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Full text of ""Enfant", "Garçon", "Fille" dans les langues romanes, étudiés particuliérement dans les dialectes Gallo-Romans et Italiens, essai de lexicologie comparée"

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BINDING  LIST  MAY  1     19^1. 


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A 
/ 


«ENFANT»,  <€ARÇON»,  «FILLE» 

DANS  LES  LANGUES  ROMANES 

ÉTUDIÉS  PAETICULIÈEEMENT 

DANS  LES  DIALECTES  GALLO-EOMANS 

ET  ITALIENS 


ESSAI  DE  LEXICOLOGIE   COMPAREE 


PAR 


IVAN   PAUL! 


LUND 

A.-B.  PH.  LINDSTEDTS  UNIVEESITETS-BOKHANDEL 

EN    DISTRIBUTION 

jPrînted  in  Sweden" 


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J 


LUND  1919 
BERLINGSKA    BOKTRYCKERIET 


A  MA  FEMME 


AVANT-PROPOS. 


C'est  en  lisant,  dans  la  Romania^,  les  lignes  suivantes 
d'un  compte  rendu  de  l'ouvrage  bien  connu  de  M.  E. 
Tappolet,  Die  romanischen  Verwandtschaftsnamen,  que  j'ai  eu 
la  première  idée  de  cette  dissertation:  «L'auteur  a  laissé 
de  côté  tous  les  termes  qui  désignent  la  parenté  collec- 
tive .  .  .  ,  les  réservant  pour  une  étude  ultérieure;  il 
semble  nous  en  promettre  une  autre  sur  les  mots 
qui  désignent,  sans  détermination  de  parenté,  l'hom- 
me et  la  femme  aux  différentes  époques  de  leur 
vie»  ^.  Après  m'être  assuré  que  M.  Tappolet  n'avait  pas 
l'intention  de  faire  un  travail  de  ce  genre,  j'ai  commencé 
à  recueillir  les  matériaux  nécessaires  à  une  étude  sur  ce 
sujet.  Mais  ces  matériaux,  spécialement  ceux  qui  se  rap- 
portent aux  premiers  âges  de  la  vie,  devinrent  bientôt  si 
abondants,  que  je  me  suis  vu  contraint  de  n'en  utiliser 
cette  fois  que  la  moitié,  et  de  me  borner,  pour  ma  thèse 
de  doctorat,  à  étudier  les  termes  qui  servent  à  rendre, 
dans  les  langues  romanes,  les  idées  de  'enfant',  'garçon' 
et  'fiUe'. 


Avant  de  terminer  ce  travail,  je  tiens  à  exprimer  ma 
gratitude  envers  mon  cher  et  vénéré  maître  de  philologie 
romane,  M.  Fr.  Wulff ,  pour  l'intérêt  bienveillant  qu'il  m'a 


^  Romania,  XXIV,  p.  625. 
*  Souligné  par  moi. 


—  2  — 

toujours  témoigné  au  cours  de  mes  études.  Je  prie  aussi 
MM.  E.  Walberg,  professeur  de  langues  romanes  à  l'Uni- 
versité de  Lund,  et  Chr.  Thorn,  maître  de  conférences  à 
l'Université  de  Lund,  principal  du  Collège  mixte  d'Eslôv, 
de  recevoir  ici  l'expression  de  ma  grande  reconnaissance 
pour  les  conseils  précieux  qu'ils  ont  bien  voulu  me 
donner  pour  cette  thèse.  Qu'il  me  soit  encore  permis  de 
présenter  mes  remerciements  respectueux  à  M.  Louis  Gau- 
chat,  professeur  à  l'Université  de  Zurich,  qui  a  eu  l'ex- 
trême obligeance  de  dépouiller  pour  mon  compte  les  ma- 
tériaux inédits  du  Glossaire  des  patois  de  la  Suisse  romande, 
et  à  qui  je  dois  bien  des  renseignements  utiles.  M.  Paul 
Vaucher,  lecteur  de  français  à  l'Université  de  Lund,  s'est 
donné  la  peine  de  rendre  la  forme  de  mon  travail  moins 
imparfaite  et  de  m' aider  à  corriger  les  épreuves.  Qu'il 
veuille  bien  recevoir  ici  mes  remerciements  les  plus  sin- 
cères. Je  tiens  à  remercier  aussi  mon  ami,  M.  Cari  Collin, 
docteur  es  lettres,  de  tout  l'intérêt  qu'il  a  montré  pour  ce 
travail.  J'exprime  enfin  aux  fonctionnaires  de  la  Bibliothèque 
de  l'Université  de  Lund  ma  reconnaissance  de  la  manière  pré- 
venante avec  laquelle  ils  ont  toujours  facilité  mes  recherches. 
Lund,  mai  1919. 

Ivan  Pauli. 


3 


INTRODUCTION. 


I  'étude  que  voici  appartient  à  une  branche  de  la  lin- 
^  guistique  romane  à  laquelle  M.  E.  Tappolet  a  donné 
une  forme  précise  par  son  travail  devenu  classique:  Die 
romaniscJien  Verwandtschaftsnamen,  Strassburg  1896,  et  qui 
depuis  a  été  cultivée  avec  succès  par  plusieurs  romanistes, 
parmi  lesquels  il  faut  nommer  en  première  ligne  MM. 
Zauner  et  Merlo  ^.  M.  Tappolet  a  donné  dans  son  travail 
aux  recherches  de  cet  ordre  le  nom  de  lexicologie  comparée 
(«vergleichende  Lexicologie»);  M.  Zauner  propose  le  terme 
onomasiologie,  nom  qui  rappelle  celui  de  sémasiologie,  dont 
la  nouvelle  science  forme,  à  certains  égards,  le  pendant 
et  le  complément,  c  Quand  on  part  d'un  mot  donné  pour 
grouper  dans  un  ordre  logique  les  différentes  significations 
de  ce  mot,  on  fait  de  la  sémasiologie;  quand  on  part  d'une 
idée  donnée  pour  grouper  les  différents  mots  qui  servent 
à  exprimer  cette  idée,  on  îa-it' de  V onomasiologie*  ^.  Ainsi, 
le  travail  de  M.  Tappolet  répond  à  la  question:  Comment 
rend-on  dans  les  langues  romanes  les  idées  de  'père',  'mère', 
'fils',  'fille',  etc.?  et  M.  Zauner  s'est  demandé  comment  on 
exprime,  dans  les  mêmes  langues,  celles  de  'tête',  'bouche', 

'  A.  Zauner,  Die  romaniscfien  Namen  der  Kôrperteile,  BF,  XIV, 
p.  33î) — 530.  Cl.  Merlo,  I  nomi  romanzi  délie  stagioni  e  dei  mesi, 
Torino  1904.  —  Pour  une  liste  complète  des  travaux  de  ce  genre, 
voyez  Grammaire  et  lexicographie  des  patois  de  la  Suisse  romande, 
Bibliographie  analytique  par  L.  Gauchat  et  J.  Jeanjaquet  (Extrait  de 
la  Bibliographie   linguistique  de  la  Suisse  romande),  Neuchâtel  1916. 

'  J'emprunte  ces  définitions  au  compte  rendu  par  M.  A.  Thomas 
du  travail  précité  de  M.  Merlo  {Bomania,  XXXIII,  p.  289). 


'bras',  etc.  La  méthode  de  l'onomasiologie  a  été  soumise 
à  un  examen  critique  par  M.  von  Wartburg  dans  son 
ouvrage  intitulé  Die  Ausdrucke  fiir  die  Fehler  des  Gesichts- 
organs  in  den  romaniscJien  Sprachen  und  Dialekten  ^  A  son 
avis,  l'onomasiologie,  ainsi  conçue,  repose  sur  une  suppo- 
sition fausse.  «Zauner  spricht  .  .  .  von  gegebenen  Begriffen, 
dit-il  ^,  ohne  des  Einwands  zu  gedenken,  dass  das  Volk 
solche  oft  gar  nicht  kennt.  Es  sind  bloss  Eindrûcke  und 
Einzelvorstellungen,  die  in  der  Sprache  des  Volkes  zum 
Ausdrucke  kommen,  und  es  ist  daher  missverstândlich  und 
leicht  irrefiilirend,  von  Begriffen  zu  sprechen.»  De  ce 
raisonnement,  qui  est  sans  doute  tout  à  fait  juste,  bien 
qu'il  ne  soit  point  nouveau  ',  M.  von  Wartburg  tire  la  con- 
clusion que  le  procédé  onomasiologique  est  «insuffisant 
et  inadmissible»  *.  Ce  jugement  est  cependant  trop  caté- 
gorique; aussi  a-t-il  formulé  ailleurs  d'une  manière  plus 
juste  la  conclusion  que  renferment  ses  prémisses,  lorsqu'il 
parle,  au  premier  paragraphe,  de  «l'impossibilité  de  traiter 
onomasiologiquement  certains  ordres  d'idées».  Car,  s'il  est 
vrai  que  les  mots  ne  représentent  pas,  au  moins  dans  le 
langage  du  peuple,  des  notions  absolument  constantes,  nettes 
et  précises,   il  ne  résulte  point  de  là  que  toutes  les  idées 


1  RLM,  III,  p.  402—503. 

*  op.  cit.,  p.  402. 

'  Dans  La  Vie  des  mots,  p.  104,  A.  Darmesteter  a  dit  a  peu  près 
la  même  chose:  «La  pensée  populaire,  qui  aime  l'image  et  la  sensation, 
n'  a  pas  toujours  des  idées  nettes  et  précises;  elle  confond  entre  elles 
des  choses  différentes  en  se  laissant  entraîner  par  des  rapprochements 
vagues  et  inexacts».  —  M.  Karl  Otto  Erdmann,  dans  son  ouvrage  intitulé 
Vorstelîungswert  und  Gefiihlswert  der  Worte  {Beilage  zur  Allg.  Zei- 
tung,  1896,  N:o  222,  p.  5),  dit  sur  la  même  question:  «Klare  und  scharfe 
Begriffe  im  Sinne  der  Logik  bezeichnet  das  Wort  nicht,  sondern  nur 
unbestimmte  Komplexe  von  Vorstellungen,  die  man  allenfalls  Popular- 
begriffe  nennen  konnte.»  (Cité  d'après  K.  Jaberg,  ZMPh,  XXVII, 
p.  26.)  —  Cf.  Erdmann,  Die  Bedeutung  des  Wortes,  p.  5,  où  il  dit  la 
même  chose  d'une  manière  moins  concise. 

*  Voir  op.  cit.,  p.  405,  où  il  parle  de  la  «  Unzulàngîichkeit  und  Un- 
statthaftigkeit  dièses  Vorgehens». 


—  6  — 

que  les  mots  représentent  soient  aussi  dénuées  de  précision 
et  de  constance  que  le  sont  les  idées  de  'myope',  'borgne' 
et  'louche',  dont  traite  la  thèse  de  M.  von  Wartburg  ^ 
La  vérité  est,  comme  l'a  fait  remarquer  M.  Zauner  ^,  qu'il 
y  a  certains  groupes  d'idées  dont  l'aperception,  et,  par  con- 
sé(}uent,  l'expression  verbale,  sont  relativement  constantes  ', 
d'autres  qui  sont  plus  indécis  et  variables.  Celui  qui 
choisit  un  groupe  du  premier  genre,  comme  l'ont  fait 
MM.  Tappolet,  Zauner  et  Merlo,  peut  mettre  en  pratique 
avec  moins  de  difficulté  le  procédé  onomasiologique,  tandis 
qu'il  est  impossible  de  l'appliquer  aussi  strictement  aux 
travaux    qui    ont    pour    objet  un  groupe  du  second  genre. 

Comme  je  l'ai  mentionné  déjà,  la  plupart  des  idées  dont 
traite  M.  von  Wartburg,  sont  assez  indécises  et  se  con- 
fondent facilement.  On  peut  en  dire  autant  de  celles 
qui  forment  le  sujet  de  mon  travail.  Je  vais  essayer  de 
répondre  dans  cette  étude  à  la  question  suivante:  De 
quelles  expressions  se  sert-on  dans  les  langues  et  dialectes 
romans  pour  désigner  un  être  humain  dans  les  premiers 
âges  de  la  vie:  l'enfance  et  la  jeunesse'?* 

Pour  appliquer  strictement  la  méthode  onomasiologique 
à    ce    sujet,   il  faudrait  répondre  dans  des  chapitres  parti- 

'  Tandis  que  ces  idées  se  confondent  souvent,  celle  de  'aveugle' 
est  beaucoup  plus  précise;  aussi  les  mots  latins  qui  servaient  à  rendre 
cette  idée  ont-ils  persisté  beaucoup  plus  souvent  que  ceux  qui  expri- 
maient les  autres. 

2  Voir  RF,  XIV,  p.  341,  et  ZRPh,  XXXVII,  p.  249. 

'  Voici  ses  propres  mots:  «Trotzdem  lassen  sich  bestimrate 
Gruppen  von  Begriffen  aufstellen.  von  denen  man  behaupten  kann, 
dass  sie  verhàltnismâssig  bestàndig  in  ihrer  Auffassung  und  daher 
in  ihrer  sprachlichen  Bezeichnung  seien». 

*  Il  va  sans  dire  que  je  ne  me  suis  pas  occupé  des  mots  qui 
désignent  les  enfants  par  rapport  aux  parents,  sauf  dans  les  cas  où 
des  termes  signifiant  'fils'  —  'fille'  ont  pris  le  sens  de  'garçon'  — 
'fille'  (jeune  ou  petite).  La  plupart  de  ceux  que  mentionne  M.  Tap- 
polet sous  la  rubrique  de  Sohn  und  Tochter,  {op.  cit.,  p.  36 — 50),  n'ont 
pas  eu  primitivement  ce  sens-là,  mais  celui  de  'garçon'  —  'fille'.  On  les 
retrouvera  donc  dans  cette  étude,  à  côté  d'un  grand  nombre  d'expres- 
sions qui  ne  figurent  pas  dans  l'ouvrage  de  M,  Tappolet. 


—  6  — 

culiers  à  chacune  des  questions  suivantes  :  Comment  rend- 
on  dans  les  langues  romanes  l'idée  de  'enfant';  celles  de 
'garçon'  —  'fille',  de  'adolescent'  —  'adolescente'?  ou  bien: 
Comment  désigne-t-on  dans  les  mêmes  idiomes  un  être 
humain  dans  le  premier  âge  de  la  vie,  dans  le  deuxième 
âge,  dans  le  troisième  âge,  etc.? 

On  comprend  sans  peine  qu'il  serait  impraticable  de 
disposer  ainsi  mes  matériaux.  La  langue  ne  distingue  pas 
en  général  très  clairement  entre  l'idée  de  'enfant'  et  celle 
de  'garçon'.  Un  mot  qui  a  primitivement  la  première  signi- 
fication prend  quelquefois  ensuite  la  deuxième.  Dans 
certains  patois  français  et  franco-provençaux,  enfant  veut 
dire  'garçon';  l'ancien  provençal  et  l'espagnol  fournissent 
des  exemples  du  même  phénomène  sémantique,  qui  semble 
s'expliquer  ici  par  la  présence  du  féminin  enfanta  {in- 
fanta)  ^  Le  développement  en  sens  inverse  se  rencontre 
aussi  assez  souvent.  Un  enfant  s'appelle  en  Bretagne  petit 
gars,  en  Lorraine:  {petit)  gachenot,  dans  le  canton  de  Vaud: 
bueb,  en  Gascogne:  gouyat^.  Dans  bien  des  cas,  cette 
évolution  a  probablement  son  point  de  départ  dans  ce 
phénomène  très  fréquent,  qu'un  pluriel  signifiant  'garçons' 
s'emploie  au  sens  plus  général  de  'enfants',  comme  c'est 
le  cas  pour  le  lat.  pueri,  Vital,  ragazzi,  etc. 

Il  n'y  a  pas  non  plus  de  limite  précise  entre  les  idées 
qui  se  rapportent  aux  différents  âges  de  l'enfance  et  de 
la  jeunesse.  De  cette  indécision  témoignent  les  nombreux 
systèmes  qu'on  a  faits,  pour  distinguer  entre  eux  les  âges, 
depuis    Hippocrate   jusqu'à  nos  jours  ^.     Elle  ressort  aussi 


»  Voir  §  7. 

^  Voir  la  carte  461  de  VAtlas  linguistùiue  de  la  France. 

*  A  titre  de  curiosité,  j'en  donne  ici  quelques  exemples.  Voici 
le  «système  hebdomadaire»  d'Hippocrate:  la  première  enfance  1 — 7 
ans,  l'enfance  7 — 14,  l'adolescence  14 — 21,  la  jeunesse  21 — 28,  etc. 
Ceux  de  Varron:  pueritia  1 — 15,  adolescentia  15 — SO,  juventus  SO — 45, 
etc.;  d'Isidore:  infantia  1 — 7,  pueritia  7 — 15,  adolescentia  15 — 28,  jm- 
ventus    28 — 50,    etc.;    de  Daubenton:  l'enfance  1 — 20,  l'adolescence  20 


—  7  — 

de  la  manière  confuse  dont  on  emploie  les  termes  qui 
servent  à  désigner  les  enfants  d'âges  différents.  Le  même 
mot  qui,  dans  un  certain  dialecte,  désigne  un  enfant  à  la 
mamelle,  peut  s'appliquer,  dans  un  autre,  à  un  garçon  de 
dix  ou  douze  ans,  ou  même  à  un  adolescent.  Dans  la 
Suisse  romande,  un  poupon  est  un  enfant  au  maillot;  en 
Bretagne,  on  appelle  ainsi  un  enfant  jusqu'à  l'âge  de  dix 
ans.  A  Belmont,  un  poupard  est  un  enfant  nouveau-né; 
dans  le  Bas-Maine,  c'est  un  adolescent.  Dans  la  Valtelline, 
on  désigne  par  put  un  petit  enfant;  à  Rovereto,  à  Trente, 
à  Parme  et  ailleurs,  le  mot  correspondant  signifie  'jeune 
homme';  et,  dans  la  plupart  des  parlers  haut-italiens,  on 
appelle  ainsi  un  homme  non  marié  d'un  âge  quelconque. 
Le  frioulan  infant  est  synonyme  de  frut  et  de  fantulin 
'petit  enfant';  mais,  dans  de  vieux  poèmes  frioulans,  on 
le  trouve  au  sens  de  'jeune  homme'.  De  même,  l'anc. 
bellun.  fant,  proprement:  'petit  enfant',  avait  pris  le  sens 
de  'jeune  homme',  'jeune  fille'.  —  Très  souvent,  surtout 
en  italien,  le  féminin  analogique,  tiré  d'un  mot  signifiant 
'enfant',  'jeune  garçon',  a  perdu  sa  signification  primitive 
de  'fillette',  et  en  est  venu  à  désigner  une  jeune  fille  nu- 
bile; c'est  le  cas  pour  ragasza,  fanciulla,  zitella  et  beau- 
coup d'autres. 

Comment  s'expliquer  que  ces  idées  aient  des  limites 
aussi  flottantes?  Je  crois  qu'il  faut  voir  dans  la  plupart 
des  cas  précités  le  résultat  d'un  emploi  hypocoristique 
de  mots  signifiant  'fillette',  'garçonnet'.  A  force  d'être 
appliqués  comme  termes  de  tendresse  à  des  jeunes  filles 
ou  à  des  jeunes  gens,  ces  mots  ont  fini  par  prendre  réelle- 
ment le  sens  de  'jeune  fille',  'jeune  homme'.  On  sait  du  reste 
qu'aux  yeux  des  personnes  d'un  âge  un  peu  avancé,  tous 
les  jeunes  gens  sont  encore  des  enfants.  Rappelons 
aussi   que  le   développement  physique  et  intellectuel  d'un 

— 25,  la  jeunesse  25 — 35,  etc.  (Voir  La  grande  encyclopédie,  à  Part. 
Age,  et  Forcellini,  Lexicon  totius  latinitatis,  à  l'art.  Aetas). 


enfant  ne  correspond  pas  toujours  à  son  âge;  un  garçon 
de  douze  ans  peut  avoir  l'air  d'un  adolescent,  et  une  fil- 
lette de  dix  peut  être  si  peu  développée  qu'on  est  tenté 
de  ne  lui  en  donner  que  sept  ^. 

Je  n'ai  pas  cru  nécessaire  d'employer  le  raisonnement 
par  l'absurde,  comme  l'a  fait  M.  von  Wartburg,  qui  a 
disposé  ses  matériaux  d'après  des  principes  onomasiologi- 
ques,  afin  de  démontrer  jusqu'à  l'évidence  combien  ils 
étaient  inapplicables  dans  ce  cas  ^.  En  ce  qui  concerne 
mon  travail,  cela  résulte,  je  crois,  assez  clairement  des 
exemples  allégués  plus  haut.  Il  me  semble  préférable  de 
traiter  séparément  de  chaque  famille  de  mots  ^,  quand  bien 
même  les  termes  qui  lui  appartiennent  serviraient  à  désigner 
des  enfants  de  tout  âge  et  des  deux  sexes:  des  bébés  ou 
des  adolescents,  des  garçons  ou  des  filles.  De  cette  ma- 
nière on  aura  une  idée  plus  nette  et  plus  complète  des 
facultés  créatrices  du  langage,  qui  ont  contribué  à  créer 
toutes  ces  dénominations. 


Dans  tous  les  travaux  de  ce  genre,  les  premières 
questions  qui  se  posent  sont  les  suivantes:  Quels  sont  les 

^  Cf.  ce  que  dit  M.  K.  O.  Erdmann  sur  la  difficulté  de  distinguer 
entre  les  âges  différents:  «Und  ob  Jemand  'Kind'  oder  'jugendliche 
Person'  genannt  wird,  das  hàngt  nicht  nur  von  der  Zabi  der  Lebens- 
jahre.  sondern  auch  von  gewissen  kôrperlichen  und  geistigen  Merk- 
malen  ab,  die  sich  freilich  ebensowenig  klar  und  bestimmt  fassen 
lassen  wie  das  Alter».     {Die  Bedeutung  des  Wortes,  p.  11.) 

2  «Wenn  ich,  obgleich  iiberzeugt,  dass  die  Anordnung  meines 
Materials  nach  onomasiologischen  Prinzipien  den  Tatsachen  direkt  ins 
Gesicht  schlàgt,  mein  Material  jedoch  in  vier  Abschnitten:  blind, 
kurzsichtig,  einâugig,  schielend  geboten  habe,  so  geschah 
dies  aus  zwei  Griinden:  Erstens  wollte  ich  die  Unzulânglichkeit  und 
Unstatthaftigkeit  dièses  Vorgehens  ad  o  cul  os  demonstrieren;  und 
zweitens  tat  ich  es  aus  praktischen  Griinden,  der  Ûbersichtlichkeit 
wegen»  {op.  cit.,  p.  405). 

*  Par  ex.  infans  et  ses  dérivés,  *mansionata,  *mansionatieum  et 
leurs  dérivés,  etc. 


—  9  — 

termes  qui  représentent  la  tradition  latine?  Quelles 
expressions  ont  été  créées  par  les  langues  romanes? 

Nous  verrons  que  les  mots  qui  représentent  la  tradi- 
tion propre  ^,  c'est-à-dire  la  persistance  d'un  terme  qui 
servait  en  latin  à  désigner  un  enfant,  ne  sont  pas  très  nom- 
breux. Puer  —  puella^  les  expressions  les  plus  usitées  pour 
'garçon',  'fille',  ont  disparu.  Des  termes  signifiant  'enfant',  il 
n'y  a  guère  que  infans  qui  ait  survécu.  A  côté  de  ce  mot, 
dont  la  vitalité  en  Gaule  et  en  Italie  est  témoignée  par  un 
grand  nombre  de  dérivés,  l'héritage  latin  n'est  représenté  que 
par  quelques  termes  enfantins:  pupus  —  pupa,  puttis  — puta. 
Ils  n'ont  eux-mêmes  été  conservés  que  dans  les  vallées  al- 
pestres de  la  Haute-Italie,  mais  leurs  dérivés  montrent  une 
diffusion  plus  étendue. 

Pourquoi  infans  a-t-il  remporté  la  victoire  sur  ses  con- 
currents? Nous  ne  le  savons  pas  avec  certitude.  A.  Funck, 
dans  son  ouvrage  intitulé  Was  heisst  'die  Kinder'  ?  (ALL,  VII, 
p.  75),  suppose  que  c'est  plutôt  la  faiblesse- des  concurrents 
que  sa  propre  vigueur  qui  lui  a  donné  l'avantage  ^.  Quant  aux 
termes  enfantins,  pupus,  etc.,  ils  doivent  peut-être  leur  per- 
sistance à  leur  caractère  onomatopoétique,  à  la  ressemblance 
qu'ils  offraient  avec  d'autres  expressions  de  ce  genre,  que  crée 
tous  les  jours  de  nouveau  le  babil  des  bébés  et  des  nourrices. 

Parmi  les  termes  qui  servaient  à  désigner  un  jeune 
homme,  une  jeune  femme,  juvenis  s'est  maintenu  dans 
tout  le  domaine  roman  ^.  Probablement  c'est  son  emploi 
double  comme  substantif  et  comme  adjectif  qui  a  contribué 
le  plus  à  le  maintenir  vivant. 

*  J'emprunte  les  termes  tradition  propre  («eigentliche  Tradi- 
tion»), et  tradition  impropre  («nneigentliche  Tradition»),  à  l'ouvrage 
cité  de  M.  Tappolet. 

'  Voici  ce  qu'  il  en  dit:  «Liheri  hatte  die  Mehrdeutigkeit  gegen 
sich  ;  filii  sowohi  wie  pueri  waren  ebenfalls  so  wenig  vor  Missver- 
standnJssen  geschiitzt,  dass,  wo  es  auf  Genauigkeit  ankam,  schwer- 
fallige  Zusatze  wie  cuiuscunque  sexus  erforderlich  wurden». 

*  On  sait  pourtant  qu'en  français  moderne  il  n'est  employé  que 
comme  adjectif. 


—  10  — 

Par  tradition  impropre  nous  entendons  le  cas  où 
un  mot  latin,  dont  la  signification  usuelle  n'était  pas  celle 
de  'enfant',  'garçon'  ou  'fille',  mais  qui  était  employé,  plus 
ou  moins  occasionnellement,  avec  quelqu'une  de  ces  ac- 
ceptions ^,  a  été  conservé  par  les  langues  romanes  comme 
dénomination  d'enfant.  Faute  d'exemples  rencontrés  dans 
la  littérature  ou  les  inscriptions,  il  m'a  été  impossible  de 
dire,  dans  la  plupart  des  cas,  à  quelle  époque  s'est  produit 
ce  passage  de  l'emploi  occasionnel  à  l'emploi  usuel  ^. 
Cependant,  même  si  la  transition  définitive  n'a  eu  lieu 
qu'à  l'époque  romane,  les  débuts  de  ce  développement 
sémantique  appartiennent  toutefois  à  la  latinité;  et  c'est 
pourquoi  j'ai  rangé  des  mots  tels  que  le  frioulan  frut  et 
l'espagnol  mozo  dans  le  chapitre  de  la  tradition  impropre  ^. 

Les  procédés,  dont  se  servait  le  latin  pour  opérer  ces 
changements  de  sens,  étaient  du  même  genre  que  ceux  que 
nous  allons  rencontrer  dans  les  langues  modernes  ;  un  mot 
ayant  à  l'origine  une  autre  signification  (par  ex.  celle  de 
'fœtus',  'ce  qui  est  engendré')  prenait  peu  à  peu  le  sens  de 
'enfant';  on  dénommait  l'enfant  d'après  une  qualité  parti- 
culière, la  petitesse:  parvulus,  pisinnus,  etc.;  ou  on  lui  ap- 
pliquait métaphoriquement  le  nom  d'un  animal:  pullus. 

Sous  la  rubrique  de  «tradition  latine»  je  range  aussi, 
à  l'exemple  de  M.  Zauner,  pour  des  motifs  pratiques,  les 
dérivés  des  mots  latins,  parmi  lesquels  les  diminutifs  sont 
les  plus  importants.  Je  ne  me  dissimule  pourtant  pas 
qu'il  faut  voir  dans  ces  dérivés  le  résultat  des  forces  créa- 
trices des  langues  romanes.  M.  Tappolet  s'est  servi,  dans 
ce  cas,  de  l'expression:  romanische  Wortschôpfung  im  An- 
schluss  an  die  Tradition. 

Si  le  nombre  des  dénominations  latines  qui  ont  été 
conservées    est    relativement  peu  considérable,  les  expres- 

^  Quelquefois    cet   emploi   ne  se  rencontre  que  dans  le  bas-latin. 

*  Je  me  sers  de  ces  termes  dans  la  signification  que  M.  H.  Paul 
leur  a  donnée  {Prinzipien  der  Sprachgeschichte,  4e  éd..  p.  75). 

*  Cf.  aussi  Tappolet,  op.  cit.,  p.  7. 


—  li- 
sions   nouvelles   que  les  langues  romanes  ont  créées  elles- 
mêmes  sont  d'autant  plus  riches  et  variées. 

Quelles  sont  les  sources  de  tous  ces  néologismes?  La 
réponse  à  cette  question  forme  la  partie  la  plus  étendue 
et  aussi  la  plus  intéressante  de  notre  étude. 

Comme  tous  les  autres  mots  nouveaux,  les  déno- 
minations d'enfants  proviennent  de  sources  différentes: 
elles  peuvent  être  le  résultat  d'une  création  primitive, 
ou  être  tirées  d'un  mot  déjà  existant  par  une  modifi- 
cation de  la  forme,  ou  par  un  changement  de  la  signifi- 
cation; enfin,  elles  peuvent  être  empruntées  à  une  langue 
étrangère. 

Parmi  ces  procédés,  les  changements  de  sens  ^  sont  les 
plus  importants. 

J'ai  essayé  de  réunir  les  mots  provenant  d'un  chan- 
gement sémantique  dans  deux  grands  groupes:  mots  pro- 
venant d'un  changement  passif,  et  mots  provenant  d'un 
changement  actif'^. 

Par  la  signification  d'un  mot  il  faut  entendre,  à  mon 
avis,  l'ensemble  d'idées  et  de  sentiments  que  ce  mot 
éveille  dans  notre  esprit  et  que  nous  exprimons  en  le  pro- 
nonçant. Dans  cet  assemblage  d'idées  que  nous  associons 
à  un  certain  mot,  il  y  en  a  toujours  une  qui  prédomine, 
qui  se  trouve,  pour  ainsi  dire,  au  centre  de  la  conscience  ; 
et    c'est  cette  idée  principale  qu'on  appelle,  dans  un  sens 


'  Sous  cette  rubrique  je  vais  traiter  aussi  des  cas  où  la  forme 
du  mot  a  été  modifiée  en  même  temps  que  sa  signification;  par  ex. 
prov.  mod.  ragas  'valet'  :>  ragasset  'petit  garçon';  ital.  mamma 'mère' 
>  mammola  'fillette'. 

^  J'ai  emprunté  ces  termes  à  M.  Sandfeld  Jensen.  On  les  re- 
trouve dans  le  passage  suivant  du  Sprogvidenskaben,  §  62:  «Af  en 
bel  anden  beskaffenhed  end  de  bidtil  omtalte  betydningssendringer, 
der  for  saa  vidt  er  passive,  som  de  ikke  er  tilsigtede,  men  er  et 
résultat  af  de  krsefters  virksomhed,  der  ogsaa  i  andre  henseender  bar 
en  omdannende  indflydelse  paa  sproget,  er  nu  en  rœkke  betydnings- 
forandringer,  som  man  kunde  kalde  aktive,  idet  der  lœgges  en  ny 
betydning  in  i  et  ord,  fordi  der  af  en  eller  anden  grund  er  brug  derfor». 


—  12  — 

plus  étroit,  la  signification  du  mot  ^.  Or,  il  peut  arriver 
que  l'une  des  idées  accessoires  se  place  occasionnellement 
au  premier  plan  dans  la  conscience  de  celui  qui  entend 
le  mot,  tandis  que  l'idée  principale  se  présente  à  lui  moins 
distinctement;  et  la  prochaine  fois  qu'il  prononce  le  mot, 
il  lui  fait  peut-être  représenter  justement  cette  idée  même 
que  le  mot  a  éveillée  chez  lui.  A  force  d'être  répété  par 
plusieurs  individus,  cet  emploi  occasionnel  peut  devenir 
usuel;  et  alors  on  dit  que  le  mot  a  changé  de  signification. 

Le  mot  provençal  fnacip  (du  lat.  mancipium)  signifiait 
proprement  'esclave',  'serviteur'.  Mais  les  serviteurs  étant 
le  plus  souvent  des  jeunes  gens,  on  s'habituait  à  associer 
aussi  à  ce  mot  l'idée  de  'jeune  homme';  et  d'accessoire, 
cette  idée  devenait  peu  à  peu  l'idée  prédominante. 

De  môme  un  mot  signifiant  'fils'  ou  'fille',  et  auquel 
on  joint  volontiers  l'idée  de  'jeune  garçon'  ou  dé  'jeune 
fille',  a  pris  quelquefois,  au  cours  des  temps,  cette  der- 
nière signification. 

A  l'idée  de  'non  marié'  se  joint  souvent,  dans  certains 
dialectes,  celle  de  'jeune'.  Puis,  celle-ci  étant  devenue  le  sens 
principal  du  mot  schietto  (lomb.  sc&t)^  ce  terme  a  servi  à  dé- 
signer aussi,  dans  certains  dialectes  haut-italiens,  les  enfants, 
et  a  fini  par  s'employer  exclusivement  dans  cette  dernière 
acception. 

Certains  mots  qui  désignent  primitivement  la  famille, 
tous  les  gens  de  la  maison,  ont  pris  peu  à  peu  un  sens 
individuel,  de  sorte  qu'ils  peuvent  servir  à  désigner  ou  la 
femme,  ou  l'enfant,  ou  le  serviteur. 

1  Dans  son  ouvrage  prémentionné  Die  Bedeutung  des  Wortes,  p. 
82,  M.  K.  O.  Erdmann  distingue  dans  la  signification  d'un  mot  les 
éléments  suivants: 

«1)  den  b  egrit'f  lichen  Inhalt  von  grosserer  oder  geringerer 
Bestimmtheit  —  —  — , 

2)  den  Nebensinn  (ailleurs  il  a  employé  le  terme  'Vorstel- 
lungswert'), 

3)  den  Gefiihlswert  (oder  Stimmungsgehalt)». 

«Und  ich  verstehe  unter  dem  Nebensinn,  poursuit-il,  aile  die  Begleit- 


—  13  — 

Ces  exemples  révèlent  un  déplacement  de  la  signifi- 
cation passif,  lent  et  insensible,  qui  se  produit  par  degrés, 
et    sans    que    l'individu   qui  y  coopère  en  ait  conscience  ^ 

Les  changements  sémantiques  de  l'autre  groupe  ont 
par  contre  pour  point  de  départ  une  création  instantanée 
et  consciente  de  l'individu;  et  voilà  pourquoi  je  les  appelle 
changements  actifs.  Il  s'agit  ici  d'une  épithète,  qu'on 
applique  à  un  enfant  ^,  soit  pour  exprimer  le  sentiment 
qu'il  vous  inspire,  soit  pour  le  dénommer  d'après  une 
qualité  frappante,  et  qui,  grâce  à  une  répétition  continue, 
finit  par  s'associer  si  étroitement  à  l'idée  de  cet  enfant 
qu'il  en  devient  la  dénomination  même,  une  sorte  de  nom 
propre.  Si  plusieurs  individus  se  servent  du  même  terme 
de  la  même  manière,  il  finit  par  prendre  le  sens  de  'en- 
fant'. Il  va  sans  dire  que  cette  dernière  phase  du  déve- 
loppement est  un  phénomène  de  «changement  passif»; 
mais  c'est,  nous  le  répétons,  le  premier  emploi  occasionnel 
et  individuel,  qui  nous  fait  caractériser  ce  procédé  comme 
un  changement  actif. 

Tandis  que  les  termes  dont  nous  venons  de  parler, 
ont  un  caractère  plus  objectif,  les  expressions  dont  il 
s'agit  ici,  sont,  ou  ont  été  d'abord,  des  mots  subjectifs. 
Elles  reflètent  l'impression  que  fait  l'enfant  sur  l'esprit  de 
ceux  qui  l'entourent,  et  ce  sont  les  sentiments  qu'il  leur 

und  Nebenvorstellungen,  die  ein  Wort  gewohnheitsmâssig  und  un- 
■willkurlich  in  uns  auslôst,  unter  dem  Geftihlswert  oder  Stim- 
mungsge  hait  aile  reactiven  Gefiihle  und  Stimmungen,  die  es  erzeugt». 

^  M.  Jaberg,  qui  donne  à  ce  genre  de  changements  sémantiques  le 
nom  de  Bedeutungsverschiebung,  le  caractérise  de  la  manière  suivante: 
«Die  Bedeutungsverschiebung  charakterisiert  sich  dadurch.  dass  die 
Bedeutung  des  in  Frage  kommenden  Wortes  occasionell,  d.  h.  bei  der 
einzelnen  Verwendung.  als  eine  alte  und  zutreffende  erscheint.  Das 
Wort  bleibt  dem  zu  bezeichnenden  Begriffe  in  jedem  Augenblicke. 
adaquat;  die  neue  Bedeutung  entsteht  nach  und  nach;  sie  wird  von 
der  gesamten  8prachgenossenschaft  geschaffen».  (ZltPh,  XXVII,  p.  25.) 

*  Cf.  ce  que  dit  M.  E.  Wellander  sur  Namengebung  dans  son 
ouvrage  intitulé  Studien  zum  Bedeutungswandel  un  Deutschen,  I,  p. 
138  s. 

2 


—  14  — 

inspire  qui  nous  expliquent  la  richesse  et  la  variété  éton- 
nantes de  ces  dénominations.  Le  proverbe  suédois:  <^Kàrt 
harn  liar  mânga  namn»  («A  enfant  chéri  bien  des  noms») 
fait  ressortir  ceci  assez  clairement.  Aux  yeux  de  la  jeune 
mère  tous  les  noms  habituels  sont  trop  usés,  trop  banals; 
ils  ne  peuvent  point  rendre  ce  qu'elle  éprouve  pour  son 
bébé,  et  elle  en  invente  de  nouveaux.  Ce  n'est  qu'un 
nombre  relativement  petit  de  ces  créations,  qui  persistent 
assez  longtemps  pour  être  enregistrées  par  les  lexicographes 
(et  je  m'en  félicite!);  toutefois,  ce  nombre  est  encore  assez 
considérable. 

Les  sentiments,  que  rendent  ces  épithètes,  ne  sont 
pourtant  pas  toujours  des  sentiments  d'affection  et  de 
tendresse.  Ils  varient  naturellement  avec  le  point  de  vue 
de  celui  qui  parle,  et  avec  les  qualités  de  l'enfant.  C'est 
sans  doute  aux  parents  et  aux  nourrices  que  nous  devons 
les  épithètes  purement  hypocoristiques  :  carocce,  naccherino, 
mon  petit  chat,  mon  poulot,  etc.  ;  tandis  que  les  voisins,  les 
étrangers  et  d'autres  personnes  qui  regardent  les  petits 
d'un  œil  plus  froid  et  plus  critique,  qui  aperçoivent  sur- 
tout leurs  côtés  les  moins  attrayants  (leur  malpropreté, 
leurs  criailleries,  leur  turbulence,  leur  impertinence)  sont 
probablement  les  auteurs  des  épithètes  injurieuses  :  mor- 
veux, miaïllon,  lucifar,  stronzolino,  etc. 

Il  faut  cependant  observer  ici  un  phénomène  qui  joue 
un  rôle  très  important  pour  la  création  des  dénominations 
d'enfants:  l'emploi  «cacophémique»  ^  des  termes  injurieux, 
qui  en  fait  des  épithètes  hypocoristiques  ^. 

Bien  que  tous  les  termes  qui  proviennent  d'un  «chan- 
gement actif»   servent  à  exprimer,  en  quelque  mesure,  un 

^  Pour  l'explication  plus  détaillée  de  ce  terme,  voir  §  191. 

^  Le  langage  du  peuple  n'hésite  pas  à  employer  de  cette  ma- 
nière les  termes  les  plus  grossiers;  et,  entre  les  expressions  que 
je  citerai  dans  ce  travail,  il  y  a  des  mots  qui  blessent  les  convenances 
d'une  manière  très  sensible.  Mais  ce  sont  là  des  considérations  aux- 
quelles l'étymologie  et  la  lexicologie  ne  peuvent  pas  s'arrêter. 


—  16  — 

sentiment,  ce  caractère  affectif  est  plus  prononcé  dans 
certains  mots  que  dans  d'autres  *.  J'ai  rangé  dans  un 
groupe  particulier  les  épithètes  dont  l'emploi  a  été  dicté 
en  première  ligne  par  un  sentiment,  soit  de  tendresse, 
soit  de  mépris;  ce  sont  les  termes  affectifs.  Les  mots  qui 
servent  à  désigner  l'enfant  par  une  qualité  particulière 
forment  le  groupe  des  termes  descriptifs  et  ceux  qui  ca- 
ractérisent l'enfant  en  le  comparant  à  un  objet,  avec  lequel 
il  a  quelque  chose  de  commun,  celui  des  métaphores.  Dans 
ces  deux  derniers  groupes,  on  trouvera  un  grand  nombre 
d'épithètes  qui  mériteraient  d'être  désignées  comme  des  ter- 
mes affectifs;  mais  parce  qu'ils  contiennent  en  outre  un  élé- 
ment intellectuel  bien  distinct  (un  trait  caractéristique 
ou  une  comparaison),  j'ai  préféré  les  ranger  à  côté  des 
autres  expressions  descriptives  ou  métaphoriques. 

Il  va  de  soi  que  je  ne  me  suis  pas  proposé  de  traiter 
ici  de  toutes  les  épithètes  hypocoristiques,  cacophémiques 
ou  injurieuses,  que  j'ai  trouvées  dans  les  langues  romanes. 
Ce  qui  m'intéresse  en  première  ligne,  ce  sont  les  mots 
qui  ont  passé  la  phase  purement  subjective  et  qui  servent 
à  désigner  un  enfant,  un  garçon  ou  une  fille  en  général. 
Mais,  si  je  me  contentais  de  citer  seulement  ces  expres- 
sions, elles  resteraient  souvent  inexpliquées;  et,  du  reste, 
il  est  pratiquement  impossible  de  les  distinguer  par  des 
limites  précises  de  celles  qui  conservent  encore,  plus 
ou  moins,  le  timbre  affectif.  Le  même  mot  qui,  dans  un 
certain  parler,  signifie  simplement  'enfant',  'garçon',  peut 
s'employer,    dans    un    autre,    au    sens  primitif,  tendre  ou 


^  «Si  d'une  part  on  peut  affirmer  que  nous  ne  pensons  ni  ne 
parlons  jamais  d'une  façon  entièrement  intellectuelle,  d'autre  part  la 
dose  affective  de  la  pensée  peut  être  si  minime  que  pratiquement  son 
expression  doit  être  classée  dans  la  catégorie  du  langage  de  la  logi- 
que. Mais  la  réciproque  est  également  vraie:  le  sentiment  peut  do- 
miner au  point  de  réduire  l'idée  au  zéro  pour  l'observateur».  (Ch.  Bally 
Traité  de  stylistique  française.  Heidelberg  1909,  I,  p.  7.)  —  Cf.  aussi 
Erdmann,  op.  cit.,  p.  12. 


—  16  — 

injurieux,  tandis  qu'on  le  trouve  peut-être,  à  d'autres 
endroits  encore,  dans  une  phase  intermédiaire  ^  J'ai 
donc  trouvé  utile  de  m'occuper  aussi  un  peu  des  mots  qui 
représentent  ces  phases  antérieures;  et  je  me  suis  permis 
en  outre  quelquefois  de  citer  des  termes  affectifs,  qui  ne 
s'emploient  point  dans  un  sens  général,  mais  qui  servent  à 
illustrer  quelqu'un  des  procédés  sémantiques  dont  j'ai  traité. 

Auprès  des  changements  de  sens,  les  autres  procédés 
dont  se  servent  les  langues  romanes  pour  créer  de  nou- 
velles dénominations  d'enfants,  sont  d'une  importance  rela- 
tivement peu  considérable. 

Les  onomatopées  d'origine  enfantine  sont  peu  nom- 
breuses, chose  assez  naturelle,  puisque  ce  ne  sont  pas  les  en- 
fants eux-mêmes  qui  en  ont  été  les  auteurs,  mais  leurs 
parents,  leurs  nourrices  et  d'autres  personnes  adultes,  qui 
répètent  les  premiers  mots  que  bégaie  le  bébé,  et  lui  en  font 
des  noms,  parce  qu'ils  les  trouvent«jolis»  ^.  Un  groupe 
assez  nombreux  est  formé  par  les  mots  qui  tirent  leur 
origine  de  ninna-nanna,  chant  monotone  avec  lequel  on 
berce  l'enfant  pour  l'endormir. 

Quant  aux  mots  d'emprunt,  c'est  l'allemand  qui  en  a 
fourni  la  plupart. 

De  tous  les  noms  d'enfants  les  plus  usités  on  a 
tiré  des  diminutifs.  Souvent  ce  ne  sont  que  des  termes  de 
tendresse,  mais  il  y  en  a  aussi  qui  ont  un  sens  tout  à 
fait  objectif.  Il  n'est  point  rare  qu'ils  entrent  dans  la 
fonction  du  mot  simple,  surtout  quand  celui-ci  a  disparu 
ou    changé    de    signification.    —    En   ce  qui  concerne  les 

'  Ainsi  bardassa,  qui  en  italien  commun  conserve  toujours  l'ancien 
sens  péjoratif  de  'giton',  'bardache',  signifie  dans  le  Sud  de  l'Italie  'ra- 
gazzo'  sans  aucune  idée  dépréciative,  tandis  que  le  Nord  l'emploie 
tantôt  dans  cette  signification,  tantôt  avec  une  nuance  de  reproche 
^ 'ragazzaccio').  L'ital.  mulo  'mulet',  qui  a  en  toscan  le  sens  exclusif 
de  'bâtard',  signifie  à  Settimo  Vitone  (Piémont):  'enfant';  le  triestin 
présente  les  deux  sens,  et,  en  outre,  le  sens  intermédiaire  de  'co- 
quin', 'drôle'. 

^  Cf.  Sandfeld  Jensen,  op.  cit.,  p.  119. 


—  17  — 

dérivés  augmentatifs,  je  me  suis  borné  le  plus  souvent  à 
mentionner  ceux  qui  servent  à  désigner  des  enfants  d'un 
âge  plus  avancé  que  ne  le  fait  le  mot  simple. 

Dans  un  dernier  groupe  j'ai  réuni  les  termes  dont  je  ne 
m'explique  pas  l'origine,  et  que  je  n'ai  pas  discutés  ailleurs. 


Pour  ce  travail  j'ai  utilisé  presque  exclusivement  des 
sources  imprimées:  dictionnaires  des  langues  littéraires, 
glossaires  de  patois,  ouvrages  spéciaux,  périodiques  et  — 
last  but  not  least  —  V Atlas  linguistique  de  la  France.  Pour 
les  détails,  je  renvoie  à  la  Bibliographie.  A  cause  de  la 
guerre,  qui  a  retardé  ou  rendu  impossible  le  service  postal, 
j'ai  dû  renoncer  à  recueillir  des  renseignements  par  cor- 
respondance. L'été  dernier  j'avais  projeté  un  voyage  à 
Zurich,  pour  utiliser  les  collections  précieuses  qui  four- 
niront les  matériaux  du  Glossaire  des  patois  de  la  Suisse 
romande.  Malheureusement,  ce  projet  n'a  pas  pu  se  réa- 
liser par  suite  du  refus  des  autorités  allemandes  de  viser 
mon  passeport.  Alors  M.  Louis  Gauchat  a  entrepris  lui- 
même,  avec  une  complaisance  et  un  dévouement  dont  je 
ne  saurais  assez  le  remercier,  la  tâche  pénible  de  dé- 
pouiller les  Matériaux,  et  de  m 'envoyer  la  liste  des  déno- 
minations d'enfants  qu'ils  renferment. 

Quant  au  mode  de  transcription,  j'ai  ordinairement 
adopté  l'orthographe  de  mes  sources.  Pour  les  mots  tirés 
de  V Atlas  linguistique  de  la  France,  il  m'a  fallu  cependant 
me  contenter  le  plus  souvent,  pour  des  raisons  typogra- 
phiques, de  les  reproduire  tels  qu'ils  figurent  dans  la  Table 
de  cet  ouvrage,  c.-à-d.  sans  signes  de  quantité  ou  de  qualité  ^ 

Le  sujet  de  ma  thèse  a  été  effleuré  déjà  par  Diez 
dans    son    excellent  petit  ouvrage,  Bomanische  Wortschôp- 

^  Je  me  suis  en  outre  permis  d'échanger  certains  caractères, 
qui  ne  se  trouvaient  pas  à  l'imprimerie,  contre  d'autres. 


—  18  — 

fung,  où  il  a  étudié  sommairement  les  mots  dont  se  servent 
les  langues  romanes  pour  rendre  vingt-sept  groupes  d'idées; 
parmi  ceux-ci  on  retrouve  aussi  les  sujets  des  travaux  de 
MM.  Tappolet^  Zauner  et  Merlo.  Le  septième  chapitre, 
qui   est  consacré  aux  âges  de  la  vie,  contient  2  ^2  pages. 

Comme  je  l'ai  fait  remarquer  déjà  ^,  la  plupart  des  termes 
que  M.  Tappolet  a  réunis  dans  le  deuxième  chapitre  de  son 
ouvrage,  signifient  primitivement  'garçon'  —  'fille'.  M.  Sal- 
vioni  a  enrichi  les  matériaux  recueillis  par  le  savant 
suisse  d'un  grand  nombre  d'additions,  tirées  des  dia- 
lectes italiens  ^. 

Le  seul  travail  qui,  avant  le  mien,  se  soit  occupé 
spécialement  des  dénominations  d'enfants  dans  les  langues 
romanes,  est  un  article  de  M^^®  Alice  Sperber,  Zur  Bil- 
dung  ronianischer  Kindernamen,  publié  dans  la  Zeitschrift 
fur  romanische  Philologie,  Beiheft  XXVII,  p.  144 — 161.  Dans 
cet  article,  M^^®  Sperber  a  essayé  de  donner  l'étymologie 
de  quelques-unes  des  plus  usitées  entre  ces  dénominations. 
Plusieurs  des  explications,  qu'elle  a  proposées  ou  adoptées, 
me  semblent  convaincantes,  et  quelquefois  il  m'a  été 
possible  de  les  confirmer  en  indiquant  des  phénomènes 
parallèles.  Excepté  toso  —  tosa,  elle  considère  (dans  plu- 
sieurs cas  certainement  à  tort)  tous  les  mots  dont  elle 
traite,  comme  provenant  de  noms  d'animaux.  Cet  emploi 
métaphorique  des  noms  d'animaux,  dont  la  fréquence  est 
témoignée  aussi  par  les  paragraphes  313 — 371  de  cette  thèse, 
a  été  signalé  et  mis  en  évidence  au  moyen  d'une  foule 
d'exemples  par  M.  Lazare  Sainéan  dans  deux  travaux 
richement  documentés  :  La  création  métaphorique  en  français 
et  en  roman.  Images  tirées  du  monde  des  animaux  domesti- 
ques. I.  Le  chat,  avec  un  appendice  sur  la  fouine,  le  singe 
et    les  strigiens.     II.   Le  chien  et  le  porc  avec  des  appendices 


^  Voyez  p.  5,  n.  4. 

2  BendlL,     sér.    II,    XXX,    p.    1497—1520.      Les    dénominations 

ants  se  trouvent  p.  1504 — 1508. 


d'enfants  se 


—  19  — 

sur  le  loup,  le  renard  et  les  batraciens  ^  Malheureusement, 
il  y  a  dans  ces  ouvrages  intéressants  un  assez  grand 
nombre  de  renseignements  douteux,  et  l'auteur  désigne 
souvent  comme  métaphores  tirées  du  monde  des  animaux 
des  expressions  qu'il  faut  expliquer  autrement. 

Les  dénominations  d'enfants  en  latin  ont  été  étudiées 
par  A.  Funck  dans  son  travail  mentionné  plus  haut:  Was 
heisst  'die  Kinder^?  M.  W.  Heraeus,  dans  un  article  inti- 
tulé Die  Sprache  der  rômischen  Kinderstuhe  (dans  VArcJiiv 
fUr  lateinische  Lexiho graphie  und  Grammatik,  XIII,  p.  149 
— 172),  s'occupe  du  même  sujet  *. 

Dans  l'introduction  de  son  travail,  M.  Tappolet  ra- 
conte que  c'était  l'étude  de  Funck  qui  lui  avait  donné  le 
point  de  départ  pour  ses  recherches  sur  les  noms  romans 
de  parenté.  «Von  diesem  Begriff  [die  Kinder]  ausgehend, 
poursuit-il,  aber  im  Verlauf  ihn  wegen  seiner  Vielseitig- 
keit  und  Elastizitât  immer  mehr  bei  Seite  lassend,  dehnte 
ich  die  Arbeit  auf  die  leichter  definierbaren  Verwandt- 
schaftsbegriffe  aus>. 

En  étudiant  les  idées  de  'enfant',  'garçon',  'fille'  au 
point  de  vue  de  l'âge,  j'ai  donc  eu  la  hardiesse  de  reprendre 
un  sujet  que  le  savant  initiateur  en  ce  genre  de  recher- 
ches avait  laissé  de  côté.  Que  les  difficultés  de  cette 
entreprise,  qu'il  a  lui-même  ainsi  indiquées,  servent  d'excuse 
aux  défauts  de  mon  travail! 


1  ZBPh,  Beih.  I  et  X. 

^  Ajoutons  encore  que  M.  Sandfeld  Jensen,  dans  son  travail  pré- 
mentionné Sprogvidenskaben,  p.  118 — 119,  a  fait  sur  l'origine  des  dé- 
nominations d'enfants  quelques  remarques  bien  fondées,  qui  se  rap- 
portent aussi  aux  langues  romanes.  Cf.  encore,  pour  les  langues  ger- 
maniques. Lis  Jacobsen,  Kvinde  og  Mand;  En  sprogstudie  fra  dansk 
Middelalder.  Kebenhavn  1912;  E.  Bjôrkman,  Neuschwed.  gosse  'Knabe, 
Junge',  eine  semasiologisch-tnethodologische  Studie  {Indogermanische 
Forschungen,  XXX,  p.  252 — 278),  et  les  ouvrages  qu'il  y  cite. 


■9 


PREMIERE  PARTIE. 

TRADITION  LATINE. 


a/ 


I.     TRADITION  PROPRE. 


A.    Expressions  latines  pour  rendre  les  idées  de 
«enfant»,  «(petit)  garçon»,  «(petite)  fille». 

Infans, 

1.  Le  latin  classique  employait  ordinairement  le  mot 
pueri  pour  désigner  des  êtres  humains  des  deux  sexes  dans 
les  premières  années  de  leur  vie.  Le  singulier  pwer  signi- 
fiait 'garçon'.  D'autres  expressions,  telles  que  liberi,  nati^ 
servaient  à  exprimer  le  rapport  de  parenté  ^.  Dans  les 
langues  romanes,  puer  a  disparu  ^,  et  déjà  en  latin  il 
commençait  de  bonne  heure  à  être  supplanté  par  d'autres 
expressions,  surtout  par  infans.  Dans  son  ouvrage  signalé 
plus  haut,  Was  heisst  'die  Kinder^?,  A.  Funck  nous  fait 
suivre  ce  développement  en  étudiant  certaines  combinai- 
sons fixes  («formelhafte  Verbindungen»),  telles  que pueros 
ac  senes,  senes  juvenes  piieros,  etc.,  dans  lesquelles  la  signi- 
fication de  'jeunes  enfants'  apparaît  très  nettement  ^.    Au 

*  «Das  Lateinische  ging,  um  den  Begriff  'Kind'  auszudriicken, 
von  der  pluralischen  Bezeichnung  aus,  und  in  dei'  alteren  Zeit  bediente 
man  sich,  um  ein  einzelnes  Kind  zu  bezeichnen,  stets  der  deutlicheren 
Masculina  oder  Feminina  natus,  nata,  filius.  filia,  puer,  puella,  u.  a. 
Es  ist  aber  charakteristisch  fiir  die  Macht  der  Grewohnheit,  dass  selbst 
sorgfâltige  Schriftsteller  es  mit  dem  Plural  liberi  gelegentlich  einmal 
nicht  so  genau  nahmen  und  ihn  setzten,  wo  sie  nur  von  einem  Kinde 
sprachen».  (Funck,  op.  cit.,  p.  75.)  —  Sur  cet  emploi  du  pluriel  au 
sens  du  singulier,  cf.  encore  Schmolz,  dans   Glotta.  III,  p.  44. 

'  Le  diminutif  puerculus  a  subsisté  en  toscan;  voir  §  21. 

«  ALL,  VII,  p.  73. 


—  24  — 

lieu  de  pueri,  on  trouve  infantes  déjà  chez  Quinte-Curce, 
IX,  5,  20:  non  senihus,  non  feminis,  non  infantïbus  parcitur; 
et  chez  Sénèque,  Dial.,  III,  13,  5:  iracundissimi  infantes 
senesque  et  œgri  sunt  ^.  Chez  les  écrivains  ecclésiastiques, 
parvuli  se  rencontre  fréquemment  en  pareil  cas.  Il  en 
est  de  même  pour  mulieres  (ou  feminae)  atque  pueri,  com- 
binaison fixe  encore  plus  fréquente:  infantes  (et  plus  tard 
parvuli)  y  est  très  souvent  substitué  à  pueri  par  Jules 
César  et  par  les  auteurs  qui  l'ont  suivi. 

2,  Infans,  qui  remplaça  ainsi  en  première  ligne  puer, 
fut  employé  à  l'origine  comme  un  adjectif,  mais,  déjà  an- 
térieurement à  la  période  classique,  il  avait  pris  peu  à 
peu  le  caractère  d'un  substantif.  Le  sens  primitif  de 
'celui  qui  ne  parle  pas'  (<  in  +  fari)  paraît  avoir  été  con- 
servé dans  la  langue  assez  longtemps  pour  expliquer  que 
le  mot  ait  été  employé  toujours  en  latin  au  •  sens  de 
'petit  enfant'  et  même  de  'enfant  dans  le  sein  de  sa  mère'. 
Cependant  sa  signification  s'est  généralisée  de  bonne 
heure.  Funck  cite  plusieurs  exemples  tirés  des  auteurs 
classiques  qui  permettent  une  interprétation  plus  largo 
du  mot,  et  les  écrivains  ecclésiastiques  désignent  souvent 
par  infantes  des  enfants  de  cinq  à  quinze  ans;  cf.  aussi 
Jérôme  (vol.  XI,  Migne,  30,  240  D):  cum  hodieque  Bomae 
omnes  filii  vocentur  infantes.  Cette  généralisation  est  mise  en 
évidence  par  les  inscriptions,  qui  nous  donnent  l'âge  des 
défunts  en  chiffres  précis,  tinfans  ne  désigne  plus  seule- 
ment un  enfant  incapable  encore  de  parler,  mais  bien  le 
jeune  homme,  la  fillette,  au  même  titre  que  puer  etpuella», 
dit    M.   Pirson  ^,  en  citant  des  exemples  où  le  mot  infans 


^  Pour  d'autres  exemples,  voir  Funck,  op.  cit.,  p.  88. 

^  La  langue  des  inscriptions  latines  de  la  Gaule  (Bibliothèque 
de  la  Faculté  de  philosophie  et  lettres  de  V  Université  de  Liège,  Fasci- 
cule XI)  Bruxelles  1901,  p.  258. 


—  26  — 

est    appliqué    à    des  enfants  de  trois  à  douze  ans,  à  côté 
d'autres  où  il  conserve  encore  son  sens  primitif  K 

Infans  était  aussi  un  terme  juridique,  synonyme  de 
l'expression  qtd  fari  non  potest,  où  fari  est  pris  dans  le 
sens  le  plus  large  du  mot:  «il  s'applique,  non  pas  à  l'en- 
fant qui  commence  à  articuler  les  mots,  mais  à  celui  qui 
comprend  ce  qu'il  dit.  Infans  est  un  incapable  ;  il  ne  peut, 
s'il  est-  sui  juris,  exercer  les  droits  dont  il  a  la  jouissance»  ^. 
Sous  Justinien  la  limite  de  Vinfantia  fut  fixée  à  sept  ans. 
Cette  limitation  précise  de  l'enfance  se  retrouve  encore 
aujourd'hui  en  espagnol  et  en  portugais,  oixinfante  —  infanta 
signifie    un  garçon,  une  fille  qui  lî'a  pas  encore  sept  ans. 

3.  Infans  s'est  maintenu  en  français  et  dans  les  parlers 
rhétiques  des  Grisons  ;  il  se  rencontre  aussi,  bien  que  plus  rare- 
ment, dans  le  Frioul,  en  Italie,  et  dans  la  péninsule  ibérique. 
D'une  forme  abrégée  de  ce  mot  l'italien  et  les  dialectes 
italiens  ont  tiré  une  foule  de  dérivés  très  employés. 

4.  La  carte  461  de  V Atlas  linguistique  de  la  France 
nous  montre  l'étendue  géographique  actuelle  de  infans  dans 
le  domaine  gallo-roman.  Nous  voyons  que  c'est  l'expression 
la  plus  usitée  pour  désigner  un  enfant  en  Wallonie,  dans  la 
Suisse  romande  et  dans  toute  la  France,  à  l'exception 
d'une  large  zone  au  sud-ouest,  embrassant  la  Gascogne,  la 
Guyenne,  la  partie  méridionale  du  Languedoc,  le  Périgord, 
le  Limousin  et  le  Poitou,  où  maynat,  maynadje,  drôle  et,  dans 
le  nord,  quenaille  servent  à  exprimer  la  même  idée  ^.    Au 


*  Il  ajoute  :  «Cette  généralisation  du  sens  d''evfant  n'a  fait  que 
s'accentuer.  Au  VIII®  siècle,  dans  les  gloses  de  Reichenau,  il  sert 
à  expliquer  liheri  et  pueri;  dans  l'ancien  français,  il  est  devenu 
l'équivalent  de  adolescens  et  s'emploie  pour  désigner  le  jeune  homme 
noble,  non  encore  créé  chevalier». 

'  Daremberg  et  Saglio,  Dictionnaire  des  antiquités  grecques  et 
romaines,  art.  Infans. 

*  Dans  la  Saintonge,  l'Aunis,  la  Bretagne  et  le  Bas-Maine,  enfant 
s'emploie  à  côté  de  quenot,  quenaille  et  garçaille. 


—  26  — 

sud-est,  dans  les  patois  du  Dauphiné,  des  vallées  piémon- 
taises  et  du  Valais,  il  existe  quelques  îlots  de  meina  ^, 
probablement  des  restes  d'une  aire  cohérente,  aujourd'hui 
submergée  par  enfant,  l'expression  du  français  commun, 
qui  supplante  peu  à  peu  les  expressions  patoises  («diffusion 
indirecte»  ^),  et  qui  a  aussi  franchi  les  Alpes  en  pénétrant 
dans  la  vallée  d^Aoste  et  dans  celle  de  la  Doire  Ripaire 
(voir  VAtlas  linguistique  461,  aux  points  966,  985,  972). 

5.  En  français,  comme  dans  les  autres  langues  ro-. 
mânes,  la  forme  du  mot  dérive  de  l'accusatif  infantem. 
Le  nominatif,  qui  en  ancien  français  donna  enfes,  en  ancien 
provençal    efas,   a   disparu  ^.  —  A   côté  de  infans,  le  latin 


1  Cf.  §  134. 

-  Cf.  ce  que  dit  M.  Tappolet  sur  «diffusion  directe  et  indirecte» 
(«direkte  und  indirekte  Verbreitung»),  Die  romanischen  Verwandt- 
schaftsnamen,  pp.  13,  15. 

^  Au  point914  (Saint-Lager,  Hhône)  de  la  carte  enfant,  nous  trouvons 
êf  au  lieu  de  ëfû.  Je  ne  crois  pas  qu'on  y  doive  voir  un  représentant  de 
infans,  qui  se  serait  maintenu  au  milieu  des  descendants  de  infantem. 
Cette  forme  s'explique  sans  doute  par  un  déplacement  de  l'accent 
tonique  qui  a  amené  la  chute  de  la  voyelle  finale.  A  tous  les  points 
environnants  on  voit  des  formes  qui  ont  l'accent  tonique  sur  la  pre- 
mière syllabe,  et,  au  point  957  (Haute-Savoie),  afé  fournit  un  exemple 
du  même  développement  phonétique  qui  n'a  cependant  pas  encore 
produit  le  même  résultat.  M.  A.  Thomas,  dans  son  compte  rendu  de 
VAtlas  linguistique  (voir  Nouveaux  essais  de  philologie  française,  p. 
357),  met  en  doute  les  indications  données  sur  l'accent  tonique  par  M. 
Edmont:  «on  se  demande,  dit-il.  si  réellement  l'accent  tonique  s'est 
déplacé,  ou  si  M.  Edmont  a  confondu  l'effort  musculaire  initial  (accent 
d'intensité)  avec  l'élévation  de  la  voix  (accent  de  hauteur)».  M.  Gril- 
Héron,  dans  sa  brochure  intitulée  Atlas  linguistique  de  la  France. 
Compte  rendu  de  M.  Thomas,  répond  à  cette  critique  en  renvoyant 
à  des  exemples  tels  que  épna<cspina,  Tcorna<icorona,  et  en  deman- 
dant si  ce  serait  l'effort  musculaire  initial  qui  aurait  fait  disparaître 
la  voyelle  portant  l'accent  tonique  latin.  —  On  trouvera  dans 
mon  travail  certains  féminins  qu'on  ne  saitrait  guère  expliquer  sans 
recourir  à  l'hypothèse  d'un  pareil  déplacement  de  l'accent  tonique. 
A  la  question  votre  fillette  {est-elle  déjà  baptisée?)  M.  Edmont  a  reçu, 
au  point  614  (Dordogne),  la  réponse  votro  pito  fito;  au  point  608 
(Haute-Vienne),    votro   pito.     Ce   féminin  correspond  au  masculin  piti 


—  27  — 

connaissait  la  forme  ifans  ^  Cette  chute  de  la  nasale  se 
retrouve  dans  l'ancien  provençal  efas,  efant.  Les  langues 
modernes  présentent  des  formes  sans  nasale  à  côté  de 
formes  commençant  par  en-,  in-.  Tandis  que  le  français 
commun  et  les  patois  du  Centre  ont  le  type  enfant,  la 
carte  461  de  V Atlas  linguistique  nous  montre  au  nord-ouest, 
au  nord  et  à  l'est  une  large  zone,  où  les  formes  èfa,  afa, 
ofà  sont  entremêlées  avec  afa,  'e.fa,  etc.  ^  Dans  ces  dernières 
il  faut  probablement  voir  le  résultat  de  l'influence  crois- 
sante du  français  commun.  —  De  même  on  trouve,  dans 
les  parlers  rliétiques  des  Grisons,  des  formes  telles  que 
infaunt  (Haute-Engadine),  imfaunt  (Bivio-Stalla  ;  Savognin), 
à  côté  de  iffant  (suivant  M.  Pallioppi,  c'est  une  forme 
vieillie  de  la  Haute-Engadine),  uffant  (Basse-Engadine) 
afon  (Obwald).  Les  formes  avec  n  devant  f  s'expliquent 
par  l'influence  de  l'ital.  infante;  dans  la  prononciation,  le 
peuple  supprime  toujours  la  nasale  ^.  —  Dans  l'espagnol 
moderne,    infante  a  remplacé  l'ancien  ifante. 


{=petit),  qui  se  dit  pour  'enfant'  au  point  608  et  à  plusieurs  autres 
endroits  dans  les  départements  de  la  Haute-Vienne  et  de  la  Creuse. 
Cf.  mù  pjti  gqrsu  (Dordogne.  Haute-Vienne).  —  Cf.  aussi  tsar  ko  — 
tsarka,  §  287 . 

'  La  chute  de  Vn  est  due  à  la  prononciation  populaire;  voir 
Meyer-Liibke.  Grammaire  des  langues  romanes,  I,  §  484.  —  Les  in- 
scriptions fournissent  aussi  des  exemples  de-  la  perte  de  n  devant  s: 
infas  {Corp.  Inscr.  Lat.  VI,  520,  d'après  Georges,  Ausfûhrliches  latei- 
nisch-deutsches  Handwôrterbuch). 

^  Dans  son  travail  intéressant  sur  les  dénominations  gallo-roma- 
nes du  'tailleur',  Sartre — Tailleur,  pp.  33.  34.  M.  Chr.  Thom  indique 
ce  phénomène  phonétique  à  propos  de  certaines  formes  du  mot  par- 
mentier  sans  n  qu'on  trouve  dans  la  carte  1276  de  V Atlas  linguistique- 
Il  y  écrit:  «c'est  une  des  caractéristiques  des  dialectes  de  l'Est  et  du 
wallon  de  dénasaliser  souvent  dans  cette  position.  A  Liège  par 
exemple,  on  dit  aujourd'hui  efâ  ou  lieu  de  ëfû  etc.»  Il  renvoie  aussi 
à  deux  travaux  de  M.  Horning:  Die  Ostfranzôsischen  Grenzdialekte 
zwischen  Metz  und  Belfort,  p.  77  {FSt,  V)  et  Die  Schicksale  von  en 
-\- Kons.  im  Ostfranzôsischen  {ZEPh,  XI,  p.  542  ss.). 

'  Voir  E.  Walberg,  Saggio  sulla  fonetica  del  parlare  di  Celerina- 
Cresta  {Alta  Engadina),  Lund  1907,  §§  207,  207  a. 


—  28  — 

Dans  certains  cas,  la  chute  de  la  nasale  a  amené 
l'aphérèse  de  la  première  syllabe.  Dans  les  cartes  461 
{enfant)  et  1708  {nourrisson)  de  V Atlas  linguistique,  nous 
trouvons  fa  aux  points  706  et  805  (Puy-de-Dôme)  ^,  en- 
touré de  formes  sans  nasale:  afa,  éfa,  ufà.  Mistral  donne 
fant  (Nice),  font  (Rouergue),  et  le  diminutif  fantou  (Au- 
vergne). —  Cf.  aussi  l'anc.  prov.  fantin  (§  9),  et  le  haut- 
ital,  fante,  fantin  etc.  (§11   ss.). 

6.  En  général,  les  représentants  romans  de  infans 
ont  conservé  la  signification  que  ce  mot  avait  pris  en 
latin  ^.  Ils  désignent  un  enfant  dans  l'âge  qu'on  appelle 
en  français  V enfance  (en  italien  infanzia),  c.-à-d.  «la  pé- 
riode de  la  vie  qui  s'étend  depuis  la  naissance  jusque 
vers  la  septième  année,  et,  dans  le  langage  général,  un 
peu  au-delà,  jusqu'à  treize  ou  quatorze  ans»   (Littré). 

Mais  il  s'est  produit  aussi  une  distinction  du  genre 
naturel:  en  français,  enfant  prend  le  sens  de  'garçon' 
ou  de  'fille';  le  provençal  et  les  langues  de  la  péninsule 
ibérique  désignent  le  féminin  en  différenciant  la  finale. 
Le  français  commun  emploie  enfant  au  féminin  pour  dé- 
signer une  petite  fille  ou  une  jeune  fille  ^:  une  charmante 
enfant.  D'un  autre  côté,  le  sens  de  ce  mot  a  été  restreint 
en  certains  dialectes,  de  sorte  qu'il  signifie  le  plus  sou- 
vent 'enfant  mâle',  'garçon'.  C'est  le  cas  dans  le  Centre, 
dans  les  cantons  de  Vaud  et  de  Fribourg,  et  en  Savoie  *. 


*  Sur  la  carte  572  {mon  fils),  on  trouve  fa  au  point  705  avec 
le  sens  de  'enfant  de  moins  de  cinq  ans'. 

-  Pour  les  acceptions  spéciales  de  l'esp.  infante,  anc.  fr.  enfes 
«te.  ('soldat  à  pied',  'fils  de  roi',  'jeune  noble'),  voir  Yuchs,  Die  rotna- 
nischen  Sprachen  in  ihrem  Verhàltnisse  zum  Lateinischen,  Halle  1849, 
p.  201,  et  Funck,  op.  cit.,  p.  97. 

"  Cf.  V Introduction,  p.  7,  sur  la  généralisation  du  sens  de  fan- 
ciulla,  ragazza^  etc. 

*  Le  suisse  allemand  Chind  'enfant',  s'est  développé  en  sens 
inverse;  il  se  dit  très  souvent  pour  'enfant  du  sexe  féminin':  D' Chind 


—  29  — 

«Pour  beaucoup  de  nos  paysans,  dit  le  comte  Jaubert,  une 
fille  n'est  pas  un  enfant.   'J'ai  deux  enfants  et  trois  filles'»  '. 

7,  L'ancien  provençal  avait  formé  le  féminin  enfanta, 
infanta  'jeune  fille'.  Les  exemples  qu'en  donnent  les 
dictionnaires  de  Levy  et  de  Lespy  et  Raymond,  montrent 
que  cette  forme  était  usitée  dans  l'Aude,  en  Gascogne  et 
en  Béarn.  On  y  trouve  aussi  le  masculin  avec  le  sens 
de  'enfant  mâle',  'garçon'.  Levy  cite  deux  exemples 
de  cet  emploi,  où  enfant  'garçon'  se  trouve  à  côté  de  en- 
fanta 'fille'  ^;  et  c'est  probablement  cette  combinaison  avec 
le  féminin  qui  a  fait  prendre  à  la  forme  masculine  le 
sens  particulier  de  'enfant  mâle'.  Lespy  et  Raymond 
citent  l'exemple  suivant  de  VHistoire  Sainte  (d'après  un 
manuscrit  béarnais  du  XV®  siècle):  Ditz  Saul  a  l'enfant 
qui  ère  ah  luy.  en  le  traduisant  par  «Saiil  dit  au  jeune 
garçon  qui  était  avec  lui». 

Le  provençal  moderne  aussi  connaît  la  forme  fémi- 
nine: enfanto  (gasc.  infanto)  'enfant  femelle'  ^. 

En  catalan,  espagnol,  portugais,  infanta  désigne  une 
petite  fille  de  moins  de  sept  ans  *.  Le  masculin  infante  (cat. 
infant)  désigne  en  général  un  enfant  du  même  âge,  mais 
dans  certaines  phrases,  où  il  est  combiné  avec  infanta. 
il  signifie  'enfant  mâle',  ce  qui  ressort  de  ce  passage  tiré 

und  d'Buebe^.  'les  filles  et  les  garçons'  (voir  Staub-Tobler.  Schiceizeri- 
sches  Idiotikon,  III,  340). 

'  M.  Tappolet.  op.  cit..  p.  39,  a  i-elevé  le  sens  de  'fils'  en  pli^- 
sieurs  endroits  du  Siid-Est,  et  les  données  de  la  carte  572  {mon  fils) 
de  l'Atlas  linguistique  confirment  son  assertion. 

'  cTotz  les  enfants  e  las  efantas  que  d'aquestz  avant  digs  homes 
se  issit».  {Layettes  du  Trésor  des  Chartes  par  Mr.  Alexandre  Teulet. 
n:o  1951,  1.  6.)  «Item  que  tôt  efantz  e  efanta  pubisis,  si  a  XIIII.  ans. 
que  s.ia  tengutz  de  pagar  tota  justesia».  {Les  coutumes,  libertés  et 
franchises  de  Montréal  {Aude),  (texte  inédit  de  1319)  par  l'abbé  Sar- 
thès,  p.  47,  1.   1.) 

■  Moins  usité  que  chato,  drolo. 

*  Les  dictionnaires  de  Franciosini  (1620)  et  d'Oudin  (1675)  ne 
donnent  que  le  sens  de  'infante',  'fille  du  roi'. 

8 


—  30  — 

du  dictionnaire  d'Oudin:  «quand  on  porte  baptiser  un 
enfant,  le  Curé  demande  selon  la  reigle  du  manuel,  en 
parlant  aux  parains  et  maraines,  que  traeys,  infante  o 
infantal  est-ce  fils  ou  fille»  ^ 

8.  Le  frioul.  infant,  qu'enregistre  Pirona  avec  le 
sens  de  'bambino'  ^,  a  été  aussi  autrefois  l'équivalent  de 
'jeune  homme',  et  c'est  évidemment  de  cette  signification 
que  provient  l'acception  actuelle  de  'vagheggino',  'damo'. 
qu'on  trouve  également  dans  Pirona.  Dans  une  traduc- 
tion de  VOrlando  Furioso  de  l'Arioste,  datant  du  XVI*^ 
siècle  ^,  gVinfanch  est  usité  avec  le  sens  de  'jeunes  gens', 
par  opposition  à  Us  pohettis  'les  jeunes  filles'  (strophe  1). 
(}n  y  trouve  aussi  le  dérivé  inf misât  'jeune  homme'  (strophe 
42),  formé  au  moyen  du  suffixe  -at,  caractéristique 
du  frioulan  *,  et  qui  s'employait  aussi  dans  les  dialectes 
anciens  de  Trévise  et  de  Vicence  (cf.  fantat  §  21,  putatto 
§  41,  zouenat  §  46,  sovenatt  §  47). 

9.  L'ancien  français  et  le  provençal  ont  formé  de 
nombreux  diminutifs  de  notre  mot.  Le  français  moderne 
n'en  a  pas  conservé  un  seul,  mais  dans  les  dialectes  on 
en  rencontre  quelquefois. 

Voici  les  diminutifs  que  j'ai  trouvés  en  ancien  français: 
enfantel  (enfanfeau),  enfantin,  enfantet,  enfanset,  enfanton, 
enfançon  ^  {enfanchon,  enfeçon,  enfechon).  Les  poètes  du 
moyen    âge    et    ceux    de    la    Renaissance   montraient  une 


^  Littéralement:  «Qu'est-ce  que  vous  apportez,  garçon  ou  fille?» 

^  Frut  et  fantulin  sont  plus  usités 

3  Voir  Joppi,  AGll,  IV.  p.  233. 

■•  Cf.  Meyer  Liibke,  Grammaire  des  langues  romanes  II,  §  506. 
Il  ne  mentionne  ici  que  le  sens  péjoratif  du  frioulan  -at;  mais,  dans 
infanzat,  fantat,  zovenat,  le  sens  du  suffixe  n'a  rien  de  dépréciatif; 
il  est  augmentatif  ou  neutre. 

^  Si;r  le  suffixe  -çon,  voir  Meyer-Liibke.  op.  cit.,  §  459.  —  En- 
fançon a  été  repris  par  La  Fontaine,  Jean-Baptiste  Rousseau  et  Delille. 
Mercier,  dans  sa  Néologie  (1801),  le  cite  parmi  les  mots  à  renouveler. 


—  31  — 

forte  prédilection  pour  les  diminutifs,  et  surtout  pour  les 
«superdiminutions»  ^  à  suffixe  double:  enfantelet  ^,  enfan- 
tinet,  enfantillon,  enfanronneati,  enfançonnet,  enfançonnete. 
F/nfancenon  se  trouve  dans  l'ancien  bourguignon  (Mignard). 

Le  patois  actuel  de  Bourgogne  connaît  efanti,  le  pi- 
card enfancîion. 

L'ancien  provençal  se  servait  à  peu  près  des  mêmes 
suffixes  que  l'ancien  français:  enfantet,  enfanton,  enfantonet, 
enfanson  ^.  Les  féminins  enfanteta,  enfantina  signifiaient 
'jeune  fille'*,  de  même  que  la  forme  abrégée  fantina; 
fantin  pouvait  désigner  un  enfant  ou  un  jeune  homme. 
Fantin — fantina  se  rencontre  aussi  dans  la  langue  lit- 
téraire des  Vaudois  qui  habitaient  les  vallées  du  Dau- 
phiné  et  du  Piémont  depuis  le  XII"  siècle  °.  Ces  formes 
s'emploient  souvent  dans  le  Nouveau  Testament  vaudois 
avec  les  sens  de  'enfant'  et  de  'jeune  fille'  (p.  ex.  Math., 
IX,  24),  mais  aussi  dans  l'acception  de  'serviteur'  (p.  ex. 
Math.,  XIV,  2).  Dans  les  dialectes  vaudois  qui  se  par- 
lent encore  aujourd'hui  dans  les  vallées  piémontaises  des 
Alpes  Cottiennes,  fantin  ne  se  dit  plus,  mais  on  y  trouve 
un  autre  diminutif  du  tnême  radical,  fantett  (Pral),  fintàtt 
(Angrogna)  "  avec  le  sens  de  'petit  enfant'.  (Cf.  le  hauf^- 
ital.  fante,  fantin.) 


*  Terme  employé  par  H.  Estienne.  Préceîlance  du  langage  fran- 
{'ois,  p.  97  (voir  Nyrop,  Grammaire  historique  de  la  langue  française. 
III,  §  108). 

'  Repris  par  Chateaubriand:  c.  .  .  de  pareilles  enfantelettes  tétant 
ou  fiançant  .  .  .»  (Mémoires;  cité  d'après  Godefroy). 

'  Ce  mot  signifiait  aussi  'gentilhomme',  de  même  que  l'espagnol 
infamon. 

*  Enfantin  s'employait  exclusivement  comme  adjectif  (= 'enfan- 
tin', 'niais'). 

''  M.  Meyer-Liibke.  op.  cit.,  I,  §  6,  range  le  vaudois  parmi  les 
dialectes  provençaux.  Rôsiger,  Neu-Hengstett.  Geschichte  und  Sprache 
einer  Waldenser  Colonie  in  Wiirttemberg.  Greifswald  1882,  con.sidère 
le  vaudois  et  le  dauphinois  comme  un  groupe  linguistique  à  part,  à 
<îôté    des   patois  franco-provençaux. 

«  Voir  Morosi,  AGII,  XI,  pp.  358,  374. 


—  32  — 

Pour  le  provençal  moderne,  Mistral  enregistre  les  di- 
minutifs suivants:  enfantet,  efantet,  efatel  (lang.),  enfantoun, 
enfançoun,  efantot  (rouerg.),  efantou,  efatou  (lim.),  enfantounet. 
efantounet  (lang.),  enfantounèl  (rouerg.),  efantounèl,  efatou- 
nel  (lang,),  et  le  féminin  enfantouno^  'jeune  fille  enfant'. 
Pour  les  parlers  franco-provençaux,  l'Atlas  linguistique 
montre  efantet  à  Vissoj'-e,  Valais  (carte  1708  nourrisson); 
dans  les  matériaux  du  Glossaire  des  patois  de  la  Suisse 
romande  je  trouve:  infanè  (Fribourg),  afna  (Berne),  infanin 
(Valais),  infante  (Vaud,  Valais),  infanton  (Vaud).  Effenot 
est  employé  dans  le  patois  de  Montbéliard. 

L'engadinois  possède  les  diminutifs  infauntin,  infauntet 
(Pallioppi);  l'espagnol:  infantieo,  infantillo.  infantuelo. 

10.  Au  moyen  d'aphérèse  et  de  redoublement  d'une 
syllabe,  le  langage  enfantin  a  transformé  enfant  en  fan- 
fan,  qui  s'emploie  aussi  dans  la  langue  familière  comme 
terme  de  tendresse.  Dans  le  patois  de  Blonay,  fafiyo 
est  également  une  expression  familière  pour  désigner 
un  enfant, 

11.  L'italien  infante  n'appartient  qu'à  la  langue  lit- 
téraire et  juridique  (Petrôcchi).  On  le  trouve  cependant 
dans  quelques  dictionnaires  de  patois:  sic.  infanti,  mil, 
infant  (vieilli,  suivant  Cherubini). 

L'italien  a  préféré  les  formes  abrégées  par  aphérèse: 
fanciidlo  est  le  mot  le  plus  usité  pour  'enfant',  et  dans 
la  Haute-Italie  fante  et  ses  dérivés  ont  été  très  répandus. 

12.  L'ancien  vénitien  nous  fournit  plusieurs  exemples 
de  fante  et  de  ses  dérivés.'  La  traduction  vénitienne  de 
Paniphile,  comédie  latine  du  X®  siècle  \  rend  le  mot 
pueros  du  texte  latin  par  fainti  (vers  488),  et  le  mot  pue- 


^  Le    codex    de  Berlin,  qui  contient  ce  texte  à  côté  de  plusieurs 
autres,  date  du  XlIIe   siècle  (voir  AGII,  X,  p.  232). 


—  33 

riliter  par  cont  un  fantulin  (vers  559).  Cependant,  on  y 
trouve  aussi  enfante,  au  vers  599,  où  puériles  curas  est 
traduit  par  soleçetudene  de  enfante.  La  rédaction  vénitienne 
du  •  Tristan  (vers  l'an  1300)  ^  emploie  souvent  fante  dans 
le  sens  de  'petit  enfant',  une  fois  avec  l'épithète  çovene. 
Cf.  fantia  qui  se  rencontre  dans  le  même  ouvrage  avec 
les  significations  de  'enfantillage'  et  de  'enfance'.  Dans 
les  poèmes  de  Cavassico.  notaire  de  Bellune  au  XVI'' 
siècle,  fant  lou  fent)  se  trouve  fréquemment;  ce  mot  ne 
désigne  pourtant  pas  ici  un  petit  enfant,  mais  un  jeune 
liomme  ou  une  jeune  fille  nubile,  tandis  que  le  diminutif 
fantuz  sert  à  désigner  les  bambins.  Parfois  cependant 
fantu2  est  synonyme  de  fant,  de  même  que  fantoz  signifie 
ragazza'. 

Le  glossaire  latin-bergamasque,  publié  par  M.  Lorck  ^, 
traduit  infans  par  ol  fanti  e  la  fantina;  infantia  par 
la  edad  de'l  fanti.  Fantin — fantina,  'fanciullo',  'fan- 
ciulla',  a  été  relevé  plusieurs  fois  par  M.  Salvioni  dans 
deux  textes  d'ancien  lombard  ^  Dans  l'un  de  ces  textes, 
qui  est  une  paraphrase  du  Neminem  laedi  nisi  a  se  ipso 
de  Chrysostome  '*,  on  trouve  ces  deux  mots  réunis  dans  le 

passage  suivant:    — e  martiri.  c  vergine.  homi  c  fcmene. 

fantin  c  fantinne.  quaxi  innomerahel.  chi  han  tutti  merio  co- 
ronna  de  martirio.  Evidemment,  fantin  ici  signifie  'gar- 
çons'. Dans  le  sermon  en  vers  de  Barsegapé  (XIII'" 
siècle),  nous  trouvons  fantin  'petit  enfant',  et,  dans  les 
poésies  de  Bonvesin  da  Riva,  fantincto — fantineta  'petit 
garçon',  'petite  fille'.  Cherubini  enregistre  les  pluriels 
fànc  (prononcez  fànl),  fancitt,  qu'il  a  trouvés  dans  Albani, 
Varon  milanes  de  la  lenyua  de  Milan,  Milano,  Como  160G. 
La  forme  fane,  que  Biondelli  traduit  par  'infante',  et  qu'il 

*  Voir  StR,  IV,  p.  71. 

*  Voir  Altbergamasktsc/ie  SpracMenkmàler  (IX— XV.  Jahrhvn- 
(hrt\  p.  96. 

»  Voir  AGII,  XII,  p.   103. 

*  Voir  AGU,  VIT,  p.  92.  1.  U. 


-  34  — 

désigne  comme  un  mot  de  l'ancien  milanais  (et  du  dia- 
lecte de  la  Levantine),  est  évidemment  le  même  mot  que 
le  pluriel  fane  (cf.  §  14). 

Fante  se  rencontre  aussi  en  ancien  génois,  Flechia  ^ 
cite  deux  exemples  du  pluriel  faniti  (lisez  fainti  ^),  ou  fanti, 
'fanciulli',  'ragazzi',  tirés  des  Rime  genovesi  de  la  fin  du  XIIP 
siècle  et  du  commencement  du  XIV®,  publiés  dans  ArcJd- 
vio  glottologico  italiano  II.  Dans  ces  poésies  on  trouve  aussi 
fantin — fantina  'fanciullo',  'fanciuUa',  —  Je  ne  connais 
pas  d'exemple  de  fante  (ou  de  fantin)  en  ancien  piémon- 
tais.  Mais  comme  on  le  trouve  en  lombard,  en  génois, 
en  vaudois  et  .en  provençal,  il  m'apparaît  comme  très 
vraisemblable  qu'il  n'a  pas  été  inconnu  en  piémontais. 
L'existence  en  piémontais  moderne  des  fqrmes  fanciot 
'fanciullo',  faneiotin  'fanciullino'  (monferrin  fanciott  ",  fan- 
eiutin)^  confirme  aussi  cette  hypothèse.  De  même,  le  bol. 
fantein  nous  fait  supposer  que  fante  a  existé  aussi  dans 
les  anciens  dialectes  émiliens. 

13.  Ce  mot,  qui  dans  tous  les  parlers  de  la  Haute- 
Italie  avait  conservé  son  sens  primitif,  y  était  employé 
aussi  avec  le  sens  dérivé  de  'serviteur'  *,  qui  est  le  sens 
unique  dans  lequel  le  toscan  emploie  fante.  C'est  pro- 
bablement ce  développement  sémantique  du  mot  simple  ^ 
qui  a  fait  qu'on  a  eu  recours  en  général  à  des  diminutifs 
pour  désigner  un  enfant.  Ainsi,  dans  le  sermon  de  Bar- 
segapé,  l'enfant  Jésus  s'appelle  toujours  il  fantin,  tandis 
que  l'ange  est  désigné  par  il  fante.  L'ancien  italien  (au 
XIII''  siècle,  selon  Tommaseo)  employait  fantino  de  la 
même     manière.      Chez    les    auteurs    florentins    du    XIV*" 

1  Voir  AGII,  VIII,  p.  352. 
-  Cf.  Meyer-Liibke,  op.  cit.,  I,  §  322. 
^  Ce  mot  signifie  aussi  'fils'  (Biondelli). 

*  On   trouve   dans  le  Tristan  vénitien  fenti  'servi',  dans  la  para- 
phrase lombarde  de  Chrysostome  fante  'servo',  fanta  'fantesca',  etc. 
^  Plusieurs    dérivés    ont    aussi  pris  le  sens  de  'serviteur'  ou  des 


-  m  — 

siècle  on  trouve  fantino — fantina  au  sens  de  'bambino', 
'bambina',  et  le  sous-diminutif  fanticino  (fantif/ino,  fau- 
fisino);  fantinello  'bambino'  est  dans  la  Tavola  Ritonda: 
fantctto  'ragazzo'  fut  employé  par  Cecchi  (XV!*^  s.).  En 
italien  moderne,  les  diminutifs  fantoHno  iqui  se  trouve 
déjà  dans  le  Purgatorio  de  Dante)  et  fantolina  sont  des 
termes  de  tendresse,  employés  dans  la  langue  poétique 
pour  'bambino'.  'bambina'. 

14.  Si  nous  passons  maintenant  aux  parlers  actuels 
de  la  Haute-Italie,  nous  trouvons  que  le  simple  fant 
ne  s'est  maintenu  que  dans  quelques  vallées  des  Alpes. 
Au  Val  di  Blenio,  dans  le  Tessin,  fant  paraît  avoir  pris 
le  sens  exclusif  de  'fils'  ^  (voir  Biondelli,  p.  46:  de  même, 
à  Valperga,  Piémont,  fcnt  signifie  'des  fils';  voir  ibid..  p. 
5B5j.  Dans  une  autre  vallée  du  Tessin.  la  Levantine, 
fànc  se  dit  pour  'infante'  (Biondelli,  Monti),  fencc  (pro- 
noncez fmc)^  pour  'fanciulli':  dim..  f en citi^  {^ontï).  Ainsi, 
le  pluriel  fane  (cf.  §  12)  a  remplacé  le  singulier  au  sens 
de  'enfant',  phénomène  dont  nous  avons  vu  des  exemples 
déjà  en  latin  (voir  p.  23,  note  1).  A  d'autres  endroits  dans 
le  Tessin,  fant,  aussi  bien  que  fane,  est  usité  avec  l'ac- 
ception de  'serviteur'  :  fant  à  Bellinzona,  fent  à  Val  Mag- 
gia,  fa7ic  —  fancia  à  plusieurs  endroits  autour  du  Lac 
Majeur  (Monti).  Dans  la  Valtelline,  fine  signifie  'fanciuUo', 
fencia  'fancella'  (Monti), 

15.  Le  diminutif  fantin.  que  nous  avons  trouvé  dans 
les   anciens  dialectes  lombards  et  génois,  ne  paraît  avoir 

sens  analogues:  fantino  (lomb.  fantin).  Valdarno  fantina,  fanticello. 
fanticella,  etc. 

*  Cf.  le  développement  presque  analogue  du  mot  enfant  dans  le 
Centre  de  la  France  et  dans  les  cantons  de  Vaud  et  de  Fribourg  (§  6). 

*  Pour  Ve,  voir  Meyer-Lûbke,  op.  cit..  I,  §  322.  et  Salvioni.  AGII. 
IX,  p.  235  S8 

'  Pour  Vi  du  suffixe  voir  Meyer-Liibke,  Italienische  Grammu- 
tik,  %  68. 


—  36  — 

conservé  sa  signification  primitive  que  dans  le  parler  de 
Bologne,  où,  d'après  Coronedi  Berti,  fantêin  se  disait  sou- 
vent pour  'bambino'  encore  vers  l'année  1870.  Mais  le 
dictionnaire  d'Ungarelli  (1901)  ne  le  mentionne  pas,  ce 
qui  semble  montrer  que  le  mot  est  en  train  de  disparaître 
en  bolonais,  comme  il  a  disparu  déjà  ailleurs.  Ordinai- 
rement, le  bol.  fantein  signifie  'jockey',  de  même  que  le 
mil.  fantin  et  l'ital.  fantino.  En  génois  moderne,  fantin 
—  fantina  signifie  'célibataire',  'jeune  homme  non  marié', 
'jeune  fille  nubile',  de  même  que  fantin  —  fantine  à  Bor- 
dighera.  Ce  développement  sémantique  est  très  fréquent  ': 
cf.  teram.  fandelle,  haut-ital.  put,  franc,  garçon,  et  d'autres. 

En  Corse,  fantinu — fantina,  qui  est  probablement 
d'origine  génoise,  signifie  également  'célibataire',  mais 
il  a  aussi  conservé  son  ancien  sens  de  'enfant',  'petite 
fille'.  Le  bolonais  connaît  (ou  a  connu)  aussi  les  formes 
fandsein — fandseina  'fanciullino',  'fanciuUina'  -,  correspon- 
dant à  l'anc.  ital.  fantisino. 

Dans  le  bergamasque  nous  trouvons  le  diminutif  fan- 
tolï  (cf.  ital.  litt.  fantolino).  Le  patois  de  Greden,  Tyrol, 
a  emprunté  fantulin  au  vénitien  (cf.  §  12)  ou  au  frioulan 
(cf.  §  16),  mais  seulement  dans  l'expression  l  di  d'i  fan- 
tuliys,  'le  jour  des  Innocents'  (le  28  décembre). 

10.  En  dehors  des  dialectes  de  la  Haute-Italie,  fante 
ou  ses  dérivés  se  trouvent  encore  dans  deux  régions:  au 
sud-est,  dans  les  Marches  et  à  Teramo,  au  nord-est,  dans 
le  Frioul.  Les  patois  des  Marches  possèdent  fante  'gio^^ 
vinetta'  et  le  diminutif  fantella.  A  Teramo  nous  ne  ren- 
controns   plus    que    le    diminutif    fandelle    qui  est  ici  des 


^  Oïl  trouvera  des  exemples  d'un  développement  en  sens  inverse 
au  §  109  ss. 

-  On  les  trouve  dans  les  dictionnaires  de  Ferrari  (1853)  et  de 
Coronedi  Berti  (1869 — 72);  mais  celui  d'Ungarelli  ne  les  enregis- 
tre plus. 


—  37  - 

deux  genres  et  signifie  'enfant'  ou  'jeune  fille'.  De  même 
que  le  franc.  filk\  il  se  dit  aussi  d'une  femme  d'un  âge 
plus  avancé  qui  n'est  pas  encore  mariée.  Le  diminutif 
fandcllucce  est  un  terme  de  tendresse. 

Le  frioulan  connaît  les  dérivés  fantat — fantafa^ 
'jeune  homme',  'jeune  fille',  et  les  formes  élargies  fan- 
tazzat — fantaszate.  A  fantasz-  le  frioulan  peut  ajouter 
encore  les  suffixes  -ett,  -in,  -ine,  -utt,  -utc,  -on,  -onc  (Pi- 
rona).  Le  diminutif  fantulin.  qui  existait  en  ancien  véni- 
tien, est  en  Frioul  l'expression  la  plus  usitée  pour  'petit 
enfant'  à  côté  de  frnf.  - 

17.  Le  suffixe  de  l'ital.  fanciullo  est  d'origine  incer- 
taine. M.  Meyer-Lûbke,  dans  son  Italienischc  Grammatih, 
^  bl,  explique  fanciullo  comme  une  forme  napolitaine  re- 
montant à  "/anfrolua.  et  il  le  compare  à  l'ital.  cifruUo  du 
nap.  cctrulo.  Mais,  dans  sa  Grammaire  dos  langues  roma- 
nes, II,  §  503,  il  est  revenu  sur  cette  opinion,  et  dit  que 
«pareille  explication  pour  fanciullo  (et  barullo)  serait  su- 
jette à  caution». 

Ce  qui  me  semble  mettre  fortement  en  doute  cette 
explication,  c'est  qu'on  ne  trouve  pas  fanciullo  dans  les 
dictionnaires  napolitains.  Ce  dialecte  désigne  un  enfant  par 
les  mots  pecciuotto,  liccceriUo,  hardasdo,  zaccaro  ou  guafilione. 

18.  Le  sens  de  fanciullo  correspond  en  général  à 
celui    du  français  enfant.^     Mais  il  s'emploie  parfois  avec 


^  Gartner.  Handbuch  der  rutoromanischen  Sprache  und  Lite- 
ratur.  j).  381,  cite  iine  traduction  du  Lied  von  der  Glocke  par  Schil- 
ler en  dialecte  de  Gorice,  où  la  forme  fantata  est  employée;  cf. 
ibid.,  p.  272  s. 

'  Le  mot  simple  fant  signifie  en  frioulan  'serviteur',  ou.  de  même- 
i[ue  fatitin,  'jockey'. 

'  D'après  Toramaseo  et  Petrôcchi,  fanciullo  désigne  celui  qui  est 
dans  lâge  de  la  fanciullezza  ou  de  la  puerizia,  c.-à-d.  l'âge  entre 
Vinfanzia  et  Vadolescenza.  Par  fanciullo  on  désignerait  donc  l'en- 
fant de  sept  à  douze  ans.  tandis  qu'un  infante  serait  un  enfant  (jui  n'a 


—  38  — 

l'acception  de  'garçon'  (sens  que  le  français  enfant  n'a 
pris  que  dans  certains  dialectes),  surtout  dans  les  cas 
où  fanciullo  est  réuni  à  fancudla^.  Tommaseo  en  donne 
l'exemple  suivant  :  L'età  atta  [al  matrimonio]  nel  fanciullo 
è  quattordici  annl.  r  nclla  favciulla  dodici  (Maestruzzo,  XIV® 
siècle).  C'est  principalement  le  pluriel  fanciidli  qui  a  le 
sens  neutre  de  'enfants'  (voir  Petrôcchi).  Cf.  l'usage  que 
faisait  le  latin  des  pluriels  lïberi,  pueri,  filii.  infantes  (voir 
p.  23,  note  1);  cf.  aussi  le  lomb.  fane  (§  14). 

Le  sens  du  féminin  fanciidla  n'est  pas  tout  à  fait 
analogue  à  celui  du  masculin.  On  désigne  par  fanciuUa 
une  jeune  fille,  parfois  une  jeune  fille  nubile,  ^ fanciuUa 
da  marito».  ou  une  femme  d'un  âge  quelconque  qui  n'est 
pas  encore  mariée.  fCf.  fandelle,  ra(fas.za,  et  beaucoup 
d'autres).  De  fanciullo — fanciidla  on  a  tiré  de  nom- 
breux diminutifs:  fanciidlino—fanciidlina:  fanciulletto — 
fanciulletta  (terme  littéraire,  suivant  Petrôcchi);  fan- 
eiullettino—fanciullettina  (Tommaseo)  ;  fanciidlusm — fan- 
ciulluzsa  'piccolo  fanciuUino'.  'piccola  fanciuUina'  ^  (hors 
d'usage);  fanciidlosso — fanciullozza  'fanciullo  o  fanciulla 
poco  esperta  délie  cose  del  mondo'   TFanfani). 

19.  Dans  ciullo  —  ciulla.  qui  se  trouvait  en  ancien 
italien  avec  le  sens  de  'fanciullo'.  'fanciulla'.  et  qui, 
employé  adjectivement,  signifiait  'inesperto',  'ignorante', 
il  faut  sans  doute  voir  le  résultat  d'une  aphérèse  ulté- 
rieure. Le  terara.  .^idle,  dim.  ndlettc,  'piccolo',  'piccolino', 
s'explique  peut-être  de  la  même  manière.  Lu  ."ullc  mî,  lu 
Juliette  ml  sont  des  expressions  caressantes  qu'on  adresse 
aux  petits  enfants. 

pas  encore  sept  ans.  Ces  limites  n'existent  pourtant  (|ue  dans  les 
théories  des  lexicographes;  c'est  ce  que  montrent  les  exemples  cités 
par  Tommaseo,  où  fancndlo  s'emploie  tantôt  à  propos  de  l'âge  qu'on 
appelle  l'infansia,  tantôt  en  parlant  de  Vadolescenza. 

^  Cf.  anc.  prov.  enfant — enfanta,  esp.  infante— infanta  (§  7). 

-  Selon  Tommaseo,  fanciiillnzsa  s"est  employé  aussi  au  sens  de 
'fanciulla  da  marito'. 


—  39  — 

20.  L'ancien  italien  possédait  encore  les  formes 
fancello — fanccUu  qui  signifiaient  'fanciullo",  'fanciuUa', 
ou,  de  même  que  fanticdlo — fanticclla.  '(jeune)  serviteur", 
'(jeune)  servante'.  Fanfani  (Vocabolario  délia  pronunzia 
foscana)  les  enregistre  comme  formes  toscanes,  en  donnant 
au  masculin  la  première  signification,  mais  au  féminin 
aussi  le  sens  de  'fanticella' \  On  trouve  dans  ce  dictionnaire 
encore  le  diminutif  fanccUHto.  —  Dans  une  légende  du 
XIV''  siècle.  Fanfani  {Vocabolario  dclV  nso  toscano)  a  relevé 
fancilla  pour  fanmdla.  Cette  forme  est  encore  vivante 
dans  la  montagne  de  Pistoie. 

Puerenlus, 

21.  Comme  je  l'ai  déjà  fait  remarquer.  i>«rr  a  disparu 
du  vocabulaire  des  langues  romanes-.  Le  diminutif  ^^wer- 
culiis,  qu'on  trouve  chez  Arnobe  et  Apulée  lavoir  Forcellini), 
et  qui  sert  à  traduire  muàaolôiov  dans  le  Corpus  Glossario- 
riim  Latinorum  II,  p.  B92,  1.  3,  paraît  avoir  survécu  dans 
le  dialecte  de  la  montagne  de  Pistoie  sous  la  forme  de 
hurchio  'bambino',  'figliuolo'  iFanfani.  Vocabolario  delVuso 
toscano). 


1  M.  Jaber-;.  dans  son  ouvra^je  intitulé  Péjorative  Bedeutungs- 
entwickhmg  im  Fransosischen  II  (ZRI'h.  XXVII.  p.  42).  en  citant  des 
exemples  de  la  transition  si-mantiquf  'jeune  garçon",  'jeune  fille'  > 
'serviteur',  'servante',  écrit  dans  la  troisième  note:  «It.  /an<e  — ^ Magd. 
ebenso  rhâtorora.  fantschella  (fantschello  :=^  Kind)  —  —  — »  Evi- 
demment Tauteur  veut  dire  par  là  que  le  rhétorom.  fantschello  signi- 
fie 'Kind'.  Mais  le  seul  dictionnaire  rhétique  qui,  à  ma  connaissance, 
enregistre  un  substantif  masculin,  correspondant  à  fantschella,  celui 
de  Pallioppi,  traduit  ce  masculin,  fantschè,  par  jiinger  Dienstbote. 
kleiner  Knecht.  Diener',  et  non  par    Kind". 

'^  Il  va  de  soi  que  je  ne  tiens  pas  compte  ici  du  latinisme 
pueri  'enfants',  qui  se  rencontre  souvent  dans  la  paraphrase  lombarde 
d'un  texte  de  Chrysostome  (voir  AGll.  VII.  pp.  37.  57.  etc.).  — 
Puella  a  également  disparu,  sauf  dans  un  latinisme  cité  par  Raynouard: 
Es  dita  puella  quar  es  pura  (Elue,  de  las  propr..  fol.  69),  et  la  locu- 
tion H  santi  puello  (lang.  las  santos  jmellos)  «nom  qu'on  donne  à  Tou- 
louse aux  femmes  <|ui  recueillirent  le  C0171S  de    saint  Saturnin,  évêque 


—  40  — 

JPupus — piipa, 

22.  Outre  infans,  puer  et  puella,  le  latin  avait  encore 
quelques  dénominations  d'enfants,  dérivées  des  thèmes pup-. 
pus-,  put-,  qui  rappellent  le  radical  de  puer  et  de  pubcs  ^. 
M.  W.  Heraeus,  dans  son  ouvrage  mentionné  plus  haut. 
Die  Sprache  der  rômischen  Kindcrstuhe,  voit  dans  ces  mots 
des  formations  du  langage  enfantin,  surtout  dans  pupus 
et  pupa,  à  cause  de  la  simplicité  de  leur  forme  '.  Le 
redoublement  d'une  syllabe  est  un  trait  caractéristique  des 
mots  enfantins. 

23.  On  trouve  très  peu  d'exemples  de  pupus  dans  la 
littérature  latine.  Varron  l'emploie  au  sens  de  'enfant  à 
la  mamelle':  ac  mammam  lactis  sugentem  pascere  pupum  '' 
(cité  par  Non.  II,  675,  d'après  Forcellini).  Suétone,  Càli- 
gula  XIII,  le  mentionne  parmi  les  termes  d'affection  que 
le  peuple  adressa  à  Caligula  à  sa  première  apparition 
comme  empereur:  densissimo  et  laetissimo  ohviorum  agmine 
incessit,  super  fausta  nomina  sidus  et  pullum  et  pupum  et 
alumnum  appellantium.    Dans  le  Corpus  Glossariorum  Latino- 


et  martyr;  d'où  'Le  Mas-Saintes-Puelles'  (bas-Iat.  Mansus  Sanctarum 
Puellarum),  localité  de  l'Aude»  (Mistral).  —  Grôber,  ALL.,  IV,  p.  450, 
a  fait  remonter  le  franc,  puceîle,  anc.  prov.  piucella,  anc.  esp.  jmncelïa. 
etc.,  à  ^puel{li)cella,  diminutif  de  i}uella;  cf.  p.  87,  n.  2. 

1  Cf.  Walde.  Lateinisches  etymologisches  Wôrterhuch,  aux  artic- 
les pupus,  pusus,  putus. 

2  Voir  ALL,  XIII,  p.  1.59  ss. 

*  Cet  emploi  viendrait  peut-être  appuyer  l'h\-pothèse  de  M.  Stolz, 
«dass  nur  pupa  urspriinglich  und  mit  *puppa  'Brustwarze'  identisch 
sei,  das  ebenso  aus  einer  Nachahmung  des  schmatzenden  Lautes  des 
Sauglings  entstanden  ist,  Avie  nhd.  hiibhi,  'papilla'.  engl.  huhhy,  nhd. 
buben  pi.  'mammae'.  pupa  in  iibertragenem  Sinne  fiir  'Mâdchen'  ge- 
braucht,  habe  dann  auch  ^)MjpM5  ins  Leben  gerufen».  (Voir  Walde, 
Lat.  etym.  Wôrterb.,  à  l'art,  pupus.).  Il  ne  me  paraît  pourtant  pas 
très  vraisemblable  que  *2}M|)2>«  mamelle'  se  soit  dit,  par  métonymie  ou 
par  métaphore,  pour  'petite  fille*.  Il  est  plus  probable  que  -puppa  'ma- 
melle' et  pupa  'petite  fille*  proviennent  tous  deux  de  l'onomatopée 
pupp-,    pup-,  qui  imite  le  bruit  que  fait  le  nourrisson  en  tétant. 


—  41  — 

nnn,  pupus  est  défini  par  ^gécpog  ('enfant  nouveau-né')j 
i'aviov  ('poupée' j  II,  166,  20;  TtaiààQiov  392,  2,  jtaiôiOKÛQiov 
3V»2,  15  ('petit  enfant',  'petit  garçon')  ;  2)arvulus  puer  590,  43; 
puerculus  IV,  382,  45,  V,  545,7;  puer  vel  alumnus  V,  622, 16. 
On  y  trouve  aussi  la  forme  popus,  traduite  par  vivviov 
(mot  de  tendresse  pour  'enfant',  voir  Forcellini),  II,  153,  46 
et  par  filins  V,  510,  46.  Sur  les  inscriptions,  les  jeunes 
garçons,  qui  n'ont  pas  encore  atteint  l'âge  viril,  sont  par- 
fois appelés  pupi,  de  sorte  que  pupus  représente  en  quel- 
que façon  le  prénom  qu'ils  n'ont,  pas  encore  le  droit  de 
porter  \ 

Le  féminin  piipa  signifie,  dans  les  exemples  tirés  de 
la  littérature,  'jeune  fille'.  Martial,  IV,  20,  1,  l'emploie  par 
opposition  à  anus'^]  Ausone,  Edyll.  VII,  2,2,  appelle  Bis- 
sula  barbara  sèd  quae  Latias  vincis  aïumna  pupas.  Le  Corp. 
Gloss.  Lat.  II,  393, 4,  définit  pupa  par  jtàÀÀi]^.  Les  in- 
scriptions montrent  que  le  langage  populaire  connaissait 
aussi  le  sens  de  'petite  fille'  qui  est  sans  doute  la  signi- 
fication primitive:  Gassiae  Faustinae pupae.  V{ixif)  a{nnos) 
IV.     (Or.  7419  c,^).  3 

24.  Deux  significations  figurées  de  pupus— pupa^  dé- 
rivées des  idées  de  'petit  enfant',  'petite  fille',  étaient  d'un 
usage  fréquent  en  latin.  De  même  que  les  Grecs  ap- 
pelaient uÔQai  ('jeunes  filles')  les  figurines  en  terre  cuite 
coloriée  qui  servaient  à  amuser  les  enfants,  les  Romains 
donnaient  le  nom  pitpac  aux  poupées  en  terre  cuite,  en 
os  ou  en  bois.*  Forcellini  a  relevé  cet  emploi  du  mot 
chez  Varron  et  chez  Perse;  voyez  aussi  le  Corp.  Gloss. 
Lat.  II,  165,  16:  piup^^  jiÀayyôveg  al  r€)v  jtaiôlcjv  vvfxcpai;  V. 
622,35:  popa  imayo  puellarum. 

*  Voyez  Heraeus,  loc.  cit.\  voyez  aussi  Pirsou,  op.  cit.,  p.  244. 
'  Dicit  se  vetulam  cum  sit  Caerellta  pupa, 

Pupam  se  dicit  Gellia  cum  sit  anus. 

*  Voyez  Heraeus,  op.  cit..  p.  159,  où  l'on  trouve  aussi  d'autres 
exemples  tirés  des  inscriptions. 


—  42  — 

Celui  qui  regarde  les  yeux  d'un  autre,  y  voit  son 
image  reflétée  comme  par  un  miroir.  A  cause  de  cette 
petite  image,  les  Grecs  appelaient  la  pupille  de  l'œil  7i6Qt] 
ôqydaÀfxov;  les  Romains  employaient  parfois  le  masculin 
pupus  avec  le  même  sens  ^;  mais  plus  souvent  ils  se  ser- 
vaient de  diminutifs  de  pupa:  pupilla,  pupula". 

25.  Dans  les  langues  romanes  nous  trouvons  pupa 
(pupus)  'poupée'  dans  un  domaine  relativement  étendu, 
embrassant  presque  toute  l'Italie,  la  Rhétie,  le  Jura 
bernois,  la  Lorraine  et  la  Wallonie  ^.  Dans  le  reste  de  la 
France  et  en  certains  endroits  de  l'Italie,  il  a  été  rem- 
placé par  des  dérivés  en  -ata  ou  d'autre  suffixes.  —  Au 
sens  primitif,  pupus — pupa  *  a  subsisté  dans  un  domaine 
beaucoup  plus  restreint,  comprenant,  d'après  ce  que  mon- 
trent mes  matériaux,  les  vallées  de  la  Rbétie  et  celles 
des  parties  limitrophes  des  territoires  lombard  et  véni- 
tien. On  en  trouve  encore  des  représentants  isolés  dans 
les  Marches  et  en  Sardaigne. 

Voici   les  exemples  que  j'ai  trouvés  en  Rhétie.     Gri- 


'  Voir  Forcellini,  et   Corp.   Gloss.  Lat.  II,  353,  35  et  42. 

2  Cette  métaphore  est  très  fréquente  aussi  dans  les  langues  ro- 
manes, qui  emploient  souvent  pour  exprimer  la  même  idée  des  repré- 
sentants de  pupus — pupa  ou  des  dérivés  de  ces  mots.  Voir  Zauner, 
RF,  XIV,  pp.  366,  367. 

*  Voici  les  exemples  de  pupa  (pupus)  dans  le  sens  exclusif  de 
'poupée'  que  j'ai  relevés  dans  les  dialectes  italiens:  vén.,  mant.  pûa; 
triest.  pupa;  bol.  pu  (cf.  parm.  puà);  sienn.  popa;  abr.  pupe;  nap. 
pupo  (le  même  dialecte  a  aussi  pupata);  calabr.  ^Mjpa;  sic.  pupu— pupa. 
—  Pour  la  France  et  la  Suisse  romande,  voir  la  carte  1074  de  VAtlas 
linguistique. 

*  Nous  venons  de  voir  que  le  latin  littéraire  ne  présente  que 
pûpus — pûpa,  mais  il  n'y  a  parmi  les  formes  romanes  qu'un  assez  petit 
nombre  qui  puisse  remonter  à  des  formes  latines  avec  un  û.  En  gé- 
néral elles  semblent  postuler  un  m  (cf.  Diez,  Etym.  Wôrterb.  der  rom. 
Sprachen,  p.  254;  Meyer-Liibke,  Boni.  etym.  Wb.  6852,  6854).  On 
trouve,  en  effet,  puppae  'poupées'  dans  les  scholies  sur  Perse,  II,  7, 
tandis  que  le  texte  a  pupae  (Forcellini).     Nous  avons  vu  aussi  que  le 


—  43  — 

sons:  pop — poppa  'petit  enfant',  'nourrisson'^;  Vigo  (Ty- 
rol):  pop  'enfant''-^;  Greden,  Fassa,  Livinallongo  ^:  jijôjpo  — 
popa  'enfant',  'petite  lîlle'  (ou  'poupée');  Paularo  (Alpes 
Carniques,  Frioul)  pup  'petit  enfant'. 

En  Italie  j'ai  relevé:  Val  Sesia  (Piémont):  poppu 
'birabo'  ou  'puppattolo' *;  Y aMeUine:  pup— pu2)]>a  'bambino'. 
'bambina';  Poscbiavo:  pop — poppa  'enfant  à  la  ma- 
melle' (ou  'poupée')  ^;  Pinzôlo  (lomb.-vén.)  pop  'enfant'; 
Kovereto  et  Trente:  poppa — poppa  'bambino',  'bambina* 
iou  'puppattola');  en  Istrie:  V^alle,  Pola^JM^JO  'bambino',  Ro- 
vigno  poupo  'poppante  ragazzo',  Pirano,  Gallesano  pup(( 
'bambina'  (Ive);  dans  les  Marches:  Grottamare jow^o  'bam- 
binello'  **:  logoud.  puppa  'bimba',  'ragazzina'  (cf.  gallur. 
puppa  'bamboccio',  'fantoccio').  Ajoutons  que  Petrôcchi 
enregistre  pupo  mio  comme  un  termine  vczzeggiativo  qui  est 
cependant  hors  d'usage. 

26.  Les  dérivés  sont  un  peu  plus  réjiandus  que 
le  mot  simple.  On  en  trouve  aussi  dans  la  plaine  lom- 
barde et  môme  dans  les  territoires  émilien,  génois  et 
piémontais  ^. 

-inu:Qngaià.poj)pin — poj)pina  'petit  garçon',  'petite  fille' 
(ou  'petite  poupée')  (Pallioppi);  Poschiavo  popiy,  'enfant 
à  la  mamelle'  (ou  'poupée');  Valle  Calepio  (bergara.)  ptup/r 
'puttino',  'ragazzino';  Valle  Cavallina  (bergam.)^opi 'bam- 


Corp.  Gloss.  Lat.  présente  poptts  'enfant',  popa  'poupée',  à  côté  de  pti- 
ptis,  pupa.  Diez  fait  remarquer  que  le  Vocab.  S.  Galli  écTit  popu< 
'seha',  c.-à-d.  'pupille'. 

^  Poppa  signifie  aussi  'poupée';  M.  Pult  ne  donne  pour  Sent 
(Basse-Engadine)  que  cette  signification. 

-   IHkol  est  plus  usité;  cf.  Greden  pitl. 

^  En  allemand  Buchenstein. 

*  Voir  Nigra,  AGII,  X,  p.  294. 

^  M.  Longa  traduit  le  borm.  pop  par  'bamboccio'.  mot  qui  peut 
signifier,  comme  on  le  sait,  et  'enfant'  et  'poupée*. 

"  A  Fermo,  pupu  signifie  '.stupido';  cf.  §  246  ss. 

'  Voir  p.  45.  n.  6. 


—  44  — 

bino';  bresc.  pupl  (Pellizzari).  poppi  (Melchiori)  'bimbo', 
poepina  (Melcliiori)  'bambina'. 

Le  brescian  pipi  'bambino'  est  probablement  le  même 
mot;  cf.  le  bergam.  pipina  'pupilla  delF  occhio'.  On  trouve 
dans  le  dialecte  bergamasque  un  bon  nombre  de  mots  où 
la  voyelle  atone  de  la  première  syllabe  a  été  après  un  p 
changé  en  i:  piell—\&t.  pupillum  (voir  §  35);  piltrù  =  itsd. 
poltrone]  pilù  =  \tdi\.  pelone\  p>isà  =^'\ta\.  ptcsarv,  etc.  ^.Le  ber- 
gam. pipéria  'fanciullaja',  'moltitudine  di  fanciulli',  et  le 
valtell.  pipera  'donna  che  ha  cura  dei  bambini',  viennent 
également  de  pupus,  d'après  Tiraboschi.  Monti  donne  pi- 
pïnn — pipina  'bambolino',  'fanciullina'  ^  comme  des  mots  de 
Poschiavo;  ces  formes  manquent  cependant  au  glossaire 
de  M.  Michael  qui  n'enregistre  que  popiy  (voir  ci-dessus). 
—  Le  frioulan  change  aussi  très  souvent  la  voyelle  initiale 
en  i\  ce  n'est  pas  d'ailleurs  le  seul  exemple  d'un  déve- 
loppement phonétique  que  cet  idiome  ait  en  commun  avec 
le  bergamasque.  (3n  y  txÇ)Vi\%  pirùc}ie=^\t2X.  parruca  {per- 
rucà)]  pirlcuï  pour  pericnl='\tdl.  pericolo;  ^J^orfi  =  lat.  j?e- 
cora]  j)m«  =  lat.  pariarc,  etc.  Il  est  donc  vraisemblable 
que  le  frioul.  pipîn  'fanciullo',  'bambolo'  (avec  les  dérivés 
pipinatt,  pipinutt)  et  pipîne  'fanciulla'  ^,  sont  aussi  des  di- 
minutifs de  pupms — piipa.  * 

-iiif  -ia.  Dans  les  dérivés,  que  le  dialecte  campida- 
nien  a  tirés  de  pupus — pupa  à  l'aide  du  suffixe  -iu,  -ia, 
dont    je    ne  connais    pas  l'origine  °,  on  rencontre  le  même 

^  Cf.  Walberg,  op.  cit.  §  90  d.  Cf.  aussi  gred.  matôys  >  mutôps 
>  mitûys  §  248.  —  Pour  le  développement  en  sens  inverse  {i  >  m-,  etc.), 
qui  est  beaucoup  plus  répandu,  cf.  plus  bas  §  130. 

*  Le  féminin  signifie  aussi  'pupille  de  l'œil'. 

'  Ce  mot  signifie  en  outre  'poupée'  et  'pupille  de  l'œil'. 

■*  Cependant,  on  pourrait  peut-être  expliquer  tous  ces  mots,  ainsi 
que  l'ital.  pipino  et  pipi,  noms  de  tendresse  qu'on  donne  à  un  enfant 
^Petrôcchi),  comme  des  dérivés  de  pi  pi,  onomatopée  imitant  la  voix  de 
certains  oiseaux  et  qui  s'emploie  en  frioulan,  comme  dans  les  dialectes 
de  la  Haute-Italie,  avec  les  sens  de  'poussin',   'oisillon';  cf.  §  B57. 

'*  Ce     suffixe     ne     serait-il     pas     identique     à    -iyu,    -iya    (<:lat. 


—  45  - 

phénomène  phonétique:  pipiu — pipia  '  'bambino'.  'bam- 
bina'  (d'après  Spano,  Vocabolario  Italiano-Sardo,  le  féminin 
signifie  aussi  'fanciulla',  'ragazza'):  dim.  pipieddii — pipi- 
edda  (Porru). 

-eolu:  com.,  borm.  popo  ^  'bimbo'.  'mammolo'.  dim. 
popolîn]  mil.  pojw,  ou  popœù^.  dim.  jOo;>orm  *.  ]pa,y.  popo. 
Le  fém.  popôln  signifie  'jeune  fille'  ^;  le  langage  des  pay- 
sans milanais  emploie  encore  la  vieille  forme  popψra,  (jui 
sert  à  désigner  une  petite  fille  (Cherubini),  de  même  que 
le  diminutif  popoUnna  dans  le  langage  de  la  ville.  En  oo- 
masque  et  en  milanais,  popôla  signifie  aussi  'poupée',  et 
dans  les  parlers  de  Bormio  et  de  Poschiavo.  c'est  là  le  seul 
sens  du  mot. 

-one  ®:  bergam.  pop6 — popona  'bimbo.  bimba'.  dim.  po- 
poni;  piac.  pôpbn  'bimbo'.  dim.  pôpônhin\  gén.  puppon  (Oli- 


-ic{u)lti,  -■ic{u)la)  qu'on  trouve  dans  le  mot  sarde  anniyu  cheval  d"uu 
an'  (voir  Meyer-Lùbke,  Gramm.  des  langues  rom.  II  §  422j,  et  dans  le 
campid.  pija  (<:  pic'la  =  plica.  voir  Wagner.  ZRPh.  Beih.  XII.  p. 
45),  etc.? 

1  M"«  Alice  Sperber,  ZBFh,  Beih.  XXVII.  p.  153,  voit  dans  ces 
formes  des  dérivés  de  l'onomatopée  pipi  (cf.  la  note  ci-dessus).  Pour 
les  mots  campidaniens  cette  étymologie  paraît  pourtant  moins  vrai- 
semblable que  pour  les  formes  frioulanes  et  lombardes,  parce  que 
pi  pi  ne  s'emploie  pas  en  Sardaigne  comme  nom  d"oiseau  (du  moins 
ne  le  trouve-t-on  ni  dans  Spano.  ni  dans  Porru  i.  Évidemment  M' ' 
Sperber  n'a  pas  observé  que  M.  Wagner,  dans  sa  Lautlehre  der 
.siidsardischen  Mundarten  {ZBPh.  Beih.  XII.  p.  21).  avait,  trois  ans 
auparavant,  rattaché  pipiu — pipia  au  logoud.  pupia  'pupjlla'  ou  fan- 
toccio'.  et  au  logoud.  puppa  'ragazzina'.  11  y  donne  de.s  exemples 
analogues,  comme  pillôni  'oiseau'  (logoud.  puzoïiC);  t/ip/iônt  jujiou' 
(logoud.  yuppone.  cf.  ital.  giuppu),  et  beaucoup  d'autres. 

-'  !Sur  la  chute  de  VI  final  après  une  voyelle  toui(iUf.  \  o\  t;z  Sal- 
vioni,  Fonetica  del  dialetto  moderno  délia  città  di  Milano.  Torino 
1884,  §  188. 

*  Cf.  Salvioni,  loc.  cit. 

*  Voyez  Salvioni.  op.  cit..  ^   18U.  et  Meyer-Liibke.  op.  cit.  I  4?  457. 
'  Cf.  le  teram.  fandelle,  l'ital.  fanciulla,  etc. 

"  D'après  Meyer-Liibke,  op.  cit.  II,  4?  456,  le  suffi.xe  -one  est  en 
italien  ou  augmentatif  ou  péjoratif.  Mais  les  dérivés  formés  de  pupua 
à  l'aide  de  ce  suffixe,  ne  pr^entent  ni  Tune  ni  l'autre  de  ces  nuances. 

4 


—  46  — 

vieri:  puppun)  'voce  puérile  colla  quale  si  chiamano  i  ragazzi', 
puponna  'bimba'  (Casaceia);  monf.  pupun—pupunna  'bam- 
bino  e  bimba  nel  linguaggio  infantile';  march.  (Macerata) 
popb  'bambinello'  (cf.  Grottamare  pupo,  §  25). 

27.  On  ne  connaît  pas  d'exemple  en  Gaule  du  mot 
simple  avec  le  sens  de  'enfant'.  Mais  nous  nous  rappelons  que 
poupe  'poupée'  se  trouve  en  wallon  et  en  lorrain,  et,  à  cause 
des    dérivés    nombreux    du   même  radical  ^  qui  se  rencon- 


excepté  le  piém.  popdn  qui  signifie  'bambolone'.  (Cette  forme  est  peut- 
être  empruntée  du  prov.  poupoun,  franc,  poupon,  qui  a  la  même  ac- 
ception). Ils  ont  tous  un  sens  purement  diminutif;  n'empêche  qu'ils  ont 
pu  être  autrefois  des  augmentatifs.  En  tout  cas,  cette  dernière  nuance 
est  aujourd'hui  disparue,  si  bien  que  le  parler  de  Plaisance  a  dû 
ajouter  à  pôpàn  encore  un  -on,  pour  en  faire  un  augmentatif:  pôpôndn- 
^  Le  Dictionnaire  général  (de  même  que  le  Dictionnaire  béarnais 
de  Lespy  et  Raymond)  dérive  poupon,  poupurâ,  etc.  de  poupe  'ma- 
melle' qui  viendrait  à  son  tour  du  lat.  pop.  ^puppa,  lat.  class.  pupa 
'petite  fille'.  Je  ne  trouve  pas  très  vraisemblable  qu'un  dérivé  d'un 
mot  signifiant  'mamelle'  ait  pris  le  sens  de  'petit  enfant'  (cf.  p. 
40,  note  3).  Pour  rendre  l'idée  d'un  enfant  qui  tette,  les  langues  ro- 
manes ont  recours  à  d'autres  procédés  (voir  §  251).  Quant  k  poupeau 
'petit  enfant',  qui  parait  être  le  même  mot  que  poupeau  'bout  du  sein' 
(v.  §  32),  c'est  là  un  cas  isolé,  une  figure  de  lettré  tout  à  fait  indivi- 
duelle. —  Le  Dictionnaire  général  parait  voir  dans  poupée  attssi  un 
dérivé  de  poupe  'mamelle'.  Il  le  désigne  comme  «dérivé  du  même 
radical  que  poupard».  Mais  il  est  évident  que  poupée  est  tiré  de 
poupe  'poupée';  originairement  'petite  fille'.  Il  y  a.  surtout  dans  les 
parlers  du  Midi,  une  foule  d'autres  dérivés  du  même  radical  qui  signi- 
fient 'poupée'  (voir  §  28).  Si  l'étynio(pgie  de  poupard,  etc.,  donnée 
par  le  Dictionnaire  général,  était  exacte,  nous  aurions  d'un  côté  pou- 
pon— pouponne,  poupard,  popct — j^opoie  ^' petit  enfant',  'petite  fille 
(et  en  plusieurs  endroits  ='poupée')  dérivés  du  primitii poupe  'mamelle': 
d'un  autre  côté  poupée,  poupado,  poupoio,  povpoto,  'poupée'  {poupée 
est  traduit  par  Cotgrave  aussi  par  'enfant',  voir  §  33)  dérivés  de  ^om^<> 
'petite  fille',  ce  qui  n'est  pas  très  probable.  J'incline  donc  à  consi- 
dérer, avec  M.  Meyer-Lûbke,  tous  ces  mots  comme  dérivés  directement 
du  \a.t.  pupus — pupa  'garçon',  'fille'.  Cependant,  il  serait  imprudent  d'en 
conclure  que  ces  mots  n'aient  pas  du  tout  subi  l'influence  de  poupe  'ma- 
melle' ou  de  formations  enfantines.  —  En  Languedoc  et  en  Quercy  on 
trouve  le  verbe  poupa  'teter'  (cf.  l'anc.  prov.  popar^  et  l'ital  poppare): 
en  Dauphiné  le  participe  poupa,  poupat  peut,  à  côté  de  tetaire,  servir 
à  désigner  un  enfant  qui  tette  beaucoup  ji^le  provençal  possède  le  syno- 


._  47  — 

trent  dans  toutes  les  parties  de  la  France  avec  le  sens  de 
'petit  enfant',  il  m'apparaît  comme  très  vraisemblable  que 
pupus—pupa  a  eu  des  représentants  en  Gaule  aussi  bien 
qu'en  Italie.  Mais  ils  y  ont  disparu  de  bonne  heure,  sup- 
plantés par  enfant  et  par  leurs  propres  dérivés,  de  même 
que  le  haut-ital.  pup — puppa  est  en  train  de  disparaître 
aujourd'hui,  et  ne  doit  sa  survivance  qu'à  l'isolement  de 
ses   vallées  alpestres. 

28.  Voici  un  relevé  des  dérivés  français  et  pro- 
vençaux. 

Poupon— pouponne  se  trouve  en  français  littéraire  dès 
le  XVI®  siècle.  Le  Dictionnaire  général  le  définit  par  'petit 
garçon',  'petite  fille'.  Littré  n'enregistre  que  le  masculin 
poupon  au  sens  de  'petit  enfant  au  visage  plein  et  potelé'. 
Th.  Corneille  a  employé  poupon  au  féminin:  une  poupon 
[Le  Baron  d'Albikrac,  II,  10;  d'après  Littré).  Dans  les 
patois,  le  mot  sert  à  désigner  des  enfants  d'âges  différents. 
Au  pays  de  Dol,  un  poupon  est  un  enfant  n'ayant  pas  dix 
ans;  à  Pléchatel,  ce  mot  désigne  'un  enfant  mollasse,  déjà 
grand'.  A  Voultegon,  dans  le  département  des  Deux-Sèv- 
res, il  se  dit  au  contraire  d'un  nourrisson  {Atlas  lingui- 
stique  1708)  ;  à  Boulanger,  dans  le  département  de  Maine- 

nyme  poupaire.  On  serait  tenté  de  rapprocher  poupard  'gros  nour- 
risson', 'enfant  joufflu',  de  ces  mots,  et  Mistral  le  fait  venir,  en  effet, 
de  poupaire.  Mais  povpard  ne  peut  guère  être  d'origine  provençale, 
car  on  le  trouve  dès  le  XIIP  siècle  en  ancien  français,  tandis  que  ni 
Raynouard,  ni  Levy  ne  le  signalent  en  ancien  provençal.  Je  ne  par- 
tage donc  pas  l'avis  de  Mistral;  mais  j'admets  que  le  sens  pariiculier  de 
'enfant  joufflu,  potelé,  bien  nourri',  qu'on  rencontre  souvent  dans  ces 
dérivés,  peut  être  dû  à  un  rapprochement  avec  des  mors  comme  franc. 
poupe,  prov.  poupo,  poupa,  poupat,  poupaire  ;  cf.  aussi  les  termes  enfan- 
tins provençaux  poupo  'soupe',  poupon  'bouillie'.  (Quant  à  poupard. 
cette  explication  n'est  pourtant  pas  nécessaire,  puisque  -ord  a  souvent 
un  sens  augmentatif,  en  français  comme  en  provençal).  Je  crois  aussi 
que  ce  rapprochement,  résultat  d'une  étymologie  populaire,  a  pu  con- 
tribuer au  maintien  en  gallo-roman  de  poupon,  poupard,  etc.,  si  long- 
temps après  la  disparition  du  mot  simple. 


—  48  — 

et-Loire.  V Atlas  linguistique  donne  pupon  au  sens  de  'fillette'. 
Cf.  Verrier  et  Onillon :  popon — po2)onnc  'poupon',  'pouponne'. 
Littré  signale  pôpon  comme  forme  bourguignonne;  toute- 
fois on  ne  le  trouve  paSj  dans  Mignard.  Dans  la  Suisse 
romande,  un  poupon  est  un  enfant  nouveau-né  (Bridel). 
Le  féminin  pupona  figure  au  point  40  (Vaud)  de  la  carte 
poupée  (1074)  de  V Atlas  linguistique.  —  En  Provence,  en 
Languedoc  et  en  Béarn,  poupoun  (lang.  poupou) — pou- 
pouno  signifie  'très  jeune  enfant',  'fillette',  en  général  avec 
le  sens  particulier  de  'enfant  potelé,  joufflu'.  Suivant  Mis- 
tral, le  féminin  se  dit  pour  'poupée'  en  Dauphiné;  suivant 
V Atlas  linguistique  ce  n'est  pas  là,  mais  dans  les  départe- 
ments de  l'Ardèche  et  de  la  Haute-Loire.  Pour  rendre  cette 
idée,  des  dérivés  formés  avec  d'autres  suffixes  sont  plus 
fréquents:  poupado,  pou2)èio,  2>oupoio,  poupoto.  Mistral  men- 
tionne pouno  'jeune  fille'  comme  un  terme  de  Grenoble: 
il  manque  cependant  au  dictionnaire  de  Bavanat.  Evidem- 
ment ce  mot  est  une  aphérèse  de  poupouno. 

29.  Le  Midi,  avec  sa  prédilection  prononcée  pour 
les  diminutifs,  a  formé  ZMS^ipoupounel^poupounetÇMistrsiV). 
—  Apparemment  il  faut  identifier  avec  ces  deux  diminu- 
tifs poutounel,  poutounef,  qui  s'emploient  dans  l'Albigeois 
avec  le  sens  de  'poupon',  'enfant  potelé'.  Ils  signifient 
en  outre  'petit  baiser'.  On  trouve  aussi  dans  Mistral: 
poutouno  'gros  baiser';  terme  de  tendresse:  'mignonne': 
poutoiineto,  pouteto  (lang.)  'amoureux  baiser'  ;  'petite  mi- 
gnonne'. Il  n'est  pas  probable  que  le  sens  de  'baiser'  ait 
pu  se  transformer,  par  une  sorte  de  métaphore,  en  celui 
de  'mignon',  'enfant.'  Dans  le  sens  de  'baiser',  poutouno. 
poutounel^  etc.  viennent  évidemment  de  pot  'baiser',  tandis 
qu'il  faut  voir  dans  les  formes  ayant  le  sens  de  'enfant'  des 
dérivés  de  *puppa,  modifiés  par  un  échange  de  phonèmes. 
C'est  ce  que  fait  M.  Meyer-Lubke,  qui,  dans  son  JRoma- 
nisches    etymologischcs    Wôrterhuch.    6864,    mentionne  putu- 


—  49  — 

ncto,  puteto  'Kosowort  t'iir  junge  Mâdchen'  comme  des 
dérivés  de  *pupi)a.  Il  y  ajoute  putino,  qui  ne  se  trouve 
cependant  dans  Mistral  et  dans  Azaïs  qu'avec  le  sens  de 
'petite  sardine  très  jeune'.  Il  doit  avoir  trouvé  ce  mot 
dans  l'ouvrage  de  M.  P.  Barbier  fils  sur  les  Noms  de 
poissons  JiLB,  LUI,  p.  48),  où  celui-ci  cite  poutino  comme 
synonyme  de  poutouno,  poutouncto,  etc..  sans  indiquer  d'où 
il  tient  ce  renseignement.  M,  Meyer-Lûbke  a  eu  l'obli- 
geance de  ine  taire  savoir  qu'il  explique  les  formes  jjm- 
fino,  puteto,  etc.,  pour  poupino.  poupeto,  etc.,  par  un  phé- 
nomène de  dissimilation.  Ne  pourrait-on  pas  cepen- 
dant trouver  une  autre  explication?  A  l'article  peteto, 
Mistral  donne  entre  autres  les  formes  languedociennes 
peteto.  poutoto  =  'poupée':  'petite  fille',  'petite  personne 
fort  parée';  'doigt  empaqueté,  enveloppé  de  linge';  'pu- 
])ille  de  l'œil'.  Au  Midi,  une  poupée  s'appelle  aussi  pou- 
poto.  (3r,  en  voyant  poupoto,  peteto,  poutoto  l'un  à 
côté  de  l'autre,  dans  la  même  langue  et  avec  le  même 
sens,  on  est  porté  à  considérer  poutoto  comme  une  con- 
tamination de  poupoto  +  peteto.  Je  crois  que  poutouno, 
poutouneto,  poutonet,  poutonèl  doivent  également  leur  t  à 
l'influence  de  petit^.  Poutountoun,  qui,  suivant  Mistral, 
se  dit  en  Languedoc  pour  'petit  poupon',  s'explique  de  la 
même  manière.  Le  redoublement  de  la  dernière  syllabe 
indique  une  (jf igine  enfantine  -. 

30.  De  même  que  le  provençal,  le  normand  possède 
un  dérivé  en  -ot:  popot— popote  'petit  garçon',  'petite 
fille',  qui  se  dit  quelquefois  aussi  pour  'poupée'. 

'  Peut-être  pot.  poutoun  baiser'  y  sont-ils  aussi  pour  (luelrpif 
chose. 

'  Toutefois,  on  ne  saurait  nier  que  ces  mots  puissent  être  le 
résultat  d'une  création  primitive,  des  onomatopées  enfantines  du 
même  genre  que  les  termes  mentionnés  au  §  376  ss.  Suivant  Mistral, 
poutountoun  est  aussi  une  onomatopée  imitant  le  bruit  du  marteau 
à  foulon. 


—  50  — 

31.  A  côté  de  poupon,  le  dérivé  le  plus  répandu  en 
France  est  poupard.  Le  plus  ancien  exemple  que  le  Dic- 
tionnaire général  en  ait  relevé,  se  trouve  dans  le  Trésor 
de  Jean  de  Meung:  «(7iZ  n'a  pas  grandeur  de  poupart»  ^ 
Dans  les  Poésies  d'Eustache  Deschamps  nous  trouvons  le 
renseignement  suivant  quant  à  l'emploi  du  mot:  <i-Et  nous 
sommes  jusqu'à  sept  ans  poupard»  (cité  d'après  Littré),  En 
français  moderne,  poupard  ne  se  dit  plus  qu'en  parlant 
d'un  enfant  au  maillot  (ou  d'une  poupée  représentant  un 
tel  enfant).  —  Voici  les  exemples  du  mot  que  j'ai  trouvés 
dans  les  patois. 

Papar,  papa  'enfant',  'poupard'  ^,  s'emploie  en  Picardie, 
dans  la  Flandre  française,  dans  le  Hainaut  et  dans  tout 
le  pays  wallon.  G-randgagnage  (wallon)  et  Forir  (liégeois; 
enregistrent  aussi  poupâ  et  le  collectif  poupadreie  'mar- 
maille'. Dans  le  Saint-Polois  on  rencontre  quelquefois  la 
forme  abrégée  par.  Dans  quelques  parlers  lorrains,  on 
trouve  pupa  (Deutsch  Rumbach,  St.  Amé)  et  popà  (Bel- 
mont)  signifiant  'enfant  au  maillot'.  Au  sens  de  'pupille 
de  l'œil',  le  mot  est  bien  plus  répandu  en  lorrain. —  Dans 
le  patois  angevin,  poupart  signifie  'enfant  joufflu,  gros  et 
gras';  à  Montourtier  (Mayenne),  pu2)a  se  dit  aussi  au  sens 
de  'adolescent'. 

En  provençal  moderne,  poupard  (gasc.  poupart)  signifie 
'gros  nourrisson',  'enfant  joufflu';  àini.  poiif/ardoun.  On  le 
trouve,  à  côté  de  nut/rigat,  dans  la  carte  nourrisson  ri708) 
de  V  Atlas  linguistique. 

32.  Certains  dérivés  de  ^piipp-  ne  se  rencontrent  que 
dans  le  français  de  la  Renaissance. 

Poupin    'poupon'    a    été    relevé  par  Godefroy  dans  un 


^  Il  resuite  d'un  exemple  cité  par  Godefroy  qiie  Tanc.  It.  poupart 
signifiait  aussi  'membre  viril'.     (Cf.  §  278). 

-  Il  signifie  aussi  'poupée',  'dessin'  etc.  (cf.  le  iv&n^.. bonhomme)^ 
et  'prunelle  de  l'œil'  (cf.  Zauner,  BF.  XIV,  p.  3671. 


—  51  — 

poème  du  XVI''  siècle:  <^Dont  le  petit  poupin  croissait .  .  .» 
(Bonav.  des  Per.,  Recueil  des  œuvres,  le  Blason  du  Nom- 
bril, p.  81,' éd.  1544)  '.  Le  féminin  poupine  signifiait  'pou- 
pée', mais  se  disait  aussi  d'une  jeune  fille  comme  terme 
<ie  tendresse:  une  belle  poupine  (Ronsard,  Poésies  VIII,  134)- 

Dans  le  Moyen  de  parvenir  (éd.  de  1617,  p.  127),  Bé- 
roalde  de  Verville  emploie  poupeau  au  sens  de  'petit  enfant'  : 
«petits  poupaux  de  lait,  je  vous  advertis  que  vielles  folies  devien- 
nent sa(iesses-s>  (d'après  Godefroy).  Il  parait  très  vraisemblable 
«jue  c'est  là  un  emploi  métaphorique  du  mot  poupeau  'bou- 
ton du  sein',  dû  à  la  ressemblance  do  ce  mot  avec  poupon, 
poupard,  poupin,  etc.,  et  tout  à  fait  conforme  au  style  de  cet 
ouvrage,  plein  de  plaisanteries  frivoles.  Si  l'on  en  con- 
naissait d'autres  exemples,  et  de  plus  anciens,  je  serais 
Toutefois  porté  à  voir  dans  poupeau  'mamelon'  et  dans 
poupeau  'enfant'  deux  mots  différents:  le  diminutif  de 
poupe  'sein',  et  le  diminutif  de  *pupp-  'enfant'  ^. 

Le  français  de  cette  époque  possédait  encore  deux  dimi- 
nutifs hypocoristiques,  formés  à  l'aide  des  suffixes  composés 
-elin,  -elet.  Poupelin,  popelin  'petit  enfant'  se  trouve  dans  plu- 
.sieurs  poèmes  du  XVI"  et  du  XVIF  siècles  cités  par 
Godefroy.  Cotgrave  l'enregistre  aussi.  De  poupelet  'petit 
poupon',  Godefroy  ne  cite  qu'un  seul  exemple,  où  le  mot 
est  usité  comme  terme  de  tendresse:  «^ton  petit  poupelet 
et  ton  petit  dondon  »  (Les  Amours  de  Tabarin  et  d'Isabelle,  dans 
les  Oeuvres  de  Tabarin,  Bibl.  gaul.) 

33.  Dans  Cotgrave  nous  trouvons  deux  dérivés  de  *pupp- 
avec    le  double  sens  de  'petit  enfant'  et  de  'poupée':  pou- 

'  Le  français  moderne  possède  poupin  avec  le  sens  'qui  res- 
semble à  une  poupée'. 

'  Godefroy  cite  un  passage  des  Miracles  de  la  Vierge  par  G.  de 
Ooincy,  où  poiiptllon  (dans  un  autre  manuscrit  poupeillon)  paraît  sig- 
nifier 'fou',  'insensé',  'enfantin'  (et  non  'petit  enfant',  comme  le  dit 
(xodefroy).  Ce  mot  est-il  identique  à  l'anc.  fr.  poupillon  'bout  du 
sein'?     Je  ne  le  crois  pas. 


—  52  — 

jiette  «A  little  baby;  puppet,  bable»;  poupée  «A  baby;  a 
puppet,  or  bable».  Grodefroy  a  relevé  poupette  au  sens  de 
'petite  poupée'  dans  un  texte  de  1583.  Le  mot  est  resté 
avec  cette  signification  dans  le  parler  dolois,  mais  il  s'y 
dit  aussi,  en  mauvaise  part,  d'une  petite  fille.  Ici  le  der- 
nier sens  est  évidemment  dérivé  du  premier  par  métaphore  ; 
mais  que  cela  ait  été  aussi  le  cas  en  ancien  français,  je 
n'oserais  le  dire.  —  Quant  à  poupée,  on  ne  peut  pas  hé- 
siter à  considérer  le  sens  de  'puppet  or  bable'  comme  le 
sens  primitif.  On  ne  trouve  pas  ailleurs  d'autres  exemples 
de  poupée  'enfant';  en  outre,  les  autres  mots  qui  à  ma 
connaissance  sont  dérivés  du  radical  *2mpp-  à  l'aide  du 
suffixe  -ata,  signifient  tous  'poupée':  anc.  prov.  popada, 
prov.  mod.  poupado,  parm.  puà,  nap.  pupata,  etc. 

Ptipillus — pùpilla, 

34.  Le  \at.  pîtpillus — pupilla,  dirainutit  de  pupus — pupa^ 
signifiait  primitivement  'petit  garçon',  'petite  fille',  mais  on  le 
trouve  souvent  dans  la  littérature  avec  l'acception  particulière 
de  'pupille'  =  'enfant  mineur,  orphelin  de  père  et  de  mère  ou 
de  l'un  des  deux,  sous  la  conduite  d'un  tuteur'.  Le  fé- 
minin avait  en  outre,  de  même  que  pupus,  le  sens  de  'pu- 
pille de  l'œil'. 

Dans  le  Corp.  Gloss.  Lat.  II  227,  1,  pupïllus — pupilla 
(à  côté  de  impuhes)  sert  à  traduire  àvrj^og]  on  y  trouve 
pupilla  très  souvent  défini  par  uôgrj,  quelquefois  par  ÔQ(paviî, 
tandis  que  pupillus  correspond  toujours  à  ôgq)avôs,  sauf 
dans  le  cas  cité  précédemment. 

35.  Pupillus — pupilla  a  survécu  avec  son  sens  primitif 
dans  les  dialectes  lombards,  en  frioulan  et  dans  le  jargon 
des  gondoliers  vénitiens. 

A    Bellinzone    on    trouve    le    féminin  pôla  'ragazza'  ^; 

»  Voyez  Salvioni,  EendlL,  sér.  II.  XXXIX.  p.  487. 


—  5B  — 

en  milanais  pivcU—piveUn  '  'ragazzo',  'ragazza',  avec  le 
diminutif  invcUin  —piiuMinna .  De  la  vitalité  du  mot  té- 
moignent d'autres  dérivés  encore:  pivcUott  'ragazzotto',  pi- 
vellarïn  'ragazzame',  ^>«v^???«t?a  'ragazzata'.  Monti  n'enre- 
gistre pour  le  comasque  que  le  pluriel  pivèi  'giovinetti'. 
En  bergamasque.  le  masculin  xnèll  -  signifie  'fanciullo',  'ra- 
gazzo', mais  il  a  pris  aussi  les  sens  de  'semplicetto'  '  et 
fie  'frivolo'.  'leggero'.  —  Le  frioulan  possède  aussi  le  iêisn- 
nm:  pivHl--pivcle  'fanciullo',  'fanciulla'.  Dans  le  jargon  des. 
gondoliers  vénitiens,  pivèi  signifie  'fanciulli',  et  spéciale- 
ment 'figliuoli'  (Boerio).  Dans  le  môme  jargon,  pivela  & 
pris  le  sens  généralisé  de  'donna'  '. 

ï*upulus  -piipula, 

30.  l*iipalas — pupula  'petit  garçon',  'petite  fille',  se  ren- 
contre dans  la  littérature  latine  (Catulle,  Sénèque,  Apulée) 
aussi  bien  que  dans  le  Corp.  Gloss.  Lat.  (II  393,4  jtâÀÀrj^ 
pupa  pupidd)  et  sur  des  inscriptions  (voyez  Forcellini  et 
ALL,  XIII,  p.  160.. 

Ce  mot  ne  semble  exister  aujourd'hui  que  dans  le  dia- 
lecte de  Modène:  hùhel  'fautoccello'.  'bambolo'  ". 

Pusiis. 

37.     liC  lat.  pustis  "  'petit  garçon'  se  trouve  chez  Pom- 
ponius    Varr.  :    riatK   rerr  pitsns  tu.  tno  nmica  scncx  (Forcel- 

^  Cf.  Salvioui.  loc.  cit.:  dans  sa  Fonetica  del  dialetto  viodern» 
tiella  città  di  Milano,  il  avait  fait  dériver  pivèll  du  lat.  puelJus. 

^  Voici  d'autres  exemples  de  la  chute  du^  intervocalique  en  ber- 
gamas(iue:  pter,  péer  ^^- ita.\.  pepe  («clat.  piper),  pterU  ^=  ii&\.  peperone. 

»  Cf.  §  246. 

*  Cf.  le  logoud.  pohidda  'padrona'.  'moglie'.  'madré',  pohiddw 
■padrone'  l'voir  Meyer-Liibke.  Itom.  etym.    Wh.  0853). 

»  Cf.  Flechia.\4(?/J,  II.  p.  B2«. 

"  Suivant  Bietz.  Svevskt  Dialektlexikon ,  pus,  pys,  qui  dans  cer- 
tains   dialectes  suédois  se  dit  pour  'petit  garçon",  vient  du  lat.  pusus. 


—  54  — 

linil.  Suivant  M.  Meyer-Liibke.  Boni.  etym.  M^h.  6868,  il 
s'est  conservé  en  napolitain:  piise.  Pourtant  les  diction- 
naires de  D'Ambra  et  de  Puoti  ne  le  mentionnent  pas. 


Putus—inita. 

38.  On  ne  connaît  qu'un  seul  exemple  de  putus  dans 
le  latin  littéraire  ^  Il  se  trouve  dans  le  passage  suivant 
du  Catalepton  de  Virgile  (VU.  2): 

Sci   licct  hoc  smc  fraude.    Vari  dulcissimc.  dicam: 

dispcream.  nisi  me  2)erdidit  iste  putus. 
Sin  autem  praecepta  vêtant  me  dicere,  sane 

non  dicam.  sed:  me  perdidit  iste  puer. 

On  voit  que  le  poète  désigne  ici  putus  comme  un  mot 
contraire  aux  «préceptes»,  ce  qui  paraît  indiquer  que  le 
mot  appartenait  à  la  langue  du  peuple.  En  réalité,  tout 
porte  à  croire  que  pntus  a  été.  à  l'époque  de  Virgile  comme 
aujourd'hui,  un  mot  dialectal,  originaire  de  la  Vénétie  et 
de  la  Lombardie  orientale.  M.  Pieri,  dans  son  ouvrage 
intitulé  Gli  omeotropi  italiani  ^.  a  émis  l'hypothèse  que  Vir- 
gile, le  mantouan.    aurait  apporté  le  mot  de  son  pays  ^.     Il 

Je  remets  aux  «nordistes»  le  soin  de  vérifier  cette  étymologie.  qui  me 
paraît  assez  suspecte. 

1  Dans  le  Corp.  Gloss.  Lat.  Il  165,  45.  imtus  est  traduit  par 
fiiKQÔc;,  et  ihid.  43  puti  par  fuuQÔi.  —  D'après  Forcellini,  puta  a  été 
employé  par  Horace,  Satirae  III.  216:  putam  aut  i^utillam  appellat ; 
mais  les  éditions  modernes  préfèrent  la  leçon:  Mufam  aut  Futillam 
appeîlet.     (Voyez  l'édition  de  F.  Plessis  et  P.  Lejay.  Paris  1911). 

'  AGII,     XV  p.  185,  note   1. 

^  Dans  son  ouvrage  intitulé  Jugendverse  und  Heimatpoesie  Ver- 
gils,  Erklàrung  des  Catalepton.  Berlin  1910,  p.  83  ss.,  M.  Theodor 
Birth  propose  de  lire  pothos  (=  nôûos)  'Sehnsucht',  au  lieu  de  putus. 
En  ce  cas,  le  sens  du  troisième  vers  serait  d'après  lui:  «Wenn  aber 
die  Vorschriften  es  verbieten.  griecliische  Lehnwôrter  zu  verwenden, 
so  will  ich  mich  anders  ausdriicken».  Si.  par  contre,  on  lit  putus.  le 
sens  du  même  passage  serait,  à  son  avis:  «ich  habe  trochâisches  ^m^ms 
soeben  gegen  die  Vorschrift  als  lambus  .gemessen  .  .  .»     Évidemment, 


—  56  — 

croit    aussi    que    plus    tard,  à  l'époque  de  la  Renaissance, 
1(^  mot  est  venu  de  la  Vénétie  en  Toscane  *. 

39.  Dans  la  rédaction  vénitienne  du. Tristan  (vers  l'an 
1300),  M.  Vidossich  a  relevé  puUo  ^  deux  fois  au  sens  de 
'fanciuUo'.  Dans  l'ancien  vicentin  Bortolan  a  signalé  puto 
—puta  'fanciullo',  'fanciulla'.  Mussafia  ^  a  trouvé  dans  un 
glossaire  haut-italien  du  XV**  siècle  les  expressions  ata- 
senta  el  puto  «gesweig  das  kint»,  bertona  quel  puto  «berto- 
nir  das  kint»,  ce  qui  veut  dire  probablement:  «^schneide  kurz 
die  Haare  des  Kindes».  Dans  le  glossaire  latin-bergamasque 
(XV®  siècle)  puer  est  expliqué  par  ol  put  (Lorck,  p.  96) 
et  par  el  puto  da  ocinqo  anni  {ibid.,  p.  162);  puella  ^ar  puta 
iibid..  p.  96)  *. 

40.  Nous  venons  de  voir  que  les  anciens  dialectes 
vénitiens  et  lombards  avaient  conservé  le  sens  primitif 
àe  ptitu^,  celui  de  'petit  enfant'.  Aujourd'hui  cette  signi- 
iication  a  disparu  presque  partout.  —  Par  la  suite,  le  sens 
s'est  généralisé  :  le  mot  s'est  employé  pour  désigner  un 
jeune  homme,  et  de  ce  sens  on  a  tiré  celui  de  'célibataire'  ^, 


l'idée  ne  lui  est  pas  venue  que  putus  pourrait  <'tre  un  mot  populaire 
et.  dialectal,  apporté  par  le  poète  de  son  pays  natal  et  que  les  prae- 
cepta  ne  lui  ont  pas  permis  d'employer  dans  un  poème. 

*  Par  conséquent  il  combat  l'hypothèse,  émise  entre  autres  par 
Grôber  ALL,  IV,  p.  454,  d'après  laquelle  l'ital-jOtt^io,  qui  apparaît  à  l'épo- 
(jue  de  la  Renaissance,  serait  un  mot  savant,  emprunté  du  putus  virgilien. 
^I  nostri  autori  del  Einascimento  come  mai  avrebbero  avuto,  non  dico 
la  meravigliosa  virtù,  ma  pur  l'intenzione  di  far  risorgere  il  povero 
âJta^  ?^yàjiievov  de  Virgile?»   s'écrie-t-il. 

-  Un  bon  nombre  des  formes  romanes  semblent  réclamer  *puttus 
— *putta.  Cf.  Uiez.  Etym.  Wôrterb.  der  roman.  Spr.  p.  259,  et  Meyer- 
J.ûbke,  Rom.  etym.   Wh.  0890. 

'  Beitrug  sur  Kumie  der  vorditalienischen  Mundarten  im  XV. 
.lahrhundert,  pp.  130.  133. 

*  Le  même  glossaire  traduit  pueritia  par  la  edad  de'l  put,  mais 
infantia  par  la  edad  de'l  fanti,  co  qui  semble  indiquer  que  put  ser- 
vait à  désigner  un  enfant  plus  âgé.  fanti  un  enfant  plus  jeune. 

*'  Cf.  ci-dessus.  §  15. 


—  66  — 

qui  est  aujourd'hui  le  sens^le  plus  commun  du  mot  en  véni- 
tien, en  lombard  et  en  émilien.  Parfois  il  se  dit  pourtant 
aujourd'hui  encore  pour  'giovane'.  Tel. est  le  cas  en  vé- 
nitien, ou,  du  moins,  tel  était  le  cas  au  temps  de  Boerio 
(1829)  ^.  Comme  dénomination  des  petits  enfants,  puto  a 
été  remplacé  dans  ce  dialecte  par  putin  et  par  putelo.  Le 
premier  sert  à  désigner  les  enfants  de  moins  de  sept  ans, 
le  dernier  les  enfants  un  peu  plus  âgés  (cf.  §  41).  —  Dans 
les  parlers  de  Rovereto,  de  Trente,  de  Mantoue  et  de 
Parme,  put  ^  présente  également  le  sens  de  'jeune  homme' 
à  côté  de  celui  de  'célibataire';  au  sens  de  'enfant',  putel 
l'a  remplacé.  Pellizzari  (1769)  donne  au  brescian  put  la 
signification  de  'giovane' ;  mais  Melchiori  (1817)  relève  ^œ^ 
avec  le  sens  ancien  de  'putto',  c.-à-d.  'petit  enfant'.  On 
trouve  en  outre  pot  à  Valle  Gandino  (Tiraboschi),  put  à 
Côme  et  dans  la  Valtelline  (Monti)  avec  cette  même  signi- 
fication '*. 

Le  féminin  puta  {putta,  bergam.  j;tito)  offre  un  déve- 
loppement sémantique  analogue  à  celui  du  masculin:  en 
vénitien,  en  lombard*  et  en  émilien,  il  signifie  'jeune  fille 
nubile',  et  puis  'femme  non  mariée  d'un  âge  quelconque'  ". 

Le  toscan  jjw#0  "  a  conservé  le  sens  de  'jeune  enfant'. 
IjOs  plus  anciens  exemples  se  trouvent  chez  Giambullari, 
poète    florentin    du    XV**    siècle.     Petrôcchi    désigne   putto 

'  Puto  peut  désigner  aussi  un  commis,  un  garçon  de  boutique: 
puto  de  hotega.     On  dit  de  même:  sbvene  de  hotega. 

-  Cherubini  (mant.)  et  Peschieri  (parm.)  écrivent  pntt. 

*  Le  valtell.  put  signifie  aussi  'figlio'. 

*  D'après  M.  Longa,  Monti  s'est  trompé  en  donnant  puta  comme 
un  terme  de  Borraio. 

"  Dans  le  sens  de  'vieille  fille',  puta  est  généralement  suivi  d'un 
(jualificatif:  tviest.  puta  vecia;  vén.,  vér.,  hresc.  puta  fatta; -paxm.  putta 
terzana;  mirand.  puta  varnisza,  etc. 

"  Dans  son  Dictionnaire  franco-normand  ou  Recueil  des  mots 
particuliers  au  dialecte  de  Guernesey,  Métivier  a  un  article  ainsi 
conçu:  «Pouteau  ou  pouto,  s.  m.  Petit  enfant,  bambin.  —  It.  putto. 
En  néo-latin  le  sens  de  putus,  comme  esp.  et  prov.  puto^  v.  fr.  put. 
est  obscène. 


—  67  - 

comme  terme  littéraire.  Depuis  la  Renaissance,  ce  mot 
s'emploie  de  préférence  comme  terme  technique  pour  dé" 
signer  un  bambin  peint  ou  sculpté.  —  Le  cors,  ji'fttu  'bam- 
bino'  ])<iraît   être   venu   de  la  Toscane  ^ 

41,  Parmi  les  dérivés,  ceux  en  -pUh  ot  on  -in»  sont 
1<'S  plus  fréquents. 

