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Full text of "Entre ville et campagne : l'essor du village dans les seigneuries du Bas-Canada"

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Serge  COURVILLE 


HCA 


VILLE 


L'essor  du  village 

dans  les  seigneuries  du  Bas*Canada 


LES  PRESSES  DE  L'UNIVERSITÉ  LAVAL 


TRE  VILLE 

ET  CAMPAGNE 


Serge  Courville 


ENTRE  VILLE 

ET  CAMPAGNE 


L'essor  du  village 
dans  les  seigneuries  du  Bas-Canada 


LES  PRESSES  DE  L'UNIVERSITÉ  LAVAL 
Québec,  1990 


Cet  ouvrage  a  été  publié  grâce  à  une  subvention 
de  la  Fédération  canadienne  des  sciences  sociales, 
dont  les  fonds  proviennent  du  Conseil  de  recherches 
en  sciences  humaines  du  Canada. 


Données  de  catalogage  avant  publication  (Canada) 

Courville,  Serge,  1943- 

Entre  ville  et  campagne:  l'essor  du  village  dans  les  seigneuries  du 
Bas-Canada 

Comprend  des  références  bibliographiques. 

ISBN  2-7637-7232-3 

1.  Villages  -  Québec  (Province)  -  Histoire  -  19e  siècle. 

2.  Québec  (Province)  -  Conditions  sociales  -   19e  siècle. 

3.  Québec  (Province)  -  Conditions  rurales.  I.  Titre. 

HN110.Z9C6  1990  971.4'02  C90-096501-0 


Conception  graphique 

Norman  Dupuis 

Couverture 

Baie-Saint-Paul,  de  Philip  John  Bainbrigge,  aquarelle,  1841 
ANC,  C-11833. 


Les  Presses  de  l'Université  Laval  1990 
Tous  droits  réservés.  Imprimé  au  Canada. 
Dépôt  légal  (Québec  et  Ottawa),  3e  trimestre  1990 
ISBN  2-7637-7232-3 


Table  des  matières 


Remerciements  XI 

Introduction  1 

CHAPITRE  1 

UN  PHÉNOMÈNE  AMPLE  AUX  RACINES  ANCIENNES  1 3 

LES  ANTÉCÉDENTS  HISTORIQUES  13 

LA  POUSSÉE  DES  ANNÉES  1815-1851  26 

La  mesure  du  phénomène  27 

Les  variations  régionales  33 

QUELQUES  FACTEURS  D'EXPLICATION  35 

La  poussée  démographique    .  37 
L'accélération  des  échanges  et  la  montée 

des  industries  rurales  40 

Les  initiatives  seigneuriales  43 

Les  autres  facteurs  46 

CHAPITRE  2 

UN  CADRE  PHYSIQUE  VARIÉ  49 

LA  FORME  DES  BOURGS  49 

LA  STRUCTURE  INTERNE  DES  BOURGS  53 

L'aire  sacrée  53 

L'aire  profane  55 

LA  TAILLE  DES  BOURGS  57 

LA  QUALITÉ  DE  L'HABITAT  62 

Le  tissu  résidentiel  .  63 

Les  équipements  économiques  et  sociaux  65 

Les  équipements  de  prestige  65 

Les  équipements  de  travail  70 

L'AMÉNAGEMENT  DES  BOURGS  73 

Les  plans  de  villages  74 

Quelques  exemples  d'interventions  seigneuriales  82 

Les  facteurs  d'explication  88 


VII 


CHAPITRE  3 

LA  POPULATION  VILLAGEOISE  93 

LES  SOURCES  93 

LES  TRAITS  DÉMOGRAPHIQUES  95 

L'ORIGINE  GÉOGRAPHIQUE  106 

LA  COMPOSITION  ETHNIQUE  115 

LA  SOCIÉTÉ  VILLAGEOISE  121 

Un  éventail  large  d'activités  121 

Les  statuts  et  les  rôles  132 

Le  seigneur  132 

Le  curé  133 

Les  notables  134 

Les  marchands  138 

Les  artisans  140 

Les  journaliers  141 

Les  rentiers  143 

Ceux  dont  on  préfère  taire  la  présence  147 

CHAPITRE  4 

LES  FONCTIONS  DU  VILLAGE  ET  LES  TYPES  DE  BOURGS  1 53 

LE  CONTEXTE  153 

DES  VOCATIONS  VARIÉES  157 

La  fonction  militaire  158 

Les  fonctions  économiques  et  sociales  158 

La  fonction  commerciale  159 

La  fonction  industrielle  168 

La  fonction  d'accueil  et  de  services  179 

La  fonction  administrative  et  religieuse  186 

LE  CUMUL  DES  FONCTIONS  ET  LA  HIÉRARCHIE 

VILLAGEOISE  188 

BOURGS  RIVERAINS,  BOURGS  DE  L'INTÉRIEUR  194 

VILLAGES  «  BOURGEOIS  »,  VILLAGES  «  POPULAIRES  »  201 

CHAPITRE  5 

LA  VIE  DANS  LES  BOURGS  207 

DES  CONTEXTES  HUMAINS  DIFFÉRENCIÉS  208 

LES  RAPPORTS  AU  CADRE  BÂTI  213 

LES  RAPPORTS  D'ALTÉRITÉ  223 
LES  MINORITÉS  ETHNIQUES  ET  LA  RECHERCHE 

D'APPARTENANCE  226 

LES  RYTHMES  ET  LES  CYCLES  DE  VIE  237 

Conclusion:  Village,  économie  et  société  241 


VIII 


Annexe  A:  Méthodologie  de  repérage  des  bourgs  dans  les 

recensements  de  1831  et  de  1851-1852  259 

Annexe  B:  Noyaux  villageois  (1815,  1831,  1851)  273 

Annexe  C:  Population  villageoise  (1815,  1831,  1851)  281 

Annexe  D  :  Principales  mentions  de  métier,  de  profession,  d'état  et 

de  statut  dans  les  recensements  de  villages  (1831,  1851)  288 

Annexe  E:  Équipements  économiques  et  sociaux  (1851)  302 

Annexe  F:  Structure  de  la  main-d'œuvre  (1831,  1851)  304 

Bibliographie  309 

Liste  des  codes  325 

Liste  des  sigles  327 

Liste  des  figures  329 

Liste  des  tableaux  331 

Index  des  noms  de  villages  333 


IX 


Remerciements 


La  recherche  à  l'origine  de  cet  ouvrage  s'est  échelonnée  sur  tant 
d'années  et  a  mobilisé  tant  de  personnes  qu'il  m'est  difficile  aujourd'hui 
de  leur  rendre  justice  à  toutes.  J'aimerais  toutefois  souligner  l'apport 
extrêmement  important  de  mes  étudiants  qui,  depuis  juin  1982,  m'ont 
permis  d'aller  bien  au-delà  de  mes  premières  intuitions.  Je  pense  ici  tout 
particulièrement  à  ceux  de  la  première  génération  qui,  pendant  trois  ans, 
ont  envahi  la  salle  des  microfilms  de  la  bibliothèque  de  l'Université  Laval 
et  des  Archives  nationales  du  Québec  pour  dépouiller  les  recensements 
de  1831  et  de  1851.  Parmi  eux,  Andrée  Héroux,  la  première  à  m'avoir 
efficacement  secondé,  Jacques  Crochetière,  André  Crochetière,  Johanne 
Salois  et  quelques  autres,  venus  durant  un  été  se  joindre  à  l'équipe. 
Ensemble,  ils  ont  dépouillé  plus  d'une  cinquantaine  de  bobines  de 
microfilms  pour  réunir  les  données  que  Denis  Hébert  devait  placer  sur 
support  informatique.  C'est  à  eux  aussi  que  je  dois  certains  inventaires 
d'archives  et  divers  dépouillements  d'œuvres  anciennes.  Qu'il  me  soit 
permis  de  leur  exprimer  ma  plus  profonde  gratitude,  car  sans  eux  le 
projet  n'aurait  jamais  connu  le  départ  qu'il  a  eu.  Je  pense  aussi  à  tous 
ces  étudiants  de  la  deuxième  génération  qui,  pendant  plus  de  deux  ans, 
ont  bien  voulu  m'assister  dans  ma  tâche  de  révision  des  données.  Ce 
travail,  que  j'avais  moi-même  amorcé  à  l'automne  de  1984,  m'avait 
permis  alors  de  corriger  certaines  imprécisions  de  la  première  banque  de 
données.  Il  s'est  poursuivi  grâce  aux  apports  de  Maryse  Poudrier,  de 
Johanne  Lachance  et  de  Claude  Boudreau  auxquels  sont  venus  se 
joindre  pendant  un  temps  André  Crochetière,  Brigitte  Dufour,  Nancy 
Gagné,  Johanne  Noël,  John  Willis  et  Corinne  Thomas.  Leur  intelligence 
et  leur  générosité  ne  se  sont  jamais  taries,  même  dans  les  moments  les 
plus  difficiles.  Enfin,  je  dois  remercier  Jean  Martin  de  sa  collaboration 
dans  le  dépouillement  de  certaines  cartes  anciennes  et  Philippe  Desaul- 
niers,  devenu  depuis  professionnel  de  recherche  en  cartographie  histo- 
rique, à  qui  je  dois  une  assistance  précieuse  pour  l'illustration  de  cet 
ouvrage. 

Je  voudrais  souligner  également  tout  l'appui  obtenu  du  Fonds 
pour  la  formation  de  chercheurs  et  l'aide  à  la  recherche  (FCAR)  dans  la 
réalisation  de  mes  recherches;  sans  son  aide  et  la  confiance  qu'il  a  mise 


XI 


dans  mes  travaux,  ces  derniers  auraient  piétiné  et  cet  ouvrage  n'aurait 
jamais  vu  le  jour.  Je  remercie  également  le  Conseil  de  recherches  en 
sciences  humaines  du  Canada  (CRSHC)  de  l'aide  qu'il  m'a  consentie 
pour  la  reconstitution  des  découpages  administratifs  anciens  de  la  région 
de  Montréal,  lesquels  m'ont  permis  de  mieux  saisir  la  socio-économie 
québécoise  durant  la  première  moitié  du  XIXe  siècle.  Je  voudrais  dire 
aussi  à  tous  ceux  qui  m'ont  facilité  la  tâche,  tant  aux  Archives  nationales 
du  Canada  (ANC)  et  aux  Archives  nationales  du  Québec  (ANQ)  qu'au 
ministère  de  l'Énergie  et  des  Ressources  du  Québec  (MER)  et  à  l'Univer- 
sité Laval,  à  quel  point  je  leur  suis  redevable.  Ceux  envers  qui  j'ai 
contracté  une  dette  sont  trop  nombreux  pour  être  cités  ici.  Qu'il  me  soit 
permis  néanmoins  de  souligner  l'apport  extrêmement  chaleureux  de 
Patricia  Kennedy  et  Gilles  Langelier  des  ANC,  de  Gilles  Héon  et  Jean- 
Marc  Garant  des  ANQ  à  Québec  et  des  ANQ  à  Montréal,  et  de  Fernand 
Martel  du  Service  de  l'arpentage  du  MER.  Ils  n'ont  pas  hésité  à  mettre  à 
ma  disposition  et  à  celle  de  mes  assistants  les  ouvrages  et  documents 
dont  ils  avaient  la  garde.  Quant  à  mes  collègues  et  au  personnel  de 
l'Université  Laval,  ils  m'ont  consenti  des  collaborations  précieuses,  en 
commençant  par  celle  de  Jacques  Mathieu  du  Département  d'histoire, 
qui  a  gracieusement  offert  de  mettre  à  ma  disposition  sa  documentation 
sur  les  aveux  et  dénombrements  du  Régime  français;  Jean-Pierre  Asse- 
lin,  du  CELAT,  m'a  efficacement  secondé  dans  la  révision  de  la  première 
version  de  mon  manuscrit,  Benoît  Robitaille,  directeur  du  Département 
de  géographie,  n'a  pas  hésité  à  m'offrir  l'équipement  dont  j'ai  eu  besoin 
pour  poursuivre  mes  travaux,  Louise  Dion  et  Marcel  Hudon,  de  la 
bibliothèque,  et  Yves  Tessier,  de  la  cartothèque,  m'ont  facilité  l'accès 
aux  ouvrages  et  collections  nécessaires  à  la  recherche.  Enfin,  Jean 
Cameau  et  Serge  Duchesneau  ont  contribué  à  l'illustration  de  cet  ouvrage. 
Je  remercie  également  mon  collègue  Jean-Claude  Robert  du  Dépar- 
tement d'histoire  de  l'Université  du  Québec  à  Montréal,  qui  a  été 
associé  au  projet  dès  le  départ  et  à  qui  je  dois  de  fructueux  échanges. 

Quant  au  personnel  des  Presses  de  l'Université  Laval,  il  sait  à 
quel  point  je  lui  suis  reconnaissant.  Je  lui  dois  non  seulement  d'utiles 
commentaires,  mais  aussi  de  précieuses  suggestions  qui  m'ont  permis 
d'améliorer  la  version  finale  de  mon  manuscrit.  À  Jacques  Chouinard, 
Suzanne  Allaire  et  leurs  principaux  collaborateurs  de  l'extérieur,  Gene- 
viève Laplante  et  Norman  Dupuis,  le  plus  cordial  merci. 

S.  C. 
Mars  1990 


Introduction 


Cet  ouvrage  est  avant  tout  un  constat.  Il  traite  de  l'un  des 
phénomènes  les  plus  marquants  de  l'histoire  du  Québec,  celui  de  la 
croissance  villageoise  au  cours  de  la  première  moitié  du  XIXe  siècle  dans 
les  seigneuries  laurentiennes.  C'est  donc  du  village  qu'il  sera  question 
ici,  vu  non  seulement  dans  ses  caractéristiques  propres,  spatiales  no- 
tamment, mais  aussi  comme  un  reflet  des  changements  que  connaissait 
alors  la  campagne  québécoise.  Car  la  géographie  n'est  pas  qu'une 
science  de  l'espace,  elle  est  aussi  une  science  du  social,  qui  étudie  la 
société  par  l'espace.  Le  mot  n'est  pas  de  nous  mais  de  Fernand  Braudel 
qui  avait  su  voir  dans  cette  discipline  beaucoup  plus  qu'une  simple 
description  de  la  terre.  «  Il  n'y  a  de  véritable  géographie,  disait-il,  que 
celle  qui  saisit  à  pleine  main  la  réalité  sociale,  à  la  fois  matière  d'histoire, 
d'économie  politique  et  de  sociologie1.  »  C'est  à  cette  enseigne  que  ce 
travail  s'inscrit:  observer  le  village  pour  en  dégager  les  traits  et  obtenir 
des  indices  sur  l'évolution  de  la  société. 

Tout  ne  sera  pas  dit  ni  même  exploré  dans  ce  livre.  Mais  dans  le 
développement  des  connaissances  vient  un  moment  où  un  bilan,  si 
sommaire  soit-il,  rend  plus  de  services  qu'une  suite  d'articles  spéciali- 
sés. C'est  un  tour  d'horizon  que  le  chercheur  s'accorde  avant  de 
poursuivre  ses  explorations,  un  effort  d'intégration  qui  doit  permettre 
une  meilleure  vision  de  ce  qu'il  perçoit  comme  un  problème.  L'histoire 
du  village  au  Québec  semble  en  être  arrivée  là.  Sans  cette  vue  d'ensem- 
ble, sans  cette  mise  au  point  nécessaire  que  constitue  la  première 
synthèse,  on  ne  peut  aller. plus  loin. 

On  sait  beaucoup  de  choses  du  village  et  cet  ouvrage  en  rappellera 
plusieurs  qui  ont  déjà  été  présentées  dans  nos  publications  antérieures. 
Pourtant,  aujourd'hui  encore,  le  passif  reste  lourd.  Nous  nous  sommes 
efforcé,  ici,  de  n'en  rien  dissimuler.  Nous  n'avons  pas  voulu  non  plus 
taire  les  insuffisances  de  notre  documentation,  ni  les  lacunes  d'une 
lecture  faite  à  partir  de  sources  dont  la  fiabilité  n'est  pas  toujours 
assurée.  Mais  pour  éviter  d'alourdir  inutilement  l'exposé,  seules  ont  été 


1.  Fernand  Braudel,  Écrits  sur  l'histoire,  p.  173. 


retenues  les  limites  principales  de  ces  sources,  sans  les  critiques 
détaillées  qu'elles  auraient  méritées.  D'ailleurs,  plusieurs  d'entre  elles 
sont  connues  pour  avoir  déjà  fait  l'objet  de  divers  exposés. 

Quand  nous  avons  amorcé  nos  recherches  en  juin  1982,  notre  but 
était  moins  de  fournir  une  histoire  détaillée  du  village  que  de  poser  le 
problème  de  sa  vertigineuse  croissance  à  une  époque  où  tout  semblait 
justifier  les  thèses  relatives  à  une  crise  profonde  du  monde  rural  québé- 
cois: forte  augmentation  de  population,  accidents  climatiques,  épidé- 
mies, maladies  du  blé,  troubles  politiques,  rébellions,  etc.  Pour  poser  ce 
problème,  il  fallait  une  perspective  large,  qui  dépasserait  le  cadre  res- 
treint de  la  localité.  Car,  comme  le  rappelait  autrefois  Marc  Bloch2,  si  les 
monographies  peuvent  rendre  compte  des  particularismes  locaux,  elles 
ne  sont  guère  capables  d'éclairer  les  phénomènes  d'ensemble.  Pour 
cela,  il  faut  changer  d'échelle  et  observer  un  vaste  territoire,  afin  d'éviter 
que  les  grands  reliefs  ne  se  perdent  dans  la  masse  confuse  des  petits. 
Même  une  région  est  insuffisante  parfois  pour  cerner  la  nature  et 
l'étendue  d'un  fait  ou  d'une  évolution,  et  laisse  croire  en  des  réalités  que 
nuancent  ou  défont  les  comparaisons  avec  d'autres  régions. 

C'est  là  un  point  de  méthode  important:  sans  ce  tour  d'horizon 
des  grands  espaces,  il  n'est  pas  possible  de  saisir  dans  leur  singularité 
les  développements  propres  à  chacune  des  parties  d'un  territoire.  Il  ne 
s'agit  pas  de  nier  ici  l'intérêt  des  études  locales,  ni  d'être  téméraire  en 
voulant  tout  embrasser.  Au  contraire,  il  faut  réunir  assez  de  données,  sur 
un  nombre  suffisant  de  cas,  pour  dégager  les  originalités  par  la  recher- 
che de  contrastes  et  de  caractères  communs.  C'est  ce  que  permet 
l'étude  d'un  vaste  territoire,  dont  l'un  des  mérites  est  précisément 
d'éclairer  les  organisations  d'ensemble  dans  lesquelles  s'inscrivent  les 
particularités  locales  ou  régionales.  C'est  ce  que  permettent  aussi  certai- 
nes sources,  colligées  pour  de  vastes  espaces.  Les  données  qu'elles 
offrent  au  chercheur  n'ont  sans  doute  pas  la  précision  de  celles  que  l'on 
retrouve  dans  d'autres  documents  parfois  plus  riches  et  plus  sûrs,  mais 
dont  la  couverture  territoriale  est  restreinte. 

Les  limites  de  temps  et  d'espace  retenues  pour  cette  enquête 
sont  assez  larges:  elles  couvrent  les  années  1815-1851  et  l'ensemble 
des  seigneuries  comprises  depuis  l'ouest  de  Montréal  jusqu'à  l'aval  de 
Québec,  à  la  hauteur  de  Charlevoix,  sur  la  rive  nord  du  Saint-Laurent,  et 
de  Matane  sur  la  rive  sud.  C'est  à  cette  époque  et  dans  ce  territoire  qu'a 


•2.  Marc  Bloch,  Les  caractères  originaux  de  l'histoire  rurale  française,  vol.  I,  p.  VIII  et 
suiv. 


pris  forme  le  phénomène  villageois.  Non  que  le  village  date  de  cette 
période  ou  se  limite  aux  seules  seigneuries;  son  origine,  on  le  verra,  est 
beaucoup  plus  ancienne  -  on  le  retrouve  aussi  dans  les  cantons  -  mais 
c'est  dans  cet  espace-temps  bien  précis  que  sa  poussée  a  été  la  plus 
vive  et  la  plus  significative  économiquement  et  socialement.  En  moins 
de  35  ans,  le  village  est  devenu  l'un  des  traits  dominants  de  la  campa- 
gne et  de  la  vie  paysanne. 

En  effet,  pendant  longtemps,  on  a  cru  que  l'apparition  du  village 
dans  les  cantons  était  en  quelque  sorte  normale  et  qu'elle  était  issue  de 
ce  vieux  fond  d'urbanité  des  civilisations  britannique  et  anglo-américaine. 
Dans  cet  ouvrage  nous  démontrerons  que  des  phénomènes  similaires 
se  produisent  dans  les  seigneuries  et  que,  si  la  ruralité  de  l'habitant 
canadien  diffère  de  celle  qui  a  cours  dans  les  établissements  anglopho- 
nes du  Canada  ou  des  États-Unis,  en  Nouvelle-Angleterre  notamment,  il 
s'agit  d'une  distinction  de  degré:  les  mutations  observées  quant  aux 
formes  d'habitat  laissent  voir  une  réalité  très  différente  de  celle  en 
laquelle  on  a  cru  pendant  longtemps.  Il  faut  observer  cette  poussée  pour 
saisir  le  sens  des  changements  que  connaît  alors  la  société  rurale  au 
Bas-Canada,  ce  qui  contribuera  à  éclairer  un  aspect  encore  obscur  de 
l'histoire  du  Québec. 

L'une  des  premières  et  des  plus  sérieuses  difficultés  que  pose 
l'étude  du  village  dans  la  première  moitié  du  XIXe  siècle  au  Québec 
réside  dans  le  peu  de  mentions  de  cette  forme  d'habitat  dans  les 
sources  documentaires  de  la  période.  Au  recensement  de  1831  par 
exemple,  on  ne  trouve  que  37  mentions  de  villages,  bourgs  ou  fau- 
bourgs dans  les  listes  nominatives  de  seigneuries,  contre  38  dans 
l'agrégé.  Dans  celui  de  1851,  on  en  remarque  à  peine  plus,  dont  une 
quinzaine  seulement  sont  mentionnées  comme  telles  ou  comme  villes 
dans  la  copie  abrégée  de  ce  recensement.  Sachant  par  d'autres  sources 
l'importance  du  phénomène  villageois  à  l'époque  -  Joseph  Bouchette3, 
par  exemple,  en  dénombre  114  dans  l'un  des  tableaux  statistiques  de 
son  dictionnaire  de  1832,  contre  136  dans  le  texte  -,  on  peut  se 
demander  pourquoi  ce  fait  n'a  pas  été  mieux  enregistré  dans  les 


3.  Joseph  Bouchette  a  produit  deux  ouvrages  majeurs  destinés  à  accompagner  ses 
cartes  du  Bas-Canada  de  1815  et  de  1831.  Le  premier,  intitulé  Description  topogra- 
phique de  la  province  du  Bas-Canada,  a  été  publié  à  Londres  en  1815  par  William 
Faden  et  réédité  à  Montréal  en  1978  aux  Éditions  Elysée;  c'est  cette  dernière 
édition  que  nous  citons  ici.  Le  second  ouvrage  est  une  réédition  revue  et  augmen- 
tée du  premier.  Intitulé  A  Topographical  Dictionary  of  the  Province  of  Lower 
Canada,  il  a  également  été  publié  à  Londres  en  1832,  chez  Longman,  Rees,  Orme, 
Brown,  Green  and  Longman. 


documents  officiels  et  pourquoi  aussi  il  n'a  pas  été  rapporté  par  ces 
autres  observateurs  qui,  contrairement  à  Bouchette,  n'ont  fait  mention 
que  de  quelques  villages  dans  la  vallée  du  Saint-Laurent. 

Le  problème,  on  le  sait,  passe  par  la  définition  même  du  village, 
non  seulement  chez  les  contemporains,  mais  chez  ceux  qui,  plus  d'un 
siècle  après,  tentent  de  l'étudier.  Il  découle  aussi  des  perceptions  de 
ceux  qui  ne  sont  venus  visiter  le  Québec  que  pour  de  courts  laps  de 
temps,  à  la  recherche  d'un  quelconque  exotisme  garanti  par  les  guides 
publicitaires  de  l'époque;  le  village,  pour  eux,  n'est  souvent  rien  de  plus 
qu'un  élément  ambiant  du  paysage,  que  l'on  a  tendance  à  idéaliser  et  à 
comparer  aux  petits  bourgs  agraires  paisibles,  si  chers  à  la  gentry 
britannique.  Pour  s'en  convaincre,  il  suffit  de  relire  le  Hunter's  Panoramic 
Guide  from  Niagara  to  Québec,  publié  à  Cleveland  en  1857  et  qui 
commence  par  ces  mots  :  «  The  following  work  is  intended  to  supply 
what  has  long  appeared  a  desideratum  to  the  tourist  who  visits  Niagara 
and  the  St.  Lawrence,  -  a  Panoramic  or  Picture  Map  of  ail  the  most 
celebrated  and  picturesque  points  along  this  noble  river4.  »  Sans  doute 
est-ce  là  un  bien  mauvais  exemple  qui  ne  rend  compte  qu'imparfaite- 
ment de  la  valeur  que  peuvent  prendre  certains  témoignages  de  l'épo- 
que. Mais  même  chez  des  auteurs  comme  Isaac  Weld5  à  la  fin  du  XVIIIe 
siècle,  Joseph  Samson  et  John  Lambert6  en  début  de  période,  ou  Henry 
David  Thoreau7  vers  le  milieu  du  XIXe  siècle,  le  village  reste  peu  traité, 
comme  si  la  campagne  ne  vivait  qu'au  rythme  des  travaux  et  des  jours. 
Cette  difficulté,  associée  à  toutes  les  omissions  des  autres  sources,  qu'il 
s'agisse  des  recensements,  du  matériel  iconographique  de  l'époque  ou 
de  la  carte  ancienne,  complique  la  tâche  du  chercheur  qui  veut  prendre 
la  mesure  du  phénomène.  Elle  l'est  d'autant  plus  que  la  définition  du 
village  varie  même  chez  les  contemporains  :  chacun  a  sa  manière  de  le 
saisir,  selon  ses  besoins  ou  ceux  de  l'organisme  ou  de  l'institution  qu'il 
représente.  Mais  qu'est-ce  donc  que  le  village?  En  quoi  se  distingue-t-il 
des  autres  formes  d'habitat  de  la  campagne?  Et  surtout,  comment  et  à 
partir  de  quoi  l'étudier? 


4.  Wm.  S.  Hunter  Jr..  Hunter's  Panoramic  Guide  from  Niagara  Faits  to  Québec,  p.  VII. 

5.  Isaac  Weld,  Travels  through  the  States  of  North  America  and  the  Province  of  Upper 
and  Lower  Canada  in  the  Years  1795,  1796  &  1797. 

6.  Voir:  Joseph  Samson,  Travels  in  Lower  Canada,  with  the  Author's  Recollections  of 
the  Soil,  and  Aspect;  the  Morals,  Habits  and  Religious  Institutions  of  that  Country; 
John  Lambert,  Travels  through  Lower  Canada  and  the  United  States  of  North 
America  in  the  Years  1806,   1807  and  1808. 

7.  Henry  David  Thoreau,  Un  Yankee  au  Canada.  L'ouvrage  original,  A  Yankee  in 
Canada,  a  été  écrit  en  1850,  mais  publié  seulement  en  1866,  quatre  ans  après  la 
mort  de  l'auteur. 


Reconnaissons  d'emblée  que  le  village  puisse  se  définir  par  ceux- 
là  mêmes  qui  l'habitent8.  Convenons  aussi  que  le  statut  administratif  ou 
juridique  accordé  à  certains  bourgs  puisse  trahir  leur  emprise  réelle  dans 
l'espace.  Admettons  enfin  que  des  hameaux  ou  de  petits  villages 
puissent  parfois  exister  sans  cette  reconnaissance  officielle.  Puisque  le 
problème  posé  ici  est  globalement  d'un  autre  ordre,  il  faut  s'appuyer  sur 
des  définitions  beaucoup  plus  précises  pour  traiter  du  phénomène 
villageois  durant  la  première  moitié  du  XIXe  siècle. 

En  simplifiant,  on  peut  dire  que  la  littérature  scientifique  reconnaît 
au  moins  deux  grandes  acceptions  au  terme  «  village  ».  La  première  le 
définit  comme  une  forme  d'habitat  inscrite  de  manière  précise  dans 
l'espace:  c'est  ce  «  groupement  d'édifices9  »  dont  parlait  autrefois  Max 
Sorre,  en  rappelant  qu'il  s'agissait  là  d'un  critère  morphologique  de 
définition  du  village.  Plus  densément  construit  que  le  territoire  environ- 
nant, il  évoque  l'image  d'un  noyau  relativement  compact  d'habitations 
réparties  le  long  d'une  ou  de  plusieurs  rues,  et  au  sein  duquel  se 
retrouvent  divers  établissements  de  commerce,  de  services  et  de  fabri- 
cation. Chacun  a  une  configuration  propre  que  le  langage  géographique  a 
résumée  par  des  expressions  telles  que  village-rue  ou  village  en  long 
(c'est  le  straggling  village  de  la  littérature  anglophone),  village  linéaire,  en 
lisière  ou  rectangulaire,  village  en  étoile,  village  en  tas,  village  massif, 
village  rond,  village  à  place  centrale,  etc.,  qui  se  présentent  en  ordre 
tantôt  serré,  tantôt  lâche,  selon  la  densité  du  tissu  construit10.  Mais  on  a 
tenté  aussi  d'établir  des  distinctions  selon  d'autres  critères,  comme  la 
taille  ou  les  fonctions,  différentes  selon  qu'il  s'agit  d'un  hameau,  d'un 
bourg  ou  d'une  petite  ville.  Toutefois,  de  toutes  les  définitions,  celles  qui 
font  appel  à  des  seuils  statistiques  ou  à  des  considérations  fonction- 
nelles sont  les  plus  aléatoires,  et  varient  considérablement  selon  les 
auteurs  et  d'une  période  à  l'autre11. 

À  l'autre  extrême,  on  trouve  une  définition  élargie  du  village,  qui 
le  décrit  non  pas  comme  une  forme  d'habitat  plus  ou  moins  dense,  mais 
comme  l'ensemble  de  la  communauté  humaine  qui  vit  dans  le  finage  (la 


8.  Gilles  Boileau,  «  Réflexions  sur  les  villages  du  Québec  »,  Forces,  53,  1980,  p.  5-17. 

9.  Max  Sorre,  Les  fondements  de  la  géographie  humaine,  tome  2,  p.  68-69. 

10.  Pour  une  description  plus  complète  de  ces  formes,  voir  Roger  Lebeau,  Les  grands 
types  de  structure  agraire  dans  le  monde,  p.  22  et  suiv. 

11.  Pour  l'historien  Marcel  Trudel,  par  exemple,  qui  décrit  le  village  de  la  première 
moitié  du  XVIIe  siècle  au  Québec,  il  suffit  de  quelques  emplacitaires  pour  que  le 
noyau  observé  mérite  l'appellation  de  village  ou  début  de  village.  Selon  le  géogra- 
phe Richard  C.  Harris,  qui  étudie  le  village  du  XVIIIe  siècle,  il  faut  au  moins  500 
habitants  pour  constituer  un  village.  Voir:  Marcel  Trudel,  Les  débuts  du  régime 
seigneurial  au  Canada;  Richard  C.  Harris,  The  Seigneurial  System  in  Early  Canada. 


paroisse  ou  la  municipalité  au  Québec).  Ce  n'est  donc  plus  la  notion 
étroite  de  point  de  cristallisation  de  la  population  dans  l'espace  qui 
intéresse  ici,  mais  la  communauté  elle-même  des  habitants,  dans  ses 
rapports  avec  la  terre  qu'elle  exploite.  C'est  cette  dernière  acception, 
très  proche  d'ailleurs  de  la  définition  sociologique  du  village12,  qu'a 
retenue  en  général  l'historiographie  française,  parce  que  beaucoup  de 
villages  européens  se  présentent  comme  des  lieux  de  résidence  de 
paysans  qui  exploitent  leurs  terres  à  proximité.  Cette  notion  n'a  aucune 
connotation  populaire  au  Québec,  où  le  village  signifie  un  lieu  distinct  de 
la  côte13,  auquel  on  accorde  un  statut  particulier:  «  Quand  on  vit  au 
village  [entendre  au  bourg],  on  ne  vit  pas  dans  les  rangs.  » 

Laquelle  de  ces  deux  acceptions  faut-il  retenir  pour  juger  du 
développement  villageois  durant  la  première  moitié  du  XIXe  siècle  au 
Québec?  Tout  dépend  du  problème  étudié,  de  l'échelle  d'analyse  et  des 
sources  disponibles.  Si  l'enquête  a  pour  but  de  définir  le  cadre  physique 
dans  lequel  a  vécu  une  partie  de  la  population  rurale,  on  retiendra  surtout 
une  approche  qui  voit  le  village  comme  une  forme  d'habitat  plus  ou 
moins  densément  construite,  distincte  tout  à  la  fois  dans  sa  morpholo- 
gie, ses  attributs  et  ses  fonctions  de  celle  qui  caractérise  la  côte,  et  qui 
différencie  localement  le  paysage.  À  la  notion  d'habitat  semi-dispersé  (la 
côte)  s'opposera  donc  ici  celle  d'habitat  groupé  (le  village)  qui  pourra 
même  déborder  le  territoire  défini  comme  village  dans  les  recense- 
ments, quand  les  côtes  avoisinantes  présentent  les  mêmes  traits.  S'il 
s'agit  au  contraire  d'apprécier  un  changement  de  société,  il  pourra  être 
intéressant  d'élargir  la  notion  de  village  à  celle  d'aire  villageoise,  comme 
l'ont  suggéré  récemment  René  Hardy,  Pierre  Lanthier  et  Normand 
Séguin14.  Cette  aire  correspond  à  l'espace  de  relation  du  village  et  elle 
équivaut  à  l'ensemble  des  lieux  avec  lesquels  le  bourg  entretient  des 
rapports  et  sur  lesquels  son  influence  s'étend:  par  exemple,  les  côtes 
de  résidence  des  parents  de  la  population  villageoise,  celles  où  les 
villageois  possèdent  des  propriétés,  celles  d'où  sont  originaires  les 
ruraux  venus  s'établir  au  village  à  la  recherche  d'un  emploi,  ou  encore 


12.  Voir,  entre  autres,  Henri  Desroches  et  Placide  Rambaud  (dir.).  Villages  en  dévelop- 
pement. Contribution  à  une  sociologie  villageoise. 

13.  Par  «  côte  »  il  faut  entendre  ici  «  rang  »  ou  «  concession  »,  termes  dont  l'usage  se 
répand  au  XIXe  siècle.  Pour  une  définition  du  rang,  voir  Louis-Edmond  Hamelin,  450 
ans  de  noms  de  lieux  français  en  Amérique  du  Nord.  Voir  aussi,  du  même  auteur, 
«  Le  rang  d'habitat:  étude  pluridisciplinaire  de  signification  ». 

14.  René  Hardy,  Pierre  Lanthier  et  Normand  Séguin,  «  Les  industries  rurales  et  l'exten- 
sion du  réseau  villageois  dans  la  Mauricie  pré-industrielle  [...]  »,  dans  François 
Lebrun  et  Normand  Séguin  (dir.),  Sociétés  villageoises  et  rapports  villes-campagnes 


celles  où  sont  localisées  les  industries  rurales  qui  emploient  une  partie 
de  la  main-d'œuvre  villageoise. 

La  problématique  introduite  sera  alors  d'un  autre  ordre  et  com- 
mandera une  échelle  d'analyse  différente,  qui  pourra  aller  jusqu'aux 
limites  extrêmes  de  la  paroisse  et  parfois  même  au-delà.  Selon  la  nature 
des  phénomènes  observés,  les  espaces  seront  très  mouvants,  façonnés 
par  des  systèmes  et  des  réseaux  de  relations  très  divers  (échanges  de 
biens  et  services,  mariages,  relations  de  travail,  etc.),  dont  l'empreinte 
au  sol  ne  sera  pas  toujours  évidente,  c'est-à-dire  attestée  par  des 
organisations  visibles  dans  le  paysage.  Tel  est  le  problème  de  sources 
que  pose  généralement  ce  genre  d'analyse  qui,  pour  être  probante,  doit 
aller  bien  au-delà  des  exercices  de  repérage  que  peuvent  autoriser  les 
données  de  recensement  reportées  sur  les  plans  de  cadastre.  En  effet, 
rien  n'indique  que  le  journalier,  le  marchand  ou  l'artisan  des  côtes, 
même  quand  il  réside  à  proximité  du  bourg  ou  dans  le  périmètre  que 
celui-ci  occupera  20,  30  ou  40  ans  plus  tard,  participe  nécessairement  à 
la  vie  du  village.  C'est  sans  doute  le  cas  mais,  pour  en  juger  vérita- 
blement, il  faudra  avoir  recours  à  une  masse  d'autres  informations  qui 
peuvent  être  tirées  des  greffes  de  notaires,  des  papiers  familiaux,  des 
archives  d'entreprises  situées  dans  le  village,  des  archives  paroissiales 
ou  autres,  cela  dans  le  but  d'établir  les  réseaux  de  travail,  de  parenté  ou 
d'échange  entretenus  avec  les  employeurs  ou  les  résidents  du  village. 

Autrement  dit,  tout  ce  que  le  recensement  peut  autoriser  ici,  c'est 
la  délimitation  assez  grossière  de  l'aire  d'attraction  du  village  auprès  de 
certaines  catégories  de  travailleurs.  Il  en  faudra  beaucoup  plus  pour 
étendre  les  limites  concrètes  du  bourg  à  cette  aire,  d'autant  plus  que  le 
problème  se  présente  différemment  selon  les  espaces  observés.  Dans 
la  région  de  Montréal  par  exemple,  le  village  est  beaucoup  plus  gros  et 
beaucoup  mieux  équipé  sur  les  plans  économique  et  social  que  dans 
celles  de  Trois-Rivières  et  de  Québec.  S'il  fallait  le  délimiter  par  son  aire 
d'influence  dans  l'espace,  c'est  parfois  à  la  localité  entière  qu'il  faudrait 
l'étendre  pour  respecter  la  réalité.  Sans  doute  serait-ce  là  un  indice 
extraordinaire  de  la  pénétration  du  marché  dans  les  campagnes  proches 
de  Montréal,  mais  un  bien  mauvais  moyen  de  saisir  la  place  qu'a 
occupée  le  bourg  comme  forme  construite  dans  l'espace. 

Il  ne  s'agit  pas  ici  d'opposer  la  notion  de  village  à  celle  d'aire 
villageoise,  mais  plutôt  de  montrer  en  quoi  elles  se  distinguent  et  se 
prolongent,  pour  révéler  chacune  un  aspect  différent  mais  complémen- 
taire de  la  réalité  villageoise.  La  première  s'intéresse  à  la  forme  physique 
du  village,  que  dynamisent  des  facteurs  de  proximité  et  de  voisinage: 


structure  d'emplacement,  densité  de  l'habitat,  place  publique,  réseau  de 
rues,  équipements  divers,  en  sont  les  caractères  distinctifs  qui  font  de 
cette  forme  d'habitat  un  lieu  précis  dans  l'espace.  La  seconde  s'intéresse 
surtout  à  l'aire  d'expression  de  la  socio-économie  du  village,  comme 
réalité  englobante  du  bourg  et  de  son  aire  d'influence.  À  la  limite,  elle 
pourra  même  s'intéresser  au  village  comme  réalité  future,  en  recher- 
chant les  aires  initiales  de  concentration  de  travailleurs  et  d'industries 
rurales,  d'où  pourront  émerger  plus  tard  des  villages.  On  en  a  un 
exemple  avec  la  seigneurie  de  la  Rivière-du-Chêne  (Mille-Îles)  au  nord- 
ouest  de  Montréal,  où  l'on  observe  de  telles  concentrations  bien  avant 
que  ne  se  forme  le  hameau  de  Grande-Fresnière.  Le  recensement 
n'indique  pas  encore  d'équipements  ou  de  lotissements  importants, 
mais  déjà  se  dessinent  des  concentrations  socioprofessionnelles  qui 
introduisent  une  rupture  dans  la  continuité  sociale  des  côtes. 

Envisageable  à  l'échelle  locale  ou  sous-régionale,  la  recherche  sur 
les  aires  villageoises  n'est  plus  possible  pour  notre  enquête,  car  la 
masse  des  données  à  traiter  et  surtout  à  vérifier  devient  beaucoup  trop 
imposante.  Aussi  est-ce  au  périmètre  le  plus  densément  construit  du 
village,  sans  son  aire  d'attraction,  que  nous  nous  sommes  intéressé 
dans  nos  travaux,  en  considérant  comme  noyau  villageois  ces  portions 
d'espace  caractérisées  par  la  présence  d'une  structure  d'emplacement, 
d'une  population  dotée  d'un  profil  socioprofessionnel  distinct  et  d'équi- 
pements à  pouvoir  structurant  et  agglomérant  dans  l'espace.  Peu  importe 
que  ces  noyaux  aient  coïncidé  ou  non  avec  les  limites  reconnues  du 
bourg  ou  qu'ils  se  soient  établis  ailleurs  que  sur  le  territoire  réservé 
initialement  par  le  seigneur  pour  le  développement  d'un  bourg:  c'est  la 
réalité  concrète  et  matérielle  du  village  qui  a  été  étudiée  ici  dans  ses 
expressions  les  plus  évidentes,  que  ce  soit  au  sein  du  territoire  défini 
comme  bourg  dans  les  sources15  ou  ailleurs  dans  l'espace.  Nous  avons 
surtout  mis  l'accent  sur  la  place  que  ces  rassemblements  ont  occupée 
dans  le  paysage  des  campagnes  et  qui  reflète  les  changements  que 


15.  Certaines  sources  ne  donnent  que  la  structure  d'emplacement  des  bourgs,  sans 
leur  aménagement  concret  dans  l'espace.  C'est  le  cas,  entre  autres,  de  certains 
livres  terriers  ou  livres  censiers,  et  surtout  des  cadastres  abrégés  de  seigneuries 
parus  en  1861-1863.  Or,  il  n'y  a  pas  toujours  coïncidence  dans  l'espace  entre  l'aire 
reconnue  officiellement  comme  village  et  la  réalité  concrète  du  bourg  qui  déborde 
parfois  cette  aire.  Le  même  constat  vaut  pour  les  plans  de  villages,  retrouvés  dans 
les  archives,  qui  indiquent  parfois  des  bourgs  ou  des  quartiers  projetés,  mais  dans 
lesquels  on  ne  retrouve  encore  aucune  habitation  ou  aucune  densité  d'habitations 
dans  les  recensements  civils  ou  religieux.  Seuls  les  établissements  qui  présentent 
de  telles  densités  ont  été  retenus  comme  bourgs  ou  villages  dans  nos  travaux,  sans 
les  structures  d'emplacement  signalées  par  les  cadastres  mais  sur  lesquelles  nous 
n'avons  pu  retrouver  d'habitations  au  moment  des  recensements. 


connaissait  alors  le  monde  rural  québécois.  Car  même  restreint  à  ses 
réalités  premières,  le  village  reste  un  lieu  privilégié  d'expression  de  ces 
changements.  Groupement  d'édifices,  il  est  aussi  un  lieu  de  densité,  non 
seulement  physique  mais  humaine,  rendu  cohésif  par  un  facteur  de 
proximité  qui  lui  donne  tout  son  sens.  Surtout,  il  est  un  produit  de  la 
campagne  et  de  la  relation  ville-campagne,  construit  à  travers  diverses 
médiations  qu'il  appartiendra  à  d'autres  d'explorer,  en  analysant  plus  à 
fond  les  aires  où  s'exprime  la  socio-économie  villageoise.  Du  moins 
bénéficieront-ils  d'une  vision  d'ensemble  du  phénomène  villageois  dans 
ce  qu'il  a  eu  de  plus  manifeste  dans  l'espace. 

L'observation  de  la  croissance  du  village  dans  un  espace-temps 
aussi  vaste  que  celui  que  nous  avons  retenu  -  et  avec  l'arrière-plan 
historique  que  nous  avons  voulu  lui  donner  -,  nous  a  imposé  de  choisir 
parmi  les  sources  disponibles  celles  qui  pouvaient  nous  renseigner  sur  le 
plus  grand  nombre  de  cas  possibles,  pour  une  même  année  ou  pour  une 
même  période  d'observation.  C'est  donc  dire  qu'aux  matériaux  habituel- 
lement exploités  pour  les  études  de  cas  (actes  notariés,  papiers  sei- 
gneuriaux, registres  paroissiaux,  cahiers  de  délibérations  des  premiers 
officiers  municipaux,  que  nous  avons  surtout  utilisés  pour  des  tests  de 
concordance  et  des  enquêtes  témoins),  nous  avons  préféré  les  grandes 
séries  documentaires  (matériel  cartographique  ancien,  textes  de  lois, 
recensements,  œuvres  topographiques  de  l'époque,  rapports  et  récits 
de  voyageurs,  histoires  et  monographies  locales),  d'autant  plus  que  la 
qualité  et  la  disponibilité  des  papiers  seigneuriaux  sont  très  variables 
d'une  seigneurie  à  l'autre  et  que  les  archives  notariales  et  paroissiales 
pour  le  XIXe  siècle  sont  beaucoup  trop  abondantes,  sans  parler  de  leur 
dispersion  dans  les  différents  fonds  d'archives  publics  ou  privés. 

Cela  dit,  et  même  si  nous  pouvions  compter  sur  un  matériau  riche 
et  abondant,  notamment  pour  la  période  postérieure  à  1830,  les  difficul- 
tés d'exploitation  ont  été  nombreuses.  Les  premières  sont  venues  des 
recensements  eux-mêmes  qui,  en  dépit  de  leur  richesse,  se  sont  sou- 
vent révélés  incomplets  et  imprécis.  Par  ailleurs,  le  contenu  des  œuvres 
topographiques  de  l'époque  ne  coïncide  pas  toujours  avec  la  cartogra- 
phie réalisée  par  leurs  auteurs.  De  plus,  un  écart  est  apparu  dans  les 
plans  et  les  gravures  de  la  période  entre  la  réalité  concrète  du  village  et 
les  vues  prospectives  ou  symboliques  du  seigneur  ou  de  l'artiste. 
Néanmoins,  en  utilisant  chaque  document  comme  source  de  contrôle 
par  rapport  aux  autres  et  en  définissant  des  techniques  de  collecte  qui 
respectent  l'originalité  et  l'intégrité  de  chaque  source,  il  a  été  possible 
de  s'assurer,  sinon  de  la  parfaite  exactitude  des  données,  du  moins  de 
leur  cohérence.  En  outre,  en  ne  nous  limitant  pas  dans  nos  relevés  de 


recensements  aux  seules  formes  d'habitat  qui  pouvaient  plus  certaine- 
ment être  considérées  comme  des  villages  à  cause  de  leur  taille  ou  de 
leurs  fonctions,  critères  toujours  très  variables,  rappelons-le,  selon  les 
auteurs  et  d'une  période  à  l'autre16,  il  a  été  possible  de  repérer  et  de 
caractériser  plusieurs  autres  formes  secondaires  d'habitat,  qui  se  pré- 
sentent tantôt  comme  de  simples  nodules  autour  d'une  église  ou  d'un 
moulin,  tantôt  comme  de  véritables  petites  villes  dont  l'importance  à 
l'époque  semble  refléter  une  transformation  profonde  de  l'économie  des 
campagnes. 

On  trouvera  au  fil  des  chapitres  une  présentation  complète  des 
outils  consultés.  Signalons  seulement  qu'en  plus  des  recensements  et 
des  œuvres  topographiques  de  base,  systématiquement  dépouillés, 
nous  avons  aussi  compulsé  une  masse  imposante  de  plans  et  de  cartes 
anciennes,  que  sont  venus  compléter  des  dessins,  des  gravures,  des 
rapports  administratifs,  des  histoires,  des  mémoires,  des  thèses  et  des 
monographies  locales,  retenus  surtout  pour  enrichir  et  valider  notre 
banque  des  données.  Enfin,  nous  avons  mis  à  profit  les  études  en  cours 
de  nos  étudiants  sur  l'un  ou  l'autre  des  villages  de  la  vallée  du  Saint- 
Laurent.  Puisque  la  source  unique  qui  fournirait  une  information  complète 
et  cohérente  sur  le  sujet  n'existe  pas,  il  a  fallu  faire  flèche  de  tout  bois  et 
accumuler  un  à  un  les  indices  offerts  par  chaque  document,  même 
quand  ceux-ci  paraissaient  sans  grand  intérêt.  Ce  n'est  qu'après  avoir 
été  mis  en  rapport  avec  d'autres  que  ces  indices  ont  pris  souvent  toute 
leur  importance  et  leur  signification.  Aussi  avons-nous  eu  tendance,  dès 
le  départ,  à  recueillir  le  plus  grand  nombre  d'informations  possible,  quitte 
à  en  faire  le  tri  au  moment  de  la  mise  en  ordre  des  fichiers. 

Quant  à  l'exploitation  de  cette  masse  de  données,  elle  a  été  faite 
par  ordinateur.  Les  techniques  utilisées  ont  été  plus  ou  moins  élaborées 
selon  les  besoins  (tris  automatiques,  statistiques  descriptives,  cartogra- 
phie assistée  par  ordinateur,  etc.).  Toutefois,  comme  ces  techniques  ne 
produisent  ni  interprétations  ni  hypothèses,  il  a  fallu  préparer  ces  derniè- 
res par  des  travaux  préalables  de  codification  des  données.  Les  princi- 
paux ont  porté  sur  le  village  lui-même,  dont  il  a  fallu  d'abord  faire 
ressortir  les  traits  pour  en  étudier  ensuite  les  changements  dans  le 
temps.  En  outre,  comme  il  s'agissait  ici  d'étudier  le  phénomène  villa- 
geois dans  son  ensemble,  c'est-à-dire  dans  son  essor,  ses  caractéristi- 
ques, son  ampleur,  il  fallait  tout  à  la  fois  en  saisir  les  tendances  et 
l'évolution,  à  partir  des  données  relatives  à  chacun  des  villages,  mais  en 


16.  A  ce  sujet,  voir  Serge  Courville,  «  Esquisse  du  développement  villageois  au  Québec 
[...]».  CGQ,  28(73-74),  1984,  p.  9-46. 


10 


tenant  compte  également  de  leur  position  dans  l'espace,  ainsi  que  de 
leur  contextualité  changeante  dans  le  temps.  En  effet,  si  la  situation  des 
bourgs  reste  sensiblement  la  même  pendant  la  période,  leurs  conditions 
individuelles  de  croissance,  elles,  évoluent  en  fonction  de  la  distance  à  la 
ville,  de  l'accessibilité  par  voie  d'eau  ou  de  terre  et  du  degré  d'insertion 
dans  les  circuits  commandés  par  la  ville.  Par  exemple,  tel  bourg  peut  se 
situer  en  contexte  pionnier  en  1815,  mais  être  définitivement  établi  en 
1831  ou  en  1851.  Aussi  chaque  village  s'est-il  vu  attribuer  un  géocode 
qui  tient  compte  à  la  fois  de  ces  spatialités  et  de  ces  temporalités 
distinctes,  cela  dans  le  but  de  nous  aider  à  mieux  définir  ses  traits  aux 
différents  moments  de  son  évolution  et  de  caractériser  finalement  le 
phénomène  villageois.  Ce  géocode  avait  surtout  pour  but  de  faire 
ressortir  la  situation  géographique  du  village  à  l'intérieur  du  territoire, 
selon  qu'il  se  situe  en  milieu  insulaire  ou  sur  l'une  ou  l'autre  des  rives  du 
fleuve.  Mais,  en  certains  cas  et  pour  certaines  questions  plus  particuliè- 
res (démographiques  ou  économiques  par  exemple),  il  a  fallu  le  détailler 
de  manière  à  pouvoir  qualifier  la  position  du  bourg  par  rapport  à  l'exten- 
sion du  peuplement  :  un  bourg  peut  se  situer  à  l'extrémité  de  l'écoumène 
en  1815,  mais  se  retrouver  en  position  de  bourg  de  l'intérieur  en  1831 
ou  en  1851.  L'analyse  en  serait  d'autant  plus  juste  qu'elle  pourrait  tenir 
compte  de  la  position  physique  du  village  dans  l'espace  et  de  sa 
contextualité  propre  par  rapport  aux  changements  économiques  et  so- 
ciaux de  la  période. 

Le  résultat  de  toute  cette  enquête  est  présenté  ici,  sous  la  forme 
d'une  série  de  dossiers  consacrés  aussi  bien  à  l'origine  du  village  et  du 
phénomène  villageois  qu'à  son  évolution.  À  elles  seules,  les  questions 
de  population,  d'économie  et  de  société  occupent  plus  de  la  moitié  de 
l'ouvrage,  puisque  c'est  par  elles  surtout  que  sont  définis  les  fonctions 
du  village  et  son  rôle  dans  la  vie  des  campagnes  et  dans  les  rapports 
ville-campagne.  On  y  retrouve  également  une  présentation  des  facteurs 
d'origine  du  village  et  de  ce  qui  en  fait  une  forme  particulière  d'habitat  et 
un  lieu  de  significations  multiples  pour  la  population  qui  l'habite  et  celle 
qu'il  dessert.  Enfin,  comme  l'échelle  choisie  pour  aborder  le  phénomène 
laisse  dans  l'ombre  l'histoire  individuelle  des  bourgs,  iJ  a  fallu  compenser 
par  quelques  exemples  concrets  de  croissance  villageoise,  présentés  au 
fil  des  chapitres.  Quant  aux  dessins,  cartes  ou  tableaux  statistiques  qui 
émaillent  l'ouvrage,  ils  ont  pour  but  surtout  de  suppléer  aux  contraintes 
de  la  synthèse  et  de  plonger  le  lecteur  dans  cette  atmosphère  d'époque 
qui  nous  a  tant  passionné. 


11 


Sorel,  de  John  Lambert,  aquarelle.  Tiré  de  John  Lambert,  Travels  through  Lower  Canada  and  the 
United  States  [...],  1810,  vol.  2.  ANC,  C-1459. 


Saint-Thomaz,  de  W.  J.  Bennett.  Tiré  de  Joseph  Bouchette,  Description  topographique  de  la 
province  du  Bas-Canada,  1815.  ANC,  C-8049. 


UN  PHENOMENE  AMPLE 
AUX  RACINES  ANCIENNES 


La  croissance  villageoise  de  la  première  moitié  du  XIXe  siècle  au 
Québec  constitue  sans  doute  l'un  des  aspects  les  plus  frappants,  les 
plus  géographiques  aussi,  de  la  transformation  des  campagnes.  Le 
terme  même  de  phénomène  lui  convient  d'ailleurs  assez  bien,  car  ce 
n'est  pas  à  une  simple  progression  que  l'on  assiste,  mais  à  une  véritable 
explosion  préparée  de  longue  date  et  qui  bouleverse  complètement  le 
paysage  des  campagnes. 

En  effet,  aussi  loin  que  l'on  remonte  dans  le  temps,  le  village  est 
présent  et  s'affirme  partout  où  le  peuplement  progresse.  Jusqu'à  la  fin 
du  XVIIIe  siècle,  sa  croissance  est  à  peu  près  régulière  :  elle  augmente  au 
rythme  moyen  de  4  ou  5  tous  les  30  ans.  Après  1815  cependant,  tout 
s'accélère:  un  semis  nouveau  d'agglomérations  apparaît,  qui  prolonge 
jusque  dans  l'arrière-pays  seigneurial  l'ancienne  trame  riveraine  des 
bourgs.  En  moins  de  35  ans,  un  seuil  est  franchi:  on  passe  d'un  horizon 
de  développement  à  un  autre  en  une  brève  mais  intense  transition,  qui 
fait  de  cette  époque  une  sorte  de  prologue  aux  transformations  de  la 
seconde  moitié  du  XIXe  siècle. 

LES  ANTÉCÉDENTS  HISTORIQUES 

On  a  cru  pendant  longtemps  que  le  village  en  Nouvelle-France 
s'était  limité  aux  bourgs  de  Talon  et  aux  quelques  noyaux  dont  l'existence 
était  confirmée  par  une  charte.  S'il  est  vrai  que  sous  le  Régime  français 
le  village  est  encore  embryonnaire,  cela  ne  veut  pas  dire  qu'il  n'existe 


1 


13 


pas;  au  contraire,  son  apparition  suit  de  près  les  progrès  de  la  colonisa- 
tion. Comme  la  côte  domine  alors  le  paysage1  et  que  le  village  épouse 
parfois  une  forme  en  long  qui  le  laisse  mal  percevoir  dans  les  sources, 
on  a  eu  tendance  à  en  sous-estimer  l'importance  d'autant  plus  qu'il 
s'élève  aussi  sur  des  sites  qui  échappent  aux  descriptions  habituelles  de 
ces  sources2.  En  fait,  ce  n'est  qu'assez  récemment,  avec  les  travaux  du 
géographe  Richard  C.  Harris  et  de  l'historien  Marcel  Trudel,  que  la  place 
du  village  sous  le  Régime  français  a  pu  être  un  peu  mieux  connue3. 

Les  débuts  sont  modestes  et  traduisent  le  climat  d'incertitude  qui 
règne  dans  la  colonie.  En  effet,  tant  que  plane  la  menace  iroquoise  et 
anglaise,  la  colonisation  piétine  et  le  peuplement  se  limite  aux  abords 
immédiats  des  agglomérations  de  Québec,  de  Trois-Rivières  et  de 
Montréal.  Le  village  cède  alors  la  place  aux  ouvrages  de  défense  (forts 
ou  fortins  que  l'on  élève  dans  tous  les  lieux  stratégiques),  quand  il  ne 
sert  pas  lui-même  de  réduit  en  cas  d'incursions  ennemies.  La  première 
moitié  du  XVIIe  siècle  est  à  cet  égard  la  période  la  plus  critique.  En  juin 
1663,  soit  une  soixantaine  d'années  après  la  fondation  de  Québec,  on  ne 
compte  encore,  selon  l'historien  Marcel  Trudel,  qu'une  dizaine  d'établis- 
sements ou  de  débuts  d'établissements  villageois  dans  les  seigneuries, 
presque  tous  situés  dans  le  gouvernement  de  Québec  (voir  le  tableau  1). 
De  ce  nombre,  deux  seulement  paraissent  des  fondations  définitives  :  le 


Cette  importance  de  la  côte  est  d'ailleurs  au  cœur  du  problème.  En  effet,  lorsque  la 
France  entreprend  d'établir  une  colonie  dans  la  vallée  du  Saint-Laurent,  on  adopte 
un  mode  de  partage  des  terres  qui  laisse  peu  de  place  au  village.  Ce  mode,  c'est  la 
côte  ou  plutôt  la  division  des  terres  en  longues  bandes  rectangulaires  perpendiculai- 
res au  fleuve,  qui  deviendront  bientôt  la  forme  accoutumée  des  censives.  Le  village 
comme  tel  n'est  pas  interdit,  mais  il  faudra  le  construire  sur  des  emplacements 
déterminés  à  l'avance,  pour  éviter  que  ne  soit  fragmenté  le  terroir  où  doivent 
s'établir  les  colons.  Ce  que  recherche  alors  l'État  français,  c'est  moins  une  concen- 
tration de  la  population  dans  l'espace  que  son  égrenage  le  long  des  rives  du  fleuve. 
Cette  option,  de  pure  géopolitique,  vise  à  lui  assurer  la  maîtrise  complète  du  couloir 
laurentien,  axe  qui  permet  d'accéder  aux  richesses  de  l'hinterland  continental.  Elle 
aura  une  incidence  directe  sur  la  forme  des  villages  qui  prendront  souvent  un 
aspect  allongé,  sauf  peut-être  dans  les  villages  planifiés,  mais  rares  sont  ceux  qui 
comptent  un  réseau  de  rues  secondaires,  du  moins  avant  le  XVIIIe  siècle.  On  n'agira 
pas  différemment  en  Louisiane  où,  mis  à  part  l'établissement  de  La  Nouvelle- 
Orléans,  on  trouve  un  mode  similaire  de  partage  des  terres  en  longues  bandes 
perpendiculaires  au  Mississippi:  c'est  qu'en  Amérique  la  France  fait  face  à  de 
graves  problèmes  d'immigration  qui  lui  imposent  d'essaimer  ses  effectifs  dans 
l'espace.  C'est  par  voie  d'eau  qu'elle  entend  conquérir  le  continent,  et  non  par  des 
établissements  côtiers  ou  urbains  comme  l'ont  fait  les  Anglais  ou  les  Espagnols.  À 
ce  sujet,  voir  Serge  Courville,  «  Contribution  à  l'étude  de  l'origine  du  rang  au 
Québec:  la  politique  spatiale  des  Cent-Associés  »,  CGQ,  25(65),  1981,  p.  197-236. 
C'est  le  cas,  entre  autres,  dans  les  aveux  et  dénombrements  de  seigneuries  de  la 
première  moitié  du  XVIIIe  siècle. 

Voir:  Richard  C  Harris,  The  Seigneurial  System  in  Early  Canada;  Marcel  Trudel,  Les 
débuts  du  régime  seigneurial  au  Canada. 


14 


Tableau  1 
NOYAUX  SIGNALÉS  PAR  MARCEL  TRUDEL  (JUIN  1663) 

Seigneurie  Village 

Gouvernement  de  Québec 

Côte-de-Beaupré  -                        village  de  Château-Richer  (1 2  emplacements) 

île  d'Orléans  village  Beaulieu  (3  emplacitaires) 

Beauport  bourg  du  Fargy  (21  emplacements) 

Saint-François  village  Saint-François  (2  emplacements) 

Saint-Michel  village  Saint-Michel  (3  emplacements) 

Sillery  village  du  fort  Saint-François-Xavier  (68  habitants) 

Gaudarville  village  du  fort  de  Gaudarville  (2  emplacements) 

Gouvernement  de  Trois-Rivières 

Cap-de-la-Madeleine  village  du  fort  Sainte-Marie  (21  habitants) 

village  du  fort  Saint-François 
village  du  fort  du  Moulin  à  vent  (3  emplacements) 

Source  :  Marcel  Trudel,  Les  débuts  du  régime  seigneurial  au  Canada. 

bourg  du  Fargy  dans  la  seigneurie  de  Beauport  et  le  village  de  Château- 
Richer  dans  la  seigneurie  de  la  Côte-de-Beaupré,  nés  tous  deux  de 
l'entreprise  seigneuriale.  Les  autres  ne  sont  que  des  projets  éphémères 
ou  se  confondent  avec  des  ouvrages  fortifiés  dont  l'un  seulement 
survivra,  celui  du  fort  Saint-François,  après  s'être  radicalement  modifié4. 

Avec  l'introduction  du  gouvernement  royal  et  la  pacification  de  la 
colonie,  le  contexte  évolue:  le  peuplement  progresse,  le  rythme  des 
concessions  s'accélère  et  de  nouveaux  cadres  apparaissent,  religieux 
notamment5,  qui  enrichissent  ceux  de  la  seigneurie.  En  même  temps, 
des  équipements  nouveaux  sont  construits.  Ils  définissent  autant  de 
pôles  autour  desquels  naîtront  les  villages.  Enfin,  l'État  lui-même  inter- 
vient pour  créer  des  agglomérations  dont  le  but  est  d'assurer  la  sécurité 
de  la  population  en  même  temps  qu'un  meilleur  encadrement.  La  tâche 
en  revient  à  l'intendant  Talon  qui,  dès  1665,  écrit  au  roi  :  «  Je  prépare  un 
plan  pour  la  création  du  premier  village:  aussitôt  qu'il  sera  terminé,  je 
vous  en  enverrai  le  dessein6.  »  Ce  plan  sera  soumis  deux  ans  plus  tard, 
dans  le  projet  de  règlement  rédigé  par  Talon  et  Tracy  pour  la  justice  et  la 
distribution  des  terres  au  Canada. 


4.  Marcel  Trudel,  op.  cit.,  p.  105  et  suiv. 

5.  Il  s'agit  de  la  paroisse  dont  l'origine  au  Québec  remonte  au  milieu  du  XVIIe  siècle, 
avec  la  création  de  la  paroisse  Notre-Dame-de-Québec  en  1664. 

6.  Lettre  de  Talon  du  4  octobre  1665,  citée  dans  E.  Rameau,  La  France  aux  colonies, 
p.  285,  note  5. 


15 


Plusieurs  motifs  sont  alors  invoqués  pour  la  création  de  ces 
bourgs:  certains  sont  d'ordre  social  («  Pour  que  les  habitants  du  Canada 
s'entrevoyant  souvent,  s'entreconnoissent,  s'entraînent  et  s'entresecou- 
rent  plus  aisément  »),  d'ordre  sécuritaire  («  Pour  que  se  rassemblans 
aisément  yls  puissent  de  même  s'opposer  aux  yncursions  des  Iro- 
quois  »),  et  d'ordre  administratif  (pour  «  Qu'un  curé  puisse  avec  plus  de 
facilité  leur  administrer  les  sacrements  et  leur  annoncer  la  parolle  et  les 
Veritez  de  l'Evangile  [et]  Que  par  la  résidence  d'un  juge  de  quartier  qui 
sera  désigné  au  milieu  d'un,  de  deux,  ou  de  trois  villages  après  qu'on 
aura  En  Egard  à  l'épargne  qu'il  convient  faire  en  retranchant  la  multiplicité 
des  juges  de  même  que  des  autres  officiers  nécessaires  au  public  »). 
Mais  on  en  retrouve  aussi  qui  relèvent  du  bien-être  de  la  population 
(pour  «  Que  dans  leur  maladies  ou  blessures  ils  puissent  être  plus 
promptement  secourus  »),  et  des  nécessités  de  la  vie  en  commun  (pour 
«  Qu'un  paistre  commun,  pour  la  garde  commune  des  bestiaux  puisse 
sauver  les  blés  des  dégâts  que  les  dits  Bestiaux  ont  accoutumés  de  faire 
dans  les  champs  des  habitations  qui  ne  sont  pas  en  Corps  de  Com- 
munauté »).  Enfin,  et  c'est  peut-être  là  que  se  trouve  la  véritable  clef 
pour  comprendre  cette  initiative  de  l'État,  Talon  souhaite  établir  des 
villages  «  pour  le  mutuel  secours  que  [Québec]  et  [ces]  habitations 
s'entre  donnerait,  celles-cy  fournissant  à  l'autre  les  productions  de  leurs 
terres  [...]  en  échange  desquels  yls  recevront  des  marchandises  du  dit 
Québec,  [et  pour  assurer  la  défense  de  la  ville  si  celle-ci]  était  attaquée 
par  les  Européens  ou  quelques  autres  nations  sauvages  »,  puisque  son 
but  principal  était  «  de  peupler  le  voisinage  de  Québec  de  bon  nombre 
de  gens  capables  de  contribuer  à  sa  deffense  sans  que  le  Roy  en  ait 
aucun  à  sa  solde7  ». 

Quant  à  la  forme  des  villages,  elle  sera  ronde  ou  carrée,  selon  les 
potentialités  du  lieu,  et  ceux-ci  s'élèveront  autour  d'une  commune  à 
laquelle  s'abouteront  des  terres  d'une  superficie  de  40  arpents,  pour 
distribuer  à  ceux  qui  viendront  s'établir  en  Nouvelle-France..  Car  le  plan 
de  Talon  concerne  moins  les  anciens  résidents  que  les  futurs  immi- 
grants. Toutefois,  pour  favoriser  l'adaptation  de  ces  derniers  aux  con- 
ditions de  vie  en  Nouvelle-France,  il  prévoit  réserver  quelques-unes  de 
ces  terres  à  de  vieux  hivernants  «  capables  d'informer  les  chefs  de 
famille  nouvellement  Venus  [et  même  ceux  qui  y  sont  établis  depuis 
longtemps]  de  la  manière  de  cultiver  plus  utilement  la  terre,  soit  de  Vive 
Voix,  soit  par  l'exemple  de  leur  application  en  travail  ».   Enfin,  pour 


7.  ANC,  Projet  de  règlement  fait  par  Mre  de  Tracy,  et  Talon,  pour  la  justice  et  la 
distribution  des  terres  du  Canada,  du  24  janvier  1667,  f.  555-560. 


16 


assurer  l'attrait  du  village  auprès  de  ces  populations,  il  espère  y  amener 
des  gens  de  métier  «  affin  que  sans  sortir  du  Bourg  toutes  les  choses 
nécessaires  tant  à  la  nourriture  qu'au  logement  et  Vêtement  de  l'homme 
se  trouve  pour  la  Commodité  Diceluy  qui  l'habite8  ». 

C'est  donc  d'un  véritable  projet  de  société  qu'il  s'agit,  que  repren- 
dront plus  tard  tous  les  émissaires  du  roi  venus  enquêter  sur  l'état  de  la 
colonie.  À  témoin,  cet  écrit  de  Franquet,  qui  date  du  début  des  années 
1750: 

Mon  avis  serait  que  comme  les  habitants  d'une  seigneurie  de  2  lieues  de 
front  sur  autant  de  profondeur,  sont  tous  répartis  sur  les  terrains  qui  leur 
ont  été  concédés  pour  la  facilité  d'y  veiller  et  de  les  travailler,  et  par 
conséquent  trop  éloignés  l'un  de  l'autre  pour  s'entre  secourir  au  besoin, 
qu'on  fixe  autour  de  l'église  un  espace  de  100  à  150  ou  200  toises  en 
quarré  que  l'on  couperait  par  des  rues  de  24  pieds,  dans  lequel  ceux  des 
habitants  qui  professent  un  métier,  puissent  s'établir,  et  où  les  autres 
pourraient  s'y  former  un  petit  domicile  pour  s'y  retirer  au  besoin  avec 
leurs  femmes,  leurs  enfants  et  leurs  effets  les  plus  chers,  et  enfin  que 
cet  espace  fut  fermé  d'une  enceinte  de  pieux,  et  percé  de  deux  portes 
éloignées  des  maisons  de  9  pieds  et  bien  flanqué  dans  toutes  les 
parties9. 

Conformément  à  son  plan,  Talon  fonde  trois  villages,  Bourg-Royal, 
Bourg-la-Reine  et  Bourg-Talon,  un  peu  au  nord  de  Québec  dans  la 
seigneurie  de  Notre-Dame-des-Anges  où  les  jésuites  avaient  déjà  entre- 
pris d'établir  Charlesbourg.  Quelques  concessions  y  sont  effectuées, 
départ  prometteur  qui  n'aura  pourtant  pas  de  suite.  En  1681,  soit  15  ans 
après  sa  fondation,  Bourg-Royal  ne  réunit  encore  qu'une  quinzaine  de 
familles;  quant  aux  deux  autres  villages,  ils  ne  sont  pour  ainsi  dire  pas 
occupés  et  l'expérience  est  un  échec.  Seul  Charlesbourg  connaîtra  un 
certain  développement  et  uniquement  au  XVIIIe  siècle10,  moins  parce  que 
les  colons  rejettent  la  vie  en  village  (on  en  retrouve  déjà  quelques-uns 
dans  les  autres  seigneuries)  que  parce  que  l'on  craint  les  contrôles 
royaux  et  que  ces  constructions  étatiques  vont  à  rencontre  des  concep- 
tions que  l'on  a  de  la  vie  en  Nouvelle-France11.  Aussi  leur  préfère-t-on  un 
établissement  dans  les  côtes.  Ce  n'est  que  plus  tard,  avec  les  progrès 
du  peuplement,  que  cette  forme  d'habitat  se  répand,  mais  il  s'agira  alors 
d'entités  aux  fonctions  totalement  différentes,  habitées  moins  par  des 


8.  Ibid. 

9.  Institut  canadien  de  Québec,  Voyages  et  mémoires  sur  le  Canada  par  Franquet, 
p.  59-60. 

10.  À  ce  sujet,  voir  Richard  C.  Harris,  op.  cit.,  p.  179. 

11.  Serge  Courville,  op.  cit.,  p.  224  et  suiv. 


17 


paysans  que  par  des  marchands  et  des  artisans.  En  effet,  il  ne  faut  pas 
confondre  les  villages  nés  de  l'initiative  de  l'État  et  ceux  qui  apparaissent 
ailleurs  dans  les  seigneuries.  Les  premiers  s'apparentent  aux  bourgs 
agraires  des  campagnes  françaises  où  réside  une  population  en  majorité 
agricole;  c'est  donc  d'une  matrice  foncière  qu'il  s'agit,  destinée  à  servir 
de  cadre  à  l'établissement  rural.  Les  seconds  ont  d'autres  fonctions, 
plus  en  rapport  avec  la  vie  d'échange12. 

Avec  cette  initiative  de  Talon  s'achève  une  première  phase  de 
croissance  du  village.  La  période  suivante  sera  plus  active,  bien  qu'à  la 
mesure  des  effectifs  humains  qui  peuplent  la  vallée  du  Saint-Laurent.  De 
la  demi-douzaine  de  bourgs  apparus  vers  la  fin  du  XVIIe  siècle,  on  passe  à 
un  peu  plus  d'une  vingtaine  vers  le  milieu  du  XVIIIe,  dont  huit  seulement 
ont  une  existence  administrative  reconnue  par  une  charte.  Ils  ne  sont 
pas  d'égale  importance,  mais  tous  ou  presque  sont  déjà  suffisamment 
circonscrits  dans  l'espace  pour  que  l'on  puisse  les  distinguer  sur  une 
carte. 

L'une  des  sources  les  plus  utiles  pour  juger  de  la  montée  des 
villages  durant  la  première  moitié  du  XVIIIe  siècle  reste  les  aveux  et 
dénombrements  des  seigneuries.  Demandés  par  l'administration  colo- 
niale, ces  documents  donnent  un  aperçu  de  l'aménagement  et  de  l'état 
de  développement  de  la  seigneurie.  Toutefois,  comme  ils  s'intéressent 
surtout  au  territoire  de  la  côte,  c'est-à-dire  au  nombre  de  terres  concé- 
dées, à  leurs  titulaires  et  à  leur  mise  en  valeur,  ils  ne  fournissent  que 
très  peu  d'informations  sur  les  hameaux  ou  les  bourgs  que  compte  la 
seigneurie.  Or  la  côte,  à  l'époque,  est  très  peu  fragmentée.  Si  elle 
comprend  un  village  ou  un  début  de  village,  il  sera  le  plus  souvent 
construit  en  long,  à  même  le  terroir  initialement  concédé  et  constitué 
d'habitations  qui  se  succèdent  de  distance  en  distance  dans  l'espace.  Il 
n'est  donc  pas  possible,  sur  le  seul  critère  de  la  morphologie,  de  repérer 
les  bourgs  construits  au  fil  des  côtes,  surtout  que  l'on  ne  dispose  ici  que 
de  rares  indications  sur  les  métiers  ou  professions  des  chefs  de  ménage 
recensés.  Il  faut  donc  s'en  tenir  aux  renseignements  signalés  formelle- 
ment par  les  documents,  encore  qu'il  faille  souvent  distinguer  entre  les 
véritables  villages  et  les  côtes  dénommées  villages,  ce  qui  n'est  pas  du 
tout  la  même  chose13. 


12.  Pour  une  discussion  de  ces  fonctions,  voir  Fernand  Ouellet,  «  Un  problème  écono- 
mique et  social  »,  BRH.  59(3),  1953,  p.  157-161. 

13.  A  la  suite  des  interventions  de  Talon,  plusieurs  seigneurs  déclarent  la  présence  de 
villages  dans  leur  fief.  Toutefois,  il  ne  s'agit  souvent  que  de  côtes  ou  de  portions  de 
côtes  qui  ne  se  transformeront  jamais  en  villages. 


18 


Sur  les  quelque  180  relevés  consultés  pour  la  période  1723-1745, 
une  douzaine  seulement  font  mention  de  villages  existants  ou  projetés, 
et  quelques-uns  donnent  la  liste  de  leurs  habitants14.  Par  contre,  la 
majeure  partie  d'entre  eux  signalent  des  domaines  personnels  de  sei- 
gneurs15 dont  plusieurs  sont  déjà  établis  et  où  l'on  retrouve  diverses 
constructions,  tant  sacrées  que  profanes  :  manoir,  église,  presbytère, 
chapelle,  maison  de  ferme,  grange,  étable,  moulin  (à  farine  et  à  scie), 
forge,  boulangerie,  hangar,  fournil,  etc.,  sans  oublier  les  ouvrages  de 
défense  (fort,  palissade,  réduit)  que  certains  d'entre  eux  accueillent  (voir 
le  tableau  2). 

On  est  frappé  par  l'intensité  de  cette  mise  en  valeur  et  du  rôle 
que  semble  jouer  le  domaine  personnel  des  seigneurs  dans  l'établis- 
sement rural.  Lieu  privilégié  pour  la  localisation  des  équipements  de 
production  et  de  services,  il  prend  très  souvent  l'aspect  d'un  hameau,  si 
ce  n'est  d'un  véritable  village  comme  dans  les  seigneuries  de  Beaupré, 
Beauport,  Terrebonne,  Boucherville  et  Saint-Gabriel.  Certes,  tous  les 
équipements  de  la  seigneurie  ne  sont  pas  ainsi  concentrés  sur  les  terres 
personnelles  des  seigneurs,  encore  que  ce  soit  le  cas  pour  bon  nombre 
d'entre  eux16;  de  même,  tous  les  domaines  ne  sont  pas  des  lieux 
d'établissement  de  villages.  Toutefois,  il  faut  considérer  ici  le  rôle  que 
semble  jouer  le  domaine  dans  la  mise  en  valeur  initiale  de  la  seigneurie: 
lieu  privilégié  pour  les  équipements  de  prestige  du  fief  (église,  manoir, 
moulin),  il  contribue  à  faire  du  secteur  géographique  où  il  est  situé  une 
aire  de  croissance  qui  pourra  devenir  plus  tard  un  lieu  d'apparition  du 
village.  Mais  il  y  en  aura  aussi  beaucoup  d'autres,  définies  par  les 
circonstances. 

Avec  les  aveux  et  dénombrements  de  seigneuries,  c'est  un 
premier  pan  de  l'histoire  du  village  qui  nous  est  révélé  et  que  confirment 
diverses  autres  sources  dont  les  plus  riches  datent  de  l'époque  de  la 
Conquête.  Celles-ci  ne  livrent  pourtant  que  des  indices  fragmentaires. 


14.  Ces  documents  sont  conservés  aux  Archives  nationales  du  Québec  à  Québec. 
Nous  devons  à  notre  collègue  Jacques  Mathieu,  du  Département  d'histoire  de 
l'Université  Laval,  de  nous  avoir  permis  de  consulter  ses  fiches  de  dépouillement 
en  1987. 

15.  Rappelons  qu'au  Canada  le  seigneur  était  tenu  de  démembrer  son  fief,  c'est-à-dire 
de  concéder  des  terres  aux  colons.  Toutefois,  il  pouvait  en  réserver  une  partie  pour 
son  usage  personnel.  Ce  sont  les  domaines  auxquels  s'ajoutent  parfois  des  terres 
réservées  pour  d'autres  fins  (construction  d'une  église,  d'un  village,  etc.).  Pour  une 
présentation  plus  complète  de  la  seigneurie  et  de  ses  composantes,  voir  Serge 
Courville  et  Serge  Labrecque,  Seigneuries  et  fiefs  du  Québec:  nomenclature  et 
cartographie. 

16.  Il  ne  faut  pas  oublier  que  le  peuplement  est  alors  riverain  et  en  pleine  expansion,  ce 
qui  explique  la  nécessité  de  cette  concentration  dans  l'espace. 


19 


Tableau  2 

MENTIONS  DE  VILLAGES  RETROUVÉES  DANS  LES  AVEUX 
ET  DÉNOMBREMENTS  DU  RÉGIME  FRANÇAIS 


Seigneurie 
(année  du  relevé) 


Mention 


Seigneurie 
(année  du  relevé) 


Mention 


Gouvernement  de  Québec 


Villages  existants 
Beauport(1725) 

Notre-Dame-des-Anges 
(1723) 


Saint-Gabriel  (1723) 


«Le  bourg  du  Fargy»,  qui  comprend 
15  emplacements  dont  14  construits 
«  La  «  ville  »  de  Charlesbourg  » 
«  Le  Trait  carré  du  bourg  appelé 
Lauvergne  » 

«  Le  Trait  carré  du  Bourg  Royal  » 
«Village  des  Hurons  de  Lorette» 


Côtes  mentionnées  comme  villages 
Beauport(1725)  «Village  Saint-Joseph: 


Grondines  (1723) 

Neuville  (1725) 


Notre-Dame-des-Anges 
(1723) 


«Village  Saint-Michel» 

«Village  Saint-Ignace» 

«Village  de  Saint-Joseph» 

«Village  Saint-Jean» 

«Village  Saint-Nicolas» 

«Village  des  Méloizes» 

une  «  Coste  »  appelée  le  «  Petit 

Village» 

le  «Village»  du  «Gros  Pin» 

le  «Village  Saint-Pierre» 

le  «Village  Saint-Claude» 


Autre 
Saint-François  (1725) 

Gouvernement  de  Montréal 


Villages  existants 
Boucherville  (1724) 


«emplacement  d'un  ancien  village» 


île  de  Montréal  (1731) 


le  village  de  Boucherville,  érigé 
dans  le  domaine  et  comprenant 
60  emplacements  dont  43  construits, 
répartis  le  long  de  rues  disposées 
en  damier  et  occupant  au  total  une 
superficie  de  12  arpents  de  terre 
le  village  fortifié  de  la  Pointe-aux- 
Trembles,  construit  sur  un  terrain  de 
100  sur  90  toises,  dans  lequel  on 
retrouve  une  église,  un  presbytère,  un 
cimetière,  la  maison  des  sœurs  de 
la  Congrégation,  et  40  emplacements 
dont  22  bâtis,  distribués  par  rues 
«  en  forme  de  Bourg  » 
le  village  «commencé»  de  la  Rivière- 
des-Prairies,  d'un  arpent  en  super- 
ficie, où  l'on  retrouve  4  emplacitaires. 
Ce  village  est  situé  à  proximité  d'une 
terre  de  3  sur  20  arpents  cédée  par 


Lac-des-Deux- 
Montagnes(1731) 

Terrebonne(1736) 
Varennes(1723) 


Villages  projetés 
Baronnie  de  Longueuil 
(1723) 


Berthier  (1723) 


Contrecœur  (1723) 


Autres 
Chambly(1723) 

île  de  Montréal  (1731) 


les  seigneurs,  et  où  l'on  retrouve  une 
église  et  un  presbytère  et,  quelques 
arpents  plus  loin,  un  moulin  à  vent, 
un  village  de  100  «cabannes» 
occupé  par  les  Iroquois,  les 
Algonquins  et  les  Népissingues 
le  village  Saint-Louis,  situé  dans  le 
domaine  et  composé  de  5  empla- 
cements 

mention  de  redevances  à  payer 
pour  des  emplacements  dans  le 
village 


mention  d'un  espace  réservé  par 
le  seigneur  et  destiné  à  accueillir 
un  village  qui  sera  «sous  la 
défence  » 

mention  d'une  terre  de  3  arpents  de 
front  destinée  à  l'église,  au  pres- 
bytère, à  un  village  et  aux  sœurs  de  la 
Congrégation 

mention  d'une  terre  appartenant  au 
seigneur  (2,5  sur  30  arpents),  dont 
2,25  sur  5  arpents  sont  réservés  pour 
un  village  et  sur  laquelle  se  trouve 
l'église  paroissiale 


pas  de  mention  de  village,  mais  l'aveu 
et  dénombrement  rapporte  la  pré- 
sence d'un  fort 
Lachine 

pas  de  mention  de  village,  mais  l'aveu 
et  dénombrement  rapporte  une  église, 
un  presbytère,  une  maison  pour  les 
sœurs  et  un  fort  clos  de  pieux 
bastonné  sur  un  terrain  de  2  sur  2 
arpents  donné  par  feu  Millot,  titulaire 
de  l'arrière-fief  du  même  nom 
Sainte-Anne 

pas  de  mention  de  village,  mais  l'aveu 
et  dénombrement  rapporte  la 
présence  d'une  église  et  d'un  presby- 
tère dans  un  petit  fort  entouré  de 
pieux  élevé  sur  une  terre  d'environ 
12  arpents  en  superficie  apparte- 
nant aux  seigneurs 


20 


Seigneurie 
(année  du  relevé) 


Mention 


Seigneurie 
(année  du  relevé) 


Mention 


Laprairie  (1733) 

Sault-Saïnt-Louis  (1733) 
Sorel  (1724) 
Vaudreuil  (1725) 


Saint-Laurent 

pas  de  mention  de  village,  mais 
l'aveu  et  dénombrement  rapporte  la 
présence  d'une  terre  de  150  arpents 
en  superficie  appartenant  aux 
seigneurs  et  où  la  nouvelle  église  et 
son  presbytère  sont  en  construction 
pas  de  mention  de  village,  mais  men- 
tion d'un  fort  et  de  14  emplacements 
près  du  domaine 

pas  de  mention  de  village,  mais  men- 
tion de  la  mission  iroquoise 
mention  d'un  fort  à  palissade  flanqué 
de  4  bastions 

mention  d'un  fort  dans  l'île  aux 
Tortues 


Gouvernement  de  Trois-Rivières 

Village  existant  (début  de  village) 


Cap-de-la-Madeleine 
(1733) 


Côte  appelée  village 
Champlain  (1738) 

Autres 
Bécancour(1724) 

Saint-François  (1723) 


le  «Village  du  Cap»,  de  4  arpents  en 
superficie,  situé  en  partie  dans 
le  domaine  des  jésuites  et  en  partie 
sur  la  terre  de  Jean-Baptiste 
Duplessis;  comprend  l'église,  le 
presbytère  et  un  emplacement 


le  «Petit  village  de  la  Borde» 


mention  d'un  village  occupé  par  les 

Abénaquis  «pour  le  tant  [sic]  de 

la  mission  » 

mention  du  «Village  des  Sauvages 

Abénaquis» 


Source  :  ANQ-Q,  Aveux  et  dénombrements  de  la  colonie. 

Par  exemple,  la  documentation  officielle  de  la  fin  du  Régime  français  ne 
contient  que  huit  chartes  d'établissement  de  villages17.  Dans  la  même 
veine,  les  recensements  de  1760-1765,  réalisés  à  la  demande  des 
autorités  britanniques,  ne  permettent  tout  au  plus  qu'une  approximation 
du  phénomène,  grâce  aux  traces  de  morcellement  foncier  qui  apparais- 
sent dans  les  listes  et  aux  quelques  indications  socioprofessionnelles 
qu'elles  révèlent.  Au  total,  cette  source  ne  permet  de  repérer  qu'une 
douzaine  de  noyaux,  répartis  pour  moitié  dans  la  région  de  Québec  et 
pour  moitié  dans  la  région  de  Montréal18.  C'est  donc  à  la  carte  qu'il  faut 
finalement  avoir  recours  pour  prendre  la  mesure  d'ensemble.  La  plus 
intéressante  à  cet  égard  reste  celle  de  Murray19,  qui  indique  environ  24 
noyaux  regroupés  d'habitat  dans  les  seigneuries,  dont  4  sont  des  villa- 
ges amérindiens  et  l'un,  un  faubourg  urbain.  Certains  ne  sont  encore  que 


17.  Ces  chartes  furent  obtenues  à  la  suite  de  requêtes  adressées  à  l'administration 
entre  1753  et  1758  par  les  seigneurs  de  Beaupré,  de  Saint-Michel  de  la  Durantaye, 
de  Lotbinière,  de  Neuville,  de  l'île  Jésus,  de  L'Assomption,  de  Soulanges  et  de 
Contrecœur,  pour  obtenir  l'autorisation  d'établir  un  village  dans  leur  seigneurie.  Voir 
EO.  vol.  Il,  p.  410-412,  412-413,  414,  415,  419,  420;  vol.  III,  p.  401-402. 

18.  Ces  noyaux  sont,  pour  le  district  de  Montréal,  Boucherville,  Chambly,  Pointe-Claire, 
Saint-Denis,  Sainte-Jeanne  de  l'île  Perrot,  Verchères;  pour  le  district  de  Québec, 
Beauport,  Charlesbourg,  Château-Richer,  le  bourg  de  la  rivière  Saint-Charles,  Saint- 
Joachim  et  Saint-Vallier;  dans  le  district  de  Trois-Rivières,  on  n'en  retrouve  aucun. 
Voir  Serge  Courville,  «  Esquisse  du  développement  villageois  au  Québec  [...]  », 
CGQ,  28(73-74),  1984,  p.  19  et  suiv. 

19.  Plan  of  Canada  or  the  Province  of  Québec  from  the  Uppermost  Settlements  to  the 
Island  of  Coudre  as  Surveyed  by  Order  of  His  Excellency  Governor  Murray  in  the 
Year  1760,  61  &  62. 


21 


de  simples  nodules  en  formation,  d'autres  des  noyaux  mieux  formés, 
d'autres  encore  de  véritables  agglomérations  où  l'on  distingue  même  un 
réseau  de  rues  (voir  la  figure  1).  Par  contre,  beaucoup  sont  des  villages 
en  long,  dans  la  région  de  Québec  notamment  où  cette  forme  domine. 
Mais  on  remarque  aussi  d'autres  dispositions:  en  section,  en  arête  ou 
en  rangée,  en  tas,  comme  c'est  le  cas  dans  la  région  de  Montréal  pour 
près  de  la  moitié  des  bourgs  (voir  le  tableau  3). 

La  carte  de  Murray  n'indique  sans  doute  que  les  villages  qui  ont 
survécu  aux  opérations  militaires  de  1759-1760,  mais  elle  offre  suffisam- 
ment d'informations  pour  que  l'on  puisse  saisir  les  tendances  de  la 
croissance  villageoise.  En  effet,  comparée  aux  relevés  de  Marcel  Trudel 
pour  la  première  moitié  du  XVIIe  siècle  et  aux  aveux  et  dénombrements 
de  la  première  moitié  du  XVIIIe,  elle  confirme  l'élan  que  semble  avoir  pris 
cette  croissance,  notamment  dans  la  région  de  Montréal  où  le  nombre 
de  hameaux  et  de  bourgs  augmente  rapidement.  En  outre,  elle  indique 
que  c'est  dans  cette  dernière  région  qu'ils  sont  les  plus  bâtis  et  les 
mieux  circonscrits  dans  l'espace.  Enfin,  elle  montre  le  rôle  qu'ont  pu 
jouer  les  ouvrages  de  défense  dans  la  définition  du  semis  villageois, 
notamment  dans  les  secteurs  exposés  aux  incursions  ennemies,  comme 
la  région  de  Montréal  où  bon  nombre  de  villages  trouvent  leur  origine 
dans  ces  premiers  fortins  à  l'intérieur  desquels  s'élevaient  souvent  une 
église,  un  presbytère  et  quelques  maisons.  On  en  retrouve  dans  l'archi- 
pel de  Montréal,  sur  la  rive  sud  du  Saint-Laurent  et  dans  la  vallée  du 
Richelieu  où  Chaussegros  de  Léry  avait  même  conçu  le  plan  d'une  ville 
fortifiée  à  Chambly20. 

La  Conquête  n'arrête  pas  cet  élan,  au  contraire.  Aussitôt  la  paix 
rétablie,  la  croissance  villageoise  se  poursuit,  avec  l'apparition  de  nouvel- 
les agglomérations  partout  où  la  colonisation  progresse.  À  la  fin  du  XVIIIe 
siècle,  il  y  en  a  déjà  une  trentaine  dont  on  retrouve  la  trace  dans 
certaines  sources  (aveux  et  dénombrements  du  Régime  anglais,  cartes 
et  plans  de  seigneuries,  etc.).  Toutefois,  comme  ces  sources  ne  sont 
jamais  complètes,  on  ne  peut  qu'estimer  grossièrement  le  nombre  et  la 
taille  de  ces  établissements.  Le  tableau  4  en  donne  des  exemples;  les 
informations  proviennent  des  aveux  et  dénombrements  du  Régime 
anglais  (1777-1799)  et  de  diverses  autres  sources,  notamment  des 
monographies  locales. 


20.  Plan  d'un  projet  pour  former  un  commencement  de  ville  à  Chambly,  avec  fortifica- 
tions (1721),  cité  dans  Serge  Courville,  «  Esquisse  du  développement  villageois  au 
Québec  [...]  »,  CGQ,  28(73-74),  1984,  p.  19. 


22 


Figure  1 

STRUCTURES  D'HABITAT  GROUPÉ 
SELON  LA  CARTE  DE  MURRAY  (1760-1762) 


I    NODULE    DE     DEPART 


STRUCTURE    SANS    DISCONTINUITE    INTERNE 

SERREE  DIFFUSE 


EX:  LES   ECUREUILS 


Il   NOYAU    EN    FORMATION 


EX:  L'ASSOMPTION 
III    NOYAU    FORME 


EX:    LONGUEUIL 
IV      NOYAU    DENSE 


EX;   ST- JOSEPH 
(MASKINONGE) 


1   KM 

J 


STRUCTURE    AVEC 
DISCONTINUITE     INTERNE 


PERIMETRE  'villageois' 

H  AIRE    PROXIMALE 

■H  AIRE   DISTALE 

i  Eglise 

©  MANOIR 

tk  MOULIN 

BÂTIMENT 


EX:    STE  -GENEVIEVE 


EX:    CHÂTEAU  -  RICHER 


EX:    BEAU  PORT 


EX:    VERCHERES 


EX:    LA    PRAIRIE 


23 


Tableau  3 
AGGLOMÉRATIONS  RELEVÉES  PAR  MURRAY  (1760-1762) 


Autres 

Village 

Forme                       Égl 

ise          bâtiments 

Gouvernement  de  Québec 

Beauport 

en  long 

21 

Chariesbourg 

en  arête 

40 

Château-Richer 

en  long 

8 

Jeune-Lorette* 

en  rangée 

18 

Saint-Joachim 

en  long 

8 

Gouvernement  de  Trois-Rivières 

Les  Forges 

en  section 

33 

Sainte-Anne 

en  long 

6 

Saint-François* 

en  rangée 

20 

Gouvernement  de  Montréal 

Boucherville 

regroupée  (rues) 

47 

Caughnawaga* 

en  rangée 

n.d. 

Chambly 

en  rangée 

4 

Faubourg  Saint-Laurent 

en  long  (rues) 

46 

Lac-des-Deux-Montagnes* 

en  rangée 

29 

Laprairie 

en  long  (rues) 

40 

L'Assomption 

regroupée 

I                        5 

La  Visitation 

en  long 

I                       6 

Longueuil 

en  long  (rues) 

I                      16 

Pointe-aux-Trembles 

regroupée 

I                      25 

Pointe-Claire 

regroupée 

I                      13 

Saint-François 

regroupée 

I                       6 

Sainte-Rose 

regroupée 

I                        5 

Sorel 

regroupée 

1 

Terrebonne 

en  long  (rues) 

I                      57 

Varennes 

en  long 

I                       6 

Verchères 

regroupée 

29 

*  Village  amérindien, 
n.  d.  :  non  disponible. 
Source  :  Plan  of  Canada  or  the  Province  of  Québec  from  the  Uppermost  Settlements  of  the  Island  of  Coudre 
as  Surveyed  by  Order  ofHis  Excel lency  Governor  Murray  in  the  Year  1760,  61  &62. 


Quant  à  l'endroit  précis  où  s'élèvent  ces  villages,  il  varie  selon  la 
seigneurie,  mais  ils  sont  généralement  construits  dans  le  domaine 
même  des  seigneurs  ou  sur  des  terres  réservées  à  cette  fin  par  ceux-ci. 
Par  exemple,  dans  les  seigneuries  sulpiciennes,  la  plupart  des  bourgs  se 
retrouvent  dans  le  domaine  du  Séminaire,  sur  des  terres  qui  lui  appar- 
tiennent, ou  sur  des  terrains  offerts  à  d'autres  institutions.  Ainsi,  le 
bourg  de  la  Pointe-aux-Trembles  est  bâti  en  partie  sur  le  terrain  de  la 
fabrique,  en  partie  sur  un  terrain  qui  appartient  au  Séminaire.  Nous  en 


24 


Tableau  4 

EXEMPLES  DE  HAMEAUX  ET  DE  VILLAGES 
VERS  LA  FIN  DU  XVIIIe  SIÈCLE 


Nombre  d'emplacements 
Aveu  et           Autre 

Nombre  de  maisons 

Aveu  et 

Autre 

Village 

dénombrement 

source 

dénombrement 

source 

District  de  Montréal 

Contrecœur 

5 

4 

Lac-des-Deux-Montagnes 

n.d. 

150 

Laprairie 

61 

54 

L'Assomption* 

52 

37 

Pointe-aux-Trembles 

47 

49 

42 

41 

Pointe-Claire 

37 

41 

32 

33 

Rivière-des-Prairies 

8 

8 

7 

7 

Saint-Laurent 

5 

5 

6 

5 

Sault-aux-Récollets 

20 

20 

18 

17 

Soulanges 

8 

4 

Varennes 

28 

27 

District  de  Québec 

Château-Richer 

7 

7 

Neuville 

9 

6 

*  Confondu  avec  le  village  de  Saint-Sulpice  dans  l'aveu  et  dénombrement  de  1781. 
n.  d.:  non  disponible. 
Sources  :  ANQ-Q,  fonds  Terres  et  forêts,  Aveux  et  dénombrements  du  Régime  anglais,  1777-1799;  Raymond 
Gariépy,  Le  village  du  Château-Richer;  Claude  Perrault,  Montréal  en  1781;  Christian  Roy,  Histoire  de 
L'Assomption;  Johanne  Salois,  «Étude  de  la  structuration  d'un  village  [...]». 


avons  un  autre  exemple  avec  le  village  du  Sault-au-Récollet,  construit 
dans  le  domaine  de  16  arpents  sur  26  que  s'était  réservé  le  Séminaire  au 
Sault.  Enfin,  c'est  le  cas  aussi  du  «  village  commencé  »  de  Rivière-des- 
Prairies,  apparu  sur  une  terre  de  2  arpents  sur  3  réservée  à  cette  fin  par 
le  Séminaire,  de  Pointe-Claire,  construit  sur  un  terrain  de  20  arpents 
appartenant  au  Séminaire,  de  L'Assomption,  construit  également  dans  le 
domaine  du  Séminaire,  et  de  la  mission  du  Lac-des-Deux-Montagnes, 
élevée  dans  le  domaine  du  même  nom.  Cette  situation  n'est  pas  propre 
à  la  région  de  Montréal.  On  la  retrouve  partout  sur  le  territoire,  comme 
en  témoignent  le  village  de  Bourg-Saint-Louis,  dans  la  seigneurie  de 
Neuville,  construit  dans  le  domaine  de  la  famille  Brassard  Deschenaux, 
et  le  village  de  Château-Richer,  dans  la  seigneurie  de  Beaupré,  qui 
s'élève  dans  le  domaine  du  Séminaire  de  Québec.  Comme  ceux  de 
Boucherville,  de  Saint-Eustache,  de  Sainte-Thérèse,  de  Terrebonne,  de 


25 


Berthier,  de  Nicolet  et  de  beaucoup  d'autres  apparus  plus  tard  (Beauhar- 
nois,  Saint-Hyacinthe,  Saint-Jérôme,  Montebello,  Plaisance,  Sainte-Anne- 
de-la-Pérade,  Saint-David,  Leclercville,  Fraserville,  Babyville,  etc.),  ces 
villages  se  développeront  sur  les  sites  que  leur  avaient  reconnus  autre- 
fois les  seigneurs,  pour  s'étendre  ensuite  aux  terres  avoisinantes.  Le 
phénomène  est  d'autant  plus  intéressant  qu'il  s'inscrit  dans  une  conti- 
nuité dont  l'origine  remonte  à  la  première  moitié  du  XVIIe  siècle,  époque 
au  cours  de  laquelle  la  moitié  des  villages  ou  débuts  de  villages  dénom- 
brés par  Marcel  Trudel  s'élevaient  sur  de  tels  emplacements21.  Il  n'y  a  là 
rien  de  bien  étonnant,  puisque  c'est  dans  le  domaine  que  l'on  retrouve 
très  souvent,  on  l'a  vu,  les  équipements  de  prestige  de  la  seigneurie. 
Mais  à  côté  du  domaine,  il  y  a  aussi  les  terres  réservées  dont  la  seule 
présence  dans  l'espace  indique  l'intérêt  que  portent  les  titulaires  de  fiefs 
au  village,  du  moins  au  cours  de  la  deuxième  moitié  du  XVIIIe  siècle.  En 
effet,  sous  le  Régime  français  et  plus  particulièrement  à  l'époque  de 
Talon,  le  village,  rappelons-le,  n'est  souvent  qu'une  côte  et  n'a  du  village 
que  le  nom. 

Quoi  qu'il  en  soit,  ce  qu'il  importe  de  retenir  ici,  c'est  qu'à  la  fin  du 
XVIIIe  siècle  le  village  occupe  déjà  une  place  importante  dans  le  paysage 
des  campagnes,  notamment  en  pays  riverain  où  sa  croissance  est  la  plus 
ancienne.  Toutefois,  et  même  si  au  début  du  XIXe  siècle  on  en  dénombre 
déjà  une  cinquantaine,  nombreux  sont  les  terroirs  qui  n'en  comptent 
encore  aucun. 

LA  POUSSÉE  DES  ANNÉES  1815-1851 

À  partir  de  1815,  tout  éclate:  de  nouveaux  bourgs  surgissent  et 
un  réseau  nouveau  de  hameaux  apparaît,  en  un  semis  de  points  qui 
jaillissent  partout  dans  l'espace.  En  quelque  35  ans,  soit  du  lendemain 
de  la  guerre  anglo-américaine  (1812-1814)  jusqu'au  milieu  du  XIXe  siècle, 
on  passe  d'une  cinquantaine  de  noyaux  à  plus  de  300  (voir  l'annexe  B). 
Le  paysage  en  est  complètement  transformé:  les  structures  d'habitat 
deviennent  plus  complexes  et  des  cristallisations  nouvelles  s'affirment, 
qui  modifient  les  anciens  équilibres  régionaux.  Cette  poussée  se  main- 
tient jusqu'à  l'abolition  du  régime  seigneurial  en  1854.  Toutefois,  la 
période  la  plus  active  de  croissance  se  situe  entre  les  années  1815  et 
1830.  Par  la  suite,  les  gains  demeurent  encore  imposants,  mais  au  profit 
cette  fois  des  fronts  pionniers  et  d'une  urbanité  qui  s'annonce. 


21.  Marcel  Trudel,  op.  cit. 
26 


La  mesure  du  phénomène 

La  première  source  qui  fournit  un  relevé  des  villages  que  comp- 
tent les  seigneuries  au  début  du  XIXe  siècle  est  la  Description  topogra- 
phique de  la  province  du  Bas-Canada  de  Joseph  Bouchette,  parue  en 
1815.  Dédié  au  régent,  cet  ouvrage  se  présente  sous  la  forme  d'un 
véritable  tableau  géographique  où  le  territoire  du  Bas-Canada  est  décrit 
avec  ses  seigneuries  et  ses  cantons,  et  où  l'on  retrouve  diverses 
informations  quant  aux  potentialités  du  milieu  et  à  son  état  de  dévelop- 
pement, avec  parfois  une  mention,  voire  une  description  sommaire,  des 
hameaux  ou  des  bourgs  existants.  Intéressant  parce  qu'il  donne  un 
aperçu  du  nombre  de  villages  sur  le  territoire  seigneurial,  cet  outil  gagne 
pourtant  à  être  validé  par  d'autres  sources,  d'une  part  parce  qu'il  est 
construit  à  partir  d'observations  effectuées  à  différents  moments  et  dont 
la  qualité  n'est  pas  toujours  sans  faille  (relevés,  rapports,  correspondan- 
ces, etc.),  ensuite  parce  que  les  remarques  de  l'auteur  ne  portent  que 
sur  les  formes  les  mieux  établies  et  sans  doute  les  plus  visibles 
d'agglomérations  villageoises.  Il  est  donc  possible  que  la  cinquantaine  de 
villages  ou  de  débuts  de  villages  signalés  par  Bouchette  dans  les 
seigneuries  ne  représentent  en  réalité  qu'une  partie  du  nombre  total  de 
hameaux  et  de  bourgs  que  celles-ci  accueillent.  De  fait,  d'après  le  type 
de  villages  recensés  et  en  comparant  ceux-ci  aux  villages  du  même 
genre  retrouvés  dans  d'autres  sources  plus  tardives  (le  recensement  de 
1831  par  exemple),  on  constate  que  Bouchette  sous-évalue  de  quelques 
noyaux  le  nombre  total  de  villages.  Ces  quelques  oublis  mis  à  part,  les 
établissements  qu'il  aurait  pu  omettre  ne  comptent  que  quelques  dizai- 
nes de  ménages  en  1831.  En  outre,  beaucoup  sont  situés  dans  des 
terroirs  encore  inoccupés  en  1815.  Par  conséquent,  son  évaluation  reste 
valable  et  décrit  une  situation  qui  n'est  probablement  pas  très  éloignée 
de  celle  de  l'époque.  Quoi  qu'il  en  soit,  ce  n'est  pas  tant  le  nombre  de 
noyaux  qui  importe  ici  que  le  changement  de  rythme  que  semble 
enregistrer  la  croissance  villageoise  après  1815,  lorsque  les  données 
corrigées  de  Bouchette  sont  comparées  à  celles  qu'il  est  possible  de 
réunir  pour  1831. 

Ce  changement  n'est  pas  factice;  il  est  au  contraire  confirmé  par 
d'autres  sources  contemporaines  de  la  période  observée.  La  première 
est  la  cartographie  même  de  Bouchette  qui,  en  1815  et  1831,  publie 
deux  cartes  destinées  à  accompagner  ses  ouvrages.  Comparée  à  celle 
de  1815,  la  carte  de  1831  montre  des  bourgs  là  où  n'existait  encore 
aucune  concentration  villageoise  quelque  16  ans  auparavant,  par  exem- 
ple le  village  de  Saint-Jacques,  dans  la  seigneurie  de  Saint-Sulpice 


27 


(Ruisseau-Vacher).  En  1815,  le  territoire  où  est  situé  ce  village  ne 
comprend  encore  qu'une  ligne  d'habitat  répartie  de  part  et  d'autre  du 
chemin  qui  dessert  la  côte  du  même  nom.  En  1831,  la  carte  montre  une 
agglomération  de  plus  d'une  vingtaine  de  bâtiments  disposés  en  tas  (voir 
la  figure  2). 

Ce  cas  n'est  pas  unique.  On  en  retrouve  de  semblables  dans 
diverses  autres  parties  du  territoire,  qui  apparaissent  encore  inoccupées 
en  1815  mais  qui  présentent  un  semis  parfois  impressionnant  de  villages 
en  1831.  Par  exemple,  au  sud  de  Montréal,  dans  le  croissant  qui  va  de  la 
seigneurie  de  Beauharnois  à  l'ouest  à  la  seigneurie  de  Saint-Hyacinthe 
à  l'est,  en  passant  par  les  seigneuries  de  LaSalle,  Longueuil,  Lacolle, 
Foucault,  Noyan,  Deléry  et  Monnoir,  on  ne  compte  en  1815  que  quel- 
ques établissements  villageois  dont  le  nombre  se  multiplie  par  la  suite. 
De  même,  dans  la  péninsule  de  Vaudreuil-Soulanges,  sur  la  Rive-Sud  de 
Trois-Rivières  et  de  Québec,  et  sur  la  Côte-du-Sud,  la  montée  villageoise 
ne  s'affirme  qu'après  les  années  1820,  mises  à  part  quelques  agglomé- 
rations nées  aux  XVIIe  et  XVIIIe  siècles. 

Il  n'y  a  pas  que  la  cartographie  de  Bouchette  qui  confirme  cette 
croissance.  On  en  retrouve  aussi  des  indices  dans  les  répartitions 
d'église  retrouvées  dans  le  fonds  des  commissaires  chargés  des  affaires 
de  fabrique  et  de  l'érection  civile  des  paroisses22.  Levées  chaque  fois 
qu'une  dépense  extraordinaire  devait  être  engagée  pour  la  construction 
ou  la  réparation  de  l'église,  du  presbytère  ou  du  cimetière,  ces  réparti- 
tions se  présentent  sous  forme  de  listes  qui  donnent  pour  chaque 
propriétaire  foncier  de  la  paroisse  la  superficie  de  la  terre  que  celui-ci 
détient  sous  forme  de  lots  ou  d'emplacements,  avec  la  contribution 
demandée  à  chacun  selon  que  sa  propriété  est  située  dans  la  côte  ou  au 
village.  En  comparant  les  listes  des  quelques  paroisses  qui  fournissent 
des  relevés  pour  la  période  observée,  on  constate  que  le  nombre 
d'emplacements  enregistrés  d'une  année  à  l'autre  dans  certains  villages 
a  tendance  à  augmenter,  et  que  le  point  principal  d'inflexion  de  la  courbe 
survient  durant  les  premières  décennies  du  XIXe  siècle.  C'est  le  cas, 
notamment,  du  village  de  Laprairie  qui  ne  compte  qu'une  soixantaine 
d'emplacements  en  1811,  mais  plus  de  250  en  1836.  De  même  Lon- 
gueuil, qui  n'en  compte  que  25  en  1810  et  en  1815,  en  accueille  plus  de 
60  en  1830. 


22.  Ce  fonds,  intitulé  Création  de  paroisses,  est  conservé  aux  ANQ-M,  sous  la  cote  E-4. 
Il  couvre  l'ensemble  du  XIXe  siècle  mais  ne  concerne  que  les  paroisses  de  la  région 
de  Montréal. 


28 


Figure  2 
VILLAGE  DE  SAINT-JACQUES  (1815,  1831) 


1815 


Source:  Joseph  Bouchette,  extrait  des  cartes  topographiques  de  1815  et  1831. 


29 


On  observe  également  des  cas  de  décroissance,  tel  le  village  de 
Boucherville  qui  ne  compte  plus  qu'une  centaine  d'emplacements  en 
1832,  comparativement  à  131  enregistrés  en  1819  et  144  relevés  en 
1800.  Pour  en  comprendre  la  signification,  il  faut  déborder  le  cadre 
restreint  de  ces  répartitions,  pour  comparer  cette  information  à  celle  que 
nous  livrent  les  aveux  et  dénombrements  du  XVIIIe  siècle  et  les  cadas- 
tres abrégés  de  seigneuries  de  1861.  L'exercice  montre  que,  loin  d'être 
uniforme  dans  le  temps,  la  croissance  villageoise  connaît  alors  divers 
rythmes  :  l'un  se  caractérise  par  une  longue  période  de  quasi-stagnation 
suivie,  après  les  années  1815-1820,  d'une  progression  plus  régulière 
mais  timide  (Pointe-aux-Trembles  et  Sault-au-Récollet)  ;  un  autre,  par  une 
progression  relativement  rapide  jusque  vers  1800  qui  se  relâche  jusque 
dans  les  années  1830  avant  de  connaître  une  certaine  reprise  (par 
exemple,  Saint-Eustache,  L'Assomption  et  Boucherville);  un  troisième, 
par  une  progression  spectaculaire  qui  rompt  avec  les  tendances  précé- 
dentes, comme  à  Laprairie,  Sorel  (William  Henry),  Longueuil  et  Saint- 
Hyacinthe.  La  figure  3  en  illustre  les  mouvements. 


Figure  3 

GRANDS  RYTHMES  DE  CROISSANCE  VILLAGEOISE 
EXEMPLE  DE  LA  RÉGION  DE  MONTRÉAL  (1800-1861) 


800 


»     600  - 

e 


£ 


400 


200  - 


Saint-Hyacinthe 

Longueuil 

Sorel 

Laprairie 


Saint-Eustache 

L'Assomption 

Boucherville 

Pointe-aux-Trembles 

Sault-au-Récollet 


1780 


1800 


1820 


1840    1860 


— i 
1880 


année 


Source:  ANQ-M,  fonds  Création  de  paroisses,  E-4. 


30 


Certes,  ces  exemples  ne  concernent  que  la  région  de  Montréal,  la 
seule  pour  laquelle  les  archives  des  commissaires  ont  pu  être  retrou- 
vées, et  les  paroisses  pour  lesquelles  on  dispose  d'une  information 
suffisante  quant  au  nombre  d'emplacements  des  villages.  Conjugués 
aux  indices  recueillis  dans  d'autres  sources,  ils  montrent  cependant  où 
s'effectuera  désormais  la  croissance  villageoise.  Le  changement  est 
d'autant  plus  marqué  qu'il  s'inscrit  dans  un  contexte  d'expansion  rapide 
du  territoire  habité. 

En  effet,  on  assiste  après  la  guerre  anglo-américaine  de  1812  à 
une  poussée  notable  de  la  colonisation  qui  progresse  partout  sur  le 
territoire  des  basses  terres.  Des  espaces  demeurés  jusque-là  à  peu  près 
vides  ou  peuplés  uniquement  par  endroits  se  retrouvent,  moins  d'une 
quinzaine  d'années  plus  tard,  presque  entièrement  occupés  ou  du  moins 
concédés.  De  riverain  qu'il  était  encore  à  la  fin  du  XVIIIe  siècle,  le 
peuplement  pénètre  cette  fois  plus  franchement  vers  l'intérieur  des 
terres,  ce  qui  provoque  partout  l'apparition  de  nouvelles  côtes  et  l'arpen- 
tage des  fonds  de  seigneuries23.  On  le  voit  d'ailleurs  dans  la  documenta- 
tion cartographique  de  l'époque  et  plus  particulièrement  sur  les  cartes 
de  Bouchette.  En  1815,  le  territoire  habité  se  présente  encore  comme 
sous  le  Régime  français,  sauf  dans  les  secteurs  proches  des  villes  où  il 
s'épaissit.  Partout  ailleurs,  il  se  limite  aux  rives  du  fleuve  et  de  ses  deux 
principaux  affluents  (les  rivières  Chaudière  et  Richelieu),  sur  au  plus 
quelques  kilomètres  de  profondeur.  En  1831,  il  aura  débordé  dans  toutes 
les  directions,  pour  atteindre  par  endroits  les  contreforts  des  Laurentides 
au  nord,  la  frontière  du  Bas  et  du  Haut-Canada  à  l'ouest,  la  région  de 
Matane  et  la  péninsule  gaspésienne  à  l'est,  et  le  cœur  des  basses  terres 
seigneuriales  au  sud,  et  même  en  certains  cas  les  cantons  où  progresse 
l'exploitation  forestière.  Vingt  ans  plus  tard,  les  basses  terres  sei- 
gneuriales seront  à  peu  près  toutes  occupées  et  le  peuplement  s'étirera 
loin  dans  les  cantons,  à  l'assaut  du  plateau  laurentidien  et  des  vallées 
appalachiennes. 

