
bagôn 286
bagonin, -uc. -éc 2b6
bajaneddu, -a 290 n.
bujania 290 n.
bajauu, -a 118, 290 n.
bala 287 n.
baient 287 n.
ballotte 287 n.
ballottino 287 n.
balôc 287 n.
baloèus 287 n.
baloeut 287 n.
balôt 287 n.
bamberottolo,
bamberot'tolino 238
bambinello, -a,
bambinetto. -a.
etc. 237 s.
bambino, -a, etc. 237
bainbo 236 s.
bamboccio, bam-
bocc, etc. 238
bambolo, -a 238
bamboro, bambo-
retto 238
banimino 237. 358
bar, -a 324
bardasciamme 136, 202
bardassa, bardas-
cia, etc. 201 ss.
bardasset, bar-
dassin, etc. 202
bardassôn 202
bardetto 320
barullo 37
bastardello, ba-
stardaccio 203 n.
bas ter d 203
bastriich 204
batocc 278
i bava 361 n.
i bauoso, vavusu 233
[ beco 240
j bedra 287
j bello 176
} berc 185 n.
bigàt, bigatto 313 s.
bille bille 341 n.
bimbetto, birabino 239
bimbo, -a 239
boço 260 n.
bodàn,- -a, budà?; 287
boder, -a beder,
boeudar, etc. 286
bodero 287
bolgir, buzer, buz-
ra etc. 208
bordelleria 208 n.
bordelletto 203 n.
bordellino, -a208n.,3l9
bordello, -a 208 n.. 319
bordellotto. -a 319
bordlèin 194. 313
bot 112
botacinec, -a, bo-
tacec, -a 286
botasc, botas. etc. 286 s.
botascel 286
bôz, bùz 287
bozar. -a 209
bozarâ, buzarar.
bolgirâ, etc. 207 s.
bozaret 209
brighella 247
brighellin, -na 247
brigol 247
brisa, brisin 275 n.
broscho 260
bùbel 53
budanas 287 n.
budeleto 209
biifi. -na. bofi. -na 386
— 408
buggera, bolgira.
bozzera, etc. 208
buggerare 206 ss.
buggerone, buz-
zeron 207
burchio 39
burdell, -a 194, 205 n.,
819
burdu 205
busrètt 209
bùttero 140
buzaro, buzareto 209
buzren 209
caca-nidu 218 n.
cacarozze 176
caezùn 175
câjri 385
canaglia 299, 302
canaja, canaj 301 s.
canajun, canajusc 302
capocchia, -o 279
carocce 175
carôcele 176
carœu 175
caruccio 175
carusari 268
carusu, caruseddu 268
cavillare 28 J n.
cece 271 n., 289
cecino 271 n., 289
cecio 289
cecione 289 n.
cein, cinein, cini-
nein 257
cen, -na 257
chiappa 216 n.
chiappare 192, 215
cbiappino 192
chiappola 215 n.
chiappolino 215 n.
ciabbotte, ciam-
motte, etc. 295
ciacce 185 n.
ciaciône 185 n.
ciammajiche, ciam-
maïcône 352
ciapà 192, 215
ciapi, ciappin 192
ciapine 215 n.
ciapott 214 s.
ciapôte 215 n.
ciapotêl 214
ciapottà 215
ciapottin, -na 214
ciapottôn 215 n.
ciccia 185 n.
cicco 249 n.
cicin, cieinôt 281
cicitte, cicette 382
ciciù, ciciota, eic-
ciuto, -a 185 n.
*cifrifcto ■ 192
cifro, cciferù 192
cillu 334
cin. -na 257
cinci 271 n.
cininu, -a, cinuculu 258
cinu, cini 258 n.
ciôciô, ciôcia, etc. 361 n.
ciocio, -a, cioci,
ciucciu 361
ciocio, ciosce 361 n.
cit, -a 256
citin, -a 256
citolo, cittino, etc. 382
citrullo, cetrulo 37
citto, -a 382
cituru, citra 382
ciullo, -a 38
coc, coch 340
cocca 340
coccai 280
cocco, cucco 340
côcen, cociônn, etc. 304
cocchiunie 280
coco 340 n.
cocolo. cocolin 340
cocone 361
cosa 210 s.
cosina, cosettina,
cosolina 210
cosino, cosettino 211
coso 211
cot 384
cotih, cutiri 294 n.
çovencelo 65
çovene 33
cream 77
creatura, criatura 76
creaturi, criaturi 76
creaturina, criatu-
rinna 76
criât 74
criatureddu, -a 76
crot 347 n.
cuccio 304 n.
cucciolo, cuccio-
lotto 304
cuchein 340
diaoli 192
diavoletto, diavo-
lino 192
donna 162
donnin(o), -a, du-
nen, -a 162
donzella, dunzella,
etc. 165
donzello 165 n.
donzellona 166 n.
dzitell«, -a 154, 382
dzitellMtctt, dzitel-
lugulu 383
ères 105 n.
fagiuolo 290
famei, famey 124 n.
famel'u 125 n.
famiglio 124 n.
fànc, fancia 33, 35
— 409 —
fancello, -a, fan-
celletto 39
fancilla 139
*fanc,illu 884 n.
fancitt 38
fancieullefcto, -a,
fanciullino, -a, etc. 88
fanciullo, -a 32, 37 s.
fanciot, fanciotin 34
fandelle, fandel-
lucce 36 s.
fandsein, -a 36
fant, fante, fent 28,
32 ss.
fantasima 194
fantella 36
fantetto 35
fantia 33
fanticello, -a 39
fanticino 35
fantin, fantein, fan-
tino, -a 28, 38 ss.
fantinello 85
fantineto, -a 33
fantoccello. fantoc-
cino 355
fantoccio, fantocc 355
fantoli, fantulin,
fantolino, -a 83 ss.
fantuz 33
feue, fencia 35
fenciti 35
fazeul 290
fazeulott, fazûlù 289 s.
fetaccia 72
fetaccie 71 s.
fet6 71
fétu 71
iidjywrilw 104
fiëta, fiëtina 108
figgiuamme 104, 185
figliacca,figliàccara 103
figlietto, -a 102
figlino, -a 102
figlio, -a, fio, -a,
etc. 99 8.
figliolame 104
figlioletto, -a,fiolètt 108
figliolo. -a, fiol. -a,
etc. 99 ss.
figliolino. -a. figgioin,
-a. etc. 108
fîglioluccio. fiolviz 103
figliuzzo 103
ûhlelu 103
fiolôt, fiulott 101, 103
focètola 342
foutrichet.fotrighet 207
fraila, fraola, etc. 370 n.