-ellu:  triest.,  vén.,  vic.^w^do;  vér.,  rover.,  trent.,  raant. 
ptitel:  bresc.  pntèl  (Pellizzari),  ou  pœtd  (Melchiori);  bergam. 
piitèl  -.  Ces  mots  signifient  aujourd'hui  'fanciullo'.  'ragazzo'  ^. 
Bortolan  a  relevé  le  sens  ancien  diminutif  de  'bambino', 
'fanciuUino'  dans  les  poésies  en  patois  padouan  de  Ma- 
gagno    (1660),    sens    (ju'on   trouve  aussi  en  triestin  à  côté 

Coumme  Salomon  savait  qiri  n"*'tait  qu'un  pouteart.  i  n'demàndit 
à  rÉternel  ni  richesse,  ni  hounneur.  ni,  bien  mains,  tnie  longue  vie. 
mais  la  sagesse  pour  discernaïr  entre  l'bien  et  Fmal. 

Onde  Salomone.  conosiendo  d'esser  putto  non  domandô  al  Signor 
Iddio  richezza,  overo  honore,  ne  meno  de  vivere  longamente.  ma  sapi- 
enza  per  discernere  i  giudici. 

Discorsi  sopra  Corn.  Tacit.  âel  Conte  Virgilio  Melvezzi.  Venet. 
16-22,  p.  154. 

Ego  autem  suin  puer  parvîduf. 

1.  Kois  iii.  7.  > 
Le  premier  passage  est,  semble-c-il.  une  traduction  du  second,  et, 
en    ce    cas,   pouteau    ne   serait,  en  effet,  pas  autre  chose  (jue   l'italien 
putto.  accentiié  et  orthographié  à   la  française. 

'  Pour  Fesp.  puto  giton'.  'mignon',  anc.  ital.  putta,  esp.  ptita. 
port,  putta,  ital.  puttana.  franc,  putain,  voyez  Meyer-Liibke.  Uom. 
etym.  Wb.  6890.  —  Suivant  Du  Cange,  l'anc.  fr.  pute  s'est  employé 
foxiT  puella  dans  le  Boman  de  Robert-le-Diable: 

«-Et   li  .-^enescaus  pour  ytant 
A  dit   (ju'il   le  fera  dolant 
De  la  Pute  qu'il  n'a  mie». 

Ce  passage  se  trouve  dans  le  ms.  H  (Fr.  24405 1;  voir  l'édition 
de  Loseth,  p.  67.  D'après  M.  Loseth.  pute  signifie  ici  'sale',  'odieux', 
'détestable'. 

■^  Monti  donne  putêî  —putêla  fanciullino'.  fanciullina'  comme  des 
termes  de  liormio.  mais  suivant  M.  Longa.  ces  mots  n'y  sont  pas  usités. 

*  Voici  la  définition  plus  précise  de  Boerio:  Fanciullo  d'età  tra 
rinfanzia  e  l'adolescenza». 


—  58  — 

de  ceux  de  'fanciullo'  et  de  'figlio'.  D'après  Angeli,  le 
mot  a  pris  en  véronais  l'acception  particulière  de  'fanciullo 
scriato'.  Le  vénitien  possède  les  diminutifs  putelïn,  pute- 
leto  (celui-ci  se  rencontre  aussi  en  ancien  Yicentm),  putilut 
(Portogruaro)  \  Cherubini  signale  en  mantouan  un  dimi- 
nutif à  trois  suffixes:  putlottel,  qu'il  définit  par  'ragazzet- 
tucciaccio'(!).  Le  féminin  putela  aussi  a  le  plus  souvent 
perdu  le  sens  diminutif;  il  sert  à  désigner  une  jeune  fille 
nubile  (cf.  puta).  Le  triestin  a  généralisé  le  sens  encore 
davantage;  putela  y  signifie  'femmina'  en  général,  et,  plus 
particulièrement,  'amante',  'fidanzata',  'sposa'.  Cependant, 
il  se  dit  aussi  d'une  petite  fille,  et  M.  Gartner  l'a  relevé 
dans  ce  sens  à  Portogruaro.  Tiraboschi  ne  donne  que  cette 
dernière  signification  au  bergam.  pôtela.  Le  vénitien  et 
le  mantouan  se  servent  du  diminutif  ^w^eZe^to  (ou  putletta) 
dans  le  même  sens. 

Le  toscan  possède  la  forme  puttcllo  'petit  enfant'  (Fan- 
fani,  Vocaholario  délia  pronunsia  toscana).  Tommaseo  l'a  re- 
levé chez  Niccolô  Forteguèrri,  natif  de  Pistoie  (1674 — 1735)  ^. 

-inii.  Contrairement  à  putel(o)  -putela,  les  dérivés  en 
-Inu  ont  conservé  le  sens  diminutif  et  signifient  partout 
'petit  enfant',  'garçonnet',  'fillette'.  La  diffusion  du  mot 
est  à  peu  près  la  même  que  celle  de  putel[o) — putela  ;  ce- 
pendant putino — putina  ne  se  trouve  pas  à  Trieste,  où 
putelo  —putela  sert  à  désigner  aussi  les  bambms  ;  pas  non  plus 
à  Trente  ^.  D'un  autre  côté,  le  dérivé  en  -in,  -ina  se  rencontre 
plus  au  sud  que  celui  en  -el,  -ela;  nous  le  trouvons  au- 
delà    du  Pô:    à  Mirandole,  Parme  et  Bologne.  —  Dans  la 

^  Voir  Gartner,  Handbuch  der  ràtoroman.  Sprache  und  Litera- 
tur.  p.  254. 

2  En  italien  moderne,  puttello  est  un  terme  technique  des  for- 
gerons qui  signifie  'il  ragazzo  che  aiuta  il  lavorante'  (Petrôcchi). 

^  Pour  le  véronais.  Angeli  ne  donne  que  le  féminin  au  sens  de 
'bambola';  et  on  sait  que  ce  mot  italien  peut  signifier  ou  'fillette'- 
ou   'poupée'. 


—  69  — 

Valtelline,  le  diininntif  putïn  'fanciullino'  existe  à  côté  de 
put  'fanciullo'. 

-eolu,  Ija  Valtelline  possède  en  outre  la  forme  pii- 
toèu  'puttino'. 

-attu,  ^  Dans  le  vicentin  du  XVI®  siècle,  Bortolan 
signale  putatto — putatta  'giovinotto',  'fanciulla';  et  le  dimi- 
nutif putattello  'giovinetto'. 

-aceu.  Ce  suffixe  ne  se  trouve  que  dans  le  vén. 
puttaszô — putazza  'cittone',  'fanciullaccio';  'cittona',  'fan- 
ciuUona';  et  dans  un  diminutif  du  bergamasque:  p'ottazzol 
'giovinetto'  (Tiraboschi),  qui  ne  paraît  pas  avoir  le  sens  aug- 
mentatif ou  péjoratif  des  formes  vénitiennes. 

-oceu.  Patozz  ^ — patozza  s'emploie  dans  la  campagne 
bolonaise  au  sens  de  «fanciullo,  bambino,  e  per  lo  più 
grasso  e  grosso»  (Ferrari), 

B.     Expressions  latines  pour  rendre  les  idées 
de  «jeune  homme»,  «jeune  femme». 

tTuvenis, 

42.  Le  latin  juvenis  'jeune';  'jeune  homme',  'jeune 
femme',  signifiait  proprement,  d'après  Forcellini,  'celui  qui 
se  trouve  entre  l'adolescence  et  l'âge  viril';  mais  on  ne 
distinguait    pas   très  nettement  ce  mot  d'avec  adolescens  ^. 

Juvenis  s'est  maintenu  dans  toutes  les  langues  roma- 
nes; et  presque  partout  il  s'emploie,  comme  en  latin,  tant 
comme  substantif  que  comme  adjectif. 

43.  Dans  la  langue  littéraire  roumaine  d'aujourd'hui, 
on  trouve  quelquefois  ^Mwe  au  sens  de  'jeune'  (cf.  tînnr  §  75). 
Dans  la  vieille  littérature  roumaine,  il  s'employait  aussi 
comme    substantif  au  sens  de  'jeune  homme   (non  marié)', 

1  Cf.  §  8. 

'  TJngarelIi  écrit  patôz.  —  Sur  le  changement  de  u  atone  en  fl. 
voyez  Gaudenzi.  1  suoni,  le  forme  e  le  parole  dell'odierno  dialetto  di 
Bologna,  Torino  1889,  p.  25. 

*  Cf.  Forcellini,  à  l'art.  Aetas,  Nota  I. 


—  60  — 

signification  que  connaissent  encore  aujonrcrhui  les  idiomes 
transylvaniens  et  macédoniens  (Tiktin)  ^  Le  fêmimn  jûna 
se  dit  quelquefois  pour  'jeune  fille':  0  prm  friummca  juna 
(Pann,  Povestea   Vorbci.  Bucur.   1852 — 53;  d'après  Tiktin). 

44.  De  même  que  juvenis;  l'ital.  i/iovanr.  f/iovine  ^ 
signifie  'jeune',  ou  'jeune  homme'  '.  'jeune  femme'.  On  en 
a  tiré  le  diiainutii giovaneUo — f/iovanetta  {giovinetto — giovinetta) 
^jeune  garçon',  'jeune  fille',  et  le  sous-diminutif  giovanet- 
tino — giovanettina.  L'ancien  italien  connaissait  encore  gio- 
venello  {giovinello) — giovenella.  GiovinccUo  (anciennement 
giovanzello  ou  giovenscllo)  est  un  terme  littéraire  (}ui  ne  se 
dit  que  par  plaisanterie  iPetrôcchi). 

Le  dérivé  giovanoUo  {giovinotto)  s'emploie  en  général 
avec  le  sens  augmentatif  qu'indique  son  suffixe:  'garçon 
vigoureux'.  On  en  a  tiré  le  diminutif  caressant  giovanottino. 
En  toscan,  le  sens  augmentatif  concerne  aussi  l'âge  *.  — 

Ce  dérivé  a  pris  encore  le  seiis  de  'célibataire'  ".  Dans 
d'autres  mots  aussi,  tm  suffixe  augmentatif  sert  souvent 
à  rendre  la  même  idée;  cf.  puUellona,  .zitrllonn.  etc. 

45.  Giovanr  se  retrouve  dans  la  plupart  des  dialec- 
tes   italiens    avec  le  sens  de  'jeune  homme',  'jeune  fille'  ^: 

*  Le  megîen.  suni  signifie  en  outre   'héros',   'vaillant'  (Puscariu  . 
-  Cette  forme  ne  s'emploie  ({ii'au  singulier. 

^  Comme  beaucoup  d'autres  mots  signifiant  'jeune  homme",  gio- 
vane  peut  aussi  désigner  un  serviteur  ou  un  employé  subalterne: 
giovane  di  banco,  di  hottega,  etc.  —  Cf.  le  lat.  junior,  qui  s"est  con- 
servé dans  les  langues  romanes  avec  le  sens  exchisif  de  'valet',  'ap- 
prenti', 'ouvrier',  etc.  Voyez  A.  Thomas,  Nouveaux  essais  de  philologie 
française,  pp.  288,  289. 

*  Voici  ce  qu'en  dit  Fanfani  dans  son  Vocabolario  delVuso  toscano: 
«.Giovannbtto  dicesi  nelFuso  commune  ad  un  giovane  ora  mai  uscito 
di  pupille  e  che  va  già  faori  da  se,  senza  il  babbo  e  senza  il  pedagogo. 

*  En  ancien  italien,  le  simple  giovane  pouvait  s'employer  avec 
la  même  signification  (Tommaseo). 

"  Quant  à  l'évolution  du  j  initial,  voir  Meyer-Liibke.  Gramni. 
des  langues  rom.,  I,  §  407. 


—  61  — 

cors.,  sard.  giovann — giovana  (campid.  yiovmm):  sic.  gin- 
vint  (s.  m.);  abr.  giotmic  (s.  f.);  sienn.  giovano — giovana; 
géii.  £!ovniO]  monf.  znvo]  Realdo  (}JHV0  ^—gjuvma]  piém.  gio- 
vo'^ — giotma;  tess.  jùn—jôna\  borm.  gôen — .r/oma,  Livigno 
zon  (Longa);  com.,  mil.,  ouest-émil.  giovcn — giovcna  (gio- 
van — giovana)]  est-émil.  sovan  {jzoven) — zovna;  bergam.,  bresc. 
eticn  zucna  (zovna,  znvna,  zimma)  ;  vén.  zovcne  {zoven)  ; 
triest.  giovinc]  istr.  éûvano  (s.  m.,  Dignano),  éûvono  (s.  m., 
Gallesano),  éôvina  (s.  f.,  Sissano),  gûvine  (s.  f.,  Fasana).  ^  — 
Le  napolitain,  qui,  d'après  le  dictionnaire  de  D' Ambra, 
n'emploie  pas  le  mot  simple,  l'a  remplacé  par  le  dimi- 
nutif giovcniello — giovrnicUa  'giovanottino',  'giovanotta'.  — 
Quelques  dialectes  du  Nord  possèdent  des  diminutifs  en 
-inu:  borm.  goenin;  liv.  éonîii;  romagn.  zuvncn — ztwnena. 
D'autres  parlers  ont  formé  des  diminutifs  à  l'aide  du  suf- 
fixe -ittu  :  gén.  zovenetto  ;  mil.  giovcnctt — giovenetta  (sous-dimi- 
nutif: gioveneUin)]  bergam.,  bresc.  zucnèt,  zuniPÛ]  bol.  zur- 
nêt*;  vén.  zovenetto — zovenetta. 

Les  anciens  dialectes  de  Trévise  et  de  Vicence  connais- 
saient un  dérivé  en  -attu:  trév.  zouenat  'giovinotto' ^,  vie. 
eovenata    'giovinetta'    (Bortolan),    qui  se  retrouve  aussi  en 

1  ('f.  prov.  jove. 

•  Cf.  (jivvv,  'giovine'  dans  les  parlers  gallo-italiens  de  la  Sicile 
(voir  AGlï.  VIII.  p.  4U). 

"  Prescjue  toutes  ces  formes  s'emploient,  comme  Pital.  giovane. 
également  an  sens  de  'commis',  'garyon  de  boutique',  etc.;  et  souvent. 
eomme  lïtal.  giovanotto,  ils  signifient  en  outre:  'célibataire',  'garçon' 
on  'vieux  garçon'.  Dans  le  parler  de  Teramo,  c'est  là  le  sens  uni- 
que de  'ggiôvene.  Par-ci  par-là.  le  mot  peut  signifier  encore  'fiancé', 
'amoureux'.  Ainsi,  le  cors,  giovana  (ou  giovanuta)  veut  dire  'amou- 
reuse' (voir  V Atlas  linguistique)]  et  dans  le  dialecte  franco-proven- 
çal qui  se  parle  dans  les  deux  villages  Faeto  et  Celle,  dans  l'Italie 
méridionale,  lu  ^nvene  se  dit  pour  'il  fidanzato'.  (Voyez  le  dialogue 
de  deux  paysans  de  Faeto.  cité  par  Morosi,  AGlI.  XII,  p.  73). 

*  Suivant  Coronedi  Berti.  le  bol.  zom'en  ne  s'emploie  que  comme 
•djectif. 

'  Voyez  Salvioni.  AGlI.  XVI,  p.  331.  —  En  publiant  les  textes 
d'où  il  a  tiré  cette  forme  tibid..  p.  69  ss.),  M.  Salvioni  les  avait 
désignés    comme    provenant    de    Bellune,    mais   dans  les  Illustrazioni 

5 


—  62  — 

frioulan  (voir  ci-dessous).  —  Des  dérivés  formés  avec  lo 
suffixe  -ottu  se  rencontrent  dans  bien  des  dialectes  du  Nord 
avec  les  mêmes  significations  que  celles  de  V iioX.  giovanoUo^i 
mais  le  sic.  giiwinoUu  a  un  sens  diminutif  et  correspond 
à  l'ital.  giovinctto.  On  en  a  tiré  le  sous-diminutif  giuvinu- 
teddu  'giovanottino'. 

46.  La  langue  de  l'île  de  Veglia,  dans  le  golfe 
d'Istrie,  langue  morte  aujourd'hui  ^,  possédait  les  formes 
jaun  (gun,  guah)  'giovane',  jauna  {zoena,  suovcna)  'ra- 
gazza'  ^ 

47.  Tous  les  idiomes  rhéto-romans  possèdent  des 
représentants  de  juvcnis,  qui  en  ont  tous  conservé  le  double 
emploi.  Le  frioulan  a  sovin — sovine^,  d'où  les  dérivés 
20venatt— zovinate,  zovcnott — sovinote^  sovenutt — zovimite^  zo- 
venett,  sovenon  (Pirona).  —  En  Tyrol,  on  trouve  au  Gader- 
tal  jôn—jôna,  à  Greden  zoun — êouna,  à  Livinallongo 
joven.  A  Ampezzo  on  rencontre  la  forme  frioulane  zovin  ^. 
—  Le  parler  de  l'Engadine  a  giuven — giuvna  (bas-engad. 
juven—juvna),  dim.  giuvnet—giuimefta. 

48.  L'anc.  fr.  juevne  {jocvne,  joigne)  ne  s'employait 
pas  seulement  comme  adjectif,  mais  aussi  comme  substan- 
tif   au    sens    de    'jeune    homme',    ou    'maître    garçon  d'un 


sistematiche  qu'il  y  a  ajoutées  (ibid.,  p.  245  ss.~)  il  se  dit  obligé, 
pour  des  raisons  différentes,  de  considérer  ces  textes  comme  prove- 
nant de  Trévise. 

^  J'ai  noté  les  formes  suivantes:  gén.  zovenotto;  monf.  zuvnott; 
piém.  giovnot — giovnota;  mil.  giovenott — giovenotta ;  borm.  yojnôta; 
bergam..  bresc.  zuenott  ;  bol.,  romagn.  zuvnott. 

'  Le  dernier  habitant  de  l'ile  qui  parlât  cette  langue,  est  mort 
par  accident,  à  l'âge  de-  77  ans,  en  1898. 

'  Les  annotations  de  Cubtch  (voir  Bartoli,  Das  Dalmatische,  II, 
107,  124)  prouvent  que  ce  mot  a  été  employé  substantivement. 

*  Le  z  pour  j  s'explique  par  influencé  vénitienne;  voir  Meyer- 
Lûbke,  Gramm.  des  langues  rom.  I,  §  407. 

6  Cf.  du  reste  Ettmayer,  BF,  XIII,  p.  583. 


—  63  — 

boulanger  ou  d'un  meunier'  (Godefroy)  ^  En  français 
moderne,  jeune  a  perdu  son  caractère  de  substantif,  et  l'on 
sai^  qu'il  faut  exprimer  les  idées  ([ue  représentait  le  sub- 
stantif Juvenis  par  jeune  homme,  jeune  fille^  jeune  ixrxonne, 
jntne  femme  ^. 

49.  En  ancien  provençal,  jove  et  joine  étaient  à  la 
fois  des  substantifs  et  des  adjectifs  ^.  Dans  le  proven- 
çal d'aujourd'hui,  jouine  est  exclusivement  adjectif,  mais 
joiive  ^ — joitro  a  conservé  le  double  emploi  et  peut  signi- 
fier aussi  'jeune  homme',  'jeune  femme',  d'où  on  a  dérivé 
le  sens  particulier  de  'amant',  'amante',  Jouve  s'em- 
ploie tpiehpiofois  comme  synonyme  de  nbvi  'nouveau  marié', 
'jeune  époux'.  Le  diminutif  jouvenèl —jouvenello  (lang., 
gasc.  jouhenèl—joubenello)  signifie  'adolescent',  'adoles- 
cente'. A  l'expression  fi'ançaise  jeune  homme  correspond 
en  provençal  jouvenome  °,  qui  a  en  outre  l'acception  spé- 
ciale do  'célibataire'  ". 

Le  béarn.  yaubèle,  qui  se  dit  à  Orthez  pour  'jeune 
fille',  'jouvencelle'  (Lespy  et  Raymond),  semble  indiquer 
que  le  béarnais  a  possédé  autrefois  une  forme  correspon- 
dant   au    gascon  joube.      Mais,    à  en  juger  d'après  le  dic- 


*  Cf.  le  franc,  mod.-  gindre  {<CJimior)  'premier  ouvrier  d'un  bou- 
langer'. —  Le  diminutif  joignetel  signifiait  'petit  jeune  homme'. 

*  Il  ya.  sans  dire  que  l'emploi  siibstantif  de  jeune  au  pluriel:  les 
jeunes  'les  hommes  peu  avancés  en  âge'  (Littré).  qui  se  rencontre  dans 
la  langue  littéraire,  est  un  cas  de  création  romane,  de  même  que 
le  mot  jeune  qui  se  dit  pour  'jeune  homme'  dans  la  Suisse  romande 
(voir  §  269). 

*  Jove  home  ne  servait  qu'à  désigner  un  ouvrier  ou  commis. 

*  Voici  les  formes  qu'enregistre  Mistral:  jouve,  joue  (niç.),  joube 
(lang.,  gasc),  jôubi  (auv.),  jougue  (rouerg.),  joues  (Ariège).  La  carte 
022  de  V Atlas  lingtiistique  indique  au  point  898  (dép.  des  Alpes-Mari- 
times) âjuve  pour  'garçon'. 

*  Aux  bords  du  Rhône;  juvenome;  à  Nice:  jOMtnotne;  en  Dau- 
phiné:  juinome ; .  en  Gascogne:  junotne  (Mistral). 

*  Cf.  le  suédois  ungkarl. 


—  64    - 

tionnaire    de    Lespy    et    Raymond,    ce    dialecte    n'emploie 
aujourd'hui,  au  sens  de  'jeune',  que  la  forme  yoen  onjoen  ^ 

50.  Le  cat.  jove — jova,  ainsi  que  esp.,  port,  jovcn,  a 
le    même    double    emploi    que   juvenis.      Suivant    Vicente 

.  Salvâ,  joven  est  une  expression  de  «bon  ton».  Dans  le 
parler  du  peuple,  mozo  est  plus  usité.  Le  catalan  a  formé 
le  diminutif  jovenct,  correspondant  à  l'esp.  jovenete.  En 
espagnol,  nous  avons  en  outre:  jovensuelo,  jovencico — jovencica. 
jovencïllo  — jovencilla,  jovmcito — jovencîta. 

Jiivenalis. 

51.  Deux  dérivés  latins  de  juvenis:  juvenalis  et  juven- 
cus,  ont  servi  aussi,  dans  les  langues  romanes,  à  désigner 
un  jeune  homme  ou  une  jeune  femme. 

Dans  la  Haute-Engadine,  juvenales  a  donné  giuvnos 
'jeunes  gens'  ^,  mot  vieilli  "'',  dont  le  singulier  a  cessé  d'être 
en  usage  de  très  bonne  heure.  M.  Gartner  *  a  relevé 
giuvnals  'junge  Leute'  dans  la  langue  littéraire  de  l'Ober- 
land  ^.  M.  Pallioppi  enregistre  aussi  le  singulier  giuvno 
'Jûngling',  qui  doit  avoir  été  formé  sur  le  pluriel. 

tTuvencus, 

52.  Le  sens  propre  du  lat.  jiwencus  est  'jeune'.  Pline 
l'emploie  avec  ce  sens  en  parlant  de  poules  (X,  53),  et 
Lucrèce    l'applique    à  des    chevaux    (V,  1074)  ^.     Il  s'em- 


1  Dans  le  béarnais,  y  se  substitue  souvent  au  j  et  au  g  (voir 
Lespy  et  Raymond,  op.  cit.,  p.  392). 

*  M.  Pallioppi  en  cite  un  exemple  tiré  des  Volkslieder  des  Enga- 
din,  publiés  par  A.  v.  Flugi  1873. 

*  <Questa  voce  non  appartiene  più  alla  lingua  parlata,  ma  essji 
s'incontra  ancora  negli  scritti  di  G.  Mathis.>  (E.  Walberg,  op.  cit.. 
]>.  48,  n.  3.) 

*  Handhuch  der  ràtoromanischen  Sprache  und  Literatur,  p.  XXIV. 
^  M.  Walberg,  îoc.  cit.,  signale  dans  le  dialecte  oberlandais  jMt'- 

nals  'apostoli',   en  renvoyant  à  AGII,  I.  p.  12,  note  2. 

"    D'après  Klotz,  Handwôrterbuch  der  lateinischen  Sprache. 


—  66  — 

ployait  plus  souvent,  il  est  vrai,  comme  substantif  au  sens 
de  'jeune  taureau'.  Je  crois  cependant,  et  j'en  donnerai 
plus  loin  les  raisons,  (jue  c'est  de  juvencus  'jeune',  qu'il 
faut  tirer  le  béarnais  ifonme — f/ouenco  'jouvenceau',  'jou- 
vencelle'; 'adolescent',  'adolescente',  qu'enregistre  Mistral 
à  l'article  jouvenccu.  mais  qui  a  échappé  à  Lespy  et  Ray- 
mond. 

*JuvenceJlu8, 

53.  Le  diminutif  du  latin  vulgaire  *juvencellus—*ju- 
vencella  ^  est  la  base  des  formations  suivantes.  L'anc.  vén. 
çovcncdo  'jeune',  'jeune  femme'  se  trouve  quatre  fois  dans 
la  rédaction  vénitienne  de  Pamphilc  '.  Dans  l'un,  au  moins, 
de  ces  cas  (au  vers  403)  l'emploi  substantif  est  hors  de 
doute.  L'anc.  ital.  (jiovincrllo  'giovanetto',  est  attesté  par 
Tommaseo  e  Bellini.  D'après  M.  Pallioppi,  le  bas-engadinois 
possède  juventschcl  —  juventschella  'Jiingling',  'Jungfrau'; 
pour  le  haut-engadinois  il  n'enregistre  que  le  féminin  giu- 
vintschdla,  qu'il  a  relevé  dans  un  passage  de  la  Bible: 
Allura  saro  il  reyinam  dcl  tschél  .sumfjiaunt  a  desch  giuvint- 
Hchellas  (Math.  XV,  1).  —  L'ancien  français  connaissait  jo- 
venccl  '^—jovencdle  'adolescent',  'adolescente'.  Aujourd'hui, 
jouvenceau— jouvencelle  ne  se  dit  plus  que  par  plaisan- 
terie, ou  dans  le  style  marotique.  En  provençal  et  en 
catalan,  le  mot  a  persisté  dans  le  sens  ancien:  anc.  prov, 
jovencel—jovencella;  prov.  mod.  jouvencèu  (jonvcncel) — jouven- 
ecllo*':  ca,t.  jovenccl—joveneeln  'adolescent',  'adolescente'. 

54,  M.  Meyer-Lûbke  fait  remonter  le  iraiK}.  jouvenceau, 


*  La  forme  juvencella  a  été  relevée  j)ar  Du  Cange  dans  un  do- 
cument bas-latin  de  1403:  Item  dicti  consules  fuerunt  invîtati  ad 
nuptias  Antonii  Cayroli,  qui  nubiit  in  uxorem  quandam  Juvencellani 
de  S.  Egidio.  (Comput.  anno  1423.  inter  Probat.  tom.  3.  Hist.  Nem. 
pag.  176.  col.  1.) 

=î  Voir  AGII.  X,  p.  253. 

"  On  trouve  aussi  jovenencel  (Godefroy). 

*  Gasc.  joubenceu—joubenceUo;  aveyr.  Joubencel. 


—  66  — 

prov.  jouvencel,  à  *juvencelliis  au  sens  de  'junges  Rind.'  ^ 
Qii'il  ait  existé  en  latin  vulgaire  un  juvencellus  avec  cette 
signification,  c'est  ce  que  montre  le  comtois  jouvence  ou 
djeveneé  'bouvillon'  ^,  mais  cela  ne  prouve  pas  qu'il  faille 
en  tirer  également  jouvenceau  et  jovencel.  Aussi.  M.  Meyer- 
Lûbke  admet-il  qu'on  peut  rattacher  ces  expressions  à 
juvenis;  cependant,  il  renvoie  au  "valais  hwata  'jeune  fille' 
(<:*bomtta)  et  au  franco-prov.  &o^?i 'jeune  fille' (<;  &oc«?a)'\ 
qui  présentent  un  développement  sémantique  analogue  à 
celui  de  juvencellus  ('jeune  taureau')  z> jouvenceau,  et  il 
préfère  les  expliquer  par  une  métaphore  du  même  genre. 
S'il  en  est  ainsi,  il  faut  aussi  considérer  le  béarnais  ijouene 
■ — youvenco,  dont  nous  venons  de  parler,  comme  provenant 
de  juvencus  'bouvillon',  juvenca  'génisse'.  Quelqu'un  citera 
peut-être,  à  l'appui  de  cette  hypothèse,  un  passage  d'Ho- 
race *  où  le  poète  emploie  l'expression  tua  juvenca  pour  tua 
puella;  mais,  comme  l'a  fait  remarquer  avec  raison  N.  de 
Puitspelu  ",  c'est  là  une  figure  de  lettré  —  d'ailleurs  em- 
pruntée à  Anacréon,  et  dont  Horace  a  fait  encore  usage  dans 
Carmina  III,  1,  où  il  parle  de  Lpde  .  .  .  quae  velut  latis  equa 
trima  camjns  liidit.  Ovide  aussi  emploie  juvenca  en  parlant 
d'une  jeune  fille  ^.  Mais  l'existence  de  ces  métaphores 
dans  le  style  des  poètes  de  la  période>impériale  ne  prouve 
rien  quant  à  un  emploi  pareil  dans  le  langage  du  peuple. 
Il  paraît  plus  vraisemblable  que  le  latin  vulgaire,  en  appli- 
quant l'adjectif  juvrneus,  tantôt  à  un  homme,  tantôt  à  une 
bête,  en  a  formé  deux  substantifs  à  sens  àiîférents:  juven- 
cus = 'jeune  homme'  (d'où  le  béarnais  i/ouenc),  et  juvencus 
=  'jeune    taureau'.     Evidemment,   le  diminutif  juvencMÏus  a 


*  Rom.  etyin.    Wijrterb.  4GiO. 

2  Voir  A.  Thomas,  Nouveaux  essais  âe  philologie  française,  p.  287. 
'  Voir  §  831. 

*  Carmina  II.  5. 

^  Voir  Dictionnaire  étypiologique  lyonnais,  à  l'art,  bolli. 
"  Epist.  Heroidum  V.  117.  —  Il  est  douteux  qu'il  faille  voir  une  méta- 
phore dans  le  juvenci  qui  se  trouve  chez  Horace  dans   Carmina  II.  8. 


—  67  — 

en  aussi  ces  deux  acceptions.  Juvcnculus — jiwencula  se 
trouve  souvent  chez  les  écrivains  ecclésiastiques  au  sens 
<le  pncr—pncUa,  et  l'existence  de  juvcncidus  =  'bouvillon' 
en  latiu  vulgaire  semble  résulter  de  cette  remarque  de 
YAppindiv  Prohi  :  jtirruciis  non  jnvniclus]  elle  est  aussi 
attestée  par  le  maintien  du  mot  dans  le  patois  du  Poitou, 
où  joinclc  (joitinclr,  jonclr  ou  junquc)  signifie  'veau  de  deux 
ans  que  l'on  commence  à  mettre  au  joug'  ^ 

Il  est  donc  très  probable  qu'il  en  a  été  de  même  de 
juvenccUns:  dans  le  sens  de  'jeune  taureau',  il  aura  donné 
le  comtois  jonvcncr  ou  (fjawncé,  et  dans  le  sens  de  'adole- 
scent', il  sera  devenu  le  prov.  jovencel.  franc,  jouvenceau. 
etc.,  qui  présentent  dès  l'origine,  comme  le  fait  remarquer 
]M.  Thomas,  le  sens  exclusif  de  'jeune  homme'. 

*Juventosus, 

55.  Ajoutons  ici  le  mot  jofnctus  qui  se  trouve  dans  le 
Fetit  Flrf  de  Chardry  (XIII®  siècle),  v.  10,  au  sens  de  'jeune 
homme'  ^:  il  représente  un  type  *jnventosu,s  ^ 

Adolescens  *. 

50,  •  Le  lat.  adolescens  (proprement  'celui  qui  grandit') 
'jeune',  'jeune  garçon',  et  plus  rarement,  'jeune  fille',  a  passé 
du  latin  écrit  dans  la  plupart  des  langues  romanes.  On 
le  trouve  en  italien,  en  français  (le  provençal  moderne  l'a 
emprunté  au  français),  et  dans  les  langues  de  la  péninsule 
ibérique:  ital.  adolescente;  franc,  adolescent — adolescente'^]  prov. 
adouleseènt — adonlescènfo:  cat.  adolescent,  esp.,  iport.  adolescente. 

1  Voyez  A.  Thomas.  îoc.  cit. 
-  ^i  fu  Vestrif  mut  delitus 

Del  ceiUart  e  del  jofnetus.  — 
Le  ms.  d'Oxford  a  jeotnetus.  le  ms.  du  Vatican:  juventus. 

*  Cf.  Chardrys  Josaphu^.  Set  Dormanz  imd  Petit  Plef.  p.  p. 
J.  Koch.  Heilbronn  1879.  p.  203. 

*  Je  me  permets  de  ranger  ici  adolescens  et  virgo,  bien  qu'ils 
n'appartiennent  pas  à  la  tradition  latine,  au  sens  propre  de  ce  terme. 

'^  Le  féminin  ne  s'emploie  que  rarement. 


—  68  — 

Les  exemples  les  plus  anciens  qu'en  cite  Tommaseo,  datent 
du  XIII®  siècle;  en  français,  on  trouve  le  mot  dès  le  XV* 
siècle.  Aujourd'hui,  le  franc,  adolescent  n'est  plus  guère 
usité  en  prose  qu'ironiquement  {Dictionnaire  général)  ^ 

Virgo, 

57.  Par  virgo  le  latin  classique  désignait  le  plus 
souvent  une  vierge,  mais  le  mot  se  disait  aussi  de  jeunes 
femmes  en  général,  même  de  celles  qui  avaient  perdu 
leur  virginité  ^.  —  <Le  christianisme  fit  de  virgo  une  sorte  de 
nom  propre  (|ui  ne  fut  en  usage  que  dans  ]a  langue  ec- 
clésiastique; on  avait  d'autres  termes  pour  rendre  la  même 
idée»  ^.  De  la  langue  de  l'église,  virgo  a  pénétré  dans 
toutes  les  langues  romanes,  en  conservant  toujours  l'accep- 
tion restreinte  que  les  écrivains  chrétiens  lui  avaient  donnée; 
il  se  dit  partout  de  la  mère  de  Dieu,  mais  souvent  il  signifie 
aussi  'vierge'  en  général:  vegl.  vérgina;  ital.  vcrginc^:  tyr. 
vergin:  engad.  vergina°:  anc.  fr.  virgene;  franc,  et  prov. 
mod.  vierge  ";  anc.  prov.,  cat.  verge;  esp.  virgen:  port,  virgem  ''. 

'  La  dégradation  sémantique  des  mots  savants  est  un  phénomène 
assez  commun.  Voyez  Darmesteter,  La  Vie  des  mots,  p.  105  ss.;  Ja- 
berg,  Péjorative Bedeutungsentwicklnng  im Fransôsischen  {ZRPh,XXlK, 
p.    61). 

'  Virgile  l'emploie  en  parlant  de  Pasiphaé  et  de  Penthésilée^ 
Ovide  appelle  ainsi  Médée. 

»  Meyer-Liibke,  Grammaire  des  langues  romanes  I.  §  11. 

*  Cf.  Meyer-Liibke,  loc.  cit. 

^  Dans  le  supplément  du  dictionnaire  de  Carisch,  Pallioppi  a 
relevé  la  forme  verna,  on  il  voit  une  graphie  erronée  pour  vergna=^ 
ital.  vergine. 

"  On  sait  que  vierge  s'emploie  aussi  comme  adjectif,  en  parlant 
d'un  homme  aussi  bien  que  d'une  femme. 

'  Le  diminutif  *OTV^MZa  a  donné  le  roum.  vargura  'mère  de  Dieu'. 
—  L'albanais  offre  les  formes  virgjinna,  virgjinésha  (Weigand),  ver- 
gerese  (Meyer)  'Jungfrau,  ledige  Person'.  Vergeri,  que  M.  Puscariu  men- 
tionne au  sens  de  'Jungfrau',  signifie,  d'après  Meyer,  'Jungfrauschaft', 
'Keuschheit'. 


IL     TRADITION  IMPROPRE. 


A.     Mots  signifiant  primitivennent:  «le  fœtus»» 
«ce  qui  est  engendré». 

58.  Plusieurs  mots  latins  qui  signifiaient  primitive- 
ment 'le  fœtus',  'ce  qui  est  engendré',  apparaissent  dans 
les  langues  romanes  avec  le  sens  de  'enfant'  \  L'un  do 
ces  mots,  fctns^  présente  cette  signification  déjà  en  latin 
littéraire.  Quant  aux  autres,  le  sens  qu'ils  avaient  en  latin 
écrit  indique  que  ce  développement  sémantique  venait 
seulement  à  cette  époque  de  commencer.  En  ce  qui  con- 
cerne crcatnro^  il  est  possible  qu'il  n'ait  pris  le  sens  de 
'enfant'  que  dans  la  période  romane,  puis(j[ue  les  accep- 
tions ([ui  ont  dû  précéder  celle-ci,  savoir  celles  de  'ce 
(pi  est  créé  (ou  engendré)'  et  de  'fœtus',  se  sont  conservées 
dans  la  plupart  des  langues  romanes  ^;  mais  à  cause  de 
son  développement  analogue,  je  préfère  le  ranger  dans  ce 
groupe. 

'  Les  langues  germaniques  nous  fournissent  l'exemple  d'un  dé- 
veloppement tout  à  fait  analogue.  Le  suédois  harn  'enfant'  (=  dan., 
anc.  nor..  goth..  anc.  sax.,  anc.  haut-allem.  harn.  anglo-sax.  bearn).  qui 
désigne  aussi  bien  l'âge  que  le  rapport  de  parenté,  était  originaire- 
ment un  participe  passé  du  verbe  hœre  et  signifiait  'ce  qui  a  été  en- 
fanté". (Voir  Falk  und  Torp.  Norwegisch-dànisches  etymologisches 
Wurterbueh,  à  l'art,  harn.)  —  Cf.  aussi  le  lat.  nati  >  'filiV  >  'pueri' 
(voir  Funck.  op.  cit.,  p.  85  s.). 

*  Les  monuments  connus  de  la  langue  de  Veglia  ne  présentent 
le  mot  cratoire  qu'avec  le  sens  de 'enfant';  mais,  vu  l'état  fragmentaire 


—  70  — 

Fétus. 

59.  Le  latin  fdiis,  appliqué  d'abord  aux  fœtus  des  ani- 
maux, avait  pris  aussi  le  sens  de  'petit  d'un  animal'. 
Appliqué  à  l'enfant  dans  le  sein  de  sa  mère,  il  s'était  gé- 
néralisé et  pouvait  parfois  désigner  également  l'enfant 
nouveau-né.  Cela  ressort  des  exemples  que  voici:  sexu^ 
sequioris  cdcrc  f<inm  (Apulée):  pim^  matrona  dahit  (Tibulle); 
ne  nobis  scripta  famquam  récentes  fétus  ^  hlandiantur  (Quin- 
tilien)  ^.  Le  Corj).  Gloss.  Lat.  définit  fétus  par  natum  (II, 
579,  56)  et  par  infrois  (IV,  344,  ô).  On  l'y  trouve  aussi  au 
sens  collectif,  par  exemple  IV,  442,  20:  fétus  natosvelplu- 
res  fiUos. 

60.  Nous  retrouvons  fétus  en  ancien  roumain  sous  la 
forme  de  fat  (macédo-roum.  f/fii:  istro-i'oum.  fef)  'garçon': 
*fils';  aujourd'hui  il  s'emploie  seulement  dans  les  expressions 
fâtul  mien  'mon  garçon',  'mon  fils'^.  fctii  niiri  'mes  garçons'. 
La  langue  populaire  moderne  a  remplacé  fdt  par  feciôr  (ma- 
cédo-roum., megl.  l'ttsor.  i>iro-r(»um.  ftsor,  ■<.''' ft  loi  us)  'gar- 
çon', 'adolescent',  'jeune  homme'.  Dans  la  vieille  littéra- 
ture roumaine,  fecior  signifiait  'enfant'  (par  rapport  aux 
parents),  ou  'fils':  cet  emploi  ^'e.si  maintenu  dans  la  langue 
populaire.  *  Diminutifs:  feciords^  feciorêl.  fecior lit  'petit  gar- 
çon'; augmentatif:  feciordndru.  'grand  garçon". 

Contrairement    à    fut.    le    féminin  fâta  (macédo-roum. 

de  ces  sources,  on  n'ose  pas  conclure  que  le  sens  primitif  ait  été  in- 
connu dans  cet  idiome. 

'    «Comme  des  enfants  nouvetiu-nés.» 

-  D'ai)rès  Georges.  Ausfnlirliches  lateinifich-deutsches  Hundwor- 
terhuch. 

*  Dans  la  langue  populaire  il  se  dit  aussi  à  une  petite  fille  comme 
terme  de  tendresse. 

"•  Fecior  signifie  aussi  'domestique  mâle'  (particulièrement  'gar- 
<;on  d'hôtel'),  et  'célibataire'.  En  Transylvanie,  on  désigne  par  ce  mot 
le  garçon  d'honneur  dans  une  noce  de  village.  (Cf.  gatinais  puceau. 
gasc.  donsel). 


—  71  — 

feata.  mogl.  fçta,  istro-roum.  fçtej  est  toujours  vivant;  c'est 
lo  mot  courant  pour  'jeune  .fille',  correspondant  à  haiat 
'garçon'  (voir  §  103).  Dans  le  sens  de  'fille'  (==lat,  filia)^ 
fdta  est  vieilli,  mais  il  s'emploie  encore  avec  ce  sens  dans 
la  langue  familière,  à  côté  de /iica  ^.  Diminutifs: /î"^/;S'o«/-a, 
fctita,  fctica  (d'où  par  aphérèse  le  terme  de  tendresse  tica): 
faMfa  'fillette'.  Les  dérivés  fetlscana,  fctnef/ica.  fatâica 
signifient  'fille  pubère'.  —  Le  féminin  de  feclùr:  fcdodra 
(istro-roum.  fctêore),  signifie  'fille  pubère',  'pucello',  'vierge': 
Santa  fcciodra  Maria  'la  sainte  Vierge',  De  même  que  le 
français  nirrgc,  il  peut  s'employer  aussi  comme  adjectif. 

Suivant  Ciliac,  et  MM.  Puscariu,  Tiktin  et  Meyer- 
Liibke,  le  roum.  fâta  'fille'  proviendrait  du  lat.  fcta  'fe- 
melle qui  a  mis  bas',  'femme  qui  a  enfanté'  ;  et  son  sens 
primitif  aurait  été  celui  de  'gebiirungsfâhiges  Wesen' 
(voir  Rom.  Ett/m.  Wôrtcrh.,  3269).  D'autre  part,  M. 
Meyer-Ltibke  rattache  le  prov.  mod.  fcdo  'Màdchen',  à 
fétus,  bien  que  la  môme  langue  possède  le  mot  fcdo  'bre- 
bis' {<ifeta).  (Cf.  §  63).  —  Pour  moi,  je  trouve  plus  \Tai- 
semblable  l'explication  de  Diez  ^  et  de  M.  Densusianu  '^. 
qui  considèrent  fdta  comme  un  féminin  analogique,  tiré 
de  fat. 

W.  Dans  le  dialecte  des  Marches,  on  trouve  fctu  'en- 
fant' *,  et  les  dérivés  fetaccir  (Cingoli,  Recanati,  Arcevia) 
'ragazzo',  fctb,  qui,  à  Osimo.  veut  dire  'ragazzo',  à  Maco- 
rata,     'bambino     appena     nato'     (Neumann-Spallart.)      M. 

'  Fàta  signifie  aussi  'vierge',  'pucelle';  cette  idée  est  rendue 
d'une  majiière  plus  précise  par  fàta  fecioâra.  ou  fdta  curata  {curât  = 
'propre',  'pur',  'clair',  etc.).  Une  vieille  fille  s'appelle  fdta  l>atrh\a. 
En  langage  familier  et  populaire,  une  jeune  fille  nubile  s'appelle  quel- 
quefois fdta  mare  (mare —-'grand'),  fdta  î'n  7>ar  (j^ar  = 'cheveux').  En 
s'adressant  à  une  femme,  on  emploie  souvent  l'abréviation  /«.' /a/ 

-  FAijmologisches    Wurterbuch    der  romanischen  ISprachen.  p.  582. 

^  Histoire  de  la  langue  romaine,  p.  309. 

*  D'après  Meyer-Liibke.  Rom.  etym.  Wh..  3-273;  M.  Neumann- 
Spallart  ne  l'enregistre  pas. 


—  72  — 

Meyer-Lûbke  ^  traduit  Cingoli  fetaèce  par  'Kinder'  et  men- 
tionne en  outre  le  féminin  fetaccia  'junges  Màdchen'  -. 

62.  Le  portugais  possède  le  diminutif  fedelho  ^  'petit 
enfant',  'nourrisson'.  Familièrement,  il  se  dit  aussi  pour 
'blanc-bec' 

63.  D'après  M.  Meyer-Lûbke,  le  provençal  moderne 
emploie  un  représentant  de  fétus  d'une  manière  analogue. 
Comme  je  viens  de  le  faire  remarquer,  il  considère  ce  mot 
latin  comme  la  base  du  prov.  fedo  'jeune  fille',  tandis  qu'il 
dérive  le  roum.  fdta  du  lat.  fêta.  Il  me  semble  qu'il  y 
aurait  beaucoup  plus  de  raisons  d'adopter  cette  dernière 
étymologie  pour  le  mot  provençal  que  pour  le  mot  rou- 
main. Suivant  Mistral,  le  prov.  fcdo  (gasc.  hedo)  présente 
les  acceptions  suivantes:  «Brebis;  nouvelle  accouchée,  en 
Grascogne;  garce,  en  Languedoc».  Azaïs  le  définit  par 
'brebis',  en  ajoutant:  «au  fig.,  personne  d'un  caractère 
mou».  D'Hombres  et  Charvet  ne  donnent  que  le  sens  de 
'brebis'.  —  Pour  dériver  fedo  de  fetu.s\  il  faudrait  connaître 
(l'abord  un  masculin  avec  le  sens  de  'enfant',  'garçon'  (cf. 
roum.  fàtj  march.  fétu),  d'où  l'on  pourrait  tirer  ensuite  le 
féminin.  Mais,  autant  que  je  sache,  un  tel  masculin  ne 
s'est  rencontré  ni  en  ancien  provençal,  ni  dans  les  parlers 
actuels  du  Midi.  Cette .  hypothèse  écartée,  il  nous  reste 
deux  explications  possibles.  Nous  pouvons  rattacher  le 
lang.  fedo  'garce'  au  gasc.  hedo  (béarn.  hede)  'femme  en 
couches',  'femme  accouchée',  mot  qui  vient  évidemment 
du  lat.  fêta  qui  avait  le  même  sens.  Le  passage  du  sens 
de    'femme    accouchée'    à    celui    de    'fille'    me    paraît    ce- 

*  loc.  cit. 

*  En  Sardaigne,  fétus  a  donné  fèdu,  qui  a  toujours  le  .>iens  col- 
lectif de  'descendance',  'progéniture'. 

'  Coelho  y  voit  le  même  mot  que  fedelho  tas  de  fumier', 
'puanteur'. 


—  73  — 

pendant  très  peu  vraisemblable.  Ou  bien  nous  pouvont; 
voir  dans  fcdo  'garce'  le  même  mot  que  fedo  'brebis'  (du 
lat.  fêta  'bête  qui  a  mis  bas'),  qui  se  trouve  dans  tout  \v 
Midi,  et  qui,  par  une  métaphore  assez  commune  \  aurait  été 
employé  pour  désigner  vme  jeune  femme.  Cette  hypothèse 
gagne  en  vraisemblance  si  nous  rapprochons  fedo  du  lyonii. 
fcya.  faya  'brebis',  au  figuré:  'jeune  femme';  et  du  jur. 
faille,  qui  signifie  à  la  fois  'agneau'  et  'fille'  *. 

Le  radical  fet-  se  retrouve  encore  dans  un  autre  moi 
du  provençal  moderne:  fedotin  'jeune  homme  novice,  doux, 
docile'  (Mistral).  En  ce  cas  aussi,  nous  avons  sans  doute 
affaire  à  un  emploi  métaphorique;  fedoun  signifie,  suivant 
Azaïs:  'agneau  nouveau-né';  suivant  Mistral  et  D'Hom- 
bres  et  Charvet:  'jeune  poulain'.  Nous  reparlerons  donc 
de  ce  mot,  comme  de  fedo  'garce',  dans  la  partie  traitant 
de  la  «création  romane». 

Frii47tiis, 

64.  Le  lat.  fructus,  qui  désignait  d'abord  l'action  de 
jouir,  la  jouissance,  avait  pris  plus  tard  le  sens  concret  d'un 
objet  dont  on  jouit;  spécialement  des  fruits  des  arbres 
et  de  la  terre.  Puis,  par  métaphore,  le  mot  s'appliqua 
aussi  aux  fœtus  des  animaux  ^,  et  les  écrivains  ecclésia- 
stiques l'emploient  même  en  parlant  de  l'enfant  dans  le 
sein  de  sa  mère  *. 

65.  Evidemment,  l'acception  de  'fœtus'  fut  le  point  de 
départ  du  développement  sémantique,  qui  aboutit  au  frioul. 

»  Cf.  §  331. 

'  Voir  Diez.  op.  cit.,  p.  582. 

»  Cf.  suéd.  livsfrukt.  allem.  Leibesfrucht. 

*  Voici  deux  exemples  de  cet  emploi,  tirés  de  la  Vulgate:  de 
fructn  ventris  tui  ponam  mper  sedem  tuam  {Psaum.  CXXXI,  11); 
beneclictus  fructus  ventris  tut  (Luc,  I.  42).  Dans  l'exemple  suivant, 
tiré  de  V Ecclésiaste,  XXXIX,  17,  fructus  équivaut  à  Jilii:  Obaudite 
me,  divini  fructus  (h.  e.  Jilii  sancti,  populus  Dei  electus,  ajoute  For- 
cellini). 


—  74  — 

frut  'enfant',  'garçon';  plur.  fruts  (frus)  'enfants',  'garçons' ^ 
Malgré  la  vogue  qu'a  eu  ce  mot  en  frioulan,  il  ne  semble 
jamais  avoir  pris  la  fonction  de  'fils';  cette  idée  se  rend 
par  fi.  —  Le  féminin  frute  (Pirona),  fruto  (Gartner),  plur. 
frutos  (frutis)^  signifie  'petite  fille'  ou  'jeune  fille'.  Le 
dérivé  le  plus  usité  est  frutatt — frutate  'garçon',  'adoles- 
cent'; 'fillette',  'jeune  fille' ^.  Pirona  enregistre  encore  les 
dérivés  suivants:  fruton,  frutin,  fnifutt;  frutone,  frutine,  fru- 
iuzzate. 

Creatus, 

66.  D'après  Funck,  op.  cit.,  p.  100,  le  lat.  créatif  pro- 
prement 'ceux  qui  ont  été  procréés',  a  été  employé  quel- 
quefois au  sens  de  'enfants'.  Funck  n'en  cite  pas  d'exemple, 
mais  peut-être  a-t-il  songé  au  passage  suivant  des  Méta- 
morphoses d'Ovide  (VI,  206):  ego  vestra  ^^arens,  vohis  animosa 
crcatis,  où,  suivant  M.  Georges  ^,  crcati  doit  être  considéré 
comme  un  substantif  signifiant  'Kinder'.  Mais  il  est  sans 
doute  plus  exact  d'y  voir  un  participe  et  de  traduire:  «fière 
de  vous  avoir  conçus»  *.  Creatus  ne  semble  pas  avoir  été 
employé  en  latin  littéraire  d'une  manière  absolue,  mais 
toujours  combiné  avec  un  ablatif:  Erebo  creata  'la  fille 
d'Erèbe';  illo  ffcnifore  creafns  'le  fils  de  ce  père',  etc. 

67.  Monti  a  relevé  criât  'fanciullo',  'creatura',  'bam- 
bino'  en  comasque  et  dans  le  parler  de  Poschiavo.  M.  Mi- 
ehael  signale  pour  ce  dernier  dialecte  aussi  le  féminin: 
kreat — kreata  ^.     Créât    et    le    diminutif   creatin  s'emploient 


^  Au  sens  de  'fruit  des  arbres'  on  ne  trouve  presque  jamais /rwif, 
mais  pomis.  irut  a,  par  contre,  les  sens  plus  abstraits  de  'production', 
'produit'. 

*  Cf.  infanzat,  fantate,  etc. 
^  op.  cit..  à  ]"art.  creo. 

*  Çî.  Thésaurus  linguae  latinae,  à  l'art,  creo. 

*  Il  y  voit  une  forme  abrégée  de  creatura. 


~  76  — 

en  oiitro  dans  les  dialectes  engadinois  avoisinants  avec  le 
sens  de  ^Geschôpf,  'Geschôpfchcn'.  'Kindlein',  'Sâugling' 
(Pallioppi)  ^  Comme  l'indique  sa  forme,  c'est  un  mot 
d'emprunt. 

En  ancien  provençal,  créât  {criât)  avait  lo  double  sens 
de  'enfant'  et  de  'serviteur'  ^.  Au  point  do  vue  de  la  forme, 
ce  mot  pourrait  tout  aussi  bien  être  le  participe  passé  du 
verbe  crcar  {criar),  mais  ce  verbe  signifie  toujours,  dans  la 
langue  ancienne  comme  dans  la  langue  actuelle,  'créer', 
non  'procréer',  et  pas  davaiitage,  comme  le  prétend  M. 
Meyer-Liibke  ^:  'erziohen'*. 

Cretitura, 

08.  Le  lat.  crcatura^  qui  se  rencontre  chez  les  écri- 
vains ecclésiastiques  avec  le  sens  de  'action  de  créer'  ou 
de  'chose  créée',  s'emploie  dans  la  Vulgate.  Sap.  III,  13, 
avec  l'acception  de  '/77w':  malcdicta  crcatura  corn  m    ic-à-d. 

des  impics).  ^\  >  r  ]»Tobable  (jue  le  développcîmt'iit  séman- 
tique   de    et         I       a    (''té    analogue   à  celui  de  fctuH  et  de 

^  Peut-o;re  n'cst-il  pas  iuutile  de  coustater  que  le  participe  passé 
du  verbe  huut'eiijradiuois  créer  est  creo,  -eda,  et  qu'il  s'emploie  aussi 
substantivement  au  8ens  de  'Gescluipt". 

*  Lespy  et  Raymond  signalent  eu  béarnais  un  créât  qui  signifie 
'créature'  et  parait  avoir  un  sens  péjoratif. 

«  Rom.  ehfin.    Wôrterh.,  2305. 

*  L'espagnol  et  portugais  criado—criada  'serviteur',  'servante', 
paraît  être  le  participe  passé  de  criar  'créer',  'nourrir',  'élever',  et 
signifierait  donc  proprement  'celui  (ou  celle)  qui  est  élevé  et  nourri 
à  la  maison'  (Oudin).  iCf.  l'anc.  fr.  norri  'serviteur').  Le  cat.  criât — 
crioda  est,  suivant  M.  Vogel,  un  emprunt  fait  à  l'espagnol.  -7  On  trouve 
dans  d'autres  langues  romanes  des  formes  semblables,  qui  présentent 
la  mfsme  signification:  anc.  prov.  créât,  criai  'serviteur';  anc.  fr.  créât 
'domestique',  'écuyer  subalterne  dans  une  écurie';  anc.  ital.  creato  'servo'; 
piém.  creada  'cameriera';  nap.  creata  'serva';  sic.  criatu — criata.  et  sard. 
criadu — criada  'servo'.  'serva'.  Le  corse  creatu,  criatu  signifie  'crea- 
tura.  nel  senso  di  persona  protetta  da  un  altra  e  tutta  devota  a'  servigi 
di  questa';  'famigliare'.  (Cf.  l'ital.  creatura,  fr.  créature,  qui.  dans  ce 
sens,  est  un  emprunt  fait  à  l'italien).  Tous  ces  mots  semblent  re- 
monter au  latin  vulgaire  creatus,  qui  a  probablement  joint  au  sen» 
de  'enfant'  celui  de  'serviteur'  (cf.  puer,  fante,  meschin.  etc.). 


—  76  — 

frucins^.  Peut-être  la  signification  de  'enfant',  que  ce  mot 
a  pris  dans  les  langues  romanes,  a-t-elle  été,  dans  certains 
cas,  le  résultat  d'un  emploi  collectif,  tel  que  nous  le  montre 
l'exemple  cité  plus  haut  ^. 

69.  En  toscan  et  dans  l'italien  littéraire,  creatura  a 
conservé  le  sens  primitif  de  'créature',  mais  il  présente 
aussi  les  acceptions  secondaires  de  'enfant  dans  le  sein 
de  sa  mère',  'fœtus':  'petit  enfant',  'nourisson';  dans  ces 
derniers  sens  on  emploie  aussi  le  diminutif  crcaturina.  Le 
mot  se  retrouve  dans  la  plupart  des  dialectes  avec  le  sens 
de  'bambino',  'bambina'.  Je  l'ai  relevé  avec  cette  signi- 
fication dans  les  parlers  de  la  Corse,  la  Sardaigne,  la  Sicile. 
Naples,  Gênes,  Milan,  Côme,  Poschiavo,  Bologne  et  la 
Romagne,  Rovereto,  Trente,  Venise,  Trieste,  Sissano  (Istrie). 
A  côté  de  criafura  'cosa  creata',  'feto',  'bambino',  'bambina', 
le  sicilien  emploie  criaturi  'bambino',  'fanciuUo',  qui  paraît 
être  le  même  mot  que  creaturi  'creatore',  usité  comme 
forme  masculine  de  criatura  au  sens  de  'giovine',  'pul- 
zella'  ^.  —  Diminutifs:  sic.  criatureddu — crioturrdda,  mil. 
criaturinna. 

L'idiome  dalmate  de  l'île  de  Veglia  employait  égale- 
ment oratoire,  Icreatoire  au  sens  de  'enfant'.  M.  Bartoli  en 
cite  deux  exemples:  la  midér  fiia  doc  krèatôirc  «una  donna 
gli  partori  due  figliuoli»  (Das  Dalmatischc,  II.  66);  le  mai 
cratoirc  {op.  cit.^  p.  123). 

^  Comme  on  le  voit  par  les  exemples  suivants,  creatura  s'employait. 
ainsi  que  fructus,  en  parlant  des  fruits  des  arbres:  non  bibam  amodo 
ex  ista  creatura  vitis  (Itala.  Math.  XXVI,  29);  sanctijicare  olei  creatu- 
ram  (Cyprien,  Épîtr.,  LXX,  2;  d'après  Thésaurus  linguae  latinae). 

2  Cf.  les  significations  du  mot  en  ancien  provençal:  'postérité' 
et  'enfant'. 

*  On  sait  que  l'ital.  creatura  et  le  franc,  créature  s'emploient 
souvent  en  parlant  d'une  femme.  Che  hella  creatura  se  dit  d'une  jolie 
femme  ,  en  toscan  et  en  lombard,  de'  même  qu'on  dit  en  français  une 
belle  créature  (cf.  une  bonne  créature,  une  pauvre  créature,  etc.).  Dans 
le  patois  manceau,  creiature,  queriature  ou  queriatcure  se  dit  pour  'jeune 
fille'  et  se  prend  souvent  en  mauvaise  part. 


—  77  — 

A  Greden  et  au  G-adertal  en  Tyrol,  j'ai  trouvé  creatura 
'enfant',  et  creaturea  'enfants'.  Les  dialectes  de  l'Engadine 
n'emploient  avec  ce  sens  que  le  diminutif  creatiirina:  una 
hHla  creatûrina  —  im  bel  creatin.  D'après  M.  Pallioppi. 
crratûrd  signifie  toujours  'Greschôpf  ;  en  ce  cas.  creatûrina 
'enfant'  est  apparemment  le  résultat  d'un  changement  de 
sens  en  période  romane. 

En  ancien  provençal,  creatura  avait  le  sens  collectif 
de  'postérité'  et  les  sens  individuels  de  'créature',  'objet', 
'enfant'.  Ce  dernier  emploi  s'est  maintenu  dans  la  langue 
actuelle:  creaturo  'enfant  qui  vient  de  naître';  dim.:  crea- 
tiironn  'fœtus',  'nouveau-né'.  —  Dans  les  langues  de  la 
péninsule  ibérique,  criatura  présente  les  mêmes  acceptions 
que  le  mot  italien  correspondant. 

Creainen, 

70.  Un  autre  dérivé  bas-latin  du  verbe  creare,  le 
substantif  creamen  ^  'chose  créée',  est  la  base  de  cream.  qui 
se  dit  pour  'bambino'  à  Val  Verzasca  (Monti)  -. 


B.     Dénominations  tirées  d'une  qualité 
particulière. 

JParvuSf  ixirvulus, 

71.  C'est  un  phénomène  assez  naturel,  très  fréquent, 
et  dont  le  latin  comme  les  langues  romanes  fournissent  plu- 
sieurs exemples,  qu'on  désigne  les  enfants  par  leur  qualité 
la    plus    frappante,    la   petitesse  —  soit    en    donnant  pour 

'  Ce  mot  ne  se  rencontre  qu'une  seule  fois  dans  la  littérature 
latine:  dans  les  Hamartigenia  de  Prudence. 

-  C'est  peut-être  par  une  contamination  de  creatura  et  de  creamen 
qu'il  faut  expliquer  le  corse  cridntuli  (pi.  f.  et  m.)  'créature',  'quantità 
di  bimbi  o  bimbe';  criàmpuli  'ragazzi',  terme  de  mépris,  est  probable- 
ment dû  à  quelque  autre  influence  analogique. 

6 


—  78  — 

attribut  à  une  dénomination  d'enfant  un  adjectif  signifiant 
'petit',  soit  en  appliquant  l'épithète  directement  à  l'enfant: 
«mon  petit»  —  et  que  cette  épithète  finit  par  éveiller  dans 
l'esprit  l'image  totale  de  l'enfant:  l'adjectif  prend  alors  le 
caractère  d'un  substantif. 

72.  Parvus  et  parvulus  nous  offrent  un  exemple  de 
ce  développement.  Comme  il  était  à  prévoir,  parvi  appa- 
raît avant  parvuli  ',  d'abord  comme  épithète  de  libcri,  puis 
comme  substantif  ^  Sauf  dans  l'expression  a  parvulis^  qu'on 
trouve  chez  Jules  César,  parvuli  n'apparaît  comme  sub- 
stantif qu'au  premier  siècle  ap.  J.-C.  Il  s'emploie  rare- 
ment dans  la  littérature  profane,  mais  se  rencontre  très 
souvent  chez  les  écrivains  ecclésiastiques  ^,  qui  montrent, 
en  général,  une  grande  prédilection  pour  les  diminutifs 
hypocoristiques:  fiUoli,  pueruli^  infantuli,  pusilli.  Grâce  à 
l'influence  puissante  de  la  littérature  chrétienne,  le  mot 
franchit  les  portes  de  l'église  et  du  monastère  et  devint 
une  expression  courante,  perdant,  par  la  suite,  la  nuance 
spéciale  qu'il  avait  dans  la  langue  religieuse.  Les  inscrip- 
tions témoignent  de  son  emploi  dans  le  langage  familier*. 
Finalement,  il  pénétra  aussi  dans  la  langue  juridique,  et 
la  loi  salique  en  offre  encore  des  exemples  ^. 

73.  Je  n'ai  pas  trouvé  de  représentants  romans  du 
latin    classique   parvus.     Mais    dans    les  patois  dauphinois 

^  Comme  liberi,  pueri,  infantes,  etc.,  ces  termes  s'employaient  le 
plus  souvent  au  pluriel. 

*  Funck,  op.  cit.,  p.  95,  le  signale  chez  Cicéron,  Quintilien,  Silius 
et   Staoe.  Chez  les  auteurs  postérieurs,  les  exemples  se  font  plus  rares. 

'  La  Vulgate  traduit  jtaiàia  et  vrjmot,  par  parvuli.  Un  exemple 
du  singulier  se  rencontre  dans  Isaïe  IX,  6:  Parvulus  enim  natus  est 
nohis.  Chez  saint  Augustin,  parvuli  est  le  mot  le  plus  usité  pour  'en- 
fants'. —  Le  Corp.  Gloss.  Lat.  explique  par  parvulus  vrjmog  (II,  376, 
18),  vrjmcoTdtos  (II,  376,  20),  et  veoyvôg  (III,  378,  71;  570,  70). 

*  Voyez  Pirson,  op.  cit.,  p.  262. 

*  Le  chapitre  XXIV  porte  le  titre  De  homicidiis  parvolorum. 
F&T  parvuli  la  loi  entend  les  enfants  depuis  le  bas  âge  jusqu'  à  la  puberté. 


—  79  — 

des  Alpes,  Mistral  '  a  relevé  pàrvi—pàrvio  'petit  enfant', 
'petite  iille',  avec  le  diminutif  parviot—parmoto,  qui  sem- 
ble remonter  à  *parvms^  de  même  que  àvi  à  *avius. 

Par/mlus  se  retrouve  en  italien,  en  ancien  proven- 
çal et  dans  les  langues  de  la  péninsule  ibérique,  mais 
il  paraît  avoir  partout  un  caractère  littéraire  et  demi- 
savant. 

L'ital.  pargolo  (vieilli:  parfjulo)  'piccol  fanciullo',  et  le 
diminutif  i^arr/olctto — 2^^*'fil^^('^^^^  4^i  ^^^  P^^^  usité  que  le 
mot  simple,  appartiennent  à  la  langue  littéraire.  Parvola 
{parvulo),  et  les  diminutifs  parvoletto.  parvolino,  sont  des 
termes  poétiques,  aujourd'hui  hors  d'usage.  —  Tous  les 
exemples  de  l'ancien  provençal  parvol.  que  cite  Levy, 
sont  tirés  de  la  version  de  la  Bible  -'  et  correspondent 
toujours  au  mot  parvulns  dans  la  Vulgate.  —  Le  catalan 
possède  parvol — xjarvola  'petit  enfant',  'fillette'.  L'esp. 
parvulo — parvula  s'emploie  comme  adjectif  au  sens  de 
'petit',  'petite',  mais  aussi  comme  substantif  (Salvâ).  Tol- 
hausen  ne  donne  que  parvula  'petite  fille',  et  le  pluriel 
parvulos  'petits  enfants'  (cf.  lat.  parvuli).  Les  dictionnaires 
de  Franciosini  et  d'Oudin  n'enregistrent  pas  le  mot.  Le 
portugais  a  parviilo  'petit  enfant',  'petit  garçon'  ^.  Le 
pluriel  parvulos  sert  à  désigner  les  pauvres  gens,  les  hum- 
bles \ 


*  Ces  mots  ne  figurent  pas  dans  le  dictionnaire  de  Chabrand  *t 
Rochas  d'Aiglun. 

«  I  Cor.  XIII.  11;  Gai.  IV,  1;  Éphés.  IV,  14. 

*  L'adjectif  parvulo  signifie  'petit',  mais  aussi  'innocent',  'niais'; 
cf.  parvo  'idiote'. 

■*  Il  n'est  pas  sans  intérêt  de  constater  que,  dans  une  langue 
germanique  aussi,  le  lat.  parvulus  a  donné  naissance  à  un  nom  d'en- 
fant, savoir  le  suéd.  parvel  'petit  garçon',  qui.  dans  les  dialectes  de 
l'Est,  se  prononce  pirvel.  pervel,  et  d'où  l'on  y  a  tiré  les  verbes  parvla, 
pirvla  'trottiner'.  (Voir  Eietz,  Ordbok  ôjver  svenska  allmogesprâket  ; 
Vendell.   Ordbok  ôver  de  ôstsvenska  dialekterna). 


—  80  — 

JPisinniis, 

lia.  Le  lat.  pisinniis  se  trouve  avec  le  sens  de  'petit' 
chez  Martial  (voir  Forcellini),  et  le  pluriel  pisinni  est  em- 
ployé substantivement  au  sens  de  'enfants',  'garçons'  par 
Labéon  dans  sa  traduction  de  l'Iliade:  Crudiim  mandtices 
Friamum,  Priamiquc  pisinnos  ^.  Puis,  le  mot  disparaît  pour 
des  siècles  de  la  langue  écrite,  mais,  comme  le  fait  re- 
marquer M.  E.  Lôfstedt  dans  son  Philoloyischer  Kommentar 
mr  Peregrinatio  Aetheriae,  p.  197,  il  a  sans  doute  vécu 
pendant  ce  temps  dans  le  latin  vulgaire.  Nous  le  ren- 
controns de  nouveau  dans  le  bas-latin,  et  particulièrement 
en  Gaule.  Le  médecin  gaulois  Marcellus  Empirions  (pas 
avant  408)  l'emploie  au  sens  de  'petit'  ^.  et  dans  la  Pere- 
grinatio ad  loca  sancta,  qui  date  probablement  du  VI''  siècle  ^, 
on  trouve  a  pisinno  =  'a  ^j/(e/Y>'  et  pisinni  =  ^2}ueri^  *. 
11  est  pourtant  toujours  un  mot  vulgaire;  c'est  ce  que 
montre  VAppendix  Prohi  qui  veut  qu'on  dise  :  pusillus,  non 
pisinnus  °.  —  D'après  l'opinion  de  M.  Schuchardt  ^,  pisinnus 
est  identique  à  pusinnus  ^,  tandis  que  MM.  Heraeus  ^  et 
Walde  ^  l'expliquent  comme  une  formation  enfantine  ^°,  de 
même  que  pitinnus,  qui  se  lit  sur  des  inscriptions  italiennes  ^^ 

A  côté  de  pisinmis  et  de  pitinnus,  le  latin  vulgaire  a 
probablement  possédé  une  forme  *pitsinnus.  On  trouve  le 
nom   propre  Piisinnina  sur  une  inscription  des  catacombes 


^  D'après  les  scholies  sur  les  Satires  de  Perse,  I,  4. 
»  Voir  Geyer,  ALL,  VIII,  p.  480. 
'  Voir  Lôfstedt,  op.  cit.,  p.  6. 

*  Voyez  Wôlfflin,  ALL,  IV,  p.  264;  Lôfstedt,  op.  cit.,  p.  197. 
"  Cf.  Lôfstedt,  loc.  cit. 

'■'  Ver  Vokalismus  des  Vulgdrlateins,  II,  p.  201. 
'  Cf.  Heraeus,  ALL,  XL  p.  322. 
«  ALL,  XIII,  p.  160. 
^  Lat.  etym.   Wôrterb.,  à  l'art,  pisinnus. 

*•  M.   Heraeus  voit  dans  pusinna  une  variante  de  pisinna,  due  à 
l'influence  de  la  famille  de  ptis-. 
^*  Voir  Geyer,  loc.  cit. 


—  81  — 

de  l'an  392  ap.  J.-C.  (Rossi,  I,  404).  Ce  pitzinnus  doit 
être  l'étymologie  de  l'anc.  logoud.  pithinnu  'petit'  et  de 
pltftinnu — pitsinna^  qui,  dans  les  parlers  logoudoriens  et  gal- 
luriens  d'aujourd'hui,  signifie  'enfant',  'garçon'  ;  'jeune  fille'  ^ 
Sous  rinfiuence  du  radical  pic{c)-  dans  l'ital.  piccino,  sard. 
piccioccu,  etc.  (voir  §  264)  se  sont  formés  le  logoud. 
picimm — picinna,  qui  a  la  même  signification,  et  le  tarent. 
piécinnu,  dont  j'ignore  le  sens  précis  ^.  D'une  manière 
analogue,  M.  Meyer-Lubke  explique  l'esp.  pequeno,  port. 
pequeno,  comme  le  résultat  d'une  contamination  de  pitzin- 
nus avec  le  radical  pec{c)-  ^.  Le  mot  portugais  s'emploie 
substantivement  au  sens  de  'petit  enfant',  de  même  que  les 
diminutifs  pequenote  et  pequerrucho  *. 

Tener. 

75.  Le  lat.  tmer  'tendre',  'jeune"  s"applic|uait  souvent 
à  des  êtres  humains,  particulièrement  dans  la  dernière 
acception.  Ovide,  dans  ses  3Iétamorphoses,  X,  84,  parle  des 
teneri  marcs,  c.-à-d.  des  petits  garçons.  Teneri  s'employait 
aussi  comme  un  substantif  au  pluriel,  équivalant  à  pueri- 
par  exemple:  parcendum  est  tcneris  (Juvénal  XIV,  215). 

Le  représentant  roumain  de  tener:  tinâr^j  a  le  même 
double  emploi;  il  signifie,  comme  adjectif,  'tendre',  'jeune', 
comme  substantif,  'adolescent',  'jeune  homme'. 

Musteus. 

76.  Comme  un  cas  de  «tradition  impropre»  on  peut 
regarder    aussi    l'esp.    tnozo — moza.    port,   moeo — moça,  cat. 

'  Voir  Meyer-Liibke.  Rom.  etym.  M^b..  6550,  et  Sitzuv gsherichte 
(1er  phil.-hist.  Klasse  der  kaiserl.  Akademie  der  Wissetisch..  AVien. 
CXLV.  5.  22. 

'  Voir  Meyer-Liibke,  loc.  cit. 

*  M.  Schuchardt,  loc.  cit..  les  fait  venir  d'nn  tyi)e  *piticoneus. 

*  Je  ne  m'explique  pas  Vr  de  cette  forme. 

^  D'après  la  graphie  de  MM.  Puscariii  et  Alexi;  les  dictionnaires 
de  Cihac  et  de  Tiktin  écrivent  tiner. 


—  82  — 

mosso — mossa,  'jeune';  'garçon',  'célibataire',  'valet',  'ap- 
prenti matelot';  'jeune  femme';  'servante',  pourvu  que,  à 
l'instar  de  M.  Meyer-Ltibke  \  on  fasse  venir  ces  mots  du  lat. 
mustcus  'jeune',  'frais',  'nouveau'  ".  Ce  qui  fait  paraître  assez 
vraisemblable  cette  étymologie.  c'est  le  passage  suivant  de 
Naevius  ^,  où  mustea  se  dit  d'une  jeune  femme,  et  devient 
ainsi  à  peu  près  synonyme  de  adoleacens:  Utrum  est  melius. 
virgincmne,  an  viduam  nxorem  ducerc?  virginem,  si  mustea  est. 
L'espagnol  possède  les  diminutifs  mosiuelo — mo.zuela. 
mocito — mocita^]  le  portugais:  moçinho — moçinha,  moçosinho 
— moçosinha:  D'après  Michaelis,  le  port,  moçoila  signifie 
'junges  Mâdchen';  Coelho  l'enregistre  avec  le  sens  aug- 
mentatif de  'forte  rapariga'.    Le  catalan  a  le  diminutif  mosset. 

77.     De  la  péninsule  ibérique  notre  mot  s'est  répandu 
vers  le  nord. 

Nous  trouvons  en  Béarn.  dans  le  parler  d'Osse,  mous- 
sou — mousse    'jeune    garçon',    'jeune    fille',    et    le   diminutif 
mousset — moussete.  Le  féminin  se  rencontre  dans  une  chanson 
du  XV**   siècle  ^,  dont  la  première  strophe  commence  ainsi  : 
«Une  mousse  ^  de  Bisquaye 
L'autre  jour  près  ung  moullin 
Vint  a  moi  sans  dire  gairo 


^  Royn.  etym.  Wh.,  5779. 

■  Guyet  (suivant  Ménage)  et  Diez  tiraient  mo.to,  mousse,  etc..  de 
mustus.  —  Canello,  AGIL  III.  p.  328,  a  proposé  "^iniitius  i^cf.  aussi 
Kôrting  6421).  Sur  les  difficultés  phonétiques  de  ces  étymologies, 
voir  J.  D,  M.  Ford,  The  old  siumish  .sibilants,  Boston  1900.  p.  76.  —  Au 
dire  de  M.  Sainéan,  ZBPh,  Beih.  I,  p.  65.  moso  garçon'  est  le  même 
mot  que  moso.  nom  familier  du  chat.    (Cf.  §  323  ss.; 

*  Cité  par  Nonius  II.  518  (d'après  Forcellini). 

*  Dans  Franciosini  et  Oudin  on  trouve  encore  les  dérivés  moral- 
bete  (ou  moçaliiete),  moçalvillo  (ou  moçaluillo)  'jeune  garçon',  'garçon- 
net'; moceton  'jeune  garçon',  'jeune  gars',  mocetona  'garse',  'fille  de  joie". 

*  Voyez  Chansons  du  XV^  siècle,  publiées  par  Gaston  Paris.  VII,  1. 
"  Godefroy    rapproche    à  tort  ce  mousse  de   mage,  mouge,  mot  de 

la  Suisse  romande  qui  signifie  'génisse'  (cf.  ij  331 1. 


—  83  — 

Le  provençal  et  le  français  modernes  n'ont  conservé 
([ue  le  masculin.  En  français  commun,  mousse  ne  s'emploie 
(j[u'avec  l'acception  spéciale  de  'apprenti  matelot';  mais, 
en  provençal  et  dans  les  patois  de  l'Ouest,  le  sens  primi- 
tif est  resté.  Ainsi,  le  prov.  mossi,  moussi  signifie  'jeune 
garçon',  'enfant',  aussi  bien  que  'apprenti  matelot'.  Sui- 
vant Azaïs,  c'est  un  terme  de  mépris.  —  Dans  les  jjarlers 
de  l'Anjou,  du  Bas-Maine,  de  Pléchatel  et  du  pays  de  Dol, 
tnousse  signifie  également  'petit  garçon',  'enfant',  quelque- 
fois avec  une  nuance  de  reproche  amical  (=  'gamin',  'en- 
fant espiègle').  D'après  Saubinet,  le  mot  s'emploie  dans 
le  bas-langage  rémois  avec  un  sens  franchement  péjoratif: 
'enfant  laid',  'désagréable'.  —  Le  patois  angevin  possède 
les  dérivés  moussaillon  ^  mousfot  'gamin',  'moutard'  ^ 


C.     Emploi  métaphorique  d'un  nom  d'animal. 

Pullus — pulla, 

78.  Le  lat.  piillus  désignait  —  de  même  que  catulus 
—  un  jeune  animal  en  général,  mais  il  se  disait  le  plus 
souvent  des  volatiles,  et  spécialement  des  poules.  Par  une 
sorte  de  métaphore  très  fréquente,  surtout  dans  le  langage 
populaire,  et  dont  les  langues  romanes  nous  fournissent  de 

'  Mouissaillon  se  rencontre,  au  sens  de  'petit  mousse',  d^ns  les 
ouvrages  de  plusieurs  auteurs  modernes.  A.  Darmesteter,  De  la  créa- 
tion actuelle  de  mots  nouveaux  dans  la  langue  framjaise,  p.  114,  le  si- 
gnale chez  J.  Vallès,  La  Rue,  AU  right.  Alphonse  Daudet  Ta  employé 
dans  les  Rois  en  Exil,  p.  433  (Flammarion). 

*  Selon  l'opinion  de  Diez  et  de  Rigutini-Bulle.  l'ital.  mozzo  'gar- 
zone  di  stalla".  ragazzo  di  bastimento'  et  'servo  di  faccende  basse'  (sens 
vieilli),  est  également  un  emprunt  fait  à  l'espagnol.  D'autres  y  voient 
le  même  mot  que  nwzzo  tagliato'  (cf.  toso,  §  271).  D'origine  espagnole 
est  probablement  le  sarde  muzzu — muzza  'servo',  'guattero';  'serva'. 
'ancella'.  Porru  désigne  expressément  le  féminin  comme  «termina 
spagnolu».  Le  sens  primitif,  qui  a  disparu  en  Sardaigne,  se  retrouve 
dans  deux  mots  corses,  qui  semblent  être  dérivés  de  muzzu:  muzza- 
glione  'giovinotto  dai  sedici  ai  venti  anni'  (cf.  mousnaillon),  et  muz- 
zone  'ragazzone*. 


—  84  — 

nombreux  exemples,  pullus  pouvait  s'appliquer  à  des  êtres 
humains  comme  un  terme  de  tendresse;  et  ce  sont  natu- 
rellement en  première  ligne  les  enfants  qu'on  appellait 
ainsi  ^  Quelquefois  le  mot  avait  une  nuance  railleuse  et 
dépréciative,  comme  dans  le  passage  suivant  des  Satires 
d'Horace:  Strabonem  appellat  paetum  pater  et  pullum,  mole 
parvus  si  cui  fiïius  est  ^.  Marc-Aurèle  dit,  en  parlant  de 
son  fils  :  Pullus  noster  Antoninus  tussit  aliquo  lenius  ^.  Pullus 
était  aussi  l'une  des  dénominations  caressantes  qu'adressait 
le  peuple  au  jeune  empereur  Caligula*. 

79.  Nous  retrouvons  le  lat.  pullus  dans  le  Tessin,  et 
spécialement  à  Biasca,  sous  la  forme  de  pol — pola  'ragazzo', 
'ragazza'  (Biondelli).  Il  a  survécu  aussi  à  Alt-Mtinsterol 
(Alsace):  pue  'garçon'  (Horning,  Ostfrans.  Grenzdial.).  Le 
diminutif  *pullinus,  dont  on  ne  connaît  pas  d'exemple  dans 
le  littérature  latine,  "  a  donné  poljin—poljinâ,  qui,  à  Val 
Soana,  se  dit  pour  'ragazzo',  'ragazza',  'figlio',  'figlia'  ^. 

L'anc.    fr.   polie    'jeune    fille',    qui    se    trouve  dans  la 


^  D'autres  noms  d'animaux  s'employaient  aussi  comme  termes 
liypocoristiques,  ainsi  que  le  montre  le  passage  suivant,  tiré  des  scho- 
lies  sur  Perse,  III,  16:  columhos  melius  pueros  intelligere  est,  quos  quae 
nutrmnt  blandientes  columhos  et  pullos  et  passeres  vocant  (cité  d'après 
Heraeus,  ALL,  XIII,  p.  161).  Cf.  encore  gallina,  qui  s'emploie  comme 
terme  de  tendresse  dans  la  conversation  de  deux  amants  chez  Plante. 
Asinaria  III,  3,  76. 

*  Satirae  I,  3.  44,  d'après  Forcellini. 

'  Front.  1  ad  Antonin.  imp.  ep.  1.,  d'après  Forcellini. 

*  Voyez  le  passage  cité  au  §  23:  sidus  et  pullum  et  pupum  e 
alumnum.  —  De  l'emploi  hypocoristique  de  2nillus  résulta  le  sens 
spécial  de  'giton',  'ganymède':  Pullus  qui  obscène  ah  aliquo  amahatur, 
eius,  a  quo  amatus  esset,  pullus  dicebatur  (Festus.  chez  Paul  Diac, 
p.  244,  Miill.,  d'après  Forcellini).  Cf.  aussi  Corp.  Gloss.  Lat.  V.,  95,  25 
et  139,  5.  —  Le  français  mignon  présente  ce  même  développement 
de  sens. 

*  Le  lat.  pullinus  était  un  adjectif  et  signifiait  'qui  appartient 
aux  jeunes  animaux,  ou  aux  poules'. 

«  Voyez  Nigra,  AGIL  III,  pp.  28,  58;  Biondelli.  p.  573;  Tappolet, 
Die  rom.  Verwandtschaftsnamen,  p.  49. 


—  85  - 

Séquence  de  sainte  IJulalie,  v.  10:  La  polie  sempre  non 
amast    lo  Deo  nienestier,  doit  remonter  aussi  au  lat  pulla  K 

M.  Meyer-Lûbke  fait  venir  le  tess.  pol — ^^)o/a,  l'anc. 
fr.  polie  et  l'esp.  jwlla  (>  port,  polha)  'jeune  fille'  du  lat. 
pullus  'jeune  animal';  mais  il  voit  dans  l'esp.  ^oWa  (>  port. 
polha)  'poulette',  le  lat.  pulla  'poule'.  Je  ne  peux  pourtant 
croire  que  polla  'fille'  et  polla  'poulette'  soient  deux  mots 
différents,  qui  auraient  existé  l'un  à  côté  de  l'autre  depuis 
l'époque  latine.  A  en  juger  d'après  les  dictionnaires  de 
Franciosini  et  d'Oudin,  où  polla  figure  seulement  au  sens 
de  'jeune  poule',  l'acception  de  'jeune  fille'  est  plus  récente; 
et,  vu  les  exemples  nombreux  que  fournissent  les  langues 
romanes  de  la  métaphore 'poulet' > 'enfant',  'poulette' > 'jeune 
fille'  ",  je  n'hésite  pas  à  considérer  l'esp.  polla  'jeune  fillo' 
comme  une  métaphore  analogue. 

Selon  toute  probabilité,  il  faut  expliquer  de  la  même 
manière  poulot  'enfant'  que  Diez  dérivait  du  lat.  pullus 
'enfant'  (cf.  §  351). 

*JPullicella, 

80.  Dans  son  JEtymologisches  Wôrterbuch  der  romanischen 
Sprachen,  p.  258.  Diez  fait  remonter  l'ital.  pulcella;  anc. 
esp.  puncella,  poncella;  anc.  port.,  prov.  pucella;  franc,  pu- 
celle;  engad.  purscliella,  'jeune  fille',  'vierge',  à  un  type 
*pulliceUa,  diminutif  de  pulla. 

M.    Meyer-Liibke    a    adopté    cette    étymologie,  en  ex- 


*  Voir  Diez.  Eti/iii.  Wurterb.  der  rom.  Sjir.,  p.  258;  Meyer-Liibke, 
Rom.  etym.  Wôrterh.  6828.  —  M.  Schuchardt,  dans  son  Vokalismus  des 
Vulgàrlateins,  II,  p.  162,  rattache  J'anc,  fr.  polie  au  lat.  vulg.  poeîla, 
qui  se  trouve  dans  une  remarque  de  VAppendix  Probi:  piiella  non 
poella.  (Le  ms.  porte  puella  non  polla,  mais  le  dernier  mot  a  été  corrigé 
en  poella;  voir  P.  Meyer,  Recueil  d'anciens  textes  bas-latins,  proven- 
çaux et  français,  I,  p.  3.)  W.  Foerster.  ZRPh,  XVI,  p.  255,  note  1, 
iiésitait  entre  les  étymologies  pôlla  (de  poella  avec  déplacement  de 
l'accent)  et  pulla. 

*  Voir  §  350  ss. 


—  86  — 

pliquant  les  formes  romanes  qui  réclament  un  U  latin,  par 
l'influence  analogique  de  pUta^,  dont  le  sens  ressemble  à 
celui  de  pullicella,  et  qui  commence  à  peu  près  de  la 
même  manière  '^.  Cette  hypothèse  d'une  influence  analogi- 
que me  paraît  d'autant  plus  vraisemblable  qu'il  y  avait  en 
latin,  comme  nous  l'avons  vu,  d'autres  dénominations  d'en- 
fants semblables:  pupus,  pusus,  pusio.  etc.,  qui  ont  pu  être 
associées  par  analogie  à  pullicella  et  en  modifier  la  pro- 
nonciation. 

Le  plus  ancien  exemple  qu'on  connaisse  de  ce  dimi- 
nutif se  trouve  dans  le  troisième  capitulaire  de  la  loi 
salique,  dont  le  vocabulaire  semble  refléter  le  langage  po- 
populaire  gallo-roman  au  commencement  du  VI**  siècle  '^. 
On  y  lit:  Si  quis  ancillae  pecus  mortuuni  excusscrit,  si  puli- 
cclla  *  fuerit,  LXII  solidos  cum  dimidio  conponat^  similiter 
et  dinarium  unum^.  M.  Geffcken  traduit  l'expression:  .sv^ 
pulicella  fiierit,  par  «wenn  sie  [die  Mutter]  eine  gewohnliche 
Magd  war».  Tel  doit  être,  en  effet,  le  vrai  sens  de  la 
phrase,  car,  dans  le  paragraphe  suivant,  se  présente  le  cas 
contraire:  Si  vero  ancilla  ipsa  cellaria  aut  cfenicium^  domini 

^  A  cause  des  difficultés  que  présente  Vii  de  j^)MH^ceZïa,  Grrôber  a 
proposé  {ALL.  IV,  p.  450)  l'étymologie  *puel(l)iceUa,  dim.  de  puella. 
M.  Gr.  de  Gregorio  soutient  cette  étymologie  (ZBPh.  XXXIY,  p.  374). 
mais  il  ne  rejette  pas  absolument  l'étymologie  j)ullus.  W.  Foerster  a 
critiqué  l'explication  de  Grober  {ZBPh..  XVI.  p.  255)  et  montré  que 
le  franc,  pucelle  présupjoose  un  'pnlicella.  qu'il  considère  comme  un 
diminutif  de  pfihx.  Le  mot  aurait  donc  signifié  proprement  'petite 
puce',  et  aurait  été  employé  d'abord  comme  terme  de  tendresse,  puLs 
d'une  manière  générale.  Si  fréquents  que  soient  les  phénomènes  sé- 
mantiques de  ce  genre  (voy.  §  369)  j'incline  cependant  davantage 
à  croire  à  l'hypothèse  de  M.  Meyer-Liibke,  d'autant  plus  que  la  con- 
jecture de  Foerster  n'explique  pas  toutes  les  formes  romanes  (par 
exemple  l'engad.  purschella  avec  u.  non  û). 

^  YoiT Germ.-rovi. MonatsscJirift.1. 1^.636;  Bom.etym.  Wôrterb.,  6816. 

'  Cf.  Schramm,  Sprachliches  zur  Lex  Salica,  Marburg  1911,  p.  19  ss. 

*  Dans  le  ms.  de  Paris,  Bibl.  nat.  anc.  fonds  lat.  4404,  on  lit  la 
variante    spulicella;    dans    le  ms.  de  Leyde,    Voss.  Lat.  119:  si  puella. 

*  Lex  salica,  éd.  Geffcken,  Leipzig  1898,  p.  68. 

*  Dans  son  édition  des  capitulaires   de  la  loi  salique,  A.  Boretius 


—  87  — 

sni  tenmrlt  .  .  .  Dans  ce  cas,  l'amende  était  augmentée,  à 
cause  de  la  plus  grande  valeur  d'une  servante  de  ce  genre. 

81.  Le  premier  vers  de  la  Séquence  de  sainte  Eulalie 
fournit  le  plus  ancien  exemple  français:  Buona  pulcclla 
fut  Eulalia.  Aux  XI**  et  XII®  siècles,  on  trouve  encore 
la  forme  puleelle.  mais  dès  le  XIII**  siècle,  les  exemples 
cités  par  Littré  ne  montrent  plus  que  pucelle.  Dans  les 
plus  anciens  textes,  le  mot  signifie  'jeune  fille',  puis  /cham- 
brière', 'servante'.  Littré  cite  un  exemple  du  XIII®  siècle, 
où  pucele  présente  encore  le  vieux  sens  de  'fille  non  ma- 
riée'. De  l'acception  de  'jeune  fille'  est  dérivée  celle  de 
'vierge',  qui  a  fini  par  supplanter  le  premier  sens  ^  Dans 
la  Vie  de  saint  Gilles  {XIV  siècle),  v.  2101 ,  pucele  s'emploie 
pour  désigner  la  sainte  Vierge.  Dès  le  XVP  siècle,  pucelle 
'vierge'  appartient  au  langage  familier,  sauf  l'expression  la 
Fucelle  d'Orléans.  —  Les  diminutifs  pucclete,  pucelote  'jeune 
fille',  s'employaient  fréquemment  dans  la  langue  poétique  du 
moyen  âge. 

Le  masculin  puceau^  qui  est  également  un  terme  fa- 
milier, est  plus  récent  que  le  féminin  et  a  été  créé  d'après 
celui-ci.  Le  plus  ancien  exemple,  qu'en  donnent  Godefroy 
et  Littré,  date  du  XIII*"  siècle.  Puceau ,  pucelle  s'emploient 
aussi  comme  adjectifs  ^.    , 

ajoute  à  ce  mot  la  note  suivante:  <'yvvaiKelov ;  L.  Alam.  84,  2:  ancilla 
puUcla  de  gtniceo  priorc»  ivoir  Lex  Saliea.  éd.  Behrend,  Berlin,  1874. 
p.  5)2).  Malheureusement,  je  n'ai  pas  eu  l'occasion  de  vérifier  l'exactitude 
de  ce  renseignement;  si  la  citation  est  exacte,  elle  montre  que  le 
diminutif  pulic{u)la  a  été  usité  à  côté  de  pulicella. 

*  VA.  Foerster.  loc.  cit. 

-  Pucean — pucelle  se  i-encontre  aussi  dans  les  patois  actuels, 
mais  le  sens  primitif  ne  se  retrouve  nulle  part.  Dans  le  wallon  de 
Mou.><,  le  puciaii  est  «le  jeune  garvon  ([ui  mène  la  danse  à  certaines 
kermesses  de  villages;  ce  (]ue  dans  la  plupart  des  communes  on  nomme 
capitaine»  (Sigart),  et.  dans  le  parler  du  (laiinais  (Ile-de-France),  le 
puceau  est  le  gardon  d'honneur  dans  une  noce  de  village  (Roux).  Dans 
It'    Hainaut  et  dans  la  Flandre  française,  puchelle  correspond  au  fran- 


—  88  — 

L'ancien  provençal  possédait  les  formes  féminines  j?m/- 
céla  ^,  pieucela,  pulcella,  puncella  ^  Vierge',  les  diminutif  s  j9w- 
céleto,  punceleto,  et  le  masculin  j)mcc?  (adj.  et  subst.)  '(garçon) 
vierge'.  Pour  les  parlers  méridionaux  actuels,  Mistral  enre- 
gistre les  formes  smrvaxi.iQs:  piéuccllo. piéusello  {ra.&i^.)^ piôucello 
(dauph.),  puncello  (gasc),  pucello  (lim.)  'pucelle',  'vierge', 
'jeune  fille',  les  diminutifs  piéuceleto,  piétiseleto  (mars.),  piéu- 
celouno  (dauph,);  et  le  masculin  piéucèu,  piéucèl  'puceau', 
vierge'. 

82,  En  ancien  catalan,  le  mot  correspondant  était 
puncella,  de  même  qu'en  ancien  espagnol^;  et.  héarn.  jjun- 
cele,  hasqne 'j)hunsela,  Guipuzcoa  jJOw^^eZ  *.  Dans  le  catalan, 
poncella  a  pris,  à  côté  du  sens  de  'vierge',  'jeune  fille', 
celui  de  'bouton',  'bourgeon';  cf.  lat.  pullus,  ital.  pollone. 
qui  ont  subi  le  même  changement  ^.  Le  masculin  poncrll 
a  pris  un  sens  plus  général  que  celui  du  franc,  puceau 
et  du  prov.  piucet  D'après  le  dictionnaire  de  Vogel,  il 
signifie  'Bursche';  d'après  celui  de  Saura,  il  est  l'équi- 
valent de  fadri.  —  L'ancien  portugais  connaissait  la  forme 
pucella  (cf.  prov.  piucella);  en  portugais  moderne,  poncella 
ne  se  dit  guère  qu'en  jiarlant  de  la  Piicrllr  (V  Orléans 
(Michaelis). 

88.  Les  plus  anciens  exemples  de  *pullicella  que  j'aie 
trouvés  en  Italie,  datent  du  XIII*'  siècle.    Barsegapé,  dans 

çais  pucelle-  et,  dans  la  Suisse  romande,  pusso — pussalla  sont  les 
équivalents  de  puceau — pucelle. 

^  Levy  cite  un  exemple,  tiré  de  la  Chanson  de  la  Croisade 
contre  les  Albigeois,  où  domelas  piuselas  signifie  'jeunes  filles'. 

■^  Faut-il  voir  dans  puncella,  poncella  un  phénomène  de  dissimila- 
tion,  ou  le  résultat  de  l'influence  analogique  de  donzela? 

'  En  espagnol  moderne,  poncella  est  le  nom  d'un  poisson  ressem- 
blant à  l'alose  (franc,  pucelle  s'emploie  de  la  même  manière);  c'est 
aussi  le  nom  d'une  fleur;  l'idée  primitive  a  tout  a  fait  disparu. 

*  Voir  Schuchardt,  ZRPh,  IX.  p.  499. 

"  Pour  des  exemples  d'un  développement  métaphorique  en  sens 
inverse:  'bouton' >  'enfant',  voir  §  298. 


—  89  — 

son  sermon  (Milan  1274:),  eitii}loie  pohclla,  on  p(mx;('Ua.  i)o\ir 
désigner  la  sainte  Vierge.  Dans  les  poésies  de  Bonvesin, 
t)n  trouve  ponzela  avec  la  même  signification.  La  rédac- 
tion vénitienne  de  Pamphile  (XIII''  siècle),  rend  le  lat,  virtfo 
par  ttna  ponccla  ^  Foresti,  dans  son  Vocaholario  piacentino- 
itaUano.  à  rarticle  piilsHl,  nous  apprend  (pie  pulccllo  se  lit 
pour  'giovanotto'  dans  le  Milione  de  Marco  Polo,  qui  était 
natif  de  Venise.  Ihmcclla  —  mrf/inc  se  trouve  plusieurs 
fois  dans  les  statuts  de  la  république  de  Sassari  (XIV* 
siècle)  ^.  —  En  italien  moderne,  pulceUa  'fanciulla'  est  un 
terme  littéraire  peu  usité  '.  Il  est  encore  vivant  dans  quel- 
(|ues  dialectes.  A  Morosaglia  (Corse)  et  à  \ aMeiri,  posélla 
se  dit  pour  'fanciulla'.  A  A' al  Verzasca,  ponzd  signifie  'gio- 
vane',  sens  général  que  nous  retrouvons  aussi  en  catalan 
et  en  ancien  vénitien.  Dans  le  parler  de  Plaisance,  pulsell 
a  pris  le  sens  de  'scapolo'.  'ismogliato'. 

84.  Dans  les  Giisons. 2)ursch(d(i  ( 2)nrschrlla.purt.scheUa) 
et  pursckal  (purschell,  partschc)  ont  la  même  acception  spé- 
ciale que  les  mots  français  correspondants  *.  —  Le  frioulan 
possède  j>o?^è^e  {pulïètc)  'fanciulla'.  'ragazza'.  formé  à  l'aide 
du  suffixe  -cittu  au  lieu  de  -cellit.  Le  dérivé  puhitate  a  le 
même  sens  que  le  mot  simple;  cf.  fantntc  §  16.  frntatr  §65. 

JlonedtUu. 

85.  L'ital.  monello  —  moncUu  s'emploie  le  plus  sou- 
vent avec  un  sens  un  peu  péjoratif:  'ragaxzo,  ragazza, 
birba,    che    fa    délie  birichinate'^,  mais  fréquemment  il  a 

1  Voir  AGII,  X,  p.  205. 

2  Voyez  AGII,  XIII,  p.  98.  —  Cf.  ispuncellata,  'dépucelée',  dans 
les  mêmes  statuts.  • 

'  Pulcellona.  formé  à  l'aide  du  suffixe  augmentatif  -one.  signifie 
'vieille  fille',  cf.  zitellona.  etc. 

■•  Purschaî  (pursché) — purschala  (purschela)  'petit  cochon',  re- 
monte, comme  le  franc,  pourceau,  à  porcellus, 

'•"  Il  se  dit  aussi  de  personnes  adultes  au  sens  de  'furbettolo'. 
'astuto'.  'acorto'  (Fanfani). 


__  90  — 

un  caractère  cacophémique  («tra  il  vezz.  e  il  rimprôvero», 
Petrôcchi)  ou  purement  hypocoristique,  spécialement  en 
parlant  des  enfants  vifs  et  gracieux.  Petrôcchi  "nous 
apprend  que  monello  se  dit  parfois  d'un  petit  garçon  ou 
d'un  adolescent  en  général.  On  le  rencontre  aussi  dans 
les  dialectes:  bergam.  monell  'monello',  'mariuolo'^;  mardi. 
monell  (Cagli  niunell)  'fanciuUo';  lu  menielle,  la  menella,  à 
Montalto:  'ragazzo',  à  Patrigne:  'figlio'. 

Tommaseo  a  proposé  pour  ce  mot  l'étymologie  mone- 
dula^,  qui  a  été  adoptée  par  M.  Neumann-Spallart ^  et  par 
M^,^®  Sperber*.  Le  premier  attire  l'attention  sur  le  fait 
que  Plante  a  employé  monedula  comme  terme  de  ten- 
dresse dans  ses  Asinaria^.  Ajoutons  que,  d'après  un  pas- 
sage des  Captivi^,  le  même  mot  pouvait  s'appliquer  jus- 
tement aux  enfants.  —  Si  cette  étymologie  est  exacte, 
le  féminin  est  la  forme  primitive,  d'où  l'on  a  tiré  plus  tard 
le  masculin  par  analogie. 

^  Dans  le  jargon  des  bergers  bergamasques,  il  équivaut  à  'ladro'. 

^  M.  Sainéan,  ZRPh,  Beih.  I,  p.  95,  voit  dans  monello  —  mo- 
nella  un  dérivé  de  l'anc.  itai.  monna  'guenon'  (cf.  §  339).  Selon  lui,  un 
autre  diminutif  de  ce  mot  aurait  pris  aussi  le  sens  de  'enfant',  savoir 
monninOj  dans  ce  passage  de  Pataffio  (VII,  192):  credetti  alor  vedere 
un  bel  monnino.  Mais  Tommaseo,  qui  cite  le  même  passage,  ne  donne 
que  le  sens  de  'petit  singe';  et  celui  de  'enfant'  ne  se  trouve  pas  non 
plus  dans  Fanfani  et  dans  Petrôcchi. 

3  ZRPh,  Beih.  XL  p.  71. 

*  ZBPh,  Beih.  XXVII,  p.  151.  —  Elle  fait  remarquer  que  mo- 
nedula aurait  dû  donner  *monella,  avec  un  e  fermé,  mais  que  proba- 
blement -elhi  a  été  substitué  de  bonne  heure  à  la  terminaison  pri- 
mitive. 

^  Asinaria  3,  3.  103:  Die  me  anaticulam,  columbam,  vel  catel- 
lum,  Hirimdinein,  monedulam.  passerculum  putillum.  —  Cf.  aussi 
Spitzer,  ZBPh,  XXXVI,  p.  233.  n.  2. 

"  Captivi,  5,  4,  5r  patriciis  pueris  aut  monedulae  aut  anates,  ant 
eoturnices  dantur,  quicum  lusitent.  —  Cf.  l'emploi  hypocoristique  du 
mot  gracula  (voir  Heraeus,  ALL,  XIII,  p.  161). 


'K' 


DEUXIEME  PARTIE. 

CRÉATION  ROMANE. 


I.     CHANGEMENTS  DE  SENS. 


A.     Changements  passifs. 

1.    Mots  désignant  primitivement  les  enfants  par 
rapport  au  père  et  à  la  mère. 


«Fils»,  «fllle». 

86.  M.  Tappolet,  dans  son  travail  prémentionné  Die 
romanischrn  Vcruandtschaftsnamen.  p.  50,  a  formulé  cette 
règle  sémantique:  «Wo  ein  Wort,  welches.auch  seine  Her- 
kunft  oder  Urbedeutung  sei,  nach  irgend  einer  Seite  hin 
ein  jugendliches  Wesen  bezeichnet,  da  ist  die  Neigung 
vorhanden.  falls  nicht  schriftsprachliclie  Einflusse  stôrend 
einwirken,  dass  es  die  bestimmten  Functionen  von  Sohn 
und  Tocliter  ûbernimmt».  Mais  l'association  d'idées,  qui 
a  causé  cette  tendance  dont  parle  M.  Tappolet,  peut  pro- 
duire aussi  le  résultat  contraire:  un  mot,  qui  a  commencé 
par  exprimer  le  rapport  de  parenté:  'fils',  'fille',  peut  finir 
par  exprimer  l'âge:  '(petit)  garçon',  '(petite,  ou  jeune)  fille*  ^ 
M.    Tappolet    lui-même    en   donne  un  exemple,  op.  cit..  p. 


'  Cf.  Funck,  op.  cit.,  74:  «Wir  werden  uns  freilich  hiiten  miissen. 
mm  die  Sache  auf  die  Spitze  zu  treiben  und  etwa  zu  behaupten:  iiT/fri 
beisst  immer  Kinder  mit  Bezug  auf  die  Eltern,  pueri  mit  Bezug  auf 
das  Alter;  vielmehr  bestatigen  auch  hier  unsere  Beispiele  durchaus 
die  Thatsache,  dass  wenn  einmal  ein  Wort  in  einer  Beziehung  einen 
Begriff  zum  Ausdruck  bringt.  es  alsbald  auch  zum  Ausdruck  allt-r 
anderen  fahig  wird.» 

7 


—  94  — 

40:     «vgl.    Tochter    in    Basel  =  Mâdchen,    und    'Tôchter- 
schule'». 

Le  latin  filii  offre  le  même  développement.  Dans  les 
premiers  siècles  ap.  J.-C,  ce  mot  s'employa  de  plus  en 
plus  souvent  au  sens  de  liberi,  et  on  fut  obligé  de  le  combi- 
ner avec  mares  ou  masculi,  quand  on  voulait  désigner  parti- 
culièrement des  fils.  Plus  tard  on  pouvait  désigner  par 
jfUii  non  seulement  ses  propres  enfants,  ou  les  enfants  d'autrui, 
mais  aussi  des  enfants  en  général:  filii  était  devenu  syno- 
nyme de  pueri  ^.  Le  bas-latin  employait  ce  mot,  même  au 
singulier,  dans  le  sens  de  'jeune  homme'  ^,  comme  il  ré- 
sulte du  passage  suivant  de  la  Vulgate:  Filius  triginta  anno- 
rum  erat  David  cum  regnare  coepisset  (Rois,  Livre  II,  V,  1)^ 

87.  On  sait  que,  dans  le  français  commun,  le  féminin 
fille  en  est  venu  à  signifier  ^puellà'  *■  aussi  bien  que  'filia\ 
tandis  que  le  masculin  fils  ne  sert  qu'à  exprimer  l'idée 
de  'filius\  On  connaît  cependant,  en  ancien  français,  un 
exemple  de  fih  au  sens  de  'jeune  homme':  «Lequel  sergent 
avoit  pris  et  arresté  un  jeune  Filz  de  l'aage  de  dix-huit 
ans»  {Archives  nationales,  registre  du  trésor  des  Chartes^  coté 
JJ  165,  pag.  229,  anno  1411,  d'après  La  Curne).  Et,  dans 
le    patois    picard,    les  représentants  actuels  de  filius  s'em- 


*  On  le-  trouve  même  au  lieu  de  pueri  dans  une  de  ces  combi- 
naisons fixes,  où  les  enfants  sont  mentionnés  par  opposition  aux  vieil- 
lards: de  filiis  et  senectute  (Donat,  Hec.  IV,  3,  4,  d'après  Funck,  op. 
cit.,  p.  88). 

*  Selon  Du  Cange,  filia  se  trouverait  au  sens  de  puella,  «quo- 
modo  Galli  dicimus  une  Fille»,  dans  la  loi  salique,  tit.  70  (texte  de 
Herold):  Si  quis  jiliam  alienam  ad  eonjugium  quaesierit,  praesentibus 
suis  et  puellae  parentihus,  et  postea  se  retraxerit  ...  Il  est  pourtant 
évident  que  filia  aliéna  veut  dire  ici  «la  fille  d'un  autre».  Pour  rendre 
l'idée  de  'jeune  fille',  la  loi  salique  se  sert  de  puella,  et,  une  seule 
fois,  de  pulicella  {ci.  §  80). 

^  Je  dois  ce  renseignement  à  M.  Hey,  le  rédacteur  en  chef  du 
TJiesaurus  Linguae  Latinae,  qui  a  bien  voulu  mettre  à  ma  disposition 
les  épreuves  de  l'article  filius. 

*  De  cette  signification  on  a  dérivé  le  sens  de  'femme  non  mariée'. 


—  96  — 

ploient  au  sens  de  'garçon'.  Les  feuilles  622,  623  et  624 
de  VAtlas  linguistique,  qui  contiennent  les  réponses  aux 
questions  garçon,  mon  petit  garçon,  les  garçons,  montrent  fyu 
dans  tout  le  département  de  la  Somme,  dans  les  parties 
limitrophes  de  ceux  du  Nord,  de  l'Aisne,  de  l'Oise,  de  la  Seine- 
Inférieure  et  dans  l'ouest  du  Pas-de-Calais  ^  Aux  extrémités 
de  ce  domaine,  on  se  sert  de  garçon  à  côté  de  fgu.  Le 
patois  de  Saint-Pol,  où  fgu  ne  signifie  que  'fils',  a  pour- 
tant l'expression  œ  ho  fyu  'un  bon  garçon'  ^.  Le  langage 
populaire  de  Paris  a  adopté  le  provincialisme  fieu  au  sens 
de  'enfant'.  Dans  le  Midi  de  la  France,  je  ne  trouve  fieu 
pour  'garçon'  que  dans  les  expressions:  es  un  bèu  fiéu, 
«c'est  un  beau  gars»;  es  un  brave  fim,  «c'est  un  brave 
garçon»  (Mistral).  Il  est  vrai  que  la  carte  622  de  VAtlas 
linguistique  montre  fit  pour  'garçon'  à  Bobi,  dans  l'arron- 
dissement de  Pignerol  (Piémont),  et  fœt  avec  le  même  sens 
à  Champorcher,  dans  la  vallée  d'Aoste,  mais  c'est  sans 
doute  l'influence  de  l'italien  figlio  qui  est  la  cause  de  cet 
emploi.  A  la  question  mon  petit  garçon,  M.  Edmont  a  reçu 
à  Bobi  la  réponse  mu  fit  et;  à  Champorcher  mo  pétyo  fétet. 
Si  le  simple  fils  a  pris  très  rarement  en  gallo-roman 
le  sens  de  'garçon',  il  y  a  par  contre  une  foule  de  dimi- 
nutifs de  ce  mot,  qui  n'ont  pas  conservé  aussi  strictement 
le  sens  d'une  filiation.  Je  préfère  cependant  traiter  de  ces 
diminutifs  en  même  temps  que  des  formations  correspon- 
dantes du  genre  féminin. 

88.  C'est  un  fait  bien  connu  que  fille  a  été  em- 
ployé très  souvent  comme  atténuation  euphémique,  et  que, 
comme  d'autres  mots  ayant  le  même  sens,  il  est,  pour  cela, 
devenu    synonyme    de   'prostituée'.     Ainsi,  pour  rendre  en 


'  Fyœ  se  trouve  isolé  au  point  292  (Hainaut,  Belgique). 
'  Cf.    ce    que    dit    M.    Tappolet    sur    l'emploi  analogue  de  Tital. 
jigliolo,  op.  cit..  p.  40. 


—  96  — 

français  l'idée  de  ^puella\  il  faut  actuellement  avoir  recours 
aux  expressions  jeune  fille  ou  jeune  personne.  De  même 
que  garce,  qui  a  partagé  son  sort,  fille  a  conservé  pour- 
tant, par-ci  par-là  dans  les  dialectes,  l'ancien  sens  honnête. 
Malheureusement,  il  est  parfois  très  difficile  de  le  con- 
stater, parce  que  les  auteurs  des  glossaires  de  patois  ne 
distinguent  pas  toujours  entre  le  sens  de  ^filia  et  celui  de 
'puella\  et  que  V Atlas  linguistique  ne  donne  le  mot  que 
dans  l'expression  ma  fille.  Je  me  contenterai  donc  de  citer 
les  exemples  suivants,  où  j'ai  trouvé  le  sens  de" 'jeune  fille' 
formellement  spécifié  par  les  dictionnaires:  rouchi  file;  poit. 
feille;  Montbéliard  feille^:  Bournois  fcg;  Suisse  rom.  fille, 
filye,  fele^',  sav.  /lie,  felie.  Dans  tout  le  Midi,  fiho  (filho) 
se  dit  pour  'jeune  fille'  ^. 

89.  Les  diminutifs  nombreux  de  fils — fille  présentent 
très  souvent  les  sens  de  'petit  garçon',  'fillette'. 

-ittu.  En  normand  ce  suffixe  s'attache  au  nominatif: 
hag.  fisset — fillette  'fils',  'jeune  garçon';  'petite  fille'.  E.  et  A. 
Du  Méril  l'écrivent  filset.  M.  B,omdahl  désigne  fisé^  dans 
le  patois  du  Val  de  Saire,  comme  un  «mot  mignon». 
Ailleurs  on  ne  trouve  que  le  féminin  de  ce  diminutif  ^. 
Le  franc,  fillette  joint  au  sens  primitif  celui  de  'jeune  fille', 
en  ancien  français  aussi  bien  que  dans  la  langue  actuelle. 
D'après    Levy,    l'anc.  prov.  filheta  ne  signifiait  que   'petite 

*  Moins  usité  que  gaichotte. 

-  D'après  les  matériaux  du  Gloss.  des  pat.  de  la  Suisse  rom., 
l'idée  de  'Màdchen'  se  rend  partout  par  Jille.  Hsefelin  donne  filye 
pour  le  fribourgeois,  M"*®  Odin  fête  pour  Blonay. 

'  Peut-être  faut-il  excepter  la  Gascogne  et  le  Béarn  (cf.  Moncaut: 
hilho  'fille  par  rapport  au  père  ou  à  la  mère').  En  tout  cas.  le  mot  le 
plus  usité  pour  'jeune  fille'  est  ici  gouyate.  —  En  Gascogne,  et  parti- 
culièrement dans  le  département  du  Gers,  fifo  s'emploie  à  côté  de  gujo 
au  sens  de  'servante'.  (Voir  VAtl.  ling.,  1226),  Cf.  le  franc,  fille  dans 
fille  de  ferme,  fille  d'auberge,  etc. 

*  L'anc.  fr,  fillet  signifie  'fils',  et  non  'garçon',  dans  les  deux 
exemples  qu'en  donne  Godefroy;  l'anc.  prov.  filhet  avait  le  même  sens. 


—  97  - 

tille'  \  mais  dans  les  parlers  méridionaux  et  franco-proven- 
çaux d'aujourd'hui,  fillette,  filhHo  ^,  etc..  a  le  même  double 
emploi  qu'en  français. 

-otfii.  L'anc.  fr.  /illot — fiUofc  'petit  garçon',  'petite  fille', 
se  retrouve  dans  le  bas-langage  Verduno-Châlonnais:  fiyot 
— fii/ote  'petit  garçon',  'fillette'  ^;  et  en  Saintonge:  fillot  'jeune 
tils',  '])0tit  garçon'.  L'ancien  provençal  possédait  également 
filhot  * — filhota  'jeune  fils',  'petit  garçon',  'jeune  fille',  mais 
aujourd'hui  on  n'emploie  (j^ue  le  féminin:  gasc,  béarn.  hilhote 
'petite  fille',  'jeune  fille'  (d'où  le  sous-diminutif  béarnais 
hilhoutrto)  ;  lim..  auv.  fîlhoto  'fillette',  'jeune  fille'  (d'où  le 
sous-diminutif  fitotuno,  usité  en  Cantal). 

-atid  ^  D'après  Lalanne,  fillau  se  dit  pour  'petit  en- 
fant' dans  les  départements  de  la  Vienne,  des  Deux-Sèvres 
et    de    la    Vendée;   mais  c'est  probablement  le  même  mot 

*  Ou  'prostituée'. 

*  Les  formes  fœde.  f'edèta  'tille',  'fillette',  qu'on  trouve  au  point 
969  (L'Étivaz,  dans  le  canton  de  Vaud)  de  la  carte  570  de  VAtl.  ling., 
méritent  d'être  signalées.  Sur  le  changement  de  ly  en  d  dans  l'est 
du  canton  de  Vaud.  voir  Meyer-Liibke,  Gramm.  des  lang.  rom.  I,  §  517. 

'  Ils  signifient  aussi:  'petit-fils',  'petite-fille'.  Ailleurs  dans  la 
Bourgogne  (Yonne  et  Morvan),  fillot  signifie  'filleul'  (Godefroy). 

■•  Filhot  a  pris  plus  tard  le  sens  de  'serviteur',  développement 
très  fréquent  dans  les  mots  qui  signifient  'jeune  homme'.  On  trouve 
hillot  avec  ce  sens  chez  Clément  Marot  (voir  Diez,  Etym.  Wôrterb. 
der  rom.  Spr.,  p.  615). 

•■'  D'après  M.  Meyer-Liibke  (Gramm.  des  lang.  rom.,1.  §  510),  M. 
Nyrop  [Gramm.  hist.  de  la  langue  franc.  III.  §  360)  et  M"^^  G.  Ôstberg 
{Studier  ôfver  deminutiva  och  augmentativa  suffix  i  moddrn  proven- 
çalska,  p.  66),  le  suffixe  -aud  (<;germ.  -wald).  s'emploie  le  plus  sou- 
vent, en  français  et  en  proven(;al.  avec  un  sens  péjoratif.  Cependant, 
plusieurs  des  exemples  provençaux  cités  par  M*"^  Ostberg  témoignent 
d'une  nuance  diminutive:  iarawd! 'petit  berger  ,  ieftraMrf 'jeune  lièvre' 
(ou  'lièvre  mâle'),  pipaud  'petit  drôle'.  Or.  dans  bien  des  patois  du 
("entre  et  de  l'Ouest,  le  suffixe  -aiide  se  trouve,  comme  on  va  le  voir, 
dans  des  dérivés  de  fille,  où  il  a  un  caractère  indubitablement  dimi- 
nutif. Faut-il  admettre  ici  une  influence  du  sens  diminutif  de  -ot, 
-otte,  avec  lequel  -aud  est.  au  masculin,  très  souvent  confondu'?  Ou 
-otte  est-il  le  suffixe  primitif,  qui  aurait  été  remplacé  par  -aude?  Ce 
dernier  suffixe  ne  se  rencontre  pourtant  pas  assez  souvent  dans  les 
dialectes  pour  justifier  cette  hypothèse. 


—  98  — 

(|ue  le  saintongeois  fillot.  Le  dérivé  féminin  en  -aude 
est  beaucoup  plus  répandu.  Brantôme,  qui  était  natif 
du  Périgord,  emploie  fiUaude  'petite  fille'  deux  fois  dans  le 
neuvième  chapitre  des  Dames  galantes  ^  D'après  les  glos- 
saires de  patois,  fillaude  se  trouve  aujourd'hui  en  Saintonge. 
en  Poitou  ^,  dans  le  Haut-Maine  '  et  dans  le  Centre  *  avec 
le  sens  de  'petite  fille'  ou  de  'jeune  fille'.  Cependant,  on 
le  cherche  en  vain  sur  les  cartes  de  VAtlas  linguistique, 
où  drôlesse  (drôlicrr)  est  signalé  comme  le  mot  le  plus  usité 
pour  'petite  fille'  dans  ces  patois.  Cela  me  semble  indi- 
quer que  fillaude  est  en  train  de  vieillir. 

-on.  L'anc.  fr.  fillon  était  des  deux  genres  et  signifiait 
'petit  garçon'  ^,  'fillette'.  —  L'anc.  prov.  filJwn  signifiait  seu- 
lement 'petit  fils',  mais,  en  provençal  moderne,  fihoun  (lang. 
filhou)  a  aussi  le  sens  de  'jeune  garçon'.  On  y  trouve 
en  outre  les  sous-diminutifs  fihounet  et  (en  Auvergne) 
filhounèl  'garçonnet',  'nouveau-né'  (Mistral).  D'après  Vays- 
sier,  fiUoîi  et  fiïlounel  (s.  m.)  signifient  en  Aveyron  'fillette'. 
Le  féminin  fihouno,  filhouno  s'emploie,  suivant  Mistral,  dans 
les  Alpes  et  en  Languedoc;  VAtlas  lingtiistique  l'inscrit  dans 
les   départements    du   Puy-de-Dôme  et  de  la  Haute-Loire. 

-ton  **.  Ce  suffixe  s'attache  au  nominatif  (cf.  /ilsct). 
En  ancien  français,  fiston  était  un  mot  d'amitié,  adressé 
à  un  petit  garçon.  Godefroy  cite  deux  exemples  de  l'ex- 
pression mon  fiston.  Oudin,  dans  ses  Curiosité.?;  françaises, 
définit  fiston  par  'un  jeune  badin'  et  le  désigne  comme 
vulgaire.     Il    mentionne   aussi  le  diminutif  fistonncau  avec 

'  Voyez  Lalanne.  Lexique  des  œuvres  de  Brantôme,  p.  113. 

-  Lalanne:  jillaude,  feillaude;  Favre:  fillaude.  feillaude,  fliaude 
Simonneau:  felyaude  (Ile-d'Elle,  Vendée). 

^  Montesson  le  définit  par  'jeune  fille  bonne  à  marier  el  à  cour- 
tiser', ou  par  'filleule'. 

*  Jaubert  enregistre  aussi  fillaud,  mais  seulement  au  sens  de 
'filleul'  ou  de   'petit-fils'. 

^  D'après  Godefroy.  Les  exemples  qu'il  cite  à  l'art,  filloii. 
faillon  'petit  garçon',  ne  présentent  que  faillon  (<  "?) 

*  Sur  Forigine  de  ce  suffixe,  cf.  Nyrop,  op.  cit..  §  402. 


—  99  — 

!•'  même  sens.  Ce  sens  péjoratif  se  retrouve  dans  le  par- 
ler de  Guernesey,  où  l'on  appelle  fiton  un  polisson,  un 
enfant  qui  fait  l'école  buissonnière  (Métivier),  et  dans 
La  Côte  (Vaud),  où  Bridel  a  relevé  fiston  au  sens  de 
'polisson',  'petit  maroufle'.  J'ai  trouvé  fiston^  avec  le  sens 
de  'petit  garçon',  à  Caen  et  ailleurs  en  Normandie,  à  Plé- 
chatel  et  dans  le  département  de  Saôno-et-Loire.  Comme 
terme  de  tendresse  il  est  plus  répandu;  je  l'ai  relevé,  dans 
cet  emploi,  en  Anjou,  en  Normandie,  en  Picardie,  à  Messon 
(^Aubo),  dans  le  Vendômois,  dans  le  Centre  et  à  Paris,  où 
il  n'appartient  qu'à  la  langue  populaire. 

-ucu  ^  Mistral  a  relevé  en  gascon  hulhuco  'petite 
tille';  et  sur  la  carte  570  de  V Atlas  on  trouve,  au  point 
<i99  (Haute-Garonne)  la  forme  hituJco  (à  côté  de  drollo)  avec 
le  même  sens  ^. 

90,  Par  redoublement  de  la  première  syllabe,  le  lang- 
age enfantin  a  formé  les  termes  caressants:  fifi — fi  fille  ^ 
'fils  chéri',  'fille  chérie'  {Dict.  gén.).  D'après  Sachs-Villatte, 
fi  fille  s'emploie  dans  la  langue  familière  au  sens  de  'Mâdel'. 
On  le  trouve  aussi  dans  quelques  patois,  surtout  au  nord, 
dans  le  sens  de  'fillette':  en  rouchi  fifile,  dans  la  Flandre 
française  fi  fille,  à  Namur  fefey,  à  Saint-Pol  fi  fil  et  en  Anjou 
fifille. 

91.  L'ital.  figlio — figlia,  et  surtout  figliolo — figliola, 
prennent    quelquefois,    à  côté    de  leur  seiis  primitif,  celui 

*  Pour  ce  suffixe  diminutif,  cf.  Ostberg,  op.  cit.,  p,  31. 

-'  Ajoutons  ici  le  mot  curieux  fillâge.  s.  f..  (jue  Jaubert  a  enre- 
gistré dans  son  Glossaire  du  Centre  de  la  France  avec  le  sens  de  'fille': 
un  hiau  corps  de  fillâge.  Faut-il  y  voir  un  archaïsme?  On  sait  que 
le  suffixe  -âge.  qui  aujoui'd'hui  ne  désigne  que  des  choses,  servait  à 
désigner  au  moyen  âge  des  personnes  aussi.  Ou  le  sens  concret  de 
'fille',  provient-il  du  sens  abstrait  de  'virginité',  'état  de  fille'? 

^  Le  latin  avait  une  formation  correspondante  :  Jifilia,  qui  se  trouve 
sur  une  inscription  de  la  Gaule.  Voir  Pirson,  op.  cit.,  p.  114;  et  ALL, 
XIII.  p.  150,  n. 


—  100  — 

de  'garçon'  et  de  'jeune  (ou  petite)  fille'  ^  En  général, 
c'est  aussi  le  cas  pour  les  représentants  dialectaux  de  fi- 
lius — filia  et  de  fiUolus — filiola.  Filiolus  était  en  latin  un 
terme  de  tendresse,  et  figliolo  a  toujours,  comme  l'a  con- 
staté M.  Tappolet  ^,  une  nuance  plus  familière,  plus  vague 
que  figlio.  Surtout  le  pluriel  figlioli  correspond  plutôt  à 
l'allemand  Kinder  qu'à  l'allemand  Sôhne  ^.  «Je  weiter 
nach  Sûden,  je  mehr  nimmt  die  verwandtschaftliche  Be- 
deutung  ab,  je  hàufiger  \iQ\ssi  figliolo  'kleiner  Sohn',  'Knabe'», 
dit-il. 

Quant  à  la  répartition  de  figlio  et  de  figliolo  en  Haute- 
Italie,  M.  Tappolet  a  démontré  qu'il  faut  y  distinguer 
trois  territoires:  1)  figlio — figlia  {fi{o) — fia)  ;  2)  figliolo — figlia 
{fioil) — fia)]  3)  figliolo — figliola  (fiol — fiola)*. 

Il  n'est  pas  sans  intérêt  de  constater  que  le  patoiî* 
de  Realdo,  qui,  d'après  M.  Tappolet,  appartient  au  terri- 
toire de  figlio — figlia,  et  qui,  en  réalité,  rend  aussi  les  idées 
de  'fils' — 'fille'  par  filje — filja^  emploie  filjoo  (au  pluriel 
filjôli)  pour  exprimer  l'idée  de  'enfant'.  —  Dans  le  génois, 
qui,  d'après  M.  Tappolet,  se  trouve  aux  confins  du  premier 
et  du  deuxième  territoire,  et  qui  emploie  figgiu — figgia  au 
sens  de  'fils',  'fille',  il  en  est  à  peu  près  de  même:  on  j 
trouve  figgieu  au  sens  de  'fanciullo',  'bambino'  (figgieu  de 
lœte  =  'enfant  à  la  mamelle').  Cependant,  il  faut  ajouter 
que,  d'après  Casaccia,  figgieu  peut  signifier  aussi  'figliolo'. 
Figgia^  à  côté  du  sens  de  'figlia',  a  encore  celui  de  'fan- 
ciulla  nubile',  'femmina  vergine  di  qualunque  età'.  On 
voit  que,  dans  ces  deux  cas,  figliolo  a  pénétré,  au  sens  de 
'enfant',  dans  le  domaine  de  figlio — figlia.  Dans  le  Mon- 
ferrat,  qui,  d'après  M.  Tappolet,  devrait  être  compris  dans 

*  Cf.  les  définitions  que  donne  le  dictionnaire  de  Rigutini-Bulle 
de  figlio,  figlia,  figliuolo,  figliuola.  —  Sur  l'expression  un  huon  figliolo, 
una  buona  figliola,  cf.  Tappolet,  op  cit.,  p.  40. 

2  op.  cit.,  p.  38. 

»  Cf.  fanciulli,  §  18. 

*  Il  faut  y  joindre:  fiiil — fiôla. 


—  101  — 

le  deuxième  territoire  (celui  do  /ir/Uolo — figlia)  on  trouve 
cependant  //  à  côté  de  //o  au  sens  de  'fils',  tandis  que  fib 
(de  môme  (jue  le  diminutif  jiulott)  a  aussi  le  sens  de  'pe- 
tit garc^'on'.  Quant  au  féminin  fija,  Ferraro  ne  donne  que 
l'acception  de  'ragazza  da  marito'.  Dans  la  plaine  du 
Piémont,  qui  fait  indubitablement  partie  du  deuxième  terri- 
toire, ficul — fia  signifient  non  seulement  'figlio',  'figlia',  mais 
aussi  'fanciuUo',  'fanciuUa'  '.  --  Dans  le  troisième  territoire, 
(|ui  embrasse,  suivant  M.  Tappolet,  la  plus  grande  partie 
de  la  Haute-Italie  (les  plaines  lombarde  et  vénitienne  *, 
le  Tessin,  la  Valtelline  et  les  Alpes  bergamasques),  j'ai 
trouvé  fio{l) — fiôla  au  sens  de  'garçon',  'jeune  fille'  dans 
les  parlers  de  Milan,  Bergame,  Pavie,  Plaisance  ^,  Parme, 
Mantoue  *.  Le  vénitien  fiol  (ou  fio)  s'emploie,  d'après 
tous  les  dictionnaires,  exclusivement  au  sens  de  'fils'. 
Mais  à  Trieste,  oîi  l'on  dit  également  fio  ou  fiol  pour 
*fils',  le  dernier  est  aussi  synonyme  de  fanciuUo,  surtout 
au  pluriel:  far  comr  i  fioi  'fare  a'  fanciuUi'  ^.  Le  féminin 
fiola  a  pris  le  sens  spécial  de  'bambinona',  'donna  fatta  e 
grossa  che  vuol  far  la  bambina'. 

Dans  la  partie  méridionale  du  domaine  de  figliolo — 
fif/Uoln.    limitée,    suivant  M.  Tappolet,  par  Teramo,  Chieti, 

'  Fieul  da  marie  se  dit  pour  'scapolo',  'celibe';  jia  da  marié  pour 
fanciulla  da  marito'.  et  fia  coii  i  sprbn  (.s^rôù  = 'éperons')  pour  'pul- 
cellona',  'zitellona'. 

*  Il  faut  observer  pourtant  que  Boerio  et  Nazari  enregistrent  ^o 
aussi  bien  que  fiol;  Boerio  désigne  même  la  première  forme  comme 
la  plus  usitée  à  Venise,  tandis  ([ue  fiol  se  dit  plus  souvent  à  Padoue. 
La  zone  de  transition,  (jue  M.  Tappolet  indique  à  l'est  et  qu'il  ne  fait 
commencer  que  dans  la  région  montagneuse,  paraît  donc  être  en  réalité 
un  peu  plus  étendue. 

'  Ici.  fio  signifie,  d'après  Foresti,  'figliuolo'  ou  'celibe',  'scapolo' Ç 
mais  ce  dernier  sens  suppose,  comme  phase  intermédiaire,  celui  de 
'ragazzo',  'giovine'.  (.'f.  le  piac.  ^Za  = 'figliuola';  'ragazza',  'zitella'; 
celibe',   'non  maritata'. 

*  Cherubini  donne  pour  le  mant.  fi(rul  les  acceptions  de  'fi- 
gliuolo' et  de  'ragazzo';  mais  pour ^œwZa  seulement  celui  de  'figliuola'. 

*  Le  triestin  connaît  aussi  l'expression  bon  fiol  =  buono  figliuolo. 


—  102  — 

Monte  Cassino  et  la  Campanie  ^,  j'ai  noté  Fabr.  fijôlc,  ex- 
pression familière  pour  'fanciulla'j  'ragazza  da  marito'  ^,  et 
le  nap.  figliulo  {fegliulo) — figliola  (fcqUola)  'giovanotto',  'gio- 
vincello';  'donzella'.  'pulzella',  'zitella'.  Au  sens  de  'jeune 
femme',  le  féminin  se  dit  en  napolitain  aussi  d'une  femme 
mariée:  La  mogliere  de  Nntonio  p  figliola  ancora. 

En  corse,  figliolu — figliola  s'emploie  partout  au  sens 
de  'fils',  'fille',  excepté  à  Bonifacio,  où  l'on  dit  fidjyu — 
fidjya\  mais,  tandis  que  figliolu  est  toujours  un  terme  de 
parenté  (sauf  au  pluriel:  /f/7Z»oZi  = 'enfants' '),  fidjyu  se  dit 
à  Bonifacio  aussi  pour  'enfant'  *,  fidjya  pour  'fillette'  ". 

En  Sardaigne,  où  le  gallurien  dit  figliolu  (fiddolu), 
le  logoudorien  fizu.  et  le  campidanien  fillu,  au  sens  de 
'fils'  (Spano),  la  première  forme  peut  s'employer  aussi 
pour  'garçon',  dans  l'apostrophe  caressante  fitolu  meyu  'mon 
petit  garçon'  ^. 

92.  Il  va  sans  dire  que  les  diminutifs  de  figlio — figlia, 
figliolo — figliola  sont  en  général,  comme  le  lat.  filiolus — 
filiola  et  les  formations  gallo-romanes  correspondantes,  plu- 
tôt des  termes  de  tendresse  que  de  parenté;  ils  signifient 
le  plus  souvent  'petit  garçon',  'fillette'.  L'ancien  italien 
connaissait  les  formes  figlictto — figlietta,  figlino — figlina; 
l'italien    moderne    préfère    les    dérivés    de  figliolo — figliola: 


^  op.  cit.,  p.  39.  II  ajoute:  «Der  ganze  Sùden  sodann  mit  Sicilien 
und  Sardinien  kennt  keine  Diminutivform».  Cette  assertion  est  trop 
catégorique;  on  trouve,  par  exemple,  à  Lecce  len  Apulie)  figghiûlu 
'figliuolo'  (v.  AGII,  IV.  p.  131 1. 

^  Cette  idée  se  rend  ordinairement  dans  ce  dialecte  par  giovene 
ou  bardasce. 

'  C'est  ce  que  montrent  les  proverbes  cités  par  Palcucci  à  Part. 
figliolu. 

*  Voir  la  carte  425  {Venfant  crie)  de  V Atlas  linguistique  {Corse). 
—  Sur  la  carte  703  (fouetter  un  enfant),  on  trouve  gartsu  à  Bonifacio. 

*  op.  cit.,  carte  672. 

*  En  ce  cas,  la  plupart  des  jjarlers  corses  se  servent  de  zitéllu 
ou  dé  zitellucciu. 


—  103  — 

fifflioletto — figlioletta  \  /igliolino — figliolina,  et,  les  sous-dimi- 
uutifs  encore  plus  caressants:  figlioldtino — figliolcttina,  fi- 
gliolinetto  —figlioUnetta . 

Le  suffixe  -ittu  s'emploie  aussi  à  Parme:  fiolètt  'figlio- 
letto';  'ragazzetto';  et  en  piémontais,  où  fiëta  a  pris  le  môme 
sens  que  le  simple  fia:  'figliola',  'ragazza'.  Il  a  donc  fallu 
avoir  recours  au  sous-diminutif  fictina  pour  rendre  l'idée 
do  'bambina'. 

Des  dérivés  formés  à  l'aide  du  suffixe  -inu  se  trouvent 
également  en  parmesan:  fiolcin  'figliolino';  'ragazzetto',  'gio- 
vanetto';  et  en  piémontais:  fiolin  'figliolino';  'fanciullino'. 
Le  génois  en  a  aussi  tiré  un  féminin:  figgioin — figgioina 
'bambino',  'bambina'. 

Les  patois  piémontais  et  monferrin  présentent  des  di- 
minutifs en  -ottu:  piém.  fiolôf  'fanciullo',  'giovanetto' ;  monf. 
fiulott  'ragazzetto'.  Dans  le  Vocaholario  milanese-italiano 
de  Cherubini,  fiolott  est  aussi  défini  par  'ragazzetto',  mais 
l'auteur  y  a  ajouté  un  point  d'interrogation,  qui  semble 
indiquer  un  certain  doute  quant  au  sens  diminutif  de  ce 
mot.  Ce  qui  atteste  que  le  sens  n'est  pas  en  réalité  di- 
minutif, mais  augmentatif,  c'est  que  les  dictionnaires  mo- 
dernes de  Banfi  et  d'Arrighi  rendent  fiolott  par  'ragazzotto', 
'figliolone'. 

Le  suffixe  -uceu,  qui  est  le  plus  souvent  d'un  carac- 
tère péjoratif,  ce  que  montre  l'ital.  figlioluccio  'schwàch- 
liches.  unansehnliches  Kind'  (Rigutini-BuUe),  sert  aussi  à 
former  des  diminutifs:  triest.  fioluz  'bambinello';  nap.  fi- 
gliuzzo  'figliolino';  'bambino'.  Le  napolitain,  qui,  à  en  juger 
d'après  D'Ambra,  n'emploie  aujourd'hui  ([ue  figliolo— figliola, 
n^a  pourtant  formé  des  diminutifs  qu'avec  figlio — figlia: 
jigliuzzo  'bambino',  figliacca,  figliàccara  'bambina'. 

Ajoutons    encore    les    termes   de   tendresse   fiiulclu   et 


^  Ces    formes    s'emploient    aussi    adjectivement:  cosï  figliuoletto; 
tanto  figliuoletta :  troppo  figliuoletta  (Tommaseo  e  Bellini). 


—  104  — 

fidjyurilu,  qu'on  trouve  aux  points  64  et  89  de  la  carte  729 
(mon  petit  garçon)  de  V Atlas  linguistique  (Corse). 

93.  Le  génois  figgiuamme  'ragazzo';  'giovinetto  ines- 
perto';  'ragazzaccio',  est  originairement  un  collectif,  corres- 
pondant à  l'ital.  figliolame,  qui  se  dit  par  mépris  et  par 
plaisanterie  d'une  foule  d'enfants.  On  trouvera  plus  bas 
d'autres  exemples  d'une  pareille  transition  du  sens  collec- 
tif au  sens  individuel,  qui  paraît  être,  du  reste,  caractéri- 
stique du  génois  (cf.  garsunamme  §  155,  hardasciamme  §  208). 
C'est  un  fait  bien  connu  que  les  mots  collectifs  subissent 
facilement  un  développement  péjoratif,  et  cette  tendance 
ne  fait  que  s'accentuer  dans  le  passage  à  l'acception  in- 
dividuelle. 

«Héritier.» 

94.  Les  dialectes  lombards  possèdent  plusieurs  mots 
signifiant  'enfant',  'garçon',  qui  se  rattachent  de  quelque 
manière  au  lat.  hères. 

Dans  la  Valtelline,  spécialement  à  Sondrio,  on  trouve 
redes  (s.  m.  et  f.)  au  sens  de  'ragazzo'  ;  'ragazza'  ^,  et  le 
féminin  analogique  redesa  'ragazza'  ^.  Bedcs  peut  être  un 
pluriel  aussi  (  ==  'ragazzi').  A  Poschiavo  nous  trouvons 
rédas  'enfant'  ^,  et  plus  au  sud,  à  Brusio  et  dans  la  Val- 
telline   (autour    de    Tirano    et  de   Bianzone)  *,  rais — raissa 

^  Monti  traduit  redes  par  'ragazzo';  'figlio',  mais  M.  Meyer-Lûbke, 
Rom.  etym.  Wôrterb.  4115,  ne  donne  que  le  sens  de  'fils'.  Cf.  pour- 
tant ce  qu'en  dit  M.  Pio  E.ajna  dans  JRendiçonti  délia  Meale  Accademia 
dei  Lincei,  VII,  2,  p.  341:  «Quanto  al  senso.  cosi  redes  corne  rais  non 
hanno  attualmente  nella  coscienza  dei  parlanti  altro  significato  di  'ra- 
gazzo'». Et  en  note:  «Dicendo  'el  to  redes".  'la  tua  redes',  per  'il  tuo 
figliolo',  'la  tua  figliola',  nessuno  sa  di  fare  altra  cosa  che  se  dicesse 
italianamente  'il  tuo  ragazzo',  'la  tua  ragazza'». 

*  Voir  Biondelli,  Monti,  et  Rajna,  op.  cit..  p.  340. 

'  Cf.  Val  Maggia  rédas  'eredi'.  Voir  Salvioni  dans  BendlL^ 
sér.  II,  XXX,  p.  1507. 

*  Par    conséquent,    on    ne    peut    pas  désigner  ce  mot  comme  un 
erme  comasque,  ainsi  que  le  fait  M.  Meyer-Liibke,  loc.  cit. 


—  105  — 

'ragazzo'.  'ragazza'.  En  continuant  notre  route  vers  le  sud. 
nous  trouvons  rais  'bimbo  in  fasce'  à  Val  Camonica  Su- 
periore  (Rosa)  \  et,  autour  de  Brescia,  res  'bambino'  ^,  que 
Biondelli  traduit  aussi  par  'parto'.  Ajoutons  que  le  pluriel 
ards  'ragazzi'  (sing.  aréj)  a  été  relevé  par  M.  Salvioni  ^  à 
Varzo  (Val  d'Ossola,  dans  le  Tessin)  *,  et  que  le  diminutif 
razaëî  'fanciullo'  est  en  usage  à  Plaisance  ^. 

Ce  redcs.  qu'on  ne  trouve  actuellement  que  dans  les 
Alpes,  a  été  employé  autrefois  dans  la  plaine  lombarde 
aussi.  Il  apparaît  chez  Bonvesin  da  Riva  sous  les  formes 
de  heredcx  et  rrdrx.  Suivant  M.  Seifert  ^.  il  signifie  chez 
Bonvesin  toujours  'héritier'  ;  mais,  comme  l'a  relevé  M.  Sal- 
vioni ^,  le  poète  milanais  l'a  employé,  tantôt  avec  le  sens 
collectif  de  'figliuolanza'.  'proie',  tantôt  avec  le  sens  indi- 
viduel de  'figlio',  'ragazzo'.  Dans  les  deux  sens,  le  mot 
est  féminin. 

95.  M.  Rajna  tirait  l'anc.  mil.  heredcx.  redex  et  les 
formes  actuelles  rcdes,  rais  du  lat.  hereditas.  Cette  expli- 
cation   a    été    repoussée    par  Ascoli  '^  et  par  M.  Salvioni  ". 

*  M.  Meyer-Lûbke,  loc.  cit..  signale  ce  mot  comme  appartenant 
au  bergamasque,  mais  il  ne  se  trouve  ni  dans  Tiraboschi,  ni  dans 
Zappetini. 

*  Pellizzari  ne  relève  ce  mot  que  dans  la  partie  toscane-bresciane 
de  son  dictionnaire. 

*  loc.  cit. 

*  Le  valtell.  ères  'figlio'  (Monti,  Biondelli)  est  peut-être  mal  ac- 
centué; en  ce  cas.  il  doit  remonter,  ainsi  que  le  tess.  ares,  à  Fane, 
mil.  {he)redex;  voir  ci-dessous.  Si,  par  contre,  l'accent  est  correct,  il 
faut  probablement  y  voir  le  nominatif  hères  (cf.  Ascoli.  dans  AGII. 
XIII,  p.  282). 

6  Voir  Gorra  dans  ZRPh,  XIV,  p.  142.  —  Caix.  Studi  di  etimo- 
logia.  47S.  rattachait  à  la  même  étymologie  le  vén.  raisin  'bambino'. 
qui  n'a  pourtant  rien  à  voir  avec  hères.  C'est  un  diminutif  de.raisc 
'radice'  (voir  §  307). 

"  Glossar  zu  den  Gedichten  des  Bonvesin  da  Riva.  p.  35. 

'  Giornale  storico  délia  litteratura  italiana.  VIII.  i).  41.5. 

«  AGII,  XIII,  p.  287. 

»  RendlL,  sér.  U,  XXX,  p.  1508. 


—  106  — 

Ce    dernier    a    émis    l'hypothèse    suivante,  qui  paraît  très 
vraisemblable. 

A  son  avis,  heredex  a  été  originairement  un  pluriel  signi- 
fiant 'héritiers',  'fils',  qui  a  subi  l'influence  du  pluriel  de 
abhiatico  (chez  Bonvesin  abladhesi)  ^  et  qui  a  été  regardé 
plus  tard  comme  un  singulier  collectif  du  genre  féminin 
avec  le  même  sens  ^.  Ce  collectif  a  pris  au  cours  des 
temps  un  sens  individuel:  la  heredex  =  'il  figlio',  'il  ragazzo'; 
il  en  est  de  même  de  familia,  *mansionata,  *mansionaticum 
que  nous  étudierons  plus  bas  ^.  La  proximité  de  ces  trois 
degrés  de  développement  ressort  de  l'exemple  suivant  que 
j'emprunte  à  M.  Salvioni.  L'expression:  non  havcva  here- 
dex^ qu'on  trouve  chez  Bonvesin,  peut  être  rendue  par:  «non 
aveva    figlio»,    «non    aveva  figli»,   «non  aveva  figliolanza>. 

96.  Le  même  radical  se  retrouve  dans  reda,  que  Pe- 
trôcchi  donne  comme  un  terme  des  XIII^  et  XIV^  siècles 
avec  le  sens  de  'erede',  'figlio';  il  est  pourtant  usité  aujour- 
d'hui encore  par  les  paysans  toscans  au  sens  de  'bambino'. 
Cela  ressort  du  passage  suivant  d'un  chant  populaire,  publié 
dans  le  recueil  de  Tommaseo,  où  rede  signifie  'bambini': 
Non  puole  star  du'  rede  'nd'  una  culla  *.  Cf.  Fanfani,  Voc. 
délia  pronunzia  tosc:  '<Itèda,  e  Bède,  s.  f.  Figliuolo,  o  Dis- 
cendente».  On  le  trouve  aussi  en  sicilien  dans  ces  ac- 
ceptions. 

M.  Meyer-Lûbke,  dans  son  Bomanisches  etymologisches 
Wôrterhuch,  fait  remonter  ce  reda  à  hères,  mais  comme  l'a 
montré  M.  Eajna",  reda  doit  représenter  un  type  *heredita: 


*  «Quanto    all'affinità    del    significato    tra    'eredi'    e  'discendenti', 
cioè  'abbiatici',  essa  è  palmare»  (Salvioni,  loc.  cit.). 

. }  Cf.  la  heredex  'figliuolanza',  'proie',  chez  Bonvesin,  et  la  redexe 
'famiglia'  qu'on  lit  dans  un  statut  de  Valmadrera,  conservé  dans  la 
bibliothèque  de  l'université  de  Pavie. 

^  Rappelons  que  le  valtell.  redes  signifie  'ragazzi'  e  'ragazzo'. 

*  Voir  Monti,  à  l'art,  redes,  et  Rajna,  op.  cit.,  p.  338. 
*■'  op.  cit.,  p.  338  s. 


—  107  — 

cf.  l'anc.  vén.  rità  'figlio'  <:  hcrrditatem  ^  Ces  mots  ont  été 
une  fois  des  collectifs,  à  l'instar  du  lomb.  redex  ^.  *  Avère 
eredità  voleva  dire  aver  fîgli  che  potessero  ereditare,  e 
quindi  aver  figli  o  discendenza  in  génère»  '.  Puis,  le  sens 
collectif  a  été  remplacé,  dans  ce  cas  aussi,  par  le  sens 
individuel,  tandis  que  le  genre  féminin  s'est  maintenu:  la 
reda  =  'il  figlio',  'il  bambino'  *. 

«Ce  qui  est  créé  ou  engendré». 

97,  Dans  le  dialecte  rhéto-roman  de  Nonsberg,  en  Ty- 
rol,  Schneller  a  relevé  le  mot  cria  (s.  f.)  'kleines  Kind'  ", 
qui  est  probablement  un  substantif  verbal  du  verbe  crié 
qu'on  trouve  dans  Alton  au  sens  de  'erschaffen'.  La  signi- 
fication de  'enfant'  paraît  être  le  résultat  d'un  développe- 
ment sémantique  tout  à  fait  analogue  à  celui  que  nous  avons 
étudié  plus  haut  dans  les  mots  creatus,  creatura.  creamen  ^. 

*  Cf.  l'anc.  ital.  podèsta  et  l'ital.  podestà;  l'anc.  tr.  poeste  et  poesté, 
povérte  et  poverté,  etc. 

2  Cf.  sard.  erenzia  'stirpe',  'crédita',  'prosapia'. 
'  Rajna,  op.  cit.,  p.  337. 

*  Redo  (à  Arezzo  et  en  Ombrie:  arredo),  qui  s'emploie  dans  la 
campagne  toscane  pour  désigner  le  petit  d'un  animal,  spécialement 
un  veau,  est,  suivant  M.  Eajna  {op.  cit.,  p.  340)  et  Fanfani  {Voc.  delVuso 
toscano)  le  même  mot  que  reda.  M.  E.ajna  explique  la  différenciation  de 
la  finale  par  Ja  tendance  à  distinguer  l'homme  de  l'animal. 

*  Schneller  cite  le  couplet  que  voici,  tiré  d'un  chant  nuptial  par 
Piramonti  :     • 

«E  che  festa,  che  allegria 
Dopo  n'am  sentir  oà 
E  veder  na  bella  cria 
Tutta  mamma  e  tut  papa!» 

*  Cependant,  le  sens  de  'enfant'  pourrait  peut-être  s'expliquer 
autrement.  En  toscan,  cria  signifie  'l'ultimo  nato  di  una  covata',  'il 
più  piccolo  e  balordo  uccello  del  nido';  et  dans  le  dialecte  arétin-, 
'pidocchio  nato  di  poco'.  Par  métaphore,  il  se  dit  du  'più  stentato  e 
debole  di  una  famiglia".  Faut-il  croire  que  le  tyr.  cria  doive  sa  si- 
gnification à  un  emploi  figuré  analogue?  —  Dans  les  parlers  de  Modène, 
de  Mirandole,  de  la  Corse,  et  probablement  ailleurs  aussi,  cria  signifie 
'un  peu'  ('briciola',  'mica'),  sens  tiré  de  celui  de  'chose  créée'.  Peut- 
être  est-ce  là  le  point  de  départ  du  développement  qui  a  abouti  au 
jtens  de  'enfant'.     (Cf.  mion,  mioche,  etc.,  §  283). 


—  108  — 

«Celui  qui  est  nourri,  élevé». 

98,  En  espagnol  et  en  portugais,  il  y  a  aussi  un  sub- 
stantif verbal  cria  (s.  f.),  qui  peut  signifier  'enfant'.  Voici 
les  acceptions  que  Tolhausen  donne  au  mot  espagnol: 
«Fortpflanzung  der  Tiere;  Zucht;  Werfen,  Wurf.  Tracht  (von 
Tieren);  Junges,  junges  Tier;  Brut,  Vôgelbrut:  Fischbrut; 
sàugendes  Tier;  Sâugling;  Pflegekind»  ^  Micliaelis  traduit 
le  port,  cria  par  «Junge  (sic)  eines  Tieres,  welclies  sâugt: 
Kind,»  mais  désigne  le  dernier  sens  comme  tombé  en  dé- 
suétude. Le  verbe  ctiar,  d'où  est  tiré  ce  substantif,  si- 
gnifie 'créer',  'produire',  mais  aussi  'nourrir',  'allaiter',  'éle- 
ver'; et  c'est  à  ces  derniers  sens  que  correspondent  les 
acceptions  de  'petit  d'un  animal  qui  tette',  'nourrisson', 
*enfant  à  la  mamelle'. 

99.  Du  verbe  criar,  au  même  sens  de  'nourrir',  'al- 
laiter', 'élever',  est  dérivé  aussi  un  autre  mot  portugais: 
criança  (Coelho:  creança)  'petit  enfant'  {criança  de  peito 
'enfant  à  la  mamelle');  diminutif:  criancinha.  —  M.  Meyer- 
Liibke,  dans  sa  Grammaire  des  langues  romanes,  II,  §  432, 
mentionne  le  diminutif  criançola,  qu'il  traduit  par  'petit 
enfant'.  Mais,  suivant  Michaelis,  il  ne  s'emploie  qu'avec 
le  sens  spécial  de  «erwachsene(!),  junge(!)  Menscli  (der  sich 
kindlich  benimmtj». 

L'espagnol  possède  une  formation  correspondante: 
crianza,  qui  a  les  sens  abstraits  de  'nourrissage  de  bestiaux', 
*élève'  (et  aussi  de  'éducation',  'politesse').  En  portugais,  ces 
idées  se  rendent  par  criaçao,  qui  a  en  outre,  de  même  que 
l'esp.  cria,  le  sens  collectif  de  'portée',  'ventrée',  'volée', 
*couvée'.  Faut-il  croire  que  le  portugais  criança  ait  eu  ja- 
dis des  sens  abstraits  et  collectifs  pareils,  et  que  ce  soit 
en  passant  par  ces  acceptions  que  cria  et  criança  aient 
pris  le  sens  de  'enfant'?     Ce  n'est  pas  impossible,  en  tout 

'  Hacer  crias  signifie  'faire  des  nourrissons'. 


—  109  — 

cas,    puisqu'un   développement    analogue    s'est    produit   eu 
provençal  et  en  français. 

100.  L'anc.  prov.  noiridura  signifiait  'nourriture';  'édu- 
cation'; 'enfants',  'famille';  'enfant'  ^  En  provençal  moderne 
on  ne  retrouve  que  le  premier  sens  ^.  —  L'anc.  fr.  norreçon 
signifiait  de  même  primitivement  'action  de  nourrir',  'nour- 
riture': puis  il  prit  les  sens  collectifs  de  'animaux  qu'on 
élève';  'menu  poisson':  'famille'.  On  sait  que,  aujourd'hui. 
nourrisson  a  le  sens  individuel  de  'enfant  en  nourrice'. 
—  L'ancien  vénitien  nous  fournit  encore  un  exemple  d'un 
développement  analogue:  norin  'enfant  en  nourrice'  (du 
lat.  nutrimen.  qui  a  donné  en  ancien  provençal  noirini 
'nourriture';  'jeunes  animaux';  en  français,  nourrain  'petit 
poisson  qu'on  met  dans  un  étang  pour  qu'il  s'y  développe'  i. 

101.  Du  verbe  adfior.  atfier.  atifier.  ou  affier  (du  bâc- 
lât, aptificarc^)  'élever',  'nourrir';  'planter',  'greffer'^,  les 
patois  du  Centre,  de  l'Anjou  et  du  Poitou  ont  tiré  le  sub- 
stantif adfiaii.  affiau  (Centre,  Anjou),  affié,  affiéc  (Poitou) 
'enfant  du  premier  âge',  'nourrisson'  ".     En  Anjou  il  se  dit 

'  E.  Levy  mentionne  encore  l'acception  de  'créature',  mais  avec 
un  point  d'interrogation. 

-  Le  mot  français  correspondant,  nourriture,  primitivement  action 
de  nourrir',  e.st  un  autre  e.vemple  d'un  mot  abstrait  employé  pour  di'-- 
signer  l'objet  de  l'action.  En  ancien  français,  ce  mot  pouvait  signifier 
'jeune  bétail  qu'on  élève',  sens  (jui  survit  aujourd'hui  en  îs^ormandie: 
et  les  premiers  poètes  tragiques  de  la  période  classique  .disaient  nour- 
riture pour  personne  nourrie'.  (Voir  Nyroj).  Gramm.  hist.  de  la  langue 
franc.,  IV.  t?  304,. 

'  Voir  Puitspelu.  Dictionnaire  étymologique  du  patois  lyonnais,  à 
l'art,  attofayi:  A.  Thomas,  Mélanges  d'étymologie  française,  p.  5;  Meyer- 
Liibke,  Rom.  etym.    Wôrterb..  5G5. 

*   Le    franc,  afjier    n'a  que  ces  dernières  acceptions  (^voir  Littrcv. 

^  On  dit  dans  le  dép.  de  la  Vienne:  Quiau  yars  s'afjie  bien  «cf 
garçon  se  nourrit  bieu>.  Cf.  lyonn.  attofeyi  'gros",  gras";  propre- 
ment 'bien  nourri'. 

8 


—  110  — 

aussi  pour  'fils',  'fille'.  Par  prosthèse  d'un  w,  l'angevin  en 
a  tiré  nafiot:  un  affiau,  mon  affiau  est  devenu  un  naffiau, 
mon  naffiau,  qu'on  a  écrit  nafiot,  en  croyant  y  voir  le 
suffixe  diminutif  -ot  ^ 

102.  Le  dolois  ébluçon  'petit  enfant'  ou  'petit  d'un 
animal'  (terme  de  mépris,  d'après  Lecomte)  est  évidem- 
ment dérivé  du  verbe  éblucer,  qui  dans  le  même  patois  se 
dit  pour  'élever',  'nourrir':  La  pauvre  femme  a  hen  du  deul 
à  éblucer  ses  iras  poupons.  Ce  verbe,  dont  on  ignore  l'ori- 
gine, se  retrouve  dans  les  parlers  voisins:  Rennes  s'éblusser 
'se  développer',  'grandir',  'prospérer' ;  Pléchatel  éôrMSsé 'tiré 
d'affaire',  'grandi';  bas-manc.  s'éblu^oter  'croître',  'se  dé- 
velopper contre  toute  prévision'. 

103.  Nous  pouvons  ranger  aussi  dans  ce  groupe  de 
dénominations  le  roum.  baiat,  pourvu  que,  à  l'instar  de 
Cihac,  nous  le  tirions  du  verbe  baia  'élever',  'nourrir', 
'soigner'  ^,  du  même  radical  que  le  lat.  bajulare  'porter', 
qui  dans  le  bas-latin  s'employait  au  sens  de  'regere', 
'gubernare'  (Du  Gange)  ^  Cependant  l'explication  de 
Cihac  a  été  contestée  par  M.  Densusianu  *,  qui,  ainsi  que 
M.  Tiktin,  voit  dans  baiat  un  dérivé  de  baia<:balneare: 
le  sens  primitif  serait  donc  'enfant  baigné'.  J'avoue 
que  cette  explication  me  paraît  moins  plausible  que 
l'autre.  L'usage  de  baigner  les  enfants  aurait  dû  être 
d'une  importance  extraordinaire  chez  les  Roumains  pour 
leur  faire  appeler  les  enfants  'les  baignés'. 


^  Ce  phénomène  de  prosthèse  n'est  pas  rare  dans  ce  patois,  non 
plus  qu'ailleurs.  On  dit  un  naim.  pour  un  haim  (de  même  en  Berry, 
à  Blois  et  ailleurs),  nanse  pour  anse,  niole  pour  yole.  Cf.  Nyrop.  Gramm. 
hist.  de  la  langue  franc.,  I,  §  491,  4;  et  ZBPh,  XIII,  p.  323. 

'  M.  Meyer-Liibke,  qui  rattache  également  baiat  à  bajulare  {Rom. 
etym.  Wôrterb.,  887),  traduit  le  roum.  baia  par  'streicheln',  sens  qu'on 
ne  trouve  ni  dans  Cihac,  ni  dans  Tiktin. 

*  Cf.  le  bas-lat.  bajulus  =  'custos\  'paedagogu^'. 

*  Romania,  XXXIII,  p.  274. 


111  — 


Baiat  'pupille',  'nourrisson',  'garçon'  ',  est.  devenu  le 
mot  ordinaire  pour  'garçon',  correspondant  à  fdta  'fille'  ^. 
Le  féminin  baiata  'jeune  fille'  ne  s'emploie  qu'en  Transyl- 
vanie. —  De  la  vogue  de  baiat  témoignent  les  diminutifs: 
baietél,  baietâ^  'petit  garçon;  et  les  augmentatifs:  baietoiu 
'grand   garçon'  ^,  baietdn,  haietandru  'garçon  d'âge  moyen'. 


2.    Mots  désignant  les  enfants  par  rapport  à 
d'autres  parents. 

«Neveu». 

104.  De  même  que  certains  termes  signifiant  'fils', 
'héritier'  ont  pu  éveiller  l'idée  de  'enfant',  'garçon',  ceux 
(|ui  désignent  un  neveu  ou  un  frère  ont  parfois  subi  la 
même  évolution. 

L'anc.  prov.  bot  'neveu',  tiré  par  aphérèse  de  nehot,  a 
pris  les  sens  de  'fils'  et  de  'garçon'  ^  dans  les  Alpes  Cot- 
tiennes,  en  Dauphiné  comme  dans  les  vallées  piémontaises. 
Les  cartes  672,  573,  622,  623,  624  de  V Atlas  linguistique 
nous  montrent  que  bot  (plur.  bos)  s'emploie  avec  ces  sens 
à  Monêtier-les-Bains  (Hautes-Alpes),  et  bwot^  diminutif 
bivuteyu,  à  Oulx  (Turin).  Le  dictionnaire  de  Chabrand  et 
Rochas  d'Aiglun  signale  aussi  (dans  le  supplément)  bot 
'jeune  garçon'  comme  un  mot  de  Monêtier-de-Briançon. 
Mistral    donne  ce  renseignement  plus  général:   «Bot,  s.  m. 


*  Ce  sont  les  acceptions  qu'on  trouve  dans  Cihac.  M.  Tiktin  ne 
donne  que  le  sens  de  'Knabe',  'Junge'.  —  Baiat  se  dit  aussi  d'un 
jeune  paysan  (cf.  le  franc,  gars,  allem.  Bursche),  et,  comme  le  franc. 
garçon,  il  peut  signifier  aussi  'garçon  de  café'  ou  'commis'.  E  bun  baiat 
correspond  au  français   «c'est  un  bon  garçon». 