La  croissance  villageoise  va  de  pair  avec  cette  expansion.  Plus  ou 
moins  limitée  jusqu'en  1815  aux  abords  immédiats  du  fleuve  et  de  ses 
principaux  affluents,  elle  suit  ultérieurement  l'évolution  des  fronts  pion- 
niers, laissant  partout  un  semis  d'établissements  dont  plusieurs  attei- 
gnent bientôt  des  tailles  respectables.  Fait  plus  significatif  encore,  elle 


23.  Amorcée  au  début  des  années  1790  pour  favoriser  la  division  des  terres  de  la 
couronne  en  cantons,  la  cartographie  des  seigneuries  n'est  terminée  qu'après  une 
quinzaine  d'années,  et  laisse  quantité  de  limites  floues  qui  ne  sont  précisées  que 
dans  les  premières  décennies  du  XIXe  siècle.  Pour  une  présentation  des  étapes  de 
cette  cartographie,  voir  Serge  Courville  et  Serge  Labrecque,  op.  cit. 


31 


coïncide  dans  le  temps  avec  ce  que  l'on  peut  observer  dans  d'autres 
régions  du  monde,  comme  en  Nouvelle-Angleterre,  où  la  croissance  des 
bourgs  épouse,  toutes  proportions  gardées,  les  mêmes  rythmes24  (la 
période  la  plus  marquante  à  cet  égard  est  celle  de  1780-1840),  ainsi 
qu'en  Europe  et  en  Amérique  latine,  où  les  années  1810-1815  représen- 
tent également  un  tournant25.  Au  Québec,  cette  expansion  se  traduira 
par  une  augmentation  sans  précédent  du  nombre  de  hameaux  et  de 
bourgs  qui  surgissent  partout  sur  le  territoire  habité. 

En  1831,  les  agrégés  et  les  listes  nominatives  de  recensement 
révèlent  l'existence  d'au  moins  208  noyaux  villageois  dans  les  sei- 
gneuries; en  1851,  ils  en  indiquent  253  dont  l'existence  est  attestée  par 
des  critères  aussi  bien  morphologiques  que  professionnels  ou  sociopro- 
fessionnels26. Comme  ces  sources  sont  parfois  déficientes  (listes  nomi- 
natives manquantes,  agrégés  qui  ne  rapportent  que  les  plus  gros  bourgs 
reconnus  juridiquement,  etc.),  leur  nombre  réel  est  plus  élevé  encore  - 
autour  de  210  noyaux  en  1831  et  de  306  en  1851  -,  dont  on  retrouve  la 
trace  dans  l'un  ou  l'autre  dénombrement  de  la  période.  En  effet,  en 
ajoutant  aux  noyaux  de  1851  ceux  dont  on  connaît  l'existence  par  le 
recensement  de  1831  et,  inversement,  en  ajoutant  aux  noyaux  de  1831 
ceux  de  1851  dont  on  peut  présumer  par  la  taille  qu'ils  existaient  déjà  en 
1831,  c'est  entre  2  et  50  noyaux  supplémentaires  que  se  situe  le 
nombre  de  hameaux  et  de  bourgs  dans  les  seigneuries  aux  différents 
recensements,  sans  compter  les  petits  établissements  repérés  autour 
d'un  moulin  ou  d'une  fabrique  en  1831  mais  qui  ont  pu  disparaître  après 
cette  date.  Au  total,  cela  représente  une  variation  brute  de  plus  de 
477  %  pendant  la  période,  pour  un  taux  de  croissance  annuel  moyen  de 


24.  Voir,  entre  autres,  l'article  de  J.  S.  Wood,  «  Elaboration  of  A  Settlement  System  : 
the  New  England  Village  in  the  Fédéral  Period  »,  JHG.  10(4),  1984,  p.  331-356. 

25.  A  ce  sujet,  voir:  Pierre  Léon  (dir.),  Histoire  économique  et  sociale  du  monde,  tome 
3,  Inerties  et  révolutions,  1730-1840;  Pedro  Cunill  Grau,  «  Geographica  del  pobla- 
miento  venezolano  en  el  siglo  XIX  ». 

26.  Rappelons  que  le  repérage  des  noyaux  villageois  dans  les  listes  nominatives  de 
recensement  repose  sur  trois  critères  considérés  en  interrelation:  1.  présence 
d'une  structure  d'emplacement  qui  introduit  une  rupture  dans  la  séquence  des  lots; 
2.  présence  d'une  population  aux  métiers  variés;  3.  présence  d'équipements  qui 
ont  un  pouvoir  structurant  et  agglomérant  dans  l'espace.  Pour  1831,  le  travail  est 
facilité  par  la  facture  du  recensement  qui  fournit  pour  chaque  chef  de  ménage 
l'ensemble  des  informations  recensées  (personnelles,  agraires,  etc.).  Pour  1851,  la 
tâche  est  plus  complexe  parce  que  les  informations,  dans  le  recensement,  sont 
partagées  entre  un  relevé  personnel  détaillé  par  individu  et  un  relevé  agraire  qui  a 
trait  uniquement  aux  occupants  de  terre  dont  la  séquence  de  présentation  dans  les 
listes  ne  coïncide  pas  toujours  avec  celle  du  relevé  personnel.  C'est  donc  dire  que, 
pour  reconstituer  la  population  du  village,  il  faut  d'abord  réordonner  les  deux  listes 
pour  replacer  les  noms  dans  un  ordre  comparable.  L'annexe  A  présente  la  métho- 
dologie retenue. 


32 


près  de  5  %.  Toutefois,  c'est  entre  1815  et  1831  que  la  poussée  est  la 
plus  vive  :  elle  atteint  3,9  %  par  année  en  moyenne  (296,23  %  de 
variation  brute),  contre  1,9%  entre  1831  et  1851  (45,71  %  de  variation 
brute).  On  est  loin  ici  des  rythmes  de  croissance  enregistrés  aux  XVIIe  et 
XVIIIe  siècles  (voir  la  figure  4). 

Pourtant,  cet  élan  n'a  pas  la  même  vigueur  partout:  certaines 
régions  affichent  des  taux  supérieurs  de  croissance,  d'autres  des  taux 
inférieurs,  pendant  qu'à  l'intérieur  même  de  ces  régions  s'affirment  des 
différences  qui  marqueront  pendant  longtemps  le  paysage  des  campa- 
gnes (voir  le  tableau  5). 

Les  variations  régionales 

Considérée  globalement  et  pour  l'ensemble  de  la  période,  la 
région  de  Québec  connaît  l'augmentation  annuelle  moyenne  du  nombre 
de  villages  la  plus  rapide  (5,73  %  par  année,  contre  5,05  %  dans  la 
région  de  Montréal  et  2,90  %  dans  celle  de  Trois-Rivières).  Toutefois, 

Figure  4 
CROISSANCE  VILLAGEOISE  (1660-1851) 

400 


300- 


200- 


100 


o  I' ' 


1660    1760    1815    1831    1851 


Sources:  ANC,  Recensements  du  Canada. 


33 


Tableau  5 
ÉVOLUTION  DU  NOMBRE  DE  NOYAUX  (1815, 1831, 1851) 


Taux  de  croissance  annuel 

moyen (%) 

Secteur 

1815 

1831 

1851 

1815-1831 

1831-1851 

1815-1851 

District  de  Montréal 

Archipel 

3 

15 

22 

4,57 

1,93 

5,69 

Péninsule 

3 

8 

12 

2,76 

2,05 

3,93 

Autre  île 

0 

0 

1 

— 

— 

— 

Rive-Nord 

6 

38 

50 

5,26 

1,38 

6,07 

Vill.  amérindien 

1 

1 

1 

Rive-Sud 

13 

48 

72 

3,70 

2,05 

4,87 

Vill.  amérindien 

1 

1 

1 

— 

— 

— 

Total 

27 

111 

159 

4,01 

1,81 

5,05 

District  de  Trois-Rivières 

Rive-Nord 

5 

10 

13 

1,94 

1,32 

2,69 

Rive-Sud 

4 

10 

13 

2,58 

1,32 

3,33 

Vill.  amérindiens 

1 

1 

2 

0,00 

3,53 

1,94 

Total 

10 

21 

28 

2,08 

1,45 

2,90 

District  de  Québec 

Rive-Nord 

7 

23 

41 

3,36 

2,93 

5,03 

Vill.  amérindien 

1 

1 

1 

0,00 

0,00 

0,00 

Rive-Sud 

8 

46 

69 

4,98 

2,05 

6,17 

île  d'Orléans 

0 

7 

6 

— 

-0,77 

— 

île  aux  Coudres 

0 

1 

1 

— 

0,00 

— 

Autre  île 

0 

0 

1 

— 

— 

— 

Total 

16 

78 

119 

4,50 

2,13 

5,73 

Total 

53 

210 

306 

3,90 

1,90 

4,99 

Vill.  amérindiens 

4 

4 

5 

0,00 

1,12 

0,62 

Vill.  blancs 

49 

206 

301 

4,07 

1,91 

5,17 

Sources  :  Joseph  Bouchette,  Description  topographique  de  la  province  du  Bas-Canada,  1815;  ANC,  Recensements  du  Bas-Canada,  1831  et 
1851-1852. 


c'est  dans  la  région  de  Montréal  qu'elle  prend  le  plus  d'ampleur:  en 
1815,  on  compte  déjà  27  établissements;  en  1851,  on  en  dénombre 
159,  soit  une  augmentation  de  132  noyaux  en  un  peu  plus  de  35  ans. 
Dans  la  région  de  Québec,  la  progression  est  légèrement  plus  faible, 
mais  tout  aussi  imposante:  de  16  agglomérations  seulement  en  1815, 
on  passe  à  119  en  1851,  soit  une  augmentation  de  103  établissements. 
Dans  celle  de  Trois-Rivières,  l'écart  n'est  plus  que  de  18  noyaux,  pour  un 
total  de  28  à  la  fin  de  la  période. 

Dans  la  région  de  Montréal,  la  poussée  la  plus  spectaculaire  a  lieu 
d'abord  sur  la  rive  nord  du  fleuve  et  dans  l'archipel  d'Hochelaga,  où  le 


34 


taux  de  croissance  annuel  moyen  des  villages  gravite  autour  de  5,2  %  et 
de  4,5  %  en  1815  et  en  1831.  Mais  elle  est  tout  aussi  notable  sur  la  rive 
sud  du  fleuve  où  elle  dépasse  3,7  %,  contre  moins  de  2,8  %  dans  la 
péninsule  de  Vaudreuil-Soulanges.  Après  1831,  les  tendances  s'inver- 
sent: plus  élevée  sur  la  rive  sud  du  fleuve  (2,05  %)  et  dans  la  péninsule 
de  Vaudreuil-Soulanges  (2,05%),  elle  chute  à  1,93%  dans  l'archipel 
d'Hochelaga  et  à  1,38%  sur  la  rive  nord  du  fleuve  où  un  sommet  est 
atteint. 

Un  panorama  différent  marque  la  région  de  Québec:  plus  pronon- 
cée d'abord  sur  la  rive  sud  du  fleuve  où  elle  atteint  un  taux  de  croissance 
annuel  moyen  de  4,98  %  entre  1815  et  1831,  puis  de  2,93  %  entre  1831 
et  1851,  la  poussée  villageoise  se  poursuit  sur  la  Rive-Nord  de  Québec 
où  elle  dépasse  3,36%  entre  1815  et  1831,  puis  2,93%  entre  1831  et 
1851,  pendant  qu'elle  se  stabilise  autour  de  six  ou  sept  noyaux  dans  l'île 
d'Orléans  qui  ne  compte  encore  aucun  village  reconnu  en  1815,  à 
l'exception  peut-être  d'une  petite  concentration  d'habitations  et  d'équi- 
pements à  la  pointe  est  de  l'île  où  Bouchette  rapporte  un  important  trafic 
vers  Québec. 

Quant  à  la  région  de  Trois-Rivières,  elle  connaît  une  croissance 
plus  symétrique:  d'une  dizaine  d'établissements  en  1815,  on  passe  à  21 
en  1831,  puis  à  28  en  1851,  répartis  également  entre  les  rives  nord  et 
sud  du  fleuve,  sauf  les  villages  amérindiens,  tous  situés  sur  la  rive  sud. 

Au  total,  c'est  donc  d'abord  sur  la  Rive-Nord  de  Montréal  et  la 
Rive-Sud  de  Québec  que  la  croissance  villageoise  est  la  plus  élevée, 
précédant  celle  de  l'archipel  de  Montréal.  Après  1831  toutefois,  elle  se 
manifeste  sur  la  Rive-Nord  et  la  Rive-Sud  de  Québec,  où  les  taux 
atteignent  ceux  de  la  Rive-Sud  de  Montréal,  et  dans  la  péninsule  de 
Vaudreuil-Soulanges.  Les  autres  secteurs  connaissent  des  taux  d'aug- 
mentation plus  faibles,  bien  que  non  négligeables  (voir  la  figure  5). 

QUELQUES  FACTEURS  D'EXPLICATION 

Comment  expliquer  ce  foisonnement  de  villages  à  un  moment  où 
tout  semble  encore  si  loin  des  changements  de  la  seconde  moitié  du 
siècle?  Plusieurs  facteurs  semblent  en  cause,  les  uns  plus  englobants 
que  les  autres  ou,  au  contraire,  plus  immédiats.  Les  principaux  sont 
d'ordre  démographique,  économique  et  social,  mais  il  faut  aussi  considé- 
rer les  initiatives  individuelles,  mixtes  ou  institutionnelles,  les  besoins 
administratifs  et  les  changements  culturels. 


35 


Figure  5 

POUSSÉE  VILLAGEOISE  DANS  LES  SEIGNEURIES  LAURENTIENNES 
(1815,  1831,  1851) 


Laboratoire  de  cartographie,  Département  de  géographie,  Université  Laval. 


Laboratoire  de  cartographie,  Département  de  géographie,  Université  Laval. 


Laboratoire  de  cartographie,  Département  de  géographie,  Université  Laval. 


36 


La  poussée  démographique 

Du  début  du  XVIIe  siècle  jusqu'à  la  fin  du  XVIIIe,  la  population  de  la 
vallée  du  Saint-Laurent  progresse  à  peu  près  régulièrement,  pour  attein- 
dre quelque  65  000  habitants  au  lendemain  de  la  Conquête  et  un  peu 
plus  de  1 12  000  vers  1784,  dont  environ  87  %  sont  ruraux,  tous  répartis 
sur  le  territoire  seigneurial.  Après  cette  date,  un  bond  est  franchi  :  en 
1815,  la  population  du  Bas-Canada  se  chiffre  autour  de  335  000  habi- 
tants, dont  près  de  89  %  habitent  la  campagne  et  environ  283  000,  les 
seigneuries  rurales.  En  1831,  elle  grimpe  à  plus  de  510  000  habitants, 
dont  encore  près  de  87  %  résident  à  la  campagne  et  plus  de  384  000 
dans  les  seigneuries.  En  1851,  elle  atteindra  presque  les  900  000  habi- 
tants dont  80  %  vivent  encore  à  la  campagne  et  un  peu  plus  de  600  000 
dans  les  seigneuries  rurales,  où  la  population  a  crû  cependant  moins  vite 
que  dans  les  cantons  où  la  colonisation  va  bon  train  (voir  les  tableaux  6 
et  7).  Mise  en  rapport  avec  la  progression  du  nombre  de  bourgs,  cette 
croissance  montre  tout  le  changement  qu'amorcent  les  années  1815- 
1820  sur  le  territoire  seigneurial. 

En  effet,  jusque  dans  les  années  1780  environ,  l'apparition  du 
village  avait  suivi  de  près  l'expansion  du  peuplement,  pour  répondre 
surtout  aux  besoins  de  la  colonisation.  Après  1784  et  jusqu'en  1815,  une 
première  rupture  se  produit:  la  population  augmente  plus  vite  que  le 
nombre  de  bourgs  dont  la  progression  épouse  les  mêmes  rythmes 
qu'auparavant.  Tout  se  passe  comme  si  l'on  assistait  à  une  expansion 
sans  précédent  de  l'établissement  rural  qui  profite  aussi  bien  de  l'abon- 
dance des  terres  neuves  que  de  l'accroissement  du  commerce  du  blé 
sur  le  marché  impérial.  Le  village  lui-même  en  est  transformé;  toutefois, 
à  l'exception  de  quelques  gros  bourgs  bien  situés  dans  les  circuits  du  blé 
et  qui  sont  dès  cette  époque  d'activés  places  de  commerce  (Sorel, 
Saint-Thomas  de  Montmagny,  etc.)  et  de  ceux  où  s'établissent  des 
marchands  intéressés  par  l'économie  du  blé,  la  plupart  des  noyaux 
villageois  de  cette  période  conservent  leurs  fonctions  antérieures  de 
soutien  à  l'établissement  rural  et  de  services  pour  les  campagnes 
environnantes;  leurs  principaux  équipements  demeurent  le  moulin  banal 
et  le  moulin  à  scie.  Après  1815,  en  dépit  de  gains  démographiques  plus 
imposants  encore,  la  courbe  d'évolution  du  village  dépasse  celle  de  la 
population  dont  l'établissement  dans  une  ferme  est  de  plus  en  plus  gêné 
par  le  manque  relatif  de  terres,  sauf  peut-être  dans  les  terroirs  neufs  de 
l'intérieur  où  la  colonisation  est  plus  récente  (voir  la  figure  6).  Certes, 
l'effet  de  ciseau  est  ici  exagéré,  compte  tenu  de  l'échelle  adoptée. 
Néanmoins,  l'écart  entre  les  deux  rythmes  de  croissance  est  réel;  il 


37 


Tableau  6 
POPULATION  DU  BAS-CANADA  (1765-1851) 


Population 

de  l'aire  seigneuriale* 

Population 
des 

Population 
totale  du 

Année 

Urbaine** 

Rurale 

Totale 

cantons 

Bas-Canada 

1765 

65  000 

1784 

13  679 

98  741 

112  420 

112  420 

1815  (estimation) 

37  000 

283100 

320100 

14  900 

335  000 

1831 

61734 

384  386 

446120 

64  480 

510  600 

1851 

113414 

604  307 

717  721 

172  540 

890  261 

Tableau  7 
TAUX  DE  CROISSANCE  ANNUEL  MOYEN  (%)  (1765-1851) 


Population 

de  l'aire  seigneuriali 

î* 

Population 

des 

cantons 

Population 

totale  du 

Bas-Canada 

Période 

Urbaine** 

Rurale 

Totale 

1765-1784 

1,78 

1784-1815 

3,26 

3,46 

3,43 

3,58 

1815-1831 

3,25 

1,93 

1,08 

9,59 

2,67 

1831-1851 

3,09 

2,29 

1,55 

5,04 

2,82 

1815-1851 

3,16 

2,13 

2,64 

7,04 

2,75 

*  Ne  comprend  que  la  population  des  districts  de  Montréal,  de  Trois-Rivières  et  de  Québec,  sans  le  district  de  Gaspé. 
**  Ne  comprend  que  les  populations  des  villes  de  Montréal,  de  Trois-Rivières,  de  Québec  (1784, 1815, 1831, 1851),  de  Sorel  (1831  et  1851) 
et  de  Saint-Hyacinthe  (1851). 
Sources  :  Joseph  Bouchette,  Description  topographique  de  la  province  du  Bas-Canada,  1815;  ANC,  Recensements  du  Bas-Canada,  1831  et 
1851-1852. 


montre  que  ce  n'est  plus  tant  l'ancien  horizon  agraire  qui  domine  qu'un 
nouveau,  stimulé  par  l'émergence  et  la  multiplication  des  bourgs27. 

Pourtant,  la  terre  ne  manque  pas,  du  moins  pas  encore,  et 
l'agriculture  reste  une  activité  importante.  Mais  comme  le  marché  fon- 
cier est  actif  et  la  plupart  des  bonnes  terres  déjà  concédées  ou  monopo- 
lisées par  le  seigneur  ou  par  la  population  elle-même  qui  les  réserve  aux 
enfants,  il  se  produit  une  pénurie  relative  de  sol  qui  entraîne  une 
libération  importante  de  la  main-d'œuvre.  Celle-ci  est  d'ailleurs  encoura- 
gée par  toutes  les  transformations  que  connaît  alors  cette  agriculture  et 


27.  Pour  un  aperçu  des  transformations  que  connaît  alors  la  campagne,  voir  Serge 
Courville,  «  Un  monde  rural  en  mutation  [...]  »,  HS,  XX(40),  1987,  p.  237-258. 


38 


Figure  6 

COURBES  COMPARÉES  DE  CROISSANCE  DE  LA  POPULATION 
ET  DU  NOMBRE  DE  BOURGS  (1760-1851) 


1000000 


800000 


2     600000 

m 


ex 

o 


400000  - 


200000  - 


400 


300 


200 


100 


t « r 

1740      1760      1780      1800      1820      1840      1860 

année 


population  totale  du  Bas-Canada /Québec 
population  rurale  (seigneuries  seulement) 
nombre  de  bourgs  (seigneuries  seulement) 


Sources:  ANC,  Recensements  du  Canada. 


qui  l'amènent  à  une  rationalité  nouvelle  dans  l'espace28.  Une  certaine 
proportion  de  cette  population  se  dirige  vers  la  ville  et  les  États-Unis,  une 
autre  vers  les  cantons,  où  la  croissance  des  bourgs  s'accélère  (en  1831, 
par  exemple,  celui  de  Sherbrooke,  le  plus  volumineux,  ne  compte  que 
350  habitants,  contre  près  de  3  000  en  1851-1852,  dont  16%  sont 
d'origine  francophone).  Toutefois,  la  plus  grande  partie  se  dirige  vers  les 


28.  À  ce  sujet,  voir  Serge  Courville,  «  Le  marché  des  subsistances  [...]  »,  RHAF,  42(2), 
1988,  p.  193-239. 


39 


villages  de  l'aire  seigneuriale  où  les  possibilités  d'emploi  sont  nombreu- 
ses29. 

L'accélération  des  échanges 

et  la  montée  des  industries  rurales 

Une  telle  poussée  démographique  n'est  pas  sans  conséquence 
sur  l'économie;  en  effet,  à  l'augmentation  de  population  correspond  une 
demande  accrue  en  biens  et  services,  qui  encourage  aussi  bien  les 
échanges  extérieurs  et  intérieurs  que  la  montée  des  activités  de  produc- 
tion. On  le  constate  dans  la  hausse  du  commerce  international  et  dans  la 
multiplication  des  foires  régionales.  On  le  voit  aussi  dans  la  diffusion, 
partout  sur  le  territoire,  des  industries  rurales30;  leur  progression  est 
d'autant  plus  vive  qu'elle  coïncide  dans  le  temps  avec  une  disponibilité 
accrue  de  la  main-d'œuvre,  non  seulement  abondante  mais  prête  écono- 
miquement et  mentalement  à  répondre  aux  stimuli  du  marché  et  aux 
offres  d'emploi  que  ces  industries  suscitent. 

On  ne  saurait  trop  insister  sur  le  rôle  qu'ont  joué  ces  facteurs 
dans  la  croissance  villageoise31.  Favorisés  par  les  besoins  nouveaux  de  la 
population  et  l'importance  accrue  de  la  ville  dans  la  vie  de  relation,  ils 
apparaissent  comme  les  moteurs  principaux  de  cette  croissance,  qui 
mettent  en  relief  la  place  qu'occupe  désormais  la  ville  dans  le  paysage 
économique  et  social  du  Bas-Canada.  En  1784,  les  agglomérations  de 
Québec,  de  Trois-Rivières  et  de  Montréal  ne  réunissent  encore  qu'un 
peu  moins  de  14  000  habitants  et  présentent  des  traits  assez  sembla- 
bles à  ceux  qu'elles  avaient  sous  le  Régime  français.  Ce  sont  avant  tout 
des  centres  administratifs  et  commerciaux,  dont  l'intérêt  premier  n'est 
pas  nécessairement  tourné  vers  le  village,  mais  qui,  parce  qu'elles  sont 
de  véritables  pépinières  de  marchands  et  d'ouvriers  pour  l'arrière-pays32, 
contribuent  à  sa  croissance.   En   1815,   les  agglomérations  qualifiées 


29.  Ce  qui  explique  l'extrême  jeunesse  de  sa  population  et  la  part  prise  par  la  main- 
d'œuvre  (voir  le  chapitre  3).  Le  village,  à  l'époque,  n'est  pas  encore  ce  lieu  de 
résidence  de  rentiers  que  décrira  plus  tard  le  géographe  Pierre  Deffontaines,  «  Le 
rang,  type  de  peuplement  rural  du  Canada  français  »,  CGQ,  ancienne  série,  5,  1953, 
p.  3-30.  Toutefois,  on  y  retrouve  un  certain  nombre  de  «  bourgeois  »  et  de  chefs  de 
ménage  qui  se  déclarent  «  à  leur  rente  »  dans  les  recensements,  ainsi  que 
plusieurs  veufs  et  veuves,  ce  qui  nuance  les  fonctions  des  bourgs. 

30.  C'est  le  cas  notamment  dans  la  plaine  de  Montréal  où  ces  industries  sont  particuliè- 
rement nombreuses.  Voir  Serge  Courville,  «  Le  marché  des  subsistances  [...]  », 
RHAF,  42(2),  1988,  p.  202  et  suiv. 

31.  Et  dans  la  montée  du  capitalisme  au  Bas-Canada.  À  ce  sujet,  voir  Stanley-Bréhaut 
Ryerson,  Capitalisme  et  confédération. 

32.  Louise  Dechêne,  «  Quelques  aspects  de  la  ville  de  Québec  au  XVIIIe  siècle  d'après 
les  dénombrements  paroissiaux  »,  CGQ,  28(75),  1984,  p.  485-505. 


40 


d'urbaines  par  Bouchette  regroupent  déjà  quelque  37  000  habitants  et 
s'affirment  de  plus  en  plus  comme  villes  marchandes.  En  1831,  celles 
qui  sont  mentionnées  comme  cités  et  villes  dans  le  recensement  en 
accueillent  plus  de  60  000,  contre  environ  113  000  en  1851-1852,  soit 
une  variation  annuelle  moyenne  de  3,09  %  en  20  ans,  ce  qui  est  de  loin 
supérieur  aux  rythmes  de  progression  démographique  enregistrés  à  la 
campagne  (2,29  %)  quand  on  ne  tient  compte  que  de  la  population 
présente  au  moment  des  dénombrements.  Une  telle  croissance  marque 
un  tournant  dans  l'histoire  de  l'économie  urbaine  et  de  son  organisation 
d'ensemble33.  Si  on  reste  encore  loin  de  la  taille  et  surtout  du  rôle  que 
jouent  certaines  villes  européennes  ou  américaines  dans  la  structuration 
de  l'espace  rural,  il  n'en  demeure  pas  moins  que  des  changements  se 
produisent,  qui  favorisent  l'émergence  de  nouvelles  fonctions  et  de 
structures  économiques  susceptibles  d'étendre  bientôt  l'influence  de  la 
ville  à  des  pans  importants  du  territoire. 

Dès  les  premières  décennies  du  XIXe  siècle,  un  premier  système 
bancaire  apparaît  autour  de  la  Banque  de  Montréal,  puis  de  la  Banque  de 
Québec  et  de  la  Banque  du  Canada.  Plus  tard,  dans  les  années  1830,  s'y 
ajoutent  la  City  Bank  of  Montréal  et  la  Banque  du  Peuple,  et  diverses 
banques  d'épargne  qui  fleurissent  dans  tous  les  centres  importants34. 
Parce  qu'elle  concentre  la  plupart  des  établissements  financiers  qui 
apparaissent  alors  au  Bas-Canada,  qu'elle  favorise  l'extension  du  crédit, 
et  qu'elle  est  au  cœur  de  la  révolution  que  connaissent  l'industrie  et  les 
transports  (dragage  du  fleuve,  installations  portuaires,  aménagement  de 
canaux  dont  celui  de  Lachine,  etc.)35,  la  ville  occupe  une  place  de  plus  en 
plus  importante  qui  annonce  déjà  le  rôle  qu'elle  sera  plus  tard  amenée  à 
jouer  dans  l'économie  des  campagnes.  Ce  rôle  est  encore  mal  connu, 


33.  À  titre  de  comparaison,  rappelons  que  la  plus  grande  ville  du  Haut-Canada  en  1830 
est  celle  de  Kingston,  avec  environ  4  000  habitants.  Toronto  n'en  réunit  guère  plus 
et  Hamilton  en  compte  1  400.  La  montée  du  fait  urbain  dans  le  Haut-Canada  est 
donc  postérieure  aux  années  1830.  De  fait,  elle  ne  prendra  sa  véritable  ampleur  que 
durant  la  seconde  moitié  du  XIXe  siècle,  favorisée  par  des  facteurs  à  la  fois 
géographiques,  économiques  et  sociaux.  Mais  en  1850,  la  population  de  Toronto 
n'est  encore  que  de  30  800  habitants,  celle  de  Hamilton,  de  14  000  et  celle  de 
Kingston,  de  11  600.  À  ce  sujet,  voir:  Louis  Trotier,  «  La  genèse  du  réseau  urbain 
du  Québec  »,  RS.  IX(1-2),  1968,  p.  23-32;  John  McCallum,  Unequal  Beginnings  [...]. 

34.  Voir:  Fernand  Ouellet,  Histoire  économique  et  sociale  du  Québec,  1760-1850, 
vol.  2,  p.  305-309;  Ronald  Rudin,  Banking  en  français:  the  French  Banks  of 
Québec,   1835-1925. 

35.  Voir,  entre  autres:  Raoul  Blanchard,  L'Ouest  du  Canada  français,  tome  1,  Montréal 
et  sa  région,  p.  153  et  suiv.  ;  Gerald  J.  J.  Tulchinsky,  The  Hiver  Barons,  Montréal 
Businessmen  and  the  Growth  of  Industry  and  Transportation,  1837-1853;  John 
Willis,  The  Process  of  Hydraulic  Industrialization  on  the  Lachine  Canal,  1840-1880: 
Origins,  Bise  and  Fall. 


41 


mais  on  en  a  un  exemple  avec  les  entreprises  de  certains  marchands,  tel 
John  Molson  qui,  en  se  lançant  dans  la  navigation  à  vapeur,  contribue 
aux  aménagements  riverains  profitables  aux  villages.  Certains  hommes 
d'affaires  se  servent  également  de  leurs  activités  urbaines  pour  accéder 
à  la  propriété  seigneuriale  et  y  implanter  des  entreprises  autour  desquel- 
les se  développeront  des  hameaux.  C'est  le  cas,  entre  autres,  de 
l'avocat  montréalais  François-Pierre  Bruneau,  qui  s'associe  en  1829  à 
Henri  Desrivières,  déjà  titulaire  par  sa  mère  des  deux  sixièmes  du  fief, 
pour  acheter  la  seigneurie  de  Montarville  où  il  compte  construire  et 
exploiter  des  moulins36.  L'endroit  est  avantageux  et  les  conditions  de 
vente  favorables.  L'affaire  est  promptement  conclue  et,  dès  le  début  des 
années  1830,  un  premier  moulin  est  construit,  avec  des  capitaux  fournis 
par  Bruneau  qui  est  également  actif  dans  le  marché  immobilier  de 
Montréal.  L'affaire  est  rentable  pourvu  qu'on  s'en  occupe  et  Bruneau 
perçoit  vite  les  bénéfices  possibles  d'une  seigneurie  (construction  et 
exploitation  de  moulins,  achat  et  revente  de  lots,  émission  de  nouveaux 
titres,  réclamation  d'arrérages,  etc.).  Tout  devient  source  potentielle  de 
profits,  notamment  cette  fabrique  de  «  sleighs  de  travers  »  que  La 
Minerve  du  9  décembre  1847  présente  comme  les  «  sleighs  Bruneau  », 
du  nom  de  celui  qui  sera  bientôt  considéré  comme  le  père  de  ce  genre 
de  véhicule  dans  la  province.  Mais  il  contribuera  aussi  à  la  naissance  du 
village  qui  perpétue  aujourd'hui  son  nom  (Saint-Bruno).  Établi  dans  le 
voisinage  du  moulin,  celui-ci  compte  à  son  décès  (1851)  un  peu  plus  de 
300  habitants,  ce  qui  témoigne  du  rapport  parfois  très  étroit  qui  existe 
entre  le  capital  urbain  et  la  croissance  villageoise,  et  entre  la  localisation 
des  industries  rurales  et  celle  des  bourgs. 

Ces  rapports  sont  d'autant  plus  marqués  qu'ils  s'inscrivent  dans  la 
logique  même  des  localisations  industrielles  qui  recherchent  non  seule- 
ment les  matières  premières  et  le  marché,  mais  aussi  l'énergie;  l'amé- 
nagement du  canal  de  Lachine  en  témoigne.  Toutefois,  mis  à  part  le 
potentiel  qu'offre  cet  ouvrage,  c'est  vers  la  campagne  surtout  qu'il 
faudra  se  tourner  pour  s'en  assurer.  Comme,  à  l'époque,  la  technologie 
fait  surtout  appel  à  l'hydraulique  (la  vapeur  n'apparaît  à  toutes  fins  utiles 
qu'en  fin  de  période),  on  recherche  les  cours  d'eau  au  débit  faible  mais 
stable  où  l'on  pourra  établir  des  moulins  destinés  à  actionner  les  machi- 
nes les  plus  diverses  (meules,  scies,  martinets,  battants,  soufflets,  etc.) 
pour  moudre  le  grain,  débiter  le  bois,  piler  le  chanvre  ou  battre  le  fer. 


36.  Voir  Serge  Courville,  «  Bruneau,  François-Pierre»,  DBC,  vol.  VIII,  p.  120-122. 
42 


Beaucoup  sont  établis  dans  le  voisinage  de  villages  apparus  plus  tôt  au 
XVIIIe  siècle;  mais  comme  cette  fois  le  mouvement  est  plus  ample,  on 
se  dirige  aussi  vers  de  nouveaux  secteurs  où  l'implantation  de  ces 
moulins  préparera  en  quelque  sorte  l'établissement  futur  d'un  village37. 
Ajoutons  à  cela  l'extension  marquée  du  réseau  routier  qu'entraînent  ces 
implantations  et  toutes  les  conditions  sont  réunies  pour  qu'on  assiste  à 
une  croissance  sans  précédent  du  nombre  de  hameaux  et  de  bourgs 
dans  les  seigneuries.  Cela  est  vrai  jusque  dans  les  années  1840  car,  par 
la  suite,  et  en  dépit  de  gains  encore  imposants,  la  croissance  villageoise 
semble  se  stabiliser  ou  du  moins  changer  de  rythme.  Quant  à  l'industrie, 
elle  se  redistribue  dans  l'espace  et  se  concentre  dans  les  villes  et 
certains  gros  bourgs. 

Les  initiatives  seigneuriales 

D'autres  facteurs  interviennent  également  dans  la  croissance 
villageoise:  parmi  ceux-ci,  les  initiatives  seigneuriales  qui  profitent  de 
toutes  les  occasions  de  bénéfices  qu'entraîne  l'expansion  des  échanges, 
de  l'industrie  et  des  transports.  Elles  ne  sont  pas  toujours  à  l'origine  du 
village,  mais  comme  le  seigneur  détient  un  pouvoir  sur  l'espace  et  qu'il 
dispose  de  revenus  non  négligeables  issus  du  produit  de  sa  seigneurie, 
elles  figurent  souvent  en  bonne  place  dans  son  processus  de  croissance. 
Cependant,  à  la  différence  du  marchand,  de  l'homme  d'affaires,  de 
l'entrepreneur,  voire  de  l'habitant  lui-même  avec  qui  le  seigneur  entre- 
tient des  liens  très  divers  mais  dont  les  interventions  dans  l'espace  et 
dans  le  temps  sont  plus  ponctuelles,  liées  aux  possibilités  du  moment, 
les  initiatives  seigneuriales  s'inscrivent  plutôt  dans  le  temps  long  et 
concernent  surtout  les  infrastructures  du  village,  encore  qu'il  existe  des 
cas  d'interventions  plus  directes. 

Il  est  d'ailleurs  significatif  de  constater  que  les  bourgs  les  plus 
populeux  de  la  période  restent  ceux  qui  ont  pu  bénéficier  d'une  interven- 
tion active  des  seigneurs.  On  en  a  un  exemple  dans  la  seigneurie  de 
Beauharnois,  où  André  Larose  a  distingué  trois  types  de  villages  selon 
qu'ils  étaient  nés  de  l'entreprise  seigneuriale,  d'initiatives  mixtes  ou 
d'interventions  individuelles  plus  spontanées,  par  exemple  celles  d'habi- 
tants qui  lotissent  leur  terre  après  en  avoir  cédé  une  partie  à  la  fabrique 


37.  Entre  autres,  dans  le  voisinage  de  Lachute,  sur  le  cours  inférieur  de  la  rivière  du 
Nord,  les  cartes  d'époque  rapportent  la  présence  de  plusieurs  moulins  bien  avant 
que  n'y  apparaisse  un  village.  En  1851,  ce  dernier  compte  340  habitants. 


43 


ou  y  avoir  érigé  un  moulin38.  Le  plus  important  de  ces  villages  reste 
Beauharnois,  construit  dans  le  domaine  principal  du  seigneur,  qui  ac- 
cueille 393  habitants  en  1831  et  874  en  1851.  Le  second  est  Sainte- 
Martine,  né  de  l'initiative  privée,  mais  où  le  seigneur  a  joué  un  rôle 
important  par  la  suite  comme  promoteur  immobilier:  on  y  compte  92 
habitants  en  1831  et  565  en  1851.  Le  troisième  est  Saint-Timothée,  né 
comme  Sainte-Martine  d'entreprises  mixtes,  qui  compte  387  habitants 
en  1851.  Enfin,  le  quatrième  est  Durham  (Ormstown),  construit  sur  des 
lots  réservés  par  le  seigneur,  qui  compte  quelque  430  habitants  en  1850. 
En  fait,  les  seuls  gros  villages  nés  de  l'initiative  privée  ne  regroupent 
encore  qu'environ  300  ou  350  habitants  en  1851  ;  ce  sont  Saint-Jean- 
Chrysostome  et  Melocheville.  Tous  les  autres  n'en  accueillent  que 
moins  de  100  ou  200  à  la  fin  de  la  période.  Tel  est  également  le  cas  de  la 
seigneurie  de  Saint-Hyacinthe39  où  le  bourg  du  même  nom  domine  le 
réseau  local  de  villages  avec  plus  de  1  000  habitants  en  1831  et  plus  de 
2  800  en  1851,  contre  moins  de  300  pour  les  autres  en  1831  et  de  900 
en  1851.  Enfin,  la  même  situation  peut  être  observée  dans  d'autres 
seigneuries  où  les  chefs-lieux  d'origine  seigneuriale  connaissent  une 
croissance  accélérée:  les  villages  de  Saint-Eustache,  de  Saint-André- 
d'Argenteuil,  de  Terrebonne,  de  L'Assomption,  de  Berthier,  de  Sorel,  de 
Nicolet,  de  Neuville,  sont  de  ceux-là.  Apparus  plus  tôt  au  XVIIIe  siècle,  ils 
dominent  eux  aussi  le  réseau  local  de  bourgs.  Et  que  dire  des  villages  de 
L'Industrie  (Joliette40),  de  Saint-Jérôme,  de  Saint-Charles  (Debartzch41), 
de  Saint-Bruno  et  de  Saint-Antoine-de-la-Rivière-du-Loup  (Louiseville), 
apparus  au  XIXe  siècle,  dont  l'origine  est  également  liée  aux  initiatives 
seigneuriales! 

Bref,  il  semble  y  avoir  une  relation  très  étroite  entre  le  rôle  qu'ont 
pu  jouer  les  seigneurs  dans  la  croissance  de  certains  bourgs  et  la  place 
de  ces  derniers  dans  la  hiérarchie  villageoise.  Cette  relation  existe  sans 
doute,  comme  en  témoignent  leurs  prétentions  à  l'utilisation  exclusive 


38.  André  Larose,  «  La  seigneurie  de  Beauharnois  [...]  »,  en  particulier  le  chapitre  VIII. 
Dans  sa  thèse,  l'auteur  ne  donne  que  le  nombre  d'emplacements  par  village.  Les 
données  de  population  indiquées  ici  proviennent  de  nos  travaux  dans  les  recense- 
ments de  1831  et  de  1851-1852,  versions  nominatives  et  agrégées. 

39.  Christian  Dessureault,  «  Les  fondements  de  la  hiérarchie  sociale  [...]  ». 

40.  Le  village  de  L'Industrie  est  probablement  le  cas  le  plus  évident  de  bourg  né  de 
l'initiative  seigneuriale.  À  ce  sujet,  voir  l'étude  de  Jean-Claude  Robert,  «  L'activité 
économique  de  Barthélémy  Joliette  [...]  ». 

41.  Sur  l'origine  et  la  vie  de  ce  village,  voir  Pierre  Meunier,  L'insurrection  de  1837  à 
Saint-Charles  et  le  seigneur  Debartzch. 


44 


des  cours  d'eau42.  Mais  à  travers  leurs  initiatives,  c'est  en  fait  toute  la 
montée  du  capitalisme  qui  s'exprime  et  à  laquelle  il  faut  attribuer 
véritablement  la  croissance  villageoise.  En  effet,  même  si  les  titulaires 
de  fiefs  prennent  parfois  une  part  active  dans  le  développement  des 
bourgs,  du  moins  jusqu'au  début  des  années  1840,  ils  n'en  sont  pas 
pour  autant  les  seuls -responsables;  bien  d'autres  agents  interviennent, 
sensibles  également  aux  promesses  de  l'économie  de  marché.  Toute- 
fois, les  seigneurs  tiendront  un  rôle  qu'on  ne  peut  banaliser,  d'autant 
que  leur  intervention  est  parfois  non  seulement  initiale  mais  aussi 
dominante43.  Il  ne  faudrait  pas  non  plus  en  faire  un  absolu  car,  outre  les 
seigneurs-entrepreneurs,  il  y  a  également  ceux  qui  se  contentent  d'ap- 
puyer le  mouvement.  De  plus,  on  a  constaté  des  échecs  flagrants  ou 
des  demi-réussites,  notamment  au  village  de  Baby  dans  la  seigneurie  de 
Saint-Pierre-les-Becquets,  et  à  Brownville  et  à  Howick  dans  la  seigneurie 
de  Beauharnois  qui,  outre  qu'ils  éprouvent  des  difficultés  de  démarrage 
même  quand  ils  profitent  de  la  présence  d'un  noyau  formé  à  leur 
périphérie44,  connaissent  des  difficultés  de  croissance45.  Tel  est  le  cas 
également  du  village  de  Caldwell  (Ville  d'Aubigny)  dans  la  seigneurie  de 
Lauzon,  qui  ne  comprend  encore,  à  l'époque  de  Bouchette,  qu'une 
quarantaine  d'habitations,  parce  que  le  seigneur  exige  des  redevances 
trop  élevées46.  À  côté  d'eux,  on  retrouve  aussi  des  villages  nés  de 


42.  À  ce  sujet,  voir  la  compilation  des  questions  et  plaidoiries  présentées  devant  la 
Cour  spéciale  à  la  suite  de  l'abolition  du  régime  seigneurial  en  1854  et  ouverte  à 
Québec  le  4  septembre  1855.  Cette  compilation  fait  état  notamment  de  ces 
prétentions  et  du  droit  qui  s'y  applique.  Elle  est  parue  dans  un  petit  ouvrage  intitulé 
De  l'abolition  du  régime  féodal  en  Canada. 

43.  À  Saint-Jérôme,  entre  autres,  les  seigneurs  définissent  le  plan  du  village  et 
prévoient  même  la  place  de  l'église,  du  presbytère  et  du  cimetière  et  une  rue 
complantée  d'arbres.  C'est  ce  qui  se  produit  aussi  à  Montebello  où  le  seigneur 
insiste  pour  l'aménagement  d'une  place  publique  (voir  le  chapitre  2). 

44.  Le  village  de  Baby  est  né  dans  le  domaine  de  Lapérade,  à  proximité  du  manoir  et  de 
l'église.  Au  moment  de  la  confection  du  plan  du  domaine  par  Pierre-Louis  Morin  le 
14  décembre  1844,  il  apparaît  comme  un  quartier  du  village  déjà  constitué  de  Saint- 
Pierre-les-Becquets.  Ce  plan  montre  bien  un  lotissement  régulier  composé  d'empla- 
cements et  de  rues,  mais  seuls  trois  d'entre  eux  ont  été  concédés  en  1850;  on  en 
comptera  une  douzaine  en  1853.  Voir  Jacques  Crochetière,  «  La  dynamique  compa- 
rée de  deux  villages  québécois  [...]  ». 

45.  Le  village  de  Brownville  est  apparu  au  début  des  années  1830  dans  le  domaine  du 
Ruisseau  Norton  dans  Williamstown.  À  la  fin  du  régime  seigneurial,  seuls  trois 
emplacements  ont  été  concédés  sur  la  vingtaine  qui  avaient  été  prévus  et  ce,  en 
dépit  de  la  proximité  de  moulins  qui  auraient  dû,  selon  le  régisseur  de  la  seigneurie, 
en  favoriser  la  croissance.  Mal  situé,  il  subira  la  concurrence  de  Saint-Jean- 
Chrysostome  placé  à  moins  de  dix  kilomètres.  Celui  de  Howick  est  apparu  à  la  fin 
des  années  1830  sur  des  lots  réservés  à  cette  fin  par  le  seigneur.  Après  un  départ 
prometteur,  et  en  dépit  d'une  position  géographique  favorable  et  de  la  présence  de 
moulins,  il  n'est  encore  qu'un  hameau  quelque  20  ans  plus  tard.  Voir  André  Larose, 
op.  cit..  chap.  VIII. 

46.  À  ce  sujet,  voir  Andrée  Héroux,  «  Caldwell,  sir  John  »,  DBC,  vol.  VII,  p.  145-149. 


45 


l'initiative  seigneuriale  où  les  concessions  se  succèdent  à  un  rythme 
régulier  et  qui  deviendront  avec  le  temps  des  chefs-lieux  réputés.  C'est 
le  cas,  entre  autres,  du  village  de  Neuville  apparu  plus  tôt  au  XVIIIe  siècle 
dans  le  domaine  personnel  du  seigneur,  mais  dont  la  croissance  vérita- 
ble est  postérieure  à  1800,  appuyée  par  un  plan  réalisé  en  1802  à  la 
demande  du  seigneur  Charles-Joseph  Descheneaux  qui  concède  alors  à 
lui  seul  près  de  90  %  de  la  superficie  totale  prévue  pour  le  bourg47.  C'est 
également  la  situation  du  village  de  Saint-Antoine-de-la-Rivière-du-Loup 
dont  le  premier  vrai  lotissement  s'amorce  avec  l'arrivée  des  Hart, 
marchands  de  Trois-Rivières  et  de  Montréal  et  titulaires  du  fief  de 
Niverville48. 

Les  autres  facteurs 

À  cela  s'ajoutent  enfin  divers  autres  facteurs  nés  du  rôle  accru  de 
l'Église  catholique  dans  la  vie  des  campagnes  et  de  tous  les  besoins 
administratifs  nouveaux  qu'entraînent  l'expansion  démographique  et  la 
multiplication  des  échanges.  En  1815,  on  ne  compte  encore  qu'un 
diocèse  (celui  de  Québec)  qui  ait  juridiction  sur  tout  le  territoire,  et 
l'organisation  religieuse  se  limite  à  quelques  paroisses  au  statut  incer- 
tain. Au  cours  de  la  décennie  suivante,  des  districts  épiscopaux  sont 
formés,  et  pendant  que  l'on  s'emploie  à  faire  reconnaître  civilement  les 
paroisses  créées  sur  le  plan  religieux,  on  érige  deux  nouveaux  diocèses, 
ceux  de  Trois-Rivières  et  de  Montréal  (1836),  auxquels  viendront  bientôt 
s'ajouter  ceux  de  Bytown  (1847)  et  de  Saint-Hyacinthe  (1852).  La  recon- 
naissance civile  des  paroisses  est  alors  acquise  depuis  1831  (elle  sera 
confirmée  en  1839),  et  leur  territoire  a  déjà  servi  de  cadre  à  l'implan- 
tation des  premières  municipalités  locales  (1845). 

Parce  qu'elle  est  omniprésente,  l'Église  est  intimement  liée  à 
l'histoire  du  village:  nul  village  sans  église  ou  du  moins  sans  chapelle  ou 
presbytère  pour  servir  de  lieu  de  culte  temporaire,  nul  village  sans 
cimetière  ni  école.  Ces  équipements  sont  la  marque  essentielle  du 
village,  celle  par  laquelle  le  bourg  sera  définitivement  établi.  Aussi 
multiplie-t-on  les  efforts  pour  les  obtenir:  requêtes  à  l'évêque,  cessions 
de  terrains,  mises  de  fonds,  garanties  diverses  offertes  pour  la  venue 
d'un  curé  résident,  etc.  Aussitôt  que  ces  avantages  ont  été  consentis, 
l'Église  intervient  et  surveille  de  près  les  travaux  des  syndics  et  les 


47.  Voir  Johanne  Salois,  «  Étude  de  la  structuration  d'un  village  [...]  ». 

48.  Sur  les  principaux  membres  de  la  famille  Hart,  voir:  Denis  Vaugeois,  «  Hart,  Aaron 
Ezekiel  »  et  «  Hart,  Moses  »,  ainsi  que  Carman  Miller,  «  Hart,  Benjamin  »,  DBC, 
vol.  VIII,  p.  403  et  suiv.  ;  Jocelyn  Morneau,  «  Agriculture  et  industries  rurales  [...]  ». 


46 


interventions  toujours  possibles  de  l'État  en  matière  d'instruction  primaire. 
Enfin,  comme  elle  est  responsable  de  l'enregistrement  civil,  elle  confère 
au  bourg  un  statut  que  n'ont  pas  les  hameaux  sans  église,  sans  parler  du 
rôle  qu'elle  joue  dans  les  lieux  de  pèlerinage  ou  de  rassemblements 
religieux. 

Quant  aux  besoins  administratifs  que  l'État  doit  satisfaire,  ils  sont 
nombreux  et  concernent  aussi  bien  la  défense  que  la  justice  ou  les 
postes.  Les  services  mis  en  place  ne  sont  pas  réellement  à  l'origine  du 
village,  bien  qu'ils  puissent  y  être  mêlés  mais,  parce  qu'ils  ont  tendance 
à  favoriser  les  chefs-lieux,  ils  en  stimulent  la  croissance. 

Enfin,  les  changements  culturels  eux-mêmes  se  conjuguent  aux 
facteurs  strictement  économiques  pour  faire  du  village  un  lieu  de  rési- 
dence recherché  qui  préparera  plus  tard  la  montée  vers  la  ville.  On  en 
trouve  l'écho  dans  les  journaux  locaux  ainsi  que  dans  diverses  organisa- 
tions qui  montrent  tout  l'attrait  qu'exercent  les  valeurs  urbaines  sur  la  vie 
des  campagnes  (mouvements  associatifs  divers,  bonnes  œuvres,  etc.). 
Les  populations  les  plus  touchées  restent  sans  doute  celles  qui  habitent 
des  terroirs  situés  non  loin  d'un  gros  bourg  et  qui  entretiennent  des 
rapports  plus  suivis  avec  la  ville,  mais  on  en  retrouve  la  trace  même  dans 
les  paroisses  plus  humbles,  grâce  à  l'apparition  d'institutions  nouvelles 
(municipales,  scolaires,  etc.)  qui  encouragent  les  échanges  avec  l'exté- 
rieur. Aussi  le  terrain  devient-il  vite  favorable  à  la  croissance  des  bourgs, 
d'autant  plus  que  ceux-ci  offrent  des  moyens  nouveaux  afin  de  mieux 
répondre  aux  aspirations  d'aise  du  ménage.  Mais  n'anticipons  rien; 
malgré  une  pénétration  croissante  de  l'économie  et  des  valeurs  urbaines 
à  la  campagne,  cette  dernière  présente  encore  des  traits  bien  différents 
de  ceux  de  la  ville.  Toutefois,  les  îlots  de  modernité  sont  de  plus  en  plus 
nombreux  et  influents,  surtout  quand  ils  sont  dominés  par  des  bourgs  où 
s'affirme  une  bourgeoisie  montante  dont  les  valeurs  sont  tout  entières 
imprégnées  des  idéologies  nouvelles  en  provenance  de  la  ville. 

En  faisant  du  village  un  relais  sur  le  territoire  de  l'économie  et  des 
valeurs  urbaines,  tous  ces  facteurs  en  définissent  le  rôle  dans  la  socio- 
économie  locale.  Surtout,  ils  en  expliquent  l'emprise  croissante  dans 
l'espace.  Eux  aussi  doivent  être  pris  en  considération  dans  la  montée  du 
phénomène  villageois,  car  ce  n'est  plus  une  simple  progression  qu'ils 
expriment,  mais  un  véritable  éclatement  qui  prend  à  la  fois  toutes  les 
directions. 


47 


Châtedu-Richer,  de  James  Pattison  Cockburn,  aquarelle,  18  septembre  1829.  ANC,  C-40026. 


SflHË 


Saint-Hyacinthe,  de  Robert-Shore-Milnes  Bouchette,  dessin.  Tiré  de  Joseph  Bouchette,  The  British 
Dominions  in  North  America  [...],  1832,  vol.  2.  ANC,  C- 


UN  CADRE  PHYSIQUE  VARIÉ 


Avec  plus  de  300  bourgs  en  1850  par  rapport  à  une  cinquantaine 
en  1815,  la  campagne  québécoise  prend  un  nouveau  visage.  Aux  struc- 
tures traditionnelles  d'habitat,  caractérisées  par  un  égrènement  des 
habitations  le  long  des  routes,  s'ajoute  un  nouvel  élément  dont  l'emprise 
dans  l'espace  est  beaucoup  plus  importante  qu'auparavant  et  qui  en- 
traîne un  fractionnement  accéléré  du  terroir. 

Ce  nouvel  élément,  c'est  le  village.  Parce  qu'il  occupe  une  posi- 
tion définie  dans  l'espace,  il  différencie  localement  le  paysage  en  une 
infinité  de  profils  qui  varient  selon  la  taille  du  bourg  et  les  caractéristi- 
ques physiques  du  lieu  où  celui-ci  s'élève.  Au  XIXe  siècle,  beaucoup  de 
villages  se  présentent  encore  en  lisière  sur  le  territoire,  mais  on  en 
trouve  aussi  qui  prennent  d'autres  formes.  Certains  sont  en  T  ou  en 
croix,  selon  qu'ils  sont  nés  à  l'embouchure  de  rivières  ou  à  la  croisée  de 
chemins;  d'autres,  en  étoile  autour  d'une  place  centrale  en  carré  ou  en 
rectangle;  d'autres  encore,  en  cercle  ou  en  tas  plus  ou  moins  bien 
circonscrits.  Toutes  ces  formes  ont  une  existence  et  des  caractéristi- 
ques propres,  mais  il  arrive  que  l'une  soit  antérieure  à  l'autre,  ce  qui 
marque  autant  d'étapes  dans  la  croissance  du  village. 

LA  FORME  DES  BOURGS 

La  forme  de  bourg  la  plus  simple  et  la  plus  répandue  reste  le 
village-rue  ou  village  en  long  qui  épouse  les  sinuosités  de  la  côte  où  il  est 
né  et  avec  laquelle  il  se  confond  souvent.  Il  apparaît  dans  le  paysage 


2 


49 


comme  une  longue  ligne  d'habitat  à  peine  plus  densément  construite 
que  le  terroir  environnant,  mais  où  l'on  retrouve  une  plus  grande  concen- 
tration de  services  répartis  dans  le  voisinage  de  l'église.  Sa  caractéristi- 
que principale  est  d'être  constitué  de  grandes  terres  dont  seul  le  front 
est  subdivisé  en  parcelles.  C'est  la  forme  initiale  de  plusieurs  bourgs 
apparus  de  part  et  d'autre  d'un  chemin,  d'un  pont  ou  d'un  carrefour, 
avant  qu'ils  ne  se  transforment  en  établissements  plus  importants. 

On  rencontre  ce  genre  de  village  partout  sur  le  territoire,  autant 
dans  les  vieux  terroirs  densément  occupés  que  dans  ceux  qui,  plus 
récents,  ont  une  population  plus  faible.  Nombreux  dans  la  région  de 
Québec  où  ils  sont  parfois  très  anciens,  on  les  retrouve  également  dans 
les  régions  de  Trois-Rivières  et  de  Montréal,  où  ils  évoluent  cependant 
plus  rapidement  vers  d'autres  formes  plus  ramassées.  La  carte  ancienne 
en  témoigne  (voir  la  figure  7),  tout  comme  les  recensements  qui 
indiquent  en  général  plus  de  grands  lots  (dix  arpents  et  plus)  dans  les 
villages  des  régions  de  Québec  et  de  Trois-Rivières  que  dans  ceux  de  la 
région  de  Montréal,  en  dépit  d'un  nombre  d'emplacements  parfois 
comparable  mais  qui  sont  inégalement  enregistrés  dans  les  listes1  (voir 
le  tableau  8).  Cette  évolution  n'est  toutefois  jamais  acquise,  et  il  faudra 
parfois  un  certain  temps  avant  qu'un  village  en  long  ne  devienne  plus 
compact,  d'abord  parce  que  la  concurrence  est  vive  entre  les  bourgs, 
ensuite  parce  que  la  disponibilité  de  terres  dans  les  villages  en  lisière 
n'est  souvent  qu'apparente:  leur  profondeur  est  généralement  réservée 
aux  champs,  surtout  dans  les  riches  terroirs  agricoles.  Ce  type  de  village 
grandira  alors  à  partir  de  son  centre,  d'abord  autour  de  l'église  ou  à  la 
croisée  des  chemins,  puis  peu  à  peu  vers  la  périphérie,  à  moins  qu'un 
événement  imprévu  (la  construction  d'un  moulin  ou  d'une  fabrique  par 
exemple)  ne  vienne  contrarier  ce  mouvement.  Mais  il  arrive  aussi  que 
ces  constructions  nuisent  à  la  croissance  du  village,  en  favorisant  l'appa- 
rition, à  proximité,  d'un  noyau  secondaire  qui  pourra  même  devenir  avec 
le  temps  plus  important  que  le  noyau  initial2,  comme  il  arrive  que  le 
village  tout  entier  se  transporte,  sous  l'effet  de  divers  facteurs  qui  vont 


1.  Contrairement  aux  grandes  terres  dont  la  superficie  fait  à  peu  près  toujours  l'objet 
d'un  relevé  dans  les  listes  nominatives  de  recensement,  celle  des  emplacements 
n'est  pas  toujours  indiquée,  surtout  quand  il  s'agit  de  terrains  d'une  superficie 
inférieure  à  un  arpent.  C'est  aux  papiers  terriers  ou  aux  cadastres  abrégés  de 
seigneuries  qu'il  faut  alors  avoir  recours  pour  la  connaître,  et  savoir  si  l'emplace- 
ment en  cause  est  bel  et  bien  dans  le  village. 

2.  Ce  fut  le  cas,  entre  autres,  à  Saint-Pascal  de  Kamouraska,  où  le  noyau-moulin  a 
grandi  plus  vite  que  le  village,  de  même  que  dans  la  seigneurie  de  Lavaltrie  où  le 
village  de  Saint-Paul  a  été  très  rapidement  supplanté  par  le  village  de  L'Industrie. 


50 


Figure  7 
FORME  DES  BOURGS  (1831) 


Région  de  Québec,  secteur  de  Kamourask 

a 

^    ^    iilIBrtli^ 

>*       ^ 

f    Jm 

'tzsaâSsa 

L_-tiâ 

,  ,1 

Région  de  Trois-Rivières,  rive  nord  du  lac  Saint-Pierre 


Source:  Joseph  Bouchette,  extraits  de  la  carte  topographique  de  1831. 


51 


Tableau  8 
LOTS  ET  EMPLACEMENTS  (1831, 1851) 


Superficie  en  arpents 

Moins  de  1 

1,1 

à  10 

10  à 

100 

100  et 

plus 

Non  déclarée 

District 

NNO 

% 

NNO 

% 

NNO 

% 

NNO 

% 

NNO 

% 

Montréal 

1831 

81 

29,20 

79 

6,96 

91 

11,84 

91 

6,78 

101 

45,23 

1851 

95 

38,31 

100 

10,87 

100 

19,91 

100 

9,24 

95 

21,67 

Trois-Rivières 

1831 

15 

9,14 

14 

4,29 

20 

15,51 

13 

7,34 

21 

63,71 

1851 

22 

36,53 

22 

12,46 

22 

26,79 

22 

21,35 

22 

2,87 

Québec 

1831 

76 

24,47 

70 

7,54 

72 

14,79 

73 

11,16 

78 

42,04 

1851 

95 

39,00 

95 

12,14 

95 

26,11 

95 

17,42 

95 

5,32 

Total 

1831 

172 

26,06 

163 

6,89 

183 

13,01 

177 

8,10 

200 

45,93 

1851 

212 

38,39 

217 

11,44 

217 

22,63 

227 

13,10 

212 

14,43 

NNO  :  Nombre  de  noyaux  observés. 
Sources:  ANC,  Recensements  du  Bas-Canada,  1831  et  1851-1852. 


des  inondations  au  déplacement  de  l'église3.  Toutefois,  si  l'on  considère 
l'importance  que  prennent  les  industries  rurales  à  l'époque,  c'est  à  des 
facteurs  d'ordre  économique  surtout  qu'il  faut  attribuer  la  plupart  de  ces 
mouvements;  les  autres  ne  viennent  qu'en  second  lieu4. 

La  forme  la  plus  achevée  de  bourg  reste  pourtant  le  village  en  tas 
qui  se  présente  sous  des  formes  très  diverses  dans  l'espace.  Plus 
massif  que  le  village  en  lisière,  il  comprend  généralement  une  Grande 
Place  que  prolonge  une  Grande  Rue  sur  laquelle  débouche  un  réseau  de 
rues  secondaires  très  souvent  disposées  en  damier.  C'est  l'aspect  que 
prennent  habituellement  les  gros  bourgs,  surtout  quand  ils  ont  fait  l'objet 
d'une  planification  initiale.  Mais  on  en  trouve  aussi  de  plus  composites, 
où  seuls  le  cœur  du  village  ou  ses  quartiers  adjacents  sont  de  forme 
régulière,  ou  dont  l'ensemble  du  tissu  construit  s'est  constitué  au  gré 


52 


Par  exemple,  le  village  de  Maskinongé  a  vu  son  lieu  initial  déplacé  en  raison  des 
crues  printanières.  De  même,  le  village  de  Sainte-Claire  s'est  établi  autour  de 
l'église  et  non  sur  l'emplacement  arrêté  par  le  seigneur. 

A  Saint-Joseph-de-Maskinongé,  les  inondations  n'ont  pas  été  seules  en  cause  :  il 
faut  aussi  considérer  l'apparition  de  moulins  plus  au  sud.  En  1831.  le  noyau  principal 
compte  quelque  400  habitants  contre  moins  d'une  cinquantaine  dans  le  noyau- 
moulin.  Vingt  ans  plus  tard,  les  deux  noyaux  comportent  environ  le  même  nombre 
d'habitants,  soit  de  250  à  300,  mais  le  plus  populeux  est  le  noyau-moulin.  Voir  ANC, 
Recensements  du  Bas-Canada,  1831  et  1851-1852. 


d'établissements  individuels  effectués  sans  plan  de  lotissement,  sur  des 
terres  agricoles  à  l'origine,  mais  où  la  densité  d'emplacements  a  fini  par 
constituer  un  hameau  transformé  progressivement  en  village  ou  intégré 
peu  à  peu  au  bourg  voisin.  Leur  visage  est  alors  plus  torturé,  régulier  par 
endroits,  anarchique  ailleurs.  Toutefois,  comme  la  plupart  de  ces  établis- 
sements s'élèvent  sur  une  matrice  cadastrale  elle-même  géométrique  à 
l'origine,  il  est  rare  de  trouver  des  villages  à  l'aspect  complètement 
désordonné.  C'est  plutôt  dans  l'orientation  générale  des  habitations  que 
cette  évolution  se  fait  sentir:  les  unes  se  tournent  vers  l'ancien  chemin 
de  côte,  les  autres  vers  les  rues  nouvelles  qu'accueille  le  bourg. 

LA  STRUCTURE  INTERNE  DES  BOURGS 

Quelle  que  soit  sa  forme,  et  pourvu  qu'il  ait  dépassé  un  certain 
seuil  de  croissance,  le  village  au  Québec  présente  presque  toujours  la 
même  morphologie  de  base:  en  position  relativement  centrale,  on 
retrouve  d'abord  l'aire  sacrée  qui  occupe  souvent  tout  le  front  du  village 
puis,  tout  autour,  l'aire  profane  qui  se  dispose  par  quartiers  plus  ou 
moins  contigus  dans  l'espace  (voir  la  figure  8).  Parfois  l'aire  sacrée  est 
multiple,  constituée  de  plusieurs  sous-ensembles  groupés  autour  d'édifi- 
ces de  confessions  différentes.  Mais  il  ne  s'agit  en  général  que  de 
taches  discrètes;  l'aire  centrale  est  celle  où  l'on  retrouve  le  lieu  de  culte 
principal  du  village,  par  exemple  l'église  catholique  dans  les  villages 
amérindiens  et  francophones,  ou  la  chapelle  protestante  dans  les  villa- 
ges anglophones.  Dans  ce  dernier  cas  toutefois,  il  arrive  que  l'aire  sacrée 
reste  éclatée,  au  profit  d'une  aire  centrale  occupée  plutôt  par  une  public 
house  ou  un  community  hall. 

L'aire  sacrée 

S'il  n'est  pas  un  simple  nodule  autour  d'un  moulin  ou  d'une 
fabrique,  tout  hameau  comporte  au  moins  une  chapelle  que  remplace 
une  église  dans  les  villages  mieux  constitués.  C'est  l'élément  central  de 
l'aire  sacrée  :  construite  sur  un  site  en  vue,  une  pointe  de  terre  ou  une 
terrasse  par  exemple,  la  façade  dégagée  par  un  large  espace,  elle 
domine  le  paysage  environnant,  imposante  à  la  fois  par  son  volume  et  sa 
hauteur.  Ensuite,  face  à  l'église  ou  à  angle  droit  avec  elle,  il  y  a  le 
presbytère  dont  la  taille  est  moins  massive,  mais  dont  les  matériaux  et 
l'architecture  rappellent  l'église;  c'est  le  deuxième  élément  de  l'aire 
sacrée,  qui  sert  souvent  de  lieu  de  culte  quand  l'église  n'est  pas  encore 
construite  ou  achevée.  Entre  l'église  et  le  presbytère,  on  retrouve  parfois 
un  oratoire  consacré  au  saint  sous  le  patronage  duquel  la  paroisse  est 


53 


Figure  8 
VILLAGE  DE  SAINT-EUSTACHE  (1837) 


Source:  ANC.  NMC-6260 


54 


placée  et  où  l'assemblée  des  fidèles  vient  se  recueillir  lors  de  certaines 
fêtes  religieuses.  Enfin,  derrière  l'église  ou  dans  son  voisinage  immédiat, 
s'étend  le  cimetière,  avec  sa  clôture  de  pierre  ou  sa  palissade  de  bois, 
son  charnier,  ses  monuments,  ses  pierres  tombales,  ses  humbles  croix, 
dont  les  épitaphes  rappellent  l'histoire  du  village  et  de  ses  habitants. 

Toujours  bien  en- vue,  l'aire  sacrée  forme  le  cœur  du  village  auquel 
elle  s'intègre  par  divers  éléments  de  transition,  en  premier  lieu  par  les 
établissements  d'enseignement,  la  «  maison  d'écolle  »  d'abord,  que  l'on 
veut  la  plus  centrale  possible,  mais  surtout  le  couvent  qui,  contrairement 
à  l'académie  ou  au  collège,  s'élève  presque  toujours  à  proximité  de 
l'église.  De  taille  plus  ou  moins  imposante  selon  qu'il  s'agit  d'une  simple 
école  primaire  ou  d'un  bâtiment  plus  prestigieux,  ces  édifices  prolongent 
le  tissu  construit  de  l'aire  sacrée  qu'ils  contribuent  à  délimiter.  Mais  il 
arrive  aussi  que  l'on  retrouve  à  proximité  le  manoir  du  seigneur  quand 
celui-ci  réside  au  village.  Cependant,  nombreux  sont  les  titulaires  de  fiefs 
qui  préfèrent  un  endroit  moins  bruyant  et  plus  discret  (ailleurs  dans  le 
village  ou  à  l'extérieur  du  bourg)  mais,  dans  les  plus  anciens  ou  les  très 
gros  bourgs,  il  n'est  pas  rare  de  les  y  retrouver,  ce  qui  accentue  le 
caractère  respectable  des  lieux.  Quant  à  l'espace  sur  lequel  s'ouvrent 
tous  ces  édifices,  il  forme  la  Grande  Place  ou  place  publique,  dont  tout 
village  cherche  tôt  ou  tard  à  se  doter;  c'est  le  cœur  du  village,  le  point 
central  autour  duquel  gravite  la  vie  collective. 

L'aire  profane 

Même  quand  elle  est  de  taille  respectable,  la  Grande  Place 
n'occupe  qu'une  partie  de  l'espace  villageois,  le  reste  constitue  l'aire 
profane.  En  général,  cette  aire  est  composée  de  quartiers  d'autant  plus 
circonscrits  dans  l'espace  que  le  village  remplit  parfois  des  fonctions  qui 
ressemblent  à  celles  des  petites  villes5.  Le  plus  animé,  le  plus  diversifié 
aussi,  est  celui  de  la  Grande  Rue  qui  borde  ou  prolonge  la  Grande  Place; 
résidences,  boutiques,  ateliers,  petits  commerces  s'y  côtoient,  au  milieu 
d'auberges,  de  magasins  et  d'emplacements  libres  qui  servent  d'enclos 
pour  les  bêtes  ou  qui  sont  laissés  en  friche.  C'est  l'élément  central  de 
l'aire  profane,  l'artère  de  vie  du  village,  l'axe  le  long  duquel  se  répartis- 
sent les  principaux  équipements  économiques  du  bourg  et,  comme  la 
Grande  Place,  c'est  un  lieu  de  sociabilité  intense,  où  se  nouent  les 
échanges. 


5.  Voir  le  chapitre  4. 

55 


Dans  le  village  en  long,  la  Grande  Rue  présente  presque  toujours 
le  même  aspect,  avec  des  résidences  aisées  ou  plus  humbles,  de  petits 
commerces  de  détail,  des  échoppes  d'artisans,  une  forge,  un  moulin  qui 
en  marquent  les  limites  extrêmes  quand  ce  genre  d'équipement  n'est 
pas  placé  plus  loin  dans  la  côte.  Dans  le  village  en  tas,  ses  traits  sont  à 
peine  différents  mais  s'adaptent  à  la  forme  du  bourg.  Dans  les  villages 
en  étoile,  par  exemple,  la  Grande  Rue  se  limite  à  la  portion  de  route  qui 
longe  le  devant  de  l'église;  elle  est  alors  occupée  par  les  résidences  des 
notables,  pendant  que  les  commerces  se  déplacent  vers  les  rues  latéra- 
les. Dans  les  villages  en  T  ou  en  croix,  elle  hésite  souvent  entre  divers 
tracés,  confirme  tantôt  l'un,  tantôt  l'autre,  quand  elle  ne  partage  pas  plus 
franchement  ses  fonctions  entre  les  deux.  Enfin,  dans  les  villages  de 
forme  rectangulaire  ou  octogonale,  elle  s'étire  généralement,  comme 
dans  les  villages  en  long,  de  part  et  d'autre  de  l'aire  sacrée.  Moins 
densément  construite  à  proximité  de  l'église  où  s'élèvent  les  résidences 
des  notables,  elle  adopte  un  aspect  plus  serré  au  fur  et  à  mesure  qu'on 
s'en  éloigne,  dans  un  mélange  de  boutiques,  d'ateliers  et  de  commerces 
au  sein  desquels  s'insèrent  l'auberge,  le  bureau  de  poste,  le  relais  de 
diligence,  des  résidences  plus  humbles,  à  un  ou  deux  étages  dont 
l'appendice  ou  le  rez-de-chaussée  sert  souvent  d'échoppe  ou  de  bouti- 
que. C'est  la  partie  de  la  Grande  Rue  la  plus  animée,  celle  où  travaille  la 
majeure  partie  de  la  population  villageoise.  Au-delà,  cette  densité  se 
relâche  et  les  résidences  deviennent  moins  nombreuses  et  surtout  plus 
distantes;  encore  quelques  boutiques,  quelques  ateliers,  une  auberge, 
puis  c'est  la  côte,  toujours  proche,  intimement  liée  à  l'histoire  du  village. 

D'étendue  variable,  l'aire  profane  peut  comporter  d'autres  quar- 
tiers d'importance  spatiale  variée  et  dont  les  fonctions  sont  aussi  très 
diverses.  Les  uns,  répartis  derrière  la  Grande  Rue,  sont  surtout  résiden- 
tiels, bien  que  l'on  y  retrouve  également  quantité  d'ateliers  et  de 
commerces  dont  la  logique  de  distribution  est  parfois  étonnante6:  c'est 
là  que  résident  la  plupart  des  artisans  du  village,  entourés  de  petits 
boutiquiers,  de  journaliers,  d'ouvriers  du  bâtiment,  de  navigateurs,  bref 
de  tous  ceux  qui,  attirés  par  l'économie  ou  la  vie  villageoise,  sont  venus 
s'y  établir  sans  beaucoup  de  moyens  ou  qui  n'ont  pu  trouver  mieux 


A  Neuville,  par  exemple,  les  commerces  occupent  deux  secteurs  bien  distincts,  l'un 
dans  l'axe  central  du  village,  de  l'église  au  fleuve,  et  l'autre,  moins  important,  à 
l'ouest.  Quant  aux  artisans  et  autres  hommes  de  métier,  ils  en  occupent  les 
franges:  les  maîtres-menuisiers  par  exemple  sont  tous  à  l'est  du  village,  à  l'excep- 
tion d'un  seul  établi  plus  à  l'ouest;  les  journaliers  sont  à  peu  près  tous  en 
périphérie,  au  sud,  près  du  fleuve,  ou  alors  non  loin  des  boutiques  d'artisans;  et  les 
cordonniers  et  les  tanneurs,  tous  à  l'est,  sauf  un.  Voir  Johanne  Salois,  «  Étude  de  la 
structuration  d'un  village  [...]  »,  p.  42  et  suiv. 


56 


ailleurs.  Les  autres  quartiers  prolongent  la  Grande  Rue  et  ont  pour 
vocation  d'accueillir  notamment  les  entreprises  bruyantes  ou  qui  présen- 
tent davantage  de  risques  d'incendie  :  surtout  des  forges,  mais  aussi  des 
brasseries,  des  distilleries,  des  fonderies,  des  entrepôts  de  toutes  sor- 
tes, avec  leurs  hangars,  leurs  ateliers  et  leurs  baraques.  C'est  également 
en  périphérie  qu'ont  lieu  les  foires  et  les  encans,  quand  n'existe  aucune 
place  de  marché  ou  lorsque  les  rassemblements  prévus  sont  trop 
imposants.  Tous  ces  quartiers  confèrent  aux  bourgs  leur  originalité,  qui 
varie  selon  la  taille  des  établissements  et  la  qualité  de  leur  tissu 
construit,  toujours  très  différente  d'une  agglomération  à  l'autre. 

LA  TAILLE  DES  BOURGS 

Si  le  bourg  différencie  tant  l'espace,  c'est  qu'il  exerce  sur  lui  une 
emprise  qu'on  peut  mesurer  à  partir  de  diverses  variables  qui  vont  du 
nombre  de  maisons  recensées  dans  l'agglomération  à  la  superficie  et  au 
nombre  d'emplacements  ou  de  terres  qu'elle  comprend.  De  toutes  ces 
variables,  seule  la  première  paraît  suffisamment  sûre  pour  apprécier  la 
taille  des  bourgs,  du  moins  dans  la  perspective  où  nous  nous  plaçons, 
car  les  autres  s'avèrent  incomplètes  ou  incertaines,  ou  renvoient  à  une 
réalité  qui  n'est  pas  celle  que  nous  recherchons  ici7.  Comme  beaucoup 
d'autres  cependant,  elle  pose  des  difficultés  d'utilisation  que  l'on  ne 
peut  résoudre  qu'en  partie,  faute  de  sources  témoins  suffisantes8  et 


7.  Dans  les  recensements,  seul  le  total  d'acres  ou  d'arpents  occupés  par  les  chefs  de 
ménage  est  enregistré,  et  encore  partiellement,  sans  référence  aux  parcelles  qui 
composent  l'exploitation.  En  1831  et  encore  en  1851,  on  n'indique  pas  toujours  le 
détail  de  la  propriété  paysanne.  Comme  l'exploitation  est  parfois  composée  de 
plusieurs  parcelles  éparpillées  dans  la  localité  (bourgs,  côtes  ou  même  paroisses 
voisines),  il  n'est  pas  possible  d'apprécier  la  taille  des  bourgs  uniquement  sur  cette 
base.  Par  ailleurs,  le  nombre  d'emplacements  ne  témoigne  que  de  la  réalité 
juridique  du  bourg,  non  de  sa  taille  réelle  qui  ne  peut  être  établie  que  dans  ce 
groupement  d'édifices  dont  parlait  autrefois  Max  Sorre,  c'est-à-dire  dans  le  nombre 
d'emplacements  bâtis.  L'utilisation  de  cette  variable  pose  donc  certaines  difficultés 
dans  le  repérage  des  bourgs  non  mentionnés  dans  les  recensements.  Pour  les 
résoudre,  il  faut  avoir  recours  à  d'autres  données  (voir  l'annexe  A). 

8.  Dans  ses  travaux,  Bouchette  ne  fournit  qu'une  approximation  du  nombre  de 
maisons  dans  les  villages,  et  ses  relevés  ne  concernent  qu'environ  60  %  d'entre 
eux.  En  outre,  il  n'en  précise  ni  l'état  (habitées,  inhabitées  ou  en  construction),  ni 
les  matériaux  sauf  de  rares  exceptions  où  il  signale  la  présence  de  «  plusieurs  » 
maisons  de  pierre  ou  de  maisons  «  bien  bâties  ».  Dans  les  recensements,  l'informa- 
tion est  plus  précise  mais,  contrairement  à  celui  de  1851-1852  qui  indique  même  le 
nombre  d'étages  des  habitations,  celui  de  1831  ne  donne  qu'une  information 
minimale  sur  le  nombre  de  maisons  habitées,  inhabitées  et  en  construction,  parfois 
avec  quelques  informations  quant  aux  matériaux.  De  plus,  comme  les  recenseurs 
sont  alors  rémunérés  en  fonction  du  nombre  de  maisons  visitées  et  que  ce  salaire 
est  moins  élevé  dans  les  bourgs  que  dans  les  côtes,  ils  ont  tendance  à  gonfler 
l'inventaire,  comme  à  Sorel  où  chaque  invalide,  en  1831,  est  déclaré  titulaire  d'une 
résidence.  Les  données  ont  été  corrigées  dans  nos  relevés. 


57 


surtout  de  séries  suffisamment  continues  dans  le  temps  pour  autoriser 
des  comparaisons  d'ensemble.  Nous  avons  donc  eu  recours  à  diverses 
méthodes  d'analyse  et  de  traitement,  en  procédant  tantôt  par  échantil- 
lonnage, tantôt  par  analyse  plus  systématique  de  l'information  fournie 
par  certaines  sources  plus  complètes,  les  recensements  notamment. 
Les  résultats  montrent  que,  loin  d'être  figé  dans  l'espace,  le  tissu 
construit  des  bourgs  connaît  alors  une  importante  expansion,  variable 
selon  les  régions  et  selon  les  périodes,  mais  dont  le  paysage  tout  entier 
porte  la  trace. 

En  effet,  en  ne  retenant  que  la  vingtaine  de  noyaux  pour  lesquels 
on  dispose  de  données  pour  1815,  1831  et  1851,  on  constate  que  la 
taille  moyenne  des  bourgs  fait  plus  que  doubler  au  cours  de  la  période, 
passant  d'environ  65  maisons  en  1 81 5,  à  95  en  1 831  et  à  près  de  1 50  en 
1851,  soit  une  progression  de  plus  de  131  %  en  quelque  36  ans  (voir  le 
tableau  9).  Les  plus  gros  se  retrouvent  à  peu  près  tous  dans  la  région  de 
Montréal  où  le  village  moyen  compte  74  maisons  en  1815,  112  en  1831 
et  168  en  1851.  Dans  la  région  de  Québec,  où  les  villages  sont  aussi  de 
taille  respectable,  les  proportions  s'établissent  à  42  maisons  en  1815,  49 
en  1831  et  112  en  1851.  Quant  à  la  situation  dans  la  région  de  Trois- 
Rivières,  elle  est  plus  difficile  à  cerner  car  l'échantillon  ne  compte  que 
deux  établissements,  tous  deux  sur  la  rive  nord  du  fleuve;  néanmoins,  le 
village  moyen  y  compte  déjà  32  maisons  en  1815,  46  en  1831  et  68  en 
1851. 

Analysées  dans  l'espace  et  dans  le  temps,  les  données  montrent 
que  c'est  d'abord  dans  la  péninsule  de  Vaudreuil-Soulanges  que  la  taille 
des  villages  progresse  le  plus  rapidement,  ensuite  sur  la  Rive-Sud  et  la 
Rive-Nord  de  Montréal,  puis  dans  le  secteur  nord  des  districts  de  Trois- 
Rivières  et  de  Québec.  Toutefois,  entre  1831  et  1851,  les  poussées  les 
plus  vives  ont  lieu  sur  la  Rive-Sud  de  Québec  où  l'on  assiste  à  un 
gonflement  important  du  tissu  construit,  surtout  dans  des  bourgs 
comme  Saint-Thomas  de  Montmagny  et  Saint-Michel-de-Bellechasse. 
Ces  rythmes  ne  doivent  pourtant  pas  faire  illusion  car,  comparés  à  des 
bourgs  comme  Chambly,  Sorel  ou  Saint-Hyacinthe  dans  la  région  de 
Montréal,  ceux  de  la  région  de  Québec  ont  une  taille  bien  inférieure  et 
ce,  quelle  que  soit  l'année  de  recensement.  En  effet,  dès  1815,  ceux  de 
la  Rive-Nord  de  Montréal  regroupent  déjà  une  centaine  de  maisons,  150 
en  1831  ;  en  1851,  la  première  place  ira  à  ceux  de  la  Rive-Sud,  où  le 
nombre  total  d'habitations  dépasse  216  en  moyenne.  Mais  il  est  vrai 
qu'on  en  compte  alors  un  peu  plus  de  191  sur  la  Rive-Sud  de  Québec, 
contre  environ  162  sur  la  Rive-Nord  de  Montréal.  Ce  phénomène  est 
toutefois  tardif  et  très  circonscrit  dans  l'espace.  Quant  aux  villages 


58 


Tableau  9 
EXEMPLES  D'ÉVOLUTION  DE  LA  TAILLE  DES  BOURGS  (1815, 1831, 1851) 


Nombre  de  maisons 

Taux  de  croissance  annue 
1815-1831      1831-1851 

1  moyen  (%) 

Village 

1815* 

1831 

1851 

1815-1851 

District  de  Montréal 

Lachine 

20 

62 

155 

7,33 

4,69 

5,85 

Pointe-Claire 

95 

60 

56 

-2,83 

-0,34 

-1,46 

Pointe-aux-Trembles 

50 

28 

40 

-3,56 

1,80 

-0,62 

Archipel  (moyenne  par  bourg) 

55,0 

50,0 

83,7 

-0,59 

2,61 

1,17 

Vaudreuil 

23 

43 

50 

3,99 

0,76 

2,18 

Saint-Eustache 

85 

159 

126 

3,99 

-1,16 

1,10 

Terrebonne 

150 

180 

166 

1,15 

-0,40 

0,28 

L'Assomption 

85 

158 

163 

3,95 

0,16 

1,83 

Berthier 

80 

102 

194 

1,53 

3,27 

2,49 

Rive-Nord  (moyenne  par  bourg) 

100,0 

149,8 

162,3 

2,56 

0,40 

1,35 

Laprairie 

100 

214 

241 

4,87 

0,60 

2,47 

Longueuil 

15 

91 

151 

11,93 

2,56 

6,62 

Chambly 

95 

78 

140 

-1,22 

2,97 

1,08 

Dorchester 

80 

149 

413 

3,96 

5,23 

4,67 

Philipsburg 

60 

48 

88 

-1,38 

3,08 

1,07 

Frelighsburg 

17 

31 

25 

3,83 

-1,07 

1,08 

Boucherville 

95 

90 

133 

-0,34 

1,97 

0,94 

Saint-Ours 

60 

93 

88 

2,78 

-0,28 

1,07 

Saint-Hyacinthe 

85 

182 

348 

4,87 

3,29 

3,99 

Sorel 

150 

251 

534 

3,27 

3,85 

3,59 

Rive-Sud  (moyenne  par  bourg) 

75,7 

122,7 

216,1 

3,06 

2,87 

2,96 

Mission  du  Lac 

60 

124 

90 

4,64 

-1,59 

1,13 

Total  du  district 

1  405 

2  143 

3  201 

2,67 

2,03 

2,31 

Moyenne  par  bourg 

73,9 

112,8 

168,5 

District  de  Trois-Rivières 

Rivière-du-Loup 

35 

57 

84 

3,10 

1,96 

2,46 

Sainte-Anne-de-la-Pérade 

30 

35 

51 

0,97 

1,90 

1,48 

Total  du  district 

65 

92 

135 

2,20 

1,94 

2,05 

Moyenne  par  bourg 

32,5 

46,0 

67,5 

District  de  Québec 

Neuville 

25 

33 

89 

1,75 

5,09 

3,59 

Charlesbourg 

40 

59 

53 

2,46 

-0,53 

0,78 

Rive-Nord 

32,5 

46 

71 

2,20 

2,19 

2,19 

Saint-Michel-de-Bellechasse 

12 

38 

104 

7,47 

5,16 

6,18 

Saint-Thomas  de  Montmagny 

90 

79 

278 

-0,81 

6,49 

3,18 

Rive-Sud 

51 

58,5 

191 

0,86 

6,09 

3,74 

Jeune-Lorette 

45 

36 

36 

-1,38 

0,00 

-0,62 

Total  du  district 

212 

245 

560 

0,91 

4,22 

2,73 

Moyenne  par  bourg 

42,4 

49,0 

112,0 

Total 

1  682 

2  480 

3  896 

2,46 

2,28 

2,36 

Moyenne  par  bourg 

64,7 

95,4 

149,9 

2,46 

2,28 

2,36 

*  Le  nombre  de  maisons  en  1815  a  été  évalué  d'après  le  nombre  d'habitations  mentionné  par  Bouchette.  Lorsque  celui-ci  donne  plus 
d'un  chiffre  («village  de  90  à  100  maisons»),  seule  la  moyenne  a  été  retenue. 
Sources:  Joseph  Bouchette,  Description  topographique  de  la  province  du  Bas-Canada,  1815;  ANC,  Recensements  du  Bas-Canada,  1831  et 
1851-1852. 


59 


amérindiens,  ils  constituent  un  cas  à  part,  car  ils  connaissent  diverses 
variations  qui  s'expriment  tantôt  par  des  augmentations,  tantôt  par  des 
reculs,  surtout  à  cause  des  recensements  dont  la  tenue  coïncide  sou- 
vent avec  les  saisons  de  chasse  ou  de  trappe,  ce  qui  se  traduit  par  une 
diminution  importante  de  la  population  villageoise  et  du  nombre  de 
«  cabannes  ». 

Enfin,  il  existe  aussi  des  cas  de  régression.  Des  villages,  apparem- 
ment plus  bâtis  à  une  époque,  se  retrouvent  quelque  15  ou  20  ans  plus 
tard  amputés  d'une  partie  de  leurs  habitations.  C'est  le  cas,  entre  autres, 
de  Pointe-Claire,  Pointe-aux-Trembles,  Boucherville,  Charlesbourg,  qui 
subissent  de  telles  pertes.  Parfois  celles-ci  sont  mineures  ou  temporai- 
res, imputables  à  un  événement,  douloureux  certes,  mais  qui  permettra 
de  redonner  un  nouveau  visage  au  bourg  (incendie,  inondation);  d'autres 
au  contraire  sont  plus  sérieuses,  liées  à  un  fait  militaire  (par  exemple,  la 
destruction  du  village  de  Saint-Eustache  lors  des  troubles  de  1837),  ou  à 
une  évolution  économique  qui  désavantage  le  bourg  ;  par  exemple  Saint- 
Ours  et  Terrebonne,  dont  les  fonctions  ont  été  longtemps  liées  à 
l'économie  du  blé,  ont  subi  le  contrecoup  de  sa  décroissance.  Enfin, 
d'autres  ne  sont  qu'illusoires,  et  tiennent  aux  défauts  d'enregistrement 
des  données  par  Bouchette  qui,  en  surestimant  la  taille  de  certains 
bourgs  en  1815,  fausse  l'analyse:  Philipsburg  et  Chambly,  entre  autres, 
dont  l'état  de  développement  est  certes  important  à  l'époque  mais  dont 
la  véritable  croissance  est  postérieure  à  cette  date.  D'ailleurs,  Bouchette 
lui-même  nous  en  donne  des  indices,  en  décrivant  ces  établissements 
en  des  termes  différents  de  ceux  qu'il  utilise  pour  la  description  d'autres 
bourgs  pourtant  nettement  plus  importants. 

Considérées  dans  leur  ensemble,  les  données  confirment  ces 
tendances.  En  effet,  en  examinant  le  nombre  de  maisons  que  comptent 
les  bourgs  pour  lesquels  on  dispose  de  données  dans  les  sources 
documentaires  de  la  période,  on  constate  qu'après  1815  une  rupture 
survient  et  que  le  nombre  d'habitations  dans  les  gros  bourgs,  limité 
jusque-là  à  quelque  150  ou  200  maisons,  passe  successivement  à  un 
peu  plus  de  250  ou  300,  puis  à  plus  de  500.  En  même  temps,  on  assiste 
à  une  hausse  sans  précédent  du  nombre  de  hameaux  dont  la  part  dans 
l'échantillon  global  compte  pour  plus  de  70  %  après  1831  contre  environ 
41  %  en  1815.  Enfin,  et  même  si  beaucoup  de  données  font  défaut, 
notamment  pour  1851,  on  observe  une  nette  progression  dans  le  temps 
entre  le  nombre  de  noyaux  enregistré  dans  une  classe  et  ceux  de  la 
classe  suivante  ou  de  celle  qui  vient  immédiatement  après  (voir  le 
tableau  10),  ce  qui  nuance  les  cas  de  régression  enregistrés  pendant  la 
période. 


60 


Tableau  10 
TAILLE  MOYENNE  DES  BOURGS  (1815, 1831, 1851) 


Nombre  de  maisons 

1815 

1831 

1851 

Moins  de  50 

14 

146 

178 

51-100 

16 

43 

43 

101-200 

4 

15 

22 

201-300 

0 

4 

3 

301-400 

0 

0 

1 

401-500 

0 

0 

1 

500  et  plus 

0 

0 

2 

NNO 

34 

208 

250 

NTN 

53 

210 

306 

NNO  :  Nombre  de  noyaux  observés. 
NTN  :  Nombre  total  de  noyaux. 
Sources  :  Joseph  Bouchette,  Description  topographique  de  la  province  du  Bas-Canada,  1815;  ANC,  Recensements 
du  Bas-Canada.  1831  et  1851-1852. 


Intéressantes  dans  la  mesure  où  elles  permettent  de  suivre  une 
évolution,  ces  données  gagnent  toutefois  à  être  étayées  par  une  analyse 
plus  fine,  effectuée  sur  une  base  régionale.  En  effet,  parce  que  la 
croissance  villageoise  est  variable  non  seulement  dans  le  temps  mais 
aussi  dans  l'espace,  c'est  encore  sur  le  terrain  lui-même  qu'elle  prend 
toute  sa  signification.  Toutefois,  comme  l'information  colligée  n'est  pas 
nécessairement  continue  -  certaines  données  font  défaut  d'une  source 
à  l'autre  -,  l'exercice  ne  vaut  qu'à  titre  indicatif,  d'autant  plus  que  le 
nombre  de  hameaux  enregistré  en  1815  est  de  loin  inférieur  à  celui  de 
1831  et  de  1851.  Sans  doute  les  données  précisent-elles  la  structure  du 
phénomène  villageois  à  la  fois  dans  le  temps  et  dans  l'espace,  mais  non 
la  taille  réelle  des  bourgs  qui  dépasse  largement  les  seuils  indiqués  dans 
le  tableau  1 1 .  Ce  qui  frappe  tout  de  même  dans  ce  relevé,  c'est  la  place 
qu'occupe  le  village  dans  le  paysage  de  la  région  montréalaise  et  celle 
qu'il  prend  sur  la  Rive-Sud  de  Montréal  où,  après  1815,  sa  taille  progresse 
plus  vite  que  sur  la  rive  opposée.  Ailleurs,  les  situations  sont  plus 
nuancées;  toutefois,  après  1831,  les  plus  gros  bourgs  se  retrouvent 
presque  tous  sur  la  Rive-Sud  de  Québec  et  sur  la  Rive-Nord  de  Trois- 
Rivières,  où  ils  dominent  le  réseau  local  de  villages.  Tout  se  passe  donc 
comme  si,  après  avoir  connu  une  expansion  considérable  dans  certains 
secteurs  plus  anciens  de  peuplement,  la  croissance  villageoise  avait  suivi 
les  mouvements  du  front  pionnier9,  en  jaillissant  là  où  la  colonisation 


9.  Voir  le  chapitre  1. 

61 


Tableau  1 1 
NOMBRE  MOYEN  DE  MAISONS  PAR  BOURG  (1815, 1831, 1851) 


1815 

1831 

1851 

NNO 

Moyenne 

NNO 

Moyenne 

En  cons- 

NNO 

Moyenne 

En  cons- 

Secteur 

truction 

truction 

District  de  Montréal 

Archipel 

3 

55,00 

15 

45,33 

2 

19 

52,89 

4 

Péninsule 

2 

31,50 

8 

29,63 

1 

11 

32,45 

1 

Autre  île 

1 

4,00 

0 

Rive-Nord 

5 

84,00 

37 

52,24 

30 

39 

49,59 

17 

Rive-Sud 

11 

76,09 

47 

60,09 

61 

58 

74,91 

17 

Vill.  amérindiens 

2 

100,00 

2 

186,50 

7 

1 

90,00 

0 

Total 

23 

73,26 

109 

55,48 

101 

129 

59,96 

39 

District  de  Trois-Rivières 

Rive-Nord 

2 

32,50 

10 

36,40 

9 

13 

38,62 

13 

Rive-Sud 

1 

50,00 

10 

26,70 

6 

8 

31,25 

10 

Vill.  amérindien 

1 

28,00 

1 

77,00 

0 

1* 

10,00 

0 

Total 

4 

35,75 

21 

33,71 

15 

22 

34,64 

23 

District  de  Québec 

île  d'Orléans 

7 

16,86 

0 

5 

23,40 

0 

Autre  île 

1 

8,00 

0 

1 

30,00 

0 

Rive-Nord 

3 

43,33 

23 

29,57 

14 

34 

26,35 

8 

Rive-Sud 

3 

49,00 

46 

33,59 

41 

58 

50,55 

54 

Vill.  amérindien 

1 

45,00 

1 

36,00 

0 

1 

36,00 

0 

Total 

7 

46,00 

78 

30,60 

55 

99 

40,52 

62 

Total 

34 

63,24 

208 

43,95 

171 

250 

50,03 

124 

*  Le  village  recensé  ici  est  le  village  temporaire  de  Bécancour,  parce  que  les  données  pour  Saint-François  (village  abénaquis)  n'étaient 
pas  disponibles  dans  le  recensement. 
NNO  :  Nombre  de  noyaux  observés. 
Sources  :  Joseph  Bouchette,  Description  topographique  de  la  province  du  Bas-Canada,  1815;  ANC,  Recensements  du  Bas-Canada,  1831  et 
1851-1852. 


progresse  et  en  imprimant  partout  son  emprise.  Mais  la  taille  physique 
des  bourgs  n'est  que  l'un  des  facteurs  qui  distinguent  les  régions  entre 
elles  :  outre  celui-ci,  il  y  a  la  qualité  de  l'habitat  et  surtout  des  équipe- 
ments économiques  et  sociaux. 

LA  QUALITÉ  DE  L'HABITAT 

Différents  par  leur  forme  et  par  leur  structure,  les  bourgs  le  sont 
aussi  par  la  qualité  et  la  diversité  de  leur  tissu  construit.  Certains,  plus 
anciens,  paraissent  avantagés  et  prétendent  à  une  place  supérieure  dans 
la  hiérarchie  villageoise;  d'autres,  de  création  plus  récente,  présentent 
encore  des  traits  qui  les  rapprochent  de  leur  origine  pionnière.  Mais 
quels  que  soient  leur  âge  et  l'état  de  leur  développement,  les  bourgs 


62 


offrent  à  l'époque  l'image  d'agglomérations  animées  où  tout  reste 
encore  à  venir. 

Le  tissu  résidentiel 

Par  son  importance  dans  le  paysage  villageois,  la  maison  consti- 
tue l'un  des  premiers  traits  distinctifs  des  bourgs.  Si  l'on  en  juge  par  les 
données  disponibles,  on  en  construit  de  nouvelles  dans  presque  tous  les 
bourgs  en  1831  et  encore  dans  un  bourg  sur  deux  en  1851.  Certaines 
sont  en  pierre,  d'autres  en  brique,  d'autres  encore  «  en  charpente  »  ou 
en  pièce  sur  pièce,  ou  composées  de  tous  ces  matériaux  à  la  fois,  par 
exemple  dans  les  villages  de  la  Rive-Sud  de  Trois-Rivières  où  plus  de 
huit  maisons  sur  dix  sont  en  pierre  et  en  bois.  La  plupart  n'ont  qu'un 
étage  et  n'abritent  qu'un  ménage,  mais  quelques-unes  ont  des  maison- 
nées plus  nombreuses,  réparties  sur  un,  deux  ou  trois  étages.  C'est  du 
moins  ce  qui  ressort  du  recensement  de  1851,  le  seul  à  faire  un  tel 
relevé  pendant  la  période  (voir  le  tableau  12).  Quant  à  Bouchette,  il  est 
relativement  silencieux  sur  le  sujet;  il  limite  ses  observations  à  quelques 
villages  et  presque  toujours  aux  seules  maisons  de  pierre.  Toutefois, 
comme  il  lui  arrive  d'indiquer  si  le  bourg  observé  est  bien  ou  mal 
construit,  s'il  est  propre,  accueillant  ou  prospère10,  ses  observations 
peuvent  permettre  une  certaine  visualisation  du  village,  que  vient  parfaire 
l'iconographie  ancienne  (voir  les  pages  12,  48,  92,  152  et  206),  encore 
que  les  limites  de  cette  dernière  source  soient  nombreuses11. 

Ce  qui  frappe  avant  tout  dans  les  données  de  1851,  c'est  la  place 
que  prennent  les  maisons  de  bois  dans  le  paysage  villageois  :  près  de 
45%  sont  en  pièce  sur  pièce  et  environ  20%  «  en  charpente  ».  Plu- 
sieurs, soit  7  %,  sont  en  pierre  et  à  peine  plus  de  2  %  en  brique.  Les 
autres  allient  deux  matériaux  ou  davantage,  la  pierre  et  le  bois  le  plus 
souvent,  comme  dans  les  villages  de  l'archipel  de  Montréal  et  ceux  de  la 
Rive-Sud  de  Trois-Rivières  et  de  la  plupart  des  îles  du  Saint-Laurent.  La 


10.  Le  village  de  Beauport,  par  exemple,  lui  paraît  «propre  et  régulier»,  celui  de 
Charlesbourg  «  respectable  »,  celui  de  Sorel  «  beau  »,  celui  de  Saint-Eustache 
«  beau  »  et  «  salubre  »,  etc.  Par  contre,  le  village  des  Abénaquis  (mission  amé- 
rindienne de  Saint-François-du-Lac)  lui  semble  «  mal  construit  ».  Voir  Joseph  Bou- 
chette, Description  topographique  de  la  province  du  Bas-Canada  et  A  Topographical 
Dictionary  of  the  Province  of  Lower  Canada. 

1 1 .  En  effet,  il  faut  se  méfier  des  dessins  et  des  gravures  de  l'époque.  Chargés  de 
symbolisme,  ils  ont  surtout  un  but  esthétique  tout  imprégné  de  l'esprit  des 
physiocrates.  Le  fait  est  particulièrement  apparent  dans  les  images  laissées  du  Bas- 
Canada,  où  les  scènes  de  bourgs  sont  souvent  paisibles,  calmes,  presque  vides  de 
toute  population  et  confondues  dans  l'harmonie  du  paysage  environnant.  Celles  du 
Haut-Canada  donnent  généralement  une  autre  image,  plus  animée,  où  abondent  les 
scènes  de  marché,  de  moulin,  de  circulation  fluviale  ou  terrestre. 


63 


Tableau  12 
MATÉRIAUX  DE  CONSTRUCTION  (1851) 


«  En  char- 

Pièce sur 

Matériaux 

Brique 

Pierre 

pente  » 

pièce 

divers 

Secteur 

NNO 

(%) 

(%) 

(%) 

(%) 

(%) 

District  de  Montréal 

Archipel 
Péninsule 

19 

0,70 

20,00 

13,33 

16,12 

49,85 

11 

1,12 

5,60 

6,72 

51,54 

35,01 

Rive-Nord 

39 

1,40 

7,55 

18,41 

44,16 

28,49 

Rive-Sud 

58 

5,18 

5,06 

36,39 

31,30 

22,07 

Autre  île 

1 

0,00 

25,00 

0,00 

25,00 

50,00 

Vill.  amérindien* 

1 

0,00 

4,44 

73,33 

22,22 

0,00 

Total 

129 

3,40 

7,65 

27,94 

33,37 

27,64 

District  de  Trois-Rivières 

Rive-Nord 

13 

0,00 

3,98 

0,40 

67,13 

28,49 

Rive-Sud 

8 

1,20 

4,00 

0,40 

12,40 

82,00 

Vill.  amérindien** 

1 

0,00 

0,00 

0,00 

0,00 

100,00 

Total 

22 

0,39 

3,94 

0,39 

48,29 

46,98 

District  de  Québec 

Rive-Nord 

34 

0,56 

13,84 

8,48 

39,62 

37,50 

Rive-Sud 

58 

0,38 

3,07 

8,77 

71,42 

16,37 

île  d'Orléans 

5 

0,00 

11,11 

0,00 

79,49 

9,40 

Autre  île 

1 

0,00 

0,00 

0,00 

53,33 

46,67 

Vill.  amérindien 

1 

0,00 

0,00 

0,00 

100,00 

0,00 

Total 

99 

0,40 

5,66 

8,30 

64,67 

20,97 

Total 

250 

2,25 

6,79 

19,96 

44,32 

26,68 

*  Ne  concerne  que  le  village  du  Lac-des-Deux-Montagnes. 
**  Ne  concerne  que  le  village  de  Bécancour. 
NNO  :  Nombre  de  noyaux  observés. 
Source  :  ANC,  Recensement  du  Bas-Canada,  1851-1852. 


maison  de  pierre  ne  semble  dominer  que  dans  les  bourgs  de  l'archipel 
montréalais  et  l'île  du  Pads,  ceux  de  la  Rive-Nord  de  Québec  et  de  l'île 
d'Orléans;  quant  à  la  maison  de  brique,  elle  est  surtout  répandue  dans 
la  région  de  Montréal,  sur  la  rive  sud  du  fleuve  notamment,  où  les 
anglophones  sont  plus  nombreux.  Tel  est  aussi  le  cas  de  la  maison  «  en 
charpente  »,  plus  fréquente  dans  la  région  de  Montréal  et  sur  la  rive  sud 
du  fleuve  que  partout  ailleurs  sur  le  territoire,  plus  répandue  même  que 
la  maison  en  pièce  sur  pièce,  sauf  dans  la  mission  indienne  du  Lac-des- 
Deux-Montagnes  où  trois  maisons  sur  quatre  sont  «  en  charpente  ».  Par 
contre,  elle  est  presque  absente  des  bourgs  de  la  région  de  Trois- 
Rivières  et  de  ceux  du  milieu  insulaire.  Quant  à  la  maison  en  pièce  sur 
pièce,  dont  le  nombre  est  partout  important,  on  la  retrouve  surtout  dans 
la  région  de  Québec,  sur  la  rive  sud  du  fleuve  et  à  l'île  d'Orléans,  sur  la 


64 


Rive-Nord  des   régions  de  Trois-Rivières  et  de  Montréal,   et  dans  la 
péninsule  de  Vaudreuil-Soulanges. 

Si  les  matériaux  de  construction  donnent  un  premier  indice  de  la 
qualité  générale  de  l'habitat  villageois,  la  taille  et  la  densité  d'occupation 
des  maisons  en  donnent  d'autres,  tout  aussi  révélateurs  (voir  le  tableau 
13).  Sauf  dans  quelques  bourgs  de  l'archipel  montréalais  où  les  édifices 
à  deux  étages  sont  un  peu  plus  nombreux  (Les  Tanneries,  Lachine, 
Sainte-Geneviève,  etc.),  partout  ailleurs  la  maison  à  un  étage  domine, 
dans  des  proportions  qui  dépassent  90  %.  Dans  les  villages  amérindiens 
et  dans  celui  de  l'île  du  Pads,  c'est  même  l'unique  type  de  maison 
recensé;  les  seuls  édifices  en  hauteur  sont  les  églises,  parfois  les 
presbytères.  Il  en  est  de  même  du  nombre  de  ménages  que  ces 
résidences  abritent  :  il  est  presque  partout  limité  à  un,  dans  des  propor- 
tions qui  dépassent  80  %  et  même  85  %,  sauf  dans  le  petit  bourg  de 
l'île  du  Pads  et  dans  celui  de  la  mission  amérindienne  de  Bécancour  où 
les  doubles  maisonnées  sont  nettement  plus  nombreuses.  Toutefois, 
elles  sont  aussi  légèrement  plus  élevées  sur  la  rive  sud  du  fleuve,  dans 
la  région  de  Montréal  et  de  Québec  notamment,  où  le  quart  des 
habitations  environ  abritent  plus  d'un  ménage. 

Les  équipements  économiques  et  sociaux 

Le  village  n'est  pas  qu'un  lieu  de  résidence,  il  est  aussi  un  lieu  de 
services  et  de  production  caractérisé  par  la  présence  de  divers  équipe- 
ments qui  lui  donnent  sa  personnalité.  D'une  part,  les  équipements  de 
prestige  qui  embellissent  le  bourg.  D'autre  part,  les  équipements  de 
travail  qui  attestent  la  vitalité  des  lieux,  mais  dont  la  multiplication  pose 
aussi  diverses  difficultés  quant  à  la  qualité  de  l'habitat.  Entre  ces  deux 
catégories,  une  gamme  variée  d'échoppes,  de  boutiques,  d'ateliers,  dont 
la  répartition  dans  le  bourg  n'est  pas  toujours  en  harmonie  avec  l'image 
que  l'on  s'en  fait. 

Les  équipements  de  prestige 

Les  bourgs  les  mieux  construits  sont  en  général  ceux  qui  comp- 
tent le  plus  d'établissements  de  prestige:  l'église,  le  presbytère,  le 
manoir  et  les  grandes  maisons  d'enseignement,  couvent,  collège,  acadé- 
mie, qui  servent  souvent  de  résidence  aux  congrégations  ou  communau- 
tés enseignantes.  S'y  ajoutent  aussi,  en  certains  cas,  le  temple  protes- 
tant et  l'école  primaire;  celle-ci  est  de  moindre  importance  mais  son 
statut  au  village  est  supérieur  à  celui  de  l'école  de  rang.  Seuls  les  très 
gros  bourgs  qui  abritent  de  tels  établissements  peuvent  prétendre  à  une 


65 


Tableau  13 
TAILLE  ET  OCCUPATION  DES  HABITATIONS  (1851) 


Nombre  d'étages 

Nombre  de  ménages 

1 

2 

Plus  de  2 

1 

2 

Plus  de  2 

Secteur 

NNO 

(%) 

(%) 

(%) 

(%) 

(%) 

(%) 

District  de  Montréal 

Archipel 

19 

89,25 

10,35 

0,40 

82,85 

15,01 

2,14 

Péninsule 

11 

92,16 

6,44 

1,40 

80,28 

17,22 

2,50 

Rive-Nord 

39 

92,92 

6,72 

0,36 

84,80 

13,13 

2,07 

Rive-Sud 

58 

90,91 

8,61 

0,48 

77,15 

19,74 

3,11 

Autre  île 

1 

100,00 

0,00 

0,00 

50,00 

50,00 

0,00 

Vill.  amérindien* 

1 

97,78 

2,22 

0,00 

73,68 

21,05 

5,26 

Total 

129 

91,34 

8,18 

0,48 

80,13 

17,18 

2,68 

District  de  Trois-Rivières 

Rive-Nord 

13 

94,22 

5,38 

0,40 

81,72 

15,76 

2,52 

Rive-Sud 

8 

98,40 

1,60 

0,00 

88,11 

11,89 

0,00 

Vill.  amérindien** 

1 

100,00 

0,00 

0,00 

60,00 

30,00 

10,00 

Total 

22 

95,67 

4,07 

0,26 

83,56 

14,66 

1,78 

District  de  Québec 

Rive-Nord 

34 

92,52 

7,37 

0,11 

84,79 

13,82 

1,38 

Rive-Sud 

58 

92,22 

7,47 

0,31 

78,95 

18,52 

2,53 

île  d'Orléans 

5 

94,02 

5,98 

0,00 

85,47 

14,53 

0,00 

Autre  île 

1 

96,67 

3,33 

0,00 

86,67 

13,33 

0,00 

Vill.  amérindien 

1 

100,00 

n.d. 

n.d. 

n.d. 

n.d. 

n.d. 

Total 

99 

92,45 

7,30 

0,25 

80,52 

17,30 

2,18 

Total 

250 

91,96 

7,65 

0,39 

80,49 

17,06 

2,45 

*  Ne  concerne  que  le  village  du  Lac-des-Deux-Montagnes. 

**  Ne  concerne  que  le  village  de  Bécancour. 

n.  d.  :  non  disponible. 

NNO  :  Nombre  de  noyaux  observés. 

Source:  ANC,  Recensement  du  Bas-Canada,  1851-1852. 

préséance  dans  la  hiérarchie  villageoise.  Le  plus  souvent,  ils  n'en  ac- 
cueillent que  quelques-uns,  l'église  et  l'école  généralement,  quelquefois 
le  couvent  dans  les  bourgs  plus  importants.  C'est  le  signe  premier  de  la 
qualité  de  l'habitat,  celui  par  lequel  le  bourg  se  distingue  de  ses  voisins. 
Le  second  tient  à  la  qualité  même  de  ces  édifices.  Si  les  habitants  du 
bourg  sont  à  l'aise,  ils  recherchent  des  constructions  vastes,  aux  lignes 
élégantes  et  richement  ornées,  et  font  porter  leurs  efforts  sur  le  choix 
des  matériaux.  Le  plus  usuel  reste  le  bois,  le  plus  noble,  la  pierre,  suivie 
de  ia  brique  dont  l'utilisation  est  cependant  moins  courante  en  milieu 
francophone  qu'anglophone. 

Le  bourg  le  plus  en  vue,  c'est  d'abord  celui  qui  possède  une 
église,  une  vraie,  et  non  une  simple  chapelle  ou  un  presbytère-église. 


66 


Même  le  manoir  passe  ici  au  second  plan,  malgré  toute  la  puissance  de 
son  symbole.  D'ailleurs,  les  seigneurs  en  sont  si  bien  conscients  qu'ils 
ne  ménagent  aucun  effort  pour  convaincre  l'évêque  de  la  nécessité  de 
construire  une  église  dans  leur  bourg.  On  la  voudra  en  pierre  et  agréa- 
blement décorée12,  flanquée  d'un  presbytère  aux  attraits  tout  aussi 
recherchés.  Mais  cela  coûte  cher,  terriblement  cher,  aussi  ne  retrouve-t- 
on ce  genre  d'édifice  que  dans  les  bourgs  les  mieux  nantis,  capables 
non  seulement  de  corvées  mais  riches  d'espèces  sonnantes  qui  feront 
de  cette  œuvre  collective  un  véritable  monument  à  la  grandeur  non 
seulement  du  village,  mais  de  la  paroisse  tout  entière.  Durant  le  premier 
tiers  du  XIXe  siècle  par  exemple,  le  coût  de  construction  d'une  belle 
église  en  pierre  «  de  rang  »,  dotée  d'un  portail  en  pierre  de  taille  et  de 
deux  clochers  recouverts  de  fer-blanc,  est  environ  de  70  000  à  80  000 
livres;  après  1840,  il  dépasse  facilement  100  000  livres.  Pour  un  presby- 
tère, également  en  pierre,  il  faudra  prévoir  entre  10  000  et  20  000  livres, 
et  jusqu'à  30  000  livres  entre  1840  et  1850.  Enfin,  s'il  s'agit  d'un 
presbytère-église,  il  faudra  débourser  environ  30  000  livres,  sans  parler 
de  tout  ce  qu'il  en  coûtera  bientôt  pour  construire  un  véritable  temple13. 