fricchiiio, frichi,
etc. 247 s.
fricitto 192
frucchino 248
frugolare 248
frugolo 248
fuciar, fuciarin 216
fuciai-a 215
fuentu 384
fufgnar 248
fufgnein 248
furiccliio 248
futein, futen 207
*gagan 140
gâl, -la 884
galoppare 229
galùp,galupàss,etc. 229
galuppo 230 n.
galiip, galop, etc. 229 n.
gannire 308
gardettu 156
garsunamme 155
garzonato 154
garzoncello, -a 154
garzoncino. -a 154
garzone, -a, garson,
-na, etc. 15B ss.
garzonetto, -a 154
gatt, gattin, gattozz,
etc. 314
ge^an 140
genit, genik 244
gigia, gigiôta 384
giovane, giovine 60
giovanetto, -a 60
giovan(o). -a, gio-
vanu, -a 61
giovanotto, giovi-
notto, etc. 60, 62
giovenello, -a, gio-
veniello, -a 60 s.
giovincello 66
git 285
git, gik 244, 285
gitôn, gitonàsc 285
gjuvo, gjuvena 61
gnafèl, -a 385
gnarel, -a 353
goeniii 61
gognin 326
gognolino 326
gonnella 269 n.
gonzo 216
grioeu 291
guaglioncello, -a 308
guaglione, -a, gua-
gnone, etc. 307 s.
guagnasta, gua-
gnastra, -ella 272
guancia 272
guattero, sguattero 141
heredex 105 ss., 135
infant(e), infanti.
etc. 82 s.
innocente 246
joeu 324
junfra, giônfra 370
kizel, -a 385
kreat, -a 74
410
laurzèl, laurzèt,
laurzi 211
lavôo, Içr, laùr, etc. 211
lavorel 211
lavorsell, -a 211
lavorsellin, -na 211
lilin 362
lorih 211
lucifero 192
macac, macagn, etc. 245
macaco, macacco 244
inacà(n), -a, etc. 2b3 n.,
243 ss.
macanèl, macani 244
ma^^arellM 120
inacarô, macarù 244
maccaroni 244
macchetto 244
maccu 244
macô, macù 244
madamosella 164 n.
magasinata 134 n.
magatèll, -a 855
magatellin 355
marnin, mimin 358 n.
mamma 357
mammasé 357 n.
mammein 358
mammeina 358 n.
mammina 357
mammino 237. 358
mamniolo, -a, mam-
mulu, -a, etc. 357
mammoletto, -a.
mammolettino 35?
mammulinu. mam-
mulineddu 357
mammuocco, mam-
muôccîolo 238, 355 n.
mamolino 357 n.
manan, minin 314
manéa 385
mangiapane, man-
giapàn
374 n.
maràia
384
marain
384
maraiôt, -a
384
maràc, marasce
384
marascitt
384
marc, marcia
190
marcin, -a, etc.
190
marcio
190
marciolin
190
marmaglia, mai
magia, etc.
338
marmel
334
marmelin 328
n., 334
marmocchio
333 s.
marmottino
334
marmott(o). -a
383 s.
marmuttône
333
marottu
190
masàcher, maz
-
zàcor, etc.
280
maschiettino,
mas'cettin
119
maschietto, mas
ciett. etc.
119
maschio, mas'c
119
maschione, ma-
sciôn, etc.
120
maschiotto, masciot 120
masciota, mastiotta 120
maskra
328 n.
masnà
133 s.
masnadha, maso-
nadha, etc.
134 n.
masnaiëta
133
masnaiin, -a
133
masnaiôt
133
masnôi
133
massacri, -o, etc.
280 n.
massarin, massa-
rein
211 s.
masserizia
212 n.
mat, -a 240 ss, !
matêt, -a, matot,
-a, matèl. -a, etc. 242
matosa, matusa 243
mattacc, mataccia 243
matto 240
matù 243
mazza, mazeta 318 n.
mazzoca, mazucch,
etc. 279 s.
mazzoch, mazzocca 280
mazzocola, maz-
zochera, etc. 279 s.
mazzucon.masucô 279 s.
mazzucot 280
meiiielle, menella 90
meninne 862
meschino 188 n.
migno, mignào 311 n.
mimmo, -a 368
minchione 271 n.
mindigh 179
minnu 311 n.
miscinghinu 233 n.
mocc 321 n.
moccichino 233 n.
moccione, mocci-
cone 233, 245
mogia, mogiôn 821 n.
mognà 312 n.
m.ognôn 312 n.
monda 384 n.
mondi 384 n.
mondin, -a 384
mondolin 384
mone]](o), -a 89 s.
mucciaccia 336
muccosu 233
mucio 335 n.
mu], miilet 204
mulo, -a 204
mûniidi 258 n.
nacchera, nacchero 176
naccherino 176
- 411 —
nân 855 n.
nana 362
neniiillo, nennella 862
nerc, nercia 188 s.
nerchio 186 n.
niaroeu 852 s.
nidiace 852
ninèta 862
ninin 362
ninna. nanna, nonna 362
ninnarella, -erella 362
nin(o), -a, nini, etc. 362
ninoèu 362
niœu 354
nipju 371
norin 109
paddikédda 371
palpastriéllo, pal-
pastrell, etc. 336
pargoletto, -a 79
pargolo, pargulo 79
parruca, perruca 44
parvoletto 79
parvolino 79
parvolo. parvulo 79
patozz, -a 59
pcit, -a 256
pcitin. -a 256
peocerillo, pecce-
rella, picciriddu,
etc. 255
peccioncella 342
peccione, pecciu-
nette 342
pecciuotto, -a,
picciottu, -a 256
peiu, -a 385
pelone 44
pericolo 44
pesare 44
petol(o), petél, etc. 219
pett 219
pi 384
piccinnu 81
piccino, piccinino 81.