^  On  dit  par  exemple:  Avea  doi  copii,  un  baiât  si  o  fdta  «elle 
avait  deux  enfants,  un  garçon  et  une  fille». 

*  D'après  Alexi,  c'est  un  terme  péjoratif,  signifiant:  'Liimmel', 
■Flegel". 

*  Il  est  très  probable  que  le  mot  a  pris  d'abord  le  sens  de  'fils' 
Ht  que  le  sens  de  'garçon'  a  été  dérivé  de  celui-ci. 


-  uâ  - 

fils,  jeune  garçon,  dans'  les  Hautes-Alpes».  Suivant  Bion- 
delli  (p.  522),  hot  se  dit  à  Giaglione  (au  nord-est  d'Oulx  ^ 
avec  les  mêmes  significations,  et  le  Vocabolario  etimoloffico 
joiemontese  de  Dal  Pozzo  mentionne  aussi  hot  'figlio'  ^ 

-    -*^    •  «Frère». 

105.  Le  cat.  fadrï,  du  lat.  *fratrinus,  dont  le  premier 
r  est  tombé  par  dissimilation '^,  signifiait  d'abord  'petit 
frère':  et  ce  sens  est  attesté  encore  au  XVII®  siècle  par 
Oudin:  «Fadrin,  m.  Mot  Valentian  qui  vaut  autant  que 
Hermanito,  petit  frère,  frérot».  De  ce  sens  a  résulté  celui 
de  '(petit)  garçon',  qu'on  trouve  dans  le  dictionnaire  de 
Saura:  «Fadri.  Soltero.  jôven,  doncel.  Mozo,  mancebd,  ofi- 
cial».  Il  paraît  d'ailleurs  en  train  de  disparaître,  car  il 
n'est  plus  enregistré  par  M.  Vogel.  Le  dictionnaire  de 
celui-ci  ne  donne  que  les  sens  dérivés  de  'célibataire'  (subst. 
et  adj.)  '^  et  de  'ouvrier  compagnon'.  Le  féminin  fadrina 
signifie  'femme  qui  n'est  pas  mariée',  'vierge'  *.  Dans 
le  diminutif  fadrinet — fadrineta  'jeune  garçon',  'jeune  fille', 
le  sens  ancien  est  encore  vivant.  Comme  le  montre  la 
citation  d'Oudin  ci-dessus,  l'espagnol  a  emprunté  le  mot 
en    question.     Tolhausen  le  traduit  par  'junger  Bursche'  ■'. 

'  Pour  le  valais  hb  'garçon',  proprem.  'crapaud',  voir  §  364. 

2  Cf.  Schuchardt.  ZRPh,  Beih.  VI,  p.  53.  Le  mot  a  échappé  à 
M.  Tappolet,  et  on  ne  le  trouve  pas  non  plus  dans  le  Mom.  etym. 
Wôrterb. 

'  Un  vieux  garçon  s'appelle  fadrinot. 

*  En  béarnais,  fadrine  s'emploie  au  sens  de  'fille  ou  femme  de 
mauvaise  vie'.  C'est  un  phénomène  bien  connu  que  les  mots  d'em- 
prunt subissent  une  dégradation  de  sens.  Cf.  mouçhacho  en  provençal, 
§  347.  —  L'ancien  provençal  avait  emprunté  fadrinesa  'jeunesse'  du 
cat.  fadrinesa. 

^  Ajoutons  que  *fratrinus  a  donné,  en  ancien  provençal  et  en 
ancien  français,  frairin,  frarin  'pauvre',  'misérable',  'malheureux',  et. 
par  extension,  'méprisable',  'mauvais',  'vil',  'lâche'.  Suivant  E.  et  A. 
Du  Méril,  on  dit  aujourd'hui  encore  en  Normandie  frarin  pour  'dolent', 
'chétif.  Lé  point  de  départ  de  ce  développement  sémantique  est 
l'acception  de  'moine',  à  laquelle  s'associait  facilement  l'idée  de  pauvreté. 


—  113  — 

106.  Suivant  M.  Tappolet,  Die  romanischcn  Vtrwandt- 
schaftsnamen,  p.  61,  les  expressions  familières  pour  'frère' 
ot  'sœur'  s'emploient  souvent  au  sens  de  'garçon'  et  de 
'fille'.  Voici  les  exemples  qu'il  donne  d'un  tel  emploi: 
ital.  tato  'frateilo'  et  'fanciullo';  bord,  tyatya  'frère'  et  'gar- 
çon' (de  même  que  tato,  c'est  un  mot  que  les  petits  gar- 
çons s'adressent  les  uns  aux  autres);  Labouheyre  (Landes) 
ya  'sœur'  et  'petite  fille'  ^  Un  exemple  analogue  nous  est 
fourni  par  Mistral:  *Chichai.  s.  m.  Petit  frère,  dans  la  Gi- 
ronde; terme  de  bohémienne,  enfant,  petit  garçon.»  Ce  mot 
s'emploie  donc  dans  la  même  contrée  que  tyatya  'frère'  et  que 
tsitso  'sœur',  mot  mentionné  aussi  par  M.  Tappolet;  au 
point  de  vue  de  la  forme,  il  y  également  une  certaine  res- 
semblance entre  ces  trois  termes. 

Faut-il  supposer,  comme  le  fait  M.  Tappolet,  qu'il  y 
ait  eu  dans  ces  cas  un  changement  de  sens  proprement 
dit:  'frère' > 'garçon'?  Je  me  permets  d'en  douter.  Tous 
les  mots  en  question  sont  des  formations  enfantines  bien 
typiques,  et  il  me  paraît  plus  probable  (|u'ils  ont  été  em- 
ployés primitivement  par  un  enfant  à  l'adresse  de  tout 
autre  enfant,  qu'il  fût  de  sa  famille  ou  non.  Nous  en  re- 
parlerons donc  plus  bas,  au  §  377. 

«Cadet.» 

107.  La  carte  624  de  V Atla^  linguistiqne,  (jui  montre 
comment  les  parlers  gallo-romans  traduisent  la  phrase:  «en 


*  Dans  le  patois  des  Fourgs  (Doubs),  il  y  a  un  terme  de  ten- 
dresse ya  ayant  les  mêmes  acce])tions.  Est-ce  le  même  mot  que  le 
neuchâtelois  yaya  dans  l'expression  faire  yaya  fiattieren'?  M.  Tap- 
polet, dans  son  ouvrage  intitulé  Die  alemannischen  Lehnicôrter  in 
den  Mundarten  der  franzôsichen  Schweiz,  II.  p.  79,  où  il  enregistre 
cette  expression,  ajoute:  «von  Kindern  gebraucht  beim  Liebkosen  vou 
Menschen  und  Tieren,  urspriinglich  wohl  in  der  Bedeutung  'durch 
fortwâhrendes  ja-Sagen  seine  Ergebeuheit  bekunden'».  Le  terme  ca- 
ressant yanyan  petit  veau',  qui  se  trouve  aussi  dans  le  patois  de» 
Fourgs,  est  probablement  le  même  mot  yaya  ^vec  nasalisation  de  Va. 


—  114  — 

retournant  de  l'école,  les  garçons  sont  allés  dénicher  des 
nids  d'oiseaux»,  inscrit  au  point  916  (Saône-et-Loire)  le 
kadé  pour  'les  garçons'  ^  Et  M.  Tappolet  nous  apprend  ^ 
que  cadet  peut  prendre  aussi  le  sens  de  'fils',  à  Payzac 
(Ardèche).  Nous  trouvons  un  parallèle  du  développement 
'cadet'  >  'garçon'  dans  le  patois  briançonnais,  où  inenre, 
mendre  (proprement  'moindre',  'plus  petit')  signifie  'cadet' 
et  'enfant'.  —  Peut-être  en  est-il  de  même  en  Morvan, 
où  moineai  (=  anc,  fr.  mainsné,  moinsné,  moinné  etc.  'puîné', 
'cadet'),  signifie,  suivant  De  Chambure,  'petit  enfant,  le  plus 
jeune,  le  plus  petit'  (il  s'emploie  encore  en  parlant  des 
animaux  tout  petits)  '. 

108.  Les  dialectes  du  Centre  et  du  Sud  de  l'Italie 
connaissent  une  dénomination  d'enfant  dont  l'origine  paraît 
être,  à  certains  égards,  analogue  à  celle  des  mots  dont 
nous  venons  de  parler.  Dans  le  patois  des  Abruzzes. 
Finamore  a  relevé  quatrale  'ragazzo'.  'ragazza'  ;  il  le  désigne 
comme    i^milier.     A    Vaste   le    mot    se  prononce  qaatrare: 


^  En  provençal  moderne,  cadet  peut  signifier,  d'après  Mistral, 'jeune 
homme'j  'damoiseau',  galant',  'luron';  on  en  a  tiré  le  collectif  carfefaio 
'les  jeunes  gens  d'une  localité',  qui  est  un  terme  de  mépris.  Les  si- 
gnifications de  'crâne  luron',  'solide  gaillard'  se  retrouvent  en  angevin 
et  en  normand.  Dans  le  langage  populaire  de  Paris,  la  généralisation 
a  été  poussée  encore  plus  loin:  ici  cadet  désigne  tout  simplement  un 
individu  quelconque  (H.  France;  Villatte  le  traduit  par  'Kerl').  Cf. 
l'expression  ironique:  Voilà  un  beau  cadet  (Dict.  gén.).  —  Ajoutons 
que,  d'après  Sachs-Villatte.  cadet  peut  signifier  'junger.  unerfahrener 
Mensch'. 

*  op.  cit.,  p.  48. 

'  Les  dialectes  français  possèdent  une  foule  de  mots  pour  rendre 
l'idée  du  dernier  né  d'une  famille  ou  d'une  couvée.  Le  berrichon  seul 
en  connaît  huit.  Certaines  de  ces  expressions  prennent  quelquefois 
le  sens  plus  général  de  'petit  enfant',  'enfant  de  petite  taille',  par  ex- 
emple pousse-cul,  qui  en  normand  signifie  'nabot',  'enfant  d'une  taille 
exiguë  pour  son  âge'.  De  Chambure  enregistre  pour  le  patois  mor- 
vandiau  poussât  'petit  enfant',  'le  dernier  de  la  famille'.  Le  même 
double  sens  est  présenté  par  le  berr.  houzou  et  le  saint.  nOquef  (nocut). 
Cf.  aussi  plus  bas  chacrot.  chacrotte. 


—  116  — 

fi  Aquila,  Pescina  ot  Avezzano:  quatrane^.  Ziccardi  en- 
registre pour  Agnone  la  forme  kuatredrd  'ragazzo';  Savini 
pour  Teramo:  quatrare  'ragazzotto',  'ragazzotta  piuttosto 
atticciata'  *.  Une  canzone  de  Faeto.  dans  la  province  de 
Foggia,  que  cite  Morosi  dans  VArchivio  glottologico  italiano, 
XII,  pp.  70,  71,  commence  par  les  mots:  0  quattrd  men! 
«o  ragazzi  miei».  et  dans  la  dernière  strophe  on  lit:  e prijéj 
quattrann!  «e  pregate,  ragazzi».  L'exemple  suivant,  qu'on 
trouve  dans  le  Codex  Cavensis,  montre  que  le  mot  a  été 
en  usage  dans  la  péninsule  de  Sorrente  avant  le  XIII  ** 
siècle;  filins  Ursi  qui  vocatiir  quatraru^.  Dans  le  calabrais, 
Scerbo  signale  cotraru  'ragazzo'.  —  D'après  l'opinion  de 
M.  De  Bartholomaeis,  ce  mot  remonte  à  *quartariu  'il 
quart ogenito',  et  il  le  compare  à  Quintilio,  Settimio,  Ottavio. 
Peut-être  *quartariu  a-t-il  été  employé  d'abord  comme  un 
nom  propre,  lui  aussi. 


3.    Mots  ayant  le  sens  primitif  de  «célibataire», 
«stérile». 

109.  C'est  un  phénomène  très  commun,  et  dont  nous 
avons  déjà  trouvé  bien  des  exemples  au  cours  de  notre 
travail,  qu'un  mot  signifiant  'garçon'  ou  'jeune  fille'  prend 
le  sens  de  'célibataire',  quelquefois  aussi  celui  de  'vieux 
garçon',  'vieille  fille'  *.  —  Un  développement  sémantique 
en  sens  inverse  ne  se  rencontre  pas  aussi  fréquemment,  mais 
dans  les  langues  romanes,  surtout  dans  les  dialectes  italiens, 
on  trouve  quelques  exemples  de  mots,  dont  le  sens  primitif 
est    celui    de    'célibataire'    ou    de     'stérile',  et  qui  en  sont 

'  Finamore  donne  encore  le  dérivé  quatragnàtte  'ragazzotto',  'ra- 
gazzotta'. 

2  Le  féminin  se  dit  aussi  pour  Tinnamorata". 

»  Voir  De  Bartholomaeis,  AGÎI,  XV,  p,  SbS. 

*  Cette  dernière  idée  se  rend  cependant  plus  souvent  à  l'aide 
d'un  suftixe:  cat.  fadrinot.  ital.  zitellone.  zitellona,  etc. 


—  116  — 

venus  à  désigner  des  jeunes  gens  en  général  et  même  de» 
enfants. 

110.  Le  mot  germanique  slïhts  'simple'  (>  allem.  mod. 
schlicht,  schlecht)  est  la  base  de  l'ital.  schietto  'simple',  'pur', 
'sincère',  etc.  En  sicilien  et  en  calabrais,  schettu,  schiettu 
présente,  à  côté  de  ce  sens,  celui  de  'celibe',  'scapolo';  et  le 
féminin  schetta  signifie  'ragazza  nubile'.  Nous  trouvons  le 
même  mot  dans  la  Valtelline  et  dans  les  Alpes  bergamas- 
ques  sous  la  forme  de  scet — sceta;  au  sens  primitif  de 
'schietto',  'sincero',  'puro'  il  joint  ceux  de  'fanciullo',  'fan- 
ciulla';  'ragazzo',  'ragazza';  'figlio',  'figlia'.  Pour  aller  de 
'schietto'  à  'ragazzo',  il  a  probablement  fallu  passer  par 
les  sens  intermédiaires  de  'célibataire'  et  de  'jeune  homme'. 
—  A  côté  du  simple  scet — séeta  \  la  Valtelline  connaît  le 
dérivé  s'ceton — s'cetôna  'fanciullo',  'fanciulla',  'giovanotto'., 
'giovanotta'.  Le  bergamasque  et  le  brescian  présentent 
les  diminutifs  sëetl — sëetina,  scefoUt — scetolèta;  le  premier 
dialecte  a  en  outre  scetèl—scetèla. 

111.  Les  représentants  du  lat.  sterilis  'stérile'  s'em- 
ploient dans  bien  des  dialectes  italiens  et  rhétiques  comme 
substantifs  pour  désigner  une  vache  (ou  chèvre)  stérile, 
une  génisse  (ou  jeune  chèvre)  qui  ne  donne  pas  encore  de 
lait  ^.  On  les  trouve  aussi  appliqués  à  une  femme  :  mil. 
sterla  'donna  magra'  ^  (cf.  le  bergam.  sterla  'vacca  magra 
e  stérile')  *. 


^  Monti  écrit  s^cèt,  Zappetini  sccett,  Pellizzari  sciet. 

-  Pour  des  exemples,  voir  Meyer-Liibke,  Rom.  etym.  Wôrterb., 
8246. 

'  D'après  M.  Meyer-Liibke,  loc.  cit..  le  haut-engadinois  connaît 
aussi  un  substantif  sterla  'femme  stérile'.  Mais  M.  Pallioppi  ne  donne 
pour  ce  mot  que  le  sens  de  'bouvillon  ou  génisse  d'un  an',  ainsi  que 
M.  Walberg,  op.  cit.,  §  17,  —  M.  Walberg  nous  apprend  aussi  que^ 
dans  Bjfrun,  sterla  est  encore  un  adjectif  et  se  dit  des  femmes. 

*  Cf.  aussi  l'alb.  stertsE  'vieille  femme';  c'est  le  même  mot  que 
le  bulg.  sterica  'stérile',  qui  se  dit  des  brebis. 


—  117    - 

Dans  le  Sud-Ouest  de  la  France  et  en  Sardaigne,  ste- 
rilis  en  est  venu  à  désigner  un  jeune  homme  ou  une  jeune 
femme  et  même  un  enfant.  —  Pour  Pane.  prov.  esterle^ 
Levy  enregistre  les  acceptions  suivantes:  'stérile',  'non 
marié',  'célibataire';  'cadet',  'puîné',  'jeune'.  En  ancien 
béarnais,  sterle  ou  esterlc  était  le  nom  des  enfants  cadets 
d'une  famille,  et  on  j)Ouvait  même  désigner  par  le  mot  sterîes 
un  jeune  homme  et  une  jeune  femme  qui  s'étaient  mariés. 
C'est  ce  qui  ressort  du  passage  suivant  du  dictionnaire  de 
Lespy  et  Raymond:  «Dans  la  Coutume  de  Barcge  (Hautes- 
Pyrénées),  cadet  et  cadette,  qui,  s'étant  mariés  ensemble, 
avaient  assemblé  leurs  constitutions  de  mariage  pour  les  avoir 
en  commun  profit  et  commune  perte,  étaient  appelés  meytadéji 
(=  mitoyens)  ou  sterles».  —  Dans  les  patois  actuels  du  Béarn, 
de  la  Gascogne,  du  Toulousain  et  du  Bas-Limousin,  esterle, 
astérie^  etc.  signifie  'célibataire',  'jeune  homme  à  marier', 
'garçon',  'drôle',  'galopin';  et  le  féminin  esterlo:  'jeune  fille'. 
En  Rouergue  ces  deux  mots  ont  pris  le  sens  de  'amant', 
'amante';  'prétendu',  'prétendue'.  Le  diminutif  esterlet  'jeune 
garçon',  s'emploie  en  Languedoc. 

Comme  l'a  montré  M.  Salvioni  \  le  gallur.  steddu  ou 
isteddu    'fanciullo'.    'bimbo',    remonte    également    à  sterilis 

112.  Le  lat.  vacans  se  disait  des  femmes  au  sens  de 
'libre',  'non  mariée'.  Il  paraît  qu'un  type  *vacantivus,  formé 
de  ce  mot  sous  l'influence  de  vacivus  ^.  a  été  la  base  d'un 
terme,  ([ui  se  retrouve  dans  plusieurs  dialectes  italiens  avec 
le  sens  de  'stérile':  istr.  vagantia  (Sissano),  vagantéja  (Dig- 
îiano,  Gallesano)  'stérile,  di  donna  o  di  animale  che  non  abbia 
figliato'  (Ive);  logoud.  haganûu  'vacuo',  'libero',  'che  non  è  sc- 
minato'  ',  donna  haçfanûa  'donna  che  non  ha  affigliato  ancora'. 


'  BendlL,  sér.  II.  XL,  p.  1060. 

«  Cf.  Schiichardt.  ZBPh,  XIII,  p.  532;  XXXII.  p.  472. 

•  Cf.  le  logoud.  bagante  'vacante',  'vacuo'. 


—  118  — 

Ainsi  que  les  représentants  de  sterilis.  ce  terme  a  pris  le 
sens  de  'célibataire',  'jeune  femme  nubile':  campid.  hagadia 
(<z*vacativa)^  'nubile',  'libéra',  'maritanda',  hagadm  'scapolo', 
'libero'  ^,  d'où  le  collectif  hagadialla  'moltitudine  di  gio- 
ventù';  nap.  vacantîa  'pulcella',  'donzella',  'zitella':  lecc. 
acantîa  'fanciuUa  da  marito'^;  apul.  vakandie  'vieux  garçon'  *. 
Au  logoud.  bagantlu  et  au  campid.  hagadlu  répond  le 
gallur.  et  sass.  vaggianu  ou  vagghianu  'celibe'.  'donzello', 
vagghiana  'nubile',  'donzella'^.  D'après  l'opinion  de  M.  Guar- 
nerio  **,  ces  formes  remonteraient  également  à  un  dérivé  de 
vacare,  dont  la  forme  lui  échappe.  Ne  pourrait-on  pas  y 
voir  le  résultat  d'un  croisement  avec  bajanu — bajana.  qui,  en 
logoudorien,  s'emploie  tout  à  fait  dans  le  même  sens? 


4.    Mots  désignant  le  sexe. 
«Mâle.» 

113.  Dans  plusieurs  dialectes  italiens,  provençaux 
et  franço-provencaux,  on  emploie  des  mots  qui  signifient 
primitivement  'mâle',  au  sens  plus  restreint  de  'enfant 
mâle',   'garçon'. 

Dans  la  plupart  des  cas,  il  faut  sans  doute  chercher 
l'origine  de  cet  emploi  dans  des  expressions  où  il  s'agit 
de  distinguer  entre  les  enfants  des  deux  sexes,  telles  que 
celles-ci:  Incertus  infans  natus,  ynasculus.  an  femina  esset{Tite- 
Live,    XXXI,   12).  —  Berdot  de    Casenave   a  V  enfanta.  II 


1  Cf.  Guarnerio.  AGîI,  XIV,  p.  407. 

*  En  logoudorien,  hagadiu  veut  dire  'festivo',  'che  non  si  puô 
lavorare':  die  di  hagadïu  'giorno  festivo'.  (Le  mot  campidanien  cor- 
respondant est  haganza.) 

'  Voir  AGII,  IV.  p.  128. 

*  Voir  Meyer-Liibke,  Bom.  etym.    Wôrterb.,  9108. 

*  Le  masculin  ne  se  trouve  que  dans  la  partie  ital. -sarde  du 
dictionnaire  de  Spano. 

*  loc.  cit. 


—  119  — 

niascles  «B.  de  C.  a  cinq  enfants,  (dont)  deux  garçons».  {En- 
qnête  sur  les  serfs  du  Béarn,  XIV®  siècle;  d'après  Lespy  et 
Raymond).  *  —  La  mojér  ge  j-ô  partoré  dô  fi-ôj:  vun  mascô 
r  vûna  femina  {Leggenda  sissanese,  voir  Ive,  /  dialetti  ladino- 
reneti  delV  Istria,  p.  206).  —  àni  dut  dsitelli,  u  maeu  e  uno 
femmena  <àls  ont  deux  enfants,  un  garçon  et  une  fille»  {Atlas 
linguistique,  Corse.  563,  729).  —  Ha  due  maschi  e  una  fem- 
mina  «er  hatzwei  Knaben  und  ein  Mâdchen»  (Rigutini-Bulle). 
Le  dernier  exemple,  comparé  aux  précédents,  nous 
montre  la  phase  de  transition:  on  a  éliminé  le  mot  signi- 
fiant 'enfants'  et  dit  tout  simplement:  «il  a  deux  mâles 
et  une  femelle»,  pour:  «il  a  deux  garçons  et  une  fille». 
Puis  on  s'est  servi  du  mot  signifiant  'mâle'  pour  'garçon', 
sans  le  mettre  en  opposition  avec  des  enfants  du  sexe  fé- 
minin, et  voilà  le  changement  de  sens  accompli. 

114.  Relevons  d'abord  un  exemple  de  ce  développe- 
ment que  nous  fournit  l'albanais:  mashul  'mâle',  signifie 
aussi  'garçon'  *. 

115.  Le  glossaire  latin-bergamasque  du  XV^  siècle 
rend,  entre  autres,  le  lat.  puer  par  maschio  ^.  —  L'italien 
moderne  et  les  dialectes  du  Nord  se  servent  avec  prédi- 
lection des  diminutifs  en  -ittu,  spécialement  en  parlant 
des  nouveau-nés:  A  fatto  un  maschietto.  Un  bel  tnaschietto 
di  tre  anni.  lîegalerà  al  hahho  un  altro  bel  maschiettino 
(Petrôcchi).  En  milanais  nous  trouvons  les  formes  corres- 
pondantes mas'cètt  'ragazzetto',  mas'cettm  'ragazettino'  (de 
mas'e  'maschio').  Au  même  sens  on  emploie  en  parmesan 
mascictt.  en  romagnol  mastciétt  et  en  vénitien  maschivto: 
dans  les  deux  derniers  dialectes  ce  mot  se  dit  particulière- 

'  Cf.  Texpression  L'n  Jilh  mascle  e  une  femele  «(Ils  onti  un  gar- 
(.ou  et  une  tille»  {ibid.i. 

*  Voir  Meyer,  Albanesische  Grammatik.  p.  11. 
'  Voir  Lorck.  op.  cit.,  p.  162. 


—  120  — 

ment  pour  'bambino  neonato'.  —  Très  fréquents  sont  aussi 
des  dérivés  formés  à  l'aide  des  suffixes  augmentatifs  -ottu, 
-one  ^  Voici  quelques  exemples  empruntés  à  Petrôcchi: 
È  venuto  un  bel  maschiotto.  Che  hèlla  maschiotta.  Bel  ma- 
.schione  che  à  fatto.  Bàlia  che  allèva  certi  maschioni.  Dans 
les  dialectes  haut-italiens  nous  relevons:  mil.,  bergam., 
romagn.  masciot:  vén.,  vie,  triest.  maschioto  {mascioto)\ 
bergam.  masciii:  parm.  mascihn.  Les  parlers  de  Milan,  Ber- 
game,  Parme  et  la  Romagne  présentent  le  féminin  ana- 
logique masciotta  (masciota),  qui,  à  l'instar  du  tosc.  mastiotta, 
ne  se  dit  pas,  en  général,  d'une  petite  fille,  mais  d'une 
jeune  fille  forte  et  robuste.  —  Le  corse  possède  le  dimi- 
nutif màeareïlu  {maéaredu)  'petit  garçon'  ^. 

116.  A  MoresteL  dans  le  département  de  l'Isère,  mâle 
(proprement  'mâle')  veut  dire  'garçon'  '.  Le  diminutif  ma- 
lot  se  dit  pour  'petit  gars'  en  Limousin  (Mistral).  L'aug- 
mentatif macUa{.s)  (proprement  'gros  mâle')  signifie  en  pa- 
tois lyonnais  'garçon',  'jeune  enfant  mâle';  il  a  cependant 
une  nuance  un  peu  dépréciative  •*.  Macliasso,  dans  le  même 
patois,  est  franchement  péjoratif.  Dans  les  environs  de 
Grenoble,  où  le  mot  individuel  n"est  pas  relevé,  on  trouve 
le  collectif  maelof  'réunion  de  jeunes  garçons',  'garçonnée'. 

«Femme». 

117.  Dans  les  ras  que  nous  venons  d'étudier,  un  mot 
signifiant  'mâle'  a  pris  le  sens  spécial  de  'enfant  mâle'. 
Les  patois  de  l'Ouest  de  la  France  nous  offrent  deux  ex- 
emples   d'une    restriction    de    sens  semblable:  un  mot  qui 

^  En  parlant  d"enfants  nouveau-nés.  on  attire  volontiers  l'atten- 
tion sur  le  fait  (ju'ils  sont  dodus  et  robustes:  «La  signora  X.  regal6 
la  famiglia  d'un  bel  bamboccione». 

-  Voir  VAtl.  ling.  (Corse),  729.  aux  points  GO.  <i9. 

'  Voir  VAtl.  ling..  622.  au  point  922. 

*  En  bas-dauphinois,  maclia  est  une  injure  =^  homme  de  rien'. 


-  121  — 

signifie  primitivement  'femme',  prend  racception  particu- 
lière de  'jeune  fille'.  Seulement,  le  procédé  psychologique 
est  différent.  Tandis  que  la  restriction  qu'ont  subie  mâle 
et  ses  synonymes,  est  due  à  l'intention  de  distinguer  entre 
les  enfants  des  deux  sexes,  le  dernier  changement  s'ex- 
plicjue  par  le  fait  (pie  les  idées  de  'femme'  et  de  'fille'  se 
confondent  très  souvent:  les  limites  entre  ces  deux  notions 
sont  très  flottantes  K 

118.  Dans  FOuest  et  dans  le  Centre,  femelle  (ou  fii- 
melle\  est  très  usité  au  sens  de  'femme'  ^.  et  il  se  dit  pEir- 
fois  aussi  pour  'jeune  fille',  surtout  dans  le  patois  du  Maine^. 
et,  en  outre,  en  Nomiandie  *,  dans  le  Yendômois  '"  et  dans 
le  Centre.  lie  patois  de  Bournois  emploie  assez  souvent 
femelle  en  bonne  part  pour  désigner  une  jeune  fille.  En 
Savoie  le  diminutif  fénôle  (de  fma  'femme')  a  la  même 
signification. 

llî).  A  Pléchatel  (en  Bretagne),  dans  le  Bas-Maine. 
en  Anjou  et  en  Poitou,  marraine  a  pris  le  sens  de  'femme'. 
Cette  acception,  ([ui  est  attestée  par  les  dictionnaires, 
ressort  aussi  de  la  carte  373  de  V Atlas  linguistique,  qui. 
au  point  417  (Deux-Sèvres)  rend  l'expression  'une  belle 
dame'  par  bel  marén,  en  ajoutant  en  note  que  dame  ne  se 
dit  ici  (jue  d'une  femme  d'un  rang  élevé.  Au  même  en- 
droit, marén  s'emploie  aussi  dans  la  langue  familière  pour 
'fiUe'  ®.     Verrier   et  Onillon   ont  relevé  le  même  emploi  en 


'   Cf.    l'extension    sémantique,    si    fréquente  en  italien,  qui  donne 
aux  jeunes  tilles  les  noms  de  fillettes:  fanciidla,  zitella.  etc. 

*  En    Normandie.  Anjou    et  Poitou,  il  a  le  plus  souvent  un  sens 
dépréciatif. 

^  Voyez   Dottiu.  Montesson  et  VAtl.  Ung.,  570.  au  point  412. 

*  Voir  VAtl.  Ung..  570.  aux  ])oints  334.  343. 

••  Voir  Martellièr»-  et  VAtl.  Ung..  570,  au  p.  306. 
'■'  Voir    r.4//.  Ung..    570.  —  L'idée    de  marraine  est  rendue  ici  1© 
plus  souvent  })ar  le  mot  enfantin  nen. 


—  122  — 

Anjou,  où  l'on  désigne  par  marraine  'une  jeune  fille  grande 
et  forte,  de  20  à  25  ans'. 

5.    Mots  ayant  le  sens  primitif  de  «jeunesse». 

120.  En  français  et  en  provençal,  certains  mots  ayant 
le  sens  de  'jeunesse'  en  sont  venus  à  désigner  un  jeune 
homme  ou  une  jeune  femme  ^.  Ce  sens  concret  peut  très 
bien  être  dérivé  directement  du  sens  abstrait,  de  même 
que  c'est  le  cas  pour  une  beauté,  une  célébrité,  un  talent, 
etc.;  mais  je  crois  qu'on  a  le  droit  de  supposer  ici,  au 
moins  dans  certains  cas,  l'existence  d'une  phase  inter- 
médiaire, où  le  sens  a  été  collectif  ^. 

L'anc.  prov.  joven  ou  jovent  présente  le  sens  collectif 
de  'jeunes  gens',  à  côté  du  sens  abstrait  de  'jeunesse'. 
Suivant  M.  Appel,  on  l'a  employé  aussi  avec  un  sens  in- 
dividuel: il  traduit  mon  joven  (voir  Provenzalische  Chresto- 
mathie,  96,  11)  par  «ich  junger  Mann»  ^  —  En  provençal 
moderne,  Ce  développement  de  sens  est  fréquent.  Nous 
trouvons  dans  Mistral  les  exemples  que  voici:  jouvent 
(gascjoubent)  (s.  m.)  'jeunesse'  ;  'jeunes  gens';  'jeune  homme', 
'jouvenceau';  jouventut  (lang.,  gasc.  joubentut),  jouventuro 
(s.  f.)  'jeunesse';  'jeunes  gens';  'jouvenceau',  'jouvencelle'; 
iouvento  (s.  f.)  'jeune  fille',  'jouvencelle'. 

121.  L'anc.  fr.  jovente  (s.  f.)  présente  également  les 
trois    acceptions:    l'abstraite,  la  collective  et  l'individuelle. 


'  Cf.  l'emploi  analogue  de  Pangl.  youth  et  du  suéd.  ungdom,  sur- 
tout au  pluriel:  ungdomar. 

^  Déjà  le  latin  nous  fournit  un  exemple  de  ce  développement 
sémantique.  Juventus  se  rencontre  souvent  au  sens  collectif  de  'multi- 
tudo  juvenum' ;  et  le  même  emploi  est  attesté  ^ oxxr  juventa,  par  ex.: 
Quintiliane,  vagae  moderator  summe  juventae  (Martial,  II,  90). 

^  Dans  une  lettre  à  Levy;  voir  ProvenzaUsches  Supplementwôrter- 
buch,  IV,  p.  278.  —  En  ce  cas  il  s'agit  probablement  d'un  emploi  occa- 
sionnel du  mot  abstrait  au  sens  personnel. 


—  123  — 

Il  signifie:  'jeunesse';  'jeunes  gens';  'jeune  homme',  'jeune 
femme'  (Godefroy).  Il  faut  observer  cependant  que  le  sens 
individuel,  qui  n'est  point  rare,  apparaît  déjà  dans  la  Chanson 
de  Roland  (2916),  tandis  que  le  sens  collectif  n'est  attesté 
(|u'uno  seule  fois  par  Godefroy,  et  dans  un  exemple  datant 
de  1638.  —  Le  masculin  jovent  ne  paraît  avoir  eu  que  les 
sens  de  'jeunesse'  et  de  'jeunes  gens'. 

A  côté  du  sens  abstrait  primitif,  le  franc,  jeunesse 
peut  prendre  un  sens  collectif  pour  désigner  les  jeunes 
gens  et  les  enfants  \  ou  les  jeunes  gens  à  l'exclusion  des 
jeunes  filles;  et  il  s'emploie  individuellement  pour  dési- 
gner une  personne  jeune,  surtout  une  jeune  fille.  Ce  der- 
nier emploi  est  aussi  très  répandu  dans  les  parlers  pro- 
vinciaux et  les  patois. 


6.     Mots  désignant  la  famille,  la  maisonnée. 

122.  Le  lat.  familia  et  les  mots  bas-latins  *mansionata 
et  *mansionaticum,  qui  servaient  tous  à  désigner  l'ensemble 
des  personnes  appartenant  à  la  même  famille  et  vivant 
dans  la  même  maison,  la  «maisonnée»,  ont  pris  en  certains 
cas  le  sens  individuel  de  'enfant',  'garçon'. 

Familia. 

123.  Le  sens  primitif  du  lat.  familia  paraît  avoir  été 
celui  de  'réunion  des  esclaves  (famuli)  soumis  à  un  maître'. 
Mais,  par  une  extension  de  sens,  le  mot  en  était  venu  à 
désigner  aussi  la  réunion  des  personnes  libres,  soumises  à 
la  puissance  d'un  même  père  de  famille:  les  enfants  in 
potestate  et  la  femme  in  manu  ^.  De  cette  idée  collective 
on  a  passé  soit  au  sens  individuel  de  'femme'  (c'est  le  cas 


*  A  Saint-Pol  on  dit  la  petite  jeunesse  pour  désigner  les  enfants. 

*  Voir  Daremberg  et  Saglio,  op.  cit..  II,  p.  972. 


—  124  — 

eii  roumain,  oii  feméie  ^  désigne  la  femme,  par  opposition 
à  l'homme,  barbatul).  soit  au  sens  individuel  de  'enfant'. 
en  passant  par  le  sens  collectif  de  'enfants'  -. 

124.  Tandis  que  le  macédo-roum.  fumeuVe  et  le  megl. 
fameVa,  fiimeVa  n'ont  que  le  sens  collectif  de  'enfants', 
'famille',  l'alb.  femije  '  signifie  aussi  'enfant',  'poupon',  et 
ce  sens  individuel  est  même  le  plus  usité. 

Dans  le  patois  limousin,  familha  prend  également  un 
sens  individuel,  mais,  à  en  juger  par  l'exemple  suivant,  le 
seul  que  j'aie  trouvé,  il  ne  se  dit  qu'au  pluriel  et  signifie 
'enfants  par  rapport  aux  parents'  :  I  an  douas  familhas  «ils 
ont  deux  enfants»  *.  En  béarnais,  le  pluriel  de  familhe^faL- 
inille'  peut  aussi  signifier  'enfants':  Qu'ey  Ion  debé  deus 
pays  d'establi  litrs  familhas  «c'est  le  devoir  des  pères  d'éta- 
blir leurs  enfants»   (Lespy  et  Raymond). 

Dans  le  dialecte  asturien,  nous  rencontrons  le  même 
phénomène:  tien  cuatru  familias  «il  a  quatre  enfants». 
Suivant  le  dictionnaire  de  l'Académie  espagnole,  familia 
s'emploie,  dans  certains  parlers  provinciaux,  même  au  sing- 
ulier, avec  le  sens  de  'fils'  ^  Le  sens  collectif  de  'enfants* 
('pueri^j,  apparaît  dans  l'exclamation:  Familia.  arriba!  «En- 
fants, montez!»  (Salvâ)  ^. 

*  D'après  Puscariu;  Tiktin  écrit  femée.  —  Le  sens  étymologique 
est  vivant  aujourd'hui  encore  dans  les  idiomes  macédo-roumains. 

2  Cf.  Tallem.  Hahen  Sie  Familie?  =  Haben  Sic  Kinder? 
'  D'après  Meyer;  Weigand  écrit  fëmi-ja. 

*  Voir  Puitspelu,  op.  cit..  p.  254. 

^  «Familia,  en  algunas  provincias,  hijo,  singularmente  varon.>' 
(Cité  d'après  Munthe,  Anteckningar  om  folktnâlet  i  en  del  av  vestra 
Asturien,  p.  72). 

"^  De  familia,  l'italien  a  tiré  le  dérivé  famiglio  'serviteur',  'valet'. 
Des  formes  correspondantes  se  trouvent  dans  différents  dialectes,  et, 
dans  le  bergamasque  actuel,  famei  a  le  même  sens.  Mais  autrefois 
ce  mot  a  possédé  le  sens  de  'jeune  garçon'  ;  cela  ressort  du  glossaire 
bergamasque-latin  du  XV®  siècle,  qui  traduit  le  lat.  puer  par  famey 
(LoTck,  op^  cit.,  p.  162).  Il  est  vrai  que  puer  peut  signifier  aussi  'ser- 
viteur',   'esclave';  mais,  comme,  à  la  ligne  suivante,  ce  mot  est  rendu 


-  12B  — 

■^Mansionata. 

125.  Le  lat.  jx)]).  *niansionof(i,  {\\\\  se  trouve  dans  des 
textes  bas-latins  du  Xll®  siècle  sous  la  forme  ii/fisi/afti  ou 
tnasnada  (Du  Gange),  a  subi  le  même  développement  de 
sens  (jue  fanùlid. 

Ij'ane.  franc,  mai.miee,  mesniee,  maif/nie.  etc.,  avait, 
d'après  Godefroy,  les  significations  suivantes:  'ménage'; 
'maison  qui  abrite  un  ménage';  'famille';  'gens  dé  la  mai- 
son' ;  'serviteurs  domesti(}ues',  'suite  d'un  seigneur,  ses  hom- 
mes d'armes';  'compagnie  en  général',  'troupe';  'ménage', 
'train  de  maison';  'garçon',  'apprenti'  ^  L'anc.  prov.  niais- 
Hiida,  mas}iada,  mainadtt  signifiait,  suivant  les  dictionnaire.^ 
de  Raynouard  et  de  Levy:  'famille';  'gens  de  la  maison', 
'domestiques',  'serviteurs';  'enfants';  'compagnie';  'société'; 
'suite  d'un  seigneur';  'troupe  de  mercenaires';  'écpiipage 
ot  passagers  d'un  vaisseau'.  Le  cat.  ma  ij  h  ad  a  offre  les 
mêmes  acceptions:  'Gesinde',  'Gefolge',  'Heersçhar',  'Scliar'. 
'Kindervolk',  'Kinder'  (Vogel).  Dans  la  dernière  significa- 
tion, il  a  donné  naissance  au  dérivé  n/a//)ia(Icya  'Kinder- 
frau',  'Kinderwârterin'. 

L'ancien  français  ne  paraît  donc  pas  avoir  connu  le 
sens  de  'enfants',  (pii  est  apparu  en  ancien  provençal  et 
en  catalan.  En  étudiant  les  exemples  que  donne  Godefroy 
de  mcsnicc  'famille',  nous  trouvons  que  ce  terme  est  em- 
]>loyé.  dans  la  plupart  des  cas,  avec  le  sens  le  plus  général 
du  mot  famille  (cf.  lat.  fatmUa  af/natorniH).  En  voici  un 
exemple  bien  typique:  Il  ahamlonva  sa  frcs  helle  et  honnc 
femme,  sa  helle  maifinie  d'enfavs.  parens,  ami/'^.  Itrr/faif/es 
(Louis  XI,  Nour.,  XIX.  Jacob).     Parfois,  mesiuer  ne  sert  à 


])ar  el  puto  da  xinqo  avni.  et  à  la  page  9G,  par  ol  put.  il  me  paraît  hors  de 
doute  que  famey  veut  dire  ici  'jeune  gar(,'on'  et  non  'serviteur'.  —  Mais 
peut-être  le  sens  de  'serviteur'  a-t-il  précédé  celui  de  'gardon'  (cf.  §  136 
s.V  Ajoutons  que,  dans  le  dialecte  de  Subiaco,  famel'ii  signifie  'fils'. 
'  Les  exemples  cités  par  Godefroy  ne  semblent  pourtant  indiquer 
qu'un  emploi  collectif. 

9 


—  126  — 

désigner  que  le  cercle  extérieur,  pour  ainsi  dire,  de  la  fa- 
mille; il  se  rapproche  alors  du  sens  de  'gens  de  la  mai- 
son', 'domestiques': 

Deus  f/art  II  rois  et  sa  lignée, 
Famé  et  enfant:,  frères,  megnee. 
(J.  L.  Marchant,  Mir  de  N.B.,  ms.  Chartres  f  51^.)     • 

Dans  l'exemple  suivant,  il  paraît  s'opposer  aussi  à  la 
notion  'enfants':  Ke  front  dont  sa  mahnie,  ke  feront  soi  en- 
fanf?  (Poème  mor.  en  quat.,  ms.  Oxf.,  Canon  mise.  74, 
fo  60  v'').  Il  peut  donc  paraître  assez  naturel  que  l'anc. 
fr.  mesniee,  ayant  ces  acceptions,  n'ait  pris  ni  le  sens  col- 
lectif de  'enfants',  ni  le  sens  individuel  de  'enfant',  'gar- 
çon'. Aussi  est-ce  surtout  au  Midi  de  la  France  et  en 
Piémont  que  *mansionata  a  subi  ce  développement.  Quel- 
ques-uns des  patois  actuels  de  l'Ouest,  il  est  vrai,  en  pré- 
sentent un  analogue. 

126.  D'après  la  carte  461  de  V Atlas  linguistique, 
*mansionata  'enfant'  occupe,  dans  les  parlers  actuels  de 
la  France,  deux  aires  assez  étendues,  mais  coupées  d'en- 
claves, l'une  au  sud-est,  l'autre  au  sud-ouest.  La  première 
comprend  certaines  parties  des  Alpes  occidentales  et  de 
la  vallée  du  Rhône;  elle  s'étend  du  Rhône  et  du  Lac 
Léman  au  nord  jusqu'à  la  Méditerranée  au  sud  ^  La 
seconde  aire  comprend  la  partie  méridionale  du  départe- 
ment des  Hautes-Pyrénées  et  les  points  690,  694  du  dé- 
partement des  Basses-Pyrénées.  —  Les  cartes  622,  623, 
624  et  672  nous  apprennent  que  les  représentants  de 
*mansionata  s'emploient  aussi  avec  le  sens  de  'garçon'  ^  et 

^  Voici  des  détails  plus  précis:  dans  le  Valais,  les  points  977, 
978;  dans  la  vallée  d'Aoste,  les  points  975,  986,  987;  dans  la  Drôme, 
les  points  837,  838  ;  à  peu  près  tout  le  département  des  Hautes-Alpes, 
et,  sur  le  versant  oriental  des  Alpes,  les  points  982,  992;  enfin  le  point 
898  dans  le  département  des  Alpes-Maritimes. 

'^  Les  cartes  623  {mon  petit  garçon)  et  624  {les  garçons)  montrent 
à    peu    près    la    même    extension    du    mot    que    la  carte  451;  mais  la 


—  127  — 

de  'jeune  fils'.  —  Quand  un  mot  a  pris  le  sens  de  'garçon', 
on  peut  presque  toujours  s'attendre  à  trouver,  dans  le 
même  parler,  un  féminin  analogique  pour  désigner  une 
fille,  jeune  ou  petite.  Un  coup  d'oeil  sur  les  cartes  570 
et  1569  nous  montre  que  tel  est  le  cas  ici  pour  le  Béarn, 
la  Gascogne  et  la  Guyenne,  où  maynado  {maynadè)  et 
maynadeto  se  trouvent  dans  bien  des  localités  au  sens  de 
'petite  fille',  tandis  qu'au  sud-est  nous  ne  voyons  pas  un 
seul  exemple  féminin  de  notre  mot. 

127.  Les  glossaires  de  patois  confirment  en  général 
ces  résultats.  Ils  reflètent  cependant,  dans  la  plupart  des 
cas,  une  phase  plus  ancienne  de  la  langue  que  V Atlas 
linguistique.  Voilà  pourquoi  ils  montrent,  par-ci  par-là,  une 
extension  plus  vaste  de  l'emploi  personnel.  Rappelons 
pourtant  aussi  que  V Atlas  linguistique  est  «un  filet  à  larges 
mailles»,  et  qu'on  peut  trouver  dans  les  glossaires  des 
termes  d'un  emploi  plus  ou  moins  strictement  local,  qui 
lui  ont  échappé.  C'est  aussi  le  cas  ici,  surtout  pour  la 
Suisse  romande  et  la  Lorraine.  —  En  outre,  les  glossaires 
nous  renseigneront  sur  l'emploi  actuel  du  sens  collectif, 
d'où  est  sorti  le  sens  individuel. 

Pour  le  dialecte  des  Alpes,  Mistral  donne  les  formes 
meinaio,  meinau  (s.  f.)  avec  les  sens  collectifs  de  'famille', 
'gens  de  la  maison',  'troupe  d'enfants',  'les  enfants',  'mar- 
maille', et  les  sens  individuels  de  'enfant',  'petit  gar- 
çon', 'petite  fille',  'jeune  fille'.  Il  enregistre  deux  diminu- 
tifs: meinarouet  et  meinaioun  'petit  enfant',  'petit  garçon'. 
UAtlas  linguistique  nous  apprend  que  mainau  s'emploie  à 
Plan-du-Var,  dans  le  département  des  Alpes-Maritimes, 
comme  masculin  au  sens  de  'enfant'. 

M.  Edmont  a  reçu  à  la  question  enfant  la  réponse 
meyna  ou  mena  dans  tout  le  département  des  Hautes-Alpes, 


feuille  622  {garçon)  ne  donne  que  le  béarn.  mainad  au  point  690  et  le 
sav.  mna,  mena  aux  points  957.  958. 


—  128  — 

sauf  en  deux  points;  ce  mot  est  féminin  aux  points  866, 
869,  masculin  ailleurs.  Au  delà  de  la  frontière  italienne, 
les  points  982,  992  montrent  également  meina  (meyna)  'en- 
fant'. Cela  étant,  il  est  assez  étonnant  que  le  dictionnaire 
de  Cliabrand  et  Rochas  d'Aiglun  n'enregistre,  pour  le  pa- 
tois du  Queyras,  que  le  collectif  féminin  meyna  'les  enfantïs 
en  général',  'la  famille'  ^. 

D'après  le  Proveu.ïalisclies  Siipplementivôrterhuch  de  Levy, 
la  langue  populaire  des  Hautes-Alpes  a  connu  déjà  an 
XV®  siècle  le  sens  individuel  de  'enfant'.  On  y  trouve 
mainat^  traduit  par  'Kind';  à  l'appui,  Levy  cite  le  passage 
suivant  du  Mystère  de  Saint  Pons: 

Ellos  eron  en  pensoïncnt 
Quant  non  poyon  aver  meyna  ^. 

Mais  cet  exemple  n'est  pas  une  preuve  convaincante 
du  sens  individuel,  puisque  meyna  peut  avoir  ici  aussi  bien 
un  sens  collectif:   «Ils  ne  pouvaient  pas  avoir  d'enfants»  *. 

128.  Pour  le  Dauphiné,  Mistral  enregistre  les  formes 
mena,  meinau,  menan  (s.  m.)  'enfant',  'gars',  'garçon',  et  le 
diminutif  meinasson  ''petit  enfant',  'petit  garçon',  tiré  de 
l'augmentatif  meinassa  'gros  garçon',  'grosse  fille',  qui  s'em- 
ploie dans  les  Alpes.  liavanat  a  relevé,  dans  les  environs 
de    Grenoble,    le    collectif  masculin  meyna  'l'ensemble  des 


1  Dans  son  Supplément,  ce  dictionnaire  signale  comme  des  mots 
spécialement  usités  dans  le  Briançonnais,  manin  'petit  gar^'on';  manio 
'petite  fille'.  D'après  les  auteurs,  ces  mots  se  rattachent  à  meyna.  et 
peut-être  pourrait-on  admettre  une  telle  explication  pour  manio  (cf. 
bress.  magnat);  quant  à  manin,  il  me  semble  préférable  de  le  rattacher 
au  type  min-  (voir  §  325). 

'  Mainaton  'Kind'.  (qu'enregistre  aussi  Levy,  ne  se  trouve  dans 
aucun  manuscrit.  Comme  il  le  fait  remarquer  lui-même,  c'est  une  cor- 
rection qu'a  introduite  M.  Jeanroy  {Annales  du  Midi,  XIII.  437)  dans 
VInfanzia  Gesù  343  et  658,  au  lieu  de  lo  inatos  et  lo  jnatons. 

»  Voir  BLR.  XXXI,  p.  334. 

*  Cf.  les  significations  différentes  que  peut  avoir  l'expression  non 
haveva  heredex  (^  95), 


—  129  — 

jeunes  garçons  d'un  village',  'la  jeunesse  masculine';  les 
l)luriels  masculins  lou  meina  'les  garçons',  meinaii  'mes 
gaillards!'  'mes  garçons!';  et  le  singulier  mejjnâ  (sans  indica- 
tion de  genre)  'petit  enfant',  qui  peut  avoir  aussi  le  sens 
abstrait  de  'enfance'.  A  en  juger  d'après  la  carte  461  de 
['Atlas,  ces  expressions  sont  en  train  d'être  supplantées 
[)ar  enfant  dans  les  patois  dauphinois.  Tout  le  départe- 
ment de  l'Isère  ne  nous  montre  (pie  a/a,  efà,  etc.  (sauf  au 
[)oint  849.  où  l'on  trouve  marri)]  et  ce  n'est  que  dans  le 
nord  du  département  de  la  Drôme  (pie  meipia  (s.  m.,  au 
[)oint  838),  et  mena  (s.  f.,  au  point  837)  ont  subsisté. 

Il  en  est  de  même  des  environs  de  Lyon  :  V Atlas  lin- 
(fnistiqae  nous  montre  que  enfant  est  actuellement  le  mot 
le  plus  usité,  mais  les  dictionnaires  de  Puitspelu  et 
d'Onotrio  témoignent  que  maynat  (etc.)  y  a  été  en  usage  au 
sens  de  'enfant',  'garçon'  il  n'y  a  pas  longtemps;  et  sans 
doute  on  l'emploie  toujours  dans  bien  des  villages.  Ils 
l'ont  relevé  dans  le  Lyonnais  sous  les  formes:  maynat,  me- 
nât, maigna,  meigna,  méno\  dans  le  Forez:  niaina,  megnat, 
mena-,  dans  la  Bresse:  magnat;  et  dans  le  nord  du  Dauphiné: 
megnat,  meina.  Souvent  le  mot  s'emploie  au  pluriel  avec 
le  sens  de  'enfants'.  Dans  l'ancien  dialecte  du  Forez, 
maynat  était  un  collectif  qui  signifiait  'enfants',  'jeunesse', 
'jeunes  gens'.  Une  phase  encore  plus  ancienne  du  déve- 
loppement sémantique  de  ce  mot  est  représentée  par  méno 
à  Riverie,  dans  le  Lyonnais.  Les  maîtresses  de  maison 
de  ce  village  disent  souvent  noutros  ménos  pour  désigner 
tous  les  hommes  de  la  ferme,  jeunes  et  vieux. 

129.  Dans  le  nord  de  la  Savoie  (à  Evian-les-Bains, 
à  Meillerie,  au  Biot,  à  Taninges  et  à  Samoens)  menïà  (ou 
mnïà)  s'emploie  au  sens  de  'garçon',  'fils',  d'après  VAtlas 
linguistique  et  le  dictionnaire  de  Constantin  et  Désormaux. 
Ce  dernier  indique  aussi,  pour  Evian-les-Bains,  le  féminin 
menïotà    'jeune    fille',    fait    digne  d'attention,  puisque  c'est 


■     —iso- 
la   première    fois  que  nous  rencontrons,  dans  les  dialectes 
de    l'Est,  un  féminin  analogique  de  notre  mot.     En  allant 
vers     le     nord,     nous     en     trouverons     plusieurs     autres 
exemples  ^ 

Si  de  la  Savoie  nous  allons  vers  l'est,  nous  trouvons 
dans  le  Bas-Valais,  au  Val  d'Illiez  et  à  Vionnaz,  méno  'en- 
fant', 'fils'  (Fankhauser,  Gilliéron)  ^,  et,  dans  le  Valais,  à 
Châble  et  à  Nendaz,  niqina  et  meno,  avec  les  mêmes  ac- 
ceptions ^.  D'après  les  matériaux  du  Glossaire  des  patois 
de  la  Suisse  romande,  le  Valais  possède  aussi  d'autres  formes: 
mainô,  niainâ,  min-nô  'enfant',  'garçon',  et  le  diminutif  mèi- 
noiin  'petit  garçon'.  Aujourd'hui  encore,  on  emploie  parfois 
ces  mots  avec  leur  ancien  sens  collectif;  cf.  Bridel:  mai- 
fjnie  s.  f.  'tous  les  gens  de  la  famille  qui  demeurent  dans 
la  même  maison',  'toute  la  maisonnée'.  Le  neucliâtelois 
dit  ménya  (s.  f.)  pour  'bande  d'enfants';  et,  dans  le 
Jura  bernois,  min-nyid  signifie  'domestique',  'gens  de  la 
maison'  *. 

Plus  au  sud,  la  vallée  d'Aoste  fait  partie  aussi  du 
domaine  de  *mansionata.  U Atlas  linguistique  signale  meina 
aux  points  976,  987,  et  mina  au  point  986  avec  le  sens 
de  'enfant'  ^.  Plus  loin  vers  le  sud  nous  trouvons  majna 
'ragazzo',  à  Val  Soana  ^. 


^  Ce  qui  atteste  en  outre  l'existence  de  ces  formes  en  Savoie. 
c'est  que,  dans  le  patois  de  Blonay,  sur  la  l'ive  opposée  du  Lac  Lé- 
man, on  appelle  mena,  ménata  les  hommes  (ou,  plus  souvent,  les  petits 
garçons")  et  les  femmes  de  la  Savoie  qui  font  les  travaux  de  l'effeuillai- 
son  de  la  vigne.  «Les  femmes  du  pays  ne  suffisant  pas  pour  une  be- 
sogne qui  doit  être  expédiée  rapidement,  on  en  fait  venir  de  Savoie 
...  Ce  mot  est  très  rarement  employé  au  masc,  parce  que  les  hom- 
mes qui  se  prêtent  à  ce  travail  ou  qui  ont  le  temps  de  s'en  occuper 
sont  rares»  (Odin). 

'  M.  Meyer-Liibke,  Bom.  etym.   Wb.,  5313,  écrit  à  tort  mena. 

3  Voir  VAtl.  ling.,  461,  572. 

■*  Dans  le  patois  de  Montbéliard,  maignie  (s.  m.)  veut  dire  'servi- 
teur', 'domestique'. 

*  Au  point  987,  meina  a  aussi  le  sens  de  'jeune  fils'. 

«  Voir  Nigra,  dans  AGII,  III,  p.  35. 


—  131  — 

D'après  VAtla^s  linfjuistiquc  et  les  Matériaux,  les  patois 
de  la  Suisse  romande  ne  fournissent  pas  d'antres  exemples 
de  *mansionata  'enfant'  que  ceux  mentionnés  ci-dessus. 
Mais  le  dictionnaire  de  Bridel  enregistre  pour  le  fribour- 
geois  les  formes  mefinot,  minot,  mena,  minau  (s.  m.)  'petit 
garçon',  où  il  faut  voir,  à  mon  avis,  le  même  mot  que  le  bas- 
val,  méno,  aost.  mina,  sav.  menia,  etc.  ^;  et  mef/notta,  minotta 
'petite  fille',  qui  paraît  être  identique  au  sav.  menïota. 
Les  diminutifs  minolet  (menolet) — minoleta  'petit  garçon', 
'petite  fille'  sont  aussi  signalés  par  Bridel  comme  formes 
fribourgeoises,  mais  les  correspondants  du  Glossaire  les  ont 
relevés  dans  le  canton  de  Vaud  ^. 

130,  Dans  quek^ues  patois  de  la  Franclie-Comté.  nous 
trouvons  un  mot  pour  'jeune  fille',  qui  ressemble  beaucoup 
au  frib.  megnotta  et  au  sav.  meniota:  Plancher-les-Mines 
mignotte.  meugnotte  (Poulet),  Le  Puix  mvm/of  '  (Horning), 
Rougegoutte  munôt  (Atl.  ling..  570),  Ronchamp  munôt*'  (ihid.). 
Ces  quatre  localités  sont  situées  tout  près  les  unes  des 
autres;  Plancher-les-Mines  et  Ronchamp  dans  le  départe- 
ment de  la  Haute-Saône,  Le  Puix  et  Rougegoutte  dans 
le  territoire  de  Belfort.  La  situation  géographi(]ue  de  ces 
parlers  comtois  entre  la  Suisse  romande  et  la  Lorraine, 
qui  offrent  toutes  deux  des  exemples  jîositifs  de  ^mansio- 
nata  au  sens  de  'enfant',  etc.,  et  les  ressemblances  de  forme 
et  de  signification,  que  présente  ce  mot  avec  les  féminins 


^  Bridel  les  fait  venir  de  minor.  ce  qui  est  assez  invraisemblable. 
Cf.  tnouindro  {meindro)  'moindre',  'maigre',  'fluet'  (dim.  mouindrolet) 
<Z  minor. 

'  Pourrait-on  peut-être  rattacher  ces  dernières  formes  au  thème 
onomatopoétique  min-,  qui  entre  dans  beaucoup  de  dénominations  hy- 
pocoristiques  du  chat?  (Cf.  §  325.)  Dans  Bridel  on  trouve  par  exem- 
ple menet  (fem.  minetta),  menon,  minon. 

'  Sous  l'influence  d'une  labiale,  i  se  change  souvent  en  y  dans  les 
dialectes    de    l'Est.  (Voir  Horning,  Die  ostfranz.  Grenzdialekte.  §  77.) 

*  Terme  familier.     Le  mot  commun  est  fèy. 


—  132  — 

correspondants  fribourgeois  et  savoyards,  me  semblent  in- 
diquer qu'il  faut  y  voir  le  même  mot  \ 

Dans  le  patois  messin,  il  y  a  un  masculin  meignat 
'enfant',  'garçon'  ^  et  un  féminin  maiffneye  'jeune  fille' 
(Lorrain)  ^.  Ce  féminin,  ([ui,  dans  les  parlers  de  la  Bresse 
(Horning)  et  de  Saint- Amé  (Adam),  signifie  'servante',  semble 
être  le  même  mot  que  le  collectif  mmyeif ,  (j^ui,  suivant  M. 
Horning,  se  dit  à  Saint-Amé  pour  'domestiques',  'gens  de 
la  maison'  ^ 

131,  Comme  nous  l'avons  déjà  vu,  le  béarn.  et  gasc. 
niaynat  (mainad,  etc.)  a  une  extension  beaucoup  moins  con- 
sidérable (lue  les  formes  correspondantes  de  l'Est.  C'est 
un  autre  dérivé  de  mansio  :  * mansionaticum ,  qui  domine 
dans  lé  Sud-Ouest.  A  l'aide  du  dictionnaire  de  Moncaut  nous 
pouvons  cependant  un  peu  élargir  l'aire  de  maynat,  telle 
qu'elle  est  indiquée  par  V Atlas  linguisUfiiie,  en  ajoutant  aux 
départements  des  Hautes  et  Basses  Pyrénées  celui  du  Gers.  '' 


'  Je  ne  voudrais  pourtant  pas  nier  la  possibilité  d'identifier  ce 
niignotte,  mugnotte,  avec  mignote,  megnote,  correspondant  au  masc. 
mignot,  megnot,  qui,  dans  les  patois  du  Doubs,  de  la  Meuse,  et  ailleurs 
dans  FEst,  signifie  'mignon',  'câlin',  'enfant  gâté'  (cf.  l'expression  parZe;- 
mignot  'parler  comme  les  enfants,  d'une  manière  câline').  De  même 
<iue  mignon,  ce  mignot  se  rattache  probablement  à  l'onomatopée  mign- 
'chat'  (cf.  §  325). 

'•*  Suivant  Lorrain,  vieignat  s'emi^loie  aussi  comme  adjectif  au 
sens  de  'délicat',  'mignard'.  Cf.  mignat  'qui  aime  à  être  caressé'  (à 
Landremont);  mignot  'éveillé',  'turbulent'  (k  Saint-Amé).  S'il  faut 
attribuer  à  meignat  'enfant'  et  à  mignot  'mignon',  'câlin'  une  origine 
différente  (ce  qui  m'apparaît  comme  le  plus  vraisemblable)  on  pour- 
rait cependant  admettre  qu'il  semble  avoir  existé  ici  influence  ré- 
ciproque. 

"  Rolland:  mètièif'  'jeune  fille",  'jeune  femme';  Jaclot:  mègnèye 
'petite  fille'. 

*  Cf.  le  bernois  min-nyi?  avec  le  même  sens,  et  le  bas-latin 
maagneya  =--^  'familia',  'domus'  (Du  Cange). 

^  Le  dictionnaire  de  Durrieux  donne,  à  côté  de  maïnat,  la  forme 
maïne.  C'est  probablement  le  même  mot  que  mayno  (s.  f.)  'maison', 
'village'  (Moncaut),  ou  mayne  (s.  m.)  'demeure';  'ferme',  'domaine'  (Mon- 


—  133  — 

Le  féiîiinin  hko/iku/o  a  ([m'huiofois  le  sons  collectif  do  'en- 
fants', (jui  se  rattache  à  l'ancienne  signification  de  'famille', 
'maisonnée':  tattfo  hosfo  mahiado  'le  groupe  de  vos  enfants' 
^Duri'ienx).  Pour  l'cndre  cette  idée  collective,  le  gascon 
possède  cependant  un  antre  mot:  luaj/tiafiiirro;  et  mai/nado 
s'emploie  généralemonr  au  sens  individuel  de  'jeune  fille', 
'[)etite  fille'. 

De  nombreux  diminutifs  témoignent  de  la  vogue  du 
mot  :  nidjinadet — mat/nadcfo.  nirit/tiddot —  nia//nadoto,  mayna- 
dou  —  ntai/ttadottno  '2)etit  enfant',  'petit  garçon',  'petite  fille'. 
En  Béarn  se  trouvent  en  outre:  m<i(juadin  'petit  enfant', 
'petit  garçon';  maf/nadèle  'jeune  fille'  (à  Bayonne). 

132.  Les  dialectes  dti  Nord-Ouest  et  de  l'Ouest  nous 
fournissent  quelques  exemples  d'un  développement  ana- 
logue de  niesniee  {ni(i/f/)iee^  tuaf/nee):  norm.  mnigniers^.  ))iaiy- 
tiefs  (s.  m.  pi.)  'les  jeunes  enfants  de  la  famille';  bas-manc. 
mène,  mmdo  'enfants',  'marmaille';  Alençon  mcincr  ^  s.  m.) 
'petit  enfant';  poit.  manix'c    s.  f.)  'enfant  nouveait-né'. 

133,  On  a  vu  plus  haut  ([ue  le  franco-prov,  met/na, 
majna  'enfant'  se  trouve  dans  les  vallées  piémontaises,  à 
l'ouest  de  Turin,  et  dans  les  vallées  d'Aoste  et  de  Soana. 
Dans  tout  le  reste  du  Piémont,  le  même  mot  se  rencontre 
sous  la  forme  de  niasuà.  parfois  avec  tm  sens  collectif: 
'ragazzi'  (Dàl  Pozzo);  mais  le  plus  souvent  dans  le  sens 
individuel  de  'neonato',  'bambino',  'fanciullo',  'ragazzo',  oti 
de  'fanciulla',  'ragazza'.  On  y  trouve  plusieurs  diminutifs: 
tnasnamij  masuaiôt,  masnoi  'bambino',  'ragazzino';  masnûna, 
inasnaicta  'bambina',  'ragazzina'  ^. 

caut;  Lespy  et  Raymond),  (jui,  après  avoir  pris  le  sens  collectif  de 
maynado,  a  subi  le  même  dt'veloppement  sémantique  que  celui-ci. 

'  Il  '^aut  probablement  écrire  maignées,  maignée  pour  maigniers. 
ménier.  Ou  bien  aurions-nous  ici  affaire  à  des  descendants  de  l'anc. 
fr.   maisnier  'domestique',  'attaché  à  la  maison  ■:* 

*  Suivant  Pipino,  masnaitta.  .masnauiia  signifiaient  encore  au 
XVIII®    siècle  'bambino'.  "^bambinello'. 


—  134  — 

Masnà  s'emploie  aussi  dans  le  dialecte  monferrin  avec 
le  sens  de  'bambino'  ^ 

*]Slansionaticuin. 

134.  L'anc.  prov.  mainatf/e,  menatge,  du  lat.  pop. 
*mansionaticum  ^,  s'employait  souvent,  comme  l'anc.  franc. 
mesnage,  masnage,  etc.,  avec  le  même  sens  que  maynadd 
(et  mesnieé);  et,  comme  ce  dernier  mot,  il  en  était  aussi 
venu  à  signifier  'enfants'.  A  cet  emploi  collectif  a  succédé 
un  sens  individuel  ',  et,  actuellement,  maynadje  [mainatee. 
maynatse)  est,  d'après  la  carte  461  de  V Atlas  linguistique. 
le  mot  le  plus  usité  pour  'enfant'  dans  le  Sud-Ouest  de 
la  France  *.  Dans  un  territoire  sur  le  versant  septentrio- 
nal des  Pyrénées,  on  trouve  cependant  mainat,  qui  est 
probablement  le  plus  ancien  des  deux  ^.  Le  seul  mot, 
qui  dispute    avec    quelque    succès    le    terrain    à    maynadje. 


'  Le  génois  ne  connaît  que  l'emploi  collectif  du  mot;  masnà 
y  signifie  'famiglia',  'figliuolanza'.  On  trouve  les  mêmes  acceptions 
dans  l'anc.  gén.  masna,  masnda  (Fiechia)  et  dans  l'anc.  mil.  masnadha 
(voir  Salvioni  dans  Giorn.  stor.  délia  lett.  ital.,  VIII.  p.  421).  Cf.  en- 
core logoud.,  campid.  masonada  'famiglia'.  'numéro  di  figli',  'gerla  di 
ragazzi',  et  le  refrain  enfantin  de  Sicile  : 

Matta  la  mamma.  mattu  lu  tata. 
Matta  tutta  la  magasinata. 

Magasinata  doit  être  une  corruption  de  masunata  'familia'.  Le 
mot  actuellement  usité  est  casata.  (Voir  Avolio,  dans  AGII.  Xlll. 
p.  266). 

'  Cf.  Du  Gange  :  mansionaticum.  maisnagium.masnagium  =  'd  omu  s', 
'mansio';  masnagium  se  disait  aussi  «pro  Familia  quae  in  masnagio 
seu  domo  est.» 

'  M.  Tappolet.  Die  rom.  Vertvandtschaftsn..  p.  48.  suppose  que 
ménage,  mainadze.  etc.  au  sens  de  'enfant'  provient  de  ^mansionaticus 
au  sens  de  'domestique',  ce  qui  ne  me  paraît  pas  vraisemblable.  — 
Le  piém.  masnà.  qu'il  identifie  à  ménage,  vient,  comme  nous  liavons  vu, 
de  *mansionata. 

*  Cf.  Mistral,  à  l'art,  meinage. 

"  D'après  Lespy  et  Raymond,  maynadye  (maynatye)  s'emploie  en 
Béarn  aussi,  à  côté  de  magnat,  au  sens  de  'enfant',  'garçon'. 


—  136  — 

est  drôle  (drolo):  aux  sens  de  'garçon',  'fils'  il  l'emporte 
même  sur  ce  mot  ^  Par  contre  enfant,  le  mot  usuel 
(lu  français  commun,  n'apparaît  pas  en  un  seul  point 
au  sud-ouest  de  la  Garonne,  sur  la  carte  461.  —  L'aire 
de  maynadje  s'étend  jusque  dans  le  Poitou  et  le  Limousin. 
Le  point  le  plus  septentrional  où  nous  le  trouvions  sur 
la  carte  461,  est  609  (Vienne),  où  menâj  se  dit  pour  'en- 
fant', à  côté  de  drOl.  Lalanne  le  relève  aussi  en  Poitou: 
meinage,  moinage  'enfant';  meinagé  'enfant',  'fils'.  —'Dans 
le  patois  de  l'Aveyron  on  trouve  le  collectif  maynachaillo 
'les  petits  enfants  d'une  famille'  (Vayssier). 

Le  féminin  analogique  maynadjo  {mat/nadi/o,  meynady'e) 
signifie  'petite  fille',  de  même  que  maynado  et  maynadeto, 
mais  s'emploie  plus  rarement  que  ces  formes, 

La  présence  des  types  ^mansionata  et  *mansionaticum 
aux  extrémités  de  la  France:  dans  l'Ouest,  dans  le  Sud- 
Ouest,  et  en  des  régions  isolées  des  Alpes,  du  Jura  et 
des  Vosges,  nous  fait  croire  que  ces  vieux  mots  rustiques 
ont  eu  autrefois  une  extension  plus  grande,  et  que  peut- 
être  les  territoires  isolés  d'aujourd'hui  ont  formé  une  grande 
aire  cohérente,  avant  que  les  mots  du  français  commun 
{enfant,  garçon,  fille)  y  pénétrassent  en  supplantant  peu  à 
peu  les  expressions  patoises. 

135.  Outre  les  mots  que  nous  venons  d'étudier,  les 
langues  romanes  présentent  plusieurs  autres  exemples  d'un 
passage  du  sens  collectif  de  'enfants',  'marmaille'  au 
sens  individuel  de  'enfant',  'garçon'.  Rappelons  le  gén. 
/iggiiiamme  et  l'anc.  mil.  heredex,  dont  nous  avons  parlé 
plus  haut.  Nous  en  trouverons  beaucoup  d'autres:  garçaille, 
hardasciamme,  race,  quenaille,  barbesino.  —  Dans  la  plupart 
de    ces    cas    on   peut   constater   que  le  mot    collectif  s'est 

'  Voir  les  cartes   622,   572    de   VAtl.   ling.  —  De  la  carte  624  ii' 
ressort  que  maynadje  'garvon'  s'emploie  plus  souvent  au  pluriel  qu'au 
singulier. 


—  I8(i  — 

employé  aussi  au  pluriel:  fanùllas:  maif/Hers.  nuiMjnets  (= 
maignées)^]  maynadjes;  f/arraillrs:  (i/icnaUles:  racr.s  ^-^  et  c'est 
sans  doute  cet  emploi  (jui  a  amené  le  passage  an  sens 
individuel. 

Un  mot  collectif  est  l'éiiuivalent  d'un  pluriel;  aussi 
l'a-t-on  souvent  traité  comme  un  pluriel.  Dans  les  travaux 
des  écrivains  ecclésiasticpies  de  la  basse  latinité,  on  trouve 
parfois  des  constructions  telles  que  celles-ci:  omnis popultts 
usque  ad  nnum  diicnnt  cpLsropnm  ^•,  mnxima  tnrha  perrigi- 
lant*.  Puis,  on  peut  aller  encore  plus  loin  et  ajouter  au 
mot  collectif  une  désinence  de  pluriel.  C'est  ainsi  qu'on 
rencontre  souvent  cliez  Victor  Vitensis  popidl  au  sens  de 
'homines^  ^,  et  ({n'en  trouve  f(wiiU(iH^  nialf/nép-s^  maipiad,jes- 
au  sens  de  'enfants'  ®.  Mais  dès  ([u'on  se  mit  à  dire  cou- 
ramment iuaif/nées  pour  enfanta^  mie  maiynée  devint  naturelle- 
ment l'équivalent  de  nn  enfant^  et  cette  signification  put 
amener  à  son  tour  un  changement  de  genre  ''.  Ainsi  on 
trouve  un  ménier  (=  maiynre)  \  un  qucnalUe,  itn  (jarçaille, 
à  côté  de  une  maifpiée,   une  quenaille,   une  f/arraille  ^. 


1   Cf.  p.  133,  n.  1. 

-  Cf.  armaille  (<  animalia)  'bétail',  dans  la  Suisse  romande,  ([ui 
s'emploie  souvent  au  pluriel:  de  belles  armailles,  et  parfois  au  singulier 
dans  un  sens  individuel:  une  armaille  =  'i\ne  vache'  ou  'un  taureau'. 
(Voir  Tappolet,  dans  ASNS,  CXXXI,  p.  86.) 

'  Corpus  Scriptorum  Ecclesiasticorum  Latinorum.  XXXIX,  92,  22. 
—  Cf.  ibid.  79,  17:  populus  de  duc  et  episcopum. 

*  op.  cit.,  90,  16. 

^  op.  cit.,  VII,  1,  24;  2,  1,  18;  34,  si;  3,  53. 

®  Je  me  rappelle  un  curieux  exemple  de  ce  phénomène  dans  la 
langue  des  paysans  et  fermiers  d'une  contrée  de  Smâland  où  j'ai  passé 
({uelques  mois  d'été.  On  désignait  les  pensionnaires  de  l'hôtel  de  fa- 
mille (en  suédois:  pensionat)  voisin  par  le  mot  «pensionatera».  phu-iel 
dialectal  de  pensionat  ;  et  il  n'est  pas  impossible  qu'on  soit  allé  plus  loin 
et  appelle  maintenant  un  pensionnaire  particulier  «en  }>ensionat». 

''  Rappelons  ici  le  développement  du  lomb.  redes  '%  94  s.). 

*  Après  avoir-  écrit  ceci,  je  vois  que  M.  Sandfeld-Jensen,  dans 
Sprogvidenskaben,  p.  94,  a  expliqué  d'une  manière  analogue  la  trans- 
ition du  sens  collectif  au  sens  individuel  dans  des  mots  tels  que  Vrauen- 
zimmer,  Bursche,  camarade. 


—  137  — 

7.     Mots  désignant  la  condition  sociale. 
«Serviteur»,  «servante». 

130.  Dans  bien  des  langues  on  rencontre  ce  fait  ([u'une 
expression  signifiant  'jenne  homme'  ou  'jeune  fille'  prend 
le  sens  de  'serviteur'  ou  de  'servante'  ^;  et  les  langues 
romanes  nous  en  fournissent  aussi  do  nombreux  exemples  ^. 
—  Pour  expliquer  cette  transition  'jeune'  >  'domestique', 
il  suffit,  comme  le  fait  remarquer  M.  Jaberg  ',  de  se  rap- 
peler que,  très  souvent,  ce  sont  des  jeunes  gens  qui  sont 
employés  comme  serviteurs  *.  Le  môme  fait  nous  fournit 
aussi  l'explication  du  développement  contraire,  que  nous 
allons  étudier  dans  ce  qui  suit:  un  mot,  qui  signifie  'ser- 
viteur' ou  'servante',  prend  le  sens  de  'garçon'  ou  de  'jeune 
fille'  ^.  Puisque  le  serviteur  est  souvent  un  jeune  garçon, 
on  s'habitue  facilement  à  combiner  l'idée  'jeune'  avec  un 
mot.  qui  originairement  ne  signifiait  pas  autre  chose  que 
serviteur';  et,  dès  (pe  cette  idée  est  devenue  pour  beau- 
coup   de    personnes    l'élément    prépondérant   de  ce  groupe 

de  représentations,  le  changement  de  sens  est  accompli. 

• 

'  Cf.  grec  nais,  ^^^-  pi**'^!  'l"i  signifient  'jenne  gardon'  et  'esclave': 
allem.  Knecht  et  Magd  (M.  Jaberg.  ZRFh,  XXVII,  42,  n.  3.  donne 
l)lusienrs  antres  exemples,  tirés  de  Tallemand  et  de  l'anglais);  suéd. 
drùuff,  piga.  jungfriu  etc. 

'  Cf.  Vita,].  fante,  fantesca;  rhét.  fantsché,  fnntschello;  esip.  mozo: 
port,  moço,  rapaz,  rapariga;  anc.  prov.  hillot;  frany.  fille  (de  ferme. 
etc.);  prov.  mod.  gonjo\  ital.  giovane;  engad.  giuven;  anc.  fr.  joene 
'maître-garçon';  roura.  baiat ;  fecior ;  bergam.  bagai;  angev.  quenaille.  etc. 

^  oj).  cit.,  p.  43. 

*  «Tritt  in  dem  Vorstelhxngskomplexe,  der  in  diesem  Falle  die 
Vorstellnngen  jung  und  dienend  enthalt.  fiir  den  Horer  die  letztere  in 
den  Vordergrund  des  Bewusstseins,  indem  sie  ihm  als  die  wesentliche 
ei'scheint,  wàhrend  die  erstere  schwindet.  so  ist  die  Verschiebung  fiir 
ihn  vollzogen.  Damit  sie  usuell  werde.  mnss  in  zahlreichen  Verwen- 
dungen  dem  Horer  die  Vorstellung  'dienend'  als  die  wesentliche  er- 
scheinen».  —  M,  Jaberg  admet  aussi  TinHuence  d'autres  facteurs:  des 
I)ériphrases  euphémiques,  ou  des  conditions  sociales,  par  e.\.  Tautorité 
du  pater  fnmilius. 

'  Cf.  siiéd.  tàrna.  allem.  Dirne  'jeune  fille',  proprement  'servante'. 


-  138  — 

137.  Dans  le  Midi  de  la  France  et  dans  la  péninsule 
ibérique,  le  lat.  mancipium  (bas-lat.  mancipius  ^)  'esclave', 
a  pris  le  sens  de  'jeune  homme',  'garçon'.  —  En  ancien 
provençal,  mancip  {macip^  marcip)  présentait  encore  le  vieux 
sens  de  'serviteur',  'domestique',  'compagnon',  qui  s'est 
perdu  dans  la  langue  actuelle,  à  côté  du  sens  nouveau  de 
'jeune  homme',  'garçon'.  Il  se  disait  même  adjectivement 
pour  'jeune'.  On  en  avait  tiré  le  féminin  mancipa  (macipa), 
qui  signifiait  'jeune  fille'  ou  'prostituée  ^.  Ce  dernier  sens, 
qui  est  probablement  dérivé  de  l'acception  de  'servante'  ^, 
se  retrouve  en  espagnol  et  en  portugais.  L'anc.  béarn. 
macip  —  macipe  s'employait  avec  les  mêmes  significations: 
'serviteur',  'servante',  'garçon',  'fille'  *;  'concubine',  'prosti- 
tuée'. Voici  un  passage  des  Fors  de  Béarn,  qui  montre 
qu'on  pouvait  désigner  par  ces  mots  des  enfants  d'un  âge 
très  peu  avancé:  Massip  no  es  de  hetat  entroo  XIII  ans^  ni 
massipe  entroo  dotse  per  hener  fontz  de  terra,  «Grarçon  n'est 
pas  en  âge  avant  quatorze  ans,  et  jeune  fille  avant  douze, 
pour  vendre  fonds  de  terre»  (Lespy  et  Raymond).  —  A 
ce  qu'il  semble,  le  béarnais  actuel  ne  connaît  plus  le  mot. 


1  Voyez  Lex  saîica,  XXXIII  (Geffcken),  et  Du  Cange.  —  An 
point  de  vue  phonétique,  un  pluriel  *mancipi{i)  ferait  mieux  l'affaire 
(v.  Meyer-Liibke,  JRom.  etym.  Wh..  5284).  Peut-être  y  a-t-il  eu  ici  un 
développement  analogue  à  celui  de  l'anc.  mil.  heredex:  mancipi{i)  'les 
esclaves'  serait  devenu  alors  un  collectif  avec  le  même  sens,  d'où  plus 
tard  on  aurait  tiré  un  substantif  individuel:  mancii){i)  'esclave';  'garçon'. 

2  Cf.  Du  Cange:  meretricem  x)ubiicam  sive  Mancipam  {Statuta 
Massil.,  lib.  5,  cap.  13). 

'  Cf.  anglo-sax.  cefes  (cyfes)  'servante'  et  'concubine',  allem.  Kebse 
'concubine',  originairement  'esclave'  (cf.  anc.  nor.  kefsir,  Tcepsir  'esclave';. 
«Die  sclavin  war  dem  herrn  ihren  leib  schuldig,  wenn  er  es  forderte;  die 
beifrauen  vornelimer  wurden  aus  den  sclavinnen  genommen»  (Grimm). 

*  Il  vaut  la  peine  de  citer  à  ce  propos  un  renseignement  intéres- 
sant, qu'on  trouve  dans  le  Dictionnaire  béarnais  de  Lespy  et  Raymond, 
à  l'article  sterle:  «Dans  la  Coutume  de  Barège  (Hautes-Pyrénées)  .  .  . 
on  donnait  le  nom  di'esclau,  esclahe  (esclave)  au  puîné,  à  la  puînée 
(sterle)  qui  étaient  sortis  de  la  maison  pour  aller  travailler  ailleurs,  y 
demeurer  valet,  servante.» 


—  139  — 

mais,  en  Languedoc  et  en  Gascogne,  on  emploie  aujourd'hui 
encore  mancip — manclpo  (matiKip — mnssipo)  *  au  sens  de 
'jeune  homme',  'jeune  fille'.  Mistral  enregistre  le  diminutif 
mancipeto  (macipeto)  'fillette';  et,  au  point  790  (Ariège)  de 
la  feuille  461  de  Y  Atlas  linguistique,  on  trouve  le  diminutif 
masipu  'enfant'  ^. 

138.  L'esp.  manceho  présente  les  sens  de  'jeune  homme'  ; 
'l'amant  d'une  femme  galante',  et  'commis  de  magasin', 
'compagnon'  ^.  Le  port,  manceho  s'emploie  à  peu  près  de 
la  même  manière;  il  signifie:  'jeune  homme'  (et,  comme 
adjectif,  'jeune');  'galant';  'serviteur';  'matelot  peu  amariné'. 
L'espagnol  a  formé  les  diminutifs  maticebico,  rnancehillo,  man- 
cebito,  mancebillete^;  le  portugais:  mancebinho.  —  Le  fémi- 
nin manceba  a,  en  portugais,  les  trois  acceptions  de  'jeune 
fille'  (dim.  mancebinha),  'servante'  et  'concubine'.  En  espa- 
gnol le  premier  sens  était  en  usage  encore  au  XVI''  siècle, 
suivant  Franciosini  et  Oudin;  mais,  déjà  à  cette  époque, 
il  était  pris  le  plus  souvent  en  mauvaise  part;  et,  de  même 
que  le  franc,  (farce,  il  ne  peut  plus  se  dire  aujourd'hui 
d'une  honnête  fille. 

139.  En  provençal  moderne,  diago  ^,  qui  est  le  même 
mot  que  diague  'diacre'  (du  lat.  diaconus,  grec  ôiânovog 
'serviteur'),   a  pris  le  sens  de  'sous-gardien  d'un  troupeau* 

*  Moncaut  rattache  massip  à  mas  'maison  de  campagne'. 

*  Ajoutons  ici  que  l'anc.  prov.  galan  'goujat',  'garçon',  'valet', 
d'origine  incertaine  (cf.  Rom.  etym.  ~Wb.,  .8655),  s'est  conservé  dans  le 
lang.  galané,  terme  d'affection  que  les  nourrices  et  les  bonnes  d'enfant 
adressent  à  leurs  poupons  (D'Hombres  et  Charvet). 

*  Le  deuxième  sens,  qui  ne  figure  pas  dans  les  dictionnaires  de 
Franciosini  et  de  Oudin.  a  ('té  formé  sans  doute  sous  l'influence  du  fémi- 
nin manceba  'concubine',  'prostituée'.  Les  dernières  acceptions,  qui 
rappellent  le  sens  primitif  du  mot,  sont  peut-être  secondaires  aussi; 
du  moins,  les  dictionnaires  de  Franciosini  et  de  Oudin  ne  les  enregis- 
trent-ils pas, 

••  Le  dernier  ne  se  trouve  (lue  dans  Franciosini  et  Oudin. 
^  Azaïs:  diagou. 


—  140  — 

(Azaïs);  à  Béziers,  dans  l'Hérault,  on  appelle  ainsi  un  jeune 
garçon  (jui  aide  les  travailleurs  des  champs  (Mistral  i.  Le 
sens  de  'aide-berger'  est  probablement  le  plus  ancien  des 
deux  et  est  peut-être  dû  à  une  comparaison  avec  la  posi- 
tion d'un  diacre  par  rapport  au  prêtre.  De  ces  acceptions 
on  a  tiré  celle  de  'jeune  garçon'  en  général.  Cependant 
on  n'appelle  ainsi,  nous  apprend  Azaïs.  (jue  les  enfants 
des  paysans.  Ce  mot  peut  s'employer  au  féminin  aussi. 
A  Béziers,  on  désigne  par  diaf/o  'une  jeune  fille  de  la 
campagne';  ailleurs  il  signifie  'fillette'  (Mistral). 

140.  Le  prov.  diaf/o  =  'garçon',  'fille'  vient  à  l'appui 
de  l'hypothèse  de  M.  Salvioni  ^  que  f/er/cDi^  qui  à  Val  Mag- 
gia  s'emploie  comme  dénomination  d'enfant,  serait  le  pluriel 
d'un  *()af/an  'diacono'.  M.  Salvioni  rappelle  l'anc.  lomb. 
jsagano  'diacono';  cf.  aussi  saffo  'Schûler',  que  cite  Mussafia 
dans  son  Beitrafi  sur  Kimde  der  )iordif(ilieni.sr/ir)i  3Iiindarfen 
im  XV.  Jnhrhnndert,  p.  221. 

141.  La  transition  'berger'  >  'garçon'  '^  se  retrouve 
dans  le  patois  de  Velletri,  où  htfero  —  httera  (dans  les  parlers 
voisins:  vàttero — vnttera)  se  dit  pour  'fanciullo',  'fanciulla'. 
C'est  le  même  mot  que  l'italien  hiittero  ^  'guardiano  a  cavallo 
di  mandre  di  bufali,  di  tori',  etc.,  qui  vient  du  grec  ^orrjQ 
*  berger'  *. 

142.  Suivant  M.  Salvioni  °.  râtar  «"emploie  à  Val 
Maggia,    ivâtar    à    Ossola,    comme    dénomination   d'enfant. 


1  RendlL,  sér.  II,  XXX,  p.  1507. 

'  Cf.  suéd.  (liai,  ho'e  'g^arçon',  'jeune  paysan',  qui  est  identit^ue 
an  suéd.  herde,   anc.  nor.  hirctir  'berger'. 

'  Cf.  Crocioni,  //  dialetto  di  Velletri.  StR.  Y.  p.  4(5:  «B.  Spessô 
in  tJ  .  .  .;  talora  financlie  dilegua.»  —  Cf.  abr.  vuttere  'buttero',  vuttere 
de  miindagne  'zoccolone'. 

■*  Caix  3^  voyait  le  lat.  *2^uttnlus.  dim.  de  ^puttus.  M.  Sainéan 
(ZMPh,  Beih.  X,  p.  134)  voudrait  le  i-attacher  à  hottd  'crapaud'. 

"  02>-  cit.,  p.  1506. 


—  141  — 

Il  l'identifie  à  l'ital.  guattero,  aguattero  'garçon  de  cuisine', 
'marmiton',  (jui  vient,  comme  l'a  montré  M.  J.  Brûch  \  du 
langob.  wahtarl  'gardien',  puis  'serviteur'  (cf.  l'angl,  ivaiter, 
de  la  même  origine). 

148.  Dans  son  Orthographia  sarda,  Spano  a  rapproché 
déjà  le  logoud.  teràcii  'servo'  du  grec  êegàjicjv  'serviteur'. 
M.  Meyor-Liibke  a  adopté  cette  étymologie  ^,  en  faisant 
passer  le  mot  par  *therapicus  'Diener'.  Si  cela  est  exact,  ce  mot 
nous  fournit  encore  un  exemple  du  développement  séman- 
tique 'serviteur'  >  'jeune  garçon',  car,  en  ancien  sarde,  teracu 
s'employait  au  dernier  sens;  c'est  ce  qui  résulte  de  plusieurs 
passages  des  statuts  de  la  république  de  Sassari  ^.  En 
logoudorien  moderne,  terùcu  ne  signifie  plus  que  'servo'; 
mais  le  sens  de  'jeune  garçon'  est  vivant  dans  le  mot 
terach'ta  'gioventù'  (ou  'servitù'). 

144.  Les  deux  mots,  qui  servent  à  rendre  par  excel- 
lence, en  italien  et  en  français,  l'idée  de  'puer':  ragazzo 
et  garçon,  semblent  avoir  subi  le  même  développement 
sémantique  que  ceux  que  nous  venons  d'étudier.  Le  sens 
le  plus  anciennement  attesté  de  ragazzo,  en  italien  comme 
en  gallo-roman,  est  celui  de  'serviteur',  'valet  d'écurie'. 
Du  Cange  a  relevé,  dans  des  textes  bas-latins  de  Bergame 
et  de  Plaisance,  regatius  'servus',  'famulus';  dans  des 
documents  de  Plaisance,  de  Padoue,  etc.,  lagaUus-,  ragazus 
'servulus',  'calo',  et  le  diminutif  ragazimis,  ragaciniis  avec 
les  mêmes  acceptions.  Le  glossaire  latin-bergamasque  du 
XV*"   siècle    traduit    le    lat.    strigilifer   par   ol  rega.zo  *.      M. 

1  ZR1%  XXXV.  p.  636. 
»  Rom.  etym.    Wb.,  8702. 

^  Voir  A<il[,  XIII.  pp.  1 — 124,  et  T>e]ius^  Der  sardiniftclte  Dialekt 
iJex  XIII.  Jahrhnnderts.  pp.  11 — 24.  En  voici  quelques  exemples: 
(lieriirhu  qui  non  aiieret  XIII.  annos  (AGII,X.I11, -p.  H8);  theracco.s  <jiii 
lion  appan  XIII.  annos  {ihid..  p.  94);  tharachos  qui  non  aen  XIII. 
/innos  (ibid..  p.  98). 

*  Voir  Lorck,  op.  cit..  p.  113. 

10 


—  142  — 

Salvioni,  dans  ses  Annota zioni  lombarde  ^,  donne  plusieurs 
exemples  de  regaço,  reaçço,  reaçça  au  sens  de  'servo',  'servb 
da  stalla',  'serva';  et  Mussafia  [op.  cit.  p.  193)  enregistre 
regazo^  regarni  au  sens  de  'renner',  'stallknecht',  'knappe'.  — 
Les  écrivains  italiens  du  XIV®  au  XVI®  siècle  employaient 
également  ragazzo^  ragazzino  au  sens  de  'servo  adoperato 
a  vili  esercizii',  'garzone  di  stalla'.  Comme  terme  tech- 
nique dans  la  langue  militaire,  ragazzo  signifiait  'paggio'. 
'terzo  uomo  délia  Lancia  che  montava  il  ronzini'  (Petrôcchi). 

L'italien  ragazzo  pénétra  en  français  et  en  provençal. 
Chez  les  écrivains  français  du  XV^  et  du  XVI^  siècles, 
tels  que  Monstrelet  et  Pasquier,  on  trouve  r agace .^  ragache.^ 
ragage,  ragasse  au  sens  de  Valet',  'goujat'.  Ils  l'omployaient 
aussi  au  féminin  au  sens  de  'femme  de  rien'.  —  En  pro- 
vençal moderne,  le  mot  se  retrouve  avec  des  acceptions 
semblables.  Mistral  enregistre:  ragas,  ragach.,  regach  (lang.j, 
ragacho  (Rhône)  'goujat  d'armée',  'valet  de  meunier',  'gar- 
deur  de  dindons',  'aide-berger'^,  'petit  berger';  'valet  de 
ferme';  'homme  bourru',  'grognon';  ragasso  'servante  de 
ferme',  'dindonnière'  ^. 

Cela  étant,  on  ne  peut  guère  hésiter  à  considérer 
le  sens  de  'serviteur',  'valet',  'goujat'  comme  le  sens  pri- 
mitif, d'où  l'on  a  tiré  celui  de  'jeune  garçon'.  C'est 
aussi  l'avis  de  Mussafia,  qui  écrit  {loc.  cit.):  «Die  hier  an- 
gegebenen    Bedeutungen    'Knecht,    Knappe'    sind    die    ur- 


1  AGII,  XII,  p.  426. 

"^  La  carte  128  de  VAtl.  ling.  montre  au  point  735  (Aveyron')  ragas 
au  sens  de  'aide  de  berger'. 

*  Ajoutons  que  le  mot  se  retrouve  aussi  dans  les  langues  ger- 
maniques, avec  diverses  significations  dépréciatives,  qui  pourraient  être 
dérivées  de  celles  de  'valet',  'goujat':  suéd.  dial.  ragat,  ragàter  'vaga- 
bond', 'marchand  ambulant'  (cf.  ragatte-pack  'canaille');  suéd.  ragata 
'mégère'  (dans  les  dialectes  quelquefois:  'femme  de  mauvaise  vie'j; 
nor.  dial.  ragdt,  ràgater  'personne  folâtre';  angl.  dial.  raggard,  raggart, 
raggot  'vagabond',  'querelleur'  (voir  A.  Torp,  Nynorsk  etymologisk 
ordbok,  à  l'art,  ragât). 


—  143  — 

sprûnglichen;  dann  auch  'Knabe'  uberhaupt»  \  Mais,  en 
acceptant  cette  explication,  on  est  obligé  de  rejeter  les 
étymologies  «'appuyant  sur  l'hypothèse  que  'jeune  garçon' 
est  le  sens  primitif  du  mot  ^. 

145.  L'ital.  ragazzo  désigne  un  jeune  garçon  de  tout 
âge  jusqu'à  la  puberté  ^.  Comme  fanciuUa,  fandelle,  et 
beaucoup  d'autres,  ragazza  ne  sert  pas  à  désigner  une 
jeune  fille  du  même  âge  que  le  masculin,  mais  une  jeune 
fille  nubile  ou  une  femme  non  mariée  d'un  âge  quel- 
conque *.    Bagazzofto — ragazzoUa,  proprement  des  augmen- 


1  Cf.  aussi  Meyer-Liibke,  Boni,  etijm.   Wh...  7019. 

s  MUe  Alice  Sperber  iop.  cit.,  p.  148  ss.)  voit  dans  ragazza  Je 
même  mot  que  le  tosc.  ragazza,  sav.  ragaso  'pie',  qui  se  serait  dit  au 
figuré  pour  'jeune  fille;  le  masculin  serait  alors  une  formation  ana- 
logique. Cette  étymologie  est  ruinée  par  le  fait  que  le  masculin 
apparaît  bien  antérieurement  au  féminin,  et  qu'il  signifie  'serviteur', 
non  'garçon'.  Elle  présente  aussi  des  difficultés  phonétiques  (voir Meyer- 
Liibke.  loc,  cit.)  —  D'après  M.  Lorck  {op.  cit..,  p.  184),  ragazzo  repré- 
sente un  type  latin  *racatius,  dérivé  de  raca  (<c.  grec.  QàKi]  'haillon', 
loque'):  «*racatius  -a  ist  urspriiuglich  das  Kind,  dem  noch  eine  raca 
unterbreitet  Averden  muss  oder  das  in  racae  eingewickelt  wird.»  — 
Diez,  qui  voyait  très  justement  que  'serviteur'  est  le  sens  primitif  de 
ragazzo,  le  rattachait  aussi  à  raca  ou  raga.  en  proposant  cette  expli- 
cation: *  ragazzo,  einer  der  die  raga  tragt,  knecht.  nachher  auch  knabe» 
I  Etym.  Wh.  der  rom.  Sj^r.,  p.  392).  —  Canello,  qui  considérait  aussi 
servo'  comme  le  sens  ancien,  a  rapproché  ragazzo  du  verbe  haut- 
italien  ragar,  d'un  type  latin  "^radicare  'radere',  'tagliare'.  Ragazzo 
aurait  signifié  d'abord  'servo  tosato',  puis  'giovine'  (AGII,  III,  p.  3'28V 
Cette  dernière  étymologie  ne  me  paraît  pas  très  vraisemblable.  Le  suffixe 
-azzo  représente  probablement  -aceu  (cf.  Meyer-Liibke,  Gramm.  des 
langues  rom.,  II,  §  420),  suffixe  augmentatif  et  péjoratif  qui  ne  s'ajoute 
guère  à  des  thèmes  verbaux.  D'après  l'explication  de  Diez,  ragazzo 
signifierait  proprement  'mauvais  haillon',  ce  qui  peut  sembler  plus 
admissible  (cf.  §  235).  —  Il  y  a  cependant  aussi  à  considérer  Ve  dans 
le  vén.,  véron.,  crémon.,  anc.  bergam..  anc.  piac.  regazzo,  qui  est  peut- 
être  primitif,  bien  qu'il  puisse  aussi  s'expliquer,  comme  le  fait  remar- 
quer M.  Meyer-Liibke,  par  l'influence  analogique  du  préfixe  re-. 

*  Il  se  dit  d'un  homme  fait  dans  l'expression  è  un  buon  ragazzo; 
cf.  un  bon  garçon,  un  buon  figliuolo,  etc.  —  Ragazzo  ou  ragazzo  da 
bottega  se  dit  pour  'garçon  de  magasin'. 

*  Fanfani  dit  de  cette  différence  de  signification:   «Il  ragazzo  cessa 


—  144  — 

mentatifs,  prennent  quelquefois  le  même  sens  que  raga.zso  — 
ragazza  (Tommaseo).  Diminutifs:  ragaszino—ragazdna^  ra- 
gazsetto — ragazseUa,  ragazzettino — ragazzettina,  ragasznolo — 
ragazzuola. 

Magazzo — ragazza  se  retrouve  dans  la  plupart  des  dia- 
lectes avec  les  mêmes  sens  qu'en  toscan  et  en  italien 
commun:  cors,  ragazzu;  sic.  ragazzu^ — ragazza;  abr.  ra- 
hazze;  Velletri  reazzo;  Subiaco  reazzu  ^,  dim.  reazzittu:  émil. 
ragazz — ragazza^  dim.  ragazsen—ragazzena^  ragazzetf — ra- 
gazzetta^  ragazzol — ragazzola;  bresc.  ragàs]  com.  ragàz^: 
crémon.,  véron.,  vie,  vén  regazzo — regazza^  dim.  regazzeto. 
Le  triest.  regazo  signifie  'apprendista',  'garzoncello'. 

146.  Dans  les  patois  franco-provençaux  de  la  Savoie 
et  de  la  vallée  d'Aoste,  on  trouve  des  dérivés  du  môme  ra- 
dical, qui  ont  pris,  comme  les  formes  italiennes,  le  sens  de 
'jeune  garçon'.  Ragat^  rago  'petit  garçon',  'marmot';  est 
employé  dans  le  parler  de  Sainte-Foy.  Savoie.  Rache,  qui 
se  dit  aussi  à  Sainte-Foy,  se  rattache  au  même  radical: 
cf.  ragâche,  qui  s'emploie  à  Genève  dans  les  acceptions 
péjoratives  de  'taquin',  'tenace',  'avare'.  Il  ressort  des  cartes 
1708,  572  et  624  de  VAtlas  linguistique  que  rago  se  dit  à 
Courmayeur,  Aoste,  pour  'nourisson',  'jeune  fils'  et,  au  plu- 
riel, pour  'petits  garçons'.  De  rago  on  a  tiré  le  féminin 
raga  *  'fillette'  (voir  Atl  ïing.,  570). 

Nous  avons  vu  plus  haut  que  les  patois  actuels  de  la 


di  esser  taie  ai  17  anni;  la  ragazza  comincia  ad  esser  taie  a'  15  o  16 
anni,  e  dura  fin  che  non  piglia  niarito».  Suivant  Eigutini-BuUe,  la  ra- 
gazza est  la  jeune  fille  pubère,  Za/ancwZîa  la  jeune  fille  qui  n'est  pas 
encore  développée.  —  Précédé  par  un  pronom  possessif,  ragazza  se 
dit  souvent  pour  'amante'. 

^  Signifie  aussi  'jockey'. 

-   Signifie  aussi  'fiancé'. 

*  En  milanais,  ragàzz  ne  s'emploie  que  dépréciativement  avec 
le  sens  spécial  de  'bracco',  'birro'.  qui  a  probablement  été  tiré  dvi  sens 
ancien   de  'valet',  'coureiir'. 

♦  Cf.  p.  26,  n.  3. 

t 


—  145  — 

Provence,  de  la  vallée  du  Rhône  et  du  Languedoc  possèdent 
les  formes  ragas^  raf/ach,  regach,  ragacho,  mais  seulement 
avec  les  sens  primitifs  de  'valet',  'goujat'  et  avec  des  accep- 
tions <|[ui  se  rattachent  à  ceux-ci:  'berger',  'gardeur  do 
dindons',  'homme  bourru'.  Le  Languedoc  et  les  Cévennes 
présentent  quelques  diminutifs  en  -o-u,  -ouriy  qui  ont  des 
sens  semblables:  'petit  goujat',  'valet  de  cavalier',  'apprenti', 
'gardeur  de  dindons',  etc.  Mais  il  y  a  aussi  un  diminutif 
nigasset  qui  signifie  'petit  garçon';  et  le  collectif  ragassun 
veut  dire  'marmaille'.  En  vieux  lyonnais,  le  diminutif  ra- 
gachoii  se  disait  pour  'gamin',  'tout  jeune  homme'. 

147.  M.  Tappolet  se  demande  s'il  convient  de  ranger 
garçon  parmi  les  expressions  signifiant  'fils',  dont  le  sens 
premier  a  été  'serviteur'  ^  Il  me  semble  qu'il  ne  faut 
pas  hésiter  à  admettre  ce  développement,  si  l'on  tient 
compte  des  significations  du  mot  dans  les  plus  anciens 
exemples  connus. 

Dans  son  excellent  article  sur  l'étymologie  de  garçon., 
gars.,  garce  {Le  Moyen  Age.,  II,  p.  31 — 34),  M.  Vising  in- 
dique l'anc.  haut-allem.  gart.,  g^fijc  'verge',  'branche',  'bâton' 
comme  la  racine  de  ces  mots.  Mais  cette  étymologie,  si 
attrayante  qu'elle  puisse  sembler  ^,  s'appuie  sur  la  suppo- 
sition que  ces  mots  ont  signifié  primitivement  'enfant  mâle', 
'jeune  homme',  'jeune  fille';  et,  si  cet  appui  tombe,  elle 
tombe  aussi  ^.    M.  Vising  déclare  (pe  les  trois  significations 


'  Voir  Die  romanischen  Verwandti^chaftsnamen,  p.  43.  Il  place 
ilans  le  même  groupe  ménage,  dont  j'ai  traité  ci-dessus,  et  valet,  qxi'oii 
trouvera  dans  le  groupe  suivant. 

*  Cf.  les  cas  analogues  étudiés  au  §  295  ss. 

'  Il  va  sans  dire  qu'il  faut  en  ce  cas  rejeter  également  les  autres 
étymologies  qui  reposent  sur  la  même  supposition:  germ.  ''wartja  (anc. 
haut-allem.  warza)  (Korting);  lat.  carduiis  (Diez);  germ.  Garsindis, 
nom  propre  dont  garce  serait  une  forme  hypocoristique  (  Suchier.  dans 
ZMPh,  XVIII.  p.  281).  —  Quant  à  l'étymologie  que  M.  E.  Trana  vient 
d'émettre  dans  Svensk  humanistisk  tidskrift,  1919,  p.  28  s.,  et  d'après 
laquelle    le    franc,    garçon   et  l'ital.  garzone  seraient  l'anc.  nor.  garit- 


—  146  — 

de  garçon  {gars):  'enfant  mâle';  'valet';  'goujat',  «ont  né- 
cessairement dû  avoir  cet  ordre  chronologique  et  généalo- 
gique, et  le  n°  1  être  antérieur  aux  n''^  2  et  3».  Pour 
prouver  cela,  il  attire  l'attention  sur  la  fréquence  du  dé- 
veloppement sémantique  'enfant' >'valet',  et  il  ajoute:  «Un 
développement  en  sens  inverse  serait  tout  à  fait  extraor- 
dinaire et  presque  sans  analogie.»  Or,  nous  venons  de 
constater  que  ce  dernier  développement  'valet'  >  'enfant' 
n'est  point  si  extraordinaire  ;  que,  au  contraire,  les  langues 
romanes  nous  en  fournissent  de  nombreux  exemples,  ce  qui 
enlève  à  cette  argumentation  toute  force  probante.  —  Nous 
allons  maintenant  étudier  les  exemples  cités  par  Du  Cange, 
Godefroy  et  Littré,  et  nous  verrons  que  partout  'valet'  est 
le  sens  premièrement  attesté,  tandis  que  l'acception  'enfant 
mâle'  n'apparaît  que  plus  tard. 

Dans  les  plus  anciens  textes  bas-latins  où  l'on  trouve 
garda,  ce  mot  a  le  sens  de  'valet  d'armée'  (voir  Du  Cange)  ; 
et  garçon  s'emploie  de  la  même  manière  dès  la  première 
fois  qu'il  apparaît  dans  un  texte  français:  Ne  n'i  adeisf 
esquiers  ne  garçun  (Chanson  de  Boland,  2437).  Il  ressort 
des  exemples  cités  par  Littré  que,  pendant  tout  le  moyen 
âge,  gars,  garçon  ^  s'employaient  au  sens  de  'valet'  ou  de 
'goujat',  'misérable'  ^.     Godefroy  ne  donne,  dans  son  Com- 


sveinn,  importé  par  les  normands,  elle  paraît  très  acceptable  au  point 
de  vue  de  la  sémantique,  bien  qu'  elle  présente  des  difficultés  phoné- 
tiques. Du  reste  M.  Trana  fait  remarquer  lui-même  que  garitsveinn 
n"est  attesté  qu'au  XIIP  siècle,  tandis  que  garçon  apparaît  dès  le 
XI®   siècle. 

*  Faut-il  considérer  garçon  (=  bas-lat.  garcionem)  comme  le  cas 
régime  de  gars  (=  bas-lat.  garcio)  V  Ou  garçon  est-il  dérivé  du  même 
radical  que  gars  au  moyen  du  suffixe  -on?  La  première  théorie  est 
celle  de  la  plupart  des  romanistes.  La  dernière  opinion,  qu'on  trouve 
déjà  exprimée  par  Ménage,  est  émise  par  M.  Vising  {op.  cit..  p.  33)- 
Même  si  garçon  est  originairement  le  cas  régime  de  ^ars,  cela  n'em- 
pêche pas  que  -on  puisse  avoir  été  parfois  considéré  comme  un  suffixe 
diminutif  (cf.  poupon,  mignon,  etc.),  et  avoir  contribué  à  l'emploi  du 
mot  dans  le  sens  de  'petit  garçon'. 

'  J'admets,    avec    M.  Vising,   que    la    signification   de    'valet'    est 


—  147  — 

plcmenf.  que  quatre  exemples  de  (/arçon  avec  racceptiou 
'enfant  mâle',  'jeune  homme',  dont  le  plus  vieux  est  tiré 
du  roman  cVÉnéas  (XIP  siècle). 

148.  Comme  on  pouvait  s'y  attendre,  les  diminutifs 
de  fiarron  présentent  beaucoup  plus  souvent  le  sens  de 
'enfant  mâle'  que  le  mot  simple  \  Dans  les  Quatre.s 
livres  des  rois,  garçoncel  peut  s'interpréter  des  deux  ma- 
nières, et  le  sens  de  'petit  garçon'  se  retrouve  sou- 
vent dans  des  textes  d'une  date  plus  récente.  Garçon- 
net signifie,  dans  la  geste  de  Boon^  'valet';  dans  Gi- 
rart  de  Vienne  et  d'autres,  'petit  garçon'.  Garçonneau 
'jeune  garçon'  se  trouve  dans  deux  exemples  du  XVI® 
siècle  que  cite  Godefro}-.  Dans  deu.x  autres  textes,  datant 
du  XV^  siècle,  Mer  des  hystoires,  éd.  1488,  et  Vigiles  du 
roi  Charles  VII,  par  Martial  d'Auvergne  (éd.  1493),  où. 
d'après  Godefroy,  garçonneau  est  employé  avec  le  même 
sens,  il  semble  en  réalité  être  un  terme  péjoratif,  syno- 
nyme de  'truandeau'  '. 

149.  Le  féminin  garce  n'apparaît  qu'au  XIII*^  siècle; 
la  première  fois  dans  Berte  aux  grands  pieds^  par  Adenet, 
avec  le  sens  de  'jeune  fille'.  11  est  évidemment  tiré  du 
masculin  gars  'jeune  homme'.  A  l'instar  de  file,  gouge, 
meschine^  et  d'autres,  garce  s'est  employé  comme  euphé- 
misme de  décence,  et,  tout  en  perdant  sa  signification 
honnête,  est  devenu  synonyme  de  'prostituée'.    A  en  juger 

antérieure  à  celle  de  'goujat,'.  M.  Vising  fait  remarquer  que  «nous 
rencontrons  garçon,  garz  d'abord  avec  une  signification  très  hon- 
nête (Roland,  2437,  Quatre  livres  des  rois,  I,  XX),  et,  seulement 
bien  des  années  plus  tard,  comme  terme  injurieux.»  C'est  un  phéno- 
mène assez  fréquent  que  des  mots  désignant  des  gens  de  service  su- 
bissent un  développement  péjoratif,  et  le  mot  goujat  lui-même  en  est 
un  exemple. 

1  Cf.  prov.  mod.  ragas  'valet',  ragasset  'petit  garçon'. 

*  Il  s'employait  aussi  comme  adjectif  aii  sens  de  'vil',  comme 
le  montre  un  passage  de  Raoul  de  Cambrai,  cité  par  Godefroy. 


—  148  — 

par  les  exemples  donnés  par  Godefroy,  ce  développement 
sémantique  était,  accompli  dès  le  XVI*'  siècle  ^  Nous  ver- 
rons que  le  sens  primitif  s'est  maintenu  dans  certains  patois. 
Les  diminutifs  garcette  et  garcelette  'jeune  fille',  se  rencon- 
trent dans  les  poésies  du  moyen  âge  et  de  la  Renaissance. 

150.  L'anc.  prov.  gartz,  garson  avait  les  mêmes  signi- 
fications que  les  formes  correspondantes  en  français.  La 
plupart  des  exemples  qu'on  trouve  dans  Raynouard  et  dans 
Levy,  montrent  les  sens  de  'valet';  'goujat',  'misérable'. 
L'acception  'enfant  mâle'  est  plus  rare;  Levy  en  cite  des 
exemples  tirés  de  La  Vida  de  Sant  Honorât  (XIII®  siècle). 
Raynouard  donne  un  exemple  du  diminutif  garsi  'petit  gar- 
çon'. Le  pluriel  garsons  pouvait  quelquefois  prendre  le  sens 
général  de  'enfants',  de  même  que  le  lat.  pueri.  C'est  ce 
que  montre  l'expression  garsoos  mascles  'enfants  mâles',  qui 
se  trouve  dans  un  vieux  texte  béarnais,  Baron  héarnais  (voir 
Lespy  et  Raymond,  à  l'art,  garsou). 

A  côté  du  féminin  garsa  'fille',  'jeune  fille',  l'ancien 
provençal  possédait  aussi  garsona,  tiré  de  garson. 

151.  Dans  le  français  commun  d'aujourdliui,  garçon 
a  les  significations  suivantes:  'enfant  mâle',  'jeune  homme'; 
'personne  du  sexe  masculin  non  marié'  ;  'jeune  ouvrier 
travaillant  pour  le  compte  de  son  maître';  'employé  sub- 
alterne' ^.  he  seul  diminutif  employé  est  garçonnet.  La 
forme  gars  ne  se  dit  que  rarement  et  appartient,  suivant 
Littré,  à  la  langue  familière.  Dans  les  dialectes,  par  contre, 
il  est  toujours  bien  vivant. 

^  Dans  ses  Épithètes  (1571)  La  Porte  dit  du.  mot  garse:  «•Je  sçay 
que  ce  mot  en  d'aucuns  pays  simplement  signifie  une  fille,  mais  l'usage 
commun  de  nostre  langue  françoise  me  luy  a  fait  donner  quasi  tous 
ces  épithètes  en  mauvaise  part». 

-  Je  n'ose  me  prononcer  sur  la  question  de  savoir  si  les  dernières 
acceptions  proviennent  directement  du  sons  ancien  de  'valet',  ou  si 
elles  sont  le  résultat  du  développement  si  fréquent  'jeune  homme' 
>  'domestique.'. 


—  149  — 

lies  cartes  622.  623  et  624  de  V Atlas  litif/uistique  nous 
montrent  l'extension  de  (f arçon,  gars  dans  les  patois  actuels 
de  la  France.  Nous  y  voyons  qu'on  se  sert  de  ces  mots 
poui-  rendre  l'idée  de  'enfant  mâle'  sur  tout  le  domaine 
gallo-roman,  excepté  le  Sud-Ouest  \  où  le  béarnais  '  seul 
a  f/arsou  ((/arsomi),  et  quelques  territoires  peu  étendus  au 
nord  et  à  l'est  ^. 

La  forme  plus  courte,  f/ars  *,  s'emploie  dans  le  Centre 
et  l'Ouest  sur  un  vaste  domaine  continu,  embrassant  la 
Bretagne,  le  Maine  ^,  l'Anjou,  la  Vendée,  l'Orléanais,  le  Berry 
et  le  Bourbonnais  ^  Dans  le  sud  de  la  Normandie,  dans 
le  Perche   et   ailleurs   aux  extrémités  de  ce  domaine,  r/ars 

*  Pour  rendre  la  même  idée,  on  emploie  ici  drôle,  koee,  goujat, 
maynat,  maynadje.  Là,  on  drôle  se  trouve  à  côté  de  garx,  par  exemple 
en  Berry.  Je  premier  désigne  un  petit  garçon,  le  second  un  adolescent. 

-  Plus  précisément:  les  Basses-Pyrénées  et  certaines  parties  des 
Hautes-Pyrénées  et  du  Gers. 

*  Le  mot  le  plus  usité  en  Picardie  est  fyu;  en  Wallonie  on  dit 
gamin,  crapaud  ou  valet;  au  sud  de  la  Lorraine  et  dans  la  Suisse  ro- 
mande: hub,  bweh;  dans  la  partie   occidentale  du  canton  de  Vaud:  valet. 

*  On  prononce  généralement  ga,  en  Bretagne  gar.  —  Le  patois 
do  Dol  dit  vwn  hars  pour  mon  garx  (Lecomte);  au  point  338  (Mayenne  > 
de  la  carte  572  {mon  fils)  on  trouve   mo  hû  à  côté  de  mô  gît. 

*  Dans  ces  patois  on  dit  aussi  un  vieux  gars  pour  'un  vieux 
garçon'. 

*  Comment  s'expliquer  cette  répartition  de  gars  et  de  garçon? 
M.  Spitzer  {ZBPh,  XXXVI,  p.  236,  note  1)  se  demande:  «Sollte  das 
im  Siiden  produktive  Suffix  -oun  (vielleicht  auch  das  in  mehreren 
Punkten  fiir  garçon  eintretende  mignoun)  daselbst  Verallgemeinerung 
von  garsoun  herbeigefiihrt  haben';*  Warum  erscheint  aber  ^rtrfo//  auch 
lUngs  der  nordfrz.  GrenzeVi  ajoute-t-il.  Comme  je  l'ai  dit  plus  haut, 
il  est  en  effet  très  possible  que  -on  ait  été  regardé  comme  un  suffixe 
diminutif,  et  qne  cela  ait  contribué  à  la  vogue  de  garçon.  —  Quant 
à  minu,  il  ne  se  dit  pour  'garçon'  que  dans  le  département  des  Pyré- 
nées-Orientales, c.-à-d.  dans  le  domaine  du  catalan.  On  le  retrouve 
iiussi  dans  les  dictionnaires  catalans  sous  la  forme  de  minyô.  Il  n'est 
guère  probable  que  ce  mot  catalan  ait  pu  exercer  une  influence  ana- 
logique sur  les  patois  méridionaux  de  la  France.  —  Mais  pourquoi  gars 
s'eat-il  maintenu  dans  le  Centre  et  dans  l'Ouest'?  Je  ne  me  l'explique 
pas  complètement  et  me  contenterai  d'appeller  l'attention  sur  un  fait 
«jui  peut  y  avoir  contribué.  En  certains  parlers,  garçon  est  réservé 
pour  désigner  un   serviteur,   et   alors   c'est  gars  ([ui  représente  seul 


—  160  — 

et  yarçon  s'emploient  concurremment  ^  Suivant  Mistral  gars 
se  trouve  encore  à  Agde,  dans  l'Hérault;  mais  V Atlas  lin- 
f/uistique  n'indique  que  la  forme  f/arsu  à  cet  endroit.  Le 
même  développement,  que  nous  venons  de  constater  dans 
l'anc.  béarn.  garsoos,  se  retrouve  dans  le  pluriel  gâs  = 
'enfants'  du  parler  d'Alençon.  En  Bretagne  et  dans  le 
Maine  petit  gars  se  dit  souvent  pour  'enfant'. 

Dans  les  patois  lorrains,  les  diminutifs,  gachenot^  ga- 
chenatj  gachenet  sont  très  usités;  quelquefois  ils  ont  pris 
le  même  sens  que  le  mot  simple  et  l'ont  remplacée  De 
même  on  trouve  en .  Bourgogne  gasnaiv.  gasnœ  pour  garçon. 
Ces  diminutifs  s'emploient  même  par-ci  par-là  au  sens  gé- 
néral de  'enfant'.  C'est  le  cas  de  geenœ  au  point  16  (Côte 
d'Or),  et  de  ptgo  gaeno  au  point  121  fHaute-Marne).  — 
D'autres  diminutifs  sont  garclionnal,  qu'on  trouve  dans  la 
Flandre  française  et  en  Picardie  ^,  garçoîmiau,  dans  le 
Centre,  et  garçounot.  dans  le  Languedoc.  Garçonnet  est 
du  français  commun  (cf.  plus  haut)  et  se  rencontre  dans 
toutes  les  parties  de  la  France.  Le  Centré  connaît  deux 
diminutifs  de  gars:  gasin,  gasou. 

•   152.     L'Ouest    de    la    France,    qui    nous    fournit  bien 
des    exemples    de    formations    collectives    au   sens  indivi- 


la  notion  'garçon'.  Tel  est  le  cas,  d'après  Marte] lière.  du  vendômois, 
et  probablement  d'autres  dialectes  aixasi.  —  Dans  le  Bas-Maine,  gars 
lui-même  a  évidemment  conservé  le  sens  de  'serviteur';  il  désigne  ici, 
outre  les  enfants,  «tous  les  hommes  (jui  ne  sont  pas  chefs  d'exploita- 
tion ou  patrons»  (Dottin). 

^  Dans  ces  cas,  gars,  qui  est  sans  doute  le  plus  ancien  des  deux, 
se  prend  souvent  en  mauvaise  part.  Les  glossaires  ont  relevé  cet 
emploi  péjoratif  en  Normandie  et  en  Poitou,  M.  Spitzer  {loc.  cit.)  croit 
que  gars  a  hérité  de  la  signification  dépréciative  qui  caractérisait  l'anc. 
franc. ^ar.S'  et  garçon,  parce  qu'il  a  été  employé  comme  vocatif  (cf. 
fam.  copain  à  côté  de  compagnon).    . 

-  Voir  par  exemple  les  points  58  et  28  de  la  carte  622  de  VAtl.  ling. 

'  Au  sens  diminutif  ce  mot  joint  parfois  un  sens  péjoratif,  M. 
Edmont,  dans  son  Lexique  Sc^int-Polois,  le  définit  par  'garçonnet',  'ga- 
min', 'vaurien',  'polisson'. 


—  151   — 

duol  \  a  tiré  de  r/ars  le  dérivé  <iarçaille,  qui  présente  les 
mêmes  phases  de  développement  sémantique  que  maignée. 
La  garçaille  =?  'les  jeunes  enfants'  se  trouve,  dans  le  Mor- 
bihan (Bretagne)  (aux  points  475,  485  de  la  carte  461  de 
V Atlas  linguistique)  et  dans  le  Vendômois.  Les  garçaiïles  = 
'les  (petits)  garçons'  s'emploie  dans  la  Bretagne  (aux  points 
462,  463,  483,  484,  d'après  la  carte  624  de  V Atlas)  ;  dans  le 
Bas-Maine,  M.  Dottin  l'a  relevé  au  sens  de  'bande  de 
petits  enfants,  garçons  on  filles.'.  La  garçaille^  avec  un 
sens  individuel,  se  trouve  au  point  463-  (lUe-et-Vilaine, 
Bretagne),  où  il  signifie  'petite  fille'.  Il  se  dit  pour  'en- 
fant' en  Bretagne  (aux  points  470,  483,  484,  494),  dans  le 
Bas-Maine,  et  à  Armaillé  en  Anjou.  En  Bretagne  aussi, 
mais  plus  à  l'est  (aux  points  450,  451,  461,  463),  garçaille  — 
'enfant',  est  des  deux  genres;  tel  est  aussi  le  cas  pour 
Rennes,  Pléchatel  et  Châtillon-sur-Colmont  en  Mayenne. 
Enfin  nous  trouvons  le  garçaille^  avec  la  même  signification, 
au  point  465  dans  le  Morbihan.  —  Ajoutons  que,  dans  le 
Bas-Maine,  garçaille  peut  aussi  s'employer  comme  adjectif, 
et  signifier  'jeune  de  caractère'. 

153.  Dans  les  patois  du  Nord  et  de  l'Ouest,  j'ai  trouvé 
(|uelques  déformations  hypocoristiques.  De  garchon,  le  picard 
et  le  rouchi  ont  tiré  chonchon  'petit  garçon'  ;  de  même  qu'on 
dit  Chonchon  pour  Fanchon  (<  Françoise).  Le  redoublement 
d'une  syllabe,  si  caractéristique  des  formations  enfantines, 
se  trouve  aussi  dans  l'angevin  gogars,  gogas,  dodas  ^  'petit 
garçon'. 

154.  Comme  je  l'ai  fait  remarquer  plus  haut,  le  fé- 
minin garce  {gâs,  gâe)  s'emploie  encore  aujourd'hui  dans 
certains  patois  avec  sa  vieille  signification  honnête.    Assez 

*  Cf.  maignée,  quennille,  race. 

'  En  commençaut  à  parler,  les  enfants  remplacent  souvent  g  par 
d,  k  par  t.     Cf.  §  876. 


—  152  — 

souvent,  des  diminutifs  ont  remplacé  le  simple  au  sens  de 
'jeune  fille',  surtout  aux  endroits,  où  garce  est  pris  en 
mauvaise  part.  Je  trouve  //â,s'  ou  <fâe  =  'jeune  fille'  dans 
les  départements  de  la  Meuse  et  de  Meurthe-et-Moselle. 
Dans  la  Haute-Marne,  les  Vosges,  la  Haute-Saône,  la  Côte- 
d'Or,  le  Doubs  et  l'évêché  de  Bâle,  on  emploie  les  formes 
gaeot,  gaenot,  gaeœt^  geeot^  gasœt,  gaeel  pour  rendre  la  même 
idée  ^.  Dans  le  Bourbonnais  (dép.  de  l'Allier),  on  dit 
gage.  Dans  le  Centre,  garce  a  le  plus  souvent  un  sens  in- 
jurieux, comme  nous  l'apprend  déjà  le  comte  Jaubert. 
Suivant  M.  Dottin,  garce  se  prenait  encore  en  bonne  part 
il  y  a  quelques  années  dans  le  nord-ouest  du  département 
de  la  Mayenne.  A  Ernée  et  à  Landivy,  dans  le  même 
département,  le  diminutif  garcette  a  pris  la  fonction  de 
'jeune  fille';  il  en  est  de  même  à  Avoines  et  dans  les  ar- 
rondissements d'Argentan  et  de  Mortagne  dans  l'Orne  (Du 
Méril).  Ailleurs  en  Normandie,  garce  est  pris  généralement 
en  mauvaise  part,  quand  il  est  employé  seul  ;  mais,  précédé 
d'une  épithète,  il  garde  son  ancienne  signification:  une 
jeune  garce,  une  jolie  garce  (Moisy).  Dans  l'île  d'Aurigny. 
garce  est  encore  aujourd'hui  le  mot  le  plus  usité  pour  dé- 
signer une  jeune  fille;  mais  à  Jersey  et  dans  le  départe- 
ment des  Côtes-du-Nord,  il  est  vieilli  dans  cette  acception. 
Au  Midi,  garço  est  généralement  un  terme  libre,  mais  dans 
quelques  contrées  du  Languedoc  on  l'emploie,  en  langage 
familier,  au  sens  de  'jeune  fille'.  —  En  limousin  et  en 
sàintongeois,  le  dérivé  garçouno  (garçoune)  désigne  également 
une  jeune  personne;  dans  ce  dernier  patois,  il  semble  pour- 
tant avoir  une  nuance  péjorative  -. 

A  côté  des  diminutifs  qui  sont  devenus  synonj^mes  do 
'jeune  fille',  il  y  en  a  d'autres  qui  ont  conservé  le  sens 
de  'fillette'.     Voici  les  exemples  que  j'en  ai  trouvés:  iness. 


*  Cf.  l'eniploi  de  gachenot  etc.  pour  garçon  dans  les  mêmes  contrées. 
'  Cf.  Jônain:  *ine  boune  garçoune  est  une  fille  très  éveillée». 


—  153  — 

ifichote:  champ.  {Cl&iryRUX)  (/ncheHott(\  «fa ichenotte'^;  Hermès 
( Hante-Marne j  (fiieœt  ';  Pierrecourt  i  Hante-Saône)  gasawt; 
Bonrnois  (Donbs)  geenot  ^  ;  Centre  «jagesse.  Garcette,  qui, 
aux  confins  de  la  Normandie  et  du  Maine,  signifie  'jeune 
tille'  (voir  plus  haut),  se  dit  au  sens  propre  dans  le  reste 
<le  ces  deux  provinces,  en  Bretagne  ^  et  en  Anjou.  —  A 
Allanche  (Comtal)  une  fillette  s'appelle  f/arsîinela,  d'après 
la  carte  570  de  VAflas  Un<iimHqne. 

155.  Garçoii  se  retrouve  en  italien,  sous  la  forme  de 
jiarzoyie.  et,  dans  les  idiomes  de  la  péninsule  ibérique,  sous 
les  formes  de  (jarsô  (cat.),  garzoti  (esp.),  of/rrào  (port.).  M. 
Vising,  oj).  cit.,  p.  32,  trouve  (jue  ces  mots  ont  l'air  d'être 
empruntés  aux  langues  de  la  Gaule.  Je  me  range  à  son 
avis  quant  aux  trois  derniers;  mais  je  me  demande  s'il  a 
raison  pour  le  mot  italien.  On  le  trouve  au  sens  de  'valet' 
(lès  le  XHF  siècle.  Cela  et  l'existence  du  mot  dans  beau- 
coup de  dialectes  (surtout  les  formes  de  Subiaco  et  des 
Abruzzes,  voir  plus  bas)  me  font  croire  (ju'on  a  affaire  ici 
H  un  mot  indigène  ",  qui,  comme  le  mot  français,  et,  en 
certains  cas,  peut-être  sous  une  influence  française  (ou 
provençale),  a  passé  du  sens  de  'serviteur'  à  celui  de  'jeune 
homme',  'enfant  mâle'.  B  vaut  la  peine  d'observer  aussi 
<jue  le  mot  italien  ne  présente  pas  le  sens  péjoratif,  qui 
caractérisait  si  fortement  l'anc.  fr.  garçon,  et  qui  se  retrouve 
en  espagnol  et  en  portugais.  —  Dans  la  vieille  littérature 
italienne,  garzonc  s'employait  au  sens  de  'jeune  homme'. 
Tommaseo  le  relève  dans  ce  sons  dès  le  XI V  siècle  **. 
Aujourd'hui    il    s'emploie,    en  style   académiqiie,   pour  'ra- 


'  Cf.,  dans  le  même  patois,  gachotte,  gaichotte  'tille'  ou  'fillette'. 
'  Cf.,  dans  le  même  parler,  gucel  'fille'. 
'  Cf.  Montbéliard  gaichotte  'jeune  fille'. 

••  Coulabin    a    relevé    cet    emploi    dans    le   parler   de    Rennes. 
"  En    certains    dialectes,    il    parait    cependant    être    emprunté  au 
français  (ou  provençal);  voir  plus  bas, 

"  Au  sens  de  'célibataire'  il  se  rencontre  dès  le  XVII*  siècle. 


—  154  — 

gazzo'  (diminutifs:  (jarzoncello — garzoncella,  garzoncmo— 
f/arzoncina,  garzonetto — garzonetta)  (Petrôcchi).  Mais  en  ita- 
lien commun,  comme  en  .  toscan  et  dans  la  plupart  des 
dialectes,  il  a  conservé  son  sens  ancien  et  sert  à  désigner 
le  plus  souvent  un  valet  de  ferme,  un  compagnon,  un 
commis  ^,  etc.  Le  féminin  garzona  a  le  sens  correspon- 
dant de  'fille  de  ferme',  et  la  littérature  ne  paraît  pas 
offrir  d'exemples  sûrs  du  sens  de  'jeune  fille'.  A  en  croire 
Petrôcchi,  Pietro  Bembo  (1470 — 1647)  l'aurait  employé  dans 
ses  lettres  avec  cette  signification,  mais  Tommaseo  nous 
apprend  qu'il  signifie  ici  aussi  'servante',  'fille  de  ferme', 
acception  qu'il  a  encore  relevée  dans  l'édition  de  la  Bible, 
imprimée  à  Venise  en  1471. 

Les  rares  exemples  que  présentent  les  dialectes  de 
garzone — garzona  aux  sens  de  'enfant',  'garçon',  'fille',  sem- 
blent s'expliquer  en  général  par  une  influence  française 
ou  provençale. 

Ainsi  faut-il  regarder  sans  doute  le  bordighotte  garsu 
'enfant'  comme  un  emprunt  fait  au  provençal;  et  le  plu- 
riel i  gartsuni,  qui,  d'après  la  carte  727  de  V Atlas  linguis- 
tique (Corse),  se  dit  à  Bonifacio  pour  'les  garçons',  tandis 
que  le  reste  de  l'île  emploie  le  mot  dzitelh\  témoigne  pro- 
bablement aussi  de  relations  avec  la  France.  Dans  la 
rédaction  vénitienne  du  Tristan  (vers  l'an  1300),  garçon  se 
lit  souvent  avec  le  sens  de  'fanciuUo';  on  est  porté  à  y 
voir  un  des  gallicismes  dont  pullule  ce  texte  ^.  On  trouve 
cependant  dans  l'ancien  vénitien  aussi  les  dérivés  garzonàto 
'giovanetto  soro  e  di  poca  esperienza'  ^,  et  garzona  'ragazza'; 
cela  semble  indiquer  que  garzon  'ragazzo'  a  peut-être  été 
réellement   en   usage   dans   ce  dialecte  *.   —  En  génois,  où 

^  J'ai  trouvé  cet  emploi  dans  toute  la  Haute-Italie,  en  napolitain, 
en  calabrais  et  en  sicilien. 

2  Cf.  Sm,  IV,  p.  72. 

^  Aujourd'hui  on  dirait  ragazzbto;  voir  Boerio,  Appendice. 

*  Dans  le  patois  istrien  de  Grallesano.  on  trouve  le  diminutif 
gar'zunsiélo  'garzoncello'  (Ive). 


—  155  — 

garsim  {(/arson)  désigne  un  valet  de  ferme  ^,  le  féminin  f/ar- 
aonna  se  dit  pour  'fanciulla',  'ragazza',  et  le  dérivé  gar- 
fiunamme  {garsonamme)  *  a  les  significations  augmentatives 
et  péjoratives  de  'giovane  grande  di  corpo,  ma  di  poca 
età',  et  de  'giôvano  soro  et  di  poca  esperienza'. 

Dans  le  patois  de  Subiaco,  M.  A.  Ijindstrôm  a  relevé 
les  formes  warzone^  warzittu,  ivarsittu  '  qu'il  définit  par 
'garzone'.  Il  a  probablement  employé  'garzone'  au  sens 
de  'enfant  mâle';  car,  dans  le  Vocaholario  delV  usa  ahruz- 
sese  par  Finamore,  on  trouve  le  mot  correspondant  var'zHto 
(à  Ortucchio:  varzljje)  avec  le  sens  de  'bambino',  'ragazzo'. 
—  Les  formes  warzittu^  varzcfto^  varz)jje  semblent  être  tirées 
d'un  thème  corespondant  au  français  gars. 

Le  frioul.  garzon — garzone^  qui  signifie  'ragazzo'.  'ra- 
gazza',  ou  'fattorino',  'apprendista',  'fantesca',  est  sans 
doute  un  emprunt  fait  au  vénitien.  Dans  les  autres  par- 
1ers  rhétiques,  je  n'ai  trouvé  que  l'engad.  //mrsMW,  qui  sert 
exclusivement  à  désigner  un  apprenti. 

156.  L'espagnol  garzon  'junger  Bursclie'  (Tolhausen  < 
est  aussi  un  terme  militaire,  qui  signifie  'adjudant  major 
•dans  la  garde  royale'.  Le  dictionnaire  de  Salvâ  ne  donne 
que  cette  dernière  acception.  Le  mot  se  trouve  dans  Fran- 
ciosini:  garçon  'garzonotto',  'giouanotto  da  moglie';  et  dans 
Oudin:  garçon  'garçon',  'jeune  homme  à  marier,  et  qui 
cherche  femme',  'fripon',  'droUe'.  Ces  dernières  significa- 
tions péjoratives,  qui  ont  disparu  aujourd'hui,  témoignent 
d'une  origine  française,  comme  je  l'ai  fait  déjà  remarquer  *. 
Que  le  mot  ait  été  employé  très  souvent  avec  cette  accep- 

^  Suivant  Olivier!,  il  peut  cependant  signifier  aussi  'giovane  senza 
moglie'. 

'  Cf.  figgiiiamme,  %  93.  et  bardasciamme,  %  208. 

•  Pour  le  passage  de  ff  à,  w,  voir  StR,  V,  p.  2.54. 

*  Echegaray,  dans  son  Diccionario  gênerai  etimolôgico  de  îa  lengtia 
espatiola,  considère  aussi  garzon  comme  un  emprunt  fait  au  français 
ou  au  provençal. 


—  156  — 

tion.  c'est  ce  qui  ressort  des  dérivés  suivants,  vieillis  à 
présent:  f/arçoma  'vie  de  garçon',  'débauche';  (/arronear 
'faire  la  débauche'   (cf.  l'anc.  franc,  garçonner). 

L'anc.  port,  (jarçom  était  aussi  péjoratif.  Diez,  qui  l'a 
relevé  dans  le  Codex  Alfons.  \  le  traduit  par  'lotterbube'. 
En  portugais  moderne,  on  trouve  non  seulement  le  mascu- 
lin: garçao  'garçon',  'jeune  homme'  (Coelho),  mais  aussi  le 
féminin:  garçoa  'jeune  fille'  (Michaelis).  qui  manque  à 
l'espagnol. 

Le  catalan  ne  semble  connaître  que  le  masculin  garsô 
*garçon',  'jeune  homme'  (Vogèl). 

157.  Dans  l'argot  espagnol,  la  germania,  un  garçon 
s'appelle  garda,  une  fille  garda,  un  petit  garçon  gardillo. 
Echegaray  voit  dans  ces  mots  des  dérivés  du  français 
j/ars.  Il  serait  peut-être  moins  invraisemblable  de  les  tirer 
de  l'anc.  prov.  gartz  (Raynouard:  (/fl/f).  Suivant  M.  Sainéan  ^, 
c'est  la  Provence  qui  a  été  «le  facteur  intermédiaire  entre 
les  divers  argots  romans.»  —  Il  y  a  dans  le  génois  un 
mot  gardettu  'petit  garçon'.  Faut -il  y  voir  un  diminutif 
de  l'esp.  garda,   porté  à  Gênes  par  des  marins  espagnols? 

158.  'Servante'  est  la  plus  ancienne  signification  at- 
testée pour  ha.sse,  bagesse,  haisselle.  basseUe,  basselatte^  ba- 
rheloUe,  etc.  Dans  les  patois  de  l'Est  de  la  France,  depuis 
la  Wallonie  jusqu'au  Jura,  et  dans  ceux  de  Neuchâtel  et 
du  Jura  bernois,  ces  mots  se  disent  très  fréquemment  j)0ur 
\jeune  fille'  oa  'fillette'. 

L'étymologie  de  ces  mots  est  incertaine.  G.  Paris, 
dans  la  Bomania,  XXIII,  p.  325,  n.  1,  les  faisait  provenir 
d'un  type  *bacassa;  Kôrting,  Lateinisch-romanisches  Wôr- 
terbtich,  1131,  propose  *bagassa.  Ce  type  est  représenté 
en  ancien  français  par  baiasse.  haiesse,  baasse,  baes.se.  baisse. 


'  Voir  Etym.    Wôrterb.  der  roui.  Spr..  p.  157. 
-  L'argot  ancie)),  pp.  140,  142. 


—  167  — 

basse,  heesse,  etc..  'servante',  'femme  de  chambre',  significa- 
tion qui  se  retrouve  encore  aujourd'hui  dans  le  norm.  basse 
(Guernesey  baisse).  Le  mot  correspondant  en  ancien  pro- 
vençal, bagasa,  signifiait  'femme  de  mauvaise  vie'  ^,  ainsi 
(jue  le  prov.  mod.  baf/asso.  De  ce  bagasa  le  français  a 
emprunté  basasse ,  (|ui  se  trouve  chez  Brantôme  et  encore 
chez  Molière,  mais  qui  est  vieilli  aujourd'hui.  De  la  même 
origine  proviennent  l'ital.  bagascia  ^,  piém.,  lomb.  baf/assa, 
esp.  baf/asa,  port.  ba(/axa,  qui  signifient  tous  'prostituée'. 
Ije  prov.  mod.  bagasso  s'applique  aussi  comme  injure  à  un 
homme,  avec  le  sens  de  'mazette',  'mauvais  homme':  on 
en  a  tiré  le  diminutif  bagassonn,  qui,  par  un  emploi  «ca- 
cophémique»  ^,  se  dit  pour  'petit  garçon'.  On  rencontre 
des  formations  analogues  dans  certains  dialectes  italiens 
limitrophes  du  provençal:  gén.  bagaso  'ragazzo'  *  (cf.  gén. 
bagdsn  'scaltro',  monf.  bagassà  'giovane  astuto  e  dato  ai 
cattivi  costumi'),  et  piém.  bagassëta  'donzellina'  (ou  'frittelle 
di  pasta'). 

159.  Le  mot  simple  se  trouve  aujourd'hui  avec  l'ac- 
ception de  'petite  fille'  '^  dans  le  département  des  Vosges 
et  dans  les  parlers  français  de  l'Alsace  sous  les  formes 
de  bèyès  et  bivcyh.  Suivant  M.  Horning,  on  dit  bas  à 
Aubure  et  à  la  Poutroye  (Alsace);  mais  V Atlas  linguistique 
donne  bèyhs  pour  ce  dernier  endroit.  Adam  enregistre 
béeusse  pour  Pexonne  (Meurthe-et-Moselle)  :  M.  Horning  beges 
pour  Belfort. 


'  Pour  le  développement  sémanti(iue.  cf.  nutncipu.  —  Cf.  aussi 
Jaberg,  ZMFh,  XXVII,  p.  44. 

-  M.  Meyer-Liibke,  Hom.  etym.  Wb..  8G1,  expli<iue  -se-  par  Tin- 
tluence  analogique  de  barddscta. 

'  Voir  plus  bas.  au  §  191. 

*  Voir  Salvioui.  EDU,  IV,  p.  194. 

^  Au  point  76  (^Vosgesj.  M.  Edmont  a  relevé  aussi  le  st>ns  de 
jeune  fille'. 

11 


—  158  — 

160.  Les  diminutifs  qu'on  a  tirés  de  ce  thème  sont 
très  nombreux,  et,  chose  curieuse,  ils  présentent  en  géné- 
ral le  sens  de  'jeune  fille',  tandis  que  le  simple  signifie 
'fillette'. 

L'anc,  fr.  haissele^  basele^  hasciele  ^  désignait,  à  l'instar 
de  haiasse,  baisse^  etc.,  une  servante,  mais  quelques-uns  des 
exemples  d'une  date  plus  récente,  qu'on  trouve  dans  Gode- 
froy,  ont  le  sens  de  'jeune  fille'.  L'acception  de  'servante' 
s'est  maintenue  en  Picardie  (bacelle,  Corblet),  dans  le  sud 
du  Luxembourg  (baeèl,  AU.  ling.)^  et  dans  le  nord  du  dé- 
partement de  Meurthe-et-Moselle  {basèl^  AU.  Uïkj.).  En 
Gascogne,  bachelo  ^  signifie  'servante'  et  'jeune  fille'. 

Au  sens  de  'jeune  fille'  on  trouve  basseUe  dans  le  nord 
de  la  Wallonie  (Liège,  Malmédy);  bauchelle  à  Charleroy  et  à 
Namur;  bweeel  plus  au  sud,  à  Gedinnes;  bivêsal  à  St.  Hubert; 
bwesel  à  Bastogne;  bweeal  à  Haybes,  dans  les  Ardennes. 
Tarbé  donne  pour  les  Ardennes  bwaicheUe  'fillette'.  —  Dans 
les  environs  de  Metz,  jusqu'à  Courcelles,  Pange,  Falken- 
berg  à  l'est,  et  dans  le  département  de  Meurthe-et-Moselle, 
nous  trouvons  basseUe  et  baisseUe  'jeune  fille'. 

Dans  des  poésies  du  moyen  âge  et  de  la  Renaissance 
on  rencontre  souvent  les  sous-diminutifs  baisselete,  bacheletc 
(employé  encore  par  La  Fontaine)  'jeune  servante',  'jeune 
fille',  et  bachelote  'jeune  fille'.  BacheleUe  se  dit  aujourd'hui 
pour  désigner  une  jeune  fille  en  Picardie,  dans  la  Flandre 


^  Hasciele,  bachelette  s'expliquent  peut-être  par  lïnfluence  de  ba- 
chelier, bachelière  (§  170);  cf.  le  JMct.  gén.,  à  Tart.  bachelette.  Quant  à 
bachelette,  cette  hypothèse  est  fortifiée  par  le  fait  que,  dans  le  seul 
exemple  que  Godefroy  en  cite,  ce  mot  est  réuni  à  bachelier: 

«Mais  que  ce  jeune  bachelier 
Laissast  ces  jeunes  bacheletes. 
Non!» 

(Villon,  Grand  testament,  665). 
-  Cette  forme  semble  présupposer  un  anc.  prov.  bachela.    Mistral 
cite  aussi  comme  des  formes  «romanes»:  bachela,  bacela,  baicela;  mais 
on  ne  les  trouve  pas  dans  les  dictionnaires   de   Eaymond   et  de  Levj-. 


—  169  — 

française  et  dans  le  Hainant;  hraixelette  ^  dans  les  Ardennes 
id'ajn'ès  Tarbé).  Le  patois  messin  a  les  formes  bacelote, 
hacelatte  'petite  fille',  hraichelatte  'jeune  fille'.  Comme  for- 
mes lorraines  Adam  cite  en  outre  haicelatte^  haisseloUe 
'jeune  fille',  et  V Atlas  linguistique  montre  à  trois  points  dans 
le  département  des  Vosges  bâslot  au  sens  de  'fillette'. 

A  côté  des  sous-diminutifs  en  -elotte^  -elaite,  les  patois 
lorrains  possèdent  aussi  des  dérivés  en  -otte,  -ntte:  hassotte^ 
hèssotte  ^,  bassatte  'fillette'  et,  si  nous  allons  plus  au  sud, 
nous  trouvons  que  ces  suffixes  y  sont  très  souvent  em- 
ployés. •  A  Jung  Mûnsterol  (en  Alsace,  près  de  la  frontière 
du  territoire  Belfort)  une  jeune  fille  s'appelle  be,'^çt  (Roming)  ; 
à  Joncherey  (Belfort):  bâeot  {Atl.  ling.).  La  carte  570  de 
V Atlas  linguistique  montre  que  ces  dérivés  s'emploient  beau- 
coup dans  le  Jura  bernois.  Au  point  74  nous  trouvons 
haeôt^  bâcnot^  'fille',  au  point  73:  bceot*,  bêenot  'fille', 
'fillette',  et,  avec  les  mêmes  significations,  au  point  72 
bàeot^  bàenot,  au  point  71  béeat^  bèenat,  au  point  64  bèsât, 
bèenât.  Le  neuchâtelois  semble  préférer  les  diminutifs  en 
-Hte;  au  point  63  nous  trouvons  bâsct,  et  M.  Meyer-Liibko 
(op.  cit.,  861)  cite  bàsét  comme  forme  neuchâteloise.  Les 
matériaux  du  G-lossaire  des  patois  de  la  Suisse  romande 
montrent  que  les  formes  bésèta,  bésta^  bèchaf  sont  en  usage 
dans  le  Jura  bernois  et  dans  le  canton  de  Neuchâtel,  dans 
les  parties  limitrophes  du  canton  de  Vaud  et,  sporadique- 
ment, dans  le  canton  de  Fribourg.  —  Suivant  Bridel  on 
trouve  dans  le  Jura,  à  côté  des  féminins  baichotta,  baichetta 
'petite    fille',    le  masculin   baicJiot    'petit  garçon'.     C'est  le 


^  Probablement  Vr  est-il  dû  à  quelque  influence  analogique. 

-  Suivant  Roquefort,  l'ancien  fran(,'ais  a  possédé  aussi  la  forme 
Ite.sotte  (ou  bosote,  bozette,  bozonette),  et  même  le  masc.  besot  {bozet, 
hosot,  bozon)  'jeune  enfant'.  On  cherche  cependant  en  vain  ces  mots 
dans  Godefroy  et  dans  La  Curne.  Les  formes  avec  o  (si  elles  sont 
exactes)  ne  proviennent  probablement  pas  du  même  radical. 

*  Cf.  lorr.  gaeot.  gaenot.  §  154. 

*  Ou  fêy. 


—  160  — 

seul  masculin  analogique  tiré  de  ce  thème  que  je  con- 
naisse ^.  —  Dans  les  parties  voisines  du  département  du 
Doubs,  on  rencontre  des  dérivés  semblables:  à  Montbé- 
liard  haissotte  'jeune  fille',  diminutif  haissontotte  (Conte- 
jean  ajoute  que  ce  mot  est  «seulement  usité  à  la  Mon- 
tagne»). A  Damprichard  hésot^  et  aux  Fourgs  haiss'tot 
ont  le  même  sens. 

Les  patois  de  la  Suisse  romande  présentent  encore  un 
dérivé  en  -ola.  Bridel  enregistre  comme  formes  fribour- 
geoises  hessaula^  hechaula^  hressaula  ^  'petite  fille'.  D'après 
les  Matériaux^  hdSCi°Ha  s'est  dit  autrefois  dans  le  canton 
de  Vaud,  mais  ne  vit  aujourd'hui  que  dans  celui  de  Fri- 
bourg.  Dans  la  Gruyère  il  se  prononce  hrdcliCda  ^.  Le  sens 
le  plus  commun  est  celui  de  'jeune  fille  nubile'.  On  en 
a  tiré  un  diminutif:  hdsoleta  'très  jeune  fille". 

161.  On  pourrait  ranger  aussi  dans  ce  groupe  le 
poitev.  oiivray,  ouvré  (Lalanne),  ouvraié  (Favre,  Filleau). 
dont  le  sens  primitif  est  celui  de  'ouvrier',  et  qui  a  pris 
ensuite  le  sens  de  'jeune  homme'.  On  en  a  tiré  un  fé- 
minin ouvrère^  qui,  suivant  Lalanne  et  Favre,  sert  à  dé- 
signer une  jeune  fille;  suivant  Filleau,  une  petite  fille  '. 
—  L'angev.  ovérier  peut  avoir,  outre  le  sens  primitif  de 
'ouvrier',  celui  de  'individu',  'gaillard',  'particulier'.  Le 
prov.  mod.  ouhric,  ouvré  (Rhône),  oubrèi  (bord.)  a  subi  une 
généralisation  semblable:  un  bon  ouhrié \\n  bon  garnement'; 
quint  oubrié!   'quel    compère!'  (Mistral).     Il   ne  serait  donc 

^  Cf.  Tappolet.  op.  cit.,  p.  48:  *Baisselh  ist  die  einzige  Neii- 
schopfung  weiblichen  Geschlechts.  fur  die  es  kein  mannliches  Pendant 
gleichen  Stammes  giebt». 

-  LV  doit  provenir,  ici  encore,  d'une  sorte  de  contamination.  M. 
Gauchat  m'apprend  que  les  matériaux  du  Glossaire  fournissent  des 
exemples  nombreux  de  ce  phénomène.  Il  propose  pour  ce  cas  spécial 
l'explication  que  voici:  «Es  gibt  ein  Wort  hrdsCio^^la,  das  einen  Teil 
des  Wagens  bezeichnet  [braceola].  Vielleicht  ist  dièses  Wort  fiir  das  r 
verantwortlichv. 

^  Filleau  en  cite  cet  exemple:   Via  Vn  ouvrère  toute  grande. 


—  161  — 

pas  impossible  c[ue  lo  poitev.  ouvré  doive  son  sens  actuel 
à  un  développement  analogue  :  'ouvrier'  >  'individu'  >  'jeune 
homme'.  Mais  on  pourrait  en  chercher  l'explication  aussi 
dans  le  fait  que  ce  sont  très  souvent  des  jeunes  gens  qui 
s'emploient  comme  ouvriers. 

«Jeune  seigneur»,  «jeune  dame». 

1<>2.  Nous  venons  de  voir  que  des  mots,  servant  à 
désigner  la  classe  des  domestiques:  'serviteur',  'berger', 
'ouvrier',  sont  devenus  des  noms  d'enfants.  On  a  employé 
de  la  même  manière  les  titres  honorifiques  qui  désignaient 
les  classes  supérieures.  Dans  les  deux  cas,  l'empreinte 
sociale  est  souvent  restée.  Rappelons  que,  par  exemple, 
le  prov.  diafjo  ne  s'applique  qu'aux  enfants  de  paysans. 
D'autre  part,  le  franc,  demoiselle,  s'il  n'est  plus  le  titre 
«l'une  fille  noble,  s'applique  toujours  à  une  fille  de  nais- 
sance bourgeoise.  Mais  il  y  a  aussi  des  termes  de  ce 
genre  dont  le  sens  s'est  tout  à  fait  généralisé,  et  qui 
en  sont  venus  à  désigner  tout  simplement  un  jeune  homme, 
une  jeune  femme  ou  un  enfant.  —  Dans  la  plupart  des 
cas,  il  faut  sans  doute  chercher  la  cause  de  ce  déplace- 
ment de  sens  dans  la  démocratisation  continuelle  de  la 
société  dont  parle  M.  Nyrop  dans  sa  Grammaire  histo- 
rique de  la  lanffiie  française,  IV,  §  182.  Il  ne  faut  pour- 
tant pas  oublier  un  autre  facteur,  qui  a  sans  doute  con- 
tribué aussi  à  ces  changements  de  sens:  à  savoir  le 
langage  hypocoristique,  qui  emploie  volontiers  des  titres 
pareils  comme  termes  de  tendresse.  Les  expressions  qui 
s'expli([uent  de  cette  manière  appartiennent  donc  propre- 
ment au  chapitre  des  «changements  actifs»,  mais  il  vaut 
mieux  réunir  ici  tous  les  cas,  oii  des  titres  honorifiques 
ont  été  employés  comme  dénominations  d'enfants.  —  Le 
patois  de  l'Anjou  nous  en  fournit  un  exemple.  D'après 
Verrier  et  Onillon,  les  mères  angevines  appellent  leurs  pe- 


—  162  — 

tites  filles  «ma  reine»,  quand  elles  ne  les  décorent  pas  de 
noms  moins  respectueux,  tels  que  cane,  poulette,  chatte  ,  etc. 
Il  n'est  pas  sans  intérêt  de  constater  que  déjà  le  latin 
connaissait  l'emploi  hypocoristique  de  dominus  et  de  ses 
dérivés  ^  Le  à\ïm.wi\\î  domnulus — ^^owwwZa  s'employait  d'une 
manière  analogue,  comme  il  résulte  de  ce  passage  de 
Salvien:  advolvor  vestris,  o  parentes  carissimi,  pedibus,  illo 
ego  vestra  Palladia,  iiestra  gracula,  vestra  domnula  .  .  . 
(Epistnla,  IV,  162,  d'après  Forcellini). 

163.  De  donna  l'italien  a  tiré  les  diminutifs  donnino, 
donnina,  qui  se  disent  comme  termes  de  tendresse  aux 
enfants.  Dans  l'italien  commun  ils  ont  le  sens  spécial 
de  'ragazzetta  assennata'  (Petrôcchi),  mais,  dans  les  dia- 
lectes de  Milan  et  de  Côme,  donin  est  purement  «vezzeg- 
giatif»  et  signifie  'cecino',  'caruccio',  'graciosetto'.  Dans 
la  Romagne,  dimen,  dunena  désignent,  d'après  Morri,  une 
petite  fille  en  général;  il  les  traduit  par:  'mimma',  'bimba', 
'picciola  bambina'. 

164.  Je  serais  disposé  à  expliquer  d'une  manière 
analogue  les  formes  dun,  don,  donc,  qui  s'emploient  dans 
la  Gironde  pour  désigner  une  fillette.  Les  cartes  461, 
670    et   1669   de  VAtlas  linguistique  montrent  au  point  630 


^  Voici  ce  qu'en  dit  M.  E.  Lôfstedt  dans  son  ouvrage  intitulé 
Philologischer  Kommentar  zur  Peregrinatio  Aetheriae.  p.  115:  «Ich 
hebe  —  —  —  hervor,  dass  das  Wort  [dominus.  domina]  nicht  nur 
sehr  haufig  in  wirklich  ehrfurchtsvollen  Ausdrùcken  steht.  wie  es  fiir 
unser  Gefûhl  am  natiirlichsten  ist.  sondern  aiich  allmâhlich  etwas 
herabgedriickt  und  gleichzeitig  auf  eine  sehr  weite  Begriffssphâre  von 
Liebe,  Frenndlichkeit  usw.  ausgedehnt  worden  ist.  Ein  einziges  Bei- 
spiel  wird  fiir  dièse  Entwicklung  hinlànglich  beleuchtend  sein.  Victor 
Vitens.  II  30  heisst  es:  conspicimtis  muUerculam  sacculum  et  alia  uesti- 
menta  portantem,  manu  infantulum  unum  tenentem  atque  in  his  sermo- 
nibus  consolantem  :  curre,  domne  meus  ;  uides  uniuersos  sanctos,  quomodo 
pergunt  et  festinant  hilares  ad  coronas.  Das  Kind,  das  die  Frau  hier 
mit  domne  meus  anredet.  ist,  wie  gleich  darauf  gesagt  wird,  ihr  nepos 
paruuîus.* 


—  163  — 

</«>/,  au  point  632  dûn  \  au  point  641  dOn(\,  au  point  663 
(ion'e,  et,  dans  les  Landes,  au  points  662,  672,  dZn'c.  C'est 
sans  doute  le  même  mot  que  le  prov.  dono^  donno,  rouerg. 
flouof/no,  etc..  terme  vieilli  et  supplanté  aujourd'hui  par 
damo. 

165.  A  ce  qu'il  semble,  les  dénominations  suivantes 
sont  dues  aux  causes  indiquées  par  M.  Nyrop  (voir  plus 
haut);  mais  il  n'est  pas  impossible  que  les  diminutifs  de 
dominus — domina  aient  eu  parfois  d'abord  un  emploi  hypo- 
coristique. 

Dans  l'ancien  frioulan  on  trouve  dumhlo  {dumhli)  — 
dumblf  au  sens  de  'ragazzo',  'ragazza'  ^.  Le  masculin  se 
rencontre  dans  la  littérature  jusqu'  à  1400,  le  féminin  jusqu'à 
170C)  (Pirona).  Dans  deux  poèmes  frioulans,  datant  des 
années  1380  et  1416,  et  publiés  par  Joppi  dans  VArchivio 
f/lottoloffico  italiano^  IV,  pp.  192,  205,  la  forme  dumlo  'jeune 
fille',  est  souvent  employée.  —  Suivant  MM.  Gartner  ^  et 
Meyer-Liibke  *,  dnmhle  {dumlo )  remonte  à  domina.  Mais, 
comme,  autant  (^ue  je  sache,  -mn-  n'a  pas  donné  -m(b)l- 
dans  d'autres  mots  frioulans  (cf.  damnu>  dam^  dan;  scamnu 
^scafpi:  somnu>>sium),  il  me  paraît  plus  vraisemblable 
(l'admettre  que  dumblc  provient  du  diminutif  domnula. 

166.  On  sait  que,  en  Gaule,  *domini(€llns—*domini- 
ceUa  désignait  d'abord  un  jeune  homme,  une  jeune  femme 
de  noble  extraction  ".  Mais  l'anc.  fr.  dansel—danselle, 
doncel — doncelle.    et  les  diminutifs   danselon,   danselete,  etc.. 


^  Aux  points  630  et  632  on  n'a  pas  de  mot  commun  pour  les 
enfants  des  deux  sexes;  un  enfant  mâle  s'appelle  drôl,  un  enfant  du 
sexe  féminin  dun  (ou  don). 

-  Pirona  traduit,  p.  146,  le  masculin  par  'donzello';  dans  la  par- 
tie ital.-frioulane,  par  'ragazzo';  et  p.  XLIII  par  'giovinotto'.  Pour 
le  féminin  il  donne  en  outre  le  sens  de  'donzella  nobile'. 

'  Handhuch  der  ràtorom.  Sprttche  und  Literatur,  p.  876. 

*  Boni.  etym.   Wh.,  2733. 

■'  CF.  Du  Cange.  à  l'art,  donncellae. 


—  164  — 

s'employaient  souvent  au  sens  de  'jeune  homme',  'jeune 
fille',  'enfant'  ^;  et  il  en  était  de  même  de  l'anc.  prov. 
donsel—donsella^  doti^ellon,  dons ellet— dons elleta^.  Nous  sa- 
vons que,  en  français  moderne,  demoiselle  désigne  une 
femme  non  mariée  ^.  M.  Edmont  a  relevé,  dans  le  parler 
de  Saint-Pol,  mam'selle  *  au  sens  de  'jeune  fille':  œn  bel 
mamsèl.  Dans  le  patois  de  Namur,  M.  Niederlânder  signale 
le  diminutif  mamselet  'petite  fille'.  Le  masculin  damoiseau 
ne  subsiste  que  dans  le  langage  familier  avec  le  sens 
ironique  de  'jeune  homme  qui  ne  s'occupe  que  de  cour- 
tiser les  dames'.  —  Le  prov.  mod.  damisèu  a  la  même  nuance 
ironique.  Le  sens  du  féminin  damisello  (lang.  doumeïsèlo, 
gasc.  damaysèlo)  correspond  à  celui  de  demoiselle.  Le  di- 
minutif dounscleto  signifie  'fillette',  tandis  que  dounsello  a 
le  sens  dépréciatif  de  'fille  légère'  (cf.  le  franc,  donzelle). 
Le  gascon  a  les  diminutifs  damayselot—  damayseloto  'tout 
jeune  homme',  'demoiselle  jeunette'  ^. 