En  1815,  Bouchette  ne  signale  encore  qu'une  quarantaine  d'égli- 
ses dans  les  bourgs,  contre  plus  du  double  en  1832.  En  1851-1852,  on 
en  recense  quatre  fois  plus  (138  sur  les  253  bourgs  pour  lesquels  on 
dispose  d'une  information  statistique  dans  le  recensement),  auxquelles 
s'ajoutent  encore  une  quarantaine  de  temples  protestants.  Les  plus 
belles  sont  en  pierre,  réparties  pour  la  plupart  dans  les  vieilles  paroisses 
riveraines;  en  effet,  plus  on  pénètre  à  l'intérieur  des  terres,  plus  les 
matériaux  changent,  conséquence  à  la  fois  de  la  jeunesse  du  peuple- 
ment (les  premiers  édifices  sont  souvent  en  bois)  et  de  sa  moindre 
aisance.  Même  parmi  les  églises  en  pierre,  des  différences  s'affirment, 
que  sanctionnent  les  matériaux  du  toit  (la  plupart  sont  en  bardeau, 
quelques-uns  en  fer-blanc),  le  nombre  de  clochers  et  leur  revêtement  (en 


12.  Pour  une  synthèse  de  l'histoire  architecturale  des  églises  au  Québec,  voir  Luc 
Noppen,  Les  églises  du  Québec  (1600-1850).  Pour  une  étude  de  cas,  voir  Made- 
leine Gobeil-Trudeau,  Bâtir  une  église  au  Québec,  Saint-Augustin-de-Desmaures  : 
de  la  chapelle  primitive  à  l'église  actuelle. 

13.  Par  exemple,  le  coût  de  construction  de  l'église  de  Longueuil  a  été  évalué  à  75  400 
livres  en  1810,  l'église  de  Sorel  à  plus  de  53  500  livres  en  1824,  l'église  de  Sainte- 
Scholastique  à  un  peu  plus  de  71  650  livres  en  1835  (le  presbytère-chapelle  avait 
été  évalué  à  plus  de  31  600  livres  en  1824),  l'église  de  Saint-Pie  à  plus  de  104  000 
livres  en  1849.  Quant  au  coût  de  construction  du  presbytère,  il  varie  du  simple  au 
double  ou  au  triple,  selon  les  paroisses  et  les  époques  :  à  Saint-Antoine-de-Lavaltrie, 
il  a  été  estimé  à  8  757  livres  en  1813,  il  s'est  élevé  à  12  000  livres  à  Longueuil  en 
1830,  à  plus  de  15  600  livres  à  Boucherville  en  1832,  et  à  plus  de  23  500  livres  à 
Laprairie  en  1847.  Voir  ANQ-M,  fonds  Création  de  paroisses,  E-4. 


67 


bardeau  également,  mais  aussi  en  fer-blanc  dans  les  bourgs  les  plus 
riches),  le  portail,  le  nombre  d'ouvertures  et  les  ornements  de  façade 
(niches,  balustrades,  etc.).  Par  exemple,  comparée  à  celles  qui  l'entou- 
rent, l'église  de  Saint-Eustache  apparaît  d'un  autre  ordre.  Construite  à  la 
fin  du  XVIIIe  siècle,  réparée  en  1818,  puis  agrandie  et  dotée  d'un  nouveau 
portail  et  de  deux  clochers  par  le  curé  Paquin  au  début  des  années  1830, 
elle  a  inspiré  la  description  suivante: 

L'église  placée  près  du  presbytère,  sur  une  belle  pointe  qui  s'avançait 
dans  la  rivière  des  Mille-lsles,  offrait  un  beau  coup-d'œil,  soit  de  la  rive 
opposée,  soit  du  village  où  elle  terminait  la  grande  et  belle  rue  à  laquelle 
elle  imposait  son  imposante  façade  de  pierres  de  taille  d'une  construction 
élevée,  solide  et  dégagée  des  ordres  Dorique  et  Ionique;  de  chaque  côté 
de  la  façade  s'élevaient  deux  superbes  clochers  à  deux  lanternes,  cou- 
verts en  fer-blanc,  et  dont  les  flèches  hardies  et  brillantes  annonçaient  au 
loin  le  temple  du  Seigneur.  Une  de  ces  tours  était  décorée  d'un  bel  et 
bon  cadran  en  bois,  ouvrage  de  M.  Vaillancourt,  excellent  ouvrier  de  Ste- 
Scholastique.  L'intérieur  de  l'église  était  très  bien  orné  de  riches  sculptu- 
res et  de  beaux  tableaux.  La  sculpture  et  les  colonnades  étaient  ri- 
chement dorées.  Lorsque  l'on  entrait  dans  l'église,  on  était  d'abord 
frappé  par  l'aspect  d'une  statue  de  St-Eustache,  de  grandeur  d'homme, 
placée  derrière  le  maître-autel  qu'elle  dominait.  Le  coup  d'œil  qu'offrait 
cette  statue  dorée  à  l'antique,  la  colonnade  qui  entourait  le  chœur,  et  les 
tableaux  qui  l'ornaient,  firent  une  profonde  impression  sur  les  premières 
personnes  de  l'armée  qui  entrèrent  dans  cette  église14. 

Incendiée  le  14  décembre  1837,  lors  de  la  bataille  de  Saint- 
Eustache,  cette  église  fut  reconstruite  quelques  années  plus  tard  dans  le 
style  qui  la  caractérise  encore  aujourd'hui,  avec  son  ancien  portail  et  ses 
deux  clochers.  On  en  a  fait  un  édifice  plus  riche  encore  que  les  églises 
voisines  de  Saint-Benoît  et  de  Saint-Augustin,  dont  la  réfection  ou  la 
construction  datent  pourtant  de  la  même  époque. 

Les  presbytères  sont  également  nombreux,  davantage  même  que 
les  églises  dont  ils  épousent  souvent  l'harmonie  d'ensemble.  Plusieurs 
sont  en  pierre  et  ne  comptent  qu'un  étage  ou  un  étage  et  demi,  comme 
celui  de  Saint-Antoine-de-Lavaltrie  (1813)  ou  celui  de  Saint-Laurent 
(1829).  D'autres  sont  en  planches,  dont  le  coût  est  nettement  moins 
élevé  que  la  pierre;  on  les  rencontre  surtout  dans  les  pays  neufs  de 
l'intérieur,  où  ils  ont  été  construits  dès  les  premières  années  de  la 
colonisation.  Quelques-uns,  plus  rares,  sont  en  brique  ou  plus  impo- 
sants :  ils  comptent  deux  étages,  comme  à  Sainte-Rose,  Longueuil  ou 


14.  Charles-Auguste-Maximilien  Globensky,   La  rébellion  de   1837  à  Saint-Eustache. 
p.  65-66. 


Laprairie  ou  comprennent  une  chapelle  ou  une  salle  publique  comme  à 
Sainte-Scholastique  ou  à  Saint-Eustache.  Ils  sont  alors  plus  massifs  et 
plus  distinctifs. 

Quant  aux  maisons  d'enseignement,  elles  sont  plus  nombreuses 
encore.  Généralement,  les  petites  écoles  élémentaires  sont  réparties  en 
périphérie  du  bourg  ou  sur  une  rue  adjacente  à  la  Grande  Rue,  là  où 
l'espace  est  encore  disponible.  Mais  certaines  sont  centrales,  édifiées 
dans  le  voisinage  de  l'église.  Construites  le  plus  souvent  en  bois,  elles 
accueillent  une  population  nombreuse,  qui  représente  davantage  que  la 
moitié  des  enfants  du  village,  dont  quelques-uns  seulement  iront  au 
couvent  ou  au  collège  et  à  qui  enseignent  des  instituteurs  ou  des 
institutrices  laïques.  En  1815,  Bouchette  n'en  recense  encore  qu'une 
dizaine  dans  les  bourgs,  en  1831  on  en  compte  222  et,  en  1851,  on  en 
dénombre  140  sur  les  253  noyaux  de  notre  échantillon.  Toutefois,  les 
édifices  les  plus  imposants  restent  les  établissements  d'enseignement 
supérieur,  couvents,  collèges  ou  académies,  dirigés  par  des  congréga- 
tions religieuses  et  qui  dominent  le  tissu  construit  non  seulement  par 
leur  masse,  mais  aussi  par  leur  emplacement  et  la  qualité  des  maté- 
riaux: on  les  bâtit  d'abord  en  pierre  mais  l'usage  de  la  brique  pour  ce 
genre  d'édifice  se  répand  après  les  années  1840.  En  1815,  Bouchette 
n'en  dénombre  que  quatre  dans  les  bourgs  (deux  couvents  et  deux 
collèges),  en  1831  on  en  compte  une  douzaine,  alors  qu'en  1851  ces 
constructions  représentent  de  12  %  à  15  %  de  l'ensemble  des  établisse- 
ments d'enseignement;  les  plus  nombreuses  sont  les  couvents  pré- 
sents dans  presque  chaque  gros  village.  C'est  ainsi  que  les  bourgs 
affirment  leur  rang,  et  ces  édifices  deviennent  en  quelque  sorte  le  signe 
tangible  de  leur  statut  social. 

Le  bourg  le  plus  en  vue,  c'est  aussi  celui  où  s'élève  un  manoir, 
c'est-à-dire  où  réside  un  seigneur  établi  sur  place  ou  dans  le  voisinage 
immédiat.  Son  importance  sur  le  plan  social  est  d'autant  plus  réelle  que 
seule  une  infime  partie  des  villages  (moins  de  10%)  comptent  un  tel 
équipement,  et  certains  sont  encore  plus  altiers  que  les  autres.  Dans 
son  dictionnaire  de  1832  par  exemple,  Bouchette  ne  dénombre  qu'une 
douzaine  de  manoirs  dans  les  bourgs,  chiffre  que  l'on  peut  hausser  à  19 
si  l'on  en  juge  par  le  nombre  de  seigneurs  enregistré  au  recensement  de 
1831.  En  1851,  la  situation  est  plus  ambiguë  en  raison  des  lacunes  du 
recensement.  Néanmoins,  en  conjuguant  les  informations  de  cette 
source  avec  celles  des  inventaires  disponibles15,  il  semble  que  l'on  ne 


15.  Les  plus  utiles  demeurent  ceux  de  Pierre-Georges  Roy,   Vieux  manoirs,  vieilles 
maisons,  et  de  Raymonde  Gauthier,  Les  manoirs  du  Québec. 


puisse  évaluer  à  plus  d'une  trentaine  le  nombre  de  bourgs  où  s'élève 
une  maison  seigneuriale. 

Plusieurs  de  ces  maisons  sont  en  pierre,  d'autres  en  bois  ou  en 
brique,  et  la  plupart,  tels  l'ancien  manoir  Dumont  ou  le  manoir  De 
Bellefeuille  à  Saint-Eustache,  n'ont  qu'un  étage  ou  un  étage  et  demi,  et 
épousent,  en  l'enrichissant,  l'architecture  de  la  maison  dite  «  québé- 
coise »,  avec  son  larmier,  ses  lucarnes  et  son  perron-galerie.  D'autres 
adoptent  un  style  plus  classique  ou  inspiré  de  l'architecture  britannique. 
Ils  sont  en  général  plus  imposants,  bâtis  en  pierre  ou  en  brique,  la  façade 
dégagée  par  un  vaste  terrain  entouré  d'une  clôture  en  pierre  ou  en  bois. 
La  plupart  s'élèvent  à  l'extérieur  du  bourg  comme  le  manoir  Campbell  à 
Saint-Hilaire,  ceux  de  Montebello,  de  Pointe-du-Lac  et  de  Kamouraska. 
D'autres,  tels  le  manoir  Globensky  à  Saint-Eustache,  celui  de  la  famille 
Masson  à  Terrebonne  ou  celui  de  Barthélémy  Joliette  au  village  de 
L'Industrie,  sont  mieux  intégrés  dans  le  tissu  villageois. 

Avec  le  manoir,  le  village  accède  à  un  rang  supérieur.  Cela 
n'enlève  rien  au  rôle  joué  par  certains  seigneurs  dans  le  destin  des 
autres  bourgs,  mais  démontre  quelle  place  particulière  occupent,  dans  la 
hiérarchie  villageoise,  les  bourgs  qui  en  sont  nantis.  Toutefois,  bien 
d'autres  édifices  contribuent  également  à  la  renommée  des  bourgs, 
certains  plus  prestigieux  que  les  autres  ou  au  contraire  plus  humbles 
mais  non  moins  importants  :  hôpital,  cour  de  justice,  bureau  d'enregistre- 
ment, public  house,  bureau  de  poste,  maison  de  tempérance,  bibliothè- 
que, etc.  Leur  présence  dans  le  village  atteste  non  seulement  son  rang 
mais  son  rôle  dans  l'espace.  Tous  n'en  sont  pas  pourvus,  loin  de  là,  mais 
ceux  qui  en  disposent  ont  une  position  d'autant  plus  avantageuse  qu'ils 
bénéficient  également,  en  général,  d'avantages  économiques. 

Les  équipements  de  travail 

Outre  les  résidences  et  les  édifices  de  prestige,  le  village  com- 
prend également  des  équipements  de  commerce,  de  services,  d'héber- 
gement, de  transport,  et  surtout  de  production,  dont  le  nombre  augmente 
considérablement  au  cours  de  la  période.  On  est  loin  ici  de  l'impression 
de  calme  évoquée  par  l'iconographie  ancienne  et  de  celle  qu'en  ont 
laissée  certains  auteurs  qui  ont  vu  le  village  comme  le  mouroir  de  toute 
une  société,  un  lieu  de  résidence  pour  rentiers  venus  s'y  établir  après 
une  dure  vie  de  labeur.  La  réalité  est  tout  autre,  du  moins  à  l'époque: 
c'est  un  fatras  de  boutiques,  d'ateliers,  d'équipements  de  toutes  sortes, 
où  entrepôts,  moulins,  fabriques,  manufactures,  auberges,  etc.,  s'entre- 
mêlent pour  créer  un  paysage  animé  dont  l'ambiance  est  différente  de 


70 


celle  que  l'on  a  évoquée  précédemment.  Certes,  les  situations  particuliè- 
res demeurent  très  diverses  et  très  changeantes  dans  le  temps  et 
dépendent  de  la  situation  du  bourg  sur  le  territoire16.  Mais  en  dépit  de  la 
logique  qui  explique  chacune  de  ces  situations,  s'impose  ici  l'image  d'un 
milieu  qui  bouge  et  qui  n'a  rien  du  calme  serein  des  hameaux  agricoles. 

En  1815,  le  village  semble  surtout  caractérisé  par  des  fonctions 
de  services,  auxquelles  s'ajoutent  d'importantes  fonctions  commerciales 
attestées  par  les  diverses  mentions  de  Bouchette  relatives  aux  auber- 
ges, boutiques,  magasins,  entrepôts,  greniers  à  blé,  retrouvés  dans 
certains  gros  bourgs  et  qui  confirment  non  seulement  la  place  du  village 
dans  la  vie  d'échange,  mais  le  rôle  que  jouent  certains  d'entre  eux  dans 
l'économie  du  blé.  Les  villages  de  Berthier,  de  L'Assomption  et  de  Saint- 
Denis,  dans  la  région  de  Montréal,  sont  de  ceux-là,  tout  comme  ceux  de 
Saint-Antoine-de-la-Rivière-du-Loup  dans  la  région  de  Trois-Rivières  et 
de  Saint-Thomas  de  Montmagny  dans  celle  de  Québec.  Toutefois,  par 
rapport  aux  installations  de  commerce  et  d'hébergement,  les  équipe- 
ments de  production  semblent  plus  nombreux,  attestés  encore  là  par  les 
mentions  de  Bouchette  ou  ses  relevés  statistiques.  Ils  le  sont  d'autant 
plus  que  seuls  les  grands  équipements  comme  les  moulins,  les  scieries 
et  les  fabriques  retiennent  son  attention,  alors  qu'il  néglige  générale- 
ment de  relever  les  boutiques  et  les  ateliers  d'artisans17. 

Après  1815  le  panorama  est  différent  et  révèle  un  tout  autre 
contexte  plus  marqué  cette  fois  par  les  fonctions  de  production.  En 
1831,  les  fonctions  de  services  et  de  commerce  restent  importantes, 
mais  les  activités  de  transformation  et  de  fabrication  paraissent  plus 
dominantes,  dans  des  proportions  qui  doublent  et  même  triplent  par 


16.  On  en  a  un  exemple  sur  la  Rive-Sud  de  Montréal,  dans  la  portion  de  territoire  situé 
entre  les  rivières  Richelieu  et  Yamaska,  à  la  hauteur  de  Saint-Charles  et  de  Saint- . 
Hyacinthe,  où  le  seul  bourg  de  l'endroit,  celui  de  La  Présentation,  n'est  qu'un  petit 
centre  de  services  pour  les  côtes  environnantes.  Placé  à  mi-chemin  entre  deux  gros 
bourgs,  il  apparaît  comme  un  relais  sur  la  route  qui  mène  du  Richelieu  à  Saint- 
Hyacinthe.  Ses  fonctions  sont  donc  essentiellement  locales  et  tout  entières  tour- 
nées vers  des  activités  de  services  qui  ne  laissent  pas  beaucoup  de  place  aux 
activités  de  fabrication  plutôt  concentrées  dans  les  gros  bourgs  voisins.  Par  compa- 
raison, le  village  de  Saint-Pie,  situé  à  l'est  de  la  rivière  Yamaska,  paraît  plus  favorisé 
par  sa  situation  sur  le  front  pionnier:  plus  éloigné  de  Saint-Hyacinthe  que  le 
précédent  et  sans  concurrent  de  taille  à  proximité,  ses  fonctions  sont  plus  diversi- 
fiées et  il  attire  une  population  de  journaliers,  d'artisans  et  d'ouvriers  du  bâtiment 
dont  le  nombre,  déjà  respectable  en  1831  compte  tenu  de  sa  taille,  quintuple  après 
cette  date.  Voir  ANC,  Recensements  du  Bas-Canada,  1831  et  1851-1852. 

17.  Seuls  quelques  villages  méritent  de  telles  mentions  chez  Bouchette,  entre  autres 
ceux  de  Terrebonne  et  de  Saint-Jean  dans  la  région  de  Montréal,  et  ceux  de 
Beauport  et  de  Saint-Michel-de-Bellechasse  dans  celle  de  Québec. 


71 


rapport  à  1815.  La  grande  différence  concerne  les  ateliers  et  les  bouti- 
ques d'artisans,  non  enregistrés  dans  le  recensement,  mais  dont  le 
nombre  peut  être  évalué  à  partir  des  déclarations  des  chefs  de  ménage. 
En  ne  retenant  que  les  métiers  relatifs  à  la  fabrication  pour  éviter  de  trop 
grandes  distorsions,  on  obtient  plus  de  1  400  ateliers  et  boutiques 
d'artisans  dans  les  villages,  soit  6,7  en  moyenne  par  bourg,  contre  un 
peu  moins  d'un  moulin.  Il  est  vrai  que  le  calcul  ici  n'est  qu'indicatif 
puisque  chaque  artisan  ne  possédait  pas  nécessairement  son  échoppe18. 
Compte  tenu  du  nombre  d'artisans  recensés  dans  les  bourgs,  ce  chiffre 
n'a  rien  d'excessif;  au  contraire,  il  se  peut  même  qu'il  ait  été  plus  élevé. 
En  1851,  les  relevés  sont  beaucoup  plus  sûrs,  car  les  ateliers  et  les 
boutiques  font  alors  l'objet  d'un  dénombrement  particulier19.  Toutefois, 
comme  le  nombre  de  bourgs  pour  lesquels  on  dispose  d'une  information 
statistique  est  incomplet,  les  chiffres  ne  sont  encore  qu'indicatifs  d'une 
tendance.  Ils  montrent  néanmoins  qu'à  cette  époque  les  activités  de 
production  justifient  encore  la  moitié  des  équipements  du  village  contre 
plus  des  deux  tiers  20  ans  auparavant.  Quant  au  commerce,  il  est  alors 
presque  trois  fois  plus  important  qu'en  1815  (voir  le  tableau  14). 

Bref,  de  1815  à  1851,  on  assiste  à  d'importants  changements  qui 
se  traduisent,  dans  l'habitat  villageois,  par  une  montée  sans  précédent 
des  équipements  de  commerce  et  de  production  qui  ajoutent  à  ses 
fonctions  traditionnelles  de  services  quantité  d'autres  rôles  dont  l'impor- 
tance sera  capitale  dans  la  croissance  des  bourgs20.  Les  transformations 
les  plus  notables  surviennent  d'abord  dans  les  activités  de  commerce  et 
d'hébergement  déjà  présentes  en  1815,  mais  qui  connaissent  une 
croissance  importante  tout  au  long  de  la  période.  Elles  surviennent 
ensuite  dans  le  domaine  des  activités  de  production,  dont  l'importance 
s'accroît  après  1815  pour  atteindre  un  sommet  en  1831,  puis  dans  les 
activités  de  services  elles-mêmes  qui,  de  dominantes  qu'elles  étaient  en 
1815,  connaissent  une  part  relative  moindre  en  1831,  et  de  nouveau 
croissante  par  la  suite. 


18.  Ces  données  ne  comprennent  pas  les  femmes  ou  les  veuves  qui  font  de  la 
confection  et  dont  le  travail  peut  s'effectuer  à  la  maison,  ni  les  tisserands  ou 
«  tisseranes  »  dont  un  certain  nombre  travaillent  aussi  à  domicile. 

19.  Comme  nos  relevés  ont  été  effectués  dans  les  listes  nominatives,  il  est  possible 
d'avoir  une  assez  bonne  idée  de  la  vocation  de  ces  boutiques,  même  quand  celle-ci 
n'est  pas  précisée.  Il  suffit  de  se  reporter  au  métier  déclaré  par  le  chef  de  ménage 
au  nom  duquel  la  boutique  est  enregistrée.  Dans  nos  travaux,  cette  distinction  a  été 
faite  sous  neuf  rubriques  :  commerce,  fabrication  alimentaire,  confection  de  vête- 
ments, construction,  travail  du  bois,  travail  du  cuir,  travail  des  métaux,  fabrication  de 
matériel  de  transport  et  autres  (voir  le  chapitre  4). 

20.  Voir  le  chapitre  4. 


72 


Tableau  14 

ÉQUIPEMENTS  RECENSÉS  DANS  LES  BOURGS  (1815, 1831, 1851) 
(en  %  du  nombre  total  d'équipements) 


Équipements 

1815 

1831 

1851 

NNO 

49 

208 

250 

Communautaires 

(maisons  de  culte,  d'enseignement) 

64,54 

13,22 

16,70 

De  commerce  et  d'hébergement 
(auberges,  magasins,  entrepôts) 

13,48 

20,51 

34,78 

De  production 

Grands  équipements  (moulins,  fabriques,  manufactures) 

21,99 

11,18 

11,96 

Ateliers,  boutiques 

n.d. 

55,10 

36,56 

n.  d.  :  non  disponible. 
NNO  :  Nombre  de  noyaux  observés. 
Sources  :  Joseph  Bouchette,  Description  topographique  de  la  province  du  Bas-Canada,  1 81 5  ;  ANC,  Recensements 
du  Bas-Canada,  1831  et  1851-1852. 


La  nature  de  ces  changements,  ainsi  que  leur  succession  rapide 
dans  le  temps,  font  du  village  un  lieu  animé  et  d'aménagement  difficile. 
Mis  à  part  quelques-uns,  parmi  les  plus  anciens  ou  dont  les  fonctions 
sont  nettement  plus  locales,  qui  échappent  en  partie  à  cette  évolution  et 
à  ses  inconvénients,  les  autres,  parce  qu'ils  sont  plus  jeunes  ou  mieux 
situés  dans  le  circuit  des  échanges,  connaissent  des  difficultés  dont 
l'ensemble  du  tissu  construit  porte  la  marque. 

L'AMÉNAGEMENT  DES  BOURGS 

Comme  beaucoup  de  villes  coloniales  à  leur  début21,  c'est  dans 
un  ordre  tout  relatif  que  s'édifie  d'abord  l'habitat  villageois  :  rues  étroites 
et  encombrées,  non  pavées,  qui  deviennent  à  chaque  dégel  et  à  chaque 
pluie  de  véritables  bourbiers,  absence  de  trottoirs,  maisons  souvent  mal 
alignées  qui  infléchissent  les  perspectives,  boutiques  ou  échoppes  aux 
façades  saillantes,  anciens  bâtiments  de  ferme  qui  jouxtent  des  résiden- 
ces plus  récentes,  forges  ou  auberges  mal  situées,  tavernes  bruyantes 
où  les  rixes  sont  nombreuses,  chantiers  omniprésents  et  quasi  perma- 
nents, courses  d'attelage,  détritus  de  toutes  sortes  qui  jonchent  la  place 
publique  les  jours  de  marché  et  les  lendemains  d'élections,  cimetières 
laissés  en  friche,  etc.,  tout  cela  fait  partie  du  décor  habituel  des  bourgs. 
Certes,  il  faudrait  nuancer  et  distinguer  entre  le  paysage  des  bourgs 


21.  Voir  André  Lachance,  La  vie  urbaine  en  Nouvelle-France. 

73 


industriels,  celui  des  bourgs  de  services,  et  celui  des  villages  où,  à  cause 
des  nombreuses  constructions  d'importance  (église,  manoir,  école,  cou- 
vent, etc.),  les  panoramas  sont  différents.  Mais  si  l'on  en  juge  par  la 
législation  de  l'époque,  il  semble  que  ce  désordre  fut  beaucoup  plus 
répandu  que  ne  l'indiquent  certaines  œuvres  littéraires  ou  iconographi- 
ques anciennes22. 

Les  plans  de  villages 

Dès  1818,  une  loi  est  adoptée  pour  les  bourgs  qui,  «  par  l'aug- 
mentation de  leur  population  et  leur  importance,  exigent  que  la  police  en 
soit  réglée,  tant  pour  la  sûreté  des  propriétés  en  iceux  que  pour  leur 
avancement  ultérieur23»;  en  1825,  une  recommandation  est  faite  par 
Jacques  Viger  au  comité  spécial  nommé  pour  enquêter  sur  l'état  des 
chemins  afin  de  réglementer  la  formation  des  villages.  Celui-ci  suggère 
que: 

Du  moment  qu'il  y  aura  dans  une  paroisse,  seigneurie  ou  township  trente 
maisons  de  rassemblées  près  des  unes  des  autres  ou  sur  un  espace  de 
«  tant  »  d'arpents  en  superficie,  cette  réunion  de  bâtiments  sera  dès  lors 
appelée  village  et  soumise  à  certains  règlements  [...],  il  sera  fait  un  plan 
régulier  des  lieux,  pour  la  distribution  future  des  rues,  places  publiques  et 
emplacements  [...],  et  les  propriétaires  seront  forcés  de  suivre  le  plan 
indiqué24. 

L'idée  d'avoir  recours  à  de  tels  plans  pour  réglementer  la  forma- 
tion des  villages  n'était  pas  nouvelle:  aussi  loin  que  l'on  remonte  dans  le 
temps,  on  en  retrouve  la  trace,  disséminée  dans  les  papiers  seigneu- 
riaux. En  outre,  dès  1796  et  1799,  des  lois  semblables  avaient  été 


22.  On  en  retrouve  d'ailleurs  des  échos  dans  la  correspondance  de  l'époque,  les  lettres 
des  curés  notamment,  et  jusque  dans  les  délibérations  des  premières  corporations 
municipales,  ce  qui  tend  à  démontrer  l'ampleur  du  problème  et  sa  persistance  dans 
le  temps.  Par  leurs  interdictions,  leurs  premiers  règlements  sont  à  ce  titre  révéla- 
teurs :  celui  de  Saint-Eustache,  par  exemple,  défend  encore  de  «  trotter  dans  les 
rues  »,  même  dans  la  deuxième  moitié  du  siècle  (voir  le  chapitre  5). 

23.  Il  s'agit  de  SBC,  58  Geo.  III,  c.  16,  «Acte  pour  pourvoir  à  la  Police  de  certains 
Bourgs  et  Villages  ».  Sanctionnée  le  1er  avril  1818,  cette  loi  rétablissait  celle  qui  avait 
été  adoptée  en  1802  pour  régir  les  bourgs  de  plus  de  30  habitants;  elle  sera 
reconduite  plusieurs  fois  par  la  suite.  À  ce  sujet,  voir  Jean-Marie  Fecteau,  «  La 
pauvreté,  le  crime,  l'État  (...)  »,  chap.  III. 

24.  JALBC.  1825,  app.  X.  Cité  aussi  dans  O.-M.  Lapalice,  Histoire  de  la  seigneurie 
Massue  et  de  la  paroisse  Saint-Aimé,  p.  147-148,  qui  attribue  toutefois  cette 
suggestion  au  grand  voyer  Taschereau. 


74 


adoptées  pour  réglementer  le  développement  des  villes25.  Ce  qui  semble 
nouveau  dans  la  suggestion  de  Viger,  c'est  l'institutionnalisation  de  ces 
plans  comme  outils  d'aménagement  et  de  gestion  des  bourgs.  Cepen- 
dant, si  de  tels  plans  ont  pu  contribuer  à  introduire  plus  de  symétrie  dans 
les  villages,  leur  effet  s'est  surtout  fait  sentir  en  dehors  des  aires  déjà 
construites  et  dans  les  bourgs  dont  on  préparait  alors  l'implantation26. 

Plusieurs  de  ces  plans  ont  été  conservés.  Réalisés  par  des 
arpenteurs  spécialement  mandatés  à  cette  fin  par  les  seigneurs,  ils 
donnent  un  assez  juste  aperçu  des  bourgs  et  de  leurs  singularités. 
Toutefois,  certains  les  montrent  sous  la  forme  de  projets,  très  sembla- 
bles à  ceux  qui  avaient  été  réalisés  plus  tôt  pour  le  compte  de  seigneurs 
désireux  de  former  un  village.  Le  plus  éloquent  à  cet  égard  reste  sans 
doute  celui  de  Neuville,  préparé  dès  1802  pour  le  compte  du  seigneur 
Charles-Joseph  Brassard  Deschenaux:  on  y  retrouve  non  seulement  la 
position  de  l'église,  du  presbytère  et  du  couvent,  mais  aussi  celle  des 
quelques  habitations  existantes,  en  plus  du  dessin  des  rues  et  des 
emplacements  (voir  la  figure  9).  Il  préfigure  déjà  la  teneur  des  plans  qui 
suivront,  qu'il  s'agisse  de  villages  existants  ou  projetés.  Celui  de  Baby 
(Babyville)  en  témoigne  (voir  la  figure  10),  tout  comme  celui  d'Aimé 
Massue  (Massueville)  dont  O.-M.  Lapalice  nous  dit  ce  qui  suit:  «  le  12 
décembre  1830,  Jean-Olivier  Arcand,  autorisé  par  Aimé  Massue,  en 
conformité  avec  l'Acte  de  l'Assemblée  législative  touchant  la  formation 
[des  villages]  déposait  dans  le  greffe  du  notaire  Chevrefils,  un  plan  du 
village  que  le  dit  Arcand  avait  arpenté  et  divisé  dans  le  cours  de  cette 


25.  SBC,  36  Geo.  III,  1796,  c.  9,  «  Acte  pour  faire,  réparer  et  changer  les  chemins  et 
ponts  dans  cette  Province  et  pour  d'autres  effets  »;  SBC,  39  Geo.  III,  1799,  c.  5, 
«  Acte  qui  amende  un  acte  passé  dans  la  trente-sixième  année  du  règne  de  sa 
présente  Majesté  intitulé  «  Acte  pour  faire,  réparer  et  changer  les  chemins  et  ponts 
dans  cette  Province  et  pour  d'autres  effets  »  ».  On  trouvera  en  outre  dans  les 
JALBC  divers  rapports  concernant  l'état  des  chemins  et  la  nécessité  de  faire  des 
plans  et  de  contraindre  les  lotisseurs  à  les  respecter  pour  l'ouverture  de  nouvelles 
rues.  Le  plus  intéressant  à  cet  égard  reste  celui  de  Jacques  Viger,  «  Observations 
en  amélioration  des  lois  des  chemins  telles  qu'en  force  dans  le  Bas-Canada  en 
1825  »,  JALBC,  1825,  app.  X. 

26.  À  Montmagny  par  exemple,  tout  comme  à  Lévis,  on  voit  encore  le  quadrillage  initial 
des  rues  qui  contraste  fortement  avec  celui  du  village  d'Aubigny  proposé  en  1825 
par  le  seigneur  Caldwell  mais  qui  ne  connaîtra  pas  le  succès  escompté.  À  ce  sujet, 
voir:  Municipalité  régionale  du  comté  de  Montmagny,  Une  fenêtre  sur  notre 
patrimoine.  Guide  de  sensibilisation  au  patrimoine  de  la  M.R.C  de  Montmagny; 
Groupe  d'initiatives  et  de  recherches  appliquées  au  milieu,  Évolution  des  axes 
commerciaux  traditionnels  de  Lévis  et  Lauzon.  Il  est  d'ailleurs  intéressant  de 
comparer  les  plans  des  différents  bourgs  apparus  à  cette  époque.  En  plus  des  plans 
d'arpentage,  on  peut  avoir  recours  à  ceux  qui  ont  été  réalisés  par  les  compagnies 
d'assurance  pour  évaluer  les  risques  de  sinistres  dans  les  différents  quartiers  où  se 
trouvent  les  édifices  à  assurer.  Pour  un  inventaire  de  ces  plans,  voir  Robert  J. 
Hayward,  Plans  d'assurance-incendie  de  la  Collection  nationale  de  cartes  et  plans. 


75 


Figure  9 
VILLAGE  DE  NEUVILLE  (1802) 


Î'VX   tf.    ****** 'Tw***   9tb9Hl9**^       &.-W-1**    ï- 


Source:  MER,  Service  de  l'arpentage,  B-10. 


76 


Figure  10 
VILLAGE  DE  BABY  (1847) 


ÏKt. 


Source:  ANQ-Q,  Pierre-Louis  Morin,  arp. 


77 


même  année27».  C'est  que  le  plan  de  village  est  alors  devenu  une 
nécessité  d'autant  plus  ressentie  que  bourgs  et  hameaux  sont  en  pleine 
expansion  et  que  les  difficultés  sont  nombreuses.  D'ailleurs,  comment 
pourrait-il  en  être  autrement  à  une  époque  où  tout  n'est  qu'arpentage? 

On  connaît  encore  mal  le  rôle  des  seigneurs  dans  cette  régle- 
mentation souhaitée  de  l'espace  villageois.  Ce  que  l'on  sait  par  contre, 
c'est  que  plusieurs  d'entre  eux  ont  partie  liée  avec  le  pouvoir  politique. 
Le  président  du  comité  chargé  d'enquêter  sur  l'état  des  chemins,  Pierre- 
Thomas-Joseph  Taschereau,  est  lui-même  un  seigneur,  titulaire  d'une 
partie  de  la  seigneurie  de  Jolliet  (Sainte-Claire)28.  En  outre,  comme  les 
titulaires  de  fiefs  sont  sensibles  aux  idéologies  de  l'époque  et  très  au  fait 
des  modes  venues  d'ailleurs  -  d'Europe  notamment  et  particulièrement 
d'Angleterre  dont  la  beauté  des  villages  les  fascine29  -,  on  peut  croire 
qu'ils  ont  eu  une  certaine  influence.  Quoi  qu'il  en  soit,  ce  n'est  pas  tant 
ce  rôle  qui  nous  intéresse  ici  que  celui  qu'ils  auront  dans  l'aménagement 
concret  du  bourg. 

L'intervention  des  seigneurs  dans  l'aménagement  du  bourg  se 
fait  sentir  de  plusieurs  manières,  en  premier  lieu  par  le  lotissement  qu'ils 
prennent  souvent  beaucoup  de  soin  à  définir,  surtout  quand  il  s'agit  du 
bourg  principal  de  la  seigneurie  ou  d'un  village  dont  on  prépare  la 
formation.  Qu'il  s'agisse  de  seigneurs  laïques  ou  ecclésiastiques,  leurs 
plans  montrent  alors  une  symétrie  qui  tranche  par  rapport  à  l'ancien  tissu 
construit.  Celui  de  Baby  par  exemple,  étudié  par  Jacques  Crochetière 
dans  son  histoire  de  Saint-Pierre-les-Becquets  et  de  Manseau30,  com- 
prend plusieurs  rues  et  99  emplacements  dont  89  sont  de  dimensions 
identiques,  de  50  pieds  sur  77  pieds;  les  autres  sont  de  forme  irrégufière, 
en  raison  d'un  ravin  à  proximité  et  d'un  emplacement  déjà  concédé  à  un 
aubergiste.  Celui  de  L'Assomption  est  tout  aussi  ordonné,  comme  celui 
de  Saint-Jérôme  où  les  seigneurs  prévoient  même  une  rangée  d'arbres 
le  long  de  la  Grande  Rue  (voir  la  figure  11).  L'intervention  des  seigneurs 


27.  O.-M.  Lapalice,  op.  cit.,  p.  148. 

28.  Pierre-Georges  Roy,  Inventaire  des  concessions  en  fiefs  et  seigneuries,  fois  et 
hommages  et  aveux  et  dénombrements  conservés  aux  Archives  de  la  province  de 
Québec,  vol.  IV,  p.  144  et  suiv. 

29.  Beaucoup  de  seigneurs  d'alors  sont  des  anglophones  qui  entretiennent  des  liens 
suivis  avec  la  métropole.  Plusieurs  ont  épousé  des  francophones  et,  parmi  les 
seigneurs  d'origine  canadienne,  nombreux  sont  ceux  qui  voyagent  outre-mer  ou  qui 
ont  des  rapports  fréquents  avec  l'Europe,  ce  qui  les  met  en  contact  avec  d'autres 
cultures  et  d'autres  façons  de  faire.  En  outre,  les  journaux  bas-canadiens  regorgent 
d'informations  européennes  qui  les  tiennent  très  au  fait  de  ces  modes. 

30.  Jacques  Crochetière,  «  La  dynamique  comparée  de  deux  villages  québécois  [...]  », 
p.  82  et  suiv. 


78 


Figure  11 
VILLAGE  DE  SAINT-JÉRÔME  (1834) 


Source  :  Archives  de  l'évêché  de  Saint-Jérôme,  fonds  Sainte-Anne-des-Plaines. 


79 


ne  s'arrête  pas  là  :  une  fois  défini,  le  plan  servira  de  cadre  aux  conces- 
sions prévues  d'emplacements.  Pour  assurer  une  uniformité  dans  l'ad- 
ministration de  leur  projet,  plusieurs  seigneurs  font  imprimer  un  contrat 
type.  Celui  de  Baby  est  à  ce  titre  particulièrement  éloquent,  assorti 
d'obligations  diverses  qui  expliquent,  en  partie  tout  au  moins,  le  peu  de 
faveur  dont  jouira  son  village.  En  plus  d'une  charge  de  cens  envers  le 
domaine  et  d'une  rente  annuelle  d'une  livre  dix  chelins  courants,  l'acqué- 
reur devra,  dans  les  quatre  mois,  clore  son  emplacement  en  planches  de 
6  pieds,  entretenir  les  chemins  qui  le  desservent,  accepter  les  rues  ou 
ruelles  qui  pourront  être  tracées,  bâtir  dans  un  délai  variable  mais 
raisonnable  une  maison  de  25  pieds  carrés  «  habitable  et  logeable  »  et, 
clause  ajoutée  en  1851,  blanchir  à  la  chaux  maisons  et  bâtiments  tous 
les  deux  ans.  En  outre,  il  verra  son  droit  de  mutation  limité  d'un  droit  de 
retrait  de  trois  mois  sur  toute  transaction,  et  ne  pourra  diviser  sa  rente 
foncière  sans  l'accord  du  seigneur31. 

Baby,  en  fait,  utilise  toutes  les  facettes  du  droit  seigneurial  pour 
faire  de  son  village  un  établissement  bien  organisé  et  attrayant,  un  lieu 
d'ordre  et  d'harmonie  qui  lui  permettra  en  outre  de  se  constituer  une 
rente  confortable.  Il  n'est  pas  le  seul  à  avoir  de  telles  ambitions:  à 
Neuville,  le  seigneur  Brassard  Deschenaux  en  a  de  très  semblables,  qui 
rejoignent  celles  de  Barthélémy  Joliette  au  village  de  L'Industrie,  d'Ellice 
et  de  Brown  dans  Beauharnois,  de  Dumont  et  De  Bellefeuille  à  Saint- 
Jérôme  et  de  la  famille  Delorme  à  Saint-Hyacinthe.  Quant  aux  redevances 
à  payer  pour  un  emplacement  au  village,  elles  sont  partout  importantes 
mais  dans  des  proportions  qui  varient  selon  les  régions  et  l'ancienneté 
des  établissements  car,  si  le  village  justifie  en  général  des  taux  supé- 
rieurs à  ceux  de  la  côte,  les  seigneurs  sont  tenus  de  respecter  les 
termes  des  anciens  contrats  de  concession.  Le  recensement  de  1831 
permet  d'ailleurs  une  observation  sommaire:  calculées  par  arpent,  pour 
trois  catégories  de  superficie  (emplacements  de  moins  d'un  arpent, 
lopins  de  moins  de  10  arpents  et  terres  de  10  à  100  arpents),  les 
redevances  apparaissent  plus  élevées  dans  la  région  de  Montréal  où  les 
villages  sont  plus  récents,  et  plus  faibles  dans  les  régions  de  Québec  et 
de  Trois-Rivières  où  elles  ne  sont  plus  que  de  quelques  deniers  (voir  le 
tableau  15).  À  elles  seules,  ces  données  montrent  quels  bénéfices  les 
seigneurs  peuvent  espérer  du  lotissement,  surtout  dans  les  secteurs  de 


31.  Ibid..  p.  85  et  suiv. 

80 


Tableau  15 

RENTES  PAYÉES  DANS  LES  BOURGS  (1831) 
(en  sols  courants*) 


District 


Montréal     Trois-Rivières      Québec 

Superficie  des  Moyenne 

emplacements  (en  arpents)  NN0  =  8  NNO  =  4  NN0  =  36    par  bourg 


0,1-1,0 

32,84 

0,61 

5,51 

16,51 

1,1-10,0 

6,98 

0,17 

1,22 

1,63 

10,1-100,0 

0,26 

0,10 

0,10 

0,13 

*  20  sols  valent  une  livre,  un  sol  vaut  12  deniers.  Une  livre  courante  vaut  24  livres  françaises  de  20  sols. 
NNO  :  Nombre  de  noyaux  observés. 
Source:  ANC,  Recensement  du  Bas-Canada,  1831. 

peuplement  récent  où  ils  peuvent  prendre  plus  de  liberté  avec  les  taux 
de  concession32. 

Pourtant,  l'âge  du  bourg  n'explique  pas  tout.  En  effet,  il  faut  aussi 
tenir  compte  de  la  situation  géographique  du  village.  C'est  ainsi  qu'à 
Cap-Rouge  les  redevances  sur  les  emplacements  de  moins  d'un  arpent 
sont  plus  élevées  qu'à  Neuville  (3,50  sols  courants  par  arpent  en 
moyenne  contre  1,26  au  Bourg-Saint-Louis)  et  qu'à  la  Pointe-du-Lac  elles 
dépassent  celles  qui  sont  exigées  à  Saint-Antoine-de-la-Rivière-du-Loup 
(0,18  contre  0,01).  Mais  c'est  surtout  dans  la  région  de  Montréal  que  ces 
écarts  sont  les  plus  notables  :  à  Sorel  et  à  Saint-Ours,  les  taux  s'élèvent 
respectivement  à  1,26  et  1,29  sol  par  arpent  en  moyenne,  contre  1,89  et 
2,25  à  Saint-Denis  et  à  Saint-Charles  situés  tous  deux  au  cœur  de  la 
vallée  du  Richelieu.  Ils  sont  du  même  ordre  au  village  des  Cèdres,  situé 
sur  la  voie  de  passage  vers  l'ouest,  où  ils  dépassent  2,15  sols. 

Tout  cela  suggère  une  rente  de  localisation  dont  les  effets  se  font 
surtout  sentir  dans  les  secteurs  proches  des  villes,  c'est-à-dire  là  où  la 
propriété  bourgeoise  a  le  plus  de  chance  de  s'épanouir.  Toutefois,  il 
semble  que  l'éloignement  joue  aussi  un  rôle,  surtout  lorsque  le  bourg 
est  une  tête  de  pont  vers  l'intérieur.  À  Cap-Santé  par  exemple,  les  taux 


32.  Rappelons  que,  dans  les  seigneuries  du  Québec,  le  taux  des  cens  et  rentes  exigés 
pour  le  sol  agricole  est  en  principe  fixé  dans  le  contrat  de  concession.  Toutefois, 
comme  plusieurs  seigneurs  demandent  une  partie  de  leur  paiement  en  nature,  leur 
produit  suit  le  prix  des  denrées,  notamment  dans  les  secteurs  géographiques  où  la 
culture  du  blé  est  importante.  Pour  ce  qui  est  du  village,  une  différence  s'impose: 
comme  le  sol  a  d'autres  fonctions  et  qu'il  appartient  souvent  au  seigneur  (domaine 
ou  terres  réservées),  ce  dernier  peut  plus  facilement  hausser  ses  exigences,  ce  qui 
arrive  dans  bon  nombre  de  bourgs  situés  notamment  dans  les  seigneuries  laïques. 


81 


s'élèvent  à  5  sols  par  emplacement  de  moins  d'un  arpent,  tandis  qu'en 
Beauce  ils  atteignent  2,98  sols  l'arpent  à  Sainte-Marie,  ils  descendent  à 
0,53  sol  l'arpent  à  Saint-Joseph,  puis  remontent  à  0,83  sol  l'arpent  à 
Saint-François,  village  le  plus  éloigné  de  la  région.  Les  seigneurs  ne 
seraient  donc  pas  indifférents  aux  avantages  de  situation  des  bourgs 
dans  l'espace.  Jusqu'où  en  sont-ils  conscients?  Il  est  encore  trop  tôt 
pour  le  dire  car  plusieurs  études  de  cas  restent  à  faire.  Quoi  qu'il  en  soit, 
ce  n'est  là  qu'un  aspect  de  leurs  sensibilités  face  à  l'espace  et  au 
développement  villageois;  ils  en  auront  bien  d'autres! 

En  effet,  la  préparation  d'un  plan  de  lotissement  ne  constitue 
qu'une  première  étape  dans  la  formation  du  village;  la  deuxième 
consiste  à  y  installer  des  équipements  qui  l'établiront  plus  sûrement.  Le 
premier  et  le  plus  important  des  édifices  est  l'église,  dont  les  seigneurs 
tentent  par  tous  les  moyens  de  hâter  la  venue,  même  quand  ils  se 
déclarent  agnostiques  ou  ouvertement  athées  comme  Denis-Benjamin 
Papineau.  Elle  sera  située  au  cœur  du  village  et  déterminera  très  souvent 
celui  de  la  Grande  Place,  dont  la  mode  se  répand  à  l'époque.  L'exemple 
du  village  de  Notre-Dame-de-Bonsecours  dans  la  seigneurie  de  la  Petite- 
Nation  est  à  ce  titre  révélateur,  tout  comme  le  sont  ceux  de  plusieurs 
autres  villages  apparus  antérieurement  ou  en  même  temps  que  celui-ci. 

Quelques  exemples  d'interventions  seigneuriales 

Le  village  de  Notre-Dame-de-Bonsecours  est  apparu  entre  1815 
et  1820  dans  le  domaine  de  la  Côte-du-Front,  près  de  l'endroit  où 
s'étaient  installés  les  premiers  colons-défricheurs  amenés  par  Joseph 
Papineau  quelque  dix  années  plus  tôt,  à  proximité  d'un  petit  moulin  à 
scie  et  du  premier  cimetière  (1808),  et  non  loin  du  lot  de  dix  arpents 
réservé  en  1813  pour  la  construction  du  moulin  banal33.  Il  ne  sera 
définitivement  établi  qu'à  l'automne  de  1818,  après  que  Denis-Benjamin 
Papineau,  fondé  de  pouvoir  de  son  frère  Louis-Joseph  qui  vient  d'acqué- 
rir la  seigneurie  (1817),  aura  cédé  un  terrain  de  2  arpents  de  front  sur  6 
de  profondeur  pour  la  construction  d'une  chapelle.  Le  seigneur  lui-même 
s'était  établi  ailleurs,  dans  l'île  Arowsen  (île  Roussin),  où  Joseph  Papi- 
neau avait  fait  construire  son  manoir.  Quant  au  terrain  cédé,  il  devait  être 
pris  pour  moitié  sur  la  terre  de  Louis  Renaud  dit  Dumoulin,  et  pour 
moitié  sur  la  terre  de  Denis-Benjamin  Papineau,  depuis  le  pied  du  coteau 
situé  au  sud  du  chemin  du  roi  et  jusqu'à  la  rivière  où  chacun  s'engageait 
à  céder  l'espace  nécessaire  pour  un  chemin  à  déboiser  de  concert.  En 


33.  Abbé  Michel  Chamberland,  Histoire  de  Montebello,   1815-1928. 
82 


outre,  on  devait  y  réserver  une  superficie  de  deux  arpents  pour  une 
place  publique,  d'un  arpent  pour  une  école  de  garçons  et  autant  pour 
une  école  de  filles.  C'est  là  que  se  formera  le  cœur  du  village.  Dès  1820- 
1821,  on  procède  à  la  construction  et  à  la  bénédiction  de  la  chapelle,  et 
en  1826  on  bénit  le  nouveau  cimetière34.  En  1831,  on  obtient  l'érection 
canonique  de  la  paroisse,  qui  ne  sera  cependant  reconnue  civilement 
qu'assez  tard  dans  le  siècle. 

Le  village  présente  alors  tous  les  traits  d'un  petit  bourg  pionnier. 
S'il  apparaît  relativement  bien  circonscrit  dans  l'espace,  il  se  confond 
vite  avec  la  Côte-du-Front  dont  il  ne  se  distingue  que  par  son  centre.  Il 
ne  sera  définitivement  constitué  que  plus  tard,  sur  l'initiative  de  Louis- 
Joseph  Papineau  qui  ne  viendra  s'établir  en  permanence  dans  sa  sei- 
gneurie qu'après  1845,  époque  où  il  entreprend  la  construction  de  son 
manoir.  L'entreprise,  cette  fois,  est  nettement  plus  volontaire,  et  ne  vise 
rien  de  moins  qu'à  créer  un  nouveau  bourg,  destiné  sinon  à  remplacer 
ou  à  englober  l'ancien  bourg,  du  moins  à  lui  imposer  de  nouvelles  règles 
de  croissance.  Cet  extrait  d'une  lettre  adressée  à  Mgr  Guigues  le  29 
mars  1856  en  témoigne: 

Je  souhaite  commencer  un  village  près  de  l'église  Notre-Dame  de 
Bonsecours,  et  je  souhaite  le  distribuer  régulièrement  en  rues  larges  et 
ornées  de  plantations  d'arbres  [...]  En  échange  [du]  chemin  [situé  en  front 
de  l'église,  au  bas  de  la  côte  et  de  la  place  publique],  je  donnerais  un 
emplacement  de  village,  et  j'y  bâtirais  la  maison  du  bedeau  et  une  petite 
chapelle  pour  y  recevoir  le  corps  des  fidèles  décédés  [...]  Je  souhaiterais, 
en  plus,  que  la  fabrique  me  cédât  une  lisière  de  dix  pieds  de  large  sur 
environ  cinq  arpents  [...]  pour  une  rue  de  cinquante  pieds  de  large  dont 
j'aurai  pris  aussi  dix  pieds  sur  mon  terrain  [...],  où  existe  actuellement  une 
rue  de  trente  pieds  qui  conduit  à  la  maison  d'école  [...]  Au  delà  de  cette 
maison,  je  donne  quarante  pieds  pour  la  rue,  quand  la  fabrique  n'en 
donne  que  dix.  Cette  rue  permettra  à  la  fabrique,  si  plus  tard  elle  désirait 
vendre  des  emplacements,  à  les  vendre  beaucoup  plus  tôt  et  plus  cher. 
[Et]  si  le  Gouvernement  finit  par  nous  donner  quelque  portion  [...]  de  ce 
qu'il  nous  vole  [...],  je  me  trouverai  en  état,  l'an  prochain,  [d'aider  la 
fabrique]  à  rebâtir  cette  maison  sur  un  plan  convenable  et  à  y  loger 
quelques-unes  des  bonnes  sœurs  qui  se  dévouent  à  l'enseignement35. 

Nous  ignorons  si  la  fabrique  donna  suite  aux  possibilités  de 
bénéfices  que  lui  proposait  Louis-Joseph  Papineau,  mais  le  village  fut 
aménagé  comme  prévu  et,  en  moins  de  30  ans,  il  devint  l'un  des  plus 
beaux  de  la  région,  flanqué  d'un  magnifique  manoir  qui  fait  aujourd'hui 


34.  Ibid.  Pour  le  détail  de  cet  établissement,  voir  aussi  Claude  Baribeau,  La  seigneurie 
de  la  Petite-Nation,  1801-1854. 

35.  Lettre  citée  par  l'abbé  Michel  Chamberland,  op.  cit. 


83 


encore  l'orgueil  du  Québec.  Ce  n'est  là  qu'un  exemple  du  rôle  joué  par 
certains  seigneurs  dans  l'aménagement  villageois.  Il  existe  beaucoup 
d'autres  cas  où  leur  action  fut  tout  aussi  décisive,  même  avant  celle  de 
Louis-Joseph  Papineau,  par  exemple  à  Saint-Eustache,  établi  dans  le 
domaine  que  s'était  réservé  autrefois  le  seigneur  Eustache  Lambert 
Dumont  du  côté  nord  de  la  rivière  des  Mille  îles,  à  l'embouchure  de  la 
rivière  du  Chêne36. 

Ce  seigneur,  le  premier  d'une  longue  série,  ne  viendra  jamais 
habiter  sa  seigneurie,  du  moins  en  permanence,  laquelle  demeure  un 
espace  frontière  jusqu'à  la  fin  du  XVIIIe  siècle.  Décédé  en  1760,  c'est  à 
son  fils,  Eustache-Louis  Lambert  Dumont,  qu'il  reviendra  d'établir  le  fief. 
Dès  l'hiver  de  1762,  le  nouveau  seigneur  conclut  une  entente  avec 
François  Maisonneuve,  son  futur  homme  d'affaires,  pour  la  construction 
d'une  digue  et  de  deux  moulins  (à  farine  et  à  scie)  sur  le  cours  inférieur 
de  la  rivière  du  Chêne,  dans  ce  qui  deviendra  bientôt  le  haut  du  village. 
Huit  ans  plus  tard,  en  juin  1770,  il  cède  à  la  fabrique  une  pointe  de  terre 
d'une  superficie  de  sept  ou  huit  arpents  pour  la  construction  d'une 
église,  d'un  presbytère  et  d'un  cimetière,  en  plus  d'une  vieille  maison 
qui  sert  de  manoir  principal  et  dont  on  pourra  prendre  les  matériaux  pour 
la  construction  des  édifices  religieux.  Toutefois,  il  se  réserve  un  demi- 
arpent  de  terre  pour  aller  de  son  domaine  à  la  rivière  et  demande  qu'une 
quantité  de  pierre  équivalente  à  celle  qui  formait  la  cheminée  de  son 
ancien  manoir  lui  soit  remise,  afin  de  se  construire  une  nouvelle  rési- 
dence. 

C'était  déjà  définir  la  structure  interne  du  bourg  qui  allait  compren- 
dre deux  pôles  principaux  de  croissance,  l'un  sur  le  front  du  domaine 
autour  de  l'église  et  du  manoir,  et  l'autre  plus  au  nord  autour  du  moulin  à 
farine.  L'impulsion  est  donnée  :  les  édifices  prévus  sont  construits,  non 
sans  peine  cependant,  puisque  l'érection  de  l'église  ne  sera  réglée  par 
contrat  qu'en  1780,  soit  huit  ans  après  celle  du  presbytère,  et  qu'elle  ne 
s'achèvera  qu'en  1783.  Bientôt  une  Grande  Rue  se  dessine,  le  long  de 
laquelle  on  concède  les  premiers  emplacements.  En  1793,  un  premier 
coseigneur  apparaît,  Antoine  Lefebvre  de  Bellefeuille  qui,  en  épousant  la 
fille  du  seigneur  Dumont,  obtient  une  partie  de  la  seigneurie.  Il  s'installera 
au  village,  où  il  s'adonnera  au  commerce  du  bois  et  à  la  construction  de 
moulins  à  scie.  En  1807,  à  la  mort  du  seigneur  Dumont,  il  reconnaît  le 
fils  de  ce  dernier,  Eustache-Nicolas  Lambert  Dumont,  comme  seigneur 
principal  des  Mille-Îles  et  unique  propriétaire  du  moulin  banal.  Il  conserve 


36.  À  ce  sujet,  voir  Serge  Courville,  «  Minorités  ethniques  et  recherche  d'appartenance 
[...]  ».  PH,  XXXV(142),  1985,  p.  377-400. 


84 


toutefois  la  copropriété  d'un  terrain  de  plusieurs  dizaines  d'arpents  situé 
dans  le  haut  du  village,  face  au  moulin,  où  un  jardin  est  bientôt  aménagé 
qui  deviendra  un  modèle  du  genre.  Quant  au  nouveau  seigneur  Dumont, 
il  sera  surtout  connu  pour  la  part  active  qu'il  prendra  dans  l'amélioration 
de  l'agriculture  locale  et  dans  le  développement  institutionnel  du  village. 
À  la  demande  du  curé,  il. concède  à  la  fabrique  un  terrain  d'une  superficie 
de  près  de  trois  arpents  à  prendre  sur  son  domaine  pour  la  création  et  le 
soutien  d'une  école  élémentaire  (1825),  puis  participe  à  la  réfection  de 
l'église  et  à  la  construction  du  couvent,  deux  initiatives  dues  toutefois  au 
curé  Paquin  qui  en  fut  lui-même  le  maître  d'œuvre.  En  1815,  le  village 
compte  de  80  à  90  maisons.  Quelques  années  avant  les  troubles,  soit  en 
1831,  il  en  compte  150.  Il  est  alors  devenu  un  important  centre  d'affaires 
où,  selon  Bouchette,  les  marchands  «  carry  on  a  lucrative  commerce  », 
et  où  les  artisans  «  enjoy  an  easy  and  honest  livelihood  ».  Outre  qu'il  est 
doté  de  ponts  et  de  traverses  qui  le  relient  à  l'île  Jésus  et  aux  sei- 
gneuries voisines,  il  accueille  plusieurs  entreprises  dont  les  principales 
sont  «  a  brewery,  a  potash-work,  a  pottery,  two  tanneries,  a  manufactury 
for  cigars  and  tobacco  in  great  repute,  one  for  hats  and  another  for 
chairs,  ail  enjoying  considérable  réputation37  ». 

Un  autre  exemple  concerne  le  village  de  L'Industrie38,  né  des 
entreprises  de  Barthélémy  Joliette  qui,  après  avoir  épousé  l'aînée  des 
filles  de  Lanaudière  (1813)  et  géré  les  biens  de  la  famille  à  compter  de  la 
mort  de  Mme  de  Lavaltrie,  veuve  du  seigneur  de  Lanaudière  (1822), 
s'associe  avec  ses  deux  beaux-frères,  Pierre-Paul  Tarieu  de  Lanaudière 
(vite  évincé  de  l'affaire)  et  Pierre-Charles  Loedel,  pour  remembrer  le 
domaine  de  Saint-Paul,  y  construire  un  important  moulin  à  scie  (1823)  et 
établir  un  village  où  il  viendra  lui-même  résider  bientôt  (1825).  Joliette  et 
Loedel  procèdent  alors  à  un  premier  lotissement  et,  dès  novembre 
1824,  les  premières  parcelles  sont  concédées,  sous  forme  d'emplace- 
ments d'un  demi-arpent  de  front  sur  un  arpent  de  profondeur,  situés  le 
long  de  rues  perpendiculaires  au  chemin  qui  va  du  moulin  au  village  de 
Saint-Paul,  dont  l'une  porte  le  nom  de  «  rue  du  Marché  ».  En  1825,  on 
compte  16  nouvelles  concessions  et,  en  1826,  Barthélémy  Joliette  fait 
ériger  deux  manoirs  en  pierre  à  proximité  du  moulin,  l'un  pour  lui,  qu'il 
ne  pourra  habiter  que  trois  ans  plus  tard  à  cause  d'un  incendie,  et  l'autre 
pour  son  beau-frère  Loedel.  En  1829,  l'aveu  et  dénombrement  donne 
déjà  42  censitaires,  dont  35  possèdent  une  maison.  Le  village  de 
L'Industrie  est  né. 


37.  Joseph  Bouchette,  A  Topographical  Dictionary  of  the  Province  of  Lower  Canada. 
«  Mille  Isles  ». 

38.  Voir  Jean-Claude  Robert,  «  L'activité  économique  de  Barthélémy  Joliette  [...]  ». 


Par  la  suite,  Juliette  et  Loedel  multiplient  les  initiatives.  Dès  1837, 
un  édifice  en  bois  est  construit  pour  abriter  le  marché  et  un  second 
moulin  apparaît  sur  la  rivière  L'Assomption.  Puis,  vers  1840,  Joliette  lui- 
même,  profitant  des  revenus  du  bois,  se  lance  dans  une  série  d'entrepri- 
ses destinées  à  élargir  l'éventail  de  ses  activités  économiques.  Certaines 
sont  des  échecs  complets,  tels  cette  distillerie  rasée  par  le  feu  en  1841 
et  qui  ne  sera  jamais  reconstruite,  ou  cette  manufacture  de  verre  à 
laquelle  il  aurait  songé  mais  qui  ne  vit  jamais  le  jour,  ou  encore  son 
moulin  à  farine  dont  le  produit  a  toujours  été  de  qualité  inférieure. 
D'autres  sont  plus  heureuses  et  confirment  la  place  qu'occupera  désor- 
mais le  village  de  L'Industrie  dans  la  socio-économie  locale.  La  plus 
considérable  entreprise  est  l'établissement,  entre  les  années  1847  et 
1850,  d'un  chemin  de  fer  jusqu'au  fleuve  pour  acheminer  le  bois  vers  le 
marché  de  Québec.  Mais  la  plus  difficile  reste  sans  doute  la  construction 
d'une  église,  dont  la  requête  a  été  maintes  fois  rejetée  par  les  autorités 
religieuses  qui  ne  voyaient  là  qu'un  moyen  pour  Barthélémy  Joliette 
d'assurer  l'avancement  de  son  village.  Cette  autorisation  n'est  donnée 
qu'en  1841  pour  une  chapelle  remplacée  l'année  suivante  par  une  église 
dont  il  assumera  les  déficits.  Aussitôt  celle-ci  terminée,  Joliette  obtient 
l'érection  canonique  de  la  nouvelle  paroisse  (1843)  et  entreprend  la 
construction  d'un  collège  confié  aux  clercs  de  Saint-Viateur  en  1847.  À 
partir  de  cette  date  jusqu'à  sa  mort  en  1850,  il  en  assumera  également 
les  déficits  et  ce,  en  dépit  d'un  certain  ralentissement  de  ses  affaires.  Le 
village  est  alors  bien  établi  et  compte  environ  un  millier  d'habitants. 

Un  troisième  exemple  concerne  le  village  de  Saint-Hyacinthe39,  né 
près  du  moulin  banal  dans  le  domaine  de  la  Cascade,  autour  du  lieu 
pressenti  par  les  autorités  religieuses  pour  la  construction  d'une  église 
et  d'un  presbytère.  Dès  1771,  on  y  inhume  les  morts,  sur  un  terrain 
réservé  à  cette  fin  par  le  seigneur  et  concédé  par  la  seigneuresse.  Huit 
ans  plus  tard,  on  arrête  l'emplacement  de  l'église,  sur  le  coteau  de  la 
Cascade  près  du  moulin  banal,  sur  une  terre  également  concédée  par  le 
seigneur  qui  se  réserve  alors  à  proximité  un  second  domaine  de  270 
arpents  comprenant,  entre  autres,  la  presqu'île  de  la  Cascade  où  le 
village  s'étendra  plus  tard.  En  1780,  l'église  et  le  presbytère  sont 
construits,  et  on  songe  déjà  aux  premiers  lotissements.  Toutefois,  il 
faudra  attendre  l'expansion  du  peuplement  avant  que  les  emplacements 
prévus  ne  puissent  être  concédés.  Le  mouvement  s'amorce  à  compter 
de  1794;  après  cette  date  et  jusqu'en  1805,  on  procède  à  68  conces- 
sions, soit  un  total  de  134  emplacements  de  7  200  pieds  carrés  chacun 


39.  Voir  Christian  Dessureault,  «  Les  fondements  de  la  hiérarchie  sociale  [...]  ». 
86 


(90  sur  80  pieds),  cédées  selon  l'usage  sans  garantie  de  mesure  précise 
et  à  charge  pour  l'acquéreur  de  les  faire  arpenter.  Enfin,  en  1796,  le 
seigneur  Hyacinthe-Marie  Delorme  concède  deux  terrains  dans  le  voisi- 
nage du  moulin  et  de  l'église  pour  une  place  de  marché.  En  1805,  le 
bourg  compte  environ  90  maisons  et  un  peu  plus  de  300  habitants,  et 
déjà  s'affirment  les  fonctions  qui  en  feront  plus  tard  un  important  centre 
régional. 

De  tous  les  villages  apparus  pendant  la  période,  Saint-Hyacinthe 
est  sans  doute  celui  qui  connaîtra  la  croissance  la  plus  rapide.  Très  tôt 
appuyés  par  le  clergé,  les  seigneurs  interviennent  non  seulement  dans 
son  aménagement  physique,  mais  aussi  dans  la  mise  en  place  d'équipe- 
ments stratégiques  dont  la  construction  est  rendue  nécessaire  par 
l'expansion  du  peuplement  régional.  Ces  équipements  seront  à  la  fois 
cause  et  effet  de  cette  croissance.  De  plus,  ils  confèrent  au  bourg  une 
place  qui  lui  permettra  de  supplanter  les  villages  voisins.  En  effet, 
jusqu'à  l'apparition  du  bourg  à  la  fin  du  XVIIIe  siècle  et  même  jusque  vers 
1815,  la  communauté  locale  est  subordonnée  au  village  voisin  de  Saint- 
Denis,  qui  fait  alors  figure  de  petite  métropole  régionale.  L'arrivée 
massive  de  nouveaux  colons  au  début  du  siècle  modifie  cette  vocation. 
Parce  qu'il  est  au  centre  des  différents  secteurs  de  la  plaine  maskou- 
taine  et  qu'il  comprend  tous  les  équipements  de  prestige  de  la  sei- 
gneurie, le  domaine  de  Saint-Hyacinthe  fait  vite  figure  de  carrefour 
stratégique,  où  marchands  et  artisans  gagnent  à  s'installer.  Ils  y  vien- 
dront d'autant  plus  aisément  qu'il  est  doté  d'une  infrastructure  d'accueil 
favorable  et  qu'il  est  le  lieu  de  pouvoirs  importants  (ecclésiastique, 
seigneurial,  etc.).  Que  les  redevances  sur  les  emplacements  s'élèvent  à 
plus  de  six  livres  ancien  cours  ou  que  les  contrats  de  concession  soient 
assortis  de  réserves  qui  obligent  à  des  constructions  de  qualité  ou 
interdisent  les  ventes  ou  les  transports  en  mainmorte  (les  seigneurs 
feront  pourtant  une  exception  pour  le  terrain  du  collège)  importe  peu, 
bien  au  contraire.  Comme  tous  les  bourgs  où  résident  des  familles 
seigneuriales  aisées,  celui  de  Saint-Hyacinthe  offre  des  avantages  qui 
compensent  largement  le  coût  qu'entraîne  le  fait  de  s'y  établir. 

Enfin,  on  a  un  exemple  similaire  avec  Massueville,  né  des  initiati- 
ves d'un  marchand  de  Varennes,  Aimé  Massue,  qui  achète  dès  1833  les 
fiefs  Bonsecours  et  Saint-Charles.  L'année  suivante,  il  fait  réaliser  un 
premier  plan  de  son  futur  village  et  cède  un  terrain  à  la  fabrique  pour  la 
construction  d'une  église.  En  1835,  année  de  la  construction  de  son 
manoir,  il  acquiert  les  seigneuries  voisines  de  Bourchemin-Ouest  et  de 
Bourgmarie-Ouest,  vraisemblablement  pour  y  exploiter  des  moulins.  Un 


87 


deuxième  plan  est  alors  réalisé,  qui  lancera  le  village,  sur  le  site  même 
où  les  premiers  seigneurs  de  l'endroit  avaient  établi  leur  domaine40. 

Les  facteurs  d'explication 

Comment  expliquer  ce  rôle  des  titulaires  de  fiefs  dans  l'aménage- 
ment de  l'espace  villageois?  Pour  en  saisir  les  motifs,  il  faut  remonter 
aussi  loin  que  les  XVIIIe  et  XVIIe  siècles,  c'est-à-dire  lors  des  premiers 
établissements  seigneuriaux  de  la  vallée  du  Saint-Laurent.  En  effet,  en 
comparant  les  cartes  du  XIXe  siècle  à  celles  du  Régime  français  et  celles- 
ci  aux  cartes  topographiques  modernes,  on  constate  qu'à  l'exception  de 
quelques  bourgs  apparus  plus  tard  dans  les  seigneuries  de  l'intérieur,  la 
situation  des  principaux  chefs-lieux  du  territoire  seigneurial  est  définie 
depuis  longtemps  lorsque  s'amorcent  les  premiers  lotissements.  Elle 
correspond  aux  sites  où  s'étaient  d'abord  établis  les  seigneurs,  à  l'em- 
bouchure des  rivières  où  il  était  plus  facile  d'entreprendre  la  mise  en 
valeur  du  fief.  De  là  à  y  construire  un  quai,  près  duquel  s'élèveraient 
bientôt  le  manoir,  puis  le  moulin  et  l'église,  et  divers  autres  équipements 
nécessaires  aux  échanges,  il  n'y  eut  souvent  qu'un  pas  vite  franchi  pour 
préparer  la  venue  éventuelle  d'un  village.  Mais  à  cette  raison  d'ordre 
structurel  s'ajoutent  des  motifs  d'ordre  économique.  En  effet,  comme  le 
peuplement  de  la  seigneurie  dépend  souvent  des  services  qu'on  y 
trouve,  le  seigneur  a  tout  intérêt  à  les  y  introduire  ou  à  en  favoriser  la 
venue,  par  des  concessions  appropriées  de  terres  ou  de  parcelles 
situées  non  loin  du  lieu  initial  d'établissement,  contribuant  ainsi  à  sa 
densification  progressive.  En  outre,  comme  la  parcelle  dans  le  village 
justifie  en  général  des  taux  de  rente  supérieurs  à  ceux  des  côtes,  encore 
que  cette  pratique  soit  surtout  caractéristique  du  XIXe  siècle,  c'était  là.  un 
moyen  supplémentaire  de  rentabiliser  la  seigneurie.  Enfin,  il  faut  égale- 
ment tenir  compte  du  prestige  que  confère  au  titulaire  de  fief  l'établis- 
sement d'un  bourg  respectable  dans  sa  seigneurie,  surtout  quand  celui- 
ci  regroupe  une  population  et  des  équipements  de  qualité. 

Ces  motifs  ne  changent  pas  après  1760.  Au  contraire,  on  assiste 
à  leur  renforcement,  surtout  après  1800,  avec  l'expansion  du  commerce 
du  blé,  du  bois  et  des  produits  associés  (par  exemple,  la  potasse  dont  la 
demande  est  forte  sur  le  marché  britannique),  et  enfin  de  tout  le  négoce 
intérieur  qui  profite  d'une  demande  accrue,  non  seulement  pour  les 
denrées  alimentaires,  mais  aussi  pour  les  produits  ouvrés  et  manufactu- 
rés. Pour  beaucoup  de  seigneurs,  il  se  produit  alors  ce  qu'on  a  déjà  pu 


40.  Pour  l'histoire  de  ce  village,  voir  O.-M.  Lapalice,  op.  cit. 


observer  dans  certains  pays  d'Europe  :  la  conversion  de  plusieurs  d'entre 
eux  à  l'industrie  rurale  rendue  d'autant  plus  facile  au  Québec  que 
plusieurs  titulaires  de  fiefs  sont  des  marchands  qui  ont  partie  liée  avec  le 
monde  du  commerce,  de  l'industrie  et  des  transports,  et  qui  aspirent  à 
l'utilisation  libre  du  sol  et  des  cours  d'eau,  sans  parler  des  honneurs  que 
leur  apporte  leur  titre.  Certains  tirent  parti  des  agglomérations  existantes 
pour  y  établir  des  moulins  ou  des  fabriques  qui  donneront  un  nouvel  élan 
au  village,  ou  en  créent  parfois  de  nouvelles  dont  les  emplacements  sont 
en  outre  concédés  ou  vendus  à  prix  fort.  Ils  profitent  de  leurs  alliances 
avec  tous  les  agents  de  la  vie  politique,  économique  et  sociale  pour 
élargir  le  champ  de  leurs  activités  traditionnelles.  Par  exemple,  dans  la 
seigneurie  de  la  Petite-Nation,  les  entreprises  des  Papineau  et  de  leurs 
associés  sont  à  l'origine  de  beaucoup  de  scieries  autour  desquelles 
naîront  bientôt  des  hameaux.  De  même,  dans  la  seigneurie  de  Lotbinière, 
un  petit  bourg  se  développe  près  de  la  scierie  du  seigneur  Joly  qui 
prévoit  même  la  construction,  à  proximité,  de  résidences  destinées  aux 
employés  du  moulin.  On  observera  le  même  phénomène  près  du  moulin 
de  Saint-Roch-des-Aulnaies.  Cette  situation  ressemble  à  celle  de  certains 
quartiers  de  petites  villes  industrielles  de  la  Nouvelle-Angleterre,  à  cette 
différence  près  que  l'échelle  n'est  pas  du  même  ordre  ici. 

Telle  est  l'origine  de  beaucoup  de  villages  apparus  durant  la 
première  moitié  du  XIXe  siècle,  tant  sur  les  rives  du  fleuve  qu'à  l'intérieur 
des  terres  où  les  seigneurs  s'étaient  aussi  réservé  des  domaines  secon- 
daires. Nés  souvent  de  décisions  anciennes,  mais  qui  n'avaient  pu  se 
concrétiser  jusque-là,  ces  villages  devront  leur  création  puis  leur  crois- 
sance aux  équipements  qu'y  implantent  les  seigneurs  en  association 
souvent  très  étroite  avec  des  collaborateurs  qu'ils  auront  eux-mêmes 
recrutés  ou  qui  les  auront  sollicités  à  cette  fin.  On  le  voit  d'ailleurs  très 
nettement  sur  les  plans  de  villages:  ceux-ci  ne  comportent  pas  toujours 
d'indications  quant  à  l'origine,  la  propriété  ou  la  nature  des  équipements 
retrouvés  dans  le  bourg,  mais  tous  ou  presque  font  état  de  lotissements 
ou  de  projets  de  lotissements  dont  la  régularité  du  découpage  en  dit 
long  sur  le  rôle  ou  les  intentions  des  seigneurs. 

Les  succès  de  ces  entreprises  seigneuriales  demeurent,  on  l'a  vu, 
très  divers,  comme  la  nature  des  interventions.  Mais  si  l'on  ne  peut  faire 
du  rôle  des  seigneurs  un  absolu  dans  l'explication  du  phénomène 
villageois,  on  ne  saurait  non  plus  le  banaliser.  En  effet,  si  certains  se  sont 
montrés  passifs  et  se  sont  contentés  de  répondre  aux  besoins  ou  aux 
pétitions  du  moment,  d'autres  ont  été  beaucoup  plus  actifs,  parce  qu'ils 
voyaient  l'établissement  d'un  village  comme  un  moyen  de  rentabiliser  la 


89 


seigneurie.  Toutefois,  même  s'ils  recherchent  les  bénéfices,  ils  crai- 
gnent les  désordres,  car  si  l'expansion  rapide  du  peuplement  favorise  le 
développement  des  bourgs,  elle  peut  aussi  être  une  source  d'ennuis 
graves  et  conduire  à  une  croissance  désordonnée  des  villages.  En  outre, 
si  cette  expansion  profite  à  l'économie  locale,  en  favorisant  notamment 
la  montée  des  activités  marchandes,  elle  peut  aussi  lui  nuire  en  suscitant 
des  contraintes  dont  souffrira  le  bourg.  Aussi  certains  seigneurs  tentent- 
ils  d'en  régir  la  croissance  en  limitant  le  nombre  d'emplacements  à 
concéder  ou  en  adoptant  une  logique  de  concession  du  sol  qui  favorise 
une  plus  grande  harmonie  des  activités  économiques  dans  l'espace.  Tel 
semble  avoir  été  le  cas  de  Bourg-Saint-Louis  à  Neuville,  où  l'on  a  pu 
observer  des  préoccupations  en  ce  sens.  Peut-être  est-ce  le  cas  ailleurs 
également.  Toutefois,  il  ne  s'agit  pas  de  verser  ici  dans  l'anachronisme 
et  de  voir  des  plans  modernes  d'urbanisme  là  où  le  simple  bon  sens 
était  en  cause.  Mais,  compte  tenu  de  la  montée  du  rationalisme  à 
l'époque  et  de  l'importance  accordée  à  l'aménagement  des  seigneuries, 
il  faut  reconnaître  qu'il  existe  de  sérieux  indices  qui  montrent  que 
l'action  des  seigneurs  a  peut-être  été  beaucoup  plus  consciente  qu'on 
ne  le  croit  généralement.  Quoi  qu'il  en  soit,  dans  beaucoup  de  villages, 
c'est  aux  seigneurs  surtout  qu'il  revient  d'avoir  assuré  la  mise  en  place 
des  infrastructures  initiales;  tout  ce  qui  est  venu  par  la  suite  a  dû  s'y 
adapter.  Cependant,  c'est  finalement  à  la  population  elle-même  qu'il 
reviendra  d'aménager  le  bourg  dans  ce  qu'il  a  de  plus  intime.  Il  convient 
donc  que  l'on  s'y  attarde,  d'autant  plus  que  son  évolution  sanctionne 
celle  des  bourgs,  avec  ses  mouvements  en  avant  ou  ses  reculs. 


90 


**É£* 


Saint-Denis,  de  Philip  John  Bainbrigge,  aquarelle,  1837.  ANC,  C-2060. 


Chambly,  de  Philip  John  Bainbrigge,  aquarelle,  1838.  ANC,  C-11856. 


LA  POPULATION  VILLAGEOISE 


Décrire  une  population,  c'est  forcément  aborder  sa  démographie 
tout  autant  que  sa  sociologie.  Dans  nos  travaux,  nous  avons  tenté 
d'observer  les  grands  traits  de  la  population  villageoise  -  la  rapidité  de 
sa  croissance,  sa  structure  par  âge  et  par  sexe,  sa  composition  ethnique, 
l'éventail  de  ses  activités,  ses  clivages  économiques  et  sociaux  -,  pour 
en  saisir  les  contrastes  dans  le  temps  et  dans  l'espace.  Ce  qui  ressort 
globalement  de  ce  constat,  c'est  le  caractère  intermédiaire  de  cette 
population  qui,  tout  en  demeurant  essentiellement  rurale,  épouse  parfois 
certains  traits  citadins,  notamment  dans  les  bourgs  où  existe  un  nombre 
de  notables  important,  comme  dans  ceux  où  le  nombre  de  marchands  et 
d'artisans  spécialisés  est  élevé  et  où  s'affirment  des  minorités  ethniques 
aisées.  Mais  cette  situation  est  loin  d'être  générale  car  à  l'époque 
nombreux  sont  les  bourgs  qui  ne  bénéficient  d'aucune  fonction  entraî- 
nante, sinon  celles  que  leur  confèrent  leur  position  dans  l'espace  ou  la 
présence  sur  place  d'un  moulin  ou  d'une  fabrique  qui  assurent  leur 
existence.  C'est  le  cas  de  bien  des  bourgs  agraires,  dont  la  taille  est  tout 
juste  suffisante  pour  accueillir  un  prêtre,  un  marchand,  quelques  arti- 
sans, ce  qui  en  fait  de  petits  centres  de  services  pour  les  côtes 
avoisinantes.  Dans  ces  agglomérations,  la  ville  reste  un  univers  plus 
lointain,  tamisé  par  l'intermédiaire  du  chef-lieu  dont  elles  dépendent. 

LES  SOURCES 

S'il  est  un  aspect  complexe  du  village,  c'est  bien  celui  de  sa 
population  :  non  seulement  ne  se  laisse-t-elle  jamais  bien  cerner,  mais 


3 


93 


rarement  fait-elle  l'objet  de  relevés  fiables  et  complets.  Elle  impose 
toujours  une  double,  voire  une  triple  comptabilité,  dans  des  sources 
aussi  diverses  que  les  recensements,  les  registres  d'état  civil  ou  les 
archives  paroissiales  ou  diocésaines.  Possible  dans  le  cadre  d'études 
locales,  cette  démarche  ne  l'est  plus  quand  l'observation  s'étend  à  un 
vaste  territoire.  Il  faut  alors  avoir  recours  au  recensement  qui,  en  dépit 
de  ses  limites  -  et  elles  sont  nombreuses1  -,  fournit  suffisamment 
d'indications  sur  la  population  des  bourgs  pour  que  l'on  puisse  en 
mesurer  les  contours,  surtout  quand  ils  sont  mis  en  rapport  avec 
d'autres  sources,  les  répartitions  d'église  par  exemple,  et  validés  par 
différents  moyens  de  vérification2,  qui  ne  peuvent  cependant  pas  tout 
résoudre3.  C'est  donc  surtout  le  recensement  que  nous  avons  privilégié 
ici  pour  tenter  d'appréhender  la  population  villageoise  et  en  décrire  les 
traits.  Toutefois,  comme  cette  source  n'est  pas  disponible  pour  1815,  il 
nous  a  aussi  fallu  avoir  recours  à  l'ouvrage  de  Bouchette,  qui  ne  fournit 
pas  beaucoup  d'indications  sur  le  sujet  mais  permet  tout  de  même 
certaines  observations  intéressantes. 


1.  Plusieurs  confusions  et  omissions  rendent  leur  exploitation  difficile:  erreurs  d'addi- 
tion, illisibilité  de  certaines  listes  ou  de  certains  caractères,  multiplication  des 
systèmes  d'enregistrement  des  données  (classes  d'âge,  âge  au  dernier  anniver- 
saire, etc.),  sous-enregistrement  de  certaines  informations,  surenregistrement  de 
certaines  autres  telles  que  naissances,  décès,  personnes  absentes,  filles  encore 
pubères,  métiers  féminins,  etc. 

2.  Au  recensement  de  1831,  par  exemple,  le  nombre  total  d'individus  déclarés  dans  le 
ménage  ne  correspond  pas  toujours  au  résultat  obtenu  par  l'addition  des  individus 
déclarés  par  tranche  d'âge;  par  ailleurs,  le  nombre  d'enfants  enregistrés  sous  les 
mentions  «  de  cinq  ans,  et  au-dessous  »  et  «  au-dessus  de  cinq  et  au-dessous  de 
14  ans  »  inclut  tantôt  des  garçons,  tantôt  des  filles,  tantôt  les  deux,  ce  qui  nous  a 
imposé  de  revoir  les  déclarations  cas  par  cas.  Au  recensement  de  1851-1852,  les 
séquences  d'enregistrement  des  vivants  ne  sont  pas  toujours  consécutives  et  les 
noms  ne  correspondent  pas  à  ceux  des  chefs  de  ménage  enregistrés  dans  le 
dénombrement  agraire.  La  plupart  du  temps,  les  listes  ont  pu  être  réordonnées  et 
les  données  corrigées.  Toutefois,  des  cas  subsistent  où  les  difficultés  n'ont  pu  être 
résolues,  même  en  ayant  recours  à  d'autres  sources  témoins  comme  les  cadastres 
abrégés  des  seigneuries  de  1861  pour  ce  qui  est  des  séquences  d'enregistrement 
des  occupants  de  terre.  Pour  éviter  qu'elles  ne  faussent  l'analyse,  nous  n'en  avons 
pas  tenu  compte  dans  nos  calculs  qui  ne  portent  que  sur  les  données  les  plus 
sûres. 

3.  Au  recensement  de  1831,  l'âge  de  la  population  ne  nous  est  connu  que  par  une 
information  cumulée  par  tranche  d'âge,  contrairement  à  celui  de  1851  où  l'âge  «  au 
jour  anniversaire  suivant  »  de  chaque  individu  est  précisé.  Pour  rendre  les  données 
comparables  dans  le  temps,  il  nous  a  donc  fallu  regrouper  l'information  de  1851  en 
catégories  qui  épousent  les  seuils  de  1831,  ce  qui  permet  d'intéressantes  observa- 
tions, mais  nous  prive  de  beaucoup  de  renseignements  et  introduit  une  légère 
distorsion  entre  les  séries.  Les  études  de  cas  ne  peuvent  combler  tout  à  fait  ces 
lacunes. 


94 


LES  TRAITS  DEMOGRAPHIQUES 

L'une  des  premières  grandes  caractéristiques  du  paysage  villa- 
geois au  cours  de  la  première  moitié  du  XIXe  siècle  concerne  l'important 
écart  de  taille  qui  distingue  les  bourgs  entre  eux.  À  une  extrémité  de  la 
courbe,  on  observe  d'abord  une  foule  de  petits  établissements,  des 
hameaux  en  fait,  ou  plutôt  des  nodules  en  formation,  qui  ne  réunissent 
encore  que  quelques  dizaines  d'habitants;  à  l'autre,  de  très  grosses 
agglomérations,  qui  ne  méritent  déjà  plus  l'appellation  de  villages  mais 
celle  de  gros  bourgs  urbains  dont  les  effectifs  dépassent  le  millier 
d'habitants,  quand  ils  n'en  comptent  pas  deux  ou  même  trois  comme 
c'est  le  cas  de  quelques-uns  au  milieu  du  siècle;  entre  ces  deux  points 
extrêmes,  plusieurs  noyaux  qui  tiennent  franchement  du  village,  disper- 
sés autour  de  valeurs  moyennes  (voir  les  figures  12  et  13  et  l'annexe  C). 

Cumulées  pour  l'ensemble  de  la  période,  les  données  montrent 
une  croissance  extrêmement  rapide  des  effectifs  villageois  qui  passent 
de  moins  de  20  000  habitants  en  1 81 54,  à  plus  de  45  000  en  1 831 ,  puis  à 
plus  de  88  000  en  1851,  soit  une  augmentation  moyenne  supérieure  à 
4%  par  année  pour  l'ensemble  de  la  période;  c'est  plus  que  le  taux  de 
croissance  de  la  population  qui  vit  dans  les  côtes  (voir  le  tableau  16). 
C'est  davantage  aussi  que  le  taux  de  croissance  de  la  population  urbaine 
ou  même  que  celui  de  la  population  du  Bas-Canada  (voir  les  tableaux 
6  et  7).  Toutefois,  on  remarque  des  distinctions  majeures  entre  les 
régions;  les  bourgs  les  plus  populeux  demeurent,  en  1831,  ceux  des 
régions  de  Montréal  qui  comptent  plus  de  280  habitants  en  moyenne,  de 
Trois-Rivières  (166  habitants),  de  Québec  (165  habitants)  et,  en  1851, 
ceux  des  régions  de  Montréal  (415  habitants)  et  de  Québec  (280 
habitants),  puis  de  la  région  de  Trois-Rivières  (243  habitants).  On  consta- 
te également  des  différences  entre  la  rive  nord  et  la  rive  sud  du  fleuve  : 
la  rive  sud  comporte  en  général  davantage  de  gros  bourgs  que  la  rive 
nord,  sauf  dans  la  région  de  Trois-Rivières  où  la  situation  des  deux  rives, 
s'inverse  (voir  le  tableau  17),  en  raison  peut-être  de  l'absence  de 
certaines  données  (celles  de  Nicolet,  par  exemple,  en  1851).  Dans  ce 
dernier  cas,  ce  facteur  ne  semble  pas  déterminant,  car  la  rive  sud 


4.  Sur  la  base  de  cinq  personnes  en  moyenne  par  maison,  le  calcul  donne  environ 
10150  habitants  dans  les  bourgs  dénombrés  par  Bouchette;  à  six  personnes  par 
ménage,  il  indique  un  peu  plus  de  12  900  habitants,  auxquels  il  faut  encore  ajouter 
tous  ceux  qui  habitent  la  vingtaine  de  bourgs  dont  Bouchette  ne  précise  pas  le 
nombre  de  maisons.  Toutefois,  comme  il  s'agit  en  général  de  hameaux,  la  popula- 
tion villageoise  de  1815  ne  dépasse  probablement  pas  16  000  ou  17  000  habitants. 


95 


Figure  12 
TAILLE  DES  BOURGS  (1831,  1851) 


2000  -, 


1831 


■ 1 

100  200  300 

nombre  de  noyaux 


4000 


3000- 


I 

5    2000 


1000 


□  G 


1851 


100  200 

nombre  de  noyaux 


— i 
300 


Sources:  ANC,  Recensements  du  Bas-Canada,  1831  et  1851-1852. 


96 


Figure  13 
POPULATION  VILLAGEOISE  (1815,  1831,  1851) 


Laboratoire  de  cartographie,  Département  de  géographie,  Université  Laval. 


Laboratoire  de  cartographie,  Département  de  géographie,  Université  Laval. 


^fisnr  \       ■  te* 


LA    POPULATION    VILLAOIOIIE    IN    1IB1 


Laboratoire  de  cartographie,  Département  de  géographie,  Université  Laval. 


97 


Tableau  16 

CROISSANCE  COMPARÉE  DE  LA  POPULATION  VILLAGEOISE  (1815, 1831, 1851) 
(aire  seigneuriale  seulement*) 


Évolution  de  la  population 

Année 

Rurale 

Villageoise 

Des  côtes 

181 5  (estimation) 

1831 

1851 

283100 
384  386 
604  307 

20  000 
46  408 
88  377 

263100 
337  978 
515  930 

Taux  de 

croissance  annuel  moyen  de  la 

population  (%) 

Période 

Rurale 

Villageoise 

Des  côtes 

1815-1831 
1831-1851 
1815-1851 

1,93 
2,29 
2,13 

5,40 
3,27 
4,21 

1,58 
2,14 
1,89 

*  Ne  comprend  que  la  population  des  districts  de  Montréal,  de  Trois-Rivières  et  de  Québec,  sans  le  district 
de  Gaspé. 
Sources  :  Joseph  Bouchette,  Description  topographique  de  la  province  du  Bas-Canada,  1815;  ANC,  Recensements 
du  Bas-Canada,  1831  et  1851-1852. 


trifluvienne  s'est  développée  différemment  et  plus  tardivement  que  la 
rive  nord  et  bénéficiait  de  moins  d'avantages  sur  le  plan  économique5. 

Cette  suprématie  apparente  de  la  rive  sud  doit  pourtant  être 
nuancée  car,  jusqu'à  la  fin  des  années  1830  et  peut-être  1840,  c'est  sur 
la  rive  nord  du  fleuve  que  le  village  occupe  le  plus  de  place  dans  le  profil 
démographique  local.  En  1831  par  exemple,  environ  13,5  %  de  la  popula- 
tion rurale  vit  dans  des  bourgs:  15,1  %  dans  la  région  de  Montréal, 
12,1  %  dans  celle  de  Québec  et  8,7%  dans  celle  de  Trois-Rivières.  À 
elle  seule,  la  rive  nord  en  accueille  la  plus  grande  part  et  ce,  quelle  que 
soit  la  région,  encore  que  dans  celle  de  Montréal  l'écart  avec  la  rive  sud 
soit  moins  grand  que  dans  les  deux  autres  régions.  Par  contre,  en  1851, 
on  observe  une  situation  inverse:  sauf  dans  la  région  de  Trois-Rivières 
où  11,5  %  de  la  population  des  localités  vivent  dans  des  bourgs,  partout 
ailleurs  la  rive  sud  domine  avec  des  écarts  parfois  substantiels,  qui 
oscillent  entre  18%  et  24%  du  total.  Mais  c'est  dans  l'archipel  de 


5.  Sur  la  rive  nord  par  exemple,  l'exploitation  forestière  et  l'industrie  métallurgique 
existent  depuis  longtemps  et  chaque  bourg  est  plus  ou  moins  mêlé  à  la  vie  du 
fleuve  en  raison  des  conditions  de  navigation  particulières  sur  le  lac  Saint-Pierre.  À 
ce  sujet,  voir  Serge  Courville,  Jean-Claude  Robert  et  Normand  Séguin,  «  La  vie  de 
relation  dans  l'axe  laurentien  au  XIXe  siècle:  l'exemple  du  lac  Saint-Pierre  »,  ABPO, 
95(4),  1988,  p.  347-359. 


Tableau  17 
PLACE  DU  BOURG  DANS  LE  PAYSAGE  HUMAIN  DE  LA  LOCALITÉ  (1831, 1851)' 


Population 

moyenne 

En  %  de  la  population 

NNO 

des  bourgs 

de  la  localité 

Secteur 

1831 

1851 

1831 

1851 

1831 

1851 

District  de  Montréal 

Archipel 

7 

19 

203,71 

376,84 

14,93 

29,95 

Autre  île 

1 

28,00 

2,58 

Péninsule 

8 

11 

178,88 

247,82 

11,87 

18,39 

Rive-Nord 

38 

40 

276,29 

343,40 

16,47 

18,73 

Sans  levill.  amérindien 

37 

39 

266,59 

336,18 

15,64 

18,03 

Rive-Sud 

48 

59 

339,42 

533,02 

16,04 

23,97 

Sans  levill.  amérindien 

47 

58 

324,30 

520,50 

15,17 

23,30 

Total 

101 

130 

293,54 

423,83 

15,86 

22,55 

Sans  lesvill.  amérindiens 

99 

128 

282,45 

415,73 

15,10 

21,98 

District  de  Trois-Rivières 

Rive-Nord 

10 

13 

203,00 

274,31 

11,35 

13,39 

Sans  Les  Forges 

9 

12 

188,33 

264,08 

9,66 

12,32 

Rive-Sud 

11 

10 

163,27 

199,20 

8,21 

9,51 

Sans  lesvill.  amérindiens 

10 

8 

146,40 

212,38 

7,82 

10,25 

Total 

21 

23 

182,19 

241,65 

9,62 

11,68 

Sans  lesvill.  amérindiens 

20 

21 

174,70 

250,71 

9,55 

12,18 

Sans  Les  Forges 

19 

20 

166,26 

243,40 

8,71 

11,51 

District  de  Québec 

îles 

8 

6 

78,13 

147,67 

14,87 

20,30 

Rive-Nord 

24 

35 

151,21 

182,91 

13,89 

19,22 

Sans  levill.  amérindien 

23 

34 

150,26 

181,88 

13,23 

18,69 

Rive-Sud 

46 

58 

188,70 

352,29 

11,58 

19,99 

Total 

78 

99 

165,82 

280,01 

12,28 

19,82 

Sans  levill.  amérindien 

77 

98 

165,73 

280,64 

12,12 

19,69 

Total 

200 

252 

232,04 

350,70 

13,98 

20,46 

Sans  lesvill.  amérindiens 

196 

247 

225,60 

348,11 

13,52 

20,23 

Sans  Les  Forges 

195 

246 

225,04 

347,91 

13,43 

20,18 

*  Le  calcul  ne  porte  que  sur  les  localités  qui  comprennent  un  bourg. 
NNO  :  Nombre  de  noyaux  observés. 
Sources:  ANC,  Recensements  du  Bas-Canada,  1831  et  1851-1852. 


99 


Montréal  que  cette  part  est  la  plus  élevée,  car  près  de  30%  de  la 
population  habitent  les  bourgs,  contre  moins  de  15  %  en  1831 .  Il  est  vrai 
que  ces  données  sont  partielles,  puisque  le  recensement  de  la  partie 
rurale  de  l'île  de  Montréal  n'a  pas  été  retrouvé.  Néanmoins,  en  ne 
considérant  que  les  îles  pour  lesquelles  on  dispose  de  telles  données6 
(île  Jésus,  île  Bizard  et  île  Perrot),  on  constate  une  progression  impor- 
tante de  la  part  de  population  qui  réside  dans  les  bourgs  entre  1831  et 
1851,  sauf  dans  l'île  Perrot  où  le  petit  village  de  Sainte-Jeanne  semble 
avoir  connu  une  décroissance.  Quant  à  la  situation  dans  l'île  de  Mont- 
réal, elle  est  on  ne  peut  plus  explicite:  plus  de  35%  de  la  population 
rurale  vivent  dans  les  bourgs  (voir  le  tableau  18). 

Ce  qui  frappe  également  dans  cette  population,  c'est  le  caractère 
très  distinctif  de  son  profil  par  âge  et  par  sexe.  En  effet,  en  comparant 
les  données  de  population  recueillies  pour  les  bourgs  à  celles  de  la 
population  totale  du  Bas-Canada,  on  constate  des  écarts  qui  suggèrent 
une  situation  différente  sur  le  plan  démographique,  intermédiaire  entre  la 
campagne  et  la  ville,  mais  où  s'affirment  des  traits  particuliers  (voir  le 
tableau  19). 


Tableau  18 
BOURGS  DE  L'ARCHIPEL  MONTRÉALAIS  (1831, 1851) 

Population  moyenne        En  %  de  la  population 
NNO  des  bourgs  de  la  localité 


iiea  ut; 

l'archipel 

1831 

1851 

1831 

1851 

1831 

1851 

île  de  Montréal 
île  Jésus 
île  Bizard 
île  Perrot 

5 
1 
1 

14 
3 
1 
1 

253,20 

22,00 

138,00 

393,21 
457,00 
177,00 
107,00 

15,88 

2,75 

17,67 

35,01 
21,63 
18,63 
12,01 

Total 

7 

19 

203,71 

376,84 

14,93 

29,95 

NNO  :  Nombre  de  noyaux  observés. 
Sources:  ANC,  Recensements  du  Bas-Canada,  1831  et  1851-1852. 


6.  Et  non  celles  des  localités  dont  les  limites  ont  pu  changer  entre  1831  et  1851 .  À  ce 
sujet,  voir  Serge  Courville  (dir.),  Jacques  Crochetière,  Philippe  Desaulniers  et 
Johanne  Noël,  Paroisses  et  municipalités  de  la  région  de  Montréal  au  XIXe  siècle 
(1825-1861)  [...]. 


100 


Tableau  19 
STRUCTURE  DE  LA  POPULATION  AU  BAS-CANADA  (1831, 1851) 


Répartition  par  sexe  (adultes  seulement) 

Jeunes 

1831 

s        r 

1851 

Entité  observée 

1831 

(%) 

1851 

(%) 

Hommes 

(%) 

Femme: 

(%) 

lommes        I 

(%) 

Femmes 

(%) 

Villages 

Données  brutes 
Données  de  l'échantillon 

65,19 
41,14 

44,38 
40,35 

49,73 
50,08 

50,27 
49,92 

49,05 
48,44 

50,95 
51,96 

Bas-Canada 

Sans  les  villes 

44,17 
45,24 

43,78 
45,52 

50,68 
51,18 

49,32 
48,82 

49,55 
49,73 

50,45 
50,27 

Villes 

Montréal 
Québec 

35,00 
35,41 
34,56 

37,93 
40,25 
34,75 

40,07 
47,48 
46,66 

52,93 
52,52 
53,34 

45,17 
45,58 
51,58 

51,42 
54,42 
48,42 

Population  adulte 

Hommes 
de  m 
de  30 
es 

1831 
(%) 

1831 

1851 

>  mariés 
oins 

Entité  observée 

Jeunes 
gens 

(%) 

Adultes 

(%) 

Personnes 
âgées 

(%) 

Jeunes 
gens 

(%) 

Personn 
Adultes     âgées 

(%)          (%) 

I  ans 

1851 

(%) 

Villages 

Données  brutes 
Données  de  l'échantillon 

6,99 
6,83 

19,23 
43,97 

8,59 
8,06 

7,12 
7,79 

39,78 
42,45 

8,72 
9,41 

21,16 
21,81 

23,56 
23,43 

Bas-Canada 

Sans  les  villes 

7,09 
7,14 

40,76 
39,56 

7,98 
8,06 

5,59 
5,64 

43,29 
42,53 

7,35 
7,31 

21,25 
21,02 

24,10 
23,89 

Villes 

Montréal 
Québec 

6,72 
6,50 
6,94 

51,00 
50,23 
51,76 

7,29 
7,82 
6,74 

5,20 
5,31 
5,04 

49,27 
48,65 
50,11 

7,60 

5,79 

10,99 

23,06 
24,00 
22,14 

25,80 
26,11 
25,38 

Sources  :  ANC,  Recensements  du  Bas-Canada,  1831  et  1851-1852. 


101 


Arrêtons-nous  aux  jeunes  d'abord7.  En  1831,  ils  représenteraient,, 
selon  les  données  brutes  de  recensement,  plus  de  65  %  des  effectifs 
villageois,  contre  à  peine  plus  de  44  %  pour  l'ensemble  du  Bas-Canada 
et  35%  dans  les  villes  de  Montréal  et  de  Québec.  En  fait,  cette 
proportion  est  nettement  exagérée,  en  raison  des  erreurs  de  toutes 
sortes  qui  touchent  le  relevé  des  enfants  et  des  jeunes  adolescents 
dans  les  listes.  En  effet,  calculée  uniquement  pour  les  noyaux  où  une 
information  complète  et  cohérente  sur  l'âge  des  résidents  de  moins  de 

14  ans  est  disponible  (environ  42%  des  noyaux  pour  lesquels  on 
dispose  de  données  nominatives),  leur  proportion  tombe  à  un  peu  plus 
de  41  %,  ce  qui  paraît  nettement  plus  plausible.  En  1851,  les  données 
sont  plus  sûres,  bien  qu'encore  sujettes  à  caution.  Au  total,  les  moins  de 

15  ans  représentent  alors  un  peu  plus  de  44%  des  effectifs  (contre 
43,8  %  pour  l'ensemble  du  Bas-Canada  et  un  peu  moins  de  38  %  pour 
les  villes  mentionnées),  mais  à  peine  40  %  si  l'on  ne  tient  compte  que 
des  noyaux  pour  lesquels  on  dispose  de  données  cohérentes.  Dans 
l'ensemble,  et  abstraction  faite  du  léger  décalage  d'âge  qui  sépare  les 
jeunes  de  1831  de  ceux  de  1851,  il  semble  que  leur  part  dans  la 
population  villageoise  reste  à  peu  près  constante  entre  les  deux  recense- 
ments; les  changements  touchent  plutôt  la  population  adulte,  chez 
laquelle  on  constate  un  certain  vieillissement  des  effectifs  entre  les  deux 
dates.  Même  là,  des  nuances  s'imposent,  car  on  note  des  différences 
de  croissance  entre  les  groupes  d'âge. 

En  effet,  en  ne  considérant  cette  fois  que  les  sujets  âgés  de  14  à 
20  ans  et  de  15  à  21  ans,  on  constate  que  la  proportion  des  jeunes  gens 
augmente  légèrement  entre  1831  et  1851,  que  celle  des  adultes  fléchit 
et  que  celle  des  personnes  âgées  progresse.  Mises  en  rapport  avec  les 
données  relatives  aux  enfants  et  aux  jeunes  adolescents,  celles-ci  sem- 
blent indiquer  un  certain  vieillissement  des  effectifs  villageois  entre  les 
deux  dates;  ceux-ci,  tout  en  restant  relativement  jeunes  (dans  les 
villages,  un  habitant  sur  deux  a  moins  de  20  ou  21  ans,  encore  un  peu 


Compte  tenu  des  particularités  des  recensements,  il  a  fallu  considérer  comme 
«  jeunes  »  les  personnes  âgées  de  0  à  13  ans  au  recensement  de  1831  et  de  0  à  14 
ans  au  recensement  de  1851  ;  comme  «  adultes  »,  les  hommes  de  14  à  59  ans  et 
les  femmes  de  14  à  45  ans  au  recensement  de  1831,  et  les  hommes  de  15  à  60 
ans  et  les  femmes  de  15  à  46  ans  au  recensement  de  1851  ;  comme  «  personnes 
âgées  »,  les  hommes  de  plus  de  60  ans  et  les  femmes  de  plus  de  45  ans  au 
recensement  de  1831,  et  les  hommes  de  plus  de  61  ans  et  les  femmes  de  plus  de 
46  ans  au  recensement  de  1851.  Ces  seuils  sont  les  meilleurs  que  l'on  puisse 
obtenir  à  partir  des  données  de  recensement  pour  une  comparaison  dans  le  temps. 
Toutefois,  ils  ne  sont  pas  sans  difficultés  puisque,  dans  le  cas  des  femmes  par 
exemple,  le  palier  de  45  ou  de  46  ans  sanctionne  plutôt  la  fin  de  la  période  de 
fertilité. 


102 


moins  dans  les  villes),  sont  malgré  tout  moins  âgés  qu'ailleurs  au  Bas- 
Canada.  En  outre,  en  ne  tenant  compte  que  des  personnes  de  plus  de 
14  ou  15  ans,  le  seul  groupe  qui  a  fait  l'objet  d'un  relevé  un  peu  plus 
cohérent,  on  constate  qu'en  1831  le  village  comporte  un  peu  plus 
d'hommes  que  de  femmes,  situation  qui  s'inverse  dans  les  villes;  par 
contre,  en  1851,  la  situation  avantage  plutôt  les  femmes  dont  la  propor- 
tion dans  la  population  villageoise  se  rapproche  de  celle  qui  a  été 
observée  dans  les  villes. 

Cette  inégale  répartition  entre  les  sexes  confirme  l'impression  de 
«  vieillissement  »  laissée  par  les  données  précédentes.  Elle  suggère 
même  une  certaine  transformation  du  village  sur  le  plan  économique  et 
social,  qui  passerait  de  1831  à  1851  d'une  situation  pionnière  à  une 
situation  plus  stable,  caractérisée  par  de  nouveaux  équilibres  sur  le  plan 
démographique.  Cette  transformation  est  d'autant  plus  marquée  que 
l'on  constate  également  une  augmentation  du  nombre  de  personnes 
mariées  entre  les  deux  dates.  C'est  le  cas  notamment  des  hommes 
mariés  de  moins  de  30  ans,  dont  les  effectifs,  par  rapport  à  l'ensemble 
des  hommes  qui  se  déclarent  mariés  dans  les  recensements,  passent 
de  21  %  à  23%. 

Sur  le  plan  régional  toutefois,  les  contrastes  sont  nombreux  et 
laissent  voir  des  situations  très  diverses  que  nuancent  des  temporalités 
distinctes.  En  1831  par  exemple,  les  bourgs  qui  comptent  le  plus  de 
jeunes  sont  ceux  de  la  rive  nord  du  fleuve,  du  moins  dans  les  régions  de 
Montréal  et  de  Trois-Rivières,  et  ceux  de  la  péninsule  de  Vaudreuil- 
Soulanges;  en  1851,  ce  sont  ceux  de  la  région  péri-urbaine  de  Montréal. 
En  ce  qui  concerne  les  personnes  âgées,  la  situation  évolue  très  rapide- 
ment entre  les  deux  dates  :  d'abord  plus  élevées  dans  les  bourgs  de  la 
rive  sud,  les  proportions  s'équilibrent  20  ans  plus  tard,  sauf  sur  la  Rive- 
Sud  de  Montréal  où  elles  chutent  légèrement.  Quant  à  la  répartition  par 
sexe  et  au  pourcentage  d'hommes  mariés  de  moins  de  30  ans,  ils  sont 
plus  contrastés  encore,  et  révèlent  un  panorama  qui  colore  les  socio- 
économies  régionales.  Mais  quelle  que  soit  la  région  observée,  on 
assiste  alors  aux  mêmes  phénomènes,  à  savoir  un  accroissement  impor- 
tant du  nombre  de  femmes  et  d'hommes  mariés  de  moins  de  30  ans 
dans  les  bourgs,  sauf  dans  la  région  de  Montréal  où  cette  croissance  est 
légèrement  moins  accentuée  (voir  le  tableau  20). 

Riche  en  contrastes,  la  population  villageoise  l'est  d'autant  plus 
qu'elle  vient  de  milieux  géographiques  variés,  qui  débordent  parfois 
largement  le  territoire  de  la  localité.  C'est  l'une  des  grandes  caractéristi- 
ques des  bourgs  à  cette  époque  d'être  constitués  de  populations  très 


103 


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diverses  venant  d'horizons  géographiques  parfois  très  lointains.  Il  n'y  a 
de  civilisation  vivante,  disait  Fernand  Braudel,  que  celle  qui  se  déplace. 
Or  on  se  déplace  alors  beaucoup  dans  la  vallée  du  Saint-Laurent. 

L'ORIGINE  GÉOGRAPHIQUE 

D'où  viennent  tous  ces  résidents  des  bourgs?  Les  sources  sont 
peu  loquaces  sur  le  sujet8:  Bouchette  n'en  dit  mot  et,  au  recensement 
de  1831,  seul  le  nombre  d'immigrants  par  voie  d'eau  ou  de  terre  ou  en 
transit  est  enregistré,  sans  beaucoup  d'exactitude.  Toutefois,  il  est 
possible  de  s'en  faire  une  idée  grâce  au  recensement  de  1851,  le 
premier  à  fournir  une  information  relativement  détaillée  sur  le  lieu  de 
naissance  des  personnes  recensées  et  ce,  pour  l'ensemble  de  la  popula- 
tion. Il  va  sans  dire  que  cette  information  n'est  pas  aussi  probante  que 
celle  que  l'on  pourrait  obtenir  des  registres  d'état  civil  ou  du  jumelage 
systématique  des  noms  des  individus  d'un  recensement  à  l'autre,  sur- 
tout qu'elle  laisse  en  suspens  plusieurs  aspects.  Par  exemple,  il  est 
difficile  de  savoir  si  la  localité  indiquée  comme  lieu  de  naissance  dans  les 
listes  l'est  vraiment  ou  s'il  ne  s'agit  pas  plutôt  de  la  dernière  localité  de 
résidence  de  la  personne  recensée.  Par  ailleurs,  qu'en  est-il  du  moment 
précis  d'arrivée  au  village?  Mais  comme  il  s'agit  ici  de  reconnaître  une 
tendance,  cette  information  reste  valable,  d'autant  plus  que  l'observation 
ne  porte  que  sur  les  noyaux  pour  lesquels  on  dispose  d'un  relevé  par 
localité,  soit  148  au  total. 

En  1851,  un  peu  plus  de  58%  de  la  population  qui  vit  dans  les 
bourgs  viennent  de  la  localité  même  où  est  situé  le  bourg.  Les  autres 
arrivent  des  localités  voisines  ou  situées  dans  le  même  district  adminis- 
tratif (25  %),  de  la  ville  ou  d'une  autre  région  (5  %),  d'ailleurs  au  Canada 
(entre  1  %  et  3  %),  de  l'étranger  (environ  4  %),  auxquels  s'ajoutent  les 
personnes  nées  au  Bas-Canada  (4  %)  mais  dont  on  ne  connaît  pas  la 
localité  d'origine  (voir  le  tableau  21). 

Parmi  la  population  qui  déclare  une  origine  locale,  une  partie  vient 
du  bourg  et  une  autre  des  côtes  avoisinantes.  Toutefois,  il  n'est  pas 
possible  encore  de  distinguer  ces  deux  courants.  Pour  cela,  il  faudrait 
pouvoir  disposer  de  données  sûres  quant  au  nombre  de  naissances  et 
de  décès  enregistré  au  cours  de  l'année  précédant  le  recensement  et 


8.  Par  exemple,  le  recensement  de  1831  ne  donne  qu'un  aperçu  de  l'immigration  en 
provenance  de  l'extérieur  du  Bas-Canada  (moins  de  3%  de  la  population  villa- 
geoise; les  plus  forts  contingents  se  retrouvent  dans  les  bourgs  de  la  rive  nord  du 
fleuve).  Quant  aux  répartitions  d'église,  elles  ne  précisent  pas  l'origine  de  la 
population. 


106 


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quant  aux  migrants  venus  s'établir  au  village  au  cours  de  la  même 
période.  Or,  ces  données  ne  sont  disponibles  qu'à  demi  dans  le  recense- 
ment: le  nombre  de  naissances  et  de  décès  n'est  pas  certain  et  la  date 
d'arrivée  au  village  ne  nous  est  pas  connue.  Cependant,  des  indices 
existent  qui  suggèrent  un  taux  naturel  de  croissance  relativement  élevé, 
conjugué  à  une  forte  migration  interne. 

En  effet,  en  comparant  le  nombre  de  naissances  enregistré  dans 
les  bourgs  au  nombre  de  décès,  on  constate  un  important  écart  entre  les 
deux,  trop  grand  pour  ne  résulter  que  d'un  mauvais  enregistrement  des 
données.  Cet  écart  se  traduit  par  un  taux  brut  de  croissance  naturelle 
d'environ  21  pour  1  000,  ce  qui  donne  environ  sept  habitants  de  plus  par 
village  en  moyenne,  par  année  (voir  le  tableau  22).  Même  en  admettant 
que  ce  taux  soit  erroné,  il  reste  que,  pour  une  bonne  part,  le  village  se 
reproduit  lui-même,  comme  le  suggère  la  proportion  d'hommes  mariés 
de  moins  de  30  ans  établis  dans  les  bourgs  (voir  le  tableau  23). 
Toutefois,  celui-ci  n'est  pas  le  seul  artisan  de  sa  croissance.  En  effet,  en 
supposant  que  le  taux  brut  de  croissance  naturelle  observé  en  1851  soit 
demeuré  constant  dans  le  temps,  c'est-à-dire  depuis  1831,  la  population 
villageoise  aurait  dû  être  d'environ  83  000  habitants  en  1851.  Or,  les 
données  indiquent  un  peu  plus  de  88  300  habitants,  ce  qui  représente  un 
surplus  d'environ  5  500  habitants  venus  d'ailleurs  dans  la  localité  au 
cours  d'une  période  de  20  ans  et  ce,  indépendamment  des  départs  qu'il 
n'est  pas  encore  possible  de  bien  mesurer.  Ces  mouvements  migra- 
toires internes  ont-ils  vraiment  été  aussi  importants?  Il  est  difficile  de  le 
dire.  Quand  on  en  compare  l'importance  théorique  aux  rythmes  de 
croissance  réels  de  certains  bourgs,  ces  chiffres  n'ont  rien  d'excessif, 
bien  au  contraire,  surtout  qu'ils  s'inscrivent  dans  un  contexte  très 
particulier  qui  en  éclaire  la  logique. 

