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Full text of "Essai de statique chimique"

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ESSAI 

D  E 

STATIQUE  CHIMIQUE- 
PREMIERE   PARTIE. 


1 


Digitized  by  the  Internet  Archive 

in  2009  with  funding  from 

University  of  Ottawa 


http://www.archive.org/details/essaidestatiquec01bert 


ESSAI 

DE 

STATIQUE  CHIMIQUE, 

PAR  C.  L.  BERTHOLLET, 

MEMBRE  DU  SENAT  CONSERVATEUR,  DE  L'INSTITUT,  elc. 

PREMIÈRE     PARTIE. 


DE  L'IMPRIMERIE  DE  DEMONVILLE  ET  SOEURS. 

A    PARIS, 

RUE   DE   THIONVILLE,   îso.   ii6, 

Chez  FIRMIN  DIDOT,  Libraire  pour  les  IMathëmatique? 
l'Archi lecture,  la  Marine,  et  les  Éditions  Stéréotypes. 

AN     XI.      —      iSoD. 


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TABLE  DES   MATIERES 

CONTENUES  DANS  CE  VOLUME. 


Introduction,  *  page       i 

PREMIERE    PARTIE. 

DE  L'ACTION  CHIMIQUE  EN  GÉNÉRAL. 
SECTION    PREMIERE, 

DE   l'action  chimique  DES  SOLIDES  ET  DES  LIQUIDES. 

Chapitre  premier.  De  la  force  de  cohésion,      a  3 
Chap.  il   De  la  dissolution,  34 

Chap.  m.   De  T action  réciproque  des  substances 
qui  sont  tenues  en  dissolution,  4^ 

Chap.  IV.  De  la  combinaison,  Sg 

SECTION    IL 

DE    l'acidité    ET    DE    l' AL  C  AL  IN  T  TÉ. 

Chap..  1er.  J)q  l action  réciproque  des  acides  et 
des  alcalis,  68 


VJ  STATIQUE    CHIMIQUE. 

Chap.  II.  De  V action  d'un  acide  sur  une  com- 
binaison neutre,  P^§®  7^ 

Chap.  IïI.  Des  précipités  produits  par  les  acides 
ou  par  les  alcalis ,    ■  84 

Chap.  IV.  De  l'action  réciproque  des  combi- 
naisons neutres^  gS 

Chap.  V.  De  la  capacité  comparative  de  satu- 
ration des  acides  et  des  alcalis ,  107 

NOTES    DE    LA    SECONDE    SECTION. 

Note  première ,  129 

Note  II  (de   Fischer),  i34 

SECTION     If  I. 

DU     CALORIQUE. 

Chap.  I^r.  Des  effets  du  calorique  indépendants 
de  ceux  de  la  combinaison  ,  j  89 

Chap.  II.  Des  différents  états  du  calorique  ,     171 

Chap.  III.  De  l'action  de  la  lumière  et  du  fluide 
électrique ,  1 89 

Chap.  IV.  Du  calorique ,  considéré  relativement 
aux   co^iibinaisons ,  217 

NOTES    DE    LA    TROISIlÈBIE    SECTION. 

Note  m ,  .    240 

Note  IF,  24a 


TABLE     DES     MATIÈRES. 

vij 

Note  V,                                                pî<ge 

245 

Note  VI, 

247 

Note  Fil, 

230 

Note  ?'III, 

aSa 

Note  IX, 

254 

Note  X, 

267 

Note  XI, 

260 

S  E  C  T  I  O  N     I  V. 

DE    l'effet    de    L'EXPA^SÏOI^{   ET  DE  LA    CONDEINSATIOIf 
DAINS    LES    SUBSTANCES    ÉLASTIQUES. 

Chapitre  1er.  Des  propriétés  caractéristiques  des 

fluides  élastiques ,  263 

Chap.  II.  De  ï affinité  résultante  ,  3o8 

KOTES    de    la    quatrième    SECTION. 

Note  XII,  332 

SECTION     V. 

DES    LIMITES    DE    LA    COMBINAISON". 

Chapitre  1er.   Des  proportions  des  éléments  dans 
les  combinaisons ,  334 

Chap.  II.  De  Faction  des  dissolvants ,  387 

Chap.  III.  De  ï efflorescence ,  4^3 

Chap.    IV.    De  la  propagation  de   Faction  chi- 
mique ,  409 


v'Ùj  STATIQUE    CHIMIQUE,    CtC. 

NOTES    DE    LA    CINQUIÈME    SECTION. 

Note  XIII,                                          page  4^9 

Note  XIV,  433 

Note  XV,  449 

Note  XVI,  457 

SECTION     VI. 

DE    L   ACTION    DE    l' ATMOSPHÈRE. 

Chapitre  I^i'.  De  la  constitution  de  l'atmos- 
phère, 470 

Chap.  II.  Des  parties  élémentaires  de  ïair  at- 
mosphérique ,  5o2 

NOTES    DE    LA    SIXIÈME    SECTION. 

Note  XVII,  5i9 

Note  XVIII,  52Î 

Conclusion  de  la  première  partie  ,  S'il\ 


ESSAI 

D  E 

STATIQUE  CHIMIQUE. 

INTRODUCTION. 

J_jES  puissances  qui  produisent  les  phénomènes 
chimiques  sont  toutes  dérivées  de  l'attraction 
mutuelle  des  molécules  des  corps  à  laquelle  on 
a  donné  le  nom  d'affinité ,  pour  la  distinguer  de 
l'attraction  astronomique. 

Il  est  probable  que  Tune  et  l'autre  ne  sont 
qu'une  même  propriété  ;  mais  l'attraction  astro- 
nomique ne  s'excerçant  qu'entre  des  masses 
placées  à  une  distance  où  la  figure  des  molé- 
cules, leurs  intervalles  et  leurs  affections  par- 
ticulières ,  n'ont  aucune  influence  ,  ses  effets 
toujours  proportionnels  à  la  masse  et  à  la  rai- 
son inverse  du  carré  des  distances  ,  peuvent 
être  rigoureusement  soumis  au  calcul  :  les  effets 
de  l'attraction  chimique  ou  de  l'affinité  ,  sont 
au  contraire  tellement  altérés  par  les  conditions 
particulières  et  souvent  indéterminées  ,  qu'on 
ne  peut  les  déduire  d'un  principe  général  ;  mais 
qu'il  faut  les  constater  successivement    H  n'v 


^  STATIQUE     CHIMIQUE. 

a  que  quelques-uns  de  ces  effets  qui  puissent 
<^tre  assez  dégagés  de  tous  les  autres  phénomènes , 
pour  se  prêter  à  la  précision  du  calcul. 

C'est  donc  Tobservation  seule  qui  doit  servir 
à  constater  les  propriétés  chimiques  des  corps , 
ou  les  affinités  par  lesquelles  ils  exercent  une 
action  réciproque  dans  une  circonstance  déter- 
minée ;  cependant ,  puisqu'il  est  très-vraisem- 
Jolable  que  l'affinité  ne  diffère  pas  dans  son 
origine  de  l'attraction  générale,  elle  doit  éga- 
lement être  soumise  aux  lois  que  la  mécanique 
a  déterminées  pour  les  phénomènes  dus  à  Faction 
de  la  masse  ,  et  il  est  naturel  de  penser  que 
plus  les  principes  auxquels  parviendra  la  théorie 
chimique  auront  de  généralité  ,  plus  ils  auront; 
d'analogie  avec  ceux  de  la  mécanique  ;  mais  ce 
n'est  que  par  la  voie  de  l'observation  qu'ils 
doivent  atteindre  à  ce  degré ,  que  déjà  l'on  peut 
indiquer. 

L'effet  immédiat  de  l'affinité  qu'une  substance 
exerce  ,  est  toujours  une  combinaison  ;  en  sorte 
que  tous  les  effets  qui  sont  produits  par  l'action 
chimique,  sont  une  conséquence  de  la  formation 
de  quelque  combinaison.    > 

Toute  substance  qui  tend  à  entrer  en  com- 
binaison ,  agit  en  raison  de  son  affinité  et  de 
sa  quantité.  Ces  vérités  sont  le  dernier  terme 
cle  toutes  les  observations  chimiques. 

Mais,  i".  Les  différentes  tendances  à  la  çom-^ 


INTRODUCTION.  3 

binaison  doivent  être  considérées  comme  autant 
de  forces  qui  concourrent  à  un  résultat  , 
ou  qui  se  détruisent  en  partie  par  leur  oppo- 
sition ;  de  sorte  qu  il  faut  distinguer  ces  forces 
pour  parvenir  à  l'explication  des  phénomènes 
qu'elles  produisent  ,  ou  pour  les  comparer 
cntr'eux. 

2°.  L'action  chimique  d'une  substance  ne  dé- 
pend pas  seulement  de  l'affinité  qui  est  propre 
aux  parties  qui  la  composent ,  et  de  la  quantité; 
elle  dépend  encore  de  l'état  dans  lequel  ces  par- 
ties se  trouvent  ,  soit  par  une  combinaison 
actuelle  qui  fait  disparaître  une  partie  plus  ou 
moins  grande  de  leur  affinité  ,  soit  par  leur 
dilatation  ou  leur  condensation  qui  fait  varier 
leur  distance  réciproque  :  ce  sont  ces  conditions 
qui,  en  modifiant  les  propriétés  des  parties  élé- 
mentaires d'une  substance  ,  forment  ce  que 
j'appelle  sa"  constitution  :  pour  parvenir  à  fa- 
nalyse  de  l'action  chimique  ,  il  faut  apprécier 
non-seulement  chacune  de  ces  conditions,  mais 
encore  toutes  les  circonstances  avec  lesquelles 
elles  ont  quelque  rapport. 

Les  propriétés  des  corps  qui  peuvent  ainsi 
modifier  l'affinité,  ont  encore  d'autres  effets  qui 
sont  indépendants  de  ceux  que  produit  la  com- 
binaison ,  et  qui  sont  l'objet  des  différentes  parties 
de  la  physique.  Il  y  a  même  plusieurs  phéno- 
aomènes  qui  ,  quoiqu'ils  soient  pFoduits  en  tout 

!.. 


%  STATIQUE     CHIMIQUE. 

OU  en  partie  par  l'affinité  ,  doivent  cependant 
être  considérés  sous  un  autre  rapport  ,  soit 
parce  que  l'affinité  n'y  contribue  que  pour  une 
part  trop  faible ,  soit  parce  que  l'expérience  n'a 
pu  conduire  encore  à  déterminer  les  affinités 
particulières  auxquelles  ils  sont  dus.  On  désigne 
comme  propriétés  physiques  toutes  celles  qui 
ne  paraissent  pas  dépendre  immédiatement  de 
l'affinité. 

Il  suit  de  là  qu'il  doit  souvent  exister  un 
rapport  entre  les  propriétés  physiques  et  les 
propriétés  chimiques  ;  qu'il  faut  souvent  avoir 
recours  aux  unes  et  aux  autres  pour  l'explica- 
tion d'un  phénomène  auquel  elles  peuvent 
concourir ,  et  qu'il  convient  d'établir  une  relation 
intime  entre  les  différentes  sciences  dont  la 
physique  se  compose  ,  pour  qu'elles  puissent 
s'éclairer  mutuellement. 

Les  principes  établis  sur  les  résultats  de  faits 
observés  sous  chaque  point  de  vue  ,  et  l'explica- 
tion des  phénomènes  chimiques  fondée  sur  leurs 
rajjports  avec  toutes  les  propriétés  dont  ils  sont 
des  conséquences  ,  constituent  la  théorie  qu'on 
doit  distinguer  en  théorie  générale  et  en  théories 
particulières. 

Il  y  a  des  sciences  qui  peuvent  parvenir  à 
un  certain  degré  de  perfection  sans  le  secours 
d'aucune  théorie ,  et  seulement  par  le  moyen 
dun    ordre    arbitraire  qu'on    établit   entre  les 


I  N  T  R  O  D  TJ  C  T  I  O  ?C.  ^ 

observations  des  faits  naturels  dont  elles  s'occu- 
pent principalement  ;  mais  il  n'en  est  pas  de 
même  en  chimie  ,  où  les  observations  doivent 
naître  presque  toujours  de  l'expérience  même, 
et  où  les  faits  résultent  de  la  reunion  factice 
des  circonstances  qui  doivent  les  produire.  Pour 
tenter  des  expériences ,  il  faut  avoir  un  but  , 
être  guidé  par  une  hypothèse  ;  et  pour  tirer 
quelque  avantage  de  ses  observations  ,  il  faut  les 
comparer  sous  quelques  rapports  ,  et  déterminer 
au  moins  quelques-unes  des  circonstances  né- 
cessaires auxquelles  chaque  phénomène  observé 
doit  son  origine ,  afin  qu'on  puisse  le  reproduire. 
Ainsi  des  suppositions  plus  ou  moins  illusoires  , 
et  même  des  chimères  qui  sont  aujourd'hui  ridi- 
cules ,  mais  qui  ont  engagé  aux  tentatives  les 
plus  laborieuses ,  ont  été  nécessaires  au  berceau 
de  la  chimie  :  par  leur  moyen  les  faits  se  sont 
multipliés ,  un  grand  nombre  de  propriétés  a  été 
constaté  ,  et  plusieurs  arts  se  sont  perfectionnés. 
Toutefois  la  chimie  ne  fesait  que  se  grossir 
d'observations  incomplètes  ,  et  de  théories 
particulières  qui  n'avaient  aucune  liaison  en- 
tre elles  ,  qui  se  succédaient  comme  les  caprices 
de  l'imagination  ,  et  qui  n'avaient  aucun  rap- 
port avec  les  lois  générales  ;  orgueilleuse  et  isolée 
de  toutes  les  autres  connaissances ,  plus  elle 
fesait  d'acquisitions  ,  plus  elle  s'éloignait  dit 
caractère  des  véritables  sciences. 


6  STATIQUE     CHIMIQUE. 

Ce  n'est  que  depuis  que  l'on  a  reconnu 
l'affinité  comme  la  cause  de  toutes  les  combi- 
liaisons  ,  que  la  chimie  a  pu  être  regardée 
comme  une  science  qui  commençait  à  avoir 
des  principes  généraux  :  dès-lors  on  a  cher- 
ché à  soumettre  à  un  ordre  régulier  la  succes- 
sion des  combinaisons ,  que  différents  éléments 
peuvent  former  ,  et  à  déterminer  les  propor- 
tions qui  entrent  dans  ces  combinaisons. 

Bergman  donna  beaucoup  plus  d'étendue  à 
l'application  de  ce  premier  principe  :  il  fit  ap- 
percevoir  la  plupart  des  causes  qui  pouvaient 
en  déguiser  ou  en  faire  varier  les  effets  :  il 
fonda  sur  lui  les  méthodes  des  différentes  ana- 
lyses chimiques  ,  qu'il  porta  à  un  degré  de  pré* 
cision  inconnu  jusqu'à  lui. 

Cependant  un  grand  nombre  de  phénomènes 
dépendent  de  la  combinaison  de  l'oxigène  qui 
est  la  substance  dont  les  affinités  paraissent  le 
plus  actives;  et  son  existence  même  n'était  point 
connue  :  il  fallait  suppléer  par  des  hypothèses 
à  l'action  qu'il  exerce.  Priestley  n'eut  pas  plutôt 
fait  connaître  cette  substance  qui  joue  un  rôle 
si  important ,  que  Lavoisier  en  détermina  les 
combinaisons ,  et  rappela  à  cette  cause  réelle 
les  nombreux  effets  qu'elle  produit.  Le  grand 
jour  que  ses  découvertes  immortelles  réjjan- 
dirent  non-seulement  sur  les  phénomènes  qui 
en   dépendaient  ,    mais  encore  sur  l'action   de 


r  :n'  T  R  o  D  r  c  T  I  o  ]v.  ^ 

plusieurs  autres  gaz  découverts  à  ia  même 
époque  ,  mérita  à  la  révolution  qu'il  produisit 
l'honneur  d'être  regardée  comme  une  tliéorié 
générale  et  nouvelle. 

La  considération  précise  d'une  cause  égale- 
ment puissante  ,  par  les  modifications  qu'elle 
introduit  dans  les  résultats  de  l'affinité  ,  celle 
de  l'action  de  la  chaleur  était  aussi  nécessaire 
pour  l'interprétation  de  la  plupart  des  phé- 
nomènes :  on  devait  à  Black  la  découverte  des  pro- 
priétés fondamentales  de  la  chaleur  ;  elles  avaient 
occupé  après  lui  plusieurs  physiciens  ;  mais  elles 
furent  soumises  à  des  lois  bien  déterminées  ,  dans 
un  savant  mémoire  qu'on  doit  à  Laplace  et  à 
Lavoisier. 

On  voit  donc  que  la  chimie  a  acquis  de  nos 
jours  la  connaissance  de  ces  propriétés  géné- 
ratrices qui  accompagnent  toute  action  chimi- 
que ,  et  qui  sont  la  source  de  tous  les  phéno- 
mènes qu'elle  produit  :  cette  science  a  donc  pu 
être  fondée  sur  des  principes  dont  l'application 
a  fait  faire  des  progrès  rapides  à  toutes  les 
connaissances  qu'elle  embrasse. 

Com.me  les  théories  particulières  bornent  leurs 
considérations  à  certains  faits  ou  à  quelques 
classes  de  phénomènes,  elles  peuvent  souvent 
se  restreindre  à  l'application  rigoureuse  des 
propriétés  bien  constatées ,  et  n'être ,  pour  ainst 
dire,  que  l'expression  réservée  de  l'expérience ^ 


^  STATIQUE      CHIMIQUE. 

jusqu'à  ce  que  les  progrès  de  la  science  îeui" 
donnent  une  plus  grande  extension  :  elles 
peuvent  donc  être  réduites  à  toute  la  certi- 
tude qui  peut  appartenir  aux  connaissances 
fondées  sur  le  témoignage  de  nos  sens  ;  ce  qui 
est  sur  -  tout  vrai  pour  la  détermination  des 
éléments  des  substances  composées ,  et  des  mé- 
thodes par  lesquelles  on  parvient  à  cette  dé- 
termination. 

Il  n'en  est  pas  de  même  de  la  théorie  qui 
embrasse  la  considération  de  toutes  les  théories 
particulières ,  et  qui  cherche  à  démêler  ce  qu'il 
peut  y  avoir  de  commun  entre  les  propriétés 
chimiques  été  tous  les  corps  ,  et  ce  qui  peut  dé- 
pendre d'une  dis2:)Osition  particulière  à  chacun  : 
occupée  de  répandre  la  lumière  sur  tous  les 
objets ,  de  perfectionner  toutes  les  méthodes  , 
de  recueillir  les  résultats  pour  les  comparer  , 
elle  tâche  de  reconnaître  toute  la  puissance  de 
chaque  cause ,  et  toutes  les  causes  qui  peuvent 
concourir  à  chaque  phénomène  ;  elle  porte  la 
vue  par-delà  les  limites  de  l'observation  ;  elle  ne 
compare  pas  seulement  les  phénomènes  dont 
les  causes  peuvent  être  clairement  assignées  ; 
mais  elle  indique  la  liaison  qui  peut  se  trouver 
entre  les  connaissances  acquises  et  celles  aux- 
quelles on  doit  aspirer  :  si  elle  abandonne  sans 
explication  un  certain  nombre  de  faits  dont 
elle    n'apperçoit  encore   aucune  conséquence  , 


INTROT)TTCTIO:îf.  ^ 

soit  parce  qu'ils  doivent  être  ëclaircis  par  des 
expériences  plus  exactes  ou  mieux  dirigées  , 
soit  parce  qu'ils  dépendent  d'un  conflit  trop 
grand  de  différentes  propriétés  ,  elle  les  ressaisit 
dès  quelle  apperçoit  une  lueur  qui  peut  la 
guider. 

Cette  théorie  repose  nécessairement  sur  des 
vérités  bien  établies  ,  et  sur  des  conjectures  plus 
ou  moins  fondées  ;  et ,  par  l'application  des  prin- 
cipes auxquels  elle  s'élève  ,  elle  donne  des  ex- 
plications plus  ou  moins  complètes  ,  plus  ou 
moins  certaines  des  phénomènes  divers;  elle  se 
perfectionne  et  s'aggrandit  par  les  progrès  de 
l'observation,  et  par  son  commerce  avec  les 
autres  sciences. 

Dès  que  l'on  a  reconnu  les  propriétés  géné- 
rales auxquelles  doivent  aboutir  tous  les  effets 
de  l'action  chimique  ,  on  s'est  hâté  d'établir , 
comme  lois  constantes  et  déterminées ,  les  con- 
ditions de  l'affinité  qui  ont  paru  satisfaire  à 
toutes  les  explications  ;  et  réciproquement  on 
déduit  de  ces  lois  toutes  les  explications  ,  et 
c'est  dans  la  superficie  que  la  science  acquiert 
par  là  ,  que  l'on  fait  principalement  consister  ses 
progrès. 

Persuadé  que  les  principes  adoptés  en  chimie, 
et  les  conséquences  immédiates  qu'on  en  tire 
pour  qu'elles  servent  elles-mêmes  de  principes 
secondaires ,  ne  devaient  point  encore  être  admis 


ÎO  STATIQUE     CHIMIQUE. 

oomme  des  maximes  fondamentales ,  je  les  ai 
rappelés  à  un  nouvel  examen  ,  et  j'ai  déjà  publié 
dans  mes  recherches  sur  les  lois  de  l'affinité  les 
observations  qui  m'ont  porté  à  croire  qu'on  ne 
s'était  pas  encore  fait  une  idée  très-exacte  des 
effets  qu'elle  produit. 

Le  but  de  cet  essai  est  d'étendre  mes  premières 
réflexions  à  toutes  les  causes  qui  peuvent  faire 
varier  les  résultats  de  l'action  chimique ,  ou  du 
produit  de  l'affinité  et  de  la  quantité.  J'exa- 
minerai donc  quelle  est  la  dépendance  mutuelle 
des  propriétés  chimiques  des  corps,  comparées 
d'abord  entr'^lles ,  et  considérées  ensuite  dans 
les  différentes  substances  ;  quelles  sont  les  forces 
qui  naissent  de  leur  action  dans  les  effets  qui 
en  proviennent  ,  et  quelles  sont  celles  de  ces 
forces  qui  concourrent  à  ces  effets  ou  qui  leur 
sont  opposées. 

L'essai  est  divisé  en  deux  parties  ;  dans  la 
première,  je  considère  tous  les  éléments  de  l'action 
chimique ,  et  dans  la  seconde ,  les  substances 
qui  l'exercent  et  qui  contribuent  le  plus  aux 
phénomènes  chimiques ,  en  les  classant  par  leurs 
dispositions  ou  par  les  rapports  qui  existent 
entre  leurs  affinités. 

Le  premier  effet  de  l'affinité  sur  lequel  je 
fixe  l'attention ,  est  celui  qui  produit  la  cohé- 
rence des  parties  qui  entrent  dans  la  compo- 
sition d'un  corps  ;  c'est  l'effet  de  l'affinité  réci- 


î  N  T  R  O  D  U  C  T  I  O  ?r.  î  f 

,  proque  de  ces  parties ,  que  je  clistingue  par  le 
nom  de  force  de  cohésion  ,  et  qui  devient,  une 
force  opposée  à  toutes  celles  qui  tendent  à  faire 
entrer  dans  une  autre  combinaison  les  parties 
qu'elle  tend  au  contraire  à  réunir. 

Toutes  les  affinités  qui  tendent  par  leur  action 
à  diminuer  l'effet  de  la  cohésion  ,   doivent  être 
considérées  comme  une  force  qui  lui^est  opposée , 
et  dont  le  résultat  est  la  dissolution.  Lors  donc 
qu'un  liquide  agit  sur   un    solide ,    sa  force  de 
dissolution    peut  produire    la    liquéfaction    du 
solide  ,  si  elle  l'emporte  sur  celle  de  cohésion  ; 
mais  quelquefois  cet  effet  a  lieu  immédiatement; 
quelquefois  il  faut  que  la  cohésion  soit  d'abord 
affaiblie    par    un    commencement     de     combi- 
naison ;   il    est   des   circonstances  où  le  liquide 
ne   peut   agir  qu'à    la    surface  du   solide  et  le 
mouiller  ;  enfin  le  solide  ne  peut  pas  même  être 
mouillé  ,  lorsque  son  affinité  avec  le  liquide  ne 
produit  pas  un   effet  plus  grand  que  celui  de 
l'affinité  mutuelle  des  parties  de  ce  dernier.  Ces 
deux  forces  produisent  donc  ,  selon   leur  rap- 
port ,    différents  résultats  qui  doivent  être  dis- 
tingués ,  mais  qu'il  ne  faut  pas  attribuer ,  avec 
quelques   physiciens  ,  à  deux  affinités  dont    ils 
■ont  regardé  l'une  comme   chimique ,  et  -l'autre 
comme  dérivée  des  lois  physiques. 

Les  effets  de   la  force  de  cohésion    n'ont  pu 
échapper  à  l'attention  des  chimistes;  mais  ils 


T*  STATIQUE     CHIMIQUE, 

ne  l'ont  considérée  que  comme  une  qualité  des 
corj^s  actuellement  solides  ,  de  sorte  que  la 
solidité  n'existant  plus ,  ils  l'ont  regardée  comme 
détruite  :  au  contraire  ,  ses  effets  peuvent  cesser 
d'être  sensibles  sans  qu'elle  cesse  d'agir  ,  ainsi 
que  toutes  les  forces  physiques  qui  sont  com- 
primées :  c'est  ici  l'une  des  principales  causes 
de  la  différence  que  l'on  trouvera  entre  les  ex- 
plications que  je  présente  et  celles  qui  sont 
adoptées,  et  dans  lesquelles  on  a  négligé  de  faire 
entrer  cette  considération. 

L'action  réciproque  qui  tend  à  réunir  les 
parties  d'une  substance  peut  être  surmontée  par 
une  force  dissolvante  ,  et  son  énergie  diminue 
à  mesure  que  la  quantité  du  dissolvant  aug- 
mente ,  ou  que  son  action  est  accrue  par  la 
chaleur  ;  au  contraire ,  elle  augmente  si  les  cir- 
constances précédentes  s'affaiblissent  ,  et  elle 
reproduit  enfin  des  effets  qui  sont  dus  à  sa 
prépondérance  :  de  là  toutes  les  séparations  et 
précipitations  qui  ont  lieu  dans  un  liquide ,  et 
qui  sont  dues  à  la  formation  d'un  solide. 

La  cristallisation  est  un  des  effets  remarquables 
de  la  force  de  cohésion  ;  les  parties  qui  cris- 
taJlisent  prennent  un  arrangement  symétrique 
qui  est  déterminé  par  l'action  mutuelle  des 
petits  solides  que  leur  force  de  cohésion  sépare 
d'un  liquide  ;  et  les  conditions  d'un  solide  qui 
se  rompt  plus  facilement  dans  un  sens  que  dans 


ÎNTRODUCTIOIN".  l3 

un  autre ,  qui  est  plus  ou  moins  fragile  ,  plus 
ou  moins  élastique  ,  plus  ou  moins  ductile  , 
dépendent  de  cet  arrangement. 

La  différente  solubilité  des  sels  qui  provient  du 
rapport  de  leur  force  de  cohésion  à  l'action  du 
liquide  dissolvant ,  est  non-seulement  la  cause  de 
leur  cristallisation ,  mais  aussi  de  leur  séparation 
successive  par  le  moyen  de  l'évaporation  ;  elle 
n'est  pas  seulement  opposée  à  l'effet  du  dissol- 
vant ,  mais  à  leur  action  mutuelle  ;  car  pendant 
que  différents  sels  sont  en  dissolution  ,  ils  ne 
forment  qu'un  liquide  où  toutes  les  actions  par- 
ticulières se  contrebalancent  jusqu'à  ce  que  la 
force  de  cohésion  ait  acquis  assez  d'énergie  pour 
faire  passer  à  l'état  solide  ceux  qui  sont  moins 
solubles. 

•  Puisque  l'effet  immédiat  de  toute  action  chi- 
mique est  une  combinaison  ,  la  dissolution  n'est 
elle-même  qu'une  combinaison  considérée  sous 
son  rapport  avec  la  force  de  cohésion  ;  or ,  dans 
toute  combinaison  on  remarque  que  l'action 
d'une  substance  est  toujours  proportionnelle  à 
la  quantité  qui  peut  se  trouver  dans  la  sphère 
d'activité  :  une  conséquence  immédiate  de  cette 
loi ,  c'est  que  l'action  d'une  substance  diminue 
en  raison  de  la  saturation  qu'elle  éprouve. 

Parmi  les  affinités  d'une  substance ,  il  y  en 
a  quelquefois  une  qui  est  dominante  ,  et  qui 
imprime  son  caractère  k  ses  propriétés  distinc- 


t4  STATIQUE     CHIMIQUE. 

fives  :  ce  sont  ces  affinités  énergiques  qui  ser-*^ 
vent  à  classer  les  substances  dans  un  système 
de  chimie ,  et  qui  donnent  naissance  à  la  plupart 
des  phénomènes  chimiques. 

Toutes  les  propriétés  qui  sont  dérivées  de  cette 
affinité  dominante  deviennent  latentes  ou  re- 
paraissent avec  elles  ;  la  combinaison  en  a  de 
nouvelles  qui  n'ont  plus  aucun  rapport  avec 
celles  qui  ont  disparu  par  la  saturation  ,  mais 
elles  sont  une  conséquence  des  changements  qui 
se  sont  opérés  par  la  condensation  ou  par  la 
dilatation  des  éléments  de  la  combinaison  ;  car 
Taction  réciproque  des  molécules  d'une  com- 
binaison correspond  à  la  condensation  ou 
à  la  dilatation  qui  approche  ou  éloigne  les 
molécules;  ainsi  les  sels  qui  sont  dans  létat  de 
combinaison  ont  une  solubilité  et  une  cristal- 
lisation particulière. 

Lorsque  les  substances  qui  jouissent  d'une 
affinité  dominante  subissent  une  combinaison 
qui  est  étrangère  à  Taction  de  cette  affinité  , 
elles  y  portent  toutes  les  propriétés  qui  en  dé- 
pendent, et  qui  ne  sont  que  modifiées  par  la 
constitution  qu'elles  ont  acquise  ,  et  par  le 
degré  de  saturation  qu'elles  ont  éprouvé  ;  ainsi 
un  alliage  conserve  les  propriétés  métalliques  j 
et  celles  qui  proviennent  de  l'action  réciproque 
des  molécules,  soit  simples,  soit  composées,  telles 
que  la  force  de  cohésion,  la  fusibilité,  éprouvent. 


INTRODUCTION.  l5 

ainsi  que  la  pesanteur  spécifique  ,  un  change- 
ment qui  n'est  produit  que  par  celui  de  la  distance 
mutuelle  des  molécules  dans  la  constitution 
qu'elles  ont  acquise  par  la  combinaison. 

Une  affinité  dominante  et  énergique  dans  une 
substance  suppose  une  disposition  analogue  dans 
une  autre  substance  dont  les  propriétés  carac- 
téristiques doivent  par  là  être  regardées  comme 
antagonistes  des  siennes  ,  puisqu'elles  les  font 
disparaître  par  la  saturation. 

Les  acides  et  les  alcalis  montrent  au  plus  haut 
degré  ces  propriétés  antagonistes  qui  sont  la 
source  principale  des  phénomènes  chimiques  ; 
leur  action  réciproque  mérite  donc  de  fixer  par- 
ticulièrement l'attention. 

Je  considère  d'abord  comme  un  attribut  gé- 
néral ,  cette  propriété  corrélative  des  acides  et 
des  alcalis  de  se  saturer  mutuellement ,  indé- 
pendamment des  affections  particulières  à  cha- 
cun d'eux  ,  et  des  propriétés  qui  dépendent 
des  éléments  dont  ils  sont  composés. 

Comme  cette  saturation  réciproque  des  acides 
et  des  alcalis  est  un  effet  immédiat  de  leur 
affinité  réciproque  ,  elle  doit  être  regardée 
comme  la  mesure  de  leur  affinité  ,  si  l'on  prend 
en  considération  les  quantités  respectives  qui 
sont  nécessaires  pour  produire  cet  effet.  D'où 
il  suit  que  les  affinités  des  acides  pour  les  alcalis 
ou  des  alcalis  pour  les  acides  sont  proportion- 


l6  STATIQUE     CHIMIQUE. 

nelles  à   leur   capacité  de   saturation.    J'e'tabli^ 
en   conséquence  que   lorsque   plusieurs   acides 
agissent  sur  une  base  alcaline,  l'action  de  l'un 
des  acides  ne  l'emporte  pas  sur  celle  des  autres  , 
de  manière  à  former  une   combinaison  isolée  , 
mais  chacun  des  acides  a  dans  l'action  une  part 
qui  est  déterminée  par  sa  capacité  de  saturation 
et  par  sa  quantité;  je  désigne  ce  rapport  com- 
posé ,  par  la  dénomination  de  masse  chimique  ; 
je  dis  donc  que  chacun  des  acides  qui  se  trou- 
vent en  concurrence  avec  une  base  alcaline  agit 
en  raison  de  sa  masse  ;  et  pour  déterminer  les 
masses ,  je  compare  les  capacités  de  saturation , 
soit  de  tous  les  acides  avec  une  base  ,   soit  de 
toutes  les  bases  avec  un  acide. 

Pour  expliquer  les  combinaisons  qui  se  for- 
ment dans  le  concours  de  deux  acides  avec  une 
base ,  et  celles  qui  se  produisent  par  l'action  de 
deux  acides  et  de  deux  bases ,  on  a  supposé  une 
affinité  élective  qui ,  par  sa  graduation ,  subs- 
titue une  substance  à  une  autre  dans  une  com- 
binaison ,  et  qui  dans  l'action  réciproque  de 
quatre  substances  ,  détermine  deux  combi- 
naisons qui  s'isolent. 

Cette  supposition  ne  peut  point  se  concilier 
avec  la  loi  générale  des  combinaisons  ;  mais  la 
considération  des  deux  effets  distincts  de  l'af- 
finité ,  en  tant  qu'elle  produit  les  combinaisons 
et  qu'elle  est  le  principe  de  la  force  de  cohésion , 


INTROD  UCTIO  l>r.  Ï'J 

ni'a  paru  suffire  à  rexplication  de  tous  les  faits 
qu'on  attribue  à  l'affinité  élective  et  à  l'action 
des  doubles  affinités. 

La  loi  générale  à  laquelle  est  assujettie  l'ac- 
tion chimique  que  les  substances  exercent  en 
raison  de  l'énergie  de  leur  affinité  et  de  leur 
quantité ,  n'est  pas  seulement  modifiée  dans 
les  effets  qui  en  dépendent  par  la  force  de 
cohésion  ;  elle  l'est  encore  par  l'action  ex- 
pansive  du  calorique  ou  de  la  cause  de  la  cha- 
leur, qui  est  le  principe  de  Tex^jansibilité. 

Comme  toutes  les  substances  éprouvent  dans 
leur  action  1  influence  du  calorique  ,  et  qu  il 
contribue  par  conséquent  à  tous  les  phénomènes 
chimiques ,  il  est  important  de  déterminer  avec 
précision  ses  propriétés  générales  et  les  effets 
qu'il  peut  produire  dans  différentes  circons- 
tances. J'entrerai  à  cet  égard  dans  des  détails 
élémentaires  qui  paraissent  étrangers  au  but 
que  je  me  suis  proposé. 

C'est  du  rapport  de  l'action  réciproque  par 
laquelle  les  molécules  d'une  substance  simple  ou 
composée  tendent  à  se  réunir  ,  avec  l'action 
expansive  que  le  calorique  exerce  sur  elles , 
que  dépend  la  disposition  de  cette  substance 
à  la  solidité ,  à  l'état  liquide  ou  à  l'état  élas- 
tique :  l'effet  du  calorique  peut  concourir  , 
selon  les  circonstances ,  à  la  combinaison  de 
cette  substance  avec  les  autres  ,  ou  lui  être 
I.  a 


jS  statique    chimique. 

contraire.  Lorsque  le  calorique  produit  l'e'tat 
élastique ,  on  doit  considérer  le  gaz  qui  en  pro- 
vient comme  dû  à  la  combinaison  quil  forme, 
et  l'élasticité  comme  une  force  opposée,  soit  à 
la  solidité ,  soit  aux  combinaisons  liquides  ;  mais 
il  faut  appliquer  à  l'élasticité  ce  que  j'ai  remar- 
qué sur  la  solidité  :  son  action  précède  l'instant 
où  elle  devient  effective. 