Le   toscan   et  l'italien  littéraire  emploient  quelquefois 

*  Voici  deux  exemples  (j^ue  cite  Godefroy: 

Dous  enfans  de  sa  femme  aveit, 
L''uns  ert  vaslez.  Vautre  dansele. 
(Benoît,   Chronique  des  ducs  de  Normandie^  II,  17776,  Michel). 

Mais  il  en  ot  II.  biaus  enfans. 
Danselons  de  petit  eage. 

(Mousket,   Chronique  rimée,  20146,  Reiff). 

-  Voici  un  exemple  que  donne  Levy.  où  do«^eZZ«  est  =' pue  11  a': 
Tota  femena,  do\n]2ela  o  vezoa,  liot  totas  las  cauzas  donar  en  dot  .  .  . 
{Le  petit  Thalamus  de  Montpellier,  p.  p.  la  Soc.  archéol.  de  Montp., 
Montp.  1840,  p.  63.) 

^  Sur  le  développement  sémantique  de  ce  mot,  voir  Nyrop,  loc. 
cit.  —  L'anc.  fr.  damoiselle,  qui  avait  été  dégradé  socialement  jusqu'au 
point  d'être  employé  pour  désigner  une  servante,  se  retrouve  avec 
cette  acception  dans  les  patois  lorrains  actuels  sous  la  forme  de 
deni'hâV,  dom''hàV  (Horning). 

••  Le  napolitain  a  emprunté  mademoiselle  sous  la  forme  de  madamo- 
sella  'donzt^Ua',  'damigella'.  'signorina'  (D'Ambra). 

^  Le  gasc.  dounzelo  a  pris  le  sens  spécial  de  'suivante  de  la 
mariée';  et,  de  même,  les  formes  masculines  dounzeloun  et  dousèt  (cf. 
prov.  dounzèu.  lang.  dounzèl)  signifient  'garçon  de  noce'. 


—  165  — 

dotueUa  au  sens  de  'jeune  fille',  'vierge'.  Le  même  sens 
se  retrouve  dans  le  romagn.,  bol.  (luuïHla^  et  dans  Fane, 
vén.  (loncella  ^  D'après  Boerio  le  vénitien  actuel  n'emploie 
donzela  que  pour  désigner  une  sorte  de  poisson  -;  mais 
de  l'ancien  sens  de  'jeune  tille'  témoigne  encore  l'expres- 
sion la  fanciulla  è  in  domelon,  qu'on  peut  entendre  à 
Chioggia,  et  (pii  veut  dire  qu'elle  est  «in  età  da  marito.> 
Les  autres  dialectes  vénitiens  et  émiliens,  ainsi  que  les 
dialectes  lombards,  ne  semblent  connaître  que  le  sens  de 
'cameriera',  qu'on  trouve  aussi  dans  la  vieille  littérature 
italienne  '.  Les  patois  de  la  Suisse  romande  ont  emprunté 
donzela  {donzala)  avec  cette  signification  (Bridel).  Il  peut 
désigner  aussi  une  femme  ou  fille  en  général,  mais,  en 
dehors  de  l'évêché  de  Bâle,  il  a  dans  ce  cas  une  nuance 
marquée  de  mépris,    de  même    que  le  franc,  donzelle  *. 

Dans  l'Engadine,  dmuella,  donzrlla  a  subi  le  même 
développement.  D'après  Pallioppi,  il  a  signifié  autrefois 
'Fràulein',  mais  ne  s'emploie  aujourd'hui  (pi'avec  le  sens 
de  'Aufwàrterin'.  Plus  à  l'ouest,  dans  les  vallées  d'Ober- 
halbstein,  de  Domleschg,  et  de  Schams,  donschcUa,  dim- 
schella  se  dit  encore  aujourd'hui  avec  sa  vieille  significa- 
tion ou  dans  le  sens  généralisé  de  'vierge',  'jeune  fille'. 
Conradi,  qui  était  curé  à  Andeer,  dans  la  vallée  de  Schams^ 
traduit  dunschella  par  'Fràulein';  M.  Ijuvâ  dundèéala  ÇDom- 
leschg  et  Schams)  par  'adeliges,  zimperliches  Fràulein'; 
M.  Candrian  dimdzéela  (Bivio-Stalla)  par  'Jungfrau'.  Dans 
un    texte    oberlandais    de   la  fin  du  XVI^  siècle  (Barloatu 


^  Dans  la  rédaction  vénitienne  de  Tristan  on  trouve,  an  vers  52. 
cet  exemple  reniarqnable  du  sens  de  'vierge':  dnmisella  che  sia  don- 
cella. 

-  Cf.  l'usage  analogue  (ju'en  fait  l'italien.  En  fran(,*ais,  demoiselle 
est  un  nom  donné  à  divers  animaux. 

*  Cf.  Pital.  donzello  'usciere  del  municipio'.  autrefois  servo',  'do- 
mestico'. 

*  On  sait  (jue  les  mots  d'emprunt  sont  souvent  d('?rra(lés.  Cf. 
plus  bas  Tesp.  dnmiselhi. 


—  166  — 

H  Giosaphat,  par  Jacob  Bundi  ^)  dnnsrhaUa  est  usité,  à  côté 
de  f/itifna^  an  sens  de  'jeune  fille',  sans  présenter  aucune 
trace  de  l'empreinte  sociale. 

Le  cat.  donsella  a  pris  le  sens  spécial  de  Vierge', 
tandis  que  le  masculin  donzcll  ne  présente  que  le  sens 
ancien  de  'page'.  L'esp.  doncel  et  le  j)ort.  donzel  ont,  à 
côté  de  ce  sens,  aussi  celui  de  'puceau'  ^:  et  les  féminins 
donceUo.  donsella  s'emploient  avec  la  signification  corres- 
pondante de  'vierge',  'pucelle'.  Pour  le  port,  donsella. 
Michaelis  donne  encore  les  sens  de  'mannbares  Màdchen' 
et  de  'Edelfrâuloin'  ^.  Les  diminutifs  doneelUca.  donceUifa 
signifient  'petite  fillette',  'pucelette'  (Oudin.  Tolhausen). 
Donzelleja,  donzcUuela.,  qui  ont  eu  aussi,  autrefois,  cette 
signification,  ont  subi  une  dégradation  de  sens,  et  désignent 
actuellement  une  jeune  fille  de  la  bourgeoisie  dont  la  ré- 
putation est  douteuse  *;  doncelleja  se  retrouve  en  portugais 
avec  le  même  sens  dépréciatif  °. 

DamiseUa,  qui  en  catalan  signifie  'demoiselle'  (cf.  l'anc. 
prov.  damizela).  a  pris  en  espagnol  le  sens  de  'jeune  fille 
aimable  et  jolie';  mais  il  a  aussi  partagé  le  sort  de  tant 
d'autres  mots  semblables,  et  est  devenu  le  synonyme  de 
'courtisane'  **. 


»  Voir  AGIL  VIII.  p.  284. 

-  Cf.  Tesp.  doncello  'célibataire'. 

^  L'esp.  doncella  signifie  aussi  'femme  de  chambre  dans  une 
bonne  maison'  (cf.  haut-ital.  donseîla.) 

*  Suivant  Tolhausen,  doncelleja  ^eut  s'employer  pourtant  aussi  au 
sens  honnête  de  'jeune  fille  nubile'. 

^  Lie  dérivé  doncelloiia  idonzellona)  signifie;  dans  la  péninsule  ibéri- 
que comme  en  italien,  'vieille  fille'.     L'espagnol  dit   aussi  doncellueca. 

"  Ajoutons  que  Tital.  signorina  et  l'esp.  seTiorita  ont  subi  la  même 
démocratisation  que  demoiselle,  dohzella  etc.  Ils  désignent  donc  au- 
jourd'hui une  jeune  fille  d'une  classe  un  peu  plus  élevée  que  le  peuple. 
Mais  ils  ne  s'emploient  pas  avec  le  sens  général  de  'jeune  fille'  que 
nous  avons  trouvé  dans  quelques-uns  des  représentants  de  *dominicellu. 
■ —  Les  masculins  signorino  (signorello).  senorito  'fils  de  famille',  ont 
une  nuance  ironique,  à  l'instar  du  franc.  damoÏMeau.  En  portugais. 
nenhorito  et  senhoritn  ont  tous  deux  un  sens  dépréciatif. 


—  167  - 

167.  Un  développement  de  sens,  analogue  à  celui  de 
i/ansel,  doïizel^  est  représenté  par  vaslet  en  ancien  français 
et  en  ancien  provençal.  Godefroy  enregistre  les  formes 
7'allet,  raillet.  vaslet.  vauletj  vcuJlet^  rarlet,  qu'il  définit  par 
'onfant  mâle',  'garçon'^;  'jeune  guerrier';  'jeune  homme 
non  formé';  'page',  'écuyer';  'jeune  homme  en  général': 
'aide  du  maître,  du  patron',  'apprenti';  et,  dans  le  Complé- 
nwnf.  'domesti(|ue  mâle'.  Nous  y  trouvons  encore  valot 
rallot.  caillot,  variât  'jeune  homme',  'varlet',  'valet';  et  le 
diminutif  valeton,  valleton.  vasleton,  valton,  etc.  'jeune  gar- 
çon'^: 'serviteur',  'valet'.  —  Dans  l'ancien  provençal  aussi. 
raMet.  vaylet.  vallet  signifiait  'jeune  homme'  ou  'valet'.  — 
Le  sens  primitif  de  ralet.  valot,  qui  semble  représenter 
un  type  *va)i{su)littu,  -ottu.  du  même  radical  que  vassal  ^. 
est,  suivant  Du  Cange  *,  celui  de  'jeune  gentilhomme'. 
On  désignait  par  co  mot,  comme  par  dansel,  les  enfants 
mineurs  de  nobles  parents,  et,  au  cours  des  temps,  valet 
a  pris,  à  l'instar  de  cet  autre  mot,  le  sens  général  de 
'enfant   mâle',    'jeune   homme'.     La  signification   de  'servi- 


*  Cf.  Texemple  cité  plus  haut,  p.   164,  n.  5. 

»  Ou  lit  encore  dans  le  Grand   Testament  de  Villon,  vers  732  ss.: 

«Qu'est-ce  a  dire?  que  .Tehanneton 

Plus  ne  me  tient  pour  valeton. 

Mais  pour  ung  viel  usé  roquart  .   .  .> 

*  Suivant  le  Dict.  gén.,  "^vassulittum  est  dérivé  de  *vussnlum.  «di- 
minutif hypothéti(jue  de  vasstim  qui,  dans  le  latin  mérovingien,  signifie 
'serviteur'  et  ([ui  doit  être'  le  primitif  de  vassal.»  Il  faut  observer  pour- 
tant que.  suivant  Du  Cange,  VIII,  251.  vassus  ne  signifiait  pas  toujours 

serviteur';  il  était  souvent  employé  comme  synonyme  de  vassalliis. 

*  Voici  ce  qu'il-  en  dit:  «Valeti.  vulecti,  appellati  vulgo  magna- 
tum  filii  qui  necdum  militare  cingulum  eiant  consecuti.  Nam  ut  Vas- 
iiaïli  iidem,  qui  postmodum  Milites,  quod  in  hac  voce  docemus:  ita 
vassalorum  filii  Vasselleti  dicti,  ut  et  Domicelli,  respectu  parentum. 
qui  Domini  nude  sppellabantur,  unde  postmodum  formata  vox  Vasletim, 
deinde  Valetus  ...»  —  Du  Cange  semble  considérer  valet  comme  dérivé 
directement  de  vassallus,  ce  qui  est  phonétiquement  impossible  (cf. 
le  JJict.  gi'H.,  à  l'art,  valet]  et  Meyer-Liibke,  Bom.  etym.    Wh.,  91G5). 


—  168  — 

teur'  n'apparaît  que  plus  tard,  ce  qui  résulte  des  exemples 
de  vakt,  valot,  valeton  que  citent  Godefroy  et  Littré  ^ 

168.  Dans  les  patois  actuels  de  la  Suisse  romande 
et  de  la  Wallonie,  valet  se  dit  très  souvent  aux  sens  de 
'enfant  mâle',  'garçon'  ;  'fils'.  A  cause  de  l'emploi  si  ré- 
pandu de  valet  =  'domestique',  on  est  naturellement  dis- 
posé à  y  voir  le  résultat  du  développement  sémantique 
'serviteur'  >  'enfant',  dont  nous  venons  de  constater  tant 
d'exemples  dans  les  langues  romanes.  C'est  aussi  ce  que 
fait  M.  Tappolet  dans  Die  romanischen  Verwandtschaftsnu- 
men^  p.  43,  où  il  range  valet,  ménage,  garçon  sous  la  ru- 
brique commune:  Sociale  Ahhdngigheit:  Hausgesinde.  Je 
n'hésiterais  pas  à  adopter  cette  explication,  si  une  autre 
ne  jne  paraissait  au  moins  aussi  vraisemblable:  valet  ^gar- 
çon', dans  les  dialectes  modernes,  continuerait  l'anc.  fr. 
vaslet  'enfant  mâle',  'jeune  homme.'  On  trouve  cette  opi- 
nion émise  par  Littré,  dans  son  petit  travail  intitulé  Com- 
ment les  mots  changent  de  sens,  p.  58;  et  on  la  rencontre 
aussi  dans  le  dictionnaire  wallon  de  Grandgagnage  (tome 
II,  édité  par  Aug.  Scheler):  <s.Valet  (garçon,  enfant  mâle). 
Application  élargie  de  l'afr.  vaslet  (=  vasselet),  var- 
let:  jeune  gentilhomme,  jeune  homme  non  marié;  le  sens 
moderne  de  'serviteur'  a  été  réservé  en  "W.  à  la  forme  varlet.  > 

Pour  trancher  la  question,  il  faudrait  avoir  une  série 
d'exemples  montrant  que  le  mot  a  été  employé,  avec  la 
signification  de  'enfant',  'garçon',  dans  la  Suisse  romande 
et    en   Wallonie,  depuis  le  moyen  âge  jusqu'à  nos  jours '; 

'  Cf.  Cotgrave  :  «Valet,  a  Groom,  yeoman,  or  houshold  servant 
of  the  meaner  sort:  In  old  tirne  it  was  a  more  honourable  title;  for 
ail  young  gentlemen,  untill  they  came  to  be  eighteen  years  of  âge, 
were  termed  so.»  —  Cf.  aussi  A.  Darmesteter,  La  Vie  des  mots,  p.  93; 
Nyrop,  op.  cit.,  IV,  §  181. 

-  M.  Tappolet,  op.  cit.,  p.  44.  dit  que  valè  =  'fils'  est  d'une  date 
relativement  récente  dans  la  Suisse  romande.  La  seule  preuve  qu'il 
allègue  de  cette  assertion  est  le  fait,  attesté  par  Bridel  (pp.  455,  465) 
qiie,  dans  le  patois  d'Orbe,  valè  se  dit  pour  'fils',  et  volé  pour  'dômes- 


—  Kjy  — 

malheureusement,  mes  matériaux  ne  m'en  fournissent  pas  ^ 
Il  y  a  pourtant  un  fait  qui  vient  peut-être  à  Fappui  de 
cette  hypothèse.  Suivant  Godefroy,  valot  (vallot)  se  dit 
dans  la  Meuse  et  dans  la  Haute-Marne  pour  'jeune  garçon'. 
Si  cela  est  exact  '*,  ces  deux  départements  contigus  sem- 
blent former  un  îlot  subsistant  d'une  aire  cohérente,  qui 
se  serait  étendue  autrefois  de  la  Wallonie  jusqu'au  Ijac 
Tjéman,  et  où  valet,  valot  auraient  conservé  leur  ancien 
sens  de  'enfant  mâle',  'garçon'  '. 

tique'  (on  trouve,  du  reste,  le  même  phénomène  dans  le  patois  des 
Brassus.  Vallée  de  Jou.k;  voir  Bridel.  p.  463);  *valef  ist  offenbar  im- 
portiert,  ajoute-t-il,  und  hat  dabei  seine  franzosische  Bedeutung  ein- 
jîebusst».  Cela  ne  me  paraît  pas  du  tout  vraisemblable.  Je  crois  qu'  il 
faut  voir  dans  l'existence  de  ces  deu.x  formes  l'une  à  côté  de  l'autre, 
avec  des  significations  différentes,  le  résultat  d'une  tendance  à  la  dif- 
férenciation. Elle  serait  analogue  à  celle  qui,  en  wallon,  a  rattaché 
le  sens  de  'enfant  mâle'  à  la  forme  valet,  tandis  (|ue  varlet  se  dit  pour 
'serviteur',  et  qui,  en  vendômois,  a  établi  la  même  différence  de  sens 
entre  garx  et  garçon.  —  La  carte  1537  de  VAtl.  liiig.  montre  que,  dans 
le  Jura,  la  Haute-Savoie  et  ailleurs,  les  formes  valè  et  vole  se  trouvent 
pêle-mêle  au  sens  de  'domestique'.  —  Quant  à  la  dernière  forme,  M. 
Gauchat  vient  de  m'écrire  dans  une  lettre:  «Ob  vôlè  iiber  vaulet  mit 
Il  aus  dem  l  als  Parasitlaut  entstand,  ist  nicht  sicher.»  Il  m'apprend 
que  vaulet  est  relevé  en  fribourgeois  au  XV®  siècle,  à  côté  de  valet, 
varlet,  varleit,  au  sens  de  'Knecht',  'Gehilfe'. 

*■  Pour  vérifier  Thj'pothèse  de  M.  Tappolet,  que  valè  'fils'  serait 
d'une  date  relativement  récente,  j'avais  demandé  à  M.  Gauchat  s'il 
])Ourrait  m'en  fournir  des  exemples  anciens.  Il  répond  comme  suit: 
»Alte  Beispiele  fiir  die  Begriffe  Sohn.  Knabe  habe  ich  leider  nicht 
.  .  .  Immerhin  zeigt  das  Zusammensein  von  Freiburg  und  Waadt  in 
der  Verwendung  des  Wortes  =  Sohn.  dass  dièses  schon  vor  der  Kefor- 
mation  gebraucht  war,  die  erst  die  Mundarten  dieser  Kautoiie  ausein- 
andertrieb.» 

-  On  s'attend  à  trouver  cette  signification  dans  Labourasse.  Glos- 
saire abrégé  du  patois  de  la  Meuse,  mais  il  ne  donne  que  valot  =^  'va- 
let', 'serviteur';  ou,  comme  terme  d'amitié:  'ami',  'camarade'. 

'  Ce  qui  vient  compliquer  encore  la  question,  c'est  l'emploi  hj-- 
pocoristique  de  valet,  qu'on  trouve  dans  certains  patois.  A  Genève, 
une  mère  dit  à  son  enfant:  Viens,  mon  valet,  (jue  je  t'embrasse  (Cham- 
bure).  Volet,  dans  le  patois  des  Fourgs.  et  volet,  dans  les  parlers  de 
Plancher-les-Mines  et  Petit-Noir,  et  dans  le  bas-langage  Verduno- 
Châlonnais,  s'emploient  de  la  même  manière.  Ici.  c'est  petit-être  valet 
'serviteur'    qui    s'est    appliqué   par   plaisanterie  à  un  enfant,  de  même 


—  170  — 

169.  Voici  un  relevé  plus  détaillé  de  la  diffusion  de 
valet  'garçon'. 

M.  Gauchat  m'apprend,  d'après  les  matériaux  du  Glos- 
saire des  patois  de  la  Suisse  romande,  que  valet  se  trouve 
partout  dans  ces  patois,  et  qu'il  signifie  plus  souvent  'fils' 
que  'garçon'.  Suivant  V Atlas  linguistique  aussi,  le  premier 
sens  est  plus  répandu  que  le  second.  On  trouve  valet  = 
'fils'  aux  points  60,  61,  62  (Fribourg),  40,  50,  939,  959 
(Vaud),  mais  valet  = 'garçon''  seulement  aux  points  40,  50, 
939.  Au  point  40  (Le.  Pont,  Vaud),  le  mot  paraît  être 
plus  en  usage  qu'aux  autres  endroits,  car  il  s'y  trouve  non 
seulement  sur  la  carte  622  (garçon)^  mais  aussi  sur  les  car- 
tes 623  {mon  petit  garçon)  et  624  {les  garçons).  Bridel  ne 
donne  valet  qu'avec  le  sens  exclusif  de  'fils',  et  le  valet 
dans  le  sens  collectif  de  'tous  les  garçons  d'un  village'.  Il 
ajoute:  <'0n  dit  valai  dans  le  Jura.»  D'après  les  traduc- 
tions qu'il  donne  de  la  parabole  de  l'enfant  prodigue,  valet 
se  dit  pour  'garçon',  'fils'  dans  les  patois  de  Gryon,  d'Or- 
monts-Dessus,  de  Montreux,  du  Jorat,  d'Orbe,  de  Marchissy,  ^ 
des  Brassus  et  de  Sainte-Croix,  tous  dans  le  canton  de 
Vaud.  Le  patois  de  Blonay  emploie  le  mot  de  la  même 
manière;  o  viio  valé  veut  dire  'un  vieux  garçon'  (Odin). 
Les  diminutifs  valotet  (Bridel,  Odin),  et  vallotton  (Bridel) 
sont  dérivés  de  la  forme  valot. 

D'après  les  cartes  de  VAtlas  linguistique,  valet  est  le 
mot  le  plus  usité  pour  rendre  l'idée  de  'garçon'  dans  tout 
le  sud-est  de  la  Belgique  (Namur,  Liège  et  Luxembourg) 
et  au  point  186  dans  le  département  des  Ardennes.  Dans 
le  sud  de  ce  territoire,  valet  signifie  aussi  'fils'.  Au  pluriel 
on    semble    préférer    à   quelques   endroits  gamins  à  valets. 

qu'on  dit  dans  le  Centre  aux  petites  filles:  Viens,  ma  sarvante.  et  dans 
le  Poitou:  Vin  dan,  man  p'quit  douleau,  vin  iqui,  man  ji'quit  valet.  — 
Cf.  l'emploi  péjoratif  dans  le  parler  de  Macerata  (Marches)  de  vassallti 
(=  ital.  vassallo  'vassal';  'serviteur',  'valet'),  qui  .se  dit  pour  'ragazzo 
di  strada';  'birichino'. 

'  Guerçon  est  plus  usité  ici. 


—  171  — 

Suivant  Remacle,  rdlvt  correspond  aussi  au  franc,  (jaroon 
dans  le  sens  de  'célibataire'.  Dans  le  canton  de  Mons. 
où,  d'après  V Atlas,  un  garçon  s'appelle  fyœ^  valet  est  tou- 
jours vivant  dans  les  villages  comme  terme  d'amitié  (Si- 
gart).  De  même  que  Grandgagnage,  Sigart  constate  que 
la  forme  vnrlet  sert  à  désigner  un  garçon  de  ferme.  Cette 
différenciation  n'est  pourtant  pas  strictement  observée  par- 
tout; à  Liège  valet  joint  l'acception  de  'serviteur'  à  celles 
de  'enfant  mâle',  'jeune  homme',  tandis  que  varlet  n'a  que 
le  premier  sens.  —  Les  patois  du  Hainaut  connaissent  en 
outre  le  diminutif  ralton  (ivalton)  ^  'enfant',  'garçon',  qui 
est  en  usage  aux  Frameries  et  aux  Pâturages,  non  loin  de 
Mons  (^Sigart),  et,  plus  au  sud,  au  delà  de  la  frontière 
française,  à  Maubeuge  et  aux  environs  (Hécart).  Cf.  war- 
fon  'valet  de  ferme',  à  Lille.  Le  diminutif  valeton  se  ren- 
contre aussi  dans  le  Vendômois,  où  il  signifie  'valet  de 
ferme'  ou  'jeune  garçon'. 

170.  C'est  peut-être  ici  qu'il  faut  encore  ranger  l'anc. 
franc,  hacheler  (plus  tard:  hachelier).  Ce  mot  désignait  au 
moyen  âge  un  jeune  gentilhomme,  qui  aspirait  à  devenir 
chevalier,  et  ensuite,  par  extension,  un  jeune  homme  en 
général.  La  Fontaine  l'emploie  encore  dans  ce  dernier 
sens.  Le  féminin  hachelicre  'jeune  fille'  n'est  relevé  par 
Cxodefroy  qu'une  seule  fois,  dans  le  Grand  Testament  de 
Villon  ^.  En  français  moderne,  hachelier  ne  vit  que  dans 
le  ijens  de  'celui  qui,  dans  une  faculté,  a  pris  le  premier 
des  grades  universitaires'. 

Le  mot  se  retrouve  en  ancien  provençal:  haralar  'jeune 
homme';  mais,  d'après  Levy,  il  avait  ici  une  nuance 
dépréciative  (cf.  aussi  les  exemples  cités  par  Kaynouardi. 
Il  s'est  conservé    en  Dauphiné  et  dans  les  Alpes:  hachelar 


^  En  wallon,  v  initial  devient  quelquefois  w  (voir  Grandgagnage. 
op.  cit.,  II,  p.  XXXIII'. 

*  Voir  la  citation  p.  168,  n.  2. 


—  172  — 

^garçon  à  marier',  'jeune  amoureux',  et,  j)ar  dérision:  'grand 
niais',  'amoureux  ridicule'.  Le  patois  du  Queyras  en  a  tiré 
le  féminin  hachelardo  'jeune  fille',  en  substituant  le  suffixe 
-ard  à  la  terminaison  de  bachclar  ^ 

Comment  s'expliquer  le  sens  péjoratif  du  mot  provençal, 
qui  ne  saurait  guère  être  dérivé  du  sens  de  'jeune  gentil- 
homme'? Cette  dernière  signification  ne  doit  pas  être  le 
sens  primitif  du  mot.  Dès  le  IX*  siècle  Du  Cange  relève 
haccalarius,  dans  le  nord-ouest  de  l'Espagne,  au  sens  de 
'rusticus',  'propriétaire  d'une  terre^  {baccalaria).  Selon 
Du  Cange  et  Diez  ^,  le  mot  a  pris  ensuite  le  sens  de 
'personnage  d'un  rang  inférieur',  et  a  servi  à  désigner  un 
chevalier  qui  était  trop  pauvre  ou  trop  jeune  pour  porter 
sa  propre  bannière,  et,  ensuite,  un  jeune  gentilhomme  en 
général.  S'il  y  a  du  vrai  dans  cette  hypothèse,  le  mot 
provençal,  avec  sa  nuance  de  mépris,  se  rattacherait  au 
sens  plus  ancien  du  mot,  celui  de  'paj'san',  tandis  que  le 
mot  français  représenterait  une  phase  plus  récente  et 
plus  aristocratique  de  son  développement  ^. 

8.    Mots  se  rapportant  à  divers  usages  locaux. 

171.  Dans  le  Midi  de  la  France  on  appelle  levito  (lang, 
lehito,  mars,  nevito),  proprement  'lévite',  un  jeune  garçon 
vêtu  de  blanc  qui  jette  des  fleurs  à  la  procession  de  la 
Fête-Dieu.  Suivant  Mistral,  ce  mot  peut  désigner  aussi 
un  garçon  impubère  en  général. 

'  Cf.  les  féminins  vulgaires  avarde.  hizarde.  ignurde  pour  avare, 
bizarre,  ignare  (voir  Xyrop,  op.  cit..  III,  §  88).  —  Plusieurs  glossaires 
de  patois  (Azaïs,  I)"Hombres  et  Charvet.  Chabrand  et  Rochas  d"Aiglun) 
tîcrivent  hachelard  au  lieu  de  haehelar. 

*  Etym,   Wh.  der  rom.  Spr.,  p.  3B  s. 

^  Quant  à  Tétymologie  de  baccalariu><,  haccalaria  et  de  haccularis. 
type  auquel  M.  Meyer-Liibke  fait  remonter  ces  mots  {Rom.  etym.  Wb.. 
863),  on  n'en  sait  rien.  —  Pour  rhypothèse  de  MUe  A.  Sperber  {op. 
«îï.,  p.  147,  n.  1).  selon  laquelle  bachelier  se  rattacherait  à  Fesp.  bacalao 
'cabillaud'',  fig.  'individu  sec  et  efflanqu»''  (it.  baccalà,  haccalaro).  cf. 
Spitzer,  ZRPh,  XXXVl,  p.  236. 


—  173  — 

172.  Un  autre  usage  du  Midi  a  donné  naissance  aussi 
H  une  dénomination  spéciale  qui  s'est  généralisée.  On  y 
appelle  maio  (ou  hello-de-mai)  une  jeune  fille  vêtue  de 
blanc,  couronnée  de  fleurs,  tenant  un  bouquet  de  chaque 
main,  qui,  dans  le  mois  de  mai,  se  place  au  coin  d'une 
rue,  sur  un  siège  élevé,  entourée  de  ses  compagnes  qui 
font  appel  à  la  générosité  des  passants  ^  Ce  mot  est  em- 
ployé au  sens  plus  général  de  'jeune  fille'  dans  l'expression 
nmio  a  niarula  'jeune  fille  nubile'  (Mistral). 

9.     Noms  propres. 

173,  Dans  diverses  langues,  les  noms  propres  s'em- 
ploient parfois  comme  noms  communs  ^.  En  français,  plu- 
sieurs noms  de  femmes,  et  surtout  leurs  formes  hypoco- 
ristiques,  servent  à  désigner  une  fille  galante:  Catin,  Ma- 
delon,  etc. 

On  trouve  quelquefois  aussi  des  diminutifs,  tirés  de 
noms  propres,  employés  d'une  manière  appellative  pour 
désigner  une  petite  fille. 

Le  wall.  trîne  'fille',  'fillette'  (Grandgagnage)  est  une 
abréviation  hypocoristique  de  Catherine.  Il  peut  signifier 
en  outre  'fiJle  de  mauvaise  vie',  de  même  que  Catin. 

Le  tosc.  tancina  'figliolina',  'bambina',  est  un  diminu- 
tif de  tancia,  qui  est  une  forme  contractée  et  corrompue 
de  Costanza.  Voici  ce  que  Fanfani  nous  apprend  sur  le 
développement  sémantique  de  ce  mot:  «Come  Tancia  è 
nome  contadinesco,  le  quali  generalmente  hanno  del  rozzo 


^  Le  même  usage  se  retrouve,  sous  des  formes  variées,  dans 
d'autres  contrées.  Dans  le  canton  de  Vaud,  les  jeunes  paysannes  vont, 
le  premier  dimanche  de  mai,  en  grand  costume  chanter  de  porte  en 
porte  avec  un  panier  au  bras,  pour  recevoir  de  petits  présents,  des 
œufs,  des  fruits,  des  gâteaux,  etc.  Bridel  nous  apprend  qu'on  les 
appelle  maïentze. 

2  Cf.  l'angl.  Tommy  'soldier',  le  composé  suédois  dummer-jirns. 
correspondant  au  franc,:,  Jean-béte,  etc, 

12 


—  174  — 

e  dello  sciammannato,  cosi  anche  a  Firenze,  quando  si 
vede  una  donna  cosi  fatta,  benchè  non  contadina,  si  dice 
che  è  una  Tancia;  e  spesso  odesi  dire:  Ho  visto  il  taie 
con  la  sua  Tancia,  cioè,  o  moglie,  o  ganza.  Aile  volte  si 
piglia  anche  per  la  specie;  e  quando  nasce  una  bambina, 
si  dice  Tancina,  per  esempio:  La  sora  Carlotta  ha  parto- 
rifo,  e  ha  fatto  una  hella  tancina»  ^. 

B.    Changements  actifs. 
1.    Termes  affectifs. 
a.    Termes  de  tendresse. 

174.  Un  certain  nombre  des  mots  dont  nous  avons 
déjà  parlé  sont,  ou  ont  été,  des  termes  hypocoristiques. 
Rappelons  en  première  ligne  les  diminutifs,  puis  des  mots 
tels  que  donnino  (§  163),  valet  (p.  169,  n.  3)  et  plusieurs 
autres,  dont  le  sens  propre  a  disparu,  et  qui,  quand  ils 
s'appliquent  aux  enfants,  ne  servent  plus  qu'à  exprimer 
la  tendresse  de  celui  qui  parle.  —  Nous  allons  étudier  ici 
quelques  termes  qui  servent,  d'une  manière  encore  plus 
nette,  à  rendre  les  mêmes  sentiments  et  qui  ont  pris  par- 
fois un  sens  plus  objectif^;  ensuite,  nous  passerons  aux 
épithètes  qui  expriment  d'autres  nuances  de  sentiment  en- 
vers les  enfants. 

175.  S'il  est  une  catégorie  de  mots  qui  méritent  entre 
tous  d'être  appelés  «hypocoristiques»,  ce  sont  ceux  qui 
signifient  'cher',  'chéri',  'aimé',  etc.  Dans  quelques  dia- 
lectes italiens,  des  adjectifs  ayant  cette  signification  sont 
devenus  des  dénominations  d'enfants. 


1  Cf.  du  reste  §  372. 

^  On  trouvera  ailleurs  aussi,  surtout  sous  la  rubrique  de  Méta- 
phores, des  exemples  de  termes  hypocoristiqiies  devenus  des  dénomi- 
nations d'enfants. 


—  175  — 

Dans  le  parler  de  Teramo,  rarorce^  qui  est  le  même 
mot  que  l'italien  caruccio^  s'emploie  comme  substantif  au 
sens  de  'bambino',  'bambina'.  Le  dialecte  des  Abruzzes  en 
a  tiré  lo  diminutif  carbcele  'bambino'.  Finamore  donne  en- 
core la  forme  cacaroz^e,  qui  se  dit  par  plaisanterie  à  Castel- 
frentano.  Cf.  l'oberland.  cratsch  'l'ultimo  nato'  \  mil.  ca- 
rœu  'cucco',  gén.  caemn  'cucco',  'beniamino'. 

176.  Pour  rendre  un  sentiment  d'affection,  on  donne 
volontiers  à  l'être  aimé  des  épithètes  signifiant  'joli',  'char- 
mant', etc.  C'est  ainsi  que  l'italien  hello  s'emploie  à  peu 
près  au  sens  de  'carino'  dans  des  expressions  telles  que: 
Vieni  hello!  Non  piangere,  hello  mio!^  Le  franc,  hellot  a 
le  même  sens  dans  mon  petit  hellot,  ma  petite  hellote,  qu'on 
trouve  dans  bien  des  dialectes  ^.  Ces  mots  sont  restés 
cependant  des  termes  de  tendresse,  tandis  que,  dans  la 
Suisse  romande,  une  expression  pareille  est  devenue  un 
appellatif.  Les  matériaux  du  Glossaire  des  pjatois  de  la  Suisse 
romande  nous  apprennent  que,  dans  ces  patois,  gracieux — 
gracieuse  (vaud.  gracha'^^ — gvacha'^^za,  frib.  graliâ — grahâja) 
sont  synonymes  de  'adolescent',  'adolescente'.  I)'après 
l'article  gràchau  dans  Bridel,  l'emploi  du  mot  est  beaucoup 
plus  restreint:  «Gràchau,  subst.  et  adj.  Gracieux.  Ce  titre 
accompagne  souvent,  dans  les  cantons  de  Fribourg  et  de 
Vaud,  le  bonjour  et  le  bonsoir  quand  on  le  donne  aux 
jeunes  gens.  Adsivo,  grachausa,  bonjour  la  belle».  Le 
fribourgeois   emploie   de   la  même  manière  le  mot  galéza. 


»  Voyez  ZRPh,  XXXIV,  p.  389;  BDR,  V,  p.  178. 

-  Cf.  l'emploi  de  beau — belle  dans  beau-père,  belle-mère,  etc.  — 
Sur  beau  =  'chéri',  cf.  du  reste  Tappolet,  Die  rom.  Verwandtachaftsn., 
p.  124  s.,  et  les  ouvrages  y  mentionnés;  Meyer-Liibke,  Rom.  etym.  Wb., 
1027. 

^  Dans  l'Ouest  et  le  Centre  on  prononce  blot,  dans  le  Morvan 
bolot.  On  s'en  sert  aussi  pour  appeler  les  pigeons  (dans  le  Centre), 
ou  les  moutons  (à  la  Selle-Craonnaise,  Mayenne).  En  Poitou  on  en 
a  tiré  le  verbe  bloter  'câliner',  'soigner  tendrement'. 


—  176  — 

177.  L'anc.  fr.  ^niste  'joli',  'gentil',  'bien  mis',  'propret' 
s'est  conservé  dans  certains  patois:  comt.,  jur.  miste,  bress. 
misto  'joli',  'charmant',  'paré';  prov.  miste  'affable',  'gra- 
cieux', 'bien  mis';  et  c'est  probablement  le  même  mot  qui 
entre  dans  plusieurs  dénominations  d'enfants:  norm.  mis- 
teau  (mistau)  'jeune  garçon,  bien  tourné'  ^  (Moisy),  'jeune 
homme'  (Du  Méril);  lang.  misto  'jeune  enfant',  'mioche'^; 
prov.  mistoun  'jeune  enfant',  'bambin'  ^  (comme  adjectif: 
'doux',  'mignon'). 

178.  Au  lieu  d'adjectifs  signifiant  'beau',  'gracieux', 
on  emploie  parfois  comme  termes  de  tendresse  les  noms 
d'objets  jolis  ou  précieux.  Ainsi  on  appelle,  dans  le  Midi 
de  la  France,  un  petit  enfant  aimable  un  perlet  (lang.  per- 
lou)^  ou  un  jouieii;  le  franc,  bijou  s'emploie  de  la  même 
manière.  Je  crois  qu'il  faut  expliquer  d'une  façon  ana- 
logue l'ital.  naceherino,  et  y  voir  le  diminutif  de  nacehero, 
qui  s'est  dit  pour  nacchera  'nacre'.  C'est  un  terme  d'amitié 
qui  s'adresse  très  souvent  à  un  petit  enfant  (ou  à  un  petit 
animal),  mais  il  paraît  être  employé  aussi  quelquefois 
comme  simple  synonyme  de  hamhino;  du  moins,  on  trouve 
cette  signification  indiquée  par  plusieurs  dictionnaires  de 
dialecte.  Boerio,  par  exemple,  définit  le  vén.  hamhin  par:  ham- 
bino, bambolo, bimbo, mammolo,  naccherino, pargoletto, infante. 

179.  Dans  bien  des  langues,  les  mots  signifiant  'âme' 
sont    usités    comme    termes    hypocoristiques  *   et  prennent 

^  Cf.  Cotgrave:  mistoudin  'A  neat  fellow,  a  spruce  companion'. — 
A  ce  propos,  il  convient  de  mentionner  ^^woZef — fignoleta,  proprement 
'petit-maître',  'élégant';  'petite-maîtresse',  'coquette',  qui,  dans  les  patois 
de  la  Suisse  romande,  prend  quelquefois  le  sens  général  de  'jeune 
homme',  'jeune  fille'. 

'  Mistral  le  relève  à  Nîmes,  Azaïs  dans  les  Cévennes. 

'  L^argot  a  emprunté  ce  mot:  miston — mistonne  'jeune  homme', 
'jeune  fille'  (voir  Sainéan,  Les  sources  de  l'arg.  anc,  II,  p.  899  s.). 

■*  Cf.  Grimm,  Deutsches  Wôrterbtich,  IX,  2285:  «.  .  .  der  liebende 
[nennt]  den  geliebten  geradezu  seine  seele,  gewissermaszen  den  besten, 
innersten,  wesentlichsten  theil  von  sich,  sein  eigentlichstes,  wahres  selbst.» 


—  177  — 

ainsi  le  sens  de  'être  aimé'.  Quelquefois  on  emploie. des 
diminutifs  de  ces  mots  au  sens  de  'enfant',  par  exemple 
le  bas-allem.  min  scelken  (Grimm).  De  même,  l'ital.  ani- 
metta,  vén.  anemeta,  se  dit  comme  terme  de  tendresse  et 
de  pitié  d'un  petit  enfant;  dans  le  patois  des  Fourgs, 
armetot  a  la  même  signification.  Dans  son  Glossaire  du 
patois  de  Blonay,  M"^*^  Louise  Odin  a  constitué  un  ar- 
ticle ainsi  conçu:  «arméta,  s.  f.  Dim.  de  firuta.  Petite  âme. 
—  Par  ext.  enfant;  sa  pnr^  arméta:  ce  pauvre  enfant.» 
D'après  cette  définition,  arméta  a  pris  entièrement  ici  le 
sens  de  'enfant'  ;  mais  l'exemple  paraît  indiquer  qu'il  s'agit 
encore  d'un  terme  d'affection. 


b.    Termes  de  pitié. 

180.  Les  sentiments  de  pitié  et  de  compassion,  qu'in- 
spirent les  petits  enfants  faibles  et  sans  défense,  ont  donné 
naissance  à  plusieurs  dénominations  d'enfants  dans  les 
patois  franco-provençaux  et  les  dialectes  avoisinants. 
Toutes  ces  épithètes  sont  des  adjectifs  signifiant  'pauvre', 
'affligé',  'faible',  etc.;  la  plupart  d'entre  elles  joignent  au 
sens  de  'enfant'  celui  do  'petit'  ^ 

Les  cartes  461  et  1708  de  V Atlas  linguistique  nous 
montrent  que  pur,  proprement  'pauvre'  ^,  se  dit  pour  'enfant' 
et  pour  'nourrisson'  à  Sixt  (Haute-Savoie).  La  carte  572 
nous  apprend  que  ce  mot  y  peut  signifier  aussi  'jeune 
fils',    et    que  pôro    a  le   même    sens   à  Séez  (Savoie).     Le 


1  Ce  dernier  sens  a  peut-être  été  antérieur  à  celui  de  'enfant'. 

'■^  Cf.  la  carte  981  {pauvre)  de  l'Atl.  ling.  —  Pour  exprimer  l'idée 
de  'mendiant',  qui,  d'après  la  carte  833,  se  rend  par  puro,  pôro,  etc. 
en  bien  des  endroits  de  la  Savoie,  de  la  vallée  d'Aoste  et  de  la  Suisse 
romande,  on  a  eu  recours,  dans  les  parlers  de  Sixt  et  de  Séez,  à 
d'autres  expressions;  à  Séez  on  dit  mîidya,  à  Sixt  kuia.  —  Ce  dernier 
mot  s'emploie  du  reste  ailleurs  aussi:  Taninges  coulion  'mendiant'; 
Annecy  coulian  'fainéant'.  C'est  un  diminutif  de  coulie  'testicule';  cf. 
le  franc,  pop.  coïon  ou  couilîon  'lâche',  'poltron',  'imbécile'. 


—  178  — 

féminin  pura  s'emploie  à  Sixt  (à  côté  de  gamina)  au  sens 
de  'fillette',  et  même  an  sens  de  'poupée'.  Du  reste,  pur 
se  dit  très  fréquemment  dans  ces  parlers  pour  'petit'.  Un 
chaton  s'appelle  à  Sixt  pur  se;  à  Séez:  poro  set;  un  oiselet 
à  Sixt:  pur  izé;  à  Séez:  poro  œjel.  Pour  'jeune  chien'  on 
dit  à  Sixt  pur  se;  pour  'maisonnette'  pure  meo;  et  pour 
'mon  petit  garçon'  à  Séez:  mo  poro  garso.  Dans  le  Cha- 
blais,  pouro  désigne  le  petit  d'un  animal,  spécialement  de 
la  chèvre  et  du  chamois.  —  Ajoutons  que  paurot  se  trouve 
au  point  791,  dans  le  département  de  l'Ariège,  comme  ré- 
ponse à  la  question  'mon  petit  garçon'. 

182.  Mendie j  du  lat.  mendicus  'mendiant',  avait  pris 
déjà  en  ancien  provençal  les  sens  de  'jeune'  et  de  'gar- 
çon'. Levy  a  relevé  cet  emploi  dans  trois  textes  ^  Au- 
jourd'hui on  ne  le  trouve  avec  ce  sens  que  dans  le  pa- 
tois des  Alpes  Cottiennes  '',  où,  d'après  les  dictionnaires 
de  Mistral  et  de  Chabrand  et  Rochas  d'Aiglun,  mendie^ 
signifie  'garçon';  mendio  (Mistral:  mendia,  mendïgo)  'jeune 
fille'.  Le  masculin  n'est  pas  relevé  par  V Atlas  linguistique; 
mais  la  carte  570  montre  le  féminin  mœndya  *  à  Monêtier- 
les-Bains  (Hautes-Alpes),  et  màndïe  à  Oulx,  dans  la  vallée 
de    la    Doire    Ripaire,    au    delà   de  la  frontière  italienne  ^. 

^  Dans  la  traduction  d'un  évangile  apocryphe,  citée  par  Raynou- 
ard;  dans  la  Vida  de  Sant  Honorât,  LXXI,  28;  et  dans  la  Vie  de 
Saint  Trophime,  56  (An.  du  Midi,  43,  310). 

^  Ailleurs  dans  le  Midi,  mendi{c)  (lang.  mendil)  signifie  'aide- 
berger',  'apprenti-berger'  ou  'ouvrier  qui  traîne  les  chariots  de  houille 
dans  les  mines';  mendigo,  mendio  se  dit  pour  'jeune  bergère'. 

'  M.  Tappolet,  Die  rom.  Verwandtschaftsnamen,  p.  46,  signale 
la  forme  mendis  comme  usitée  à  Puy  Saint  Pierre  et  à  Brius 
(Queyras). 

*  M.  Tappolet,  lac.  cit.,  accentue  aussi  mendio.  Il  paraît  hors 
de  doute  qu'un  déplacement  de  l'accent  a  eu  lieu  dans  le  patois  dau- 
phinois sur  le  versant  occidental  des  Alpes,  tandis  que  l'accent  du 
latin  mendicus  s'est  conservé  dans  les  patois  des  vallées  piémontaises. 

^  D'après  les  cartes  de  V Atlas,  un  garçon  s'appelle  bot  et  non 
mendie  à  ces  deux  endroits. 


—  179  — 

Il  est  assez  intéressant  do  retrouver  ce  mot  clans  le  dia- 
lecte vaudois  de  Neu-Hengstett  en  Wiirtemberg,  où  il  a 
été  apporté  autrefois  des  vallées  du  Piémont  :  mendiii  'jeune 
fille  nubile'  ^  —  Mistral  enregistre  les  diminutifs  luendicoun, 
mendigoun  'petit  garçon',  mendigueto,  mcndioto  'petite  fille'. 
A  Monêtier-les-Bains,  M.  Edmont  a  relevé  le  diminutif 
mœndiora  'fillette',  formé  à  l'aide  du  suffixe  -ola  ^.  — 
Dans  le  Midi  de  la  Franco,  mendie  ne  semble  pas  avoir 
été  employé  adjectivement  au  sens  de  'petit';  mais  dans 
le  dialecte  de  la  Romagne  on  trouve  un  développement 
sémantique  de  numdicus,  qui  rappelle  celui  de  'pauvre'  > 
'petit':  mindigh  signifie  ici  'mingherlino'.  'sottilino',  'ma- 
grino',  'scriato'. 

183.  Avant  de  passer  aux  autres  expressions  de  ce 
genre,  je  voudrais  discuter  brièvement  la  manière  dont 
M.  Tappolet  explique  comment  tncndir  est  devenu  une  dé- 
nomination d'enfant:  «soi  es  nun  dass  die  armen  Kinder 
dort  [à  Puy  de  Saint-Pierre]  betteln  gehen,  sei  es  dass 
eine  Metapher  vorliegt,  wonach  die  kleinen  liulfslosen  Kin- 
der mit  dem  ebenfalls  notbedrângten  Bettler  verglichen 
und  nach  ihm  benannt  wurden  ^.  » 

Je  ne  crois  pas  qu'on  ait  le  droit  de  supposer,  comme 
le  fait  ici  M.  Tappolet,  un  passage  direct  de  l'acception 
de  'mendiant'  à  celle  de  'enfant'  *,  soit  par  voie  de  méta- 
phore, soit  par  suite  d'une  analogie  réelle  dans  la  position 
sociale.     On    pourrait    alors,  avec  autant  de  raison,  expli- 


1  Voir  Morosi,  AGII,  XI,  p.  395. 

*  Dans  le  Brian(,onnais  et  le  Queyras.  l  se  change  très  souvent 
en  r.  Voyez  le  dictionnaire  de  Chabrand  et  Rochas  d'Aiglun,  p.  6,  et 
Meyer-Liibke,  Gramtn.  des  lang.  rom.,  I,  §  457. 

'  op.  cit.,  p.  46. 

*  Dans  le  dictionnaire  de  Chabrand  et  Hochas  d'Aiglun  on  trouve 
cette  question  à  propos  de  mendie:  «Le  garçon  est  en  quête  d'une 
femme?»  et  cette  définition  de  mendio:  «jeune  fille  en  quête  d'un 
mari.»  Cela  montre  que  les  auteurs  ont  cru  aussi  à  une  association 
directe  entre  l'idée  de  'mendiant'  et  celles  de  'gardon',  'fille'. 


—  180  — 

quer  l'emploi  du  sav.  pur^  au  sens  de  'enfant',  par  un 
rapprochement  entre  la  situation  des  enfants  et  celle  des 
pauvres  proprement  dits,  des  indigents.  —  Les  autres  mots, 
dont  je  traite  ici,  qui  ont  tous  l'acception  commune  de 
'malheureux',  'qui  est  à  plaindre',  mais  dont  la  plupart  ne 
signifient  pas  'mendiant'  ou  'indigent',  montrent  cependant 
que  nous  avons  affaire  à  des  expressions  de  sentiment, 
et  non  à  des  métaphores.  La  pauvreté  est  le  plus  sou- 
vent un  malheur,  et,  de  même  que  pauvre^  mendie  a  par- 
fois pris  le  sens  de  'malheureux',  'misérable'.  ^  C'est  un  fait 
bien  connu  que  des  expressions  de  pitié,  d'attendrissement 
s'emploient  souvent  pour  exprimer  un  sentiment  plus  gé- 
néral de  sympathie  et  d'affection.  On  sait,  par  exemple, 
que  pauvre^  en  bien  des  cas,  est  usité  à  peu  près  comme 
synonyme  de  'chéri'  ^.  Puis,  de  même  que  beaucoup 
d'autres  termes  de  tendresse,  ces  mots  en  sont  venus  à 
désigner  des  enfants  d'une  façon  plus  objective  et  plus 
générale. 

184.  L'anc.  prov.  marrit  'embarrassé',  'affligé',  'sou- 
cieux' est  devenu,  dans  les  Alpes  Cottiennes,  un  terme  de 
pitié,  synonyme  de  pauvre  ^;  et,  ainsi  que  pur  en  Savoie, 
il  a  pris  le  sens  de  'enfant'.  Le  masculin  marri  est  at- 
testé *  dans  le  Queyras,  à  Chorges  (Hautes-Alpes)  et  au 
Monestier  de  Clermont  (Isère).  Màrri-mdrria  a  été  re- 
levé   à   Saint-Firmin    et    à    Brius    (Hautes-Alpes),    môri — 


*  Cf.  ce  passage  cité  par  Godefroy: 

Uns  povres,  uns  las,  uns  menais. 
Qui  n'a  amis  en  cest  pais. 

{Vie  du  pape  Grég.,  p.  43,  Luzanche.) 
*  Cf.    mon  puro  peti  'mon  cher  petit'  (Odin);  mo  pur  ami  'mon 
vieil  ami'  {AU.  ling.,  1388). 

■*  Ainsi,  il  se  dit,  comme  pawwre,  pour  'feu',  'dernièrement  défunt': 
lou  marrit  Mathieu  'feu  Mathieu'. 

■*  Voir    VAtl.    ling.,    Chabrand   et  Rochas   d'Aiglun,    et  Tappolet, 
op.  cit.,  p.  46  s. 


—  181  — 

môria  à  La  Gravo  (Hautes- Alpes),  môrt/o  à  Die  (Drôme)  K 
Marri  est  donc  un  peu  plus  répandu  que  mendie.  Cepen- 
dant, d'après  VÂtlas  linguistique,  marri  ne  signifie  'enfant* 
qu'au  Monestier  do  Clermont;  à  Saint-Firmin  et  à  Chor- 
ges  il  paraît  être  exclusivement  un  terme  de  parenté  (= 
'(jeune)  fils').  A  Brius,  marri — mdrria  signifie  de  même, 
suivant  M.  Tappolet,  'fils',  'fille',  tandis  que  l'idée  de  'en- 
fant' y  est  rendue  par  menais.  Il  faut  pourtant  observer 
que,  dans  le  dictionnaire  de  Chabrand  et  Rochas  d'Aiglun, 
marri  est  défini. par  'petit  enfant'.  On  y  trouve  aussi,  p. 
150,  le  proverbe  suivant,  qui  montre  que  du  moins  le  plu- 
riel se  dit  pour  'enfants':  Feno  jouve  è  homme  viei  fan  de 
marris  un  plein  fouyé  ^.  Mistral  donne  le  renseignement 
général  que,  dans  les  Alpes,  marrit — marrie  signifie  'petit 
garçon',  'petite  fille'  ^. 

185.  Dans  les  patois  de  la  Suisse  romande,  dole 
(<  lat.  dolentem)  nous  fournit  un  pendant  du  dauphinois 
marrit.  L'anc.  prov.  dolen  et  Fane.  fr.  dolent  signifiaient 
'pitoyable',  'misérable',  'malheureux',  etc.,  sens  qu'on  re- 
trouve dans  l'adjectif  doleint  'faible',  'misérable',  'digne  de 
pitié'  (Bridel).  Les  matériaux  du  Glossaire  des  ^yatois  de 
la  Suisse  romande  indiquent  que  le  fribourgeois  ne  connaît 
pas  d'autre  emploi  du  mot.  Mais,  dans  les  Alpes  vaudoi- 
ses  et  dans  le  Valais,  dolin — dolinta  signifie  'enfant'  (jus- 
qu'à l'âge  de  quinze  ans);  'petit  garçon';  'petite  fille'. 
\j  Atlas  linguistique  ne  relève  que  le  féminin  doleta  'jeune 
fille',    à  Saint-Maurice  (Valais)  *.     A  Vionnaz  (Bas-Valais), 


^  M.  Tappolet.  op.  cit..  p.  47,  a  relevé  encore  armis  dans  l'argot 
de  Mont-Morin  (Hautes-Alpes).  Il  y  voit  on  phénomène  de  mé- 
tathèse. 

^  «Femme  jeune  et  mari  vieux  font  d^enfants  une  pleine  maison.» 

*  Mari  'petit',  qu'on  trouve  dans  l'expression  mari  lume  'lumi- 
gnon', au  point  847  (Die,  Drôme)  et  à  plusieurs  points  de  la  Provence, 
est  probablement  le  même  mot  que  marri. 

*  Une  petite  fille  s'appelle  ici  petyuda. 


—  182  — 

dàlé — dôlèta  'petit  garçon';  'petite  fille',  est  signalé  par 
M.  Gilliéron  ^  Dole,  à  l'instar  du  sav.  pur,  peut  aussi 
signifier  'petit'.  A  Vissoye  (Valais)  on  dit  dole  tsatet 
pour  'chaton',  doïe  tsinet  pour  'jeune  chien'  et  doU»  ftvatet 
pour  'lumignon'. 

186,  Chêtif,  du  lat.  captivum,  a  perdu  peu  à  peu  son 
sens  étymologique,  qui  a  été  remplacé  par  ceux  de  'pauvre', 
'malheureux',  'misérable',  ou  de  'débile'.  Dans  le  patois 
bourbonnais,  et  particulièrement  dans  le  parler  de  Va- 
rennes-sur- Allier,  chetit  ^  est  un  terme  de  commisération  : 
cou  pourc  chetit  est  hen  malade  (Choussy);  et  V Atlas  lingui- 
stique nous  montre  que  eti — etit  s'emploie  dans  le  même 
patois  (à  Vesse,  dans  le  département  de  l'Allier)  aux  sens 
de  'enfant',  'garçon',  'jeune  fils';  'fillette'.  —  Il  signifie  aussi 
'petit'.  A  Trézelle,  dans  le  même  département,  une  mai- 
sonnette s'appelle  etit  mesà.  Ajoutons  que  chejtî,  à  Val 
Soana,  signifie  'piccolo',  'meschino'  ^. 

187.  Peut-être  faut-il  ranger  ici  encore  f/âte  (f/ate), 
qui  se  dit,  dans  plusieurs  localités  du  Bourbonnais,  pour 
'petite  fille'.  Duchon  le  relève  à  Moulins,  Choussy  à 
Varennes-sur-Allier.  Jj^Atlas  linguistique  le  signale  au 
point  901  (Allier)  dans  les  acceptions  de  'fille'  et  de  'fil- 
lette', et,  aux  points  904  (Allier),  1  (Nièvre),  dans  ce  der- 
nier sens.  Je  crois  qu'il  faut  identifier  ce  mot  avec  l'ad- 
jectif bourbonnais  gâte  'fatigué',  'harassé',  'malade',  'ruiné' 
etc.  (cf.  gâter)-,  et,  dans  ce  cas,  il  a  dû  être  primitivement 

*  Patois  de  la  commune  de  Vionnaz  (Bas-Valais),  p.  14G.  —  Pour 
la  chute  de  la  nasale,  voir  ibid.,  p.  67. 

-  Le  mot  s'écrit  cheti  ou  chetit,  au  féminin  chetite.  Jaubert  a 
expliqué  le  t  final  de  cette  manière:  «On  dit  par  euphonie,  pour  éviter 
l'hiatus,  un  ckHit  houme,  un  clitit  endreit.»  J'incline  à  voir  là  l'in- 
fluence analogique  de  petit,  petite,  qui,  dans  le  Bourbonnais,  est  souvent 
remplacé  par  cheti. 

»  Voyez  Nigra,  AGU,  III,  p.  48. 


—  183  — 

un  terme  de  pitié  (et  peut-être  de  mépris.).  —  Le  Centre 
et  le  Morvan  connaissent  le  dérivé  gâtièrc  'petite  fille'  ', 
qu'on  retrouve  au  point  4  (Nièvre)  de  la  carte  ma  fille 
sous  la  forme  de  gâTcyèr  ^, 

188.  L'arabe  miskin  (meskin)  'pauvre',  'misérable',  qui 
a  passé  en  ancien  provençal  et  en  ancien  français  sous  la 
forme  de  mesquin  (ou  mescJiin)^^  y  a  subi  le  même  développe- 
ment sémantique  que  celui  que  nous  avons  retracé  pour 
mendie,  marri,  pur,  doleint,  ehefif.  En  ancien  provençal,  mes- 
quin—mesquina  a  conservé  le  sens  primitif  de  'pauvre',  'faible', 
'cbétif,  'piteux',  'malheureux',  'misérable'  "*,  à  côté  du 
sens  nouveau  de  'jeune',  'garçon',  'jeune  fille',  L'anc. 
fr.  meschin — meschine  se  rencontre  aussi  quelquefois  avec 
le  sens  de  'pauvre'  ".  mais  d'ordinaire  il  signifie  'jeune', 
'jeune  homme',  'jeune  fille'.  Du  féminin  on  avait  tiré  le 
diminutif  meschinete.  —  De  même  que  fille,  (jougc  et  d'autres 
expressions  pour  'jeune  fille',  meschine  a  pris  plus  tard 
les  acceptions  de  'concubine',  'fille  de  mauvaise  vie'  et  de 
'servante'  *'.    Dans   ce  dernier  sens,  meschine  s'est  conservé 

1  De  Chambure  le  traduit  par  'fille  malpropre,  dont  la  toilette 
est  en  désordre',  'souillon',  sens  qui  se  rattache  à  certaines  accei)tions 
du  verbe  gâter. 

■  Dans  plusieurs  patois  (berrichon,  angevin,  picard,  etc.j  k  rem- 
place le  t  dans  la  prononciation  de  la  syllabe  ti  faisant  partie  d'une 
diphtongue;  amitié,  chrétien,  petiot,  tien  se  prononcent  ainiquié,  chri- 
quien,  pequiot,  quien  (cf.  Jaubert,  Gloss.  du  Centre  de  la  France,  ])p. 
390,  552). 

'  Le  franc,  mod.  mesquin  '([ui  manque  d'ampleur'  a  été  emprunté 
au  XVI''  siècle  de  l'ital.  meschino  (d'après  le  Dict.  gén.  et  Nyrop,  op. 
cit.,  I,  §  20),  ou  de  l'esp.  inezquino  (d'après  Meyer-Liibke,  Mom.  etym. 
Wb.,  5539). 

*  Ce  sens  est  vivant  encore  en  provençal  moderne. 

'  Voir  La  Curne. 
,  •  Il  semble  que  le  masculin  aussi  se  soit  dit  pour  serviteur' 
(voir  La  Curne).  Quelques  textes  bas-latins  (dans  Du  Cauge)  em- 
ploient mischini  (ou  meschini),  avec  cette  acception,  et  on  le  trouve 
une  fois  combiné  à  homines,  qui  avait  le  même  sens.  (Cf.  Jaberg, 
ZRPh,   XXVII,   p.  43).  —  Le  glossaire  champenois  de  Tarbé,  qui  est 


—  184  — 

dans  les  patois  du  Nord  ^  et  dans  le  parler  de  la  vallée 
d'Aoste  l  Dans  quelques  villages  aux  environs  de  Mons, 
mesquenne  ou  mequenne  est  aussi  une  appellation  d'amitié 
adressée  aux  petites  filles,  de  même  que  sarvante  dans  le 
Centre.  D'après  Grandgagnage,  le  wall.  mesquène  se  dit 
aujourd'hui  encore  quelquefois  pour  'fille':  C'est  V  meskène 
d'à  Colas:  «C'est  la  fille  de  Nicolas.» 

189.  Je  me  permets  de  ranger  ici  encore  un  terme  de  la 
Valtelline,  dont  le  sens  primitif  rappelle  l'une  des  significations 
de  chétif:  'd'apparence  débile'.  Il  s'agit  de  nerc,  qui,  dans 
toute   la  Valtelline,  signifie  'fanciullo',  et  qui,  à  Gerola,  a 

un  mélange  de  mots  anciens  et  modernes,  signale  meschin  'jeune  gar- 
çon'; 'valet',  comme  un  mot  du  département  des  Ardennes.  Sans 
doute,  il  s'agit  ici  d'un  mot  ancien. 

•  Pic.  mékaine,  mékinc,  dim.  mékinete;  rouchi  méquéne,  dim.  nié- 
quenon;  mont,  mesquenne,  mequenne;  wall.  meskène.  Les  données  des 
dictionnaires  sont  confirmées  par  celles  de  l'Atlas  linguistique;  la 
feuille  servante  (1226)  montre  meskên,  meken  et  des  formes  semblables 
dans  les  départements  du  Pas-de-Calais*  du  Nord,  de  la  Somme  et 
dans  les  provinces  belges  du  Hainaut  et  de  Namur.  —  D'après 
Nigra,  StM,  III,  p.  100,  le  patois  normand  de  la  vallée  d'Yères  con- 
naît aussi  mékaine  au  sens»de  'serva'.  'ancella'.  Cette  assertion,  qui 
se  retrouve  dans  le  JRom.  etym.  Wôrterbuch  de  Meyer-Liibke,  5539: 
«norm.  wallon,  meken  'Viehmagd'»,  est  une  erreur.  Si  nous  ouvrons 
le  Glossaire  de  la  Vallée  d'Yères  de  Delboulle,  nous  trouvons  à  l'ar- 
ticle mékaine  ce  renseignement:  «Dans  notre  vallée  on  désigne  sous 
ce  nom  un  instrument  de  cuisine,  cercle  en  fer  qu'on  suspend  à  la 
crémaillère  pour  supporter  une  poêle  ou  une  chaudière.»  Dans  le 
patois  de  Saint-Pol,  meken  peut  justement  s'employer  avec  le  même 
sens.  Le  patois  picard  de  Démuin  se  sert  de  ce  mot  pour  désigner 
une  autre  sorte  d'instmiment  :  «une  sorte  de  dévidoir  sur  lequel  les 
faiseurs  de  bas  enroulent  les  échevaux  de  laine  pour  les  mettre  en 
bobines.»  Godefroy  a  relevé  mesquine,  avec  un  sens  analogue  à  celui 
du  mot  haut-normand  et  Saint-Polois,  dans  une  coutume  de  Valen- 
ciennes;  il  le  définit  par  'meuble  servant  à  tenir  la  vaisselle',  'ser- 
vante'. Peut-être  la  méprise  de  Nigra  s'explique-t-elle  par  une 
lecture  trop  hâtive  de  la  remarque  suivante  qu'on  trouve  à  l'article 
cité  de  Godefroy:  «Hte-Norm.,  vallée  d'Yères,  mékaine,  servante  au 
sens  de  meuble.» 

^  Mekuna  'servante'.  Le  masculin  mekœn  'serviteur'  est  aujourd'hui 
hors  d'usage  (v.  Nigra,  op.  cit.,  p.  101). 


—  186  — 

pris  le  sens  de  'figlio'.  Le  féminin  nèrcia  se  dit  pour  'fan- 
ciulla'  à  Rogolo,  pour  'figlia'  à  Gerola  (Monti)  ^  Dans  le  nord 
et  dans  l'ouest  du  domaine  lombard,  neré  s'emploie  comme 
adjectif  au  sens  de  'scricciolo',  'mingherlino',  'gracile', 
Mebole',  'decimo',  'scriato'  ^.  Il  est  vrai  que  les  glossaires 
n'indiquent  pas  pour  ce  mot  de  sens  affectif  ('pauvre', 
'misérable',  etc.),  et  que,  par  conséquent,  ils  ne  nous  donnent 
pas  le  droit  de  prétendre  que  c'est  en  passant  par  ce  sens 
que  le  mot  en  est  venu  à  signifier  'enfant'  ;  mais,  en  tenant 
compte  de  ce  que  nous  ont  appris  les  termes  précédents, 
il  ne  semble  pas  trop  hasardé  de  supposer  que  nous  avons 
affaire  ici  à  un  cas  analogue  ^. 

c.    Termes  dépréciatifs  ou  cacophémiques. 

190.  La  pitié  et  le  mépris  sont  des  sentiments  appa- 
rentés; ils  ont  en  commun  la  conscience  de  la  supériorité. 
Entre  eux  il  y  a  des  transitions  aux  nuances  impercep- 
tibles. «Man  hat  mehr  als  einmal  konstatiert,  dass  der 
Begriff  des  Unglûcks,  des  Bemitleidenswerten  oft  in  den- 
jenigen    der    Erbârmlichkeit,    der    Schlechtigkeit  oder  der 

»  Cf.  aussi  Salvioni,  BendlL,  XXX,  p.  1506. 

*  Je  l'ai  relevé  dans  cet  emploi  en  milanais  et  dans  les  patois 
du  Tessin,  de  la  Valtelline,  du  Val  de  Blenio,  de  Bormio,  du  Val 
Furva  {sTterc,  Longa).  Dans  la  Valtelline,  neri  signifie  en  outre  'lom- 
brico  grosso';  à  Bellinzone:  'lumaco';  cf.  berc  'lumacone  nudo',  aux 
Tre  Pievi;  et  le  lucq.  nerchio  'lumaco'  (AGII,  XVI,  p.  458).  Est-ce 
le  même  mot':*  Et,  dans  ce  cas,  'ver  de  terre'  est-il  le  sens  primitif, 
ou  a-t-il  été  dérivé  de  Tidée  de  'mince',  'maigre"? 

'  De  même  qu'un  enfant  maigre  et  chétif  éveille  la  pitié,  un 
bébé  dodu  et  bien  portant  inspire  la  joie  et  l'admiration.  Des  mots 
signifiant  'gros  et  gras',  'bien  nourri'  s'emploient  quelquefois  comme 
termes  de  tendresse  en  parlant  à  un  enfant  où  à  une  jeune  fille.  En 
bergamasque,  ciciù  se  dit  à  un  bambin  gros  et  gras,  cicibta  (ou  ciciot) 
à  une  jeune  fille  aux  formes  rebondies  et  au  teint  frais;  et,  en 
comasque,  ciciôta  se  dit  tper  vezzo-D  d'une  jeune  fille  en  général.  Cf. 
Petrôcchi:  donna  cicciuta,  ragazzo  cicciuto,  de  ciecia  'carne',  mot 
enfantin  et  familier.  Cf.  aussi  l'abr.  ciaciônc  'bimbo  grassoccio'. 
'ragazza   grassoccia',    de  ciacce,  mot  enfantin  et  familier  pour  'carne'. 


—  186  — 

Groblieit  ubergeht,  ja,  dass  die  beiden  Begriffe  oft  kaum 
auseinander  gebalten  werden»,  dit  M.  Jaberg  ^  Les  mots, 
dont  j'ai  traité  dans  les  paragraphes  précédents,  montrent 
l'affinité  de  ces  deux  sentiments.  Ils  expriment,  à  côté 
de  la  sympathie  et  de  la  pitié,  le  mépris  et  le  dégoût. 
Le  prov.  paure  peut  signifier  'médiocre',  'mauvais';  marrit 
prend  souvent  le  sens  de  'mauvais',  'méchant';  en  ancien 
provençal,  mendie  se  disait  pour  'perfide',  'infâme'.  L'anc. 
fr.  caitif  et  l'anc.  prov.  eaitiu  signifiaient  tous  deux  'mau- 
vais', 'méchant';  et,  dans  les  patois  du  Centre,  cti  peut 
s'employer  avec  la  signification  de  'mauvais'  ^,  même  dans 
le  parler  de  Vesse,  où  il  a  pris  le  sens  de  'enfant'.  L'anc. 
prov.  mesquin  joignait  l'acception  de  'méprisable'  à  celle 
de  'malheureux'. 

191.  Le  fait  qu'un  mot,  ayant  le  sens  de  'malheureux', 
a  pu  prendre  celui  de  'méprisable',  'méchant'  indique  un 
état  de  conscience  intermédiaire,  où  la  pitié  et  le  mépris 
étaient  combinés  dans  un  sentiment  complexe  '.  Dans 
les  paragraphes  suivants,  nous  ferons  connaissance  avec 
un  grand  nombre  de  dénominations  d'enfants,  qui  résul- 
tent sans  doute  en  partie  d'une  combinaison  de  ce  genre. 

Il  arrive  assez  souvent  dans  toutes  les  langues,  sur- 
tout dans  le  langage  du  peuple,  que  des  termes  grossiers 
et  même  injurieux  s'emploient  à  l'adresse  des  enfants 
d'une  façon  tout  à  fait  amicale,  et  qu'ils  deviennent  sou- 
vent peu  à  peu  des  noms  d'enfants  proprement  dits.  M. 
Nyrop,    dans    sa    Grammaire    historique   de  la  langue  fran- 


^  ZEPh,  XXVII,  p.  45.  —  M.  Tappolet  a  attiré  rattention  sur 
le  fait  qu'un  même  mot  {Jtidr  =  'taui'eau',  dans  le  patois  de  Lens, 
Valais)  peut  s'employer  tantôt  avec  un  sens  compatissant,  tantôt  avec 
un  sens  méprisant.  «Es  liegt  im  Wesen  dieser  Gefûhlswôrter,  dass 
sie  enormen  Scliwankungen  ausgesetzt  sind.»  —  Cf.  aussi  Wundt.  Die 
Sprache,  II.  p.  572  ss. 

^  En  berrichon,  un  cliHi  gas  est  une  injure  (Jaubert). 

3  Cf.  Wundt,  op  cit.,  II.  p.  573. 


—  187  — 

raise,  IV,  §  565,  a  introduit  dans  le  langage  de  la  sé- 
mantique l'heureuse  expression  de  cacophémisme  pour  dé- 
signer ce  phénomène  ^. 

Si  l'on  veut  donner  une  explication  psychologique 
du  passage  des  mots  d'injure  à  des  noms  d'enfants,  il 
faut  distinguer  trois  cas  possibles.  D'abord,  l'injure  peut 
être  sérieuse.  Il  va  sans  dire  que,  dans  ce  cas,  nous 
n'avons  point  affaire  à  un  «cacophémisme».  Les  enfants 
ont  bien  des  qualités  peu  sympathiques,  variant  avec 
l'âge,  et  qui  sont  faites  pour  évoquer  des  sentiments  de 
dépit  et  de  colère,  même  chez  les  observateurs  les  plus 
bienveillants.  Mais,  chez  ceux-ci,  l'affection  vient  presque 
toujours  se  mêler  à  l'impatience,  et  de  ce  mélange  naît 
un  sentiment  nouveau,  voisin  de  l'humour,  une  sorte  d'iro- 
nie bon  enfant.  «L'expression  'ces  coquins  d'enfants',  dit 
Littré,  indique  une  impatience  mêlée  d'amour».  De  cette 
manière  s'expliquent,  comme  nous  venons  de  le  dire, 
un  bon  nombre  des  termes  en  question.  Mais  ce  n'est 
pas  là  encore  le  cacophémisme  typique.  Celui-ci  con- 
siste dans  l'application  d'un  mot  injurieux  à  un  être  aimé 
sans  aucune  nuance  de  reproche:  l'outrage  devient  un 
terme  de  tendresse;  c'est  une  sorte  de  paradoxe  linguisti- 
que. D'après  l'opinion  de  M.  Wundt,  il  faut  chercher 
l'explication  d'un  usage  si  étrange  dans  un  désir  chez 
celui  qui  parle  de  faire  ressortir  aussi  fortement  que 
possible  le  sentiment  qu'il  éprouve^.   Il  admet  cepen- 


^  «Le  cacophémisme  donne  de  vilains  noms  à  des  choses  jolies 
et  forme  ainsi  un  contraste  à  Teuphémisme;  hors  dn  domaine  de  la 
superstition  il  s'emploie  actuellement  surtout  dans  le  langage  hypo- 
coristique:  c'est  ainsi  que  des  injures  telles  que  crapaud,  grande 
dinde,  cochon,  grande  bête,  canaille,  petit  vilain,  servent  de  termes 
caressants»,  —  M.  Paul  appelle  le  même  phénomène  Uerbheit  {Prin- 
zipien  der  Sprachgeschichte,  4e  éd.,  p.  101). 

'  «Es  ist  nur  der  Drang,  das  Gefiihl  so  stark  wie  môglich  zu 
betonen.  der  dièses  Résultat  herbeifiihrt.  Es  beruht  wohl  auf  der 
Eigenschaft  unseres  Gefiihlslebens,  dass  die  Unlustformen  grôssere 
Intensitàtsgrade    erreichen    kônnen.     Wo    ein    sehr  starker  Lustaffekt 


-   188  — 

dant  aussi  qu'il  peut  exister  d'autres  raisons  accessoires  : 
«Das  Kontrastgefûhl,  das  durch  die  letztere  [die  ent- 
gegengesetzte  Gefûhlsqualitât]  erweckt  wird,  sowie  die  zu 
paradoxem  Ausdruck  neigende  Stimmung  scherzhafter 
Ironie  konnen  dann  ausserdem  mitwirkende  Faktoren 
sein»  ^.  M.  E.  Wellander  explique  ce  qu'il  appelle  «die 
Derbheit  im  Ausdrucke»  d'une  manière  semblable,  en  in- 
sistant particulièrement  sur  le  rôle  que  joue  le  contraste 
entre  l'épithète  choisie  et  le  sentiment  qu'elle  sert  à  ren- 
dre ^.  —  Les  termes  injurieux,  que  nous  allons  étudier,  sont 
d'origines  différentes,  mais  ils  ont  cela  de  commun  que 
le  sens  primitif  (l'élément  intellectuel  dans  l'état  de 
conscience  qu'ils  ont  représenté  d'abord)  s'est  effacé,  et 
que  c'est  l'élément  affectif  qui  a  dicté  leur  emploi 
comme  épithètes  ^. 

c.     1.     Mots  signifiant  «méchant»,  «coquin»,  etc. 

192.  Un  exemple  de  cacopbémisme  des  plus  simples 
et  des  plus  typiques  est  celui  que  nous  fournit  l'emploi 
hypocoristique  de  Vadjectii krouyo  (ou  Jcrouè)*',  'mauvais',  'mé- 

Averden  soll,  da  schiebt  sicli  daher  leicht  von  selbst  eine  Bezeichnung 
unter,  die  eigentlich  dem  Unlustgebiefc  angehôrt.»  {Die  Sprache,  II. 
p.  576). 

1  op.  cit.,  p.  577. 

^  Studien  sum  Becleutungswandel  im  Deutschen,  I,  p.  195. 

*  Prenons  par  exemple  le  franc,  coquin,  qui  est  devenu  une 
expression  hypocoristique.  Il  signifiait  originairement  'mendiant', 
'gueux';  puis  il  s'est  employé,  comme  terme  de  colère  sans  signification 
déterminée;  actuellement,  il  se  dit  aussi  par  plaisanterie  d'un  enfant 
comme  terme  d'affection:  «Cet  enfant  est  un  aimable  petit  coquin.» 
(Littré).  En  rouchi,  le  diminutif  coquinéte  ou,  par  aphérèse,  quinéte, 
se  dit  amicalement  aux  petites  filles.  Un  exemple  analogue  est  l'em- 
ploi du  mot  gueux  dans  le  dialecte  de  Saint-Pol,  où  mon  gueux  est 
un  terme  d'amitié  donné  aux  enfants  et  même  aux  adolescents  des 
deux  sexes.  Aux  tout  petits  enfants  on  dit  gueu-gueux,  suivant  l'ha- 
bitude du  langage  enfantin. 

*  M.  Grauchat  m'a  communiqué  qu'il  y  voit  le  celt.  croudios. 
Tissot.    dans    son    glossaire  du  patois  des  Fourgs,  le  rattache  à  l'ital. 


—  189  — 

chant'.  Dans  le  Glossaire  du  patois  de  Blonay  (canton  de 
Vaud),  on  trouve  plusieurs  exemples  de  hruyo  ou  krui/é,  au 
sens  primitif,  appliqué  à  des  enfants:  le-z  èfa  so  ta  krûyo 
«les  enfants  sont  si  méchants»;  lé  valoté  so  prou  Tcruyé  «les 
petits  garçons  sont  assez  méchants».  Le  glossaire  du 
patois  des  Fourgs  (dans  le  département  du  Doubs,  près 
de  la  frontière  de  la  Suisse)  nous  montre  le  mot  dans 
sa  deuxième  phase  de  développement,  comme  terme  de 
tendresse:  2>oroi<  crouâiou  ^  'pauvre  petit',  'cher  petit'.  Dans 
le  même  patois,  crouâiou  a  pris  aussi  le  sens  de  'adoles- 
cent'; et,  dans  le  canton  du  Valais,  Tcrouyo  (ou  krouè)  est 
devenu  le  synonyme  de  'enfant'.  C'est  la  troisième  phase. 
Le  terme  cacophémique  a  fini  par  devenir  une  dénomina- 
tion d'enfant  proprement  dite.  —  A  Bagnes  (BaS-Vàlais) 
ou  trouve  le  diminutif  krouëtsyo  'gamin'. 

193.  Le  poitevin  maraud  semble  avoir  subi  les  mê- 
mes changements  de  sens.  On  lit  dans  le  Glossaire  du 
patois  poitevin  de  l'abbé  Lalanne:  *Maraud  (1.  mas,  maris  ^) 
[a    bref],    adj.,    terme   de  tendresse  pour  désigner  les  en- 


croio  'cru';  au  figuré:  'brut',  'impoli',  'grossier',  etc.  D'après  l'opinion 
de  Rigutini  et  Bulle,  ce  mot  remonte  à  un  type  *crudius,  qui  est  peut- 
être  identique  au  celt.  croudi-  (cf.  Thumeysen,  Keltoromanisches, 
p.  83). 

*■  Ou  crouâïeu. 

*  La  même  étymologie  a  été  proposée  par  M.  Horning,  ZJRPh, 
XXII,  p.  487.  Il  suppose  que  le  poit.  maraud  'enfant'  a  signifié  pri- 
mitivement 'Mànnchen'.  M.  Sainéan  critique  —  avec  raison,  me  sem- 
ble-t-il  —  cette  étymologie  dans  l'introduction  de  son  travail  sur  La 
Création  métaphorique,  1  {ZMPh.  Beih.  I,  p.  2),  où  il  dit:  «Les  mots 
les  plus  vénérables  d'une  langue  et  ceux  d'une  date  plus  ou  moins 
récente  sont  jetés  dans  la  même  balance,  et  on  s'efforce  de  rattacher 
les  uns  et  les  autres  à  la  même  origine.  Faire  dériver,  par  exemple, 
maraud,  qui  date  seulement  du  XVP  siècle,  du  latin  marem  homme, 
ou  d'un  type  maîaldus  (voir  Koerting)  est  non  seulement  une  hypo- 
thèse gratuite,  mais  une  erreur  de  méthode.»  M.  Sainéan  lui-même 
voit  dans  le  poit.  maraud  le  même  mot  que  mard  (Deux-Sèvres),  maro 
(Cher,  Indre,  Creuse)  'matou',  dérivé  du  radical  onomatopoétique  mar 
{op.  cit.,  p.  65). 

18 


—  190  — 

fants;  il  signifie  aussi  enfant  en  général.  V.-D,-S.  Fran- 
çais: terme  de  mépris,  coquin,  fripon,  gneux.»  La  mar- 
che du  développement  serait  alors:  'coquin' >  terme  de 
tendresse  >  'enfant'.  —  Cependant  maraud  'enfant'  est 
peut-être  le  même  mot  que  l'adjectif  poitevin  maraud,  qui, 
dans  ]e  département  des  Deux-Sèvres,  s'applique  aux  ani- 
maux qui  s'engraissent  difficilement,  et  dont  le  sens  pri- 
mitif paraît  être  'maladif.  Dans  ce  cas,  le  développe- 
ment sémantique  serait  analogue  à  celui  que  nous  avons 
constaté  pour  cliétif,  marri,  pauvre,  etc.  ^ 

194.  C'est  probablement  à  un  emploi  cacophéraique 
qu'est  aussi  dû  le  fait  que  le  mot  marc  —  marcia 
a  pris  les  sens  de  'fanciullo',  'fanciuUa',  'ragazzo',  'ra- 
gazza',  'figlio',  'figlia',  dans  la  Valtelline,  à  Bormio  et  à 
Val  Livigno,  J'y  vois,  comme  M.  Tappolet  ^,  le  même 
mot  que  l'adjectif  marc  (=  ital.  marcio),  qu'on  trouve, 
dans  la  Valtelline,  à  Bormio  et  à  Poschiavo,  au  sens  de 
'putrido'.  Cf.  Petrôcchi:  E  un  bmo  marcio.  liagazd  marci^. 
—  De  la  vogue  du  mot,  spécialement  à  Bormio,  témoignent 
les  dérivés  nombreux  que  ce  patois  en  a  tirés:  mar- 
ciolin  'ragazzino'  (Monti);  marcin — marcina  'giovinetto', 
'giovinetta' ;  marcuc — marcuca  'ragazzuccio',  'ragazzuccia'; 
marcec — marceca  'ragazzaccio',  'ragazzaccia'  (Longa). 

195.  Dans  le  dialecte  de  Velletri  (Latium),  M.  Cro- 
cioni  a  relevé  le  mot  sgidato  'ragazzo'.  Il  propose  dubi- 
tativement d'y  voir  l'ital.  sguaiato  ou  sgolato.    Au  point  de 


^  Dans  le  brianoonnais  et  le  génois,  où  l  devient  r,  le  lat.  pop.*wa-. 
îehabitus  'malade'  a  donné  brianç.  marate  (ou  malate),  gén.  marottu; 
et  M.  Meyer-Liibke  {Rom.  etym.  Wb.,  52(54)  explique  le  français  ma- 
raud 'coquin',  dont  le  sens  primitif  aurait  été,  à  son  avis,  celui  de 
'misérable'  ('elend'),  comme  un  emprunt  fait  à  ces  idiomes. 

^  Die  romanischen   Vericandtschaftsnamen,  p.  49. 

*  M.  Salvioni,  MendlL,  sér.  II,  XXX,  p.  1506,  explique  mare 
par  un  croisement  de  mat  (v.  §  248)  et  de  nerë  (y.  §  189). 


—  191  — 

vue  de  la  sémantique,  la  première  explication  m'apparaît 
comme  la  plus  vraisemblable;  cf.  Petrôcchi:  Ilagazzaccio 
sguaiato. 

c  2.    Termes  d'orig-ine  mythologique  ou  superstitieuse. 

1%.  Je  me  permettrai  de  dire  ici  quelques  mot  d'un 
autre  groupe  de  dénominations,  bien  que,  le  plus  souvent, 
celles-ci  ne  servent  pas  à  désigner  des  enfants  en  général, 
mais  des  enfants  vifs  et  turbulents.  Ils  offrent  des 
exemples  assez  typiques  de  cacopbémisme,  et  c'est  pour- 
quoi je  trouve  utile  de  les  mentionner  ici. 

Les  idées  religieuses  et  mythologiques  jouent  un  rôle 
important  dans  la  vie  du  peuple.  Quand  il  s'agit  de  don- 
ner un  nom  au  nouveau-né,  on  choisit  volontiers  le  nom  d'un 
ange,  d'un  saint,  ou  d'un  personnage  de  l'histoire  Sainte;  et 
les  termes  de  tendresse  ont  souvent  la  même  origine:  mon 
ange,  mon  chérubin,  caro  angiolino,  povero  angioUno,  etc.  M. 
Edmont  nous  apprend  que  les  mères  Saint-Poloises  appellent 
leurs  petits  enfants  mon  petit  Jésus;  cette  expression  s'em- 
ploie aussi  dans  la  langue  populaire  de  Paris.  —  Mais 
le  royaume  du  diable  a  aussi  fourni  sa  part  de  dénomi- 
nations d'enfants  ^  Il  va  de  soi  que  ce  ne  sont  pas  les 
enfants  sages  et  aimables  qu'on  désigne  de  cette  manière. 
Dans  le  patois  messin  on  appelle  antccrit  'Antéchrist*^ 
un  jeune  vaurien,  un  enfant  turbulent.  Diable  et  diablotin 
s'emploient  souvent  de  la  même  manière  ^,  et,  dans  la 
Suisse  romande,  diablot  (ou  diablct)  se  dit  des  enfants  vifs 
et  espiègles. 


^  Sans  doute,  nous  avons  ici  affaire  à  une  sorte  de  métaphore. 
Mais  comme  il  s'agit  plutôt  d'une  «association  par  sentiment»  (cf. 
ce  que  dit  M.  Wundt  sur  Gefithlsassociationen,  Die  Sprache,  II,  p.  571 
ss.)  que  d'une  association  par  ressemblance  proprement  dite,  je 
préfère  ranger  ces  expressions  ici. 

*  Diable,  dans  ce  sens,  peut  s'employer  aussi  comme  adjectif: 
«Cet  enfant  est  très  diable»  [Dict.  gén.). 


—  192  — 

En  italien  diavoletto^  diavoUno  ont  un  caractère  essen- 
tiellement hypocoristique  :  I  mièi  diavoletti  (Petrôcchi)  ;  cf. 
le  bresc.  diaoli  'frugolo',  'ragazzo  vispo'. 

197.  Le  bresc.  ciapi  'mammolino',  'cecino',  'nacche- 
rino',  'ragazzetto  vezzoso'  (Melcliiori)  nous  fournit  un  autre 
exemple  du  même  phénomène.  Il  est  sans  doute  identique 
au  bresc.  ciapï  'malatesta',  'demonio'  (Pellizzari),  qui  se 
retrouve  en  bergamasque:  ciapi  'diavolo',  'demonio'  («voce 
di  scherzo»,  Tiraboschi),  et  en  milanais:  ciappln  'diavolo', 
'demonio'  (Oherubini).  Il  est  dérivé  du  verbe  ciapà  'prendre' 
(cf.  ciapott,  §  224),  de  même  que  le  tosc.  chiappino  'birro' 
est  tiré  du  verbe  chiappare. 

198.  L'ital.  lucifero  s'emploie  de  la  même  manière 
que  diavolo.  On  dit,  en  parlant  de  gamins  méchants:  ra- 
gazzi  che  son  veri  luciferi  (Petrôcchi).  —  Dans  les  Marches 
(à  Recanati  et  à  Fermo)  ce  mot  a  été  abrégé  par  aphérèse: 
cifro  s'y  dit  pour  'lucifero',  'diavolo'.  A  Grrottamare,  un 
dérivé  de  ce  mot,  cciferù^  signifie  'ragazzo  molto  vivace', 
A  Sora,  dans  la  Campanie,  fricitto  réunit  les  deux  sens 
de  'diavoletto'  et  de  'fanciullo  vispo'.  C'est  le  diminutif 
*cifriUo  qui,  par  métathèse,  a  donné  cette  forme  ^ 

Le  patois  angevin  emploie  aussi  Lucifer,  prononcé 
lucifar^  au  sens  de  'enfant  turbulent',  'brise-tout'. 

199.  Dans  le  même  patois  on  se  sert  d'une  autre 
expression  pour  rendre  cette  idée  :  jupitar  ou  Jupiter,  mot 
qui  se  retrouve  avec  le  même  sens  dans  le  Bas-Maine, 
le  Vendômois,  le  Berry,  le  pays  Messin,  à  Bournois  (Doubs), 
et  probablement  ailleurs  ^.     Comment  expliquer  cet  emploi 


ï  Voir  Nigra,  StR,  III,  p.  99. 

*  Cf.  jupî,  qui,  dans  le  patois  de  la  Grand'  Combe,  signifie  'en- 
fant qui  saute  et  se  démène  sans  cesse'.  Selon  Littré  le  mot  est 
attesté  avec  ce  sens  déjà  au  XVI®  siècle.  L'ancien  français  employait 
souvent    Jupin   pour    Jupiter    (cf.    Langlois,    Table    des    noms  propres 


—  193  — 

du  nom  du  dieu  suprême?  D'après  Verrier  et  Onillon,  on 
aurait  appliqué  métaphoriquement  ce  nom  aux  enfants 
turbulents,  parce  que  Jupiter  était  de  maître  de  la  foudre 
et  de  la  tempête».  Mais  ne  serait-ce  pas  attribuer  trop 
de  connaissances  mythologiques  aux  paysans  français? 
Je  ne  crois  pas  non  plus  à  l'explication  proposée  par 
Jaubert:  «nos  paysans  ont  capricieusement  emprunté  ce 
mot  ...  à  la  locution  suivante:  trait  de  Jupiter  —  terme 
de  charpentier  —  mode  d'assemblage  de  poutres  entées 
l'une  au  bout  de  l'autre.  Cette  coupe  de  bois  imite  assez 
bien  les  traits  en  zigzag  sous  lesquels  on  figure  la  foudre.» 
—  Il  m'apparaît  comme  le  plus  vraisemblable  que  le  dieu 
romain  est  devenu,  dans  l'imagination  populaire,  un  esprit 
malin,  un  démon,  et  que  plus  tard  son  nom  a  été  employé, 
à  l'instar  de  Lucifer,  diable  et  d'autres  mots  synonymes, 
pour  désigner  par  plaisanterie  un  enfant  pétulant.  C'est 
un  fait  souvent  attesté  par  les  folkloristes  que  les  anciens 
dieux  païens  ont  survécu  dans  la  croyance  populaire  comme 
des  génies  mauvais  \ 

200.  Cet  emploi  de  Jupiter  nous  explique  l'origine 
d'un  mot  qui  serait  autrement  fort  obscure.  On  relève, 
dans  la  Table  de  V Atlas  linguistique,  le  terme  jiputr  'fille',  qui 
est  évidemment  le  même  mot  que  le  norm.  jipoutre,  signalé 


compris    dans    les    chansons    de   geste);    on    le  trouve  encore   chez  La 
Fontaine.     Aujourd'hui  il  ne  se  dit  plus  que  dans  le  style  familier. 

1  Dans  le  patois  de  Blonay,  Jupiter  s'adresse  comme  injure  à 
un  traître:  f  ci  bê  à  zûpitèr,  tè!  «tu  es  bien  un  Jupiter,  toi!»  Mme 
Odin  y  voyait  le  nom  de  la  planète  Jupiter,  considérée  comme  étoile 
de  mauvaise  augure  (voir  Glossaire  du  patois  de  Blonay,  p.  678).  — 
Un  autre  cas  d'emploi  figuré  du  même  mot  nous  est  fourni  par  l'ex- 
pression provençale  un  grand  Jupiter,  qui  sert  à  désigner  un  homme 
de  grande  taille.  Il  faut  probablement  chercher  son  origine  dans  l'image 
du  dieu  qui  est  promenée  par  la  cavalcade  du  Guet  aux  jeux  de  la 
Fête-Dieu  d'Aix.  —  Cf.  caramentran  'mannequin  qui  personnifie  le 
carnaval  et  qu'on  promène  dans  les  rues,  le  mercredi  des  Cendres'  ; 
puis:  'personne  de  haute  taille'. 


—  194  — 

dans  le  hagais  par  Fleury  avec  le  sens  de  'grande  jeune 
fille  un  peu  masculine  et  joyeuse';  et  dans  le  patois  de 
Guernesey  par  Métivier  ^  au  sens  de  'fille  hommasse  et 
dégingandée'.  Fleury  le  considère  comme  composé  d'un 
préfixe  obscur  et  de  poutre  'jument';  Métivier  y  voit  le 
bas-breton  kilpaotre  'garçonnière'.  Il  faut  cependant  y  voir 
sans  doute  un  dérivé  du  verbe  normand  gipoutrer  'folâ- 
trer', qu'on  trouve  déjà  dans  Du  Méril,  et  que  M.  Rom- 
dahl  a  signalé,  dans  le  parler  du  Val  de  Saire,  sous  la 
forme  de  jipoutrô.  Ce  verbe  se  retrouve  dans  plusieurs 
patois  de  l'Ouest,  sous  la  forme  de  jopîtrer,  joupitrer  (Rennes)^ 
jaopitre  (Château-Gontier^Mayenne),  Jopi^rer,  jupitrer  (Anjou), 
jopitrai  (Poitou),  et  avec  le  sens  de  'jouer  avec  turbulence', 
'folâtrer'.  Evidemment  il  a  été  dérivé  de  Jupiter  'enfant 
turbulent'.  La  forme  du  verbe  normand  s'explique  par  une 
métathèse  ^. 

201.  Les  mots,  qui  servent  à  désigner  des  fantômes, 
des  spectres  et  d'autres  conceptions  de  la  superstition 
populaire,  s'appliquent  parfois  aussi  comme  injures  ou 
comme  noms  de  tendresse  aux  petits  ^,  et  deviennent  peu 
à  peu  de  vraies  dénominations  d'enfants. 

Ainsi  l'argot  italien,  le  fourhesque,  emploie  le  mot  fanta- 
sima,  proprement  'fantôme',  au  sens  de  'enfant'  *.  —  Sui- 
vant M.  Bertoni  ^,  le  romagn.  hurdell,  piac.  bordlèin,  etc., 
sont    des    dérivés  d'un  certain  radical  bord-,  qu'on  trouve 


^  Métivier  écrit  gipoutre. 

^  Cf.  buleter  >  beluter  >  bluter;  hireter  à  côté  de  hériter  (v.  Nyrop, 
op.  cit.,  I,  §  517). 

*  Cf.,  dans  certains  dialectes  danois,  les  exijressions:  de  œ  da  rœt 
œn  spôgdls,  dœn  drœng  (expression  de  pitié);  œn  spôgdls  drœng  'un 
garçon  méchant'  (Feilberg);  et,  dans  certains  dialectes  scaniens,  ditt 
spôj,  nom  de  tendresse  qu'on  donne  à  un  petit  enfant. 

*  Voir  Sainéan,  Les   sources  de  l'argot  ancien,  II,  p.  400. 
s  AGII,  XVII,  p.  371. 


—  195  — 

dans  plusieurs  mots  lombards  et  émiliens  signifiant  'spettro', 
'visione',  'apparizione'  ^ 

M.  Sainéan  '  donne  une  explication  analogue  de 
môme,  mot  de  l'ancien  argot  français  qu'on  trouve  dans  le 
vocabulaire  de  Vidocq  (1837)  avec  le  sens  de  'adolescent', 
'joli  garçon',  et  dans  les  Maximes  de  Voleurs  au  sens  de 
*poupard'.  Dans  de  langage  populaire  actuel,  môme  si- 
gnifie 'petit  enfant',  'petit  garçon',  'gamin',  'gamine'.  On  en 
a  tiré  les  féminins  niômesse,  mômeresse  'fillette',  'jeune  fille', 
et  une  foule  d'autres  dérivés,  dont  la  plupart  ont  un  sens 
diminutif:  mômignard,  mômichard^  mômard  (argot  militaire), 
mômaque  (déjà  dans  Vidocq)  'petit  enfant';  mômon  'pros- 
tituée de  douze  à  quinze  ans';  mômerie  'marmaille'. 
L'argot  marseillais  possède  la  forme  momo  'mioche',  'enfant' 
(Mistral),  qui  paraît  être  le  même  mot.  On  retrouve  môme, 
avec  le  sens  de  'enfant',  'gamin',  dans  quelques  parlers 
provinciaux,  qui  l'ont  probablement  emprunté  au  bas- 
langage  des  villes.  Il  s'emploie  à  Montjean  et  à  Briollay, 
en  Anjou  (Verrier  et  Onillon);  M.  Fertiault  le  signale 
dans  le  patois  Verduno-Châlonnais.  D'après  Rigaud, 
Dictionnaire  d'argot  moderne,  on  appelle,  dans  le  patois 
poitevin,  un  jeune  homme  ou  un  jeune  garçon,  un  momon, 
un  momeur  ^. 

M.  Sainéan  voit  dans  môme  le  même  mot  que  l'anc.  iv.  morne 
'masque',  'épouvantail' *;  cependant,  on  ne  trouve  la  dernière 


*  J'ai  cru  cependant  devoir  expliquer  ces  mots  d'une  manière 
différente;  voir  §  330. 

»  op.  cit.,  pp.  241,  400. 

'  Il  cite  à  ce  propos  le  passage  suivant,  tiré  d'un  ouvrage 
d'Ed.  Ourliac,  Le  paysan  poitevin:  «Les  chants  finis,  viennent  les  mo- 
mons.  Ce  sont  des  garçons  qui  portent  à  la  mariée  un  présent  caché 
dans  une  corbeille.» 

*  Cf.  bijgg,  mot  de  la  Suisse  allemande,  qui  signifie  'vermummte 
Person  die  besonders  an  der  Fastnacht  bettelnd,  die  Jugend  schreckend 
und  allerlei  Unfug  veriibend  auf  den  Strassen  herumtreibt',  et  qui  s'a- 
dresse, comme  une  sorte  d'injure  moqueuse,  aux  enfants.  (Staub-Tobler. 
Schweizerisches  Idiotikon,  IV.  1082  s.) 


—  196  — 

signification  clans  aucun  des  dictionnaires  de  Godefroy  ^^ 
La  Curne,  Roquefort  ou  Cotgrave.  D'un  autre  côté,  Bridel 
signale,  comme  un  terme  de  la  Suisse  romande,  monta 
'épouvantail  d'enfant',  'fantôme'.  Il  est  possible  que  le 
sens  de  'mascarade',  qu'on  trouve  dans  l'ancien  français, 
ait  produit  celui  de  'masque',  'personne  déguisée'  ^,  et  que 
cette  signification  ait  donné  à  son  tour  celles  de  'épou- 
vantail', 'fantôme'  ^,  d'où  M.  Sainéan  fait  dériver  celle 
de  'enfant'.  Je  me  permettrai  pourtant  d'indiquer  une 
autre  explication.  Môme  et  momo  ne  pourraient-ils  pas 
provenir  de  mo-mo,  imitation  des  bégaiements  inarticulés 
des  petits  enfants?*  M.  Meyer-Lûbke  ^  explique  le  cat. 
mom,  esp.,  port,  momo  'grimace',  anc.  fr.  momer  'se  mas- 
quer', etc.,  par  une  onomatopée  momo  signifiant  'grimace'; 
et  Mistral  rattache  le  mars,  momo  'enfant'  au  prov.  mod. 
momo,  terme  enfantin  qui  signifie  'nanan',  'bonbon'. 

c  3.     «Hérétique.» 

202.  La  haine  des  orthodoxes  contre  les  hérétiques 
se  montre  dans  l'emploi  injurieux  de  mots  tels  que  bougre, 
libertin,   et  d'autres  ^.     Il  paraît  que  le  prov.  mod.  parpaiou 


*  Godefroy  enregistre  monte,  momme  s.  f.  'mascarade';  et  morne 
s.  m.  'médisant',  'calomniateur'.  Cf.  Cotgrave:  mome  'A  Momus,  find- 
fault,  carping  fellow'. 

^  Cf.  le  piéra.  mascrada  'Maskenzug';  'einzelne  Maske'  (Diez, 
Etym.  Wb.  der  rom.  Spr.,  p.  79). 

^  La  transition:  'personne  déguisée  > 'épouvantail',  est  illustrée 
par  un  passage  tiré  de  L'île  des  Cinq  d'Ernest  Fournet,  Tours  1855, 
p.  97,  que  cite  La  Curne  à  propos  du  mot  vendéen  momoue:  «Bah,  bah, 
c'est  le  momoue,  n'ayons  donc  pas  peur,  s'écrièrent  à  la  fois  toutes  les 
jeunes  filles.  .  .  Le  momoue  est  le  bouffon  de  toute  joyeuse  veillée; 
c'est  le  plaisant  du  village,  qui,  déguisé  invariablement  en  chèvre  ou 
en  bouc,  se  jette  au  milieu  des  assemblées,  qu'il  divertit  par  ses  gam- 
bades ou  épouvante  par  ses  cornes  menaçantes.  .  .  .» 

*  Cf.  §  376. 

*  Botn.  etym.   Wb.,  5653. 

"  Cf.  Jaberg,  op.  cit.,  p.  57;  Nyrop,  op.  cit.,  §§  26,  522. 


—  197  — 

'enfant',  'marmot',  comme  le  rouchi  parpaliot,  qui  a  le 
même  sens,  a  été  primitivement  une  injure  d'origine  ana- 
logue '.  ParpaioUj  franc,  parpaillot,  rouchi  parpaliot,  était 
autrefois  un  sobriquet  donné  aux  calvinistes  ^.  Encore 
aujourd'hui,  les  enfants  catholiques  du  Dauphiné  adres- 
sent ce  dicton  injurieux  aux  jeunes  protestants:  Eifjanaud  ^, 
Parpalhau,  Manjo  Ion  diable  sens  sau.  (!)  (Mistral.)  * 

c  4.    Mots  collectifs. 

203.  Nous  avons  étudié  plus  haut  quelques  dénomi- 
nations d'enfants,  qui  proviennent  de  mots  collectifs,  et 
nous  avons  vu  que  l'Ouest  de  la  France  montre  une  pré- 
dilection marquée  pour  cette  sorte  de  formations  °.  L'An- 
jou et  le  Bas-Maine  en  fournissent  encore  un  exemple. 
C'est  le  mot  race,  qui  s'emploie  ici  au  sens  de  'enfant'. 
La  carte  461  de  V Atlas  linguistique  montre  au  point  433 
(Maine-et-Loire)  râs  (s.  f.  ),  à  côté  de  afa  et  hèno.  Dans 
Verrier  et  Onillon  on  trouve  également  une  raee  traduit 
par  'un  enfant,  souvent:  espiègle,  étourdi'.  Le  pluriel 
races     'enfants',     'marmaille',     paraît    être    plus    commun 


'  Parpaiou  signifie  aussi  'papillon'.  On  pourrait  donc  être  tenté 
(le  voir  dans  le  sens  de  'enfant'  le  résultat  d'une  métaphore  telle  qu'en 
présente  le  pic.  krèncd  'enfant',  proprement  'grillon',  et  d'autres  (voir 
§  369).  Cette  hypothèse  n'explique  pourtant  pas  le  rouchi  parpaliot 
'enfant'. 

^  On  a  proposé  des  explications  différentes  quant  à  l'origine  de 
ce  sobriquet.  Il  vient,  suivant  les  uns,  du  nom  de  Perrin,  sieur  de 
Parpaille,  décapité  en  1562  après  s'être  rallié  à  la  Réforme;  suivant 
les  autres,  d'un  incident  du  siège  de  Clérac  1621  (voir  Aza'is,  à  J'art. 
parpalhou).  Ces  explications  semblent  pourtant  inacceptables,  puisque 
Rabelais  {Gargantua.  I,  chap.  III,  p.  246)  parle  de  Parpaillons  dès 
1535,  probablement  à  propos  des  protestants  (voir  La  grande  encycl.). 

'  'Huguenot'. 

*  De  même  que  bougre,  au  sens  de  'hérétique',  est  devenu  syno- 
nyme de  'sodomite'.  et  libertin  de  'débauché',  parpaillot  a  pris,  dans 
la  Drôme,  le  sens  de  'libertin',  'paillard'. 

'  Cf.  maignée,  garçaille,  quenaille. 


—  198  — 

(Dottin,  Verrier  et  OnilloiD.  Sans  doute,  le  singulier 
individuel  est  d'une  date  plus  récente.  Comme  nous 
l'apprend  le  dictionnaire  de  Verrier  et  Onillon,  le  mot 
a  souvent  un  sens  péjoratif,  et,  certainement,  il  a  été 
d'abord  un  terme  d'injure  ^  Dans  le  Haut-Maine,  race 
signifie  'mauvais  sujet',  'canaille';  et  en  normand  on  trouve 
le  sens  collectif  de  'mauvaise  engeance',  'racaille',  qui  re- 
présente une  phase  antérieure  à  celle  de  la  signification 
individuelle  ^.  Oudin,  dans  ses  Cariositez  françaises^  a  tra- 
duit également  le  mot  race  par  'canaille',  'méchantes  per- 
sonnes'.    Cf.  aussi  la  locution  biblique  race  de  vipères. 

204.  L'ital.  razza,  d'où  vient  le  mot  français,  présente 
le  même  sens  dépréciatif:  Che  rasza  di  gente  è  questa?  Bazza 
di  cani!  En  milanais,  cette  dernière  expression  s'emploie 
même  d'une  manière  individuelle:  razza  de  can  'bagaglione'. 

Il  faut  ranger  probablement  ici  encore  le  tosc.  stiat- 
tone — stiattona  'ragazzo,  ragazza  fatticci  e  sani',  qui  se 
rencontre  chez  les  auteurs  florentins  du  XVI *^  siècle  et  qui 
survit  encore  aujourd'hui  dans  la  campagne  de  Sienne. 
On  dit  aussi  schiattone — schiattona.  Ces  mots  semblent 
être  des  dérivés  augmentatifs  tirés  de  stiatta  (forme  vieillie), 
schiatta  'stirpe',  'discendenza'  (souvent  avec  une  nuance 
de  mépris). 

205.  Dans  quelques  patois  du  Nord  et  du  Nord-Ouest 
de  la  France,  on  trouve  le  mot  populo  au  sens  de  'enfant'. 


1  Le  sens  de  'engeance',  'descendants'  doit  pourtant  avoir  con- 
tribué à  son  emploi  comme  désignation  d'enfants.  Cf.  l'expression 
faire  race  'to  get  children'  (Cotgrave)    et  le  mil.  fà  razza. 

^  Cf.  le  morv.  eune  mauvaille  raiche  'une  mauvaise  engeance'.  — 
Ledieu,  Petit  glossaire  du  patois  de  Déniuin,  donne  rachine  'racine' 
avec  les  sens  figurés  de  'être  insupportable',  'mauvaise  engeance';  et  il 
ajoute:  «qtié  rachinne  dit-on  d'un  enfant  turbulent.»  Il  me  paraît  plus 
probable  que  rachinne.  aux  sens  de  'mauvaise  engeance',  'être  in- 
supportable', 'enfant  turbulent',  est  un  diminutif  du  mot  rache  'race', 
qu'on  trouve  dans  Hécart. 


—  199  — 

Tel  est  le  cas  pour  le  rouchi,  le  hagais  et  le  parler  de  Châ- 
teau-Gontier  (Mayenne).  En  Anjou  il  ne  s'emploie  guère 
qu'au  pluriel:  poptdots  'enfants',  'marmaille'  (Verrier  et 
Onillon).  Le  français  du  XVI^  siècle  se  servait  de  ce  mot 
au  sens  spécial  de  'petit  enfant  gras  et  potelé'.  Cotgrave 
le  traduit  par  'A  pretty  plump-faced  and  cherry-cheekt 
boy;  or  a  représentation,  or  picture  of  such  a  one'.  Dans 
La  Curne  et  dans  le  Dictionnaire  rouclii- français  de  Hé- 
cart  on  trouve  le  passage  suivant  ^:  «Deux  populots  tenant 
une  corne  d'abondance  à  l'endroit  de  chaque  fronton».  Le 
mot  est  enregistré  encore  par  Oudin,  qui  le  dit  vieilli,  et 
par  Furetière,  Le  Roux  et  Richelet,  qui  le  désignent 
comme  un  terme  bas.  Furetière  ne  signale  que  le  sens 
collectif  de  'multitude  d'enfants':  Voilà  déjà  bien  du  petit 
populo.  Le  Roux  donne  la  même  signification,  mais  aussi 
le  sens  individuel.  Ajoutons  que,  dans  le  langage  des 
ouvriers,  populo  se  disait  encore  vers  1867  pour  'marmaille', 
'grand  nombre  d'enfants'  (d'après  Delvau,  Dictionnaire  de 
la  langue  verte,  2^  édition).  —  Je  pense,  avec  Littré  et  le 
Dictionnaire  f/énéral,  que  ce  mot  est  emprunté  du  lat  po- 
pidus  'peuple'.  Il  doit  avoir  eu  d'abord  le  même  sens 
collectif  que  celui-ci,  mais  probablement  avec  une  nuance 
dépréciative  ".  Puis,  on  l'a  '  appliqué  à  un  nombre  d'en- 
fants, et  de  ce  sens  collectif  on  a  tiré  le  sens  individuel, 
de  même  que  race  'marmaille'  est  devenu  race  'enfant'. 
Le  Dictionnaire  général  explique  cette  forme  comme  l'ablatif 
du  mot  latin.  Il  faudrait  alors  qu'il  ait  été  emprunté  à 
une  phrase  très  employée,  où  cet  ablatif  figurait  ^.  L'écri- 
ture  populot  montre  qu'on  a  vu  dans  la  désinence  le  suf- 


'■  Ce  passage  se  lit,  d'après  La  Curne,  dans  le  Gloss.  de  l'Hist. 
de  Paris,  III,  550  B. 

*  Cf.  l'évolution  péjorative  du  mot  peuple.  —  Dans  «l'argot  des 
bourgeois»,  populo  est  un  terme  de  mépris  pour  désigner  le  peuple 
(Delvau,  Hector  France). 

^  Cf.  Justin.,  X,  1:  Ubi  in  tanto  populo  .  .  .,  que  Forcellini  traduit 
par:  *in  tanto  filiorum  numéro». 


—  200  — 


fixe  diminutif  -ot.  —  Quant  au  sens  spécial  de  'enfant 
gras  et  potelé',  qu'on  trouve  dans  Cotgrave  et  dans  le 
passage  cité  plus  haut,  il  est  probablement  dû  à  un  rap- 
prochement de  ce  mot  avec  poupon^  poupard. 


c  6.    Mots  exprimant  l'impatience. 

206.  Dans  les  dialectes  lombards  des  Alpes  on  trouve 
deux  expressions,  qui  servent  à  rendre  l'idée  de  'enfants', 
et  qui  paraissent  avoir  été  primitivement  des  injures  d'un 
caractère  métaphorique.  Dans  son  travail  intitulé  Dialetti, 
costumi  e  tradizioni  nelle  provincie  di  Bergamo  e  di  Brescia, 
3®  édition,  1870,  Gabriele  Rosa  signale  torsec  'fanciulli' 
comme  un  terme  du  patois  de  Val  Brembana  ^.  Je  crois 
qu'il  faut  y  voir  le  même  mot  que  le  bergam.  tossec,  bresc. 
tosech,  mil.  tbssegh  'tossico',  'veleno',  qui,  appliqué  à  des 
êtres  humains,  équivaut  à  'importune',  'seccatore'.  Ce 
qui  vient  appuyer  cette  hypothèse,  c'est  que,  en  toscan, 
on  désigne  par  veleno  un  enfant  méchant  et  acariâtre,  et 
que,  dans  le  patois  de  Bournois,  on  appelle  pujo  ('poison') 
un  enfant  'qui  fait  de  l'esprit  ou  qui  veut  jouer  à  la  grande 
personne'  (Roussey)  ^. 

Suivant  Monti  {Appendice)^  le  mot  poeusc  signifie  en 
comasque  'figli',  'fanciulli',  'seccature',  'noje'  ^.  Evidem- 
ment les  dernières  significations  ont  été  antérieures  aux 
premières.  Le  sens  primitif  paraît  être  celui  de  'aggravio'. 
Cf.  le  mil.  poeusg  'aggravio  qualunque,  come  di  figli,  di 
persona  dappoco  e  simili'  (Cherubini)  *. 


1  Dans  la  première  édition  (1855).  le  mot  s'écrit  tôrecc. 

^  Cf.  poison,  qui,  dans  le  langage  populaire,  est  un  terme  inju- 
rieux appliqué  à  une  femme  ou  fille. 

*  A  Bellinzone,  le  mot  signifie  'petit';  ona  poeusc  se  dit  pour 
'una  donna  piccola'. 

■*  En  milanais,  poeusg  signifie  aussi  'pentolone',  'uomo  grasse  e 
che  difficilmente  si  muove'.  —  Cherubini  se  demande,  si  poeusg  serait 
«una  grassa  corruzione  dell'italiano  Peso»  (mil.  pes). 


—  201  — 

207.  Dans  le  patois  de  la  forêt  de  Clairvaux  (Aube), 
le  mot  nâillou  sert  à  désigner  un  enfant,  un  gamin,  avec 
une  nuance  de  mépris  ou  de  plaisanterie  narquoise.  Dans 
le  môme  patois  et  dans  celui  de  Thévenot  (canton  de  Ra- 
merupt,  Aube)  le  pluriel  nûilles  signifie  également  'enfants', 
avec  une  nuance  dépréciative:  V'iai  lès  nâilles  qui  soient 
de  V école  «Voilà  les  enfants  qui  sortent  de  l'école >  (Bau- 
douin). —  Ce  nâillou  est  sans  doute  le  même  mot  que  le 
morv.  nâliiou,-onse  'taquin',  'contrariant',  que  De  Cham- 
bure  enregistre  aussi  sous  la  forme  de  nâillou,-ouse  'gro- 
gnon', 'maussade';  et  il  se  rattache  au  verbe  morvandiau 
nâhier  'taquiner',  'tourmenter',  'contrarier',  wall.  nâhi  'fa- 
tiguer', d'où  le  participe  nâhiant  'fatigant',  'ennuyeux'.  Ap- 
pliqués à  des  enfants,  nâillou,  nâilles  renferment  donc  le 
même  reproche  que  les  mots  cités  dans  le  paragraphe 
précédent  ^ 

c  6.     Mots  se  rapportant  aux  idées  sexuelles. 

208.  Certaines  injures,  qui  à  l'origine  proviennent 
d'idées  sexuelles,  ont  été  employées  d'une  manière  caco- 
phémique  et  sont  devenues,  au  cours  des  temps,  des 
dénominations  d'enfants. 

L'ital.  hardassa  'giton',  'mignon'  (de  l'arabe  hardag 
'esclave')  ^  a  servi  d'injure  à  l'adresse  des  enfants  méchants 
et  impertinents,  et  est  devenu  de  cette  façon  syno- 
nyme de  'ragazzaccio'.  Mais  il  se  dit  souvent  par  plai- 
santerie ',  et,  dans  plusieurs  dialectes,  il  en  est  même 
venu  à  désigner  un  enfant  ou  garçon  en  général.  —  Sui- 


*  On  pourrait  peut-être  ranger  ces  mots  parmi  les  termes  des- 
criptifs; cependant,  puisqu'ils  ne  rendent  pas  une  qualité  bien  définie 
des  enfants,  mais  plutôt  les  sentiments  d'impatience  et  de  mépris  de 
celui  qui  parle,  je  préfère  les  classer  ici. 

*  Voir  Diez,  Etym.  Wb.,  p.  42,  Meyer-Liibke,  Bom.etym.  Wb.,  956. 
^  Cf.    les    expressions    un   buon   ragazzaccio,    un  bon  bougre  'un 

bon  garçon'. 


—  202  — 

vant  les  dictionnaires  étymologiques  de  Diez,  Pianigiani 
et  Meyer-Lûbke,  cette  signification  générale  se  rencontre 
dans  tout  le  Piémont  et  toute  la  Lombardie.  Les  diction- 
naires de  patois  nous  apprennent  cependant  que,  sauf 
quelques  dialectes  mentionnés  ci-dessous,  tout  le  Nord  de 
l'Italie,  jusqu'aux  Marches  ^,  aux  Abruzzes  et  au  Latium, 
a  conservé  le  sens  de  reproche  railleur:  bardassa  (hardass^ 
hardascia)  ^  y  est  l'équivalent  de  'monello',  'ragazzaccio'. 
Toutefois,  cette  nuance  péjorative  doit  être  très  faible, 
puisqu'on  a  souvent  formé,  à  l'aide  du  suffixe  péjoratif 
-on,  le  dérivé  hardassôn  pour  désigner,  d'une  manière  plus 
énergique,  un  mauvais  garnement  ^.  Voici  les  exemples 
du  sens  de  'enfant',  'garçon'  (dénué  de  la  nuance  péjora- 
tive) que  j'ai  trouvés  dans  les  dialectes  du  Nord-Ouest: 
piém.  hardàss  'raarmocchio'  (Dal  Pozzo),  hardasset,  hardas- 
sin,  hardassot  'fanciullino'  (Ponza)  *;  gén.  hardascia  'uomo 
assai  gi ovine,  e  di  poca  esperienza'  ^,  synonyme:  harda- 
sciamme  (Casaccia)  ";  Val  Verzasca  hardàsa  'fanciullo^ 
(Monti)  ',  —  Dans  le  Centre,  le  Sud,  et  en  Sicile,  Sar- 
daigne  et  Corse,  notre  mot  peut  s'appliquer  aux  enfants 
sans  aucune  nuance  péjorative  ®.     Voici  les  exemples  dont 

'  Encore  à  Arcevia  (Ancona),  hardascio  équivaut  à  Fital.  bardassa. 

-  En  lombard  on  trouve  aussi  la  forme  bardcigna,  avec  substi- 
tution de  suffixe. 

'  A  Trieste,  hardassôn  est  la  seule  forme  usitée. 

*  Ponza  ne  donne  le  simple  bardassa  qu'avec  le  sens  de  'ragaz- 
zaccio', 'giovinastro',  etc.  ;  mais  les  diminutifs  que  j'ai  cités,  ainsi 
que  les  dérivés  bardassada  'ragazzata',  bardassarïa  'ragazzame',  'fan- 
ciullaja',  semblent  indiquer  que  ce  mot  peut  aussi  signifier  'ragazzo' 
tout  simplement.  —  Gavuzzi  n'enregistre  pas  le  mot. 

"  Il  est  vrai  que  ce  sens  implique  un  sentiment  un  peu  défavo- 
rable; le  mot  ne  désigne  pourtant  pas  ici  un  garçon  méchant,  ou  un 
vaurien,  comme  le  font  les  mots  ragazzaccio.  giovinastro,  etc.;  mais 
seulement  un  garçon  naïf,  inexpérimenté. 

^  Cf.  figgiuamme.  garsunamme. 

''  Bardatcho,  qui  se  dit  dans  le  canton  du  Valais  au  sens  de 
'gamin',  paraît  être  le  même  mot  avec  un  suffixe  péjoratif. 

•*  Sauf  dans  le  calabrais;  voir  plus  bas.  —  Cependant,  à  côté  de 
cette    signification    honnête,    il    a    conservé    parfois    (par  .  exemple    en 


—  203  — 

je  dispose:  mardi,  hardascc  (Acqua  Viva)  'fanciuUo',  har- 
dascia  (à  Macerata:  vardascia)  'ragazza';  abr.,  teram.  har- 
dasce  'fanciuUo',  'fanciuUa',  'ragazzo',  'ragazza'  (suivant 
Finamore,  c'est  un  terme  familier)  ;  Subiaco  hardasu  'ra- 
gazzo';  nap.  barda^cio,  bardascia  'ragazzetto',  'fanciuUo'; 
calabr.  bardasciu  'ragazzo'  ';  sic.  bardascia  'ragazzo',  'ra- 
gazzetto'; campid.  bardascia  'marmocchio',  'ragazzo  piccolo' ; 
cors,  bardasciu  'ragazzo'  (à  Bastia). 

209.  On  se  rappeUe  que  le  provençal  moderne  a 
tiré  de  bagasso  'prostituée',  puis  'homme  de  rien',  le  dimi- 
nutif bagassoim  'petit  garçon',  auquel  correspondent  le 
gén.  bagasô  'ragazzo',  et  le  piém.  bagassëta  'donzellina' 
(voir  §  158).  Dans  le  patois  de  la  Hague  on  trouve  un 
emploi  analogue  du  mot  hore.  C'est  l'anc.  nor.  hora 
'femme  de  mauvaise  vie';  suivant  Ménage,  il  était  au 
XVIIl®  siècle  un  terme  de  mépris  fort  commun  en  Nor- 
mandie. Aujourd'hui  il  s'emploie  dans  le  hagais  aux  sens 
de  'petite  fille',  'jeune  fille';  et  l'on  y  trouve  aussi  le  di- 
minutif horettc  avec  les  mêmes  significations. 

210.  Tout  un  groupe  de  dénominations  d'enfants  ont 
le  sens  primitif  de  'bâtard',  'enfant  illégitime',  et  ont  été 
adressées  d'abord  comme  injures  à  des  enfants  méchants. 
Par  un  emploi  parallèle,  les  mères  viennoises  appUquent 
souvent  le  mot  Bunggat  (=  allem.  Bankert)  à  leurs  propres 
enfants  ^.  —  Le  romagn,  bastêrd  'bastardo',  se  dit  aussi 
pour    'figliuolo',    'fanciuUo'  ^.      Le    collectif    bastardaja    se 

Sicile  et  en  Sardaigne)  le  vieux  sens  de  'giton',  et  celui  de  'garçon 
méchant,  impertinent'. 

^  «In  un  certo  senso  dispregiativo,  ma  senza  Tidea  accesoria  di 
disonesto,  che  è  nell'  ital.  bardassa»,  dit  Scerbo.  —  L'alb.  mardeVe 
'jeune  fille';  'amante'  (Calabre),  est,  d'après  Meyer,  tiré  du  calabr.  bar- 
dasciu, dont  la  terminaison  a  été  remplacée  par  le  suffix^^minutif  -ella. 

*  Voir  Much,  dans   WS,  I,  p.  45.  — 

^  Morri  ajoute  à  ce  propos  que  l'ital.  bastardello  ou  bastardaccio 
se  dit  par  mépris  à  un  enfant. 


—  204  — 

rattache  à  ce  dernier  sens  et  signifie  'moltitudine  di 
ragazzi  o  di  fanciulli'.  —  A  Arbedo,  dans  le  Tessin,  un 
bâtard  s'appelle,  avec  substitution  de  suffixe,  hastrûch^-j 
aux  bords  du  lac  de  Côme  (à  Dongo,  Gravedona  et  Sorico) 
ce  mot  présente  les  sens  de  'ragazzaccio'  et  de  'ragazzo' 
(Monti).  Dans  l'Engadine  le  diminutif  hastuchel  ^  signifie 
'bâtard'  ou  'méchant  enfant'  '^. 

211.  Le  triest.  mulo  (du  lat,  niîilus)  nous  fournit  un 
autre  exemple  du  même  phénomène  sémantique  ^  Ce  dia- 
lecte a  conservé  toutes  les  significations  antérieures  au 
sens  de  'enfant';  mulo  j  peut  signifier  'mulo'  (= 'mulet'); 
'bastardo'^;  'baroncio';  'fanciullo';  'figlio';  'ragazzo'^.  Le 
féminin  analogique  mula  joint  à  l'acception  de  'fanciulla' 
celle  de  'amante',  'fidanzata';  ce  qui  témoigne  aussi  de 
l'amélioration  du  sens.  —  Dans  le  Piémont,  nous  retrou- 
vons le  même  mot  avec  un  emploi  correspondant:  à  Sèt- 
timo  Yittone  mul  et  millet  signifient  'figlio'  ou  'fanciullo' 
(Dal  Pozzo,  Biondelli). 

212.  Le  cat.  hordegas — hordegasa  'Bube',  'Mâdel'  (Vo- 
gel),  'minyô  de  poca  edat'  (Saura),  hortigas  'Kind  von  weni- 
gen  Jahren',  'Knabe'  (E.  Richter)  ',  est  évidemment  le  même 
mot  que  hurdagas — hurdagasa  'bâtard',  'bâtarde',  qui,  d'après 

1  Voir  Salvioni,  BDB,  IV,  p.  201. 
"  Cf.  Horning,  ZBPh,  XX,  p.  348. 

*  Comme  injure  on  emploie  parfois  la  combinaison  hastuchel 
bastard  'Hurenbalg'.  'Lump'  (Pallioppi). 

*  Cf.  Brinkmann,  Die  Metaphern,  p.  389  ss. 

^  Mulo  se  trouve  encore,  au  sens  de  'bâtard',  en  toscan,  dans 
les  patois  de  Vérone,  de  Plaisance  (mull),  des  Abruzzes  (mule),  et 
ailleurs.  Des  diminutifs,  signifiant  'enfant  trouvé',  se  rencontrent  en 
vénitien  {muletto)  et  dans  le  patois  des  Abruzzes  (mulette). 

®  M.  Meyer-Lûbke,  Bom  etym.  Wb.,  5742,  ne  traduit  le  triest. 
mulo  que  par  'Strassenjunge';  suivant  Kosovitz,  cette  idée  se  rend 
par  mulo  de  strada. 

'  Voir  Elise  Kichter,  Die  BedeutungsgescMchte  der  romanischen 
Wortsippe  bur{d),  SBPhHKlAWWien,  CLVI,  p.  55. 


—  205  — 

la  tarte  1466  de  ÏAflas  lirtf/nisfiqKc,  s'emploie  dans  le  dé- 
partement des  Pyrénées-Orientales,  tandis  que  haatart — 
basfarrfo  est  le  mot  commun  du  reste  de  la.  France  méri- 
dionale. Comme  le  cat.  bort,  l'esp.  borde,  l'anc.  prov.  bort, 
l'anc.  fr.  bourt,  et  le  sard.  burdu,  qui  signifient  tous  'bâtard', 
ce  mot  tire  son  origine  du  bas-lat.  btirclus  'mulet',  'bâtard*; 
il  faut  sans  doute  le  rapprocher  aussi  de  l'esp.  burdégano 
'mulet  ou  mule  engendré  d'un  cheval  et  d'une  ânesse', 
d'où   le  port,  bordr/fào  'homme  rustique,  grossier'  *. 

213.  Le  roum.  copil  'enfant',  d'où  le  féminin  copila 
'petite  fille',  les  diminutifs  copikf.  copila.s  'petit  enfant'  et  l'aug- 
mentatif copilandru—ropilandra  'adolescent',  'adolescente', 
est  sans  doute  le  même  mot  que  l'anc.  roum.  côjnl  'enfant 
illégitime',  'bâtard'.  Copîl  'enfant'  n'apparaît  qu'au  milieu 
du  XVII®  siècle.  —  Le  mot  est  d'origine  slave  (cf.  anc. 
bulg.  kopilii,  serb.  kopile,  ruth.  Z;(>/>^7  'bâtard').  Probable- 
ment, le  passage  du  sens  de  'bâtard'  à  celui  de  'enfant' 
ne  s'est  pas  produit  en  Roumanie.  Dans  cette  dernière 
acception  c'est  un  emprunt  fait  à  l'albanais,  ou  au  grec 
moderne.  En  albanais.  kopiV  signifie  'bâtard',  'jeune  homme' 
ou    'serviteur'    (fém.    kopiVc    'servante')  '■*;    en  grec,  uojiéXc 


'  M"*  Elise  Eichter,  op.  cit.,  pp.  54.  55,  rattache  le  \>vov.['^)hor- 
deyas,  bourdas  'grober  Bavxer',  le  cat.  bortigas  'Kind  von  wenigen 
Jahren".  'Knabe',  et  le  romagn.  burdell  'Kind'.  'Bûbchen'  (cf.  §  330)  à 
nn  type  *  burd  'roseau'.  De  ce  sens  on  aurait  tiré  d'abord  le  sens  de 
'bourdon',  'bâton  de  pèlerin'  (le  fran^.  bourdon,  ital.  bordone,  etc., 
vient  en  réalité  du  lat.  burdonem  'mulet'),  puis  celui  de  pèlerin',  'vaga- 
bond'. «Vom  Herumziehen.  Herumvagabundieren  wird  die  Vorstellung 
des  sich  fort  wRh  rend  Bewegenden  ausgelôst  und  daher  kommen 
einige  in  Norditalien  haufige  Ausdriicke  fiir  Kind,  und  zwar  zu  leb- 
haftes,  belûstigendes  Kind,  cat.  bortigas  .  .  ..  rom.  burdell .  .  .»  D'un 
autre  côté,  le  sens  de  'Stocktrâger'  aurait  donné  celui  de  'Bauem- 
tôlpel',  'Grobian':  prov.  bordegatf  (faute  d'impression  pour  port,  ftorrfe- 
gîlo?)  etc.     L'invraisemblance  de  ces  constructions  paraît  évidente. 

*  Voir  Meyer.  Etymol.  M'^b.  der  albanes.  Sprache,  à  l'art.  kopiV, 
et  Densnsianu,  Histoire  de  la  langue  roumaine,  I,  p.  355. 

14 


—  206  — 

signifie    'jeune    homme',     'garçon',     'valet',    et    le    féminin 
KOTiéÀa  'jeune  fille',  'servante'  ^ 

214.  Quelques  dénominations  d'enfants  ont  été  ti- 
rées de  verbes  signifiant  'coïre'.  M.  H.  Sperber,  dans 
son  ouvrage  intitulé  Uber  don  Einfims  sexiieller  Momente  auf 
Entstehun;)  imd  Entivicklim<f  der  Sprache,  a  dressé  deux 
tables,  qui  présentent  la  différenciation  des  sens  provenant 
des  mots  sexuels  des  types  'vulva'  et  'coïre'-  ^  On  voit 
par  la  dernière  de  ces  tables  qu'il  y  a  un  groupe  de  ces 
significations  qui  a  pris  spécialement  un  sens  péjoratif: 
celui  qui  remonte  à  l'idée  de  'faire  du  mauvais  ouvrage', 
'bousiller'  ('schlecht  arbeiten').  Aux  exemples  que  M. 
Sperber  a  tirés  des  langues  germaniques,  M.  L.  Spitzer  a 
ajouté,  dans  son  compte  rendu  de  ce  travail  ',  un  grand 
nombre  d'exemples  empruntés  aux  langues  romanes,  sur- 
tout des  dérivés  du  franc,  foutre  et  de  l'ital.  huggerare 
(et  des  verbes  dialectaux  correspondants).  —  Ceux  d'entre 
ces  dérivés  qui  nous  intéressent  ici,  ont  pour  point  de 
départ  l'idée  péjorative,  mentionnée  ci-dessus,  de  'schlecht 
arbeiten',  ou,  comme  le  propose  M.  Spitzer:  'schlecht 
tun'.  Ils  signifient  'quelque  chose  de  mauvais',  'objet 
petit  et  sans  valeur',  ou,  s'il  s'agit  d'un  être  humain: 
'homme  petit',  'nabot'.  Souvent  ils  s'appliquent  aussi  aux 
enfants,  spécialement  comme  termes  de  mépris  pour  dé- 
signer un  enfant  qui  fait  l'important  ou  qui  est  méchant. 

215.  Voici  les  expressions  qui  se  rattachent  à  futuere^ 
J'ai  trouvé  {petit)  foutet  'petit  garçon'  dans  les  patois 
du  pays  de  Bray,  de  la  Picardie  et  de  Bournois  (Doubs). 
Dans  ce  dernier  dialecte  il  est,  suivant  M.  Roussey,  «un 
terme    de    mépris    pour    désigner    un    petit    galopin,    syn. 


^  Cf.  Cihac,  Dictionnaire  cVétymologie  daco-romane.  II,  p.  051. 
•'  Voir  Imago,  1912,  p.  448. 
»    WS,  V,  p.  206—215. 


—  207  — 

mivejv.T^  —  Fotttriquef,  qui,  dans  la  langue  populaire  de  Paris, 
désigne  un  homme  petit,  malingre,  çhétif,  propre  à  rien 
(syn.  foutriot  et  jean- foutre) ,  présente  en  normand,  à  côté 
du  sens  de  'homme  de  petite  taille',  celui  de  'petit  garçon' 
(Moisy).  Ailleurs  il  paraît  avoir  une  nuance  péjorative 
plus  prononcée.  En  rouchi  il  signifie  'jeune  blanc-bec, 
ijui  veut  s'en  faire  accroire,  qui  se  pavane';  en  wallon:  'jeune 
éventé',  'freluquet'  ;  en  rouerguais  et  en  auvergnat:  'polisson', 
'petit  garçon  vif  ou  têtu,  fatigant  ou  curieux'  ^  Du  Midi  de  la 
France  le  mot  a  passé  dans  le  piémontais:  foutrichet  (Dal 
Pozzo).  fotrif/hf't  (Ponza  i  'giovinetto  che  fa  il  prepotente'  ^.  — 
En  bolonais  et  romagnol.  fufein  ifiiten)  se  dit  comme  terme  de 
tendresse  d'iui  petit  enfant  ou  d'un  petit  animal.  Le  bol. 
ffttein  s'emploie  aussi  comme  adjectif  au  sens  hypocoristique 
de  'petit',  et  an  sens  péjoratif  de  'iirrogant',  'insolent'  ^. 

til6.  Passons  maintenant  aux  dérivés  de  hufigerare.  etc. 
Le  mot  hulfiarns  est  devenu,  en  France  sous  la  forme 
de  houf/rc,  en  Italie  sous  la  forme  de  biif/f/eronf.  Imzzeron, 
etc.  (avec  un  suffixe  péjoratif),  un  terme  d'injure  des  plus 
grossiers,  en  passant  par  les  significations  de  'hérétique* 
et  de  'sodomite'  *.  Le  toscan  et  les  dialectes  haut-italiens 
en  ont  tiré  un  verbe:  tosc.  bn<i!if'rnre,  lomb.  hozarà  ou  hol- 


^  Les  patois  méridionaux  possèdent  encore  d'autres  dérivés  ayant 
des  significations  analogues:  foutisHOU  (lang.,  bas-lim.);  foutransou 
(rouerg.);  fouteirou  (dauph.). 

-  Voici  en  outre  ([uelques  exemples  de  dérivés  signifiant  'objet 
de  peu  de  valeur',  'vétille',  'bagatelle':  prov.  foute.so,  franc;,  pop. 
foutaise,  dauph.  fouto.  vivar.  et  dauph.  foutraio  (signifie  aussi  'gens 
de  rien',  'canaille'),  norm.  foutiiiette. 

^  Dans  le  même  dialecte  on  se  sert  du  verbe  foter  comme  sub- 
stantif pour  désigner  un  homme  de  petite  taille.  En  milanais,  fotter 
a  le  sens  de  'coso',  'negozio',  faccenda'.  Cherubini  ajoute  ce  ren- 
seignement: «dicesi  di  ogni  cosa  di  oui  non  conosciamo  il  nome  e 
che  di  primo  aspetto  ci  sembri  poco  pregevole.* 

■•  Cf.  parpaillot,  §  202.  —  En  franvais,  le  mot  peut  s'employer 
pourtant  sans  idée  péjorative  dans  l'expression  un  bon,  bougre. 


—  208  — 

(jfird,  romagn.  bascaré,  vén.  busarar  ou  budelar  ^,  qui  signifie 
'battre',  'jeter',  'ruiner',  'tromper',  'faire  du  mauvais  ouvrage', 
'bousiller';  il  présente  enfin  toute  la  série  de  significations 
que  M.  Sperber  a  constatée  pour  les  verbes  signifiant  primi- 
tivement 'coïre'.  Les  substantifs  qui  en  sont  dérivés  mon- 
trent aussi  le  même  type  sémasiologique  que  les  dérivés  de 
futuere  ^.  Ce  qui  nous  intéresse  en  première  ligne,  c'est  la 
série  de  sens  indiquée  plus  haut:  'objet  petit  sans  valeur'; 
'homme  de  petite  taille'  ;  'enfant méchant',  'polisson';  'enfant'. 
La  première  de  ces  significations  est  présentée  par  le  tosc. 
buggcra  'Ijûge'.  'Irrtum',  'unbedeutendes  Ding'  (Mussafia): 
mil.  hôlgir  'bordelletto'  ',  'cosetto',  'oggetto  piccino',  bôlgira, 
bossera  'bazzecola',  'cosa  da  nuUa'  ;  Val  d'Anzasca  bosar, 
bogar  'bazzecola',  'cosetta  qualsiasi  di  nessun  prezzo'; 
•romagn.  busra,  buscarêda  'bagatella',  'cosa  da  nulla',  busren 
'cosa  piccola  e  galante';  rover.,  trent.  buzera  'bazzecola'; 
vén.  bùsara,  bùdela  'bagatella',  'cosa  da  nulla'.  Le  deu- 
xième sens  se  rencontre  dans  le  mil.  bôlgir  'omicciattolo', 
'pmetto';  bresc.  biîser  'cazzatello',  'omicciuolo' ;  rover.,  trent. 
buseret,  buserino,  buserot  'cazzatello',  'cosellino';  vén.  bn- 
.^aroto  'persona  piccola';  regg.  busser,  busra  'omicciuolo'. 
Nous  en  trouvons  d'autres  exemples  dans  les  parlers  rhé- 
tiques,  qui  ont  emprunté  au  lombard  ou  au  vénitien  * 
le    verbe    buserar    'ruiner',  etc..  et  le  substantif  busra  'po- 


*  A  cause  de  son  sens  obscène,  ce  mot  a  été  déformé  de  diffé- 
rentes manières.  Cf.  Mussafia.  Beitrag  zur  Kunde  der  nordital.  Mund- 
arten  im  XV.  Jahrh.,  p.  139. 

-  Cf.  du  reste  Mussafia.  loc.  cit.,  et  Spitzer,  op.  cit..  p.  21B. 

•'  Je  saisis  l'occasion  de  constater  que  les  mots  toscans  bordel- 
letto, bordelleria,  qui  se  rattachent  également  à  des  idées  sexuelles 
(cf.  bordello,  bordeîlare),  présentent  le  même  sens  de  'objet  petit'. 
'bagatelle',  etc.,  que  les  dérivés  de  futuere  et  de  buggerare.  Faut-il 
donc  peut-être  expliquer  le  tosc.  bordello  'giovanotto',  dim.  bordelliuo 
(voir  §  330)  de  la  même  manière  que  le  romagn.  futeti,  vén.  bnsaro, 
parm.  busrett,  etc.'? 

*  Cf.  MDIt,  IV,  p.  221.  Les  patois  du  Tyrol  possèdent  en  outre 
busaré  'rusé',  'fin'  (Alton\ 


—  209  — 

lissonnerie',  'enfantillage':  engad.  hiizer  (bas-engad.  buser), 
gred.  buzer  'bout  d'homme',  'nabot'  '.  —  L'engad.  hnscr 
{buser)  présente  en  outre  la  troisième  signification,  celle 
de  'polisson';  M.  Pallioppi  le  traduit  par  'Schlingel'.  Le 
parler  oberlandais  de  Dissentis  et  Trons  emploie  biiser — 
bmera  dans  le  sens  analogue  de  'kleiner  Sclialk'  (Carigiet). 
Dans  les  dialectes  de  Côme  et  de  Poschiavo,  Monti  a  relevé 
bozar — bosara  au  sens  de  'petit  enfant',  mais  avec  une 
nuance  péjorative;  en  comasque,  le  mot  signifie  'fanciullo 
vispo,  inquieto,  cattivo';  dans  le  parler  de  Poschiavo:  'fan- 
(dullo  inetto'  -.  Le  comasque  a  formé  le  diminutif  bozarèt 
'fanciulletto  molesto  e  inquieto'.  —  Voici  enfin  les  formes 
qui  semblent  s'employer  avec  la  signification  générale  de 
'petit  enfant',  sans  aucune  idée  dépréciative,  mais  parfois 
avec  une  nuance  hypocoristique:  vén.  bnzaro,  buzareto, 
budeleto  'marmocchio',  'ragazzo'  ^  (se  dit  par  plaisanterie); 
parm.  bnsrètt  'cittolello',  'fantolino',  'ragazzetto' :  romagn, 
busrcn  'naccherino',  'fanciuUino',  terme  de  tendresse,  qui 
se  dit  aussi  d'un  petit  animal;  souvent  il  est  qualifié  par 
hcll:  bell  buzren  'bel  mammolino'. 


<•  7.     Mots  ayant  le  sens  de  «objet  insig-nifiant», 
«chose»,  «individu». 

217,  Plusieurs  des  termes  que  nous  venons  d'étudier 
signifient  à  la  fois  'objet  petit,  ou  sans  valeur',  et  'en- 
fant' *.  Sans  doute,  ce  dernier  sens  a  été  dérivé  du 
premier.  On  trouve  dans  bien  des  langues  des  exemples 
d'un  phénomène  semblable:  un  mot,  qui  signifie  'objet'  ou 

*  M.  Gartner  {Die  Gredner  Mundart)  voit  dans  buzer  l'alleni.  tjT. 
pûzer;  d'après  Monti.  le  com.  hozar  est  emprunté  de  l'allem.  lioser. 

*  M.  Michael  n'enregistre  pas  le  mot. 

'  Ces  mots  signifient  en  outre  'magrino".  'si-ricciolo',  'persona 
giovane  e  piccola'. 

*  Rappelons  Val  d'Anzasca  bazar  'bazzecola'  et  com.  buzar  'fan- 
ciullo': romagn.  huzren  'cosa  piccola  e  galante'  et    mammolino'.  etc. 


—  210  — 

'chose',  s'applique  à  un  être  humain  au  sens  de  'individu', 
'personne  quelconque';  et  cet  emploi  implique  presque 
toujours  une  nuance  de  mépris  ^,  quelquefois  aussi  de 
pitié  et  d'affection.  C'est  ainsi  que  les  Allemands  em- 
ploient le  mot  Dinif  pour  désigner  une  personne  quelconque; 
mais  surtout  en  parlant  d'une  jeune  femme  ou  d'un  enfant  : 
(dn  jum/es  l)in<j;  das  klcinc  Dirif/,  das  arme  Diny.  etc.  L'ang- 
lais thinfi  s'emploie  d'une  manière  analogue:  a  youwj 
tliing;  pou  stupid  ihing;  poor  thiny.  Nous  allons  étudier 
dans  ce  qui  suit  quelques  cas  semblables  dans  les  langues 
romanes,  et  particulièrement  des  mots  signifiant  'chose', 
'objet'  comme  dénominations  d'enfants. 

218.  L'anc.  fr.  chose  et  l'anc.  prov.  causa  [cosa)  s'em- 
ployaient parfois  au  sens  de  'personne',  'être  humain'  ^. 
On  sait  que  le  franc,  diosf  se  dit  aujourd'hui  très  souvent 
pour  désigner  une  personne  dont  on  ne  se  rappelle  pas 
le  nom.  Le  petit  Chose  d'Alphonse  Daudet  est  un  exemple 
connu  de  son  application  dépréciative  à  un  enfant.  En 
béarnais,  eausoti  (proprement  'petite  chose')  signifie  'fillette'; 
le  diminutif  rausilliou  a  un  sens  plus  hypocoristique  :  il 
s'applique,  au  figuré,  suivant  Lespy  et  Raymond,  «à  une 
mignonnette,  à  une  jolie  petite  personne». 

219.  L'ital.  eosa  se  dit  parfois  d'une  femme,  tantôt 
comme  ternie  d'affection:  co.s«  yen  file:  tantôt,  et  plus  sou- 
vent, comme  terme  de  mépris:  Gran  hrutta  cosa!'  Les 
diminutifs  cosina,  cosettina,  cosoUna  (pist.)  sont  des  termes 
hypocoristiques  :   una   cosettina  yraziosa   sui  diciannov'  anni. 


*  Le  sens  dépréciatif  s'explique  par  le  fait  que  c"est  le  nom  de 
quelque  chose  d'inanimé  et  sans  valeur,  qui  s"appliqiie  à  un  être  hu- 
main (cf.  §  288).  mais  surtout  par  le  sens  indéterminé  du  mot  (cf. 
l'emploi  péjoratif  de  mots  tels  que  individu,  type,  espèce,  et,  pour 
Tallemaud.  Mensch,  Geschôpf,  Sorte). 

'^  Godefroy  cite  un  exemple  de  cet  emploi;  Raynouard  en  donne 
deux,  Appel  trois. 


—  211  — 

Le  masculin  aualogi(iue  coso  '  sert  à  désigner,  comme  le 
franc,  pop.  niaclihi  (tiré  de  machine)^  un  objet  dont  on  ne 
se  rappelle  pas  le  nom  ou  qu'on  ne  veut  pas  nommer;  il 
s'applique  aussi  à  un  homme  ou  un  garçon,  mais  presque 
toujours  avec  le  sens  dépréciatif  de  'uomo  o  ragazzo  rozzo, 
sgarbato,  goffo'  (Petrôcchi).  Cette  nuance  disparaît  dans 
les  diminutifs:  casino  'ragazzo'  (ou  'uomo  piccino'),  cofseUino 
'bambino'. 

*220.  Dans  les  dialectes  lombards,  le  lat.  lahorem  ^  a 
pris  le  sens  de  'chose'.  Comme  l'ital,  cosa,  coso.  il  se  dit 
aussi  d'êtres  humains,  surtout,  ,semble-t-il,  dans  un  ton  de 
pitié:  itn  por  lor  'un  pauvre  homme'  (Bormio).  ^  Monti 
nous  apprend  que  le  com.  lavbo  (proprement  'petit  objet 
de  peu  de  valeur')  peut  signifier  'petit  enfant';  mais,  en 
comasque  comme  ailleurs,  ce  sont  surtout  les  diminutifs 
qui  ont  pris  cette  signification:  com,  lavorêl,  lavonvl:  mil. 
lavorsell — lavorseUa.  lavorsellin — lavorsellinna  :  borm.  lorin, 
dans  l'expression  2^^/^'  l<P'in  'pauvre  petit';  de  même  en 
bergamasque:  pôcr  laur.ft.  L'emploi  des  formes  bergamas- 
ques  laurzèl.  ImirzH.  laurzï  correspond  du  reste  tout  à  fait 
à  celui  des  formes  toscanes  coscUino,  cosolina,  etc. 

221.  Deux  dialectes  émiliens,  le  mantouan  et  le  bo- 
lonais, emploient  d'une  manière  à  peu  près  analogue  le 
mot  massarin  (bol.  mnssardn),   qui  signifie  'mammolino'  et 


^  Cf.  vén.  huzaro  'ragazzo',  à  côté  de  huzara  'cosa  da  nuUa'.  Cf. 
aussi  la  distinction  de  genre  que  fait  la  langue  populaire  allemande 
en  appelant  un  homme  der  iJinff  (Diriger),  une  femme  die  Dint/ 
iiJingin)  (Grimm). 

*  En  voici  les  représentants  modernes:  mil.  lava;  com.  îavào; 
posch.  laûr:  borm.  lor;  bergam..  bresc.  laùr.  —  D'après  Meyer-Lûbke, 
Motn.  etym.  Wb.,  4809.  Tobwald.  lavxtr  aurait  le  même  sens  de  'chose'; 
mais  les  dictionnaires  que  j'ai  consultés  ne  donnent  pour  ce  mot  ijue 
le  sens  de    travail'. 

•'  Cf.  le  bol.  parer  bagai.  p.  "21;}.  n.  3. 


—  212  — 

qui    est    identique   au  mant.  massar'm  'bella  cosuccia'.  bol. 
massarl  'masserizia'  ^ 

222.  Dans  presque  toute  la  Haute-Italie  et  dans  le 
Frioul  on  rencontre  le  mot  hcKjai  (vén.  baijagio)  au  sens  de 
'enfant',  'petit  garçon'  ^.  Le  lombard  et  le  vénitien  en 
ont  tiré  aussi  le  féminin  analogique  hagaja,  hagagia  'fan- 
ciulla',  'ragazza'.  Ce  mot  est  sans  doute  identique  à  l'ital. 
hagaglio  'bagage',  qui,  de  même  que  le  mot  français,  dé- 
rive du  bas-latin  haga  'outre'  ^.  Le  vén.  hagagio  réunit 
les  sens  de  'bagaglio'  et  de  'f anciullino' ;  et  ces  deux 
significations  se  retrouvent  dans  le  bergam.,  bresc,  frioul. 
hagai  ^.  En  milanais  et  en  piémontais,  hagai  a  le  sens 
exclusif  de  'fanciullo',  'ragazzo',  tandis  que  l'idée  de 
'bagage'  se  rend  en  milanais  par  hagagg,  hagacc,  en 
piémontais  par  bagage,  hagagi.  Ces  dernières  formes 
sont  des  emprunts  faits  au  français  °;  ils  ont  été  pro- 
bablement d'abord  des  termes  militaires,  importés  par  des 
soldats  ". 

M.  Tappolet  ',  qui  cite,  d'après  Biondelli  (p.  52),  le 
crém.    hagai    au    sens    de    'enfants',    le   rattache    aussi    à 

1  De  même  que  Tital.  viasserizia.  ce  mot  érailien  vient  du  lat.  massa 
'Teig',  'Klumpen',  'Menge',  'Landgut';  voir  Meyer-Liibke.  Hom.  etym. 
Wb.,  5396. 

-  Le  mot  est  signalé  par  les  glossaires  en  piémontais,  lombard, 
émilien  et  vénitien. 

=<  Cf.  Diez.  op.  cit.,  p.  .S5:  Meyer-Liibke,  op.  cit.,  880;  AGII, 
XIII,  p.  408;  RDR,  IV.  p.  196.  —  M.  Lorck,  op.  cit.,  p.  169,  propose 
de  rattacher  hagai  dii-ectement  à  haga  'outre'  (cf.  hot<is,  §  299). 

*  En  bergamasque.  hagai  a  pris  aussi  le  sens  de  'famiglio'.  'servo 
^i  casa',  'garzone',   'fattorino'. 

"  Ou  les  formes  milanaises  sont-elles  peut-être  d^origiue  vénitienne? 
Cf.  D'Ovidio,  AGII,  XIII,  p.  403:  «Del  mil.  bagagg  puô  dubitarsi  se 
sia  francesismo  diretto  o  venetismo.» 

'"'  Cf.  le  franc,  bagage,  qui  a  pénétré  en  allemand  d''une  manière 
analogue:  «In  der  Bedeutung  'Gepâck'  nur  noch  beim  Militâr  iibrig; 
hier  ist  es  ein  alter  technischer  Ausdruck,  der  seit  dem  16.  Jahrh. 
bezeugt  ist».     (Schulz,  Deutsches  Fremdwôrterhuch.) 

'  op.  cit.,  p.  49. 


—  213  ^ 

hni/af/Uo,  Ouf/af/e,  et  suppose  que  le  sens  primitif  a  été 
celui  de  'Pack'.  II  faudrait  dont  supposer  que  le  mot 
a  été  appliqué  d'abord  comme  injure  à  une  troupe 
d'enfants,  de  même  que  race,  etc..  et  qu'il  a  pris  ensuite 
un  sens  individuel.  II  faut  pourtant  observer  que  Bion- 
delli  ne  donne  pas  seulement  le  sens  de  'enfants',  mais 
aussi  celui  de  'garyon'.  'fils',  et  que  je  n'ai  trouvé  qu'un 
seul  exemple  d'un  sens  exclusivement  collectif:  dans  le 
dictionnaire  de  Rosa,  qui  a  relevé  bagai  'enfants'  dans 
les  Alpes  bergamasques  (près  de  la  Valtelline).  Il  ne 
paraît  donc  pas  probable  que  l'acception  de  'troupe  d'en- 
fants' ait  été  antérieure  à  celle  de  'enfant'.  Ce  dernier 
sens  a  été  tiré  sans  doute  de  celui  de  'paquet',  'objet 
sans  valeur',  ou  de  l'idée  plus  générale  de  'chose',  'indi- 
vidu'. liC  premier  développement  paraît  avoir  eu  lieu 
dans  les  parlers  rhétiques  d'Ampezzo  et  Greden  en  Ty- 
rol,  où  hagdi  est  un  terme  d'injure,  adressé  aux  petits 
garçons.  Voici  les  significations  relevées  par  Alton:  «Ge- 
bàck  (évidemment  faute  d'impression  pour  'Gepâck');  un- 
niitzes  Ding;  Schimpfname  auf  Knaben.  »  '.  D'autre  part, 
dans  les  dialectes  haut-italiens,  où,  d'après  les  dictionnaires, 
notre  mot  n'implique  aucune  idée  défavorable  *,  il  a  pro- 
bablement été  employé  au  sens  de  'chose',  'machin',  'per- 
sonne dont  on  ne  se  rappelle  pas  le  nom',  avant  de  pren- 
dre celui  de  'enfant',  'garçon'.  J'ai  trouvé  cette  significa- 
tion générale  dans  les  parlers  de  Mantoue,  Parme,  Miran- 
■  dole  et  Bologne  ^. 

'  Vian  le  traduit  par  'kleiner  Schiirke'  et  i)ar  'ragazziuo',  M.  Gai-tner 
par  'kleiner  Wichf. 

''  Seul  le  glossaire  modénais  de  Galvani  le  donne  dans  un  sens 
péjoratif:  celui  de  'galuppo.  peggiorativo  di  ragazzo'.  —  Dans  la 
Romagne  et  à  Bologne,  bagai  se  dit  par  plaisanterie. 

'  Dans  ce  dernier  dialecte,  bagai  peut  avoir  aussi  une  nuance 
de  pitié:  pover  bagai  (ci.  borm.  jjor  lor).  ou  de  mépris  i^=uomo  «tu- 
])idn  e  mal   fatto*!. 


—  214  — 

De  nombreux  diminutifs  témoignent  de  la  vitalité  du 
mot: 

-inn :  mil.  baf/ajn — huffojnna:  piac,  regg.  baf/aîn;  bol. 
hagaiein^ — hagaicina;  romagn.,  vén.  hagagin;  yen.  hagarïn^; 
frioul.  hagarinc  'fanciuUina'.  Le  bresc.  hagan  est  un  ad- 
jectif qui  signifie  'piccino'. 

-cttu:  regg.  hagajétt: 

•eolu:  mil.  hagajœu;  parm.  bagaièul: 

-relUc  gén.  hagarcllu,  hagarillu  :  ce  dialecte  n'emploie 
pas  le  mot  simple. 

223.  Le  brescian  a  tiré  une  dénomination  d'enfant 
du  mot  bagatcUa  ^  'cosa  di  poco  conto',  savoir  bagatcl,  qui 
semble  avoir  un  sens  peu  favorable.  D'après  Melchiori,  il 
est  synonyme  de  diaolî^  c.-à-d.  'diavoletto',  'frugolo'.  — 
J'ai  trouvé,  en  Corse  et  dans  les  districts  de  Roveredo  et 
de  Trente,  bagatella  avec  le  sens  dépréciatif  de  'donna  da 
poco,  da  nulla'.  Dans  le  dialecte  de  Roveredo  et  Trente, 
on  en  a  tiré  le  masculin  bagatel  'uomo  da  poco';  et  c'est 
sans  doute  le  même  mot  qui,  en  brescian,  s'est  appliqué, 
par  «cacophémisme»,  à  un  enfant. 

224.  Le  mil.,  com.  ciapoU  (ciapôt)  signifie  'fanciulletto', 
'bambolo',  'bimbo',  et  Monti  nous  apprend  qu'il  s'emploie 
comme  voce  vezzeggiativa.  Le  milanais  possède  le  diminu- 
tif (•iapottin — ciapottinna;  le  comasque  préfère  ciapotH.  Je 
vois    dans    ce    mot    le    mil.   ciapott  'bazzecola',  'ciarpame'. 


1  Le  bol.  hagaiein  ou  hagarein  signifie  aussi  'agnellino.  pecorino 
appena  nato'.  —  Quant  à  Vr,  cf.  mant.  bagarott,  dim.  de  hagaj  au 
sens  de  'masserizia'. 

*  Outre  'fanciullino',  ce  mot  a  aussi  le  sens  accessoire  de  'fan- 
ciullino  scriato,  gracile  e  poco  vegnente'.  —  Il  signifie  encore  'membro 
virile  de'  bambini';  le  frioul.  hagarln  (bigarm)  n'a  que  cette  dernière 
signification. 

'  J'incline  à  rattacher  ce  mot,  comme  Diez  et  M.  Pianigiani.  à 
baga.  D'après  MM.  Schuchardt  et  Meyer-Liibke,  c'est  un  diminutif 
de  baca  'baie'.  —  Cf.  aussi  Walde.  Lat.  etym.    Mb.,  à  Part,  baiulus. 


—  215    - 

([ui  doit  être  dérivé  du  verbe  milanais  ciapottà  'brancicare', 
'lavoracchiare'  ^  Ce  verbe  est  à  son  tour  un  dérivé  fré- 
quentatif et  péjoratif  du  mil.  rinpà.  correspondant  à  l'ital. 
chiappmu-  'pigliare'  'prendere'  -.  Au  sens  de  'bagatelle', 
'objet  sans  valeur',  ciapoU  a  été  appliqué  à  un  enfant,  de 
même  (juo  hovnr.  haf/a/.  etc.  "'' 

225.  Dans  le  Monferrat  on  trouve  fticiàf-,  dim.  fu- 
cianH,  comme  désignation  d'un  petit  garçon.  Après  les 
exemples  cités  dans  les  paragraphes  précédents,  il  ne  faut 
guère  hésiter  à  y  voir  le  même  mot  que  le  gén.  fuciara 
'bagatella',  'cosa  da  nulla',  usité  surtout  au  pluriel:  fu- 
eiarr  'bazzecole'.  'coserelle  di  poco  pregio'  *. 

226.  Ajoutons  enfin,  à  propos  des  mots  étudiés  plus 
haut    qui    ont    pris  le  sens  général  de  'individu'  avant  de 


>  Le  verbe  ciapottare  'bambineggiare'  est  évidemment  tiré  de 
eiapott  'bambino'.  —  Ou  pourrait  se  demander,  si  eiapdtt  n'a  pas  eu 
le  sens  primitif  de  'celui  qui  manie,  tripote',  'celui  (jui  bousille',  ou, 
puisque  citipottà  peut  désigner  aussi  'quello  sguazzare  e  tramestar 
neir  acqua  che  fanno  sovente  i  fanciulli':  'celui  qui  gargouille';  cf. 
le  prov.  chauchouti  [^  244).  Mais,  comme  il  est  rare  que  des  substan- 
tifs verbaux  de  ce  type  deviennent  des  nomina  agentis.  et  que  le  mi- 
lanais possède  un  dérivé  en  -one  pour  rendre  justement  cette  dernière 
idée:  ciapottùii  'colui  che  volontieri  maneggia  acqua  od  altro  cou  mal 
garbo',  je  trouve  Fauti'e  explication  beaucoup  plus  vraisemblable. 

»  Cf.  Salvioni.  liBIi,  V,  p.  173. 

'  Cf.  le  tosc.  chiappola  'bagatella',  et  le  diminutif  chiappolino 
'uomo  leggero',  'fraschetta',  dérivés  de  ehiappa,  proprement  presa', 
ironiquement  'acquisto'.  —  Par  un  emploi  ironique  de  ehiappa,  lomb. 
ciappa,  s'explique  le  sens  de  'natica',  d'où  le  bergam.  ciapinc  'piccole 
natiche";  ciapbte  'natiche  alquanto  grosse'.  Bien  que  je  n"aie  point 
l'intention  de  rattacher  le  mil.  ciapàtt  'enfant'  à  ce  dernier  mot  berga- 
masque,  je  veux  pourtant  faire  observer  qu'un  procédé  sémantique  de 
ce  genre  n'est  pas  inconnu  aux  langues  romanes  (cf.  §  279). 

*  Le  parler  de  Bournois  (Doubs)  parait  offrir  encore  un  exemple 
du  même  procédé.  Dans  ce  parler.  zXzï  (probablement  d'origine  en- 
fantine) signifie  'chose  de  peu  de  valeur'  et  'enfant  chétif.  Dans  le 
patois  de  Pierrecourt  (Haute-Saône),  il  a  une  autre  nuance  déprécia- 
tive:  'garçon  un  peu  bèbête'.  Cf.  Grand'Combe  sizatû  'choses  sans 
valeur'. 