257
piccioccheddu, -a 257
piccioccu, -a 81, 257
piccioni, piccione 342
picciuliddu 256
picciuteddu, -a 267
piéc'niê, ch'nië 257 s.
piccolo, picciolo,
picol 255
picen,-a,piscen, etc. 267
picenin, -a, pisci-
nin, etc. 267
picett, piccittu 256
picial, piciali 228
picinnu, -a 81
pièll 44, 53
piltrù 44
pilù 44
pinein, -a 886
pini(n), penin,
pinina 886
pipera 44
pipera 34I
pipéria 44
pipi 341
pipi(n), -a 44
pipino 341
pipiu, -a 44
pipieddu, -a 44
pipistrelle 386
pippione 842 n.
pisà 44
piscione, -a, pi-
sciacchera, etc. 223
pisèddu 289
pispola 842
pispoletta 342
pispolino, -a 842
pissai 223
pistello, pestello 279
pit, pitin, piti 266
pithinnu 81
pitsinnu, -a ,81
piva 234
pivàster, pivastro 386
pivell, -a 53
pivellàda 53
pivellaria 63
pivellin, -na 63
pivellôtt 63
pivettu 384
pivo 385
poeusc, poeusg 200
pol, -a 84
pollanca, pollan-
chella 339
pollone 88, 285 11.
poUastro, -a 888
polastrotto, polas-
trôt 838
poltrone 44
poppin, -a, poe-
pin, -a, etc. 48 s.
pop(o), -a, pup(o),
pup(p)a 43
popô, -la 45
popϝ, -ra 45
popolin, -na 45
popô(n), -a 46 s.
poponi, poponèin 45
poporin 45
pôta 271 n.
pôttazzôl 69
puà 52
pulcella, puncella,
etc. 86, 89
pulcello, pulsèll,
ponzel 89
pupata 52 '
pupe 355
puppon, -na, pup-
pun, -na 46 s.
pupucce 366
puse 54
putattello 69
putatto, -a 69
412
putazzo, -a 59
puteleto, -a 58
pute](o), -a, pôtel,
-a 66 ss.
putilut 58
putin(o), -a 56. 58 s.
putlottel 58
putoèu 59
put(o), -a, pot, -a 55 s.
putto, puttu 55 ss.
omettino
omi
355 n.
b55
quaglia, quagliozza 341
quatragnotte 115
quatrale, quatrane,
quatrare. etc. 115
rabacc, rabôcc. ra-
bôccin 383
rabacchino, rabac-
chiuolo, etc. 383
rabacchio, rapac-
chio 383 s.
rabacchiotto, ra-
pacchiotto 383
rabai, rabajein, ra-
boj 383
rabètt, -a 383
rabottèll, -a 383
racnel, raganell 347 n.
raganell 347
raganella 347
ragar 143 n.
ragazza ('pie') 143 n.
ragazzetto, -a. re-
gazzetto, etc. 144
ragazzino, -a, ra-
gazzen, -a 142, 144
ragazzo, -a 141 ss.
ragazzotto, -a 143
ragazzuolo, -a, ra-
gazzol, -a 144
ragna 347
*ragna 347 n.
ragnell 347
rais, raissa 104 s.
raisa, raise 291
raisin 291
ranabocchio 347
ranèin 347
ranocchiettaccio 347
ranocchino 347
ranocchio 347
rapare 384
razaëî 105
razza 198
reda 106
redes, -a 104 ss.
redex 105 ss.
redo 107 n.
regazzo, -a, reazzu,
etc. 141 ss.
rità 107
sat 293
scacchià 282
scacchiatarije 283
scacchiate 282
scacchiatèlle, -ille 283
scazzôpulu 349
scazzueppele, scaz-
zuoppolo 348
scet, -a 116
scetèl, -a, sceti,
-na, etc. 116
s'cetôn, -a 116
schiatta, stiatta 198
schiattone, -a, stiat-
tone, -a 198
schietto 116
schiettn, schettu, -a 116
sciasciare 231
sciascillo 231
sciascio 231
sciât, -a 293 s.
sciatel 294
sciatù
294
scinùetta
327 n.
scimiotto
327
sciôr
282 n.
sciorscell, sursel,
etc. 282
sciot, -a 293 s,
sciottèll 294
sciuscioèu,suscioèu 246
scuàcquere 385
sgolato 190
sguaiato 190
sguàn, -a 384
sguansgia 272
sgufato 190
signorino, -a 166 n.
simbra 382 n.
siora, sioreta 370 n.
siu 385
snerc 185 n.
spassos 248
stacca 317
steddu, isteddu 117
sterla 116
stronzèll, -a, stron-
zolo, etc. 220
stronzo 219 s.
suscià 246
tancia 173 s.
tancina 173 s.
tappascèl], tappa-
scellin 363
tappascià 363
tappascin, tappa-
scinèll 363
tapati, -na .364
tarapatàn, tarapa-
tam, etc. 364 n.
tarapaten 364 n.
tarapati, taram-
panti 364
tatà, tato, totô 360 n.
tato, -a 113, 360
— 41^
terachia
141
trapol
\m M.
teràcu
141
trapolèt
364
tèto, -il
860 n.
trapolino, trapoU(n) 864
tette
m) n.
trottola
296
tetttMi
246
trottolino. -a
296
tignoso
224 n.
turacciolo
980
topiiio. mpen
385
topo
835
ùttero, -a, vùtte
ro.
torsec, torecc
200
-a
140
torso
265
vagantîa, vaganteja,
tortèl
288
etc.
117 s.
tosana, tosanela
!
vagghianu, -a
118
etc.
262
vagolare
282 n.
tosett. -a, tosii)
vakandie
118
etc.
261 ss.
varzijje
155
to8(o;, -a, tus. -a
260 ss.
vâtar. wâtar
140
toson, tosonot
262 s.
vava
361
iosot, -a
262
vavareddu, -a
361
tôssec, tôssegh
200
veleno
200
tôt
384
vergine
68
tôt
384 n.
verre
326 n.
toto. -a
242
voi, voiiia
384
tôtol
384 n.
wajone, wafone
308
totona
242 n.
warzittu, warsittu.
trampolino. trap
-
varzetto
155
polino
364 n.
warzone
155
zaïinellu, z&nello 8Ç|2
zaccaro, zaccariello,
etc. 22() s.
zagano 140
zago 140
zancolla 385
zânellin. zftnellin 352
zetelluccia. ziti-
duzza 382
zitello, -a, zetèlle.
etc. 382
zitellone. -a, etc. 882 n.
zito. -a 382
zoniii 61
zouenat. zovenata 61
zovan, zovna, zuen,
-a, etc. 61
zovenetto, -a, zixe-
net, etc. 61
zulle, ziillette 38
zuvnen, -a 61
zuvo 61
adolescens 67
alba 270
albatus 269
anas, anaticula 337 n.
ariimalia 136 n.
aj)tifioare 103
*avius 79
baca 214 n.
baccalaria 172
baccalaris 172 n.
baccalarius 172
*baca3sa. *bagassa 166
baculum, *baccu-
lum 278, 282 n.