En  effet,  au  sein  de  la  localité,  côtes  et  villages  ne  sont  pas  des 
entités  distinctes,  des  mondes  coupés  l'un  de  l'autre.  Au  contraire,  entre 
les  deux  se  tissent  des  liens  très  divers,  de  parenté  d'abord,  mais  aussi 
de  voisinage  et  de  travail  ;  les  côtes  paraissent  même  en  certains  cas  de 
véritables  bassins  de  main-d'œuvre  pour  les  aires  industrialisées  de  la 
paroisse,  au  sein  desquelles  le  village  est  souvent  situé9.  Elles  le  sont 
d'autant  plus  que  ce  phénomène  s'accorde  à  un  processus  de  reproduc- 
tion sociale  selon  lequel,  pour  préserver  l'intégrité  de  l'exploitation  et 


9.  À  ce  sujet,  voir  Serge  Courville,  «  Le  marché  des  subsistances  [...]  »,  RHAF,  42(2) 
1988,  p.  193-239. 


108 


Tableau  22 
TAUX  BRUTS  DE  CROISSANCE  NATURELLE  (1851) 


Taux  de 

Taux  de 

Taux  de 

croissance 

Population 

natalité 

mortalité 

naturelle 

Secteur 

NNO 

observée 

Naissances 

Décès 

(%o) 

(%») 

(%o) 

District  de  Montréal 

Archipel 

19 

7  160 

279 

88 

38,97 

12,29 

26,68 

Péninsule 

9 

2  589 

82 

25 

31,67 

9,66 

22,02 

Rive-Nord 

38 

13  440 

480 

211 

35,71 

15,70 

20,01 

Sans  levill.  amérindien 

37 

12815 

449 

196 

35,04 

15,29 

19,74 

Rive-Sud 

54 

29  628 

945 

373 

31,90 

12,59 

19,31 

Sans  levill.  amérindien* 

Total 

120 

52  817 

1786 

697 

33,81 

13,20 

20,62 

Sans  les  vill.  amérindiens 

119 

52  192 

1755 

682 

33,63 

13,07 

20,56 

District  de  Trois-Rivières 

Rive-Nord 

13 

3  566 

100 

37 

28,04 

10,38 

17,67 

Sans  Les  Forges 

12 

3  169 

100 

34 

31,56 

10,73 

20,83 

Rive-Sud 

8 

1  699 

65 

25 

38,26 

14,71 

23,54 

Sans  les  vill.  amérindiens* 

Total 

21 

5  265 

165 

62 

31,34 

11,78 

19,56 

Sans  les  vill.  amérindiens* 

Sans  Les  Forges 

20 

4  868 

165 

59 

33,89 

12,12 

21,77 

District  de  Québec 

îles 

6 

886 

33 

12 

37,25 

13,54 

23,70 

Rive-Nord 

32 

6  275 

241 

82 

38,41 

13,07 

25,34 

Sans  levill.  amérindien 

31 

6  057 

241 

78 

39,79 

12,88 

26,91 

Rive-Sud 

58 

20  433 

785 

326 

38,42 

15,95 

22,46 

Total 

96 

27  594 

1  059 

420 

38,38 

15,22 

23,16 

Sans  le  vill.  amérindien 

95 

27  376 

1  059 

416 

38,68 

15,20 

23,49 

Total 

237 

85  676 

3  010 

1  179 

35,13 

13,76 

21,37 

Sans  les  vill.  amérindiens 

235 

84  833 

2  979 

1  160 

35,12 

13,67 

21,44 

Sans  Les  Forges 

234 

84  436 

2  979 

1  157 

35,28 

13,70 

21,58 

*  Les  données  pour  les  villages  amérindiens  ne  sont  pas  disponibles. 
NNO  :  Nombre  de  noyaux  observés. 
Source:  ANC,  Recensement  du  Bas-Canada,  1851-1852. 


109 


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éviter  sa  trop  grande  fragmentation  entre  les  héritiers,  on  exclut  les 
enfants  au  moment  de  leur  mariage10. 

En  1815,  la  terre  est  encore  disponible.  Elle  se  fera  plus  rare  en 
1830,  notamment  dans  les  vieux  terroirs,  où  l'on  assiste  en  outre  à  un 
épanouissement  de  la  propriété  bourgeoise.  Aussi  l'établissement  rural 
gagne-t-il  l'arrière-pays,  alimenté  par  des  courants  de  migration  venus 
des  paroisses  les  plus  anciennes,  riveraines  pour  la  plupart.  Pourtant,  ce 
ne  sont  pas  tous  les  jeunes  gens  qui  cherchent  à  s'établir  ainsi  dans  une 
ferme.  Plusieurs  sont  attirés  par  d'autres  champs  d'activité:  transport, 
services,  bâtiment,  fabrication,  etc.  Or,  c'est  au  village  surtout  ou  dans 
ses  environs  immédiats  que  ces  activités  abondent,  d'abord  parce  que 
celui-ci  est  au  cœur  de  la  vie  de  relation,  ensuite  parce  qu'il  domine  les 
aires  de  marché  et  de  localisation  des  industries  rurales.  Aussi  vient-on 
s'y  établir  en  grand  nombre,  dans  l'espoir  d'une  vie  plus  facile  ou  d'un 
travail  rémunéré  qui  permettra  de  fonder  un  foyer. 

Bref,  si  l'on  ne  peut  encore  établir  avec  certitude  le  nombre 
d'individus  et  de  ménages  qui,  des  côtes  environnantes,  viennent  s'éta- 
blir au  village,  le  mouvement  de  migration  interne,  lui,  ne  fait  aucun 
doute,  inscrit  dans  toute  une  logique  de  rapports  économiques  et 
sociaux  dont  l'espace  lui-même  porte  la  trace.  Ce  n'est  pourtant  pas  le 
seul  mouvement  et,  de  fait,  il  en  existe  bien  d'autres.  Certains  ont  pour 
origine  la  ville  ou  les  localités  voisines,  c'est-à-dire  situées  dans  le  même 
secteur  géographique  ou  dans  un  secteur  proche,  d'autres  ont  pour 
point  de  départ  les  régions  contiguës  ou  plus  éloignées,  quand  ce  n'est 
pas  l'étranger. 

Il  est  fascinant  de  constater  à  quel  point  la  mobilité  est  grande, 
alors,  dans  la  vallée  du  Saint-Laurent.  On  vient  de  partout,  à  destination 
non  seulement  des  gros  bourgs  mais  aussi  des  petits,  surtout  quand  ils 
accueillent  une  entreprise  créatrice  d'emplois.  Ce  qui  peut  sembler 
caractéristique  d'une  région  ou  d'un  secteur  géographique  donné  l'est 


10.  Sur  le  système  de  reproduction  sociale  au  Québec  et  ses  effets  dans  l'espace,  voir: 
Gérard  Bouchard,  «  Les  systèmes  de  transmission  des  avoirs  familiaux  et  le  cycle 
de  la  société  rurale  au  Québec,  du  XVIIe  au  XXe  siècle:  nouvelles  propositions  »,  HS, 
XVK31),  1983,  p.  35-60,  et,  du  même  auteur,  «Sur  la  reproduction  familiale  en 
milieu  rural:  systèmes  ouverts  et  systèmes  clos  »,  RS.  XXVIIK2-3),  1987,  p.  229- 
251  ;  Louise  Dechêne,  Habitants  et  marchands  de  Montréal  au  XVIIe  siècle; 
Jacques  Mathieu  et  collab.,  «  Peuplement  colonisateur  au  XVIIIe  siècle  dans  le 
gouvernement  de  Québec  »,  dans  R.  L.  Emerson,  W.  Kinsley  et  W.  Moser, 
L'homme  et  la  nature,  p.  127-138;  Jacques  Mathieu,  «  Mobilité  et  sédentarité: 
stratégies  familiales  en  Nouvelle-France  »,  RS,  XXVIIK2-3),  1987,  p.  211-227;  Jac- 
ques Mathieu  et  Serge  Courville  (dir.).  Peuplement  colonisateur  aux  XVIIe  et  XVIIIe 
siècles. 


111 


en  fait  de  tous  les  milieux11;  seules  les  proportions  changent,  à  l'avan- 
tage tantôt  de  l'un,  tantôt  de  l'autre.  Par  exemple,  la  migration  anglo- 
phone se  dirige  surtout  vers  l'archipel  de  Montréal,  la  péninsule  de 
Vaudreuil-Soulanges,  la  Rive-Nord  de  Québec  et  la  Rive-Sud  de  Mont- 
réal. Mais  on  retrouve  des  anglophones  dans  presque  tous  les  bourgs. 
Quant  à  la  population  venue  des  autres  régions,  elle  se  dirige  dans  tous 
les  sens,  de  l'est  à  l'ouest  ou  inversement,  et  de  ces  deux  pôles  vers  le 
centre,  si  bien  que  rares  sont  les  bourgs  dont  la  population  n'a  qu'une 
origine  locale.  Mais  jugeons-en  plutôt  par  quelques  exemples  (voir  le 
tableau  24).  Quelle  que  soit  la  taille  du  bourg,  la  part  de  la  population 
venue  de  l'extérieur  reste  importante  et  déborde  presque  toujours  le 
secteur  géographique  immédiat  du  village,  sauf  dans  le  cas  des  petits 
noyaux-moulins  et  encore  (par  exemple  Saint-Xavier-de-Verchères),  ou 
des  bourgs  situés  dans  les  paroisses  neuves  de  colonisation  (par  exem- 
ple Sainte-Julie).  Par  contre,  en  ce  qui  concerne  la  contribution  de 
chacune  des  régions,  toutes  sont  à  la  fois  des  aires  d'arrivée  et  de 
départ,  à  des  degrés  divers  bien  sûr,  mais  que  semblent  nuancer 
uniquement  la  position  excentrique  de  certains  bourgs  ou  leur  contexte 
particulier. 

Enfin,  à  tous  ces  mouvements  s'ajoutent  ceux  que  l'économie 
locale  ou  la  présence  d'un  collège  ou  d'un  couvent  favorise  et  qui 
montrent,  encore  là,  le  caractère  très  diversifié  de  la  population  villa- 
geoise. Sur  les  148  bourgs  observés,  tous  accueillent  un  certain  nombre 
d'individus  qui  déclarent  un  autre  lieu  de  résidence  (voir  le  tableau  25). 
Le  plus  souvent,  il  s'agit  d'une  localité  située  dans  la  même  région 
administrative  (de  31  %  à  69  %  des  cas,  selon  la  région)  ou  du  centre 
régional  (de  10%  à  55%).  Mais  nombreux  sont  ceux  qui  déclarent 
résider  dans  une  région  voisine  (de  1,7%  à  5,4%),  ailleurs  au  Canada 
(de  3  %  à  1 1  %),  aux  États-Unis  (de  4  %  à  15  %)  ou  en  Europe  (environ 
1  %).  Sauf  dans  l'archipel  de  Montréal  et  dans  la  péninsule  de  Vaudreuil- 
Soulanges  où  les  apports  semblent  plutôt  venir  des  localités  voisines, 
partout  ailleurs  ils  arrivent  de  l'extérieur,  de  la  ville  notamment  et  de 


11.  Dans  ses  travaux  sur  Saint-Antoine-de-la-Rivière-du-Loup  par  exemple,  Jocelyn 
Morneau  évalue  à  594  le  nombre  de  personnes  nées  à  l'extérieur  de  la  localité  en 
1851-1852.  Au  total,  celles-ci  viennent  de  83  localités  ou  endroits  différents,  dont 
11  situés  hors  du  Bas-Canada;  les  localités  limitrophes  fournissent  à  elles  seules 
environ  60  %  des  contingents.  Des  460  migrants  âgés  de  plus  de  15  ans,  58,5  % 
sont  des  femmes  et  41,5  %  des  hommes;  55  %  sont  mariés  et  36  %  célibataires. 
Et,  fait  notable,  sur  les  242  migrants  dont  le  métier  ou  la  profession  sont  connus, 
19,4%  se  déclarent  cultivateurs,  28,1  %  œuvrent  dans  les  secteurs  de  la  fabri- 
cation et  de  la  construction,  27,7  %  travaillent  dans  les  transports  et  les  services, 
domestiques  surtout,  20,2  %  sont  journaliers  et  4,5  %  prêtres  ou  rentiers.  Voir 
Jocelyn  Morneau,  «  Agriculture  et  industries  rurales  (...)  ». 


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l'étranger.  Toutefois,  dans  la  région  de  Québec,  plus  de  la  moitié  des 
effectifs  viennent  de  la  ville,  alors  que  leur  origine  est  plus  variée  dans 
les  régions  de  Montréal  et  de  Trois-Rivières. 

Tout  cela  contribue  à  accentuer  les  contrastes  entre  les  bourgs  et 
leurs  résidents,  car  les  clivages  sont  nombreux  dans  le  village,  sur  les 
plans  économique  et  social.  Cela  tient  pour  une  bonne  part  aux  activités 
mêmes  de  cette  population,  lesquelles  sont  très  diverses.  Mais  ces 
distinctions  découlent  aussi  de  bien  d'autres  facteurs,  liés  ceux-là  à  la 
présence  de  divers  groupes  sociaux  dont  les  ambitions  ne  sont  pas 
toujours  conciliables.  Dans  ce  panorama,  l'étranger  occupe  une  bonne 
place,  car  il  représente  parfois  jusqu'à  10  %,  20  %,  30  %  et  même  40  % 
de  la  population  locale. 

LA  COMPOSITION  ETHNIQUE 

Observée  sous  l'angle  de  sa  composition  ethnique,  la  population 
villageoise  est  loin  d'être  homogène.  À  côté  du  groupe  dominant, 
francophone  ou  anglophone  selon  les  cas,  on  remarque  la  présence  de 
plusieurs  groupes  minoritaires  qui  font  du  village  un  lieu  de  contact  et 
d'échange  important  entre  les  représentants  de  diverses  populations. 
Les  sources  disponibles  sont  trop  sommaires  pour  une  étude  appro- 
fondie du  phénomène.  Néanmoins,  grâce  aux  recensements,  il  est 
possible  de  l'appréhender  du  moins  globalement.  Parmi  l'information 
disponible,  il  y  a  d'abord  le  nom  du  chef  de  ménage,  qui  permet  de 
distinguer  l'élément  francophone  des  autres  groupes  ethniques.  Ensuite, 
les  confessions  religieuses  donnent  également  un  aperçu  de  la  composi- 
tion ethnique  de  la  population,  mieux  que  les  variables  relatives  à 
l'immigration  qui  ne  sont  pas  toujours  enregistrées  avec  la  même 
précision  d'une  localité  à  l'autre.  Enfin,  la  structure  ethnique  des  couples 
permet  d'apprécier  la  qualité  et  l'importance  des  échanges  entre  les 
groupes. 

L'un  des  intérêts  de  l'approche  patronymique  est  de  permettre 
une  meilleure  saisie  de  l'élément  allogène,  qu'il  n'est  pas  toujours 
possible  de  bien  circonscrire  uniquement  à  partir  du  relevé  des  confes- 
sions religieuses.  Par  exemple,  les  Irlandais  catholiques  ne  font  pas 
l'objet  d'un  relevé  particulier  dans  les  recensements  de  la  période.  Cette 
approche  n'est  pourtant  pas  sans  limite,  puisque  rien  ne  permet  de 
distinguer  les  personnes  qui,  tout  en  portant  un  nom  étranger,  sont 
parfaitement  intégrées  à  la  majorité,  tant  par  la  langue  que  par  la  religion 
ou  la  culture.  C'est  le  cas,  notamment,  des  descendants  de  couples 
mixtes,  dont  plusieurs  ont  fini  par  adopter  la  langue  et  la  religion  du 


115 


groupe  dominant,  et  de  bien  des  marchands  et  artisans  qui,  pour 
pratiquer  leur  métier,  ont  appris  la  langue  de  leurs  clients.  Les  monogra- 
phies locales  en  donnent  des  exemples;  toutefois,  ces  gens  ne  partage- 
ront pas  nécessairement  la  religion  ou  la  culture  de  la  majorité. 

Toutes  ces  informations  ne  sont  pas  également  présentes  dans 
les  recensements  ni  accessibles  de  la  même  manière.  Par  exemple,  ce 
n'est  qu'en  1851  qu'il  est  possible  de  connaître  la  composition  ethnique 
des  ménages.  Ce  qui  ressort  par  contre  des  données  disponibles,  c'est 
tout  à  la  fois  l'importance  de  la  présence  étrangère  dans  le  village,  son 
inégale  répartition  dans  l'espace  et  sa  relative  diminution  dans  le  temps. 
En  1831,  sur  100  chefs  de  ménage  résidents  du  village,  83  en  moyenne 
sont  francophones,  12  sont  anglophones  et  5  sont  d'une  autre  origine 
ethnique  (voir  le  tableau  26).  En  1851,  les  proportions  demeurent  sensi- 
blement les  mêmes,  encore  que  l'on  remarque  une  légère  croissance  du 
nombre  de  couples  unilingues  francophones  par  rapport  au  nombre  de 
couples  unilingues  anglophones  :  85  %  contre  environ  1 1  %  respective- 
ment (voir  le  tableau  27).  Par  ailleurs,  on  remarque  aussi  plusieurs 
couples  mixtes  (plus  de  3  %),  dont  un  peu  moins  de  la  moitié  sont  sous 
la  responsabilité  d'un  chef  de  ménage  francophone  et  les  autres  dépen- 
dent d'un  chef  de  ménage  anglophone  ou  allophone.  Quant  à  la  réparti- 
tion des  confessions  religieuses,  elle  épouse  sensiblement  le  même 
profil.  En  1831  par  exemple,  les  catholiques  forment  environ  92  %  de  la 
population,  en  incluant  les  Irlandais;  en  1851,  leur  proportion  augmente 
à  94  %,  comme  si  le  village  prenait  entre  les  deux  dates  un  visage  de 
plus  en  plus  catholique  et  français.  En  fait,  ce  n'est  vrai  qu'en  partie, 
puisque  cette  évolution  est  très  circonscrite  dans  l'espace  et  qu'elle  ne 
concerne  que  les  bourgs  des  régions  de  Québec  et  de  Trois-Rivières, 
notamment  ceux  qui  sont  situés  sur  la  rive  nord  du  fleuve  et  en  milieu 
insulaire.  Partout  ailleurs,  sur  la  rive  sud  du  fleuve  et  dans  la  région  de 
Montréal,  on  assiste  plutôt  à  une  diminution  du  nombre  de  catholiques, 
variable  selon  les  régions,  mais  qui  semble  plus  marquée  dans  la  plaine 
de  Montréal  qu'ailleurs. 

Analysées  par  sous-région,  les  variations  sont  plus  grandes 
encore  et  montrent  que  c'est  autour  des  villes  surtout,  dans  les  gros 
bourgs  et  sur  les  fronts  pionniers  de  l'ouest  et  de  l'est  du  Québec  que 
se  répartissent  les  villages  qui  accueillent  beaucoup  d'étrangers.  Par 
contre,  c'est  dans  l'archipel  de  Montréal  que  la  proportion  des  catholi- 
ques diminue  le  plus  entre  1831  et  1851,  puis  dans  la  péninsule  de 
Vaudreuil-Soulanges  et  sur  la  rive  nord  du  fleuve.  Ailleurs,  le  phénomène 
est  moins  évident  et  révèle  un  écart  de  plus  en  plus  grand  entre  la  partie 
méridionale  de  l'aire  seigneuriale  et  la  partie  septentrionale. 


16 


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Tableau  27 
GROUPES  ETHNIQUES  ET  RELIGIONS  (1851) 


Mixte 

Mixte 

Mixte 

chef 

chef 

chef 

Couples 

Français 

Anglais 

Autres 

français 

anglais 

autre 

Total 

Secteur 

NNO 

observés 

(%) 

(%) 

<%) 

(%) 

(%) 

(%) 

(%) 

District  de  Montréal 

Archipel 

19 

1016 

83,27 

14,17 

0,00 

1,77 

0,79 

0,00 

100,00 

Péninsule 

11 

382 

75,13 

17,02 

0,00 

2,09 

5,76 

0,00 

100,00 

Autre  île 

1 

4 

100,00 

0,00 

0,00 

0,00 

0,00 

0,00 

100,00 

Rive-Nord 

39 

1  797 

85,70 

11,19 

0,00 

1,34 

1,73 

0,06 

100,00 

Sans  le  vil  1.  amérindien 

38 

1  767 

85,46 

11,38 

0,00 

1,36 

1,75 

0,06 

100,00 

Rive-Sud 

55 

3  823 

79,00 

17,50 

0,03 

1,67 

1,65 

0,16 

100,00 

Sans  le  vill.  amérindien* 

Total 

125 

7  022 

81,13 

15,37 

0,01 

1,62 

1,77 

0,10 

100,00 

Sans  les  vill.  amérindiens 

124 

6  992 

81,05 

15,43 

0,01 

1,63 

1,77 

0,10 

100,00 

District  de  Trois-Rivières 

Rive-Nord 

13 

529 

94,14 

0,57 

0,00 

2,27 

3,02 

0,00 

100,00 

Sans  Les  Forges 

12 

462 

93,72 

0,65 

0,00 

2,38 

3,25 

0,00 

100,00 

Rive-Sud 

9 

253 

96,84 

2,37 

0,00 

0,40 

0,40 

0,00 

100,00 

Sans  le  vill.  amérindien** 

8 

242 

96,69 

2,48 

0,00 

0,41 

0,41 

0,00 

100,00 

Total 

22 

782 

95,01 

1.15 

0,00 

1,66 

2,17 

0,00 

100,00 

Sans  le  vill.  amérindien** 

21 

771 

94,94 

1,17 

0,00 

1,69 

2,20 

0,00 

100,00 

Sans  Les  Forges 

20 

704 

94,74 

1,28 

0,00 

1,70 

2,27 

0,00 

100,00 

District  de  Québec 

îles 

6 

130 

100,00 

0,00 

0,00 

0,00 

0,00 

0,00 

100,00 

Rive-Nord 

34 

977 

80,96 

13,20 

0,00 

4,20 

1,43 

0,20 

100,00 

Sans  le  vill.  amérindien* 

Rive-Sud 

58 

3  330 

94,53 

3,51 

0,00 

0,69 

1,26 

0,00 

100,00 

Total 

98 

4  437 

91,71 

5,54 

0,00 

1,44 

1,26 

0,05 

100,00 

Sans  le  vill.  amérindien* 

Total 

245 

12  241 

85,85 

10,90 

0,01 

1,56 

1,61 

0,07 

100,00 

Sans  les  vill.  amérindiens 

243 

12  200 

85,80 

10,93 

0,01 

1,57 

1,61 

0,07 

100,00 

Sans  Les  Forges 

242 

12  133 

85,74 

10,99 

0,01 

1,57 

1,62 

0,07 

100,00 

*  Les  données  pour  le  village  amérindien  ne  sont  pas  disponibles. 
**  Ne  concerne  que  le  village  de  Bécancour. 
NNO  :  Nombre  de  noyaux  observés. 
Source:  ANC,  Recensement  du  Bas-Canada,  1851-1852. 


118 


Église 

d'Angle- 

Bap- 

Catho- 

Métho- 

Presbyté- 

Protes- 

Population Religion 

terre 

tistes 

liques 

Juifs 

distes 

riens 

tants 

Autres 

Total 

Noirs 

Indiens 

NNO 

observée 

connue 

(%) 

(%) 

(%) 

(%) 

<%) 

(%) 

(%) 

(%) 

(%) 

(%) 

(%) 

19 

7160 

7  157 

2,72 

0,00 

91,84 

0,00 

0,14 

4,08 

0,84 

0,38 

100,00 

0,00 

0,01 

11 

2  726 

2  726 

7,70 

0,26 

84,92 

0,00 

1,28 

2,53 

3,01 

0,29 

100,00 

0,00 

0,00 

1 

28 

28 

0,00 

0,00 

100,00 

0,00 

0,00 

0,00 

0,00 

0,00 

100,00 

0,00 

0,00 

40 

13  736 

13  658 

3,33 

0,50 

90,44 

0,00 

1,01 

3,24 

0,07 

1,41 

100,00 

0,03 

4,57 

39 

13111 

13  031 

3,49 

0,52 

89,98 

0,00 

1,06 

3,39 

0,08 

1,48 

100,00 

0,03 

0,02 

59 

31448 

31207 

4,66 

0,42 

87,28 

0,04 

1,71 

2,47 

2,34 

1,08 

100,00 

0,04 

4,01 

58 

30189 

29  948 

4,86 

0,44 

86,75 

0,04 

1,79 

2,58 

2,43 

1,13 

100,00 

0,04 

0,00 

130 

55  098 

54  776 

4,22 

0,38 

88,55 

0,02 

1,31 

2,88 

1,61 

1,03 

100,00 

0,03 

3,43 

128 

53  214 

52  890 

4,38 

0,39 

88,15 

0,02 

1,36 

2,98 

1,67 

1,07 

100,00 

0,03 

0,01 

13 

3  566 

3  567 

0,03 

0,00 

99,19 

0,00 

0,06 

0,00 

0,73 

0,00 

100,00 

0,00 

0,00 

12 

3169 

3169 

0,00 

0,00 

99,15 

0,00 

0,06 

0,00 

0,79 

0,00 

100,00 

0,00 

0,00 

11 

1992 

1  990 

0,65 

0,00 

98,79 

0,00 

0,00 

0,20 

0,35 

0,00 

100,00 

0,00 

14,71 

9 

1699 

1697 

0,77 

0,00 

98,59 

0,00 

0,00 

0,24 

0,41 

0,00 

100,00 

0,00 

0,00 

24 

5  558 

5  557 

0,25 

0,00 

99,05 

0,00 

0,04 

0,07 

0,59 

0,00 

100,00 

0,00 

5,27 

22 

5  265 

5  264 

0,27 

0,00 

98,99 

0,00 

0,04 

0,08 

0,63 

0,00 

100,00 

0,00 

0,00 

21 

4  868 

4  866 

0,27 

0,00 

98,95 

0,00 

0,04 

0,08 

0,66 

0,00 

100,00 

0,00 

0,00 

6 

886 

886 

0,00 

0,00 

100,00 

0,00 

0,00 

0,00 

0,00 

0,00 

100,00 

0,00 

0,00 

35 

6  402 

6  343 

0,46 

0,13 

95,90 

0,00 

0,16 

1,07 

1,92 

0,36 

100,00 

0,00 

3,41 

34 

6184 

6125 

0,47 

0,13 

95,76 

0,00 

0,16 

1,11 

1,99 

0,38 

100,00 

0,00 

0,00 

58 

20  433 

20  419 

0,85 

0,01 

97,76 

0,00 

0,11 

0,55 

0,69 

0,03 

100,00 

0,00 

0,03 

99 

27  721 

27  648 

0,73 

0,04 

97,41 

0,00 

0,12 

0,65 

0,95 

0,11 

100,00 

0,00 

0,81 

98 

27  503 

27  430 

0,74 

0,04 

97,39 

0,00 

0,12 

0,66 

0,96 

0,11 

100,00 

0,00 

0,03 

253 

88  377 

87  981 

2,88 

0,25 

92,00 

0,01 

0,85 

2,00 

1,34 

0,68 

100,00 

0,02 

2,72 

248 

85  982 

85  584 

2,96 

0,25 

91,77 

0,01 

0,88 

2,06 

1,37 

0,70 

100,00 

0,02 

0,01 

247 

85  585 

85186 

2,97 

0,25 

91,74 

0,01 

0,88 

2,06 

1,38 

0,70 

100,00 

0,02 

0,01 

119 


On  retrouve  cette  distinction  entre  l'ouest  et  l'est  de  la  province 
dans  la  répartition  des  personnes  de  race  noire.  En  1851,  on  n'en  relève 
à  peu  près  que  dans  la  région  de  Montréal,  sur  la  rive  nord  et  la  rive  sud 
du  fleuve.  Toutefois,  comme  on  n'en  dénombre  aucune  dans  l'archipel 
de  Montréal,  là  où  la  domesticité  est  élevée,  il  se  peut  que  cette 
répartition  soit  plus  large,  masquée  par  une  mauvaise  qualité  d'enregis- 
trement des  données.  On  observe  le  même  écart  dans  la  répartition  des 
populations  amérindiennes.  Plus  nombreuses  dans  la  région  de  Mont- 
réal, elles  reflètent  surtout  la  répartition  géographique  des  missions: 
celles  du  Lac-des-Deux-Montagnes  et  du  Sault-Saint-Louis  dans  la  région 
de  Montréal,  celles  de  Bécancour  et  de  Saint-François  dans  la  région  de 
Trois-Rivières  et  celle  de  la  Jeune-Lorette  (Village-des-Hurons)  dans  la 
région  de  Québec.  Mais  il  arrive  qu'on  en  retrouve  ailleurs  dans  les 
bourgs;  c'est  le  cas  notamment  dans  la  région  de  Montréal,  dans  des 
villages  tels  Berthier,  Sainte-Elisabeth,  Saint-François-de-Sales  et  Lon- 
gueuil.  De  même,  on  dénombre  quelques  résidents  amérindiens  à 
Lauzon,  en  banlieue  de  Québec. 

Cette  présence  de  divers  groupes  ethniques  dans  le  village  en  fait 
un  milieu  ouvert  aux  influences  extérieures.  Jusqu'à  quel  point?  Nul  ne 
saurait  le  dire,  du  moins  dans  l'état  actuel  de  la  recherche.  Mais  parce 
qu'elles  sont  parfois  importantes,  les  minorités  ethniques  influent  sur  la 
vie  du  village,  quand  elles  ne  contribuent  pas  plus  franchement  à  son 
développement.  Tel  n'est  pas  toujours  le  cas,  mais  rares  sont  les  villages 
qui  ne  profitent  pas  de  la  venue  de  nouveaux  éléments,  auxquels  ils 
doivent  parfois  un  savoir-faire,  de  nouvelles  entreprises  ou  de  nouveaux 
services.  Cela  ne  veut  pas  dire  que  les  villages  privés  de  tels  apports 
sont  incapables  de  changement,  mais  cela  signifie  que,  dans  les  bourgs 
qui  comportent  une  présence  étrangère,  des  contacts  se  nouent,  de 
nouveaux  liens  se  tissent,  qui  profiteront  à  terme  à  l'ensemble  de  la 
communauté  villageoise,  tant  francophone  qu'anglophone.  D'ailleurs,  il 
est  significatif  de  noter  que  les  régions  les  mieux  nanties  sur  le  plan 
économique  accueillent  toutes  une  part  importante  de  ressortissants 
d'origine  étrangère  qui  entretiennent  des  rapports  très  divers  avec  la 
population  locale.  La  situation  n'est  pas  différente  dans  les  bourgs  dont 
plus  des  deux  tiers  comprennent  au  moins  quelques  ménages  d'origine 
étrangère,  quelle  que  soit  la  région. 

Les  socio-économies  locales  se  ressentent  de  ces  apports,  d'au- 
tant plus  que  l'étranger  est  souvent  un  employeur  potentiel.  Aussi  est-il 
généralement  bien  vu  de  la  majorité,  mieux  parfois  que  certains  anciens 
résidents,  dont  on  ne  peut  espérer  le  même  support.  Les  exemples 


120 


abondent  de  marchands  ou  d'entrepreneurs  anglophones  bien  accueillis 
par  l'élément  francophone.  Dans  la  seconde  moitié  du  siècle,  on  ira 
même  jusqu'à  faire  des  levées  de  fonds  pour  attirer  les  entreprises  de 
l'extérieur.  Bien  sûr,  il  faudra  bien  des  années  avant  que  l'étranger  ne  se 
sente  vraiment  accepté.  C'est  généralement  par  le  mariage  que  cette 
intégration  s'effectue.  Une  certaine  distance  peut  demeurer,  selon  la 
personnalité  du  nouvel  arrivant,  mais  elle  ne  sera  plus  celle  du  début. 
Dans  l'ensemble,  et  sauf  exceptions  d'ailleurs  célèbres,  on  est  donc  loin 
des  tensions  qui  ont  pu  marquer  d'autres  milieux,  du  moins  au  cours  de 
la  première  moitié  du  siècle,  alors  que  la  société  villageoise  n'est  pas 
encore  tout  à  fait  établie.  Il  y  aura  des  difficultés  mais  elles  seront  d'un 
autre  ordre. 

LA  SOCIÉTÉ  VILLAGEOISE 

Y  a-t-il  vraiment  une  société  villageoise,  au  sens  d'une  société 
distincte  de  celle  qui  habite  les  côtes?  Nous  le  croyons,  dans  la  mesure 
où  l'on  retrouve  au  village  une  densité  de  métiers  et  de  professions  que 
l'on  ne  retrouve  pas  ailleurs  sur  le  territoire.  Ne  chicanons  pas  sur  les 
mots  :  ce  n'est  que  par  commodité  de  présentation  que  nous  adoptons 
ici  l'expression  «  société  villageoise  ».  Dans  les  faits,  il  ne  s'agit  que  d'un 
segment  de  la  société  rurale  qui  vit  dans  le  village.  Mais  comme  ce 
segment  est  en  contact  plus  fréquent  avec  l'extérieur,  la  ville  notam- 
ment, il  se  trouve  doté  d'un  attribut  supplémentaire  qui  le  distingue  du 
monde  environnant.  Quelle  différence,  en  effet,  entre  le  marchand  du 
village  et  le  petit  boutiquier  des  côtes;  quelle  distance,  aussi,  entre  le 
collège  ou  le  couvent  du  village  et  l'école  de  rang,  et  entre  le  maître  du 
village  et  la  maîtresse  d'école  des  côtes!  Il  n'est  pas  toujours  possible 
de  mesurer  ces  écarts  ni  d'en  connaître  les  causes,  mais  on  en  sent 
partout  l'importance,  comme  si  le  fait  de  résider  au  village  rehaussait  le 
rang  social.  À  vrai  dire,  cela  n'est  pas  tout  à  fait  faux  puisque  c'est  au 
village  que  résident  généralement  les  notables. 

Un  éventail  large  d'activités 

Si  le  village  attire  autant,  c'est  qu'il  offre  des  perspectives  de  vie 
et  d'emploi  intéressantes  dont  les  ruraux  cherchent  à  profiter.  Et  de  fait, 
le  travail  ne  manque  pas,  comme  en  témoigne  la  quantité  de  métiers  et 
de  professions  consignées  dans  les  recensements  :  plus  de  200  intitulés 
différents  en  1831  et  près  du  triple  en  1851  (voir  l'annexe  D).  Cette 
diversification  des  mentions  entre  les  deux  dates  provient  en  grande 
partie  de  systèmes  différents  d'enregistrement  des  données  dans  les 


121 


recensements:  celui  de  1831,  par  exemple,  ne  cite  que  les  métiers  et 
professions  des  chefs  de  ménage,  alors  que  celui  de  1851  étend  son 
information  à  tous  les  membres  du  ménage  et  mentionne  même  les 
doubles  métiers  (par  exemple,  avocat  et  cultivateur,  charron  et  peintre, 
maçon  et  menuisier,  pilote  et  cultivateur,  etc.);  parfois,  il  va  jusqu'à 
attribuer  le  métier  du  père  aux  enfants  en  bas  âge  !  Elle  découle  aussi  de 
la  variété  de  termes  utilisés  pour  désigner  certains  métiers  (par  exemple, 
laboureur,  fermier,  cultivateur,  agriculteur,  habitant,  yeoman,  etc.)  qui  ne 
revêtent  pas  toujours  la  même  signification  sur  les  plans  économique  et 
social.  Enfin,  cette  diversité  s'explique  par  un  plus  grand  nombre  de 
mentions  relatives  au  travail  féminin  et  au  statut  social  des  personnes 
(par  exemple,  gentilhomme,  bourgeois,  étudiant).  Mais  ce  ne  sont  pas 
les  seules  causes.  En  effet,  entre  1831  et  1851,  surviennent  des 
changements  profonds  qui  favorisent  cette  diversification:  intensifica- 
tion des  échanges,  émergence  de  nouvelles  technologies  dans  les 
domaines  de  l'industrie  et  des  transports,  complexité  croissante  de  la 
société,  etc.  Il  en  résulte  une  variété  de  besoins  qui  entraîne  à  son  tour 
celle  du  travail  et  une  spécialisation  de  l'emploi  dont  l'écho  se  fait  sentir 
jusque  dans  le  vocabulaire  (par  exemple,  gardien  d'écluse,  steamer,  etc.) 
et  les  panoramas  régionaux;  généralement,  les  intitulés  sont  plus  variés 
dans  la  région  de  Montréal  que  partout  ailleurs. 

Afin  de  mieux  saisir  le  sens  de  cette  évolution  et  sa  signification 
sur  les  plans  économique  et  social,  nous  avons  regroupé  les  métiers  et 
professions  recensés  sous  12  en-têtes  inspirés  de  la  classification  propo- 
sée par  le  Groupe  de  recherche  sur  la  société  montréalaise  au  XIXe 
siècle12;  cependant,  nous  avons  retouché  cette  nomenclature  pour  tenir 
compte  des  métiers  et  professions  exercés  dans  les  bourgs.  Ces  caté- 
gories sont  les  suivantes:  commerce,  transport,  fabrication,  construc- 
tion, professions  libérales,  clergé,  services,  fonction  publique,  agricul- 
ture, journaliers,  domestiques,  pêcheurs.  En  chiffres  absolus,  les  don- 
nées qu'elles  regroupent  ne  sont  pas  comparables  dans  le  temps,  en 
raison  des  différences  d'enregistrement  mentionnées  précédemment. 


12.  Cette  classification  est  parue  dans  Jean-Paul  Bernard,  Paul-André  Linteau  et  Jean- 
Claude  Robert,  «  La  structure  professionnelle  de  Montréal  en  1825  »,  RHAF,  30(3), 
1976,  p.  383-415.  Outre  les  retouches  apportées  pour  tenir  compte  des  métiers  et 
professions  relevés  dans  les  bourgs,  nous  y  avons  inclus  les  doubles  métiers,  en 
les  regroupant  pour  moitié  ou  au  tiers  dans  les  classes  concernées  (0,5  cultivateur 
et  0,5  journalier  pour  les  personnes  qui  se  présentent  comme  journalier-cultivateur 
par  exemple,  et  0,33  si  trois  occupations  sont  déclarées),  cela  pour  éviter  de  gonfler 
les  classes  par  rapport  au  total  de  personnes  dénombrées  dans  les  bourgs.  Sans 
doute  consacraient-elles  plus  de  temps  à  une  occupation  qu'à  l'autre  mais,  sans 
aucun  moyen  de  le  savoir,  mieux  valait  procéder  ainsi  plutôt  que  de  perdre 
l'information  et  de  fausser  les  perspectives. 


122 


Toutefois,  mises  en  rapport  avec  les  données  de  population,  elles 
révèlent  la  structure  de  la  population  active  qui  évolue  beaucoup  en 
20  ans. 

En  1831,  plus  de  46  %  des  chefs  de  ménage  sont  employés  dans 
la  fabrication,  le  bâtiment  et  l'agriculture;  les  autres  sont  ou  journaliers 
(28  %)  ou  engagés  dans  les  services  (7,5  %),  le  commerce  (6,5  %)  ou 
les  transports  (3,9  %).  Quant  aux  professions  libérales  et  à  la  fonction 
publique,  elles  regroupent  respectivement  3  %  et  1,5  %  de  la  population 
adulte,  et  le  clergé  moins  de  2  %.  Deux  secteurs  sont  peu  représentés: 
la  pêche,  avec  moins  de  0,3  %  de  la  main-d'œuvre,  et  la  domesticité, 
avec  moins  de  0,1  %.  Dans  ce  dernier  cas  toutefois,  les  données  sont 
sujettes  à  caution,  car  rares  sont  les  chefs  de  ménage  qui  se  déclarent 
domestiques;  cette  occupation  se  retrouve  parmi  les  membres  du 
ménage  qui  ne  sont  pas  recensés  nominalement  en  1831.  En  1851,  le 
panorama  a  changé:  les  secteurs  de  la  fabrication,  du  bâtiment  et  de 
l'agriculture  accueillent  cette  fois  moins  de  38  %  de  la  main-d'œuvre, 
alors  que  les  secteurs  du  commerce  et  des  transports  en  cumulent 
12%.  La  part  des  journaliers  augmente  (plus  de  31  %  de  la  population 
adulte),  tout  comme  celle  des  domestiques  (10%),  dont  on  connaît 
mieux  maintenant  le  nombre  exact.  Quant  aux  autres  secteurs  d'activité, 
tels  services,  professions  libérales,  clergé,  fonction  publique,  pêche,  ils 
occupent  presque  autant  de  main-d'œuvre  qu'en  1831,  avec  de  légères 
diminutions  liées  surtout  aux  distorsions  qu'introduisent  les  données 
relatives  à  la  domesticité,  sauf  peut-être  dans  le  cas  des  services  où  la 
chute  semble  plus  prononcée. 

Analysées  dans  l'espace,  les  données  montrent  d'importantes 
variations  régionales  (voir  les  tableaux  28  et  29).  En  1831  par  exemple, 
on  compte  en  moyenne  plus  de  personnes  engagées  dans  le  commerce 
dans  les  bourgs  de  la  région  de  Trois-Rivières  que  dans  les  deux  autres 
régions,  sauf  dans  la  péninsule  de  Vaudreuil-Soulanges  où  le  pourcen: 
tage  dépasse  12%  de  la  population  active.  Par  contre,  en  ce  qui 
concerne  le  pourcentage  de  personnes  engagées  dans  la  fabrication  et  la 
construction,  celles  de  la  région  de  Montréal  dominent,  d'autant  plus 
que  la  part  des  journaliers  y  est  également  plus  élevée.  En  1851,  la 
situation  est  différente:  le  pourcentage  de  personnes  engagées  dans  le 
commerce  est  plus  grand  dans  les  bourgs  de  la  région  de  Montréal  alors 
que  la  fabrication  occupe  une  plus  grande  part  de  la  main-d'œuvre  dans 
la  région  de  Trois-Rivières.  Quant  aux  journaliers,  ils  sont  proportionnelle- 
ment plus  nombreux  dans  la  région  de  Québec;  leur  nombre  décroît 
ensuite  légèrement  dans  les  bourgs  trifluviens,  puis  de  nouveau  dans 


123 


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ceux  de  la  région  de  Montréal.  Autrement  dit,  tout  se  passe  comme  si 
l'on  assistait  à  un  déplacement  des  activités  dans  l'espace  entre  les 
deux  dates  :  rappelons  simplement  qu'il  s'agit  ici  de  pourcentages  et  non 
de  chiffres  absolus.  Il  ne  faudrait  donc  pas  en  déduire  des  traits  qu'infir- 
meraient de  tels  chiffres,  notamment  pour  ce  qui  est  du  marché  que 
signalent  les  activités  de  commerce:  en  1831,  comme  en  1851  d'ail- 
leurs, celui-ci  est  beaucoup  plus  important  dans  la  région  de  Montréal 
que  partout  ailleurs  au  Bas-Canada,  ne  serait-ce  qu'en  raison  du  nombre 
de  personnes  recensées  à  la  campagne.  En  fait,  ce  que  révèle  le 
pourcentage  d'individus  engagés  dans  tel  ou  tel  domaine  d'activité,  c'est 
la  fonction  du  bourg  et  non  les  orientations  de  l'économie  régionale.  Il  y 
a  une  différence  entre  le  gros  négociant  et  le  petit  marchand  général  : 
tous  deux  sont  des  commerçants  au  sens  général  du  terme,  mais  on 
connaît  bien  l'écart  qui  les  sépare. 

Cela  dit,  et  tout  intéressantes  qu'elles  soient,  ces  données  ne 
donnent  qu'un  aperçu  des  activités  de  la  population  villageoise;  elles  ne 
tiennent  pas  compte  de  la  situation  particulière  des  bourgs.  Pour  en  avoir 
une  meilleure  vision,  il  faut  définir  le  profil  du  bourg  par  rapport  à 
l'ensemble.  Le  village  de  Saint-Eustache  peut  servir  d'exemple  (voir  le 
tableau  30).  Prospère  jusqu'à  la  fin  des  années  1830,  il  perd  par  la  suite 
plusieurs  de  ses  anciennes  fonctions,  victime  à  la  fois  de  la  rébellion  de 
1837  et  de  la  concurrence  de  la  ville,  des  bourgs  voisins  et  de  l'arrière- 
pays  seigneurial  où  progresse  de  plus  en  plus  l'industrie  rurale. 

En  1831,  ce  village  compte  156  chefs  de  ménage;  il  fait  alors 
figure  de  petit  bourg  industriel,  avec  plus  d'une  quarantaine  de  ceux-ci 
qui  sont  engagés  dans  les  activités  de  fabrication.  En  1851,  soit  14  ans 
après  l'insurrection,  il  n'en  compte  plus  que  144,  dont  à  peine  plus  d'une 
trentaine  sont  des  artisans.  La  même  situation  existe  dans  le  transport 
et  la  construction.  En  1831,  ces  activités  occupent  une  trentaine  de 
chefs  de  ménage;  en  1851,  elles  en  occupent  24.  Même  le  nombre  de 
journaliers  diminue,  comme  si  la  décroissance  des  activités  précédentes 
avait  un  effet  direct  sur  la  répartition  des  manœuvres  dans  l'espace. 
Pourtant,  la  gamme  des  métiers  s'est  élargie,  mais  la  progression  se  fait 
surtout  au  profit  des  agriculteurs,  des  représentants  des  professions 
libérales,  les  notaires  notamment,  des  marchands  et  des  commerçants. 
Bref,  tout  se  passe  comme  si,  après  un  bref  intermède,  le  village 
retrouvait  ses  anciennes  fonctions  du  XVIIIe  siècle,  alors  qu'il  n'était 
souvent  qu'un  centre  de  services  pour  les  campagnes  environnantes. 
Les  activités  artisanales  restent  importantes,  mais  sans  l'ampleur 
qu'elles  avaient  auparavant. 


126 


La  rébellion  de  1837  explique  sans  doute  cette  évolution:  détruit 
par  les  troupes,  le  village  mettra  plus  de  dix  ans  à  renaître  de  ses 
cendres.  Mais  là  n'est  pas  la  seule  cause.  En  effet,  de  1831  à  1851,  il 
aura  à  subir  la  concurrence  des  villages  voisins,  par  exemple  Saint- 
Jérôme  plus  au  nord,  où  la  population  passe  alors  de  80  habitants 
environ  à  plus  de  445  entre  les  deux  dates  (contre  832  pour  Saint- 
Eustache  en  1831,  qui  en  compte  500  en  1815  et  783  en  1851). 
Avantageusement  situé  sur  les  bords  de  la  rivière  du  Nord,  au  contact  de 


Tableau  30 

MÉTIERS,  STATUTS  ET  PROFESSIONS  DÉCLARÉS 

DANS  LE  VILLAGE  DE  SAINT-EUSTACHE  (1831, 1851) 

(chefs  de  ménage  seulement) 


1831 

1851* 

1   arpenteur 

8 

marchands 

1    arpenteur 

2 

médecins 

4  aubergistes 

3 

médecins 

4  aubergistes 

6 

menuisiers 

1   bedeau 

9 

menuisiers 

1    avocat 

2 

meuniers 

3  bouchers 

2 

meuniers 

1    bedeau 

1 

modiste 

1    boulangère 

4 

notaires 

1    boucher 

1 

notaire  et  seigneur 

4  boulangers 

2 

officiers  demi-paie 

4   boulangers 

1 

notaire  public 

14  bourgeois 

1 

potier 

1    cardeur 

5 

notaires 

3  bourgeoises 

1 

prêtre 

9  charpentiers 

3 

plâtriers 

1   brewer 

1 

revendeuse 

1    charretier 

1 

postier 

1   chapelier 

1 

scieur 

1    charroyeur 

3 

potiers 

6  charpentiers 

2 

seigneurs 

1    clerc  de  notaire 

1 

prêtre  et  curé 

5  charretiers 

2 

tailleurs 

4  commerçants 

1 

rentier  et  cultivateur 

1   charron 

1 

tanneur 

2  commis 

4 

rentières 

6  cordonniers 

3 

tisserands 

6  cordonniers 

2 

rentiers 

1   couturier 

1 

tisseranne 

2   couturières 

1 

sage-femme 

1   couturière 

1 

tonnelier 

10  cultivateurs 

1 

secrétaire  trésorier 

4  cultivateurs 

3 

tourneurs 

1    écuyer  seigneur 

1 

seigneuresse 

1   faiseur  de  chaises 

1 

yeoman 

2  ferblantiers 

1 

sellier 

8  forgerons 

1    fermier 

2 

servantes 

2  huissiers 

4  forgerons 

1 

serviteur 

2  instituteurs 

1    gentilhomme 

2 

tanneurs 

1    institutrice 

2   huissiers 

1 

tailleur 

29  journaliers 

1    instituteur 

1 

tisserand 

10  maçons 

27  journaliers 

1 

tonnelier 

1    laboureur 

1 

tourneur 

4  maçons 

1 

veuve 

1    marchande 

n.d. 

dames  de  la 

3  marchands 

Congrégation  de 
Notre-Dame 

Total:  156 

Total:  144 

*  Selon  les  listes  du  dénombrement  personnel  et  du  dénombrement  agraire. 
n.  d.:  non  disponible. 
Sources:  ANC,  Recensements  du  Bas-Canada,  1831  et  1851-1852. 


127 


la  plaine  et  du  plateau  laurentidien,  ce  village  doit  son  origine  à  l'initiative 
des  seigneurs  Dumont  et  De  Bellefeuille  de  Saint-Eustache,  qui  en 
planifient  l'implantation  dès  les  années  1830.  D'abord  emplacement 
d'une  petite  filature,  il  deviendra  avec  le  temps  l'un  des  principaux  pôles 
industriels  de  la  région  au  nord  de  Montréal,  à  la  tête  de  tout  un  réseau 
de  moulins  établis  de  part  et  d'autre  de  la  rivière  du  Nord. 

L'exemple  de  Saint-Eustache  n'a  rien  d'unique.  Le  cas  est  le 
même  pour  tous  les  bourgs  qui  ont  eu  à  souffrir  de  l'apparition  de 
nouveaux  centres  industriels  mieux  situés  le  long  des  voies  de  com- 
munication ou  avantagés  sur  le  plan  des  ressources.  Celui  de  L'Assomp- 
tion en  offre  un  autre  exemple,  victime  celui-là  de  la  croissance  du 
village  de  L'Industrie  où  le  seigneur  Barthélémy  Joliette  avait  autrefois 
établi  des  moulins.  Même  l'agriculture  en  subira  les  effets:  privée  de 
ses  débouchés  traditionnels,  elle  connaîtra  une  longue  phase  d'hésita- 
tions, avant  de  se  tourner  finalement  vers  la  production  de  lait  et  de 
plantes  fourragères  à  destination  des  marchés  citadin  et  extérieur.  Et  il 
n'y  a  pas  que  sur  la  rive  nord  que  ce  phénomène  se  produit.  On 
l'observe  également  sur  la  rive  sud  du  fleuve  où,  après  les  années  1840, 
l'essor  industriel  n'avantage  plus  que  des  bourgs  bien  marqués  comme 
Saint-Hyacinthe,  Saint-Jean  (Dorchester),  Valleyfield,  etc. 

Ce  bref  tour  d'horizon  ne  saurait  être  complet  sans  un  aperçu  du 
travail  féminin  et  du  travail  des  enfants.  On  sait,  grâce  aux  données  de 
recensement,  que  le  travail  féminin  a  été  important.  On  peut  en  juger 
par  le  type  de  métier  ou  de  profession  enregistré  dans  les  listes.  La 
femme  travaille  comme  aubergiste  ou  hôtelière,  brodeuse,  cardeuse, 
chanteuse,  commerçante  ou  marchande,  cordonnière,  couturière,  cuisi- 
nière, cultivatrice,  directrice  d'école,  domestique  ou  servante,  engagée, 
institutrice,  femme  de  journée,  fileuse,  gardienne,  gouvernante,  journa- 
lière, laveuse,  maçon,  menuisière,  mercière,  modiste,  musicienne,  plâ- 
trière,  religieuse,  revendeuse,  sage-femme,  secrétaire,  tailleuse,  tanneuse, 
«  tisseranne  »,  vendeuse,  etc.,  sans  compter  les  mentions  relatives  à  son 
rang  ou  à  son  statut:  seigneuresse,  gentlewoman,  mendiante,  veuve  ou 
autre.  Outre  le  fait  que  les  métiers  changent  entre  1831  et  1851,  la 
fréquence  des  emplois  n'est  pas  la  même. 

Le  village  de  Saint-Eustache  nous  servira  encore  d'exemple.  En 
1831,  ce  village  compte  14  femmes  enregistrées  comme  chefs  de 
ménage,  dont  1 1  sont  veuves.  De  ce  nombre,  une  se  déclare  journalière, 
deux  sont  tisseranes,  deux  sont  couturières,  une  est  institutrice,  une  est 
revendeuse,  une  est  boulangère,  une  est  maçon,  trois  sont  recensées 
comme  bourgeoises  et  deux  sont  sans  métier  ou  statut  connu.  Au  total, 


128 


donc,  ce  sont  les  activités  de  fabrication  qui  réunissent  la  majorité.  En 
1851,  le  panorama  aura  quelque  peu  changé,  en  raison  d'un  enregistre- 
ment plus  complet  des  personnes.  À  cette  époque,  ce  village  compte  au 
total  quelque  415  femmes  et  jeunes  filles,  qui  représentent  52,9  %  de  la 
population  locale.  De  ce  nombre,  un  peu  moins  d'une  centaine  vaquent  à 
des  activités  diverses.  La  plupart  sont  domestiques  (39,8  %),  modistes 
ou  apprenties  modistes  (19,4%),  couturières  (9,7%),  journalières 
(9,7  %),  ce  qui  en  laisse  encore  environ  30  %  dans  la  fabrication.  Deux 
sont  religieuses,  une  est  marchande  et  une  est  sage-femme.  Quant  aux 
autres,  elles  se  déclarent  rentières  (7,5  %),  ménagères  (4,3  %),  men- 
diantes (2,2  %)  ou  seigneuresses  (1,1  %).  Cette  situation  est  caractéristi- 
que des  bourgs  qui  comptent  une  importante  bourgeoisie  locale.  Pour- 
tant, elle  n'est  pas  très  différente  dans  les  autres  villages  où  l'on 
observe  également  un  nombre  important  de  femmes  dans  la  domesticité 
et  dans  la  fabrication.  Par  exemple,  à  Saint-Antoine-de-la-Rivière-du- 
Loup,  on  ne  dénombre  pas  moins  d'une  soixantaine  de  jeunes  femmes 
occupées  à  du  travail  de  broderie  sur  écorce  de  bouleau  à  la  même 
époque.  Au  total,  elles  représentent  à  elles  seules  10  %  de  la  population 
du  village  qui  compte  alors  600  habitants.  De  même,  dans  les  villages  de 
L'Assomption  et  de  Saint-Jacques,  la  fabrication  des  ceintures  fléchées 
(les  Assomption  Sash)  prend  la  forme  d'une  véritable  petite  industrie13. 

Quant  au  travail  des  enfants,  il  est  plus  difficile  à  cerner  en  raison 
d'un  mauvais  enregistrement  des  données  dans  les  recensements  qui 
attribuent  souvent  aux  enfants  en  bas  âge  (souvent  de  moins  de  cinq 
ans,  selon  les  localités)  le  métier  de  leurs  parents.  Néanmoins,  si  l'on  en 
juge  par  les  villages  où  le  relevé  est  bien  fait,  il  semble  que  celui-ci  ne 
s'amorce  que  vers  l'âge  de  12  ou  13  ans  chez  les  garçons,  un  peu  plus 
tard  chez  les  filles,  par  exemple  chez  les  artisans  où  les  fils  sont  initiés 
tôt  au  travail  du  père  (boulanger,  charpentier,  meunier,  sellier,  etc.).  Le 
cas  est  le  même  chez  les  journaliers  où  l'apprentissage  prend  cependant 
un  tout  autre  aspect.  Enfin,  il  arrive  que  de  toutes  jeunes  filles  soient 
parfois  reconnues  comme  servantes  dès  l'âge  de  huit  ou  neuf  ans,  mais 
c'est  l'exception  :  la  jeune  fille  n'entre  vraiment  sur  le  marché  du  travail 
qu'à  l'âge  nubile  et  très  souvent  comme  apprentie. 


13.  Cette  activité  aurait  été  introduite  vers  1837  par  un  ancien  commerçant  du  nord- 
ouest,  Salomon  Bélanger,  devenu  depuis  l'agent  de  la  Hudson's  Bay  Company; 
celui-ci  distribue  alors  lui-même  la  laine  aux  tisseuses,  pour  acheminer  ensuite  le 
produit  fini  sur  le  marché.  Le  commerce,  semble-t-il,  était  florissant.  Il  le  sera 
jusqu'à  la  fin  du  siècle.  Voir  Guy  Courteau  et  François  Lanoue,  Une  nouvelle  Acadie, 
Saint-Jacques  de  l'Achigan,   1772-1947,  p.  270-271. 


129 


Pourtant,  ce  ne  sont  pas  tous  les  enfants  qui  travaillent,  du  moins 
sur  une  base  permanente.  En  effet,  les  recensements  font  également 
état  d'une  importante  clientèle  scolaire,  qui  varie  selon  les  bourgs  mais 
qui  peut  représenter  en  moyenne  jusqu'au  tiers  de  la  population  locale 
en  1831,  mais  seulement  15%  en  1851.  Cette  variation  du  nombre 
d'écoliers  entre  les  deux  dates  appelle  une  explication,  car  elle  n'est  pas 
nécessairement  due  à  un  mauvais  enregistrement  des  données.  C'est 
qu'on  assiste  à  l'époque  à  la  mise  en  place  d'un  système  d'écoles 
publiques14  qui  suscite  bien  des  remous.  Assumé  jusque-là  par  l'Église, 
l'enseignement  ne  devient  une  responsabilité  d'État  qu'au  début  du  XIXe 
siècle,  après  que  l'on  eut  tenté  en  vain  de  faire  adopter  une  loi  pour 
établir  les  premières  écoles  primaires  gratuites  vers  la  fin  des  années 
1780. 

La  première  loi  date  de  1801.  Elle  visait  la  création  d'écoles 
«  royales  »  placées  sous  la  responsabilité  de  maîtres,  de  commissaires 
et  de  syndics  nommés  par  le  gouverneur.  Voyant  là  une  menace 
d'assimilation  et  de  protestantisme  accru,  le  clergé  catholique  s'y  était 
opposé,  si  bien  que  l'initiative  tourna  court,  du  moins  dans  les  milieux 
francophones.  En  1824,  une  nouvelle  loi  fut  adoptée,  qui  autorisait  les 
fabriques  à  consacrer  le  quart  de  leur  budget  à  la  création  et  à  l'entretien 
d'écoles.  Là  encore,  l'initiative  tourna  court,  face  à  l'apathie  de  la 
population  et  au  peu  de  revenus  de  certaines  fabriques.  En  1830,  il  n'y  a 
encore  qu'une  soixantaine  d'écoles  de  fabrique  au  Bas-Canada,  auxquel- 
les il  faut  ajouter  quelques  écoles  privées  et  une  douzaine  d'écoles 
«  royales  »  nées  de  la  loi  de  1801 .  Le  véritable  essor  ne  viendra  qu'avec 
les  écoles  dites  de  syndic  créées  par  la  loi  de  1829  «  pour  encourager 
l'éducation  élémentaire  ».  Adoptée  pour  trois  ans,  cette  loi  prévoyait 
cette  fois  une  aide  importante  de  l'État,  qui  pouvait  aller  jusqu'à  la  moitié 
du  coût  d'achat  et  de  construction  des  écoles  (jusqu'à  concurrence  de 
50  livres  courantes),  et  assurait  aux  instituteurs  et  institutrices  un 
traitement  annuel  de  20  livres  et  une  allocation  de  10  chelins  par  enfant 
pauvre.  Cette  loi  sera  reprise  et  augmentée  en  1832,  poursuivie  en  1834 
pour  être  finalement  abolie  en  1836  devant  le  refus  du  Conseil  législatif 
d'en  adopter  le  renouvellement.  On  compte  alors  tout  près  de  1  400 
écoles  de  syndic  au  Bas-Canada.  Par  la  suite,  leur  nombre  diminua,  en 
raison  de  l'introduction,  à  partir  de  1841,  d'un  nouveau  principe  de 


14.  A  ce  sujet,  voir:  Louis-Philippe  Audet,  Histoire  de  l'enseignement  au  Québec; 
Québec,  Rapport  de  la  Commission  royale  d'enquête  sur  l'enseignement  dans  la 
province  de  Québec,  première  partie,  «  Les  structures  supérieures  du  système 
scolaire  »,  p.  1  et  suiv. 


130 


partage  des  charges  entre  le  gouvernement  et  la  population  locale  (lois 
de  1841,  de  1845  et  de  1846).  Des  conseils  de  district  furent  créés,  avec 
le  mandat  de  diviser  les  paroisses  et  les  cantons  en  arrondissements 
scolaires.  Dans  chaque  arrondissement,  des  commissaires  élus  avaient 
entre  autres  pour  responsabilité  de  réunir  les  sommes  nécessaires  au 
financement  des  écoles  publiques.  Ce  dernier  devait  être  assuré  par  un 
«  fonds  commun  des  écoles  »,  qui  pouvait  verser  des  octrois  aux  autori- 
tés locales,  en  fonction  du  nombre  d'enfants  de  5  à  16  ans  dans  le 
district,  pourvu  que  celles-ci  réunissent  une  somme  au  moins  égale  au 
montant  versé  par  l'État,  soit  par  une  taxe  sur  les  propriétés  foncières, 
soit  par  une  contribution  mensuelle  des  parents.  Opposée  à  ce  principe 
de  taxation  à  des  fins  scolaires,  la  population  brûla  quelques  écoles  et  en 
ferma  d'autres  (guerre  des  Éteignoirs);  ce  principe  fut  cependant  main- 
tenu (loi  de  1849)  et,  en  1855,  les  contributions  locales  représentaient 
déjà  quatre  fois  les  sommes  versées  par  l'État. 

C'est  dans  ce  contexte  qu'il  faut  interpréter  les  données  de 
recensement.  En  1831,  le  système  d'écoles  publiques  est  assez  récent 
et  l'on  construit  des  écoles  dans  les  bourgs,  ce  qui  explique  le  grand 
nombre  d'écoliers:  les  enfants  des  côtes  s'ajoutent  à  ceux  du  village 
pour  atteindre  un  nombre  qui  dépasse  parfois  celui  de  la  population 
villageoise.  Tel  est  le  cas  à  Sainte-Famille,  dans  l'île  d'Orléans,  où  l'on  ne 
compte  encore  qu'une  école,  construite  dans  le  village,  et  dont  le 
nombre  d'écoliers  et  d'écolières  en  1831  dépasse  celui  de  la  population 
du  bourg  (97  enregistrements  pour  moins  d'une  cinquantaine  d'habi- 
tants). Ce  sera  moins  vrai  par  la  suite,  avec  la  multiplication  des  écoles 
de  rang  et  les  désordres  qui  entourent  la  loi  de  1846.  Autrement  dit,  plus 
élevé  en  début  de  période,  alors  que  l'on  assiste  à  l'implantation  d'un 
système  d'écoles  publiques  subventionné  qui  favorise  la  construction 
d'écoles  dans  les  bourgs,  le  nombre  d'écoliers  baisse  quand  se  multi- 
plient les  écoles  de  rang.  Par  ailleurs,  en  hausse  quand  il  s'agit  d'obtenir 
des  octrois,  ce  nombre  baisse  également  quand  il  s'agit  de  protester 
contre  une  loi  que  l'on  réprouve,  ce  qui  entraîne  également  une  diminu- 
tion du  nombre  d'instituteurs,  que  l'on  ne  retrouve  plus  que  dans  35  % 
des  bourgs  en  1851,  contre  les  deux  tiers  20  ans  auparavant.  Il  est  vrai 
que  notre  échantillon  n'est  pas  le  même  entre  les  deux  dates,  ce  qui 
peut  expliquer  en  partie  cette  variation.  Toutefois,  même  si  les  données 
restent  sujettes  à  caution,  il  n'en  demeure  pas  moins  qu'elles  traduisent 
un  malaise,  particulièrement  vif  dans  les  régions  de  Trois-Rivières,  de 
Nicolet,  de  Berthier,  de  Lanoraie  et  de  Beaumont  et  dans  les  milieux 


131 


irlandais  de  la  région  de  Québec:  Valcartier,  Sainte-Catherine,  Saint- 
Raymond  et  Saint-Basile-de-Portneuf,  ainsi  qu'à  Saint-Gilles  et  Saint- 
Sylvestre,  dans  le  comté  de  Lotbinière15. 

Les  statuts  et  les  rôles 

Dans  le  village,  les  clivages  sont  nombreux.  Cela  tient  au  caractère 
très  diversifié  de  la  population.  Nous  ne  sommes  pas  encore  en  mesure 
de  les  saisir  tous.  Néanmoins,  on  peut  en  déceler  l'importance  à  travers 
les  statuts  et  les  rôles  de  certains  individus  ou  groupes  sociaux. 

Le  seigneur 

De  tous  les  personnages  en  vue  dans  le  bourg,  le  seigneur  reste 
le  plus  important.  Par  son  titre  et  sa  situation  de  grand  propriétaire 
foncier,  il  est  celui  dont  la  supériorité  et  la  prééminence  sont  reconnues 
de  tous,  mais  parfois  discutées  comme  en  témoignent  plusieurs  inci- 
dents locaux.  Il  est  le  premier  partout:  premier  au  village,  ce  qui  lui  vaut 
toutes  sortes  d'honneurs  et  de  sollicitations;  premier  à  l'église  où  il  a 
son  banc  réservé;  premier  dans  l'ordre  des  sépultures,  car  il  peut 
prétendre  à  un  lieu  à  part;  premier  très  souvent  dans  l'habitat,  par  sa 
fortune;  premier  enfin  dans  l'ordre  des  percepteurs,  ce  qui  l'assimile 
parfois  à  un  maître  tyrannique,  surtout  s'il  a  quelque  travers  de  person- 
nalité. Certes,  il  faudrait  distinguer  ici  entre  le  seigneur  laïque,  dont  les 
exigences  sont  généralement  plus  élevées,  et  les  seigneurs  ecclésiasti- 
ques pour  qui  la  gestion  d'une  seigneurie  n'a  pas  la  même  signification. 
Mais  quelles  que  soient  leurs  multiples  dissemblances,  ils  prélèvent  leur 
dû.  Par  contre,  ils  n'en  sont  pas  moins  généreux,  notamment  quand  il 
s'agit  d'établir  le  village  ou  de  soutenir  les  bonnes  œuvres.  Il  reste  que 
les  contrats  de  concession  sont  souvent  assortis  de  conditions  qui 
varient  d'un  seigneur  à  l'autre. 

En  1831,  rappelons-le,  seuls  une  vingtaine  de  bourgs  comptent  un 
ou  plusieurs  seigneurs  parmi  leurs  résidents,  une  trentaine  en  1851.  En 
général,  ceux-ci  habitent  plutôt  à  l'écart,  dans  une  côte  avoisinante  ou 
sur  l'autre  rive  du  cours  d'eau  qui  jouxte  le  village,  mais  plusieurs 
habitent  la  ville  ou  un  quelconque  autre  bourg  s'ils  possèdent  plusieurs 
seigneuries.  Même  quand  ils  résident  ailleurs,  ils  demeurent  présents 
par  leur  régisseur  ou  leur  homme  de  confiance.  On  connaît  mal  encore 
le  rôle  de  ces  régisseurs  dans  la  gestion  des  seigneuries.  Des  recher- 
ches récentes  montrent  toutefois  que  celui-ci  fut  important,  non  seule- 


15.  Louis-Philippe  Audet  et  Armand  Gauthier,  Le  système  scolaire  du  Québec,  p.  16-19. 
132 


ment  sur  le  plan  administratif  et  financier  (collecte  des  redevances, 
tenue  des  livres,  prêts  divers,  etc.),  mais  aussi  quant  à  l'aménagement 
des  fiefs  (construction  de  moulins,  ouverture  de  nouveaux  chemins,  de 
nouvelles  côtes,  etc.)16.  Très  souvent,  leurs  exigences  égalent  celles  des 
seigneurs  quand  elles  ne  les  dépassent  pas.  C'est  qu'en  plus  du  devoir 
de  protéger  les  intérêts  du  titulaire  du  fief,  ils  recherchent  très  souvent 
les  leurs;  dans  ce  cas,  ils  n'hésitent  pas  à  se  livrer  à  des  exactions  qui 
pouvent  même  devenir  préjudiciables  au  seigneur.  D'ailleurs,  il  est 
significatif  de  noter  que,  dans  les  seigneuries  dont  le  maître  est  absent, 
les  conditions  d'établissement  sur  la  terre  sont  en  général  plus  difficiles 
que  dans  les  fiefs  où  il  réside,  en  raison  des  gratifications  exigées  par 
certains  régisseurs  pour  la  concession  d'un  lot.  Tous  ne  sont  évidem- 
ment pas  des  gens  malhonnêtes,  loin  de  là,  et  il  existe  des  exemples  de 
régisseurs  dévoués  à  leur  maître  et  à  ses  censitaires.  Mais  ils  suscitent 
généralement  plus  de  méfiance  que  le  seigneur,  envers  qui  l'on  affiche 
plutôt  une  réserve  prudente. 

Le  curé 

L'imagerie  dévote  et  le  roman  paysan  ont  imposé  l'image  du  curé 
qui  agit  en  pasteur  éclairé  d'une  communauté  respectueuse  des  directi- 
ves du  clergé.  Sans  être  totalement  fausse,  cette  représentation  est  loin 
d'être  générale.  À  l'époque  qui  nous  intéresse,  bien  peu  de  curés 
peuvent  se  vanter  d'avoir  pleine  autorité  sur  leurs  paroissiens,  même 
quand  ils  sont  fils  d'habitant  et  en  partagent  les  codes.  Au  contraire,  il 
leur  faut  consacrer  beaucoup  d'efforts  pour  s'imposer  et  amortir  les 
heurts  qu'entraînent  les  conflits  de  personnalité  (avec  le  seigneur,  l'au- 
bergiste, les  marguilliers,  etc.),  les  débats  soulevés  au  sujet  de  la 
construction  ou  de  la  réparation  des  édifices  religieux  (choix  de  l'empla- 
cement, évaluation  et  répartition  du  coût,  qui  relèvent  en  principe  de 
commissaires  spécialement  mandatés  à  cette  fin  mais  qui  concernent 
également  le  curé),  de  l'implantation  d'une  école,  de  la  perception  des 
dîmes  et  de  la  fréquentation  des  sacrements.  La  situation  est  particulière- 
ment difficile  dans  les  bourgs  industriels  où  le  taux  d'alcoolisme  est 
élevé.  Elle  est  un  peu  meilleure  dans  les  villages  les  plus  anciens  où, 
parce  que  la  population  est  plus  «  bourgeoise  »,  le  curé  jouit  davantage 
d'autorité  morale.  Cependant,  même  là  des  difficultés  surgissent,  qui 
montrent  que  l'Église,  durant  la  première  moitié  du  XIXe  siècle,  n'a  pas 
encore  vraiment  réussi  à  s'imposer. 


16.  Voir,  entre  autres:  André  Larose.  «  La  seigneurie  de  Beauharnois  [...]  »;  Françoise 
Noël,  «  Gabriel  Christie's  Seigneuries  [...]  ». 


133 


Caractéristique  des  années  1830,  cette  situation  est  beaucoup 
moins  réelle  au  cours  des  années  1850,  alors  que  l'on  assiste  à  une 
certaine  stabilisation  de  la  croissance  villageoise.  Le  nombre  de  prêtres 
augmente  -  on  en  retrouve  dans  plus  de  62%  des  bourgs  en  1851, 
contre  44  %  en  1831  -  ainsi  que  les  communautés  religieuses  auxquel- 
les on  fait  appel  pour  enseigner  dans  les  collèges  et  les  couvents. 
Surtout,  de  nouvelles  structures  administratives  apparaissent  qui  favori- 
sent le  contrôle  social  :  commissions  scolaires,  corporations  municipales, 
où  le  curé  est  souvent  appelé  à  siéger  comme  aumônier.  Ajoutées  aux 
bonnes  œuvres  et  aux  systèmes  de  gestion  déjà  en  place  (notamment 
les  assemblées  de  fabrique),  elles  finissent  par  faire  du  village  un  lieu 
d'édiction  de  normes  pour  l'ensemble  de  la  communauté.  Mais  n'antici- 
pons rien:  en  1850,  il  reste  encore  bien  des  batailles  à  livrer,  dont  celles 
de  l'alcoolisme  et  des  bonnes  mœurs. 

Cela  dit,  et  quelle  que  soit  l'époque  considérée,  le  curé  reste  un 
personnage  important  avec  qui  il  faudra  toujours  composer.  C'est  qu'en 
plus  de  sa  fonction  strictement  pastorale  et  de  ce  qui  s'y  rattache  sur  le 
plan  civil  (instruction  primaire,  administration  paroissiale,  surveillance  des 
activités  de  la  fabrique,  tenue  des  registres  d'état  civil,  entretien  et 
décoration  des  lieux  de  culte,  etc.),  il  est  au  cœur  de  tous  les  débats  qui 
animent  la  communauté  villageoise  et,  plus  largement,  la  société  rurale 
tout  entière17.  Médiateur  entre  Dieu  et  les  hommes,  il  est  donc  appelé  à 
devenir  également  un  intermédiaire  entre  les  personnes  :  ce  rôle,  surtout 
s'il  se  l'octroie  lui-même,  lui  vaudra  parfois  de  solides  inimitiés  dont 
l'écho  peut  parvenir  jusqu'à  l'évêque.  Mais  pourvu  qu'il  sache  se  faire 
aimer  de  ses  paroissiens,  il  deviendra  vite  leur  confident  et  leur  arbitre, 
celui  à  qui  l'on  peut  même  emprunter  quelque  argent  dans  les  moments 
difficiles.  C'est  ce  rôle  élargi  qui  lui  conférera  finalement  son  autorité. 

Les  notables 

Il  est  peu  de  villages  où  l'on  ne  trouve  au  moins  quelques 
représentants  de  ce  que  l'on  appelle  les  notables  (voir  le  tableau  31). 
Cette  notion  n'est  pas  facile  à  circonscrire,  d'une  part  parce  qu'elle 
renvoie  à  la  perception  des  différences  sociales,  d'autre  part  parce 
qu'elle  suppose  une  bonne  connaissance  de  la  hiérarchie  sociale  et  des 


17.  Sur  le  rôle  du  curé,  voir  Richard  Chabot,  Le  curé  de  campagne. 
134 


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pouvoirs  de  chacun,  groupes  ou  individus18.  Nous  ne  sommes  pas  allé 
jusque-là  dans  notre  enquête.  Néanmoins,  concernant  le  début  des 
années  1830,  nous  disposons  des  quelques  opinions  émises  par  les 
curés  au  Comité  spécial  de  la  Chambre  d'assemblée  relativement  aux 
affaires  de  fabrique19.  Comme  il  arrive  souvent  en  pareil  cas,  les  diver- 
gences sont  nombreuses:  les  uns  limitent  ce  qualificatif  au  seigneur, 
aux  magistrats  et  aux  capitaines  de  milice,  les  autres  retendent  au 
contraire  à  toute  personne  «  de  bon  sens  »,  pourvu  qu'elle  possède  un 
bien-fonds  et  qu'elle  fasse  preuve  de  probité  et  de  mérite.  Par  ailleurs, 
d'autres  répondent  par  la  négative:  ne  devraient  pas  faire  partie  des 
assemblées  de  fabrique  (donc  des  notables)  les  gens  qui  ne  cherchent 
qu'«  à  semer  le  trouble  »,  qui  «  indisposent  les  esprits  »  contre  le  curé, 
ou  qui  sont  «  notablement  vicieux  »  ou  qui  font  preuve  d'«  irréligion  ». 
Enfin,  certains  refusent  de  se  prononcer,  soit  parce  qu'ils  sont  opposés 
au  projet  de  loi,  soit  parce  qu'ils  trouvent  la  question  «  trop  délicate  ». 

La  difficulté  reste  donc  entière,  et  ce  n'est  que  par  commodité 
que  nous  limiterons  ici  l'appellation  de  notables  aux  couches  supérieures 
du  corps  social,  puisque  seules  ces  données  nous  sont  accessibles  pour 
l'instant.  Qui  sont  ces  notables?  Outre  le  seigneur,  ce  sont  les  magistrats, 
les  représentants  des  professions  libérales  et  les  importants  proprié- 
taires terriens  qui  résident  au  village  ou  dans  ses  environs  immédiats  et 
qui  disposent  de  revenus  qui  les  placent  au-dessus  de  la  masse  des 
travailleurs  manuels.  On  pourrait  sans  doute  inclure  tous  ceux  qui  se 
déclarent  gentilshommes  sans  autre  indication,  ce  qui  laisse  à  penser 
qu'ils  se  contentent  de  vivre  de  revenus  accumulés  ou  du  produit  de 
quelque  ferme  ou  autres  entreprises.  De  même,  pourraient  s'y  ajouter 


18.  Sur  les  notables  au  Québec  et  les  difficultés  que  pose  l'étude  de  la  structure 
sociale,  voir:  Jean-Claude  Robert,  «  Les  notables  de  Montréal  au  XIXe  siècle  »,  HS, 
8(15),  1975,  p.  54-76;  Gérard  Bouchard,  Yves  Otis  et  France  Markowski,  «  Les 
notables  du  Saguenay  au  20e  siècle  à  travers  deux  corpus  biographiques  »,  RHAF, 
39(1),  1985,  p.  3-23;  François  Guérard,  «  Les  notables  trifluviens  au  dernier  tiers  du 
19e  siècle  [...]  »,  RHAF,  42(1),  1988,  p.  27-46.  Voir  aussi:  Gérald  Bernier,  «  La 
structure  de  classes  québécoise  au  19e  siècle  et  le  problème  de  l'articulation  des 
modes  de  production  »,  RCSP,  XIV(3),  1981,  p.  487-518;  Alfred  Dubuc,  «  Problems 
in  the  Study  of  the  Stratification  of  the  Canadian  Society  from  1760  to  1840  », 
Canadian  Association  Historical  Report,  1965,  p.  13-29,  et,  du  même  auteur,  «  Les 
classes  sociales  au  Canada  »,  AESC,  22(4),  1967,  p.  829-844;  Gilles  Paquet  et  Jean- 
Pierre  Wallot,  «  Groupes  sociaux  et  pouvoir:  le  cas  canadien  au  tournant  du  XIXe 
siècle  »,  RHAF,  27(4),  1974,  p.  509-564;  Paul-André  Linteau,  «  Quelques  réflexions 
autour  de  la  bourgeoisie  québécoise,  1850-1914»,  RHAF,  30(1),  1976,  p.  55-66; 
Normand  Séguin,  La  conquête  du  sol  au  19e  siècle.  Sur  le  notable  comme  «  agent 
d'influence  »,  voir,  entre  autres,  Alain  Croix,  «  Les  notables  ruraux  dans  la  France  du 
XVIIIe  siècle:  une  clé  de  la  sociabilité  »,  dans  Roger  Levasseur  (dir.),  De  la  sociabi- 
lité. Spécificité  et  mutations,  p.  39-58. 

19.  JALBC.  1832,  app.  QQ,  «  Quelques  questions  soumises  [...]  ».  Nous  devons  ces 
données  à  l'amabilité  de  Jacques  Crochetière. 


136 


certains  gros  agriculteurs  dont  l'exploitation  est  située  dans  le  village  ou 
à  proximité  -  il  y  en  a  dans  presque  tous  les  bourgs  -,  et  une  partie  de 
ceux  qui  se  déclarent  bourgeois  et  rentiers.  Tous  ne  disposent  pas  de 
revenus  supérieurs,  mais  plusieurs  sont  d'anciens  marchands  en  vue  ou 
ont  été  d'importants  agriculteurs  sur  qui  l'on  peut  toujours  compter  pour 
une  hypothèque  ou  un  prêt  à  court  terme.  Enfin,  on  inclurait  les  person- 
nes les  plus  en  vue  du  village,  quel  que  soit  leur  champ  d'activité: 
commerce,  artisanat,  industrie,  etc.  À  vrai  dire,  celles-ci  forment  cepen- 
dant un  groupe  à  part,  car  on  ne  perçoit  pas  forcément  comme  notables 
tous  les  marchands,  les  artisans  ou  les  entrepreneurs  ;  tout  dépend  de 
leur  personnalité  plus  souvent  que  de  leurs  revenus. 

En  chiffres  absolus,  ces  notables  sont  peu  nombreux.  On  n'en 
compte  encore  que  quelques-uns  par  village  :  moins  de  deux  en  moyenne 
en  1831,  si  l'on  ne  tient  compte  que  des  personnages  les  plus  impor- 
tants, près  de  quatre  en  1851.  Ils  habitent  généralement  les  bourgs 
situés  sur  la  rive  sud  du  fleuve  où  ils  sont  deux,  voire  trois  fois  plus 
nombreux  que  dans  ceux  de  la  rive  nord  et  des  îles.  Comme  il  existe  ici 
une  corrélation  positive  entre  la  taille  des  bourgs  et  le  nombre  de 
notables  (les  coefficients  sont  supérieurs  à  0,8  quelle  que  soit  la  date  de 
recensement),  et  comme  la  rive  sud  du  fleuve  compte  plus  de  gros 
bourgs  que  la  rive  nord  et  les  milieux  insulaires,  ce  nombre  reste,  toutes 
proportions  gardées,  assez  semblable.  Par  contre,  ces  notables  sont  au 
cœur  de  la  vie  du  village  qu'ils  influencent  à  plus  d'un  égard,  par  leur 
formation  d'abord,  mais  aussi  et  peut-être  davantage  par  leur  profession 
et  leurs  relations  qui  les  font  percevoir  bien  souvent  comme  des  demi- 
citadins  par  les  résidents  du  bourg  et  des  campagnes  environnantes. 

Bien  sûr,  il  existe  des  lieux  que  même  les  notables  les  plus 
respectés  ne  parviennent  pas  à  pénétrer.  Cependant,  chaque  fois  que  le 
bien  de  la  communauté  est  en  cause,  on  fait  appel  à  eux,  ne  serait-ce 
que  pour  bénéficier  de  leur  appui,  financier  notamment,  ou  de  celui  de 
leurs  réseaux  d'affaires,  de  parents  ou  d'amis.  Aussi  les  voit-on  siéger 
autant  dans  les  organisations  civiles  que  dans  les  organismes  religieux 
ou  parareligieux,  qu'ils  président  très  souvent.  Enfin,  comme  ils  partici- 
pent par  leur  instruction  aux  courants  d'idées  qui  entraînent  les  bour- 
geoisies citadines,  ils  contribuent  à  faire  du  village  un  lieu  de  diffusion 
des  valeurs  urbaines  que  tous  n'adopteront  pas,  mais  qui  finiront  peu  à 
peu  par  s'imposer.  En  fait,  ce  sont  des  intermédiaires  entre  la  paysanne- 
rie et  la  société  rurale,  des  diffuseurs  de  la  culture  dite  savante,  à  qui  l'on 
doit  souvent  de  nouvelles  idées  et  des  pratiques  originales  sur  le  plan 
économique,  et  surtout  d'autres  habitudes  de  consommation.  Pour  plus 


137 


d'un,  ils  sont  des  exemples  de  promotion  sociale  sinon  des  modèles 
qu'on  pourra  envier,  voire  contester,  mais  dont  on  parlera  pour  vanter  la 
qualité  du  bourg. 

Dans  ce  groupe  de  notables,  le  médecin  et  le  notaire  occupent 
une  place  particulière  :  tantôt  conseillers,  tantôt  confidents,  on  a  recours 
à  eux  pour  tous  les  événements  importants  de  la  vie  courante.  Tel  est  le 
cas  du  «  ramancheur  »  et  de  la  sage-femme,  qui  ne  font  pas  vraiment 
partie  du  groupe  des  notables,  mais  qui  sont  souvent  perçus  comme  des 
personnes  de  confiance  -  souvent  davantage  que  les  notables  -,  et 
sur  qui  l'on  peut  toujours  compter  avant  de  recourir  au  médecin.  Quant 
au  maître  d'école,  qui  n'est  pas  non  plus  généralement  considéré 
comme  un  notable,  à  moins  d'être  lui-même  une  personne  de  haut  rang 
pour  qui  l'enseignement  est  un  passe-temps,  il  ne  jouit  pas  de  la  même 
confiance.  Il  en  existe  quelques-uns  dans  les  bourgs,  à  qui  l'on  doit 
tantôt  une  école  de  latin,  tantôt  une  classe  de  jeunes  filles  réservée  aux 
enfants  de  la  petite  bourgeoisie  locale.  Le  coseigneur  Laviolette  et  le 
docteur  Labrie,  de  Saint-Eustache,  sont  de  ceux-là. 

Enfin,  c'est  dans  ce  groupe  de  notables  qu'est  choisi,  générale- 
ment, le  capitaine  de  milice.  Mais  il  arrive  aussi  que  celui-ci  vienne  d'un 
autre  groupe  social,  pourvu  qu'il  présente  alors  les  qualités  (et  les 
garanties,  puisqu'il  est  nommé  par  l'État)  nécessaires. 

Les  marchands 

À  cette  petite  bourgeoisie  de  seigneurs  et  de  représentants  de 
professions  libérales,  on  pourrait  rattacher  les  marchands,  plus  nom- 
breux et  parfois  plus  riches,  du  moins  si  l'on  en  juge  par  la  taille  de 
certains  biens-fonds.  Eux  aussi  sont  des  demi-citadins,  peut-être  plus 
encore  que  les  membres  du  groupe  précédent,  sinon  par  leur  instruc- 
tion, du  moins  par  leurs  relations.  Certains,  parmi  les  plus  importants, 
sont  même  très  bien  vus  de  leurs  concitoyens.  La  plupart  cependant  ne 
sont  que  de  petits  commerçants,  bien  loin  de  la  puissance  et  du  rang 
social  des  négociants  chez  qui  ils  s'approvisionnent.  Mais  petits  ou  gros, 
eux  aussi  sont  à  l'écoute  des  idées  urbaines,  peut-être  plus  encore  que 
certains  notables.  Si  le  métier  de  marchand  n'évoque  encore  dans  bien 
des  cas  qu'un  genre  de  vie  -  qui  sera  sanctionné  plus  tard  par 
l'expression  «  marchand  général  »  - ,  les  commerçants  ont  tout  de  même 
des  contacts  avec  la  ville,  soit  directement,  soit  grâce  à  des  intermédiai- 
res qui  véhiculent  les  valeurs  urbaines.  Il  est  d'ailleurs  significatif  de 
noter  que  les  premiers  qui  ressentiront  cette  influence  seront  leurs 


138 


enfants,  parmi  lesquels  plusieurs  se  dirigeront  bientôt  vers  les  couvents 
et  les  collèges  classiques. 

Au  total,  notre  échantillon  compte  environ  450  marchands  en 
1831,  contre  un  peu  plus  de  1  460  en  1851,  ce  qui  représente  en 
moyenne  deux  marchands  par  village  en  début  de  période,  contre  six  au 
milieu  du  siècle.  Comme  pour  les  notables,  leur  répartition  avantage 
surtout  les  bourgs  de  la  rive  sud  du  fleuve,  sauf  dans  la  région  de  Trois- 
Rivières  où  les  proportions  s'inversent,  au  profit  cette  fois  de  la  rive 
nord.  La  seule  corrélation  positive  ici  (supérieure  à  0,7  aux  deux  dates) 
concerne  le  rapport  marchands-artisans;  sur  la  base  des  données  dispo- 
nibles, il  semble  en  effet  que  là  où  les  artisans  sont  nombreux,  les 
marchands  le  sont  aussi,  ce  qui  tendrait  à  démontrer  que  les  marchands 
de  l'époque  représentaient  l'étage  supérieur  de  la  stratification  sociale 
des  artisans,  phénomène  que  Paul  Bois  a  déjà  observé  dans  la  France  de 
l'Ouest20. 

Mi-commerçant,  mi-artisan,  pratiquant  parfois  plusieurs  métiers, 
l'aubergiste  occupe  lui  aussi  une  place  à  part  dans  le  village.  Il  en  existe 
de  deux  sortes:  l'aubergiste,  le  vrai,  c'est-à-dire  celui  qui  tient  une 
maison  d'accueil  pour  les  voyageurs,  et  le  cabaretier,  qui  tient  un  débit 
de  boissons.  Les  recensements  ne  permettent  pas  vraiment  de  distin- 
guer les  deux,  sauf  celui  de  1831  qui  établit  une  différence  entre  les 
auberges  et  les  «  magasins  où  se  débitent  des  liqueurs  fortes  ».  Comme 
il  y  a  souvent  confusion  entre  les  deux,  les  données  ne  sont  cependant 
pas  très  sûres.  Néanmoins,  on  relève  alors  266  auberges  dans  les 
bourgs  et  257  débits  de  boissons,  ce  qui  représente  en  moyenne  un  peu 
plus  de  deux  établissements  par  bourg,  à  l'avantage  généralement  des 
auberges,  sauf  dans  la  région  de  Trois-Rivières  où  le  nombre  de  débits 
est  deux  fois  plus  élevé.  C'est  contre  le  cabaretier  surtout  que  le  curé 
tonnera,  en  prétendant  que  son  établissement  est  un  lieu  de  perdition. 
En  1831,  on  compte  un  aubergiste  dans  au  moins  un  village  sur  deux.  En 
1851,  ils  ne  sont  plus  mentionnés  que  dans  20  %  des  bourgs,  en  raison 
des  campagnes  de  tempérance  menées  par  l'Église  à  partir  des  années 
1840.  Lancées  à  Beauport  par  l'abbé  Chiniquy,  elles  seront  fortement 
épaulées  par  les  retraites  de  Mgr  de  Forbin-Janson21  et  l'apparition, 


20.  Paul  Bois,  Paysans  de  l'Ouest. 

21.  À  ce  propos,  voir,  entre  autres:  Claude  Galarneau,  «  Mgr  de  Forbin-Janson  au 
Québec  en  1840-1841  »,  dans  Jean  Hamelin  et  Nive  Voisine  (éd.),  Les  ultramon- 
tains  canadiens-français.  Études  d'histoire  religieuse  présentées  en  l'honneur  du 
professeur  Philippe  Sylvain,  p.  121-142;  Louis  Rousseau,  «  Les  missions  populaires 
de  1840-1842:  acteurs  principaux  et  conséquences»,  dans  SCHEC,  Sessions 
d'étude,  53,  1986,  p.  7-21. 


139 


presque  partout,  de  sociétés  de  tempérance  (dites  de  la  Croix  noire)  qui 
arriveront  à  faire  réglementer  la  vente  d'alcool  dans  les  hôtels  et  les 
auberges  de  la  province  (lois  de  1851  et  de  1855).  D'ailleurs,  il  n'y  a  pas 
que  dans  les  bourgs  que  le  nombre  d'hôtels  et  d'auberges  diminue.  En 
1831,  un  relevé  par  côte  en  a  recensé  218  dans  les  seigneuries  rurales 
de  la  région  de  Montréal  (sans  compter  celles  des  comtés  de  Montréal 
et  de  Chambly  ni  celle  de  la  Petite-Nation,  dont  les  listes  n'ont  pas  été 
retrouvées);  en  1851,  on  n'en  compte  plus  que  47  sur  le  territoire, 
auxquels  s'ajoutent  74  cabaretiers,  soit  un  total  de  121  tenanciers.  Il 
s'agit  donc  d'une  réelle  diminution  qui  traduit  un  changement.de  con- 
texte. 

Les  artisans 

La  société  villageoise  ne  serait  pas  ce  qu'elle  est  sans  ses 
artisans,  c'est-à-dire  sans  ces  gens  de  métier  dont  on  décrivait  déjà 
l'importance  dans  les  chartes  du  Régime  français.  Leur  métier,  leur 
genre  de  vie  en  font  un  groupe  à  part,  qui  inspire  le  respect  en  fonction 
de  la  qualité  du  travail  effectué.  Certains,  tels  les  horlogers,  les  orfèvres, 
les  armuriers,  sont  très  spécialisés;  d'autres,  tels  les  charrons,  les 
ferblantiers,  les  forgerons,  les  meuniers  le  sont  moins,  mais  leur  métier 
exige  tout  de  même  un  certain  savoir-faire.  À  l'exception  du  meunier  qui 
n'est  souvent  qu'un  employé  -  il  travaille  généralement  pour  le  sei- 
gneur -,  plusieurs  ont  leur  propre  boutique  où  ils  travaillent  seuls  ou 
avec  leurs  enfants  ou,  s'ils  sont  très  connus,  avec  un  ou  deux  apprentis. 
Ceux-ci  sont  très  souvent  considérés  comme  des  membres  à  part 
entière  du  ménage,  à  qui  l'on  peut  confier  certaines  responsabilités  qui 
s'accroissent  avec  le  temps.  On  en  trouve  de  toutes  sortes  :  apprentis 
boulangers,  chapeliers,  charpentiers,  charrons,  cordonniers,  ferblantiers, 
forgerons,  imprimeurs,  mécaniciens,  menuisiers,  meubliers,  modistes, 
peintres,  pilotes,  selliers,  servantes,  tanneurs,  tisserands,  voituriers,  etc., 
jusqu'à  l'«  apprenti  constructeur  de  moulins  »,  sans  parler  des  aides 
dont  dispose  l'architecte,  l'arpenteur,  le  médecin  ou  le  notaire.  On  a 
vraiment  l'impression,  en  parcourant  les  listes  de  recensement,  qu'il 
s'agit  là  d'une  pratique  très  répandue,  d'autant  plus  recherchée  qu'elle 
assure  habituellement  un  établissement  dans  le  métier  au  terme  de 
l'apprentissage.  De  fait,  son  origine  remonte  loin  dans  l'histoire  corpora- 
tive. En  outre,  elle  n'est  qu'une  composante  d'un  système  plus  large 
d'entraide  sociale,  qui  prolonge  l'action  de  la  famille  en  subordonnant  les 
jeunes,  tout  au  long  de  leur  phase  d'apprentissage,  à  une  autorité  de 
type  familial.  Pourtant,  ce  n'est  qu'à  partir  de  1851  qu'on  en  constate 
vraiment  l'importance,  avec  l'enregistrement  des  membres  du  ménage. 


140 


Dans  le  village  de  Saint-Eustache  par  exemple,  Isabelle  Dungerell, 
une  vieille  dame  écossaise  de  78  ans  qui  se  déclare  rentière  au  recense- 
ment, possède  une  boutique  de  mode  qui  emploie  sept  jeunes  femmes. 
De  ce  nombre,  trois  résident  dans  le  ménage  et  elles  se  déclarent  toutes 
modistes.  Deux  sont  âgées  de  22  ans  et  une  a  27  ans.  Les  quatre  autres 
sont  toutes  des  jeunes  filles  (15-18  ans),  dont  deux  sont  modistes  de 
fraîche  date  (17  et  18  ans)  et  deux  sont  apprenties  (15  et  17  ans).  Fait 
intéressant,  à  l'exception  de  l'une  d'entre  elles,  Christina  McPherson,  les 
autres  sont  des  Forbes,  des  McCallum  et  des  McDann,  toutes  origi- 
naires du  Bas-Canada,  comme  s'il  existait  une  relation  organique,  sur  le 
plan  du  travail  et  de  l'apprentissage,  entre  ces  familles  et  l'entreprise  de 
Mme  Dungerell.  Le  même  processus  existe  chez  les  marchands  où  l'on 
s'engage  d'abord  comme  apprenti,  puis  comme  commis.  On  connaît 
l'histoire  de  Joseph  Masson,  le  dernier  seigneur  de  Terrebonne,  qui 
débute  ainsi  à  l'âge  de  16  ans  chez  le  marchand  Duncan  McGillis  de 
Saint-Eustache,  qui  fait  commerce  de  la  potasse22.  Engagé  plus  tard  par 
un  marchand  écossais  de  Montréal  dont  il  sera  bientôt  l'associé,  il  finira 
par  devenir  lui-même  l'un  des  plus  gros  marchands  de  la  ville  et  gardera 
toujours  un  profond  respect  pour  son  premier  maître. 

Parce  qu'ils  sont  à  la  fois  commerçants,  employeurs  et  éduca- 
teurs, les  artisans,  surtout  les  plus  spécialisés,  occupent  une  place 
importante  dans  le  panorama  social  des  bourgs.  Celle-ci  est  d'autant  plus 
grande  que  ce  groupe  de  travailleurs  représente  une  bonne  part  de  la 
population  villageoise,  la  plus  grande  après  les  journaliers.  De  tous,  ce 
sont  les  forgerons,  les  menuisiers  et  les  cordonniers  qui  sont  les  plus 
nombreux.  On  les  rencontre  dans  plus  de  75  %  des  bourgs  et  ce,  quelle 
que  soit  la  date  du  recensement,  à  l'exception  peut-être  des  cordon- 
niers, un  peu  moins  nombreux  en  1831  (on  ne  les  rencontre  alors  que 
dans  60  %  des  bourgs,  proportion  qui  augmentera  jusqu'à  trois  villages 
sur  quatre  par  la  suite).  En  1 831 ,  on  en  compte  sept  ou  huit  en  moyenne 
par  bourg,  le  double  en  1851.  Avec  eux,  c'est  toute  la  vie  du  village  qui 
s'exprime  jusque  dans  ses  bruits  les  plus  divers. 

Les  journaliers 

Rares  sont  les  villages  qui  ne  comprennent  pas  également  leur 
contingent  de  journaliers.  On  en  retrouve  dans  près  de  80  %  des  bourgs 
en  1831,  95%  en  1851.  Sans  métier  défini,  ils  vont  et  viennent  d'un 
emploi  à  l'autre,  selon  les  saisons  et  les  besoins  du  moment.  C'est  le 


22.  Voir  Henri  Masson,  Joseph  Masson,  dernier  seigneur  de  Terrebonne,  1791-1847. 

141 


groupe  de  travailleurs  le  plus  important  numériquement  et  pourtant  le 
plus  mal  connu.  Composé  d'une  part  de  fils  d'habitants  qui  n'ont  pu  ou 
n'ont  pas  voulu  s'établir  sur  une  terre  et,  d'autre  part,  de  gens  de  plus  de 
40  ans  pour  qui  la  pluriactivité  est  devenue  un  genre  de  vie,  ils  représen- 
tent en  moyenne  entre  le  quart  et  le  tiers  de  la  main-d'œuvre,  selon  les 
recensements,  quand  ce  n'est  pas  davantage.  Partout  présents,  leur  part 
s'accroît  dans  les  bourgs  de  la  région  de  Montréal,  mais  diminue 
légèrement  dans  la  région  trifluvienne  et  remonte  dans  la  région  de 
Québec.  C'est  sur  la  rive  nord  du  fleuve  surtout  qu'on  en  trouve  le  plus, 
sauf  dans  la  région  de  Trois-Rivières  où  ils  paraissent  plus  nombreux 
dans  les  bourgs  de  la  rive  sud. 

Il  n'est  pas  facile  de  déterminer  les  activités  auxquelles  s'adon- 
nent ces  journaliers.  Dans  les  régions  très  agricoles,  plusieurs  trouvent 
sans  doute  à  s'employer  dans  les  fermes  du  village  ou  du  voisinage, 
notamment  à  l'époque  des  semences  et  des  récoltes,  où  ils  travaillent  à 
la  journée  comme  engagés  agricoles,  pour  un  ou  deux  sols  par  jour. 
Comme  ce  sont  là  des  activités  très  concentrées  dans  le  temps,  on  les 
retrouve  aussi  dans  bien  d'autres  domaines  tels  les  services,  les  trans- 
ports, le  bâtiment,  l'industrie  et  la  navigation,  où  ils  s'occupent  à  des 
tâches  diverses.  C'est  du  moins  ce  que  suggère  l'étude  de  la  résidence 
déclarée  des  journaliers  de  la  campagne,  qui  coïncide  très  souvent  avec 
les  lieux  d'implantation  des  villages  et  des  industries  rurales  (et  des 
équipements  fluviaux:  quais,  débarcadères,  entrepôts,  etc.).  C'est  ce 
que  suggèrent  également  les  coefficients  de  corrélation  obtenus  par  la 
mise  en  rapport  des  données  relatives  aux  chefs  de  ménage  qui  se 
déclarent  journaliers  dans  le  recensement,  au  nombre  de  moulins  et  de 
fabriques  rencontrés  dans  les  localités,  et  aux  superficies  cultivées.  Telle 
est  la  situation  dans  la  plaine  de  Montréal  où  il  a  été  possible  d'observer 
le  phénomène  de  plus  près.  La  distribution  des  journaliers  a  tendance  à 
s'accroître  dans  les  aires  de  forte  activité  paraagricole  qui  sont  aussi  des 
lieux  d'intégration  de  l'agriculture  au  marché  (voir  la  figure  14).  Sans 
doute  la  proximité  de  grandes  fermes  bourgeoises  (celles  du  seigneur, 
du  marchand,  de  certains  notables)  explique-t-elle  en  partie  leur  pré- 
sence. Mais  si  l'on  considère  la  gamme  d'emplois  que  créent  le  village 
et  les  industries  rurales,  et  qui  occupent  plusieurs  chefs  de  ménage 
même  quand  ceux-ci  déclarent  des  activités  agricoles,  on  peut  se 
demander  s'il  ne  faut  pas  les  mettre  également  en  rapport  avec  d'autres 
champs  d'activité  pour  lesquels  ils  formeraient  un  bassin  de  main- 
d'œuvre  à  bon  marché.  Et  ce  qui  est  vrai  pour  les  journaliers  de  la 
campagne  vaudrait  à  plus  forte  raison  pour  ceux  qui  résident  dans  les 
bourgs. 


142 


Toute  cette  question  est  éminemment  complexe,  d'autant  plus 
que  la  progression  du  nombre  de  journaliers  à  l'époque  se  fait  dans  un 
contexte  très  particulier  d'accroissement  des  densités  rurales.  Dans  les 
seigneuries  de  la  région  de  Montréal,  où  il  a  été  possible  de  les  mesurer, 
elles  s'élèvent  à  près  de  18  habitants  au  kilomètre  carré  en  1831,  mais  à 
près  de  27  en  1851 .  Comme  le  marché  foncier  est  alors  très  actif  et  que 
les  bonnes  terres  se  font  de  plus  en  plus  rares  dans  les  vieux  terroirs,  on 
pourrait  croire  qu'il  s'agit  là  d'un  chômage  larvé,  qui  découlerait  d'une 
économie  rurale  chancelante.  Les  choses  ne  sont  pas  aussi  simples  car, 
outre  les  journaliers  venus  s'établir  au  village  parce  qu'ils  étaient  dans 
l'impossibilité  de  s'établir  sur  une  terre,  il  y  a  ceux  qui  en  font  une 
profession  ou  pour  qui  ce  choix  est  temporaire,  jusqu'à  ce  qu'ils  appren- 
nent un  métier  ou  qu'ils  trouvent  un  emploi  plus  stable.  Il  ne  faut  pas 
perdre  de  vue  que  les  recensements  ne  sont  qu'un  instantané  dans  le 
temps.  Pour  vraiment  savoir  ce  que  signifie  le  métier  de  journalier  à 
l'époque,  il  faudrait  pouvoir  retracer  les  itinéraires  professionnels  des 
individus.  Peut-être  découvririons-nous  des  dimensions  demeurées 
insoupçonnées  jusqu'ici,  qui  éclaireraient  les  raisons  d'une  telle  augmen- 
tation. Cette  démarche  apparaît  d'autant  plus  nécessaire  que  les  jeunes 
gens  ne  sont  pas  les  seuls  à  se  déclarer  journaliers.  Le  recensement  de 
1851  permet  d'intéressantes  observations  à  cet  égard.  Dans  le  village  de 
Saint-Eustache  par  exemple,  près  de  18%  des  journaliers  sont  des 
femmes,  dont  près  des  deux  tiers  sont  âgées  de  plus  de  30  ans.  Chez 
les  hommes,  la  répartition  est  plus  équilibrée  mais,  si  l'on  ne  tient  pas 
compte  des  effectifs  de  moins  de  15  ans,  seulement  30  %  d'entre  eux 
ont  moins  de  30  ans  (voir  le  tableau  32).  Quant  aux  plus  de  30  ans,  ils 
sont  surtout  nombreux  dans  le  groupe  des  40-60  ans,  où  ils  représentent 
plus  du  quart  des  effectifs.  Il  ne  s'agit  donc  pas  de  fils  d'habitant  privés 
de  moyens  de  s'établir  sur  une  terre. 

Les  rentiers 

Même  s'ils  sont  encore  peu  nombreux,  les  rentiers  forment  un 
groupe  à  part  dans  le  village.  Mentionnés  parfois  comme  «  bourgeois  » 
dans  les  recensements23,  ils  représentent  moins  de  1  %  de  la  population 
locale,  mais  sont  cinq  fois  plus  nombreux  en  1851  qu'en  1831.  Plusieurs 
sont  d'anciens  résidents  du  bourg,  qui  ont  choisi  de  finir  leurs  jours  sur 
les  lieux  mêmes  de  leur  vie  de  travailleurs.  D'autres  sont  venus  des 


23.  En  ne  tenant  compte  que  des  mentions  «  rentiers  »  et  «  rentières  »  dans  les  listes, 
on  en  dénombre  moins  d'une  centaine  dans  les  bourgs  en  1831,  mais  527  en  1851. 
Quant  aux  bourgeois,  ils  sont  environ  150  à  chacune  des  deux  dates. 


I43 


Figure  14 

RAPPORTS  JOURNALIERS,  AGRICULTURE  ET  INDUSTRIES  RURALES 
EXEMPLE  DE  LA  PLAINE  DE  MONTRÉAL  (1831) 


Principales 
industries  rurales 


Source:  Recensement  du  Bas-Canada,  183 


%  journaliers 
Superficie  cultivée 


Corrélations 

(Test  de  Pearson) 

%  journaliers 
Équipements 


0.75  à  1 .00     H   0.26  à  0.50     H  -0.01  à  0.00     □  absence  de  données  oi 
0.51  à  0.75      U   0.00  à  0.25  données  incomplètes 


144 


Principales  zones  de  concentration 


Elevage  ovin 


Fermes  de  120 
arpents  et  plus 


Données  supérieures  à  un  écart-type  au-dessus  de  la  moyenne 


145 


Tableau  32 
ÂGE  DES  JOURNALIERS  DANS  LE  VILLAGE  DE  SAINT-EUSTACHE  (1851) 


Journaliers 

Distribution 

Femmes 

Hommes 

Total 

Femmes 

Hommes 

Moyenne 

Groupe  d'âge 

(%) 

(%) 

(%) 

Groupe  d'âge 

(%) 

(%) 

(%) 

Moins  de  15  ans 

12,50 

87,50 

100,00 

Moins  de  15  ans 

11,11 

16,67 

15,69 

16-20  ans 

0,00 

100,00 

100,00 

16-20  ans 

0,00 

9,52 

7,84 

21-30  ans 

16,67 

83,33 

100,00 

21-30  ans 

22,22 

23,81 

23,53 

31-40  ans 

25,00 

75,00 

100,00 

31-40  ans 

22,22 

14,29 

15,69 

41-60  ans 

8,33 

91,67 

100,00 

41-60  ans 

11,11 

26,19 

23,53 

Plus  de  61  ans 

42,86 

57,14 

100,00 

Plus  de  61  ans 

33,33 

9,52 

13,73 

Total 

17,65 

82,35 

100,00 

Total 

100,00 

100,00 

100,00 

Source:  ANC,  Recensement  du  Bas-Canada,  1851-1852. 


côtes  avoisinantes  pour  profiter  des  services  que  leur  offre  le  village, 
grâce  à  leur  pécule  ou  à  la  rente  que  leur  assurent  les  enfants  à  qui  ils 
ont  cédé  leurs  biens.  Ils  habitent  alors  seuls  ou  avec  l'un  de  leurs 
enfants,  parfois  une  domestique  si  leur  fortune  le  permet. 

En  général,  leur  vie  est  sans  histoire  et  se  passe  à  échanger  avec 
les  voisins,  à  se  rendre  à  l'église  faire  leurs  dévotions  ou  à  s'occuper  à 
quelques  menues  tâches  pour  agrémenter  l'ordinaire  ou  celui  de  leurs 
enfants  ou  petits-enfants.  Il  arrive  qu'elle  soit  plus  animée,  surtout  quand 
il  s'agit  de  personnes  en  vue  qui  disposent  en  outre  de  quelque  argent  à 
prêter,  ou  d'individus  qui  tiennent  une  boutique  ou  une  maison  de 
pension.  Dans  ce  dernier  cas,  il  ne  s'agit  pas  vraiment  d'une  vie  de 
rentier,  mais  d'une  vie  active  qui  se  prolonge,  à  un  autre  rythme  sans 
doute,  mais  qui  les  distingue  des  véritables  retraités. 

Ainsi,  plusieurs  sont  des  veufs  et  des  veuves  qui,  malgré  leur  âge 
avancé,  déclarent  encore  une  activité  au  moment  du  recensement.  Leur 
nombre  est  particulièrement  élevé  dans  les  bourgs:  en  1851,  on  en 
compte  près  de  900,  soit  trois  ou  quatre  en  moyenne  par  village.  Mais 
dans  presque  tous  les  cas,  les  femmes  sont  plus  nombreuses  que  les 
hommes  :  trois  fois  plus  en  moyenne  dans  les  régions  de  Québec  et  de 
Trois-Rivières,  mais  jusqu'à  cinq,  six  et  sept  fois  plus  dans  celle  de 
Montréal.  On  rencontre  les  plus  forts  contingents  dans  les  bourgs  de  la 
péninsule  de  Vaudreuil-Soulanges  et  de  l'archipel  de  Montréal,  soit  en 
périphérie  immédiate  de  la  ville  où  il  est  plus  facile  d'exercer  quelque 
activité. 


146 


Ceux  dont  on  préfère  taire  la  présence 

Enfin,  rares  sont  les  villages  où  l'on  ne  retrouve  pas  un  mendiant, 
un  pauvre,  un  infirme  et  divers  autres  individus  dont  on  préfère  taire  la 
présence.  Ce  sont  les  marginaux  du  village,  c'est-à-dire  ceux  qui  gravi- 
tent à  l'extérieur  du  noyau  social  principal,  soit  parce  qu'ils  ont  un  genre 
de  vie  différent,  soit  parce  qu'ils  ne  partagent  pas  les  valeurs  de  la 
majorité24. 

Plus  nombreux  dans  les  bourgs  de  la  région  de  Montréal,  ceux  de 
la  Rive-Nord  notamment  et  de  son  prolongement  dans  la  région  de  Trois- 
Rivières,  puis  dans  celle  de  Québec  où  la  moyenne  par  bourg  progresse 
considérablement  de  1831  à  1851,  les  infirmes  ne  sont  représentés 
dans  les  recensements  que  par  les  aveugles,  les  sourds-muets  et  les 
insensés,  dont  les  ménages  prennent  habituellement  charge.  On  connaît 
à  peine  plus  le  mendiant  dont  on  ne  retrouve  la  trace,  pour  l'essentiel, 
que  dans  moins  de  4%  des  bourgs  et  uniquement  dans  certaines 
régions,  celle  de  Montréal  notamment.  Le  plus  souvent,  il  s'agit  de 
personnes  âgées,  hommes  ou  femmes,  de  plus  de  80  et  même  de  90 
ans,  qui  n'ont  pas  d'autres  moyens  de  subsistance.  Mais  il  arrive  parfois 
que  l'on  en  rencontre  de  plus  jeunes,  des  femmes  très  souvent,  parfois 
des  enfants,  qu'une  difformité  ou  un  veuvage  précoce  ont  laissés  sans 
moyens.  Ils  sont  assez  mal  dénombrés,  tant  en  1831  qu'en  1851  :  on 
n'aime  pas  faire  état  de  sa  pauvreté!  Pourtant,  ils  n'en  sont  pas  moins 
présents  dans  les  bourgs,  comme  le  laissent  parfois  entendre  les 
histoires  locales  et,  dans  le  cas  des  pauvres,  certains  relevés  relatifs  au 
nombre  de  «  personnes  qui  subsistent  par  le  moyen  d'aumônes  »  dans 
les  recensements,  celui  de  1831  notamment  (voir  les  tableaux  33  et  34). 
Leur  sort  est  lié  à  celui  de  la  communauté,  meilleur  si  le  bourg  est  riche 
et  compte  des  communautés  religieuses,  plus  incertain  si  le  bourg  est 
moins  bien  nanti. 


24.  Peut  être  considéré  comme  marginal  tout  individu  qui  vit  en  dehors  des  normes  ou 
des  pratiques  acceptées  par  le  groupe.  Pour  le  définir,  il  faudrait  donc  connaître  ces 
normes,  à  la  fois  dans  le  temps  et  dans  l'espace,  ainsi  qu'au  sein  du  corps  social 
concerné.  Car  ce  qui  vaut  pour  un  moment,  un  lieu  ou  un  groupe  social  donné,  n'est 
pas  nécessairement  vrai  pour  les  autres.  Au  Québec,  l'histoire  des  marginaux  reste 
à  faire.  Tout  au  plus  pouvons-nous  en  repérer  quelques-uns,  à  travers  l'analyse  du 
discours  et  les  attitudes  des  groupes  humains  observés.  Mais  comme  ceux-ci 
renvoient  à  des  territorialités  distinctes,  il  devient  difficile  de  saisir  les  systèmes  de 
normes  et  de  valeurs  de  ces  groupes.  Aussi  faut-il  avoir  recours  à  un  autre  moyen, 
fondé  moins  sur  l'analyse  des  rapports  au  sein  des  groupes  que  sur  les  rangs  et  les 
rôles  sociaux.  C'est  peu  pour  résoudre  le  problème  mais  suffisamment  pour 
l'éclairer,  à  la  condition  de  distinguer  entre  les  marginaux  acceptés  par  la  com- 
munauté et  rejetés  pour  des  raisons  d'ordre  moral.  Pour  une  discussion  de  cette 
notion,  voir  Lucille  Guilbert,  Pauvre  ou  vagabond,  le  quêteux  et  la  société  québé- 
coise. 