L'effort  du  calorique  qui  tend  à  accroître  la 
distance  des  molécules  serait  toujours  opposé 
aux  combinaisons  des  substances  entre  elles ,  s'il 
ne  j3roduisait  souvent  un  effet  plus  grand  que 
ce  premier,  en  diminuant  la  solidité  qui  est  un 
autre  obstacle  à  la  combinaison  ,  ou  en  aug- 
mentant l'élasticité  qui  seconde  l'action  des  gaz  : 
il  favorise  donc  les  combinaisons  de  quelques 
substances ,  et  il  est  contraire  à  d'autres  selon 
leurs  dispositions.  Il  ne  faut  pas  confondre  ces 
effets  avec  ceux  de  l'affinité  réciproque  des 
substances. 

Les  fluides  élastiques  ont  un  grand  désavantage 
relativement  aux  autres  substances  dans  l'action 
qu'ils  exercent  sur  elles,  car  ils  ne  peuvent 
porter  dans  la  sphère  d'activité  qu'une  très- 
jjetite  masse. 

Dans  l'action  réciproque  des  gaz ,  les  résultats 
sont  très-différents  selon  l'intensité  de  l'affinité  ; 
lorsqu'elle  est  faible ,  elle  se  borne  à  une  disso- 
lution dans  laquelle  les  dimensions  respectives. 


INTRODUCTIOir.  ir^ 

çt  les  propriétés  ne  sont  point  altérées  ;  si  elle 
est  énergique ,  ces  dimensions  éprouvent  une 
grande  diminution ,  et  il  se  forme  des  combi- 
naisons qui  ont  des  propriétés  nouvelles  ;  mais 
il  faut  reconnaître  les  propriétés  qui  distin- 
guent les  gaz  constants  des  vapeurs  qui  ne 
prennent  l'état  de  gaz  que  dans  certaines  cir- 
constances. 

Tous  ces  effets  varient  par  les  changements 
de  dimensions  que  produisent  les  changements 
de  température  ,  et  qui  sont  beaucoup  plus  con- 
3idérables  que  dans  les  liquides  et  les  solides. 
Il  importe  donc  de  déterminer  avec  soin  les  lois 
que  suit  la  dilatation  des  fluides  élastiques,  et 
de  comparer  sous  ce  rapport  ceux  qui  sont  per- 
manents et  ceux  qui  ne  prennent  cet  état  que 
par  l'action  des  premiers  ou  par  des  élévations 
de  température. 

Les  substances  naturellement  élastiques  peu- 
vent être  ramenées  par  la  combinaison  à  1  état 
liquide  ou  solide  ;  alors  elles  acquièrent  des 
propriétés  nouvelles  par  leur  condensation.  On 
doit  distinguer  l'action  chimique  qu'elles  peu- 
vent exercer  dans  cet  état ,  et  l'énergie  qu'elles 
ont  acquise  et  qu'elles  peuvent  communiquer 
à  leur  combinaison  en  regardant  laffinité  de 
celle-ci  comme  une  force  résultante  des  affinités 
élémentaires  qui  lui  succèdent  lorsque  la  com- 
binaisoû  c^se  ,   ou  qui   donjoeût   naissance  à 

2., 


20  STATIQTTE     CHIMIQUE. 

d'autres  affinités  résultantes,  lorsque  l'état  de 
combinaison  vient  à  changer. 

Tous  les  phénomènes  de  la  nature  se  passent 
dans  l'atmosphère  qui  concourt  souvent  à  les 
produire  par  sa  compression ,  sa  température 
ou  la  combinaison  des  parties  qui  la  composent  ; 
il  faut  donc  avoir  une  connaissance  exacte  des 
qualités  de  l'atmosphère  sous  ces  trois  rapports. 

Le  résultat  des  différentes  causes  qui  inter- 
viennent dans  l'action  chimique  est  quelquefois 
une  combinaison  dont  les  proportions  sont  cons- 
tantes ;  quelquefois  au  contraire  les  propor- 
tions des  combinaisons  qui  se  forment  ne  sont 
pas  fixes  et  varient  selon  les  circonstances  dans 
lesquelles  elles  sont  produites  :  dans  le  premier 
cas  il  faut  une  accumulation  de  forces  pour 
changer  les  proportions  ,  qui  soit  égale  à  celles 
qui  tendent  à  maintenir  leur  état  de  combi- 
naison :  cet  obstacle  vaincu  ,  l'action  chimique 
continue  à  produire  son  effet  en  raison  de 
l'énergie  des  affinités  et  de  la  quantité  des  subs- 
tances qui  l'exercent.  J'ai  tâché  de  déterminer 
les  conditions  qui  limitent  ainsi  les  proportions 
dans  quelques  combinaisons ,  et  qui  paraissent 
mettre  une  interruption  dans  la  progression  de 
l'action  chimique. 

Il  y  a  encore  dans  l'action  chimique  une  con- 
dition qui  doit  être  prise  en  considération  ,  et 
qui  sert  à  expliquer  plusieurs  de  ses  effets;  c'est 


INTRODtrCTIOIf.  aï 

rinlervalle  de  tems  qui  est  nécessaire  pour  qu'elle 
s*exëcute  ,  et  qui  est  très-variable  selon  les  subs- 
tances et  selon  les  circonstances.  J'examine  sous 
ee  rapport  la  propagation  de  l'action  chimique. 
Après  avoir  ainsi  parcouru  tous  les  éléments 
jconnus  de  l'action  chimique ,  je  passe  à  la  se- 
conde partie  qui  est  destinée  à  considérer  le& 
dispositions  des  substances  qui  sont  les  plus 
remarquables  par  leurs  propriétés  chimiques , 
et  classées  par  leur  caractère  distinctif  ou  par 
leur  affinité  dominante.  Je  tâche  de  trouver  dans 
leurs  propriétés  l'origine  de  celles  des  combi- 
naisons qu'elles  forment  ,  selon  Tétat  dans  lequel 
elles  s'y  trouvent  et  la  raison  des  phénomènes 
auxquels  elles  concourrent. 

J'examine  sous  cet  aspect  les  propriétés  des 
substances  inflammables  ,  celles  de  leurs  com- 
binaisons mutuelles ,  celles  des  acides  composés 
et  des  différentes  combinaisons  qui  en  sont  dé- 
rivées selon  les  proportions  de  leurs  éléments  , 
celles  des  alcalis ,  des  terres ,  et  enfin  des  subs- 
tances métalliques. 

Les  substances  végétales  et  les  substances 
animales  sont  très  -  complexes  ,  moins  par  le 
nombre  des  éléments  qui  entrent  dans  leur  com- 
position ,  que  par  les  substances  qui  en  pro- 
viennent ,  et  qui  agissent  chacune  par  une  force 
résultante  ;  elles  sont  si  mobiles  et  si  variables 
qu'il  est  bien  difficile  de  parvenir  à   une  coa- 


â2  STATIQUE    CHIMIQUE. 

naissance  exacte  des  causes  des  phénomènes  qui 
leur  doivent  leur  origine  ;  c'est  dans  leur  con- 
sidération qu'on  doit  porter  la  plus  grande  cir- 
conspection :  je  me  bornerai  à  indiquer  ce  qui 
me  paraît  le  mieux  constaté  ,  ou  ce  qu'on  peut 
conjecturer  de  plus  raisonnable  sur  les  phéno- 
mènes de  ce  genre  que  la  chimie  a  pu  atteindre. 

On  trouvera  une  grande  inégalité  dans  les 
discussions  dans  lesquelles  j'entrerai  :  je  passerai 
rapidement  sur  quelques  objets  qui  sont  im- 
portants ,  mais  qui  ne  présentent  rien  d'incertain 
nux  chimistes  ,  et  je  m'arrêterai  avec  beaucoup 
de  détails  à  d'autres  qui  sont  moins  intéressants, 
mais  qui  me  paraîtront  exiger  de  nouveaux 
éclaircissements. 


PREMIERE    PARTIE. 

DE  L'ACTION  CHIMIQUE  EN  GÉNÉRAL. 


SECTION     PREMIERE. 

DE  L'ACTION  CHIMIQUE  DES  SOLIDES  ET  DES  LIQUIDES. 


CHAPITRE     PREMIER. 
De  la  force  de    cohésion. 

I.  l_j' ACTION  chimique  produit  des  effets  dif- 
férents ,  selon  qu'une  substance  est  gazeuze  , 
liquide  ,  ou  dans  l'état  solide  ;  de  sorte  que 
toute  action  chimique  n'est  pas  un  effet 
simple  de  l'affinité  ,  mais  qu'elle  est  modifiée 
par  la  constitution  des  corps  qui  l'exercent  ; 
il  importe  donc  pour  reconnaître  les  causes 
des  phénomènes  chimiques  ,  d  établir  quelle 
peut  être  l'influence  de  la  constitution  des  subs- 
tances ,  et  quelle  différence  peut  apporter 
chacune  de  ses  conditions,  soit  qu'elle  la  pré- 
cède ,  soit  qu'elle  en  devienne  un  résultat.   Je 


^4  STATIQUE     CHIMIQUE. 

commence  par  considérer  les  rapports  de  l'etaC 
solide  à  letat  liquide. 

2.  La  cohésion  est  l'effet  de  Taffinitë  que  les 
molécules  exercent  les  unes  sur  les  autres  ,  et 
qui  les  tient  à  une  distance  déterminée  par 
l'équilibre  de  cette  force  avec  celles  qui  lui  sont 
opposées  ;  caria  propriété  ,  que  les  corps  les  plus 
compacts  possèdent ,  d'éprouver  une  diminution 
de  volume  par  les  abaissements  de  température, 
prouve  qu'il  nj  a  pas  de  contact  immédiat  entre 
leurs  parties. 

Les  corps  dans  lesquels  les  parties  intégrantes 
sont  composées ,  sont  soumis  à  la  cohésion  comme 
ceux  dont  les  parties  sont  similaires  ;  le  sulfate 
de  baryte  forme  non-seulement  des  masses  so- 
lides ;  mais  toutes  ses  parties  qui  sont  en  état  de 
combinaison  prennent  un  arrangement  symétri- 
que ,  ainsi  que  les  p-rfies  du  cristal  de  roche. 

La  plupart  des  substances  Hquides  prennent 
elles-mêmes  une  forme  solide  ,  lorsque  l'effet  de 
la  hquidité  est  diminué  par  un  abaissement  de 
température  ;  ainsi  l'eau  se  congèle  et  forme  des 
cristaux  :  on  ne  peut  douter  que  le  même  effet 
n'eût  lieu  pour  tous  les  liquides,  si  l'on  pouvait 
produire  un  froid  assez  grand  ;  mais  l'on  observe 
à  cet  égard  une  grande  différence  entre  eux. 

Les  gaz  même  annoncent  cette  disposition 
entre  leurs  parties  ;  le  gaz  muriatique  oxigené 
prend  un  état  concret ,  et  cristallise  à  une  tem« 


DE  l'actioît    chimique,    etc.  aS 

perature  qui  approche  de  celle  de  la  congé- 
lation de  Teau  ;  et  toutes  les  substances  gazeuses, 
loisqu  elles  ont  perdu  leur  élasticité  ,  en  formant 
une  combinaison,  sont  disposées  à  prendre  l'état 
solide ,  si  la  température  le  permet  ;  par  exemple, 
le  gaz  ammoniaque  et  le  gaz  acide  carbonique  de- 
viennent solides  dès  qu'ils  entrent  en  combinai- 
son ,  et  le  gaz  hydrogène  le  plus  subtil  des 
fluides  élastiques  qui  puisse  être  contenu  dans 
des  vases  ,  forme  avec  le  gaz  oxigène  ,  l'eau  qui 
peut  devenir  concrète. 

On  ne  peut  donc  douter  que  toutes  les  subs- 
tances n'aient  dans  leurs  parties  une  disposi- 
tion constante  à  se  réunir  et  à  former  un  corps 
solide  :  si  cet  effet  ne  peut  se  produire  ,  c  est 
que  la  force  de  cohésion  est  surmontée  par 
l'action  du  calorique. 

3.  Quoique  les  effets  de  la  chaleur  et  les  pro- 
priétés du  calorique  doivent  être  analysés  en 
particulier  ,  il  sera  nécessaire  cependant  de 
considérer  dans  ce  qui  va  suivre  la  dilatation 
qu'elle  produit  dans  tous  les  corps  :  cette  force 
expansive  est  non-seulement  contraire  à  la  force 
de  cohésion,  mais  encore  à  la  tendance  que  les 
substances  ont  à  se  combiner  les  unes  avec  les 
autres ,  quoique  par  son  effet  opposé  à  celui 
d'autres  forces,  il  arrive  souvent  qu'elle  favorise 
ces  combinaisons. 

4.  La  force  de  cohésion,  soit  celle  qui  réunit 


i6  STATIQUE     CIÏIMïOtTE. 

des  parties  similaires ,  soit  celle  qui  agit  stfr 
une  combinaison,  s'accroît  dans  une  substance 
d^autant  plus  que  ses  molécules  éprouvent  un 
rapprochement  plus  grand  ;  l'alumine  qui  , 
après  avoir  été  soumise  à  un  haut  degré  de  cha- 
leur, a  éprouvé  une  grande  retraite,  a  non- 
seulement  pris  beaucoup  de  cohésion  mécanique , 
mais  elle  a  acquis  la  puissance  de  résister  à 
l'action  des  acides  et  des  alcalis  :  le  saphir  qui 
n'est  presque  que  de  l'alumine  pure,  et  dont 
la  cohésion  pourrait  être  comparée  à  celle  de 
l'alumine  qui  a  éprouvé  le  plus  grand  degré  de 
chaleur  ,  n'est  point  attaqué  par  les  agents  les 
plus  puissants  ,  jusqu'à  ce  que  cette  cohésion  ait 
été  détruite  en  grande  partie  ;  le  spath  ada- 
mantin ou  corindon ,  qui  n'est  presque  que  de 
l'alumine ,  présente  encore  une  plus  grande 
résistance  ;  d'où  il  résulte  que  la  force  de  cohésion 
est  non-seulement  opposée  à  l'action  du  calo- 
rique ,  mais  à  celle  de  toute  substance  qui  tend 
à  changer  l'état  d'un  corps  solide. 

Nous  trouvons  donc  dans  tous  les  corps  une 
disposition  à  devenir  solides ,  qui  varie  consi- 
dérablement selon  leur  nature  ,  qui  toujours 
en  opposition  avec  la  force  expansive  de  la 
chaleur,  en  est  quelquefois  détruite,  parce  qu'elle 
dépend  de  la  distance  des  parties  ;  mais  qui 
renaît ,  dès  que  l'expansion  produite  par  la  cha- 
leur est  diminuée ,  à  un  certain  degré. 


DE     L^ACTIOW     CHIMIQUE,     etC.  I^J 

Quelques  chimistes  ont  distingue  sous  le  nona 
d'affinité  d'aggrégation  les  effets  de  la  force  de 
cohésion  de  ceux  de  l'affinité  de  composition  ; 
mais  ils  ne  l'ont  admise  qu'entre  les  molécules 
de  même  espèce  ,  et  ils  l'ont  opposée  à  V affinité 
de  composition,  quoique  la  force  de  cohésion 
soit  souvent  une  cause  qui  détermine  les  com- 
binaisons ,  et  qui  par  conséquent  devient  alors 
ce  qu'ils  ont  appelé  affinité  de   composition. 

5.  J'ai  remarqué  que  plusieurs  substances 
gazeuses  acquéraient  par  leur  combinaison  mu- 
tuelle la  propriété  de  devenir  solides  :  il  résulte 
de  là  que  leurs  parties  éprouvent  par  l'acte  de 
la  combinaison  un  changement  semblable  à  celui 
que  les  liquides  subissent  par  un  abaissement  de 
température  qui  produit  leur  rapprochement  , 
ou  que  la  figure  des  nouvelles  molécules  est 
plus  favorable  à  leur  action  réciproque. 

Il  arrive  aussi  souvent  que  deux  liquides  for- 
ment par  leur  combinaison  une  substance  solide  , 
d'où  il  suit  que  dans  ces  circonstances  la  force 
de  cohésion  qui  ne  pouvoit  produire  aucun 
effet  sensible  ,  devient  une  force  prépondérante  , 
ce  qui  indique  de  même  une  analogie  entre  les 
effets  produits  dans  une  substance  par  un  chan- 
gement de  température  et  ceux  qui  sont  dus  à 
la  combinaison  de  deux  substances. 

6.   Plus  l'action   du   calorique   sur   un   corps 
s'affaiblit  ,    plus  celle    de  l'affinité    réciproque 


aS  STATIQUE     CHIMIQUE. 

acquiert  d'énergie ,  et  plus  les  parties  se  rap- 
prochent ;  de  là  vient  la  diminution  de  volume 
que  le  refroidissement  cause  dans  les  corps  ; 
mais  lorsqu'une  substance  passe  de  l'état  liquide 
à  l'état  solide ,  la  force  de  cohésion  produit, 
quelquefois  elle-même  un  autre  effet  qui  est 
contraire  au  premier. 

7.  Lorsque  les  corps  passent  de  l'état  liquide 
à  l'état  solide  ,  leurs  parties  tendent  à  prendre, 
la  disposition  dans  laquelle  leur  affinité  réci- 
proque s'exerce  avec  le  plus  d'avantage  :  de  là 
cet  arrangement  symétrique  qu'elles  prennent , 
et  qui  constitue  la  cristallisation. 

Cette  disposition  symétrique  produit  quel- 
quefois une  augmentation  de  volume  qui  in- 
troduit une  interruption  apparente  dans  Teffet 
nécessaire  du  rapprochement  des  parties  qui  est 
dû  à  la  diminution  de  l'action  du  calorique  :  ainsi 
lorsque  l'eau  se  congèle  ,  sa  pesanteur  spécifique 
diminue ,  et  il  y  a  des  métaux  dont  la  partie  , 
encore  solide ,  surnage  celle  qui  est  liquéfiée  ; 
de  sorte  qu'ils  ont  également  une  pesanteur 
spécifique  moins  grande,  lorsqu'ils  sont  solides, 
que  lorsqu'ils  sont  dans  l'état  liquide. 

8.  Les  substances  liquides  dont  le  volume 
éprouve  un  accroissement  en  passant  à  la  soli- 
dité ,  présentent  un  phénomène  qui  mérite 
d'être  remarqué.  Cette  dilatation  de  volume 
ne  s'observe  pas   seulement  au  moment   de  la 


DE  l'action  chimique,  etc.  29 
congélation  ,  mais  elle  commence  à  se  mani- 
fester dans  le  liquide  ,  lorsqu'il  approche  du 
terme  de  la  congélation. 

Mairan  remarqua  le  premier  la  dilatation  de 
l'eau  qui  approche  du  degré  de  la  congélation  ; 
mais  c'est  Dehicqui  en  détermina  la quantité(i). 
Il  observa  qu'elle  commençait  à  se  manifester 
à-peu-près  au  4^«  degré  au-dessus  du  terme  de 
la  congélation ,  et  que  la  diminution  qui  avait 
lieu  depuis  le  8^.  degré  jusqu'au  4^?  ne  fesait 
que  compenser  cet  effet. 

Il  observa  de  plus  que  l'influence  de  la  cause 
qui  produit  cette  dilatation  se  fait  appercevoir 
à  plusieurs  degrés  qui  précèdent  celui  où  elle 
se  manifeste  par  un  accroissement  réel. 

Blagden  confirma  non-seulement  ces  observa- 
tions (2)  ,  mais  ce  savant  physicien  constata  que 
la  dilatation  de  volume  continuait  ,  et  même 
dans  une  plus  grande  proportion  ,  à  mesure  que 
la  température  de  l'eau  était  abaissée  au-dessous 
du  zéro  ,  sans  entrer  en  congélation.  . 

L'effet  n'est  pas  limité  au  terme  ordinaire 
de  la  congélation  de  l'eau  :  Blagden  a  observé 
que  lorsque  ce  terme  était  abaissé  par  la  dis- 
solution d'un  sel ,  l'augmentation  de  volume  qui 

(i)  Recherches  sur  les  modifications  de  l'Atmosphère, 
ëdit.  in-8°  ,   tom.  a. 

(a)  Trans.  philo*.    1788. 


3o  STATIQUE     CHIMIQUE. 

doit  précéder  la  congélation  se  manifestait  à- 
peu-près  à  une  époque  égale ,  avant  qu'elle  de- 
vînt effective. 

9.  Si  l'on  considère  que  lorsque  les  liquides 
approchent  du  terme  de  l'ébullition  ,  rinfluence 
de  l'état  élastique  auquel  ils  vont  passer  ,  se  fait 
appercevoir  pctr  une  progression  plus  grande 
de  dilatation  ,  quelque  tems  avant  qu'ils  se  chan- 
gent en  fluides  élastiques  ,  et  que  la  loi  de  dila- 
tation à  laquelle  sont  soumis  les  fluides  élas- 
tiques ,  éprouve  également ,  comme  nous  le 
verrons,  une  modification  ,  lorsqu'ils  approchent 
du  terme  de  la  liquidité  ,  on  est  déjà  conduit  à 
admettre  comme  un  principe  général ,  que  les 
causes  qui  déterminent  les  changements  de  cons- 
titution des  corps  exercent  une  action  dont  les 
effets  sont  même  sensibles  avant  que  le  chan- 
gement  de  constitution  ait  lieu. 

Une  première  conséquence  de  ce  principe , 
c'est  que  l'affinité  réciproque  qui  peut  pro- 
duire l'état  solide ,  doit  être  considérée  comme 
une  force  qui  agit  ,  non  -  seulement  lorsque 
la  solidité  se  manifeste ,  mais  avant  ce  terme  ; 
de  sorte  que  toutes  les  fois  qu'il  se  produit 
quelque  substance  solide ,  soit  par  une  sépara- 
tion ,  soit  par  une  combinaison  ,  il  faut  chercher 
dans  l'action  réciproque  des  parties  qui  acquiè- 
rent la  solidité,  la  cause  même  qui  la  produit, 
quoiqu'elle  ne  se  manifestât  pas  auparavant. 


DE  l'action  chimique,  etc.  3f 

ïO.  Tous  les  corps  qui  passent  de  l'état  li- 
quide à  l'état  solide  n'éprouvent  pas  une  dila- 
tation occasionnée  par  i  arrangement  que  j^ren- 
nent  alors  leurs  parties;  il  y  en  a  au  contraire, 
et  c'est  probablement  le  plus  grand  nonibi  e  ,  qui 
subissent  une  contraction  ;  ainsi  l'acide  nitrique 
€t  l'acide  sulfurique  dont  la  congélation  devrait 
avoir  une  si  grande  analogie  avec  celle  de  l'eau  , 
éprouvent  cependant  une  contraction  qui  paraît 
même  être  considérable  dans  l'acide  nitrique  (i). 
Plusieurs  métaux  prennent  une  pesanteur  spé- 
cifique plus  grande  en  se  solidifiant  :  le  mercure 
est  de  ce  nombre  ;  et  le  célèbre  Cavendish  a 
expliqué ,  par  la  contraction  qu'il  éprouve , 
l'abaissement  du  thermomètre  qui  provient  de 
ia  congélation  du  mercure  au  moment  où  elle 
s'opère  ,  et  dont  on  avait  conclu  des  tempé- 
ratures beaucoup  plus  basses  que  celles  qui  ont 
lieu  réellement  (2), 

II.  Ce  ne  sont  pas  seulement  les  substances 
qui  éprouvent  une  dilatation  en  passant  à  l'état 
solide,  qui  peuvent  conserver  leur  liquidité  à  un 
degré  de  température  plus  bas  que  celui  de  leur 
congélation  :  Cavendish  a  trouvé  que  cet  effet 
avait  lieu  dans  le  mercure  qui  se  congèle  :  il  a 
même  observé  qu'il  était  beaucoup   plus  con- 

(1)  An  account  of  expei-  made  by  John.   ]VP.  Nab.  by 
Henri  Cavendish.   Trans.    philos.   ij86. 

(2)  Trans.   philos,  yol.   LXXIII. 


52  STATIQUE     CHIMIQUE. 

siflërable  dans  la  congélation  de  l'acide  nitrique 
que  dans  celle  de  l'eau. 

Cette  espèce  d'inertie,  que  possèdent  également 
toutes  les  dissolutions  salines ,  lorsqu'elles  sont 
au  terme  de  la  cristallisation ,  et  qui  provient , 
soit  de  la  difficulté  des  changements  de  position 
dans  les  molécules ,  soit  de  celle  du  passage  du 
calorique  d'une  combinaison  dans  une  autre  , 
lorsqu'ils  ne  sont  provoqués  que  par  une  force 
très-fadjle  ,  se  fait  remarquer  dans  un  grand 
nombre  de  phénomènes  ,  lorsque  l'action  chi- 
mique a  peu  d'énergie  ,  et  c'est  un  objet  sur 
lequel  je  reviendrai  dans  la  suite. 

12.  Le  mouvement,  que  l'on  imprime  aux 
parties  de  l'eau  qui  se  trouvent  au-dessous  du 
degré  qui  est  propre  à  sa  congélation  ,  en  faisant 
passer  ses  molécules  dans  un  grand  nombre  de 
positions ,  amène  celles  qui  sont  les  plus  favo- 
rables à  Faction  réciproque  :  par  là  il  favorise 
la  congélation  ;  mais  Blagden  a  fait  voir  que 
cette  cause  indiquée  par  Mairan  n'avait  point 
autant  d'efficacité  qu'on  lui  en  attribuait,  il  a 
trouvé  que  rien  ne  déterminait  plus  prompte- 
ment  cet  effet  que  le  contact  d'un  fragment  de 
glace  ;  et  le  contact  d'un  cristal  salin  produit 
un  effet  analogue  dans  une  dissolution  du  même 
sel  :  mais  du  sable  répandu  dans  l'eau  qui  était 
au-dessous  du  terme  de  la  congélation,  n'a  point 
favorisé  la  formation  de  la  glace  ;  au  contraire  ? 


DE  l'action  chimique,  etc.  33 
les  parties  terreuses  qui  restent  suspendues  dans 
l'eau  et  qui  détruisent  sa  transparence  ,  déter- 
minent la  congélation  au  terme  où  elle  peut 
s'opérer.  Ces  faits  confirment  non-seulement 
que  c'est  à  la  force  de  cohésion  qui  provient  de 
l'affinité  réciproque  ,  qu'est  dû  l'état  solide 
qu'acquièrent  les  substances  liquides;  mais  ils 
prouvent  encore  que  le  contact  des  substances 
déjà  solides  favorise  cet  effet  lorsqu'elles  ont  une 
affinité  avec  celles  qui  doivent  passer  à  letat 
solide  ,  et  qu'au  contraire  elles  n'exercent  aucune 
influence  sensible  sur  le  phénomène,  si  elles 
sont  dépourvues  de  cette   affinité. 

On  peut  déjà  conclure  de  ces  observations  que 
la  cohésion  qui  est  l'effet  de  l'affinité  réciproque 
des  molécules  doit  être  considérée  comme  une 
force  opposée  à  la  liquidité,  que  cette  force 
agit  non-seulement  lorsque  la  coJiésion  existe 
mais  que  c'est  elle  qui  la  rend  effective  et  qu'elle 
s'exerce  entre  les  parties  intégrantes  qui  résultent 
d'une  combinaison  ,  comme  entre  les  molécules 
d'une   substance  simjjle. 


1. 


34  STATIQUE     CHIMIQUE. 


CHAPITRE     II. 

De  la  Dissolution.  ' 

23.  Oi  les  substances  liquides  peuvent  acquérir 
l'état  solide  par  l'accroissement  de  la  force  de  cohé- 
sion ,  une  cause  contraire  peut  procurer  la  liqui- 
dité à  un  corps  solide  :  lorsque  cet  effet  est  produit 
par  l'action  d'un  liquide ,  il  constitue  la  dis- 
solution ;  alors  l'union  devient  telle ,  que  tout 
le  solide  qui  s'est  liquéfié  se  trouve  distribué 
dans  le  liquide  et  uniformément  confondu  aved 
lui  ;  de  sorte  que  l'un  et  l'autre  ne  présentent 
plus  qu'une  substance  homogène. 

Deux  liquides  de  pesanteur  spécifique  dif- 
férente peuvent  aussi  ,  par  leur  action  réci- 
proque, se  confondre  et  ne  former  plus  qu'un 
liquide  uniforme. 

L'action  réciproque  de  deux  corps  peut  être 
assez  faible  pour  ne  pas  balancer  la  résistance 
de  la  force  de  cohésion  ou  de  la  distance  de  leur 
pesanteur  spécifique  ,  et  les  effets  qu'elle  produit 
doivent  alors  être  différents ,  quoiqu'ils  dérivent 
de  la  même  cause. 

Nous  devons  trouver  cet  effet  plus  ou  moins 


DE  l'action"  chimique,  etc.  3Î 
complet  dans  tous  le«  résultats  de  l'action  réci- 
proque des  liquides  et  des  solides;  c€^t  donc 
un  phénoiT"  ne  général  dans  lequel  il  faut  re- 
connaître les  lois  de  l'action  chimique. 

L'action  chimique  des  différentes  substances 
s'exerce  non-seulement  en  raison  de  leur  aflinité , 
mais  encore  en  raison  de  leur  quantité  :  une 
conséquence  immédiate  ,  c'est  que  l'action  chi- 
mique diminue  à  mesure  que  la  saturation  s'opère. 

C'est  par  la  correspondance  exacte  des  phé- 
nomènes avec  les  conséquences  immédiates  de 
ce  principe  et  des  circonstances  qui  doivent  en 
modifier  l'application  ,  que  de  simple  supposition 
il  prendra  le  caractère  de  loi  générale  de  l'action 
chimique ,  et  lorsque  les  explications  de  ces 
phénomènes  pourront  en  être  déduites  natu- 
rellement ,  on  devra  rejeter  toute  autre  sup- 
position comme  fau^e  ou  inutile  :  je  vais  donc 
faire  un  premier  essai  de  cette  loi  de  l'affinité  , 
en  l'appliquant  à  l'action  réciproque  des  solides 
et  des  liquides  ,  et  en  déterminant  les  modifi- 
cations qu'elle  doit  recevoir  des  conditions  dans 
lesquelles  les  solides  et  les  liquides  peuvent 
exercer  leur  action  réciproque. 

14.  Un  liquide  ne  peut  exercer  son  action  sur 
un  solide  qu'au  contact  de  celui-ci ,  ou  plutôt 
dans  la  sphère  d'activité  que  l'affinité  peut  avoir  ; 
en  sorte  que  son  action  sur  le  solide  n'est  pas 
plus  forte  ,  soit  qu'il  se  trouve  fort  abondant  , 

3.. 


3G  STATIQUE     CHIMIQUE. 

soit  qu'il  n'y  en  ait  que  ce  qui  est  ne'cessaire 
pour  établir  tous  les  points  de  contact  possibles. 
Cependant ,  comme  dans  un  liquide  il  s'établit 
un  équilibre  de  saturation  dans  toute  sa  quan- 
tité ,  les  parties  qui  peuvent  agir  sur  le  solide 
parviennent  beaucoup  plus  lentement  au  degré 
de  saturation  où  son  action  cesse  ;  de  sorte  que 
la  quantité  de  solide  qui  se  dissout  est  pro- 
portionnelle à  celle  du  liquide ,  en  conséquence 
de  la  loi  générale  de  l'affinité. 

Il  suit  encore  de  cette  loi  ,  qu'une  subs- 
tance qui  est  en  dissolution  dans  une  quantité 
plus  grande  de  liquide  que  celle  qui  est  néces- 
saire y  est  retenue  par  une  action  plus  puis- 
sante ,  et  qu'au  contraire  la  quantité  de  liquide 
qui  est  superflue ,  est  assujettie  plus  faiblement 
par  l'affinité  de  la  substance  dissoute  que  celle 
qu'exige  la  dissolution  ;  ce  qui  est  conforme  à 
l'observation. 

On  voit  donc  que  la  loi  générale  que  j'ai 
énoncée  n'est  ici  modifiée  que  par  la  circons- 
tance qui  limite  la  quantité  du  liquide  qui  peut 
exercer  simultanément  son  action. 

i5.  L'action  chimique  est  réciproque  :  son 
effet  est  le  résultat  d'une  tendance  mutuelle  à 
la  combinaison  ;  on  ne  peut  pas ,  à  la  rigueur , 
dire  plutôt  qu'un  liquide  agit  sur  un  solide  , 
qu'on  ne  peut  dire  que  le  solide  agit  sur  le  li- 
quide :  la  commodité  de  l'expression  fait  trans- 


DE   l'action   chimique,    etc.  3^ 

porter  sans  inconvénient  toute  l'action  clans 
l'une  des  deux  substances ,  quand  on  veut  exa- 
miner l'effet  de  cette  action  plutôt  que  l'action 
elle-même. 

Cette  réflexion  doit  s'appliquer  à  toutes  les 
propriétés  et  à  tous  les  phénomènes  cliimiques  ; 
mais  il  faut  considérer  séparément  les  deux  subs- 
tances ,  pour  connaître  l'état  des  forces  qu'elles 
exercent  l'une  et  l'autre  ,  et  les  changements  qui 
surviennent  dans  leurs  propriétés  ;  prenons 
d'abord  pour  exemple  l'action  de  l'eau  et  de  la 
chaux. 

i6.  Lorsque  la  chaux  est  placée  dans  l'eau  ,  ces 
deux  substances  exercent  une  action  mutuelle; 
mais  la  force  de  cohésion  est  d'abord  trop  con- 
sidérable pour  que  l'eau  puisse  opérer  une  dis- 
solution ;  c'est  la  chaux  qui  commence  à  s'im- 
biber du  liquide  ;  à  mesure  qu'elle  s'en  sature, 
sa  force  de  cohésion  diminue,  et  lorsqu'elle  se 
trouve  suffisamment  affaiblie  ,  l'eau  qui  se  trouve 
en  contact  avec  elle  peut  la  dissoudre  :  il  s'é- 
tablit donc  alors  deux  combinaisons  qui  exercent 
des  forces  opposées ,  jusqu'à  ce  qu'elles  soient 
parvenues  à  un  état  de  saturation  ou  d'équi- 
libre dans  lequel  elles  sont  stationnaires,  pen- 
dant que  les  conditions  restent  les  mêmes;  mais 
si  la  température  ou  la  quantité  de  Teau  vient 
à  varier,  il  faut  qu'il  s'établisse  un  autre  équi- 
libre. 


38  Statique   chimique. 

Il  en  est  de  même  de  toutes  les  substances 
qui  possèdent  une  force  de  cohésion  assez  con- 
sidérable pour  que  l'action  de  l'eau  ne  puisse 
la  surmonter  avant  qu'elle  soit  assez  affaiblie 
par  l'état  de  saturation  qu'elle  commence  à 
éprouver  elle-même;  mais  si  elles  n'ont  qu'une 
cohésion  très-faible  ,  ou  si  elles  se  trouvent  déjà 
saturées  d'eau  ,  de  manière  à  ne  conserver  qu'une 
très-faible  cohésion  ,  elles  pourront  se  dissoudre 
immédiatement  dans  l'eau,  et  les  sels  qui  ont 
retenu  de  l'eau  dans  leur  cristallisation  se  trouvent 
dans  ce  cas. 

Si  l'eau  n'était  pas  dans  une  quantité  suf- 
fisante relativement  à  celle  de  la  chaux  ,  il  n'y 
aurait  que  l'un  des  deux  effets  mentionnés 
qui  eût  lieu  ,  la  chaux  absorl>erait  l'eau  en 
entier ,  et  lui  communiquerait  son  état  solide  ; 
cependant  la  cohésion  réciproque  des  molécules 
de  la  chaux  serait  tellement  affaiblie  par  la  sa- 
turation qu'elle  éprouverait,  qu'elle  pourrait  se 
réduire  d'elle-même  en  poudre. 