212
Latin (et bas-latin).
i baiana, faba ba- |
I iana 290 n. j
bajulare, bajulus 110.
balneare 110
bocula 66, 320 |
*bovitta 66, 321
braceola 160 n.
bulgarus 207
*bursatus 270
burdus. burdo 205, 819
carduus 145 ii.
catellus 303
*cat(ti)culus 307 n.
catulus 83, 306 ».
cocciim 340 n.
cocljio, cochonus 280
coturnix 841 n.
creamen 77
creatiira 69, 75 a.
creatiia 74
cacare 218 n. i damnuni 168
calcare 234 j dolens 181
canis 298, 301 \ *dominicellu9, -a 168
capillaturiae 266, 268 j dominus, -a 162 s.
captivus 182 1 doninulus, -a 162 s.
414
fàmilia
famulus
■*fantèo]u.s
fêta
♦fetiolus
fétus
fifilia
filiolus, -a
filins, -a
*fratrinus
fructus
fur
*furicare
*furiculare
fntuere
gàllina
gallus
galuppus
gannire
garcio
gobio
gossus
gui a
liardellus
*heredita
liereditas
hères
homo
128
128
87
71 s.
70
69 s.
99 11.
78, 100
94. 100
112
78
248
248
248
206
840 n.
889 11.
230 n.
808
146
848
804
229
288 n.
106
105
104
183 n.
ignarus 868 n.
impubes 52
inerementum 217 n.
infans, infas, ifans 28 ss.
infantulus 78
innocens 246
intonsus 265
JQvenalis 64
juvenca 66
*juyencellus. -a 65 ss.
juvenculus, -a 66 s.
juvencus 64, 66
juvenis
juventa
*jnventosus
jnventus
labor
liber
59 ss.
122 n.
67
122 n.
211
28
244
maccus
maisnagium, mas-
nagium 134 n.
*malehabitus 190 n.
mammula 857
mancipium, iiiaii-
cipius 12. 188
mansio 182
*mansionata 128. 125
*mansionaticuin 123.
132, 134
*inansionaticus 134 n.
marmosefcum.
mariuoretum 380 n.
*martellinus 279
mas 189
masculus 279 n.
masnata. masiiada 125
massa 212 n.
mendicus 178
meschinus. mis-
chinus
meta
mica 278 n.
*minimalia'
minimus 812 n.
minor
monedvila
muccus
mulus
musculus
musteus, -
mustus
*mutidus
188 n.
876 n.
274 s.
388
, 3:-34 n.
181 n.
89 s.
288. 245
•204
886
81 s.
874
885 n.
na])us
226 il.
natus
28 11.
*nidaee
852
*nidacula
852
*nidalis
352 s.
'•'nidariu
852 s.
nidus
852
*nucale
858 n.
nutrimen
^109
; ociiluni
^pallacaua
pappare
j pargullinus
! pariare
*parvius
I parvulus
parvns
821 11.
826 11.
280
235 11.
44
79
10, 24, 77 s.
77 s.
mutilus, -muttilus 385 n.
mntus 241 n.
passer, passercula 842ii.
patronem 259
panca 876
pecora 44
peditum 219
pipi») 258
pisinnus 10. 81
pitinnu.s 80
Pit/.innina 80
*pitzinnu.'« <S0
populns 186
jiopus 41
pubes 40
puella 9, 89
*puell(i)cella 86 n.
puer 6. 9. 23 ss., 89.
187 11.
]iuerculus 28. 89
pnerulus 78
*puHcella 86 n.
*pul]icella 85
*pullinus 84
*pullius 889
pulhis. -a 10. 88 s.. 88,
285n
337
410 —
pupillus, -a
52
^racatius 148 n.
tonsus, -a
260 HH
*ini|»pa
10 11.
*radicai-e 143 n.
tosta
264 11.
pujmlus. -a
58
ragatius, regatiu»,
piipus. -a
9. 4»J 8s.
etc. 141
vacaiis
117
puKillus
78. 80
ragaziiius 141
*vacantivii8
ir<
pnsiiiiiiia
80
*rapacnlus 884
"Vacativa
118
jinsio
86
rapax 884, 386
vat-iviis
117
pnsus
58
rapmu 384. 886 ii.
vagus
282 u.
putilla
54
vasletiis. val*
tus.
pntillus
217 n.
sianiimni 163
etc.
167 11.
*putium
272
somnus 168
vassallus
167 11.
*puttii8. -a
55 n.
sterilia 116 s.
*va8(su)littiis.
jtutus. -a
y. 51 s.
strigilifer 141
-{(ttus
167
surcellus 282
■*vassulus
167 n.
*<|uartariu
115
surus 282 n.
vassus
virgo
167 n.
68
raca. raga
143 n.
teiier 81
*virgula
68 n.
racana
347
*therapi(iis 141
*vitella
822 n.
Wt^enie
kintl
Néerlandais et flamand.
370 , krut. krutje 844 n. ^ sclielvis
I ! schoinmel
367 1 maneken 856
849 11.
864 11.
Portugais.
adolescente
67
criancola
108
maïuebo. -a
139
criar
108
menino, -a
313
liagaxa
157
criatura
77
mignâo
313
barregâo, barregà 826
moçinlio, -a
82
barregueiro
326 11.
donzel. -la
166
mo(;o, -a
81
hordegâo
205
ino«;ozinlio. -a
82
l)ueh()
335
fedellio
72
moino
196
bngiuico
328
g air HO
158. 156
iiiiii. iieiK'
8H3
ca^apo
807
garçoa
156
racliopiulio. -a
306
gar(.'om
156
pai'vulo
79
rachopito, -a
306
go/.o
304
pequeno. pnque-
cachopo, -a
806
note
81
cliico
•249 n.
infante, -a
•29
pequerrucbo
81
creaiK.a. erianva
106
polha
85.
338
cria
108
joven
64
polhastro
888
criaçâo
108
poncella
88
rrianoinha
108
mîineebinho.
-a 199
piicella
85
. 88
416
rapagâo
386
rapazào
^ 386
rapar
:-i86
rapazellio.
lapellio,
rapariga, rapaii-
etc.
386
ginlia
886
r?ipazola
386
rapaz. -a
386
386 I seiiliorito. -a
zagal. -a
h^^) II.
68
372
Provençal et franco-proverical.
adoulesoènfc, -o 67
agnelouii 323
arbajou. -uo 381
ârè, airet 378
armaille 186 n.