147 


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Puis  il  y  a  tous  les  autres,  ceux  dont  on  soupçonne  la  présence 
sans  que  l'on  puisse  vraiment  en  connaître  le  nombre  précis.  Ce  sont  les 
déviants  du  village,  ceux  dont  on  ne  peut  espérer  rien  de  bon,  qui 
troublent  l'ordre  public,  donnent  le  mauvais  exemple  et  portent  atteinte 
aux  bonnes  mœurs.  C'est  le  cas  de  l'ivrogne,  le  vrai,  dont  on  ne  compte 
plus  les  frasques,  et  de  certains  «  voyageurs  »,  qui  oublient  qu'ils  sont 
désormais  parmi  les  «  gens  bien  »,  mais  surtout  de  la  «  pute  »  - 
comme  on  l'appelle  déjà  à  l'époque  -,  qui  représente  un  danger  bien 
plus  grand.  On  n'en  retrouve  qu'une  mention  dans  les  listes;  pourtant,  si 
l'on  considère  les  orientations  de  l'économie  à  l'époque,  il  est  difficile  de 
croire  qu'elle  fut  la  seule  à  exercer  ce  métier  dans  les  bourgs.  Avec  elle, 
on  entre  dans  un  tout  autre  monde,  un  univers  interdit  dont  on  a  peine  à 
saisir  les  contours  mais  que  le  curé  est  loin  d'être  le  seul  à  condamner. 
Pour  le  connaître,  c'est  aux  archives  judiciaires  surtout  qu'il  faudrait 
s'adresser.  Contentons-nous  plutôt  d'en  signaler  la  présence,  en  rappe- 
lant que  si  la  situation  n'a  pas  été  générale,  elle  a  sans  doute  été 
beaucoup  plus  répandue  que  ne  l'indiquent  les  données  de  recense- 
ment, notamment  dans  les  bourgs  bien  situés  dans  le  circuit  des 
échanges  et  où  transite  une  importante  population  de  voyageurs.  À 
travers  le  procès  de  ces  bourgs,  c'est  celui  des  fonctions  qui  est  posé  et 
qu'il  faut  maintenant  aborder  pour  comprendre  le  sens  du  phénomène 
villageois. 


150 


Les  Cèdres,  attribué  à  William  Henry  Bartlett,  lavis  brun,  vers  1838.  ANC,  C-40325. 


Lachine,  de  A.  Sandham.  Tiré  de  G.  P.  Scrope  (éd.),  Memoir  of  the  Life  of  (...)  Lord  Sydenham,  1843. 
ANC,  C-5955. 


LES  FONCTIONS  DU  VILLAGE 
ET  LES  TYPES  DE  BOURGS 


Si  la  croissance  villageoise  est  si  ample,  c'est  qu'elle  répond  à  des 
besoins  qui  donnent  au  bourg  sa  raison  d'être,  c'est-à-dire  ses  fonctions. 
Certaines  sont  purement  locales,  commandées  par  les  besoins  immé- 
diats des  résidents:  ce  sont  les  fonctions  banales.  D'autres  sont  plus 
larges,  stimulées  par  l'évolution  des  besoins  extérieurs:  ce  sont  les 
fonctions  «  spécifiques  »  ou  dominantes.  Chacune  de  ces  fonctions  est 
importante.  Toutefois,  à  l'instar  des  fonctions  urbaines1,  ce  sont  les 
secondes  surtout  qui  définissent  la  vocation  des  bourgs.  D'abord  parce 
qu'elles  traduisent  l'aire  de  relation  du  village,  ensuite  parce  qu'elles 
éclairent  son  rôle  dans  l'organisation  des  espaces  qui  l'entourent;  enfin, 
comme  elles  s'inscrivent  dans  une  durée,  elles  peuvent  mieux  rendre 
compte  de  la  mobilité  du  corps  social.  Ce  n'est  donc  pas  sans  raison  que 
tant  de  bourgs  de  l'époque  cherchent  à  établir  leur  statut:  outre  qu'ils 
sont  des  centres  de  services  pour  les  campagnes  avoisinantes,  ils 
servent  aussi  de  relais  pour  l'économie  et  les  valeurs  urbaines.  Ils  sont 
donc  porteurs  d'attributs  nouveaux  qui  leur  confèrent  une  place  à  part 
dans  la  hiérarchie  villageoise. 

LE  CONTEXTE 

Dans  ce  procès  des  fonctions  villageoises,  une  mise  en  contexte 
s'impose,  temporelle  d'abord,  puis  géographique.  De  1815  jusque  dans 


1.  Sur  les  fonctions  urbaines,  voir,  entre  autres:  Jacqueline  Beaujeu-Garnier  et  Geor- 
ges Chabot,  Traité  de  géographie  urbaine;  Pierre  George,  Précis  de  géographie 
urbaine;  Paul  Claval  (éd.),  Géographie  historique  des  villes  d'Europe  occidentale. 


4 


153 


les  années  1830,  on  assiste  au  Bas-Canada  à  une  importante  redéfinition 
de  la  socio-économie  rurale  qui,  d'agraire  qu'elle  était  encore  au  début 
du  siècle  devient  de  plus  en  plus  industrielle,  non  pas  au  sens  de  la 
grande  industrie  -  qui  ne  viendra  que  plus  tard,  encore  que  certaines 
entreprises  soient  déjà  de  taille  respectable  -,  mais  de  la  floraison 
d'ateliers  et  de  fabriques  que  suscitent  la  poussée  démographique  et  la 
montée  de  l'économie  de  marché2.  À  l'ère  du  blé  succède  celle  du  bois, 
avec  ses  retombées  diverses  dans  les  domaines  du  commerce,  de  la 
construction,  de  la  fabrication,  des  services,  de  la  navigation  et  des 
transports.  En  même  temps,  on  assiste  à  une  diversification  du  travail 
artisanal,  qui  germe  partout  où  existe  un  marché  à  satisfaire  ou  une 
ressource  à  exploiter.  Enfin,  on  observe  des  concentrations  nouvelles  de 
la  main-d'œuvre  dont  ne  font  pas  toujours  état  les  sources  documentai- 
res de  la  période,  mais  qui  sont  parfois  importantes3;  elles  renvoient  à 
des  organisations  économiques  nouvelles,  distinctes  de  l'artisanat  local 
et  domestique,  mais  qui  peuvent  s'y  alimenter  à  l'amont4. 


2.  Au  Bas-Canada,  le  «  démarrage  »  industriel  a  pris  trois  grandes  directions  :  l'exploi- 
tation forestière  et  le  commerce  du  bois  (scieries,  chantiers  maritimes,  etc.),  la 
fabrication  manufacturière  des  villes  et  les  industries  rurales.  Pour  une  présentation 
de  ces  orientations,  voir  Stanley-Bréhaut  Ryerson,  Capitalisme  et  confédération, 
p.  31-33.  Voir  aussi  Fernand  Ouellet,  Histoire  économique  et  sociale  du  Québec, 
1760-1850.  On  en  trouvera  également  des  éléments  dans  John  McCallum,  Unequal 
Beginnings,  Agriculture  and  Economie  Development  in  Québec  and  Ontario  until 
1870.  Quant  au  rôle  des  hommes  d'affaires  dans  l'essor  de  l'industrie  urbaine,  à 
Montréal  notamment,  voir  Gerald  J.  J.  Tulchinsky,  The  River  Barons,  Montréal 
Businessmen  and  the  Growth  of  Industry  and  Transportation,   1837-1853. 

3.  Au  bourg  Saint-Denis  par  exemple,  dans  la  vallée  du  Richelieu,  la  fabrique  de 
chapeaux  (de  castor)  fondée  par  Charles  Saint-Germain  en  1825  emploie  déjà  une 
trentaine  d'ouvriers,  la  distillerie  qui  appartient  aux  docteurs  Nelson  et  Kimber  et  à 
Louis  Deschambault  emploie  une  douzaine  d'hommes,  la  fabrique  de  voitures  de 
François  Gadbois,  une  dizaine,  sans  oublier  ceux  qu'occupent  la  carderie,  les 
poteries  et  les  autres  petites  entreprises  enregistrées  dans  les  sources.  Voir 
Stanley-Bréhaut  Ryerson,  op.  cit.,  p.  32.  La  même  situation  existe  dans  d'autres 
villages,  comme  à  Saint-Charles  où  le  journal  L'Écho  du  pays  rapporte  la  présence 
d'une  distillerie  qui  appartient  au  seigneur  Debartzch,  ainsi  qu'un  moulin  à  farine  mû 
à  la  vapeur,  une  brasserie  et  un  moulin  à  carder,  mais  sans  préciser  le  nombre 
d'employés,  celui  de  Belle-Rivière  dans  la  paroisse  de  Sainte-Scholastique,  où  le 
moulin  à  carder  et  à  scie  emploie  une  quarantaine  d'hommes,  et  celui  de  Saint- 
Eustache,  où  Bouchette  fait  état  d'une  fabrique  de  potasse,  d'une  poterie,  de  deux 
tanneries,  d'une  manufacture  de  cigares  et  de  tabac  «  in  great  repute  »,  d'une 
fabrique  de  chapeaux  et  d'une  autre  de  chaises  «  ail  enjoying  considérable  réputa- 
tion »,  mais  sans  parler  du  nombre  d'employés.  Voir  Joseph  Bouchette,  A  Topog- 
raphical  Dictionary  of  the  Province  of  Lower  Canada.  «  Mille  Isles  ». 

4.  Voir:  Serge  Courville,  «  Croissance  villageoise  et  industries  rurales  [...]  »;  René 
Hardy,  Pierre  Lanthier  et  Normand  Séguin,  «  Les  industries  rurales  et  l'extension  du 
réseau  villageois  dans  la  Mauricie  pré-industrielle  [...]  »,  dans  François  Lebrun  et 
Normand  Séguin  (dir.),  Sociétés  villageoises  et  rapports  villes-campagnes  [...], 
p.  205-219  et  239-253. 


154 


Parallèlement,  le  nombre  de  foires  s'accroît.  En  1815,  Bouchette 
n'en  signale  encore  aucune  dans  les  seigneuries.  Entre  1823  et  1825,  on 
en  autorise  une  quinzaine  dans  l'ensemble  du  Bas-Canada,  qui  pourront 
se  tenir  deux  fois  l'an,  au  printemps  et  à  l'automne.  De  ce  nombre,  neuf 
se  tiendront  dans  des  agglomérations  situées  dans  l'aire  seigneuriale: 
deux  dans  des  villes  et  sept  dans  des  bourgs5.  Enfin,  on  procède  à  de 
grands  aménagements  portuaires  et  fluviaux,  et  de  nouvelles  liaisons 
sont  créées  avec  les  États-Unis  et  le  Haut-Canada.  Le  réseau  de  routes 
s'étend  et  devient  plus  dense,  et  les  services  publics  se  multiplient 
(bureaux  de  poste  et,  bientôt,  bureaux  d'enregistrement,  etc.),  pendant 
que  de  nouveaux  diocèses  sont  créés,  qui  portent  leur  nombre  à  quatre 
au  Bas-Canada  en  1852  (Québec,  Montréal,  Trois-Rivières  et  Saint- 
Hyacinthe),  contre  un  seulement  en  1815  (Québec). 

Tout  cela  aura  une  influence  directe  sur  la  vocation  des  bourgs, 
qui  pourra  varier  selon  les  régions  et  les  sous-régions,  mais  qui  expliquera 
les  orientations  de  certains  d'entre  eux.  Les  uns,  mieux  situés  dans  le 
circuit  des  échanges,  consolideront  leur  fonction  commerciale;  les  au- 
tres, plus  favorisés  sur  le  plan  des  ressources,  deviendront  de  petits 
bourgs  industriels.  D'autres  encore,  moins  bien  nantis  sur  les  plans  du 
marché  et  des  ressources,  verront  leur  position  s'affaiblir  ou  demeurer 
ce  qu'elle  était,  pour  ne  plus  remplir  que  des  fonctions  locales  de 
centres  de  services  pour  les  campagnes  environnantes,  à  moins  bien  sûr 
d'évoluer  vers  des  fonctions  plus  administratives,  religieuses  ou  autres, 
de  villégiature  notamment. 

Même  l'espace  intime  du  bourg  en  subira  les  effets,  selon  son 
âge  et  la  densité  de  son  tissu  construit.  Dans  les  bourgs  les  plus 
anciens,  où  l'espace  est  compté,  les  activités  de  commerce  et  de 
services  domineront,  surtout  quand  n'existe  aucun  terrain  disponible 
près  des  lieux  favorables  aux  implantations  de  type  industriel,  par 
exemple  les  seuils  naturels  des  cours  d'eau  le  long  desquels  beaucoup 
de  villages  ont  été  fondés.  Tout  au  plus  y  aura-t-il  place  pour  la  fabri- 
cation artisanale,  qui  se  disséminera  alors  dans  le  village,  le  long  de  la 
Grande  Rue  notamment.  Quant  aux  implantations  nouvelles,  elles  s'ins- 
talleront plus  loin,  à  distance  parfois  respectable  du  bourg.  Dans  les 
agglomérations  plus  récentes,  où  l'espace  est  encore  disponible  (ou 
réservé  à  cette  fin),  la  croissance  s'orientera  plutôt  vers  des  activités  de 
fabrication  et  de  transformation  des  denrées  ou  des  produits.  On  assis- 
tera donc  à  la  mise  en  place  de  moulins  et  de  fabriques  autour  desquels 


5.  ANC,  fonds  Proclamations,  Lower  Canada  and  Canada  East,  1766-1860,  série  RG  4, 
B3. 


155 


se  répartira  le  tissu  résidentiel.  En  fait,  tout  se  passe  comme  si  l'on 
assistait  à  une  progression  accordée  à  des  temporalités  distinctes,  dont 
on  retrouvera  plus  tard  l'expression  dans  la  montée  industrielle  et 
urbaine  du  Haut-Canada. 

Dans  l'est  du  Québec,  où  la  colonisation  est  plus  ancienne  et  où 
les  campagnes  paraissent  plus  stabilisées  autour  d'activités  telles  l'agri- 
culture, l'exploitation  de  la  mer  et  de  la  forêt,  les  bourgs  semblent  plus 
orientés  vers  des  fonctions  traditionnelles  de  services.  C'est  le  cas, 
entre  autres,  sur  la  rive  sud  du  fleuve  où,  parce  que  les  sols  riches  sont 
plus  abondants,  les  bourgs  paraissent  plus  «  agraires  »,  en  tout  cas 
davantage  tournés  vers  l'agriculture.  Par  contre,  en  bordure  du  fleuve, 
sur  les  marges  forestières  et  dans  les  zones  de  contact,  où  la  proximité 
de  la  ville,  la  présence  d'une  ressource  ou  un  potentiel  hydraulique 
avantageux  favorisent  d'autres  vocations,  les  bourgs  sont  plus  orientés 
vers  des  activités  d'échange  et  de  fabrication.  Le  village  de  Lévis, 
emplacement  de  chantiers  navals  importants,  Saint-Thomas  de  Montma- 
gny,  Saint-Gervais,  Saint-Nicolas  et  Saint-Michel-de-Bellechasse  en  sont 
des  exemples.  Quant  à  la  situation  sur  la  rive  nord  du  fleuve,  où  le 
domaine  agricole  n'est  jamais  très  profond  et  où  la  proximité  des 
Laurentides  favorise  les  ruptures  de  pente,  le  paysage  est  plus  «  indus- 
triel »,  encore  que  ce  phénomène  soit  très  localisé  dans  l'espace,  autour 
de  Québec  notamment,  à  Beauport,  Charlesbourg  et  Loretteville  par 
exemple.  Partout  ailleurs,  la  campagne  domine,  plantée  de  bourgs  plus 
fréquemment  orientés  vers  des  fonctions  de  services  et  de  petite 
fabrication. 

On  retrouve  les  mêmes  distinctions  dans  les  régions  de  Trois- 
Rivières  et  de  Montréal,  mais  avec  une  présence  plus  marquée  des 
fonctions  commerciales  et  industrielles  à  mesure  que  l'on  va  vers 
l'ouest,  à  partir  de  l'axe  Gentilly-Sainte-Anne-de-la-Pérade.  Sur  la  rive 
sud  du  fleuve,  où  le  paysage  reste  également  plus  «  agraire  »,  les 
villages  s'orientent  vers  des  fonctions  de  services,  sauf  dans  des  sec- 
teurs bien  circonscrits  où  l'on  observe  une  poussée  de  bourgs  à  vocation 
commerciale  et  industrielle,  par  exemple  dans  la  vallée  du  Richelieu,  sur 
les  rives  du  fleuve  et  dans  l'arrière-pays  seigneurial.  Sur  la  rive  nord  du 
fleuve,  où  le  relief  est  plus  tourmenté  et  les  sols  fertiles  enserrés  par 
des  nappes  de  sable  et  de  moraine,  le  nombre  de  bourgs  à  vocation 
industrielle  s'accroît,  à  cause  d'un  réseau  hydrographique  qui  permet  les 
échanges.  Mais  comme  il  existe  aussi  de  riches  terroirs,  on  y  observe 
également  quantité  de  bourgs  agraires  qui  apparaissent  comme  autant 
de  petits  centres  de  services  pour  les  campagnes  environnantes. 


56 


DES  VOCATIONS  VARIÉES 

Pour  déterminer  les  fonctions  villageoises,  deux  directions  sont 
possibles.  La  première  consiste  à  les  reconnaître  directement  à  partir 
d'une  analyse  fine  des  activités  du  bourg  où  l'on  distinguerait  entre  les 
activités  destinées  aux  résidents  et  celles  qui  veulent  joindre  la  popula- 
tion extérieure;  la  deuxième  a  pour  objet  de  les  établir  indirectement  à 
partir  d'une  comparaison  entre  les  données  locales  et  les  données 
régionales.  Compte  tenu  de  l'information  disponible  dans  les  sources,  il 
n'est  pas  possible  d'opter  pour  la  première  direction  qui  pose  des 
difficultés  techniques  considérables  et  des  problèmes  ardus  de  défini- 
tion. Par  exemple,  qu'est-ce  qu'un  marchand  ou  un  commerçant  dans  le 
contexte  particulier  des  années  1815-1850?  Est-ce  un  marchand  géné- 
ral, un  négociant  en  gros,  en  détail?  Par  ailleurs,  à  partir  de  quels 
éléments  peut-on  définir  le  marché  que  dessert  le  moulin,  la  fabrique? 
Et  même  si  l'on  disposait  d'une  information  sûre,  comment  distinguer 
les  activités  mixtes  ou  la  gamme  de  marchés  que  ces  entreprises 
desservent?  Mieux  vaut  tenter  d'établir  ces  fonctions  à  partir  de  compa- 
raisons entre  les  données  disponibles  pour  chaque  bourg  et  des  repères 
établis  à  l'échelle  régionale  et  nationale.  On  peut  au  moins  obtenir  des 
indices  de  spécialisation  du  village6  qui  deviennent  en  outre  très  utiles 
pour  le  classement  hiérarchique  des  bourgs  et  la  définition  de  leur  rôle 
dans  un  contexte  géographique  donné. 

Bien  sûr,  cette  technique  a  ses  limites,  entre  autres  celle  de  ne 
pas  toujours  permettre  la  distinction  entre  les  fonctions  dominantes  et 
les  fonctions  banales,  notamment  dans  les  très  gros  bourgs,  où  ces 
dernières  sont  plus  répandues  et  masquent  parfois  les  fonctions  domi- 
nantes. C'est  le  cas  également  des  très  petits  bourgs  où  la  moindre 
activité  prend  souvent  l'allure  de  fonction  dominante  vu  la  faible  popula- 
tion résidente.  Néanmoins,  en  ne  tenant  compte  que  des  bourgs  où  se 
concentre  la  majeure  partie  de  la  main-d'œuvre  dans  les  secteurs 


L'un  de  ces  indices  est  dit  «  de  concentration  ».  Il  consiste  à  calculer  le  pourcenta- 
ge de  la  main-d'œuvre  accueilli  par  chaque  bourg  dans  un  domaine  donné  d'activité 
par  rapport  à  l'ensemble  de  la  main-d'œuvre  recensée  dans  ce  domaine  dans  tous 
les  bourgs.  Un  autre,  appelé  indice  «  de  spécialisation  »,  consiste  à  comparer  le 
pourcentage  de  la  main-d'œuvre  engagée  localement  dans  un  domaine  d'activité 
par  rapport  au  pourcentage  de  la  main-d'œuvre  du  même  secteur  pour  l'ensemble 
des  bourgs.  On  obtient  ce  dernier  indice  à  partir  du  calcul  suivant:  Si  =  (Ni -  Nj)  /  Nj, 
où  Si  est  l'indice  de  spécialisation  du  bourg  de  rang  /  dans  l'activité  N;  Ni,  le 
pourcentage  de  la  main-d'œuvre  engagée  dans  cette  activité;  et  A/y,  le  même 
pourcentage  à  l'échelle  régionale  ou  nationale.  En  tenant  compte  également  des 
équipements  locaux,  il  est  possible  de  se  faire  une  idée  assez  juste  des  fonctions 
dominantes  du  bourg.  À  ce  sujet,  voir  Peter  Haggett,  L'analyse  spatiale  en  géogra- 
phie humaine. 


157 


d'activité  observés  et  de  ceux  qui  mobilisent  un  pourcentage  local  de  la 
main-d'œuvre  supérieur  au  pourcentage  enregistré  dans  l'ensemble  des 
bourgs,  il  est  possible  d'obtenir  un  aperçu  de  leur  vocation,  qu'il  faudra 
sans  doute  nuancer  mais  que  pourront  confirmer  d'autres  sources,  plus 
qualitatives  celles-là,  par  exemple  l'ouvrage  de  Bouchette  ou  la  docu- 
mentation officielle.  C'est  cette  méthode  que  nous  avons  retenue  pour 
déterminer  et  qualifier  les  fonctions  villageoises,  en  ne  retenant  dans 
nos  calculs  que  les  bourgs  situés  à  plus  d'un  écart-type  de  la  moyenne, 
soit  les  plus  susceptibles  d'assumer  un  rôle  bien  défini. 

La  fonction  militaire 

Né  d'abord  d'un  besoin  de  protection  associé  aux  impératifs  de  la 
colonisation,  le  village  au  Québec  perd  assez  tôt  sa  fonction  initiale  de 
défense.  Au  XIXe  siècle,  c'est-à-dire  après  la  guerre  de  1812-1814  avec 
les  États-Unis,  il  ne  subsiste  pour  ainsi  dire  plus  de  bourgs  à  fonction 
militaire.  Tout  au  plus  compte-t-on  quelques  bourgs-garnisons  où  canton- 
nent des  contingents  plus  ou  moins  importants.  La  plupart  sont  répartis 
dans  la  région  de  Montréal,  dans  la  vallée  du  Richelieu  surtout  et  dans  la 
péninsule  de  Vaudreuil-Soulanges.  À  Sorel  par  exemple,  on  trouve  une 
redoute,  un  hôpital  et  plusieurs  bâtiments  gouvernementaux,  mais  les 
ouvrages  de  défense  paraissent  assez  légers  à  Bouchette.  De  même, 
près  de  Chambly,  s'élève  le  fort  du  même  nom.  Le  bourg  de  Saint-Jean 
occupe  une  position  stratégique  sur  la  route  vers  les  États-Unis  et,  enfin, 
le  village  des  Cèdres  abrite  une  caserne.  Ailleurs,  il  y  a  bien  quelques 
fortins,  dans  la  mission  amérindienne  du  Sault-Saint-Louis  notamment, 
ou  à  la  frontière  canado-américaine,  mais  aucun  n'a  suscité  l'apparition 
d'un  bourg.  Quant  aux  anciens  villages  fortifiés  ou  élevés  dans  le 
voisinage  d'un  fort  (Longueuil,  Pointe-aux-Trembles,  Terrebonne,  Saint- 
Antoine-de-la-Rivière-du-Loup,  etc.),  ils  ont  depuis  longtemps  perdu  leurs 
palissades,  si  bien  que  la  fonction  militaire  de  ces  bourgs  n'est  recon- 
naissable  qu'aux  traces  qui  en  subsistent. 

Les  fonctions  économiques  et  sociales 

Les  premières  et  les  plus  anciennes  fonctions  du  village  au 
Québec  sont  d'ordre  économique  et  social.  Lieu  de  cristallisation  de  la 
population  dans  l'espace,  il  est  aussi  propre  à  la  concentration  d'équipe- 
ments et  de  services  qui  en  font  un  relais  dans  la  vie  de  relation.  Ce 
relais  sera  d'autant  plus  animé  que  le  village  est  de  bonne  taille. 
Cependant,  même  dans  le  cas  de  petits  bourgs,  des  rôles  s'affirment  qui 
font  de  certains  des  points  d'appui  importants  dans  l'expansion  de 
l'écoumène. 


158 


La  fonction  commerciale 

La  première  et  la  plus  importante  fonction  du  village  est  commer- 
ciale. Quels  que  soient  son  âge,  sa  taille  ou  les  motifs  qui  l'ont  fait 
naître,  celui-ci  vit  de  l'échange;  il  est  même  l'un  des  premiers  paliers  de 
la  vie  de  relation,  là  où  l'on  va  se  procurer  des  denrées,  vendre  ou 
échanger  ses  produits,  offrir  ses  services,  etc.  En  fait,  aussi  loin  que  l'on 
remonte  dans  le  temps,  le  village  apparaît  comme  un  lieu  de  circulation 
et  d'échange,  où  s'exerce  toujours  quelque  commerce;  c'est  là  un  trait 
inhérent  à  la  vie  du  bourg,  même  quand  celui-ci  n'est  encore  qu'un 
hameau.  Toutefois,  selon  le  village  et  sa  position  dans  l'espace,  cette 
fonction  n'a  pas  toujours  la  même  importance:  certaines  agglomérations 
paraissent  plus  favorisées  que  d'autres  ou  plus  susceptibles  de  s'adap- 
ter aux  changements. 

En  1815,  Bouchette  signale  déjà  une  douzaine  de  bourgs  où  la 
fonction  commerciale  semble  élaborée,  dont  sept  dans  la  seule  région 
de  Montréal.  Du  village  des  Cèdres  par  exemple,  il  dira  qu'il  est  très 
fréquenté  par  les  voyageurs  et  les  marchands;  de  Lachine,  qu'il  y  a 
plusieurs  magasins  et  qu'il  est  le  centre  du  commerce  entre  le  Bas  et  le 
Haut-Canada,  d'où  partent  les  bateaux  à  fond  plat  pour  Kingston  et  les 
canots  de  la  Compagnie  du  Nord-Ouest;  de  Terrebonne,  qu'il  y  a 
beaucoup  de  marchands  et  d'artisans;  de  Saint-Jean,  Saint-Denis,  L'As- 
somption et  Berthier,  qu'il  y  a  de  nombreux  entrepôts  ou  de  vastes 
magasins  pour  le  blé.  Même  remarque  pour  le  village  de  Saint-Antoine- 
de-la-Rivière-du-Loup  dans  la  région  de  Trois-Rivières,  qui  ne  compte 
encore  que  30  ou  40  maisons  à  cette  époque,  mais  où  les  établisse- 
ments de  chaque  côté  de  la  route  sont  si  bien  habités  qu'on  peut 
presque  les  considérer  comme  une  prolongation  du  village  à  grande 
distance.  Quant  à  la  région  de  Québec,  elle  compte  également  quelques 
bourgs  où  la  fonction  d'échange  est  importante:  Beauport,  où  les 
marchands  sont  nombreux  et  où  Bouchette  rapporte  la  présence  d'une 
grosse  distillerie  et  de  vastes  moulins,  Saint-Thomas  de  Montmagny, 
situé  dans  «  le  grenier  du  bas-district  »,  où  il  dénombre  plusieurs  maga- 
sins, et  Kamouraska  qu'il  décrit  comme  un  centre  important  d'expédition 
du  bois  et  des  produits  agricoles,  et  un  centre  de  villégiature  médicinale7. 
Une  quinzaine  d'années  plus  tard,  le  nombre  de  ces  bourgs  aura  doublé, 
ce  qui  conduira  Bouchette  à  des  descriptions  plus  saisissantes  encore. 
Certains  villages  lui  semblent  alors  des  lieux  de  circulation  considérables 
(Lachine,  Berthier,  Saint-Hyacinthe,  etc.),  d'autres  des  lieux  de  négoce 


7.  Joseph  Bouchette,  Description  topographique  de  la  province  du  Bas-Canada. 

159 


importants  (Laprairie,  L'Assomption,  Terrebonne,  etc.)  ou  des  places  de 
commerce  avantagées  (Saint-Jean,  Sorel,  Philipsburg,  Nicolet,  Saint- 
Antoine-de-la-Rivière-du-Loup,  Beauport,  Kamouraska,  Saint-Thomas  de 
Montmagny,  etc.);  d'autres  encore,  des  centres  actifs  d'expédition  de 
produits  agricoles  ou  forestiers  (Saint-Ours  où  l'on  compte  plusieurs 
grainetiers,  Georgeville  réputé  pour  son  commerce  de  la  potasse,  Henry- 
ville  pour  le  bois  de  charpente,  etc.). 

Ce  qui  ressort  surtout  de  ces  observations  de  Bouchette,  c'est 
non  seulement  le  rôle  que  jouent  certains  bourgs  dans  la  vie  d'échange, 
mais  aussi  la  place  qu'ils  occupent  dans  le  maillage  villageois.  En  effet,  à 
l'exception  de  quelques-uns,  ils  sont  de  taille  respectable,  voire  supé- 
rieure, ce  qui  en  fait  des  agglomérations  dominantes  dans  la  hiérarchie 
des  bourgs.  En  1831  par  exemple,  Laprairie,  Berthier  et  Saint-Hyacinthe 
comptent  déjà  plus  de  1  000  habitants,  L'Assomption,  Saint-Jean  et 
Terrebonne,  plus  de  800;  quant  à  Beauport,  Saint-Thomas  de  Montma- 
gny et  Saint-Ours,  ils  en  comptent  de  400  à  500.  Il  est  donc  en  quelque 
sorte  normal  d'y  retrouver  une  fonction  commerciale  importante.  La 
plupart  sont  des  places  de  commerce  actives  et  parfois  dotées  d'équipe- 
ments particuliers  (entrepôts,  hangars,  quais,  débarcadères,  etc.)  qui  en 
marquent  le  rôle.  Quelques-uns  sont  même  des  lieux  de  foire  impor- 
tants, avec  le  consentement  des  autorités.  Bouchette,  dans  son  ouvrage, 
n'en  signale  que  quelques-uns,  notamment  Frelighsburg  et  Terrebonne. 
En  fait,  on  en  compte  trois  fois  plus  qui  sont  détenteurs  d'une  charte:  le 
plus  important,  Sorel,  a  obtenu  la  sienne  le  16  juin  1823.  Puis  ce  fut  le 
tour  de  Terrebonne,  de  Nicolet  et  de  Frelighsburg,  qui  l'ont  obtenue  en 
même  temps  que  les  villes  de  Montréal  et  de  Trois-Rivières,  soit  le  10 
octobre  1823.  Ont  suivi  Sainte-Marie-de-la-Nouvelle-Beauce,  qui  en  est 
devenue  titulaire  le  13  décembre  de  la  même  année,  et  finalement 
Charlesbourg  et  Laprairie  qui  l'ont  obtenue  le  29  janvier  et  le  4  octobre 
1824  respectivement.  Ce  sont  donc  autant  de  bourgs  caractérisés  par 
une  importante  vie  de  relation.  Bien  situés  dans  le  circuit  des  échanges, 
ils  marquent  les  progrès  du  peuplement  en  même  temps  que  les  axes 
de  l'économie  montante.  Ils  sont  à  la  fois  des  pôles  sous-régionaux  de 
croissance  et,  dans  certains  cas,  des  têtes  de  pont  vers  l'intérieur. 
Surtout,  ils  définissent  déjà  les  lignes  de  force  du  futur  réseau  urbain  du 
Québec. 

Les  recensements  confirment  ces  observations  et  permettent 
une  meilleure  appréhension  du  phénomène  (voir  le  tableau  35  et  la 
figure  15).  En  1831  par  exemple,  on  compte  environ  450  chefs  de 
ménage  qui  font  commerce  dans  les  bourgs.  De  ce  nombre,  un  peu 


160 


moins  de  la  moitié  se  concentrent  dans  24  agglomérations  dont  14  sont 
situées  dans  la  région  de  Montréal,  4  dans  celle  de  Trois-Rivières  et  6 
dans  celle  de  Québec.  De  toutes,  l'agglomération  de  Laprairie  paraît  la 
plus  avantagée  avec  environ  5%  de  la  main-d'œuvre  totale.  Suivent, 
dans  l'ordre,  Sorel  et  Saint-Hyacinthe  avec  plus  de  3  %,  et  Yamachiche, 
Saint-Thomas  de  Montmagny,  Saint-Denis  et  Frelighsburg  avec  plus  de 
2%.  Quant  aux  autres,  leur  part  varie  de  1,98%  à  1,32%. 

Sauf  pour  7  villages,  soit  Yamachiche,  Frelighsburg,  Baie-Saint- 
Paul,  Saint-Antoine-de-la-Rivière-du-Loup,  La  Malbaie,  Yamaska  et  Saint- 
Roch-des-Aulnaies,  qui  ne  comptent  pas  encore  400  habitants,  la  plupart 
des  bourgs  qui  semblent  actifs  quant  au  commerce  sont  d'assez  bonne 
taille,  ce  qui  suggère  un  rôle  régional  important.  En  outre,  ils  compren- 
nent une  forte  proportion  de  francophones,  ce  qui  nuance  l'affirmation 
que  le  commerce  au  Bas-Canada  n'était  qu'une  affaire  d'anglophones. 
Ces  bourgs  ne  sont  cependant  pas  les  seuls  à  évoluer  ainsi  dans  le 
circuit  des  échanges;  plusieurs  petits  villages  ont  également  une  fonc- 
tion commerciale.  En  effet,  en  ne  tenant  compte  que  des  bourgs  où  le 
pourcentage  de  la  main-d'œuvre  locale  engagée  dans  le  commerce  est 
supérieur  au  pourcentage  de  la  main-d'œuvre  de  cette  même  activité 
pour  l'ensemble  des  bourgs,  on  en  compte  une  vingtaine,  dont  8 
correspondent  à  des  bourgs  déjà  reconnus  et  14  à  de  petites  aggloméra- 
tions. Leur  commun  dénominateur  est  d'être  à  peu  près  toutes  situées 
en  contexte  pionnier,  c'est-à  dire  dans  les  secteurs  de  colonisation 
récente  ou  entre  pays  pleins  et  secteurs  vides,  où  les  besoins  de  la 
colonisation  ainsi  que  le  travail  en  forêt  en  font  des  lieux  d'approvision- 
nement importants. 

En  1851,  le  panorama  aura  quelque  peu  changé.  En  effet,  sur 
l'ensemble  des  bourgs  qui  comportent  une  main-d'œuvre  engagée  dans 
le  commerce,  14  seulement  cumulent  des  pourcentages  supérieurs,  ce 
qui  semble  indiquer  une  redéfinition  générale  de  fonctions  au  profit  de 
quelques  bourgs  plus  favorisés.  La  plupart  sont  d'assez  bonne  taille,  ce 
qui  est  révélateur  d'un  réseau  villageois  qui  s'affermit.  Qui  plus  est,  1 1 
d'entre  eux  sont  situés  dans  la  région  de  Montréal,  comme  si  c'était 
désormais  l'endroit  où  se  concentre  la  vie  de  marché.  Dans  la  région  de 
Québec,  seules  les  agglomérations  de  Lauzon  et  de  Fraserville  domi- 
nent, tandis  que  le  village  de  Saint-Antoine-de-la-Rivière-du-Loup  persiste 
dans  celle  de  Trois-Rivières. 

Tout  se  passe  donc  comme  si  l'on  assistait  à  un  recul  majeur  de 
l'économie  de  marché,  qui  ne  s'exprime  plus  désormais  que  dans  la 
région  de  Montréal  et  uniquement  le  long  de  certains  axes  largement 


161 


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PRINCIPALES  PLACES  DE  COMMERCE  (1831,  1851) 


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Bourgs  où  se  concentrent  plus  de  1,17  96  de  le  main-d'oeuvre  recensée  dans  le  secteur  commercial 
n.  de  bourgs  observés»  196 
moyenne»  0,48  % 
écart  -type»  0,69  % 


1,32-1,50       1,51-1,70  1,71-2,00  2,01-3,00 


3,01-5,00 


5,07 


Bourgs  où  se  concentrent  plus  de  1,12  %  de  la  main-d'oeuvre  recensée  dans  le  secteur  commercial 

n.  de  bourgs  observés»  252 

moyenne»  0,40  % 

écart-type»  0,72*  ^^ 

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1,16  -  1,25        1,26  - 1,50  1,26-2,50  2,51  -  4,50  4,50  -6,75 

Sources:  ANC,  Recensements  du  Bas-Canada,  1831  et  1851-1852. 


6.76 


164 


pourvus  de  grands  centres.  En  fait,  ces  données  traduisent  davantage  la 
montée,  à  côté  des  grandes  agglomérations,  d'un  nouveau  maillage 
urbain  composé  de  quelques  gros  bourgs  qui  font  déjà  office  de  petites 
villes,  qu'un  recul  véritable  de  la  fonction  commerciale.  En  effet,  analy- 
sées sous  l'angle  du  pourcentage  de  la  main-d'œuvre  engagée  locale- 
ment dans  le  commerce,  les  données  révèlent  une  trentaine  de  bourgs 
où  les  taux  sont  supérieurs  à  un  écart-type  de  la  moyenne  générale.  De 
ce  nombre,  3  seulement  correspondent  aux  bourgs  précédents  et  27  à 
d'autres  agglomérations  dont  la  taille  varie  de  quelques  résidents  à  500. 
Autrement  dit,  ce  qui  n'avait  été  jusque-là  qu'un  simple  semis  de  villages 
plus  ou  moins  organisé  autour  d'agglomérations  dominantes,  notam- 
ment dans  les  secteurs  à  grande  circulation  et  à  forte  densité  de 
population,  apparaît  désormais  comme  un  ensemble  d'agglomérations 
davantage  hiérarchisées.  Parmi  celles-ci,  au  niveau  le  plus  élevé,  domi- 
nent trois  villes  marchandes  en  voie  plus  ou  moins  rapide  d'industrialisa- 
tion -  Montréal,  Québec  et  Trois-Rivières  -  puis,  à  un  niveau  intermé- 
diaire, quelques  gros  bourgs  urbains  (Saint-Jean,  Saint-Hyacinthe, 
Laprairie,  Berthier,  L'Assomption,  etc.)  qui  étendent  leur  suprématie  à  un 
ensemble  de  petites  places  situées  en  périphérie  ou,  comme  précédem- 
ment, sur  les  fronts  pionniers.  Il  s'agit  donc  d'une  hiérarchie  nouvelle  et 
non  d'un  recul  de  la  circulation  ou  de  l'échange. 

Les  données  relatives  au  transport  nous  fournissent  un  indice 
(voir  le  tableau  36).  En  1831,  seuls  une  dizaine  de  bourgs  affichent  des 
pourcentages  de  la  main-d'œuvre  supérieurs  à  la  moyenne  générale.  Les 
plus  gros,  Sorel  et  Saint-Joseph-de-Lévis,  comptent  à  eux  seuls  près  de 
30  %  des  effectifs  employés  dans  le  transport,  pendant  que  Laprairie  en 
cumule  environ  10%.  Parallèlement,  on  observe  des  spécialisations  qui 
en  disent  long  sur  la  place  que  certains  bourgs,  même  très  petits, 
occupent  sur  les  axes  de  communication.  La  plupart  sont  situés  le  long 
du  Saint-Laurent,  comme  s'ils  étaient  des  haltes  naturelles  pour  la 
batellerie  du  fleuve.  En  1851,  le  phénomène  est  plus  marquant  encore. 
Les  pourcentages  de  concentration  de  la  main-d'œuvre  sont  cette  fois 
légèrement  plus  faibles,  en  raison  d'un  nombre  accru  de  bourgs  où 
transitent  des  marchandises.  Quant  aux  bourgs  où  la  fonction  de  trans- 
port semble  plus  importante,  ils  sont  également  plus  nombreux,  ce  qui 
est  l'indice  d'un  réseau  plus  complexe  d'échange  le  long  du  fleuve  et  de 
ses  principaux  affluents,  et  de  là  vers  les  concentrations  industrielles  de 
l'intérieur.  Les  travaux  de  Jean-Claude  Robert  sur  Joliette  l'ont  d'ailleurs 
bien  montré,  en  signalant  tout  le  caractère  impératif  des  liaisons  entre 


65 


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l'intérieur  et  le  fleuve  où  circule  une  batellerie  hétéroclite  qui  assure  le 
transport  à  distance,  vers  les  villes  notamment8. 

Cela  dit,  il  reste  que  des  changements  se  sont  produits  qui  ont 
entraîné  des  reculs  ou  des  mouvements  en  avant.  Nous  croyons  qu'ils 
renvoient  aux  transformations  générales  de  l'économie  et  au  rôle  encore 
mal  connu  des  anciennes  agglomérations  coloniales  dans  l'économie 
des  campagnes.  C'est  le  cas,  entre  autres,  de  Québec  dont  la  centralité 
à  l'époque  s'estompe  de  plus  en  plus  devant  celle  de  Montréal  qui,  plus 
favorisée  sur  le  plan  des  échanges,  notamment  avec  le  Haut-Canada  et 
les  États-Unis,  deviendra  bientôt  la  métropole  du  Canada.  C'est  peut-être 
ce  phénomène  qui  trouve  ici  une  résonance  dans  l'évolution  du  réseau 
villageois,  en  préparant  la  montée  d'un  ensemble  de  gros  bourgs  satelli- 
tes qui  donnera  plus  tard  son  visage  à  l'armature  urbaine  régionale.  Quoi 
qu'il  en  soit,  la  fonction  commerciale  et  son  corollaire,  la  fonction  de 
transport,  ne  sont  pas  les  seules  à  expliquer  ce  phénomène:  il  en  existe 
bien  d'autres  dont  le  rôle  est  tout  aussi  déterminant. 

La  fonction  industrielle 

La  deuxième  grande  fonction  du  village  est  industrielle.  En  effet, 
aussi  loin  que  l'on  remonte  dans  le  temps,  les  bourgs  sont  des  lieux  de 
concentration  de  gens  de  métier,  auxquels  viennent  s'ajouter  quantité 
d'ouvriers  semi-spécialisés  ou  non  qui  travaillent  également,  en  partie  du 
moins,  dans  les  secteurs  de  la  fabrication  et  de  la  transformation  des 
produits.  En  elle-même,  cette  fonction  répond  à  des  besoins  tout  aussi 
immédiats  sinon  davantage  que  le  commerce,  mais  elle  ne  tend  pas  de 
la  même  façon  à  la  concentration  de  l'habitat.  En  effet,  pour  échanger,  il 
faut  un  point  de  contact  avec  la  population,  tandis  qu'il  peut  suffire  d'être 
chez  soi  pour  fabriquer. 

Pourtant,  même  sous  sa  forme  la  plus  primitive,  l'industrie  tend  à 
la  forme  villageoise.  C'est  alors  à  son  évolution  qu'elle  le  doit,  pour 
satisfaire  aux  exigences  du  marché  et  s'assurer  d'une  main-d'œuvre  et 
d'un  approvisionnement  en  matières  premières  plus  stables.  La  machine 
accélère  ce  processus,  d'abord  au  profit  de  la  campagne  où  existent  de 
meilleures  conditions  d'exploitation  de  la  puissance  hydraulique  et 
éolienne,  ensuite  au  bénéfice  de  la  ville  avec  l'arrivée  de  la  machine  à 


8.  Voir  Jean-Claude  Robert,  «  L'activité  économique  de  Barthélémy  Joliette  [...]  ». 
Avec  le  temps,  ces  échanges  iront  en  s'accentuant  avant  de  connaître  une 
décroissance  dans  les  dernières  décennies  du  XIXe  siècle.  À  ce  sujet,  voir  France 
Normand,  «  Navigation  intérieure  et  faits  d'échange  à  Québec  au  dernier  quart  du 
XIXe  siècle  ». 


168 


vapeur.  Ces  facteurs  expliquent  l'apparition  de  petites  concentrations 
industrielles  dont  l'existence  pourra  être  éphémère,  mais  qui  donneront 
parfois  naissance  à  des  hameaux  susceptibles  de  devenir  des  villages, 
de  même  que  l'éclosion  d'ateliers  et  de  fabriques  dans  les  bourgs  déjà 
établis.  En  effet,  le  mouvement  est  alternatif  :  autant  l'industrie  favorise 
la  croissance  villageoise,  autant  cette  dernière  stimule  l'industrie. 

Selon  les  évaluations  que  l'on  peut  faire  à  partir  de  l'ouvrage  de 
Joseph  Bouchette  et  des  agrégés  de  recensements9,  on  ne  compte 
encore,  en  1815,  que  quelque  607  moulins  et  fabriques  dans  les  sei- 
gneuries. En  1831,  on  en  compte  environ  1  349,  contre  un  peu  moins 
(1277)  en  1851.  En  général,  ces  entreprises  sont  modestes.  Nées  le 
plus  souvent  de  l'initiative  locale,  elles  évoluent  dans  des  rapports  étroits 
avec  la  paysannerie  et  sont  intimement  liées  à  la  satisfaction  des 
besoins  locaux  ou  sous-régionaux.  Quelques-unes,  qui  ont  une  origine 
capitaliste,  sont  de  taille  plus  imposante  et  s'appuient  pour  leur  crois- 
sance aussi  bien  sur  la  campagne  que  sur  la  ville.  Elles  sont  beaucoup 
moins  nombreuses  et  concentrées  surtout  autour  des  villes;  elles  ne  se 
multiplient  vraiment  que  durant  la  seconde  moitié  du  siècle10. 

Au  Québec,  l'origine  de  ces  industries  est  lointaine.  On  en  retrouve 
la  trace  dès  le  Régime  français,  aux  endroits  mêmes  où  les  seigneurs 
avaient  entrepris  d'établir  leur  fief  (souvent  sur  l'emplacement  même  de 
leur  domaine),  ou  dans  leur  voisinage  plus  ou  moins  immédiat.  Ce  qui 
change  au  XIXe  siècle,  c'est  l'ampleur  de  leur  croissance  et  la  propension 
qu'elles  ont  de  s'agglutiner  dans  l'espace.  Bouchette  en  a  laissé  d'ail- 
leurs des  images  saisissantes,  telle  cette  description  des  moulins  Harro- 
wer  dans  la  seigneurie  de  Saint-Jean  Port-Joli  : 

At  the  mouth  of  the  river  Trois  Saumons  the  valuable  mills  and  distillery 
belonging  to  Mr.  Harrower  are  very  eligibly  placed:  the  latter  is  an 
establishment  of  considérable  magnitude,  with  every  convenience  of 


9.  Il  n'est  pas  facile  d'évaluer  la  montée  des  industries  rurales  au  Bas-Canada.  Dans  sa 
Description  topographique  de  la  province  du  Bas-Canada  par  exemple,  Bouchette 
n'en  donne  qu'un  aperçu,  en  insistant  surtout  sur  les  «  moulins  à  grain  »  et  les 
«  moulins  à  scie  »  vus  dans  les  seigneuries.  Ce  n'est  qu'avec  le  recensement  de 
1831  que  l'information  se  précise,  mais  le  relevé  ne  concerne  encore  que  les 
grands  équipements  des  localités  (moulins,  fonderies,  distilleries,  etc.).  Quant  à 
celui  de  1851,  le  premier  à  fournir  une  information  détaillée  à  la  fois  sur  les  grands 
équipements  et  sur  les  ateliers  et  les  boutiques  des  localités  (voir  l'annexe  E),  il  est 
incomplet,  du  moins  sous  sa  forme  nominative,  ce  qui  oblige  à  recourir  à  la  copie 
publiée  du  recensement  où  les  informations  sont  souvent  présentées  uniquement 
par  comté,  notamment  pour  les  manufactures.  Dans  nos  travaux,  seuls  les  équipe- 
ments de  village  ont  fait  l'objet  d'un  relevé  détaillé  dans  les  listes  nominatives. 
D'autres  recherches,  déjà  amorcées,  apporteront  des  précisions  quant  aux  localités. 
10.  John  McCallum,  op.  cit.,  p.  83  et  suiv. 


169 


carrying  on  an  extensive  business;  at  high  water  decked  vessels  of 
twenty  tons  may  corne  up  the  premises.  Over  the  river  is  a  good  bridge 
[...]  From  the  St  Lawrence  the  view  of  the  mills  and  surrounding  objects, 
heightened  by  the  pleasing  natural  scenery  of  the  environs  is  very 
agréable11. 

Cet  exemple  n'a  rien  d'unique;  on  retrouve  ce  paysage  partout  où 
existe  un  cours  d'eau  au  potentiel  hydraulique  intéressant.  Les  emplace- 
ments les  plus  recherchés  se  situent  sur  les  berges  des  petites  rivières 
au  débit  faible  mais  stable,  plus  faciles  à  endiguer  et  qui  présentent 
moins  de  risques  d'inondation  au  printemps12.  Cette  situation  est  d'au- 
tant plus  répandue  que,  toutes  proportions  gardées,  les  îles  comptent 
peu  de  cours  d'eau  de  ce  genre,  ce  qui  requiert  une  technologie 
différente,  moins  efficace  et  souvent  plus  coûteuse.  Aussi  l'industrie 
gagne-t-elle  la  terre  ferme,  à  la  recherche  de  sites  plus  favorables  ;  elle 
profite  de  la  vocation  de  certains  terroirs  pour  s'y  établir  et  contribue 
ainsi,  par  sa  présence,  à  la  renforcer. 

Omniprésente,  l'industrie  imprime  sa  marque  tant  au  village  que 
dans  les  côtes,  en  un  semis  étendu  parfois  à  tout  un  bassin-versant.  On 
en  a  un  exemple  dans  le  comté  de  L'Assomption,  sur  la  Rive-Nord  de 
Montréal;  après  avoir  signalé  la  douzaine  de  moulins  placés  le  long  de  la 
rivière  L'Achigan,  affluent  de  la  rivière  L'Assomption,  Jean-Baptiste 
Meilleur  ajoute: 

La  Rivière  de  l'Assomption  reçoit  encore  les  eaux  de  la  Rivière  du  Petit 
St.  Esprit,  sur  laquelle  sont  construits  un  moulin  à  carder  et  une  distillerie, 
à  la  distance  d'environ  trois  milles  du  village  de  l'Assomption  [...]  L'on  [y] 
voit  encore  [...]  plusieurs  établissements  dignes  de  remarques,  et  spécia- 
lement les  beaux  Moulins  et  le  Village  d'Industrie  [...]  Sur  la  rivière  du  Lac 
Ouaro  se  trouve  le  beau  moulin  à  farine  des  M. M.  du  Séminaire  de  St. 
Sulpice  de  Montréal,  un  moulin  à  carder,  un  moulin  à  faire  des  étoffes  en 
laine  et  plusieurs  moulins  à  scier  le  bois  de  construction.  [Quant  à  la 
rivière  Rouge  voisine,  elle  accueille]  le  moulin  florissant  du  Capt.  P. 
Dugas  et  celui  d'un  dénommé  Pratt  dans  le  Township  de  Rawdon13. 

Si  l'industrie  progresse  tant,  c'est  que  l'économie  elle-même 
évolue,  stimulée  par  les  besoins  nouveaux  qu'entraînent  la  croissance 
démographique,  l'extension  de  la  demande  intérieure  et  la  meilleure 


1 1 .  Joseph  Bouchette,  A  Topographical  Dictionary  of  the  Province  of  Lower  Canada. 
«  St.  Jean  Port  Joli  ». 

12.  Entre  autres  dans  la  région  de  Montréal  où  l'on  ne  compte  pas  moins  d'une 
quinzaine  de  rivières  dont  les  bassins-versants  sont  «  industrialisés  ».  Voir  Serge 
Courville.  «  Le  marché  des  subsistances  [...]  »,  RHAF,  42(2),  1988,  p.  193-239. 

13.  Jean-Baptiste  Meilleur,  Extrait  du  recensement  du  comté  de  L'Assomption  de 
l'année  1831,  p.  10-11. 


170 


insertion  de  la  campagne  dans  les  circuits  d'échange  commandés  par  la 
ville.  Aussi  le  paysage  se  transforme-t-il  rapidement.  Si  le  panorama 
semble  différent  en  1851,  moins  riche  en  entreprises  dont  le  nombre 
accuse  une  certaine  chute,  ce  n'est  pas  que  l'industrie  soit  en  baisse, 
c'est  qu'elle  s'est  déplacée  dans  l'espace  (vers  la  ville,  les  fronts 
pionniers  et  certains  gros  bourgs  bien  marqués)  et  que  les  entreprises 
sont  plus  grandes,  ce  qui  favorise  des  concentrations  de  la  main-d'œuvre 
inconnues  auparavant.  Par  exemple,  les  scieries  remplacent  de  plus  en 
plus  les  petits  moulins  à  scie  traditionnels. 

Cette  montée  de  l'industrie  rurale  n'est  pourtant  pas  égale  par- 
tout. D'abord  plus  vive  dans  la  région  de  Montréal  où  se  répartissent 
plus  de  80%  des  moulins  et  des  fabriques  en  1815,  elle  s'étendra 
bientôt  à  toutes  les  régions,  avant  de  dominer  finalement  dans  l'est  du 
Québec.  Dans  le  temps,  cette  expansion  marque  les  progrès  du  peuple- 
ment et  surtout  de  l'exploitation  forestière.  Toutefois,  elle  laisse  dans 
l'ombre  bien  d'autres  développements  que  ne  rapportent  pas  les  agré- 
gés de  recensement,  mais  qui  sont  également  importants.  C'est  la 
montée  de  petits  ateliers,  toujours  plus  présents  dans  la  partie  ouest  du 
Bas-Canada,  d'abord  parce  que  les  agglomérations  qui  les  accueillent 
sont  plus  nombreuses,  ensuite  parce  qu'elles  sont  plus  volumineuses, 
ce  qui  nuance  le  paysage  industriel  de  la  vallée  du  Saint-Laurent.  À  l'est 
d'abord,  une  petite  industrie  locale  est  accordée  à  une  colonisation  plus 
ancienne  et  orientée  principalement  vers  l'établissement  rural,  mais 
placée  à  côté  de  grosses  implantations  consacrées  à  la  construction 
navale.  Au  centre  et  à  l'ouest,  une  industrie  également  locale  est 
flanquée  de  certaines  grosses  implantations  d'origine  plus  ou  moins 
récente,  et  d'une  foule  de  petits  ateliers  et  de  fabriques  bien  insérés 
dans  la  vie  d'échange  et  les  circuits  du  marché.  Enfin,  après  les  années 
1830,  une  poussée  industrielle  différente,  ou  du  moins  d'ampleur  nou- 
velle, centrée  sur  l'exploitation  forestière  et  le  travail  manufacturier, 
fleurira  sur  les  fronts  pionniers  surtout  et  dans  les  grosses  aggloméra- 
tions urbaines  et  villageoises. 

Accordée  à  des  mises  en  place  distinctes,  de  temporalités  diffé- 
rentes, cette  évolution  influencera  le  destin  des  villages  dont  certains 
prendront  très  tôt  un  aspect  industriel.  Dès  1815,  Bouchette  rapporte  la 
présence  de  quelques  bourgs  où  la  fonction  de  fabrication  semble 
importante  :  le  village  des  Cascades  d'abord  et  celui  de  Rigaud  dans  la 
péninsule  de  Vaudreuil-Soulanges,  puis  celui  de  Terrebonne  sur  la  rive 
nord  du  fleuve,  Chambly,  Saint-Hyacinthe  et  Frelighsburg  sur  la  rive  sud 
et,  dans  la  région  de  Québec,  Beauport,  Saint-Michel-de-Bellechasse  et 


171 


Kamouraska.  Quant  à  la  région  de  Trois-Rivières,  elle  n'en  compterait 
encore  aucun,  à  l'exception  du  village  des  Forges  qui  date  du  Régime 
français.  En  1832,  cet  auteur  en  repère  une  quinzaine,  dont  l'un,  Sainte- 
Marie-de-Monnoir,  est  encore  en  puissance  sur  un  emplacement  d'ail- 
leurs réservé  à  cette  fin  près  du  moulin  et  d'un  carrefour.  Parmi  les 
villages  établis,  il  signale  alors  Saint-André-d'Argenteuil  qui  compte  déjà 
plusieurs  moulins  dont  l'un  à  papier,  Beauharnois,  où  les  bateaux  à 
vapeur  font  escale,  Chambly,  Châteauguay  et  le  village  de  L'Industrie, 
fondé  par  Barthélémy  Joliette,  Saint-Eustache,  Sainte-Thérèse,  Sault-au- 
Récollet,  Henryville,  Frelighsburg  et  Sainte-Scholastique.  Dans  la  région 
de  Trois-Rivières,  il  rapporte  ceux  de  Batiscan,  de  Bécancour  et  des 
Forges;  dans  celle  de  Québec,  ceux  de  Beauport,  de  Saint-Vallier  et  de 
Saint-Michel-de-Bellechasse14.  Quant  au  cas  de  Sainte-Marie-de- 
Monnoir,  il  n'a  rien  d'unique,  puisque  bien  des  bourgs  faisaient  alors 
l'objet  d'interventions  planifiées,  conjuguées  avec  l'évolution  du  con- 
texte qui  favorise  les  initiatives  capitalistes,  d'origine  seigneuriale  ou 
autre,  notamment  celles  des  marchands  et  des  paysans  aisés. 

De  nouveau,  les  recensements  corroborent  ces  observations  (voir 
le  tableau  37  et  la  figure  16).  En  1831,  ils  rapportent  un  peu  moins  de 
675  artisans  dans  les  bourgs,  parmi  lesquels  environ  45,5  %  se  répartis- 
sent dans  25  noyaux  dont  20  sont  situés  dans  la  région  de  Montréal. 
Vingt  ans  plus  tard,  le  nombre  d'artisans  s'élève  à  un  peu  plus  de  1  500, 
dont  42  %  se  répartissent  dans  22  bourgs,  encore  situés  pour  la  plupart 
dans  la  région  montréalaise.  En  1831,  dix  bourgs  cumulent  plus  de  2  % 


14.  Tout  en  étant  explicite,  cet  inventaire  de  Bouchette  est  cependant  loin  d'être 
complet.  Sur  les  villages  comme  Saint-Denis,  Terrebonne,  Saint-Hyacinthe,  il  ne 
s'étend  pas  beaucoup,  du  moins  quant  aux  activités  de  fabrication.  Par  contre,  du 
village  de  Saint-André-d'Argenteuil,  qui  comptait  une  trentaine  de  maisons  en  1824, 
il  dira  :  «  it  now  increased  to  55  houses  and  about  330  soûls,  composed  of 
Americans  and  British  born  subjects.  It  also  contains  a  grist  and  a  saw  mill  and  an 
extensive  paper-mill,  belonging  to  Mr.  Brown,  opposite  whose  résidence  is  a 
handsome  bridge  over  the  river.  »  De  celui  de  Saint-Eustache,  «  among  whom  are 
many  merchants  carrying  on  a  lucrative  commerce  »,  qu'il  comporte  «  a  brewery,  a 
potash-work,  a  pottery,  two  tanneries,  a  manufactury  for  cigars  and  tobacco  in  great 
repute,  one  for  hats  and  another  for  chairs,  ail  enjoying  considérable  réputation. 
Joiners,  turners,  blacksmiths  and  other  artisans,  amounting  in  number  to  25,  enjoy 
an  easy  and  honest  livelihood.  »  De  celui  de  Sainte-Thérèse,  qu'il  est  «  a  considér- 
able village  of  90  houses  and  enjoys  an  extensive  commerce.  A  whisky  distillery,  a 
strong  béer  brewery  on  a  large  scale  belonging  to  James  Porteous  Esq.,  and  a  little 
distillery  established  by  Dr.  Buchanan,  bring  hither  a  great  number  of  farmers  from 
the  adjacent  seigniories,  where  they  find  an  excellent  market  for  the  sale  of  their 
barley  and  rye,  and  can  purchase  various  articles  necessary  for  the  use  of  their 
families.  This  village  also  contains  4  stores  [...]  There  are  also  two  potash  works, 
tanneries,  and  good  artisans  whose  industry  is  recompensed  by  an  easy  and  honest 
subsistence.  »  Voir  Joseph  Bouchette,  A  Topographical  Dictionary  of  the  Province 
of  Lower  Canada.  «  Argenteuil  »  et  «  Mille  Isles  ». 


172 


de  là  main-d'œuvre  totale  enregistrée  dans  les  activités  de  fabrication 
des  bourgs  :  Laprairie  -  le  plus  «  industrialisé  »  de  tous  avec  plus  de 
3  %  de  la  main-d'œuvre  -,  Saint-Denis,  Saint-Eustache,  Saint-Hyacinthe, 
Berthier,  L'Assomption,  Les  Forges,  Terrebonne,  Lévis  et  Sorel.  En 
1851,  on  n'en  compte  plus  que  sept:  Saint-Hyacinthe,  qui  domine  avec 
plus  de  6  %  de  la  main-d'œuvre,  Saint-Jean,  Lauzon,  Philipsburg,  Saint- 
André-d'Argenteuil,  Berthier  et  L'Assomption. 

Parallèlement,  on  assiste  à  une  poussée  de  petits  regroupements 
nés  autour  d'un  ou  de  plusieurs  moulins,  où  le  pourcentage  local  de  la 
main-d'œuvre  dépasse  la  moyenne  générale.  En  1831,  on  en  compte  27 
qui  présentent  ainsi  un  fort  indice  de  spécialisation,  dont  quelques-uns 
seulement  sont  des  bourgs  déjà  reconnus:  13  sont  situés  dans  la  région 
de  Montréal,  1 1  dans  celle  de  Québec  et  3  dans  celle  de  Trois-Rivières. 
En  1851,  il  y  en  aura  deux  de  plus  mais,  cette  fois,  répartis  autrement: 
12  dans  la  région  de  Québec,  10  dans  celle  de  Montréal  et  le  reste  dans 
la  région  trifluvienne.  À  l'exception  de  quatre  ou  cinq  d'entre  eux,  tous 
sont  de  petite  taille. 

Enfin,  fait  intéressant,  là  où  la  fonction  de  fabrication  est  impor- 
tante, la  présence  des  journaliers  l'est  également  et  ce,  quelle  que  soit  la 
taille  du  bourg  (voir  le  tableau  38).  Toute  cette  main-d'œuvre  n'est  sans 
doute  pas  liée  à  cette  fonction,  du  moins  directement,  mais  comme  il 
s'agit  là  d'un  domaine  d'activité  qui  en  attire  d'autres,  à  l'amont  comme 
à  l'aval,  plusieurs  y  trouvent  leur  avantage.  Cependant,  cette  population 
est  importante  surtout  dans  les  noyaux-moulins,  occupée  à  des  tâches 
de  transport,  d'approvisionnement  ou  de  services.  Comme  ces  noyaux 
sont  en  pleine  croissance  à  l'époque,  leur  nombre  augmente  en  consé- 
quence, jusqu'à  représenter  parfois  l'essentiel  des  métiers  déclarés 
dans  le  hameau. 

Bref,  à  la  poussée  d'industries  rurales  enregistrée  à  l'époque 
correspond  la  montée  parallèle  d'un  ensemble  de  bourgs  et  de  hameaux 
où  la  fonction  industrielle  est  parfois  étonnamment  importante.  Cela  ne 
veut  pas  dire  que  la  campagne  ne  vit  désormais  qu'au  rythme  de 
l'industrie:  il  existe  des  secteurs  davantage  consacrés  à  l'agriculture,  où 
les  villages  évoluent  selon  une  autre  logique,  par  exemple  dans  certaines 
parties  de  la  plaine  de  Montréal,  dans  la  vallée  du  Richelieu  notamment 
ou  dans  celle  de  la  rivière  Yamaska15.  Par  contre,  cela  signifie  qu'à  part 


15.  À  ce  sujet,  voir:  Allan  Gréer,  Peasant,  Lord  and  Merchant;  Christian  Dessureault, 
«  Crise  ou  modernisation  ?  La  société  maskoutaine  durant  le  premier  tiers  du  XIXe 
siècle»,  RHAF.  42(3),  1989,  p.  359-387. 


173 


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Figure  16 
PRINCIPAUX  LIEUX  DE  FABRICATION  (1831,  1851) 


Bourgs  où  se  concentrent  plus  de  1,08  *  de  la  main-d'oeuvre  recensée  dans  le  secteur  de  la  fabrication 

n.  de  bourgs  observés  =  196 

moyennes  0,48  96 

écart-types  0,60  96  ^b^ 


1,08-1,15      1,16-1,54  1,55-1,75  1,76-2,25  2,26-2,75 


>275 


Bourgs  où  se  concentrent  plus  de  1,00  96  de  la  main-d'oeuvre  recensée  dans  le  secteur  de  la  fabrication 
n.  de  bourgs  observés»  252 
moyenne»  0,40  96 
écart-types  0,60  96 


1,01-1,20      1,20-1,70  1,71-1,95  1,96-2,45 

Sources:  ANC,  Recensements  du  Bas-Canada,  1831  et  1851-1852. 


2,45-3,50 


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ces  secteurs  plus  intensément  consacrés  à  l'agriculture  il  en  existe 
d'autres  où  villages  et  industries  se  conjuguent  pour  créer  des  con- 
ditions particulières  de  croissance  qui  finiront  par  transformer  les  paysa- 
ges et  les  socio-économies  locales16.  D'ailleurs,  il  n'est  pas  sans  intérêt 
de  noter  que,  dans  les  hameaux  constitués  autour  de  moulins,  la  part  de 
la  population  d'origine  francophone  est  presque  toujours  plus  élevée  que 
celle  des  anglophones  (voir  l'annexe  C).  En  effet,  il  n'y  a  pas  d'opposition 
dans  le  jeu  des  fonctions,  mais  des  complémentarités  qui  tantôt  les 
expliquent,  tantôt  les  entraînent,  outre  qu'elles  créent  d'autres  équilibres 
et  d'autres  vocations.  C'est  le  cas,  entre  autres,  de  la  fonction  d'accueil 
qui  n'existe  que  parce  que  le  village  est  un  lieu  de  circulation  et 
d'échange,  non  seulement  de  denrées  ou  de  produits  fabriqués,  mais 
aussi  de  personnes. 

La  fonction  d'accueil  et  de  services 

La  vie  de  relation  a  pour  condition  première  les  facilités  de 
transport  par  voie  de  terre  et  d'eau.  Au  Québec,  bien  des  bourgs  sont 
nés  de  cette  circulation  ou  pour  faciliter  celle-ci  :  haltes  commodes  ou 
obligées  le  long  des  routes  ou  aux  carrefours,  pour  la  diligence,  la  poste, 
ou  simplement  pour  se  restaurer,  haltes  ponctuelles  le  long  des  cours 
d'eau,  pour  refaire  le  plein  de  combustible  ou  procéder  à  des  opérations 
de  transbordement.  Ces  haltes  rythment  des  mouvements  d'ampleur  et 
de  durée  variables  qui,  dans  le  contexte  technologique  de  l'époque,  sont 
liés  à  la  nécessité  de  s'arrêter  de  distance  en  distance  ou  en  fin  de 
journée  pour  laisser  reposer  les  attelages  ou  éviter  les  risques  d'une 
navigation  de  nuit.  Les  cartes  de  répartition  des  bourgs  en  témoignent  et 
montrent  souvent  des  points  équidistants  les  uns  des  autres,  notam- 
ment à  l'est  de  Québec  où  le  maillage  plus  lâche  des  agglomérations 
villageoises  fait  mieux  ressortir  cette  caractéristique  (voir  le  chapitre  1). 
Tous  les  bourgs  ne  sont  pas  des  étapes  le  long  d'un  parcours,  mais  rares 
sont  ceux  qui  ne  le  deviennent  pas  à  un  moment  ou  l'autre.  Quand  ils 
ont  dépassé  un  certain  seuil  de  croissance,  ils  comprennent  générale- 
ment au  moins  une  auberge;  les  mieux  nantis  de  ce  point  de  vue 
demeurent  les  bourgs  situés  face  aux  villes  mais  sur  la  rive  opposée  du 
fleuve  où  les  routes  convergent  quand  l'absence  de  pont  impose  des 
délais  dans  le  transport  des  personnes  et  des  marchandises.  Le  village 
de  Laprairie  au  sud  de  Montréal  en  est  un  exemple:  lieu  de  départ  du 
traversier  vers  Montréal,  il  compte  23  auberges  en  1831  contre  une 


16.  À  ce  sujet,  voir  Serge  Courville,  «  Le  marché  des  subsistances  [...]  »,  RHAF,  42(2), 
1988,  p.  193-239. 


79 


douzaine  à  Lévis  à  la  même  date.  En  1851,  leur  nombre  aura  considéra- 
blement diminué,  de  moitié  dans  le  cas  de  Laprairie  et  de  plus  de  90  % 
pour  ce  qui  est  de  Lévis,  en  raison  des  campagnes  de  tempérance,  de 
l'amélioration  des  transports  et  de  l'apparition  du  navire  à  vapeur  qui 
assure  de  meilleures  liaisons. 

C'est  donc  une  fonction  du  village  de  servir  ainsi  de  gîte  aux 
voyageurs  et,  en  certains  cas,  d'accueillir  une  population  de  passage  en 
quête  de  repos,  de  soins  médicaux  ou  de  recueillement.  Leur  caractéris- 
tique essentielle  est  alors  d'être  animés  à  certains  moments  et  calmes  à 
d'autres,  pour  des  périodes  qui  varient  de  quelques  heures  à  quelques 
jours,  voire  à  quelques  semaines,  au  gré  des  saisons.  C'est  le  cas  du 
village  de  Kamouraska,  dont  Bouchette  nous  dit  dans  son  dictionnaire  de 
1832  qu'il  est  déjà  un  lieu  très  fréquenté  par  les  touristes  qui  viennent  y 
refaire  leur  santé,  et  du  village  de  Pointe-aux-Trembles,  que  cet  auteur 
présente  comme  un  lieu  récréatif  pour  les  résidents  de  Montréal. 
Pourtant,  que  de  changements  entre  1815  et  1851  !  En  début  de 
période,  on  ne  compte  qu'une  dizaine  de  bourgs  dotés  d'équipements 
d'hébergement,  sur  la  cinquantaine  de  noyaux  recensés  par  Bouchette. 
En  1831,  on  en  dénombre  près  d'une  centaine  dont  le  tiers  comptent 
plus  de  trois  auberges.  Vingt  ans  plus  tard,  on  n'en  recensera  plus 
qu'une  cinquantaine  sur  les  253  de  notre  échantillon,  dont  10  seulement 
comptent  plus  de  3  auberges.  Vu  le  caractère  incomplet  de  nos  fichiers, 
le  nombre  de  bourgs  dotés  d'équipements  d'hébergement  en  1851  est 
sans  doute  plus  élevé.  Toutefois,  même  en  supposant  que  la  cinquantaine 
de  bourgs  dont  nous  perdons  la  trace  dans  le  recensement  soient  dotés 
d'un  tel  équipement,  c'est  encore  à  moins  d'une  centaine  d'aggloméra- 
tions que  s'élève  ce  nombre,  ce  qui  semble  indiquer  une  certaine 
décroissance  par  rapport  à  1831,  liée  sans  doute  au  vieillissement  relatif 
des  villages  et  à  leur  changement  de  fonctions,  mais  aussi  aux  campa- 
gnes de  tempérance  menées  alors  dans  la  province. 

Outre  cette  fonction  d'accueil,  le  village  a  aussi  d'autres  raisons 
d'être  qui  accentuent  son  rôle  de  relais  dans  l'espace.  Ce  sont  les 
fonctions  de  services,  représentées  ici  par  les  résidents  qui  déclarent 
faire  partie  du  clergé,  des  professions  libérales,  de  la  fonction  publique 
et  des  services  autres  que  domestiques  (maisons  d'enseignement,  de 
repos,  etc.).  Ces  fonctions  donnent  l'un  de  leurs  premiers  attributs  aux 
bourgs,  celui  d'être  un  lieu  de  commodité  pour  la  population  locale.  Ces 
fonctions  sont  d'autant  plus  nombreuses  et  de  haut  niveau  que  le  bourg 
est  ancien  et  d'assez  bonne  taille.  Mais  encore  là,  il  existe  des  cas  de 
villages,  parfois  même  de  hameaux  où,  en  dépit  d'une  création  plus 


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récente  ou  d'une  population  restreinte,  des  vocations  s'affirment  qui  les 
distinguent  des  autres  bourgs. 

En  1815,  Bouchette  n'est  pas  très  loquace  sur  la  place  qu'occu- 
pent les  services  dans  les  bourgs.  Tout  au  plus  signale-t-il  la  présence  ici 
et  là  de  notables,  de  boutiques,  d'écoles  ou  de  divers  autres  équipe- 
ments (bureaux  de  poste  ou  de  télégraphe,  relais  de  diligence,  etc.)  qui 
en  suggèrent  l'existence.  Au  total,  seuls  une  dizaine  de  villages  sem- 
blent avoir  alors  une  fonction  de  services  plus  structurée:  Longueuil, 
Chambly,  Philipsburg,  Boucherville,  Saint-Eustache  et  Terrebonne  dans 
la  région  de  Montréal,  Sainte-Anne-de-la-Pérade  dans  celle  de  Trois- 
Rivières,  et  Neuville,  Beauport,  Saint-Thomas  de  Montmagny  et  Kamou- 
raska  dans  la  région  de  Québec.  En  1832,  ce  nombre  aura  quadruplé  et 
ce  n'est  là  qu'une  estimation  sommaire  qui  ne  tient  compte  que  des 
mentions  formelles  de  Bouchette.  De  fait,  ces  villages  sont  beaucoup 
plus  nombreux,  trop  pour  être  tous  cités  ici.  En  outre,  leur  situation 
évolue  considérablement  entre  les  deux  recensements.  Toutefois,  il  est 
significatif  de  noter  que,  mis  à  part  les  gros  bourgs,  où  ces  fonctions 
sont  évidemment  plus  répandues,  c'est  surtout  dans  la  petite  agglomé- 
ration qu'elles  s'expriment  le  plus,  comme  si  elles  pouvaient  seules 
expliquer  la  présence  de  celle-ci.  Telle  est  la  situation  de  tous  les  petits 
bourgs  agraires  construits  à  proximité  des  villes  ou  des  gros  bourgs 
urbains,  ou  à  mi-chemin  entre  deux  établissements  aux  économies 
motrices;  de  même,  plusieurs  hameaux  situés  en  contexte  pionnier 
n'ont  parfois  pas  d'autres  fonctions  que  de  servir  aux  fins  du  peuple- 
ment, avec  tout  juste  une  scierie  ou  une  potasserie  pour  satisfaire  les 
besoins  locaux  et  se  rattacher  à  l'économie  globale  (voir  le  tableau  39). 

En  1831,  un  seul  village  parmi  les  plus  gros  cumule  un  taux 
supérieur  de  services,  celui  de  Laprairie,  où  se  concentrent  plus  de  4  % 
de  la  main-d'œuvre  recensée  dans  ce  secteur  d'activité  pour  l'ensemble 
des  bourgs.  En  1851,  on  en  compte  au  moins  deux:  la  ville  de  Saint- 
Hyacinthe,  suivie  du  village  de  Longueuil,  qui  accueillent  plus  de  5,6  % 
et  4,3  %  respectivement  de  la  main-d'œuvre  totale  dénombrée  dans  les 
bourgs. 

Du  village  de  Laprairie,  Bouchette  dira  qu'il  est  maintenant  un 
village  florissant  de  200  maisons  bien  construites,  dont  certaines  en 
pierre  et  à  deux  étages,  aux  toits  de  tôle,  qui  lui  donnent  un  air  de 
propreté  et  de  respectabilité  : 

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seen  in  every  direction,  and  ail  appear  to  be  thriving.  Hère  is  a  catholic 
church  and  also  a  convent  of  the  sisters  of  Notre  Dame,  missionaries 
from  the  community  formerly  founded  at  Montréal  by  Madame  Bourgeois, 
where  ail  the  necessary  and  some  ornamental  branches  of  female 
éducation  are  conducted  upon  a  very  good  System  with  a  success  highly 
creditable.  Its  population  is  about  1  800,  including  about  30  artisans, 
2  notariés,  4  merchants  and  4  justices  of  peace17. 

De  ceux  de  Longueuil  et  de  Saint-Hyacinthe,  il  donnera  une 
description  qui  annonce  déjà  les  traits  qu'ils  prendront  plus  tard.  Le 
premier  compte  alors  65  maisons,  notamment  un  presbytère  et  deux 
écoles,  une  belle  église  de  130  pieds  sur  55,  et  sert  de  lieu  de  résidence 
à  beaucoup  de  personnes  respectables,  dont  l'ancien  évêque  catholique 
de  Québec.  Celui  de  Saint-Hyacinthe  comprend  200  résidences  dont 
plusieurs  sont  construites  en  pierre  et  en  brique,  une  belle  et  grande 
église,  un  presbytère,  un  collège  et  deux  auberges  bien  tenues18. 

Parallèlement,  on  observe  plusieurs  autres  villages  où  la  fonction 
de  services  est  importante.  Toutefois,  en  ne  tenant  compte  que  des 
bourgs  où  l'indice  de  concentration  de  la  main-d'œuvre  est  le  plus  élevé, 
on  constate  que  ceux-ci  sont  plus  nombreux  en  1831  qu'en  1851.  En 
effet,  contrairement  à  la  situation  de  1831,  alors  que  l'on  compte  au 
moins  huit  villages  où  la  main-d'œuvre  qui  travaille  dans  les  services 
dépasse  2  %  de  la  main-d'œuvre  engagée  dans  ce  même  secteur 
d'activité  pour  l'ensemble  des  bourgs  (Laprairie,  Sorel,  Berthier,  L'As- 
somption, Lévis,  Châteauguay,  Terrebonne  et  Saint-Eustache),  on  n'en 
compte  plus  que  la  moitié  en  1851  (Saint-Jean,  Laprairie,  Saint-Vincent- 
de-Paul  et  Saint-Joseph-de-Chambly).  De  même,  si  l'on  tient  compte  des 
bourgs  où  le  pourcentage  de  la  main-d'œuvre  engagée  dans  les  services 
dépasse  celui  que  l'on  a  enregistré  pour  l'ensemble  des  villages,  il  est 
également  plus  élevé.  En  1831,  on  dénombre  25  bourgs  où  l'indice  de 
spécialisation  est  supérieur  à  1  %;  en  1851,  on  n'en  compte  plus  que 
21,  dont  plusieurs  sont  répartis  sur  les  fronts  pionniers  de  l'intérieur  ou 
en  position  mitoyenne  entre  deux  gros  bourgs.  Comme  le  nombre  de 
ces  derniers  a  tendance  à  augmenter  à  l'époque,  c'est  autant  de  signes 
qui  montrent  le  rôle  joué  désormais  par  les  petits  bourgs.  Autrement  dit, 
il  se  produit  ici  ce  que  les  géographes  appellent  un  déplacement  de 
fonctions  dans  l'espace,  d'abord  au  profit  des  gros  bourgs  urbains  qui 
assument  de  plus  en  plus  de  fonctions  de  services,  ensuite  à  l'avantage 
des  petits  bourgs  ruraux  et  des  milieux  pionniers  où  les  services  sont 
pour  ainsi  dire  des  catalyseurs  de  croissance.  Mais  qui  dit  services  dit 


17.  Joseph  Bouchette,  A  Topographical  Dictionary  of  the  Province  of  Lower  Canada. 

18.  Ibid. 


184 


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Plan  du  village  de  Longueuil,  1847.  MER,  Service  de  l'arpentage,  L-14. 


185 


aussi  toute  une  gamme  d'activités,  dont  certaines  sont  plus  spécialisées 
que  d'autres  et  qui  donnent  parfois  à  certains  bourgs  des  attributs 
particuliers,  par  exemple  les  activités  administratives  et  religieuses,  que 
l'on  retrouve  à  des  degrés  divers  dans  les  bourgs  mais  qui  ont  parfois 
tendance  à  se  concentrer  dans  l'espace. 

La  fonction  administrative  et  religieuse 

À  l'époque  qui  nous  intéresse,  peu  de  villages  ont  une  vocation 
administrative  importante.  Cette  fonction  ne  viendra  que  plus  tard  avec 
l'implantation  du  régime  municipal  et  la  mise  en  place  de  services 
gouvernementaux  et  judiciaires19.  Pour  l'instant,  les  seuls  bourgs  à 
pouvoir  prétendre  à  un  tel  rôle  sur  le  territoire  seigneurial  sont  ceux  qui 
accueillent  une  cour  de  justice  et  certains  services  gouvernementaux, 
tels  la  poste  et  bientôt  les  bureaux  d'enregistrement;  les  plus  représen- 
tatifs à  cet  égard  demeurent  Berthier,  Saint-Hyacinthe,  Frelighsburg, 
Philipsburg,  Sainte-Anne-de-la-Pérade,  Sainte-Marie  de  Beauce,  etc.,  où 
Bouchette  signale  un  bureau  de  poste,  une  cour  de  justice,  des  bâti- 
ments gouvernementaux,  un  poste  de  télégraphe,  etc.  Dans  sa  thèse 
sur  les  seigneuries  de  Gabriel  Christie,  Françoise  Noël  brosse  le  tableau 
suivant:  de  1812  à  1841,  on  ne  crée  pas  moins  d'une  trentaine  de 
bureaux  de  poste  sur  le  territoire  compris  entre  les  rives  du  fleuve  et  la 
frontière  canado-américaine,  et  entre  Hemmingford  et  Saint-Mathias.  De 
ce  nombre,  une  dizaine  sont  situés  dans  les  seigneuries  de  Deléry, 
Lacolle,  Bleury,  Sabrevois,  Noyan  et  Saint-Armand,  et  la  plupart  sinon 
tous  ont  un  village  ou  un  hameau  pour  emplacement20.  Ces  bureaux 
n'assurent  pas  l'existence  du  bourg  mais,  comme  ils  s'inscrivent  en 
réseau,  ils  la  confirment  et  la  renforcent  tout  en  marquant  la  place  de 
l'agglomération  dans  le  circuit  des  échanges.  Aussi,  à  côté  des  bourgs 
qui  dominent,  tels  Laprairie,  Chambly  ou  Saint-Jean,  il  y  en  a  d'autres, 
comme  Saint-Mathias,  Saint-Rémi  ou  Clarenceville  qui  paraissent  plus 
secondaires,  mais  dont  l'importance  dans  le  réseau  de  distribution  du 
courrier  et  de  l'information  en  général  ne  fait  aucun  doute. 

Par  contre,  sur  le  plan  religieux,  la  situation  se  présente  différem- 
ment, puisque  la  plupart  des  bourgs  sont  susceptibles  d'accueillir  un 
prêtre  et  une  communauté  religieuse.  À  l'époque,  toutefois,  seulement 
le  tiers  ou  la  moitié  des  bourgs  ont  un  curé  résident,  quelquefois  un 


19.  A  ce  sujet,  voir:  Serge  Courville  (dir.),  Jacques  Crochetière,  Philippe  Desaulniers  et 
Johanne  Noël,  Paroisses  et  municipalités  de  la  région  de  Montréal  au  XIXe  siècle 
(1825-1861)  [...];  Jean-Marie  Fecteau,  «  La  pauvreté,  le  crime,  l'État  [...]  ». 

20.  Françoise  Noël,  «  Gabriel  Christie's  Seigneuries  [...]  ». 


186 


vicaire.  Quant  aux  communautés  religieuses,  elles  sont  beaucoup  moins 
répandues  ;  elles  se  limitent  le  plus  souvent  à  la  congrégation  de  Notre- 
Dame  créée  par  Marguerite  Bourgeoys.  On  n'en  retrouve  que  dans 
quelques  bourgs,  par  exemple  Laprairie,  Saint-Eustache  ou  Neuville. 
Cette  pénurie  ne  se  résorbera  qu'après  les  années  1840,  avec  la  venue 
de  religieux  étrangers  et  la, multiplication  des  couvents  et  des  collèges 
classiques,  créés  pour  favoriser  les  vocations  sacerdotales.  Pour  l'heure, 
il  faudra  donc  faire  appel  à  un  prêtre  visiteur,  ce  qui  est  le  fait  de  la 
plupart  des  petits  bourgs  apparus  entre  les  années  1815  et  1830.  Par 
conséquent,  de  tous  les  bourgs  observés,  seuls  ceux  qui  ont  atteint  une 
certaine  taille  et  une  notoriété  indéniable  sont  dotés  d'une  fonction 
religieuse  importante,  entre  autres  Saint-Hyacinthe  et  Nicolet  qui  devien- 
dront bientôt  des  évêchés  (après  1850).  Ceux  qui  n'ont  qu'un  curé  ou 
une  chapelle  pour  accueillir  le  prêtre  desservant  ne  dispensent  que  les 
services  essentiels;  ils  assument  sans  doute  leur  fonction  spirituelle, 
mais  sans  ce  rayonnement  caractéristique  des  bourgs  où  l'on  compte 
plusieurs  représentants  du  clergé  en  plus  d'une  église,  d'un  couvent  ou 
d'un  collège. 

Quant  aux  autres  expressions  de  la  fonction  religieuse,  elles  se 
confondent  avec  le  rôle  qu'a  joué  traditionnellement  l'Église  catholique 
du  Québec  dans  la  sédentarisation  des  populations  amérindiennes.  Dès 
le  Régime  français,  des  missions  sont  créées,  notamment  à  Laprairie,  au 
Sault-Saint-Louis  dans  l'île  de  Montréal,  puis  dans  la  seigneurie  du  Lac- 
des-Deux-Montagnes,  à  Saint-François-du-Lac  et  à  la  Jeune-Lorette,  aux- 
quelles viendra  bientôt  se  joindre  celle  de  Bécancour.  Elles  donneront 
naissance  à  des  villages  d'un  type  assez  particulier,  mi-permanents,  mi- 
temporaires,  élevés  non  loin  de  la  chapelle  et  des  bâtiments  où  logent 
les  missionnaires.  Au  début  du  XIXe  siècle,  la  plupart  de  ces  villages 
existent  encore.  Constitués  de  tentes  et  de  maigres  cabanes  de  bran- 
chages ou  de  bois  rond,  ils  prennent  souvent  un  aspect  misérable,  du 
moins  selon  les  observateurs  de  l'époque  qui  ne  manquent  pas  de 
rapporter  également  leur  taille  variable  selon  les  saisons.  Certains  com- 
prennent même  plusieurs  noyaux,  comme  la  mission  du  Lac-des-Deux- 
Montagnes  où,  contrairement  au  village  de  Caughnawaga  au  Sault-Saint- 
Louis,  habité  par  les  Mohawks  (Iroquois),  ou  à  celui  de  la  Jeune-Lorette 
occupé  par  les  Hurons,  on  compte  trois  villages  distincts,  l'un  habité  par 
les  Algonquins,  l'autre  par  les  Iroquois  et  le  troisième  par  les  Népissin- 
gues.  Chaque  bourgade  a  son  administration  propre,  placée  sous  la 
responsabilité  du  chef  de  bande,  tandis  que  la  direction  de  la  mission  est 
confiée  à  un  prêtre  du  séminaire  de  Saint-Sulpice  de  Montréal  à  qui 
appartient  la  seigneurie  où  est  située  la  mission. 


187 


LE  CUMUL  DES  FONCTIONS 

ET  LA  HIÉRARCHIE  VILLAGEOISE 

Le  tour  d'horizon  précédent  a  révélé  les  types  de  fonctions 
rencontrés  dans  les  bourgs.  Dans  son  article  sur  les  villages  de  la  région 
nord  de  Montréal,  Jean-Claude  Robert  a  signalé  ce  qu'il  en  était  dans  les 
agglomérations  de  Saint-Eustache,  Terrebonne,  L'Assomption  et  Ber- 
thier  où  le  panorama  socioprofessionnel  apparaît  plus  diversifié  que  dans 
les  bourgs  voisins  moins  populeux21.  La  même  situation  existe  à  Laprai- 
rie,  Saint-Jean,  Saint-Hyacinthe  et  Sorel  sur  la  rive  sud  ainsi  que  dans 
une  bonne  demi-douzaine  d'autres  bourgs  situés  dans  les  régions  de 
Trois-Rivières  et  de  Montréal  où,  à  côté  d'une  vocation  commerciale 
complexe,  s'affirment  des  fonctions  industrielles  et  de  services  en  plus 
des  fonctions  administratives  et  religieuses.  Ce  cumul  des  fonctions  est 
surtout  caractéristique  des  gros  bourgs,  c'est-à-dire  des  villages  où  la 
population  dépasse  le  millier  d'habitants.  Dans  le  contexte  de  l'époque, 
ce  sont  déjà  presque  des  petites  villes,  avec  un  profil  de  fonctions  qui 
rappelle  celui  des  grandes  villes,  sans  les  services  spécialisés  cepen- 
dant. Au  total,  ces  bourgs  ne  sont  pas  très  nombreux.  Néanmoins,  ils 
jouent  un  rôle  important  dans  l'espace,  qu'ils  organisent  à  leur  niveau. 
Ce  sont  des  pôles  autour  desquels  gravitent  les  autres  bourgs  et  qui 
servent  souvent  de  points  d'appui  pour  l'intérieur  et  d'intermédiaires 
avec  la  ville. 

Les  autres  bourgs  ont  un  profil  plus  simple.  On  y  retrouve  la 
plupart  des  activités  précédentes,  avec  moins  d'ampleur  cependant. 
Comme  leur  taille  est  plus  restreinte,  ils  satisfont  surtout  des  besoins 
locaux.  Toutefois,  comme  ils  sont  également  en  rapport  avec  la  ville  et 
les  autres  bourgs,  ils  servent  eux  aussi  de  relais  sur  le  territoire.  En  fait, 
à  peu  près  tous  les  villages  assurent  une  liaison  entre  les  agglomérations 
et  entre  celles-ci  et  la  campagne,  parce  qu'il  s'y  trouve  presque  toujours 
un  marchand,  un  employeur  ou  un  personnage  quelconque  davantage  en 
rapport  avec  l'extérieur.  En  outre,  selon  leur  situation  dans  l'espace,  ils 
peuvent  avoir  des  fonctions  plus  importantes  qui  les  distinguent  des 
villages  voisins.  Parce  qu'ils  sont  bien  situés  sur  les  axes  d'échange,  les 
uns  voient  leurs  fonctions  commerciales  ou  de  relais  valorisées.  Les 
autres,  à  cause  de  la  proximité  d'un  cours  d'eau  ou  d'une  ressource 
aisément  exploitable,  notamment  la  forêt,  mettent  l'accent  sur  le  travail 
en  atelier  ou  en  fabrique;  enfin,  parce  qu'ils  s'élèvent  au  cœur  d'un  riche 


21.  Jean-Claude  Robert,  «  Aperçu  sur  les  structures  socio-professionnelles  des  villages 
de  la  région  nord  de  Montréal  durant  la  première  moitié  du  XIXe  siècle  »,  CGQ. 
28(73-74),  1984,  p.  63-72. 


188 


terroir  agricole  déjà  bien  nanti  de  bourgs  ou  isolés  sur  les  fronts 
pionniers,  d'autres  encore  s'orientent  vers  des  activités  de  services  plus 
ou  moins  nombreuses  mais  toujours  nécessaires. 

Cette  variété  de  situations  nous  conduit  tout  naturellement  à 
l'idée  qu'il  existe  alors  une  sorte  de  hiérarchie  villageoise,  voire  un 
réseau  de  villages.  De  fait,  cette  hiérarchie  existe,  sanctionnée  aussi 
bien  par  la  taille  des  agglomérations  que  par  l'éventail  de  leurs  fonctions. 
C'est  que  le  bourg  n'est  pas  un  simple  nœud  dans  l'espace,  il  est  aussi 
partie  d'un  ensemble.  L'idée  centrale  est  ici  celle  de  maillage,  sous- 
jacente  à  celle  de  réseau.  En  effet,  vus  à  vol  d'oiseau,  les  bourgs 
apparaissent  comme  autant  de  points  sur  le  territoire,  réunis  par  un 
faisceau  de  lignes,  les  routes,  qui  enserrent  elles-mêmes  des  surfaces 
aux  vocations  variées,  agricoles  le  plus  souvent,  et  où  s'étend  à  des 
degrés  divers  l'influence  du  bourg.  Comme  ces  points  ne  sont  pas  tous 
de  même  taille,  les  flux  qui  les  unissent  sont  également  très  divers,  plus 
nourris  en  direction  des  gros  bourgs  où  le  volume  de  population  entraîne 
une  multiplication  des  fonctions,  plus  ténus  s'ils  se  dirigent  vers  un 
hameau  ou  un  nodule  en  formation.  Comme  les  bourgs  ne  sont  pas  tous 
situés  à  la  même  distance  les  uns  des  autres,  l'ensemble  forme  un 
maillage  complexe,  plus  dense  ici,  plus  lâche  là,  selon  les  régions  et  le 
mode  privilégié  de  circulation  dans  telle  ou  telle  partie  du  territoire,  par 
voie  d'eau  ou  de  terre,  le  cas  échéant.  Mais  ce  maillage  n'est  pas  le 
réseau  :  il  en  est  le  reflet,  la  trace. 

Dans  l'état  actuel  de  la  recherche,  il  n'est  pas  encore  possible  de 
discuter  convenablement  des  rapports  qui  s'établissent  entre  les  bourgs. 
Pour  cela,  il  faudrait  pouvoir  pénétrer  à  l'intérieur  des  systèmes  de 
relations  qui  existent  sur  le  territoire.  C'est  là  un  défi  que  même  les 
historiens  intéressés  par  la  période  tardent  à  relever,  tant  la  tâche  est 
grande  et  parsemée  d'embûches.  Car  il  ne  suffit  pas  de  constater  le 
maillage,  encore  faut-il  l'expliquer,  en  posant  le  problème  des  intercon- 
nexions entre  les  bourgs,  tant  sur  le  plan  économique  que  sur  le  plan 
social.  Par  exemple,  où  les  marchands  de  tel  ou  tel  village  s'approvision- 
nent-ils? Est-il  raisonnable  de  penser  que  seule  la  campagne  ou  la  ville 
jouent  ici  un  rôle?  Qu'en  est-il  alors  des  gros  bourgs?  Se  peut-il  qu'ils 
soient  aussi  des  lieux  d'approvisionnement  pour  les  bourgs  plus  petits? 
Et  si  tel  était  le  cas,  quels  freins  ou  au  contraire  quels  stimuli  ces  gros 
bourgs  introduisent-ils  dans  l'évolution  des  petits  bourgs  ou  des  bourgs 
intermédiaires?  Par  ailleurs,  quelles  influences  les  bourgs  exercent-ils 
sur  la  socio-économie  locale,  sur  l'évolution  de  l'agriculture  notamment 
et  ses  rapports  avec  le  marché?  Se  peut-il  que  des  réseaux  se  dessinent 


189 


qui  sanctionnent  le  rôle  moteur  de  certains  bourgs  et  la  complémentarité 
toute  relative  de  certains  autres?  Enfin,  de  quelle  importance  sont  ces 
échanges  entre  les  bourgs?  De  quoi  sont-ils  composés?  Quels  en  sont 
les  rythmes  journaliers,  hebdomadaires,  mensuels,  saisonniers?  Autant 
de  questions  que  seule  une  étude  appliquée  à  un  ensemble  suffisant  de 
bourgs  peut  résoudre,  pourvu  que  le  questionnement  déborde  la  simple 
reconstitution  de  flux  pour  s'étendre  également  aux  agents,  à  leurs 
stratégies  et  à  leurs  motifs.  En  effet,  dans  ce  procès  des  interrelations 
entre  les  bourgs,  c'est  celui  de  toute  la  vie  de  relation  qui  se  profile  dans 
ce  qu'elle  a  de  plus  dynamique  mais  aussi  de  plus  difficile  à  saisir. 

Jusqu'ici,  les  préoccupations  des  chercheurs  ont  été  d'un  autre 
ordre.  Ils  ont  surtout  tenté  de  voir  comment  pouvaient  s'exprimer  à 
l'échelle  d'une  localité  ou  d'une  agglomération  les  phénomènes  obser- 
vés à  une  échelle  plus  vaste.  Intéressante  parce  qu'elle  nous  plonge  au 
cœur  de  territorialités  particulières,  cette  démarche  n'a  porté  toutefois 
que  sur  quelques  paroisses,  villages  ou  seigneuries  observés  comme 
des  entités  autonomes  ou  dans  des  contextualités  trop  différentes  ou 
trop  typiques  pour  qu'en  découlent  des  conclusions  valables  pour  l'en- 
semble. Quant  à  l'influence  locale  des  bourgs,  elle  n'a  pour  ainsi  dire  pas 
fait  l'objet  de  recherche;  les  seules  études  disponibles  sur  le  sujet 
concernent  plutôt  l'aire  villageoise  au  sens  large  et  ses  caractéristiques 
topologiques22.  Aussi  devient-il  difficile  dans  ce  contexte  de  parler  du 
réseau  villageois,  qui  ne  nous  est  révélé  pour  l'instant  que  par  des 
indices  liés  à  la  taille  des  bourgs,  au  faisceau  de  routes  qui  les  unit  et  à 
leur  position  relative  dans  l'espace.  C'est  peu  pour  établir  l'existence 
d'ensembles  organiques;  c'est  surtout  trop  peu  pour  les  bien  saisir.  Tout 
au  plus  pouvons-nous  en  constater  l'armature,  en  observant  les  ordres 
de  grandeur  des  bourgs. 

Au  total,  on  peut  distinguer  quatre  paliers  majeurs  de  bourgs,  cinq 
peut-être.  Au  sommet,  il  y  a  d'abord  les  bourgs  urbains  qui  prennent 
souvent  l'aspect  de  petites  villes  et  dont  la  population  approche  ou 
dépasse  le  millier  d'habitants.  Puis,  en  position  immédiatement  infé- 
rieure, ce  que  l'on  pourrait  appeler  les  gros  bourgs,  dont  la  taille  varie  de 
800  à  1  000  habitants.  Nous  trouvons  ensuite  les  villages  moyens,  dont 
la  taille  varie  de  500  à  800  habitants,  puis  les  hameaux  dont  les  plus 
volumineux  peuvent  atteindre  jusqu'à  une  cinquantaine  de  ménages  et, 
finalement,  les  nodules  en  formation,  dont  la  taille  varie  d'une  vingtaine  à 
une  centaine  d'habitants. 


22.  Voir  notamment  René  Hardy,  Pierre  Lanthier  et  Normand  Séguin,  op.  cit. 
190 


En  1815,  on  ne  compte  encore  que  deux  bourgs  urbains  dans  les 
seigneuries,  Sorel,  que  Bouchette  appelle  déjà  «  ville  »  (de  William 
Henry)  et  où  il  rapporte  la  présence  de  quelque  1  500  résidents,  et 
Terrebonne  dont  on  peut  estimer  la  population  à  environ  800  ou  900 
habitants.  En  1831,  ils  seront  beaucoup  plus  nombreux.  Laprairie  compte 
alors  1  300  habitants,  Sorel,  Saint-Hyacinthe  et  Berthier  (village  et  péri- 
phérie immédiate),  un  peu  plus  d'un  millier  chacun,  et  Saint-Joseph-de- 
Lévis  près  de  1  000.  Vingt  ans  plus  tard,  16  bourgs  auront  franchi  le  seuil 
des  1  000  habitants  :  Lauzon,  environ  3  700  résidents  ;  Sorel,  plus  de 
3  400;  Saint-Jean  et  Saint-Hyacinthe,  entre  2  800  et  2  900  habitants; 
Saint-Thomas  de  Montmagny  et  Laprairie,  plus  de  1  700;  Longueuil, 
près  de  1  500;  Chambly,  Sainte-Thérèse  et  Lachine,  environ  un  millier. 
Outre  leur  taille,  ces  bourgs  ont  tous  en  commun  d'être  des  places  de 
commerce  animées  où  se  nouent  les  échanges  avec  la  ville  et  les 
bourgs  voisins.  Quelques-uns  accueillent  des  foires  saisonnières.  Tous 
ont  une  place  de  marché  et  sont  situés  à  des  carrefours  ou  le  long 
d'axes  routiers  achalandés.  Lieux  de  circulation  et  d'échange,  ils  ont 
aussi  des  rôles  importants  dans  la  fabrication  et  la  concentration  de 
services  que  l'on  ne  retrouve  pas  toujours  ailleurs  :  évêché,  du  moins  à 
Saint-Hyacinthe,  hôpital,  collège,  couvent,  représentants  des  professions 
libérales,  etc. 

Les  bourgs  de  rang  immédiatement  inférieur  présentent  globale- 
ment les  mêmes  traits.  Également  bien  situés  dans  le  circuit  des 
échanges,  ils  ne  se  distinguent  des  bourgs  urbains  que  par  la  taille  et  le 
caractère  moins  entraînant  de  leurs  fonctions.  En  1815,  peu  de  villages 
peuvent  être  qualifiés  de  gros  bourgs,  même  en  abaissant  les  seuils  de 
population  à  700  habitants  pour  tenir  compte  du  contexte  démographi- 
que de  l'époque.  De  tous,  seul  le  village  de  Laprairie,  le  plus  volumineux, 
semble  de  ceux-là.  Mais  comme  il  se  situe  non  loin  de  Montréal,  ce  qui 
en  fait  un  lieu  obligé  de  transition,  c'est  vers  des  bourgs  de  moindre 
taille  qu'il  faut  se  tourner  pour  repérer  les  Chefs-lieux.  Il  n'y  en  a  encore 
que  quatre  ou  cinq  dans  l'ensemble  du  territoire:  Pointe-Claire,  Chambly, 
Boucherville  et  Saint-Thomas  de  Montmagny.  On  pourrait  encore  y 
ajouter  Saint-Eustache,  L'Assomption,  Saint-Hyacinthe,  Berthier,  Saint- 
Jean  et  Saint-Denis,  qui  ne  sont  pas  réellement  de  gros  bourgs,  mais  qui 
semblent  jouer  un  rôle  important  dans  la  socio-économie  locale  et  sous- 
régionale.  Par  la  suite  toutefois,  ces  bourgs  seront  nettement  plus 
nombreux,  avec  à  leur  tête  L'Assomption,  Terrebonne,  Châteauguay, 
Saint-Eustache,  Fraserville,  Boucherville,  Beauharnois,  Saint-Pie  et  Cap- 
Saint-lgnace,  qui  comptent  tous  de  800  à  1  000  habitants. 


191 


Quant  aux  villages  et  aux  hameaux,  ils  présentent  des  profils 
extrêmement  diversifiés.  Les  uns,  parce  qu'ils  sont  de  meilleure  taille  ou 
mieux  situés  le  long  des  grands  axes  et  qu'ils  ont  des  fonctions  qui  les 
rapprochent  des  gros  bourgs,  ce  que  plusieurs  d'entre  eux  deviendront 
bientôt.  Les  autres,  parce  qu'ils  sont  trop  jeunes  ou  à  trop  grande 
distance  du  fleuve  ou  de  ses  principaux  affluents,  n'ont  qu'un  rôle  local 
de  services.  Puis  il  y  a  tous  ceux  qu'un  moulin,  une  fabrique,  une 
auberge,  un  simple  carrefour,  ont  fait  naître.  Il  serait  trop  long  d'énumé- 
rer  ici  la  liste  de  ces  bourgs  qu'on  retrouvera  en  annexe.  Toutefois, 
rappelons  que  ce  qu'il  convient  d'appeler  village  à  l'époque  ne  peut  être 
dissocié  d'un  ensemble  qui  lui  donne  sa  raison  d'être.  Cet  ensemble  a 
pour  point  central  la  ville  et  pour  marge  la  forêt  et,  entre  les  deux,  une 
gamme  assez  étendue  de  bourgs-relais  autour  desquels  gravitent  de 
plus  petites  agglomérations. 

En  effet,  quiconque  regarde  une  carte  de  répartition  des  bourgs 
dans  la  vallée  du  Saint-Laurent  constate  qu'il  n'y  a  pas  de  bourgs  isolés, 
mais  des  ensembles  de  bourgs  répartis  en  grappes  autour  des  agglomé- 
rations urbaines  et  autour  desquelles  gravitent  des  noyaux  plus  secon- 
daires, captifs  eux  aussi  du  champ  d'attraction  des  villes.  Déjà  décelable 
au  XVIIIe  siècle,  le  phénomène  devient  de  plus  en  plus  apparent  au  fur  et 
à  mesure  que  l'on  avance  dans  le  temps  et  que  s'accroît  le  nombre  de 
bourgs.  Qu'il  s'agisse  de  la  région  de  Montréal,  de  celles  de  Trois- 
Rivières  ou  de  Québec,  les  configurations  sont  partout  les  mêmes  et 
prennent  parfois  l'aspect  de  véritables  nébuleuses  que  seules  les  con- 
ditions locales  du  milieu  physique  remodèlent  par  endroits.  Même  le 
réseau  routier,  autrefois  plus  simple  et  plus  linéaire,  tend  à  devenir  plus 
dense  (voir  la  figure  17),  pour  rejoindre  chaque  point  du  maillage  et 
définir  de  nouveaux  emplacements  pour  les  bourgs  qui  agiront  alors 
comme  têtes  de  pont,  chaînes  d'étape  ou  croisements  obligés.  Dans 
quelle  mesure  cette  densification  du  réseau  routier  est-elle  cause  ou 
effet  de  la  croissance  villageoise?  À  vrai  dire,  peu  importe,  puisque  cette 
complexité  crée  des  conditions  nouvelles  de  croissance  dont  bénéficie- 
ront les  campagnes  à  des  degrés  divers. 

Ce  contexte  donne  tout  son  sens  à  la  hiérarchie  villageoise, 
qu'elle  inscrit  dans  une  problématique  urbaine  ou  en  tout  cas  proto- 
urbaine. S'il  est  vrai  que  la  ville  dans  la  vallée  du  Saint-Laurent  a  souvent 
pris  l'aspect  d'un  corps  social  étranger  né,  non  pas  de  la  campagne, 
mais  de  décisions  politiques  extérieures,  et  qu'elle  a  accueilli  plus  de 
ressortissants  étrangers  que  d'effectifs  autochtones,  il  ne  faudrait  pas 
faire  de  ce  constat  un  absolu  qui  conduirait  à  l'idée  d'une  «  coupure  » 


192 


Figure  17 
EXTENSION  DU  RÉSEAU  ROUTIER  (1815,  1831) 


Vers   1815 


"Topographical  Map  of  the  Province  of  Lower  Canada,  Sheewing  its  Divisions  into  Districts,  Counties.  Seigneuries  and  Townships,  with  ail  the  Land  reserved 
both  lor  the  Crown  and  the  Clergy,  Ec,  Ec  Engraved  by  J.  Walker  and  Son,  London,  W  Faden,  Aug.  12,  1815.",  Joseph  Bouchette,  1  carte  en  10  feuilles. 

Vers  1831 


environs  de  Québec 


^y^sis 

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w   - 

Laboratoire  de  géographie  historique,  Université  Laval  (projets  «  Villages  »  et  «  Axe  laurentien 


ville-campagne.  Il  s'agit  là  d'un  mythe  dont  il  faut  se  défaire,  c'est-à-dire 
celui  d'une  société  rurale  composée  d'un  ensemble  de  cellules  plus  ou 
moins  autonomes  et  qui  n'entretiennent  que  peu  de  rapports  avec  le 
monde  extérieur.  C'est  une  chose  de  constater  la  territorialisation  des 
terroirs,  c'en  est  une  autre  d'en  faire  des  isolats  !  Que  la  géographie  des 
campagnes  prenne  l'aspect  d'une  mosaïque  d'aires  domestiques  cimen- 
tées par  des  solidarités  familiales,  de  provenance  ou  de  voisinage23,  ne 
doit  pas  faire  oublier  que  ces  aires  ne  sont  qu'un  palier  de  la  vie 
d'échange.  Au-dessus  se  profilent  d'autres  aires  dans  lesquelles  les 


23.  À  ce  sujet,  voir  Serge  Courville,  «  Espace,  territoire  et  culture  en  Nouvelle-France: 
une  vision  géographique  »,  RHAF.  37(3),  1983,  p.  417-429. 


193 


premières  s'insèrent  et  dont  elles  sont  plus  ou  moins  dépendantes.  On 
l'a  vu  dans  les  circuits  migratoires  à  destination  du  village;  on  peut  le 
constater  également  dans  la  répartition  géographique  des  bourgs  qui 
fournit  elle  aussi  d'importants  indices  de  ces  liaisons. 

Parce  qu'il  fait  partie  intégrante  d'un  ensemble,  le  village  est 
appelé  à  jouer  des  rôles  très  divers,  dont  celui  de  relais  sur  le  territoire 
de  l'économie  et  des  valeurs  urbaines.  En  effet,  contrairement  à  la 
situation  qui  semble  exister  sous  le  Régime  français24,  la  liaison  ville- 
campagne  tend  à  s'affirmer  aux  XVIIIe  et  XIXe  siècles.  Certes,  Montréal 
et  Québec  restent  des  villes  tournées  vers  l'extérieur,  mais  elles  exer- 
cent également  une  influence  sur  leur  région  dont  elles  tirent  une  grande 
partie  de  leur  subsistance  et  de  leurs  effectifs.  Dans  le  paysage,  l'un  des 
premiers  signes  tangibles  de  cette  situation  est  l'apparition  de  foires  et 
de  marchés  dont  le  nombre  augmente  sensiblement  de  1815  à  1851. 
Mais  il  y  en  a  d'autres,  par  exemple  la  multiplication  des  boutiques  de 
marchands  et  d'artisans  spécialisés  qui  desservent  parfois  un  marché 
qui  n'est  pas  seulement  local,  et  la  densification  et  la  complexité 
croissante  du  réseau  routier.  Or,  c'est  au  village  surtout  qu'ont  lieu  ces 
activités  et  c'est  vers  lui  que  les  routes  convergent.  Le  «  coureur  de 
côte  »  du  Régime  français  n'aura  jamais  le  rôle  structurant  du  marchand 
de  village,  encore  moins  celui  du  négociant  qui  habite  un  gros  bourgs. 
De  fait,  ce  que  l'on  appelle  l'économie  de  marché  à  l'époque  ne 
progresse  que  lorsqu'elle  relie  suffisamment  de  bourgs  (et  de  villes) 
pour  commencer  à  organiser  la  production  et  orienter  la  consommation. 
Mais  ce  ne  sont  pas  tous  les  bourgs  qui  peuvent  jouer  ce  rôle  :  encore 
faut-il  qu'ils  aient  les  attributs  nécessaires  et  qu'ils  soient  avantageuse- 
ment situés  dans  l'espace. 


BOURGS  RIVERAINS, 

BOURGS  DE  L'INTÉRIEUR 


À  l'époque,  rares  sont  les  gros  bourgs  qui  ne  sont  pas  situés  sur 
la  voie  d'eau,  c'est-à-dire  près  du  fleuve  ou  de  l'un  de  ses  principaux 
affluents,  ou  à  l'embouchure  d'une  rivière.  Rares  aussi  sont  ceux  qui  ne 
sont  pas  situés  à  un  carrefour.  C'est  même  l'un  des  principaux  facteurs 
de  différenciation  des  bourgs,  avec  celui  de  l'ancienneté  qui,  au  Québec, 
lui  est  associé.  Les  bourgs  riverains  bien  nantis  en  voies  de  communica- 
tion bénéficient  d'une  plus  grande  ouverture  sur  le  monde  extérieur, 


24.  À  ce  sujet,  voir  Jacques  Mathieu,  «  Les  relations  ville-campagne:  Québec  et  sa 
région  au  XVIIIe  siècle  »,  dans  Joseph  Goy  et  Jean-Pierre  Wallot  (éd.),  Société  rurale 
dans  la  France  de  l'Ouest  et  au  Québec  (XVIIe-XXe  siècles),  p.  190-206. 


194 


tandis  que  les  bourgs  situés  loin  de  la  voie  d'eau  ou  des  grands  axes  de 
circulation  terrestre  ont  parfois  des  fonctions  plus  banales  orientées  vers 
la  satisfaction  des  besoins  locaux  ou  sous-régionaux. 

La  taille  est  le  premier  trait  distinctif.  En  effet,  il  est  significatif  de 
noter  que  les  plus  gros  bourgs  de  l'époque  sont  riverains  (voir  le  tableau 
40).  En  1815,  selon  l'évaluation  que  l'on  peut  faire  à  partir  de  l'informa- 
tion contenue  dans  la  Description  topographique  de  la  province  du  Bas- 
Canada  de  Joseph  Bouchette,  le  bourg  moyen  compte  environ  300 
habitants25.  Pour  leur  part,  les  bourgs  riverains  en  comptent  304,  les 
bourgs  de  l'intérieur,  145,  et  les  bourgs  situés  en  milieu  insulaire,  385. 
Quinze  ans  plus  tard,  à  cause  de  l'importante  floraison  de  hameaux 
partout  sur  le  territoire,  les  données  chutent  légèrement  pour  s'établir  à 
225  habitants  dans  le  bourg  moyen,  254  dans  les  bourgs  riverains,  182 
dans  les  bourgs  de  l'intérieur  et  140  dans  les  bourgs  de  milieu  insulaire. 
Quant  au  panorama  de  1851,  il  traduit  la  maturation  générale  des  bourgs 
au  Québec:  le  village  moyen  compte  alors  346  habitants,  les  bourgs 
riverains,  464,  les  bourgs  de  l'intérieur,  240,  et  les  bourgs  insulaires,  305. 

Tableau  40 

POPULATION  COMPARÉE  DES  BOURGS 
INSULAIRES,  RIVERAINS  ET  DE  L'INTÉRIEUR  (1815, 1831, 1851) 


Secteur 

NNO 

Population 

Moyenne  par  bourg 

1815 

Bourgs  insulaires 
Bourgs  riverains 
Bourgs  de  l'intérieur 
Total 

3 
36 

7 
46 

1  155 
10  969 

1  015 
13  139 

385,00 
304,69 
145,00 
285,63 

1831 

G 

Bourgs  insulaires 
Bourgs  riverains 
Bourgs  de  l'intérieur 
Total 

16 
107 

69 
192 

2  244 
27  178 
12  556 
41  978 

140,25 
254,00 
181,97 
218,64 

1851 

Bourgs  insulaires 
Bourgs  riverains 
Bourgs  de  l'intérieur 
Total 

27 
111 
109 
247 

8  245 
51  584 
26  153 
85  982 

305,37 
464,72 
239,94 
348,11 

NNO  :  Nombre  de  noyaux  observés. 
Sources  :  Joseph  Bouchette,  Description  topographique  de  la  province  du  Bas-Canada,  1 81 5  ;  ANC,  Recensements 
du  Bas-Canada,  1831  et  1851-1852. 