17.  Souvent  l'eau  qui  se  combine  avec  un 
corps  solide  ne  peut  point  affaiblir  assez  sa 
force  de  cohésion  pour  pouvoir  le  dissoudre  lui- 
même  ;  alors  le  corps  ne  fait  que  s'humecter  sans 
se  dissoudre  dans  l'eau  :  lorsque  son  affinité 
pour  l'eau  ,  affaiblie  par  la  saturation  qu'elle 
éprouve  ,  est  en  équilibre  avec  la  force  de  cohé- 
sion ,  il  cesse  d'en  imbiber.  Souvent  encore  l'eau 


DE  l'action  chimique,  etc.  39 
a  une  action  si  faible  ,  comparée  à  celle  de  cohé- 
sion ,  qu'elle  ne  fait  qu'adhérer  à  la  surface  du 
corps  solide  et  le  mouiller. 

18,  Lorsque  le  solide  est  réduit  en  petites 
masses  on  dans  l'état  pulvérulent ,  l'action  par 
laquelle  le  liquide  mouille  ces  petites  masses 
peut  quelquefois  les  y  tenir  suspendues  et  sur-^ 
monter  la  différence  de  pesanteur  spécifique  sans 
produire  de  dissolution  ;  c'est  ce  qu'on  observe 
dans  quelques  précipitations  chimiques  dans 
lesquelles  le  liquide  ne  reprend  pas  la  trans- 
parence ,  malgré  la  différence  de  pesanteur  spé- 
cifique qui  se  trouve  entre  lui  et  la  substance 
qu'il  cesse  de  tenir  en  dissolution;  de  sorte  que 
cette  suspension  annonce  une  affinité  réciproque 
qui  maintient  les  deux  substances  en  contact,- 
mais  qui  ne  suffit  pas  pour  produire  la  dis- 
solution. 

Si  l'affinité  du  liquide  pour  le  corps  solid<r 
est  encore  plus  faible  que  l'affinité  réciproque 
de  ses  parties,  elle  n'humecte,  elle  ne  mouille 
pas  le  corps  ;  c'est  ce  qui  arrive  au  mercure  qui 
n'adhère  qu'à  un  petit  nombre  de  corps. 

19.  L'action  des  liquides  sur  les  corps  qu'ils 
ne  peuvent  dissoudre  ,  est  donc  quelquefois  su- 
périei|ire  à  l'action  mutuelle  de  leurs  propres 
parties ,  et  quelquefois  elle  lui  est  inférieure  : 
de  cette  circonstance  dépend  la  propriété  qu'ont 
les  fluides  de    s'élever  au-dessus  du  niveau  de- 


4o  STATIQUE     CHIMIQUE. 

leur  surface  autour  d'un  solide  qu'on  y  plonge  , 
ou  de  se  déprimer,  et  par  là  s'expliquent  les 
propriétés  des  tubes  capillaires  et  les  attractions 
et  répulsions  qu'on  observe  entre  les  corps  qui 
flottent  à  la  surface  d'un  liquide  ,  et  qu'on  avait 
prises  pour  réelles  ,  pendant  qu'elles  ne  sont 
qu'une  suite  des  courbes  qui  se  forment  au 
contact  mutuel ,  comme  Monge  l'a  fait  voir  pour 
les  différents  cas  que  présente  l'observation  ,  et 
dont  il  a  donné  une  explication  aussi  complète 
qu'élégante  (i). 

20.  Deux  liquides  se  dissolvent  aussi  lorsque 
leur  affinité  respective  l'emporte  sur  la  force 
de  cohésion  et  sur  la  différence  de  pesanteur 
spécifique  qui  tendent  à  les  tenir  séparées ,  et 
l'on  trouve  dans  cette  dissolution  les  caractères 
de  la  dissolution  d'un  solide ,  avec  cette  dif- 
férence que  la  résistance  à  la  force  dissolvante 
étant  ici  beaucoup  moindre  que  celle  qu'oppose 
un  solide  ,  la  dissolution  peut  s'opérer  plus  sou- 
vent en  toutes  proportions ,  sans  qu'on  apper- 
çoive  une  différence  dans  les  parties  supérieures 
et  inférieures  du  liquide  ;  mais  quelquefois 
l'affinité  respective  est  si  faible  ,  que  dès  qu'un 
liquide  se  trouve  saturé  de  l'autre  à  un  certain 
point ,  la  résistance  égale  son  action  ;  alors  il 
s'établit  deux  combinaisons  qui  varient  par  leur 

(1)  Mémoires  de  l'Académie  des  Sciences  ,  1787. 


DE  l'actioît  chimique,  etc.  4^ 
quantité ,  selon  les  proportions  des  deux  li- 
quides :  par  exemple ,  lorsqu'on  ajoute  un  peu 
d  éther  à  une  quantité  considérable  d'eau  ,  ou 
un  peu  d'eau  à  l'éther ,  il  se  fait  une  dissolution 
complète  ;  mais  si  l'on  mêle  quantités  égales 
d'eau  et  d'éther  ,  il  s'établit  deux  liquides  qui 
restent  séparés ,  le  supérieur  qui  tient  une  grande 
proportion  d'éther ,  et  l'inférieur  qui  tient  un» 
grande  proportion  d'eau  :  lorsqu'on  change  la 
quantité  de  l'eau  ou  de  l'éther ,  il  s'établit  d'autres 
proportions  dans  les  deux  liquides  qui  se  séparent. 

Quelquefois  encore  l'affinité  réciproque  de 
deux  liquides  ne  peut  surmonter  la  résistance 
qui  naît  de  l'affinité  mutuelle  de  leurs  parties 
et  de  la  différence  de  leur  pesanteur  spécifique  : 
il  se  produit  alors  un  effet  analogue  à  celui  par 
lequel  un  liquide  mouille  un  solide  ;  le  liquide 
le  plus  léger  s'étend  a  la  surface  du  plus  pesant , 
comme  il  arrive  à  l'huile  qu'on  répand  sur  l'eau  ; 
c'est  cette  supériorité  de  l'affinité  réciproque  des 
parties  de  l'eau  sur  celles  de  l'huile  ,  qui  fait 
qu'une  mèche  imbibée  d'eau  n'admet  dans  la 
suction  que  les  parties  aqueuses  ,  ou  seulement  les 
parties  huileuses,  si  elle  se  trouve  imbibée  d'huile. 

On  ne  peut  douter  que  les  molécules  d'un 
liquide  n  exercent  une  affinité  réciproque  ,  qui 
doit  être  confondue  avec  la  force  de  cohésion , 
puisqu'elle  finit  par  produire  la  solidité  par  la 
congélation.  De   là  vient  quelles  se  partagent 


4a  STATIQUE     CHIMIQUE. 

uniformément  une  substance  qu'elles  peuvent 
dissoudre ,  et  qu'elles  résistent  à  l'action  de 
l'atmosphère  pour  se  réduire  en  gouttes  et  con- 
server une  convexité  ;  mais  cette  action  peut 
avoir  une  certaine  énergie  ,  sans  que  la  mobilité 
des  parties  soit  détruite ,  comme  un  métal  peut 
être  malléable ,  c'est-à-dire  ,  permettre  à  ses 
parties  de  glisser  les  unes  sur  les  autres ,  et 
cependant  avoir  une  grande  force  de  cohésion 
entre  les  mêmes  parties.  L'effet  d'une  différence 
dans  la  pesanteur  spécifique  peut  aussi  être 
confondu  avec  celui  de  la  force  de  cohésion  ; 
mais  il  est  ordinairement  si  petit  ,  comparati- 
vement aux  forces  qui  sont  en  action  ,  qu'il 
n'y  a  que  quelques  circonstances  où  il  doive  être 
pris  en  considération. 

2 1 .  Nous  avons  parcouru  les  différents  effets 
qui  peuvent  résulter  de  l'opposition  de  la  force 
de  cohésion  et  de  la  force  dissolvante  ,  selon 
leur  intensité  respective  :  on  voit  que  la  dis- 
tinction que  quelques  physiciens  ont  voulu 
établir  entre  l'affinité  chimique  et  Tadhérence 
physique  n'est  point  fondée  ;  mais  les  effets 
qu'on  a  voulu  attribuer  à  la  dernière  dépen- 
dent de  la  même  cause  que  ceux  qui  sont  dûs 
à  l'affinité  ,  et  ils  n'en  diffèrent  que  par  l'énergie 
de  l'action  réciproque  ,  comparée  à  la  résistance 
qui  lui  est  opposée. 

22.  Il  y  a  une  autre  force  qui  concourt  avec 


DE  l'action  chimique,  etc.  43 
l'action  des  liquides  sur  les  solides  ,  et  qui  en 
favorise  la  dissolution  ,  lorsqu'elle  ne  devient 
pas  contraire  comme  principe  de  l'élasticité'  ;  c'est 
l'action  expansive  de  la  chaleur ,  qui ,  opposée 
à  la  force  de  cohésion ,  en  détruit  l'effet.  Cette 
cause  suffit  même  pour  donner  la  liquidité  à  la 
plupart  des  corps  solides  ;  mais  comme  la  dila- 
tation que  produit  la  chaleur  dans  les  différents 
corps  varie  considérablement ,  son  effet  sur  les 
dissolutions  varie  également. 

Lorsque  cette  cause  agit  seule ,  on  trouve  dans 
les  corps  rendus  liquides  des  propriétés  ana- 
logues à  celles  que  présentent  les  substances 
tenues  dans  l'état  liquide  par  l'action  du  ne 
autre  substance  :  cependant  il  faut  séparer  des 
effets  comparatifs  ce  qui  dépend  de  Factioii  du 
dissolvant  que  j'examinerai  plus  particulière- 
ment ailleurs. 

On  observe  ainsi  dans  l'action  de  deux  coT-ps 
rendus  liquides  par  l'action  seule  de  la  chaleur 
selon  leur  quantité  respective  ,  et  leur  disposi- 
tion à  la  liquidité  ,  des  effets  qui  correspondent 
;à  ceux  qui  ont  eu  lieu  dans  l'action  d'un  li* 
quide  sur  un  solide  ;  par  exemple  ,  lorsque  l'étain 
et  le  cuivre  sont  exposés  à  l'action  de  la  cha- 
leur,  l'étaiu  seul  est  réduit  dans  letat  liquide, 
et  ne  dissout  qu'une  petite  2K)rtion  de  cuivre, 
lorsque  la  température  n'est  pas  élevée  au-dessus 
de   celle  qui  peut  liquéfier  le   premier  métal  j 


'44  STATIQUE     CHIMIQUE. 

si  la  chaleur  est  un  peu  plus  grande,  il  agit 
davantage  sur  le  cuivre  ,  et  d'autant  plus  que 
sa  proportion  est  plus  considérable;  mais  si  la 
quantité  est  très-petite,  son  action  se  borne  à 
la  surface  du  cuivre  qu'il  ne  peut  liquéfier  ;  il 
ne  forme  qu'un  étamage.  Deux  métaux  forment 
quelquefois  un  alliage  en  toute  proportion  , 
quelquefois  leur  action  réciproque  se  trouve 
trop  faible  ,  et  ils  ne  peuvent  s'allier  qu'en 
des  proportions  déterminées  par  la  différence 
de  pesanteur  spécifique  et  de  fusibilité  :  ils 
présentent  à  cet  égard  les  propriétés  des  solides 
qui  se  dissolvent  dans  un  liquide  ,  ou  des  li- 
quides qui  ont  une  faible  affinité  mutuelle  et 
une  pesanteur  spécifique   différente. 

23.  La  dissolution  est  donc  l'effet  d'une  force 
qui  peut  surmonter  la  résistance  de  la  force  de 
cohésion  ,  et  la  différence  de  pesanteur  spéci- 
fique. Lorsque  la  résistance  est  trop  considé- 
rable ,  il  faut  qu'elle  commence  par  l'affaiblir 
par  un  commencement  de  saturation  de  la  subs- 
tance qui  l'oppose. 

Lorscfue  la  résistance  a  assez  d'énergie  ,  il 
s'établit  deux  termes  de  saturation  entre  les 
forces  contraires.  Ces  termes  de  saturation  varient 
par  les  quantités  respectives  et  par  les  autres 
circonstances  qui  peuvent  favoriser  ou  affaiblir 
l'action  chimique. 

Dans  l'action  d'un  liquide  sur  un  solide  ,  les 


DE  l'action  chimique,  etc.  45 
quantités  qui  déterminent  Ténergie  de  ractioii 
sont  celles  qui  peuvent  se  trouver  dans  la  sphère 
d'activité  ;  mais  la  quantité  de  la  substance  qui 
se  dissout  est  proportionnelle  à  celle  du  liquide 
qui  sert  de  dissolvant. 


CHAPITRE     III. 

TDe  raction  réciproque  des  substances  qui  sont 
tenues  en  dissolution. 

24.  LiORSQu'uN  liquide  est  saturé  d'une  subs- 
tance solide  quil  a  dissoute ,  c'est-à-dire ,  lors- 
que son  action  affaiblie  par  la  saturation  ne  peut 
plus  surmonter  la  force  de  cohésion  qui  réunit 
les  parties  du  solide  ,  l'action  réciproque  de  toutes 
les  parties  actuellement  liquides  en  compose  une 
substance  homogène  qui  agit  d'une  manière 
uniforme  sur  les  rayons  lumineux  ;  mais  à  moins 
que  la  dissolution  ne  soit  très-étendue  par  une 
surabondance  du  dissolvant ,  et  que  par  consé- 
quent la  distance  introduite  entre  les  parties 
dissoutes  ne  soit  portée  à  un  certain  terme , 
pendant  que  l'action  du  liquide  est  accrue  en 
raison  de  sa  quantité  ,  la  force  de  cohésion  doit 
toujours  être  regardée  comme  une  résistance  qui 


4^7  STATIQUE     CHIMIQUE. 

continue  d'agir  :  en  effet ,  l'on  n'a  qu'à  dimi- 
nuer ou  la  quantité  du  dissolvant  ou  la  cha- 
leur dont  l'action  concourt  avec  celle  du  li- 
quide ,  pour  que  la  force  de  cohésion  détermine 
la  séparation  d'une  partie  de  la  substance  dis- 
soute ,  si  l'on  ne  compense  la  diminution  de 
la  quantité  ou  celle  de  la  chaleur  l'une  par 
l'autre  :  l'on  a  vu  que  cette  action  se  manifestait 
même  par  des  effets  sensibles ,  avant  que  de 
devenir  prépondérante  (i8). 

a5.  Lorsque  ,  soit  par  la  diminution  de  la 
quantité  du  liquide  ,  soit  par  l'affaiblissement' 
de  la  température  ,  la  force  de  cohésion  cause 
la  séparation  d'une  portion  de  la  substance 
dissoute  ,  presque  toujours  les  parties  qui  se 
séparent  prennent  un  arrangement  régulier  qui 
est  dû  à  un  certain  rapport  entre  leur  figure 
et  leur  affinité  réciproque.  De  là  ,  ces  cristaux 
que  la  nature  présente  avec  tant  de  variété  , 
et  qui  sont  produits  dans  un  si  grand  nombre 
de  combinaisons  cliimiques. 

Les  lames  qui  continuent  de  s'appliquer  ,  soit 
parce  que  le  cristal  agit  sur  la  substance  dis- 
soute,  soit  parce  que  la  cause  de  sa  séparation 
continue  d'exister  dans  le  liquide ,  sont  compo- 
sées elles-mêmes  de  molécules  semblables  aux 
premières,  et  continuent  d'accroître  le  cristal 
en  conservant  sa  première  forme  ;  cependant  cet 
accroissement  peut  être  déterminé  à  se  faire  sur 


DE  l'actioîï    chimique,    etc.  47 

«ne  face  plutôt  que  sur  une  autre  ,  selon  la 
position  du  cristal  et  les  circonstances  où  se 
ti'ôuve  la  dissolution. 

Le  cristal  qui  résulte  de  cet  arrangement  symé- 
trique des  molécules  intégrantes,  se  trouve  tel- 
lement constitué ,  qu'en  saisissant  successivement 
les  joints  par  lesquels  les  lames  se  trouvent 
réunies  ,  on  parvient  à  un  noyau  qui  est  le 
même  dans  les  cristaux  d'une  même  substance  ; 
de  sorte  que  toutes  les  formes  secondaires  de 
ces  cristaux  dépendent  du  décroissement  d^ 
lames  superposées  au  noyau. 

Ce  mécanisme  de  la  cristallisation  a  été  dé* 
veloppé  avec  tant  de  supériorité  par  Ilauy , 
qu'il  est  devenu  une  application  des  plus  heu- 
reuses de  la  géométrie  aux  opérations  de  la 
nature  ;  mais  ces  résultats  de  l'affinité  et  de  la 
forme  des  parties  intégrantes  conduisent  à  des 
considérations  qui  se  détachent  de  la  chimie. 

26.  Les  substances  qui  sont  tenues  en  disso- 
lution exercent  une  action  mutuelle  qui  modifie 
les  effets  de  la  dissolution  et  de  la  cristallisation  ; 
pour  déterminer  ce  qui  dépend  de  cette  action , 
je  choisirai  les  substances  salines  qui  sont  éga- 
lement remarquables  par  leur  solubilité  ,  par 
leur  cristallisation  et  par  leurs  propriétés  chî- 
miques.  Je  ne  les  regarderai  ici  que  comme  des 
substances  qui  se  dissolvent  et  qui  reprennent 
leur  premier  état  pai'  la   cristallisation  ,    indé» 


'48  STATIQUE     CHIMIQUE. 

pendamment  des  causes  qui   peuvent  changer 
leur  combinaison. 

Il  faut  d'abord  remarquer  que  lorsque  la  dis- 
solution d'un  sel  se  trouve  au  terme  de  cristalliser, 
un  cristal  du  même  sel  y  détermine  la  cristal- 
lisation ;  c'est  ainsi  que  dans  la  cristallisation 
ordinaire  toutes  les  molécules  salines  viennent 
se  déposer  sur  les  cristaux  qui  sont  d'abord 
formés  ,  de  sorte  que  tout  le  dépôt  salin  se 
grouppe,  si  la  cristallisation  n'est  pas  trop  pré- 
cipitée. 

27.  Le  contact  des  cristaux  ne  détermine  pas 
seulement  la  séparation  de  la  partie  du  sel  qui 
est  disposée  à  se  déposer  ,  parce  qu'elle  est  en 
excès  de  ce  que  l'eau  peut  en  tenir  en  disso- 
lution dans  une  température  donnée  ;  mais  elle 
cause  celle  d'une  partie  que  l'eau  pourrait  re- 
tenir ,  en  sorte  que  cette  dissolution  se  trouve 
ramenée  au-delà  de  l'équilibre  de  la  force  dis- 
solvante avec  celle  de  cohésion. 

Ce  n'est  pas  seulement  un  cristal  d'un  même 
sel  qui  pourra  produire  cet  effet  ,  plusieurs 
corps  agiront  de  même  ,  mais  d'une  manière 
moins  efficace  et  inégale  entre  eux  ;  ainsi  lors- 
qu'on plonge  différentes  substances  solides  dans 
la  dissolution  d'un  sel  celui-ci  adhère  à  quel- 
ques-unes et  non  aux  autres. 

Ces  observations  prouvent  que  les  substances 
solides  exercent   une   action  efficace  sur  celles 


DE  l'actioit  chimique,  etc  49 
qui  sont  encore  liquides  ,  lorsqu'elles  ont  avec 
elles  une  affinité  réciproque  qui  ait  un  peu 
d'énergie ,  et  ce  qui  a  été  exposé  sur  la  congé- 
lation ,  produite  par  le  contact  de  là  glace  ,  le 
confirme  encore  ,  ainsi  que  les  propriétés  des 
tubes  capillaires. 

28.  Dans  les  dissolutions  qui  ne  sont  produites 
que  par  une  faible  action  chimique  ,  la  pesan- 
teur spécifique  de  la  substance  qui  est  dissoute 
produit  un  effet  sensible,  soit  dans  la  propor- 
tion de  la  substance  dissoute  qui  est  plus  grande 
dans  la  partie  inférieure  du  liquide ,  que  dans 
la  supérieure  ,  soit  dans  le  dépôt  des  parties 
salines  qui  viennent  s'unir  à  celles  qui  sont  déjà 
solides ,  et  dans  ce  dernier  effet  elle  concourt 
avec  Faction  du  solide.  Je  citerai  à  cette  occa- 
sion une  observation  intéressante  de  Leblanc. 

«  J'ai  mis,  dit-il  (ij,  dans  un  vase  d'environ 
»  deux  pouces  de  diamètre  sur  deux  pieds  de 
»  haut ,  une  dissolution  assez  rapprochée  pour 
»  cristalliser  ;  j'ai  suspendu  des  cristaux  de 
»  même  espèce  dans  la  liqueur  ,  à  différentes 
»  hauteurs ,  jusque  vers  la  surface  :  j'ai  répété 
»  cette  expérience  sur  différents  sels  ;  en  voici 
»  les  résultats  :  lorsque  la  liqueur  se  trouve 
»  suffisamment  rapprochée  ,  tous  les  cristaux 
»  croissent,  avec  cette  différence  que  l'accrois- 

(1)  Journal  de  Pbys,  tom.  XXXIII,  1>.  376. 

ï.  4 


5o  STATIQUE     CHIMIQUE. 

?>  sèment  est  d'autant  plus  considérable  que  le 
»  cristal  se  rapproche  davantage  du  fond  du 
»  vase,  et  à  mesure  que  la  liqueur  se  trouve 
»  par  le  repos  assez  dépouillée  de  molécules 
»  salines,  les  cristaux  décroissent  par  des  gra- 
»  dations  semblables  à  celles  des  accroissements. 
»  De  manière  qu'il  arrive  un  tems  où  les  cris- 
»  taux  qui  se  trouvent  les  plus  voisins  de  la 
j)  surface  se  dissolvent  en  entier  ,  tandis  que 
»  ceux  qui  occupent  le  fond  prennent  encore 
»  de  Taccroissement  ;  il  arrive  même  que  ces 
»  derniers  continuent  de  croître  dans  la  partie 
})  qui  touche  le  fond  du  vase  ,  tandis  que  la 
»  partie  opposée  du  même  cristal  se  dissout  à 
»  son  tour  par  l'effet  de  l'action  réciproque  des 
»  parties  dissoutes  «. 

•jg.  Une  dissolution  saline  peut  être  amenée 
dans  l'évaporation  à  un  terme  bien  plus  grand 
de  saturation  que  celui  auquel  elle  pourrait 
parvenir  par  la  dissolution ,  avec  une  même 
quantité  d'eau  et  à  une  même  température  ;  on 
peut  appliquer  à  cette  dissolution  surchargée  , 
ce  que  j'ai  exposé  sur  l'eau  qui  peut  subir  un 
degré  de  froid  plus  grand  que  celui  qui  est  né- 
cessaire à  sa  congélation.  (  8.  )  Le  mouve- 
ment qu'on  lui  imprime  produit  aussi  une  cris- 
tallisation soudaine  en  déterminant  dans  ce  li- 
quide une  position  des  parties  salines  dans 
laquelle  leur  affinité  réciproque  s'exerce  avec  U 


DE  l'actio]^  chimique,  etc.  5i 
plus  d'avantage  ;  mais  cet  effet  ne  serait  qu'ins- 
tantané ,  si  les  premiers  cristaux  n'agissaient 
ensuite  sur  les  molécules  qui  restent  en  disso- 
lution (26). 

Cette  action  mutuelle  des  solides  qui  tendent 
à  donner  leur  constitution  aux  substances  qui 
sont  tenues  en  dissolution ,  et  avec  lesquelles 
ils  exercent  une  affinité  réciproque  ,  ainsi  que 
celle  des  liquides  qui  tendent  au  contraire  à 
donner  la  liquidité  en  détruisant  la  cohésion  et 
les  effets  successifs  de  ces  deux  forces  qui  peu- 
vent devenir  tour-à-tour  supérieures  par  un  chan- 
gement de  circonstances,  méritent  une  grande 
attention  dans  l'explication  des  phénomènes 
imturels. 

3o.  L'action  mutuelle  produit  encore  d'autres 
effets  qu'il  faut  remarquer  ;  l'expérience  fait  voir 
que  lorsque  l'eau  a  dissous  un  sel  avec  satu- 
ration ,  elle  pouvait  encore  en  dissoudre  d'une 
autre  espèce ,  que  même  elle  pouvait  reprendre 
par  là  la  faculté  de  dissoudre  une  nouvelle 
quantité  du  premier  sel  (i);  si  la  force  dissol- 
vante de  l'eau  n'était  secondée  par  une  autre 
cause  ,  comme  elle  diminue  en  raison  de  l'action 
qu'elle  exerce ,  elle  ne  pourrait  se  porter  sur  une 
substance  nouvelle  sans  abandonner  celle  qui 
occupait  sa  force  dissolvante  ,  il  faut  donc  qu'un 

(i)  Vaucjuelia ,    Anu.  de  Chi,m.   tom.   XIII. 

4.. 


5>2  STATIQUE     CHIMIQUE. 

sel  agisse  sur  l'autre ,  que  leur  action  mutuelle 
diminue  la  résistance  de  leur  force  de  cohésion  , 
et  concourre  par  là  avec  l'action  de  l'eau. 

3i.  Lorsqu'on  affaiblit  l'action  du  dissolvant, 
soit  en  diminuant  sa  quantité ,  soit  en  baissant 
sa  température  ,  la  substance  qui  était  tenue  en 
dissolution  se  sépare  en  raison  de  l'insolubdite 
qu'elle  a  dans  ces  nouvelles  circonstances  ;  mais 
lorsqu'il  se  trouve  plusieurs  sels  qui  agissent  les 
uns  sur  les   autres  ,    leur    solubilité  se   trouve 
augmentée  d'une  manière  inégale  en  raison  non- 
seulement  de  leur  affinité  mutuelle,  mais  encore 
en  raison  de  la  proportion  dans  laquelle  ils  se 
trouvent  :  de  là  vient  que  lorsqu'un  liquide  con- 
tient plusieurs  sels  ,  on  les  sépare  difficilement 
dans  une  première  cristallisation ,  à  moins  qu'ils 
lie  diffèrent  beaucoup  entre  eux  par  leur  force 
de  cohésion  ;  mais  en  répétant  les  cristalhsations 
^près  la  première  séparation ,  la  quantité  d  un 
sel  qui  est  confondu  avec  un  autre ,  se  trouve 
de  plus  en  plus  diminuée  ;  elle  n'apporte  plus  une 
résistance  assez  grande  à  l'action  du  dissolvant 
pour  s'opposer  à  la  séparation  du  sel  qui  a  une 
force  plus  grande  de  cristallisation  ,  et  l'on  finit 
quelquefois  par  obtenir  une  séparation  complète  j 
mais  quelquefois  les  deux  sels  se  confondent  , 
sur-tout  lorsqu'ils  ne  diffèrent  pas  beaucoup  par 
leur  solubihté,  et  ils  prennent  en  cristalUsant 
une  forme   particulière  ,    ou   conservent  celle 


DE  l'acttott  chimique,  etc.  55 
qui  est  propre  à  l'un  des  deux.  C'est  ainsi  que 
le  sulfate  de  fer  et  le  sulfate  de  cuivre  se  réu- 
nissent et  composent  un  sel  complexe  ,  quoique 
le  premier  ait  une  solubilité  plus  grande  que 
le  second  (  i  ) ,  et  que  dans  la  soude  muriatée 
gypsifère  (2) ,  le  sulfate  de  chaux  prend  la  forme 
du  muriate  de  soude  ,  quoiqu'il  soit  plus  abon- 
dant que  ce  sel  dans  la  combinaison  ;  souvent 
enfin  le  liquide  retient  après  la  séparation  des 
cristaux  un  résidu  incristallisable  auquel  on  a 
donné  le  nom  d'eau-mère,  et  qui  est  dû  en  tout  ou 
en  partie  à  faction  mutuelle  des  substances  salines* 

Si  la  force  de  cristallisation  de  deux  sels  n'est 
pas  considérable,  l'action  mutuelle  qu'ils  exercent 
peut  l'emporter  sur  elle  ;  de  sorte  que  par  là 
ils  perdent  la  propriété  de  cristalliser  ,  et  que 
la  puissance  relative  de  l'eau  se  trouve  aug- 
mentée ,  où  l'on  n'obtient  qu'une  partie  des 
deux  sels,  selon  les  proportions  mises  en  disso- 
lution ;  le  reste  demeure  confondu  dans  l'état 
liquide  ,  sans  qu'on  puisse  le  faire  cristalliser 
par  la  simple  évaporation  et  le  repos. 

32.  Il  y  a  même  des  sels  qui  ont  si  peu  de 
force  de  cohésion  ,  que  l'action  de  l'eau  ,  en 
quelle  petite  proportion  qu'elle  se  trouve,  suffit 
pour  empêcher  leur  cristallisation  ;  alors  la  ré- 
sistance de    la   cohésion    peut   être    considérée 

(l)  Leblanc,  Jouru.  de  Phys.  tom.  XXXI. 

(3)  Hauy,  Traité  de  Miner,  tom.  Il,  pag.  365. 


o4  STATIQUE     CHTMTQUE. 

comme  nulle  ;  aussi  Taffinité  de  ces  substances^ 
pour  l'eau  parait  forte ,  parce  qu'elle  a  tout  son 
effet  :  les  sels  qui  sont  dans  ce  cas  attirent  faci- 
lement l'humiditë  ,  et  tombent ,  comme  on  dit  , 
en  déliquescence  ;  mais  ce  qui  prouve  que  quoi- 
que déliquescents ,  ils  ont  une  cohésion  active  , 
c'est  qu'ils  prennent  facilement  la  forme  cris- 
talliile  au  moyen  de  l'alcool  qui  diminue  l'action 
que  l'eau  exerce  sur  eux. 

Par  la  même  raison  ,  ces  sels  agissent  aved 
énergie  sur  les  autres  ;  de  sorte  que  s'ils  ne  trou- 
vent pas  une  résistance  considérable  dans  leur 
force  de  cristallisation  ,  ils  en  retiennent  une 
proportion  plus  ou  moins  grande  dans  le  résidu 
incristaliisable. 

33.  Lorsqu'on  veut  reconnaître  cet  effet  des 
Sels  déliquescents  ,  il  faut  examiner  les  subs- 
tances qui  restent  dans  le  liquide  incristaliisable  : 
Èi  l'on  ajoutait  à  la  dissolution  saturée  d'un  sel 
cristaliisable  ,  un  sel  déliquescent  ,  mais  dans 
l'état  de  dessication  ,  on  pourrait  être  induit  en 
erreur,  parce  que  l'action  serait  composée  :  le 
sel  déliquescent  tendrait  à  prendre  de  l'eau  ,  en 
miéme  temps  qu  il  agirait  sur  l'autre  sel  :  l'effet 
serait  donc  aussi  conq3osé  ;  d'une  part  la  satu- 
ration de  l'eau  tendrait  à  produire  une  préci- 
pitation ,  de  l'autre  Faclion  du  sel  déliquescent 
augmenterait  la  solubilité  de  celui  qui  peut  cris- 
talliser. 


DE   l'action    chimique,   etc.  55 

34.  Nous  avons  vu  (  16  )  ,  que  lorsqu'un  solide 
se  dissolvait  dans  l'eau ,  il  s'établissait  deux  com- 
binaisons ,  l'une  de  la  substance  solide  qui  re- 
tenait une  partie  de  l'eau  ,  l'autre  du  liquide  qui 
prenait  en  dissolution  une  partie  du  solide  ;  ces 
dcTix  composes  répondent  à  la  force  dissolvante 
et  à  la  résistance  de  la  cohésion  ;  de  sorte  que 
si  la  quantité  du  liquide  se  trouvait  trop  petite  , 
il  serait  entièrement  absorbé  ,  comme  le  solide 
disparait  entièrement  s'il  est  en  trop  petite  quan- 
tité :  dans  chaque  variation  de  ces  rapports  ,  il 
s'établit  des  proportions  correspondantes  des 
deux  combinaisons  ,  à  part  les  deux  extrêmes  , 
c'est-à-dire;  i^.  le  terme  ou  tout  le  solide  peut 
être  pris  en  dissolution  par  le  liquide  ;  %^.  celui 
ou  tout  le  liquide  peut  être  réduit  à  1  état  solide. 

Lorsque  par  l'évaporation  la  quantité  du  li- 
quide vient  à  diminuer  ,  ou  que  sa  force  dis- 
solvante est  affaiblie  par  un  abaissement  de  tem- 
pérature ,  une  partie  du  sel  se  sépare  et  cris- 
tallise ,  le  liquide  qui  reste  dans  l'état  de  satu- 
ration n'oppose  qu'une  faible  action  à  celle  par 
laquelle  le  solide  qui  se  sépare  tend  à  retenir 
une  portion  d'eau  qui  favorise  Tarrangement 
symétrique  de  ses  parties,  mais  qui  le  modifie. 

Cette  eau  interposée  entre  les  parties  salines 
perd  sa  liquidité  par  l'action  qu'elle  en  éprouve , 
sans  qu'on  puisse  dans  cet  état  la  comparer  rigou- 
reusement à  la  glace  dans  laquelle  l'affinité  ré-» 


^^  STATIQUE     CHIMIQUE, 

ciproqiie  a  produit  un  arrangement  qui  a  aug- 
mente son  volume  :  elle  sert  ,  par  son  action 
intermédiaire ,  à  réunir  en  gros  cristaux  les  mo- 
lécules qui  ,  en  obéissant  à  leur  affinité  réci- 
proque ,  ne  pourraient  former  que  des  masses 
isolées  beaucoup  plus  petites;  de  sorte  qu'en 
chassant  cette  eau  par  quelque  moyen ,  la  forme 
d'un  cristal  est  détruite  et  la  substance  saline  se 
réduit  en  masses  beaucoup  plus  petites,  dont 
l'affinité  mutuelle  ne  produit  plus  d'effet ,  jus- 
qu'à ce  que  leur  force  de  cohésion  soit  encore 
surmontée  par  l'eau  ou  par  la  chaleur. 

35.  Cette  eau  intermédiaire  n'est  pas  néces- 
saire à  toute  cristallisation  ,  car  il  y  a  beaucoup 
de  cristaux  ,  sur-tout  parmi  les  substances  qui 
ont  très-peu  de  solubihlé,  qui  paraissent  n'en 
point  admettre  ou  nen  avoir  qu'une  quantité' 
très-petite.  Il  y  en  a  qui  paraissent  pouvoir  cris- 
talhser  en  retenant  une  certaine  quantité  d'eau 
de  cristalhsation  ,  ou  sans  le  secours  de  cette 
eau  ;  mais  cette  circonstance  suffit  pour  changer 
la  forme  de  leurs  cristaux  ;  car  il  est  vraisem- 
blable que  c'est  à  cette  cause  qu'est  due  la  dif- 
férence de  la  forme  des  cristaux  de  la  chaux 
sulfatée  anhydre  et  du  sulfate  de  chaux  (i)  ,  et 
comme  le  conjecture  Hauy  ,  celle  de  l'arragonite 
avec  les  autres  carbonates  de  chaux. 

(i)  Traité  de  Miner,  toiu.  IV,  p.   348» 


DE   l'actiow   chimique,   etc.         57 

Il  paraît  que  les  sels  qui  ont  une  force  de 
cohésion  considérable  retiennent  beaucoup  moins 
deau  que  ceux  qui  sont  doués  dune  faible 
cohésion  ;  en  effet  l'affinité  réciproque  des 
molécules  salines  doit  être  un  obstacle  à  leur 
action  sur  Teau  ;  delà  vient  que  des  sels  peu- 
vent en  conserver  beaucoup  et  cependant 
n'exercer  qu'une  faible  action  sur  elle,  comme 
on  l'observe  dans  plusieurs  sels  qui  tombent 
naturellement  en  efflorescence  ,  c'est-à-dire  qui 
cèdent  facilement  à  l'air  leur  eau  de  cristalli- 
sation. Une  action  plus  forte  sur  ce  liquide , 
réunie  à  une  faible  cohésion  ,  leur  donne  la  pro- 
priété d'être  déliquescents. 