—  216  — 

passer  à  celui  de  'enfant',  un  mot  qui  présente  aussi  ce 
dernier  développement.  Gonze — gonzcsse,  mot  d'argot  si- 
gnifiant 'individu',  'femme',  avec  une  nuance  de  mépris,  a 
pénétré  dans  le  patois  de  l'Anjou  aux  sens  de  'gamin', 
'galopin';  'gamine',  'petite  fille',  'jeune  fille',  'drôlesse'.  Dans 
l'argot  ancien  et  dans  le  bas-langage  actuel,  ce  mot  s'em- 
ploie aussi  avec-  son  sens  originaire  de  'niais',  'dupe'. 
C'est  un  emprunt  fait  au  fourbesque:  gonzo  'rustre'  (= 
ital.  (fonso  'niais',  'balourd',  d'origine  inconnue). 

La  même  transition  sémantique  est  présentée  par  un 
autre  mot  d'argot:  niert  'individu'  (Vidocq)  \  qui  se  re- 
trouve dans  l'argot  provençal  (à  Aix)  sous  la  forme  de 
nierto  et  au  sens  de  'mioche',  'bambin'  (Mistral). 


c  8.     Termes  scatolog-iques. 

227.  Dans  bien  des  langues  on  emploie  des  mots 
signifiant  'stercus'  ou  'peditus'  pour  désigner  d'une  ma- 
nière méprisante  un  objet  sans  valeur  ou  une  personne  de 
rien  *.  Les  langues  romanes  appliquent  souvent,  dans  un 
sens  ironique  et  dédaigneux  ou  bien  d'une  manière  ca- 
cophémique  qui  fait  disparaître  totalement  le  sens  dépré- 
ciatif,  des  mots  de  ce  genre  aux  enfants,  spécialement  aux 
tout  petits  ^. 

Voici,  tout  d'abord,  l'exemple  d'un  mot  de  cette  sorte 
employé  comme  sobriquet  individuel.  M"^^  Odin  a  relevé, 
dans  le  patois  de  Blonay,  tyét7>  (dim.  de  tyéta  'petite  flaque 
de  fiente,  de  crotte')  comme  sobriquet  donné  à  un  garçon 
très  petit. 


'  D'après  Rigaud,  ce  mot  signifie  aussi  'complice',  'maladroit'. 

■'  Cf.  l'emploi  injurieux  des  mots  allemands  Dreck,  Scheiss,  qui 
peuvent  même  signifier  'rien  du  tout';  Drecklein  'Taugenichtschen'; 
Scheissel  'kleines  Personchen  oder  Ding'  (Grimm). 

^  Peut-être,  dans  certains  cas,  y  a-t-il  ici  une  sorte  de  métaphore, 
une  comparaison  avec  quelque  chose  de  rond  et  de  petit.     Cf.  §  288  ss. 


—  '217  — 

D'un  emploi  plus  répandu  est  inb\nui.n,  proprement 
'excrément'  \  qui  désigne  un  enfant  petit,  chétif,  et  parti- 
culièrement un  enfant  nouveau-né,  dans  les  cantons  de 
Vaud  et  du  Valais.  Bride!  l'a  relevé  dans  le  Pays  d'En- 
haut:  (inkrcmein,  nnkrvmehi-  \  M""'  Odin  à  Blonay:  ekremr^;  et 
M.  Gilliéron  à  Vionnaz:  ékremé*:  il  le  désigne  comme  vieilli. 

BoKse  'fiente  de  vache'  se  retrouve  dans  bien  des  épi- 
thètes  de  ce  genre.  Dans  l'arrondissement  de  Valognes, 
en  Normandie,  hoHset  signifie  'petit  fat",  'marmot'  (Métivier), 
et,  près  de  là,  dans  la  Hague.  Fleuiy  relève  bouscftc  'pe- 
tite fille',  'adolescente',  expression  un  peu  péjorative  ■". 
Lorrain  signale,  comme  termes  de  la  Lorraine,  Oonsaque^ 
hosèque  ^  'petit  garçon',  et,  comme  termes  messins,  hosot 
'enfant',   'nabot'  ^  hosck  'gros  enfant'  ou  'pansu',  'glouton', 


■  M.  Gauchat  m'apprend  que  dans  les  matériaux  du  Gloss.  des 
pat.  de  la  Suisse  rom.  on  trouve  bien  des  exemples  d'une  confusion 
entre  in-  et  ex-. 

'  Bridel  y  voit  le  lat.  iiurementum.  En  effet,  ce  mot.  qui  dé- 
signait proprement  l'action  de  croître,  se  disait  aussi  métonymique- 
ment  de  ce  qui  croît,  et  devint  ainsi  synonjme  de  'progenies',  'fi- 
lii'.  Le  développement  sémantique  supposé  par  Bridel  am-ait  donc 
été  à  peu  près  parallèle  à  celui  de  fructus,  fétus,  etc. 

^  Dans  ce  patois,  il  se  dit  aussi  d'une  petite  bête,  ou  d'une  chose 
petite,  fluette  en  général. 

*  Sur  \'é  pour  e,  cf.  doîc.  §   185. 

^  Au  lieu  de  le  rattacher  à  bouset  'petit  tas  d'excréments  hu- 
mains', qu'il  enregistre  à  la  même  page,  ou  à  bonnettes  'crottin  de  che- 
val', que  donne  Métivier.  Fleuri'  rapproche  ce  mot  du  bret.  beuzik 
'jeune  gardon". 

'=  Cf.  Horning.  ZBFh.  XIX,  p.  183,  XX,  p.  337. 

"  Bien  qu'on  trouve  dans  le  patois  messin  le  dérivé  boseau  'ma- 
tière fécale',  dans  le  lorrain:  boset  'fiente  de  vache',  dans  le  meiisien: 
bouïon  'étron',  bouzeil  'fiente  de  vache',  etc.,  Lorrain  voudrait  rattacher 
bosot  enfant'  à  l'anc.  fr.  bos  petit  enfant'  (forme  très  douteuse,  qui 
ne  se  trouve  que  dans  Roquefort)  et  au  lat.  pusiis.  —  En  général,  les 
lexicographes,  qui  n'ont  pas  connu  le  rôle  important  que  joue  le  ca- 
cophémisme  dans  la  création  des  dénominations  d'enfants,  ont  souvent 
préféré  une  étymologie  impossible,  mais  décente,  à  l'étymologie  vraie, 
mais  choquante.  Rappelons  l'explication  que  propose  Fleur3-  pour 
bauset;  de  même,  Monti  et  Tiraboschi  indiquent  le  lat.  putiîîus  comme 
étymologie  du  com.,  bergam.  pefêl  (voir  §  228). 


—  218  — 

'stupide',  'saligaud';  à  Landremont,  hosèquc  est  exclusive- 
ment un  terme  de  mépris  (Adam).  Cf.  le  pic.  bousaquère 
'femme  malpropre'  (Ledieu);  lyonn.  houza  'fille  indolente' 
(Puitspelu)  \ 

Le  provençal  emploie  caf/assomirt.  dérivé  de  cagaf>  'gros 
tas  d'excréments',    au    sens   de   'marmouset',  'petit  enfant'. 

De  fourc  'excrément',  le  normand  a  tiré  fonret—fourette 
'petit  garçon',  'petite  fille',  termes  de  dénigrement. 

Dans  la  langue  populaire  de  Paris,  crotte,  crottaillc, 
crottaillon  sont  des  mots  d'amitié  qu'on  adresse  aux  en- 
fants (Bruant)  -.  D'après  Jaubert,  rhicrottf,  qui  désigne, 
dans  les  patois  du  Centre,  une  toute  petite  fille,  signifie 
proprement  'petite  crotte';  'objet  de  minime  importance'  ^'. 

Dans  le  patois  de  la  Grand'  Combe  (Doubs),  èi/o.  ou 
ptè  €i/Oj  se  dit  pour  'gamin',  'petit  gamin',  mais  ne  s'em- 
ploie qu'au  vocatif.  M.  Boillot  se  demande  s'il  faut  y 
voir   le    franc.    cJiiot  {chiau)  'petit  chien'  (cf.  §  316),  ou  s'il 

'  Cf.  du  reste  Behrens,  Beitràge  zur  franzôsischen  Wortgeschichte 
îind  Grammatik,  p.  177  s. 

-  «Le  mot  de  Cambronne»  ne  s'emploie  pas  lui-même  de  cette 
manièi'e;  mais  on  se  sert  de  nombrevix  dérivés  de  ce  terme  pour  dé- 
signer des  enfants;  voir  §  230. 

^  Le  même  patois  connaît  aussi  la  forme  chacrotte.  Par  chacrot. 
ou  chacouat,  on  y  désigne  le  plus  jeune  des  enfants  d'une  famille,  ou 
le  dernier  venu  d'une  bande  de  jeunes  animaux.  Cf.  le  prov.  mod. 
eacoîiat,  qui  a  le  même  sens.  Évidemment,  le  premier  élément  de  tous 
ces  mots  est  le  radical  de  cacare,  franc,-,  chier.  —  Quand  il  s'agit  des 
derniers  nés,  soit  des  enfants,  soit  des  animaux.  la  tendance  cacopbé- 
mique  apparaît  très  nettement.  La  pitié  et  la  tendresse,  qu'inspirent  ces 
petits  êtres  si  faibles  et  si  chétifs,  sont  rendues  dans  le  langage  du 
peuple  par  les  épithètes  les  plus  crues.  Dans  le  Poitou,  on  appelle  le  der- 
nier né  bouse,  dans  la  Provence:  petoun  ou  cago-nis.  La  même  ex- 
pression se  retrouve  dans  le  Doubs  sous  la  forme  de  chie-nid  (Mont- 
béliard  :  tchenni).  C'est  probablement  une  allusion  au  plus  petit  oiseau 
de  la  couvée  «qui  n'a  pas  la  force  de  faire  ses  excréments  hors  du 
nid,  comme  font  les  autres  au  bout  de  quelques  jours»  (Beauquier). 
Le  sicilien  dit  caca-nidu.  Il  est  intéressant  de  trouver  une  expres- 
sion tout  à  fait  correspondante  dans  les  dialectes  suédois,  où.  d'après 
Eietz,  ho-skit  (ou  ho- fis)  désigne  «den  senast  fodde  av  valpar.  katt- 
ungar,  kycklingar  m.  fl.  husdjur.» 


—  21Î)  — 

faut  lo  coiisidt'rer  comme  synonyme  de  nt/rrjr  *mordeux\ 
'petit  t^amin'  (voir  §  '^30),  ce  ([u'il  trouve  plus  probable. 
Il  est  évident  que  c'est  le  même  mot  que  tcJiiot  'crotte 
d'oiseau,  de  mouche',  'toute  espèce  de  crotte',  qui,  dans  le 
patois  de  Montbéliard.  sert  aussi  à  désigner  un  enfant 
malingre  et  chétif  ^ 

'Z'iS,  Le  mot  2^''^  l'in  \a.t.  pcdituutj  entre  dans  un  grand 
nombre  de  dénominations  d'enfants,  d'un  caractère  plus 
ou  moins  péjoratif.  —  Le  provençal  offre  petoun,  petot  'pe- 
tit enfant',  prfofa  'petite  fille',  jx'foulin  'petit  bambin',  tirés 
de  peto  'crotte',  ou  de  pet  'vent',  'pet'.  Dans  le  Valais, 
au  Val  d'Hérens.  p,)fola  est  un  terme  de  mépris  pour  une 
tille  (petite  ou  jeune);  le  sens  propre  est  'crotte  de  chèvre', 
etc.  —  Nous  retrouvons  ce  mot  dans  quelques  dialectes  de 
la  Haute-Italie,  où  il  est  toujours  un  terme  de  mépris  ou 
de  tendresse.  Le  mot  simple  j^^^f  ^  s'emploie  de  la  der- 
nière façon  dans  la  Romagne.  Morri  le  traduit  par  'ce- 
cino',  'fanciuUino  grazioso  e  vezzoso';  pétt  sale  (=  'salato') 
se  dit  dans  le  même  dialecte  d'un  enfant  qui  se  fâche  fa- 
cilement. Les  diminutifs  sont  plus  fréquents:  vén.  pètolo 
'bambinello',  'mammolo'  (cf.  pHola  'cacherello');  bresc.  pè- 
fol,  syn.  de  duiol)  'frugolo':  mil.  petolln^  qui  se  dit  par 
plaisanterie  à  un  petit  enfant;  bergam.  petèl,  petôl  'ragaz- 
zetto',  'fanciulletto'  (avec  une  nuance  dépréciative) ;  com. 
petêl  'fanciuUino',  terme  de  tendresse.  . 

Dans  diverses  régions  de  l'Italie,  stronzo  se  dit,  sur 
un  ton  de  mépris,  d'un  jeune  garçon  '.  En  langage  fa- 
milier vénitien  on  dit:  Varï  che  stronzo!  en  parlant  d'un 
|)etit    garçon  arrogant  et  insolent.     Le  sic.  strimzinu  s'em- 

^  Cf.  chiot  de  mouche  'crotte  de  mouche',  dans  le  patois  du  Doubs. 
On  dit  «gros  comme  un  chiot  de  mouche*  pour  indiquer  un  tout  petit 
objet.  —  Cf.  encore  Bournois  teyo  'chiasse'. 

-  Le  sens  propre  est  celui  de  'pef,  'vent';  mais  il  peut  aussi 
signifier  'crotte",  par  exemple  à  Mirandole. 

3  Voir  Schuchardt.  ZRPh.  XXVIII,  p.  319. 


—  220  — 

ploie  de  la  même  manière.  En  E-omagne  on  appelle  fami- 
lièrement un  petit  garçon  stronsolo  di  gallina.  Le  sons-di- 
minutif stronsoUno  est  donné  par  Tommaseo  comme  terme 
d'injure  ou  de  plaisanterie,  vieilli  aujourd'hui.  Le  bergam. 
stnmscU  signifie,  d'après  Zappetini:  'marmocchio',  'fan- 
ciullo',  'ragazzo'  \  —  Cherubini  donne  pour  le  mil.  stronsèll  le 
sens  figuré  de  'scricciolo',  c.-à-d.  'roitelet'  ^  ou  'homme  petit'^ 
et,  dans  le  supplément,  il  définit  le  féminin  stronzëlla  par 
'uno  scricciolo  di  fanciulla',  en  ajoutant:  «Per  ischerzo  lo 
diciamo    anche   assai  communem.    in   luogo  di  Donzèlla»  ^. 

229.  Des  mots  signifiant  'crottin  de  boue',  'éclabous- 
sure'  ont  été  employés  quelquefois  de  la  même  manière 
que  ceux  cités  plus  haut. 

Le  prov.  hôudrb  (lang.  bôudroc)  —  bôudroco,  qui  est  un 
dérivé  de  boudro  'vase',  'boue',  'crotte',  a  un  sens  légère- 
ment péjoratif:  'crapoussin',  'petit  drôle',  'petite  drôlesse' 
Le  diminutif  boudroucouti  (lang.  boudroucou)  signifie  'petit 
crapoussin',  'enfant  qui  commence  à  marcher'. 

Le    nap.    sàccaro    'fanciullo',  dim.  zaccarieUo.  est  sans 


'  Zappetini  donne  en  outre  le  sens  péjoratif  de  'citrullo',  'piiica- 
strello'.  Tiraboschi  n'enregistre  pour  strunsèl  que  le  sens  primitif  de 
'piccolo  stronzo';  pour  strunsèt  aussi  celui  de  'presuntuosello'. 

*  Il  ajoute,  en  guise  d'explication:  «un  po  di  merda  su  due  fus- 
cellini». 

*  On  serait  tenté  de  l'anger  aussi  dans  ce  gi'oupe  le  lomb.  sciot. 
sciotell  'fanciullo',  'fanciuUino',  qui  paraît  être  le  même  mot  que  le 
lomb.  sciot,  sciotèll  'stronzo'.  'stronzolino'.  Cependant  il  est  sans  doute 
préférable  de  ramener  ces  deux  mots  à  une  origine  commune,  à  un 
mot  signifiant  'quelque  chose  de  gros  et  de  court,  d'informe  et  de 
globuleux',  d'où  dériveraient  en  outre  le  mil.,  com.  sciatt  'rospo'  et  le 
com.  sciât  'fanciullo'  (voir  §  310).  —  De  même  on  serait  porté  à  ex- 
pliquer l'angevin  et  bas-inanceau  cropet.  et  le  bas-manceau  cropichon 
'petit  enfant'  par  un  emploi  cacophémique  de  cropet,  cropiclion  'ex- 
crément', 'étron'.  qui  existe  dans  les  mêmes  patois.  Mais  il  faut  pro- 
bablement les  tirer  tous  deux  de  cropet.  diminutif  de  croupe.  (Cf. 
Horning,  ZHPJi,  XIX,  p.  173).  Déjà  eh  ancien  français  cropet  signi- 
fiait 'nabot',  sens  que  le  mot  présente  encore  aujourd'hui  dans  le  Nord, 
l'Ouest  et  le  Centre.     Nous  y  reviendrons  plus  loin  (v.  §  373). 


—  221   - 

doute  le  même  mot  que  zaccaro  'zàcchera'  (c.-à-d.  'écla- 
boussure'  )  \  que  relèvent  Tommaseo  et  Petrôcchi  chez  le 
napolitain  Jacopo  Sannazaro  (XVI*'  siècle)  ^.  L'exemple 
suivant,  que  D'Ambra  a  tiré  des  Muse  Napolitane  de  Basile 
Giambatista  (1735),  montre  que  zaccaro  a  eu  le  même  sens 
dépréciatif  de  'enfant  insolent,  présomptueux',  que  le  vén. 
sfronzo  et  le  sic.  strunzinu:  Zaccare  mmerdosielle,  presentuse, 
Che  ve  sia  dato  maglio  a  sti  caruse.  —  En  romagnol  le 
diminutif  zacarnen  (de  zacara)  est  un  terme  de  tendresse, 
qui  se  dit  à  un  petit  enfant  ou  à  un  petit  animal. 

230.  Les  mots  du  type  merdeux  constituent  une  autre 
catégorie  d'injures,  très  proche  de  celles  que  nous  venons 
d'étudier.  Merdeux  s'emploie,  suivant  Villatte,  dans  le 
langage  populaire  au  sens  péjoratif  général  de  'Lump', 
'Scheisskerl'.  Dans  le  même  langage  et  dans  bien  des 
parlers  provinciaux,  on  trouve  ce  terme  et  d'autres  dérivés 
du  même  radical  appliqués  aux  enfants.  Ils  se  disent  des 
enfants  faibles,  chétifs:  angev.  mardeux;  bas-manc,  Plé- 
chatel  merdu;  ou  bien  des  enfants  impertinents:  Blonay 
merdo:  merdau — merdauza;  verduno-châl.  merdaïllon.  Ce 
dernier  mot  se  dit,  au  sens  de  'petit  enfant',  dans  le 
langage  populaire  de  toute  la  France  ^,  sur  un  ton  plus 
ou  moins    méprisant  *.     Voici    quelques    termes    qui  s'em- 

*  L'ital.  zàcchera  s'est  employé  autrefois  avec  le  sens  de  'inezia', 
'bagatella'  (aux  XV®  et  XVP  siècles),  et  au  sens  de  'uomo  da  poco' 
(au  XVP  siècle).  —  Le  cors,  zakkalô  'crottin  de  boue'  s'emploie, 
d'après  M.  Guarnerio.  comme  vocatif  dépréciatif. 

*  Tommaseo  e  Bellini  accentuent  zaccàro  (cf.  pourtant  la  rime 
baccari — zaccari  dans  un  des  passages  qu'ils  citent).  Mais  la  ressem- 
blance de  forme  et  de  sens  met  hors  de  doute  l'identité  de  ce  mot 
avec  l'ital.  zàcchera.  Dans  son  Vocaholario  délia  pronunzia  toscana. 
Fanfani  enregistre  du  reste  zàccaro  à  côté  de  zàcchera. 

*  Je  l'ai  relevé  dans  le  wallon  montois,  le  rouchi,  le  vendômois, 
le  parler  du  Valais,  le  savoyard,  le  provençal  et  le  béarnais. 

*  Souvent  les  termes  de  ce  genre  perdent  tout  à  fait  leur  sens 
dépréciatif.  Tel  est  le  cas.  d'après  ce  que  m'apprend  M.  Gauchat. 
pour  ceux  qui  s'emploient  dans  les  patois  de  la  Suisse  romande. 

15 


-    222  — 

ploient  de  la  même  manière:  mweje  (Grand'  Combe);  mèr- 
dozè  (Vand,  Neuchâtel);  merdouset — merdouscto:  merdassier — 
merdassieiro  (Provence)  ;  merdaussou  (Castres)  ;  mèrdason  (Va- 
lais), etc.  —  Ajoutons  les  collectifs  merdaille  (franc,  pop.), 
mèrdalyèri  (Valais),  nièrdèrô  (Vaud)  'troupe  (importune)  de 
petits  enfants'. 

Breneux,  synonyme  de  merdeux^  s'applique  également 
aux  enfants:  bas-manc.  hrœnœ,  brœnu  (Pail)  'enfant'^; 
haut-norm.  (Bray),  rouchi  herneux  'petit  enfant';  lyonn. 
barnaeux  (Mornant)  'petit  enfant'.  —  Ajoutons  que,  dans 
la  Table  de  VAtlas  linguistique,  on  trouve  le  mot  breyu 
défini  par  'enfant'.  Le  sens  propre  de  ce  mot  doit  être 
celui  de  'boueux';  cf.  breya  'boueux'  et  breyé  'boue',  qui 
se  rencontrent  au  point  938  des  cartes  1767  et  154. 

231.  D'autres  termes  scatologiques  semblent  se  rap- 
porter plus  spécialement  à  l'incapacité  des  petits  enfants 
de  régler  leurs  besoins.  —  Dans  la  langue  verte,  une  pis- 
seuse veut  dire  une  fillette  ^  ;  mais  ce  mot  se  dit  aussi  par 
mépris  d'une  jeune  fille  ou  d'une  femme  ^.  La  langue 
triviale  du  Centre  dit  pissouse:  «Il  espérait  qu'il  lui  naîtrait 
un  garçon,  il  n'a  eu  qu'une  pissouse»  (Jaubert).  Dans  le 
patois  de  Bournois,  piea  est  un  petit  garçon,  piead  une 
petite  fille.  Le  wallon  montois  emploie  pichnette  dans  ce 
dernier  sens.  A  Saint-Pol  piewit  est  un  terme  d'amitié 
qu'on  adresse  aux  petits  enfants,  tandis  que  piewar  se 
dit  par  dénigrement  d'une  personne  du  sexe  féminin  en 
général. 

L'italien   possède  plusieurs    expressions  correspondan- 

'  Le  sens  propre  est  'sali  par  les  aliments';  cf.  se  brœnuze,  qui 
se  dit  à  Pail  pour  'se  salir  avec  les  aliments'. 

2  Cf.  l'allem.  Seichbûchse. 

3  Avec  le  même  sens  général  on  emploie  picheuse  dans  la  Flandre 
française,  pissouse  en  Anjou.  Dans  le  patois  des  environs  de  Gre- 
noble, pissouse  se  dit  de  celles  qui  veulent  faire  les  jeunes  filles 
avant  l'âge. 


—  223  — 

tes.  Piscione—pt.sritma.  pisciacchera,  piscialletto  se  disent, 
dans  la  langue  vulgaire,  par  mépris  ou  par  plaisanterie, 
des  petits  enfants.  Les  mots  napolitains  j>e6C*V>cca,  ^îmtk- 
colo  s'emploient  d'une  manière  analogue.  Le  bergam, 
pieial  (dim.  piciall)  est  un  terme  d'amitié,  qui  signifie  'enfant' 
ou  'rouge-gorge'  *;  le  romagn.  pissai  est  aussi  un  mot  de 
tendresse  pour  les  petits. 

La  langue  populaire  parisienne  désigne  par  chiard  un 
petit  enfant.  Dans  le  patois  de  Montbéliard,  le  mot  cor- 
respondant est  tchia,  au  féminin  tchiale.  Le  même  patois 
connaît  aussi  les  expressions  tcMenculottc  'petit  garçon', 
'petit  morveux';  tcienlé  (franc,  pop.  chienlit)  'petit  garçon 
sale'.  Dans  le  Centre,  cJiias  (ou  chiasse)  se  dit  pour  'enfant 
au  maillot'. 

Au  même  ordre  d'idées  se  rapportent  les  termes  sui- 
vants :  prov.  pf'fareu  (  lang.  petarèl)  ;  auv.,  alp.  petarrt  'petite 
fille'  (dim.  de  petaire  'celui  qui  pète')  ^;  ^roY .  peto-bas  'petite 
fille',  terme  de  mépris  et  de  badinage;  trousse-pet — trousse- 
pète  'petit  garçon,  petite  fille  qui  fait  des  embarras',  mot 
du  langage  populaire,  et  qui  se  dit  surtout  au  féminin^; 
rouchi  piss'pète  'jeune  fille  de  deux  ans'. 

c  9.     Mots   signifiant    «pouilleux»,   «teigneux»,  «puant». 

*^B2,  Une  des  injures  qu'on  affectionne  le  plus  en 
tous  pays,  consiste  à  reprocher  à  quelqu'un  d'être  infecté 

*  Cf.  le  bergam.  piciolada  'bagattella';  picio  'membre  virile'. 
Comme  pisà  est  le  représentant  bergamasque  de  l'ital.  pisciare,  on  se 
serait  attendu  à  trouver  dans  ces  mot  -s-  au  lieu  de  -ci-;  cf.  pourtant 
bergam.  piciàrla  et  pissarbl,  qui  signifient-  tous  deux:  'pisciarello', 
'vino  sdolcinato'  (bresc.  pisôra). 

■  Ces  mots  signifient  encore:  'derrière',  'anus',  et  on  les  a  appli- 
qués à  une  plante  dont  les  enfants  font  éclater  les  calices,  la  lychnide 
dioïdique.  Cf.  le  prov.  petaire  'anus';  'plante  dont  on  fait  éclater  les 
calices';  petadou  'tout  ce  qui  détonne',  'anus'. 

^  Le  Dict.  gén.  voit  dans  trousse-pet  un  composé  de  trousse  (du 
verbe  trousser)  et  de  pet.  (Cf.  Kécart,  Dict.  rouchi-français:  •Trousse- 
péte:  Nom  qu'on  donne  à  une  petite  fille  dont  on  a  ï'etroussé  le  jupon 


—  224  — 

de  vermine.  —  En  français,  poîdllenx  est  un  terme  de  mépris 
de  date  ancienne  ^;  et,  dans  le  Centre,  on  qualifie  les  per- 
sonnes malpropres  de  pouillassoux.  Dans  la  Vienne  (arr. 
de  Civray)  on  désigne  ipar pouillasse  une  petite  fille  (Lalanne), 
ce  qui  s'explique  sans  doute  par  un  emploi  cacophémique  de 
ce  mot.  —  Le  mot  loupiot  'gamin',  'enfant',  terme  du  bas- 
langage  parisien,  qui  s'emploie  aussi  dans  le  parler  angevin 
du  Longeron,  doit  être  une  création  du  largonji  ^,  une 
anagramme  de  pouilleux  avec  le  suffixe  diminutif  -iot^]  cf. 
loupel  'pouilleux',  terme  des  floueurs  parisiens,  qui  figure 
dans  le  vocabulaire  de  Vidocq*. 

233.  Le  reproche  d'être  teigneux  ou  galeux  est  éga- 
lement très  répandu  comme  marque  de  mépris  ".  C'est 
ainsi  qu'on  emploie,  dans  la  Picardie  et  la  Flandre,  rogneux^ 
proprement  'galeux'  ou  'teigneux'  ^,  au  sens  de  'cliétif, 
'faible',  'petit',  en  parlant  de  personnes  et  de  choses. 
En  rouchi  aussi,  il  a  généralement  un  sens  dépréciatif, 
mais  se  dit  quelquefois  en  terme  d'amitié  à  un  enfant: 
tiot  rogneux;  et  M.  Edmont,  dans  son  lexique  Saint-Polois, 
relève  rogneux — rogneuse  au  sens  de  'jeune  enfant  sans 
expérience'. 


par  derrière,  pour  l'empêcher  de  faire  ses  ordures  dedans».)  —  Le 
féminin  serait-il  peut-être  le  mot  primitif,  composé  de  trousse  (mot 
trivial  pour  'derrière')  et  de  pète  (du  verbe  peter)'^ 

\  Cf.  l'allem.  lausig. 

2  Cf.  Nyrop,  op.  cit.,  I,  §  123. 

*  Cf.  Hector  France,  Dict.  de  la  langue  verte,  à  l'art,  loupiot. 

*  Voir  Sainéan,  L'argot  ancien,  p.  46.  et  Les  sources  de  l'argot 
ancien,  II,  p.  388. 

*  Cf.  l'ital.  tignoso,  qui  signifie  proprement  'teigneux',  'galeux', 
et  qui  a  pris  les  sens  de  'avare',  'vilain',  'chétif.  L'allem.  schàbig 
sert  à  désigner  une  personne  ou  une  chose  sans  valeur  et  s'emploie 
comme  injure.  Les  mots  suédois  skorva,  skorvnacke  s'emploient  égale- 
ment comme  termes  de  mépris  dans  plusieurs  dialectes. 

"  La  carte  1288  de  VAtl.  ling.  montre  que  ron  correspond  au 
franc,  teigne  en  bien  des  endroits  de  Picardie,  d'Artois,  de  Flandre 
et  du  Hainaut. 


—  226  — 

234.  Le  norm.  piànt  'enfant',  'bambin',  'sot',  que  Mé- 
tivier  a  relevé  dans  le  patois  de  Guernesey,  paraît  être 
le  même  mot  que  le  norm.  piant  =  'puant'  ^  Cf.  le  norm. 
sent-piant  (de  sentir  piant  'sentir  mauvais')  'galopin',  'petit 
vaurien'  ^.  Métivier  dit  que  piànt  est  l'origine  du  norm. 
pianehon  'enfant',  pianche  'fille'.  Ce  dernier  mot  est  signalé 
par  E.  et  A.  Du  Méril  dans  l'arrondissement  de  Bayeux, 
au  sens  de  'fille',  'enfant';  par  M.  Romdahl  dans  le  Val 
de  Saire,  au  sens  de  'fille  espiègle';  par  Fleury  dans  la 
Hague,  au  sens  de  'petite  fille',  'jeune  fille  maligne'.  Sa 
légère  nuance  péjorative  s'explique  très  bien,  si  l'on  le 
rattache  à  piant.  D'autre  part  le  sens  étymologique  de 
ce  terme  devait  être  oublié  quand  on  en  a  tiré  pianche  ^  ; 
on  se  serait  attendu  à  piante. 


c  10.     Mots    signifiant   «guenille»,  «chiflfon»,  «torchon». 

235.  Ajoutons  enfin  quelques  mots  d'un  caractère 
métaphorique,  qui  signifient  proprement  'guenille',  'chiffon', 
'torchon'  *.  Bien  qu'ils  se  fondent,  comme  les  expressions 
étudiées  au  §  282  ss.,  sur  une  comparaison  avec  un  objet 
inanimé  ^,  je  préfère  les  ranger  ici,  parce  qu'ils  ont  le 
plus  souvent  une  forte  nuance  de  mépris  *,  et  que  ce  doit 
être  leur  valeur  affective,  bien  plus  que  la  vague  associa- 


^  Piant  s'emploie,  ainsi  que  ]e  franc,  puant,  comme  substantif, 
au  sens   de  'vaniteux',  'suffisant',  'prétentieux'. 

-  Cf.  aussi  le  suisse  allem.  Stinkerli,  employé  comme  terme 
d'amitié  à  l'adresse  d'un  enfant. 

^  «Les  patois  affectionnent  ...  le  suffixe  -anche*  (Sainéan,  L'argot 
ancien,  p.  51. 

■•  Parfois  ils  peuvent  désigner  aussi,  par  métonymie,  une  per- 
sonne déguenillée. 

'"  Les  langues  germaniques  offrent  des  parallèles  caractéristiques 
de  ce  phénomène:  suéd.  jlicka,  angl.  lass  (cf.  E.  Bjôrkman,  dans 
Indogerm.  Forsch.,  XXX,  p.  271  ss.).  —  Rappelons  à  ce  propos  qu'on 
a  voulu  dériver  l'ital.  ragazzo  de  gàur)  'haillon'  (voir  p.  143,  n.  2). 

"  Cf.  le  suéd.  stycke  au  sens  de  'salope',  'femme  perdue'. 


—  226  — 

tion  de  ressemblance,  qui  a  été  la  cause  de  leur  emploi 
comme  dénominations  d'enfants. 

Le  manceau  gnenas,  guenias  'guenille',  'vêtement  sale 
et  usé'  se  dit  aussi  pour  'enfant',  'garçaille'  ^  —  Le  pa- 
tois du  Bas-Maine  connaît  en  outre  na2)e  'petit  chiffon', 
'mouchoir  d'enfant'  ^  au  sens  de  'gamin'.  Le  même  mot 
se  retrouve  en  normand:  napin  'jeune  garçon'  (Moisy); 
'petit  garçon'  (dans  l'Orne,  Du  Méril)  ^.  Napon  'petit  gar- 
çon', dans  le  patois  du  Val  de  Saire,  doit  être  aussi  un 
dérivé  de  nappe^  ainsi  que  le  vendôm.  napiot  'petit',  'ma- 
lingre'; cf.  bas-manc.  napydo  'mouchoir',  'guenille'.  Il 
faut  probablement  rattacher  à  la  même  origine  nâpyon 
'enfant'  (Petit-Noir;  «terme  qui  indique  le  mécontente- 
ment», Richenet);  et  le  lorr.,  meus,  napion'^  'petit  en- 
fant', 'enfant  au  berceau',  relevé  à  Allain-aux-Bœufs  (dép. 
de  Meurthe-et-Moselle)  par  Adam  et  dans  la  Meuse  par  La- 
bourasse. Cf.  le  lorr.  napimi  'rabougri',  relevé  à  Dompaire 
par  Adam. 

Le  prov.  mod.  patarassoim,  lang.  patraussou,  petraasmu 
'petit  chiffon',  'guenillon'  (diminutif  de  pataras  'chiffon', 
'haillon',  dérivé  de  pato,  lyonn.  patte^  qui  a  le  même  sens, 
et  dont  l'origine  est  obscure)  se  dit,  d'après  Mistral,  pour 
'petit    souillon',    'moutard'.      Azaïs    nous    apprend    que,    à 


^  Puisque,  dans  ce  dialecte,  g  se  substitue  à  h  dans  des  mots 
tels  que  canif,  cosser  (voir  les  dictionnaires  de  Dottin  et  de  Mon- 
tesson),  on  pourrait  peut-être  considérer  guenas.  guenias  comme  iden- 
tique au  manc.  quenas.  quenias  'enfant',  proprement  'petit  chien'  (voir 
§  314j. 

^  On  retrouve  ce  mot  avi  point  338  (Mayenne)  de  la  carte  878 
(mouchoirs)  de  Y  AU.  ling.  Dans  le  Centre,  nappin  signifie  'petite 
nappe',  'essuie-mains';  cf.,  dans  le  même  dialecte,  napille,  napillon. 
najijjignon  'guenille',  'chiffon'  (Jaubert);  et,  en  bas-manceau.  napiy 
'mouchoir',  'souillon'  (Dottin). 

8  De  même  que  Diez  {Etym.  Wôrterh.,  p.  645),  É.  et  A.  Du 
Méril  rattachent  ce  mot  à  l'island.  Knapi.  allem.  Knappe. 

*  H.  France,  dans  son  Dictionnaire  de  la  langue  verte,  fait  dériver 
ce  mot  du  lat.  naj)ut<  'navet',  étymologie  iijipossible,  puisque  le  p  inter- 
vocalique  aurait  donné  v ;  cf.  Boitrnois  nevot.  franc,  navet,  navette. 


—  227    - 

Castres,  on  emploie  patraussou,  petrausHou  au  sens  de  'petit 
enfant',  'bambin';  ici,  le  mot  paraît  donc  avoir  perdu  sa 
nuance  dépréciative.  Il  faut  sans  doute  rattacher  à  la 
même  étymologie  l'aveyr.  pHrm.  petrumnt  'petite  femme', 
'petite  fille'  (Vayssier,  Mistral)  ^;  cf.  l'aveyr.  pdroKmas^ 
petrumas  'guenille',  'vieille  harde';  au  figuré:  'cendrillon', 
'fille  sale  ou  mal  mise'  (Vayssier). 


2.     Termes  descriptifs. 

236.  Sous  le  titre  de  termes  descriptifs  je  range  les 
mots,  qui  désignent  l'enfant  par  une  qualité  (physique 
ou  morale)  ou  par  une  habitude  '•*.  Il  convient  de  ranger 
ici  encore  les  mots  qui  désignent  l'enfant  d'après  sa  coupe 
de  cheveux,  ses  vêtements  on  une  partie  de  son  corps. 
Certaines  de  ces  expressions  ont  une  forte  nuance  affec- 
tive, soi^  de  mépris,  soit  de  tendresse;  d'autres  sont 
d'un  caractère  plus  objectif.  Je  vais  commencer  par  les 
termes  qui  se  rapprochent  le  plus  de  ceux  que  nous  venons 
d'étudier,  pour  passer  ensuite  à  des  expressions  qui  ont 
un  sens  plus  hypocoristique  ou  objectif. 

a.     Mots  se  rapportant  à  une  qualité  ou  à  une  habitude. 

«Goulu». 

237.  Dans  les  patois  de  la  France"  on  trouve  une 
série  de  mots,  qui  commencent  tous  par  gai-  (f/an-)^  et 
qui  signifient  'garçon',  avec  une  nuan«ce  plus  ou  moins 
dépréciative.    Leur  sens  primitif  paraît  être  celui  de  'goulu', 

*  Mistral  le  dérive  de  peto  (voir  plus  haut);  il  paraît  considérer 
petrus  comme  le  même  mot  que  trousse-pète,  changé  par  une  sorte  de 
métathèse. 

*  Parmi  les  termes  dont  nous  venons  de  parler,  il  y  en  a  quel- 
ques-uns. p.  ex.  breneux.  2iisseu8e.  qui  contiennent  aussi  un  élément 
descriptif. 


—  228  — 

'goinfre',  'vorace';  plus  tard  ils  ont  pris  le  sens  péjoratif 
plus  général  de  'vaurien',  'fainéant',  'vagabond'.  On  trouve 
ces  deux  significations  côte  à  côte,  et  sans  doute  elles  ont 
été  toutes  deux  présentes  à  l'esprit  de  celui  qui  le  premier 
appliqua  ces  épithètes  à  un  petit  garçon  paresseux  et  doué 
d'un  trop  bon  appétit.  —  Parfois  ces  mots  ont  perdu  leur 
caractère  péjoratif.  A  Eyguières  (Bouches-du-Rhône),  M. 
Edmont  a  reçu,  à  la  question  f/arçon,  la  réponse  galavar; 
il  ressort  du  point  d'interrogation,  dont  il  accompagne  ce 
mot,  que  ce  renseignement  l'a  un  peu  surpris.  Je  n'ai 
pas  trouvé  galavar(d)  ailleurs  dans  le  Midi,  sauf  avec  le 
sens  de  'vorace',  'goinfre',  ou  de  'truand',  'fainéant', 
'paresseux'.  Dans  le  Lyonnais  il  signifie  'vaurien',  'vaga- 
bond'; dans  la  Suisse  romande:  'fainéant',  'dissolu' \  — 
Suivant  Vayssier,  garlhapat  a  pris  dans  l'Aveyron  le 
sens  de  'petit  garçon',  tandis  que  le  lang.  garliapa,  le 
dauph.  galapian,  galapia,  le  niç.  galoupian,  etc.,  ont  con- 
servé leurs  anciens  sens;  Mistral  les  traduit  par  'goinfre', 
'homme  grand  et  mal  bâti',  'garnement',  et  Lespy  et  Ray- 
mond définissent  le  béarn.  galapia  par  'glouton',  'sacri- 
pant'. Le  même  mot  se  retrouve  dans  d'autres  parties  de 
la  France,  sous  des  formes  variées,  au  sens  de  'gamin', 
'polisson'.  J'ai  relevé:  galapiat,  galaubi,  galhiau  (Centre); 
galopias  (Anjou);  galapia{s)  (Vallée  d'Yères,  Saint-Pol, 
Meuse);  galoupiot  (patois  des  matelots  boulonnais);  galoubi 
(Picardie)  ^.  Il  faut  ajouter  à  ces  formes  l'angev.  ganafiat 
'gamin'  ^.  —  Au  sens  de  'goulu',  'gourmand",  cette  famille 
de  mots  est  répandue  sur  toute  la  France.  Le  type  le 
plus  commun  est  galafr  {galoufr,  galifr,  goidafr,  goulifr), 
d'où    le    verbe    galafa    (galou/la,   galoufé.  goulifré)  'manger 

^  Dans  le  canton  de  Vaud  on  en  a  tiré  le  féminin  galavarda 
'petite  fille  qui  aime  les  petits  garçons'. 

^  La  Table  de  VAtl.  ling.  enregistre  au  sens  de  'vaurien'  les 
formes  galapia,  galopyo,  gulipyo. 

^  Cf.  le  bas-manc.  ganaf  'gourmand'  (Landivy),  à  côté  de  galaf(r)] 
et  le  mess,  ganofia  'gourmand',  à  côté  de  galaf. 


—  229  — 

avec  gloutonnerie'  \  A  la  môme  famille  se  rattachent  le 
piém.  (jalàp  'ghiotto',  'leccardo'  et  ses  dérivés  f/alupàss, 
yalupêt,  yalupè.  Je  crois  qu'il  faut  rapprocher,  à  l'instar 
de  M.  Meyer-Lûbke,  tous  ces  mots  du  lat.  (jiila,  qui  se 
retrouve  bien  souvent  dans  le  Nord  et  dans  le  Midi  de 
la  France,  au  sens  de  'bouche'  ^.  Mais  on  doit  sans  doute 
admettre  que  bien  des  influences  analogiques  se  sont 
exercées  sur  cette  famille.  M.  Ernault  ^  signale  en  pre- 
mière ligne  les  ,  mots  populaires  bâfrer,  haufrer  'manger 
gloutonnement'.  Pour  certains  de  ces  mots  il  me  paraît 
plus  vraisemblable  de  supposer,  avec  Puitspelu,  une  in- 
fluence du  franc,  galoper  (anc.  prov.  galaiipar,  ital.  galoppare). 
«L'idée  de  manger  avec  avidité  est  analogue  à  celle  de 
faire  passer  la  nourriture  au  galop»,  dit  Puitspelu.  On 
connaît  à  Lyon  l'expression  galoper  son  dîner;  et  en  Gas- 
cogne on  emploie  le  verbe  galapia  au  sens  de  'boire  en 
avalant',  'manger  sans  mâcher'.  * 


*  Pour  d'autres  formes,  voir  Puitspelu,  à  Part,  galavord;  Ernault, 
BC,  XXVII.  pp.  233,  237;  Meyer-Lùbke,  Eom.  etym.  Wh.,  3910.  —  Voir 
aussi,  sur  cette  famille  de   mots,  Nigra,  AGII,  XIV,  pp.  275  ss.,  360  ss. 

-  Voir  la  carte  151  de  VAtl.  ling.  Pour  l'alternance  de  gou-  et  ga-, 
cf.  Ernault,  op.  cit..  p.  237,  et  Puitspelu.  loc.  cit.  La  série  suivante,  que 
donne  Mistral  pour  le  Eouergue,  est  bien  caractéristique  à  ce  point 
de  vue:  galipo,  galèpo,  goulèpo,  galupo.  gulapo  'goinfre',  'glouton'. 
Les  deux  dernières  formes  font  supposer  une  métathèse.  —  Un  ex- 
emple de  la  même  alternance  nous  est  fourni  par  le  verbe  provençal 
gala  ou  gola,  qui  signifie,  d'après  Mistral,  'réjouir',  'amuser';  'boire  à 
longs  traits  sans  fermer  la  bouche'.  Mistral  attribue  à  ce  verbe  la 
même  origine  qu'à  l'anc.  fr.  galer;  mais,  dans  le  dernier  sens,  c'est 
sans  doute  le  même  mot  que  gouîa  (Rhône:  gula)  'engouler',  'avaler', 
'goinfrer',  'bâfrer'. 

=*  op.  cit.,  p.  238. 

*  Ce  qui  porte  aussi  à  croire  «lue  galoper  ou  certains  de  ses  dérivés 
ont  pu  influencer  les  termes  en  question,  c'est  le  fait  qu'on  a  tiré  de  ce 
verbe  plusieurs  substantifs  ayant  le  même  sens  de  'vaurien',  'vagabond' 
que  nous  avons  trouvé  dans  galavard.  galapiat,  etc.,  et  que,  comme 
ceux-ci,  ces  substantifs  se  sont  appliqués  à  des  enfants  mâles.  Dans  le 
lombard  on  relève:  posch.  galup  'Schlingel',  'Knabe',  'Bube'  (Michael); 
com.  galop  'gaglioffo'.  'gonzo',  'stolido'.  Le  mil.  ^aZM^>,  bergam.  ^aioj), 
signifle  'ragazzo  di  bottega  pei  minuti  servigi'.  L'ancien  italien  possédait 


—  230  — 

238.  Les  mots  provençaux  i^aparèu  (lang.  paparèl) — 
paparello  'jeune  enfant',  proprement  'celui,  celle  qu'on  ap- 
pâte, particulièrement  avec  de  la  bouillie',  et  paparot  'pe- 
tit enfant'  se  rattachent  à  papa  'manger  gloutonnement, 
spécialement  en  parlant  des  enfants'  (du  lat.  pappare).  et 
à  papo  'bouillie'.  Paparhu  semble  être  un  diminutif  de 
papaire  (fém.  paparello)  'glouton',  'mangeur  de  bouillie'. 
Paparot  signifie  en  outre  'bouillie':  et  l'on  trouve  la  même 
double  signification  dans  papo,  qui  est  féminin  au  sens 
de  'bouillie',  masculin  au  sens  de  'enfant  joufflu'  (di- 
minutif: papoti).  Le  provençal  connaît  encore  pampre  au 
sens  de  'enfant  potelé';  c'est  probablement  le  même  radi- 
cal pap-  qui  entre  dans  ce  mot  ^  —  Bien  que  ces  termes 
ne  soient  pas  dépréciatifs,  je  me  permets  de  les  ranger  ici, 
parce  qu'ils  désignent  l'enfant  par  la  même  qualité  que 
les  mots  cités  plus  haut:  la  gloutonnerie  ^. 

galuppo  'soldato  che  porta  i  bagagli'  (correspondant  au  ha,ii-\at.  galuppus), 
puis:  'uomo  abietto'.  L'esp.  galopo  présente  les  deux  sens  analogues 
de  'Laufbursche'  (à  Alcala)  et  de  'Preller',  'Schurke'.  Le  français  ne 
semble  pas  avoir  possédé  un  mot  correspondant;  on  est  donc  obligé 
de  voir  dans  galopin  un  dérivé  du  verbe  galoper  (cf.  trottin  de  trotter). 
(On  sait  pourtant  que  Diez  le  considérait  comme  un  diminutif  de 
l'esp.  galopo  ou  de  l'ital.  galuppo).  Galopin  apparaît  d'abord  comme 
nom  propre;  dans  le  Roman  de  Renard  c'est  le  nom  du  lièvre,  le 
messager  (Diez).  Au  XVP  siècle  on  le  trouve  avec  le  sens  de  'mar- 
miton' (Cotgrave,  Ménage);  cf.  l'angl.  gallopin.  On  sait  que,  aujourd'hui, 
galopin,  de  même  que  Je  prov.  galoupin,  désigne  un  petit  garçon  qu'on 
emploie  à  faire  des  commissions;  par  extension  il  se  dit  dépréciativement 
d'un  petit  garçon  quelconque.  Dans  TOuest  le  mot  est  à  peu  près  syno- 
nyme de  galapiat.  En  Anjou  il  signifie  'mendiant',  'vagabond';  en  Sain- 
tonge:  'mauvais  petit  garçon'.  Dans  le  Morvaïi,  par  contre,  un  gailôpin 
est  un  petit  garçon  qui  aime  à  jouer,  à  folâtrer,  à  courir,  sans  idée 
péjorative.  —  Il  n'est  pas  ^ans  intérêt  de  constater  que  l'esp.  galopin 
présente,  à  côté  des  significations  de  'Laufbursche';  'Kiichenjunge', 
'Schiffsjunge'.  'Strassenjimge' ;  'kleiner  Schelm'.  'schlechter  Kerl';  celle" 
de  'gefràssiger,  selbstsiichtiger  Mensch'  (Tolhausen).  Faut-il  voir 
dans  ce  dernier  sens  le  résultat  de  l'influence  de  la  famille  gtûap-, 
gulaf-,  galap-,  etc.'? 

1  Gf.  poumpotma  =  potipouna  'caresser';  poumpina  ^ poupina  pa- 
tiner'; Pampalouno  ^=2in(i.  prov.  Papalona,  etc. 

■'  Ou  faut-il  peut-être  considérer  ces  expressions  comme  dérivées 


—  .231  - 

«Paresseux»,  «traînard». 

'l'M).  Nous  avons  vu  que  l'idée  de  paresse,  de  fainéan- 
tise se  joint  volontiers  à  celle  de  gloutonnerie,  et  que 
l'épithète  galavard  peut  les  rendre  toutes  deux.  —  Dans 
le  patois  bourbonnais,  Choussy  a  relevé  le  mot  traiynaii 
'jeune  enfant',  qui  a  primitivement  impliqué  un  reproche 
de  paresse,  de  «traînerie'^.  (Dans  le  Centre,  traîniau  veut 
dire  'traînard",  'lambin',  ou  'vagabond',  'bohème'.)  —  Il  en 
est  probablement  de  même  pour  clampin^  qui  se  dit  pour 
'gamin',  'petit  garçon'  dans  le  parler  dolois  (Bretagne)  et 
dans  le  patois  de  Montjean  (Anjou),  et  qui  signifie  en 
français  familier  'traînard',  'fainéant'  (selon  le  Dict.  gén.^ 
proprement  'celui  qui  reste  en  arrière  des  autres  en  mar- 
chant) ^ 

On  pourrait  ajouter  à  ces  mots  le  nap.  sciascillo  'bim- 
bino',  'puttino',  qui  est  le  diminutif  de  sciascio  'sciatto', 
'sciammanato'.  La  négligence  de  la  toilette  est  souvent 
causée  par  la  paresse;  cf.  le  nap.  sciasciare  'poltrire', 
'oziare'. 

«Morveux». 

240.  L'épithète  morveux  et  ses  synonymes  s'emploient 
beaucoup  pour  désigner,  dans  un  sens  dépréciatif,  un  petit 
enfant  ou  un  adolescent.  Tantôt  c'est  la  simplicité,  l'in- 
expérience, tantôt  l'impertinence  qu'on  veut  railler,  en  em- 
ployant ces  épithètes  ^.    Parfois  le  sens  dépréciatif  disparaît, 

d'une  onomatopée  pa-pa.  imitant  le  bégaiement  inarticulé  des  petits 
enfants?     (Cf.  §  376  ss.) 

'  L'origine  du  mot  est  inconnue.  Suivant  Littré,  c'était  primi- 
tivement un  terme  d'argot  militaire,  signifiant  'soldat  retardataire'. 
Merlin,  dans  La  langue  verte  du  troupier,  ne  le  mentionne  pourtant 
pas.  Le  plus  ancien  exemple  que  j'en  aie  trouvé  se  rencontre  dans 
Le  Roux,  Dictionnaire  comique,  Lyon  1752,  où  clampin  est  défini  par 
'boiteux'.      Peut-être  faut-il  le  rapprocher  de  clopin':* 

•  Cf.  l'allem.  Botzhuhe  et  suéd.  dial.  snorhunn.  s)wrhijvel,  snor- 
kibh.    etc..   qui  servent  à  désigner  un  garçon  morveux   ou  impertinent. 


—  232  — 

et  le  mot  prend  la  signification  de  'enfant'  en  général.  — 
En  français  familier,  un  morveux,  une  morveuse  est  un  petit 
garçon,  une  petite  fille  dans  l'âge  où  l'on  est  encore  ob- 
ligé de  les  moucher;  ou  bien  un  adolescent  qui  se  donne 
des  airs  d'homme,  un  'blanc-bec'.  On  retrouve  morveux, 
au  sens  de  'gamin',  'polisson',  'marmot',  dans  les  dialectes 
du  Nord  ^.  Selon  Mistral,  bourmous  a  le  même  sens  dans 
l'Aude  et  dans  l'Hérault  ^.  Suivant  Azaïs,  on  appelle,  dans 
le  Midi,  morveux,  morveuse  un  jeune  blanc-bec,  une  jeune 
fille  qui  se  donne  des  airs  d'importance.  —  Le  Centre  et 
l'Ouest  préfèrent  des  dérivés  formés  avec  d'autres  suffixes. 
Le  suffixe  -asse  a  généralement  une  valeur  péjorative. 
Aussi,  en  Anjou,  morvasse  veut-il  dire  'petit  souillon',  tandis 
qu'on  désigne  par  morvouse,  dans  le  même  patois,  une 
petite  fille  de  ferme  et,  plus  spécialement,  une  petite  fille 
qui  porte  l'enfant  au  baptême.  Dans  le  Centre,  morvasse 
a  également  le  sens  de  'petite  fille  malpropre,  mal  tenue'  ; 
mais  il  se  dit  souvent  aussi  sans  idée  péjorative,  et,  dans  le 
Morvan,  il  est  même  devenu  un  terme  tout  à  fait  amical. 
En  normand,  morvaillon,  morvette  se  disent  par  mépris  d'un 
petit  garçon  et  d'une  petite  fille.  Morvaillon  se  retrouve 
en  picard  (à  côté  de  morvatier,  tiré  de  morvate  'morve')  et 
dans  le  patois  messin. 

Le  patois  de  Saint-Pol  possède  plusieurs  dérivés  de 
nôz  'morve':  nasyôtv,  nazyé — nazyere,  nazu — nazût,  qui  s'em- 
ploient avec  les  mêmes  significations  que  morveux.  Il  en 
est  de  même  pour  niflôr,  niflwâr,  proprement  'celui  qui 
renifle'  ^. 

Le    patois    du  Doubs    a  tiré    de  nïk  'morve'  le  dérivé 

^  Je  Tai  relevé  en  picard  (Saint-Pol)  et  en  wallon  (Liège). 

'  La  carte  1857  de  l'Atl.  ling.  donne  burmus  'morveux'  dans 
l'Aude  et  dans  l'est  des  Pyrénées  Orientales;  mais  dans  PHérault  on 
trouve  les  formes  murbus,  gurmus,  mekus. 

^  Cf.  niflète,  nom  qu'on  donne  en  rouchi  à  un  petit  enfant  qui  a 
l'habitude  de  renifler.  Dans  le  Gard,  niflo  signifie  'morve'  ou  'narine', 
niflous  'morveux'. 


—  233  — 

nika—nikàdj,  ([ui,  à  Montbéliard,  s'emploie  exclusivement 
au  sens  primitif  de  'morveux',  'morveuse',  mais  qui,  dans 
le  parler  du  Bournois,  désigne  un  petit  garçon,  une  pe- 
tite fille. 

Le  champ.  naqiioH  (nacou),  bourg,  naiqiiou  (verduno- 
châl.  nciquoâ)  'morveux'  (de  naque  'morve')  ^  s'applique 
dépréciativement  à  un  gamin  qui  fait  l'important. 

Le  thème  mûccus  'morve'  entre  dans  plusieurs  dérivés 
qui  ont  un  sens  semblable:  frib.  mokkau  'morveux',  'petit 
drôle'  (Bridel);  ital.  moccione,  mocdcone  'morveux',  'enfant 
qui  fait  l'important'  ^;  sard.  nmccosit;  esp.  mocoso — mo- 
cosa:  mocosnelo — mocosueld;  mocosilla  'morveux',  'morveuse'; 
'enfant  impertinent,  mal  élevé,  ignorant';  cf.  cat.  mocos 
'poch  advertit'  (Saura)  ^. 

«Baveux». 

241.  Dans  la  vieille  paraphrase  lombarde  d'un  texte 
de  Chrysostome,  que  Foerster  a  publiée  dans  VArchivio 
glottologico  italiano.  VII,  on  trouve  (p.  15,  1.  37)  i  hauosi, 
proprement  'les  baveux',  employé  au  sens  de  'les  enfants'. 
Le  même  mot  se  retrouve  en  sicilien  sous  la  forme  de 
vavusu;  à  côté  du  sens  propre  ('che  cola  bava'),  il  présente 
aussi  celui  de  'ragazzo  leggiero  e  di  poco  giudizio',  *fras- 
chetta'  *. 

«Pleureur»,  «criailleur». 

242.  Les  mots  lyonnais  miaille,  miaillon  'petit  enfant' 
sont  dérivés  de  miaiïler  'crier,  en  parlant  des  enfants';  cf. 

^  Ce  mot  se  trouve  aussi  en  jurassien:  nacou,  ou  naqueroux. 

*  Lital.  moccichino  signifie  'mouchoir'  et  'petit  morveux".  Le 
corse  miscinghinu  s'emploie  d'une  manière  correspondante:  il  signifie 
'moccichino'  et  'ragazzo',  'monello'.  Son  étymologie  est  incertaine, 
cf.  Guarnerio.  AGII,  XIV,  p.  399;  Mussafia,  op.  cit..  p.  181;  Lorck, 
op.  cit..  p.  168. 

*  Peut-être  faut-il  aussi  ranger  dans  ce  groupe  le  lomb.  macà{n) 
— macàna  (voir  §  249). 

*  Pour  le  sic.  vava  'bambine',  voir  §  377. 


—  234  — 

le  sav.  miâlié.  miâlyi  'miauler'.  Miaillon  se  rencontre  aussi 
en  normand.  E.  et  A.  Du  Méril  le  définissent  jDar  'petit 
enfant';  Moisy  par  'petit  enfant  pleureur';  cf.  noria,  piaillon 
'enfant  criard'.  —  Dans  le  patois  oberlandais,  un  enfant 
s'appelle  parfois  il  hargielèr  'le  pleureur'  (Carigiet),  de  har- 
(jir  'pleurer'.  —  Le  mil.  pîva  'bambocciotto',  'ragazzotto' 
est  probablement  le  même  mot  que  piva  'cornamusa',  qui 
s'emploie  aussi  au  figuré  pour  'piagnone'. 

«Barboteur». 

243.  Les  enfants  aiment  à  patauger  dans  l'eau,  à 
barboter  dans  la  boue,  et  cette  habitude  leur  a  valu  les 
épithètes  suivantes. 

Le  mot  (jargouillard.  qui,  dans  le  Centre  de  la  France, 
se  dit  pour  'bambin',  'moutard',  se  rattache  au  verbe  fran- 
çais (jargoîiiller  'barboter  dans  l'eau'  et  à  deux  mots  du 
même  patois:  gargouillât  'gouillat',  'mare  d'eau',  'fondrière'; 
gargouillis  'margouillis',  'mare',  'marais'.  Cf.  encore  garguy 
'limon',  qui  se  trouve  au' point  11  (Saône-et-Loire)  sur  la 
carte  771  de  V Atlas  linguistique. 

244.  Le  prov.  chauchoun  est,  suivant  Azaïs,  féminin 
et  signifie  'petite  fille'  (terme  familier);  d'après  Mistral,  il 
est  masculin  et  signifie  'petite  fille  qui  néglige  sa  toilette', 
'souillon',  'tortillon',  'trousse-pète'.  Mistral  donne  aussi  le 
diminutif  chauchounet  'petit  souillon',  'salisson'.  Il  fait  dé- 
river à  tort  ce  mot  de  l'arabe  chaouch  'domestique';  mais 
ailleurs  il  indique  une  explication  plus  acceptable,  en  ajou- 
tant à  l'article  gafouioun  ('enfant  qui  patauge')  le  renvoi: 
«V.  chauchoun» .  Ce  mot  est,  en  effet,  un  dérivé  du  verbe 
chaucha  'patauger',  'patrouiller'  (aussi:  'fouler,  piétiner  la 
vendange';  du  lat.  calcare),  de  même  que  gafouioun  vient 
de    gafouia   'patauger'  \     Le  sens  de  'souillon',  que  donne 

^  Cf.  Meyer-Lûbke,  Gramm.  des  lang.  rom.,  II,  §  456:  <  One  .  .  . 
s'attache  à  des  thèmes  verbaiix  ou  nominaux  pour  désigner  la  per- 
sonne qui  accomplit  une  action  avec  une  prédilection  particulière.» 


—  236  — 

Mistral,  se  rapproclie  doue  beaucoup  du  sons  primitif:  'celui 
qui  patauge,  barbote'. 

Le  prov.  (jafet  'enfant',  qu'enregistre  Mistral  (dans  son 
supplément),  doit  être  tiré  du  même  radical  que  (jafouioun; 
il  aurait  donc  signifié  originairement,  comme  celui-ci,  'en- 
fant qui  patauge'.  Il  n'est  pas  sans  intérêt  de  constater 
que  la  forme  gafeto  est  synonyme  de  (/afouioim  au  sens 
de  'celui  qui  passe  les  voyageurs  sur  les  épaules  du  bord 
d'une  rivière  à  l'autre  bord'.  Ces  deux  mots  se  rattachent 
au  verbe  f/afa  'passer  une  rivière  à  gué',  'marcher  dans 
l'eau',  'patauger',  et  ce  verbe  vient  du  substantif  f/af  'gué', 
qui  est  en  usage  encore  aujourd'hui  dans  le  Tarn  ^ 

«Gaspilleur». 

245.  Dans  le  wallon  montois,  en  rouchi,  en  picard 
et  dans  le  patois  de  la  Flandre  française,  on  trouve  le 
mot  (/aspiau(d),  ou  gastapyô  (Saint-Pol),  que  Sigart,  Corblet 
et  M.  Edmont  définissent  par  'gamin',  Vermesse  par  'petit 
garçon',  Hecart  par  'petit  polisson'.  Corblet  se  demande 
s'il  faut  y  voir  un  dérivé  du  franc,  gaspiller.  Cette  hy- 
pothèse me  paraît  d'autant  plus  vraisemblable  que  le  verbe 
wallon  gaspii  présente,  à  côté  du  sens  de  'prodiguer',  celui' 

^  On  doit  peut-être  expliquer  d'une  manière  analogue  margoulin 
(dim.  margoulinot) — margoulino,  qui  se  dit  par  mépris,  dans  le  Midi, 
d'un  petit  garçon  et  d'une  petite  fille.  Il  paraît  être  dérivé  du  lang. 
margoul  (ou  margoulis)  'margouillis'.  'bourbier',  cf.  margoulha  'patau- 
ger', 'tremper  et  agiter  dans  l'eau'.  Mistral  voit  dans  margoulin  le 
bas-lat.  pargulinus,  mais  pour  margoulino  il  semble  indiquer  la  même 
explication  que  je  viens  de  proposer,  en  rapprochant  ce  mot  de  chau- 
choun.  —  Margoulin  signifie  en  outre  'pauvre  et  mauvais  ouvrier'; 
'petit  marchand',  'colporteur'.  Au  dernier  sens  il  se  trouve  en  lyon- 
nais aussi.  Puitspelu  l'explique  comme  'celui  qui  patauge  dans  la 
margaule'  (mot  du  bas-dauphinois,  répondant  au  lang.  margoul).  D'Hom- 
bres  et  Charvet  le  font  dériver  aussi  de  margoul,  mais  dans  le  sens 
figuré  de  'embarras  d'une  mauvaise  affaire',  et  en  tirent  les  signifi- 
cations de  'petit  marchand  qui  ne  peut  faire  que  des  affaires  étriquées', 
et  de  'pauvre  et  mauvais  ouvrier'. 


—  236  — 

de  'gâter',  'mettre  en  désordre',  et  que  ce  sont  là  des 
choses  qu'on  a  souvent  lieu  de  reprocher  aux  enfants. 
Gaspiau  serait  donc  une  variante  du  pic.  gaspiyûr  et  du 
wall.  gaspyeu  'gaspilleur'.  —  La  forme  gastapyd  semble  se 
prêter  très  bien  à  l'étymologie  de  gaspiller  émise  par  M. 
Homing  ^  et  adoptée  par  M.  Meyer-Ltibke  '^. 

«Niais»,  «fou». 

246.  Dans  les  paragraphes  suivants,  nous  étudierons 
quelques  dénominations  d'enfants,  appartenant  aux  idiomes 
italiens  et  rhétiques,  qui  semblent  provenir  de  mots  signi- 
fiant 'niais'  ou  'fou'.  Des  mots  de  ce  genre,  contenant 
une  allusion  à  l'intelligence  encore  peu  développée 
des  enfants,  s'appliquent  souvent  aux  petits  d'une  manière 
cacophémique.  En  rouchi,  sotelot  est  un  terme  amical 
qu'on  adresse  à  un  petit  enfant;  le  suéd.  toha,  l'allem. 
Nàrrchen  sont  des  exemples  d'un  emploi  analogue. 

L'ital.  bambo,  vieilli  aujourd'hui,  signifie  'petit  enfant' 
ou  'sot',  'niais';  en  parlant  de  choses:  'vain',  'puéril' ^ 
D'après  l'opinion  de  Tommaseo  e  Bellini,  le  sens  de  'en- 
fant' représenterait  l'idée  primitive,  et  le  sens  de  'niais' 
en  serait  dérivé  *.  Selon  l'avis  de  Diez,  adopté  par  Grôber, 
Kôrting  et  M.  Meyer-Lûbke,  c'est  tout  le  contraire:  'niais' 
est  le  sens  primitif  ^,  et  bambo  tire  son  origine  d'un  thème 

^  ZRPh.  XXII,  p.  485.  —  Il  n'est  pas  sans  intérêt. de  constater 
que  le  mot  pillon  'épis,  grains  incomplètement  battus  qui  restent  après 
le  nettissage  du  blé',  que  M.  Homing  signale  dans  le  Vendômois 
(d'après  Martellière)  se  retrouve  aussi  en  rouchi:  pion  'grain  qu'on 
n'a  pu  séparer  des  balles'  (Hécart). 

2  Bovi.  etym.   Wb..  9168. 

^  Ces  dernières  significations  se  retrouvent  dans  le  mot  sarde  et 
corse  bambu,  qui  signifie  spécialement  'insipide'  (en  parlant  du  sel); 
et  dans  le  bergam.  bambo  'sciocco',  'uomo  semplice'. 

*  Ce  développement  sémantique  est  représenté  par  le  march. 
pupu  (Permo),  v.  p.  43,  n.  6,  et  par  le  bergam.  pièll,  v.  §  35. 

^  Cf.  l'esp.  bamha  'homme  niais',  d'après  Covarruvias  (voir  Diez. 
Etym.   Wb.  der  rom.  Spr..  p.  39j. 


—  237  — 

onomatopoétique  hamb-  (ou  bah-),  qui  se  retrouve  dans  bien 
des  langues  différentes,  et  qui  imite  le  bruit  que  produit 
un  petit  enfant  ou  une  personne  bégayante  quelconque  en 
ouvrant  et  fermant  les  lèvres  ^ 

Le  simple  bambo  a  été  supplanté  par  ses  nombreux 
dérivés,  dont  le  plus  important  est  bmnbino — bambina. 
C'est  en  italien  le  mot  le  plus  usité  pour  désigner  un  en- 
fant jusqu'à  l'âge  de  huit  ans  environ.  Le  féminin  bam- 
bina s'emploie  en  outre  comme  terme  de  tendresse  en 
parlant  d'une  jeune  fille.  —  Le  mot  est  très  répandu  dans 
les  dialectes.  Nous  le  retrouvons  dans  presque  toute  la 
Haute-Italie  ^,  et  dans  plusieurs  dialectes  du  Sud,  où  mb 
a  été  assimilé  en  mm  ^  :  nap.  batnmino  (mammino)  *,  Ceri- 
gnola  (Apulie)  bommoine;  sic:  bamminu  (bambimi)^.  —  De 
bambino  le  toscan  a  tiré  les  diminutifs  bambinello — bambi- 
nella,  bambinetto — bambinetta,  bambinuccio.  Bambinetto  dé- 
signe un  âge  moins  tendre  que  bambinello.  On  peut 
appeler    même    une    fille    de    dix    ans    bambinetta;  il  n'est 


*  Cf.  Meyer-Liibke,  Gramm.  des  lang.  rom.,  I,  §  24. 

*  Voici  un  relevé  des  formes  que  j'ai  trouvées:  piém.,  mil.  bam- 
bin; bergam.  bamht;  pav.  bambèi;  parm.,  regg.  bambein ;  romagn. 
baben;  vén.,  triest.  bambïn;  rover.,  trent.  bambim.  Il  ne  semble  pas 
être  employé  en  génois;  il  n'est  du  moins  relevé  ni  par  Olivieri,  ni 
par  Casaccia,  ni  par  Randaccio. 

»  Cf.  Meyer-Liibke,  op.  cit.,  I,  §  497. 

•*  Mammino  est  probablement  le  même  mot  que  bammino,  avec 
assimilation  de  b  initial  en  m  (cf.  plus  bas  mammuôcéo,  mammubccîolo). 
—   Cf.  pourtant  §  375. 

'  Bambino  s'emploie  souvent,  seul  ou  dans  l'expression  Gesù 
bambino,  pour  désigner  l'enfant  Jésus,  et  spécialement  les  images 
peintes  ou  sculptées  qui  le  représentent.  Dans  certains  parlers  c'est 
la  seule  signification  du  mot.  Tel  est  le  cas  pour  le  bolonais  (d'après 
Ungarelli;  à  l'ital.  bambino  correspondent  dans  ce  parler  fandsein  ou 
pinein);  pour  les  dialectes  des  Abruzzes  (l'idée  de  'bambino'  est  rendue 
ici  par  citéle);  et  en  sarde  (à  l'ital.  bambino  répondent  le  logoud., 
picctnnu,  pizzinnu.  le  campid.  pipïu  et  le  gallur.  steddu).  —  A  l'instar 
de  plusieurs  autres  dénominations  d'enfants,  bambino  a  pris  parfois  le 
sens  de  'pupille  de  l'œil':  romagn.  bamben  (cf.  ftaèen  = 'bambino'); 
Versilia  bambina.     Cf.  Zauner,  op.  cit.,  p.  366  s. 

16 


—  238  — 

donc  pas  étonnant  qu'on  ait  dérivé  de  ce  mot  un  sous- 
diminutif:  hamhincttino — hamhinettina.  A  hambinello  corre- 
spondent le  bergam.  hamhinèl,  le  vén.  hainhinèlo  et  le  sic, 
bmnmineddu  ^. 

En  dehors  de  l'Italie,  hamhino  se  retrouve  dans  l'ober- 
landais,  qui  désigne  par  hamhin  l'enfant  nouveau-né  (Ca- 
rigiet).  Il  a  aussi  été  emprunté  par  le  provençal  et  le 
français.  D'après  Mistral,  hamhin  s'emploie  à  Nice,  ham- 
hino à  Toulon.  Durrieux  signale  hamhin  comme  mot  gascon 
et  relève  aussi  les  diminutifs  hamhinot,  hamhinoutot.  Le 
plus  ancien  exemple  du  franc,  hamhin — hamhine  (fam.), 
que  donne  le  Dict.  (jén.,  date  de  1726.  —  A  côté  de  hamhin, 
on  trouve  à  Quaregnon,  près  de  Mons,  la  forme  hinhin  (ou 
binhingne),  qui  s'explique  probablement  par  un  phénomène 
d'assimilation  harmonique. 

Le  dérivé  hamholo  est  moins  usité  que  hamhino  et 
désigne,  suivant  Tommaseo,  un  enfant  moins  âgé.  Dans  le 
lucquois,  la  forme  correspondante  est  hamhoro,  d'où  le  dimi- 
nutif hamhoretto  (Petrôcchi).  Boerio  enregistre  hamholo^ 
hamholïn  comme  termes  vénitiens,  synonymes  de  hambîn.  — 
Le  féminin  hamhola  ne  s'emploie  guère  au  sens  de  'fillette'  ; 
il  signifie  ordinairement  'poupée'.  —  Ajoutons  ici  les  sous- 
diminutifs  peu  usités  hamherottolo,  hamherottolino. 

L'ital.  hamhoccio  a  le  sens  spécial  de  'bambin  gros  et 
gras',  ou  de  'poupée',  'marionnette'.  Dans  plusieurs  dia- 
lectes du  Nord  on  le  retrouve  au  sens  de  'petit  enfant', 
quelquefois  avec  l'idée  accessoire  de  'gros  et  gras':  mil. 
hamhocc;  mant.,  mir.,  regg.  hamhozs  ^;  vén.,  triest.  hamhoso. 
Dans  le  dialecte  de  Velletri  on  trouve  la  forme  mam- 
muocco;  dans  le  napolitain,  mammudccîolo,  où  mh  a  été 
assimilé  en  mm,  et  h  en  m.  Suivant  D'Ambra,  le  sens 
propre    du    mot    napolitain    serait    celui  de  'poupée',  'sta- 


'  Le  nap.  hammeniello  ne  se  dit  que  de  Penfant  Jésus,  ainsi  que 
bammenella  de  'la  verginella  Maria'. 

'  Le  bol.  hamhosz  signifie  exclusivement  'poupée'. 


—  239  — 

tuette',  d'où  l'on  aurait  tiré  plus  tard  celui  de  'enfant' 
(cf.  §  372). 

Le  français  a  emprunté  l'ital.  hamboccio,  ainsi  que 
fantoccio,  au  sens  de  'marionette'.  Le  plus  ancien  exemple 
donné  par  '  le  Dict.  gén.  est  tiré  de  B-ichelet  (1680),  ou 
déjà  hamhoche  a  aussi  le  sens  figuré  de  'femme  de  fort 
petite  taille'.  C'est  probablement  de  cette  signification 
que  le  bas-manceau  a  tiré  celle  de  'petite  fille'.  En  Anjou, 
hamhoche  est  une  «interpellation  familière  <[u'on  adresse 
aux  bambins»  (Verrier  et  Onillon)  ^ 

Il  nous  reste  à  mentionner  l'ital.  himbo — himha,  où 
l'alternance  vocalique  a  été  utilisée  comme  moyen  séman- 
tique pour  donner  au  mot  une  valeur  diminutive  ^  Entre 
les  deux  dérivés  himhctto  et  himhino  il  y  a  la  même  dif- 
férence de  signification  que  celle  déjà  constatée  entro 
hamhinetto  et  hamhinello. 

247.  Mistral  enregistre  deux  fois  dans  son  dictionnaire 
provençal  le  lang.  bèco.  A  l'article  hèc,  bèco,  hèico  ',  il  le 
relève   à  Carcassonne   au  sens  de  'enfant',  'gamin';  à  l'ar- 

^  Dans  le  langage  familier,  une  hamhoche  se  dit  aussi  au  sens 
de  'petite  débauche',  'plaisir'.  Dans  cette  signification,  le  mot  vient 
de  bambochade,  nom  qu'on  a  donné  aux  tableaux  de  genre  du  peintre 
hollandais  Pieter  Van  Laer,  qui  fut  baptisé  H  Bamboccio  par  les  ar- 
tistes hollandais  de  Rome,  à  cause  de  sa  taille  contrefaite,  de  son  nez 
long  et  de  ses  jambes  démesurées. 

'  Cf.  ce  que  dit  M.  Grammont  sur  le  sentiment  du  rapport  entre 
le  timbre  de  la  voyelle  et  la  nuance  sémantique  {RLM,  XLIV,  p.  128). 
Cf.  aussi  von  der  Gabelentz,  Die  Sprachtcissenschaft,  2«  éd.,  pp.  223, 
225;  A.  Kock,  Om  sprâkets  fôrdndring,  2  ^  éd.,  p.  38;  Heilquist,  Nàgra 
anmàrkningar  om  de  nordiska  verben  med  mediageminata.  Gôtehorgs 
hijgskolas  àrsskrift,  1908,  II,  p.  50. 

•■'  Dans  cet  article,  il  l'identifie  à  bec  (s.  m.),  bèco,  hèico  (s.  f.). 
terme  d'amitié  usité  dans  les  Alpes  (voir  aussi  Chabrand  et  Bocbas 
d'Aiglun).  et  y  voit  le  même  mot  que  bèco,  terme  enfantin  du  Gard 
pour  'baiser'.  Outre  l'invraisemblance  de  la  transition  'baiser'  >  'en- 
fant', il  vaut  la  peine  d'observer  que,  suivant  VAtl.  ling.,  le  mot  langue- 
docien pour  'baiser'  est  putU,  et  les  termes  correspondants  des  Alpes 
sont  heze  et  karesa. 


—  240  — 

ticle  bèco,  il  le  traduit  par  'enfant',  'gamin',  'niais',  'nigaud' 
(dans  l'Aude).  Azaïs,  qui  signale  le  même  mot  à  Castres, 
ne  donne  que  le  sens  de  'nigaud',  'sot',  'niais',  et  ce  sens 
a  été  probablement  antérieur  à  celui  de  'enfant'.  Mistral 
rattache  le  mot  au  grec  ^éuuog  'imbécile';  mais  il  semble 
plus  naturel  d'y  voir  l'ital.  heco  'niais',  'imbécile'. 

248.  Dans  un  territoire  cohérent,  comprenant  la  par- 
tie nord  du  Piémont  et  de  la  Lombardie,  le  Valais,  le 
Tessin  et  la  partie  rhétique  des  Grisons,  on  trouve  le  thème 
mat  au  sens  de  'enfant'.  Dans  ces  mêmes  idiomes  il  y  a 
aussi  un  mat  signifiant  'fou',  'dément',  'imbécile',  'crétin', 
qui  est  évidemment  identique  à  l'ital.  matto.  Diez  con- 
sidérait mat  'enfant'  et  mat  'fou'  comme  deux  mots  dif- 
férents, et  rattachait  le  premier  à  l'anc.  haut-allem.  magat 
'jeune  fille' ^;  mais  Foerster  ^,  Nigra  ^  et  M.  Tappolet  * 
ont  été  d'accord  pour  y  voir  le  même  mot.  M,  Tappolet 
réunit  mat,  menais  et  marri  dans  un  groupe  d'expressions, 
qui,  selon  lui,  auraient  eu  pour  point  de  départ  «die  ôko- 
nomisch-  oder  moralisch-bedrângte  Lage  der  Kinder.»  ^ 
Conformément  à  cette  opinion,  il  écrit  à  propos  de  7nat: 
«Das  Bindeglied  zum  Begriff  Knabe — Kind — Sohn  wâre 
die  Bedeutung  des  Bedrângten,  Bedriickten,  Armseligen.» 
Je  ne  crois  pourtant  pas  nécessaire  de  supposer  cette  idée 
intermédiaire;  car,  comme  le  fait  remarquer  Foerster,  un 
mot  signifiant  'fou'  peut  très  bien,  par  un  emploi  hypo- 
coristique,  prendre  le  sens  de  'petit  garçon'  ^. 


^  Etym.  Wh.,  p.  384.  —  Cette  étymologie  a  été  adoptée  encore 
en  1897  par  M.  Gr.  Pult  dans  sa  dissertation  sur  le  parler  de  Sent, 
p.  131. 

2  ZBPh,  XVI,  p.  254. 

3  AGIL  XV,  p.  292. 

*  op.  cit..,  p.  47. 
"  Cf.  §  183. 

*  Cf.  plus  haut  i'allem.  Nàrrchen  =  'Knâblein'.  Pour  d'autres 
exemples  de  l'association  des  idées  de  'fou',  'déraisonnable'  et  de 
'enfant',  voyez  Nigra,  op.  cit.,  p.  294. 


—  241  — 

Le  simple  mat — mata  'garçon',  'fille'  est  relevé  par 
Monti  à  Val  d'Anzasca  dans  le  Piémont.  Biondelli  et 
Dal  Pozzo  signalent  également  mat  'fanciullo',  'figlio'  comme 
terme  piémontais  ^  (Dal  Pozzo  le  donne  cependant  exclu- 
sivement dans  cette  dernière  acception);  mais  le  diminutif 
matêt  est  plus  usité  dans  ce  dialecte.  Mat — mata  s'emploie 
en  outre  dans  cette  Tessin  (plur.  maUri,  matàn),  à  Tre  Pievi, 
au  Lac  de  Côme  {met — meta)  ^,  à  Poschiavo  et  dans  les 
Grisons  ^,  Dans  la  plupart  des  dialectes  rhétiques,  mat 
forme  son  pluriel  en  -ones:  matants;  mata  en  -ânes:  ma- 
tôunts  (obw.),  matdys  (oberhalbst.),  matants  (Schleins),  etc.''. 
Dans  la  vallée  de  Greden  on  emploie  les  formes 
mut — muta  pour  désigner  un  garçon,  une  fille  qui  ne  sont 
plus  dans  la  première  enfance  ".  Le  même  mot  se  retrouve 
dans  le  Gadertal:  Abbaye  miit,  Enneberg  mœt:  et  à  Li- 
vinallongo:  mute  'filles'  (Gartner,  Handhuch).  Le  singulier 
mut  {mût,  mcet)  a  été  refait  sur  le  pluriel  mutôtjs  {mitiiys)^ 
où  Va  atone  a  été  changé  en  ii  sous  l'influence  de  la 
labiale  *. 


'  Suivant  Biondelli.  mattu  (plur.  mattàj)  'fils',  'garçon'  se  trouve 
à  Borgomanera.  près  du  Lac  Majeur. 

*  A  Sondrio  (Valtelline)  met — meta  signifie  'fils',  'fille'. 

*  D'après  Carigiet,  l'obw.  mat — matta  (Dissentis  et  Trons)  signifie 
'der  ledige  Jiingling',  'die  ledige  Weibsperson',  tandis  qu'un  jeune 
garçon  et  une  jeune  fille  (de  14  à  16  ans)  sont  désignés  par  mattatsch — 
niattatscha.  Suivant  Gartner,  Handb.  der  ràtorom.  Spr.  und  Lit.,  p.  209, 
ce  dialecte  emploie  pourtant  mata  aussi  au  sens  de  'jeune  fille'  (mais 
buep  au  sens  de   'garçon'). 

*  Cf.  plus  bas  le  lomb.  tosôn,  tosdnn  %  271.  —  Voir  Gartner,  loc. 
cit..  et  Raetorom.  Gramm.,  §  107. 

'•  Un  tout  petit  enfant  s'appelle  pitl.  —  Dans  les  textes  réunis 
par  M.  Gartner,  dans  son  travail  sur  Die  Gredner  Mundart.  mut  se 
dit  d'un  écolier  (p.  101).  muta  d'une  jeune  fille  nubile  (p.  102);  na 
védla  muta  est  une  vieille  fille  (p.  103).  Un  vieux  garçon  s'appelle  védl 
mut  (voir  Gartner,  Handhuch.  p.  356). 

"  Voir  Gartner,  Raetorom.  Gramm.,  §§  60,  107.  —  Alton  voit  dans 
mut  le  lat.  mutus,  «weil  die  kleinen  Kinder  noch  nicht  sprechen  kôn- 
nen»  (cf.  le  lat.  infans).  On  pourrait  alléguer,  à  l'appui  de  cette  hy- 
pothèse, le  fait  que  le  lat.  mutus,  auquel  correspondent  l'engad.   mût. 


—  242  — 

Les  dérivés  sont  très  nombreux,  spécialement  en  Pié- 
mont: matêt — matêta:  matât — matôta;  maton — matona;  ma- 
tôcc — matôcia  'garçon',  'jeune  fille';  matât  'enfant',  'garçon'. 
M.  Tappolet  a  relevé  mata — 7ndta  'garçon',  'fille',  à  Oleggio 
(Novara).  De  matêt — matêta,  qui  sont  les  formes  les  plus 
usitées,  on  a  tiré  les  diminutifs  matetin — matetina  (Gravuzzi)  ; 
Matotina  paraît  être  vieilli;  je  ne  l'ai  trouvé  que  dans 
Pipino  (1783).  De  tiiatota,  qu'on  entend  aussi  dans  le 
Monferrat  et  à  Nice,  on  a  tiré  par  aphérèse  tota,  qui 
signifie  à  Turin  'mademoiselle'  (Foerster,  loc.  cit.),  à  Ales- 
sandria  'jeune  fille'  (Tappolet,  loc.  cit.),  et  dans  le  Mon- 
ferrat 'vierge'  (Ferraro)  ^.  Biondelli  et  Ponza  enregistrent 
en  outre  le  masculin  toto  'giovinetto',  qu'il  faut  cependant 
considérer,  d'après  l'opinion  de  Foerster,  comme  «eine 
italianisirende  Scherzbildung.» 

Matèl — matèla  'garçon',  'jeune  fille',  que  Foerster 
trouva  dans  quelques  villages  piémontais  ^,  est  essentielle- 
ment un  terme  lombard.  Il  se  rencontre  à  Côme,  dans  la 
Valtelline  ^,  à  Poschiavo,  à  Bormio  *,  à  Brescia,  à  Valle 
Seriana  Superiore  (Tiraboschi),  à  Val  Camonica  (Rosa). 
M.  Longa  nous  apprend  que  le  diminutif  matelina  se  dit 
à  Bormio  d'une  «ragazzina  séria».  Le  patois  de  la  Valle 
Seriana  Superiore  connaît  les  diminutifs  matelï,  matelèt  'ra- 
gazzino'. 


friouJ.  mut.  et  qui  précisément  aurait  donné,  dans  le  Gadertal,  mût, 
mœt  (cf.  Gartner,  op.  cit.,  §  54),  a  été  remplacé  dans  ce  dialecte  par 
Fallem.  stom. 

1  Pipino  définit  tota  par  'donzella',  'giovanetta';  Gavuzzi  par: 
'damigella',  'signorina'  ;  Dal  Pozzo  par:  'ragazza',  'damigella'.  —  De 
tota  on  a  dérivé  totona  (Ponza)  ou  toton  (Gavuzzi)  'vieille  fille'.  On 
dit  aussi:  tota  cbn  i  spron. 

'  Voir  op.  cit.,  p.  253. 

^  Ici  et  à  Bormio,  la  forme  mata  s'emploie  parfois  à  côté  de  ma- 
tèla. Dans  la  Valtelline.  mata  a  pris  souvent  le  sens  de  'amorosa', 
'amata',  et  puis  cekti  de  'meretrice'. 

*  Le  patois  de  Bormio  a  formé  aussi  le  dérivé  matôc  'poupée', 
(cf.  l'ital.  fantoccio,  bamboccio). 


—  243  — 

Les  dialectes  rhétiques  des  Grisons  ont  tiré  de  mat— 
matta  les  diminutifs  mattin — mattina,  mattet — mattetta  'gar- 
çonnet', 'fillette'.     Matteïla  est  vieilli. 

Dans  le  patois  du  Val  d'Anzasca,  mattacc — mataccia 
est  employé,  à  côté  de  mat — matta,  au  sens  de  'giovanetto', 
'giovanetta'  (Monti).  Le  même  dérivé  se  retrouve  dans 
les  Grisons.  Selon  M.  Pallioppi,  l'engad.  mattatsch — mat- 
tatscha  a  conservé  l'ancien  sens  péjoratif  et  augmentatif; 
il  le  traduit  par  'grosser  derber  Junge';  'plumpes  Mâd- 
chen'.  Mais,  dans  les  vallées  du  Rhin,  cette  nuance  a 
disparu.  Carisch  traduit:  'Knabe',  'Jiingling',  'kleines  Mâd- 
chen';  Carigiet:  'Kind  von  14 — 16  Jahren';  M.  Luzi:  'Knabe 
von  14 — 18  Jahren',  'Mâdchen  von  2 — 18  Jahren'.  A  Sa- 
vognin  on  dit  au  singulier  mat,  au  pluriel  matâtes  \ 

D'après  Monti,  on  emploie,  dans  le  village  de  Santa 
Maria  (Basse-Engadine),  matosa  au  sens  de  'fanciulla'; 
c'est  probablement  le  même  mot  que  le  tess.  mattusa  'ra- 
gazza',  dont  Biondelli  et  Monti  voulaient  à  tort  dériver  le 
mil.  tusa,  tosa.  —  Cf.  aussi  le  bergam.  matù  'giovanotto' 
(Tiraboschi). 

Le  canton  du  Valais  dit  matton — matta  pour  'garçon', 
'jeune  fille';  mattetta  pour  'petite  fille'.  Suivant  Bridel, 
matta  se  retrouve  aussi  dans  le  canton  de  Fribourg,  avec 
le  sens  dépréciatif  de  'petite  fille  simple',  ou  dans  l'accep- 
tion de  'poupée'. 

249.  A  mat  'garçon'  M.  Tappolet  rattache  le  thème  mac-, 
qu'on  trouve  avec  le  même  sens  dans  la  Valtelline  et  dans 
les  Alpes  bergamasques.  Il  mentionne  les  formes  macà — 
macdna,  que  Monti  a  relevées  à  Berbenno  (Valtelline), 
aux  sens  de  'figlio',  'figlia*,  'fanciuUo',  'fanciulla'.  Monti 
signale  en  outre  le  valtell.  macdn  'figlio',  'giovinetto'; 
et,   à  Rovere,    dans    la    même   vallée,  macàn  'giovinastro'. 


^  Cf.    l'explication    des    phénomènes    de    ce  genre  que  donne  M. 
Oartner  dans  Maetoromanische  Grammatik,  §  107. 


—  244  — 

Biondelli  donne  également  màcan — màcana  ^  'fanciullo'y 
'fanciulla'  comme  termes  de  la  Valtelline.  En  allant  vers 
le  sud,  nous  trouvons  macà  'fanciuUi'  dans  les  vallées 
bergamasques  près  de  Lecco  (Biondelli)  ;  plus  à  l'est,  dans 
la  Valle  Calepio,  nous  relevons  macà — macana  'ragazzo', 
'ragazza',  et  les  diminutifs  macanèl,  macanï  (Tiraboschi)  ; 
à  Val  Trompia:  macan  'fanciullo'  (selon  Ferraro);  et  à 
Adrara:  macà  'ragazzi'  (Rosa). 

M.  Salvioni  ^  ne  trouve  pas  impossible  que  mat  et  mac- 
soient  identiques,  et  il  les  conipare  aux  termes  piémontais 
git  ou  gik  'getto',  'germoglio';  genit  ou  genik  'genuino'.  Il 
admet  cependant  qu'on  pourrait  rattacher  mac-,  à  l'instar 
de  M.  Tappolet,  au  sarde  maccu  'pazzo',  'démente'.  Cette 
hypothèse  a  été  adoptée  aussi,  bien  que  dubitativement, 
par  M.  Meyer-Liibke  ^,  A  l'exemple  de  Diez,  il  dérive 
maccu  du  lat.  maccus  'niais',  'nigaud'  (Apulée  ApoU.  81), 
proprement  le  nom  du  bouffon  des  atellanes,  et  il  y  rattache 
en  outre  le  lucq.  macchetto  'jeune  fils'  *.  Je  crois  aussi 
que  le  lomb.  macà  a  eu  autrefois  le  sens  de  'niais',  'nigaud'; 
cf.  le  bresc.  macanèl  'maccianghero',  'scipito',  'scimunito', 
'sciocco'  (Pellizzari)  ;  et,  dans  le  même  dialecte,  macô 
(Pellizzari),  macil  (Melchiori,  Rosa)  'babaccio',  'gonzo'. 
Mais  est-il  vraiment  nécessaire  de  le  tirer  du  lat.  maccus? 
C'est  ce  que  nous  allons  voir.  —  Il  y  a,  dans  les  dialectes 
de  Bergame  et  de  Brescia,  quelques  autres  mots  qui 
commencent  par  mac-,  et  qui,  bien  qu'ils  signifient  pro- 
prement tout  autre  chose,  s'emploient,  par  substitution  ^, 
au  sens  de  'baccelone',  'uomo  sciocco',  'uomo  dappoco'. 
Il  s'agit  de  macdco  (proprement  =  macacco,  franc,  macaque), 
et    macarô,    macarù    (proprement  =  maccaroni).      Dans    les 


^  L'accent  doit  être  inexact. 

*  BendlL,  sér.  II,  XXX,  p.  1507. 

*  Bom.  etym.   Wh.,  5197. 

*  Cf.  AGII,  XVI,  p.  453. 

=  Cf.  Nyrop,  op.  cit.,  IV,  §  470  ss. 


—  246  — 

dictionnaires  ces  mots  sont  aussi  traduits,  de  même  que 
macô,  par  'moccicone',  chose  pas  très  étonnante,  puisque 
mocciconc  se  dit  souvent  pour  *uomo  dappoco'.  Mais,  lors- 
qu'on constate  que,  suivant  Tiraboschi,  macarù  peut  signifier 
encore  'moccio',  et  que,  en  bergamasque,  le  mot  ordinaire 
pour  'moccio'  est  macàc,  on  est  tenté  de  voir  dans  ces 
mots,  comme  dans  macà  'enfant',  le  lat.  mûccus  'morve', 
au  lieu  de  maccus  'nigaud'  ^  Cette  hypothèse  est  con- 
firmée par  le  fait  que,  dans  la  Valtelline,  où  les  idées  de 
'garçon',  'fils'  peuvent  être  exprimées  par  niacàn,  on  dit 
macdgn  ou  niôran  pour  'moccio'  (Monti).  Cf.  aussi  le  mant. 
macagn  (ou  magalott)  'sputacchio'.  Dans  ce  cas,  les  termes 
lombards  auraient  subi  le  même  développement  séman- 
tique que  le  prov.  mod.  mou,  moue  (<;  mûccus),  proprement 
'morve  qui  pend  au  nez',  puis  usité  comme  injure  au 
sens  de  'penaud',  'sot'  (Mistral);  et,  dans  ce  dernier  sens, 
macà  aurait  été  appliqué  cacophémiquement  aux  enfants  ^. 
Le  valtell.  macàn  'giovinastro'  (Monti)  paraît  témoigner 
encore  de  l'ancienne  nuance  péjorative. 

«Innocent». 

250.  De  même  qu'on  a  dénommé  les  enfants  d'après 
leur  intelligence  peu  développée,  on  leur  a  aussi  quelque- 
fois donné  des  noms  se  rapportant  à  leur  ignorance  du 
mal,  leur  innocence.  Ces  désignations  ont  toujours  une 
nuance  de  tendresse  ^.  —  On  trouve  déjà  chez  les  écri- 
vains ecclésiastiques  des  premiers  siècles  ap.  J.-C.  le  mot 
innocentes,    employé    au    sens   de  'enfants'  *;  et  c'est  de  la 

^  Quant  au  changement  de  Wi  atone  en  a.  voir  Salvioni,  Fone- 
tica  del  clialetto  moderno  délia  città  di  Milano.  §  140. 

*  Cf.  morveux,  etc.,  §  240. 

'  On  sait  que  le  mot  innocent  a  pris  aussi  le  sens  péjoratif  de 
'simple  d'esprit',  'idiot';  mais,  comme  dénomination  d'enfant,  il  ne 
semble  impliquer  aucune  idée  dépréciative. 

*  Voir  Funck,  op.  cit.,  p.  90. 


—  246  — 

langue  de  l'église  que  vient  l'expression  les  Innocents,  ital. 
gl'Innocenti,  qui  désigne  spécialement  les  petits  enfants 
que  fit  égorger  le  roi  Hérode.  En  français  familier,  un 
innocent,  des  innocents  se  dit  parfois  des  enfants  au-des- 
sous de  l'âge  de  sept  ou  huit  ans:  «On  a  dépouillé  ces 
pauvres  innocents».  «Un  pauvre  petit  innocent».  (Littré.) 
Parmi  les  glossaires  de  patois  français  que  j'ai  dépouillés, 
Decorde  seul  {Dictionnaire  du  patois  du  pays  de  Bray) 
mentionne  le  mot  dans  ce  sens:  innocent  'jeune  enfant'. 
Le  prov.  innoucent  a  le  même  sens. 

«Téteur». 

251.  On  a  parfois  désigné  le  petit  enfant  comme 
'celui  qui  tette'.  Le  com.  sciuscioèu  'puttello',  'bimbo',  est 
manifestement  le  même  mot  que  le  com.  suscioèu  'caruccio', 
qui  vient  de  suscià  'succhiare',  'tettare'.  Dans  le  premier 
mot,  Vs  initial  a  été  assimilé  en  .s.  Monti  nous  apprend 
que  suscioèu  se  dit  «per  vezzegiat.  a  bimbo  che  succia,  o 
da  poco  lasciô  di  succiare  il  latte  materno».  La  même 
signification  se  trouve  dans  le  mil.  tettôn  (borm.  tetôn).  Cf. 
le  prov.  tetoun  'agneau  de  lait',  'petit  cochon  qui  tette  encore'. 

252.  Dans  le  Centre  de  la  France  et  à  Annecy  (Haute- 
Savoie),  on  trouve  laiton,  dérivé  de  lait,  au  sens  de  'enfant 
encore  au  sein'.  Il  se  dit  aussi  par  facétie  au  sens  de 
'jeune  garçon  qui  va  servir  dans  les  fermes',  'blanc-bec'. 
—  A  en  juger  d'après  Grodefroy  et  De  Chambure  ^  ce 
mot  s'est  dit  déjà  dans  l'ancienne  langue  d'un  jeune  nour- 
risson en  général,  et  spécialement  d'un  enfant  à  la  ma- 
melle. Mais  le  seul  exemple,  qu'ils  aient  pu  alléguer  de 
cet  emploi,  me  semble  loin  d'être  convaincant  '\ 

^  Glossaire  du  Morvan,  p.  484. 

*  Il  est  tiré  du  Dialogue  de  deux  amoureux  de  Cl.  Marot,  p.  31. 
(éd.  1596): 

«Chantez-vous  clair?  —  Comme  layton. 
Baillez-moi  seulement  le  ton.» 


—  247  — 

Il  est  possible  que  laiton  'enfant'  soit  identique  à 
laiton  'jeune  animal  qui  tette  encore  sa  mère'  (spécialement 
'cochon  de  lait'),  mot  qui  se  trouve  dans  bien  des  patois 
français  ^  Nous  aurions  alors  affaire  à  une  sorte  de  mé- 
taphore, 

«Vif»,  «turbulent». 

253.  Quelques  dialectes  italiens  ont  dénommé  les  en- 
fants d'après  leur  vivacité,  en  leur  appliquant  des  mots 
tirés    de  verbes  servant  à  désigner  un  mouvement  rapide. 

A  Bormio  on  appelle  un  garçon  vif  et  turbulent  hriyéla 
ou  brigol.  En  milanais,  hrighellin  est  une  désignation  plai- 
sante pour  'un  bambino  vispo  e  carino';  il  s'emploie  aussi 
au  féminin:  hrighcllinna.  On  sait  que  hrighèlla  est  aussi 
le  nom  de  l'un  des  masques  de  la  Commedia  delV  arte,  qui, 
à  côté  d'Arlequin,  représente  Bergame  et  Brescia  et  parle 
le  dialecte  de  ces  villes.  C'est  probablement  à  ce  per- 
sonnage de  comédie  que  l'italien  a  emprunté  hrighèlla 
'birichino'.  —  Brigol,  hrighclla  tire  son  origine  du  borm. 
brigolar,  posch.  hrigolà,  anc.  mil.  higolà  'brulicare',  'correre 
qua  e  là',  du  lat.  hullicare  'bouillir'  ^. 

254.  Le  sens  accessoire  de  'vif,  'turbulent',  qui  semble 
se  joindre  toujours  à  hrighclla,  a  disparu  dans  quelques 
mots  du  Centre  de  l'Italie,  qui  ont  à  l'origine  renfermé 
la  même  idée.  Dans  les  Marches,  à  Teramo  et  dans  les 
Abruzzes,  on  trouve  un  groupe  de  mots  signifiant  'petit 
garçon',  'petit  enfant',  qui  présentent  tous  le  radical  fric-, 
frec-,  fruc-:  fricchino  (Macerata),  frichi  (Sant-Elpidio  a  Mare, 
San  Ginesio),  frighï  (Recanati),  frccchi  (San  Benedetto  del 


'  Je  l'ai  relevé  dans  le  Poitou,  l'Anjou,  le  Maine,  la  Normandie 
et  le  Jura  bernois. 

*  Voir  Meyer-Lùbke,  Rom.  etym.  Wb..  1388;  Salvioni,  RBR,  IV, 
p.  221. 


—  248  — 

Tronto),  frico  (Fermo),  fricu  (Monte  Rubbiano);  frechino 
(Teramo);  frechine  (Abruzzi)  ^ 

Dans  les  dialectes  d'Arcevia  (Ancona)  et  de  Lacques^ 
on  retrouve  le  même  radical:  furicchio  'frugolino',  'fan- 
ciuUo  vispo';  le  tosc.  fruccliino  'chi  frucchia',  est  évidem- 
ment le  même  mot  que  fricchino,  frechino,  etc.  Cf.  aussi 
frugolo  'bambino  che  non  sta  mai  fermo',  et  le  verbe 
frugolare.  —  Tous  ces  mots,  dont  le  sens  primitif  este 
'celui  qui  furète,  qui  met  son  nez  partout',  semblent  pro- 
venir d'un  verbe  *furicare  ou  ^furiculare  'fureter',  de  fur 
'voleur'  ^. 

Dans  la  Valtelline  on  emploie  spassos,  proprement 
'spassevole',  'trastullevole',  aux  sens  de  'fanciullo',  'figlio* 
(Monti).  C'est  probablement  la  vivacité  qui  explique  aussi 
cette  désignation. 

«Celui  qui  demande  avec  instance». 

255.  Le  bol.  fufgnein  'mammolino',  'fanciullino',  'bam- 
binello',  paraît  être  dérivé  du  verbe  émilien  fiifgnar  'ru- 
bacchiare',  'prendere  di  nascosto',  qui,  en  bolonais,  signifie 
aussi  'chiedere  checchesia  con  taie  insistenza  da  ottenerlo'. 
Comme  c'est  là  justement  quelque  chose  que  font  surtout 
les  enfants,  le  substantif  fufgnein  'enfant'  doit  se  rattacher 
à  cette  dernière  signification. 

«Petit». 

256.  La  qualité  la  plus  frappante  des  enfants  est 
leur  petitesse.  Aussi  les  appelle-t-on  dans  toutes  les^ 
langues  les  petits;  et  mon  petit  est  le  terme  de  tendresse- 
le  plus  généralement  usité.  Nous  avons  vu  que  les  adjec- 
tifs   latins  parvus,  parvulus  et  pisinnus  s'employaient  sub- 

^  D'après  Finamore,  ce  dernier  terme  se  dit  par  piaisanterie. 
2  Voir  Nigra,  StB,  III,  p.  99;  Meyer-Lubke,  Bom.  etym.  Wè.,3598. 


—  249  — 

stantivement  au  sens  de  'enfant',  et,  dans  tout  le  domaine 
roman,  des  adjectifs  signifiant  'petit'  ont  été  employés 
d'une  manière  analogue. 

Les  plus  répandus  d'entre  ces  adjectifs  dérivent  des 
trois  thèmes  différents  que  voici: 

pctt-,  pitt-,  dans  les  idiomes  gallo-romans; 

pic(c)-,  pec{c)-,  en  Italie  (et  dans  la  péninsule  ibérique)  ^; 

cicc-,  dans  la  péninsule  ibérique  ^. 

pett-^  pitt-, 

257.  Le  français  familier  emploie  souvent  le  petit, 
la  petite  au  sens  de  'enfant  encore  petit'  ;  le  diminutif  petiot 
s'emploie  surtout  comme  terme  de  tendresse:  mon  petiot, 
ma  petiote.  —  U Atlas  linguistique  et  les  glossaires  de  patois 
nous  apprennent  que  cet  emploi  substantif  de  petit  et  de 
ses  dérivés  est  connu  par  toute  la  France.  Il  paraît  cepen- 
dant   que    les  patois  de  la  côte  sud-ouest  (Les  Landes  et 

1  Pour  l'esp.  pequeîîo,  port,  pequeno,  et  le  logoud.  piccinnu. 
voir  §  74. 

'  Il  ne  mappartient  pas  de  démêler  l'étymologie  de  ces  impor- 
tantes familles  de  mots.  Je  me  contente  de  renvoyer  aux  explications 
proposées  dans  les  dictionnaires  étymologiques  de  Diez,  Kôrting  et 
Meyer-Liibke.  Qu'il  me  soit  permis  cependant  de  mentionner  ici  deux 
hypothèses,  qui  donnent  à  ces  mots  une  origine  onomatopoétique.  M. 
Sainéan,  ZRPh,  Beih.  X,  p.  110,  émet  l'hypothèse  que  l'esp.  chico 
'petit'  est  identique  au  port,  chico  et  à  un  esp.  dial.  chico  'porc'  (d'où 
chiquero  'porcherie'),  et  que  le  tosc.  cicco  'petit'  est  le  même  mot 
que  le  nap.  cicco  'cochon';  ces  mots  dérivent  selon  lui  d'un  cri  dont 
on  se  sert  pour  appeller  la  bête  (voir  op.  cit.,  p.  85).  Cf.  pourtant  ce 
qu'en  dit  M.  Meyer-Liibke,  Bom.  etym.  Wh.,  1899,  2.  —  M"«  A.  Sper- 
ber  propose  [op.  cit..  p.  153.  n.  2)  de  dériver  petit  d'un  cri  dont  on 
se  sert  pour  appeler  les  poules:  péti,  pti,  ptito,  tito,  etc.  Il  me  semble 
pourtant  préférable  d'expliquer  d'une  manière  toute  contraire  la  res- 
semblance de  ces  cris,  tels  que  Rolland  les  a  notés,  avec  les  formes 
dialectales  de  petit:  c'est  justement  ce  mot  dont  on  s'est  servi  pour 
appeler  les  poules,  de  même  qu'on  emploie  le  mot  touset  (--^-  'petit 
enfant')  en  provençal  moderne  pour  appeler  les  canards  (voir  §  272). 
—  Je  ne  veux  pas  nier  pour  cela  que  pett-  et  les  autres  thèmes 
mentionnés  ici  puissent  être  d'origine  onomatopoétique. 


—  260  — 

La  Grironde)  s'en  servent  moins  souvent  ^.  Les  cartes 
461,  670,  672,  622,  623,  624,  1669  de  VAtlas  montrent  que 
c'est  surtout  dans  les  patois  franco-provençaux,  proven- 
çaux et  languedociens,  que  petit — petite,  petiot — petiote,  etc., 
signifient  'enfant',  'garçon',  'fille'.  Cela  ne  nous  étonne 
point,  vu  la  prédilection  marquée  du  provençal  moderne 
pour  les  formes  diminutives  de  substantifs  et  d'adjectifs. 
Voici  un  relevé  sommaire  des  données  des  cartes  en 
question.  Il  est  tout  à  fait  naturel  que  petit  et  les  formes 
dialectales  correspondantes  se  rencontrent  plus  fréquem- 
ment quand  il  s'agit  de  rendre  l'expression  'mon  (tout  jeune) 
fils',  avec  son  timbre  affectif  très  prononcé,  que  dans  les 
cartes  garçon  et  enfant.  Aussi  la  feuille  672  {mon  fils;  mon 
tout  jeune  fils)  montre-t-elle  l'extension  la  plus  considérable 
de  petit;  l'aire  de  ce  mot  comprend  de  vastes  domaines  aux 
deux  côtés  de  la  Saône  et  du  Rhône,  depuis  le  sud  de  la 
Franche-Comté  et  de  la  Bourgogne  jusqu'à  la  Méditerranée. 
Vers  le  milieu,  cette  aire  est  pourtant  interrompue  par  une 
large  zone,  où  d'autres  expressions  sont  plus  usitées:  à 
l'est  marri,  à  l'ouest  drôle.  En  dehors  de  ces  aires  cohé- 
rentes, on  trouve  des  territoires  isolés  dans  la  Marche  et 
le  Limousin.  La  feuille  670  contient  les  réponses  données 
à  la  question  'ma  fille,  ma  fillette',  où  le  dernier  mot  est 
mis  en  opposition  au  premier.  Il  va  de  soi  que  cette 
question  a  causé  un  emploi  plus  étendu  de  petite  que  la 
question  'votre  fillette  est-elle  déjà  baptisée?'  (1669).  Ces 
deux  cartes  présentent  quelques  aires  de  petite,  etc.,  qui 
coïncident  en  général  avec  celles  de  la  carte  672,  et  qui 
embrassent  en  outre  la  plus  grande  partie  des  départe- 
ments de  l'Aude  et  de  Tarn-et-Garonne.  La  carte  622 
(garçon)  indique  pichot,  pichoun  à  quelques  points,  tous 
dans    la  Provence,  région  où  ces  mots  s'emploient  le  plus 

*  Le  seul  exemple  que  j'aie  trouvé  dans  cette  région,  est  fourni 
par  la  carte  623,  où  'mon  petit  garçon'  est  rendu  par  mun  pitit  au 
point  650  (Gironde). 


—  261  — 

souvent  de  cette  manière  ^;  et  piti  au  point  603  (Creuse). 
A  cette  forme,  qui  signifie  aussi  'enfant',  correspond  le 
féminin  ^;^Yo  'fillette'  au  point  608  (AU.  liny.,  461).  (Cf. 
p.  26,  n.  3.)  —  Dans  la  carte  623,  l'expression  'mon  petit 
garçon'  est  souvent  rendue  par  mon  petit,  moti  petiot,  etc. 
C'est  surtout  le  cas  en  Provence,  mais  aussi  dans  le  Nord, 
dans  le  Nord-Ouest,  et  même  à  un  point  dans  le  Sud-Ouest  ^. 
La  carte  enfant  ne  montre  que  quelques  aires  peu  étendues, 
en  Champagne,  Bourgogne  et  Franche-Comté,  en  Limousin, 
Auvergne  et  dans  la  Marche,  et  quelques  points  isolés 
dans  le  Midi.  La  carte  les  garçons  présente  les  petits,  etc., 
dans  le  Sud-Est,  et  les  petiots  {le  ptyO)  à  trois  points  de 
de  la  Manche  et  dans  l'île  de  Jersey.  —  Cette  carte  té- 
moigne d'ailleurs  du  fait  bien  connu  que  le  pluriel  les 
petits  s'emploie  encore  plus  souvent  comme  substantif  que 
le  singulier.  La  même  chose  résulte,  en  ce  qui  concerne 
l'ancien  vaudois,  de  plusieurs  passages  du  Nouveau  testa- 
ment vaudois,  où  le  petit  sert  à  rendre  l'idée  de  'enfants', 
par  exemple  Math.  XV,  38;  XIX,  13,  14.  Le  catalan  se 
sert  également  du  pluriel  de  petit  pour  désigner  des  gar- 
çons (Vogel). 

258.  Il  ressort  du  dépouillement  des  glossaires  de 
patois,  que  petit  et  petiot  s'emploient  beaucoup  plus  géné- 

^  Il  vaut  la  peine  de  comparer  les  indications  des  cartes  diffé- 
rentes pour  deux  points  particuliers:  865  (Sault,  Vaucluse)  et  873  (Eyguiè- 
res,  Bouches-du-Ehône).  Au  premier  point,  les  cartes  enfant,  garçon,  mon 
petit  garçon  et  les  garçons  donnent  toutes  quatre  pityo,  et,  suivant  les 
cartes  570  et  1569,  une  fillette  s'y  appelle  pityota,  tandis  que  l'idée 
de  'fils'  y  est  rendue  par  ënfun,  drôle  ou  garsu.  —  Comme  l'a  fait 
remarquer  M.  L.  Spiczer  {ZBPfi.  XXXVI,  p.  235),  le  mot  garçon  ne 
s'emploie  point  à  Eyguières,  où  ce  mot,  sur  la  carte  622,  est  remplacé 
par  galuvar  (cf.  §  287);  toutes  les  autres  cartes  ici  mentionnées  y  don- 
nent pichot — pichoto,  sauf  la  feuille  461,  qui  donne  enfant.  A  la 
question  'mon  petit  garçon'  M.  Edmont  a  reçu  à  cet  endroit  la  ré- 
ponse mum  pityUm  pityu;  on  voit  par  cela  que  pichot,  dans  ce  parler 
local,  est  un  substantif  (=:  'garçon'),  pichoun  un  adjectif  (=  'petit'). 

-  Voir  p.  250,  n. 


—  252  — 

ralement  comme  substantifs  que  ne  le  feraient  croire  les 
cartes  de  V Atlas  linguistique.  Voici  les  exemples  que  j'en 
ai  trouvés:  mont,  tio — tiotte;  rouchi  men  tiot;  pic.  p'tiot, 
piot,  p'quiot — p'quiotte^,  quiou;  haut-norm.  (Bray)  piot^  titi^; 
norvd.  petiot — petiote,  tiot,  piot;  haut-manc.  ^^'o^ — piotte;  angev. 
pequiot,  pequion,  pequioune  ^;  vendôm.  pequiot;  berr.  péquiot  *; 
TdorY.p'tiot — p'tiotte;  verduno-cliâl.j)e^to^;  Montbéliard  ^e^e^  ^, 
petiot;  Petit-Noir  p'thyo—pHhyote.  Les  matériaux  du  Glos- 
saire des  patois  de  la  Suisse  normande  donnent  petits  'en- 
fants' et  la  variante  pdtyou — pdtyouda  (qu'on  trouve  aussi 
dans  Bridel),  pour  toute  la  Suisse  romande,  sauf  les  can- 
tons de  Neuchâtel  et  de  Berne  ;  le  diminutif  patyolè  ^  se 
trouve  dans  les  patois  de  Vaud,  du  Valais,  de  Genève  et 
de  Fribourg  ;  le  fribourgeois  connaît  aussi  la  forme  abrégée 
pyolè,  d'où  l'on  a  dérivé  le  collectif  pyolatichd  'marmaille'. 
—  Le  dépouillement  des  dictionnaires  de  Mistral,  Azaïs, 
d'Hombres  et  Charvet,  Vayssier  et  Ravanat  donne  à  peu 
près  le  même  résultat,  quant  à  l'extension  dans  le  Midi  de 
la  France  de  petit,  petiot,  au  sens  de  'enfant',  'garçon',  'fille', 
que  les  cartes  de  V Atlas  linguistique.  Ici,  comme  ailleurs, 
ce  sont  surtout  petiot  et  ses  variantes  qui  s'emploient  sub- 
stantivement. 


^  Cf.  gâkyèr,  §  287. 

"  Cette  forme  paraît  être  une  réduplication  enfantine  du  norm. 
Ut  'petit'  (Moisy).  Cf.  le  prov.  titi,  terme  enfantin  pour  désigner  un 
oiseau,  un  poulet,  un  chien,  qui  est,  selon  Mistral,  dérivé  de  petit.  — 
Cf.  aussi  tite,  titey,  ptitey,  qui  sont,  d'après  la  carte  1074  de  l'Ail,  ling. 
les  mots  les  plus  usités  en  provençal  pour  'poupée';  suivant  Mistral, 
ils  signifient  aussi  'petite  fille  fort  parée'. 

*  Par  une  réduplication  enfantine,  le  même  patois  a  formé  pe- 
quionquion,  qui  se  dit  d'une  petite  fille  mal  mise  ou  grêle,  mince. 

.*  Suivant  Jaubert,  on  dit  dans  le  Centre:  un  petit  péquiot  pour 
'un  petit  enfant'.  Entre  petit  et  péquiot  il  s'est  donc  produit  ici  la 
même   différenciation   de  sens   qu'entre  pichoun  et  pichot  à  Eyguières. 

»  Voir  aussi  VAtl.  ling.,  461.  aux  points  42,  938;  et  572,  aux 
points  918,  938. 

"  Aussi  comme  adjectif  au  sens  de  'faible',  'chétif. 


—  253  — 

'259.  Les  patois  méridionaux  et  franco-provençaux  pré- 
sentent une  palatalisatiou  de  t  devant  i  àdius  petit  ^  et  jietiot. 
A  côté  de  la  forme  pichot,  qui,  d'après  Mistral  (et  VAtlas 
linguistique)^  s'emploie  aux  bords  du  Rhône,  mais  qui  se 
rencontre  aussi  en  Languedoc  (D'Hombres  et  Ctiarvet)  et 
en  Auvergne  (Vayssier),  existe  la  forme  pichoun,  qui  ap- 
partient particulièrement  au  dialecte  marseillais,  mais  qui 
se  trouve  aussi  à  l'ouest  du  Rhône  {piteyu  ou  pitsu) .  Cette 
forme  nous  montre  une  substitution  de  suffixe,  analogue  à 
celle  que  nous  avons  pu  constater  dans  l'angev.  pequion 
pour  pequiot  ^.  Cette  substitution  de  -oun  à  -ot  est  très 
naturelle  dans  les  parlers  du  Midi,  qui  surabondent  en 
diminutifs  formés  à  l'aide  de  -Oîin  '.  M)^^  Sperber,  op.  cit., 
p.  162  ss.,  rattache  ce  prov.  pichoun  (de  même  que  l'ital. 
piccino)  au  lat.  pipione,  en  renvoyant  à  d'autres  cas,  où 
des  noms  d'animaux  sont  devenus  des  dénominations  d'en- 
fants. Comme  cette  hypothèse  a  été  suffisamment  réfutée 
par  M.  Spitzer^  dans  son  article  déjà  cité  Zur  Bildung  ro- 
manischer  Kinderfiamen  *,  je  me  borne  à  y  renvoyer  le 
lecteur.   —   De  pichot    et  pichoun  on  a  tiré  les  diminutifs 


^  M.  Spitzer,  ZBPh,  XXXVI,  p.  235,  en  citant,  comme  des  exem- 
ples de  cette  palatalisation  dans  le  département  de  la  Haute-Loire,  les 
formes  suivantes,  qu'on  trouve  dans  la  carte  mon  petit  garçon:  813  petyî, 
817  petyî,  815  peteyî,  ajoute:  «auf  der  Karte  mon  fiJs  sogar  803  ett.' 
S'il  avait  aussi  regardé  le  point  803  dans  la  carte  mon  petit  garçon, 
il  aurait  pu  constater  la  combinaison  remarquable  d'une  forme  de 
petit,  présentant  palatalisation  du  t  (-)- métatbèse!)  avec  une  autre 
forme  du  même  mot,  où  ce  changement  ne  s'est  pas  produit:  mu  ptî 
etl.  L'explication  de  ce  phénomène  est  très  simple:  eti  n'est  point 
identique  à  petit,  mais  à  chétif  (voir  §   186). 

'  Il  n'est  donc  pas  tout  à  fait  exact  d'affirmer,  comme  le  fait  M.  Spit- 
zer  (lac.  cit.),   «dass  dieser  Suffixwechsel  nie  in  Nordfrankreich  eintrat.» 

'  Cf.  G.  Ôstberg,  Studier  ofver  deminutiva  och  augmentativa 
suffix  i  modàrn  provençalska.  p.  69.  —  Il  convient  de  mentionner 
ici  petitoun — petitouno  (adj.  et  subst.).  qu'on  trouve  dans  Mistral;  on  en 
a  tiré  la  forme  abrégée  titoun.  qui,  à  Avignon,  signifie  'nourisson'. 
en  Gascogne:  'poussin'. 

*  ZBPh,   XXXVI,    p.  233—236.  —  Cf.  aussi  EDB,  VI,  p.  357  s. 

17 


—  264  — 

suivants  :  picliouté  —pichouteto  ;  pichounet — pichouneto  ;  pichou- 
nèu  (auv.,  lira,  pichounèl)  — picliounello  'garçonnet',  'fillette'. 


260.  Comme  une  variante  de  pichoun,  avec  le  suffixe 
-in  au  lieu  de  -oun,  on  pourrait  peut-être  considérer  ^^c/^m, 
pechin,  qui,  suivant  Mistral,  existe  dans  les  Alpes  Maritimes 
au  sens  de  'petit',  'petite',  'en  bas  âge'  (adj.  et  subst.)  ^ 
A  Bordighera  et  à  Realdo  aussi  2^^^'^'^  veut  dire  'petit' 
(Garnier).  Mais,  le  vocabulaire  de  ces  derniers  dialectes 
étant  essentiellement  d'origine  italienne,  j'incline  plutôt  à 
voir  dans  ce  pec}iin,picJiin  Vital. piccino,  gén.^iccm(Casaccia). 

Mistral  explique  le  béarn.  cJdn — cJdno  'petit'  (adj.  et 
subst.),  inscrit  par  VAtlas  linguistique  au  point  692  de  la 
carte  enfant  (teïn,  teïno)^  comme  une  abréviation  de  pichin. 
Pour  réfuter  cette  hypothèse,  il  suffit  de  se  reporter  à  la 
distribution  géographique  de  ces  deux  mots.  Même  en 
partant  de  la  supposition  que  pichin  serait  une  variante 
du  prov.  pichotm,  il  faudrait  observer  qu'on  ne  peut  guère 
s'attendre  à  trouver  des  formes  pareilles  en  béarnais,  où 
petit  ne  présente  pas  de  palatalisation  du  t  (voir  la  carte 
m<^  petit  garçon). 

261.  Ajoutons  enfin  les  formes  suivantes,  qui,  selon 
Mistral  et  Azaïs,  proviennent  du  même  radical  que  petit: 
pitot — pitoto;  pitouet — pitoueto  (cév.,  mars.)  'jeune  garçon', 
'mousse',  'aide-berger';  'jeune  fille',  'servante'.  Le  lang. 
totb — tototo  'petit  enfant',  'bébé'  (D'Hombres  et  Charvet) 
pourrait  être  tiré  de  pitot — pitoto  au  moyen  d'aphérèse  et 
de  réduplication.  Mais  probablement  vaut-il  mieux  y  voir 
le  résultat  d'une  création  primitive  (voy.  §  376). 


*  Le  sous-diminutif  pechenin  (cf.  l'ital.  piccinino  et  les  formes 
dialectales  mentionnées  au  §  264)  se  trouve  dans  la  version  vaudoise 
du  Nouveau  Testament   au  sens    de  'fanciullo'  (voir  AGII.  XI,  p.  BOl). 


—  2Ô5  — 

262.  Comme  je  l'ai  mentionné  plus  haut,  le  catalan 
emploie  le  pluriel  petits  au  sens  de  'garçons'.  Suivant 
Saura,  le  singulier  peut  s'employer  de  la  même  manière. 
Les  cartes  de  V  Atlas  linguistique  nous  apprennent  que  patit — 
patita  et  le  pluriel  lus  petits  servent  à  désigner,  aux  points 
797  et  798  des  Pyrénées-Orientales,  un  petit  garçon  et 
une  petite  fille.  —  Quand  nous  relevons  petito  au  point 
786  (Aude),  situé  aux  confins  des  Pyrénées-Orientales, 
tandis  que  tous  les  points  environnants  montrent  pityuno, 
nous  sommes  portés  à  y  voir  une  immigration  de  la  forme 
catalane. 

263.  Le  domaine  rhétique  nous  offre  aussi  un  dérivé 
du  radical  pit-:  l'engad.  pittin  'petit',  'enfant'.  Cf.  le  mil. 
pitin,  bergam.  pitt,  valtell.  pit  'un  peu'. 

pic(c)'f  /?ec(c)-. 

264.  Ce  thème  forme  la  base  d'une  foule  de  mots 
signifiant  'petit',  'enfaiit',  dont  la  plupart  appartiennent  à 
l'italien,  mais  qui  se  rencontrent  aussi  dans  d'autres  par- 
ties du  domaine  roman,  depuis  la  Roumanie  ^  jusqu'à  la 
péninsule  ibérique.  Je  les  ai  classés  ici  d'après  les  diffé- 
rents suffixes  qui  ont  été  attachés  au  thème  primitif. 

"iilu,  L'ital.  piccolo  'petit'  s'emploie  souvent  comme 
substantif  au  sens  de  'bambino'.  Dans  les  dialectes  je  n'ai 
relevé  cet  emploi  qu'en  vénitien  et  triestin:  ])icolo,  picol. 
Le  calabrais  présente  le  sous-diminutif  picciuliddii  ^  'bam- 
binetto'. 

Dans  la  Rhétie  on  trouve  le  tyr.  (Greden)  pitl—pitla 
'petit',  'enfant',  'garçonnet',  'fillette';  et  le  frioub.  pizzul 
{pitëul,  pisul,  ptsel)  'petit',  'enfant'. 


'  Le  thème  pic{c)-  entre  dans  les  mots  roumains  piciu,  picilér 
'petit',  'nain',  'bout  d'homme',  'moutard'  (Cihac,  op.  cit.,  II,  p.  687). 
Cf.  le  roum.  pic  'goutte',  'point',  'peu';  megl.  pica  'un  peu'. 

-  En  certains  cas,  le  c  s'est  palatalisé  devant  la  voyelle  du  suf- 
fixe.    L'italien  connaît  la  forme  picciolo  à  côté  de  piccolo. 


—  256  — 

L'idiome  de  l'île  de  Veglia  employait  également  pelo 
{Xjedlo)  'petit'  comme  substantif;  c'est  ce  que  montrent 
les  exemples  suivants  cités  par  M.  Bartoli:  pelo  mi,  restûa 
JcauJc  «bimbo  mio,  resta  qua»  {Das  Daïmatische,  II,  70); 
se  te  fure  bûn,  pelo  mi  «se  sarai  buono,  bimbo  mio»  {ihid.^ 
72);  ju  vis  hatiziior  join  pelo  «vado  a  battezzare  un  bimbo» 
{ihid.^  bl^  58);  i  peli  «i  bimbi»  {ihid.^  55,  56). 

-rellUf  -rillu.  Le  napolitain  possède  peccerillo  'fan- 
ciullino',  'giovanottino',  'ragazzo';  peccerella  'fanciulletta', 
'ragazzina'  (D'Ambra).  Le  calabrais  et  le  sicilien  connais- 
sent, à  côté  de  picciriddu  'fanciullo',  'bambino',  le  sous- 
diminutif  picciridduzso  'fanciuUino'. 

-ittu.  Du  piém.  pcit — pcita  'piccolo',  'piccola',  'fan- 
ciullo',  'fanciulla',  'ragazzo',  'ragazza'  on  a  tiré  les  formes 
abrégées  cit — cita.  Les  diminutifs:  pcitin — pcitina;  citîn — 
citina  s'emploient  également  comme  adjectifs  et  comme  sub- 
stantifs: 'piccolino',  'piccolina',  'fanciullino',  'fanciullina'  ^_ 
En  parmesan  j'ai  relevé  picctt  'fanciuUetto',  'ragazzetto'; 
en  sicilien  piccittu,  synonyme  de  picciriddu. 

-ottu.  Les  dérivés  en  -ottu  ne  se  rencontrent  que  dans 
les  dialectes  du  Sud.  En  napolitain  ce  suffixe  paraît  avoir 
un  sens  diminutif,  du  moins  dans  le  masculin  pecciuotto, 
que  D'Ambra  traduit  par  'fanciuUo',  'ragazzetto',  'giova- 
nottino' ;  le  féminin  pecciotta,  picciotta  est  défini  par  'ra- 
gazzotta',  'giovanotta'.  Le  calabr.  picciuotto  et  le  sic. 
picciottu  correspondent  tous  deux  à  l'ital.  giovanotto.  En 
sicilien,  ^^icdo^^w  peut  s'employer,  comme  ce  mot  italien, 
au  sens  de  'célibataire'.  Mais  le  plus  souvent  picciottu 
est  synonyme  de  l'ital.  garzone,  sic.  garBuni,  et  signifie 
'valet  de  ferme',  'garçon  de  magasin',  'apprenti',  'mousse', 
etc.     Le    féminin   picciotta    a    les   significations  correspon- 


1  En  monferrin,  pcitt  ne  semble  s'employer  que  comme  adjectif; 
pcittin  signifie  ici  'uomo  piccolo  e  magro'  (Ferraro).  —  Le  dialecte 
vaudois  de  Pral  (dans  la  vallée  de  la  Germanasca)  emploie  aussi  les 
formes  p'citt  (jp'ci) — p'cîto  'petit',  'petite'  (v.  AGII,  XI,  p.  358). 


—  257  — 

dantes  de  'jeune  fille  nubile',  'servante',  'apprentie';  quel- 
quefois il  se  dit  pour  'bonne  amie',  'amante'.  Le  dimi- 
nutif picciuteddu  signifie  'garçonnet'  ou  'apprenti',  picciu- 
tcilda:  'jeune  fille'. 

"Of'cu.  Le  sard.  piccioccu—picciocca  correspond  essen- 
tiellement, quant  à  son  emploi,  au  sic.  piccioUu — piccioUa  ^ 
Le  dialecte  campidanien  en  a  tiré  le  diminutif  piccioccheddu 
— pivciocchedda  'ragazzino',  'ragazzina'. 

"inii,  L'ital.  piccino  'petit'  s'emploie  aussi  substantive- 
ment. Il  en  est  ainsi  du  com.  piscen.  borm.  pîcen — picena, 
iposch.  2)1  sna,  engad.  j^itschcn — pitschna  (surtout  au  pluriel:  ils 
pitschens)  ^.  Les  dialectes  lombards  se  servent  souvent 
d'un  diminutif  de  même  type  que  l'ital.  piccinino.  Il  a  été 
signalé  en  ancien  lombard  par  M.  Salvioni  ^:  picenin,  pisi- 
ni(n)  'piccinino',  'bambino'.  La  même  double  signification 
se  retrouve  dans  le  mil.  piscinîn,  borm.  picenin — picenina, 
posch.  pisniy  *.  Le  frioulan  littéraire  connaît  pizzinin  'petit 
enfant'  °. 

Dans  le  parler  populaire  de  Gênes  on  trouve  les  for- 
mes cin — cinna  'enfant',  'petit  garçon',  'petite  fille',  qui 
sont  dues  probablement  à  une  aphérèse  du  gén.  piccin 
'petit';  on  doit  sans  doute  expliquer  de  même  le  bol.  cein, 
cinein,  cininein  'piccino',  'piccinino'  (Ferrari),  qui,  dans  la 
campagne  bolonaise,  s'emploie  substantivement:  cen  — 
ceima  'ragazzo',  'bambinetta'  (Ungarelli).  Cette  hypothèse 
est  appuyée  par  le  fait  que,  dans  les  colonies  gallo-italiennes 
de    Sicile,    on    trouve  p>iccnïe  à   côté   de  la  forme  abrégée 


^  Cf.  piccioccu  de  huttega  'garçon  de  magasin';  piccioccu  hugadiu 
'garçon  pubère'. 

'  Cf.  le  bergam.  de  pisènn  ou  de  pïcol  'da  bambino',  'da  fan- 
ciullo',  'in  età  puérile'. 

'  AGII,  XII,  p.  421. 

*  Le  bergam.  picinï,  pisinï  n'est  relevé  que  comme  adjectif  par 
les  glossaires. 

^  Voir  Gartner,  Ilandhucli.  p.  381. 


—  258  — 

ch'nie  au  sens  de  'petit  enfant',  'petit  garçon'  ^  —  Les  ter- 
mes corses  cinimi — cinina,  cinuciiUi  'petit  enfant',  'petit  gar- 
çon', 'petite  fille'  paraissent  être  des  diminutifs  dérivés 
du  génois  cin  ^. 

cicc-. 

265.  L'esp.  chico — chica,  cat.  xic — xica,  'petit',  'petite', 
s'emploie  fréquemment  au  sens  de  'enfant',  'garçon'  ^, 
'jeune  fille'.  L'espagnol  a  formé  plusieurs  diminutifs  signi- 
fiant 'petit  enfant',  'petite  fille':  chiquillo — chiquilla;  chi- 
cuelo;  chiquirritin ;  chicorrotin.  L'esp.  chicote — chiçota,  cat. 
xicot — xicota,  a  un  sens  augmentatif:  'jeune  garçon  robuste 
et  bien  fait',  'jeune  fille  robuste  et  bien  faite'.  Le  catalan 
en  a  tiré  le  diminutif  xicotet  et  le  collectif  xicalla  (quit- 
xalla)  'marmaille'  (terme  familier  et  dépréciatif). 

Chico — chica  a  pénétré  dans  les  parlers  gascons  et 
béarnais  en  conservant  le  même  double  emploi  qu'il  a  en 
espagnol.  Selon  Mistral,  chiqueto  (=  esp.  chiquita)  se  dit 
dans  les  Pyrénées  d'une  petite  fille;  d'après  Lespy  et 
Raymond,  on  ne  désigne  par  ce  mot  qu'une  fillette 
espagnole. 

266.  Outre  les  expressions  précédentes,  il  y  a,  dans 
différents  dialectes,  d'autres  mots  signifiant  'petit',  qui 
s'emploient  substantivement  au  sens  de  'enfant',  'jeune 
garçon',  'jeune  fille'.  —  C'est  le  cas  pour  le  prov.,  lang. 
menut — tnenudo  ^  et  ses  diminutifs;  menudet — menudeto;  me- 
nuset — menuscto  (Alpes);  menudèl — menudcïlo  (lang.). 


'  Voir  Morosi,  AGIL  VIII,  p.  421. 

'  Ou  bien  faut-il  peut-être  supposer  pour  ces  termes  une  origine 
onomatopoétique?  Cf.  cinu,  cinu,  mot  qui  sert  à  appeler  les  porcs, 
dans  certains  parlers  corses  (Volpajola,  Castagniccia);  et  cini,  qui 
signifie,  à  Bastia  et  dans  le  vernacolo  cismontano,  'petits  cochons'. 

^  Cf.  l'expression  es  un  buen  chico  «c'est  un  bon  garçon». 

^  Dans  TAveyron,  menudo  peut  signifier  aussi  'brebis';  cf.  posch. 
mùnùdi  (plur.)  'Kleinvieh'  (Michael). 


—  259  — 

267.  Le  patois  du  Val  d'Illiez  (Bas-Valais)  dit  pèro — 
pèra  ^  pour  'petit',  'petite'  ^  et  emploie  ce  mot  aussi  comme 
substantif  aux  sens  de  'garçonnet',  'fillette',  'fils',  'fille'. 
Le  pluriel  lu  pèro  se  dit  pour  'les  enfants'.  L'origine  du 
mot  est  obscure.  M.  Tappolet,  qui  l'accentue  à  tort  pairô  ', 
émet,  d'après  M.  Gilliéron,  l'hypothèse  que  ce  serait  le 
lat.  patronem  'Vàterchen'.  Il  n'en  est  rien,  puisque  patro- 
nem,  comme  le  fait  remarquer  M.  Gauchat  *,  aurait  donné 
parou. 

268.  Dans  le  jargon  du  Val  Soana,  Nigra  °  a  relevé 
tri — tria  'ragazzo',  'ragazza',  proprement  'minuto',  'minuta.' 

«Jeune.» 

269.  L'idée  de  'jeune'  est  apparentée  à  celle  de  'petit'; 
et  on  sait  que  jeune,  de  même  que  petit,  peut  s'employer 
substantivement  pour  désigner  les  petits  des  animaux. 
Dans  le  Nord  et  le  Nord-Est,  jeune  peut  servir  aussi  à 
désigner  les  enfants.  La  carte  les  garçons  de  V Atlas  linguis- 
tique montre  au  point  263  (Somme):  ee  jon.  Dans  son 
Lexique  Saint-Polois,  M.  Edmont  enregistre  jon  aux  sens  de 
■'jeune  enfant'  et  de  'petit  d'un  animal';  le  dérivé  joné — 
^owè^ signifie  'jeune  adolescent',  'jeune  adolescente'.  ADémuin, 
joine  a  le  même  double  sens  que  jon  à  Saint-Pol.  Le  patois 
des  matelots  boulonnai^  désigne  également  un  petit  enfant 
par  yowe.  Le  mont,  diaune  veut  dire  'enfant  nouveau-né' *; 
et,  dans  le  patois  de  la  Meuse,  jone  signifie  'jeune  enfant' 


'  D'après  les  matériaux  du  Gloss.  des  pat.  de  la  Suisse  rom.  — 
Bridel  écrit  pero — j)era  dans  le  lexique;  pairo  dans  V Appendice  (p. 
480).  M.  Fankhauser  écrit  pèfo  {RUE,  III,  pp,  37.  43);  L.  Franc 
pèro  {ibid.,  p.  43). 

^  On  dit  par  exemple  pèro  prû  'petit  pré'. 

^  JJie  romanischen  Verwandtschaftsnamen,  p.  49. 

*  Dans  une  lettre. 

6  AGII,  III,  p.  57. 

"  A  S;t  Hubert  (wall.),  djontriy  se  dit  pour  'marmaille'  (Marchot). 


—  260  — 

et  'oisillon'  ^.  Dans  la  Suisse  romande,  on  trouve  jeune 
comme  substantif  à  côté  de  jeune  Jiomme,  et  le  diminutif 
jeunet — jeunette  (prononcez:  dzounè — dzounèta,  etc.)  au  sens 
de  'grand  garçon',  'grande  fille'.  —  De  même,  en  français 
littéraire,  les  jeunes  s'emploie  pour  'les  jeunes  gens'  ^ 

270.  Dans  la  paraphrase  en  ancien  lombard  d'un 
texte  de  Chrysostome  ^,  M.  Salvioni  a  relevé  l'adjectif 
broscJio  ^  aux  sens  de  'brusco',  'acerbo',  'immature':  Jii  fantin 
hroschi  'les  jeunes  enfants'.  Il  s'emploie  aussi  substantive- 
ment pour  'bambino',  'fanciullo':  la  sentencia  dH  hroschi  e 
d'i  hauosi  ^. 

b.    Dénominations  établies  d'après  la  coupe  des  cheveux. 

271.  La  plupart  des  étymologistes  sen3.blent  aujourd'hui 
être  d'accord  sur  l'explication  du  haut-ital.  et  prov.  tos{o) 
— tosa:  ils  y  voient  tonsus — tonsa.  Si  cette  étymologie  est 
exacte,  on  aurait  donc  dénommé  les  enfants  d'après  la 
manière  de  couper  leurs  cheveux.  Avant  d'aborder 
les  questions  qui  se  rattachent  à  l'étymologie  de  ce  mot, 
voyons  un  peu  quelle  est  son  étendue  géographique. 

Suivant  Petrôcchi,  tosa  'ragazza'  se  rencontre  en  ita- 

1  Comme  il  ressort  de  la  carte  938  de  l'Atl.  ling.,  jone  a  pris, 
par  une  extension  de  sens,  la  signification  de  'oiseau'  dans  certains 
patois  de  l'Est  (dans  le  nord  des  départements  de  la  Meuse  et  de  Meurthe- 
et-Moselle,  et  dans  le  sud-est  de  la  Belgique).  Dans  le  patois  messin, 
il  a  aussi  pris  ensuite  le  sens  spécial  de  'moineau'.  Il  n'est  pas  sans 
intérêt  de  constater  que,  justement  dans  le  patois  messin,  le  mot  ôMo 
('petit  oiseau')  s'emploie  au  sens  de  'enfant  en  bas  âge'.  Cela  étant, 
on  serait  tenté  de  voir  dans  le  lorr.  jone  'enfant'  le  résultat  d'un 
emploi  métaphorique  analogue,  si  ce  substantif  n'avait  pas  eu,  en 
picard  et  en  montois,  également  le  sens  de  'enfant',  sans  présenter, 
dans  ces  dialectes,  celui  de  'oiseau'. 

2  Cf.  p.  63,  n.  2. 

»  Voir  ,  AGll,  VII,  p.  15,  1.  18. 

*  Il   explique    Vo    de    hroscho  par  l'influence  de  l'anc.  lomb.  boço 
'acerbo',  'immature'.     (Voir  AGlI.  XII,  p.  392). 
"■  ibid.,  p.  15,  1.  36. 


—  261  — 

lien  littéraire  dès  le  XIII''  siècle,  mais  toso  'fanciullo', 
'giovinetto'  seulement  aux  XIV®  et  X-V®  siècles.  En  y 
regardant  de  plus  près,  on  trouve  cependant  'que  Petrôcchi 
a  lui-même  fourni  la  preuve  de  l'existence  du  masculin 
dès  le  XIIF  siècle.  Il  l'a  relevé  dans  le  Pataf/io,  qu'on 
attribue  à  Brunetto  Latini  et  qui  date  de  1288.  Le  di- 
minutif tosetta  'ragazzina'  se  trouve  pour  la  première  fois 
dans  le  Mor(fante  de  Luigi  Pulci  (XIV  siècle).  —  D'après 
un  passage  de  Boccace,  cité  par  Tommaseo  \  tosa  était 
considéré,  à  l'époque  de  la  Renaissance,  comme  un  mot 
lombard.  Abstraction  faite  du  toscan,  où,  d'après  Fanfani, 
toso — tosa  s'emploie  toujours,  on  ne  le  trouve  guère  ac- 
tuellement que  dans  les  dialectes  lombards  et  vénitiens  ;  il 
est  donc  en  réalité  très  vraisemblable  que  le  toscan  de  la 
Renaissance  l'a  emprunté  à  ces  idiomes  ^, 

Dans  le  territoire  lombard,  on  trouve  tôs — tôsa  'fan- 
ciullo',  'fanciulla',  'ragazzo',  'ragazza'  ^  dans  les  parlers  de 
Milan,  Côme,  Chiavenna  (pour  la  Levantine,  Monti  ne  re- 
lève que  le  masculin)  et  de  Bergame  {tus — tusa). 

Le  milanais  offre  les  diminutifs  tosètt,  tosin;  tosèfta, 
tosettmna,  tosettinœk.  L'anc.  mil.  tosôn,  qui  était  syno- 
nyme de  tôs,  paraît  être  un  exemple  de  la  flexion  impari- 
syllabique en  -0,  -one,  -a,  -ane^:  cf.  le  pluriel  tosôn,  qu'on 
trouve  à  Côrae  et  à  Chiavenna,  le  pluriel  féminin  tosànn, 
que  le  milanais  a  en  commun  avec  ces  deux  dialectes  ^, 
et   le    féminin  comasque  tosana.     Le  mil.  mod.  tosôn  a  un 


1  «Ed  ebbevi  di  quegli,  che  intender  voUono  alla  melanese.  che 
fosse  meglio  un  buon  porco.  che  una  bella  tosa.»     (G.  3,  f.  7.) 

^  Cf.  Tappolet.  op.  cit..  p.  43:  «Die  Crusca  verzeichnet  es  als 
voce  lombarda  und  da  scheint  auch  sein  eigentlicher  Wohn-  und  Stamm- 
sitz  zu  sein.»     Cf.  aussi  Tommaseo.  Eigutini-BuUe  et  Pianigiani. 

'  Pour  l'ouest-lomb.  tas — tosa  au  sens  de  'fils',  'fille',  voir  Tap- 
polet, loc.  cit. 

*  Cette  flexion  est  probablement  d'origine  germanique;  voir  Jud, 
Recherches  sur  la  genèse  et  la  diffusion  des  accusatifs  en  -ain  et  en 
-on.  1®  partie.  Halle  1907,  et  les  ouvrages  qui  y  sont  cités. 

^  Cf.   aussi  les   pluriels   rhétiques   matûnts.  matants,  etc.,   §  248. 


—  262  — 

sens  augmentatif:  'giovinotto',  'ragazzone',  'fanciullone'. 
Est-ce  le  mot  ancien,  considéré  comme  un  dérivé  de  tôs, 
formé  à  l'aide  d'un  suffixe  augmentatif,  ou  bien  est-ce  une 
création  nouvelle?  —  Le  comasque  présente  un  grand 
nombre  de  diminutifs:  tosêl^  tosèt,  toseloèu,  tosetoèu,  tosetïn, 
toseloeutîn;  tosêla,  foscta,  tosetoèula,  tosetoeulma]  les  dérivés 
augmentatifs  tosôt — tosôta  'bambone',  'ragazzona',  et  les 
dérivés  péjoratifs  tosasc — tosascia  'ragazzaccio',  'ragazzac- 
cia'.  De  toson  'giovane',  'pulzello',  'ragazzone'  on  a  tiré 
le  dérivé  tosonôt  'giovinotto',  'ragazzotto';  de  tosàna  'fan- 
ciulla  da  marito'  les  diminutifs  tosanëla,  tosanïta,  et  l'aug- 
mentatif tosanona.  Dans  la  Levantine,  Monti  relève  les 
dérivés  tôsoi  'giovanetti',  tôsei  'giovanette'.  Le  bergamas- 
que  offre  les  diminutifs  tuset,  tusï.  Dans  deux  vallées 
bergamasques  (Valle  Imagna  et  Valle  San  Martino),  Tira- 
boschi  signale  tusûl  'ragazzo',  tosai  'fanciuUi',  'ragazzi', 
tusall  'ragazzino',  tusalbt  'ragazzotto'. 

Dans  le  territoire  vénitien,  notre  mot  se  rencontre 
dès  le  XVI*  siècle.  Suivant  Bortolan,  toso  'fanciullo'  (et 
tusi  'fanciuUi')  se  lit  dans  les  Rime  rustiche  du  poète  vi- 
centin  Caldiera  (1690).  Le  pluriel  tusi  se  trouve  aussi 
dans  un  recueil  de  poésies  en  dialecte  padouan  de  1560. 
Ces  deux  textes  contiennent  en  outre  les  dérivés  tosatto, 
tosatello,  tosatella  'fanciuUo',  'fanciulla'.  Cavassico,  notaire 
de  Bellune  au  XVI®  siècle,  emploie  dans  ses  poésies  les 
formes  tos — tosa,  tous — tousa,  tosat,  tosel  'ragazzo',  'ragazza', 
*giovinetto',  'giovinetta'.  Le  parler  actuel  de  Bellune  ne 
connaît  que  tosat.  Le  vénitien  moderne  a  toso — tosa.  toseto 
— toseta;  le  vicentin:  toso;  le  trévisan-:  toso — tosa^  tosato  — 
tosata.  Ces  dernières  formes  se  rencontrent  jusque  dans 
la  vallée  de  Comelico,  dont  la  population  parle  un  dialecte 
rhéto-roman  qui  est  fortement  influencé  par  le  vénitien  ^ 
—  A  cause  de  l'extension  considérable  de  toso — tosa  dans 


1  Voir  Gartner,  Ha^ndbuch  der  ràtorom.  Spr.,  p.  6. 


—  263  — 

]e  domaine  vénitien,  M.  Salvioni  ^  conteste  l'affirmation 
de  Boerio  que  tosa,  à  Venise,  serait  un  emprunt  fait  au 
lombard. 

On  trouve  aussi  des  traces  de  ce  mot  en  émilien. 
Le  bolonais  actuel  n'emploie  plus  que  les  diminutifs  fnsett 
— tusetta  ^  'fanciullo',  'fanciulla',  'fanciullino',  'fanciullina'. 
Mais  que  le  simple  tus  ^  'ragazzo',  'figlio'  ait  existé  autre- 
fois dans  ce  dialecte,  c'est  ce  que  nous  montrent  un  pas- 
sage de  La  Chiaqlira  dla  Banzola  (1742),  cité  par  Unga- 
relli:  Tûf,  a  vdî  ch'a  môr  «Figli  miei,  vedete  ch'io  muoio», 
et  un  proverbe  de  joueurs,  qu'on  trouve  dans  le  même 
dictionnaire:  La  premma  Vè  di  tûf^  la  secânda  di  virtuus 
«La  prima  è  degli  inesperti,  la  seconda  de'  capaci». 

Le  corse  est  le  seul  dialecte  italien,  en  dehors  de  la 
Haute-Italie  et  de  la  Toscane,  où  j'aie  trouvé  notre  mot. 
Suivant  Falcucci,  tosu — tosa  y  est  employé  pour  'ragazzo', 
'ragazza'.  Il  faut  sans  doute  le  considérer  comme  un 
emprunt  fait  au  toscan. 

Parmi  les  patois  rhétiques  il  n'y  a  que  les  parlers  de 
Fassa,  Livinallongo  et  Colle  en  Tyrol  qui  connaissent  notre 
mot  *.  Alton  et  Vian  enregistrent  tous — tousa  (tosa)  'Knabe', 
'Mâdchen'  pour  les  deux  premiers  dialectes,  et,  à  Livi- 
nallongo et  Colle,  M.  Gartner  °  relève  tozat — tozata  (plur. 
tozat^ — tozate),  avec  les  mêmes  significations.  Ces  mots 
ont  évidemment  été  importés  du  territoire  vénitien.  Au 
delà  de  la  montagne  de  Sella,  dans  la  vallée  de  Greden, 
ils  sont  inconnus;  ici  l'expression  correspondante  est  mut 
— mutta. 


^  Voir  Le  rime  di  Bartolomeo  Cavassico.  p.  p.  Cian  et  Salvioni. 
II,  p.  97. 

'  Suivant  Uugarelli,  on  prononce  tufâtt — tufâtta. 
^  Ungarelli:  tau/. 

*  M.  Meyer-Liibke,  Rom.  etym.  Wh.,  8785,  signale  tv^ — tuza  dans 
le  patois  d'Obwald;  mais  on  le  cherche  en  vain  dans  tous  les  dic- 
tionnaires oberlandais  que  j'ai  consultés.  Probablement  «obwald.» 
est  une  erreur  de  plume  pour  «tirol». 

*  op.  cit.,  p.  209. 


—  264  — 

272.  En  ancien  provençal,  tos—toza  'enfant',  'garçon', 
'jeune  homme',  'jeune  fille'  ^  était  très  usité,  comme  le 
montrent  les  dérivés  tozar — tozarda  'jeune  homme',  'jeune 
fille';  tozet—tozeta  'enfant',  'garçon',  'jeune  homme',  'fillette', 
'jeune  fille';  tozel  'enfant'.  —  Les  patois  actuels  du  Midi 
n'ont  conservé  que  le  féminin  touso  et  le  diminutif  touset 
— tousefo.  Touso  ne  se  trouve  que  dans  le  bas-limousin, 
et  il  a  tout  à  fait  perdu  son  sens  primitif.  Il  signifie 
'fille  de  service',  'servante  de  cuisine',  'fille  des  champs', 
'souillon';  on  en  a  tiré  le  diminutif  touzouirou  'petite  souil- 
lon', 'fille  ragote'.  Par  contre,  touset — touseto  désigne  en- 
core aujourd'hui  un  petit  enfant,  une  fillette  ^. 

Il  y  a  dans  les  patois  méridionaux  quelques  dénomi- 
nations d'enfants  qui  pourraient  peut-être  s'expliquer  comme 
des  dérivés  du  même  radical,  déformés  par  le  langage  en- 
fantin. Mistral  voit  dans  doussoun  'petit  enfant'  une  for- 
mation de  ce  genre;  et  Azaïs  rattache  à  touso:  toustoun — 
toustouno^,  toustet  'poupon',  'pouponne',  'mignon',  'mignonne'; 
toustounet — toustouneto    'petit    poupon',    'petite  mignonne'  *. 

L'ancien  français  avait  emprunté  le  féminin  au  pro- 
vençal:   touse,    tose,    teuse^    'jeune  fille'  (ou  'amante',  'con- 


^   To2a  signifiait  aussi  'fille  de  mauvaise  vie';  cf.  fille,  garce,  etc. 

'  A  force  d'employer  touset!  touset!  touset!  pour  appeler  les  ca- 
nards,   on   a   fini   par   adopter   ce   nom  pour  un  canard.     (Voir  Azaïs.) 

^  En  Gascoj;ne  aussi  = 'poupée'. 

*  Mistral  considère  ces  expressions  comme  identiques  à  toustet, 
toustoun  'petite  tartine',  diminutifs  de  tosto  'tartine  au  beurre'  (du  lat. 
tosta  'rôti';  cf.  l'esp.  toston  'pois  rôti'),  et  cette  hypothèse  est  appuyée 
par  le  fait  que  les  langues  romanes  présentent  d'autres  exemples  de 
la  métaphore  'petit  gâteau'  >  'enfant'  (voir  §  305). 

^  Suivant  Godefroy,  Pane.  fr.  touse  serait  vivant  encore  aujourd'hui 
dans  la  vallée  d'Yères  (Haute-Normandie),  au  sens  de  'jeune  fille', 
'fillette',  et  y  aurait  aussi  donné  naissance  au  dérivé  touselle  'jeune 
fille'  (v.  l'art,  tousel).  Mlle  Sperber,  s'appuj'ant  sur  l'autorité  de  Gode- 
froy, cite  «norm.  touselle»  entre  les  dérivés  de  tonsus.  Si  elle  était 
allée  directement  à  la  source  où  Godefroy  a  puisé,  à  savoir  le  Glos- 
saire de  la  Vallée  d^Yères  de  DelbouUe,  elle  aurait  pu  constater  que 
le    savant    lexicographe  s'est  mépris.     Delboulle  ne  relève  ni  touse  ni 


—  265  — 

cubine')  ;  le  diminutif  tousetfi,  tonete  ^  avait  le  môme  sens. 
Le  masculin  n'y  était  représenté  que  par  les  dérivés  tou- 
sart,  tousel,  touset  'jeune  homme'. 

273.  Contre  l'étymologie  tonsus  on  a  fait  valoir  que 
nous  ignorons  si  l'action  de  couper  les  cheveux  des  en- 
fants constituait  une  coutume  spéciale,  qui  aurait  pu  ame- 
ner une  telle  dénomination.  Diez  écrit,  dans  son  Etymo- 
logisches  Wôrterbuch,  p.  323;  «Buchstâblich  kann  toso 
seinen  ursprung  in  tonsus  haben,  allein  was  soU  das  ab- 
geschorene  haar  zumal  bei  màdchen,  wie  schon  Ferrari 
einwendety  Nur  sklaven  wurden  geschoren.»  Il  préfère 
y  voir  intonsus  avec  aphérèse  de  in-,  ou  bien  torso  {^C'dvQOog). 
M.  Meyer-Lûbke,  Rom.  etym.  Wh.,  8785,  déclare:  «Die 
spezielle  Sitte,  die  die  Verwendung  von  tonsus  als  Be- 
zeichnung  fiir  'Knabe'  und  'Màdchen'  ermôglicht  hat,  ist 
nicht  bekannt.»  11  est  donc  singulier  de  le  voir  renvoyer, 
dans  le  même  article,  à  Romanische  Forschungen,  I,  pp.  138, 
326,  où  K.  Hofmann  a  attiré  l'attention  sur  l'usage  chré- 
tien du  moyen  âge  de  couper  les  cheveux  des  enfants 
comme  symbole  d'adoption.  Plus  récemment  M^'®  Sperber 
a  montré  ^,  dans  un  article  très  nourri  de  faits,  que  le 
sacrifice  des  cheveux,  considéré  comme  un  moyen  de 
gagner  la  faveur  des  dieux,  a  été  pratiqué  par  les  peuples 


touselle  dans  ce  patois,  mais  il  joint  à  l'article  touser  la  remarque 
suivante,  qui  doit  être  la  cause  de  l'erreur  de  Godefroy:  «Il  faut  rat- 
tacher à  ce  mot  tousel,  touse,  tousette  qui  dans  la  vieille  langue  signi- 
fiaient jeune  garçon,  jeune  fille,  fillette,  touselle  sorte  de  froment 
précoce  dont  l'épi  est  sans  barbe,  tonsus.»  —  Ajoutons  que  Moisy  a 
fait,    dans    son   dictionnaire,  une  addition  semblable  à  l'article  touser. 

^  Godefroy  paraît  considérer  tousete  comme  dérivé  d'un  participe 
du  verbe  touser,  car  il  le  traduit  par  'jeune  tille  qui  porte  les  cheveux 
courts'.  Les  exemples  cités  par  lui  montrent  cependant  que  tousete 
n'avait  pas  cette  signification  spéciale,  mais  qu'il  servait  à  désigner 
une  jeune  fille  en  général,  de  même  que  le  prov.  tozeta.  Il  faut  donc 
y  voir,  avec  La  Curne,  un  diminutif  de  touse. 

'  op.  cit.,  p.  157  ss. 


—  266  — 

primitifs  des  pays  les  plus  divers,  et  qu'on  avait  surtout 
l'habitude  de  sacrifier  les  cheveux  des  enfants,  pour  les 
protéger  contre  le  malheur.  Cet  usage  est  attesté  chez 
les  Grecs  et  les  Slaves  du  Sud.  Chez  les  Romains,  la 
jeunesse  virile  avait  coutume  de  sacrifier  les  cheveux  et 
la  barbe.  Ces  cérémonies  païennes  furent  adoptées  par 
l'église  chrétienne.  Du  Cange  parle  longuement  de  leur 
christianisation,  dans  la  XXII®  Dissertation  sur  Vhistoire  de 
Saint  Louis  \  que  cite  M^^''  Sperber.  Il  y  rapproche  cet 
usage  chrétien  de  la  coutume  analogue  dont  parle  la  loi 
salique.  Je  me  permets  de  lui  emprunter  le  passage  sui- 
vant: «Cette  coupe  des  cheveux  se  faisait,  lorsqu'après 
avoir  passé  l'âge  d'adolescence  on  entrait  en  celle  de  la 
jeunesse.  L'ancienne  loi  salique,  c'est  à  dire  celle  qui  fut 
rédigée  par  nos  rois  encore  payens  ainsi  qu'on  prétend, 
nous  apprend  que  la  cérémonie  de  couper  les  cheveux  aux 
enfants  était  en  usage  parmi  les  Français  et  qu'elle  se 
faisait  au-dessus  de  douze  ans:  Si  quis  puerum  infra  duo- 
decim  annorum  non  tonsuratum  occiserit  ^.  —  Si  quis  puerum 
crinitum  sine  consilio  aut  voluntate  parentum  totonderit,  etc.» 
M.  Geffcken  ^  est  d'avis  que  cette  cérémonie  de  la  pre- 
mière coupe  des  cheveux  {capillaturiae),  qui  se  faisait  à 
l'âge  où  le  jeune  homme  était  déclaré  capable  de  porter  les 
armes  *,  est  d'une  provenance  tout  à  fait  différente  de  celle 
de  la  cérémonie  dont  parlent  les  écrivains  ecclésiastiques  ^. 


'  Voir  Glossarium  mediae  et  infimae  latinitatis,  X,   73. 

^  Du  Cange  a  cité  cette  phrase  d'après  l'édition  de  Herold  (Tit. 
28,  §  1).  Les  éditions  plus  récentes  (Behrend,  Geffcken)  donnent  la 
leçon  suivante:  Si  quis  puerum  infra  X  annos  usque  ad  decimum 
plénum  occiderit  (Tit.  24,  §  1).  —  Dans  l'édition  de  Merckel  on  lit:  Si 
quis  puerum  infra  12  annos  usque  ad  decimum  plénum  {!)  occiderit. 

*  Voir  Lex  Salica.  éd.  Geffcken,  p.  235. 

*  «Die  Zeremonie  des  ersten  Scherens  —  —  —  erfolgt  als  Vor- 
bereitung  der  Wehrhaftmachung.  Dièse  wird  nicht  notwendig  im 
Augenblick  der  JJ^iindigkeit  vorgenommen,  sondern  kann  spater,  nacb 
jûngerem  Eecht  aucli  friiher  erfolgen.»     (op.  cit.,  p.  134). 

*  Cf.  ce  qu'en  dit  K.  Hofmann,  op.  cit.,  p.  326. 


—  267  — 

Quoi  qu'il  en  soit,  il  paraît  hors  de  doute  que,  pen- 
dant les  premiers  siècles  du  moyen  âge,  la  cérémonie  de 
la  coupe  des  cheveux  des  jeunes  garçons  a  été  très  ré- 
pandue dans  le  domaine  roman;  elle  a  donc  très  bien  pu 
amener  l'emploi  du  mot  tonsus  pour  désigner  un  garçon 
de  plus  de  dix  ans.  —  A  notre  connaissance,  rien  ne  té- 
moigne de  l'existence  d'un  usage  analogue  pour  les  jeunes 
filles  des  pays  romans.  J'incline  à  en  conclure  que  cette 
désignation  ne  s'appliquait  d'abord  qu'aux  enfant  mâles, 
et  qu'il  faut  considérer  le  féminin  tosa  comme  une  for- 
mation analogique  ^  M^^®  Sperber  suppose  cependant  que 
cet  usage  a  été  pratiqué  aussi  par  les  jeunes  filles  roma- 
nes, comme  par  celles  des  Grecs  et  des  Slaves  du  Sud; 
et  elle  appuie  cette  hypothèse  sur  la  vaste  diffusion  de  tosa^. 
M.  Tappolet  ^,  en  invoquant  aussi  la  diffusion  du  féminin, 
croit  même  que  cette  forme  a  été  antérieure  au  masculin: 
«Nach  dem  weiter  verbreiteten  Gebrauch  des  Femininums 
zu  schliessen,  dit-il,  scheint  Sitte  und  Bezeichnung  bei 
den    jungen  Mâdchen  ihren  Ausgangspunkt  genommen  zu 

^  C'est  aussi  l'opinion  de  Liebrecht:  «Tosa,  Madchen,  deren  Haar 
ungeschoren  bleibt,  ist  movirt  aus  toso».  {Jahrbuch  fur  romanische 
und  enylische  Sprache  und  Literatur,  XIII,  p.  225.) 