ârmalho 320 n.
armeta, armetot 177
àvi 79
babarot. barbot 351
babaroiitoun 352
babi 346
baboui(n). etc. 327
bacalar 17
bachelar(d).-ardo 171 s.
bachelo 158
bafot, baenot, etc. 159 s.
bagasa. bagasso 167,
203
bagassouii 167, 203
baichot 169
baissoutotte 160
bajou, bayou 381
bajoun, bajounet 381
bambin, -o 238
bambinot. -outot 238
barbelaio 348
barbelas 348
barbesiii 862 n.
barbesino. berbe-
sino 136, 352
barbèu. barbèl,
etc. 307, 348
bardatcho 202 n.
baset, bàaet. etc. 159 s.
bastart, bastardo 205
bèc. bèco. bèico 239 s.
hedeto. badefa,
etc. 322 n.
bello-de-mai 173
bessaula, bressaula,
etc. 160
basoleta 160
bèta 366 n.
biqui 276
biquinnerre 275
blanc-bè 272
bô 345
bobet, -a 366
bogli, boye, etc. 66,
320 s.
bogné, bogne. bo-
iiion 288 s.
bogne, bugne. bei-
gnet, etc. 288 s.
borsat 270
bort 205
bot. bwot 111
bote 345
bouata 270 n.
boudissoun, bou-
douchoun 281 ii.
boudoli 287
boudro 220
b6udro(c), -o 220
boudroucou(n) 220
bouèbè, bwbotè,
bubô, etc. 366
bouébot 366
bougnoun 289
boumbo, boumbeto,
boumbùti 277 n.
bouta 369
bouza 218
boyaude, boyet 321
braiet. -o, bragueto,
etc. 269
braise, biaiza, etc. 276
bi-auqua, brôcca 271
brecot, -a 881
brot 284
huduûo. bttdif,
etc. 269 11.
bueb. -a, boube, -a,
etc. 365 s.
bwata 66, 270 n., 321
bwateta 321
hwuteyv 111
cabilha. caviha 281 u.
cabilho, caviho 281 ii;
cabillou 281 n.
cacouat 218 n.
cadelard, codelard 303
cadelas, -so 303
cadelou(n) ^ 303
cadet 114
cadèu, cadèl, clia-
dèl 285 n., 303
cagas 218
cagassounet 218
cago-nis 218 n.
caitiu 186
cat. cato, catoun 309
causa, cosa 210
causilhou 210
causou 210
chat, chato 309 s.
chatou(n), -o, cha-
tounet. -o 309 s.
chaucha 234
17
chaiichoiiu. cliaii-
('honnt't 2'ài
chejti 182
chichai IVii
chie-nid. tchenni 218 n.
chin, -o 254
chiijueto 268
chourro 826
eibot 29B
coco, uocota yiO n.
cocot, cocoto 540 n.
«■xinilh, counni B3B
coto, coueto B40
coucarrou B46 n.
couteto, coteto 840
coutino 840
«rapaut, -e, etr. 814
crapautallie. car2)au-
talhe 841
crapautin 844
créât, criât 75
creatura, -o 77
creaturoun 77
cucass, cucarrou 846
cuco 846
cyo 218 s.
(ioinizèn. <l(>iin/i
1 164 11.
(Ion s et
164 n.
doussoun
264
drôle, -o, (li(
11*
• .
-o, etc.
878 ss.
droiilas, -ass(
879 n.
droulet, -o
879
droulihonn
;580
drouliu
879
droulot. -o
:',79
droviloun, -<>.
droulouiiHt
879 s.
efas 26 ri.
enfanson, eiifan-
çouu 81 s.
enfant, efâ, etc. 26 ss.
enfanta, -o, in-
fanta, -o 6, 29
enfantet, -a, en-
fauton, etc. 81 s.
enfantin 81 n.
enfantina 81
esclau, esclabe 138 n.
esterle, esterlo 117
esterlet ' 117
daniayselot, -o
danio
damisèu, danii-
sello, etc.
diablet, diablot
diago
diague
ilolê, -ta
don(e), dwn
doiio, donno, etc
donzala •
donzel, -la
donzellet, -a
donzellon
dounzeleto
dounzello
donnzeloiin
164
168
164
191
189 s.
139
181 s.
162 8.
. 163
165
164 s.
164
164
164
164
164 n.
817
fâfiyô
faille
familha, faniilli
fant. font
fantett
fantin, -a
fantou
f^ do 71 ss..
fedou(n)
félô
fënà
f en Ole
feya, faya
fignolet, -a
fif. fœf
fifet. fé^et
îfilheta. -o
82
78. 823
124
28
81
28. 31
28
n., 323
73. 317
871
121
121
78, 328
176 n.
96
95
96 s.
tilho. tiho, etc. 96
filhon, fihouu 98
filhot. -a 97
filhoto, fifot«no 97
filhounèl, filhounet 98
fintiltt 31
foiitescj, fouto 207 n.
foutissou, fou-
trassoii, etc. 207 n.
fovitri<^uet 207
gaf 286
gafa 235
gaf et, gafeto 236
gafouia 284
gafouioun 234 si
gagndun, goua-
gnôu . ;K)8 n.
gala, gola, etc. 229 n.
galan, galané 1.89 n.
galaupar 229
galavar(d) 228
galavarda 228 n.
galoupin 230 n.
gamasson 368
gamin, -a. -o 178, 367 s.
galéza 175
garbo de civado 281
garçonne, garçonne 162
garçounot • 160
garlhapat, galapia,
etc. 228 s.
garsi 148
garson, -a 148
gar8ou(n) 149
garsttnela 163
gartz, garsa 148
gaudiifet 296
gaudufié 296
gaudufo, gaoduflo.
etc. 296
galyon 271
gnârœu 363 n.
gnaire, gnarro 363 n.
418
gôbi. gôfi 849 n.
gojo 849 n.
gona. goiina .■325
gone 325
gonet. ganet 825
goro 825
gorri, goïU'rin 325
goz, gous 304
goudoiirte, g')u-
flnnnfle 296 n.
gonjardo 861 n.
gOTTJat. -<>. gonyat.
-o 849 ss.
goujo 860 s.
goujo ('truie') 349 n.
goujon! et. -o 351
goujou(n) 349 ss.
goiirrinot. -o 825
gouiTouneto 326
gousso 805
goussouu 305
gouyatote 861 ii.
gracieux, -se, gra-
chaii. -sa. etc. 175
grapaïou 344
grapandaio 344
grapant. grapaôu 344
hedo. liede 72
hilliote. liilhouteto 97
hifnko. liulhuco 99
inkrsinin. ékremé 217
imioucent 246
joine, jouine 63
jouieu 176
joùvenèl, -lo. jou-
benèi, -lo 63
jouvenome 63
jouvent, joubent 122
.jouvento 122
Jouventuro 122
joUventut, joTiben-
tnt 122
jove. jouve. -o. jou-
be 63
joven. joveiit 122
jovencel. -la. jou-
veiicèu. -cellf) 65
ko^tt. koeè
881
koulotïr
269
koyn
270
krouëtsyo
189
' marate, malate 190 n.