Cette  eau  qui  n'est  retenue  que  par  une  action 
faible  ne  contribue  qu'à  quelques  propriétés  des 
substances  salines  dont  les  éléments  exercent  une 
action  réciproque  beaucoup  plus  puissante  ;  elle 
est  plutôt  un  intermède  qui  fait  varier  les  phé- 
nomènes dûs  à  la  force  de  cohésion  qu'une 
partie  de  la  substance  ;  mais  cet  intermède  con^ 
tribue  beaucoup  aux  phénomènes  de  la  cristal- 
lisation qu'il  faut  distinguer  de  ceux  qui  dé- 
pendent de  l'action  que  les  substances  peuvent 
exercer  sur  les  autres  par  leur  affinité  distnictive. 
De  là  vient  queles  circonstances  de  la  cristallisation 
peuvent  apporter  beaucoup  de  changements  dans 
la  forme  des  cristaux  ,  quoiqu'elles  n'influent 
pas  sur  les  propriétés  de  la  substance ,  et  l'on 


58  STATIQUE     CHIMIQUE. 

trouverait  probablement  peu  de  rapports  entre 
la  forme  que  prendrait  une  substance  liquéfiée 
par  la  chaleur  ,  et  soumise  à  un  refroidissement 
gradué  qui  permettrait  à  ses  molécules  de 
prendre  un  arrangement  symétrique  ,  et  celle 
qu'elle  prendrait  en  cristallisant  par  le  moyen 
de  Feau. 

Les  causes  qui  favorisent  la  liquidité  des  subs- 
tances diminuent  l'effet  de  la  force  de  cohésion , 
même  lorsqu'elles  sont  parvenues  à  l'état  solide. 
De  là  vient  que  les  sels  qui  retiennent  beaucoup 
d'eau  dans  la  composition  de  leurs  cristaux  , 
reprennent  facilement  la  liquidité  par  la  cha- 
leur ;  on  distingue  cette  liquéfaction  qu'on 
appelle  aqueuse  ,  de  celle  qui  est  due  à  l'action 
seule  de  la  chaleur  :  cette  première  liquéfac- 
tion n'a  pas  lieu  dans  les  sels  qui  jouissent  d'une 
force  de  cohésion  considérable  ,  et  qui  ont 
retenu  peu   d'eau  dans  leur  cristallisation. 

L'action  réciproque  de  deux  substances  produit 
donc  des  effets  comparables  à  ceux  de  l'action 
que  les  molécules  de  chacune  exercent  entre  elles. 
Les  uns  modifient  les  autres  dans  leur  rapport 
avec  la  force  qui  produit  la  dissolution. 


DE    l'action     CHIMIQTTE,     CtC.  5() 

CHAPITRE     IV. 
De   la  Combinaison. 

36.  J  \\  I  considéré  dans  les  chapitres  prëce'dent.s 
les  effets  de  laffinité  réciproque  qui  produit  la 
cohésion  de  molécules ,  et  ensuite  ceux  qui  pro- 
viennent de  l'action  opposée  de  la  force  de 
cohésion  ,  et  d'un  liquide  qui  tend  à  la  dé- 
truire ;  mais  toute  action  chimique  entre  AexxX 
substances  différentes  produit  un  effet  analogue 
à  celui  qui  est  dû  à  l'affinité  mutuelle  des  mo- 
lécules similaires  ;  elle  forme  ou  tend  à  former 
entre  elles  une  union  qui  est  le  produit  de  leur 
affinité  réciproque,  et  qui  diffère  selon  la  force 
de  cette  action  et  selon  la  résistance  qui  lui  est 
opposée.  Cest  à  cette  réunion  de  deux  subs- 
tances ,  ainsi  qu'à  l'acte  qui  l'a  produite  ,  que 
Ion  donne  le  nom  de  combinaison. 

Il  résulte  de  là  que  la  dissolution  est  une 
véritable  combinaison  ,  et  que  son  action  la  plus 
faible  est  due  à  la  même  cause  :  la  scide  dif- 
férence qu'il  y  ait  entre  elles  est  relative  à  l'as- 
pect sous  letjuel  on  les  envisage  :  dans  la  disso- 
lution ,  on  porte  principalement  son  attention 


6o  STATIQUE     CHIMIQUE. 

sur  la  liquidité  qu'un  corps  solide  acquiert  par 
la  combinaison  et  sur-tout  sur  Tuniformité  des 
parties  du  liquide  compose  ;  la  même  idée  s'ap- 
plique à  la  dissolution  gazeuse.  Dans  la  com- 
binaison ,  on  considère  principalement  les  autres 
propriétés  du  combiné  qui  s'est  formé  et  qui 
résultent  de  l'union  de  ses  éléments ,  en  les  com- 
parant avec  celles  qu  avaient  les  substances  qui 
se  sont  combinées  :  le  plus  souvent  la  dissolution 
n'est  due  qu'à  une  faible  combinaison  qui  n'a 
pas  fait  disparaître  les  propriétés  caractéristiques 
du  corps  dissous. 

Une  conséquence  des  considérations  précé- 
dentes ,  c'est  que  nous  devons  retrouver  dans 
la  combinaison  les  lois  que  nous  avons  obser- 
vées dans  l'action  chimique  qui  produit  la  dis- 
solution. 

Puisque  toute  action  réciproque  produit  une 
combinaison  ,  toutes  les  propriétés  chimiques 
qui  distinguent  une  substance  sont  dérivées 
de  ses  affinités  ou  de  sa  tendance  à  la  combi- 
naison avec  les  autres  substances  ,  et  tous  les 
phénomènes  auxquels  elle  concourt  dépendent 
des  combinaisons  dans  lesquelles  elle  entre  ou 
dont  elle  est  éliminée;  de  sorte  que  la  combi- 
naison qui  est  le  résultat  de  toute  action  chi- 
mique est  la  cause  générale  des  effets  chimiques 
qui  sont  produits  ,  ou  des  phénomènes  qu'on 
parvient  à  expliquer  en  les  comparant  entre  eux 


I 


DE    l'action    chimique,    etc.  6l 

pour  reconnaître  leur  dépendance  mutuelle  ,et 
en  les  considérant  sous  leurs  rapports  avec  toutes 
les  combinaisons  qui  les  produisent. 

37.  Parmi  les  affinités  d'une  substance  ,  il  s'en 
trouve  quelquefois  une  qui  domine  et  qui  lui 
imprime  un  caractère  particulier,  et  la  plupart 
des  propriétés  qu'elles  possède  n'en  sont  qu'une 
dépendance.  Ce  sont  ces  affinités  dominantes  qui 
servent  sur-tout  à  classer  les  propriétés  chimi- 
ques des  différentes  substances  et  les  phénomènes 
chimiques  qui  en  sont  dérivés  ;  ainsi  l'affinité 
pour  loxigène  distingue  les  substances  inflam- 
mables ;  l'affinité  réciproque  des  acides  et  des 
alcalis  constitue  l'acidité  et  l'alcalinité  ;  par  là 
même  ces  affinités  et  leurs  effets  sont  l'objet  prin- 
cipal des  considérations  chimiques. 

L'affinité  caractéristique  suppose  dans  les  deux 
sujets  de  la  combinaison  (  et  ce  que  je  dis  de 
deux  doit  s'appliquer  à  tous  ceux  qui  entrent 
dans  une  combinaison  complexe)  des  propriétés 
qui  les  rendent  antagonistes  ;  de  sorte  que  l'une 
ne  peut  dominer  qu'aux  dépends  de  l'autre ,  et 
quune  égalité  de  force  produit  un  état  dans 
lequel  on  n'apperçoit  plus  le  caractère  ni  de  l'un 
ni  de  l'autre  ;  c'est  cet  état  qu'on  appelle  neutre  , 
et  qui  ne  s'apperçoit  pas  seulement  dans  l'action 
réciproque  des  acides  et  des  alcalis ,  mais  dans 
celles  de  toutes  les  forces  antagonistes. 

38.  Si  l'on  considère  ce  qui  se  présente  à  l'ob- 


^2  STATIQUE     CHIMIQUE. 

servation  dans  la  combinaison  mutuelle  de  deux 
substances  antagonistes ,  par  exemple ,  d'un  acide 
et  d'un  alcali  ,  on  trouve  que  l'acidité  diminue  à 
mesure  que  la  quantité  d'alcali  augmente  ,  et 
l'on  parvient  à  un  degré  de  saturation  ou  l'aci- 
dité et  l'alcalinité  ont  également  disparu  et  sont 
devenues  latentes  ;  cependant  si  l'on  continue 
d'ajouter  de  l'alcali ,  son  caractère  reparaît  et 
devient  de  plus  en  plus  dominant. 

On  voit  donc,  i».  que  l'acidité  et  l'alcalinité 
se  saturent  mutuellement  et  peuvent  devenir 
alternativement  dominantes ,  selon  la  proportion 
dans  laquelle  la  combinaison  s'opère  :  il  n'y  a. 
aucun  obstacle  ,  aucune  suspension  dans  la 
marche  de  la  combinaison  et  de  la  saturation 
qui  l'accompagne  ,  à  moins  que  la  force  de  cohé- 
sion ou  l'élasticité  ne  produisent  une  séparation 
dans  laquelle  les  proportions  se  trouvent  déter- 
minées par  l'une  de  ces  deux  conditions. 

1^ .  Que  les  ]>ropriétés  acides  et  alcalines 
diminuent  ,  selon  le  degré  de  saturation 
qu'éprouvent  l'acide  et  l'alcali  ;  de  sorte  qu  on 
retrouve  dans  l'action  chimique  qui  s'exerce  avec 
le  plus  d'énergie,  les  mêmes  caractères  que  nous 
avons  observés  dans  le  degré  le  plus  faible  qui 
produit  la  dissolution  (  i4)- 

3g.  Les  chimistes  frappés  de  ce  qu'ils  trou- 
vaient des  proportions  déterminées  dans  plusieurs 
combinaisons ,  ont  souvent  regardé  comme  une 


DE  l'action   chimique,    etc.  63 

propriété  générale  des  combinaisons  de  se  cons- 
tituer dans  des  proportions  constantes  ;  de  sorte 
que  selon  eux  ,  lorsqu'un  sel  neutre  reçoit  un 
excès  d'acide  ou  d'alcali ,  la  substance  homogène 
qui  en  résulte  est  une  dissolution  du  sel  neutre 
dans  une  portion  libre  dacide  ou  d'alcali. 

C'est  une  hypothèse  qui  n'a  pour  fondement 
qu'une  distinction  entre  la  dissolution  et  la 
combinaison  ,  et  dans  laquelle  on  confond  les 
propriétés  qui  causent  une  séparation  avec  laf- 
finité  qui  produit  la  combinaison  ;  mais  il  faudra 
reconnaître  les  circonstances  qui  2>euvent  déter- 
miner les  séparations  des  combinaisons  dans  un 
certain  état,  et  qui  limitent  par  là  les  effets  de 
la  loi  générale  de  l'affinité. 

Ce  n'est  pas  toujours  au  terme  de  la  neutra- 
lisation que  la  séparation  peut  s'opérer  :  le  iar- 
trite  acidulé  de  potasse  se  sépare  et  cristallise 
plus  facilement  que  le  tartrite  neutre  :  dira-t-on 
que  c'est  le  dernier  qui  est  tenu  en  dissolution 
par  l'excès  d'acide  ?  je  crois  pouvoir  me  borner 
pour  /:e  moment  à  cet  exemple. 

4o.  Il  faut  en  conséquence  de  ce  qui  vient 
d'être  exposé ,  distinguer  deux  espèces  de  satu- 
ration ;  l'une  est  la  limite  de  l'action  chimique 
qu'une  substance  peut  exercer  sur  une  autre  , 
dans  des  circonstances  données  :  par  exemple, 
on  dit  que  l'eau  est  saturée  d'un  sel,  lorsqu'elle 
ne  peut  plus  en  dissoudre ,  quoique  ni  Its  pro- 


64  STATIQUE     CHIMIQUE. 

priëtës  de  l'eau ,  ni  les  propriétés  du  sel  n'aient 
éprouvé  de  saturation  ;  l'autre  est  le  terme  où 
les  propriétés  antagonistes  d'une  substance  sont 
déguisées  par  celles  d'une  autre ,  et  se  trouvent 
dans  l'équilibre  qui  produit  cet  état  d'indiffé- 
rence qu'on  appelle  neutralisation;  cette  seconde 
saturation  se  rencontre  rarement  au  même  terme 
que  la  première. 

Lorsqu'une  combinaison  s'est  formée ,  ses  deux 
éléments  y  sont  retenus  en  raison  de  leur  affinité 
mutuelle ,  et  en  raison  de  leur  quantité  respec- 
tive ;  de  sorte  que  conformément  à  la  loi  géné- 
rale de  l'action  chimique  ,  si  l'un  des  deux  do- 
mine, la  partie  qui  se  trouve  en  excès  est  d'autant 
moins  retenue  par  la  substance  antagoniste  , 
que  l'excès  est  plus  considérable  ;  mais  comme 
dans  l'état  neutre  ,  l'action  de  chaque  élément 
sur  la  substance  antagoniste  est  bien  loin  d'être 
épuisée  ;  on  voit  comment  un  sel  neutre  peut 
éprouver  l'action  dissolvante  de  l'eau  ,  sans  que 
l'état  de  combinaison  change  ;  cependant  lors- 
qu'il y  a  une  grande  différence  dans  l'action  que 
l'eau  exerce  sur  chacun  des  deux  éléments  ,  et 
lorsque  l'action  qui  les  réunit  n'est  pas  très- 
énergique  ,  celle  de  l'eau  peut  produire  des 
changements  considérables  dans  la  combinaison , 
comme  je  l'observerai  plus  particulièrement  en 
traitant  de  l'action  des  dissolvants. 

4 1 .  La  force  de  cohésion  oppose  une  résis- 


DE  l'action  chimique,  etc.  65 
tance  à  l'action  énergique  qui  produit  les  com- 
binaisons, comme  elle  le  fait  dans  la  dissolu- 
tion ;  ainsi ,  de  ce  qu'une  combinaison  ne  peut 
s'opërer  ,  il  ne  faut  pas  en  conclure  que  deux 
substances  n'ont  point  d'affinité  mutuelle  :  l'alu- 
mine la  plus  divisée  ne  peut  être  dissoute  direc- 
tement par  l'acide  acétique  ;  mais  si  l'on  mêle 
une  dissolution  de  sulfate  d'alumine  avec  la 
dissolution  d'un  sel  qui  contienne  l'acide  acétique, 
cette  combinaison  peut  se  faire  et  se  maintenir  : 
il  ne  pouvait  y  avoir  que  la  force  de  cohésion 
qui  réunissait  les  molécules  de  Talumine ,  qui 
s'opposât  à  la  combinaison  dans  la  première 
circonstance.  Tous  les  acides  peuvent  tenir  la  silice 
en  dissolution,  si  celle-ci  a  été  préalablement 
dissoute  par  un  alcali  ;  mais  si  l'on  rapproche 
les  molécules  de  la  silice  par  la  dessication  ,  la 
force  de  cohésion  qui  les  réunit  s'oppose  à  leur 
dissolution  dans  les  acides ,  si  ce  n'est  dans  l'acide 
fluorique. 

43.  Il  suit  de  ce  qui  précède  que  l'action  chi- 
mique la  plus  forte  ,  ainsi  que  la  plus  faible  , 
s'exerce  en  raison  de  l'affinité  réciproque  des 
substances  et  des  quantités  qui  se  trouvent  dans 
la  sphère  d'activité  ,  que  l'action  diminue  en 
raison  de  la  saturation  ,  qu'il  n'y  a  point  de 
terme  où  elle  détermine  des  proportions  ;  mais 
que  c'est  dans  les  forces  qui  lui  sont  opposées 
qu'il  faudra  chercher  les  limites  des  proportions 


'j 


6(^  STATIQUE     CHIMIQUE. 

des  combinaisons  qu'elle  forme  ,  et  celles  de  sa' 
puissance  ;  enfin  il  faut  distinguer  deux  effets 
de  l'action  chimique ,  celui  par  lequel  il  se  pro- 
duit une  saturation  réciproque ,  et  celui  qui 
apporte  des  changements  de  constitution. 

Lorsque  deux  substances  exercent  une  action 
chimique  ,  les  propriétés  qui  dépendent  de  l'af- 
finité qui  les  réunit ,  et  qui  ne  sont  réellement 
que  leur  tendance  mutuelle  à  la  combinaison  dans 
les  différentes  circonstances  où  elles  peuvent  se 
trouver ,  subissent  une  saturation  qui  est  pro- 
portionnelle à  l'action  mutuelle;  elles  deviennent 
latentes  ,  et  ne  reparaissent  dans  chacune  des  ^ 
substances  qu'à  mesure  que  son  action  devient 
dominante  sur  celle  de  l'autre ,  ou  qu'elle  acquiert 
4e  la  liberté. 

Les  propriétés  au  contraire  qui  dépendent  de 
Ia  constitution  n'éprouvent  que  des  changements 
relatifs  à  ceux  mêmes  de  la  constitution  ,  qui 
quelquefois  devient  moyenne  de  celle  des  deux 
substances  qui  se  combinent,  pendant  que  dans 
d'autres  circonstances  l'une  des  deux  substances 
communique  son  état  à  l'autre  ;  mais  avec  des 
modifications  qui  dépendent  de  cette  nouvelle 
union.  Il  n'y  a  point  de  saturation  dans  cet  effet  ; 
on  n'y  apperçoit  que  Faction  réciproque  des 
molécules  ,  qui  selon  la  force  de  leur  affinité  I 
mutuelle  ,  et  selon  le  rapport  qu'elles  ont 
avec  le   calorique  ,    éprouvent   ujie    condensa- 


DE  l'actio!n-  chimique,  etc.  67 
tion  plus  ou  moins  grande  ,  et  acquièrent 
plus  ou  moins  de  disposition  à  la  solidité  ,  à 
la  liquidité  ou  à  Télasticité;  cette  action  réci- 
proque produit  des  effets  qui  conservent  beau- 
coup d'analogie  avec  les  effets  mécaniques. 

Ainsi  la  même  cause  produit  deux  séries  de 
propriétés  qui  doivent  étj  e  considérées  comme 
des  forces  particulières  qui  concourrent  aux 
phénomènes  chimiques,  ou  qui  produisent  des 
effets  qui  se  compensent  ou  se  détruisent. 

L'une  de  ces  deux  forces  peut  tellement  l'em- 
porter sur  l'autre  ,  que  l'une  ne  commence  à 
agir  que  lorsque  l'autre  se  trouve  affaiblie  ;  ainsi 
l'on  ne  retrouve  dans  l'argile  condensée  aucune 
des  propriétés  qui  la  caractérisent,  jusqu'à  ce 
qu'on  ait  détruit  la  force  de  cohésion  qui  réunit 
ses  molécules. 

Outre  les  affinités  dominantes  qui  sont  la  tige 
des  propriétés  caractérisques  des  substances  re- 
marquables par  l'énergie  de  leur  action  ,  elles 
en  ont  encore  de  secondaires  qui  leur  donnent 
d'autres  propriétés  et  qui  suivent  aussi  les 
mêmes  lois  de  saturation  ;  mais  leurs  effets  dis- 
paraissent lorsque  l'affinité  supérieure  en  force 
peut  s'exercer. 

Nous  allons  examiner  plus  particulièrement  dans 
les  rapports  des  acides  avec  les  alcalis ,  l'action 
«lutuelle  des  substances  qui  se  combinent,  et  dont 
les  propriétés  se  saturent  réciproquement. 

5.. 


sae: 


SECTION     II. 

DE     L'ACIDITÉ     ET    DE    L'ALCALINITÉ. 


CHAPITRE     PREMIER. 

De  V action  réciproque  des  acides  et  des  alcalis. 


44-  Hj  NT  RE  les  substaûces  qui  sont  douées  d'une 
forte  affinité  réciproque,  les  acides  et  les  alcalis 
méritent  d'être  distingués  par  l'énergie  de  leur 
action,  par  le  nombre  des  combinaisons  qu'ils 
forment  ,  par  l'influence  qu'ils  ont  dans  les  phé- 
nomènes naturels  et  dans  les  opérations  des  arts  ; 
de  sorte  qu'ils  ont  principalement  fourni  les 
matériaux  qui  ont  servi  à  établir  les  principes 
de  la  science  ,  et  par  cette  raison  je  m'arrêterai 
particulièrement  à  l'examen  de  leur  action  chi- 
mique. 

On  peut  considérer  les  acides  et  les  alcalis  sous 
(lifférents  rapports  ;  par  exemple  ,  sous  celui  de 
leur  composition  ,  des  modifications  qu'ils  peu- 
vent éprouver  par  un  changement  de  consti- 
tution ,  et  des  différences  qui  les  distinguent  à 
cet  égard  entr'eux  ,  ou  sous  celui  de  l'action 
réciproque  qu'ils  exercent  comme  acides  et  comme 


DE    l'acidité    et   de   l' AL  C  A  1 1  N  I  TÉ.    6cf. 

alcalis.  Je  ne  m'occupe  ici  que  de  l'exercice  ré- 
ciproque d'une  propriété  générale  aux  acides  et 
aux  alcalis,  de  l'acidité  et  de  l'alcalinité. 

45.  Il  y  a  des  substances  qui  se  conduisent 
comme  acides  avec  des  bases  alcalines  ,  et  comme 
alcalis  avec  les  acides  ;  telles  sont  la  plupart  de» 
oxides  métalliques  :  on  peut  les  assimiler  aux 
acides  ,  lorsqu'elles  en  remplissent  les  fonc- 
tions ,  et  aux  alcalis  ,  lorsqu'elles  se  combinent 
avec  les  acides  ;  cependant  cette  ressemblance 
est  imparfaite  ,  et  ne  peut  servir  à  la  classifi- 
cation de  leurs  propriétés.  H  y  a  d'autres  subs- 
tances dans  lesquelles  les  propriétés  acides  ou 
alcalines  sont  tellement  faibles  qu'elles  ne  leur 
imprime  pas  un  caractère  dominant  :  ces  subs- 
tances doivent  être  examinées  dans  leurs  pro- 
priétés particulières  ;  mais  tout  ce  qui  appartient 
à  l'action  chimique  des  acides  et  des  alcalis  se 
retrouve  dans  toute  action  chimique  ,  qui  par 
son  énergie  produit  une  saturation  des  propriétés 
distinctives. 

46.  Les  acides  ont  pour  caractère  distinctif 
de  former  par  leur  union  avec  les  alcalis  des 
combinaisons  dans  lesquelles  on  ne  trouve  plus 
les  propriétés  de  l'acidité  et  de  l'alcalinité  ,  lors- 
que les  proportions  de  l'acide  et  de  l'alcali  sont 
telles  quelles  donnent  le  degré  de  saturation 
qu'on  appelle  neutralisation. 

L'acidité  et  ralcalinité  sont  donc  deux  terme» 


7Ci  STATIQUE    CIÎIMÎQTTE. 

corrélatifs  d'un  genre  de  combinaison;  mais  le» 
acides  et  les  alcalis  ont,  comme  les  autres  corps, 
des  propriétés  qui  dépendent  de  Faction  réci- 
proque de  leurs  molécules  ,  et  qui  peuvent  modi- 
fier Teflet  de  leur  tendance  mutuelle  à  la  com- 
binaison :  ces  propriétés  ne  subissent  point  la 
saturation  ;  mais  elles  s'accroissent  ou  elles  di- 
minuent, selon  l'état  où  se  trouvent  les  molécules 
combinées  qui  se  substituent  en  cela  aux  molé- 
cules simples  de  l'acide  et  de  l'alcali  non  combinés. 

Il  faudra  par  conséquent  distinguer  avec  soin 
les  effets  de  la  saturation  et  ceux  qui  résultent  de 
l'action  réciproque  des  parties  intégrantes  de  la 
combinaison  ,  comme  il  faut  distinguer  dans  un 
acide  et  dans  un  alcali  leur  tendance  réciproque 
à  la  combinaison  et  les  effets  de  leur  volatilité, 
de  leur  f].xité,  de  leur  cohésion,  de  leur  pesan- 
teur spéci  fiqu  e . 

Outre  son  affinité  pour  les  alcalis  ,  un  acide 
en  a  de  secondaires  qui  établissent  entre  les 
autres  et  lui  quelques  différences  ;  mais  c'est 
celle  qu'il  a  pour  l(^s  alcalis  qui  exerce  la  plus 
grande  action  ,  et  qui  produit  ses  principales 
propriétés  ;  dès  qu'elle  peut  se  satisfaire,  elle 
détruit  toutes  les  combinaisons  qu'il  a  pu  former 
en  conséquence  de  ses  autres  affinités  ;  de  sorte 
que  l'on  doit  la  regarder  comme  une  affinité 
dominante  qui  lai  imprime  son  caractère. 

47.  il  suit  de  là  que  dans  ki  comparaison  des 


©E   L*  ACIDITÉ    ET    DE    LALCALirîITÉ.     "Jfr 

acides,  le  premier  objet  qui  doit  fixer  l'attention^ 
c'est  la  puissance  avec  laquelle  ils  peuvent  exercer 
l'acidité  qui  forme  leur  caractère  distinctif  ;  or , 
cette  puissance  se  mesure  par  la  quantité  de 
chacun  des  acides  qui  est  nécessaire  pour  pro- 
duire le  même  effet  ;  c'est-à-dire  pour  saturer 
une  quantité  donnée  d'un  même  alcali.  C'est 
donc  la  capacité  de  saturation  de  chaque  acide 
qui  ,  en  mesurant  son  acidité ,  donne  la  force 
comparative  de  l'affinité  à  laquelle  elle  est  due  ; 
mais  les  propriétés  de  chaque  combinaison  doi- 
vent se  déduire  de  celles  de  ses  éléments  ,  qui  sont 
simplement  modifiées  par  l'acte  même  de  la  com  • 
binaison. 

En  effet ,  tous  les  acides  produisent  un  même 
résultat ,  exercent  une  force  égale  en  neutralisant 
les  alcalis,  mais  on  observe  qu'ils  ne  possèdent 
pas  tous  la  même  puissance ,  si  on  établit  la 
comparaison  sur  leur  quantité  ;  il  faut  plus  ou 
nioins  de  chaque  espèce  pour  produire  le  même 
effet;  c'est  en  cela  que  diffère  l'énergie  de  leur 
affinité. 

On  peut  donc  dire  que  Taffinité  des  différents 
acides  pour  une  même  base  alcaline  ,  est  en  raison 
inverse  de  la  quantité  pondérale  de  chacun  d'eux 
qui  est  nécessaire  pour  la  neutralisation  .  avec- 
unc;  quantité  égale  de  la  même  base  alcaline  -^ 
mais  en  proportionnant  les  quantités  à  l'affinité . 
on  produit  le  même  effet  ;  de  sorte  que  la  force 


7^  STATIQUE     CHIMIQUE. 

que  Ion  met  en  action  dépend  de  l'affinité  et 
de  la  quantité  ,  et  que  lune  peut  suppléer  à 
1  autre. 

48.  J'ai  désigné  par  le  nom  Ae  masse  chimique 
cette  faculté  de  produire  une  saturation ,  cette 
puissance  qui  se  compose  de  la  quantité  pon- 
dérale d'un  acide  et  de  son  affinité;  selon  cette 
définition  les  masses  qui  sont  mises  en  action 
sont  proportionnelles  à  la  saturation  qu'elles 
peuvent  produire  dans  la  substance  avec  laquelle 
elles  se  combinent. 

Un  acide  est  donc  d'autant  plus  puissant , 
qu'à  poids  égal  il  peut  saturer  une  plus  grande 
quantité  d'alcali;  le  même  rapport  de  puissance 
se  conservera  entre  les  acides  lorsque  leur  action 
devra  surmonter  la  force  de  cohésion  ,  et  il  faut 
leur  appliquer  ce  qui  a  été  exposé  sur  l'action 
réciproque  d'un  liquide  et  d'un  solide  avec  les 
modifications  suivantes. 

49-  11  faut  premièrement  distinguer  la  puis- 
sance  d'un  acide  qui  se  mesure  par  sa  capacité 
de  saturation  ,  de  son  énergie  qui  dépend  de 
sa  concentration  :  un  liquide  homogène  tel  que 
l'eau  a  toujours  la  même  force  dissolvante  ,  à 
un  égal  degré  de  température  ;  mais  un  acide 
peut  être  étendu  par  une  quantité  plus  ou  moins 
grande  d'eau  ;  et  par  là  la  quantité  qui  peut 
se  trouver  dans  la  sphère  d'activité  peut  être 
tellement  affaibfie  ,  qu'elle  ne  suffise  point  pour 


DE    l'acidité    et    de    l' A  L  C  ALI  NIT  É.      78 

yaincre  la  force  de  cohésion  que  le  même  acide 
plus  concentré  pourrait  surmonter  ,  c'est  ordi- 
nairement dans  ce  sens  qu'on  appelle  un  acide 
fort  ou  faible. 

En  second  lieu  ,  la  combinaison  d'un  acide 
avec  une  base  acquiert  une  force  de  cohésion 
plus  ou  moins  grande.  Cette  force  de  cohésion 
qui  survient  dans  une  combinaison  est  ordi- 
nairement la  plus  grande  ,  au  terme  de  la  neu- 
tralisation ;  mais  quelquefois  elle  se  trouve  à  un 
autre  degré  de  saturation. 

5o.  Ilsuit  des  observations  précédentes ,  i°.  que 
l'on  doit  classer  parmi  les  acides  toutes  les  subs- 
tances qui  peuvent  saturer  les  alcalis  et  faire 
disparaître  leurs  propriétés  ,  comme  1  on  doit 
placer  parmi  les  alcalis  toutes  celles  qui  ,  par 
leur  combinaison,  peuvent  saturer  l'acidité. 

2».  Que  la  capacité  de  saturation  étant  la  me- 
sure de  cette  propriété  ,  elle  doit  servir  à  former 
réchelle  de  la  puissance  comparative  des  acides , 
ainsi  que  celle  des  alcalis. 

L'affinité  présente  dans  la  combinaison  des 
acides  avec  les  alcalis  les  deux  effets  bien  distincts 
de  la  saturation  et  de  l'action  mutuelle  à  laquelle 
est  due  la  force  de  cohésion  :  par  la  première 
les  qualités  antagonistes  disparaissent  ;  par  la 
seconde  les  propriétés  qui  dépendent  de  la  dis- 
tance des  molécules  reçoivent  au  contraire  un 
accroissement;  car  lu  force  de  cohésion  est  plus 


74  STATIQTJE    CHIMIQTTË. 

grande  dans  les  combinaisons  salines  qu'elle 
nVtait  dans  leurs  éléments. 

5i.  On  ne  reconnaît  donc  plus  dans  les  com- 
binaisons neutres  les  propriétés  caractéristiques 
de  leurs  éléments  ;  mais  celles  qui  appartiennent 
à  ces  combinaisons  pendant  qu'elles  existent  dans 
leur  intégrité  ,  sont  presqu'entièrement  dérivées 
de  Taffinité  réciproque  des  parties  intégrantes  de 
la  combinaison  ;  telles  sont  la  fusibilité  ,  la  vo- 
latilité ,  la  fixité ,  la  dureté  ,  les  attributs  de  la 
cristallisation  ,  la  pesanteur  spécifique  ;  mais 
comme  les  propriétés  des  coïubinaisons  qui  dé- 
pendent de  Taifinilé  réciproque  des  parties  in- 
tégrantes de  la  combinaison  ont  un  rapport 
constant  avec  les  propriétés  des  parties  élémen- 
taires ,  je  tâcherai  dans  la  suite  d'établir  quel 
est  ce  rapport  et  quelles  sont  les  conditions  qui 
le  font  varier. 

Je  me  servirai  dans  les  cliapitres  suivants  de 
la  force  de  cohésion  qui  appartient  aux  bombi- 
naisons  ou  même  à  leurs  éléments,  pour  expliquer 
les  effets  qui  en  dépendent  et  qui  ont  été  con- 
fondus avec  ceux  de  l'affinité  qui  produit  la  satu- 
ration ;  mais  je  me  bornerai  à  y  considérer  cette 
force  ,  comme  cause  des  séparations  qui  s'opèrent 
indépendamment  des  circonstances ,  qui  en  pla- 
cent le  plus  grand  effet  dans  un  certain  degré 
de  saturation. 

Il  faut   constater  les  principes  exposés  dan» 


DE    L*ACIDITÉ    ET    DE    l' A  LC  AL  I  ?f  ITt.       7^ 

ce  chapitre ,  en  examinant  s'ils  correspondent 
exactement  aux  phénomènes  que  présente  l'ac- 
tion réciproque  des  acides  et  des  alcalis  dans  les 
différentes  circonstances  où  elle  s'exerce ^ 


CHAPITRE     II. 

De   l'action   d^un   acide   sur  une   combinaison 
neutre. 

Sa.  IMous  venons  de  voir  que  tous  les  acides 
avaient  la  propriété  de  saturer  les  alcalis ,  et  de 
former  une  combinaison  neutre  ;  mais  qu'il  fallait 
différentes  quantités  pour  produire  cet  effet  ; 
de  sorte  que  chaque  acide ,  à  poids  égal ,  a  une 
capacité  de  saturation  qui  lui  est  propre  pouf 
chaque  espèce  d'alcali. 

Lorsqu'un  sel  neutre  est  dissous  et  qu'oit 
ajoute  un  acide  à  sa  dissolution ,  ou  lorsqu'on 
opère  sa  dissolution  par  le  moyen  d'un  acide  > 
celui-ci  entre  en  concurrence  avec  l'acide  com- 
biné, l'un  et  l'autre  agissent  sur  la  base  alcaline, 
chacun  en  raison  de  sa  masse  ,  comme  si  la  com- 
binaison n'eut  pas  existé.  Ils  parviennent  au 
même  degré  de  saturation  ;  de  sorte  que  la  satu- 
ration commune  est  égale  à  celle  qu'on  aurait 


76  STATIQUE     CHIMIQUE. 

obtenue  ,  si  Ton  eût  employé  une  quantité  d'un 
seul  acide  qui  eût  égalé  par  sa  capacité  de  satu- 
ration les  deux  qui  sont  mis  en  action. 

On  ne  peut  donc  pas  dire ,  si  toutes  les  cir- 
constances restent  égales ,  qu'un  acide  en  chasse 
un  autre  de  la  base  avec  laquelle  il  était  com- 
biné ;  mais  il  partage  l'action  qui  était  exercée 
sur  la  base  pour  produire  la  saturation  en  raison 
des  masses  employées  :  le  premier  qui  était  en 
combinaison  perd  de  son  union  avec  la  base  , 
autant  que  le  second  en  acquiert ,  et  par  cette 
perte  il  recouvre  de  son  énergie  pour  agir  sur 
d'autres  substances  en  raison  de  l'acidité  qu'il 
conserve. 

53.  Ce  sont  là  les  conséquences  qui  se  dédui- 
sent immédiatement  des  propriétés  de  l'affinité  , 
mais  on  a  établi  une  théorie  différente  ;  on  a 
regardé  l'affinité  d'un  acide  pour  vme  base  comme 
élective ,  c'est-à-dire  qu'on  lui  a  attribué  la  pro- 
priété d'éliminer  entièrement  un  acide  d'une 
combinaison  pour  le  substituer  à  sa  place  ,  et 
Ton  a  construit  les  tables  d'affinité  sur  cette 
puissance  comparative. 

