Serge COURVILLE
HCA
VILLE
L'essor du village
dans les seigneuries du Bas*Canada
LES PRESSES DE L'UNIVERSITÉ LAVAL
TRE VILLE
ET CAMPAGNE
Serge Courville
ENTRE VILLE
ET CAMPAGNE
L'essor du village
dans les seigneuries du Bas-Canada
LES PRESSES DE L'UNIVERSITÉ LAVAL
Québec, 1990
Cet ouvrage a été publié grâce à une subvention
de la Fédération canadienne des sciences sociales,
dont les fonds proviennent du Conseil de recherches
en sciences humaines du Canada.
Données de catalogage avant publication (Canada)
Courville, Serge, 1943-
Entre ville et campagne: l'essor du village dans les seigneuries du
Bas-Canada
Comprend des références bibliographiques.
ISBN 2-7637-7232-3
1. Villages - Québec (Province) - Histoire - 19e siècle.
2. Québec (Province) - Conditions sociales - 19e siècle.
3. Québec (Province) - Conditions rurales. I. Titre.
HN110.Z9C6 1990 971.4'02 C90-096501-0
Conception graphique
Norman Dupuis
Couverture
Baie-Saint-Paul, de Philip John Bainbrigge, aquarelle, 1841
ANC, C-11833.
Les Presses de l'Université Laval 1990
Tous droits réservés. Imprimé au Canada.
Dépôt légal (Québec et Ottawa), 3e trimestre 1990
ISBN 2-7637-7232-3
Table des matières
Remerciements XI
Introduction 1
CHAPITRE 1
UN PHÉNOMÈNE AMPLE AUX RACINES ANCIENNES 1 3
LES ANTÉCÉDENTS HISTORIQUES 13
LA POUSSÉE DES ANNÉES 1815-1851 26
La mesure du phénomène 27
Les variations régionales 33
QUELQUES FACTEURS D'EXPLICATION 35
La poussée démographique . 37
L'accélération des échanges et la montée
des industries rurales 40
Les initiatives seigneuriales 43
Les autres facteurs 46
CHAPITRE 2
UN CADRE PHYSIQUE VARIÉ 49
LA FORME DES BOURGS 49
LA STRUCTURE INTERNE DES BOURGS 53
L'aire sacrée 53
L'aire profane 55
LA TAILLE DES BOURGS 57
LA QUALITÉ DE L'HABITAT 62
Le tissu résidentiel . 63
Les équipements économiques et sociaux 65
Les équipements de prestige 65
Les équipements de travail 70
L'AMÉNAGEMENT DES BOURGS 73
Les plans de villages 74
Quelques exemples d'interventions seigneuriales 82
Les facteurs d'explication 88
VII
CHAPITRE 3
LA POPULATION VILLAGEOISE 93
LES SOURCES 93
LES TRAITS DÉMOGRAPHIQUES 95
L'ORIGINE GÉOGRAPHIQUE 106
LA COMPOSITION ETHNIQUE 115
LA SOCIÉTÉ VILLAGEOISE 121
Un éventail large d'activités 121
Les statuts et les rôles 132
Le seigneur 132
Le curé 133
Les notables 134
Les marchands 138
Les artisans 140
Les journaliers 141
Les rentiers 143
Ceux dont on préfère taire la présence 147
CHAPITRE 4
LES FONCTIONS DU VILLAGE ET LES TYPES DE BOURGS 1 53
LE CONTEXTE 153
DES VOCATIONS VARIÉES 157
La fonction militaire 158
Les fonctions économiques et sociales 158
La fonction commerciale 159
La fonction industrielle 168
La fonction d'accueil et de services 179
La fonction administrative et religieuse 186
LE CUMUL DES FONCTIONS ET LA HIÉRARCHIE
VILLAGEOISE 188
BOURGS RIVERAINS, BOURGS DE L'INTÉRIEUR 194
VILLAGES « BOURGEOIS », VILLAGES « POPULAIRES » 201
CHAPITRE 5
LA VIE DANS LES BOURGS 207
DES CONTEXTES HUMAINS DIFFÉRENCIÉS 208
LES RAPPORTS AU CADRE BÂTI 213
LES RAPPORTS D'ALTÉRITÉ 223
LES MINORITÉS ETHNIQUES ET LA RECHERCHE
D'APPARTENANCE 226
LES RYTHMES ET LES CYCLES DE VIE 237
Conclusion: Village, économie et société 241
VIII
Annexe A: Méthodologie de repérage des bourgs dans les
recensements de 1831 et de 1851-1852 259
Annexe B: Noyaux villageois (1815, 1831, 1851) 273
Annexe C: Population villageoise (1815, 1831, 1851) 281
Annexe D : Principales mentions de métier, de profession, d'état et
de statut dans les recensements de villages (1831, 1851) 288
Annexe E: Équipements économiques et sociaux (1851) 302
Annexe F: Structure de la main-d'œuvre (1831, 1851) 304
Bibliographie 309
Liste des codes 325
Liste des sigles 327
Liste des figures 329
Liste des tableaux 331
Index des noms de villages 333
IX
Remerciements
La recherche à l'origine de cet ouvrage s'est échelonnée sur tant
d'années et a mobilisé tant de personnes qu'il m'est difficile aujourd'hui
de leur rendre justice à toutes. J'aimerais toutefois souligner l'apport
extrêmement important de mes étudiants qui, depuis juin 1982, m'ont
permis d'aller bien au-delà de mes premières intuitions. Je pense ici tout
particulièrement à ceux de la première génération qui, pendant trois ans,
ont envahi la salle des microfilms de la bibliothèque de l'Université Laval
et des Archives nationales du Québec pour dépouiller les recensements
de 1831 et de 1851. Parmi eux, Andrée Héroux, la première à m'avoir
efficacement secondé, Jacques Crochetière, André Crochetière, Johanne
Salois et quelques autres, venus durant un été se joindre à l'équipe.
Ensemble, ils ont dépouillé plus d'une cinquantaine de bobines de
microfilms pour réunir les données que Denis Hébert devait placer sur
support informatique. C'est à eux aussi que je dois certains inventaires
d'archives et divers dépouillements d'œuvres anciennes. Qu'il me soit
permis de leur exprimer ma plus profonde gratitude, car sans eux le
projet n'aurait jamais connu le départ qu'il a eu. Je pense aussi à tous
ces étudiants de la deuxième génération qui, pendant plus de deux ans,
ont bien voulu m'assister dans ma tâche de révision des données. Ce
travail, que j'avais moi-même amorcé à l'automne de 1984, m'avait
permis alors de corriger certaines imprécisions de la première banque de
données. Il s'est poursuivi grâce aux apports de Maryse Poudrier, de
Johanne Lachance et de Claude Boudreau auxquels sont venus se
joindre pendant un temps André Crochetière, Brigitte Dufour, Nancy
Gagné, Johanne Noël, John Willis et Corinne Thomas. Leur intelligence
et leur générosité ne se sont jamais taries, même dans les moments les
plus difficiles. Enfin, je dois remercier Jean Martin de sa collaboration
dans le dépouillement de certaines cartes anciennes et Philippe Desaul-
niers, devenu depuis professionnel de recherche en cartographie histo-
rique, à qui je dois une assistance précieuse pour l'illustration de cet
ouvrage.
Je voudrais souligner également tout l'appui obtenu du Fonds
pour la formation de chercheurs et l'aide à la recherche (FCAR) dans la
réalisation de mes recherches; sans son aide et la confiance qu'il a mise
XI
dans mes travaux, ces derniers auraient piétiné et cet ouvrage n'aurait
jamais vu le jour. Je remercie également le Conseil de recherches en
sciences humaines du Canada (CRSHC) de l'aide qu'il m'a consentie
pour la reconstitution des découpages administratifs anciens de la région
de Montréal, lesquels m'ont permis de mieux saisir la socio-économie
québécoise durant la première moitié du XIXe siècle. Je voudrais dire
aussi à tous ceux qui m'ont facilité la tâche, tant aux Archives nationales
du Canada (ANC) et aux Archives nationales du Québec (ANQ) qu'au
ministère de l'Énergie et des Ressources du Québec (MER) et à l'Univer-
sité Laval, à quel point je leur suis redevable. Ceux envers qui j'ai
contracté une dette sont trop nombreux pour être cités ici. Qu'il me soit
permis néanmoins de souligner l'apport extrêmement chaleureux de
Patricia Kennedy et Gilles Langelier des ANC, de Gilles Héon et Jean-
Marc Garant des ANQ à Québec et des ANQ à Montréal, et de Fernand
Martel du Service de l'arpentage du MER. Ils n'ont pas hésité à mettre à
ma disposition et à celle de mes assistants les ouvrages et documents
dont ils avaient la garde. Quant à mes collègues et au personnel de
l'Université Laval, ils m'ont consenti des collaborations précieuses, en
commençant par celle de Jacques Mathieu du Département d'histoire,
qui a gracieusement offert de mettre à ma disposition sa documentation
sur les aveux et dénombrements du Régime français; Jean-Pierre Asse-
lin, du CELAT, m'a efficacement secondé dans la révision de la première
version de mon manuscrit, Benoît Robitaille, directeur du Département
de géographie, n'a pas hésité à m'offrir l'équipement dont j'ai eu besoin
pour poursuivre mes travaux, Louise Dion et Marcel Hudon, de la
bibliothèque, et Yves Tessier, de la cartothèque, m'ont facilité l'accès
aux ouvrages et collections nécessaires à la recherche. Enfin, Jean
Cameau et Serge Duchesneau ont contribué à l'illustration de cet ouvrage.
Je remercie également mon collègue Jean-Claude Robert du Dépar-
tement d'histoire de l'Université du Québec à Montréal, qui a été
associé au projet dès le départ et à qui je dois de fructueux échanges.
Quant au personnel des Presses de l'Université Laval, il sait à
quel point je lui suis reconnaissant. Je lui dois non seulement d'utiles
commentaires, mais aussi de précieuses suggestions qui m'ont permis
d'améliorer la version finale de mon manuscrit. À Jacques Chouinard,
Suzanne Allaire et leurs principaux collaborateurs de l'extérieur, Gene-
viève Laplante et Norman Dupuis, le plus cordial merci.
S. C.
Mars 1990
Introduction
Cet ouvrage est avant tout un constat. Il traite de l'un des
phénomènes les plus marquants de l'histoire du Québec, celui de la
croissance villageoise au cours de la première moitié du XIXe siècle dans
les seigneuries laurentiennes. C'est donc du village qu'il sera question
ici, vu non seulement dans ses caractéristiques propres, spatiales no-
tamment, mais aussi comme un reflet des changements que connaissait
alors la campagne québécoise. Car la géographie n'est pas qu'une
science de l'espace, elle est aussi une science du social, qui étudie la
société par l'espace. Le mot n'est pas de nous mais de Fernand Braudel
qui avait su voir dans cette discipline beaucoup plus qu'une simple
description de la terre. « Il n'y a de véritable géographie, disait-il, que
celle qui saisit à pleine main la réalité sociale, à la fois matière d'histoire,
d'économie politique et de sociologie1. » C'est à cette enseigne que ce
travail s'inscrit: observer le village pour en dégager les traits et obtenir
des indices sur l'évolution de la société.
Tout ne sera pas dit ni même exploré dans ce livre. Mais dans le
développement des connaissances vient un moment où un bilan, si
sommaire soit-il, rend plus de services qu'une suite d'articles spéciali-
sés. C'est un tour d'horizon que le chercheur s'accorde avant de
poursuivre ses explorations, un effort d'intégration qui doit permettre
une meilleure vision de ce qu'il perçoit comme un problème. L'histoire
du village au Québec semble en être arrivée là. Sans cette vue d'ensem-
ble, sans cette mise au point nécessaire que constitue la première
synthèse, on ne peut aller. plus loin.
On sait beaucoup de choses du village et cet ouvrage en rappellera
plusieurs qui ont déjà été présentées dans nos publications antérieures.
Pourtant, aujourd'hui encore, le passif reste lourd. Nous nous sommes
efforcé, ici, de n'en rien dissimuler. Nous n'avons pas voulu non plus
taire les insuffisances de notre documentation, ni les lacunes d'une
lecture faite à partir de sources dont la fiabilité n'est pas toujours
assurée. Mais pour éviter d'alourdir inutilement l'exposé, seules ont été
1. Fernand Braudel, Écrits sur l'histoire, p. 173.
retenues les limites principales de ces sources, sans les critiques
détaillées qu'elles auraient méritées. D'ailleurs, plusieurs d'entre elles
sont connues pour avoir déjà fait l'objet de divers exposés.
Quand nous avons amorcé nos recherches en juin 1982, notre but
était moins de fournir une histoire détaillée du village que de poser le
problème de sa vertigineuse croissance à une époque où tout semblait
justifier les thèses relatives à une crise profonde du monde rural québé-
cois: forte augmentation de population, accidents climatiques, épidé-
mies, maladies du blé, troubles politiques, rébellions, etc. Pour poser ce
problème, il fallait une perspective large, qui dépasserait le cadre res-
treint de la localité. Car, comme le rappelait autrefois Marc Bloch2, si les
monographies peuvent rendre compte des particularismes locaux, elles
ne sont guère capables d'éclairer les phénomènes d'ensemble. Pour
cela, il faut changer d'échelle et observer un vaste territoire, afin d'éviter
que les grands reliefs ne se perdent dans la masse confuse des petits.
Même une région est insuffisante parfois pour cerner la nature et
l'étendue d'un fait ou d'une évolution, et laisse croire en des réalités que
nuancent ou défont les comparaisons avec d'autres régions.
C'est là un point de méthode important: sans ce tour d'horizon
des grands espaces, il n'est pas possible de saisir dans leur singularité
les développements propres à chacune des parties d'un territoire. Il ne
s'agit pas de nier ici l'intérêt des études locales, ni d'être téméraire en
voulant tout embrasser. Au contraire, il faut réunir assez de données, sur
un nombre suffisant de cas, pour dégager les originalités par la recher-
che de contrastes et de caractères communs. C'est ce que permet
l'étude d'un vaste territoire, dont l'un des mérites est précisément
d'éclairer les organisations d'ensemble dans lesquelles s'inscrivent les
particularités locales ou régionales. C'est ce que permettent aussi certai-
nes sources, colligées pour de vastes espaces. Les données qu'elles
offrent au chercheur n'ont sans doute pas la précision de celles que l'on
retrouve dans d'autres documents parfois plus riches et plus sûrs, mais
dont la couverture territoriale est restreinte.
Les limites de temps et d'espace retenues pour cette enquête
sont assez larges: elles couvrent les années 1815-1851 et l'ensemble
des seigneuries comprises depuis l'ouest de Montréal jusqu'à l'aval de
Québec, à la hauteur de Charlevoix, sur la rive nord du Saint-Laurent, et
de Matane sur la rive sud. C'est à cette époque et dans ce territoire qu'a
•2. Marc Bloch, Les caractères originaux de l'histoire rurale française, vol. I, p. VIII et
suiv.
pris forme le phénomène villageois. Non que le village date de cette
période ou se limite aux seules seigneuries; son origine, on le verra, est
beaucoup plus ancienne - on le retrouve aussi dans les cantons - mais
c'est dans cet espace-temps bien précis que sa poussée a été la plus
vive et la plus significative économiquement et socialement. En moins
de 35 ans, le village est devenu l'un des traits dominants de la campa-
gne et de la vie paysanne.
En effet, pendant longtemps, on a cru que l'apparition du village
dans les cantons était en quelque sorte normale et qu'elle était issue de
ce vieux fond d'urbanité des civilisations britannique et anglo-américaine.
Dans cet ouvrage nous démontrerons que des phénomènes similaires
se produisent dans les seigneuries et que, si la ruralité de l'habitant
canadien diffère de celle qui a cours dans les établissements anglopho-
nes du Canada ou des États-Unis, en Nouvelle-Angleterre notamment, il
s'agit d'une distinction de degré: les mutations observées quant aux
formes d'habitat laissent voir une réalité très différente de celle en
laquelle on a cru pendant longtemps. Il faut observer cette poussée pour
saisir le sens des changements que connaît alors la société rurale au
Bas-Canada, ce qui contribuera à éclairer un aspect encore obscur de
l'histoire du Québec.
L'une des premières et des plus sérieuses difficultés que pose
l'étude du village dans la première moitié du XIXe siècle au Québec
réside dans le peu de mentions de cette forme d'habitat dans les
sources documentaires de la période. Au recensement de 1831 par
exemple, on ne trouve que 37 mentions de villages, bourgs ou fau-
bourgs dans les listes nominatives de seigneuries, contre 38 dans
l'agrégé. Dans celui de 1851, on en remarque à peine plus, dont une
quinzaine seulement sont mentionnées comme telles ou comme villes
dans la copie abrégée de ce recensement. Sachant par d'autres sources
l'importance du phénomène villageois à l'époque - Joseph Bouchette3,
par exemple, en dénombre 114 dans l'un des tableaux statistiques de
son dictionnaire de 1832, contre 136 dans le texte -, on peut se
demander pourquoi ce fait n'a pas été mieux enregistré dans les
3. Joseph Bouchette a produit deux ouvrages majeurs destinés à accompagner ses
cartes du Bas-Canada de 1815 et de 1831. Le premier, intitulé Description topogra-
phique de la province du Bas-Canada, a été publié à Londres en 1815 par William
Faden et réédité à Montréal en 1978 aux Éditions Elysée; c'est cette dernière
édition que nous citons ici. Le second ouvrage est une réédition revue et augmen-
tée du premier. Intitulé A Topographical Dictionary of the Province of Lower
Canada, il a également été publié à Londres en 1832, chez Longman, Rees, Orme,
Brown, Green and Longman.
documents officiels et pourquoi aussi il n'a pas été rapporté par ces
autres observateurs qui, contrairement à Bouchette, n'ont fait mention
que de quelques villages dans la vallée du Saint-Laurent.
Le problème, on le sait, passe par la définition même du village,
non seulement chez les contemporains, mais chez ceux qui, plus d'un
siècle après, tentent de l'étudier. Il découle aussi des perceptions de
ceux qui ne sont venus visiter le Québec que pour de courts laps de
temps, à la recherche d'un quelconque exotisme garanti par les guides
publicitaires de l'époque; le village, pour eux, n'est souvent rien de plus
qu'un élément ambiant du paysage, que l'on a tendance à idéaliser et à
comparer aux petits bourgs agraires paisibles, si chers à la gentry
britannique. Pour s'en convaincre, il suffit de relire le Hunter's Panoramic
Guide from Niagara to Québec, publié à Cleveland en 1857 et qui
commence par ces mots : « The following work is intended to supply
what has long appeared a desideratum to the tourist who visits Niagara
and the St. Lawrence, - a Panoramic or Picture Map of ail the most
celebrated and picturesque points along this noble river4. » Sans doute
est-ce là un bien mauvais exemple qui ne rend compte qu'imparfaite-
ment de la valeur que peuvent prendre certains témoignages de l'épo-
que. Mais même chez des auteurs comme Isaac Weld5 à la fin du XVIIIe
siècle, Joseph Samson et John Lambert6 en début de période, ou Henry
David Thoreau7 vers le milieu du XIXe siècle, le village reste peu traité,
comme si la campagne ne vivait qu'au rythme des travaux et des jours.
Cette difficulté, associée à toutes les omissions des autres sources, qu'il
s'agisse des recensements, du matériel iconographique de l'époque ou
de la carte ancienne, complique la tâche du chercheur qui veut prendre
la mesure du phénomène. Elle l'est d'autant plus que la définition du
village varie même chez les contemporains : chacun a sa manière de le
saisir, selon ses besoins ou ceux de l'organisme ou de l'institution qu'il
représente. Mais qu'est-ce donc que le village? En quoi se distingue-t-il
des autres formes d'habitat de la campagne? Et surtout, comment et à
partir de quoi l'étudier?
4. Wm. S. Hunter Jr.. Hunter's Panoramic Guide from Niagara Faits to Québec, p. VII.
5. Isaac Weld, Travels through the States of North America and the Province of Upper
and Lower Canada in the Years 1795, 1796 & 1797.
6. Voir: Joseph Samson, Travels in Lower Canada, with the Author's Recollections of
the Soil, and Aspect; the Morals, Habits and Religious Institutions of that Country;
John Lambert, Travels through Lower Canada and the United States of North
America in the Years 1806, 1807 and 1808.
7. Henry David Thoreau, Un Yankee au Canada. L'ouvrage original, A Yankee in
Canada, a été écrit en 1850, mais publié seulement en 1866, quatre ans après la
mort de l'auteur.
Reconnaissons d'emblée que le village puisse se définir par ceux-
là mêmes qui l'habitent8. Convenons aussi que le statut administratif ou
juridique accordé à certains bourgs puisse trahir leur emprise réelle dans
l'espace. Admettons enfin que des hameaux ou de petits villages
puissent parfois exister sans cette reconnaissance officielle. Puisque le
problème posé ici est globalement d'un autre ordre, il faut s'appuyer sur
des définitions beaucoup plus précises pour traiter du phénomène
villageois durant la première moitié du XIXe siècle.
En simplifiant, on peut dire que la littérature scientifique reconnaît
au moins deux grandes acceptions au terme « village ». La première le
définit comme une forme d'habitat inscrite de manière précise dans
l'espace: c'est ce « groupement d'édifices9 » dont parlait autrefois Max
Sorre, en rappelant qu'il s'agissait là d'un critère morphologique de
définition du village. Plus densément construit que le territoire environ-
nant, il évoque l'image d'un noyau relativement compact d'habitations
réparties le long d'une ou de plusieurs rues, et au sein duquel se
retrouvent divers établissements de commerce, de services et de fabri-
cation. Chacun a une configuration propre que le langage géographique a
résumée par des expressions telles que village-rue ou village en long
(c'est le straggling village de la littérature anglophone), village linéaire, en
lisière ou rectangulaire, village en étoile, village en tas, village massif,
village rond, village à place centrale, etc., qui se présentent en ordre
tantôt serré, tantôt lâche, selon la densité du tissu construit10. Mais on a
tenté aussi d'établir des distinctions selon d'autres critères, comme la
taille ou les fonctions, différentes selon qu'il s'agit d'un hameau, d'un
bourg ou d'une petite ville. Toutefois, de toutes les définitions, celles qui
font appel à des seuils statistiques ou à des considérations fonction-
nelles sont les plus aléatoires, et varient considérablement selon les
auteurs et d'une période à l'autre11.
À l'autre extrême, on trouve une définition élargie du village, qui
le décrit non pas comme une forme d'habitat plus ou moins dense, mais
comme l'ensemble de la communauté humaine qui vit dans le finage (la
8. Gilles Boileau, « Réflexions sur les villages du Québec », Forces, 53, 1980, p. 5-17.
9. Max Sorre, Les fondements de la géographie humaine, tome 2, p. 68-69.
10. Pour une description plus complète de ces formes, voir Roger Lebeau, Les grands
types de structure agraire dans le monde, p. 22 et suiv.
11. Pour l'historien Marcel Trudel, par exemple, qui décrit le village de la première
moitié du XVIIe siècle au Québec, il suffit de quelques emplacitaires pour que le
noyau observé mérite l'appellation de village ou début de village. Selon le géogra-
phe Richard C. Harris, qui étudie le village du XVIIIe siècle, il faut au moins 500
habitants pour constituer un village. Voir: Marcel Trudel, Les débuts du régime
seigneurial au Canada; Richard C. Harris, The Seigneurial System in Early Canada.
paroisse ou la municipalité au Québec). Ce n'est donc plus la notion
étroite de point de cristallisation de la population dans l'espace qui
intéresse ici, mais la communauté elle-même des habitants, dans ses
rapports avec la terre qu'elle exploite. C'est cette dernière acception,
très proche d'ailleurs de la définition sociologique du village12, qu'a
retenue en général l'historiographie française, parce que beaucoup de
villages européens se présentent comme des lieux de résidence de
paysans qui exploitent leurs terres à proximité. Cette notion n'a aucune
connotation populaire au Québec, où le village signifie un lieu distinct de
la côte13, auquel on accorde un statut particulier: « Quand on vit au
village [entendre au bourg], on ne vit pas dans les rangs. »
Laquelle de ces deux acceptions faut-il retenir pour juger du
développement villageois durant la première moitié du XIXe siècle au
Québec? Tout dépend du problème étudié, de l'échelle d'analyse et des
sources disponibles. Si l'enquête a pour but de définir le cadre physique
dans lequel a vécu une partie de la population rurale, on retiendra surtout
une approche qui voit le village comme une forme d'habitat plus ou
moins densément construite, distincte tout à la fois dans sa morpholo-
gie, ses attributs et ses fonctions de celle qui caractérise la côte, et qui
différencie localement le paysage. À la notion d'habitat semi-dispersé (la
côte) s'opposera donc ici celle d'habitat groupé (le village) qui pourra
même déborder le territoire défini comme village dans les recense-
ments, quand les côtes avoisinantes présentent les mêmes traits. S'il
s'agit au contraire d'apprécier un changement de société, il pourra être
intéressant d'élargir la notion de village à celle d'aire villageoise, comme
l'ont suggéré récemment René Hardy, Pierre Lanthier et Normand
Séguin14. Cette aire correspond à l'espace de relation du village et elle
équivaut à l'ensemble des lieux avec lesquels le bourg entretient des
rapports et sur lesquels son influence s'étend: par exemple, les côtes
de résidence des parents de la population villageoise, celles où les
villageois possèdent des propriétés, celles d'où sont originaires les
ruraux venus s'établir au village à la recherche d'un emploi, ou encore
12. Voir, entre autres, Henri Desroches et Placide Rambaud (dir.). Villages en dévelop-
pement. Contribution à une sociologie villageoise.
13. Par « côte » il faut entendre ici « rang » ou « concession », termes dont l'usage se
répand au XIXe siècle. Pour une définition du rang, voir Louis-Edmond Hamelin, 450
ans de noms de lieux français en Amérique du Nord. Voir aussi, du même auteur,
« Le rang d'habitat: étude pluridisciplinaire de signification ».
14. René Hardy, Pierre Lanthier et Normand Séguin, « Les industries rurales et l'exten-
sion du réseau villageois dans la Mauricie pré-industrielle [...] », dans François
Lebrun et Normand Séguin (dir.), Sociétés villageoises et rapports villes-campagnes
celles où sont localisées les industries rurales qui emploient une partie
de la main-d'œuvre villageoise.
La problématique introduite sera alors d'un autre ordre et com-
mandera une échelle d'analyse différente, qui pourra aller jusqu'aux
limites extrêmes de la paroisse et parfois même au-delà. Selon la nature
des phénomènes observés, les espaces seront très mouvants, façonnés
par des systèmes et des réseaux de relations très divers (échanges de
biens et services, mariages, relations de travail, etc.), dont l'empreinte
au sol ne sera pas toujours évidente, c'est-à-dire attestée par des
organisations visibles dans le paysage. Tel est le problème de sources
que pose généralement ce genre d'analyse qui, pour être probante, doit
aller bien au-delà des exercices de repérage que peuvent autoriser les
données de recensement reportées sur les plans de cadastre. En effet,
rien n'indique que le journalier, le marchand ou l'artisan des côtes,
même quand il réside à proximité du bourg ou dans le périmètre que
celui-ci occupera 20, 30 ou 40 ans plus tard, participe nécessairement à
la vie du village. C'est sans doute le cas mais, pour en juger vérita-
blement, il faudra avoir recours à une masse d'autres informations qui
peuvent être tirées des greffes de notaires, des papiers familiaux, des
archives d'entreprises situées dans le village, des archives paroissiales
ou autres, cela dans le but d'établir les réseaux de travail, de parenté ou
d'échange entretenus avec les employeurs ou les résidents du village.
Autrement dit, tout ce que le recensement peut autoriser ici, c'est
la délimitation assez grossière de l'aire d'attraction du village auprès de
certaines catégories de travailleurs. Il en faudra beaucoup plus pour
étendre les limites concrètes du bourg à cette aire, d'autant plus que le
problème se présente différemment selon les espaces observés. Dans
la région de Montréal par exemple, le village est beaucoup plus gros et
beaucoup mieux équipé sur les plans économique et social que dans
celles de Trois-Rivières et de Québec. S'il fallait le délimiter par son aire
d'influence dans l'espace, c'est parfois à la localité entière qu'il faudrait
l'étendre pour respecter la réalité. Sans doute serait-ce là un indice
extraordinaire de la pénétration du marché dans les campagnes proches
de Montréal, mais un bien mauvais moyen de saisir la place qu'a
occupée le bourg comme forme construite dans l'espace.
Il ne s'agit pas ici d'opposer la notion de village à celle d'aire
villageoise, mais plutôt de montrer en quoi elles se distinguent et se
prolongent, pour révéler chacune un aspect différent mais complémen-
taire de la réalité villageoise. La première s'intéresse à la forme physique
du village, que dynamisent des facteurs de proximité et de voisinage:
structure d'emplacement, densité de l'habitat, place publique, réseau de
rues, équipements divers, en sont les caractères distinctifs qui font de
cette forme d'habitat un lieu précis dans l'espace. La seconde s'intéresse
surtout à l'aire d'expression de la socio-économie du village, comme
réalité englobante du bourg et de son aire d'influence. À la limite, elle
pourra même s'intéresser au village comme réalité future, en recher-
chant les aires initiales de concentration de travailleurs et d'industries
rurales, d'où pourront émerger plus tard des villages. On en a un
exemple avec la seigneurie de la Rivière-du-Chêne (Mille-Îles) au nord-
ouest de Montréal, où l'on observe de telles concentrations bien avant
que ne se forme le hameau de Grande-Fresnière. Le recensement
n'indique pas encore d'équipements ou de lotissements importants,
mais déjà se dessinent des concentrations socioprofessionnelles qui
introduisent une rupture dans la continuité sociale des côtes.
Envisageable à l'échelle locale ou sous-régionale, la recherche sur
les aires villageoises n'est plus possible pour notre enquête, car la
masse des données à traiter et surtout à vérifier devient beaucoup trop
imposante. Aussi est-ce au périmètre le plus densément construit du
village, sans son aire d'attraction, que nous nous sommes intéressé
dans nos travaux, en considérant comme noyau villageois ces portions
d'espace caractérisées par la présence d'une structure d'emplacement,
d'une population dotée d'un profil socioprofessionnel distinct et d'équi-
pements à pouvoir structurant et agglomérant dans l'espace. Peu importe
que ces noyaux aient coïncidé ou non avec les limites reconnues du
bourg ou qu'ils se soient établis ailleurs que sur le territoire réservé
initialement par le seigneur pour le développement d'un bourg: c'est la
réalité concrète et matérielle du village qui a été étudiée ici dans ses
expressions les plus évidentes, que ce soit au sein du territoire défini
comme bourg dans les sources15 ou ailleurs dans l'espace. Nous avons
surtout mis l'accent sur la place que ces rassemblements ont occupée
dans le paysage des campagnes et qui reflète les changements que
15. Certaines sources ne donnent que la structure d'emplacement des bourgs, sans
leur aménagement concret dans l'espace. C'est le cas, entre autres, de certains
livres terriers ou livres censiers, et surtout des cadastres abrégés de seigneuries
parus en 1861-1863. Or, il n'y a pas toujours coïncidence dans l'espace entre l'aire
reconnue officiellement comme village et la réalité concrète du bourg qui déborde
parfois cette aire. Le même constat vaut pour les plans de villages, retrouvés dans
les archives, qui indiquent parfois des bourgs ou des quartiers projetés, mais dans
lesquels on ne retrouve encore aucune habitation ou aucune densité d'habitations
dans les recensements civils ou religieux. Seuls les établissements qui présentent
de telles densités ont été retenus comme bourgs ou villages dans nos travaux, sans
les structures d'emplacement signalées par les cadastres mais sur lesquelles nous
n'avons pu retrouver d'habitations au moment des recensements.
connaissait alors le monde rural québécois. Car même restreint à ses
réalités premières, le village reste un lieu privilégié d'expression de ces
changements. Groupement d'édifices, il est aussi un lieu de densité, non
seulement physique mais humaine, rendu cohésif par un facteur de
proximité qui lui donne tout son sens. Surtout, il est un produit de la
campagne et de la relation ville-campagne, construit à travers diverses
médiations qu'il appartiendra à d'autres d'explorer, en analysant plus à
fond les aires où s'exprime la socio-économie villageoise. Du moins
bénéficieront-ils d'une vision d'ensemble du phénomène villageois dans
ce qu'il a eu de plus manifeste dans l'espace.
L'observation de la croissance du village dans un espace-temps
aussi vaste que celui que nous avons retenu - et avec l'arrière-plan
historique que nous avons voulu lui donner -, nous a imposé de choisir
parmi les sources disponibles celles qui pouvaient nous renseigner sur le
plus grand nombre de cas possibles, pour une même année ou pour une
même période d'observation. C'est donc dire qu'aux matériaux habituel-
lement exploités pour les études de cas (actes notariés, papiers sei-
gneuriaux, registres paroissiaux, cahiers de délibérations des premiers
officiers municipaux, que nous avons surtout utilisés pour des tests de
concordance et des enquêtes témoins), nous avons préféré les grandes
séries documentaires (matériel cartographique ancien, textes de lois,
recensements, œuvres topographiques de l'époque, rapports et récits
de voyageurs, histoires et monographies locales), d'autant plus que la
qualité et la disponibilité des papiers seigneuriaux sont très variables
d'une seigneurie à l'autre et que les archives notariales et paroissiales
pour le XIXe siècle sont beaucoup trop abondantes, sans parler de leur
dispersion dans les différents fonds d'archives publics ou privés.
Cela dit, et même si nous pouvions compter sur un matériau riche
et abondant, notamment pour la période postérieure à 1830, les difficul-
tés d'exploitation ont été nombreuses. Les premières sont venues des
recensements eux-mêmes qui, en dépit de leur richesse, se sont sou-
vent révélés incomplets et imprécis. Par ailleurs, le contenu des œuvres
topographiques de l'époque ne coïncide pas toujours avec la cartogra-
phie réalisée par leurs auteurs. De plus, un écart est apparu dans les
plans et les gravures de la période entre la réalité concrète du village et
les vues prospectives ou symboliques du seigneur ou de l'artiste.
Néanmoins, en utilisant chaque document comme source de contrôle
par rapport aux autres et en définissant des techniques de collecte qui
respectent l'originalité et l'intégrité de chaque source, il a été possible
de s'assurer, sinon de la parfaite exactitude des données, du moins de
leur cohérence. En outre, en ne nous limitant pas dans nos relevés de
recensements aux seules formes d'habitat qui pouvaient plus certaine-
ment être considérées comme des villages à cause de leur taille ou de
leurs fonctions, critères toujours très variables, rappelons-le, selon les
auteurs et d'une période à l'autre16, il a été possible de repérer et de
caractériser plusieurs autres formes secondaires d'habitat, qui se pré-
sentent tantôt comme de simples nodules autour d'une église ou d'un
moulin, tantôt comme de véritables petites villes dont l'importance à
l'époque semble refléter une transformation profonde de l'économie des
campagnes.
On trouvera au fil des chapitres une présentation complète des
outils consultés. Signalons seulement qu'en plus des recensements et
des œuvres topographiques de base, systématiquement dépouillés,
nous avons aussi compulsé une masse imposante de plans et de cartes
anciennes, que sont venus compléter des dessins, des gravures, des
rapports administratifs, des histoires, des mémoires, des thèses et des
monographies locales, retenus surtout pour enrichir et valider notre
banque des données. Enfin, nous avons mis à profit les études en cours
de nos étudiants sur l'un ou l'autre des villages de la vallée du Saint-
Laurent. Puisque la source unique qui fournirait une information complète
et cohérente sur le sujet n'existe pas, il a fallu faire flèche de tout bois et
accumuler un à un les indices offerts par chaque document, même
quand ceux-ci paraissaient sans grand intérêt. Ce n'est qu'après avoir
été mis en rapport avec d'autres que ces indices ont pris souvent toute
leur importance et leur signification. Aussi avons-nous eu tendance, dès
le départ, à recueillir le plus grand nombre d'informations possible, quitte
à en faire le tri au moment de la mise en ordre des fichiers.
Quant à l'exploitation de cette masse de données, elle a été faite
par ordinateur. Les techniques utilisées ont été plus ou moins élaborées
selon les besoins (tris automatiques, statistiques descriptives, cartogra-
phie assistée par ordinateur, etc.). Toutefois, comme ces techniques ne
produisent ni interprétations ni hypothèses, il a fallu préparer ces derniè-
res par des travaux préalables de codification des données. Les princi-
paux ont porté sur le village lui-même, dont il a fallu d'abord faire
ressortir les traits pour en étudier ensuite les changements dans le
temps. En outre, comme il s'agissait ici d'étudier le phénomène villa-
geois dans son ensemble, c'est-à-dire dans son essor, ses caractéristi-
ques, son ampleur, il fallait tout à la fois en saisir les tendances et
l'évolution, à partir des données relatives à chacun des villages, mais en
16. A ce sujet, voir Serge Courville, « Esquisse du développement villageois au Québec
[...]». CGQ, 28(73-74), 1984, p. 9-46.
10
tenant compte également de leur position dans l'espace, ainsi que de
leur contextualité changeante dans le temps. En effet, si la situation des
bourgs reste sensiblement la même pendant la période, leurs conditions
individuelles de croissance, elles, évoluent en fonction de la distance à la
ville, de l'accessibilité par voie d'eau ou de terre et du degré d'insertion
dans les circuits commandés par la ville. Par exemple, tel bourg peut se
situer en contexte pionnier en 1815, mais être définitivement établi en
1831 ou en 1851. Aussi chaque village s'est-il vu attribuer un géocode
qui tient compte à la fois de ces spatialités et de ces temporalités
distinctes, cela dans le but de nous aider à mieux définir ses traits aux
différents moments de son évolution et de caractériser finalement le
phénomène villageois. Ce géocode avait surtout pour but de faire
ressortir la situation géographique du village à l'intérieur du territoire,
selon qu'il se situe en milieu insulaire ou sur l'une ou l'autre des rives du
fleuve. Mais, en certains cas et pour certaines questions plus particuliè-
res (démographiques ou économiques par exemple), il a fallu le détailler
de manière à pouvoir qualifier la position du bourg par rapport à l'exten-
sion du peuplement : un bourg peut se situer à l'extrémité de l'écoumène
en 1815, mais se retrouver en position de bourg de l'intérieur en 1831
ou en 1851. L'analyse en serait d'autant plus juste qu'elle pourrait tenir
compte de la position physique du village dans l'espace et de sa
contextualité propre par rapport aux changements économiques et so-
ciaux de la période.
Le résultat de toute cette enquête est présenté ici, sous la forme
d'une série de dossiers consacrés aussi bien à l'origine du village et du
phénomène villageois qu'à son évolution. À elles seules, les questions
de population, d'économie et de société occupent plus de la moitié de
l'ouvrage, puisque c'est par elles surtout que sont définis les fonctions
du village et son rôle dans la vie des campagnes et dans les rapports
ville-campagne. On y retrouve également une présentation des facteurs
d'origine du village et de ce qui en fait une forme particulière d'habitat et
un lieu de significations multiples pour la population qui l'habite et celle
qu'il dessert. Enfin, comme l'échelle choisie pour aborder le phénomène
laisse dans l'ombre l'histoire individuelle des bourgs, iJ a fallu compenser
par quelques exemples concrets de croissance villageoise, présentés au
fil des chapitres. Quant aux dessins, cartes ou tableaux statistiques qui
émaillent l'ouvrage, ils ont pour but surtout de suppléer aux contraintes
de la synthèse et de plonger le lecteur dans cette atmosphère d'époque
qui nous a tant passionné.
11
Sorel, de John Lambert, aquarelle. Tiré de John Lambert, Travels through Lower Canada and the
United States [...], 1810, vol. 2. ANC, C-1459.
Saint-Thomaz, de W. J. Bennett. Tiré de Joseph Bouchette, Description topographique de la
province du Bas-Canada, 1815. ANC, C-8049.
UN PHENOMENE AMPLE
AUX RACINES ANCIENNES
La croissance villageoise de la première moitié du XIXe siècle au
Québec constitue sans doute l'un des aspects les plus frappants, les
plus géographiques aussi, de la transformation des campagnes. Le
terme même de phénomène lui convient d'ailleurs assez bien, car ce
n'est pas à une simple progression que l'on assiste, mais à une véritable
explosion préparée de longue date et qui bouleverse complètement le
paysage des campagnes.
En effet, aussi loin que l'on remonte dans le temps, le village est
présent et s'affirme partout où le peuplement progresse. Jusqu'à la fin
du XVIIIe siècle, sa croissance est à peu près régulière : elle augmente au
rythme moyen de 4 ou 5 tous les 30 ans. Après 1815 cependant, tout
s'accélère: un semis nouveau d'agglomérations apparaît, qui prolonge
jusque dans l'arrière-pays seigneurial l'ancienne trame riveraine des
bourgs. En moins de 35 ans, un seuil est franchi: on passe d'un horizon
de développement à un autre en une brève mais intense transition, qui
fait de cette époque une sorte de prologue aux transformations de la
seconde moitié du XIXe siècle.
LES ANTÉCÉDENTS HISTORIQUES
On a cru pendant longtemps que le village en Nouvelle-France
s'était limité aux bourgs de Talon et aux quelques noyaux dont l'existence
était confirmée par une charte. S'il est vrai que sous le Régime français
le village est encore embryonnaire, cela ne veut pas dire qu'il n'existe
1
13
pas; au contraire, son apparition suit de près les progrès de la colonisa-
tion. Comme la côte domine alors le paysage1 et que le village épouse
parfois une forme en long qui le laisse mal percevoir dans les sources,
on a eu tendance à en sous-estimer l'importance d'autant plus qu'il
s'élève aussi sur des sites qui échappent aux descriptions habituelles de
ces sources2. En fait, ce n'est qu'assez récemment, avec les travaux du
géographe Richard C. Harris et de l'historien Marcel Trudel, que la place
du village sous le Régime français a pu être un peu mieux connue3.
Les débuts sont modestes et traduisent le climat d'incertitude qui
règne dans la colonie. En effet, tant que plane la menace iroquoise et
anglaise, la colonisation piétine et le peuplement se limite aux abords
immédiats des agglomérations de Québec, de Trois-Rivières et de
Montréal. Le village cède alors la place aux ouvrages de défense (forts
ou fortins que l'on élève dans tous les lieux stratégiques), quand il ne
sert pas lui-même de réduit en cas d'incursions ennemies. La première
moitié du XVIIe siècle est à cet égard la période la plus critique. En juin
1663, soit une soixantaine d'années après la fondation de Québec, on ne
compte encore, selon l'historien Marcel Trudel, qu'une dizaine d'établis-
sements ou de débuts d'établissements villageois dans les seigneuries,
presque tous situés dans le gouvernement de Québec (voir le tableau 1).
De ce nombre, deux seulement paraissent des fondations définitives : le
Cette importance de la côte est d'ailleurs au cœur du problème. En effet, lorsque la
France entreprend d'établir une colonie dans la vallée du Saint-Laurent, on adopte
un mode de partage des terres qui laisse peu de place au village. Ce mode, c'est la
côte ou plutôt la division des terres en longues bandes rectangulaires perpendiculai-
res au fleuve, qui deviendront bientôt la forme accoutumée des censives. Le village
comme tel n'est pas interdit, mais il faudra le construire sur des emplacements
déterminés à l'avance, pour éviter que ne soit fragmenté le terroir où doivent
s'établir les colons. Ce que recherche alors l'État français, c'est moins une concen-
tration de la population dans l'espace que son égrenage le long des rives du fleuve.
Cette option, de pure géopolitique, vise à lui assurer la maîtrise complète du couloir
laurentien, axe qui permet d'accéder aux richesses de l'hinterland continental. Elle
aura une incidence directe sur la forme des villages qui prendront souvent un
aspect allongé, sauf peut-être dans les villages planifiés, mais rares sont ceux qui
comptent un réseau de rues secondaires, du moins avant le XVIIIe siècle. On n'agira
pas différemment en Louisiane où, mis à part l'établissement de La Nouvelle-
Orléans, on trouve un mode similaire de partage des terres en longues bandes
perpendiculaires au Mississippi: c'est qu'en Amérique la France fait face à de
graves problèmes d'immigration qui lui imposent d'essaimer ses effectifs dans
l'espace. C'est par voie d'eau qu'elle entend conquérir le continent, et non par des
établissements côtiers ou urbains comme l'ont fait les Anglais ou les Espagnols. À
ce sujet, voir Serge Courville, « Contribution à l'étude de l'origine du rang au
Québec: la politique spatiale des Cent-Associés », CGQ, 25(65), 1981, p. 197-236.
C'est le cas, entre autres, dans les aveux et dénombrements de seigneuries de la
première moitié du XVIIIe siècle.
Voir: Richard C Harris, The Seigneurial System in Early Canada; Marcel Trudel, Les
débuts du régime seigneurial au Canada.
14
Tableau 1
NOYAUX SIGNALÉS PAR MARCEL TRUDEL (JUIN 1663)
Seigneurie Village
Gouvernement de Québec
Côte-de-Beaupré - village de Château-Richer (1 2 emplacements)
île d'Orléans village Beaulieu (3 emplacitaires)
Beauport bourg du Fargy (21 emplacements)
Saint-François village Saint-François (2 emplacements)
Saint-Michel village Saint-Michel (3 emplacements)
Sillery village du fort Saint-François-Xavier (68 habitants)
Gaudarville village du fort de Gaudarville (2 emplacements)
Gouvernement de Trois-Rivières
Cap-de-la-Madeleine village du fort Sainte-Marie (21 habitants)
village du fort Saint-François
village du fort du Moulin à vent (3 emplacements)
Source : Marcel Trudel, Les débuts du régime seigneurial au Canada.
bourg du Fargy dans la seigneurie de Beauport et le village de Château-
Richer dans la seigneurie de la Côte-de-Beaupré, nés tous deux de
l'entreprise seigneuriale. Les autres ne sont que des projets éphémères
ou se confondent avec des ouvrages fortifiés dont l'un seulement
survivra, celui du fort Saint-François, après s'être radicalement modifié4.
Avec l'introduction du gouvernement royal et la pacification de la
colonie, le contexte évolue: le peuplement progresse, le rythme des
concessions s'accélère et de nouveaux cadres apparaissent, religieux
notamment5, qui enrichissent ceux de la seigneurie. En même temps,
des équipements nouveaux sont construits. Ils définissent autant de
pôles autour desquels naîtront les villages. Enfin, l'État lui-même inter-
vient pour créer des agglomérations dont le but est d'assurer la sécurité
de la population en même temps qu'un meilleur encadrement. La tâche
en revient à l'intendant Talon qui, dès 1665, écrit au roi : « Je prépare un
plan pour la création du premier village: aussitôt qu'il sera terminé, je
vous en enverrai le dessein6. » Ce plan sera soumis deux ans plus tard,
dans le projet de règlement rédigé par Talon et Tracy pour la justice et la
distribution des terres au Canada.
4. Marcel Trudel, op. cit., p. 105 et suiv.
5. Il s'agit de la paroisse dont l'origine au Québec remonte au milieu du XVIIe siècle,
avec la création de la paroisse Notre-Dame-de-Québec en 1664.
6. Lettre de Talon du 4 octobre 1665, citée dans E. Rameau, La France aux colonies,
p. 285, note 5.
15
Plusieurs motifs sont alors invoqués pour la création de ces
bourgs: certains sont d'ordre social (« Pour que les habitants du Canada
s'entrevoyant souvent, s'entreconnoissent, s'entraînent et s'entresecou-
rent plus aisément »), d'ordre sécuritaire (« Pour que se rassemblans
aisément yls puissent de même s'opposer aux yncursions des Iro-
quois »), et d'ordre administratif (pour « Qu'un curé puisse avec plus de
facilité leur administrer les sacrements et leur annoncer la parolle et les
Veritez de l'Evangile [et] Que par la résidence d'un juge de quartier qui
sera désigné au milieu d'un, de deux, ou de trois villages après qu'on
aura En Egard à l'épargne qu'il convient faire en retranchant la multiplicité
des juges de même que des autres officiers nécessaires au public »).
Mais on en retrouve aussi qui relèvent du bien-être de la population
(pour « Que dans leur maladies ou blessures ils puissent être plus
promptement secourus »), et des nécessités de la vie en commun (pour
« Qu'un paistre commun, pour la garde commune des bestiaux puisse
sauver les blés des dégâts que les dits Bestiaux ont accoutumés de faire
dans les champs des habitations qui ne sont pas en Corps de Com-
munauté »). Enfin, et c'est peut-être là que se trouve la véritable clef
pour comprendre cette initiative de l'État, Talon souhaite établir des
villages « pour le mutuel secours que [Québec] et [ces] habitations
s'entre donnerait, celles-cy fournissant à l'autre les productions de leurs
terres [...] en échange desquels yls recevront des marchandises du dit
Québec, [et pour assurer la défense de la ville si celle-ci] était attaquée
par les Européens ou quelques autres nations sauvages », puisque son
but principal était « de peupler le voisinage de Québec de bon nombre
de gens capables de contribuer à sa deffense sans que le Roy en ait
aucun à sa solde7 ».
Quant à la forme des villages, elle sera ronde ou carrée, selon les
potentialités du lieu, et ceux-ci s'élèveront autour d'une commune à
laquelle s'abouteront des terres d'une superficie de 40 arpents, pour
distribuer à ceux qui viendront s'établir en Nouvelle-France.. Car le plan
de Talon concerne moins les anciens résidents que les futurs immi-
grants. Toutefois, pour favoriser l'adaptation de ces derniers aux con-
ditions de vie en Nouvelle-France, il prévoit réserver quelques-unes de
ces terres à de vieux hivernants « capables d'informer les chefs de
famille nouvellement Venus [et même ceux qui y sont établis depuis
longtemps] de la manière de cultiver plus utilement la terre, soit de Vive
Voix, soit par l'exemple de leur application en travail ». Enfin, pour
7. ANC, Projet de règlement fait par Mre de Tracy, et Talon, pour la justice et la
distribution des terres du Canada, du 24 janvier 1667, f. 555-560.
16
assurer l'attrait du village auprès de ces populations, il espère y amener
des gens de métier « affin que sans sortir du Bourg toutes les choses
nécessaires tant à la nourriture qu'au logement et Vêtement de l'homme
se trouve pour la Commodité Diceluy qui l'habite8 ».
C'est donc d'un véritable projet de société qu'il s'agit, que repren-
dront plus tard tous les émissaires du roi venus enquêter sur l'état de la
colonie. À témoin, cet écrit de Franquet, qui date du début des années
1750:
Mon avis serait que comme les habitants d'une seigneurie de 2 lieues de
front sur autant de profondeur, sont tous répartis sur les terrains qui leur
ont été concédés pour la facilité d'y veiller et de les travailler, et par
conséquent trop éloignés l'un de l'autre pour s'entre secourir au besoin,
qu'on fixe autour de l'église un espace de 100 à 150 ou 200 toises en
quarré que l'on couperait par des rues de 24 pieds, dans lequel ceux des
habitants qui professent un métier, puissent s'établir, et où les autres
pourraient s'y former un petit domicile pour s'y retirer au besoin avec
leurs femmes, leurs enfants et leurs effets les plus chers, et enfin que
cet espace fut fermé d'une enceinte de pieux, et percé de deux portes
éloignées des maisons de 9 pieds et bien flanqué dans toutes les
parties9.
Conformément à son plan, Talon fonde trois villages, Bourg-Royal,
Bourg-la-Reine et Bourg-Talon, un peu au nord de Québec dans la
seigneurie de Notre-Dame-des-Anges où les jésuites avaient déjà entre-
pris d'établir Charlesbourg. Quelques concessions y sont effectuées,
départ prometteur qui n'aura pourtant pas de suite. En 1681, soit 15 ans
après sa fondation, Bourg-Royal ne réunit encore qu'une quinzaine de
familles; quant aux deux autres villages, ils ne sont pour ainsi dire pas
occupés et l'expérience est un échec. Seul Charlesbourg connaîtra un
certain développement et uniquement au XVIIIe siècle10, moins parce que
les colons rejettent la vie en village (on en retrouve déjà quelques-uns
dans les autres seigneuries) que parce que l'on craint les contrôles
royaux et que ces constructions étatiques vont à rencontre des concep-
tions que l'on a de la vie en Nouvelle-France11. Aussi leur préfère-t-on un
établissement dans les côtes. Ce n'est que plus tard, avec les progrès
du peuplement, que cette forme d'habitat se répand, mais il s'agira alors
d'entités aux fonctions totalement différentes, habitées moins par des
8. Ibid.
9. Institut canadien de Québec, Voyages et mémoires sur le Canada par Franquet,
p. 59-60.
10. À ce sujet, voir Richard C. Harris, op. cit., p. 179.
11. Serge Courville, op. cit., p. 224 et suiv.
17
paysans que par des marchands et des artisans. En effet, il ne faut pas
confondre les villages nés de l'initiative de l'État et ceux qui apparaissent
ailleurs dans les seigneuries. Les premiers s'apparentent aux bourgs
agraires des campagnes françaises où réside une population en majorité
agricole; c'est donc d'une matrice foncière qu'il s'agit, destinée à servir
de cadre à l'établissement rural. Les seconds ont d'autres fonctions,
plus en rapport avec la vie d'échange12.
Avec cette initiative de Talon s'achève une première phase de
croissance du village. La période suivante sera plus active, bien qu'à la
mesure des effectifs humains qui peuplent la vallée du Saint-Laurent. De
la demi-douzaine de bourgs apparus vers la fin du XVIIe siècle, on passe à
un peu plus d'une vingtaine vers le milieu du XVIIIe, dont huit seulement
ont une existence administrative reconnue par une charte. Ils ne sont
pas d'égale importance, mais tous ou presque sont déjà suffisamment
circonscrits dans l'espace pour que l'on puisse les distinguer sur une
carte.
L'une des sources les plus utiles pour juger de la montée des
villages durant la première moitié du XVIIIe siècle reste les aveux et
dénombrements des seigneuries. Demandés par l'administration colo-
niale, ces documents donnent un aperçu de l'aménagement et de l'état
de développement de la seigneurie. Toutefois, comme ils s'intéressent
surtout au territoire de la côte, c'est-à-dire au nombre de terres concé-
dées, à leurs titulaires et à leur mise en valeur, ils ne fournissent que
très peu d'informations sur les hameaux ou les bourgs que compte la
seigneurie. Or la côte, à l'époque, est très peu fragmentée. Si elle
comprend un village ou un début de village, il sera le plus souvent
construit en long, à même le terroir initialement concédé et constitué
d'habitations qui se succèdent de distance en distance dans l'espace. Il
n'est donc pas possible, sur le seul critère de la morphologie, de repérer
les bourgs construits au fil des côtes, surtout que l'on ne dispose ici que
de rares indications sur les métiers ou professions des chefs de ménage
recensés. Il faut donc s'en tenir aux renseignements signalés formelle-
ment par les documents, encore qu'il faille souvent distinguer entre les
véritables villages et les côtes dénommées villages, ce qui n'est pas du
tout la même chose13.
12. Pour une discussion de ces fonctions, voir Fernand Ouellet, « Un problème écono-
mique et social », BRH. 59(3), 1953, p. 157-161.
13. A la suite des interventions de Talon, plusieurs seigneurs déclarent la présence de
villages dans leur fief. Toutefois, il ne s'agit souvent que de côtes ou de portions de
côtes qui ne se transformeront jamais en villages.
18
Sur les quelque 180 relevés consultés pour la période 1723-1745,
une douzaine seulement font mention de villages existants ou projetés,
et quelques-uns donnent la liste de leurs habitants14. Par contre, la
majeure partie d'entre eux signalent des domaines personnels de sei-
gneurs15 dont plusieurs sont déjà établis et où l'on retrouve diverses
constructions, tant sacrées que profanes : manoir, église, presbytère,
chapelle, maison de ferme, grange, étable, moulin (à farine et à scie),
forge, boulangerie, hangar, fournil, etc., sans oublier les ouvrages de
défense (fort, palissade, réduit) que certains d'entre eux accueillent (voir
le tableau 2).
On est frappé par l'intensité de cette mise en valeur et du rôle
que semble jouer le domaine personnel des seigneurs dans l'établis-
sement rural. Lieu privilégié pour la localisation des équipements de
production et de services, il prend très souvent l'aspect d'un hameau, si
ce n'est d'un véritable village comme dans les seigneuries de Beaupré,
Beauport, Terrebonne, Boucherville et Saint-Gabriel. Certes, tous les
équipements de la seigneurie ne sont pas ainsi concentrés sur les terres
personnelles des seigneurs, encore que ce soit le cas pour bon nombre
d'entre eux16; de même, tous les domaines ne sont pas des lieux
d'établissement de villages. Toutefois, il faut considérer ici le rôle que
semble jouer le domaine dans la mise en valeur initiale de la seigneurie:
lieu privilégié pour les équipements de prestige du fief (église, manoir,
moulin), il contribue à faire du secteur géographique où il est situé une
aire de croissance qui pourra devenir plus tard un lieu d'apparition du
village. Mais il y en aura aussi beaucoup d'autres, définies par les
circonstances.
Avec les aveux et dénombrements de seigneuries, c'est un
premier pan de l'histoire du village qui nous est révélé et que confirment
diverses autres sources dont les plus riches datent de l'époque de la
Conquête. Celles-ci ne livrent pourtant que des indices fragmentaires.
14. Ces documents sont conservés aux Archives nationales du Québec à Québec.
Nous devons à notre collègue Jacques Mathieu, du Département d'histoire de
l'Université Laval, de nous avoir permis de consulter ses fiches de dépouillement
en 1987.
15. Rappelons qu'au Canada le seigneur était tenu de démembrer son fief, c'est-à-dire
de concéder des terres aux colons. Toutefois, il pouvait en réserver une partie pour
son usage personnel. Ce sont les domaines auxquels s'ajoutent parfois des terres
réservées pour d'autres fins (construction d'une église, d'un village, etc.). Pour une
présentation plus complète de la seigneurie et de ses composantes, voir Serge
Courville et Serge Labrecque, Seigneuries et fiefs du Québec: nomenclature et
cartographie.
16. Il ne faut pas oublier que le peuplement est alors riverain et en pleine expansion, ce
qui explique la nécessité de cette concentration dans l'espace.
19
Tableau 2
MENTIONS DE VILLAGES RETROUVÉES DANS LES AVEUX
ET DÉNOMBREMENTS DU RÉGIME FRANÇAIS
Seigneurie
(année du relevé)
Mention
Seigneurie
(année du relevé)
Mention
Gouvernement de Québec
Villages existants
Beauport(1725)
Notre-Dame-des-Anges
(1723)
Saint-Gabriel (1723)
«Le bourg du Fargy», qui comprend
15 emplacements dont 14 construits
« La « ville » de Charlesbourg »
« Le Trait carré du bourg appelé
Lauvergne »
« Le Trait carré du Bourg Royal »
«Village des Hurons de Lorette»
Côtes mentionnées comme villages
Beauport(1725) «Village Saint-Joseph:
Grondines (1723)
Neuville (1725)
Notre-Dame-des-Anges
(1723)
«Village Saint-Michel»
«Village Saint-Ignace»
«Village de Saint-Joseph»
«Village Saint-Jean»
«Village Saint-Nicolas»
«Village des Méloizes»
une « Coste » appelée le « Petit
Village»
le «Village» du «Gros Pin»
le «Village Saint-Pierre»
le «Village Saint-Claude»
Autre
Saint-François (1725)
Gouvernement de Montréal
Villages existants
Boucherville (1724)
«emplacement d'un ancien village»
île de Montréal (1731)
le village de Boucherville, érigé
dans le domaine et comprenant
60 emplacements dont 43 construits,
répartis le long de rues disposées
en damier et occupant au total une
superficie de 12 arpents de terre
le village fortifié de la Pointe-aux-
Trembles, construit sur un terrain de
100 sur 90 toises, dans lequel on
retrouve une église, un presbytère, un
cimetière, la maison des sœurs de
la Congrégation, et 40 emplacements
dont 22 bâtis, distribués par rues
« en forme de Bourg »
le village «commencé» de la Rivière-
des-Prairies, d'un arpent en super-
ficie, où l'on retrouve 4 emplacitaires.
Ce village est situé à proximité d'une
terre de 3 sur 20 arpents cédée par
Lac-des-Deux-
Montagnes(1731)
Terrebonne(1736)
Varennes(1723)
Villages projetés
Baronnie de Longueuil
(1723)
Berthier (1723)
Contrecœur (1723)
Autres
Chambly(1723)
île de Montréal (1731)
les seigneurs, et où l'on retrouve une
église et un presbytère et, quelques
arpents plus loin, un moulin à vent,
un village de 100 «cabannes»
occupé par les Iroquois, les
Algonquins et les Népissingues
le village Saint-Louis, situé dans le
domaine et composé de 5 empla-
cements
mention de redevances à payer
pour des emplacements dans le
village
mention d'un espace réservé par
le seigneur et destiné à accueillir
un village qui sera «sous la
défence »
mention d'une terre de 3 arpents de
front destinée à l'église, au pres-
bytère, à un village et aux sœurs de la
Congrégation
mention d'une terre appartenant au
seigneur (2,5 sur 30 arpents), dont
2,25 sur 5 arpents sont réservés pour
un village et sur laquelle se trouve
l'église paroissiale
pas de mention de village, mais l'aveu
et dénombrement rapporte la pré-
sence d'un fort
Lachine
pas de mention de village, mais l'aveu
et dénombrement rapporte une église,
un presbytère, une maison pour les
sœurs et un fort clos de pieux
bastonné sur un terrain de 2 sur 2
arpents donné par feu Millot, titulaire
de l'arrière-fief du même nom
Sainte-Anne
pas de mention de village, mais l'aveu
et dénombrement rapporte la
présence d'une église et d'un presby-
tère dans un petit fort entouré de
pieux élevé sur une terre d'environ
12 arpents en superficie apparte-
nant aux seigneurs
20
Seigneurie
(année du relevé)
Mention
Seigneurie
(année du relevé)
Mention
Laprairie (1733)
Sault-Saïnt-Louis (1733)
Sorel (1724)
Vaudreuil (1725)
Saint-Laurent
pas de mention de village, mais
l'aveu et dénombrement rapporte la
présence d'une terre de 150 arpents
en superficie appartenant aux
seigneurs et où la nouvelle église et
son presbytère sont en construction
pas de mention de village, mais men-
tion d'un fort et de 14 emplacements
près du domaine
pas de mention de village, mais men-
tion de la mission iroquoise
mention d'un fort à palissade flanqué
de 4 bastions
mention d'un fort dans l'île aux
Tortues
Gouvernement de Trois-Rivières
Village existant (début de village)
Cap-de-la-Madeleine
(1733)
Côte appelée village
Champlain (1738)
Autres
Bécancour(1724)
Saint-François (1723)
le «Village du Cap», de 4 arpents en
superficie, situé en partie dans
le domaine des jésuites et en partie
sur la terre de Jean-Baptiste
Duplessis; comprend l'église, le
presbytère et un emplacement
le «Petit village de la Borde»
mention d'un village occupé par les
Abénaquis «pour le tant [sic] de
la mission »
mention du «Village des Sauvages
Abénaquis»
Source : ANQ-Q, Aveux et dénombrements de la colonie.
Par exemple, la documentation officielle de la fin du Régime français ne
contient que huit chartes d'établissement de villages17. Dans la même
veine, les recensements de 1760-1765, réalisés à la demande des
autorités britanniques, ne permettent tout au plus qu'une approximation
du phénomène, grâce aux traces de morcellement foncier qui apparais-
sent dans les listes et aux quelques indications socioprofessionnelles
qu'elles révèlent. Au total, cette source ne permet de repérer qu'une
douzaine de noyaux, répartis pour moitié dans la région de Québec et
pour moitié dans la région de Montréal18. C'est donc à la carte qu'il faut
finalement avoir recours pour prendre la mesure d'ensemble. La plus
intéressante à cet égard reste celle de Murray19, qui indique environ 24
noyaux regroupés d'habitat dans les seigneuries, dont 4 sont des villa-
ges amérindiens et l'un, un faubourg urbain. Certains ne sont encore que
17. Ces chartes furent obtenues à la suite de requêtes adressées à l'administration
entre 1753 et 1758 par les seigneurs de Beaupré, de Saint-Michel de la Durantaye,
de Lotbinière, de Neuville, de l'île Jésus, de L'Assomption, de Soulanges et de
Contrecœur, pour obtenir l'autorisation d'établir un village dans leur seigneurie. Voir
EO. vol. Il, p. 410-412, 412-413, 414, 415, 419, 420; vol. III, p. 401-402.
18. Ces noyaux sont, pour le district de Montréal, Boucherville, Chambly, Pointe-Claire,
Saint-Denis, Sainte-Jeanne de l'île Perrot, Verchères; pour le district de Québec,
Beauport, Charlesbourg, Château-Richer, le bourg de la rivière Saint-Charles, Saint-
Joachim et Saint-Vallier; dans le district de Trois-Rivières, on n'en retrouve aucun.
Voir Serge Courville, « Esquisse du développement villageois au Québec [...] »,
CGQ, 28(73-74), 1984, p. 19 et suiv.
19. Plan of Canada or the Province of Québec from the Uppermost Settlements to the
Island of Coudre as Surveyed by Order of His Excellency Governor Murray in the
Year 1760, 61 & 62.
21
de simples nodules en formation, d'autres des noyaux mieux formés,
d'autres encore de véritables agglomérations où l'on distingue même un
réseau de rues (voir la figure 1). Par contre, beaucoup sont des villages
en long, dans la région de Québec notamment où cette forme domine.
Mais on remarque aussi d'autres dispositions: en section, en arête ou
en rangée, en tas, comme c'est le cas dans la région de Montréal pour
près de la moitié des bourgs (voir le tableau 3).
La carte de Murray n'indique sans doute que les villages qui ont
survécu aux opérations militaires de 1759-1760, mais elle offre suffisam-
ment d'informations pour que l'on puisse saisir les tendances de la
croissance villageoise. En effet, comparée aux relevés de Marcel Trudel
pour la première moitié du XVIIe siècle et aux aveux et dénombrements
de la première moitié du XVIIIe, elle confirme l'élan que semble avoir pris
cette croissance, notamment dans la région de Montréal où le nombre
de hameaux et de bourgs augmente rapidement. En outre, elle indique
que c'est dans cette dernière région qu'ils sont les plus bâtis et les
mieux circonscrits dans l'espace. Enfin, elle montre le rôle qu'ont pu
jouer les ouvrages de défense dans la définition du semis villageois,
notamment dans les secteurs exposés aux incursions ennemies, comme
la région de Montréal où bon nombre de villages trouvent leur origine
dans ces premiers fortins à l'intérieur desquels s'élevaient souvent une
église, un presbytère et quelques maisons. On en retrouve dans l'archi-
pel de Montréal, sur la rive sud du Saint-Laurent et dans la vallée du
Richelieu où Chaussegros de Léry avait même conçu le plan d'une ville
fortifiée à Chambly20.
La Conquête n'arrête pas cet élan, au contraire. Aussitôt la paix
rétablie, la croissance villageoise se poursuit, avec l'apparition de nouvel-
les agglomérations partout où la colonisation progresse. À la fin du XVIIIe
siècle, il y en a déjà une trentaine dont on retrouve la trace dans
certaines sources (aveux et dénombrements du Régime anglais, cartes
et plans de seigneuries, etc.). Toutefois, comme ces sources ne sont
jamais complètes, on ne peut qu'estimer grossièrement le nombre et la
taille de ces établissements. Le tableau 4 en donne des exemples; les
informations proviennent des aveux et dénombrements du Régime
anglais (1777-1799) et de diverses autres sources, notamment des
monographies locales.
20. Plan d'un projet pour former un commencement de ville à Chambly, avec fortifica-
tions (1721), cité dans Serge Courville, « Esquisse du développement villageois au
Québec [...] », CGQ, 28(73-74), 1984, p. 19.
22
Figure 1
STRUCTURES D'HABITAT GROUPÉ
SELON LA CARTE DE MURRAY (1760-1762)
I NODULE DE DEPART
STRUCTURE SANS DISCONTINUITE INTERNE
SERREE DIFFUSE
EX: LES ECUREUILS
Il NOYAU EN FORMATION
EX: L'ASSOMPTION
III NOYAU FORME
EX: LONGUEUIL
IV NOYAU DENSE
EX; ST- JOSEPH
(MASKINONGE)
1 KM
J
STRUCTURE AVEC
DISCONTINUITE INTERNE
PERIMETRE 'villageois'
H AIRE PROXIMALE
■H AIRE DISTALE
i Eglise
© MANOIR
tk MOULIN
BÂTIMENT
EX: STE -GENEVIEVE
EX: CHÂTEAU - RICHER
EX: BEAU PORT
EX: VERCHERES
EX: LA PRAIRIE
23
Tableau 3
AGGLOMÉRATIONS RELEVÉES PAR MURRAY (1760-1762)
Autres
Village
Forme Égl
ise bâtiments
Gouvernement de Québec
Beauport
en long
21
Chariesbourg
en arête
40
Château-Richer
en long
8
Jeune-Lorette*
en rangée
18
Saint-Joachim
en long
8
Gouvernement de Trois-Rivières
Les Forges
en section
33
Sainte-Anne
en long
6
Saint-François*
en rangée
20
Gouvernement de Montréal
Boucherville
regroupée (rues)
47
Caughnawaga*
en rangée
n.d.
Chambly
en rangée
4
Faubourg Saint-Laurent
en long (rues)
46
Lac-des-Deux-Montagnes*
en rangée
29
Laprairie
en long (rues)
40
L'Assomption
regroupée
I 5
La Visitation
en long
I 6
Longueuil
en long (rues)
I 16
Pointe-aux-Trembles
regroupée
I 25
Pointe-Claire
regroupée
I 13
Saint-François
regroupée
I 6
Sainte-Rose
regroupée
I 5
Sorel
regroupée
1
Terrebonne
en long (rues)
I 57
Varennes
en long
I 6
Verchères
regroupée
29
* Village amérindien,
n. d. : non disponible.
Source : Plan of Canada or the Province of Québec from the Uppermost Settlements of the Island of Coudre
as Surveyed by Order ofHis Excel lency Governor Murray in the Year 1760, 61 &62.
Quant à l'endroit précis où s'élèvent ces villages, il varie selon la
seigneurie, mais ils sont généralement construits dans le domaine
même des seigneurs ou sur des terres réservées à cette fin par ceux-ci.
Par exemple, dans les seigneuries sulpiciennes, la plupart des bourgs se
retrouvent dans le domaine du Séminaire, sur des terres qui lui appar-
tiennent, ou sur des terrains offerts à d'autres institutions. Ainsi, le
bourg de la Pointe-aux-Trembles est bâti en partie sur le terrain de la
fabrique, en partie sur un terrain qui appartient au Séminaire. Nous en
24
Tableau 4
EXEMPLES DE HAMEAUX ET DE VILLAGES
VERS LA FIN DU XVIIIe SIÈCLE
Nombre d'emplacements
Aveu et Autre
Nombre de maisons
Aveu et
Autre
Village
dénombrement
source
dénombrement
source
District de Montréal
Contrecœur
5
4
Lac-des-Deux-Montagnes
n.d.
150
Laprairie
61
54
L'Assomption*
52
37
Pointe-aux-Trembles
47
49
42
41
Pointe-Claire
37
41
32
33
Rivière-des-Prairies
8
8
7
7
Saint-Laurent
5
5
6
5
Sault-aux-Récollets
20
20
18
17
Soulanges
8
4
Varennes
28
27
District de Québec
Château-Richer
7
7
Neuville
9
6
* Confondu avec le village de Saint-Sulpice dans l'aveu et dénombrement de 1781.
n. d.: non disponible.
Sources : ANQ-Q, fonds Terres et forêts, Aveux et dénombrements du Régime anglais, 1777-1799; Raymond
Gariépy, Le village du Château-Richer; Claude Perrault, Montréal en 1781; Christian Roy, Histoire de
L'Assomption; Johanne Salois, «Étude de la structuration d'un village [...]».
avons un autre exemple avec le village du Sault-au-Récollet, construit
dans le domaine de 16 arpents sur 26 que s'était réservé le Séminaire au
Sault. Enfin, c'est le cas aussi du « village commencé » de Rivière-des-
Prairies, apparu sur une terre de 2 arpents sur 3 réservée à cette fin par
le Séminaire, de Pointe-Claire, construit sur un terrain de 20 arpents
appartenant au Séminaire, de L'Assomption, construit également dans le
domaine du Séminaire, et de la mission du Lac-des-Deux-Montagnes,
élevée dans le domaine du même nom. Cette situation n'est pas propre
à la région de Montréal. On la retrouve partout sur le territoire, comme
en témoignent le village de Bourg-Saint-Louis, dans la seigneurie de
Neuville, construit dans le domaine de la famille Brassard Deschenaux,
et le village de Château-Richer, dans la seigneurie de Beaupré, qui
s'élève dans le domaine du Séminaire de Québec. Comme ceux de
Boucherville, de Saint-Eustache, de Sainte-Thérèse, de Terrebonne, de
25
Berthier, de Nicolet et de beaucoup d'autres apparus plus tard (Beauhar-
nois, Saint-Hyacinthe, Saint-Jérôme, Montebello, Plaisance, Sainte-Anne-
de-la-Pérade, Saint-David, Leclercville, Fraserville, Babyville, etc.), ces
villages se développeront sur les sites que leur avaient reconnus autre-
fois les seigneurs, pour s'étendre ensuite aux terres avoisinantes. Le
phénomène est d'autant plus intéressant qu'il s'inscrit dans une conti-
nuité dont l'origine remonte à la première moitié du XVIIe siècle, époque
au cours de laquelle la moitié des villages ou débuts de villages dénom-
brés par Marcel Trudel s'élevaient sur de tels emplacements21. Il n'y a là
rien de bien étonnant, puisque c'est dans le domaine que l'on retrouve
très souvent, on l'a vu, les équipements de prestige de la seigneurie.
Mais à côté du domaine, il y a aussi les terres réservées dont la seule
présence dans l'espace indique l'intérêt que portent les titulaires de fiefs
au village, du moins au cours de la deuxième moitié du XVIIIe siècle. En
effet, sous le Régime français et plus particulièrement à l'époque de
Talon, le village, rappelons-le, n'est souvent qu'une côte et n'a du village
que le nom.
Quoi qu'il en soit, ce qu'il importe de retenir ici, c'est qu'à la fin du
XVIIIe siècle le village occupe déjà une place importante dans le paysage
des campagnes, notamment en pays riverain où sa croissance est la plus
ancienne. Toutefois, et même si au début du XIXe siècle on en dénombre
déjà une cinquantaine, nombreux sont les terroirs qui n'en comptent
encore aucun.
LA POUSSÉE DES ANNÉES 1815-1851
À partir de 1815, tout éclate: de nouveaux bourgs surgissent et
un réseau nouveau de hameaux apparaît, en un semis de points qui
jaillissent partout dans l'espace. En quelque 35 ans, soit du lendemain
de la guerre anglo-américaine (1812-1814) jusqu'au milieu du XIXe siècle,
on passe d'une cinquantaine de noyaux à plus de 300 (voir l'annexe B).
Le paysage en est complètement transformé: les structures d'habitat
deviennent plus complexes et des cristallisations nouvelles s'affirment,
qui modifient les anciens équilibres régionaux. Cette poussée se main-
tient jusqu'à l'abolition du régime seigneurial en 1854. Toutefois, la
période la plus active de croissance se situe entre les années 1815 et
1830. Par la suite, les gains demeurent encore imposants, mais au profit
cette fois des fronts pionniers et d'une urbanité qui s'annonce.
21. Marcel Trudel, op. cit.
26
La mesure du phénomène
La première source qui fournit un relevé des villages que comp-
tent les seigneuries au début du XIXe siècle est la Description topogra-
phique de la province du Bas-Canada de Joseph Bouchette, parue en
1815. Dédié au régent, cet ouvrage se présente sous la forme d'un
véritable tableau géographique où le territoire du Bas-Canada est décrit
avec ses seigneuries et ses cantons, et où l'on retrouve diverses
informations quant aux potentialités du milieu et à son état de dévelop-
pement, avec parfois une mention, voire une description sommaire, des
hameaux ou des bourgs existants. Intéressant parce qu'il donne un
aperçu du nombre de villages sur le territoire seigneurial, cet outil gagne
pourtant à être validé par d'autres sources, d'une part parce qu'il est
construit à partir d'observations effectuées à différents moments et dont
la qualité n'est pas toujours sans faille (relevés, rapports, correspondan-
ces, etc.), ensuite parce que les remarques de l'auteur ne portent que
sur les formes les mieux établies et sans doute les plus visibles
d'agglomérations villageoises. Il est donc possible que la cinquantaine de
villages ou de débuts de villages signalés par Bouchette dans les
seigneuries ne représentent en réalité qu'une partie du nombre total de
hameaux et de bourgs que celles-ci accueillent. De fait, d'après le type
de villages recensés et en comparant ceux-ci aux villages du même
genre retrouvés dans d'autres sources plus tardives (le recensement de
1831 par exemple), on constate que Bouchette sous-évalue de quelques
noyaux le nombre total de villages. Ces quelques oublis mis à part, les
établissements qu'il aurait pu omettre ne comptent que quelques dizai-
nes de ménages en 1831. En outre, beaucoup sont situés dans des
terroirs encore inoccupés en 1815. Par conséquent, son évaluation reste
valable et décrit une situation qui n'est probablement pas très éloignée
de celle de l'époque. Quoi qu'il en soit, ce n'est pas tant le nombre de
noyaux qui importe ici que le changement de rythme que semble
enregistrer la croissance villageoise après 1815, lorsque les données
corrigées de Bouchette sont comparées à celles qu'il est possible de
réunir pour 1831.
Ce changement n'est pas factice; il est au contraire confirmé par
d'autres sources contemporaines de la période observée. La première
est la cartographie même de Bouchette qui, en 1815 et 1831, publie
deux cartes destinées à accompagner ses ouvrages. Comparée à celle
de 1815, la carte de 1831 montre des bourgs là où n'existait encore
aucune concentration villageoise quelque 16 ans auparavant, par exem-
ple le village de Saint-Jacques, dans la seigneurie de Saint-Sulpice
27
(Ruisseau-Vacher). En 1815, le territoire où est situé ce village ne
comprend encore qu'une ligne d'habitat répartie de part et d'autre du
chemin qui dessert la côte du même nom. En 1831, la carte montre une
agglomération de plus d'une vingtaine de bâtiments disposés en tas (voir
la figure 2).
Ce cas n'est pas unique. On en retrouve de semblables dans
diverses autres parties du territoire, qui apparaissent encore inoccupées
en 1815 mais qui présentent un semis parfois impressionnant de villages
en 1831. Par exemple, au sud de Montréal, dans le croissant qui va de la
seigneurie de Beauharnois à l'ouest à la seigneurie de Saint-Hyacinthe
à l'est, en passant par les seigneuries de LaSalle, Longueuil, Lacolle,
Foucault, Noyan, Deléry et Monnoir, on ne compte en 1815 que quel-
ques établissements villageois dont le nombre se multiplie par la suite.
De même, dans la péninsule de Vaudreuil-Soulanges, sur la Rive-Sud de
Trois-Rivières et de Québec, et sur la Côte-du-Sud, la montée villageoise
ne s'affirme qu'après les années 1820, mises à part quelques agglomé-
rations nées aux XVIIe et XVIIIe siècles.
Il n'y a pas que la cartographie de Bouchette qui confirme cette
croissance. On en retrouve aussi des indices dans les répartitions
d'église retrouvées dans le fonds des commissaires chargés des affaires
de fabrique et de l'érection civile des paroisses22. Levées chaque fois
qu'une dépense extraordinaire devait être engagée pour la construction
ou la réparation de l'église, du presbytère ou du cimetière, ces réparti-
tions se présentent sous forme de listes qui donnent pour chaque
propriétaire foncier de la paroisse la superficie de la terre que celui-ci
détient sous forme de lots ou d'emplacements, avec la contribution
demandée à chacun selon que sa propriété est située dans la côte ou au
village. En comparant les listes des quelques paroisses qui fournissent
des relevés pour la période observée, on constate que le nombre
d'emplacements enregistrés d'une année à l'autre dans certains villages
a tendance à augmenter, et que le point principal d'inflexion de la courbe
survient durant les premières décennies du XIXe siècle. C'est le cas,
notamment, du village de Laprairie qui ne compte qu'une soixantaine
d'emplacements en 1811, mais plus de 250 en 1836. De même Lon-
gueuil, qui n'en compte que 25 en 1810 et en 1815, en accueille plus de
60 en 1830.
22. Ce fonds, intitulé Création de paroisses, est conservé aux ANQ-M, sous la cote E-4.
Il couvre l'ensemble du XIXe siècle mais ne concerne que les paroisses de la région
de Montréal.
28
Figure 2
VILLAGE DE SAINT-JACQUES (1815, 1831)
1815
Source: Joseph Bouchette, extrait des cartes topographiques de 1815 et 1831.
29
On observe également des cas de décroissance, tel le village de
Boucherville qui ne compte plus qu'une centaine d'emplacements en
1832, comparativement à 131 enregistrés en 1819 et 144 relevés en
1800. Pour en comprendre la signification, il faut déborder le cadre
restreint de ces répartitions, pour comparer cette information à celle que
nous livrent les aveux et dénombrements du XVIIIe siècle et les cadas-
tres abrégés de seigneuries de 1861. L'exercice montre que, loin d'être
uniforme dans le temps, la croissance villageoise connaît alors divers
rythmes : l'un se caractérise par une longue période de quasi-stagnation
suivie, après les années 1815-1820, d'une progression plus régulière
mais timide (Pointe-aux-Trembles et Sault-au-Récollet) ; un autre, par une
progression relativement rapide jusque vers 1800 qui se relâche jusque
dans les années 1830 avant de connaître une certaine reprise (par
exemple, Saint-Eustache, L'Assomption et Boucherville); un troisième,
par une progression spectaculaire qui rompt avec les tendances précé-
dentes, comme à Laprairie, Sorel (William Henry), Longueuil et Saint-
Hyacinthe. La figure 3 en illustre les mouvements.
Figure 3
GRANDS RYTHMES DE CROISSANCE VILLAGEOISE
EXEMPLE DE LA RÉGION DE MONTRÉAL (1800-1861)
800
» 600 -
e
£
400
200 -
Saint-Hyacinthe
Longueuil
Sorel
Laprairie
Saint-Eustache
L'Assomption
Boucherville
Pointe-aux-Trembles
Sault-au-Récollet
1780
1800
1820
1840 1860
— i
1880
année
Source: ANQ-M, fonds Création de paroisses, E-4.
30
Certes, ces exemples ne concernent que la région de Montréal, la
seule pour laquelle les archives des commissaires ont pu être retrou-
vées, et les paroisses pour lesquelles on dispose d'une information
suffisante quant au nombre d'emplacements des villages. Conjugués
aux indices recueillis dans d'autres sources, ils montrent cependant où
s'effectuera désormais la croissance villageoise. Le changement est
d'autant plus marqué qu'il s'inscrit dans un contexte d'expansion rapide
du territoire habité.
En effet, on assiste après la guerre anglo-américaine de 1812 à
une poussée notable de la colonisation qui progresse partout sur le
territoire des basses terres. Des espaces demeurés jusque-là à peu près
vides ou peuplés uniquement par endroits se retrouvent, moins d'une
quinzaine d'années plus tard, presque entièrement occupés ou du moins
concédés. De riverain qu'il était encore à la fin du XVIIIe siècle, le
peuplement pénètre cette fois plus franchement vers l'intérieur des
terres, ce qui provoque partout l'apparition de nouvelles côtes et l'arpen-
tage des fonds de seigneuries23. On le voit d'ailleurs dans la documenta-
tion cartographique de l'époque et plus particulièrement sur les cartes
de Bouchette. En 1815, le territoire habité se présente encore comme
sous le Régime français, sauf dans les secteurs proches des villes où il
s'épaissit. Partout ailleurs, il se limite aux rives du fleuve et de ses deux
principaux affluents (les rivières Chaudière et Richelieu), sur au plus
quelques kilomètres de profondeur. En 1831, il aura débordé dans toutes
les directions, pour atteindre par endroits les contreforts des Laurentides
au nord, la frontière du Bas et du Haut-Canada à l'ouest, la région de
Matane et la péninsule gaspésienne à l'est, et le cœur des basses terres
seigneuriales au sud, et même en certains cas les cantons où progresse
l'exploitation forestière. Vingt ans plus tard, les basses terres sei-
gneuriales seront à peu près toutes occupées et le peuplement s'étirera
loin dans les cantons, à l'assaut du plateau laurentidien et des vallées
appalachiennes.