I marbioncho 381
I margoul, margou-
! lis. etc. 235 u.
margoulin, -o. -ot 235 n.
niarmaio. niarnialbo
320 n.. 333
i inarmaionn. mar-
i malbou. marma-
krouyo.krouè. etc. 188 s.
kupardé 881
levito. nevito. etc. 172
macboto
maclioutin. -o
maclat
maclia(s). -asso
mîtridiora
ifiaïentze
343
343
130
120
179
178 n.
maiuat, maynat 128 ss.
mainatge, meinatge.
etc. 134 s.
mainaton 128 n.
maio 173
mairmoin 332
inaisnada. masnada.
etc. 125
mâle 120
malot 120
maria, -iia 318 s.
manoip. -a. -o. ma-
cip, -a, -o etc. 12.
138 s.
mancipeto, maci-
peto 189
inanin, menin. -e.
ininin. -e. etc. 128 n.
312 s.
manie 128 n.
Ihot. etc.
a33
marmot
328
marmous
380
marmouset
329
marmousilbo
329 11.
marmousot. mar
mousomi
329
marmoutoun
328
marri(t), marri a.
môri. môria.
etc. 181
s.. 186
martelein
279
masipM
139
massacre
280 u.
mastin
303
matton. matta. m
at-
tetta
243
maynacbaillo
135
maynadèle
133
maynadin
133
mavuadet. -o etc
. 127,
ia3
maynado. maynade 127,
133
maynaguèro l'{3
megnot. -ta. minot.
-ta, etc. 131
meina. meinati.
mena. etc. 26. 127 s.
meinassa. meinas-
sou 123
mekœn. mekuna 184 n.
mendie, mendio, etc.
178 s.. 186
mendicoun. -goun 179
- 4iy -
meijdigiu'.to. iiiHii-
IIKIIISSOU
b-J
.jtUoto
179
mout
iJ23 n.
luenet, niint>tta
lai n.
mouvant, goue
nteniota
129
mouvant
342
meiion. iniuoii
131 u.
iiioze. mojlie, etc
:fc» SH.
meiuire. iii«nre
114
muiiot, muiiot
131
nijBUuJet. -o. ineiiii-
set, -o, etv.
268
iiabo. gnabo
356
me mit, -do
258
uebot
111
m«8(iviin. -a 188. 186
nen, -e, -o. ncueto 363
luiaille.' miaillon.
neneret, -e
363
miailler. etc.
2H;} s.
nesque
381
miaoïichn
273 u.
nia, gnià, nyé
miecli-ome
366
etc.
354
migna
312
niflo, niflous
232 n.
ipjgnot, -e inegnot
uik
'232
-e
132 11.
nikà, iiikadj
233
migiiotte. meugnot-
iiiii. iiina. nineta,
-0 363
tt>. etc.
131
iiiiii. gnigni
362 8.
mignoun
313
nino. ninot
362
mino, minon. iiii-
nis
364
noii. etc.
311 11.
niscat
364
minolet. -a
131
nistoun, -o
354
miste. misto
176
nistounet
354
iiiistouii
176
noii-idurn
109
iiiodzô. mojhoii
;i21.
uoirini
109
322 11.
iiono
363
ijiokkau
233
nôvi
63
momo
195 9.
iiMyrigat
60
motet, -te. mon-
1
tât
322 s.
oublié, ouvré, etc. 160
môti
323 11.
i
motiUoii. motillioii 822
pairô
259
moto, moiito
323 u.
paiui»re
2B0
mou, moue
245
papa
230
mouchaclio
336
papaire
280
mouna
327 n.
paparèu, paparello 230
monniiia, monina 327
paparot
230
mouiiino
327 11.
papo. papôti
230
mourbonso
381 n.
*paroii
259
mossi, moussi
m
parpaiou
196 9.
mouindro
131 n.
parvi, -o
79
mousse 82,
322 n.
parviot. -o
79
iiiousset. -e
82
parvol
79
pa.sHereto 342
patara.s 226
patarassouu, pe-
trauBSou, etc. 226 h.
patfj, patte 225
pauco, paiichn 377 n.
pawrot 177
pecheniii 254 n.
pechln 264
perlet, perJou 176
pero, -a 259
pet, peto 219
petaire 223
petarèu. petaret 223
pet^to 49
petit, -e, -o 248 as.
petitoun, -o 253 n.
pgtola 219
peto-bas 223
petot, -a, petouii.
etc. 219
petroumas 227
petriis, petrussôu 227
patyolè 262
patyou. -da 262
pié^a, piead 222
pichin 254
pichot 250 srt.
pichouii 260 s.s.
pichounet. -o, pi-
chounèu, -ello 254
pichouté, -eto 254
piéuceleto. -ouno 8H
piucel, -ela, pièu-
cèu, -èllo 88
piuceleta, punceleta 88
pista, pistaiiv ii43 n.
pisto, pistro 34^?
pitot, -oto 254
pitouet, -eto 264
poljin. -â 84
porno 279
popada. poupado 52
poro 177 8.
420 -
pôt
48
rabachor
384
totô, tototo 254. 360
plôtili(n)
B17
rache
144
touset, -o
264
poulinot, poitlinon,
ragâche
• 144
touso
264
etc.
317
ragachou
145
toustoun, -o.
pouloto
338
ragas, ragach.
re-
toustounet, -o
264
l)ouno
48
gach, etc.
142, 145
toutougn
360 n.
poupard, poupar
t 60
ragaso
143 n.
touzouirou
264
poupardoun
50
ràgasset
145
toy, toye, toio
381
ponpeie, poupoio
ragasso
142
toyè
331 n.
etc.
48
ragas Sun
145
toz, -a
264
|ioupeto, poupine
) 49
ragat, ragô
144
tozar, -arda
264
p<mpou(n), -o
48
rago. -a
144
tozel
264
poupounel, pou-
ratagôhla
334
tozet, -a
264
pounet
48
rateiror, rateirou,
trï, -a
259
pousse-bô
345 n.
ratairol
343
tsarkô
276
pouteto
48 s.
ritola
312
tsarko, -a 27
n.. 276
poutiho, putino
49
tsikka, tsikkala
278
poutoto
poutouno, poiT-
touneto
poùtounel, po\T-
tounet
49
48 s.
48 s.
sapou
sapoulott
seté^o
sterle
;}46
346
2=8
117
tsitso
tyatya
tyéta
tyétô
113
113
216
216
poutountoun
pucella
puello
pulcella, puncell
-o, etc.