Cependant  si  l'on  considère  qu'un  acide  exerce 
une  action  puissante  sur  une  combinaison  neutre, 
qu'à  part  un  petit  nombre  d'exceptions ,  il  dissout 
toutes  les  combinaisons  neutres  malgré  la  résis- 
tance de  leur  cohésion  ,  et  que  son  action  est 
d'autant  plus  puissante  qu'il  est  plus  concentré  ; 


i 


DE   l'acidité    et   de    L   ALCALINITÉ.       77 

on  doit  reconnaître  quil  exerce  son  action  chi- 
mique sur  la  combinaison ,  que  par  conséquent 
cette  action  doit  être  proportionnelle  à  son  alfi- 
nitë  ou  à  sa  capacité  de  saturation  et  à  sa  quan- 
tité. L'eau  elle-même  exerce  son  action  chimique  ; 
ce  n'est  que  par  cette  force  qu'elle  produit  la 
dissolution  d'une  combinaison  neutre  ,  et  si 
elle  ne  change  pas  son  état  de  saturation  ,  ce 
n'est  que  parce  que  toute  son  action  n'é- 
quivaut pas  à  la  tendance  mutuelle  qui  reste 
aux  deux  éléments  de  la  combinaison  ;  mais  si 
celle-ci  n'est  due  qu  à  une  faible  affinité  ,  Teau 
suffit  pour  déterminer  un  autre  état  de  satu- 
ration. 

J'ai  fait  voir  par  des  expériences  directesf  i)  que 
les  combinaisons  qui  étaient  considérées  comme 
produites  par  les  affinités  électives  auxquelles  on 
attribuait  le  plus  de  supériorité  ,  cédaient  à  d'au- 
tres que  l'on  regardait  comme  inférieures,  pourvu 
qu'on  affaiblît  les  circonstances  qui  tendaient  à 
maintenir  les  premières. 

54.  On  a  donc  confondu  les  effets  qui  étaient 
dûs  à  la  force  de  cohésion  ou  à  l'élasticité  qui 
produisent  les  séparations  des  combinaisons,  avec 
l'affinité  mutuelle  par  laquelle  leurs  propriétés 
acides  et  alcalines  se  saturent  et  parviennent 
à  l'état  neutre. 

(t)  Recherche»  sur  les  lois  de  raffin.   Mém.   de  i'Inst. 

tom.  m. 


7^  STATIQUE     CHIMIQUE. 

Considérons  dans  Taction  d'un  acide  sur  un© 
combinaison  neutre  ,  les  effets  de  la  force  de 
cohésion  qui  résulte  de  Faction  réciproque  des 
éléments  de  cette  combinaison,  soit  qu'elle  existe 
avant  l'intervention  d'un  acide ,  soit  qu'elle  en 
devienne  une  conséquence. 

55.  La  disposition  à  la  solidité  qui  appartient 
à  des  proportions  déterminées  d'acide  et  d'alcali , 
et  l'insolubilité  qui  en  provient ,  sont  quelquefois 
si  grandes ,  que  cette  combinaison  se  forme  et 
se  sépare  en  entier  ,  quoiqu'il  y  ait  un  grand 
excès  d'acide  ;  ainsi  lorsqu'on  mêle  une  dissolution 
de  baryte  avec  l'acide  sulfurique  ,  toute  la  baryte 
se  sépare  et  se  précipite  en  sulfate ,  l'action  que 
le  liquide  exerce  sur  la  combinaison  qui  vient 
de  se  former  ne  peut  surmonter  la  résistance 
que  présente  son  insolubilité ,  et  cet  effet  est 
indépendant  de  la  différence  des  acides  ,  puisque 
l'acide  sulfurique  lui-même  n'aurait  plus  d'action 
sur  ce  précipité ,  à  moins  qu'il  ne  fût  dans  un 
état  de  concentration  auquel  les  autres  acides 
ne  peuvent  être  réduits. 

Mais  si  l'insolubilité  n'est  pas  aussi  con- 
sidérable ,  elle  pourra  être  surmontée  par 
un  excès  d'acide  plus  ou  moins  grand  ,  selon 
le  degré  de  l'insolubilité  ;  ainsi  l'acide  oxa- 
lique ne  précipite  en  oxalate  de  chaux  qu'une 
partie  de  la  chaux  qui  forme  une  combi- 
naison  neutre   avec   un  autre  acide  :  dès  que 


DE   L   ACIDITÉ    ET   DE    L   ALCALINITÉ.        79 

l'acide  de  la  combinaison  a  acquis  une  certaine 
énergie  par  la  diminution  de  la  base ,  il  con- 
trebalance Feffort  de  Tinsolubilité  ,  et  Toxa- 
late  de  chaux  cesse  de  se  séparer  ;  l'insolu- 
bilité du  phosphate  ou  du  sulfite  de  chaux  est 
encore  surmontée  beaucoup  plus  facilement  ; 
une  faible  acidité  suffit  pour  en  faire  disparaître 
l'effet. 

56.  Lors  donc  que  deux  acides  agissent  sur  un 
alcali ,  il  s'établit  un  équilibre  de  saturation  qui 
est  le  produit  de  la  quantité  de  chacun  des  deux 
-acides ,  et  de  la  capacité  relative  de  saturation  ; 
mais  lorsqu'il  se  forme  une  combinaison  qui  se 
précipite  ,  il  s'établit  deux  composés  qui  exercent 
des  forces  opposées  (i6);  Fun  est  formé  de 
la  combinaison  insoluble ,  et  l'autre  l'est  de  la 
combinaison  qui  reste  liquide ,  et  qui  se  trouve 
avec  un  excès  d" acide  :  celui-ci  épuise  son  action 
dissolvante  sur  la  suljstance  insoluble  ;  les  résul- 
tats dépendent  de  l'insolubilité  comparée  à  l'é- 
nergie de  l'acide  ;  mais  comme  l'action  des  acides 
est  proportionnelle  à  leur  quantité  ,  en  augmen- 
tant la  quantité  de  l'acide  qui  est  opposé  à  lin- 
fiolubilité  ,  on  peut  diminuer  celle  du  pré- 
<;ipité  ou  le  faire  disparaître ,  à  moins  que  la 
ïorce  de  cohésion  ne  soit  trop  grande  pour  céder 
4  celle  qui  tend  à  la  détruire. 

67.  Lorsqu'il  se  forme  une  séparation ,  soit 
par  une  précipitation  immédiate,  soit  par  une 


8o  STATIQUE    CHIMIQUE. 

cristallisation ,  le  liquide  qui  reste ,  à  part  les 
cas  rares  où  l'acide  opposé  est  entièrement  se'- 
parë  en  formant  une  combinaison  insoluble  , 
est  composé  d'une  partie  des  deux  acides  et 
d'une  partie  de  la  base  :  on  ne  doit  pas  le  re- 
garder comme  une  dissolution  de  la  combinaison 
insoluble  par  l'autre  acide;  l'un  et  l'autre  acide 
y  exercent  leurs  forces  sur  la  base  ,  l'un  et  l'autre 
agissent  en  raison  de  leur  énergie  et  de  leur 
quantité,  et  se  mettent  en  équilibre  de  satura- 
tion (  35  ). 

58.  Les  résidus  incristallisables  dans  lesquels 
on  n'a  considéré  (  3i  )  que  l'action  réci- 
proque des  substances  neutres,  peuvent  être 
fort  augmentés  par  l'excès  de  l'une  des  subs- 
tances saturantes  ;  le  moyen  de  les  ramener 
aux  conditions  mentionnées  est  de  faire  dispa- 
i^aître  l'excès  d'acide  ou  d'alcali  qui  s'oppose  à 
la  cristallisation. 

Quelquefois  la  substance  qui  est  séparée  par 
la  force  de  cohésion  ,  n'est  pas  une  combinaison 
simple  de  lun  des  acides  et  de  la  base  alcaline  ; 
mais  elle  est  formée  de  certaines  proportions  des 
deux  acides  et  de  la  base  alcaline  qui  se  trouvent 
être  douées  d'une  insolubilité  qui  détermine  leur 
séparation ,  comme  il  arrive  à  une  simple  com- 
binaison et  par  la  même  raison. 

59.  On  vient  de  voir  ce  qui  se  passe  lorsque 
deux  acides  établissent  la  concurrence  de  leur 


DE   l'acidité    et    de    l' ALC  ALINITÉ.        8f 

action  sur  une  base  au  milieu  d'un  liquide  ;  mais 
les  résultats  diffèrent  par  quelques  circonstances , 
lorsqu  un  acide  porte  son  action  sur  une  com- 
binaison insoluble  et  déjà  formée  ;  parce  cjue 
force  de  la  cohésion  peut  beaucoup  varier 
dans  la  même  espèce  de  combinaison  ,  comme 
nous  avons  vu  qu'elle  pouvait  varier  relative- 
ment à  la  dissolution  ,  et  il  faut  appliquer  ici  ce 
qui  a  été  exposé  sur  cet  objet. 

L'acide  n'agit  donc  pas  alors  en  raison  de  sa 

quantité  totale ,  mais  en  raison  de  la  quantité 

qui  peut  se  trouver   dans  la  sphère  d  activité , 

où  son  énergie   doit  lutter  contre  la  résistance 

de  la  cohésion.  (  il\  ,  49)-  ^*^<Jn  action  s'affaiblit  à 

mesure  quil  approche  de  l'état  de  saturation; 

celle  de  la  combinaison  solide  au  contraire  reste  la 

même ,  parce  qu  il  n  y  a  que  la  surface  qui  puisse 

l'exercer  successivement  ;  de  sorte  qu'il  s'établit 

bientôt  dans  le  liquide   un  degré  de  saturation 

auquel  il  ne  peut  plus  surmonter  la  résistance  : 

de  là  l'utilité  de  tous  les  procédés  qu'on  emploie , 

soit  pour  multiplier  les  points  de  contact  ,  soit 

pour  diminuer  la  force  de  cohésion  des  parties 

solides ,  et  la  différence  qu'on  observe  entre  une 

combinaison  récente  et  très-divisée,  et  la  même 

combinaison    qui  a   été    desséchée   ou   poussée 

à  un  grand  feu. 

60.  L'action  d'un  acide  ou  d'un  alcali  sur  une 
combinaison  qui ,  dans  le  cas  de  liquidité ,  s'exerce 
I.  6 


S'2  STATIQUE     CHIMIQUE. 

en  raison  de  la  masse  ,  est  donc  modifie'e  lorsque 
la  combinaison  est  solide ,  ou  lorsque  celle  qui 
se  forme  le  devient  ;  par  là  l'effet  de  la  cohésion 
qui  lui  appartient,  et  le  résultat  varient  selon  l'état 
de  cette  force  ,  et  selon  la  quantité  et  l'énergie 
de  l'acide  et  de  l'alcali  qui  peuvent  se  trouver 
dans  la  sphère  d'activité. 

Ce  qui  précède  doit  s'appliquer  à  l'action  d'une 
base  alcaline  sur  une  combinaison  neutre  ;  mais 
la  force  de  cohésion  qui  est  beaucoup  plus  consi- 
dérable dans  quelques-unes  de  ces  bases  que  dans 
les  acides  ,  a  par  là  même  une  influence  plus 
considérable  dans  cette  action. 

Si  l'on  amène  à  l'état  de  dessication  un  mélange 
de  parties  égales  de  soude  et  de  sulfate  de  potasse , 
et  que  l'on  enlève  après  cela  l'excès  d'alcali  par 
l'action  de  l'alcool,  le  résidu  se  trouve  composé 
de  sulfate  de  potasse  et  de  sulfate   de  soude. 

Le  sulfate  de  potasse  étant  beaucoup  moins 
soluble  que  le  sulfate  de  soude ,  c'est  lui  qui  se 
séparerait  le  premier  ;  si  l'on  fesait  évaporer  le 
mélange  sans  avoir  séparé  l'excès  d'alcali,  il  se 
saisirait  par  cette  circonstance  de  la  plus  grande 
partie  de  l'acide  ,  seulement  il  y  aurait  un  résidu 
incristallisable  avec  excès  de  soude,  dans  lequel 
une  partie  du  sulfate  de  potasse  seroit  retenue. 

6i .  Comme  l'alcool  dissout  également  la  soude 
et  la  potasse  ,  son  action  ne  change  point  sen- 
siblement le  résultat  de  l'action  réciproque  do 


DE    l'acidité    et    de    l' A  LC  A  L  Iiy'iTÉ.       83 

l'acide  et  des  deux  alcalis  :  cette  expérience  est 
<lonc  propre  à  faire  voir  le  partage  de  Taction 
d'un  acide  sur  deux  alcalis ,  indépendamment  des 
effets  de  la  force  de  cohésion  des  deux  combi- 
naisons ;  mais  si  Ton  traite  le  muriate  de  soude 
avec  la  chaux,  Ton  a  à  peine  des  indices  de  la 
décomposition  du  23remier  ,  parce  que  la  chaux 
ayant  très-peu  de  solubilité,  elle  ne  peut  agir  qu'en 
très-petite  proportion,  et  à  mesure  que  Tévapo- 
ration  avance,  son  insolubilité  tend  à  la  séparer, 
pendant  que  la  soude  lui  oppose  toute  sa  masse  : 
dans  ce  cas  l'alcool  ne  peut  servir  à  constater 
l'action,  parce  qu'il  ne  peut  séparer  l'excès  de 
base  alcaline. 

L'action  d'un  acide  ou  d'un  alcali  sur  une 
combinaison  qui ,  dans  le  cas  de  liquidité ,  s'exerce 
en  raison  de  la  masse  ,  est  donc  également  modi 
fiée  lorsque  la  combinaison  est  solide,  ou  lorsque 
celle  qui  se  forme  le  devient  ;  par  là  l'effet  de  la 
cohésion  qui  lui  appartient ,  et  le  résultat,  varient 
selon  l'état  de  cette  force  et  selon  la  quantité  et 
l'énergie  de  l'acide  et  de  l'alcali  qui  peuvent  se 
trouver  dans  la  sphère  d'activité;  de  là  les  préci- 
pités dont  les  conditions  vont  nous  occuper. 


84  STATIQUE     CHIMIQUE. 


CHAPITRE     III. 

Des  précipités  produits  par  les  acides  ou  par 
les  alcalis. 

62.  Ljorsqu'un  acide  forme  un  précipité  par 
sa  combinaison  avec  une  base  alcaline  en  la  sé- 
parant d'un  autre  acide ,  l'insolubilité  qui  cause 
la  précipitation  tient  aux  qualités  naturelles  de 
chacun  des  éléments  de  la  combinaison  dont  la 
disposition  à  la  solidité  se  trouve  accrue  par  la 
condensation  qu'ils  éprouvent. 

L'insolubilité  qui  tire  son  origine  de  là  ,  dé- 
termine les  proportions  des  éléments  de  la  com- 
binaison qui  se  précipite  ,  seulement  elle  cède 
plus  ou  moins  à  l'acide  qui  reste  dans  le  liquide  ; 
de  sorte  que  l'effet  de  l'acide  surabondant  se 
borne  à  diminuer  la  quantité  de  la  combinaison 
insoluble  ;  mais  lorsqu'une  base  alcaline  produit 
une  précipitation,  son  effet  peut  être  différent 
selon  les  propriétés  de  la  base  qui  se  précipite , 
parce  que  les  alcalis  diffèrent  beaucoup  entre  eux, 
sous  le  rapport  de  la  solubilité. 

63.  Si  cette  base  est  soluble  par  elle-même , 
si  c'est  la  combinaison  qu'elle  forme  qui  devient 


DE  l'aCTDTTï    et    de    l' ALC  ALIX  ITÉ.       85 

insoluble ,  elle  se  trouve  dans  le  cas  précédent  : 
la  combinaison  qui  se  sépare  doit  également  avoir 
des  proportions  déterminées  ;  un  excès  d'alcali 
la  rend  plus  soluble  et  diminue  la  quantité  du 
précipité  ,  ou  le  fait  disparaître. 

Mais  si  la  base  insoluble  ]:)ar  elle-même  a  besoin 
d'une  certaine  proportion  d'acide  pour  être 
rendue  liquide ,  alors  une  autre  base  alcaline  en 
s'emparant  d'une  partie  de  l'acide,  lui.  enlèvera 
la  solubilité  :  elle  se  précipitera  en  formant  une 
combinaison  insoluble ,  qui  pourra  varier  dans 
les  proportions  de  ses  éléments. 
■  Un  alcali  qui  agit  sur  la  dissolution  d'un  sel 
à  base  terreuse  ,  partage  donc  son  action  sur 
l'acide  avec  cette  base  ,  mais  celle-ci  a  besoin  de 
tout  l'effet  de  l'acide  avec  lequel  elle  était 
combinée  pour  conserver  la  solubilité  ,  telle 
quelle  était;  à  mesure  doncque  l'action  de  l'acide 
qu'elle  éprouve  ,  diminue  ,  l'insolubilité  s'établit 
et  s'accroît,  jusqu'à  ce  que  la  séparation  se  fasse  ;. 
l'acide  se  divise  entre  l'alcali  et  la  base  ter- 
reuse, en  raison  des  forces  qui  sont  en  action 
au  moment  de  la  séparation  ;  de  sorte  qu'il  se 
forme  deux  combinaisons  ,  l'une  qui  est  soluble 
et  l'autre  qui  est  insoluble.  ' 

Ainsi  lorsqu'on  a  pirécipité  par  un  alcali ,  l'alu- 
mine et  la  magnésie  de  lacide  sulfuiique  avec 
lequel  elles  formaient  une  combinaison  soluble  , 
l'on  n  a  q.u  à  dissoudre  de  nouveau  ces  précipités 


S6  STATIQTIE     CHIMIQUE. 

dans  un  acide  tel  que  lacide  muriatique  ou 
l'acide  nitrique,  en  y  ajoutant  ensuite  une  dis- 
solution de  baryte  ,  on  obtient  une  quantité  assez 
considérable  de  sulfate  de  baryte  qui  atteste  que 
l'acide  sulfurique  y  était  combiné.  On  peut  se 
convaincre  également  avec  les  dissolutions  mé- 
talliques, principalement  avec  celles  de  mercure 
que  les  précipités  retiennent  une  partie  de  l'acide. 

64.  Il  ne  faudrait  pas  cependant  conclure  de 
là  que  les  précipités  ne  puissent  jamais  être 
réduits  à  l'état  de  simplicité  :  il  suffit  même 
quelquefois  d'accroître  la  force  de  cohésion  dans 
une  substance  où  cette  propriété  est  énergi- 
que ,  pour  la  séparer  d'un  acide  avec  lequel  elle 
n'a  d'ailleurs  qu'une  faible  affinité  ;  il  suffit 
par  exemple  d  exposer  à  une  forte  dessi cation  la 
silice  dissoute  par  un  autre  acide  que  le  fluorique, 
pour  qu'elle  l'abandonne  et  devienne  insoluble: 
nous  verrons  aussi  que  la  force  de  cohésion  de 
qiielcjues  métaux  peut  décider  leur  précipitation 
dans  l'état  métallique  ,  sans  qu'ils  retiennent  de 
1  acide  qui  les  tenait  en  dissolution  ;  mais  il  paraît 
que  cette  séparation  complète  n'a  jamais  lieu 
entre  les  acides  et  les  alcalis  :  seulement  la  quan- 
tité de  l'acide  peut  être  diminuée  plus  ou  moins, 
seloii  la  force  de  l'alcali  qui  tend  à  l'enlever  au 
précipité  ,  dont  rinsolubilité  ne  dépend  pas  de 
proportions  déterminées. 

Si  la  quantité  du  liquide  qui  sert  de  dissolvant 


DE    l'acidité    et    de    L  '  AL  C  AL  l]>(rTÉ.       87 

est  assez  grande  pour  contrebalancer  l'insolu- 
bilité qui  naît  de  la  diminution  dans  l'action 
de  l'acide ,  il  ne  se  forme  pas  de  séparation ,  et 
alors  chaque  base  agit  sur  l'acide  en  raison  de 
sa  masse  ;  ainsi  Bergman  a  observé  (  i  )  que  la 
potasse  ou  la  soude  ne  troublent  pas  la  trans- 
parence d'un  sel  à  base  de  chaux ,  lorsque  dans 
la  solution  ce  sel  se  trouve  étendu  de  cinquante 
fois  autant  d'eau  ;  si  lacide  ne  continuait  pas 
d'agir  sur  la  chaux ,  le  précipité  paraîtrait  avec 
une  proportion  d'eau  beaucoup  plus  grande  ;  car 
il  faut  à-peu-près  sept  cents  parties  d'eau  pouF 
en  dissoudre  une  de  chaux. 

Si  l'ammoniaque  ne  produit  pas  un  précipita 
comme  l'alcali  fixe  avec  les  sels  à  base  de  chaux , 
c'est  qu'elle  a  la  propriété  de  se  combiner  en  for- 
mant un  sel  triple  ,  que  l'on  ne  sépare  par  la 
vaporisation ,  que  lorsque  l'action  du  liquide  se 
trouve  plus  faible  que  son  insolubilité. 

65.  On  peut  donc  distinguer  deux  espèces  de 
précipités  :  ceux  dans  lesquels  l'acide  et  ila  base 
acquièrent  par  la  combinaison  une  insolubilité 
qu'ils  n'avaient  ni  l'un  ni  l'autre ,  étant  isolés  ; 
ou  qu'ils  n'avaient  qu'à  un  degré  beaucoup  plus 
faillie;  tels  sont  plusieurs  sels  qui  forment  des 
précipités,  si  l'eau  n'est  pas  suffisante  pour  les 
tenir  en  dissolution  ,   ou  qui  cristallisent  lors^ 

(i)  De  Attract.   élett.   §  Vil. 


^^  STATIQUE     CHIMIQUE. 

qu'on  vient  à  diminuer  celle  dans  laquelle  ils 
étaient  dissous,  et  les  précipites  dont  la  base  n'a 
acquis  de  la  solubilité  que  par  Faction  de  l'acide , 
et  qui  foiaient  une  combinaison  insoluble  dès 
que  cette  action  vient  à  diminuer.  Les  précipites 
de  la  première  espèce  ont  des  proportions  cons- 
tantes dans  les  éléments  de  leur  combinaison  , 
ou  du  moins  ces  proportions  ne  peuvent  éprouver 
que  des  variations  peu  considérables,  ainsi  que 
je  le  ferai  remarquer  ailleurs.  Ceux  de  la  seconde 
peuvent  être  composés  de  proportions  très-va- 
riables ,  jusqu'à  ce  qu'on  soit  parvenu  à  une 
quantité  d'acide  que  l'action  croissante  de  la  base 
ne  permette  plus  de  diminuer  ;  car  ils  peuvent 
retenir  des  proportions  différentes  d'acide  en  se 
précipitant,  selon  l'état  des  forces  qui  sont  mises 
en  action.  Ce  qui  le  prouve  ,  c'est  si  ,  après 
avoir  form^  un  sel  insoluble  à  base  terreuse, 
lors  même  qu'il  annonce  une  forte  affinité,  et 
qu  il  a  une  grande  force  de  cohésion  qui  a  dé- 
terminé sa.  jprédpitation  ,  tel  que  le  sulfate  de 
baryte  ,  on  peut  lui  enlever  uneqjortion  de  l'acide 
en  fesant  agir  sm^  lui  :un  alcali  concentré.  On 
obtient  un  plus  grand  effet  en  traitant  de  même 

le  phosphate  de  ch^ux.  

,..11  est'done  très-probable  qu'alors  les  précipités 
diffèrent  sejon  les  circonstances  de  l'opération  y 
selon  l'énergie  de  l'alcali  qui  les  a  produits ,  et 
par  conséquent  selon  l'état  de  coiucentration  où 


DE   l'acidité    et   de   L  '  A  L  C  A.LIN  ITÉ.       89 

il  se  trouve  ;  mais  comme  les  circonstniices  varient 
au  commencement  et  à  la  fin  de  la  précipita- 
tion ,  lorsqu'on  ne  fait  pas  tovit-à-coup  le  mélange 
des  liquides ,  Faction  de  l'alcali  se  trouvant  beau- 
coup plus  énergique  en  commençant  c[ue  lorsque 
la  saturation  avance ,  il  est  très-probable  que  le 
précipité  varie  dans  ses  proportions  en  même 
raison  ;  ce  qu'il  est  sur-tout  facile  de  remarquer 
dans  les  précipitations  métalliques. 

Ces  variations  doivent  non-seulement  suivre 
celles  des  circonstances  de  l'opération  ;  mais  elles 
doivent  encore  être  différentes  selon  l'affinité 
réciproque  des  éléments  de  la  combinaison  qui 
forme  un  précipité  ,  et  selon  la  force  de  cohésion 
qui  leur  est  propre ,  comme  on  vient  de  le  voir 
relativement  au  sulfate  de  baryte  et  au  phosphate 
de  chaux. 

GG.  C'est  une  fausse  idée  de  la  nature  des  pré- 
cipités qui  a  conduit  à  la  doctrine  des  affinités 
électives  et  à  la  construction  de  ces  tables  dont 
les  modernes  se  sont  tant  occupés  et  qui  en 
imposent  par  un  appareil  d'exactitude.  Comme 
cette  doctrine  est  suivie  dans  la  plupart  des 
explications  chimiques ,  je  crois  devoir  insister 
sur  les  apparences  qui  lui  servent  de  fon- 
dement. 

•  De  ce  qu'il  se  forme  un  précipité  lorsquon 
oppose  une  base  alcaline  à  une  autre  qui  était 
engagée  dans  une  combinaison  avec  un  acide  , 


9^  STATIQUE     CHIMIQT7E. 

on  a  conclu  que  la  première  éliminait  la  seconde, 
et  prenait  sa  place  dans  la  combinaison  :  de  là 
vient  que  les  alcalis  ont  été  placés  dans  l'ordre 
des  affinités ,  suivant  les  précipitations  mutuelles 
qu'ils  pouvaient  produire. 

On  a  suivi  une  marche  opposée  pour  les  acides. 
Quand  un  acide  versé  sur  la  dissolution  d'une 
combinaison  produit  un  précipité  ,  on  en  con- 
clut qu'il  enlève  la  base  à  l'autre  acide  avec 
lequel  elle  était  combinée.  De  là  on  donne  l'an- 
tériorité d'affinité  élective  aux  alcalis  qui  ont  le 
moins  de  disposition  à  la  solidité  ,  et  on  la  donne 
au  contraire  aux  acides  qui  ont  la  plus  grande 
disposition  à  former  des  combinaisons  solides. 

67.  Toutefois  les  précipités  qui  se  forment  sont 
dûs  aux  mêmes  dispositions  ,  soit  qu'on  les  pro- 
duise en  ajoutant  un  acide  ou  un  alcali  à  une 
combinaison  neutre  ;  toute  la  différence  dé- 
pend de  ces  dispositions  mêmes,  et  de  l'état 
des  forces  qui  leur  sont  opposées. 

Que  l'on  ajoute  de  la  chaux ,  de  la  potasse  ou 
de  l'ammoniaque  à  une  dissolution  de  phosphate 
de  chaux  par  son  propre  acide ,  on  aura  le  même 
résultat  ;  le  phosphate  de  chaux  ,  insoluble  par 
lui-même,  recouvrera  cette  qualité,  parce  que 
l'acide  dont  la  force  pouvait  la  déguiser  éprouvera 
une  saturation  qui  fera  cesser  son  action  :  la 
seule  différence  qu'il  y  aura ,  c'est  que  la  chaux 
se  réduira  toute  en  sel  insoluble ,  et  que  l'alcali 


DE    l'acidité    et    de    L    ALCALINITE.        9I 

fixe  ou  Tammoniaque  produiront  une  combi- 
naison soluble  avec  la  portion  dacitle  pbospho- 
rique  excédant  la  quantité  qui  forme  avec  la 
cbaux  une  combinaison  insoluble. 

Si  au  lieu  d'un  pbospliate  acidulé  de  cbaux 
on  prend  une  dissolution  de  pbospliate  de  cbaux 
par  un  acide  quelconque  ,  on  aura  par  le  moyen 
des  alcalis  ou  de  la  cbaux  un  précipité  semblable 
de  pbospliate  de  cbaux ,  et  la  combinaison  qui 
se  formera  en  saturant  l'acide  qui  servait  de 
dissolvant ,  dépendra  des  propriétés  de  lespèce 
d'acide  et  de  l'espèce  d'alcali. 

Enfin ,  si  l'on  verse  un  acide  qui  ait  la  pro- 
priété de  former  une  combinaison  insoluble  avec 
la  cbaux  sur  la  dissolution  d'une  combinaison 
de  cbaux,  il  se  forme  un  précipité  analogue 
à  ceux  dont  je  viens  de  parler  ;  mais  une  jiartie 
de  la  base  reste  en  combinaison  avec  le  premier, 
acide ,  et  il  s'établit  un  équilibre  entre  la  foroe 
de  cobésion  et  la  force  dissolvante  ,  jusqu'à  ce 
que  par  l'addition  d'une  base  alcaline  on  fasse 
disparaître  toute  l'action  de  l'acide  ,  comme  dans 
les  cas  précédents. 

Tous  ces  pbénomènes  sont  indépendants  des 
affinités  électives  ,  telles  qu'on  les  a  conçues ,  et  si 
l'on  veut  classer  les  affinités  par  leur  force  rela- 
tive ,  ce  n'est  point  par  les  précipitations  qu'on 
peut  remplir  cet  objet ,  puisque  celles-ci  dépen- 
dent ou  de  laccroissement  de  la  force  de  cobésion 


9^  STATIQUE     CHIMIQUE. 

par  l'acte  de  la  combinaison  ou  de  la  diminution; 
de  Taclion  qui  la  ferait  disparaître  ou  la  rendrait 
latente  ,  et  qu'elles  sont  modifiées  par  les  quan- 
tités respectives  des  substances ,  par  leur  conden- 
sation ,  par  la  température. 

J  ajouterai  encore  un  exemple  à  ceux  que  j'ai 
rai^portés  sur  les  contradictions  auxquelles  peut 
conduire  la  détermination  des  affinités  électives 
par  les  précipitations. 

Lorsque  Ton  prend  une  dissolution  étendue 
de  muriate  de  strontiane  ,  la  soude  et  la  potasse 
bien  pures  n  y  jiroduisent  aucun  précipité  ;  mais 
lorsqu'elle  est  concentrée  ,  on  a  un  précipité  : 
si  donc  on  l'examine  dans  le  dernier  état ,  on 
en  conclut  que  la  soude  et  la  potasse  ont  plus 
d'affinité  avec  l'acide  muriatique  que  la  stron- 
tiane; mais  celle-ci  décompose  les  sulfates  et  les 
carbonates  de  potasse  et  de  soude  :  il  faudra 
donc  admettre  un  autre  ordre  d'affmité  élective 
pour  facide  sulfurique  et  facide  oxalique ,  que 
pour  facide  muriatique. 

Comme  la  baryte  est  par  elle-même  beaucoup 
plus  soluble  que  la  strontiane,  et  qu'elle  conserve 
cette  propriété  avec  facide  muriatique ,  la  potasse 
et  la  soude  ne  produisent  point  avec  le  muriate 
de  baryte  de  précipité  dans  les  circonstances  où 
le  muriate  de  strontiane  en  donne  :  il  faudrait 
donc  lui  attribuer  par  cette  raison  un  ordre  dif- 
férent d'affinité   élective,  cependant  ces  effets 


DE   l'acidité    et    de    l' ALC  AL  ITSITÉ.       9$ 

divers  ont  un  rapport  constant  avec  la  solubi- 
lité des  substances  dans  les  circonstances  où  elles 
se  trouvent  ,  et  dès  que  la  force  de  cohésion 
devient  prépondérante  ,  elle  produit  les  sépa- 
rations que  Ion  prend  pour  témoignage  de  cette 
élection  que  Ton   suppose. 


CHAPITRE     IV. 
De  r action  réciproque  des  combiiiaisojis  neutres. 

68.  J'ai  considéré  dans  le  chapitre  premier  de 
cette  section  Tacidité  et  l'alcalinité  comme  deux 
qualités  antagonistes  qui  se  saturent  mutuelle- 
ment ;  de  sorte  que  lorsque  leur  combinaison 
est  parvenue  à  l'état  neutre  ,  ni  l'acidité ,  ni 
l'alcalinité  n'exercent  plus  aucune  action  sensible  ; 
il  n'en  est  pas  de  même  de  l'action  réciproque 
des  molécules  qui  continue  d'opérer  son  effet  . 
les  propriétés  qui  en  dépendent  ne  sont  pas  , 
à  la  vérité  ,  celles  des  deux  individus  ;  elles  sont 
devenues  communes  aux  parties  intégrantes  de 
la  combinaison ,  et  quoiqu'elles  soient  dérivées 
de  celles  des  éléments  de  la  combinaison    elles 


9^  STATIQUE      CHIMIQUE. 

n'en    sont   pas    le   terme    moyen  ,    parce  qu'il 
se  fait  des  changements   de  constitution. 

Nous  avons  déjà  vu  (  5 1  )  que  Tun  de  ces 
changements ,  celui  dont  je  vais  examiner  les 
conséquences  dans  l'action  réciproque  des  com- 
binaisons neutres  ,  consiste  dans  un  accroisse- 
ment de  la  force  de  cohésion  ,  qui  doit  résulter 
du  rapprochement  des  parties  (5). 

69.  Si  les  principes  que  j'ai  établis  sont  exacts  ,  | 
l'acidité  et  l'alcalinité  ne  doivent  plus  avoir  aucune 
influence  sur  l'action  réciproque  des  sels  qui  sont 
dans  l'état  neutre ,  mais  tous  les  phénomènes 
qu'elle  produit  doivent  dépendre  des  propriétés 
qui  émanent  de  l'action  réciproque  de  leurs 
parties  intégrantes  :  l'acidité  et  l'alcalinité  de- 
venues latentes  ne  doivent  plus  agir  que  dans 
les  circonstances  où  elles  acquerront  une  nou- 
velle liberté. 

Nous  avons  vu  que  la  force  de  cohésion  n'exer- 
çait pas  seulement  sa  puissance  dans  les  corps  qui 
sont  actuellement  solides  ;  mais  que  c'était  elle 
qui,  préexistante  à  cet  état,  le  réalisait  (9)  :  il 
suit  de  là  que  dans  le  mélange  des  substances 
liquides  ,  les  combinaisons  qui  doivent  jouir 
d'une  force  de  cohésion  capable  de  les  séparer , 
doivent  se  former  et  se  séparer  en  effet  ,  par 
la  même  raison  que  l'eau  mêlée  avec  l'alcool  s'en 
sépare  pour  se  congeler  ;  mais  de  même  que  dans 
cet  exemple  il  faut  un  plus  grand  degré  de  froid 


DE  l'acidité   et   de   l' A  LC  A  LIN  ITÉ.       ^^ 

pour  congeler  l'eau  ,  l'action  réciproque  des 
autres  substances  doit  diminuer  les  effets  de  la 
cohésion. 

Dans  rhypothèse  examinée  dans  le  chapitre  II, 
la  force  de  cohésion  d'une  combinaison  neutre 
avait  à  combattre  non  -  seulement  l'action  de 
l'eau ,  mais  encore  celle  de  l'acide  qui  entrait 
en  concurrence  avec  le  premier  les  disposi- 
tions de  la  combinaison  que  l'acide  ajouté  pou- 
vait former ,  fesaient  varier  le  résultat  de  même 
que  les  quantités  des  substances  :  ici  la  force 
de  cohésion  est  seule ,  et  elle  se  mesure  par  la 
solubilité. 

70.  Parcourons  donc  les  différentes  conditions 
dans  lesquelles  peuvent  se  trouver  deux  com- 
binaisons neutres,  et  examinons  si  les  faits  sont 
d'accord  avec  la  théorie. 

Lorsque  l'on  fait  le  mélange  d'un  sel  soluble 
à  base  de  chaux  avec  une  combinaison  soluble 
de  l'acide  sulfurique  ,  celui-ci  qui  a  la  propriété 
de  former  avec  la  chaux  un  sel  insoluble  ,  se 
combine  avec  elle  et  se  précipite  en  fesant  mi 
échange  de  sa  base  avec  l'autre  acide  ;  mais  le 
sulfate  de  chaux  a  beaucoup  plus  de  solubilité 
que  le  sulfate  de  baryte  :  si  donc  Ton  mêle  une 
dissolution  de  sulfate  de  chaux  avec  celle  d'une 
combinaison  plus  soluble  de  baryte  ,  il  se  fait 
un  autre  échange  de  base,  et  le  sulfate  de  baryte 
se  précipite. 