La croissance villageoise va de pair avec cette expansion. Plus ou
moins limitée jusqu'en 1815 aux abords immédiats du fleuve et de ses
principaux affluents, elle suit ultérieurement l'évolution des fronts pion-
niers, laissant partout un semis d'établissements dont plusieurs attei-
gnent bientôt des tailles respectables. Fait plus significatif encore, elle
23. Amorcée au début des années 1790 pour favoriser la division des terres de la
couronne en cantons, la cartographie des seigneuries n'est terminée qu'après une
quinzaine d'années, et laisse quantité de limites floues qui ne sont précisées que
dans les premières décennies du XIXe siècle. Pour une présentation des étapes de
cette cartographie, voir Serge Courville et Serge Labrecque, op. cit.
31
coïncide dans le temps avec ce que l'on peut observer dans d'autres
régions du monde, comme en Nouvelle-Angleterre, où la croissance des
bourgs épouse, toutes proportions gardées, les mêmes rythmes24 (la
période la plus marquante à cet égard est celle de 1780-1840), ainsi
qu'en Europe et en Amérique latine, où les années 1810-1815 représen-
tent également un tournant25. Au Québec, cette expansion se traduira
par une augmentation sans précédent du nombre de hameaux et de
bourgs qui surgissent partout sur le territoire habité.
En 1831, les agrégés et les listes nominatives de recensement
révèlent l'existence d'au moins 208 noyaux villageois dans les sei-
gneuries; en 1851, ils en indiquent 253 dont l'existence est attestée par
des critères aussi bien morphologiques que professionnels ou sociopro-
fessionnels26. Comme ces sources sont parfois déficientes (listes nomi-
natives manquantes, agrégés qui ne rapportent que les plus gros bourgs
reconnus juridiquement, etc.), leur nombre réel est plus élevé encore -
autour de 210 noyaux en 1831 et de 306 en 1851 -, dont on retrouve la
trace dans l'un ou l'autre dénombrement de la période. En effet, en
ajoutant aux noyaux de 1851 ceux dont on connaît l'existence par le
recensement de 1831 et, inversement, en ajoutant aux noyaux de 1831
ceux de 1851 dont on peut présumer par la taille qu'ils existaient déjà en
1831, c'est entre 2 et 50 noyaux supplémentaires que se situe le
nombre de hameaux et de bourgs dans les seigneuries aux différents
recensements, sans compter les petits établissements repérés autour
d'un moulin ou d'une fabrique en 1831 mais qui ont pu disparaître après
cette date. Au total, cela représente une variation brute de plus de
477 % pendant la période, pour un taux de croissance annuel moyen de
24. Voir, entre autres, l'article de J. S. Wood, « Elaboration of A Settlement System :
the New England Village in the Fédéral Period », JHG. 10(4), 1984, p. 331-356.
25. A ce sujet, voir: Pierre Léon (dir.), Histoire économique et sociale du monde, tome
3, Inerties et révolutions, 1730-1840; Pedro Cunill Grau, « Geographica del pobla-
miento venezolano en el siglo XIX ».
26. Rappelons que le repérage des noyaux villageois dans les listes nominatives de
recensement repose sur trois critères considérés en interrelation: 1. présence
d'une structure d'emplacement qui introduit une rupture dans la séquence des lots;
2. présence d'une population aux métiers variés; 3. présence d'équipements qui
ont un pouvoir structurant et agglomérant dans l'espace. Pour 1831, le travail est
facilité par la facture du recensement qui fournit pour chaque chef de ménage
l'ensemble des informations recensées (personnelles, agraires, etc.). Pour 1851, la
tâche est plus complexe parce que les informations, dans le recensement, sont
partagées entre un relevé personnel détaillé par individu et un relevé agraire qui a
trait uniquement aux occupants de terre dont la séquence de présentation dans les
listes ne coïncide pas toujours avec celle du relevé personnel. C'est donc dire que,
pour reconstituer la population du village, il faut d'abord réordonner les deux listes
pour replacer les noms dans un ordre comparable. L'annexe A présente la métho-
dologie retenue.
32
près de 5 %. Toutefois, c'est entre 1815 et 1831 que la poussée est la
plus vive : elle atteint 3,9 % par année en moyenne (296,23 % de
variation brute), contre 1,9% entre 1831 et 1851 (45,71 % de variation
brute). On est loin ici des rythmes de croissance enregistrés aux XVIIe et
XVIIIe siècles (voir la figure 4).
Pourtant, cet élan n'a pas la même vigueur partout: certaines
régions affichent des taux supérieurs de croissance, d'autres des taux
inférieurs, pendant qu'à l'intérieur même de ces régions s'affirment des
différences qui marqueront pendant longtemps le paysage des campa-
gnes (voir le tableau 5).
Les variations régionales
Considérée globalement et pour l'ensemble de la période, la
région de Québec connaît l'augmentation annuelle moyenne du nombre
de villages la plus rapide (5,73 % par année, contre 5,05 % dans la
région de Montréal et 2,90 % dans celle de Trois-Rivières). Toutefois,
Figure 4
CROISSANCE VILLAGEOISE (1660-1851)
400
300-
200-
100
o I' '
1660 1760 1815 1831 1851
Sources: ANC, Recensements du Canada.
33
Tableau 5
ÉVOLUTION DU NOMBRE DE NOYAUX (1815, 1831, 1851)
Taux de croissance annuel
moyen (%)
Secteur
1815
1831
1851
1815-1831
1831-1851
1815-1851
District de Montréal
Archipel
3
15
22
4,57
1,93
5,69
Péninsule
3
8
12
2,76
2,05
3,93
Autre île
0
0
1
—
—
—
Rive-Nord
6
38
50
5,26
1,38
6,07
Vill. amérindien
1
1
1
Rive-Sud
13
48
72
3,70
2,05
4,87
Vill. amérindien
1
1
1
—
—
—
Total
27
111
159
4,01
1,81
5,05
District de Trois-Rivières
Rive-Nord
5
10
13
1,94
1,32
2,69
Rive-Sud
4
10
13
2,58
1,32
3,33
Vill. amérindiens
1
1
2
0,00
3,53
1,94
Total
10
21
28
2,08
1,45
2,90
District de Québec
Rive-Nord
7
23
41
3,36
2,93
5,03
Vill. amérindien
1
1
1
0,00
0,00
0,00
Rive-Sud
8
46
69
4,98
2,05
6,17
île d'Orléans
0
7
6
—
-0,77
—
île aux Coudres
0
1
1
—
0,00
—
Autre île
0
0
1
—
—
—
Total
16
78
119
4,50
2,13
5,73
Total
53
210
306
3,90
1,90
4,99
Vill. amérindiens
4
4
5
0,00
1,12
0,62
Vill. blancs
49
206
301
4,07
1,91
5,17
Sources : Joseph Bouchette, Description topographique de la province du Bas-Canada, 1815; ANC, Recensements du Bas-Canada, 1831 et
1851-1852.
c'est dans la région de Montréal qu'elle prend le plus d'ampleur: en
1815, on compte déjà 27 établissements; en 1851, on en dénombre
159, soit une augmentation de 132 noyaux en un peu plus de 35 ans.
Dans la région de Québec, la progression est légèrement plus faible,
mais tout aussi imposante: de 16 agglomérations seulement en 1815,
on passe à 119 en 1851, soit une augmentation de 103 établissements.
Dans celle de Trois-Rivières, l'écart n'est plus que de 18 noyaux, pour un
total de 28 à la fin de la période.
Dans la région de Montréal, la poussée la plus spectaculaire a lieu
d'abord sur la rive nord du fleuve et dans l'archipel d'Hochelaga, où le
34
taux de croissance annuel moyen des villages gravite autour de 5,2 % et
de 4,5 % en 1815 et en 1831. Mais elle est tout aussi notable sur la rive
sud du fleuve où elle dépasse 3,7 %, contre moins de 2,8 % dans la
péninsule de Vaudreuil-Soulanges. Après 1831, les tendances s'inver-
sent: plus élevée sur la rive sud du fleuve (2,05 %) et dans la péninsule
de Vaudreuil-Soulanges (2,05%), elle chute à 1,93% dans l'archipel
d'Hochelaga et à 1,38% sur la rive nord du fleuve où un sommet est
atteint.
Un panorama différent marque la région de Québec: plus pronon-
cée d'abord sur la rive sud du fleuve où elle atteint un taux de croissance
annuel moyen de 4,98 % entre 1815 et 1831, puis de 2,93 % entre 1831
et 1851, la poussée villageoise se poursuit sur la Rive-Nord de Québec
où elle dépasse 3,36% entre 1815 et 1831, puis 2,93% entre 1831 et
1851, pendant qu'elle se stabilise autour de six ou sept noyaux dans l'île
d'Orléans qui ne compte encore aucun village reconnu en 1815, à
l'exception peut-être d'une petite concentration d'habitations et d'équi-
pements à la pointe est de l'île où Bouchette rapporte un important trafic
vers Québec.
Quant à la région de Trois-Rivières, elle connaît une croissance
plus symétrique: d'une dizaine d'établissements en 1815, on passe à 21
en 1831, puis à 28 en 1851, répartis également entre les rives nord et
sud du fleuve, sauf les villages amérindiens, tous situés sur la rive sud.
Au total, c'est donc d'abord sur la Rive-Nord de Montréal et la
Rive-Sud de Québec que la croissance villageoise est la plus élevée,
précédant celle de l'archipel de Montréal. Après 1831 toutefois, elle se
manifeste sur la Rive-Nord et la Rive-Sud de Québec, où les taux
atteignent ceux de la Rive-Sud de Montréal, et dans la péninsule de
Vaudreuil-Soulanges. Les autres secteurs connaissent des taux d'aug-
mentation plus faibles, bien que non négligeables (voir la figure 5).
QUELQUES FACTEURS D'EXPLICATION
Comment expliquer ce foisonnement de villages à un moment où
tout semble encore si loin des changements de la seconde moitié du
siècle? Plusieurs facteurs semblent en cause, les uns plus englobants
que les autres ou, au contraire, plus immédiats. Les principaux sont
d'ordre démographique, économique et social, mais il faut aussi considé-
rer les initiatives individuelles, mixtes ou institutionnelles, les besoins
administratifs et les changements culturels.
35
Figure 5
POUSSÉE VILLAGEOISE DANS LES SEIGNEURIES LAURENTIENNES
(1815, 1831, 1851)
Laboratoire de cartographie, Département de géographie, Université Laval.
Laboratoire de cartographie, Département de géographie, Université Laval.
Laboratoire de cartographie, Département de géographie, Université Laval.
36
La poussée démographique
Du début du XVIIe siècle jusqu'à la fin du XVIIIe, la population de la
vallée du Saint-Laurent progresse à peu près régulièrement, pour attein-
dre quelque 65 000 habitants au lendemain de la Conquête et un peu
plus de 1 12 000 vers 1784, dont environ 87 % sont ruraux, tous répartis
sur le territoire seigneurial. Après cette date, un bond est franchi : en
1815, la population du Bas-Canada se chiffre autour de 335 000 habi-
tants, dont près de 89 % habitent la campagne et environ 283 000, les
seigneuries rurales. En 1831, elle grimpe à plus de 510 000 habitants,
dont encore près de 87 % résident à la campagne et plus de 384 000
dans les seigneuries. En 1851, elle atteindra presque les 900 000 habi-
tants dont 80 % vivent encore à la campagne et un peu plus de 600 000
dans les seigneuries rurales, où la population a crû cependant moins vite
que dans les cantons où la colonisation va bon train (voir les tableaux 6
et 7). Mise en rapport avec la progression du nombre de bourgs, cette
croissance montre tout le changement qu'amorcent les années 1815-
1820 sur le territoire seigneurial.
En effet, jusque dans les années 1780 environ, l'apparition du
village avait suivi de près l'expansion du peuplement, pour répondre
surtout aux besoins de la colonisation. Après 1784 et jusqu'en 1815, une
première rupture se produit: la population augmente plus vite que le
nombre de bourgs dont la progression épouse les mêmes rythmes
qu'auparavant. Tout se passe comme si l'on assistait à une expansion
sans précédent de l'établissement rural qui profite aussi bien de l'abon-
dance des terres neuves que de l'accroissement du commerce du blé
sur le marché impérial. Le village lui-même en est transformé; toutefois,
à l'exception de quelques gros bourgs bien situés dans les circuits du blé
et qui sont dès cette époque d'activés places de commerce (Sorel,
Saint-Thomas de Montmagny, etc.) et de ceux où s'établissent des
marchands intéressés par l'économie du blé, la plupart des noyaux
villageois de cette période conservent leurs fonctions antérieures de
soutien à l'établissement rural et de services pour les campagnes
environnantes; leurs principaux équipements demeurent le moulin banal
et le moulin à scie. Après 1815, en dépit de gains démographiques plus
imposants encore, la courbe d'évolution du village dépasse celle de la
population dont l'établissement dans une ferme est de plus en plus gêné
par le manque relatif de terres, sauf peut-être dans les terroirs neufs de
l'intérieur où la colonisation est plus récente (voir la figure 6). Certes,
l'effet de ciseau est ici exagéré, compte tenu de l'échelle adoptée.
Néanmoins, l'écart entre les deux rythmes de croissance est réel; il
37
Tableau 6
POPULATION DU BAS-CANADA (1765-1851)
Population
de l'aire seigneuriale*
Population
des
Population
totale du
Année
Urbaine**
Rurale
Totale
cantons
Bas-Canada
1765
65 000
1784
13 679
98 741
112 420
112 420
1815 (estimation)
37 000
283100
320100
14 900
335 000
1831
61734
384 386
446120
64 480
510 600
1851
113414
604 307
717 721
172 540
890 261
Tableau 7
TAUX DE CROISSANCE ANNUEL MOYEN (%) (1765-1851)
Population
de l'aire seigneuriali
î*
Population
des
cantons
Population
totale du
Bas-Canada
Période
Urbaine**
Rurale
Totale
1765-1784
1,78
1784-1815
3,26
3,46
3,43
3,58
1815-1831
3,25
1,93
1,08
9,59
2,67
1831-1851
3,09
2,29
1,55
5,04
2,82
1815-1851
3,16
2,13
2,64
7,04
2,75
* Ne comprend que la population des districts de Montréal, de Trois-Rivières et de Québec, sans le district de Gaspé.
** Ne comprend que les populations des villes de Montréal, de Trois-Rivières, de Québec (1784, 1815, 1831, 1851), de Sorel (1831 et 1851)
et de Saint-Hyacinthe (1851).
Sources : Joseph Bouchette, Description topographique de la province du Bas-Canada, 1815; ANC, Recensements du Bas-Canada, 1831 et
1851-1852.
montre que ce n'est plus tant l'ancien horizon agraire qui domine qu'un
nouveau, stimulé par l'émergence et la multiplication des bourgs27.
Pourtant, la terre ne manque pas, du moins pas encore, et
l'agriculture reste une activité importante. Mais comme le marché fon-
cier est actif et la plupart des bonnes terres déjà concédées ou monopo-
lisées par le seigneur ou par la population elle-même qui les réserve aux
enfants, il se produit une pénurie relative de sol qui entraîne une
libération importante de la main-d'œuvre. Celle-ci est d'ailleurs encoura-
gée par toutes les transformations que connaît alors cette agriculture et
27. Pour un aperçu des transformations que connaît alors la campagne, voir Serge
Courville, « Un monde rural en mutation [...] », HS, XX(40), 1987, p. 237-258.
38
Figure 6
COURBES COMPARÉES DE CROISSANCE DE LA POPULATION
ET DU NOMBRE DE BOURGS (1760-1851)
1000000
800000
2 600000
m
ex
o
400000 -
200000 -
400
300
200
100
t « r
1740 1760 1780 1800 1820 1840 1860
année
population totale du Bas-Canada /Québec
population rurale (seigneuries seulement)
nombre de bourgs (seigneuries seulement)
Sources: ANC, Recensements du Canada.
qui l'amènent à une rationalité nouvelle dans l'espace28. Une certaine
proportion de cette population se dirige vers la ville et les États-Unis, une
autre vers les cantons, où la croissance des bourgs s'accélère (en 1831,
par exemple, celui de Sherbrooke, le plus volumineux, ne compte que
350 habitants, contre près de 3 000 en 1851-1852, dont 16% sont
d'origine francophone). Toutefois, la plus grande partie se dirige vers les
28. À ce sujet, voir Serge Courville, « Le marché des subsistances [...] », RHAF, 42(2),
1988, p. 193-239.
39
villages de l'aire seigneuriale où les possibilités d'emploi sont nombreu-
ses29.
L'accélération des échanges
et la montée des industries rurales
Une telle poussée démographique n'est pas sans conséquence
sur l'économie; en effet, à l'augmentation de population correspond une
demande accrue en biens et services, qui encourage aussi bien les
échanges extérieurs et intérieurs que la montée des activités de produc-
tion. On le constate dans la hausse du commerce international et dans la
multiplication des foires régionales. On le voit aussi dans la diffusion,
partout sur le territoire, des industries rurales30; leur progression est
d'autant plus vive qu'elle coïncide dans le temps avec une disponibilité
accrue de la main-d'œuvre, non seulement abondante mais prête écono-
miquement et mentalement à répondre aux stimuli du marché et aux
offres d'emploi que ces industries suscitent.
On ne saurait trop insister sur le rôle qu'ont joué ces facteurs
dans la croissance villageoise31. Favorisés par les besoins nouveaux de la
population et l'importance accrue de la ville dans la vie de relation, ils
apparaissent comme les moteurs principaux de cette croissance, qui
mettent en relief la place qu'occupe désormais la ville dans le paysage
économique et social du Bas-Canada. En 1784, les agglomérations de
Québec, de Trois-Rivières et de Montréal ne réunissent encore qu'un
peu moins de 14 000 habitants et présentent des traits assez sembla-
bles à ceux qu'elles avaient sous le Régime français. Ce sont avant tout
des centres administratifs et commerciaux, dont l'intérêt premier n'est
pas nécessairement tourné vers le village, mais qui, parce qu'elles sont
de véritables pépinières de marchands et d'ouvriers pour l'arrière-pays32,
contribuent à sa croissance. En 1815, les agglomérations qualifiées
29. Ce qui explique l'extrême jeunesse de sa population et la part prise par la main-
d'œuvre (voir le chapitre 3). Le village, à l'époque, n'est pas encore ce lieu de
résidence de rentiers que décrira plus tard le géographe Pierre Deffontaines, « Le
rang, type de peuplement rural du Canada français », CGQ, ancienne série, 5, 1953,
p. 3-30. Toutefois, on y retrouve un certain nombre de « bourgeois » et de chefs de
ménage qui se déclarent « à leur rente » dans les recensements, ainsi que
plusieurs veufs et veuves, ce qui nuance les fonctions des bourgs.
30. C'est le cas notamment dans la plaine de Montréal où ces industries sont particuliè-
rement nombreuses. Voir Serge Courville, « Le marché des subsistances [...] »,
RHAF, 42(2), 1988, p. 202 et suiv.
31. Et dans la montée du capitalisme au Bas-Canada. À ce sujet, voir Stanley-Bréhaut
Ryerson, Capitalisme et confédération.
32. Louise Dechêne, « Quelques aspects de la ville de Québec au XVIIIe siècle d'après
les dénombrements paroissiaux », CGQ, 28(75), 1984, p. 485-505.
40
d'urbaines par Bouchette regroupent déjà quelque 37 000 habitants et
s'affirment de plus en plus comme villes marchandes. En 1831, celles
qui sont mentionnées comme cités et villes dans le recensement en
accueillent plus de 60 000, contre environ 113 000 en 1851-1852, soit
une variation annuelle moyenne de 3,09 % en 20 ans, ce qui est de loin
supérieur aux rythmes de progression démographique enregistrés à la
campagne (2,29 %) quand on ne tient compte que de la population
présente au moment des dénombrements. Une telle croissance marque
un tournant dans l'histoire de l'économie urbaine et de son organisation
d'ensemble33. Si on reste encore loin de la taille et surtout du rôle que
jouent certaines villes européennes ou américaines dans la structuration
de l'espace rural, il n'en demeure pas moins que des changements se
produisent, qui favorisent l'émergence de nouvelles fonctions et de
structures économiques susceptibles d'étendre bientôt l'influence de la
ville à des pans importants du territoire.
Dès les premières décennies du XIXe siècle, un premier système
bancaire apparaît autour de la Banque de Montréal, puis de la Banque de
Québec et de la Banque du Canada. Plus tard, dans les années 1830, s'y
ajoutent la City Bank of Montréal et la Banque du Peuple, et diverses
banques d'épargne qui fleurissent dans tous les centres importants34.
Parce qu'elle concentre la plupart des établissements financiers qui
apparaissent alors au Bas-Canada, qu'elle favorise l'extension du crédit,
et qu'elle est au cœur de la révolution que connaissent l'industrie et les
transports (dragage du fleuve, installations portuaires, aménagement de
canaux dont celui de Lachine, etc.)35, la ville occupe une place de plus en
plus importante qui annonce déjà le rôle qu'elle sera plus tard amenée à
jouer dans l'économie des campagnes. Ce rôle est encore mal connu,
33. À titre de comparaison, rappelons que la plus grande ville du Haut-Canada en 1830
est celle de Kingston, avec environ 4 000 habitants. Toronto n'en réunit guère plus
et Hamilton en compte 1 400. La montée du fait urbain dans le Haut-Canada est
donc postérieure aux années 1830. De fait, elle ne prendra sa véritable ampleur que
durant la seconde moitié du XIXe siècle, favorisée par des facteurs à la fois
géographiques, économiques et sociaux. Mais en 1850, la population de Toronto
n'est encore que de 30 800 habitants, celle de Hamilton, de 14 000 et celle de
Kingston, de 11 600. À ce sujet, voir: Louis Trotier, « La genèse du réseau urbain
du Québec », RS. IX(1-2), 1968, p. 23-32; John McCallum, Unequal Beginnings [...].
34. Voir: Fernand Ouellet, Histoire économique et sociale du Québec, 1760-1850,
vol. 2, p. 305-309; Ronald Rudin, Banking en français: the French Banks of
Québec, 1835-1925.
35. Voir, entre autres: Raoul Blanchard, L'Ouest du Canada français, tome 1, Montréal
et sa région, p. 153 et suiv. ; Gerald J. J. Tulchinsky, The Hiver Barons, Montréal
Businessmen and the Growth of Industry and Transportation, 1837-1853; John
Willis, The Process of Hydraulic Industrialization on the Lachine Canal, 1840-1880:
Origins, Bise and Fall.
41
mais on en a un exemple avec les entreprises de certains marchands, tel
John Molson qui, en se lançant dans la navigation à vapeur, contribue
aux aménagements riverains profitables aux villages. Certains hommes
d'affaires se servent également de leurs activités urbaines pour accéder
à la propriété seigneuriale et y implanter des entreprises autour desquel-
les se développeront des hameaux. C'est le cas, entre autres, de
l'avocat montréalais François-Pierre Bruneau, qui s'associe en 1829 à
Henri Desrivières, déjà titulaire par sa mère des deux sixièmes du fief,
pour acheter la seigneurie de Montarville où il compte construire et
exploiter des moulins36. L'endroit est avantageux et les conditions de
vente favorables. L'affaire est promptement conclue et, dès le début des
années 1830, un premier moulin est construit, avec des capitaux fournis
par Bruneau qui est également actif dans le marché immobilier de
Montréal. L'affaire est rentable pourvu qu'on s'en occupe et Bruneau
perçoit vite les bénéfices possibles d'une seigneurie (construction et
exploitation de moulins, achat et revente de lots, émission de nouveaux
titres, réclamation d'arrérages, etc.). Tout devient source potentielle de
profits, notamment cette fabrique de « sleighs de travers » que La
Minerve du 9 décembre 1847 présente comme les « sleighs Bruneau »,
du nom de celui qui sera bientôt considéré comme le père de ce genre
de véhicule dans la province. Mais il contribuera aussi à la naissance du
village qui perpétue aujourd'hui son nom (Saint-Bruno). Établi dans le
voisinage du moulin, celui-ci compte à son décès (1851) un peu plus de
300 habitants, ce qui témoigne du rapport parfois très étroit qui existe
entre le capital urbain et la croissance villageoise, et entre la localisation
des industries rurales et celle des bourgs.
Ces rapports sont d'autant plus marqués qu'ils s'inscrivent dans la
logique même des localisations industrielles qui recherchent non seule-
ment les matières premières et le marché, mais aussi l'énergie; l'amé-
nagement du canal de Lachine en témoigne. Toutefois, mis à part le
potentiel qu'offre cet ouvrage, c'est vers la campagne surtout qu'il
faudra se tourner pour s'en assurer. Comme, à l'époque, la technologie
fait surtout appel à l'hydraulique (la vapeur n'apparaît à toutes fins utiles
qu'en fin de période), on recherche les cours d'eau au débit faible mais
stable où l'on pourra établir des moulins destinés à actionner les machi-
nes les plus diverses (meules, scies, martinets, battants, soufflets, etc.)
pour moudre le grain, débiter le bois, piler le chanvre ou battre le fer.
36. Voir Serge Courville, « Bruneau, François-Pierre», DBC, vol. VIII, p. 120-122.
42
Beaucoup sont établis dans le voisinage de villages apparus plus tôt au
XVIIIe siècle; mais comme cette fois le mouvement est plus ample, on
se dirige aussi vers de nouveaux secteurs où l'implantation de ces
moulins préparera en quelque sorte l'établissement futur d'un village37.
Ajoutons à cela l'extension marquée du réseau routier qu'entraînent ces
implantations et toutes les conditions sont réunies pour qu'on assiste à
une croissance sans précédent du nombre de hameaux et de bourgs
dans les seigneuries. Cela est vrai jusque dans les années 1840 car, par
la suite, et en dépit de gains encore imposants, la croissance villageoise
semble se stabiliser ou du moins changer de rythme. Quant à l'industrie,
elle se redistribue dans l'espace et se concentre dans les villes et
certains gros bourgs.
Les initiatives seigneuriales
D'autres facteurs interviennent également dans la croissance
villageoise: parmi ceux-ci, les initiatives seigneuriales qui profitent de
toutes les occasions de bénéfices qu'entraîne l'expansion des échanges,
de l'industrie et des transports. Elles ne sont pas toujours à l'origine du
village, mais comme le seigneur détient un pouvoir sur l'espace et qu'il
dispose de revenus non négligeables issus du produit de sa seigneurie,
elles figurent souvent en bonne place dans son processus de croissance.
Cependant, à la différence du marchand, de l'homme d'affaires, de
l'entrepreneur, voire de l'habitant lui-même avec qui le seigneur entre-
tient des liens très divers mais dont les interventions dans l'espace et
dans le temps sont plus ponctuelles, liées aux possibilités du moment,
les initiatives seigneuriales s'inscrivent plutôt dans le temps long et
concernent surtout les infrastructures du village, encore qu'il existe des
cas d'interventions plus directes.
Il est d'ailleurs significatif de constater que les bourgs les plus
populeux de la période restent ceux qui ont pu bénéficier d'une interven-
tion active des seigneurs. On en a un exemple dans la seigneurie de
Beauharnois, où André Larose a distingué trois types de villages selon
qu'ils étaient nés de l'entreprise seigneuriale, d'initiatives mixtes ou
d'interventions individuelles plus spontanées, par exemple celles d'habi-
tants qui lotissent leur terre après en avoir cédé une partie à la fabrique
37. Entre autres, dans le voisinage de Lachute, sur le cours inférieur de la rivière du
Nord, les cartes d'époque rapportent la présence de plusieurs moulins bien avant
que n'y apparaisse un village. En 1851, ce dernier compte 340 habitants.
43
ou y avoir érigé un moulin38. Le plus important de ces villages reste
Beauharnois, construit dans le domaine principal du seigneur, qui ac-
cueille 393 habitants en 1831 et 874 en 1851. Le second est Sainte-
Martine, né de l'initiative privée, mais où le seigneur a joué un rôle
important par la suite comme promoteur immobilier: on y compte 92
habitants en 1831 et 565 en 1851. Le troisième est Saint-Timothée, né
comme Sainte-Martine d'entreprises mixtes, qui compte 387 habitants
en 1851. Enfin, le quatrième est Durham (Ormstown), construit sur des
lots réservés par le seigneur, qui compte quelque 430 habitants en 1850.
En fait, les seuls gros villages nés de l'initiative privée ne regroupent
encore qu'environ 300 ou 350 habitants en 1851 ; ce sont Saint-Jean-
Chrysostome et Melocheville. Tous les autres n'en accueillent que
moins de 100 ou 200 à la fin de la période. Tel est également le cas de la
seigneurie de Saint-Hyacinthe39 où le bourg du même nom domine le
réseau local de villages avec plus de 1 000 habitants en 1831 et plus de
2 800 en 1851, contre moins de 300 pour les autres en 1831 et de 900
en 1851. Enfin, la même situation peut être observée dans d'autres
seigneuries où les chefs-lieux d'origine seigneuriale connaissent une
croissance accélérée: les villages de Saint-Eustache, de Saint-André-
d'Argenteuil, de Terrebonne, de L'Assomption, de Berthier, de Sorel, de
Nicolet, de Neuville, sont de ceux-là. Apparus plus tôt au XVIIIe siècle, ils
dominent eux aussi le réseau local de bourgs. Et que dire des villages de
L'Industrie (Joliette40), de Saint-Jérôme, de Saint-Charles (Debartzch41),
de Saint-Bruno et de Saint-Antoine-de-la-Rivière-du-Loup (Louiseville),
apparus au XIXe siècle, dont l'origine est également liée aux initiatives
seigneuriales!
Bref, il semble y avoir une relation très étroite entre le rôle qu'ont
pu jouer les seigneurs dans la croissance de certains bourgs et la place
de ces derniers dans la hiérarchie villageoise. Cette relation existe sans
doute, comme en témoignent leurs prétentions à l'utilisation exclusive
38. André Larose, « La seigneurie de Beauharnois [...] », en particulier le chapitre VIII.
Dans sa thèse, l'auteur ne donne que le nombre d'emplacements par village. Les
données de population indiquées ici proviennent de nos travaux dans les recense-
ments de 1831 et de 1851-1852, versions nominatives et agrégées.
39. Christian Dessureault, « Les fondements de la hiérarchie sociale [...] ».
40. Le village de L'Industrie est probablement le cas le plus évident de bourg né de
l'initiative seigneuriale. À ce sujet, voir l'étude de Jean-Claude Robert, « L'activité
économique de Barthélémy Joliette [...] ».
41. Sur l'origine et la vie de ce village, voir Pierre Meunier, L'insurrection de 1837 à
Saint-Charles et le seigneur Debartzch.
44
des cours d'eau42. Mais à travers leurs initiatives, c'est en fait toute la
montée du capitalisme qui s'exprime et à laquelle il faut attribuer
véritablement la croissance villageoise. En effet, même si les titulaires
de fiefs prennent parfois une part active dans le développement des
bourgs, du moins jusqu'au début des années 1840, ils n'en sont pas
pour autant les seuls -responsables; bien d'autres agents interviennent,
sensibles également aux promesses de l'économie de marché. Toute-
fois, les seigneurs tiendront un rôle qu'on ne peut banaliser, d'autant
que leur intervention est parfois non seulement initiale mais aussi
dominante43. Il ne faudrait pas non plus en faire un absolu car, outre les
seigneurs-entrepreneurs, il y a également ceux qui se contentent d'ap-
puyer le mouvement. De plus, on a constaté des échecs flagrants ou
des demi-réussites, notamment au village de Baby dans la seigneurie de
Saint-Pierre-les-Becquets, et à Brownville et à Howick dans la seigneurie
de Beauharnois qui, outre qu'ils éprouvent des difficultés de démarrage
même quand ils profitent de la présence d'un noyau formé à leur
périphérie44, connaissent des difficultés de croissance45. Tel est le cas
également du village de Caldwell (Ville d'Aubigny) dans la seigneurie de
Lauzon, qui ne comprend encore, à l'époque de Bouchette, qu'une
quarantaine d'habitations, parce que le seigneur exige des redevances
trop élevées46. À côté d'eux, on retrouve aussi des villages nés de
42. À ce sujet, voir la compilation des questions et plaidoiries présentées devant la
Cour spéciale à la suite de l'abolition du régime seigneurial en 1854 et ouverte à
Québec le 4 septembre 1855. Cette compilation fait état notamment de ces
prétentions et du droit qui s'y applique. Elle est parue dans un petit ouvrage intitulé
De l'abolition du régime féodal en Canada.
43. À Saint-Jérôme, entre autres, les seigneurs définissent le plan du village et
prévoient même la place de l'église, du presbytère et du cimetière et une rue
complantée d'arbres. C'est ce qui se produit aussi à Montebello où le seigneur
insiste pour l'aménagement d'une place publique (voir le chapitre 2).
44. Le village de Baby est né dans le domaine de Lapérade, à proximité du manoir et de
l'église. Au moment de la confection du plan du domaine par Pierre-Louis Morin le
14 décembre 1844, il apparaît comme un quartier du village déjà constitué de Saint-
Pierre-les-Becquets. Ce plan montre bien un lotissement régulier composé d'empla-
cements et de rues, mais seuls trois d'entre eux ont été concédés en 1850; on en
comptera une douzaine en 1853. Voir Jacques Crochetière, « La dynamique compa-
rée de deux villages québécois [...] ».
45. Le village de Brownville est apparu au début des années 1830 dans le domaine du
Ruisseau Norton dans Williamstown. À la fin du régime seigneurial, seuls trois
emplacements ont été concédés sur la vingtaine qui avaient été prévus et ce, en
dépit de la proximité de moulins qui auraient dû, selon le régisseur de la seigneurie,
en favoriser la croissance. Mal situé, il subira la concurrence de Saint-Jean-
Chrysostome placé à moins de dix kilomètres. Celui de Howick est apparu à la fin
des années 1830 sur des lots réservés à cette fin par le seigneur. Après un départ
prometteur, et en dépit d'une position géographique favorable et de la présence de
moulins, il n'est encore qu'un hameau quelque 20 ans plus tard. Voir André Larose,
op. cit.. chap. VIII.
46. À ce sujet, voir Andrée Héroux, « Caldwell, sir John », DBC, vol. VII, p. 145-149.
45
l'initiative seigneuriale où les concessions se succèdent à un rythme
régulier et qui deviendront avec le temps des chefs-lieux réputés. C'est
le cas, entre autres, du village de Neuville apparu plus tôt au XVIIIe siècle
dans le domaine personnel du seigneur, mais dont la croissance vérita-
ble est postérieure à 1800, appuyée par un plan réalisé en 1802 à la
demande du seigneur Charles-Joseph Descheneaux qui concède alors à
lui seul près de 90 % de la superficie totale prévue pour le bourg47. C'est
également la situation du village de Saint-Antoine-de-la-Rivière-du-Loup
dont le premier vrai lotissement s'amorce avec l'arrivée des Hart,
marchands de Trois-Rivières et de Montréal et titulaires du fief de
Niverville48.
Les autres facteurs
À cela s'ajoutent enfin divers autres facteurs nés du rôle accru de
l'Église catholique dans la vie des campagnes et de tous les besoins
administratifs nouveaux qu'entraînent l'expansion démographique et la
multiplication des échanges. En 1815, on ne compte encore qu'un
diocèse (celui de Québec) qui ait juridiction sur tout le territoire, et
l'organisation religieuse se limite à quelques paroisses au statut incer-
tain. Au cours de la décennie suivante, des districts épiscopaux sont
formés, et pendant que l'on s'emploie à faire reconnaître civilement les
paroisses créées sur le plan religieux, on érige deux nouveaux diocèses,
ceux de Trois-Rivières et de Montréal (1836), auxquels viendront bientôt
s'ajouter ceux de Bytown (1847) et de Saint-Hyacinthe (1852). La recon-
naissance civile des paroisses est alors acquise depuis 1831 (elle sera
confirmée en 1839), et leur territoire a déjà servi de cadre à l'implan-
tation des premières municipalités locales (1845).
Parce qu'elle est omniprésente, l'Église est intimement liée à
l'histoire du village: nul village sans église ou du moins sans chapelle ou
presbytère pour servir de lieu de culte temporaire, nul village sans
cimetière ni école. Ces équipements sont la marque essentielle du
village, celle par laquelle le bourg sera définitivement établi. Aussi
multiplie-t-on les efforts pour les obtenir: requêtes à l'évêque, cessions
de terrains, mises de fonds, garanties diverses offertes pour la venue
d'un curé résident, etc. Aussitôt que ces avantages ont été consentis,
l'Église intervient et surveille de près les travaux des syndics et les
47. Voir Johanne Salois, « Étude de la structuration d'un village [...] ».
48. Sur les principaux membres de la famille Hart, voir: Denis Vaugeois, « Hart, Aaron
Ezekiel » et « Hart, Moses », ainsi que Carman Miller, « Hart, Benjamin », DBC,
vol. VIII, p. 403 et suiv. ; Jocelyn Morneau, « Agriculture et industries rurales [...] ».
46
interventions toujours possibles de l'État en matière d'instruction primaire.
Enfin, comme elle est responsable de l'enregistrement civil, elle confère
au bourg un statut que n'ont pas les hameaux sans église, sans parler du
rôle qu'elle joue dans les lieux de pèlerinage ou de rassemblements
religieux.
Quant aux besoins administratifs que l'État doit satisfaire, ils sont
nombreux et concernent aussi bien la défense que la justice ou les
postes. Les services mis en place ne sont pas réellement à l'origine du
village, bien qu'ils puissent y être mêlés mais, parce qu'ils ont tendance
à favoriser les chefs-lieux, ils en stimulent la croissance.
Enfin, les changements culturels eux-mêmes se conjuguent aux
facteurs strictement économiques pour faire du village un lieu de rési-
dence recherché qui préparera plus tard la montée vers la ville. On en
trouve l'écho dans les journaux locaux ainsi que dans diverses organisa-
tions qui montrent tout l'attrait qu'exercent les valeurs urbaines sur la vie
des campagnes (mouvements associatifs divers, bonnes œuvres, etc.).
Les populations les plus touchées restent sans doute celles qui habitent
des terroirs situés non loin d'un gros bourg et qui entretiennent des
rapports plus suivis avec la ville, mais on en retrouve la trace même dans
les paroisses plus humbles, grâce à l'apparition d'institutions nouvelles
(municipales, scolaires, etc.) qui encouragent les échanges avec l'exté-
rieur. Aussi le terrain devient-il vite favorable à la croissance des bourgs,
d'autant plus que ceux-ci offrent des moyens nouveaux afin de mieux
répondre aux aspirations d'aise du ménage. Mais n'anticipons rien;
malgré une pénétration croissante de l'économie et des valeurs urbaines
à la campagne, cette dernière présente encore des traits bien différents
de ceux de la ville. Toutefois, les îlots de modernité sont de plus en plus
nombreux et influents, surtout quand ils sont dominés par des bourgs où
s'affirme une bourgeoisie montante dont les valeurs sont tout entières
imprégnées des idéologies nouvelles en provenance de la ville.
En faisant du village un relais sur le territoire de l'économie et des
valeurs urbaines, tous ces facteurs en définissent le rôle dans la socio-
économie locale. Surtout, ils en expliquent l'emprise croissante dans
l'espace. Eux aussi doivent être pris en considération dans la montée du
phénomène villageois, car ce n'est plus une simple progression qu'ils
expriment, mais un véritable éclatement qui prend à la fois toutes les
directions.
47
Châtedu-Richer, de James Pattison Cockburn, aquarelle, 18 septembre 1829. ANC, C-40026.
SflHË
Saint-Hyacinthe, de Robert-Shore-Milnes Bouchette, dessin. Tiré de Joseph Bouchette, The British
Dominions in North America [...], 1832, vol. 2. ANC, C-
UN CADRE PHYSIQUE VARIÉ
Avec plus de 300 bourgs en 1850 par rapport à une cinquantaine
en 1815, la campagne québécoise prend un nouveau visage. Aux struc-
tures traditionnelles d'habitat, caractérisées par un égrènement des
habitations le long des routes, s'ajoute un nouvel élément dont l'emprise
dans l'espace est beaucoup plus importante qu'auparavant et qui en-
traîne un fractionnement accéléré du terroir.
Ce nouvel élément, c'est le village. Parce qu'il occupe une posi-
tion définie dans l'espace, il différencie localement le paysage en une
infinité de profils qui varient selon la taille du bourg et les caractéristi-
ques physiques du lieu où celui-ci s'élève. Au XIXe siècle, beaucoup de
villages se présentent encore en lisière sur le territoire, mais on en
trouve aussi qui prennent d'autres formes. Certains sont en T ou en
croix, selon qu'ils sont nés à l'embouchure de rivières ou à la croisée de
chemins; d'autres, en étoile autour d'une place centrale en carré ou en
rectangle; d'autres encore, en cercle ou en tas plus ou moins bien
circonscrits. Toutes ces formes ont une existence et des caractéristi-
ques propres, mais il arrive que l'une soit antérieure à l'autre, ce qui
marque autant d'étapes dans la croissance du village.
LA FORME DES BOURGS
La forme de bourg la plus simple et la plus répandue reste le
village-rue ou village en long qui épouse les sinuosités de la côte où il est
né et avec laquelle il se confond souvent. Il apparaît dans le paysage
2
49
comme une longue ligne d'habitat à peine plus densément construite
que le terroir environnant, mais où l'on retrouve une plus grande concen-
tration de services répartis dans le voisinage de l'église. Sa caractéristi-
que principale est d'être constitué de grandes terres dont seul le front
est subdivisé en parcelles. C'est la forme initiale de plusieurs bourgs
apparus de part et d'autre d'un chemin, d'un pont ou d'un carrefour,
avant qu'ils ne se transforment en établissements plus importants.
On rencontre ce genre de village partout sur le territoire, autant
dans les vieux terroirs densément occupés que dans ceux qui, plus
récents, ont une population plus faible. Nombreux dans la région de
Québec où ils sont parfois très anciens, on les retrouve également dans
les régions de Trois-Rivières et de Montréal, où ils évoluent cependant
plus rapidement vers d'autres formes plus ramassées. La carte ancienne
en témoigne (voir la figure 7), tout comme les recensements qui
indiquent en général plus de grands lots (dix arpents et plus) dans les
villages des régions de Québec et de Trois-Rivières que dans ceux de la
région de Montréal, en dépit d'un nombre d'emplacements parfois
comparable mais qui sont inégalement enregistrés dans les listes1 (voir
le tableau 8). Cette évolution n'est toutefois jamais acquise, et il faudra
parfois un certain temps avant qu'un village en long ne devienne plus
compact, d'abord parce que la concurrence est vive entre les bourgs,
ensuite parce que la disponibilité de terres dans les villages en lisière
n'est souvent qu'apparente: leur profondeur est généralement réservée
aux champs, surtout dans les riches terroirs agricoles. Ce type de village
grandira alors à partir de son centre, d'abord autour de l'église ou à la
croisée des chemins, puis peu à peu vers la périphérie, à moins qu'un
événement imprévu (la construction d'un moulin ou d'une fabrique par
exemple) ne vienne contrarier ce mouvement. Mais il arrive aussi que
ces constructions nuisent à la croissance du village, en favorisant l'appa-
rition, à proximité, d'un noyau secondaire qui pourra même devenir avec
le temps plus important que le noyau initial2, comme il arrive que le
village tout entier se transporte, sous l'effet de divers facteurs qui vont
1. Contrairement aux grandes terres dont la superficie fait à peu près toujours l'objet
d'un relevé dans les listes nominatives de recensement, celle des emplacements
n'est pas toujours indiquée, surtout quand il s'agit de terrains d'une superficie
inférieure à un arpent. C'est aux papiers terriers ou aux cadastres abrégés de
seigneuries qu'il faut alors avoir recours pour la connaître, et savoir si l'emplace-
ment en cause est bel et bien dans le village.
2. Ce fut le cas, entre autres, à Saint-Pascal de Kamouraska, où le noyau-moulin a
grandi plus vite que le village, de même que dans la seigneurie de Lavaltrie où le
village de Saint-Paul a été très rapidement supplanté par le village de L'Industrie.
50
Figure 7
FORME DES BOURGS (1831)
Région de Québec, secteur de Kamourask
a
^ ^ iilIBrtli^
>* ^
f Jm
'tzsaâSsa
L_-tiâ
, ,1
Région de Trois-Rivières, rive nord du lac Saint-Pierre
Source: Joseph Bouchette, extraits de la carte topographique de 1831.
51
Tableau 8
LOTS ET EMPLACEMENTS (1831, 1851)
Superficie en arpents
Moins de 1
1,1
à 10
10 à
100
100 et
plus
Non déclarée
District
NNO
%
NNO
%
NNO
%
NNO
%
NNO
%
Montréal
1831
81
29,20
79
6,96
91
11,84
91
6,78
101
45,23
1851
95
38,31
100
10,87
100
19,91
100
9,24
95
21,67
Trois-Rivières
1831
15
9,14
14
4,29
20
15,51
13
7,34
21
63,71
1851
22
36,53
22
12,46
22
26,79
22
21,35
22
2,87
Québec
1831
76
24,47
70
7,54
72
14,79
73
11,16
78
42,04
1851
95
39,00
95
12,14
95
26,11
95
17,42
95
5,32
Total
1831
172
26,06
163
6,89
183
13,01
177
8,10
200
45,93
1851
212
38,39
217
11,44
217
22,63
227
13,10
212
14,43
NNO : Nombre de noyaux observés.
Sources: ANC, Recensements du Bas-Canada, 1831 et 1851-1852.
des inondations au déplacement de l'église3. Toutefois, si l'on considère
l'importance que prennent les industries rurales à l'époque, c'est à des
facteurs d'ordre économique surtout qu'il faut attribuer la plupart de ces
mouvements; les autres ne viennent qu'en second lieu4.
La forme la plus achevée de bourg reste pourtant le village en tas
qui se présente sous des formes très diverses dans l'espace. Plus
massif que le village en lisière, il comprend généralement une Grande
Place que prolonge une Grande Rue sur laquelle débouche un réseau de
rues secondaires très souvent disposées en damier. C'est l'aspect que
prennent habituellement les gros bourgs, surtout quand ils ont fait l'objet
d'une planification initiale. Mais on en trouve aussi de plus composites,
où seuls le cœur du village ou ses quartiers adjacents sont de forme
régulière, ou dont l'ensemble du tissu construit s'est constitué au gré
52
Par exemple, le village de Maskinongé a vu son lieu initial déplacé en raison des
crues printanières. De même, le village de Sainte-Claire s'est établi autour de
l'église et non sur l'emplacement arrêté par le seigneur.
A Saint-Joseph-de-Maskinongé, les inondations n'ont pas été seules en cause : il
faut aussi considérer l'apparition de moulins plus au sud. En 1831. le noyau principal
compte quelque 400 habitants contre moins d'une cinquantaine dans le noyau-
moulin. Vingt ans plus tard, les deux noyaux comportent environ le même nombre
d'habitants, soit de 250 à 300, mais le plus populeux est le noyau-moulin. Voir ANC,
Recensements du Bas-Canada, 1831 et 1851-1852.
d'établissements individuels effectués sans plan de lotissement, sur des
terres agricoles à l'origine, mais où la densité d'emplacements a fini par
constituer un hameau transformé progressivement en village ou intégré
peu à peu au bourg voisin. Leur visage est alors plus torturé, régulier par
endroits, anarchique ailleurs. Toutefois, comme la plupart de ces établis-
sements s'élèvent sur une matrice cadastrale elle-même géométrique à
l'origine, il est rare de trouver des villages à l'aspect complètement
désordonné. C'est plutôt dans l'orientation générale des habitations que
cette évolution se fait sentir: les unes se tournent vers l'ancien chemin
de côte, les autres vers les rues nouvelles qu'accueille le bourg.
LA STRUCTURE INTERNE DES BOURGS
Quelle que soit sa forme, et pourvu qu'il ait dépassé un certain
seuil de croissance, le village au Québec présente presque toujours la
même morphologie de base: en position relativement centrale, on
retrouve d'abord l'aire sacrée qui occupe souvent tout le front du village
puis, tout autour, l'aire profane qui se dispose par quartiers plus ou
moins contigus dans l'espace (voir la figure 8). Parfois l'aire sacrée est
multiple, constituée de plusieurs sous-ensembles groupés autour d'édifi-
ces de confessions différentes. Mais il ne s'agit en général que de
taches discrètes; l'aire centrale est celle où l'on retrouve le lieu de culte
principal du village, par exemple l'église catholique dans les villages
amérindiens et francophones, ou la chapelle protestante dans les villa-
ges anglophones. Dans ce dernier cas toutefois, il arrive que l'aire sacrée
reste éclatée, au profit d'une aire centrale occupée plutôt par une public
house ou un community hall.
L'aire sacrée
S'il n'est pas un simple nodule autour d'un moulin ou d'une
fabrique, tout hameau comporte au moins une chapelle que remplace
une église dans les villages mieux constitués. C'est l'élément central de
l'aire sacrée : construite sur un site en vue, une pointe de terre ou une
terrasse par exemple, la façade dégagée par un large espace, elle
domine le paysage environnant, imposante à la fois par son volume et sa
hauteur. Ensuite, face à l'église ou à angle droit avec elle, il y a le
presbytère dont la taille est moins massive, mais dont les matériaux et
l'architecture rappellent l'église; c'est le deuxième élément de l'aire
sacrée, qui sert souvent de lieu de culte quand l'église n'est pas encore
construite ou achevée. Entre l'église et le presbytère, on retrouve parfois
un oratoire consacré au saint sous le patronage duquel la paroisse est
53
Figure 8
VILLAGE DE SAINT-EUSTACHE (1837)
Source: ANC. NMC-6260
54
placée et où l'assemblée des fidèles vient se recueillir lors de certaines
fêtes religieuses. Enfin, derrière l'église ou dans son voisinage immédiat,
s'étend le cimetière, avec sa clôture de pierre ou sa palissade de bois,
son charnier, ses monuments, ses pierres tombales, ses humbles croix,
dont les épitaphes rappellent l'histoire du village et de ses habitants.
Toujours bien en- vue, l'aire sacrée forme le cœur du village auquel
elle s'intègre par divers éléments de transition, en premier lieu par les
établissements d'enseignement, la « maison d'écolle » d'abord, que l'on
veut la plus centrale possible, mais surtout le couvent qui, contrairement
à l'académie ou au collège, s'élève presque toujours à proximité de
l'église. De taille plus ou moins imposante selon qu'il s'agit d'une simple
école primaire ou d'un bâtiment plus prestigieux, ces édifices prolongent
le tissu construit de l'aire sacrée qu'ils contribuent à délimiter. Mais il
arrive aussi que l'on retrouve à proximité le manoir du seigneur quand
celui-ci réside au village. Cependant, nombreux sont les titulaires de fiefs
qui préfèrent un endroit moins bruyant et plus discret (ailleurs dans le
village ou à l'extérieur du bourg) mais, dans les plus anciens ou les très
gros bourgs, il n'est pas rare de les y retrouver, ce qui accentue le
caractère respectable des lieux. Quant à l'espace sur lequel s'ouvrent
tous ces édifices, il forme la Grande Place ou place publique, dont tout
village cherche tôt ou tard à se doter; c'est le cœur du village, le point
central autour duquel gravite la vie collective.
L'aire profane
Même quand elle est de taille respectable, la Grande Place
n'occupe qu'une partie de l'espace villageois, le reste constitue l'aire
profane. En général, cette aire est composée de quartiers d'autant plus
circonscrits dans l'espace que le village remplit parfois des fonctions qui
ressemblent à celles des petites villes5. Le plus animé, le plus diversifié
aussi, est celui de la Grande Rue qui borde ou prolonge la Grande Place;
résidences, boutiques, ateliers, petits commerces s'y côtoient, au milieu
d'auberges, de magasins et d'emplacements libres qui servent d'enclos
pour les bêtes ou qui sont laissés en friche. C'est l'élément central de
l'aire profane, l'artère de vie du village, l'axe le long duquel se répartis-
sent les principaux équipements économiques du bourg et, comme la
Grande Place, c'est un lieu de sociabilité intense, où se nouent les
échanges.
5. Voir le chapitre 4.
55
Dans le village en long, la Grande Rue présente presque toujours
le même aspect, avec des résidences aisées ou plus humbles, de petits
commerces de détail, des échoppes d'artisans, une forge, un moulin qui
en marquent les limites extrêmes quand ce genre d'équipement n'est
pas placé plus loin dans la côte. Dans le village en tas, ses traits sont à
peine différents mais s'adaptent à la forme du bourg. Dans les villages
en étoile, par exemple, la Grande Rue se limite à la portion de route qui
longe le devant de l'église; elle est alors occupée par les résidences des
notables, pendant que les commerces se déplacent vers les rues latéra-
les. Dans les villages en T ou en croix, elle hésite souvent entre divers
tracés, confirme tantôt l'un, tantôt l'autre, quand elle ne partage pas plus
franchement ses fonctions entre les deux. Enfin, dans les villages de
forme rectangulaire ou octogonale, elle s'étire généralement, comme
dans les villages en long, de part et d'autre de l'aire sacrée. Moins
densément construite à proximité de l'église où s'élèvent les résidences
des notables, elle adopte un aspect plus serré au fur et à mesure qu'on
s'en éloigne, dans un mélange de boutiques, d'ateliers et de commerces
au sein desquels s'insèrent l'auberge, le bureau de poste, le relais de
diligence, des résidences plus humbles, à un ou deux étages dont
l'appendice ou le rez-de-chaussée sert souvent d'échoppe ou de bouti-
que. C'est la partie de la Grande Rue la plus animée, celle où travaille la
majeure partie de la population villageoise. Au-delà, cette densité se
relâche et les résidences deviennent moins nombreuses et surtout plus
distantes; encore quelques boutiques, quelques ateliers, une auberge,
puis c'est la côte, toujours proche, intimement liée à l'histoire du village.
D'étendue variable, l'aire profane peut comporter d'autres quar-
tiers d'importance spatiale variée et dont les fonctions sont aussi très
diverses. Les uns, répartis derrière la Grande Rue, sont surtout résiden-
tiels, bien que l'on y retrouve également quantité d'ateliers et de
commerces dont la logique de distribution est parfois étonnante6: c'est
là que résident la plupart des artisans du village, entourés de petits
boutiquiers, de journaliers, d'ouvriers du bâtiment, de navigateurs, bref
de tous ceux qui, attirés par l'économie ou la vie villageoise, sont venus
s'y établir sans beaucoup de moyens ou qui n'ont pu trouver mieux
A Neuville, par exemple, les commerces occupent deux secteurs bien distincts, l'un
dans l'axe central du village, de l'église au fleuve, et l'autre, moins important, à
l'ouest. Quant aux artisans et autres hommes de métier, ils en occupent les
franges: les maîtres-menuisiers par exemple sont tous à l'est du village, à l'excep-
tion d'un seul établi plus à l'ouest; les journaliers sont à peu près tous en
périphérie, au sud, près du fleuve, ou alors non loin des boutiques d'artisans; et les
cordonniers et les tanneurs, tous à l'est, sauf un. Voir Johanne Salois, « Étude de la
structuration d'un village [...] », p. 42 et suiv.
56
ailleurs. Les autres quartiers prolongent la Grande Rue et ont pour
vocation d'accueillir notamment les entreprises bruyantes ou qui présen-
tent davantage de risques d'incendie : surtout des forges, mais aussi des
brasseries, des distilleries, des fonderies, des entrepôts de toutes sor-
tes, avec leurs hangars, leurs ateliers et leurs baraques. C'est également
en périphérie qu'ont lieu les foires et les encans, quand n'existe aucune
place de marché ou lorsque les rassemblements prévus sont trop
imposants. Tous ces quartiers confèrent aux bourgs leur originalité, qui
varie selon la taille des établissements et la qualité de leur tissu
construit, toujours très différente d'une agglomération à l'autre.
LA TAILLE DES BOURGS
Si le bourg différencie tant l'espace, c'est qu'il exerce sur lui une
emprise qu'on peut mesurer à partir de diverses variables qui vont du
nombre de maisons recensées dans l'agglomération à la superficie et au
nombre d'emplacements ou de terres qu'elle comprend. De toutes ces
variables, seule la première paraît suffisamment sûre pour apprécier la
taille des bourgs, du moins dans la perspective où nous nous plaçons,
car les autres s'avèrent incomplètes ou incertaines, ou renvoient à une
réalité qui n'est pas celle que nous recherchons ici7. Comme beaucoup
d'autres cependant, elle pose des difficultés d'utilisation que l'on ne
peut résoudre qu'en partie, faute de sources témoins suffisantes8 et
7. Dans les recensements, seul le total d'acres ou d'arpents occupés par les chefs de
ménage est enregistré, et encore partiellement, sans référence aux parcelles qui
composent l'exploitation. En 1831 et encore en 1851, on n'indique pas toujours le
détail de la propriété paysanne. Comme l'exploitation est parfois composée de
plusieurs parcelles éparpillées dans la localité (bourgs, côtes ou même paroisses
voisines), il n'est pas possible d'apprécier la taille des bourgs uniquement sur cette
base. Par ailleurs, le nombre d'emplacements ne témoigne que de la réalité
juridique du bourg, non de sa taille réelle qui ne peut être établie que dans ce
groupement d'édifices dont parlait autrefois Max Sorre, c'est-à-dire dans le nombre
d'emplacements bâtis. L'utilisation de cette variable pose donc certaines difficultés
dans le repérage des bourgs non mentionnés dans les recensements. Pour les
résoudre, il faut avoir recours à d'autres données (voir l'annexe A).
8. Dans ses travaux, Bouchette ne fournit qu'une approximation du nombre de
maisons dans les villages, et ses relevés ne concernent qu'environ 60 % d'entre
eux. En outre, il n'en précise ni l'état (habitées, inhabitées ou en construction), ni
les matériaux sauf de rares exceptions où il signale la présence de « plusieurs »
maisons de pierre ou de maisons « bien bâties ». Dans les recensements, l'informa-
tion est plus précise mais, contrairement à celui de 1851-1852 qui indique même le
nombre d'étages des habitations, celui de 1831 ne donne qu'une information
minimale sur le nombre de maisons habitées, inhabitées et en construction, parfois
avec quelques informations quant aux matériaux. De plus, comme les recenseurs
sont alors rémunérés en fonction du nombre de maisons visitées et que ce salaire
est moins élevé dans les bourgs que dans les côtes, ils ont tendance à gonfler
l'inventaire, comme à Sorel où chaque invalide, en 1831, est déclaré titulaire d'une
résidence. Les données ont été corrigées dans nos relevés.
57
surtout de séries suffisamment continues dans le temps pour autoriser
des comparaisons d'ensemble. Nous avons donc eu recours à diverses
méthodes d'analyse et de traitement, en procédant tantôt par échantil-
lonnage, tantôt par analyse plus systématique de l'information fournie
par certaines sources plus complètes, les recensements notamment.
Les résultats montrent que, loin d'être figé dans l'espace, le tissu
construit des bourgs connaît alors une importante expansion, variable
selon les régions et selon les périodes, mais dont le paysage tout entier
porte la trace.
En effet, en ne retenant que la vingtaine de noyaux pour lesquels
on dispose de données pour 1815, 1831 et 1851, on constate que la
taille moyenne des bourgs fait plus que doubler au cours de la période,
passant d'environ 65 maisons en 1 81 5, à 95 en 1 831 et à près de 1 50 en
1851, soit une progression de plus de 131 % en quelque 36 ans (voir le
tableau 9). Les plus gros se retrouvent à peu près tous dans la région de
Montréal où le village moyen compte 74 maisons en 1815, 112 en 1831
et 168 en 1851. Dans la région de Québec, où les villages sont aussi de
taille respectable, les proportions s'établissent à 42 maisons en 1815, 49
en 1831 et 112 en 1851. Quant à la situation dans la région de Trois-
Rivières, elle est plus difficile à cerner car l'échantillon ne compte que
deux établissements, tous deux sur la rive nord du fleuve; néanmoins, le
village moyen y compte déjà 32 maisons en 1815, 46 en 1831 et 68 en
1851.
Analysées dans l'espace et dans le temps, les données montrent
que c'est d'abord dans la péninsule de Vaudreuil-Soulanges que la taille
des villages progresse le plus rapidement, ensuite sur la Rive-Sud et la
Rive-Nord de Montréal, puis dans le secteur nord des districts de Trois-
Rivières et de Québec. Toutefois, entre 1831 et 1851, les poussées les
plus vives ont lieu sur la Rive-Sud de Québec où l'on assiste à un
gonflement important du tissu construit, surtout dans des bourgs
comme Saint-Thomas de Montmagny et Saint-Michel-de-Bellechasse.
Ces rythmes ne doivent pourtant pas faire illusion car, comparés à des
bourgs comme Chambly, Sorel ou Saint-Hyacinthe dans la région de
Montréal, ceux de la région de Québec ont une taille bien inférieure et
ce, quelle que soit l'année de recensement. En effet, dès 1815, ceux de
la Rive-Nord de Montréal regroupent déjà une centaine de maisons, 150
en 1831 ; en 1851, la première place ira à ceux de la Rive-Sud, où le
nombre total d'habitations dépasse 216 en moyenne. Mais il est vrai
qu'on en compte alors un peu plus de 191 sur la Rive-Sud de Québec,
contre environ 162 sur la Rive-Nord de Montréal. Ce phénomène est
toutefois tardif et très circonscrit dans l'espace. Quant aux villages
58
Tableau 9
EXEMPLES D'ÉVOLUTION DE LA TAILLE DES BOURGS (1815, 1831, 1851)
Nombre de maisons
Taux de croissance annue
1815-1831 1831-1851
1 moyen (%)
Village
1815*
1831
1851
1815-1851
District de Montréal
Lachine
20
62
155
7,33
4,69
5,85
Pointe-Claire
95
60
56
-2,83
-0,34
-1,46
Pointe-aux-Trembles
50
28
40
-3,56
1,80
-0,62
Archipel (moyenne par bourg)
55,0
50,0
83,7
-0,59
2,61
1,17
Vaudreuil
23
43
50
3,99
0,76
2,18
Saint-Eustache
85
159
126
3,99
-1,16
1,10
Terrebonne
150
180
166
1,15
-0,40
0,28
L'Assomption
85
158
163
3,95
0,16
1,83
Berthier
80
102
194
1,53
3,27
2,49
Rive-Nord (moyenne par bourg)
100,0
149,8
162,3
2,56
0,40
1,35
Laprairie
100
214
241
4,87
0,60
2,47
Longueuil
15
91
151
11,93
2,56
6,62
Chambly
95
78
140
-1,22
2,97
1,08
Dorchester
80
149
413
3,96
5,23
4,67
Philipsburg
60
48
88
-1,38
3,08
1,07
Frelighsburg
17
31
25
3,83
-1,07
1,08
Boucherville
95
90
133
-0,34
1,97
0,94
Saint-Ours
60
93
88
2,78
-0,28
1,07
Saint-Hyacinthe
85
182
348
4,87
3,29
3,99
Sorel
150
251
534
3,27
3,85
3,59
Rive-Sud (moyenne par bourg)
75,7
122,7
216,1
3,06
2,87
2,96
Mission du Lac
60
124
90
4,64
-1,59
1,13
Total du district
1 405
2 143
3 201
2,67
2,03
2,31
Moyenne par bourg
73,9
112,8
168,5
District de Trois-Rivières
Rivière-du-Loup
35
57
84
3,10
1,96
2,46
Sainte-Anne-de-la-Pérade
30
35
51
0,97
1,90
1,48
Total du district
65
92
135
2,20
1,94
2,05
Moyenne par bourg
32,5
46,0
67,5
District de Québec
Neuville
25
33
89
1,75
5,09
3,59
Charlesbourg
40
59
53
2,46
-0,53
0,78
Rive-Nord
32,5
46
71
2,20
2,19
2,19
Saint-Michel-de-Bellechasse
12
38
104
7,47
5,16
6,18
Saint-Thomas de Montmagny
90
79
278
-0,81
6,49
3,18
Rive-Sud
51
58,5
191
0,86
6,09
3,74
Jeune-Lorette
45
36
36
-1,38
0,00
-0,62
Total du district
212
245
560
0,91
4,22
2,73
Moyenne par bourg
42,4
49,0
112,0
Total
1 682
2 480
3 896
2,46
2,28
2,36
Moyenne par bourg
64,7
95,4
149,9
2,46
2,28
2,36
* Le nombre de maisons en 1815 a été évalué d'après le nombre d'habitations mentionné par Bouchette. Lorsque celui-ci donne plus
d'un chiffre («village de 90 à 100 maisons»), seule la moyenne a été retenue.
Sources: Joseph Bouchette, Description topographique de la province du Bas-Canada, 1815; ANC, Recensements du Bas-Canada, 1831 et
1851-1852.
59
amérindiens, ils constituent un cas à part, car ils connaissent diverses
variations qui s'expriment tantôt par des augmentations, tantôt par des
reculs, surtout à cause des recensements dont la tenue coïncide sou-
vent avec les saisons de chasse ou de trappe, ce qui se traduit par une
diminution importante de la population villageoise et du nombre de
« cabannes ».
Enfin, il existe aussi des cas de régression. Des villages, apparem-
ment plus bâtis à une époque, se retrouvent quelque 15 ou 20 ans plus
tard amputés d'une partie de leurs habitations. C'est le cas, entre autres,
de Pointe-Claire, Pointe-aux-Trembles, Boucherville, Charlesbourg, qui
subissent de telles pertes. Parfois celles-ci sont mineures ou temporai-
res, imputables à un événement, douloureux certes, mais qui permettra
de redonner un nouveau visage au bourg (incendie, inondation); d'autres
au contraire sont plus sérieuses, liées à un fait militaire (par exemple, la
destruction du village de Saint-Eustache lors des troubles de 1837), ou à
une évolution économique qui désavantage le bourg ; par exemple Saint-
Ours et Terrebonne, dont les fonctions ont été longtemps liées à
l'économie du blé, ont subi le contrecoup de sa décroissance. Enfin,
d'autres ne sont qu'illusoires, et tiennent aux défauts d'enregistrement
des données par Bouchette qui, en surestimant la taille de certains
bourgs en 1815, fausse l'analyse: Philipsburg et Chambly, entre autres,
dont l'état de développement est certes important à l'époque mais dont
la véritable croissance est postérieure à cette date. D'ailleurs, Bouchette
lui-même nous en donne des indices, en décrivant ces établissements
en des termes différents de ceux qu'il utilise pour la description d'autres
bourgs pourtant nettement plus importants.
Considérées dans leur ensemble, les données confirment ces
tendances. En effet, en examinant le nombre de maisons que comptent
les bourgs pour lesquels on dispose de données dans les sources
documentaires de la période, on constate qu'après 1815 une rupture
survient et que le nombre d'habitations dans les gros bourgs, limité
jusque-là à quelque 150 ou 200 maisons, passe successivement à un
peu plus de 250 ou 300, puis à plus de 500. En même temps, on assiste
à une hausse sans précédent du nombre de hameaux dont la part dans
l'échantillon global compte pour plus de 70 % après 1831 contre environ
41 % en 1815. Enfin, et même si beaucoup de données font défaut,
notamment pour 1851, on observe une nette progression dans le temps
entre le nombre de noyaux enregistré dans une classe et ceux de la
classe suivante ou de celle qui vient immédiatement après (voir le
tableau 10), ce qui nuance les cas de régression enregistrés pendant la
période.
60
Tableau 10
TAILLE MOYENNE DES BOURGS (1815, 1831, 1851)
Nombre de maisons
1815
1831
1851
Moins de 50
14
146
178
51-100
16
43
43
101-200
4
15
22
201-300
0
4
3
301-400
0
0
1
401-500
0
0
1
500 et plus
0
0
2
NNO
34
208
250
NTN
53
210
306
NNO : Nombre de noyaux observés.
NTN : Nombre total de noyaux.
Sources : Joseph Bouchette, Description topographique de la province du Bas-Canada, 1815; ANC, Recensements
du Bas-Canada. 1831 et 1851-1852.
Intéressantes dans la mesure où elles permettent de suivre une
évolution, ces données gagnent toutefois à être étayées par une analyse
plus fine, effectuée sur une base régionale. En effet, parce que la
croissance villageoise est variable non seulement dans le temps mais
aussi dans l'espace, c'est encore sur le terrain lui-même qu'elle prend
toute sa signification. Toutefois, comme l'information colligée n'est pas
nécessairement continue - certaines données font défaut d'une source
à l'autre -, l'exercice ne vaut qu'à titre indicatif, d'autant plus que le
nombre de hameaux enregistré en 1815 est de loin inférieur à celui de
1831 et de 1851. Sans doute les données précisent-elles la structure du
phénomène villageois à la fois dans le temps et dans l'espace, mais non
la taille réelle des bourgs qui dépasse largement les seuils indiqués dans
le tableau 1 1 . Ce qui frappe tout de même dans ce relevé, c'est la place
qu'occupe le village dans le paysage de la région montréalaise et celle
qu'il prend sur la Rive-Sud de Montréal où, après 1815, sa taille progresse
plus vite que sur la rive opposée. Ailleurs, les situations sont plus
nuancées; toutefois, après 1831, les plus gros bourgs se retrouvent
presque tous sur la Rive-Sud de Québec et sur la Rive-Nord de Trois-
Rivières, où ils dominent le réseau local de villages. Tout se passe donc
comme si, après avoir connu une expansion considérable dans certains
secteurs plus anciens de peuplement, la croissance villageoise avait suivi
les mouvements du front pionnier9, en jaillissant là où la colonisation
9. Voir le chapitre 1.
61
Tableau 1 1
NOMBRE MOYEN DE MAISONS PAR BOURG (1815, 1831, 1851)
1815
1831
1851
NNO
Moyenne
NNO
Moyenne
En cons-
NNO
Moyenne
En cons-
Secteur
truction
truction
District de Montréal
Archipel
3
55,00
15
45,33
2
19
52,89
4
Péninsule
2
31,50
8
29,63
1
11
32,45
1
Autre île
1
4,00
0
Rive-Nord
5
84,00
37
52,24
30
39
49,59
17
Rive-Sud
11
76,09
47
60,09
61
58
74,91
17
Vill. amérindiens
2
100,00
2
186,50
7
1
90,00
0
Total
23
73,26
109
55,48
101
129
59,96
39
District de Trois-Rivières
Rive-Nord
2
32,50
10
36,40
9
13
38,62
13
Rive-Sud
1
50,00
10
26,70
6
8
31,25
10
Vill. amérindien
1
28,00
1
77,00
0
1*
10,00
0
Total
4
35,75
21
33,71
15
22
34,64
23
District de Québec
île d'Orléans
7
16,86
0
5
23,40
0
Autre île
1
8,00
0
1
30,00
0
Rive-Nord
3
43,33
23
29,57
14
34
26,35
8
Rive-Sud
3
49,00
46
33,59
41
58
50,55
54
Vill. amérindien
1
45,00
1
36,00
0
1
36,00
0
Total
7
46,00
78
30,60
55
99
40,52
62
Total
34
63,24
208
43,95
171
250
50,03
124
* Le village recensé ici est le village temporaire de Bécancour, parce que les données pour Saint-François (village abénaquis) n'étaient
pas disponibles dans le recensement.
NNO : Nombre de noyaux observés.
Sources : Joseph Bouchette, Description topographique de la province du Bas-Canada, 1815; ANC, Recensements du Bas-Canada, 1831 et
1851-1852.
progresse et en imprimant partout son emprise. Mais la taille physique
des bourgs n'est que l'un des facteurs qui distinguent les régions entre
elles : outre celui-ci, il y a la qualité de l'habitat et surtout des équipe-
ments économiques et sociaux.
LA QUALITÉ DE L'HABITAT
Différents par leur forme et par leur structure, les bourgs le sont
aussi par la qualité et la diversité de leur tissu construit. Certains, plus
anciens, paraissent avantagés et prétendent à une place supérieure dans
la hiérarchie villageoise; d'autres, de création plus récente, présentent
encore des traits qui les rapprochent de leur origine pionnière. Mais
quels que soient leur âge et l'état de leur développement, les bourgs
62
offrent à l'époque l'image d'agglomérations animées où tout reste
encore à venir.
Le tissu résidentiel
Par son importance dans le paysage villageois, la maison consti-
tue l'un des premiers traits distinctifs des bourgs. Si l'on en juge par les
données disponibles, on en construit de nouvelles dans presque tous les
bourgs en 1831 et encore dans un bourg sur deux en 1851. Certaines
sont en pierre, d'autres en brique, d'autres encore « en charpente » ou
en pièce sur pièce, ou composées de tous ces matériaux à la fois, par
exemple dans les villages de la Rive-Sud de Trois-Rivières où plus de
huit maisons sur dix sont en pierre et en bois. La plupart n'ont qu'un
étage et n'abritent qu'un ménage, mais quelques-unes ont des maison-
nées plus nombreuses, réparties sur un, deux ou trois étages. C'est du
moins ce qui ressort du recensement de 1851, le seul à faire un tel
relevé pendant la période (voir le tableau 12). Quant à Bouchette, il est
relativement silencieux sur le sujet; il limite ses observations à quelques
villages et presque toujours aux seules maisons de pierre. Toutefois,
comme il lui arrive d'indiquer si le bourg observé est bien ou mal
construit, s'il est propre, accueillant ou prospère10, ses observations
peuvent permettre une certaine visualisation du village, que vient parfaire
l'iconographie ancienne (voir les pages 12, 48, 92, 152 et 206), encore
que les limites de cette dernière source soient nombreuses11.
Ce qui frappe avant tout dans les données de 1851, c'est la place
que prennent les maisons de bois dans le paysage villageois : près de
45% sont en pièce sur pièce et environ 20% « en charpente ». Plu-
sieurs, soit 7 %, sont en pierre et à peine plus de 2 % en brique. Les
autres allient deux matériaux ou davantage, la pierre et le bois le plus
souvent, comme dans les villages de l'archipel de Montréal et ceux de la
Rive-Sud de Trois-Rivières et de la plupart des îles du Saint-Laurent. La
10. Le village de Beauport, par exemple, lui paraît «propre et régulier», celui de
Charlesbourg « respectable », celui de Sorel « beau », celui de Saint-Eustache
« beau » et « salubre », etc. Par contre, le village des Abénaquis (mission amé-
rindienne de Saint-François-du-Lac) lui semble « mal construit ». Voir Joseph Bou-
chette, Description topographique de la province du Bas-Canada et A Topographical
Dictionary of the Province of Lower Canada.
1 1 . En effet, il faut se méfier des dessins et des gravures de l'époque. Chargés de
symbolisme, ils ont surtout un but esthétique tout imprégné de l'esprit des
physiocrates. Le fait est particulièrement apparent dans les images laissées du Bas-
Canada, où les scènes de bourgs sont souvent paisibles, calmes, presque vides de
toute population et confondues dans l'harmonie du paysage environnant. Celles du
Haut-Canada donnent généralement une autre image, plus animée, où abondent les
scènes de marché, de moulin, de circulation fluviale ou terrestre.
63
Tableau 12
MATÉRIAUX DE CONSTRUCTION (1851)
« En char-
Pièce sur
Matériaux
Brique
Pierre
pente »
pièce
divers
Secteur
NNO
(%)
(%)
(%)
(%)
(%)
District de Montréal
Archipel
Péninsule
19
0,70
20,00
13,33
16,12
49,85
11
1,12
5,60
6,72
51,54
35,01
Rive-Nord
39
1,40
7,55
18,41
44,16
28,49
Rive-Sud
58
5,18
5,06
36,39
31,30
22,07
Autre île
1
0,00
25,00
0,00
25,00
50,00
Vill. amérindien*
1
0,00
4,44
73,33
22,22
0,00
Total
129
3,40
7,65
27,94
33,37
27,64
District de Trois-Rivières
Rive-Nord
13
0,00
3,98
0,40
67,13
28,49
Rive-Sud
8
1,20
4,00
0,40
12,40
82,00
Vill. amérindien**
1
0,00
0,00
0,00
0,00
100,00
Total
22
0,39
3,94
0,39
48,29
46,98
District de Québec
Rive-Nord
34
0,56
13,84
8,48
39,62
37,50
Rive-Sud
58
0,38
3,07
8,77
71,42
16,37
île d'Orléans
5
0,00
11,11
0,00
79,49
9,40
Autre île
1
0,00
0,00
0,00
53,33
46,67
Vill. amérindien
1
0,00
0,00
0,00
100,00
0,00
Total
99
0,40
5,66
8,30
64,67
20,97
Total
250
2,25
6,79
19,96
44,32
26,68
* Ne concerne que le village du Lac-des-Deux-Montagnes.
** Ne concerne que le village de Bécancour.
NNO : Nombre de noyaux observés.
Source : ANC, Recensement du Bas-Canada, 1851-1852.
maison de pierre ne semble dominer que dans les bourgs de l'archipel
montréalais et l'île du Pads, ceux de la Rive-Nord de Québec et de l'île
d'Orléans; quant à la maison de brique, elle est surtout répandue dans
la région de Montréal, sur la rive sud du fleuve notamment, où les
anglophones sont plus nombreux. Tel est aussi le cas de la maison « en
charpente », plus fréquente dans la région de Montréal et sur la rive sud
du fleuve que partout ailleurs sur le territoire, plus répandue même que
la maison en pièce sur pièce, sauf dans la mission indienne du Lac-des-
Deux-Montagnes où trois maisons sur quatre sont « en charpente ». Par
contre, elle est presque absente des bourgs de la région de Trois-
Rivières et de ceux du milieu insulaire. Quant à la maison en pièce sur
pièce, dont le nombre est partout important, on la retrouve surtout dans
la région de Québec, sur la rive sud du fleuve et à l'île d'Orléans, sur la
64
Rive-Nord des régions de Trois-Rivières et de Montréal, et dans la
péninsule de Vaudreuil-Soulanges.
Si les matériaux de construction donnent un premier indice de la
qualité générale de l'habitat villageois, la taille et la densité d'occupation
des maisons en donnent d'autres, tout aussi révélateurs (voir le tableau
13). Sauf dans quelques bourgs de l'archipel montréalais où les édifices
à deux étages sont un peu plus nombreux (Les Tanneries, Lachine,
Sainte-Geneviève, etc.), partout ailleurs la maison à un étage domine,
dans des proportions qui dépassent 90 %. Dans les villages amérindiens
et dans celui de l'île du Pads, c'est même l'unique type de maison
recensé; les seuls édifices en hauteur sont les églises, parfois les
presbytères. Il en est de même du nombre de ménages que ces
résidences abritent : il est presque partout limité à un, dans des propor-
tions qui dépassent 80 % et même 85 %, sauf dans le petit bourg de
l'île du Pads et dans celui de la mission amérindienne de Bécancour où
les doubles maisonnées sont nettement plus nombreuses. Toutefois,
elles sont aussi légèrement plus élevées sur la rive sud du fleuve, dans
la région de Montréal et de Québec notamment, où le quart des
habitations environ abritent plus d'un ménage.
Les équipements économiques et sociaux
Le village n'est pas qu'un lieu de résidence, il est aussi un lieu de
services et de production caractérisé par la présence de divers équipe-
ments qui lui donnent sa personnalité. D'une part, les équipements de
prestige qui embellissent le bourg. D'autre part, les équipements de
travail qui attestent la vitalité des lieux, mais dont la multiplication pose
aussi diverses difficultés quant à la qualité de l'habitat. Entre ces deux
catégories, une gamme variée d'échoppes, de boutiques, d'ateliers, dont
la répartition dans le bourg n'est pas toujours en harmonie avec l'image
que l'on s'en fait.
Les équipements de prestige
Les bourgs les mieux construits sont en général ceux qui comp-
tent le plus d'établissements de prestige: l'église, le presbytère, le
manoir et les grandes maisons d'enseignement, couvent, collège, acadé-
mie, qui servent souvent de résidence aux congrégations ou communau-
tés enseignantes. S'y ajoutent aussi, en certains cas, le temple protes-
tant et l'école primaire; celle-ci est de moindre importance mais son
statut au village est supérieur à celui de l'école de rang. Seuls les très
gros bourgs qui abritent de tels établissements peuvent prétendre à une
65
Tableau 13
TAILLE ET OCCUPATION DES HABITATIONS (1851)
Nombre d'étages
Nombre de ménages
1
2
Plus de 2
1
2
Plus de 2
Secteur
NNO
(%)
(%)
(%)
(%)
(%)
(%)
District de Montréal
Archipel
19
89,25
10,35
0,40
82,85
15,01
2,14
Péninsule
11
92,16
6,44
1,40
80,28
17,22
2,50
Rive-Nord
39
92,92
6,72
0,36
84,80
13,13
2,07
Rive-Sud
58
90,91
8,61
0,48
77,15
19,74
3,11
Autre île
1
100,00
0,00
0,00
50,00
50,00
0,00
Vill. amérindien*
1
97,78
2,22
0,00
73,68
21,05
5,26
Total
129
91,34
8,18
0,48
80,13
17,18
2,68
District de Trois-Rivières
Rive-Nord
13
94,22
5,38
0,40
81,72
15,76
2,52
Rive-Sud
8
98,40
1,60
0,00
88,11
11,89
0,00
Vill. amérindien**
1
100,00
0,00
0,00
60,00
30,00
10,00
Total
22
95,67
4,07
0,26
83,56
14,66
1,78
District de Québec
Rive-Nord
34
92,52
7,37
0,11
84,79
13,82
1,38
Rive-Sud
58
92,22
7,47
0,31
78,95
18,52
2,53
île d'Orléans
5
94,02
5,98
0,00
85,47
14,53
0,00
Autre île
1
96,67
3,33
0,00
86,67
13,33
0,00
Vill. amérindien
1
100,00
n.d.
n.d.
n.d.
n.d.
n.d.
Total
99
92,45
7,30
0,25
80,52
17,30
2,18
Total
250
91,96
7,65
0,39
80,49
17,06
2,45
* Ne concerne que le village du Lac-des-Deux-Montagnes.
** Ne concerne que le village de Bécancour.
n. d. : non disponible.
NNO : Nombre de noyaux observés.
Source: ANC, Recensement du Bas-Canada, 1851-1852.
préséance dans la hiérarchie villageoise. Le plus souvent, ils n'en ac-
cueillent que quelques-uns, l'église et l'école généralement, quelquefois
le couvent dans les bourgs plus importants. C'est le signe premier de la
qualité de l'habitat, celui par lequel le bourg se distingue de ses voisins.
Le second tient à la qualité même de ces édifices. Si les habitants du
bourg sont à l'aise, ils recherchent des constructions vastes, aux lignes
élégantes et richement ornées, et font porter leurs efforts sur le choix
des matériaux. Le plus usuel reste le bois, le plus noble, la pierre, suivie
de ia brique dont l'utilisation est cependant moins courante en milieu
francophone qu'anglophone.
Le bourg le plus en vue, c'est d'abord celui qui possède une
église, une vraie, et non une simple chapelle ou un presbytère-église.
66
Même le manoir passe ici au second plan, malgré toute la puissance de
son symbole. D'ailleurs, les seigneurs en sont si bien conscients qu'ils
ne ménagent aucun effort pour convaincre l'évêque de la nécessité de
construire une église dans leur bourg. On la voudra en pierre et agréa-
blement décorée12, flanquée d'un presbytère aux attraits tout aussi
recherchés. Mais cela coûte cher, terriblement cher, aussi ne retrouve-t-
on ce genre d'édifice que dans les bourgs les mieux nantis, capables
non seulement de corvées mais riches d'espèces sonnantes qui feront
de cette œuvre collective un véritable monument à la grandeur non
seulement du village, mais de la paroisse tout entière. Durant le premier
tiers du XIXe siècle par exemple, le coût de construction d'une belle
église en pierre « de rang », dotée d'un portail en pierre de taille et de
deux clochers recouverts de fer-blanc, est environ de 70 000 à 80 000
livres; après 1840, il dépasse facilement 100 000 livres. Pour un presby-
tère, également en pierre, il faudra prévoir entre 10 000 et 20 000 livres,
et jusqu'à 30 000 livres entre 1840 et 1850. Enfin, s'il s'agit d'un
presbytère-église, il faudra débourser environ 30 000 livres, sans parler
de tout ce qu'il en coûtera bientôt pour construire un véritable temple13.