25.  Ce  calcul  est  basé  sur  des  maisonnées  moyennes  de  sept  personnes  (voir  les 
chapitres  2  et  3). 


195 


Autrement  dit,  l'écart  déjà  décelable  en  début  de  période  entre  les 
bourgs  insulaires  et  les  bourgs  riverains  d'une  part,  et  les  bourgs  de 
l'intérieur  d'autre  part,  a  tendance  non  seulement  à  se  maintenir  de  1815 
et  1851,  mais  encore  à  s'accentuer.  Les  différences  les  plus  notables 
peuvent  être  observées  en  1851,  quand  le  nombre  des  habitants  des 
bourgs  riverains  est  le  double  presque  partout  de  celui  des  bourgs  de 
l'intérieur. 

Cet  écart  des  populations  traduit  des  écarts  de  fonctions  simi- 
laires. En  1815,  les  villages  les  mieux  nantis  sur  le  plan  des  équipements 
économiques  et  sociaux  sont  riverains.  Des  13  moulins  recensés  alors 
dans  les  bourgs,  12  sont  situés  dans  ce  type  de  village;  de  la  même 
manière,  des  34  églises  que  comptent  alors  les  bourgs  de  l'aire  sei- 
gneuriale (à  l'exclusion  des  missions  amérindiennes),  29  sont  placées 
dans  des  bourgs  riverains  et  2  dans  des  bourgs  du  milieu  insulaire,  ce 
qui  n'en  laisse  plus  que  3  pour  les  bourgs  de  l'intérieur  (voir  le  tableau 
41).  Cette  situation  continue  au  moins  jusqu'à  la  fin  des  années  1830, 
période  à  partir  de  laquelle  elle  évolue  plus  rapidement. 

En  effet,  en  nous  basant  cette  fois  sur  l'évolution  des  métiers  et 
des  professions  entre  1831  et  1851,  on  constate  que  des  changements 
majeurs  surviennent  dans  cet  intervalle,  qui  différencient  le  panorama 
socio-économique  des  bourgs  (voir  les  tableaux  42  et  43).  En  1831,  les 
activités  marquantes  dans  les  bourgs  insulaires  et  riverains  sont  les 
activités  commerciales  auxquelles  s'ajoutent  la  fabrication,  le  transport 
et  les  services.  La  fonction  publique  est  également  mieux  représentée. 
Toutefois,  si  l'on  y  regarde  de  plus  près,  on  constate  un  déplacement  d< 
la  fonction  de  fabrication  vers  les  bourgs  de  l'intérieur,  tout  comme  celh 
des  services  assurés  par  les  représentants  des  professions  libérales. 
Quant  au  pourcentage  de  journaliers,  il  atteint  alors  plus  du  quart  des 
chefs  de  ménage  dans  les  bourgs  de  l'intérieur,  contre  environ  20  % 
dans  les  bourgs  riverains  et  22%  dans  les  bourgs  insulaires.  En  1851 
toutes  ces  fonctions  se  seront  à  peu  près  équilibrées,  et  les  bourgs 
riverains  comme  les  bourgs  de  l'intérieur  comprendront  à  peu  près  les 
mêmes  pourcentages  de  la  main-d'œuvre  dans  les  différents  domaines 
d'activité.  La  seule  différence  concerne  les  activités  de  transport,  tou- 
jours plus  importantes  près  du  fleuve,  et  l'agriculture,  dont  l'expansion 
vers  l'intérieur  des  fiefs  et  l'arrière-pays  seigneurial  entraîne  une  plus 
grande  présence  des  agriculteurs  dans  les  bourgs  situés  dans  ces 
secteurs.  Quant  aux  différences  régionales,  elles  sont  également  très 
nombreuses  et  varient  considérablement  d'un  recensement  à  l'autre. 


196 


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Contrairement  à  la  situation  de  1831,  alors  que  les  fonctions  de  fabri- 
cation et  de  services  semblent  plus  importantes  dans  la  région  de 
Montréal,  en  1851  les  fonctions  commerciales  dominent,  tandis  que  les 
activités  liées  à  la  fabrication  et  au  transport  tendent  à  se  déplacer  vers 
les  régions  de  Trois-Rivières  et  de  Québec  où  l'agriculture  continue 
toujours  d'occuper  une  plus  grande  place.  On  dirait  que,  après  avoir 
connu  une  phase  active  d'expansion  sur  le  plan  des  activités  indus- 
trielles, les  bourgs  de  la  région  de  Montréal  deviennent  de  plus  en  plus 
des  places  de  commerce  et  de  services,  alors  que  les  bourgs  du  centre 
et  de  l'est  évoluent  plutôt  vers  des  activités  de  fabrication  et  de 
transport. 

Tous  ces  contrastes  définissent  un  contexte  très  particulier  d'ex- 
pansion des  bourgs  dont  la  taille  et  les  fonctions  changent,  selon  qu'ils 
sont  situés  ou  non  sur  l'axe  du  Saint-Laurent  et  de  ses  principaux 
affluents  ou  à  l'est  ou  à  l'ouest  du  lac  Saint-Pierre  qui  agit  ici  comme  une 
charnière  entre  deux  socio-économies.  Cet  axe  définit  un  long  corridor 
d'urbanité,  caractérisé  par  des  activités  de  commerce  et  de  transport 
mais  où  les  fonctions  de  fabrication  et  de  services  sont  également 
importantes.  Au-delà  de  ce  corridor,  dans  un  panorama  marqué  par  les 
fronts  pionniers,  les  bourgs  semblent  plutôt  dominés  par  des  activités  de 
fabrication.  Avec  le  temps,  les  différences  s'atténuent:  bourgs  riverains 
et  bourgs  de  l'intérieur  finissent  par  épouser  les  mêmes  fonctions,  sans 
toutefois  les  partager  toutes  et  sans  que  celles-ci  aient  la  même 
ampleur.  Et  tandis  que  l'on  assiste  ainsi  à  un  déplacement  dans  l'espace 
de  certaines  vocations,  d'autres  s'affirment  qui  modifient  le  panorama 
initial  des  bourgs,  bien  qu'au  milieu  du  siècle  rares  soient  les  bourgs  qui 
aient  conservé  leur  rôle  du  début. 

L'annexe  F  donne  des  exemples  de  cette  évolution,  en  montrant 
les  différences  qui  séparent  les  profils  socioprofessionnels  de  1831  et 
de  1851.  Compte  tenu  de  l'écart  qui  sépare  les  méthodes  d'enregistre- 
ment des  données  dans  les  deux  recensements,  les  chiffres  restent  ici 
indicatifs.  Cependant,  ils  signalent  une  tendance,  bien  illustrée  d'ailleurs 
par  André  Crochetière  dans  son  étude  de  la  hiérarchie  socioprofession- 
nelle des  bourgs  de  l'aire  seigneuriale  entre  1831  et  1851.  Son  échantil- 
lon porte  sur  85  villages  dont  la  taille  et  les  profils  socioprofessionnels 
ont  été  reportés  sur  un  graphique  triangulaire  de  manière  à  indiquer  leur 
vocation  dominante  (commerce  et  services,  fabrication  et  agriculture).  Le 
résultat  est  impressionnant.  En  1831,  la  majorité  des  bourgs  tendent 
alors  vers  des  activités  «  primaires  »  et  «  secondaires  »,  avec  une  nette 
distinction  entre  les  villages  de  l'est  du  Bas-Canada,  plus  «  agricoles  », 


200 


et  ceux  de  l'ouest,  plus  «  industriels  »  ;  en  1851,  le  semis  s'est  déplacé 
vers  les  activités  de  fabrication,  avec  encore  cette  différence  entre  les 
régions  de  l'est  et  de  l'ouest  du  Bas-Canada.  Mais  alors  que,  dans  la 
région  de  Québec,  on  observe  un  équilibre  relatif  entre  les  fonctions 
agricoles,  de  fabrication,  de  commerce  et  de  services  -  sauf  dans  quel- 
ques hameaux  en  formation  où  les  activités  de  fabrication  dominent  -, 
celle  de  Montréal  révèle  deux  tendances  majeures:  un  ensemble  de 
bourgs  bien  marqués  et  plus  populeux  où  dominent  les  activités  de 
fabrication  et  un  autre  où  dominent  les  activités  de  commerce  et  de 
services26. 

VILLAGES  «  BOURGEOIS  », 

VILLAGES  «  POPULAIRES  » 

Cet  éventail  de  fonctions  et  de  situations  aura  des  conséquences 
notables  sur  le  plan  culturel.  En  effet,  il  en  est  des  bourgs  comme  des 
individus  qui  les  habitent:  chacun  rêve  d'un  rang  qui  le  distingue  des 
voisins.  D'un  côté,  les  bourgs  «  nobles  »,  bien  nantis,  qui  jettent  parfois 
un  regard  hautain  sur  les  établissements  qui  les  entourent;  de  l'autre, 
les  hameaux  aux  avantages  moins  marqués,  qui  espèrent  toujours 
l'équipement  ou  l'entreprise  qui  les  transformeront  en  villages  plus 
importants.  Entre  les  deux  existe  une  gamme  étendue  d'agglomérations 
marquées  par  la  conjoncture  et  appelées  à  des  destins  différents,  selon 
les  capacités  de  chacune  de  s'adapter  aux  changements  en  cours. 

Aux  yeux  de  l'observateur,  ces  différences  s'expriment  d'abord 
dans  l'aspect  du  tissu  construit:  d'une  part,  les  gros  bourgs  avec  leur 
Grande  Place,  leur  église  altière,  leur  couvent,  leur  collège,  leurs  résidences 
cossues  bâties  souvent  en  pierre;  d'autre  part,  les  bourgs  plus  humbles 
avec  leur  seule  Grande  Rue,  une  église  en  planches,  parfois  une  simple 
chapelle,  et  des  résidences  plus  humbles  également  en  bois  que  n'or- 
donne aucun  réseau  de  rues.  Mais  la  taille  n'est  pas  le  seul  critère 
distinctif.  En  effet,  certains  gros  bourgs  paraissent  plus  «  populaires  » 
que  d'autres,  tandis  que  certains  petits  hameaux  font  déjà  plus  «  bour- 
geois »  que  leurs  voisins.  La  différence  se  situe  moins  dans  le  nombre 
de  résidents  que  dans  leur  qualité  en  regard  des  critères  de  l'époque.  En 
effet,  cette  impression  de  rangs  sociaux  distincts  s'accroît  quand  on 
découvre  le  profil  socioprofessionnel  des  résidents.  Dans  les  villages 
bourgeois,  les  notables,  les  marchands,  les  artisans  spécialisés  sont 
proportionnellement  plus  nombreux,  tout  comme  les  représentants  du 


26.  André  Crochetière,  «  Hiérarchie  professionnelle  des  villages  au  Bas-Canada  durant 
la  première  moitié  du  XIXe  siècle:  le  cas  de  l'aire  seigneuriale  ». 


201 


clergé  et  des  professions  libérales.  Dans  les  villages  plus  populaires,  la 
masse  des  travailleurs  non  spécialisés  l'emporte,  avec  tout  au  plus  un 
curé  et  quelques  représentants  des  professions  libérales.  Même  les 
recensements  en  témoignent,  à  travers  les  mentions  de  gentilshommes, 
de  bourgeois  et  de  rentiers  aisés,  toujours  plus  nombreux  dans  les 
bourgs  «  nobles  ». 

En  1815,  Bouchette  recense  déjà  une  bonne  demi-douzaine  de 
bourgs  où  résident  «  des  familles  respectables  »  et  qui  sont  l'emplace- 
ment d'équipements  privilégiés  (manoir,  place,  couvent,  collège,  etc.), 
outre  qu'ils  comportent  plusieurs  maisons  en  pierre.  Parmi  ceux-ci,  on 
compte  Longueuil,  Boucherville,  Saint-Thomas  de  Montmagny  et 
Kamouraska,  auxquels  il  faudrait  ajouter  également  Sorel,  Chambly  et 
Saint-Hyacinthe  dans  la  région  de  Montréal,  Yamachiche,  Saint-Antoine- 
de-la-Rivière-du-Loup  et  Nicolet  dans  celle  de  Trois-Rivières,  et  Charles- 
bourg  dans  celle  de  Québec.  En  1832,  cet  auteur  en  signale  une  trentaine 
qui  lui  laissent  une  impression  «  de  propreté  et  de  respectabilité  ». 
De  ce  nombre,  12  sont  situés  dans  la  région  de  Montréal,  3  dans  celle 
de  Trois-Rivières  et  6  dans  celle  de  Québec.  Fait  intéressant,  la  plupart 
sinon  tous  sont  riverains  du  fleuve  et  de  ses  principaux  affluents,  sauf 
Saint-Hyacinthe  sis  sur  les  berges  de  la  rivière  Yamaska. 

En  fait,  bien  d'autres  villages  mériteraient  le  qualificatif  de  bour- 
geois, mais  c'est  à  des  critères  d'ordre  psychologique  qu'il  faudrait  alors 
faire  appel  pour  les  repérer.  Car  il  n'y  a  pas  que  le  nombre  de  notables 
ou  d'artisans  spécialisés  qui  importe;  il  faut  tenir  compte  également  de 
la  perception  que  l'on  a  du  bourg  que  l'on  habite  et  de  ceux  qui 
l'entourent.  Comme  il  s'agit  là  d'une  donnée  difficile  à  apprécier,  qui 
exigerait  le  dépouillement  de  plusieurs  documents  d'archives  et  autres 
(papiers  notariés,  correspondances,  journaux  d'époque,  etc.),  il  faut  s'en 
tenir  à  des  données  plus  faciles  à  manier;  les  plus  utiles  demeurent 
celles  qui  se  rapportent  aux  équipements  du  bourg  et  au  profil  sociopro- 
fessionnel des  résidents. 

En  ne  retenant  comme  villages  «  bourgeois  »  que  ceux  où  l'on 
retrouve  un  nombre  de  représentants  du  clergé  et  des  professions 
libérales  supérieur  à  la  moyenne  générale  des  bourgs,  et  un  nombre  de 
maisons  d'enseignement  et  d'habitations  en  pierre  également  supérieur 
à  cette  moyenne,  on  obtient  une  cinquantaine  d'agglomérations  dont  le 
rang  semble  supérieur  dans  la  hiérarchie  sociale  des  bourgs.  De  ce 
nombre,  environ  20  %  sont  des  agglomérations  de  plus  de  1  000  habi- 
tants et  le  quart  sont  des  villages  de  plus  de  500  habitants.  En  outre, 
près  des  deux  tiers  sont  situés  dans  la  région  de  Montréal,  contre  30  % 


202 


environ  dans  celle  de  Québec  et  7  %  dans  celle  de  Trois-Rivières.  Enfin, 
la  plupart,  sinon  tous  (plus  de  75  %),  sont  des  bourgs  riverains  du  fleuve 
ou  de  ses  principaux  affluents.  Quant  aux  villages  plus  populaires,  ce 
sont  pour  l'essentiel  des  bourgs  de  l'intérieur,  auxquels  s'ajoutent  les 
noyaux-moulins.  Pourvu  que  le  bourg  ait  atteint  une  certaine  taille,  on  y 
observera  la  présence  d'un  clergé  de  plus  en  plus  nombreux  au  fur  et  à 
mesure  que  l'on  se  rapproche  du  milieu  du  siècle  et  du  front  pionnier,  en 
zone  de  contact  entre  la  plaine  agricole  et  le  plateau  forestier.  Par 
exemple,  sur  les  contreforts  des  Laurentides  au  nord  de  Montréal,  les 
villages  de  Lachute  et  de  Saint-Jérôme  agissent  comme  têtes  de  pont 
vers  l'intérieur.  Là,  le  nombre  de  membres  du  clergé  est  le  double  et 
même  le  triple  de  celui  des  villages  situés  plus  près  du  fleuve,  comme  si 
l'Église  catholique  du  Québec  leur  réservait  un  rôle  particulier  dans  ses 
stratégies  d'implantation  sur  le  territoire. 

Caractéristique  de  l'ensemble  de  la  vallée  du  Saint-Laurent,  ce 
panorama  l'est  également  des  sous-régions  et  des  localités,  où  les 
bourgs  riverains  sont  presque  toujours  plus  favorisés  sur  le  plan  des 
services  que  les  bourgs  de  l'intérieur,  sauf  dans  les  secteurs  où  domi- 
nent de  très  gros  bourgs.  On  en  a  un  exemple  sur  la  Rive-Sud  de 
Montréal,  où  Saint-Hyacinthe,  situé  pourtant  loin  du  fleuve,  domine  le 
réseau  local  de  villages.  Par  contre,  sur  la  Rive-Nord  de  Montréal,  le 
village  de  Saint-Eustache  comprend  de  deux  à  quatre  fois  plus  de 
représentants  des  professions  libérales  que  les  villages  voisins  de  Saint- 
Augustin,  Saint-Benoît,  Sainte-Scholastique  et  Sainte-Thérèse  et  ce,  quel 
que  soit  le  recensement.  Mais  comme  on  assiste  entre  les  deux  dates  à 
une  extension  importante  du  peuplement,  ces  écarts  ont  tendance  à  se 
réduire,  et  certains  bourgs  de  l'intérieur  prennent  parfois  l'allure  de 
village  bourgeois  en  dépit  de  leur  petite  taille.  C'est  le  cas  notamment  de 
tous  ceux  qui  accueillent  un  collège  ou  un  couvent,  en  plus  de  quelques 
représentants  du  clergé  et  des  professions  libérales.  En  ce  cas,  il  s'agira 
souvent  de  petits  bourgs  agraires  dont  la  fonction  première  est  d'être 
des  centres  de  services  pour  les  campagnes  avoisinantes. 

Quant  au  tissu  construit,  il  témoigne  lui  aussi  de  cet  écart  entre 
les  bourgs.  Au  total,  près  de  80  villages  en  1851  comportent  un  nombre 
de  maisons  en  pierre  supérieur  à  la  moyenne  générale.  De  ceux-ci,  3 
seulement  sont  situés  dans  la  région  de  Trois-Rivières,  21  dans  celle  de 
Québec  et  49  dans  celle  de  Montréal.  Et,  fait  notable,  c'est  en  secteur 
riverain  que  ces  maisons  sont  les  plus  nombreuses,  jusqu'à  90%  de 
l'ensemble  des  habitations  dans  les  villages  de  la  région  de  Québec  et 
78  %  dans  ceux  de  la  région  de  Montréal,  contre  moins  de  33  %  dans 


203 


ceux  de  la  région  de  Trois-Rivières.  Si  l'ancienneté  du  peuplement 
explique  en  grande  partie  ces  écarts  entre  les  régions  et  entre  secteurs 
riverains  et  intérieurs,  ce  facteur  n'explique  pas  tout.  En  effet,  il  faut 
aussi  tenir  compte  des  facteurs  économiques  et  sociaux.  La  maison  en 
pierre  n'est  pas  à  la  portée  de  toutes  les  bourses.  En  outre,  comme  elle 
distingue  ses  propriétaires  de  leurs  voisins  plus  humbles,  elle  apparaît 
comme  un  signe  d'aisance  qui  qualifie  également  le  milieu  où  elle  est 
construite.  Or,  c'est  dans  la  région  de  Montréal  surtout  qu'elle  est  la  plus 
répandue,  non  seulement  dans  le  secteur  riverain,  mais  aussi  dans  les 
localités  de  l'intérieur  où  elle  représente  environ  1 1  %  de  l'ensemble  des 
habitations  des  bourgs  en  1851  contre  moins  de  2%  dans  les  villages 
des  autres  régions. 

Bref,  quel  que  soit  l'angle  sous  lequel  on  l'observe,  le  village 
apparaît  comme  un  lieu  éminemment  différencié,  où  les  attributs  d'ordre 
économique  se  conjuguent  aux  facteurs  sociaux  pour  définir  des  contex- 
tes culturels  particuliers  qui  conduiront  à  des  rangs  différents  dans  la 
hiérarchie  villageoise.  Tout  cela  déteindra  sur  la  vie  du  bourg,  qui  pourra 
paraître  tantôt  plus  calme,  voire  plus  terne,  tantôt  plus  animée.  Car  en  ce 
domaine  comme  en  d'autres,  la  variété  est  de  règle:  elle  sanctionne  des 
rôles  distincts,  des  sociabilités  différentes. 


204 


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Saint-Lin,  de  J.  Frédéric  Doudiet,  crayon  et  lavis  bleu,  août  1845.  Tiré  de  Doudiet  Sketchbook.  ANC, 
C-127677. 


Sainte-Thérèse,  de  J.  Frédéric  Doudiet,  aquarelle,  crayon,  plume  et  encre  brune,  6  avril  1846.  Tiré  de 
Doudiet  Sketchbook.  ANC,  C-1 27650. 


LA  VIE  DANS  LES  BOURGS 


C'est  en  vain  que  l'on  s'efforcerait  de  décrire  le  phénomène 
villageois  sans  s'arrêter,  ne  serait-ce  qu'un  instant,  aux  conditions  de  vie 
dans  les  bourgs,  aux  événements  qui  marquent  sa  vie  quotidienne.  On  a 
beaucoup  parlé  de  la  forme  des  bourgs,  de  leur  population,  de  leurs 
fonctions.  Mais  ce  n'est  pas  uniquement  de  cela  que  le  village  est  fait, 
mais  d'un  ensemble  complexe  de  relations  qui  l'imprègnent,  qui  lui 
donnent  son  actualité,  son  passé.  Les  commères  du  dimanche,  la  qualité 
des  trottoirs,  le  bruit  des  tavernes,  les  cris  des  enfants,  les  chevaux  qui 
s'emballent,  tout  cela  aussi  définit  le  village,  mieux  peut-être  que  le 
nombre  d'habitants  ou  la  taille  des  maisons.  Mais  comment  retracer 
l'atmosphère  des  bourgs?  . 

La  difficulté  vient  des  sources.  Bien  sûr,  le  roman  peut  donner 
quelques  indications,  tout  comme  les  journaux  d'époque,  les  chroniques 
de  voyage  ou  l'image  ancienne.  Pourtant,  comment  distinguer  le  vrai  du 
faux,  le  réel  de  l'imaginaire?  La  tâche  est  loin  d'être  simple,  car  à 
l'éparpillement  des  sources  s'ajoute  ici  leur  manque  de  fiabilité.  Au 
Québec,  le  discours  des  physiocrates  est  ancien.  En  idéalisant  la  vie 
champêtre,  on  a  fini  par  projeter  du  village  une  image  qui  ne  correspond 
qu'en  partie  à  la  réalité.  Et  ce  qui  est  vrai  de  l'atmosphère  générale  des 
bourgs  l'est  aussi  du  rôle  des  élites  locales,  qui  ne  correspond  pas 
toujours  aux  images  classiques.  Il  ne  s'agit  pas  de  nier  ici  l'importance 
du  curé,  du  médecin  ou  du  notaire  dans  la  vie  villageoise,  ni  de 
minimiser  celle  du  marchand,  de  l'aubergiste  ou  du  forgeron.  Ensemble, 


5 


207 


ils  ont  contribué  à  définir  un  contexte  qui  a  nourri  notre  conscience  et 
notre  mémoire  collectives.  Toutefois,  malgré  toute  la  symbolique  qui  s'y 
rattache,  ces  personnages  sont  loin  de  résumer  à  eux  seuls  la  vie 
villageoise.  À  côté  d'eux,  il  y  a  eu  le  petit  peuple,  ceux  que  nous 
appelons  les  gens  ordinaires,  dont  la  tradition  a  perdu  parfois  jusqu'au 
nom,  parce  que  trop  encline  à  ne  privilégier  que  les  grands.  Eux  aussi 
ont  animé  le  village.  Et  on  pourrait  même  dire  qu'il  n'y  aurait  pas  eu  de 
village  sans  eux.  Mais,  encore  une  fois,  comment  en  tenir  compte  dans 
les  analyses? 

Par  ailleurs,  discuter  de  la  vie  dans  les  bourgs  suppose  qu'on  les 
replace  d'abord  dans  leur  contexte.  À  l'époque,  ceux-ci  sont  en  pleine 
croissance;  une  des  principales  caractéristiques  du  bourg  lui  viendra 
donc  de  sa  population.  Selon  ses  fonctions,  celui-ci  comprendra  un 
nombre  plus  ou  moins  élevé  de  chefs  de  ménage,  d'enfants  et  de 
travailleurs  semi-spécialisés  ou  non  qui  contribueront  à  définir  l'atmo- 
sphère des  lieux.  En  outre,  comme  il  est  encore  en  devenir,  beaucoup 
de  difficultés  surgiront,  liées  entre  autres  à  l'aménagement  du  cadre  de 
vie  et  à  la  quiétude  des  lieux.  À  l'époque,  rares  sont  les  bourgs  où  l'on 
ne  travaille  pas  à  quelque  chantier,  où  ne  se  posent  pas  de  problèmes  de 
bruit  et  de  circulation,  où  il  est  possible  d'éviter  tout  risque  d'incendie  et 
d'inondation,  sans  parler  des  désordres  de  toutes  sortes  qu'entraînent 
parfois  les  concentrations  de  la  main-d'œuvre,  les  virées  du  samedi  soir 
et  le  passage  d'étrangers  qui  viennent  troubler  la  paix  des  lieux,  notam- 
ment en  période  électorale  ou  de  troubles  politiques  majeurs.  Il  ne  s'agit 
pas  d'exagérer  ces  difficultés  qui  semblent  avoir  été  assez  ponctuelles. 
Néanmoins,  peu  de  bourgs  échappent  totalement  à  ces  ennuis;  lois  et 
règlements  en  témoignent,  tout  comme  les  délibérations  des  premiers 
conseils  municipaux.  S'il  faut  y  déceler  une  volonté  de  l'État  d'étendre  la 
police  aux  campagnes  et  une  volonté  non  moins  ferme  de  la  population 
d'aménager  convenablement  son  milieu  de  vie,  il  faut  également  y  voir 
le  signe  d'une  quiétude  qui  tarde  à  venir. 

DES  CONTEXTES  HUMAINS  DIFFÉRENCIÉS 

L'étude  des  fonctions  villageoises  a  montré  différents  types  de 
villages  où  l'éventail  des  activités  paraît  susceptible  d'influencer  diffé- 
remment la  vie  du  bourg.  La  répartition  par  âge  et  par  sexe  est  égale- 
ment un  facteur  important  de  différenciation  des  bourgs.  Qu'en  est-il 
dans  les  bourgs  riverains,  les  bourgs  de  l'intérieur?  Puisqu'il  n'est  pas 
possible  d'observer  en  direct  la  vie  de  chaque  village,  tentons  plutôt  de 
procéder  par  déduction  à  partir  des  données  disponibles  dans  les  recen- 
sements (voir  les  tableaux  44  et  45). 


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Arrêtons-nous  d'abord  aux  rapports  entre  hommes  et  femmes.  En 
1831,  on  l'a  vu,  les  bourgs  comprennent  en  moyenne  presque  autant 
d'hommes  que  de  femmes.  Dans  l'espace,  toutefois,  des  distinctions 
s'imposent.  Dans  les  bourgs  riverains  et  les  bourgs  insulaires,  les 
femmes  sont  toujours  un  peu  plus  nombreuses,  ce  qui  n'est  pas  le  cas 
dans  les  bourgs  de  l'intérieur  où  ce  sont  les  hommes  qui  dominent.  De 
toutes,  seule  la  région  de  Québec  fait  exception  à  la  règle,  avec  plus 
d'hommes  dans  les  bourgs  riverains  et  les  bourgs  insulaires  que  dans 
les  bourgs  de  l'intérieur.  En  1851,  la  situation  sera  complètement 
inversée  :  à  l'exception  des  villages  amérindiens  de  la  région  de  Trois- 
Rivières,  les  femmes  sont  partout  plus  nombreuses,  dans  les  bourgs 
insulaires,  riverains  et  de  l'intérieur. 

Parallèlement,  on  observe  une  importante  proportion  d'enfants 
(jeunes  de  moins  de  14  ou  15  ans).  En  1831,  les  données  brutes  de 
recensement  indiquent  qu'ils  représentent  environ  65  %  de  la  popula- 
tion, sauf  en  milieu  insulaire  où  la  proportion  s'élève  à  plus  de  69  %.  En 
fait,  ces  pourcentages  sont  moindres,  comme  on  l'a  vu,  mais  supérieurs 
à  ceux  de  1851,  alors  que  les  enfants  ne  représentent  plus  que  de  41  % 
à  45  %  des  effectifs,  selon  une  gradation  qui  va  des  bourgs  riverains  aux 
bourgs  de  l'intérieur  et,  finalement,  aux  bourgs  insulaires.  En  1831,  les 
plus  fortes  concentrations  de  jeunes  se  rencontrent  surtout  dans  les 
bourgs  des  régions  de  Québec  et  de  Trois-Rivières.  Par  contre,  c'est  sur 
la  Rive-Nord  de  Montréal  qu'ils  sont  les  plus  nombreux,  dans  les  bourgs 
riverains.  Partout  ailleurs,  les  bourgs  de  l'intérieur  l'emportent,  avec  des 
pourcentages  qui  varient  de  64  %  à  66  %  de  la  population  locale.  Cette 
situation  continue  en  1851,  alors  que  les  bourgs  riverains  de  la  Rive-Nord 
de  Montréal  cumulent  encore  un  pourcentage  de  jeunes  plus  élevé  que 
dans  les  autres  bourgs. 

En  ce  qui  concerne  la  population  active,  le  panorama  est  quelque 
peu  différent.  En  1831,  les  plus  forts  pourcentages  de  travailleurs 
(jeunes  gens  et  adultes)  se  rencontrent  dans  les  bourgs  riverains  et  de 
l'intérieur.  En  1851,  on  les  retrouve  dans  les  bourgs  insulaires  et  de 
l'intérieur.  Par  ailleurs,  on  observe  un  plus  grand  nombre  de  jeunes  gens 
dans  les  bourgs  de  l'intérieur  de  la  région  de  Trois-Rivières  et  dans  les 
bourgs  insulaires  de  la  région  de  Montréal,  du  moins  en  1831.  Vingt  ans 
plus  tard,  ils  seront  plus  nombreux  dans  les  bourgs  riverains,  sauf  dans 
la  région  de  Montréal  où  leur  proportion  paraît  plus  faible.  Par  contre,  la 
population  adulte  domine  dans  les  bourgs  riverains  et  de  l'intérieur  en 
1831,  mais  dans  les  bourgs  insulaires  en  1851,  profil  qui  caractérise 
également  la  répartition  des  personnes  âgées.  Quant  à  la  part  d'hommes 


211 


mariés,  elle  avantage  d'abord  les  bourgs  de  l'intérieur,  puis  les  mêmes 
et  les  bourgs  insulaires  en  1851,  avec  des  variations  substantielles  d'une 
région  à  l'autre. 

Ces  données  montrent  des  contextes  humains  extrêmement 
différenciés  qui  profitent  d'abord  de  la  montée  des  activités  de  fabri- 
cation, puis  de  celle  des  échanges.  Entre  1815  et  1830,  période  au  cours 
de  laquelle  on  assiste  à  la  progression  des  industries  rurales,  la  main- 
d'œuvre  a  tendance  à  s'accroître  plus  rapidement  dans  les  bourgs  où 
fleurissent  moulins  et  fabriques,  c'est-à-dire  dans  les  bourgs  situés  aux 
embouchures  de  rivières  endigables  ou  le  long  de  leur  cours.  Leur 
atmosphère  est  celle  des  petits  bourgs  industriels,  où  se  concentrent  un 
nombre  plus  ou  moins  important  de  travailleurs,  semi-spécialisés  ou  non, 
et  où  l'on  retrouve  nombre  d'enfants  et  de  jeunes  gens  en  quête 
d'emploi.  Cris  divers,  bruits  d'attelages,  grincements  de  roues,  tout  ici 
contribue  à  l'animation  des  lieux,  même  les  rixes  du  samedi  soir  quand 
existent  -  comme  c'est  souvent  le  cas  -  des  débits  de  boissons. 

Au  cours  des  années  1830  et  1840,  la  croissance  a  plutôt  ten- 
dance à  favoriser  les  bourgs  situés  le  long  des  grands  axes  de  circula- 
tion, fluviaux  et  routiers,  en  raison  de  l'apparition  de  nouveaux  courants 
d'échange  entre  les  localités  de  l'intérieur  et  les  localités  riveraines  et 
entre  ces  dernières  et  la  ville.  Leur  ambiance  est  celle  des  places  de 
commerce,  où  s'exerce  toujours  quelque  négoce  et  où  les  activités  de 
transport  sont  nombreuses,  avec  leurs  bruits,  leurs  mouvements  et  leurs 
rassemblements  caractéristiques.  En  comparaison,  les  petits  bourgs 
agraires  paraissent  beaucoup  plus  paisibles,  tout  comme  les  bourgs  à 
fonction  administrative,  religieuse  ou  touristique.  Là,  les  lieux  de  fré- 
quentation se  résument  souvent  à  l'église,  au  magasin  général,  à  la 
forge,  au  bâtiment  administratif  et  à  l'auberge,  qui  n'a  toutefois  rien  de 
comparable  avec  les  débits  de  boissons  des  bourgs  industriels.  Quant 
aux  gros  bourgs  ou  aux  bourgs  urbains,  leur  atmosphère  n'est  guère 
différente  de  celle  des  villes,  effets  de  taille  en  moins.  Le  quartier  le  plus 
animé  reste  le  centre,  comme  dans  tous  les  villages  d'ailleurs.  Mais 
comme  l'espace  construit  ici  est  plus  vaste,  les  quartiers  résidentiels  ont 
tendance  à  être  moins  achalandés,  donc  moins  bruyants,  encore  que  ce 
ne  soit  pas  toujours  le  cas  quand  on  considère  l'accroissement  constant 
de  population  que  connaissent  ces  bourgs. 

On  peut  se  demander,  enfin,  ce  que  donnerait  une  étude  géogra- 
phique des  bruits  et  des  odeurs  dans  le  village.  En  effet,  outre  les 
fonctions  économiques  qui  caractérisent  le  bourg,  il  y  a  aussi  tous  ces 
petits  à-côtés  dont  il  est  difficile  aujourd'hui  de  rendre  compte  mais  qui 


212 


n'en  contribuent  pas  moins  à  définir  une  ambiance:  bruits  du  bâtiment 
qui  marquent  l'extension  du  périmètre  construit;  bruits  de  la  forge  qui 
rythment  le  travail  journalier;  bruits  de  la  cloche  qui  scandent  les 
offices;  parfums  des  éventaires  les  jours  de  marché;  odeur  du  bois  neuf 
qu'on  empile;  relents  que  répandent  les  brasseries  et  les  canaux  d'eaux 
usées;  poussière  de  la  rue  durant  l'été,  autant  d'aspects  qui  caractéri- 
sent également  le  bourg,  mais  dans  ce  qu'il  a  cette  fois  de  plus  intime. 

LES  RAPPORTS  AU  CADRE  BÂTI 

Parmi  toutes  les  difficultés  auxquelles  doit  faire  face  la  population 
villageoise,  plusieurs  lui  viennent  de  son  cadre  de  vie,  notamment  des 
chantiers.  Les  principaux,  c'est-à-dire  les  plus  gros,  servent  à  l'érection 
des  édifices:  l'église  d'abord  et  le  presbytère,  puis  le  couvent  et  le 
collège.  Par  leur  volume,  ces  bâtiments  commandent  des  mouvements 
de  travailleurs  d'origines  et  de  métiers  très  divers  et  des  travaux  toujours 
imposants,  qui  se  traduisent  dans  l'espace  par  d'importants  empile- 
ments de  matériaux  venus  de  toute  la  paroisse  et  même  de  l'extérieur. 
Le  folklore  en  a  popularisé  certains  aspects,  en  insistant  sur  les  corvées 
qui  entouraient  ces  constructions  et  la  gaieté  qui  y  régnait.  En  fait,  ces 
corvées  ont  été  beaucoup  moins  répandues  qu'on  nous  l'a  laissé  croire, 
car  les  travaux  de  maçonnerie  et  d'ornementation  exigeaient  un  savoir- 
faire  que  seuls  quelques  artisans  spécialisés  possédaient.  Les  corvées, 
car  il  y  en  avait,  se  limitaient  plutôt  à  d'autres  activités  :  préparation  du 
terrain,  transport  de  matériaux,  nettoyage,  repas,  etc. 

La  construction  ne  commence  souvent  qu'après  bien  des  débats 
qui  opposent,  parfois  pendant  des  décennies,  les  villageois  à  leur  curé 
ou  à  leurs  élites,  quant  au  partage  du  coût,  ou  au  sujet  des  nuisances. 
Par  exemple,  à  Saint-Eustache,  la  construction  de  l'église,  convenue 
pourtant  dès  1770,  n'est  consentie  qu'en  1772,  au  terme  de  longs 
tiraillements  à  propos  de  l'érection  du  presbytère  et  de  l'entretien  de  la 
clôture  qui  doit  séparer  le  chemin  du  roi  de  l'espace  prévu  «  pour  y 
arrêter  les  chevaux  durant  les  cérémonies1  ».  En  fait,  elle  ne  sera 
amorcée  qu'en  1780,  après  la  nomination  des  syndics  en  1779  et 
l'engagement,  l'année  suivante,  d'un  maçon  de  Montréal,  Augustin 
Grégoire,  qui  devra  terminer  les  travaux  en  dedans  de  trois  ans  ou 
«  moins  si  les  moyens  des  habitants  le  permettent  ». 


1.  Greffe  du  notaire  A.  Faucher,  24  juin  1770,  et  avenant  du  12  août  1772,  cité  dans 
CHDM,  numéro  hors  série,  Saint-Eustache,  été  1978,  p.  4  et  suiv. 


213 


On  peut  se  faire  une  assez  juste  idée  de  l'importance  de  ces 
chantiers  en  consultant  les  rapports  des  commissaires  chargés  de  la 
construction  et  de  la  réparation  des  églises2.  Il  en  va  de  même  des 
autres  édifices  publics,  qui  commandent  parfois  des  travaux  tout  aussi 
importants  et  de  longue  durée.  Par  exemple,  la  construction  du  couvent 
de  Saint-Eustache  s'amorce  en  1828,  mais  ne  sera  terminée  qu'en  1833, 
avec  des  retouches  apportées  en  1836.  Au  même  moment,  on  procédait 
à  la  réfection  et  à  l'allongement  de  l'église.  C'est  donc  dire  que,  pendant 
près  d'une  décennie,  les  villageois  ont  dû  vivre  avec  un  chantier, 
d'autant  plus  vaste  ici  qu'il  envahissait  toute  la  Grande  Place. 

Tous  ces  chantiers  donnent  une  image  assez  inachevée  du  bourg, 
d'autant  plus  qu'aux  grands  travaux  collectifs  s'ajoutent  ceux  qu'entraîne 
l'aménagement  de  l'espace  résidentiel.  Les  recensements  ne  relèvent 
en  moyenne  qu'une  ou  deux  constructions  de  maisons  par  année  dans 
l'ensemble  des  noyaux  villageois,  avec  des  différences  marquées  toute- 
fois selon  les  régions  et  les  dates  de  recensement  (voir  le  tableau  46). 
Les  bourgs  les  plus  actifs  à  cet  égard  sont  d'abord  ceux  de  la  Rive-Sud 
des  régions  de  Montréal  et  de  Québec,  et  ceux  de  la  Rive-Nord  de  la 
région  de  Trois-Rivières.  En  1851,  ce  sont  ceux  de  la  Rive-Sud  et  ceux 
de  la  Rive-Nord  de  Montréal  où,  cependant,  la  construction  de  maisons 
neuves  ne  représente  plus  que  la  moitié  de  ce  qu'elle  était  20  ans 
auparavant. 

Par  le  nombre  de  mises  en  chantier,  certains  villages  prennent 
l'aspect  de  véritables  bourgs  champignons,  situation  qui  caractérise 
surtout  les  années  1830  au  cours  desquelles  la  croissance  villageoise 
atteint  un  sommet,  par  exemple,  à  Saint-Anselme,  Lotbinière  et  Saint- 
Augustin  dans  la  région  de  Québec,  et  à  Saint-Léon  dans  la  région  de 
Trois-Rivières.  C'est  le  cas  également  du  hameau  de  la  Côte-Saint- 
François  à  Laprairie,  du  village  de  Saint-Rémi  dans  la  paroisse  du  même 
nom  et  du  noyau  du  Lac-Ouareau,  dans  la  région  de  Montréal.  Dans  ces 
bourgs,  plus  de  10%  des  maisons  sont  en  construction,  pourcentage 
qui  s'élève  même  à  plus  de  46%  à  Saint-Anselme.  En  1851,  cette 
croissance  s'essouffle:  on  ne  dénombre  plus  que  quelques  bourgs  qui 
affichent  un  nombre  supérieur  de  mises  en  chantier,  dont  celui  de  Trois- 
Pistoles  dans  le  Bas-du-Fleuve,  celui  de  Saint-Placide  dans  la  seigneurie 
du  Lac-des-Deux-Montagnes  et  celui  de  la  Pointe-du-Lac  à  l'ouest  de 
Trois-Rivières.  On  pourrait  également  y  ajouter  ceux  de  Sainte-Elisabeth 


2.  ANQ-M,  fonds  Création  de  paroisses,  E-4  (voir  le  chapitre  2). 
214 


au  nord-est  de  Montréal,  et  de  Saint-Arsène  de  Cacouna  et  de  Sainte- 
Flavie,  dans  le  comté  de  Rimouski,  où  le  nombre  de  maisons  en  chantier 
représente  plus  de  9  %  de  l'ensemble  des  habitations. 

Il  en  va  de  la  petite  construction  comme  de  la  grande  :  en  général, 
l'entreprise  est  familiale  et  associe  parents  et  amis,  quelquefois  un 
maçon  et  ses  aides  si  la  construction  est  en  dur  et  nécessite  un 
ensemble  d'opérations  qui  prennent  plus  ou  moins  de  temps  et  qui 
causent  diverses  nuisances.  D'abord,  il  y  a  la  préparation  du  terrain,  que 
les  uns  ont  obtenu  par  contrat  de  concession,  d'autres  par  achat  ou 
héritage.  S'il  a  longtemps  été  laissé  en  friche,  ii  faudra  le  déboiser  ou  le 
débroussailler,  peut-être  l'épierrer,  en  évitant  d'y  laisser  des  nids  d'in- 
cendie. Puis  il  faudra  transporter  et  entreposer  les  matériaux,  pierres, 

Tableau  46 
MAISONS  EN  CONSTRUCTION  (1831, 1851) 


1831 


1851 


Secteur 


Moyenne 
par  bourg 


En  %  du 
nombre  total 
de  maisons 


Moyenne 
par  bourg 


En  %  du 
nombre  total 
de  maisons 


District  de  Montréal 

Archipel 

Péninsule 

Rive-Nord 

Rive-Sud 

Autres  îles 

Vill.  amérindiens 

Total  sans  les  vill.  amérindiens 

District  de  Trois-Rivières 

Rive-Nord 

Rive-Sud 

Vill.  amérindien 

Total  sans  le  vill.  amérindien 

District  de  Québec 

Rive-Nord 
Rive-Sud 
lie  d'Orléans 
Autres  îles 
Vill.  amérindien 


0,13 

0,29 

0,21 

0,40 

0,13 

0,42 

0,09 

0,28 

0,82 

1,51 

0,44 

0,88 

1,40 

2,18 

0,29 

0,39 

0,00 

0,00 

0,00 

0,00 

3,50 

1,88 

0,00 

0,00 

0,93 

1,67 

0,30 

0,50 

0,90 

2,47 

1,00     o 

2,59 

0,55 

1,74 

1,25 

4,00 

0,00 

0,00 

0,00 

0,00 

0,71 

2,12 

1,05 

3,02 

0,58 

1,96 

0,24 

0,89 

0,89 

2,65 

0,93 

1,84 

n.d. 

n.d. 

0,00 

0,00 

n.d. 

0,00 

0,00 

0,00 

0,00 

0,00 

0,00 

0,00 

0,71 

2,30 

0,63 

1,55 

Total  sans  le  vill.  amérindien 

0,71 

2,30 

0,63 

1,55 

Total 

Sans 

les  vill.  amérindiens 

0,82 
0,80 

1,87 
1,89 

0,50 
0,50 

0,99 
0,99 

n.d.: 
Sources  : 

non  disponible. 

ANC,  Recensements  du  Bas-Canada,  1831  et  1851-1852. 

' 

215 

planches  ou  pièces  de  bois  équarries,  bardeaux  de  cèdre,  portes,  fenê- 
tres qu'on  accumulera  à  proximité  du  bâtiment,  selon  les  besoins.  Enfin, 
on  procédera  à  la  construction  elle-même,  source  de  bruits  divers  et 
d'accidents  toujours  possibles.  Pour  peu  que  l'on  s'y  mette,  l'édifice 
sera  élevé  assez  vite,  comme  l'exigent  la  plupart  des  contrats  de 
concession.  Mais  comme  l'entreprise  est  privée  et  qu'elle  nécessite  tout 
de  même  une  certaine  mise  de  fonds,  on  pourra  prendre  des  mois,  voire 
des  années  pour  l'achever,  surtout  si  le  chef  de  ménage  est  seul  ou 
presque  à  l'effectuer  ou  s'il  décide  de  quitter  temporairement  la  province 
pour  un  travail  à  l'extérieur,  ce  qui  pourrait  expliquer  le  nombre  relative- 
ment important  de  maisons  inhabitées  dans  les  bourgs.  En  1831,  on  en 
compte  au  moins  une  en  moyenne  par  village,  contre  deux  en  1851- 
1852.  Sauf  dans  l'archipel  de  Montréal  et,  à  moindre  échelle,  dans  la 
région  de  Trois-Rivières,  elles  représentent  entre  2%  et  3%  de  l'en- 
semble des  maisons,  proportion  qui  doublera  en  1851  et  qui  touchera 
même  les  villages  proches  des  villes  (voir  le  tableau  47). 

Après  les  chantiers,  arrêtons-nous  aux  rues  et  aux  trottoirs.  C'est 
l'une  des  grandes  questions  débattues  dans  le  village,  avec  celles  des 
risques  d'incendie  et  des  maisons  de  tempérance.  Elles  le  seront  durant 
tout  le  XIXe  siècle3.  Dès  1825,  Viger  affirme,  dans  son  rapport  au  comité 
de  la  Chambre  chargé  d'enquêter  sur  l'état  des  chemins  :  «  La  plupart  de 
nos  grands  villages  sont  extrêmement  mal  percés.  Les  rues  en  sont 
irrégulières,  étroites,  &tc4.  »  De  fait,  plusieurs  bourgs  sont  dans  cette 
situation,  en  dépit  de  certains  efforts  consentis  notamment  par  les 
seigneurs.  Toutefois,  les  difficultés  inhérentes  à  la  circulation  dans  les 
rues  comptent  sans  doute  parmi  les  plus  importantes  pour  les  résidents. 
En  effet,  dans  le  contexte  juridique  de  l'époque,  il  revient  à  chaque 
propriétaire  d'entretenir  le  chemin  qui  borde  sa  propriété.  Compte  tenu 
du  grand  nombre  de  locataires  dans  les  villages,  la  situation  est  loin 
d'être  simple.  Il  faudra  attendre  la  mise  en  fonction  définitive  d'autorités 
municipales  dans  les  années  1850  avant  que  le  problème  ne  soit  résolu; 
la  corporation  municipale  se  chargera  désormais  des  travaux  de  voirie. 
Dans  les  gros  bourgs,  l'essentiel  de  l'effort  portera  sur  le  macadamisage 
du  réseau  de  rues,  de  la  Grande  Rue  surtout.  À  vrai  dire,  ce  n'est 
qu'assez  tard  dans  le  siècle  que  l'on  y  parviendra,  en  raison  du  coût 
énorme  que  représente  ce  travail.  En  attendant,  on  cherche  plutôt  à 


3.  C'est  le  cas  par  exemple  à  Saint-Eustache,  où  la  question  des  trottoirs,  de  la 
fermeture  des  tavernes  et  de  l'achat  d'une  pompe  à  incendie  anime  presque  toutes 
les  rencontres,  comme  en  témoignent  les  délibérations  des  commissaires  pour  la 
période  1848-1880. 

4.  JALBC.  1825,  app.  X. 


216 


améliorer  l'assise  des  rues  par  l'épandage  de  gravier  qui  présente  moins 
d'inconvénients  que  la  terre  battue  au  printemps  ou  après  une  averse. 
L'état  des  rues  n'est  guère  amélioré,  compte  tenu  des  égouts  à  ciel 
ouvert,  des  nids  de  poules  et  des  ventres  de  bœufs.  En  hiver,  les 
mêmes  problèmes  se  posent;  l'essentiel  des  opérations  de  déneige- 
ment consiste  à  battre  la  neige  pour  en  faire  une  surface  dure  sur 
laquelle  les  attelages  pourront  circuler.  Si  une  pluie  ou  un  dégel  survien- 
nent, la  route  devient  impraticable,  pleine  d'ornières  et  de  cratères  qui, 
au  retour  du  temps  froid,  constituent  une  menace  pour  les  piétons  et  les 
essieux  des  carrioles  et  des  charrettes,  jusqu'à  la  prochaine  averse  de 
neige  de  quelque  importance. 


Tableau  47 
MAISONS  INHABITÉES  (1831, 1851) 


1831 


1851 


Secteur 


Moyenne 
par  bourg 


En  %  du 
nombre  total 
de  maisons 


Moyenne 
par  bourg 


En  %  du 
nombre  total 
de  maisons 


District  de  Montréal 

Archipel 

Péninsule 

Rive-Nord 

Rive-Sud 

Autres  îles 

Vill.  amérindiens 

Total  sans  les  vill.  amérindiens 

District  de  Trois-Rivières 

Rive-Nord 

Rive-Sud 

Vill.  amérindien 

Total  sans  le  vill.  amérindien 

District  de  Québec 

Rive-Nord 

Rive-Sud 

Ile  d'Orléans 

Autres  îles 

Vill.  amérindien 

Total  sans  le  vill.  amérindien 

Total 

Sans  les  vill.  amérindiens 


0,27 
0,75 
1,39 
1,63 
0,00 
13,00 
1,29 


0,40 
0,45 
0,00 
0,43 


0,83 
0,02 
n.d. 
n.d. 
0,00 
0,74 

1,00 
0,89 


0,59 
2,53 
2,58 
2,54 
0,00 
6,97 
2,33 


1,10 
1,45 
0,00 
1,27 


2,79 
2,46 
n.d. 
n.d. 
0,00 
2,43 

2,28 

2,10 


2,21 
0,73 
1,87 
2,69 
0,00 
0,00 
2,16 


1,54 
1,50 
0,00 
1,45 


0,74 
2,90 
0,00 
2,00 
0,00 
1,97 

2,02 
2,02 


4,18 
2,24 
3,77 
3,59 
0,00 
0,00 
3,61 


3,98 
4,80 
0,00 
4,20 


2,79 
5,73 
0,00 
6,67 
0,00 
4,86 

4,05 
4,05 


n.  d.:  non  disponible. 
Sources  :  ANC,  Recensements  du  Bas-Canada,  1 831  et  1 851  -1 852. 


217 


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Ces  difficultés  rendent  les  trottoirs  d'autant  plus  nécessaires,  car 
ils  doivent  non  seulement  faciliter  la  circulation  des  piétons,  mais  aussi 
les  mettre  à  l'abri  des  dangers  que  représentent  les  attelages.  En  règle 
générale,  ils  sont  faits  en  bois,  plus  rarement  en  pierre,  matériau  qui  ne 
se  répandra  que  durant  la  seconde  moitié  du  siècle,  et  uniquement  dans 
les  gros  bourgs  et  au  cœur  du  village.  Pour  cela  également,  il  faudra 
attendre  l'arrivée  d'autorités  municipales  pour  que  ce  genre  d'infrastruc- 
ture se  répande,  en  raison  du  coût  d'une  pareille  construction.  Jusque-là, 
on  se  contentera  de  planches  disposées  de  part  et  d'autre  de  la  rue  avec 
des  points  de  traverse  répartis  de  distance  en  distance  ou,  si  le  village 
est  plus  démuni,  de  quelques  pierres  ou  pièces  de  bois  placées  aux 
endroits  stratégiques. 

Quant  aux  autres  services,  ils  se  résument  à  peu  de  chose:  pas 
d'aqueduc,  pas  d'égout,  pas  de  service  régulier  d'enlèvement  des  ordu- 
res qui  est  laissé  à  l'initiative  de  chacun.  Chaque  résidence  dispose  de 
son  puits  et  déverse  ses  eaux  usées  dans  un  fossé  relié  à  un  canal 
creusé  le  long  de  la  rue.  Même  les  pompes  à  incendie  sont  inexistantes; 
elles  ne  feront  leur  apparition  que  beaucoup  plus  tard,  vers  la  fin  du 
siècle,  après  bien  des  débats.  Aussi  craint-on  les  sinistres,  davantage 
peut-être  que  les  inondations  qui  causent  pourtant  d'énormes  dégâts.  À 
Berthier  par  exemple,  Bouchette  note  que  le  village  s'élève  si  peu  au- 
dessus  du  niveau  de  la  rivière  qu'il  est  quelquefois  inondé  «  à  une 
grande  distance  dans  l'intérieur,  ce  qui  cause  beaucoup  de  dommage 
dans  le  bas  des  maisons  du  village,  et  aux  marchandises  déposées  dans 
les  magasins  ».  Le  débordement  est  parfois  si  grand  qu'«  il  a  fallu 
enlever  une  grande  quantité  de  froment  des  étages  supérieurs  des 
greniers,  pour  l'empêcher  d'être  gâté5  ».  Il  y  en  aura  d'autres,  notam- 
ment sur  le  pourtour  du  lac  Saint-Pierre  et  dans  la  vallée  de  la  Chaudière, 
où  les  débâcles  du  printemps  isolent  parfois  pendant  des  jours,  voire  des 
semaines,  des  populations  entières. 

Parce  qu'ils  sont  toujours  destructeurs,  les  incendies  laissent  des 
traces  profondes  dans  la  mémoire  locale.  Aussi  tente-t-on  de  les  éviter 
par  tous  les  moyens  possibles.  On  en  jugera  d'ailleurs  par  la  loi  de  1818 
intitulée  «  Acte  pour  pourvoir  à  la  Police  de  certains  Bourgs  et  Villages  » 
(58  Geo.  III,  c.  16),  qui  prévoit  l'élection  de  cinq  syndics  dont  l'un  sera 
élu  inspecteur,  chargé  de  faire  respecter  un  certain  nombre  de  règle- 


5.  Joseph   Bouchette,   Description  topographique  de  la  province  du  Bas-Canada, 
p.  245-247. 


220 


ments  qui  visent  pour  la  plupart  à  restreindre  les  risques  d'incendies. 
Parmi  les  règles  imposées,  on  note: 

-  le  pouvoir  qu'aura  l'inspecteur  de  visiter  toute  maison,  appentis 
ou  autre  bâtiment  pour  s'assurer  de  leur  sécurité  en  regard  des 
risques  d'incendie; 

-  l'obligation,  pour  chaque  propriétaire  de  maison,  de  placer  des 
échelles  sur  les  toits  près  des  cheminées; 

-  l'obligation  de  disposer  sur  place  de  «  deux  seaux  propres  et 
convenables  pour  transporter  l'eau  dans  le  cas  de  feu  »  ; 

-  la  défense  pour  quiconque  d'entrer  dans  une  grange,  appentis 
ou  étable  avec  une  chandelle  ou  une  lampe  allumée,  à  moins 
qu'elle  ne  soit  bien  renfermée  dans  une  lanterne,  ni  avec  une 
pipe  ou  un  cigare  allumé; 

-  l'interdiction  de  faire  du  feu  «  dans  une  maison  ou  appentis 
ailleurs  que  dans  une  cheminée  ou  dans  un  poêle  de  fer  ou 
autre  métal  »  ; 

-  l'obligation  pour  quiconque  de  transporter  du  feu  «  dans  des 
vaisseaux  de  cuivre,  de  fer  ou  de  fer  blanc  »  ; 

-  l'interdiction  de  mettre  ou  loger,  ou  de  faire  mettre  et  loger,  du 
foin  ou  de  la  paille  dans  une  maison; 

-  l'interdiction  aux  boulangers,  potiers,  brasseurs  et  toute  autre 
personne  de  bâtir  ou  faire  bâtir  un  four  ou  des  fourneaux  à 
l'intérieur  des  limites  du  village  sans  y  joindre  une  cheminée  de 
pierre  ou  de  brique  exhaussée  d'au  moins  trois  pieds  au- 
dessus  du  toit  de  la  maison; 

-  l'obligation  de  conserver  la  poudre  à  fusil  dans  des  boîtes  de 
métal  («  boëtes  de  fer  ou  de  fer  blanc  ou  de  plomb  »); 

-  l'interdiction  «  de  vendre  ou  permettre  de  vendre  dans  sa 
maison,  son  hangar,  magasin,  appentis  ou  autre  bâtiment  de  la 
poudre  à  fusil  après  le  coucher  du  soleil,  et  d'en  conserver  plus 
de  vingt-cinq  livres  dans  les  dits  bâtiments  »  ; 

-  l'interdiction  «  de  faire  passer  des  tuyaux  de  poêle  dans  les 
cloisons  de  bois  ou  lattées,  ou  à  travers  les  murs  et  les 
planchers  à  moins  qu'il  n'y  ait  six  pouces  de  pourtour  entre  le 
tuyau  et  la  cloison  ou  le  plancher  »  ;  ces  tuyaux  devront  être 
entourés  de  tôle  ou  de  fer-blanc  cloué  sur  la  cloison  ou  le 


221 


plancher  et  passer  dans  une  cheminée;  quant  aux  poêles,  ils 
devront  être  situés  à  au  moins  dix  pouces  francs  des  cloisons 
lattées  ou  de  bois; 

-  l'obligation  de  ramoner  ou  de  faire  ramoner  les  cheminées  au 
moins  une  fois  tous  les  deux  mois; 

-  l'interdiction  de  bâtir  ou  faire  bâtir  des  fourneaux  à  charbon  de 
bois  dans  les  limites  du  bourg. 

Ces  prescriptions  en  disent  long  sur  les  dangers  qui  guettent  les 
populations  villageoises.  Ils  sont  d'autant  plus  réels  que  l'on  ne  dispose 
pas  encore  de  moyens  efficaces  pour  lutter  contre  les  sinistres.  On  peut 
facilement  imaginer  à  cet  égard  l'effroi  qu'ont  dû  ressentir  les  popula- 
tions locales  à  l'annonce  des  incendies  de  Saint-Denis,  de  Saint- 
Eustache  et  de  Saint-Benoît  par  les  troupes  à  l'automne  de  1837. 

Mais  il  n'y  a  pas  que  le  feu  qui  pose  problème.  La  circulation  à 
cheval,  les  déchets,  les  animaux  de  ferme  en  causent  tout  autant.  On 
prévoit  donc  également  des  règles  qui  interdisent: 

-  d'aller  au  galop  «  ou  plus  vite  que  le  trot  ordinaire  »  à  l'intérieur 
des  limites  du  village,  soit  à  cheval,  en  calèche,  en  charrette  ou 
autre  voiture; 

-  de  jeter  ou  faire  jeter  du  fumier,  des  décombres  ou  des 
ordures  dans  les  rues,  ruelles  ou  places  publiques  situées  à 
l'intérieur  des  limites  du  village  et,  en  corollaire,  l'obligation  de 
les  faire  enlever  sur  ordre  de  l'inspecteur; 

-  de  laisser  vaguer  «  son  cochon  ou  cochons,  son  cheval  ou 
chevaux  »,  dans  les  rues,  ruelles  ou  places  publiques  du  village. 

Enfin,  et  c'était  là  l'une  des  premières  fonctions  des  syndics, 
c'est  à  eux  et  à  eux  seuls  qu'il  revenait  de  fixer  les  lieux  et  les  jours 
d'ouverture  des  marchés  dans  les  bourgs,  pour  éviter  les  désordres 
qu'entraînerait  le  laisser-aller. 

Quant  aux  peines  encourues  pour  défaut  de  se  soumettre  aux 
règlements,  la  loi  prévoit  des  amendes  qui  varient  de  quelques  deniers  à 
plusieurs  chelins  argent  courant,  qui  devaient  servir  «  à  réparer  et 
améliorer  les  rues,  ruelles  et  avenues  des  dits  Bourgs  ou  Villages  en 
telles  manières  que  convenu  et  déterminé  par  les  Propriétaires  ou  par  la 
Majorité  d'iceux,  assemblés  à  cet  effet,  après  que  notice  de  huit  jours 
aura  été  donnée  ». 


222 


Sanctionnée  en  1818,  cette  loi  devait  être  en  vigueur  jusqu'en 
1822.  En  fait,  elle  sera  reconduite  maintes  fois  par  la  suite  et  servira 
même  de  cadre  aux  premiers  règlements  municipaux.  En  1824  (4  Geo. 
IV,  c.  1-2),  de  nouvelles  prescriptions  s'ajoutent  parmi  lesquelles  on  note 
l'interdiction  d'empiéter  et  d'introduire  des  nuisances  dans  les  rues, 
ruelles  et  places  publiques,  celle  d'y  allumer  des  feux  ou  d'y  transporter 
des  cendres  autrement  que  dans  un  récipient  en  cuivre,  double  tôle  ou 
fer-blanc  («  les  cendres  en  possession  des  Fabriquants  de  Potasse  ou 
Perlasse  exceptées  »),  et  celle  de  mettre  ou  de  déposer  de  la  chaux  vive 
de  manière  qu'elle  vienne  en  contact  avec  une  maison  ou  un  quel- 
conque bâtiment. 

Quant  aux  autres  règlements,  ils  émanent  plutôt  des  conseils 
municipaux,  par  exemple  ceux  qui  interdisent  les  débits  de  boissons  à 
l'intérieur  des  limites  du  bourg.  Poursuivie  pendant  plusieurs  décennies, 
à  la  suite  des  campagnes  de  tempérance  des  années  1840,  ce  n'est  qu'à 
la  fin  du  siècle  qu'est  pour  ainsi  dire  gagnée  la  bataille  des  maisons  de 
tempérance  (lieux  où  l'on  ne  peut  vendre  que  de  la  bière  ou  des 
boissons  légères);  même  dans  les  années  1870  et  1880  les  débats 
restent  passionnés.  Aussitôt  refusés,  les  permis  sont  de  nouveau  accor- 
dés, ce  qui  suscite  maintes  oppositions  auxquelles  devront  bientôt  faire 
face  les  nouveaux  conseils6. 

Cette  réglementation  marque  le  début  de  l'ère  villageoise.  Avec 
elle,  on  assiste  non  seulement  à  l'amélioration  relative  de  la  sécurité 
publique  et  du  cadre  de  vie,  mais  aussi  à  l'apprentissage  de  la  vie  en 
commun,  c'est-à-dire  de  la  vie  presque  urbaine,  puisque  ces  règlements 
sont  largement  inspirés  de  ceux  des  villes.  Toutefois,  cela  ne  va  pas 
sans  difficultés  puisque  les  rapports  de  force  sont  nombreux  dans  le 
village:  chaque  individu  et  chaque  groupe  vivent  de  leur  propre  territo- 
rialité. 

LES  RAPPORTS  D'ALTÉRITÉ 

En  effet,  le  village  n'est  pas  qu'un  lieu  de  résidence  et  de  travail,  il 
sert  aussi  aux  rencontres  et  aux  échanges  et  la  sociabilité  y  est  intense; 
les  rapports  avec  l'autre  sont  nombreux  et  parfois  conflictuels.  Ces 
échanges  ont  pour  cadre  des  activités  sacrées  ou  profanes  qui  peuvent 
réunir  plusieurs  dizaines,  voire  plusieurs  centaines  de  personnes  venues 
du  bourg  même  ou  des  alentours. 


6.  À  ce  propos,  voir  les  délibérations  des  conseils  municipaux. 

223 


Sur  le  plan  religieux,  l'événement  le  plus  important  et  le  plus 
fréquent  est  la  messe  du  dimanche  qui,  outre  son  caractère  sacré,  revêt 
une  grande  signification  sociale.  Aussitôt  après  le  service  divin,  pourvu 
qu'il  fasse  beau,  on  se  retrouve  sur  le  parvis  de  l'église  qui  se  transforme 
alors  en  véritable  agora.  On  y  discute  de  tout,  de  politique,  du  temps,  de 
semailles,  de  moisson,  d'école,  d'enfants,  etc.  C'est  aussi  l'occasion  de 
nouer  des  affaires  et  de  montrer  ses  nouvelles  acquisitions.  Aucune 
autre  activité  religieuse  ne  nourrit  autant  la  sociabilité  villageoise,  excep- 
tion faite  peut-être  des  grandes  fêtes  (par  exemple  Noël  ou  Pâques)  où 
l'on  observe  les  mêmes  comportements,  encore  que  ce  soit  plutôt  le 
temps  des  bons  vœux  et  parfois  de  grandes  réconciliations.  Puis  il  y  a 
les  rogations  et  les  processions  diverses  qui  sont  également  des  occa- 
sions de  rencontres  importantes,  sans  oublier  les  événements  particu- 
liers -  bénédiction  de  cloche,  de  carrioles  ou  de  bâtiments,  mariage, 
baptême  ou  service  funéraire  de  notable,  communion  solennelle,  confir- 
mation, etc.  -  qui  attirent  aussi  la  population. 

Bien  sûr,  tout  dépend  de  la  taille  du  bourg  et  de  son  rang  dans  la 
hiérarchie  villageoise.  Pourvu  qu'il  dispose  d'un  lieu  de  culte  et  qu'il 
comprenne  une  petite  élite  locale,  les  mêmes  comportements  ont  cours 
et  l'église  devient  l'un  des  lieux  privilégiés  de  la  vie  de  relation  et 
d'affirmation  sociale.  Les  autres  sont  la  Grande  Place,  la  Grande  Rue  et 
le  marché  ou  la  foire  saisonnière,  si  l'emplacement  est  dans  le  village. 
Là,  on  ne  compte  plus  les  personnes  qui,  chaque  jour,  viennent  travailler, 
vendre,  acheter  ou  simplement  fureter  au  hasard  des  boutiques  et  des 
éventaires.  De  tous  les  lieux  de  sociabilité,  ceux-ci  comptent  parmi  les 
plus  achalandés,  avec  l'auberge  ou  la  taverne  qui  accueillent  toutefois 
une  clientèle  différente.  En  outre,  dans  les  villages  où  réside  une  famille 
seigneuriale,  il  peut  également  y  avoir  une  autre  occasion  de  rencontre: 
la  plantation  du  mai,  dont  l'honneur  reviendra  à  certains  capitaines  de 
milice  vers  la  fin  des  années  1830.  En  effet,  en  vertu  des  règles 
seigneuriales,  la  population  est  tenue,  le  premier  mai,  de  se  réunir 
devant  le  manoir  du  seigneur  pour  y  planter  un  sapin  ébranché  en  guise 
d'hommage  au  titulaire  des  lieux.  Au  XIXe  siècle,  cette  règle  est  pratique- 
ment tombée  en  désuétude,  mais  il  arrive  qu'on  l'observe  encore. 
L'événement  prend  alors  une  allure  de  fête  ponctuée  de  discours,  du 
seigneur  bien  sûr,  mais  aussi  du  curé  et  des  notables,  et  se  termine  par 
des  rafraîchissements  offerts  par  le  maître  des  lieux. 

Toutes  ces  activités  donnent  une  image  assez  conviviale  du 
village  qui  apparaît  comme  un  lieu  de  rencontres  et  d'échanges  agréa- 
bles, où  il  fait  bon  vivre,  ce  qu'il  fut  sans  doute,  du  moins  en  partie.  Mais 


224 


il  ne  faudrait  pas  croire  en  un  lieu  de  quiétude  totalement  exempt  de 
difficultés.  Les  archives  locales  en  témoignent  et  rapportent  maints  cas 
de  conflits  ou  de  tensions  qui  empoisonnent  la  vie  collective.  Les 
charivaris  en  sont  un  exemple.  Certains  sont  inoffensifs  et  même 
sympathiques  lorsque,  par  exemple  à  l'occasion  d'un  mariage,  il  s'agit  de 
soutirer  aux  nouveaux  mariés  «  le  tribut  qu'exige  la  tradition,  soit  une 
danse,  un  repas  ou  une  aumône7  ».  Par  contre,  d'autres  sont  moins 
anodins  quand  il  s'agit  de  réprouver  un  comportement,  par  exemple 
l'ivrognerie  ou  la  débauche.  Ils  prennent  alors  la  forme  d'une  poursuite  à 
travers  les  rues  et  les  chemins,  par  des  gens  masqués  qui  brutalisent 
leur  victime,  ou  cejle,  plus  fréquente,  d'une  manifestation  nocturne 
devant  une  demeure  par  des  gens  masqués  qui  injurient  la  personne 
visée  et  attirent  l'attention  publique  par  une  musique  infernale,  des 
bruits  bizarres  et  des  cris.  Étalés  parfois  sur  plusieurs  jours,  voire 
plusieurs  semaines  sinon  plusieurs  mois,  ils  dureront  tant  que  les 
participants  y  prennent  plaisir  ou  jusqu'à  ce  qu'ils  estiment  que  justice 
est  rendue.  Quant  aux  personnes  visées,  leur  sort  varie  selon  la  nature 
de  l'offense.  Au  mieux,  elles  réussissent  à  mettre  fin  aux  poursuites  en 
offrant  un  verre,  un  goûter  ou  une  petite  fête.  Au  pire,  il  leur  faut  faire 
appel  à  la  justice  ou  quitter  les  lieux. 

Dans  son  étude  de  cette  manifestation  dans  la  région  de  Trois- 
Rivières,  René  Hardy  a  donné  des  exemples  particulièrement  éloquents 
de  charivaris,  entre  autres  celui  d'une  femme  du  village  de  Nicolet 
mariée  à  un  vieillard  de  76  ans,  qui  est  accusée  de  tenir  une  maison  de 
débauche.  L'incident  se  passe  en  1864.  Un  soir,  la  maison  de  la  femme 
est  assaillie  par  une  bande  de  gens  masqués  qui  la  somment  d'abandon- 
ner sa  résidence  et  de  quitter  la  place.  Lors  de  la  manifestation,  les 
charivaristes  brisent  une  trentaine  de  vitres,  emportent  trois  contre- 
vents, arrachent  la  contre-porte,  forcent  la  porte  principale,  renversent 
une  table,  déchirent  les  rideaux  et  endommagent  le  sofa  qu'ils  empor- 
tent pour  s'asseoir.  Personne  n'est  blessé,  mais  le  mari,  réfugié  au 
grenier,  s'est  évanoui  de  frayeur8. 

La  peur  du  charivari  ne  tient  pas  qu'à  la  violence  des  manifes- 
tants. Elle  provient  également  de  ce  qu'ils  révèlent  à  la  communauté, 
que  leurs  dires  soient  vrais  ou  faux: 


7.  É.-Z.  Massicotte,  «  Le  charivari  au  Canada  »,  BRH,  XXXII.  déc.  1926,  p.  712-725,  en 
donne  des  exemples.  À  propos  du  charivari,  voir  aussi  Bryan  D.  Palmer,  «  Discor- 
dant Music:  Charivaris  and  Whitecapping  in  Nineteenth-Century  North  America  », 
LT,  3,  1978,  p.  5-62. 

8.  René  Hardy,  «  Le  charivari  dans  la  sociabilité  rurale  québécoise  au  XIXe  siècle  », 
dans  Roger  Levasseur  (dir.),  De  la  sociabilité.  Spécificité  et  mutations,  p.  69-70. 


225 


Les  accusations  des  charivaristes  sont  d'autant  plus  redoutées  qu'elles 
sont  toujours  infamantes  [...]  En  fait,  la  coutume  est  si  bien  intégrée  à  la 
culture  populaire  que  les  tribunaux  recrutent  difficilement  les  témoins 
pour  prouver  les  accusations;  il  arrive  même  qu'un  juge  de  paix,  celui-là 
qui  est  chargé  de  maintenir  l'ordre  dans  la  communauté,  préfère  fermer 
sa  fenêtre  et  dormir  plutôt  que  d'enfreindre  la  règle  acceptée  par  la 
communauté  en  témoignant  d'un  charivari  qui  se  déroule  devant  sa 
maison9. 

Riche  en  rituels  divers,  le  charivari  apparaît  donc  comme  un 
mécanisme  de  régulation  des  rapports  sociaux,  un  moyen  qui  révèle  un 
comportement  caché  ou  qui  divulgue  la  transgression  d'une  norme 
jugée  fondamentale.  Il  y  en  aura  bien  d'autres,  parmi  lesquels  les 
plaintes,  à  l'évêque  notamment,  et  les  pétitions  qui  abondent  à  mesure 
que  l'on  avance  dans  le  siècle.  Mais  c'est  peut-être  dans  la  définition  de 
leurs  lieux  et  de  leurs  mécanismes  d'inclusion  et  d'exclusion  que  les 
villageois  marquent  le  plus  les  limites  de  leurs  rapports  avec  l'autre:  la 
notion  centrale  ici  est  celle  de  l'étranger,  qui  peut  s'appliquer  aussi  bien 
à  l'immigrant  venu  de  l'extérieur  du  Bas-Canada  qu'au  ressortissant 
d'une  paroisse  voisine.  Leur  venue  au  village  représente  toujours  une 
menace  pour  la  population  en  place,  que  ce  soit  en  ce  qui  concerne 
l'emploi,  les  bonnes  mœurs  ou  la  famille,  que  l'on  voudrait  voir  toujours 
à  l'abri  des  heurts,  matrimoniaux  ou  autres.  De  ces  deux  types  d'étran- 
gers, c'est  le  premier  surtout  qui  a  le  plus  de  peine  à  s'intégrer,  même 
s'il  a  dû  y  avoir,  alors  comme  aujourd'hui,  des  cas  de  solidarités 
familiales  étouffantes,  fermées  à  tout  nouvel  apport,  même  de  la  paroisse 
voisine. 

LES  MINORITÉS  ETHNIQUES 

ET  LA  RECHERCHE  D'APPARTENANCE 


On  a  beaucoup  parlé  des  tensions  entre  francophones  et  anglo- 
phones au  Bas-Canada.  Il  ne  fait  aucun  doute  que  des  situations  conflic- 
tuelles ont  existé,  notamment  dans  les  villes  où  la  population  était  aux 
prises  avec  un  problème  d'emploi  lié  à  l'arrivée  massive  d'une  main- 
d'œuvre  pauvre.  La  situation  est  particulièrement  difficile  à  Montréal  où 
les  Irlandais  sont  nombreux.  À  la  campagne,  la  situation  est  différente; 
ce  n'est  pas  qu'il  règne  une  entente  parfaite  entre  les  groupes,  mais  la 
nature  même  du  cadre  d'habitat  oblige,  sinon  à  une  certaine  harmonie, 
du  moins  à  des  rapports  moins  tendus.  Mises  à  part  les  difficultés 
politiques,  du  reste  assez  ponctuelles,  les  conflits  sont  d'un  autre  ordre, 


9.  Ibid,  p.  70-71 

226 


plus  personnalisés,  encore  que  les  difficultés  d'intégration  gardent  toute 
leur  acuité. 

À  l'époque  considérée,  rares  sont  les  villages  qui  ne  comprennent 
pas  au  moins  quelques  immigrants  venus  de  l'étranger  ou  issus  de 
ménages  arrivant  de  l'étranger.  Tel  est  le  cas,  entre  autres,  du  village  de 
Saint-Eustache  qui  nous  servira  ici  d'exemple10.  En  1831,  on  y  dénombre 
25  ménages  d'origine  étrangère,  qui  regroupent  au  total  137  individus 
sur  les  quelque  832  que  compte  le  bourg.  Quatre  de  ces  ménages 
déclarent  appartenir  à  l'Église  d'Angleterre,  sept  à  l'Église  d'Ecosse,  et 
un  est  presbytérien  ou  congrégationaliste.  Tous  les  autres  sont  catholi- 
ques, dont  un  est  probablement  d'origine  germanique,  trois  d'origine 
polonaise  et  neuf  d'origine  irlandaise. 

Parmi  les  facteurs  susceptibles  d'expliquer  cette  présence  étran- 
gère dans  le  village,  deux  peuvent  être  invoqués:  la  proximité  de 
Montréal,  qui  agit  alors  comme  centre  d'accueil  et  de  diffusion  dans 
l'espace  régional,  et  l'ouverture  que  manifeste  le  seigneur  Dumont 
envers  l'étranger.  Lui-même  vient  d'une  famille  de  seigneurs-marchands 
de  Trois-Rivières  qui,  en  plus  des  liens  qui  l'unissent  alors  à  diverses 
grandes  familles  seigneuriales  du  temps  (entre  autres  les  Chartier  de 
Lotbinière),  entretient  très  tôt  des  rapports  avec  les  marchands  écossais 
et  anglais  venus  s'établir  dans  la  colonie  au  lendemain  de  la  Conquête. 
Peut-être  faut-il  trouver  là  une  cause  lointaine  à  la  venue  de  quelques 
ménages  écossais  et  anglais  dans  leur  seigneurie  de  la  Rivière-du-Chêne 
au  cours  de  la  deuxième  moitié  du  XVIIIe  siècle.  Quoi  qu'il  en  soit,  on 
retrouve  déjà  un  marchand  d'origine  écossaise  installé  à  Saint-Eustache 
au  début  du  XIXe  siècle,  Duncan  McGillis,  qui  fait  commerce  de  la 
potasse  et  qui  possède,  en  plus  d'une  terre  aux  abords  du  village,  un 
magasin  dans  le  hameau  voisin  de  la  Grande-Fresnière.  À  partir  de  1815, 
ce  sont  les  Irlandais  surtout  qui  viennent  s'y  établir,  après  avoir  peiné 
quelques  années  dans  les  côtes  voisines  ou  sur  les  terres  pauvres  du 
bouclier  laurentien  où  les  Messieurs  du  Séminaire  de  Saint-Sulpice  de 
Montréal,  titulaires  de  la  seigneurie  du  Lac-des-Deux-Montagnes,  les 
avaient  d'abord  dirigés.  Saint-Eustache  offre  de  meilleures  perspectives, 
non  seulement  parce  que  les  industries  sont  actives,  mais  aussi  parce 
que  la  demande  en  services  est  forte.  Il  est  d'ailleurs  significatif  de  noter 
que,  sur  les  neuf  chefs  de  ménage  d'origine  irlandaise  établis  dans  le 
village  en  1831,  un  est  marchand,  trois  ont  une  profession  libérale  et 
cinq  sont  des  artisans,  tous  qualifiés.  Quant  aux  représentants  d'origine 


10.  Cette  présentation  est  reprise  d'un  article  déjà  paru.  Voir  Serge  Courville,  «  Minori- 
tés ethniques  et  recherche  d'appartenance  [...]  »,  PH,  XXXV(142),  1985,  p.  377-400. 


227 


polonaise  (nous  ne  savons  rien  des  autres  ethnies),  ils  appartiennent 
tous  à  la  même  famille,  les  Globensky,  dont  l'ancêtre  canadien  fut  cet 
Auguste  Globensky,  chirurgien  des  contingents  polonais  intégrés  aux 
troupes  allemandes  qui  flanquèrent  les  troupes  britanniques  durant  la 
guerre  d'Indépendance  américaine.  Le  conflit  terminé,  celui-ci  était  venu 
s'établir  dans  la  vallée  du  Saint-Laurent  et  avait  pris  racine  au  sein  même 
du  groupe  francophone  dont  il  partageait  la  religion11.  En  1831,  trois  de 
ces  Globensky  sont  établis  à  Saint-Eustache:  Maximilien  Globensky, 
ex-lieutenant  des  Voltigeurs  canadiens  qui  avaient  participé  à  la  guerre 
anglo-américaine  de  1812  sous  les  ordres  de  Salaberry  et  qui  lèvera  une 
compagnie  de  volontaires  pour  appuyer  l'action  de  l'armée  royale  lors  de 
la  bataille  de  Saint-Eustache  en  1837,  le  notaire  Frédérick-Eugène  Glo- 
bensky, qui  deviendra  bientôt  l'homme  le  plus  riche  de  la  seigneurie,  et 
le  marchand  Hubert  Globensky. 

Plusieurs  caractéristiques  distinguent  les  populations  d'origine 
étrangère  et  francophone.  Les  unes  sont  d'ordre  démographique  et 
concernent  la  structure  interne  du  ménage,  les  autres  sont  d'ordre 
économique  et  social  et  ont  trait  aux  domaines  d'activité  de  chacun, 
d'autres  encore  sont  d'ordre  spatial  et  concernent  les  lieux  de  résidence 
et  d'affaires  de  l'un  ou  l'autre  des  deux  groupes.  Démographiquement, 
le  ménage  étranger  comprend  plus  de  membres  que  le  ménage  franco- 
phone. Par  contre,  il  comporte  moins  de  jeunes  et  moins  de  vieux,  ce 
qui  lui  laisse  une  part  d'adultes  plus  élevée  que  sa  contrepartie  franco- 
phone. Enfin,  aucun  de  ces  ménages  étrangers  ne  déclare  de  membres 
temporairement  absents  de  la  province,  ce  qui  est  le  cas  d'au  moins 
quatre  ménages  francophones.  Économiquement  et  socialement,  les 
différences  sont  plus  marquées  encore.  Contrairement  à  la  population 
francophone  qui,  proportionnellement,  s'emploie  surtout  dans  la  fabri- 
cation, le  bâtiment  et  le  travail  journalier,  la  population  d'origine  étran- 
gère domine  dans  les  services,  l'administration,  le  commerce  et  les 
professions  libérales,  ainsi  que  dans  les  métiers  spécialisés.  En  outre,  on 
n'y  trouve  aucun  «  bourgeois  »  ni  «  rentier  »,  alors  que  ce  statut  est  celui 
d'au  moins  12%  des  chefs  de  ménage  francophones.  Enfin,  même  si 
plusieurs  résidents  du  village  s'adonnent  à  l'agriculture,  quatre  seule- 
ment se  définissent  comme  «  cultivateurs  »,  deux  anglophones  et  deux 
francophones.  Cependant,  seul  Oliver  McLeod  semble  la  pratiquer  vrai- 
ment: il  se  déclare  yeoman  au  recensement.  Il  exploite  500  arpents  de 
terre  -  soit  autant  que  le  coseigneur  de  Bellefeuille  -  qu'il  détient  à 


11.  Voir  la  présentation  que  fait  Hubert  Aquin  de  Charles-Auguste-Maximilien  Globen- 
sky, La  rébellion  de  1837  à  Saint-Eustache,  p.  7-9. 


228 


ferme  à  raison  de  30  livres  par  année.  L'étranger  dans  le  village  n'est 
propriétaire  qu'à  30  %  des  superficies  qu'il  occupe,  car  la  propriété  est 
alors  dominée  par  le  groupe  francophone.  Par  contre,  les  emplacements 
qu'il  détient  et  les  terres  qu'il  occupe  ont  une  superficie  de  loin  supé- 
rieure à  celle  des  lots  détenus  par  les  propriétaires  francophones. 

Quant  aux  lieux  qu'habite  l'étranger  dans  le  village,  ils  se  résu- 
ment pour  l'essentiel  à  la  Grande  Rue  qu'il  partage  avec  les  notables 
francophones;  en  effet,  c'est  là  que  sont  établis  la  plupart  des  membres 
des  familles  seigneuriales,  les  Dumont,  de  Bellefeuille  et  Laviolette,  les 
représentants  des  professions  libérales,  à  l'exception  du  docteur  Labrie 
dont  la  résidence  est  située  de  l'autre  côté  de  la  rivière  du  Chêne,  et  les 
artisans  aisés  du  village.  Les  autres  habitent  tous  la  rue  Saint-Narcisse 
qui  borde  le  front  de  la  seigneurie,  à  l'est  de  la  Grande  Place.  Aucun  ne 
réside  dans  les  rues  transversales,  entièrement  occupées  par  les  franco- 
phones, à  l'exception  d'un  terrain  qui  appartient  à  la  famille  McGillis  à 
l'angle  des  rues  Dickson  et  des  Champs.  Ce  n'est  qu'au-delà  qu'on  les 
retrouve,  à  l'extérieur  du  village,  au  nord  et  à  l'est  du  périmètre  construit 
qui  enserre  les  quartiers  francophones.  Mises  à  part  ces  quelques 
exceptions,  c'est  la  Grande  Rue  qui  attire  surtout,  aire  de  contact  et 
d'échange  et  lieu  d'identité  sociale.  Car  les  différences  qui  s'établissent 
entre  les  francophones  et  les  minorités  ethniques  dans  le  village  ne 
tiennent  pas  tant  à  la  race  qu'à  la  culture,  ce  qui  pourrait  expliquer 
pourquoi,  même  dans  la  Grande  Rue,  des  aires  secondaires  semblent 
également  privilégiées.  En  effet,  en  comparant  les  données  du  recense- 
ment de  1831  à  celles  des  recensements  de  1825,  de  1842,  de  1851- 
1852  et  de  1861,  ainsi  qu'aux  données  du  cadastre  de  1863,  on  constate 
que  c'est  surtout  du  côté  sud  de  cette  artère,  dans  le  voisinage  de  la 
rivière  et  des  principaux  notables  du  village,  que  sont  établis  13  des  18 
chefs  de  ménage  qui  habitent  la  Grande  Rue  en  1831.  Le  côté  nord  n'en 
attire  que  cinq,  répartis  entre  deux  pôles  d'ailleurs  assez  distants  l'un  de 
l'autre,  puisqu'ils  sont  situés  l'un  dans  le  bas  du  village  et  l'autre  dans  le 
haut  où  sera  construite  plus  tard  l'église  presbytérienne.  Simple  jeu  de 
hasard?  Sûrement  pas.  Cause  liée  à  la  disponibilité  de  terres  au  moment 
de  l'établissement  du  village?  Peu  probable,  puisque  7  des  13  résidents 
du  côté  sud  de  la  Grande  Rue  en  1831  ne  sont  pas  propriétaires  de 
biens-fonds.  Propension  qu'a  le  locataire  étranger  à  chercher  un  proprié- 
taire de  même  nationalité?  Possible,  mais  cela  n'explique  pas  tout.  Nous 
croyons  plutôt  qu'il  s'agit  d'une  manifestation  spatiale  des  liens  que  l'on 
cherche  à  établir  avec  les  représentants  du  groupe  social  auquel  on 
appartient  ou  souhaite  appartenir.  En  d'autres  termes,  si  le  facteur 
ethnique  peut  intervenir  dans  l'étude  des  rapports  qui  s'établissent  entre 


229 


les  membres  de  la  communauté  villageoise,  l'appartenance  ou  le  désir 
d'appartenance  à  un  certain  groupe  social  paraissent  plus  déterminants 
encore,  parce  que  nourris  d'ambitions  qui  ne  s'embarrassent  pas  de  ce 
facteur. 

De  tous  les  moyens  que  l'on  aura  de  s'intégrer  au  groupe  domi- 
nant (majorité  francophone  ou  classe  de  notables),  deux  semblent  plus 
importants  que  les  autres  :  le  mariage  et  les  relations  d'affaires,  auxquel- 
les peuvent  sans  doute  s'ajouter  les  relations  de  voisinage  -  surtout 
quand  elles  sont  à  long  terme  -,  mais  qu'il  est  plus  difficle  de  saisir.  Sur 
les  25  chefs  de  ménage  recensés  comme  étrangers  en  1831,  3  seule- 
ment déclarent  la  présence  de  catholiques  dans  le  ménage,  sans  que 
l'on  puisse  savoir  s'ils  ont  des  liens  de  parenté,  sauf  en  ce  qui  concerne 
le  marchand  William  Scott  qui  a  épousé  une  francophone  et  que  l'on 
retrouvera  plus  tard  comme  membre  du  Parti  patriote  à  côté  de  son  ami, 
l'arpenteur  Émery  Féré.  Lors  de  l'élection  contestée  de  1834,  il  s'alliera 
au  notaire  Girouard  de  Saint-Benoît  contre  John  Brown  et  Maximilien 
Globensky12.  Les  deux  autres  sont  l'agriculteur  Donald  McNaughton, 
établi  au  nord  du  village  et  dont  le  ménage  comprend  un  individu 
catholique  au  recensement,  et  le  brasseur  John  Welsted,  qui  apparaît 
comme  le  patriarche  encore  jeune  (moins  de  59  ans)  d'une  maisonnée 
de  dix  membres  qui  comprend  également  un  catholique.  Conjoint  irlan- 
dais? Canadien-français?  Servante  ou  domestique  d'origine  irlandaise  ou 
canadienne-française?  Seules  des  recherches  plus  fouillées  dans  les 
registres  d'état  civil  permettraient  de  l'établir.  Tout  ce  que  l'on  peut 
ajouter  à  ce  que  l'on  sait  déjà  par  le  recensement,  c'est  que  les  deux 
premiers  sont  propriétaires  et  que  le  troisième  est  locataire,  ce  qui, 
conjugué  à  la  présence  de  catholiques  dans  le  ménage,  laisse  soupçon- 
ner, au  moins  dans  les  deux  premiers  cas,  sinon  une  meilleure  intégra- 
tion sociale,  du  moins  une  plus  grande  ouverture  à  l'autre.  Par  ailleurs, 
on  remarque  aussi  la  présence  dans  le  village  de  deux  jeunes  chefs  de 
ménage  qui  déclarent  habiter  avec  un  enfant  ou  un  jeune  adulte  catholi- 
que de  sexe  masculin:  le  tourneur  John  Forbes  et  le  médecin  James 
Bowie  dont  la  future  épouse  figurera  plus  tard  comme  veuve  dans  le 
cadastre  abrégé  de  la  seigneurie.  Sans  doute  s'agit-il,  dans  les  deux  cas, 
de  jeunes  en  phase  d'apprentissage.  Les  données  manquent  pour  en 
juger.  Toutefois,  leur  seule  présence  dans  le  ménage  indique  des 
rapports  positifs  avec  l'autre  que  ne  semblent  pas  compromettre  les 
différences  ethniques,  pas  plus  que  dans  les  cas  précédents. 


12.  À  ce  sujet,  voir:  Relation  historique  des  événements  de  l'élection  du  comté  du  Lac 
des  Deux  Montagnes  en  1834;  Fernand  Ouellet,  Le  Bas-Canada,  1791-1840,  p.  365 
et  465. 


230 


Sans  occuper  le  même  rang  social  que  la  majorité  francophone, 
les  anglophones  du  village  semblent  appartenir  à  une  catégorie  de 
résidents  qui,  différente  de  celle  de  la  plupart  des  villageois,  n'est  pas 
non  plus  celle  des  seigneurs  et  de  ceux  qui  leur  sont  associés.  En  un 
sens,  ils  sont  peut-être  même  plus  proches  de  l'élément  francophone 
qu'il  n'y  paraît  à  première  vue,  car  si  l'on  en  juge  par  le  respect 
manifesté  à  William  Scott  (en  dépit  de  son  statut  de  gros  marchand)  et 
que  rapportent  tous  les  observateurs  du  temps,  la  vraie  différence  dans 
le  village  sera  celle  qui  opposera  les  classes  dites  «  populaires  »  aux 
représentants  de  la  «  bonne  société  »,  en  particulier  aux  seigneurs  et  à 
tous  ceux  qui  aspirent  à  le  devenir.  L'exemple  le  plus  frappant  à  cet 
égard  demeure  celui  de  la  famille  Globensky,  dont  le  rejet  par  l'autre 
société  remonte  à  bien  plus  loin  que  l'époque  des  troubles  de  1837, 
pour  se  prolonger  tard  dans  le  siècle. 

Dès  son  arrivée  à  Saint-Eustache  en  1821,  le  curé  Paquin  s'était 
d'ailleurs  fait  le  porte-parole  de  plusieurs  en  dénonçant  du  haut  de  la 
chaire  les  soirées  mondaines  auxquelles  s'adonnait  cette  bonne  société. 
Les  réactions  ne  s'étaient  pas  fait  attendre  et  le  seigneur  s'était  plaint  à 
l'évêque  des  attaques  du  curé.  Mais  la  lettre  qu'adresse  le  seigneur 
Dumont  à  Mgr  Plessis  le  10  janvier  1822  en  dit  plus  à  elle  seule  que  tous 
les  on-dit  de  la  paroisse  et  témoigne  aussi  bien  des  rapports  qui 
l'unissent  déjà  à  la  famille  Globensky  que  des  perceptions  qu'il  entretient 
à  l'égard  de  la  société  de  l'habitant: 

Permettez-moi  de  vous  écrire  afin  d'éviter  les  difficultés  que  le  curé  de 
Saint-Eustache  pourrait  s'attirer.  Vous  verrez  par  la  lettre  cy-incluse  ce 
que  ce  Monsieur  a  dit  en  pleine  chaire  [...]  Quant  à  la  Sainte-Catherine, 
cette  partie-là  ne  coûte  pas  six  piastres.  Ce  n'est  pas  pour  moi  à  mon 
âge,  on  ne  donne  pas,  mais  c'est  une  partie  de  ma  fille.  Il  est  faux  que  les 
jeunes  filles  étaient  à  nu.  Ce  n'est  jamais  dans  nos  assemblées  où  le  mal 
se  fera.  Les  parties  d'habitants,  où  il  n'y  a  qu'une  lampe  ou  une 
chandelle,  donnent  plus  d'occasion  à  la  débauche  dans  leurs  apparte- 
ments noirs.  Dans  notre  partie  il  n'y  avait  qu'Hortense  Globensky  d'une 
quinzaine  d'années  qui  avait  l'estomac  découvert,  mais  toutes  les  jeunes 
demoiselles,  le  Docteur  Labrie  et  autres  se  sont  si  bien  moqués  d'elle 
qu'il  est  sûr  qu'elle  ne  reviendra  plus  aussi  indécemment  habillée13. 

Deux  décennies  plus  tard,  les  mêmes  rapports  subsistent,  avec  le 
rôle  joué  par  Maximilien  Globensky  dans  la  rébellion  de  1837  et  l'arrivée, 


13.  Cité  par  Claude-Henri  Grignon,  «  La  vie  et  l'œuvre  du  curé  Paquin  »,  CHDM, 
numéro  hors  série,  Saint-Eustache,  été  1978,  p.  61  et  suiv.  Au  sujet  d'Hortense 
Globensky,  voir  Yvon  Globensky,  «  Globensky,  Hortense  (Prévost)  »,  DBC,  vol.  X, 
p.  335. 


231 


le  27  novembre  1841,  du  notaire  F.  E.  Globensky  comme  seul  adminis- 
trateur des  biens  de  Louis-Sévère  Dumont,  héritier  en  usufruit  pour  un 
tiers,  avec  son  frère  Charles-Louis  et  sa  sœur  Marie-Elmire,  épouse  de 
Pierre  Laviolette,  de  la  seigneurie  de  la  Rivière-du-Chêne  depuis  le  décès 
de  son  père  en  août  1835.  Par  l'acte  de  procuration  passé  devant  le 
notaire  Stephen  MacKay  (pour  ses  affaires  personnelles,  le  notaire 
Globensky  fait  appel  à  son  confrère  Cyrille  H.  Champagne),  c'est  à  lui 
désormais  qu'il  revient  de  percevoir  les  redevances  dues  au  seigneur  et 
le  produit  des  moulins  à  farine  que  celui-ci  possède  dans  le  village  et  à  la 
décharge  du  lac  des  Deux-Montagnes,  tâche  pour  laquelle  il  recevra  une 
commission  de  10  %  sur  l'ensemble  des  recettes  et  ce,  jusqu'au  décès 
de  Sévère  Dumont,  célibataire  jusqu'à  sa  mort.  Il  en  profite  pour  se 
constituer  une  rente  confortable  qui  en  fait  bientôt  l'un  des  personnages 
les  plus  riches  et  les  plus  craints  de  la  seigneurie,  d'autant  plus  qu'au 
décès  de  Charles-Louis  Lambert  Dumont,  qui  avait  épousé  une  certaine 
Rosy  Rush,  il  devient  également  tuteur  de  sa  fille  mineure,  Virginie,  dont 
il  administre  les  biens  jusqu'à  sa  majorité  en  1854.  L'année  suivante, 
celle-ci  épouse  son  neveu,  Charles-Auguste-Maximilien  Globensky,  fils 
de  Maximilien  Globensky,  à  qui  le  notaire  laissera  une  partie  de  sa 
forture  à  sa  mort,  une  dizaine  d'années  plus  tard.  Celui-ci  est  alors  âgé 
d'une  trentaine  d'années  et  possède  déjà  son  propre  bureau  de  notaire. 
Quand  Virginie  Dumont  décède  à  son  tour,  son  époux  devient  légataire 
universel  de  ses  biens,  en  vertu  d'un  testament  rédigé  quelques  années 
plus  tôt  devant  le  notaire  Champagne,  et  il  accède  ainsi  au  rang  de 
seigneur,  même  si  juridiquement  le  régime  seigneurial  est  aboli  depuis 
1854.  Il  en  conservera  le  titre  jusqu'à  sa  mort  en  1906,  après  avoir 
profité  des  rentes  (constituées)  et  des  obligations  dues  à  son  épouse14. 
Devenu  par  son  mariage  l'un  des  personnages  les  plus  importants  de 
Saint-Eustache,  il  sera  tour  à  tour  maire  du  village,  président  de  la 
commission  scolaire  et  plus  tard  député  du  comté  des  Deux-Montagnes, 
avant  de  s'associer  au  marchand  Daniel-Auguste  Plessis  Bélair  sous  la 
raison  sociale  D.A.P.  Bélair  et  Cie15.  Mais  ce  serait  se  hâter  que  de 
conclure  à  sa  parfaite  intégration  sociale,  car  à  part  les  lieux  où  il 
n'accède  souvent  que  grâce  à  ses  électeurs  -  dont  plusieurs  sont  ses 


14.  Sur  les  affaires  de  Globensky  et  ses  rapports  avec  la  famille  Dumont,  voir:  CHDM, 
numéro  hors  série,  Saint-Eustache,  été  1978;  Gilles  Bertrand,  «Analyse  des 
structures  sociales  et  des  groupes  dominants  dans  le  village  de  St-Eustache  (1850- 
1880)  ».  Voir  plus  particulièrement  les  actes  du  27  novembre  1841  et  du  26 
novembre  1842  du  greffe  du  notaire  S.  Mackay  (nos  2576  et  2638),  et  ceux  du 
7  décembre  1860  et  du  28  février  1874  du  greffe  du  notaire  C.  H.  Champagne 
(nos  298  et  3940-3941). 

15.  Voir  Gilles  Bertrand,  op.  cit.,  p.  88  et  suiv. 


232 


débiteurs  -,  il  y  en  a  beaucoup  d'autres  d'où  Globensky  sera  exclu  et, 
d'une  façon  plus  générale,  l'étranger.  En  effet,  il  existe  tout  un  ensemble 
d'organisations  ou  d'institutions  auxquelles  l'étranger  n'a  pas  accès,  soit 
à  cause  de  son  appartenance  religieuse,  soit,  s'il  est  catholique,  à  cause 
de  la  signification  qu'elles  revêtent  pour  la  société  de  l'habitant.  Nous 
n'en  donnerons  que  quelques  exemples,  en  commençant  par  la  fonction 
de  marguillier,  dont  l'étranger  est  généralement  exclu,  même  quand  il 
est  catholique  et  d'expression  française. 

De  1779  à  1831,  56  paroissiens  sont  nommés  marguilliers16.  De 
ce  nombre,  deux  seulement  sont  d'origine  étrangère:  Jean-Baptiste 
Carson  (1801),  dont  le  prénom  semble  indiquer  cependant  une  origine 
en  partie  francophone,  et  Duncan  McGillis  (1816),  dont  Henri  Masson 
dira  qu'il  «  prend  plaisir  à  participer  aux  fêtes  de  famille  de  son  jeune 
commis  »,  Joseph  Masson,  futur  seigneur  de  Terrebonne,  alors  en 
apprentissage  chez  le  marchand  en  vertu  d'un  contrat  passé  en  1807 
devant  le  notaire  Pierre-Rémy  Gagnier  de  Saint-Eustache17.  Par  la  suite, 
aucun  étranger  ne  sera  admis  à  cette  fonction  qui  restera  le  fief 
incontesté  de  la  majorité  francophone. 

La  commission  scolaire  représente  un  autre  lieu  d'où  sera  pro- 
gressivement exclu  l'étranger.  De  tous  les  commissaires  élus  entre 
1850  et  1880,  trois  seulement  sont  d'origine  étrangère:  le  tourneur  John 
Dunn  (1850-1853),  dont  la  présence  dans  le  village  est  attestée  depuis 
longtemps,  le  maître  de  poste  David  Mitchell  (1850),  et  C.-A.-M.  Globen- 
sky, qui  sera  élu  président  en  1860  en  remplacement  de  son  cousin  par 
alliance,  le  médecin  Charles  L.  de  Martigny  (1858-1860).  Tous  les  autres 
sont  d'origine  française  et  appartiennent  à  un  groupe  social  différent;  on 
y  retrouve  2  artisans,  2  journaliers,  2  marchands,  un  avocat  et  19 
agriculteurs18. 

Enfin,  la  vie  municipale  elle-même  laisse  entrevoir  certaines  exclu- 
sions, moins  nettes  il  est  vrai  que  dans  les  exemples  précédents,  mais 
réelles  et  progressives  dans  le  temps.  Du  début  des  années  1850 
jusqu'aux  années  1880,  54  citoyens  sont  élus  à  la  fonction  de  maire  et 
de  conseiller.  Huit  d'entre  eux  sont  d'origine  étrangère,  pour  des  man- 
dats qui  n'excèdent  pas  deux  ou  trois  ans,  sauf  dans  le  cas  de  C.-A.-M. 
Globensky  qui  siège  cinq  ans  (1855-1857  et  1860-1861),  et  pour  William 
Henry  Scott,  élu  une  première  fois  en  1850-1851  et  une  deuxième  fois 


16.  CHDM,  numéro  hors  série,  Saint-Eustache,  été  1978,  p.  85  et  suiv. 

17.  Henri  Masson,  Joseph  Masson,   dernier  seigneur  de  Terrebonne,    1791-1847, 
p.  13-14. 

18.  Gilles  Bertrand,  op.  cit.,  p.  49  et  suiv. 


233 


en  1870-1873.  Tous  les  autres  sont  francophones  et  surtout  artisans  (20 
sur  54  de  1848  à  1880,  en  plus  de  6  agriculteurs  dont  aucun  cependant 
ne  sera  élu  maire19),  ce  qui  étonne  quand  on  considère  le  rôle  que  joue  le 
conseil  municipal  dans  la  vie  économique  du  village.  Mais  il  est  vrai  que, 
toutes  proportions  gardées,  l'étranger  y  est  mieux  représenté  que  la 
majorité  francophone,  puisque,  de  1848  à  1860,  plus  du  quart  de  ceux 
qui  vivent  au  village  sont  appelés  à  y  participer.  Ce  n'est  que  plus  tard 
que  leur  représentation  deviendra  moins  importante. 

Toutefois,  l'accès  aux  charges  publiques  n'est  pas  significative 
quant  à  l'admission  de  l'étranger  dans  la  vie  de  la  communauté  car,  à 
côté  des  mouvements  qui  le  portent  aux  plus  hautes  fonctions,  il  en 
existe  d'autres  qui  l'excluent  des  lieux  où  se  cristallisent  les  résistances 
paysannes,  à  moins  bien  sûr  que  l'on  attende  de  sa  part  des  services 
précis.  Par  exemple,  si  l'on  retrouve  bien  des  hauts  personnages  dans 
les  bonnes  œuvres,  ce  sont  dans  des  fonctions  qui  en  disent  long  sur  le 
rôle  qu'on  leur  réserve.  En  1852,  le  curé  Moreau  songe  à  créer  une 
bibliothèque  publique.  Il  propose  alors  de  former  une  association,  L'Œuvre 
des  bons  livres,  dont  la  gérance  sera  confiée  à  un  comité  composé  d'un 
président,  d'un  vice-président,  d'un  secrétaire-trésorier,  d'un  bibliothé- 
caire et  de  dix  membres  honoraires.  Lui-même  s'impose  comme  prési- 
dent, à  côté  du  notaire  F.-E.  Globensky,  vice-président,  et  du  coseigneur 
J.-L.  de  Bellefeuille,  secrétaire-trésorier.  Parmi  les  autres  membres,  on 
retrouve  deux  notaires,  un  marchand  et  deux  artisans,  qui  sont  tous 
d'anciens  marguilliers  et  qui  agissent  tous  de  concert  avec  le  curé20. 

Mais  c'est  surtout  une  quarantaine  d'années  plus  tard,  vers  1899, 
que  les  oppositions  deviennent  les  plus  vives,  quand  il  sera  question  de 
vendre  aux  enchères  les  bancs  réservés  de  l'église.  Il  faudra  plusieurs 
assemblées  extraordinaires  et  même  une  mise  en  demeure  par  des 
avocats  francophones  de  Montréal  pour  que  C.-A.-M.  Globensky,  alors 
âgé  de  69  ans,  laisse  les  siens  à  la  fabrique,  après  avoir  perdu  par  ailleurs 
plusieurs  des  honneurs  dus  autrefois  à  son  rang.  En  bon  aristocrate 
conscient  de  son  statut,  il  riposte  quelques  années  plus  tard  (1905)  en 
offrant  à  la  fabrique  une  statue  de  saint  Eustache  destinée  à  être  placée 
sur  le  toit  de  l'église,  entre  les  deux  clochers,  afin  de  rappeler  ses  droits, 
comme  seigneur  héritier  des  Dumont,  de  prétendre  aux  titres  de  patron 
et  fondateur  de  la  paroisse.  Il  s'en  explique  dans  un  long  document 
conservé  dans  les  archives  de  la  paroisse.  Mais  ce  geste,  comme  celui 


19.  Ibid.,  p.  55-57. 

20.  Ibid,  p.  82. 


234 


qui  l'avait  amené  autrefois  à  faire  don  à  la  fabrique  de  grands  tableaux 
d'histoire  religieuse  où  lui-même  et  son  épouse  figuraient,  ne  fit  qu'atti- 
ser le  mépris  populaire  qui  l'excluait  encore  un  peu  plus  de  la  com- 
munauté villageoise21. 

Cette  attitude  de  Globensky  n'a  rien  d'unique.  On  la  retrouve  chez 
beaucoup  de  seigneurs  qui;  imbus  de  leurs  droits,  exigent  qu'on  leur 
rende  les  honneurs  dus  à  leur  rang.  Nicolas-Eustache  Lambert  Dumont, 
titulaire  de  la  seigneurie  de  la  Rivière-du-Chêne,  et  Jacques-Janvier- 
Domptail  Lacroix,  titulaire  de  la  seigneurie  voisine  de  Blainville  en  sont 
des  exemples.  Tous  deux  étaient  convaincus  que  leurs  antécédents 
familiaux  et  leur  condition  de  seigneurs  leur  conféraient  naturellement 
sur  les  colons  des  pouvoirs  qui  n'étaient  pas  inférieurs  à  ceux  de  l'Église 
catholique.  Lacroix  ira  même  jusqu'à  menacer  le  curé  de  Sainte-Thérèse 
et  un  marguillier  d'un  procès  retentissant  pour  crime  de  lèse-majesté, 
après  s'être  vu  refuser  la  prière  publique  lors  de  sa  première  apparition  à 
l'église.  L'affaire  avait  commencé  au  moment  où  Lacroix,  qui  venait 
d'hériter  d'une  partie  des  droits  de  la  seigneurie,  était  venu  réclamer  des 
censitaires  les  arrérages  dus  à  son  père  et  exiger  du  curé  de  l'endroit, 
Charles-Joseph  Ducharme,  les  honneurs  dus  à  son  titre.  Plusieurs  censi- 
taires avaient  alors  différé  le  paiement  de  leurs  rentes,  pendant  que  le 
curé  profitait  de  la  première  apparition  du  seigneur  à  l'église  pour 
supprimer  son  prône,  afin  d'éviter  de  prier  publiquement  pour  le  nou- 
veau seigneur  et  son  épouse.  Furieux  de  cet  affront,  Lacroix  avait  riposté 
en  demeurant  debout  du  sanctus  à  la  communion  plutôt  que  de  s'age- 
nouiller comme  l'avait  demandé  le  curé  Ducharme,  conformément  au 
rituel  de  Mgr  de  Saint-Vallier.  Un  marguillier,  Martin  Gratton,  avait  bien 
tenté  mais  en  vain  de  faire  respecter  l'usage.  L'office  terminé,  Lacroix 
était  sorti  de  l'église,  chapeau  sur  la  tête,  en  proférant  sa  menace. 
L'affaire  dura  trois  ans,  au  terme  desquels  le  fougueux  seigneur  finit  par 
retirer  son  action.  Par  la  suite,  ses  rapports  avec  le  curé  et  la  population 


21.  Il  faut  dire  que  la  personnalité  de  Globensky  n'était  pas  de  tout  repos,  même  pour 
ses  proches.  Déjà,  à  l'été  de  1862,  il  avait  adressé  une  sommation  à  sa  belle-sœur, 
Marie-Elmire  Dumont,  veuve  de  Pierre  Laviolette,  pour  lui  interdire  de  construire  un 
moulin  à  scie  sur  le  bord  de  la  rivière,  lequel  aurait  nui  au  «  pouvoir  d'eau  »  que 
celui-ci  possédait  au  village,  conjointement  avec  son  épouse,  Virginie  Dumont.  Il  alla 
même  jusqu'à  la  menacer  d'exiger  le  paiement  de  tout  dommage  que  le  projet 
pourrait  causer.  L'affaire  avait  fini  par  se  régler,  non  sans  avoir  provoqué  toutes 
sortes  de  tensions  familiales.  En  outre,  il  avait  publié  un  ouvrage  en  1883,  réédité  et 
augmenté  en  1889,  pour  rétablir  la  mémoire  de  son  père  qui  avait  levé  une 
compagnie  de  miliciens  contre  les  patriotes  en  1837.  L'œuvre  avait  suscité  une 
violente  polémique  dans  le  village  et  les  journaux  du  temps,  où  Globensky  s'était 
violemment  opposé  à  L.  0.  David  notamment,  l'un  de  ses  plus  farouches  contradic- 
teurs. Voir:  Gilles  Bertrand,  op.  cit..  p.  85-86;  Jean-Pierre  Gagnon,  «  La  rébellion  de 
1837  à  Saint-Eustache  »,  dans  Maurice  Lemire  (dir.),  DOLQ,  tome  I,  p.  624-626. 


235 


furent  un  peu  plus  cordiaux,  mais  sans  que  le  seigneur  ne  bénéficie  du 
respect  auquel  son  père  avait  eu  droit22. 

De  tout  ce  qui  précède  se  dégagent  trois  constats  qui  peuvent 
nourrir  autant  de  propositions  quant  aux  comportements  de  l'étranger 
dans  le  village.  En  milieu  rural,  le  village,  même  majoritairement  franco- 
phone, représente  aux  yeux  de  l'étranger  un  milieu  qui  attire,  d'abord 
parce  que  c'est  là  que  se  font  les  affaires,  ensuite  parce  qu'on  y  trouve 
de  meilleures  occasions  d'ascension  sociale.  En  outre,  dans  le  bourg  où 
il  est  présent,  l'étranger  tend  spontanément  à  s'associer  aux  groupes 
sociaux  dominants  et  à  occuper  les  aires  prestigieuses  du  village, 
notamment  la  Grande  Rue  où  il  peut  plus  facilement  côtoyer  les  notables 
et  s'intégrer  à  leur  groupe.  Enfin,  les  mécanismes  par  lesquels  s'effec- 
tue cette  admission  valorisent  surtout  le  mariage,  préparé  souvent  par 
de  longues  relations  d'affaires,  mais  sans  qu'il  entraîne  nécessairement 
la  totale  intégration  de  l'étranger  dans  la  communauté  villageoise,  qui 
n'advient  qu'à  quelques  rares  individus  dotés  d'une  personnalité  particu- 
lièrement attachante.  Autrement  dit,  et  avec  toutes  les  nuances  propres 
aux  êtres  et  aux  époques,  on  sent  bien  que  l'étranger  dans  le  village  est 
d'abord  celui  qui  appartient  à  une  autre  catégorie  sociale.  Ensuite  seule- 
ment intervient  le  facteur  ethnique.  Toutefois,  il  est  significatif  de  noter 
que,  même  dans  les  cas  de  proximité  sociale,  l'intégration  reste  aléa- 
toire, compte  tenu  de  ce  qui  sépare  les  univers  de  chacun. 

Parce  que  l'exemple  retenu  concerne  un  village  où  évoluent  des 
groupes  d'anglophones  et  des  étrangers  de  religion  catholique,  on  peut 
se  demander  comment  se  présente  la  situation  pour  d'autres  groupes 
ethniques,  les  juifs  notamment  ou  les  francophones  qui  habitent  des 
villages  anglophones.  Les  données  manquent  pour  en  juger.  Peut-être 
les  comportements  sont-ils  les  mêmes  ou  à  tout  le  moins  similaires, 
peut-être  sont-ils  entièrement  différents.  Seules  des  études  de  cas 
permettraient  d'en  juger,  à  la  condition  qu'elles  distinguent  entre  les 
diverses  catégories  sociales,  car  l'ethnie  seule  ne  définit  jamais  complè- 
tement l'étranger.  C'est  à  la  notion  de  territorialité23  qu'il  faudrait  plutôt 
se  reporter  pour  tenter  de  l'appréhender  car,  selon  que  l'on  partage  ou 
non  les  attitudes  et  les  valeurs  de  l'autre,  on  est  plus  facilement  admis 


22.  Sur  ces  deux  seigneurs,  voir:  W.  Stanford  Reid  et  collab.,  «  Lambert  Dumont, 
Nicolas-Eustache  »,  DBC,  vol.  VI,  p.  423-426;  Serge  Courville,  «  Lacroix,  Janvier- 
Domptail  »,  DBC,  vol.  VIII,  p.  532-534. 

23.  Sur  la  notion  de  territorialité,  voir:  Serge  Courville,  «  Une  territorialité  oubliée», 
CGQ,  28(73-74),  1984,  p.  5-7;  Claude  Raffestin  et  Mercedes  Bresso,  Travail, 
espace,  pouvoir;  Claude  Raffestin,  Pour  une  géographie  du  pouvoir;  Robert  D. 
Sack,  Human  Territoriality,  its  Theory  and  History. 