^S  STATIQUE     CHIMIQUE- 

Dans  la  supposition  que  les  combinaisons 
étaient  dans  Tëtat  neutre  ,  le  liquide  n'oppose 
à  la  précipitation  que  Faction  dissolvante  de 
Tcau  ,  ou  la  faible  action  que  la  combinaison 
soluble  peut  exercer  sur  celle  qui  se  sépare  ,  la 
force  de  cohésion  n'a  point  à  lutter  contre  celle 
d'un  acide  ;  de  sorte  qu'elle  produit  son  effet 
beaucoup  plus  complètement,  et  qu'elle  le  pro- 
duit dans  des  circonstances  où  elle  aurait  été 
surmontée  par  un  faible  excès  d'acidité. 

En  effet  ,  si  l'on  ajoute  de  l'acide  oxalique 
à  la  dissolution  d'un  sel  à  base  de  chaux  ,  on 
obtient  un  précipité  d'oxalate  de  chaux  beau- 
coup moins  abondant  que  si  l'on  s'était  servi 
de  la  solution  d'un  oxalate  neutre  ,  parce  que 
l'action  de  l'acide  ne  permet  qu'à  une  partie  de 
l'oxalate  de  chaux  de  se  former ,  au  lieu  qu'avec 
un  oxalate  cet  obstacle  n'existe  pas. 

71.  Il  suit  de  là  que  si  la  force  de  cohésion 
qui  appartient  à  une  combinaison  est  peu  con- 
sidérable ,  et  si  elle  ne  produit  qu'une  insolubi- 
lité qui  cède  facilement ,  il  peut  arriver  qu'on 
n'obtienne  point  de  précipité  par  le  moyen  d'un 
acide  au'on  verse  sur  la  dissolution  d'un  sel , 
quoiqu'il  possède  la  propriété  de  former  avec  la 
base  de  ce  sel  une  combinaison  qui  serait  inso- 
luble ,  si  l'action  de  l'eau  ne  se  trouvait  secondée 
par  celle  d'un  acide ,  mais  l'on  a  une  précipi- 
tation complète  de  cette  base,  lorsque  l'on  ajoute 


•DE   l'acidité   ET   DE   l'alcalinité.       97 

au  sel  qu'elle  forme  une  combinaison  neutre  de 
l  acide  précipitant  :  c'est  ce  qui  arrive  avec  l'acide 
sulfureux,  qui  ne  produit  pas  de  précipité  avec 
une  dissolution  d'un  sel  à  base  de  chaux  ou  de 
i)aryte  et  qui  précipite  ces  bases  en  sulfites 
lorsquil  est  employé  dans  un  état  de  combi- 
naison neutre;  l'on  obtient  un  effet  semblable 
SI  dans  la  circonstance  précédente  on  sature 
1  excès  d  acide. 

De  même  le  phosphate  de  chaux  étant  flici- 
lementsoluble  par  les  acides,  l'on  ne  produitpas 
de  précipité  SI  l'on  verse  l'acide  phosphonque 
sur  la  dissolution  d'un  sel  à  base  de  chaux  • 
mais  SI  l'on  mêle  la  dissolution  d'un  sel  de  chaux 
avec  celle  d'un  phosphate  d'alcali,  le  phosphate 
de  chaux  se  sépare  et  se  précipite. 

Il  serait  inutile  d'accumuler  ici  un  plus  ^rand 
nombre  d'exemples  :  «  que  l'on  parcoure  toutes 
-  les  décompositions  connues  qui  sont  dues  aux 
»  affinités  complexes  ,  et    l'on   verra   que    c'est 
«  toujours  aux  substances  qui  ont  la  propriété  de 
»  former  un  précipité  ou  un  sel  qu'on  peut  se- 
«  parer  par  la  cristalhsation  ,    qu'on  a  attribué 
^>  un  excès  d'affinité   sur   celles   qui    leur    sont 
«  opposées  ;  de  sorte  qu'on  peut  prévoir  ,  par  le 
»  degré   de    solubilité  des   sels  qui   peuvent  se 
»  former  dans  un  liquide  ,  quelles  sont  les  subs- 
»  tances  dont  Bergman  et  d'autres  savants   chi- 
*  mistes  auront  prétendu  représenter  les  forces 

7 


98  STATIQTTE     CHIMIQUE. 

»  dans  des  tableaux  symboliques ,  en  attribuant 
»  toujours  une  supériorité  d'affinité  aux  deux 
»  substances  qui  doiventformer  une  combinaison 
»  insoluble  relativement  à  la  quantité  du  dis- 
fi  solvant  (i)  ». 

72.  Cet  effet  de  l'insolubilité  peut  être  mo- 
difiée par  quelques  circonstances  qu'il  faut 
reconnaître  ,  sur-tout  lorsqu'elle  diffère  peu 
entre  les  combinaisons  qui  sont  en  action  : 
ces  circonstances  sont  l'action  réciproque  des 
parties  intégrantes  des  deux  combinaisons ,  leurs 
proportions  respectives,  et  les  changements  qu'ap- 
porte la  température  dans  la  solubilité  compa- 
rative. 

Les  substances  salines  exercent  une  action 
réciproque  qui  augmente  leur  solubilité  :  cet 
effet  est  nul  ou  très-petit ,  lorsque  la  différence 
de  solubilité  est  grande  ;  mais  il  peut  devenir  tel- 
lement considérable  entre  deux  sels  qui  ont  l'un 
et  l'autre  beaucoup  de  solubilité  ,  qu'il  s'oppose 
à  toute  cristallisation.  (3i ,  32). 

Le  résultat  varie  par  les  proportions  des  subs- 
tances qui  sont  en  action  ;  ainsi  lorsque  celle  qui 
ja  plus  de  solubilité  peut  se  former  en  plus  grande 
quantité  ,  elle  se  sépare  en  partie  la  première  ;  les 
combinaisons  cristallisent  successivement ,  selon 
la  faculté  que  l'eau  possède  de  tenir  en  dissolution 

'    (1)  Recherclii  sur  les  lois  de  l'affinité. 


DE    l'acidité   et   de   L  '  AL  C  A  Ll?f  ITÉ.       99 

la  quantité  de  chacune  aux  différentes  époques  de 
cristallisation  ;  une  partie  du  sel  moins  soluble 
acquiert  par  l'action  de  l'autre  une  solubilité  plus 
grande  ;  de  sorte  qu'il  peut  en  être  retenu  une 
portion  dans  le  résidu  incristalîisable ,  pendant 
qu'une  quantité  considérable  d'un  sel  plus  soluble 
cristallise  jusqu  a  ce  qu'il  soit  parvenu  aux  propor- 
tions où  l'action  réciproque  l'empêche  également 
de  se  former  ;  alors  une  partie  du  premier  peut 
encore  ci  istaUiser. 

J  ai  établi  par  plusieurs  exemples  ces  effets  suc- 
cessifs de  l'action  réciproque  des  combinaisons  et 
de  leurs  proportions  dans  l'eau  qui  les  tient  en 
dissolution  :  je  me  bornerai  à  en  rapporter  ici 
quelques-uns. 

73.  Si  l'on  mêle  du  sulfate  de  potasse  et  du 
nitrate  de  chaux  ,  quelles  que  soient  les  propor- 
tions ,  le  sulfate  de  chaux  qui  peut  se  former 
se  sépare  par  l'excès  de  son  insolubilité  comparée 
à  celle  du  nitrate  de  potasse  :  le  sulfate  de  potasse 
et  le  nitrate  de  soude  qui  diffèrent  moins  par 
leur  solubilité  que  les  deux  sels  précédent  sdon- 
neront  par  la  cristallisation  une  plus  grande 
proportion  de  sulfate  de  potasse  que  de  nitrate 
de  potasse  ;  mais  lorsque  la  proportion  du 
premier  sera  diminuée  par  la  cristallisation, 
on  obtiendra  aussi  du  nitrate  de  potasse ,  parce 
que  l'eau  qui  reste  à  cette  époque  serait  inca- 
pable de  teniren  dissoluti  on  la  quantité  de  ce 


y* 


IfOO  STATIQUE     CHIMIQUE. 

sel  qui  pourrait  se  former ,  et  que  le  sulfate  d& 
potasse  de  son  côté  est  rendu  plus  soluble  par 
l'action  réciproque  de  l'autre  sel  :  ce  résultat 
aurait  pu  être  déterminé  dès  la  première  cris- 
tallisation en  augmentant  la  proportion  du 
nitrate  de  soude. 
-  ^^/-,"i„,^  Un  mélange  de  nitrate  de  potasse  et  de  muriate 
de  chaux  donne  encore  un  résultat  dans  lequel 
l'influence  des  proportions  est  plus  marquée  , 
parce  que  les  deux  sels  les  moins  solubles  qui 
peuvent  se  former ,  le  nitrate  de  potasse  et  le 
cu<«"'w-'>t|t.^-*^'«^iiumate  dépotasse,  diffèrent  peu  par  cette  pro- 
priété ;  aussi  l'on  peut  obtenir  l'un  ou  l'autre 
de  ces  sels  par  la  première  cristallisation  ,  en 
fesant  un  peu  varier  les  proportions  du  nitrate 
de   potasse  et  du  muriate  de  chaux. 

'J/^.  Il  arrive  quelquefois  qu'au  lieu  de  com- 
binaisons simples ,  c'est-à-dire  qui  soient  formées 
de  deux  substances ,  il  se  produit  des  sels  triples 
ou  même  plus  complexes  ;  ainsi  lorsqu'on  mêle 
du  sulfate  de  potasse  et  du  muriate  de  magnésie  1 
à  poids  égaux ,  ou  deux  parties  de  muriate  de 
magnésie  ,  et  une  de  sulfate  de  potasse ,  on 
retire  par  les  cristallisations  successives ,  d'abord 
du  sulfate  de  potasse  ,  puis  un  sel  triple ,  com- 
posé de  magnésie  ,  d'acide  sulfurique  et  de  po- 
tasse ,  après  cela  du  muriate  de  potasse ,  et  enfin 
du  sulfate  de  magnésie.  Lorsqu'on  mêle  poids 
esaux  de  muriate  de  soude  tit  de  sulfate  dam- 


DE  l'acidité  et  de  l  alc ali^vité.  ioi 
moniaque ,  le  premier  sel  qu'on  retire  est  un 
sulfate  de  soude  et  d'ammoniaque  ;  dans  ces  cas 
qui  se  rencontrent  rarement  dans  les  sels  non 
métalliques ,  l'on  observe  de  même  que  les  sels 
se  séparent  en  raison  de  leur  insolubilité  mo- 
difiée par  les  proportions  et  l'action  réciproque» 

75.  La  solubilité  des  sels  varie  par  la  diffé- 
rence de  température ,  mais  elle  ne  suit  pas 
pour  tous  la  même  progression.  Dans  quel- 
ques-uns elle  prend  un  accroissement  consi- 
dérable par  l'élévation  de  la  chaleur  ;  dans 
quelques  autres  elle  reste  presque  la  même. 
Cette  condition  qui  détermine  la  séparation  des 
sels,  peut  donc  produire  des  effets  différents, 
selon  l'état  thermométrique  ;  de  là  vient  que 
quelques  sels  dont  la  solubilité  est  à-peu-près 
égale  à  un  degré  de  chaleur  ,  peuvent  cepen- 
dant se  séparer  facilement ,  en  introduisant  ua 
grand  changement  dans  la  température  ,  et  eu 
faisant  alterner  l'effet  des  proportions  et  celui 
de  la  différence  de  solubilité.' 

Le  nitrate  de  potasse  et  le  muriatende  soude  "  ^  '^•^^•^-^^''-''«^ 
nous  donnent  un  exemple  frappant  de  cet  effet. 
Près  du  degré  de  la  congélation  ,  le  nitrate  de 
potasse  a  beaucoup  moins  de  solubilité  que  le 
muriate  de  soude ,  mais  elle  augmente  beaucoup 
par  la  chaleur  ,  et  celle  du  muriate  de  soude 
très-peu;  de  sorte  que  la  solubilité  du  dernier, 
qui  n'était  à-peu-près  que  la  moitié  de  celle  d«  " 


102  STATIQUE     CHIMIQUE. 

nitrate  de  potasse  ,  passe  par  un  degré  où  elle 
est  égale ,  et  enfin  elle  devient  au  degré  de 
l'elDullition  près  de  huit  fois  plus  petite.  En 
fesant  donc  subir  l'ébuUition  au  mélange  ,  on 
fait  cristalliser  à  une  haute  température  le  mu- 
riate  de  soude  :  ensuite  par  le  refroidissement 
on  fait  cristalliser  le  nitrate  de  potasse  :  on  di- 
minue tour-à-tour  la  proportion  de  l'un  <  t  de 
l'autre  sel ,  et  Ton  parvient  par  des  cristallisa- 
lions  réitérées  à  les  séparer  entièrement  Tun  et 
l'autre. 

76.  On  suppose  ordinairement  que  les  sels 
étaient  formés  dans  une  dissolutiou  tels  qu'on 
les  retire  ensuite  par  la  cristallisation  ;  mais  la 
séparation  qui  s'en  fait  selon  l'ordre  de  leur  solu- 
bilité, et  selon  les  proportions  qui  agissent, 
fait  voir  que  leurs  parties  exercent  d'une  ma- 
nière égale  leur  action  réciproque  ,  comme  je 
l'ai  supposé  (Sa).  Cependant  lorsqu'on  ne  porte 
pas  son  attention  sur  ce  qui  se  passe  dans  le 
liquide  ,  et  qu'on  s'occupe  seulement  du  ré- 
sultat ,  l'expression  vulgaire  qui  suppose  l'exis- 
tence des  sels  est  commode  ,  et  n'a  pas  d'in- 
convénient; je  continuerai  donc  à  m'en  servir. 
1'].  L'action  réciproque  des  combinaisons  sa- 
lines à  laquelle  sont  dus  les  résidus  incristalli- 
sables  ,  s'exerce  au  moment  de  la  cristallisation  , 
comme  si  les  sels  préexistaient,  ou  comme  si 
après  avoir  formé  ceux  qui  doivent  cristalliser  j 


DE   l'acidité    et   de    l' AL  C  A  L  INITÉ.     Io5 

on  les  eût  mis  directement  en  dissolution  ;  de 
sorte  que  les  échanges  de  base  n'apportent 
aucune  différence  dans  le  résultat.  Mais  quoique 
les  effets  de  Faction  réciproque  des  sels  soient 
ordinairement  assez  peu  considérables  pour  qu'on 
puisse  les  négliger  ,  il  y  en  a  cependant  qui 
méritent  d'être  remarqués. 

Lorsqu'on  décompose  le  sulfate  de  potasse 
par  le  muriate  de  chaux,  on  n'obtient  d'abord 
qu'une  quantité  de  sulfate  de  chaux  plus  petite 
que  celle  qui  devrait  résulter  de  la  combinaison 
immédiate  d'acide  sulfurique  et  de  chaux ,  dans 
la  même  quantité  d'eau  ;  c'est  par  la  même  cause 
que ,  selon  l'observation  de  Guyton  (i),  la  dissolu- 
tion de  sulfate  de  potasse ,  de  muriate  de  potasse , 
etc. ,  versée  dans  l'eau  de  chaux  rendue  laiteuse 
par  l'eau  chargée  de  gaz  acide  carbonique,  fait  dis- 
paraître sur-le-champ  le  précipité  ;  qu'il  n'y  a 
également  aucun  précipité  lorsqu'on  verse  de 
l'eau  chargée  d'acide  carbonique  dans  un  mélange 
d'eau  de  chaux  et  de  dissolution  de  ces  sels 
neutres. 

Cet  effet  très-petit  dans  les  sels  qui  ont  une 
force  de  cristallisation  considérable,  souveut  même 
nul ,  parce  que  la  force  de  cristallisation  d'un 
sel  peut  l'emporter  sur  l'action  d'un  autre  ('72) , 
devient    beaucoup     plus   grand   lorsqu'ils    ont 

{\)  Mém.  de  Schéele  part,  II ,  note  de  la  page  18» 


lo4  STATIQUE     CHIMIQUE. 

riui  et  l'autre  peu  de  force  de  cohésion  ,  tels  que 
le  sulfate  de  soude  et  le  nitrate  de  soude  qui 
dans  certaines  proportions  se  privent  presqu  en- 
tièrement de  la  faculté  de  cristalliser  :  les  sels 
incristallisables  produisent  par  conséquent  un 
grand  effet  sur  ceux  qui  n'ont  par  eux-mêmes 
qu'une  faible  disposition  à  cristalliser  ;  mais  il 
faut  distinguer  le  partage  de  l'eau  qui  peut  se 
faire  entre  différents  sels  et  produire  des  pré- 
cipitations (33j  ,  de  l'effet  de  leur  action  réci- 
proque. 

78.  C'est  donc  la  même  cause  qui  produit  les 
séparations  des  combinaisons  dans  l'affinité  com- 
plexe ,  et  dans  celle  où  deux  acides  sont  en 
concurrence  pour  se  combiner  avec  une  base. 
La  seule  différence  qu  il  y  ait ,  c'est  que  dans 
une  circonstance  il  y  a  neutralisation ,  et  dans 
l'autre  ,  un  excès  d  acide  qui  joint  son  action 
à  celle  du  dissolvant  ;  en  effet ,  lorsqu'on  sup- 
prime cet  excès  d'acide ,  soit  par  un  alcali,  soit 
par  l'évaporation  ,  la   différence  disparaît. 

Cet  excès  d'acide  empêche  par  son  action  que 
la  séparation ,  qui  serait  produite  par  la  dispo- 
sition d'une  combinaison ,  n'ait  lieu  ,  ou  ne  se 
fasse  aussi  complètement  que  dans  l'affinité  com- 
plexe. 

Il  peut  aussi  nuire  aux  proportions  des  parties 
constituantes  de  quelques  combinaisons  (65); 
de  sorte  que  les  précipités  ou  les  combinaisons 


î)E  l'acidité  et  de  l'alcaliïtité.  io5 
solides  qu'on  obtient  par  l'action  des  sels  neutres 
sont  dans  un  état  beaucoup  plus  constant  que 
ceux  qui  ont  du  surmonter  un  excès  d'acide  ou 
d'alcali. 

Ce  qui  a  etë  exposé  sur  la  concurrence  de 
deux  acides  pour  se  combiner  avec  une  b^se  , 
et  sur  1  action  de  deux  combinaisons  salines  , 
doit  s'étendre  à  l'action  de  toutes  les  substances 
acides  et  alcalines ,  et  de  toutes  les  combinaisons 
qui  en  sont  formées ,  quelque  soit  le  nombre  des 
substances  qui  agissent.  Il  faut  toujours  distin- 
guer une  puissance  acide  et  une  puissance  alca- 
line ;  SI  ces  deux  puissances  sont  en  équilibre , 
c'est-à-dire  s'il  y  a  neutralisation,  il  faut  leur 
appliquer  ce  qui  a  été  dit  de  l'action  réciproque 
des  parties  intégrantes  des  combinaisons  neutres. 

S'il  y  a  au  contraire  excès  de  l'une  des  deux 
puissances,  leur  action  reçoit  l'explication  qui 
a  été  donnée  de  l'action  de  deux  acides  sur  unt? 
base  (Sa). 

79-  Une  idée  fausse  de  l'affinité  a  introduit 
plusieurs  suppositions  sur  les  résultats  de  l'action 
réciproque  des  substances  salines;  ainsi  de  ce 
qu  on  retirait  un  certain  sel  dans  une  ])remière 
cristallisation  ,  on  en  a  conclu  qu'il  s'était  fait 
un  échange  complet  de  base  entre  les  acides  , 
pendant  que  des  combinaisons  opposées  peuvent 
se  succéder  ou  se  former  dès  le  commencement  , 
selon  les  proportions  des  substances  qui  sont  eu 


Io6  STATIQUE     CHIMIQUE. 

action  à  Tépoque  de  la  cristallisation  (78)  ,  et  que 
ion  est  exposé  par  conséquent  à  tirer  des  con- 
séquences contradictoires  des  résultats  d'une 
opération  ,  selon  les  circonstances  qui  accom- 
pagnent la  cristallisation. 

On  a  confondu  les  effets  de  la  saturation  ,  qui 
sont  un  résultat  indépendant  de  la  solidité  et 
de  la  liquidité  ,  avec  ceux  de  l'action  réciproque 
de  leurs  parties  intégrantes  et  de  la  force  de 
cohésion  qui  leur  est  propre ,  et  l'on  a  cherché 
^  représenter  par  des  nombres  la  force  des  acides 
qui  choisissaient  leurs  bases,  pendant  que  les 
séparations  ne  s'opèrent  qu'en  raison  de  la  solu- 
bilité de  chaque  combinaison. 

Cette  solubilité  n'est  pas  une  propriété  absolue  ; 
mais  elle  dépend  du  rapport  de  1  action  de  l'eau 
à  la  force  de  cohésion  ;  de  sorte  que  si  ce  n'est 
pas  l'eau  qui  sert  de  dissolvant,  ou  si  elle  con- 
tient quelque  autre  substance  qui  en  modifie 
l'action  ,  les  effets  sont  différents.   (  Note  I.  ) 

Les  phénomènes  précédents  n'offrent  aucune 
différence  avec  ceux  que  nous  avons  analysés 
(  section  l ,  chap.  III)  ^  où  nous  n'avons  con- 
sidéré que  l'action  mutuelle  des  substances  qui 
sont  en  dissolution  ;  de  sorte  que  les  sépara- 
tions et  les  précipitations  qui  se  font  avec 
échange  de  bases ,  ne  sont  qu'un  effet  de  la 
force  de  cohésion  qui  est  propre  aux  combi- 
naisons ,   et  qui  n'est   modifiée  que  par  leur 


DE  L  ACIDITÉ  ET  DE  l' ALC  ALINITÉ.   IO7 

action  réciproque  :  racidité  et  l'alcalinité  deve- 
nues latentes  n'y  contribuent  qu'indirectement  ; 
mais  ia  théorie  que  je  viens  d'exposer  suppose 
que  par  l'action  mutuelle  des  substan-ees  salines, 
l'état  de  saturation  n'éjjrouve  pas  de  change- 
ment; c'est  ce  que  je  tâcherai  d'établir  dans  le 
chapitre  suivant. 


CHAPITRE    V. 

De  la  capacité  comparative  de  saturation  des 
acides  et  des  alcalis. 

80.  1_^ES  acides  et  les  alcalis  diffèrent  entre  eux 
par  la  quantité  réelle  qui  s'en  trouve  soit  dans 
les  liquides  qui  portent  leur  nom ,  soit  dans  les 
combinaisons  qu'ils  forment  ;  mais  la  capacité 
de  saturation  qui  est  la  mesure  de  la  puissance 
<les  acides  et  des  alcalis ,  ne'peut  être  déterminée 
qu'autant  que  l'on  connaît  leur  quantité  réelle. 
En  général,  puisque  l'action  chimique  varie 
par  la  quantité  ,  il  importe  de  déterminer  les 
quantités  réelles  de  cliaque  substance  qui  peut 
être  mise  en  action.  S'il  s'agit  de  combinaisons, 
leur  composition  ne  peut  être  établie  que  par 


^o8  STATIQUE     CHIMIQUE. 

la  proportion  de  leurs  éléments ,  et  pour  par^ 
venir  à  la  fixer ,  il  faut  presque  toujours  savoir 
quelle  est  celle  des  agents  qu'on  emploie  ;  les  phé- 
nomènes auxquels  ces  combinaisons  contribuent, 
exigent  la  même  connaissance  pour  recevoir  leur 
explication. 

La  détermination  des  proportions  d'une  subs- 
tance qui  peut  être  mise  en  action  ou  qui  se 
trouve  dans  une  combinaison  ,  est  donc  le  fon- 
dement de  toutes  les  recherches  chimiques  ;  le 
but  de  toutes  les  méthodes  ,  de  tous  les  pro- 
cédés est  d'y  parvenir ,  et  ce  but  doit  toujours^ 
être  présent  à  l'attention  des  chimistes. 

Comme  les  acides  et  les  alcalis  sont  les  prin- 
cipaux agents  dont  on  se  sert  pour  l'analyse  , 
et  sur-tout  pour  l'analyse  minérale ,  la  connais- 
sance de  leur  quantité  réelle  dans  les  liquides 
qui  portent  leur  nom  ,  ou  dans  les  combinaisons 
qu'ils  forment ,  est  celle  dont  on  doit  le  plus  s'oc- 
cuper. Mais  comme  les  alcalis ,  à  rexce23tion  d'un 
seul ,  ont  une  fixité  qui  permet  plus  facilement 
de  reconnaître  leur  quantité,  ce  sont  les  acides 
dont  il  est  le  plus  difficile  d'obtenir  un  résultat 
d'une  exactitude  suffisante. 

Ces  motifs  m'engagent  à  entrer  dans  quel- 
ques détails  sur  les  méthodes  qui  ont  été  em- 
ployées pour  déterminer  les  quantités  d'acide 
réel  dans  les  liquides  ou  dans  les  combinaisons 
solides. 


DE    l'acidité    et   de   l' ALC  ALIIf  I  T  É.      IO9 

Kirwan  est  celui  des  chimistes  auquel  on 
doit  sur  cet  objet  les  travaux  les  plus  impor- 
tants, et  par  la  constance  qu'il  y  a  mise  ,  et  par 
l'autorité  que  son  nom  leur  prête  ;  mais  en  choi- 
sissant pour  les  considérations  suivantes  ses  ré- 
sultats ,  comme  ceux  qui  méritent  le  plus  de 
confiance ,  je  chercherai  à  en  démêler  les  incer- 
titudes et  je  croirai  seconder  par  là  les  vues  de  ce 
savant  chimiste. 

Kirwan  a  d'abord  cherché  à  déterminer  la 
quantité  d'acide  ree/ qui  entrait  en  combinaison 
soit  avec  l'eau  des  acides  ordinaires  ,  soit  avec 
les  bases  alcalines  ;  il  s'est  servi  pour  cet  objet 
du  gaz  acide  muriatique.  Mais  ce  gaz  contient 
«ne  portion  d'eau  qui  est  indéterminée  ,  et  il 
peut  perdre  cette  eau  en  tout  ou  en  partie , 
lorsqu'on  pousse  au  feu  les  combinaisons  qu'il 
a  formées.  Ce  qui  le  prouve  ,  c'est  que  ,  lors- 
qu'on décompose  le  muriate  de  soude  par 
l'acide  sulfurique  et  lorsque  la  masse  a  subi 
une  longue  chaleur  ,  on  ranime  le  dégagement 
du  gaz  acide  muriatique  en  y  introduisant 
de  l'eau  ,  qui  par  sa  combinaison  et  sa  vapo- 
risation favorise  ce  dégagement  ,  comme  elle 
le  fait  avec  les  carbonates.  Cette  quantité 
d'eau  est  une  cause  assez  considérable  d  incer- 
titude dans  une  substance  qui  passe  de  l'état 
gazeux  à  l'état  liquide ,  ou  qui  entre  dans  de» 
combinaisons  solides. 


i 


IIO  STATIQUE     CHIMIQUE. 

Pour  déterminer  la  quantité  d'acide  réel  dans 
les  combinaisons  des  autres  acides ,  il  a  d'abord 
supposé  que  les  bases  alcalines  prennent  une 
égale  quantité  de  chaque  espèce  d'acide  réel  : 
cette  supposition  l'a  conduit  à  des  déterminations 
éloignées  de  la  réalité  ;  mais  l'observation  en  a 
instruit  Kirvvan,  et  il  a  établi  son  dernier  travail 
sur  des  bases  plus  sûres. 

Dans  l'ouvrage  où  Kirwan  présente  les  fruits 
mûris  de  ses  longues  observations  (  i  ),  il  décrit 
d'abord  celles  qu'il  a  faites  sur  la  dilatation 
qu'éprouvent  l'acide  sulfurique  ,  l'acide  nitrique, 
et  l'acide  muriatique ,  lorsqu'on  les  fait  passer 
du  8^  degré  du  thermomètre  de  Iléaumur  à  iG,9  ; 
étendue  de  l'échelle  thermométrique  ,  qui  est 
suffisante  pour  les  observations  chimiques  :  et , 
d'après  ses  observations ,  il  ramène  les  quantités 
d'acide  qui  se  trouvent  dans  les  acides  de  dif- 
férentes pesanteurs  spécifiques  à  la  température 
de  60  degrés  de  Fahreneith.  Voyons  comment 
il  s'y  est  pris,  i».  pour  mesurer  les  dilatations 
produites  par  l'élévation  de  température  ;  2".  pour 
déterminer  la  quantité  d'acide  réel  qui  se  rap- 
porte aux  différentes  pesanteurs  spécifiques. 

Il  a  fait  ses  épreuves  de  dilatation  sur  l'acide 
sulfurique ,  à  trois  degrés  différents  de  pesanteur 
spécifique  :  le  premier  avait  pour  pesanteur  spé- 

(0  BJbl.  Britan.  tom,  XIV. 


DE    l'acidité    et    de    L   ALCALINITÉ.      IH 

^cifique  i,856,  il  a  gagné  en  se  refroidissant ,  ou 
perdu  en  s'ëchauffant  o,oooG8  par  degré  ,  entre 
60  et  70  degrés  de  Falireneith ,  et  o,ooo43  par 
degré,  entre  60  et  49;  le  second  dont  la  pesan^ 
teur  spécifique  à  60  degrés  était  1,700  ,  a  perdu 
ou  gagné  o,ooo36par  degré  de  température  entre 
60  et  70,  et  o,ooo5i  par  degré,  entre  60  et  5o; 
le  troisième  avait  pour  pesanteur  spécifique 
1,333  ,  il  a  perdu  ou  gagné  o,ooo/|.3  par  degré, 
entre  60  et  70  ,   et  o,ooo34  entre  49  t-t   60. 

Ce  qui  me  ferait  craindre  qu'il  n  y  eût  quelques 
inexactitudes  dans  ces  oljservations ,  c'est  que 
les  résultats  ne  suivent  pas  une  marche  régulière 
sans  qu'on  puisse  appereevoir  aucune  raison  de 
cette  différence.  Le  second  acide  acquiert  moins 
de  pesanteur  spécifique  que  le  premier  et  le 
troisième  ,  entre  70  et  Go  degrés  ;  mais  il  en 
acquiert  davantage  aux  degrés  inférieurs. 

L'auteur  a  aussi  éprouvé  la  dilatabilité  de  l'acide 
nitrique  ,  selon  sa  concentration  par  différents 
degrés  de  chaleur,  et  il  a  observé  que  plus  il 
était  concentré  plus  il  était  dilatable ,  et  qu'il 
l'était  plus  aux  degrés  supérieurs  qii'aux  degrés 
inférieurs  ;  ce  qui  sert  à  expliquer  des  ol^ser- 
vations  de  Proust ,  qui  a  remarqué  qu'en  dis- 
tillant un  acide  nitrique  concentré  de  manière 
qu'il  en  reste  une  portion  dans  la  cornue ,  ce 
résidu  a  moins  de  pesanteur  spécifique  que  la 
partie  qui  passe  à  la  distillation ,  et  que  plus  Tacide 


11±  STATIQUE     CHIMIQUE. 

est  concentré,  plus  sa  distillation  est  facile  (i). 

Rirvvan  a  remarqué  que  l'acide  muriatique  avait 
une  expansibilité  plus  grande  que  Tacide  nitri- 
que ,  d'une  même  pesanteur  spécifique  ;  mais 
cet  acide  présente  une  propriété  particulière. 

82.  L'acide  sulfurique  et  l'acide  nitrique  éprou- 
vent dans  leur  combinaison  avec  l'eau  une  con- 
centration qui  lait  que  la  pesanteur  spécifique 
acquise  par  leur  mélange  ,  n'est  pas  celle  qui  ré- 
sulte de  leur  pesanteur  spécifique  primitive  ;  au 
lieu  que  les  pesanteurs  spécifiques  de  l'acide 
muriatique  ,  mêlé  avec  différentes  proportions 
d'eau ,  répondent  exactement  à  celle  qui  résulte 
des  poids  d'eau  et  d  acide ,  et  qu'il  désigne  par 
la  dénomination  de  pesanteur  spécifique  mathé- 
matique. 

Cette  propriété  qui  distingue  l'acide  muria- 
tique de  toutes  les  combinaisons  dans  lesquelles 
on  observe  que  les  volumes  des  éléments  subis- 
sent une  condensation  ,  lorsqu'il  n'y  a  pas  une 
cause  particulière  de  l'effet  contraire,  dépend  pro- 
bablement de  ce  que  le  gaz  muriatique  en  passant 
à  Fétat  liquide  éprouve  une  telle  condensation 
par  la  grande  proportion  d'eau  qui  est  nécessaire, 
que  des  proportions  plus  grandes  n'exercent  plus 
sur  lui  une  force  qui  produise  une  altération 
sensible  dans  l'état  où  il  se  trouve. 

(i)  Journ,  de  Phys.  messid.  an  10. 


DE  l'acidité  et  de  l' A lc A i.ir<riTi:.  n3 
Kirwan  a  construit  une  table  en  combinant 
l'effet  de  la  condensation  de  l'acide  sulfurique  et 
de  l'acide  nitrique  ,  avec  les  différences  de  pesan- 
teur spécifique ,  pour  en  déduire  la  quantité 
d'acide  réel  ;  et  pour  déterminer  celle-ci ,  il  a 
regaj^dé  comme  acide  réel  celui  qui  est  contenu 
dans  le  sulfate  de  potasse  ,  dans  le  nitrate  de 
soude  et  dans  le  muriate  de  potasse  fortement 
desséché  ;  comme  l'acide  muriatique  n'éprouve 
pas  de  condensation  par  l'action  de  l'eau  ,  il 
n'exige  pas  de  tables  différentes  de  celles  de 
sa  pesanteur  spécifique. 

On  est  obligé  de  supposer  que  l'acide  ne  con- 
tient plus  d'eau  dans  les  sels  desséchés  ,  ou  de 
la  négliger  ;  il  faut  supposer  de  plus  que  la  quan- 
tité de  la  base  est  bien  déterminée  ;  on  voit  donc 
que  chaque  évaluation,  avec  quelque  soin  qu'elle 
soit  faite  ,  est  nécessairement  accompagnée  de 
quelque  incertitude  qui  s'étend  ensuite  sur  tous 
les  résultats. 

La  table  ainsi  construite  peut  être  employée 
pour  comparer  les  quantités  d'acide  qui  se  trou- 
vent dans  la  même  espèce  d'acide  selon  les  dif- 
férentes 23esanteurs  spécifiques  ou  les  quantités 
d'acide  de  différente  espèce  ;  son  utilité  n'est  pas 
douteuse  dans  plusieurs  circonstances  ;  mais  elle 
me  semble  l'être  pour  la  détermination  des  élé- 
ments des  combinaisons  salines  auxquelles  l'au- 
teur l'a  particulièrement  destinée.  Il  me  paraît 
I.  8 


Il4  STATIQUE     CHIMIQUE. 

que  son  usage  dans  ce  cas  n'a  point  d'avantage 
sur  la  méthode  directe  qu'emploient  les  chimistes  : 
en  effet ,  il  faut  toujours  commencer  par  déter- 
miner la  proportion  de  la  base;  après  cela,  ou 
on  la  sature  par  une  quantité  d'acide  dont  l'acide 
réel  est  donné  par  la  table  de  Rirwan  ,  ou  l'on 
procède  à  la  cristallisation  ,  et  ensuite  à  une  forte 
dessication  pour  reconnaître  la  quantité  d'eau 
que  la  chaleur  peut  séparer  de  la  combinaison , 
et  alors  on  regarde  comme  acide  réel  le  poids  que 
la  base  acquiert  et  retient  malgré  la  chaleur  ,  et 
comme  eau  ,  le  poids  qu'a  perdu  la  combinaison 
en  éprouvant  une  forte  dessication  ;  mais  comme 
cette  détermination  de  l'eau  est  toujours  utile, 
les  chimistes  peuvent  rarement  se  passer  de  cette 
dernière  épreuve  ;  il  ne  s'agit  plus  que  de  savoir 
s'il  convient  de  s'en  tenir  à  la  table  de  Rirwan , 
ou  de  regarder  comme  acide  réel  le  poids  qu'a   i 
acquis  une  base  bien  déterminée  ,  et  qu'elle  re- 
tient à  une  forte  dessication  :  il  me  paraît  qu'on     1 
a  pour  le  moins  autant  d'exactitude  en  se  bornant     | 
à  cette  augmentation  de  poids;  car  la  table  de 
Rirwan  ne  fixe   les  quantités   d'acide  réel   que     ^ 
sur  l'épreuve  faite    avec    une   base  ;   elle  porte 
donc  avec  elle  l'incertitude  qu'a  nécessairement 
cette  détermination  ,  et  de  plus  elle  a  celles  qui 
accompagnent    une    détermination    établie    sur 
plusieurs  données. 