En 1815, Bouchette ne signale encore qu'une quarantaine d'égli-
ses dans les bourgs, contre plus du double en 1832. En 1851-1852, on
en recense quatre fois plus (138 sur les 253 bourgs pour lesquels on
dispose d'une information statistique dans le recensement), auxquelles
s'ajoutent encore une quarantaine de temples protestants. Les plus
belles sont en pierre, réparties pour la plupart dans les vieilles paroisses
riveraines; en effet, plus on pénètre à l'intérieur des terres, plus les
matériaux changent, conséquence à la fois de la jeunesse du peuple-
ment (les premiers édifices sont souvent en bois) et de sa moindre
aisance. Même parmi les églises en pierre, des différences s'affirment,
que sanctionnent les matériaux du toit (la plupart sont en bardeau,
quelques-uns en fer-blanc), le nombre de clochers et leur revêtement (en
12. Pour une synthèse de l'histoire architecturale des églises au Québec, voir Luc
Noppen, Les églises du Québec (1600-1850). Pour une étude de cas, voir Made-
leine Gobeil-Trudeau, Bâtir une église au Québec, Saint-Augustin-de-Desmaures :
de la chapelle primitive à l'église actuelle.
13. Par exemple, le coût de construction de l'église de Longueuil a été évalué à 75 400
livres en 1810, l'église de Sorel à plus de 53 500 livres en 1824, l'église de Sainte-
Scholastique à un peu plus de 71 650 livres en 1835 (le presbytère-chapelle avait
été évalué à plus de 31 600 livres en 1824), l'église de Saint-Pie à plus de 104 000
livres en 1849. Quant au coût de construction du presbytère, il varie du simple au
double ou au triple, selon les paroisses et les époques : à Saint-Antoine-de-Lavaltrie,
il a été estimé à 8 757 livres en 1813, il s'est élevé à 12 000 livres à Longueuil en
1830, à plus de 15 600 livres à Boucherville en 1832, et à plus de 23 500 livres à
Laprairie en 1847. Voir ANQ-M, fonds Création de paroisses, E-4.
67
bardeau également, mais aussi en fer-blanc dans les bourgs les plus
riches), le portail, le nombre d'ouvertures et les ornements de façade
(niches, balustrades, etc.). Par exemple, comparée à celles qui l'entou-
rent, l'église de Saint-Eustache apparaît d'un autre ordre. Construite à la
fin du XVIIIe siècle, réparée en 1818, puis agrandie et dotée d'un nouveau
portail et de deux clochers par le curé Paquin au début des années 1830,
elle a inspiré la description suivante:
L'église placée près du presbytère, sur une belle pointe qui s'avançait
dans la rivière des Mille-lsles, offrait un beau coup-d'œil, soit de la rive
opposée, soit du village où elle terminait la grande et belle rue à laquelle
elle imposait son imposante façade de pierres de taille d'une construction
élevée, solide et dégagée des ordres Dorique et Ionique; de chaque côté
de la façade s'élevaient deux superbes clochers à deux lanternes, cou-
verts en fer-blanc, et dont les flèches hardies et brillantes annonçaient au
loin le temple du Seigneur. Une de ces tours était décorée d'un bel et
bon cadran en bois, ouvrage de M. Vaillancourt, excellent ouvrier de Ste-
Scholastique. L'intérieur de l'église était très bien orné de riches sculptu-
res et de beaux tableaux. La sculpture et les colonnades étaient ri-
chement dorées. Lorsque l'on entrait dans l'église, on était d'abord
frappé par l'aspect d'une statue de St-Eustache, de grandeur d'homme,
placée derrière le maître-autel qu'elle dominait. Le coup d'œil qu'offrait
cette statue dorée à l'antique, la colonnade qui entourait le chœur, et les
tableaux qui l'ornaient, firent une profonde impression sur les premières
personnes de l'armée qui entrèrent dans cette église14.
Incendiée le 14 décembre 1837, lors de la bataille de Saint-
Eustache, cette église fut reconstruite quelques années plus tard dans le
style qui la caractérise encore aujourd'hui, avec son ancien portail et ses
deux clochers. On en a fait un édifice plus riche encore que les églises
voisines de Saint-Benoît et de Saint-Augustin, dont la réfection ou la
construction datent pourtant de la même époque.
Les presbytères sont également nombreux, davantage même que
les églises dont ils épousent souvent l'harmonie d'ensemble. Plusieurs
sont en pierre et ne comptent qu'un étage ou un étage et demi, comme
celui de Saint-Antoine-de-Lavaltrie (1813) ou celui de Saint-Laurent
(1829). D'autres sont en planches, dont le coût est nettement moins
élevé que la pierre; on les rencontre surtout dans les pays neufs de
l'intérieur, où ils ont été construits dès les premières années de la
colonisation. Quelques-uns, plus rares, sont en brique ou plus impo-
sants : ils comptent deux étages, comme à Sainte-Rose, Longueuil ou
14. Charles-Auguste-Maximilien Globensky, La rébellion de 1837 à Saint-Eustache.
p. 65-66.
Laprairie ou comprennent une chapelle ou une salle publique comme à
Sainte-Scholastique ou à Saint-Eustache. Ils sont alors plus massifs et
plus distinctifs.
Quant aux maisons d'enseignement, elles sont plus nombreuses
encore. Généralement, les petites écoles élémentaires sont réparties en
périphérie du bourg ou sur une rue adjacente à la Grande Rue, là où
l'espace est encore disponible. Mais certaines sont centrales, édifiées
dans le voisinage de l'église. Construites le plus souvent en bois, elles
accueillent une population nombreuse, qui représente davantage que la
moitié des enfants du village, dont quelques-uns seulement iront au
couvent ou au collège et à qui enseignent des instituteurs ou des
institutrices laïques. En 1815, Bouchette n'en recense encore qu'une
dizaine dans les bourgs, en 1831 on en compte 222 et, en 1851, on en
dénombre 140 sur les 253 noyaux de notre échantillon. Toutefois, les
édifices les plus imposants restent les établissements d'enseignement
supérieur, couvents, collèges ou académies, dirigés par des congréga-
tions religieuses et qui dominent le tissu construit non seulement par
leur masse, mais aussi par leur emplacement et la qualité des maté-
riaux: on les bâtit d'abord en pierre mais l'usage de la brique pour ce
genre d'édifice se répand après les années 1840. En 1815, Bouchette
n'en dénombre que quatre dans les bourgs (deux couvents et deux
collèges), en 1831 on en compte une douzaine, alors qu'en 1851 ces
constructions représentent de 12 % à 15 % de l'ensemble des établisse-
ments d'enseignement; les plus nombreuses sont les couvents pré-
sents dans presque chaque gros village. C'est ainsi que les bourgs
affirment leur rang, et ces édifices deviennent en quelque sorte le signe
tangible de leur statut social.
Le bourg le plus en vue, c'est aussi celui où s'élève un manoir,
c'est-à-dire où réside un seigneur établi sur place ou dans le voisinage
immédiat. Son importance sur le plan social est d'autant plus réelle que
seule une infime partie des villages (moins de 10%) comptent un tel
équipement, et certains sont encore plus altiers que les autres. Dans
son dictionnaire de 1832 par exemple, Bouchette ne dénombre qu'une
douzaine de manoirs dans les bourgs, chiffre que l'on peut hausser à 19
si l'on en juge par le nombre de seigneurs enregistré au recensement de
1831. En 1851, la situation est plus ambiguë en raison des lacunes du
recensement. Néanmoins, en conjuguant les informations de cette
source avec celles des inventaires disponibles15, il semble que l'on ne
15. Les plus utiles demeurent ceux de Pierre-Georges Roy, Vieux manoirs, vieilles
maisons, et de Raymonde Gauthier, Les manoirs du Québec.
puisse évaluer à plus d'une trentaine le nombre de bourgs où s'élève
une maison seigneuriale.
Plusieurs de ces maisons sont en pierre, d'autres en bois ou en
brique, et la plupart, tels l'ancien manoir Dumont ou le manoir De
Bellefeuille à Saint-Eustache, n'ont qu'un étage ou un étage et demi, et
épousent, en l'enrichissant, l'architecture de la maison dite « québé-
coise », avec son larmier, ses lucarnes et son perron-galerie. D'autres
adoptent un style plus classique ou inspiré de l'architecture britannique.
Ils sont en général plus imposants, bâtis en pierre ou en brique, la façade
dégagée par un vaste terrain entouré d'une clôture en pierre ou en bois.
La plupart s'élèvent à l'extérieur du bourg comme le manoir Campbell à
Saint-Hilaire, ceux de Montebello, de Pointe-du-Lac et de Kamouraska.
D'autres, tels le manoir Globensky à Saint-Eustache, celui de la famille
Masson à Terrebonne ou celui de Barthélémy Joliette au village de
L'Industrie, sont mieux intégrés dans le tissu villageois.
Avec le manoir, le village accède à un rang supérieur. Cela
n'enlève rien au rôle joué par certains seigneurs dans le destin des
autres bourgs, mais démontre quelle place particulière occupent, dans la
hiérarchie villageoise, les bourgs qui en sont nantis. Toutefois, bien
d'autres édifices contribuent également à la renommée des bourgs,
certains plus prestigieux que les autres ou au contraire plus humbles
mais non moins importants : hôpital, cour de justice, bureau d'enregistre-
ment, public house, bureau de poste, maison de tempérance, bibliothè-
que, etc. Leur présence dans le village atteste non seulement son rang
mais son rôle dans l'espace. Tous n'en sont pas pourvus, loin de là, mais
ceux qui en disposent ont une position d'autant plus avantageuse qu'ils
bénéficient également, en général, d'avantages économiques.
Les équipements de travail
Outre les résidences et les édifices de prestige, le village com-
prend également des équipements de commerce, de services, d'héber-
gement, de transport, et surtout de production, dont le nombre augmente
considérablement au cours de la période. On est loin ici de l'impression
de calme évoquée par l'iconographie ancienne et de celle qu'en ont
laissée certains auteurs qui ont vu le village comme le mouroir de toute
une société, un lieu de résidence pour rentiers venus s'y établir après
une dure vie de labeur. La réalité est tout autre, du moins à l'époque:
c'est un fatras de boutiques, d'ateliers, d'équipements de toutes sortes,
où entrepôts, moulins, fabriques, manufactures, auberges, etc., s'entre-
mêlent pour créer un paysage animé dont l'ambiance est différente de
70
celle que l'on a évoquée précédemment. Certes, les situations particuliè-
res demeurent très diverses et très changeantes dans le temps et
dépendent de la situation du bourg sur le territoire16. Mais en dépit de la
logique qui explique chacune de ces situations, s'impose ici l'image d'un
milieu qui bouge et qui n'a rien du calme serein des hameaux agricoles.
En 1815, le village semble surtout caractérisé par des fonctions
de services, auxquelles s'ajoutent d'importantes fonctions commerciales
attestées par les diverses mentions de Bouchette relatives aux auber-
ges, boutiques, magasins, entrepôts, greniers à blé, retrouvés dans
certains gros bourgs et qui confirment non seulement la place du village
dans la vie d'échange, mais le rôle que jouent certains d'entre eux dans
l'économie du blé. Les villages de Berthier, de L'Assomption et de Saint-
Denis, dans la région de Montréal, sont de ceux-là, tout comme ceux de
Saint-Antoine-de-la-Rivière-du-Loup dans la région de Trois-Rivières et
de Saint-Thomas de Montmagny dans celle de Québec. Toutefois, par
rapport aux installations de commerce et d'hébergement, les équipe-
ments de production semblent plus nombreux, attestés encore là par les
mentions de Bouchette ou ses relevés statistiques. Ils le sont d'autant
plus que seuls les grands équipements comme les moulins, les scieries
et les fabriques retiennent son attention, alors qu'il néglige générale-
ment de relever les boutiques et les ateliers d'artisans17.
Après 1815 le panorama est différent et révèle un tout autre
contexte plus marqué cette fois par les fonctions de production. En
1831, les fonctions de services et de commerce restent importantes,
mais les activités de transformation et de fabrication paraissent plus
dominantes, dans des proportions qui doublent et même triplent par
16. On en a un exemple sur la Rive-Sud de Montréal, dans la portion de territoire situé
entre les rivières Richelieu et Yamaska, à la hauteur de Saint-Charles et de Saint- .
Hyacinthe, où le seul bourg de l'endroit, celui de La Présentation, n'est qu'un petit
centre de services pour les côtes environnantes. Placé à mi-chemin entre deux gros
bourgs, il apparaît comme un relais sur la route qui mène du Richelieu à Saint-
Hyacinthe. Ses fonctions sont donc essentiellement locales et tout entières tour-
nées vers des activités de services qui ne laissent pas beaucoup de place aux
activités de fabrication plutôt concentrées dans les gros bourgs voisins. Par compa-
raison, le village de Saint-Pie, situé à l'est de la rivière Yamaska, paraît plus favorisé
par sa situation sur le front pionnier: plus éloigné de Saint-Hyacinthe que le
précédent et sans concurrent de taille à proximité, ses fonctions sont plus diversi-
fiées et il attire une population de journaliers, d'artisans et d'ouvriers du bâtiment
dont le nombre, déjà respectable en 1831 compte tenu de sa taille, quintuple après
cette date. Voir ANC, Recensements du Bas-Canada, 1831 et 1851-1852.
17. Seuls quelques villages méritent de telles mentions chez Bouchette, entre autres
ceux de Terrebonne et de Saint-Jean dans la région de Montréal, et ceux de
Beauport et de Saint-Michel-de-Bellechasse dans celle de Québec.
71
rapport à 1815. La grande différence concerne les ateliers et les bouti-
ques d'artisans, non enregistrés dans le recensement, mais dont le
nombre peut être évalué à partir des déclarations des chefs de ménage.
En ne retenant que les métiers relatifs à la fabrication pour éviter de trop
grandes distorsions, on obtient plus de 1 400 ateliers et boutiques
d'artisans dans les villages, soit 6,7 en moyenne par bourg, contre un
peu moins d'un moulin. Il est vrai que le calcul ici n'est qu'indicatif
puisque chaque artisan ne possédait pas nécessairement son échoppe18.
Compte tenu du nombre d'artisans recensés dans les bourgs, ce chiffre
n'a rien d'excessif; au contraire, il se peut même qu'il ait été plus élevé.
En 1851, les relevés sont beaucoup plus sûrs, car les ateliers et les
boutiques font alors l'objet d'un dénombrement particulier19. Toutefois,
comme le nombre de bourgs pour lesquels on dispose d'une information
statistique est incomplet, les chiffres ne sont encore qu'indicatifs d'une
tendance. Ils montrent néanmoins qu'à cette époque les activités de
production justifient encore la moitié des équipements du village contre
plus des deux tiers 20 ans auparavant. Quant au commerce, il est alors
presque trois fois plus important qu'en 1815 (voir le tableau 14).
Bref, de 1815 à 1851, on assiste à d'importants changements qui
se traduisent, dans l'habitat villageois, par une montée sans précédent
des équipements de commerce et de production qui ajoutent à ses
fonctions traditionnelles de services quantité d'autres rôles dont l'impor-
tance sera capitale dans la croissance des bourgs20. Les transformations
les plus notables surviennent d'abord dans les activités de commerce et
d'hébergement déjà présentes en 1815, mais qui connaissent une
croissance importante tout au long de la période. Elles surviennent
ensuite dans le domaine des activités de production, dont l'importance
s'accroît après 1815 pour atteindre un sommet en 1831, puis dans les
activités de services elles-mêmes qui, de dominantes qu'elles étaient en
1815, connaissent une part relative moindre en 1831, et de nouveau
croissante par la suite.
18. Ces données ne comprennent pas les femmes ou les veuves qui font de la
confection et dont le travail peut s'effectuer à la maison, ni les tisserands ou
« tisseranes » dont un certain nombre travaillent aussi à domicile.
19. Comme nos relevés ont été effectués dans les listes nominatives, il est possible
d'avoir une assez bonne idée de la vocation de ces boutiques, même quand celle-ci
n'est pas précisée. Il suffit de se reporter au métier déclaré par le chef de ménage
au nom duquel la boutique est enregistrée. Dans nos travaux, cette distinction a été
faite sous neuf rubriques : commerce, fabrication alimentaire, confection de vête-
ments, construction, travail du bois, travail du cuir, travail des métaux, fabrication de
matériel de transport et autres (voir le chapitre 4).
20. Voir le chapitre 4.
72
Tableau 14
ÉQUIPEMENTS RECENSÉS DANS LES BOURGS (1815, 1831, 1851)
(en % du nombre total d'équipements)
Équipements
1815
1831
1851
NNO
49
208
250
Communautaires
(maisons de culte, d'enseignement)
64,54
13,22
16,70
De commerce et d'hébergement
(auberges, magasins, entrepôts)
13,48
20,51
34,78
De production
Grands équipements (moulins, fabriques, manufactures)
21,99
11,18
11,96
Ateliers, boutiques
n.d.
55,10
36,56
n. d. : non disponible.
NNO : Nombre de noyaux observés.
Sources : Joseph Bouchette, Description topographique de la province du Bas-Canada, 1 81 5 ; ANC, Recensements
du Bas-Canada, 1831 et 1851-1852.
La nature de ces changements, ainsi que leur succession rapide
dans le temps, font du village un lieu animé et d'aménagement difficile.
Mis à part quelques-uns, parmi les plus anciens ou dont les fonctions
sont nettement plus locales, qui échappent en partie à cette évolution et
à ses inconvénients, les autres, parce qu'ils sont plus jeunes ou mieux
situés dans le circuit des échanges, connaissent des difficultés dont
l'ensemble du tissu construit porte la marque.
L'AMÉNAGEMENT DES BOURGS
Comme beaucoup de villes coloniales à leur début21, c'est dans
un ordre tout relatif que s'édifie d'abord l'habitat villageois : rues étroites
et encombrées, non pavées, qui deviennent à chaque dégel et à chaque
pluie de véritables bourbiers, absence de trottoirs, maisons souvent mal
alignées qui infléchissent les perspectives, boutiques ou échoppes aux
façades saillantes, anciens bâtiments de ferme qui jouxtent des résiden-
ces plus récentes, forges ou auberges mal situées, tavernes bruyantes
où les rixes sont nombreuses, chantiers omniprésents et quasi perma-
nents, courses d'attelage, détritus de toutes sortes qui jonchent la place
publique les jours de marché et les lendemains d'élections, cimetières
laissés en friche, etc., tout cela fait partie du décor habituel des bourgs.
Certes, il faudrait nuancer et distinguer entre le paysage des bourgs
21. Voir André Lachance, La vie urbaine en Nouvelle-France.
73
industriels, celui des bourgs de services, et celui des villages où, à cause
des nombreuses constructions d'importance (église, manoir, école, cou-
vent, etc.), les panoramas sont différents. Mais si l'on en juge par la
législation de l'époque, il semble que ce désordre fut beaucoup plus
répandu que ne l'indiquent certaines œuvres littéraires ou iconographi-
ques anciennes22.
Les plans de villages
Dès 1818, une loi est adoptée pour les bourgs qui, « par l'aug-
mentation de leur population et leur importance, exigent que la police en
soit réglée, tant pour la sûreté des propriétés en iceux que pour leur
avancement ultérieur23»; en 1825, une recommandation est faite par
Jacques Viger au comité spécial nommé pour enquêter sur l'état des
chemins afin de réglementer la formation des villages. Celui-ci suggère
que:
Du moment qu'il y aura dans une paroisse, seigneurie ou township trente
maisons de rassemblées près des unes des autres ou sur un espace de
« tant » d'arpents en superficie, cette réunion de bâtiments sera dès lors
appelée village et soumise à certains règlements [...], il sera fait un plan
régulier des lieux, pour la distribution future des rues, places publiques et
emplacements [...], et les propriétaires seront forcés de suivre le plan
indiqué24.
L'idée d'avoir recours à de tels plans pour réglementer la forma-
tion des villages n'était pas nouvelle: aussi loin que l'on remonte dans le
temps, on en retrouve la trace, disséminée dans les papiers seigneu-
riaux. En outre, dès 1796 et 1799, des lois semblables avaient été
22. On en retrouve d'ailleurs des échos dans la correspondance de l'époque, les lettres
des curés notamment, et jusque dans les délibérations des premières corporations
municipales, ce qui tend à démontrer l'ampleur du problème et sa persistance dans
le temps. Par leurs interdictions, leurs premiers règlements sont à ce titre révéla-
teurs : celui de Saint-Eustache, par exemple, défend encore de « trotter dans les
rues », même dans la deuxième moitié du siècle (voir le chapitre 5).
23. Il s'agit de SBC, 58 Geo. III, c. 16, «Acte pour pourvoir à la Police de certains
Bourgs et Villages ». Sanctionnée le 1er avril 1818, cette loi rétablissait celle qui avait
été adoptée en 1802 pour régir les bourgs de plus de 30 habitants; elle sera
reconduite plusieurs fois par la suite. À ce sujet, voir Jean-Marie Fecteau, « La
pauvreté, le crime, l'État (...) », chap. III.
24. JALBC. 1825, app. X. Cité aussi dans O.-M. Lapalice, Histoire de la seigneurie
Massue et de la paroisse Saint-Aimé, p. 147-148, qui attribue toutefois cette
suggestion au grand voyer Taschereau.
74
adoptées pour réglementer le développement des villes25. Ce qui semble
nouveau dans la suggestion de Viger, c'est l'institutionnalisation de ces
plans comme outils d'aménagement et de gestion des bourgs. Cepen-
dant, si de tels plans ont pu contribuer à introduire plus de symétrie dans
les villages, leur effet s'est surtout fait sentir en dehors des aires déjà
construites et dans les bourgs dont on préparait alors l'implantation26.
Plusieurs de ces plans ont été conservés. Réalisés par des
arpenteurs spécialement mandatés à cette fin par les seigneurs, ils
donnent un assez juste aperçu des bourgs et de leurs singularités.
Toutefois, certains les montrent sous la forme de projets, très sembla-
bles à ceux qui avaient été réalisés plus tôt pour le compte de seigneurs
désireux de former un village. Le plus éloquent à cet égard reste sans
doute celui de Neuville, préparé dès 1802 pour le compte du seigneur
Charles-Joseph Brassard Deschenaux: on y retrouve non seulement la
position de l'église, du presbytère et du couvent, mais aussi celle des
quelques habitations existantes, en plus du dessin des rues et des
emplacements (voir la figure 9). Il préfigure déjà la teneur des plans qui
suivront, qu'il s'agisse de villages existants ou projetés. Celui de Baby
(Babyville) en témoigne (voir la figure 10), tout comme celui d'Aimé
Massue (Massueville) dont O.-M. Lapalice nous dit ce qui suit: « le 12
décembre 1830, Jean-Olivier Arcand, autorisé par Aimé Massue, en
conformité avec l'Acte de l'Assemblée législative touchant la formation
[des villages] déposait dans le greffe du notaire Chevrefils, un plan du
village que le dit Arcand avait arpenté et divisé dans le cours de cette
25. SBC, 36 Geo. III, 1796, c. 9, « Acte pour faire, réparer et changer les chemins et
ponts dans cette Province et pour d'autres effets »; SBC, 39 Geo. III, 1799, c. 5,
« Acte qui amende un acte passé dans la trente-sixième année du règne de sa
présente Majesté intitulé « Acte pour faire, réparer et changer les chemins et ponts
dans cette Province et pour d'autres effets » ». On trouvera en outre dans les
JALBC divers rapports concernant l'état des chemins et la nécessité de faire des
plans et de contraindre les lotisseurs à les respecter pour l'ouverture de nouvelles
rues. Le plus intéressant à cet égard reste celui de Jacques Viger, « Observations
en amélioration des lois des chemins telles qu'en force dans le Bas-Canada en
1825 », JALBC, 1825, app. X.
26. À Montmagny par exemple, tout comme à Lévis, on voit encore le quadrillage initial
des rues qui contraste fortement avec celui du village d'Aubigny proposé en 1825
par le seigneur Caldwell mais qui ne connaîtra pas le succès escompté. À ce sujet,
voir: Municipalité régionale du comté de Montmagny, Une fenêtre sur notre
patrimoine. Guide de sensibilisation au patrimoine de la M.R.C de Montmagny;
Groupe d'initiatives et de recherches appliquées au milieu, Évolution des axes
commerciaux traditionnels de Lévis et Lauzon. Il est d'ailleurs intéressant de
comparer les plans des différents bourgs apparus à cette époque. En plus des plans
d'arpentage, on peut avoir recours à ceux qui ont été réalisés par les compagnies
d'assurance pour évaluer les risques de sinistres dans les différents quartiers où se
trouvent les édifices à assurer. Pour un inventaire de ces plans, voir Robert J.
Hayward, Plans d'assurance-incendie de la Collection nationale de cartes et plans.
75
Figure 9
VILLAGE DE NEUVILLE (1802)
Î'VX tf. ****** 'Tw*** 9tb9Hl9**^ &.-W-1** ï-
Source: MER, Service de l'arpentage, B-10.
76
Figure 10
VILLAGE DE BABY (1847)
ÏKt.
Source: ANQ-Q, Pierre-Louis Morin, arp.
77
même année27». C'est que le plan de village est alors devenu une
nécessité d'autant plus ressentie que bourgs et hameaux sont en pleine
expansion et que les difficultés sont nombreuses. D'ailleurs, comment
pourrait-il en être autrement à une époque où tout n'est qu'arpentage?
On connaît encore mal le rôle des seigneurs dans cette régle-
mentation souhaitée de l'espace villageois. Ce que l'on sait par contre,
c'est que plusieurs d'entre eux ont partie liée avec le pouvoir politique.
Le président du comité chargé d'enquêter sur l'état des chemins, Pierre-
Thomas-Joseph Taschereau, est lui-même un seigneur, titulaire d'une
partie de la seigneurie de Jolliet (Sainte-Claire)28. En outre, comme les
titulaires de fiefs sont sensibles aux idéologies de l'époque et très au fait
des modes venues d'ailleurs - d'Europe notamment et particulièrement
d'Angleterre dont la beauté des villages les fascine29 -, on peut croire
qu'ils ont eu une certaine influence. Quoi qu'il en soit, ce n'est pas tant
ce rôle qui nous intéresse ici que celui qu'ils auront dans l'aménagement
concret du bourg.
L'intervention des seigneurs dans l'aménagement du bourg se
fait sentir de plusieurs manières, en premier lieu par le lotissement qu'ils
prennent souvent beaucoup de soin à définir, surtout quand il s'agit du
bourg principal de la seigneurie ou d'un village dont on prépare la
formation. Qu'il s'agisse de seigneurs laïques ou ecclésiastiques, leurs
plans montrent alors une symétrie qui tranche par rapport à l'ancien tissu
construit. Celui de Baby par exemple, étudié par Jacques Crochetière
dans son histoire de Saint-Pierre-les-Becquets et de Manseau30, com-
prend plusieurs rues et 99 emplacements dont 89 sont de dimensions
identiques, de 50 pieds sur 77 pieds; les autres sont de forme irrégufière,
en raison d'un ravin à proximité et d'un emplacement déjà concédé à un
aubergiste. Celui de L'Assomption est tout aussi ordonné, comme celui
de Saint-Jérôme où les seigneurs prévoient même une rangée d'arbres
le long de la Grande Rue (voir la figure 11). L'intervention des seigneurs
27. O.-M. Lapalice, op. cit., p. 148.
28. Pierre-Georges Roy, Inventaire des concessions en fiefs et seigneuries, fois et
hommages et aveux et dénombrements conservés aux Archives de la province de
Québec, vol. IV, p. 144 et suiv.
29. Beaucoup de seigneurs d'alors sont des anglophones qui entretiennent des liens
suivis avec la métropole. Plusieurs ont épousé des francophones et, parmi les
seigneurs d'origine canadienne, nombreux sont ceux qui voyagent outre-mer ou qui
ont des rapports fréquents avec l'Europe, ce qui les met en contact avec d'autres
cultures et d'autres façons de faire. En outre, les journaux bas-canadiens regorgent
d'informations européennes qui les tiennent très au fait de ces modes.
30. Jacques Crochetière, « La dynamique comparée de deux villages québécois [...] »,
p. 82 et suiv.
78
Figure 11
VILLAGE DE SAINT-JÉRÔME (1834)
Source : Archives de l'évêché de Saint-Jérôme, fonds Sainte-Anne-des-Plaines.
79
ne s'arrête pas là : une fois défini, le plan servira de cadre aux conces-
sions prévues d'emplacements. Pour assurer une uniformité dans l'ad-
ministration de leur projet, plusieurs seigneurs font imprimer un contrat
type. Celui de Baby est à ce titre particulièrement éloquent, assorti
d'obligations diverses qui expliquent, en partie tout au moins, le peu de
faveur dont jouira son village. En plus d'une charge de cens envers le
domaine et d'une rente annuelle d'une livre dix chelins courants, l'acqué-
reur devra, dans les quatre mois, clore son emplacement en planches de
6 pieds, entretenir les chemins qui le desservent, accepter les rues ou
ruelles qui pourront être tracées, bâtir dans un délai variable mais
raisonnable une maison de 25 pieds carrés « habitable et logeable » et,
clause ajoutée en 1851, blanchir à la chaux maisons et bâtiments tous
les deux ans. En outre, il verra son droit de mutation limité d'un droit de
retrait de trois mois sur toute transaction, et ne pourra diviser sa rente
foncière sans l'accord du seigneur31.
Baby, en fait, utilise toutes les facettes du droit seigneurial pour
faire de son village un établissement bien organisé et attrayant, un lieu
d'ordre et d'harmonie qui lui permettra en outre de se constituer une
rente confortable. Il n'est pas le seul à avoir de telles ambitions: à
Neuville, le seigneur Brassard Deschenaux en a de très semblables, qui
rejoignent celles de Barthélémy Joliette au village de L'Industrie, d'Ellice
et de Brown dans Beauharnois, de Dumont et De Bellefeuille à Saint-
Jérôme et de la famille Delorme à Saint-Hyacinthe. Quant aux redevances
à payer pour un emplacement au village, elles sont partout importantes
mais dans des proportions qui varient selon les régions et l'ancienneté
des établissements car, si le village justifie en général des taux supé-
rieurs à ceux de la côte, les seigneurs sont tenus de respecter les
termes des anciens contrats de concession. Le recensement de 1831
permet d'ailleurs une observation sommaire: calculées par arpent, pour
trois catégories de superficie (emplacements de moins d'un arpent,
lopins de moins de 10 arpents et terres de 10 à 100 arpents), les
redevances apparaissent plus élevées dans la région de Montréal où les
villages sont plus récents, et plus faibles dans les régions de Québec et
de Trois-Rivières où elles ne sont plus que de quelques deniers (voir le
tableau 15). À elles seules, ces données montrent quels bénéfices les
seigneurs peuvent espérer du lotissement, surtout dans les secteurs de
31. Ibid.. p. 85 et suiv.
80
Tableau 15
RENTES PAYÉES DANS LES BOURGS (1831)
(en sols courants*)
District
Montréal Trois-Rivières Québec
Superficie des Moyenne
emplacements (en arpents) NN0 = 8 NNO = 4 NN0 = 36 par bourg
0,1-1,0
32,84
0,61
5,51
16,51
1,1-10,0
6,98
0,17
1,22
1,63
10,1-100,0
0,26
0,10
0,10
0,13
* 20 sols valent une livre, un sol vaut 12 deniers. Une livre courante vaut 24 livres françaises de 20 sols.
NNO : Nombre de noyaux observés.
Source: ANC, Recensement du Bas-Canada, 1831.
peuplement récent où ils peuvent prendre plus de liberté avec les taux
de concession32.
Pourtant, l'âge du bourg n'explique pas tout. En effet, il faut aussi
tenir compte de la situation géographique du village. C'est ainsi qu'à
Cap-Rouge les redevances sur les emplacements de moins d'un arpent
sont plus élevées qu'à Neuville (3,50 sols courants par arpent en
moyenne contre 1,26 au Bourg-Saint-Louis) et qu'à la Pointe-du-Lac elles
dépassent celles qui sont exigées à Saint-Antoine-de-la-Rivière-du-Loup
(0,18 contre 0,01). Mais c'est surtout dans la région de Montréal que ces
écarts sont les plus notables : à Sorel et à Saint-Ours, les taux s'élèvent
respectivement à 1,26 et 1,29 sol par arpent en moyenne, contre 1,89 et
2,25 à Saint-Denis et à Saint-Charles situés tous deux au cœur de la
vallée du Richelieu. Ils sont du même ordre au village des Cèdres, situé
sur la voie de passage vers l'ouest, où ils dépassent 2,15 sols.
Tout cela suggère une rente de localisation dont les effets se font
surtout sentir dans les secteurs proches des villes, c'est-à-dire là où la
propriété bourgeoise a le plus de chance de s'épanouir. Toutefois, il
semble que l'éloignement joue aussi un rôle, surtout lorsque le bourg
est une tête de pont vers l'intérieur. À Cap-Santé par exemple, les taux
32. Rappelons que, dans les seigneuries du Québec, le taux des cens et rentes exigés
pour le sol agricole est en principe fixé dans le contrat de concession. Toutefois,
comme plusieurs seigneurs demandent une partie de leur paiement en nature, leur
produit suit le prix des denrées, notamment dans les secteurs géographiques où la
culture du blé est importante. Pour ce qui est du village, une différence s'impose:
comme le sol a d'autres fonctions et qu'il appartient souvent au seigneur (domaine
ou terres réservées), ce dernier peut plus facilement hausser ses exigences, ce qui
arrive dans bon nombre de bourgs situés notamment dans les seigneuries laïques.
81
s'élèvent à 5 sols par emplacement de moins d'un arpent, tandis qu'en
Beauce ils atteignent 2,98 sols l'arpent à Sainte-Marie, ils descendent à
0,53 sol l'arpent à Saint-Joseph, puis remontent à 0,83 sol l'arpent à
Saint-François, village le plus éloigné de la région. Les seigneurs ne
seraient donc pas indifférents aux avantages de situation des bourgs
dans l'espace. Jusqu'où en sont-ils conscients? Il est encore trop tôt
pour le dire car plusieurs études de cas restent à faire. Quoi qu'il en soit,
ce n'est là qu'un aspect de leurs sensibilités face à l'espace et au
développement villageois; ils en auront bien d'autres!
En effet, la préparation d'un plan de lotissement ne constitue
qu'une première étape dans la formation du village; la deuxième
consiste à y installer des équipements qui l'établiront plus sûrement. Le
premier et le plus important des édifices est l'église, dont les seigneurs
tentent par tous les moyens de hâter la venue, même quand ils se
déclarent agnostiques ou ouvertement athées comme Denis-Benjamin
Papineau. Elle sera située au cœur du village et déterminera très souvent
celui de la Grande Place, dont la mode se répand à l'époque. L'exemple
du village de Notre-Dame-de-Bonsecours dans la seigneurie de la Petite-
Nation est à ce titre révélateur, tout comme le sont ceux de plusieurs
autres villages apparus antérieurement ou en même temps que celui-ci.
Quelques exemples d'interventions seigneuriales
Le village de Notre-Dame-de-Bonsecours est apparu entre 1815
et 1820 dans le domaine de la Côte-du-Front, près de l'endroit où
s'étaient installés les premiers colons-défricheurs amenés par Joseph
Papineau quelque dix années plus tôt, à proximité d'un petit moulin à
scie et du premier cimetière (1808), et non loin du lot de dix arpents
réservé en 1813 pour la construction du moulin banal33. Il ne sera
définitivement établi qu'à l'automne de 1818, après que Denis-Benjamin
Papineau, fondé de pouvoir de son frère Louis-Joseph qui vient d'acqué-
rir la seigneurie (1817), aura cédé un terrain de 2 arpents de front sur 6
de profondeur pour la construction d'une chapelle. Le seigneur lui-même
s'était établi ailleurs, dans l'île Arowsen (île Roussin), où Joseph Papi-
neau avait fait construire son manoir. Quant au terrain cédé, il devait être
pris pour moitié sur la terre de Louis Renaud dit Dumoulin, et pour
moitié sur la terre de Denis-Benjamin Papineau, depuis le pied du coteau
situé au sud du chemin du roi et jusqu'à la rivière où chacun s'engageait
à céder l'espace nécessaire pour un chemin à déboiser de concert. En
33. Abbé Michel Chamberland, Histoire de Montebello, 1815-1928.
82
outre, on devait y réserver une superficie de deux arpents pour une
place publique, d'un arpent pour une école de garçons et autant pour
une école de filles. C'est là que se formera le cœur du village. Dès 1820-
1821, on procède à la construction et à la bénédiction de la chapelle, et
en 1826 on bénit le nouveau cimetière34. En 1831, on obtient l'érection
canonique de la paroisse, qui ne sera cependant reconnue civilement
qu'assez tard dans le siècle.
Le village présente alors tous les traits d'un petit bourg pionnier.
S'il apparaît relativement bien circonscrit dans l'espace, il se confond
vite avec la Côte-du-Front dont il ne se distingue que par son centre. Il
ne sera définitivement constitué que plus tard, sur l'initiative de Louis-
Joseph Papineau qui ne viendra s'établir en permanence dans sa sei-
gneurie qu'après 1845, époque où il entreprend la construction de son
manoir. L'entreprise, cette fois, est nettement plus volontaire, et ne vise
rien de moins qu'à créer un nouveau bourg, destiné sinon à remplacer
ou à englober l'ancien bourg, du moins à lui imposer de nouvelles règles
de croissance. Cet extrait d'une lettre adressée à Mgr Guigues le 29
mars 1856 en témoigne:
Je souhaite commencer un village près de l'église Notre-Dame de
Bonsecours, et je souhaite le distribuer régulièrement en rues larges et
ornées de plantations d'arbres [...] En échange [du] chemin [situé en front
de l'église, au bas de la côte et de la place publique], je donnerais un
emplacement de village, et j'y bâtirais la maison du bedeau et une petite
chapelle pour y recevoir le corps des fidèles décédés [...] Je souhaiterais,
en plus, que la fabrique me cédât une lisière de dix pieds de large sur
environ cinq arpents [...] pour une rue de cinquante pieds de large dont
j'aurai pris aussi dix pieds sur mon terrain [...], où existe actuellement une
rue de trente pieds qui conduit à la maison d'école [...] Au delà de cette
maison, je donne quarante pieds pour la rue, quand la fabrique n'en
donne que dix. Cette rue permettra à la fabrique, si plus tard elle désirait
vendre des emplacements, à les vendre beaucoup plus tôt et plus cher.
[Et] si le Gouvernement finit par nous donner quelque portion [...] de ce
qu'il nous vole [...], je me trouverai en état, l'an prochain, [d'aider la
fabrique] à rebâtir cette maison sur un plan convenable et à y loger
quelques-unes des bonnes sœurs qui se dévouent à l'enseignement35.
Nous ignorons si la fabrique donna suite aux possibilités de
bénéfices que lui proposait Louis-Joseph Papineau, mais le village fut
aménagé comme prévu et, en moins de 30 ans, il devint l'un des plus
beaux de la région, flanqué d'un magnifique manoir qui fait aujourd'hui
34. Ibid. Pour le détail de cet établissement, voir aussi Claude Baribeau, La seigneurie
de la Petite-Nation, 1801-1854.
35. Lettre citée par l'abbé Michel Chamberland, op. cit.
83
encore l'orgueil du Québec. Ce n'est là qu'un exemple du rôle joué par
certains seigneurs dans l'aménagement villageois. Il existe beaucoup
d'autres cas où leur action fut tout aussi décisive, même avant celle de
Louis-Joseph Papineau, par exemple à Saint-Eustache, établi dans le
domaine que s'était réservé autrefois le seigneur Eustache Lambert
Dumont du côté nord de la rivière des Mille îles, à l'embouchure de la
rivière du Chêne36.
Ce seigneur, le premier d'une longue série, ne viendra jamais
habiter sa seigneurie, du moins en permanence, laquelle demeure un
espace frontière jusqu'à la fin du XVIIIe siècle. Décédé en 1760, c'est à
son fils, Eustache-Louis Lambert Dumont, qu'il reviendra d'établir le fief.
Dès l'hiver de 1762, le nouveau seigneur conclut une entente avec
François Maisonneuve, son futur homme d'affaires, pour la construction
d'une digue et de deux moulins (à farine et à scie) sur le cours inférieur
de la rivière du Chêne, dans ce qui deviendra bientôt le haut du village.
Huit ans plus tard, en juin 1770, il cède à la fabrique une pointe de terre
d'une superficie de sept ou huit arpents pour la construction d'une
église, d'un presbytère et d'un cimetière, en plus d'une vieille maison
qui sert de manoir principal et dont on pourra prendre les matériaux pour
la construction des édifices religieux. Toutefois, il se réserve un demi-
arpent de terre pour aller de son domaine à la rivière et demande qu'une
quantité de pierre équivalente à celle qui formait la cheminée de son
ancien manoir lui soit remise, afin de se construire une nouvelle rési-
dence.
C'était déjà définir la structure interne du bourg qui allait compren-
dre deux pôles principaux de croissance, l'un sur le front du domaine
autour de l'église et du manoir, et l'autre plus au nord autour du moulin à
farine. L'impulsion est donnée : les édifices prévus sont construits, non
sans peine cependant, puisque l'érection de l'église ne sera réglée par
contrat qu'en 1780, soit huit ans après celle du presbytère, et qu'elle ne
s'achèvera qu'en 1783. Bientôt une Grande Rue se dessine, le long de
laquelle on concède les premiers emplacements. En 1793, un premier
coseigneur apparaît, Antoine Lefebvre de Bellefeuille qui, en épousant la
fille du seigneur Dumont, obtient une partie de la seigneurie. Il s'installera
au village, où il s'adonnera au commerce du bois et à la construction de
moulins à scie. En 1807, à la mort du seigneur Dumont, il reconnaît le
fils de ce dernier, Eustache-Nicolas Lambert Dumont, comme seigneur
principal des Mille-Îles et unique propriétaire du moulin banal. Il conserve
36. À ce sujet, voir Serge Courville, « Minorités ethniques et recherche d'appartenance
[...] ». PH, XXXV(142), 1985, p. 377-400.
84
toutefois la copropriété d'un terrain de plusieurs dizaines d'arpents situé
dans le haut du village, face au moulin, où un jardin est bientôt aménagé
qui deviendra un modèle du genre. Quant au nouveau seigneur Dumont,
il sera surtout connu pour la part active qu'il prendra dans l'amélioration
de l'agriculture locale et dans le développement institutionnel du village.
À la demande du curé, il. concède à la fabrique un terrain d'une superficie
de près de trois arpents à prendre sur son domaine pour la création et le
soutien d'une école élémentaire (1825), puis participe à la réfection de
l'église et à la construction du couvent, deux initiatives dues toutefois au
curé Paquin qui en fut lui-même le maître d'œuvre. En 1815, le village
compte de 80 à 90 maisons. Quelques années avant les troubles, soit en
1831, il en compte 150. Il est alors devenu un important centre d'affaires
où, selon Bouchette, les marchands « carry on a lucrative commerce »,
et où les artisans « enjoy an easy and honest livelihood ». Outre qu'il est
doté de ponts et de traverses qui le relient à l'île Jésus et aux sei-
gneuries voisines, il accueille plusieurs entreprises dont les principales
sont « a brewery, a potash-work, a pottery, two tanneries, a manufactury
for cigars and tobacco in great repute, one for hats and another for
chairs, ail enjoying considérable réputation37 ».
Un autre exemple concerne le village de L'Industrie38, né des
entreprises de Barthélémy Joliette qui, après avoir épousé l'aînée des
filles de Lanaudière (1813) et géré les biens de la famille à compter de la
mort de Mme de Lavaltrie, veuve du seigneur de Lanaudière (1822),
s'associe avec ses deux beaux-frères, Pierre-Paul Tarieu de Lanaudière
(vite évincé de l'affaire) et Pierre-Charles Loedel, pour remembrer le
domaine de Saint-Paul, y construire un important moulin à scie (1823) et
établir un village où il viendra lui-même résider bientôt (1825). Joliette et
Loedel procèdent alors à un premier lotissement et, dès novembre
1824, les premières parcelles sont concédées, sous forme d'emplace-
ments d'un demi-arpent de front sur un arpent de profondeur, situés le
long de rues perpendiculaires au chemin qui va du moulin au village de
Saint-Paul, dont l'une porte le nom de « rue du Marché ». En 1825, on
compte 16 nouvelles concessions et, en 1826, Barthélémy Joliette fait
ériger deux manoirs en pierre à proximité du moulin, l'un pour lui, qu'il
ne pourra habiter que trois ans plus tard à cause d'un incendie, et l'autre
pour son beau-frère Loedel. En 1829, l'aveu et dénombrement donne
déjà 42 censitaires, dont 35 possèdent une maison. Le village de
L'Industrie est né.
37. Joseph Bouchette, A Topographical Dictionary of the Province of Lower Canada.
« Mille Isles ».
38. Voir Jean-Claude Robert, « L'activité économique de Barthélémy Joliette [...] ».
Par la suite, Juliette et Loedel multiplient les initiatives. Dès 1837,
un édifice en bois est construit pour abriter le marché et un second
moulin apparaît sur la rivière L'Assomption. Puis, vers 1840, Joliette lui-
même, profitant des revenus du bois, se lance dans une série d'entrepri-
ses destinées à élargir l'éventail de ses activités économiques. Certaines
sont des échecs complets, tels cette distillerie rasée par le feu en 1841
et qui ne sera jamais reconstruite, ou cette manufacture de verre à
laquelle il aurait songé mais qui ne vit jamais le jour, ou encore son
moulin à farine dont le produit a toujours été de qualité inférieure.
D'autres sont plus heureuses et confirment la place qu'occupera désor-
mais le village de L'Industrie dans la socio-économie locale. La plus
considérable entreprise est l'établissement, entre les années 1847 et
1850, d'un chemin de fer jusqu'au fleuve pour acheminer le bois vers le
marché de Québec. Mais la plus difficile reste sans doute la construction
d'une église, dont la requête a été maintes fois rejetée par les autorités
religieuses qui ne voyaient là qu'un moyen pour Barthélémy Joliette
d'assurer l'avancement de son village. Cette autorisation n'est donnée
qu'en 1841 pour une chapelle remplacée l'année suivante par une église
dont il assumera les déficits. Aussitôt celle-ci terminée, Joliette obtient
l'érection canonique de la nouvelle paroisse (1843) et entreprend la
construction d'un collège confié aux clercs de Saint-Viateur en 1847. À
partir de cette date jusqu'à sa mort en 1850, il en assumera également
les déficits et ce, en dépit d'un certain ralentissement de ses affaires. Le
village est alors bien établi et compte environ un millier d'habitants.
Un troisième exemple concerne le village de Saint-Hyacinthe39, né
près du moulin banal dans le domaine de la Cascade, autour du lieu
pressenti par les autorités religieuses pour la construction d'une église
et d'un presbytère. Dès 1771, on y inhume les morts, sur un terrain
réservé à cette fin par le seigneur et concédé par la seigneuresse. Huit
ans plus tard, on arrête l'emplacement de l'église, sur le coteau de la
Cascade près du moulin banal, sur une terre également concédée par le
seigneur qui se réserve alors à proximité un second domaine de 270
arpents comprenant, entre autres, la presqu'île de la Cascade où le
village s'étendra plus tard. En 1780, l'église et le presbytère sont
construits, et on songe déjà aux premiers lotissements. Toutefois, il
faudra attendre l'expansion du peuplement avant que les emplacements
prévus ne puissent être concédés. Le mouvement s'amorce à compter
de 1794; après cette date et jusqu'en 1805, on procède à 68 conces-
sions, soit un total de 134 emplacements de 7 200 pieds carrés chacun
39. Voir Christian Dessureault, « Les fondements de la hiérarchie sociale [...] ».
86
(90 sur 80 pieds), cédées selon l'usage sans garantie de mesure précise
et à charge pour l'acquéreur de les faire arpenter. Enfin, en 1796, le
seigneur Hyacinthe-Marie Delorme concède deux terrains dans le voisi-
nage du moulin et de l'église pour une place de marché. En 1805, le
bourg compte environ 90 maisons et un peu plus de 300 habitants, et
déjà s'affirment les fonctions qui en feront plus tard un important centre
régional.
De tous les villages apparus pendant la période, Saint-Hyacinthe
est sans doute celui qui connaîtra la croissance la plus rapide. Très tôt
appuyés par le clergé, les seigneurs interviennent non seulement dans
son aménagement physique, mais aussi dans la mise en place d'équipe-
ments stratégiques dont la construction est rendue nécessaire par
l'expansion du peuplement régional. Ces équipements seront à la fois
cause et effet de cette croissance. De plus, ils confèrent au bourg une
place qui lui permettra de supplanter les villages voisins. En effet,
jusqu'à l'apparition du bourg à la fin du XVIIIe siècle et même jusque vers
1815, la communauté locale est subordonnée au village voisin de Saint-
Denis, qui fait alors figure de petite métropole régionale. L'arrivée
massive de nouveaux colons au début du siècle modifie cette vocation.
Parce qu'il est au centre des différents secteurs de la plaine maskou-
taine et qu'il comprend tous les équipements de prestige de la sei-
gneurie, le domaine de Saint-Hyacinthe fait vite figure de carrefour
stratégique, où marchands et artisans gagnent à s'installer. Ils y vien-
dront d'autant plus aisément qu'il est doté d'une infrastructure d'accueil
favorable et qu'il est le lieu de pouvoirs importants (ecclésiastique,
seigneurial, etc.). Que les redevances sur les emplacements s'élèvent à
plus de six livres ancien cours ou que les contrats de concession soient
assortis de réserves qui obligent à des constructions de qualité ou
interdisent les ventes ou les transports en mainmorte (les seigneurs
feront pourtant une exception pour le terrain du collège) importe peu,
bien au contraire. Comme tous les bourgs où résident des familles
seigneuriales aisées, celui de Saint-Hyacinthe offre des avantages qui
compensent largement le coût qu'entraîne le fait de s'y établir.
Enfin, on a un exemple similaire avec Massueville, né des initiati-
ves d'un marchand de Varennes, Aimé Massue, qui achète dès 1833 les
fiefs Bonsecours et Saint-Charles. L'année suivante, il fait réaliser un
premier plan de son futur village et cède un terrain à la fabrique pour la
construction d'une église. En 1835, année de la construction de son
manoir, il acquiert les seigneuries voisines de Bourchemin-Ouest et de
Bourgmarie-Ouest, vraisemblablement pour y exploiter des moulins. Un
87
deuxième plan est alors réalisé, qui lancera le village, sur le site même
où les premiers seigneurs de l'endroit avaient établi leur domaine40.
Les facteurs d'explication
Comment expliquer ce rôle des titulaires de fiefs dans l'aménage-
ment de l'espace villageois? Pour en saisir les motifs, il faut remonter
aussi loin que les XVIIIe et XVIIe siècles, c'est-à-dire lors des premiers
établissements seigneuriaux de la vallée du Saint-Laurent. En effet, en
comparant les cartes du XIXe siècle à celles du Régime français et celles-
ci aux cartes topographiques modernes, on constate qu'à l'exception de
quelques bourgs apparus plus tard dans les seigneuries de l'intérieur, la
situation des principaux chefs-lieux du territoire seigneurial est définie
depuis longtemps lorsque s'amorcent les premiers lotissements. Elle
correspond aux sites où s'étaient d'abord établis les seigneurs, à l'em-
bouchure des rivières où il était plus facile d'entreprendre la mise en
valeur du fief. De là à y construire un quai, près duquel s'élèveraient
bientôt le manoir, puis le moulin et l'église, et divers autres équipements
nécessaires aux échanges, il n'y eut souvent qu'un pas vite franchi pour
préparer la venue éventuelle d'un village. Mais à cette raison d'ordre
structurel s'ajoutent des motifs d'ordre économique. En effet, comme le
peuplement de la seigneurie dépend souvent des services qu'on y
trouve, le seigneur a tout intérêt à les y introduire ou à en favoriser la
venue, par des concessions appropriées de terres ou de parcelles
situées non loin du lieu initial d'établissement, contribuant ainsi à sa
densification progressive. En outre, comme la parcelle dans le village
justifie en général des taux de rente supérieurs à ceux des côtes, encore
que cette pratique soit surtout caractéristique du XIXe siècle, c'était là. un
moyen supplémentaire de rentabiliser la seigneurie. Enfin, il faut égale-
ment tenir compte du prestige que confère au titulaire de fief l'établis-
sement d'un bourg respectable dans sa seigneurie, surtout quand celui-
ci regroupe une population et des équipements de qualité.
Ces motifs ne changent pas après 1760. Au contraire, on assiste
à leur renforcement, surtout après 1800, avec l'expansion du commerce
du blé, du bois et des produits associés (par exemple, la potasse dont la
demande est forte sur le marché britannique), et enfin de tout le négoce
intérieur qui profite d'une demande accrue, non seulement pour les
denrées alimentaires, mais aussi pour les produits ouvrés et manufactu-
rés. Pour beaucoup de seigneurs, il se produit alors ce qu'on a déjà pu
40. Pour l'histoire de ce village, voir O.-M. Lapalice, op. cit.
observer dans certains pays d'Europe : la conversion de plusieurs d'entre
eux à l'industrie rurale rendue d'autant plus facile au Québec que
plusieurs titulaires de fiefs sont des marchands qui ont partie liée avec le
monde du commerce, de l'industrie et des transports, et qui aspirent à
l'utilisation libre du sol et des cours d'eau, sans parler des honneurs que
leur apporte leur titre. Certains tirent parti des agglomérations existantes
pour y établir des moulins ou des fabriques qui donneront un nouvel élan
au village, ou en créent parfois de nouvelles dont les emplacements sont
en outre concédés ou vendus à prix fort. Ils profitent de leurs alliances
avec tous les agents de la vie politique, économique et sociale pour
élargir le champ de leurs activités traditionnelles. Par exemple, dans la
seigneurie de la Petite-Nation, les entreprises des Papineau et de leurs
associés sont à l'origine de beaucoup de scieries autour desquelles
naîront bientôt des hameaux. De même, dans la seigneurie de Lotbinière,
un petit bourg se développe près de la scierie du seigneur Joly qui
prévoit même la construction, à proximité, de résidences destinées aux
employés du moulin. On observera le même phénomène près du moulin
de Saint-Roch-des-Aulnaies. Cette situation ressemble à celle de certains
quartiers de petites villes industrielles de la Nouvelle-Angleterre, à cette
différence près que l'échelle n'est pas du même ordre ici.
Telle est l'origine de beaucoup de villages apparus durant la
première moitié du XIXe siècle, tant sur les rives du fleuve qu'à l'intérieur
des terres où les seigneurs s'étaient aussi réservé des domaines secon-
daires. Nés souvent de décisions anciennes, mais qui n'avaient pu se
concrétiser jusque-là, ces villages devront leur création puis leur crois-
sance aux équipements qu'y implantent les seigneurs en association
souvent très étroite avec des collaborateurs qu'ils auront eux-mêmes
recrutés ou qui les auront sollicités à cette fin. On le voit d'ailleurs très
nettement sur les plans de villages: ceux-ci ne comportent pas toujours
d'indications quant à l'origine, la propriété ou la nature des équipements
retrouvés dans le bourg, mais tous ou presque font état de lotissements
ou de projets de lotissements dont la régularité du découpage en dit
long sur le rôle ou les intentions des seigneurs.
Les succès de ces entreprises seigneuriales demeurent, on l'a vu,
très divers, comme la nature des interventions. Mais si l'on ne peut faire
du rôle des seigneurs un absolu dans l'explication du phénomène
villageois, on ne saurait non plus le banaliser. En effet, si certains se sont
montrés passifs et se sont contentés de répondre aux besoins ou aux
pétitions du moment, d'autres ont été beaucoup plus actifs, parce qu'ils
voyaient l'établissement d'un village comme un moyen de rentabiliser la
89
seigneurie. Toutefois, même s'ils recherchent les bénéfices, ils crai-
gnent les désordres, car si l'expansion rapide du peuplement favorise le
développement des bourgs, elle peut aussi être une source d'ennuis
graves et conduire à une croissance désordonnée des villages. En outre,
si cette expansion profite à l'économie locale, en favorisant notamment
la montée des activités marchandes, elle peut aussi lui nuire en suscitant
des contraintes dont souffrira le bourg. Aussi certains seigneurs tentent-
ils d'en régir la croissance en limitant le nombre d'emplacements à
concéder ou en adoptant une logique de concession du sol qui favorise
une plus grande harmonie des activités économiques dans l'espace. Tel
semble avoir été le cas de Bourg-Saint-Louis à Neuville, où l'on a pu
observer des préoccupations en ce sens. Peut-être est-ce le cas ailleurs
également. Toutefois, il ne s'agit pas de verser ici dans l'anachronisme
et de voir des plans modernes d'urbanisme là où le simple bon sens
était en cause. Mais, compte tenu de la montée du rationalisme à
l'époque et de l'importance accordée à l'aménagement des seigneuries,
il faut reconnaître qu'il existe de sérieux indices qui montrent que
l'action des seigneurs a peut-être été beaucoup plus consciente qu'on
ne le croit généralement. Quoi qu'il en soit, dans beaucoup de villages,
c'est aux seigneurs surtout qu'il revient d'avoir assuré la mise en place
des infrastructures initiales; tout ce qui est venu par la suite a dû s'y
adapter. Cependant, c'est finalement à la population elle-même qu'il
reviendra d'aménager le bourg dans ce qu'il a de plus intime. Il convient
donc que l'on s'y attarde, d'autant plus que son évolution sanctionne
celle des bourgs, avec ses mouvements en avant ou ses reculs.
90
**É£*
Saint-Denis, de Philip John Bainbrigge, aquarelle, 1837. ANC, C-2060.
Chambly, de Philip John Bainbrigge, aquarelle, 1838. ANC, C-11856.
LA POPULATION VILLAGEOISE
Décrire une population, c'est forcément aborder sa démographie
tout autant que sa sociologie. Dans nos travaux, nous avons tenté
d'observer les grands traits de la population villageoise - la rapidité de
sa croissance, sa structure par âge et par sexe, sa composition ethnique,
l'éventail de ses activités, ses clivages économiques et sociaux -, pour
en saisir les contrastes dans le temps et dans l'espace. Ce qui ressort
globalement de ce constat, c'est le caractère intermédiaire de cette
population qui, tout en demeurant essentiellement rurale, épouse parfois
certains traits citadins, notamment dans les bourgs où existe un nombre
de notables important, comme dans ceux où le nombre de marchands et
d'artisans spécialisés est élevé et où s'affirment des minorités ethniques
aisées. Mais cette situation est loin d'être générale car à l'époque
nombreux sont les bourgs qui ne bénéficient d'aucune fonction entraî-
nante, sinon celles que leur confèrent leur position dans l'espace ou la
présence sur place d'un moulin ou d'une fabrique qui assurent leur
existence. C'est le cas de bien des bourgs agraires, dont la taille est tout
juste suffisante pour accueillir un prêtre, un marchand, quelques arti-
sans, ce qui en fait de petits centres de services pour les côtes
avoisinantes. Dans ces agglomérations, la ville reste un univers plus
lointain, tamisé par l'intermédiaire du chef-lieu dont elles dépendent.
LES SOURCES
S'il est un aspect complexe du village, c'est bien celui de sa
population : non seulement ne se laisse-t-elle jamais bien cerner, mais
3
93
rarement fait-elle l'objet de relevés fiables et complets. Elle impose
toujours une double, voire une triple comptabilité, dans des sources
aussi diverses que les recensements, les registres d'état civil ou les
archives paroissiales ou diocésaines. Possible dans le cadre d'études
locales, cette démarche ne l'est plus quand l'observation s'étend à un
vaste territoire. Il faut alors avoir recours au recensement qui, en dépit
de ses limites - et elles sont nombreuses1 -, fournit suffisamment
d'indications sur la population des bourgs pour que l'on puisse en
mesurer les contours, surtout quand ils sont mis en rapport avec
d'autres sources, les répartitions d'église par exemple, et validés par
différents moyens de vérification2, qui ne peuvent cependant pas tout
résoudre3. C'est donc surtout le recensement que nous avons privilégié
ici pour tenter d'appréhender la population villageoise et en décrire les
traits. Toutefois, comme cette source n'est pas disponible pour 1815, il
nous a aussi fallu avoir recours à l'ouvrage de Bouchette, qui ne fournit
pas beaucoup d'indications sur le sujet mais permet tout de même
certaines observations intéressantes.
1. Plusieurs confusions et omissions rendent leur exploitation difficile: erreurs d'addi-
tion, illisibilité de certaines listes ou de certains caractères, multiplication des
systèmes d'enregistrement des données (classes d'âge, âge au dernier anniver-
saire, etc.), sous-enregistrement de certaines informations, surenregistrement de
certaines autres telles que naissances, décès, personnes absentes, filles encore
pubères, métiers féminins, etc.
2. Au recensement de 1831, par exemple, le nombre total d'individus déclarés dans le
ménage ne correspond pas toujours au résultat obtenu par l'addition des individus
déclarés par tranche d'âge; par ailleurs, le nombre d'enfants enregistrés sous les
mentions « de cinq ans, et au-dessous » et « au-dessus de cinq et au-dessous de
14 ans » inclut tantôt des garçons, tantôt des filles, tantôt les deux, ce qui nous a
imposé de revoir les déclarations cas par cas. Au recensement de 1851-1852, les
séquences d'enregistrement des vivants ne sont pas toujours consécutives et les
noms ne correspondent pas à ceux des chefs de ménage enregistrés dans le
dénombrement agraire. La plupart du temps, les listes ont pu être réordonnées et
les données corrigées. Toutefois, des cas subsistent où les difficultés n'ont pu être
résolues, même en ayant recours à d'autres sources témoins comme les cadastres
abrégés des seigneuries de 1861 pour ce qui est des séquences d'enregistrement
des occupants de terre. Pour éviter qu'elles ne faussent l'analyse, nous n'en avons
pas tenu compte dans nos calculs qui ne portent que sur les données les plus
sûres.
3. Au recensement de 1831, l'âge de la population ne nous est connu que par une
information cumulée par tranche d'âge, contrairement à celui de 1851 où l'âge « au
jour anniversaire suivant » de chaque individu est précisé. Pour rendre les données
comparables dans le temps, il nous a donc fallu regrouper l'information de 1851 en
catégories qui épousent les seuils de 1831, ce qui permet d'intéressantes observa-
tions, mais nous prive de beaucoup de renseignements et introduit une légère
distorsion entre les séries. Les études de cas ne peuvent combler tout à fait ces
lacunes.
94
LES TRAITS DEMOGRAPHIQUES
L'une des premières grandes caractéristiques du paysage villa-
geois au cours de la première moitié du XIXe siècle concerne l'important
écart de taille qui distingue les bourgs entre eux. À une extrémité de la
courbe, on observe d'abord une foule de petits établissements, des
hameaux en fait, ou plutôt des nodules en formation, qui ne réunissent
encore que quelques dizaines d'habitants; à l'autre, de très grosses
agglomérations, qui ne méritent déjà plus l'appellation de villages mais
celle de gros bourgs urbains dont les effectifs dépassent le millier
d'habitants, quand ils n'en comptent pas deux ou même trois comme
c'est le cas de quelques-uns au milieu du siècle; entre ces deux points
extrêmes, plusieurs noyaux qui tiennent franchement du village, disper-
sés autour de valeurs moyennes (voir les figures 12 et 13 et l'annexe C).
Cumulées pour l'ensemble de la période, les données montrent
une croissance extrêmement rapide des effectifs villageois qui passent
de moins de 20 000 habitants en 1 81 54, à plus de 45 000 en 1 831 , puis à
plus de 88 000 en 1851, soit une augmentation moyenne supérieure à
4% par année pour l'ensemble de la période; c'est plus que le taux de
croissance de la population qui vit dans les côtes (voir le tableau 16).
C'est davantage aussi que le taux de croissance de la population urbaine
ou même que celui de la population du Bas-Canada (voir les tableaux
6 et 7). Toutefois, on remarque des distinctions majeures entre les
régions; les bourgs les plus populeux demeurent, en 1831, ceux des
régions de Montréal qui comptent plus de 280 habitants en moyenne, de
Trois-Rivières (166 habitants), de Québec (165 habitants) et, en 1851,
ceux des régions de Montréal (415 habitants) et de Québec (280
habitants), puis de la région de Trois-Rivières (243 habitants). On consta-
te également des différences entre la rive nord et la rive sud du fleuve :
la rive sud comporte en général davantage de gros bourgs que la rive
nord, sauf dans la région de Trois-Rivières où la situation des deux rives,
s'inverse (voir le tableau 17), en raison peut-être de l'absence de
certaines données (celles de Nicolet, par exemple, en 1851). Dans ce
dernier cas, ce facteur ne semble pas déterminant, car la rive sud
4. Sur la base de cinq personnes en moyenne par maison, le calcul donne environ
10150 habitants dans les bourgs dénombrés par Bouchette; à six personnes par
ménage, il indique un peu plus de 12 900 habitants, auxquels il faut encore ajouter
tous ceux qui habitent la vingtaine de bourgs dont Bouchette ne précise pas le
nombre de maisons. Toutefois, comme il s'agit en général de hameaux, la popula-
tion villageoise de 1815 ne dépasse probablement pas 16 000 ou 17 000 habitants.
95
Figure 12
TAILLE DES BOURGS (1831, 1851)
2000 -,
1831
■ 1
100 200 300
nombre de noyaux
4000
3000-
I
5 2000
1000
□ G
1851
100 200
nombre de noyaux
— i
300
Sources: ANC, Recensements du Bas-Canada, 1831 et 1851-1852.
96
Figure 13
POPULATION VILLAGEOISE (1815, 1831, 1851)
Laboratoire de cartographie, Département de géographie, Université Laval.
Laboratoire de cartographie, Département de géographie, Université Laval.
^fisnr \ ■ te*
LA POPULATION VILLAOIOIIE IN 1IB1
Laboratoire de cartographie, Département de géographie, Université Laval.
97
Tableau 16
CROISSANCE COMPARÉE DE LA POPULATION VILLAGEOISE (1815, 1831, 1851)
(aire seigneuriale seulement*)
Évolution de la population
Année
Rurale
Villageoise
Des côtes
181 5 (estimation)
1831
1851
283100
384 386
604 307
20 000
46 408
88 377
263100
337 978
515 930
Taux de
croissance annuel moyen de la
population (%)
Période
Rurale
Villageoise
Des côtes
1815-1831
1831-1851
1815-1851
1,93
2,29
2,13
5,40
3,27
4,21
1,58
2,14
1,89
* Ne comprend que la population des districts de Montréal, de Trois-Rivières et de Québec, sans le district
de Gaspé.
Sources : Joseph Bouchette, Description topographique de la province du Bas-Canada, 1815; ANC, Recensements
du Bas-Canada, 1831 et 1851-1852.
trifluvienne s'est développée différemment et plus tardivement que la
rive nord et bénéficiait de moins d'avantages sur le plan économique5.
Cette suprématie apparente de la rive sud doit pourtant être
nuancée car, jusqu'à la fin des années 1830 et peut-être 1840, c'est sur
la rive nord du fleuve que le village occupe le plus de place dans le profil
démographique local. En 1831 par exemple, environ 13,5 % de la popula-
tion rurale vit dans des bourgs: 15,1 % dans la région de Montréal,
12,1 % dans celle de Québec et 8,7% dans celle de Trois-Rivières. À
elle seule, la rive nord en accueille la plus grande part et ce, quelle que
soit la région, encore que dans celle de Montréal l'écart avec la rive sud
soit moins grand que dans les deux autres régions. Par contre, en 1851,
on observe une situation inverse: sauf dans la région de Trois-Rivières
où 11,5 % de la population des localités vivent dans des bourgs, partout
ailleurs la rive sud domine avec des écarts parfois substantiels, qui
oscillent entre 18% et 24% du total. Mais c'est dans l'archipel de
5. Sur la rive nord par exemple, l'exploitation forestière et l'industrie métallurgique
existent depuis longtemps et chaque bourg est plus ou moins mêlé à la vie du
fleuve en raison des conditions de navigation particulières sur le lac Saint-Pierre. À
ce sujet, voir Serge Courville, Jean-Claude Robert et Normand Séguin, « La vie de
relation dans l'axe laurentien au XIXe siècle: l'exemple du lac Saint-Pierre », ABPO,
95(4), 1988, p. 347-359.
Tableau 17
PLACE DU BOURG DANS LE PAYSAGE HUMAIN DE LA LOCALITÉ (1831, 1851)'
Population
moyenne
En % de la population
NNO
des bourgs
de la localité
Secteur
1831
1851
1831
1851
1831
1851
District de Montréal
Archipel
7
19
203,71
376,84
14,93
29,95
Autre île
1
28,00
2,58
Péninsule
8
11
178,88
247,82
11,87
18,39
Rive-Nord
38
40
276,29
343,40
16,47
18,73
Sans levill. amérindien
37
39
266,59
336,18
15,64
18,03
Rive-Sud
48
59
339,42
533,02
16,04
23,97
Sans levill. amérindien
47
58
324,30
520,50
15,17
23,30
Total
101
130
293,54
423,83
15,86
22,55
Sans lesvill. amérindiens
99
128
282,45
415,73
15,10
21,98
District de Trois-Rivières
Rive-Nord
10
13
203,00
274,31
11,35
13,39
Sans Les Forges
9
12
188,33
264,08
9,66
12,32
Rive-Sud
11
10
163,27
199,20
8,21
9,51
Sans lesvill. amérindiens
10
8
146,40
212,38
7,82
10,25
Total
21
23
182,19
241,65
9,62
11,68
Sans lesvill. amérindiens
20
21
174,70
250,71
9,55
12,18
Sans Les Forges
19
20
166,26
243,40
8,71
11,51
District de Québec
îles
8
6
78,13
147,67
14,87
20,30
Rive-Nord
24
35
151,21
182,91
13,89
19,22
Sans levill. amérindien
23
34
150,26
181,88
13,23
18,69
Rive-Sud
46
58
188,70
352,29
11,58
19,99
Total
78
99
165,82
280,01
12,28
19,82
Sans levill. amérindien
77
98
165,73
280,64
12,12
19,69
Total
200
252
232,04
350,70
13,98
20,46
Sans lesvill. amérindiens
196
247
225,60
348,11
13,52
20,23
Sans Les Forges
195
246
225,04
347,91
13,43
20,18
* Le calcul ne porte que sur les localités qui comprennent un bourg.
NNO : Nombre de noyaux observés.
Sources: ANC, Recensements du Bas-Canada, 1831 et 1851-1852.
99
Montréal que cette part est la plus élevée, car près de 30% de la
population habitent les bourgs, contre moins de 15 % en 1831 . Il est vrai
que ces données sont partielles, puisque le recensement de la partie
rurale de l'île de Montréal n'a pas été retrouvé. Néanmoins, en ne
considérant que les îles pour lesquelles on dispose de telles données6
(île Jésus, île Bizard et île Perrot), on constate une progression impor-
tante de la part de population qui réside dans les bourgs entre 1831 et
1851, sauf dans l'île Perrot où le petit village de Sainte-Jeanne semble
avoir connu une décroissance. Quant à la situation dans l'île de Mont-
réal, elle est on ne peut plus explicite: plus de 35% de la population
rurale vivent dans les bourgs (voir le tableau 18).
Ce qui frappe également dans cette population, c'est le caractère
très distinctif de son profil par âge et par sexe. En effet, en comparant
les données de population recueillies pour les bourgs à celles de la
population totale du Bas-Canada, on constate des écarts qui suggèrent
une situation différente sur le plan démographique, intermédiaire entre la
campagne et la ville, mais où s'affirment des traits particuliers (voir le
tableau 19).
Tableau 18
BOURGS DE L'ARCHIPEL MONTRÉALAIS (1831, 1851)
Population moyenne En % de la population
NNO des bourgs de la localité
iiea ut;
l'archipel
1831
1851
1831
1851
1831
1851
île de Montréal
île Jésus
île Bizard
île Perrot
5
1
1
14
3
1
1
253,20
22,00
138,00
393,21
457,00
177,00
107,00
15,88
2,75
17,67
35,01
21,63
18,63
12,01
Total
7
19
203,71
376,84
14,93
29,95
NNO : Nombre de noyaux observés.
Sources: ANC, Recensements du Bas-Canada, 1831 et 1851-1852.
6. Et non celles des localités dont les limites ont pu changer entre 1831 et 1851 . À ce
sujet, voir Serge Courville (dir.), Jacques Crochetière, Philippe Desaulniers et
Johanne Noël, Paroisses et municipalités de la région de Montréal au XIXe siècle
(1825-1861) [...].
100
Tableau 19
STRUCTURE DE LA POPULATION AU BAS-CANADA (1831, 1851)
Répartition par sexe (adultes seulement)
Jeunes
1831
s r
1851
Entité observée
1831
(%)
1851
(%)
Hommes
(%)
Femme:
(%)
lommes I
(%)
Femmes
(%)
Villages
Données brutes
Données de l'échantillon
65,19
41,14
44,38
40,35
49,73
50,08
50,27
49,92
49,05
48,44
50,95
51,96
Bas-Canada
Sans les villes
44,17
45,24
43,78
45,52
50,68
51,18
49,32
48,82
49,55
49,73
50,45
50,27
Villes
Montréal
Québec
35,00
35,41
34,56
37,93
40,25
34,75
40,07
47,48
46,66
52,93
52,52
53,34
45,17
45,58
51,58
51,42
54,42
48,42
Population adulte
Hommes
de m
de 30
es
1831
(%)
1831
1851
> mariés
oins
Entité observée
Jeunes
gens
(%)
Adultes
(%)
Personnes
âgées
(%)
Jeunes
gens
(%)
Personn
Adultes âgées
(%) (%)
I ans
1851
(%)
Villages
Données brutes
Données de l'échantillon
6,99
6,83
19,23
43,97
8,59
8,06
7,12
7,79
39,78
42,45
8,72
9,41
21,16
21,81
23,56
23,43
Bas-Canada
Sans les villes
7,09
7,14
40,76
39,56
7,98
8,06
5,59
5,64
43,29
42,53
7,35
7,31
21,25
21,02
24,10
23,89
Villes
Montréal
Québec
6,72
6,50
6,94
51,00
50,23
51,76
7,29
7,82
6,74
5,20
5,31
5,04
49,27
48,65
50,11
7,60
5,79
10,99
23,06
24,00
22,14
25,80
26,11
25,38
Sources : ANC, Recensements du Bas-Canada, 1831 et 1851-1852.
101
Arrêtons-nous aux jeunes d'abord7. En 1831, ils représenteraient,,
selon les données brutes de recensement, plus de 65 % des effectifs
villageois, contre à peine plus de 44 % pour l'ensemble du Bas-Canada
et 35% dans les villes de Montréal et de Québec. En fait, cette
proportion est nettement exagérée, en raison des erreurs de toutes
sortes qui touchent le relevé des enfants et des jeunes adolescents
dans les listes. En effet, calculée uniquement pour les noyaux où une
information complète et cohérente sur l'âge des résidents de moins de
14 ans est disponible (environ 42% des noyaux pour lesquels on
dispose de données nominatives), leur proportion tombe à un peu plus
de 41 %, ce qui paraît nettement plus plausible. En 1851, les données
sont plus sûres, bien qu'encore sujettes à caution. Au total, les moins de
15 ans représentent alors un peu plus de 44% des effectifs (contre
43,8 % pour l'ensemble du Bas-Canada et un peu moins de 38 % pour
les villes mentionnées), mais à peine 40 % si l'on ne tient compte que
des noyaux pour lesquels on dispose de données cohérentes. Dans
l'ensemble, et abstraction faite du léger décalage d'âge qui sépare les
jeunes de 1831 de ceux de 1851, il semble que leur part dans la
population villageoise reste à peu près constante entre les deux recense-
ments; les changements touchent plutôt la population adulte, chez
laquelle on constate un certain vieillissement des effectifs entre les deux
dates. Même là, des nuances s'imposent, car on note des différences
de croissance entre les groupes d'âge.
En effet, en ne considérant cette fois que les sujets âgés de 14 à
20 ans et de 15 à 21 ans, on constate que la proportion des jeunes gens
augmente légèrement entre 1831 et 1851, que celle des adultes fléchit
et que celle des personnes âgées progresse. Mises en rapport avec les
données relatives aux enfants et aux jeunes adolescents, celles-ci sem-
blent indiquer un certain vieillissement des effectifs villageois entre les
deux dates; ceux-ci, tout en restant relativement jeunes (dans les
villages, un habitant sur deux a moins de 20 ou 21 ans, encore un peu
Compte tenu des particularités des recensements, il a fallu considérer comme
« jeunes » les personnes âgées de 0 à 13 ans au recensement de 1831 et de 0 à 14
ans au recensement de 1851 ; comme « adultes », les hommes de 14 à 59 ans et
les femmes de 14 à 45 ans au recensement de 1831, et les hommes de 15 à 60
ans et les femmes de 15 à 46 ans au recensement de 1851 ; comme « personnes
âgées », les hommes de plus de 60 ans et les femmes de plus de 45 ans au
recensement de 1831, et les hommes de plus de 61 ans et les femmes de plus de
46 ans au recensement de 1851. Ces seuils sont les meilleurs que l'on puisse
obtenir à partir des données de recensement pour une comparaison dans le temps.
Toutefois, ils ne sont pas sans difficultés puisque, dans le cas des femmes par
exemple, le palier de 45 ou de 46 ans sanctionne plutôt la fin de la période de
fertilité.
102
moins dans les villes), sont malgré tout moins âgés qu'ailleurs au Bas-
Canada. En outre, en ne tenant compte que des personnes de plus de
14 ou 15 ans, le seul groupe qui a fait l'objet d'un relevé un peu plus
cohérent, on constate qu'en 1831 le village comporte un peu plus
d'hommes que de femmes, situation qui s'inverse dans les villes; par
contre, en 1851, la situation avantage plutôt les femmes dont la propor-
tion dans la population villageoise se rapproche de celle qui a été
observée dans les villes.
Cette inégale répartition entre les sexes confirme l'impression de
« vieillissement » laissée par les données précédentes. Elle suggère
même une certaine transformation du village sur le plan économique et
social, qui passerait de 1831 à 1851 d'une situation pionnière à une
situation plus stable, caractérisée par de nouveaux équilibres sur le plan
démographique. Cette transformation est d'autant plus marquée que
l'on constate également une augmentation du nombre de personnes
mariées entre les deux dates. C'est le cas notamment des hommes
mariés de moins de 30 ans, dont les effectifs, par rapport à l'ensemble
des hommes qui se déclarent mariés dans les recensements, passent
de 21 % à 23%.
Sur le plan régional toutefois, les contrastes sont nombreux et
laissent voir des situations très diverses que nuancent des temporalités
distinctes. En 1831 par exemple, les bourgs qui comptent le plus de
jeunes sont ceux de la rive nord du fleuve, du moins dans les régions de
Montréal et de Trois-Rivières, et ceux de la péninsule de Vaudreuil-
Soulanges; en 1851, ce sont ceux de la région péri-urbaine de Montréal.
En ce qui concerne les personnes âgées, la situation évolue très rapide-
ment entre les deux dates : d'abord plus élevées dans les bourgs de la
rive sud, les proportions s'équilibrent 20 ans plus tard, sauf sur la Rive-
Sud de Montréal où elles chutent légèrement. Quant à la répartition par
sexe et au pourcentage d'hommes mariés de moins de 30 ans, ils sont
plus contrastés encore, et révèlent un panorama qui colore les socio-
économies régionales. Mais quelle que soit la région observée, on
assiste alors aux mêmes phénomènes, à savoir un accroissement impor-
tant du nombre de femmes et d'hommes mariés de moins de 30 ans
dans les bourgs, sauf dans la région de Montréal où cette croissance est
légèrement moins accentuée (voir le tableau 20).
Riche en contrastes, la population villageoise l'est d'autant plus
qu'elle vient de milieux géographiques variés, qui débordent parfois
largement le territoire de la localité. C'est l'une des grandes caractéristi-
ques des bourgs à cette époque d'être constitués de populations très
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diverses venant d'horizons géographiques parfois très lointains. Il n'y a
de civilisation vivante, disait Fernand Braudel, que celle qui se déplace.
Or on se déplace alors beaucoup dans la vallée du Saint-Laurent.
L'ORIGINE GÉOGRAPHIQUE
D'où viennent tous ces résidents des bourgs? Les sources sont
peu loquaces sur le sujet8: Bouchette n'en dit mot et, au recensement
de 1831, seul le nombre d'immigrants par voie d'eau ou de terre ou en
transit est enregistré, sans beaucoup d'exactitude. Toutefois, il est
possible de s'en faire une idée grâce au recensement de 1851, le
premier à fournir une information relativement détaillée sur le lieu de
naissance des personnes recensées et ce, pour l'ensemble de la popula-
tion. Il va sans dire que cette information n'est pas aussi probante que
celle que l'on pourrait obtenir des registres d'état civil ou du jumelage
systématique des noms des individus d'un recensement à l'autre, sur-
tout qu'elle laisse en suspens plusieurs aspects. Par exemple, il est
difficile de savoir si la localité indiquée comme lieu de naissance dans les
listes l'est vraiment ou s'il ne s'agit pas plutôt de la dernière localité de
résidence de la personne recensée. Par ailleurs, qu'en est-il du moment
précis d'arrivée au village? Mais comme il s'agit ici de reconnaître une
tendance, cette information reste valable, d'autant plus que l'observation
ne porte que sur les noyaux pour lesquels on dispose d'un relevé par
localité, soit 148 au total.
En 1851, un peu plus de 58% de la population qui vit dans les
bourgs viennent de la localité même où est situé le bourg. Les autres
arrivent des localités voisines ou situées dans le même district adminis-
tratif (25 %), de la ville ou d'une autre région (5 %), d'ailleurs au Canada
(entre 1 % et 3 %), de l'étranger (environ 4 %), auxquels s'ajoutent les
personnes nées au Bas-Canada (4 %) mais dont on ne connaît pas la
localité d'origine (voir le tableau 21).
Parmi la population qui déclare une origine locale, une partie vient
du bourg et une autre des côtes avoisinantes. Toutefois, il n'est pas
possible encore de distinguer ces deux courants. Pour cela, il faudrait
pouvoir disposer de données sûres quant au nombre de naissances et
de décès enregistré au cours de l'année précédant le recensement et
8. Par exemple, le recensement de 1831 ne donne qu'un aperçu de l'immigration en
provenance de l'extérieur du Bas-Canada (moins de 3% de la population villa-
geoise; les plus forts contingents se retrouvent dans les bourgs de la rive nord du
fleuve). Quant aux répartitions d'église, elles ne précisent pas l'origine de la
population.
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quant aux migrants venus s'établir au village au cours de la même
période. Or, ces données ne sont disponibles qu'à demi dans le recense-
ment: le nombre de naissances et de décès n'est pas certain et la date
d'arrivée au village ne nous est pas connue. Cependant, des indices
existent qui suggèrent un taux naturel de croissance relativement élevé,
conjugué à une forte migration interne.
En effet, en comparant le nombre de naissances enregistré dans
les bourgs au nombre de décès, on constate un important écart entre les
deux, trop grand pour ne résulter que d'un mauvais enregistrement des
données. Cet écart se traduit par un taux brut de croissance naturelle
d'environ 21 pour 1 000, ce qui donne environ sept habitants de plus par
village en moyenne, par année (voir le tableau 22). Même en admettant
que ce taux soit erroné, il reste que, pour une bonne part, le village se
reproduit lui-même, comme le suggère la proportion d'hommes mariés
de moins de 30 ans établis dans les bourgs (voir le tableau 23).
Toutefois, celui-ci n'est pas le seul artisan de sa croissance. En effet, en
supposant que le taux brut de croissance naturelle observé en 1851 soit
demeuré constant dans le temps, c'est-à-dire depuis 1831, la population
villageoise aurait dû être d'environ 83 000 habitants en 1851. Or, les
données indiquent un peu plus de 88 300 habitants, ce qui représente un
surplus d'environ 5 500 habitants venus d'ailleurs dans la localité au
cours d'une période de 20 ans et ce, indépendamment des départs qu'il
n'est pas encore possible de bien mesurer. Ces mouvements migra-
toires internes ont-ils vraiment été aussi importants? Il est difficile de le
dire. Quand on en compare l'importance théorique aux rythmes de
croissance réels de certains bourgs, ces chiffres n'ont rien d'excessif,
bien au contraire, surtout qu'ils s'inscrivent dans un contexte très
particulier qui en éclaire la logique.
En effet, au sein de la localité, côtes et villages ne sont pas des
entités distinctes, des mondes coupés l'un de l'autre. Au contraire, entre
les deux se tissent des liens très divers, de parenté d'abord, mais aussi
de voisinage et de travail ; les côtes paraissent même en certains cas de
véritables bassins de main-d'œuvre pour les aires industrialisées de la
paroisse, au sein desquelles le village est souvent situé9. Elles le sont
d'autant plus que ce phénomène s'accorde à un processus de reproduc-
tion sociale selon lequel, pour préserver l'intégrité de l'exploitation et
9. À ce sujet, voir Serge Courville, « Le marché des subsistances [...] », RHAF, 42(2)
1988, p. 193-239.