49
85
39
a,
88
tap
tapet
tapouissoun,
bouissoun
281
281
ta-
281
valet, vaslet,
valot, etc. 167 ss.
valotet, valotton 170
verge, vierge 68
pMJÔ
•200
tchia, tchiale
223
vermine
352 n.
p«r, -a
pussenote
pyolatiche
177 s.
337
262
tchienculotte,
tchienlé
téryi^ka, teeka
223
378
verre 326 u.
vouetta, vouetti 378
vouetton, ouetton 378
pyolè
252
tendroun
285
tètèta
360 n.
ya
113
tetoun
246
yaubèle
63
^uenil
336
tintoun
363
youenc, -o
66 s.
qùico, -queto, qiieco,
titoun
253 n.
-queto
271 n.
t<1Sto
264 n.
zizi
215 n.
bagarin, bigarin 214 n.
ioiagarine 214
bambin 238
bargielèr 234
Rhéto-roman.
bastiichel 204
buob. -a, bueb.
-à 366
borricho 320
buobetta
366 n.
bot, boda 286 n.
bup, bube
366
bôttidl, bottigle 286 h.
busaré
208 n.
421
fctlsf'rar
208*
giuviiet. -ta
62
biisra
•208.
giuvnals
61
tmttatscli
286
giuvno, giuvuos
64
liiizci', lniser, -a
209
infant
7, 80
i-iuiiij. etc. V. kanai
iufaiizat
BO
clniidlamainta
B67
infaunt. unfauiit,
('•niebel, cniebla,
iffant, etc.
27
cnipel, onipla
369
infaiintet
32
cratsch
175
infauntin
32
érèat, creatiu
74
creatura
77
jon. -a
62
Greatiiriiia
77
joven
62
ô^ria
107
juventschèl, -la
65
dknij dan 163 kanâi. -a, kanai^/ 302
donzella, dunzella, kindal 367
donschella, etc. 165 s.
dum(b)lo. -e 163 lavui- • 211 n.
fantat, -e 37
fantazzat. -e 37
fantschè 39 n.
fantschello, -a 39 n.
fantulin 7, 36 s.
{jrut, -e 7, 10, 37, 74
frutatt. -ate 74
frntin, -e 74
fruton, -e 74
fnitntt. fnitnzzate 74
mamul-, e 357 n.
mat; -a 240 ss.
mattatsch, -a 243
mattella 243
mattet. -ta. mattin,
-a 243
mazzacun 280 n.
mazzûch 279 n.. 280 n.
minder, mender 369
môur. -a 385
pipinatt, -utt 4À
piriâ 44
piricnl 44
pirùche 44
pitl, -a 256
pitschen, pitschua 257
pittin 265
pivèll. -e 53
pizzinin 257
pizzul, pisul, etc. 255
polzète, pulzète 30. 89
puè(m). puème (poè-
me, etc.) 366
puizitate 89
puopp, puep,
pueba 366
purschell, etc. 89
pnrscliella etc. 85. 89
scagn
163
sium
163
stom
242 n.
tozat, -a
263
tous, -a
2H3
tschot, tschottin 294 n.
t;^nders 366
t;findliny 366
vergina 68
vergna, verua 68 n.
miiffel
385
^ijarzoïi, -e
155
mufla
386
yunkar 370 n.
giaisun
155
mut, -a
241
giunfra, jiinfra
370
zoun, -a
62
giuven, giuvua
pericul
44
zovenatt, zovinate,
juveu, jnvna
62
piôre
44
-ott, -ote, etc.
62
giuvintschella
65
pipi
341 n.
zovin. -e
62
Roumain (et
macédo-
■roumain).
baia
110
l)aie/t'l
111
broscôin
348
baiat, -a
110 s.
baie^oin
111
baie^an
111
barbât
124
cûca
340
baie^andru
111
brôsca.
brôasca
347
cocon, cucôn, -a
341
bai^'/As
111
brosctH,
broscime
Î348
c^pil
205
— 422 —
copil, -a 205 I feciorandrn 70i.niic 274
copilaf , copile^ 205 ; feciorâs. -él, -Vi^ 70
i feméie, femée 124 j pic. pica 255 n.
fanieFa. fumel'a. i fetiscana 71 ; piciii, picilér 256 n.
fetisoara. fetij^a. fe- prune, prnnca 'dC)5 n.
tica 71 pûica IJ39
fetnegi'ca 71 pu/a 272
fiïca 71
ti'ca 71
jûne. -a 59 s. > tinâr 81
^ip 272
fumeare 124
fat. -a. fet. -a 70 s.
fâta in par 71 ii.. 267 n.
fatiiica 71
fatù^a 71
fecior, -cioara. fet-
sor. -e 70 s.
Scandinave.
babbe 277 n.. 359 n. î kisse-murr
barn 69 kylling
bo-skit. bo-fis 218 n.
bôna 289 n. lille Mor
311 II. skorva. skorvnac-
387 n. ke 224 u.
snorgars 349 n.
357 n. I snoi-liunn. snor-
hyfvel. etc. 281 n.
drummel 282 n. mor. niora 857 n. spôgdls 194 n.
drang 187 n. spôj 194 n.
diimboni 278 n. purvel. pervel. j)ir- stuiiip. -a 276 n.
dummer-jôns 178 n. vel 79 n. stycke 225 n.
parvla. pirvla 79 n. sôtnos 270 n.
iiicka 225 n. pensionat 136 n.
piga 187 n. toka 236
304 n. pibesild. pii)esill 849 n. ; torsk 349 n.
pulla 337 n. ; tarna 137 n.. 370
140 n. pus. ]iys 53 n. | troll 380
gosse
hère, lierde
jungfru
kil
187 n. ragat. -a. ragatte- | migdoiri
' pack, ragater 142 n.
281 n.
122 n.
kopil. kopile. ko-
pilu 205
Slave.
kosa
2(>7 n.
TABLE DES MATIÈRES.
A rtitit-pro/xts l
Intrnilui'tiim 3
PREMIÈRE PARTIE.
TRADITION LATINE.
1. TKAIJITIOX PROPKE.
'A. Expressions latines pour rendi'e les ult'es de 'enfant', ('pe-
tit) gar(,'on'. ' ptMin^ tille' -Jî-Î
Infanfi. p. 23. Pucrenlus. p. 3î>. Pupun—pupa. p. 40. J*u-
pillnx — piipilla, p. 52. Puptilus — pttpula, p. 53. Puitus.
p. 53. Futtts—jiuta. p. 54. i
1>. Expressions latines pour rendre les idées de 'jeune houmie'.
'jeune femme" 59
JuKtniK. p. 59. Juvenalix. p. (U. Juvencus. p. 64. *Ju-
rencelliis. p. 65. '^Jnveut^nfus. p. 67. Adolescent, p. 67.