-  Elle  cherche  à  expliquer  le  manque  de  témoignages  relatifs  à 
un  tel  usage  par  Phypothèse  qu'on  aurait  renoncé  de  bonne  heure  au 
sacrifice  des  cheveux  des  jeunes  filles.  «Es  wâre  jedenfalls  begreif- 
lich.  wenn  man  friihzeitig  auf  das  Haaropfer  der  Madchen  verzichtet 
hâtte.  Da  die  Kaufehe  noch  im  Mittelalter  sehr  haufig  war.  wollte 
man  wahrscheinlich  den  Haarschmuck  der  Jungfrau  schonen,  deren 
Schônheit  ein  Kapital  reprâsentierte.  War  sie  aber  einmal  Braut,  so 
wurden  ihr  vor  der  Hochzeit  die  Haare  geschnitten.  —  —  —  Rema- 
nere  aut  esse  in  cajnllo  bedeutet  in  Urkunden  aus  Italien  unverheiratet 
sein  .  .  .»  En  note  MUe  Sperber  ajoute  que  le  roum.  fdta  in  par 
(Mâdchen  im  Haar)  signifie  'vieille  fille';  d'après  Alexi.  ce  mot  se 
dit  pourtant  pour  'jeune  fille  niibile'  (cf.  p.  71,  n.  1).  —  Il  n'est  pas 
sans  intérêt  de  constater  que  l'albanais  aussi  possède  des  dénomina- 
tions de  jeunes  filles,  qui  font  ressortir  le  même  trait  caractéristique: 
tsupe,  proprement  'cheveux  longs';  et  kotse,  qui,  suivant  Meyer,  est  le 
même  mot  que  kose  'tresse',  'natte'  (^^  anc.  si.  kosa  'cheveux'). 

'  op.  cit.,  p.  43. 


—  268  — 

haben.»  M.  Meyer-Lubke  (loc.  cit.)  émet  une  opinion 
semblable,  et  réfute  à  ce  propos  l'hypothèse  d'après  laquelle 
la  cérémonie  des  capillaturiae  chez  les  Langobards  aurait 
été  le  point  de  départ  de  cette  dénomination.  Voici  ce 
qu'il  en  dit:  « —  —  —  das  Abschneiden  der  Haare  aus 
Anlass  der  Mtindigkeitserklârung  bei  den  Langobarden 
[ist]  darum  kaum  in  Betracht  zu  ziehen,  weil  tosa  'Mâd- 
chen'  weiter  verbreitet  ist  und,  wie  es  scheint,  âlter  ist 
als  die  mask.  Form.»  Ce  que  nous  venons  de  constater 
quant  à  l'âge  et  à  la  diffusion  de  tos(oJ — tosa  enlève  ce- 
pendant à  ces  arguments  toute  force  probante.  Nulle  part 
nous  n'avons  trouvé  le  féminin  antérieurement  au  mascu- 
lin. Dans  l'italien  de  la  Renaissance,  dans  l'ancien  véni- 
tien et  dans  l'ancien  provençal,  les  deux  formes  appa- 
raissent ensemble.  Il  est  vrai  que  le  masculin  manque  à 
l'ancien  français;  mais  M.  Meyer-Lûbke  désigne  lui-même 
l'anc.  fr.  touse  comme  un  emprunt  fait  au  provençal;  l'exis- 
tence de  cette  forme  ne  saurait  donc  guère  prouver  que 
le  féminin  ait  été  antérieur  au  masculin  ^  Les  patois 
actuels  de  la  Haute-Italie  et  du  Tyrol  présentent  aussi  les 
deux  formes  ^.  Je  ne  vois  donc  rien  qui  nous  empêche 
de  considérer  le  masculin  comme  la  forme  primitive,  d'où 
a  été  dérivé  le  féminin. 

274.  Le  sic.  carusu  'ragazzo',  diminutif  caruseddu 
Vagazzetto'  ^,  a  été  rattaché  par  Liebrecht  *  à  carusari 
*tondere',  'tosare';  et  il  est  vraisemblable  que  l'origine  de 
ce  mot  est  analogue  à  celle  de  tos{o) — tosa  ^. 


^  Inutile  d'ajouter  qu'on  peur,  en  dire  autant  du  bas-lim.  touso. 

^  Quant  au  «norm.»  touse.  touselle.  voir  plus  haut. 

'  Suivant  Mortiliaro,  ce  mot  a  une  nuance  dépréciative. 

*  loc.  cit. 

"  Faut-il  ranger  ici  également  l'esp.  muchaeho?    Cf.  p.  335,  n.  2. 


269 


c.    Mots  concernant  les  vêtements. 

275,  Parfois  l'enfant  est  dénommé  d'après  ses  vête- 
ments. —  Suivant  les  matériaux  du  Glossaire  des  patois  de 
la  Suisse  romande,  on  peut  désigner  dans  le  Valais  un  petit 
garçon  par  le  mot  houlotir  (—  'culottier').  On  trouve  dans 
plusieurs  patois  des  termes  correspondants.  Le  rouchi 
maronier  'petit  garçon  qui  porte  des  marones  (culottes)' 
présente  le  même  suffixe  que  le  mot  valais.  En  Bretagne 
on  dit  hannard;  en  Normandie  hannot  (de  hannes  =' culot- 
tes'); dans  certains  patois  du  Midi:  hraiet,  braieto,  bragueto, 
braietoun,  etc.  (de  braies);  et,  dans  la  plus  grande  partie 
de  France,  culottin,  qu'on  trouve  déjà  dans  le  dictionnaire 
de  Trévoux  ^.  Mais  aucune  de  ces  dénominations  ne 
semble  avoir  pris  le  même  sens  général  de  'garçon'  que 
le  val.  houlotir.  —  De  même  que  braiet  et  culottin,  qui 
désignent  proprement  la  pièce  d'habillement,  s'emploient, 
par  métonymie,  pour  désigner  le  garçon  même  qui  en  est 
revêtu,  les  mots  robichon  (bas-manc.)  et  robinéte  (rouchi), 
signifiant  proprement  'petite  robe  d'enfant',  s'emploient 
aussi  comme  termes  d'amitié  au  sens  de  'petit  enfant', 
'petite  fille' 


2 


276.     Le     morvandiau    aube    'enfant    nouveau-né'    re- 
monte   à    albatus.     Du    Gange  nous  apprend  que  les  nou- 


*  Cf    la  carte  culotte  (373)  de  VAtl.  ling. 

'  C'est  un  phénomène  extrêmement  fréquent  qu'une  personne  soit 
désignée  par  un  détail  du  vêtement.  C'est  ainsi  que  le  franc,  co- 
tillon, l'ital.  gonnella,  l'esp.  falda  se  disent  pour  'femme',  surtout  en 
parlant  des  femmes  en  général.  Dans  Cotgrave  on  relève  courtes 
chausses  au  sens  de  'femmes',  mot  que  nous  retrouvons  avec  la  même 
signification  dans  le  patois  rouchi:  courtes  cauches.  Dans  les  patois 
picards,  wallons,  et  dans  le  parler  messin,  on  dit  blanc-bonnet  pour 
'femme'  ou  'fille';  et,  dans  les  mêmes  contrées,  les  hommes  sont  ap- 
pelés les  chapeaux.  Rappelons  que,  dans  Werther,  Goethe  fait  dire  à 
Lotte:  «Mein  Chapeau  walzt  schlecht». 

18 


—  270  — 

veau-nés  étaient  appelés  albati  on  in  aïbis  positi,  parce 
qu'ils  étaient  vêtus  de  Valha  (franc,  auhe),  «vesfis  candida 
...  in  puritatis  et  innocentiae^  quani  profitchantur,  sym- 
holum»  \ 

d.    Dénominations  établies  d'après  une  partie  du  corps. 

277.  Dans  le  langage  hypocoristique,  ce  procédé  mé- 
tonymique joue  un  rôle  très  considérable.  En  ancien  fran- 
çais on  employait  le  diminutif  musequin,  tiré  de  museau, 
pour  désigner  amicalement  un  petit  enfant  ou  une  jeune 
fille.  Ainsi,  dans  une  chanson  du  XV®  siècle  ^,  ce  mot 
est  adressé  à  une  jeune  fille:  Adieu,  petit  musequin!  Cf. 
l'expression  moderne:  C'est  un  joli  minois,  pour  «c'est  une 
jolie  fille»  ^. 

278.  Le  groupe  le  plus  important  de  ces  désignations 
métonymiques  est  formé  par  celles  qui  dénomment  les 
enfants  d'après  leurs  parties  génitales*.  En  parlant  d'un 
garçon  nouveau-né,  le  lyonnais  peut  employer  l'expression: 
Y  est  un  borsat  (<;  *bursatus:  'qui  est  pourvu  de  bourses', 
au  sens  d'enveloppe  des  testicules);  et  le  patois  du  canton 
de  Vaud  dit  en  pareil  cas:  on  koyu  (proprement:  'qui  est 
pourvu  de  couilles')  °.  Mais  on  peut  rendre  la  même  idée 
en  désignant  le  tout  par  la  partie;  ainsi,  M.  Gauchat  a 
noté  à  Bernex  (Genève)  la  phrase  que  voici:  sa  fénâ  a  fé 

^  Cf.  aube,  qui  désigne  une  tunique  blanche  portée  par  les  prêtres 
sur  la  soutane  pour  célébrer  la  messe;  et  l'anc.  fr.  aube  'prêtre',  'clerc'. 

2  Voir  Chansons  du  XV^  siècle,  p.  p.  G.  Paris,  VII,  29. 

^  Cf.  aussi  le  suéd.  sôtnos. 

*  M.  Spitzer,  WS,  V,  p.  213,  n.,  donne,  d'après  G.  Meyer,  plu- 
sieurs exemples,  tirés  du  grec,  de  l'albanais,  du  latin,  etc.,  de  mots 
signifiant  'pénis',  'vulva',  qui  ont  pris  le  sens  de  'garçon',  'fille'. 

5  Voir  Gauchat,  BGIPSR,  IX,  p.  5.  Cf.  aussi  Tappolet,  ASNS, 
CXXXI,  p.  92.  —  M.  Gauchat  se  demande  (dans  une  lettre),  si  le  mot 
valaisien  bwata  'jeune  fille'  ne  serait  pas  identique  à  bouata  'crevasse'^ 
'trou',  'caverne',  employé  au  figuré  pour  'vulva'.  Pour  une  autre 
explication  de  ce  mot,  voir  §  331. 


—  271  — 

ou  (plyon  «sa  femme  a  fait  un  'guillon'  (verge)»  ^  Il  faut 
pourtant  observer  que  la  plupart  des  termes  en  question 
ne  semblent  pas  avoir  servi  à  désigner  ainsi,  d'une  ma- 
nière tout  objective,  un  garçon  ou  une  fille  au  point  de 
vue  du  sexe:  ils  ont  par  contre  en  général  une  forte 
nuance  affective.  Mais,  tandis  que  ces  mats,  appliqués  à 
des  personnes  adultes,  sont  des  injures  grossières  ^,  ils 
ont,  quand  ils  s'adressent  aux  enfants,  un  caractère  hypo- 
coristique  ^. 

La  plupart  des  termes  en  question  se  rencontrent  en 
France.  L'anc.  fr.  vitaut  *  'membre  viril'  se  disait  comme 
terme  de  tendresse  à  un  jeune  garçon.  Dans  le  Centre 
on  appelle  amicalement  un  petit  garçon  ht,  Mt,  bitaud,  à 
Démuin  (Picardie)  bite,  à  Saint-Pol  bitle.  bitlO  ^.  Le  patois 
des  environs  de  Grenoble  emploie  brauqiia  (brôcca)  'membre 
viril  d'un  petit  enfant'  d'une  manière  analogue.  A  Saint- 
Pol,  une  toute  petite  fille  peut  s'appeller  un  petit  trottignon 
(d'après  M.  Edmont,  Siippl.,  diminutif  de  trot  'parties  na- 
turelles d'une  femme',  ou  'anus')  ou  un  petit  trou  du  cul: 
au  Longeron  (Anjou)  on  adresse  à  un  petit  enfant  le  mot 
troufignon  ('orifice  anal'),  «interpellation  demi-caressante, 
demi-dédaigneuse  >   (Verrier  et  Onillon). 

*  loc.  cit. 

■  Cf.  le  germ.  fud  ('vulva'  ou  'anus'),  qui  s'employait  comme 
injure  à  l'adresse  d'une  femme  ou  d'un  homme  lâche  (voir  H.  Sperber. 
Imago,  I.  p.  432  ss..  où  l'on  trouve  aussi  d'autres  exemples  de  ce 
procédé);  le  com.  pôta  ('vulva')  se  dit  quelquefois  pour 'ragazzaccio', 
'persona  inetta';  Tital.  minchione  ('pénis')  signifie  souvent  'niais', 
'bêta';  etc. 

'  Cf.  les  cas,  où,  inversement,  les  parties  génitales  sont  dénom- 
mées par  des  mots  signifiant  'chéri',  'mignon',  'poupon':  ital.  cece, 
cecino;  pist.  cinci;  anc.  fr.  poupard  ;  ou  par  des  mots  signifiant  'petit 
frère',  etc.;  voir  Tappolet,  Die  romanischen  Vericandtschaftsnamen,  p. 
56,  n.;  aux  exemples  cités  par  le  savant  suisse,  on  jiourrait  ajouter 
l'anc.  fr.  frère  'testicule',  frérots  'testicules'  (Godefroy). 

■•  Cf.  Meyer-Liibke.  Itoni.  etym.   Wb.,  9173. 

^  Cf.  le  prov.  quico,  quiqueto,  queco,  quequeto,  terme  de  nourrice 
pour  'membre  viril',  qui  s'emploie  comme  terme  de  tendresse  (Mistral), 


—  272  — 

Le  roumain  puta  (<  *putium  'membre  viril'  ^)  'parties 
naturelles  d'un  petit  enfant'  se  dit  pour  'enfant'  dans 
l'apostrophe  mai  puta.  Suivant  M.  Meyer-Liibke,  le  macéd. 
tup  'enfant'  remonte  aussi  à  *putium. 

279.  En  français,  le  mot  blanc-bec  (proprement  une 
métaphore  pour  'bouche  qui  n'a  pas  encore  de  moustaches') 
sert  à  désigner  un  jeune  homme  qui  n'a  pas  encore  de 
barbe  et  qui  manque  d'expérience.  Le  provençal  connaît 
aussi  ce  mot:  blanc-bè. 

Dans  le  parler  de  Reims,  le  mot  barhefolette  est  (ou 
était)  usité,  selon  Tarbé,  au  sens  de  'jeune  homme'. 

280.  Le  napolitain  guagnasta,  guagnastra  'giovanotta', 
'ragazza'  ^  (diminutif:  guagnastrella)  a,  d'après  l'opinion  de 
M.  Salvioni  ^,  adoptée  par  M.  Meyer-Lûbke  *,  la  même 
origine  que  le  mil.  sguansgia  'femme  de  mauvaise  vie'  ou 
'joue'  et  que  l'ital.  guancia  'joue'.  En  ce  cas,  le  sens  de 
'jeune  fille'  provient  probablement  d'un  procédé  métony- 
mique,   analogue    à   ceux  que  nous  venons  de  mentionner. 

281.  J'ajoute  ici  le  mot  corps  (prononcez:  hô,  Jcouâ)^ 
qui,  dans  la  Suisse  romande,  surtout  dans  le  canton  de 
Vaud,  se  dit  pour  'garçon'.  Dans  les  cantons  de  Vaud  et 
de  Fribourg,  tm  jeune  corps  veut  dire  un  jeune  homme.  Il 
faut  considérer  cet  emploi  aussi  comme  une  métonymie 
du  type  pars  pro  toto,  puisque  l'être  entier  est  désigné 
ici  par  sa  partie  matérielle  ^. 


^  Voir  Mej-^er-Lûblie,  op.  cit.,  6881. 

^  Il  signifie  aussi  'donna  dissoluta'  (selon  D'Ambra,  ce  sens  est 
vieilli).     En  sicilien,  guagnastra  signifie  'druda'. 

*  BendlL,  sér.  II,  XL,  p.  1111. 

■*  op.  cit.,  9499,  2. 

^  Cf.  animetta,  arméta,  etc.  (§  179)  qui.  au  point  de  vue  de  la 
logique,  sont  également  des  métonymies,  mais  qui,  au  point  de  vue 
psychologique,  sont,  avant  tout,  des  expressions  de  sentiments,  des 
termes  affectifs. 


—  273  — 

3.    Métaphores, 
a.    Métaphores  tirées  d'objets  inanimés  et  du  règne  végétal. 

282.  Quand  le  nom  d'un  objet  inanimé  est  appliqué 
à  un  enfant,  le  caractère  commun  qui  les  fait  comparer 
est  le  plus  souvent  leur  petitesse,  leur  forme  (arrondie, 
mince,  etc.),  ou  leurs  mouvements.  Quand  il  s'agit  de 
petits  rameaux,  de  tendrons,  etc.,  ce  sont  pourtant  d'autres 
ressemblances  aussi  qui  ont  provoqué  la  comparaison: 
l'âge  tendre,  la  fraîcheur  \  la  croissance  rapide,  etc. 

a  1.     Métaphores  faisant  ressortir  la  petitesse. 

283.  Au  lieu  de  faire  ressortir  directement  la  peti- 
tesse de  l'enfant,  en  employant  un  adjectif  ayant  cette 
signification,  on  se  sert  fréquemment  d'un  substantif  qui 
désigne  un  objet  très  petit,  une  miette,  un  petit  morceau,  etc. 

C'est  ainsi  que  le  franc,  mioche  ^  (s.  f.),  donné  par 
Cotgrave  comme  synonyme  de  miette^  et  qui  s'emploie  en- 
core avec  ce  sens  dans  quelques  localités  ^,  a  pris  géné- 
ralement dans  les  patois  la  signification  de  'jeune  enfant', 
'petit  garçon',  en  changeant  le  plus  souvent  aussi  de  genre. 
Je  l'ai  trouvé  en  rouchi,  où  il  se  dit  pour  les  deux  sexes 
et  où  il  s'emploie  aussi  comme  adjectif  au  sens  de  'petit', 
'délicat';  en  haut-normand  (Pays  de  Bray,  Vallée  d'Yères) 


^  Cf.  l'emploi  symbolique  du  mot  vert. 

-  M.  Sainéan,  ZRPh,  Beih.  I,  p.  65,  a  identifié  à  tort  ce  mot 
avfc  le  prov.  miaoucho  'qui  miaule';  au  sens  de  'chat',  mioche  aurait 
été  appliqué  métaphoriquement  à  un  enfant.  Il  attribue  le  même  sens 
primitif  à  mïon  et  à  iniot.  Mais  dans  Les  Sources  de  l'argot  ancien, 
pp.  398,  399.  il  change  d'avis  quant  à  mioche  et  mion,  adoptant  l'éty- 
mologie  mie  {<z  m'ica)  'miette',  qu'il  avait  jadis  rejetée. 

'  La  carte  un  peu  (1007)  de  VAtl.  ling.  montre  aux  points  272. 
295  (Nord):  en  myHe  (les  points  environnants  présentent  un  peu  ou 
une  miette).  Lie  bas-manceau  connaît  le  verbe  myoee  'réduire  en  miettes', 
d'où  le  substantif  féminin  myoee  'pain  émietté  dans  du  cidre,  du  vin 
ou  du  lait'. 


—  274  — 

et  en  normand  {une  mioche,  Dn  Méril);  dans  les  patois  du 
Centre,  du  Poitou,  de  la  Saintonge,  d'Auvergne  et  du 
Doubs  (Bournois).  —  Dans  l'argot  ancien,  mioche  signifiait 
'apprenti-voleur'  ^;  dans  le  langage  populaire  et  familier 
actuel,  il  signifie  'enfant',  'garçon',  comme  dans  les  dia- 
lectes. 

284,  Mion  'miette',  relevé  par  un  dictionnaire  de  1604  ', 
et  qui  s'emploie  encore  avec  cette  acception  dans  quelques 
patois  ^,  se  dit  pour  'enfant',  'petit  garçon'  en  rouchi,  en 
bas-manceau  et  dans  le  parler  de  E-ennes.  Dans  ses  Cu- 
riositez  françoises,  Oudin  traduit  un  petit  mion  par  'un  petit 
badin'.  De  même  que  mioche,  mion  a  fait  partie  de  l'argot 
ancien.  Le  Jargon  ou  Langage  de  V Argot  réformé  le  donne 
au  sens  de  'garçon'  (éd.  1628)  et  de  'apprenti- voleur'  (éd. 
1660).  Il  a  été  familier  au  bas-langage,  mais  il  a  été  rem- 
placé aujourd'hui  par  mioche  *. 

285,  Dans  le  parler  roumain  de  Meglen,  il  y  a  un 
mot  mie  'petit  enfant'  ou  'petit',  qui  se  retrouve  en  daco- 
roumain  avec  la  dernière  acception.  MM.  Puscariu,  Tiktin 
et  Meyer-Ltibke  le  dérivent  alternativement  du  lat.  mica 
ou  du  grec  juiKÔg  °,  tandis  que  M.  Densusianu  ^  rejette  la 
première  de  ces  étymologies.  «On  ne  saurait,  en  effet, 
comprendre,    dit-il.    comment   le  substantif  mica  serait  de- 


^  Il  se  trouve  avec  ce  sens  dans  VHistoire  des  Brigands  Chauf- 
feurs, 1800.  Voir  Sainéan,  Les  Sources  de  l'argot  ancien,  II,  pp.  241,398.  — 

'^  D'après  le  Dictionnaire  général. 

^  Je  l'ai  trouvé  dans  ce  sens  à  Nancy,  au  Tholy  (Vosges),  en 
Anjou  et  en  Poitou. 

*  Voir  Sainéan,  op.  cit.,  II,  p.  399.  —  Ajoutons  que  miot  'miette', 
'pain  émietté'  (attesté  avec  ce  sens  en  Normandie,  dans  le  Bas-Maine 
et  dans  le  Vendômois)  s'emploie  en  Normandie  et  dans  le  Bas-Maine 
au  sens  de  'dernier  éclos  d'une  couvée',  et  dans  le  Vendômois  au  sens 
de  'dernier  enfant',  'enfant  gâté'. 

*  Cihac  ne  donne  que  l'étymologie  mica. 

"  Histoire  de  la  langtie  roumaine,  I,  p.  201. 


—  276  — 

venu  adjectif.»  Mais  cela  s'explique  sans  difficulté,  si 
nous  supposons,  avec  M.  Puscariu,  que  mica  'miette'  est 
devenu  d'abord,  par  un  emploi  métaphorique,  mica  'petit 
enfant'  (d'où  plus  tard  le  masculin  mie;  cf.  mioche),  et  que 
le  sens  de  'petit'  a  été  dérivé  de  celui-ci. 

286.  Voici  en  outre  quelques  exemples  du  même 
procédé  métaphorique,  trouvés  dans  les  patois  français  et 
provençaux.  Parfois  ces  termes  ne  s'emploient  que  comme 
des  mots  d'amitié,  et  peut-être  toutes  les  expressions  de 
ce  genre  ont-elles  passé  une  fois  par  une  phase  affective. 

A  Lyon  on  adresse  le  mot  braise  (=  braira,  brèza  'miette', 
'très  petite  quantité',  d'après  Puitspelu)  ^  comme  terme  de 
tendresse  à  un  enfant.  —  En  Quercy,  spécialement  à  Cahors, 
biquinnerre  signifie  'petit  enfant',  'gamin',  'moutard'.  Selon 
Azaïs,  il  faut  y  voir  un  dérivé  de  biqiii,  qui  se  dit  en 
Quercy  pour  'petit  morceau'  ^.  —  Chiffon  'petit  morceau' 
(surtout  dans  l'expression  un  chiffon  de  pain)  s'applique 
comme  nom  d'amitié  à  un  enfant  dans  le  Doubs  (Beauquier), 
à  une  petite  fille  dans  le  Morvan  et  en  Saône-et-Loire. 
Ce  dernier  patois  connaît  aussi  les  dérivés  chifoneau,  chi- 
fonète.  Cf.  un  chiffon  d'enfant  'un  bout  d'enfant',  expres- 
sion du  français  commun  {Dict.  gén.)  —  Le  normand  de 
l'île  de  Guernesey  a  tiré  de  chique  'chiffe',  'chiffon'  le 
diminutif  chiquette  'chétive  demoiselle',  'brin  de  fille'.  On 
dit  aussi  plus  complètement  chiquette  de  garce  'fille  petite 
et  chétive'.  Cf.  un  bout  de  chique,  qui  se  dit  dans  le  Doubs 
d'un  enfant  malingre^. 


*  Le  mot  paraît  remonter  au  gaul.  hris-,  qui  se  retrouve  en  briser 
et  dans  une  foule  de  mots  signifiant'miette',  'débris',  etc.:  dauph.  brise, 
bas-dauph.  bressa;  émil.  brisa,  mil.  brisïn.  Cf.  du  reste  Meyer-Lûbke. 
Bom  etym.    \Vb.,  1306,  et  la  carte  1007  {un  peu)  de  VAtl.  ling. 

'  Le  suffixe  -{n)erre  m'est  inconnu.  —  Mistral  propose  comme 
étymologie  l'anglais  beginner. 

*  A  ce  propos  il  convient  de  nommer  le  saintong.  pougnon  (s.  m.) 
'enfant  gros  comme  le  poing'  (Eveillé),  poit.  pougnon,  pougnasse  (s.  f.) 


—  276  — 

287.  Dans  le  patois  du  Valais  on  trouve  tsqrJco — 
tsarha  au  sens  de  'gamin',  'gamine'.  Le  masculin  est  le 
même  mot  que  tsarJco  *  'petit  morceau  coupé'  ^,  de  charcuter; 
le  féminin  a  été  tiré  du  masculin  ^. 

Le  bas-manc.  bustro  (Château-Gontier:  hîistre)  'petit 
bout',  'petit  morceau',  'petite  queue',  se  dit,  de  même  que 
l'angev.  bousfrou,  d'un  homme  petit  ou  d'un  enfant  qui 
veut  faire  l'homme.  Cela  étant,  il  paraît  probable  que  le 
poit.  boutron  'petit  enfant'  signifiait  aussi  primitivement 
'petit  bout'  *.  —  Cf.  du  reste  l'angev.  petit  bout  de  monde 
'gamin',  'crapoussin',  'nabot',  et  le  franc,  bout  d'homme. 

a  2.    Métaphores  faisant  ressoptir  la  forme. 

288.  «Es  ist  eine  hâufig  bewahrheitete  Tatsache,  dass 
die  Benennungen  lebender  Wesen,  besonders  die  der  Kinder 
und  gewisser  Tiere  (vor  allem  der  Jungen)  von  gewissen 
toten  Gegenstânden  geholt  sind,  die  ftlr  die  àussere  An- 
schauung  entweder  als  runde,  gerundete,  klumpige  oder 
abgestutzte  Figuren  hervortreten,  wie  z.  B.  'Klumpen, 
KnoUe,  Kloss,  Stûck,  Stock,  Stamm'.  Besonders  hâufig 
ist  dieser  Bedeutungswechsel  in  etwas  niedrigerer  Sprache, 
in  der  gemeinen  Umgangssprache.    Oft  haben  dièse  Wôrter 


'petite  fille  grosse  comme  le  poing'  (terme  d'amitié);  angev.  pognon, 
même  sens  (Montjean  pâgnon  est  dépréciatif);  bas-manc.  ^owô,  ^M/"aono 
'petits  enfants'.  Le  sens  propre  de  pognon,  pougnon  paraît  être  celui 
de  'poignée',  'ce  que  peut  tenir  la  main  fermée'  (cf.  Sachs- Villatte, 
pognon,  poignon  'HandvoH',  'Geld'). 

1  Pour  le  déplacement  de  l'accent,  cf.  p.  26,  n.  3. 

-  Cf.  l'abr.  scacchiate  (§  296).  —  Cf.  aussi  le  suéd.  stumpa  'fillette', 
suéd.  dial.  stump  'petit  enfant',  de  stump  'tronçon',  'bout'. 

^  Je  dois  ces  renseignements  à  M.  Gauchat. 

*  Kolland,  Faune  populaire  de  la  France,  XI,  p.  88,  y  voit  le  même 
mot  que  bouteron  (boutron)  'têtard',  qui  se  trouve  dans  les  départements 
de  la  Loire  et  de  Saône-et-Loire;  mais  la  distribution  géographique 
des  deux  mots  ne  permet  pas  une  telle  explication.  —  Le  poit.  boutron 
'panier  de  forme  conique'  n'a  probablement  rien  à  voir  avec  boutron 
'enfant'. 


—  277  — 

eineii  komischen  Anstrich».  C'est  ainsi  que  M.  K.  F.  Jo- 
hanssou  ^  a  caractérisé  un  phénomène  sémantique,  qui 
est  d'une  très  grande  importance  pour  la  formation  de 
noms  d'enfants,  surtout  dans  les  langues  germaniques, 
mais  aussi  dans  les  langues  romanes  ^. 

«Battant  de  cloche»,  «pilon»,  «pommeau»,  etc. 

289.  Commençons  par  quelques  mots,  appartenant 
aux  patois  italiens  et  suisses,  qui  fournissent  des  exemples 
bien  typiques  de  ce  changement  de  sens.  Ils  servent 
primitivement  à  désigner  des  objets  dont  la  forme  offre 
une  vague  ressemblance  avec  celle  d'une  personne  petite 
et    trapue  ',    tels    que   des  battants  de  cloches,  des  pilons, 

^  Zeitschrift  fur  vergleichende  Sprach/orschung,  XXXVI,  p.  373. 

*  Avant  M.  Johansson.  M.  G.  v.  Friesen  en  a  présenté  de  nom- 
breux exemples,  tirés  des  langues  germaniques,  dans  son  ouvrage 
intitulé  De  germanska  mediageminatorna  {Uppsala  tmiversitets  ârs- 
skrift,  1897).  Cf.  sur  ce  travail  E.  Hellquist,  Nâgra  hidrag  till  nordisk 
sprâkhistoria  {Nordisk  tidsskrift  for  filologi,  3  Esekke,  XII)  et  Nâgra 
anmdrkningar  om  de  nordiska  verben  med  mediageminata  {Gôteborgs 
hôgskolas  ârsskrift,  1908,  II).  D'après  M.  Hellquist,  il  n'est  pas 
nécessaire  de  voir  dans  des  mots  tels  que  le  suéd.  dial.  babbe  'petit 
garçon'  le  résultat  d'une  métaphore:  'objet  inanimé' > 'enfant';  cf. 
ouest-flam.  babbe  'enflure'.  Ces  mots  pourraient  être  l'un  et  l'autre 
une  sorte  d'onomatopée,  servant  ù  exprimer  l'intensité  du  senti- 
ment (sympathique  ou  antipathi(|ue)  de.  celui  qui  parle  à  l'égard  soit 
d'un  enfant  soit  d'un  objet  inanimé.  —  Ces  changements  de  sens  ont 
aussi  été  traités  par  M.  R.  Much,  dans  son  article  Holz  und  Mensch 
{Wôrter  und  Sachen,  I),  M.  E.  Bjôrkman.  dans  son  tra,-vsii\  Neuschived. 
gosse  (Knabe,  Junge),  eine  semasiologisch-methodologische  Studie  {Indo- 
germanische  Forschungen,  XXX),  et  M.  Wood,  dans  son  étude  sur 
Germanie  Etymologies  {Modem  Philology,  1905).  Cf.  encore  Brug- 
mann,  dans  Berichte  iiber  die  Verhandlungen  der  kônigl.  sàchsischen 
Gesellschaft  der  Wissenschaften  su  Leipzig,  phil.-hist.  Klasse,  LVIII. 
p.  178,  et  Holthausen,  dans  ASNS,  CV,  p.  365  s. 

^  Cf.  le  prov.  boumbo  'grosse  femme  courte  et  replète',  qui  paraît 
être  identique  à  boumbo  'massue',  ou  à  boumbo  'flacon  de  terre  rond 
à  cou  très  court';  'grosse  noix';  'grosse  bille';  et  les  dérivés  boumbeto 
'petite  femme  rondelette",  boumbùti  'petit  homme  ventru'.  Cf.  aussi 
le  bavar.  Klâchel  'Klôppel'  et  'plumpe,  vierschrôtige  Person'  (v.  Lorck. 
AUbergam.  Sprachdenkm.,  p.  212). 


—  278  — 

des  pommeaux,  des  marteaux,  etc.  C'est  probablement  le 
plus  souvent  le  gros  bout  de  ces  objets  qui  évoque  à 
l'imagination  la  tête  d'un  être  humain,  tandis  que  le 
reste  représenterait  son  corps.  Quant  aux  mots  dési- 
gnant des  battants  de  cloches,  M.  Lorck  a  émis  l'hypothèse 
que  l'oscillation  de  ces  objets  a  aussi  contribué  à  leur 
rapprochement  avec  un  enfant  vif  et  turbulent  ^.  —  Les 
termes  en  question  s'emploient  aussi  comme  injures  au 
sens  de  'lourdaud',  'nigaud'  ^,  et  peut-être  est-ce  en  passant 
par  ce  sens  dépréciatif  que  certains  d'entre  ces  mots  ont 
pris,  par  un  emploi  cacophémique,  l'acception  de  'enfant'. 

290.  Le  bergam.  hacioc,  mant.,  mirand.  haciocch,  qui 
se  rattache  au  lat.  haculum  'bâton',  a  le  double  sens  de  'battant 
de  cloche'  (à  Mantoue  aussi  celui  de  'marteau  de  porte')  et 
de  'nigaud',  'benêt'  ^.  En  bergamasque,  hacioc  et  haciochi 
sont  en  outre  des  désignations  ironiques  d'un  homme  de 
petite  taille,  et  le  dernier  mot  se  dit  comme  terme  de 
tendresse  à  un  l)amhoccino\  Comme  dénomination  d'en- 
fant proprement  dite,  haciocch  paraît  s'employer  en  mila- 
nais et  en  comasque.  Cherubini  et  Monti  le  définissent 
par  'bambolino',  'bamboccio';  le  milanais  possède,  comme 
le  bergamasque,  un  diminutif  caressant  en  -imc  haciocclàn  ^. 
—  Le  romagn.  hatocc  'battaglio'  '"  s'emploie  aussi  au  sens  de 
'marmocchio',  'giovanastro',  'fanciullaccio'  (Morri).  On  voit 
par  ces  derniers  mots  qu'il  a  une  nuance  péjorative. 


^  loc.  cit. 

-  Cf.  le  suéd.  dumhom,  l'allem.  stockdumm,  etc.;  cf.  encore  Bjôrk- 
man.  op.  cit.,  et  Schuchardt,  ZBPh,  XY,  p.  102. 

•'  Cette  sig;nificatiou  se  rencontre  dans  d'autres  dialectes  encore 
(voir  Lorck,  loc.  cit.). 

*  Le  mil.  bacioccli — ftaciocca  signifie  en  outre:  'amoroso'.  'amorosa'J 
cf.  le  gén.  bacioccu  'zerbinotto',  'giovane',  'galante'. 

3  Cf.  Meyer-Liibke.  Bom.  etym.    Wb.,  994. 


—  279  — 

291.  Le  lucq.  pMello  'bambino  grasso  e  pesante'  ^ 
<^st  le  même  mot  que  l'ital.  i)esteUo  'pilon'. 

292.  Il  convient  de  mentionner  ici  le  valaisien  martelein 
'petit  garçon',  que  Bridel  a  signalé  au  Val  d'Illiez.  Il  ne 
s'y  dit  plus,  et  M.  Fankhauser  ne  l'enregistre  pas.  M. 
Gauchat  m'apprend  que  M.  Jeanjaquet  a  relevé  martèlœ 
dans  ce  parler  comme  mot  vieilli.  Il  remonte  à  un  type 
* martelliniH't  et  paraît  avoir  signifié  primitivement  'petit 
marteau'  ^. 

Le  patois  du  canton  du  Valais  connaît  aussi  le  terme 
porno  'garçon',  qui  semble  être  identique  au  franc,  pom- 
meau (cf.  l'allem.  Knopf.  qui  se  dit  dans  certains  dialectes 
j)Our  'enfant'j  ^. 

293.  Le  vénitien  mazsoca,  maszocola,  et  le  brescian 
masùc  signifient  'estremità  di  mazza,  di  bastone',  'capoc- 
chia'  *.  Le  mil.  mazsàcch,  qui  figure  dans  Cherubini  avec 
le  sens  métaphorique  de  'testa'  (cf.  vén.  maszoca  de  testa, 
maszuco  'testa'),  a  eu  sans  doute  la  même  signification 
primitive  que  ces  mots  et  que  le  mil.  maszocchera  {mazzoc- 
cora).  De  même  qu'on  a  tiré  du  mot  synonyme  capocchia 
le  masculin  capocchio  'nigaud',  on  a  attribué  à  ces  termes 
et  à  leurs  dérivés  le  sens  de  'lourdaud',  'nigaud'.  Tel  est 
le  cas  pour  le  vén.  mazzncon  'capassone';  bellun.  niazuc 
'tànghero',   'buaccio'    (Cavassico,  XVI^  s.),  mant.  mazzucch 


1  Voir  Pieri.  AGII.  XII,  p.  132. 

-  Bridel  le  rattache  à  masculus. 

'  Je  dois  cette  explication  à  M.  Gauchat.  —  Ajoutons  ici  blTi 
('billot'),  qui,  dans  le  patois  de  Saint-Pol,  sert  à  désigner  un  enfant 
bien  portant  et  lourd  pour  son  âge. 

*  Cf.  le  bas-engad.  mazzuch.  meglen.  macîocu,  esp.  mazocho  'bâton', 
'massue'.  —  Cf.  encore  le  bergam.  mazàchera  'culaja',  'la  pancia  degli 
uccelli  stantii';  valtell.  mazâcra  'grosso  cacherello  di  uccello  adulto'. 
L'idée  de  'quelque  chose  d'arrondi',  que  présentent  ces  mots,  se  retrouve 
aussi  dans  le  vén.  mazzocola  au  sens  de  'enfiagione',  'enfiatello'. 


—  280  — 

'stolidaccio'  ;  bresc.  masùcher  ^,  masucô  'bietolone',  'capocchio' 
(Pellizzari  1 769)  ;  Val  Trompia  mazacher  ^  'miserabile'  ;  mil. 
mazzucch,  mazsucôn^  mazsàcor  'capassone',  'uomo  duro  d'intel- 
letto';  piém.  massue,  massucbh  'capassone',  massàcher  'tanghe- 
ro'  ^.  —  Mais,  dans  deux  dialectes,  on  trouve  les  mêmes  mots 
au  sens  de  'enfant':  bellun.  mod.  mazzoch^  maszuccot  'fanciul- 
lo',  'giovanetto',  ma^^occa 'ragazza',  'fanciuUa'  (d'après Ferrari^ 
Gloss.  monf.,  qui  rattache  à  tort  ces  formes  à  mata  'ragazza')  ; 
bresc.  masàcher  'fanciullo'  (Melchiori  1817,  Biondelli).  Comme 
le  sens  de  'nigaud'  est  beaucoup  plus  répandu  que  celui 
de  'enfant',  et  attesté  antérieurement  à  celui-ci,  on  est 
porté  à  croire  que  cette  dernière  signification  est  le  ré- 
sultat d'un  emploi  cacophémique  de  mazzoch,  mazacher, 

«Bouchon»,  «tampon». 

294.  A  Parme,  Plaisance  et  Mantoue,  un  bondon  ou 
bouchon  (ital.  turacciolo)  s'appelle  coccai,  mot  qui  rappelle 
l'ital.  cocchiume  et  deux  mots  du  bas-latin:  cocîiio,  cochonus. 
A  Plaisance,  coccai  se  dit  aussi  d'une  personne  de  petite 
taille;  dans  le  parler  de  cette  ville  et  dans  celui  de  Parme, 
ce  mot  a  pris  en  outre  le  sens  de  'fanciullino',  'ragaz- 
zetto'. 

Il  vaut  la  peine  de  faire  remarquer  ici  que  le  franc. 
bouchon  s'emploie,  dans  le  langage  familier,  comme  terme 
de  tendresse  en  parlant  d'un  enfant  ou  d'une  jeune  fille  * 


^  Sur  le  suffixe  lombard  -er  =  -ûlu,  voir  Salvioni,  Fonetica  del 
dial.  mod.  délia  città  di  Milano,  §§  144,  18G. 

'  Une  substitution  analogue  du  suffixe  -ac  à  -uc  se  trouve  dans  le 
bas-engadinois:  mazzûeh  'Schlegel'  —  mazzacun  'Morgenstern'  (eine 
Kriegswaffe')  (Pallioppi). 

*  Ce  mot  paraît  fournir  une  étymologie  du  prov.,  franc,  massacre 
'mauvais  ouvrier',  'celui  qui  gâte  un  ouvrage',  plus  vraisemblable  que 
celle  de  Mistral  et  du  Dictionnaire  général,  qui  y  voient  massacre 
'tuerie'  (=piém.  massacri,  mil.  massàcher,  bresc.  masacro). 

*  Dans  ce  dernier  emploi  on  trouve  même  la  forme  bouchonne 
(voir  le  Dict.  gén.).  —  Dans  La  Coupe  enchantée  de  La  Fontaine,  on 
lit  (se.  12):   «Les  deux  jolis  petits  bouchons»  (Perrette  et  Lucinde). 


—  281  — 

Le  provençal  moderne  se  sert  des  mots  tapet,  tapouis- 
sotin,  tahouisson  (dim.  de  tap  'bouchon')  au  sens  de  'cour- 
taud', 'ragot',  et,  d'après  Mistral,  le  dernier  de  ces  termes 
peut  signifier  en  outre  'petit  garçon'  ^  —  Le  sens  primitif 
de  bouchon  est  celui  de  'faisceau  de  feuillage',  'paquet  de 
foin',  et  le  prov.  tabouissoun  peut  signifier  aussi  'bouchon 
de  paille  ou  d'herbes'.  Cette  dernière  signification  a-t-elle 
été  le  point  de  départ  de  l'emploi  figuré?  On  est  tenté 
de  le  croire  quand  on  relève  le  prov.  garbo  de  civado 
'gerbe  de  foin'  comme  désignation  familière  d'une  fille  ^. 

«Baguette»,  «rameau»,  «scion»,  etc. 

295.  Pour  faire  ressortir  la  taille  mince  et  gracile 
d'un  jeune  garçon  ou  d'une  jeune  fille,  on  a  eu  recours  à 
des  comparaisons  avec  des  objets  tels  que  des  baguettes, 
des  rameaux,  des  scions  '. 

C'est  encore  une  fois  la  Haute-Italie,  avec  son  goût 
prononcé  pour  les  rapprochements  de  «.Hoh  und  Mensch»  *^ 

1  Cf.  encore  le  lang.  boudissoun,  boudouchoun  'bouchon',  et.  fig., 
'babouin',  'polisson',  'courtaud'.  —  Le  patois  de  l'Aveyron  présente  une 
métaphore  du  même  genre.  Cabillou  'petit  drôle',  'petit  polisson', 
qui,  à  Villefranche  en  Aveyron,  se  dit  aussi  d'une  personne  de  petite 
taille,  est,  d'après  Vayssier,  le  même  mot  que  cabillou  'petite  cheville'. 
(Cf.  le  suéd.  kil,  qui,  dans  le  langage  populaire  des  provinces  méridio- 
nales, se  dit  pour  'petit  enfant'  et  qui  est  peut-être  identique  à  kil 
'cheville'.)  —  Mistral  dérive  cabillou  'petit  drôle',  'petit  chicaneur'  du 
verbe  cabilha,  caviJia  (ital.  cavillare)  'chicaner',  critiquer",  'railler',  ou 
du  substantif  cabilho.  caviho  'chicane',  'vétille',  'personne  qui  trouve 
toujours  à  redire'. 

*  Cf.  le  pic,  wall.  7noie  'meule  de  gerbes,  de  fagots',  etc.,  au  sens 
figuré  de  'femme  courte  de  taille  et  très  grosse'.  (Voir  BehrenS.  Sei- 
tràge  zur  franz.   Wortgeschichte  und  Grammatik,  p.  177.). 

*  Rappelons  à  ce  propos  l'étymologie  proposée  par  M.  Vising  pour 
gars,  garçon,  garce:  anc.  haut-allem.  gart  (=  allem.  mod.  Gerte)  'verge', 
'branche',  'bâton',  étymologie  dont  M.  Herzog  a  dit  qu'elle  est  «die 
von  deu  bisher  vorgebrachten  einzig  môgliche»  (ZRPh.  XXVII,  p. 
124).  Pour  des  motifs  indiqués  plus  haut  (§  147),  je  ne  peux  pourtant 
pas  m'y  rallier. 

*  Cf.  Much,  op.  cit. 


—  282  — 

qui  nous  fournit  les  exemples  les  plus  caractéristiques.  — 
Le  bergam.  hàgol,  Valle  Imagna  hacol^  dim.  bagolî  'fan- 
ciuUo',  'bambinello',  'naccherino',  est  le  même  mot  que 
bàgol  (dim.  haglèt)^  qui,  dans  quelques  vallées  des  Alpes 
bergamasques  (Valle  Seriana  Superiore,  Valle  di  Scalve^ 
Valle  Calepio),  s'emploie  avec  l'ancien  sens  de  'piccolo  e 
giovane  pezzo'  ^  Dans  le  patois  de  Valle  San  Martino 
et  en  milanais,  bacol  a  le  sens  de  'baggeo',  'babaccio'. 

Le  com.  sciorscêll  'fanciullo',  'giovanetto'  signifie  pri- 
mitivement 'pezzo  piccolo  e  sottile  di  legno',  'fuscello', 
'sarmento'  (du  lat.  surcellus  'scion'  ^);  il  se  retrouve  dans 
plusieurs  dialectes  haut-italiens:  mil.  sciorscêll  'virgulto' ; 
posch.  hirëel  'Zweig';  mant.  sorsei  'Reisig' ^. 

296.  'Scion'  ou  'rameau  détaché  de  l'arbre'  paraît 
être  la  signification  primitive  du  mot  scacchiate^  qui  s'em- 
ploie dans  les  patois  des  Abruzzes,  de  Teramo  et  du  Vo- 
mano  au  sens  de  'ragazzo'  *,  et  qui  est  apparemment 
identique  au  participe  passé  du  verbe  scacchià  'staccare 
un  ramo  dal  tronco,  un  rimessiticcio  dal  ceppo'.    Finamore 


^  Bagol,  bacol  se  rattache  sans  doute  au  lat.  baculum  {*haccu- 
lum);  voir  Salvioni,  RDB,  IV,  p.  195.  —  M.  Lorck.  op.  cit.,  p.  212. 
qui  le  fait  dériver  aussi  de  bacuïum,  paraît  être  d'avis  que  bacol  a 
signifié,  comme  bacoc  et  batoc:  'battant  de  cloche',  avant  de  prendre 
le  sens  de  'enfant'.  Le  seul  fait  qu'il  ait  allégué  à  l'appui  de  cette 
hypothèse,  est  le  verbe  vénitien  et  frioulan  bagola{r)  'wackeln',  'vor 
Kàlte  zittern'  (=;  lomb,  baold  frissonner').  Mais  ce  verbe  n'a  rien  à 
voir  avec  bacol,  bagol;  il  provient,  comme  l'ital.  vagolare,  de  vagus 
(voir  Meyer-Llibke,  Rom.  etyin.    Wb.,  9125). 

*  Cf.  valtell.,  posch.  scibr  'sarmento',  'fuscello',  'pezzo  di  legno 
da  fuoco'  (<  surus  'rameau'). 

'■^  Voir  Salvioni,  Memorie  del  Beale  Istituto  Lombardo,  Classe  di 
lett.,  etc.,  XX,  p.  275;  Michael,  Der  DialeJct  des  Posehiavotals,  p.  45; 
Meyer-Liibke,  Rom.  etym.   Wb.,  8472. 

*  Dans  les  Abruzzes  ce  mot  a  une  nuance  dépréciative.  —  Cf. 
le  moyen  bas-allem.  drummel  'Tnimmer',  'Baumstixmpf;  fig.:  'kleiner, 
gedrungener  Mensch'.  et  le  suéd.  drummel  Tlegel'  (v.  Bjôrkman,  op.  cit., 
p.  271). 


—  283  — 

ajoute  à  l'article  scacchiate:  «Quasi:  'Staccato  dal  tronco'». 
—  On  a  dérivé  de  ce  mot  le  diminutif  scacchiatèlle  (teram. 
scacchiatille)  et  le  collectif  scacchiatarïje. 

'2i)7.  Dans  ce  groupe  il  faut  peut-être  ranger  aussi 
le  franc,  hardeau — har délie.  Hardeau  (hardel)  signifiait 
en  ancien  français  'jeune  garçon'  ou  'vaurien',  'coquin'. 
Les  plus  anciens  exemples  cités  par  Godefroy  pré- 
sentent le  premier  sens  K  Le  féminin  hardelle  semble 
être  d'une  date  plus  récente.  Dans  le  plus  ancien 
exemjile  relevé  par  Godefroy  (1397)  ^,  il  a  le  carac- 
tère d'une  injure,  mais  dans  les  autres  il  signifie  'jeune 
fille'.  —  Aujourd'hui,  ]iardcau  et  hardelle  ne  coexistent 
([u'en  Picardie,  où  ils  signifient  'jeune  garçon',  'jeune  fille'. 
Le  féminin  s'emploie  en  outre  dans  le  Hainaut  français, 
en  Normandie  ',  dans  le  Vendômois,  le  Haut-Maine  ^,  l'Anjou 
et  le  Berry  ^. 

On  a  proposé  de  rattacher  hardeau — hardelle  'garçon', 

'  Le  plus  ancien  d'entre  eux  est  tiré  d'Yzopet.  II,  fab.  III,  Ro- 
bert (vers  l'année  1230).  Cf.  Du  Gange:  hardellus  'nebulo',  'nequam' 
(dès  l'année   1351). 

*  Le  Yoici.  cité  d'après  le  Glossarium  de  Du  Cange,  où  il  est 
plus  complet:  «Icellui  Yssebar.  dit  audit  Goule  qu'il  estoit  un  mauvez 
Hardelt  hayneux  et  brigueur.  Laquelle  Jehanne  eust  deslengiés  les 
dittes  trois  jeunes  filles,  pour  ce  qu'elles  mengeoient  du  fruit  de 
laditte  Jehanne  ...  et  leur  dist  que  elle  les  feroit  batre,  en  les  appel- 
lant  sanglantes  Hardelles»  {Reg-  152.  ch.  67). 

^  Métivier  a  relevé  héridelle  'jeune  fille'  dans  le  patois  de  Guer- 
nese3-.    Est-ce   bien  le  même  mot'? 

*  Montesson  dit  qu'il  n'a  jamais  entendu  le  masculin  hardeau 
dans  le  Maine,  mais  que  cette  forme  devait  néanmoins  y  être  autre- 
fois usitée,  à  en  juger  par  un  passage  emprunté  à  Despériers,  qui 
avait  pour  collaborateurs  deux  manceaux.  et  qui  a  placé  les  paroles 
suivantes  dans  la  bouche  d'une  paysanne  mancelle  parlant  à  son 
évêque:  «J'ai  un  autre  hardeau»,  en  ajoutant  ce  renseignement: 
<ainsi  appellent-ils  aux  champs  un  garçon,  et  une  fille  une  hardelle.» 
{Contes  de  Devis.  Nouv.  XVII). 

'Ha  parfois  un  sens  défavorable;  en  Berry  il  signifie  'fille 
facile';  en  Normandie,  d'après  É.  et  A.  Du  Méril:  'fille  complaisante'. 
(Moisy  le  traduit  par  'jeune  fille'  ou  'servante'.) 


—  284  — 

'fille'  à  l'anc.  fr.  Jiart  \  Jiardeau,  hardelle  'branche',  'lien 
d'osier,  de  bois  pliant,  pour  lier  des  fagots'.  Cotgrave 
donne  hardeau,  hardelle  avec  les  deux  sens.  Du  Bois, 
dans  son  édition  des  Vaux-de-Vire  (1821),  dit,  à  propos 
de  hardelle,  qui  se  trouve  dans  un  de  ces  poèmes  (n:o  44): 
«Ces  mots  [hardeau  et  hardelle]  viennent  probablement  de 
hardes,  harts,  jeunes  branches,  et  par  extension  jeunes 
gens,  comme  on  dit  encore  familièrement:  un  beau  brin 
de  fille,  pour  dire  une  fille  jeune,  belle  et  svelte.»  De 
Chambure,  dans  son  Glossaire  du  Morvan,  p.  769  ss.,  donne 
la  même  explication:  «De  harf  (brin  flexible  de  saule, 
d'osier,  etc.)  on  a  tiré  hardelle,  verge,  scion  flexible  et 
jeune  fille.»  M.  Behrens  (op.  cit.,  p.  178)  paraît  être  du 
même  avis  ^. 

Cette  hypothèse,  appuyée  par  les  parallèles  que  nous 
venons  d'étudier,  paraît  très  admissible;  seulement,  elle 
n'explique  pas,  me  semble-t-il,  la  forte  nuance  de  mépris 
que  le  mot  avait  au  moyen  âge. 

«Rejeton»,  «tendron». 

298,  L'idée  d'un  rameau  mort,  d'un  petit  morceau 
de  bois,  et  celle  d'un  rejeton,  d'un  brout  vert  et  vivant, 
se  touchent  naturellement  de  très  près,  et  souvent  la 
langue  se  sert  d'un  seul  mot  pour  rendre  l'une  et  l'autre  ^. 
L'application  métaphorique  aux  enfants  de  mots  signifiant 
'brout',  'rejeton',  implique  cependant,  comme  je  l'ai  fait 
remarquer  plus  haut,  une  allusion  non  seulement  à  la  forme, 
mais  aussi  à  la  jeunesse,  la  fraîcheur,  etc. 

Le  parler  de  Grenoble  emploie  hroi  'brout',  'bour- 
geon'   au   sens  de  'jeune  enfant'.  —  Rappelons  aussi  l'ex- 

'  Suivant  M.  Meyer-Lûbke,  Mom.  etym.  Wb.,  4041,  du  franc 
*hard  'cheveu'. 

*  Cf.  aussi  Kôrting,  op.  cit.,  4548.  —  M.  Jeanroy,  Rev.  des  Uni- 
versités du  Midi,  I,  p.  99,  rattache  le  mot  au  franc  herda  'troupeau'; 
cette  étymologie  est  rejetée  par  Kôrting  et  M.  Meyer-Liibke. 

*  Cf.  plus  haut  surcellus  et  ses  descendants  romans. 


—  286  — 

pression  française  un  beau  brin  de  fillf  'fille  de  belle  venue' 
{hnn=  'rejeton')  ^.-  -  Peut-être  le  franc,  tendron,  prov.  tendroun 
'jeune  fille'  (en  provençal  aussi:  'jeune  garçon')  doit-il 
s'expliquer  d'une  manière  analogue.  Le  Dictionnaire  général 
voit  dans  ce  sens  un  emploi  figuré  de  tendron  'rejeton 
jeune  d'une  plante'  ;  et  la  même  opinion  a  été  émise  déjà 
par  Furetière.  —  Mais  il  y  a  aussi  une  autre  explication 
très  acceptable,  proposée  par  M.  Nyrop  -.  suivant  laquelle 
tendron  est  un  terme  descriptif  analogue  à  grison,  un 
adjectif  (jui  s'est  appliqué,  par  polysémie,  à  différents 
objets:  le  rejeton  tendre  d'une  plante,  le  cartilage  tendre  d'un 
veau,  un  jeune  agneau  (en  provençal)  et  une  jeune  fille  '. 
Après  ce  qui  précède,  il  ne  doit  pas  être  trop  hardi 
de  rattacher  le  com.  gît  'citto',  'fanciullo'  *  (d'où  les  dérivés 
gitbn  'cittone',  gitonàse  'fanciullaccio')  au  piém.  git  'getto', 
'germoglio'. 

«Outre»,  «panse». 

299.  Pour  faire  ressortir  spécialement  la  rondeur 
d'un  petit  enfant  bien  portant,  on  l'a  comparé  à  différents 
objets  de  forme  ari'ondie:  une  outre  (ou  panse)  ",  une  miche 
de  pain,  un  petit  fruit. 

Dans  la  Valtelline  et  à  Livigno,  on  peut  entendre  bo- 
tàsc  (botac)  comme  dénomination  d'un  enfant,  d'un  jeune 
garçon.     La   Valtelline    en    a   tiré    le  diminutif  bofascêl;  à 

^  Cf.  rejeton,  qui.  en  poésie,  se  dit  quelquefois  pour  'descendant'. 
Un  développement  sémantique  en  sens  inverse  est  présenté  par  le 
lat.  pullus,  Tital.  pollone,  le  cat.  ponceîla  (voir  plus  haut.  §  82),  par  le 
prov.  cadel,  qui  signifie  à  la  fois  'petit  chien'  et  'rejeton',  et  par  le 
bas-manc.  chiau  'petit  chien  qui  vient  de  naître'  et  'rejeton  qui  pousse 
sur  les  racines  des  végétaux'  (voir  A.  Thomas.  Mélanges  d'étymologie 
française,  p.  52). 

'  Gramm.  hist.  de  la  lang.  franc..  IV,  §  560. 

'  Cf.  encore  Cotgrave:  <^ Tendron.  A  tender,  nesh,  délicate  or 
effeminate  fellow». 

*  D'après  Monti,  ce  mot  a  une  nuance  de  mépris. 

*  Cf.  l'allem.   Balg,  au  sens  de  'enfant'. 


—  286  — 

Livigno  on  trouve  le  diminutif  hotacinéc — hotacinéca  et  le 
dérivé  dépréciatif  botacéc — hotacéca.  Le  sens  propre  de  ce 
mot,  qui  se  rattache  au  grec  ^ovrig  {^VT/.g)  'barrique'  \  est 
celui  de  'outre'.  Les  patois  de  la  Valtelline  et  de  Livigno 
ne  connaissent  plus  ce  sens,  mais  le  sens  dérivé  de  'ventre', 
'pancia';  celui  de  'fiasco'  y  est  vieilli.  Cf.  le  mil.  hotasc 
'otro',  'ventre'  (dans  le  jargon  milanais:  'fiasco');  bergam. 
hotas  'ventre';  bresc,  crém.  hotas  'orcio',  'ventre';  posch. 
bot,  butas  'ventre'  (des  animaux);  liaut-eng.  buttatsch  'ventre'. 
Le  milanais  emploie  ce  mot  au  figuré  comme  sobriquet 
d'une  personne  ventrue,  et  les  garçonnets  de  Milan  se  mo- 
quent d'un  camarade  à  gros  ventre  en  chantant:  Peder. 
Gamba  de  veder,  Gamba  de  strasc,  Peder  bottasc.  (Cherubini.)  - 
Le  patois  de  Bormio  fournit  un  exemple  tout  à  fait 
analogue:  bagôn  'fanciuUo'  (dim.  bagonin.  bagonûc.  péjor. 
bagonéc)  est  un  dérivé  de  baga  'outre',  'ventre'. 

300.  Il  convient  de  mentionner  à  ce  propos  deux 
mots,  qui  appartiennent  aussi  aux  dialectes  de  la  Valtel- 
line et  des  vallées  voisines,  et  dont  le  sens  primitif  parait 
être  celui  de  'panse'  ou  de  'quelque  chose  d'enflé'  en  gé- 
néral. Dans  la  Valtelline  et  à  Bormio.  Monti  et  Biondelli 
ont  relevé  beder  'ragazzo';  à  Trepalle  (près  de  Livigno i. 
M.  Longa  signale  bôder  —  bôdera  'ragazzo'.  'ragazza'.  Suivant 
Monti,  boèudar  (boeuidar)  se  dit  à  Poschiavo  pour  'fanciullo', 
'figlio';  mais  M.  Michael  ne  connaît  pas  ce  mot.     Ces  ter- 


'  Voir  Diez.  Etym.  Wôrterh.  der  rovi.  Spi\.  p.  62;  Meyer-Lùbke. 
Mom.  etym.  Wb.,  1427.  —  Au  même  primitif  se  rattache  le  tyr.  bottidl 
(Livinallongo  botûgle)  'Scliimpfname  auf  Kinder'  (Alton),  et  peut-être 
aussi  le  tyr.  hot — boda  (Pufels)  'garçon',  'fille'.  Ou  faut-il  rapprocher 
ce  dernier  mot  de  la  famille  bot-,  but-,  étudiée  par  M.  Schuchardt 
dans  ZEPh,  XV,  p.  97  ss.?   —  Cf.  aussi  §  300. 

*  Puisqiie  botac  'outre'  a  pris  le  sens  de  'ventre',  'panse'  partout 
où  il  présente  l'acception  de  'enfant',  il  n'est  pas  impossible  que  ce 
sens  de  'ventre',  'panse'  ait  été  le  point  de  départ  du  changement 
sémantique;  en  ce  cas,  nous  aurions  affaire  ici  à  une  métonymie 
du  type  pars  pro  toto  (cf.  §  278  ss.),  et  non  à  une  métaphore. 


---  287  — 

mes  rappellent  le  piém.  hrdra  'pancia',  hoiloro  'di  piccola 
statura-,  ma  panciuto'  (Ponza);  et  le  bergam.,  bresc.  hoâtro 
'picciolo  panciuto'.  Le  posch.  hodàn — hodàna  'fanciullo', 
'tiglio',  'fanciulla'  (Monti),  huddy  'Kind'  (Michael)  S  .paraît 
contenir  le  même  radical.  M.  Salvioni  -  rattache  ces  mots 
au  thème  hot-.  hod-,  ([uo  Mussafia  a  étudié  dans  son  Bei- 
traff  zitr  Ktinde  der  norditalienischen  Mundarten  im  XV.  Jahr- 
hunderf.    p.   134  s.,    et   (]ui  désigne  'quelque  chose  d'enflé'. 

301.  M.  Salvioni  nous  apprend  ^  cpi'on  se  sert  à 
Bellinzone  du  mot  hô^  pour  désigner  'un  ragazzo  tondiccio*, 
et  que  le  même  mot  se  dit  à  Monte  Carasso  d'un  garçon 
en  général;  il  l'identifie  avec  le  tess.  hih  'pancia'  (que 
Monti  écrit  hàz)  *. 

302.  Le  languedocien  fournit  aussi  un  exemple  de 
la  métaphore  'outre'  >  'enfant'  :  houdoli  (proprement  bout 
d'bli  'outre  d'huile')  sert  à  désigner  un  petit  homme,  un 
'bout  d'homme',  ou  un  enfant  gros  et  court,  replet  et 
joufflu  ^. 


'  M.  Micliael  relève  en  outre  un  dérivé  avec  un  suffixe  péjoratif; 
budanas  'Schlingel'. 

»  RendIL.  sér.  U,  XXX,  p.  1507. 

*  loc.  cit.,  n.  2. 

*  Dans  le  même  travail.  M.  Salvioni  se  demande  si  baloeut  'fan- 
(îiulli'.  (fue  Monti  a  relevé  dans  le  patois  des  environs  de  Bellinzone, 
viendrait  de  hala  'palla'  (franr.  halle),  et  impli<iuerait,  à  Tinstar  de  bÔ2, 
etc.,  une  allusion  à  la  rondeur  d'un  petit  enfant.  Cela  me  paraît  d'au- 
tant plus  vraisemblable  que  les  patois  lombards  possèdent  plusieurs 
mots  pour  désigner  des  objets  de  forme  arrondie,  qui  se  rattachent 
sans  doute  à  bala:  valtell.  baloèun;  bergam.  balôc  'testicoli',  'pudende'; 
anc.  mil.  haloeùs  (=  ital.  ballotte)  'castagne  lessate";  com.  balôt  'involto 
informe',  etc.  Cf.  du  reste  l'ital.  ballottino  'ragazzo  che  à  il  naso  a 
ballotta'  (Petrôcchi).  —  Le  tess.  baient  'ragazzo',  que  Monti  a  relevé 
aussi  à  Bellinzone,  dérive  probablement  du  môme  mot. 

'  «Une  outre  à  huile  a  les  mêmes  dimensions  et  une  sorte  de 
ressemblance  de  conformation»  (D'Hombres  et  Charvet). 


—  288  — 

îJOS.  Le  patois  de  ]a  Grand'Combe  emploie  le  mot 
seteo  'petit  sac'  au  sens  figuré  de  'petit  marmot',  'mioohe'. 
Dans  le  parler  de  Bournois.  le  même  mot  se  prend  en 
mauvaise  part  pour  désigner  un  homme  lourd  et  trapu, 

«Miche»,  «gâteau». 

304,  Le  norm.  miche  'brioche'  sert  à  désigner  aussi 
une  petite  fille  (Du  Méril).  La  forme  d'une  brioche  invite 
en  effet  à  un  tel  rapprochement,  puisqu'elle  a  d'ordinaire 
la  forme  d'une  calotte  renflée,  surmontée  d'une  tête  (Dict. 
gén.).  En  français,  miche  signifie  simplement:  'pain  rond, 
de  grosseur  moyenne'. 

Le  jargon  comasque  désigne  un  petit  garçon  par  le 
mot  tortèl,  qui  signifie  proprement  'tortello',  'cibo  di  pasta 
intrisa  in  aqua  e  fritta  in  olio.  di  forma  alquanto  ritonda, 
délia  grossezza  d'una  piccola  mêla'  (Monti). 

305.  Dans  le  patois  de  Blonay  M*"**  Odin  a  relevé 
honé  (franc,  vaud.  bo(jné)  'petit  garçon',  honè  (franc,  vaud. 
hogne)  'petite  fille'.  Cette  dernière  forme  se  trouve  dans 
les  parlers  savoyards  d'Annecy  et  de  Chambéry  au  sens 
de  'fille  molle  et  indolente'.  Le  masculin  correspondant 
est  bonïon  'garçon  mou  et  indolent'.  D'après  Constantin 
et  Désormaux.  le  sens  propre  de  honte  serait  celui  de 
'beignet'  (français  local:  hiigne)  ^,  et  cela  peut  paraître  très 
plausible,  vu  l'emploi  analogue  de  miche  et  de  torteî.  Mais 
il  y  a  une  autre  explication,  qui  me  paraît,  aussi  vraisem- 
blable. Tous  ces  mots,  hugne.  hogne,  beignet,  etc.,  signifient 
primitivement    'petite   bosse',  'enflure'  *.  sens  qui  est  resté 

1  D'après  la  carte  1765  de  VAtl.  ling..  un  beignet  s'appelle  en 
Savoie  hune,  burtete,  boneta,  etc.  ;  à  Blonay  on  dit,  suivant  M^e  Odin. 
buné  (franc,  loc.  beugnet). 

*  Voir  Meyer-Liibke,  Eotn.  etym.  Wb.  1396,2,  Outre  les  mots 
qu'il  y  a  cités,  cf.  suiss.  rom.  bougna.  bogna  'bosse',  'contusion  au 
front'  (Bridel). 


-    289  — 

souvent  à  côté  du  sens  de  'beignet'.  Ainsi,  fninè  est,  dans 
le  {latois  de  Blonay,  le  nom  d'une  excroissance  sur  certains 
arbres;  à  Albertville  en  Savoie,  honïon  signifie  'enflure 
produite  par  une  foulure  ou  par  la  déviation  d'un  nerf; 
cf.  le  prov.  bougnoim  'petit  renflement'.  Ce  dernier  mot 
peut  signifier  encore  'magot',  'figure  grotesque',  et  peut- 
être  honïon,  hogné  'garçon',  hogne  'fillette'  s'expliquent-ils 
également  par  l'emploi  figuré  de  mots  signifiant  'bosse', 
'enflure',  'quelque  chose  de  rond,  d'enflé'  ^  Cela  paraît 
encore  plus  plausible,  si  l'on  tient  compte  du  berrichon 
hogniassc  'fillette'  (Jaubert),  qui  est  sans  doute  un  dérivé 
du  berr.  hogne,  beugne  'bosse',  'enflure'  (et,  ironiquement, 
'panse',  'ventre'),   et  non  de  heugnct  'beignet'. 

«Petit  fniit))  (pois,  fève  ^  etc.). 

306.  Le  campid.  pisèddu  'pois  chiche'  se  retrouve 
dans  le  logoudorien  au  sens  figuré  de  'ragazzo'.  —  L'ital. 
cecino,  diminutif  de  cece  'pois  chiche',  s'emploie  d'une  ma- 
nière analogue.  D'après  Fanfani  et  Tommaseo,  ce  mot 
n'est  usité  que  comme  terme  de  tendresse,  de  même  que 
cecio  ^,  variante  populaire  de  cece.  Mais  M.  Salvioni  traduit 
eecino  par  'ragazzino'  (RJUB,  IV,  p.  196),  et,  dans  le  dic- 
tionnaire de  Rigutini-BuUe,  on  trouve,  côte  à  côte,  les 
significations  'anmutiges.  liebliches  Kind'  et  'Kindchen'. 
Le  mot  se  rencontre  aussi,  comme  terme  de  tendresse, 
dans  les  dialectes  de  la  Haute-Italie:  mil.,  com.,  piac, 
vén.  cicîn,  piém.  cicinôt  'bambino  amabile',  'caruccio'  *. 

Les  mots  bergamasques  fazeulott,  fasûlà  'bel  bamboccio', 
'bamboccino',    'creaturina    grassoccia'  (Zappetini)  sont  des 


'  Cf.  plus  bas  l'abr.  ciammotte  {%  311). 

*  Cf.    le  suéd.  bôna  'fève',  qui.  dans  le  langage  argotique,  se  dit 
pour  'jeune  fille'. 

'  Le    lucquois    connaît    le    dérivi'   ceciône,  qui  se  dit  aux  enfant» 
«che  fanno  moine  per  essere  accarezzati»  (Fanfani). 

*  Dans  le  triestin,  cicin  est  un  adjectif  et  signifie  'petit'. 


—  290  — 

diminutifs  du  bergam.  faseul  (ital.  fagiuolo)  'fève'.  Comme 
le  mot  italien,  le  premier  de  ces  termes  peut  signifier 
aussi  'semplicione',  'minchione':  et  Tiraboschi  ne  donne  que 
co  sens  pour  fasolbt  ^ 

Le  hagais  mousette  'petite  fille',  qui  se  rencontre  aussi, 
dans  l'arrondissement  de  Caen  et  au  Val-de-Saire,  avec 
le  sens  plus  spécial  de  'petite  fille  impertinente',  paraît 
être  le  même  mot  que  moiiHcttc  'haricot',  'faséole',  relevé 
par  Métivier  dans  le  patois  de  Ouernesey  ^. 

307.  Voici  quelques  exemples  d'un  emploi  figuré  de  ter- 
mes signifiant  'noix',  'cerneau'.  Le  français  populaire  désigne 
quelquefois  par  cerneau  une  jeune  fille  innocente  '.  Evi- 
demment ce  n'est  pas  la  forme,  mais  la  verdeur  du  cerneau, 
le  manque  de  maturité,  qui  sert  de  terme  de  comparaison. 
—  Suivant  D'Ambra,  le  nap.  antrita  'nocciuole  secche  al 
sole,    o    tostate    a  moderato  calore',  peut  s'employer  pour 


*  Qu'il  me  soir  permis  de  mentionner  ici  le  lojçoud.  hajanu  'sca- 
polo'.  'celibe',  hajana  'nubile',  'zitella',  hajaneddu — hajanedda  'zitel- 
lino',  'zitellina'  (cf.  aussi  bajama  'gioventù'i.  qui  se  rattachent  pro- 
bablement au  lat.  haiana  pour  fahd  haiana  'fève  de  Baies'  (voir 
Salvioni,  BendlL,  sér.  II.  XXXII.  p.  132;  EDB,  lY.  p.  196;  A. 
Thomas,  Nouv.  ess.  de  phil.  franc.,  p.  178;  Mej'er-Liibke.  Bom.  etym. 
}Vh.,  885).  Il  n'est  cependant  pas  probable  qu'il  s'agisse  ici  d'une 
métaphore  'fève'  >-  'jeune  homme  non  marié'.  Le  sens  antérieur  à 
cette  dernière  acception  doit  avoir  été  le  même  que  celui  du  sic,  calabr. 
vajana,  qui,  par  métonymie,  en  est  venu  à  désigner  la  cosse  de  la  fève, 
tandis  que  le  mot  en  italien  et  dans  plusieurs  dialectes  (ital.  fo«^^?OMrt, 
arét.  hagiana.  lomb.  hazana.  etc.)  désigne  diverses  espèces  de  fèves.  Dans 
le  sens  de  'chose  inutile",  qui  dérive  facilement  de  celui  de  'cosse'. 
ce  mot  peut  avoir  été  appliqué,  comme  une  sorte  d'injure  plaisante, 
à  une  femme  non  mariée,  et,  avec  différenciation  de  la  finale,  à  un 
homme  non  marié. 

*  Ou  faut-il  peut-être  voir  dans  mousette  'fillette'  im  diminutif 
du  norm.  mouse  'museau',  'figure',  'mine'?   Cf.  musequin.  minois  {%  278 >. 

*  Le  premier  dictionnaire  qui  mentionne  cet  emploi  doit  être 
celui  de  Delvau  fl867),  où  le  mot  est  signalé  comme  un  terme  de 
«l'argot  des  gens  de  lettres».  On  le  trouve  dans  un  des  romans 
de  Daudet:  Bose  et  Ninette.  p.  355  (Œuvres  complètes.  Paris  1899 
—1901). 


—  291  — 

désigner  'una  giovauetta  trescoccia,  tarchiata  e  rubiconda". 
-  Le  com.  grioèu  'noce  smallata  e  sgusciata'  (=  mil.  f/riceù 
'gariglio')  ^  se  dit  quelquefois  pour  'caruccio',  'bimbo',  'cucco'. 
Il  faut  mentionner  ici  encore  que  le  vénitien  se  sert 
do  raisa  ou  raise  'radice'  comme  terme  de  tendresse: 
'cecino'.  'saporitino'.  On  dit  par  exemi^le  :  earc  le  mie  raisc 
pour  'caro  il  mio  gioiellino'.  Le  diminutif  raisin  (souvent 
qualifié  de  bel)  paraît  avoir  un  sens  plus  général;  Boerio  le 
traduit  par  'mammolino'.   'bambolino'  ^. 

Le  raisin,  qui,  plus  encore  que  les  objets  prémen- 
tionnés, joint  à  la  forme  ronde  la  douceiu*  du  goût,  se 
prête  aussi  volontiers  à  un  tel  emploi.  Ainsi,  dans  le  patois 
do  Saint-Pol,  me  pti  roje^  me  yro  roje  ('mon  petit  (grosi 
raisin')  sont  des  termes  d'affection  qu'on  donne  aux  petits 
onfants  *. 

308.  Peut-être  faut-il  considérer  aussi  comme  une 
métaphore  tirée  du  régne  végétal  le  haut-manc.  rouâmelle 
[quouâmelle,  couêmeUe),  qui,  à  Loué  (dép.  de  la  Sarthe),  se  dit 
pour  'fille'  (Montesson).  Cette  désignation  paraît  reposer 
sur  une  comparaison  avec  la  forme  d'une  couamelle.  ou 
champignon  ^,  qui,  avec  son  «pied»,  souvent  ventru  ou 
renflé  au  milieu,  et  son  grand  «chapeau»,  rappelle  une  petite 
fille  en  chapeau  à  larges   bords  ^. 

*  Ce  n'est  peut-être  qu'un  terme  poétique,  car  D'Ambra  n'en  cite 
que  l'exemple  suivant,  tiré  d'une  vieille  chanson:  Ntrita  mia  roseca- 
rella.  Facce  bella.   Viene  eea. 

*  Voir  Meyer-Lubke.  Rom.  etym.    Wb..   172R. 
»  Cf.  p.  105,  n.  5. 

■•  Ajoutons  que  trognon,  dans  le  langage  populaire  et  familier,  se 
<lit  comme  terme  de  tendresse  à  un  petit  enfant  ou  à  une  jeune  fille. 

'-  Dans  Montesson  on  ne  trouve  pas  couamelle  dans  ce  sens, 
mais  il  est  attesté  pour  un  parler  voisin,  celui  du  Vendômois. 

"  Dans  le  Vendômois.  couamelle  peut  signifier  aussi  'chapeau  à 
larges  bords". 


—  292  — 

Animal  ou  objet  inanimé? 

309.  A  première  vue,  on  est  parfois  tenté  d'expliquer 
comme  une  métaphore  tirée  du  règne  animal  une  déno- 
mination qu'il  faut  en  réalité  ranger  entre  les  métaphores 
tirées  d'objets  inanimés. 

Les  noms  de  ces  objets  s'appliquent  souvent,  non 
seulement  à  des  êtres  humains,  mais  aussi  à  des  animaux, 
dont  la  forme  offre  quelque  similitude  avec  celle  d'un 
bloc  de  bois,  d'une  bosse,  etc.  Dans  son  ouvrage  cité 
plus  haut,  M.  E.  Bjôrkman  a  réuni  un  grand  nombre 
d'exemples,  tirés  des  langues  germaniques,  de  mots  qui 
présentent  toutes  ces  trois  significations  ('objet  inanimé', 
'animal',  'être  humain').  En  voyant,  côte  à  côte  dans  un 
même  mot,  les  deux  dernières  significations,  on  est  na- 
turellement porté  à  croire  que  le  nom  de  l'animal  a  été 
appliqué  métaphoriquement  à  l'être  humain.  Mais,  comme 
le  fait  remarquer  justement  M.  Bjôrkman,  il  faut  donner, 
dans  la  plupart  des  cas,  à  l'un  et  l'autre  sens  une  origine 
commune:  l'objet  inanimé.  «In  den  hier  zu  besprechenden 
Fàllen,  dit-il  ^,  ist  das  mit  den  betreffenden  Eigenschaften 
ausgerûstete  Ding,  oder  vielmehr  die  dem  Ding  anhaf- 
tenden  Eigenschaften  selbst  ^,  das  Primàre,  der  Aus- 
gangspunkt  fiir  die  weitere  Bedeutungsentwicklung.  Das 
Wort  kann  also  sekundàr  entweder  ein  Tier  oder  ein 
menschliches  Wesen  bezeichnen,  sehr  oft  beides.  Der  nor- 
male Prozess  ist  meines  Erachtens  der  Folgende: 


'  Indogerm.  Forsch.,  XXX,  p.  258. 

'  Le  mot  primitif  a-t-il  été  un  substantif  (le  nom  d'un  objet)  ou 
un  adjectif  (le  nom  d'une  qualité)?  Voilà  une  question  à  laquelle  il 
est  impossible  de  donner  une  réponse  certaine.  Probablement  il 
s'est  employé  tantôt  d'une  manière,  tantôt  de  l'autre  (cf.  plus  bas  le  mil. 
ftciatt,  qui  peut  signifier  à  la  fois  'crapaud'  et  'gros  et  court').  Si  l'on 
veut  supposer,  toutefois,  qu'il  a  eu  le  caractère  d'un  adjectif,  on  n'a 
naturellement  pas  affaire  ici  à  des  métaphores,  mais  à  des  termes 
descriptifs. 


—  293  — 

-r^     ^.      .  .      -r-.-  1    i-       ^r' '^)  das  Tier 

1  )  Das  Ding  bzw.  semé  Eigenschatten  I    on  ^  i 

liche  Wesen  ; 
nichtetwa  :  1)  DasDing  iisw.  i^->  2)  Das  Tier s^>-  3)  Das  mensch- 
liche  Wosen». 

Nous  allons  étudier  dans  ce  qui  suit  quelques  expres- 
sions des  dialectes  italiens,  auxquelles  ces  paroles  semblent 
applicables. 

310.  Dans  les  dialectes  lombards  on  trouve  un  mot 
sciât  ibergam.,  bresc.  sat)^  qui  signifie  à  la  fois  'crapaud' 
et  'enfant'.  Quoi  de  plus  naturel  que  de  voir  dans  ce 
dernier  sens  le  résultat  d'un  emploi  métaphorique  de  sdat 
'crapaud'?  C'est  aussi  ce  que  fait  M.  Sainéan  dans  son 
ouvrage  précité  sur  la  création  métaphorique  ^  —  Il  ap- 
plique cependant  cette  explication  aussi  au  lomb.  sciot  'en- 
fant', bien  que  ce  mot  ne  présente  nulle  part  le  sens  de 
'crapaud',  mais  bien  celui  de  'crotte'  ^.  Il  serait  donc  pré- 
férable de  dériver  le  sens  de  'enfant'  de  cette  dernière 
acception  et  de  voir  dans  sciot  un  parallèle  avec  stronzo. 
petolo^  etc.  Mais,  comme  l'a  fait  remarquer  M.  Schuchardt'. 
il  est  plus  probable  que  sciot  et  sciât  remontent  tous  deux 
à  un  mot  désignant  quelque  chose  d'informe  et  de  glo- 
buleux, et  que  ce  mot  a  été  appliqué  métaphoriquement 
à  un  être  vivant:  un  crapaud,  un  nabot,  un  enfant,  ou  à 
un  objet  inanimé,  une  crotte,  etc.;  il  s'est  employé  adjec- 
tivement aussi,  comme  le  montre  le  milanais  sdatt  'tozzo'  *. 

»  Voir  ZliPh,  Beih.  X,  p.   134. 

'  Outre  sciât  et  seiot,  M.  Sainéan  rattache  à  sciât  'crapaud'  plu- 
sieurs autres  noms  d'enfaiits  qu'il  faut  expliquer  autrement:  lomb.  scct 
(voir  §  110),  Turin  cet  (qui  doit  être  le  même  mot  que  le  piém.  cit  ou 
pcit,  voir  §  264);  ital.  citto  (voir  §  407). 

»  ZRPh.  XXVIII,  p.  318  8. 

*  Voici  ce  que  M.  Schuchardt  écrit  à  propos  de  sciât,  etc.:  -i- .  •  em 
Ausdruck  fiir  etwas  Unfôrmliches  oder  Rundliches  in  der  unbelebten 
und    der    Pflanzenwelt,    wie    'Klumpen',    'Klotz',    'Knorren'    [wird]    auf 


—  294  — 

L'alternance  vooalique  que  présentent  sciât  et  sciot  dé- 
pend, selon  M.  Schuchardt,  de  l'origine  onomatopoétique 
qn'il  attribue  aux  expressions  de  ce  genre  ^,  —  L'expli- 
cation de  M.  Schuchardt  a  été  pleinement  approuvée  par 
M.  Meyer-Liibke,  dans  son  Rom.  etym.  Wh.,  2454.  —  M. 
Salvioni,  dans  son  travail  précité  Pcr  i  nomi  di  parentela 
m  Italia  ^.  suppose  que  le  mot  primitif  n'a  pas  eu  le 
caractère  d'un  substantif,  mais  d'un  adjectif  signifiant, 
comme  l'adjectif  milanais  sciatt  'piccolo  e  grosso'.  De  là 
on  aurait  tiré  le  sens  de  'nano'  ou  de  'scriatello',  qui 
aurait  à  son  tour  donné  naissance  à  celui  de  'fanciallo'. 
A  l'appui  de  la  supposition  que  l'idée  de  'nain'  a  été 
antérieure  à  celle  de  'enfant'  ^,  on  pourrait  alléguer  le  fait 
que  le  com.  sciât  signifie  'nano',  'basso  di  statura',  et  que 
le  sens  de  'enfant'  n'apparaît  que  dans  le  diminutif  sciatcl. 
qui,  à  côté  de  'nanetto',  présente  la  signification  de  'fan- 
ciuUino',  'ragazzino'  (Monti). 

Sciai  'fanciuUo',  'figlio'  est  essentiellement  un  mot 
des  Alpes;  Monti  le  relève,  dans  le  Tessin,  à  Val  Malenco: 
sciât — sciàta;  à  Albosaggia:  sciatt  'giovanetti',  ,s-da^M 'giova- 
netto'.  Sciot  'enfant'  *  est  également  usité  dans  les  Alpes, 
mais  aussi  à  Milan:  com.  sciotêl  'fanciulletto';  bellinz. 
sciot — sciota  'figlio',  'figlia'  ^;  mil.  sciottèll  'cecino',  'bam- 
berottolo'  . 


lebende  Wesen  (unser  'Knirps'.  mdl.  'Knoiz'  u.  s.  w.  gehoren  hierber) 
oder  auf  die  Extremitaten  solcher  ('Stummel'  fur  'Hand'.  'Fuss')  ùber- 
tragen  uiid  in  adjektivischer  Geltung  auf  die  Gestalt  (einerseits  'dick 
iind  kurz'.  'plnmp',anderseits  'verstiimmelt'),auf  dieBewegungen('plump'. 
'ungeschickt').  auf  die  geistige  Beschaffenheit  ('stumpfsinnig',  'dumm')». 

1  Cf.  la  théorie  de  M.  Hellquist  sur  l'origine  de  mots  tels  que  le 
suéd.  dial.  babbe  (voir  plus  haut,  p.  277,  n.  3). 

'•*  BendIL.  sér.  II,  XXX,  p.  1505  s^ 

»  Cf.,  plus  bas,  §  373. 

■•  Cf.  borm.  cotin.  cutin  'agnello'  (Longa);  engad.  tscitot  'Schaf, 
tschottin  'Lamm'  (Pallioppi).     Est-ce  le  même  mot? 

*  Pour  arriver  à  cette  signification,  le  développement  sémantique 
a  dû  passer  par  celle  de  'fanciullo',  'fanciulla'. 


—  295  — 

Hll.  Dans  son  travail  cité  plus  haut,  M.  Sainéan 
range  aussi  parmi  les  noms  du  crapaud,  qui  auraient  été 
employés  hypocoristiquement  au  sens  de  'enfant',  l'abr. 
oiahhottr,  nammottc  'enfant  dodu'.  Dans  le  Vocaholario 
delV usu  ahruzzesc  de  Finamore,  à  l'article  ciahhhtte,  on  cherche 
pourtant  en  vain  le  sens  de  'crapaud'.  Cet  article  nous 
apprend  que  nabbbttc  (s.  f. ;  à  Civitella  Alfedena:  ciammbUë) 
signifie  'galla',  'gallozza',  'escrescenza  di  alcune  piante', 
'eniiato'.  'boUa',  'vescica  che  viene  suUa  pelle',  et  qu'il 
s'emploie  au  masculin,  avec  une  nuance  dépréciative,  dans 
le  sens  de  'ragazzo  piccolo  e  grosso',  'ciccione'.  D'autre 
part,  on  trouve,  dans  le  dialecte  des  Marches,  ciamotto 
(San  Ginesio),  ciamntte  (Grottamare)  au  sens  de  'botta', 
c.-à-d.  'crapaud',  et  le  dernier  signifie  en  outre  'bambino 
déforme'.  Il  ne  parait  pas  impossible  que  ce  sens  de 
'bambino  déforme'  soit  dérivé  de  celui  de  'botta';  en  tout  cas 
on  n'aurait  pas  été  surpris  que  M.  Sainéan  eût  allégué  ce 
mot  des  Marches  comme  exemple  de  la  métaphore  'cra- 
paud'>• 'enfant',  ce  qu'il  n'a  point  fait.  Mais  pour  le  mot 
des  AbiTizzes,  une  telle  explication  est  hors  de  question. 
Ici.  le  sens  de  'enfant  joufflu'  se  rattache  directement  à 
celui  de  'enflure',  etc.  ':  et  c'est  sans  doute  de  ce  dernier 
sens  que  dérive  aussi  celui  de  'crapaud'  dans  les  Marches. 

a  H.     Métaphores  faisant  pessortir  les  mouvements. 

H12.  La  vivacité,  l'agilité  des  enfants  a  donné  nais- 
sance à  plusieurs  termes  descriptifs,  tels  que  frccchino, 
hrif/ol.  et  à  des  désignations  cacophémiques  ayant  un  cer- 
tain caractère  métaphorique,  tels  que  diaolï,  cifritto,  ludfar, 
iupitar.  Cette  qualité  a  fait  aussi  comparer  les  enfants 
à  une  toupie.  Pi'obablement  la  forme  de  ce  jouet  y  est-eUe 
aussi  pour  quelque  chose. 

Dans  le  parler  de  Castres  (Tarn),  un  enfant,  qui  com- 

« 

*  Cf.  Bjôrkman,   Indogerm.  Forsch..  XXX,  pp.  259,  267. 


—  296  — 

mence  à  marcher,  s'appelle  gaudufet  (Azaïs).  Mistral  si- 
gnale le  gasc.  gaudufle  comme  synonyme  de  ce  mot.  Sui- 
vant Azaïs  et  Moncaut.  gaudufié  (gaouduflé)  désigne  en 
Béam,  non  un  enfant  individuel,  mais  une  troupe  d'enfants. 
Azaïs  explique  —  avec  raison,  il  me  semble  —  gaudufet 
comme  un  diminutif  de  gaudufo  'toupie'  ^  La  carte  toupie 
(1319)  de  y  Atlas  linguistique  nous  montre  que  cette  forme 
s'emploie  justement  aux  environs  de  Castres.  On  y  voit 
aussi  que,  dans  la  partie  occidentale  des  Hautes-Pyrénées, 
une  toupie  s'appelle  gaodufio.  C'est  donc  probablement 
dans  cette  région  qu'on  désigne  une  troupe  d'enfants  par 
gaouduflé,  et  non  précisément  en  Béarn,  où  une  toupie 
s'appelle  ribot.  D'après  Lespy  et  Raymond,  ce  dernier  mot. 
se  dit  aussi  au  figuré  d'une  petite  personne  rondelette, 
toujours  en  mouvement  ^,  Voici  donc  réunies  les  deux 
mêmes  qualités  qui,  le  plus  souvent,  sont  la  raison  de  la 
métaphore  'toupie'  >  'enfant',  —  Le  sens  spécial  de  'en- 
fant qui  commence  à  marcher'  semble  impliquer  une  com- 
paraison entre  les  mouvements  chancelants  d'une  toupie 
([ui  va  s'arrêter  et  ceux  d'un  enfant  qui  apprend  à  mar- 
cher. —  La  petitesse  peut  avoir  été  un  autre  point  de 
ressemblance.  Cf.  l'expression:  Es  pas  plus  aut  qu'uno  bau- 
dufo   «il  n'est  pas  plus  grand  qu'une  toupie». 

Un  parallèle  de  gaudufet  'enfant'  nous  est  fourni  par 
l'italien  trottoUna,  diminutif  de  trottola  'toupie',  qui  se  dit 
comme  terme  de  tendresse  d'une  fillette^  ou  d'une  jeune  iîlle 
vivace,  et  d'où  l'on  a  tiré  le  masculin  trottolino  'garçonnet'. 

'  Mistral  rattache  gaudujie.  gaudufet  'enfant'  à  goudoufie  'flacon 
^arni  de  paille',  et  à  goudouvjie  'gonflé'.  En  effet,  il  ne  semble  pas 
impossible  que  le  sens  primitif  de  gaudvjto,  gaudufo,  haudufo  (etc.; 
'toupie',  soit  celui  de  'quelque  chose  de  gonflé,  de  houdenfle' .  Si  nous 
comparons  entre  elles  les  cartes  toupie  et  vessie  gonflée  (1380)  de 
VAtî.  ling.,  nous  trouvons  pour  ces  deux  idées  plusieurs  dénominations 
communes:  guduflo,  budufio.  hudif.  etc..  bien  que  ces  mots  ne  s'em- 
ploient pas  généralement  à  la  fois  dans  les  deux   sens. 

2  Cf.  le  prov.  gaudoufo,  baudoufo,  etc.' 'fille  de  joie'. 

^  On  dit  aussi  povera  trottola  à  une  petite  fille. 


--  297  — 

b.     Métaphores  tirées  du  règne  animal. 

î{13.  La  plupart  (ies  dénominations  métaphoriques 
sont  des  noms  d'animaux  ou  des  dérivés  de  termes  de  ce 
içenre.  Les  associations  d'idées,  qui  ont  fourni  le  point 
de  départ  de  cet  emploi  figuré,  ne  sont  pas  toujours  de 
pures  associations  de  similitude;  très  souvent  ce  sont  des 
«associations  de  sentiment:^  qui  en  ont  été  la  cause.  Cer- 
tainement on  a  voulu,  dans  bien  des  cas,  faire  ressortir 
les  qualités  que  l'enfant  et  l'animal  ont  en  commun:  les 
mouvements  câlins  du  chaton,  la  petitesse  et  l'agilité  de 
la  souris,  la  difformité  et  la  gaucherie  du  crapaud,  etc.  ^ 
Mais,  encore  plus  souvent,  il  faut  sans  doute  expliquer  le 
rapprochement  par  le  sentiment  (soit  de  tendresse,  soit  de 
dégoût  et  de  mépris)  que  l'animal  et  l'enfant  ont  tous 
deux  inspiré  à  celui  qui  parle.  Naturellement  ces  deux 
causes  ont  souvent  concouru  au  même  résultat.  Comme 
termes  d'affection  on  doit  considérer  les  noms  du  chat, 
«cet  animal  doux,  bénin  et  gracieux»-;  les  noms  de  la 
génisse,  du  poulain,  de  l'agneau,  du  poulet,  animaux  qui 
ont  l'air  si  gentil  et  qui  jouent  un  rôle  si  important  dans 
la  vie  et  dans  l'économie  des  gens  de  la  campagne'';  les 
noms  des  petits  oiseaux,  surtout  des  oiseaux  chanteurs, 
etc.  *  D'autres  noms  d'animaux  s'emploient  comme  termes 
d'injure  et  se  sont  appliqués  par  cacophémisme  à  un  en- 
fant; cela  parait  être  le  cas  pour  les  noms  du  chien  ^,  du 

1  Cf.  Wundt.  JJie  Sprache,  II,  p.  576. 

«  Cf.  Sainëan,  ZRPh,  Beih.  I,  p.  76. 

»  Cf.  Tappolet.  dans  ASNS,  CXXXI,  p.  82. 

*  Plusieurs  noms  d'animaux,  qui  s'emploient  de  cette  manière, 
ne  présentent  qu'un  sens  purement  hypocoristique.  par  ex.  le  franc. 
bichette,  qui  se  dit  amicalement  aux  petites  filles,  et  le  champ,  hiquot — 
hiquotte  'biquet',  'biquette',  terme  de  tendresse.  On  dit  de  même, 
dans  ce  patois:  rnai  poulotte,  mai  chaitotte,  mai  raitotte,  etc.;  «souvent, 
tous  les  animaux  y  passent»  (Baudouin). 

*  »Tout  ce  qui  est  excessif,  détestable,  a  été  rattaché  à  la  notion 
chien,  à  l'encontre  du  chat  que  la  langue  comble  de  faveurs»,  dit  M. 
Sainéan  (ZBPh,  Beih.  X,  p.  1). 


—  298  — 

singe,  du  crapaud,  de  certains  insectes,  etc.  Observons 
pourtant  que  justement  cet  emploi  dépréciatif  des  expres- 
sions en  question  a  souvent  sa  source  dans  les  qualités, 
réelles  ou  supposées,  des  animaux  ^,  et  que.  par  consé- 
quent, elles  reposent,  elles  aussi,  en  quelque  degré  sur 
une  association  de  ressemblance.  —  Il  va  sans  dire  que. 
dans  tous  ces  cas,  on  se  sert  en  première  ligne  des  for- 
mes diminutives.  —  J'ai  dû  renoncer  cependant  à 
disposer  mes  matériaux,  d'après  ces  points  de  vue,  en 
trois  catégories  strict:ement  séparées  l'une  de  l'autre.  Je 
me  suis  donc  permis  de  grouper  les  termes  suivants  tout 
simplement  d'après  les  animaux  dont  ils  ont  emprunté 
les  noms,  en  commençant  par  le  chien  et  le  chat,  en  traitant 
ensuite  des  autres  mammifères  et  des  oiseaux,  et  en  finis- 
sant par  les  reptiles,  les  poissons  et  les  insectes. 

•   Chien. 

314.  La  carte  461  de  VAtlas  linguistique  nous  montre 
que,  dans  tout  le  Nord-Ouest  de  la  France,  depuis  la  Nor- 
mandie jusqu'à  la  Gironde,  la  notion  'enfant'  se  rend,  dans 
beaucoup  de  localités,  par  des  dérivés  de  canis:  kèno. 
kénay  (Jcnay)^  et  par  leurs  diminutifs  ^.  La  plupart  des 
points  offrent,  à  côté  de  ces  formes,  le  mot  enfant  ou. 
plus  au  sud,  drôle^;  mais,  par-ci  par-là,  on  trouve  exclu- 
sivement knay  (387)  ou  kèno  (412,  423),    Quant  à  la  distri- 

^  M.  Nyrop,  qui.  dans  sa  Gramm.  hist.  de  la  lahgne  franc..  IV. 
§  352,  attire  l'attention  sur  ce  fait,  y  cite  plusieurs  noms  d'animaux 
servant  à  désigner  un  hoinme  ou  une  femme  imbéciles,  et  rappelle 
aussi  les  sens  figurés  qu'on  attache  aux  mots  cochon,  lièvre,  mouton. 
singe,  etc. 

-  Cf.  le  bas-manc.  eeeo  'enfant  chéri,  préféré,  dorloté'  (d'où  le 
verbe  eêeone  'caresser',  'traiter  en  enfant  chéri'),  qui  semble  être  le 
même  mot  que  l'anc.  fr.  cienchon  'petit  chien'  (Godefroy).  —  Le  lan- 
gage populaire  de  Paris  dit  chienchien-  comme  terme  d'amitié  à  un 
enfant:  «Viens,  mon  chienchien»  (Bruant). 

'  A  Chef-Boutonne  (Deux-Sèvres),  ou  dit  knay  ou  knay  de  draoh 


—  299  — 

Imtion  (le  knay  et  de  kmo,  la  carte  nous  apprend  que  la 
Manche,  l'ile  de  Jersey  et  les  parties  septentrionales  de 
l'Orne  et  de  l'Eure  présentent  le  premier  de  ces  dérivés  V; 
puis  nous  avons  un  domaine  de  heho,  embrassant  la 
Mayenne,  la  Sarthe,  la  Loire-Inférieure,  le  nord  de  la  Vendée 
et  le  Maine-et-Loire.  Plus  au  sud,  dans  les  Deux-Sèvres, 
la  Vienne,  la  Charente-Inférieure  et  la  Charente,  c'est  de 
nouveau  k'enay,  knay  qui  prédomine.  Ces  données  de  V Atlas 
sont  confirmées  et  complétées  par  les  glossaires  de  patois, 
qui  signalent  (jtienaiUc  aussi  dans  les  parlers  de  Bray,  de 
Dol,  de  Rennes,  du  Bas-Maine,  du  Vendômois  et  du  Bas- 
(jâtinais.  —  Qucnaille  est  originairement,  de  même  que 
l'ital.  canaglia  (>  franc,  canaille)^  un  collectif  signifiant 
'troupe  de  chiens'.  Le  sens  dépréciatif,  qui  se  joint  vo- 
lontiers à  l'idée  de  'chien',  est  renforcé  encore  davantage 
par  le  suffixe  -aille,  qui  a  pris,  au  cours  des  temps,  une 
valeur  péjorative.  Cette  nuance  de  mépris  est  restée 
dans  plusieurs  parlers;  ainsi  le  mot  se  dit  «en  mauvaise 
part»  à  Jersey  et  dans  le  pays  de  Dol.  —  La  signification 
collective  s'est  aussi  conservée  par-ci  par-là:  haut-manc, 
qwmaille  'bande  d'enfants'  ^;  bas-gâtin.  quenaille  'enfants'. 
Mais  en  général  notre  mot  a  pris  (comme  le  franc,  ca- 
naille) un  sens  individuel.  Le  plus  souvent  il  est  resté 
féminin  ^  :  mais  il  est  devenu  quelquefois  masculin  (en 
Poitou,  selon  Lalanne  ^,  et  en  Normandie,  selon  Du  Méril), 
<m  des  deux  genres  (dans  la  Hague,  suivant  Fleury,  et 
on  Poitou,  suivant  Rousseau).  Dans  plusieurs  localités, 
on    l'emploie    surtout    au   pluriel:  quenailles  'enfants'^;  tel 


*  A  Auderville  (Manche)  on  prononce  knat. 

*  Montesson  relève  en  ce  seus  aussi  queniôrie. 

*  En    Anjou,    une  quenaille  a  pris   aussi  le  sens  de  Momestique', 
fille  du  commun'. 

*  Cf.    pourtant    Favre:    la   quenaille,  et  Rousseau,  qui  le  fait  des 
deux  genres. 

•'•  Cf.    garçailles,    %  152.  races,  §  203.     Cf.  aussi,  pour  le  passage 
du  sens  collectif  au  sens  individuel,  §  135. 


—  300  — 

est  le  cas  dans  le  Bas-Maine,  une  partie  de  l'Eure  et  le 
Poitou.  De  quenaillc  on  a  tiré  àeux.  àxYainwi'iia  :  quenaillon 
{hnayo)  et  quenaillin  {knaye).  Ce  dernier  ne  se  trouve 
qu'au  point  510  (Deux-Sèvres)  de  notre  carte  '.  Le  pre- 
mier coexiste  avec  quenaille  en  Normandie,  avec  quenaillc 
et  drôle  dans  le  sud  de  la  Charente,  et  avec  queniof  dans  le 
Maine,  dans  le  sud  de  la  Loire-Inférieure  et  dans  le  nord  de  la 
Vendée.  —  Sur  la  carte,  le  domaine  de  Jcèno  coïncide  à 
peu  près  avec  les  patois  du  Maine  et  de  l'Anjou.  Les 
glossaires  de  ces  patois  relèvent,  à  côté  de  cette  forme, 
aussi  quenot  (quenau);  Montesson  donne  encore  pour  le 
Haut-Maine  le  féminin  queniotte.  Mais  queniot,  quenot  sont 
enregistrés  par  d'autres  glossaires  encore.  Favre  et  La- 
lanne  les  signalent  comme  termes  poitevins.  Coulabin  a 
relevé  queniot  à  Rennes,  où  il  s'emploie  toutefois  surtout 
au  pluriel.  D'après  Lecomte,  quenot  est,  au  pays  de  Dol. 
un  terme  de  mépris,  de  même  que  quenaille.  Dans  le 
patois  de  Pléchatel,  kèlo  ^  présente,  suivant  Dottin  et  Lan- 
gouët,  le  sens  spécial  de  'petit  enfant  qui  se  laisse  dorloter'. 
En  normand,  queniot  (caignot)  signifie,  d'après  E.  et  A.  Du 
Méril,  'petit  enfant',  tandis  qu'un  quénaut  est  un  petit 
chien.  Moisy  donne  aussi  pour  caignot  le  sens  de  'petit 
chien',  en  ajoutant  la  remarque  suivante,  qui  parait  té- 
moigner que  le  mot  en  normand  n'a  pas  (quitté  la  pre- 
mière phase  de  développement,  où  le  sens  métaphorique 
n'est  pas  encore  oublié  et  où  il  a  une  forte  nuance  affec- 
tive: «Quelquefois  cette  dénomination  est  appliquée  à  un 
petit  garçon;  c'est  un  terme  d'affection,  analogue  à  'mon 
petit  chat'».  —  Outre  les  formes  déjà  mentionnées,  les 
patois    du   Maine    connaissent  encore  quenêt  'enfant'  ^  (qui 


*  A  cô^é  de  drol. 

'  Pour  le  passage   de  l  k  n,  cf.    oie  'venin',  liméro    numéro'.  dan.s 
le  même  patois. 

*  Suivant  Dottin.  le  bas-manceau  n'emploie  ce  mot  qu'au  pluriel: 
qu'nez  (kène)  'enfants'. 


—  301    — 

doit  avoir  existé  aussi  en  hagais,  puisque  ce  dialecte  en 
possède  un  féminin:  quenetfe  'petite  fille' j  ^  et  f/uenas, 
quenias  'enfant'.  Ija  dernière  de  ces  formes,  qui  ne  semble 
pas  être  employé  en  bas-manceau,  se  retrouve  en  angevin. 
Ce  dialecte  connaît  en  outre  le  dérivé  péjoratif  quenasse^ 
quéniasse  *  (s.  f.)  'enfant'  (en  mauvaise  part),  et  son 
pluriel  qui  signifie  'marmaille'  et  qui  se  retrouve  en  nor- 
mand: qucnasses  'enfants  mal  élevés',  'vauriens'.  —  Le 
dolois  quenuche  (s.  f.)  'enfant',  formé  à  l'aide  du  suffixe 
argotique  -uche  ',  a  probablement  aussi  une  nuance  péjora- 
tive (cf.  dol.  quenaille,  quenot).  —  Le  féminin  queugne 
^petite  fille',  relevé  au  Longeron  en  Anjou  par  Verrier  et 
Onillon,  doit  être  considéré  comme  le  résultat  d'une  sorte 
de  «dérivation  régressive»*;  il  a  été  tiré  probablement  de 
quetiiot  ou  quenias  (mais  non  de  queneau,  comme  le  prétend 
le  dictionnaire  de  Verrier  et  Onillon).  Nous  avons  un 
diminutif  de  ce  mot,  queniellc  'petite  fille',  dans  le  patois 
du  Haut-Maine. 

Les  patois  du  Centre  fournissent  aussi  un  exemple 
d'un  dérivé  de  canis,  employé  comme  nom  d'enfant:  cagni 
*petit  polisson',  'gamin'  (Jaubert)  ;  cf.  bas-manc.  kâni  'chien', 
terme  de  mépris.  —  Ajoutons  enfin  que  jon-tye  ('jeune 
chien')  se  dit  à  Saint-Pol  pour  'blanc-bec'  (Edmont). 

315.  Dans  les  dialectes  lombards  et  en  frioulan,  ca- 
naja,  canaj  a  pris  quelquefois,  comme  l'ouest-franç.  que- 
naille, le  sens  de  'enfant',  'garçon';  mais  la  marche  du 
développement  sémantique  ne  paraît  pas  avoir  été  tout  à 
fait  la  même.  Les  mots  quenot,  quenet  présentent  encore 
aujourd'hui,    dans    certaines    localités,    le    sens  de  'chien'. 


'  Moisj'  donne  le  norm.  quenet  'petit  chien'.  —  Cf.  Bournois  1cè%è 
'jeune  chien  mâle',  employé  comme  sobi'iquet. 

'  On  sait  que  le  suffixe  -anse  {<.  -acea)  n'est  originairement  que 
le  féminin  du  suffixe  -as  (<  -aceus). 

*  Cf.  Sainéan.  L'argot  ancien,  p.  50. 

*  Cf.  Nyrop,  op.  cit.,  III.  §  532  ss. 

20 


—  302  — 

Quand  ils  s'emploient  pour  'enfant',  il  s'agit  donc  d'une 
métaphore  proprement  dite,  d'une  association  des  idées 
'chien'  et  'enfant';  et  probablement  il  en  est  de  même  pour 
quenaille  ^.  Le  haut-ital.  canaja  (frioul.  canaje,  canae,  tyroL 
canaia),  par  contre,  a  été  appliqué  d'abord,  comme  l'ital. 
canaglia,  injurieusement  à  une  foule  de  gens  de  rebut  et 
a  pris  plus  tard  aussi,  comme  le  franc,  canaille,  le  sens 
individuel  de  'homme  méprisable'.  Puis,  quand  on  l'a 
adressé  à  une  troupe  d'enfants  ou  à  un  enfant  particulier, 
ce  mot  doit  avoir  eu  tout  à  fait  le  caractère  d'un  terme 
affectif;  le  sens  étymologique  avait  disparu.  —  Le  sens 
collectif  de  'fanciulli',  'ragazzi',  qui  a  précédé  celui  de 
'fanciullo',  'ragazzo',  se  rencontre  dans  le  Tessin:  bellinz. 
canàja  'ragazzaglia'  (Monti);  en  Lombardie,  entre  Gavirate 
et  Laveno  (sur  la  rive  orientale  du  Lac  Majeur):  canaj 
'figliuoli',  'ragazzi'  (in  senso  buono)  (Banfi)  ^;  et  en  Frioul: 
canae,  canaje  'fanciullaja',  'moltitudine  di  fanciulli',  'fan- 
ciulli in  générale'  (Pirona).  Le  sens  individuel  a  été  relevé 
par  Monti,  dans  le  domaine  lombard,  à  Bellinzone  et  dans 
la  Levantine:  canaja  'fanciullo',  'ragazzo';  à  Albosaggia 
(Valtelline)  :  canaja  'fanciullo',  'ragazzo',  'figlio';  canajusc 
'fanciullino';  à  Val  d'Anzasca:  canajun  'fanciullo'.  Dans 
le  domaine  frioulan,  M.  Gartner^  le  signale  à  Erto:  hanâi 
— kandia  'Knabe',  'Màdchen',  kanaiy  'kleines  Kind';  à  S. 
Stephano:  kanài — kandia;  à  Forni  di  sotto:  kandi — kande;k 
Cimolais,  Aviano  et  dans  le  nord-ouest  de  la  Garnie:  kandi*. 
Pirona  donne  canàj  'fanciullo',  'fantino'.  'bimbo'  (à  côté  du 


^  Cf.  Moisy:  «Çuenaillon,  ^bambin,  petit  enfant,  littéralement 
petit  chien». 

-  M.  Banli  a  été  surpris  par  cette  signification  d'un  mot  qui.  en 
milanais,  ne  signifie  que  'canaille'.  II  ajoute  à  l'article  canaj:  «In 
sulle  prime  credevo  mal  intendere  o  essere  bubbolato;  ma  persone 
autorevoli  me  ne  fecero  sicuro». 

3  Voir  ZBPh,  XVI,  p.  325. 

*  Dans  une  partie  de  la  Garnie,  ce  mot  a  un  sens  péjoratif. 


—  303  — 

collectif   canaje,   voir  ci-dessus),  sans  indiquer  dans  quelle 
partie  du  Frioul  ce  mot  est  en  usage. 

316.  Outre  les  dérivés  de  canis,  plusieurs  autres  mots 
pour  'chien'  ont  fourni  des  dénominations  d'enfants. 

Le  prov.  cadèu  (lang.  cadèl,  lim.  chadèl;  du  lat.  catellus) 
'jeune  chien',  se  dit  pour  'jeune  gars',  'adolescent  qui  a 
les  manières  enfantines'.  Les  augmentatifs  cadelard  (aveyr. 
codelard)  et  cadelas,  proprement  'jeune  et  gros  chien',  ont 
un  sens  analogue:  'grand  jeune  homme  qui  fait  l'enfant'. 
Du  dernier  mot  on  a  tiré  le  féminin  cadelasso  'jeune  et 
grosse  fille  qui  aime  à  s'amuser'.  Le  diminutif  cadeloun 
(lang.  cadélou)  'petit  chien  fort  jeune'  est  de  plus  une 
désignation  familière  pour  un  jeune  enfant,  un  petit  gar- 
çon. —  Le  haut-manc.  chiou  'petit  enfant'  est,  suivant 
Montesson,  le  même  mot  que  cMmi  'chien  qui  vient  de 
naître'  (=  anc.  fr.  rJiael  <:  catellus)  ^ . 

317.  Le  prov.  mastin  'mâtin'  est  donné  par  Mistral 
au  sens  figuré  de  'gros  enfant'.  —  A  Pléchatel,  eutè  ('pe- 
tit chien')  se  dit  pour  'enfant  malicieux'  ^.  —  Le  wall. 
kayne-au-cu^  désignation  facétieuse  d'un  petit  chien  (wall, 
hayner  =  'mordre'),  peut  s'employer,  dans  les  parlers  de 
Mons  et  de  la  Flandre  française,  au  sens  de  'petit  enfant'. 
Vermesse  l'écrit  agnocu.  —  Le  franc,  bichon  'petit  chien 
d'appartement'  (probablement  une  abréviation  de  harhichon) 
se  dit  parfois  amicalement  à  un  enfant  ^. 

318.  Un  groupe  nombreux  de  dénominations  de  chien, 
qui    a    des    représentants    en  Italie,  en  France  et  dans  la 

*  Cf.  A.  Thomas,  Mélanges  d'étymologie  française,  p.  52. 

'  D'après  M.  Sainéan  {ZEPh,  Beih.  X,  p.  3),  eutè  représenterait 
catellus. 

*  Fr.  Brinkraànn,  qui  mentionne  cet  emploi  de  bichon  {Die  Me- 
taphern,  pp.  236,  278),  le  dérive  de  l'anc.  fr.  biche  'petite  chienne'.  11 
rattache  à  tort  au  même  primitif  bichette,  terme  d'amitié  adressé  aux 
jeunes  filles  (cf.  p.  297,  n.  4). 


—  304  — 

péninsule  ibérique,  paraît  être  d'origine  onomatopoétique. 
M.  Sainéan  le  dérive  d'un  cri  d'appel  \  M.  Meyer-Lûbke 
d'une  onomatopée  kuC,  hos  ^.  Parmi  les  termes,  qui  en- 
trent dans  ce  groupe,  il  y  en  a  quelques-uns  qui  nous 
intéressent  ici.  —  D'après  Monti,  le  borm.  côcen  'cucciolo', 
'cagnolino',  'bestiolino'  se  dit  aussi  pour  'fanciuUino'.  Ce- 
pendant, M.  Longa,  dans  son  Vocabolario  bormino,  n'en- 
registre pas  ce  sens  ;  la  seule  acception  figurée  qu'il  donne 
de  kôcen  (Val  Furva  kôcan)  est  celle  de  'di  bassa  statura'. 
Le  com.  cocibnn,  qui  est  évidemment  le  même  mot,  signifie, 
d'après  Monti,  'fanciuUo  uso  a  vita  molle',  'cucco'.  — 
L'ital.  cucciolo  'jeune  chien'  '  présente  le  sens  figuré  de 
'blanc-bec'  (Rigutini-Bulle)  *;  le  diminutif  cucciolotto  a  la 
même  signification  (Petrôcchi) . 

319.  Au  même  groupe  appartiennent  l'anc.  fr.  gous 
(bas-lat.  gossus)^  anc.  prov.  gos,  prov.  mod.  gous^  cat.  gos, 
port,  gozo,  esp.  gozq%ie  'chien',  qui  nous  intéressent  aussi, 
parce  que  M.  Sainéan  ^  en  fait  dériver  le  franc,  pop.  gosse 
'enfant',  'garçon'  **,  qui  se  retrouve  dans  quelques  parlers 
provinciaux.  —  Le  diminutif  gosselin  apparaît,  dans  la 
littérature  argotique,  antérieurement  à  gosse.  On  le  trouve, 
au  sens  de  .'petit  enfant',  dans  le  lexique  argot-français, 
que  Granval  ajouta  à  son  poème  Le  vice  puni  (1827);  et 
au  sens  de  'enfant  nouveau-né'  ou  'veau  mort-né',  dans  le 
glossaire  d'argot  de  Vidocq  (1828).  Dans  Le  jargon  de 
l'argot  réformé  (éd.  1849),  gosselin  'jeune  garçon'  figure  à 
côté  de  gosseline  'jeune  fille'.  Le  premier  exemple  de  gosse 
'enfant'    se  rencontre  (à  côté  de  gosselin)  dans  un  diction- 


^  op.  cit.,  p.  9  s. 
2  Eom.  etym.   Wb.,  4789. 
^   Cuccio  'chien'  est  vieilli. 

■  *  Ce  mot  signifie  aussi  'personne  simple,  inexpérimentée'  en  gé- 
néral ;  parfois  il  s'emploie  adjectivement  au  sens  de  'petit'. 
^  op.  cit.,  pp.  10,  48. 
^  Ce  mot  n'a  certainement  rien  à  voii'  avec  le  suéd.  gosse  'garçon'. 


—  306  — 

iiaire  d'argot  de  1846  ^.  Gosse  et  f/osselin  appartiennent 
aujourd'hui  au  langage  populaire,  où  gosse  est  des  deux 
genres  et  signifie  'enfant',  'garçon'  ou  'jeune  femme', 
'amante'.  —  Les  glossaires  de  patois  signalent  gosse  'en- 
fant', 'gamin',  en  Anjou  (Montjean,  Briollay,  Le  Longeron), 
dans  le  Vendômois  et  à  Saint-Pol,  où  il  n'est  usité  que 
depuis  une  trentaine  d'années  (Edmont).  Cette  répartition 
sporadique,  et  la  date  récente  des  exemples  ^,  nous  font 
croire  que  le  mot  a  pénétré  dans  ces  parlers  par  le  bas 
langage  des  villes.  Le  dictionnaire  de  Verrier  et  Onillon 
enregistre  bien  des  termes  triviaux;  et  Montjean,  qui  a 
fourni  le  fonds  principal  de  cet  ouvrage,  est  un  pays  es- 
sentiellement industriel,  où  le  patois  a  été  coloré  de  plus 
en  plus  par  l'argot  des  ouvriers.  —  Si  l'on  rattache,  avec 
M.  Sainéan,  gosse  au  prov.  gous,  béarn.  gos,  cat.  gos,  il 
faut  supposer  que  ce  mot  a  passé  dans  l'argot  français 
directement  des  patois  du  Midi.  Cet  argot  présente  en 
effet  un  assez  grand  nombre  de  termes  d'origine  méridi- 
onale. Dans  L'argot  ancien,  p.  232  ss.,  M.  Sainéan  donne 
une  série  considérable  de  mots  empruntés  par  l'argot  au 
provençal,  depuis  le  XV®  siècle  jusqu'à  l'époque  moderne  • 
parmi  les  emprunts  de  date  relativement  récente,  il  men- 
tionne gousse  'fille  publique',  du  prov.  goiisso  'fille  ou  femme 
débauchée',  proprement  'chienne'.  Cf.  aussi  le  prov.  goiis- 
soiin  'petit  chien',  employé  pour  'polisson',  'paresseux' 
(Mistral)  ^ 


*  Voir  Sainéan,  Les  sources  de  l'argot  ancien. 

*  Tous  les  glossaires  de  patois  qui  enregistrent  ce  mot  sont 
postérieurs  à  1890. 

'  M.  Vising.  dans  son  travail  cité  plus  haut  {Le  Moyen  Age, 
II,  p.  33),  se  demand-e  si  gosse,  gosselin  ne  pourraient  pas  se  rattacher 
à  gars.  «En  effet,  poursuit-il,  gars  se  prononce  dans  beaucoup  de 
contrées  gas  et  Vo  de  gosse  est  comme  tous  les  o  brefs  du  français 
moderne,  très  rapproché  d'à.»  Un  coup  d'oeil  sur  la  carte  622  de 
VAtlas  linguistique  nous  apprend  cependant  que  gars  ne  se  prononce 
jamais  gas.  mais  ga.  ou  bien  (dans  plusieurs  localités  de  la  Bretagne) 
gar. 


—  306  — 

320.  M.  Sainéan  (ZRPh,  Beih.  X,  p.  34)  range  les  mots 
espagnols  cacho,  cachorro  et  le  port,  cachopo  parmi  les  noms  de 
chien  qui  ont  été  appliqués  aux  enfants.  Mais,  d'après  les 
dictionnaires  que  j'ai  pu  consulter,  ce  n'est  que  cachorro  qui 
a  réellement  subi  le  développement  sémantique  'chien'  >  'en- 
fant'. Ce  mot  qui,  en  espagnol  et  en  portugais,  présente  les 
significations  de  'jeune  chien'  (ou  de  'petit  d'un  animal 
sauvage':  loup,  renard,  etc.)  et  de  'enfant',  a  en  espagnol 
le  sens  spécial  de  'petit  enfant  gros  et  gras',  en  portu- 
gais celui  de  'garçon  intrépide'  (ou  de  'esclave',  'nègre'). 
D'après  MM.  Sainéan  ^  et  Meyer-Ltibke  ^,  l'esp.  cacho 
'petit  garçon'  aurait  le  sens  primitif  de  '(jeune)  chien'; 
on  cherche  cependant  en  vain  cette  signification  dans  les 
dictionnaires  de  Franciosini,  Oudin,  Tolhausen  et  Salvâ. 
Quant  au  port,  cachopo,  qui  serait,  selon  M.  Sainéan,  un 
diminutif  de  cacho,  signifiant  proprement  'jeune  chien',  il 
ne  figure  avec  ce  sens  ni  dans  Michaelis,  ni  dans  Coelho. 
Outre  le  sens  de  'Knabe',  'Junge',  'Knâbchen'  ^,  le  premier 
donne  celui  de  'verborgene  Klippe'  *.  On  en  a  tiré  le  fé- 
minin cachopa  'jeune  fille'  °  et  les  diminutifs  cachopinho — 
cachopinha,  cachopito — cachopita.  —  A  l'avis  de  M.  Sainéan, 
tous  ces  mots  tirent  leur  origine  du  lat.  catulus,  étymolo- 
gie  proposée  déjà,  en  ce  qui  concerne  cachorro,  par  Co- 
varruvias  ^,  et  adoptée  par  plusieurs  étymologistes  ^.  Mais, 
comme  l'ont  fait  remarquer  à  ce  sujet  MM.  P.  Barbier  fils  ^ 


^  op.  cit.,  p.  3. 
'  op.  cit.,  1771. 

*  D'après  Coelho,  cachopo  s'emploie  aujourd'hui  le  plus  souvent 
au  sens  spécial  de  'rapaz  rustico'. 

*  En  espagnol,  cachopo  a  le  même  sens,  et  en  outre  celui  de 
'vertrockneter  Baumstamm'  (Tolhausen). 

^  Spécialement:   'fille  de  campagne'. 

^  Voir  Diez,  Etym.   Wôrterb.  der  roni.  Spr.,  p.  435. 

'  Voir  P.  Foerster,  Spanische  Sprachlehre,  p.  157;  Tobler,  ZBPh, 
IV,  p.  377:  Echegaray,  Diccionario  gênerai  etimolôgico  de  la  lengua 
espanola,  à  l'art,  cachorro. 

8  BLB,  LU.  p.  100. 


—  307  — 

et  Meyer-Lûbke  \  -tl-  en  espagnol  ne  peut  pas  donner  -ch- 
et  catulus  serait  devenu  *cajo.  On  n'a  donc  pas  réussi  à 
donner  à  ces  termes  une  étymologie  commune,  qui  réponde 
aux  exigences  phonétiques;  et,  comme  on  vient  de  le  voir, 
leurs  significations  connues  ne  nous  permettent  guère 
de  rattacher  cachorro  et  cachopo  à  cacho.  Diez  ^  a  émis 
l'hypothèse  que  cachorro  serait  d'origine  basque,  et  M. 
Gerland  ^  y  voit  le  même  mot  que  le  basque  sahir,  za- 
kurra.  Le  suff.  -orro  paraît  indiquer  aussi  une  origine 
ibérique.  Quand  à  cacho,  je  suis  porté  à  rattacher  le 
sens  de  'enfant'  à  celui  de  'barbeau',  que  ce  mot  présente 
aussi  *.  Cela  paraît  d'autant  plus  probable  qu'il  existe, 
en  provençal  et  en  languedocien,  une  métaphore  tout  à  fait 
analogue:  barbèu  {harhèl)  'barbeau'  >  'garçon'  '".  Que  'bar- 
beau' soit  un  sens  très  courant  de  cacho^  cela  ressort  de 
nombreux  dérivés,  qui  servent  à  désigner  divers  poissons  ®. 
—  Si  l'on  rattachait  cachopo  au  port,  caçapo  \  proprement 
'lapereau',  au  figuré:  'lourdaud',  'malotru',  on  pourrait  voir 
aussi  dans  cachopo  'enfant'  une  métaphore  tirée  du  règne 
animal  ®. 

321.  Peut-être  faut-il  encore  ranger  dans  ce  groupe: 
calabr.  guagnàne  'ragazzo'  (terme  un  peu  dépréciatif,  d'après 
Scerbo);  alb.-calabr.  ganûn  'Knabe',  'Jûngling',  d'où  ganuni 


1  loc.  cit. 

'  loc.  cit. 

"  Voir  Grôber,  Grundriss  der  rom.  Phiî.,  2e  éd.,  I,  p.  426. 

*  M.  P.  Barbier  fils,  op.  cit..  p.  101,  propose  de  dériver  cacho 
'barbeau'  de  *catticuîus,  diminutif  de  cattus,  qui  serait  devenu  *catculus. 

5  Voir  §  367. 

"  Je  cite,  d'après  M.  Barbier  fils:  cachuelo,  cachuela,  noms  de 
poissons  de  rivière;  cachucho  «a  sort  of  sea-bream  that  hath  large  teeth»  ; 
cachorro  «a  sort  of  fish  so  called.»  (Les  deux  derniers  sont  tirés  du 
Port.-Engl.  Dict.  de  Vieyra,  éd.  1794.)  Faut-il  voir,  dans  ce  dernier 
mot,  cachorro  'chien',  appliqué  métaphoriquement  à  un  poisson? 

'  Cf.  Meyer-Lûbke,  op.  cit.,  2483. 

«  Cf.  lapin,  §  349. 


—  308  — 

'Jugend'  (Meyer);  nap.  cfiiagnonc  'ragazzone',  'giovincello', 
guaglione  'giovanetto',  'garzone',  'monello',  'fattorino',  d'où 
le  féminin  guagliona  'ragazza',  'fanciulla  da  marito',  et  le 
diminutif  guaglioncello — guaglioncella  (D'Ambra)  ;  Arpino  iva- 
jone  'ragazzo'  (Parodi):  abr.  guajone  'ragazzo'  (Finamore); 
Velletri  valons  'ragazzetto'  (Crocione).  —  M.  Meyer-Lûbke  ^ 
rattache  ces  mots  an  franc,  gagnon,  anc.  fr.  gaignon,  wai- 
gnon  'chien  de  basse-cour',  'mâtin',  qui,  au  moyen  âge,  si- 
gnifiait aussi  'mauvais  garnement',  'homme  vil  et  méchant'. 
L'origine  de  ce  mot  est  obscure.  M.  Meyer-Lûbke  mentionne 
et  rejette  plusieurs  étymologies;  il  ne  dit  cependant  rien 
d'une  explication,  proposée  par  Kôrting  ^  et  par  MM.  Bull  ^ 
et  Sainéan  *,  selon  laquelle  gaignon  (waignon)  dériverait 
d'une  onomatopée,  imitant  l'aboiement  du  chien,  et  qui 
entrerait  aussi  dans  le.  verbe  latin  gannire  (anc.  ital.  gan~ 
nire,  esp.  ganir).  Quand  il  s'agit  d'un  nom  d'animal,  une 
telle  origine  paraît  très  admissible  °. 


1  op.  cit.,  1583. 

2  Lat.-rom.    Wôrterb.,  1829,  4156. 

'  Die  fransôsischen  Namen  der  Haustiere  in  alter  und  neuer  Zeit 
mit    Berûcksichtigung    der  Mundarten,  Diss.  Phi].,   Berlin  1902,  p.  71. 

*  op.  cit,.  pp.  12,  15. 

'•"  M.  Bull  explique  la  terminaison  du  mot  de  la  manière  suivante: 
«Môglich  nun,  dass  lat.  ga  (in  ga-nn-ire,  klàffen),  gleich  germ.  wau, 
tonmalende  Lautverbindungen,  welche  nach  dem  Geklâff  des  Hundes 
gebildet  sind,  sich  mit  cagnon  als  der  Benennung  des  klâffenden  Hun- 
des Termischten  und  so  gagnon,  daneben  aber  auch  die  hâufigen 
Schreibungen  guaignon  und  waignon  zeitigen  konnte»  {loc.  cit.).  —  Dans 
quelques  patois,  par  ex.  dans  le  limousin,  gagnoun  se  dit  pour  'cochon* 
(voir  VAtl.  ling.,  carte  1061).  Il  faut  probablement,  avec  M.  Sainéan 
{op.  cit.,  p.  12)  faire  remonter  ce  mot  aussi  à  un  type  wan,  «expression 
du  grognement  commun  au  chien  et  au  cochon».  —  On  ne  voit  cepen- 
dant pas  pourquoi  il  identifie  le  nap.  guagnone  avec  l'aveyr.  gouagndu 
'pourceau'  (op.  cit.,  p.  111),  au  lieu  de  le  rattacher  à  gagnon  'chien'. 
La  métaphore  'chien'  >  'enfant'  est  beaucoup  plus  fréquente  que  l'em- 
ploi hypocoristique  des  noms  du  cochon;  de  plus,  il  faut  observer  que 
le  sens  de  'chien'  est  seul  attesté  pour  la  langue  ancienne  tandis 
qu'on  n'a  que  des  exemples  récents  de  la  signification  de  'cochon*. 


—  309 


Ohat. 


322.  Le  français  familier  emploie  souvent, mon  chat, 
ma  chatte  comme  termes  de  tendresse  ^  Dans  le  patois 
de  la  forêt  de  Clairvaux,  Baudouin  relève  le  dérivé  chai- 
totte  'petite  chatte',  qui  s'adresse  amicalement  aux  enfants. 
—  Le  prov.  chat  —  chato  'jeune  garçon',  'jeune  fille',  d'où 
l'on  a  tiré  les  diminutifs  chatoun — chatouno,  chatounet — 
chatouneto,  paraît  avoir  la  même  origine  que  ces  termes 
d'affection.  Mistral  nous  apprend  que  chato  se  dit  pour 
'jeune  fille'  «sur  les  bords  du  Rhône»,  et  que  chat  'jeune 
garçon'  est  en  usage  «sur  les  bords  de  la  Durance.»  D'après 
M.  Jules  Ronjat,  le  domaine  de  ces  expressions  est  encore 
plus  restreint:  «Entre  Avignon  et  Arles,  dit-il^,  chato  .  .  . 
est  le  mot  le  plus  usité  pour  jeune  fille,  chat  .  .  .  n'est 
point  rare  au  sens  de  jeune  garçon.»  Il  en  ressort  aussi 
que  le  féminin  s'emploie  plus  souvent  que  le  masculin; 
cela  est  confirmé  par  le  dictionnaire  d'Azaïs,  où  on  lit: 
*chat  est  moins  usité  que  chato»,  et  par  V Atlas  linguistique, 
qui  n'inscrit  chat  'garçon'  dans  aucune  de  ses  cartes. 
Les  cartes  570  et  1669  confirment  en  général  ce  que  nous 
venons  d'apprendre-  sur  la  répartition  de  cJiato  et  ses  dé- 
rivés. Elles  donnent  teato  (teyato,  tsato)  au  sens  de  'fille' 
aux  points  862,  863,  sur  la  rive  droite  du  Rhône;  au  sens 
de  'fillette'  au  point  853,  sur  la  rive  droite  aussi,  et  au 
point  871,  à  l'embouchure  du  Petit  Rhône  '.  Le  diminutif 
teatuno  (tsatuno)  se  dit  pour  'fillette'  aux  points  862,  863. 
En  dehors  de  cette  aire  provençale,  il  en  existe  cependant 
une  autre,  plus  au  nord-ouest,  dans  les  départements  du 
Lozère  et  de  la  Haute-Loire.  Dans  une  chanson  populaire 
de  Saint-Germain  de  Calberte  (Lozère),  citée  par  M.  Ron- 


*  Cf.  Brinkmann,  op.  cit.,  p.  409. 
»  BLR,  XLIX,  p.  87. 

*  Dans    ces    derniers    parlers,    une  jeune   fille   s'appelle  fiyo;  cf. 
Mistral:  quand  sa  chato  fugue  Jiho  «quand  sa  fille  fut  nubile». 


—  310  — 

jat,  on  trouve  ma  cato  pour  'ma  fille';  et  Mistral  nous 
apprend  que  chatou  se  dit  pour  'petit  enfant'  dans  le 
Velay.  —  Contre  la  supposition  que  chato  'jeune  fille'  se- 
rait le  même  mot  que  le  prov.  cato,  auv.,  lim.  chato  'chatte', 
on  a  objecté  qu'il  se  rencontre  justement  dans  le  domaine 
où  le  c  latin  reste  devant  a,  où,  par  conséquent,  on  dit 
]ca,  kato,  katu  pour  chat,  chatte,  chaton.  «Es  mûsste  somit 
als  ein  Kosewort  aufgefasst  werden,  das  von  der  Schrift- 
sprache  ausgeht»,  dit  M.  Meyer-Lûbke  \  et  M.  Ronjat  consi- 
dère aussi  le  provençal  chat — chato  comme  un  emprunt  fait 
au  français.  Mais,  comme  il  le  fait  remarquer,  une  telle 
explication  n'est  point  nécessaire  pour  cato  à  Saint-Germain 
de  Calberte  et  pour  le  vellavien  cJiatoii.  «Pour  la  forme, 
cato  et  chatou  sont  respectivement  réguliers  à  St.  G.  de 
Calberte  et  en  Velay  comme  continuateurs  de  catta  et  de 
cattu -\- snîûxe  one  .  .  .  On  s'exiplique  aisément,  poursuit-il, 
que  les  métaphores  petit  chat — petit  enfant,  chatte — jeune 
fille,  etc.  aient  été  réalisées  en  Velay  et  en  Gévaudan 
avec  des  mots  indigènes,  en  Provence  avec  des  mots 
empruntés  au  français,  car  le  français  a  pénétré  plus  tôt, 
dans  l'usage  courant,  en  Provence  qu'en  Gévaudan  ou  en 
Velay»  ^. 

323.  Ce  sont  cependant  surtout  les  noms  hypoco- 
ristiques  du  chat  qui  ont  été  appliqués  aux  enfants. 
Comme  l'a  montré  M.  Sainéan  ^,  ces  mots  dérivent  en  général 
d'une  onomatopée,  imitant  le  miaulement  ou  le  ronron  de 
l'animal,  *l'animal  étant  simplement  conçu  comme  le  miau- 
leur,  comme  le  miaou  de  nos  enfants»  '*.  Les  types,  qui  en- 
trent ici  en  considération,  sont  mit-,  moût-;  min-,  man-  {mign-, 
magn-),  représentant,  d'après  M.   Sainéan,  la  notion  'miau- 


1  op.  cit.,  1770. 

'^  op.  cit.,  p.  88. 

»  ZBPh,  Beih.  I.  p.  12  ss. 

■*  op.  cit.,  p.  15. 


—  311  — 

1er'  ^  et  m-r  (tnir-,  mar-,  niour-),  imitant  le  ronron  ^.  Les 
mots  de  ce  genre,  comme  toutes  les  formations  d'origine 
imitative,  sont  sujets  à  une  alternance  vocalique  (i — a — om)', 
apophonie  spéciale,  sur  laquelle,  avant  M.  Sainéan,  M. 
Maurice  Grammont  a  appelé  l'attention  dans  une  étude 
très  substantielle  *. 

324.  Dans  l'Ouest  de  la  France,  on  se  sert,  à  côté 
de  chatte,  de  deux  termes  hypocoristiques  :  mitte  et 
monte  ^  ;  souvent  la  première  syllabe  est  redoublée  (mimitte, 
moumoute)^  ce  qui  témoigne  d'origine  enfantine.  Ce  n'est 
que  la  dernière  de  ces  formes,  moute,  qui  s'applique  aux 
enfants.  Dans  le  Haut-Maine,  on  désigne  par  moute  une 
«bonne  grosse  petite  fiUe»  (Montesson).  M.  Dottin  le 
signale  dans  le  bas-manceau  comme  un  terme  d'affection 
et  relève  le  dérivé  mutae,  au  sers  de  'petite  fille'. 

325,  Les  langues  romanes  possèdent  une  foule  de 
dérivés  de  min-  (mign-),  qui  servent  à  désigner  un  chat, 
une  chatte  ou  un  chaton*;  elles  emploient  souvent  ces 
termes,  et  surtout  leurs  diminutifs,  comme  dénominations 
d'enfants.  —  Voici  tout  d'abord  quelques  exemples  de 
mots  employés  à  la  fois  dans  ces  deux  significations,  et 
dont  le  caractère  métaphorique  paraît,  par  conséquent,  in- 

1  Peut-être  faudrait-il  ajouter  mis-,  mas-,  mous-  (mos-),  représenté 
par  l'esp.  mozô  'chat',  qui,  suivant  M.  Sainéan.  est  identique  à  môzo 
'garçon'  (cf.  p.  82,  n.  2). 

'^  Cf.  l'allem.  murren;  suiss.  allem.  Murrkater,  Murrner  'matou'; 
suéd.  kisse-murr.  mot  enfantin  pour  'chat'. 

»  Cf.  §  376. 

*  BLB,  XLIV,  p.  97  ss.  —  Cf.  aussi  Nyrop,  Gramm.  hist.  de  la 
langue  franc.,  III,  §  17. 

*  Voir  la  carte  chatte;  chaton  (1498)  de  VAtl.  ling.,  et  Sainéan, 
op.  cit.,  p.  17. 

"  En  voici  quelques  exemples:  angev.  mine,  prov.  mino  'chatte'; 
et.  dans  tout  le  Midi:  minon,  minou,  minet  'chaton';  gén.  minnu,  piém. 
migno,  lomb.  mignào  'chat'.  Cf.  du  reste  Sainéan,  op.  cit.,  p.  16; 
Meyer-Lûbke.  Rom.  etym.   Wb.,  5581;  Nigra,  AGII.  XIV,  p.  280. 


—  312  — 

dubitable.  A  Saint-Pol,  minut  est  un  nom  familier  du  chat, 
et  nie  pti  minut  un  terme  d'amitié  donné  aux  petits  enfants. 
Eh  rouchi,  minéte  signifie  à  la  fois  'petite  chatte'  et  'petite 
fille  délicate'.  Le  même  mot  présente  à  Démuin  le  même 
double  sens.  Le  norm.  minet — minette  'petit  garçon',  'petite 
fille',  enregistré  par  E.  et  A.  Du  Méril,  est  sans  doute 
identique  à  minet  'petit  chat',  signalé  par  Fleury  dans  le 
hagais.  —  Quant  aux  termes  suivants,  je  ne  les  ai  relevés, 
il  est  vrai,  que  dans  le  sens  de  'enfant',  mais  il  ne  me 
semble  pas  trop  osé  de  les  rattacher  aussi  au  type  min- 
{mign-)  'chat'.  C'est  ce  qu'ont  fait,  pour  plusieurs  d'entre 
eux,  MM.  Sainéan  et  Meyer-Lûbke  \  Sans  suffixe  dimi- 
nutif nous  trouvons  mign-  dans  le  jur.  migna  'jeune  fille'  ^. 
Le  niv.  niogne  'petite  fille',  est  peut-être  une  variante  de 
ce  mot  ^.  Les  dérivés  en  -inu  sont  très  répandus  :  lill. 
ménin,  berr.  menin,  bas-manc.  (Ambrières)  mène  'petit  en- 
fant'; brianç.  manin  'petit  garçon'  *;  niç.  minin,  mimin,  mars. 
menin — menine^  menim — menime  'petit',  'petit  garçon',  'petite 


^  Diez,  Etym.  Wôrterh.  der  rom.  Spr..  p.  214,  fait  dériver  tous  les 
termes  de  ce  genre  du  gaél.-irland.  mîn  'petit'.  Il  fait  remarquer 
pourtant  lui-même,  d'après  Mahn,  que  la  forme  bretonne  aux'ait  été 
mân  et  que,  pour  les  langues  romanes,  il  aurait  été  plus  naturel 
d'emprunter  la  forme  bretonne  que  la  forme  irlandaise.  —  M.  Meyer- 
Liibke,  Mom.  etym.  JVb.,  5581,  insiste  sur  le  fait  que  ce  mïn  'petit' 
présente  une  signification,  qvii  ne  se  trouve  justement  pas  dans  le 
domaine  gallo-roman;  «wohl  aber,  poursuit-il,  wiirde  sowohl  die  gal- 
lische  Entsprechung  dièses  mJn  wie  die  von  kymr.  medyn  'mild'.  'sanft', 
dem  spanischen  Worte  geniigen».  —  M.  Zauner  {MF,  XIV,  p.  452  s.) 
voudrait  dériver  des  formes  telles  que  béarn.  minin,  menin  'petit'  (voir 
plus  bas)  du  lat.  minimus  -)-  inu. 

*  D'après  Sainéan,  op.  cit..  p.  65,  et  Mej^er-Liibke,  loc.  cit.  — 
M.  Meyer-Liibke  a  probablement  tiré  le  mot  de  l'ouvrage  du  premier. 
Je  l'ai  cherché  en  vain  dans  tous  les  glossaires  du  parler  du  Jura  et 
des  parlers  voisins,  que  M.  Sainéan  indique  dans  sa  Bihliograp)hie, 
sauf  le  dictionnaire  de  Vautherin  que  je  n'ai  pas  eu  l'occasion  de 
consulter. 

^  Cf.  Sainéan,  loc.  cit.  —  Pour  l'alternance  vocalique,  cf.  le  mil. 
mognôn  'gros  chat',  mognà  'miauler'. 

*  Quant  au  brianç.  mania,  voir  p.  128,  n.  1. 


—  313  — 

fille';  béarn.  minin,  menin  'très  petit',  employé  substantive- 
ment comme  terme  de  tendresse:  lou  minin  (menin),  la  minine 
{menine).  L'esp.  menino — menina  n'a  que  les  sens  spéciaux 
de  'jeune  gentilhomme  auprès  des  princes',  'fille  d'honneur'; 
mais  le  port,  menino — menina.  qui  a  été  emprunté  à  l'es- 
pagnol, signifie  en  outre  'petit  garçon',  'petite  fille'  ^  —  C'est 
probablement  cette  même  racine  qui  a  donné,  avec  le 
suffixe  -one,  le  franc,  mignon  ''',  prov.  mignoim  ^,  port,  minhao 
'personne  chérie',  'enfant  chéri';  et  le  cat.  minyô  'garçon' 
(de  sept,  à  quatorze  ans),  'gars',  'gendarme';  mimjona 
'jeune  fille'  (de  même  âge),  'servante',  avec  le  diminutif 
minyoneta.  La  carte  garçon  de  V Atlas  linguistique  donne 
dans  tout  le  département  des  Pyrénées-Orientales:  mïnu 
(sauf  au  point  797  qui  offre  patit);  et  la  carte  ma  fille 
montre  en  trois  points:  minuna,  minunè  (en  deux  points: 
nina,  nine).  Le  catalan  d'Alghero  (en  Sardaigne)  emploie 
également  tninô — minona  au  sens  de  'garçon',  'fille'. 

Au  point  990  (Fontan,  Alpes-Maritimes),  M.  Edmont 
a  inscrit  le  mot  manà,  aux  sens  de  'enfant',  'garçon',  'fils', 
le  pluriel  manài  pour  'garçons',  le  féminin  manana  pour 
'fille',  et  le  diminutif  mananeta  pour  'fillette'.  D'après  la 
carte  1740,  manà  est,  dans  toute  la  Provence,  le  mot 
courant  pour  'ver  à  soie',  sauf  justement  au  point  990, 
où  l'on  trouve  le  piém.  higàt  (=  ital.  higatto)  et  au  point 
890,  où  l'on  dit  ver  à  soie.  Cela  étant,  on  serait  porté  à 
considérer  manà  'enfant'  comme  un  emploi  métaphorique 
de  manà  'ver  à  soie',  d'autant  plus  que  les  noms  d'in- 
sectes et  d'autres  petits  animaux  s'appliquent  souvent  aux 


^  On- le  dit  spécialement  de  Penfant  Jésus:  menino  Jésus;  et  mé- 
taphoriquement pour  'pupille  de  l'œil':  menina  do  olho. 

»  Cf.  mignot,  p.  132,  n.  1  et  2. 

'  On  appelle  en  Provence  li  mignoun  de  la  Fèsto  de  Dieu,  les 
jeunes  enfants  qui  servent  de  pages  aux  grands  dignitaires  des  jeux 
de  la  Fête-Dieu,  à  Aix  (Mistral). 


—  314  — 

enfants  ^  Il  faut  cependant  tenir  compte  du  fait  que  ce 
magnmij  comme  l'a  montré  Nigra  ^,  doit  être  rapproché  du 
mil.  manan,  piém.  minin  et  de  plusieurs  autres  dénomina- 
tions du  chat,  et  de  ce  que  ce  mot,  comme  le  mil.  gattin 
'ver  à  soie',  et  le  bol.  gatt^  piém.  gatina,  mil.  gatozz  'ver 
à  soie  malade  ou  mort',  a  signifié  primitivement  'chat', 
'chaton'.  Il  paraît  donc  probable  que  magnan,  dans  ce  sens, 
a  été  appliqué  métaphoriquement,  soit  (comme  en  Pro- 
vence en  général)  à  un  ver  à  soie,  soit  (comme  à  Fontan) 
à  un  enfant.  A  l'appui  de  cette  hypothèse  on  pourrait 
peut-être  alléguer  aussi  le  fait  prémentionné  que,  à  Fontan^ 
on    désigne    un    ver  à  soie  non  par  mana,  mais  par  bigàt. 

326.  Le  thème  m-r  {niir,  mar,  mour)  a  donné  nais- 
sance à  un  bon  nombre  de  mots  pour  'chat',  'chatte',^ 
'chaton'  ^.  Dans  le  Nord  de  la  France  et  en  Wallonie, 
on  trouve  deux  mots  pour  'petite  fille',  dont  le  premier 
élément  rappelle  ce  thème,  et  qu'on  a  voulu  expliquer 
aussi  comme  des  métapnores  du  même  genre  que  les  ter- 
mes précédents.  Nous  verrons  ce  qu'il  en  est.  —  Le 
wallon,  le  montois  et  le  rouchi  désignent  par  mérotte  la 
femelle  du  chat.  Dans  ces  deux  derniers  patois,  ce  mot 
est  aussi  un  nom  d'amitié  qu'on  donne  aux  petites  filles. 
D'après  Sigart,  mérotte  'chatte'  est  un  diminutif  de  mèrr.  M. 
Behrens  rejette  cette  étymologie  *,  en  faisant  très  justement 
remarquer  que  la  transition  sémantique  'petite  mère'  > 
'chatte'  paraît  peu  vraisemblable.  Il  voit  dans  mérotte^ 
comme  dans  beaucoup  d'autres  mots  pour  'chat',  commen- 
çant par  mar-,  mer-,  mir-,  mour-,  un  dérivé  de  l'onomatopée 


1  Voir  §  369. 

»  AGII,  XIV,  p.  280. 

*  Voir  Sainéan,  op.  cit.,  p.  16;  Atlas  ling..  250,  1498;  Behrens,. 
Beitràge  zur  franz.  Wortgesch.  und  Gramvx.,  p.  169;  Meyer-Lubke. 
op.  cit.,  5705  a. 

*  lac.  cit. 


—  316  — 

m-r,  explication  adoptée  par  M.  Meyer-Lûbke  ^  Il  admet 
cependant  que  le  mot,  bien  qu'il  n'ait  originairement  rien 
à  voir  avec  mère,  peut  avoir  été  rattaché  à  celui-ci  par 
l'étymologie  populaire.  Cette  explication  de  mérotte  'chatte' 
me  paraît  convaincante,  mais,  quant  à  mérotte  'fillette',  j'en 
doute  un  peu.  Observons  en  effet  qu'on  trouve,  dans  plu- 
sieurs glossaires  picards  et  wallons,  mérotte  défini  par  'petite 
mère',  mais  non  par  'chatte'.  M.  Edmont  relève  en  Saint- 
Polois  merOt  'petite  mère',  et,  familièrement,  'petite  fille  sage 
et  gentille'.  Dans  Corblet  on  trouve:  mérotte,  «diminutif  de 
mère:  terme  de  caresse»;  dans  Forir:  mérott  'petite  mère', 
'jeune  mère'.  Decorde  signale,  dans  le  parler  du  pays  de 
Bray:  petite  mérotte  'femme  petite  et  replète',  sens  qui  est 
probablement  dérivé  de  celui  de  'petite  mère'.  Dans  ces 
cas,  mérotte  est  sans  doute  dérivé  de  mèrCj  et  je  crois  qu'il 
faut  voir  dans  le  rouchi  et  mont,  mérotte  'fillette'  ce  même 
diminutif,  plaisamment  adressé  à  une  petite  fille.  Les 
langues  romanes  et  germaniques  offrent  plusieurs  exemples 
de  procédés  analogues  ^. 

327.  M.  Behrens,  et,  d'après  lui,  M.  Meyer-Lûbke, 
rattachent  également  le  flandr.  marotte  ^  'fillette'  à  la  fa- 
mille de  mots  mentionnée  ci-dessus,  ce  qui  doit  être  in- 
exact. D'après  Vermesse.  marotte  se  dit,  dans  la  Flandre 
française,  pour  'poupée'  et  'petite  fille'  *.  Hécart  le  relève 
en  rouchi,  au  sens  de  'poupée';  Tarbé  en  champenois  (Ar- 
dennes),  au  sens  de  'poupée',  'marionnette',  'statuette', 
'jouet'.    La  esirte  poupée  (1074)  de  V Atlas  linguistique  montre 


1  loc.  cit. 

■^  Voir  §  374  s. 

'  Le  Bom.  etym.  Wb.  (loc  cit.)  donne  niorot,  probablement  une 
coquille  pour  marot. 

*  Le  Diet.  gén.  donne  aussi  pour  marotte  le  sens  de  'petite  fille', 
mais  le  désigne  comme  vieilli  et  dialectal  (Normandie).  J'ai  cherché 
pourtant  en  vain  cette  signification  dans  tous  les  glossaires  normands 
que  j'ai  consultés. 


—  316  — 

marot  à  plusieurs  points  des  départements  du  Pas-de-Calais 
et  du  Nord,  de  la  province  de  Hainaut  en  Belgique,  et 
à  un  point  du  département  des  Deux-Sèvres.  Godefroy 
a  relevé  deux  fois  marotte,  au  sens  de  'poupée'.  Il  en 
ressort  que  le  sens  le  plus  répandu  de  marotte  est 
celui  de  'poupée',  et  il  ne  semble  pas  probable  que  les 
fillettes  se  soient  figuré  leurs  poupées  comme  des  petites 
chattes.  D'où  viennent  donc  en  général  les  dénominations 
de  ces  jouets?  1j  Atlas  nous  apprend  que  les  petites  filles 
de  France  les  appellent  souvent  'fillette'  ou  'petite'  {poupe, 
poupée,  nino,  petita),  mais  que  le  mot  le  plus  usité,  à  côté 
de  poupée,  est  catin  (ou  catou),  abréviation  familière  de 
Catherine.  Il  est  hors  de  doute  que  marotte  (proprement 
mariotté)  est  aussi  un  nom  propre  de  femme,  diminutif  de 
Marie  (de  même  que  marionnette)  ^,  et  qu'il  n'a  rien  à  voir 
avec  les  chats.  Le  sens  de  'fillette'  est  dérivé,  par  méta- 
phore, de  celui  de  'poupée',  procédé  sémantique  assez 
fréquent  dans  les  langues  romanes  ^. 

Cheval. 

328.  Les  métaphores  dont  il  s'agit  ici  appartiennent 
à  deux  catégories  d'un  caractère  assez  différent.  En  cer- 
tains cas  nous  avons  affaire  à  une  métaphore  proprement 
dite:  un  jeune  garçon,  une  jeune  fille  sont  comparés  à  un 
poulain,  une  pouliche,  à  cause  de  sa  vivacité,  sa  docilité, 
etc.  ^.  En  d'autres  cas  on  a  appliqué  injurieusement  un 
mot  désignant  un  mauvais  cheval,  une  «mazette»,  à  une 
personne   petite,   chétive   ou  maladroite,  et,  par  un  emploi 


1  Voir  le  Dict.  gén.,  à  l'art,  marotte;  Nyrop,  op.  cit..  III.  §  289. 
—  En  français  commun  aussi,  marotte  présente  une  signification  qui 
rappelle  celle  de  'poupée':  on  désigne  par  ce  mot  une  espèce  de  sceptre, 
qui  est  surmonté  d'une  tête  coiffée  d'un  capuchon  bigarré,  garni  de 
grelots,  et  qui  est  l'attribut  de  la  Folie  {Dict.  gén.). 

2  Cf.  §  372. 

'  Pour  des  métaphores  analogues  dans  les  langues  germaniques, 
cf.  Brinkmann,  Die  Metaphern,  p.  320. 


—  317  — 

cacophémique,  à  un  enfant.  —  Voici  quelques  expressions 
du  premier  genre. 

Le  napolitain  emploie  stacca,  proprement  'petite  pou- 
liche', au  sens  de  'jeune  fille'  (D'Ambra). 

Le  prov.  mod.  poulin  (lang.  poidî)  'poulain',  se  dit  au 
figuré  d'un  jeune  garçon  sans  expérience,  aux  allures  vives 
(D'Hombres  et  Charvet);  Mistral  et  Azaïs  le  traduisent 
tout  simplement  par  'jeune  homme'.  Le  diiaiimtii  poulinât 
(lang.  poulinou)  'petit  poulin',  signifie  en  outre  'petit  garçon'. 
Ajoutons  que  l'augmentatif  poulinas  'gros  poulain'  se  dit, 
selon  Azaïs,  d'un  jeune  homme  vif,  folâtre,  qui  saute  et 
gambade  comme  un  poulain. 

Le  prov.,  lang.  fedoun,  (fedou),  au  sens  de  'jeune  homme 
novice,  doux,  docile'  (Mistral),  est  peut-être  une  métaphore 
de  la  même  sorte.  C'est  du  moins  l'avis  de  Mistral,  qui  le 
rattache  à  fedoim  'jeune  poulain'.  Cependant,  d'après  Azaïs, 
le  sens  ordinaire  de  ce  mot  n'est  pas  celui  de  'poulain',  mais 
celui  de  'agneau  nouveau-né';  et  c'est  de  cette  signification 
qu'il  fait  dériver  celles  de  'enfant  d'un  caractère  doux',  'no- 
vice', 'apprenti'  ^  Il  est  vrai  que  l'épithète  'doux',  'docile' 
paraît  s'appliquer  mieux,  quand  il  s'agit  d'une  comparaison 
avec  un  agneau,  tandis  que  la  gaieté  folâtre  est  le  caractère 
dominant  du  poulain.  Azaïs  nous  assure  que  le  sens  de 
'poulain  (d'une  bête  de  somme)'  ne  se  rencontre  qu'en 
Provence.  Mais  si  nous  consultons  le  Dictionnaire  langue- 
docien-français de  D'Hombres  et  Charvet,  qui  parut  quel- 
ques années  après  l'ouvrage  d'Azaïs,  nous  y  trouvons  un 
démenti  catégorique  aux  assertions  de  celui-ci.  On  y  lit: 
«Un  agneau  ne  se  dit  jamais  ainsi.  Fédoù  est  au  contraire 
un  jeune  poulin,  une  jeune  pouliche,  cheval  ou  mule,  tiré 
des  pâturages  natifs  de  la  montagne,  pour  le  former  et 
l'élever».  —  Il  faut  probablement,  dans  ce  cas,  se  rallier 
à  l'opinion  de  Mistral  et  de  D'Hombres  et  Charvet. 

^  Cf.  ibid.:  «Fedo  s.  f.  brebis;  au  fig.  personne  d'an  caractère 
mou». 

21 


—  318  — 

329.  A  la  deuxième  catégorie  il  faut  attribuer  les 
expressions  suivantes.  Grinf/alet  est  un  mot  d'origine  in- 
connue, qui  apparaît  en  français  dès  le  XII^  siècle,  et 
qui  servait  dans  l'ancienne  langue  à  désigner  une  sorte  de 
cheval,  d'après  La  Cume  un  petit  cheval,  d'après  Roque- 
fort un  cheval  maigre  et  alerte  ^.  Comme  désignation 
dépréciative  d'un  être  humain  je  l'ai  relevé  pour  la  pre- 
mière fois  dans  Cotgrave:  »  Gringalet:  m.  A  merry  grig, 
pleasant  rogue,  sportful  knave,  conceited  whoreson.»  Oudin 
{Trésor)  le  traduit  par  hurlon,  c.-à-d.  'bouffon  amusant'. 
Dans  le  langage  familier  actuel,  le  mot  désigne  un 
homme  de  cor^^s  grêle,  chétif.  —  Dans  plusieurs  patois 
il  se  dit  d'un  enfant;  mais  partout  il  paraît  avoir  con- 
servé l'idée  accessoire  de  maigreur  ou  une  valeur  péjorative. 
Pans  le  Centre,  il  signifie  'garçon  mince';  dans  le  bas 
langage  rémois:  'morveux',  'petit  enfant';  dans  les  cantons 
de  Vaud  et  du  Valais:  'jeune  étourdi',  'petit  drôle', 
'garçon  fluet'. 

Mazette  (s.  f.),  qui  est  aussi  d'origine  inconnue  ^, 
signifiait  au  moyen  âge  'mauvais  cheval'.  Aujourd'hui  ce 
sens  est  vieilli,  et  le  mot  ne  vit,  en  français  commun,  que 
dans  l'acception  figurée  de  'personne  inhabile  à  un  jeu'. 
Dans  le  langage  populaire,  il  a  aussi  le  sens  plus  général 

*  Les  qualités  particulières  d'un  gringalet  ne  ressortent  pas  des 
exemples  cités  par  Godefroy. 

^  Diez,  Etym.  Wôrterb.,  p.  637,  le  dérive,  d'après  Frisch,  de 
Fallem.  matz  'ungeschickt',  'klotz'.  —  G.  Paris,  Romania.  III,  p.  113, 
rattache  masette  'mauvais  cheval',  à  mazeta  'bâton'  (dim.  de  mcizza), 
qu'il  avait  trouvé  chez  Mussafia,  Beitrag,  et  qu'on  retrouve  dans 
plusieurs  dialectes  actuels  de  la  Haute-Italie.  (Cf.  bourdon,  baudet, 
poutre,  et  d'autres  cas,  où  des  objets  de  support  ont  emprunté  leurs 
noms  aux  bêtes  de  somme.)  —  M.  Behrens,  op.  cit.,  p.  167,  voudrait 
le  dériver  de  l'allem.  Meise.  ^Mazette  bedeutet  demnach  eigentlich 
(kleine)  Meise,  eine  Bezeichnung  die  auf  ein  kleines  schlechtes  Pferd 
und  auf  einen  Schwâchling  iiberhaupt  iibertragen  wui'de».  Comme  on 
ne  connaît  point  d'auti'es  exemples  de  la  métaphore  'petit  oiseau' 
>  'cheval'  (M.  Behrens  n'en  a  pas  allégué  un  seul),  cette  étymologie 
paraît  assez  douteuse. 


—  319  — 

de  'maladroit',  'inexpérimenté'  ^  et,  comme  f/rinf/alet',  il 
signifie  aussi  'homme  chétif,  de  petite  taille'.  Les  patois 
wallons  et  le  parler  messin  l'emploient  au  sens  de  'enfant': 
liég.  mazett  'galopin',  'bambin',  'drôlette'^;  wall.  mazett 
'marmouset',  'mioche',  et,  collectivement:  'merdaille',  'troupe 
importune  et  criante  de  petits  enfants';  mont,  mazette 
'personne  jeune,  sans  expérience',  'marmot'  ;  rouchi  mazéte 
(s.  m.  et  fj  'marmot',  'jeune  homme  sans  expérience'; 
'petite',    'femmelette';    mess,    mazette  'petite  fille  ^étourdie'. 

Mule,  mulet. 

330.  On  se  rappelle  que  certains  mots,  ayant  le  sens 
de  'mule',  'mulet',  ont  pris  par  métaphore  le  sens  de  'bâ- 
tard', et  ont  été  appliqués  cacophémiquement,  dans  cette 
signification,  à  des  enfants  ^.  On  serait  porté  à  expliquer 
d'une  manière  analogue  le  tosc.  hordello — bordella  'garçon 
ou  jeune  fille  robuste';  'petit  enfant  gros  et  gras'.  Dans 
le  premier  sens  on  emploie  aussi  l'augmentatif  bordellotto 
— bordellotta;  dans  le  dernier  sens,  le  diminutif  hordellino 
— bordelUna.  Le  mot  simple  se  retrouve  en  romagnol: 
burdell — bnrdella*'  'petit  enfant',  'petite  fille';  le  diminutif 
en  piacentin:  bordlèin  'petit  enfant',  'petit  garçon'.  Il  faut 
probablement,  à  l'exemple  de  Caix  ^,  rattacher  ces  mots 
au  bas-lat.  burdtis  'mulet'.  Mais,  puisque,  à  ma  connais- 
sance, la  péninsule  italienne  ne  possède  pas  de  représentant 
de  ce  burdus  au  sens  de  'bâtard',  il  ne  me  semble  pas 
probable  que  les  diminutifs  toscans  et  haut-italiens  aient 
passé   par    cette  phase  de  développement  sémantique.     Il 


*  La  carte  maladroit  de  VAtl.  ling.  montre  mazet,  à  côté  de 
maladreyt,  au  point  763  (Haute-Garonne).  —  L'argot  des  troupiers 
désigne  par  ce  mot  spécialement  les  conscrits. 

*  Signifie  aussi  'mauvais  petit  cheval';  'joueur  maladroit'. 
3  Voir  §  210  ss. 

*  Daprès  Morri.     M.  Bertoni.  AGII.  p.  371.  écrit  hordéll. 
■'  Studi  di  etimologia  italiana  e  romanza,  p.  8. 