108
Tableau 22
TAUX BRUTS DE CROISSANCE NATURELLE (1851)
Taux de
Taux de
Taux de
croissance
Population
natalité
mortalité
naturelle
Secteur
NNO
observée
Naissances
Décès
(%o)
(%»)
(%o)
District de Montréal
Archipel
19
7 160
279
88
38,97
12,29
26,68
Péninsule
9
2 589
82
25
31,67
9,66
22,02
Rive-Nord
38
13 440
480
211
35,71
15,70
20,01
Sans levill. amérindien
37
12815
449
196
35,04
15,29
19,74
Rive-Sud
54
29 628
945
373
31,90
12,59
19,31
Sans levill. amérindien*
Total
120
52 817
1786
697
33,81
13,20
20,62
Sans les vill. amérindiens
119
52 192
1755
682
33,63
13,07
20,56
District de Trois-Rivières
Rive-Nord
13
3 566
100
37
28,04
10,38
17,67
Sans Les Forges
12
3 169
100
34
31,56
10,73
20,83
Rive-Sud
8
1 699
65
25
38,26
14,71
23,54
Sans les vill. amérindiens*
Total
21
5 265
165
62
31,34
11,78
19,56
Sans les vill. amérindiens*
Sans Les Forges
20
4 868
165
59
33,89
12,12
21,77
District de Québec
îles
6
886
33
12
37,25
13,54
23,70
Rive-Nord
32
6 275
241
82
38,41
13,07
25,34
Sans levill. amérindien
31
6 057
241
78
39,79
12,88
26,91
Rive-Sud
58
20 433
785
326
38,42
15,95
22,46
Total
96
27 594
1 059
420
38,38
15,22
23,16
Sans le vill. amérindien
95
27 376
1 059
416
38,68
15,20
23,49
Total
237
85 676
3 010
1 179
35,13
13,76
21,37
Sans les vill. amérindiens
235
84 833
2 979
1 160
35,12
13,67
21,44
Sans Les Forges
234
84 436
2 979
1 157
35,28
13,70
21,58
* Les données pour les villages amérindiens ne sont pas disponibles.
NNO : Nombre de noyaux observés.
Source: ANC, Recensement du Bas-Canada, 1851-1852.
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éviter sa trop grande fragmentation entre les héritiers, on exclut les
enfants au moment de leur mariage10.
En 1815, la terre est encore disponible. Elle se fera plus rare en
1830, notamment dans les vieux terroirs, où l'on assiste en outre à un
épanouissement de la propriété bourgeoise. Aussi l'établissement rural
gagne-t-il l'arrière-pays, alimenté par des courants de migration venus
des paroisses les plus anciennes, riveraines pour la plupart. Pourtant, ce
ne sont pas tous les jeunes gens qui cherchent à s'établir ainsi dans une
ferme. Plusieurs sont attirés par d'autres champs d'activité: transport,
services, bâtiment, fabrication, etc. Or, c'est au village surtout ou dans
ses environs immédiats que ces activités abondent, d'abord parce que
celui-ci est au cœur de la vie de relation, ensuite parce qu'il domine les
aires de marché et de localisation des industries rurales. Aussi vient-on
s'y établir en grand nombre, dans l'espoir d'une vie plus facile ou d'un
travail rémunéré qui permettra de fonder un foyer.
Bref, si l'on ne peut encore établir avec certitude le nombre
d'individus et de ménages qui, des côtes environnantes, viennent s'éta-
blir au village, le mouvement de migration interne, lui, ne fait aucun
doute, inscrit dans toute une logique de rapports économiques et
sociaux dont l'espace lui-même porte la trace. Ce n'est pourtant pas le
seul mouvement et, de fait, il en existe bien d'autres. Certains ont pour
origine la ville ou les localités voisines, c'est-à-dire situées dans le même
secteur géographique ou dans un secteur proche, d'autres ont pour
point de départ les régions contiguës ou plus éloignées, quand ce n'est
pas l'étranger.
Il est fascinant de constater à quel point la mobilité est grande,
alors, dans la vallée du Saint-Laurent. On vient de partout, à destination
non seulement des gros bourgs mais aussi des petits, surtout quand ils
accueillent une entreprise créatrice d'emplois. Ce qui peut sembler
caractéristique d'une région ou d'un secteur géographique donné l'est
10. Sur le système de reproduction sociale au Québec et ses effets dans l'espace, voir:
Gérard Bouchard, « Les systèmes de transmission des avoirs familiaux et le cycle
de la société rurale au Québec, du XVIIe au XXe siècle: nouvelles propositions », HS,
XVK31), 1983, p. 35-60, et, du même auteur, «Sur la reproduction familiale en
milieu rural: systèmes ouverts et systèmes clos », RS. XXVIIK2-3), 1987, p. 229-
251 ; Louise Dechêne, Habitants et marchands de Montréal au XVIIe siècle;
Jacques Mathieu et collab., « Peuplement colonisateur au XVIIIe siècle dans le
gouvernement de Québec », dans R. L. Emerson, W. Kinsley et W. Moser,
L'homme et la nature, p. 127-138; Jacques Mathieu, « Mobilité et sédentarité:
stratégies familiales en Nouvelle-France », RS, XXVIIK2-3), 1987, p. 211-227; Jac-
ques Mathieu et Serge Courville (dir.). Peuplement colonisateur aux XVIIe et XVIIIe
siècles.
111
en fait de tous les milieux11; seules les proportions changent, à l'avan-
tage tantôt de l'un, tantôt de l'autre. Par exemple, la migration anglo-
phone se dirige surtout vers l'archipel de Montréal, la péninsule de
Vaudreuil-Soulanges, la Rive-Nord de Québec et la Rive-Sud de Mont-
réal. Mais on retrouve des anglophones dans presque tous les bourgs.
Quant à la population venue des autres régions, elle se dirige dans tous
les sens, de l'est à l'ouest ou inversement, et de ces deux pôles vers le
centre, si bien que rares sont les bourgs dont la population n'a qu'une
origine locale. Mais jugeons-en plutôt par quelques exemples (voir le
tableau 24). Quelle que soit la taille du bourg, la part de la population
venue de l'extérieur reste importante et déborde presque toujours le
secteur géographique immédiat du village, sauf dans le cas des petits
noyaux-moulins et encore (par exemple Saint-Xavier-de-Verchères), ou
des bourgs situés dans les paroisses neuves de colonisation (par exem-
ple Sainte-Julie). Par contre, en ce qui concerne la contribution de
chacune des régions, toutes sont à la fois des aires d'arrivée et de
départ, à des degrés divers bien sûr, mais que semblent nuancer
uniquement la position excentrique de certains bourgs ou leur contexte
particulier.
Enfin, à tous ces mouvements s'ajoutent ceux que l'économie
locale ou la présence d'un collège ou d'un couvent favorise et qui
montrent, encore là, le caractère très diversifié de la population villa-
geoise. Sur les 148 bourgs observés, tous accueillent un certain nombre
d'individus qui déclarent un autre lieu de résidence (voir le tableau 25).
Le plus souvent, il s'agit d'une localité située dans la même région
administrative (de 31 % à 69 % des cas, selon la région) ou du centre
régional (de 10% à 55%). Mais nombreux sont ceux qui déclarent
résider dans une région voisine (de 1,7% à 5,4%), ailleurs au Canada
(de 3 % à 1 1 %), aux États-Unis (de 4 % à 15 %) ou en Europe (environ
1 %). Sauf dans l'archipel de Montréal et dans la péninsule de Vaudreuil-
Soulanges où les apports semblent plutôt venir des localités voisines,
partout ailleurs ils arrivent de l'extérieur, de la ville notamment et de
11. Dans ses travaux sur Saint-Antoine-de-la-Rivière-du-Loup par exemple, Jocelyn
Morneau évalue à 594 le nombre de personnes nées à l'extérieur de la localité en
1851-1852. Au total, celles-ci viennent de 83 localités ou endroits différents, dont
11 situés hors du Bas-Canada; les localités limitrophes fournissent à elles seules
environ 60 % des contingents. Des 460 migrants âgés de plus de 15 ans, 58,5 %
sont des femmes et 41,5 % des hommes; 55 % sont mariés et 36 % célibataires.
Et, fait notable, sur les 242 migrants dont le métier ou la profession sont connus,
19,4% se déclarent cultivateurs, 28,1 % œuvrent dans les secteurs de la fabri-
cation et de la construction, 27,7 % travaillent dans les transports et les services,
domestiques surtout, 20,2 % sont journaliers et 4,5 % prêtres ou rentiers. Voir
Jocelyn Morneau, « Agriculture et industries rurales (...) ».
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l'étranger. Toutefois, dans la région de Québec, plus de la moitié des
effectifs viennent de la ville, alors que leur origine est plus variée dans
les régions de Montréal et de Trois-Rivières.
Tout cela contribue à accentuer les contrastes entre les bourgs et
leurs résidents, car les clivages sont nombreux dans le village, sur les
plans économique et social. Cela tient pour une bonne part aux activités
mêmes de cette population, lesquelles sont très diverses. Mais ces
distinctions découlent aussi de bien d'autres facteurs, liés ceux-là à la
présence de divers groupes sociaux dont les ambitions ne sont pas
toujours conciliables. Dans ce panorama, l'étranger occupe une bonne
place, car il représente parfois jusqu'à 10 %, 20 %, 30 % et même 40 %
de la population locale.
LA COMPOSITION ETHNIQUE
Observée sous l'angle de sa composition ethnique, la population
villageoise est loin d'être homogène. À côté du groupe dominant,
francophone ou anglophone selon les cas, on remarque la présence de
plusieurs groupes minoritaires qui font du village un lieu de contact et
d'échange important entre les représentants de diverses populations.
Les sources disponibles sont trop sommaires pour une étude appro-
fondie du phénomène. Néanmoins, grâce aux recensements, il est
possible de l'appréhender du moins globalement. Parmi l'information
disponible, il y a d'abord le nom du chef de ménage, qui permet de
distinguer l'élément francophone des autres groupes ethniques. Ensuite,
les confessions religieuses donnent également un aperçu de la composi-
tion ethnique de la population, mieux que les variables relatives à
l'immigration qui ne sont pas toujours enregistrées avec la même
précision d'une localité à l'autre. Enfin, la structure ethnique des couples
permet d'apprécier la qualité et l'importance des échanges entre les
groupes.
L'un des intérêts de l'approche patronymique est de permettre
une meilleure saisie de l'élément allogène, qu'il n'est pas toujours
possible de bien circonscrire uniquement à partir du relevé des confes-
sions religieuses. Par exemple, les Irlandais catholiques ne font pas
l'objet d'un relevé particulier dans les recensements de la période. Cette
approche n'est pourtant pas sans limite, puisque rien ne permet de
distinguer les personnes qui, tout en portant un nom étranger, sont
parfaitement intégrées à la majorité, tant par la langue que par la religion
ou la culture. C'est le cas, notamment, des descendants de couples
mixtes, dont plusieurs ont fini par adopter la langue et la religion du
115
groupe dominant, et de bien des marchands et artisans qui, pour
pratiquer leur métier, ont appris la langue de leurs clients. Les monogra-
phies locales en donnent des exemples; toutefois, ces gens ne partage-
ront pas nécessairement la religion ou la culture de la majorité.
Toutes ces informations ne sont pas également présentes dans
les recensements ni accessibles de la même manière. Par exemple, ce
n'est qu'en 1851 qu'il est possible de connaître la composition ethnique
des ménages. Ce qui ressort par contre des données disponibles, c'est
tout à la fois l'importance de la présence étrangère dans le village, son
inégale répartition dans l'espace et sa relative diminution dans le temps.
En 1831, sur 100 chefs de ménage résidents du village, 83 en moyenne
sont francophones, 12 sont anglophones et 5 sont d'une autre origine
ethnique (voir le tableau 26). En 1851, les proportions demeurent sensi-
blement les mêmes, encore que l'on remarque une légère croissance du
nombre de couples unilingues francophones par rapport au nombre de
couples unilingues anglophones : 85 % contre environ 1 1 % respective-
ment (voir le tableau 27). Par ailleurs, on remarque aussi plusieurs
couples mixtes (plus de 3 %), dont un peu moins de la moitié sont sous
la responsabilité d'un chef de ménage francophone et les autres dépen-
dent d'un chef de ménage anglophone ou allophone. Quant à la réparti-
tion des confessions religieuses, elle épouse sensiblement le même
profil. En 1831 par exemple, les catholiques forment environ 92 % de la
population, en incluant les Irlandais; en 1851, leur proportion augmente
à 94 %, comme si le village prenait entre les deux dates un visage de
plus en plus catholique et français. En fait, ce n'est vrai qu'en partie,
puisque cette évolution est très circonscrite dans l'espace et qu'elle ne
concerne que les bourgs des régions de Québec et de Trois-Rivières,
notamment ceux qui sont situés sur la rive nord du fleuve et en milieu
insulaire. Partout ailleurs, sur la rive sud du fleuve et dans la région de
Montréal, on assiste plutôt à une diminution du nombre de catholiques,
variable selon les régions, mais qui semble plus marquée dans la plaine
de Montréal qu'ailleurs.
Analysées par sous-région, les variations sont plus grandes
encore et montrent que c'est autour des villes surtout, dans les gros
bourgs et sur les fronts pionniers de l'ouest et de l'est du Québec que
se répartissent les villages qui accueillent beaucoup d'étrangers. Par
contre, c'est dans l'archipel de Montréal que la proportion des catholi-
ques diminue le plus entre 1831 et 1851, puis dans la péninsule de
Vaudreuil-Soulanges et sur la rive nord du fleuve. Ailleurs, le phénomène
est moins évident et révèle un écart de plus en plus grand entre la partie
méridionale de l'aire seigneuriale et la partie septentrionale.
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Tableau 27
GROUPES ETHNIQUES ET RELIGIONS (1851)
Mixte
Mixte
Mixte
chef
chef
chef
Couples
Français
Anglais
Autres
français
anglais
autre
Total
Secteur
NNO
observés
(%)
(%)
<%)
(%)
(%)
(%)
(%)
District de Montréal
Archipel
19
1016
83,27
14,17
0,00
1,77
0,79
0,00
100,00
Péninsule
11
382
75,13
17,02
0,00
2,09
5,76
0,00
100,00
Autre île
1
4
100,00
0,00
0,00
0,00
0,00
0,00
100,00
Rive-Nord
39
1 797
85,70
11,19
0,00
1,34
1,73
0,06
100,00
Sans le vil 1. amérindien
38
1 767
85,46
11,38
0,00
1,36
1,75
0,06
100,00
Rive-Sud
55
3 823
79,00
17,50
0,03
1,67
1,65
0,16
100,00
Sans le vill. amérindien*
Total
125
7 022
81,13
15,37
0,01
1,62
1,77
0,10
100,00
Sans les vill. amérindiens
124
6 992
81,05
15,43
0,01
1,63
1,77
0,10
100,00
District de Trois-Rivières
Rive-Nord
13
529
94,14
0,57
0,00
2,27
3,02
0,00
100,00
Sans Les Forges
12
462
93,72
0,65
0,00
2,38
3,25
0,00
100,00
Rive-Sud
9
253
96,84
2,37
0,00
0,40
0,40
0,00
100,00
Sans le vill. amérindien**
8
242
96,69
2,48
0,00
0,41
0,41
0,00
100,00
Total
22
782
95,01
1.15
0,00
1,66
2,17
0,00
100,00
Sans le vill. amérindien**
21
771
94,94
1,17
0,00
1,69
2,20
0,00
100,00
Sans Les Forges
20
704
94,74
1,28
0,00
1,70
2,27
0,00
100,00
District de Québec
îles
6
130
100,00
0,00
0,00
0,00
0,00
0,00
100,00
Rive-Nord
34
977
80,96
13,20
0,00
4,20
1,43
0,20
100,00
Sans le vill. amérindien*
Rive-Sud
58
3 330
94,53
3,51
0,00
0,69
1,26
0,00
100,00
Total
98
4 437
91,71
5,54
0,00
1,44
1,26
0,05
100,00
Sans le vill. amérindien*
Total
245
12 241
85,85
10,90
0,01
1,56
1,61
0,07
100,00
Sans les vill. amérindiens
243
12 200
85,80
10,93
0,01
1,57
1,61
0,07
100,00
Sans Les Forges
242
12 133
85,74
10,99
0,01
1,57
1,62
0,07
100,00
* Les données pour le village amérindien ne sont pas disponibles.
** Ne concerne que le village de Bécancour.
NNO : Nombre de noyaux observés.
Source: ANC, Recensement du Bas-Canada, 1851-1852.
118
Église
d'Angle-
Bap-
Catho-
Métho-
Presbyté-
Protes-
Population Religion
terre
tistes
liques
Juifs
distes
riens
tants
Autres
Total
Noirs
Indiens
NNO
observée
connue
(%)
(%)
(%)
(%)
<%)
(%)
(%)
(%)
(%)
(%)
(%)
19
7160
7 157
2,72
0,00
91,84
0,00
0,14
4,08
0,84
0,38
100,00
0,00
0,01
11
2 726
2 726
7,70
0,26
84,92
0,00
1,28
2,53
3,01
0,29
100,00
0,00
0,00
1
28
28
0,00
0,00
100,00
0,00
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5 265
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119
On retrouve cette distinction entre l'ouest et l'est de la province
dans la répartition des personnes de race noire. En 1851, on n'en relève
à peu près que dans la région de Montréal, sur la rive nord et la rive sud
du fleuve. Toutefois, comme on n'en dénombre aucune dans l'archipel
de Montréal, là où la domesticité est élevée, il se peut que cette
répartition soit plus large, masquée par une mauvaise qualité d'enregis-
trement des données. On observe le même écart dans la répartition des
populations amérindiennes. Plus nombreuses dans la région de Mont-
réal, elles reflètent surtout la répartition géographique des missions:
celles du Lac-des-Deux-Montagnes et du Sault-Saint-Louis dans la région
de Montréal, celles de Bécancour et de Saint-François dans la région de
Trois-Rivières et celle de la Jeune-Lorette (Village-des-Hurons) dans la
région de Québec. Mais il arrive qu'on en retrouve ailleurs dans les
bourgs; c'est le cas notamment dans la région de Montréal, dans des
villages tels Berthier, Sainte-Elisabeth, Saint-François-de-Sales et Lon-
gueuil. De même, on dénombre quelques résidents amérindiens à
Lauzon, en banlieue de Québec.
Cette présence de divers groupes ethniques dans le village en fait
un milieu ouvert aux influences extérieures. Jusqu'à quel point? Nul ne
saurait le dire, du moins dans l'état actuel de la recherche. Mais parce
qu'elles sont parfois importantes, les minorités ethniques influent sur la
vie du village, quand elles ne contribuent pas plus franchement à son
développement. Tel n'est pas toujours le cas, mais rares sont les villages
qui ne profitent pas de la venue de nouveaux éléments, auxquels ils
doivent parfois un savoir-faire, de nouvelles entreprises ou de nouveaux
services. Cela ne veut pas dire que les villages privés de tels apports
sont incapables de changement, mais cela signifie que, dans les bourgs
qui comportent une présence étrangère, des contacts se nouent, de
nouveaux liens se tissent, qui profiteront à terme à l'ensemble de la
communauté villageoise, tant francophone qu'anglophone. D'ailleurs, il
est significatif de noter que les régions les mieux nanties sur le plan
économique accueillent toutes une part importante de ressortissants
d'origine étrangère qui entretiennent des rapports très divers avec la
population locale. La situation n'est pas différente dans les bourgs dont
plus des deux tiers comprennent au moins quelques ménages d'origine
étrangère, quelle que soit la région.
Les socio-économies locales se ressentent de ces apports, d'au-
tant plus que l'étranger est souvent un employeur potentiel. Aussi est-il
généralement bien vu de la majorité, mieux parfois que certains anciens
résidents, dont on ne peut espérer le même support. Les exemples
120
abondent de marchands ou d'entrepreneurs anglophones bien accueillis
par l'élément francophone. Dans la seconde moitié du siècle, on ira
même jusqu'à faire des levées de fonds pour attirer les entreprises de
l'extérieur. Bien sûr, il faudra bien des années avant que l'étranger ne se
sente vraiment accepté. C'est généralement par le mariage que cette
intégration s'effectue. Une certaine distance peut demeurer, selon la
personnalité du nouvel arrivant, mais elle ne sera plus celle du début.
Dans l'ensemble, et sauf exceptions d'ailleurs célèbres, on est donc loin
des tensions qui ont pu marquer d'autres milieux, du moins au cours de
la première moitié du siècle, alors que la société villageoise n'est pas
encore tout à fait établie. Il y aura des difficultés mais elles seront d'un
autre ordre.
LA SOCIÉTÉ VILLAGEOISE
Y a-t-il vraiment une société villageoise, au sens d'une société
distincte de celle qui habite les côtes? Nous le croyons, dans la mesure
où l'on retrouve au village une densité de métiers et de professions que
l'on ne retrouve pas ailleurs sur le territoire. Ne chicanons pas sur les
mots : ce n'est que par commodité de présentation que nous adoptons
ici l'expression « société villageoise ». Dans les faits, il ne s'agit que d'un
segment de la société rurale qui vit dans le village. Mais comme ce
segment est en contact plus fréquent avec l'extérieur, la ville notam-
ment, il se trouve doté d'un attribut supplémentaire qui le distingue du
monde environnant. Quelle différence, en effet, entre le marchand du
village et le petit boutiquier des côtes; quelle distance, aussi, entre le
collège ou le couvent du village et l'école de rang, et entre le maître du
village et la maîtresse d'école des côtes! Il n'est pas toujours possible
de mesurer ces écarts ni d'en connaître les causes, mais on en sent
partout l'importance, comme si le fait de résider au village rehaussait le
rang social. À vrai dire, cela n'est pas tout à fait faux puisque c'est au
village que résident généralement les notables.
Un éventail large d'activités
Si le village attire autant, c'est qu'il offre des perspectives de vie
et d'emploi intéressantes dont les ruraux cherchent à profiter. Et de fait,
le travail ne manque pas, comme en témoigne la quantité de métiers et
de professions consignées dans les recensements : plus de 200 intitulés
différents en 1831 et près du triple en 1851 (voir l'annexe D). Cette
diversification des mentions entre les deux dates provient en grande
partie de systèmes différents d'enregistrement des données dans les
121
recensements: celui de 1831, par exemple, ne cite que les métiers et
professions des chefs de ménage, alors que celui de 1851 étend son
information à tous les membres du ménage et mentionne même les
doubles métiers (par exemple, avocat et cultivateur, charron et peintre,
maçon et menuisier, pilote et cultivateur, etc.); parfois, il va jusqu'à
attribuer le métier du père aux enfants en bas âge ! Elle découle aussi de
la variété de termes utilisés pour désigner certains métiers (par exemple,
laboureur, fermier, cultivateur, agriculteur, habitant, yeoman, etc.) qui ne
revêtent pas toujours la même signification sur les plans économique et
social. Enfin, cette diversité s'explique par un plus grand nombre de
mentions relatives au travail féminin et au statut social des personnes
(par exemple, gentilhomme, bourgeois, étudiant). Mais ce ne sont pas
les seules causes. En effet, entre 1831 et 1851, surviennent des
changements profonds qui favorisent cette diversification: intensifica-
tion des échanges, émergence de nouvelles technologies dans les
domaines de l'industrie et des transports, complexité croissante de la
société, etc. Il en résulte une variété de besoins qui entraîne à son tour
celle du travail et une spécialisation de l'emploi dont l'écho se fait sentir
jusque dans le vocabulaire (par exemple, gardien d'écluse, steamer, etc.)
et les panoramas régionaux; généralement, les intitulés sont plus variés
dans la région de Montréal que partout ailleurs.
Afin de mieux saisir le sens de cette évolution et sa signification
sur les plans économique et social, nous avons regroupé les métiers et
professions recensés sous 12 en-têtes inspirés de la classification propo-
sée par le Groupe de recherche sur la société montréalaise au XIXe
siècle12; cependant, nous avons retouché cette nomenclature pour tenir
compte des métiers et professions exercés dans les bourgs. Ces caté-
gories sont les suivantes: commerce, transport, fabrication, construc-
tion, professions libérales, clergé, services, fonction publique, agricul-
ture, journaliers, domestiques, pêcheurs. En chiffres absolus, les don-
nées qu'elles regroupent ne sont pas comparables dans le temps, en
raison des différences d'enregistrement mentionnées précédemment.
12. Cette classification est parue dans Jean-Paul Bernard, Paul-André Linteau et Jean-
Claude Robert, « La structure professionnelle de Montréal en 1825 », RHAF, 30(3),
1976, p. 383-415. Outre les retouches apportées pour tenir compte des métiers et
professions relevés dans les bourgs, nous y avons inclus les doubles métiers, en
les regroupant pour moitié ou au tiers dans les classes concernées (0,5 cultivateur
et 0,5 journalier pour les personnes qui se présentent comme journalier-cultivateur
par exemple, et 0,33 si trois occupations sont déclarées), cela pour éviter de gonfler
les classes par rapport au total de personnes dénombrées dans les bourgs. Sans
doute consacraient-elles plus de temps à une occupation qu'à l'autre mais, sans
aucun moyen de le savoir, mieux valait procéder ainsi plutôt que de perdre
l'information et de fausser les perspectives.
122
Toutefois, mises en rapport avec les données de population, elles
révèlent la structure de la population active qui évolue beaucoup en
20 ans.
En 1831, plus de 46 % des chefs de ménage sont employés dans
la fabrication, le bâtiment et l'agriculture; les autres sont ou journaliers
(28 %) ou engagés dans les services (7,5 %), le commerce (6,5 %) ou
les transports (3,9 %). Quant aux professions libérales et à la fonction
publique, elles regroupent respectivement 3 % et 1,5 % de la population
adulte, et le clergé moins de 2 %. Deux secteurs sont peu représentés:
la pêche, avec moins de 0,3 % de la main-d'œuvre, et la domesticité,
avec moins de 0,1 %. Dans ce dernier cas toutefois, les données sont
sujettes à caution, car rares sont les chefs de ménage qui se déclarent
domestiques; cette occupation se retrouve parmi les membres du
ménage qui ne sont pas recensés nominalement en 1831. En 1851, le
panorama a changé: les secteurs de la fabrication, du bâtiment et de
l'agriculture accueillent cette fois moins de 38 % de la main-d'œuvre,
alors que les secteurs du commerce et des transports en cumulent
12%. La part des journaliers augmente (plus de 31 % de la population
adulte), tout comme celle des domestiques (10%), dont on connaît
mieux maintenant le nombre exact. Quant aux autres secteurs d'activité,
tels services, professions libérales, clergé, fonction publique, pêche, ils
occupent presque autant de main-d'œuvre qu'en 1831, avec de légères
diminutions liées surtout aux distorsions qu'introduisent les données
relatives à la domesticité, sauf peut-être dans le cas des services où la
chute semble plus prononcée.
Analysées dans l'espace, les données montrent d'importantes
variations régionales (voir les tableaux 28 et 29). En 1831 par exemple,
on compte en moyenne plus de personnes engagées dans le commerce
dans les bourgs de la région de Trois-Rivières que dans les deux autres
régions, sauf dans la péninsule de Vaudreuil-Soulanges où le pourcen:
tage dépasse 12% de la population active. Par contre, en ce qui
concerne le pourcentage de personnes engagées dans la fabrication et la
construction, celles de la région de Montréal dominent, d'autant plus
que la part des journaliers y est également plus élevée. En 1851, la
situation est différente: le pourcentage de personnes engagées dans le
commerce est plus grand dans les bourgs de la région de Montréal alors
que la fabrication occupe une plus grande part de la main-d'œuvre dans
la région de Trois-Rivières. Quant aux journaliers, ils sont proportionnelle-
ment plus nombreux dans la région de Québec; leur nombre décroît
ensuite légèrement dans les bourgs trifluviens, puis de nouveau dans
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ceux de la région de Montréal. Autrement dit, tout se passe comme si
l'on assistait à un déplacement des activités dans l'espace entre les
deux dates : rappelons simplement qu'il s'agit ici de pourcentages et non
de chiffres absolus. Il ne faudrait donc pas en déduire des traits qu'infir-
meraient de tels chiffres, notamment pour ce qui est du marché que
signalent les activités de commerce: en 1831, comme en 1851 d'ail-
leurs, celui-ci est beaucoup plus important dans la région de Montréal
que partout ailleurs au Bas-Canada, ne serait-ce qu'en raison du nombre
de personnes recensées à la campagne. En fait, ce que révèle le
pourcentage d'individus engagés dans tel ou tel domaine d'activité, c'est
la fonction du bourg et non les orientations de l'économie régionale. Il y
a une différence entre le gros négociant et le petit marchand général :
tous deux sont des commerçants au sens général du terme, mais on
connaît bien l'écart qui les sépare.
Cela dit, et tout intéressantes qu'elles soient, ces données ne
donnent qu'un aperçu des activités de la population villageoise; elles ne
tiennent pas compte de la situation particulière des bourgs. Pour en avoir
une meilleure vision, il faut définir le profil du bourg par rapport à
l'ensemble. Le village de Saint-Eustache peut servir d'exemple (voir le
tableau 30). Prospère jusqu'à la fin des années 1830, il perd par la suite
plusieurs de ses anciennes fonctions, victime à la fois de la rébellion de
1837 et de la concurrence de la ville, des bourgs voisins et de l'arrière-
pays seigneurial où progresse de plus en plus l'industrie rurale.
En 1831, ce village compte 156 chefs de ménage; il fait alors
figure de petit bourg industriel, avec plus d'une quarantaine de ceux-ci
qui sont engagés dans les activités de fabrication. En 1851, soit 14 ans
après l'insurrection, il n'en compte plus que 144, dont à peine plus d'une
trentaine sont des artisans. La même situation existe dans le transport
et la construction. En 1831, ces activités occupent une trentaine de
chefs de ménage; en 1851, elles en occupent 24. Même le nombre de
journaliers diminue, comme si la décroissance des activités précédentes
avait un effet direct sur la répartition des manœuvres dans l'espace.
Pourtant, la gamme des métiers s'est élargie, mais la progression se fait
surtout au profit des agriculteurs, des représentants des professions
libérales, les notaires notamment, des marchands et des commerçants.
Bref, tout se passe comme si, après un bref intermède, le village
retrouvait ses anciennes fonctions du XVIIIe siècle, alors qu'il n'était
souvent qu'un centre de services pour les campagnes environnantes.
Les activités artisanales restent importantes, mais sans l'ampleur
qu'elles avaient auparavant.
126
La rébellion de 1837 explique sans doute cette évolution: détruit
par les troupes, le village mettra plus de dix ans à renaître de ses
cendres. Mais là n'est pas la seule cause. En effet, de 1831 à 1851, il
aura à subir la concurrence des villages voisins, par exemple Saint-
Jérôme plus au nord, où la population passe alors de 80 habitants
environ à plus de 445 entre les deux dates (contre 832 pour Saint-
Eustache en 1831, qui en compte 500 en 1815 et 783 en 1851).
Avantageusement situé sur les bords de la rivière du Nord, au contact de
Tableau 30
MÉTIERS, STATUTS ET PROFESSIONS DÉCLARÉS
DANS LE VILLAGE DE SAINT-EUSTACHE (1831, 1851)
(chefs de ménage seulement)
1831
1851*
1 arpenteur
8
marchands
1 arpenteur
2
médecins
4 aubergistes
3
médecins
4 aubergistes
6
menuisiers
1 bedeau
9
menuisiers
1 avocat
2
meuniers
3 bouchers
2
meuniers
1 bedeau
1
modiste
1 boulangère
4
notaires
1 boucher
1
notaire et seigneur
4 boulangers
2
officiers demi-paie
4 boulangers
1
notaire public
14 bourgeois
1
potier
1 cardeur
5
notaires
3 bourgeoises
1
prêtre
9 charpentiers
3
plâtriers
1 brewer
1
revendeuse
1 charretier
1
postier
1 chapelier
1
scieur
1 charroyeur
3
potiers
6 charpentiers
2
seigneurs
1 clerc de notaire
1
prêtre et curé
5 charretiers
2
tailleurs
4 commerçants
1
rentier et cultivateur
1 charron
1
tanneur
2 commis
4
rentières
6 cordonniers
3
tisserands
6 cordonniers
2
rentiers
1 couturier
1
tisseranne
2 couturières
1
sage-femme
1 couturière
1
tonnelier
10 cultivateurs
1
secrétaire trésorier
4 cultivateurs
3
tourneurs
1 écuyer seigneur
1
seigneuresse
1 faiseur de chaises
1
yeoman
2 ferblantiers
1
sellier
8 forgerons
1 fermier
2
servantes
2 huissiers
4 forgerons
1
serviteur
2 instituteurs
1 gentilhomme
2
tanneurs
1 institutrice
2 huissiers
1
tailleur
29 journaliers
1 instituteur
1
tisserand
10 maçons
27 journaliers
1
tonnelier
1 laboureur
1
tourneur
4 maçons
1
veuve
1 marchande
n.d.
dames de la
3 marchands
Congrégation de
Notre-Dame
Total: 156
Total: 144
* Selon les listes du dénombrement personnel et du dénombrement agraire.
n. d.: non disponible.
Sources: ANC, Recensements du Bas-Canada, 1831 et 1851-1852.
127
la plaine et du plateau laurentidien, ce village doit son origine à l'initiative
des seigneurs Dumont et De Bellefeuille de Saint-Eustache, qui en
planifient l'implantation dès les années 1830. D'abord emplacement
d'une petite filature, il deviendra avec le temps l'un des principaux pôles
industriels de la région au nord de Montréal, à la tête de tout un réseau
de moulins établis de part et d'autre de la rivière du Nord.
L'exemple de Saint-Eustache n'a rien d'unique. Le cas est le
même pour tous les bourgs qui ont eu à souffrir de l'apparition de
nouveaux centres industriels mieux situés le long des voies de com-
munication ou avantagés sur le plan des ressources. Celui de L'Assomp-
tion en offre un autre exemple, victime celui-là de la croissance du
village de L'Industrie où le seigneur Barthélémy Joliette avait autrefois
établi des moulins. Même l'agriculture en subira les effets: privée de
ses débouchés traditionnels, elle connaîtra une longue phase d'hésita-
tions, avant de se tourner finalement vers la production de lait et de
plantes fourragères à destination des marchés citadin et extérieur. Et il
n'y a pas que sur la rive nord que ce phénomène se produit. On
l'observe également sur la rive sud du fleuve où, après les années 1840,
l'essor industriel n'avantage plus que des bourgs bien marqués comme
Saint-Hyacinthe, Saint-Jean (Dorchester), Valleyfield, etc.
Ce bref tour d'horizon ne saurait être complet sans un aperçu du
travail féminin et du travail des enfants. On sait, grâce aux données de
recensement, que le travail féminin a été important. On peut en juger
par le type de métier ou de profession enregistré dans les listes. La
femme travaille comme aubergiste ou hôtelière, brodeuse, cardeuse,
chanteuse, commerçante ou marchande, cordonnière, couturière, cuisi-
nière, cultivatrice, directrice d'école, domestique ou servante, engagée,
institutrice, femme de journée, fileuse, gardienne, gouvernante, journa-
lière, laveuse, maçon, menuisière, mercière, modiste, musicienne, plâ-
trière, religieuse, revendeuse, sage-femme, secrétaire, tailleuse, tanneuse,
« tisseranne », vendeuse, etc., sans compter les mentions relatives à son
rang ou à son statut: seigneuresse, gentlewoman, mendiante, veuve ou
autre. Outre le fait que les métiers changent entre 1831 et 1851, la
fréquence des emplois n'est pas la même.
Le village de Saint-Eustache nous servira encore d'exemple. En
1831, ce village compte 14 femmes enregistrées comme chefs de
ménage, dont 1 1 sont veuves. De ce nombre, une se déclare journalière,
deux sont tisseranes, deux sont couturières, une est institutrice, une est
revendeuse, une est boulangère, une est maçon, trois sont recensées
comme bourgeoises et deux sont sans métier ou statut connu. Au total,
128
donc, ce sont les activités de fabrication qui réunissent la majorité. En
1851, le panorama aura quelque peu changé, en raison d'un enregistre-
ment plus complet des personnes. À cette époque, ce village compte au
total quelque 415 femmes et jeunes filles, qui représentent 52,9 % de la
population locale. De ce nombre, un peu moins d'une centaine vaquent à
des activités diverses. La plupart sont domestiques (39,8 %), modistes
ou apprenties modistes (19,4%), couturières (9,7%), journalières
(9,7 %), ce qui en laisse encore environ 30 % dans la fabrication. Deux
sont religieuses, une est marchande et une est sage-femme. Quant aux
autres, elles se déclarent rentières (7,5 %), ménagères (4,3 %), men-
diantes (2,2 %) ou seigneuresses (1,1 %). Cette situation est caractéristi-
que des bourgs qui comptent une importante bourgeoisie locale. Pour-
tant, elle n'est pas très différente dans les autres villages où l'on
observe également un nombre important de femmes dans la domesticité
et dans la fabrication. Par exemple, à Saint-Antoine-de-la-Rivière-du-
Loup, on ne dénombre pas moins d'une soixantaine de jeunes femmes
occupées à du travail de broderie sur écorce de bouleau à la même
époque. Au total, elles représentent à elles seules 10 % de la population
du village qui compte alors 600 habitants. De même, dans les villages de
L'Assomption et de Saint-Jacques, la fabrication des ceintures fléchées
(les Assomption Sash) prend la forme d'une véritable petite industrie13.
Quant au travail des enfants, il est plus difficile à cerner en raison
d'un mauvais enregistrement des données dans les recensements qui
attribuent souvent aux enfants en bas âge (souvent de moins de cinq
ans, selon les localités) le métier de leurs parents. Néanmoins, si l'on en
juge par les villages où le relevé est bien fait, il semble que celui-ci ne
s'amorce que vers l'âge de 12 ou 13 ans chez les garçons, un peu plus
tard chez les filles, par exemple chez les artisans où les fils sont initiés
tôt au travail du père (boulanger, charpentier, meunier, sellier, etc.). Le
cas est le même chez les journaliers où l'apprentissage prend cependant
un tout autre aspect. Enfin, il arrive que de toutes jeunes filles soient
parfois reconnues comme servantes dès l'âge de huit ou neuf ans, mais
c'est l'exception : la jeune fille n'entre vraiment sur le marché du travail
qu'à l'âge nubile et très souvent comme apprentie.
13. Cette activité aurait été introduite vers 1837 par un ancien commerçant du nord-
ouest, Salomon Bélanger, devenu depuis l'agent de la Hudson's Bay Company;
celui-ci distribue alors lui-même la laine aux tisseuses, pour acheminer ensuite le
produit fini sur le marché. Le commerce, semble-t-il, était florissant. Il le sera
jusqu'à la fin du siècle. Voir Guy Courteau et François Lanoue, Une nouvelle Acadie,
Saint-Jacques de l'Achigan, 1772-1947, p. 270-271.
129
Pourtant, ce ne sont pas tous les enfants qui travaillent, du moins
sur une base permanente. En effet, les recensements font également
état d'une importante clientèle scolaire, qui varie selon les bourgs mais
qui peut représenter en moyenne jusqu'au tiers de la population locale
en 1831, mais seulement 15% en 1851. Cette variation du nombre
d'écoliers entre les deux dates appelle une explication, car elle n'est pas
nécessairement due à un mauvais enregistrement des données. C'est
qu'on assiste à l'époque à la mise en place d'un système d'écoles
publiques14 qui suscite bien des remous. Assumé jusque-là par l'Église,
l'enseignement ne devient une responsabilité d'État qu'au début du XIXe
siècle, après que l'on eut tenté en vain de faire adopter une loi pour
établir les premières écoles primaires gratuites vers la fin des années
1780.
La première loi date de 1801. Elle visait la création d'écoles
« royales » placées sous la responsabilité de maîtres, de commissaires
et de syndics nommés par le gouverneur. Voyant là une menace
d'assimilation et de protestantisme accru, le clergé catholique s'y était
opposé, si bien que l'initiative tourna court, du moins dans les milieux
francophones. En 1824, une nouvelle loi fut adoptée, qui autorisait les
fabriques à consacrer le quart de leur budget à la création et à l'entretien
d'écoles. Là encore, l'initiative tourna court, face à l'apathie de la
population et au peu de revenus de certaines fabriques. En 1830, il n'y a
encore qu'une soixantaine d'écoles de fabrique au Bas-Canada, auxquel-
les il faut ajouter quelques écoles privées et une douzaine d'écoles
« royales » nées de la loi de 1801 . Le véritable essor ne viendra qu'avec
les écoles dites de syndic créées par la loi de 1829 « pour encourager
l'éducation élémentaire ». Adoptée pour trois ans, cette loi prévoyait
cette fois une aide importante de l'État, qui pouvait aller jusqu'à la moitié
du coût d'achat et de construction des écoles (jusqu'à concurrence de
50 livres courantes), et assurait aux instituteurs et institutrices un
traitement annuel de 20 livres et une allocation de 10 chelins par enfant
pauvre. Cette loi sera reprise et augmentée en 1832, poursuivie en 1834
pour être finalement abolie en 1836 devant le refus du Conseil législatif
d'en adopter le renouvellement. On compte alors tout près de 1 400
écoles de syndic au Bas-Canada. Par la suite, leur nombre diminua, en
raison de l'introduction, à partir de 1841, d'un nouveau principe de
14. A ce sujet, voir: Louis-Philippe Audet, Histoire de l'enseignement au Québec;
Québec, Rapport de la Commission royale d'enquête sur l'enseignement dans la
province de Québec, première partie, « Les structures supérieures du système
scolaire », p. 1 et suiv.
130
partage des charges entre le gouvernement et la population locale (lois
de 1841, de 1845 et de 1846). Des conseils de district furent créés, avec
le mandat de diviser les paroisses et les cantons en arrondissements
scolaires. Dans chaque arrondissement, des commissaires élus avaient
entre autres pour responsabilité de réunir les sommes nécessaires au
financement des écoles publiques. Ce dernier devait être assuré par un
« fonds commun des écoles », qui pouvait verser des octrois aux autori-
tés locales, en fonction du nombre d'enfants de 5 à 16 ans dans le
district, pourvu que celles-ci réunissent une somme au moins égale au
montant versé par l'État, soit par une taxe sur les propriétés foncières,
soit par une contribution mensuelle des parents. Opposée à ce principe
de taxation à des fins scolaires, la population brûla quelques écoles et en
ferma d'autres (guerre des Éteignoirs); ce principe fut cependant main-
tenu (loi de 1849) et, en 1855, les contributions locales représentaient
déjà quatre fois les sommes versées par l'État.
C'est dans ce contexte qu'il faut interpréter les données de
recensement. En 1831, le système d'écoles publiques est assez récent
et l'on construit des écoles dans les bourgs, ce qui explique le grand
nombre d'écoliers: les enfants des côtes s'ajoutent à ceux du village
pour atteindre un nombre qui dépasse parfois celui de la population
villageoise. Tel est le cas à Sainte-Famille, dans l'île d'Orléans, où l'on ne
compte encore qu'une école, construite dans le village, et dont le
nombre d'écoliers et d'écolières en 1831 dépasse celui de la population
du bourg (97 enregistrements pour moins d'une cinquantaine d'habi-
tants). Ce sera moins vrai par la suite, avec la multiplication des écoles
de rang et les désordres qui entourent la loi de 1846. Autrement dit, plus
élevé en début de période, alors que l'on assiste à l'implantation d'un
système d'écoles publiques subventionné qui favorise la construction
d'écoles dans les bourgs, le nombre d'écoliers baisse quand se multi-
plient les écoles de rang. Par ailleurs, en hausse quand il s'agit d'obtenir
des octrois, ce nombre baisse également quand il s'agit de protester
contre une loi que l'on réprouve, ce qui entraîne également une diminu-
tion du nombre d'instituteurs, que l'on ne retrouve plus que dans 35 %
des bourgs en 1851, contre les deux tiers 20 ans auparavant. Il est vrai
que notre échantillon n'est pas le même entre les deux dates, ce qui
peut expliquer en partie cette variation. Toutefois, même si les données
restent sujettes à caution, il n'en demeure pas moins qu'elles traduisent
un malaise, particulièrement vif dans les régions de Trois-Rivières, de
Nicolet, de Berthier, de Lanoraie et de Beaumont et dans les milieux
131
irlandais de la région de Québec: Valcartier, Sainte-Catherine, Saint-
Raymond et Saint-Basile-de-Portneuf, ainsi qu'à Saint-Gilles et Saint-
Sylvestre, dans le comté de Lotbinière15.
Les statuts et les rôles
Dans le village, les clivages sont nombreux. Cela tient au caractère
très diversifié de la population. Nous ne sommes pas encore en mesure
de les saisir tous. Néanmoins, on peut en déceler l'importance à travers
les statuts et les rôles de certains individus ou groupes sociaux.
Le seigneur
De tous les personnages en vue dans le bourg, le seigneur reste
le plus important. Par son titre et sa situation de grand propriétaire
foncier, il est celui dont la supériorité et la prééminence sont reconnues
de tous, mais parfois discutées comme en témoignent plusieurs inci-
dents locaux. Il est le premier partout: premier au village, ce qui lui vaut
toutes sortes d'honneurs et de sollicitations; premier à l'église où il a
son banc réservé; premier dans l'ordre des sépultures, car il peut
prétendre à un lieu à part; premier très souvent dans l'habitat, par sa
fortune; premier enfin dans l'ordre des percepteurs, ce qui l'assimile
parfois à un maître tyrannique, surtout s'il a quelque travers de person-
nalité. Certes, il faudrait distinguer ici entre le seigneur laïque, dont les
exigences sont généralement plus élevées, et les seigneurs ecclésiasti-
ques pour qui la gestion d'une seigneurie n'a pas la même signification.
Mais quelles que soient leurs multiples dissemblances, ils prélèvent leur
dû. Par contre, ils n'en sont pas moins généreux, notamment quand il
s'agit d'établir le village ou de soutenir les bonnes œuvres. Il reste que
les contrats de concession sont souvent assortis de conditions qui
varient d'un seigneur à l'autre.
En 1831, rappelons-le, seuls une vingtaine de bourgs comptent un
ou plusieurs seigneurs parmi leurs résidents, une trentaine en 1851. En
général, ceux-ci habitent plutôt à l'écart, dans une côte avoisinante ou
sur l'autre rive du cours d'eau qui jouxte le village, mais plusieurs
habitent la ville ou un quelconque autre bourg s'ils possèdent plusieurs
seigneuries. Même quand ils résident ailleurs, ils demeurent présents
par leur régisseur ou leur homme de confiance. On connaît mal encore
le rôle de ces régisseurs dans la gestion des seigneuries. Des recher-
ches récentes montrent toutefois que celui-ci fut important, non seule-
15. Louis-Philippe Audet et Armand Gauthier, Le système scolaire du Québec, p. 16-19.
132
ment sur le plan administratif et financier (collecte des redevances,
tenue des livres, prêts divers, etc.), mais aussi quant à l'aménagement
des fiefs (construction de moulins, ouverture de nouveaux chemins, de
nouvelles côtes, etc.)16. Très souvent, leurs exigences égalent celles des
seigneurs quand elles ne les dépassent pas. C'est qu'en plus du devoir
de protéger les intérêts du titulaire du fief, ils recherchent très souvent
les leurs; dans ce cas, ils n'hésitent pas à se livrer à des exactions qui
pouvent même devenir préjudiciables au seigneur. D'ailleurs, il est
significatif de noter que, dans les seigneuries dont le maître est absent,
les conditions d'établissement sur la terre sont en général plus difficiles
que dans les fiefs où il réside, en raison des gratifications exigées par
certains régisseurs pour la concession d'un lot. Tous ne sont évidem-
ment pas des gens malhonnêtes, loin de là, et il existe des exemples de
régisseurs dévoués à leur maître et à ses censitaires. Mais ils suscitent
généralement plus de méfiance que le seigneur, envers qui l'on affiche
plutôt une réserve prudente.
Le curé
L'imagerie dévote et le roman paysan ont imposé l'image du curé
qui agit en pasteur éclairé d'une communauté respectueuse des directi-
ves du clergé. Sans être totalement fausse, cette représentation est loin
d'être générale. À l'époque qui nous intéresse, bien peu de curés
peuvent se vanter d'avoir pleine autorité sur leurs paroissiens, même
quand ils sont fils d'habitant et en partagent les codes. Au contraire, il
leur faut consacrer beaucoup d'efforts pour s'imposer et amortir les
heurts qu'entraînent les conflits de personnalité (avec le seigneur, l'au-
bergiste, les marguilliers, etc.), les débats soulevés au sujet de la
construction ou de la réparation des édifices religieux (choix de l'empla-
cement, évaluation et répartition du coût, qui relèvent en principe de
commissaires spécialement mandatés à cette fin mais qui concernent
également le curé), de l'implantation d'une école, de la perception des
dîmes et de la fréquentation des sacrements. La situation est particulière-
ment difficile dans les bourgs industriels où le taux d'alcoolisme est
élevé. Elle est un peu meilleure dans les villages les plus anciens où,
parce que la population est plus « bourgeoise », le curé jouit davantage
d'autorité morale. Cependant, même là des difficultés surgissent, qui
montrent que l'Église, durant la première moitié du XIXe siècle, n'a pas
encore vraiment réussi à s'imposer.
16. Voir, entre autres: André Larose. « La seigneurie de Beauharnois [...] »; Françoise
Noël, « Gabriel Christie's Seigneuries [...] ».
133
Caractéristique des années 1830, cette situation est beaucoup
moins réelle au cours des années 1850, alors que l'on assiste à une
certaine stabilisation de la croissance villageoise. Le nombre de prêtres
augmente - on en retrouve dans plus de 62% des bourgs en 1851,
contre 44 % en 1831 - ainsi que les communautés religieuses auxquel-
les on fait appel pour enseigner dans les collèges et les couvents.
Surtout, de nouvelles structures administratives apparaissent qui favori-
sent le contrôle social : commissions scolaires, corporations municipales,
où le curé est souvent appelé à siéger comme aumônier. Ajoutées aux
bonnes œuvres et aux systèmes de gestion déjà en place (notamment
les assemblées de fabrique), elles finissent par faire du village un lieu
d'édiction de normes pour l'ensemble de la communauté. Mais n'antici-
pons rien: en 1850, il reste encore bien des batailles à livrer, dont celles
de l'alcoolisme et des bonnes mœurs.
Cela dit, et quelle que soit l'époque considérée, le curé reste un
personnage important avec qui il faudra toujours composer. C'est qu'en
plus de sa fonction strictement pastorale et de ce qui s'y rattache sur le
plan civil (instruction primaire, administration paroissiale, surveillance des
activités de la fabrique, tenue des registres d'état civil, entretien et
décoration des lieux de culte, etc.), il est au cœur de tous les débats qui
animent la communauté villageoise et, plus largement, la société rurale
tout entière17. Médiateur entre Dieu et les hommes, il est donc appelé à
devenir également un intermédiaire entre les personnes : ce rôle, surtout
s'il se l'octroie lui-même, lui vaudra parfois de solides inimitiés dont
l'écho peut parvenir jusqu'à l'évêque. Mais pourvu qu'il sache se faire
aimer de ses paroissiens, il deviendra vite leur confident et leur arbitre,
celui à qui l'on peut même emprunter quelque argent dans les moments
difficiles. C'est ce rôle élargi qui lui conférera finalement son autorité.
Les notables
Il est peu de villages où l'on ne trouve au moins quelques
représentants de ce que l'on appelle les notables (voir le tableau 31).
Cette notion n'est pas facile à circonscrire, d'une part parce qu'elle
renvoie à la perception des différences sociales, d'autre part parce
qu'elle suppose une bonne connaissance de la hiérarchie sociale et des
17. Sur le rôle du curé, voir Richard Chabot, Le curé de campagne.
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pouvoirs de chacun, groupes ou individus18. Nous ne sommes pas allé
jusque-là dans notre enquête. Néanmoins, concernant le début des
années 1830, nous disposons des quelques opinions émises par les
curés au Comité spécial de la Chambre d'assemblée relativement aux
affaires de fabrique19. Comme il arrive souvent en pareil cas, les diver-
gences sont nombreuses: les uns limitent ce qualificatif au seigneur,
aux magistrats et aux capitaines de milice, les autres retendent au
contraire à toute personne « de bon sens », pourvu qu'elle possède un
bien-fonds et qu'elle fasse preuve de probité et de mérite. Par ailleurs,
d'autres répondent par la négative: ne devraient pas faire partie des
assemblées de fabrique (donc des notables) les gens qui ne cherchent
qu'« à semer le trouble », qui « indisposent les esprits » contre le curé,
ou qui sont « notablement vicieux » ou qui font preuve d'« irréligion ».
Enfin, certains refusent de se prononcer, soit parce qu'ils sont opposés
au projet de loi, soit parce qu'ils trouvent la question « trop délicate ».
La difficulté reste donc entière, et ce n'est que par commodité
que nous limiterons ici l'appellation de notables aux couches supérieures
du corps social, puisque seules ces données nous sont accessibles pour
l'instant. Qui sont ces notables? Outre le seigneur, ce sont les magistrats,
les représentants des professions libérales et les importants proprié-
taires terriens qui résident au village ou dans ses environs immédiats et
qui disposent de revenus qui les placent au-dessus de la masse des
travailleurs manuels. On pourrait sans doute inclure tous ceux qui se
déclarent gentilshommes sans autre indication, ce qui laisse à penser
qu'ils se contentent de vivre de revenus accumulés ou du produit de
quelque ferme ou autres entreprises. De même, pourraient s'y ajouter
18. Sur les notables au Québec et les difficultés que pose l'étude de la structure
sociale, voir: Jean-Claude Robert, « Les notables de Montréal au XIXe siècle », HS,
8(15), 1975, p. 54-76; Gérard Bouchard, Yves Otis et France Markowski, « Les
notables du Saguenay au 20e siècle à travers deux corpus biographiques », RHAF,
39(1), 1985, p. 3-23; François Guérard, « Les notables trifluviens au dernier tiers du
19e siècle [...] », RHAF, 42(1), 1988, p. 27-46. Voir aussi: Gérald Bernier, « La
structure de classes québécoise au 19e siècle et le problème de l'articulation des
modes de production », RCSP, XIV(3), 1981, p. 487-518; Alfred Dubuc, « Problems
in the Study of the Stratification of the Canadian Society from 1760 to 1840 »,
Canadian Association Historical Report, 1965, p. 13-29, et, du même auteur, « Les
classes sociales au Canada », AESC, 22(4), 1967, p. 829-844; Gilles Paquet et Jean-
Pierre Wallot, « Groupes sociaux et pouvoir: le cas canadien au tournant du XIXe
siècle », RHAF, 27(4), 1974, p. 509-564; Paul-André Linteau, « Quelques réflexions
autour de la bourgeoisie québécoise, 1850-1914», RHAF, 30(1), 1976, p. 55-66;
Normand Séguin, La conquête du sol au 19e siècle. Sur le notable comme « agent
d'influence », voir, entre autres, Alain Croix, « Les notables ruraux dans la France du
XVIIIe siècle: une clé de la sociabilité », dans Roger Levasseur (dir.), De la sociabi-
lité. Spécificité et mutations, p. 39-58.
19. JALBC. 1832, app. QQ, « Quelques questions soumises [...] ». Nous devons ces
données à l'amabilité de Jacques Crochetière.
136
certains gros agriculteurs dont l'exploitation est située dans le village ou
à proximité - il y en a dans presque tous les bourgs -, et une partie de
ceux qui se déclarent bourgeois et rentiers. Tous ne disposent pas de
revenus supérieurs, mais plusieurs sont d'anciens marchands en vue ou
ont été d'importants agriculteurs sur qui l'on peut toujours compter pour
une hypothèque ou un prêt à court terme. Enfin, on inclurait les person-
nes les plus en vue du village, quel que soit leur champ d'activité:
commerce, artisanat, industrie, etc. À vrai dire, celles-ci forment cepen-
dant un groupe à part, car on ne perçoit pas forcément comme notables
tous les marchands, les artisans ou les entrepreneurs ; tout dépend de
leur personnalité plus souvent que de leurs revenus.
En chiffres absolus, ces notables sont peu nombreux. On n'en
compte encore que quelques-uns par village : moins de deux en moyenne
en 1831, si l'on ne tient compte que des personnages les plus impor-
tants, près de quatre en 1851. Ils habitent généralement les bourgs
situés sur la rive sud du fleuve où ils sont deux, voire trois fois plus
nombreux que dans ceux de la rive nord et des îles. Comme il existe ici
une corrélation positive entre la taille des bourgs et le nombre de
notables (les coefficients sont supérieurs à 0,8 quelle que soit la date de
recensement), et comme la rive sud du fleuve compte plus de gros
bourgs que la rive nord et les milieux insulaires, ce nombre reste, toutes
proportions gardées, assez semblable. Par contre, ces notables sont au
cœur de la vie du village qu'ils influencent à plus d'un égard, par leur
formation d'abord, mais aussi et peut-être davantage par leur profession
et leurs relations qui les font percevoir bien souvent comme des demi-
citadins par les résidents du bourg et des campagnes environnantes.
Bien sûr, il existe des lieux que même les notables les plus
respectés ne parviennent pas à pénétrer. Cependant, chaque fois que le
bien de la communauté est en cause, on fait appel à eux, ne serait-ce
que pour bénéficier de leur appui, financier notamment, ou de celui de
leurs réseaux d'affaires, de parents ou d'amis. Aussi les voit-on siéger
autant dans les organisations civiles que dans les organismes religieux
ou parareligieux, qu'ils président très souvent. Enfin, comme ils partici-
pent par leur instruction aux courants d'idées qui entraînent les bour-
geoisies citadines, ils contribuent à faire du village un lieu de diffusion
des valeurs urbaines que tous n'adopteront pas, mais qui finiront peu à
peu par s'imposer. En fait, ce sont des intermédiaires entre la paysanne-
rie et la société rurale, des diffuseurs de la culture dite savante, à qui l'on
doit souvent de nouvelles idées et des pratiques originales sur le plan
économique, et surtout d'autres habitudes de consommation. Pour plus
137
d'un, ils sont des exemples de promotion sociale sinon des modèles
qu'on pourra envier, voire contester, mais dont on parlera pour vanter la
qualité du bourg.
Dans ce groupe de notables, le médecin et le notaire occupent
une place particulière : tantôt conseillers, tantôt confidents, on a recours
à eux pour tous les événements importants de la vie courante. Tel est le
cas du « ramancheur » et de la sage-femme, qui ne font pas vraiment
partie du groupe des notables, mais qui sont souvent perçus comme des
personnes de confiance - souvent davantage que les notables -, et
sur qui l'on peut toujours compter avant de recourir au médecin. Quant
au maître d'école, qui n'est pas non plus généralement considéré
comme un notable, à moins d'être lui-même une personne de haut rang
pour qui l'enseignement est un passe-temps, il ne jouit pas de la même
confiance. Il en existe quelques-uns dans les bourgs, à qui l'on doit
tantôt une école de latin, tantôt une classe de jeunes filles réservée aux
enfants de la petite bourgeoisie locale. Le coseigneur Laviolette et le
docteur Labrie, de Saint-Eustache, sont de ceux-là.
Enfin, c'est dans ce groupe de notables qu'est choisi, générale-
ment, le capitaine de milice. Mais il arrive aussi que celui-ci vienne d'un
autre groupe social, pourvu qu'il présente alors les qualités (et les
garanties, puisqu'il est nommé par l'État) nécessaires.
Les marchands
À cette petite bourgeoisie de seigneurs et de représentants de
professions libérales, on pourrait rattacher les marchands, plus nom-
breux et parfois plus riches, du moins si l'on en juge par la taille de
certains biens-fonds. Eux aussi sont des demi-citadins, peut-être plus
encore que les membres du groupe précédent, sinon par leur instruc-
tion, du moins par leurs relations. Certains, parmi les plus importants,
sont même très bien vus de leurs concitoyens. La plupart cependant ne
sont que de petits commerçants, bien loin de la puissance et du rang
social des négociants chez qui ils s'approvisionnent. Mais petits ou gros,
eux aussi sont à l'écoute des idées urbaines, peut-être plus encore que
certains notables. Si le métier de marchand n'évoque encore dans bien
des cas qu'un genre de vie - qui sera sanctionné plus tard par
l'expression « marchand général » - , les commerçants ont tout de même
des contacts avec la ville, soit directement, soit grâce à des intermédiai-
res qui véhiculent les valeurs urbaines. Il est d'ailleurs significatif de
noter que les premiers qui ressentiront cette influence seront leurs
138
enfants, parmi lesquels plusieurs se dirigeront bientôt vers les couvents
et les collèges classiques.
Au total, notre échantillon compte environ 450 marchands en
1831, contre un peu plus de 1 460 en 1851, ce qui représente en
moyenne deux marchands par village en début de période, contre six au
milieu du siècle. Comme pour les notables, leur répartition avantage
surtout les bourgs de la rive sud du fleuve, sauf dans la région de Trois-
Rivières où les proportions s'inversent, au profit cette fois de la rive
nord. La seule corrélation positive ici (supérieure à 0,7 aux deux dates)
concerne le rapport marchands-artisans; sur la base des données dispo-
nibles, il semble en effet que là où les artisans sont nombreux, les
marchands le sont aussi, ce qui tendrait à démontrer que les marchands
de l'époque représentaient l'étage supérieur de la stratification sociale
des artisans, phénomène que Paul Bois a déjà observé dans la France de
l'Ouest20.
Mi-commerçant, mi-artisan, pratiquant parfois plusieurs métiers,
l'aubergiste occupe lui aussi une place à part dans le village. Il en existe
de deux sortes: l'aubergiste, le vrai, c'est-à-dire celui qui tient une
maison d'accueil pour les voyageurs, et le cabaretier, qui tient un débit
de boissons. Les recensements ne permettent pas vraiment de distin-
guer les deux, sauf celui de 1831 qui établit une différence entre les
auberges et les « magasins où se débitent des liqueurs fortes ». Comme
il y a souvent confusion entre les deux, les données ne sont cependant
pas très sûres. Néanmoins, on relève alors 266 auberges dans les
bourgs et 257 débits de boissons, ce qui représente en moyenne un peu
plus de deux établissements par bourg, à l'avantage généralement des
auberges, sauf dans la région de Trois-Rivières où le nombre de débits
est deux fois plus élevé. C'est contre le cabaretier surtout que le curé
tonnera, en prétendant que son établissement est un lieu de perdition.
En 1831, on compte un aubergiste dans au moins un village sur deux. En
1851, ils ne sont plus mentionnés que dans 20 % des bourgs, en raison
des campagnes de tempérance menées par l'Église à partir des années
1840. Lancées à Beauport par l'abbé Chiniquy, elles seront fortement
épaulées par les retraites de Mgr de Forbin-Janson21 et l'apparition,
20. Paul Bois, Paysans de l'Ouest.
21. À ce propos, voir, entre autres: Claude Galarneau, « Mgr de Forbin-Janson au
Québec en 1840-1841 », dans Jean Hamelin et Nive Voisine (éd.), Les ultramon-
tains canadiens-français. Études d'histoire religieuse présentées en l'honneur du
professeur Philippe Sylvain, p. 121-142; Louis Rousseau, « Les missions populaires
de 1840-1842: acteurs principaux et conséquences», dans SCHEC, Sessions
d'étude, 53, 1986, p. 7-21.
139
presque partout, de sociétés de tempérance (dites de la Croix noire) qui
arriveront à faire réglementer la vente d'alcool dans les hôtels et les
auberges de la province (lois de 1851 et de 1855). D'ailleurs, il n'y a pas
que dans les bourgs que le nombre d'hôtels et d'auberges diminue. En
1831, un relevé par côte en a recensé 218 dans les seigneuries rurales
de la région de Montréal (sans compter celles des comtés de Montréal
et de Chambly ni celle de la Petite-Nation, dont les listes n'ont pas été
retrouvées); en 1851, on n'en compte plus que 47 sur le territoire,
auxquels s'ajoutent 74 cabaretiers, soit un total de 121 tenanciers. Il
s'agit donc d'une réelle diminution qui traduit un changement.de con-
texte.
Les artisans
La société villageoise ne serait pas ce qu'elle est sans ses
artisans, c'est-à-dire sans ces gens de métier dont on décrivait déjà
l'importance dans les chartes du Régime français. Leur métier, leur
genre de vie en font un groupe à part, qui inspire le respect en fonction
de la qualité du travail effectué. Certains, tels les horlogers, les orfèvres,
les armuriers, sont très spécialisés; d'autres, tels les charrons, les
ferblantiers, les forgerons, les meuniers le sont moins, mais leur métier
exige tout de même un certain savoir-faire. À l'exception du meunier qui
n'est souvent qu'un employé - il travaille généralement pour le sei-
gneur -, plusieurs ont leur propre boutique où ils travaillent seuls ou
avec leurs enfants ou, s'ils sont très connus, avec un ou deux apprentis.
Ceux-ci sont très souvent considérés comme des membres à part
entière du ménage, à qui l'on peut confier certaines responsabilités qui
s'accroissent avec le temps. On en trouve de toutes sortes : apprentis
boulangers, chapeliers, charpentiers, charrons, cordonniers, ferblantiers,
forgerons, imprimeurs, mécaniciens, menuisiers, meubliers, modistes,
peintres, pilotes, selliers, servantes, tanneurs, tisserands, voituriers, etc.,
jusqu'à l'« apprenti constructeur de moulins », sans parler des aides
dont dispose l'architecte, l'arpenteur, le médecin ou le notaire. On a
vraiment l'impression, en parcourant les listes de recensement, qu'il
s'agit là d'une pratique très répandue, d'autant plus recherchée qu'elle
assure habituellement un établissement dans le métier au terme de
l'apprentissage. De fait, son origine remonte loin dans l'histoire corpora-
tive. En outre, elle n'est qu'une composante d'un système plus large
d'entraide sociale, qui prolonge l'action de la famille en subordonnant les
jeunes, tout au long de leur phase d'apprentissage, à une autorité de
type familial. Pourtant, ce n'est qu'à partir de 1851 qu'on en constate
vraiment l'importance, avec l'enregistrement des membres du ménage.
140
Dans le village de Saint-Eustache par exemple, Isabelle Dungerell,
une vieille dame écossaise de 78 ans qui se déclare rentière au recense-
ment, possède une boutique de mode qui emploie sept jeunes femmes.
De ce nombre, trois résident dans le ménage et elles se déclarent toutes
modistes. Deux sont âgées de 22 ans et une a 27 ans. Les quatre autres
sont toutes des jeunes filles (15-18 ans), dont deux sont modistes de
fraîche date (17 et 18 ans) et deux sont apprenties (15 et 17 ans). Fait
intéressant, à l'exception de l'une d'entre elles, Christina McPherson, les
autres sont des Forbes, des McCallum et des McDann, toutes origi-
naires du Bas-Canada, comme s'il existait une relation organique, sur le
plan du travail et de l'apprentissage, entre ces familles et l'entreprise de
Mme Dungerell. Le même processus existe chez les marchands où l'on
s'engage d'abord comme apprenti, puis comme commis. On connaît
l'histoire de Joseph Masson, le dernier seigneur de Terrebonne, qui
débute ainsi à l'âge de 16 ans chez le marchand Duncan McGillis de
Saint-Eustache, qui fait commerce de la potasse22. Engagé plus tard par
un marchand écossais de Montréal dont il sera bientôt l'associé, il finira
par devenir lui-même l'un des plus gros marchands de la ville et gardera
toujours un profond respect pour son premier maître.
Parce qu'ils sont à la fois commerçants, employeurs et éduca-
teurs, les artisans, surtout les plus spécialisés, occupent une place
importante dans le panorama social des bourgs. Celle-ci est d'autant plus
grande que ce groupe de travailleurs représente une bonne part de la
population villageoise, la plus grande après les journaliers. De tous, ce
sont les forgerons, les menuisiers et les cordonniers qui sont les plus
nombreux. On les rencontre dans plus de 75 % des bourgs et ce, quelle
que soit la date du recensement, à l'exception peut-être des cordon-
niers, un peu moins nombreux en 1831 (on ne les rencontre alors que
dans 60 % des bourgs, proportion qui augmentera jusqu'à trois villages
sur quatre par la suite). En 1 831 , on en compte sept ou huit en moyenne
par bourg, le double en 1851. Avec eux, c'est toute la vie du village qui
s'exprime jusque dans ses bruits les plus divers.
Les journaliers
Rares sont les villages qui ne comprennent pas également leur
contingent de journaliers. On en retrouve dans près de 80 % des bourgs
en 1831, 95% en 1851. Sans métier défini, ils vont et viennent d'un
emploi à l'autre, selon les saisons et les besoins du moment. C'est le
22. Voir Henri Masson, Joseph Masson, dernier seigneur de Terrebonne, 1791-1847.
141
groupe de travailleurs le plus important numériquement et pourtant le
plus mal connu. Composé d'une part de fils d'habitants qui n'ont pu ou
n'ont pas voulu s'établir sur une terre et, d'autre part, de gens de plus de
40 ans pour qui la pluriactivité est devenue un genre de vie, ils représen-
tent en moyenne entre le quart et le tiers de la main-d'œuvre, selon les
recensements, quand ce n'est pas davantage. Partout présents, leur part
s'accroît dans les bourgs de la région de Montréal, mais diminue
légèrement dans la région trifluvienne et remonte dans la région de
Québec. C'est sur la rive nord du fleuve surtout qu'on en trouve le plus,
sauf dans la région de Trois-Rivières où ils paraissent plus nombreux
dans les bourgs de la rive sud.
Il n'est pas facile de déterminer les activités auxquelles s'adon-
nent ces journaliers. Dans les régions très agricoles, plusieurs trouvent
sans doute à s'employer dans les fermes du village ou du voisinage,
notamment à l'époque des semences et des récoltes, où ils travaillent à
la journée comme engagés agricoles, pour un ou deux sols par jour.
Comme ce sont là des activités très concentrées dans le temps, on les
retrouve aussi dans bien d'autres domaines tels les services, les trans-
ports, le bâtiment, l'industrie et la navigation, où ils s'occupent à des
tâches diverses. C'est du moins ce que suggère l'étude de la résidence
déclarée des journaliers de la campagne, qui coïncide très souvent avec
les lieux d'implantation des villages et des industries rurales (et des
équipements fluviaux: quais, débarcadères, entrepôts, etc.). C'est ce
que suggèrent également les coefficients de corrélation obtenus par la
mise en rapport des données relatives aux chefs de ménage qui se
déclarent journaliers dans le recensement, au nombre de moulins et de
fabriques rencontrés dans les localités, et aux superficies cultivées. Telle
est la situation dans la plaine de Montréal où il a été possible d'observer
le phénomène de plus près. La distribution des journaliers a tendance à
s'accroître dans les aires de forte activité paraagricole qui sont aussi des
lieux d'intégration de l'agriculture au marché (voir la figure 14). Sans
doute la proximité de grandes fermes bourgeoises (celles du seigneur,
du marchand, de certains notables) explique-t-elle en partie leur pré-
sence. Mais si l'on considère la gamme d'emplois que créent le village
et les industries rurales, et qui occupent plusieurs chefs de ménage
même quand ceux-ci déclarent des activités agricoles, on peut se
demander s'il ne faut pas les mettre également en rapport avec d'autres
champs d'activité pour lesquels ils formeraient un bassin de main-
d'œuvre à bon marché. Et ce qui est vrai pour les journaliers de la
campagne vaudrait à plus forte raison pour ceux qui résident dans les
bourgs.
142
Toute cette question est éminemment complexe, d'autant plus
que la progression du nombre de journaliers à l'époque se fait dans un
contexte très particulier d'accroissement des densités rurales. Dans les
seigneuries de la région de Montréal, où il a été possible de les mesurer,
elles s'élèvent à près de 18 habitants au kilomètre carré en 1831, mais à
près de 27 en 1851 . Comme le marché foncier est alors très actif et que
les bonnes terres se font de plus en plus rares dans les vieux terroirs, on
pourrait croire qu'il s'agit là d'un chômage larvé, qui découlerait d'une
économie rurale chancelante. Les choses ne sont pas aussi simples car,
outre les journaliers venus s'établir au village parce qu'ils étaient dans
l'impossibilité de s'établir sur une terre, il y a ceux qui en font une
profession ou pour qui ce choix est temporaire, jusqu'à ce qu'ils appren-
nent un métier ou qu'ils trouvent un emploi plus stable. Il ne faut pas
perdre de vue que les recensements ne sont qu'un instantané dans le
temps. Pour vraiment savoir ce que signifie le métier de journalier à
l'époque, il faudrait pouvoir retracer les itinéraires professionnels des
individus. Peut-être découvririons-nous des dimensions demeurées
insoupçonnées jusqu'ici, qui éclaireraient les raisons d'une telle augmen-
tation. Cette démarche apparaît d'autant plus nécessaire que les jeunes
gens ne sont pas les seuls à se déclarer journaliers. Le recensement de
1851 permet d'intéressantes observations à cet égard. Dans le village de
Saint-Eustache par exemple, près de 18% des journaliers sont des
femmes, dont près des deux tiers sont âgées de plus de 30 ans. Chez
les hommes, la répartition est plus équilibrée mais, si l'on ne tient pas
compte des effectifs de moins de 15 ans, seulement 30 % d'entre eux
ont moins de 30 ans (voir le tableau 32). Quant aux plus de 30 ans, ils
sont surtout nombreux dans le groupe des 40-60 ans, où ils représentent
plus du quart des effectifs. Il ne s'agit donc pas de fils d'habitant privés
de moyens de s'établir sur une terre.
Les rentiers
Même s'ils sont encore peu nombreux, les rentiers forment un
groupe à part dans le village. Mentionnés parfois comme « bourgeois »
dans les recensements23, ils représentent moins de 1 % de la population
locale, mais sont cinq fois plus nombreux en 1851 qu'en 1831. Plusieurs
sont d'anciens résidents du bourg, qui ont choisi de finir leurs jours sur
les lieux mêmes de leur vie de travailleurs. D'autres sont venus des
23. En ne tenant compte que des mentions « rentiers » et « rentières » dans les listes,
on en dénombre moins d'une centaine dans les bourgs en 1831, mais 527 en 1851.
Quant aux bourgeois, ils sont environ 150 à chacune des deux dates.
I43
Figure 14
RAPPORTS JOURNALIERS, AGRICULTURE ET INDUSTRIES RURALES
EXEMPLE DE LA PLAINE DE MONTRÉAL (1831)
Principales
industries rurales
Source: Recensement du Bas-Canada, 183
% journaliers
Superficie cultivée
Corrélations
(Test de Pearson)
% journaliers
Équipements
0.75 à 1 .00 H 0.26 à 0.50 H -0.01 à 0.00 □ absence de données oi
0.51 à 0.75 U 0.00 à 0.25 données incomplètes
144
Principales zones de concentration
Elevage ovin
Fermes de 120
arpents et plus
Données supérieures à un écart-type au-dessus de la moyenne
145
Tableau 32
ÂGE DES JOURNALIERS DANS LE VILLAGE DE SAINT-EUSTACHE (1851)
Journaliers
Distribution
Femmes
Hommes
Total
Femmes
Hommes
Moyenne
Groupe d'âge
(%)
(%)
(%)
Groupe d'âge
(%)
(%)
(%)
Moins de 15 ans
12,50
87,50
100,00
Moins de 15 ans
11,11
16,67
15,69
16-20 ans
0,00
100,00
100,00
16-20 ans
0,00
9,52
7,84
21-30 ans
16,67
83,33
100,00
21-30 ans
22,22
23,81
23,53
31-40 ans
25,00
75,00
100,00
31-40 ans
22,22
14,29
15,69
41-60 ans
8,33
91,67
100,00
41-60 ans
11,11
26,19
23,53
Plus de 61 ans
42,86
57,14
100,00
Plus de 61 ans
33,33
9,52
13,73
Total
17,65
82,35
100,00
Total
100,00
100,00
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Source: ANC, Recensement du Bas-Canada, 1851-1852.
côtes avoisinantes pour profiter des services que leur offre le village,
grâce à leur pécule ou à la rente que leur assurent les enfants à qui ils
ont cédé leurs biens. Ils habitent alors seuls ou avec l'un de leurs
enfants, parfois une domestique si leur fortune le permet.
En général, leur vie est sans histoire et se passe à échanger avec
les voisins, à se rendre à l'église faire leurs dévotions ou à s'occuper à
quelques menues tâches pour agrémenter l'ordinaire ou celui de leurs
enfants ou petits-enfants. Il arrive qu'elle soit plus animée, surtout quand
il s'agit de personnes en vue qui disposent en outre de quelque argent à
prêter, ou d'individus qui tiennent une boutique ou une maison de
pension. Dans ce dernier cas, il ne s'agit pas vraiment d'une vie de
rentier, mais d'une vie active qui se prolonge, à un autre rythme sans
doute, mais qui les distingue des véritables retraités.
Ainsi, plusieurs sont des veufs et des veuves qui, malgré leur âge
avancé, déclarent encore une activité au moment du recensement. Leur
nombre est particulièrement élevé dans les bourgs: en 1851, on en
compte près de 900, soit trois ou quatre en moyenne par village. Mais
dans presque tous les cas, les femmes sont plus nombreuses que les
hommes : trois fois plus en moyenne dans les régions de Québec et de
Trois-Rivières, mais jusqu'à cinq, six et sept fois plus dans celle de
Montréal. On rencontre les plus forts contingents dans les bourgs de la
péninsule de Vaudreuil-Soulanges et de l'archipel de Montréal, soit en
périphérie immédiate de la ville où il est plus facile d'exercer quelque
activité.
146
Ceux dont on préfère taire la présence
Enfin, rares sont les villages où l'on ne retrouve pas un mendiant,
un pauvre, un infirme et divers autres individus dont on préfère taire la
présence. Ce sont les marginaux du village, c'est-à-dire ceux qui gravi-
tent à l'extérieur du noyau social principal, soit parce qu'ils ont un genre
de vie différent, soit parce qu'ils ne partagent pas les valeurs de la
majorité24.
Plus nombreux dans les bourgs de la région de Montréal, ceux de
la Rive-Nord notamment et de son prolongement dans la région de Trois-
Rivières, puis dans celle de Québec où la moyenne par bourg progresse
considérablement de 1831 à 1851, les infirmes ne sont représentés
dans les recensements que par les aveugles, les sourds-muets et les
insensés, dont les ménages prennent habituellement charge. On connaît
à peine plus le mendiant dont on ne retrouve la trace, pour l'essentiel,
que dans moins de 4% des bourgs et uniquement dans certaines
régions, celle de Montréal notamment. Le plus souvent, il s'agit de
personnes âgées, hommes ou femmes, de plus de 80 et même de 90
ans, qui n'ont pas d'autres moyens de subsistance. Mais il arrive parfois
que l'on en rencontre de plus jeunes, des femmes très souvent, parfois
des enfants, qu'une difformité ou un veuvage précoce ont laissés sans
moyens. Ils sont assez mal dénombrés, tant en 1831 qu'en 1851 : on
n'aime pas faire état de sa pauvreté! Pourtant, ils n'en sont pas moins
présents dans les bourgs, comme le laissent parfois entendre les
histoires locales et, dans le cas des pauvres, certains relevés relatifs au
nombre de « personnes qui subsistent par le moyen d'aumônes » dans
les recensements, celui de 1831 notamment (voir les tableaux 33 et 34).
Leur sort est lié à celui de la communauté, meilleur si le bourg est riche
et compte des communautés religieuses, plus incertain si le bourg est
moins bien nanti.
24. Peut être considéré comme marginal tout individu qui vit en dehors des normes ou
des pratiques acceptées par le groupe. Pour le définir, il faudrait donc connaître ces
normes, à la fois dans le temps et dans l'espace, ainsi qu'au sein du corps social
concerné. Car ce qui vaut pour un moment, un lieu ou un groupe social donné, n'est
pas nécessairement vrai pour les autres. Au Québec, l'histoire des marginaux reste
à faire. Tout au plus pouvons-nous en repérer quelques-uns, à travers l'analyse du
discours et les attitudes des groupes humains observés. Mais comme ceux-ci
renvoient à des territorialités distinctes, il devient difficile de saisir les systèmes de
normes et de valeurs de ces groupes. Aussi faut-il avoir recours à un autre moyen,
fondé moins sur l'analyse des rapports au sein des groupes que sur les rangs et les
rôles sociaux. C'est peu pour résoudre le problème mais suffisamment pour
l'éclairer, à la condition de distinguer entre les marginaux acceptés par la com-
munauté et rejetés pour des raisons d'ordre moral. Pour une discussion de cette
notion, voir Lucille Guilbert, Pauvre ou vagabond, le quêteux et la société québé-
coise.
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Puis il y a tous les autres, ceux dont on soupçonne la présence
sans que l'on puisse vraiment en connaître le nombre précis. Ce sont les
déviants du village, ceux dont on ne peut espérer rien de bon, qui
troublent l'ordre public, donnent le mauvais exemple et portent atteinte
aux bonnes mœurs. C'est le cas de l'ivrogne, le vrai, dont on ne compte
plus les frasques, et de certains « voyageurs », qui oublient qu'ils sont
désormais parmi les « gens bien », mais surtout de la « pute » -
comme on l'appelle déjà à l'époque -, qui représente un danger bien
plus grand. On n'en retrouve qu'une mention dans les listes; pourtant, si
l'on considère les orientations de l'économie à l'époque, il est difficile de
croire qu'elle fut la seule à exercer ce métier dans les bourgs. Avec elle,
on entre dans un tout autre monde, un univers interdit dont on a peine à
saisir les contours mais que le curé est loin d'être le seul à condamner.
Pour le connaître, c'est aux archives judiciaires surtout qu'il faudrait
s'adresser. Contentons-nous plutôt d'en signaler la présence, en rappe-
lant que si la situation n'a pas été générale, elle a sans doute été
beaucoup plus répandue que ne l'indiquent les données de recense-
ment, notamment dans les bourgs bien situés dans le circuit des
échanges et où transite une importante population de voyageurs. À
travers le procès de ces bourgs, c'est celui des fonctions qui est posé et
qu'il faut maintenant aborder pour comprendre le sens du phénomène
villageois.
150
Les Cèdres, attribué à William Henry Bartlett, lavis brun, vers 1838. ANC, C-40325.
Lachine, de A. Sandham. Tiré de G. P. Scrope (éd.), Memoir of the Life of (...) Lord Sydenham, 1843.
ANC, C-5955.
LES FONCTIONS DU VILLAGE
ET LES TYPES DE BOURGS
Si la croissance villageoise est si ample, c'est qu'elle répond à des
besoins qui donnent au bourg sa raison d'être, c'est-à-dire ses fonctions.
Certaines sont purement locales, commandées par les besoins immé-
diats des résidents: ce sont les fonctions banales. D'autres sont plus
larges, stimulées par l'évolution des besoins extérieurs: ce sont les
fonctions « spécifiques » ou dominantes. Chacune de ces fonctions est
importante. Toutefois, à l'instar des fonctions urbaines1, ce sont les
secondes surtout qui définissent la vocation des bourgs. D'abord parce
qu'elles traduisent l'aire de relation du village, ensuite parce qu'elles
éclairent son rôle dans l'organisation des espaces qui l'entourent; enfin,
comme elles s'inscrivent dans une durée, elles peuvent mieux rendre
compte de la mobilité du corps social. Ce n'est donc pas sans raison que
tant de bourgs de l'époque cherchent à établir leur statut: outre qu'ils
sont des centres de services pour les campagnes avoisinantes, ils
servent aussi de relais pour l'économie et les valeurs urbaines. Ils sont
donc porteurs d'attributs nouveaux qui leur confèrent une place à part
dans la hiérarchie villageoise.
LE CONTEXTE
Dans ce procès des fonctions villageoises, une mise en contexte
s'impose, temporelle d'abord, puis géographique. De 1815 jusque dans
1. Sur les fonctions urbaines, voir, entre autres: Jacqueline Beaujeu-Garnier et Geor-
ges Chabot, Traité de géographie urbaine; Pierre George, Précis de géographie
urbaine; Paul Claval (éd.), Géographie historique des villes d'Europe occidentale.