Virgo. \k 68.
II. TRADITION IMPROPRE.
A. Mots signifiant pi'Imirivfiii>Mii : 'le f(i>tus", 'i<- i|iii t^st en-
gendré" 69
iFetu-s. p. 70. FructH'<. \>. 7B. Creattis. p. 71. Creatura.
j). 75. Creamen. p. 77. >
t>. dénominations tirées d'une ijualité particulière 77
J'arvus. pnrculus. p. 77. l'isinnus. p. 80. Tener. p. 81.
Musteus. p. 81.
('. Emploi uiétapliori(|ue d"un nom d'animal x'^
rihtllns—puVn. p. 83. * PidUeella, p. 85. Monetluhi. p. 8U.)
_ 424 -
Page»
DEUXIEME PARTIE.
CRÉATION ROMANE.
1. CHANGEMENTS DE SENS.
A. Changements passifs.
1. Mots désignant primitivenient les enfants pai* l'apport au
père ou à la mère i»y
('Fils", 'fille', p. 93. 'Héritier, p. 104. 'Ce qui est créé ou
eugeudréV P- 107 v' 'Celui qui est nourri, élevé', p. 108.)
2. Mots désignant les enfants par rapport à d'autres parents 111
('Neveu', p. 111. 'Frère', p. 112. 'Cadet', p. 113.)
3. Mots ayant le sens primitif de 'ct'libataire'. 'stérile' ll->
4. Mots désignant le sexe IIS
('Mâle', p. 118. 'Femme', p. 120.)
5. Mots ayant le sens primitif de 'jeunesse' 122
(). Mots désignant la famille, la maisonnée 12H
{Familia. p. 123. ^Mansionata. p. 125. *Mansionaticuin,
p. 134.)
7. Mots désignant la condition sociale la?
('Serviteur', 'servante', p. 137. 'Jeune seigneur', 'jeune
dame', p. 161.)
s. Mots se rapportant à divers usages locaux 172
9. Noms propres 17H
B. Changements actifs.
1. Ternies affectifs.
a. Termes de tendresse 174
b. Termes de pitié 177
c. Termes dépréciatifs ou cacopliémiques 1S."«
c 1. Mots signifiant 'méchant', 'coquin', etc 188
c 2. Termes d'origine mj^tliologique ou superstitieuse 191
c 3. 'Hérétique' Utft
c 4. Mots collectifs 197
c 5. Mots exprimant l'impatience 2(K.>
c 6. Mots se rapportant aux idées sexuelles 201
c 7. Mots ayant le sens de 'objet insignifiant', 'chose',
'individu' 209
c 8. Termes scatologiques 21(>
c 9. Mots signifiant 'pouilleux', 'teigneux', 'puant' 223
c 10. Mots signifiant 'guenille', chiffon', 'torchon' 22."»
2. Termes descriptifs.
a. Mots se rapportant à lUie (qualité ou à une habitude 227
- 426 -
PHgAH
('(Joulii', p. 227. 'Paresseux', 'ti-aiiiard', }>. 231. 'Mor-
veux'. |). 231. Baveux', p. 233. 'Pleureiu-', 'criail-
leur'. j). 233. 'Barboteur'. p. 234. 'Gaspilleur', p.
235. Niais", 'fou', p. 28«. 'Innocent', p. 245. 'Tô-
teur', p. 246. 'Vif, 'turbulent', p. 247. 't'elui qui
demande avec instance', p. 24S. 'Petit', p. 24H.
Jeune', p. 259.)
b. Dénominations établies d'aj)rès la coupe des cheveux 2H0
c. Mots concernant les vêtements 260
d. Dénominations établies d'après luie partie du corps 270
;>. Métapli ores.
a. Métaphores tirées d'objets inanimés et du règne vi-
gétal 27f{
al. Métaphores faisant ressortir la petitesse 273
a 2. Métaphores faisant ressortir la forme 27(»
('Battant de cloche', 'pilon', 'pommeau' etc.. p. 277.
'Bouchon', 'tampon', p. 280. 'Baguette', 'rameau'.
'scion', etc., p. 281. 'Rejeton', 'tendron', p. 284.
'Outre', 'panse', p. 285. 'Miche', 'gâteau', p.
288. 'Petit fruit' (pois, fève, etc. . p. JsO. .\ni-
mal ou objet inanimé?, p. 292.)
a 3. Métaphores faisant ressortir les mouvements 295
b. Métaphores tirées du règne animal 297
i^Chien, p. 298. Chat p. 309. Cheval, p. 316. Mule.
mulet, p. 319. Génisse, génissou, p. 320. Agneau,
brebis, bélier, j). 323. Cochon, truie, verrat, p. 324.
Singe, p. 327. Rat. p. 334. Chauve-souris, p. 336.
Lapin, p. 336. Poulet, poulette, p. 336. Caille, p.
341. Pigeon, p. 341. Oiseaux divers, p. 342. Cra-
paud, grenouille, p. 343. Poissons, p. 348. lu-
sectes, vers, etc., p. 351. Dérivés d>i lat. nidui^.
p. 352.)
c. Cas divers 354
('Poupée', p. 354. 'Petit homme', nain", p. 355. 'Pe-
tite mère', j\. 357.)
II. CRÉATION PRIMITIVE.
1. Formations enfantines 359
2. Refrains ^2
3. Onomatopées proprement dites 363
— 4:2(3 -
Pages
m. MOTS D'EMPRUNT.
1. Mots allemands 365
2. Mots nôevlaiidais 370
3. Mots anglais 371
4. Mots grecs 371
5. Mots arabes 872
IV. MOTS D'ORIGINE INCONNUE.
1. Mots français, provençaux et franco-provençaux 37H
2. Mots italiens 382
3. Mots rhéti(jaes 385
4. Mots espagnols, portugais et catalans .^(»
Bibliographie 3h8
Index 398
M
•1
Corrections.
J'. :>1 1. l.") d'eu bas: l'réceîlunce
'> 40 » 1.") * » p. S7. II. 2
tj<> » 7 d'en haut: valais
> 73 > 9 d'en bas: sj 331
88 » 2. 3 d'en baut: piuceleto, punceleto
* 142 » !) /> il ronzini
A 153 * 11 agrrào
» 155 » 13 » corespondant
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' 171: supprimer la note 2
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' 241 > 7 * » cette Tessin
• 255 » 7 d"en Vjas: frioub.
> 25J> * f) d'en haut: paron
lisez; l'récellence
^ p. 80. n. 1
-> valais.
. § 334
» piuceleta. punceleta
» il ronzino
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» ausgedriickt werden
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» le Tessin
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