Je  ne  vais  pas  la  raison  qui  a  pu  décider  le 


DE    l'acidité    et    de    l' ALC  A  LIXITÉ.     Ii5 

choix  de  Kirwan  pour  les  sels  dont  il  s'est  servi  : 
il  me  semble  que  les  combinaisons  qui  sont 
les  plus  propres  à  remplir  cet  objet  ,  sont 
celles  qui  ont  une  base  qui  ne  s'évapore  pas 
lorsqu'on  la  pousse  à  la  dessication  ,  et  qui 
n'attaque  pas  facilement  les  vases  dans  les- 
quels on  fait  cette  opération  préalable  pour  en 
connaître  la  quantité  ;  telles  sont  la  baryte , 
la  strontiane  et  la  chaux  :  ces  bases  ont  de  plus 
1  avantage  de  former  avec  plusieurs  acides  des 
combinaisons  insolubles  j^ar  le  moyen  desquelles 
on  peut  reconnaître  la  quantité  de  ces  acides 
dans  d'autres  combinaisons  ;  mais  l'acide  nitrique , 
qui  ne  forme  avec  les  bases  alcalines  que  des 
sels  solubles  qui  éprouvent  une  décomposition 
facile  par  la  chaleur  ,  présente  des  difficultés 
difficiles  à  surmonter  ,  et  Rinvan  convient  que 
ses  évaluations  des  nitrates  n'ont  pas  autant 
d'exactitude  que  les  autres. 

82.  Les  considérations  précédentes  font  voir 
que  les  tables  par  lesquelles  Kirwan  fixe  les 
éléments  des  substances  salines  ne  doivent  pas 
être  regardées  comme  une  détermination  rigou- 
reuse :  Guyton  a  proposé ,  pour  faire  la  vérifi- 
cation des  proportions  qu'elles  supposent  ,  un 
moyen  qui  me  paraît  réunir  à  la  simplicité  une 
exactitude  à  laquelle  on  ne  peut  opposer  aucune 
difficulté  :  «  Ce  moyen  consiste  dans  la  compa- 
w  raison  des  résultats  de  l'expérience  et  du  calcul , 

8.. 


xi6  STATIQUE    cni:VriQUE. 

»  pour  la  concordance  de  l'effet  très-sensible  de 
»  l'excès  ou  du  défaut  de  Tune  des  substances 
»  après  la  décomposition  réciproque  (i)  ». 

Guyton  observe  en  conséquence  que  dans  le  cas 
d'un  échange  de  base  entre  deux  sels,  le  résultat  du 
mélange  doit  être  ou  neutre ,  ou  avec  excès  d'acide 
ou  avec  excès  de  base,  et  qu'en  rendant  complets 
la  décomposition  de  l'un  des  sels ,  on  doit  obtenir 
par  le  calcul  le  même  résultat  que  par  Texpé- 
rience  :  il  examine  donc  ce  qui  doit  arriver  , 
d'après  les  proportions  de  Bergman ,  lorsqu'on 
mêle  le  muriate  de  baryte  avec  le  sulfate  de 
soude ,  et  il  fait  voir  qu'il  devrait  y  avoir  un  excès 
considérable  d'acide  ;  cependant  le  mélange  reste 
dans  l'état  neutre  :  d'où  il  faut  nécessairement 
conclure  que  les  proportions  de  Bergman  s'éloi- 
gnent de  la  réalité. 

Guyton  fait  une  observation  semblable  sur  le 
mélange  du  nitrate  de  chaux  et  du  sulfate  de 
potasse  ,  d'après  les  proportions  d'une  table  déjà 
amendée  que  Rirwan  publia  en  1791 ,  et  sur  le 
sulfate  de  soude  et  le  muriate  de  magnésie. 

Richter  paraît  être  le  premier  chimiste  qui 
ait  fait  attention  à  cette  propriété  remarquable 
des  combinaisons  salines  de  n'éprouver  point  de 
changement  dans  l'état  de  saturation,  lorsqu'elles 
sont   confondues  dans   une   même   dissolution. 

(1)  Ann.  de  chiui.j  tom.  XXV ,  p.  292  ^  Mcm.  del'Iust. 
loiu.   II. 


/ 


DE    l'acidité    et    de    L    ALCALINITÉ.      II7 

L'on  trouvera  dans  une  note  qvie  je  tire  de  la 
traduction  de  Fischer  ,  un  précis  de  ses  opi- 
nions.  (  Note  II.  ) 

Je  me  suis  assuré  par  mes  propres  expériences 
que  l'état  de  saturation  n'éprouvait  pas  de  chan- 
gement,  lorsque  l'on  mêlait  différents  sels  neutres 
cpii  produisaient  des  précipités  ou  dont  on  re- 
tirait par  la  cristallisation   des  sels  qui  avaient 
fait  un  échange   de  base  ,  pourvu  qu'on  n'em- 
ployât pas  de  sels  métalliques  dans  lesquels  cette 
correspondance  de  saturation  ne  paraît  pas  exis- 
ter. (  Recherches  sur  les  lois  de  Vaginite.  )  J'ai 
réitéré  les  épreuves  avec  différentes  combinaisons 
des  acides  sulfurique  ,  sulfureux  ,  phospliorîque, 
oxalique  ,  acétique  et  tartareux,  et  je  n'ai  apperçu 
un  léger  changement  qu'avec  les  phosphates  de 
potasse  et  de  soude  qui  ont  laissé  une  trés-faible 
acidité  dans  le  liquide  ,  en  les  mêlant  avec  des 
sels  solubles  à  base  de  chaux  ,   ce  qui  indique 
seulement  dans  les  phosphates  une  disposition 
à    prendre   un  excès  de  base  qu'on  observe  eu 
effet  dans   quelques-unes  des  combinaisons  de 
l'acide  phosphorique. 

83.  J'ai  appliqué  la  méthode  de  Richter  et  de 
Guy  ton  ,  1°.  au  mélange  du  sulfate  de  potasse  et 
de  miuiate  de  baryte  ,  suivant  les  proportions 
des  dernières  tables  de  Kirwan  :  le  sulfate  de 
potasse  contient  selon  ces  tables  82, 4B  d'acide 
sur  100  de  base;  le  muriate  de  baryte   3 1,8^0» 


Ïl8  STATIQTE     CHIMIQUE. 

d'acide  sur  loodebase,  et  le  muriate  de  potasse 
56, 3o  d'acide  et  loo  de  base  :  pour  que  l'échange 
de  base  puisse  avoir  lieu  sans  que  l'état  neutre 
soit  changé  ,  il  faut  qu'il  y  ait  une  quantité  d'acide 
lîiuriatique  qui  puisse  saturer  loo  parties  •  de 
potasse  ,  c'est-à-dire  56, 3o  d'acide  ;  or  56, 3o 
d'acide  muriatique  satureraient  177,04  de  baryte; 
mais  177,04  de  baryte  exigeraient  suivant  la  table 
88,52  d'acide  sulfurique,  et  il  ne  s'en  trouve  que 
82,48  dans  le  sulfate  de  potasse,  ou  il  faudrait 
que  dans  le  muriate  de  baryte  il  n'y  eût  que 
164,96  de  baryte,  au  lieu  de  177,04  avec  56, 3o 
d'acide  muriatique. 

2".  Au  mélange  du  sulfate  de  soude  et  du 
^^^^^^^.^^^^  c^/5«^^^,.^inuriate  de  baryte  :  pour  qu'il  put  se  décom- 
poser en  changeant  de  base  ,  il  faudrait  que  dans 
le  sulfate  de  soude  il  y  eiit  11 5,42  d'acide  an 
lieu  de  127,65  ,  ou  que  dans  le  muriate  de 
baryte  il  y  eût  2  53,36  de  baryte  au  lieu  de 
23o,84  avec  73,41  d'acide. 

3<*.  Si  l'on  applique  le  même  calcul  au  mé- 
lange de  nitrate  de  chaux  et  le  sulfate  de  potasse  , 
on  trouve  que  pour  100  de  chaux  il  faudrait 
179,50  d'acide  au  lieu  de  i43  ;  de  sorte  qu'il 
jnanque  dans  les  proportions  données  36, 5o 
d'acide  sulfurique  pour  produire  la  saturation 
de  toute  la  chaux,  ou  bien  cette  base  doit  se 
trouver  en  plus  petite  proportiou  dans  le  nitrate 
de  chaux. 


DE    l'acidité    et    de    L    A  L  C  A.LI  ]y  ITÉ.      IIQ 

L^°.  Le  sulfate  d'ammoniaque  et  le  muriate  de 
baryte  présentent  dans  leur  décomposition  mu- 
tuelle des  disproportions  encore  plus  considé- 
rables :  pour  que  le  sulfate  d'ammoniaque  et 
le  sulfate  de  baryte  pussent  faire  un  échange 
de  base  en  conservant  Tétat  de  neutralisation, 
il  faudrait  que  dans  le  sulfate  d'ammoniaque  , 
il  y  eût  268,86  d'acide,  au  lieu  de  383, 80,  oa 
que  dans  le  muriate  de  baryte  il  y  eût  767,60 
de  baryte,  au  lieu  de  537,73  avec   171  d'acide. 

Si  Ion  peut  rejeter  une  partie  de  cette  dif- 
férence sur  l'évaluation  du  muriate  de  baryte , 
la  plus  grande  partie  doit  certainement  être 
attribuée  à  celle  du  sulfate  d'ammoniaque  dans 
laquelle  il  se  trouve  une  proportion  beaucoup 
trop  forte  d'acide ,  comme  d'autres  considérations 
le  font  voir  ,  et  dans  sa  première  table  Kirwan 
l'avait  fixée  dans  le  rapport  de  100  à  qS  ,  rapport 
qui  est  trop   faible   dans  un  sens  opposé. 

Ces  écarts  sont  trop  considérables  pour  pou- 
voir s'expliquer  par  la  proportion  plus  ou  moins 
forte  d'acide  qu'on  peut  supposer  dans  le  sulfate 
de  baryte  qui  se  forme  ;  d'ailleurs  cette  suppo- 
sition qu'on  n'est  point  fondé  à  faire  lorsque 
l'échange  a  lieu  entre  deux  sels  qui  sont  dans 
l'état  neutre,  ne  pourrait  s'appliquer  au  mé- 
lange de  nitrate  de  chaux  et  de  sulfate  de 
potasse. 

Lorsque  Ton  fait  subir  cette  épreuve  au  suUate 


lao  STATIQUE     CriTMIQTJE. 

d'ammoniaque,  il  faut  préalablement  faire  dis- 
paraître la  légère  acidité  qu'a  ce  sulfate  ,  après 
la  cristallisation  ;  mais  la  quantité  d'ammo- 
niaque nécessaire  pour  cet  objet  est  si  petite, 
cju'elie  ne  change  pas  sensiblement  les  propor- 
tions des  éléments  de   ce  sel. 

84.  Les  observations  précédentes  me  paraissent 
conduire    nécessairement    à    cette    conséquence 
qr.e  je  n'ai  fait  qu'indiquer  dans  mes  recliercbes 
sur  les  lois  de  l'affinité,  maisque  Richter  a  établie 
positivement ,    savoir  que    les  différents   acides 
suivent  des  proportions  correspondantes  avec  les 
différentes  bases  alcalines  pour  parvenir  à   un 
état  neutre  de  combinaison  :  cette  considération 
peut   être    d'une    grande    utilité    pour   vérifier 
les  expériences  qui  sont  faites   sur  les  propor- 
tions des  éléments  des  sels  ;  et  même  pour  déter- 
miner celles  sur  lesquelles  l'expérience  n'a  pas 
encore  prononcé  ,    et  pour  établir  la  méthode 
la  plus  sûre  et  la  plus  facile  de  remplir  cet  objet 
si  important  pour  la  chimie;  mais  1°.  elle   ne 
peut  être    appliquée  qu'aux   substances  salines 
dont  on  peut  opérer  la  décomposition  sans  former 
de  sels  triples  ;  ou  du  moins  il  ne  faut  établir 
la  comparaison  que  sur  des  combinaisons  dans 
lesquelles  elles  ne  donnent  pas  des  sels  triples  ; 
2°.  On  ne  peut  faire  entrer  dans  cette  compa- 
raison que   les   substances  qui  peuvent  former 
des  comi)inaisons    neutres  ,  propriété  que   j'ai 


DE    L   ACIDITÉ    ET    DE    L   ALCALINITÉ.     131 

établie  coninie  le  caractère  distinctif  des  acides 
et  des  alcalis  :  par  cette  raison  les  sels  à  ])ase 
d'alumine  doivent  en  être  exclus  ,  parce  que 
non-seulement  l'alumine  ne  produit  pas  de  sa- 
turation complète  avec  les  acides  ,  mais  qu'elle 
a  besoin  du  concours  d'un  alcali  pour  former 
le  sulfate  d'alumine  ,  et  qu  alors  même  ce  sel 
conserve  un  excès  d'acidité;  3'\  on  ne  peut  em- 
ployer les  combinaisons  que  dans  l'état  neutre , 
parce  que  l'excès  d'acide  ou  d'alcali  ne  pourrait 
être  mesuré  que  par  l  intermède  d  une  substance 
qui  compliquerait  trop  le  résultat. 

On  n'a ,  à  part  ces  exceptions ,  qu'à  déter- 
miner avec  soin  les  proportions  d'un  acide  avec 
les  différentes  bases  alcalines  :  il  suffit  ensuite 
de  reconnaître  les  proportions  d'une  seule  com- 
binaison de  chacun  des  autres  acides  avec  une 
base  alcaline,  en  choisissant  celle  qui  offre  le 
plus  de  convenance  pour  l'expérience  ,  et  un 
calcul  facile  donne  les  proportions  de  toutes  les 
autres. 

85.  Cette  correspondance  exacte  des  jDropor- 
tions  d'un  acide  avec  différentes  bases  ,  et  d'une 
base  avec  différents  acides  ,  Anent  se  lier  avec  la 
théorie  que  j'ai  exposée  sur  l'action  mutuelle 
paie- laquelle  les  acides  et  les  alcalis  se  saturent 
mutuellement  ;  elle  prouve  que  cette  action  mu- 
tuelle n'est  pas  seulement  une  force  qui  existe 
dans  un  certain  decjré  entre  deux  individus;  mais 


1 5»2  STATIQUE     CHIMIQUE. 

qu'elle  est  la  même  dans  toutes  les  substances 
qui  sont  douées  de  l'acidité  et  de  l'alcalinité  , 
ou  que  ses  effets  ne  varient  que  par  Tinten- 
sitë  avec  laquelle  les  substances  la  possèdent. 
Comme  Ivirwan  est,  de  tous  les  chimistes  qui 
m'ont  précédé  sur  cet  objet,  celui  dont  l'opinion 
a  le  plus  d'analogie  avec  celle  que  je  présente  , 
j'ai  cru  devoir  m'arréter  à  discuter  des  différences 
qui  paraissent  d'abord  légères ,  et  qui  nous  ont 
conduits  cependant  à  des  résultats  opposés. 

<J6.  Pour  classer  les  affinités  relatives  des  bases 
alcalines,  Kirwan  établit  i*-*.  que  la  quantité 
d'acide  réel  qui  est  nécessaire  pour  saturer  un 
poids  donné  de  chacune  des  bases  est  en  raison 
inverse  de  l'affinité  des  bases  avec  l'acide  ;  2°.  que 
la  quantité  de  chacune  des  bases  nécessaire  pour 
saturer  une  quantité  donnée  de  chaque  acide  , 
est  en  raisan  directe  de  l'affinité  du  même  acide 
avec  la  base;  de  sorte  que  d'un  côté  une  plus 
grande  affinité  exige  une  moindre  quantité  de 
l'un  des  principes  saturants  ,  et  que  de  l'autre 
elle  en  exige  une  plus  grande  quantité  ,  et  c'est 
par  le  moyen  de  cette  contradiction  qu'il  main- 
tient l'existence  de  l'affinité  élective ,  et  qu'il  en 
évalue  la  force  indépendammeni  des  quantités 
qui  sont  en  action  ,  et  dont  il  avait  cependant 
reconnu  l'influence  ;  c'est  ensuite  sur  les  déter- 
minations des  affinités  électives  qu'il  établit  les 
résultats  des  affinités  doubles ,  et  la  balance  des 


DE    l'acidité    et    de    l' ALC  ALI  N  ITÉ.     1^3 

affinités  quiescentes  et  des  affinités  divellentes. 
Ainsi  en  divisant  ingénieusement  les  forces  qui 
déterminent  deux  combinaisons  en  forces  quies- 
centes et  en  forces  divellentes,  il  ne  fait   plus 
entrer  dans  la  comparaison  de   ces  forces  ,    la 
considération    des  quantités  qui    agissent  ,    et 
il  regarde  comme  force  constante  Taffinitë  d'un 
acide  ,  mesurée  par  la  quantité  de  base  alcaline 
qu'il  peut  saturer  ;  de  sorte  que  la  décomposition 
se  fait  complètement,  selon  qu'une  force  calculée, 
comme  je  viens  de  le  dire  ,  l'emporte  sur  l'autre  ; 
mais  j'ai  fait  voir  (j5)  que  lorsque  l'échange  des 
bases  n'était  pas  sollicité  par  une  force  de  cohé- 
sion considérable ,  les  sels  qui  se  formaient  dans 
un  mélange  variaient  par  les   proportions  des 
.substances  opposées  qui  se  trouvaient  en  action. 
Ce  savant  chimiste  prétend  appuyer  sa  théorie 
des    affinités   quiescentes    et   divellentes   déter- 
minées par  sa  méthode  ,  par  quelques  exemples 
dans  lesquels  il  trouve  que  les  nombres  affectés 
à  chaque  affinité  satisfont  aux  combinaisons  qui 
se  forment  ;   mais  si  l'on  veut  donner  quelque 
valeur  à  des  nombres  choisis  pour  représenter 
quelques  effets,  j'en  prendrai  dans  sa  table  même 
qui  ne  peuvent  pas  soutenir  cette  épreuve  ;  ainsi 
1  affinité  de  l'acide   sulfurique   déterminée   par 
la  quantité  de  potasse  qui  peut  le  saturer ,  est 
représentée  par   121  ,  et  celle  de  l'acide  muria^ 
tique  par   3i/j  ;  ce   qui    fait   pour  les  affinités 


124  STATIQUE     CHIMIQUE. 

quiescentes  435  ,  lorsqu'on  mêle  le  sulfate  de 
potasse  avec  le  muriate  de  baryte  ;  et  les  affinités 
divellentes  du  sulfate  de  baryte  et  du  muriate 
de  potasse  ne  donnent  que  377  :  de  sorte  qu'il 
ne  devrait  point  se  faire  de  décomposition  ,  et 
.  cependant  elle  est  complète  ;  de  même  lorsqu'on 
mêle  le  muriate  de  strontiane  avec  le  sulfate  de 
potasse  ,  on  a  pour  affinités  quiescentes  337  » 
et  seulement  3x5  pour  affinités  divellentes. 

88.  L'action  chimique  est  réciproque  ;  l'affi- 
nité lui  est  proportionnelle  ;  la  saturation  est 
un  terme  commun  à  tous  les  acides  et  à  toutes 
les  bases  alcalines  :  si  l'on  veut  comparer  l'action 
saturante  des  acides  aved  une  base  ,  il  faut  com- 
parer les  quantités  de  chaque  acide  qui  sont 
nécessaires  pour  produire  le  même  effet ,  c'est- 
à-dire  la  saturation  de  la  base  :  on  devra  donc 
regarder  l'affinité  de  deux  acides  pour  une  base 
comme  étant  en  raison  inverse  de  la  quantité  de 
chacun  des  deux  acides  qui  pourra  saturer  la 
br.se  ,  ainsi  que  je  l'ai  établi  chapitre  I^''  ;  si  ce 
sont  les  bases  alcalines  c|ue  l'on  compare  ,  il 
faudra  les  considérer  de  même  ,  et  la  base  qui  , 
en  moindre  quantité  ,  produira  la  saturation 
sera  celle  qui  exercera  une  action  plus  éner- 
gique, qui  aura  une  plus  grande  affinité;  enfin 
l'on  vient  de  voir  que  les  rapports  de  ces  deux 
forces  se  conservent  dans  toutes  les  combi- 
naisons formées  par  les  acides  et  par  les  alcalis. 


DE    l'acidité    et    de    L   ALCALINITE.     153 

87.  Si  les  observations  que  j'ai  pre'sente'es  prou- 
vent que  la  capacité  de  saturation  est  la  mesure 
de  la  puissance  ou  de  l'affinité  qu'ils  exercent 
comme  acides  ,  on  doit  prendre  une  idée  de 
cette  affinité  comparative  ,  bien  différente  de 
celle  qu'çn  a  établie  dans  les  tables  d'affinité. 

L'acide  fluorique ,  d'après  les  expériences  de 
Ricbter ,  doit  être  le  premier  acide^en  puissance  , 
puisque  looo  parties  en  saturent  1882  de  cbaux. 

Le  pbosphorique  doit  être  placé  après;  selon 
Vauquelin  1000  parties  en  saturent  i44c>.  Vient 
ensuite  l'acide  muriatique  ,  puis  le  sulfurique 
et  le  nitrique  dont  la  différence  n'est  pas  bien 
établie. 

En  appliquant  la  même  méthode  aux  alcalis  , 
c'est  l'ammoniaque  qui  marche  la  première 
d'après  les  expériences  de  Kirwan,  qui  me  parais- 
sent beaucoup  plus  exactes  que  celles  de  Richter  : 
la  magnésie  et  la  chaux  la  suivent  ;  ensuite  la 
soude  ,   la  potasse  ,  la  strontiane  et  la  baryte. 

Je  ne  fais  pas  entrer  l'acide  carbonique  dans 
cette  comparaison  ,  parce  que  les  carbonates  que 
Kirwan  a  soumis  à  ses  épreuves  ont  presque  tous 
un  excès  variable  d'alcali  ,  pour  les  autres  acides, 
les  portions  des  éléments  de  leurs  combinaisons 
sont  déterminées  dans  un  si  petit  nombre  et  avec 
une  telle  imperfection  ,  qu'on  ne  peut  s'en  servir 
pour  fixer  leur  place  dans  l'ordre  des  affinités  ; 
quoiqu'ils  suivent  la  même  progression  dans  les 


!  ^6  STA.TIQUE     CHIMIQUE. 

quantités  des  différentes  bases  nécessaires  à  leur 
saturation. 

88.  Pour  accorder  ce  résultat  avec  l'ordre  des 
affinités  qu'on  a  admis,  il  faut  ï*econnaître  dans 
les  affections  des  substances  qui  se  combinent , 
et  dans  les  conditions  où  elles  peuvent  se  trou- 
ver ,  l'explication  naturelle  des  faits  qui  ont 
conduit  à  des  déterminations  si  différentes  ;  c'est 
ici  dans  la  seule  force  de  cohésion  dont  on  a 
confondu  les  effets  avec  ceux  de  l'affinité  élec- 
tive ,  que  je  place  la  cause  de  cette  différence  , 
sans  examiner  encore  les  circonstances  qui  éta- 
blissent les  proportions  d'une  combinaison.  Le 
sulfate  de  baryte  jouit  d'une  force  de  cohésion 
considérable  relativement  aux  combinaisons  qui 
peuvent  être  rendues  solubles  par  l'eau,  et  il 
se  trouve  à  l'égard  de  tous  les  acides  dans  le 
même  cas  que  l'alumine  qui  a  éprouvé  une  forte 
concentration  comme  dans  la  porcelaine  ou  dans 
le  saphir.  Ne  dirait-on  pas  ,  si  l'on  ne  connaissait 
ralumine  que  dans  cet  état  de  condensation ,  que 
l'acide  sulfurique  n'a  point  d'affinité  avec  elle? 
L'alcali  qui  est  combiné  avec  la  silice  dans  le 
verre ,  ne  devient-il  pas  insoluble  par  les  acides 
qui  l'en  sépareraient  si  facilement  si  la  force 
de  cohésion  que  cette  combinaison  a  acquise 
n'était  devenue  supérieure  à  leur  action? 

Lorsque  l'on  prononce  que  l'acide  sulfurique 
a  plus  d'affinité  avec  la  baryte  que  les  autres 


DE    l'acidité    et    de    L    ALCALINITÉ.     I27 

acides,  on  ne  fait  pas  attention  que  cet  acide 
lui-même ,  à  moins  qu'il  ne  soit  très-concentré , 
et  que  son  action  ne  soit  aidée  par  celle  de  la 
chaleur ,  n'a  pas  plus  d'action  sur  le  sulfate  de 
baryte  que  les  autres  acides ,  et  que  son  affinité 
par  conséquent  n'a  pas  plus  d'énergie  contre  la 
force  de  cohésion  du  sulfate  qu'il  ne  faut  pas 
confondre  avec  la  puissance  de  saturation  ,  ou 
avec  la  puissance  antagoniste  de  l'alcalinité. 

Regarder  la  baryte  comme  douée  d'une  affi- 
nité beaucoup  plus  forte  que  l'ammoniaque  pour 
l'acide  carbonique  ,  c'est  prononcer  qu'il  faudrait 
une  force  beaucoup  plus  grande  pour  surmonter 
la  résistance  de  l'élasticité  d'une  petite  quantité 
de  fluide  élastique  que  d'une  grande  quantité. 

89.  Quelle  que  soit  l'opinion  que  l'on  conserve 
sur  l'affinité  élective  ,  on  ne  pourra  se  refuser 
à  reconnaître  un  rapport  frappant  entre  la  ca- 
pacité de  saturation  des  acides  ,  et  les  proportions 
constantes  des  différents  alcalis  qui  les  peuvent 
saturer ,  et  l'on  devra  convenir  que  ces  propriétés 
doivent  être  en  relation  avec  l'affinité  des  acides 
pour  les  alcalis  ;  d'où  l'on  doit  conclure  qu'il  ne 
peut  y  avoir  qu'une  différence  peu  considérable 
entre  l'affinité  de  l'acide  sulfurique  et  celle  de 
l'acide  muria tique  pour  la  baryte  ,  si  l'on  refuse 
d'admettre  la  supériorité  du  dernier  ;  cependant 
on  suppose  dans  le  premier  la  plus  grande  affi- 
nité pour  cette  base  ,  et  le  muriate  de  baryte 


128  STATIQUE     C  II I  ."M  î  Q  U  E. 

est  décomposé  facilement  par  racétite  de  plomb 
et  par  le  nitrate  d'argent ,  quoique  ces  oxides 
ayent  si  peu  d'action  sur  les  acides  avec  lesquels 
ils  forment  ces  combinaisons  soiubles  ,  qu'ils  ne 
peuvent  en  saturer  complètement  l'acidité.  Pour 
expliquer  les  précipitations  ,  on  fait  balancer 
l'excès  de  force  de  l'acide  niuriatique  sur  celle  de 
l'acide  acétique  ,  par  la  différence  qui  se  trouve 
entre  l'affinité  des  oxides  pour  l'un  et  pour  l'autre 
des  acides  :  on  s'arrête  à  cette  différence  s'il  se 
trouve  des  nombres  qui  puissent  correspondre  à 
cette  supposition,  quelqu'éloignés  qu'ils  soient  de 
représenter  les  propriétés  réelles ,  telles  que  la 
capacité  de  saturation  ;  enfin  Ton  néglige  vjtoute 
considération  de  l'insolubilité  des  précipités  , 
quoiqu'ensuite  on  la  fasse  entrer  dans  l'expli- 
cation de  leurs  propriétés. 

Ce  que  je  viens  d'exposer  dans  cette  section 
sur  les  affinités ,  ne  doit  plus  s'appliquer  à  Faction 
de  plusieurs  acides  sur  une  base  ,  ou  de  plusieurs 
bases  sur  un  acide  ,  lorsqu'il  y  a  des  cbange- 
iTients  de  température  qui  font  varier  la  force 
de  cobésion  ,  et  sur-tout  lorsqu'il  y  a  une  dif- 
férence de  dilatabilité  qui  s'accroît  encore  par 
la  cbaleur  qui  se  dégage  dans  l'action  chimique 
ou  qui  est  ajoutée. 

Après  avoir  examiné  les  effets  de  faction  opposée 
de  la  liquidité  et  de  la  solidité ,  de  l'acidité  et  de 
l'alcalinité ,   je  passerai   aux  changements   que 


é 


DE    l'acidité    et    de    L   ALCALINITÉ.      I39 

le  calorique  produit  dans  l'affinité  réciproque  des 
molécules  des  corps  et  dans  celle  qui  forme  les 
combinaisons. 


NOTES  DE  LA  SECONDE  SECTION. 


NOTE     PREMIERE. 


O 


N  peut  juger  par  le  degré  Je  solubilité  des  combinaisons 
qui  peuvent  se  former,  des  sels  qui  peuvent  se  trouver  en- 
semble dans  un  liquide ,  par  exemple  ,  dans  une  eau  mi- 
nérale ,  en  considérant  pour  la  commodité  du  langage  ces 
combinaisons  comme  jouissant  dans  le  liquide  d'une  exis- 
tence isolée  :  ainsi  une  eau  ne  peut  contenir  en  même  temps 
du  carbonate  de  soude  et  un  sel  à  base  calcaire.  Elle  n© 
peut  tenir  en  dissolution  un  sel  à  base  de  chaux  avec  un 
Bulfate  dans  une  proportion  plus  grande  que  celle  qui  peut 
produire  la  quantité  de  sulfate  de  chaux  qui  peut  être  tenue 
en  dissolution,  en  accordant  cependant  une  petite  latitude 
pour  l'augmentation  de  solubilité  que  peut  produire  l'action 
mutuelle  des  sels. 

La  différence  de  solubilité  par  différents  degrés  de  tem- 
pérature ,  est  la  cause  d'un  phénomène  qui  a  d'abord  été 
observé  par  Schéele ,  et  ensuite  par  Gréenj  (  i  )  :  une  eau  qui 
contient  de  la  soude  ,  de  la  magnésie ,  de  l'acide  sulfurique 

Q)  Journal   des  Mines,  n?.  XXYL 

I.  Q 


îJo  STATIQUE     CHIMIQUE. 

et  Je  l'acide  muriatique  ,  donne  pendant  i'évaporation,  du 
muriate  de  soude  et  par  le  refroidissement  du  sulfate  de 
magnésie  5  mais  si  cette  eau  est  exposée  à  la  congélation  , 
c'est  au  contraire  du  sulfate  de  soude  qui  cristallise. 

La  solubilité  du  sulfate  de  soude  diminue  si  rapidement 
par  l'abaissement  de  température,  que  selon  l'observation 
de  Biagden  (  i  )  ce  sel  ne  peut  abaisser  le  degré  de  la  congé- 
lation de  l'eau  que  d'un  degré  du  thermomètre  de  Falire- 
neitli  ,  et  alors  il  se  sépare  et  cristallise  promptement  , 
pendant  que  celle  du  muriate  de  soude  diminue  irès-peu  , 
et  que  ce  sel  peut  abaisser  la  température  de  28  degrés  du 
même  thermomètre  au-dessous  de  la  congélation ,  sans  se 
précipiter  lorsque  sa  proportion  est  d'une  partie  contre  quatre 
d'eau.  Une  température  un  peu  plus  basse  que  celle  de 
la  congélation  doit  donc  produire  la  cristallisation  de  sulfate 
de  soude  ,  et  la  chaleur  de  l'ébullition  qui  augmente  beau» 
coup  la  solubilité  comparative  du  sulfate  de  soude ,  celle 
du  muriate  de  soude.  Cette  différence ,  produite  par  la 
température ,  est  donc  une  suite  naturelle  de  la  cause  d^ 
la  séparation  des  sels  par  la  cristallisation ,  et  elle  fait  voir 
d'une  manière  convaincante  qu'on  ne  doit  point  dans  la 
réalité  regarder  les  sels  comme  tout  formés  dans  un  li- 
quide dont  on  peut  les  retirer ,  puisqu'en  changeant  les 
rapports  de  solubilité  ,  on  fait  alterner  le.5  combinaisons 
qui  se  forment  ;  mais  que  c'est  leur  différence  de  solubilité 
dans  les  circonstances  où  ils  se  trouvent ,  qui  produit  leur 
içéparation  et  leur  cristallisation  successive. 

Gréen ,  qui  regarde  avec  les  autres  chimistes  les  sels  dan& 
un  liquide  tels  que  les  produit  I'évaporation  ,  dit  que  dès 
que  le  sulfate  de  soude  est  séparé  par  le  froid  ,  il  ne 
donne  plus  du  muriate  de  soude  ^  lorsqu'on  le  mêle  avec 
du  muriate  de  magnésie  et  qu'on  le  soumet  à  .I'évapora- 
tion ,  et  qu'il  a  fait  sur  cet  objet  plusieurs  tentatives  in* 

(^i)  Traus.  pînios.    T7S8, 


DE    l'acidité    et    de    l' ALCALINITE.      1 3,t 

1 
fructueuses  :  je  ne  sais  ce  qui  a  pu  le  tromper  ,  mais  ayant 

mêlé  poids  égaux  de  muriale  de  magnésie  et  de  sulfate  de 
soude  desséché  j  et  ayant  fait  évaporer  leur  dissolution,  il 
s'est  formé  une  croi^te  épaisse  de  muriate  de  soude  ;  l'action 
mutuelle  des  sels  ne  fait  qu'augmenter  jusqu'à  un  certain 
point  la  solubilité  du  muriate  de  soude.  '    •    .* 

Quoique  le  sulfate  de  soude  ait  beaucoup  de  solubilité 
dans  l'fau,  il  retient  cependant  faiblement  cette  eau  dans 
ses  cristaux  ,  comme  le  prouve  la  facilité  avec  laquelle  il 
tombe  en  efflorescence  à  l'air  ;  j'explique  par  là  un  fait 
qui  paraît  au  premier  coup-d'œil  se  soustraire  à  la  régie 
que  j'ai  établie  sur  la  formation  des  sels  ,  en  raison  dé 
leur  solubilité  ;  lorsqu'on  fait  évaporer  les  eaux  des  salines 
de  la  Meurthe  ,  il  se  forme  un  dépôt  abondant  de  sulfate 
de  soude  ,  dépourvu  d'eau  de  cristallisation  ,  cependant 
une  partie  du  sulfate  de  soude  reste  dans  l'eau-mère  ,  et 
ne  cristallise  que  par  le  refroidissement  :  il  arrive  ici  la 
même  chose  que  lorsqu'on  mêle  un  muriate  ou  nitrate  de 
chaux  desséché  à  une  dissolution  saturée  de-  nitrate  d« 
potasse  5  une  partie  du  nitrate  de  potasse  est  précipitée^ 
parce  que  le  sel  à  bass  de  chaux  s'jcmpare  d'abord  '  d'iSné 
partie  de  l'eau,  quoique  par  son  action  il  ait  la  pro^TÎ^té 
d'augmenter  là  solubilité  du  liitrate  de  potasse. 