236 


ou  exclu  de  ses  réseaux  de  relations;  le  facteur  ethnique  n'intervient  ici 
que  pour  introduire  des  nuances  dans  les  degrés  d'insertion  et  d'exclu- 
sion. Par  ailleurs,  rien  ne  dit  que,  pour  certains  groupes  sociaux,  l'étran- 
ger n'est  pas  recherché,  soit  parce  qu'il  permet  d'éviter  l'isolement  au 
sein  de  la  communauté  d'origine,  ce  qui  guette  bien  des  seigneurs  qui 
rejettent  les  valeurs  de  l'habitant,  soit  parce  qu'il  symbolise  la  culture  à 
laquelle  on  souhaite  appartenir,  parce  que  la  sienne  propre  paraît  moins 
intéressante,  ce  qui  est  le  cas  de  plusieurs  notables  qui  aspirent  à  un 
raffinement  qui  ne  peut  venir  que  d'ailleurs. 

Quoi  qu'il  en  soit,  ce  qu'il  faut  surtout  retenir  de  cette  présence 
étrangère  dans  le  village,  c'est  qu'elle  fait  du  bourg  un  lieu  important  de 
voisinage  entre  des  populations  d'origines  diverses.  Il  n'en  faudra  pas 
plus  pour  qu'il  devienne  également  un  lieu  d'apprentissage  de  la  vie  avec 
l'autre,  ce  qui  entraîne  sans  doute  des  tensions  et  des  conflits,  mais 
aussi  des  échanges  multiples  où  la  population  est  mise  en  contact  avec 
de  nouvelles  façons  d'être,  d'agir  et  de  ressentir.  C'est  peut-être  en  ce 
sens  surtout  que  le  village  a  été  une  école  de  vie,  sur  le  plan  non 
seulement  économique  et  social,  mais  aussi  culturel.  Aux  valeurs  ancien- 
nes qui  s'affermissent,  s'en  ajoutent  de  nouvelles  qui  finiront  par  susci- 
ter de  nouveaux  comportements  et  de  nouveaux  consensus. 

LES  RYTHMES  ET  LES  CYCLES  DE  VIE 

Si  l'on  fait  exception  des  difficultés  énoncées  plus  haut,  la  vie 
dans  les  bourgs  se  déroule  sans  perturbations  majeures,  favorisée  par 
les  volontés  civiles  et  religieuses  de  réglementer  la  vie  collective  en  vue 
de  l'accorder  aux  principes  d'ordre  qui  caractérisent  les  sociétés  civili- 
sées. Le  déroulement  des  activités  quotidiennes,  le  calendrier  religieux, 
le  cycle  des  événements  récurrents  en  sont  autant  d'aspects.  Leur 
régularité  trace  les  contours  d'un  genre  de  vie  nouveau  qui,  sans  être 
encore  celui  des  villes,  n'est  déjà  plus  celui  de  la  campagne. 

La  journée  commence  en  général  assez  tôt,  avec  le  lever  du  soleil 
et  même  avant,  et  ne  se  termine  que  tard  le  soir.  Dès  l'aube,  la  Grande 
Rue  s'anime,  éveillée  par  le  bruit  des  attelages  et  des  charrettes.  Puis 
viennent  les  premiers  piétons  qui  se  rendent  à  l'église  ou  au  travail.  Une 
ou  deux  fois  la  semaine,  on  va  au  marché  dont  les  éventaires,  déjà  en 
place,  attendent  les  acheteurs.  D'autres  vont  chez  le  médecin  ou  le 
notaire,  dont  c'est  aussi  la  tâche  de  visiter  le  malade  ou  le  mourant. 
D'autres  encore  ont  affaire  à  la  forge  ou  chez  un  quelconque  artisan. 
Comme  ces  gens  de  métier  disposent  généralement  d'un  atelier  cons- 
truit à  même  leur  résidence  -  au  rez-de-chaussée  habituellement  -  ou 


237 


à  proximité  de  celle-ci,  c'est  autour  de  points  bien  précis  comme  le 
bureau  de  poste  ou  le  relais  de  diligence  que  le  village  s'éveille.  Puis 
vient  la  pause  du  midi  que  certains  font  à  la  maison  ou  sur  les  lieux 
mêmes  du  travail.  Après,  tout  recommence  jusqu'au  crépuscule.  La 
plupart  rentrent  chez  eux  pour  la  nuit;  d'autres,  moins  nombreux,  vont 
d'abord  à  l'auberge. 

Ce  déroulement  des  activités  quotidiennes  est  surtout  caractéris- 
tique de  la  belle  saison  et  des  beaux  jours.  Par  mauvais  temps,  il  accuse 
un  ralenti  que  le  froid,  la  neige  et  le  raccourcissement  du  jour  accentuent 
durant  l'hiver.  En  outre,  selon  la  situation  géographique  du  village, 
d'autres  facteurs  peuvent  le  modifier.  Dans  l'est  du  Bas-Canada  par 
exemple,  le  cycle  des  marées  et  les  conditions  de  navigation  sur  le 
fleuve  dictent  la  vie  de  bien  des  bourgs  riverains,  en  fixant  les  horaires 
des  pêcheurs,  des  membres  d'équipage,  des  commerçants  et  des 
ouvriers  du  quai  ou  du  port.  Ailleurs,  la  présence  toute  proche  d'une 
ressource,  la  forêt  par  exemple,  rythme  la  vie  des  hameaux  où  les 
activités  de  transport  dominent,  avec  le  travail  au  chantier  ou  au  moulin. 
Mais  ces  facteurs  sont  également  des  occasions  de  réjouissances, 
quand  par  exemple,  après  un  dur  hiver,  la  circulation  reprend  sur  le 
fleuve  ou  qu'on  peut  enfin  descendre  à  la  ville  ou  dans  quelque  gros 
bourg. 

Rythmé  par  le  cycle  des  activités  économiques,  le  bourg  l'est 
aussi  par  le  calendrier  liturgique.  Au  Québec,  ce  dernier  s'est  imposé 
avec  d'autant  plus  de  force  que  la  présence  de  l'Église  catholique  est 
ancienne  et  très  souvent  associée,  on  l'a  vu,  à  l'origine  du  village.  En 
outre,  depuis  le  début  des  années  1830,  celle-ci  a  bénéficié  de  gains 
législatifs  importants  qui  lui  ont  permis  de  récupérer  son  emprise  sur  les 
questions  temporelles24.  L'Église  missionnaire  du  début  s'est  territoriali- 
sée  et  elle  est  devenue  une  Église  de  paroisse,  pour  ne  pas  dire  de 
village,  plus  directement  établie  au  sein  des  populations  locales.  Sans 
doute  éprouve-t-elle  encore  des  difficultés  à  s'imposer,  qui  lui  font 
regretter  la  place  qu'elle  avait  sous  le  Régime  français.  Mais  à  l'époque, 
elle  est  implantée  presque  partout  et  contribue,  par  son  enseignement, 
sa  surveillance  constante  de  la  morale  et  surtout  son  calendrier  liturgi- 
que, à  la  définition  des  cycles  de  vie. 

Au  total,  l'année  religieuse  compte  près  d'une  centaine  de  diman- 
ches et  de  fêtes  consacrées  à  Dieu.  Chaque  semaine,  il  faut  réserver 


24.  À  ce  sujet,  voir  Serge  Courville  (dir.),  Jacques  Crochetière,  Philippe  Desaulniers  et 
Johanne  Noël,  Paroisses  et  municipalités  de  la  région  de  Montréal  au  XIXe  siècle 
(1825-1861)  [...]. 


238 


une  journée  au  repos  dominical  :  les  fidèles  ont  l'obligation  d'assister  à  la 
messe  et  de  s'abstenir  de  tâches  serviles.  En  hiver,  on  fête  Noël  et  le 
Jour  de  l'an,  qu'aura  précédés  le  temps  de  l'avent  (quatre  semaines  de 
jeûne  et  d'abstinence);  au  printemps,  on  fête  Pâques,  qu'une  période 
semblable  de  pénitence  aura  encore  préparée  (le  carême,  qui  dure  40 
jours).  Puis  viendra  le  temps  du  catéchisme  et  de  la  première  com- 
munion, celui  des  rogations  et,  plus  tard,  de  la  bénédiction  des  récoltes, 
que  prolongeront  diverses  autres  fêtes,  tant  religieuses  que  profanes  :  la 
Toussaint,  le  jour  des  Morts,  le  Mardi  gras,  etc. 

Enfin,  parce  qu'elle  se  reconnaît  également  un  rôle  sur  le  plan 
social,  l'Église  contribue  à  rythmer  les  loisirs  qu'elle  organise  et  encadre 
à  l'aide  de  ses  bonnes  œuvres.  Dans  les  gros  bourgs  et  les  bourgs 
urbains,  cela  se  traduira  par  l'apparition  de  clubs,  de  confréries,  d'asso- 
ciations diverses,  de  charité  ou  autres,  parrainés  par  les  notables  et  qui 
auront  tous  leur  calendrier  de  rencontres25.  C'est  le  cas,  par  exemple,  de 
L'Œuvre  des  bons  livres,  créée  pour  faire  obstacle  aux  idées  jugées 
dangereuses.  Apparue  en  France  au  début  des  années  1820,  elle  gagnera 
Montréal  quelque  20  ans  plus  tard,  avant  de  se  répandre  à  la  campagne, 
à  Saint-Eustache  notamment,  où  le  curé  Moreau  l'implante  vers  le  milieu 
du  siècle. 

Quant  aux  autres  facteurs  qui  rythment  ou  particularisent  la  vie  du 
village,  ils  sont  plus  variables.  Les  uns  renvoient  aux  solidarités  d'origine 
de  la  population  locale  qui  favorisent  les  veillées  et  la  venue  périodique 
de  parents  et  d'amis  établis  ailleurs  sur  le  territoire,  les  autres  à  des 
événements  plus  ponctuels  qui  découlent  de  la  vocation  du  bourg  ou 
des  villages  voisins,  ou  sur  lesquels  la  population  n'a  aucun  pouvoir.  Tel 
village,  par  exemple,  emplacement  d'une  importante  cour  de  district, 
aura  un  calendrier  marqué  par  celui  de  cette  cour.  Tel  autre,  voisin  d'un 
chantier  naval  important,  tiendra  compte  des  lancements  de  navires.  Les 
événements  douloureux  sont  heureusement  plus  rares,  mais  ils  susci- 
tent une  grande  anxiété,  surtout  quand  il  s'agit  d'un  crime,  d'un  feu,  d'un 
tremblement  de  terre  ou  d'une  invasion  de  chenilles  ou  de  sauterelles. 

Quant  au  reste,  il  suffit  de  rappeler  que  la  vie  du  bourg  s'exprime 
avant  tout  dans  des  processus  plutôt  que  dans  des  situations.  Rien  n'est 
statique,  mais  dynamique.  La  vie  familiale,  l'organisation  du  travail,  les 
échanges  entre  voisins  engendrent  des  systèmes  complexes  et  enche- 
vêtrés de  relations  qui  favorisent  la  formation  de  réseaux  privilégiés 


25.  À  ce  sujet,  voir  Brigitte  Caulier,  «  Les  confréries  de  dévotion  à  Montréal,  17e-19e 
siècles  ». 


239 


d'entraide  et  de  voisinage.  Ces  réseaux  pourront  être  fermés  ou  ouverts, 
selon  les  individus  ou  les  groupes  qui  les  composent.  Mais  si  l'on 
observe  parfois  des  tensions  ou  des  intolérances,  il  existe  aussi  des 
sensibilités  nouvelles  qui  tempèrent  l'effet  de  ces  tensions.  En  effet,  au 
milieu  du  XIXe  siècle,  la  vie  dans  les  bourgs  est  suffisamment  organisée 
pour  que  l'on  puisse  y  distinguer  des  modes  de  vie  différents  de  ceux 
que  l'on  rencontre  ailleurs  sur  le  territoire,  tant  dans  les  vieilles  paroisses 
riveraines  qu'en  milieu  pionnier.  Sans  être  comparables  aux  villes,  ceux- 
ci  s'en  rapprochent  suffisamment  pour  que  l'on  puisse  y  déceler  les 
germes  de  comportements  futurs.  Ils  prépareront  de  loin  la  montée  vers 
la  ville.  Plus  tard,  quand  des  populations  quitteront  le  village,  elles  se 
dirigeront  tout  naturellement  vers  des  milieux  urbanisés,  comme  s'ils 
étaient  les  seuls  à  pouvoir  prolonger  les  anciens  lieux  de  résidence  et  en 
garantir  les  promesses.  En  ce  domaine  comme  en  d'autres,  la  réalité  est 
plus  nuancée  ;  s'il  y  a  des  similitudes  entre  le  village  et  la  ville,  il  y  a  aussi 
d'énormes  distinctions  attestées  par  des  cycles  et  des  rythmes  de  vie  et 
de  travail  différents,  et  des  modes  de  rapports  humains  variés. 


240 


Conclusion 


VILLAGE,  ECONOMIE  ET  SOCIÉTÉ 

Dans  sa  vision  de  l'économie  et  de  la  société  au  Bas-Canada,  lord 
Durham  a  porté  un  jugement  sévère  que  partageront  plus  tard  bien  des 
observateurs  convaincus  comme  lui  de  l'infériorité  économique  des 
Canadiens  français: 

Along  the  alluvial  banks  of  the  St.  Lawrence,  and  its  tributaries,  they  hâve 
cleared  two  or  three  strips  of  land,  cultivated  them  in  the  worst  method 
of  small  farming,  and  established  a  séries  of  continuous  villages,  which 
give  the  country  of  the  seigniories  the  appearance  of  a  never  ending 
street.  Besides  the  cities  which  were  the  seats  of  government,  no  towns 
were  established  ;  the  rude  manufacture  of  the  country  were,  and  still 
are,  carried  on  in  the  cottage  by  the  family  of  the  habitant;  and  an 
insignificant  proportion  of  the  population  derived  their  subsistence  from 
the  scarcely  discernible  commerce  of  the  province1. 

Pas  de  villes  autres  que  Québec,  Montréal,  Trois-Rivières,  pas  de 
manufactures  sinon  un  artisanat  domestique,  peu  de  commerce,  tout 
juste  une  petite  agriculture  pratiquée  du  reste  selon  des  méthodes 
ancestrales,  la  pire  qui  soit  en  pays  civilisé,  comme  l'avait  déjà  dit 
Murray  au  milieu  du  XVIIIe  siècle. 

Cette  image,  ce  paradigme  en  fait,  résiste  mal  à  la  critique.  Il  ne 
s'agit  pas  de  nier  ici  les  malaises  auxquels  doit  faire  face  le  monde  rural 
québécois  durant  la  première  moitié  du  XIXe  siècle.  Ceux-ci  sont  connus  : 
forte  croissance  démographique  qui  accentue  la  pression  sur  les  res- 
sources, accidents  climatiques  qui  compromettent  les  récoltes  et  les 
rendements  de  l'agriculture,  épidémies,  troubles  politiques  importants, 
etc.  Toutefois,  il  serait  exagéré  de  croire  que  ces  difficultés  aient  été  la 
cause  d'une  détérioration  générale  de  l'économie,  elle-même  enracinée 
dans  une  profonde  crise  agricole.  «  Malaise  »  ne  signifie  pas  nécessaire- 
ment «  crise  »,  au  sens  d'un  bouleversement  profond  des  structures 


1.  Cité  dans  C.  P.  Lucas  (éd.),  Lord  Durham's  Report  on  the  Affairs  of  British  North 
America,  vol.  Il,  p.  29.  Sur  la  pensée  de  Durham,  voir  Janet  Ajzenstat,  The  Political 
Thought  of  Lord  Durham. 


241 


économiques  et  sociales.  Si  la  société  se  transforme  alors,  c'est  beau- 
coup plus  dans  le  sens  d'une  adaptation  générale  au  changement  que 
comme  un  retour  à  des  formes  primitives  de  rapport  à  la  terre,  ce  qui  en 
fait  une  société  normale,  soumise  sans  doute  à  bien  des  contraintes, 
mais  traversée  aussi  par  des  courants  de  modernité  qui  l'informent  et 
l'entraînent. 

Le  village  au  Québec  est  l'un  des  signes  de  cette  adaptation. 
Apparu  tôt  sous  le  Régime  français,  il  ne  connaîtra  sa  véritable  croissance 
qu'au  XIXe  siècle,  avec  l'augmentation  de  la  population  et  les  progrès  de 
la  colonisation.  En  1760,  on  ne  compte  encore  qu'une  vingtaine  de 
villages  sur  le  territoire  observé,  établis  pour  la  plupart  dans  le  domaine 
personnel  des  seigneurs  ou  dans  ses  environs  immédiats.  À  la  fin  du 
siècle,  il  y  en  a  une  trentaine,  qui  introduisent  des  renflements  nouveaux 
dans  le  paysage  aligné  des  côtes.  Par  la  suite,  la  situation  évolue 
rapidement.  En  moins  d'une  génération,  de  1815  à  1851,  la  campagne 
vit  une  conversion  essentielle:  le  nombre  de  bourgs  se  multiplie  par  six, 
pendant  que  celui  des  moulins  et  des  fabriques  se  multiplie  par  quatre, 
avec  un  élan  plus  marqué  dans  les  deux  cas  de  1815  à  1830.  Le  nombre 
des  gros  bourgs  s'accroît  et  celui  des  hameaux  explose.  Tandis  que  se 
multiplient  les  zones  riches  en  industries  rurales,  l'arrière-pays  sei- 
gneurial est  conquis  et  le  territoire  quadrillé  d'un  réseau  de  chemins  qui 
repousse  toujours  plus  loin  les  limites  de  l'écoumène  tout  en  donnant 
une  vue  sur  le  fleuve  aux  localités  de  l'intérieur. 

Plusieurs  facteurs  expliquent  cette  évolution  :  l'augmentation  de 
population,  qui  porte  les  effectifs  de  335  000  habitants  en  1815  à  près 
du  double  en  1850,  la  croissance  générale  de  l'économie  de  marché, 
que  stimulent  de  nouveaux  courants  d'échange,  et  les  initiatives  person- 
nelles de  certains  seigneurs,  marchands,  capitaines  d'industrie  ou  pay- 
sans aisés  qui  voient  dans  le  village  une  occasion  de  rentabiliser  leurs 
avoirs  fonciers  et  forestiers.  Dans  l'espace,  cela  se  traduit  par  des 
concentrations  nouvelles  de  population  qui  entraînent  une  parcellisation 
accrue  du  patrimoine  foncier  dans  le  voisinage  immédiat  des  bourgs2. 
Les  anciens  villages  s'épaississent  pendant  que  de  distance  en  distance 
de  nouveaux  bourgs  apparaissent,  accrochés  aux  rives  d'un  cours  d'eau 
ou  à  un  carrefour.  Dès  1830,  on  compte  plus  de  46  000  habitants  dans 
les  noyaux  villageois.  Vingt  ans  plus  tard,  on  en  compte  plus  de  86  000 
répartis  dans  quelque  300  agglomérations. 


2.  A  ce  sujet,  voir  Serge  Courville.  «  Villages  and  Agriculture  in  the  Seigneuries  of 
Lower  Canada.  Conditions  of  A  Comprehensive  Study  of  Rural  Québec  in  the  First 
Half  of  the  Nineteenth  Century  »,  CPRH,  V,  1986,  p.  121-149. 


242 


En  moyenne,  cette  population  représente  entre  le  cinquième  et  le 
quart  de  la  population  qui  vit  à  la  campagne.  Composée  d'abord  en 
majorité  d'hommes,  puis  de  femmes,  elle  se  situe  démographiquement 
à  mi-chemin  entre  la  population  urbaine  et  la  population  rurale  agricole  et 
comprend  un  nombre  impressionnant  de  jeunes  enfants  et  de  jeunes 
adultes  dont  une  bonne  part  vivent  en  couple,  entre  autres  dans  l'île  de 
Montréal  où  la  proportion  de  jeunes  couples  est  toujours  plus  élevée 
dans  les  bourgs  que  dans  la  campagne  environnante3.  Mais  elle  com- 
prendra aussi  un  certain  nombre  de  rentiers  et  de  personnes  âgées  dont 
la  part,  d'abord  restreinte,  s'accroîtra  avec  le  temps. 

De  tous  les  chefs  de  ménage  recensés  comme  résidents  des 
bourgs,  une  partie  seulement  s'occupe  d'agriculture;  comme  le  village 
alors  est  surtout  un  lieu  d'activités  qui  n'ont  pas  trait  à  la  culture  du  sol, 
la  plupart  de  ses  habitants  s'orientent  vers  de  nouvelles  professions. 
Selon  la  date  de  recensement,  la  région  et  le  village  observés,  on  pourra 
compter  jusqu'à  la  moitié,  parfois  plus,  des  chefs  de  ménage  engagés 
dans  la  fabrication,  la  construction,  le  transport  et  les  services,  et 
jusqu'au  quart  ou  au  tiers  qui  se  déclarent  journaliers.  Les  autres  sont 
représentés  par  les  membres  du  clergé  et  les  notables,  toujours  plus 
nombreux  dans  les  régions  agraires  que  dans  les  aires  d'industries 
rurales. 

Villages-rue,  villages  en  tas,  petits  bourgs  agraires,  gros  bourgs 
urbains,  petits  bourgs  industriels,  places  de  commerce,  bourgs  de  servi- 
ces, le  paysage  est  extrêmement  varié.  Comme  ces  bourgs  ne  sont  pas 
tous  de  même  taille,  il  en  résulte  un  réseau  hiérarchisé  d'agglomérations 
qui  traduit  une  organisation  nouvelle  des  espaces  régionaux,  autour  de  la 
ville  d'abord,  puis  des  bourgs  urbains  et  des  gros  bourgs  qui  en  sont  les 
relais  principaux. 

Tout  cela  aura  des  conséquences  majeures  sur  l'agriculture,  que 
l'historiographie  ancienne  a  vue  pendant  longtemps  comme  une  activité 
de  subsistance  insensible  au  marché,  devenue  avec  le  temps  le  refuge 
de  tout  un  peuple  qui  vivait  le  dos  tourné  aux  échanges.  L'évolution 
récente  de  la  recherche  a  montré  les  limites  de  cette  interprétation,  qui 
néglige  bien  des  facteurs.  Les  seuls  paramètres  retenus  pendant  long- 
temps pour  juger  de  l'évolution  de  cette  activité  dans  les  paroisses 
seigneuriales  ont  été  des  éléments  externes,  c'est-à-dire  l'évolution  des 
exportations  sur  le  marché  international.  Utiles  pour  comprendre  les 


3.  À  ce  sujet,  voir  Gen-Histo,  Montréal  en  1825  d'après  le  recensement  fait  par 
Jacques  Viger  et  Louis  Guy,  p.  162-163.  Données  aimablement  transmises  par 
Pierre  Tousignant,  du  Département  d'histoire  de  l'Université  de  Montréal. 


243 


liens  qui  unissent  alors  la  vallée  du  Saint-Laurent  au  monde  extérieur, 
ces  critères  le  sont  beaucoup  moins  pour  saisir  les  dynamismes  internes 
de  l'agriculture  et  ses  rapports  avec  les  marchés  locaux  et  régionaux.  Or, 
à  l'époque,  ces  marchés  sont  en  pleine  expansion,  en  raison  d'abord 
d'un  développement  urbain  qui  s'accélère,  puis  d'une  croissance  similaire 
des  bourgs  et  des  industries  rurales  qui  représentent  également  un 
débouché  pour  la  production  agricole. 

Ce  nouveau  contexte  explique,  mieux  que  l'hypothèse  malthu- 
sienne des  pressions  démographiques  sur  les  ressources,  les  réorienta- 
tions générales  de  l'agriculture  qui,  encore  «  spécialisée  »  qu'elle  était  à 
la  fin  du  XVIIIe  siècle  alors  que  le  blé  représentait  plus  des  trois  quarts  de 
la  récolte,  devient  de  plus  en  plus  diversifiée.  Il  l'explique  d'autant  mieux 
que  cette  évolution  n'est  pas  étendue  à  tout  le  territoire.  Au  contraire, 
elle  correspond  aux  endroits  où  sont  situés  les  bourgs  et  les  industries 
rurales,  comme  si  leur  poussée  devenait  un  facteur  local  de  croissance 
pour  l'agriculture.  À  l'échelle  régionale,  elle  avantage  surtout  la  plaine  de 
Montréal  et  son  prolongement  immédiat,  le  pourtour  du  lac  Saint-Pierre, 
ainsi  que  les  environs  des  villes  et  les  axes  de  pénétration  vers  l'inté- 
rieur. À  l'échelle  locale,  elle  favorise  le  pays  riverain,  c'est-à-dire  les 
fronts  de  seigneuries  et  les  petites  vallées-plaines,  à  moins  qu'une 
ressource  locale  particulièrement  riche  ne  vienne  stimuler  la  croissance 
d'un  établissement  intérieur  plus  dynamique. 

Jusqu'au  paysage  qui  en  est  transformé  par  l'apparition,  autour 
des  bourgs  et  des  chaînes  de  bourgs,  d'aires  fortement  intégrées  où 
population,  agriculture,  marché  et  industries  entretiennent  des  liens  très 
divers.  Ce  sont  les  lignes  de  force  du  monde  rural,  les  axes  par  lesquels 
la  ville  pénètre  la  campagne  et  inversement.  Zones  de  densité,  ce  sont 
aussi  des  aires  d'intensité,  marquées  par  une  plus  grande  monétarisa- 
tion  des  rapports  humains.  Là,  la  population  est  toujours  plus  nombreuse, 
la  propriété  plus  bourgeoise  et  l'agriculture  plus  intensive.  Au-delà,  la 
campagne  est  moins  pleine  et  les  terroirs  sont  moins  fragmentés. 
L'intégrité  des  terres  est  maintenue  grâce  à  l'exclusion  des  enfants  au 
moment  du  mariage,  qui  gagnent  alors  les  fronts  pionniers  ou  les  zones 
d'habitat  plus  dense,  dans  l'espoir  d'y  trouver  de  l'emploi.  Aussi  ces 
terroirs  deviennent-ils  vite  des  bassins  de  main-d'œuvre  pour  les  aires  de 
villages  et  d'industries  rurales.  En  même  temps,  ils  sont  vivifiés  par 
elles,  grâce  à  un  marché  qui  supplée  à  celui  des  villes.  Et  pendant  que  se 
nouent  ainsi  des  rapports  de  réciprocité  entre  les  deux  zones,  de 
nouveaux  établissements  sont  créés,  qui  seront  bientôt  insérés  dans  le 
faisceau  de  relation  des  premiers. 


244 


Fait  géographique,  le  village  est  donc  aussi  un  fait  de  civilisation, 
qui  révèle  les  rapports  nouveaux  qui  s'établissent  entre  la  ville  et  la 
campagne  et  qui  marquent  en  profondeur  la  socio-économie  du  monde 
rural.  Lieu  de  cristallisation  de  la  population  qui  vit  à  la  campagne,  il  est 
un  lieu  fort  de  sociabilité,  de  circulation  et  d'échange  qui  en  font  un  pôle 
privilégié  de  la  vie  de  relation.  Comme  la  ville,  mais  à  un  degré  moindre, 
il  est  un  lieu  d'influences  diverses,  où  se  rencontrent  et  s'affrontent 
divers  groupes  sociaux;  comme  elle,  il  est  un  lieu  d'inclusion  et  d'exclu- 
sion; et  comme  elle,  il  fabrique  la  modernité  en  même  temps  qu'il  est 
façonné  par  elle.  Il  est  à  la  fois  un  moteur  et  un  indicateur:  il  provoque  et 
signale  le  changement,  il  en  est  aussi  la  conséquence.  Surtout,  il  est  un 
lieu  d'apprentissage  du  travail  et  de  la  vie  urbaine,  ce  qui  en  fait  un 
passage  naturel  vers  le  monde  citadin,  une  sorte  d'étape  dans  la 
structuration  du  phénomène  urbain. 

Le  village,  prélude  à  la  ville  !  L'hypothèse  est  séduisante,  notam- 
ment pour  le  corridor  riverain  où  les  bourgs  paraissent  toujours  mieux 
nantis  que  les  autres,  en  dépit  de  rythmes  de  croissance  parfois  moins 
rapides.  Elle  l'est  d'autant  plus  que  si  le  village  dérive  de  la  campagne,  la 
ville  naît  très  souvent  du  village.  En  fait,  au  Québec,  des  nuances 
s'imposent,  car  il  y  a  eu  ici  deux  «  niveaux  »,  deux  strates  d'urbanité, 
accordée  l'une  à  la  logique  des  rapports  avec  l'extérieur,  l'autre  à  la  vie 
locale  de  relation.  En  effet,  contrairement  à  ce  qui  s'est  produit  dans 
plusieurs  contrées  du  monde,  les  principales  agglomérations  urbaines 
dans  la  vallée  du  Saint-Laurent  (Montréal,  Québec,  Trois-Rivières)  ne 
sont  pas  nées  du  village.  Implantées  de  l'extérieur,  elles  furent  d'abord 
des  villes-comptoirs,  qui  avaient  une  dynamique  propre  et  se  dévelop- 
paient presque  indépendamment  des  campagnes.  La  véritable  filiation 
village-ville  n'est  venue  que  plus  tard,  avec  l'évolution  du  peuplement  et 
la  montée  de  tout  un  réseau  de  bourgs  qui  a  préparé  l'avènement  du 
réseau  urbain.  Dans  le  contexte  qui  nous  intéresse,  nous  en  arrivons  au 
XIXe  siècle:  les  années  1800-1850  connaissent  la  montée  du  phénomène 
villageois  et  la  deuxième  moitié  du  siècle,  celle  du  phénomène  urbain. 
Toutefois,  même  si  la  ville  apparaît  alors  comme  un  corps  étranger,  elle 
n'en  demeure  pas  moins  en  rapport  avec  les  bourgs,  directement 
d'abord  par  l'organisation  de  la  production  et  du  marché,  indirectement 
ensuite  par  l'attrait  qu'exerce  la  vie  urbaine  sur  les  ruraux,  en  particulier 
les  notables.  De  même,  si  par  son  origine  et  sa  taille  le  village  a  d'abord 
été  campagne,  par  sa  capacité  d'attirer  et  de  fixer  des  éléments  citadins 
il  a  aussi  été  ville.  Il  y  a  eu  compénétration  des  deux  réalités,  qui  devient 
frappante  quand  on  observe  le  semis  de  bourgs,  toujours  plus  dense 
autour  des  principaux  centres  urbains.  Même  si,  du  point  de  vue  des 


245 


destins  individuels,  les  villages  n'ont  pas  tous  constitué  des  milieux 
favorables  à  l'éclosion  urbaine,  ils  ont  été  importants  dans  la  montée  du 
phénomène  urbain.  À  l'origine  de  structures  qui  sont  encore  fondamen- 
tales pour  le  monde  d'aujourd'hui,  ils  ont  servi  de  médiateurs  dans  les 
rapports  établis  avec  l'extérieur.  Par  leur  taille  et  leurs  fonctions,  certains 
ont  même  été  de  véritables  petites  villes  et  des  vecteurs  de  modernité. 

Par  tradition  sans  doute,  et  aussi  par  ignorance  de  l'ampleur  du 
phénomène  villageois,  on  a  pris  l'habitude  de  réserver  le  vocable  de  ville, 
au  Québec,  aux  seuls  établissements  de  Montréal,  de  Trois-Rivières  et 
de  Québec,  comme  s'il  s'agissait  des  seules  agglomérations  urbaines 
qu'avait  connues  la  vallée  du  Saint-Laurent  durant  la  première  moitié  du 
XIXe  siècle.  D'autres,  pourtant,  en  acquièrent  le  statut  pendant  la  pé- 
riode :  Sorel,  entre  autres,  puis  Saint-Jean  et  Saint-Hyacinthe,  qui  restent 
sans  doute  de  gros  bourgs,  mais  dont  la  taille  les  range  au-dessus  des 
simples  villages.  Toutes  ces  agglomérations  ne  sont  évidemment  pas 
comparables  aux  grandes  villes  marchandes  que  sont  Montréal  et  Qué- 
bec et,  à  un  degré  moindre,  Trois-Rivières,  mais  selon  leur  situation  dans 
l'espace,  elles  auront  des  vocations  complémentaires  de  celles-ci  et 
deviendront  d'importants  pôles  régionaux.  Sorel,  par  exemple,  est  une 
ville  de  garnison,  porte  d'entrée  et  de  sortie  du  Richelieu;  Saint- 
Hyacinthe,  un  bourg-marché  qui  sert  de  tremplin  vers  l'intérieur,  et  Saint- 
Jean,  une  étape,  un  relais,  sur  la  route  qui  unit  Montréal  aux  Cantons-de- 
l'Est  et  aux  États-Unis  voisins,  sans  oublier  Berthier,  Terrebonne  et 
Saint-Thomas  de  Montmagny,  qui  ont  des  fonctions  similaires  mais  dans 
d'autres  secteurs  géographiques.  Toutefois,  ce  qu'il  est  important  de 
remarquer,  c'est  la  rapidité  avec  laquelle  la  population  de  ces  établisse- 
ments augmente.  En  1815,  Québec  et  Montréal  ne  réunissent  encore 
qu'une  quinzaine  de  milliers  d'habitants  (15  000  à  Montréal,  18  000  à 
Québec,  selon  Bouchette),  contre  2  500  à  peine  à  Trois-Rivières  et  1  500 
à  Sorel;  Saint-Hyacinthe  n'est  qu'un  hameau,  et  Saint-Jean  ne  comprend 
que  80  maisons.  Une  quinzaine  d'années  plus  tard,  en  1831,  Montréal 
compte  plus  de  27  000  résidents,  Québec,  environ  26  000,  Trois- 
Rivières,  3  500,  et  les  trois  autres  à  peu  près  un  millier.  En  1851, 
Montréal  en  accueille  près  de  58  000,  Québec,  environ  42  000,  et  Trois- 
Rivières,  un  peu  moins  de  5  000.  Quant  aux  autres  agglomérations,  elles 
en  regroupent  alors  environ  3  000,  sans  compter  les  deux  milliers 
d'habitants  de  Terrebonne.  Si  l'on  ne  peut  parler  encore  de  véritables 
centres  urbains  que  pour  les  anciennes  villes-comptoirs,  Montréal  et 
Québec,  devenues  d'importantes  villes  marchandes  de  plus  en  plus 
tournées  vers  l'industrie,  il  reste  que  la  croissance  urbaine  s'accélère,  en 


246 


ajoutant  aux  effectifs  des  grands  centres  une  population  de  plus  en  plus 
nombreuse,  à  laquelle  se  joint  celle  qui  vit  dans  les  bourgs. 

Bien  sûr,  tous  les  villages  n'ont  pas  la  même  taille  ni  les  mêmes 
fonctions;  mais  à  côté  de  ceux  qui  ne  sont  que  de  petits  centres  de 
services  pour  les  campagnes  environnantes,  il  y  a  ceux  qui  participent 
plus  pleinement  à  la  vie  d'échange  et  qui,  outre  qu'ils  sont  des  places 
actives  de  marché,  servent  de  véritables  lieux  d'accueil  pour  les  indus- 
tries de  la  campagne.  On  le  voit  dans  le  nombre  d'entreprises  qui 
viennent  s'y  implanter  et  qui  représentent,  selon  les  régions,  jusqu'au 
tiers,  parfois  plus,  du  nombre  d'établissements  recensés  sur  le  territoire 
de  la  paroisse.  On  le.  voit  aussi  dans  la  composition  de  l'habitat  villageois 
où,  à  côté  des  grands  équipements  de  production,  de  commerce  et  de 
services,  s'élèvent  souvent  un  nombre  imposant  d'ateliers  et  de  bou- 
tiques qui  occupent  jusqu'à  la  moitié,  parfois  davantage,  des  chefs  de 
ménage.  Sans  doute  ne  s'agit-il  encore  que  de  petites  entreprises 
familiales  tournées  vers  la  satisfaction  des  besoins  locaux,  mais  que  dire 
des  fabriques  de  tabac,  de  chaises  ou  de  chapeaux  retrouvées  dans 
certains  gros  villages,  ou  encore  des  brasseries,  tanneries,  distilleries, 
manufactures  de  toutes  sortes,  repérées  dans  d'autres,  et  qui  déclarent 
parfois  jusqu'à  10,  20,  30  employés  au  recensement  de  1851-1852? 
Que  dire  surtout  des  fonderies,  des  scieries  ou  des  chantiers  de  cons- 
truction navale  que  comprennent  alors  certains  bourgs  et  qui  peuvent  en 
déclarer  jusqu'à  cinq  et  dix  fois  plus  à  la  même  époque?  Ne  sommes- 
nous  pas  en  présence  d'entreprises  d'un  autre  ordre,  destinées  au 
marché  citadin  et  peut-être  aussi  au  marché  extérieur,  et  parfaitement 
capables,  chacune  à  son  niveau,  de  créer  et  d'organiser  les  circuits  de  la 
production  et  de  l'échange?  À  travers  ce  panorama,  c'est  tout  le 
passage  de  l'artisanat  à  l'industrie  que  l'on  sent  et  qui  nous  oblige  à 
revoir  d'un  autre  œil  l'économie  des  campagnes. 

Quant  aux  industries  qu'accueillent  les  côtes,  elles  sont  partout 
nombreuses  et  partout  variées,  mais  dans  des  proportions  différentes 
d'une  côte  à  l'autre,  d'une  paroisse  à  l'autre,  et  d'une  région  à  l'autre. 
Certaines  ont  une  existence  très  ancienne,  qui  remonte  en  certains  cas 
jusqu'au  Régime  français;  d'autres  datent  de  la  fin  du  XVIIIe  siècle.  La 
plupart  sont  toutefois  contemporaines  de  l'époque  étudiée.  En  1815, 
elles  se  manifestent  surtout  sous  la  forme  de  moulins  (à  farine,  à  grain,  à 
papier),  de  scieries  et  de  fabriques  de  potasse  et  de  perlasse.  Mais  s'y 
ajoutent  aussi  des  brasseries,  des  tanneries,  des  moulins  à  fouler  et  à 
carder,  des  moulins  à  huile,  qui  deviendront  bientôt  des  éléments 
importants  du  paysage,  à  côté  des  fabriques  et  des  manufactures  que 


247 


signalent  les  recensements.  En  1831,  leur  nombre  est  déjà  imposant; 
en  1851,  elles  seront  plus  nombreuses  encore  et  surtout  plus  diver- 
sifiées. 

Tout  cela  nous  amène  naturellement  à  nous  interroger  quant  au 
genre  de  société  qui  habite  alors  les  campagnes  seigneuriales  et  plus 
particulièrement  ce  long  corridor  d'urbanité  qui  jouxte  les  rives  du  Saint- 
Laurent  et  de  ses  principaux  affluents4.  La  réponse  à  cette  question 
n'est  pas  simple,  d'autant  qu'au  milieu  du  XIXe  siècle  la  majorité  de  la 
population  tire  encore  l'essentiel  de  sa  subsistance  du  travail  de  la  terre. 
Toutefois,  il  existe  des  indices  qui  montrent  que  cette  société  n'est  plus 
agraire  au  sens  strict  du  terme.  Avec  la  croissance  démographique  de  la 
fin  du  XVIIIe  et  du  début  du  XIXe  siècle  un  seuil  a  été  franchi,  qui  a 
entraîné  une  complexité  croissante  du  corps  social  et  l'apparition,  à  côté 
de  l'agriculture,  d'autres  activités  destinées  à  répondre  aux  besoins 
nouveaux  de  la  population.  En  outre,  sans  nécessairement  manquer,  la 
terre  est  devenue  plus  rare,  surtout  dans  les  bons  terroirs,  ce  qui  a 
entraîné  une  libération  de  la  main-d'œuvre  dont  une  large  part  s'est 
dirigée  vers  la  fabrication,  le  bâtiment,  le  transport  et  les  services.  Enfin, 
des  courants  nouveaux  d'échange  sont  apparus,  qu'a  stimulés  l'appari- 
tion, à  l'échelle  locale  et  régionale,  d'un  nouvel  entrepreneuriat  rural  qui, 
associé  à  l'esprit  d'entreprise  urbain,  a  suscité  la  construction  de  mou- 
lins partout  où  pouvait  exister  un  cours  d'eau  accessible  et  aux  seuils 
facilement  endigables,  ainsi  que  le  travail  en  atelier  et  en  fabrique,  et 
l'artisanat  domestique.  Il  en  a  résulté  un  contexte  renouvelé  qui  a 
stimulé  la  croissance  des  bourgs  et  l'apparition  sur  le  territoire  d'îlots  de 
modernité,  c'est-à-dire  d'aires  riches  en  villages  et  en  industries  rurales. 
Celles-ci  sont  devenues  autant  d'axes  privilégiés  de  croissance  pour  les 
campagnes  environnantes,  en  particulier  pour  l'agriculture  qui  s'est  alors 
diversifiée  tout  en  devenant  par  endroits  plus  commerciale. 

D'aucuns  ont  qualifié  cette  évolution  de  montée  proto-industrielle 
qui  apparaît  lorsque  l'on  assiste  à  la  transformation  structurelle  d'une 
région  dont  la  paysannerie  travaille  de  plus  en  plus  à  la  production 
artisanale  de  biens  manufacturés  destinés  au  marché  extra-local,  tandis 
qu'une  agriculture  commerciale  se  développe  simultanément  dans  une 


4.  Cette  question  a  été  abondamment  discutée  dans  Serge  Courville,  «  Un  monde 
rural  en  mutation  [...]  »,  HS,  XX(40),  1987,  p.  237-258,  et  «  Le  marché  des  subsis- 
tances [...]  »,  RHAF,  42(2),  1988,  p.  193-239.  Nous  n'en  reprenons  ici  que  les 
grands  thèmes. 


248 


région  proche5  .  Parler  d'un  tel  contexte  au  Bas-Canada  relève  encore  de 
l'hypothèse,  d'une  part  parce  que  trop  de  données  font  défaut  - 
notamment  sur  le  type  de  fabrication  qu'encouragent  les  villes,  sur  les 
types  de  marchés  où  s'écoulent  ces  fabrications,  sur  le  rôle  des  mar- 
chands et  de  leurs  intermédiaires  dans  la  mise  en  place  des  organisa- 
tions de  production,  sur  l'importance  du  travail  domestique,  etc.  -, 
d'autre  part  parce  que  rien  ici  n'a  l'ampleur  des  phénomènes  observés 
ailleurs  dans  le  monde.  Au  contraire,  tout  est  à  la  mesure  d'un  territoire 
qui  ne  compte  encore  que  600  000  habitants  environ  et  ce,  après  200 
ans  de  colonisation  !  En  outre,  parmi  les  industries  rurales  recensées, 
nombreuses  sont  celles  qui,  à  l'époque,  n'ont  encore  qu'une  fonction 
locale,  assez  semblable  somme  toute  à  celles  qu'elles  avaient  autrefois 
en  Europe6. 

Toutefois,  pourvu  que  l'on  conserve  à  la  notion  de  proto- 
industrialisation son  sens  large7,  la  situation  du  Bas-Canada  rappelle 
étrangement  celle  d'autres  contrées  du  monde  où  l'on  observe  une 
montée  similaire  des  industries  rurales.  Et  comme  on  assiste  ici  à  une 
montée  parallèle  des  bourgs  dont  certains  formeront  plus  tard  les 
noyaux  forts  du  réseau  urbain,  on  peut  même  dire  que  cette  société  est 
non  seulement  proto-industrielle,  mais  proto-urbaine,  du  moins  dans  ses 
formes.  Cela  modifie  considérablement  notre  vision  de  l'agriculture.  En 


5.  Franklin  F.  Mendels,  «  Aux  origines  de  la  proto-industrialisation  »,  BCHESRL,  2, 
1978,  p.  2.  Pour  une  présentation  plus  complète  de  cette  hypothèse,  voir,  du  même 
auteur:  Industrialization  and  Population  Pressure  in  Eighteenth-Century  Flanders; 
«  Seasons  and  Régions  in  Agriculture  and  Industry  during  the  Process  of  Industrial- 
ization »,  dans  Sidney  Pollard  (éd.),  Régions  and  Industrialization.  Studies  in  the  Rôle 
of  the  Région  in  the  Economie  History  of  the  Last  Two  Centuries,  p.  177-195; 
«  Proto-lndustrialization  :  the  First  Phase  of  the  Industrialization  Process  »,  JEH,  32, 
1972,  p.  241-261  ;  «  Les  temps  de  l'industrie  et  les  temps  de  l'agriculture.  Logique 
d'une  analyse  régionale  de  la  proto-industrialisation  »,  RN,  LXIIK248),  1981,  p.  21- 
33;  «  Des  industries  rurales  à  la  proto-industrialisation:  historique  d'un  changement 
de  perspective»,  AESC,  39(5),  1984,  p.  977-1008. 

6.  C'est  le  cas,  entre  autres,  de  plusieurs  petits  moulins  à  farine  et  à  scie  dont  l'origine 
.  remonte  parfois  au  tout  début  des  établissements  locaux  et  dont  la  capacité  unitaire 

de  production  reste  bien  en  deçà  de  celle  des  gros  moulins  et  de  ceux  qui  seront 
alimentés  plus  tard  par  la  vapeur;  leur  insertion  dans  les  circuits  du  marché  est 
donc  le  plus  souvent  ponctuelle  et  relative  aux  surplus  saisonniers.  Toutefois,  cela 
ne  veut  pas  dire  qu'ils  ne  satisfont  que  des  besoins  locaux:  il  faut  tenir  compte  ici 
de  leur  nombre  et  de  leur  capacité  globale  de  production,  surtout  qu'après  1815- 
1820  on  assiste  à  une  réorganisation  générale  de  l'agriculture  qui  en  accroît  la 
quantité  dans  l'espace. 

7.  L'hypothèse  de  Mendels  sur  la  proto-industrialisation  a  donné  lieu  à  plusieurs 
thèses  dont  certaines  sont  très  formelles.  Ce  sont  moins  ces  thèses  qui  nous 
intéressent  ici  que  la  notion  même  de  proto-industrialisation  :  très  riche,  elle  peut 
être  utile  dans  l'étude  du  Bas-Canada.  Elle  renvoie  à  toute  une  série  de  considéra- 
tions dont  on  trouvera  une  présentation  dans  Serge  Courville,  «  Un  monde  rural  en 
mutation  [...]  »,  HS,  XX(40),  1987,  p.  237-258. 


249 


effet,  si  l'on  considère  la  croissance  de  la  population  urbaine  et  villa- 
geoise, celle  des  engagés  du  commerce,  de  l'industrie,  du  bâtiment,  des 
services  et  des  transports,  on  peut  se  demander  dans  quelle  mesure 
cette  activité  ne  satisfait  que  des  besoins  domestiques,  surtout  quand  le 
volume  des  récoltes  dépasse  les  besoins  du  ménage.  En  outre,  on  sait 
par  les  témoignages  de  l'époque  quelle  demande  créent  certaines 
entreprises,  notamment  dans  le  domaine  des  aliments  et  des  boissons; 
peut-on  croire  que  cette  demande  n'est  satisfaite  qu'à  partir  de  l'exté- 
rieur? On  a  pourtant  l'exemple  du  contraire  dans  le  village  de  Sainte- 
Thérèse  où,  selon  Bouchette,  les  brasseries  et  les  distilleries  fournissent 
aux  habitants  de  l'endroit  «  an  excellent  market  for  the  sale  of  their 
barley  and  rye8  ».  Ces  adaptations  pourront  prendre  plusieurs  formes, 
mais  elles  laisseront  toujours  l'impression  d'une  activité  intégrée  qui 
répond  assez  bien  à  la  demande,  une  fois  saisis  les  risques  qu'entraîne 
la  quasi-monoculture  du  blé  quand  surviennent  les  difficultés. 

Cela  ne  veut  pas  dire  que  l'on  assiste  alors  au  progrès  général  de 
l'agriculture  et  à  sa  parfaite  intégration  à  l'économie  de  marché;  des 
malaises  existent,  qui  limitent  sa  croissance  (accidents  climatiques, 
augmentation  des  prix  du  sol,  prélèvements  accrus  des  seigneurs  et  du 
clergé,  etc.).  Cependant,  en  dépit  des  freins  imposés  à  ses  performan- 
ces, celle-ci  se  développe  en  une  gamme  étendue  de  profils  que 
confirme  de  plus  en  plus  l'historiographie  récente  et  qui  nuancent 
l'impression  d'uniformité  laissée  pendant  longtemps  par  la  littérature 
scientifique.  Les  situations  s'avèrent  très  diverses  :  certains  producteurs 
obéissent  plutôt  à  la  demande  extérieure,  d'autres  à  la  demande  inté- 
rieure, selon  la  conjoncture  et  les  possibilités  du  moment,  avec  tous  les 
avantages  et  les  inconvénients  que  cela  peut  comporter.  Certains  réus- 
sissent à  se  tailler  une  place  enviable  et  à  acquérir  de  vastes  exploi- 
tations, d'autres  ne  réussissent  qu'à  consolider  le  genre  de  vie  tradition- 
nel; entre  ces  deux  groupes,  il  y  a  tous  ceux  qui,  sans  atteindre  des 
niveaux  comparables  aux  premiers,  parviendront  à  une  aisance  que  bien 
des  paysans  européens  envieraient. 

L'une  des  clés  pour  comprendre  certains  de  ces  succès  réside 
dans  les  articulations  nouvelles  qui  unissent  l'agriculture  à  l'industrie, 
vues  sous  l'angle  de  l'approvisionnement  des  entreprises  locales  en 
matières  premières.  Pour  le  petit  producteur,  c'est  souvent  là,  avec  la 
foire  et  le  marché  de  ville  ou  de  village,  le  palier  d'échange  le  plus 
accessible  et  sans  doute  aussi  le  plus  rentable,  parce  que  soumis  à 


8.  Joseph  Bouchette,  A  Topographical  Dictionary  of  the  Province  of  Lower  Canada, 
«  Mille  Isles  ». 


250 


moins  d'intermédiaires.  Les  correspondances  repérées  dans  l'espace 
entre  les  lieux  d'implantation  des  industries  rurales  et  les  aires  de 
répartition  de  certains  élevages  ou  de  certaines  cultures  le  démontrent9. 
C'est  que,  comme  on  ne  retrouve  pas  ici  de  demande  semblable  à  celle 
que  crée  le  marché  international  du  textile  pour  l'Europe  (encore  que  l'on 
puisse  croire  que  le  blé,  la  potasse,  l'orge,  l'avoine,  le  foin,  les  chevaux, 
le  bœuf  et  le  lard  salé  écoulés' sur  le  marché  impérial  et  sur  les  marchés 
américain  et  haut-canadien  procurent  des  revenus  intéressants),  c'est 
vers  le  marché  intérieur  surtout  qu'il  faut  se  tourner  pour  comprendre  les 
rapports  qui  unissent  l'agriculture  au  marché. 

La  main-d'œuvre  est  également  un  exemple  de  ces  articulations 
nouvelles.  Dans  son  article  sur  les  Forges  du  Saint-Maurice,  Roch 
Samson  a  montré  quels  liens  unissaient  cette  entreprise  aux  paysans 
locaux.  D'entrepreneurs-fournisseurs  indépendants  qu'ils  étaient  au 
XVIIIe  siècle,  ils  sont  devenus  des  employés  salariés  qui  utilisent  désor- 
mais des  moyens  de  travail  fournis  par  l'entreprise  -  tel  est  le  cas  des 
charretiers  notamment  -,  et  qui  exécutent  divers  travaux  compte  tenu 
de  leur  présence  sur  les  lieux10.  Cette  situation  vaut  sans  doute  pour 
beaucoup  d'entreprises  et  de  secteurs  géographiques,  mais  plus  peut- 
être  pour  la  région  de  Montréal  où  la  montée  des  industries  rurales  est  la 
plus  vive  et  la  mieux  servie  par  la  croissance  villageoise.  Profitant  des 
possibilités  nouvelles  d'emploi  que  crée  l'industrie,  beaucoup  d'habitants 
ou  de  fils  d'habitants  trouvent  là  des  occasions  de  travail  qui,  outre  les 
revenus  qu'elles  procurent,  délestent  d'autant  le  poids  démographique 
des  fermes.  Il  s'agira  tantôt  d'emplois  temporaires,  saisonniers  le  plus 
souvent,  ou  de  contrats  d'approvisionnement,  tantôt  d'emplois  salariés 
permanents  qui  entraînent  une  rupture  durable  avec  l'agriculture.  Comme 
les  recensements  ne  fournissent  pas  de  relevés  du  nombre  d'employés 
par  entreprise  avant  le  milieu  du  siècle,  il  n'est  pas  facile  d'apprécier 
l'ampleur  réelle  du  phénomène.  Toutefois,  si  l'on  considère  le  nombre 
croissant  d'industries  dans  les  campagnes,  la  poussée  d'artisans  et  de 
journaliers  que  l'on  enregistre  à  l'époque,  la  place  que  ceux-ci  occupent 
dans  la  population  active  du  village  et  leur  répartition  autour  des  lieux  où 
se  concentrent  les  industries  rurales,  notamment  dans  les  paroisses 
moins  bien  nanties  du  point  de  vue  agricole  (celles  de  la  région  au  nord 
de  Montréal,  par  exemple,  comparées  à  celles  du  Richelieu  où  l'on 
observe  une  plus  grande  symbiose  journaliers-agriculture),  il  semble  que 


9.  Voir  la  figure  14,  chapitre  3. 

10.  Roch  Samson,  «  Une  industrie  avant  l'industrialisation:  le  cas  des  Forges  du  Saint- 
Maurice  »,  AS,  10(1),  1986,  p.  85-107. 


251 


ce  phénomène  soit  majeur  et  qu'il  incite  plus  d'un  agriculteur  à  profiter 
des  activités  d'entretien  et  de  services  que  ces  industries  commandent, 
ou  à  opter  pour  un  emploi  plus  permanent  qui  les  amènera  à  quitter  leur 
ancien  métier.  En  1851,  ce  passage  achève:  beaucoup  d'entreprises 
requièrent  alors  une  main-d'œuvre  de  plusieurs  dizaines,  voire  de  centai- 
nes d'employés.  Mais  c'est  sans  compter  tout  l'emploi  associé  dont 
profitent  les  ruraux  et  qui,  à  la  différence  du  travail  en  fabrique,  s'effec- 
tue de  manière  diffuse  dans  l'espace. 

On  en  a  un  exemple  avec  l'artisanat  domestique  qui,  loin  de  se 
limiter  à  la  satisfaction  des  besoins  du  ménage,  s'ouvre  également  au 
jeu  de  l'échange,  en  répondant  à  la  demande  que  créent  le  marché  et  les 
industries  locales.  Plusieurs  indices  en  témoignent,  en  commençant  par 
les  productions  de  la  ferme,  quand  elles  sont  analysées  sur  une  base 
nominative  et  non  à  partir  de  données  moyennes  agrégées  par  paroisse. 
Comme  en  Europe,  on  observe  ici  un  grand  nombre  de  producteurs  de 
laine  et  d'étoffe  (flanelle,  étoffe  foulée  et  toile)  dont  les  déclarations  sont 
éminemment  variables  (dans  les  recensements,  les  chiffres  vont  de 
quelques  verges  à  près  d'une  centaine,  parfois  plus,  selon  les  ménages 
et  les  paroisses).  En  effet,  les  grandes  fermes  (pas  nécessairement  les 
ménages  nombreux)  ont  tendance  à  produire  davantage  que  les  petites. 
En  outre,  bien  que  la  plupart  des  ménages  déclarent  de  telles  produc- 
tions, nombreux  sont  ceux  qui  ne  le  font  pas,  ce  qui  nuance  l'idée  reçue 
de  l'origine  presque  exclusivement  domestique  du  vêtement  paysan. 
Enfin,  il  n'y  a  pas  nécessairement  de  correspondance  entre  les  déclara- 
tions de  laine  et  d'étoffe  et  celles  qui  se  rapportent  à  l'élevage  du 
mouton  ou  aux  cultures  de  lin  et  de  chanvre,  ni  entre  les  quantités 
déclarées  et  la  taille  du  cheptel  ou  le  volume  des  récoltes;  beaucoup  de 
producteurs  déclarent  les  unes  sans  les  autres,  ou  des  productions 
supérieures  à  celles  qu'autoriserait  normalement  leur  exploitation.  Il 
semble  que  l'on  assiste  à  des  spécialisations  locales:  certains  ménages 
produisent  les  matières  premières  à  partir  desquelles  d'autres  fileront  ou 
tisseront.  L'hypothèse  peut  sembler  osée  mais,  si  l'on  considère  la  place 
qu'occupent  les  métiers  féminins  dans  les  recensements,  elle  n'a  rien 
d'excessif,  d'autant  que  plusieurs  chefs  de  ménage  sont  des  femmes 
qui,  même  en  possession  d'une  terre,  ne  l'exploitent  pas  ou  que  très 
peu,  et  tirent  leur  revenu  d'une  autre  forme  de  travail. 

C'est  le  deuxième  indice,  qui  renvoie  celui-là  à  l'état  civil  et  au 
profil  socioprofessionnel  de  la  population  qui  habite  les  côtes  et  les 
bourgs.  En  1831,  seuls  les  chefs  de  famille  ou  de  ménage  sont  enregis- 
trés; pourtant,  nombreuses  sont  les  veuves,  on  l'a  vu,  qui  se  déclarent 


252 


fileuses,  couturières  ou  «  tisserannes  ».  En  1851,  les  relevés  sont  plus 
précis  et  laissent  voir  aussi  quantité  de  jeunes  filles  ou  de  jeunes 
femmes  qui  déclarent  des  métiers  relatifs  à  la  mode  ou  à  la  fabrication 
des  vêtements  (fileuses,  brodeuses,  modistes,  couturières,  etc.).  Comme 
il  s'agit  ici  de  personnes  qui  vivent  encore  dans  le  ménage,  on  peut 
supposer  qu'elles  exercent  un  métier  rémunéré  qui  n'a  rien  à  voir  avec 
les  besoins  domestiques.  On  en  a  un  exemple  dans  le  village  de  Saint- 
Eustache,  où  travaillent  plus  d'une  vingtaine  de  modistes  et  de  couturiè- 
res ainsi  réparties  dans  les  ménages  en  1851.  Fait  plus  significatif 
encore,  à  Saint-Antoine-de-la-Rivière-du-Loup,  on  retrouve  près  d'une 
soixantaine  d'ouvrières  occupées  à  du  travail  de  broderie  sur  tissu  et  sur 
cuir,  d'orignal  notamment.  Compte  tenu  de  la  population  de  ce  village  à 
l'époque  (environ  600  habitants),  c'est  très  certainement  au  marché 
extérieur  que  cette  production  est  destinée,  ce  qui  favorise  des  liaisons 
nouvelles  avec  la  ville  et  probablement  aussi  avec  l'industrie. 

Quant  au  troisième  indice,  il  est  fourni  par  la  finalité  même  des 
recensements:  sachant  qu'ils  n'enregistrent  qu'un  type  d'information, 
celle  qui  intéresse  l'État,  on  peut  se  demander  dans  quelle  mesure  celui- 
ci  se  préoccupe  des  quantités  de  laine  ou  d'étoffe  produites  pour  vêtir  la 
famille.  N'est-ce  pas  là  plutôt  un  signe  de  l'intérêt  qu'il  porte  au  dévelop- 
pement industriel  et  à  ses  possibilités  d'approvisionnement,  donc  de 
croissance?  Si  cela  était,  il  faudrait  modifier  non  seulement  notre  vision 
de  l'artisanat  familial,  mais  également  celle  de  l'équipement  nécessaire, 
comme  le  rouet  et  le  métier  à  tisser.  Longtemps  perçus  comme  s'ils  ne 
répondaient  qu'à  des  besoins  domestiques,  ils  ont  contribué  à  donner 
une  impression  de  pauvreté  de  la  société  rurale  du  Bas-Canada  et  cela, 
sans  que  l'on  s'en  rende  toujours  très  bien  compte  tant  était  forte  la 
conviction  que  tout  devait  se  situer  le  long  d'un  continuum  allant  des 
sociétés  les  plus  primitives  aux  plus  évoluées.  L'ère  industrielle  et 
urbaine  au  Québec  ne  s'est  amorcée  que  durant  la  deuxième  moitié  du 
XIXe  siècle  avec  les  progrès  du  capital  et  de  la  technologie;  tous  les 
acquis  antérieurs,  notamment  les  machines  artisanales,  étaient  jugées 
impuissantes  à  s'insérer  dans  les  circuits  de  la  production,  la  vraie! 

On  peut  voir  les  choses  autrement  et  concevoir  le  rouet  et  le 
métier  à  tisser  comme  des  moyens  de  production  dont  la  famille  se 
pourvoit  pour  filer  la  laine  et  fabriquer  les  étoffes  demandées  par  le 
marché.  Ce  n'est  plus  l'objet  ici  qui  informe,  mais  le  contexte  économi- 
que et  social  qui  renvoie  à  un  type  de  société  ouverte  au  changement  et 
sensible  aux  stimuli  qu'introduisent  les  échanges.  De  là  à  expliquer  la 
présence  de  ces  machines  à  la  maison,  ou  la  multiplication  de  celles-ci 


253 


dans  certains  ménages,  il  n'y  aurait  peut-être  qu'un  pas  que  permettrait 
de  franchir  l'étude  des  inventaires  de  biens  si  elle  était  entreprise  sous 
cet  angle.  De  là  aussi  à  retrouver  d'autres  fonctions  aux  cuisines  ou  aux 
pièces  communes,  il  n'y  aurait  peut-être,  encore  là,  qu'un  pas  qu'autori- 
serait l'étude  des  faits  de  production  si  elle  était  réalisée  à  l'échelle  du 
ménage. 

Sans  doute  assiste-t-on  dans  les  faits  à  une  coexistence  des 
fonctions  d'échange  et  de  subsistance  mais,  à  côté  des  ménages  qui  ne 
voient  dans  les  échanges  qu'un  moyen  de  consolider  le  genre  de  vie 
traditionnel,  il  y  a  ceux  qui  en  feront  bientôt  leur  principal  moyen  de 
subsistance.  Leurs  membres  ne  seront  plus  des  travailleurs  familiaux  qui 
répondent  à  une  demande  saisonnière  ou  sporadique,  mais  de  véritables 
salariés  qui  tireront  de  leur  nouvel  emploi  des  revenus  plus  ou  moins 
substantiels,  en  attendant  d'aller  grossir  les  rangs  des  journaliers,  des 
employés  des  services,  du  bâtiment  ou  des  transports,  des  commis 
d'ateliers,  de  boutiques  ou  de  fabriques,  où  ils  seront  engagés  à  titre  de 
fileurs  ou  de  weavers  ou,  s'il  s'agit  de  femmes,  de  brodeuses,  de 
couturières  ou  de  modistes.  Et  cela,  sans  compter  tous  ceux  qui 
deviendront  apprentis  en  espérant  accéder  un  jour  au  rang  d'artisans. 

Toutes  proportions  gardées,  le  développement  des  campagnes  au 
Bas-Canada  apparaît  donc  assez  semblable  à  celui  des  contrées  où 
s'affirme  la  montée  d'une  économie  de  marché,  en  commençant  par  la 
Nouvelle-Angleterre11  où,  à  côté  d'une  croissance  urbaine  qui  s'accélère, 
on  enregistre  une  progression  similaire  du  nombre  de  villages  et  d'entre- 
prises entre  1780  et  1840.  En  fait,  cette  comparaison  ne  tient  qu'à  demi 
en  raison  des  différences  de  population  et  de  richesse  qui  séparent  les 
deux  territoires.  Mais,  sur  le  plan  des  structures,  on  peut  se  demander 
jusqu'où  vont  ces  différences  quand  sont  pondérés  les  effets  de  taille 
liés  à  ces  écarts,  surtout  dans  la  région  de  Montréal  où  domine  une 
importante  ville-marché?  À  elle  seule,  cette  région  réunit  plus  de  la 
moitié  des  établissements  villageois  recensés  dans  les  seigneuries,  et  la 
majorité  des  plus  gros;  en  outre,  elle  accueille  le  plus  grand  nombre 
d'entreprises,  parmi  les  plus  variées.  Même  ailleurs,  on  observe  les 
mêmes  phénomènes12,  dans  des  proportions  moindres  sans  doute,  mais 
dont  on  ne  peut  faire  fi.  Rien  d'étonnant  dès  lors  à  ce  que  le  village,  dans 


11.  J.  S.  Wood,  «  Elaboration  of  A  Seulement  System  :  the  New  England  Village  in  the 
Fédéral  Period  »,  JHG,  10(4),  1984,  p.  331-356. 

12.  René  Hardy,  Pierre  Lanthier  et  Normand  Séguin,  «  Les  industries  rurales  et  l'exten- 
sion du  réseau  villageois  dans  la  Mauricie  pré-industrielle  [...]  »,  dans  François 
Lebrun  et  Normand  Séguin  (dir.),  Sociétés  villageoises  et  rapports  villes-campagnes 
[...],  p.  239-253. 


254 


les  seigneuries,  concentre  parfois,  selon  les  endroits  et  selon  les 
époques,  jusqu'à  20  %,  30  %  et  même  40  %  des  ruraux  qui  trouvent  là 
tous  les  services  ou  presque  des  petites  villes,  en  tout  cas  quand  le 
bourg  est  de  taille  respectable.  C'est  qu'il  offre  de  l'emploi  sous  des 
formes  qui,  tout  en  permettant  la  consolidation  des  genres  de  vie 
traditionnels,  répondent  aux  besoins  nouveaux  du  marché.  En  même 
temps,  il  apporte  une  solution  commode  aux  personnes  exclues  de 
l'agriculture,  dont  plusieurs  finissent  par  préférer  le  travail  rémunéré  aux 
durs  travaux  des  champs.  Pour  elles  comme  pour  toutes  celles  que  la 
ville  attire,  il  n'y  a  souvent  qu'un  pas  que  plusieurs  franchiront,  en 
rompant  définitivement  avec  une  activité  qui  de  toute  façon  se  transforme 
sous  l'effet  conjugué  d'un  marché  qui  s'accroît  et  d'une  pression  démo- 
graphique qui  se  relâche. 

Mais  n'exagérons  rien.  Même  si  le  Bas-Canada  présente  à  l'épo- 
que les  traits  d'une  société  qui  tend  à  s'industrialiser,  il  reste  qu'à  la 
campagne  tradition  et  modernité  coexistent.  Dans  les  aires  riches  en 
villages  et  en  industries  rurales,  on  note  des  signes  patents  de  change- 
ment; ailleurs  ces  indices  sont  moins  nets  et  nombre  de  terroirs  restent 
aux  prises  avec  les  hésitations  d'une  paysannerie  encore  freinée  par  sa 
mentalité  et  ses  institutions.  Cela  peut  expliquer  pourquoi,  dans  certains 
secteurs  géographiques  précis,  l'agriculture  s'affermit  et  croît,  et  pour- 
quoi elle  se  désagrège  ailleurs.  Le  problème  doit  être  posé  à  plusieurs 
niveaux:  celui  de  la  demande  qu'engendre  l'industrie  et  dont  profitent 
les  agriculteurs  qui  disposent  des  moyens  de  production  suffisants  pour 
y  répondre,  celui  de  l'emploi  qu'elle  crée  et  celui  de  la  place  qu'occupe 
cet  emploi  dans  le  contexte  particulier  de  la  famille.  Pour  certains,  plus 
avantagés  par  leur  situation  géographique  au  sein  ou  à  proximité  des 
aires  de  marché,  c'est  une  occasion  d'accroître  les  revenus  qui  pourront 
être  investis  dans  la  ferme;  pour  d'autres,  moins  bien  situés,  une  façon 
de  boucler  le  budget.  Pour  d'autres  encore,  ce  sera  un  moyen  de 
subsistance.  Mais  quelles  que  soient  les  situations  individuelles,  et  elles 
sont  très  diverses,  les  conséquences  sont  les  mêmes:  par-delà  les 
inévitables  différences  qui  distinguent  les  régions  et  les  ménages,  on  fait 
l'apprentissage  de  nouveaux  métiers,  de  nouvelles  formes  d'habitat  et, 
surtout,  de  nouvelles  valeurs.  C'est  toute  la  migration  vers  la  ville  qui  se 
trouve  ainsi  préparée  et,  avec  elle,  les  changements  qui  conduiront  aux 
mutations  de  l'ère  industrielle  et  urbaine. 

Cette  situation  existe  jusqu'au  début  des  années  1830,  période  au 
cours  de  laquelle  l'économie  des  campagnes  progresse,  stimulée  par  la 
croissance  urbaine  et  villageoise,  l'essor  des  industries  rurales  et  l'exten- 
sion générale  des  échanges  entraînée  par  l'accroissement  de  la  demande 


255 


sur  le  marché  intérieur.  Toutefois,  comme  tout  équilibre,  celui-ci  est 
fragile.  Il  sera  bientôt  compromis  par  toute  une  série  de  changements 
préparés  de  longue  date,  mais  qui  ne  se  manifestent  vraiment  que  vers 
la  fin  de  la  décennie,  alors  que  la  concurrence  des  industries  urbaines  (et 
péri-urbaines)  s'accentue  et  que  l'extension  des  fronts  pionniers  entraîne 
le  déplacement  des  pôles  traditionnels  de  croissance  vers  d'autres 
secteurs  géographiques  plus  avantagés  sur  le  plan  des  ressources  ou  de 
l'accès  au  marché.  Il  en  résulte  une  évolution  des  fonctions  villageoises 
et  une  augmentation  du  nombre  de  personnes  sans  emploi.  Ajoutés  aux 
accidents  climatiques  et  épidémiques  de  la  décennie,  à  la  rareté  réelle 
ou  spéculative  des  terres  et  à  l'attrait  qu'exercent  de  plus  en  plus  la  ville 
et  le  travail  salarié  sur  les  masses  paysannes,  ces  facteurs  deviennent 
bientôt  déterminants  dans  la  montée  des  malaises  ruraux.  Ressentis  par 
les  agriculteurs  de  métier,  ils  le  seront  également  par  les  artisans  et  les 
journaliers,  dont  plusieurs  épousent  la  cause  patriote13.  Avec  le  temps, 
cette  évolution  s'accélère  et  l'on  assiste  à  un  accroissement  du  prolé- 
tariat rural.  Des  symbioses  demeurent  mais  qui  s'inscrivent  dans  un 
contexte  renouvelé.  Après  les  années  1850,  l'agriculture  entre  dans  une 
nouvelle  phase  de  croissance  marquée  par  l'agrandissement  de  la  pro- 
priété foncière  et  la  recherche  de  nouveaux  équilibres.  Il  s'ensuit  une 
longue  période  d'exode  rural  à  destination  de  la  ville  et  des  bourgs  où  se 
concentre  désormais  l'industrie14.  Quant  au  développement  industriel  lui- 
même,  il  prendra  d'autres  voies,  plus  en  rapport  avec  l'âge  urbain  qui 
s'annonce. 


13.  À  ce  sujet,  voir  Lucie  Blanchette-Lessard  et  Nicole  Daigneault-Saint-Denis,  «  La 
participation  des  groupes  sociaux  aux  rébellions  dans  les  comtés  de  Laprairie  et  de 
Deux-Montagnes  »,  dans  Jean-Paul  Bernard  (dir.).  Les  rébellions  de  1837-1838:  les 
patriotes  du  Bas-Canada  dans  la  mémoire  collective  et  chez  les  historiens, 
p.  327-337. 

14.  Sur  les  migrations  urbaines,  voir,  entre  autres:  Jean-Claude  Robert,  «  Urbanisation 
et  population:  le  cas  de  Montréal  en  1861  »,  RHAF,  35(4),  1982,  p.  523-535;  France 
Gagnon,  «  Parenté  et  migration,  le  cas  des  Canadiens  français  à  Montréal  entre 
1845  et  1875  »,  CH.  1988,  p.  63-85. 


256 


S"     H  Y  A  C  I   N  H  C 

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Plan  des  limites  du  village  de  Saint-Hyacinthe,  1848.  MER,  Service  de  l'arpentage,  H-6. 


Annexe  A 

MÉTHODOLOGIE  DE  REPÉRAGE  DES  BOURGS 
DANS  LES  RECENSEMENTS  DE  1831  ET  DE  1851-1852 


Dans  les  recensements  de  1831  et  de  1851-1852,  quelques  dizaines  de 
bourgs  seulement  sont  mentionnés,  tant  dans  les  listes  nominatives  que  dans 
les  copies  agrégées.  Sachant  par  d'autres  sources  qu'ils  ont  été  beaucoup  plus 
nombreux,  il  a  fallu  mettre  au  point  une  méthodologie  de  repérage  qui  permette 
de  retracer  les  groupements  d'édifices  non  désignés  comme  villages  par  les 
commissaires  et  d'en  circonscrire  les  limites.  Cette  démarche  était  d'autant  plus 
nécessaire  que,  même  pour  les  bourgs  clairement  indiqués,  il  existe  parfois  des 
différences  notables  de  taille  entre  le  périmètre  recensé  et  l'agglomération 
réelle,  telle  que  définie  par  la  continuité  de  son  tissu  construit.  C'est  le  cas  de 
Berthier,  par  exemple,  où  les  limites  du  bourg  débordent  largement  le  périmètre 
reconnu  par  le  législateur,  lequel  ne  comprend  que  quelque  500  personnes  en 
1831,  contre  plus  du  double  dans  son  périmètre  physique  concret.  Ne  tenir 
compte  que  du  périmètre  juridique  aurait  donc  conduit  ici  à  sous-estimer  la  taille 
réelle  du  bourg.  Aussi  a-t-il  fallu  corriger  ici  l'impression  laissée  par  le  recenseur, 
en  refaisant  en  quelque  sorte  le  plan  du  village  pour  y  inclure  sa  périphérie 
immédiate. 

Mais  qui  dit  groupement  ne  dit  pas  nécessairement  village  ou  début  de 
village.  Pour  qu'un  rassemblement  de  maisons  ou  d'édifices  puisse  être  consi- 
déré comme  village  dans  nos  travaux,  il  fallait  qu'au  moins  trois  conditions  soient 
remplies  qui,  conjuguées,  permettaient  de  conclure  à  la  présence  d'un  bourg  ou 
d'un  hameau  dans  l'espace  considéré.  Concrètement,  il  fallait  déceler  la  pré- 
sence, dans  les  listes: 

1 .  d'une  structure  d'emplacement  qui  rompt  avec  la  régularité  habituelle 
des  côtes; 

2.  d'un  profil  d'activités  distinct  de  celui  du  territoire  environnant; 

3.  d'équipements  à  pouvoir  structurant  et  agglomérant  dans  l'espace. 

Puisque  la  notion  centrale  est  ici  celle  de  contiguïté,  l'application  de  ces 
critères  a  été  assez  simple,  notamment  dans  le  cas  des  villages  mentionnés  et 
bien  circonscrits  dans  les  listes  (voir  la  figure  18).  Toutefois,  il  est  arrivé  qu'il  soit 
plus  complexe  quand  par  exemple  le  tissu  construit  était  parsemé  de  grands  lots 
ou  que  l'information  était  dissociée  dans  les  listes,  ce  qui  donnait  l'impression 
d'un  ensemble  de  petits  bourgs  qui  n'en  formaient  qu'un  en  réalité. 

Le  recensement  de  1831 

Le  recensement  de  1831  présente  une  particularité  qui  facilite  le  repé- 
rage des  noyaux  villageois  dans  les  listes.  En  effet,  contrairement  aux  recense- 
ments de  la  seconde  moitié  du  siècle,  le  document  présente  sur  deux  feuillets 


259 


Figure  18 
VILLAGE  DE  SAINTE-ANNE,  COMTÉ  DE  MONTMORENCY  (1831) 


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Source:  ANC,  Recensement  du  Bas-Canada,  1831,  bobine  C720,  folios  371  et  372. 


contigus  toute  l'information  recueillie  sur  les  chefs  de  ménage.  Comme  la 
reconnaissance  des  noyaux  d'habitat  groupé  repose  avant  tout  sur  un  critère 
d'ordre  morphologique,  l'exercice  consiste  d'abord  à  repérer  dans  les  listes  les 
structures  d'emplacement,  c'est-à-dire  les  pièces  de  terre  déclarées  «  occu- 
pées »  par  les  répondants,  mais  dont  la  superficie  est  de  moins  d'un  ou  de  deux 
arpents.  Une  fois  cette  structure  établie,  il  s'agit  ensuite  de  la  mettre  en  rapport 
avec  les  déclarations  de  métiers  ou  de  professions  des  chefs  de  ménage  et  la 
liste  d'équipements  indiqués  dans  les  listes  (moulins,  auberges,  magasins, 
écoles,  etc.),  puis  de  délimiter  le  village,  soit  au  dernier  emplacement,  soit  au 
dernier  groupe  d'emplacements,  selon  le  cas;  c'est  le  travail  le  plus  délicat.  S'il 
pose  moins  de  difficultés  dans  la  région  de  Montréal  où  les  bourgs  sont  en 
général  assez  bien  circonscrits  dans  l'espace,  il  en  pose  presque  toujours  dans 
celles  de  Trois-Rivières  et  surtout  de  Québec  où  l'ancienneté  du  peuplement  a 
favorisé  l'apparition  de  villages-rue.  Dans  ces  villages,  les  grands  lots  abondent, 
ce  qui  rend  d'autant  plus  difficile  la  délimitation  de  leur  périmètre.  Pour  éviter 


260 


d'en  surestimer  l'importance  dans  nos  travaux,  nous  n'avons  tenu  compte  que 
de  la  partie  la  plus  densément  construite  de  ces  périmètres,  telle  que  délimitée 
par  le  profil  socioprofessionnel  de  la  population  et  certains  équipements  de  base 
tels  l'église,  les  boutiques,  les  ateliers  et  les  forges,  qui  présentent  à  peu  près 
tous  la  particularité  d'être  situés  en  périphérie  du  bourg. 

En  général,  l'information  est  assez  continue  dans  les  listes  pour  que  l'on 
puisse,  du  premier  coup  d'œil,  se  rendre  compte  de  la  présence  d'un  bourg  et  le 
qualifier:  noyaux  principaux  (seuls  noyaux  d'une  localité,  noyau  clairement  déli- 
mité ou  noyaux  où  s'accomplissent  les  services  religieux  quand  il  en  existe  plus 
d'un),  noyaux  secondaires  (second  ou  troisième  noyau  d'une  localité  ou  noyaux 
où  l'on  ne  rencontre  ni  lieu  de  culte,  ni  moulin,  ni  fabrique  ou  manufacture  quand 
il  n'existe  aucun  autre  noyau)  ou  noyaux-moulins  (noyaux  qui  se  développent 
dans  le  voisinage  plus  ou  moins  immédiat  d'un  moulin,  d'une  fabrique  ou  d'une 
manufacture,  mais  où  l'on  n'observe  aucune  fonction  religieuse).  Toutefois,  il 
arrive  que  cette  continuité  soit  brisée,  lorsque  par  exemple  plusieurs  individus 
participent  au  dénombrement  d'un  village  ou  lorsqu'ils  procèdent  au  dénombre- 
ment de  la  localité  côte  par  côte  ou  par  partie  de  côte  à  partir  du  village.  Dans 
ces  cas,  l'information  relative  au  bourg  se  retrouve  dissociée  en  autant  de 
sections  dans  les  listes,  qu'il  faut  alors  regrouper  en  ayant  recours  à  des  sources 
de  contrôle:  cartes  et  plans  anciens,  par  exemple,  recensements  immédiate- 
ment antérieurs  ou  postérieurs  à  celui  qui  est  exploité,  descriptions  de  l'époque, 
papiers  seigneuriaux,  histoires  et  monographies  locales,  etc.  Comme  la  source 
unique  qui  comporterait  une  information  complète  sur  les  bourgs  n'existe  pas,  il 
faut  faire  flèche  de  tout  bois  et  recueillir  une  à  une  les  informations  disponibles 
pour  ensuite  les  comparer  entre  elles  et  en  dresser  un  bilan  qui  nous  assurera, 
sinon  de  la  parfaite  exactitude  des  données,  du  moins  de  leur  cohérence.  Quant 
à  la  logique  de  déplacement  des  recenseurs  dans  l'espace,  elle  ressort  générale- 
ment de  l'information  relative  aux  côtes  visitées,  que  l'on  peut  presque  toujours 
retracer  grâce  à  une  comparaison  entre  les  cartes  actuelles  de  cadastre  et  les 
cartes  ou  plans  anciens  de  localités. 

Cela  dit,  les  difficultés  présentées  par  le  recensement  de  1831  restent 
nombreuses  et  rendent  parfois  impossible  le  repérage  des  noyaux.  Les  plus 
sérieuses  concernent  l'aspect  physique  du  document,  qui  est  parfois  illisible  ou 
impossible  à  décrypter.  D'autres  concernent  la  logique  d'enregistrement  des 
données  et  leur  système  d'encodage,  qui  varient  considérablement  d'un  recen- 
seur à  l'autre,  selon  leur  perception  des  questions  à  poser  et  de  la  manière  d'y 
répondre.  Enfin,  il  arrive  que  des  informations  essentielles  manquent,  tels  les 
noms  de  côtes  ou  les  superficies  déclarées  occupées  par  les  chefs  de  ménage, 
ou  encore  que  d'autres  soient  regroupées  en  tête  de  liste  plutôt  que  dans  l'ordre 
de  visite  du  recenseur,  ce  qui  est  le  cas  notamment  de  l'information  relative  aux 
seigneurs.  Tout  cela  rend  d'autant  plus  ardu  le  découpage  des  noyaux.  Toutefois, 
pourvu  que  l'on  dispose  de  sources  de  contrôle  appropriées,  celui-ci  reste 
possible. 


261 


Le  recensement  de  1851-1852 

Le  recensement  de  1851-1852  présente  d'autres  difficultés.  En  effet, 
contrairement  à  celui  de  1831,  le  dénombrement  de  1851  regroupe  l'information 
en  deux  relevés  distincts.  Le  premier,  le  recensement  personnel,  enregistre  tous 
les  noms  des  résidents  de  la  localité  recensée  et  pas  seulement  ceux  des  chefs 
de  ménage  qu'il  devient  de  ce  fait  plus  difficile  de  reconnaître.  Le  second,  le 
recensement  agraire,  n'enregistre  que  les  noms  des  détenteurs  de  biens-fonds, 
sans  les  membres  du  ménage  déjà  enregistrés  dans  le  recensement  personnel. 
En  outre,  comme  ce  recensement  est  beaucoup  plus  complet  que  le  précédent, 
il  pose  des  difficultés  de  manipulation  qui  ne  sont  pas  négligeables. 

Sur  le  plan  méthodologique,  le  repérage  des  noyaux  s'est  fait  à  partir  des 
mêmes  critères  qu'en  1831  :  présence  d'une  structure  d'emplacement  où  réside 
une  population  au  profil  socio-économique  distinct  et  qui  accueille  divers  équipe- 
ments à  pouvoir  structurant  et  agglomérant  dans  l'espace.  En  outre,  nous  avons 
voulu  distinguer  également  entre  les  noyaux  principaux,  leur  périphérie,  les 
noyaux  secondaires  et  les  noyaux-moulins.  Toutefois,  comme  trop  de  listes 
manquaient,  il  a  fallu  ne  considérer  que  les  paroisses  pour  lesquelles  on 
disposait  d'un  recensement  personnel  et  analyser  chaque  cas  individuellement, 
en  refaisant  chaque  fois  la  structure  locale  d'habitat. 

Ce  travail  s'est  effectué  en  diverses  étapes,  à  partir  d'abord  du  recense- 
ment personnel  dont  il  fallait  en  premier  lieu  vérifier  la  séquence  des  folios.  En 
général,  ceux-ci  sont  consécutifs.  Dans  le  cas  contraire,  il  a  fallu  les  remettre  en 
ordre,  à  partir  des  indices  disponibles  dans  les  listes  (pagination  du  recenseur, 
informations  de  haut  de  page,  indications  du  recensement  agraire,  etc.)  et  en 
procédant  à  une  reconstitution  sommaire  des  ménages  par  appariement  de 
noms.  Après  cette  remise  en  ordre,  nous  avons  procédé  à  un  premier  décou- 
page des  noyaux.  Ce  travail  s'est  effectué  sur  la  base  des  métiers  et  des 
professions  déclarés  par  les  répondants  ainsi  qu'à  partir  des  mentions  de  villages 
indiquées  dans  les  listes.  Dans  le  cas  des  villages  non  désignés  par  les 
recenseurs,  une  première  liste  d'emplacitaires  était  constituée,  en  regard  de 
l'information  disponible  dans  les  cadastres  abrégés  de  seigneuries  et  du  recen- 
sement de  1861,  et  la  présence  d'une  église  ou  d'un  curé  était  enregistrée; 
parallèlement,  une  recherche  se  poursuivait  dans  le  matériel  cartographique 
disponible  (cartes  anciennes,  plans,  cartes  actuelles  de  cadastre)  afin  d'y  retracer 
la  présence  du  noyau  présumé. 

Une  fois  ce  travail  terminé,  une  démarche  similaire  était  faite  dans  le 
recensement  agraire,  où  il  s'agissait  d'abord  de  rechercher  les  structures  d'em- 
placement pour  ensuite  en  comparer  les  titulaires  à  ceux  de  la  liste  constituée  à 
partir  du  recensement  personnel.  Dans  le  cas  des  villages  désignés,  ces  structu- 
res sont  en  général  assez  facilement  repérables,  bien  qu'elles  puissent  être 
parfois  dissociées  quand  plusieurs  personnes  procèdent  au  recensement.  En  ce 
qui  concerne  les  villages  non  désignés,  les  structures  peuvent  être  au  contraire 
très  difficiles  à  cerner,  notamment  quand  le  recenseur  convoque  les  résidents 
plutôt  que  de  les  visiter.  Le  problème,  alors,  est  de  taille,  voire  impossible  à 


262 


résoudre.  Il  a  fallu  s'en  remettre  à  la  seule  liste  du  recensement  personnel,  ce 
qui  a  restreint  d'autant  la  fiabilité  de  certains  découpages1.  Dans  les  cas  plus 
simples,  on  a  pu  dresser  une  liste  des  emplacitaires  et  la  comparer  à  celle  que 
l'on  avait  obtenue  à  partir  du  recensement  personnel.  Il  en  a  résulté  une  liste 
corrigée  de  résidents,  ce  qui  a  permis  de  procéder  au  découpage  final  du  bourg 
et  à  la  collecte  des  données  sur  fiches  préimprimées  (voir  les  figures  19  et  20) 2. 


Quatre  indicateurs  ont  été  retenus  dans  nos  travaux  pour  nous  permettre  d'appré- 
cier la  qualité  des  découpages  :  mention  d'un  village  dans  l'une  ou  l'autre  partie  du 
recensement,  existence  d'un  recensement  agraire,  disposition  ordonnée  des  folios 
et  noyaux  qui  s'inscrivent  dans  une  séquence  consécutive  de  folios.  Les  villages  qui 
présentaient  ces  caractéristiques  étaient  donc  ceux  dont  le  découpage  était  le  plus 
fiable.  On  en  compte  42  au  total,  qui  correspondent  aux  villages  mentionnés  dans 
les  listes. 

Rappelons  que  cette  collecte  a  été  systématique.  Toutefois,  comme  la  quantité 
d'informations  à  colliger  était  élevée,  celles-ci  ont  été  agrégées  dès  le  départ  par 
variable  et  par  bourg  ou  partie  de  bourg,  pour  être  placées  ensuite  sur  support 
informatique  et  cumulées  par  entité,  le  cas  échéant. 


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Figure  20 
FICHE  DE  DÉPOUILLEMENT  DU  RECENSEMENT  DE  1851-1852 


PROJET  VILLAGE  -  RECENSEMENT  1851 


District ^ 

Paroi  sse^^,. 
Cote 


ComtÔ 


REPERAGE  DES  NOYAUX  VILLAGEOIS 
.     Seigneurie 


Village 
Bobine 


DECOUPAGE 

Recensement  personnel  folio 

Recensement  agraire  folio 


INDICES  POUR  LE  REPERAGE  ET  LA  CLASSIFICATION  DES  NOYAUX 

appellation  "Village" 

□ 

Séquence  des  folios 

adéquate 

□ 
□ 

non  adéquate 

Equipements 

église  ou  curé 
moulin 
manufacture 
autre 

□ 
□ 
□ 

mention  "Village"  r.p. 
mention  "Village"  r.a. 

□ 

D 

Emplacitaires  repérables  dans  les  cadastres  abrégés 
Emplacitaires  repérables  au  recensement  de  1861 

Nombre  de  maisons  au  recensement  de  1851 

Nombre  d'emplacements  dans  les  cadastres  abrégés 

Nombre  de  maisons  au  recensement  de  1831 


TYPE  DE  NOYAU 

HEmassma 

REMARQUES  


266 


FOLIO NUMEROS. 


1  Population  total*  du  villaaa.......... 

2  Coualea  unilineuee»  ehaf  f roneoahone.. 

3  Couplée  unilineuee»  ehaf  anglophone... 

4  CoupIob  unilineuee»  ehaf  autre........ 

9  Couplée  aixtea»  chef  francophone...... 

4  Couplée  aixtea»  ehef  anglophone....... 

7  CoupIob  aixtea»  ehaf  autre............ 

8  Profeeeion»  état»  occupation  Imnnmx*)., 

9  Lieu  de  neiaaahce  (4iéae  feuille). 

10  Anglicane ........ . . .... 

1 1  Beptiatea..— ._.._..._.____.__...... 

12  Catholieuea . . . 

TOTAL 

— 

... 

... 

--- 

— 

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ART 

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S 

— 

... 

13  Jui fa 

14  Héthodiatea 

13  Preab^tériena...........— ............ 

14  Protaatanta........................... 

17  Autraa  dénoainationa.......... ... . 

18  Paraonnea-réaidence  hora  liaitaa  (faut 

19  0-4  ana 

20  7-14  ana 

21  HALES          19-18  ana  aarléa 

22  19-18  ana  non  aarléa.. 

23  19-18  vaufa 

24  19-21  aariéa 

29                19-21  non  aariéa 

24                19-21  vaufa 

27                22-30  aariéa 

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... 

... 

... 

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28  22-30  non  aariéa 

29  22-30  vaufa 

30  31-40  aariéa 

31  31-40  non  aariéa.... 



... 

... 

... 

... 

— 

... 

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— 

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... 

32                31-40  veuf  a — 

33               41  at  ♦  aariéa .. 

34                él  et  r  non  aariéa 

39               41  et  ♦  veufa .. 

36  FEMELLES           0-14 . 

37                  19-49  aariéea 



... 

... 

— 

... 

— 

... 

... 

... 

... 

... 

... 

39  19-49  veuvea.. .. 

40  46  at  ♦  aariéea 

42                  44  at  +  veuvea..... 

43  BLOC  AGREBE                    0-14 

44  HALES              19-40.. 
49                               41  at  + 
44             FEHELLES           0-14 

47  19-49— 

48  44  et  ♦ 



— 

— 

... 

— 

... 

— 

... 

— 

— 



32  Réaidania-aeabrea-faaillef  feaaea.. . 

33  RéBidente-non-aoabrea*  hoaaaa......... 

34  RéaidentB-non-aeabree»  feaaea......... 

33  Heabrea-faeille  abeenta»  hoaaaa....... 

34  Haabrea-faaille  abeenta»  feaaea....... 

37  Sourda-auete»  hoaaaa.................. 

38  Sourda-aueta»  feaaea........ ....... 

39  Aveuelee»  hoaaaa...................... 

40  Aveuelee»  feaaee....... ......... ...... 

41  Aliénée»  hoaaaa....................... 

42  Aliénée»  feaaea . .. 

43  Ecoliera»  hoaaaa. ....... .............. 

44  Ecoliera»  feaaea...................... 



... 

... 

... 

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... 

... 

267 


PROJET      VILLAGE      -      RECENSEMENT       1851 


DISTRICT. 
PAROISSE. 

COTE. 


COMTE 


SEISMEURIE. 


VILLAGE 


BOBINE- 
FOLIO NUMEROS-. 


> 

49  Naissances  an  1891»  hoaaas............ 

44  Nsissancas  an  1891»  faaaas ... — .... 

47  Décès»  hoaaas . 

48  Décès»  faaaas .. . 

49  Maisons-briaua  1  étase 

70  2  étases . 

71  t  da  2  étasas .. 

72  Mai  sons-Pi  a  rra  i  étase . .. 

73  2  étasas . 

74  ♦  da  2  étasas.......... 

TOTAL 

... 

— 

— 

— 

... 

P 

ART 

IEL 

S 

**.. 

... 



— 



--- 

79  Maisons-charpente  1  étase 

74                 2  étasas . 

77  -f  da  2  étase* • 

78  Hsisons-Piacas  1  étase — .............. 

79  2  étase* 

80  +  da  2  étasas.. 

81  Hsisons-autras  1  étase .. ......... 

82  2  étasas. ____—..—.— 

..... 

— 

83  r  da  2  étasas 

84  Maisons  1  famille 

89        2  faailles 

84        +  da  2  f  Milles 

87  Maisons  non  habitées.. .. .......... 

88  Hsisons  en  construction ......... 

89  Boutiaues....... ...... ................ 

90  Hssssins.. . . . . ..... 

91  Aube  rses . . .. 

92  Tavernes—..—. . ........ . 

93  Autres  services ..................... 

Description.... .—..——.--— 

94  Services  non  spécifiés................ 

95  Edifices  publics 

Description: ...................... 

94  Edifices-culte  snslicsn 

97  cstholioue .......... 

98  aéthodiste 

99  presbvthérien.......... 

100               autre.................. 



.— 

--- 

— 

— 

*  — r 

... 

— 

... 

— 

... 



102  Employés I 

103  Moulins  è  carder  et  *  fouler. I 

104  Employés I 



— 

—- 

... 

— 

... 

— 

... 

... 

.— 

... 

.— 

105  Moulins  è  scie I__ 

104        Employés I 

107  Potssseries  et  perlssseries I  FEUILLE 



— 



... 

— 

— 

— 

.— 

— 

... 

— 

... 

108  Employés I 4 

109  Fonderies I 



— 



... 

— 

... 

— 

... 

— 

... 

... 

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110        Employés I 

111  Tsnneries.— ..---.._..___„_. .I_. 

112        Employés I 

113  Autres I 

114        Eeplowés...         .  I 

119  Occupants-recensement  ssrsire.. ....... 

114  Occupants* 1  lot  ou  partie  de  lot . 

117        Superficie 

11B  Occupants? 2  lots  ou  parties  de  lot 

***        Superficie.. —__....__..._ 

120  Occupant*: 3  lots  ou  parties  de  lot 

121  Superfice 

122  OccuPsntsM  lots  ou  parties  de  lot 

123  Superficie . ... 

124  0ccupsnts:9  lots  ou  parties  de  lot 

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----- 

------ 

------ 

----- 

IZZ 

129        Superficie 

124  Occupants: r  de  9  lots  ou  parties  de  lo 

268 


PROJET      VILLAGE      —      RECEl 


DISTRICT 

PAROISSE 

COTE 

FOLIO 


VILLAGE. 


tiEIMT      1851 
SCIOMCURIC 


.-   BOBINE ... 

.-   NUMEROS 


• 

127  Suparficia . — . ..... .... 

128  Lots  da  .1  a  1  araant 

TOTAL 

...... 

p 

ARTIEL 

S 

129  Suaarfieia . ; 

130  Lots  da  1.1  s  10  araants 

131  Suaarficia 

132  Lots  da  10.1  a  100  armants 

..... 

...... 



...... 

133  Suaarficia 

134  Lots  da  +  da  100  araants 

135  Suaerficla 

136  Occupants  sans  suaarficia  déclaréa.... 

137  ARPENTS  an  eultura 

138  awsnt  produit  récolta  (1851).. 

139  »r\   »>âtura«à__................. 

140  Jardins  at  variars.. .._._._, 

141  bois  dabout  ou  ineulta........ 

142  BLE  sraants . 



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143  ainots . ...... 

144  0R6E  araants 

145  ainots . . 



146  SEI6LE  armants 

147  ainota 





148  POIS  araants 

149  ainots...  ........  .—.—.._._.... 

150  AVOINE  araants 

151  ainots . ... .. 

152  BLE  SARRAZIN  araants 

153  ainots................... 

134  BLE  D'INDE  araants 

155  ainots 

156  PATATES  araants 

157  ainots... — . .. ......... 

158  NAVETS  araants . . 

159  ainots 

160  Trèfla»ail  at  autra  fourrsaa»  ainots.. 

161  Carottas 

162  Maniai  uurtzal 

163  Fèvas»  ainots......................... 

164  Houblon»  lbs... .. . 

163  Foin»  bottas  ou  tonnas................ 

166  Lin  ou  chsnvra»  lbs................... 

167  Tabac»  lbs ... ...—.— 











168  Lsina»  lbs . 

169  Autra 

170  Autra 

171  Autfa 

172  Sucra  d'érabla»  lbs 

173  Cidra»  «allons . ... — ... 

174  Etoffa  fouléa»  varias......... ...... 

173  Toila»  varias ... . 

176  Flanalla»  va r«as........ ....... ....... 

177  TauraauK»  boaufs  at  bouvillons........ 

178  Vaehas  laitièras 

179  Vasux  at.iénissss. . ... . 

180  ChavauM............................... 

181  Moutons.. . . ................. 

182  Cochons...... ......................... 

..... 

...... 

183  Baurrra»  lbs.......................... 

184  Froaasa»  lbs .. . ..-.-.-.-. 

185  Boauf»  baril  ou  ouint. ................ 

186  Lard»  baril  ou  ouint ... . 

187  Ouantlté  da  aoisson  aréaaré ..... 

269 


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Equipements   commerciaux 


ToTrL 


Equipements  pour  la  construction 


Divers  équipements 


Fabrication  alimentaire 


Fabrication  bois 


Fabrication  cuir 


Fabrication  divers 


Fabrication  métaux 


Fabrication  transport 


Fabrication  vêtement 


Hébergement 


Services  communautaires 


Services  professionnels 


lervices  publics 


Ecoles 


Lieuxie  culte 


anglican 


catholique 


méthodiste 


presbytérien 


autre 


MOULINS-MANUFACTURES 
Brasseries .distilleries  [nombre 


employés 


Construction  navale  Inombre 


employés 


Extraction Inombre 


employés" 


Fonderies  Inombre 


employés" 


Manufacture  nombre 


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Moulin  à  carder  et  à  fouler  nombre *. 


Moulin  à  farine  nombre 


employés 


employés 


Moulin  à  scie  nombre 


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employés 


Moulin  autre  Inombre 


employés 


Potasserie,perlasserie [nombre 


employés 


Tannerie  Inombre 

employés 


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Annexe  B 

NOYAUX  VILLAGEOIS  (1815,  1831,  1851) 


Situation 

Village 

District  de  Montréal 

Seigneurie 

1815 

1831 

1815 

1831 

1851 

1851 

ARA 

ARA 

Saint-Raphaël  (île  Bizard) 

île  Bizard 

1 

ARM 

ARM 
ARM 
ARM 

Côte-des-Neiges 
ÎJe-de-la-Visitation 
L'Abord-à-Plouffe  (Montréal) 

île  de  Montréal 
île  de  Montréal 
île  de  Montréal 

1 

ARM 

ARM 
ARM 

ARM 
ARM 
ARM 
ARM 

Lachine 

Lachine  (Upper  Lachine) 

Longue-Pointe 

Mun.  de  Saint-Louis 

(Les  Tanneries) 

île  de  Montréal 
île  de  Montréal 
île  de  Montréal 

île  de  Montréal 

1 

1 
1 

ARM 

ARM 

ARM 

Pointe-aux-Trembles 

île  de  Montréal 

1 

1 

ARM 

ARM 

ARM 
ARM 

Pointe-Claire 
Rivière-des-Prairies 

île  de  Montréal 
île  de  Montréal 

1 

1 

ARM 

ARM 
ARM 
ARM 

Saint-Laurent 

Saint-Michel 

Sainte-Anne 

île  de  Montréal 
île  de  Montréal 
île  de  Montréal 

1 

ARM 

ARM 

Sainte-Geneviève 

île  de  Montréal 

1 

ARM 

ARM 

Sault-au-Récollet 

île  de  Montréal 

1 

ARJ 

ARJ 

L'Abord-à-Plouffe  (Saint-Martin) 

île  Jésus 

1 

1  * 

ARJ 

ARJ 

Saint-François-de-Sales 

île  Jésus 

1 

ARJ 

ARJ 

Saint-Martin 

île  Jésus 

1 

1  * 

ARJ 

ARJ 

Saint-Vincent-de-Paul 

île  Jésus 

1 

ARJ 

ARJ 

Sainte-Rose 

île  Jésus 

1 

ARA 

ARA 

Sainte-Jeanne  (île  Perrot) 

île  Perrot 

1 

Total 

3 

15 

22 

PI 

PI 

Saint-Polycarpe 

Nouvelle-Longueuil 

1 

PN 

PN 
PN 

Baie-de-Rigaud  (Pointe-Fortune) 
Bingham 

Rigaud 
Rigaud 

1 

PN 

PN 

PN 
PN 
PI 

Rigaud 

Sainte-Madeleine-de-Rigaud  (NS) 
Sainte-Marthe 

Rigaud 
Rigaud 
Rigaud 

K 

1 

PS 

PS 

Les  Cascades 

Soulanges 

1 

1  * 

PS 

PS 

PS 

Les  Cèdres 

Soulanges 

1 

1 

1  * 

PS 

Saint-Ignace  «Caserns» 

Soulanges 

(e) 

PS 

Saint-Ignace  (Côte  «Range») 

Soulanges 

PS 

PS 

Saint-Ignace  (Coteau-du-Lac) 

Soulanges 

1 

PN 

PN 

PN 

Vaudreuil 

Vaudreuil 

1 

1 

PN 

PN 

Vaudreuil  (continuation) 

Vaudreuil 

1 

Total 

3 

8 

12 

Al 

La  Visitation  (île  du  Pads) 

île  du  Pads 

RNF 

Carillon 

Argenteuil 

RNA 

Lachute 

Argenteuil 

RNF 

RNF 

Saint-André-d 'Argenteuil 

Argenteuil 

1 

RNF 

RNF 

RNF 

Berthier 

Berthier 

1 

1 

273 


Situation 


1815 

1831 

1851 

Village 

Saint-Cuthbert 

Seigneurie                      1815 

1831 

1851 

RNI 

RNI 

Berthier 

1 

RNI 

RNI 

RNA 

Saint-Cuthbert  (Pierreville)  (NS) 
Saint-Félix-de-Valois  (NS) 

Berthier                               1 
De  Ramsay 

RNI 

RNI 

Belle-Rivière 

Deux-Montagnes 

RNI 

RNI 
RNI 
RNF 

Saint-Benoît 

Saint-Hermas 

Saint-Placide 

Deux-Montagnes 
Deux-Montagnes 
Deux-Montagnes 

RNI 

RNI 

Sainte-Scholastique 

Deux-Montagnes 

RNI 

RNI 

Saint-Barthélémy 

Dusablé 

1  * 

RNI 

Achigan  (NM  A) 

L'Assomption 

RNF 

RNF 

RNF 

L'Assomption 

L'Assomption                       1 

RNF 

RNF 

Repentigny  (Grande-Assomption) 

L'Assomption 

1  * 

RNF 

RNF 

Repentigny  (Grande-Côte) 

L'Assomption 

1  * 

RNF 

RNI 

Repentigny  (NM) 
Ruisseau-des-Anges 

L'Assomption 
L'Assomption 

RNA 

RNA 

Saint-Ours-du-Saint-Esprit 

L'Assomption 

1  * 

RNI 

Saint-Roch  (hameau) 
(sud  de  la  rivière) 

L'Assomption 

RNI 

RNI 

RNI 

Saint-Roch  (village) 

L'Assomption                      1 

1  * 

RNF 

RNF 

Lachenaie 

Lachenaie 

RNI 

RNI 
RNI 

Petite-Mascouche 
Rapide-Mascouche 

Lachenaie 
Lachenaie 

1  * 

RNI 

RNI 

Saint-Henri-de-Mascouche 

Lachenaie 

RNA 

RNA 
RNA 

Saint-Lin 
Saint-Félix-de-Valois 

Lachenaie 
Lanoraie 

RNF 

RNF 

Saint-Joseph-de-Lanoraie 

Lanoraie 

RNI 

RNI 

Saint-Thomas 

Lanoraie 

RNI 

RNI 

Sainte-Elisabeth 

Lanoraie 

RNF 

RNF 

Saint-Antoine-de-Lavaltrie 

Lavaltrie 

RNA 

RNI 

Saint-Paul-d' Industrie 

Lavaltrie 

RNA 

RNI 
RNI 

Saint-Paul-de-Lavaltrie  (NP) 
Saint-Paul-de-Lavaltrie  (NS) 

Lavaltrie 
Lavaltrie 

RNI 

RNI 

Saint-Janvier  (Côte-Saint-Pierre) 

Mille-Îles 
(augmentation) 

1 

RNA 

RNI 
RNI 
RNI 

Saint-Jérôme 

(sud  de  la  Rivière-du-Nord) 

Saint-Jérôme 

(hameau  du  Cordon) 

Saint-Janvier 

Mille-Îles 
(augmentation) 
Mille-Îles 
(augmentation) 
Mille-Îles  (Blainville) 

RNI 

RNI 

Sainte-Thérèse 

Mille-Îles  (Blainville) 

1 

RNI 

RNI 

Saint-Augustin 

Mille-Îles  (Dumont) 

1 

RNF 

RNF 

RNF 

Saint-Eustache 

Mille-Îles  (Dumont)             1 

1 

RNAE 

Hameau  de  la  Côte-du-Moulin 

Petite-Nation 

RNAE 

RNAE 
RNAE 
RNAE 

Notre-Dame-de-Bonsecours 
Presqu'île  du  Grand-Camp 
Saint-André-Avellin 

Petite-Nation 
Petite-Nation 
Petite-Nation 

1  * 

RNI 

RNI 

Achigan  (L'Epiphanie)  (NM  B) 

Saint-Sulpice 

1 

1  * 

RNA 

RNA 

Lac-Ouareau 

Saint-Sulpice 

1 

RNA 

RNA 

Saint-Alexis 

Saint-Sulpice 

1 

RNA 

RNA 

Saint-Jacques 

Saint-Sulpice 

1 

RNF 

RNF 

Saint-Sulpice 

Saint-Sulpice 

1 

1  * 

RNA 

RNI 
RNA 

Sainte-Anne-des-Plaines 
Sainte-Sophie  (Lacorne) 

Terrebonne 
Terrebonne 

1 

RNF 

RNF 

RNF 

Terrebonne 

Terrebonne                          1 

1 

Total 

6 

38 

50 

274 

Situation 

Village 

Mission  du  Lac 

1815          1831 

1851 

VN 

Seigneurie 

VN             VN 

(Deux-Montagnes) 

Deux-Montagnes 

RSI 

Howick 

Beauharnois 

RSF 

Melocheville 

Beauharnois 

RSF 

RSF 

Saint-Clément  (Beauharnois) 

Beauharnois 

RSA 

Saint-Jean-Chrysostome 

Beauharnois 

RSI 

Saint-Louis-de-Gonzague  (CD 

Beauharnois 

RSI 

Saint-Louis-de-Gonzague  (C5) 

Beauharnois 

RSI 

Saint-Malachie  (Ormstown)  (NP) 

Beauharnois 

RSI 

Saint-Malachie  (NS,  CD 

Beauharnois 

RSI 

Saint-Malachie  (NS,  C5) 

Beauharnois 

RSF 

Saint-Timothée 

Beauharnois 

RSI 

Saint-Urbain 

Beauharnois 

RSI 

RSI 

Sainte-Martine 

Beauharnois 

RSV 

RSV 

Belœil 

Belœil 

RSI 

Sainte-Julie 

Belœil 

RSV 

RSV 

Christieville  (Saint-Athanase) 

Bleury 

RSI 

Saint-Alexandre 

Bleury 

RSF           RSF 

RSF 

Boucherville 

Boucherville 

RSF 

RSF 

Varennes 

Cap-Saint-Michel 

RSV 

RSV 

Canton  Chambly 

Chambly 

RSV           RSV 

RSV 

Saint-Joseph  (Chambly) 

Chambly 

RSV 

RSV 

Saint-Mathias 

Chambly 

RSV 

RSV 

Saint-Mathias  (NM  A,  CD 

Chambly 

RSV 

RSV 

Saint-Mathias  (NM  B,  C2) 

Chambly 

RSF 

RSF 

Châteauguay 

Châteauguay 

RSI 

Saint-Isidore 

Châteauguay 

RSI 

Sainte-Philomène  (NP) 

Châteauguay 

RSI 

Sainte-Philomène  (NS) 

Châteauguay 

RSF 

RSF 

Contrecœur 

Contrecœur 

RSV 

RSV 

Saint-Antoine 

Contrecœur 

RSA 

Burtonville 

De  Léry 

RSV 

RSV 

Napierville 

De  Léry 

RSV 

RSV 

Saint-Paul  (île  aux  Noix) 

De  Léry 

RSV 

Saint-Valentin 

De  Léry 

RSA 

RSA 

Saint-Hugues 

De  Ramzay 

RSVA 

Clarenceville 

Foucault 

RSVA 

Saint-Bernard-de-Lacolle 

Lacolle 

RSF           RSF 

RSF 

Laprairie 

Laprairie 

RSF 

Laprairie 

(hameau  Côte-Saint-François) 

Laprairie 

RSI 

RSI 

Saint-Philippe 

Laprairie 

RSI 

RSI 

Saint-Rémi 

La  Salle 

RSF           R$F 

RSF 

Longueuil 

Longueuil 

RSV           RSV 

RSV 

Saint-Jean  (Dorchester) 

Longueuil 

RSV 

Saint-Luc 

Longueuil 

RSI 

Sainte-Marguerite  (Blairfindie) 

Longueuil 

RSI 

RSI 

Marieville 

Monnoir 

RSI 

Saint-Grégoire 

Monnoir 

RSI 

Saint-Bruno 

Montarville 

RSV 

RSV 

Noyan  (Henryville) 

Noyan 

RSV 

Noyan  (C2,  3) 

Noyan 

RSI 

RSI 

Saint-Jean-Baptiste  (de  Rouville) 

Rouville 

RSVA 

Abbott-Comers 

Saint-Armand 

1815  1831  1851 


1  1 


275 


Situation 

Village 

Seigneurie 

1815 

1831 

1851 

1815 

1831 

1851 

RSVA 

RSVA 

RSVA 

Frelighsburg 

Saint-Armand 

1 

1 

RSVA 

RSVA 

RSVA 

Philipsburg 

Saint-Armand 

1 

1 

RSVA 

RSVA 

Philipsburg  (hameau)  (C3) 
Pidgeon-Hill 

Saint-Armand 
Saint-Armand 

1 

RSV 

RSV 

Saint-Charles 

Saint-Charles 

1 

1  * 

RSV 

RSV 

RSV 

Saint-Denis 

Saint-Denis 

1 

1 

1  * 

RSV 

Saint-Denis  (hameau)  (C2) 

Saint-Denis 

1 

RSV 

RSV 

Saint-Hilaire 

Saint-Hilaire 

1 

1  * 

RSV 

RSV 

Saint-Hilaire 

(Mont-Saint-Hilaire)  (NM) 

Saint-Hilaire 

1 

1  * 

RSI 

RSI 

La  Présentation 

Saint-Hyacinthe 

1 

1  * 

RSA 

RSI 

Saint-Césaire 

Saint-Hyacinthe 

1 

RSA 

RSI 
RSI 

Saint-Damase 
Saint-Dominique 

Saint-Hyacinthe 
Saint-Hyacinthe 

1 

1 

RSA 

RSI 

RSI 
RSI 
RSI 

RSI 

Saint-Hyacinthe 

Saint-Paul-d'Abbotsford 

Saint-Pie  (NM) 

Saint-Pie  (hameau  sur  la  rivière) 

Saint-Hyacinthe 
Saint-Hyacinthe 
Saint-Hyacinthe 
Saint-Hyacinthe 

1 

1 

1 

RSA 

RSI 
RSI 

Saint-Pie  (NP) 
Saint-Patrick-de-Sherrington 

Saint-Hyacinthe 
Saint-James 

1 

RSV 

RSV 

Saint-Marc 

Saint-Marc 

1 

1  * 

RSA 

RSI 

Saint-Jude  (Michaudville) 

Saint-Ours 

1 

RSF 

RSF 

RSF 

Saint-Ours  (NP) 

Saint-Ours 

1 

1 

RSF 

Saint-Ours  (NS) 

Saint-Ours 

1 

RSF 

RSF 

Saint-Constant 

Sault-Saint-Louis 

1 

RSF 

RSF 

RSF 

Sorel 

Sorel 

1 

1 

RSF 

Sorel  (chantiers) 

Sorel 

(e) 

RSF 

RSF 

RSF 

Verchères 

Verchères 

1 

1 

1  * 

RSF 

RSF 

Verchères  (NM) 

Verchères 

1 

Total 

13 

48 

72 

VS 

VS 

VS 

Caughnawaga 

Sault-Saint-Louis 

1 

1 

1 

TOTAL  DU  DISTRICT  DE  MONTRÉAL 

27 

111 

159 

District  de  Trois-Rivières 


RNF 

RNF 

Sainte-Geneviève 

Batiscan 

1 

RNF 

RNF 
RNA 

La  Visitation  (Champlain) 
Saint-Paulin 

Champlain 
Dumontier 

1 

RNF 

RNF 

Saint-Joseph-de-Maskinongé 

(NP) 

Maskinongé 

1 

RNF 

RNF 

Saint-Joseph-de-Maskinongé 

(NS) 

Maskinongé 

1 

RNF 

RNF 

RNF 

Pointe-du-Lac 

Pointe-du-Lac 

1 

RNF 

RNF 

RNF 
RNI 
RNA 

Rivière-du-Loup 

Sainte-Ursule 

Saint-Barnabe 

Rivière-du-Loup 
Rivière-du-Loup 
Saint-Barnabe 

1 

RNA 

RNI 

RNI 

Les  Forges 

Saint-Étienne 

1 

RNF 

RNF 

RNF 

Sainte-Anne-de-la-Pérade 

Sainte-Anne 

1 

RNA 

RNI 

Saint-Léon-le-Grand 

Yamachiche 

1 

RNF 

RNF 

RNF 

Yamachiche 

Yamachiche 

1 

Total 

5              10 

13 

RSF 

RSF 

RSF 

Baie-Saint-Antoine 

Baie-Saint-Antoine 

1 

RSF 

RSF 

RSF 

Bécancour 

Bécancour 

1 

276 


Situation 


1815 

1831 

1851 

Village 

Saint-David  (C20) 

Seigneurie 

RSA 

Bourg-Marie-Est 

RSA 

Saint-David  (NM) 

Bourg-Marie-Est 

RSI 

Saint-Zéphirin 

Courval 

RSF 

RSF 

Gentilly 

Gentilly 

RSI 

RSI 

RSI 

Saint-Grégoire  (NP) 

Godefroy 

RSI 

RSI 

Saint-Grégoire  (NS) 

Godefroy 

RSF 

RSF 

RSF 

Nicolet 

Nicolet 

RSI 

Sainte-Monique 

Nicolet 

RSI 

RSI 

Pierreville 

Saint-François 

RSF 

RSF 

Saint-Pierre-les-Becquets 

Saint-Pierre- 
les-Becquets 

RSI 

RSI 

Yamaska  (NP) 

Yamaska 

RSI 

Yamaska  (NS) 
Total 

Yamaska 

VS 

VS 

VS 

Abénaquis 

Bécancour 

VS 

Bécancour 
Total 

Bécancour 

1815 


1831 


TOTAL  DU  DISTRICT  DE  TROIS-RIVIÈRES 


1 

1 

1 

1 

1 

1 

1 

1 

1 

1 

4 

10 

1 

1 

1 

1 

10 

21 

1851 


13 

1 
1 
2 

28 


District  de  Québec 


RNF 

RNF 

RNF 
RNF 

Beauport 
Baie-Saint-Paul  (NM) 

Beauport 
Beaupré 

1 

1 

RNF 

RNF 

Baie-Saint-Paul  (NP) 

Beaupré 

1 

RNF 

RNF 
RNF 

Château-Richer 
Château-Richer  (hameau)  (CD 

Beaupré 
Beaupré 

1 

RNF 

RNF 

L'Ange-Gardien 

Beaupré 

1 

RNF 

RNF 
RNF 

Saint-Joachim 
Saint-Joachim  (NM) 

Beaupré 
Beaupré 

1 

RNF 

RNF 
RNA 

Sainte-Anne  (de  Beaupré) 
Saint-Raymond 

Beaupré 
Bourg-Louis 

1 

RNF 

RNF 

Deschambault 

Deschambault 

1 

RNF 

RNF 
RNA 

Saint-Augustin 
Sainte-Catherine 

Desmaures 
Fossambault 

1 

RNF 

RNF 

Cap-Rouge 

Gaudarville 

1 

RNF 

RNF 

Grondines  (NP) 

Grondines 

G 

1 

RNF 

RNF 
RNF 

Grondines  (NS) 
Les  Éboulements 

Grondines 

Les  Éboulements 

1 

RNF 

RNF 

Les  Écureuils 

Les  Écureuils 

1 

RNF 

RNF 

La  Malbaie  (Nairne) 

Murray  Bay 

1 

RNF 

RNF 
RNF 

Pointe-au-Pic 
Saint-lrénée 

Murray  Bay 
Murray  Bay 

1 

RNI 

RNI 

RNI 

Charlesbourg 

Notre-Dame- 

des-Anges 

1 

1 

1 

RNI 

Petit  Village 

Notre-Dame- 
des-Anges 

1 

RNF 

RNF 

RNF 

Petite  Rivière  Saint-Charles 

Notre-Dame- 

des-Anges 

1 

1 

1 

RNF 

RNF 

RNF 

RNAE 

Neuville 

Portneuf  (Mille-Vaches) 

Pointe-aux-Trembles 

Portneuf 

(Mille-Vaches) 

1 

1 

1 
1 

RNF 

RNF 

RNF 

Cap-Santé 

Portneuf 

1 

1 

1 

277 


Situation 


1815 


RNI 


VN 


RSF 


RSF 


1831 

1851 

Village 

Seigneurie 

RNF 

Cap-Santé  (noyau)  (C3) 

Portneuf 

RNF 

RNF 

Cap-Santé  (NM) 

Portneuf 

RNI 

RNI 

Ancienne-Lorette  (CD 

Saint-Gabriel 

RNI 

Ancienne-Lorette  (C2) 

Saint-Gabriel 

RNI 

Ancienne-Lorette  (C3,  4,  5) 

Saint-Gabriel 

RNI 

Ancienne-Lorette  (C4) 

Saint-Gabriel 

RNI 

Hamelville 

Saint-Gabriel 

RNI 

RNI 

Saint-Ambroise 

(Côte-Saint-Antoine) 

Saint-Gabriel 

RNA 

Saint-Gabriel-de-Valcartier 

Saint-Gabriel 

RNF 

Bridge  Water  Cove 

Sillery 

RNF 

RNF 

Côte-de-Sillery 

Sillery 

RNF 

Noyau  Chemin-Saint-Louis 

Sillery 

RNF 

RNF 

Noyau  Chemin-Sainte-Foy 

Sillery 

RNF 

Sillery  Cove 

Sillery 

RNF 

Union  Cove 
Total 

Sillery 

VN 

VN 

Jeune-Lorette 

Saint-Gabriel 

RSF 

RSF 

Beaumont 

Beaumont 

RSI 

RSF 

Saint-Charles 

Beaumont 

RSF 

Saint-Étienne-de-Beaumont 

Beaumont 

RSA 

RSI 

Saint-Gervais 

(Faubourg-du-Moulin) 

Beaumont 

RSF 

RSF 

Berthier 

(Notre-Dame-de-l  'Assomption) 

Berthier 

RSAE 

Le  Bic 

Le  Bic 

RSF 

RSF 

L'Islet 

Bonsecours 

RSF 

RSF 

Cacouna 

Cacouna  (Le  Parc) 

RSI 

Saint-Arsène 

Cacouna  (Le  Parc) 

RSF 

Deschaillons  (NP) 

Deschaillons 

RSF 

Deschaillons  (NS,  CD 

Deschaillons 

RSF 

RSF 

Cap-Saint-Ignace 

Gamache 

RSI 

Sainte-Hélène 

Grandville 

RSI 

Saint-Éloi 

Île-Verte 

RSF 

Île-Verte 

Île-Verte 

RSA 

RSI 

Sainte-Claire  (NP) 

Jolliet 

RSA 

Sainte-Claire  (NS) 

Jolliet 

RSI 

Saint-Alexandre 

Kamouraska 

RSF 

RSF 

Saint-André-de-Kamouraska 

Kamouraska 

RSF 

RSF 

Saint-Louis-de-Kamouraska 

Kamouraska 

RSI 

RSI 

Saint-Pascal  (NM) 

Kamouraska 

RSI 

RSI 

Saint-Pascal  (NP) 

Kamouraska 

RSI 

RSI 

Saint-Pascal  (NS) 

Kamouraska 

RSF 

Lauzon  (total) 

Lauzon 

RSI 

RSI 

Saint-Anselme 

Lauzon 

RSI 

RSI 

Saint-Henri 

Lauzon 

RSI 

RSI 

Saint-Jean-Chrysostome 

Lauzon 

RSF 

RSF 

Saint-Joseph-de-Lévis  (NP) 

Lauzon 

RSF 

RSF 

Saint-Joseph-de-Lévis  (NS) 

Lauzon 

RSF 

RSF 

Saint-Nicolas 

Lauzon 

RSAE 

Sainte-Luce 

Lepage 

RSAE 

Sainte-Flavie 

Lepage 

RSA 

RSI 

Saint-Gervais  (CD 

Livaudière 

1815 


1831 


1 
1 

23 

1 

1 
1 


1851 


(e) 


278 


Situation 

Village 

Saint-Gervais  (C2) 

Seigneurie                       1815 

1831 

1815          1831 

1851 

1851 

RSI 

Livaudière 

RSA 

Saint-Lazare 

Livaudière 

RSF 

RSF 

Lotbinière  (NP) 

Lotbinière 

1 

1  * 

RSF 

RSF 

Lotbinière  (Leclercville)  (NS) 

Lotbinière 

1 

1  * 

RSAE 

Matane  (NP) 

Matane 

RSAE 

Matane  (NS) 

Matane 

RSAE 

Mitis  (Dé  Peiras) 

Mitis                                     1 

RSAE 

Saint-Simon 

Nicolas-Rioux 

RSAE 

Rimouski 

Rimouski 

RSF 

Rivière-Ouelle  (Brise-Culotte) 

Rivière-Ouelle 

1 

RSF 

Rivière-Ouelle  (Grand-Coteau) 

Rivière-Ouelle 

1 

RSF 

RSF 

Rivière-Ouelle  (NP) 

Rivière-Ouelle 

1 

RSI 

RSI 

Rivière-Ouelle  (NS) 

Rivière-Ouelle 

1 

RSI 

Saint-Pacôme 

Rivière-Ouelle 

RSF 

RSF 

Rivière-du-Loup  (Fraserville) 

Rivière-du-Loup 

1 

RSF           RSF 

RSF 

Montmagny  (Saint-Thomas) 

Rivière-du-Sud                     1 

1 

RSI 

RSI 

Saint-François  (Rivière-du-Sud) 

Rivière-du-Sud 

1 

RSI 

RSI 

Saint-Pierre 

Rivière-du-Sud 

1 

RSI 

Saint-Thomas  (noyau)  (C3) 

Rivière-du-Sud 

RSI 

Saint-Thomas  (noyau)  (C4) 

Rivière-du-Sud 

RSF 

RSF 

Saint-Antoine-de-Tilly 

Saint-Antoine-de-Tilly 

1 

RSF 

Saint-Antoine-de-Tilly  (NM) 

Saint-Antoine-de-Tilly 

1 

RSF 

Saint-Denis 

Saint-Denis 

RSI 

RSI 

Saint-François 

Saint-François 

1 

RSA 

Saint-Gilles  (hameau)  (C3) 

Saint-Gilles 

RSA 

Saint-Gilles  (NP) 

Saint-Gilles 

RSA 

Saint-Sylvestre 

Saint-Gilles 

RSF 

Saint-Jean-Port-Joli 
(hameau  sur  le  fleuve) 

Saint-Jean-Port-Joli 

RSF 

RSF 

Saint-Jean-Port-Joli 

Saint-Jean-Port-Joli 

1 

RSF 

RSF 

Trois-Saumons 

Saint-Jean-Port-Joli 

1 

RSI 

RSI 

Saint-Joseph  (Beauce) 

Saint-Joseph 

1 

RSF           RSF 

RSF 

Saint-Michel-de-Bellechasse 

Saint-Michel                         1 

1 

RSF           RSF 

RSF 

Saint-Roch-des-Aulnaies 

Saint-Roch- 

des-Aulnaies                       1 

1 

RSF           RSF 

RSF 

Saint-Vallier  (CD 

Saint-Vallier                         1 

1 

RSI 

RSI 

Saint-Vallier  (C4) 

Saint-Vallier 

1 

RSF           RSF 

RSF 

Sainte-Anne  (NP) 

Sainte-Anne-de-la- 
Pocatière                            1 

1 

RSF 

RSF 

Sainte-Anne  (NS) 

Sainte-Anne-de-la- 
Pocatière 

1 

RSF 

RSF 

Sainte-Croix 

Sainte-Croix 

.       1 

RSI 

Saint-Elzéar  (Côte-Sherbrooke) 

Sainte-Marie 

RSI 

Saint-Elzéar  (Côte-Saint-Jacques) 

Sainte-Marie 

RSI 

RSI 

Sainte-Marie 

Sainte-Marie 

1 

1  * 

RSF 

RSF 

Trois-Pistoles  (NP) 

Trois-Pistoles 

1 

RSF 

Trois-Pistoles  (NS) 

Trois-Pistoles 

Total 

8 

46 

69 

IO 

IO 

Saint-Jean  (NP) 

île  d'Orléans 

1 

IO 

IO 

Saint-Laurent  (NP) 

île  d'Orléans 

1 

IO 

Saint-Laurent  (NS) 

île  d'Orléans 

1 

IO 

IO 

Saint-Pierre  (NM) 

île  d'Orléans 

1 

IO 

IO 

Saint-Pierre  (NP) 

île  d'Orléans 

1 

IO 

IO 

Sainte-Famille  (NP) 

île  d'Orléans 

1 

1  * 

IO 

IO 

Sainte-Famille  (NM) 

île  d'Orléans 

1 

Total 

0 

7 

6 

279 


Situation 

Village 

Seigneurie 

1815 

1831 

1815 

1831 

1851 

1851 

IN 

IN 
IS 

Saint-Louis 
Saint-Antoine 

île-aux-Coudres 
île-aux-Grues 

1 

1  * 
1 

TOTAL  DU  DISTRICT  DE  QUEBEC 


16 


78 


119 


TOTAL  DES  SEIGNEURIES 


53 


210 


306 


*  Noyau  non  signalé  dans  la  source  mais  dont  l'existence  est  connue  par  d'autres  documents, 
(e)  :  Noyau  existant  inclus  dans  le  noyau  principal. 
Sources  :  Joseph  Bouchette,  Description  topographique  de  la  province  du  Bas-Canada,  1815;  ANC,  Recensements 
du  Bas-Canada,  1831  et  1851-1852. 