4
153
les années 1830, on assiste au Bas-Canada à une importante redéfinition
de la socio-économie rurale qui, d'agraire qu'elle était encore au début
du siècle devient de plus en plus industrielle, non pas au sens de la
grande industrie - qui ne viendra que plus tard, encore que certaines
entreprises soient déjà de taille respectable -, mais de la floraison
d'ateliers et de fabriques que suscitent la poussée démographique et la
montée de l'économie de marché2. À l'ère du blé succède celle du bois,
avec ses retombées diverses dans les domaines du commerce, de la
construction, de la fabrication, des services, de la navigation et des
transports. En même temps, on assiste à une diversification du travail
artisanal, qui germe partout où existe un marché à satisfaire ou une
ressource à exploiter. Enfin, on observe des concentrations nouvelles de
la main-d'œuvre dont ne font pas toujours état les sources documentai-
res de la période, mais qui sont parfois importantes3; elles renvoient à
des organisations économiques nouvelles, distinctes de l'artisanat local
et domestique, mais qui peuvent s'y alimenter à l'amont4.
2. Au Bas-Canada, le « démarrage » industriel a pris trois grandes directions : l'exploi-
tation forestière et le commerce du bois (scieries, chantiers maritimes, etc.), la
fabrication manufacturière des villes et les industries rurales. Pour une présentation
de ces orientations, voir Stanley-Bréhaut Ryerson, Capitalisme et confédération,
p. 31-33. Voir aussi Fernand Ouellet, Histoire économique et sociale du Québec,
1760-1850. On en trouvera également des éléments dans John McCallum, Unequal
Beginnings, Agriculture and Economie Development in Québec and Ontario until
1870. Quant au rôle des hommes d'affaires dans l'essor de l'industrie urbaine, à
Montréal notamment, voir Gerald J. J. Tulchinsky, The River Barons, Montréal
Businessmen and the Growth of Industry and Transportation, 1837-1853.
3. Au bourg Saint-Denis par exemple, dans la vallée du Richelieu, la fabrique de
chapeaux (de castor) fondée par Charles Saint-Germain en 1825 emploie déjà une
trentaine d'ouvriers, la distillerie qui appartient aux docteurs Nelson et Kimber et à
Louis Deschambault emploie une douzaine d'hommes, la fabrique de voitures de
François Gadbois, une dizaine, sans oublier ceux qu'occupent la carderie, les
poteries et les autres petites entreprises enregistrées dans les sources. Voir
Stanley-Bréhaut Ryerson, op. cit., p. 32. La même situation existe dans d'autres
villages, comme à Saint-Charles où le journal L'Écho du pays rapporte la présence
d'une distillerie qui appartient au seigneur Debartzch, ainsi qu'un moulin à farine mû
à la vapeur, une brasserie et un moulin à carder, mais sans préciser le nombre
d'employés, celui de Belle-Rivière dans la paroisse de Sainte-Scholastique, où le
moulin à carder et à scie emploie une quarantaine d'hommes, et celui de Saint-
Eustache, où Bouchette fait état d'une fabrique de potasse, d'une poterie, de deux
tanneries, d'une manufacture de cigares et de tabac « in great repute », d'une
fabrique de chapeaux et d'une autre de chaises « ail enjoying considérable réputa-
tion », mais sans parler du nombre d'employés. Voir Joseph Bouchette, A Topog-
raphical Dictionary of the Province of Lower Canada. « Mille Isles ».
4. Voir: Serge Courville, « Croissance villageoise et industries rurales [...] »; René
Hardy, Pierre Lanthier et Normand Séguin, « Les industries rurales et l'extension du
réseau villageois dans la Mauricie pré-industrielle [...] », dans François Lebrun et
Normand Séguin (dir.), Sociétés villageoises et rapports villes-campagnes [...],
p. 205-219 et 239-253.
154
Parallèlement, le nombre de foires s'accroît. En 1815, Bouchette
n'en signale encore aucune dans les seigneuries. Entre 1823 et 1825, on
en autorise une quinzaine dans l'ensemble du Bas-Canada, qui pourront
se tenir deux fois l'an, au printemps et à l'automne. De ce nombre, neuf
se tiendront dans des agglomérations situées dans l'aire seigneuriale:
deux dans des villes et sept dans des bourgs5. Enfin, on procède à de
grands aménagements portuaires et fluviaux, et de nouvelles liaisons
sont créées avec les États-Unis et le Haut-Canada. Le réseau de routes
s'étend et devient plus dense, et les services publics se multiplient
(bureaux de poste et, bientôt, bureaux d'enregistrement, etc.), pendant
que de nouveaux diocèses sont créés, qui portent leur nombre à quatre
au Bas-Canada en 1852 (Québec, Montréal, Trois-Rivières et Saint-
Hyacinthe), contre un seulement en 1815 (Québec).
Tout cela aura une influence directe sur la vocation des bourgs,
qui pourra varier selon les régions et les sous-régions, mais qui expliquera
les orientations de certains d'entre eux. Les uns, mieux situés dans le
circuit des échanges, consolideront leur fonction commerciale; les au-
tres, plus favorisés sur le plan des ressources, deviendront de petits
bourgs industriels. D'autres encore, moins bien nantis sur les plans du
marché et des ressources, verront leur position s'affaiblir ou demeurer
ce qu'elle était, pour ne plus remplir que des fonctions locales de
centres de services pour les campagnes environnantes, à moins bien sûr
d'évoluer vers des fonctions plus administratives, religieuses ou autres,
de villégiature notamment.
Même l'espace intime du bourg en subira les effets, selon son
âge et la densité de son tissu construit. Dans les bourgs les plus
anciens, où l'espace est compté, les activités de commerce et de
services domineront, surtout quand n'existe aucun terrain disponible
près des lieux favorables aux implantations de type industriel, par
exemple les seuils naturels des cours d'eau le long desquels beaucoup
de villages ont été fondés. Tout au plus y aura-t-il place pour la fabri-
cation artisanale, qui se disséminera alors dans le village, le long de la
Grande Rue notamment. Quant aux implantations nouvelles, elles s'ins-
talleront plus loin, à distance parfois respectable du bourg. Dans les
agglomérations plus récentes, où l'espace est encore disponible (ou
réservé à cette fin), la croissance s'orientera plutôt vers des activités de
fabrication et de transformation des denrées ou des produits. On assis-
tera donc à la mise en place de moulins et de fabriques autour desquels
5. ANC, fonds Proclamations, Lower Canada and Canada East, 1766-1860, série RG 4,
B3.
155
se répartira le tissu résidentiel. En fait, tout se passe comme si l'on
assistait à une progression accordée à des temporalités distinctes, dont
on retrouvera plus tard l'expression dans la montée industrielle et
urbaine du Haut-Canada.
Dans l'est du Québec, où la colonisation est plus ancienne et où
les campagnes paraissent plus stabilisées autour d'activités telles l'agri-
culture, l'exploitation de la mer et de la forêt, les bourgs semblent plus
orientés vers des fonctions traditionnelles de services. C'est le cas,
entre autres, sur la rive sud du fleuve où, parce que les sols riches sont
plus abondants, les bourgs paraissent plus « agraires », en tout cas
davantage tournés vers l'agriculture. Par contre, en bordure du fleuve,
sur les marges forestières et dans les zones de contact, où la proximité
de la ville, la présence d'une ressource ou un potentiel hydraulique
avantageux favorisent d'autres vocations, les bourgs sont plus orientés
vers des activités d'échange et de fabrication. Le village de Lévis,
emplacement de chantiers navals importants, Saint-Thomas de Montma-
gny, Saint-Gervais, Saint-Nicolas et Saint-Michel-de-Bellechasse en sont
des exemples. Quant à la situation sur la rive nord du fleuve, où le
domaine agricole n'est jamais très profond et où la proximité des
Laurentides favorise les ruptures de pente, le paysage est plus « indus-
triel », encore que ce phénomène soit très localisé dans l'espace, autour
de Québec notamment, à Beauport, Charlesbourg et Loretteville par
exemple. Partout ailleurs, la campagne domine, plantée de bourgs plus
fréquemment orientés vers des fonctions de services et de petite
fabrication.
On retrouve les mêmes distinctions dans les régions de Trois-
Rivières et de Montréal, mais avec une présence plus marquée des
fonctions commerciales et industrielles à mesure que l'on va vers
l'ouest, à partir de l'axe Gentilly-Sainte-Anne-de-la-Pérade. Sur la rive
sud du fleuve, où le paysage reste également plus « agraire », les
villages s'orientent vers des fonctions de services, sauf dans des sec-
teurs bien circonscrits où l'on observe une poussée de bourgs à vocation
commerciale et industrielle, par exemple dans la vallée du Richelieu, sur
les rives du fleuve et dans l'arrière-pays seigneurial. Sur la rive nord du
fleuve, où le relief est plus tourmenté et les sols fertiles enserrés par
des nappes de sable et de moraine, le nombre de bourgs à vocation
industrielle s'accroît, à cause d'un réseau hydrographique qui permet les
échanges. Mais comme il existe aussi de riches terroirs, on y observe
également quantité de bourgs agraires qui apparaissent comme autant
de petits centres de services pour les campagnes environnantes.
56
DES VOCATIONS VARIÉES
Pour déterminer les fonctions villageoises, deux directions sont
possibles. La première consiste à les reconnaître directement à partir
d'une analyse fine des activités du bourg où l'on distinguerait entre les
activités destinées aux résidents et celles qui veulent joindre la popula-
tion extérieure; la deuxième a pour objet de les établir indirectement à
partir d'une comparaison entre les données locales et les données
régionales. Compte tenu de l'information disponible dans les sources, il
n'est pas possible d'opter pour la première direction qui pose des
difficultés techniques considérables et des problèmes ardus de défini-
tion. Par exemple, qu'est-ce qu'un marchand ou un commerçant dans le
contexte particulier des années 1815-1850? Est-ce un marchand géné-
ral, un négociant en gros, en détail? Par ailleurs, à partir de quels
éléments peut-on définir le marché que dessert le moulin, la fabrique?
Et même si l'on disposait d'une information sûre, comment distinguer
les activités mixtes ou la gamme de marchés que ces entreprises
desservent? Mieux vaut tenter d'établir ces fonctions à partir de compa-
raisons entre les données disponibles pour chaque bourg et des repères
établis à l'échelle régionale et nationale. On peut au moins obtenir des
indices de spécialisation du village6 qui deviennent en outre très utiles
pour le classement hiérarchique des bourgs et la définition de leur rôle
dans un contexte géographique donné.
Bien sûr, cette technique a ses limites, entre autres celle de ne
pas toujours permettre la distinction entre les fonctions dominantes et
les fonctions banales, notamment dans les très gros bourgs, où ces
dernières sont plus répandues et masquent parfois les fonctions domi-
nantes. C'est le cas également des très petits bourgs où la moindre
activité prend souvent l'allure de fonction dominante vu la faible popula-
tion résidente. Néanmoins, en ne tenant compte que des bourgs où se
concentre la majeure partie de la main-d'œuvre dans les secteurs
L'un de ces indices est dit « de concentration ». Il consiste à calculer le pourcenta-
ge de la main-d'œuvre accueilli par chaque bourg dans un domaine donné d'activité
par rapport à l'ensemble de la main-d'œuvre recensée dans ce domaine dans tous
les bourgs. Un autre, appelé indice « de spécialisation », consiste à comparer le
pourcentage de la main-d'œuvre engagée localement dans un domaine d'activité
par rapport au pourcentage de la main-d'œuvre du même secteur pour l'ensemble
des bourgs. On obtient ce dernier indice à partir du calcul suivant: Si = (Ni - Nj) / Nj,
où Si est l'indice de spécialisation du bourg de rang / dans l'activité N; Ni, le
pourcentage de la main-d'œuvre engagée dans cette activité; et A/y, le même
pourcentage à l'échelle régionale ou nationale. En tenant compte également des
équipements locaux, il est possible de se faire une idée assez juste des fonctions
dominantes du bourg. À ce sujet, voir Peter Haggett, L'analyse spatiale en géogra-
phie humaine.
157
d'activité observés et de ceux qui mobilisent un pourcentage local de la
main-d'œuvre supérieur au pourcentage enregistré dans l'ensemble des
bourgs, il est possible d'obtenir un aperçu de leur vocation, qu'il faudra
sans doute nuancer mais que pourront confirmer d'autres sources, plus
qualitatives celles-là, par exemple l'ouvrage de Bouchette ou la docu-
mentation officielle. C'est cette méthode que nous avons retenue pour
déterminer et qualifier les fonctions villageoises, en ne retenant dans
nos calculs que les bourgs situés à plus d'un écart-type de la moyenne,
soit les plus susceptibles d'assumer un rôle bien défini.
La fonction militaire
Né d'abord d'un besoin de protection associé aux impératifs de la
colonisation, le village au Québec perd assez tôt sa fonction initiale de
défense. Au XIXe siècle, c'est-à-dire après la guerre de 1812-1814 avec
les États-Unis, il ne subsiste pour ainsi dire plus de bourgs à fonction
militaire. Tout au plus compte-t-on quelques bourgs-garnisons où canton-
nent des contingents plus ou moins importants. La plupart sont répartis
dans la région de Montréal, dans la vallée du Richelieu surtout et dans la
péninsule de Vaudreuil-Soulanges. À Sorel par exemple, on trouve une
redoute, un hôpital et plusieurs bâtiments gouvernementaux, mais les
ouvrages de défense paraissent assez légers à Bouchette. De même,
près de Chambly, s'élève le fort du même nom. Le bourg de Saint-Jean
occupe une position stratégique sur la route vers les États-Unis et, enfin,
le village des Cèdres abrite une caserne. Ailleurs, il y a bien quelques
fortins, dans la mission amérindienne du Sault-Saint-Louis notamment,
ou à la frontière canado-américaine, mais aucun n'a suscité l'apparition
d'un bourg. Quant aux anciens villages fortifiés ou élevés dans le
voisinage d'un fort (Longueuil, Pointe-aux-Trembles, Terrebonne, Saint-
Antoine-de-la-Rivière-du-Loup, etc.), ils ont depuis longtemps perdu leurs
palissades, si bien que la fonction militaire de ces bourgs n'est recon-
naissable qu'aux traces qui en subsistent.
Les fonctions économiques et sociales
Les premières et les plus anciennes fonctions du village au
Québec sont d'ordre économique et social. Lieu de cristallisation de la
population dans l'espace, il est aussi propre à la concentration d'équipe-
ments et de services qui en font un relais dans la vie de relation. Ce
relais sera d'autant plus animé que le village est de bonne taille.
Cependant, même dans le cas de petits bourgs, des rôles s'affirment qui
font de certains des points d'appui importants dans l'expansion de
l'écoumène.
158
La fonction commerciale
La première et la plus importante fonction du village est commer-
ciale. Quels que soient son âge, sa taille ou les motifs qui l'ont fait
naître, celui-ci vit de l'échange; il est même l'un des premiers paliers de
la vie de relation, là où l'on va se procurer des denrées, vendre ou
échanger ses produits, offrir ses services, etc. En fait, aussi loin que l'on
remonte dans le temps, le village apparaît comme un lieu de circulation
et d'échange, où s'exerce toujours quelque commerce; c'est là un trait
inhérent à la vie du bourg, même quand celui-ci n'est encore qu'un
hameau. Toutefois, selon le village et sa position dans l'espace, cette
fonction n'a pas toujours la même importance: certaines agglomérations
paraissent plus favorisées que d'autres ou plus susceptibles de s'adap-
ter aux changements.
En 1815, Bouchette signale déjà une douzaine de bourgs où la
fonction commerciale semble élaborée, dont sept dans la seule région
de Montréal. Du village des Cèdres par exemple, il dira qu'il est très
fréquenté par les voyageurs et les marchands; de Lachine, qu'il y a
plusieurs magasins et qu'il est le centre du commerce entre le Bas et le
Haut-Canada, d'où partent les bateaux à fond plat pour Kingston et les
canots de la Compagnie du Nord-Ouest; de Terrebonne, qu'il y a
beaucoup de marchands et d'artisans; de Saint-Jean, Saint-Denis, L'As-
somption et Berthier, qu'il y a de nombreux entrepôts ou de vastes
magasins pour le blé. Même remarque pour le village de Saint-Antoine-
de-la-Rivière-du-Loup dans la région de Trois-Rivières, qui ne compte
encore que 30 ou 40 maisons à cette époque, mais où les établisse-
ments de chaque côté de la route sont si bien habités qu'on peut
presque les considérer comme une prolongation du village à grande
distance. Quant à la région de Québec, elle compte également quelques
bourgs où la fonction d'échange est importante: Beauport, où les
marchands sont nombreux et où Bouchette rapporte la présence d'une
grosse distillerie et de vastes moulins, Saint-Thomas de Montmagny,
situé dans « le grenier du bas-district », où il dénombre plusieurs maga-
sins, et Kamouraska qu'il décrit comme un centre important d'expédition
du bois et des produits agricoles, et un centre de villégiature médicinale7.
Une quinzaine d'années plus tard, le nombre de ces bourgs aura doublé,
ce qui conduira Bouchette à des descriptions plus saisissantes encore.
Certains villages lui semblent alors des lieux de circulation considérables
(Lachine, Berthier, Saint-Hyacinthe, etc.), d'autres des lieux de négoce
7. Joseph Bouchette, Description topographique de la province du Bas-Canada.
159
importants (Laprairie, L'Assomption, Terrebonne, etc.) ou des places de
commerce avantagées (Saint-Jean, Sorel, Philipsburg, Nicolet, Saint-
Antoine-de-la-Rivière-du-Loup, Beauport, Kamouraska, Saint-Thomas de
Montmagny, etc.); d'autres encore, des centres actifs d'expédition de
produits agricoles ou forestiers (Saint-Ours où l'on compte plusieurs
grainetiers, Georgeville réputé pour son commerce de la potasse, Henry-
ville pour le bois de charpente, etc.).
Ce qui ressort surtout de ces observations de Bouchette, c'est
non seulement le rôle que jouent certains bourgs dans la vie d'échange,
mais aussi la place qu'ils occupent dans le maillage villageois. En effet, à
l'exception de quelques-uns, ils sont de taille respectable, voire supé-
rieure, ce qui en fait des agglomérations dominantes dans la hiérarchie
des bourgs. En 1831 par exemple, Laprairie, Berthier et Saint-Hyacinthe
comptent déjà plus de 1 000 habitants, L'Assomption, Saint-Jean et
Terrebonne, plus de 800; quant à Beauport, Saint-Thomas de Montma-
gny et Saint-Ours, ils en comptent de 400 à 500. Il est donc en quelque
sorte normal d'y retrouver une fonction commerciale importante. La
plupart sont des places de commerce actives et parfois dotées d'équipe-
ments particuliers (entrepôts, hangars, quais, débarcadères, etc.) qui en
marquent le rôle. Quelques-uns sont même des lieux de foire impor-
tants, avec le consentement des autorités. Bouchette, dans son ouvrage,
n'en signale que quelques-uns, notamment Frelighsburg et Terrebonne.
En fait, on en compte trois fois plus qui sont détenteurs d'une charte: le
plus important, Sorel, a obtenu la sienne le 16 juin 1823. Puis ce fut le
tour de Terrebonne, de Nicolet et de Frelighsburg, qui l'ont obtenue en
même temps que les villes de Montréal et de Trois-Rivières, soit le 10
octobre 1823. Ont suivi Sainte-Marie-de-la-Nouvelle-Beauce, qui en est
devenue titulaire le 13 décembre de la même année, et finalement
Charlesbourg et Laprairie qui l'ont obtenue le 29 janvier et le 4 octobre
1824 respectivement. Ce sont donc autant de bourgs caractérisés par
une importante vie de relation. Bien situés dans le circuit des échanges,
ils marquent les progrès du peuplement en même temps que les axes
de l'économie montante. Ils sont à la fois des pôles sous-régionaux de
croissance et, dans certains cas, des têtes de pont vers l'intérieur.
Surtout, ils définissent déjà les lignes de force du futur réseau urbain du
Québec.
Les recensements confirment ces observations et permettent
une meilleure appréhension du phénomène (voir le tableau 35 et la
figure 15). En 1831 par exemple, on compte environ 450 chefs de
ménage qui font commerce dans les bourgs. De ce nombre, un peu
160
moins de la moitié se concentrent dans 24 agglomérations dont 14 sont
situées dans la région de Montréal, 4 dans celle de Trois-Rivières et 6
dans celle de Québec. De toutes, l'agglomération de Laprairie paraît la
plus avantagée avec environ 5% de la main-d'œuvre totale. Suivent,
dans l'ordre, Sorel et Saint-Hyacinthe avec plus de 3 %, et Yamachiche,
Saint-Thomas de Montmagny, Saint-Denis et Frelighsburg avec plus de
2%. Quant aux autres, leur part varie de 1,98% à 1,32%.
Sauf pour 7 villages, soit Yamachiche, Frelighsburg, Baie-Saint-
Paul, Saint-Antoine-de-la-Rivière-du-Loup, La Malbaie, Yamaska et Saint-
Roch-des-Aulnaies, qui ne comptent pas encore 400 habitants, la plupart
des bourgs qui semblent actifs quant au commerce sont d'assez bonne
taille, ce qui suggère un rôle régional important. En outre, ils compren-
nent une forte proportion de francophones, ce qui nuance l'affirmation
que le commerce au Bas-Canada n'était qu'une affaire d'anglophones.
Ces bourgs ne sont cependant pas les seuls à évoluer ainsi dans le
circuit des échanges; plusieurs petits villages ont également une fonc-
tion commerciale. En effet, en ne tenant compte que des bourgs où le
pourcentage de la main-d'œuvre locale engagée dans le commerce est
supérieur au pourcentage de la main-d'œuvre de cette même activité
pour l'ensemble des bourgs, on en compte une vingtaine, dont 8
correspondent à des bourgs déjà reconnus et 14 à de petites aggloméra-
tions. Leur commun dénominateur est d'être à peu près toutes situées
en contexte pionnier, c'est-à dire dans les secteurs de colonisation
récente ou entre pays pleins et secteurs vides, où les besoins de la
colonisation ainsi que le travail en forêt en font des lieux d'approvision-
nement importants.
En 1851, le panorama aura quelque peu changé. En effet, sur
l'ensemble des bourgs qui comportent une main-d'œuvre engagée dans
le commerce, 14 seulement cumulent des pourcentages supérieurs, ce
qui semble indiquer une redéfinition générale de fonctions au profit de
quelques bourgs plus favorisés. La plupart sont d'assez bonne taille, ce
qui est révélateur d'un réseau villageois qui s'affermit. Qui plus est, 1 1
d'entre eux sont situés dans la région de Montréal, comme si c'était
désormais l'endroit où se concentre la vie de marché. Dans la région de
Québec, seules les agglomérations de Lauzon et de Fraserville domi-
nent, tandis que le village de Saint-Antoine-de-la-Rivière-du-Loup persiste
dans celle de Trois-Rivières.
Tout se passe donc comme si l'on assistait à un recul majeur de
l'économie de marché, qui ne s'exprime plus désormais que dans la
région de Montréal et uniquement le long de certains axes largement
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Figure 15
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moyenne» 0,48 %
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Bourgs où se concentrent plus de 1,12 % de la main-d'oeuvre recensée dans le secteur commercial
n. de bourgs observés» 252
moyenne» 0,40 %
écart-type» 0,72* ^^
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1,16 - 1,25 1,26 - 1,50 1,26-2,50 2,51 - 4,50 4,50 -6,75
Sources: ANC, Recensements du Bas-Canada, 1831 et 1851-1852.
6.76
164
pourvus de grands centres. En fait, ces données traduisent davantage la
montée, à côté des grandes agglomérations, d'un nouveau maillage
urbain composé de quelques gros bourgs qui font déjà office de petites
villes, qu'un recul véritable de la fonction commerciale. En effet, analy-
sées sous l'angle du pourcentage de la main-d'œuvre engagée locale-
ment dans le commerce, les données révèlent une trentaine de bourgs
où les taux sont supérieurs à un écart-type de la moyenne générale. De
ce nombre, 3 seulement correspondent aux bourgs précédents et 27 à
d'autres agglomérations dont la taille varie de quelques résidents à 500.
Autrement dit, ce qui n'avait été jusque-là qu'un simple semis de villages
plus ou moins organisé autour d'agglomérations dominantes, notam-
ment dans les secteurs à grande circulation et à forte densité de
population, apparaît désormais comme un ensemble d'agglomérations
davantage hiérarchisées. Parmi celles-ci, au niveau le plus élevé, domi-
nent trois villes marchandes en voie plus ou moins rapide d'industrialisa-
tion - Montréal, Québec et Trois-Rivières - puis, à un niveau intermé-
diaire, quelques gros bourgs urbains (Saint-Jean, Saint-Hyacinthe,
Laprairie, Berthier, L'Assomption, etc.) qui étendent leur suprématie à un
ensemble de petites places situées en périphérie ou, comme précédem-
ment, sur les fronts pionniers. Il s'agit donc d'une hiérarchie nouvelle et
non d'un recul de la circulation ou de l'échange.
Les données relatives au transport nous fournissent un indice
(voir le tableau 36). En 1831, seuls une dizaine de bourgs affichent des
pourcentages de la main-d'œuvre supérieurs à la moyenne générale. Les
plus gros, Sorel et Saint-Joseph-de-Lévis, comptent à eux seuls près de
30 % des effectifs employés dans le transport, pendant que Laprairie en
cumule environ 10%. Parallèlement, on observe des spécialisations qui
en disent long sur la place que certains bourgs, même très petits,
occupent sur les axes de communication. La plupart sont situés le long
du Saint-Laurent, comme s'ils étaient des haltes naturelles pour la
batellerie du fleuve. En 1851, le phénomène est plus marquant encore.
Les pourcentages de concentration de la main-d'œuvre sont cette fois
légèrement plus faibles, en raison d'un nombre accru de bourgs où
transitent des marchandises. Quant aux bourgs où la fonction de trans-
port semble plus importante, ils sont également plus nombreux, ce qui
est l'indice d'un réseau plus complexe d'échange le long du fleuve et de
ses principaux affluents, et de là vers les concentrations industrielles de
l'intérieur. Les travaux de Jean-Claude Robert sur Joliette l'ont d'ailleurs
bien montré, en signalant tout le caractère impératif des liaisons entre
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l'intérieur et le fleuve où circule une batellerie hétéroclite qui assure le
transport à distance, vers les villes notamment8.
Cela dit, il reste que des changements se sont produits qui ont
entraîné des reculs ou des mouvements en avant. Nous croyons qu'ils
renvoient aux transformations générales de l'économie et au rôle encore
mal connu des anciennes agglomérations coloniales dans l'économie
des campagnes. C'est le cas, entre autres, de Québec dont la centralité
à l'époque s'estompe de plus en plus devant celle de Montréal qui, plus
favorisée sur le plan des échanges, notamment avec le Haut-Canada et
les États-Unis, deviendra bientôt la métropole du Canada. C'est peut-être
ce phénomène qui trouve ici une résonance dans l'évolution du réseau
villageois, en préparant la montée d'un ensemble de gros bourgs satelli-
tes qui donnera plus tard son visage à l'armature urbaine régionale. Quoi
qu'il en soit, la fonction commerciale et son corollaire, la fonction de
transport, ne sont pas les seules à expliquer ce phénomène: il en existe
bien d'autres dont le rôle est tout aussi déterminant.
La fonction industrielle
La deuxième grande fonction du village est industrielle. En effet,
aussi loin que l'on remonte dans le temps, les bourgs sont des lieux de
concentration de gens de métier, auxquels viennent s'ajouter quantité
d'ouvriers semi-spécialisés ou non qui travaillent également, en partie du
moins, dans les secteurs de la fabrication et de la transformation des
produits. En elle-même, cette fonction répond à des besoins tout aussi
immédiats sinon davantage que le commerce, mais elle ne tend pas de
la même façon à la concentration de l'habitat. En effet, pour échanger, il
faut un point de contact avec la population, tandis qu'il peut suffire d'être
chez soi pour fabriquer.
Pourtant, même sous sa forme la plus primitive, l'industrie tend à
la forme villageoise. C'est alors à son évolution qu'elle le doit, pour
satisfaire aux exigences du marché et s'assurer d'une main-d'œuvre et
d'un approvisionnement en matières premières plus stables. La machine
accélère ce processus, d'abord au profit de la campagne où existent de
meilleures conditions d'exploitation de la puissance hydraulique et
éolienne, ensuite au bénéfice de la ville avec l'arrivée de la machine à
8. Voir Jean-Claude Robert, « L'activité économique de Barthélémy Joliette [...] ».
Avec le temps, ces échanges iront en s'accentuant avant de connaître une
décroissance dans les dernières décennies du XIXe siècle. À ce sujet, voir France
Normand, « Navigation intérieure et faits d'échange à Québec au dernier quart du
XIXe siècle ».
168
vapeur. Ces facteurs expliquent l'apparition de petites concentrations
industrielles dont l'existence pourra être éphémère, mais qui donneront
parfois naissance à des hameaux susceptibles de devenir des villages,
de même que l'éclosion d'ateliers et de fabriques dans les bourgs déjà
établis. En effet, le mouvement est alternatif : autant l'industrie favorise
la croissance villageoise, autant cette dernière stimule l'industrie.
Selon les évaluations que l'on peut faire à partir de l'ouvrage de
Joseph Bouchette et des agrégés de recensements9, on ne compte
encore, en 1815, que quelque 607 moulins et fabriques dans les sei-
gneuries. En 1831, on en compte environ 1 349, contre un peu moins
(1277) en 1851. En général, ces entreprises sont modestes. Nées le
plus souvent de l'initiative locale, elles évoluent dans des rapports étroits
avec la paysannerie et sont intimement liées à la satisfaction des
besoins locaux ou sous-régionaux. Quelques-unes, qui ont une origine
capitaliste, sont de taille plus imposante et s'appuient pour leur crois-
sance aussi bien sur la campagne que sur la ville. Elles sont beaucoup
moins nombreuses et concentrées surtout autour des villes; elles ne se
multiplient vraiment que durant la seconde moitié du siècle10.
Au Québec, l'origine de ces industries est lointaine. On en retrouve
la trace dès le Régime français, aux endroits mêmes où les seigneurs
avaient entrepris d'établir leur fief (souvent sur l'emplacement même de
leur domaine), ou dans leur voisinage plus ou moins immédiat. Ce qui
change au XIXe siècle, c'est l'ampleur de leur croissance et la propension
qu'elles ont de s'agglutiner dans l'espace. Bouchette en a laissé d'ail-
leurs des images saisissantes, telle cette description des moulins Harro-
wer dans la seigneurie de Saint-Jean Port-Joli :
At the mouth of the river Trois Saumons the valuable mills and distillery
belonging to Mr. Harrower are very eligibly placed: the latter is an
establishment of considérable magnitude, with every convenience of
9. Il n'est pas facile d'évaluer la montée des industries rurales au Bas-Canada. Dans sa
Description topographique de la province du Bas-Canada par exemple, Bouchette
n'en donne qu'un aperçu, en insistant surtout sur les « moulins à grain » et les
« moulins à scie » vus dans les seigneuries. Ce n'est qu'avec le recensement de
1831 que l'information se précise, mais le relevé ne concerne encore que les
grands équipements des localités (moulins, fonderies, distilleries, etc.). Quant à
celui de 1851, le premier à fournir une information détaillée à la fois sur les grands
équipements et sur les ateliers et les boutiques des localités (voir l'annexe E), il est
incomplet, du moins sous sa forme nominative, ce qui oblige à recourir à la copie
publiée du recensement où les informations sont souvent présentées uniquement
par comté, notamment pour les manufactures. Dans nos travaux, seuls les équipe-
ments de village ont fait l'objet d'un relevé détaillé dans les listes nominatives.
D'autres recherches, déjà amorcées, apporteront des précisions quant aux localités.
10. John McCallum, op. cit., p. 83 et suiv.
169
carrying on an extensive business; at high water decked vessels of
twenty tons may corne up the premises. Over the river is a good bridge
[...] From the St Lawrence the view of the mills and surrounding objects,
heightened by the pleasing natural scenery of the environs is very
agréable11.
Cet exemple n'a rien d'unique; on retrouve ce paysage partout où
existe un cours d'eau au potentiel hydraulique intéressant. Les emplace-
ments les plus recherchés se situent sur les berges des petites rivières
au débit faible mais stable, plus faciles à endiguer et qui présentent
moins de risques d'inondation au printemps12. Cette situation est d'au-
tant plus répandue que, toutes proportions gardées, les îles comptent
peu de cours d'eau de ce genre, ce qui requiert une technologie
différente, moins efficace et souvent plus coûteuse. Aussi l'industrie
gagne-t-elle la terre ferme, à la recherche de sites plus favorables ; elle
profite de la vocation de certains terroirs pour s'y établir et contribue
ainsi, par sa présence, à la renforcer.
Omniprésente, l'industrie imprime sa marque tant au village que
dans les côtes, en un semis étendu parfois à tout un bassin-versant. On
en a un exemple dans le comté de L'Assomption, sur la Rive-Nord de
Montréal; après avoir signalé la douzaine de moulins placés le long de la
rivière L'Achigan, affluent de la rivière L'Assomption, Jean-Baptiste
Meilleur ajoute:
La Rivière de l'Assomption reçoit encore les eaux de la Rivière du Petit
St. Esprit, sur laquelle sont construits un moulin à carder et une distillerie,
à la distance d'environ trois milles du village de l'Assomption [...] L'on [y]
voit encore [...] plusieurs établissements dignes de remarques, et spécia-
lement les beaux Moulins et le Village d'Industrie [...] Sur la rivière du Lac
Ouaro se trouve le beau moulin à farine des M. M. du Séminaire de St.
Sulpice de Montréal, un moulin à carder, un moulin à faire des étoffes en
laine et plusieurs moulins à scier le bois de construction. [Quant à la
rivière Rouge voisine, elle accueille] le moulin florissant du Capt. P.
Dugas et celui d'un dénommé Pratt dans le Township de Rawdon13.
Si l'industrie progresse tant, c'est que l'économie elle-même
évolue, stimulée par les besoins nouveaux qu'entraînent la croissance
démographique, l'extension de la demande intérieure et la meilleure
1 1 . Joseph Bouchette, A Topographical Dictionary of the Province of Lower Canada.
« St. Jean Port Joli ».
12. Entre autres dans la région de Montréal où l'on ne compte pas moins d'une
quinzaine de rivières dont les bassins-versants sont « industrialisés ». Voir Serge
Courville. « Le marché des subsistances [...] », RHAF, 42(2), 1988, p. 193-239.
13. Jean-Baptiste Meilleur, Extrait du recensement du comté de L'Assomption de
l'année 1831, p. 10-11.
170
insertion de la campagne dans les circuits d'échange commandés par la
ville. Aussi le paysage se transforme-t-il rapidement. Si le panorama
semble différent en 1851, moins riche en entreprises dont le nombre
accuse une certaine chute, ce n'est pas que l'industrie soit en baisse,
c'est qu'elle s'est déplacée dans l'espace (vers la ville, les fronts
pionniers et certains gros bourgs bien marqués) et que les entreprises
sont plus grandes, ce qui favorise des concentrations de la main-d'œuvre
inconnues auparavant. Par exemple, les scieries remplacent de plus en
plus les petits moulins à scie traditionnels.
Cette montée de l'industrie rurale n'est pourtant pas égale par-
tout. D'abord plus vive dans la région de Montréal où se répartissent
plus de 80% des moulins et des fabriques en 1815, elle s'étendra
bientôt à toutes les régions, avant de dominer finalement dans l'est du
Québec. Dans le temps, cette expansion marque les progrès du peuple-
ment et surtout de l'exploitation forestière. Toutefois, elle laisse dans
l'ombre bien d'autres développements que ne rapportent pas les agré-
gés de recensement, mais qui sont également importants. C'est la
montée de petits ateliers, toujours plus présents dans la partie ouest du
Bas-Canada, d'abord parce que les agglomérations qui les accueillent
sont plus nombreuses, ensuite parce qu'elles sont plus volumineuses,
ce qui nuance le paysage industriel de la vallée du Saint-Laurent. À l'est
d'abord, une petite industrie locale est accordée à une colonisation plus
ancienne et orientée principalement vers l'établissement rural, mais
placée à côté de grosses implantations consacrées à la construction
navale. Au centre et à l'ouest, une industrie également locale est
flanquée de certaines grosses implantations d'origine plus ou moins
récente, et d'une foule de petits ateliers et de fabriques bien insérés
dans la vie d'échange et les circuits du marché. Enfin, après les années
1830, une poussée industrielle différente, ou du moins d'ampleur nou-
velle, centrée sur l'exploitation forestière et le travail manufacturier,
fleurira sur les fronts pionniers surtout et dans les grosses aggloméra-
tions urbaines et villageoises.
Accordée à des mises en place distinctes, de temporalités diffé-
rentes, cette évolution influencera le destin des villages dont certains
prendront très tôt un aspect industriel. Dès 1815, Bouchette rapporte la
présence de quelques bourgs où la fonction de fabrication semble
importante : le village des Cascades d'abord et celui de Rigaud dans la
péninsule de Vaudreuil-Soulanges, puis celui de Terrebonne sur la rive
nord du fleuve, Chambly, Saint-Hyacinthe et Frelighsburg sur la rive sud
et, dans la région de Québec, Beauport, Saint-Michel-de-Bellechasse et
171
Kamouraska. Quant à la région de Trois-Rivières, elle n'en compterait
encore aucun, à l'exception du village des Forges qui date du Régime
français. En 1832, cet auteur en repère une quinzaine, dont l'un, Sainte-
Marie-de-Monnoir, est encore en puissance sur un emplacement d'ail-
leurs réservé à cette fin près du moulin et d'un carrefour. Parmi les
villages établis, il signale alors Saint-André-d'Argenteuil qui compte déjà
plusieurs moulins dont l'un à papier, Beauharnois, où les bateaux à
vapeur font escale, Chambly, Châteauguay et le village de L'Industrie,
fondé par Barthélémy Joliette, Saint-Eustache, Sainte-Thérèse, Sault-au-
Récollet, Henryville, Frelighsburg et Sainte-Scholastique. Dans la région
de Trois-Rivières, il rapporte ceux de Batiscan, de Bécancour et des
Forges; dans celle de Québec, ceux de Beauport, de Saint-Vallier et de
Saint-Michel-de-Bellechasse14. Quant au cas de Sainte-Marie-de-
Monnoir, il n'a rien d'unique, puisque bien des bourgs faisaient alors
l'objet d'interventions planifiées, conjuguées avec l'évolution du con-
texte qui favorise les initiatives capitalistes, d'origine seigneuriale ou
autre, notamment celles des marchands et des paysans aisés.
De nouveau, les recensements corroborent ces observations (voir
le tableau 37 et la figure 16). En 1831, ils rapportent un peu moins de
675 artisans dans les bourgs, parmi lesquels environ 45,5 % se répartis-
sent dans 25 noyaux dont 20 sont situés dans la région de Montréal.
Vingt ans plus tard, le nombre d'artisans s'élève à un peu plus de 1 500,
dont 42 % se répartissent dans 22 bourgs, encore situés pour la plupart
dans la région montréalaise. En 1831, dix bourgs cumulent plus de 2 %
14. Tout en étant explicite, cet inventaire de Bouchette est cependant loin d'être
complet. Sur les villages comme Saint-Denis, Terrebonne, Saint-Hyacinthe, il ne
s'étend pas beaucoup, du moins quant aux activités de fabrication. Par contre, du
village de Saint-André-d'Argenteuil, qui comptait une trentaine de maisons en 1824,
il dira : « it now increased to 55 houses and about 330 soûls, composed of
Americans and British born subjects. It also contains a grist and a saw mill and an
extensive paper-mill, belonging to Mr. Brown, opposite whose résidence is a
handsome bridge over the river. » De celui de Saint-Eustache, « among whom are
many merchants carrying on a lucrative commerce », qu'il comporte « a brewery, a
potash-work, a pottery, two tanneries, a manufactury for cigars and tobacco in great
repute, one for hats and another for chairs, ail enjoying considérable réputation.
Joiners, turners, blacksmiths and other artisans, amounting in number to 25, enjoy
an easy and honest livelihood. » De celui de Sainte-Thérèse, qu'il est « a considér-
able village of 90 houses and enjoys an extensive commerce. A whisky distillery, a
strong béer brewery on a large scale belonging to James Porteous Esq., and a little
distillery established by Dr. Buchanan, bring hither a great number of farmers from
the adjacent seigniories, where they find an excellent market for the sale of their
barley and rye, and can purchase various articles necessary for the use of their
families. This village also contains 4 stores [...] There are also two potash works,
tanneries, and good artisans whose industry is recompensed by an easy and honest
subsistence. » Voir Joseph Bouchette, A Topographical Dictionary of the Province
of Lower Canada. « Argenteuil » et « Mille Isles ».
172
de là main-d'œuvre totale enregistrée dans les activités de fabrication
des bourgs : Laprairie - le plus « industrialisé » de tous avec plus de
3 % de la main-d'œuvre -, Saint-Denis, Saint-Eustache, Saint-Hyacinthe,
Berthier, L'Assomption, Les Forges, Terrebonne, Lévis et Sorel. En
1851, on n'en compte plus que sept: Saint-Hyacinthe, qui domine avec
plus de 6 % de la main-d'œuvre, Saint-Jean, Lauzon, Philipsburg, Saint-
André-d'Argenteuil, Berthier et L'Assomption.
Parallèlement, on assiste à une poussée de petits regroupements
nés autour d'un ou de plusieurs moulins, où le pourcentage local de la
main-d'œuvre dépasse la moyenne générale. En 1831, on en compte 27
qui présentent ainsi un fort indice de spécialisation, dont quelques-uns
seulement sont des bourgs déjà reconnus: 13 sont situés dans la région
de Montréal, 1 1 dans celle de Québec et 3 dans celle de Trois-Rivières.
En 1851, il y en aura deux de plus mais, cette fois, répartis autrement:
12 dans la région de Québec, 10 dans celle de Montréal et le reste dans
la région trifluvienne. À l'exception de quatre ou cinq d'entre eux, tous
sont de petite taille.
Enfin, fait intéressant, là où la fonction de fabrication est impor-
tante, la présence des journaliers l'est également et ce, quelle que soit la
taille du bourg (voir le tableau 38). Toute cette main-d'œuvre n'est sans
doute pas liée à cette fonction, du moins directement, mais comme il
s'agit là d'un domaine d'activité qui en attire d'autres, à l'amont comme
à l'aval, plusieurs y trouvent leur avantage. Cependant, cette population
est importante surtout dans les noyaux-moulins, occupée à des tâches
de transport, d'approvisionnement ou de services. Comme ces noyaux
sont en pleine croissance à l'époque, leur nombre augmente en consé-
quence, jusqu'à représenter parfois l'essentiel des métiers déclarés
dans le hameau.
Bref, à la poussée d'industries rurales enregistrée à l'époque
correspond la montée parallèle d'un ensemble de bourgs et de hameaux
où la fonction industrielle est parfois étonnamment importante. Cela ne
veut pas dire que la campagne ne vit désormais qu'au rythme de
l'industrie: il existe des secteurs davantage consacrés à l'agriculture, où
les villages évoluent selon une autre logique, par exemple dans certaines
parties de la plaine de Montréal, dans la vallée du Richelieu notamment
ou dans celle de la rivière Yamaska15. Par contre, cela signifie qu'à part
15. À ce sujet, voir: Allan Gréer, Peasant, Lord and Merchant; Christian Dessureault,
« Crise ou modernisation ? La société maskoutaine durant le premier tiers du XIXe
siècle», RHAF. 42(3), 1989, p. 359-387.
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Figure 16
PRINCIPAUX LIEUX DE FABRICATION (1831, 1851)
Bourgs où se concentrent plus de 1,08 * de la main-d'oeuvre recensée dans le secteur de la fabrication
n. de bourgs observés = 196
moyennes 0,48 96
écart-types 0,60 96 ^b^
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Bourgs où se concentrent plus de 1,00 96 de la main-d'oeuvre recensée dans le secteur de la fabrication
n. de bourgs observés» 252
moyenne» 0,40 96
écart-types 0,60 96
1,01-1,20 1,20-1,70 1,71-1,95 1,96-2,45
Sources: ANC, Recensements du Bas-Canada, 1831 et 1851-1852.
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ces secteurs plus intensément consacrés à l'agriculture il en existe
d'autres où villages et industries se conjuguent pour créer des con-
ditions particulières de croissance qui finiront par transformer les paysa-
ges et les socio-économies locales16. D'ailleurs, il n'est pas sans intérêt
de noter que, dans les hameaux constitués autour de moulins, la part de
la population d'origine francophone est presque toujours plus élevée que
celle des anglophones (voir l'annexe C). En effet, il n'y a pas d'opposition
dans le jeu des fonctions, mais des complémentarités qui tantôt les
expliquent, tantôt les entraînent, outre qu'elles créent d'autres équilibres
et d'autres vocations. C'est le cas, entre autres, de la fonction d'accueil
qui n'existe que parce que le village est un lieu de circulation et
d'échange, non seulement de denrées ou de produits fabriqués, mais
aussi de personnes.
La fonction d'accueil et de services
La vie de relation a pour condition première les facilités de
transport par voie de terre et d'eau. Au Québec, bien des bourgs sont
nés de cette circulation ou pour faciliter celle-ci : haltes commodes ou
obligées le long des routes ou aux carrefours, pour la diligence, la poste,
ou simplement pour se restaurer, haltes ponctuelles le long des cours
d'eau, pour refaire le plein de combustible ou procéder à des opérations
de transbordement. Ces haltes rythment des mouvements d'ampleur et
de durée variables qui, dans le contexte technologique de l'époque, sont
liés à la nécessité de s'arrêter de distance en distance ou en fin de
journée pour laisser reposer les attelages ou éviter les risques d'une
navigation de nuit. Les cartes de répartition des bourgs en témoignent et
montrent souvent des points équidistants les uns des autres, notam-
ment à l'est de Québec où le maillage plus lâche des agglomérations
villageoises fait mieux ressortir cette caractéristique (voir le chapitre 1).
Tous les bourgs ne sont pas des étapes le long d'un parcours, mais rares
sont ceux qui ne le deviennent pas à un moment ou l'autre. Quand ils
ont dépassé un certain seuil de croissance, ils comprennent générale-
ment au moins une auberge; les mieux nantis de ce point de vue
demeurent les bourgs situés face aux villes mais sur la rive opposée du
fleuve où les routes convergent quand l'absence de pont impose des
délais dans le transport des personnes et des marchandises. Le village
de Laprairie au sud de Montréal en est un exemple: lieu de départ du
traversier vers Montréal, il compte 23 auberges en 1831 contre une
16. À ce sujet, voir Serge Courville, « Le marché des subsistances [...] », RHAF, 42(2),
1988, p. 193-239.
79
douzaine à Lévis à la même date. En 1851, leur nombre aura considéra-
blement diminué, de moitié dans le cas de Laprairie et de plus de 90 %
pour ce qui est de Lévis, en raison des campagnes de tempérance, de
l'amélioration des transports et de l'apparition du navire à vapeur qui
assure de meilleures liaisons.
C'est donc une fonction du village de servir ainsi de gîte aux
voyageurs et, en certains cas, d'accueillir une population de passage en
quête de repos, de soins médicaux ou de recueillement. Leur caractéris-
tique essentielle est alors d'être animés à certains moments et calmes à
d'autres, pour des périodes qui varient de quelques heures à quelques
jours, voire à quelques semaines, au gré des saisons. C'est le cas du
village de Kamouraska, dont Bouchette nous dit dans son dictionnaire de
1832 qu'il est déjà un lieu très fréquenté par les touristes qui viennent y
refaire leur santé, et du village de Pointe-aux-Trembles, que cet auteur
présente comme un lieu récréatif pour les résidents de Montréal.
Pourtant, que de changements entre 1815 et 1851 ! En début de
période, on ne compte qu'une dizaine de bourgs dotés d'équipements
d'hébergement, sur la cinquantaine de noyaux recensés par Bouchette.
En 1831, on en dénombre près d'une centaine dont le tiers comptent
plus de trois auberges. Vingt ans plus tard, on n'en recensera plus
qu'une cinquantaine sur les 253 de notre échantillon, dont 10 seulement
comptent plus de 3 auberges. Vu le caractère incomplet de nos fichiers,
le nombre de bourgs dotés d'équipements d'hébergement en 1851 est
sans doute plus élevé. Toutefois, même en supposant que la cinquantaine
de bourgs dont nous perdons la trace dans le recensement soient dotés
d'un tel équipement, c'est encore à moins d'une centaine d'aggloméra-
tions que s'élève ce nombre, ce qui semble indiquer une certaine
décroissance par rapport à 1831, liée sans doute au vieillissement relatif
des villages et à leur changement de fonctions, mais aussi aux campa-
gnes de tempérance menées alors dans la province.
Outre cette fonction d'accueil, le village a aussi d'autres raisons
d'être qui accentuent son rôle de relais dans l'espace. Ce sont les
fonctions de services, représentées ici par les résidents qui déclarent
faire partie du clergé, des professions libérales, de la fonction publique
et des services autres que domestiques (maisons d'enseignement, de
repos, etc.). Ces fonctions donnent l'un de leurs premiers attributs aux
bourgs, celui d'être un lieu de commodité pour la population locale. Ces
fonctions sont d'autant plus nombreuses et de haut niveau que le bourg
est ancien et d'assez bonne taille. Mais encore là, il existe des cas de
villages, parfois même de hameaux où, en dépit d'une création plus
180
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récente ou d'une population restreinte, des vocations s'affirment qui les
distinguent des autres bourgs.
En 1815, Bouchette n'est pas très loquace sur la place qu'occu-
pent les services dans les bourgs. Tout au plus signale-t-il la présence ici
et là de notables, de boutiques, d'écoles ou de divers autres équipe-
ments (bureaux de poste ou de télégraphe, relais de diligence, etc.) qui
en suggèrent l'existence. Au total, seuls une dizaine de villages sem-
blent avoir alors une fonction de services plus structurée: Longueuil,
Chambly, Philipsburg, Boucherville, Saint-Eustache et Terrebonne dans
la région de Montréal, Sainte-Anne-de-la-Pérade dans celle de Trois-
Rivières, et Neuville, Beauport, Saint-Thomas de Montmagny et Kamou-
raska dans la région de Québec. En 1832, ce nombre aura quadruplé et
ce n'est là qu'une estimation sommaire qui ne tient compte que des
mentions formelles de Bouchette. De fait, ces villages sont beaucoup
plus nombreux, trop pour être tous cités ici. En outre, leur situation
évolue considérablement entre les deux recensements. Toutefois, il est
significatif de noter que, mis à part les gros bourgs, où ces fonctions
sont évidemment plus répandues, c'est surtout dans la petite agglomé-
ration qu'elles s'expriment le plus, comme si elles pouvaient seules
expliquer la présence de celle-ci. Telle est la situation de tous les petits
bourgs agraires construits à proximité des villes ou des gros bourgs
urbains, ou à mi-chemin entre deux établissements aux économies
motrices; de même, plusieurs hameaux situés en contexte pionnier
n'ont parfois pas d'autres fonctions que de servir aux fins du peuple-
ment, avec tout juste une scierie ou une potasserie pour satisfaire les
besoins locaux et se rattacher à l'économie globale (voir le tableau 39).
En 1831, un seul village parmi les plus gros cumule un taux
supérieur de services, celui de Laprairie, où se concentrent plus de 4 %
de la main-d'œuvre recensée dans ce secteur d'activité pour l'ensemble
des bourgs. En 1851, on en compte au moins deux: la ville de Saint-
Hyacinthe, suivie du village de Longueuil, qui accueillent plus de 5,6 %
et 4,3 % respectivement de la main-d'œuvre totale dénombrée dans les
bourgs.
Du village de Laprairie, Bouchette dira qu'il est maintenant un
village florissant de 200 maisons bien construites, dont certaines en
pierre et à deux étages, aux toits de tôle, qui lui donnent un air de
propreté et de respectabilité :
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church and also a convent of the sisters of Notre Dame, missionaries
from the community formerly founded at Montréal by Madame Bourgeois,
where ail the necessary and some ornamental branches of female
éducation are conducted upon a very good System with a success highly
creditable. Its population is about 1 800, including about 30 artisans,
2 notariés, 4 merchants and 4 justices of peace17.
De ceux de Longueuil et de Saint-Hyacinthe, il donnera une
description qui annonce déjà les traits qu'ils prendront plus tard. Le
premier compte alors 65 maisons, notamment un presbytère et deux
écoles, une belle église de 130 pieds sur 55, et sert de lieu de résidence
à beaucoup de personnes respectables, dont l'ancien évêque catholique
de Québec. Celui de Saint-Hyacinthe comprend 200 résidences dont
plusieurs sont construites en pierre et en brique, une belle et grande
église, un presbytère, un collège et deux auberges bien tenues18.
Parallèlement, on observe plusieurs autres villages où la fonction
de services est importante. Toutefois, en ne tenant compte que des
bourgs où l'indice de concentration de la main-d'œuvre est le plus élevé,
on constate que ceux-ci sont plus nombreux en 1831 qu'en 1851. En
effet, contrairement à la situation de 1831, alors que l'on compte au
moins huit villages où la main-d'œuvre qui travaille dans les services
dépasse 2 % de la main-d'œuvre engagée dans ce même secteur
d'activité pour l'ensemble des bourgs (Laprairie, Sorel, Berthier, L'As-
somption, Lévis, Châteauguay, Terrebonne et Saint-Eustache), on n'en
compte plus que la moitié en 1851 (Saint-Jean, Laprairie, Saint-Vincent-
de-Paul et Saint-Joseph-de-Chambly). De même, si l'on tient compte des
bourgs où le pourcentage de la main-d'œuvre engagée dans les services
dépasse celui que l'on a enregistré pour l'ensemble des villages, il est
également plus élevé. En 1831, on dénombre 25 bourgs où l'indice de
spécialisation est supérieur à 1 %; en 1851, on n'en compte plus que
21, dont plusieurs sont répartis sur les fronts pionniers de l'intérieur ou
en position mitoyenne entre deux gros bourgs. Comme le nombre de
ces derniers a tendance à augmenter à l'époque, c'est autant de signes
qui montrent le rôle joué désormais par les petits bourgs. Autrement dit,
il se produit ici ce que les géographes appellent un déplacement de
fonctions dans l'espace, d'abord au profit des gros bourgs urbains qui
assument de plus en plus de fonctions de services, ensuite à l'avantage
des petits bourgs ruraux et des milieux pionniers où les services sont
pour ainsi dire des catalyseurs de croissance. Mais qui dit services dit
17. Joseph Bouchette, A Topographical Dictionary of the Province of Lower Canada.
18. Ibid.
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Plan du village de Longueuil, 1847. MER, Service de l'arpentage, L-14.
185
aussi toute une gamme d'activités, dont certaines sont plus spécialisées
que d'autres et qui donnent parfois à certains bourgs des attributs
particuliers, par exemple les activités administratives et religieuses, que
l'on retrouve à des degrés divers dans les bourgs mais qui ont parfois
tendance à se concentrer dans l'espace.
La fonction administrative et religieuse
À l'époque qui nous intéresse, peu de villages ont une vocation
administrative importante. Cette fonction ne viendra que plus tard avec
l'implantation du régime municipal et la mise en place de services
gouvernementaux et judiciaires19. Pour l'instant, les seuls bourgs à
pouvoir prétendre à un tel rôle sur le territoire seigneurial sont ceux qui
accueillent une cour de justice et certains services gouvernementaux,
tels la poste et bientôt les bureaux d'enregistrement; les plus représen-
tatifs à cet égard demeurent Berthier, Saint-Hyacinthe, Frelighsburg,
Philipsburg, Sainte-Anne-de-la-Pérade, Sainte-Marie de Beauce, etc., où
Bouchette signale un bureau de poste, une cour de justice, des bâti-
ments gouvernementaux, un poste de télégraphe, etc. Dans sa thèse
sur les seigneuries de Gabriel Christie, Françoise Noël brosse le tableau
suivant: de 1812 à 1841, on ne crée pas moins d'une trentaine de
bureaux de poste sur le territoire compris entre les rives du fleuve et la
frontière canado-américaine, et entre Hemmingford et Saint-Mathias. De
ce nombre, une dizaine sont situés dans les seigneuries de Deléry,
Lacolle, Bleury, Sabrevois, Noyan et Saint-Armand, et la plupart sinon
tous ont un village ou un hameau pour emplacement20. Ces bureaux
n'assurent pas l'existence du bourg mais, comme ils s'inscrivent en
réseau, ils la confirment et la renforcent tout en marquant la place de
l'agglomération dans le circuit des échanges. Aussi, à côté des bourgs
qui dominent, tels Laprairie, Chambly ou Saint-Jean, il y en a d'autres,
comme Saint-Mathias, Saint-Rémi ou Clarenceville qui paraissent plus
secondaires, mais dont l'importance dans le réseau de distribution du
courrier et de l'information en général ne fait aucun doute.
Par contre, sur le plan religieux, la situation se présente différem-
ment, puisque la plupart des bourgs sont susceptibles d'accueillir un
prêtre et une communauté religieuse. À l'époque, toutefois, seulement
le tiers ou la moitié des bourgs ont un curé résident, quelquefois un
19. A ce sujet, voir: Serge Courville (dir.), Jacques Crochetière, Philippe Desaulniers et
Johanne Noël, Paroisses et municipalités de la région de Montréal au XIXe siècle
(1825-1861) [...]; Jean-Marie Fecteau, « La pauvreté, le crime, l'État [...] ».
20. Françoise Noël, « Gabriel Christie's Seigneuries [...] ».
186
vicaire. Quant aux communautés religieuses, elles sont beaucoup moins
répandues ; elles se limitent le plus souvent à la congrégation de Notre-
Dame créée par Marguerite Bourgeoys. On n'en retrouve que dans
quelques bourgs, par exemple Laprairie, Saint-Eustache ou Neuville.
Cette pénurie ne se résorbera qu'après les années 1840, avec la venue
de religieux étrangers et la, multiplication des couvents et des collèges
classiques, créés pour favoriser les vocations sacerdotales. Pour l'heure,
il faudra donc faire appel à un prêtre visiteur, ce qui est le fait de la
plupart des petits bourgs apparus entre les années 1815 et 1830. Par
conséquent, de tous les bourgs observés, seuls ceux qui ont atteint une
certaine taille et une notoriété indéniable sont dotés d'une fonction
religieuse importante, entre autres Saint-Hyacinthe et Nicolet qui devien-
dront bientôt des évêchés (après 1850). Ceux qui n'ont qu'un curé ou
une chapelle pour accueillir le prêtre desservant ne dispensent que les
services essentiels; ils assument sans doute leur fonction spirituelle,
mais sans ce rayonnement caractéristique des bourgs où l'on compte
plusieurs représentants du clergé en plus d'une église, d'un couvent ou
d'un collège.
Quant aux autres expressions de la fonction religieuse, elles se
confondent avec le rôle qu'a joué traditionnellement l'Église catholique
du Québec dans la sédentarisation des populations amérindiennes. Dès
le Régime français, des missions sont créées, notamment à Laprairie, au
Sault-Saint-Louis dans l'île de Montréal, puis dans la seigneurie du Lac-
des-Deux-Montagnes, à Saint-François-du-Lac et à la Jeune-Lorette, aux-
quelles viendra bientôt se joindre celle de Bécancour. Elles donneront
naissance à des villages d'un type assez particulier, mi-permanents, mi-
temporaires, élevés non loin de la chapelle et des bâtiments où logent
les missionnaires. Au début du XIXe siècle, la plupart de ces villages
existent encore. Constitués de tentes et de maigres cabanes de bran-
chages ou de bois rond, ils prennent souvent un aspect misérable, du
moins selon les observateurs de l'époque qui ne manquent pas de
rapporter également leur taille variable selon les saisons. Certains com-
prennent même plusieurs noyaux, comme la mission du Lac-des-Deux-
Montagnes où, contrairement au village de Caughnawaga au Sault-Saint-
Louis, habité par les Mohawks (Iroquois), ou à celui de la Jeune-Lorette
occupé par les Hurons, on compte trois villages distincts, l'un habité par
les Algonquins, l'autre par les Iroquois et le troisième par les Népissin-
gues. Chaque bourgade a son administration propre, placée sous la
responsabilité du chef de bande, tandis que la direction de la mission est
confiée à un prêtre du séminaire de Saint-Sulpice de Montréal à qui
appartient la seigneurie où est située la mission.
187
LE CUMUL DES FONCTIONS
ET LA HIÉRARCHIE VILLAGEOISE
Le tour d'horizon précédent a révélé les types de fonctions
rencontrés dans les bourgs. Dans son article sur les villages de la région
nord de Montréal, Jean-Claude Robert a signalé ce qu'il en était dans les
agglomérations de Saint-Eustache, Terrebonne, L'Assomption et Ber-
thier où le panorama socioprofessionnel apparaît plus diversifié que dans
les bourgs voisins moins populeux21. La même situation existe à Laprai-
rie, Saint-Jean, Saint-Hyacinthe et Sorel sur la rive sud ainsi que dans
une bonne demi-douzaine d'autres bourgs situés dans les régions de
Trois-Rivières et de Montréal où, à côté d'une vocation commerciale
complexe, s'affirment des fonctions industrielles et de services en plus
des fonctions administratives et religieuses. Ce cumul des fonctions est
surtout caractéristique des gros bourgs, c'est-à-dire des villages où la
population dépasse le millier d'habitants. Dans le contexte de l'époque,
ce sont déjà presque des petites villes, avec un profil de fonctions qui
rappelle celui des grandes villes, sans les services spécialisés cepen-
dant. Au total, ces bourgs ne sont pas très nombreux. Néanmoins, ils
jouent un rôle important dans l'espace, qu'ils organisent à leur niveau.
Ce sont des pôles autour desquels gravitent les autres bourgs et qui
servent souvent de points d'appui pour l'intérieur et d'intermédiaires
avec la ville.
Les autres bourgs ont un profil plus simple. On y retrouve la
plupart des activités précédentes, avec moins d'ampleur cependant.
Comme leur taille est plus restreinte, ils satisfont surtout des besoins
locaux. Toutefois, comme ils sont également en rapport avec la ville et
les autres bourgs, ils servent eux aussi de relais sur le territoire. En fait,
à peu près tous les villages assurent une liaison entre les agglomérations
et entre celles-ci et la campagne, parce qu'il s'y trouve presque toujours
un marchand, un employeur ou un personnage quelconque davantage en
rapport avec l'extérieur. En outre, selon leur situation dans l'espace, ils
peuvent avoir des fonctions plus importantes qui les distinguent des
villages voisins. Parce qu'ils sont bien situés sur les axes d'échange, les
uns voient leurs fonctions commerciales ou de relais valorisées. Les
autres, à cause de la proximité d'un cours d'eau ou d'une ressource
aisément exploitable, notamment la forêt, mettent l'accent sur le travail
en atelier ou en fabrique; enfin, parce qu'ils s'élèvent au cœur d'un riche
21. Jean-Claude Robert, « Aperçu sur les structures socio-professionnelles des villages
de la région nord de Montréal durant la première moitié du XIXe siècle », CGQ.
28(73-74), 1984, p. 63-72.
188
terroir agricole déjà bien nanti de bourgs ou isolés sur les fronts
pionniers, d'autres encore s'orientent vers des activités de services plus
ou moins nombreuses mais toujours nécessaires.
Cette variété de situations nous conduit tout naturellement à
l'idée qu'il existe alors une sorte de hiérarchie villageoise, voire un
réseau de villages. De fait, cette hiérarchie existe, sanctionnée aussi
bien par la taille des agglomérations que par l'éventail de leurs fonctions.
C'est que le bourg n'est pas un simple nœud dans l'espace, il est aussi
partie d'un ensemble. L'idée centrale est ici celle de maillage, sous-
jacente à celle de réseau. En effet, vus à vol d'oiseau, les bourgs
apparaissent comme autant de points sur le territoire, réunis par un
faisceau de lignes, les routes, qui enserrent elles-mêmes des surfaces
aux vocations variées, agricoles le plus souvent, et où s'étend à des
degrés divers l'influence du bourg. Comme ces points ne sont pas tous
de même taille, les flux qui les unissent sont également très divers, plus
nourris en direction des gros bourgs où le volume de population entraîne
une multiplication des fonctions, plus ténus s'ils se dirigent vers un
hameau ou un nodule en formation. Comme les bourgs ne sont pas tous
situés à la même distance les uns des autres, l'ensemble forme un
maillage complexe, plus dense ici, plus lâche là, selon les régions et le
mode privilégié de circulation dans telle ou telle partie du territoire, par
voie d'eau ou de terre, le cas échéant. Mais ce maillage n'est pas le
réseau : il en est le reflet, la trace.
Dans l'état actuel de la recherche, il n'est pas encore possible de
discuter convenablement des rapports qui s'établissent entre les bourgs.
Pour cela, il faudrait pouvoir pénétrer à l'intérieur des systèmes de
relations qui existent sur le territoire. C'est là un défi que même les
historiens intéressés par la période tardent à relever, tant la tâche est
grande et parsemée d'embûches. Car il ne suffit pas de constater le
maillage, encore faut-il l'expliquer, en posant le problème des intercon-
nexions entre les bourgs, tant sur le plan économique que sur le plan
social. Par exemple, où les marchands de tel ou tel village s'approvision-
nent-ils? Est-il raisonnable de penser que seule la campagne ou la ville
jouent ici un rôle? Qu'en est-il alors des gros bourgs? Se peut-il qu'ils
soient aussi des lieux d'approvisionnement pour les bourgs plus petits?
Et si tel était le cas, quels freins ou au contraire quels stimuli ces gros
bourgs introduisent-ils dans l'évolution des petits bourgs ou des bourgs
intermédiaires? Par ailleurs, quelles influences les bourgs exercent-ils
sur la socio-économie locale, sur l'évolution de l'agriculture notamment
et ses rapports avec le marché? Se peut-il que des réseaux se dessinent
189
qui sanctionnent le rôle moteur de certains bourgs et la complémentarité
toute relative de certains autres? Enfin, de quelle importance sont ces
échanges entre les bourgs? De quoi sont-ils composés? Quels en sont
les rythmes journaliers, hebdomadaires, mensuels, saisonniers? Autant
de questions que seule une étude appliquée à un ensemble suffisant de
bourgs peut résoudre, pourvu que le questionnement déborde la simple
reconstitution de flux pour s'étendre également aux agents, à leurs
stratégies et à leurs motifs. En effet, dans ce procès des interrelations
entre les bourgs, c'est celui de toute la vie de relation qui se profile dans
ce qu'elle a de plus dynamique mais aussi de plus difficile à saisir.
Jusqu'ici, les préoccupations des chercheurs ont été d'un autre
ordre. Ils ont surtout tenté de voir comment pouvaient s'exprimer à
l'échelle d'une localité ou d'une agglomération les phénomènes obser-
vés à une échelle plus vaste. Intéressante parce qu'elle nous plonge au
cœur de territorialités particulières, cette démarche n'a porté toutefois
que sur quelques paroisses, villages ou seigneuries observés comme
des entités autonomes ou dans des contextualités trop différentes ou
trop typiques pour qu'en découlent des conclusions valables pour l'en-
semble. Quant à l'influence locale des bourgs, elle n'a pour ainsi dire pas
fait l'objet de recherche; les seules études disponibles sur le sujet
concernent plutôt l'aire villageoise au sens large et ses caractéristiques
topologiques22. Aussi devient-il difficile dans ce contexte de parler du
réseau villageois, qui ne nous est révélé pour l'instant que par des
indices liés à la taille des bourgs, au faisceau de routes qui les unit et à
leur position relative dans l'espace. C'est peu pour établir l'existence
d'ensembles organiques; c'est surtout trop peu pour les bien saisir. Tout
au plus pouvons-nous en constater l'armature, en observant les ordres
de grandeur des bourgs.
Au total, on peut distinguer quatre paliers majeurs de bourgs, cinq
peut-être. Au sommet, il y a d'abord les bourgs urbains qui prennent
souvent l'aspect de petites villes et dont la population approche ou
dépasse le millier d'habitants. Puis, en position immédiatement infé-
rieure, ce que l'on pourrait appeler les gros bourgs, dont la taille varie de
800 à 1 000 habitants. Nous trouvons ensuite les villages moyens, dont
la taille varie de 500 à 800 habitants, puis les hameaux dont les plus
volumineux peuvent atteindre jusqu'à une cinquantaine de ménages et,
finalement, les nodules en formation, dont la taille varie d'une vingtaine à
une centaine d'habitants.
22. Voir notamment René Hardy, Pierre Lanthier et Normand Séguin, op. cit.
190
En 1815, on ne compte encore que deux bourgs urbains dans les
seigneuries, Sorel, que Bouchette appelle déjà « ville » (de William
Henry) et où il rapporte la présence de quelque 1 500 résidents, et
Terrebonne dont on peut estimer la population à environ 800 ou 900
habitants. En 1831, ils seront beaucoup plus nombreux. Laprairie compte
alors 1 300 habitants, Sorel, Saint-Hyacinthe et Berthier (village et péri-
phérie immédiate), un peu plus d'un millier chacun, et Saint-Joseph-de-
Lévis près de 1 000. Vingt ans plus tard, 16 bourgs auront franchi le seuil
des 1 000 habitants : Lauzon, environ 3 700 résidents ; Sorel, plus de
3 400; Saint-Jean et Saint-Hyacinthe, entre 2 800 et 2 900 habitants;
Saint-Thomas de Montmagny et Laprairie, plus de 1 700; Longueuil,
près de 1 500; Chambly, Sainte-Thérèse et Lachine, environ un millier.
Outre leur taille, ces bourgs ont tous en commun d'être des places de
commerce animées où se nouent les échanges avec la ville et les
bourgs voisins. Quelques-uns accueillent des foires saisonnières. Tous
ont une place de marché et sont situés à des carrefours ou le long
d'axes routiers achalandés. Lieux de circulation et d'échange, ils ont
aussi des rôles importants dans la fabrication et la concentration de
services que l'on ne retrouve pas toujours ailleurs : évêché, du moins à
Saint-Hyacinthe, hôpital, collège, couvent, représentants des professions
libérales, etc.
Les bourgs de rang immédiatement inférieur présentent globale-
ment les mêmes traits. Également bien situés dans le circuit des
échanges, ils ne se distinguent des bourgs urbains que par la taille et le
caractère moins entraînant de leurs fonctions. En 1815, peu de villages
peuvent être qualifiés de gros bourgs, même en abaissant les seuils de
population à 700 habitants pour tenir compte du contexte démographi-
que de l'époque. De tous, seul le village de Laprairie, le plus volumineux,
semble de ceux-là. Mais comme il se situe non loin de Montréal, ce qui
en fait un lieu obligé de transition, c'est vers des bourgs de moindre
taille qu'il faut se tourner pour repérer les Chefs-lieux. Il n'y en a encore
que quatre ou cinq dans l'ensemble du territoire: Pointe-Claire, Chambly,
Boucherville et Saint-Thomas de Montmagny. On pourrait encore y
ajouter Saint-Eustache, L'Assomption, Saint-Hyacinthe, Berthier, Saint-
Jean et Saint-Denis, qui ne sont pas réellement de gros bourgs, mais qui
semblent jouer un rôle important dans la socio-économie locale et sous-
régionale. Par la suite toutefois, ces bourgs seront nettement plus
nombreux, avec à leur tête L'Assomption, Terrebonne, Châteauguay,
Saint-Eustache, Fraserville, Boucherville, Beauharnois, Saint-Pie et Cap-
Saint-lgnace, qui comptent tous de 800 à 1 000 habitants.
191
Quant aux villages et aux hameaux, ils présentent des profils
extrêmement diversifiés. Les uns, parce qu'ils sont de meilleure taille ou
mieux situés le long des grands axes et qu'ils ont des fonctions qui les
rapprochent des gros bourgs, ce que plusieurs d'entre eux deviendront
bientôt. Les autres, parce qu'ils sont trop jeunes ou à trop grande
distance du fleuve ou de ses principaux affluents, n'ont qu'un rôle local
de services. Puis il y a tous ceux qu'un moulin, une fabrique, une
auberge, un simple carrefour, ont fait naître. Il serait trop long d'énumé-
rer ici la liste de ces bourgs qu'on retrouvera en annexe. Toutefois,
rappelons que ce qu'il convient d'appeler village à l'époque ne peut être
dissocié d'un ensemble qui lui donne sa raison d'être. Cet ensemble a
pour point central la ville et pour marge la forêt et, entre les deux, une
gamme assez étendue de bourgs-relais autour desquels gravitent de
plus petites agglomérations.
En effet, quiconque regarde une carte de répartition des bourgs
dans la vallée du Saint-Laurent constate qu'il n'y a pas de bourgs isolés,
mais des ensembles de bourgs répartis en grappes autour des agglomé-
rations urbaines et autour desquelles gravitent des noyaux plus secon-
daires, captifs eux aussi du champ d'attraction des villes. Déjà décelable
au XVIIIe siècle, le phénomène devient de plus en plus apparent au fur et
à mesure que l'on avance dans le temps et que s'accroît le nombre de
bourgs. Qu'il s'agisse de la région de Montréal, de celles de Trois-
Rivières ou de Québec, les configurations sont partout les mêmes et
prennent parfois l'aspect de véritables nébuleuses que seules les con-
ditions locales du milieu physique remodèlent par endroits. Même le
réseau routier, autrefois plus simple et plus linéaire, tend à devenir plus
dense (voir la figure 17), pour rejoindre chaque point du maillage et
définir de nouveaux emplacements pour les bourgs qui agiront alors
comme têtes de pont, chaînes d'étape ou croisements obligés. Dans
quelle mesure cette densification du réseau routier est-elle cause ou
effet de la croissance villageoise? À vrai dire, peu importe, puisque cette
complexité crée des conditions nouvelles de croissance dont bénéficie-
ront les campagnes à des degrés divers.
Ce contexte donne tout son sens à la hiérarchie villageoise,
qu'elle inscrit dans une problématique urbaine ou en tout cas proto-
urbaine. S'il est vrai que la ville dans la vallée du Saint-Laurent a souvent
pris l'aspect d'un corps social étranger né, non pas de la campagne,
mais de décisions politiques extérieures, et qu'elle a accueilli plus de
ressortissants étrangers que d'effectifs autochtones, il ne faudrait pas
faire de ce constat un absolu qui conduirait à l'idée d'une « coupure »
192
Figure 17
EXTENSION DU RÉSEAU ROUTIER (1815, 1831)
Vers 1815
"Topographical Map of the Province of Lower Canada, Sheewing its Divisions into Districts, Counties. Seigneuries and Townships, with ail the Land reserved
both lor the Crown and the Clergy, Ec, Ec Engraved by J. Walker and Son, London, W Faden, Aug. 12, 1815.", Joseph Bouchette, 1 carte en 10 feuilles.
Vers 1831
environs de Québec
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Laboratoire de géographie historique, Université Laval (projets « Villages » et « Axe laurentien
ville-campagne. Il s'agit là d'un mythe dont il faut se défaire, c'est-à-dire
celui d'une société rurale composée d'un ensemble de cellules plus ou
moins autonomes et qui n'entretiennent que peu de rapports avec le
monde extérieur. C'est une chose de constater la territorialisation des
terroirs, c'en est une autre d'en faire des isolats ! Que la géographie des
campagnes prenne l'aspect d'une mosaïque d'aires domestiques cimen-
tées par des solidarités familiales, de provenance ou de voisinage23, ne
doit pas faire oublier que ces aires ne sont qu'un palier de la vie
d'échange. Au-dessus se profilent d'autres aires dans lesquelles les
23. À ce sujet, voir Serge Courville, « Espace, territoire et culture en Nouvelle-France:
une vision géographique », RHAF. 37(3), 1983, p. 417-429.
193
premières s'insèrent et dont elles sont plus ou moins dépendantes. On
l'a vu dans les circuits migratoires à destination du village; on peut le
constater également dans la répartition géographique des bourgs qui
fournit elle aussi d'importants indices de ces liaisons.
Parce qu'il fait partie intégrante d'un ensemble, le village est
appelé à jouer des rôles très divers, dont celui de relais sur le territoire
de l'économie et des valeurs urbaines. En effet, contrairement à la
situation qui semble exister sous le Régime français24, la liaison ville-
campagne tend à s'affirmer aux XVIIIe et XIXe siècles. Certes, Montréal
et Québec restent des villes tournées vers l'extérieur, mais elles exer-
cent également une influence sur leur région dont elles tirent une grande
partie de leur subsistance et de leurs effectifs. Dans le paysage, l'un des
premiers signes tangibles de cette situation est l'apparition de foires et
de marchés dont le nombre augmente sensiblement de 1815 à 1851.
Mais il y en a d'autres, par exemple la multiplication des boutiques de
marchands et d'artisans spécialisés qui desservent parfois un marché
qui n'est pas seulement local, et la densification et la complexité
croissante du réseau routier. Or, c'est au village surtout qu'ont lieu ces
activités et c'est vers lui que les routes convergent. Le « coureur de
côte » du Régime français n'aura jamais le rôle structurant du marchand
de village, encore moins celui du négociant qui habite un gros bourgs.
De fait, ce que l'on appelle l'économie de marché à l'époque ne
progresse que lorsqu'elle relie suffisamment de bourgs (et de villes)
pour commencer à organiser la production et orienter la consommation.
Mais ce ne sont pas tous les bourgs qui peuvent jouer ce rôle : encore
faut-il qu'ils aient les attributs nécessaires et qu'ils soient avantageuse-
ment situés dans l'espace.
BOURGS RIVERAINS,
BOURGS DE L'INTÉRIEUR
À l'époque, rares sont les gros bourgs qui ne sont pas situés sur
la voie d'eau, c'est-à-dire près du fleuve ou de l'un de ses principaux
affluents, ou à l'embouchure d'une rivière. Rares aussi sont ceux qui ne
sont pas situés à un carrefour. C'est même l'un des principaux facteurs
de différenciation des bourgs, avec celui de l'ancienneté qui, au Québec,
lui est associé. Les bourgs riverains bien nantis en voies de communica-
tion bénéficient d'une plus grande ouverture sur le monde extérieur,
24. À ce sujet, voir Jacques Mathieu, « Les relations ville-campagne: Québec et sa
région au XVIIIe siècle », dans Joseph Goy et Jean-Pierre Wallot (éd.), Société rurale
dans la France de l'Ouest et au Québec (XVIIe-XXe siècles), p. 190-206.
194
tandis que les bourgs situés loin de la voie d'eau ou des grands axes de
circulation terrestre ont parfois des fonctions plus banales orientées vers
la satisfaction des besoins locaux ou sous-régionaux.
La taille est le premier trait distinctif. En effet, il est significatif de
noter que les plus gros bourgs de l'époque sont riverains (voir le tableau
40). En 1815, selon l'évaluation que l'on peut faire à partir de l'informa-
tion contenue dans la Description topographique de la province du Bas-
Canada de Joseph Bouchette, le bourg moyen compte environ 300
habitants25. Pour leur part, les bourgs riverains en comptent 304, les
bourgs de l'intérieur, 145, et les bourgs situés en milieu insulaire, 385.
Quinze ans plus tard, à cause de l'importante floraison de hameaux
partout sur le territoire, les données chutent légèrement pour s'établir à
225 habitants dans le bourg moyen, 254 dans les bourgs riverains, 182
dans les bourgs de l'intérieur et 140 dans les bourgs de milieu insulaire.
Quant au panorama de 1851, il traduit la maturation générale des bourgs
au Québec: le village moyen compte alors 346 habitants, les bourgs
riverains, 464, les bourgs de l'intérieur, 240, et les bourgs insulaires, 305.
Tableau 40
POPULATION COMPARÉE DES BOURGS
INSULAIRES, RIVERAINS ET DE L'INTÉRIEUR (1815, 1831, 1851)
Secteur
NNO
Population
Moyenne par bourg
1815
Bourgs insulaires
Bourgs riverains
Bourgs de l'intérieur
Total
3
36
7
46
1 155
10 969
1 015
13 139
385,00
304,69
145,00
285,63
1831
G
Bourgs insulaires
Bourgs riverains
Bourgs de l'intérieur
Total
16
107
69
192
2 244
27 178
12 556
41 978
140,25
254,00
181,97
218,64
1851
Bourgs insulaires
Bourgs riverains
Bourgs de l'intérieur
Total
27
111
109
247
8 245
51 584
26 153
85 982
305,37
464,72
239,94
348,11
NNO : Nombre de noyaux observés.
Sources : Joseph Bouchette, Description topographique de la province du Bas-Canada, 1 81 5 ; ANC, Recensements
du Bas-Canada, 1831 et 1851-1852.
25. Ce calcul est basé sur des maisonnées moyennes de sept personnes (voir les
chapitres 2 et 3).
195
Autrement dit, l'écart déjà décelable en début de période entre les
bourgs insulaires et les bourgs riverains d'une part, et les bourgs de
l'intérieur d'autre part, a tendance non seulement à se maintenir de 1815
et 1851, mais encore à s'accentuer. Les différences les plus notables
peuvent être observées en 1851, quand le nombre des habitants des
bourgs riverains est le double presque partout de celui des bourgs de
l'intérieur.
Cet écart des populations traduit des écarts de fonctions simi-
laires. En 1815, les villages les mieux nantis sur le plan des équipements
économiques et sociaux sont riverains. Des 13 moulins recensés alors
dans les bourgs, 12 sont situés dans ce type de village; de la même
manière, des 34 églises que comptent alors les bourgs de l'aire sei-
gneuriale (à l'exclusion des missions amérindiennes), 29 sont placées
dans des bourgs riverains et 2 dans des bourgs du milieu insulaire, ce
qui n'en laisse plus que 3 pour les bourgs de l'intérieur (voir le tableau
41). Cette situation continue au moins jusqu'à la fin des années 1830,
période à partir de laquelle elle évolue plus rapidement.
En effet, en nous basant cette fois sur l'évolution des métiers et
des professions entre 1831 et 1851, on constate que des changements
majeurs surviennent dans cet intervalle, qui différencient le panorama
socio-économique des bourgs (voir les tableaux 42 et 43). En 1831, les
activités marquantes dans les bourgs insulaires et riverains sont les
activités commerciales auxquelles s'ajoutent la fabrication, le transport
et les services. La fonction publique est également mieux représentée.
Toutefois, si l'on y regarde de plus près, on constate un déplacement d<
la fonction de fabrication vers les bourgs de l'intérieur, tout comme celh
des services assurés par les représentants des professions libérales.
Quant au pourcentage de journaliers, il atteint alors plus du quart des
chefs de ménage dans les bourgs de l'intérieur, contre environ 20 %
dans les bourgs riverains et 22% dans les bourgs insulaires. En 1851
toutes ces fonctions se seront à peu près équilibrées, et les bourgs
riverains comme les bourgs de l'intérieur comprendront à peu près les
mêmes pourcentages de la main-d'œuvre dans les différents domaines
d'activité. La seule différence concerne les activités de transport, tou-
jours plus importantes près du fleuve, et l'agriculture, dont l'expansion
vers l'intérieur des fiefs et l'arrière-pays seigneurial entraîne une plus
grande présence des agriculteurs dans les bourgs situés dans ces
secteurs. Quant aux différences régionales, elles sont également très
nombreuses et varient considérablement d'un recensement à l'autre.
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Contrairement à la situation de 1831, alors que les fonctions de fabri-
cation et de services semblent plus importantes dans la région de
Montréal, en 1851 les fonctions commerciales dominent, tandis que les
activités liées à la fabrication et au transport tendent à se déplacer vers
les régions de Trois-Rivières et de Québec où l'agriculture continue
toujours d'occuper une plus grande place. On dirait que, après avoir
connu une phase active d'expansion sur le plan des activités indus-
trielles, les bourgs de la région de Montréal deviennent de plus en plus
des places de commerce et de services, alors que les bourgs du centre
et de l'est évoluent plutôt vers des activités de fabrication et de
transport.
Tous ces contrastes définissent un contexte très particulier d'ex-
pansion des bourgs dont la taille et les fonctions changent, selon qu'ils
sont situés ou non sur l'axe du Saint-Laurent et de ses principaux
affluents ou à l'est ou à l'ouest du lac Saint-Pierre qui agit ici comme une
charnière entre deux socio-économies. Cet axe définit un long corridor
d'urbanité, caractérisé par des activités de commerce et de transport
mais où les fonctions de fabrication et de services sont également
importantes. Au-delà de ce corridor, dans un panorama marqué par les
fronts pionniers, les bourgs semblent plutôt dominés par des activités de
fabrication. Avec le temps, les différences s'atténuent: bourgs riverains
et bourgs de l'intérieur finissent par épouser les mêmes fonctions, sans
toutefois les partager toutes et sans que celles-ci aient la même
ampleur. Et tandis que l'on assiste ainsi à un déplacement dans l'espace
de certaines vocations, d'autres s'affirment qui modifient le panorama
initial des bourgs, bien qu'au milieu du siècle rares soient les bourgs qui
aient conservé leur rôle du début.