—  320  — 

faut  donc  supposer  qu'ils  reposent  directement  sur  une 
comparaison  entre  une  mule  et  une  jeune  fille,  un  mulet 
et  un  jeune  garçon.  Peut-être  le  mot  avait-il  pris,  anté- 
rieurement à  cet  emploi  figuré,  le  sens  plus  général  de 
'bête',  'animal'.  Cela  paraît  résulter  du  fait  que  le  tosc. 
hordella  signifie  en  outre  'bestia  grossa  e  fresca',  et  hor- 
dellina:  'bestiolina'  \  —  Un  parallèle  nous  est  offert  par 
bardetto,  proprement  'mulo',  'bestia  che  il  mulattiere  monta 
seguendq  il  branco',  qui,  à  Velletri,  se  dit  pour  'ragazzo'  ^. 
—  Voici  enfin  un  exemple  d'emploi  injurieux  d'un  mot 
signifiant  'bourriquet' :  borricko,  qui  s'applique  en  Tyrol 
comme  sobriquet  aux  garçons  (Alton). 

Génisse,  génisson. 

331.  Dans  les  patois  franco-provençaux  on  a  désigné 
souvent  les  jeunes  filles  par  des  mots  signifiant  'génisse', 
métaphore  assez  naturelle  dans  des  pays  alpestres  tels 
que  la  Suisse,  la  Savoie  et  le  Dauphiné,  où  l'élève  du 
bétail  joue  un  rôle  si  important  ^. 

En  Dauphiné,  boyç  {boyo,  boya]<:bocida)  est  le  mot 
le  plus  usité  pour  'génisse'  *.  Dans  l'arrondissement  d'Al- 
bertville (Savoie),  bouia  a  le  sens  plus  spécial  de  'génisse 
de  trois  à  douze  mois'  ;  au-dessus  de  cet  âge,  on  dit  mose, 
mojhe  ^.     Dans    le    canton    du    Valais   (Val-de-Bagnes,  Val 


^  Sur  d'autres  explications  proposées  pour  ces  mots,  voir  §  201; 
p.  205,  n.  1;  p.  208,  n.  3. 

^  Il  signifie  aussi  'ragazzo  di  bottega  che  incomincia  a  iavorar 
di  su  arte'. 

*  Un  exemple  de  la  même  métaphore  nous  est  fourni  par  le 
rouchi  vélo  'petit  veau',  qui  s'adresse  comme  terme  d'amitié  aux  enfants. 
—  Selon  Mistral,  le  prov.  mod.  armalho  'bêtes  à  cornes'  (en  Dauphiné), 
'animaux  de  basse  cour',  se  dit  aussi  pour  'marmaille'.  Dans  ce  cas, 
la  ressemblance  phonétique  avec  marmalho  doit  avoir  contribué  à  l'ap- 
plication métaphorique. 

*  Voir  la  carte  637  de  VAtl.  ling. 
^  Voir  Constantin  et  Désormaux. 


—  321  — 

d'Entremont,  Conthey),  hoye  sert  à  désigner  un  taureau  ^ 
—  Au  sens  figuré  de  'jeune  fille',  ce  mot  est  beaucoup 
plus  répandu  (dans  son  sens  primitif  il  a  été  supplanté 
par  d'autres  expressions,  surtout  par  mozé).  Nous  le  trou- 
vons en  dauphinois:  hoya,  boio;  en  lyonnais:  bogli,  hôi/e;en 
forézien:  bôye,  hoyaude:  en  bressan  et  maçonnais:  holha; 
en  savoyard  :  houlia.  bouille  '.  —  Dans  le  patois  de  la 
Grand'Combe,  boye  se  dit  pour  'petit  garçon',  boy  et  (plus 
rare)  pour  'petite  fille'. 

Dans  le  canton  du  Valais,  surtout  sur  la  rive  droite 
du  Rhône  ',  bwata  se  dit  pour  'jeune  fille',  bivateta  pour 
'fillette'.  M.  Gauchat  a  proposé  de  faire  remonter  ce  mot 
à  un  type  latin  *bovitta  *,  et  M.  Meyer-Lûbke  a  adopté 
cette  étymologie,  en  renvoyant  à  boli  <  bocula  ^. 

En  Savoie  et  dans  les  pays  voisins  (Jura,  Vaud,  Va- 
lais, Val  d'Aoste),  une  génisse  s'appelle  le  plus  souvent 
moze  {modze,  mudze,  modzo,  etc.)  ^,  et,  d'après  les  glossaires 
de  Constantin  et  Désormaux  et  de  Bridel  ",  ce  mot  s'appli- 


1  Voir  Tappolet.  dans  ASNS.  CXXXI,  p.  98. 

^  Suivant  Puitspelu,  l'orléanais  boêle  aurait  la  même  origine  que 
ces  formes.  On  trouve  ce  mot,  sur  la  carte  ma  fille  de  Y  AU.  îing., 
aux  points  208  (Seine-et-Marne),  209  (Loiret):  bwël;  et  dans  le  Glos- 
saire du  ^  Vendômois  de  Martellière  :  bouélle  (boile)  'iîlle',  'fillette'.  M. 
Martellière  le  rattache  également  au  lyonn.  boilla.  Cependant,  bocula 
aurait  donné  en  Orléanais  *beuille,  à  l'instar  de  oculuXBil.  (D'après 
la  carte  932  de  ï Atlas,  ce  n'est  que  dans  le  Sud-Est  que  oculu  est 
devenu  tcel.) 

^  h'Atl.  ling.  l'indique  à  Lens. 

*  Voir  ASNS,  CXXI.  p.  445.  —  Plus  tard,  en  insistant  sur  le 
fait  que  bwata  sert  à  désigner  surtout  le  sexe,  M.  Gauchat  a  indiqué 
aussi  une  autre  explication,  d'après  laquelle  ce  mot  serait  identique  à 
bouata  'crevasse',  'trou'  (v.  p.  270,  n.  5). 

''  Boni.  etym.   Wb.,  1225. 

"  Cf.  piém.  mogia  'giovenca';  mogiôn  'vitello'.  —  L'origine  de  ce 
mot  est  obscure.  On  serait  tenté  de  le  rattacher  à  la  famille  mtîtt- 
'émoussé',  (cf.  vaud.  moté,  prov.  màti,  §  332);  mais  des  difficultés  phonéti- 
ques s'y  opposent  (cf.  piém.  môcc  'émoussé',  et  mogia  'génisse'). 

'  Leurs  articles  renferment  plusieurs  renseignements  inexacts. 
Bridel  écrit:  *Moza,  jeune  fille  ;  génisse,  dans  le  langage  des  Pyrénées». 


—  322 


me 


que  aussi,  en  Savoie  et  en  Suisse,  à  une  jeune  fille.  M 
Odin  nous  révèle  une  phase  de  ce  développement  séman- 
tique, en  signalant,  dans  le  patois  de  Blonay,  modze  comme 
sobriquet  d'une  fille  coureuse,  sauteuse  ^ 

332.  Les  patois  de  l'Isère  et  de  Lyon  désignent  un 
petit  enfant,  un  nourrisson,  par  motet,  motillon  ^,  et  le  der- 
nier connaît  aussi  le  féminin  mottette  'petite  fille'  ^.  Motet 
peut  signifier  en  outre  'garçon',  'jeune  homme'.  Ce  mot 
a  été  connu  autrefois  en  Savoie  aussi,  au  sens  de  'jeune 
garçon'  *.  Vu  la  prédilection  des  patois  franco-provençaux 
pour    la    métaphore    'génisse'  >  'jeune  fille',  il  ne  faut  pas 


C'est  dans  les  Alpes  que  ce  mot  signifie  'génisse';  tandis  que  les 
idiomes  français  des  Pyrénées  rendent  cette  idée  par  bedeto.  badeta, 
bedero  et  par  d'autres  représentants  de  *vitella  (voir  VAtl.  ling.,  carte 
637).  —  Dans  Constantin  et  Désormaux  nous  lisons:  «On  trouve  fré- 
quemment ce  mot  [inojhe]  au  fig.  avec  le  sens  de  jeune  fille,  sens 
qu'on  a  relevé  dans  l'Aunis  et  dans  la  Suisse  romande,  comme  aussi 
au  moyen  âge  (d'après  une  Chanson  du  XV®  siècle,  publiée  par  M.  G. 
Paris)».  Cette  dernière  assertion  repose  sur  un  article  de  Godefroy. 
où  inoge.  mouge.  mousse  sont  définis  par  'jeune  fille'  et  par  'génisse'. 
Les  deux  premières  formes  sont  tirées  de  deux  sermons  de  Calvin; 
mais,  dans  les  passages  qu'en  cite  Godefroy,  moge  et  mouge  signifient 
manifestement  'génisse',  et  non  'jeune  fille'.  Quant  à  mousse,  qui  se 
trouve  dans  une  chanson  du  XV®  siècle,  ce  mot  est  identique  à  l'esp. 
mozo — moza,  et  n'a  rien  à  voir  avec  moza  'génisse'  (voir  §  77).  — 
Godefroy  relève  aussi,  dans  l'Aunis,  moje  'grosse  fille';  mais  ce  mot 
ne  doit  pas  non  plus  se  rattacher  au  franco-prov.  moza.  mojhe,  puisque 
cette  expression  pour  'génisse'  est  inconnue  dans  TOuest. 

1  Un  dérivé  en  -on:  sav.  mojhon,  val.  modzon  'génisse'  ou  'bou- 
villon',  s'emploie  aussi  au  figuré,  mais  toujours  avec  un  sens  dépré- 
ciatif;  à  Thônes  (en  Savoie)  il  signifie:  'fille  plus  développée  de  corps 
que  d'esprit';  à  Blonay:  'homme  niais'. 

'■^  Voir  Ravanat,  Mistral  (qui  écrit  motet,  moutet.  motilhon),  Puits- 
pelu  (mottet)  et  VAtl.  ling.  (qui  donne  mu  môté  'mon  tout  jeune  fils'. 
au  point  922,  Isère). 

'  D'après  Puitspelu,  cette  forme  est  employée  aussi  en  Dauphiné 
et  dans  la  Bresse. 

*  Constantin  et  Désormaux  l'ont  relevé  dans  la  Muse  savoisienne 
(XV1I«  siècle). 


—  323  — 

hésiter,  à  mon  avis,  à  rattacher  ce  moté  'enfant'  au  vaudois 
motr  'veau,  génisson,  qui  n'a  pas  encore  de  cornes'  fOdin)  ^ 

Agneau,  brebis,  bélier. 

888.  Les  mots  signifiant  'agneau'  s'emploient  souvent 
comme  termes  d'affection  à  l'adresse  des  enfants.  En  voici 
quelques  exemples:  Saint-Pol.  anOu\  et,  avec  redouble- 
ment enfantin  d'une  syllabe:  nonôw;  val.  guethelin,  lyonn. 
helot  ^.  Le  prov.  mod.  ayneloun^  qui,  d'après  Mistral,  peut 
signifier  'petit  enfant',  a  sans  doute  aussi  une  nuance  af- 
fective fort  marquée  ^.  Il  en  doit  être  de  même  pour  le 
rouchi  hédo,  mot  enfantin  pour  'agneau',  'mouton',  que 
Hécart  relève  au  sens  de  'jeune  enfant'  *. 

884.  Comme  nous  l'avons  vu  plus  haut  (§  68),  le 
lang.,  prov.  fedo  'garce'  est  sans  doute  le  même  mot  que 
le  lang.,  prov.  fedo  'brebis'.  La  même  métaphore  se  ren- 
contre dans  le  lyonn.  feya,  faya,  et  dans  le  jur.  faille.  — 
Peut-être    faut-il    expliquer    par    un    procédé    analogue   le 

1  D'après  Constantin  et  Désormaux,  motet  'garçon'  est  identique 
au  sav.  motë  'qui  est  sans  cornes';  Mistral  fait  dériver  moiitet,  motet 
de  moût  'mousse',  'épointé',  'qui  n'a  pas  de  cornes'  (cf.  prov.  màti 
'mouton  écorné).  Évidemment  ils  ne  voient  donc  pas  dans  motet  une 
métaphore  'génisson'  >-  'enfant',  mais  un  rapprochement  plus  vague 
entre  un  enfant  et  quelque  chose  d'émoussé.  —  M.  Behrens.  Beitr., 
p.  175,  rattache  motet,  moutet  au  prov.  mod.  moto,  mouto  'motte',  'mor- 
ceau de  terre',  'butte',  en  renvoyant  à  l'expression  en  pas  plus  mit 
que  très  mouto,  qui  se  dit  d'un  petit  homme  (Mistral).  Cette  explica- 
tion, qui  a  été  adoptée  par  M.  Meyer-Liibke  {Boni.  etym.  Wb.,  5702), 
me  paraît  cependant  moins  vraisemblable  que  celle  indiquée  ci-dessus. 

-  D'après  Puitspelu;  cf.  pourtant  §   176. 

'  Pour  le  prov.  fedoun  'enfant  ou  jeune  homme  doux,  docile', 
qui,  d'après  Azaïs.  signifie  proprement  'agneau',  voir  plus  haut,  au  §  328. 

*  Dans  le  patois  de  Démuin.  angnus  se  dit,  d'après  Ledieu,  pour 
'enfant'.  On  sait  que  agnus  est  le  nom  d'tine  petite  figure  en  cire 
ou  en  broderie,  représentant  l'agneau  de  Dieu  et  bénite  par  le  Pape. 
Probablement  le  sens  de  'enfant'  est  di\  à  un  rapprochement  méta- 
phorique avec  l'agneau  de  l'image. 


—   324  — 

haut-manc.  piole  'petite  fille'  (Montesson),  qui,  suivant 
Verrier  et  Onillon.  se  trouve  aussi  à  Noyant-Méon  (Indre- 
et-Loire),  et  qui  paraît  être  le  même  mot  que  piole  {piaule)^ 
relevé  dans  le  Perche  et  le  Vendômois  par  Martellière, 
au  sens  de  'brebis'.  Il  est  vrai  que  ce  dernier  mot  a 
une  nuance  marquée  de  mépris  (=  'vieille  ou  mauvaise 
brebis'),  et  qu'il  s'applique  figurément,  non  à  une  petite 
fille,  mais  à  une  femme  insupportable,  une  vieille  coquette. 
Mais  le  sens  de  'petite  fille',  qui  se  rencontre  dans  le 
Haut-Maine,  pourrait  s'expliquer  très  bien  par  un  emploi 
cacophémique  du  mot  ^. 

335.  Dans  l'argot  des  savetiers  de  Bormio,  har — hara 
signifie  'ragazzotto',  'ragazzotta'  (Longa).  Dans  le  parler 
commun  de  cette  contrée,  har  s'emploie  aux  sens  de  'pe- 
corone'  et  de  'tarchiato  e  gagliardo'.  Sans  doute  il  faut 
voir  dans  ce  terme  le  même  mot  que  har  'bélier',  'mouton', 
qui  se  trouve  dans  les  parlers  voisins  de  la  Valtelline  et 
des  Alpes  bergamasques,  aussi  bien  que  dans  la  Basse- 
Engadine  ^. 

Cochon,  truie,  verrat. 

386.  Bien  qu'on  trouve  assez  souvent,  dans  diverses 
langues,  des  mots  signifiant  'cochon'  employés  comme  ter- 
mes de  tendresse  ^,  les  dénominations  d'enfant  proprement 
dites,  provenant  d'une  telle  origine,  ne  sont  pas  très  nom- 
breuses dans  les  langues  romanes. 

^  Cf.  mazette,  qui,  comme  nous  l'avons  vu,  a  pris  le  sens  de 
'petite  fille'  dans  le  patois  messin. 

^  Sous  d'autres  formes,  ce  mot  se  rencontre  dans  beaucoup  de 
dialectes  romans  (voir  Meyer-Liibke,  Rom.  etym.  Wb.,  1049).  —  Pour 
le  développement  sémantique,  cf.  Val  Verzasca  Joett  :=^ 'capretto'  et 
'figlio'. 

'  Pour  les  langues  germaniques,  voir  Keinius,  Gosse,  en  etym.- 
semasiol.  studie  {Nord,  studier,  Uppsala  1904)  p.  410—4-31,  et  Bjôrk- 
man,  Neuschtced.  gosse  (etc.). 


—  326  — 

Dans  le  Midi  de  la  France,  on  emploie  comme  noms 
d'enfant  avec  un  sens  plus  spécial  deux  dérivés  du  thème 
onomatopoétique  <jorr,  qui  a  donné  naissance  à  beaucoup 
de  dénominations  du  cochon  ^  (cf.  le  prov.  <jorri,  f/ourrin 
'goret',  (/oro  'truie').  Goiirrinot — gourrinoto,  proprement 
'petit  cochon',  se  dit,  sur  un  ton  de  reproche  affectueux, 
aux  petits  enfants:  'petit  polisson',  'petite  polissonne'. 
Gourrotmeto  désigne  en  Vivarais  une  fille  toute  petite. 

337.  Suivant  M.  Sainéan  ^,  il  faut  rattacher  le  lyonn. 
<lone  'enfant',  'fils',  'gamin',  'garçon'  à  fjona  'truie'.  Après 
avoir  montré  que  gone  ne  peut  pas  venir  du  grec,  comme 
le  pensait  Puitspelu ',  M.  Sainéan  écrit,  dans  ses  Étymo- 
logies  lyonnaises  *,  les  mots  suivants,  que  je  me  permets 
de  citer  ici:  «Groupons  d'abord  les  variantes  du  mot.  Le 
berrichon  a  ganet  °,  ganillon  gamin,  et  le  champenois  (Clair- 
vaux)  ganelle  gamine,  à  côté  du  lyonnais  gone  gamin  ^. 
Le  dauphinois  gana  a  le  sens  de  truie  (et  ganet,  celui  de 
cochon  de  lait),  répondant  à  gona  du  patois  de  l'Aoste 
et  au  fribourgeois  gouna,  au  même  sens  de  'truie'.  Le 
lyonnais  gone  serait-il  pour  gonet  (comme  le  ferait  suppo- 
ser la  forme  dauphinoise  citée  par  Puitspelu  ')  et  aurait-il 
l'acception  primitive   de   'goret'  (=  dauph.  ganet),   appliqué 


1  Voir  Sainéan.  ZRPh,  Beih.  X.  p.  87  s.;  Meyer-Liibke.  Rom. 
etym.   Wb..  3820. 

-  op.  cit.,  p.  111. 

8  Dans  son  ouvrage  intitulé  Le  Littré  de  la  Grand'' Côte.  Puits- 
pelu a  proposé  deux  étymologies:  le  grec  yôvog  'fils',  'enfant'.  etTanc.fr. 
gonne  'robe'.  Dans  son  Dictionnaire  lyonnais,  il  a  lui-même  rejeté 
cette  dernière  explication. 

*  RPhF.  XXII,  p.  122. 

»  Il  faut  ajouter  ganette  'petite  fille'  (Jaubert). 

"  Il  convient  d'ajouter  ici  que  M.  Fertiault  a  relevé  gône  'gamin', 
'polisson'  dans  le  bas  langage  Verduno-Châlonnais. 

"  Voici  le  passage  en  question:  c.  .  .  il  figure  sous  la  forme  gonet 
dans  un  texte  dauphinois  du  XIII^  siècle»  {Le  Littré  de  la  Grand'' 
Côte).  Onofrio  nous  apprend  aussi  que  le  dauph.  gonet  équivaut  au 
lyonn.  gone. 


—  326  -• 

à  un  jeune  garçon  espiègle?  Je  le  crois.  Le  prov.  chourro 
signifie  à  la  fois  porc  et  jeune  valet,  et  le  piémontais  gognin. 
polisson  (en  italien  gognolino),  répond  au  parmesan  gognin, 
goret.»  L'argumentation  de  M.  Sainéan  n'est  peut-être  pas 
tout  à  fait  convaincante:  il  me  semble  pourtant  que  cette 
étymologie  est  préférable  aux  autres  explications  proposées  V 

338.  Dans  l'esp.  harragan — barragana,  port,  harregào  * 
—harrega  'jeune  homme  non  marié',  'jeune  fille  à  marier', 
mots  vieillis  aujourd'hui  ^,  M.  Sainéan  voit  des  dérivés  de 
l'esp.  barraco  'verrat'  *.  Le  passage  de  c  k  g  offre  des 
difficultés  ^;  mais  au  point  de  vue  sémantique,  l'étymologie 
paraît  acceptable  ^.  Barragan  a  signifié  aussi  'vaillant', 
'courageux'  ^;  c'est  de  ce  sens  qu'on  a  dérivé  celui  de 
'jeune  homme  vigoureux'  (Michaelis),  et  le  sens  plus  gé- 
néral de  'jeune  homme'.  Qu'on  ait  comparé  un  homme 
vaillant  au  porc  sauvage,  n'est  point  étonnant  ^. 


^  Quant  à  l'hypothèse  de  M.  Sainéan,  d'après  laquelle  le  nap. 
guagnone  'garçon'  serait  identique  à  l'aveyr.  gouagnbu  'pourceau',  voir 
p.  308,  n.  5.  —  Pour  goujat,  gouge,  que  M.  Sainéan  rattache  au  prov. 
mod.  goujo  'truie',  gojo  'cochon',  voir  §  368. 

■^  Michaelis  enregistre  aussi  la  forme  barregueiro. 

'  Le  féminin  est  toujours  en  usage  au  sens  de  'concubine',  et  se 
retrouve  aussi  en  catalan. 

*  ZBPh,  Beih.  X,  p.  102. 

^  La  forme  barracan,  que  mentionne  M.  Sainéan  {lac.  cit.).  ne 
figure  dans  aucun  des  dictionnaires  que  j'ai  consultés. 

•^  On  a  proposé  les  étymologies  barragan  'étoffe  bourracan'  et 
*pallacana  <  jraXÀaKrj  'concubine'.  Voir  ZRPJi,  XXX,  p.  568.  et  Rom. 
etym.  Wb.,  941. 

'  M.  Sainéan,  ZBPh,  XXX,  p.  569,  dit  que  ce  sens  est  encore 
vivace.  On  ne  le  trouve  pourtant  ni  dans  Tolhausen,  ni  dans  Salvà. 
Oudin  déjà  l'enregistre  avec  une  certaine  réserve:  «Barragan,  selon 
aucuns,  signifie  un  homme  de  courage  et  valeureux».  De  l'existence 
de  cette  signification  témoigne  cependant  le  dérivé  barraganada  'vail- 
lance', 'acte  et  fait  valeureux'  (Oudin,  Franciosini). 

"  Cf.  Sainéan,  loc.  cit.;  cf.  aussi"  ZBPh.,  Beih.  X,  §  29.  —  Dans 
le  jargon  des  Abruzzes,  verre  'verrat',  se  dit  pour  'homme';  le  prov. 
verre  'verrat'  peut  signifier  'homme  brutal'. 


—  827  — 

t 

Singe. 

S8U.  La  métaphore  'singe'  >  'enfant'  ^  s'explique  sans 
dout(>  [lartiellement  par  une  association  de  similitude:  la 
petitesse,  la  vivacité,  la  manie  d'imiter,  mais  surtout  les 
traits  humains  du  singe  y  sont  certainement  pour  quelque 
chose.  Mais  cet  emploi  figuré  des  noms  de  singes  repose 
aussi  sur  une  association  par  sentiment.  Ces  animaux 
inspirent  en  général  du  dégoût  et  du  mépris;  leurs  déno- 
minations ser^'^ent  d'injures  et  s'appliquent  ensuite  caco- 
phémiquement  aux  enfants.  Presque  tous  les  termes  que 
nous  allons  étudier,  ont  une  nuance  péjorative. 

Il  résulte  d'un  passage  du  Glossario  modenese  de  Gal- 
vani,  p.  326  ^,  que  l'ital.  scimiotto  se  dit  occasionnellement 
d'un  garçon.  —  Le  franc,  babouin — babouine  se  dit  aussi 
par  plaisanterie  d'un  petit  enfant.  Il  se  retrouve,  avec 
ce  sens,  dans  plusieurs  patois:  bas-manc.  hahivc  'gamin'; 
Guernesey  baboninf  'brin  de  fille  sotte  et  nigaude';  angev. 
babouin  'enfant  sale  et  dont  les  vêtements  sont  en  dés- 
ordre' ^.  Mistral  traduit  le  prov.  babouin  (lim.  baboui.  dauph. 
babou)  par  'babouin';  'marmot';  'épouvantail'. — Le  lyonn. 
mounina,  monina,  proprement  'petit  singe'  *,  se  dit  pour 
'petite  fille',  'petite  gamine'.   —  Les  mots  espagnols  moni- 

*  Cette  métaphore  est  assez  fréquente  aussi  dans  les  langues 
germaniques.  «Oft  werden  auch  junge  kinder  affen  gescholten.  wie 
nach  Aristoteles  aile  kinder  ai/iià  sind»,  dit  Grimm.  Dans  la  Suisse  alle- 
mande. Affli  est  un  terme  de  tendresse  pour  les  enfants.  L'angl.  inon- 
key  se  dit  également,  par  mépris  et  par  plaisanterie,  d'un  jeune  enfant. 

*  «Quando  noi  con  .  .  .  dispregio  vogliamo  dire  di  un  ragazzo 
ch'esso  è  un  baraboccio  da  non  contarsi  ancora  tra  gli  uomini,  diciamo 
ch'esso  è  uno  scimiotto. >>  —  Cf.  scimmietta,  dit  par  plaisanterie  d'un 
enfant,  qui   imite  tout  ce  qu'il  voit  ou  entend  (Petrôcchi). 

*  Si  cette  définition,  donnée  par  Verrier  et  Onillon,  est  exacte, 
le  sens  antérieur  ne  peut  pas  être  celui  de  'singe',  mais  celui  de 
'mannequin  qui  sert  d'épouvantail  pour  les  oiseaux',  signification  qui 
paraît  être  la  plus  généralement  usitée  en  Anjou. 

■•  Cf.  le  lyonn.  mouna  'guenon',  au  fig.  'femme'  len  mauvaise 
part):  vellav.  mouniina  'singe';  prov.  mounino  'singe',  au  fig.  'femme  laide'. 


—  328  — 

caco,  monuelo  'petit  singe'  ont  les  sens  dépréciatifs  de 
'enfant  sot'  ^,  'enfant  petit  et  laid'  ^.  —  Le  port,  huginico 
'petit  singe'  se  dit  pour  'enfant  vif,  inquiet'.  —  Au  Ijon- 
geron,  en  Anjou,  on  appelle  un  méchant  gamin  un  guenon, 
une  méchante  gamine  une  (fiieniiche  ^. 

340.  En  présence  de  tous  ces  exemples  de  la  méta- 
phore 'singe'  >  'enfant',  j'incline  à  considérer,  avec  le 
Dictionnaire  général  et  M.  Sainéan*,  les  mots  français 
marmot,  marmouset  'enfant'  comme  le  résultat  d'une  méta- 
phore analogue.  —  Marmot — marmotte  ^  'petit  enfant',  'petite 
fille'  se  rencontre,  tant  dans  la  langue  commune  que 
dans  les  patois  du  Nord  et  du  Midi:  Saint-Polois  marmot 
'petite  fille'  ou  'poupée';  rouchi  marmotin  'petit  marmot'; 
dauph.  marmo  'jeune  fils'  ";  prov.,  gasc.  marmot  'petit  enfant', 
dim,  marmoutoun.  —  Dans  le  sens  de  'singe',  marmot  est 
attesté  dès  le  XV  siècle  {Dict.  gén.).  Au  moyen  âge,  mar- 
motte se  rencontre  souvent  avec  le  même  sens  ^.  Le  sens 
de  'enfant'  ne  se  trouve  ni  dans  Cotgrave,  ni  dans  Duez^; 
mais    Oudin    (1673)  enregistre  le  sens  de  'moçuelo'  à  côté 


^  Cf.  l'allem.   Grasaffe. 

■  D'après  Salvâ,  le  dernier  signifie:  'marmouset',  'jeune  liomme 
à  prétentions  ridicules'. 

^  Dans  cette  dernière  forme  le  suffixe  argotique  -uche  a  été 
substitué  à  -on. 

*  ZMPh.  JBeih.  I.  p.  95.  —  Cette  hypothèse  a  été  émise  déjà  en 
1868  par  Galvani.  op.  cit.,  p.  327.  —  M.  Salvioni,  à  propos  de  l'étymo- 
logie  du  posch.  marmelin  'mignolo',  veut  qu'on  tienne  compte  aussi 
de  cette  explication  (voir  HetidlL,  sér.  II,  XXXIX,  p.  615). 

^  Le  féminin  s'emploie  rarement  en  français  commun. 

"  Voir  le  point  921  de  la  carte  572  de  VAtl.  ling. 

"  Ces  deux  mots  s'employaient  concurremment  aux  sens  de  'singe' 
et  de  'marmotte'.  Dans  Cotgrave,  marmot  figure  avec  cette  dernière 
signification.  —  L'étymologie  de  ces  mots  est  obscure.  Probablement 
ils  proviennent  d"une  môme  origine,  et  j'incline  à  supposer  que  le  pri- 
mitif a  été  une  onomatopée.  Cf.  les  verbes  marmotter,  marmo  user  ;  cf. 
aussi  babouin,  bahouiner.  Il  y  a  des  objections  possibles  contre  cette 
hypothèse,  mais  la  place  me  manque  de  les  discuter  ici. 

^  Dictionnaire  françois-allemand-latin,  Leyde  1650. 


—  329  — 

de  celui  de  'mono'.  Furetière  (1726)  donne  les  significa- 
tions suivantes:  'espèce  de  singe',  'petite  figure  laide  et 
malfaite',  et  ajoute:  «on  appelle  aussi  ironiquement  des 
enfants,  petits  marmots  .  .  .:  Un  petit  marmot,  une  petite 
marmotte*.  Richelet  (1732)  traduit  marmot  par  'singe', 
'figure  laide',  'petit  écolier',  'petit  garçon';  marmote  par 
'petite  fille'. 

341.  Marmouset  présente  les  mêmes  sens  et  paraît 
avoir  subi  le  même  développement  sémantique  que  marmot. 
D'après  le  Dictionnaire  général,  il  signifie,  dans  la  langue 
actuelle:  'figurine  représentant  une  idole';  'figurine  bizarre'; 
'petit  garçon';  'petit  homme' ^  On  le  trouve  dans  plu- 
sieurs patois:  angev.  marmouset,  et,  avec  un  autre  suffixe 
diminutif,  marmousin  'marmot',  'gamin';  bas-manc.  mar- 
muzh,  marmusc  'marmouset',  'enfant  chétif;  tournais,  mar- 
mouset  'gamin'  (Godefroy);  lorr.  marmouset  'enfant'  (Jeanroy, 
Boni.,  XXIII,  p.  238);  sav.  marmosë  'petit  marmot'.  Mistral 
donne  pour  le  provençal  :  marmouset,  marmousonn  '^  'mar- 
mouset', 'petit  marmot';  Durrieux,  pour  le  gascon:  mar- 
mousot  'très  jeune  enfant'. 

Le  plus  ancien  sens  attesté  de  marmouset  est  celui 
de  'petite  figure  grotesque'  ^.     On  le  trouve,  avec  ce  sens, 


1  Ajoutons,  d'après  Littré:  'jeune  homme  sans  conséquence'  (terme 
de  mépris). 

-  M.  Sainéan  signale  à  tort  marmousilho  avec  le  sens  individuel 
de  'moutard'  (op.  cit.,  p.  95);  c'est  un  collectif,  qui  signifie  'marmaille' 
(voir  Mistral). 

'  M.  Sainéan.  loc.  cit..  mentionne,  il  est  vrai,  comme  terme  du 
XIII®  siècle,  marmouset  'écolier';  mais  tant  qu'il  n'en  a  pas  allégué 
d'exemples,  je  me  permets  d'en  douter.  De  plus,  il  relève  chez  Villon 
marmouset  au  sens  de  'jeune  hovcimv':  «YiWon:  marmousets  et  marmou- 
selles».  On  cherche  en  vain  la  dernière  de  ces  formes  chez  Villon; 
mais,  dans  la  Ballade  de  mercy  {Testament,  1982,  dans  l'édition  de 
1911,  Paris),  on  trouve  ce  passage:  «A  marmosetz  et  a  mariotes,  Je 
crie  a  toutes  gens  merci».  L'éditeur  anonyme,  «un  ancien  archiviste» 
(A.  Longnon),  traduit,  dans  le  glossaire,  marmoset  par  'petit  garçon',  ma- 
riote  par  'petite  fille'.    Cette  interprétation  est  cependant  très  contestable. 


—  330  — 

dans  le  nom  de  la  rue  des  Marmousets,  ainsi  nommée  dès 
le  XIII®  siècle  {Dict.  gén.).  Dans  un  texte  latin  de  1280, 
relatif  à  cette  rue,  on  lit:  Duo  marmoseti  lapidei  ^.  Cotgrave 
traduit  marmouset  (marmoset)  par  'figurine  bizarre'  (d'une 
fontaine,  par  laquelle  l'eau  sort,  etc.)  et  par  'favori  d'un 
prince'  ^.  Duez  et  Oudin  ne  donnent  que  le  premier  sens, 
mais  dans  Furetière  on  trouve  cet  article  instructif:  «Mar- 
mouset. Petite  figure  grotesque  et  malfaite  qui  a  quelque 
air  d'homme  ou  de  femme  ^.  On  dit  aussi  ironiquement 
à  un  petit  garçon  qui  se  mêle  de  vouloir  raisonner  avec 
les  grands,  vous  êtes  un  beau  marmouset!  On  le  dit  aussi 
d'un  homme  mal  bâti:  Un  visage  de  marmouset.»  Il  en 
résulte  que  le  sens  de  'enfant'  a  été  tiré  de  celui  de  'figu- 
rine bizarre',  et  il  me  semble  indubitable  que  cette  signi- 
fication dérive  à  son  tour  de  celle  de  'singe',  ou  plutôt  de 
'petit  singe',  puisque  marmouset  est  un  diminutif.  De  même 
que  le  bas-manc,  angev.  marmousin,  prov.,  gasc.  marmou- 

Le  poète  énumère,  dans  cette  ballade,  d'une  façon  burlesque,  toutes 
sortes  d'êtres  humains,  d'animaux,  etc.,  auxquels  il  «crie  merci»;  on  y 
rencontre  pêle-pêJe  «mendians,  musars,  servans,  ribleurs»,  et  même 
«chiens  mastins».  Il  ne  semble  donc  point  nécessaire  de  supposer  qu'il 
ait  entendu  par  marmosetz  et  mariotes  des  êtres  humains.  Le  sens 
ordinaire  de  ces  mots  était  celui  de  'idoles',  'figurines'  {mariotte  =  image 
de  la  Vierge),  et  il  paraît  qu'ils  étaient  employés  souvent  côte  à  côte 
dans  cette  signification,  comme  dans  ce  passage  d'un  sermon  de  Calvin, 
cité  par  Godefroy:  «N'attendons  point  qu'on  nous  mette  des  mariottes, 
des  marmousetz  devant  les  yeux.»  Apparemment,  c'est  dans  cette  même 
acception  que  Villon  a  employé  les  mots.  —  Ajoutons  que  M.  v.  Wurz- 
bach  {BF,  XVI)  traduit  marmoset  chez  Villon  par  'Narr',  mariote  par 
'Puppe',  'kleines  Frauenzimmer'. 

^  D'après  Ménage,  la  rue  des  Marmousets  s'appelait,  dans  les 
textes  latins,  Vicus  marmoretorum  ;  et  Littré  en  conclut  que  «mar- 
mouset vient  de  Marmoretum,  de  Marmor,  marbre».  Il  n'en  est  rien. 
Marmoretum,  pour  marmosetum,  est  sans  doute  le  résultat  d'une  étymo- 
logie  populaire. 

2  L'anc.  fr.  marmouset  signifiait  aussi  'fou  de  cour',  sens  dérivé 
peut-être  de  celui  de  'singe'.     Le  fou  était  souvent  le  favori  du  prince. 

^  La  synonymie  de  marmot  et  de  marmouset  ressort  du  fait  que 
tous  deux  servaient  à  désigner  les  figurines  que  les  apprentis  pein- 
tres faisaient  sur  les  murailles. 


—  331  — 

soun,  marmousot,  il  est  évidemment  tiré  de  marmous,  qui, 
d'après  Mistral,  existe  encore  aujourd'hui  en  provençal,  à 
côté  de  marmot.  Que  ce  mot  ait  existé  autrefois  aussi 
dans  l'Ouest  de  la  France,  cela  paraît  ressortir  du  fait  que 
le  bas-breton  connaît  un  mot  marmous  'singe',  qui  doit  être 
d'origine  française  '. 

84'^.  M,  Jeanroy,  dans  la  Eomania,  XXIII,  p.  236  ss., 
combat  la  théorie  d'après  laquelle  le  sens  primitif  do 
marmot  et  marmouset  serait  celui  de  'singe'.  D'après  lui. 
marmot  (et  aussi  marmouset)  est  une  variante,  par  substi- 
tution de  suffixe,  de  mermet  et  mermel  (marmel^  marmeau). 
qui  dérivent  de  merme  i<cminimus).  «Son  sens  primitif  a 
donc  dû  être,  poursuit-il,  comme  celui  de  ces  deux  mots: 
'enfant'».  Mais  est-il  bien  sûr  que  ces  deux  mots  aient 
eu  le  sens  de  'enfant'?  Mermet  (mirmet)  signifiait  'petit', 
ce  qui  résulte  du  seul  exemple  qu'en  donne  Godefroy 
(abstraction  faite  du  nom  propre  Mermet).  Mermel  (mer- 
miau,  merméaus)  était  un  terme  juridique  signifiant  'mineur' 
(=  merme  iVaage;  voir  Godefroy  et  Roquefort).  Dans  le 
Complément  de  Godefroy  on  trouve,  il  est  vrai,  marmot 
défini  par  'petit  enfant';  mais  le  seul  exemple  cité  contient 
mermpuz,  qu'il  faut  sans  doute  traduire  ici  encore  par 
'mineur'.  Il  ne  reste  donc  aucune  preuve  de  l'assertion 
de  M.  Jeanroy  quant  au  sens  primitif  de  ce  mot.  — 
D'après  son  opinion,  on  a  tiré  du  sens  de  'enfant'  celui 
de  'figure  grotesque',  et  de  ce  sens  on  est  passé  à  celui 
de  'singe':  «Ce  visage  de  l'enfant  maussade  et  pleureur 
a  dû  souvent  servir  de  modèle  aux  artistes  sculptant  ces 
figures  grotesques  qui  terminaient  les  poutres  ou  dont  la 
bouche  vomissait  l'eau  des  fontaines:  la  transition  d'un 
sens  à  l'autre  s'expliquerait  alors  naturellement.  Nulle 
difficulté  enfin  à  passer  du  dernier  sens  à  celui  de  'singe' 
ce    qui    caractérise    le    singe    étant    évidemment    son    nez 

1  Voir  Jeanroy,  dans  Romania,  XXIII,  p.  289,  n. 


—  332  — 

camus  et  sa  figure  grimaçante.»  —  Voilà  qui  me  paraît 
bien  factice  et  peu  vraisemblable.  On  se  demande  pour- 
quoi un  mot  signifiant  'enfant',  et  qui  aurait  été,  dès  le 
XV®  siècle,  assez  souvent  employé  pour  servir  de  nom  aux 
figurines  des  poutres  et  des  fontaines,  n'apparaîtrait  dans  la 
littérature  avec  son  sens  propre  qu'au  XVII®  siècle.  Et  pour- 
quoi ne  trouve-t-on  jamais  d'autres  dénominations 
d'enfants  au  sens  de  'figurine  bizarre'?  La  seule  explication 
plausible  serait  celle  que  marmot  et  marmouset  ont  eu  juste- 
ment le  sens  spécial  de  'enfant  grimaçant,  pleureur',  mais 
comment  ce  sens  particulier  a-t-il  pu  être  tiré  de  mermel, 
mertnet  'petit'?  Enfin  M.  Jeanroy  n'a  pas  prouvé  que 
marmot  'figurine  grotesque'  ait  été  antérieur  à  marmot 
'singe'.  Il  renvoie  au  fait  que,  dans  un  texte  du  XV 
siècle,  un  roi  musulman  porte  le  nom  3ïarmot,  «sans  doute 
par  allusion  au  masque  ridicule  que  l'auteur  lui  suppose.» 
Mais  il  n'y  a  rien  dans  cela  qui  nous  oblige  à  croire  que 
marmot  signifie  ici  'figure  grotesque'  et  non  'singe'.  — 
Cependant,  M.  Jeanroy  admet,  dans  une  note  p.  237,  que 
le  sens  primitif  de  marmot  pourrait  avoir  été  'singe',  en 
supposant  qu'il  s'est  dégagé  directement  de  la  racine  mi- 
nimuSj  «le  singe  étant  un  petit  animal».  Quant  à  cette 
dernière  hypothèse,  il  convient  de  rappeler  que  la  petitesse 
n'est  point  l'un  des  traits  les  plus  caractéristiques  du 
singe,  et  qu'on  ne  connaît  pas  un  seul  exemple  où  cet 
animal  soit  désigné  comme  'le  petit'  ^ 

343.  Godefroy  a  relevé  la  forme  marmion  ^  'enfant' 
dans  un  poème  burlesque  du  XV®  ou  XVI®  siècle  ^.  Bridel 
donne  comme  terme  de  la  Suisse  romande  mairmoin  'mar- 
mot', 'nain',  'petit  garçon  mal  fait'.  Est-ce  le  même  mot? 
Le  sens  de  ce  dernier  terme  se  rattache  très  naturellement 


'  Cf.  Sainéan.  op.  cit.,  p.  88  s. 

-  M.  Sainéan  donne  inexactement  marmoin.  op.  cit.,  p.  95. 
^  Prenosticat.    de   Songecreux,   Poés.    fr.    des    XV^    et   XVI* 
XII.  186. 


—  333  — 

ù    celui    de    'singe'.     Probablement    c'est    nno  variante  de 
marmot^  avec  siibstitution  de  suffixe. 

344,  Il  paraît  indiqué  de  rattacher  aussi  à  marmot, 
marmouset  le  collectif  marmaille  'troupe  d'enfants',  prov. 
marmaio,  lang.,  gasc.  marmalho,  qui,  dans  plusieurs  patois, 
a  donné  naissance  à  des  dérivés  de  sens  individuel:  bas- 
manc.  marmayè,  périg.  marmàlhet,  poit.  marmaillon,  prov. 
marmaioun,  lang.  marmalhou,  gasc.  marmalhot.  —  L'ital. 
marmafjlia  'canaille'  se  dit  aussi  d'une  troupe  d'enfants  et 
se  retrouve,  avec  ce  sens,  dans  les  dialectes:  piém.,  lomb., 
émil.  marmaja;  com.  marmaria;  romagn.  marmanaja;  vén. 
marmagia.  —  Pour  marmaglia,  marmaille,  on  est  cependant 
bien  tenté  d'adopter  l'étymologie  *minimalia,  proposée  par 
Flechia^;  d'autant  plus  que  cette  explication  va  très  bien 
avec  le  sens  de  'quantità  di  moneta  di  poco  valore',  que 
présente  le  mot  italien  à  côté  de  celui  de  'gente  spregevole'. 
Une  transition  de  la  première  de  ces  significations  à  la 
dernière  ne  serait  pas  impossible,  tandis  qu'un  développe- 
ment en  sens  inverse  paraît  inadmissible.  D'autre  ])art, 
si  l'on  admet  leur  provenance  d'un  tj'^pe  bas-latin  *mini- 
malia,  il  est  étonnant  que  ni  marmaglia,  ni  marmaille  ne 
soient  attestés  avant  la  Renaissance. 

345.  L'italien  connaît  aussi  deux  dénominations  indivi- 
duelles, où  entre  l'élément  marm-  :  marmotta  ^  et  marmoc- 
chio  'petit  enfant'.  Le  premier  se  retrouve  dans  quelques 
dialectes:  romagn.  marmbtt  'marmocchio',  'ragazzo',  'fan- 
ciuUo';  teram.  marmotte  (s.  m.  et  f.)  'disprezz.  di  ragazzo 
discolo';  augment.:  marmuttône.  Cf.  Subiaco  marmotta 
'spregiativo  di  donna'.  —  Faut-il  voir  dans  ces  termes  des 
emprunts  faits  au  français?  ^    En  ce  qui  concerne  marmott 

1  AGII,  II,  p.  366. 
*  D'après  Rigutini-Bulle. 

'  D'Ovidio,  AGll.  XIII,  p.  406,  a  émis  cette  hypothèse  pour 
marmocchio:  ^marmocchio,  isolato  com'  è  nel  toscane  ed  estraneo  alla 

22 


—  334  — 

— marmotta^  sa  présence  dans  les  dialectes  m'en  fait  douter. 
J'incline  plutôt  à  rattacher  le  romagn.  marmbtt  à  marmotta^ 
qui,  dans  le  même  dialecte,  sert  à  désigner  la  marmotte 
et  se  dit  au  figuré  pour  'scioccolone',  'stolido'  ^  En  toscan, 
marmotta  ou  marmotto  'marmotte'  sert  aussi  d'injure,  et, 
d'après  Petrôcchi,  c'est  de  ce  mot  qu'on  a  tiré  le  dimi- 
nutif marmottino^  qui  se  dit  par  plaisanterie  à  un  petit 
garçon.  Il  est  donc  vraisemblable  que  les  mots  précités 
de  Teramo  et  de  Subiaco,  avec  leur  nuance  péjorative  très 
marquée,  ont  la  môme  origine. 

Je  tiens  à  ajouter  ici  que,  même  en  expliquant  marmot, 
marmouset,  marmotto,  marmoccJiio  comme  des  métaphores 
tirées  du  règne  animal,  je  trouve  très  probable  que  mini- 
mus  a  exercé  une  certaine  influence  sur  le  développement 
sémantique  de  ces  mots  ^.  On  n'aurait  peut-être  pas  choisi 
justement  ces  expressions  pour  désigner  les  petits  enfants, 
si  elles  n'avaient  pas  commencé  par  marm-  et  ainsi  rappelé 
à  la  mémoire  des  mots  tels  que  l'anc.  fr.  merme  {niarme) 
'petit',  le  haut-ital.  marmel,  marmelin^i^etit  doigt',  etc. 

Rat. 

346.  Dans  les  patois  du  Centre  de  la  France  et  dans 
celui  de  Saône-et-Loire,  j'ai  trouvé  rat—rate  comme  terme 
d'amitié  donné  aux  enfants  ^.  Le  franc-comtois  et  le  cham- 
penois emploient  le  diminutif  ratotte  (raitotte)  de  la  même 
manière.  Dans  le  patois  de  Blonay,  M°^®  Odin  relève 
ratagdhla  (=  'souris  gonflée')  comme  sobriquet  donné  à  un 


rimanente  Italia  peninsiilare.  non  molto  antico  e  di  sapor  vernacolo  e 

scherzevole,  .  direi    proprio  che  sia  marmot  accommodato  alla  buona». 

—  Eigutini   et  Bulle    expliquent   l'ital.  marmotto  de  la  même  manière. 

^  Peut-être    à  cause  de  l'engourdissement  d'hiver  de  cet  animal? 

*  Dans  son  Rom,,  etym.    Wôrterb.,  M.  Meyer-Liibke  rattache  tous 
ces  termes  à  minimus. 

*  Pour    des    exemples    analogues    dans   les  langues  germaniques, 
voir  A.  Sperber,  op.  cit.,  p.  145. 


—  335  — 

petit  garçon  très  grassouillet,  —  L'ital.  topino,  diminutif 
de  topo  'rat',  se  dit  figurément  d'un  petit  garçon:  Ê  un 
topino.  Povero  topino.  (Petrôcchi.)  Morri  le  signale  en  ro- 
magnol  au  même  sens:  tupefi,  hèll  tupen  'rabacchino',  'piccol 
fanciullo',  'bambino'. 

347.  Ces  exemples  d'emploi  métaphorique  des  déno- 
minations du  rat  viennent  appuyer  l'étymologie  proposée 
par  M^'®  Sperber  ^  pour  l'esp.  muchacho  :  musculu  +  -aceu  ^. 
Muscidus  aurait  donné  en  espagnol  *mucho,  et,  comme  l'a 
fait  remarquer  M.  Spitzer  ^,  cette  forme  existe  en  réalité 
dans  la  péninsule  ibérique,  au  sens  de  'muscle':  port,  hucho 
(=  esp.  muslo)*^.  —  L'esp.  muchacho  (Oudin:  mochacho)  dé- 
signe   un    jeune    garçon   qui    commence    à    sortir  de  l'en- 


•  op.  cit.,  p.  145. 

-  L'étymologie  la  plus  généralement  adoptée  est  mutt-,  miitilun 
'émoussé',  'mutilé'  (cf.  Diez,  Etym.  Wb.,  p.  470;  Grôber.  dans  ALL,  IV, 
p.  126;  Kôrting,  Lat.-rom.  Wb.,  6420;  Meyer-Liibke,  liom.  etym.  Wh., 
5793).  M.  Schuchardt,  qui  a  jadis  rattaché  muchacho  à  un  type  *inu- 
tidiis  {ZRFh,  XXIII,  p.  181),  a  émis  en  1914  une  autre  hypothèse  que 
je  ne  connais  que  par  le  renvoi  suivant,  contenu  dans  un  article  par 
M.  Spitzer,  Die  Sprachgeographie  (1909—1914),  RDR,  VI,  où  il  critique 
quelques-unes  des  étymologies  proposées  par  MUe  Sperber.  Il  y  dit^ 
p.  357,  n.  1:  «die  Ableitung  von  span.  muchacho  'Junge'  habe  ich  sehr 
skeptisch  aufgenommen.  Nun  klaren  Schuchardts  (E,B  1914,  S.  9  ff.) 
Beraerkungen  iiber  bask.  mutil  'Bursche'  =  dem  mutilus  kapite,  tonso 
kapite  der  Glossen  und  span.  muchacho  =  *miittilus  ailes  auf.»  D'après 
cette  explication,  muchacho  serait  un  pendant  de  toso  et  de  carusu 
(voir  §  271  ss.).  —  L'expression  «sehr  skeptisch»  est  du  reste  un  peu 
exagérée.  Dans  son  compte  rendu  du  travail  de  Mlle  Sperber  (ZMPh, 
XXXVI,  p.  233  ss.),  M.  Spitzer  approuvait  parfaitement  l'étymologie 
musculus  (<Wird  raan  den  geistreichen  Ableitungen  sp.  muchacho  = 
mu  s  cul  us  ...  zustimmen  miissen  ...»);  et  ce  n'est  que  dans  une 
note  qu'on  trouve  une  objection:  il  y  fait  remarquer  que  la  forme 
ancienne  mochacho  offre  des  difficultés.  —  Quant  à  l'étymologie  de 
M.  Sainéan,  qui  rattache  muchacho  à  l'ital.  mueio,  esp.  micio  'chat', 
cf.  ce  qu'en  dit  MUe  Sperber  {loc.  cit.). 

»  ZRPh,  XXXVI,  p.  233,  n. 

*  Cf.  Grôber,  Grundriss  der  rom.  Phil,  2®  éd.,  p.  964. 


—  336  — 

fance  ^;  muchacha,  une  fille  de  tout  âge.  Le  pluriel  mn- 
chacJios  se  dit  pour  'enfants'.  Le  mot  se  retrouve  avec 
les  mêmes  significations  en  portugais;  selon  Coelho,  il  ap- 
partient au  style  familier.  —  Le  provençal  moderne  a 
emprunté  mouchacho  (s.  m.  et  f.)  aux  sens  péjoratifs  de 
'homme  ou  femme  maussade';  'enfant  désagréable';  'fille 
bourrue',  'maritorne',  'laideron';  et  le  langage  populaire  de 
Paris  emploie  mouchocJiou  pour  'enfant'  (Bruant).  Le  na- 
politain a  aussi  emprunté  le  mot,  mais,  suivant  D'Ambra, 
mucciaccia  signifie  simplement  'ragazza'  sans  idée  dépré- 
ciative. 

Chauve-souris. 

348.  Cet  animal  paraît  avoir  contribué  aussi  aux  dé- 
nominations d'enfants.  M.  Crocioni  rattache  palpastriéllo, 
qui  se  dit  à  Arcevia  (Ancona)  pour  'giovincello',  au  parm. 
parj^astrell  (ital.  pipistrello).  Il  n'aurait  pourtant  pas  été 
nécessaire  d'aller  jusqu'à  Parme  pour  trouver  une  forme 
ressemblante,  puisque  le  bolonais  déjà  offre  palpastrell 
(=  romagn.  halhastrell). 

Lapin, 

349.  Avant  de  quitter  les  rongeurs,  je  voudrais  men- 
tionner encore  lapin,  qui  se  dit  par  plaisanterie  pour  'pe- 
tit garçon'  dans  le  Jura  bernois^;  et  quenil^  nom  d'amitié 
qu'on  donne  aux  enfants  dans  le  Doubs,  et  qui  doit  être 
le  même  mot  que  le  frib.,  neuch.  counni,  l'anc.  fr.  conil, 
l'anc.  prov.  conilh  'lapin'. 

Poulet,  poulette. 

350.  Les  noms  des  poules,  et  surtout  des  petits  pous- 
sins, ont  donné  naissance,  dans  les  langues  romanes  comme 


^  D'après    Tolhansen  il  signifie  encore  'nourrisson'  (sens  nié  par 
Salvâ)  et  'mousse'. 

*  Cf.  lapin  'apprenti  compagnon',  dans  l'argot  des  ouvriers. 


—  8B7  — 

dans  les  langues  germaniques  \  à  quelques-uns  des  termes 
liy[>(»<'()risti(|ues  les  plus  usités  ^. 

851.  On  se  rappelle  que  le  lat.  pidlus—pulla  'petit 
d'un  animaP,  et,  spécialement,  'jeune  coq',  'jeune  poule', 
s'appliquait  aux  enfants  (§  78j.  Parmi  les  dérivés  nom- 
breux, que  les  langues  romanes  ont  tiré  de  ce  mot  pour 
désigner  des  poules,  il  y  en  a  plusieurs  qui  ont  été  em- 
ployés d'une  manière  analogue. 

Poulet — poulette^  les  mots  du  français  commun,  s'em- 
ploient très  souvent  comme  termes  de  tendresse  en  par- 
lant à  un  enfant,  un  jeune  homme,  une  fillette  ou  une 
jeune  fille.  Dans  la  Flandre  française,  on  trouve  pouUette 
pour  'jeune  fille'.  —  Dans  quelques  patois,  les  représen- 
tants dialectaux  de  poussin  s'emploient  de  la  même  façon: 
le  flandr.,  pic.  pouchin  est  un  terme  de  tendresse  pour  un 
petit  enfant;  à  ISLonthoiioxà  pussenote  ^  'poulette'  se  dit  pour 
'jeune  fille  catéchumène'.  —  A  cote  àe  poulet  et  àe  poussin, 
les  patois  français  se  servent  de  la  forme  poulot  pour  dé- 
signer le  petit  d'une  poule  ou  un  jeune  coq  *.  Il  faut  sans 
doute    identifier    avec  ce  mot  poulot— poulotte  'enfant',  'fil- 


'  En  voici  quelques  exemples  :  suéd.  pulla,  proprement  'poule' 
se  dit  amicalement  à  une  fillette;  dan.  kylling  'poussin',  se  dit  d'une 
fillette,  ou,  au  pluriel,  d'enfants;  le  mot  synonyme  allemand,  Kiichlein, 
s'emploie  d'une  manière  analogue;  l'angl.  chiclcen  se  dit  d'un  enfant 
ou   d"un  «blanc-bec». 

'  Les  noms  du  canard  s'emploient  souvent  aussi  comme  termes 
de  tendresse,  mais  ne  semblent  pas  être  devenus  des  dénominations 
d'enfants  proprement  dites.  Voici  quelques  exemples:  berr.,  angev. 
canard,  cane,  canet,  canette;  bas-manc.  kani;  meus,  caïene,  caïenon, 
pic.  lurot,  lirot  ('petit  du  canard').  —  Cf.  aussi  les  mots  latins  anas; 
anaticula,  qui  figurent  comme  termes  d'affection  dans  les  comédies 
de  Plante. 

^  Le  simple  poussin  n'est  pas  usité  dans  ce  patois. 

•*  Je  l'ai  relevé  dans  le  bas  langage  Verduno-Châlonnais  et  dans 
les  patois  de  Bournois  et  de  Montbéliard.  Les  cartes  poussin  et  coq 
de  VAtlas  l'indiquent  également  dans  l'Est  (Nivernais,  Bourgogne, 
Franche-Comté),  et  aussi  dans  la  Bretagne. 


—  ass- 
iette' ^,  qui,  d'après  Littré,  est  un  terme  de  tendresse, 
aujourd'hui  vieilli  dans  la  langue  courante.  Diez  le  dé- 
signe comme  un  mot  de  l'ancien  français,  et  Roquefort 
l'enregistre  au  sens  de  'jeune  enfant'  ^.  A  en  juger  d'après 
le  passage  suivant,  que  cite  La  Curne,  poulot  était  connu, 
déjà  dans  la  langue  ancienne,  comme  un  terme  dialectal, 
répondant  au  franc,  poulet:  «Poulets  que  appelle  poulots 
en  sa  baragouinage»  {Des  Ace.  Bigarrures^  p.  8).  Dans 
les  patois  poulot  est  très  répandu  au  sens  de  'jeune  enfant'. 
Je  l'ai  relevé  en  rouchi,  picard,  normand,  berrichon,  ver- 
duno-châlonnais,  narbonnais  ^  Le  ièramm.  poiilotte  (pouloto)^ 
sans  masculin  correspondant,  s'emploie  comme  terme  d'ami- 
tié en  champenois  et  en  bas-limousin. 

352.  L'esp.  polla,  port,  polka,  'poulette'  ont  pris  par 
métaphore  le  sens  de  'jeune  fille'  ^,  Le  diminutif  espagnol 
pollito — pointa  'poussin  nouvellement  éclos'  se  dit  pour 
'petit  garçon',  'petite  fille';  le  masculin  peut  désigner  aussi, 
par  extension  de  sens,  un  très  jeune  homme  sans  expé- 
rience. Les  augmentatifs  polhastro  (port.),  pollastrôn,  pol- 
lancôn  (esp.),  qui  signifient  proprement  'gros  poulet', 
s'emploient,  en  style  familier,  pour  'jeune  garçon  grand, 
élancé'. 

Les  dérivés  en  -aster  et  -ancu  se  retrouvent  en  Italie, 
avec  des  significations  analogues.  Pollastra  'poulette'  se 
dit  par  plaisanterie  pour  'jeune  fille',  spécialement  en  par- 
lant d'une  jeune  paysanne  (Petrôcchi).  Pollastro  et  ^)0- 
lastrotto  ont,  en  italien  commun  et  en  vénitien  °,  le  sens 
dépréciatif  de  'giovane  semplice,  inesperto'  ;  mais,  en  ber- 
gamasque,   polastrbt    désigne,  d'après  Tiraboschi,  un  jeune 


^  Diez.    Etym.    Wôrterb.,    p.   258,  le  rattache  directement  au  lat. 
pullus  'enfant'  (cf.  §  79). 

'  Godefroy  et  La  Curne  ne  le  mentionnent  pas. 

*  Ici  il  a  le  sens  de  'mignon',  'enfant  chéri'  (Mistral). 

*  Cf.  §  79. 

*  Boerio  donne  polàco  avec  le  même  sens. 


—  339  — 

hommo  en  général,  sans  aucune  nuance  de  mépris.  En 
napolitain,  poUania.  pollanclœlla  signifient  'giovanotta',  'gio- 
vanottina';  en  milanais,  jjollanca  a  le  sens  spécial  de  'pul- 
cellona  già  avanzata'. 

35B.  Le  roum.  pâica  (du  lat.  *pullius  avec  un  suffixe 
slave)  présente,  à  côté  du  sens  de  'poulette',  celui  de 
'jeune  fille'. 

354.  D'après  Tarbé,  le  champenois  jau  'coq'  s'em- 
ploie figurément  au  sens  de  'petit  garçon'  ^. 

355.  Plusieurs  des  noms  du  coq  et  de  la  poule  sont 
des  onomatopées,  imitant  le  cri  de  l'animal.  De  l'onoma- 
topée qui  a  donné  coq^  on  a  tiré  aussi  la  formation  en- 
fantine cocotte  'poule',  et  ce  mot  s'applique  souvent  fa- 
milièrement aux  petites  filles  ^.  ■  On  appelle  parfois  un 
petit  garçon  coco  ^,  mot  qui  sert  en  outre,  dans  le  langage 
enfantin,  à  désigner  un  œuf.  Je  ne  crois  pourtant  pas 
que  le  sens  de  'petit  garçon'  soit  dû  à  une  métaphore 
'œuf  >  'enfant'  *;    il    faut    plutôt    considérer    coco    (cocot), 


1  Tarbé  signale  jau  'coq'  comme  un  mot  du  département  des 
Ardennes;  mais,  suivant  la  carte  320  de  VAtl.  îing.,  les  représentants 
de  galîus  ne  s'emploient  plus  au  sens  primitif  dans  ce  département, 
qui  présente  exclusivemenf  kok  (ou  ko).  Jo  s'est  conservé  plus  à  l'est, 
dans  la  Meuse  et  dans  Meurthe-et-Moselle. 

*  On  sait  que  ce  mot  est  devenu  aussi  un  terme  libre. 
3  Cf.  Foerster,  ZBPh,  XXII,  p.  272,  n. 

*  C'est  là  l'opinion  de  M.  Schuchardt  (voir  SBPhHKlAWWien. 
CXLI,  3,  p.  25).  —  Coco,  au  sens  de  'œuf,  provient  probablement  de 
ce  que  le  cri  de  la  poule,  qui  est  sur  le  point  de  pondre  ou  qui  vient 
de  pondre,  a  été  appliqué  à  l'œuf  pondu.  Cf.  le  pic.  codak  et  le  lill. 
cocodac,  qui  désignent  à  la  fois  le  cri  de  la  poule  et  l'œuf  qu'elle  a 
pondu  (d'où  le  verbe  picard  codaquer,  norm.  coàaquer,  quédaquer). 
Cf.  aussi  le  verd.-châl.  cocodète,  ou  co-co-co-codète,  imitation  enfantine 
du  cri  de  la  poule  qui  pond.  Cette  explication  me  paraît  plus  vrai- 
semblable que  celle  de  Foerster  {ZBPh,  XXII,  p.  271),  d'après  laquelle 
coco  'œuf  serait  une  aphérèse  de  cocorico.  —  Du  reste  coco  sert,  dans 
le  langage  des  enfants,  à  rendre  les  idées  les  plus  différentes.  Dans  le 
patois  de  Blonay,  coco  signifie  'cheval',  dans  celui  de  Pléchatel,  'soulier'. 


—  340  — 

dans  ce  dernier  sens,  comme  un  masculin  analogique,  tiré 
de  cocotte.  Dans  bien  des  dialectes  aussi,  coco(t) — cocotte  -^ 
sont  des  appellations  caressantes,  répondant  au  poulet — 
poulette  du  français  commun.  —  Dans  le  Midi,  les  dimi- 
nutifs couteto  (lang.  coteto),  coutino  (tirés  de  coto^  coueto 
'poule',  en  Daupliiné)  ^  se  disent  pour  'jeune  fille'. 

L'Italie  offre  des  exemples  analogues.  Petrôcchi  nous 
apprend  que  cocca  'poule'  s'applique  comme  terme  de 
tendresse  aux  petites  filles.  Il  en  est  de  même  dans  plu- 
sieurs dialectes,  A  Plaisance,  Bologne  et  dans  la  Ro- 
magne  on  crie  cocca!  cocca!  pour  appeler  les  poules,  on 
désigne  les  poules  par  ce  mot,  et  on  l'emploie  aussi  comme 
terme  d'amitié  à  l'adresse  d'un  enfant.  —  J'incline  à  con- 
sidérer l'ital.  cocco  (cucco)^  mot  enfantin  et  familier,  qui 
signifie  'œuf  et  'enfant  chéri',  'benjamin',  comme  un  mas- 
culin analogique  tiré  de  ce  mot  (cf.  plus  haut  coco(t)  — 
cocotte)  ^.  Dans  certains  dialectes  on  se  sert  d'un  seul  mot 
pour  désigner  une  poule  et  le  «benjamin»:  bol.  coca  (ou 
coc),  mant.  cocca,  etc.  ^  On  en  a  tiré  plusieurs  diminu- 
tifs signifiant  'naccherino',  'bimbo':  bol.  cucchein^  vén.,  vér., 
trent.  cocolo,  vén.  cocolin. 

356.     Cihac,  et    d'après  lui  MM.  Schuchardt  °  et  Tik- 
tin,  rattachent    à    la    même    origine    onomatopoétique    1 
mots    roumains    suivants:   côca  'bébé',  terme  de  tendresse. 


1  Sav.  cocà  —  cocota;  prov.  mod.  cocot—cocoto. 

■  On  se  sert  aussi  de  ces  mots  pour  appeler  les  poules,  et  c'est 
là  peut-être  leur  premier  emploi. 

*  Quant  à  cocco  au  sens  de  'œuf,  cf.  la  note  ci-dessus  sur  le 
franc,  coco  'œuf.  En  ancien  milanais,  on  se  servait  d'un  même  mot: 
coco,  pour  imiter  le  chant  d'un  coq  et  pour  désigner  un  œuf  (Cheru- 
bini).  —  L'étymologie  de  M.  Meyer-Liibke:  coccum  'Fruchtkern',  'Schar- 
lachbeere',  me  semble  moins  naturelle. 

*  Galvani,  Saggio  di  un  Glossario  Modenese,  p.  235,  voit  dans 
coch  et  coca  'enfant  chéri'  les  correspondants  des  termes  hypocoristi- 
ques  latins  pullus  et  galUna. 

•'  loc.  cit. 


-   341  — 

qui  se  dit  aux  petits  enfants  et  qui  souvent  remplace 
longtemps  leur  prénom;  cocon  (cucôn),  qui  se  rencontre, 
avec  le  sens  de  'enfant',  'garçon',  dans  la  vieille  littéra- 
ture; dès  le  début  du  XVII*  siècle,  il  commença  à  être 
supplanté  par  cojril.  Dans  la  langue  actuelle,  il  signifie 
'seigneur'  ^  (en  style  familier);  et  le  féminin  cocôna  pré- 
sente un  développement  analogue:  'fille', 'fillette' > 'dame', 
'demoiselle'  ^. 

357.  L'onomatopée  pi  pi^  qui  imite  le  pépiement  des 
oisillons  et  spécialement  des  poussins,  s'emploie  fréquem- 
ment pour  appeler  les  poules  et  pour  les  désigner  ^.  Sans 
doute  faut-il  identifier  avec  cette  onomatopée  l'ital.  pipi, 
terme  de  tendresse  pour  'enfant'  *,  d'où  l'on  a  tiré  le  di- 
minutif pipino.  Le  pist.  pipera  'bambina'  paraît  être  un 
dérivé  du  même  mot  °. 

Caille. 

358.  Le  napolitain,  qui  abonde  en  désignations  mé- 
taphoriques pour  les  enfants  et  les  jeunes  filles,  se  sert  du 
nom  de  la  caille,  quaglia^  et  du  dérivé  qiiayliozza  pour 
désigner  'una  donzella  frescoccia,  belloccia,  tarchiata'  ^. 

Pigeon. 

359.  Le  pigeon,  si  doux  et  tendre,  a  toujours  suggéré 
des  comparaisons  à  celui  qui  cherche  des  noms  nouveaux 


'  Selon  Cihac  le  développement  sémantique  serait  le  suivant: 
'fils  préféré',   'mignon'  >  'fils  d'un  seigneur'  >  'seigneur  en  général'. 

'  Cf.  le  grec  mod.  uOKK&va.  qui  a  le  même  sens. 

^  Cf.  abr.,  vén.  pi  pi,  mots  dont  on  se  sert  pour  appeler  les 
poules  (répondant  à  l'ital.  bille  bille);  lomb.,  émil..  vén.,  frioul.  pipi, 
mot  enfantin  pour  'oiseau',  'poussin'. 

*  Cf.  bol.  pipi  'personne  de  petite  taille'. 

°  Pour  le  bresc.  pipi,  poscli.  jnpinn — pipina,  etc.,  voir  §  26. 

®  Plante  emp.oie  coturnix  comme  terme  de  tendresse  dans  ses 
Captivi. 


—  342  — 

pour  l'amante  ou  pour  l'enfant  ^  Plusieurs  dialectes  ita- 
liens offrent  des  exemples  d'un  tel  emploi.  Le  sarde  pic- 
cioni  'pigeonneau'  se  dit,  d'après  Porru,  pour  'enfant  chéri, 
gracieux'.  L'abr.  piccione  et  le  teram,  pecciône^  pecciunetfe 
s'emploient  de  la  même  façon.  Le  nap.  p)eccioncella  peut 
signifier  'jeune  fille',  'fillette'  ^. 

Oiseaux  divers. 

360.  Les  noms  de  plusieurs  petits  oiseaux  se  sont 
appliqués  aux  enfants.  M"^**  Odin  a  relevé,  dans  le  patois 
de  Blonay,  ritola  'roitelet',  comme  sobriquet  donné  à  un 
garçon  de  petite  taille.  En  rouchi,  rotelot  se  dit  également 
pour  'petit  enfant':  Viens  m'rotelot  (Hécart).  —  L'ital.  pis- 
pola  'pipit'  se  dit  comme  terme  de  tendresse  pour  'don- 
netta  o  ragazza  o  bambina  piacente'  (Petr.);  les  diminutifs 
pispoletta,  pispolina  s'appliquent  à  une  fillette;  le  masculin 
pispoUno  à  un  petit  garçon.  Le  nap.  focètola  'bec-figue' 
se  dit,  d'après  D'Ambra,  pour  'giovanotta'  ^.  —  Le  pro- 
vençal moderne  emploie  passereto  'femelle  du  moineau',  ou 
'fauvette  d'hiver',  comme  terme  de  tendresse  en  parlant 
d'une  jeune  fille  *.  Le  lyonn.  mouvant  'jeune  moineau  qui 
sort  du  nid'  se  dit  pour  'enfant  sautillant';  et  gone  mou- 
vant °  signifie  à  Lyon  'petit  garçon'. 


1  Les  nourrices  romaines  employaient  columbiis,  à  côté  de  pullus 
et  passer,  pour  désigner  leurs  nourissons.  Voir  plus  haut  (p.  84,  n.  1) 
la  citation  tirée  des  scholies  sur  Perse. 

'  Ce  mot  a  aussi  le  sens  dépréeiatif  de  'innocentina'.  'sempli- 
cetta',  de  même  que  l'ital.  piccione,  pippione  et  le  franc,  pigeon  peu- 
vent signifier  'niais',  'dupe'. 

^  C'est  peut-être  une  figure  de  lettré;  D'Ambra  en  cite  un  exemple 
tiré  de  Lo  Pippo,  par  Eossi  (1715). 

*  Cf.  l'emploi  hyporistique  du  lat.  passer,  ^JrtssercMZa  (voir  He- 
raeus,  ALL,  XIII,  p.  161). 

^  Puitspelu  y  voit  un  «composé  de  gone,  gamin,  et  mouvant, 
jeune  moineau.  Mouvant  est  pris  adjectivement  et  probablement  par 
confusion  avec  fr.  mouvant»,  ajoute-t-il.  Mais  n'est-ce  pas  en  réalité 
le  même  mot? 


—  343  — 

301.  Grandgagnage  a  relevé  à  Stavelot  (Liège;  pi- 
wichc  'jeune  fille',  et  y  voit  une  acception  figurée  de  pi- 
wiche  'vanneau',  'huppe',  qu'on  trouve  à  Malmédy.  —  Dans 
le  supplément  de  son  dictionnaire  provençal,  Mistral  relève 
machoutin — machoutino,  diminutif  de  machoto  'chouette',  au 
sens  de  'petit  enfant'.  —  Dans  les  Alpes,  on  désigne  quel- 
quefois les  enfants  amicalement  par  le  mot  rateiror.  Ce 
mot,  qui  se  prononce  en  Provence  rateirbu,  en  Rouergue 
ratairol,  sert  à  désigner,  selon  Mistral,  divers  oiseaux:  le 
petit  faucon  (tiercelet),  le  martinet  noir,  l'hirondelle  de 
rivage.  Levy,  dans  sow  Petit  dictionnaire  provençal- français, 
traduit    également    ratairol   par    'petit  faucon',  'tiercelet'  ^ 

362.  Dans  Mistral  nous  trouvons  encore  un  exemple 
de  cette  métaphore:  dauph.  pisto  (pistro)  'femelle  d'oiseau' 
et  'jeune  fille'.  Le  mot  paraît  être  dérivé  d'une  onoma- 
topée pist  (pst),  dont  on  se  sert  pour  appeler  les  oiseaux  ^ 
—  Rappelons  enfin  que,  dans  le  patois  messin,  oJiio  'oisil- 
lon' s'emploie  au  sens  de  'enfant  en  bas  âge'  ^. 

Crapaud,  grenouille. 

363.  Nous  avons  étudié  plus  haut  (§  309)  quelques 
mots,  qui,  au  premier  coup  d'œil,  paraissent  fournir  des 
exemples  de  la  métaphore  'crapaud'  >  'enfant',  tandis  que, 
en  réalité,  ces  deux  sens  doivent  remonter  à  une  origine 
commune,    à   un    mot    désignant   quelque  chose  d'informe 


*  Selon  Azaïs  et  Chabrand  et  Rochas  d'Aiglun.  rateiror  {ratairol) 
signifierait  'petit  rat'.  Evidemment  cette  traduction  a  été  empruntée 
sans  critique  au  Lexique  roman  de  Raynouard,  qui  définit  le  mot 
par  'petit  rat',  'taupe',  et  qui  en  donne  un  seul  exemple.  Dans  son 
Provenzalisches  Sujyplementwôrterbuch,  Y,  p.  463,  Levy  a  démontré 
que  la  traduction,  que  donne  Raynouard  de  ce  passage,  est  archi- 
fausse. 

-  Cf.  pista  'faire  pist',  'appeler  les  oiseaux  avec  un  appeau'; 
pistaire  'celui  qui  appelle  les  oiseaux  avec  un  appeau'. 

8  Cf.  p.  260,  n.  1. 


—  344  — 

et  de  globuleux.  Mais  les  langues  romanes  offrent  en 
outre  un  bon  nombre  de  dénominations  d'enfants,  qui  re- 
posent sur  une  comparaison  réelle  entre  un  enfant  et  un 
crapaud  ^.  —  L'exemple  le  plus  typique  nous  est  fourni 
par  le  wall.  crapaut — crapaufe,  qui,  dans  certaines  régions, 
est  le  terme  courant  pour  'garçon',  'fille'  ^.  L'amélioration 
complète  du  sens  de  ce  mot  est  attestée  par  le  fait  que 
crapaute  signifie  aussi  'amante',  'bonne  amie'  ^.  On  en  a 
tiré  le  collectif  Jcrapôtreie  (Remacle),  capotrèie  (Grand- 
gagnage)  'marmaille'.  Crapaud  se  retrouve  dans  le  langage 
populaire  et  familier  de  Paris,  appliqué  à  un  gamin  *  ou 
à  un  petit  homme  laid,  et  dans  plusieurs  patois.  On  l'a 
relevé  à  Saint-Pol,  en  Suisse  romande  et  à  Montjean 
(Anjou)  au  sens  de  'gamin',  'marmot',  'moutard'.  Dans  le 
Midi  il  a  une  nuance  marquée  de  mépris:  prov.  grapaut, 
lang.  grapaôu  (dim.  grapaioù)^  béarn.  crapaut  (crepaut) 
signifient  tous  'drôle',  'polisson';  le  béarnais  en  a  tiré 
crapaute  (crepaute)  'petite  fille  insupportable',  'drôlesse';  le 
collectif  grapaudaio  (béarn.  crapautalhe,  carpjautalhe)  veut 
dire  'tas  de  crapauds,  de  drôles'.  —  A  côté  du  diminutif 
crapautin  'garçonnet',  qui  se  rencontre  à  Saint-Pol  et  en 
Suisse  romande,  il  y  a  un  dérivé  irrégulier,  crapoiissin^  qui, 
dans  le  langage  populaire,  se  dit  d'une  personne  courte,  grosse 
et  mal  faite,  et  qui,  dans  plusieurs  patois  (rouchi,  picard, 


^  Les  mots  signifiant  'crapaud'  s'emploient  souvent  pour  désigner 
un  homme  trapu,  de  petite  taille  (cf.  Sainéan,  ZBPh.  Beih.  X,  p.  132). 
—  Pour  les  langues  germaniques,  cf.  Tallem.  Krote  pour  'enfant',  sur- 
tout en  parlant  d'enfants  méchants;  bavar.  krott.  terme  de  tendresse 
pour  une  petite  fille,  un  petit  animal,  etc.;  flam.  l-rut.  kriitje  'petit 
enfant'. 

*  Voir  Grandgagnage,  Remacle,  et  VAtl.  ling.,  fi22^  623,  624,  au 
point  197  (Namur,  Belgique).  —  M.  Sainéan  dit,  op.  cit.,  p.  134,  que 
le  wall.  crapaud  «a  remplacé  le  lat.  films»  au  sens  de  'fils'  ('garçon'). 
Cela  n'est  pas  exact,  puisque  la  carte  mon  fils  montre  au  i^oint  197 
me  fi,  tandis  que  crapaud  n'y  figure  nulle  part. 

^  Cf.  Eolland,  Faune  populaire  de  la  France,  XI,  p.  96. 

*  Cf.  Rolland,  loc.  cit. 


--  845  — 

normand,  berrichon),  s'applique  aussi  aux  enfants,  mais 
toujours  avec  un  sens  de  mépris.  Il  en  est  de  même  des 
dérivés  angevins  crapasson,  crapuchon,  crapichon  ^  Rolland  ^ 
relève  encore  crapion,  crapàyon  (Avon,  Seine-et-Marne),. et 
crapouya  (Marne)  'crapaud',  au  sens  de  'enfant'  ^. 

364.  Les  autres  termes  de  ce  genre  qu'on  trouve 
dans  le  domaine  français,  semblent  être  d'un  emploi 
beaucoup  plus  local.  —  Le  wallon  présente  encore  un 
exemple  de  cette  métaphore:  Malm.  rabolè,  diminutif  de 
raho  'crapaud',  se  dit,  d'après  Grandgagnage,  pour  'petit 
garnement'.  —  Dans  la  Suisse  romande  et  les  régions 
voisines,  on  emploie  hô  concurremment  avec  crapaud;  dans 
le  canton  du  Valais,  hô  se  dit  aussi  pour  'garçon'  et  le 
diminutif  hotê  pour  'garçonnet'  *.  Le  champenois  (Clairvaux) 
applique  hot  'crapaud'  dédaigneusement  à  un  gamin  ou  à 
un  homme  court  de  taille  °.  —  Jônain  enregistre  le  mot 
ponçhu  ®  'petite  marmaille',  'petit  enfant'  ^,  qui  est  sans 
doute  identique  à  l'angev.  ponhut  'sorte  de  rainette  à  ventre 
jaune'  (Verrier  et  Onillon),  ou  pon-hii  'crapaud  sonneur' 
(B-olland),  et  au  bas-manc.  pohu  'petit  crapaud  qui  chante 

^  Ces  deux  derniers  mots  désignent  proprement  la   rainette. 

'  loc.  cit. 

'  Rolland  mentionne  en  outre  Tangev.  cropètt  'gamin'  comme 
exemple  de  la  même  métaphore.  Il  faut  cependant  observer  que,  en 
angevin  et  en  manceau.  crapaud  et  tous  ses  dérivés  présentent  -a-, 
et  qu'on  n'y  trouve  pas  de  mots  ayant  ce  sens  qui  commencent  par 
crop-.  Aussi  je  préfère  expliquer  autrement  cropètt  (cropet)  'gamin' 
(voir  §  373). 

*  D'après  les  matériaux  du  Glossaire  des  pat.  de  la  Suisse  rotn. 
—  M.  Saioéan  voit  dans  hot  'fils',  'garçon',  terme  des  Alpes  Cottiennes 
(voir  §  104),  le  même  mot  que  bot  'crapaud'.  La  carte  346  de  VAtl. 
ling.  montre  cependant  que  cet  animal  s'appelle  ici  hahi  ou  crapaut, 
et  non  bot. 

^  Cf.  aussi  le  comt.  pousse-bô  (=  'pousse-crapaud')  'gamin',  'indi- 
vidu de  petite  taille',  'pousse-caillou'  (Rolland,  op.  cit.,  p.  101). 

*•  Dans  ce  dictionnaire,  çh  se  prononce  comme  ch  allemand. 

'  Il  en  donne  cette  étymologie,  qui  ne  doit  pas  être  sérieuse: 
«sur  le  çhu  (=  cul)  de  qui  l'on  fait  pon.» 


—  346  — 

les  soirs  d'été'  (Dottin),  Les  glossaires  nous  apprennent 
que  Vh  de  ce  dernier  mot  est  très  fortement  aspirée  \  et 
apparemment  le  çh  de  ponçhu  reproduit  ce  son,  que  Jônain 
rend  par  jh,  quand  il  se  trouve  au  commencement  d'un 
mot  ^.  —  D'après  Rolland,  op.  cit.,  p.  96,  les  mots  sapou- 
loU,  cucass  et  cucarrou,  qui  se  disent  pour  'gamin',  dans  le 
département  de  la  Haute-Garonne,  signifient  proprement 
'crapaud'.  Sapoulott  serait  donc  dérivé  du  lang.,  béarn. 
sapou  'crapaud'^;  cucass  et  cucarrou  de  cuco  'rainette', 
'grenouille  verte',  relevé  par  Mistral  en  Quercy^. 

Dans  les  Alpes,  on  appelle,  en  bien  des  localités,  le 
crapaud  habi;  parfois  ce  mot  s'emploie  (à  côté  de  crapaud) 
pour  désigner  un  crapaud  de  petite  espèce.  Comme  dé- 
nomination d'enfant,  ce  mot  paraît  avoir  toujours  une 
nuance  péjorative.  D'après  Chabrand  et  Rochas  d'Aiglun, 
il  signifie,  dans  le  patois  du  Queyras:  'petit  enfant  étourdi'; 
Mistral  le  traduit  par  'babouin',  'bambin',  Azaïs  par:  'cra- 
poussin',  'babouin',  'crétin'  ^.  —  Nous  retrouvons  le  môme 

^  On  sait  que  Tancienne  aspiration  forte  s'est  conservée  dans 
plusieurs  patois,  notamment  le  saintongeois.  le  normand  et  le  lorrain. 

*  M.  Sainéan  mentionne  le  même  mot,  mais  sous  la  forme  inexacte 
de  pognu:  «pognu.  Mayenne,  petit  crapaud'  (cf.  pognasser,  salir  de 
boue)».  L'étymologie  indiquée  est  impossible;  ^Ju/m  n'a  rien  à  voir 
avec  pognasser  'saisir  et  manier  malprojjrement  un  objet',  qui  vient 
sans  aucun  doute  de  x>ogne  'main';  cf.  norm.  pognasser  (pognâjler, 
pougnacher)  'manier  salement,  à  poignée',  et  pogne  'main',  'étreinte  de 
main';  angev.  pogasser  'prendre  maladroitement  avec  des  mains  sales', 
et  pogue  'main'.  —  A  ce  propos,  je  me  permettrai  de  signaler  une 
autre  inexactitude  dans  le  travail  de  M.  Sainéan.  On  y  lit,  p.  134: 
«fille  (jeune):  Poit.  boque  'crapaude'.»  Les  glossaires  de  Favre  et  de 
Lalanne.  qui  sont  les  seules  sources  poitevines  de  M.  Sainéan,  ne 
traduisent  point  bocque  par  'jeune  fille',  mais  par  'femme  très-petite'; 
et,  quant  au  sens  de  'crapaude',  on  le  cherche  en  vain  dans  les  glos- 
saires, dans  V Atlas  linguistique  et  dans  Ja  Faune  populaire  de  Eolland. 

^  Cf.  l'esp.  sapo,  basque  zapoa. 

■*  Cucarrou  est  peut-être  identique  au  lang.,  béarn.  coucarrou 
'vaurien',  'gueux',  'truand',  esp.  cucaro  'ivrogne',  'bohème'. 

^  Le  sens  de  'badaud',  'niais',  que  donnent  aussi  ces  deux  diction- 
naires, se  retrouve  dans  une  foule  d'autres  dérivés  de  l'onomatopée 
bab-;    cf.    Meyer-Liibke,    Bom.    etym.   Wb.,  852.  —  Le  bas-manc.  babi 


—  347  — 

radical  dans  le  piém.  bahiôt  'rospetto';  figurément:  *fan- 
ciulletto'.  'bamboccio'  (Gavuzzi)^;  com.  bahiôt  'fanciuUo', 
'bambino'  ";  cf.  aussi  le  mil.  habhi,  pahhi  'rospo',  'minchione". 

366,  L'ital.  ranocchino  'petite  grenouille'  se  dit  de 
petits  garçons,  de  même  qu'un  autre  diminutif  hypoco- 
ristique  de  ranocchio:  ranocchiettaccio.  —  D'après  Patriarchi, 
ranocchio,  ou  ranahoccJno,  se  dit,  en  vénitien,  pour  'ra- 
baceliio',  'rabaccliino'.  —  Le  parm.  rancin  'petite  gre- 
nouille' est  un  terme  de  tendresse  qu'on  donne  aux  petits 
enfants.  —  Faut-il  voir  dans  le  piac.  raganeU  'rabacchino', 
'scricciolino'  le  même  mot  que  l'ital.  raganella  'rainette'? 
On  se  serait  attendu  à  rencontrer  ragnell^  puisque  ragna 
est  le  mot  piacentin  pour  'rana',  'ranocchio'  *.  —  Pour  le 
march.    ciamiitte    'botta'  et  'bambino  déforme',  voir  §  311. 

366.  Le  roumain  aussi  connaît  cette  métaphore:  brôsca 
(brôasca)    'grenouille',    'crapaud'  se  dit  familièrement  pour 

'petit  enfant',  'petit  morveux'  doit  être  une  formation  enfantine  (voir 
§  376"),  et  non  une  métaphore,  puisque  le  crapaud  n'est  pas  désigné 
par  bahi  dans  l'Ouest  de  la  France. 

^  Suivant  Ponza,  il  a  le  sens  spécial  de  'fanciullo  vispo,  vivace'. 

■■'  Cf.  com.  bahiôt.  bahi  'babbeo',  'sciocco'. 

'  Il  faut  que  je  m'occupe  ici  un  instant  du  lomb.  crot  'culot',  que 
M.  Sainéan,  loc.  cit.,  signale  comme  un  exemple  de  la  transition  'cra- 
paud' >  'enfant'.  Il  ressort  de  ce  qu'il  dit  lui-même,  p.  124,  que  les 
dialectes  lombards  ne  connaissent  pas  ce  mot  au  sens  de  'crapaud' 
(le  milanais  dit  sciatt  ou  hahbi);  puis,  il  résulte  des  données  de  tous 
les  glossaires  milanais,  bergamasques  et  brescians  que  j'ai  consultés, 
(^ue  crot  (crott)  signifie  toujours  'jeune',  'pas  développé',  'fluet',  'chétif , 
'maladif,  et  spécialement  'le  dernier  né  d'une  volée  ou  d'une  famille', 
significations  qui  ne  sauraient  guère  être  tirées  de  celle  de  'crapaud'. 
—  Je  traite  ailleurs  des  autres  termes  que  M.  Sainéan  rattache  à  tort 
à  l'idée  de  'crapaud'. 

*  M.  Lorck,  op.  cit.,  p.  184,  identifie  le  piac.  raganél  avec  le  bergam. 
racnel,  bresc.  raganell  'Bettunterlage  bei  Sâuglingen',  et  suppose  que 
son  sens  primitif  aurait  répondu  à  celui  de  l'allem.  Lump,  Liimpchen. 
D'après  Foresti,  le  patois  de  Plaisance  ne  connaît  pourtant  ni  un  di- 
minutif correspondant  à  l'est-lomb.  racnel,  raganell,  ni  le  simple  mot 
*ragna  (<:  bas-lat.  racana)  au  sens  de  'haillon',  'morceau  d'étoffe',  etc. 


—  348  — 

*petit    enfant'.     On  en  a  tiré  hroscôiu^  qui  se  dit  d'un  en- 
fant plus  âgé,  et  hroscét,  broscime  'marmaille'. 

Poissons. 

367.  Dans  le  patois  du  Bas-Maine,  on  trouve  pcper- 
ndo  au  sens  de  'petit  enfant',  et,  d'après  Verrier  et  Onillon, 
le  comte  de  Montesson  a  relevé  pempernelle  ou  pimprenelle, 
avec  le  même  sens,  dans  le  haut-manceau  \  Ce  mot  est 
sans  doute  identique  au  normand  et  angevin  pimperncau 
(pimpénau),  nom  d'une  esjjèce  de  petite  anguille,  de  la 
grosseur  du  petit  doigt.  —  L'ancien  français  désignait  par 
pimperneau  {pimpernelj  et  pimpernelle  une  espèce  de  petit 
poisson  remarquable  par  son  agilité,  et  l'employait  au. fi- 
guré pour  un  homme  (ou  une  femme)  vif,  léger,  alerte, 
souvent  dans  un  sens  défavorable.  Cotgrave  le  donne 
comme  terme  d'injure.  Selon  Mignard,  imnpreîielle  se  dit 
encore  en  Bourgogne  pour  'jeune  fille  éventée  et  fringante'. 
—  Peut-être  le  mot  manceau  a-t-il  aussi  passé  par  une 
phase  péjorative. 

Le  prov.  mod.  harbèu  (lang.  harhèl^  bord,  barbeau, 
dauph.  barbei)  'barbeau'  sert  aussi  à  désigner  un  jeune 
gars,  un  «blanc-bec».  L'augmentatif  barbelas  signifie  'grand 
garçon  encore  jeune';  le  collectif  ôar6eZa'<V>; 'les  jeunes  gar- 
çons'. —  Rappelons  encore  que  l'esp.  caclto,  qui,  entre 
autres,  présente  le  sens  de  'barbeau',  se  dit  pour  'petit 
garçon'  ^.  —  En  wallon  on  trouve  campai  'jeune  carpe', 
employé  figurément  pour  'gamin'. 

A  Cerignola,  en  Apulie,  on  appelle  un  petit  garçon 
scazzueppele,    à    Naples,    seazziwppolo.     C'est  le  même  mot 


^  Dans  le  Gloss.  des  pat.  de  V Anjou,  on  lit,  à  l'article  pimper- 
neaux,  cette  citation:  «Petit  enfant  —  pempernelle,  pimprenelle.  (De 
Mont.)»  Je  n'ai  pas  réussi  à  retrouver  ce  renseignement  dans  le  tra- 
vail cité,  ni  dans  l'édition  de   1859.  ni  dans  celle  de   1899. 

■  Voir  §  320. 


—  349  — 

{{ne    scazzôpuln^    qni,    dans    le  parler  de  Reggio  (Calabre), 
tlésigne  une  espèce  de  petit  poisson  ^ 

368.  Les  exemples  précédents  de  noms  de  poissons 
appliqués  à  des  enfants  viennent  confirmer  l'hypothèse  de 
M^^*  Sperber  ^,  d'après  la([nelle  (joujat — f/oujate,  gouge  ^  et 
leurs  dérivés  se  rattachent  à  goujon  (<  gohionem)^  le  nom 
français  du  Cyprinus  gohia.  Elle  fait  remarquer  que  le 
provençal  moderne  emploie  goujoun  (lang.  goujon)  comme 
nom  de  poisson  "*.  et  que,  en  Gascogne  et  en  Limousin, 
ce  même  mot  signifie  'gars',  'petit  garçon',  'enfant'.  Pour 
d'autres  arguments,  je  renvoie  le  lecteur  au  travail  de 
M^^*"  Sperber.  —  La  forme  la  plus  usitée  n'est  pas,  comme 
on  le  sait,  goujoun^  mais  goujat  {gouyat).  Ce  n'est  que 
dans    le    Sud-Ouest  ^    que    ce   mot  a  pris  les  sens  de  'en- 


*  C'est  un  mot  grec,  tiré  probablement,  à  l'aide  du  suffixe  di- 
minutif -jiovXog-,  de  OKàvûog  'oursin'  (voir  Morosi,  dans  AGII,  XII,  p.  84). 

-  op.  cit.,  p.  145.  —  Pour  mieux  appuyer  son  étymologie,  M^t' 
Sperber  allègue  plusieurs  exemples  de  noms  de  poissons  appliqués  à 
des  êtres  humains,  mais  elle  n'en  cite  qu'un  seul  qui  se  dise  d'un 
enfant  (holl.  schelvis  'morue').  —  On  pourrait  ajouter  à  la  liste  qu'elle 
présente:  dan.  torsk  ('morue'),  injure  désignant  une  personne  niaise; 
suéd.  snorgàrs  (proprement  'gremille  morveuse'),  pour  'morveux',  'ga- 
min impertinent';  dan.  pibe.sild,  scan.  pipesill  ('hareng  pleureur')  pour 
'enfant  pleureur'. 

*  Diez,  oji.  cit.,  p.  601.  dérive  goujat  de  gouge  et  voit  dans  ce 
dernier  mot  l'hébr.  goje  'christliche  dienerin',  étymologie  proposée 
déjà  par  Ménage.  Je  renvoie,  pour  cette  explication,  aux  objections 
de  Mlle  Sperber.  —  M.  Sainéan  considère  également  le  féminin  gouge 
comme  antérieur  au  masculin,  et  il  le  rattache  au  prov.  mod.  goujo 
'truie',  gojo  'cochon'.  La  répartition  géographique  s'oppose  cependant 
à  cette  hypothèse:  tandis  que,  d'après  Mistral,  goujo  est  un  terme  du 
pays  de  Sault  fVaucluse),  et  gojo  se  dit  dans  les  Alpes,  goujat — gou- 
jate,  etc.  ne  se  trouvent,  au  sens  de  'garçon',  'fille',  que  dans  le  Sud- 
Ouest  de  la  France. 

*  Elle  renvoie  à  Rolland,  mais  goujoun  'goujon'  se  trouve  bien 
dans  Mistral,  à  côté  de  gbbi  (lang.  gbji). 

*  1^' Atlas  linguistique  montre  gujat,  guyat  'garçon',  'fils',  surtout 
dans  les  départements  de  l'Aude,  de  l'Ariège.  des  Basses-Pyrénées, 
des  Landes,  de  la  Gironde  et  de  Lot-et-Garonne.    Dans  l'Aude  il  l'in»- 

23 


—  360  — 

faut'  \  'garçon',  'jeune  homme',  signification  que  présente 
déjà  l'anc.  prov.  gojat  'jeune  homme',  relevé  par  Levy  dès  le 
XIV®  siècle.  Si  la  théorie  de  M^^®  Sperber  est  exacte,  les 
sens  de  'valet  d'armée',  'valet  de  ferme',  'serviteur',  et, 
puis,  'homme  grossier',  'vilain',  qu'on  trouve  en  français 
dès  le  XIV*'  siècle  (Godefroy),  et  qui  se  rencontrent  aussi 
dans  le  Midi  (surtout,  paraît-il,  dans  le  patois  de  l'Aveyron), 
sont  dérivés  du  sens  de  'garçon',  'jeune  homme'  ^.  —  Au 
masculin  goujat  correspondent  deux  types  de  formes  fé- 
minines: goii/}o  (gouge),  et  goujato  (goujatte),  qui,  d'après 
l'hypothèse  de  M^^*^  Sperber,  ont  été  dérivés  tous  deux  du 
masculin.  Cela  paraît  d'autant  plus  probable  qu'on  ne 
trouve  d'exemples  du  féminin  qu'à  partir  du  XV®  siècle. 
L'anc.  prov.  goja  et  l'anc.  fr.  gouge  signifiaient  l'un  et 
l'autre  'jeune  fille'.  Le  mot  français  est  aujourd'hui  vieilli 
aux  sens  de  'fille',  'femme',  et  ne  s'emploie  actuellement  que 
dans  le  sens  de  'femme  de  mauvaise  vie'  ^.  Dans  le  Midi 
aussi  le  sens  primitif  a  disparu  presque  partout,  remplacé 
par  celui  de  'servante'.  Ce  n'est  que  la  Gironde  qui  a 
conservé  la  vieille  signification  (voir  V Atlas  linguistique). 
Les  féminins  en  -ata  ne  se  rencontrent  aujourd'hui  que 
dans  le  Midi  *,  où  goujato  (gouyato)  se  dit  pour  'jeune  fille', 
dans    les    mêmes   régions  qui  emploient  goujat  (gougat)  au 


crit    en    outre    au    sens  de  'enfant'.     D'après  Mistral,  ce  mot  présente 
aussi,  en  Guyenne,  le  sens  de  'fiancé'. 

1  Je  fais  abstraction  ici  du  norm.  goujart,  qui,  d'après  Moisj-, 
présente  le  sens  de  'gamin'  à  côté  de  celui  de  'petit  domestique  de 
ferme',  et  qui,  d'après  Delboulle,  signifie  exclusivement  'gamin'  dans 
le  patois  de  la  vallée  d'Yères.  Peut-être  en  effet  ce  dernier  sens  est-il, 
dans  ce  cas,  dérivé  de  celui  de   'petit  domestique'. 

*  Aussi  Littré  et  le  Dict.  gén.  considèrent-ils  le  franc,  goujat 
comme  un  emprunt  fait  aux  parlers  méridionaux. 

'  Cf.  le  sort  analogue  de  fille  et  de  garce.  Comme  ces  mots, 
gouge  paraît  avoir  conservé,  dans  certains  patois,  son  sens  honnête. 
On  le  trouve,  par  ex.,  en  bas-manceau  avec  l'acception  de  'grosse 
fille',  sans  nuance  péjorative  (Dottin). 

*  Goujatte  se  trouve  chez  Marguerite  de  Navarre  et  D'Aiabigné 
aux  sens  de  'servante',  'chambrière',    'femme  de  soldat'. 


—  361  — 

sens  de  'garçon'.  Il  résulte  cependant  des  cartes  de  VAt- 
las  que  le  féminin  est  moins  usité  que  le  masculin  \ 
Les  diminutifs  fréquents  en  -et-,  -eto,  ^ot,  -oto  ^,  -in,  -ino, 
-oim,  -ouno,  que  les  parlers  du  Midi  ont  tirés  de  goujat — 
goujato  et  de  gonjo  ^,  signifient  tous  'garçonnet',  'fillette', 
(ou  'petit  goujat',  'petite  polissonne').  Le  gascon  connaît 
aussi  un  diminutif  tiré  de  youjou  :  goujoulet — goujouleto  'en- 
fant au  berceau',  'fillette'. 

Insectes,  vers,  etc. 

36Î).  On  compare  quelquefois  un  enfant  chétif  à  un 
grillon.  Ainsi,  dans  le  patois  de  Saint-Pol,  on  dit  hreneo 
'grillon'  pour  'enfant  de  faible  complexion',  et,  par  exten- 
sion, pour  'moutard'.  La  Table  de  VAtlas  linguistique 
enregistre  aussi  kreed  'enfant'  *.  Dans  le  Bas-Maine,  on 
désigne  un  enfant  chétif  par  gerziyo  (=  grésillon  'grillon').  — 
Dans  le  patois  de  la  Meuse,  on  emploie  queun'ton  'hanne- 
ton' plaisamment  ou  par  dénigrement  au  sens  de  'enfant', 
'gringalet'.  —  La  Table  de  VAtlas  donne  morpyo,  propre- 
ment le  nom  d'une  sorte  de  pou  tenace,  au  sens  de  'enfant'. 
Dans  le  patois  de  Saint-Pol,  M.  Edmont  a  relevé  le  même 
mot  comme  terme  injurieux  dont  on  qualifie  les  enfants 
petits  et  importuns.  Dans  la  langue  populaire  de  Paris, 
morpion  a  le  sens  général  de  'importun  tenace',  mais, 
d'après  Villatte,  il  s'applique  aussi  spécialement  aux  gamins 
dans  le  sens  de  'garstiger  Bube'.  —  Dans  le  parler  de 
Castres,    babarot  (=  gasc.  barbot),   nom   du    bruche    ou    du 

^  En  Guyenne,  il  signifie  'fiancée'.  —  Ailleurs  dans  le  Midi, 
goujato  {goujardo)  signifie  'servante',  ou  'fille  qui  hante  les  garçons' 
(Mistral). 

'  Dans  les  Landes,  goityatote  est  le  mot  courant  pour  'fillette' 
(voir  VAtl.  ling.). 

'  Pour   les  formes   je  renvoie  à  Mistral  et  à  Lespy  et  Raymond. 

*  La  Table  donne  en  outre  kritiu  aux  sens  de  'chétif,  'enfant'. 
Il  faut  probablement  rattacher  ce  mot  à  krinu  'grillon',  qu'on  trouve 
dans  le  département  de  la  Somme. 


—  352 

charançon  de  la  vigne,  se  dit  pour  'petit  enfant':  et  le 
diminutif  baharoutonn  'petit  bruche',  etc.,  pour  'petit  ba- 
bouin', 'moutard'.  —  Le  prov.  mod.  harbesino  (lang.  berbr- 
sino)  'vermine',  se  dit  collectivement  pour  'marmaille'  ^  et 
a  pris  aussi  le  sens  individuel  de  'petit  enfant',  'mirmidon'  ^. 
Le  gén.  zâneUin  ^  'mammolo',  mammolino',  'fanciullinc» 
non  encor  divezzato'  paraît  être  un  diminutif  du  gén. 
saanellu  *  'baco  che  rode  la  castagne'.  —  Ajoutons  ici  l'abr. 
ciammajiche  'colimaçon',  dim.  ciammo'icône,  qui  se  dit  plai- 
samment d'un  enfant  au  maillot. 

Dérivés  du  lat.  nidus. 

370.  Comme  des  métaphores  tirées  du  règne  animal 
il  faut  sans  doute  considérer  aussi  les  dérivés  du  lat.  nidus 
qui  ont  pris  le  sens  de  'enfant'.  Le  plus  souvent  ils  signi- 
fient 'nichet',  'œuf  laissé  dans  un  nid  pour  engager  les 
poules  à  pondre'.  Cette  signification,  qu'on  trouve  dans 
la  plupart  des  représentants  romans  de  *nidale,  *nidari'ii, 
*nidace,  *nidaculu  ^,  remonte  au  sens  primitif  de  'ce  qui  con- 
cerne le  nid',  'ce  qui  en  fait  partie',  qui  est  présenté  par 
ex.  par  l'ital.  nidiace.  A  côté  du  sens  de  '(œuf)  laissé  dans 
le  nid'  (cf.  le  mil.  œuv  niarœu)  on  en  a  tiré  celui  de  '(oiseau) 
qui  n'a  pas  encore  quitté  le  nid,  ou  qui  vient  d'être  pris 
au  nid'  (cf.  faucon  niais,  uccello  nidiace).  et  puis,  par  ap- 
plication métaphorique  à  des  êtres  humains,  ceux  de 
'blanc-bec',    'bête'    (ital.  nidiace,   franc,  niais)  ^.   ou  'enfant'. 


^  Barbesin.  d'où  l'on  a  tiré  ce  collectif,  et  qui  désigne  l'hippo- 
bosque  du  mouton,  se  dit  au  figuré  d'un  homme  petit. 

'  Dans  le  canton  de  Neuchâtel,  vermine  s'emploie  au  sens  de 
marmaille'. 

'  Casaccia:  zànellin. 

*  Casaccia:  zànello. 

6  Voir  Nigra,  AGIL  XV,  p.  291. 

'  «Pour  le  fauconnier,  l'oiseau  au  nid  est  celui  qui  n'est  pas 
encore  dressé  et  qui  est  sans  habileté:  c'est  cette  dernière  notion  qui 
est  pour  lui  la  notion  dominante.     Passant  de  là  dans  la  langue  com- 


-    353  — 

On  trouve  nâ  ^  (<  *nidalis  ''^),  au  sens  de  'enfant',  dans 
la  Touraino  ^,  le  Vendômois,  le  Haut-Maine,  et  dans  les 
parties  limitrophes  de  la  Normandie  *.  Le  berr.  mias,  que 
Jaubert  donne  au  sens  de  'marmot',  doit  être  le  même 
mot  ^.  —  Le  bresc.  gnarcl  'ragazzo  piccino',  qui  se  ren- 
contre aussi  dans  l'argot  des  bergers  bergamasques  :  gna- 
rèl — gnarèla  'ragazzo',  'ragazza',  est  rattaché  par  Nigra  " 
au  mil.  niarceu  (<  *nidariu  +  olu)  'nidiace'  ''.  ■-    Le  milanais 


mune.  le  mot  nidiace,  niais  désignera  donc  un  être  gauche,  maladroit, 
emprunté,  incapable  de  se  tirer  d'affaire  et  ne  comprenant  rien.  Avec 
la  disparition  de  la  fauconnerie,  niais  a  perdu  toute  trace  de  sens 
techniqiie  ...»  (A.  Meillet,  Comment  les  mots  changent  de  sens,  L'année 
.sociologique,  IX.  p.  26.) 

'  Les  glossaires  de  patois  écrivent  gnias,  gnâs  ou  nias.  —  Mar- 
tellière  a  confondu  ce  mot  avec  le  haut-manc.  guenias  (voir  §  235),  et 
avec  le  lyonn.  nias  'nichée'  (voir  ci-dessous).  —  La  carte  enfant  de 
VAtl.  Jing.  montre  nû  (à  côté  de  afa)  au  point  306  (Loir-et-Cher);  la 
carte  572  rend  l'idée  de  'jeune  fils'  par  tiâ  (à  côté  de  gam't)  aux  points 
316  (Loir-et-Cher)  et  311  (Eure-et-Loir). 

-  Cf.  Meyer-Liibke,  Rom.  etym.  Wb.,  5908.  Cf.  aussi  *nucale 
(^=1  noyau),  qui,  dans  plusieurs  parlers  de  rOuest,  est  devenu  Tia  (voir 
VAtl.  ling..  926). 

'  Voir,  outre  VAtl.  ling.,  A.  Brachet,  dans  Romania,  I,  p.  91. 

■*  Cf.  bas-manc.  nào  'nichet';  'dernier  né  d'un  nid';  angev.  niaà. 
niaô,  niais  'nichet';  norm.  nieu  (gnient).  niât  'nichet';  nia  (gniot)  'niais'. 

*  Cf.  miellé,  qui  se  dit  pour  nteZZe  à  Nibelle-Saint-Sauveur  (Loiret, 
et  dans  plusieurs  localités  de  la  Bretagne  (voir  VAtl.  ling..  912). 

"  loc.  cit. 

'  Nigra  mentionne  encore  le  sav.  gnârœu  (Albertville;  le  mot 
n'est  pas  enregistré  par  Constantin  et  Désormaux),  et  le  mant.  gnarel 
(Cherubini  ne  le  donne  pas)  au  sens  de  'ragazzo  o  pulcino  mal  cresciu- 
to,  inetto.  fiacco'.  —  Il  rapproche  de  ce  dernier  mot  aussi,  bien  que 
dubitativement,  le  prov.  mod.  gnarre  (Mistral:  gnarro)  'petit  cochon 
de  la  ventrée',  ou  'jeune  valet'.  M.  Sainéan,  ZRPh,  Beih.  X,  p.  111. 
voit  dans  gnarel,  gnarro  des  dérivés  d'une  onomatopée,  imitant  le 
grognement  du  cochon.  Il  faut  cependant  observer  ({ue  gnarro.  d'après 
Mistral  et  Azaïs.  a  le  sens  spécial  de  'le  plus  petit  cochon  de  la 
ventrée',  ce  qui  paraît  appuyer  l'étyinologie  de  Nigra  (cf.  brianç.  mur. 
répondant  au  prov.  gnal  'nichet').  —  Ajoutons  que  M.  Hennicke,  dans 
son  glossaire  de  Mireille,  fait  dériver  gnarro,  au  sens  de  'jeune  valet', 
du  lat.  ignaru.s  'ignorant'. 


~  354  — 

présente    en    outre   un   dérivé  en  -ohi:  niœu  'ragazzo  poco 
vegnente    e    di    mal  aspetto'. 

A  l'aide  du  suffixe  -ata  on  a  formé  des  collectifs 
signifiant  'nichée',  qui,  dans  plusieurs  patois  dauphinois  et 
franco-provençaux,  s'emploient  aussi  au  sens  de  'troupe 
d'enfants',  'marmaille':  dauph.  (Grenoble)  nia  (gniâ);  sav. 
nia  (gnâ);  lyonn.  gna;  Grand'Combe  nyè:  Blonay  nâ  {d'efa)  V 

371.  Suivant  Mistral,  le  lang.  niscat  'enfant'  (Tarnj, 
et  le  prov.  nistoun — nistouno  'petit  enfant',  'petite  fille', 
dim.  nistounet,  seraient  des  dérivés  de  nis  'nid',  et  leur 
sens  primitif  serait:  'oiseau  qui  n'a  pas  encore  quitté  le 
nid'  ^.  Si  cela  est  exact,  ces  mots  fournissent  un  exemple 
du  même  emploi  métaphorique  que  ceux  étudiés  ci-dessus. 

c.    Cas  divers  '. 
«Poupée». 

372.  Les  poupées  sont  souvent  désignées  par  des 
mots  signifiant  'enfant',  'fillette'  *,  et,  vice  versa,  les  enfants 
sont  appelés  quelquefois  'poupées'.  Tel  doit  être  le  cas 
pour  poupée  et  poupette  dans  Cotgrave  (voir  §  33),  et  pour 


^  A  ce  sujet,  je  me  permets  de  mentionner  quelq[ue5  autres  mots 
collectifs  désignant  proprement  des  petits  d'animaux  et  qu'on  a  em- 
ployés au  sens  de  'enfants':  angev.,  bas-manc.  ponnée  'enfants'  (terme 
de  mépris),  du  verbe  ^onwer  'pondre',  'enfanter';  has-mànc.  ponas  {pa- 
nas, pénas)  'enfants',  qui  paraît  être  identique  à  portas  'ovaire  des 
femelles  d'oiseaux';  hsuS-m&nç,.  purjiné  {purjiné)  'enfants',  proprem.  'por 
tée  de  chiens,  de  chats',  etc.,  du  verbe  purjine  'engendrer'.  On  voit 
que  ces  termes  appartiennent  tous  à  l'Ouest,  qui  parait  avoir  un  goût 
prononcé  pour  ce  genre  de  métaphores  (cf.  quenaille,  quenot). 

^  Cf.  Azaïs,  à  l'art,  nistoun. 

*  J'ai  réuni  ici  quelques  expressions  qui  n'entrent  dans  aucune 
des  catégories  précédentes.  Le  caractère  métaphorique  de  la  trans- 
ition 'poupée'  >■  'enfant'  est  évident.  L'application  aux  enfants  de  mots 
signifiant  'nain',  'petit  homme'  ou  'petite  mère'  (=  'petite  femme') 
paraît  se  fonder  aussi  sur  une  comparaison;  mais  on  pourrait  encore 
voir   dans   ces  mots  des  termes  descriptifs. 

♦  Cf.  §  24. 


—  356  — 

l'abr.  pnpucce,  diminutif  de  l'abr.  pupe  'poupée'  et  servant 
de  terme  de  tendresse  aux  sens  de  'bambino',  'bambina' 
(Finamore).  Quant  à  l'ital.  fantoccin  et  au  piém.  fantocc 

'poupée'  et  'enfant'  ',  le  premier  sens  paraît  être  également 
le  sons  primitif  -.  Les  diminutifs  fanfocrello,  fantoccino  se 
trouvent  dans  le  Glossario  modcnese  de  Galvani  comme 
traductions  de  huhel  ^.  —  Le  lomb.  ma(jaUèll  'burattino', 
'fantoccio'  se  dit,  en  milanais  et  en  comasque,  pour  'bimbo 
vispo  et  piccino'.  'frugolo'  *.  Le  milanais  en  a  tiré  le  fé- 
minin magattèlla  'ragazzina  vispa  et  piccina',  et  le  dimi- 
nutif magattellin  'bamberottolo',  'cittolello'.  —  J'ai  montr*'' 
plus  haut  "*  que  le  flandr.  marotte  'fillette',  diminutif  de 
Marie,  signifie  proprement  'poupée'.  Le  champ,  mariole 
'fillette'  (Tarbé),  dont  le  sens  propre  est  aussi  'poupée', 
'statuette',  'image',  est  également  un  diminutif  de  Marie. 
employé  au  sens  de  'statue  de  la  Vierge';  d'après  Roque- 
fort, il  se  disait  en  ancien  français  d'une  jeune  fille  sans 
expérience.  En  picard,  on  trouve  le  diminutif  marjolette 
'jeune  fille';  dans  le  patois  messin:  merjalat — merjalatte 
'jeune  garçon',  'jeime  fille'  **. 

«Petit  homme)),  «nain»  '. 

873.  Dans  la  Valtelline,  omî^  proprement  'petit  homme', 
se  dit  pour  'enfant'  (Monti)  ^.  —  Un  exemple  analogue  nous 

*  Suivant  Petrôcchi.  fantoccio  est.  dans  ce  dernier  sens,  un 
terme  de  mépris  ou  d'amitiô. 

'  Peut-être  en  est-il  de  même  pour  le  nap.  mammuàceîoîo (voir  ^  246). 
«  Voir  §  36. 

*  Pour  la  cause  de  ce  sens  spécial,  cf.  Cherubini,  à  Part,  magattèll. 
^  Voir  §  327. 

"  Cf.  le  franc;,  marjolet,  mot  vieilli  pour  'freluquet'.  —  En  rouchi, 
mariolé.  martolète,  marjolin  signifient,  ainsi  que  l'anc.  fr.  marjolet.  'petit' 
fagot',  sens  dérivé  de  celui  de  'poupée',  'statuette'. 

'  M.  Salvioni  nous  apprend  {BendlL,  sér.  II,  XXX.  p.  1506)  que 
les  mères  lombardes  appellent  leur  bambins:  el  me  ndn. 

*  Cf.  l'ital.  omettino.  employé  en  parlant  d'un  enfant:  È  un  vero 
omettino  (Petrècchi). 


-  366  — 

est  fourni  par  le  norm.  honhommiau,  littéralement  'petit 
bonhomme',  qui  se  dit  pour  'petit  garçon'.  —  Le  flamand 
maneken  (répondant  à  l'allem.  Mànnchen)  'petit  homme'. 
que  le  français  a  emprunté  sous  la  forme  mannequin,  au 
sens  de  'figure  de  bois,  de  eire,  représentant  un  homme, 
une  femme',  se  retrouve  en  rouchi:  manékin,  et  joint  ici, 
d'après  Hécart,  à  l'acception  primitive  celle  de  'bambin', 
'marmot'.  —  Le  prov.  mod.  mieeh-ome  'courtaud',  'petit 
homme',  s'emploie  en  terme  de  lutte  au  sens  de  'jeune 
homme',  'garçon  au  dessous  de  dix-huit  ans':  lucho  de 
miech-ome  (Mistral).  Alphonse  Daudet  le  traduit  par  demi- 
homme  ^  Pau]  Arène  a  employé  demi-homme,  avec  un  sens 
plus  général,  dans  ce  passage  des  Nouveaux  contes  de  Noël: 
«Fiemmes,  enfants,  vieillards,  les  hommes  et  les  demi- 
hommes  ramassent  les  escargots»  ^.  —  Le  prov.  mod.  nabo 
(dauph.  gnabo)  'nabot',  'bout  d'homme'  se  dit  aussi  pour 
'bambin',  et  spécialement  on  appelle  ainsi  un  petit  ramo- 
neur ou  décrotteur.  —  L'anc.  fr.  cropet  signifiait  'nabot' 
((xodefroy),  'trapu',  'homme  fort  gras  et  de  petite  taille' 
(T)u  Gange).  Ce  diminutif  se  rattache  à  crope  'croupe'  ^ 
(<;germ.  hruppa  'masse  arrondie  formant  \\\\  tout';  cf. 
l'allem.  Kropf:  anc.  nor.  kroppr).  Au  sens  de  'nabot'  il 
se  dit  encore  dans  plusieurs  patois  du  Nord,  de  l'Ouest 
et  du  Centre  *.  Le  vendôm.  cropet  sert  en  outre  de  terme 
d'amitié:  mon  petit  cropet.  En  Anjou  et  dans  le  Bas-Maine, 
le  mot  a  pris  le  sens  de  'petit  enfant'.     Le  diminutif  cro- 


*  Par  ex.  dans  Numa  Moumestan.,  p.  2:  «les  luttes  pour  hommes 
et  demi-hommes». 

'  Cité  d'après  M.  Burns,  La  langue  d'Alphonse  Daudet,  p.  42.  — 
En  français,  demi-homme  se  dit  d'un  homme  efféminé;  cf.  l'esp.  semi- 
hombre  'Halbmensch'.  'jâmmerlicher,  elender.  verâchtlicher  Mensch' 
(Tolhausen). 

^  Dans  le  Vendômois,  cropet  se  dit  pour  'derrière':  <  Je  vas  te 
donner  une  claque  sur  ton  cropet»   (Martellière). 

*  Je  l'ai  trouvé  en  liégeois,  berrichon,  vendômois,  haut-manceau 
et  angevin. 


—  367  — 

picfiofi    signifie,    dans    le    Bas-Maine:    'nabot'    ou   'enfant'; 

dans  ]<>  Trant-Mainc:   'petit',   'court  d(^  taille' ^ 

«Petite  mère». 

374.  Comme  nous  l'avons  vu  plus  haut,  mérotte,  qui, 
dans  les  parlers  de  Saint-Pol,  du  Hainaut  et  de  Mous,  se 
dit  amicalement  pour  'fillette',  est  probablement  identique 
au  pic,  wall.  mérotte  'petite  mère'  ^.  Avant  d'être  appliqué 
aux  petites  filles,  ce  mot  doit  avoir  passé  par  le  sens  plus 
général  de  'femme';  cf.  haut-norm.  petite  mérotte  'femme 
petite  et  replète',  et  le  franc,  mère  comme  appellation 
familière  désignant  une  femme  du  peuple  d'un  certain  âge  ^. 

375.  En  Italie  on  trouve  des  diminutifs  de  mamma 
au  sens  de  'petite  fille'  *.  —  Les  auteurs  du  XIV **  siècle 
«employaient  mammola  '°  au  sens  de  'bambina',  'fanciulla\ 
et  le  masculin  analogique  mammolo  (dim.  mamrnoletto,  mam- 
molettino)  pour  'bambino'.  Le  mot  est  resté  dans  certains 
dialectes:  sic.  màmmiilu—màmmula,  dim.  mammulinu^  mam- 
muUneddu:  Arcevia  mammolo,  dim.  mammoletto — mammoletta 
(plus  usités  que  le  mot  simple);  piém.  mammolo;  romagn. 
mamul;  istr.  (Muggia)  mâmul — màmula^.  —  L'ital.  mammina 


'  Pour  eropet.  cropichon  'crotte',  'excrément  d'enfant',  cf.  p.  220 
n.  3.     Cf.  aussi  p.  345,  n.  3. 

'  Voir  §  326.  —  Cf.  dan.,  nor.  lille  Mot  comme  terme  d'amitié 
adressé  à  une  petite  fille. 

^  Cf.  l'emploi  analogue  du  sucmi.  ntor  {mora).  —  Cf.,  du  reste,  le 
développement   marrame  "> 'femme' > 'jeune  fille'  (§   119). 

*  Faut-il  chercher  l'explication  de  ce  phénomène  dans  un  procédé 
analogue  à  celui  qui  a  donné  à  l'abr.  mammasé  le  sens  de  'figliol  mio"? 
Voir  Finamore.  Vocaholario  délVuso  ahruzzese.  pp.  22.  210;  Meyer- 
Liibke,  dans  Literaturbî.  fur  germ.  iind  rom.  Phil.,  XV,  p.  236; 
Tappolet,  Die  rom.   Verwandtschaftsn.,  p.  45. 

*  Le  lat.  mammula,  qu'on  lit  sur  des  inscriptions,  n'a  été  relevé 
qu'aux  sens  de  'nourrice'  et  de  'grand'mère'  (voir  Heraeus.  ALL, 
XIII,  p.   158). 

**  Cf.  l'anc.  vén.  mamolino  'bambino'.  —  Le  frioul.  mamule  signifie 
'fantesca'    (Pirona).     Dans    la  vieille  littérature  frioulane  on  trouve  le 


—  368  — 

se  dit  comme  terme  d'amitié  pour  'bambina',  ï)ans  les 
parlers  de  Plaisance  et  de  Bologne,  le  masculin  mammein 
signifie  'bambino'  \  Le  nap.  mnmmino  pourrait  être  le 
même  mot;  il  me  semble  pourtant  préférable  d'y  voir  le 
nap.  bammino  (—  bambino),  avec  assimilation  du  b  initial 
en  m  (cf.  §  246).  —  L'ital.  mimmo — minima,  terme  enfantin 
pour  'bambino',  'bambina',  que  M.  Meyer-Ltibke  ^  rattache 
au  refrain  ninna-nanna  (voir  §  380),  doit  être  un  diminu- 
tif apophonique  de  mamma  '  (cf.  binibo  <  bambo,  §  246)  ;  le 
masculin  serait  alors  plus  récent  que  le  féminin. 


masculin    mamuî    avec    les    acceptions    de    'giovanetto'    et    de  'servo', 
Joppi,  AGII,  IV,  p.  192,  en  donne  uu  exemple  datant  de  1395. 

'  Cf.  bol.  mamèina  'mammina'.  diminutif  hypocoristique  de  mamma. 

*  Rom.  etym.   Wh.,  5817. 

*  Cf.    le     mil.    mimin,    mot   enfantin  pour  mamïn  'petite  maman' 


II     CREATION  PRIMITIVE. 


I.     Formations  enfantines. 

îJ76.  On  sait  que  plusieurs  noms  de  parenté:  maman, 
papa,  tàta,  etc.  sont  des  créations  du  langage  enfantin, 
des  syllabes  vides  de  sens,  bégayées  par  les  petits  et  dont 
les  parents  ont  fait  des  mots  significatifs  en  se  les  appli- 
quant ^  Mais  parfois  la  mère  ou  la  nourrice  applique  à 
l'enfant  lui-même  ces  syllabes,  qui  deviennent  ainsi  son 
nom  ^.  C'est  de  cette  manière  que  j'expliquerais  les  ex- 
pressions suivantes.  Comme  toutes  les  formations  de  ce 
genre,  ces  mots  présentent  souvent  une  alternance  voca- 
lique  ii — a — o)  ^. 

Bihi  est.  en  Picardie,  dans  le  Centre,  dans  le  Midi, 
»*t  probablement  ailleurs  aussi,  un  nom  caressant  donné 
aux  petits  enfants  *.  Babi  signifie,  dans  le  Bas-Maine, 
'petit    enfant',    'petit    morveux'  °.     Bohée    se    dit.    dans    le 

'  Voir  Tappolet.  Die  rorn.  Verwandtschaftsn.,  p.  20;  il  cite  Pictet. 
Origines  indo-europ.:  cf.  aussi  Wundt.  Die  Sprache,  1,  pp.  328,  354; 
II,  p.  639. 

*  M.  O.  Jespersen.  dans  Nutidssj)rog  hos  h0rn  og  voxne,  p.  217. 
raconte  que,  dans  une  famille  danoise,  on  disait  Babbe  comme  nom 
d'amitié  à  une  petite  fille,  dont  le  nom  réel  était  Sophie;  et  il  ajoute 
que  ce  mot  s'est  sans  doute  formé  par  interprétation  des  syllabes 
bégayées  par  l'enfant. 

*  Cf.  §  328;  cf.  aussi  Tappolet,  op.  cit..  p.  69. 

*  Le  petit  enfant,  qui  parle  de  lui-même  à  la  troisième  personne, 
«'appelle  souvent  bibi,  d'où  le  sens  de  'moi'  que  ce  mot  présente  dans 
)a  langue  populaire.  —  Quant  à  bébé,  voir  §  892. 

5  Cf.  §  364. 


-  360  — 

parler  de  Reims,  pour  'fillette',  'enfant  gâté'.  Peut-être 
faut-il  rattacher  à  ces  mots  le  messin  habrc  (Rémilly), 
hohré  (Woippy)  'gamin'  (Rolland)  ^  —  Le  Bas-Maine 
offre  encore  dada  'enfant'  ^  ;  ce  mot  signifie  aussi  'grand 
garçon  d'apparence  niaise'  ;  cf.  franc,  dadais.  —  Dans  le 
Grard,  totb  (fém.  tototo  ^)  est  un  terme  enfantin  pour  'petit 
enfant'  *.  Peut-être  est-ce  le  même  mot  que  coco  (voir 
§  365)  ;  on  sait  que  les  enfants,  en  commençant  à  parler, 
échangent  volontiers  h  contre  t. 

î{77.  (yomme  je  l'ai  fait  remarquer  plus  haut  (§  106), 
l'ital.  tato — tata  'bambino',  'bambina',  qui  se  retrouve  dans 
plusieurs  dialectes  °,  doit  être  également  une  création  du 
langage  enfantin:  des  syllabes  vides  de  sens,  appliquées 
par  les  enfants  aux  camarades,  aux  frères  et  aux  sœurs, 
etc.*:  probablement  il  en  est  de  même  des  autres  mots 
signifiant  'petit  garçon',  'petite  fille',  mentionnés  au  §  106. 
et    qui,    d'après    M.    Tappolet.  auraient  signifié  primitive- 


'   Ou    bien   ces  formes  .sont-elles  dérivées  de  hueh'i  (Voir  §  H83). 

'  On  sait  que  dada  est  un  terme  enfantin  très  répandu  au  sens 
de  'cheval'. 

=>  Cf.  §  261. 

*  Ou  'cheval'.  —  Ajoutons  ici  le  béarn.  toutougn  enfant  gâté'. 
(jui  doit  être  aussi  une  formation  enfantine. 

''  Vén.  tato — tata;  triest.  tato;  Arcevia  tato;  piém.  têto — têta. 
Tètèta  'petite  fille',  qu'on  trouve  au  Val  d'Hérens.  dans  le  canton  du 
Valais,  tout  près  de  la  frontière  italienne,  est  sans  doute  le  piém.  têt(i 
avec  réduplication  enfantine.  —  Le  langage  des  enfants  se  sert  d'expres- 
sions semblables  pour  désigner  le  chien:  tosc.  tette;  bol.  tatà,  tato,  totb. 

"  Cf.  ce  que  dit  Petrôcchi  à  propos  de  tato — tata:  <I  bambini 
piccini  chiaman  cosi  gli  amici,  i  compagni.  i  fratelli  e  le  sorelle  ;  c 
cosi  i  grandi  parlando  con  loro.»  —  Contre  l'hx'pothèse  de  M.  Tappolet, 
selon  laquelle  le  sens  de  'enfant'  serait  dérivé  ici  du  sens  de  'frère' 
('sœur'),  je  me  permettrai  de  citer  ses  propres  i^ai'oles  (op.  cit.,  p.  20), 
savoir  que  ces  «Lallworter  .  .  .  zur  Bezeichntnig  der  verschiedensten 
Dinge  ans  der  Umgebung  und  Welt  des  Kindes  verwendet  werden  .  .  . 
Dabei  braucht  kein  eigentlicher  Bedeutungswandel  vorzu- 
liegen,  sondern  der  urspriin  glich  sinnlose  Ausdruck  wurde 
beliebig  mit  einer  b  egriff  1  ichen  Funct  ion  betraut»  (souligné 
par  moi). 


—  m\  — 

ment  'petit  frère',  'petite  sœur'.  -  I^e  sic.  et  calabr.  vava  ' 
(s.  m:  et  f.)  'hambino'.  'ragazzino'  est  un  mot  dont  les 
petits  enfants,  qui  commencent  à  parler,  se  servent  pour 
s'appeler  entre  inix ':  dim.  vavarcdda^  (on  imvareddu). 

ÎÎ78.  L'ital.  ciocio'-nocia.  dim.  riofino  —  ciocina ;  triest. 
doci:  corse  riucciu:  Subiaco  cocone'*'^  termes  d'affection  adres- 
sés aux  petits  enfants,  qui  s'emploient  parfois  pour  'bam- 
bino'  (par  ex.  le  mot  corse),  semblent  être  des  formations 
analogues  aux  mots  précédents  ^.  -  Ou  faut-il  peut-être 
y  voir  des  onomatopées  imitant  le  bruit  que  fait  le  nour- 
risson en  tétant  "? 

379.  Le  montois  </»««  nian  'enfant',  pti  nian  nian 
'uouveau-né'  (Sigart)  est  une  sorte  d'onomatopée  imitant 
les    pleiirs,    le   vagissement  des  petits  ';  cf.  nian  gnan  'cri 


'  Traina  accentue  aus.si  vavà.  Sur  l'accentuation  variable  des 
formations  de  ce  genre,  cf.  Tappolet,  op.  cit..  p.  34.  n.  1. 

*  M.  Meyer-Liibke,  Rom.  etym.  Wh.,  853.  l'identifie  avec  ie  sic. 
v(wa  (;=:  ital.  bava)  'bave',  ce  qui  ne  me  paraît  pas  vraisemblable. 
Kappelons  que  le  sicilien  possède  le  dérivé  vavusu.  au  sens  déprécia- 
tif  de  'ragazzo  leggiero  e  di  poco  giudizio'.  De  même  que  morveux. 
«te,  c'est  une  de  ces  épithètes  ironiques  dont  les  adultes  qualifient 
souvent  les  petits.  Mais,  comme  nous  l'avons  vu.  ce  sont  les  petits 
eux-mêmes  qui  s'appellent  vava  entre  eux.  et  il  n'est  guère  probable 
que  l'un  de  ces  bébés  ait  voulu  se  moquer  d'un  autre  qui  bavait,  et. 
pour  cela,  le  qualifier  de  'bave'! 

*  Signifie  aussi  'pupille  de  l'œil'. 

*  Est-ce  peut-être  le  même  mot  que  ciacione  (p.   185,  n.   3)? 

*  Comme  beaucoup  d'autres  termes  enfantins,  ceux-ci  s'appliquent 
aussi  aux  grands-parents,  aux  sœurs,  etc.;  cf.  Tabr.  ciocio  'nonno'; 
ciosce  'sorella',  'cara'.  'diletta'. 

"  Cf.  le  com.  sciuscioèu  (§  251).  Cf.  aussi  Meyer-Liibke.  Rom. 
etffm.  Wb.,  2452;  et  Pianigiani,  à  l'art,  ciocio.  —  Des  mots  semblables 
s'emploient,  en  bien  des  endroits,  pour  appeler  divers  animaux:  pist. 
ciô  ciô  (pour  le  bétail),  cidcia  (pour  les  chèvres);  corse  ciuccia  (pour 
bétail  ou  chèvres),  etc. 

'  Cf.  §  242. 


—  362  — 

d'enfant',     'vagissement';    fai    gnangnan     'pleurer',     'pleur- 
nicher' (Sigart)  ^ 

2.     Refrains. 

380.  Les  refrains  vides  de  sens,  avec  lesquels  les  mères 
et  les  nourrices  bercent  l'enfant  pour  l'endormir,  ont  été  quel- 
quefois appliqués  à  celui-ci  et  ont  ainsi  donné  naissance 
à  des  noms  d'enfants.  L'esp.  rorro  'enfant  au  berceau', 
'enfant  au  maillot'  est  le  même  mot  que  roro,  refrain  pour 
endormir  les  enfants.  Plus  important  est  un  autre  thème 
de  ce  genre:  ninna,  nanna,  nonna,  qui  s'emploie  dans  tout 
le  domaine  roman,  mais  surtout  en  Italie,  pour  bercer  les 
enfants.  On  en  a  tiré  des  mots  signifiant  'dormir',  'som- 
meil', et  un  grand  nombre  de  termes  pour  'enfant  en  bas 
âge'.  En  Italie  je  relève:  ital.  litt.  nino  {nini)—nina  (anc. 
ital.  ninna)]  piém.  nino — nina;  gén.  ninnu— ninna:  cors. 
ninna;  mil.,  com.  nin — nina;  com.  nana;  borm.  nino—nini: 
bergam.  ninl:  vén.  nina^;  nap.  ninno — nenna'';  apul.  (Co- 
rignola)  meninne^.  Diminutifs:  piém  ninin;  monf.  ninin: 
mil.  ninin  (ou  lilln)\  mil.,  com.  ninoèu^:  com.,  vén.  ninèta: 
nap.  nennillo — nennella  ^;  cors,  ninnarèlla.  ninnerèlla.  —  Le 
frioulan  a  le  diminutif  ninin  'bambino'.  —  Le  français  du 
Nord  et  de  l'Est  n'offre  que  très  peu  d'exemples  des 
termes  de  ce  genre;  rouchi,  pic.  ninette,  nom  amical  qu'on 
donne  aux  enfants  (cf.  la  phrase  dodo  ninettc  'dors,  mon  en- 
fant'); rouchi,  fiandr.  nounou  ®;  Saint-Pol.  nenè.  nunut,  nencf, 
nonot.    Dans  le  patois  de  Bournois,  M.  Roussey  signale:  nini 


^  Gnan-gnan  désigne,  dans  le  langage  populaire,  une  personm' 
qui  geint  quand  il  faut  faire  un  effort. 

*  Se  dit  aussi  des  jeunes  filles. 

2  C'est-à-dire  'mi-ninno'  (v.  AGII.  XV,  p.  233). 

*  En  milanais:  'fanciulletta';  en  comasque:  'bimbuccio'. 

^  Signifie  aussi  'pupille  des  yeux'.  Cette  signification  se  ren- 
contre dans  plusieurs  autres  dérivés  de  ce  thème;  voir  Zauner.  BF. 
XIV,  p.  367. 

"  Se  dit  en  rouchi  aussi  pour  'chat'. 


—  363  — 

'petit  enfant'  («nom  de  gentillesse»);  nino — ninot  'petit  garçon', 
'petite  fille'.  -  Dans  le  Midi,  par  contre,  les  exemples  foi- 
sonnent. L'ancien  provençal  possédait  nina,  nineta  'jeune 
fille',  nin  'jeune'.  L'alternance  vocalique  i — a — o  est  pré- 
sentée par  ces  formes  modernes:  nini,  f/nigni  (Var)  'bébé', 
(à  Marseille  :  'fillette')  ;  nanan  'petit  enfant'  (Guyenne)  ;  nono 
'petite  fille'.  Ajoutons:  lang.  nino  'fillette'  ^;  nenet — neneto 
'petit',  'petite';  ncnetoun  {nenetou)  'petit  poupon';  rouerg. 
nene,  nenou  'enfant  au  maillot';  neno  'fillette',  'jeune  fille'; 
Quercy  neneto  'fillette'  ;  béarn.  nen  ^ — nène  'enfant  nouveau-né'; 
dim.  nenet,  neneret — nenerite;  gasc.  nenet,  ninet,  ninot,  ninou 
'nouveau-né',  nineto  'fillette'.  —  Le  catalan  offre  nin — nina, 
nen — nena  'enfant',  'petit  garçon',  'fillette',  'jeune  fille'; 
nineta,  ninota  'fillette';  l'espagnol:  wewe—wewa 'petit  enfant' 
(terme  de  tendresse);  nino — nina  'enfant',  'fillette',  'jeune 
fille';  nineta,  ninita  'fillette';  le  portugais:  ninî,  nené  'petit 
enfant'  (terme  enfantin). 

3.     Onomatopées  proprement  dites. 

381.  Le  prov.  mod.  tintoun  'bruit  que  fait  un  enfant', 
'crierie',  'tapage'  (cf.  le  franc,  tintouin  'bruit  importun')  se 
dit  aussi  pour  'nourrisson'   (Mistral). 

382.  Dans  les  dialectes  lombards,  on  trouve  quelques 
dénominations  d'enfants,  qui  paraissent  remonter  à  un 
type  tapp-,  t{a)rapp-,  t{a)ramp-,  onomatopée  imitant  le  bruit 
de  pas  '^.  Les  termes  milanais  tappascln,  tappascinèll,  tap- 
pascèll,  tappascellin  'bamberottolo'  se  rattachent  au  verbe 
milanais    tappascià    'scarpcttare',    'far   passi  piccioli  e  fre- 


'  Nino,  neno,  etc.  signifient  eu  général  aussi  'poupée'. 

■■'  Le  béarn.  nin  est  exclusivement  un  terme  de  tendresse:  'cher 
petit'. 

*  Cf.  Meyer-Liibke.  Rom.  etym.  Wh.,  8654:  tapp;  et  Falk  und 
Torp,  Noriveg.-ddn.    Wôrterb.,  à  l'art,  trampe. 


—  864  — 

quenti'  (cf.  le  franc,  trotte-menu).  Le  brescian  offre  ta- 
patl — tapatlna  'fanciullefcto'.  'fancinlletta':  le  bergamasque  : 
tarapati^  tarampantl  'bambino',  'ragazzino  vispo  che  corre 
snello'  '.  —  Il  faut  probablement  expliquer  de  la  même 
manière  le  mil.  trappolm  (ou  trappolïn  (fon  hagaj)  'trotto- 
lino',  'ragazzino';  bergam.,  bresc.  trapolï  'bambino',  'piccolo 
fanciullo';  borm.  trapolino  'cucco',  'caruccio';  com.  trapolèt 
'ragazzino'  ^. 

*  Des  onomatopées  pareilles  servent  à  rendre  le  son  du  tam- 
bour: mil.  tarapattàn;  bresc.  tarapatam,  tarapatôm. 

-  Cf.  valtell.  trapol  'uometto';  com.  tarapaten  'uomo  piccolo  con- 
traffatto'.  —  Peut-être  trapolï.  trapoUn,  etc.  ne  sont-ils  pas  dérivés 
directement  d'une  onomatopée.  Ces  mots  signifient  en  outre  'trem- 
plin', et,  d'après  Petrôcchi,  l'ital.  trappolino  ou  trampoUno  (qui,  ainsi 
que  tremplin,  remonte  à  l'onomatopée  tramp-,  trapp-)  se  dit  par  plai- 
santerie d'un  enfant:  trappolino  elastico.  Est-ce  par  un  tel  emploi 
figuré  que  les  mots  lombards  ont  pris  le  sens  de  'enfant"?  (Cf.  le  ho)]. 
schomtnel  'balançoire',  'bascule',  employé  métaphoriquement  pour  uno 
personne  qui  est  toujours  en  mouvement;  voir  ASNS,  CV.  p.  365.) 


m.     MOTS  D'EMPRUNT  \ 

1.    Mots  allemands. 

883.  L'alsac.  et  suiss.  allem.  bueb  est  le  plus  impor- 
tant des  mots  allemands  qui  aient  fait  des  conquêtes  en 
domaine  roman.  Dans  la  Suisse  romande  et  dans  les  pa- 
tois lorrains  des  Vosges,  c'est  le  mot  le  plus  usité  pour 
'garçon'  ;  souvent  il  se  dit  aussi  pour  'fils'  ;  le  pluriel 
signifie  'enfants'.  Il  a  pénétré  dans  la  Franche-Comté, 
dans  le  nord  de  la  Savoie  et  dans  la  vallée  d'Aoste;  et 
il  se  rencontre  en  outre  dans  les  parlers  rhétiques  des 
Grisons  et  du  Frioul.  —  Dans  la  deuxième  partie  de 
son  travail  intitulé  Die  alemannischen  Lehmvôrter  in  den 
Munâarten  der  fransôsischen  Schweiz^  M.  Tappolet  donne 
un  excellent  article  sur  ce  mot,  où  il  utilise  les  maté- 
riaux du  Glossaire  des  patois  de  la  Suisse  romande  et 
les  cartes  de  V Atlas  linguistique;  il  serait  inutile  de  ré- 
péter ici  ses  renseignements  sur  les  variantes  et  la  dif- 
fusion du  mot  ^.  Quant  aux  patois  en  dehors  de  la  Suisse, 
les  glossaires  confirment  et  complètent  les  données  de 
V Atlas    linguistique:    ils    relèvent  houhe,  houèbe,  bouobe,  etc. 

^  Il  va  de  soi  que  je  ne  traite  pas  dans  ce  travail  des  mots 
d'origine  slave,  magyare,  turque,  etc..  qui  servent  de  dénominations 
d'enfants  dans  les  idiomes  roumains,  albanais  et  dalmates,  tels  que  le 
roum.  prune,  prûnca,  'enfant';  Talb.  tsutse,  dade  'fille',  'fillette';  le  vegl. 
trok—troka  'garçon',  'fille',  etc. 

-  Qu'il  me  soit  pourtant  permis  de  faire  une  petite  correction. 
M.  Tappolet  désigne  bouèbe  comme  «volks-franzôsisch»,  en  renvoyant 
H  Sachs- Villatte.  Cependant,  d'après  ce  dictionnaire,  bouèbe  n'est  pas 
du  français  populaire  (P),  mais  un  provincialisme  (prov.). 

24 


—  366  — 

dans  bien  des  localités  de  l'Alsace,  des  Vosges,  de  la 
Franche-Comté  et  de  la  Haute-Savoie  \  —  Dans  la  Suisse 
romande  (Vaud,  Valais,  Fribourg)  on  a  formé  des  féminins: 
hweba,  buba,  etc.,  signifiant  'jeune  fille',  'petite  fille',  'jeune 
servante'.  Le  patois  des  Fourgs  présente  la  forme  boiiébot 
'adolescente',  'bergère'.  —  M.  Tappolet  cite  quelques 
exemples  des  nombreux  diminutifs  du  mot.  Je  me  per- 
mets d'ajouter  encore  les  suivants:  bouèbè  (Vaud),  bobet^ 
bobeta  (Blonay)  ^,  buboté  (Vaud),  bouèbdlè  (Frib.,  Neuch.j, 
bubb  (Damprichard),   bôbot  (Montbéliard). 

Dans  les  Grisons  on  trouve:  oberland.  buob—buoba^^ 
bueb — bueba  (Tavetsch,  Dissentis),  oberhalbst.  bup — buhe 
(Savognin),  hdiS-eugdid.  piiopp  {Se,ni)^puep — pueba  (Schleins). 
—  D'après  Pirona,  ptièm — puème  (poème,  pbime)  se  dit  gé- 
néralement dans  le  Frioul  ^  pour  'garçon',  'fille'.  M.  Gart- 
ner ne  le  relève  que  dans  les  Alpes  Carniques:  Pesariis,. 
Coraeglians  puém^^méma;  Paluzza  pué  (plur.  puéms)-^ 
puéme. 

384.  Le  suisse  allem.  chinder  'enfants'  s'emploie  à 
Samaden  (Haute-Engadine),  sous  la  forme  de  t)(inders  (à 
côté  de  im/amfe)  ;  au  singulier  on  emploie  pour  'enfant'  (à 
côté  de  popiny)  le  diminutif  t^indliny  (=  suisse  allem. 
chindlin).     Chindel    (=  suisse   allem.    chindel)  ^-çeiit  enfant'^ 

*  Comme  le  fait  remarquer  M.  Tappolet,  la  grande  diffusion  du 
mot  indique  que  l'importation  est  d'une  date  très  ancienne.  Quant  à 
sa  cause,  il  insiste  sur  le  fait  que,  dans  les  régions  méridionales  du 
domaine  de  notre  mot,  celui-ci  présente  le  double  sens  de  'garçon'  et 
de  'jeune  domestique',  'berger'.  Il  est  donc  probable  que  l'usage  de 
faire  venir  des  domestiques  de  la  Suisse  allemande  ou  de  l'Alsace  a 
été  ici  la  cause  de  l'importation  du  mot. 

^  3èta  'fillette'  (Les  Brassus,  Vaud;  voir  VAtl.  ling.)  doit  être 
une  aphérèse  du  vaud.  bobeta,  bwebeta. 

^  Le  diminutif  buobetta  se  rencontre  dans  le  Spieghel  de  Devotiun. 
par  Z.  da  Sal6,  Verona  1665  (Gartner.  Gramm.). 

*  Les  Grisons  et  le  Frioul  ont  en  commun  plusieurs  mots  em- 
pruntés à  l'allemand,  qui  ne  se  trouvent  pas  en  Tyrol:  JBraut,  Hube, 
Fingerhut,  Ring,  etc.  (voir  Gartner,  Gramm.,  p.  22). 


—  367  — 

qui  se  rencontre  aussi  dans  la  Haute-Engadine,  a,  suivant 
M.  Pallioppi,  une  nuance  dépréciative,  de  même  que  le 
collectif  chindlamainta  'marmaille':  A  Sent  (Basse-Enga- 
dine)  kmdâl  se  dit  pour  'enfant',  sans  aucune  idée  péjora- 
tive (Pult). 

Le  wall.  kin  'petit  garçon'  (Grandgagnage,  Suppl.)^  le 
tlandr.  </mw,  quinquin  (Vermesse),  et  le  Saint-Pol.  A;e,  A;eA;è, 
keke^  noms  d'amitié  donnés  aux  petits  enfants,  paraissent 
être  le  flamand  kind  'enfant'. 

385.  Le  franc,  (famin — gamine  est  probablement 
aussi  d'origine  allemande.  —  Constatons  d'abord  la  dif- 
fusion et  les  significations  du  mot.  D'après  Littré  et  le 
Dictionnaire  général^  gamin  présente,  en  français  commun, 
les  significations  suivantes:  'petit  garçon  qui  sert  d'aide 
aux  ouvriers  fumistes,  maçons,  etc'.;  'petit  garçon  qui  joue 
dans  les  rues,  qui  fait  des  espiègleries'  ^  Le  sens  du  fé- 
minin gamine  correspond  à  cette  dernière  acception.  Mais 
c'est  un  fait  connu  que  gamin  se  rencontre  très  souvent 
aussi,  en  français  littéraire  et  dans  la  conversation,  au 
sens  de  'petit  garçon',  sans  aucune  de  ces  idées  acces- 
soires. Dans  les  patois,  gamin — gamine  est  très  répandu 
aux  sens  de  'garçon',  'fils',  'fille'.  Les  cartes  de  VAtlas 
linguistique  montrent  que  gamin  se  dit  pour  'garçon',  et 
surtout  pour  'petit  garçon',  en  wallon  et  dans  les  patois 
lorrains  des  Vosges  et  de  la  Meuse.  Au  pluriel  il  est  en- 
core plus  répandu:  il  faut  ajouter  presque  toute  la  Cham- 
pagne et  de  vastes  domaines  en  Bourgogne,  Nivernais  et 
Bourbonnais.  Au  sens  de  'jeune  fils',  gamin  montre  une 
extension  très  considérable;  il  se  rencontre  en  Champagne, 
dans  le  Morvan  et  dans  tout  le  Centre,  et  il  s'étend  jus- 
que dans    le    Limousin,   l'Auvergne  et  le  domaine  franco- 

'  En  français  propre,  le  mot  parait  être  d'une  date  relativement 
récente.  Le  plus  ancien  exemple  qu'en  cite  le  Dict.  gén..  est  tiré  de 
Boiste.  Dictionnaire  universel,  éd.  1801. 


—  368  — 

provençal  (Lyonnais,  Bresse,  Franche-Comté,  Suisse  roman- 
de, Haute-Savoie).  Gamine  'fillette',  'jeune  fille'  ^  montre 
à  peu  près  la  même  extension  que  gamin  'jeune  fils';  mais 
il  a  pénétré  encore  plus  loin  vers  le  sud,  en  suivant  la 
vallée  du  Rhône,  et  se  rencontre  dans  les  départements 
de  l'Isère  et  de  la  Drôme.  On  le  trouve  en  outre  dans 
le  département  du  Nord,  tout  près  de  l'aire  wallonne  de 
gamin  'garçon'.  —  Le  Berry  et  le  Valais  présentent  un 
diminutif  en  -aceu-}-  one:  berr.  gamachon,  val.  gamasson  'petit 
gamin'. 

L'extension  du  mot  indique  incontestablement  son 
origine  allemande.  Les  cartes  de  VAtlas  nous  montrent 
sa  diffusion  en  éventail,  comment  il  s'est  propagé  du  nord- 
est  vers  l'ouest,  le  sud-ouest  et  le  sud.  Quel  est  donc  le 
mot  allemand  qui  a  pénétré  si  victorieusement  dans  les 
parlers  de  la  France?  Le  Dictionnaire  général  propose  du- 
bitativement de  voir  dans  gamin  l'allem.  Gemeiner  'simple 
soldat'.  M.  Meyer-Ltibke  ^  l'identifie  avec  le  moyen  haut- 
allem.  gemein  'gemein',  sans  préciser  le  sens  du  mot.  A 
en  juger  diaprés  la  nuance  péjorative  de  gamin  en  français 
commun,  il  paraît  probable  qu'il  a  signifié  d'abord:  'vilain', 
grossier',  'voyou',  sens  que  gemein  a  pris  de  très  bonne 
heure,  comme  le  prouve  son  existence  dans  beaucoup  de 
dialectes  allemands  ^.  Par  application  cacophémique  aux 
enfants,  le  mot  a  perdu  ensuite,  dans  les  patois,  son  sens 
injurieux,  comme  il  est  en  train  de  le  faire  dans  la  langue 
commune.  Le  sens  de  'apprenti',  'aide-maçon'  est  sans 
doute  dérivé  de  celui  de  'garçon'. 

386.  Quelques  mots  qui,  dans  la  Suisse  allemande, 
ont   pris,   par  métaphore,  le  sens  de  'enfant',  ont  été  em- 

'  «Jusqu'à  quinze  ou  seize  ans  au  moins,  une  jeune  fille  est 
toujours  une  gamine  et  on  ne  l'appelle  pas  autrement  chez  elle»,  dit 
De  Chambure.     Jaubert  définit  gamine  par  'petite  fille'. 

2  Bom.  etym.   Wb.,  3719. 

*  Cf,  Grimm,  Deutsches   Wôrterbuch,  à  l'art,  gemein.  8  d. 


—  369  - 

pruntés,  dans  ce  sens,  par  les  dialectes  français  et  rhéto- 
romans  de  la  Suisse.  —  Boiblè,  qui  se  dit  dans  le  patois 
de  la  Gruyère  pour  'petit  garçon',  est  le  même  mot  que 
hndeli  'barbichon'  (dim.  de  hudel  'barbiche,'  allem.  Pudel), 
employé  au  même  sens  que  hiidi,  terme  d'amitié  désignant 
un  petit  garçon  gros  et  gras  (proprement  =  'petit  chien 
gros  et  gras')  *. 

387.  M.  Gauchat  m'apprend  qu'on  trouve  souvent, 
dans  le  Conteur  vaudois,  le  mot  hofits  'enfant',  et  propose 
d'y  voir  le  suisse  allem.  huts.  Ce  mot,  qui  signifie  pro- 
prement: 'masse  informe',  'homme  trapu'  ^  ou  'croque- 
mitaine'  "'',  se  dit  souvent  d'un  enfant,  comme  terme  d'ami- 
tié (quelquefois  avec  une  nuance  de  reproche)  *. 

388.  Le  haut-eng.  cniebel — cniehla  (bas.-eng.  cnipel — 
cnipla)  'petit  enfant',  'petite  fille'  paraît  être  emprunté  du 
suisse  allem.  chnehel^  proprement  'pièce  de  bois'  ^,  qui  se 
dit  au  figuré  d'un  gars  gros  et  trapu  ". 

389.  L'allem.  minder  'plus  petit',  qui  a  été  emprunté 
par  les  parlers  rhétiques  de  Livinallongo,  Fassa  et  Gre- 
den,  au  sens  de  'plus  petit',  'plus  jeune'  (prononcez  men- 
der"^).  et  par  le  haut-engadinois,  au  sens  de  'moindre',  'plus 
mauvais',  a  pris,  dans  le  bas-engadinois,  les  sens  de  'gar- 
çon' et  de  'célibataire';  ils  minders  sont  les  garçons,  les 
jeunes  gens  non  mariés,  par  opposition  aux  vefjls^  Jiomens 
(Pallioppi).  Carisch  donne  aussi  minder  ou  mender  avec 
ce    sens.     D'après  Carigiet,   ménder  a  pris,  dans  le  parler 


^  Voir  Tappolet,  op.  cit.,  p.  2<J. 

*  Cf.  le  tyr.  allem.  btttz. 
»  Cf.  plus  haut,  §  201. 

*  Voir  Staub-Tobler,  Schioeizerisches  Idiotikon,  IV,  2004. 
*   *  Cf.  §  288  89. 

«  Voir    Staub-Tobler,    op.    cit..    III,    714,    et   Pallioppi,  op.  cit..  à 
l'art,  cniebel. 

'  Mender  pourrait  être  le  lat.  minor  (voy.  Walberg,  op.  cit..  §  85). 


—  370  — 

de  Dissentis  et  de  Trons,  le  sens,  spécial  de  'kilter'  (c.-à-d. 
garçon  qui  a  un  rendez- vous  nocturne  avec  sa  bonne 
amie). 

390.  Le  suisse  allem.  jimgfere  (jumpfere)  signifie, 
d'après  Staub-Tobler  \  'demoiselle',  ou  'jeune  fille  nubile 
en  général'.  Avec  le  premier  sens,  on  trouve  le  mot  dans 
le  dialecte  lombard  de  Val  Bregaglia  ^  et  dans  le  dialecte 
rhétique  de  l'Engadine:  r/iunfra  (bas-eng.  jimfra)^.  A  en 
juger  d'après  Conradi  et  M.  Michael,  qui  traduisent /«m/ra 
{gunfra)  par  'Jungfer',  ce  mot  présente  le  dernier  sens 
plus  général  à  Andeer  (Schams)  et  à  Poschiavo.  Monti 
signale  aussi  gibnfra  comme  un  terme  de  Poschiavo  *  et  le 
traduit  par  'giovinastra'  °. 

2.     Mots  néerlandais. 

391.  L'anc.  fr.  deerne  'fille',  'servante'  (Borel,  Roque- 
fort), champ,  deernée  (Tarbé),  est  sans  doute  le  néerlandais 
deerne  (répondant  au  haut-allem.  Dirne^  suéd.  tàrna).  Dans 
le  patois  de  Guernesey,  Métivier  a  relevé  démette  'brin  de 


1  op.  cit.,  I,  1246. 

'  D'après  Bertoni.  L'elemento  germanico  nella  lingiia  italiana^ 
p.  130.  Il  nous  apprend  aussi  que.  à  Roveredo,  yo>^/ra  signifie  'donna 
porduta';  cf.  le  développement  analogue  du  vén.  siora.  sioreta. 

*  Dans  le  jargon  des  cordonniers  de  Borinio.  on  trouve  snûnfra. 
snunfrina  'signora'.  'signorina'.  qui  est  évidemment  le  même  mot. 

*  M.  Bertoni.  op.  cit..  p.  129.  le  désigne  à  tort  comme  «voce  co- 
luasca». 

^  Deux  autres  titres  d"honneur  allemands  :  Frànlein  et  Junker. 
se  retrouvent  en  territoire  roman.  Fràulein  (suisse  allem.  fràuli, 
souabe  fraele.  bavar.  frauU)  apparaît,  au  sens  propre  de  'demoiselle', 
dans  le  tyr.,  rover.,  trent.  fraila.  triest.  fraile,  et,  au  sens  de  'femme 
de  soldat',  dans  le  tyr..  rover.,  trent.,  mil.  fràola.  Dans  le  jargon  des 
bergers  bergamasques.  fràula  a  pris  le  sens  général  de  'femme'.  — 
JunJcer  se  retrouve,  au  sens  propre  de  'jeune  noble',  dans  le  parler 
de  Sent  (Basse-Engadine):  yunkar.  Dans  un  vieux  document  litté- 
raire de  la  Haute -Engadine  on  le  trouve  employé  au  sujet  d'un  gar- 
çon de  dix  ans  (voir  Gartner,  Gramm.,  p.  25). 


—  371  — 

fille',  diminutif  du  précédent.  Démet  'fillette',  qu'on  trouve 
dans  la  Table  de  VAtlas  linguistique^  est  probablement  le 
même  mot.  Métivier  donne  encore  la  variante  drinette 
*brin  de  fille'  (cf.  norm.  drin,  drein,  derain  pour  dernier; 
driere  pour  derrière)  ^ 


3.     Mots  ang-lais. 

392.  Le  franc,  h^'hê^  mot  familier  pour  'petit  enfant', 
doit  être  l'angl.  haby,  importé  par  des  nourrices  et  bonnes 
anglaises. 

Dans  le  Jura  bernois,  félô  est  un  terme  enfantin  et 
amical  pour  'petit  garçon'.  Est-ce  l'angl.  fellotv,  importé 
par  quelque  immigré?  ^ 


4.     Mots  grecs. 

393.  Les  dialectes  de  l'Italie  méridionale  présentent 
un  grand  nombre  de  mots  grecs.  On  sait  que  ce  pays 
était  sous  la  domination  grecque  pendant  une  notable 
partie  du  moyen  âge;  encore  aujourd'hui  il  y  a  des  villages 
en  Apulie  et  Calabre  qui  parlent  un  idiome  grec.  —  Dans 
le  dialecte  de  Reggio  on  trouve  nipju  'enfant',  du  grec 
mod.  v7]mov^  anc.  gr.  vrjmog^.  Le  parler  de  Palmi  offre 
paddikédda  'jeune  fille';  cf.  le  grec.  mod.  JiaXXiuàQi  'ado- 
lescent'; anc.  gr.  7tâÀÀa§^. 


^  Ou  bien  drinette  est-il  identique  au  rouchi  drinete.  dim.  de 
drine  (pic),  forme  hypocoristique  du  nom  propre  AlexandriM?  Cf. 
le  Avall.  trîne,  abréviation  de   Catherine,  qui  se  dit  pour  'fille',  'fillette'. 

*  Je  dois  le  renseignement  comme  l'hypothèse  à  M.  Gauchat.  — 
Cf.  du  reste  le  franc,  falot  ' plaia&nV  >  fellow. 

3  Voir  Morosi,  AGII,  XII,  p.  81. 

■*  Voir  Morosi,  loc.  cit.  —  Je  trouve  inutile  de  mentionner  ici  les 
mots  signifiant  'enfant',  'garçon',  'fille',  qui  se  trouvent  dans  les  dia- 
lectes purement  grecs  de  Bova  et  de  Cardeto,  et  qui  sont  enregistrés 
par  Morosi  dans  son  étude  sur  ces  dialectes  {AGII,  IV,  p.  1 — 116). 


372  — 


5.    Mots  arabes. 


894.  L'esp.  et  port,  zagal,  cat.  sagal  'jeune  homme 
vigoureux',  'garçon  de  village',  'berger',  'valet  de  mules 
qui  conduit  la  voiture'  est  emprunté  de  l'arabe  zagal^  qui 
signifie  proprement  'vigoureux',  'vaillant',  mais  qui  pré- 
sente aussi  les  sens  de  'mozo  de  meson'  et  de  'mancebo' ^ 
L'espagnol,  le  portugais  et  le  catalan  en  ont  tiré  le  féminin 
zagala,  sagala  'jeune  fille  de  village',  'bergère'  ^.  L'espagnol 
et  le  portugais  possèdent  en  outre  le  diminutif  sagalejo — 
sagaleja  'jeune  garçon',  'jeune  fille',  'petit  berger',  'petite 
bergère'  ^. 


^  D'après  Eguilaz  y  Yanguas.  Glos.  etim.  de  las  palabras  espa- 
Jloîas  de  orignn  oriental. 

-  Dans    ce    dernier   sens,  le  mot  appartient  au  langage  poétique. 

*  Dans  ce  dernier  sens,  l'espagnol  présente  aussi  des  dérivés  en 
-ico,  -illo,  -ito;  le  portugais,  des  dérivés  en  -eto.  -eta. 


IV.     MOTS  D'ORIGINE  INCONNUE. 


1.    Mots  français,  provençaux  et  franco-provençaux. 

395.  Les  patois  du  Nord,  Nord-Ouest  et  Nord-Est 
possèdent  plusieurs  mots  pour  'gamin',  'garçon',  d'un  carac- 
tère un  peu  péjoratif,  qui  commencent  tous  par  gai-  :  pic, 
rouchi,  flandr.  (jalmite  'marmot',  'petit  vaurien',  'gamin', 
'gamine';  norm.  galmm  'gamin',  'petit  valet';  meus,  gai- 
miche,  namur.  galmicho  'galopin',  'polisson';  mess,  galmirô 
'gamin',  'polisson'  (cf.  aussi  wall.  calmotrai  'gamin').  Faut-il 
peut-être  les  rattacher  à  la  grande  famille  de  mots  du 
type  galtq),  gulap,  etc.?*  Galmin  pourrait  être  une  conta- 
mination de  gamin  avec  galapiat,  etc.  —  Grandgagnage 
relève  en  wallon  pinaguè  'gamin',  en  se  demandant  si  c'est 
le  même  mot  que  le  wall.  pinoket  'rabougri'.  —  Dans  la 
Table  de  V Atlas  linguistique  on  trouve  bradé  'enfant'.  De 
même  que  le  Saint-Pol.  bradêy  'enfant  gâté',  expression 
de  tendresse  et  de  cajolerie,  il  paraît  se  rattacher  au  verbe 
picard  brader  'gâter'.  —  M.  Edmont  enregistre  comme 
termes  Saint-Polois  barnvt  (ou  barnœz)  'jeune  fille  sans 
expérience'  ^,  et  garluze — garluzet  'jeune  homme,  jeune 
fille  sans  expérience'.  D'après  Hécart,  ce  cemier  mot 
s'emploie  aussi  en  rouchi,  au  sens  de  'jeune  fille  bien 
éveillée'  (ou  de  'plaisanterie  libre').  —  Dans  Hécart  nous 
trouvons  aussi:  ealibot  'bambin'^,  et  magaio  'petit  garçon', 

»  Voir  §  237. 