280 


Annexe  C 

POPULATION  VILLAGEOISE  (1815,  1831,  1851) 


%  de  francophones* 


Situation 

Village 

1815             1831 

1851 

1831 

1851 

District  de  Montréal 

AR 

Saint-Raphaël  (île  Bizard) 

22 

177 

100,00 

100,00 

AR 

Côte-des-Neiges 

AR 

Île-de-la-Visitation 

50 

83,33 

AR 

L'Abord-à-Plouffe  (Montréal) 

118 

84,21 

AR 

Lachine 

1  077 

55,56 

AR 

Lachine  (Upper  Lachine) 

161 

100,00 

AR 

Longue-Pointe 

235 

61,76 

AR 

Mun.  de  Saint-Louis  (Les  Tanneries) 

995 

71,52 

AR 

Pointe-aux-Trembles 

336 

88,89 

AR 

Pointe-Claire 

450 

90,00 

AR 

Rivière-des-Prairies 

100 

100,00 

AR 

Saint-Laurent 

438 

89,23 

AR 

Saint-Michel 

133 

90,91 

AR 

Sainte-Anne 

258 

89,19 

AR 

Sainte-Geneviève 

696 

99,18 

AR 

Sault-au-Récollet 

458 

93,15 

AR 

L'Abord-à-Plouffe  (Saint-Martin) 

212 

100,00 

AR 

Saint-François-de-Sales 

92 

217 

100,00 

100,00 

AR 

Saint-Martin 

255 

96,23 

AR 

Saint-Vincent-de-Paul 

346 

639 

94,92 

100,00 

AR 

Sainte-Rose 

361 

515 

95,77 

100,00 

AR 

Sainte-Jeanne  (île  Perrot) 

138 

107 

92,00 

100,00 

Total 

1  426 

7  160 

96,24 

83,27 

PI 

Saint-Polycarpe 

80 

357 

66,67 

86,54 

PI 

Baie-de-Rigaud  (Pointe-Fortune) 

90 

211 

0,00 

53,57 

PI 

Bingham 

152 

89,47 

PI 

Rigaud 

189 

506 

88,24 

88,41 

PI 

Sainte-Madeleine-de-Rigaud  (NS) 

86 

94,12 

PI 

Sainte-Marthe 

67 

63,64 

PI 

Les  Cascades 

103 

70,59 

PI 

Les  Cèdres 

292 

77,78 

PI 

Saint-Ignace  «  Caserns  » 

51 

0,00 

PI 

Saint-Ignace  (Côte  «  Range  ») 

120 

100,00 

PI 

Saint-Ignace  (Coteau-du-Lac) 

293 

249 

68,00 

88,10 

PI 

Vaudreuil 

274 

433 

97,67 

89,36 

PI 

Vaudreuil  (continuation) 

110 

494 

62,50 

42,25 

Total 

1  431 

2  726 

74,07 

75,13 

IN 

La  Visitation  (île  du  Pads) 

28 

100,00 

RN 

Carillon 

349 

30,23 

RN 

Lachute 

340 

10,87 

RN 

Saint-André-d  '  Argenteuil 

531 

1  073 

29,41 

48,63 

RN 

Berthier 

1  025 

1  413 

88,89 

87,76 

RN 

Saint-Cuthbert 

98 

196 

100,00 

100,00 

281 


%  de  francophones4 


Situation     Village 


RN 

Saint-Cuthbert  (Pierreville)  (NS) 

RN 

Saint-Félix-de-Valois  (NS) 

RN 

Belle-Rivière 

RN 

Saint-Benoît 

RN 

Saint-Hermas 

RN 

Saint-Placide 

RN 

Sainte-Scholastique 

RN 

Saint-Barthélémy 

RN 

Achigan  (NM  A) 

RN 

L'Assomption 

RN 

Repentigny  (Grande-Assomption) 

RN 

Repentigny  (Grande-Côte) 

RN 

Repentigny  (NM) 

RN 

Ruisseau-des-Anges 

RN 

Saint-Ours-du-Saint-Esprit 

RN 

Saint-Roch  (hameau)  (sud  de  la  rivière) 

RN 

Saint-Roch  (village) 

RN 

Lachenaie 

RN 

Petite-Mascouche 

RN 

Rapide-Mascouche 

RN 

Saint-Henri-de-Mascouche 

RN 

Saint-Lin 

RN 

Saint-Félix-de-Valois 

RN 

Saint-Joseph-de-Lanoraie 

RN 

Saint-Thomas 

RN 

Sainte-Elisabeth 

RN 

Saint-Antoine-de-Lavaltrie 

RN 

Saint-Paul-d'industrie 

RN 

Saint-Paul-de-Lavaltrie  (NP) 

RN 

Saint-Paul-de-Lavaltrie  (NS) 

RN 

Saint-Janvier  (Côte-Saint-Pierre) 

RN 

Saint-Jérôme  (sud  de  la  Rivière-du-Nord) 

RN 

Saint-Jérôme  (hameau  du  Cordon) 

RN 

Saint-Janvier 

RN 

Sainte-Thérèse 

RN 

Saint-Augustin 

RN 

Saint-Eustache 

RN 

Hameau  de  la  Côte-du-Moulin 

RN 

Notre-Dame-de-Bonsecours 

RN 

Presqu'île  du  Grand-Camp 

RN 

Saint-André-Avellin 

RN 

Achigan  (L'Epiphanie)  (NM  B) 

RN 

Lac-Ouareau 

RN 

Saint-Alexis 

RN 

Saint-Jacques 

RN 

Saint-Sulpice 

RN 

Sainte-Anne-des-Plaines 

RN 

Sainte-Sophie  (Lacorne) 

RN 

Terrebonne 

Total 

VN 

Mission  du  Lac  (Deux-Montagnes) 

RS 

Howick 

RS 

Melocheville 

1815 

1831 

1851 

1831 

1851 

85 

53 

100,00 

77,78 

275 

157 

90,38 

68,97 

258 

244 

194 

41 

91,30 

91,18 
92,59 
85,71 

125 

299 

95,65 

97,62 

119 

91,30 

64 

100,00 

888 

1  064 

89,33 

96,95 

95 

88,89 

219 

74,51 

75 

38 

83,33 

100,00 

389 

100,00 

120 

96,43 

274 

92,00 

146 

199 

100,00 

100,00 

140 

87 

77,78 

76,92 

271 

461 

96,36 

100,00 

130 

181 

87,50 

100,00 

203 

203 
34 

95,45 

100,00 
100,00 

105 

273 

96,00 

100,00 

178 

215 

100,00 

100,00 

210 

93,02 

202 

261 
29 

100,00 

100,00 
100,00 

55 

110 

100,00 

100,00 

80 

445 

52 

232 

73,68 

98,67 

100,00 

96,00 

487 

1  129 

92,08 

n.  d. 

241 

100,00 

832 

783 
52 

313 
35 
74 

83,33 

85,96 

0,00 

73,81 

66,67 

100,00 

100 

92,86 

51 

39 

90,00 

85,71 

64 

184 

100,00 

100,00 

465 

706 

97,65 

99,07 

215 

93,33 

178 

209 

174 

97,37 

96,88 
36,36 

871 

1  170 

94,89 

97,04 

9  864 

13  111 

88,63 

85,46 

635 


625 


300 


14,95 


100,00 


96,00 


282 


%  de  francophones* 


Situation 

Village                                                                     1815            1831 

1851 

1831 

1851 

RS 

Saint-Clément  (Beauharnois) 

393 

874 

79,52 

n.d. 

RS 

Saint-Jean-Chrysostome 

350 

75,00 

RS 

Saint-Louis-de-Gonzague  (CD 

180 

97,06 

RS 

Saint-Louis-de-Gonzague  (C5) 

106 

94,44 

RS 

Saint-Malachie  (Ormstown)  (NP) 

429 

40,00 

RS 

Saint-Malachie  (NS,  CD 

22 

0,00 

RS 

Saint-Malachie  (NS,  C5) 

43 

100,00 

RS 

Saint-Timothée 

387 

87,72 

RS 

Saint-Urbain 

88 

94,12 

RS 

Sainte-Martine 

92 

565 

100,00 

90,14 

RS 

Belœil 

105 

369 

80,95 

98,15 

RS 

Sainte-Julie 

112 

100,00 

RS 

Christieville  (Saint-Athanase) 

713 

1  294 

86,40 

82,76 

RS 

Saint-Alexandre 

37 

100,00 

RS 

Boucherville 

501 

904 

n.  d. 

91,28 

RS 

Varennes 

500 

667 

97,70 

96,39 

RS 

Canton  Chambly 

654 

49,41 

RS 

Saint-Joseph  (Chambly) 

443 

1  190 

n.  d. 

82,44 

RS 

Saint-Mathias 

379 

345 

93,10 

96,00 

RS 

Saint-Mathias  (NM  A,  CD 

63 

82 

87,50 

85,71 

RS 

Saint-Mathias  (NM  B,  C2) 

65 

89 

90,91 

81,25 

RS 

Châteauguay 

921 

1  188 

82,07 

81,71 

RS 

Saint-Isidore 

257 

100,00 

RS 

Sainte-Philomène  (NP) 

101 

100,00 

RS 

Sainte-Philomène  (NS) 

63 

80,00 

RS 

Contrecœur 

148 

100,00 

RS 

Saint-Antoine 

130 

95,00 

RS 

Burtonville 

RS 

Napierville 

729 

80,29 

RS 

Saint-Paul  (île  aux  Noix) 

193 

171 

82,35 

44,00 

RS 

Saint-Valentin 

97 

81,25 

RS 

Saint-Hugues 

59 

91,67 

RS 

Clarenceville 

267 

0,00 

RS 

Saint-Bernard-de-Lacolle 

743 

58,12 

RS 

Laprairie 

1  302 

1  758 

81,57 

85,94 

RS 

Laprairie  (hameau  Côte-Saint-François) 

63 

0,00 

RS 

Saint-Philippe 

31 

87,50 

RS 

Saint-Rémi 

117 

706 

91,30 

92,11 

RS 

Longueuil 

418 

1  427 

n.d. 

85,64 

RS 

Saint-Jean  (Dorchester) 

878 

2916 

n.d. 

64,14 

RS 

Saint-Luc 

159 

77,78 

RS 

Sainte-Marguerite  (Blairfindie) 

466 

95,56 

RS 

Marieville 

160 

92,31 

RS 

Saint-Grégoire 

162 

96,15 

RS 

Saint-Bruno 

312 

97,78 

RS 

Noyan  (Henryville) 

32 

0,00 

RS 

Noyan  (C2,  3) 

84 

25,00 

RS 

Saint-Jean-Baptiste  (de  Rouville) 

154 

241 

100,00 

100,00 

RS 

Abbott-Corners 

69 

20,00 

RS 

Frelighsburg 

214 

173 

0,00 

9,68 

RS 

Philipsburg 

333 

519 

0,00 

0,00 

RS 

Philipsburg  (hameau)  (C3) 

57 

0,00 

RS 

Pidgeon-Hill 

100 

0,00 

RS 

Saint-Charles 

310 

97,01 

RS 

Saint-Denis 

691 

94,66 

283 


%  de  francophones4 


Situation 

Village 

Saint-Denis  (hameau)  (C2) 

1815 

1831 

1851 

1831 

1851 

RS 

179 

100,00 

RS 

Saint-Hilaire 

106 

100,00 

RS 

Saint-Hilaire  (Mont-Saint-Hilaire)  (NM) 

232 

94,59 

RS 

La  Présentation- 

54 

100,00 

RS 

Saint-Césaire 

263 

500 

84,31 

92,11 

RS 

Saint-Damase 

113 

205 

95,45 

100,00 

RS 

Saint-Dominique 

178 

96,55 

RS 

Saint-Hyacinthe 

1  018 

2  820 

94,32 

89,53 

RS 

Saint-Paul-d'Abbotsford 

30 

20,00 

RS 

Saint-Pie  (NM) 

48 

100,00 

RS 

Saint-Pie  (hameau  sur  la  rivière) 

58 

100,00 

RS 

Saint-Pie  (NP) 

192 

815 

97,67 

95,65 

RS 

Saint-Patrick-de-Sherrington 

92 

61,54 

RS 

Saint-Marc 

263 

91,89 

RS 

Saint-Jude  (Michaudville) 

168 

173 

94,74 

100,00 

RS 

Saint-Ours  (NP) 

469 

542 

97,73 

n.  d. 

RS 

Saint-Ours  (NS) 

174 

96,97 

RS 

Saint-Constant 

132 

202 

92,00 

100,00 

RS 

Sorel 

1  500 

1  063 

3  424 

58,52 

n.  d. 

RS 

Sorel  (chantiers) 

51 

14,29 

RS 

Verchères 

478 

95,83 

RS 

Verchères  (NM) 

60 

69 

100,00 

100,00 

Total 

1  500 

15  242 

30  189 

81,93 

79,00 

VS 

Caughnawaga 

900 

1  050 

1  259 

10,26 

n.d. 

TOTAL  DU  DISTRICT  DE  MONTRÉAL 

2  400 

29  648 

55  098 

80,17 

81,13 

District  de  Trois-Rivières 


RN 

Sainte-Geneviève 

RN 

La  Visitation  (Champlain) 

RN 

Saint-Paulin 

RN 

Saint-Joseph-de-Maskinongé  (NP) 

RN 

Saint-Joseph-de-Maskinongé  (NS) 

RN 

Pointe-du-Lac 

RN 

Rivière-du-Loup 

RN 

Sainte-Ursule 

RN 

Saint-Barnabe 

RN 

Les  Forges 

RN 

Sainte-Anne-de-la-Pérade 

RN 

Saint-Léon-le-Grand 

RN 

Yamachiche 

Total 

RS 

Baie-Saint-Antoine 

RS 

Bécancour 

RS 

Saint-David  (C20) 

RS 

Saint-David  (NM) 

RS 

Saint-Zéphirin 

RS 

Gentilly 

RS 

Saint-Grégoire  (NP) 

RS 

Saint-Grégoire  (NS) 

RS 

Nicolet 

61 

154 

81,82 

100,00 

25 

262 

80,00 

100,00 

22 

100,00 

405 

263 

95,65 

95,00 

47 

288 

100,00 

95,35 

150 

218 

96,88 

93,33 

307 

623 

91,07 

90,91 

155 

100,00 

123 

88,89 

335 

397 

88,33 

97,01 

252 

386 

85,00 

93,22 

83 

195 

100,00 

96,43 

365 

480 

94,12 

86,89 

2  030 

3  566 

92,10 

94,14 

194 

88,24 

70 

586 

92,31 

98,73 

124 

100,00 

89 

77,78 

23 

100,00 

125 

86,96 

129 

380 

100,00 

96,61 

26 

60 

100,00 

100,00 

647 

94,92 

284 


%  de  francophones* 


Situation 

Village                                                                   1815  v        1831 

1851 

1831 

1851 

RS 

Sainte-Monique 

195 

96,55 

RS 

Pierreville 

61 

88,24 

RS 

Saint-Pierre-les-Becquets 

67 

242 

81,25 

94,12 

RS 

Yamaska  (NP) 

112 

89,47 

RS 

Yamaska  (NS) 

33 

100,00 

Total 

1  464 

1  699 

92,55 

96,69 

RS 

Marieville 

160 

92,31 

VS 

Abénaquis 

332 

236 

0,00 

100,00 

VS 

Bécancour 

57 

n.d. 

Total 

332 

293 

0,00 

n.d. 

TOTAL  DU  DISTRICT  DE  TROIS-RIVIÈRES 

0            3  826 

5  558 

88,61 

95,01 

District  de  Québec 


RN 

Beauport 

RN 

Baie-Saint-Paul  (NM) 

RN 

Baie-Saint-Paul  (NP) 

RN 

Château-Richer 

RN 

Château-Richer  (hameau)  (CD 

RN 

L'Ange-Gardien 

RN 

Saint-Joachim 

RN 

Saint-Joachim  (NM) 

RN 

Sainte-Anne  (de  Beaupré) 

RN 

Saint-Raymond 

RN 

Saint-Augustin 

RN 

Deschambault 

RN 

Sainte-Catherine 

RN 

Cap-Rouge 

RN 

Grondines  (NP) 

RN 

Grondines  (NS) 

RN 

Les  Éboulements 

RN 

Les  Écureuils 

RN 

La  Malbaie  (Nairne) 

RN 

Pointe-au-Pic 

RN 

Saint-lrénée 

RN 

Charlesbourg 

RN 

Petit  Village 

RN 

Petite  Rivière  Saint-Charles 

RN 

Neuville 

RN 

Portneuf  (Mille-Vaches) 

RN 

Cap-Santé 

RN 

Cap-Santé  (noyau)  (C3) 

RN 

Cap-Santé  (NM) 

RN 

Ancienne-Lorette  (CD 

RN 

Ancienne-Lorette  (C2) 

RN 

Ancienne-Lorette  (C3,  4,  5) 

RN 

Ancienne-Lorette  (C4) 

RN 

Hamelville 

RN 

Saint-Ambroise  (Côte-Saint-Antoine) 

RN 

Saint-Gabriel-de-Valcartier 

RN 

Bridge  Water  Cove 

RN 

Côte-de-Sillery 

418 


77,11 


86 

100,00 

259 

337 

94,64 

100,00 

122 

152 

100,00 

94,74 

42 

66,67 

58 

133 

93,33 

0,00 

70 

209 

92,31 

100,00 

23 

100,00 

91 

58 

100,00 

100,00 

38 

100,00 

77 

107 

93,75 

92,31 

106 

100,00 

54 

37,50 

89 

182 

66,67 

38,46 

55 

100,00 

43 

100,00 

25 

100,00 

71 

83,33 

196 

313 

62,50 

85,00 

86 

277 

66,67 

79,49 

115 

100,00 

294 

339 

96,55 

94,74 

365 

73,53 

169 

676 

96,88 

98,04 

400 

89,66 

193 

246 

96,55 

91,18 

34 

75,00 

130 

360 

91,30 

92,86 

92 

97 

100,00 

66,67 

76 

81,82 

245 

100,00 

47 

100,00 

50 

60,00 

249 

96,49 

31 

20,00 

200 

63,64 

174 

332 

31,58 
285 

75,44 

%  de  francophones4 


Situation  Village 


1815 


1831 


RN 

Noyau  Chemin-Saint-Louis 

RN 

Noyau  Chemin-Sainte-Foy 

RN 

Sillery  Cove 

RN 

Union  Cove 

Total 

VN 

Jeune-Lorette 

RS 

Beaumont 

RS 

Saint-Charles 

RS 

Saint-Étienne-de-Beaumont 

RS 

Saint-Gervais  (Faubourg-du-Moulin) 

RS 

Berthier  (Notre-Dame-de-l' Assomption) 

RS 

Le  Bic 

RS 

L'Islet 

RS 

Cacouna 

RS 

Saint-Arsène 

RS 

Deschaillons  (NP) 

RS 

Deschaillons  (NS,  CD 

RS 

Cap-Saint-Ignace 

RS 

Sainte-Hélène 

RS 

Saint-Éloi 

RS 

Île-Verte 

RS 

Sainte-Claire  (NP) 

RS 

Sainte-Claire  (NS) 

RS 

Saint-Alexandre 

RS 

Saint-André-de-Kamouraska 

RS 

Saint-Louis-de-Kamouraska 

RS 

Saint-Pascal  (NM) 

RS 

Saint-Pascal  (NP) 

RS 

Saint-Pascal  (NS) 

RS 

Lauzon  (total) 

RS 

Saint-Anselme 

RS 

Saint-Henri 

RS 

Saint-Jean-Chrysostome 

RS 

Saint-Joseph-de-Lévis  (NP) 

RS 

Saint-Joseph-de-Lévis  (NS) 

RS 

Saint-Nicolas 

RS 

Sainte-Luce 

RS 

Sainte-Flavie 

RS 

Saint-Gervais  (CD 

RS 

Saint-Gervais  (C2) 

RS 

Saint-Lazare 

RS 

.    Lotbinière  (NP) 

RS 

Lotbinière  (Leclercville)  (NS) 

RS 

Matane  (NP) 

RS 

Matane  (NS) 

RS 

Mitis  (De  Peiras) 

RS 

Saint-Simon 

RS 

Rimouski 

RS 

Rivière-Ouelle  (Brise-Culotte) 

RS 

Rivière-Ouelle  (Grand-Coteau) 

RS 

Rivière-Ouelle  (NP) 

RS 

Rivière-Ouelle  (NS) 

RS 

Saint-Pacôme 

250 


49 


3  456 

173 

297 
75 

55 
40 

284 
101 


311 


116 
23 

213 

545 

175 

20 

96 

52 
85 
631 
986 
108 
443 


195 


70 

48 


198 

65 

218 

111 


1851 

1831 

1851 

50 

42,86 

150 

90,00 

70,23 

500 

26,47 

200 

77,42 

6  184 

84,41 

80,96 

218 

80,56 

n.  d. 

755 

93,59 

98,23 

418 

100,00 

100,00 

69 

100,00 

208 

100,00 

100,00 

258 

100,00 

100,00 

138 

94,12 

606 

93,18 

88,89 

270 

100,00 

97,37 

101 

100,00 

196 

100,00 

101 

100,00 

813 

92,16 

100,00 

65 

100,00 

43 

100,00 

441 

100,00 
100,00 

85,48 

100 

100,00 

481 

96,97 
89,74 

94,92 

349 

100,00 

100,00 

94,12 

97,92 

3  702 

95,65 

93,04 

286 

100,00 
76,67 
89,89 
80,00 
82,28 

97,67 

252 

97,06 

83 

100,00 

349 

94,74 

97,23 

84 

100,00 

144 

90,00 
100,00 

100,00 

193 

68,97 

36 

100,00 

126 

100,00 

454 

97,06 
100,00 

87,50 

323 

100,00 

96,88 

133 

100,00 

100,00 

65 

100,00 

286 


%  de  francophones4 


Situation     Village 


RS 

Rivière-du-Loup  (Fraserville) 

RS 

Montmagny  (Saint-Thomas) 

RS 

Saint-François  (Rivière-du-Sud) 

RS 

Saint-Pierre 

RS 

Saint-Thomas  (noyau)  (C3) 

RS 

Saint-Thomas  (noyau)  (C4) 

RS 

Saint-Antoine-de-Tilly 

RS 

Saint-Antoine-de-Tilly  (NM) 

RS 

Saint-Denis 

RS 

Saint-François 

RS 

Saint-Gilles  (hameau)  (C3) 

RS 

Saint-Gilles  (NP) 

RS 

Saint-Sylvestre 

RS 

Saint-Jean-Port-Joli  (hameau  sur  le  fleuve) 

RS 

Saint-Jean-Port-Joli 

RS 

Trois-Saumons 

RS 

Saint-Joseph  (Beauce) 

RS 

Saint-Michel-de-Bellechasse 

RS 

Saint-Roch-des-Aulnaies 

RS 

Saint-Vallier  (CD 

RS 

Saint-Vallier  (C4) 

RS 

Sainte-Anne  (NP) 

RS 

Sainte-Anne  (NS) 

RS 

Sainte-Croix 

RS 

Saint-Elzéar  (Côte-Sherbrooke) 

RS 

Saint-Elzéar  (Côte-Saint-Jacques) 

RS 

Sainte-Marie 

RS 

Trois-Pistoles  (NP) 

RS 

Trois-Pistoles  (NS) 

Total 

10 

Saint-Jean  (NP) 

10 

Saint-Laurent  (NP) 

10 

Saint-Laurent  (NS) 

10 

Saint-Pierre  (NM) 

10 

Saint-Pierre  (NP) 

10 

Sainte-Famille  (NP) 

10 

Sainte-Famille  (NM) 

Total 

IN 

Saint-Louis 

IS 

Saint-Antoine 

TOTAL  DU  DISTRICT  DE  QUÉBEC 


1815             1831 

1851 

1831 

1851 

415 

998 

67,12 

88,32 

500               475 

1772 

93,51 

96,03 

65 

193 

100,00 

96,00 

56 

536 

92,86 

98,78 

81 

100,00 

183 

100,00 

125 

615 

88,00 

97,73 

30 

80,00 

141 

100,00 

30 

85,71 

40 

0,00 

186 

60,71 

167 

50,00 

82 

100,00 

100 

332 

92,86 

100,00 

92 

176 

94,44 

92,31 

49 

104 

91,67 

100,00 

216 

709 

92,31 

100,00 

318 

430 

93,33 

100,00 

146 

238 

92,00     . 

100,00 

59 

125 

100,00 

100,00 

247 

510 

100,00 

95,12 

145 

160 

86,96 

100,00 

116 

316 

94,12 

85,00 

35 

100,00 

58 

100,00 

303 

95,08 

132 

368 

100,00 

96,55 

236 

100,00 

500            8  680 

20  433 

90,53 

94,53 

227 

435 

88,24 

100,00 

39 

116 

90,00 

100,00 

80 

94,74 

100,00 

85 

49 

87,50 

100,00 

57 

44 

100,00 

100,00 

45 

100,00 

100,00 

37 

37 

87,50 

100,00 

570 

681 

91,06 

100,00 

55 

100,00 

205 

100,00 

750          12  934 

27  721 

88,73 

91,71 

TOTAL  DES  SEIGNEURIES 


3  150 


46  408 


88  377 


83,34 


85,85 


*  Estimation  basée  sur  le  nombre  de  chefs  de  ménage  dont  le  nom  est  d'origine  française  en  1831  et  sur  le 
nombre  de  couples  unilingues  francophones  en  1851-1852. 
n.  d.:  non  disponible. 
Sources:  Joseph  Bouchette,  Description  topographique  de  la  province  du  Bas-Canada,  1815;  ANC,  Recensements 
du  Bas-Canada,  1831  et  1851-1852. 


287 


Annexe  D 

PRINCIPALES  MENTIONS*  DE  MÉTIER,   DE  PROFESSION,  D'ÉTAT 
ET  DE  STATUT  DANS  LES  RECENSEMENTS  DE  VILLAGES 

(1831,  1851) 


1831 


1851 


agent 

agent 

agent  commerçant  of  Hudson  Bay 

agent  de  la  seigneurie 

agent  du  seigneur 

agent  général  du  chemin  de  fer 

agents  généraux  et  d'assurance 

agent  interprète 

agent  road 

agriculteur 

agriculteur-fermier 

ancien  charpentier 

ancien  cultivateur 

ancien  cultivateur 

ancien  forgeron 

ancien  instituteur 

ancien  marchand 

ancien  meunier 

ancien  pilote 

ancien  pilote  et  cultivateur 

(apareur) 

apprenti 

apprenti  boulanger 

apprenti  chapelier 

apprenti  charpentier 

apprenti  charron 

apprenti  constructeur  de  moulins 

apprenti  cordonnier 

apprenti  ferblantier 

apprenti  forgeron 

apprenti  imprimeur 

apprenti  mécanicien 

apprenti  menuisier 

apprenti  meublier 

apprenti  meunier 

apprenti  peintre 

apprenti  pilote 

apprenti  sellier 

apprenti  tailleur 

apprenti  tanneur 

apprenti  voiturier 

apprentie  servante 

architecte 

architecte 

armurier 

armurier 

arpenteur 

arpenteur 

arpenteur  paysagiste 

arrimeur 

arrimeur 

artiste 

assistant 

288 


1831 


1851 


aubergiste 


avocat 


assistant-curé 

assistante 

attachée 

aubergiste 

aubergiste  forgeron 

auctioneer 

auxiliaire  d'école 

avocat 

avocat  et  cultivateur 

avocat  procureur 


baillé 
baillif 


barbier 


batelier 
bêcheur 
bedeau  (bedeaut) 


boucher 

boulanger 

bourgeois 


brasseur 
brewer 

brick  maker 


briqueur 


baillif 

baillis 

baker 

baker  and  graver 

bar  keeper 

barbier  et  coiffeur 

bardolleur 

batelier 

bedeau  (bedeaut) 

bedeau  et  agriculteur 

bedeau  et  cultivateur 

bedeau  et  ouvrier 

blacksmith 

book  keeper 

border 

boucher 

boulanger 

bourgeois 

bourgeois  et  cultivateur 

bourgeois  et  rentier 

bourgeoise 

boyeur 

brachineau 

brasseur 

brewer 

brick  layer 

brick  man 

brick  wich  man 

brickler 

briquetier 

briquetier  et  cultivateur 

briqueur 

brodeuse 

broker 

bruwer 

bûcheron 

butcher 


cabaretier 
cabinet  maker 
calfat 
calfuteur 


cabinet  maker 

calfat 

calfuteur 


289 


1831 


1851 


capitaine 


cardeur 


chair  maker 
chaloupier 


chantre 

chapelier 

charbonnier 

chargeur 
charpentier 


charpentier  et  aubergiste 
charretier 

charron 


charroyeur  d'eau 
chasseur 


chef  indien 

chirurgien 
chirurgien  seigneur 


capitaine 

capitaine  de  bateaux  à  vapeur 

capitaine  de  milice 

capitaine  de  steamer 

capitaine  de  va. 

capt.  m.  et  agriculteur 

capt.  m.  marchand  et  agriculteur 

cardeur  et  agriculteur 

cardeur  fouleur 

cardeur  scieur 

cardeuse 

carpenter 

carpenter  and  farmer 

carrier 

carriéreur 

carrossier 

carter 

chair  maker 

chaisier 

chaloupier 

chanteuse 

chantier 

chantre 

chapelier 

chargeron 

charpentier 
charpentier  de  navire 

charretier 

charrieur  d'eau 

charron 

charron  et  cultivateur 

charron  et  peintre 

charroyeur 

chartier 
chasseur 
chauffeur 
chaumier 

chimist 


clerc 

clerc  de  charpentier 

clerc  de  notaire 

clerc  d'arpenteur 

clerc  d'avocat 

clerc  en  droit 

clergyman 

clerk 

clerk  court 

clerk  of  Hudson  Bay 

clothier 


290 


1831 


1851 


colleur 
colporteur 

commerçant 


commis 


commissaire 
commissaire  des  lochs 


commissionnaire 


confiseur 
congrégation 


clothier  et  cardeur 

cloutier 

cocher  et  jardinier 

collecteur 

collecteur  de  canal 

collecteur  des  douanes 

collector 

collector  of  customs 

colleur 

colporteur 

colporteur-engagé 

commerçant 

commerçant  de  bois 

commerçant  et  navigateur 

commerçante 

commis 

commis  comptable 

commis  marchand 

commissary 

commissaire 

commissaire  agent 
commissionnaire 
compagnon 
compagnon  cordonnier 
compagnon  forgeron 
compagnon  menuisier 
compagnon  voiturier 
conducteur 
conducteur  de  malles 
confiseur 


connétable 

conseiller 

constructeur 

constructeur  de  moulins 

constructeur  de  moulins 

contracteur 

contracteur 

contractor 

contremaître 

cook 

cooper 

corailleur 

cordier 

cordonnier 

cordonnier 

cordonnier  compagnon 

cordonnier  et  marchand 

cordonnière 

corroyeur 

corroyeur 

corter 

coseigneur 

coseigneur 

coseigneuresse 

coupeur  de  vitres 

courrier 

courrier 

couturier 

couturière 

couturière 

couturière  et  fileuse 

couvreur 

couvreur 

291 


1831 

couvreur  de  bardeaux 
cuisinier 


cultivateur 


curé 


1851 

couvreur  de  bardeaux 

cuisinière 

cuisinière  au  couvent 

cultivateur 

cultivateur  et  charron 

cultivateur  et  cordonnier 

cultivateur  et  forgeron 

cultivateur  et  marchand 

cultivateur  et  pilote 

cultivateur  et  voiturier 

cultivateur  servant 

cultivateur,  écuyer,  capitaine 

cultivatrice 

curé 

cutler 


directeur 
directeur  du  collège 


distilleur 

distributeur 

docteur 


donateur 
douairière 


dresseur 


écuyer 


encanteur 


demoiselle 

dentiste 

diacre  professeur 


directrice 
directrice  d'école 


doctor 

doctor  of  physics 

domestique 

donateur 

drapier 
dress  maker 

driver 

ecclésiastique  professeur 

écolier 

écolière 

économe 

écrivain 

écuyer 

écuyer  médecin 

écuyer  notaire 

écuyer  seigneur 

enfant 

engagé 

engagé-cultivateur 

engagée 

engagère 

engineer 

enseignant 

enseignante 

entrepreneur 

épouse 


292 


1831 


1851 


étudiant  en  droit 
étudiant  en  médecine 


esq.  agent 
étrangère 
étudiant 

étudiant  en  droit 
étudiant  en  médecine 
étudiant  notaire 
étudiante 
ex-marchand 


fabricant  de  papier 


fabricant  d'huile 


faiseur  de  chaises 

faiseur  de  roues 

farinier 

farmer 


feilleur 


ferblantier 
fermier 


fileuse 
fille 


fondeur 

fondeur  de  cuivre 
forgeron 


fabricant 
fabricant 
fabricant 
fabricant 
fabricant 
fabricant 
fabricant 
fabricant 


de  bardeaux 
de  harnais 
de  moulins 
de  papier 
de  pièces 
de  rouet 
de  verre 
d'allumettes 


frotteur 


facteur 
facteur  de  drap 

faiseur  de  formes 


farmer 

farmer  and  graver 

farteur  d'allumettes 

femme 

femme  de  journée 

femme  de  notaire 

(fénéant) 

ferblantier 

fermier 

fermière 

ferry  man 

fesseur  de  brosses 

fileuse 

fille 

fille  de  chambre 

fille  de  confiance 

fils 

fireman 

fondeur 

forgeron 

forgeron  et  cultivateur 

forgeron  et  fondeur 

forgeron  et  marchand 

(forman) 

french  caleur 

frère  général  supérieur 

fugitive  slave 


garde 


gardien 

gardien  des  barrières 


293 


1831 


1851 


gardien  des  casernes 
gardien  du  pont 

gardienne 

gentilhomme 

gentleman  farmer 
gentlewoman 

gourne 


greffier 


habitant 


hatter 
horloger 


huilier 
huissier 

huxter 

H. P.  de  l'armée 


gardien  du  pont 
gardien  d'écluses 

gardner 

gentilhomme 

gentleman 


glass  father 

gouvernante 

govemor  of  Hudson  Bay 

graineur 

grand  voyer 

graver 

graveur 

greffier 

greffier  c.  court 

grocer 

grocerie 

grocery 

guide  des  cages 

habitant 
handler 

harness  maker 
hastler 

horloger 
hospitalière 
hôtel  keeper 
hôtelier 

hôtelier  et  huissier 
hôtelière 
house  keeper 
house  man 

huissier 

huissier  et  cordonnier 


ingénieur 
inn  keeper 


instituteur 

institutrice 

interprète 
invalide 


imprimeur 

indépendant 

indépendante 

ingénieur 

inn  keeper 

inspecteur 

inspecteur  mesureur 

instituteur 

instituteur  notaire 

institutrice 

institutrice  privée 


294 


1831 


1851 


jardinier 

joiner 
journalier 

journalier  et  pêcheur 
journalière 

juge  de  paix 


jardinier 
jobbeur 

journalier 

journalier  et  cultivateur 

journalière 

juge 

juge  de  paix 

jumeau 

kiln-man 
k.l.  house 


labourer 


laquais 
laveur 
laveuse 

lieutenant 

linner 


machiniste 
maçon 


maître  de  poste 


manchonnier 
manufacturer 


marchand 

marchand  et  aubergiste 
marchand  et  chapelier 


labourer 

labourer  and  carpenter 

laboureur 

laddler 

(laïcs  et  régent) 

land  woiter  and  seacher 


laveuse 
libraire 

lieutenant-colonel 

locataire 
loch  maker 
lockman 
lumberman 

machiniste 

maçon 

magistrat 

maire  de  la  ville 

maison  de  pension  (propriétaire  de) 

maître  de  grève 

maître  de  poste 

maître  meunier 

major 

major  m.  et  ancien  cultivateur 

manchonnier 

manufacturier 
manufacturier  de  formes 
maquignon 
marchand 
marchand  de  bois 
marchand  et  agriculteur 
marchand  et  aubergiste 
marchand  et  boulanger 

marchand  et  cordonnier 
marchand  et  cultivateur 
marchand  et  épicier 
marchand  et  hôtelier 


295 


1831 


1851 


matelot 
médecin 


mendiant 

mendiante 

menuisier 


mercière 
mesanneur 

meublier 

meunier 

miller 
millwright 

mineur 

ministre 


ministre  presbytérien 
missionary 


modiste 


mouleur 


marchand  et  tanneur 

marchande 

marchande  publique 

maréchal 

marquetier 

mason 

mason  cooper 

mécanicien 

médecin 

médecin  chirurgien 

meliner 

ménagère 

ménagère  du  curé 

mendiant 

mendiante 

menuisier 

menuisier  et  charpentier 

menuisier  et  compagnon 

menuisier  et  cordonnier 

menuisier  et  cultivateur 

menuisier  et  entrepreneur 

menuisière 

merchant 

merchant  and  tailor 


métable 

meublier 

meublier  et  cultivateur 

meunier 

militaire 

miller 

millwright 

milret 

minister 

ministre  anglican 
ministre  baptiste 
ministre  épiscopalien 
ministre  of  church 


missionnaire 

modeuse 

modiste 

moirite 

moudronnier 

moulder 

mouleur 

musicien 

musicienne 

M. P.P.  (militaire) 


navigateur 


navigateur  et  cultivateur 


296 


1831 


1851 


navigateur  et  matelot 

négociant 

négociant  et  cultivateur 

notaire 

notaire 

notaire  et  cultivateur 

notaire  et  seigneur 

notaire  registrateur  nourrice 

novice 

novice  religieuse 

N.P.  (militaire) 

officier 

officier  de  douane 

officier  de  poste 

officier  demi-paie 

opérateur  de  télégraphe 

orfèvre 

orfèvre 

organiste 

ouvrier 

ouvrier 

ouvrier  menuisier 

panetier 

paper  maker 

papetier 

parsonnier 

passager 

passager 

passagère 

pâtissier 

pauvre 

pauvre 

peager 

pêcheur 

pêcheur 

pêcheur  et  tonnelier 

pedleur 

peintre 

peintre 

pensionnaire 

pensionner 

physician 

pilote 

pilote 

pilote  de  steamboat 

pilote  et  agriculteur 

pilote  et  cultivateur  plasterer 

plâtrier 

post  master 

postier 

postier 

postillon 

postillon 

postulante 

postulante  religieuse 

potassier 

potassier 

potier 

potier 

poulieur 

poulieur 

précepteur 


prêtre 


premier  chef 

presbit  congrégation 

prêtre 

prêtre  apt.  directeur 

prêtre  apt.  procureur 

prêtre  professeur 


297 


1831 


1851 


propriétaire  de  diligence 
propriétaire  terrien 


prêtre  supérieur 
prêtre  vicaire 
préventive  officer 
professeur 
propriétaire 


proprio 

protégée 

pute 


ramancheur 
reed  maker 


regrattier 
religieuse 


rentier 


revendeuse 


sabotier 


saddler 

sage-femme 

sauvage 

savonnier 

sawyer 

scieur 

scieur  de  long 

scieur  de  pierre 

sculpteur 


seigneur 


sellier 


serviteur 


shoe  maker 


raftsman 

recenseur  général 

régent  de  l'académie 
régistrateur 
régistrateur  du  comté 
régistrateur,  marchand,  notaire 

religieuse 

religieuse  supérieure 

rentier 

rentier  et  cultivateur 

rentière 

revendeur 

revendeuse 

road  survey 

sabotier 

secrétaire 

sacristain 

saddler 

sage-femme 


scieur 

scieur  de  long 

scieur  de  pierre 

sculpteur 

seamstress 

secrétaire  trésorier 

seigneur 

seigneur  et  notaire 

seigneuresse 

sellier 

séminariste 

sergent 

serrurier 

servante 

serviteur 

serviteur  et  journalier 

shériff 

shoe  keeper 

shoe  maker 

shoe  man 


298 


1831 


1851 


stone  cutter 


sœur  (religieuse) 

soldat 

soldier 

souffleur 

speculator 

spinster 

stage  driver 

stone  mason 

stone  reeper 

student 

sup.  intendant  of  canal  Lachine 

supérieur  des  Forges 

supérieur  du  couvent 

surveillant 

surveillor  of  customs 

surveyor 


tabaconiste 
tailleur 


tanneur 


tavern  keeper 


tin  smith 
tisserand 
tisserande 
tisseranne 


tonnelier 
tourneur 
trader 
trafiquant 

traversier 


tabaconiste 

tailleur 

tailleur  de  pierre 

tailleuse 

tailor 

tanner 

tanner  and  currier 

tanneur 

tanneur  et  domestique 

tanneuse 

tavern  keeper 

tenant  pension 

teneur  de  maison  de  pension 

tisserand 

tisseranne 

toll  gâte  gardner 

toll  gâte  keeper 

tonnelier 

tourneur 

trader 

travaille  sur  la  ligne 

traversier 

T.P.  (militaire) 


undertaker 


veuve 

viager 

viagère 

vicaire 

voiturier 

voyageur 


veilleur 

vendeuse 

vétérinaire 

veuf 

veuve 


vicaire 

voiturier 

voiturier  et  charron 

voyageur 


299 


1831 

wheelwright 

workman 

yeoman 

Total  d'intitulés  :  224 


1851 

watchmaker 
weaver 

weslyan  minister 
wheelwright 
worker 


yeoman 

Total  d'intitulés:  574 


*  Les  mentions  sont  celles  des  listes  nominatives  de  recensement. 
Sources  :  ANC,  Recensements  du  Bas-Canada,  1831  et  1851-1852. 


300 


Annexe  E 

ÉQUIPEMENTS  ÉCONOMIQUES  ET  SOCIAUX  (1851) 


ATELIERS,  BOUTIQUES' 


commerce 


construction 


divers 


Fabrication 

alimentaire 

bois 


apothicaire 

armurier 

commerçant 

foire 

grocerie 

Hudson's  Bay  house  office  and  store 

librairie 

magasin 

magasin  de  fourrure 

magasin  et  auberge 

magasin  modeste 

marchand 

marchand  et  forgeron 

marché 

pharmacie 

store 

charpentier 

constructeur  de  moulins  à  battre 

contracteur 

maçon 

menuisier 

menuisier  et  charpentier 

menuisier  et  voiturier 

peintre 

barbier 

bedeau 

bourgeois 

cultivateur 

gentilhomme 

gentleman 

journalier 

laboureur 

ministre 

ouvrier 

shop  court  room 


abattoir 

boucherie 

boulangerie 

pâtissier  et  cordonnier 

boutique  de  rouets 
cabinet  maker 
chair  shop 
chaise 
meublier 


sculpteur 
tonnelier 
wood  work  shop 

cuir  cordonnier 

cordonnier  et  journalier 

cordonnier  et  tailleur 

saddle 

sellier 

shoe  shop 

tanner  and  currier 

tanneur 

divers  atelier  artiste  peintre 

atelier  de  daguerréotypes 

atelier  de  potier 

fabricant  d'allumettes 

fabrique  de  poterie 

imprimerie 

mécanicien 

orfèvre 

serrurier 

métaux  blacksmith 

ferblantier 
fondeur 
forge 
forgeron 

forgeron  et  menuisier 
tinsmith 

transport  chaloupier 

charron 
voiturier 

voiturier  et  charron 
wheelwright 

vêtements  chapelier 

manchonnier 
mode/modiste 
seamstress 
tailleur 


MAISONS  D'HÉBERGEMENT,  DÉBITS  DE  BOISSONS 

auberge 

aubergiste 

hôtel 

hôtel  de  tempérance** 

maison  de  pension 

maison  de  tempérance** 

taverne*** 


302 


EQUIPEMENTS  DE  SERVICES 


communautaires 


>rofessionnels 


bibliothèque 
maison  de  fabrique 
maison  de  pompe  à  eau 
maison  de  providence 
presbytère 
public  hall 
salle  d'audience 
salle  des  conseils 
salle  des  habitants 
salle  publique 

architecte 
office  de  médecin 
office  de  notaire 
physician 


CHANTIERS,  FABRIQUES,  MANUFACTURES, 
MOULINS 


brasseries/ 
distilleries 


brasserie 
store  brewery 


construction  navale   chantier 


extraction 


fonderies 


brique  et  chaux 
briqueterie 
carrière 
chantier  de  bois 

fonderie 

foundry 

manufacture  de  charrue  et 

fonderie 


)ublics 


bureau  d'enregistrement 

bureau  des  douanes 

collector's  office 

court  house 

masonic  hall  and  court  house 

palais  de  justice 

post  office 

rehabite  house 


manufactures  de  chaises  et  autres  meubles 

de  charrues 
de  drap 

de  drap,  étoffe  et  satinette 
de  fer 
de  formes 

de  formes  à  souliers 
de  moulins  à  battre 


écoles  et  maisons 
d'enseignement 


lieux  de  culte 


maison  de  barrière 

poste  de  péage 

poste  et  télégraphe 

quai 

quai  pour  ferry 

steamboat  house 

tool  gâte 

académie 

collège 

couvent 

école 

maison  d'école 

anglican 

autre 

catholique 

méthodiste 

presbytérien 


moulins  à  fouler, 
à  carder 


moulins  à  farine 

moulins  à  scie 
moulins  autres 


potasserie  et 
perlasserie 


moulin  à  carder 
moulin  à  fouler 
moulin  à  fouler  et  à  carder 

millwright 

fourneau  à  «grâler»  le  grain 

moulin  à  scie 

moulin  à  battre  et  à  scier  le  bois 

moulin  à  battre  le  grain 

moulin  à  farine  et  à  carder 

moulin  à  papier 

moulin  à  scie  et  à  carder 

moulin  à  vert 

moulin  (non  spécifié) 

potasserie 


tanneries 


tannerie 


*  Mentions  formelles  ou  en  référence  au  métier  ou  au  statut  de  la  personne  recensée. 
**  À  relier  aux  services  publics,  découle  des  campagnes  de  tempérance  de  l'époque,  par  opposition  aux  autres 
débits  de  boissons. 
***  À  relier  aux  équipements  de  commerce,  correspond  aux  magasins  de  «  liqueurs  fortes  ». 
Source  :  ANC,  Recensement  du  Bas-Canada,  1851-1852. 


303 


Annexe  F 


STRUCTURE  DE  LA  MAIN-D'ŒUVRE  (1831 
(en  %  du  nombre  de  déclarations) 


1851) 


Paroisse 


District 

MT  St-Raphaël  (île  Bizard) 

MT  Ste-Jeanne  (île  Perrot) 

MT  St-François-de-Sales 

MT  Ste-Rose 

MT  St-Vincent-de-Paul 

MT  St-Polycarpe 

MT  Ste-Madeleine-de-Rigaud 

MT  Ste-Madeleine-de-Rigaud 

MT  Vaudreuil 

MT  St-Michel-de-Vaudreuil 

MT  St-lgnace 

MT  St-Jacques 

MT  St-Alexis 

MT  St-Jacques 

MT  St-Jérôme 

MT  Ste-Anne-des-Plaines 

MT  St-Antoine-de-Lavaltrie 

MT  St-Joseph-de-Lanoraie 

MT  Berthier 

MT  Lachenaie 

MT  L'Assomption 

MT  Terrebonne 

MT  St-Eustache 

MT  St-André 

MT  St-Paul-de-Lavaltrie 

MT  Ste-Élisabeth 

MT  St-Cuthbert 

MT  Ste-Scholastique 

MT  St-Benoît 

MT  St-Janvier 

MT  Ste-Scholastique 

MT  St-Armand-Est 

MT  St-Armand-Ouest 

MT  Ste-Martine 

MT  St-Joachim 

MT  Laprairie 

MT  Varennes 

MT  St-Damase 

MT  St-Hyacinthe 

MT  St-Césaire 

MT  St-Constant 

MT  St-Jean-Baptiste 

MT  St-Rémi 

MT  St-Mathias 

MT  St-Mathias 

MT  St-Mathias 

MT  St-Athanase 

MT  Belceil 

MT  St-Valentin 

MT  Mission 

QC  St-Jean  (île  d'Orléans) 

QC  St-Laurent  (île  d'Orléans) 

QC  St-Pierre  (île  d'Orléans) 

QC  St-Pierre  (île  d'Orléans) 

QC  Ste-Famille  (île  d'Orléans) 

QC  L'Ange-Gardien 

304 


Commerce 

Fabrication 

Village 

1831 

0,00 

1851 

1831 

1851 

St-Raphaël 

4,17 

0,00 

8,33 

Ste-Jeanne 

4,00 

0,00 

12,00 

6,90 

St-François 

0,00 

0,00 

5,88 

3,39 

Ste-Rose 

2,78 

4,17 

12,50 

11,81 

St-Vincent-de-Paul 

1,69 

2,67 

18,64 

11,33 

St-Polycarpe 

26,67 

11,96 

20,00 

21,74 

Rigaud 

5,71 

11,29 

25,71 

9,68 

Baie-de-Rigaud  (Pointe-Fortune) 

7,14 

3,51 

14,29 

7,02 

Vaudreuil 

6,98 

9,09 

13,95 

12,12 

Vaudreuil  (continuation) 

6,25 

6,94 

18,75 

16,67 

St-lgnace  (Coteau-du-Lac) 

4,00 

10,42 

26,00 

18,75 

Lac-Ouareau 

0,00 

0,00 

40,00 

66,67 

St-Alexis 

,00 

15,38 

28,57 

10,26 

St-Jacques 

3,61 

9,09 

13,25 

23,64 

St-Jérôme 

10,53 

5,56 

42,11 

21,43 

Ste-Anne-des-Plaines 

5,56 

4,69 

5,56 

14,06 

Lavaltrie 

0,00 

3,85 

2,63 

19,23 

Lanoraie 

0,00 

6,45 

6,82 

29,03 

Berthier 

4,06 

8,56 

19,80 

17,34 

Lachenaie 

3,45 

5,45 

6,90 

14,55 

L'Assomption 

4,49 

12,23 

21,91 

27,34 

Terrebonne 

4,62 

4,49 

19,08 

21,35 

St-Eustache 

5,70 

5,43 

26,58 

21,09 

St-André 

7,84 

6,62 

28,43 

27,15 

St-Paul 

7,50 

7,69 

20,00 

38,46 

Ste-Élisabeth 

12,50 

7,46 

25,00 

20,90 

St-Cuthbert 

0,00 

3,51 

35,00 

8,77 

Belle-Rivière 

0,00 

4,17 

36,00 

14,58 

St-Benoît 

8,70 

7,35 

21,74 

13,24 

St-Janvier  (Côte-St-Pierre) 

0,00 

0,00 

13,33 

14,29 

Ste-Scholastique 

13,04 

7,37 

21,74 

23,16 

Frelighsburg 

30,30 

7,02 

33,33 

31,58 

Philipsburg 

8,00 

8,60 

32,00 

50,54 

Ste-Martine 

18,18 

12,02 

13,64 

35,52 

Châteauguay 

4,83 

2,28 

8,97 

6,84 

Laprairie 

9,02 

12,33 

19,61 

13,40 

Varennes 

3,45 

9,17 

20,69 

21,67 

St-Damase 

9,09 

8,00 

27,27 

24,00 

St-Hyacinthe  (ville) 

8,09 

8,79 

23,70 

25,27 

St-Césaire 

7,84 

14,05 

33,33 

26,49 

St-Constant 

12,00 

2,22 

28,00 

17,78 

St-Jean-Baptiste 

3,45 

6,90 

6,90 

27,59 

St-Rémi 

8,70 

3,05 

21,74 

17,77 

St-Mathias 

5,26 

7,94 

19,30 

11,11 

St-Mathias  (NM  A) 

0,00 

6,67 

37,50 

26,67 

St-Mathias  (NM  B) 

0,00 

7,69 

18,18 

30,77 

Christieville 

3,20 

8,64 

14,40 

18,85 

Belceil 

20,00 

7,41 

20,00 

17,59 

St-Paul  (île  aux  Noix) 

3,33 

22,22 

6,67 

11,11 

Mission  du  Lac 

0,95 

1,03 

2,86 

5,15 

St-Jean 

0,00 

2,75 

15,69 

18,35 

St-Laurent 

10,00 

5,71 

60,00 

31,43 

St-Pierre 

0,00 

7,69 

27,27 

30,77 

St-Pierre  (NM) 

0,00 

0,00 

6,25 

12,50 

Ste-Famille  (NM) 

0,00 

7,69 

12,50 

15,38 

L'Ange-Gardien 

0,00 

2,86 

20,00 

31,43 

Professions 

Trans 

port 
1851 

8,33 

Agricu 
1831 

ilture 
1851 

12,50 

libérales 

Clergé 

Journaliers 

Autres 

1831 

1831 

0,00 

1851 

0,00 

1831 

0,00 

1851 

2,08 

1831 

1851 

31,25 

1831 

0,00 

1851 

0,00 

0,00 

100,00 

33,33 

0,00 

6,90 

0,00 

13,79 

0,00 

0,00 

4,00 

6,90 

0,00 

17,24 

80,00 

48,28 

0,00 

3,39 

88,24 

16,95 

0,00 

0,00 

0,00 

1,69 

0,00 

64,41 

5,88 

10,17 

0,00 

0,69 

12,50 

9,03 

0,00 

2,78 

1,39 

0,69 

19,44 

50,69 

51,39 

20,14 

1,69 

1,33 

3,39 

4,67 

1,69 

3,33 

1,69 

1,33 

40,68 

40,67 

30,51 

34,67 

0,00 

4,35 

0,00 

11,96 

6,67 

3,26 

0,00 

1,09 

0,00 

13,04 

46,67 

32,61 

0,00 

6,45 

0,00 

4,84 

8,57 

3,23 

2,86 

1,61 

0,00 

27,42 

57,14 

35,48 

0,00 

14,04 

0,00 

10,53 

0,00 

1,75 

0,00 

0,00 

0,00 

31,58 

78,57 

31,58 

0,00 

4,85 

0,00 

0,00 

0,00 

3,03 

2,33 

16,36 

0,00 

18,79 

76,74 

35,76 

0,00 

1,39 

0,00 

15,28 

0,00 

0,69 

0,00 

0,69 

0,00 

29,86 

75,00 

28,47 

2,00 

12,50 

2,00 

8,33 

0,00 

2,08 

2,00 

2,08 

0,00 

18,75 

64,00 

27,08 

0,00 

0,00 

0,00 

22,22 

0,00 

0,00 

0,00 

0,00 

50,00 

11,11 

10,00 

0,00 

0,00 

0,00 

14,29 

10,26 

0,00 

2,56 

0,00 

0,00 

7,14 

33,33 

50,00 

28,21 

0,00 

0,00 

37,35 

1,82 

4,82 

1,82 

1,20 

1,82 

25,30 

40,00 

14,46 

21,82 

0,00 

0,79 

26,32 

7,14 

0,00 

5,56 

0,00 

2,38 

15,79 

21,43 

5,26 

35,71 

0,00 

0,00 

2,78 

3,13 

2,78 

3,13 

2,78 

1,56 

38,89 

37,50 

41,67 

35,94 

0,00 

1,28 

13,16 

6,41 

0,00 

3,85 

2,63 

2,56 

65,79 

41,03 

15,79 

21,79 

8,12 

8,78 

3,05 

4,05 

4,57 

4,05 

1,52 

1,13 

36,55 

17,57 

22,34 

38,51 

0,00 

0,00 

10,34 

16,36 

0,00 

0,00 

0,00 

3,64 

44,83 

43,64 

34,48 

16,36 

1,12 

5,04 

1,69 

1,80 

3,93 

4,68 

0,56 

1,08 

25,84 

25,90 

40,45 

21,94 

1,16 

5,99 

2,89 

3,37 

4,05 

2,25 

0,58 

3,00 

32,37 

23,22 

35,26 

36,33 

4,43 

1,28 

2,53 

4,47 

5,06 

4,79 

0,63 

1,60 

18,35 

16,93 

36,71 

44,41 

3,92 

0,33 

19,61 

5,30 

2,94 

2,32 

1,96 

1,32 

11,76 

31,46 

23,53 

25,50 

0,00 

7,69 

15,00 

0,00 

0,00 

7,69 

2,50 

0,00 

35,00 

23,08 

20,00 

15,38 

0,00 

1,49 

16,67 

7,46 

8,33 

7,46 

4,17 

8,96 

12,50 

29,85 

20,83 

16,42 

0,00 

0,00 

15,00 

14,04 

0,00 

5,26 

0,00 

1,75 

35,00 

26,32 

15,00 

40,35 

4,00 

0,00 

10,00 

0,00 

2,00 

2,08 

0,00 

2,08 

36,00 

54,17 

12,00 

22,92 

0,00 

2,94 

6,52 

13,24 

6,52 

5,88 

2,17 

0,00 

13,04 

32,35 

41,30 

25,00 

0,00 

0,00 

20,00 

21,43 

0,00 

0,00 

0,00 

0,00 

53,33 

50,00 

13,33 

14,29 

0,00 

7,37 

13,04 

4,21 

8,70 

3,16 

4,35 

6,32 

13,04 

32,63 

26,09 

15,79 

0,00 

0,00 

3,03 

10,53 

6,06 

3,51 

3,03 

1,75 

3,03 

43,86 

21,21 

1,75 

0,00 

1,61 

20,00 

2,69 

0,00 

1,61 

4,00 

1,08 

16,00 

14,52 

20,00 

19,35 

0,00 

0,00 

0,00 

6,01 

0,00 

1,64 

4,55 

0,55 

0,00 

25,68 

63,64 

18,58 

2,07 

10,63 

22,76 

15,95 

3,45 

0,51 

0,69 

0,51 

37,93 

29,37 

19,31 

33,92 

10,59 

6,43 

6,67 

4,56 

2,35 

2,95 

1,18 

2,68 

22,35 

35,12 

28,24 

22,52 

0,00 

5,83 

0,00 

4,17 

4,60 

6,67 

1,15 

1,67 

0,00 

20,00 

70,11 

30,83 

0,00 

0,00 

4,55 

14,00 

0,00 

2,00 

4,55 

2,00 

40,91 

32,00 

13,64 

18,00 

2,89 

2,31 

6,36 

2,31 

2,31 

2,97 

1,73 

0,11 

33,53 

18,46' 

21,39 

39,78 

0,00 

2,70 

0,00 

5,95 

5,88 

3,24 

1,96 

1,08 

15,69 

19,46 

35,29 

27,03 

0,00 

0,00 

20,00 

22,22 

4,00 

8,89 

4,00 

0,00 

8,00 

28,89 

24,00 

20,00 

0,00 

0,00 

17,24 

12,64 

0,00 

2,30 

3,45 

1,15 

34,48 

13,79 

34,48 

35,63 

0,00 

0,00 

17,39 

12,18 

0,00 

2,54 

4,35 

1,02 

34,78 

39,59 

13,04 

23,86 

0,00 

0,00 

26,32 

33,33 

3,51 

1,59 

1,75 

1,59 

26,32 

22,22 

17,54 

22,22 

0,00 

0,00 

25,00 

20,00 

0,00 

13,33 

0,00 

0,00 

25,00 

13,33 

12,50 

20,00 

0,00 

0,00 

18,18 

15,38 

0,00 

0,00 

0,00 

0,00 

45,45 

23,08 

18,18 

23,08 

2,40 

8,64 

9,60 

6,02 

0,80 

1,57 

0,80 

0,79 

39,20 

21,73 

29,60 

33,77 

0,00 

0,00 

0,00 

5,56 

10,00 

4,63 

5,00 

4,63 

0,00 

39,81 

45,00 

20,37 

0,00 

0,00 

20,00 

8,33 

0,00 

8,33 

0,00 

2,78 

63,33 

30,56 

6,67 

16,67 

0,00 

0,00 

0,00 

42,27 

0,00 

0,00 

0,00 

2,58 

0,00 

40,72 

96,19 

8,25 

21,57 

33,03 

9,80 

2,75 

0,00 

2,75 

1,96 

0,92 

3,92 

15,60 

47,06 

23,85 

0,00 

14,29 

0,00 

2,86 

0,00 

0,00 

10,00 

2,86 

0,00 

22,86 

20,00 

20,00 

0,00 

0,00 

18,18 

7,69 

0,00 

0,00 

9,09 

7,69 

9,09 

15,38 

36,36 

30,77 

18,75 

0,00 

31,25 

25,00 

0,00 

0,00 

0,00 

0,00 

0,00 

37,50 

43,75 

25,00 

0,00 

0,00 

37,50 

7,69 

12,50 

0,00 

0,00 

15,38 

12,50 

15,38 

25,00 

38,46 

0,00 

0,00 

13,33 

5,71 

0,00 

0,00 

0,00 

2,86 

33,33 

45,71 

33,33 

11,43 

305 


District         Paroisse 


QC 
QC 
QC 
QC 
QC 
QC 
QC 
QC 
QC 
QC 
QC 
QC 
QC 
QC 
QC 
QC 
QC 
QC 
QC 
QC 
QC 
QC 
QC 
QC 
QC 
QC 
QC 
QC 
QC 
QC 
QC 
QC 
QC 
QC 
QC 
QC 
QC 
QC 
QC 
QC 
QC 
QC 
QC 
QC 
TR 
TR 
TR 
TR 
TR 
TR 
TR 
TR 
TR 
TR 
TR 
TR 
TR 
TR 


Château-Richer 

Ste-Anne  (de  Beaupré) 

St-Joachim 

Ste-Foy 

St-Augustin 

Pointe-aux-Trembles 

Cap-Santé 

Cap-Santé 

Ste-Foy 

Ste-Foy 

Baie-St-Paul 

St-Étienne 

St-Étienne-de-La-Malbaie 

Charlesbourg 

Ancienne-Lorette 

St-Étienne 

Notre-Dame-de-l  'Assomption 

St-Georges-de-Cacouna 

Cap-SMgnace 

St-Patrice-de-la-Rivière-du-Loup 

L'Islet 

St-Thomas 

St-Gervais 

St-Gervais 

St-Michel 

St-Vallier 

St-Vallier 

St-Roch-des-Aulnaies 

St-Jean-Port-Joli 

St-André 

St-Antoine-de-TiHy 

Rivière-Ouelle 

Rivière-Ouelle 

Ste-Anne-de-la-Pocatière 

Ste-Anne-de-la-Pocatière 

Ste-Croix 

Trois-Pistoles 

St-Jean-Port-Joli 

St-Charles 

St-Pierre  (Rivière-du-Sud) 

St-Henri 

St-François  (Rivière-du-Sud) 

St-Pascal-de-Kamouraska 

St-Joseph  (Beauce) 

La  Visitation 

St-Joseph-de-Maskinongé 

St-Joseph-de-Maskinongé 

La  Visitation 

St-Antoine  (Rivière-du-Loup) 

Ste-Anne-de-la-Pérade 

Ste-Geneviève 

Ste-Anne-d'Yamachiche 

Les  Forges 

St-Léon-le-Grand 

Bécancour 

St-Pierre-les-Becquets 

St-Grégoire-le-Grand 

St-Grégoire-le-Grand 


Commerce 

Fabrication 

Village 

1831 

1851 

1831 

1851 

■~~^— ~ 

—— — 

— — — 

— — — 

Château-Richer 

4,76 

2,22 

28,57 

15,56 

Ste-Anne 

10,53 

5,56 

21,05 

33,33 

St-Joachim  (CD 

0,00 

1,45 

7,69 

4,35 

Cap-Rouge 

4,76 

5,00 

23,81 

1,67 

St-Augustin 

6,25 

9,38 

31,25 

28,13 

Neuville 

6,25 

4,62 

34,38 

9,83 

Cap-Santé 

6,67 

7,14 

10,00 

25,00 

Cap-Santé  (NM,  CD 

4,35 

5,83 

21,74 

13,59 

Noyau  Chemin-Ste-Foy 

0,00 

4,26 

10,00 

25,53 

Côte-de-Sillery 

10,53 

0,00 

13,16 

5,63 

Baie-St-Paul 

16,07 

3,31 

12,50 

16,53 

Pointe-au-Pic 

6,67 

1,43 

6,67 

14,29 

La  Malbaie  (Nairne) 

21,88 

18,82 

18,75 

8,24 

Charlesbourg 

0,00 

3,41 

15,52 

22,73 

Ancienne-Lorette 

0,00 

3,80 

28,57 

17,72 

Beaumont 

5,13 

5,04 

12,82 

9,24 

Berthier 

10,00 

4,82 

30,00 

26,51 

Cacouna 

5,56 

7,38 

5,56 

12,30 

Cap-SMgnace 

3,92 

5,63 

13,73 

11,69 

Fraserville  (Rivière-du-Loup) 

5,48 

7,58 

17,81 

13,72 

L'Islet 

9,09 

5,59 

18,18 

13,97 

St-Thomas  (Montmagny) 

12,99 

1,96 

24,68 

12,97 

St-Gervais 

7,89 

6,73 

31,58 

14,42 

St-Gervais  (Faubourg-du-Moulin) 

9,09 

2,22 

9,09 

13,33 

St-Michel 

7,69 

6,91 

20,51 

13,36 

St-Vallier 

16,00 

2,41 

8,00 

19,28 

St-Vallier  (NS) 

25,00 

4,88 

33,33 

7,32 

St-Roch-des-Aulnaies 

13,33 

6,77 

11,11 

18,05 

St-Jean-Port-Joli 

0,00 

6,00 

14,29 

10,00 

St-André 

9,09 

7,41 

6,06 

8,15 

St-Antoine 

0,00 

7,69 

16,00 

14,10 

Rivière-Ouelle 

0,00 

8,33 

8,33 

11,67 

Rivière-Ouelle  (NS) 

0,00 

5,71 

18,42 

22,86 

Ste-Anne 

3,33 

5,04 

16,67 

8,40 

Ste-Anne  (NS) 

4,35 

2,63 

13,04 

15,79 

Ste-Croix 

5,88 

5,38 

17,65 

18,28 

Trois-Pistoles 

5,56 

11,43 

27,78 

34,29 

Trois-Saumons 

0,00 

7,94 

22,22 

17,46 

St-Charles 

0,00 

2,52 

41,67 

11,76 

St-Pierre 

0,00 

2,11 

14,29 

16,90 

St-Henri 

15,00 

5,06 

40,00 

16,46 

St-François 

10,00 

4,62 

10,00 

12,31 

St-Pascal  (NP) 

25,00 

3,64 

0,00 

14,55 

St-Joseph 

0,00 

0,00 

25,00 

12,90 

La  Visitation 

40,00 

11,58 

0,00 

10,53 

Maskinongé 

5,80 

4,35 

10,14 

11,96 

Maskinongé  (NS) 

0,00 

7,32 

33,33 

14,63 

Pointe-du-Lac 

0,00 

4,92 

12,50 

22,95 

Rivière-du-Loup 

15,09 

8,26 

24,53 

32,17 

Ste-Anne-de-la-Pérade 

7,50 

5,41 

20,00 

19,82 

Ste-Geneviève 

18,18 

8,33 

36,36 

14,58 

Yamachiche 

14,71 

9,02 

11,76 

15,04 

Les  Forges 

0,00 

2,27 

60,00 

43,18 

St-Léon 

5,88 

5,56 

23,53 

25,93 

Bécancour 

7,69 

6,06 

23,08 

18,18 

St-Pierre 

18,75 

10,34 

12,50 

6,90 

St-Grégoire 

3,85 

6,56 

19,23 

15,57 

St-Grégoire  (NS) 

0,00 

0,00 

0,00 

15,79 

L  échantillon  ne  porte  que  sur  les  bourgs  dont  les  données  sont  disponibles  et  comparables  dans  les  deux 
recensements.  A  noter  que,  dans  le  recensement  de  1831,  seuls  les  chefs  de  ménage  sont  enregistrés, 
contrairement  à  celui  de  1851  où  le  dénombrement  s'étend  à  l'ensemble  de  la  population. 
Sources     ANC,  Recensements  du  Bas-Canada,  1831  et  1851-1852 


306 


Professions 

Trans 

port 
1851 

Agriculture 
1831          1851 

libérales 

Clergé 

Journaliers 

Autres 

1831 

1831 

1851 

1831 

1851 

1831 

1851 

1831 

1851 

4,76 

17,78 

19,05 

13,33 

4,76 

2,22 

4,76 

2,22 

4,76 

17,78 

28,57 

28,89 

5,26 

0,00 

0,00 

11,11 

5,26 

5,56 

5,26 

5,56 

31,58 

16,67 

21,05 

22,22 

0,00 

4,35 

30,77 

34,78 

0,00 

0,00 

7,69 

1,45 

30,77 

40,58 

23,08 

13,04 

0,00 

0,00 

9,52 

6,67 

0,00 

3,33 

0,00 

0,00 

19,05 

20,00 

42,86 

63,33 

0,00 

0,00 

25,00 

9,38 

0,00  . 

6,25 

6,25 

3,13 

18,75 

12,50 

12,50 

31,25 

6,25 

1,16 

3,13 

12,14 

0,00 

1,16 

6,25 

1,73 

12,50 

40,46 

31,25 

28,90 

6,67 

7,14 

13,33 

10,71 

0,00 

5,36 

3,33 

1,79 

6,67 

26,79 

53,33 

16,07 

8,70 

20,39 

13,04 

13,59 

0,00 

0,97 

0,00 

0,97 

17,39 

30,10 

34,78 

14,56 

0,00 

0,00 

30,00 

19,15 

0,00 

0,00 

10,00 

2,13 

30,00 

25,53 

20,00 

23,40 

0,00 

5,63 

0,00 

15,49 

0,00 

4,23 

0,00 

0,00 

55,26 

30,99 

21,05 

38,03 

1,79 

2,48 

12,50 

4,96 

3,57 

4,13 

5,36 

2,48 

30,36 

55,37 

17,86 

10,74 

13,33 

10,00 

13,33 

17,14 

6,67 

2,86 

0,00 

1,43 

40,00 

37,14 

13,33 

15,71 

0,00 

2,35 

21,88 

2,35 

6,25 

9,41 

3,13 

2,35 

3,13 

4,71 

25,00 

51,76 

0,00 

0,00 

43,10 

38,64 

0,00 

0,00 

1,72 

0,00 

20,69 

28,41 

18,97 

6,82 

0,00 

0,00 

14,29 

0,00 

0,00 

0,00 

7,14 

2,53 

14,29 

32,91 

35,71 

43,04 

2,56 

2,52 

46,15 

18,91 

0,00 

0,42 

2,56 

0,42 

17,95 

16,81 

12,82 

46,64 

10,00 

9,64 

0,00 

3,61 

0,00 

0,00 

0,00 

1,20 

20,00 

25,30 

30,00 

28,92 

5,56 

1,64 

33,33 

11,48 

5,56 

1,64 

5,56 

0,82 

16,67 

55,74 

22,22 

9,02 

3,92 

22,08 

21,57 

12,55 

5,88 

0,87 

1,96 

0,43 

15,69 

16,02 

33,33 

30,74 

4,11 

3,61 

16,44 

4,69 

1,37 

2,17 

1,37 

0,36 

34,25 

49,82 

19,18 

18,05 

4,55 

10,06 

13,64 

8,38 

2,27 

3,35 

4,55 

1,12 

34,09 

27,93 

13,64 

29,61 

2,60 

11,98 

5,19 

6,68 

5,19 

1,57 

1,30 

0,39 

14,29 

22,59 

33,77 

41,85 

0,00 

3,85 

23,68 

14,42 

7,89 

4,81 

2,63 

1,92 

0,00 

9,62 

26,32 

44,23 

0,00 

0,00 

45,45 

17,78 

9,09 

0,00 

0,00 

0,00 

0,00 

17,78 

27,27 

48,89 

20,51 

18,89 

10,26 

4,61 

5,13 

1,84 

2,56 

0,46 

10,26 

17,97 

23,08 

35,94 

8,00 

4,82 

12,00 

9,64 

0,00 

3,61 

0,00 

2,41 

20,00 

28,92 

36,00 

28,92 

0,00 

0,00 

16,67 

19,51 

0,00 

0,00 

0,00 

0,00 

16,67 

41,46      ' 

8,33 

26,83 

0,00 

6,77 

28,89 

12,78 

6,67 

3,01 

2,22 

0,75 

13,33 

21,05 

24,44 

30,83 

0,00 

1,00 

28,57 

15,00 

14,29 

7,00 

7,14 

2,00 

21,43 

24,00 

14,29 

35,00 

0,00 

8,89 

27,27 

14,07 

6,06 

2,96 

3,03 

0,74 

18,18 

42,96 

30,30 

14,81 

0,00 

8,97 

20,00 

17,95 

20,00 

3,85 

4,00 

1,92 

12,00 

30,77 

28,00 

14,74 

0,00 

3,33 

25,00 

10,00 

8,33 

3,33 

8,33 

1,67 

8,33 

41,67 

41,67 

20,00 

0,00 

5,71 

28,95 

11,43 

0,00 

0,00 

0,00 

0,00 

23,68 

31,43 

28,95 

22,86 

0,00 

1,68 

36,67 

11,76 

0,00 

0,00 

3,33 

0,84 

30,00 

14,29 

10,00 

57,98 

0,00 

0,00 

17,39 

2,63 

0,00 

7,89 

0,00 

0,00 

47,83 

31,58 

17,39 

39,47 

0,00 

9,68 

17,65 

20,43 

5,88 

6,45 

5,88 

4,30 

23,53 

9,68 

23,53 

25,81 

16,67 

2,86 

11,11 

20,00 

5,56 

5,71 

5,56 

2,86 

0,00 

5,71 

27,78 

17,14 

0,00 

7,94 

27,78 

19,05 

0,00 

0,00 

0,00 

0,00 

38,89 

23,81 

11,11 

23,81 

0,00 

0,00 

33,33 

17,65 

0,00 

2,52 

0,00 

0,84 

8,33 

15,97 

16,67 

48,74 

0,00 

1,41 

21,43 

19,72 

14,29 

2,11 

7,14 

1,41 

28,57 

35,21 

14,29 

21,13 

0,00 

0,00 

5,00 

15,19 

0,00 

5,06 

5,00 

2,53 

20,00 

21,52 

15,00 

34,18 

0,00 

3,08 

40,00 

6,15 

0,00 

1,54 

0,00 

4,62 

0,00 

10,77 

40,00 

56,92 

0,00 

0,00 

0,00 

12,73 

25,00 

3,64 

25,00 

1,82 

0,00 

52,73 

25,00 

10,91 

0,00 

0,00 

0,00 

3,23 

0,00 

6,45 

8,33 

3,23 

33,33 

29,03 

33,33 

45,16 

0,00 

26,32 

0,00 

25,26 

0,00 

3,16 

20,00 

1,05 

0,00 

9,47 

40,00 

12,63 

0,00 

7,61 

40,58 

15,22 

5,80 

4,35 

1,45 

1,09 

26,09 

26,09 

10,14 

29,35 

0,00 

3,66 

22,22 

2,44 

0,00 

1,22 

0,00 

0,00 

44,44 

41,46 

0,00 

29,27 

0,00 

4,92 

12,50 

19,67 

0,00 

1,64 

3,13 

1,64 

53,13 

22,95 

18,75 

21,31 

0,00 

7,39 

11,32 

3,48 

7,55 

1,30 

1,89 

0,87 

20,75 

15,65 

18,87 

30,87 

2,50 

15,32 

20,00 

7,21 

7,50 

4,50 

5,00 

1,80 

2,50 

16,22 

35,00 

29,73 

9,09 

8,33 

27,27 

27,08 

0,00 

2,08 

9,09 

2,08 

0,00 

20,83 

0,00 

16,67 

1,47 

0,75 

26,47 

16,54 

1,47 

4,51 

1,47 

1,50' 

10,29 

32,33 

32,35 

20,30 

16,67 

4,55 

1,67 

1,14 

0,00 

0,00 

0,00 

0,00 

6,67 

44,32 

15,00 

4,55 

0,00 

0,00 

11,76 

3,70 

0,00 

5,56 

5,88 

1,85 

11,76 

29,63 

41,18 

27,78 

0,00 

1,82 

15,38 

24,85 

15,38 

2,42 

0,00 

0,61 

0,00 

21,21 

38,46 

24,85 

0,00 

4,60 

12,50 

3,45 

12,50 

4,60 

6,25 

1,15 

12,50 

58,62 

25,00 

10,34 

0,00 

6,56 

0,00 

13,11 

0,00 

3,28 

3,85 

1,64 

26,92 

24,59 

46,15 

28,69 

0,00 

10,53 

28,57 

0,00 

0,00 

5,26 

0,00 

5,26 

57,14 

26,32 

14,29 

36,84 

307 


Bibliographie 


Sources  manuscrites 

ARCHIVES  NATIONALES  DU  CANADA,  Projet  de  règlement  fait  par  Mre  de 
Tracy,  et  Talon,  pour  la  justice  et  la  distribution  des  terres  du  Canada,  du 
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Recensements  du  Bas-Canada: 


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1825  bobines  C-717  à  C-718 

1831  bobines  C-719  à  C-724 

1842  bobines  C-725  à  C-733 

1851-1852  bobines  C-1 1 1 1  à  C-1156 

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ARCHIVES  NATIONALES  DU  QUÉBEC  À  QUÉBEC,  Aveux  et  dénombrements 
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fonds  Terres  et  forêts,  Aveux  et  dénombrements  du  Régime 

anglais,  E-0021. 

fonds  Syndicat  national  du  rachat  des  rentes  seigneuriales,  E-39. 

Recensements  généraux  de  la  colonie,  microfilms. 


Sources  anciennes  imprimées 

BAS-CANADA,  Journaux  de  l'Assemblée  législative  du  Bas-Canada  (1792-1837). 

Journaux  du  Conseil  spécial. 

Édits,  ordonnances  royaux,  déclarations  et  arrêts  du  Conseil 

d'État  concernant  le  Canada,  Québec,  E.  R.  Fréchette,  1854-1856,  3  vol. 

,   Cadastres  abrégés  des  seigneuries  du  district  de  Montréal, 


Stewart,  Derbishire  et  Georges  Desbarats,  Imprimeur  de  Sa  Très  Excel- 
lente Majesté  la  Reine,  1863,  3  vol. 
,  Cadastres  abrégés  des  seigneuries  du  district  de  Trois-Rivières, 


Stewart,  Derbishire  et  Georges  Desbarats,  Imprimeur  de  Sa  Très  Excel- 
lente Majesté  la  Reine,  1863,  1  vol. 


309 


,  Cadastres  abrégés  des  seigneuries  du  district  de  Québec,  Ste- 

wart,  Derbishire  et  Georges  Desbarats,  Imprimeur  de  Sa  Très  Excellente 
Majesté  la  Reine,  1863,  2  vol. 
Cadastres  abrégés  des  seigneuries  de  la  couronne,  Stewart, 


Derbishire  et  Georges   Desbarats,   Imprimeur  de  Sa  Très   Excellente 

Majesté  la  Reine,  1863,  1  vol. 

Statuts  du  Bas-Canada  (1796-1855). 


BOUCHETTE,  Joseph,  Description  topographique  de  la  province  du  Bas-Canada, 
Londres,  William  Faden,  1815,  rééd.  Montréal,  Éditions  Elysée,  1978. 

A  Topographical  Dictionary  of  the  Province  of  Lower  Canada, 

Londres,  Longman,  Rees,  Orme,  Brown,  Green  and  Longman,  1832,  n.  p. 

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CANADA-UNI,  Journaux  de  l'Assemblée  législative  des  Canadas  (1840-1851). 

Recensement  des  Canadas  (1851-1852),   Québec,  J.   Lovell, 

1853,  2  vol. 

Recensement  des  Canadas  (1860-1861),  Québec,  S.  B.  Foot, 


1864,  2  vol. 

De  l'abolition  du  régime  féodal  en  Canada,  s.  d.,  s.  I.,  n.  p. 

HUNTER,  Wm.  S.  Jr.,  Hunter's  Panoramic  Guide  from  Niagara  Falls  to  Québec, 
Boston,  John  P.  Jewett  &  Company,  et  Cleveland,  Ohio,  Henry  P.  B. 
Jewett,  1857,  rééd.  Toronto,  Coles  Publishing  Company,  1970. 

INSTITUT  CANADIEN  DE  QUÉBEC,  Voyages  et  mémoires  sur  le  Canada  par 
Franquet,  Montréal,  Éditions  Elysée,  1974,  rééd.  de  Louis  Franquet, 
Voyages  et  mémoires  sur  le  Canada  en  1 752  et  1 753. 

Journal  historique  des  événements  arrivés  à  Saint-Eustache,  pendant  la  rébellion 
du  comté  du  Lac  des  Deux-Montagnes  [...],  par  un  témoin  oculaire, 
Montréal,  John  Jones,  1838. 

LAMBERT,  John,  Travels  through  Lower  Canada  and  the  United  States  of  North 
America  in  the  Years  1806,  1807  and  1808,  Londres,  Richard  Phillips, 
1816,  3e  éd.,  2  vol. 

MEILLEUR,  Jean-Baptiste,  Extrait  du  recensement  du  comté  de  L'Assomption 
de  l'année  1831,  Montréal,  Imprimerie  de  La  Minerve,  rééd.  par  Réjean 
Olivier  (éd.),  Joliette,  1983. 

RAMEAU,  E.,  La  France  aux  colonies,  Paris,  A.  Jouby,  1859. 

Relation  historique  des  événements  de  l'élection  du  comté  du  Lac  des  Deux 

Montagnes  en  1834,  publiée  à  Montréal  en  1835  et  rééditée  à  Québec 

en  1968. 

SAMSON,  Joseph,  Travels  in  Lower  Canada,  with  the  Author's  Recollections  of 
the  Soil,  and  Aspect;  the  Morals,  Habits  and  Religious  Institutions  of  that 
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310 


THOREAU,  Henry  David,  A  Yankee  in  Canada,  1866,  trad.  par  Adrien  Thério,  Un 
Yankee  au  Canada,  Montréal,  Éditions  de  l'Homme,  1962. 

WELD,  Isaac,  Travels  through  the  States  of  North  America  and  the  Province  of 
Upper  and  Lower  Canada  in  the  Years  1795,  1796  &  1797,  Londres,  John 
Stockdale,  1799. 

Documents  cartographiques 

BOUCHETTE,  Joseph,  This  topographical  map  of  the  province  of  Lower  Canada, 
sheewing  its  divisions  into  districts,  counties,  seigneuries  and  townships, 
with  ail  the  land  reserved  both  for  the  Crown  and  the  clergy,  ec,  ec, 
engraved  by  J.  Walker  and  Son,  London,  W.  Faden,  Aug.  12,  1815, 
Ottawa,  Archives  nationales  du  Canada,  Collection  nationale  de  cartes  et 
plans. 

To  His  Most  Excellent  Majesty  King  William  IV.  This  topograph- 
ical map  of  the  districts  of  Québec,  Three  Rivers,  St.  Francis  and  Gaspe, 
Lower  Canada,  exhibiting  the  new  civil  divisions  of  the  districts  into 
counties  pursuant  to  a  récent  act  of  the  provincial  législature;  [...], 
dedicated  by  His  Majesty' s  most  devoted  and  loyal  Canadian  subject, 
Joseph  Bouchette,  1831,  Ottawa,  Archives  nationales  du  Canada,  Collec- 
tion nationale  de  cartes  et  plans. 

To  His  Most  Excellent  Majesty  King  William  IV.  This  topograph- 


ical map  of  the  district  of  Montréal,  Lower  Canada,  exhibiting  the  new 
civil  divisions  of  the  district  into  counties  pursuant  to  a  récent  act  of  the 
provincial  législature;  dedicated  by  His  Majesty's  most  devoted  and  loyal 
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Liste  des  codes 


Al  Autre  île 

AR  Archipel  de  Montréal 

ARA  Archipel  de  Montréal,  autre  île 

ARJ  Archipel  de  Montréal,  île  Jésus 

ARM  Archipel  de  Montréal,  île  de  Montréal 

C1,  2,  3...    Numérotation  de  la  côte  ou  du  rang 

IO  île  d'Orléans 

IN  île  proche  de  la  Rive-Nord 

IS  île  proche  de  la  Rive-Sud 

NM  Noyau-moulin 

NP  Noyau  principal 

NS  Noyau  secondaire 

PI  Péninsule  de  Vaudreuil-Soulanges,  bourg  de  l'intérieur 

PN  Péninsule  de  Vaudreuil-Soulanges,  Rive-Nord 

PP  Noyau  principal  et  périphérie 

PS  Péninsule  de  Vaudreuil-Soulanges,  Rive-Sud 

RNA  Rive-Nord,  arrière-pays 

RNAE  Rive-Nord,  arrière-pays,  secteur  éloigné 

RNF  Rive-Nord,  près  du  fleuve 

RNI  Rive-Nord,  bourg  de  l'intérieur 

RSA  Rive-Sud,  arrière-pays 

RSAE  Rive-Sud,  arrière-pays,  secteur  éloigné 

RSF  Rive-Sud,  près  du  fleuve 

RSI  Rive-Sud,  bourg  de  l'intérieur 

RSV  Rive-Sud,  vallée  du  Richelieu 

RSVA  Rive-Sud,  vallée  du  Richelieu,  arrière-pays 

VN  Village  amérindien,  Rive-Nord 

VS  Village  amérindien,  Rive-Sud 


325 


Liste  des  sigles 


ABPO 

AESC 

ANC 

ANQ 

ANQ-M 

ANQ-Q 

AS 

BCHESRL 

BRH 
CELAT 

CGQ 

CH 

CHDM 

CHR 

CPRH 

DBC 

DOLQ 

EO 

HS 

JALBC 

JEH 

JHG 

LT 

MER 

PH 

RCSP 

RHAF 

RN 

RS 

SBC 

SCHEC 


Annales  de  Bretagne  et  des  pays  de  l'Ouest 

Annales,  économies,  sociétés,  civilisations 

Archives  nationales  du  Canada 

Archives  nationales  du  Québec 

Archives  nationales  du  Québec  à  Montréal 

Archives  nationales  du  Québec  à  Québec 

Anthropologie  et  sociétés 

Bulletin  du  Centre  d'histoire  économique  et  sociale 

de  la  région  lyonnaise 

Bulletin  des  recherches  historiques 

Centre  d'études  sur  la  langue,  les  arts  et  les  traditions  populaires 

des  francophones  en  Amérique  du  Nord 

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de  science  politique 

Revue  d'histoire  de  l'Amérique  française 

Revue  du  Nord 

Recherches  sociographiques 

Statuts  du  Bas-Canada 

Société  canadienne  d'histoire  de  l'Église  catholique 


327 


Liste  des  figures 


1.  Structures  d'habitat  groupé  selon  la  carte  de  Murray  (1760-1762)  23 

2.  Village  de  Saint-Jacques  (1815,  1831)  29 

3.  Grands  rythmes  de  croissance  villageoise:  exemple  de  la  région 

de  Montréal  (1800-1861)  30 

4.  Croissance  villageoise  (1660-1851)  33 

5.  Poussée  villageoise  dans  les  seigneuries  laurentiennes 

(1815,  1831,  1851)  36 

6.  Courbes  comparées  de  croissance  de  la  population 

et  du  nombre  de  bourgs  (1760-1851)  39 

7.  Forme  des  bourgs  (1831)  51 

8.  Village  de  Saint-Eustache  (1837)  54 

9.  Village  de  Neuville  (1802)  76 

10.  Village  de  Baby  (1847)  77 

11.  Village  de  Saint-Jérôme  (1834)  79 

12.  Taille  des  bourgs  (1831,  1851)  96 

13.  Population  villageoise  (1815,  1831,  1851)  97 

14.  Rapports  journaliers,  agriculture  et  industries  rurales: 

exemple  de  la  plaine  de  Montréal  (1831)  144 

15.  Principales  places  de  commerce  (1831,  1851)  164 

16.  Principaux  lieux  de  fabrication  (1831,  1851)  176 

17.  Extension  du  réseau  routier  (1815,  1831)  193 

18.  Village  de  Sainte-Anne,  comté  de  Montmorency  (1831)  260 

19.  Fiche  de  dépouillement  du  recensement  de  1831  264 

20.  Fiche  de  dépouillement  du  recensement  de  1851-1852  266 


329 


Liste  des  tableaux 


1.  Noyaux  signalés  par  Marcel  Trudel  (juin  1663)  15 

2.  Mentions  de  villages  retrouvées  dans  les  aveux  et  dénombrements 

du  Régime  français  20 

3.  Agglomérations  relevées  par  Murray  (1760-1762)  24 

4.  Exemples  de  hameaux  et  de  villages  vers  la  fin  du  XVIIIe  siècle  25 

5.  Évolution  du  nombre  de  noyaux  (1815,  1831,  1851)  34 

6.  Population  du  Bas-Canada  (1765-1851)  38 

7.  Taux  de  croissance  annuel  moyen  (1765-1851)  38 

8.  Lots  et  emplacements  (1831,  1851)  52 

9.  Exemples  d'évolution  de  la  taille  des  bourgs  (1815,  1831,  1851)  59 
10.  Taille  moyenne  des  bourgs  (1815,  1831,  1851)  61 
11    Nombre  moyen  de  maisons  par  bourg  (1815,  1831,  1851)  62 

12.  Matériaux  de  construction  (1851)  64 

13.  Taille  et  occupation  des  habitations  (1851)  66 

14.  Équipements  recensés  dans  les  bourgs  (1815,  1831,  1851)  73 

15.  Rentes  payées  dans  les  bourgs  (1831)  81 

16.  Croissance  comparée  de  la  population  villageoise 

(1815,  1831,  1851)  98 

17.  Place  du  bourg  dans  le  paysage  humain  de  la  localité  (1831,  1851)  99 

18.  Bourgs  de  l'archipel  montréalais  (1831,  1851)  100 

19.  Structure  de  la  population  au  Bas-Canada  (1831,  1851)  101 

20.  Structure  de  la  population  villageoise  (1831,  1851)  104 

21.  Origine  géographique  de  la  population  villageoise  (1851)  107 

22.  Taux  bruts  de  croissance  naturelle  (1851)  -  109 

23.  Répartition  des  jeunes  couples  dans  la  localité  (1851)  110 

24.  Exemples  de  circuits  migratoires  (1851)  113 

25.  Origine  géographique  de  la  population  non  résidente  (1851)  114 

26.  Groupes  ethniques  et  religions  (1831)  117 

27.  Groupes  ethniques  et  religions  (1851)  118 

28.  Métiers  et  professions  déclarés  au  recensement  de  1831  124 

29.  Métiers  et  professions  déclarés  au  recensement  de  1851-1852  125 

30.  Métiers,  statuts  et  professions  déclarés  dans  le  village 

de  Saint-Eustache  (1831,  1851)  127 


331 


31.  Société  villageoise  (1831,  1851)  135 

32.  Âge  des  journaliers  dans  le  village  de  Saint-Eustache  (1851)  146 

33.  Mendiants,  infirmes  et  familles  pauvres  (1831)  148 

34.  Aliénés,  aveugles  et  sourds-muets  (1851)  149 

35.  La  fonction  commerciale  (1831,  1851)  162 

36.  La  fonction  de  transport  (1831,  1851)  166 

37.  La  fonction  de  fabrication  (1831,  1851)  174 

38.  Les  journaliers  (1831,  1851)  177 

39.  Les  services  (1831,  1851)  182 

40.  Population  comparée  des  bourgs  insulaires,  riverains 

et  de  l'intérieur  (1815,  1831,  1851)  195 

41.  Équipements  économiques  et  sociaux  dans  les  bourgs  insulaires, 
riverains  et  de  l'intérieur  (1815)  197 

42.  Profils  socioprofessionnels  dans  les  bourgs  insulaires,  riverains 

et  de  l'intérieur  (1831)  198 

43.  Profils  socioprofessionnels  dans  les  bourgs  insulaires,  riverains 

et  de  l'intérieur  (1851)  199 

44.  Profils  démographiques  dans  les  bourgs  insulaires,  riverains 

et  de  l'intérieur  (1831)  209 

45.  Profils  démographiques  dans  les  bourgs  insulaires,  riverains 

et  de  l'intérieur  (1851)  210 

46.  Maisons  en  construction  (1831,  1851)  215 

47.  Maisons  inhabitées  (1831,  1851)  217 


332 


Index  des  noms  de  villages 


Babyville  (village  de  Baby),  26,  45,  75, 

78,  80 
Baie-Saint-Paul,  161 
Batiscan,  172 

Beauharnois,  26,  44,  80,  172,  191 
Beaumont,  131 
Beauport,  21,  63,  71,  156,  159,   160, 

171,  172,  181 
Bécancour,  172 

Bécancour  (mission  amérindienne),  65, 

120,  187 
Berthier,  26,  44,  71,   120,   131,    159, 

160,  165,  173,  184,  186,  188,  191, 

246,  259 
Boucherville,  21,  25,  30,  60,  67,  181, 

191,  202 
Bourg-la-Reine,  17 
Bourg-Royal,  17 
Bourg-Saint-Louis,  25,  81,  90 
Bourg-Talon,  17 
Brownville,  45 

Cap-Rouge,  81 

Cap-Saint-Ignace,  191 

Cap-Santé,  81 

Caughnawaga,  187 

Chambly,   21,   22,   58,   60,    158,    171, 

172,  181,  186,  191,  202 
Charlesbourg,  17,  21,  60,  63,  156,  160, 

202 
Châteauguay,  172,  184,  191 
Château-Richer,  15,  21,  25 
Clarenceville,  186 
Côte-Saint-François,  214 

Durham  (Ormstown),  44 

Fort  Saint-François,  15 
Fraserville,  26,  161,  191 
Frelighsburg,  160,  161,  171,  172,  186 


Gentilly,  156 
Georgeville,  160 
Grande-Fresnière,  8,  227 

Henryville,  160,  172 
Howick,  45 

Jeune-Lorette  (Village-des-Hurons), 
120,  187 

Kamouraska,  70,  159,  160,  172,  180, 
181,  202 

Lac-des-Deux-Montagnes   (mission 

amérindienne),  25,  64,  120,  187 
Lachine,  65,  159,  191 
Lachute,  43,  203 
Lac-Ouareau,  214 
La  Malbaie,  161 
Lanoraie,  131 
Laprairie,   28,  30,   67,   69,   160,   161, 

165,  173,  179,  180,  181,  184,  186, 

187,  188,  191,  214 
La  Présentation,  71 
L'Assomption,  25,  30,  44,  71,  78,  128, 

129,  159,  160,  165,  173,  184,  188, 

191 
Lauzon,  120,  161,  173,  191 
Leclercville,  26 
Le  Fargy,  15 
Les  Cascades,  171 
Les  Cèdres,  81,  158,  159 
Les  Forges,  172,  173 
Les  Tanneries,  65 
Lévis,  75,  156,  173,  180,  184 
L'Industrie  (Joliette),  44,   50,   70,  80, 

85,  86,  128,  165,  172 
Longueuil,  28,  30,  67,  68,   120,   158, 

181,  184,  191,  202 
Loretteville,  156 


333 


Lotbinière,  214 

Manseau,  78 
Maskinongé,  52 
Massueville,  75,  87 
Melocheville,  44 
Montebello,  26,  45,  70 
Montmagny,  75 

Neuville,  44,  46,  56,  75,  80,  81,  90, 

181,  187 
Nicolet,  26,  44,  95,  131,  160,  187,  202, 

225 
Notre-Dame-de-Bonsecours,  82 

Philipsburg,  60,  160,  173,  181,  186 

Plaisance,  26 

Pointe-aux-Trembles,  24,  30,  60,  158, 

180 
Pointe-Claire,  21,  25,  60,  191 
Pointe-du-Lac,  70,  81,  214 

Rigaud,  171 
Rivière-des-Prairies,  25 

Saint-André-d'Argenteuil,  44,  172,  173 
Saint-Anselme,  214 
Saint-Antoine-de-la-Rivière-du-Loup 

(Louiseville),  44,  46,  71,   81,   112, 

129,  158,  159,  160,  161,  202,  253 
Saint-Antoine-de-Lavaltrie,  67,  68 
Saint-Arsène  de  Cacouna,  215 
Saint-Augustin,  68,  203,  214 
Saint-Basile-de-Portneuf,  132 
Saint-Benoît,  68,  203,  222,  230 
Saint-Bruno,  42,  44 
Saint-Charles  (Debartzch),  44,  71,  81, 

154 
Saint-David,  26,  172 
Saint-Denis,  21,  71,  81,  87,  154,  159, 

161,  172,  173,  191,  222 
Sainte-Anne-de-la-Pérade,   26,    156, 

181,  186 
Sainte-Catherine,  132 
Sainte-Claire,  52 
Sainte-Elisabeth,  120,  214 
Sainte-Famille,  131 
Sainte-Flavie,  215 


Sainte-Geneviève,  65 

Sainte-Jeanne  (île  Perrot),  21,  100 

Sainte-Julie,  112 

Sainte-Marie  de  Beauce,  82,  186 

Sainte-Marie-de-la-Nouvelle-Beauce, 

160 
Sainte-Marie-de-Monnoir,  172 
Sainte-Martine,  44 
Sainte-Rose,  68 
Sainte-Scholastique,  67,  68,  69,   154, 

172,  203 
Sainte-Thérèse,   25,    172,    191,   203, 

235,  250 
Saint-Eustache,  25,  30,  44,  60,  63,  68, 

69,  70,  74,  84,  126,  127,  128,  138, 

141,  143,  154,  172,  173,  181,  184, 

187,  188,  191,  203,  213,  214,  216, 
222,  227,  228,  231,  232,  233,  239, 
253 

Saint-François,  82 

Saint-François-de-Sales,  120 

Saint-François-du-Lac  (mission  amérin- 
dienne), 63,  120,  187 

Saint-Gervais,  156 

Saint-Gilles,  132 

Saint-Hilaire,  70 

Saint-Hyacinthe,  26,  30,  44,  58,  71,  80, 
86,  87,  128,  159,  160,  161,  165, 
171,  172,  173,  181,  184,  186,  187, 

188,  191,  202,  203,  246 
Saint-Jacques  (Ruisseau-Vacher),   27, 

28,  129 
Saint-Jean  (Dorchester),  71,  128,  158, 

159,  160,  165,  173,  184,  186,  188, 

191,  246 
Saint-Jean-Chrysostome,  44,  45 
Saint-Jérôme,  26,  44,  45,  78,  80,  127, 

203 
Saint-Joachim,  21 
Saint-Joseph,  82 
Saint-Joseph-de-Chambly,  184 
Saint-Joseph-de-Lévis,  165,  191 
Saint-Joseph-de-Maskinongé,  52 
Saint-Laurent,  68 
Saint-Léon,  214 
Saint-Mathias,  186 


334 


Saint-Michel-de-Bellechasse,   58,   71, 

156,  171,  172 
Saint-Nicolas,  156 
Saint-Ours,  60,  81,  160 
Saint-Pascal  de  Kamouraska,  50 
Saint-Paul,  50,  85 
Saint-Pie,  67,  71,  191 
Saint-Pierre-les-Becquets,  45,  78 
Saint-Placide,  214 
Saint-Raymond,  132 
Saint-Rémi,  186,  214 
Saint-Roch-des-Aulnaies,  89,  161 
Saint-Sylvestre,  132 
Saint-Thomas  de  Montmagny,  37,  58, 

71,  156,  159,  160,  161,  181,  191, 

202,  246 
Saint-Timothée,  44 
Saint-Vallier,  21,  172 
Saint-Vincent-de-Paul,  184 
Saint-Xavier-de-Verchères,  1 1 2 


Sault-au-Récollet,  25,  30,  172 

Sault-Saint-Louis  (mission  amérindien- 
ne), 120,  158,  187 

Sherbrooke,  39 

Sorel  (William  Henry),  30,  37,  44,  57, 
58,  63,  67,  81,  158,  160,  161,  165, 
173,  184,  188,  191,  202,  246 

Terrebonne,  25,  44,  60,  70,  71,  158, 
159,  160,  171,  172,  173,  181,  184, 
188,  191,  246 

Trois-Pistoles,  214 

Valcartier,  132 
Valleyfield,  128 
Varennes,  87 
Verchères,  21 
Ville  d'Aubigny,  45,  75 


Yamachiche,  161 
Yamaska,  161 


202 


335 


Cet  ouvrage  a  été  composé 

en  caractères  Univers 
par  l'atelier  Compélec  inc, 
de  Québec,  en  juin  1990. 


Achevé  d'imprimer 

en  septembre  1990 

MARQUIS 

Montmagny,  QC 


Titulaire  d'un  doctorat  en  géogra- 
phie de  l'Université  de  Montréal, 
Serge  Courville  a  été  coordonna- 
teur  des  programmes  de  sciences 
humaines  à  la  Commission  des 
écoles  catholiques  de  Montréal  et 
directeur  du  Service  de  l'éducation 
au  ministère  de  l'Environnement 
du  Québec.  Depuis  1981,  il  ensei- 
gne au  Département  de  géographie 
de  l'Université  Laval.  Spécialiste 
de  la  géographie  historique  du 
Québec,  il  a  signé  de  nombreux 
articles  et  ouvrages,  dont  Parois* 
ses  et  municipalités  de  la  ré* 
gion  de  Montréal  au  XIX  siè* 
cle  (1825*1861),  publié  aux  Pres- 
ses de  l'Université  Laval  en  1988. 


e  livre  est  avant  tout  un  constat.  Il  traite 
f  de  Vun  des  phénomènes  les  plus  marquants, 
les  plus  mal  connus  aussi  de  Vhistoire  du  Qué- 
bec, celui  de  la  croissance  des  villages  au  cours 
de  la  première  moitié  du  XIXe  siècle  dans  les  sei- 
gneuries laurentiennes.  Première  synthèse  du  genre 
sur  le  sujet y  V ouvrage  est  V aboutissement  de  plu- 
sieurs années  de  travail  consacrées  au  dépouille- 
ment des  listes  nominatives  de  recensement,  des 
œuvres  topographiques  de  Joseph  Bouchette,  des 
histoires  et  monographies  locales,  ainsi  que  des 
plans,  cartes,  dessins,  gravures,  rapports  anciens 
conservés  dans  les  fonds  d'archives.  Alliant  des 
préoccupations  d'ordre  géographique  et  d'ordre 
historique,  il  est  une  fenêtre  ouverte  sur  la  société 
rurale  de  V époque,  qu'il  montre  sous  des  angles 
nouveaux. 


ISBN  2-7637-7232-3