L'annexe F donne des exemples de cette évolution, en montrant
les différences qui séparent les profils socioprofessionnels de 1831 et
de 1851. Compte tenu de l'écart qui sépare les méthodes d'enregistre-
ment des données dans les deux recensements, les chiffres restent ici
indicatifs. Cependant, ils signalent une tendance, bien illustrée d'ailleurs
par André Crochetière dans son étude de la hiérarchie socioprofession-
nelle des bourgs de l'aire seigneuriale entre 1831 et 1851. Son échantil-
lon porte sur 85 villages dont la taille et les profils socioprofessionnels
ont été reportés sur un graphique triangulaire de manière à indiquer leur
vocation dominante (commerce et services, fabrication et agriculture). Le
résultat est impressionnant. En 1831, la majorité des bourgs tendent
alors vers des activités « primaires » et « secondaires », avec une nette
distinction entre les villages de l'est du Bas-Canada, plus « agricoles »,
200
et ceux de l'ouest, plus « industriels » ; en 1851, le semis s'est déplacé
vers les activités de fabrication, avec encore cette différence entre les
régions de l'est et de l'ouest du Bas-Canada. Mais alors que, dans la
région de Québec, on observe un équilibre relatif entre les fonctions
agricoles, de fabrication, de commerce et de services - sauf dans quel-
ques hameaux en formation où les activités de fabrication dominent -,
celle de Montréal révèle deux tendances majeures: un ensemble de
bourgs bien marqués et plus populeux où dominent les activités de
fabrication et un autre où dominent les activités de commerce et de
services26.
VILLAGES « BOURGEOIS »,
VILLAGES « POPULAIRES »
Cet éventail de fonctions et de situations aura des conséquences
notables sur le plan culturel. En effet, il en est des bourgs comme des
individus qui les habitent: chacun rêve d'un rang qui le distingue des
voisins. D'un côté, les bourgs « nobles », bien nantis, qui jettent parfois
un regard hautain sur les établissements qui les entourent; de l'autre,
les hameaux aux avantages moins marqués, qui espèrent toujours
l'équipement ou l'entreprise qui les transformeront en villages plus
importants. Entre les deux existe une gamme étendue d'agglomérations
marquées par la conjoncture et appelées à des destins différents, selon
les capacités de chacune de s'adapter aux changements en cours.
Aux yeux de l'observateur, ces différences s'expriment d'abord
dans l'aspect du tissu construit: d'une part, les gros bourgs avec leur
Grande Place, leur église altière, leur couvent, leur collège, leurs résidences
cossues bâties souvent en pierre; d'autre part, les bourgs plus humbles
avec leur seule Grande Rue, une église en planches, parfois une simple
chapelle, et des résidences plus humbles également en bois que n'or-
donne aucun réseau de rues. Mais la taille n'est pas le seul critère
distinctif. En effet, certains gros bourgs paraissent plus « populaires »
que d'autres, tandis que certains petits hameaux font déjà plus « bour-
geois » que leurs voisins. La différence se situe moins dans le nombre
de résidents que dans leur qualité en regard des critères de l'époque. En
effet, cette impression de rangs sociaux distincts s'accroît quand on
découvre le profil socioprofessionnel des résidents. Dans les villages
bourgeois, les notables, les marchands, les artisans spécialisés sont
proportionnellement plus nombreux, tout comme les représentants du
26. André Crochetière, « Hiérarchie professionnelle des villages au Bas-Canada durant
la première moitié du XIXe siècle: le cas de l'aire seigneuriale ».
201
clergé et des professions libérales. Dans les villages plus populaires, la
masse des travailleurs non spécialisés l'emporte, avec tout au plus un
curé et quelques représentants des professions libérales. Même les
recensements en témoignent, à travers les mentions de gentilshommes,
de bourgeois et de rentiers aisés, toujours plus nombreux dans les
bourgs « nobles ».
En 1815, Bouchette recense déjà une bonne demi-douzaine de
bourgs où résident « des familles respectables » et qui sont l'emplace-
ment d'équipements privilégiés (manoir, place, couvent, collège, etc.),
outre qu'ils comportent plusieurs maisons en pierre. Parmi ceux-ci, on
compte Longueuil, Boucherville, Saint-Thomas de Montmagny et
Kamouraska, auxquels il faudrait ajouter également Sorel, Chambly et
Saint-Hyacinthe dans la région de Montréal, Yamachiche, Saint-Antoine-
de-la-Rivière-du-Loup et Nicolet dans celle de Trois-Rivières, et Charles-
bourg dans celle de Québec. En 1832, cet auteur en signale une trentaine
qui lui laissent une impression « de propreté et de respectabilité ».
De ce nombre, 12 sont situés dans la région de Montréal, 3 dans celle
de Trois-Rivières et 6 dans celle de Québec. Fait intéressant, la plupart
sinon tous sont riverains du fleuve et de ses principaux affluents, sauf
Saint-Hyacinthe sis sur les berges de la rivière Yamaska.
En fait, bien d'autres villages mériteraient le qualificatif de bour-
geois, mais c'est à des critères d'ordre psychologique qu'il faudrait alors
faire appel pour les repérer. Car il n'y a pas que le nombre de notables
ou d'artisans spécialisés qui importe; il faut tenir compte également de
la perception que l'on a du bourg que l'on habite et de ceux qui
l'entourent. Comme il s'agit là d'une donnée difficile à apprécier, qui
exigerait le dépouillement de plusieurs documents d'archives et autres
(papiers notariés, correspondances, journaux d'époque, etc.), il faut s'en
tenir à des données plus faciles à manier; les plus utiles demeurent
celles qui se rapportent aux équipements du bourg et au profil sociopro-
fessionnel des résidents.
En ne retenant comme villages « bourgeois » que ceux où l'on
retrouve un nombre de représentants du clergé et des professions
libérales supérieur à la moyenne générale des bourgs, et un nombre de
maisons d'enseignement et d'habitations en pierre également supérieur
à cette moyenne, on obtient une cinquantaine d'agglomérations dont le
rang semble supérieur dans la hiérarchie sociale des bourgs. De ce
nombre, environ 20 % sont des agglomérations de plus de 1 000 habi-
tants et le quart sont des villages de plus de 500 habitants. En outre,
près des deux tiers sont situés dans la région de Montréal, contre 30 %
202
environ dans celle de Québec et 7 % dans celle de Trois-Rivières. Enfin,
la plupart, sinon tous (plus de 75 %), sont des bourgs riverains du fleuve
ou de ses principaux affluents. Quant aux villages plus populaires, ce
sont pour l'essentiel des bourgs de l'intérieur, auxquels s'ajoutent les
noyaux-moulins. Pourvu que le bourg ait atteint une certaine taille, on y
observera la présence d'un clergé de plus en plus nombreux au fur et à
mesure que l'on se rapproche du milieu du siècle et du front pionnier, en
zone de contact entre la plaine agricole et le plateau forestier. Par
exemple, sur les contreforts des Laurentides au nord de Montréal, les
villages de Lachute et de Saint-Jérôme agissent comme têtes de pont
vers l'intérieur. Là, le nombre de membres du clergé est le double et
même le triple de celui des villages situés plus près du fleuve, comme si
l'Église catholique du Québec leur réservait un rôle particulier dans ses
stratégies d'implantation sur le territoire.
Caractéristique de l'ensemble de la vallée du Saint-Laurent, ce
panorama l'est également des sous-régions et des localités, où les
bourgs riverains sont presque toujours plus favorisés sur le plan des
services que les bourgs de l'intérieur, sauf dans les secteurs où domi-
nent de très gros bourgs. On en a un exemple sur la Rive-Sud de
Montréal, où Saint-Hyacinthe, situé pourtant loin du fleuve, domine le
réseau local de villages. Par contre, sur la Rive-Nord de Montréal, le
village de Saint-Eustache comprend de deux à quatre fois plus de
représentants des professions libérales que les villages voisins de Saint-
Augustin, Saint-Benoît, Sainte-Scholastique et Sainte-Thérèse et ce, quel
que soit le recensement. Mais comme on assiste entre les deux dates à
une extension importante du peuplement, ces écarts ont tendance à se
réduire, et certains bourgs de l'intérieur prennent parfois l'allure de
village bourgeois en dépit de leur petite taille. C'est le cas notamment de
tous ceux qui accueillent un collège ou un couvent, en plus de quelques
représentants du clergé et des professions libérales. En ce cas, il s'agira
souvent de petits bourgs agraires dont la fonction première est d'être
des centres de services pour les campagnes avoisinantes.
Quant au tissu construit, il témoigne lui aussi de cet écart entre
les bourgs. Au total, près de 80 villages en 1851 comportent un nombre
de maisons en pierre supérieur à la moyenne générale. De ceux-ci, 3
seulement sont situés dans la région de Trois-Rivières, 21 dans celle de
Québec et 49 dans celle de Montréal. Et, fait notable, c'est en secteur
riverain que ces maisons sont les plus nombreuses, jusqu'à 90% de
l'ensemble des habitations dans les villages de la région de Québec et
78 % dans ceux de la région de Montréal, contre moins de 33 % dans
203
ceux de la région de Trois-Rivières. Si l'ancienneté du peuplement
explique en grande partie ces écarts entre les régions et entre secteurs
riverains et intérieurs, ce facteur n'explique pas tout. En effet, il faut
aussi tenir compte des facteurs économiques et sociaux. La maison en
pierre n'est pas à la portée de toutes les bourses. En outre, comme elle
distingue ses propriétaires de leurs voisins plus humbles, elle apparaît
comme un signe d'aisance qui qualifie également le milieu où elle est
construite. Or, c'est dans la région de Montréal surtout qu'elle est la plus
répandue, non seulement dans le secteur riverain, mais aussi dans les
localités de l'intérieur où elle représente environ 1 1 % de l'ensemble des
habitations des bourgs en 1851 contre moins de 2% dans les villages
des autres régions.
Bref, quel que soit l'angle sous lequel on l'observe, le village
apparaît comme un lieu éminemment différencié, où les attributs d'ordre
économique se conjuguent aux facteurs sociaux pour définir des contex-
tes culturels particuliers qui conduiront à des rangs différents dans la
hiérarchie villageoise. Tout cela déteindra sur la vie du bourg, qui pourra
paraître tantôt plus calme, voire plus terne, tantôt plus animée. Car en ce
domaine comme en d'autres, la variété est de règle: elle sanctionne des
rôles distincts, des sociabilités différentes.
204
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Saint-Lin, de J. Frédéric Doudiet, crayon et lavis bleu, août 1845. Tiré de Doudiet Sketchbook. ANC,
C-127677.
Sainte-Thérèse, de J. Frédéric Doudiet, aquarelle, crayon, plume et encre brune, 6 avril 1846. Tiré de
Doudiet Sketchbook. ANC, C-1 27650.
LA VIE DANS LES BOURGS
C'est en vain que l'on s'efforcerait de décrire le phénomène
villageois sans s'arrêter, ne serait-ce qu'un instant, aux conditions de vie
dans les bourgs, aux événements qui marquent sa vie quotidienne. On a
beaucoup parlé de la forme des bourgs, de leur population, de leurs
fonctions. Mais ce n'est pas uniquement de cela que le village est fait,
mais d'un ensemble complexe de relations qui l'imprègnent, qui lui
donnent son actualité, son passé. Les commères du dimanche, la qualité
des trottoirs, le bruit des tavernes, les cris des enfants, les chevaux qui
s'emballent, tout cela aussi définit le village, mieux peut-être que le
nombre d'habitants ou la taille des maisons. Mais comment retracer
l'atmosphère des bourgs? .
La difficulté vient des sources. Bien sûr, le roman peut donner
quelques indications, tout comme les journaux d'époque, les chroniques
de voyage ou l'image ancienne. Pourtant, comment distinguer le vrai du
faux, le réel de l'imaginaire? La tâche est loin d'être simple, car à
l'éparpillement des sources s'ajoute ici leur manque de fiabilité. Au
Québec, le discours des physiocrates est ancien. En idéalisant la vie
champêtre, on a fini par projeter du village une image qui ne correspond
qu'en partie à la réalité. Et ce qui est vrai de l'atmosphère générale des
bourgs l'est aussi du rôle des élites locales, qui ne correspond pas
toujours aux images classiques. Il ne s'agit pas de nier ici l'importance
du curé, du médecin ou du notaire dans la vie villageoise, ni de
minimiser celle du marchand, de l'aubergiste ou du forgeron. Ensemble,
5
207
ils ont contribué à définir un contexte qui a nourri notre conscience et
notre mémoire collectives. Toutefois, malgré toute la symbolique qui s'y
rattache, ces personnages sont loin de résumer à eux seuls la vie
villageoise. À côté d'eux, il y a eu le petit peuple, ceux que nous
appelons les gens ordinaires, dont la tradition a perdu parfois jusqu'au
nom, parce que trop encline à ne privilégier que les grands. Eux aussi
ont animé le village. Et on pourrait même dire qu'il n'y aurait pas eu de
village sans eux. Mais, encore une fois, comment en tenir compte dans
les analyses?
Par ailleurs, discuter de la vie dans les bourgs suppose qu'on les
replace d'abord dans leur contexte. À l'époque, ceux-ci sont en pleine
croissance; une des principales caractéristiques du bourg lui viendra
donc de sa population. Selon ses fonctions, celui-ci comprendra un
nombre plus ou moins élevé de chefs de ménage, d'enfants et de
travailleurs semi-spécialisés ou non qui contribueront à définir l'atmo-
sphère des lieux. En outre, comme il est encore en devenir, beaucoup
de difficultés surgiront, liées entre autres à l'aménagement du cadre de
vie et à la quiétude des lieux. À l'époque, rares sont les bourgs où l'on
ne travaille pas à quelque chantier, où ne se posent pas de problèmes de
bruit et de circulation, où il est possible d'éviter tout risque d'incendie et
d'inondation, sans parler des désordres de toutes sortes qu'entraînent
parfois les concentrations de la main-d'œuvre, les virées du samedi soir
et le passage d'étrangers qui viennent troubler la paix des lieux, notam-
ment en période électorale ou de troubles politiques majeurs. Il ne s'agit
pas d'exagérer ces difficultés qui semblent avoir été assez ponctuelles.
Néanmoins, peu de bourgs échappent totalement à ces ennuis; lois et
règlements en témoignent, tout comme les délibérations des premiers
conseils municipaux. S'il faut y déceler une volonté de l'État d'étendre la
police aux campagnes et une volonté non moins ferme de la population
d'aménager convenablement son milieu de vie, il faut également y voir
le signe d'une quiétude qui tarde à venir.
DES CONTEXTES HUMAINS DIFFÉRENCIÉS
L'étude des fonctions villageoises a montré différents types de
villages où l'éventail des activités paraît susceptible d'influencer diffé-
remment la vie du bourg. La répartition par âge et par sexe est égale-
ment un facteur important de différenciation des bourgs. Qu'en est-il
dans les bourgs riverains, les bourgs de l'intérieur? Puisqu'il n'est pas
possible d'observer en direct la vie de chaque village, tentons plutôt de
procéder par déduction à partir des données disponibles dans les recen-
sements (voir les tableaux 44 et 45).
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Arrêtons-nous d'abord aux rapports entre hommes et femmes. En
1831, on l'a vu, les bourgs comprennent en moyenne presque autant
d'hommes que de femmes. Dans l'espace, toutefois, des distinctions
s'imposent. Dans les bourgs riverains et les bourgs insulaires, les
femmes sont toujours un peu plus nombreuses, ce qui n'est pas le cas
dans les bourgs de l'intérieur où ce sont les hommes qui dominent. De
toutes, seule la région de Québec fait exception à la règle, avec plus
d'hommes dans les bourgs riverains et les bourgs insulaires que dans
les bourgs de l'intérieur. En 1851, la situation sera complètement
inversée : à l'exception des villages amérindiens de la région de Trois-
Rivières, les femmes sont partout plus nombreuses, dans les bourgs
insulaires, riverains et de l'intérieur.
Parallèlement, on observe une importante proportion d'enfants
(jeunes de moins de 14 ou 15 ans). En 1831, les données brutes de
recensement indiquent qu'ils représentent environ 65 % de la popula-
tion, sauf en milieu insulaire où la proportion s'élève à plus de 69 %. En
fait, ces pourcentages sont moindres, comme on l'a vu, mais supérieurs
à ceux de 1851, alors que les enfants ne représentent plus que de 41 %
à 45 % des effectifs, selon une gradation qui va des bourgs riverains aux
bourgs de l'intérieur et, finalement, aux bourgs insulaires. En 1831, les
plus fortes concentrations de jeunes se rencontrent surtout dans les
bourgs des régions de Québec et de Trois-Rivières. Par contre, c'est sur
la Rive-Nord de Montréal qu'ils sont les plus nombreux, dans les bourgs
riverains. Partout ailleurs, les bourgs de l'intérieur l'emportent, avec des
pourcentages qui varient de 64 % à 66 % de la population locale. Cette
situation continue en 1851, alors que les bourgs riverains de la Rive-Nord
de Montréal cumulent encore un pourcentage de jeunes plus élevé que
dans les autres bourgs.
En ce qui concerne la population active, le panorama est quelque
peu différent. En 1831, les plus forts pourcentages de travailleurs
(jeunes gens et adultes) se rencontrent dans les bourgs riverains et de
l'intérieur. En 1851, on les retrouve dans les bourgs insulaires et de
l'intérieur. Par ailleurs, on observe un plus grand nombre de jeunes gens
dans les bourgs de l'intérieur de la région de Trois-Rivières et dans les
bourgs insulaires de la région de Montréal, du moins en 1831. Vingt ans
plus tard, ils seront plus nombreux dans les bourgs riverains, sauf dans
la région de Montréal où leur proportion paraît plus faible. Par contre, la
population adulte domine dans les bourgs riverains et de l'intérieur en
1831, mais dans les bourgs insulaires en 1851, profil qui caractérise
également la répartition des personnes âgées. Quant à la part d'hommes
211
mariés, elle avantage d'abord les bourgs de l'intérieur, puis les mêmes
et les bourgs insulaires en 1851, avec des variations substantielles d'une
région à l'autre.
Ces données montrent des contextes humains extrêmement
différenciés qui profitent d'abord de la montée des activités de fabri-
cation, puis de celle des échanges. Entre 1815 et 1830, période au cours
de laquelle on assiste à la progression des industries rurales, la main-
d'œuvre a tendance à s'accroître plus rapidement dans les bourgs où
fleurissent moulins et fabriques, c'est-à-dire dans les bourgs situés aux
embouchures de rivières endigables ou le long de leur cours. Leur
atmosphère est celle des petits bourgs industriels, où se concentrent un
nombre plus ou moins important de travailleurs, semi-spécialisés ou non,
et où l'on retrouve nombre d'enfants et de jeunes gens en quête
d'emploi. Cris divers, bruits d'attelages, grincements de roues, tout ici
contribue à l'animation des lieux, même les rixes du samedi soir quand
existent - comme c'est souvent le cas - des débits de boissons.
Au cours des années 1830 et 1840, la croissance a plutôt ten-
dance à favoriser les bourgs situés le long des grands axes de circula-
tion, fluviaux et routiers, en raison de l'apparition de nouveaux courants
d'échange entre les localités de l'intérieur et les localités riveraines et
entre ces dernières et la ville. Leur ambiance est celle des places de
commerce, où s'exerce toujours quelque négoce et où les activités de
transport sont nombreuses, avec leurs bruits, leurs mouvements et leurs
rassemblements caractéristiques. En comparaison, les petits bourgs
agraires paraissent beaucoup plus paisibles, tout comme les bourgs à
fonction administrative, religieuse ou touristique. Là, les lieux de fré-
quentation se résument souvent à l'église, au magasin général, à la
forge, au bâtiment administratif et à l'auberge, qui n'a toutefois rien de
comparable avec les débits de boissons des bourgs industriels. Quant
aux gros bourgs ou aux bourgs urbains, leur atmosphère n'est guère
différente de celle des villes, effets de taille en moins. Le quartier le plus
animé reste le centre, comme dans tous les villages d'ailleurs. Mais
comme l'espace construit ici est plus vaste, les quartiers résidentiels ont
tendance à être moins achalandés, donc moins bruyants, encore que ce
ne soit pas toujours le cas quand on considère l'accroissement constant
de population que connaissent ces bourgs.
On peut se demander, enfin, ce que donnerait une étude géogra-
phique des bruits et des odeurs dans le village. En effet, outre les
fonctions économiques qui caractérisent le bourg, il y a aussi tous ces
petits à-côtés dont il est difficile aujourd'hui de rendre compte mais qui
212
n'en contribuent pas moins à définir une ambiance: bruits du bâtiment
qui marquent l'extension du périmètre construit; bruits de la forge qui
rythment le travail journalier; bruits de la cloche qui scandent les
offices; parfums des éventaires les jours de marché; odeur du bois neuf
qu'on empile; relents que répandent les brasseries et les canaux d'eaux
usées; poussière de la rue durant l'été, autant d'aspects qui caractéri-
sent également le bourg, mais dans ce qu'il a cette fois de plus intime.
LES RAPPORTS AU CADRE BÂTI
Parmi toutes les difficultés auxquelles doit faire face la population
villageoise, plusieurs lui viennent de son cadre de vie, notamment des
chantiers. Les principaux, c'est-à-dire les plus gros, servent à l'érection
des édifices: l'église d'abord et le presbytère, puis le couvent et le
collège. Par leur volume, ces bâtiments commandent des mouvements
de travailleurs d'origines et de métiers très divers et des travaux toujours
imposants, qui se traduisent dans l'espace par d'importants empile-
ments de matériaux venus de toute la paroisse et même de l'extérieur.
Le folklore en a popularisé certains aspects, en insistant sur les corvées
qui entouraient ces constructions et la gaieté qui y régnait. En fait, ces
corvées ont été beaucoup moins répandues qu'on nous l'a laissé croire,
car les travaux de maçonnerie et d'ornementation exigeaient un savoir-
faire que seuls quelques artisans spécialisés possédaient. Les corvées,
car il y en avait, se limitaient plutôt à d'autres activités : préparation du
terrain, transport de matériaux, nettoyage, repas, etc.
La construction ne commence souvent qu'après bien des débats
qui opposent, parfois pendant des décennies, les villageois à leur curé
ou à leurs élites, quant au partage du coût, ou au sujet des nuisances.
Par exemple, à Saint-Eustache, la construction de l'église, convenue
pourtant dès 1770, n'est consentie qu'en 1772, au terme de longs
tiraillements à propos de l'érection du presbytère et de l'entretien de la
clôture qui doit séparer le chemin du roi de l'espace prévu « pour y
arrêter les chevaux durant les cérémonies1 ». En fait, elle ne sera
amorcée qu'en 1780, après la nomination des syndics en 1779 et
l'engagement, l'année suivante, d'un maçon de Montréal, Augustin
Grégoire, qui devra terminer les travaux en dedans de trois ans ou
« moins si les moyens des habitants le permettent ».
1. Greffe du notaire A. Faucher, 24 juin 1770, et avenant du 12 août 1772, cité dans
CHDM, numéro hors série, Saint-Eustache, été 1978, p. 4 et suiv.
213
On peut se faire une assez juste idée de l'importance de ces
chantiers en consultant les rapports des commissaires chargés de la
construction et de la réparation des églises2. Il en va de même des
autres édifices publics, qui commandent parfois des travaux tout aussi
importants et de longue durée. Par exemple, la construction du couvent
de Saint-Eustache s'amorce en 1828, mais ne sera terminée qu'en 1833,
avec des retouches apportées en 1836. Au même moment, on procédait
à la réfection et à l'allongement de l'église. C'est donc dire que, pendant
près d'une décennie, les villageois ont dû vivre avec un chantier,
d'autant plus vaste ici qu'il envahissait toute la Grande Place.
Tous ces chantiers donnent une image assez inachevée du bourg,
d'autant plus qu'aux grands travaux collectifs s'ajoutent ceux qu'entraîne
l'aménagement de l'espace résidentiel. Les recensements ne relèvent
en moyenne qu'une ou deux constructions de maisons par année dans
l'ensemble des noyaux villageois, avec des différences marquées toute-
fois selon les régions et les dates de recensement (voir le tableau 46).
Les bourgs les plus actifs à cet égard sont d'abord ceux de la Rive-Sud
des régions de Montréal et de Québec, et ceux de la Rive-Nord de la
région de Trois-Rivières. En 1851, ce sont ceux de la Rive-Sud et ceux
de la Rive-Nord de Montréal où, cependant, la construction de maisons
neuves ne représente plus que la moitié de ce qu'elle était 20 ans
auparavant.
Par le nombre de mises en chantier, certains villages prennent
l'aspect de véritables bourgs champignons, situation qui caractérise
surtout les années 1830 au cours desquelles la croissance villageoise
atteint un sommet, par exemple, à Saint-Anselme, Lotbinière et Saint-
Augustin dans la région de Québec, et à Saint-Léon dans la région de
Trois-Rivières. C'est le cas également du hameau de la Côte-Saint-
François à Laprairie, du village de Saint-Rémi dans la paroisse du même
nom et du noyau du Lac-Ouareau, dans la région de Montréal. Dans ces
bourgs, plus de 10% des maisons sont en construction, pourcentage
qui s'élève même à plus de 46% à Saint-Anselme. En 1851, cette
croissance s'essouffle: on ne dénombre plus que quelques bourgs qui
affichent un nombre supérieur de mises en chantier, dont celui de Trois-
Pistoles dans le Bas-du-Fleuve, celui de Saint-Placide dans la seigneurie
du Lac-des-Deux-Montagnes et celui de la Pointe-du-Lac à l'ouest de
Trois-Rivières. On pourrait également y ajouter ceux de Sainte-Elisabeth
2. ANQ-M, fonds Création de paroisses, E-4 (voir le chapitre 2).
214
au nord-est de Montréal, et de Saint-Arsène de Cacouna et de Sainte-
Flavie, dans le comté de Rimouski, où le nombre de maisons en chantier
représente plus de 9 % de l'ensemble des habitations.
Il en va de la petite construction comme de la grande : en général,
l'entreprise est familiale et associe parents et amis, quelquefois un
maçon et ses aides si la construction est en dur et nécessite un
ensemble d'opérations qui prennent plus ou moins de temps et qui
causent diverses nuisances. D'abord, il y a la préparation du terrain, que
les uns ont obtenu par contrat de concession, d'autres par achat ou
héritage. S'il a longtemps été laissé en friche, ii faudra le déboiser ou le
débroussailler, peut-être l'épierrer, en évitant d'y laisser des nids d'in-
cendie. Puis il faudra transporter et entreposer les matériaux, pierres,
Tableau 46
MAISONS EN CONSTRUCTION (1831, 1851)
1831
1851
Secteur
Moyenne
par bourg
En % du
nombre total
de maisons
Moyenne
par bourg
En % du
nombre total
de maisons
District de Montréal
Archipel
Péninsule
Rive-Nord
Rive-Sud
Autres îles
Vill. amérindiens
Total sans les vill. amérindiens
District de Trois-Rivières
Rive-Nord
Rive-Sud
Vill. amérindien
Total sans le vill. amérindien
District de Québec
Rive-Nord
Rive-Sud
lie d'Orléans
Autres îles
Vill. amérindien
0,13
0,29
0,21
0,40
0,13
0,42
0,09
0,28
0,82
1,51
0,44
0,88
1,40
2,18
0,29
0,39
0,00
0,00
0,00
0,00
3,50
1,88
0,00
0,00
0,93
1,67
0,30
0,50
0,90
2,47
1,00 o
2,59
0,55
1,74
1,25
4,00
0,00
0,00
0,00
0,00
0,71
2,12
1,05
3,02
0,58
1,96
0,24
0,89
0,89
2,65
0,93
1,84
n.d.
n.d.
0,00
0,00
n.d.
0,00
0,00
0,00
0,00
0,00
0,00
0,00
0,71
2,30
0,63
1,55
Total sans le vill. amérindien
0,71
2,30
0,63
1,55
Total
Sans
les vill. amérindiens
0,82
0,80
1,87
1,89
0,50
0,50
0,99
0,99
n.d.:
Sources :
non disponible.
ANC, Recensements du Bas-Canada, 1831 et 1851-1852.
'
215
planches ou pièces de bois équarries, bardeaux de cèdre, portes, fenê-
tres qu'on accumulera à proximité du bâtiment, selon les besoins. Enfin,
on procédera à la construction elle-même, source de bruits divers et
d'accidents toujours possibles. Pour peu que l'on s'y mette, l'édifice
sera élevé assez vite, comme l'exigent la plupart des contrats de
concession. Mais comme l'entreprise est privée et qu'elle nécessite tout
de même une certaine mise de fonds, on pourra prendre des mois, voire
des années pour l'achever, surtout si le chef de ménage est seul ou
presque à l'effectuer ou s'il décide de quitter temporairement la province
pour un travail à l'extérieur, ce qui pourrait expliquer le nombre relative-
ment important de maisons inhabitées dans les bourgs. En 1831, on en
compte au moins une en moyenne par village, contre deux en 1851-
1852. Sauf dans l'archipel de Montréal et, à moindre échelle, dans la
région de Trois-Rivières, elles représentent entre 2% et 3% de l'en-
semble des maisons, proportion qui doublera en 1851 et qui touchera
même les villages proches des villes (voir le tableau 47).
Après les chantiers, arrêtons-nous aux rues et aux trottoirs. C'est
l'une des grandes questions débattues dans le village, avec celles des
risques d'incendie et des maisons de tempérance. Elles le seront durant
tout le XIXe siècle3. Dès 1825, Viger affirme, dans son rapport au comité
de la Chambre chargé d'enquêter sur l'état des chemins : « La plupart de
nos grands villages sont extrêmement mal percés. Les rues en sont
irrégulières, étroites, &tc4. » De fait, plusieurs bourgs sont dans cette
situation, en dépit de certains efforts consentis notamment par les
seigneurs. Toutefois, les difficultés inhérentes à la circulation dans les
rues comptent sans doute parmi les plus importantes pour les résidents.
En effet, dans le contexte juridique de l'époque, il revient à chaque
propriétaire d'entretenir le chemin qui borde sa propriété. Compte tenu
du grand nombre de locataires dans les villages, la situation est loin
d'être simple. Il faudra attendre la mise en fonction définitive d'autorités
municipales dans les années 1850 avant que le problème ne soit résolu;
la corporation municipale se chargera désormais des travaux de voirie.
Dans les gros bourgs, l'essentiel de l'effort portera sur le macadamisage
du réseau de rues, de la Grande Rue surtout. À vrai dire, ce n'est
qu'assez tard dans le siècle que l'on y parviendra, en raison du coût
énorme que représente ce travail. En attendant, on cherche plutôt à
3. C'est le cas par exemple à Saint-Eustache, où la question des trottoirs, de la
fermeture des tavernes et de l'achat d'une pompe à incendie anime presque toutes
les rencontres, comme en témoignent les délibérations des commissaires pour la
période 1848-1880.
4. JALBC. 1825, app. X.
216
améliorer l'assise des rues par l'épandage de gravier qui présente moins
d'inconvénients que la terre battue au printemps ou après une averse.
L'état des rues n'est guère amélioré, compte tenu des égouts à ciel
ouvert, des nids de poules et des ventres de bœufs. En hiver, les
mêmes problèmes se posent; l'essentiel des opérations de déneige-
ment consiste à battre la neige pour en faire une surface dure sur
laquelle les attelages pourront circuler. Si une pluie ou un dégel survien-
nent, la route devient impraticable, pleine d'ornières et de cratères qui,
au retour du temps froid, constituent une menace pour les piétons et les
essieux des carrioles et des charrettes, jusqu'à la prochaine averse de
neige de quelque importance.
Tableau 47
MAISONS INHABITÉES (1831, 1851)
1831
1851
Secteur
Moyenne
par bourg
En % du
nombre total
de maisons
Moyenne
par bourg
En % du
nombre total
de maisons
District de Montréal
Archipel
Péninsule
Rive-Nord
Rive-Sud
Autres îles
Vill. amérindiens
Total sans les vill. amérindiens
District de Trois-Rivières
Rive-Nord
Rive-Sud
Vill. amérindien
Total sans le vill. amérindien
District de Québec
Rive-Nord
Rive-Sud
Ile d'Orléans
Autres îles
Vill. amérindien
Total sans le vill. amérindien
Total
Sans les vill. amérindiens
0,27
0,75
1,39
1,63
0,00
13,00
1,29
0,40
0,45
0,00
0,43
0,83
0,02
n.d.
n.d.
0,00
0,74
1,00
0,89
0,59
2,53
2,58
2,54
0,00
6,97
2,33
1,10
1,45
0,00
1,27
2,79
2,46
n.d.
n.d.
0,00
2,43
2,28
2,10
2,21
0,73
1,87
2,69
0,00
0,00
2,16
1,54
1,50
0,00
1,45
0,74
2,90
0,00
2,00
0,00
1,97
2,02
2,02
4,18
2,24
3,77
3,59
0,00
0,00
3,61
3,98
4,80
0,00
4,20
2,79
5,73
0,00
6,67
0,00
4,86
4,05
4,05
n. d.: non disponible.
Sources : ANC, Recensements du Bas-Canada, 1 831 et 1 851 -1 852.
217
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Ces difficultés rendent les trottoirs d'autant plus nécessaires, car
ils doivent non seulement faciliter la circulation des piétons, mais aussi
les mettre à l'abri des dangers que représentent les attelages. En règle
générale, ils sont faits en bois, plus rarement en pierre, matériau qui ne
se répandra que durant la seconde moitié du siècle, et uniquement dans
les gros bourgs et au cœur du village. Pour cela également, il faudra
attendre l'arrivée d'autorités municipales pour que ce genre d'infrastruc-
ture se répande, en raison du coût d'une pareille construction. Jusque-là,
on se contentera de planches disposées de part et d'autre de la rue avec
des points de traverse répartis de distance en distance ou, si le village
est plus démuni, de quelques pierres ou pièces de bois placées aux
endroits stratégiques.
Quant aux autres services, ils se résument à peu de chose: pas
d'aqueduc, pas d'égout, pas de service régulier d'enlèvement des ordu-
res qui est laissé à l'initiative de chacun. Chaque résidence dispose de
son puits et déverse ses eaux usées dans un fossé relié à un canal
creusé le long de la rue. Même les pompes à incendie sont inexistantes;
elles ne feront leur apparition que beaucoup plus tard, vers la fin du
siècle, après bien des débats. Aussi craint-on les sinistres, davantage
peut-être que les inondations qui causent pourtant d'énormes dégâts. À
Berthier par exemple, Bouchette note que le village s'élève si peu au-
dessus du niveau de la rivière qu'il est quelquefois inondé « à une
grande distance dans l'intérieur, ce qui cause beaucoup de dommage
dans le bas des maisons du village, et aux marchandises déposées dans
les magasins ». Le débordement est parfois si grand qu'« il a fallu
enlever une grande quantité de froment des étages supérieurs des
greniers, pour l'empêcher d'être gâté5 ». Il y en aura d'autres, notam-
ment sur le pourtour du lac Saint-Pierre et dans la vallée de la Chaudière,
où les débâcles du printemps isolent parfois pendant des jours, voire des
semaines, des populations entières.
Parce qu'ils sont toujours destructeurs, les incendies laissent des
traces profondes dans la mémoire locale. Aussi tente-t-on de les éviter
par tous les moyens possibles. On en jugera d'ailleurs par la loi de 1818
intitulée « Acte pour pourvoir à la Police de certains Bourgs et Villages »
(58 Geo. III, c. 16), qui prévoit l'élection de cinq syndics dont l'un sera
élu inspecteur, chargé de faire respecter un certain nombre de règle-
5. Joseph Bouchette, Description topographique de la province du Bas-Canada,
p. 245-247.
220
ments qui visent pour la plupart à restreindre les risques d'incendies.
Parmi les règles imposées, on note:
- le pouvoir qu'aura l'inspecteur de visiter toute maison, appentis
ou autre bâtiment pour s'assurer de leur sécurité en regard des
risques d'incendie;
- l'obligation, pour chaque propriétaire de maison, de placer des
échelles sur les toits près des cheminées;
- l'obligation de disposer sur place de « deux seaux propres et
convenables pour transporter l'eau dans le cas de feu » ;
- la défense pour quiconque d'entrer dans une grange, appentis
ou étable avec une chandelle ou une lampe allumée, à moins
qu'elle ne soit bien renfermée dans une lanterne, ni avec une
pipe ou un cigare allumé;
- l'interdiction de faire du feu « dans une maison ou appentis
ailleurs que dans une cheminée ou dans un poêle de fer ou
autre métal » ;
- l'obligation pour quiconque de transporter du feu « dans des
vaisseaux de cuivre, de fer ou de fer blanc » ;
- l'interdiction de mettre ou loger, ou de faire mettre et loger, du
foin ou de la paille dans une maison;
- l'interdiction aux boulangers, potiers, brasseurs et toute autre
personne de bâtir ou faire bâtir un four ou des fourneaux à
l'intérieur des limites du village sans y joindre une cheminée de
pierre ou de brique exhaussée d'au moins trois pieds au-
dessus du toit de la maison;
- l'obligation de conserver la poudre à fusil dans des boîtes de
métal (« boëtes de fer ou de fer blanc ou de plomb »);
- l'interdiction « de vendre ou permettre de vendre dans sa
maison, son hangar, magasin, appentis ou autre bâtiment de la
poudre à fusil après le coucher du soleil, et d'en conserver plus
de vingt-cinq livres dans les dits bâtiments » ;
- l'interdiction « de faire passer des tuyaux de poêle dans les
cloisons de bois ou lattées, ou à travers les murs et les
planchers à moins qu'il n'y ait six pouces de pourtour entre le
tuyau et la cloison ou le plancher » ; ces tuyaux devront être
entourés de tôle ou de fer-blanc cloué sur la cloison ou le
221
plancher et passer dans une cheminée; quant aux poêles, ils
devront être situés à au moins dix pouces francs des cloisons
lattées ou de bois;
- l'obligation de ramoner ou de faire ramoner les cheminées au
moins une fois tous les deux mois;
- l'interdiction de bâtir ou faire bâtir des fourneaux à charbon de
bois dans les limites du bourg.
Ces prescriptions en disent long sur les dangers qui guettent les
populations villageoises. Ils sont d'autant plus réels que l'on ne dispose
pas encore de moyens efficaces pour lutter contre les sinistres. On peut
facilement imaginer à cet égard l'effroi qu'ont dû ressentir les popula-
tions locales à l'annonce des incendies de Saint-Denis, de Saint-
Eustache et de Saint-Benoît par les troupes à l'automne de 1837.
Mais il n'y a pas que le feu qui pose problème. La circulation à
cheval, les déchets, les animaux de ferme en causent tout autant. On
prévoit donc également des règles qui interdisent:
- d'aller au galop « ou plus vite que le trot ordinaire » à l'intérieur
des limites du village, soit à cheval, en calèche, en charrette ou
autre voiture;
- de jeter ou faire jeter du fumier, des décombres ou des
ordures dans les rues, ruelles ou places publiques situées à
l'intérieur des limites du village et, en corollaire, l'obligation de
les faire enlever sur ordre de l'inspecteur;
- de laisser vaguer « son cochon ou cochons, son cheval ou
chevaux », dans les rues, ruelles ou places publiques du village.
Enfin, et c'était là l'une des premières fonctions des syndics,
c'est à eux et à eux seuls qu'il revenait de fixer les lieux et les jours
d'ouverture des marchés dans les bourgs, pour éviter les désordres
qu'entraînerait le laisser-aller.
Quant aux peines encourues pour défaut de se soumettre aux
règlements, la loi prévoit des amendes qui varient de quelques deniers à
plusieurs chelins argent courant, qui devaient servir « à réparer et
améliorer les rues, ruelles et avenues des dits Bourgs ou Villages en
telles manières que convenu et déterminé par les Propriétaires ou par la
Majorité d'iceux, assemblés à cet effet, après que notice de huit jours
aura été donnée ».
222
Sanctionnée en 1818, cette loi devait être en vigueur jusqu'en
1822. En fait, elle sera reconduite maintes fois par la suite et servira
même de cadre aux premiers règlements municipaux. En 1824 (4 Geo.
IV, c. 1-2), de nouvelles prescriptions s'ajoutent parmi lesquelles on note
l'interdiction d'empiéter et d'introduire des nuisances dans les rues,
ruelles et places publiques, celle d'y allumer des feux ou d'y transporter
des cendres autrement que dans un récipient en cuivre, double tôle ou
fer-blanc (« les cendres en possession des Fabriquants de Potasse ou
Perlasse exceptées »), et celle de mettre ou de déposer de la chaux vive
de manière qu'elle vienne en contact avec une maison ou un quel-
conque bâtiment.
Quant aux autres règlements, ils émanent plutôt des conseils
municipaux, par exemple ceux qui interdisent les débits de boissons à
l'intérieur des limites du bourg. Poursuivie pendant plusieurs décennies,
à la suite des campagnes de tempérance des années 1840, ce n'est qu'à
la fin du siècle qu'est pour ainsi dire gagnée la bataille des maisons de
tempérance (lieux où l'on ne peut vendre que de la bière ou des
boissons légères); même dans les années 1870 et 1880 les débats
restent passionnés. Aussitôt refusés, les permis sont de nouveau accor-
dés, ce qui suscite maintes oppositions auxquelles devront bientôt faire
face les nouveaux conseils6.
Cette réglementation marque le début de l'ère villageoise. Avec
elle, on assiste non seulement à l'amélioration relative de la sécurité
publique et du cadre de vie, mais aussi à l'apprentissage de la vie en
commun, c'est-à-dire de la vie presque urbaine, puisque ces règlements
sont largement inspirés de ceux des villes. Toutefois, cela ne va pas
sans difficultés puisque les rapports de force sont nombreux dans le
village: chaque individu et chaque groupe vivent de leur propre territo-
rialité.
LES RAPPORTS D'ALTÉRITÉ
En effet, le village n'est pas qu'un lieu de résidence et de travail, il
sert aussi aux rencontres et aux échanges et la sociabilité y est intense;
les rapports avec l'autre sont nombreux et parfois conflictuels. Ces
échanges ont pour cadre des activités sacrées ou profanes qui peuvent
réunir plusieurs dizaines, voire plusieurs centaines de personnes venues
du bourg même ou des alentours.
6. À ce propos, voir les délibérations des conseils municipaux.
223
Sur le plan religieux, l'événement le plus important et le plus
fréquent est la messe du dimanche qui, outre son caractère sacré, revêt
une grande signification sociale. Aussitôt après le service divin, pourvu
qu'il fasse beau, on se retrouve sur le parvis de l'église qui se transforme
alors en véritable agora. On y discute de tout, de politique, du temps, de
semailles, de moisson, d'école, d'enfants, etc. C'est aussi l'occasion de
nouer des affaires et de montrer ses nouvelles acquisitions. Aucune
autre activité religieuse ne nourrit autant la sociabilité villageoise, excep-
tion faite peut-être des grandes fêtes (par exemple Noël ou Pâques) où
l'on observe les mêmes comportements, encore que ce soit plutôt le
temps des bons vœux et parfois de grandes réconciliations. Puis il y a
les rogations et les processions diverses qui sont également des occa-
sions de rencontres importantes, sans oublier les événements particu-
liers - bénédiction de cloche, de carrioles ou de bâtiments, mariage,
baptême ou service funéraire de notable, communion solennelle, confir-
mation, etc. - qui attirent aussi la population.
Bien sûr, tout dépend de la taille du bourg et de son rang dans la
hiérarchie villageoise. Pourvu qu'il dispose d'un lieu de culte et qu'il
comprenne une petite élite locale, les mêmes comportements ont cours
et l'église devient l'un des lieux privilégiés de la vie de relation et
d'affirmation sociale. Les autres sont la Grande Place, la Grande Rue et
le marché ou la foire saisonnière, si l'emplacement est dans le village.
Là, on ne compte plus les personnes qui, chaque jour, viennent travailler,
vendre, acheter ou simplement fureter au hasard des boutiques et des
éventaires. De tous les lieux de sociabilité, ceux-ci comptent parmi les
plus achalandés, avec l'auberge ou la taverne qui accueillent toutefois
une clientèle différente. En outre, dans les villages où réside une famille
seigneuriale, il peut également y avoir une autre occasion de rencontre:
la plantation du mai, dont l'honneur reviendra à certains capitaines de
milice vers la fin des années 1830. En effet, en vertu des règles
seigneuriales, la population est tenue, le premier mai, de se réunir
devant le manoir du seigneur pour y planter un sapin ébranché en guise
d'hommage au titulaire des lieux. Au XIXe siècle, cette règle est pratique-
ment tombée en désuétude, mais il arrive qu'on l'observe encore.
L'événement prend alors une allure de fête ponctuée de discours, du
seigneur bien sûr, mais aussi du curé et des notables, et se termine par
des rafraîchissements offerts par le maître des lieux.
Toutes ces activités donnent une image assez conviviale du
village qui apparaît comme un lieu de rencontres et d'échanges agréa-
bles, où il fait bon vivre, ce qu'il fut sans doute, du moins en partie. Mais
224
il ne faudrait pas croire en un lieu de quiétude totalement exempt de
difficultés. Les archives locales en témoignent et rapportent maints cas
de conflits ou de tensions qui empoisonnent la vie collective. Les
charivaris en sont un exemple. Certains sont inoffensifs et même
sympathiques lorsque, par exemple à l'occasion d'un mariage, il s'agit de
soutirer aux nouveaux mariés « le tribut qu'exige la tradition, soit une
danse, un repas ou une aumône7 ». Par contre, d'autres sont moins
anodins quand il s'agit de réprouver un comportement, par exemple
l'ivrognerie ou la débauche. Ils prennent alors la forme d'une poursuite à
travers les rues et les chemins, par des gens masqués qui brutalisent
leur victime, ou cejle, plus fréquente, d'une manifestation nocturne
devant une demeure par des gens masqués qui injurient la personne
visée et attirent l'attention publique par une musique infernale, des
bruits bizarres et des cris. Étalés parfois sur plusieurs jours, voire
plusieurs semaines sinon plusieurs mois, ils dureront tant que les
participants y prennent plaisir ou jusqu'à ce qu'ils estiment que justice
est rendue. Quant aux personnes visées, leur sort varie selon la nature
de l'offense. Au mieux, elles réussissent à mettre fin aux poursuites en
offrant un verre, un goûter ou une petite fête. Au pire, il leur faut faire
appel à la justice ou quitter les lieux.
Dans son étude de cette manifestation dans la région de Trois-
Rivières, René Hardy a donné des exemples particulièrement éloquents
de charivaris, entre autres celui d'une femme du village de Nicolet
mariée à un vieillard de 76 ans, qui est accusée de tenir une maison de
débauche. L'incident se passe en 1864. Un soir, la maison de la femme
est assaillie par une bande de gens masqués qui la somment d'abandon-
ner sa résidence et de quitter la place. Lors de la manifestation, les
charivaristes brisent une trentaine de vitres, emportent trois contre-
vents, arrachent la contre-porte, forcent la porte principale, renversent
une table, déchirent les rideaux et endommagent le sofa qu'ils empor-
tent pour s'asseoir. Personne n'est blessé, mais le mari, réfugié au
grenier, s'est évanoui de frayeur8.
La peur du charivari ne tient pas qu'à la violence des manifes-
tants. Elle provient également de ce qu'ils révèlent à la communauté,
que leurs dires soient vrais ou faux:
7. É.-Z. Massicotte, « Le charivari au Canada », BRH, XXXII. déc. 1926, p. 712-725, en
donne des exemples. À propos du charivari, voir aussi Bryan D. Palmer, « Discor-
dant Music: Charivaris and Whitecapping in Nineteenth-Century North America »,
LT, 3, 1978, p. 5-62.
8. René Hardy, « Le charivari dans la sociabilité rurale québécoise au XIXe siècle »,
dans Roger Levasseur (dir.), De la sociabilité. Spécificité et mutations, p. 69-70.
225
Les accusations des charivaristes sont d'autant plus redoutées qu'elles
sont toujours infamantes [...] En fait, la coutume est si bien intégrée à la
culture populaire que les tribunaux recrutent difficilement les témoins
pour prouver les accusations; il arrive même qu'un juge de paix, celui-là
qui est chargé de maintenir l'ordre dans la communauté, préfère fermer
sa fenêtre et dormir plutôt que d'enfreindre la règle acceptée par la
communauté en témoignant d'un charivari qui se déroule devant sa
maison9.
Riche en rituels divers, le charivari apparaît donc comme un
mécanisme de régulation des rapports sociaux, un moyen qui révèle un
comportement caché ou qui divulgue la transgression d'une norme
jugée fondamentale. Il y en aura bien d'autres, parmi lesquels les
plaintes, à l'évêque notamment, et les pétitions qui abondent à mesure
que l'on avance dans le siècle. Mais c'est peut-être dans la définition de
leurs lieux et de leurs mécanismes d'inclusion et d'exclusion que les
villageois marquent le plus les limites de leurs rapports avec l'autre: la
notion centrale ici est celle de l'étranger, qui peut s'appliquer aussi bien
à l'immigrant venu de l'extérieur du Bas-Canada qu'au ressortissant
d'une paroisse voisine. Leur venue au village représente toujours une
menace pour la population en place, que ce soit en ce qui concerne
l'emploi, les bonnes mœurs ou la famille, que l'on voudrait voir toujours
à l'abri des heurts, matrimoniaux ou autres. De ces deux types d'étran-
gers, c'est le premier surtout qui a le plus de peine à s'intégrer, même
s'il a dû y avoir, alors comme aujourd'hui, des cas de solidarités
familiales étouffantes, fermées à tout nouvel apport, même de la paroisse
voisine.
LES MINORITÉS ETHNIQUES
ET LA RECHERCHE D'APPARTENANCE
On a beaucoup parlé des tensions entre francophones et anglo-
phones au Bas-Canada. Il ne fait aucun doute que des situations conflic-
tuelles ont existé, notamment dans les villes où la population était aux
prises avec un problème d'emploi lié à l'arrivée massive d'une main-
d'œuvre pauvre. La situation est particulièrement difficile à Montréal où
les Irlandais sont nombreux. À la campagne, la situation est différente;
ce n'est pas qu'il règne une entente parfaite entre les groupes, mais la
nature même du cadre d'habitat oblige, sinon à une certaine harmonie,
du moins à des rapports moins tendus. Mises à part les difficultés
politiques, du reste assez ponctuelles, les conflits sont d'un autre ordre,
9. Ibid, p. 70-71
226
plus personnalisés, encore que les difficultés d'intégration gardent toute
leur acuité.
À l'époque considérée, rares sont les villages qui ne comprennent
pas au moins quelques immigrants venus de l'étranger ou issus de
ménages arrivant de l'étranger. Tel est le cas, entre autres, du village de
Saint-Eustache qui nous servira ici d'exemple10. En 1831, on y dénombre
25 ménages d'origine étrangère, qui regroupent au total 137 individus
sur les quelque 832 que compte le bourg. Quatre de ces ménages
déclarent appartenir à l'Église d'Angleterre, sept à l'Église d'Ecosse, et
un est presbytérien ou congrégationaliste. Tous les autres sont catholi-
ques, dont un est probablement d'origine germanique, trois d'origine
polonaise et neuf d'origine irlandaise.
Parmi les facteurs susceptibles d'expliquer cette présence étran-
gère dans le village, deux peuvent être invoqués: la proximité de
Montréal, qui agit alors comme centre d'accueil et de diffusion dans
l'espace régional, et l'ouverture que manifeste le seigneur Dumont
envers l'étranger. Lui-même vient d'une famille de seigneurs-marchands
de Trois-Rivières qui, en plus des liens qui l'unissent alors à diverses
grandes familles seigneuriales du temps (entre autres les Chartier de
Lotbinière), entretient très tôt des rapports avec les marchands écossais
et anglais venus s'établir dans la colonie au lendemain de la Conquête.
Peut-être faut-il trouver là une cause lointaine à la venue de quelques
ménages écossais et anglais dans leur seigneurie de la Rivière-du-Chêne
au cours de la deuxième moitié du XVIIIe siècle. Quoi qu'il en soit, on
retrouve déjà un marchand d'origine écossaise installé à Saint-Eustache
au début du XIXe siècle, Duncan McGillis, qui fait commerce de la
potasse et qui possède, en plus d'une terre aux abords du village, un
magasin dans le hameau voisin de la Grande-Fresnière. À partir de 1815,
ce sont les Irlandais surtout qui viennent s'y établir, après avoir peiné
quelques années dans les côtes voisines ou sur les terres pauvres du
bouclier laurentien où les Messieurs du Séminaire de Saint-Sulpice de
Montréal, titulaires de la seigneurie du Lac-des-Deux-Montagnes, les
avaient d'abord dirigés. Saint-Eustache offre de meilleures perspectives,
non seulement parce que les industries sont actives, mais aussi parce
que la demande en services est forte. Il est d'ailleurs significatif de noter
que, sur les neuf chefs de ménage d'origine irlandaise établis dans le
village en 1831, un est marchand, trois ont une profession libérale et
cinq sont des artisans, tous qualifiés. Quant aux représentants d'origine
10. Cette présentation est reprise d'un article déjà paru. Voir Serge Courville, « Minori-
tés ethniques et recherche d'appartenance [...] », PH, XXXV(142), 1985, p. 377-400.
227
polonaise (nous ne savons rien des autres ethnies), ils appartiennent
tous à la même famille, les Globensky, dont l'ancêtre canadien fut cet
Auguste Globensky, chirurgien des contingents polonais intégrés aux
troupes allemandes qui flanquèrent les troupes britanniques durant la
guerre d'Indépendance américaine. Le conflit terminé, celui-ci était venu
s'établir dans la vallée du Saint-Laurent et avait pris racine au sein même
du groupe francophone dont il partageait la religion11. En 1831, trois de
ces Globensky sont établis à Saint-Eustache: Maximilien Globensky,
ex-lieutenant des Voltigeurs canadiens qui avaient participé à la guerre
anglo-américaine de 1812 sous les ordres de Salaberry et qui lèvera une
compagnie de volontaires pour appuyer l'action de l'armée royale lors de
la bataille de Saint-Eustache en 1837, le notaire Frédérick-Eugène Glo-
bensky, qui deviendra bientôt l'homme le plus riche de la seigneurie, et
le marchand Hubert Globensky.
Plusieurs caractéristiques distinguent les populations d'origine
étrangère et francophone. Les unes sont d'ordre démographique et
concernent la structure interne du ménage, les autres sont d'ordre
économique et social et ont trait aux domaines d'activité de chacun,
d'autres encore sont d'ordre spatial et concernent les lieux de résidence
et d'affaires de l'un ou l'autre des deux groupes. Démographiquement,
le ménage étranger comprend plus de membres que le ménage franco-
phone. Par contre, il comporte moins de jeunes et moins de vieux, ce
qui lui laisse une part d'adultes plus élevée que sa contrepartie franco-
phone. Enfin, aucun de ces ménages étrangers ne déclare de membres
temporairement absents de la province, ce qui est le cas d'au moins
quatre ménages francophones. Économiquement et socialement, les
différences sont plus marquées encore. Contrairement à la population
francophone qui, proportionnellement, s'emploie surtout dans la fabri-
cation, le bâtiment et le travail journalier, la population d'origine étran-
gère domine dans les services, l'administration, le commerce et les
professions libérales, ainsi que dans les métiers spécialisés. En outre, on
n'y trouve aucun « bourgeois » ni « rentier », alors que ce statut est celui
d'au moins 12% des chefs de ménage francophones. Enfin, même si
plusieurs résidents du village s'adonnent à l'agriculture, quatre seule-
ment se définissent comme « cultivateurs », deux anglophones et deux
francophones. Cependant, seul Oliver McLeod semble la pratiquer vrai-
ment: il se déclare yeoman au recensement. Il exploite 500 arpents de
terre - soit autant que le coseigneur de Bellefeuille - qu'il détient à
11. Voir la présentation que fait Hubert Aquin de Charles-Auguste-Maximilien Globen-
sky, La rébellion de 1837 à Saint-Eustache, p. 7-9.
228
ferme à raison de 30 livres par année. L'étranger dans le village n'est
propriétaire qu'à 30 % des superficies qu'il occupe, car la propriété est
alors dominée par le groupe francophone. Par contre, les emplacements
qu'il détient et les terres qu'il occupe ont une superficie de loin supé-
rieure à celle des lots détenus par les propriétaires francophones.
Quant aux lieux qu'habite l'étranger dans le village, ils se résu-
ment pour l'essentiel à la Grande Rue qu'il partage avec les notables
francophones; en effet, c'est là que sont établis la plupart des membres
des familles seigneuriales, les Dumont, de Bellefeuille et Laviolette, les
représentants des professions libérales, à l'exception du docteur Labrie
dont la résidence est située de l'autre côté de la rivière du Chêne, et les
artisans aisés du village. Les autres habitent tous la rue Saint-Narcisse
qui borde le front de la seigneurie, à l'est de la Grande Place. Aucun ne
réside dans les rues transversales, entièrement occupées par les franco-
phones, à l'exception d'un terrain qui appartient à la famille McGillis à
l'angle des rues Dickson et des Champs. Ce n'est qu'au-delà qu'on les
retrouve, à l'extérieur du village, au nord et à l'est du périmètre construit
qui enserre les quartiers francophones. Mises à part ces quelques
exceptions, c'est la Grande Rue qui attire surtout, aire de contact et
d'échange et lieu d'identité sociale. Car les différences qui s'établissent
entre les francophones et les minorités ethniques dans le village ne
tiennent pas tant à la race qu'à la culture, ce qui pourrait expliquer
pourquoi, même dans la Grande Rue, des aires secondaires semblent
également privilégiées. En effet, en comparant les données du recense-
ment de 1831 à celles des recensements de 1825, de 1842, de 1851-
1852 et de 1861, ainsi qu'aux données du cadastre de 1863, on constate
que c'est surtout du côté sud de cette artère, dans le voisinage de la
rivière et des principaux notables du village, que sont établis 13 des 18
chefs de ménage qui habitent la Grande Rue en 1831. Le côté nord n'en
attire que cinq, répartis entre deux pôles d'ailleurs assez distants l'un de
l'autre, puisqu'ils sont situés l'un dans le bas du village et l'autre dans le
haut où sera construite plus tard l'église presbytérienne. Simple jeu de
hasard? Sûrement pas. Cause liée à la disponibilité de terres au moment
de l'établissement du village? Peu probable, puisque 7 des 13 résidents
du côté sud de la Grande Rue en 1831 ne sont pas propriétaires de
biens-fonds. Propension qu'a le locataire étranger à chercher un proprié-
taire de même nationalité? Possible, mais cela n'explique pas tout. Nous
croyons plutôt qu'il s'agit d'une manifestation spatiale des liens que l'on
cherche à établir avec les représentants du groupe social auquel on
appartient ou souhaite appartenir. En d'autres termes, si le facteur
ethnique peut intervenir dans l'étude des rapports qui s'établissent entre
229
les membres de la communauté villageoise, l'appartenance ou le désir
d'appartenance à un certain groupe social paraissent plus déterminants
encore, parce que nourris d'ambitions qui ne s'embarrassent pas de ce
facteur.
De tous les moyens que l'on aura de s'intégrer au groupe domi-
nant (majorité francophone ou classe de notables), deux semblent plus
importants que les autres : le mariage et les relations d'affaires, auxquel-
les peuvent sans doute s'ajouter les relations de voisinage - surtout
quand elles sont à long terme -, mais qu'il est plus difficle de saisir. Sur
les 25 chefs de ménage recensés comme étrangers en 1831, 3 seule-
ment déclarent la présence de catholiques dans le ménage, sans que
l'on puisse savoir s'ils ont des liens de parenté, sauf en ce qui concerne
le marchand William Scott qui a épousé une francophone et que l'on
retrouvera plus tard comme membre du Parti patriote à côté de son ami,
l'arpenteur Émery Féré. Lors de l'élection contestée de 1834, il s'alliera
au notaire Girouard de Saint-Benoît contre John Brown et Maximilien
Globensky12. Les deux autres sont l'agriculteur Donald McNaughton,
établi au nord du village et dont le ménage comprend un individu
catholique au recensement, et le brasseur John Welsted, qui apparaît
comme le patriarche encore jeune (moins de 59 ans) d'une maisonnée
de dix membres qui comprend également un catholique. Conjoint irlan-
dais? Canadien-français? Servante ou domestique d'origine irlandaise ou
canadienne-française? Seules des recherches plus fouillées dans les
registres d'état civil permettraient de l'établir. Tout ce que l'on peut
ajouter à ce que l'on sait déjà par le recensement, c'est que les deux
premiers sont propriétaires et que le troisième est locataire, ce qui,
conjugué à la présence de catholiques dans le ménage, laisse soupçon-
ner, au moins dans les deux premiers cas, sinon une meilleure intégra-
tion sociale, du moins une plus grande ouverture à l'autre. Par ailleurs,
on remarque aussi la présence dans le village de deux jeunes chefs de
ménage qui déclarent habiter avec un enfant ou un jeune adulte catholi-
que de sexe masculin: le tourneur John Forbes et le médecin James
Bowie dont la future épouse figurera plus tard comme veuve dans le
cadastre abrégé de la seigneurie. Sans doute s'agit-il, dans les deux cas,
de jeunes en phase d'apprentissage. Les données manquent pour en
juger. Toutefois, leur seule présence dans le ménage indique des
rapports positifs avec l'autre que ne semblent pas compromettre les
différences ethniques, pas plus que dans les cas précédents.
12. À ce sujet, voir: Relation historique des événements de l'élection du comté du Lac
des Deux Montagnes en 1834; Fernand Ouellet, Le Bas-Canada, 1791-1840, p. 365
et 465.
230
Sans occuper le même rang social que la majorité francophone,
les anglophones du village semblent appartenir à une catégorie de
résidents qui, différente de celle de la plupart des villageois, n'est pas
non plus celle des seigneurs et de ceux qui leur sont associés. En un
sens, ils sont peut-être même plus proches de l'élément francophone
qu'il n'y paraît à première vue, car si l'on en juge par le respect
manifesté à William Scott (en dépit de son statut de gros marchand) et
que rapportent tous les observateurs du temps, la vraie différence dans
le village sera celle qui opposera les classes dites « populaires » aux
représentants de la « bonne société », en particulier aux seigneurs et à
tous ceux qui aspirent à le devenir. L'exemple le plus frappant à cet
égard demeure celui de la famille Globensky, dont le rejet par l'autre
société remonte à bien plus loin que l'époque des troubles de 1837,
pour se prolonger tard dans le siècle.
Dès son arrivée à Saint-Eustache en 1821, le curé Paquin s'était
d'ailleurs fait le porte-parole de plusieurs en dénonçant du haut de la
chaire les soirées mondaines auxquelles s'adonnait cette bonne société.
Les réactions ne s'étaient pas fait attendre et le seigneur s'était plaint à
l'évêque des attaques du curé. Mais la lettre qu'adresse le seigneur
Dumont à Mgr Plessis le 10 janvier 1822 en dit plus à elle seule que tous
les on-dit de la paroisse et témoigne aussi bien des rapports qui
l'unissent déjà à la famille Globensky que des perceptions qu'il entretient
à l'égard de la société de l'habitant:
Permettez-moi de vous écrire afin d'éviter les difficultés que le curé de
Saint-Eustache pourrait s'attirer. Vous verrez par la lettre cy-incluse ce
que ce Monsieur a dit en pleine chaire [...] Quant à la Sainte-Catherine,
cette partie-là ne coûte pas six piastres. Ce n'est pas pour moi à mon
âge, on ne donne pas, mais c'est une partie de ma fille. Il est faux que les
jeunes filles étaient à nu. Ce n'est jamais dans nos assemblées où le mal
se fera. Les parties d'habitants, où il n'y a qu'une lampe ou une
chandelle, donnent plus d'occasion à la débauche dans leurs apparte-
ments noirs. Dans notre partie il n'y avait qu'Hortense Globensky d'une
quinzaine d'années qui avait l'estomac découvert, mais toutes les jeunes
demoiselles, le Docteur Labrie et autres se sont si bien moqués d'elle
qu'il est sûr qu'elle ne reviendra plus aussi indécemment habillée13.
Deux décennies plus tard, les mêmes rapports subsistent, avec le
rôle joué par Maximilien Globensky dans la rébellion de 1837 et l'arrivée,
13. Cité par Claude-Henri Grignon, « La vie et l'œuvre du curé Paquin », CHDM,
numéro hors série, Saint-Eustache, été 1978, p. 61 et suiv. Au sujet d'Hortense
Globensky, voir Yvon Globensky, « Globensky, Hortense (Prévost) », DBC, vol. X,
p. 335.
231
le 27 novembre 1841, du notaire F. E. Globensky comme seul adminis-
trateur des biens de Louis-Sévère Dumont, héritier en usufruit pour un
tiers, avec son frère Charles-Louis et sa sœur Marie-Elmire, épouse de
Pierre Laviolette, de la seigneurie de la Rivière-du-Chêne depuis le décès
de son père en août 1835. Par l'acte de procuration passé devant le
notaire Stephen MacKay (pour ses affaires personnelles, le notaire
Globensky fait appel à son confrère Cyrille H. Champagne), c'est à lui
désormais qu'il revient de percevoir les redevances dues au seigneur et
le produit des moulins à farine que celui-ci possède dans le village et à la
décharge du lac des Deux-Montagnes, tâche pour laquelle il recevra une
commission de 10 % sur l'ensemble des recettes et ce, jusqu'au décès
de Sévère Dumont, célibataire jusqu'à sa mort. Il en profite pour se
constituer une rente confortable qui en fait bientôt l'un des personnages
les plus riches et les plus craints de la seigneurie, d'autant plus qu'au
décès de Charles-Louis Lambert Dumont, qui avait épousé une certaine
Rosy Rush, il devient également tuteur de sa fille mineure, Virginie, dont
il administre les biens jusqu'à sa majorité en 1854. L'année suivante,
celle-ci épouse son neveu, Charles-Auguste-Maximilien Globensky, fils
de Maximilien Globensky, à qui le notaire laissera une partie de sa
forture à sa mort, une dizaine d'années plus tard. Celui-ci est alors âgé
d'une trentaine d'années et possède déjà son propre bureau de notaire.
Quand Virginie Dumont décède à son tour, son époux devient légataire
universel de ses biens, en vertu d'un testament rédigé quelques années
plus tôt devant le notaire Champagne, et il accède ainsi au rang de
seigneur, même si juridiquement le régime seigneurial est aboli depuis
1854. Il en conservera le titre jusqu'à sa mort en 1906, après avoir
profité des rentes (constituées) et des obligations dues à son épouse14.
Devenu par son mariage l'un des personnages les plus importants de
Saint-Eustache, il sera tour à tour maire du village, président de la
commission scolaire et plus tard député du comté des Deux-Montagnes,
avant de s'associer au marchand Daniel-Auguste Plessis Bélair sous la
raison sociale D.A.P. Bélair et Cie15. Mais ce serait se hâter que de
conclure à sa parfaite intégration sociale, car à part les lieux où il
n'accède souvent que grâce à ses électeurs - dont plusieurs sont ses
14. Sur les affaires de Globensky et ses rapports avec la famille Dumont, voir: CHDM,
numéro hors série, Saint-Eustache, été 1978; Gilles Bertrand, «Analyse des
structures sociales et des groupes dominants dans le village de St-Eustache (1850-
1880) ». Voir plus particulièrement les actes du 27 novembre 1841 et du 26
novembre 1842 du greffe du notaire S. Mackay (nos 2576 et 2638), et ceux du
7 décembre 1860 et du 28 février 1874 du greffe du notaire C. H. Champagne
(nos 298 et 3940-3941).
15. Voir Gilles Bertrand, op. cit., p. 88 et suiv.
232
débiteurs -, il y en a beaucoup d'autres d'où Globensky sera exclu et,
d'une façon plus générale, l'étranger. En effet, il existe tout un ensemble
d'organisations ou d'institutions auxquelles l'étranger n'a pas accès, soit
à cause de son appartenance religieuse, soit, s'il est catholique, à cause
de la signification qu'elles revêtent pour la société de l'habitant. Nous
n'en donnerons que quelques exemples, en commençant par la fonction
de marguillier, dont l'étranger est généralement exclu, même quand il
est catholique et d'expression française.
De 1779 à 1831, 56 paroissiens sont nommés marguilliers16. De
ce nombre, deux seulement sont d'origine étrangère: Jean-Baptiste
Carson (1801), dont le prénom semble indiquer cependant une origine
en partie francophone, et Duncan McGillis (1816), dont Henri Masson
dira qu'il « prend plaisir à participer aux fêtes de famille de son jeune
commis », Joseph Masson, futur seigneur de Terrebonne, alors en
apprentissage chez le marchand en vertu d'un contrat passé en 1807
devant le notaire Pierre-Rémy Gagnier de Saint-Eustache17. Par la suite,
aucun étranger ne sera admis à cette fonction qui restera le fief
incontesté de la majorité francophone.
La commission scolaire représente un autre lieu d'où sera pro-
gressivement exclu l'étranger. De tous les commissaires élus entre
1850 et 1880, trois seulement sont d'origine étrangère: le tourneur John
Dunn (1850-1853), dont la présence dans le village est attestée depuis
longtemps, le maître de poste David Mitchell (1850), et C.-A.-M. Globen-
sky, qui sera élu président en 1860 en remplacement de son cousin par
alliance, le médecin Charles L. de Martigny (1858-1860). Tous les autres
sont d'origine française et appartiennent à un groupe social différent; on
y retrouve 2 artisans, 2 journaliers, 2 marchands, un avocat et 19
agriculteurs18.
Enfin, la vie municipale elle-même laisse entrevoir certaines exclu-
sions, moins nettes il est vrai que dans les exemples précédents, mais
réelles et progressives dans le temps. Du début des années 1850
jusqu'aux années 1880, 54 citoyens sont élus à la fonction de maire et
de conseiller. Huit d'entre eux sont d'origine étrangère, pour des man-
dats qui n'excèdent pas deux ou trois ans, sauf dans le cas de C.-A.-M.
Globensky qui siège cinq ans (1855-1857 et 1860-1861), et pour William
Henry Scott, élu une première fois en 1850-1851 et une deuxième fois
16. CHDM, numéro hors série, Saint-Eustache, été 1978, p. 85 et suiv.
17. Henri Masson, Joseph Masson, dernier seigneur de Terrebonne, 1791-1847,
p. 13-14.
18. Gilles Bertrand, op. cit., p. 49 et suiv.
233
en 1870-1873. Tous les autres sont francophones et surtout artisans (20
sur 54 de 1848 à 1880, en plus de 6 agriculteurs dont aucun cependant
ne sera élu maire19), ce qui étonne quand on considère le rôle que joue le
conseil municipal dans la vie économique du village. Mais il est vrai que,
toutes proportions gardées, l'étranger y est mieux représenté que la
majorité francophone, puisque, de 1848 à 1860, plus du quart de ceux
qui vivent au village sont appelés à y participer. Ce n'est que plus tard
que leur représentation deviendra moins importante.
Toutefois, l'accès aux charges publiques n'est pas significative
quant à l'admission de l'étranger dans la vie de la communauté car, à
côté des mouvements qui le portent aux plus hautes fonctions, il en
existe d'autres qui l'excluent des lieux où se cristallisent les résistances
paysannes, à moins bien sûr que l'on attende de sa part des services
précis. Par exemple, si l'on retrouve bien des hauts personnages dans
les bonnes œuvres, ce sont dans des fonctions qui en disent long sur le
rôle qu'on leur réserve. En 1852, le curé Moreau songe à créer une
bibliothèque publique. Il propose alors de former une association, L'Œuvre
des bons livres, dont la gérance sera confiée à un comité composé d'un
président, d'un vice-président, d'un secrétaire-trésorier, d'un bibliothé-
caire et de dix membres honoraires. Lui-même s'impose comme prési-
dent, à côté du notaire F.-E. Globensky, vice-président, et du coseigneur
J.-L. de Bellefeuille, secrétaire-trésorier. Parmi les autres membres, on
retrouve deux notaires, un marchand et deux artisans, qui sont tous
d'anciens marguilliers et qui agissent tous de concert avec le curé20.
Mais c'est surtout une quarantaine d'années plus tard, vers 1899,
que les oppositions deviennent les plus vives, quand il sera question de
vendre aux enchères les bancs réservés de l'église. Il faudra plusieurs
assemblées extraordinaires et même une mise en demeure par des
avocats francophones de Montréal pour que C.-A.-M. Globensky, alors
âgé de 69 ans, laisse les siens à la fabrique, après avoir perdu par ailleurs
plusieurs des honneurs dus autrefois à son rang. En bon aristocrate
conscient de son statut, il riposte quelques années plus tard (1905) en
offrant à la fabrique une statue de saint Eustache destinée à être placée
sur le toit de l'église, entre les deux clochers, afin de rappeler ses droits,
comme seigneur héritier des Dumont, de prétendre aux titres de patron
et fondateur de la paroisse. Il s'en explique dans un long document
conservé dans les archives de la paroisse. Mais ce geste, comme celui
19. Ibid., p. 55-57.
20. Ibid, p. 82.
234
qui l'avait amené autrefois à faire don à la fabrique de grands tableaux
d'histoire religieuse où lui-même et son épouse figuraient, ne fit qu'atti-
ser le mépris populaire qui l'excluait encore un peu plus de la com-
munauté villageoise21.
Cette attitude de Globensky n'a rien d'unique. On la retrouve chez
beaucoup de seigneurs qui; imbus de leurs droits, exigent qu'on leur
rende les honneurs dus à leur rang. Nicolas-Eustache Lambert Dumont,
titulaire de la seigneurie de la Rivière-du-Chêne, et Jacques-Janvier-
Domptail Lacroix, titulaire de la seigneurie voisine de Blainville en sont
des exemples. Tous deux étaient convaincus que leurs antécédents
familiaux et leur condition de seigneurs leur conféraient naturellement
sur les colons des pouvoirs qui n'étaient pas inférieurs à ceux de l'Église
catholique. Lacroix ira même jusqu'à menacer le curé de Sainte-Thérèse
et un marguillier d'un procès retentissant pour crime de lèse-majesté,
après s'être vu refuser la prière publique lors de sa première apparition à
l'église. L'affaire avait commencé au moment où Lacroix, qui venait
d'hériter d'une partie des droits de la seigneurie, était venu réclamer des
censitaires les arrérages dus à son père et exiger du curé de l'endroit,
Charles-Joseph Ducharme, les honneurs dus à son titre. Plusieurs censi-
taires avaient alors différé le paiement de leurs rentes, pendant que le
curé profitait de la première apparition du seigneur à l'église pour
supprimer son prône, afin d'éviter de prier publiquement pour le nou-
veau seigneur et son épouse. Furieux de cet affront, Lacroix avait riposté
en demeurant debout du sanctus à la communion plutôt que de s'age-
nouiller comme l'avait demandé le curé Ducharme, conformément au
rituel de Mgr de Saint-Vallier. Un marguillier, Martin Gratton, avait bien
tenté mais en vain de faire respecter l'usage. L'office terminé, Lacroix
était sorti de l'église, chapeau sur la tête, en proférant sa menace.
L'affaire dura trois ans, au terme desquels le fougueux seigneur finit par
retirer son action. Par la suite, ses rapports avec le curé et la population
21. Il faut dire que la personnalité de Globensky n'était pas de tout repos, même pour
ses proches. Déjà, à l'été de 1862, il avait adressé une sommation à sa belle-sœur,
Marie-Elmire Dumont, veuve de Pierre Laviolette, pour lui interdire de construire un
moulin à scie sur le bord de la rivière, lequel aurait nui au « pouvoir d'eau » que
celui-ci possédait au village, conjointement avec son épouse, Virginie Dumont. Il alla
même jusqu'à la menacer d'exiger le paiement de tout dommage que le projet
pourrait causer. L'affaire avait fini par se régler, non sans avoir provoqué toutes
sortes de tensions familiales. En outre, il avait publié un ouvrage en 1883, réédité et
augmenté en 1889, pour rétablir la mémoire de son père qui avait levé une
compagnie de miliciens contre les patriotes en 1837. L'œuvre avait suscité une
violente polémique dans le village et les journaux du temps, où Globensky s'était
violemment opposé à L. 0. David notamment, l'un de ses plus farouches contradic-
teurs. Voir: Gilles Bertrand, op. cit.. p. 85-86; Jean-Pierre Gagnon, « La rébellion de
1837 à Saint-Eustache », dans Maurice Lemire (dir.), DOLQ, tome I, p. 624-626.
235
furent un peu plus cordiaux, mais sans que le seigneur ne bénéficie du
respect auquel son père avait eu droit22.
De tout ce qui précède se dégagent trois constats qui peuvent
nourrir autant de propositions quant aux comportements de l'étranger
dans le village. En milieu rural, le village, même majoritairement franco-
phone, représente aux yeux de l'étranger un milieu qui attire, d'abord
parce que c'est là que se font les affaires, ensuite parce qu'on y trouve
de meilleures occasions d'ascension sociale. En outre, dans le bourg où
il est présent, l'étranger tend spontanément à s'associer aux groupes
sociaux dominants et à occuper les aires prestigieuses du village,
notamment la Grande Rue où il peut plus facilement côtoyer les notables
et s'intégrer à leur groupe. Enfin, les mécanismes par lesquels s'effec-
tue cette admission valorisent surtout le mariage, préparé souvent par
de longues relations d'affaires, mais sans qu'il entraîne nécessairement
la totale intégration de l'étranger dans la communauté villageoise, qui
n'advient qu'à quelques rares individus dotés d'une personnalité particu-
lièrement attachante. Autrement dit, et avec toutes les nuances propres
aux êtres et aux époques, on sent bien que l'étranger dans le village est
d'abord celui qui appartient à une autre catégorie sociale. Ensuite seule-
ment intervient le facteur ethnique. Toutefois, il est significatif de noter
que, même dans les cas de proximité sociale, l'intégration reste aléa-
toire, compte tenu de ce qui sépare les univers de chacun.
Parce que l'exemple retenu concerne un village où évoluent des
groupes d'anglophones et des étrangers de religion catholique, on peut
se demander comment se présente la situation pour d'autres groupes
ethniques, les juifs notamment ou les francophones qui habitent des
villages anglophones. Les données manquent pour en juger. Peut-être
les comportements sont-ils les mêmes ou à tout le moins similaires,
peut-être sont-ils entièrement différents. Seules des études de cas
permettraient d'en juger, à la condition qu'elles distinguent entre les
diverses catégories sociales, car l'ethnie seule ne définit jamais complè-
tement l'étranger. C'est à la notion de territorialité23 qu'il faudrait plutôt
se reporter pour tenter de l'appréhender car, selon que l'on partage ou
non les attitudes et les valeurs de l'autre, on est plus facilement admis
22. Sur ces deux seigneurs, voir: W. Stanford Reid et collab., « Lambert Dumont,
Nicolas-Eustache », DBC, vol. VI, p. 423-426; Serge Courville, « Lacroix, Janvier-
Domptail », DBC, vol. VIII, p. 532-534.
23. Sur la notion de territorialité, voir: Serge Courville, « Une territorialité oubliée»,
CGQ, 28(73-74), 1984, p. 5-7; Claude Raffestin et Mercedes Bresso, Travail,
espace, pouvoir; Claude Raffestin, Pour une géographie du pouvoir; Robert D.
Sack, Human Territoriality, its Theory and History.
236
ou exclu de ses réseaux de relations; le facteur ethnique n'intervient ici
que pour introduire des nuances dans les degrés d'insertion et d'exclu-
sion. Par ailleurs, rien ne dit que, pour certains groupes sociaux, l'étran-
ger n'est pas recherché, soit parce qu'il permet d'éviter l'isolement au
sein de la communauté d'origine, ce qui guette bien des seigneurs qui
rejettent les valeurs de l'habitant, soit parce qu'il symbolise la culture à
laquelle on souhaite appartenir, parce que la sienne propre paraît moins
intéressante, ce qui est le cas de plusieurs notables qui aspirent à un
raffinement qui ne peut venir que d'ailleurs.
Quoi qu'il en soit, ce qu'il faut surtout retenir de cette présence
étrangère dans le village, c'est qu'elle fait du bourg un lieu important de
voisinage entre des populations d'origines diverses. Il n'en faudra pas
plus pour qu'il devienne également un lieu d'apprentissage de la vie avec
l'autre, ce qui entraîne sans doute des tensions et des conflits, mais
aussi des échanges multiples où la population est mise en contact avec
de nouvelles façons d'être, d'agir et de ressentir. C'est peut-être en ce
sens surtout que le village a été une école de vie, sur le plan non
seulement économique et social, mais aussi culturel. Aux valeurs ancien-
nes qui s'affermissent, s'en ajoutent de nouvelles qui finiront par susci-
ter de nouveaux comportements et de nouveaux consensus.
LES RYTHMES ET LES CYCLES DE VIE
Si l'on fait exception des difficultés énoncées plus haut, la vie
dans les bourgs se déroule sans perturbations majeures, favorisée par
les volontés civiles et religieuses de réglementer la vie collective en vue
de l'accorder aux principes d'ordre qui caractérisent les sociétés civili-
sées. Le déroulement des activités quotidiennes, le calendrier religieux,
le cycle des événements récurrents en sont autant d'aspects. Leur
régularité trace les contours d'un genre de vie nouveau qui, sans être
encore celui des villes, n'est déjà plus celui de la campagne.
La journée commence en général assez tôt, avec le lever du soleil
et même avant, et ne se termine que tard le soir. Dès l'aube, la Grande
Rue s'anime, éveillée par le bruit des attelages et des charrettes. Puis
viennent les premiers piétons qui se rendent à l'église ou au travail. Une
ou deux fois la semaine, on va au marché dont les éventaires, déjà en
place, attendent les acheteurs. D'autres vont chez le médecin ou le
notaire, dont c'est aussi la tâche de visiter le malade ou le mourant.
D'autres encore ont affaire à la forge ou chez un quelconque artisan.
Comme ces gens de métier disposent généralement d'un atelier cons-
truit à même leur résidence - au rez-de-chaussée habituellement - ou
237
à proximité de celle-ci, c'est autour de points bien précis comme le
bureau de poste ou le relais de diligence que le village s'éveille. Puis
vient la pause du midi que certains font à la maison ou sur les lieux
mêmes du travail. Après, tout recommence jusqu'au crépuscule. La
plupart rentrent chez eux pour la nuit; d'autres, moins nombreux, vont
d'abord à l'auberge.
Ce déroulement des activités quotidiennes est surtout caractéris-
tique de la belle saison et des beaux jours. Par mauvais temps, il accuse
un ralenti que le froid, la neige et le raccourcissement du jour accentuent
durant l'hiver. En outre, selon la situation géographique du village,
d'autres facteurs peuvent le modifier. Dans l'est du Bas-Canada par
exemple, le cycle des marées et les conditions de navigation sur le
fleuve dictent la vie de bien des bourgs riverains, en fixant les horaires
des pêcheurs, des membres d'équipage, des commerçants et des
ouvriers du quai ou du port. Ailleurs, la présence toute proche d'une
ressource, la forêt par exemple, rythme la vie des hameaux où les
activités de transport dominent, avec le travail au chantier ou au moulin.
Mais ces facteurs sont également des occasions de réjouissances,
quand par exemple, après un dur hiver, la circulation reprend sur le
fleuve ou qu'on peut enfin descendre à la ville ou dans quelque gros
bourg.
Rythmé par le cycle des activités économiques, le bourg l'est
aussi par le calendrier liturgique. Au Québec, ce dernier s'est imposé
avec d'autant plus de force que la présence de l'Église catholique est
ancienne et très souvent associée, on l'a vu, à l'origine du village. En
outre, depuis le début des années 1830, celle-ci a bénéficié de gains
législatifs importants qui lui ont permis de récupérer son emprise sur les
questions temporelles24. L'Église missionnaire du début s'est territoriali-
sée et elle est devenue une Église de paroisse, pour ne pas dire de
village, plus directement établie au sein des populations locales. Sans
doute éprouve-t-elle encore des difficultés à s'imposer, qui lui font
regretter la place qu'elle avait sous le Régime français. Mais à l'époque,
elle est implantée presque partout et contribue, par son enseignement,
sa surveillance constante de la morale et surtout son calendrier liturgi-
que, à la définition des cycles de vie.
Au total, l'année religieuse compte près d'une centaine de diman-
ches et de fêtes consacrées à Dieu. Chaque semaine, il faut réserver
24. À ce sujet, voir Serge Courville (dir.), Jacques Crochetière, Philippe Desaulniers et
Johanne Noël, Paroisses et municipalités de la région de Montréal au XIXe siècle
(1825-1861) [...].