*  Cf.  dans  la  Table  de  VAtl.  ling.  :  barnet  'jeune'. 

*  Cf.  liég.  kalibo  (ou  kaliboss)  'chenapan'  ^Forir). 


—  374  — 

'marmot',  'polisson';  'pauvre'  ('en  parlant  des  enfants').  — 
Vermesse  relève,  dans  le  patois  de  la  Flandre  française: 
maralle  'petit  enfant',  'gamin]  ^ 

396.  La  Normandie  offre  plusieurs  mots  obscurs: 
liag.  hahyn  'enfant',  'petit  garçon'  ^;  Guernesey  filouc  'bam- 
bin', 'chétif  enfant'  ^;  mahet — mabette  'petit  enfant',  'nabot', 
'idiote';  Orne  mêlau  'enfant  au'  maillot'*.  —  Dans  les 
patois  du  pays  de  Bray  et  de  l'Anjou,  on  trouve  motitard 
'enfant',  'gamin',  'petit  garçon',  qui  s'emploie  aussi  dans 
le  langage  populaire  de  Paris.  M.  Meyer-Liibke,  Bont. 
etym.  Wh.^  5783,  propose  dubitativement  comme  étymolo- 
gies  le  lat.  mustum  ou  l'arabe  mutahar. 

397.  En  Normandie  (Hague,  Valogne),  Orléanais  (Ven- 
dôme) et  Bretagne  (Saint-Malo,  Rennes,  Pléchatel),  gouspin 
{gouspyn^  goussepin)  se  dit  pour  'petit  enfant',  'petit  garçon', 
avec  une  nuance  marquée  de  mépris.  Ce  mot  se  retrouve 
dans  l'argot  ancien,  d'après  Fr.  Michel,  qui  le  traduit  par 
'recors',  et  dans  le  baslangage  actuel,  au  sens  de  'galopin', 
'voyou'.  Michel  y  voyait  un  composé  de  gousser,  verbe 
périmé  pour  'manger',  et  de  p«m,  et  le  compare  à  mcngue- 
pain  et  à  gruge-pain,  qui  se  sont  dits  autrefois  pour  'men- 
diant' ^.  Cette  étymologie  paraît  être  adoptée  par  MM. 
Dottin  et  Langouët,  qui  écrivent:  guspe  [goussepain  ^],  et 
par  Martellière.  Une  autre  explication,  qui  est  peut-être 
préférable,    est  indiquée  par  E.  et  A.  Du  Méril  :  ils  ratta- 


'  Cf.  wall.  maraille  'marmaille'  (Remacle,  Forir). 

■^  Fleury  le  rattache  à  Pangl.  hah  'paysan'. 

^  Métivier  le  rapproche  du  verbe  normand  floquer  'faiblir',  's'af- 
faiblir . 

*  «C"est  probablement  une  corruption  de  ce  dernier  mot»  (Du 
Méril).  J'en  doute.  —  Est-ce  peut-être  le  même  mot  que  le  norra. 
mêlot  'petit  merle'? 

^  Cf.  aussi  rital.  mangiapane.  mil.  mangiapàn  'disutilaccio'. 

"  On  trouve  cette  orthographe  aussi  dans  Verrier  et  Onillon: 
gousse-pain  (Sar.)  'mauvais  sujet',  etc. 


—  376  - 

chent  f/ouspin  au  verbe  gouspUler.  Ce  verbe,  dont  la  forme 
primitive  était  housjnc/ner  ou  honssepignier  ^  (de  housse  et 
pignier  pour  peigner^  d'après  le  Dict.  gén.)  signifie  'maltraiter 
quelqu'un  en  le  secouant',  'malmener  quelqu'un  en  lui 
faisant  des  reproches'.  Ce  qui  paraît  confirmer  cette  hypo- 
thèse, c'est  la  forme  Jwiispyn  {houssepin).  qui  est  usitée, 
dans  la  Hague  et  dans  l'Orléanais,  à  côté  de  gouspyn 
{goHSsepin).  —  Comme  c'est  souvent  le  cas  pour  les  termes 
d'injure,  ce  mot  a  été  altéré  arbitrairement  et  contaminé 
par  d'autres  mots  d'un  sens  semblable.  A  côté  de  ïionsse- 
pin,  l'Orléanais  dit  JioiissepioTi .  Le  vendôm.  moiissepion  (ou 
moNSsepin)  'gamin',  'moutard',  'polisson'  ^  doit  s'expliquer 
par  un  croisement  de  ce  mot  avec  mousse  ^.  De  même 
mushape.  qui  se  dit  à  Pléchatel  (à  côté  de  mousse)  pour 
'gamin',  'petit  garçon  espiègle',  est  probablement  dû  à 
une  contamination  de  gouspin  avec  mousqne^  mot  donné 
par  le  dictionnaire  de  Trévoux,  au  sens  de  'mousse',  'page 
de  vaisseau',  et  indiqué  par  ce  dictionnaire  aussi  comme 
terme  populaire  désignant  'un  petit  garçon  un  peu  éveillé'. 
—  Le  norm.  trouspin  (troussepin)  'enfant  espiègle'  (Du  Méril. 
Romdahl)  est  T^exat-èire  =  gouspin -\- trousse-pet  (voir  §231). 

398,  Dans  le  parler  dolois,  M.  Lecomte  relève  vispi 
'petit  garçon'.  Cf.  vispin  'toupie  de  petite  dimension'  (mot 
usité  à  Rennes).  —  Le  bas-manc.  hrœlô  signifie,  daprès 
M.  Dottin,  'petit  enfant',  ou  'qui  tremble'.  Au  dernier 
sens,  ce  mot  se  rattache  évidemment  au  verbe  hrcelhte 
'travailler  en  tremblotant'.  Le  sens  de  'enfant'  est-il  dérivé 
de  celui-ci,  ou  bien  a-t-on  tiré  hrcelo  'enfant'  de  hrœl 
'mauvais  habit',  'culotte'?  (Cf.  §  276).  —  M.  Dottin  en- 
registre   encore   pimus    (s.    f.)    'personne    de    petite   taille'. 


'•■  On  aurait  donc  le  droit  de  supposer  aussi  une  forme  *gouspi(/ner. 
'  La  Table  de  VAtl.  ling.  enregistre  muspyo  au  sens  de  'enfant'. 
'  Cf.  §  77.  —  M.  Sainéan,  ZRPh,  Beih.  I.  p.  65,  y  voit  un  dimi- 
nutif (?)  de  mousse  'chat'. 


—  376  — 

'enfant'.  Avons-nous  peut-être  ici  affaire  à  un  emploi  fi- 
guré de  pimousse  (pimouche)  (s.  f.),  nom  angevin  d'une  gra- 
minée  qui  ressemble  un  peu  à  l'ivraie?  —  Dans  le  Haut- 
Maine,  Montesson  relève  écras  {équeras,  équerias)  'enfant', 
'enfant  en  bas-âge'  (un  michant  écras  'un  enfant  chétif). 
Ce  mot  se  retrouve  dans  le  patois  vendômois,  au  sens  de 
'avorton',  'animal  ou  enfant  mal  venu,  chétif,  et  dans  le 
Morvan:  un  enfant  écra  'un  enfant  chétif.  Un  mot  syno- 
nyme, avéras  'avorton',  'animal  chétif,  jeune',  s'applique 
également,  dans  le  parler  vendômois,  aux  enfants  faibles 
et  malingres.  Le  sens  primitif  de  écras  est  donc  probable- 
ment 'chétif  (cf.  §  186)  ^  —  Au  Longeron  (Anjou),  Ver- 
rier et  Onillon  signalent  maminot  'enfant',  'mioche',  mot 
vieilli.  —  Dans  le  Haut-Maine,  le  Poitou,  la  Saintonge  et 
le  Bas-Gâtinais,  on  trouve  moujasse  {moujhasse^  mouyeasse) 
'fillette',  'petite  fille,  qui  fait  des  airs  de  grande  dame', 
'tatillon',  'enfant',  'moutard'.  Dans  ce  dernier  sens,  qui 
ne  se  rencontre  que  dans  la  Saintonge  (Jônain),  le  mot  a 
donné  naissance  au  diminutif  moujhasson.  Montesson  dé- 
signe moujasse  comme  un  terme  de  mépris.  Peut-être  faut-il 
rapprocher  ce  mot  de  moje  'grosse  fille',  qui,  d'après  Gode- 
froy,  se  dit  dans  l'Aunis  ^.  —  Le  poitevin  offre  encore 
trois  termes  obscures:  vendéen  acan  'enfant',  'personne  petite 
et  de  mauvaise  grâce'  (Lalanne);  vendéen  macréa  'petit 
garçon',  'petit  polisson'  (Favre,  Lalanne);  vienn.  mouchille 
{moukille)  'petite  fille'  (Lalanne). 

399,  Dans  le  Centre  de  la  France,  et  spécialement 
dans  l'Orléanais,  on  trouve  pauque  (poque)  au  sens  de  'pe- 
tite fille'.     Jaubert  le  donne  avec  cette  acception,  et  sur  les 

*  Montesson  le  rattache  au  verbe  s'éqtierier  's'écrier'.  Charabure 
y  voit  le  mot  écrit  au  sens  de  'indiqué  légèrement',  'ébauché'  (!). 

*  M.  Behrens,  op.  cit.,  p.  179,  propose  de  rattacher  le  poitev. 
moujasse  à  moie  {<:zmeta).  —  Jônain  paraît  le  dériver  du  verbe  mou- 
jhasser  'se  mouvoir',  'faire  son  petit  tapage';  mais  il  est  plus  probable 
que  le  verbe   a  été  dérivé  du  substantif. 


—  377  — 

cartes  de  V Atlas  linguistique^  pok  figure,  au  sens  de  'fillette', 
aux  points  204  et  306  (Loir-et-Cher).  Dans  le  Glossaire 
du  Vendômois  de  Martellière,  il  est  traduit  par  «femme  ou 
fille,  servante».  On  y  trouve  encore  le  à'\m.\ri\\.i\î poqiiette. 
M.  Martellière  identifie  ce  mot  avec  le  vendôm.  imque  'pas 
grand'chose',  'drogue'  (cf.  l'anc.  ir.  paiique  'mesure  de  vin'  *), 
l'anc.  fr.  pauche  'servante'  ^,  et  le  lat.  pauca  ^.  Cette  éty- 
mologie,  qui  est  admissible  au  point  de  vue  de  la  séman- 
tique, présente  des  difficultés  phonétiques. 

Sur  la  carte  ma  fille  de  VAtl.  ling.  on  trouve,  ati  point 
206  (Loiret),  mazet,  et,  au  point  303  (Indre),  bwcm. 

Dans  le  Bourbonnais,  Choussy  relève  gazille  'fille'; 
'jeune  fille  de  7  à  8  ans';  'fille  de  moyenne  vertu'.  Le 
même  mot  se  trouve  au  point  1  (Nièvre)  de  la  carte  ma 
fille,  a  côté  de  gazut.  Peut-être  ces  mots  sont-ils  dérivés 
du  bourbonnais  gasa  (s.  f.)  'déplaisante';  la  mère  dit  à  sa 
fille:  «Veux-tu  te  taire,  grande  gaza»  (Choussy)  *.  —  A  Va- 
rennes-sur-Allier  on  dit,  d'après  Choussy,  aria  pour  'enfant'. 
Est-ce  le  même  mot  que  aria  'difficulté',  'ennui',  'tour- 
ment', 'embarras',  qui  se  rencontre  dans  le  Doubs  et  en 
Berry?  (Cf.  §  207). 

■400.  Dans  le  patois  messin,  Lorrain  relève  zig  au 
sens  de  'gars'.  C'est  probablement  le  mot  d'argot  zig 
(zigue)  'camarade',  d'origine  obscure  ^.  La  transition  de 
sens    a  été  peut-être  produite  par  l'emploi  de  l'expression 

'  D'après  Du  Gange  et  Eoquefort.  Cf.  aussi  Mistral:  pauco, 
paucho  (auv.)  'petite  mesure  de  vin',  'demi-litre'  (en  Kouergue  et  en 
Limousin);  'petite  quantité'. 

^  D'après  Du  Gange  et  Eoquefort.  Gf.  Mistral  :  paucho  'servante', 
'domestique',  en  Limousin. 

'  Gf.  Tanc.  prov.  pauc  'petit',  'jeune'. 

■•  Ges  mots  n'ont  rien  à  voir  avec  garce,  qui.  dans  ce  patois,  est 
représenté  par  gage. 

*  On  trouve  des  essais  d'explication  dans  Sainéan,  Les  sources 
de  l'argot  ancien,  II,  p.  468.  et  dans  H.  France.  Bict.  de  la  langue 
verte,  à  l'art,  zig. 


—  378  — 

C'est  un  bon  sig  «c'est  un  bon  garçon».  —  D'après  Jaclot^ 
le  même  patois  possède  l'expression  wecMowiZ^e  pour 'mou- 
tard', 'gamin'.  —  A  Laneuveville-sous-Montfort  Adam  sig- 
nale hérotte  'femme'  ou  'fille'  ;  à  Hamonville  on  dit  baratte. 
—  A  Saales,  en  Alsace,  M.  Horning  relève  petiro — petirot 
'petit  garçon',  'petite  fille',  et,  plus  au  sud,  à  La  Poutroye, 
VAtl.  ling.  signale  ptirat  dans  le  même  sens  (à  côté  de 
beyes).  M.  Horning  le  compare  à  ptéro  (Jouve,  Noels,  p. 
24)  et  à  peterine  (Bernli.  92,  28).  Faut-il  le  rattacher  à 
petit,  OHi  au  lorr.  pet  'chiffon'? 

401.  Dans  le  département  du  Doubs,  ârè  (airet)  se 
dit  pour  'enfant'.  Ij  Atlas  linguistique  le  signale  à  Cerval^ 
M.  Eoussey  à  Bournois,  Contejean  ^  à  Montbéliard.  Dans 
ce  dernier  parler,  le  mot  présente  en  outre  les  sens  pé- 
joratifs de  'enfant  turbulent',  'enfant  désagréable'. 

402.  Le  patois  du  canton.de  Fribourg,  spécialement 
de  la  Gruyère,  et  celui  des  Alpes  vaudoises,  disent  vouet- 
ton  {ouetton)  pour  'garçon',  'fils',  'amant'  (Bridel,  Haefe- 
lin,  Atl.  ling.,  Matériaux).  D'après  Bridel,  il  s'emploie 
dans  le  Pays  d'Enhaut  comme  terme  d'amitié  au  sens  de 
'petit  garçon'.  Pourrait-on  le  rapprocher  de  vouetta  'se 
vautrer'  (Fribourg),  vouetti  'remuer',  'branler'  (Orbe)?  Peut- 
être  est-il  d'origine  germanique.  —  Dans  la  Gruyère, 
Bridel  a  relevé  un  autre  mot  que  je  ne  m'explique  pas  : 
tsilcka  'fille',  'servante',  tsikhala  'fillette'.  A-t-il  quelque 
rapport  avec  teyeka  {teeka)  'petite  quantité',  dans  la  vallée 
d'Aoste,  et  avec  l'esp.  cliico  'petit'? 

403.  Dans  le  Sud-Ouest,  drôle  {drolle,  droilé)  —  drolo 
(drollo,  droilo)  est  un  mot  très  usité  pour  'enfant',  '(petit) 
garçon',  'fils',  'fillette',  'jeune  fille',  'fille'.    Le  plus  souvent 


^  Il  le  dérive  de  l'anc.  fr.  air.  aire  'colère'. 


—  379  — 

il  so  dit  pour  'petit  garçon',  'fillette'.  Les  cartes  de  VAtlas 
linymstique  montrent  pour  le  masculin  un  domaine,  dont 
les  limites  nord  et  est  sont  formées  par  les  départements 
de  la  Vendée,  des  Deux-Sèvi-es,  d'Indre-et-Loire,  de  l'Indre, 
de  la  Haute- Vienne,  du  Corrèze,  du  Cantal,  de  TAveyron, 
du  Tarn,  de  la  Haute-Garonne  et  de  l'Ariège.  Dans  la 
plus  grande  partie  des  Landes  et  des  Basses-Pyrénées,  il 
ne  semble  pas  être  employé.  Le  féminin  est  un  peu  plus 
répandu  que  le  masculin;  il  se  rencontre  souvent  en 
Auvergne  et  Languedoc,  et  même,  au  delà  du  Rhône,  dans 
la  Drôme  et  en  Vaucluse.  D'après  les  glossaires,  l'exten- 
sion de  notre  mot  est  encore  plus  considérable.  Puitspelu 
nous  apprend  que  drolo — drola  est  d'un  usage  fréquent 
dans  le  canton  de  Néronde  et  celui  de  Saint-Symphorien- 
de-Lay  (Loire)  \  Dans  les  cantons  de  Vaud  et  du  Valais, 
drôle  'garçon'  se  dit  sur  un  ton  de  pitié  (souvent  précédé 
par  pmivré)]  drôla  'fille',  'femme'  est  plus  usité.  Le  Centre, 
l'Orléanais  et  l'Anjou  disent  drôle — drôlicre  pour  'enfant', 
'petit  garçon',  'fillette';  et  dans  le  Bas-Gâtinais  (Ile-de- 
France)  drôle—  drôlesse  s'emploie  également  sans  aucune  idée 
péjorative.  —  Ailleurs  aussi,  le  mot  simple  a  été  remplacé 
au  féminin  par  un  dérivé.  U Atlas  nous  montre  que,  dans 
l'Ouest,  drôles  et  droyïr  [drotér)  ont  supplanté  drOl.  Aux 
points  418  et  512  (Deux-Sèvres),  droyrr  signifie  'jeune 
fille',  drôles  'fillette'.  D'autres  dérivés  sont:  drœlûs  (p.  510, 
Deux-Sèvres),  drôlasse  (Verdun,  Châlon)  'fillette";  drulâte 
p.  676,  Gers)  'fillette'  (évidemment  formé  sui'  gouyate)\ 
droulet^ — drouleto  (prov.,  lang.,  vell.);  droulot—drouloto 
(gasc);    drouloun    (lang.,    lim.),    droulouno  (aveyr.);  droulin 


^  IjAU.  Ung.  ne  relève  que  le  féminin  à  Néronde. 

-  Dans  ce  dernier  patois,  il  signifie  aussi  'servante'.  Dans  le 
Midi,  droulas — droulasso  a  un  sens  augmentatif:  'grand  garçon', 
'grande  fille'. 

*  En  vellavien,  un  droulé  est  un  petit  gar(,;on  au-dessous  de  7 
ans,  UH  drôle,  un  jeune  garçon  de  7  à  12  ans,  et  un  droulas,  un  garçon 
de  12  à  16  ans  (Vinols). 


—  380  — 

(lang.,  lim.),  drôline  (vendôm.),  droliau  (berr.)  'garçonnet', 
'fillette'.  Mistral  donne  encore  les  sous-diminutifs  drou- 
lihoîin^  droulounet.  —  M.  Tappolet,  dans  Die  romanischen 
Verwandfschaftsnamen,  p.  46,  émet  l'hypothèse  que  drôle 
'enfant'  est  d'origine  allemande  (drollig).  Diez  ^  était  du 
même  avis  pour  le  franc,  drôle  'plaisant',  'coquin'  ^.  Mais, 
comme  le  mot  français  apparaît  dans  la  littérature  au  XVI® 
siècle  ^,  tandis  que  l'allem.  drollig  n'est  attesté  qu'à  la 
fin  du  XVII'',  il  faut,  au  contraire,  considérer  celui-ci 
comme  un  emprunt  fait  au  français  ^.  Du  reste,  la  diffu- 
sion du  mot  dans  les  patois  s'oppose  à  l'hypothèse  d'une 
origine  allemande.  Il  a  eu  évidemment  son  point  de  dé- 
part dans  le  Sud-Ouest,  et  de  là  il  s'est  répandu  vers  le 
nord  et  vers  l'est  ^.  Aux  confins  des  domaines  allemand 
et  flamand;  il  est  tout  à  fait  inconnu  au  sens  de  'garçon', 
'enfant',  qui  doit  être  son  sens  primitif.  La  signification 
péjorative  de  'coquin',  'misérable',  que  le  mot  présente  par- 
fois en  français  commun,  est  d'une  date  relativement  ré- 
cente. Dans  les  Vaux-de-Vire  et  dans  Cotgrave,  drôle 
(drolle,  drosle)  signifie  'bon  compagnon',  'gaillard',  etc.  ^, 
acceptions  qui  peuvent  très  bien  être  dérivées  de  celle  de 
'garçon'.  A  l'époque  de  Furetière,  le  mot  avait  commencé 
à  prendre  une  nuance  péjorative.  On  lit  dans  son  diction- 
naire   que    drôle    {drosle)   ^se  prend  aussi  quelquefois  pour 


1  Etym.    Wh.,  p.  564. 

-  On  a  aussi  indiqué  comme  étymologie  le  Scandinave  troll 
'lutin',    'farfadet',    'mauvais    génie'  (voir  Ménage,  Mistral,  Martellière). 

*  D'après  Littré,  il  serait  attesté  dès  le  XV®  siècle,  dans  les 
Vaux-de-Vire  de  Basselin.  Mais,  comme  l'a  démontré  Gasté,  ce  n'est 
pas  à  ce  poète  normand  qu'il  faut  attribuer  les  Vaux-de-Vire;  ils 
ont  été  écrits  par  l'avocat  Jean  le  Houx  de  Vire  au  commencement 
du  XVIIe  siècle. 

*  Cf.  Meyer-Lubke,  Bom.  etym.   Wh.,  2775. 

*  Cf.  la  diffusion  en  sens  inverse  de  gamin. 

"  Cotgrave  le  traduit  par  «A  good  fellow,  boon  companion,  merry 
grig,  pleasant  wag;  one  that  cares  not  which  end  goes  forward,  or 
how  the  world  goes.» 


—  381  — 

un    homme    qui    cherche  à  faire  tort  à  quelqu'un,  qui  est 
à  craindre.» 

404.  Dans  le  patois  des  environs  de  Grenoble,  brecot 

—  brecôta  se  dit  pour  'petit  garçon',  'petite  fille'  (Ravanat). 

—  D'après  Mistral,  le  patois  vellavien  connaît  le  mot  mar- 
hioucho  pour  'petite  fille'  ^ 

405.  Durrieux  relève  en  gascon  bajoun,  dim.  bajounet, 
'enfant  qui  vient  de  naître'.  On  pourrait  peut-être  le  rat- 
tacher au  béarn.  bajou  {bayou)  'maillot',  'langes'.  Cf.  le 
béarn.  arbajou — arbajouno  'joli  poupon',  'gentille  fillette', 
terme  de  tendresse  (Mistral).  —  Dans  le  Dictionnaire  béar- 
nais de  Lespy  et  Raymond  on  trouve  toy — toye  'petit  gar- 
çon', 'jeune  fille'  ^.  C'est  un  terme  de  la  montagne;  dans  la 
plaine,  lou  toy  désigne  le  montagnard,  le  pâtre.  D'après 
Mistral,  toio  s'emploie  en  Rouergue  aussi  au  sens  de  'jeune 
fille';  parfois  avec  une  nuance  dépréciative:  'laideron''. 
En  Béarn,  toy  se  dit  en  outre  pour  'petit':  u  gran^  u  toy 
«un  grand,  un  petit  (objet)»  *.  Est-ce  peut-être  là  son 
sens  primitif?  —  Le  même  dictionnaire  béarnais  relève 
à  Garlin  le  mot  nesque  pour  'jeune  fille'. 

406.  Dans  quatre  localités  des  Landes  M.  Edmont 
a  trouvé  un  mot  pour  'garçon',  '(jeune)  fils',  qui  me  paraît 
assez  énigmatique:  kOeu  (au  point  682),  Meu  (681),  kôeé 
(674,  680).  Au  point  681,  il  a  relevé  en  outre  un  dérivé 
féminin:  kueardè  'fillette',  terme  vieilli,  qui  est  en  train 
d'être  supplanté  par  guyatoté. 

'  Mistral  y  voit  le  même  mot  que  mourbouso  'morveuse',  mais, 
sur  la  carte  morve,  morveux  de  VAtî.  ling.,  on  ne  trouve  marhioucho 
ni  dans  la  Haute-Loire,  ni  dans  le  reste  du  Midi. 

*  Lespy  et  Raymond  rattachent  ce  mot  à  Tanc.  prov.  toza,  ce 
qui  ne  paraît  pas  admissible. 

'  Mistral  traduit  par  contre  le  mot  béarnais  par  'beau  gars', 
'belle  fille'. 

*  Cf.    5   toyè    'un  peu',  à  Châble  (Valais)  (voir  VAth  ling.,  1007). 

25 


382  — 


2.     Mots  italiens. 


407.  Dans  plusieurs  parlers  toscans:  à  Arezzo,  dans 
la  montagne  de  Pistoie,  mais  surtout  à  Sienne,  citto — citta 
s'emploie  pour  'ragazzo',  'ragazza'.  On  en  a  tiré  plusieurs 
diminutifs  caressants,  comme  citolo,  cittino,  cittarello  (Fan- 
fani).  Dans  la  littérature  italienne  des  XIII®  et  XIV® 
siècles,  on  trouve  le  même  mot,  parfois  écrit  zito — zita 
(cita),  et  le  diminutif  zit{t)ello — zit{t)ella  'fanciullo',  'fan- 
ciulla'.  Le  féminin  s'emploie  encore  aujourd'liui,  mais, 
suivant  Petrôcchi,  c'est  un  terme  littéraire  \  —  En  dehors 
de  la  Toscane  le  mot  est  toujours  vivant  dans  les  patois 
des  Abruzzes,  de  Naples,  de  la  Sicile,  et  de  la  Corse. 
Dans  les  Abruzzes,  ntele  est  très  usité  pour  'bambino', 
*piccino';  diminutifs:  dtellélle,  citelhicce.  A  Ortona  a  Mare, 
le  simple  citte  se  trouve  à  côté  de  ciUele.  A  Aquila  cituru 
signifie  'ragazzo',  cifola  'ragazza'.  Le  même  passage  de 
l  k  r,  que  présente  cituru,  se  retrouve  à  Agnone,  ou  citrd 
est  des  deux  genres:  'ragazzo',  'ragazza'  ^  A  Scanno  on 
dit  cizze;  à  Avezzano  et  Celano:  cicitte  'ragazzo',  cicétte 
'ragazza',  avec  réduplication  enfantine.  —  Le  féminin 
zetèlle  'fanciulla  da  marito'  est  peu  usité  et  doit  être  em- 
prunté au  napolitain  ou  à  l'italien  commun.  —  Dans  le 
napolitain  D'Ambra  relève  zita^,  zetella  (Puoti:  zitella) 
'fanciulla  pubère',  'pulcella';  zetelluccia  'giovanottina' ;  citolo 
'bambolo',  'puttino'.  —  En  sicilien,  le  simple  zitu — zita 
signifie  'amant',  'amante',  'fiancé',  'fiancée';  une  jeune  fille 
s'appelle  zitella  (zitedda)  ou  zitiduzza.  —  Le  corse  ne  con- 
naît   pas    le    mot  simple.     Zitellu — zitella  se  dit  pour  'en- 


^  Zitéllone — zitellona  signifie  'vieux  garçon',  'vieille  fille'.  Les 
dialectes  offrent  des  formations  analogues  ayant  le  même  sens:  abr. 
zetéllàne  (s.  f.);  sic.  sitiduna. 

2  Voir  Ziccardi,  dans  ZMPh,  XXXIV,  p.  416.  Cf.  ibid.:  maskr» 
'maschio',  simhrs  'semola'. 

'  Le  masculin  zito  signifie  'celibe',  'sposo  novello'  ;  la  première 
idée  s'exprime  aussi  par  zitolo  —  zitela. 


—  383  — 

faut',  'garçon',  'fillette',  'jeune  fille',  et  signifie  aussi  'céli- 
bataire'. U Atlas  linguistique  relève  les  diminutifs  (hitelluteu, 
dzitellufinlu  'enfant',  'garçonnet'.  Falcucci  enregistre  le 
dérivé  zitellhna  'giovanottino'.  —  Ajoutons  enfin  que,  d'après 
Bridel,  les  patois  de  la  Suisse  romande  ont  emprunté  l'ital. 
zitella  au  sens  de  'petite  fille',  'petite  causeuse".  —  Diez  \ 
et,  d'après  lui,  Korting  ^,  M.  Tappolet  '  et  M.  Pianigiani  *, 
rattachent  citto^  zito  à  l'allem.  Zitze.  Le  mot  aurait  donc 
signifié  d'abord  'bouton  du  sein',  puis  'enfant  à  la  mamelle'. 
Cette  transition  sémantique  ne  me  paraît  pas  vraisem- 
blable ^;  et,  du  reste,  la  diffusion  du  mot  dans  les  dialectes 
italiens  ne  donne  aucun  appui  à  l'hypothèse  d'une  origine 
allemande.  Peut-être  le  mot  provient-il  d'une  création 
primitive. 

408.  Bahacchio  est  un  mot  du  parler  lucquois,  qui 
signifie  'petit  garçon',  spécialement  'garçon  vif  et  inquiet'  ^. 
Suivant  M.  Pianigiani,  la  forme  rapacchio  se  trouve  dans 
d'autres  localités  de  la  Toscane.  On  a  tiré  de  ce  mot 
les  diminutifs  rahacchino,  rahacchiuolo,  rahacchioUno.  Le 
dérivé  rahacchiotto  (rapacchiotto)  signifie  'garçon';  à  Massa 
Maritima  il  se  dit  aussi  pour  'enfant'  (Fanfani),  —  Le 
mot  se  retrouve  dans  la  Haute-Italie,  avec  des  suffixes 
variés,  au  sens  de  'petit  garçon':  piac.  rabocc,  dim,  rabôc- 
dn;  romagn.  rahacc;  bol.  rabai,  dim.  rahajein;  mant.  raboj; 
mil.    rahbtt — rabotta,    dim.   rabottèll—rabottella  ^;    monf.  ra- 

»  Etym.    Wh.,  p.  412. 
'  Lat.-rom.   Wb.,  10460. 

*  Die  rom.  Verwandtschaftsnamen.  p.  48. 

*  Vocab.  etim.,  à  Fart.  ^ito.  —  Le  mot  a  échappé  à  M.  Meyer- 
Liibke. 

°  Le  piém.  têta  et  l'ital,  mammola,  qu'allègue  M,  Pianigiani  comme 
cas  parallèles,  doivent  s'expliquer  autrement  (voir  §§  375,  377).  —  Cf. 
du  reste  p.  46,  n.  1. 

"  II   se  dit  aussi  de  petits  animaux,  surtout  de  petits  chevaux. 

''  Ce  mot  a  le  plus  souvent  une  nuance  dépréciative  :  'monello', 
'inonella';  mais,  comme  monello,  il  s'emploie  aussi  amicalement.  Ba- 
bottl'll  se  retrouve  à  Plaisance  comme  synonyme  de  rabôcctn. 


—  384  — 

hatin.  Un  diminutif  de  ce  mot  s'emploie  aussi  dans  le 
patois  des  Alpes  Cottiennes:  rabachor  'petit  enfant'.  Caix  ^ 
rattache  rahacchio^  etc.  au  tosc.  rapare  'raser  le  poil'  (cf. 
toso^  §  271  ss.).  M.  Pianigiani  le  fait  dériver  du  lat.  rapax, 
en  le  faisant  passer  par  un  type  *rapuculus.  Nigra  ^  le 
rapproche  du  lat.  rapum.  Bien  que  les  formes  toscanes 
avec  un  p^  citées  par  M.  Pianigiani,  puissent  être  alléguées 
à  l'appui  de  ces  étymologies,  il  faut  les  rejeter  à  cause 
des  formes  lombardes,  où  un  p  latin  serait  devenu  un  v.  ^ 

409.  Les  dialectes  haut-italiens  offrent  plusieurs 
expressions  obscures:  gén.  fuentu  'fanciullo',  'ragazzo', 
'figliuolo'  (Olivieri);  a7Zw 'fanciullino'  (Randaccio)  ^•,  pivettu 
'ragazzetto',  'fanciulletto'  (Olivieri);  piém.  maràia  'bimbo', 
'bambina';  dim.  maraiôt — maraiôta;  niarain;  Val  Intragna 
maràs — marasce  'figlio',  'figlia'  (Biondelli);  diia.  maraseîtt 
(plur.)  'bimbi'  (Cherubini);  Val  Maggia  voi — voina  'fan- 
ciullo', 'fanciulla',  'figlio',  'figlia'  (Monti);  com.  gtgia  'fan- 
ciulla'  (terme  de  tendresse),  gigiôta  'giovanetta'  (Monti); 
valtell.  mondin — mondina  'fanciullo',  'fanciulla';  posch. 
mondoUn  'bambolino  di  bello  aspetto'  ^;  valtell.  sguàn — 
sguàna  'fanciullo',  'fanciulla'  (Monti).  La  patois  de  Val 
Camonica  Superiore  présente  les  trois  mots  suivants  pour 
'fanciullo':  cot^  tôt  **,  pi  ^  (Rosa).  A  Bagolino,  M.  Salvioni  ^ 
a  relevé  gâl — gâlla  'fanciullo',  'fanciulla',  'figlio',  'figlia'.    Le 


^  Studi  di  etimologia.  466. 

2  AGII,  XIV.  p.  375. 

»  Cf.  Meyer-Liibke.  Rom.  etym.  Wb.,  7048,  7065;  Gramm.  des 
lang.  romi^  I,  §  433. 

*  Aphérèse  de  *fancillu?     Cf.  le  tosc.  fancilla  (§  30). 

^  Faut-il  voix'  dans  ce  mot  le  bergam.  mondî  'marron  rôti'  (cf. 
§  206  s.)?  Ou  est-ce  un  diminutif  du  valtell.  monda  'fumier'  (cf.  § 
227  ss.)? 

®  Cf.,  dans  le  même  parler,  tôt  'agnelle';  et  le  borm.  tôtol  'ben- 
iamino'.     Peut-être  est-ce  le  résultat  d'une  création  primitive. 

'  Cf.  §  357. 

8  BendlL,  sér.  II,  XXX,  p.  1507. 


—  386  — 

bol.  pein — peina  'fanciullo',  'fanciulla',  à\m..  pinein — pineina, 
signifie  peut-être  proprement:  'petit';  cf.  le  mil.,  com., 
tess.  pin%  pinîn,  p(mtn  'piccino'  ou  'fanciuUino',  pinina 
'fanciullina'. 

410.  Dans  les  divers  argots  de  la  Haute-Italie  on 
trouve  aussi  quelques  mots  énigmatiques.  L'argot  de  Val 
Soana  offre:  arméri,  -ja  'ragazzo',  'ragazza';  cdjri  'figliuola', 
'ragazza'  (Nigra);  l'argot  des  savetiers  bormiens:  hiréta 
'giovinetta' ; '  hizel — kî^ela  ^  'ragazzo',  'ragazza',  'figlioletto', 
'figlioletta'  (Longa);  l'argot  des  bergers  bergamasques  : 
biifî — bufîna  (hofi — hoftna)  'fanciullo',  'fanciulla',  'ragazzo', 
'ragazzina';  gnafèl — gnafèla  'bambino',  'bambina'  ^;  manéa 
'donna  giovane'  (Tiraboschi).  L'argot  parmesan  offre  pi- 
vàster  'ragazzo'  (cf.  pivàster  'agnello',  'capretto').  Ce  mot 
appartient  à  l'argot  italien,  le  fourhesque,  sous  la  forme  de 
pivastro,  et  a  été  emprunté  par  l'argot  français:  pivaste 
'enfant'  {Le  jargon  de  V argot  réformé^  1836).  M.  Sainéan  ' 
le  fait  dériver  du  fourb.  pivo  'garçon'  *. 

411.  Le  parler  de  Teramo  dit  seuàcquere  pour  'bam- 
bina appena  nata';  le  napolitain:  zancolla  pour  'donzella', 
'zitella';  le  dialecte  de  Lecce  (Apulie):   siu  pour  'ragazzo'. 

3.     Mots  phétiques. 

412.  L'engad.  m'dffel  'petit  garçon'  est  rattaché  par 
M.  Pallioppi  à  l'engad.  miifia  'grosse  joue',  franc,  mufle  '". 
—  Dans  le  patois  de  Wolkenstein  (Greden)  M.  Gartner  a 
relevé  môur — môura  'garçon',  'fille',  d'étymologie  inconnue. 


'  Est-ce  le  suisse  allem.  chàtzli  'petit  chat"? 

-  Ce    mot    se    retrouve   dans   l'argot  des  voleurs  de  la  Romagne 
au  sens  de  'giovane',  'fanciulla'  (Morri). 

*  Les  sources  de  Varg.  anc.  II,  p.  423. 

*  Cf.    le    mil.    piva,    §  242.   —  Peut-être   le  gén.  pivettu  (voir  ci- 
dessus)  est-il  un  diminutif  tiré  de  pivo. 

^  Cf.  §  277. 


386 


4.    Mots  espagnols,  portug-ais  et  catalans. 

413.  L'esp.,  port,  rapaz — rapasa  signifie  'petit  garçon' 
(en  portugais  aussi:  'jeune  homme',  'serviteur'  ^);  'petite 
fille',  'jeune  fille'.  Le  féminin  est  un  terme  très  familier  *  : 
en  portugais,  le  dérivé  rapariga  'jeune  fille',  'servante', 
dim.  rapariginha^  est  d'un  usage  plus  fréquent.  L'espagnol 
possède  le  diminutif  rapazuelo  '  ;  le  portugais  en  présente 
plusieurs:  rapazelho,  rapelho^  rapazinho^  rapasetc]  et,  en  outre, 
les  dérivés  rapamo  'garçon  fort,  robuste',  rapazola  'jeune 
homme'.  L'esp.  rapagon.  port,  rapagao  'jeune  garçon  qui 
n'a  pas  de  barbe',  'beau  garçon',  est  sans  doute  aussi  un 
dérivé  de  rapaz.  —  On  a  le  plus  souvent  proposé  de  voir  dans 
râpas  'garçon'  l'esp.,  port,  rapaz  'rapace',  'avide'  (<  rapa- 
cem)  *,  qui  aurait  été  appliqué  aux  enfants,  parce  qu'ils 
ont  l'habitude  de  saisir  tout  ce  qu'ils  voient.  Mais  l'ad- 
jectif rapaz  est  évidemment  un  mot  savant  et  apparaît 
dans  les  dictionnaires  plus  tard  que  rapaz  'garçon'.  Fran- 
ciosini  et  Oudin,  qui  enregistrent  ce  dernier  mot,  ne  men- 
tionnent pas  le  premier.  —  Caix  °  rattache  rapaz  'garçon' 
à  l'esp.,  port,  rapar  'raser  le  poil'  ^.  Le  sens  de  'jeune 
garçon  qui  n'a  pas  de  barbe',  donné  déjà  pour  rapagon 
par  Franciosini  et  par  Oudin,  paraît  confirmer  cette  hypo- 
thèse. Mais  le  sens  de  'imberbe'  s'explique  peut-être  par 
une  étymologie  populaire. 


^  On  dit  d'un  homme  adulte:  E  ho  m  rapaz  «c'est  un  bon  garçon». 

'  Dans  le  dictionnaire  de  Franciosini,  rapaz — rapaza  a  un  sens 
péjoratif:  'frasca',  'fraschetta';  et.  d'après  Echegaray,  le  masculin  a 
aujourd'hui  encore  une  nuance  de  mépris. 

*  Dans  Franciosini  on  trouve  rapazillo;  dans  Oudin:  rapacejo. 

*  Voir  Diez,  Kôrting,  Echegaray,  Coelho.  —  Pour  cette  étymo- 
logie, comme  pour  l'hypothèse  de  Nigra  [AGII,  XIV,  p.  375),  selon 
laquelle  ce  mot  se  rattacherait  à  rapum,  cf.  Meyer-Liibke.  op.  cit., 
7048,  7065. 

*  Studi  ai  etim..  466. 

"  Cf.  plus  haut  l'explication  analogue  de  rahacchio. 


—  387  — 

414.  A  en  juger  d'après  le  suffixe,  l'esp.  chahorra 
'tendron',  'jeune  fille',  pourrait  être  un  emprunt  fait  au 
basque. 

415.  En  catalan  noy — noya  sert  à  désigner  un  petit 
garçon,  une  petite  fille,  qui  n'a  pas  encore  sept  ans;  on 
en  a  tiré  le  diminutif  noy  et — noyeta. 


BIBLIOGRAPHIE. 


Sources. 

I.    France. 

A.    Français  littéraire. 

Godefroy,  Dictionnaire  de  l'ancienne  langue  française  du  IXfi  au 
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historique  de  l'ancien  langage  français,  Paris  1875 — 82;  Eoquefort, 
Glossaire  de  la  langue  romane,  Paris  1808;  Ootgrave,  A  french  and 
english  dictionary,  London  1673;  Oudin,  Trésor  des  deux  langues  fran- 
çoise  et  espagnole,  II,  Lyon  1675;  Duez,  Dictionnaire  françois-allemand- 
latin,  Leyde  1650;  Furetière,  Dictionnaire  tmiversél,  La  Haye  1725; 
Richelet,  Dictionnaire  de  la  langue  française,  ancienne  et  moderne, 
Amsterdam  1732;  Ménage,  Dictionnaire  étymologique  de  la  langue 
française,  Paris  1750;  Dictionnaire  universel  français  et  latin  (Dic- 
tionnaire de  Trévoux),  Paris  1752;  Littré,  Dictionnaire  général  de  la 
langue  française,  Paris  1863 — 72,  Suppl.  1877;  Hatzfeld-Darmesteter- 
Thomas,  Dictionnaire  général  de  la  langue  française,  Paris  s.  d.;  Sachs- 
Villatte,  Enzyklapàdisches  franzôsisch-deutsches  iind  deutsch-framô- 
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B.    Argot  et  bas  langage  K 

Oudin,  Curiosités  françaises,  Paris  1640;  Le  Eoux,  Dictionnaire 
comique,  Lyon  1752;  Michel,  Études  de  philologie  comparée  sur  l'argat, 
Paris  1856;  Delvau,  Dictionnaire  de  la  langue  verte,  Paris  1867;  Ei- 
gaud,  Dictionnaire  d'argot  moderne,  1888;  Villatte,  Parisismen,  Berlin 
1890;   Delesalle,    Dictionnaire   argot-français   et  français-argot,  Paris 


*  Ces  dictionnaires  n'ont  pas  été  dépouillés  systématiquement, 
comme  les  glossaires  de  patois;  je  n'ai  relevé  que  les  mots  d'argot 
qui  se  retrouvent  dans  les  patois,  ou  qui  sont  parallèles  à  des  expres- 
sions dialectales  et  françaises. 


—  389  — 

189(3;  Bruant,  L'argot  au  XX"  siècle,  Dictionnaire  franrais-aryot, 
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wallomie,  Liège  1845 — 80;  Dasnoy,  Dictionnaire  wallon-français,  Neuf- 
château  1856;  Forir,  Dictionnaire  liégeois-français,  Liège  1866 — 74; 
Marchot,  Le  patois  de  St.  Hubert,  BPhF,  IV,  p.  94  ss.,  202—214;  Ze- 
liqzon,  Glossar  tiber  die  Mundart  von  Malmédif,  ZltTh,  XVIII,  p.  247 — 
266;  Niederlânder,  Die  Mundart  von  Namur,  ZEPh,  XXIV,  p.  1—32, 
251 — 309;  Sigart,  Glossaire  étymologique  montois,  2e  éd.,  Paris  et  Bru 
xelles  1870;  Hécart,  Vocabulaire  rouchi- français,  3e  éd.,  Valenciennes 
1834;  Vermesse,  Dictionnaire  du  patois  de  la  Flandre  française  ou 
wallonne,  Douai  1867. 

Picard:  Corblet,  Glossaire  étymologique  et  comparatif  du  patois 
picard,  Paris  1851;  Edmont,  Lexique  Saint-Polois,  BPGR,  I— VI;  Le- 
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saire du  patois  des  matelots  boulonnais,  Paris  1884. 

Normand:  Du  Méril,  Dictionnaire  du  patois  normand,  Caen  1849; 
Le  Héricher,  Histoire  et  glossaire  du  normand,  de  l'anglais  et  de  la 
langue  française,  Paris  et  Avranches  1862;  Moisy,  Dictionnaire  du 
patois  normand,  Caen  1887;  Fleury,  Essai  .sur  le  patois  normand  de 
la  Hague,  Paris  1886;  Romdahl,  Glossaire  du  patois  du  Val  de  Saire 
(Manche),  Linkôping  1881;  Métivier,  Dictionnaire  franco-normand,  ou 
Recueil  de  mots  particuliers  au  dialecte  de  Guernesey,  London  et  Edin- 
bourgh  1870;  Viez,  Essai  sur  le  patois  d'Alençon,  BPhF,  p.  191—219; 
Robin,  Le  Prévost,  Passy,  De  Blosseville,  Dictionnaire  du  patois  nor- 
mand en  usage  dans  le  département  de  VEure,  Evreux  1879;  Decorde, 
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saire du  patois  gâtinais,  BPhF,  IX,  p.  294—304,  X,  p.  17 — 33;  Nisard, 
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Patois  de  POnest:  Lecomte,  Le  parler  dolois,  étude  et  glos- 
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—  390  — 

1910;  Coulabin,  Dictionnaire  des  locutions  jwprdaires  du  bon  pays  de 
Bennes-en-Bretagne,  Eennes  1891;  Dottin  et  Langouët,  Glossaire  du 
parler  de  Pléchatel,  Eennes  et  Paris  1901;  De  Montesson,  Vocabulaire 
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Champenois:  Tarbé,  Becherches  sur  l'histoire  du  langage  et  des 
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Lorrain:  Adam,  Les  2:)atois  lorrains,  Nancy  et  Paris  1881;  Hor- 
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FSt,  V,  p.  429 — 550;  Labourasse,  Glossaire  abrégé  du  patois  de  la 
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Mundart  von  Tannois,  ZBPh,  XVI,  p.  458—475;  Horning,  Glossar  der 
Mundart  von  Belmont,  ZBPh,  XXXIII,  p.  385-430;  XXXIV,  p.  162— 
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messin,  Paris  1854;  EoUand,  Vocabulaire  du  patois  du  pays  messin  tel 
qu'il  est  actuellement  parlé  à  Bemilly,  Bom.,  II.  p.  437—454;  Eolland, 
Vocabulaire  du  patois  du  pays  messin,  Bom.,  V.  p.  189—229;  Lorrain, 
Glossaire  du  patois  messin,  Nancy  1876  (Extrait  des  Mémoires  de 
l'Académie  de  Metz,  1875—76);  This,  Die  Mundart  der  franzôsischen 
Ortschaften  des  Kantons  Falkenberg.  Strassburg  1887. 


—  391  — 

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Fraiic-Comtols:  Tissot,  Le  patois  des  Fourgs,  Paris  et  Besançon 
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dans  le  département  du  Doubs,  Paris  et  Besançon  1881;  Contejean, 
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Le  patois  de  la  commune  de  la  Grand' Combe  (Doubs),  Paris  1910; 
Poulet,  Essai  d'un  vocabulaire  étymologique  du  patois  de  Plancher- 
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Pierrecourt,  ZBPh,  Beih.  LI,  p.  53—172;  Richenet,  Le  patois  de  Petit- 
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Patois  de  la  Suisse  roninnde:  Bridel,  (rlossaire  du  patois  de 
la  Sîiisse  romande,  Lausanne  1866;  Les  matériaux  du  Glossaire 
des  patois  de  la  Suisse  romande;  Odin,  Glossaire  du  patois  de  Blo- 
nay,  Lausanne  1910;  Gilliéron,  Putois  de  la  commune  de  Vionnaz  (Bas- 
Valais),  Paris  1880  (Bibliothèque  de  l'École  des  Hautes-Études,  XL); 
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Lyonnais,  Forézien  et  Bressan:  Onofrio.  Essai  d'un  glossaire 
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Désormaux,  Dictionnaire  savoyard,  Paris  et  Annecy  1902. 

Daupliinois  du  département  de  l'Isère:  Ravanat,  Dictionnaire 
du  patois  des  environs  de   Grenoble,  Grenoble  1911. 

Patois  franco-provençaux  de  l'Italie:  Nigra,  Fonetica  del  dia- 
letto  di  Val-Soana  (Canavese),  avec  un  appendice:  Il  Gergo  dei  Val- 
soanini,  AGII,  III,  p.  1 — 60;  Morosi,  Il  dialetto  franco-provenzale  di 
Faeto  e  Celle,  nelV  Italia  méridionale,  AGII,  XII,  p.  33—75. 

3.    Ancien  provençal  et  patois  provençaux. 
Ancien    provençal:    Raynouard,    Lexique  roman,  Paris  1836 — 44: 
Levy,  Provenzulisches  Supplementxcôrterbuch,  Leipzig  1894 — 1910;  Levy, 
Petit  dictionnaire  provençal-français,  Heidelberg  1909;  Appel,  Proven- 
zalische  Chrestomathie,  Leipzig  1895. 


—  392  — 

Patois  provençaux  modernes:  Honnorat,  Dictionnaire  provençal- 
français,  Digne  1846  —  48;  Azaïs.  Dictionnaire  des  idiomes  romans  du 
Midi  de  la  France,  Montpellier  1877—81;  Mistral,  Lom  trésor  dôu  Fe- 
librige,  ou  Dictionnaire  provençal-français,  Aix-en-Provence,  Avignon 
et  Paris  1878  sqq. 

Gascon:  Lespy  et  Raymond,  Dictionnaire  béarnais  ancien  et  mo- 
derne, Montpellier  1887;  Cénac  Moncaut,  Dictionnaire  gascon-français, 
dialecte  du  département  du  Gers,  Paris  1863;  Durrieux,  Dictionnaire 
étymologique  de  la  langue  gasconne,  Auch  1901;  Luchaire,  Etudes  sur 
les  idiomes  pyrénéens  de  la  région  française,  Paris  1879. 

Languedocien:  D'Hombres  et  Charvet,  Dictionnaire  languedocien- 
français,  Alais  1884;  Vayssier.  Dictionnaire  patois-français  du  dépar- 
tement de  VAveyron,  Rodez  1879;  Clugnet,  Glossaire  du  patois  de 
Gilhoc  (Ardèche),  Paris  1883. 

Auvergnat:  Mège,  Souvenirs  de  la  langue  d'Auvergne,  Paris  1861; 
De  Vinols,  Vocabulaire  patois  vellavien-français  et  français-patois 
vellavien.  Le  Pny  1891. 

Dauphinois  des  Hautes-Alpes:  Chabrand  et  De  Rochas  d'Aiglun, 
Patois  des  Alpes  Cottiennes  (Briançonnais  et  vallées  Vaudoises)  et  en 
particulier  du  Queyras,  Grenoble  et  Paris  1877. 

Langue  des  Vaudois:  Salvioni.  //  Nuovo  Testamente  valdese, 
secondo  la  lezione  del  Codice  di  Zurigo,  AGII,  XI,  p.  1 — 308:  Morosi, 
Uodierno  linguaggio  dei  Valdesi  del  Piemonte,  AGII,  XI,  p.  309  —  415; 
XII.  p.  28—32;  Rôsiger,  Neu-Hengstett  (Bursét),  Geschichte  und  Sprache 
einer   Waldenserkolonie  in    Wiirtemberg,  Greifswald  1883. 

II.    Italie. 

A.    Italien  littéraire. 

Tommaseo  e  Bellini,  Dizionario  délia  lingua  italiana,  ïorino  e 
Napoli  1861 — 79;  Petrôcchi,  Novo  dizionario  universale  délia  lingua 
italiana,  Milano  1907;  Rigutini  e  Bulle.  Nuovo  dizionario  italiano- 
tedesco  e  tedesco-italiano,  Lipsia  e  Milano  1911 — 12;  Pianigiani,  Voca- 
bolario  etimologico  délia  lingua  italiana,  Roma  e  Milano  1907. 

B.    Patois  italiens. 
1.    Patois  de  la  Haute-Italie. 
Mussafia,  Beitrag  zur  Kunde  der  norditalienischen  Mundarten  im 
X  V.  Jahrhunderte  (Denkschriften  der  Kaiserl.  Akademie  der   Wissen- 
schaften,  Philosoph.-hist.  Klasse,  XXII,  p.  103—228),  Wien  1873;  Bion- 
delli,  S'tggio  sui  dialetti  gallo-italici,  Milano  1853. 

Piémontais:  Pipino,  Vocabolario  piemontese,  Torino  1783;  Ponza, 
Vocabolario  piemontese-italiano.    4e  éd.,    Torino  1847;    Gavuzzi.   Voca- 


—  393  — 

bolario  piemontese-italiano,  Toi-ino  e  Roma  1891;  Gavuzzi.  Vocaholario 
italtaiio-piemontese,  Torino  1896;  DalPozzo,  Glossurio  etimologico piemov- 
tese,  2e  éd..  Torino  1893;  —  Ferraro,  Glossario  movferrino,  Torino  1889. 

Génois:  Flechia,  Annotaeioni  sistematiche  aile  Antiche  Uime  Ge- 
novesi  e  aile  l*rose  Genovesi,  AGII,  VIII.  p.  317—406;  X,  p.  141  — 16(>: 
Olivieri.  Dmonario  genovese-italiano,  Genova  1851:  Casacoia,  Vocaho- 
lario genovese-italiano,  Genova  1851;  Randaccio,  DelVidioma  c  délia 
letteraUira  genovese,  Roma  1894;  —  Gamier.  Grammaires  et  vocabu- 
laires méthodiques  des  idiomes  de  Bordighera  et  de  Healdo,  Paris  1898. 

Lombard:  Seifert,  Glossar  zu  den  Gedichten  des  Bonvesin  da 
Eiva,  Berlin  1886;  E.  Keller,  Die  Reimpredigt  des  Pietro  da  Barse- 
gapè,  Frauenfeld  1901;  Salvioni,  Annotazioni  sistematiche  alla  «Antica 
Parafrasi  Lombarda  del  Neminem  laedi  nisi  a  se  ipso  di  S. 
Giovanvi  Grisostomo^  (Archivio  VII  1-120)  e  aile  *  Antiche  scritture 
lombarde»  (Archivio  IX  3—22),  AGII,  XII,  p.  375—440;  XIV.  p.  201 
—  268;  Lorck,  Altbergamaskische  Sprachdenkmdler  (IX. — XV.  Jahr- 
hundert).  Halle  a.  S.  1893;  Salvioni,  Saggi  intorno  ai  dialetti  di  alcune 
vallate  alVestremità  settentrionale  del  Lago  Maggii.re,  AGII,  IX,  p. 
188—260;  Cherubini,  Vocaholario  milanese-italiano,  Milano  1839-43; 
Supplimento,  Milano  1856;  Banfi.  Vocaholario  viilatiese-italiano,  Mil&no 
1897;  Arrighi,  Dizionario  miUinese-italiano,  Milano  1896;  Salvioni, 
Fonetica  del  dialetto  moderno  délia  città  di  Milano,  Roma.  Torino, 
Firenze  1884;  Monti,  Vocaholario  dei  dialetti  délia  città  e  diocesi  di 
Como,  Milano  1845;  Appendice,  Milano  1856;  Michael,  Der  Dialekt  des 
Foschiavotals  (Poschiavo-Brusio-Campocologno),  Halle  a.  d.  S.  1905; 
Longa.  Vocaholario  hormino,  StB,  IX;  Rosa,  Dialetti,  costumi  e  tradi- 
zioni  délie  provincie  di  Bergamo  e  di  Brescia,  Bergamo  1855;  3e  éd. 
augm.  et  corr.,  Brescia  1870;  Zappetini,  Vocaholario  hergamasco-italiano, 
Bergamo  1859;  Tiraboschi,  Vocaholario  dei  dialetti  bergamaschi,  2e  éd.. 
Bergamo  1873;  Appendici,  Bergamo  1879;  (Pellizzari,)  Vocaholario  bres- 
ciano  e  toscano,  Brescia  1759;  Melchiori,  Vocaholario  hresciano-italiano, 
Brescia  1817;  Appendice,  Brescia  1820;  Gambini,  Vocaholario  pavese- 
italiano,  Pavia  1850. 

Éniilien:  Morri,  Vocaholario  romagnolo-italiano,  Faenza  1840; 
Coronedi  Berti.  Vocaholario  bolognese-italiano,  Bologna  1869 — 74;  Fer- 
rari, Vocaholario  bologvese-italiano,  Bologna  1853;  Ungarelli.  Vocaho- 
lario del  dialetto  holognese,  Bologna  1901  ;  Gaudenzi,  I  suoni,  le  forme 
e  le  parole  delV  odierno  dialetto  délia  città  di  Bologna,  Torino  1889: 
Galvani.  Saggio  di  un  glossario  modenese,  Modena  1868;  Vocaholario 
reggiano-italiano,  Reggio  1832;  Peschieri,  Dizionario  parmigiano-ita- 
liano,  Parma  1828;  Foresti,  Vocaholario  piacentino-italiano,  2e  éd., 
Piacenza  1855;  Gorra,  Fonetica  del  dialetto  di  Piacenza,  ZBPfi,  XIV, 
p.  133 — 158;  Meschieri,  Vocaholario  mirandolese-italiano,  Bologna  1876; 
Cherubini,   Vocaholario  mantovano-italiano,  Milano  1827. 


—  394  — 

Vénitien:  Tobler,  Il  Panfilo  in  antico  veneziano  col  latino  a 
f route,  AGII,  X,  p.  177—255;  Vidossisch,  La  lingua  del  Tristano  ve- 
neto,  StB,  IV.  p.  67 — 148;  Patriarchi,  Vocabolario  veneziano  e  pado- 
vano,  Padova  1796;  Boerio,  Dizionario  del  dialetto  veneziano,  Venezia 
1829;  Nazari,  Dizionario  veneziano-italiano,  Belluno  1876;  Bortolan, 
Vocabolario  del  dialetto  antico  vicentino,  Vicenza  1893;  Nazari,  Dizio- 
nario vicentino-italiano,  Oderzo  1876;  Angeli,  Piccolo  vocabolario  ve- 
ronese  e  toscano,  Verona  1821;  Saggio  di  un  dizionario  veronese- 
italiano,  Verona  s.  d.  ;  Azzolini,  Vocabolario  vernacolo-italiuno  pei  di- 
■stretti  roveretano  e  trentino,  Venezia  1856;  SaWioni,  lllustrazioni  siste- 
matiche  alV  «Egloga  pastorale  e  Sonetti»  in  dialetto  bellunese  rustico 
del  sec.  XVI,  AGII,  XVI,  p.  244—331;  Cian  e  Salvioni,  Le  rime  di 
Bartolomeo  Cavussico,  notaio  bellunese  della  prima  meta  del  secolo 
JLVI,  Bologna  1894;  Kosovitz,  Dizionario-vocabolario  del  dialetto  tries- 
tino  e  della  lingua  italiana,  Trieste  1889;  Ive,  /  dialetti  ladino-veneti 
delV  Istria,  Strassburgo  1900. 

2.    Toscan. 

ï'anfani,  Vocabolario  delV  usa  toscano,  Firenze  1863;  Fanfani, 
Vocabolario  della  prommzia  toscana,  Firenze  1863:  Pieri,  Fonetica  del 
dialetto  lucchese,  con  appendice  lessicale,  AGII,  XÏI, -p.  107— 134:]  Pieri, 
Fonetica  del  dialetto  pisano,  con  appendice  lessicalc,  ibid.,  p.  141 — 
160:  Salvioni,  Appunti  sulV  antico  e  moderno  lucchese,  AGII,  XVI,  p. 
395-476;  Pieri,  Il  dialetto  della  Versilia,  ZBPh,  XXYllî,  p.  161— 191. 

3.    Patois  du  Centre. 

Marelles:  Neumann-Spallart,  Beitràge  zur  CharaJcteristik  des 
Dialektes  der  Marche,  ZBPh,  XXVIII,  p.  273—315,  450—491;  Neu- 
mann-Spallart,  Weitere  Beitràge  zur  Charakteristik  des  Dialektes  der 
Marche,  ZBPh,  Beih.  XI;  Crocioni,  Il  dialetto  di  Arcevia  (Ancona), 
Eoma  1906. 

Latium:  Crocioni,  H  dialetto  di  Velletri,  StB.,  V,  p.  27—88; 
Lindstrôm,  Il  vernacolo  di  Subiaco,  ibid.,  p.  237—300;  —  Campanelli, 
Fonetica  del  dialetto  reatino,  Torino  1896. 

Abrnzzes:  Finamore,  Vocabolario  delV  uso  abruzzese,2e  éd.,  Città 
di  Castello  1893;  Savini,  La  grammatica  ed  il  lessico  del  dialetto  te- 
ramano,  Torino  1881;  D"Ovidio,  Fonetica  del  dialetto  di  Campobasso, 
AGII,  IV,  p.  145—184;  Ziccardi,  Il  dialetto  di  Agnone,  ZBPh,  XXXIV, 
p.  405—436. 

4.    Patois  du  Sud. 

Caïupanieii  :  D'Ambra,  Vocabolario  napoUtano-toscano,  Napoli  1873; 
Puoti,   Vocabolario  domestico  napoletano  e  toscano,  Napoli  1850;  Savj- 


—  896  — 

Lopez,  Appunii  di  napohinnu  antico,  ZJiPfi,  p.  26—48;  De  Bartholo- 
maeis,  Contrilmti  alla  conoscenza  de'  dialetti  delV  Italia  méridionale, 
ne'  secoli  unteriori  al  XIII,  I,  Spoglio  del  'Codex  diplomaticus  caven- 
sis',  AGII,  XV,  p.  247—274,  327-302;  Parodi,  //  dialetto  d'Arpino, 
AGII,  XIII.  p.  299-308. 

Apulien:  Morosi,  Il  vocalismo  del  dialetto  lecce.se,  AGII,  IV,  p. 
117—144;  Zingarelli,  Il  dialetto  di  Cerignola,  AGII,  XV,  p.  83—96, 
•226-235. 

Calabrais:  Scerbo,  Sul  dialetto  caZaôro,  Firenze  1886 ;  —  Colonies 
grecques:  Morosi,  L'elemento  greco  nei  dialetti  dell  Italia  méridionale, 
AGII,  XII,  p.  76 — 96;  Morosi,  I  dialetti  romaici  del  manda mento  di 
Bova  in  Calabria,  AGII,  IV,  p.  1—116. 

Sicilien:  Mortillaro,  Nuovo  dizionario  siciliano-italiano,  Palei-mo 
183S — 44;  Traina,  Nuovo  dizionario  siciliano-italiano,  Palermo  1868; 
Biundi,  Vocabolario  manuale  completo  siciliano-italiano,  PsAermo  1S51; 
Perez,  Vocabolario  siciliano-italiano,  Palermo  1870;  Macaluso  Storachi, 
Nuovo  vocabolario  siciliano-italiano  e  italiano-siciliano,  Siracusa  1875; 
—  Colonies  gallo-italiennes  :  De  Gregorio,  Fonetica  dei  dialetti  gallo- 
italici  di  Sicilia,  AGII,  VIII,  p.  304—316;  Morosi,  Osservazioni  e  ag- 
yiunte  alla  «-Fonetica  dei  dialetti  gallo-italici  di  Sicilia*,  ibid.,  p. 
407-422. 

5.    Patois  de  la  Sardaigne  et  de  la  Corse. 

Porru,  Nou  dizionariu  universali  sardu-italianu,  Casteddu  1832; 
Spano.  Vocabolariu  sardu-italianu  e  italianu-sardu,  Cagliari  1851 — 52; 
Guarnerio,  /  dialetti  odierni  di  Sassari,  délia  Gallura  e  délia  Cor- 
sica,  AGII,  XIII,  p.  125—140;  XIV,  p.  131—200,  385—422;  Wagner, 
Lautlehre  der  siidsardischen  Mundarten,  ZMPh,  Beih.  XII;  Guarnerio, 
Gli  statuti  délia  repubblica  sassarese,  AGII,  XIII,  p.  1—124;  Delius, 
Der  sardinische  Dialekt  des  dreizehnten  Jahrhunderts,  Bonn  1868;  Guar- 
nerio, L'antieo  campidanese  dei  sec.  NI — NUI,  StH,  IV.  p.  189 — 259; 
Gilliéron  et  Edmont,  Atlas  linguistique  de  la  France,  Corse,  1er — 4e 
fasc;  Falcucci,  Vocabolario  dei  dialetti,  geograjia  e  costumi  délia  Cor- 
sica,  Cagliari  1915. 

III.    Idiomes  phéto-romans. 

Gartner,  Raetoromanische  Grammatih,  Heilbronn  1888;  Gartner, 
Handbuch  der  ràtoromanischen  Sprache  und  Literatur,  Halle  a.  S.  1910. 

Orisons:  Conradi,  Taschenwôrterbuch  der  romanisch-deutschen 
Sprache,  Ziirich  1825;  Carisch,  Taschenwôrterbuch  der  rhœtoromaniscfien 
Sprache  in  Graubûnden,  Chur  1848;  Carigiet,  Rœtoromanisches  Wôr- 
terbuch,   surselvisch-dcutsch,   Bonn    et   Chur  1882;  Pallioppi,  Dizionari 


—  396  — 

dels  idioms  romauntschs  d'^Engiadin  ota  e  bassa,  delta  Val  Mûstair, 
da  Bravuogn  e  Filisur,  Samedan  1895 — 1902;  Ascoli,  Saggi  ladini, 
AGII,  I;  Ascoli,  Saggio  di  morfologia  e  lessicologia  soprasilvana, 
AGII,  VII,  p.  406 — 602;  Luzi,  Lautlehre  der  subselvischen  Dialekte, 
Erlangen  1904;  Candrian,  Der  Dialekt  von  Bivio-Stalla,  Halle  a.  S. 
1900;  Walberg,  Saggio  sulla  fonetiea  del  parlare  di  Celerina-Cresta 
(Alta  Engadina),  Lund  1907  (Lunds  universitets  ârsskrift,  N.  F.,  Afd. 
1,  Bd  1,  Nr  5);  Pult,  Le  parler  de  Sent  (Basse-Engadine),  Lausanne  1897. 

TjTol:  Alton,  Die  ladinischcn  Idiome  in  Ladinien,  Grôden,  Fassa, 
Buchenstein,  Ampeszo,  Innsbruck  1879;  Schneller,  Die  romanischen 
Volksmundarten  in  Sûdtirol,  Géra  1870;  Gartner,  Die  Gredner  Mund- 
art,  Linz  1879;  (Vian,)  Zum  Studium  der  rhetoladinischen  Dialekte  in 
Tirol.  Grôden,  der  Grôdner  und  seine  Sprache,  von  einem  Einheimischen, 
Bozen  1864;  v.  Ettmayer,  Lombardisch-ladinisches  aus  Sndtirol,  MF, 
XIII,  p.  321—672. 

Frioiil:  Pirona,  Vocabolario  friulano,  Venezia  1871;  Gartner,  2>ïe 
Mundart  von  Erto,  ZBPh,  XVI,  p.  183—209;  308—371;  Joppi,  Testi 
inediti  friulani  dei  secoli  XIV  al  XIX,  AGII.  IV,  p.  185—842. 


IV.     Veg-lia. 

Ive,  L'antico  dialetto  di  Veglia,  AGII,  IX,  p.  115 — 187;  Bartoli, 
Das  Dalmatische,  Wien  1906  (Schriften  der  Balkankommission,  Lin- 
guistische  Abteilung,  Y). 


V.    Péninsule  ibérique. 

Espagnol:  Franciosini  Florentin,  Vocabolario  espanol  e  italiano, 
Borna  1620;  Oudin,  Tesoro  de  las  dos  lenguas  espatlola  y  francesa,  I, 
Lyon  1675;  Tolhausen,  Neues  spanisch-deutsches  und  deutsch-spanisches 
Wôrterbuch,  Leipzig  1903;  Vicente  Salvâ,  Nuevo  diccionario  francés- 
espanol  y  espanol-francés,  Paris  1886;  Echegaray,  Diccionario  gênerai 
etimolôgico  de  la  lengua  espanola,  Madrid  1887—89;  Munthe,  Anteck- 
ningar  om  folkmàlet  i  en  trakt  af  vestra  Asturien,  Upsala  1887. 

Portugais:  Michaelis,  Neues  Wôrterbuch  der  portugiesischen  und 
deutschen  Sprache,  Leipzig  1887 — 89;  Coelho,  Diccionario  manuel  ety- 
mologico  da  lingua  portugueza,  Lisboa  s.  d. 

Catalan:  Saura,  Novissim  diccionari  manual  de  las  llenguas  cata- 
lana-castellana,  Barcelona  1878;  Vogel,  Taschenwôrterbuch  der  katala- 
nischen  und  deutschen  Sprache,  Madrid  et  Berlin-Schôneberg  1911 — 
16;  Atlas  linguistique  (Pyrénées-Orientales);  Guarnerio,  12  dialetto  cata- 
lano  d'Alghero,  AGII,  IX,  p.  261—364. 


-  397  - 
VI.    Roumanie. 

Cihac,  Dictionnaire  d'étymologic  daco-romane,  Francfort  s.  M. 
1870—79;  Alexi,  Dictionar  româno-german,  2e  éd.,  Brassé  1906;  Pu^- 
cariu,  Etymologisches  Wôrterbuch  der  rumànischen  Sprache,  I,  Latei- 
nisches  Elément,  Heidelberg  1905;  Tiktin,  Dictionar  român-german,  1, 
II,  BucurescT  1903 — 1911;  Densusianu,  Histoire  de  la  langue  roumaine, 
I,  Paris  1901;  Weigand,  Die  Sprache  der  Olympo-Walachen,  Leipzig 
1888;  Weigand,  Vlacho-Meglen,  eine  etfmographisch-philologische  Unter- 
suchung,  Leipzig  1892. 

VII.    Albanie. 

G.  Meyer,  Kurzgefasste  albanesische  Grammatik,  Leipzig  1888; 
G.  Meyer,  Etymologisches  Wôrterbuch  der  albanesischen  Sprache,  Strass- 
burg  1891;  Weigand,  Albanesisch-deutsches  und  deutsch-albanesisches 
Wôrterbuch,  Leipzig  1914. 

Périodiques. 

Abréviations. 

AGII  =  Archivio  glottologico  italiano. 

AliL  =  Archiv  fur  lateinische  Lexikographie. 

ASNS  —  Archiv  fur  das  Studium  der  neueren  Sprachen  und  Literaturen. 

BGIPSE  =  Bulletin  du  Glossaire  des  patois  de  la  Suisse  romande. 

FSt  =  Franzôsische  Studien. 

liC  =  Revue  celtique. 

MDM  =  Revue  de  dialectologie  romane. 

RendlL  =  Rendiconti  del  Reale  Istituto  Lombarde. 

RF  =  Romanische  Forschungen. 

RLR  =  Revue  des  langues  romanes. 

Rom.  =  Romania. 

RPhF  =  Revue  de  philologie  française  et  provençale. 

RPGR  =  Revue  des  patois  gallo-romans. 

SBFhHKlAWWien  =  Siteungsberichte    der   philosophisch-historischen 

Klasse  der  kaiserlichen  Akademie  der  Wissenschaften,   Wien. 
StR  =  Studj  romami. 
WS  =  Wôrter  und  Sachen. 
ZRPh  =  Zeitschrift  fur  romanische  Philologie. 
ZRPh,  Beih.  =  Beihefte  sur  Zeitschrift  fur  romanische  Philologie. 

Pour  les  autres  ouvrages  consultés  je  renvoie  le  lecteur  au  texte. 
Quant  aux  abréviations  des  noms  des  langues  et  des  dialectes,  on  en 
retrouve  la  plupart  dans  la  Gramm.  des  langues  rom.  et  dans  le  Rom. 
etym.  Wôrterb.  de  Meyer-Liibke. 

26 


INDEX 

Albanais. 

dade 

365  n.  « 

kopil',  -e 
kotse,  kose 

205 
267  n. 

tsutâe 

365  n 

femije 
gaiiùn 

124 

307 

njardel'e 
maskul 

203  n. 
119 

vergerese 

vergeri 

virgjinna, 

virgji 

68  n 
68  n 

gariuni 

307 

tsupe 

267  n. 

nésha 

68  n 

AiFe,  Affli 


327 


Balg 

285  n. 

Bankert, 

Bânggat    203 

^'ogg 

195  n. 

budel 

369 

bùdeli 

.     369 

budi 

369 

Burscbe 

136  n. 

butz 

369 

cbâtzli 

385  n. 

chindel 

366 

chind 

28 

n.,  366 

chnebel 

369 

Ding,     Dinger, 

Dingin       210,  211  n. 
Dirne  137  n.,  370 

Dreck,  Drecklein  216  n. 
drollig  380 

drummel  282  n. 


Allemand. 

Frauenzimmer      136  n. 
Fraulein,  frauli, 

etc.  370  n. 


gemem 
Grasaffe 


368 
328  n. 


jungfere,  jumpfere  370 
Junker  370  n. 


Kebse 

Klâchel 

Knappe 

Knechfc 

Knopf 

Kropf 

krott 

Krote 

Kiichlein 


138  n. 

277  n. 

226  n. 

137  n. 
279 
356 

344  n. 

344  n. 

337  n. 


lausig  224  n. 

Lump,  Lûmpchen  347  n. 


Magd  137  n. 

Mânnchen  356 

matz  318  n. 

minder  369 

murren  311  n. 
Murrkater,  Murr- 

ner  311  n. 

Nârrchen      236,  240  n. 

Pudel  369 

Eotzbube  231  n. 

schâbig  224  n. 

Scheiss,  Scheiasel  216  n. 
schlicht.  schlecht      116 


seelken 
Seichbiichse 
stinkerli 
stockdumm 

Zitze 


177 
222  n. 
225  n. 

278  n. 

383 


en  note. 


—  399 


Anglais 

baby 

371 

gallopin 

230  n. 

thing 

210 

beginner 

375  n. 

hab 

374  n. 

Tommy 

173  n. 

chicken 

337  n. 

lass 

225  n. 

waiter 

141 

fellow 

371 

youth 

122  n. 

raggard, 

raggot 

142  n. 

Arabe  (et  hébreu). 


chaouch 

284 

miskin,  meskin 

183 

mutahar 

374 

goje 

349  n. 

zagal 


372 


mutil 


Basque. 

835  n.  I  'phunzela  88 

I  pontzel  88 


zakur,  zakurra  307 

zapoa  346  n. 


Catalan. 

adolescent 

67 

infant,  -a 

29 

noy,  -a 
noyet,  -a 

387 
387 

bordegas,  -a, 

hUT- 

jove,  -a 

64 

dagas,  -a 

204 

jovencel,  -a 

65 

parvol,  -8 

i                    79 

bort 

205 

jovenet 

64 

petit,  -o, 

patit,  -a  251, 
255 

criatura 

77 

maynada 

125 

poncell, 

-a,  pun- 

maynadera 

125 

cella 

88,  285  n. 

damisella 

166 

minyô,  -na,  mintt, 

donzell,  -a 

166 

-na 

313 

sagal,  -a 

372 

fadri,  -na 

88, 

112 

mocos 

233 

fadrinet,  -a 

112 

mom 

196 

verge 

68 

fadrinot 

112  n. 

mosset 

82 

mosso,  -a 

82 

xic,  -a 

258 

garsô 

153, 

156 

xicalla,  quitxalla      268 

gos 

304 

nin,  -a,  nen,  -a 

363 

xicot,  -a 

258 

nineta,  ninota 

363 

xicotet 

258 

Celtique 

beuzik 

217  n. 

kilpaotre 

194 

marmous 

331 

medyn 

312  n. 

croudios 

188  n. 

mân 

312  n. 

min 

312  n. 

—  400  — 


jaun,  -a,  etc.  62 

kreatoire,  oratoire      76 


adolescente 


67 


baccalà,      bacca- 

laro  172  n. 

bacalao  172  n. 

bagasa  157 

bamba  236  n. 

barracan  326  n. 

barraco  826 

barragan,  -a  326 

barraganada  326  n. 

borde  205 

burdégano  205 

burlon  318 

cacho  306  s.,  348 

cachorro  306  s. 

cachuelo,   -a.  ca- 

chuclîo  307  n. 

*cajo  307 

chaborra  387 

chico,  -a  249  n.,  258,  378 
chicote,  -a  258 

chicuelo,  chiquillo, 

-a,  etc.  258 

cria  108 

crianza  108 

criatura  77 

cucaro  346  n. 

damisella  166 

doncel,  -la  166 

doncellica,  don- 

cellita  166 

donzelleja,  don- 

zelluela  166 


Dalmate. 

pelo,  pedlo  256 


trok,  -a 


365  n. 


vergina 


68 


Espagnol. 


fadrin 


112 


falda 
familia 


269  n. 
124 


galopo.  galopin    230  n. 

ganir  308 

garçonear  156 

garçonia  166 

gardillo  156 

gardo,  -a  156 

garzon  153,  155 

gozque  304 


hermanito 


112 


monuelo  328 

mozo,  -a  10,  81 

mozuelo,  -a  82 

muchacho,  -a  268  n.. 
335  s. 

*mucho  335 

muslo  335 

nene,  -a  363 

nineta,  ninita  363 

nino,  -a  863 

parvulo,  -a  79 

pequeno  81 


ifante 

27 

polla 

85.  888 

infante,  -a 

6, 

25 

,  29  s. 

pollancôn 

338 

infantico, 

infan- 

pollastrôn 

388 

tillo,  etc. 
infanzon 

32 
31  n. 

pollito,  -a 
puncella, 

338 
poncella      85 

joven 

64 

rapacejo. 

rap 

a- 

jovencico, 

-a, 

jo- 

zillo 

88B  n. 

vencillo, 
jovenete 
jovenzuelo 

-a, 

etc.     64 
64 
64 

rapagon 
rapar 
rapaz,  -a 

386 

38fi 
886 

mancebico, 

-ito 
mancebo,  - 

-illo, 
a 

139 
139 

rapazuelo 

roro 

rorro 

886 
362 
362 

menino,  -a 

313 

sapo 

346  n. 

mezquino 

188  n. 

semi-hombre 

356  n. 

micio 

835  n. 

senorito, 

■a 

166  n. 

mochacho 

385 

mocito,  -a 

82 

toston 

264  n. 

mocoso,  -a 
mocosuelo, 

-a 

233 

virgen 

68 

mocosilla 

238 

zagal,  -a 

372 

monicaco 

327 

zagalejo, 

-a 

372 

—  401 


Français  (et  patois). 


acan  376 
adfiau,  affiau,  affié  109 
adfier,  affier,  etc.      109 

adolescent,  -e  67 

agneau  (anôw)  323 

air,  aire  378  n. 

ange  191 

angnus,  agniis  323  n. 

antecrit  191 

aria  377 

aube  270 

aube  269 

avéras  376 

babi  359 

babouin,  -e  327 

babouiner  328  n. 

babré,  bobré  360 

bacheler,  bache- 
lier, bachelière      171 
bachelete,  baisse- 

lete,  etc.  168  ss. 

bâfrer,  baufrer  229 

bagage  212  n. 

bagasse  157 

baisselle,  bassel- 

le,  etc.  156  ss. 

baisselote,  bace- 

lote,  etc.  158  ss. 

balle  287  n. 

bambin,  -e  238 

bambochade  239  n. 

bamboche  239 

baratte,  bérotte  378 
barbefolette  272 

barbichon  303 

barnet,  barnœz  373 
basse,      bayasse, 

etc.  156  ss. 

bassotte,  bessot- 

te,  etc.  159  s. 

baudet  318  n. 


beau,  belle 

175  n. 

braies 

269 

bébé 

371 

breneux,  bemeux, 

bellot,    -e,     blot 

j 

etc. 

222 

etc. 

175 

breya,  breyé 

222 

*beuille 

321  n. 

brey« 

222 

bi,  bit,  bitaud 

271 

brin  de  fille 

284  s. 

bibi 

359 

briser 

276  n. 

bichette 

296  n. 

brœl 

375 

bichon 

303 

brœlô 

375 

bijou 

176 

brœlôte 

375 

binbin,  binbingr 

e     238 

bueb,  boube,  ( 

îtc.  366  s. 

biquot,  -te 

297  n. 

bttstrô,  bttstrê,  etc.  276 

bitlê,  bitlô 

271 

bwêm 

377 

blanc-bec 

272 

blanc-bonnet 

269  n. 

cadet 

114 

bobée 

359 

cagni,  kani 

301 

boêle,     bouelle, 

cagnon 

308  n. 

etc. 

321  n. 

caitif 

186 

bogne,    beugne, 

calibot 

373 

beugnet 

289 

calmotrai 

373 

bogniasse 

289 

camarade 

136  n. 

bonhommiau 

356 

canaille 

299,  802 

boque 

346  n. 

canard,     cane 

) 

bos 

217  n. 

canet,  etc. 

337  n. 

bosot 

217 

capotrèie,  krapô- 

bot 

345 

treie 

344 

bouchon,     bou- 

carpai 

348 

chonne 

280 

catin 

173,  316 

bougre 

207 

catou 

316 

bourdon  205  n., 

318  n. 

cerneau 

290 

bourt 

205 

chacrot,  chacouat  218n. 

bousaque,    bosè 

chael 

303 

que,  etc. 

217  s. 

chaitotte 

309 

bouse 

217 

chapeau 

269  n. 

bouset,  -te 

217 

chat,  chatte 

14,  309  s. 

bout  d'homme 

276 

chaton 

310 

boutron 

276 

chérubin 

191 

bouze 

218  n. 

chétif,  chetit, 

-e  182, 186 

bouzou 

114  n. 

chiard 

223 

bradé,  bradêy 

373 

chias,  -se 

223 

brader 

373 

chiau            285  n.,  303 

braichelatte-,  -ette  159 

chicrotte,  chacrotte  218 

—  402  — 


chienchien  298  n. 

chier  218  n. 

chiffon  275 

chifoneau,  chifo- 

nète  275 

chiou  303 

chique,  chiquette  276 
chonchon  151 

chose  210 

cienchon,  eêeô  298  n. 
clampin  231 

clopin  231  n. 

coco  339  n. 

cocô(t),  cocotte  339  s. 
cocorico  339  n. 

codak,     cocodak, 

etc.  339  n. 

conil  336 

coq  339 

coquin  188  n. 

coquinéte, 

quinéte  188  n. 

corps  272 

cotillon  269  n. 

couamelle,  quoua- 

melle,  etc.  291 

courtes  chausses, 

courtes     cau- 

ches  269  n. 

crapasson,  crapi- 

chon,  etc.  345 

crapaud  344 

crapaut,  crapaute  344 
crapautin  344 

crapayon,  crapion  345 
crapouya  345 

crapoussin  344 

crope  356 

cropet,  cropett  220  n., 
345  n.,  356 
cropichon  220  n.,  356  s. 
crotte,  crottaille, 

crottaillon  218 

culottiû  269 


eutè 


303 


dada 

360 

dadais 

360 

damoiseau 

164 

damoiselle 

164  n. 

danse],   -le. 

don- 

cel,  -le 

163 

danselete 

163 

danselon 

163 

deerne,  deernée         370 

dem'hal',  dom'hal'  164  n. 

demi-homme              356 

demoiselle 

161,  164 

démette 

370  s. 

diable 

191 

diablotin 

191 

dolent 

181 

donzelle 

165  s. 

driere 

371 

drin,  drein, 

derain  371 

drine 

371  n. 

drinette 

371 

drôlasse,  drœlas        379 

drôle 

379  s. 

drôlesse 

98,  379 

drôlière 

98,  879 

drôline 

3S0 

éblucer.  ébrusser, 

etc.  110 

ébluçon  110 

écras,  équeras, 

équerias  376 

enfançon,  enfan- 

set,  enfantel,  etc.  30ss. 
enfant,  efâ,  etc.  6,  26  ss. 
enfes  26 

falot  371  n. 

fanfan  32 

femelle,  fumelle  121 

fifi,  fifille  99 

fillâge  99  n. 


iillau  97 

fiUaude  98 

fille,  file,  etc.  96  s. 

fillette  96 

fil] on,  faillon  98 

fillot,  -e  97 
fils,  filz,  fyu,  etc.  94  s. 

filset,  fisset  96 
fiston,  fistonneau   98  s. 

floquer  374 

fllouc  374 

foure  218 

fouret,  -te  218 

foutaise  207  n. 

foutet  206 

foutinette  207  n. 

foutre  206 

foutriquet  207 

frère,  frérots  271  n. 

gaeel  152 

gachenot,  gachenat, 

gachenet.  etc.  150 
gacot,  gaenot,  gecot, 

etc.  152  s. 

gagnon,  gaignon  308 
galer  229  n. 

galafa,  galoufla,  etc.  228 
galapiat,  galaubi, 

etc.  228  s. 

galafr.  galoufr,  etc.  228 
galmiche,  galmicho  373 
galmine  373 

galmirô  373 

galmite  378 

galoper  229 

galopin  230  n. 

gamachon  368 

gamin,  -e  367  s. 

ganafiat  228 

ganet  325 

ganette  325  n. 

ganillon  326 

garç aille        135  s.,  151 


-  403 


garce  145,  161  s. 

garcette,     garce - 

lette  148,  152  s. 

garchonnal  150 

garçon,  gars  141,  145  ss. 
garçon  cel  147 

garçonneau  147 

garçonner  156 

garçonnet  147,  148,  150 
garçouniau  150 

gargouillard  284 

gai'gouillat,  gar- 
gouillis, etc.  234 
gargouiller  234 
garlttze,  garlwzet  373 
gasin,  gasou  160 
gaspiller,  gaspii  235 
gaspiyâr,  gaspyeu  236 
gaspiau(d),   gasta- 

pyô  235  s. 

gâte  182 

gâter  182 

gâtière,  gâkyèr  183 

gaza  377 

gazille  377 

gazMt  377 

gerziyô,  grésillon  351 
gnan  nian,  nian  nian  361 
gogars,  dodas  151 

gonne  325  n. 

gonze,  gonzesse  216 
gosse  304  s. 

gosselin,  -e  304  s. 

gouge  349  s. 

goujart  350  n. 

goujat,  -e  349  s. 

gous  304 

*gouspigner  375  n. 

gouspiller  375 

gouspin,  gousse- 
pain  etc.  374  s. 
gousse  306 
gousser  374 
gringalet                     318 


grison  285 

gruge-pain  374 

guenas,  guenias  226 
guenon,  guenuche  328 
gueux,  gueu- 

gueux  188  n. 

habyn  374 

hagne-au-cu, 

agnocu  303 

hagner  303 

hannard,  hannot  269 
hannes  269 

hardeau,  hardelle  283  s. 
hart  284 

héridelle  283  n. 

hore,  horette  203 

houspigner.  housse- 

pignier  375 

houspyn,  houssepin  375 
housse  375 

houssepion  376 


innocent 


246 


jau  339 

Jean-bête  173  n. 

jean-f  outre  207 

Jésus  191 

jeunesse  123 

jipoutre  193  s. 

jipoutrô,  gipoutrer  194 
jeune,  jeune  hom- 
me, jeune  fem- 
me, etc.        63,  259  a. 
jeunet,   -te,  jôné, 

-et  259  s. 

jofnetus  67 

joincle,  etc.  67 

jone,  V.  jeune 
jon-tyê  301 

jôpitrer,  jupitrer, 

etc.  194 

jouvence,  djevencé    66 


jovencel,  -le,  jou- 
venceau, -celle        65 
jovent  123 

jovente  122 

juevne  62 

jupin  192  n. 

Jupiter,  jupitar    192  ss. 


kalibo,  kaliboss 

373  n. 

kèlo 

300 

kin,  quin,  quinquin, 

etc. 

367 

krêncô 

351 

krinô 

351  n. 

krinu 

351  n. 

laiton 

246  s. 

lapin 

336 

loupel 

224 

loupiot 

■     224 

lucifar 

192 

lurot,  lirot 

337  n. 

mabet,  -te  374 

macaque  244 

machin,  -e  211 

macréa  376 

mademoiselle  164  n. 

magaio  373 

magnée  133 

maigneye  132 
maigniers,  maig- 

nets  133,  136 
maisniee,  mesniee  133 
maisnier  133  n. 
maminot  376 
mam'selle  164 
mamzelet  164 
manékin.  manne- 
quin 356 
marâ,  maro  189  n. 
maraille  374  n. 
maralle  374 
ms^aud  188  s. 


-  404 


mariole  855 

mariolé,  -fce  355  n. 

marionnette  316 

mariote  329  n. 

marjolet  355  n. 

marjolette  355 

marjolin'  355  n. 

marmaille  333 

marmaillon  333 

marmayè  333 

marmion  332 

marmot,  -te  328  ss. 
marmotin  328 

marmotter,  mar- 

mouser  328  n. 

marmouselle  329  n. 
marmouset  828  ss. 

marmousin  329  s. 

raaronier  269 

marotte,  mariotte  315, 
855 
marraine  121 

massacre  280  n. 

m.asnage,  mesnage, 

etc.  134 

mazette  318  s, 

màzet  377 

mechtouille  378 

meignat  132 

mêlau  374 

mêlot  374  n. 

ménage,  moinage, 

etc.  135 

mengue-pain  374 

ménïer,  méfié,  mé- 

nâo  133,  136 

menin,  méfié  312 

merdeux,  merdail- 

lon,  etc.  221  s. 

mère  314  s.,  357 

merjalat,  -te  355 

merme,  marme  334 

mermel ,  marmel,  etc.  331 
mermet,  mirmet        331 


rnermouz 

331 

mérotte 

314  s.,  357 

meschin,    -e 

; 

mesquin 

183 

meschinete 

183 

mesquenne, 

me- 

quenne 

184 

miaillon 

284 

miaou 

310 

mias 

353 

miche 

288 

mie 

273  n. 

miette 

273 

mignat 

132  n. 

mignon 

313 

mignot 

li32  n. 

mine 

311  n. 

minet,  -te 

312 

minois 

270 

rainut 

312 

mioche 

273  s. 

mion  273  n.,  274 

miot  273  n.,  274  n. 

miste  176 

misteau  176 

miston,  -ne  176  n. 

mistoudin  176  n. 

mitte,  mimitte  311 

mogne  312 

moie  376  n. 

moineai,  mainsné, 

etc.  114 

moje  322  n.,  376 

môme  195  s. 

moraer  196 

mômerie  195 

mômesse,  môme- 

resse  195 

momeur  195 

mômignard,   mômi- 

chard,  etc.  195 

mômon  195 

momoue  196  n. 

morot  315  n. 


morpion  351 

morvaillon,  mor- 

vette  232 

morvasse,      mor- 

vouse  232 

morvate  2B2 

morvatier  232 

morveux,  -se  2'^1  s. 
mouchachou  336 

mouchille,moukille  376 
moujasse,  mou- 

geasse  376 

moujhasson  376 

mouse  290  n. 

mousette  290 

mousque  375 

moussaillon  83 

mousse  83,  375 

moussepion,   mous- 

sepin  375 

moustot  83 

moutard  374 

moute,  moumoute  311 
mufle  385 

museau  270 

musequin  270 

mwskapê  375 

mut&e  311 

myo^e  273  n. 

nafiot  110 
nâhier,  nâhi,  nâ- 

hiant  201 

nâillou,  nâilles  201 
napille,  napillon, 

etc.  226  n. 

napin,  napon,  na- 

piot,  etc.  226 

nappe  226 

naque  233 

naquou,  naiquou  233 
nazyé,  nazyèr,  na- 

zyôw,  etc.  232 

nenê  362 


406 


nias,     njl.    gniaa 

' 

pimousse,pimouche  376 

l>ouj>ard.      papar 

etc. 

853 

piraperneau,  pim 

- 

etc.              50, 

271  n. 

niaù.  niPii.     etc. 

35.3  n. 

pénau 

348 

poupe 

46,  61 

niais 

352 

pimpernel,  pimper- 

poupeau 

61 

nielle,  miellé 

353  n. 

nelle 

348 

poupée 

62,  354 

niflâr,  niflwSr 

232 

pimprenelle 

348 

poupelet 

61 

niflète 

232  n. 

pim«s 

375 

poupelin,  popelin        61 

ninette,  nenet 

362 

pinagu(' 

373 

poupette           51 

s.,  354 

noquet.  nocut 

114  n. 

pinoket 

373 

poupin,  -e 

60  8. 

norreçon 

109 

ploie,  piaule 

326 

poupon,  -ne 

47  s. 

nounou,     nunut 

pisseuse,    pissouse, 

pousse-cul 

114  n. 

noiiot 

362 

etc. 

222 

poussin,  poucbin      337 

nourrain 

109 

piss'pète 

223 

poussot 

114  n. 

nourrisson 

109 

piti,  -0        26  n.. 

250  s. 

poutre           194, 

318  n. 

nourriture 

109  n. 

pivaste 

385 

ptéro 

378 

noyau 

358  n. 

piwiche 

343 

puant 

225 

nonôw 

323 

pogasser 

346  n. 

puceau 

87 

pognasser,  pou- 

pucelle 

85  ss. 

ôhiô 

343 

gnacher,  etc. 

346  n. 

pucelete,  -ote 

87 

ouvray,  ouvré,  etc.    160 

pogne 

346  n. 

pue 

84 

ouvrère 

160 

pognon,  poignon 

276  n. 

pulcella,  pulcell 

K        87 

pognu 

346  n. 

ptirjiné,  pwrjiné 

354  n. 

par 

50 

pogue 

346  n. 

parpaliot,  parpaillot  197 

poison 

200  n. 

quenaille  (kénay 

)  136  s., 

pauche 

376 

polie 

84 

298  ss. 

pauque,  poque 

377  s. 

pommeau 

279 

quenaillon, 

pauvre 

180 

ponas,  panas,  etc 

.  354n. 

quenaillin 

300 

pequion.  -oune, 

etc.  252 

ponçhu,    ponhut, 

quenas,  quenias 

226  n.. 

pet 

219 

etc. 

345  s. 

801 

pet 

878 

ponnée 

354  n. 

quenasse,  quéniasse  301 

peterine 

378 

ponner 

354  n. 

quenet,  -te 

300  s. 

petiot,  -e,  piot, 

-e. 

popot,  -e 

49 

quenielle 

301 

etc. 

249  ss. 

populo(t) 

198  ss. 

queniot  (kèno) 

298  ss. 

petiro,     petirot, 

poquette 

H77 

queniotte 

300 

ptirat 

378 

pougnon,      pou- 

quenot,  quenau 

803 

petit,  -e,  etc. 

249  ss. 

gnasse,  etc. 

276  n. 

quenuche 

301 

petit     bout     de 

pouillasse 

224 

queugne 

301 

monde 

276 

pouillassou 

224 

queun'ton 

351 

piaillon 

234 

pouilleux 

224 

piànt,  planche, 

-on  225 

poulet,  poulette 

337  s. 

rabo 

846 

pichuette,  etc. 

222 

pouliette 

337 

rabolè 

345 

pigeon 

342  n. 

poulot,    poulotte       85, 

race           136  s., 

197  3. 

pignier,  peigner 

375 

887  s. 

rache,  raiche. 

pillon,  pion 

236  n. 

poupadrele 

50 

rachine 

198  n. 

406 


ragace,    ragache, 

etc.  142 

rat,  rate  334 

ratotte,  raitotte  834 

reine  162 
rejeton                   285  n. 

robichon  269 

robinéte  269 

rogneux,  -se  224 

rojê  291 

rotelot  342 

sarvante        169  n.,  184 

sent-piant  226 

sotelot  236 


tendron 


285 


tintouin  868 

tousart,  tousel  265 

touse,  teuse,  etc.      264 
touselle  264  n. 

touset,  -e  265 

traignau,  traîniau     281 
tremplin  864  n. 

trine  173 

trognon  291  n. 

trot  271 

trottignon  271 

trotte-menu  363 

trou  du  cul  271 

troufignon  271 

trouspin,  troussepin  875 
trousse-pet,  trousse- 
pète  228,  875 


valet,  vaslet,  varlet, 

etc.  167  ss, 

valeton,  valton, 

etc.  167  ss. 
valot,  varlot.  etc.  167  ss. 

vassal  167 

vierge  68 

virgene  68 

vispi  875 

vispin  375 

vitaut  271 

waignon  808 

wel  321 


zig,  zigue 


877 


Germanique  (ancien). 


cefes,  cyfes 

138  u. 

*hard 

284  n. 

kroppr 

856 

herda 

284  n. 

kruppa 

356 

fud 

271  n. 

hirdir 

140  n. 

hora 

208 

slibts 

116 

garSsveinn 

145  n. 

Garsindis 

145  n. 

kefsir,  kepsir        188  n. 

wahtari 

141 

gart,  gartja  145 

281  n. 

knapi 

226  n. 

*wartja,  warza 

145  n. 

Gre 

c  (ancien 

et  moderne). 

àvïj^og 

52 

Konéh 

205 

naiôagiôiov 

89,  41 

KÔQIJ 

41  s.,  52 

naiôàgiov 

41 

^éKKOg 
(iOTTjQ 

240 
140 

JUIKÔS 

274 

jiaibiauàQiov 
Jialg 

41 
187  n. 

PovTiSi  fivng 

286 

HIKQÙS 

54  n. 

jraÀÀauiij 

826  n. 

fiQé(pos 

41 

jràÀÀa§ 

871 

vaviov 

41 

nàXXr}^ 

41,  53 

yôvos 

325  n. 

vi]jziov 

871 

naXXiuàQi 

371 

dvQOog 

141 
265 

vtjjnos 
vivvLov 

371 
41 

JTÔÛOS 

54  n. 
148  n. 

KOUK&Va 

341  n. 

ÔQ(pavrj 

52 

uonèka 

206 

oQ(pavôg 

52 

OKàvdos 

349  n. 

—  407  - 


abbiatico  106 

abladhesi  106 

acantia,  voy.  va- 

gantia 

adolescente  67 

angiolino  191 
animetta,  anemeta    177 

an  tri  ta  290 

arredo  107  n. 

arèj,  ares  105 

armèri,  -ja  385 

babbi.  pabbi  347 

babiôt  347 

baciocch,  -a  278 

baciocchin  278 

bacol,  bagol  282 

baga  286 

bagadialla  118 

bagadiu,  -a  118 

bagagg,    bagage, 

etc.  212 

bagagio,  -a  212 

bagaglio  212 

bagai,  -a  212  s. 

bagajètt  214 

V)agajn,  -na,  ba- 

gaiein,  -a,  etc.  214 
bagajœu,  bagaièul  214 
bagantiu,  -a  117 

bagarellu,  bagarillu  214 
bagarin  214 

bagascia,  bagassa  157 
sô  157,  203 

3sa  167 

ta  167,  203 

bagasu  167 

bagatel  214 

bagatella  214 

baggiana,  bazana, 

etc.  290  n. 

baglet  282 


Italien  (et  patois). 

bagol a(r),  baolà  282  n. 
bagoli  282 

bagôn  286 

bagonin,  -uc.  -éc  2b6 
bajaneddu,  -a  290  n. 
bujania  290  n. 

bajauu,  -a  118,  290  n. 
bala  287  n. 

baient  287  n. 

ballotte  287  n. 

ballottino  287  n. 

balôc  287  n. 

baloèus  287  n. 

baloeut  287  n. 

balôt  287  n. 

bamberottolo, 

bamberot'tolino  238 
bambinello,     -a, 

bambinetto.  -a. 

etc.  237  s. 

bambino,  -a,  etc.  237 
bainbo  236  s. 

bamboccio,  bam- 

bocc,  etc.  238 

bambolo,  -a  238 

bamboro,  bambo- 

retto  238 

banimino  237.  358 

bar,  -a  324 

bardasciamme  136,  202 
bardassa,  bardas- 

cia,  etc.  201  ss. 

bardasset,     bar- 

dassin,  etc.  202 

bardassôn  202 

bardetto  320 

barullo  37 

bastardello,     ba- 

stardaccio  203  n. 

bas  ter  d  203 

bastriich  204 

batocc  278 


i  bava  361  n. 

i  bauoso,  vavusu         233 

[  beco  240 

j  bedra  287 

j  bello  176 

}  berc  185  n. 

bigàt,  bigatto        313  s. 

bille  bille  341  n. 

bimbetto,  birabino    239 

bimbo,  -a  239 

boço  260  n. 

bodàn,-  -a,  budà?;    287 

boder,    -a  beder, 

boeudar,  etc.         286 
bodero  287 

bolgir,  buzer,  buz- 

ra  etc.  208 

bordelleria  208  n. 

bordelletto  203  n. 

bordellino, -a208n.,3l9 
bordello,  -a  208  n..  319 
bordellotto.  -a  319 

bordlèin  194.  313 

bot  112 

botacinec,  -a,  bo- 

tacec,  -a  286 

botasc,  botas.  etc.  286  s. 
botascel  286 

bôz,  bùz  287 

bozar.  -a  209 

bozarâ,  buzarar. 

bolgirâ,  etc.       207  s. 
bozaret  209 

brighella  247 

brighellin,  -na  247 

brigol  247 

brisa,  brisin  275  n. 

broscho  260 

bùbel  53 

budanas  287  n. 

budeleto  209 

biifi.  -na.  bofi.  -na  386 


—  408 


buggera,  bolgira. 

bozzera,  etc.  208 

buggerare  206  ss. 

buggerone,    buz- 

zeron  207 

burchio  39 

burdell,  -a  194,  205  n., 
819 
burdu  205 

busrètt  209 

bùttero  140 

buzaro,  buzareto  209 
buzren  209 

caca-nidu  218  n. 

cacarozze  176 

caezùn  175 

câjri  385 

canaglia  299,  302 

canaja,  canaj  301  s. 
canajun,  canajusc  302 
capocchia,  -o  279 

carocce  175 

carôcele  176 

carœu  175 

caruccio  175 

carusari  268 

carusu,  caruseddu  268 
cavillare  28 J   n. 

cece  271  n.,  289 

cecino  271  n.,  289 

cecio  289 

cecione  289  n. 

cein,  cinein,  cini- 

nein  257 

cen,  -na  257 

chiappa  216  n. 

chiappare  192,  215 

cbiappino  192 

chiappola  215  n. 

chiappolino  215  n. 

ciabbotte,  ciam- 

motte,  etc.  295 

ciacce  185  n. 


ciaciône  185  n. 

ciammajiche,  ciam- 

maïcône  352 

ciapà  192,  215 

ciapi,  ciappin  192 

ciapine  215  n. 

ciapott  214  s. 

ciapôte  215  n. 

ciapotêl  214 

ciapottà  215 

ciapottin,  -na  214 

ciapottôn  215  n. 

ciccia  185  n. 

cicco  249  n. 

cicin,  cieinôt  281 

cicitte,  cicette  382 

ciciù,  ciciota,  eic- 

ciuto,  -a  185  n. 

*cifrifcto        ■  192 

cifro,  cciferù  192 

cillu  334 

cin.  -na  257 

cinci  271  n. 

cininu,  -a,  cinuculu  258 
cinu,  cini  258  n. 

ciôciô,  ciôcia,  etc.  361  n. 
ciocio,  -a,    cioci, 

ciucciu  361 

ciocio,  ciosce  361  n. 
cit,  -a  256 

citin,  -a  256 

citolo,  cittino,  etc.  382 
citrullo,  cetrulo  37 

citto,  -a  382 

cituru,  citra  382 

ciullo,  -a  38 

coc,  coch  340 

cocca  340 

coccai  280 

cocco,  cucco  340 

côcen,  cociônn,  etc.  304 
cocchiunie  280 

coco  340  n. 

cocolo.  cocolin  340 


cocone  361 

cosa  210  s. 

cosina,  cosettina, 

cosolina  210 

cosino,  cosettino  211 
coso  211 

cot  384 

cotih,  cutiri  294  n. 

çovencelo  65 

çovene  33 

cream  77 

creatura,  criatura  76 
creaturi,  criaturi  76 
creaturina,  criatu- 

rinna  76 

criât  74 

criatureddu,  -a  76 

crot  347  n. 

cuccio  304  n. 

cucciolo,  cuccio- 

lotto  304 

cuchein  340 

diaoli  192 

diavoletto,  diavo- 

lino  192 

donna  162 

donnin(o),  -a,  du- 

nen,  -a  162 

donzella,  dunzella, 

etc.  165 

donzello  165  n. 

donzellona  166  n. 

dzitell«,  -a  154,  382 
dzitellMtctt,  dzitel- 

lugulu  383 

ères  105  n. 

fagiuolo  290 

famei,  famey  124  n. 

famel'u  125  n. 

famiglio  124  n. 

fànc,  fancia  33,  35 


—  409  — 


fancello,  -a,  fan- 

celletto  39 

fancilla  139 

*fanc,illu  884  n. 

fancitt  38 

fancieullefcto,    -a, 

fanciullino,  -a,  etc.  88 
fanciullo,  -a  32,  37  s. 
fanciot,  fanciotin  34 
fandelle,    fandel- 

lucce  36  s. 

fandsein,  -a  36 

fant,  fante,  fent  28, 
32  ss. 
fantasima  194 

fantella  36 

fantetto  35 

fantia  33 

fanticello,  -a  39 

fanticino  35 

fantin,  fantein,  fan- 

tino,  -a  28,  38  ss. 
fantinello  85 

fantineto,  -a  33 

fantoccello.  fantoc- 

cino  355 

fantoccio,  fantocc  355 
fantoli,    fantulin, 

fantolino,  -a  83  ss. 
fantuz  33 

feue,  fencia  35 

fenciti  35 

fazeul  290 

fazeulott,  fazûlù  289  s. 
fetaccia  72 

fetaccie  71  s. 

fet6  71 

fétu  71 

iidjywrilw  104 

fiëta,  fiëtina  108 

figgiuamme  104,  185 
figliacca,figliàccara  103 
figlietto,  -a  102 

figlino,  -a  102 


figlio,   -a,  fio,  -a, 

etc.  99  8. 

figliolame  104 

figlioletto,  -a,fiolètt  108 
figliolo.  -a,  fiol.  -a, 

etc.  99  ss. 

figliolino.  -a.  figgioin, 

-a.  etc.  108 

fîglioluccio.  fiolviz  103 
figliuzzo  103 

ûhlelu  103 

fiolôt,  fiulott  101,  103 
focètola  342 

foutrichet.fotrighet  207 
fraila,  fraola,  etc.  370  n. 
fricchiiio,  frichi, 

etc.  247  s. 

fricitto  192 

frucchino  248 

frugolare  248 

frugolo  248 

fuciar,  fuciarin  216 

fuciai-a  215 

fuentu  384 

fufgnar  248 

fufgnein  248 

furiccliio  248 

futein,  futen  207 

*gagan  140 

gâl,  -la  884 

galoppare  229 

galùp,galupàss,etc.  229 
galuppo  230  n. 

galiip,  galop,  etc.  229  n. 
gannire  308 

gardettu  156 

garsunamme  155 

garzonato  154 

garzoncello,  -a  154 

garzoncino.  -a  154 

garzone,  -a,  garson, 

-na,  etc.  15B  ss. 

garzonetto,  -a  154 


gatt,  gattin,  gattozz, 

etc.  314 

ge^an  140 

genit,  genik  244 

gigia,  gigiôta  384 

giovane,  giovine  60 
giovanetto,  -a  60 

giovan(o).  -a,  gio- 

vanu,  -a  61 

giovanotto,  giovi- 

notto,  etc.  60,  62 

giovenello,  -a,  gio- 

veniello,  -a  60  s. 

giovincello  66 

git  285 

git,  gik  244,  285 

gitôn,  gitonàsc  285 

gjuvo,  gjuvena  61 

gnafèl,  -a  385 

gnarel,  -a  353 

goeniii  61 

gognin  326 

gognolino  326 

gonnella  269  n. 

gonzo  216 

grioeu  291 

guaglioncello,  -a  308 
guaglione,  -a,  gua- 

gnone,  etc.  307  s. 
guagnasta,  gua- 

gnastra,  -ella  272 
guancia  272 

guattero,  sguattero  141 

heredex        105  ss.,  135 

infant(e),  infanti. 

etc.  82  s. 

innocente  246 

joeu  324 

junfra,  giônfra  370 

kizel,  -a  385 

kreat,  -a  74 


410 


laurzèl,     laurzèt, 

laurzi  211 

lavôo,  Içr,  laùr,  etc.  211 

lavorel  211 

lavorsell,  -a  211 

lavorsellin,  -na  211 

lilin  362 

lorih  211 

lucifero  192 


macac,  macagn,  etc.  245 
macaco,  macacco  244 
inacà(n),  -a,  etc.  2b3  n., 
243  ss. 
macanèl,  macani  244 
ma^^arellM  120 

inacarô,  macarù        244 
maccaroni  244 

macchetto  244 

maccu  244 

macô,  macù  244 

madamosella         164  n. 
magasinata  134  n. 

magatèll,  -a  855 

magatellin  355 

marnin,  mimin      358  n. 
mamma  357 

mammasé  357  n. 

mammein  358 

mammeina  358  n. 

mammina  357 

mammino  237.  358 

mamniolo,  -a,  mam- 

mulu,  -a,  etc.         357 
mammoletto,    -a. 

mammolettino        35? 
mammulinu.   mam- 

mulineddu  357 

mammuocco,  mam- 

muôccîolo  238,  355  n. 
mamolino  357  n. 

manan,  minin  314 

manéa  385 


mangiapane,  man- 

giapàn 

374  n. 

maràia 

384 

marain 

384 

maraiôt,  -a 

384 

maràc,  marasce 

384 

marascitt 

384 

marc,  marcia 

190 

marcin,  -a,  etc. 

190 

marcio 

190 

marciolin 

190 

marmaglia,   mai 

magia,  etc. 

338 

marmel 

334 

marmelin      328 

n.,  334 

marmocchio 

333  s. 

marmottino 

334 

marmott(o).  -a 

383  s. 

marmuttône 

333 

marottu 

190 

masàcher,     maz 

- 

zàcor,  etc. 

280 

maschiettino, 

mas'cettin 

119 

maschietto,  mas 

ciett.  etc. 

119 

maschio,  mas'c 

119 

maschione,   ma- 

sciôn,  etc. 

120 

maschiotto,  masciot  120 

masciota,  mastiotta  120 

maskra 

328  n. 

masnà 

133  s. 

masnadha,  maso- 

nadha,  etc. 

134  n. 

masnaiëta 

133 

masnaiin,  -a 

133 

masnaiôt 

133 

masnôi 

133 

massacri,  -o,  etc. 

280  n. 

massarin,  massa- 

rein 

211  s. 

masserizia 

212  n. 

mat,  -a                 240  ss,  ! 

matêt,  -a,  matot, 

-a,  matèl.  -a,  etc.  242 
matosa,  matusa  243 
mattacc,  mataccia  243 
matto  240 

matù  243 

mazza,  mazeta      318  n. 
mazzoca,  mazucch, 

etc.  279  s. 

mazzoch,  mazzocca  280 
mazzocola,    maz- 

zochera,  etc.  279  s. 
mazzucon.masucô  279  s. 
mazzucot  280 

meiiielle,  menella       90 
meninne  862 

meschino  188  n. 

migno,  mignào     311  n. 
mimmo,  -a  368 

minchione  271  n. 

mindigh  179 

minnu  311  n. 

miscinghinu  233  n. 

mocc  321  n. 

moccichino  233  n. 

moccione,  mocci- 

cone  233,  245 

mogia,  mogiôn     821  n. 
mognà  312  n. 

m.ognôn  312  n. 

monda  384  n. 

mondi  384  n. 

mondin,  -a  384 

mondolin  384 

mone]](o),  -a  89  s. 

mucciaccia  336 

muccosu  233 

mucio  335  n. 

mu],  miilet  204 

mulo,  -a  204 

mûniidi  258  n. 

nacchera,  nacchero  176 
naccherino  176 


-  411  — 


nân  855  n. 

nana  362 

neniiillo,  nennella  862 
nerc,  nercia  188  s. 

nerchio  186  n. 

niaroeu  852  s. 

nidiace  852 

ninèta  862 

ninin  362 

ninna.  nanna,  nonna  362 
ninnarella,  -erella  362 
nin(o),  -a,  nini,  etc.  362 
ninoèu  362 

niœu  354 

nipju  371 

norin  109 

paddikédda  371 
palpastriéllo,  pal- 

pastrell,  etc.  336 

pargoletto,  -a  79 

pargolo,  pargulo  79 

parruca,  perruca  44 

parvoletto  79 

parvolino  79 

parvolo.  parvulo  79 

patozz,  -a  59 

pcit,  -a  256 

pcitin.  -a  256 
peocerillo,  pecce- 

rella,  picciriddu, 

etc.  255 

peccioncella  342 
peccione,  pecciu- 

nette  342 
pecciuotto,  -a, 

picciottu,  -a  256 

peiu,  -a  385 

pelone  44 

pericolo  44 

pesare  44 
petol(o),  petél,  etc.  219 

pett  219 

pi  384 


piccinnu  81 

piccino,  piccinino  81. 
257 

piccioccheddu,  -a  257 

piccioccu,  -a       81,  257 

piccioni,  piccione  342 

picciuliddu  256 

picciuteddu,  -a  267 
piéc'niê,  ch'nië  257  s. 
piccolo,  picciolo, 

picol  255 
picen,-a,piscen,  etc.  267 
picenin,  -a,  pisci- 

nin,  etc.  267 

picett,  piccittu  256 

picial,  piciali  228 

picinnu,  -a  81 
pièll                        44,  53 

piltrù  44 

pilù  44 

pinein,  -a  886 
pini(n),       penin, 

pinina  886 

pipera  44 

pipera  34I 

pipéria  44 

pipi  341 

pipi(n),  -a  44 

pipino  341 

pipiu,  -a  44 

pipieddu,  -a  44 

pipistrelle  386 
pippione                 842  n. 

pisà  44 
piscione,    -a,    pi- 

sciacchera,  etc.  223 

pisèddu  289 

pispola  842 

pispoletta  342 

pispolino,  -a  842 

pissai  223 

pistello,  pestello  279 

pit,  pitin,  piti  266 

pithinnu  81 


pitsinnu,  -a  ,81 

piva  234 

pivàster,  pivastro  386 

pivell,  -a  53 

pivellàda  53 

pivellaria  63 

pivellin,  -na  63 

pivellôtt  63 

pivettu  384 

pivo  385 

poeusc,  poeusg  200 

pol,  -a  84 
pollanca,  pollan- 

chella  339 
pollone            88,  285  11. 

poUastro,  -a  888 
polastrotto,  polas- 

trôt  838 

poltrone  44 
poppin,  -a,  poe- 

pin,  -a,  etc.         48  s. 
pop(o),  -a,  pup(o), 

pup(p)a  43 

popô,  -la  45 

popϝ,  -ra  45 

popolin,  -na  45 
popô(n),  -a              46  s. 

poponi,  poponèin  45 

poporin  45 
pôta                        271  n. 

pôttazzôl  69 

puà  52 
pulcella,  puncella, 

etc.  86,  89 

pulcello,  pulsèll, 

ponzel  89 

pupata  52  ' 

pupe  355 
puppon,  -na,  pup- 

pun,  -na  46  s. 

pupucce  366 

puse  54 

putattello  69 

putatto,  -a  69 


412 


putazzo,  -a  59 

puteleto,  -a  58 

pute](o),  -a,  pôtel, 

-a  66  ss. 

putilut  58 

putin(o),  -a        56.  58  s. 
putlottel  58 

putoèu  59 

put(o),  -a,  pot,  -a  55  s. 
putto,  puttu  55  ss. 


omettino 
omi 


355  n. 
b55 


quaglia,  quagliozza  341 
quatragnotte  115 

quatrale,  quatrane, 
quatrare.  etc.         115 

rabacc,  rabôcc.  ra- 

bôccin  383 

rabacchino,  rabac- 

chiuolo,  etc.  383 

rabacchio,  rapac- 

chio  383  s. 

rabacchiotto,  ra- 

pacchiotto  383 

rabai,  rabajein,  ra- 

boj  383 

rabètt,  -a  383 

rabottèll,  -a  383 

racnel,  raganell  347  n. 
raganell  347 

raganella  347 

ragar  143  n. 

ragazza  ('pie')  143  n. 
ragazzetto,  -a.  re- 

gazzetto,  etc.  144 
ragazzino,  -a,  ra- 

gazzen,  -a  142,  144 
ragazzo,  -a  141  ss. 

ragazzotto,  -a  143 

ragazzuolo,  -a,  ra- 

gazzol,  -a      144 


ragna  347 

*ragna  347  n. 

ragnell  347 

rais,  raissa  104  s. 

raisa,  raise  291 

raisin  291 

ranabocchio  347 

ranèin  347 
ranocchiettaccio   347 

ranocchino  347 

ranocchio  347 

rapare  384 

razaëî  105 

razza  198 

reda  106 

redes,  -a  104  ss. 

redex  105  ss. 

redo  107  n. 
regazzo,  -a,  reazzu, 

etc.  141  ss. 

rità  107 

sat  293 

scacchià  282 

scacchiatarije  283 

scacchiate  282 

scacchiatèlle,  -ille  283 
scazzôpulu  349 

scazzueppele,  scaz- 

zuoppolo  348 

scet,  -a  116 

scetèl,    -a,    sceti, 

-na,  etc.  116 

s'cetôn,  -a  116 

schiatta,  stiatta  198 
schiattone,  -a,  stiat- 

tone,  -a  198 

schietto  116 

schiettn,  schettu,  -a  116 
sciasciare  231 

sciascillo  231 

sciascio  231 

sciât,  -a  293  s. 

sciatel  294 


sciatù 

294 

scinùetta 

327  n. 

scimiotto 

327 

sciôr 

282  n. 

sciorscell,    sursel, 

etc.  282 

sciot,  -a  293  s, 

sciottèll  294 
sciuscioèu,suscioèu  246 

scuàcquere  385 

sgolato  190 

sguaiato  190 

sguàn,  -a  384 

sguansgia  272 

sgufato  190 

signorino,  -a  166  n. 

simbra  382  n. 

siora,  sioreta  370  n. 

siu  385 

snerc  185  n. 

spassos  248 

stacca  317 

steddu,  isteddu  117 

sterla  116 
stronzèll,  -a,  stron- 

zolo,  etc.  220 

stronzo  219  s. 

suscià  246 

tancia  173  s. 

tancina  173  s. 

tappascèl],   tappa- 

scellin  363 

tappascià  363 

tappascin,    tappa- 

scinèll  363 

tapati,  -na  .364 

tarapatàn,  tarapa- 

tam,  etc.  364  n. 

tarapaten  364  n. 

tarapati,     taram- 

panti  364 

tatà,  tato,  totô  360  n. 
tato,  -a  113,  360 


—  41^ 


terachia 

141 

trapol 

\m  M. 

teràcu 

141 

trapolèt 

364 

tèto,  -il 

860  n. 

trapolino,  trapoU(n)  864 

tette 

m)  n. 

trottola 

296 

tetttMi 

246 

trottolino.  -a 

296 

tignoso 

224  n. 

turacciolo 

980 

topiiio.    mpen 

385 

topo 

835 

ùttero,   -a,  vùtte 

ro. 

torsec,  torecc 

200 

-a 

140 

torso 

265 

vagantîa,  vaganteja, 

tortèl 

288 

etc. 

117  s. 

tosana,   tosanela 

! 

vagghianu,  -a 

118 

etc. 

262 

vagolare 

282  n. 

tosett.    -a,    tosii) 

vakandie 

118 

etc. 

261  ss. 

varzijje 

155 

to8(o;,  -a,  tus.  -a 

260  ss. 

vâtar.   wâtar 

140 

toson,  tosonot 

262  s. 

vava 

361 

iosot,  -a 

262 

vavareddu,  -a 

361 

tôssec,  tôssegh 

200 

veleno 

200 

tôt 

384 

vergine 

68 

tôt 

384  n. 

verre 

326  n. 

toto.  -a 

242 

voi,  voiiia 

384 

tôtol 

384  n. 

wajone,  wafone 

308 

totona 

242  n. 

warzittu,  warsittu. 

trampolino.  trap 

- 

varzetto 

155 

polino 

364  n. 

warzone 

155 

zaïinellu,  z&nello  8Ç|2 
zaccaro,  zaccariello, 

etc.  22()  s. 

zagano  140 

zago  140 

zancolla  385 

zânellin.  zftnellin  352 
zetelluccia.     ziti- 

duzza  382 
zitello,  -a,  zetèlle. 

etc.  382 
zitellone.  -a,  etc.  882  n. 

zito.  -a  382 

zoniii  61 

zouenat.  zovenata  61 
zovan,  zovna,  zuen, 

-a,  etc.  61 
zovenetto,  -a,  zixe- 

net,  etc.  61 

zulle,  ziillette  38 

zuvnen,  -a  61 

zuvo  61 


adolescens  67 

alba  270 

albatus  269 
anas,  anaticula     337  n. 

ariimalia  136  n. 

aj)tifioare  103 

*avius  79 

baca  214  n. 

baccalaria  172 

baccalaris  172  n. 

baccalarius  172 

*baca3sa.  *bagassa  166 
baculum,  *baccu- 
lum  278,  282  n. 

212 


Latin  (et  bas-latin). 

i  baiana,   faba  ba-  | 

I      iana  290  n.  j 

bajulare,  bajulus      110. 
balneare  110 

bocula  66,  320  | 

*bovitta  66,  321 

braceola  160  n. 

bulgarus  207 

*bursatus  270 

burdus.  burdo  205,  819 


carduus  145  ii. 

catellus  303 

*cat(ti)culus  307  n. 

catulus  83,  306  ». 

cocciim  340  n. 
cocljio,  cochonus      280 

coturnix  841  n. 

creamen  77 

creatiira  69,  75  a. 

creatiia  74 


cacare  218  n.  i  damnuni                      168 

calcare  234  j  dolens                          181 

canis  298,  301  \  *dominicellu9,  -a      168 

capillaturiae  266,  268  j  dominus,  -a           162  s. 

captivus  182 1  doninulus,  -a         162  s. 


414 


fàmilia 

famulus 

■*fantèo]u.s 

fêta 

♦fetiolus 

fétus 

fifilia 

filiolus,  -a 

filins,  -a 

*fratrinus 

fructus 

fur 

*furicare 

*furiculare 

fntuere 

gàllina 

gallus 

galuppus 

gannire 

garcio 

gobio 

gossus 

gui  a 

liardellus 

*heredita 

liereditas 

hères 

homo 


128 

128 

87 

71  s. 

70 

69  s. 

99  11. 

78,  100 

94.  100 

112 

78 

248 

248 

248 

206 

840  n. 

889  11. 

230  n. 
808 
146 
848 
804 
229 

288  n. 
106 
105 
104 

183  n. 


ignarus  868  n. 

impubes  52 

inerementum  217  n. 
infans,  infas,  ifans  28  ss. 

infantulus  78 

innocens  246 

intonsus  265 

JQvenalis  64 

juvenca  66 

*juyencellus.  -a  65  ss. 

juvenculus,   -a  66  s. 

juvencus  64,  66 


juvenis 
juventa 
*jnventosus 
jnventus 

labor 
liber 


59  ss. 

122  n. 

67 

122  n. 

211 

28 

244 


maccus 
maisnagium,  mas- 

nagium  134  n. 

*malehabitus         190  n. 
mammula  857 

mancipium,  iiiaii- 

cipius  12.  188 

mansio  182 

*mansionata  128.  125 
*mansionaticuin  123. 
132,  134 
*inansionaticus  134  n. 
marmosefcum. 

mariuoretum     380  n. 
*martellinus  279 

mas  189 

masculus  279  n. 

masnata.  masiiada    125 
massa  212  n. 

mendicus  178 

meschinus.     mis- 


chinus 
meta 

mica  278  n. 

*minimalia' 
minimus  812  n. 
minor 
monedvila 
muccus 
mulus 
musculus 
musteus,  - 
mustus 
*mutidus 


188  n. 

876  n. 

274  s. 

388 

,  3:-34  n. 

181  n. 

89  s. 

288.  245 

•204 

886 

81  s. 

874 

885  n. 


na])us 

226  il. 

natus 

28  11. 

*nidaee 

852 

*nidacula 

852 

*nidalis 

352  s. 

'•'nidariu 

852  s. 

nidus 

852 

*nucale 

858  n. 

nutrimen 

^109 

;  ociiluni 

^pallacaua 

pappare 
j  pargullinus 
!  pariare 

*parvius 
I  parvulus 

parvns 


821  11. 

826  11. 

280 

235  11. 

44 

79 
10,  24,  77  s. 

77  s. 


mutilus, -muttilus  385 n. 
mntus  241  n. 


passer,  passercula  842ii. 
patronem  259 

panca  876 

pecora  44 

peditum  219 

pipi»)  258 

pisinnus  10.  81 

pitinnu.s  80 

Pit/.innina  80 

*pitzinnu.'«  <S0 

populns  186 

jiopus  41 

pubes  40 

puella  9,  89 

*puell(i)cella  86  n. 

puer       6.  9.  23  ss.,  89. 
187  11. 
]iuerculus  28.  89 

pnerulus  78 

*puHcella  86  n. 

*pul]icella  85 

*pullinus  84 

*pullius  889 

pulhis.  -a  10.  88  s..  88, 
285n 


337 


410  — 


pupillus,  -a 

52 

^racatius                 148  n. 

tonsus,  -a 

260  HH 

*ini|»pa 

10  11. 

*radicai-e                143  n. 

tosta 

264  11. 

pujmlus.  -a 

58 

ragatius,  regatiu», 

piipus.  -a 

9.  4»J  8s. 

etc.                           141 

vacaiis 

117 

puKillus 

78.  80 

ragaziiius                    141 

*vacantivii8 

ir< 

pnsiiiiiiia 

80 

*rapacnlus                  884 

"Vacativa 

118 

jinsio 

86 

rapax                   884,  386 

vat-iviis 

117 

pnsus 

58 

rapmu            384.  886  ii. 

vagus 

282  u. 

putilla 

54 

vasletiis.  val* 

tus. 

pntillus 

217  n. 

sianiimni                      163 

etc. 

167  11. 

*putium 

272 

somnus                        168 

vassallus 

167  11. 

*puttii8.  -a 

55  n. 

sterilia                    116  s. 

*va8(su)littiis. 

jtutus.   -a 

y.  51  s. 

strigilifer                     141 

-{(ttus 

167 

surcellus                     282 

■*vassulus 

167  n. 

*<|uartariu 

115 

surus                       282  n. 

vassus 
virgo 

167  n. 
68 

raca.  raga 

143  n. 

teiier                               81 

*virgula 

68  n. 

racana 

347 

*therapi(iis                  141 

*vitella 

822  n. 

Wt^enie 
kintl 


Néerlandais  et  flamand. 

370  ,  krut.  krutje  844  n.  ^  sclielvis 

I  !  schoinmel 

367  1  maneken  856 


849  11. 
864  11. 


Portugais. 


adolescente 

67 

criancola 

108 

maïuebo.  -a 

139 

criar 

108 

menino,  -a 

313 

liagaxa 

157 

criatura 

77 

mignâo 

313 

barregâo,  barregà    826 

moçinlio,  -a 

82 

barregueiro 

326  11. 

donzel.  -la 

166 

mo(;o,  -a 

81 

hordegâo 

205 

ino«;ozinlio.  -a 

82 

l)ueh() 

335 

fedellio 

72 

moino 

196 

bngiuico 

328 

g  air  HO 

158.  156 

iiiiii.  iieiK' 

8H3 

ca^apo 

807 

garçoa 

156 

racliopiulio.  -a 

306 

gar(.'om 

156 

pai'vulo 

79 

rachopito,  -a 

306 

go/.o 

304 

pequeno.    pnque- 

cachopo,  -a 

806 

note 

81 

cliico 

•249  n. 

infante,  -a 

•29 

pequerrucbo 

81 

creaiK.a.  erianva 

106 

polha 

85. 

338 

cria 

108 

joven 

64 

polhastro 

888 

criaçâo 

108 

poncella 

88 

rrianoinha 

108 

mîineebinho. 

-a         199 

piicella 

85 

.  88 

416 


rapagâo 

386 

rapazào 

^     386 

rapar 

:-i86 

rapazellio. 

lapellio, 

rapariga,   rapaii- 

etc. 

386 

ginlia 

886 

r?ipazola 

386 

rapaz.  -a 

386 

386  I  seiiliorito.  -a 


zagal.  -a 


h^^)   II. 

68 
372 


Provençal  et  franco-proverical. 


adoulesoènfc,  -o  67 

agnelouii  323 

arbajou.  -uo  381 

ârè,  airet  378 

armaille  186  n. 

ârmalho  320  n. 

armeta,  armetot  177 

àvi  79 

babarot.  barbot  351 
babaroiitoun  352 

babi  346 

baboui(n).  etc.  327 

bacalar  17 

bachelar(d).-ardo  171  s. 
bachelo  158 

bafot,  baenot,  etc.  159  s. 
bagasa.  bagasso  167, 
203 
bagassouii  167,  203 

baichot  169 

baissoutotte  160 

bajou,  bayou  381 

bajoun,  bajounet  381 
bambin,  -o  238 

bambinot.  -outot  238 
barbelaio  348 

barbelas  348 

barbesiii  862  n. 

barbesino.    berbe- 

sino  136,  352 

barbèu.  barbèl, 

etc.  307,  348 

bardatcho  202  n. 

baset,  bàaet.  etc.  159  s. 
bastart,  bastardo  205 
bèc.  bèco.  bèico  239  s. 


hedeto.     badefa, 

etc.  322  n. 

bello-de-mai  173 

bessaula,  bressaula, 

etc.  160 

basoleta  160 

bèta  366  n. 

biqui  276 

biquinnerre  275 

blanc-bè  272 

bô  345 

bobet,  -a  366 

bogli,  boye,  etc.  66, 
320  s. 
bogné,  bogne.  bo- 

iiion  288  s. 

bogne,  bugne.  bei- 
gnet, etc.  288  s. 
borsat  270 
bort  205 
bot.  bwot  111 
bote  345 
bouata  270  n. 
boudissoun,  bou- 

douchoun  281  ii. 

boudoli  287 

boudro  220 

b6udro(c),  -o  220 

boudroucou(n)  220 

bouèbè,     bwbotè, 

bubô,  etc.  366 

bouébot  366 

bougnoun  289 

boumbo,  boumbeto, 

boumbùti  277  n. 

bouta  369 

bouza  218 


boyaude,  boyet  321 
braiet.  -o,  bragueto, 

etc.  269 

braise,  biaiza,  etc.  276 
bi-auqua,  brôcca  271 
brecot,  -a  881 

brot  284 

huduûo.     bttdif, 

etc.  269  11. 

bueb.  -a,  boube,  -a, 

etc.  365  s. 

bwata  66,  270  n.,  321 
bwateta  321 

hwuteyv  111 

cabilha.  caviha  281  u. 
cabilho,  caviho  281  ii; 
cabillou  281  n. 

cacouat  218  n. 

cadelard,  codelard  303 
cadelas,  -so  303 

cadelou(n)         ^  303 

cadet  114 

cadèu,  cadèl,  clia- 

dèl  285  n.,  303 

cagas  218 

cagassounet  218 

cago-nis  218  n. 

caitiu  186 

cat.  cato,  catoun  309 
causa,  cosa  210 

causilhou  210 

causou  210 

chat,  chato  309  s. 

chatou(n),  -o,  cha- 

tounet.  -o  309  s. 

chaucha  234 


17 


chaiichoiiu.  cliaii- 

('honnt't  2'ài 

chejti  182 

chichai  IVii 

chie-nid.  tchenni  218  n. 
chin,  -o  254 

chiijueto  268 

chourro  826 

eibot  29B 

coco,  uocota  yiO  n. 

cocot,  cocoto  540  n. 
«■xinilh,  counni  B3B 

coto,  coueto  B40 

coucarrou  B46  n. 

couteto,  coteto  840 

coutino  840 

«rapaut,  -e,  etr.  814 
crapautallie.  car2)au- 

talhe  841 

crapautin  844 

créât,  criât  75 

creatura,  -o  77 

creaturoun  77 

cucass,  cucarrou  846 
cuco  846 

cyo  218  s. 


(ioinizèn.  <l(>iin/i 

1  164  11. 

(Ion  s  et 

164  n. 

doussoun 

264 

drôle,    -o,    (li( 

11* 

•  . 

-o,  etc. 

878  ss. 

droiilas,  -ass( 

879  n. 

droulet,  -o 

879 

droulihonn 

;580 

drouliu 

879 

droulot.  -o 

:',79 

droviloun,  -<>. 

droulouiiHt 

879  s. 

efas  26  ri. 
enfanson,   eiifan- 

çouu  81  s. 

enfant,  efâ,  etc.  26  ss. 
enfanta,    -o,     in- 

fanta,  -o  6,  29 
enfantet,   -a,    en- 

fauton,  etc.  81   s. 

enfantin  81  n. 

enfantina  81 
esclau,  esclabe     138  n. 

esterle,  esterlo  117 

esterlet  '  117 


daniayselot,  -o 

danio 

damisèu,      danii- 

sello,  etc. 
diablet,  diablot 
diago 
diague 
ilolê,  -ta 
don(e),  dwn 
doiio,  donno,  etc 
donzala    • 
donzel,  -la 
donzellet,  -a 
donzellon 
dounzeleto 
dounzello 
donnzeloiin 


164 
168 

164 
191 

189  s. 
139 

181  s. 

162  8. 

.  163 
165 

164  s. 
164 
164 
164 
164 

164  n. 


817 


fâfiyô 
faille 

familha,  faniilli 
fant.  font 
fantett 
fantin,  -a 
fantou 
f^  do  71  ss.. 
fedou(n) 
félô 
fënà 
f  en  Ole 
feya,  faya 
fignolet,  -a 
fif.  fœf 
fifet.  fé^et 
îfilheta.  -o 


82 

78.  823 

124 

28 

81 

28.  31 

28 

n.,  323 

73.  317 

871 

121 

121 

78,  328 

176  n. 

96 

95 

96  s. 


tilho.  tiho,  etc.  96 

filhon,  fihouu  98 

filhot.  -a  97 

filhoto,  fifot«no  97 
filhounèl,  filhounet     98 

fintiltt  31 

foiitescj,  fouto  207  n. 
foutissou,     fou- 

trassoii,  etc.  207  n. 

fovitri<^uet  207 

gaf  286 

gafa  235 

gaf  et,  gafeto  236 

gafouia  284 

gafouioun  234  si 

gagndun,  goua- 

gnôu    .  ;K)8  n. 

gala,  gola,  etc.  229  n. 
galan,  galané  1.89  n. 
galaupar  229 

galavar(d)  228 

galavarda  228  n. 

galoupin  230  n. 

gamasson  368 

gamin,  -a.  -o  178,  367  s. 
galéza  175 

garbo  de  civado  281 
garçonne,  garçonne  162 
garçounot  •      160 

garlhapat,  galapia, 

etc.  228  s. 

garsi  148 

garson,  -a  148 

gar8ou(n)  149 

garsttnela  163 

gartz,  garsa  148 

gaudiifet  296 

gaudufié  296 

gaudufo,  gaoduflo. 

etc.  296 

galyon  271 

gnârœu  363  n. 

gnaire,  gnarro     363  n. 


418 


gôbi.  gôfi  849  n. 

gojo  849  n. 

gona.  goiina  .■325 

gone  325 

gonet.  ganet  825 

goro  825 

gorri,  goïU'rin  325 

goz,  gous  304 

goudoiirte,     g')u- 

flnnnfle  296  n. 

gonjardo  861  n. 

gOTTJat.  -<>.  gonyat. 

-o  849  ss. 

goujo  860  s. 

goujo  ('truie')  349  n. 
goujon! et.  -o  351 

goujou(n)  349  ss. 

goiirrinot.  -o  825 

gouiTouneto  326 

gousso  805 

goussouu  305 

gouyatote  861  ii. 

gracieux,  -se,  gra- 

chaii.  -sa.  etc.  175 
grapaïou  344 

grapandaio  344 

grapant.  grapaôu      344 

hedo.  liede  72 

hilliote.  liilhouteto  97 
hifnko.  liulhuco  99 

inkrsinin.  ékremé  217 
imioucent  246 

joine,  jouine  63 

jouieu  176 
joùvenèl,  -lo.  jou- 

benèi,  -lo  63 

jouvenome  63 

jouvent,  joubent  122 

.jouvento  122 

Jouventuro  122 


joUventut,  joTiben- 
tnt  122 

jove.  jouve.  -o.  jou- 
be  63 

joven.  joveiit  122 

jovencel.  -la.  jou- 
veiicèu.  -cellf)  65 


ko^tt.  koeè 

881 

koulotïr 

269 

koyn 

270 

krouëtsyo 

189 

'  marate,  malate     190  n. 
I  marbioncho  381 

I  margoul,  margou- 
!      lis.  etc.  235  u. 

margoulin,  -o.  -ot  235  n. 

niarmaio.  niarnialbo 

320  n..  333 
i  inarmaionn.    mar- 
i     malbou.   marma- 


krouyo.krouè.  etc.  188  s. 
kupardé  881 

levito.  nevito.  etc.    172 


macboto 
maclioutin.  -o 
maclat 

maclia(s).  -asso 
mîtridiora 
ifiaïentze 


343 
343 
130 
120 
179 
178  n. 


maiuat,  maynat  128  ss. 
mainatge,  meinatge. 

etc.  134  s. 

mainaton  128  n. 

maio  173 

mairmoin  332 

inaisnada.  masnada. 

etc.  125 

mâle  120 

malot  120 

maria,  -iia  318  s. 

manoip.  -a.  -o.  ma- 

cip,  -a,  -o  etc.  12. 
138  s. 
mancipeto,  maci- 

peto  189 

inanin,  menin.  -e. 

ininin.  -e.  etc.  128  n. 

312  s. 

manie  128  n. 


Ihot.  etc. 

a33 

marmot 

328 

marmous 

380 

marmouset 

329 

marmousilbo 

329  11. 

marmousot.  mar 

mousomi 

329 

marmoutoun 

328 

marri(t),  marri  a. 

môri.     môria. 

etc.              181 

s..  186 

martelein 

279 

masipM 

139 

massacre 

280  u. 

mastin 

303 

matton.  matta.  m 

at- 

tetta 

243 

maynacbaillo 

135 

maynadèle 

133 

maynadin 

133 

mavuadet.  -o  etc 

.    127, 

ia3 

maynado.  maynade  127, 
133 
maynaguèro  l'{3 

megnot.  -ta.  minot. 

-ta,  etc.  131 

meina.     meinati. 

mena.  etc.  26.  127  s. 
meinassa.  meinas- 

sou  123 

mekœn.  mekuna  184  n. 
mendie,  mendio,  etc. 

178  s..  186 
mendicoun.  -goun     179 


-  4iy  - 


meijdigiu'.to.  iiiHii- 

IIKIIISSOU 

b-J 

.jtUoto 

179 

mout 

iJ23  n. 

luenet,  niint>tta 

lai  n. 

mouvant,     goue 

nteniota 

129 

mouvant 

342 

meiion.  iniuoii 

131  u. 

iiioze.  mojlie,  etc 

:fc»  SH. 

meiuire.  iii«nre 

114 

muiiot,  muiiot 

131 

nijBUuJet.  -o.  ineiiii- 

set,  -o,  etv. 

268 

iiabo.  gnabo 

356 

me  mit,  -do 

258 

uebot 

111 

m«8(iviin.  -a        188.  186 

nen,  -e,  -o.  ncueto  363 

luiaille.'    miaillon. 

neneret,  -e 

363 

miailler.  etc. 

2H;}  s. 

nesque 

381 

miaoïichn 

273  u. 

nia,     gnià,     nyé 

miecli-ome 

366 

etc. 

354 

migna 

312 

niflo,  niflous 

232  n. 

ipjgnot,  -e    inegnot 

uik 

'232 

-e 

132  11. 

nikà,  iiikadj 

233 

migiiotte.  meugnot- 

iiiii.  iiina.  nineta, 

-0  363 

tt>.  etc. 

131 

iiiiii.  gnigni 

362  8. 

mignoun 

313 

nino.   ninot 

362 

mino,  minon.  iiii- 

nis 

364 

noii.  etc. 

311  11. 

niscat 

364 

minolet.  -a 

131 

nistoun,  -o 

354 

miste.  misto 

176 

nistounet 

354 

iiiistouii 

176 

noii-idurn 

109 

iiiodzô.  mojhoii 

;i21. 

uoirini 

109 

322  11. 

iiono 

363 

ijiokkau 

233 

nôvi 

63 

momo 

195  9. 

iiMyrigat 

60 

motet,    -te.    mon- 

1 

tât 

322  s. 

oublié,  ouvré,  etc.    160 

môti 

323  11. 

i 

motiUoii.  motillioii   822 

pairô 

259 

moto,  moiito 

323  u. 

paiui»re 

2B0 

mou,  moue 

245 

papa 

230 

mouchaclio 

336 

papaire 

280 

mouna 

327  n. 

paparèu,  paparello  230 

monniiia,  monina      327 

paparot 

230 

mouiiino 

327  11. 

papo.  papôti 

230 

mourbonso 

381  n. 

*paroii 

259 

mossi,  moussi 

m 

parpaiou 

196  9. 

mouindro 

131  n. 

parvi,  -o 

79 

mousse            82, 

322  n. 

parviot.  -o 

79 

iiiousset.  -e 

82 

parvol 

79 

pa.sHereto  342 

patara.s  226 

patarassouu,  pe- 

trauBSou,  etc.  226  h. 
patfj,  patte  225 

pauco,  paiichn  377  n. 
pawrot  177 

pecheniii  254  n. 

pechln  264 

perlet,  perJou  176 

pero,  -a  259 

pet,  peto  219 

petaire  223 

petarèu.  petaret  223 
pet^to  49 

petit,  -e,  -o  248  as. 

petitoun,  -o  253  n. 

pgtola  219 

peto-bas  223 

petot,  -a,  petouii. 

etc.  219 

petroumas  227 

petriis,  petrussôu  227 
patyolè  262 

patyou.  -da  262 

pié^a,  piead  222 

pichin  254 

pichot  250  srt. 

pichouii  260  s.s. 

pichounet.  -o,  pi- 

chounèu,  -ello  254 
pichouté,  -eto  254 

piéuceleto.  -ouno  8H 
piucel,  -ela,  pièu- 

cèu,  -èllo  88 

piuceleta,  punceleta  88 
pista,  pistaiiv  ii43  n. 
pisto,  pistro  34^? 

pitot,  -oto  254 

pitouet,  -eto  264 

poljin.  -â  84 

porno  279 

popada.  poupado  52 
poro  177  8. 


420  - 


pôt 

48 

rabachor 

384 

totô,  tototo        254.  360 

plôtili(n) 

B17 

rache 

144 

touset,  -o 

264 

poulinot,  poitlinon, 

ragâche 

•  144 

touso 

264 

etc. 

317 

ragachou 

145 

toustoun,  -o. 

pouloto 

338 

ragas,  ragach. 

re- 

toustounet,  -o 

264 

l)ouno 

48 

gach,  etc. 

142,  145 

toutougn 

360  n. 

poupard,  poupar 

t       60 

ragaso 

143  n. 

touzouirou 

264 

poupardoun 

50 

ràgasset 

145 

toy,  toye,  toio 

381 

ponpeie,  poupoio 

ragasso 

142 

toyè 

331  n. 

etc. 

48 

ragas Sun 

145 

toz,  -a 

264 

|ioupeto,  poupine 

)        49 

ragat,  ragô 

144 

tozar,  -arda 

264 

p<mpou(n),  -o 

48 

rago.  -a 

144 

tozel 

264 

poupounel,    pou- 

ratagôhla 

334 

tozet,  -a 

264 

pounet 

48 

rateiror,  rateirou, 

trï,  -a 

259 

pousse-bô 

345  n. 

ratairol 

343 

tsarkô 

276 

pouteto 

48  s. 

ritola 

312 

tsarko,  -a        27 

n..  276 

poutiho,  putino 

49 

tsikka,  tsikkala 

278 

poutoto 
poutouno,    poiT- 

touneto 
poùtounel,    po\T- 

tounet 

49 

48  s. 
48  s. 

sapou 
sapoulott 

seté^o 
sterle 

;}46 
346 
2=8 
117 

tsitso 
tyatya 
tyéta 
tyétô 

113 
113 
216 
216 

poutountoun 
pucella 
puello 

pulcella,  puncell 
-o,  etc. 

49 

85 
39 

a, 

88 

tap 
tapet 

tapouissoun, 
bouissoun 

281 
281 

ta- 

281 

valet,  vaslet, 

valot,  etc.         167  ss. 
valotet,  valotton       170 
verge,  vierge               68 

pMJÔ 

•200 

tchia,  tchiale 

223 

vermine 

352  n. 

p«r,  -a 

pussenote 

pyolatiche 

177  s. 
337 
262 

tchienculotte, 

tchienlé 
téryi^ka,  teeka 

223 

378 

verre                       326  u. 
vouetta,  vouetti        378 
vouetton,  ouetton     378 

pyolè 

252 

tendroun 

285 

tètèta 

360  n. 

ya 

113 

tetoun 

246 

yaubèle 

63 

^uenil 

336 

tintoun 

363 

youenc,  -o 

66  s. 

qùico,  -queto,  qiieco, 

titoun 

253  n. 

-queto 

271  n. 

t<1Sto 

264  n. 

zizi 

215  n. 

bagarin,  bigarin  214  n. 
ioiagarine  214 

bambin  238 

bargielèr  234 


Rhéto-roman. 


bastiichel                      204 

buob.  -a,  bueb. 

-à    366 

borricho                       320 

buobetta 

366  n. 

bot,  boda              286  n. 

bup,  bube 

366 

bôttidl,  bottigle   286  h. 

busaré 

208  n. 

421 


fctlsf'rar 

208* 

giuviiet.  -ta 

62 

biisra 

•208. 

giuvnals 

61 

tmttatscli 

286 

giuvno,  giuvuos 

64 

liiizci',  lniser,  -a 

209 

infant 

7,  80 

i-iuiiij.   etc.    V.   kanai 

iufaiizat 

BO 

clniidlamainta 

B67 

infaunt.   unfauiit, 

('•niebel,     cniebla, 

iffant,  etc. 

27 

cnipel,  onipla 

369 

infaiintet 

32 

cratsch 

175 

infauntin 

32 

érèat,  creatiu 

74 

creatura 

77 

jon.  -a 

62 

Greatiiriiia 

77 

joven 

62 

ô^ria 

107 

juventschèl,  -la 

65 

dknij  dan  163  kanâi.  -a,  kanai^/      302 

donzella,  dunzella,  kindal  367 

donschella,  etc.  165  s. 

dum(b)lo.  -e  163  lavui-  •     211  n. 


fantat,  -e  37 

fantazzat.  -e  37 

fantschè  39  n. 

fantschello,  -a        39  n. 
fantulin  7,  36  s. 

{jrut,  -e        7,  10,  37,  74 
frutatt.  -ate  74 

frntin,  -e  74 

fruton,  -e  74 

fnitntt.  fnitnzzate       74 


mamul-,  e  357  n. 

mat;  -a  240  ss. 

mattatsch,  -a  243 

mattella  243 

mattet.  -ta.  mattin, 

-a  243 

mazzacun  280  n. 

mazzûch  279  n..  280  n. 
minder,  mender  369 
môur.  -a  385 


pipinatt,  -utt  4À 

piriâ  44 

piricnl  44 

pirùche  44 

pitl,  -a  256 

pitschen,  pitschua    257 
pittin  265 

pivèll.  -e  53 

pizzinin  257 

pizzul,  pisul,  etc.  255 
polzète,  pulzète  30.  89 
puè(m).  puème  (poè- 
me, etc.)  366 
puizitate  89 
puopp,     puep, 

pueba  366 

purschell,  etc.  89 

pnrscliella  etc.     85.  89 


scagn 

163 

sium 

163 

stom 

242  n. 

tozat,  -a 

263 

tous,  -a 

2H3 

tschot,  tschottin  294  n. 
t;^nders  366 

t;findliny  366 

vergina  68 

vergna,  verua         68  n. 


miiffel 

385 

^ijarzoïi,  -e 

155 

mufla 

386 

yunkar                   370  n. 

giaisun 

155 

mut,  -a 

241 

giunfra,  jiinfra 

370 

zoun,  -a 

62 

giuven,     giuvua 

pericul 

44 

zovenatt,  zovinate, 

juveu,  jnvna 

62 

piôre 

44 

-ott,  -ote,  etc. 

62 

giuvintschella 

65 

pipi 

341  n. 

zovin.  -e 

62 

Roumain  (et 

macédo- 

■roumain). 

baia 

110 

l)aie/t'l 

111 

broscôin 

348 

baiat,  -a 

110  s. 

baie^oin 

111 

baie^an 

111 

barbât 

124 

cûca 

340 

baie^andru 

111 

brôsca. 

brôasca 

347 

cocon,  cucôn,  -a 

341 

bai^'/As 

111 

brosctH, 

broscime 

Î348 

c^pil 

205 

—  422  — 


copil,  -a                       205  I  feciorandrn                   70i.niic  274 
copilaf ,  copile^          205  ;  feciorâs.  -él,  -Vi^          70 

i  feméie,  femée            124  j  pic.  pica  255  n. 

fanieFa.   fumel'a.              i  fetiscana                       71  ;  piciii,  picilér  256  n. 

fetisoara.  fetij^a.  fe-            prune,  prnnca  'dC)5  n. 

tica                              71    pûica  IJ39 

fetnegi'ca                       71    pu/a  272 
fiïca                                 71 

ti'ca  71 

jûne.  -a                     59  s.  >  tinâr  81 

^ip  272 


fumeare  124 

fat.  -a.  fet.  -a  70  s. 

fâta  in  par  71  ii..  267  n. 
fatiiica  71 

fatù^a  71 

fecior,  -cioara.  fet- 

sor.  -e  70  s. 


Scandinave. 


babbe        277  n..  359  n.  î  kisse-murr 
barn  69    kylling 

bo-skit.  bo-fis       218  n. 
bôna  289  n.    lille  Mor 


311  II.    skorva.  skorvnac- 

387  n.        ke  224  u. 

snorgars  349  n. 

357  n.  I  snoi-liunn.  snor- 

hyfvel.  etc.        281  n. 

drummel                 282  n.    mor.  niora             857  n.    spôgdls  194  n. 

drang                      187  n.                                                 spôj  194  n. 

diimboni                 278  n.    purvel.  pervel.  j)ir-             stuiiip.  -a  276  n. 

dummer-jôns         178  n.        vel                          79  n.    stycke  225  n. 

parvla.  pirvla         79  n.    sôtnos  270  n. 
iiicka                       225  n.    pensionat               136  n. 

piga                        187  n.    toka  236 

304  n.    pibesild.  pii)esill  849  n.  ;  torsk  349  n. 

pulla                        337  n.  ;  tarna  137  n..   370 

140  n.    pus.   ]iys                   53  n.  |  troll  380 


gosse 

hère,  lierde 
jungfru 
kil 


187  n.    ragat.  -a.  ragatte-  |  migdoiri 

'      pack,  ragater    142  n. 
281  n. 


122  n. 


kopil.  kopile.  ko- 

pilu  205 


Slave. 

kosa 


2(>7  n. 


TABLE  DES  MATIÈRES. 


A  rtitit-pro/xts    l 

Intrnilui'tiim 3 

PREMIÈRE  PARTIE. 

TRADITION  LATINE. 

1.  TKAIJITIOX  PROPKE. 

'A.  Expressions  latines  pour  rendi'e  les   ult'es  de  'enfant',  ('pe- 
tit) gar(,'on'.  '  ptMin^    tille' -Jî-Î 

Infanfi.  p.  23.  Pucrenlus.  p.  3î>.  Pupun—pupa.  p.  40.  J*u- 
pillnx — piipilla,  p.  52.  Puptilus — pttpula,  p.  53.  Puitus. 
p.  53.     Futtts—jiuta.  p.  54.  i 

1>.  Expressions  latines  pour  rendre  les  idées  de  'jeune  houmie'. 

'jeune  femme" 59 

JuKtniK.  p.  59.  Juvenalix.  p.  (U.  Juvencus.  p.  64.  *Ju- 
rencelliis.  p.  65.  '^Jnveut^nfus.  p.  67.  Adolescent,  p.  67. 
Virgo.  \k  68. 

II.  TRADITION  IMPROPRE. 

A.  Mots    signifiant    pi'Imirivfiii>Mii  :    'le  f(i>tus",    'i<-  i|iii  t^st  en- 
gendré"       69 

iFetu-s.    p.  70.     FructH'<.  \>.  7B.     Creattis.  p.  71.     Creatura. 
j).  75.     Creamen.  p.  77.  > 

t>.    dénominations  tirées  d'une  ijualité  particulière  77 

J'arvus.  pnrculus.  p.  77.  l'isinnus.  p.  80.  Tener.  p.  81. 
Musteus.  p.  81. 

('.  Emploi  uiétapliori(|ue  d"un  nom  d'animal   x'^ 

rihtllns—puVn.  p.  83.    * PidUeella,  p.  85.    Monetluhi.  p.  8U.) 


_  424  - 

Page» 

DEUXIEME  PARTIE. 

CRÉATION  ROMANE. 

1.  CHANGEMENTS  DE  SENS. 

A.  Changements  passifs. 

1.  Mots  désignant  primitivenient  les  enfants  pai*  l'apport  au 

père  ou  à  la  mère i»y 

('Fils",  'fille',   p.  93.    'Héritier,  p.  104.    'Ce  qui  est  créé  ou 

eugeudréV  P-  107 v'   'Celui  qui  est  nourri,  élevé',  p.  108.) 

2.  Mots  désignant  les  enfants  par  rapport  à  d'autres  parents   111 
('Neveu',  p.   111.     'Frère',  p.  112.     'Cadet',  p.   113.) 

3.  Mots  ayant  le  sens  primitif  de   'ct'libataire'.  'stérile' ll-> 

4.  Mots  désignant  le  sexe  IIS 

('Mâle',  p.  118.     'Femme',  p.   120.) 

5.  Mots  ayant  le  sens  primitif  de  'jeunesse' 122 

().  Mots  désignant  la  famille,  la  maisonnée   12H 

{Familia.  p.  123.    ^Mansionata.  p.  125.    *Mansionaticuin, 
p.  134.) 

7.  Mots  désignant  la  condition  sociale    la? 

('Serviteur',    'servante',  p.  137.     'Jeune  seigneur',   'jeune 
dame',  p.   161.) 

s.  Mots  se  rapportant  à  divers  usages  locaux 172 

9.  Noms  propres    17H 

B.  Changements  actifs. 

1.  Ternies  affectifs. 

a.  Termes   de  tendresse  174 

b.  Termes  de  pitié   177 

c.  Termes  dépréciatifs  ou  cacopliémiques    1S."« 

c  1.  Mots   signifiant  'méchant',  'coquin',  etc 188 

c  2.  Termes    d'origine  mj^tliologique  ou  superstitieuse   191 

c  3.  'Hérétique' Utft 

c  4.  Mots  collectifs 197 

c  5.  Mots  exprimant  l'impatience    2(K.> 

c  6.  Mots  se  rapportant  aux  idées  sexuelles    201 

c  7.  Mots  ayant  le  sens  de  'objet  insignifiant',  'chose', 

'individu'    209 

c  8.  Termes  scatologiques 21(> 

c  9.  Mots  signifiant  'pouilleux',  'teigneux',  'puant' 223 

c  10.  Mots  signifiant  'guenille',    chiffon',  'torchon' 22."» 

2.  Termes  descriptifs. 

a.  Mots    se  rapportant  à  lUie   (qualité  ou  à  une  habitude  227 


-  426  - 

PHgAH 

('(Joulii',  p.  227.  'Paresseux',  'ti-aiiiard',  }>.  231.  'Mor- 
veux'. |).  231.  Baveux',  p.  233.  'Pleureiu-',  'criail- 
leur'.  j).  233.  'Barboteur'.  p.  234.  'Gaspilleur',  p. 
235.  Niais",  'fou',  p.  28«.  'Innocent',  p.  245.  'Tô- 
teur',  p.  246.  'Vif,  'turbulent',  p.  247.  't'elui  qui 
demande  avec  instance',  p.  24S.  'Petit',  p.  24H. 
Jeune',  p.  259.) 

b.  Dénominations  établies  d'aj)rès  la  coupe  des  cheveux  2H0 

c.  Mots  concernant  les  vêtements  260 

d.  Dénominations    établies    d'après    luie  partie  du  corps  270 

;>.  Métapli  ores. 

a.  Métaphores    tirées   d'objets  inanimés  et  du  règne  vi- 

gétal 27f{ 

al.  Métaphores  faisant  ressortir  la  petitesse 273 

a  2.  Métaphores  faisant  ressortir  la  forme   27(» 

('Battant  de  cloche',  'pilon',  'pommeau'  etc..  p.  277. 

'Bouchon',  'tampon',  p.  280.   'Baguette',  'rameau'. 

'scion',  etc.,  p.  281.    'Rejeton',  'tendron',  p.  284. 

'Outre',    'panse',    p.    285.     'Miche',    'gâteau',    p. 

288.      'Petit  fruit'  (pois,  fève,  etc.  .  p.  JsO.     .\ni- 

mal  ou  objet  inanimé?,  p.  292.) 
a  3.  Métaphores  faisant  ressortir  les  mouvements 295 

b.  Métaphores  tirées  du  règne  animal  297 

i^Chien,   p.  298.     Chat  p.  309.     Cheval,  p.  316.     Mule. 

mulet,  p.  319.  Génisse,  génissou,  p.  320.  Agneau, 
brebis,  bélier,  j).  323.  Cochon,  truie,  verrat,  p.  324. 
Singe,  p.  327.  Rat.  p.  334.  Chauve-souris,  p.  336. 
Lapin,  p.  336.  Poulet,  poulette,  p.  336.  Caille,  p. 
341.  Pigeon,  p.  341.  Oiseaux  divers,  p.  342.  Cra- 
paud, grenouille,  p.  343.  Poissons,  p.  348.  lu- 
sectes,  vers,  etc.,  p.  351.  Dérivés  d>i  lat.  nidui^. 
p.  352.) 

c.  Cas  divers 354 

('Poupée',  p.  354.  'Petit  homme',  nain",  p.  355.  'Pe- 
tite mère',  j\.  357.) 

II.  CRÉATION  PRIMITIVE. 

1.  Formations  enfantines  359 

2.  Refrains    ^2 

3.  Onomatopées  proprement  dites 363 


—     4:2(3     - 

Pages 

m.  MOTS  D'EMPRUNT. 

1.  Mots  allemands   365 

2.  Mots  nôevlaiidais     370 

3.  Mots  anglais 371 

4.  Mots  grecs   371 

5.  Mots  arabes 872 

IV.  MOTS  D'ORIGINE  INCONNUE. 

1.  Mots  français,  provençaux  et  franco-provençaux 37H 

2.  Mots  italiens    382 

3.  Mots  rhéti(jaes     385 

4.  Mots  espagnols,  portugais   et  catalans .^(» 

Bibliographie 3h8 

Index  398 


M 


•1 


Corrections. 


J'.     :>1  1.  l.")  d'eu  bas:   l'réceîlunce 

'>      40  »  1.")       *        »       p.  S7.  II.  2 

tj<>  »  7  d'en  haut:  valais 

>  73  >  9  d'en  bas:   sj  331 

88  »  2.  3  d'en  baut:  piuceleto,  punceleto 

*  142  »  !)                    />        il  ronzini 
A    153  *  11                           agrrào 

»    155  »  13         »                  corespondant 

15(j  *  12         »         '>       (jennania  . 
'    171:   supprimer  la  note  2 

»    18H  1.  18  d'en   bas:   werden  soH 

223  *  12  d'eu  haut:     teienlé 

"    223  *  lt>       A                   petarta 

'    241  >  7       *          »          cette  Tessin 

•  255  »  7  d"en  Vjas:  frioub. 

>  25J>  *  f)  d'en  haut:  paron 


lisez;   l'récellence 
^       p.  80.  n.   1 
->      valais. 
.      §  334 

»      piuceleta.   punceleta 
»      il  ronzino 

*  ya rrdo 
correspondant 
i/ermania 

»      ausgedriickt  werden 
sol] 

tchienU 

petarèu 
»      le  Tessin 

*  frioul. 

*  *parov 


i 

il 

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-3  fL, 


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