238
une journée au repos dominical : les fidèles ont l'obligation d'assister à la
messe et de s'abstenir de tâches serviles. En hiver, on fête Noël et le
Jour de l'an, qu'aura précédés le temps de l'avent (quatre semaines de
jeûne et d'abstinence); au printemps, on fête Pâques, qu'une période
semblable de pénitence aura encore préparée (le carême, qui dure 40
jours). Puis viendra le temps du catéchisme et de la première com-
munion, celui des rogations et, plus tard, de la bénédiction des récoltes,
que prolongeront diverses autres fêtes, tant religieuses que profanes : la
Toussaint, le jour des Morts, le Mardi gras, etc.
Enfin, parce qu'elle se reconnaît également un rôle sur le plan
social, l'Église contribue à rythmer les loisirs qu'elle organise et encadre
à l'aide de ses bonnes œuvres. Dans les gros bourgs et les bourgs
urbains, cela se traduira par l'apparition de clubs, de confréries, d'asso-
ciations diverses, de charité ou autres, parrainés par les notables et qui
auront tous leur calendrier de rencontres25. C'est le cas, par exemple, de
L'Œuvre des bons livres, créée pour faire obstacle aux idées jugées
dangereuses. Apparue en France au début des années 1820, elle gagnera
Montréal quelque 20 ans plus tard, avant de se répandre à la campagne,
à Saint-Eustache notamment, où le curé Moreau l'implante vers le milieu
du siècle.
Quant aux autres facteurs qui rythment ou particularisent la vie du
village, ils sont plus variables. Les uns renvoient aux solidarités d'origine
de la population locale qui favorisent les veillées et la venue périodique
de parents et d'amis établis ailleurs sur le territoire, les autres à des
événements plus ponctuels qui découlent de la vocation du bourg ou
des villages voisins, ou sur lesquels la population n'a aucun pouvoir. Tel
village, par exemple, emplacement d'une importante cour de district,
aura un calendrier marqué par celui de cette cour. Tel autre, voisin d'un
chantier naval important, tiendra compte des lancements de navires. Les
événements douloureux sont heureusement plus rares, mais ils susci-
tent une grande anxiété, surtout quand il s'agit d'un crime, d'un feu, d'un
tremblement de terre ou d'une invasion de chenilles ou de sauterelles.
Quant au reste, il suffit de rappeler que la vie du bourg s'exprime
avant tout dans des processus plutôt que dans des situations. Rien n'est
statique, mais dynamique. La vie familiale, l'organisation du travail, les
échanges entre voisins engendrent des systèmes complexes et enche-
vêtrés de relations qui favorisent la formation de réseaux privilégiés
25. À ce sujet, voir Brigitte Caulier, « Les confréries de dévotion à Montréal, 17e-19e
siècles ».
239
d'entraide et de voisinage. Ces réseaux pourront être fermés ou ouverts,
selon les individus ou les groupes qui les composent. Mais si l'on
observe parfois des tensions ou des intolérances, il existe aussi des
sensibilités nouvelles qui tempèrent l'effet de ces tensions. En effet, au
milieu du XIXe siècle, la vie dans les bourgs est suffisamment organisée
pour que l'on puisse y distinguer des modes de vie différents de ceux
que l'on rencontre ailleurs sur le territoire, tant dans les vieilles paroisses
riveraines qu'en milieu pionnier. Sans être comparables aux villes, ceux-
ci s'en rapprochent suffisamment pour que l'on puisse y déceler les
germes de comportements futurs. Ils prépareront de loin la montée vers
la ville. Plus tard, quand des populations quitteront le village, elles se
dirigeront tout naturellement vers des milieux urbanisés, comme s'ils
étaient les seuls à pouvoir prolonger les anciens lieux de résidence et en
garantir les promesses. En ce domaine comme en d'autres, la réalité est
plus nuancée ; s'il y a des similitudes entre le village et la ville, il y a aussi
d'énormes distinctions attestées par des cycles et des rythmes de vie et
de travail différents, et des modes de rapports humains variés.
240
Conclusion
VILLAGE, ECONOMIE ET SOCIÉTÉ
Dans sa vision de l'économie et de la société au Bas-Canada, lord
Durham a porté un jugement sévère que partageront plus tard bien des
observateurs convaincus comme lui de l'infériorité économique des
Canadiens français:
Along the alluvial banks of the St. Lawrence, and its tributaries, they hâve
cleared two or three strips of land, cultivated them in the worst method
of small farming, and established a séries of continuous villages, which
give the country of the seigniories the appearance of a never ending
street. Besides the cities which were the seats of government, no towns
were established ; the rude manufacture of the country were, and still
are, carried on in the cottage by the family of the habitant; and an
insignificant proportion of the population derived their subsistence from
the scarcely discernible commerce of the province1.
Pas de villes autres que Québec, Montréal, Trois-Rivières, pas de
manufactures sinon un artisanat domestique, peu de commerce, tout
juste une petite agriculture pratiquée du reste selon des méthodes
ancestrales, la pire qui soit en pays civilisé, comme l'avait déjà dit
Murray au milieu du XVIIIe siècle.
Cette image, ce paradigme en fait, résiste mal à la critique. Il ne
s'agit pas de nier ici les malaises auxquels doit faire face le monde rural
québécois durant la première moitié du XIXe siècle. Ceux-ci sont connus :
forte croissance démographique qui accentue la pression sur les res-
sources, accidents climatiques qui compromettent les récoltes et les
rendements de l'agriculture, épidémies, troubles politiques importants,
etc. Toutefois, il serait exagéré de croire que ces difficultés aient été la
cause d'une détérioration générale de l'économie, elle-même enracinée
dans une profonde crise agricole. « Malaise » ne signifie pas nécessaire-
ment « crise », au sens d'un bouleversement profond des structures
1. Cité dans C. P. Lucas (éd.), Lord Durham's Report on the Affairs of British North
America, vol. Il, p. 29. Sur la pensée de Durham, voir Janet Ajzenstat, The Political
Thought of Lord Durham.
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économiques et sociales. Si la société se transforme alors, c'est beau-
coup plus dans le sens d'une adaptation générale au changement que
comme un retour à des formes primitives de rapport à la terre, ce qui en
fait une société normale, soumise sans doute à bien des contraintes,
mais traversée aussi par des courants de modernité qui l'informent et
l'entraînent.
Le village au Québec est l'un des signes de cette adaptation.
Apparu tôt sous le Régime français, il ne connaîtra sa véritable croissance
qu'au XIXe siècle, avec l'augmentation de la population et les progrès de
la colonisation. En 1760, on ne compte encore qu'une vingtaine de
villages sur le territoire observé, établis pour la plupart dans le domaine
personnel des seigneurs ou dans ses environs immédiats. À la fin du
siècle, il y en a une trentaine, qui introduisent des renflements nouveaux
dans le paysage aligné des côtes. Par la suite, la situation évolue
rapidement. En moins d'une génération, de 1815 à 1851, la campagne
vit une conversion essentielle: le nombre de bourgs se multiplie par six,
pendant que celui des moulins et des fabriques se multiplie par quatre,
avec un élan plus marqué dans les deux cas de 1815 à 1830. Le nombre
des gros bourgs s'accroît et celui des hameaux explose. Tandis que se
multiplient les zones riches en industries rurales, l'arrière-pays sei-
gneurial est conquis et le territoire quadrillé d'un réseau de chemins qui
repousse toujours plus loin les limites de l'écoumène tout en donnant
une vue sur le fleuve aux localités de l'intérieur.
Plusieurs facteurs expliquent cette évolution : l'augmentation de
population, qui porte les effectifs de 335 000 habitants en 1815 à près
du double en 1850, la croissance générale de l'économie de marché,
que stimulent de nouveaux courants d'échange, et les initiatives person-
nelles de certains seigneurs, marchands, capitaines d'industrie ou pay-
sans aisés qui voient dans le village une occasion de rentabiliser leurs
avoirs fonciers et forestiers. Dans l'espace, cela se traduit par des
concentrations nouvelles de population qui entraînent une parcellisation
accrue du patrimoine foncier dans le voisinage immédiat des bourgs2.
Les anciens villages s'épaississent pendant que de distance en distance
de nouveaux bourgs apparaissent, accrochés aux rives d'un cours d'eau
ou à un carrefour. Dès 1830, on compte plus de 46 000 habitants dans
les noyaux villageois. Vingt ans plus tard, on en compte plus de 86 000
répartis dans quelque 300 agglomérations.
2. A ce sujet, voir Serge Courville. « Villages and Agriculture in the Seigneuries of
Lower Canada. Conditions of A Comprehensive Study of Rural Québec in the First
Half of the Nineteenth Century », CPRH, V, 1986, p. 121-149.
242
En moyenne, cette population représente entre le cinquième et le
quart de la population qui vit à la campagne. Composée d'abord en
majorité d'hommes, puis de femmes, elle se situe démographiquement
à mi-chemin entre la population urbaine et la population rurale agricole et
comprend un nombre impressionnant de jeunes enfants et de jeunes
adultes dont une bonne part vivent en couple, entre autres dans l'île de
Montréal où la proportion de jeunes couples est toujours plus élevée
dans les bourgs que dans la campagne environnante3. Mais elle com-
prendra aussi un certain nombre de rentiers et de personnes âgées dont
la part, d'abord restreinte, s'accroîtra avec le temps.
De tous les chefs de ménage recensés comme résidents des
bourgs, une partie seulement s'occupe d'agriculture; comme le village
alors est surtout un lieu d'activités qui n'ont pas trait à la culture du sol,
la plupart de ses habitants s'orientent vers de nouvelles professions.
Selon la date de recensement, la région et le village observés, on pourra
compter jusqu'à la moitié, parfois plus, des chefs de ménage engagés
dans la fabrication, la construction, le transport et les services, et
jusqu'au quart ou au tiers qui se déclarent journaliers. Les autres sont
représentés par les membres du clergé et les notables, toujours plus
nombreux dans les régions agraires que dans les aires d'industries
rurales.
Villages-rue, villages en tas, petits bourgs agraires, gros bourgs
urbains, petits bourgs industriels, places de commerce, bourgs de servi-
ces, le paysage est extrêmement varié. Comme ces bourgs ne sont pas
tous de même taille, il en résulte un réseau hiérarchisé d'agglomérations
qui traduit une organisation nouvelle des espaces régionaux, autour de la
ville d'abord, puis des bourgs urbains et des gros bourgs qui en sont les
relais principaux.
Tout cela aura des conséquences majeures sur l'agriculture, que
l'historiographie ancienne a vue pendant longtemps comme une activité
de subsistance insensible au marché, devenue avec le temps le refuge
de tout un peuple qui vivait le dos tourné aux échanges. L'évolution
récente de la recherche a montré les limites de cette interprétation, qui
néglige bien des facteurs. Les seuls paramètres retenus pendant long-
temps pour juger de l'évolution de cette activité dans les paroisses
seigneuriales ont été des éléments externes, c'est-à-dire l'évolution des
exportations sur le marché international. Utiles pour comprendre les
3. À ce sujet, voir Gen-Histo, Montréal en 1825 d'après le recensement fait par
Jacques Viger et Louis Guy, p. 162-163. Données aimablement transmises par
Pierre Tousignant, du Département d'histoire de l'Université de Montréal.
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liens qui unissent alors la vallée du Saint-Laurent au monde extérieur,
ces critères le sont beaucoup moins pour saisir les dynamismes internes
de l'agriculture et ses rapports avec les marchés locaux et régionaux. Or,
à l'époque, ces marchés sont en pleine expansion, en raison d'abord
d'un développement urbain qui s'accélère, puis d'une croissance similaire
des bourgs et des industries rurales qui représentent également un
débouché pour la production agricole.
Ce nouveau contexte explique, mieux que l'hypothèse malthu-
sienne des pressions démographiques sur les ressources, les réorienta-
tions générales de l'agriculture qui, encore « spécialisée » qu'elle était à
la fin du XVIIIe siècle alors que le blé représentait plus des trois quarts de
la récolte, devient de plus en plus diversifiée. Il l'explique d'autant mieux
que cette évolution n'est pas étendue à tout le territoire. Au contraire,
elle correspond aux endroits où sont situés les bourgs et les industries
rurales, comme si leur poussée devenait un facteur local de croissance
pour l'agriculture. À l'échelle régionale, elle avantage surtout la plaine de
Montréal et son prolongement immédiat, le pourtour du lac Saint-Pierre,
ainsi que les environs des villes et les axes de pénétration vers l'inté-
rieur. À l'échelle locale, elle favorise le pays riverain, c'est-à-dire les
fronts de seigneuries et les petites vallées-plaines, à moins qu'une
ressource locale particulièrement riche ne vienne stimuler la croissance
d'un établissement intérieur plus dynamique.
Jusqu'au paysage qui en est transformé par l'apparition, autour
des bourgs et des chaînes de bourgs, d'aires fortement intégrées où
population, agriculture, marché et industries entretiennent des liens très
divers. Ce sont les lignes de force du monde rural, les axes par lesquels
la ville pénètre la campagne et inversement. Zones de densité, ce sont
aussi des aires d'intensité, marquées par une plus grande monétarisa-
tion des rapports humains. Là, la population est toujours plus nombreuse,
la propriété plus bourgeoise et l'agriculture plus intensive. Au-delà, la
campagne est moins pleine et les terroirs sont moins fragmentés.
L'intégrité des terres est maintenue grâce à l'exclusion des enfants au
moment du mariage, qui gagnent alors les fronts pionniers ou les zones
d'habitat plus dense, dans l'espoir d'y trouver de l'emploi. Aussi ces
terroirs deviennent-ils vite des bassins de main-d'œuvre pour les aires de
villages et d'industries rurales. En même temps, ils sont vivifiés par
elles, grâce à un marché qui supplée à celui des villes. Et pendant que se
nouent ainsi des rapports de réciprocité entre les deux zones, de
nouveaux établissements sont créés, qui seront bientôt insérés dans le
faisceau de relation des premiers.
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Fait géographique, le village est donc aussi un fait de civilisation,
qui révèle les rapports nouveaux qui s'établissent entre la ville et la
campagne et qui marquent en profondeur la socio-économie du monde
rural. Lieu de cristallisation de la population qui vit à la campagne, il est
un lieu fort de sociabilité, de circulation et d'échange qui en font un pôle
privilégié de la vie de relation. Comme la ville, mais à un degré moindre,
il est un lieu d'influences diverses, où se rencontrent et s'affrontent
divers groupes sociaux; comme elle, il est un lieu d'inclusion et d'exclu-
sion; et comme elle, il fabrique la modernité en même temps qu'il est
façonné par elle. Il est à la fois un moteur et un indicateur: il provoque et
signale le changement, il en est aussi la conséquence. Surtout, il est un
lieu d'apprentissage du travail et de la vie urbaine, ce qui en fait un
passage naturel vers le monde citadin, une sorte d'étape dans la
structuration du phénomène urbain.
Le village, prélude à la ville ! L'hypothèse est séduisante, notam-
ment pour le corridor riverain où les bourgs paraissent toujours mieux
nantis que les autres, en dépit de rythmes de croissance parfois moins
rapides. Elle l'est d'autant plus que si le village dérive de la campagne, la
ville naît très souvent du village. En fait, au Québec, des nuances
s'imposent, car il y a eu ici deux « niveaux », deux strates d'urbanité,
accordée l'une à la logique des rapports avec l'extérieur, l'autre à la vie
locale de relation. En effet, contrairement à ce qui s'est produit dans
plusieurs contrées du monde, les principales agglomérations urbaines
dans la vallée du Saint-Laurent (Montréal, Québec, Trois-Rivières) ne
sont pas nées du village. Implantées de l'extérieur, elles furent d'abord
des villes-comptoirs, qui avaient une dynamique propre et se dévelop-
paient presque indépendamment des campagnes. La véritable filiation
village-ville n'est venue que plus tard, avec l'évolution du peuplement et
la montée de tout un réseau de bourgs qui a préparé l'avènement du
réseau urbain. Dans le contexte qui nous intéresse, nous en arrivons au
XIXe siècle: les années 1800-1850 connaissent la montée du phénomène
villageois et la deuxième moitié du siècle, celle du phénomène urbain.
Toutefois, même si la ville apparaît alors comme un corps étranger, elle
n'en demeure pas moins en rapport avec les bourgs, directement
d'abord par l'organisation de la production et du marché, indirectement
ensuite par l'attrait qu'exerce la vie urbaine sur les ruraux, en particulier
les notables. De même, si par son origine et sa taille le village a d'abord
été campagne, par sa capacité d'attirer et de fixer des éléments citadins
il a aussi été ville. Il y a eu compénétration des deux réalités, qui devient
frappante quand on observe le semis de bourgs, toujours plus dense
autour des principaux centres urbains. Même si, du point de vue des
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destins individuels, les villages n'ont pas tous constitué des milieux
favorables à l'éclosion urbaine, ils ont été importants dans la montée du
phénomène urbain. À l'origine de structures qui sont encore fondamen-
tales pour le monde d'aujourd'hui, ils ont servi de médiateurs dans les
rapports établis avec l'extérieur. Par leur taille et leurs fonctions, certains
ont même été de véritables petites villes et des vecteurs de modernité.
Par tradition sans doute, et aussi par ignorance de l'ampleur du
phénomène villageois, on a pris l'habitude de réserver le vocable de ville,
au Québec, aux seuls établissements de Montréal, de Trois-Rivières et
de Québec, comme s'il s'agissait des seules agglomérations urbaines
qu'avait connues la vallée du Saint-Laurent durant la première moitié du
XIXe siècle. D'autres, pourtant, en acquièrent le statut pendant la pé-
riode : Sorel, entre autres, puis Saint-Jean et Saint-Hyacinthe, qui restent
sans doute de gros bourgs, mais dont la taille les range au-dessus des
simples villages. Toutes ces agglomérations ne sont évidemment pas
comparables aux grandes villes marchandes que sont Montréal et Qué-
bec et, à un degré moindre, Trois-Rivières, mais selon leur situation dans
l'espace, elles auront des vocations complémentaires de celles-ci et
deviendront d'importants pôles régionaux. Sorel, par exemple, est une
ville de garnison, porte d'entrée et de sortie du Richelieu; Saint-
Hyacinthe, un bourg-marché qui sert de tremplin vers l'intérieur, et Saint-
Jean, une étape, un relais, sur la route qui unit Montréal aux Cantons-de-
l'Est et aux États-Unis voisins, sans oublier Berthier, Terrebonne et
Saint-Thomas de Montmagny, qui ont des fonctions similaires mais dans
d'autres secteurs géographiques. Toutefois, ce qu'il est important de
remarquer, c'est la rapidité avec laquelle la population de ces établisse-
ments augmente. En 1815, Québec et Montréal ne réunissent encore
qu'une quinzaine de milliers d'habitants (15 000 à Montréal, 18 000 à
Québec, selon Bouchette), contre 2 500 à peine à Trois-Rivières et 1 500
à Sorel; Saint-Hyacinthe n'est qu'un hameau, et Saint-Jean ne comprend
que 80 maisons. Une quinzaine d'années plus tard, en 1831, Montréal
compte plus de 27 000 résidents, Québec, environ 26 000, Trois-
Rivières, 3 500, et les trois autres à peu près un millier. En 1851,
Montréal en accueille près de 58 000, Québec, environ 42 000, et Trois-
Rivières, un peu moins de 5 000. Quant aux autres agglomérations, elles
en regroupent alors environ 3 000, sans compter les deux milliers
d'habitants de Terrebonne. Si l'on ne peut parler encore de véritables
centres urbains que pour les anciennes villes-comptoirs, Montréal et
Québec, devenues d'importantes villes marchandes de plus en plus
tournées vers l'industrie, il reste que la croissance urbaine s'accélère, en
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ajoutant aux effectifs des grands centres une population de plus en plus
nombreuse, à laquelle se joint celle qui vit dans les bourgs.
Bien sûr, tous les villages n'ont pas la même taille ni les mêmes
fonctions; mais à côté de ceux qui ne sont que de petits centres de
services pour les campagnes environnantes, il y a ceux qui participent
plus pleinement à la vie d'échange et qui, outre qu'ils sont des places
actives de marché, servent de véritables lieux d'accueil pour les indus-
tries de la campagne. On le voit dans le nombre d'entreprises qui
viennent s'y implanter et qui représentent, selon les régions, jusqu'au
tiers, parfois plus, du nombre d'établissements recensés sur le territoire
de la paroisse. On le. voit aussi dans la composition de l'habitat villageois
où, à côté des grands équipements de production, de commerce et de
services, s'élèvent souvent un nombre imposant d'ateliers et de bou-
tiques qui occupent jusqu'à la moitié, parfois davantage, des chefs de
ménage. Sans doute ne s'agit-il encore que de petites entreprises
familiales tournées vers la satisfaction des besoins locaux, mais que dire
des fabriques de tabac, de chaises ou de chapeaux retrouvées dans
certains gros villages, ou encore des brasseries, tanneries, distilleries,
manufactures de toutes sortes, repérées dans d'autres, et qui déclarent
parfois jusqu'à 10, 20, 30 employés au recensement de 1851-1852?
Que dire surtout des fonderies, des scieries ou des chantiers de cons-
truction navale que comprennent alors certains bourgs et qui peuvent en
déclarer jusqu'à cinq et dix fois plus à la même époque? Ne sommes-
nous pas en présence d'entreprises d'un autre ordre, destinées au
marché citadin et peut-être aussi au marché extérieur, et parfaitement
capables, chacune à son niveau, de créer et d'organiser les circuits de la
production et de l'échange? À travers ce panorama, c'est tout le
passage de l'artisanat à l'industrie que l'on sent et qui nous oblige à
revoir d'un autre œil l'économie des campagnes.
Quant aux industries qu'accueillent les côtes, elles sont partout
nombreuses et partout variées, mais dans des proportions différentes
d'une côte à l'autre, d'une paroisse à l'autre, et d'une région à l'autre.
Certaines ont une existence très ancienne, qui remonte en certains cas
jusqu'au Régime français; d'autres datent de la fin du XVIIIe siècle. La
plupart sont toutefois contemporaines de l'époque étudiée. En 1815,
elles se manifestent surtout sous la forme de moulins (à farine, à grain, à
papier), de scieries et de fabriques de potasse et de perlasse. Mais s'y
ajoutent aussi des brasseries, des tanneries, des moulins à fouler et à
carder, des moulins à huile, qui deviendront bientôt des éléments
importants du paysage, à côté des fabriques et des manufactures que
247
signalent les recensements. En 1831, leur nombre est déjà imposant;
en 1851, elles seront plus nombreuses encore et surtout plus diver-
sifiées.
Tout cela nous amène naturellement à nous interroger quant au
genre de société qui habite alors les campagnes seigneuriales et plus
particulièrement ce long corridor d'urbanité qui jouxte les rives du Saint-
Laurent et de ses principaux affluents4. La réponse à cette question
n'est pas simple, d'autant qu'au milieu du XIXe siècle la majorité de la
population tire encore l'essentiel de sa subsistance du travail de la terre.
Toutefois, il existe des indices qui montrent que cette société n'est plus
agraire au sens strict du terme. Avec la croissance démographique de la
fin du XVIIIe et du début du XIXe siècle un seuil a été franchi, qui a
entraîné une complexité croissante du corps social et l'apparition, à côté
de l'agriculture, d'autres activités destinées à répondre aux besoins
nouveaux de la population. En outre, sans nécessairement manquer, la
terre est devenue plus rare, surtout dans les bons terroirs, ce qui a
entraîné une libération de la main-d'œuvre dont une large part s'est
dirigée vers la fabrication, le bâtiment, le transport et les services. Enfin,
des courants nouveaux d'échange sont apparus, qu'a stimulés l'appari-
tion, à l'échelle locale et régionale, d'un nouvel entrepreneuriat rural qui,
associé à l'esprit d'entreprise urbain, a suscité la construction de mou-
lins partout où pouvait exister un cours d'eau accessible et aux seuils
facilement endigables, ainsi que le travail en atelier et en fabrique, et
l'artisanat domestique. Il en a résulté un contexte renouvelé qui a
stimulé la croissance des bourgs et l'apparition sur le territoire d'îlots de
modernité, c'est-à-dire d'aires riches en villages et en industries rurales.
Celles-ci sont devenues autant d'axes privilégiés de croissance pour les
campagnes environnantes, en particulier pour l'agriculture qui s'est alors
diversifiée tout en devenant par endroits plus commerciale.
D'aucuns ont qualifié cette évolution de montée proto-industrielle
qui apparaît lorsque l'on assiste à la transformation structurelle d'une
région dont la paysannerie travaille de plus en plus à la production
artisanale de biens manufacturés destinés au marché extra-local, tandis
qu'une agriculture commerciale se développe simultanément dans une
4. Cette question a été abondamment discutée dans Serge Courville, « Un monde
rural en mutation [...] », HS, XX(40), 1987, p. 237-258, et « Le marché des subsis-
tances [...] », RHAF, 42(2), 1988, p. 193-239. Nous n'en reprenons ici que les
grands thèmes.
248
région proche5 . Parler d'un tel contexte au Bas-Canada relève encore de
l'hypothèse, d'une part parce que trop de données font défaut -
notamment sur le type de fabrication qu'encouragent les villes, sur les
types de marchés où s'écoulent ces fabrications, sur le rôle des mar-
chands et de leurs intermédiaires dans la mise en place des organisa-
tions de production, sur l'importance du travail domestique, etc. -,
d'autre part parce que rien ici n'a l'ampleur des phénomènes observés
ailleurs dans le monde. Au contraire, tout est à la mesure d'un territoire
qui ne compte encore que 600 000 habitants environ et ce, après 200
ans de colonisation ! En outre, parmi les industries rurales recensées,
nombreuses sont celles qui, à l'époque, n'ont encore qu'une fonction
locale, assez semblable somme toute à celles qu'elles avaient autrefois
en Europe6.
Toutefois, pourvu que l'on conserve à la notion de proto-
industrialisation son sens large7, la situation du Bas-Canada rappelle
étrangement celle d'autres contrées du monde où l'on observe une
montée similaire des industries rurales. Et comme on assiste ici à une
montée parallèle des bourgs dont certains formeront plus tard les
noyaux forts du réseau urbain, on peut même dire que cette société est
non seulement proto-industrielle, mais proto-urbaine, du moins dans ses
formes. Cela modifie considérablement notre vision de l'agriculture. En
5. Franklin F. Mendels, « Aux origines de la proto-industrialisation », BCHESRL, 2,
1978, p. 2. Pour une présentation plus complète de cette hypothèse, voir, du même
auteur: Industrialization and Population Pressure in Eighteenth-Century Flanders;
« Seasons and Régions in Agriculture and Industry during the Process of Industrial-
ization », dans Sidney Pollard (éd.), Régions and Industrialization. Studies in the Rôle
of the Région in the Economie History of the Last Two Centuries, p. 177-195;
« Proto-lndustrialization : the First Phase of the Industrialization Process », JEH, 32,
1972, p. 241-261 ; « Les temps de l'industrie et les temps de l'agriculture. Logique
d'une analyse régionale de la proto-industrialisation », RN, LXIIK248), 1981, p. 21-
33; « Des industries rurales à la proto-industrialisation: historique d'un changement
de perspective», AESC, 39(5), 1984, p. 977-1008.
6. C'est le cas, entre autres, de plusieurs petits moulins à farine et à scie dont l'origine
. remonte parfois au tout début des établissements locaux et dont la capacité unitaire
de production reste bien en deçà de celle des gros moulins et de ceux qui seront
alimentés plus tard par la vapeur; leur insertion dans les circuits du marché est
donc le plus souvent ponctuelle et relative aux surplus saisonniers. Toutefois, cela
ne veut pas dire qu'ils ne satisfont que des besoins locaux: il faut tenir compte ici
de leur nombre et de leur capacité globale de production, surtout qu'après 1815-
1820 on assiste à une réorganisation générale de l'agriculture qui en accroît la
quantité dans l'espace.
7. L'hypothèse de Mendels sur la proto-industrialisation a donné lieu à plusieurs
thèses dont certaines sont très formelles. Ce sont moins ces thèses qui nous
intéressent ici que la notion même de proto-industrialisation : très riche, elle peut
être utile dans l'étude du Bas-Canada. Elle renvoie à toute une série de considéra-
tions dont on trouvera une présentation dans Serge Courville, « Un monde rural en
mutation [...] », HS, XX(40), 1987, p. 237-258.
249
effet, si l'on considère la croissance de la population urbaine et villa-
geoise, celle des engagés du commerce, de l'industrie, du bâtiment, des
services et des transports, on peut se demander dans quelle mesure
cette activité ne satisfait que des besoins domestiques, surtout quand le
volume des récoltes dépasse les besoins du ménage. En outre, on sait
par les témoignages de l'époque quelle demande créent certaines
entreprises, notamment dans le domaine des aliments et des boissons;
peut-on croire que cette demande n'est satisfaite qu'à partir de l'exté-
rieur? On a pourtant l'exemple du contraire dans le village de Sainte-
Thérèse où, selon Bouchette, les brasseries et les distilleries fournissent
aux habitants de l'endroit « an excellent market for the sale of their
barley and rye8 ». Ces adaptations pourront prendre plusieurs formes,
mais elles laisseront toujours l'impression d'une activité intégrée qui
répond assez bien à la demande, une fois saisis les risques qu'entraîne
la quasi-monoculture du blé quand surviennent les difficultés.
Cela ne veut pas dire que l'on assiste alors au progrès général de
l'agriculture et à sa parfaite intégration à l'économie de marché; des
malaises existent, qui limitent sa croissance (accidents climatiques,
augmentation des prix du sol, prélèvements accrus des seigneurs et du
clergé, etc.). Cependant, en dépit des freins imposés à ses performan-
ces, celle-ci se développe en une gamme étendue de profils que
confirme de plus en plus l'historiographie récente et qui nuancent
l'impression d'uniformité laissée pendant longtemps par la littérature
scientifique. Les situations s'avèrent très diverses : certains producteurs
obéissent plutôt à la demande extérieure, d'autres à la demande inté-
rieure, selon la conjoncture et les possibilités du moment, avec tous les
avantages et les inconvénients que cela peut comporter. Certains réus-
sissent à se tailler une place enviable et à acquérir de vastes exploi-
tations, d'autres ne réussissent qu'à consolider le genre de vie tradition-
nel; entre ces deux groupes, il y a tous ceux qui, sans atteindre des
niveaux comparables aux premiers, parviendront à une aisance que bien
des paysans européens envieraient.
L'une des clés pour comprendre certains de ces succès réside
dans les articulations nouvelles qui unissent l'agriculture à l'industrie,
vues sous l'angle de l'approvisionnement des entreprises locales en
matières premières. Pour le petit producteur, c'est souvent là, avec la
foire et le marché de ville ou de village, le palier d'échange le plus
accessible et sans doute aussi le plus rentable, parce que soumis à
8. Joseph Bouchette, A Topographical Dictionary of the Province of Lower Canada,
« Mille Isles ».
250
moins d'intermédiaires. Les correspondances repérées dans l'espace
entre les lieux d'implantation des industries rurales et les aires de
répartition de certains élevages ou de certaines cultures le démontrent9.
C'est que, comme on ne retrouve pas ici de demande semblable à celle
que crée le marché international du textile pour l'Europe (encore que l'on
puisse croire que le blé, la potasse, l'orge, l'avoine, le foin, les chevaux,
le bœuf et le lard salé écoulés' sur le marché impérial et sur les marchés
américain et haut-canadien procurent des revenus intéressants), c'est
vers le marché intérieur surtout qu'il faut se tourner pour comprendre les
rapports qui unissent l'agriculture au marché.
La main-d'œuvre est également un exemple de ces articulations
nouvelles. Dans son article sur les Forges du Saint-Maurice, Roch
Samson a montré quels liens unissaient cette entreprise aux paysans
locaux. D'entrepreneurs-fournisseurs indépendants qu'ils étaient au
XVIIIe siècle, ils sont devenus des employés salariés qui utilisent désor-
mais des moyens de travail fournis par l'entreprise - tel est le cas des
charretiers notamment -, et qui exécutent divers travaux compte tenu
de leur présence sur les lieux10. Cette situation vaut sans doute pour
beaucoup d'entreprises et de secteurs géographiques, mais plus peut-
être pour la région de Montréal où la montée des industries rurales est la
plus vive et la mieux servie par la croissance villageoise. Profitant des
possibilités nouvelles d'emploi que crée l'industrie, beaucoup d'habitants
ou de fils d'habitants trouvent là des occasions de travail qui, outre les
revenus qu'elles procurent, délestent d'autant le poids démographique
des fermes. Il s'agira tantôt d'emplois temporaires, saisonniers le plus
souvent, ou de contrats d'approvisionnement, tantôt d'emplois salariés
permanents qui entraînent une rupture durable avec l'agriculture. Comme
les recensements ne fournissent pas de relevés du nombre d'employés
par entreprise avant le milieu du siècle, il n'est pas facile d'apprécier
l'ampleur réelle du phénomène. Toutefois, si l'on considère le nombre
croissant d'industries dans les campagnes, la poussée d'artisans et de
journaliers que l'on enregistre à l'époque, la place que ceux-ci occupent
dans la population active du village et leur répartition autour des lieux où
se concentrent les industries rurales, notamment dans les paroisses
moins bien nanties du point de vue agricole (celles de la région au nord
de Montréal, par exemple, comparées à celles du Richelieu où l'on
observe une plus grande symbiose journaliers-agriculture), il semble que
9. Voir la figure 14, chapitre 3.
10. Roch Samson, « Une industrie avant l'industrialisation: le cas des Forges du Saint-
Maurice », AS, 10(1), 1986, p. 85-107.
251
ce phénomène soit majeur et qu'il incite plus d'un agriculteur à profiter
des activités d'entretien et de services que ces industries commandent,
ou à opter pour un emploi plus permanent qui les amènera à quitter leur
ancien métier. En 1851, ce passage achève: beaucoup d'entreprises
requièrent alors une main-d'œuvre de plusieurs dizaines, voire de centai-
nes d'employés. Mais c'est sans compter tout l'emploi associé dont
profitent les ruraux et qui, à la différence du travail en fabrique, s'effec-
tue de manière diffuse dans l'espace.
On en a un exemple avec l'artisanat domestique qui, loin de se
limiter à la satisfaction des besoins du ménage, s'ouvre également au
jeu de l'échange, en répondant à la demande que créent le marché et les
industries locales. Plusieurs indices en témoignent, en commençant par
les productions de la ferme, quand elles sont analysées sur une base
nominative et non à partir de données moyennes agrégées par paroisse.
Comme en Europe, on observe ici un grand nombre de producteurs de
laine et d'étoffe (flanelle, étoffe foulée et toile) dont les déclarations sont
éminemment variables (dans les recensements, les chiffres vont de
quelques verges à près d'une centaine, parfois plus, selon les ménages
et les paroisses). En effet, les grandes fermes (pas nécessairement les
ménages nombreux) ont tendance à produire davantage que les petites.
En outre, bien que la plupart des ménages déclarent de telles produc-
tions, nombreux sont ceux qui ne le font pas, ce qui nuance l'idée reçue
de l'origine presque exclusivement domestique du vêtement paysan.
Enfin, il n'y a pas nécessairement de correspondance entre les déclara-
tions de laine et d'étoffe et celles qui se rapportent à l'élevage du
mouton ou aux cultures de lin et de chanvre, ni entre les quantités
déclarées et la taille du cheptel ou le volume des récoltes; beaucoup de
producteurs déclarent les unes sans les autres, ou des productions
supérieures à celles qu'autoriserait normalement leur exploitation. Il
semble que l'on assiste à des spécialisations locales: certains ménages
produisent les matières premières à partir desquelles d'autres fileront ou
tisseront. L'hypothèse peut sembler osée mais, si l'on considère la place
qu'occupent les métiers féminins dans les recensements, elle n'a rien
d'excessif, d'autant que plusieurs chefs de ménage sont des femmes
qui, même en possession d'une terre, ne l'exploitent pas ou que très
peu, et tirent leur revenu d'une autre forme de travail.
C'est le deuxième indice, qui renvoie celui-là à l'état civil et au
profil socioprofessionnel de la population qui habite les côtes et les
bourgs. En 1831, seuls les chefs de famille ou de ménage sont enregis-
trés; pourtant, nombreuses sont les veuves, on l'a vu, qui se déclarent
252
fileuses, couturières ou « tisserannes ». En 1851, les relevés sont plus
précis et laissent voir aussi quantité de jeunes filles ou de jeunes
femmes qui déclarent des métiers relatifs à la mode ou à la fabrication
des vêtements (fileuses, brodeuses, modistes, couturières, etc.). Comme
il s'agit ici de personnes qui vivent encore dans le ménage, on peut
supposer qu'elles exercent un métier rémunéré qui n'a rien à voir avec
les besoins domestiques. On en a un exemple dans le village de Saint-
Eustache, où travaillent plus d'une vingtaine de modistes et de couturiè-
res ainsi réparties dans les ménages en 1851. Fait plus significatif
encore, à Saint-Antoine-de-la-Rivière-du-Loup, on retrouve près d'une
soixantaine d'ouvrières occupées à du travail de broderie sur tissu et sur
cuir, d'orignal notamment. Compte tenu de la population de ce village à
l'époque (environ 600 habitants), c'est très certainement au marché
extérieur que cette production est destinée, ce qui favorise des liaisons
nouvelles avec la ville et probablement aussi avec l'industrie.
Quant au troisième indice, il est fourni par la finalité même des
recensements: sachant qu'ils n'enregistrent qu'un type d'information,
celle qui intéresse l'État, on peut se demander dans quelle mesure celui-
ci se préoccupe des quantités de laine ou d'étoffe produites pour vêtir la
famille. N'est-ce pas là plutôt un signe de l'intérêt qu'il porte au dévelop-
pement industriel et à ses possibilités d'approvisionnement, donc de
croissance? Si cela était, il faudrait modifier non seulement notre vision
de l'artisanat familial, mais également celle de l'équipement nécessaire,
comme le rouet et le métier à tisser. Longtemps perçus comme s'ils ne
répondaient qu'à des besoins domestiques, ils ont contribué à donner
une impression de pauvreté de la société rurale du Bas-Canada et cela,
sans que l'on s'en rende toujours très bien compte tant était forte la
conviction que tout devait se situer le long d'un continuum allant des
sociétés les plus primitives aux plus évoluées. L'ère industrielle et
urbaine au Québec ne s'est amorcée que durant la deuxième moitié du
XIXe siècle avec les progrès du capital et de la technologie; tous les
acquis antérieurs, notamment les machines artisanales, étaient jugées
impuissantes à s'insérer dans les circuits de la production, la vraie!
On peut voir les choses autrement et concevoir le rouet et le
métier à tisser comme des moyens de production dont la famille se
pourvoit pour filer la laine et fabriquer les étoffes demandées par le
marché. Ce n'est plus l'objet ici qui informe, mais le contexte économi-
que et social qui renvoie à un type de société ouverte au changement et
sensible aux stimuli qu'introduisent les échanges. De là à expliquer la
présence de ces machines à la maison, ou la multiplication de celles-ci
253
dans certains ménages, il n'y aurait peut-être qu'un pas que permettrait
de franchir l'étude des inventaires de biens si elle était entreprise sous
cet angle. De là aussi à retrouver d'autres fonctions aux cuisines ou aux
pièces communes, il n'y aurait peut-être, encore là, qu'un pas qu'autori-
serait l'étude des faits de production si elle était réalisée à l'échelle du
ménage.
Sans doute assiste-t-on dans les faits à une coexistence des
fonctions d'échange et de subsistance mais, à côté des ménages qui ne
voient dans les échanges qu'un moyen de consolider le genre de vie
traditionnel, il y a ceux qui en feront bientôt leur principal moyen de
subsistance. Leurs membres ne seront plus des travailleurs familiaux qui
répondent à une demande saisonnière ou sporadique, mais de véritables
salariés qui tireront de leur nouvel emploi des revenus plus ou moins
substantiels, en attendant d'aller grossir les rangs des journaliers, des
employés des services, du bâtiment ou des transports, des commis
d'ateliers, de boutiques ou de fabriques, où ils seront engagés à titre de
fileurs ou de weavers ou, s'il s'agit de femmes, de brodeuses, de
couturières ou de modistes. Et cela, sans compter tous ceux qui
deviendront apprentis en espérant accéder un jour au rang d'artisans.
Toutes proportions gardées, le développement des campagnes au
Bas-Canada apparaît donc assez semblable à celui des contrées où
s'affirme la montée d'une économie de marché, en commençant par la
Nouvelle-Angleterre11 où, à côté d'une croissance urbaine qui s'accélère,
on enregistre une progression similaire du nombre de villages et d'entre-
prises entre 1780 et 1840. En fait, cette comparaison ne tient qu'à demi
en raison des différences de population et de richesse qui séparent les
deux territoires. Mais, sur le plan des structures, on peut se demander
jusqu'où vont ces différences quand sont pondérés les effets de taille
liés à ces écarts, surtout dans la région de Montréal où domine une
importante ville-marché? À elle seule, cette région réunit plus de la
moitié des établissements villageois recensés dans les seigneuries, et la
majorité des plus gros; en outre, elle accueille le plus grand nombre
d'entreprises, parmi les plus variées. Même ailleurs, on observe les
mêmes phénomènes12, dans des proportions moindres sans doute, mais
dont on ne peut faire fi. Rien d'étonnant dès lors à ce que le village, dans
11. J. S. Wood, « Elaboration of A Seulement System : the New England Village in the
Fédéral Period », JHG, 10(4), 1984, p. 331-356.
12. René Hardy, Pierre Lanthier et Normand Séguin, « Les industries rurales et l'exten-
sion du réseau villageois dans la Mauricie pré-industrielle [...] », dans François
Lebrun et Normand Séguin (dir.), Sociétés villageoises et rapports villes-campagnes
[...], p. 239-253.
254
les seigneuries, concentre parfois, selon les endroits et selon les
époques, jusqu'à 20 %, 30 % et même 40 % des ruraux qui trouvent là
tous les services ou presque des petites villes, en tout cas quand le
bourg est de taille respectable. C'est qu'il offre de l'emploi sous des
formes qui, tout en permettant la consolidation des genres de vie
traditionnels, répondent aux besoins nouveaux du marché. En même
temps, il apporte une solution commode aux personnes exclues de
l'agriculture, dont plusieurs finissent par préférer le travail rémunéré aux
durs travaux des champs. Pour elles comme pour toutes celles que la
ville attire, il n'y a souvent qu'un pas que plusieurs franchiront, en
rompant définitivement avec une activité qui de toute façon se transforme
sous l'effet conjugué d'un marché qui s'accroît et d'une pression démo-
graphique qui se relâche.
Mais n'exagérons rien. Même si le Bas-Canada présente à l'épo-
que les traits d'une société qui tend à s'industrialiser, il reste qu'à la
campagne tradition et modernité coexistent. Dans les aires riches en
villages et en industries rurales, on note des signes patents de change-
ment; ailleurs ces indices sont moins nets et nombre de terroirs restent
aux prises avec les hésitations d'une paysannerie encore freinée par sa
mentalité et ses institutions. Cela peut expliquer pourquoi, dans certains
secteurs géographiques précis, l'agriculture s'affermit et croît, et pour-
quoi elle se désagrège ailleurs. Le problème doit être posé à plusieurs
niveaux: celui de la demande qu'engendre l'industrie et dont profitent
les agriculteurs qui disposent des moyens de production suffisants pour
y répondre, celui de l'emploi qu'elle crée et celui de la place qu'occupe
cet emploi dans le contexte particulier de la famille. Pour certains, plus
avantagés par leur situation géographique au sein ou à proximité des
aires de marché, c'est une occasion d'accroître les revenus qui pourront
être investis dans la ferme; pour d'autres, moins bien situés, une façon
de boucler le budget. Pour d'autres encore, ce sera un moyen de
subsistance. Mais quelles que soient les situations individuelles, et elles
sont très diverses, les conséquences sont les mêmes: par-delà les
inévitables différences qui distinguent les régions et les ménages, on fait
l'apprentissage de nouveaux métiers, de nouvelles formes d'habitat et,
surtout, de nouvelles valeurs. C'est toute la migration vers la ville qui se
trouve ainsi préparée et, avec elle, les changements qui conduiront aux
mutations de l'ère industrielle et urbaine.
Cette situation existe jusqu'au début des années 1830, période au
cours de laquelle l'économie des campagnes progresse, stimulée par la
croissance urbaine et villageoise, l'essor des industries rurales et l'exten-
sion générale des échanges entraînée par l'accroissement de la demande
255
sur le marché intérieur. Toutefois, comme tout équilibre, celui-ci est
fragile. Il sera bientôt compromis par toute une série de changements
préparés de longue date, mais qui ne se manifestent vraiment que vers
la fin de la décennie, alors que la concurrence des industries urbaines (et
péri-urbaines) s'accentue et que l'extension des fronts pionniers entraîne
le déplacement des pôles traditionnels de croissance vers d'autres
secteurs géographiques plus avantagés sur le plan des ressources ou de
l'accès au marché. Il en résulte une évolution des fonctions villageoises
et une augmentation du nombre de personnes sans emploi. Ajoutés aux
accidents climatiques et épidémiques de la décennie, à la rareté réelle
ou spéculative des terres et à l'attrait qu'exercent de plus en plus la ville
et le travail salarié sur les masses paysannes, ces facteurs deviennent
bientôt déterminants dans la montée des malaises ruraux. Ressentis par
les agriculteurs de métier, ils le seront également par les artisans et les
journaliers, dont plusieurs épousent la cause patriote13. Avec le temps,
cette évolution s'accélère et l'on assiste à un accroissement du prolé-
tariat rural. Des symbioses demeurent mais qui s'inscrivent dans un
contexte renouvelé. Après les années 1850, l'agriculture entre dans une
nouvelle phase de croissance marquée par l'agrandissement de la pro-
priété foncière et la recherche de nouveaux équilibres. Il s'ensuit une
longue période d'exode rural à destination de la ville et des bourgs où se
concentre désormais l'industrie14. Quant au développement industriel lui-
même, il prendra d'autres voies, plus en rapport avec l'âge urbain qui
s'annonce.
13. À ce sujet, voir Lucie Blanchette-Lessard et Nicole Daigneault-Saint-Denis, « La
participation des groupes sociaux aux rébellions dans les comtés de Laprairie et de
Deux-Montagnes », dans Jean-Paul Bernard (dir.). Les rébellions de 1837-1838: les
patriotes du Bas-Canada dans la mémoire collective et chez les historiens,
p. 327-337.
14. Sur les migrations urbaines, voir, entre autres: Jean-Claude Robert, « Urbanisation
et population: le cas de Montréal en 1861 », RHAF, 35(4), 1982, p. 523-535; France
Gagnon, « Parenté et migration, le cas des Canadiens français à Montréal entre
1845 et 1875 », CH. 1988, p. 63-85.
256
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Plan des limites du village de Saint-Hyacinthe, 1848. MER, Service de l'arpentage, H-6.
Annexe A
MÉTHODOLOGIE DE REPÉRAGE DES BOURGS
DANS LES RECENSEMENTS DE 1831 ET DE 1851-1852
Dans les recensements de 1831 et de 1851-1852, quelques dizaines de
bourgs seulement sont mentionnés, tant dans les listes nominatives que dans
les copies agrégées. Sachant par d'autres sources qu'ils ont été beaucoup plus
nombreux, il a fallu mettre au point une méthodologie de repérage qui permette
de retracer les groupements d'édifices non désignés comme villages par les
commissaires et d'en circonscrire les limites. Cette démarche était d'autant plus
nécessaire que, même pour les bourgs clairement indiqués, il existe parfois des
différences notables de taille entre le périmètre recensé et l'agglomération
réelle, telle que définie par la continuité de son tissu construit. C'est le cas de
Berthier, par exemple, où les limites du bourg débordent largement le périmètre
reconnu par le législateur, lequel ne comprend que quelque 500 personnes en
1831, contre plus du double dans son périmètre physique concret. Ne tenir
compte que du périmètre juridique aurait donc conduit ici à sous-estimer la taille
réelle du bourg. Aussi a-t-il fallu corriger ici l'impression laissée par le recenseur,
en refaisant en quelque sorte le plan du village pour y inclure sa périphérie
immédiate.
Mais qui dit groupement ne dit pas nécessairement village ou début de
village. Pour qu'un rassemblement de maisons ou d'édifices puisse être consi-
déré comme village dans nos travaux, il fallait qu'au moins trois conditions soient
remplies qui, conjuguées, permettaient de conclure à la présence d'un bourg ou
d'un hameau dans l'espace considéré. Concrètement, il fallait déceler la pré-
sence, dans les listes:
1 . d'une structure d'emplacement qui rompt avec la régularité habituelle
des côtes;
2. d'un profil d'activités distinct de celui du territoire environnant;
3. d'équipements à pouvoir structurant et agglomérant dans l'espace.
Puisque la notion centrale est ici celle de contiguïté, l'application de ces
critères a été assez simple, notamment dans le cas des villages mentionnés et
bien circonscrits dans les listes (voir la figure 18). Toutefois, il est arrivé qu'il soit
plus complexe quand par exemple le tissu construit était parsemé de grands lots
ou que l'information était dissociée dans les listes, ce qui donnait l'impression
d'un ensemble de petits bourgs qui n'en formaient qu'un en réalité.
Le recensement de 1831
Le recensement de 1831 présente une particularité qui facilite le repé-
rage des noyaux villageois dans les listes. En effet, contrairement aux recense-
ments de la seconde moitié du siècle, le document présente sur deux feuillets
259
Figure 18
VILLAGE DE SAINTE-ANNE, COMTÉ DE MONTMORENCY (1831)
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Source: ANC, Recensement du Bas-Canada, 1831, bobine C720, folios 371 et 372.
contigus toute l'information recueillie sur les chefs de ménage. Comme la
reconnaissance des noyaux d'habitat groupé repose avant tout sur un critère
d'ordre morphologique, l'exercice consiste d'abord à repérer dans les listes les
structures d'emplacement, c'est-à-dire les pièces de terre déclarées « occu-
pées » par les répondants, mais dont la superficie est de moins d'un ou de deux
arpents. Une fois cette structure établie, il s'agit ensuite de la mettre en rapport
avec les déclarations de métiers ou de professions des chefs de ménage et la
liste d'équipements indiqués dans les listes (moulins, auberges, magasins,
écoles, etc.), puis de délimiter le village, soit au dernier emplacement, soit au
dernier groupe d'emplacements, selon le cas; c'est le travail le plus délicat. S'il
pose moins de difficultés dans la région de Montréal où les bourgs sont en
général assez bien circonscrits dans l'espace, il en pose presque toujours dans
celles de Trois-Rivières et surtout de Québec où l'ancienneté du peuplement a
favorisé l'apparition de villages-rue. Dans ces villages, les grands lots abondent,
ce qui rend d'autant plus difficile la délimitation de leur périmètre. Pour éviter
260
d'en surestimer l'importance dans nos travaux, nous n'avons tenu compte que
de la partie la plus densément construite de ces périmètres, telle que délimitée
par le profil socioprofessionnel de la population et certains équipements de base
tels l'église, les boutiques, les ateliers et les forges, qui présentent à peu près
tous la particularité d'être situés en périphérie du bourg.
En général, l'information est assez continue dans les listes pour que l'on
puisse, du premier coup d'œil, se rendre compte de la présence d'un bourg et le
qualifier: noyaux principaux (seuls noyaux d'une localité, noyau clairement déli-
mité ou noyaux où s'accomplissent les services religieux quand il en existe plus
d'un), noyaux secondaires (second ou troisième noyau d'une localité ou noyaux
où l'on ne rencontre ni lieu de culte, ni moulin, ni fabrique ou manufacture quand
il n'existe aucun autre noyau) ou noyaux-moulins (noyaux qui se développent
dans le voisinage plus ou moins immédiat d'un moulin, d'une fabrique ou d'une
manufacture, mais où l'on n'observe aucune fonction religieuse). Toutefois, il
arrive que cette continuité soit brisée, lorsque par exemple plusieurs individus
participent au dénombrement d'un village ou lorsqu'ils procèdent au dénombre-
ment de la localité côte par côte ou par partie de côte à partir du village. Dans
ces cas, l'information relative au bourg se retrouve dissociée en autant de
sections dans les listes, qu'il faut alors regrouper en ayant recours à des sources
de contrôle: cartes et plans anciens, par exemple, recensements immédiate-
ment antérieurs ou postérieurs à celui qui est exploité, descriptions de l'époque,
papiers seigneuriaux, histoires et monographies locales, etc. Comme la source
unique qui comporterait une information complète sur les bourgs n'existe pas, il
faut faire flèche de tout bois et recueillir une à une les informations disponibles
pour ensuite les comparer entre elles et en dresser un bilan qui nous assurera,
sinon de la parfaite exactitude des données, du moins de leur cohérence. Quant
à la logique de déplacement des recenseurs dans l'espace, elle ressort générale-
ment de l'information relative aux côtes visitées, que l'on peut presque toujours
retracer grâce à une comparaison entre les cartes actuelles de cadastre et les
cartes ou plans anciens de localités.
Cela dit, les difficultés présentées par le recensement de 1831 restent
nombreuses et rendent parfois impossible le repérage des noyaux. Les plus
sérieuses concernent l'aspect physique du document, qui est parfois illisible ou
impossible à décrypter. D'autres concernent la logique d'enregistrement des
données et leur système d'encodage, qui varient considérablement d'un recen-
seur à l'autre, selon leur perception des questions à poser et de la manière d'y
répondre. Enfin, il arrive que des informations essentielles manquent, tels les
noms de côtes ou les superficies déclarées occupées par les chefs de ménage,
ou encore que d'autres soient regroupées en tête de liste plutôt que dans l'ordre
de visite du recenseur, ce qui est le cas notamment de l'information relative aux
seigneurs. Tout cela rend d'autant plus ardu le découpage des noyaux. Toutefois,
pourvu que l'on dispose de sources de contrôle appropriées, celui-ci reste
possible.
261
Le recensement de 1851-1852
Le recensement de 1851-1852 présente d'autres difficultés. En effet,
contrairement à celui de 1831, le dénombrement de 1851 regroupe l'information
en deux relevés distincts. Le premier, le recensement personnel, enregistre tous
les noms des résidents de la localité recensée et pas seulement ceux des chefs
de ménage qu'il devient de ce fait plus difficile de reconnaître. Le second, le
recensement agraire, n'enregistre que les noms des détenteurs de biens-fonds,
sans les membres du ménage déjà enregistrés dans le recensement personnel.
En outre, comme ce recensement est beaucoup plus complet que le précédent,
il pose des difficultés de manipulation qui ne sont pas négligeables.
Sur le plan méthodologique, le repérage des noyaux s'est fait à partir des
mêmes critères qu'en 1831 : présence d'une structure d'emplacement où réside
une population au profil socio-économique distinct et qui accueille divers équipe-
ments à pouvoir structurant et agglomérant dans l'espace. En outre, nous avons
voulu distinguer également entre les noyaux principaux, leur périphérie, les
noyaux secondaires et les noyaux-moulins. Toutefois, comme trop de listes
manquaient, il a fallu ne considérer que les paroisses pour lesquelles on
disposait d'un recensement personnel et analyser chaque cas individuellement,
en refaisant chaque fois la structure locale d'habitat.
Ce travail s'est effectué en diverses étapes, à partir d'abord du recense-
ment personnel dont il fallait en premier lieu vérifier la séquence des folios. En
général, ceux-ci sont consécutifs. Dans le cas contraire, il a fallu les remettre en
ordre, à partir des indices disponibles dans les listes (pagination du recenseur,
informations de haut de page, indications du recensement agraire, etc.) et en
procédant à une reconstitution sommaire des ménages par appariement de
noms. Après cette remise en ordre, nous avons procédé à un premier décou-
page des noyaux. Ce travail s'est effectué sur la base des métiers et des
professions déclarés par les répondants ainsi qu'à partir des mentions de villages
indiquées dans les listes. Dans le cas des villages non désignés par les
recenseurs, une première liste d'emplacitaires était constituée, en regard de
l'information disponible dans les cadastres abrégés de seigneuries et du recen-
sement de 1861, et la présence d'une église ou d'un curé était enregistrée;
parallèlement, une recherche se poursuivait dans le matériel cartographique
disponible (cartes anciennes, plans, cartes actuelles de cadastre) afin d'y retracer
la présence du noyau présumé.
Une fois ce travail terminé, une démarche similaire était faite dans le
recensement agraire, où il s'agissait d'abord de rechercher les structures d'em-
placement pour ensuite en comparer les titulaires à ceux de la liste constituée à
partir du recensement personnel. Dans le cas des villages désignés, ces structu-
res sont en général assez facilement repérables, bien qu'elles puissent être
parfois dissociées quand plusieurs personnes procèdent au recensement. En ce
qui concerne les villages non désignés, les structures peuvent être au contraire
très difficiles à cerner, notamment quand le recenseur convoque les résidents
plutôt que de les visiter. Le problème, alors, est de taille, voire impossible à
262
résoudre. Il a fallu s'en remettre à la seule liste du recensement personnel, ce
qui a restreint d'autant la fiabilité de certains découpages1. Dans les cas plus
simples, on a pu dresser une liste des emplacitaires et la comparer à celle que
l'on avait obtenue à partir du recensement personnel. Il en a résulté une liste
corrigée de résidents, ce qui a permis de procéder au découpage final du bourg
et à la collecte des données sur fiches préimprimées (voir les figures 19 et 20) 2.
Quatre indicateurs ont été retenus dans nos travaux pour nous permettre d'appré-
cier la qualité des découpages : mention d'un village dans l'une ou l'autre partie du
recensement, existence d'un recensement agraire, disposition ordonnée des folios
et noyaux qui s'inscrivent dans une séquence consécutive de folios. Les villages qui
présentaient ces caractéristiques étaient donc ceux dont le découpage était le plus
fiable. On en compte 42 au total, qui correspondent aux villages mentionnés dans
les listes.
Rappelons que cette collecte a été systématique. Toutefois, comme la quantité
d'informations à colliger était élevée, celles-ci ont été agrégées dès le départ par
variable et par bourg ou partie de bourg, pour être placées ensuite sur support
informatique et cumulées par entité, le cas échéant.
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Figure 20
FICHE DE DÉPOUILLEMENT DU RECENSEMENT DE 1851-1852
PROJET VILLAGE - RECENSEMENT 1851
District ^
Paroi sse^^,.
Cote
ComtÔ
REPERAGE DES NOYAUX VILLAGEOIS
. Seigneurie
Village
Bobine
DECOUPAGE
Recensement personnel folio
Recensement agraire folio
INDICES POUR LE REPERAGE ET LA CLASSIFICATION DES NOYAUX
appellation "Village"
□
Séquence des folios
adéquate
□
□
non adéquate
Equipements
église ou curé
moulin
manufacture
autre
□
□
□
mention "Village" r.p.
mention "Village" r.a.
□
D
Emplacitaires repérables dans les cadastres abrégés
Emplacitaires repérables au recensement de 1861
Nombre de maisons au recensement de 1851
Nombre d'emplacements dans les cadastres abrégés
Nombre de maisons au recensement de 1831
TYPE DE NOYAU
HEmassma
REMARQUES
266
FOLIO NUMEROS.
1 Population total* du villaaa..........
2 Coualea unilineuee» ehaf f roneoahone..
3 Couplée unilineuee» ehaf anglophone...
4 CoupIob unilineuee» ehaf autre........
9 Couplée aixtea» chef francophone......
4 Couplée aixtea» ehef anglophone.......
7 CoupIob aixtea» ehaf autre............
8 Profeeeion» état» occupation Imnnmx*).,
9 Lieu de neiaaahce (4iéae feuille).
10 Anglicane ........ . . ....
1 1 Beptiatea..— ._.._..._.____.__......
12 Catholieuea . . .
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14 Protaatanta...........................
17 Autraa dénoainationa.......... ... .
18 Paraonnea-réaidence hora liaitaa (faut
19 0-4 ana
20 7-14 ana
21 HALES 19-18 ana aarléa
22 19-18 ana non aarléa..
23 19-18 vaufa
24 19-21 aariéa
29 19-21 non aariéa
24 19-21 vaufa
27 22-30 aariéa
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28 22-30 non aariéa
29 22-30 vaufa
30 31-40 aariéa
31 31-40 non aariéa....
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32 31-40 veuf a —
33 41 at ♦ aariéa ..
34 él et r non aariéa
39 41 et ♦ veufa ..
36 FEMELLES 0-14 .
37 19-49 aariéea
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...
—
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—
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...
...
...
...
39 19-49 veuvea.. ..
40 46 at ♦ aariéea
42 44 at + veuvea.....
43 BLOC AGREBE 0-14
44 HALES 19-40..
49 41 at +
44 FEHELLES 0-14
47 19-49—
48 44 et ♦
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—
...
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—
32 Réaidania-aeabrea-faaillef feaaea.. .
33 RéBidente-non-aoabrea* hoaaaa.........
34 RéaidentB-non-aeabree» feaaea.........
33 Heabrea-faeille abeenta» hoaaaa.......
34 Haabrea-faaille abeenta» feaaea.......
37 Sourda-auete» hoaaaa..................
38 Sourda-aueta» feaaea........ .......
39 Aveuelee» hoaaaa......................
40 Aveuelee» feaaee....... ......... ......
41 Aliénée» hoaaaa.......................
42 Aliénée» feaaea . ..
43 Ecoliera» hoaaaa. ....... ..............
44 Ecoliera» feaaea......................
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267
PROJET VILLAGE - RECENSEMENT 1851
DISTRICT.
PAROISSE.
COTE.
COMTE
SEISMEURIE.
VILLAGE
BOBINE-
FOLIO NUMEROS-.
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49 Naissances an 1891» hoaaas............
44 Nsissancas an 1891» faaaas ... — ....
47 Décès» hoaaas .
48 Décès» faaaas .. .
49 Maisons-briaua 1 étase
70 2 étases .
71 t da 2 étasas ..
72 Mai sons-Pi a rra i étase . ..
73 2 étasas .
74 ♦ da 2 étasas..........
TOTAL
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79 Maisons-charpente 1 étase
74 2 étasas .
77 -f da 2 étase* •
78 Hsisons-Piacas 1 étase — ..............
79 2 étase*
80 + da 2 étasas..
81 Hsisons-autras 1 étase .. .........
82 2 étasas. ____—..—.—
.....
—
83 r da 2 étasas
84 Maisons 1 famille
89 2 faailles
84 + da 2 f Milles
87 Maisons non habitées.. .. ..........
88 Hsisons en construction .........
89 Boutiaues....... ...... ................
90 Hssssins.. . . . . .....
91 Aube rses . . ..
92 Tavernes—..—. . ........ .
93 Autres services .....................
Description.... .—..——.--—
94 Services non spécifiés................
95 Edifices publics
Description: ......................
94 Edifices-culte snslicsn
97 cstholioue ..........
98 aéthodiste
99 presbvthérien..........
100 autre..................
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102 Employés I
103 Moulins è carder et * fouler. I
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105 Moulins è scie I__
104 Employés I
107 Potssseries et perlssseries I FEUILLE
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108 Employés I 4
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110 Employés I
111 Tsnneries.— ..---.._..___„_. .I_.
112 Employés I
113 Autres I
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119 Occupants-recensement ssrsire.. .......
114 Occupants* 1 lot ou partie de lot .
117 Superficie
11B Occupants? 2 lots ou parties de lot
*** Superficie.. —__....__..._
120 Occupant*: 3 lots ou parties de lot
121 Superfice
122 OccuPsntsM lots ou parties de lot
123 Superficie . ...
124 0ccupsnts:9 lots ou parties de lot
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124 Occupants: r de 9 lots ou parties de lo
268
PROJET VILLAGE — RECEl
DISTRICT
PAROISSE
COTE
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.- NUMEROS
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128 Lots da .1 a 1 araant
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129 Suaarfieia . ;
130 Lots da 1.1 s 10 araants
131 Suaarficia
132 Lots da 10.1 a 100 armants
.....
......
......
133 Suaarficia
134 Lots da + da 100 araants
135 Suaerficla
136 Occupants sans suaarficia déclaréa....
137 ARPENTS an eultura
138 awsnt produit récolta (1851)..
139 »r\ »>âtura«à__.................
140 Jardins at variars.. .._._._,
141 bois dabout ou ineulta........
142 BLE sraants .
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143 ainots . ......
144 0R6E araants
145 ainots . .
146 SEI6LE armants
147 ainota
148 POIS araants
149 ainots... ........ .—.—.._._....
150 AVOINE araants
151 ainots . ... ..
152 BLE SARRAZIN araants
153 ainots...................
134 BLE D'INDE araants
155 ainots
156 PATATES araants
157 ainots... — . .. .........
158 NAVETS araants . .
159 ainots
160 Trèfla»ail at autra fourrsaa» ainots..
161 Carottas
162 Maniai uurtzal
163 Fèvas» ainots.........................
164 Houblon» lbs... .. .
163 Foin» bottas ou tonnas................
166 Lin ou chsnvra» lbs...................
167 Tabac» lbs ... ...—.—
168 Lsina» lbs .
169 Autra
170 Autra
171 Autfa
172 Sucra d'érabla» lbs
173 Cidra» «allons . ... — ...
174 Etoffa fouléa» varias......... ......
173 Toila» varias ... .
176 Flanalla» va r«as........ ....... .......
177 TauraauK» boaufs at bouvillons........
178 Vaehas laitièras
179 Vasux at.iénissss. . ... .
180 ChavauM...............................
181 Moutons.. . . .................
182 Cochons...... .........................
.....
......
183 Baurrra» lbs..........................
184 Froaasa» lbs .. . ..-.-.-.-.
185 Boauf» baril ou ouint. ................
186 Lard» baril ou ouint ... .
187 Ouantlté da aoisson aréaaré .....
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BO UTIQUB5 -MAGAS INS -SERVICE
Equipements commerciaux
ToTrL
Equipements pour la construction
Divers équipements
Fabrication alimentaire
Fabrication bois
Fabrication cuir
Fabrication divers
Fabrication métaux
Fabrication transport
Fabrication vêtement
Hébergement
Services communautaires
Services professionnels
lervices publics
Ecoles
Lieuxie culte
anglican
catholique
méthodiste
presbytérien
autre
MOULINS-MANUFACTURES
Brasseries .distilleries [nombre
employés
Construction navale Inombre
employés
Extraction Inombre
employés"
Fonderies Inombre
employés"
Manufacture nombre
employ
es
Moulin à carder et à fouler nombre *.
Moulin à farine nombre
employés
employés
Moulin à scie nombre
l
employés
Moulin autre Inombre
employés
Potasserie,perlasserie [nombre
employés
Tannerie Inombre
employés
271
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Annexe B
NOYAUX VILLAGEOIS (1815, 1831, 1851)
Situation
Village
District de Montréal
Seigneurie
1815
1831
1815
1831
1851
1851
ARA
ARA
Saint-Raphaël (île Bizard)
île Bizard
1
ARM
ARM
ARM
ARM
Côte-des-Neiges
ÎJe-de-la-Visitation
L'Abord-à-Plouffe (Montréal)
île de Montréal
île de Montréal
île de Montréal
1
ARM
ARM
ARM
ARM
ARM
ARM
ARM
Lachine
Lachine (Upper Lachine)
Longue-Pointe
Mun. de Saint-Louis
(Les Tanneries)
île de Montréal
île de Montréal
île de Montréal
île de Montréal
1
1
1
ARM
ARM
ARM
Pointe-aux-Trembles
île de Montréal
1
1
ARM
ARM
ARM
ARM
Pointe-Claire
Rivière-des-Prairies
île de Montréal
île de Montréal
1
1
ARM
ARM
ARM
ARM
Saint-Laurent
Saint-Michel
Sainte-Anne
île de Montréal
île de Montréal
île de Montréal
1
ARM
ARM
Sainte-Geneviève
île de Montréal
1
ARM
ARM
Sault-au-Récollet
île de Montréal
1
ARJ
ARJ
L'Abord-à-Plouffe (Saint-Martin)
île Jésus
1
1 *
ARJ
ARJ
Saint-François-de-Sales
île Jésus
1
ARJ
ARJ
Saint-Martin
île Jésus
1
1 *
ARJ
ARJ
Saint-Vincent-de-Paul
île Jésus
1
ARJ
ARJ
Sainte-Rose
île Jésus
1
ARA
ARA
Sainte-Jeanne (île Perrot)
île Perrot
1
Total
3
15
22
PI
PI
Saint-Polycarpe
Nouvelle-Longueuil
1
PN
PN
PN
Baie-de-Rigaud (Pointe-Fortune)
Bingham
Rigaud
Rigaud
1
PN
PN
PN
PN
PI
Rigaud
Sainte-Madeleine-de-Rigaud (NS)
Sainte-Marthe
Rigaud
Rigaud
Rigaud
K
1
PS
PS
Les Cascades
Soulanges
1
1 *
PS
PS
PS
Les Cèdres
Soulanges
1
1
1 *
PS
Saint-Ignace «Caserns»
Soulanges
(e)
PS
Saint-Ignace (Côte «Range»)
Soulanges
PS
PS
Saint-Ignace (Coteau-du-Lac)
Soulanges
1
PN
PN
PN
Vaudreuil
Vaudreuil
1
1
PN
PN
Vaudreuil (continuation)
Vaudreuil
1
Total
3
8
12
Al
La Visitation (île du Pads)
île du Pads
RNF
Carillon
Argenteuil
RNA
Lachute
Argenteuil
RNF
RNF
Saint-André-d 'Argenteuil
Argenteuil
1
RNF
RNF
RNF
Berthier
Berthier
1
1
273
Situation
1815
1831
1851
Village
Saint-Cuthbert
Seigneurie 1815
1831
1851
RNI
RNI
Berthier
1
RNI
RNI
RNA
Saint-Cuthbert (Pierreville) (NS)
Saint-Félix-de-Valois (NS)
Berthier 1
De Ramsay
RNI
RNI
Belle-Rivière
Deux-Montagnes
RNI
RNI
RNI
RNF
Saint-Benoît
Saint-Hermas
Saint-Placide
Deux-Montagnes
Deux-Montagnes
Deux-Montagnes
RNI
RNI
Sainte-Scholastique
Deux-Montagnes
RNI
RNI
Saint-Barthélémy
Dusablé
1 *
RNI
Achigan (NM A)
L'Assomption
RNF
RNF
RNF
L'Assomption
L'Assomption 1
RNF
RNF
Repentigny (Grande-Assomption)
L'Assomption
1 *
RNF
RNF
Repentigny (Grande-Côte)
L'Assomption
1 *
RNF
RNI
Repentigny (NM)
Ruisseau-des-Anges
L'Assomption
L'Assomption
RNA
RNA
Saint-Ours-du-Saint-Esprit
L'Assomption
1 *
RNI
Saint-Roch (hameau)
(sud de la rivière)
L'Assomption
RNI
RNI
RNI
Saint-Roch (village)
L'Assomption 1
1 *
RNF
RNF
Lachenaie
Lachenaie
RNI
RNI
RNI
Petite-Mascouche
Rapide-Mascouche
Lachenaie
Lachenaie
1 *
RNI
RNI
Saint-Henri-de-Mascouche
Lachenaie
RNA
RNA
RNA
Saint-Lin
Saint-Félix-de-Valois
Lachenaie
Lanoraie
RNF
RNF
Saint-Joseph-de-Lanoraie
Lanoraie
RNI
RNI
Saint-Thomas
Lanoraie
RNI
RNI
Sainte-Elisabeth
Lanoraie
RNF
RNF
Saint-Antoine-de-Lavaltrie
Lavaltrie
RNA
RNI
Saint-Paul-d' Industrie
Lavaltrie
RNA
RNI
RNI
Saint-Paul-de-Lavaltrie (NP)
Saint-Paul-de-Lavaltrie (NS)
Lavaltrie
Lavaltrie
RNI
RNI
Saint-Janvier (Côte-Saint-Pierre)
Mille-Îles
(augmentation)
1
RNA
RNI
RNI
RNI
Saint-Jérôme
(sud de la Rivière-du-Nord)
Saint-Jérôme
(hameau du Cordon)
Saint-Janvier
Mille-Îles
(augmentation)
Mille-Îles
(augmentation)
Mille-Îles (Blainville)
RNI
RNI
Sainte-Thérèse
Mille-Îles (Blainville)
1
RNI
RNI
Saint-Augustin
Mille-Îles (Dumont)
1
RNF
RNF
RNF
Saint-Eustache
Mille-Îles (Dumont) 1
1
RNAE
Hameau de la Côte-du-Moulin
Petite-Nation
RNAE
RNAE
RNAE
RNAE
Notre-Dame-de-Bonsecours
Presqu'île du Grand-Camp
Saint-André-Avellin
Petite-Nation
Petite-Nation
Petite-Nation
1 *
RNI
RNI
Achigan (L'Epiphanie) (NM B)
Saint-Sulpice
1
1 *
RNA
RNA
Lac-Ouareau
Saint-Sulpice
1
RNA
RNA
Saint-Alexis
Saint-Sulpice
1
RNA
RNA
Saint-Jacques
Saint-Sulpice
1
RNF
RNF
Saint-Sulpice
Saint-Sulpice
1
1 *
RNA
RNI
RNA
Sainte-Anne-des-Plaines
Sainte-Sophie (Lacorne)
Terrebonne
Terrebonne
1
RNF
RNF
RNF
Terrebonne
Terrebonne 1
1
Total
6
38
50
274
Situation
Village
Mission du Lac
1815 1831
1851
VN
Seigneurie
VN VN
(Deux-Montagnes)
Deux-Montagnes
RSI
Howick
Beauharnois
RSF
Melocheville
Beauharnois
RSF
RSF
Saint-Clément (Beauharnois)
Beauharnois
RSA
Saint-Jean-Chrysostome
Beauharnois
RSI
Saint-Louis-de-Gonzague (CD
Beauharnois
RSI
Saint-Louis-de-Gonzague (C5)
Beauharnois
RSI
Saint-Malachie (Ormstown) (NP)
Beauharnois
RSI
Saint-Malachie (NS, CD
Beauharnois
RSI
Saint-Malachie (NS, C5)
Beauharnois
RSF
Saint-Timothée
Beauharnois
RSI
Saint-Urbain
Beauharnois
RSI
RSI
Sainte-Martine
Beauharnois
RSV
RSV
Belœil
Belœil
RSI
Sainte-Julie
Belœil
RSV
RSV
Christieville (Saint-Athanase)
Bleury
RSI
Saint-Alexandre
Bleury
RSF RSF
RSF
Boucherville
Boucherville
RSF
RSF
Varennes
Cap-Saint-Michel
RSV
RSV
Canton Chambly
Chambly
RSV RSV
RSV
Saint-Joseph (Chambly)
Chambly
RSV
RSV
Saint-Mathias
Chambly
RSV
RSV
Saint-Mathias (NM A, CD
Chambly
RSV
RSV
Saint-Mathias (NM B, C2)
Chambly
RSF
RSF
Châteauguay
Châteauguay
RSI
Saint-Isidore
Châteauguay
RSI
Sainte-Philomène (NP)
Châteauguay
RSI
Sainte-Philomène (NS)
Châteauguay
RSF
RSF
Contrecœur
Contrecœur
RSV
RSV
Saint-Antoine
Contrecœur
RSA
Burtonville
De Léry
RSV
RSV
Napierville
De Léry
RSV
RSV
Saint-Paul (île aux Noix)
De Léry
RSV
Saint-Valentin
De Léry
RSA
RSA
Saint-Hugues
De Ramzay
RSVA
Clarenceville
Foucault
RSVA
Saint-Bernard-de-Lacolle
Lacolle
RSF RSF
RSF
Laprairie
Laprairie
RSF
Laprairie
(hameau Côte-Saint-François)
Laprairie
RSI
RSI
Saint-Philippe
Laprairie
RSI
RSI
Saint-Rémi
La Salle
RSF R$F
RSF
Longueuil
Longueuil
RSV RSV
RSV
Saint-Jean (Dorchester)
Longueuil
RSV
Saint-Luc
Longueuil
RSI
Sainte-Marguerite (Blairfindie)
Longueuil
RSI
RSI
Marieville
Monnoir
RSI
Saint-Grégoire
Monnoir
RSI
Saint-Bruno
Montarville
RSV
RSV
Noyan (Henryville)
Noyan
RSV
Noyan (C2, 3)
Noyan
RSI
RSI
Saint-Jean-Baptiste (de Rouville)
Rouville
RSVA
Abbott-Comers
Saint-Armand
1815 1831 1851
1 1
275
Situation
Village
Seigneurie
1815
1831
1851
1815
1831
1851
RSVA
RSVA
RSVA
Frelighsburg
Saint-Armand
1
1
RSVA
RSVA
RSVA
Philipsburg
Saint-Armand
1
1
RSVA
RSVA
Philipsburg (hameau) (C3)
Pidgeon-Hill
Saint-Armand
Saint-Armand
1
RSV
RSV
Saint-Charles
Saint-Charles
1
1 *
RSV
RSV
RSV
Saint-Denis
Saint-Denis
1
1
1 *
RSV
Saint-Denis (hameau) (C2)
Saint-Denis
1
RSV
RSV
Saint-Hilaire
Saint-Hilaire
1
1 *
RSV
RSV
Saint-Hilaire
(Mont-Saint-Hilaire) (NM)
Saint-Hilaire
1
1 *
RSI
RSI
La Présentation
Saint-Hyacinthe
1
1 *
RSA
RSI
Saint-Césaire
Saint-Hyacinthe
1
RSA
RSI
RSI
Saint-Damase
Saint-Dominique
Saint-Hyacinthe
Saint-Hyacinthe
1
1
RSA
RSI
RSI
RSI
RSI
RSI
Saint-Hyacinthe
Saint-Paul-d'Abbotsford
Saint-Pie (NM)
Saint-Pie (hameau sur la rivière)
Saint-Hyacinthe
Saint-Hyacinthe
Saint-Hyacinthe
Saint-Hyacinthe
1
1
1
RSA
RSI
RSI
Saint-Pie (NP)
Saint-Patrick-de-Sherrington
Saint-Hyacinthe
Saint-James
1
RSV
RSV
Saint-Marc
Saint-Marc
1
1 *
RSA
RSI
Saint-Jude (Michaudville)
Saint-Ours
1
RSF
RSF
RSF
Saint-Ours (NP)
Saint-Ours
1
1
RSF
Saint-Ours (NS)
Saint-Ours
1
RSF
RSF
Saint-Constant
Sault-Saint-Louis
1
RSF
RSF
RSF
Sorel
Sorel
1
1
RSF
Sorel (chantiers)
Sorel
(e)
RSF
RSF
RSF
Verchères
Verchères
1
1
1 *
RSF
RSF
Verchères (NM)
Verchères
1
Total
13
48
72
VS
VS
VS
Caughnawaga
Sault-Saint-Louis
1
1
1
TOTAL DU DISTRICT DE MONTRÉAL
27
111
159
District de Trois-Rivières
RNF
RNF
Sainte-Geneviève
Batiscan
1
RNF
RNF
RNA
La Visitation (Champlain)
Saint-Paulin
Champlain
Dumontier
1
RNF
RNF
Saint-Joseph-de-Maskinongé
(NP)
Maskinongé
1
RNF
RNF
Saint-Joseph-de-Maskinongé
(NS)
Maskinongé
1
RNF
RNF
RNF
Pointe-du-Lac
Pointe-du-Lac
1
RNF
RNF
RNF
RNI
RNA
Rivière-du-Loup
Sainte-Ursule
Saint-Barnabe
Rivière-du-Loup
Rivière-du-Loup
Saint-Barnabe
1
RNA
RNI
RNI
Les Forges
Saint-Étienne
1
RNF
RNF
RNF
Sainte-Anne-de-la-Pérade
Sainte-Anne
1
RNA
RNI
Saint-Léon-le-Grand
Yamachiche
1
RNF
RNF
RNF
Yamachiche
Yamachiche
1
Total
5 10
13
RSF
RSF
RSF
Baie-Saint-Antoine
Baie-Saint-Antoine
1
RSF
RSF
RSF
Bécancour
Bécancour
1
276
Situation
1815
1831
1851
Village
Saint-David (C20)
Seigneurie
RSA
Bourg-Marie-Est
RSA
Saint-David (NM)
Bourg-Marie-Est
RSI
Saint-Zéphirin
Courval
RSF
RSF
Gentilly
Gentilly
RSI
RSI
RSI
Saint-Grégoire (NP)
Godefroy
RSI
RSI
Saint-Grégoire (NS)
Godefroy
RSF
RSF
RSF
Nicolet
Nicolet
RSI
Sainte-Monique
Nicolet
RSI
RSI
Pierreville
Saint-François
RSF
RSF
Saint-Pierre-les-Becquets
Saint-Pierre-
les-Becquets
RSI
RSI
Yamaska (NP)
Yamaska
RSI
Yamaska (NS)
Total
Yamaska
VS
VS
VS
Abénaquis
Bécancour
VS
Bécancour
Total
Bécancour
1815
1831
TOTAL DU DISTRICT DE TROIS-RIVIÈRES
1
1
1
1
1
1
1
1
1
1
4
10
1
1
1
1
10
21
1851
13
1
1
2
28
District de Québec
RNF
RNF
RNF
RNF
Beauport
Baie-Saint-Paul (NM)
Beauport
Beaupré
1
1
RNF
RNF
Baie-Saint-Paul (NP)
Beaupré
1
RNF
RNF
RNF
Château-Richer
Château-Richer (hameau) (CD
Beaupré
Beaupré
1
RNF
RNF
L'Ange-Gardien
Beaupré
1
RNF
RNF
RNF
Saint-Joachim
Saint-Joachim (NM)
Beaupré
Beaupré
1
RNF
RNF
RNA
Sainte-Anne (de Beaupré)
Saint-Raymond
Beaupré
Bourg-Louis
1
RNF
RNF
Deschambault
Deschambault
1
RNF
RNF
RNA
Saint-Augustin
Sainte-Catherine
Desmaures
Fossambault
1
RNF
RNF
Cap-Rouge
Gaudarville
1
RNF
RNF
Grondines (NP)
Grondines
G
1
RNF
RNF
RNF
Grondines (NS)
Les Éboulements
Grondines
Les Éboulements
1
RNF
RNF
Les Écureuils
Les Écureuils
1
RNF
RNF
La Malbaie (Nairne)
Murray Bay
1
RNF
RNF
RNF
Pointe-au-Pic
Saint-lrénée
Murray Bay
Murray Bay
1
RNI
RNI
RNI
Charlesbourg
Notre-Dame-
des-Anges
1
1
1
RNI
Petit Village
Notre-Dame-
des-Anges
1
RNF
RNF
RNF
Petite Rivière Saint-Charles
Notre-Dame-
des-Anges
1
1
1
RNF
RNF
RNF
RNAE
Neuville
Portneuf (Mille-Vaches)
Pointe-aux-Trembles
Portneuf
(Mille-Vaches)
1
1
1
1
RNF
RNF
RNF
Cap-Santé
Portneuf
1
1
1
277
Situation
1815
RNI
VN
RSF
RSF
1831
1851
Village
Seigneurie
RNF
Cap-Santé (noyau) (C3)
Portneuf
RNF
RNF
Cap-Santé (NM)
Portneuf
RNI
RNI
Ancienne-Lorette (CD
Saint-Gabriel
RNI
Ancienne-Lorette (C2)
Saint-Gabriel
RNI
Ancienne-Lorette (C3, 4, 5)
Saint-Gabriel
RNI
Ancienne-Lorette (C4)
Saint-Gabriel
RNI
Hamelville
Saint-Gabriel
RNI
RNI
Saint-Ambroise
(Côte-Saint-Antoine)
Saint-Gabriel
RNA
Saint-Gabriel-de-Valcartier
Saint-Gabriel
RNF
Bridge Water Cove
Sillery
RNF
RNF
Côte-de-Sillery
Sillery
RNF
Noyau Chemin-Saint-Louis
Sillery
RNF
RNF
Noyau Chemin-Sainte-Foy
Sillery
RNF
Sillery Cove
Sillery
RNF
Union Cove
Total
Sillery
VN
VN
Jeune-Lorette
Saint-Gabriel
RSF
RSF
Beaumont
Beaumont
RSI
RSF
Saint-Charles
Beaumont
RSF
Saint-Étienne-de-Beaumont
Beaumont
RSA
RSI
Saint-Gervais
(Faubourg-du-Moulin)
Beaumont
RSF
RSF
Berthier
(Notre-Dame-de-l 'Assomption)
Berthier
RSAE
Le Bic
Le Bic
RSF
RSF
L'Islet
Bonsecours
RSF
RSF
Cacouna
Cacouna (Le Parc)
RSI
Saint-Arsène
Cacouna (Le Parc)
RSF
Deschaillons (NP)
Deschaillons
RSF
Deschaillons (NS, CD
Deschaillons
RSF
RSF
Cap-Saint-Ignace
Gamache
RSI
Sainte-Hélène
Grandville
RSI
Saint-Éloi
Île-Verte
RSF
Île-Verte
Île-Verte
RSA
RSI
Sainte-Claire (NP)
Jolliet
RSA
Sainte-Claire (NS)
Jolliet
RSI
Saint-Alexandre
Kamouraska
RSF
RSF
Saint-André-de-Kamouraska
Kamouraska
RSF
RSF
Saint-Louis-de-Kamouraska
Kamouraska
RSI
RSI
Saint-Pascal (NM)
Kamouraska
RSI
RSI
Saint-Pascal (NP)
Kamouraska
RSI
RSI
Saint-Pascal (NS)
Kamouraska
RSF
Lauzon (total)
Lauzon
RSI
RSI
Saint-Anselme
Lauzon
RSI
RSI
Saint-Henri
Lauzon
RSI
RSI
Saint-Jean-Chrysostome
Lauzon
RSF
RSF
Saint-Joseph-de-Lévis (NP)
Lauzon
RSF
RSF
Saint-Joseph-de-Lévis (NS)
Lauzon
RSF
RSF
Saint-Nicolas
Lauzon
RSAE
Sainte-Luce
Lepage
RSAE
Sainte-Flavie
Lepage
RSA
RSI
Saint-Gervais (CD
Livaudière
1815
1831
1
1
23
1
1
1
1851
(e)
278
Situation
Village
Saint-Gervais (C2)
Seigneurie 1815
1831
1815 1831
1851
1851
RSI
Livaudière
RSA
Saint-Lazare
Livaudière
RSF
RSF
Lotbinière (NP)
Lotbinière
1
1 *
RSF
RSF
Lotbinière (Leclercville) (NS)
Lotbinière
1
1 *
RSAE
Matane (NP)
Matane
RSAE
Matane (NS)
Matane
RSAE
Mitis (Dé Peiras)
Mitis 1
RSAE
Saint-Simon
Nicolas-Rioux
RSAE
Rimouski
Rimouski
RSF
Rivière-Ouelle (Brise-Culotte)
Rivière-Ouelle
1
RSF
Rivière-Ouelle (Grand-Coteau)
Rivière-Ouelle
1
RSF
RSF
Rivière-Ouelle (NP)
Rivière-Ouelle
1
RSI
RSI
Rivière-Ouelle (NS)
Rivière-Ouelle
1
RSI
Saint-Pacôme
Rivière-Ouelle
RSF
RSF
Rivière-du-Loup (Fraserville)
Rivière-du-Loup
1
RSF RSF
RSF
Montmagny (Saint-Thomas)
Rivière-du-Sud 1
1
RSI
RSI
Saint-François (Rivière-du-Sud)
Rivière-du-Sud
1
RSI
RSI
Saint-Pierre
Rivière-du-Sud
1
RSI
Saint-Thomas (noyau) (C3)
Rivière-du-Sud
RSI
Saint-Thomas (noyau) (C4)
Rivière-du-Sud
RSF
RSF
Saint-Antoine-de-Tilly
Saint-Antoine-de-Tilly
1
RSF
Saint-Antoine-de-Tilly (NM)
Saint-Antoine-de-Tilly
1
RSF
Saint-Denis
Saint-Denis
RSI
RSI
Saint-François
Saint-François
1
RSA
Saint-Gilles (hameau) (C3)
Saint-Gilles
RSA
Saint-Gilles (NP)
Saint-Gilles
RSA
Saint-Sylvestre
Saint-Gilles
RSF
Saint-Jean-Port-Joli
(hameau sur le fleuve)
Saint-Jean-Port-Joli
RSF
RSF
Saint-Jean-Port-Joli
Saint-Jean-Port-Joli
1
RSF
RSF
Trois-Saumons
Saint-Jean-Port-Joli
1
RSI
RSI
Saint-Joseph (Beauce)
Saint-Joseph
1
RSF RSF
RSF
Saint-Michel-de-Bellechasse
Saint-Michel 1
1
RSF RSF
RSF
Saint-Roch-des-Aulnaies
Saint-Roch-
des-Aulnaies 1
1
RSF RSF
RSF
Saint-Vallier (CD
Saint-Vallier 1
1
RSI
RSI
Saint-Vallier (C4)
Saint-Vallier
1
RSF RSF
RSF
Sainte-Anne (NP)
Sainte-Anne-de-la-
Pocatière 1
1
RSF
RSF
Sainte-Anne (NS)
Sainte-Anne-de-la-
Pocatière
1
RSF
RSF
Sainte-Croix
Sainte-Croix
. 1
RSI
Saint-Elzéar (Côte-Sherbrooke)
Sainte-Marie
RSI
Saint-Elzéar (Côte-Saint-Jacques)
Sainte-Marie
RSI
RSI
Sainte-Marie
Sainte-Marie
1
1 *
RSF
RSF
Trois-Pistoles (NP)
Trois-Pistoles
1
RSF
Trois-Pistoles (NS)
Trois-Pistoles
Total
8
46
69
IO
IO
Saint-Jean (NP)
île d'Orléans
1
IO
IO
Saint-Laurent (NP)
île d'Orléans
1
IO
Saint-Laurent (NS)
île d'Orléans
1
IO
IO
Saint-Pierre (NM)
île d'Orléans
1
IO
IO
Saint-Pierre (NP)
île d'Orléans
1
IO
IO
Sainte-Famille (NP)
île d'Orléans
1
1 *
IO
IO
Sainte-Famille (NM)
île d'Orléans
1
Total
0
7
6
279
Situation
Village
Seigneurie
1815
1831
1815
1831
1851
1851
IN
IN
IS
Saint-Louis
Saint-Antoine
île-aux-Coudres
île-aux-Grues
1
1 *
1
TOTAL DU DISTRICT DE QUEBEC
16
78
119
TOTAL DES SEIGNEURIES
53
210
306
* Noyau non signalé dans la source mais dont l'existence est connue par d'autres documents,
(e) : Noyau existant inclus dans le noyau principal.
Sources : Joseph Bouchette, Description topographique de la province du Bas-Canada, 1815; ANC, Recensements
du Bas-Canada, 1831 et 1851-1852.
280
Annexe C
POPULATION VILLAGEOISE (1815, 1831, 1851)
% de francophones*
Situation
Village
1815 1831
1851
1831
1851
District de Montréal
AR
Saint-Raphaël (île Bizard)
22
177
100,00
100,00
AR
Côte-des-Neiges
AR
Île-de-la-Visitation
50
83,33
AR
L'Abord-à-Plouffe (Montréal)
118
84,21
AR
Lachine
1 077
55,56
AR
Lachine (Upper Lachine)
161
100,00
AR
Longue-Pointe
235
61,76
AR
Mun. de Saint-Louis (Les Tanneries)
995
71,52
AR
Pointe-aux-Trembles
336
88,89
AR
Pointe-Claire
450
90,00
AR
Rivière-des-Prairies
100
100,00
AR
Saint-Laurent
438
89,23
AR
Saint-Michel
133
90,91
AR
Sainte-Anne
258
89,19
AR
Sainte-Geneviève
696
99,18
AR
Sault-au-Récollet
458
93,15
AR
L'Abord-à-Plouffe (Saint-Martin)
212
100,00
AR
Saint-François-de-Sales
92
217
100,00
100,00
AR
Saint-Martin
255
96,23
AR
Saint-Vincent-de-Paul
346
639
94,92
100,00
AR
Sainte-Rose
361
515
95,77
100,00
AR
Sainte-Jeanne (île Perrot)
138
107
92,00
100,00
Total
1 426
7 160
96,24
83,27
PI
Saint-Polycarpe
80
357
66,67
86,54
PI
Baie-de-Rigaud (Pointe-Fortune)
90
211
0,00
53,57
PI
Bingham
152
89,47
PI
Rigaud
189
506
88,24
88,41
PI
Sainte-Madeleine-de-Rigaud (NS)
86
94,12
PI
Sainte-Marthe
67
63,64
PI
Les Cascades
103
70,59
PI
Les Cèdres
292
77,78
PI
Saint-Ignace « Caserns »
51
0,00
PI
Saint-Ignace (Côte « Range »)
120
100,00
PI
Saint-Ignace (Coteau-du-Lac)
293
249
68,00
88,10
PI
Vaudreuil
274
433
97,67
89,36
PI
Vaudreuil (continuation)
110
494
62,50
42,25
Total
1 431
2 726
74,07
75,13
IN
La Visitation (île du Pads)
28
100,00
RN
Carillon
349
30,23
RN
Lachute
340
10,87
RN
Saint-André-d ' Argenteuil
531
1 073
29,41
48,63
RN
Berthier
1 025
1 413
88,89
87,76
RN
Saint-Cuthbert
98
196
100,00
100,00
281
% de francophones4
Situation Village
RN
Saint-Cuthbert (Pierreville) (NS)
RN
Saint-Félix-de-Valois (NS)
RN
Belle-Rivière
RN
Saint-Benoît
RN
Saint-Hermas
RN
Saint-Placide
RN
Sainte-Scholastique
RN
Saint-Barthélémy
RN
Achigan (NM A)
RN
L'Assomption
RN
Repentigny (Grande-Assomption)
RN
Repentigny (Grande-Côte)
RN
Repentigny (NM)
RN
Ruisseau-des-Anges
RN
Saint-Ours-du-Saint-Esprit
RN
Saint-Roch (hameau) (sud de la rivière)
RN
Saint-Roch (village)
RN
Lachenaie
RN
Petite-Mascouche
RN
Rapide-Mascouche
RN
Saint-Henri-de-Mascouche
RN
Saint-Lin
RN
Saint-Félix-de-Valois
RN
Saint-Joseph-de-Lanoraie
RN
Saint-Thomas
RN
Sainte-Elisabeth
RN
Saint-Antoine-de-Lavaltrie
RN
Saint-Paul-d'industrie
RN
Saint-Paul-de-Lavaltrie (NP)
RN
Saint-Paul-de-Lavaltrie (NS)
RN
Saint-Janvier (Côte-Saint-Pierre)
RN
Saint-Jérôme (sud de la Rivière-du-Nord)
RN
Saint-Jérôme (hameau du Cordon)
RN
Saint-Janvier
RN
Sainte-Thérèse
RN
Saint-Augustin
RN
Saint-Eustache
RN
Hameau de la Côte-du-Moulin
RN
Notre-Dame-de-Bonsecours
RN
Presqu'île du Grand-Camp
RN
Saint-André-Avellin
RN
Achigan (L'Epiphanie) (NM B)
RN
Lac-Ouareau
RN
Saint-Alexis
RN
Saint-Jacques
RN
Saint-Sulpice
RN
Sainte-Anne-des-Plaines
RN
Sainte-Sophie (Lacorne)
RN
Terrebonne
Total
VN
Mission du Lac (Deux-Montagnes)
RS
Howick
RS
Melocheville
1815
1831
1851
1831
1851
85
53
100,00
77,78
275
157
90,38
68,97
258
244
194
41
91,30
91,18
92,59
85,71
125
299
95,65
97,62
119
91,30
64
100,00
888
1 064
89,33
96,95
95
88,89
219
74,51
75
38
83,33
100,00
389
100,00
120
96,43
274
92,00
146
199
100,00
100,00
140
87
77,78
76,92
271
461
96,36
100,00
130
181
87,50
100,00
203
203
34
95,45
100,00
100,00
105
273
96,00
100,00
178
215
100,00
100,00
210
93,02
202
261
29
100,00
100,00
100,00
55
110
100,00
100,00
80
445
52
232
73,68
98,67
100,00
96,00
487
1 129
92,08
n. d.
241
100,00
832
783
52
313
35
74
83,33
85,96
0,00
73,81
66,67
100,00
100
92,86
51
39
90,00
85,71
64
184
100,00
100,00
465
706
97,65
99,07
215
93,33
178
209
174
97,37
96,88
36,36
871
1 170
94,89
97,04
9 864
13 111
88,63
85,46
635
625
300
14,95
100,00
96,00
282
% de francophones*
Situation
Village 1815 1831
1851
1831
1851
RS
Saint-Clément (Beauharnois)
393
874
79,52
n.d.
RS
Saint-Jean-Chrysostome
350
75,00
RS
Saint-Louis-de-Gonzague (CD
180
97,06
RS
Saint-Louis-de-Gonzague (C5)
106
94,44
RS
Saint-Malachie (Ormstown) (NP)
429
40,00
RS
Saint-Malachie (NS, CD
22
0,00
RS
Saint-Malachie (NS, C5)
43
100,00
RS
Saint-Timothée
387
87,72
RS
Saint-Urbain
88
94,12
RS
Sainte-Martine
92
565
100,00
90,14
RS
Belœil
105
369
80,95
98,15
RS
Sainte-Julie
112
100,00
RS
Christieville (Saint-Athanase)
713
1 294
86,40
82,76
RS
Saint-Alexandre
37
100,00
RS
Boucherville
501
904
n. d.
91,28
RS
Varennes
500
667
97,70
96,39
RS
Canton Chambly
654
49,41
RS
Saint-Joseph (Chambly)
443
1 190
n. d.
82,44
RS
Saint-Mathias
379
345
93,10
96,00
RS
Saint-Mathias (NM A, CD
63
82
87,50
85,71
RS
Saint-Mathias (NM B, C2)
65
89
90,91
81,25
RS
Châteauguay
921
1 188
82,07
81,71
RS
Saint-Isidore
257
100,00
RS
Sainte-Philomène (NP)
101
100,00
RS
Sainte-Philomène (NS)
63
80,00
RS
Contrecœur
148
100,00
RS
Saint-Antoine
130
95,00
RS
Burtonville
RS
Napierville
729
80,29
RS
Saint-Paul (île aux Noix)
193
171
82,35
44,00
RS
Saint-Valentin
97
81,25
RS
Saint-Hugues
59
91,67
RS
Clarenceville
267
0,00
RS
Saint-Bernard-de-Lacolle
743
58,12
RS
Laprairie
1 302
1 758
81,57
85,94
RS
Laprairie (hameau Côte-Saint-François)
63
0,00
RS
Saint-Philippe
31
87,50
RS
Saint-Rémi
117
706
91,30
92,11
RS
Longueuil
418
1 427
n.d.
85,64
RS
Saint-Jean (Dorchester)
878
2916
n.d.
64,14
RS
Saint-Luc
159
77,78
RS
Sainte-Marguerite (Blairfindie)
466
95,56
RS
Marieville
160
92,31
RS
Saint-Grégoire
162
96,15
RS
Saint-Bruno
312
97,78
RS
Noyan (Henryville)
32
0,00
RS
Noyan (C2, 3)
84
25,00
RS
Saint-Jean-Baptiste (de Rouville)
154
241
100,00
100,00
RS
Abbott-Corners
69
20,00
RS
Frelighsburg
214
173
0,00
9,68
RS
Philipsburg
333
519
0,00
0,00
RS
Philipsburg (hameau) (C3)
57
0,00
RS
Pidgeon-Hill
100
0,00
RS
Saint-Charles
310
97,01
RS
Saint-Denis
691
94,66
283
% de francophones4
Situation
Village
Saint-Denis (hameau) (C2)
1815
1831
1851
1831
1851
RS
179
100,00
RS
Saint-Hilaire
106
100,00
RS
Saint-Hilaire (Mont-Saint-Hilaire) (NM)
232
94,59
RS
La Présentation-
54
100,00
RS
Saint-Césaire
263
500
84,31
92,11
RS
Saint-Damase
113
205
95,45
100,00
RS
Saint-Dominique
178
96,55
RS
Saint-Hyacinthe
1 018
2 820
94,32
89,53
RS
Saint-Paul-d'Abbotsford
30
20,00
RS
Saint-Pie (NM)
48
100,00
RS
Saint-Pie (hameau sur la rivière)
58
100,00
RS
Saint-Pie (NP)
192
815
97,67
95,65
RS
Saint-Patrick-de-Sherrington
92
61,54
RS
Saint-Marc
263
91,89
RS
Saint-Jude (Michaudville)
168
173
94,74
100,00
RS
Saint-Ours (NP)
469
542
97,73
n. d.
RS
Saint-Ours (NS)
174
96,97
RS
Saint-Constant
132
202
92,00
100,00
RS
Sorel
1 500
1 063
3 424
58,52
n. d.
RS
Sorel (chantiers)
51
14,29
RS
Verchères
478
95,83
RS
Verchères (NM)
60
69
100,00
100,00
Total
1 500
15 242
30 189
81,93
79,00
VS
Caughnawaga
900
1 050
1 259
10,26
n.d.
TOTAL DU DISTRICT DE MONTRÉAL
2 400
29 648
55 098
80,17
81,13
District de Trois-Rivières
RN
Sainte-Geneviève
RN
La Visitation (Champlain)
RN
Saint-Paulin
RN
Saint-Joseph-de-Maskinongé (NP)
RN
Saint-Joseph-de-Maskinongé (NS)
RN
Pointe-du-Lac
RN
Rivière-du-Loup
RN
Sainte-Ursule
RN
Saint-Barnabe
RN
Les Forges
RN
Sainte-Anne-de-la-Pérade
RN
Saint-Léon-le-Grand
RN
Yamachiche
Total
RS
Baie-Saint-Antoine
RS
Bécancour
RS
Saint-David (C20)
RS
Saint-David (NM)
RS
Saint-Zéphirin
RS
Gentilly
RS
Saint-Grégoire (NP)
RS
Saint-Grégoire (NS)
RS
Nicolet
61
154
81,82
100,00
25
262
80,00
100,00
22
100,00
405
263
95,65
95,00
47
288
100,00
95,35
150
218
96,88
93,33
307
623
91,07
90,91
155
100,00
123
88,89
335
397
88,33
97,01
252
386
85,00
93,22
83
195
100,00
96,43
365
480
94,12
86,89
2 030
3 566
92,10
94,14
194
88,24
70
586
92,31
98,73
124
100,00
89
77,78
23
100,00
125
86,96
129
380
100,00
96,61
26
60
100,00
100,00
647
94,92
284
% de francophones*
Situation
Village 1815 v 1831
1851
1831
1851
RS
Sainte-Monique
195
96,55
RS
Pierreville
61
88,24
RS
Saint-Pierre-les-Becquets
67
242
81,25
94,12
RS
Yamaska (NP)
112
89,47
RS
Yamaska (NS)
33
100,00
Total
1 464
1 699
92,55
96,69
RS
Marieville
160
92,31
VS
Abénaquis
332
236
0,00
100,00
VS
Bécancour
57
n.d.
Total
332
293
0,00
n.d.
TOTAL DU DISTRICT DE TROIS-RIVIÈRES
0 3 826
5 558
88,61
95,01
District de Québec
RN
Beauport
RN
Baie-Saint-Paul (NM)
RN
Baie-Saint-Paul (NP)
RN
Château-Richer
RN
Château-Richer (hameau) (CD
RN
L'Ange-Gardien
RN
Saint-Joachim
RN
Saint-Joachim (NM)
RN
Sainte-Anne (de Beaupré)
RN
Saint-Raymond
RN
Saint-Augustin
RN
Deschambault
RN
Sainte-Catherine
RN
Cap-Rouge
RN
Grondines (NP)
RN
Grondines (NS)
RN
Les Éboulements
RN
Les Écureuils
RN
La Malbaie (Nairne)
RN
Pointe-au-Pic
RN
Saint-lrénée
RN
Charlesbourg
RN
Petit Village
RN
Petite Rivière Saint-Charles
RN
Neuville
RN
Portneuf (Mille-Vaches)
RN
Cap-Santé
RN
Cap-Santé (noyau) (C3)
RN
Cap-Santé (NM)
RN
Ancienne-Lorette (CD
RN
Ancienne-Lorette (C2)
RN
Ancienne-Lorette (C3, 4, 5)
RN
Ancienne-Lorette (C4)
RN
Hamelville
RN
Saint-Ambroise (Côte-Saint-Antoine)
RN
Saint-Gabriel-de-Valcartier
RN
Bridge Water Cove
RN
Côte-de-Sillery
418
77,11
86
100,00
259
337
94,64
100,00
122
152
100,00
94,74
42
66,67
58
133
93,33
0,00
70
209
92,31
100,00
23
100,00
91
58
100,00
100,00
38
100,00
77
107
93,75
92,31
106
100,00
54
37,50
89
182
66,67
38,46
55
100,00
43
100,00
25
100,00
71
83,33
196
313
62,50
85,00
86
277
66,67
79,49
115
100,00
294
339
96,55
94,74
365
73,53
169
676
96,88
98,04
400
89,66
193
246
96,55
91,18
34
75,00
130
360
91,30
92,86
92
97
100,00
66,67
76
81,82
245
100,00
47
100,00
50
60,00
249
96,49
31
20,00
200
63,64
174
332
31,58
285
75,44
% de francophones4
Situation Village
1815
1831
RN
Noyau Chemin-Saint-Louis
RN
Noyau Chemin-Sainte-Foy
RN
Sillery Cove
RN
Union Cove
Total
VN
Jeune-Lorette
RS
Beaumont
RS
Saint-Charles
RS
Saint-Étienne-de-Beaumont
RS
Saint-Gervais (Faubourg-du-Moulin)
RS
Berthier (Notre-Dame-de-l' Assomption)
RS
Le Bic
RS
L'Islet
RS
Cacouna
RS
Saint-Arsène
RS
Deschaillons (NP)
RS
Deschaillons (NS, CD
RS
Cap-Saint-Ignace
RS
Sainte-Hélène
RS
Saint-Éloi
RS
Île-Verte
RS
Sainte-Claire (NP)
RS
Sainte-Claire (NS)
RS
Saint-Alexandre
RS
Saint-André-de-Kamouraska
RS
Saint-Louis-de-Kamouraska
RS
Saint-Pascal (NM)
RS
Saint-Pascal (NP)
RS
Saint-Pascal (NS)
RS
Lauzon (total)
RS
Saint-Anselme
RS
Saint-Henri
RS
Saint-Jean-Chrysostome
RS
Saint-Joseph-de-Lévis (NP)
RS
Saint-Joseph-de-Lévis (NS)
RS
Saint-Nicolas
RS
Sainte-Luce
RS
Sainte-Flavie
RS
Saint-Gervais (CD
RS
Saint-Gervais (C2)
RS
Saint-Lazare
RS
. Lotbinière (NP)
RS
Lotbinière (Leclercville) (NS)
RS
Matane (NP)
RS
Matane (NS)
RS
Mitis (De Peiras)
RS
Saint-Simon
RS
Rimouski
RS
Rivière-Ouelle (Brise-Culotte)
RS
Rivière-Ouelle (Grand-Coteau)
RS
Rivière-Ouelle (NP)
RS
Rivière-Ouelle (NS)
RS
Saint-Pacôme
250
49
3 456
173
297
75
55
40
284
101
311
116
23
213
545
175
20
96
52
85
631
986
108
443
195
70
48
198
65
218
111
1851
1831
1851
50
42,86
150
90,00
70,23
500
26,47
200
77,42
6 184
84,41
80,96
218
80,56
n. d.
755
93,59
98,23
418
100,00
100,00
69
100,00
208
100,00
100,00
258
100,00
100,00
138
94,12
606
93,18
88,89
270
100,00
97,37
101
100,00
196
100,00
101
100,00
813
92,16
100,00
65
100,00
43
100,00
441
100,00
100,00
85,48
100
100,00
481
96,97
89,74
94,92
349
100,00
100,00
94,12
97,92
3 702
95,65
93,04
286
100,00
76,67
89,89
80,00
82,28
97,67
252
97,06
83
100,00
349
94,74
97,23
84
100,00
144
90,00
100,00
100,00
193
68,97
36
100,00
126
100,00
454
97,06
100,00
87,50
323
100,00
96,88
133
100,00
100,00
65
100,00
286
% de francophones4
Situation Village
RS
Rivière-du-Loup (Fraserville)
RS
Montmagny (Saint-Thomas)
RS
Saint-François (Rivière-du-Sud)
RS
Saint-Pierre
RS
Saint-Thomas (noyau) (C3)
RS
Saint-Thomas (noyau) (C4)
RS
Saint-Antoine-de-Tilly
RS
Saint-Antoine-de-Tilly (NM)
RS
Saint-Denis
RS
Saint-François
RS
Saint-Gilles (hameau) (C3)
RS
Saint-Gilles (NP)
RS
Saint-Sylvestre
RS
Saint-Jean-Port-Joli (hameau sur le fleuve)
RS
Saint-Jean-Port-Joli
RS
Trois-Saumons
RS
Saint-Joseph (Beauce)
RS
Saint-Michel-de-Bellechasse
RS
Saint-Roch-des-Aulnaies
RS
Saint-Vallier (CD
RS
Saint-Vallier (C4)
RS
Sainte-Anne (NP)
RS
Sainte-Anne (NS)
RS
Sainte-Croix
RS
Saint-Elzéar (Côte-Sherbrooke)
RS
Saint-Elzéar (Côte-Saint-Jacques)
RS
Sainte-Marie
RS
Trois-Pistoles (NP)
RS
Trois-Pistoles (NS)
Total
10
Saint-Jean (NP)
10
Saint-Laurent (NP)
10
Saint-Laurent (NS)
10
Saint-Pierre (NM)
10
Saint-Pierre (NP)
10
Sainte-Famille (NP)
10
Sainte-Famille (NM)
Total
IN
Saint-Louis
IS
Saint-Antoine
TOTAL DU DISTRICT DE QUÉBEC
1815 1831
1851
1831
1851
415
998
67,12
88,32
500 475
1772
93,51
96,03
65
193
100,00
96,00
56
536
92,86
98,78
81
100,00
183
100,00
125
615
88,00
97,73
30
80,00
141
100,00
30
85,71
40
0,00
186
60,71
167
50,00
82
100,00
100
332
92,86
100,00
92
176
94,44
92,31
49
104
91,67
100,00
216
709
92,31
100,00
318
430
93,33
100,00
146
238
92,00 .
100,00
59
125
100,00
100,00
247
510
100,00
95,12
145
160
86,96
100,00
116
316
94,12
85,00
35
100,00
58
100,00
303
95,08
132
368
100,00
96,55
236
100,00
500 8 680
20 433
90,53
94,53
227
435
88,24
100,00
39
116
90,00
100,00
80
94,74
100,00
85
49
87,50
100,00
57
44
100,00
100,00
45
100,00
100,00
37
37
87,50
100,00
570
681
91,06
100,00
55
100,00
205
100,00
750 12 934
27 721
88,73
91,71
TOTAL DES SEIGNEURIES
3 150
46 408
88 377
83,34
85,85
* Estimation basée sur le nombre de chefs de ménage dont le nom est d'origine française en 1831 et sur le
nombre de couples unilingues francophones en 1851-1852.
n. d.: non disponible.
Sources: Joseph Bouchette, Description topographique de la province du Bas-Canada, 1815; ANC, Recensements
du Bas-Canada, 1831 et 1851-1852.
287
Annexe D
PRINCIPALES MENTIONS* DE MÉTIER, DE PROFESSION, D'ÉTAT
ET DE STATUT DANS LES RECENSEMENTS DE VILLAGES
(1831, 1851)
1831
1851
agent
agent
agent commerçant of Hudson Bay
agent de la seigneurie
agent du seigneur
agent général du chemin de fer
agents généraux et d'assurance
agent interprète
agent road
agriculteur
agriculteur-fermier
ancien charpentier
ancien cultivateur
ancien cultivateur
ancien forgeron
ancien instituteur
ancien marchand
ancien meunier
ancien pilote
ancien pilote et cultivateur
(apareur)
apprenti
apprenti boulanger
apprenti chapelier
apprenti charpentier
apprenti charron
apprenti constructeur de moulins
apprenti cordonnier
apprenti ferblantier
apprenti forgeron
apprenti imprimeur
apprenti mécanicien
apprenti menuisier
apprenti meublier
apprenti meunier
apprenti peintre
apprenti pilote
apprenti sellier
apprenti tailleur
apprenti tanneur
apprenti voiturier
apprentie servante
architecte
architecte
armurier
armurier
arpenteur
arpenteur
arpenteur paysagiste
arrimeur
arrimeur
artiste
assistant
288
1831
1851
aubergiste
avocat
assistant-curé
assistante
attachée
aubergiste
aubergiste forgeron
auctioneer
auxiliaire d'école
avocat
avocat et cultivateur
avocat procureur
baillé
baillif
barbier
batelier
bêcheur
bedeau (bedeaut)
boucher
boulanger
bourgeois
brasseur
brewer
brick maker
briqueur
baillif
baillis
baker
baker and graver
bar keeper
barbier et coiffeur
bardolleur
batelier
bedeau (bedeaut)
bedeau et agriculteur
bedeau et cultivateur
bedeau et ouvrier
blacksmith
book keeper
border
boucher
boulanger
bourgeois
bourgeois et cultivateur
bourgeois et rentier
bourgeoise
boyeur
brachineau
brasseur
brewer
brick layer
brick man
brick wich man
brickler
briquetier
briquetier et cultivateur
briqueur
brodeuse
broker
bruwer
bûcheron
butcher
cabaretier
cabinet maker
calfat
calfuteur
cabinet maker
calfat
calfuteur
289
1831
1851
capitaine
cardeur
chair maker
chaloupier
chantre
chapelier
charbonnier
chargeur
charpentier
charpentier et aubergiste
charretier
charron
charroyeur d'eau
chasseur
chef indien
chirurgien
chirurgien seigneur
capitaine
capitaine de bateaux à vapeur
capitaine de milice
capitaine de steamer
capitaine de va.
capt. m. et agriculteur
capt. m. marchand et agriculteur
cardeur et agriculteur
cardeur fouleur
cardeur scieur
cardeuse
carpenter
carpenter and farmer
carrier
carriéreur
carrossier
carter
chair maker
chaisier
chaloupier
chanteuse
chantier
chantre
chapelier
chargeron
charpentier
charpentier de navire
charretier
charrieur d'eau
charron
charron et cultivateur
charron et peintre
charroyeur
chartier
chasseur
chauffeur
chaumier
chimist
clerc
clerc de charpentier
clerc de notaire
clerc d'arpenteur
clerc d'avocat
clerc en droit
clergyman
clerk
clerk court
clerk of Hudson Bay
clothier
290
1831
1851
colleur
colporteur
commerçant
commis
commissaire
commissaire des lochs
commissionnaire
confiseur
congrégation
clothier et cardeur
cloutier
cocher et jardinier
collecteur
collecteur de canal
collecteur des douanes
collector
collector of customs
colleur
colporteur
colporteur-engagé
commerçant
commerçant de bois
commerçant et navigateur
commerçante
commis
commis comptable
commis marchand
commissary
commissaire
commissaire agent
commissionnaire
compagnon
compagnon cordonnier
compagnon forgeron
compagnon menuisier
compagnon voiturier
conducteur
conducteur de malles
confiseur
connétable
conseiller
constructeur
constructeur de moulins
constructeur de moulins
contracteur
contracteur
contractor
contremaître
cook
cooper
corailleur
cordier
cordonnier
cordonnier
cordonnier compagnon
cordonnier et marchand
cordonnière
corroyeur
corroyeur
corter
coseigneur
coseigneur
coseigneuresse
coupeur de vitres
courrier
courrier
couturier
couturière
couturière
couturière et fileuse
couvreur
couvreur
291
1831
couvreur de bardeaux
cuisinier
cultivateur
curé
1851
couvreur de bardeaux
cuisinière
cuisinière au couvent
cultivateur
cultivateur et charron
cultivateur et cordonnier
cultivateur et forgeron
cultivateur et marchand
cultivateur et pilote
cultivateur et voiturier
cultivateur servant
cultivateur, écuyer, capitaine
cultivatrice
curé
cutler
directeur
directeur du collège
distilleur
distributeur
docteur
donateur
douairière
dresseur
écuyer
encanteur
demoiselle
dentiste
diacre professeur
directrice
directrice d'école
doctor
doctor of physics
domestique
donateur
drapier
dress maker
driver
ecclésiastique professeur
écolier
écolière
économe
écrivain
écuyer
écuyer médecin
écuyer notaire
écuyer seigneur
enfant
engagé
engagé-cultivateur
engagée
engagère
engineer
enseignant
enseignante
entrepreneur
épouse
292
1831
1851
étudiant en droit
étudiant en médecine
esq. agent
étrangère
étudiant
étudiant en droit
étudiant en médecine
étudiant notaire
étudiante
ex-marchand
fabricant de papier
fabricant d'huile
faiseur de chaises
faiseur de roues
farinier
farmer
feilleur
ferblantier
fermier
fileuse
fille
fondeur
fondeur de cuivre
forgeron
fabricant
fabricant
fabricant
fabricant
fabricant
fabricant
fabricant
fabricant
de bardeaux
de harnais
de moulins
de papier
de pièces
de rouet
de verre
d'allumettes
frotteur
facteur
facteur de drap
faiseur de formes
farmer
farmer and graver
farteur d'allumettes
femme
femme de journée
femme de notaire
(fénéant)
ferblantier
fermier
fermière
ferry man
fesseur de brosses
fileuse
fille
fille de chambre
fille de confiance
fils
fireman
fondeur
forgeron
forgeron et cultivateur
forgeron et fondeur
forgeron et marchand
(forman)
french caleur
frère général supérieur
fugitive slave
garde
gardien
gardien des barrières
293
1831
1851
gardien des casernes
gardien du pont
gardienne
gentilhomme
gentleman farmer
gentlewoman
gourne
greffier
habitant
hatter
horloger
huilier
huissier
huxter
H. P. de l'armée
gardien du pont
gardien d'écluses
gardner
gentilhomme
gentleman
glass father
gouvernante
govemor of Hudson Bay
graineur
grand voyer
graver
graveur
greffier
greffier c. court
grocer
grocerie
grocery
guide des cages
habitant
handler
harness maker
hastler
horloger
hospitalière
hôtel keeper
hôtelier
hôtelier et huissier
hôtelière
house keeper
house man
huissier
huissier et cordonnier
ingénieur
inn keeper
instituteur
institutrice
interprète
invalide
imprimeur
indépendant
indépendante
ingénieur
inn keeper
inspecteur
inspecteur mesureur
instituteur
instituteur notaire
institutrice
institutrice privée
294
1831
1851
jardinier
joiner
journalier
journalier et pêcheur
journalière
juge de paix
jardinier
jobbeur
journalier
journalier et cultivateur
journalière
juge
juge de paix
jumeau
kiln-man
k.l. house
labourer
laquais
laveur
laveuse
lieutenant
linner
machiniste
maçon
maître de poste
manchonnier
manufacturer
marchand
marchand et aubergiste
marchand et chapelier
labourer
labourer and carpenter
laboureur
laddler
(laïcs et régent)
land woiter and seacher
laveuse
libraire
lieutenant-colonel
locataire
loch maker
lockman
lumberman
machiniste
maçon
magistrat
maire de la ville
maison de pension (propriétaire de)
maître de grève
maître de poste
maître meunier
major
major m. et ancien cultivateur
manchonnier
manufacturier
manufacturier de formes
maquignon
marchand
marchand de bois
marchand et agriculteur
marchand et aubergiste
marchand et boulanger
marchand et cordonnier
marchand et cultivateur
marchand et épicier
marchand et hôtelier
295
1831
1851
matelot
médecin
mendiant
mendiante
menuisier
mercière
mesanneur
meublier
meunier
miller
millwright
mineur
ministre
ministre presbytérien
missionary
modiste
mouleur
marchand et tanneur
marchande
marchande publique
maréchal
marquetier
mason
mason cooper
mécanicien
médecin
médecin chirurgien
meliner
ménagère
ménagère du curé
mendiant
mendiante
menuisier
menuisier et charpentier
menuisier et compagnon
menuisier et cordonnier
menuisier et cultivateur
menuisier et entrepreneur
menuisière
merchant
merchant and tailor
métable
meublier
meublier et cultivateur
meunier
militaire
miller
millwright
milret
minister
ministre anglican
ministre baptiste
ministre épiscopalien
ministre of church
missionnaire
modeuse
modiste
moirite
moudronnier
moulder
mouleur
musicien
musicienne
M. P.P. (militaire)
navigateur
navigateur et cultivateur
296
1831
1851
navigateur et matelot
négociant
négociant et cultivateur
notaire
notaire
notaire et cultivateur
notaire et seigneur
notaire registrateur nourrice
novice
novice religieuse
N.P. (militaire)
officier
officier de douane
officier de poste
officier demi-paie
opérateur de télégraphe
orfèvre
orfèvre
organiste
ouvrier
ouvrier
ouvrier menuisier
panetier
paper maker
papetier
parsonnier
passager
passager
passagère
pâtissier
pauvre
pauvre
peager
pêcheur
pêcheur
pêcheur et tonnelier
pedleur
peintre
peintre
pensionnaire
pensionner
physician
pilote
pilote
pilote de steamboat
pilote et agriculteur
pilote et cultivateur plasterer
plâtrier
post master
postier
postier
postillon
postillon
postulante
postulante religieuse
potassier
potassier
potier
potier
poulieur
poulieur
précepteur
prêtre
premier chef
presbit congrégation
prêtre
prêtre apt. directeur
prêtre apt. procureur
prêtre professeur
297
1831
1851
propriétaire de diligence
propriétaire terrien
prêtre supérieur
prêtre vicaire
préventive officer
professeur
propriétaire
proprio
protégée
pute
ramancheur
reed maker
regrattier
religieuse
rentier
revendeuse
sabotier
saddler
sage-femme
sauvage
savonnier
sawyer
scieur
scieur de long
scieur de pierre
sculpteur
seigneur
sellier
serviteur
shoe maker
raftsman
recenseur général
régent de l'académie
régistrateur
régistrateur du comté
régistrateur, marchand, notaire
religieuse
religieuse supérieure
rentier
rentier et cultivateur
rentière
revendeur
revendeuse
road survey
sabotier
secrétaire
sacristain
saddler
sage-femme
scieur
scieur de long
scieur de pierre
sculpteur
seamstress
secrétaire trésorier
seigneur
seigneur et notaire
seigneuresse
sellier
séminariste
sergent
serrurier
servante
serviteur
serviteur et journalier
shériff
shoe keeper
shoe maker
shoe man
298
1831
1851
stone cutter
sœur (religieuse)
soldat
soldier
souffleur
speculator
spinster
stage driver
stone mason
stone reeper
student
sup. intendant of canal Lachine
supérieur des Forges
supérieur du couvent
surveillant
surveillor of customs
surveyor
tabaconiste
tailleur
tanneur
tavern keeper
tin smith
tisserand
tisserande
tisseranne
tonnelier
tourneur
trader
trafiquant
traversier
tabaconiste
tailleur
tailleur de pierre
tailleuse
tailor
tanner
tanner and currier
tanneur
tanneur et domestique
tanneuse
tavern keeper
tenant pension
teneur de maison de pension
tisserand
tisseranne
toll gâte gardner
toll gâte keeper
tonnelier
tourneur
trader
travaille sur la ligne
traversier
T.P. (militaire)
undertaker
veuve
viager
viagère
vicaire
voiturier
voyageur
veilleur
vendeuse
vétérinaire
veuf
veuve
vicaire
voiturier
voiturier et charron
voyageur
299
1831
wheelwright
workman
yeoman
Total d'intitulés : 224
1851
watchmaker
weaver
weslyan minister
wheelwright
worker
yeoman
Total d'intitulés: 574
* Les mentions sont celles des listes nominatives de recensement.
Sources : ANC, Recensements du Bas-Canada, 1831 et 1851-1852.
300
Annexe E
ÉQUIPEMENTS ÉCONOMIQUES ET SOCIAUX (1851)
ATELIERS, BOUTIQUES'
commerce
construction
divers
Fabrication
alimentaire
bois
apothicaire
armurier
commerçant
foire
grocerie
Hudson's Bay house office and store
librairie
magasin
magasin de fourrure
magasin et auberge
magasin modeste
marchand
marchand et forgeron
marché
pharmacie
store
charpentier
constructeur de moulins à battre
contracteur
maçon
menuisier
menuisier et charpentier
menuisier et voiturier
peintre
barbier
bedeau
bourgeois
cultivateur
gentilhomme
gentleman
journalier
laboureur
ministre
ouvrier
shop court room
abattoir
boucherie
boulangerie
pâtissier et cordonnier
boutique de rouets
cabinet maker
chair shop
chaise
meublier
sculpteur
tonnelier
wood work shop
cuir cordonnier
cordonnier et journalier
cordonnier et tailleur
saddle
sellier
shoe shop
tanner and currier
tanneur
divers atelier artiste peintre
atelier de daguerréotypes
atelier de potier
fabricant d'allumettes
fabrique de poterie
imprimerie
mécanicien
orfèvre
serrurier
métaux blacksmith
ferblantier
fondeur
forge
forgeron
forgeron et menuisier
tinsmith
transport chaloupier
charron
voiturier
voiturier et charron
wheelwright
vêtements chapelier
manchonnier
mode/modiste
seamstress
tailleur
MAISONS D'HÉBERGEMENT, DÉBITS DE BOISSONS
auberge
aubergiste
hôtel
hôtel de tempérance**
maison de pension
maison de tempérance**
taverne***
302
EQUIPEMENTS DE SERVICES
communautaires
>rofessionnels
bibliothèque
maison de fabrique
maison de pompe à eau
maison de providence
presbytère
public hall
salle d'audience
salle des conseils
salle des habitants
salle publique
architecte
office de médecin
office de notaire
physician
CHANTIERS, FABRIQUES, MANUFACTURES,
MOULINS
brasseries/
distilleries
brasserie
store brewery
construction navale chantier
extraction
fonderies
brique et chaux
briqueterie
carrière
chantier de bois
fonderie
foundry
manufacture de charrue et
fonderie
)ublics
bureau d'enregistrement
bureau des douanes
collector's office
court house
masonic hall and court house
palais de justice
post office
rehabite house
manufactures de chaises et autres meubles
de charrues
de drap
de drap, étoffe et satinette
de fer
de formes
de formes à souliers
de moulins à battre
écoles et maisons
d'enseignement
lieux de culte
maison de barrière
poste de péage
poste et télégraphe
quai
quai pour ferry
steamboat house
tool gâte
académie
collège
couvent
école
maison d'école
anglican
autre
catholique
méthodiste
presbytérien
moulins à fouler,
à carder
moulins à farine
moulins à scie
moulins autres
potasserie et
perlasserie
moulin à carder
moulin à fouler
moulin à fouler et à carder
millwright
fourneau à «grâler» le grain
moulin à scie
moulin à battre et à scier le bois
moulin à battre le grain
moulin à farine et à carder
moulin à papier
moulin à scie et à carder
moulin à vert
moulin (non spécifié)
potasserie
tanneries
tannerie
* Mentions formelles ou en référence au métier ou au statut de la personne recensée.
** À relier aux services publics, découle des campagnes de tempérance de l'époque, par opposition aux autres
débits de boissons.
*** À relier aux équipements de commerce, correspond aux magasins de « liqueurs fortes ».
Source : ANC, Recensement du Bas-Canada, 1851-1852.
303
Annexe F
STRUCTURE DE LA MAIN-D'ŒUVRE (1831
(en % du nombre de déclarations)
1851)
Paroisse
District
MT St-Raphaël (île Bizard)
MT Ste-Jeanne (île Perrot)
MT St-François-de-Sales
MT Ste-Rose
MT St-Vincent-de-Paul
MT St-Polycarpe
MT Ste-Madeleine-de-Rigaud
MT Ste-Madeleine-de-Rigaud
MT Vaudreuil
MT St-Michel-de-Vaudreuil
MT St-lgnace
MT St-Jacques
MT St-Alexis
MT St-Jacques
MT St-Jérôme
MT Ste-Anne-des-Plaines
MT St-Antoine-de-Lavaltrie
MT St-Joseph-de-Lanoraie
MT Berthier
MT Lachenaie
MT L'Assomption
MT Terrebonne
MT St-Eustache
MT St-André
MT St-Paul-de-Lavaltrie
MT Ste-Élisabeth
MT St-Cuthbert
MT Ste-Scholastique
MT St-Benoît
MT St-Janvier
MT Ste-Scholastique
MT St-Armand-Est
MT St-Armand-Ouest
MT Ste-Martine
MT St-Joachim
MT Laprairie
MT Varennes
MT St-Damase
MT St-Hyacinthe
MT St-Césaire
MT St-Constant
MT St-Jean-Baptiste
MT St-Rémi
MT St-Mathias
MT St-Mathias
MT St-Mathias
MT St-Athanase
MT Belceil
MT St-Valentin
MT Mission
QC St-Jean (île d'Orléans)
QC St-Laurent (île d'Orléans)
QC St-Pierre (île d'Orléans)
QC St-Pierre (île d'Orléans)
QC Ste-Famille (île d'Orléans)
QC L'Ange-Gardien
304
Commerce
Fabrication
Village
1831
0,00
1851
1831
1851
St-Raphaël
4,17
0,00
8,33
Ste-Jeanne
4,00
0,00
12,00
6,90
St-François
0,00
0,00
5,88
3,39
Ste-Rose
2,78
4,17
12,50
11,81
St-Vincent-de-Paul
1,69
2,67
18,64
11,33
St-Polycarpe
26,67
11,96
20,00
21,74
Rigaud
5,71
11,29
25,71
9,68
Baie-de-Rigaud (Pointe-Fortune)
7,14
3,51
14,29
7,02
Vaudreuil
6,98
9,09
13,95
12,12
Vaudreuil (continuation)
6,25
6,94
18,75
16,67
St-lgnace (Coteau-du-Lac)
4,00
10,42
26,00
18,75
Lac-Ouareau
0,00
0,00
40,00
66,67
St-Alexis
,00
15,38
28,57
10,26
St-Jacques
3,61
9,09
13,25
23,64
St-Jérôme
10,53
5,56
42,11
21,43
Ste-Anne-des-Plaines
5,56
4,69
5,56
14,06
Lavaltrie
0,00
3,85
2,63
19,23
Lanoraie
0,00
6,45
6,82
29,03
Berthier
4,06
8,56
19,80
17,34
Lachenaie
3,45
5,45
6,90
14,55
L'Assomption
4,49
12,23
21,91
27,34
Terrebonne
4,62
4,49
19,08
21,35
St-Eustache
5,70
5,43
26,58
21,09
St-André
7,84
6,62
28,43
27,15
St-Paul
7,50
7,69
20,00
38,46
Ste-Élisabeth
12,50
7,46
25,00
20,90
St-Cuthbert
0,00
3,51
35,00
8,77
Belle-Rivière
0,00
4,17
36,00
14,58
St-Benoît
8,70
7,35
21,74
13,24
St-Janvier (Côte-St-Pierre)
0,00
0,00
13,33
14,29
Ste-Scholastique
13,04
7,37
21,74
23,16
Frelighsburg
30,30
7,02
33,33
31,58
Philipsburg
8,00
8,60
32,00
50,54
Ste-Martine
18,18
12,02
13,64
35,52
Châteauguay
4,83
2,28
8,97
6,84
Laprairie
9,02
12,33
19,61
13,40
Varennes
3,45
9,17
20,69
21,67
St-Damase
9,09
8,00
27,27
24,00
St-Hyacinthe (ville)
8,09
8,79
23,70
25,27
St-Césaire
7,84
14,05
33,33
26,49
St-Constant
12,00
2,22
28,00
17,78
St-Jean-Baptiste
3,45
6,90
6,90
27,59
St-Rémi
8,70
3,05
21,74
17,77
St-Mathias
5,26
7,94
19,30
11,11
St-Mathias (NM A)
0,00
6,67
37,50
26,67
St-Mathias (NM B)
0,00
7,69
18,18
30,77
Christieville
3,20
8,64
14,40
18,85
Belceil
20,00
7,41
20,00
17,59
St-Paul (île aux Noix)
3,33
22,22
6,67
11,11
Mission du Lac
0,95
1,03
2,86
5,15
St-Jean
0,00
2,75
15,69
18,35
St-Laurent
10,00
5,71
60,00
31,43
St-Pierre
0,00
7,69
27,27
30,77
St-Pierre (NM)
0,00
0,00
6,25
12,50
Ste-Famille (NM)
0,00
7,69
12,50
15,38
L'Ange-Gardien
0,00
2,86
20,00
31,43
Professions
Trans
port
1851
8,33
Agricu
1831
ilture
1851
12,50
libérales
Clergé
Journaliers
Autres
1831
1831
0,00
1851
0,00
1831
0,00
1851
2,08
1831
1851
31,25
1831
0,00
1851
0,00
0,00
100,00
33,33
0,00
6,90
0,00
13,79
0,00
0,00
4,00
6,90
0,00
17,24
80,00
48,28
0,00
3,39
88,24
16,95
0,00
0,00
0,00
1,69
0,00
64,41
5,88
10,17
0,00
0,69
12,50
9,03
0,00
2,78
1,39
0,69
19,44
50,69
51,39
20,14
1,69
1,33
3,39
4,67
1,69
3,33
1,69
1,33
40,68
40,67
30,51
34,67
0,00
4,35
0,00
11,96
6,67
3,26
0,00
1,09
0,00
13,04
46,67
32,61
0,00
6,45
0,00
4,84
8,57
3,23
2,86
1,61
0,00
27,42
57,14
35,48
0,00
14,04
0,00
10,53
0,00
1,75
0,00
0,00
0,00
31,58
78,57
31,58
0,00
4,85
0,00
0,00
0,00
3,03
2,33
16,36
0,00
18,79
76,74
35,76
0,00
1,39
0,00
15,28
0,00
0,69
0,00
0,69
0,00
29,86
75,00
28,47
2,00
12,50
2,00
8,33
0,00
2,08
2,00
2,08
0,00
18,75
64,00
27,08
0,00
0,00
0,00
22,22
0,00
0,00
0,00
0,00
50,00
11,11
10,00
0,00
0,00
0,00
14,29
10,26
0,00
2,56
0,00
0,00
7,14
33,33
50,00
28,21
0,00
0,00
37,35
1,82
4,82
1,82
1,20
1,82
25,30
40,00
14,46
21,82
0,00
0,79
26,32
7,14
0,00
5,56
0,00
2,38
15,79
21,43
5,26
35,71
0,00
0,00
2,78
3,13
2,78
3,13
2,78
1,56
38,89
37,50
41,67
35,94
0,00
1,28
13,16
6,41
0,00
3,85
2,63
2,56
65,79
41,03
15,79
21,79
8,12
8,78
3,05
4,05
4,57
4,05
1,52
1,13
36,55
17,57
22,34
38,51
0,00
0,00
10,34
16,36
0,00
0,00
0,00
3,64
44,83
43,64
34,48
16,36
1,12
5,04
1,69
1,80
3,93
4,68
0,56
1,08
25,84
25,90
40,45
21,94
1,16
5,99
2,89
3,37
4,05
2,25
0,58
3,00
32,37
23,22
35,26
36,33
4,43
1,28
2,53
4,47
5,06
4,79
0,63
1,60
18,35
16,93
36,71
44,41
3,92
0,33
19,61
5,30
2,94
2,32
1,96
1,32
11,76
31,46
23,53
25,50
0,00
7,69
15,00
0,00
0,00
7,69
2,50
0,00
35,00
23,08
20,00
15,38
0,00
1,49
16,67
7,46
8,33
7,46
4,17
8,96
12,50
29,85
20,83
16,42
0,00
0,00
15,00
14,04
0,00
5,26
0,00
1,75
35,00
26,32
15,00
40,35
4,00
0,00
10,00
0,00
2,00
2,08
0,00
2,08
36,00
54,17
12,00
22,92
0,00
2,94
6,52
13,24
6,52
5,88
2,17
0,00
13,04
32,35
41,30
25,00
0,00
0,00
20,00
21,43
0,00
0,00
0,00
0,00
53,33
50,00
13,33
14,29
0,00
7,37
13,04
4,21
8,70
3,16
4,35
6,32
13,04
32,63
26,09
15,79
0,00
0,00
3,03
10,53
6,06
3,51
3,03
1,75
3,03
43,86
21,21
1,75
0,00
1,61
20,00
2,69
0,00
1,61
4,00
1,08
16,00
14,52
20,00
19,35
0,00
0,00
0,00
6,01
0,00
1,64
4,55
0,55
0,00
25,68
63,64
18,58
2,07
10,63
22,76
15,95
3,45
0,51
0,69
0,51
37,93
29,37
19,31
33,92
10,59
6,43
6,67
4,56
2,35
2,95
1,18
2,68
22,35
35,12
28,24
22,52
0,00
5,83
0,00
4,17
4,60
6,67
1,15
1,67
0,00
20,00
70,11
30,83
0,00
0,00
4,55
14,00
0,00
2,00
4,55
2,00
40,91
32,00
13,64
18,00
2,89
2,31
6,36
2,31
2,31
2,97
1,73
0,11
33,53
18,46'
21,39
39,78
0,00
2,70
0,00
5,95
5,88
3,24
1,96
1,08
15,69
19,46
35,29
27,03
0,00
0,00
20,00
22,22
4,00
8,89
4,00
0,00
8,00
28,89
24,00
20,00
0,00
0,00
17,24
12,64
0,00
2,30
3,45
1,15
34,48
13,79
34,48
35,63
0,00
0,00
17,39
12,18
0,00
2,54
4,35
1,02
34,78
39,59
13,04
23,86
0,00
0,00
26,32
33,33
3,51
1,59
1,75
1,59
26,32
22,22
17,54
22,22
0,00
0,00
25,00
20,00
0,00
13,33
0,00
0,00
25,00
13,33
12,50
20,00
0,00
0,00
18,18
15,38
0,00
0,00
0,00
0,00
45,45
23,08
18,18
23,08
2,40
8,64
9,60
6,02
0,80
1,57
0,80
0,79
39,20
21,73
29,60
33,77
0,00
0,00
0,00
5,56
10,00
4,63
5,00
4,63
0,00
39,81
45,00
20,37
0,00
0,00
20,00
8,33
0,00
8,33
0,00
2,78
63,33
30,56
6,67
16,67
0,00
0,00
0,00
42,27
0,00
0,00
0,00
2,58
0,00
40,72
96,19
8,25
21,57
33,03
9,80
2,75
0,00
2,75
1,96
0,92
3,92
15,60
47,06
23,85
0,00
14,29
0,00
2,86
0,00
0,00
10,00
2,86
0,00
22,86
20,00
20,00
0,00
0,00
18,18
7,69
0,00
0,00
9,09
7,69
9,09
15,38
36,36
30,77
18,75
0,00
31,25
25,00
0,00
0,00
0,00
0,00
0,00
37,50
43,75
25,00
0,00
0,00
37,50
7,69
12,50
0,00
0,00
15,38
12,50
15,38
25,00
38,46
0,00
0,00
13,33
5,71
0,00
0,00
0,00
2,86
33,33
45,71
33,33
11,43
305
District Paroisse
QC
QC
QC
QC
QC
QC
QC
QC
QC
QC
QC
QC
QC
QC
QC
QC
QC
QC
QC
QC
QC
QC
QC
QC
QC
QC
QC
QC
QC
QC
QC
QC
QC
QC
QC
QC
QC
QC
QC
QC
QC
QC
QC
QC
TR
TR
TR
TR
TR
TR
TR
TR
TR
TR
TR
TR
TR
TR
Château-Richer
Ste-Anne (de Beaupré)
St-Joachim
Ste-Foy
St-Augustin
Pointe-aux-Trembles
Cap-Santé
Cap-Santé
Ste-Foy
Ste-Foy
Baie-St-Paul
St-Étienne
St-Étienne-de-La-Malbaie
Charlesbourg
Ancienne-Lorette
St-Étienne
Notre-Dame-de-l 'Assomption
St-Georges-de-Cacouna
Cap-SMgnace
St-Patrice-de-la-Rivière-du-Loup
L'Islet
St-Thomas
St-Gervais
St-Gervais
St-Michel
St-Vallier
St-Vallier
St-Roch-des-Aulnaies
St-Jean-Port-Joli
St-André
St-Antoine-de-TiHy
Rivière-Ouelle
Rivière-Ouelle
Ste-Anne-de-la-Pocatière
Ste-Anne-de-la-Pocatière
Ste-Croix
Trois-Pistoles
St-Jean-Port-Joli
St-Charles
St-Pierre (Rivière-du-Sud)
St-Henri
St-François (Rivière-du-Sud)
St-Pascal-de-Kamouraska
St-Joseph (Beauce)
La Visitation
St-Joseph-de-Maskinongé
St-Joseph-de-Maskinongé
La Visitation
St-Antoine (Rivière-du-Loup)
Ste-Anne-de-la-Pérade
Ste-Geneviève
Ste-Anne-d'Yamachiche
Les Forges
St-Léon-le-Grand
Bécancour
St-Pierre-les-Becquets
St-Grégoire-le-Grand
St-Grégoire-le-Grand
Commerce
Fabrication
Village
1831
1851
1831
1851
■~~^— ~
—— —
— — —
— — —
Château-Richer
4,76
2,22
28,57
15,56
Ste-Anne
10,53
5,56
21,05
33,33
St-Joachim (CD
0,00
1,45
7,69
4,35
Cap-Rouge
4,76
5,00
23,81
1,67
St-Augustin
6,25
9,38
31,25
28,13
Neuville
6,25
4,62
34,38
9,83
Cap-Santé
6,67
7,14
10,00
25,00
Cap-Santé (NM, CD
4,35
5,83
21,74
13,59
Noyau Chemin-Ste-Foy
0,00
4,26
10,00
25,53
Côte-de-Sillery
10,53
0,00
13,16
5,63
Baie-St-Paul
16,07
3,31
12,50
16,53
Pointe-au-Pic
6,67
1,43
6,67
14,29
La Malbaie (Nairne)
21,88
18,82
18,75
8,24
Charlesbourg
0,00
3,41
15,52
22,73
Ancienne-Lorette
0,00
3,80
28,57
17,72
Beaumont
5,13
5,04
12,82
9,24
Berthier
10,00
4,82
30,00
26,51
Cacouna
5,56
7,38
5,56
12,30
Cap-SMgnace
3,92
5,63
13,73
11,69
Fraserville (Rivière-du-Loup)
5,48
7,58
17,81
13,72
L'Islet
9,09
5,59
18,18
13,97
St-Thomas (Montmagny)
12,99
1,96
24,68
12,97
St-Gervais
7,89
6,73
31,58
14,42
St-Gervais (Faubourg-du-Moulin)
9,09
2,22
9,09
13,33
St-Michel
7,69
6,91
20,51
13,36
St-Vallier
16,00
2,41
8,00
19,28
St-Vallier (NS)
25,00
4,88
33,33
7,32
St-Roch-des-Aulnaies
13,33
6,77
11,11
18,05
St-Jean-Port-Joli
0,00
6,00
14,29
10,00
St-André
9,09
7,41
6,06
8,15
St-Antoine
0,00
7,69
16,00
14,10
Rivière-Ouelle
0,00
8,33
8,33
11,67
Rivière-Ouelle (NS)
0,00
5,71
18,42
22,86
Ste-Anne
3,33
5,04
16,67
8,40
Ste-Anne (NS)
4,35
2,63
13,04
15,79
Ste-Croix
5,88
5,38
17,65
18,28
Trois-Pistoles
5,56
11,43
27,78
34,29
Trois-Saumons
0,00
7,94
22,22
17,46
St-Charles
0,00
2,52
41,67
11,76
St-Pierre
0,00
2,11
14,29
16,90
St-Henri
15,00
5,06
40,00
16,46
St-François
10,00
4,62
10,00
12,31
St-Pascal (NP)
25,00
3,64
0,00
14,55
St-Joseph
0,00
0,00
25,00
12,90
La Visitation
40,00
11,58
0,00
10,53
Maskinongé
5,80
4,35
10,14
11,96
Maskinongé (NS)
0,00
7,32
33,33
14,63
Pointe-du-Lac
0,00
4,92
12,50
22,95
Rivière-du-Loup
15,09
8,26
24,53
32,17
Ste-Anne-de-la-Pérade
7,50
5,41
20,00
19,82
Ste-Geneviève
18,18
8,33
36,36
14,58
Yamachiche
14,71
9,02
11,76
15,04
Les Forges
0,00
2,27
60,00
43,18
St-Léon
5,88
5,56
23,53
25,93
Bécancour
7,69
6,06
23,08
18,18
St-Pierre
18,75
10,34
12,50
6,90
St-Grégoire
3,85
6,56
19,23
15,57
St-Grégoire (NS)
0,00
0,00
0,00
15,79
L échantillon ne porte que sur les bourgs dont les données sont disponibles et comparables dans les deux
recensements. A noter que, dans le recensement de 1831, seuls les chefs de ménage sont enregistrés,
contrairement à celui de 1851 où le dénombrement s'étend à l'ensemble de la population.
Sources ANC, Recensements du Bas-Canada, 1831 et 1851-1852
306
Professions
Trans
port
1851
Agriculture
1831 1851
libérales
Clergé
Journaliers
Autres
1831
1831
1851
1831
1851
1831
1851
1831
1851
4,76
17,78
19,05
13,33
4,76
2,22
4,76
2,22
4,76
17,78
28,57
28,89
5,26
0,00
0,00
11,11
5,26
5,56
5,26
5,56
31,58
16,67
21,05
22,22
0,00
4,35
30,77
34,78
0,00
0,00
7,69
1,45
30,77
40,58
23,08
13,04
0,00
0,00
9,52
6,67
0,00
3,33
0,00
0,00
19,05
20,00
42,86
63,33
0,00
0,00
25,00
9,38
0,00 .
6,25
6,25
3,13
18,75
12,50
12,50
31,25
6,25
1,16
3,13
12,14
0,00
1,16
6,25
1,73
12,50
40,46
31,25
28,90
6,67
7,14
13,33
10,71
0,00
5,36
3,33
1,79
6,67
26,79
53,33
16,07
8,70
20,39
13,04
13,59
0,00
0,97
0,00
0,97
17,39
30,10
34,78
14,56
0,00
0,00
30,00
19,15
0,00
0,00
10,00
2,13
30,00
25,53
20,00
23,40
0,00
5,63
0,00
15,49
0,00
4,23
0,00
0,00
55,26
30,99
21,05
38,03
1,79
2,48
12,50
4,96
3,57
4,13
5,36
2,48
30,36
55,37
17,86
10,74
13,33
10,00
13,33
17,14
6,67
2,86
0,00
1,43
40,00
37,14
13,33
15,71
0,00
2,35
21,88
2,35
6,25
9,41
3,13
2,35
3,13
4,71
25,00
51,76
0,00
0,00
43,10
38,64
0,00
0,00
1,72
0,00
20,69
28,41
18,97
6,82
0,00
0,00
14,29
0,00
0,00
0,00
7,14
2,53
14,29
32,91
35,71
43,04
2,56
2,52
46,15
18,91
0,00
0,42
2,56
0,42
17,95
16,81
12,82
46,64
10,00
9,64
0,00
3,61
0,00
0,00
0,00
1,20
20,00
25,30
30,00
28,92
5,56
1,64
33,33
11,48
5,56
1,64
5,56
0,82
16,67
55,74
22,22
9,02
3,92
22,08
21,57
12,55
5,88
0,87
1,96
0,43
15,69
16,02
33,33
30,74
4,11
3,61
16,44
4,69
1,37
2,17
1,37
0,36
34,25
49,82
19,18
18,05
4,55
10,06
13,64
8,38
2,27
3,35
4,55
1,12
34,09
27,93
13,64
29,61
2,60
11,98
5,19
6,68
5,19
1,57
1,30
0,39
14,29
22,59
33,77
41,85
0,00
3,85
23,68
14,42
7,89
4,81
2,63
1,92
0,00
9,62
26,32
44,23
0,00
0,00
45,45
17,78
9,09
0,00
0,00
0,00
0,00
17,78
27,27
48,89
20,51
18,89
10,26
4,61
5,13
1,84
2,56
0,46
10,26
17,97
23,08
35,94
8,00
4,82
12,00
9,64
0,00
3,61
0,00
2,41
20,00
28,92
36,00
28,92
0,00
0,00
16,67
19,51
0,00
0,00
0,00
0,00
16,67
41,46 '
8,33
26,83
0,00
6,77
28,89
12,78
6,67
3,01
2,22
0,75
13,33
21,05
24,44
30,83
0,00
1,00
28,57
15,00
14,29
7,00
7,14
2,00
21,43
24,00
14,29
35,00
0,00
8,89
27,27
14,07
6,06
2,96
3,03
0,74
18,18
42,96
30,30
14,81
0,00
8,97
20,00
17,95
20,00
3,85
4,00
1,92
12,00
30,77
28,00
14,74
0,00
3,33
25,00
10,00
8,33
3,33
8,33
1,67
8,33
41,67
41,67
20,00
0,00
5,71
28,95
11,43
0,00
0,00
0,00
0,00
23,68
31,43
28,95
22,86
0,00
1,68
36,67
11,76
0,00
0,00
3,33
0,84
30,00
14,29
10,00
57,98
0,00
0,00
17,39
2,63
0,00
7,89
0,00
0,00
47,83
31,58
17,39
39,47
0,00
9,68
17,65
20,43
5,88
6,45
5,88
4,30
23,53
9,68
23,53
25,81
16,67
2,86
11,11
20,00
5,56
5,71
5,56
2,86
0,00
5,71
27,78
17,14
0,00
7,94
27,78
19,05
0,00
0,00
0,00
0,00
38,89
23,81
11,11
23,81
0,00
0,00
33,33
17,65
0,00
2,52
0,00
0,84
8,33
15,97
16,67
48,74
0,00
1,41
21,43
19,72
14,29
2,11
7,14
1,41
28,57
35,21
14,29
21,13
0,00
0,00
5,00
15,19
0,00
5,06
5,00
2,53
20,00
21,52
15,00
34,18
0,00
3,08
40,00
6,15
0,00
1,54
0,00
4,62
0,00
10,77
40,00
56,92
0,00
0,00
0,00
12,73
25,00
3,64
25,00
1,82
0,00
52,73
25,00
10,91
0,00
0,00
0,00
3,23
0,00
6,45
8,33
3,23
33,33
29,03
33,33
45,16
0,00
26,32
0,00
25,26
0,00
3,16
20,00
1,05
0,00
9,47
40,00
12,63
0,00
7,61
40,58
15,22
5,80
4,35
1,45
1,09
26,09
26,09
10,14
29,35
0,00
3,66
22,22
2,44
0,00
1,22
0,00
0,00
44,44
41,46
0,00
29,27
0,00
4,92
12,50
19,67
0,00
1,64
3,13
1,64
53,13
22,95
18,75
21,31
0,00
7,39
11,32
3,48
7,55
1,30
1,89
0,87
20,75
15,65
18,87
30,87
2,50
15,32
20,00
7,21
7,50
4,50
5,00
1,80
2,50
16,22
35,00
29,73
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8,33
27,27
27,08
0,00
2,08
9,09
2,08
0,00
20,83
0,00
16,67
1,47
0,75
26,47
16,54
1,47
4,51
1,47
1,50'
10,29
32,33
32,35
20,30
16,67
4,55
1,67
1,14
0,00
0,00
0,00
0,00
6,67
44,32
15,00
4,55
0,00
0,00
11,76
3,70
0,00
5,56
5,88
1,85
11,76
29,63
41,18
27,78
0,00
1,82
15,38
24,85
15,38
2,42
0,00
0,61
0,00
21,21
38,46
24,85
0,00
4,60
12,50
3,45
12,50
4,60
6,25
1,15
12,50
58,62
25,00
10,34
0,00
6,56
0,00
13,11
0,00
3,28
3,85
1,64
26,92
24,59
46,15
28,69
0,00
10,53
28,57
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with ail the land reserved both for the Crown and the clergy, ec, ec,
engraved by J. Walker and Son, London, W. Faden, Aug. 12, 1815,
Ottawa, Archives nationales du Canada, Collection nationale de cartes et
plans.
To His Most Excellent Majesty King William IV. This topograph-
ical map of the districts of Québec, Three Rivers, St. Francis and Gaspe,
Lower Canada, exhibiting the new civil divisions of the districts into
counties pursuant to a récent act of the provincial législature; [...],
dedicated by His Majesty' s most devoted and loyal Canadian subject,
Joseph Bouchette, 1831, Ottawa, Archives nationales du Canada, Collec-
tion nationale de cartes et plans.
To His Most Excellent Majesty King William IV. This topograph-
ical map of the district of Montréal, Lower Canada, exhibiting the new
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323
Liste des codes
Al Autre île
AR Archipel de Montréal
ARA Archipel de Montréal, autre île
ARJ Archipel de Montréal, île Jésus
ARM Archipel de Montréal, île de Montréal
C1, 2, 3... Numérotation de la côte ou du rang
IO île d'Orléans
IN île proche de la Rive-Nord
IS île proche de la Rive-Sud
NM Noyau-moulin
NP Noyau principal
NS Noyau secondaire
PI Péninsule de Vaudreuil-Soulanges, bourg de l'intérieur
PN Péninsule de Vaudreuil-Soulanges, Rive-Nord
PP Noyau principal et périphérie
PS Péninsule de Vaudreuil-Soulanges, Rive-Sud
RNA Rive-Nord, arrière-pays
RNAE Rive-Nord, arrière-pays, secteur éloigné
RNF Rive-Nord, près du fleuve
RNI Rive-Nord, bourg de l'intérieur
RSA Rive-Sud, arrière-pays
RSAE Rive-Sud, arrière-pays, secteur éloigné
RSF Rive-Sud, près du fleuve
RSI Rive-Sud, bourg de l'intérieur
RSV Rive-Sud, vallée du Richelieu
RSVA Rive-Sud, vallée du Richelieu, arrière-pays
VN Village amérindien, Rive-Nord
VS Village amérindien, Rive-Sud
325
Liste des sigles
ABPO
AESC
ANC
ANQ
ANQ-M
ANQ-Q
AS
BCHESRL
BRH
CELAT
CGQ
CH
CHDM
CHR
CPRH
DBC
DOLQ
EO
HS
JALBC
JEH
JHG
LT
MER
PH
RCSP
RHAF
RN
RS
SBC
SCHEC
Annales de Bretagne et des pays de l'Ouest
Annales, économies, sociétés, civilisations
Archives nationales du Canada
Archives nationales du Québec
Archives nationales du Québec à Montréal
Archives nationales du Québec à Québec
Anthropologie et sociétés
Bulletin du Centre d'histoire économique et sociale
de la région lyonnaise
Bulletin des recherches historiques
Centre d'études sur la langue, les arts et les traditions populaires
des francophones en Amérique du Nord
Cahiers de géographie du Québec
Historical Papers/ Communications historiques
Cahiers d'histoire de Deux-Montagnes
Canadian Historical Review
Canadian Papers in Rural History
Dictionnaire biographique du Canada
Dictionnaire des œuvres littéraires du Québec
Édits, ordonnances royaux, déclarations et arrêts du Conseil d'État
concernant le Canada
Histoire sociale /Social History
Journaux de l'Assemblée législative du Bas-Canada
The Journal of Economie History
Journal of Historical Geography
Labor/Le Travailleur
Ministère de l'Énergie et des Ressources (Québec)
Provence historique
Canadian Journal of Political Science/Revue canadienne
de science politique
Revue d'histoire de l'Amérique française
Revue du Nord
Recherches sociographiques
Statuts du Bas-Canada
Société canadienne d'histoire de l'Église catholique
327
Liste des figures
1. Structures d'habitat groupé selon la carte de Murray (1760-1762) 23
2. Village de Saint-Jacques (1815, 1831) 29
3. Grands rythmes de croissance villageoise: exemple de la région
de Montréal (1800-1861) 30
4. Croissance villageoise (1660-1851) 33
5. Poussée villageoise dans les seigneuries laurentiennes
(1815, 1831, 1851) 36
6. Courbes comparées de croissance de la population
et du nombre de bourgs (1760-1851) 39
7. Forme des bourgs (1831) 51
8. Village de Saint-Eustache (1837) 54
9. Village de Neuville (1802) 76
10. Village de Baby (1847) 77
11. Village de Saint-Jérôme (1834) 79
12. Taille des bourgs (1831, 1851) 96
13. Population villageoise (1815, 1831, 1851) 97
14. Rapports journaliers, agriculture et industries rurales:
exemple de la plaine de Montréal (1831) 144
15. Principales places de commerce (1831, 1851) 164
16. Principaux lieux de fabrication (1831, 1851) 176
17. Extension du réseau routier (1815, 1831) 193
18. Village de Sainte-Anne, comté de Montmorency (1831) 260
19. Fiche de dépouillement du recensement de 1831 264
20. Fiche de dépouillement du recensement de 1851-1852 266
329
Liste des tableaux
1. Noyaux signalés par Marcel Trudel (juin 1663) 15
2. Mentions de villages retrouvées dans les aveux et dénombrements
du Régime français 20
3. Agglomérations relevées par Murray (1760-1762) 24
4. Exemples de hameaux et de villages vers la fin du XVIIIe siècle 25
5. Évolution du nombre de noyaux (1815, 1831, 1851) 34
6. Population du Bas-Canada (1765-1851) 38
7. Taux de croissance annuel moyen (1765-1851) 38
8. Lots et emplacements (1831, 1851) 52
9. Exemples d'évolution de la taille des bourgs (1815, 1831, 1851) 59
10. Taille moyenne des bourgs (1815, 1831, 1851) 61
11 Nombre moyen de maisons par bourg (1815, 1831, 1851) 62
12. Matériaux de construction (1851) 64
13. Taille et occupation des habitations (1851) 66
14. Équipements recensés dans les bourgs (1815, 1831, 1851) 73
15. Rentes payées dans les bourgs (1831) 81
16. Croissance comparée de la population villageoise
(1815, 1831, 1851) 98
17. Place du bourg dans le paysage humain de la localité (1831, 1851) 99
18. Bourgs de l'archipel montréalais (1831, 1851) 100
19. Structure de la population au Bas-Canada (1831, 1851) 101
20. Structure de la population villageoise (1831, 1851) 104
21. Origine géographique de la population villageoise (1851) 107
22. Taux bruts de croissance naturelle (1851) - 109
23. Répartition des jeunes couples dans la localité (1851) 110
24. Exemples de circuits migratoires (1851) 113
25. Origine géographique de la population non résidente (1851) 114
26. Groupes ethniques et religions (1831) 117
27. Groupes ethniques et religions (1851) 118
28. Métiers et professions déclarés au recensement de 1831 124
29. Métiers et professions déclarés au recensement de 1851-1852 125
30. Métiers, statuts et professions déclarés dans le village
de Saint-Eustache (1831, 1851) 127
331
31. Société villageoise (1831, 1851) 135
32. Âge des journaliers dans le village de Saint-Eustache (1851) 146
33. Mendiants, infirmes et familles pauvres (1831) 148
34. Aliénés, aveugles et sourds-muets (1851) 149
35. La fonction commerciale (1831, 1851) 162
36. La fonction de transport (1831, 1851) 166
37. La fonction de fabrication (1831, 1851) 174
38. Les journaliers (1831, 1851) 177
39. Les services (1831, 1851) 182
40. Population comparée des bourgs insulaires, riverains
et de l'intérieur (1815, 1831, 1851) 195
41. Équipements économiques et sociaux dans les bourgs insulaires,
riverains et de l'intérieur (1815) 197
42. Profils socioprofessionnels dans les bourgs insulaires, riverains
et de l'intérieur (1831) 198
43. Profils socioprofessionnels dans les bourgs insulaires, riverains
et de l'intérieur (1851) 199
44. Profils démographiques dans les bourgs insulaires, riverains
et de l'intérieur (1831) 209
45. Profils démographiques dans les bourgs insulaires, riverains
et de l'intérieur (1851) 210
46. Maisons en construction (1831, 1851) 215
47. Maisons inhabitées (1831, 1851) 217
332
Index des noms de villages
Babyville (village de Baby), 26, 45, 75,
78, 80
Baie-Saint-Paul, 161
Batiscan, 172
Beauharnois, 26, 44, 80, 172, 191
Beaumont, 131
Beauport, 21, 63, 71, 156, 159, 160,
171, 172, 181
Bécancour, 172
Bécancour (mission amérindienne), 65,
120, 187
Berthier, 26, 44, 71, 120, 131, 159,
160, 165, 173, 184, 186, 188, 191,
246, 259
Boucherville, 21, 25, 30, 60, 67, 181,
191, 202
Bourg-la-Reine, 17
Bourg-Royal, 17
Bourg-Saint-Louis, 25, 81, 90
Bourg-Talon, 17
Brownville, 45
Cap-Rouge, 81
Cap-Saint-Ignace, 191
Cap-Santé, 81
Caughnawaga, 187
Chambly, 21, 22, 58, 60, 158, 171,
172, 181, 186, 191, 202
Charlesbourg, 17, 21, 60, 63, 156, 160,
202
Châteauguay, 172, 184, 191
Château-Richer, 15, 21, 25
Clarenceville, 186
Côte-Saint-François, 214
Durham (Ormstown), 44
Fort Saint-François, 15
Fraserville, 26, 161, 191
Frelighsburg, 160, 161, 171, 172, 186
Gentilly, 156
Georgeville, 160
Grande-Fresnière, 8, 227
Henryville, 160, 172
Howick, 45
Jeune-Lorette (Village-des-Hurons),
120, 187
Kamouraska, 70, 159, 160, 172, 180,
181, 202
Lac-des-Deux-Montagnes (mission
amérindienne), 25, 64, 120, 187
Lachine, 65, 159, 191
Lachute, 43, 203
Lac-Ouareau, 214
La Malbaie, 161
Lanoraie, 131
Laprairie, 28, 30, 67, 69, 160, 161,
165, 173, 179, 180, 181, 184, 186,
187, 188, 191, 214
La Présentation, 71
L'Assomption, 25, 30, 44, 71, 78, 128,
129, 159, 160, 165, 173, 184, 188,
191
Lauzon, 120, 161, 173, 191
Leclercville, 26
Le Fargy, 15
Les Cascades, 171
Les Cèdres, 81, 158, 159
Les Forges, 172, 173
Les Tanneries, 65
Lévis, 75, 156, 173, 180, 184
L'Industrie (Joliette), 44, 50, 70, 80,
85, 86, 128, 165, 172
Longueuil, 28, 30, 67, 68, 120, 158,
181, 184, 191, 202
Loretteville, 156
333
Lotbinière, 214
Manseau, 78
Maskinongé, 52
Massueville, 75, 87
Melocheville, 44
Montebello, 26, 45, 70
Montmagny, 75
Neuville, 44, 46, 56, 75, 80, 81, 90,
181, 187
Nicolet, 26, 44, 95, 131, 160, 187, 202,
225
Notre-Dame-de-Bonsecours, 82
Philipsburg, 60, 160, 173, 181, 186
Plaisance, 26
Pointe-aux-Trembles, 24, 30, 60, 158,
180
Pointe-Claire, 21, 25, 60, 191
Pointe-du-Lac, 70, 81, 214
Rigaud, 171
Rivière-des-Prairies, 25
Saint-André-d'Argenteuil, 44, 172, 173
Saint-Anselme, 214
Saint-Antoine-de-la-Rivière-du-Loup
(Louiseville), 44, 46, 71, 81, 112,
129, 158, 159, 160, 161, 202, 253
Saint-Antoine-de-Lavaltrie, 67, 68
Saint-Arsène de Cacouna, 215
Saint-Augustin, 68, 203, 214
Saint-Basile-de-Portneuf, 132
Saint-Benoît, 68, 203, 222, 230
Saint-Bruno, 42, 44
Saint-Charles (Debartzch), 44, 71, 81,
154
Saint-David, 26, 172
Saint-Denis, 21, 71, 81, 87, 154, 159,
161, 172, 173, 191, 222
Sainte-Anne-de-la-Pérade, 26, 156,
181, 186
Sainte-Catherine, 132
Sainte-Claire, 52
Sainte-Elisabeth, 120, 214
Sainte-Famille, 131
Sainte-Flavie, 215
Sainte-Geneviève, 65
Sainte-Jeanne (île Perrot), 21, 100
Sainte-Julie, 112
Sainte-Marie de Beauce, 82, 186
Sainte-Marie-de-la-Nouvelle-Beauce,
160
Sainte-Marie-de-Monnoir, 172
Sainte-Martine, 44
Sainte-Rose, 68
Sainte-Scholastique, 67, 68, 69, 154,
172, 203
Sainte-Thérèse, 25, 172, 191, 203,
235, 250
Saint-Eustache, 25, 30, 44, 60, 63, 68,
69, 70, 74, 84, 126, 127, 128, 138,
141, 143, 154, 172, 173, 181, 184,
187, 188, 191, 203, 213, 214, 216,
222, 227, 228, 231, 232, 233, 239,
253
Saint-François, 82
Saint-François-de-Sales, 120
Saint-François-du-Lac (mission amérin-
dienne), 63, 120, 187
Saint-Gervais, 156
Saint-Gilles, 132
Saint-Hilaire, 70
Saint-Hyacinthe, 26, 30, 44, 58, 71, 80,
86, 87, 128, 159, 160, 161, 165,
171, 172, 173, 181, 184, 186, 187,
188, 191, 202, 203, 246
Saint-Jacques (Ruisseau-Vacher), 27,
28, 129
Saint-Jean (Dorchester), 71, 128, 158,
159, 160, 165, 173, 184, 186, 188,
191, 246
Saint-Jean-Chrysostome, 44, 45
Saint-Jérôme, 26, 44, 45, 78, 80, 127,
203
Saint-Joachim, 21
Saint-Joseph, 82
Saint-Joseph-de-Chambly, 184
Saint-Joseph-de-Lévis, 165, 191
Saint-Joseph-de-Maskinongé, 52
Saint-Laurent, 68
Saint-Léon, 214
Saint-Mathias, 186
334
Saint-Michel-de-Bellechasse, 58, 71,
156, 171, 172
Saint-Nicolas, 156
Saint-Ours, 60, 81, 160
Saint-Pascal de Kamouraska, 50
Saint-Paul, 50, 85
Saint-Pie, 67, 71, 191
Saint-Pierre-les-Becquets, 45, 78
Saint-Placide, 214
Saint-Raymond, 132
Saint-Rémi, 186, 214
Saint-Roch-des-Aulnaies, 89, 161
Saint-Sylvestre, 132
Saint-Thomas de Montmagny, 37, 58,
71, 156, 159, 160, 161, 181, 191,
202, 246
Saint-Timothée, 44
Saint-Vallier, 21, 172
Saint-Vincent-de-Paul, 184
Saint-Xavier-de-Verchères, 1 1 2
Sault-au-Récollet, 25, 30, 172
Sault-Saint-Louis (mission amérindien-
ne), 120, 158, 187
Sherbrooke, 39
Sorel (William Henry), 30, 37, 44, 57,
58, 63, 67, 81, 158, 160, 161, 165,
173, 184, 188, 191, 202, 246
Terrebonne, 25, 44, 60, 70, 71, 158,
159, 160, 171, 172, 173, 181, 184,
188, 191, 246
Trois-Pistoles, 214
Valcartier, 132
Valleyfield, 128
Varennes, 87
Verchères, 21
Ville d'Aubigny, 45, 75
Yamachiche, 161
Yamaska, 161
202
335
Cet ouvrage a été composé
en caractères Univers
par l'atelier Compélec inc,
de Québec, en juin 1990.
Achevé d'imprimer
en septembre 1990
MARQUIS
Montmagny, QC
Titulaire d'un doctorat en géogra-
phie de l'Université de Montréal,
Serge Courville a été coordonna-
teur des programmes de sciences
humaines à la Commission des
écoles catholiques de Montréal et
directeur du Service de l'éducation
au ministère de l'Environnement
du Québec. Depuis 1981, il ensei-
gne au Département de géographie
de l'Université Laval. Spécialiste
de la géographie historique du
Québec, il a signé de nombreux
articles et ouvrages, dont Parois*
ses et municipalités de la ré*
gion de Montréal au XIX siè*
cle (1825*1861), publié aux Pres-
ses de l'Université Laval en 1988.
e livre est avant tout un constat. Il traite
f de Vun des phénomènes les plus marquants,
les plus mal connus aussi de Vhistoire du Qué-
bec, celui de la croissance des villages au cours
de la première moitié du XIXe siècle dans les sei-
gneuries laurentiennes. Première synthèse du genre
sur le sujet y V ouvrage est V aboutissement de plu-
sieurs années de travail consacrées au dépouille-
ment des listes nominatives de recensement, des
œuvres topographiques de Joseph Bouchette, des
histoires et monographies locales, ainsi que des
plans, cartes, dessins, gravures, rapports anciens
conservés dans les fonds d'archives. Alliant des
préoccupations d'ordre géographique et d'ordre
historique, il est une fenêtre ouverte sur la société
rurale de V époque, qu'il montre sous des angles
nouveaux.
ISBN 2-7637-7232-3