On  a  encore  lin  résultat  semblable ,  lorsqu'on  fait  éva- 
porer un  mélange  de  sulfaté  d'animijoiaque  et  de  muriate 
de  soude;  il  se  forme  un-  précipité  considérable  desuliate 
de  soude  pi-Lvé  d?eau  ^  quoique  bésnl  ait  une  solubilité  k^ 
peu-près  égale  à  celle  du'  muriate  d'ammoniaque. 
!  Davy  a  fait  des  observations  intéressantes  sur  les  quan- 
tités d'eau  que  le  nitrate  d'ammoiJiaqtie  retient  djins'  sa 
cristallisation,  selon  la  tempi-rature  à  laquelle  l'évaporatîfin 
s'opère    (i),    et   sur  les    changements    que    cett^-  circcM- 

(i)   Bibliot.  Britan.  n',  148.  -*i»>'"I  ■"♦^  *?- ■ 

9- 


ï3a  STATIQTTE     CHIMIQUE. 

tance  produit  dans  sa  cristallisation.  Les  deux  extrêmes 
paraissent  être  le  nitrate  prismatique  obtenu  à  la  tempé- 
rature de  l'atmosphère  et  qui  contient  le  plus  d'eau  de 
cristallisation,  et  le  nitrate  compact  ou  en  aiguilles  très- 
iiues  qui  résulte  de  l'évaporation  à  la  température  de  119- 
degrés  de  Réaumur;  le  nitrate  fibreux  dont  l'évaporation  a 
été  faite  à  17  degrés  de  Réaumur ,  tient  le  milieu  entre 
les  premières  espèces. 

Il  peut  se  faire  que  l'insolubilité  d'un  sel  soit  telle- 
fnent  dominée  par  l'action  de  l'une  des  substances  qui 
sont  en  présence,  que  son  effet  soit  détruit  et  qu'il  s© 
f  roauise  un  autre  ordre  de  combinaison  auquel  on  n'aurait 
pas  été  conduit  par  la  connaissance  des  solubilités  des  subs- 
tances isolées  ;  ainsi  lorsqu'on  mêle  la  dissolution  de  l'oxide 
<3e  plomb  par  la  soude  avec  une  eau  de  sulfate  de  soude  ,  il  ne 
se  fait  qu'un  petit  précipité  (1).  La  plus  grande  partie  de  l'oxide 
de  plomb  reste  en  dissolution  ,  quoique  le  sulfate  de  plomb 
soit  insoluble  ,  et  qu'il  résiste  même  fortement  à  l'action 
des  acides  ;  mais  il  est  très  -  soluble  dans  la  soude  avec 
laquelle  il  se  trouve  alors  en  contact ,  et  il  forme  avec  elle 
un, sel  triple  ,  comme  la  jnagnésie  avec  l'ammoniaque  et 
l'âçide  muriatique. 

Les  effets  que  j'attribue  à  la  force  de  cohésion  ne  sont 
réellement  dûs  qu'à  l'insolubilité ,  c'est-à-dire  nu  rapport 
de  la  force  de  cohésion  ,  à  l'action  chimique  de  l'eau  5 
de  .là  vient  que  les  -combinaiisons  que  cette  cause  déter- 
mine;, sont  souvent  très-différentes ,  lorsque  la  liquidité  est 
produite,  par  l'action  seule  de    la  chaleur. 

Si  l'oii  pousse  au  feu,  dans  un  creuset  de  platine  ,  un 
jnélange  de  muriate  de  chaux  et  de  sulfate  de  baryte;  il 
entre  en.  fusion  si  liquide  qu'il  a  l'apparence  de  l'eau  ;  après 
Je  refroidissement  on  trouve  que  la  masse  est  composée  df 

{î)  De  l'influence  des  prop.  Méin.   de   l'Inst.  tom.  III. 


DE   l'acidité    et    de    l' ALC  ALI  NITÉ.      IjS 

sulfate  de  chaux  et  de  muriate  de  baryte  qu'on  peut  sé- 
parer en  grande  partie  par  une  prompte  lotion  ;  car  si  l'on 
se  servait  d'une  ébullitinn  prolongée  ,  le  sulfate  de  chaux 
serait  décomposé  :  cette  expérience  curieuse  que  j'ai  répétéf^ 
est ,  à  ce  que  l'on  m'a  dit ,  due  aux  travaux  qui  s'exé- 
cutent dans  le  laboratoire  de   Sécuin. 

o 

Lorsqu'on  soumet  également  à  l'action  de  la  chaleur  un 
mélange  de  sulfate  de  soude  et  de  carbonate  de  chaux  y 
celui-ci  entre  en  fusion  très-liquide  y  et  c'est  par  l'action 
qu'exercent  alors  ses  éléments  que  le  sulfate ,  changé  en 
sulfure  au  moyen  d'un  mélange  de  charbon  ,  se  convertit 
en  carbonate  dans  le  procédé  qu'on  doit  au  citoyen  Leblanc 
pour  obtenir  une  soude  propre  à  remplacer  celle  du  com- 
merce. 

Ces  observations  prouvent  que  la  force  de  cohésion  qui 
peut  produire  les  effets  les  >plus  énergiques ,  lorsque  l'eau 
sert  de  dissolvant ,  peuvent  eu  produire  de  contraires  lorsque 
les  mêmes  substances  exercent  une  action  mutuelle  sans  la 
concours  de  l'eau  :  elles  "  confirment  encore  que  le* 
séparations  qui  ont  lieu  ne  sont  pas  l'effet  immédiat  de 
l'affinité  comparative  ,  mais  de  la  force  de  cohésion  qui 
devient  plus  grande  entre  quelques  substances  qu'entr» 
quelques  autres  dans  les  circonstances  où  elles  se  trouvent. 
Les  chimistes  avaient  distingué  ,  à  la  vérité  ,  les 
affinités  qui  s'exercent  par  la  voie  humide  y  et  celles  qui 
s'exercent  ^ar /a  voie  sècJw  y  mais  sans  indiquer  les  cause» 
rjui  fesaient  varier  les  effets  d'ane  force  qu'ils  regardaient 
comme  constante  ;  et  ils  conlondaipnt  ceux  qui  sont  dûs 
à  l'état  différent  de  liquéfaction  ,  et  à  la  volatilité  accruo 
par  l'action  du  calorique.  Dans  l'une  des  notes  savantes  que 
Fischer  a  ajoutées  à  la  traduction  allemande  de  mes  recher- 
ches sur  les  affinités,  il  remarque  que  Hanhnemann  avait 
prononcé  avant  moi  dans  une  traduction  des  arts  chimiques 
de  Dtmachi  ,   que    les    décompositions    des    combinaisons 


l34  STATIQUE     CHIMIQUE. 

chimiques  ne  dépendaient  que  de  leurs  z-apports  de  soîu-» 
bilité. 


NOTE    II     (de  Fischer). 

X_iE  sujet  que  Berthollet  traite  à  la  fin  de  la  première 
suite  de  son  ouvrage  sur  les  affinités  a  déjà  été  traité  en 
1793  par  Richter  dans  sa  stécliiométrie ,  S.  1^^,  pag.  124. 
Guyton  en  parle  aussi  dans  les  Mémoires  de  l'Institut  , 
pour  l'année  1 797 ,  sans  avoir  eu  connaissance  de  l'ou- 
vrage de  Richter^  ^"i  j  quoique  rempli  d'expériences  et 
d'observations  très  •-  intéressantes  ,  est  très-peu  connu  eu 
Allemagne.  Mais  c'est  la  faute  de  l'auteur,  qui  devait  les 
séparer  des  hypothèses ,  et  ne  pas  vouloir  les  mêler  toujours 
avec  des  calculs  qui  le  rendent  obscur  pour  beaucoup  de 
lecteurs. 

Voici  comment  Richter  l'exprime  : 

ce  Si  deux,  solutions  neutres  sont  mêlées  ensemble  ,  et 
»  qu'il  s'en  suive  une  décomposition  ,  les  produits  qui  en 
33  résulteront  seront  presque  sans  exception  ,  également 
53  neutres ,  Mais  si  les  deux  solutions ,  ou  une  des  deux , 
33  n'étaient  pas  neutres ,  les  produits  ne  le  seraient  pas 
33  non  plus  33. 

Richter  n'a  pas  cité  les  exceptions ,  mais  Berthollet  en 
cite  quelques-unes  qui  ont  lieu  dans  le  cas  où  ,  dans  le 
mélange  ,  il  y  a  des  sels  métalliques  :  il  n'y  aurait  peut- 
être  d'ailleurs  aucune  exception.  Ii'idée  de  neutralité  ne 
semble  point  applicable  à  ces  sels  ;  ils  conservent  tous  un 
excès  d'acide  dans  l'état  liquide  ;  leurs  bases  ne  sont  point 
solubles  dans  l'eau  _,  et  elles  n'agissent  point  avec  les  acides 
comme  des  alcalis.  Ce  sont  cependant  des  conditions  né- 
cessaires à  la  neutralité.  Quoiqu'il  en  soit ,  on  pourra  re- 
garder avec  Richter ,  Guyton  et  Berthollet ,  la  loi  comme 


DE  l'acidité  et  de  l'alcaliîsmté.     i35 

stable  f  lorsqu'il  s'agira  d'une  base  alcaline  et  d'un  acide. 

On  peut  tiier  de  là  les   conclusions  suivantes  5 

I**.  Les  quantiiés  de  deux  bases  alcalines  qui  sont  néces- 
saires pour  neutraliser  des  parties  égales  d'un  acide  ,  sont 
en  proportion  des  quauiités  de  ces  mêmes  bases  ,  néces- 
saires pour  neutraliser  tout  autre   acide. 

Soient  A  et  B  deux  acides ,  a  et  ^  deux  bases  alcalines. 
Les  deux  sels  neutres  Aa  ,  Bb,  sont  supposés  tels  que, 
dans  leur  mélange  ^  ils  changent  complètement  de  base. 
Il  résultera  donc  de  cette  supposition  ,  que  A  d'abord 
neutralisé  par  a  j  le  sera  ensuite  par  b  ,  et  que  par  con- 
séquent les  quantités  de  a  et  de  b  f  qui  sont  capables  de 
neutraliser  A  ,  doivent  être  capables  de  neutraliser  une  autre 
quantité  de  B,  qui  est  fixe. 

Il  est  clair  qu'on  peut  changer  les  mots  bases  et  acides 
et  que  la  loi  est  applicable  à  toutes  les  combinaisons 
neutres  ,  même  lorsque  Aa  et  Bb  ne  changent  pas  de 
bases,  puisqu'on  pourra  toujours  renverser  l'expérience  eu 
mêlant  Ab  avec   Ba. 

2°.  Si  on  connaît  Aa^  Ab  ,  Bb  par  l'expérience  ,  on 
pourra  trouver  Ba  par  le  calcul.  Richter  se  sert  de  cette 
conclusion  pour  trouver  la  proportion  de  neutralisation , 
lorsqu'il  est  difficile  de  la  fixer  immédiatement  ;  mais  il 
a  détei'miné  en  grande  partie  les  proportions  par  i'expé_ 
rience. 

3°.  Lorsqu'on  aura  trouvé  par  l'expérience  combien  il 
faut  d'alcali  et  de  terre  pour  neutraliser  j,ooo  parties 
d'acide  sulfurique,  nitrique  ou  muriatique ,  on  verra  bien 
que  chaque  table  contient  d'autres  nombres  ;  mais  les 
nombres  de  chaque  table  seront  entre  eux  dans  la  même 
proportion  que  les  nombres  de  l'autre  la  donnent.  Le 
même  cas  aurait  lieu  si  l'on  examinait  combien  il  fauS 
d'acide  pour  neutraliser  ijOOO  parties  de  soude  ,  d'am- 
inoniaque  ou  de   chaux 


l36  STATIQUE     CHIMIQUE. 

C'est  d'après  cette  vue  que  Richter  a  traité  la  matîèrer 
Il  s'est  donné  la  j)eine  d'examiner  chaque  acide  ,  dans 
sa  relation  envers  les  bases,  par  l'expérience  et  le  calcul , 
et  de  donner  ses  résultats  en  tables  5  c'est  ce  qui  remplit 
la  plus  grande  partie  de  ses  ouvrages  depuis  1791  5  jusqu'^à 
j8oo. 

II  semble  que  Richter  n'ait  pas  fait  attention  que  toutes 
ses  tables  peuvent  être  réduites  dans  une  seule  de  ai 
nombres  ,  divisée  en  deux  colonnes  ,  au  moyen  desquelles 
on  peut  les  réduire  toutes  par  une  règle  de  trois.  Voici 
celle  que  J'ai  calculée  ,  d'après  les  nouvelles  tables  de 
Richter,  dont  plusieurs  diffèrent  des  précédentes.  (Voyez 
les  cahiers  8  et  10  de  ses  idées  sur  de  nouveaux  objets 
de  la   chimie.  ) 


Acides, 

Fluorique ^ij 

Carbonique 5'jj 

Sébacique 706 

Muriatique 712 

Oxalique 755 

Phosphorique    ....  979 

Formique 988 

Sulfurique lOOO 

Succiuique.   .   .   ,|  .   .  1209 

Nitrique  .......  i4'>5 

Acétique. 14S0 

Citrique i683 

Tartareux 1694 


Cette  table  veut  dire  que  si  l'on  prend  une  matière  d'une 
de  ces  dexix  colonnes ,  par  exemple  la  potasse  de  la  première, 
à  laquelle  correspond  le  nombre  i6o5  ,  les  nombres  de 
l'autre  colonne  montreront  combien  il  faut  de  chaque  acide 


Bases. 

Alumine 525 

Magnésie 6j5 

Ammoniaque    ....  672 

Chaux •  793 

Soude 859 

Strontiane 1329 

Potasse i6o5 

Baryte 2222 


DE  l'acidité  et  de  l' alc A l inité.     iSy 

pour  neutraliser  ces  i6o5  parties  de  potasse;  il  leur  faudra, 
par  exemple  ,  427  parties  d'acide  fluorique  ,  S^j  d'acide 
carbonique ,  etc.  Si  on  prend  une  matière  de  la  secoiule 
colonne ,  or  se  servira  de  la  première  colonne  pour  savoir 
combien  il  faut  de  terre  ou  d'alcali  pour  la  neutraliser. 

Tous  ces  nombres  peuvent,  pour  ainsi  dire  ,  être  regardés 
comme  les  représentants  de  la  force  d'affinité  5  et  les  matières 
d'une  colonne  ,  qui  sont  proches  l'une  de  l'autre ,  sont  en 
proportion  inverse  des  deux  nombres  de  l'autre  colonne 
qui  leur  correspondent.  (Voyez  BerthoUet ,  art.  X  et  XV.  ) 
La  potasse  et  la  soude  sont  en  proportion  de  SSq  à  i6o5 
envers  chaque  acide;  mais  il  suit  de  l'examen  de  Berihollet 
que  les  nombres  ne  suffisent  pas  pour  expliquer  ,  par  le 
calcul  ,  les  phénomènes  de  l'affinité  simple  et  double. 

On  voit  que  l'ouvrage  de  Ilichfer  contient  des  choses 
excelli'r-ntes  pour  la  théorie  des  affinités  5  mais  il  contient 
aussi  beaucoup  d'hypothèses  insoutenables,  parmi  lesquelles 
je  range   ce  qu'il  dit  de  la  grandeur  des   masses. 

Richter  donne  à  ses  tables  un  ordre  déterminé  d'après 
la  grandeur  des  nombres  ;  mais  il  fiit  des  sous-divisions 
à  chaque  colonne,  plaçant  séparément  les  trois  alcalis  du 
côté  des  bases ,  ainsi  que  les  acides  fluorique  ,  sulfurique  , 
muriatique  et  nitrique  du  côté  des  acides.  Il  croit  à  la 
fin  qu'il  doit  exister  une  autre  loi  dans  la  manière  dans 
laquelle  les  nombres  se  suivent;  et  il  trouve  ,  après  de 
longs  calculs,  que  ces  nombres  du  côté  des  bases  doivent 
être  regardés  comme  faisant  parrie  d'une  progression  arith- 
métique ,  et  ceux  du  côté  des  acides ,  comme  faisant  p.irtid 
d'une  progression   géométrique    (1). 

(i)  La  série  des  trois  alcalis  est  représentée  par  a,  a-4-li  ,  a -{-5b; 
la  série  des  terres  par  a,  a-|-b,  a-j-5b,  a-f-gl»,  a-f-iol>.  La  série 
des  quatre  acides  niiaéraux  est  représentée  par  c,  cd'  ,  <  il  '  ,  cd',_ 
et  la  série  des  autres  acides  (excepté  l'acide  phosphoriquc  ) ,  par  c, 
cd5,    cd'^,  cd«,    cd",    cd'*,   c.d'i,   cd'«. 


l38  STATIQUE     CHIMIQUE. 

Il  est  certain  que  les  nombres  des  tables  peuvent  être 
regardés  comme  des  séries  en  progression;  mais  Richter 
se  trompe  ^  s'il  croit  y  avoir  trouvé  la  loi  des  proportions 
de  neutralité  ,  ou  des  forces  d'affinité.  C'est  la  propriété 
de  tout  nombre  de  pouvoir  être  considéré  comme  fesant 
partie  d'une  série  arithmétique  ou  géométrique  (i).  Ricliter 
pouvait  faire  la  même  chose  sans  sa  sous-division  ,  comme 
je  l'ai  fait  dans  la  table  que  je  viens  de  donner.  C'est 
encore  plus  facile ,  si  on  prend  la  liberté  que  prend  de 
temps  en  temps  Richter  ,  d'augmenter  ou  de  diminuer  un 
nombre  pour  rendre  la  série  plus  complète. 

(i)  Si  on  prend  des  logarithmes  d'une  série  de  nombres,  on  voit 
qu'ils  peuvent  être  regardés  comme  faisant  partie  d'une  série  arithmé^ 
tique  :  les  nombres  de  la  série  font  alors  partie  d'une  série  géomé- 
trique. 


SECTION      III. 

DU    CALORIQUE. 

CHAPITRE     PREMIER. 

Des  effets  du  calorique  indépendants  de  ceux 
de  la  combinaison. 

90.  1-jA  cause  de  la  chaleur  que  je  désigne  par 
calorique ,  quelle  qu'en  soit  la  nature ,  a  une 
puissance  si  étendue  ,  elle  lexerce  dans  des  cir- 
constances si  variées ,  qu  il  importe  de  bien  ap- 
précier chacun  de  ses  effets  pour  les  évaluer 
dans  les  phénomènes  plus  compliqués.  Je  com- 
mencerai donc  par  rappeler  les  notions  les  plus 
élémentaires  sur  les  changements  qu'elle  produit 
dans  les  corps  qui  ne  sont  soumis  qu'à  son  action. 

Lorsque  plusieurs  corps  qui  sont  à  différents 
degrés  de  chaleur  sont  mis  en  contact ,  il  s'établit 
plus  ou  moins  rapidement  une  température  uni- 
forme et  commune  à  tout  le  système. 

Si  l'eau  ,  à  la  température  de  zéro  ,  mais  encore 
liquide  ,  est  mêlée  avec  un  poids  égal  d'eau  à 
60  degrés  ,  le  mélange  prend   une   chaleur   de 


^4o  STATTQTTE     CHIMIQUE. 

3o  degrés  ;  de  sorte  que  le  calorique  se  distribue 
entre  les  substances  homogènes  en  raison  de  leur 
quantité. 

91.  Le  partage  de  température  ne  se  fait  pas 
d'après  la  même  loi ,  lorsque  les  corps  sont  de 
nature  différente  ou  dans  un  état  différent.  L'ex- 
périence fait  voir,  par  exemple,  qu'un  métal 
plongé  dans  un  poids  égal  d'eau  de  tempéra- 
ture supérieure ,  gagne  plus  de  degrés  de  chaleur 
thermométrique  que  l'eau  n'en  perd  ,  et  cela 
se  fait  suivant  des  proportions  différentes  pour 
chaque  espèce  de  métal. 

Il  faut  conclure  de  là  que  le  calorique  qui 
augmente  d'un  degré  la  température  de  Teau 
élèverait  d'une  quantité  plus  forte  celle  d'un 
poids  égal  de  métal ,  et  qu'il  y  aurait  pour  chaque 
métal  un  accroissement  différent. 

92.  Une  disposition  analogue  se  manifeste  dans 
tous  les  corps  ;  ils  prennent  des  températures 
différentes  par  l'acquisition  d'une  même  quan- 
tité de  calorique.  On  peut  mesurer  cette  dis- 
position ;  pour  cela  on  regarde  comme  unité 
de  calorique  la  quantité  nécessaire  pour  élever 
d'un  degré  la  température  de  l'unité  pondérale 
d'un  corps  auquel  on  compare  les  autres.  On 
détermine  par  l'expérience  la  quantité  de  calo- 
rique nécessaire  pour  élever  aussi  d'un  degré  la 
température  d'une  unité  pondérale  d'un  autre 
corps.  Cette  quantité  comparative  de  calorique 


Dtr      CALORIQUE.  l4l 

5  appelle  le  calorique  spécifique  du  corps.  On  a 
encore  donne  le  nom  de  capacité  de  calorique  à 
cette  propriété  des  corps  d'exiger  des  quantités 
différentes  de  calorique  pour  parcourir  les  mêmes 
degrés  de  température ,  en  la  considérant  comme 
une  puissance  comparative  dont  ils  jouissent. 
Je  me  servirai  indifféremment  de  ces  deux  ex- 
pressions. 

Un  exemple  rendra  ceci  plus  sensible  :  sup- 
'posons  qu'un  corps  dont  la  température  est 
égale  à  zéro  soit  plongé  dans  un  poids  égal 
d'eau  à  5o  degrés,  et  que  la  température  du 
mélange  étant  arrivée  à  l'état  d'équilibre ,  elle 
soit  de  3o  degrés  :  l'eau  en  communiquant  au 
corps  une  partie  de  son  calorique  ,  a  perdu 
20  degrés  de  sa  température  ,  et  la  même  quan- 
tité de  calorique  ,  à  laquelle  cette  perte  est  due  ;k^ 
en  passant  dans  le  corj)s  plongé ,  en  a  augmenté 
la  température  de  3o  degrés. 

Il  est  évident  que  si  une  même  quantité  de 
calorique  fait  éprouver  des  changements  dif- 
férents de  température  à  deux  corps  de  même 
poids,  celui  des  deux  qui  aura  éprouvé  le  plus 
grand  changement  ,  a  besoin  de  moins  de 
calorique  pour  varier  d'un  degré  ,  et  que  cette 
quantité  sera  plus  petite  en  proportion  de  ce 
que  sa  variation  aura  été  plus  grande  :  donc 
les  caloriques  spécifiques  de  deux  corps  sont 
jpn    raison    inverse    des    variations    de    tempe- 


J^l  STATIQUE     CHIMIQUE. 

rature  que  la  même  quantité  dé  calorique 
produit  dans  deux  poids  égaux  de  ces  corps. 
Si  Tun  des  deux  corps  était  de  l'eau ,  son  calo- 
rique spécifique  pourrait  être  pris  pour  l'unité', 
et  il  serait  facile  ,  d'après  ce  qui  vient  d'être  i 
dit ,  de  déterminer  le  calorique  spécifique  de 
lautre  corps  en  le  rapportant  à  cette  unité. 

En  reprenant  la  supposition  précédente  ,  on 
trouverait  que  le  calorique  spécifique  du  corps 
est  à  celui  d'un  poids  égal  d'eau  comme  ao  à 
3o,    ou    comme    2    à   3  ;    c'est-à-dire  que    celui 
de  l'eau  étant  égal  à  i  ,  celui  du  corps  sera  \. 
D'après  ce  qui  précède,    on   peut   établir    1* 
règle  suivante  :  Si ,  ayant  plongé  un  corps  dans 
un  poids  égal  d^ eau  de  différente  température  ^ 
et  ayant  laissé  établir  V équilibre ,  on  écrit  un& 
fraction  qui  ait  pour  numérateur  Id  vdriatioÀ 
de  température  éprouvée  par  Veau  ,  et  pour  dé-^ 
nominateur  la  variation  éprouvée  par  le  corps  ; 
on  aura  V expression  du  calorique  spécifique  de 
ce  corps.  '  ' 

Si  l'on  n'avait  pas  employé  i^n  poids  d'eau 
égal  à  celui  du  corps,  il  faudrait  multiplier  les 
résultat  par  le  poids  de  l'eau,  et  le  diviser  par 
le  poids  du  corps. 

93.  Ce  que  l'on  vient  d'observer  n'est  vrai 
qu'autant  que  les  corps  mis  en  expérience  de- 
meurent dans  un  état  constant  ;  mais  si  étant 
préservés  de  toute  combinaison,  ils  passent  de 


DU      CALORIQUE.  l43 

l'état  solide  à  l'ëtat  liquide  ou  réciproquement ,  il 
se  présente  d'autres  phénomènes  :  Teau  en  offre 
un  exemple  remarquable. 

Lorsqu'on  mêle  un  poids  quelconque  d'eau 
solide  ou  glace ,  dont  la  température  soit  à  zéro 
du  thermomètre  avec  un  poids  égal  d'eau  à  60  de- 
grés ,  il  en  résulte  un  poids  double  d'eau  liquide 
à  la  température  de  la  congélation. 

Ce  phénomène  ne  pouvait  être  prévu ,  d'après 
ce  que  nous  avons  dit  jusqu'ici  relativement  au 
partage  de  la  température.  En  l'examinant  en 
lui-même ,  nous  voyons  que  l'eau  solide  est  de- 
venue liquide  sans  gagner  de  température ,  et 
que  l'eau  liquide  en  a  perdu  60  degrés.  Le  ca- 
lorique qui  la  tenait  à  cette  température  a  donc 
été  totalement  emplové  à  la  liquéfaction  de  la 
glace  ,  et  les  vraies  conclusions  de  ce  fait  sont 
les  suivantes  : 

Lorsque  la  glace  passe  à  réiat  liquide  elle 
se  combine  avec  une  quantité  de  calorique  ca- 
pable d'élever  un  poids  égal  d'eau  depuis  zéro 
jusqu'à  60  degrés  du  thermomètre. 

-A  la  température  zéro ,  l'eau  solide  dijfère 
de  l'eau  liquide  en  ce  que  celle-ci  contient  de 
plus  le  calorique  capable  d'élever  le  même  poids 
d'eau  depuis  la  température  zéro  jusqu'à  60  de- 
grés^ mais  ce  calorique,  en  se  combinant,  a  perdu 
sa  puissance  sur  le  thermomètre. 

Il  est  facile  d'après  cela  de  concevoir  comment 


t44  STATIQUE     CHIBIIQUE. 

il  arrive  au  milieu  d'une  température  supérieure 
à  la  congélation  ,  que  le  thermomètre  environné 
de  glace  pilée  reste  constamment  à  zéro,  et  ne 
commence  à  s'élever  que  lorsque  toute  la  glace 
a  pris  l'état  liquide. 

94.  La  liquéfaction  n'est  pas  la  seule  circons- 
tance où  le  calorique  se  combine  en  perdant  sa 
puissance  sur  le  thermomètre. 

Un  thermomètre  plongé  dans  l'eau  qu'on 
échauffe  ,  indique  les  degrés  de  la  température 
que  l'eau  prend  successivement,  jusqu'à  l'ébul- 
lition  ;  mais  il  demeure  stationnaire  à  ce  degré  ; 
la  chaleur  qu'on  ajoute  ne  fait  qu'accélérer  la 
réduction  de  l'eau  en  vapeur  ,  et  ne  produit 
aucune  variation  de  température  ;  le  thermo- 
mètre ,  transporté  dans  la  vapeur  ,  est  encore 
stationnaire  pendant  qu'il  reste  de  l'eau  dans 
l'état  liquide  ;  mais  dès  que  sa  conversion  en 
vapeur  est  totale  ,  le  calorique  qui  continue  de 
se  combiner  exerce  la  puissance  thermomé- 
trique, et  la  température  s'élève. 

Ce  fait  prouve  que  lorsque  l'eau  passe  de 
l'état  liquide  à  celui  de  vapeur ,  le  calorique  s'y 
accumule  en  perdant  ,  comme ,  dans  la  liqué- 
faction ,  sa  puissance  sur  le  thermomètre  ;  la 
quantité  de  calorique  qui  disparaît  par  là,  élè- 
verait ,  suivant  les  expériences  du  célèbre  Watt  ^ 
un  même  poids  d'eau  qui  ne  se  réduirait  pas 
en   vapeur  à   943   degrés   du   thermomètre  de 


PU      CALORIQUE.  l/j[5 

Fahreneith  ,  ou  à-peu-près  à  5oo  degrés  du  cen^ 


tigrade 


95.  Le  calorique  qui  s'est  ainsi  combiné,  re- 
paraît en  produisant  les  effets  thermomëtriques  ; 
lorsque  la  vapeur  de  leau ,  par  exemple ,  reçue 
dans  un  récipient,  lui  cède  le  calorique  auquel  elle 
doit  l'état  de  vapeur  et  reprend  l'état  liquide,  la 
réduction  en  liquide  continue  jusqu'à  ce  que  le 
récipient  ait  acquis  la  température  de  l'ébul- 
lition. 

De  même  leau  qui  étant  exposée  au  froid ,  a 
pris ,  sans  cesser  d  être  liquide  ,  une  température 
inférieure  à  la  glace,  fait  remonter  le  thermo- 
mètre à  la  congélation  ,  au  moment  où  elle  se 
solidifie.  La  quantité  de  glace  qui  se  forme  dans 
cet  instant  dépend  de  la  proportion  d'eau  qui 
demeure  liquide  ,  et  peut  absorber  le  calorique 
abandonné  par  l'autre  portion  ,  et  du  degré  de 
froid  qui  existait  dans  toute  la  masse  ;  de  sorte 
qu'en  connaissant  le  poids  de  leau  et  le  degré 
de  froid  auquel  elle  est  parvenue ,  on  peut  dé- 
terminer la  quantité  de  glace  qui  se  formera. 

96.  Des  effets  analogues  ont  lieu  dans  tous  les 
corps,  lorsque  par  finfluence  seule  du  calorique 
ils  passent  de  l'un  à  l'autre  des  trois  états  de 
solide  ,  de  liquide  ,  et  de  vapeur. 

Le   calorique   qui  saccumule  en  perdant  sa 
puissance  sur  le  thermomètre  ,  a  élé  appelé  clia- 
leur  latente  ou  calorique  latent,  et  l'on  a  dési'^ué 
I-  lO 


ï46  STATIQUE     CHIMIQUE. 

par  calorique  libre  celui  qui  produit  les  effets 
thermomëtriques. 

97.  Lorsqu'un  corps  est  exposé  dans  une 
atmosph^^-rede  température  supérieure  à  lasienne, 
il  s  écliauffe  insensiblement  jusqu'à  ce  que  toutes 
ses  molécules  ayent  pris  la  température  du  fluide 
environnant  ;  mais  si  ce  corps  est  une  masse 
de  glace  dans  Fétat  de  température  qui  précède 
immédiatement  la  liquéfaction ,  les  molécules 
qui  forment  sa  couche  la  plus  extérieure  se 
^combineront  avec  le  calorique,  et  se  résoudront 
en  liquide  :  la  couche  suivante  se  liquéfiera  à 
son  tour  :  à  chaque  opération  le  calorique  qui 
liquéfie  la  glace  devient  latent  et  perd  le  pouvoir 
d'altérer  la  température  du  noyau  ;  elle  demeure 
donc  constamment  à  zéro  ;  mais  à  des  degrés 
inférieurs  elle  prend ,  comme  les  autres  corps , 
une  température  uniforme. 

Concevons  actuellement  un  espace  fermé  de 
tous  les  côtés  par  une  enceinte  de  glace  à  la 
température  de  zéro  ;  il  n'y  aura  pas  de  com- 
munication entre  l'intérieur  et  l'extérieur  ;  la 
surface  de  glace  présentant  de  chaque  côté  des 
limites  au-delà  desquelles  le  calorique  ne  peut 
agir ,  les  couches  intérieures  se  liquéfieront 
jusqu'à  ce  qu'elles  aient  épuisé  tout  le  calorique 
qui  élève  la  température  intérieure  au-dessus  de 
Kéro  ,  et  il  n'en  sera  pas  liquéfié  au-delà. 

98.  On  a  été  conduit  par  ces  coasidération^f 


DO      CALORIQUE.  \[^n 

à  mesurer  la  quantité  de  calorique  qui  se  de- 
gage  pendant  un  phénomène  quelconque  ,  par 
un  moyen  différent  de  celui  qui  a  été  expose  (92)  : 
il  suffit  que  le  phénomène  ait  lieu  dans  l'espace 
intérieur  de  l'enceinte  de  glace  ;  si  on  recueille 
soigneusement  toute  l'eau  qui  s'est  formée,  elle 
indiquera  le  calorique  qui  s'est  dégagé  et  qui  est 
devenu  latent  par  la  liquéfaction  de  la  glace. 

Pour  ramener  le  résultat  de  cette  éjjreuve  à 
i'unité  de  calorique  établie  ci-dessus  ,  on  na  qu'à 
nuiltiplier  le  poids  de  l'eau  par  60  ,  et  on  aura  la 
quantité  d'eau  dont  la  température  serait  élevée 
d'un  degré  par  le  calorique  dégagé. 

Les  quantités  de  calorique  éliminées  pendant 
le  refroidissement  d'un  corps  ,  sont  comparables 
à  celles  qui  se  dégagent  pendant  un  phénomène 
chimique  au  moyen  des  poids  d'eau  dont  elles  sont 
capables  d'augmenter  la  température  d'un  degré, 
car  elles  sont  directement  proportionnelles  à  ces 
poids. 

99.  Pour  donner  de  la  précision  à  ce  genre 
d  épreuve  ,  on  a  imaginé  un  instrument  appelé 
calorimètre.  C'est  aux  expériences  faites  avec  cet 
instrument  par  Lavoisier  et  Laplace  ,  qu'on  doit 
et  les  connaissances  les  plus  précises  sur  les 
effets  du  calorique  et  la  théorie  la  plus  exacte 
sur  la  chaleur.  C'est  cet  ouvrage  important  qui 
me  sert  principalement  de  guide  (i). 

(1)  Mém.  sur  la  chaleur.  Acad.  des  Sciencp-s ,  1780. 

10.  . 


i/|8  «TATIQUB     CHIMIQUE 

Le  calorimètre  doit  être  considéré  comme 
composé  de  deux  capacités  concentriques  ,  et 
séparées  par  une  cloison  métallique  :  l'une  et 
l'atitre  renferment  de  la  glace  pilée. 

Il  est  important  que  la  glace  extérieure  soit 
toujours  au  terme  de  la  liquéfaction  ,  afin  que 
son  contact  maintienne  la  glace  intérieure  à  la 
température  zéro. 

Celle-ci  doit  être  humectée  avant  que  d'être 
mise  en  place ,  afin  que  l'eau  qu'elle  retient ,  lors- 
que l'expérience  finit,  n'affaiblisse  pas  le  résultat. 
{Note  HT.) 

loo.  Pour  déterminer  la  capacité  de  calorique 
d'un  corps  ,  on  en  place  dans  l'enceinte  inté- 
rieure une  unité  pondérale  élevée  à  une  tem- 
pérature déterminée  ;  on  recueille  exactement , 
par  le  moyen  d'un  robinet,  l'eau  qui  est  due 
à  la  liquéfaction  de  la  glace  par  le  calorique  que 
communique  le  corps  mis  en  expérience  pour 
passer  de  la  température  où  il  était  au  degré 
de  la  congélation  ;  l'épreuve  détermine-  donc  la 
quantité  de  calorique  qui  se  dégage  de  l'unité 
pondérale  de  ce  corps  :  la  température  du  corps 
is'est  abaissée  d'un  certain  nombre  de  degrés ,  pour 
prendre  celle  de  la  glace  ;  on  divise  par  ce  nombre 
et  on  a  le  dégagement  de  calorique  correspondant 
k  la  variation  d'un  degré.  i^ 

Si  la  masse  du  corps  soumis  à  l'épreuve  n'était  pa^ 
^gale  à  l'uni  té  pondérale,  on  diviserait  le  résultat 


»Tr     CALORIQUE.  r/fC) 

de  l'expérience  par  le  poids  du  corps  ,  et  on  aurai  I; 
le  résultat  correspondant    à  l'unité    pondérale. 

loi  Si  l'on  compare  les  éléments  employés 
dans  la  méthode  (92),  avec  ceux  de  la  déter- 
mination actuelle,  on  verra  qu'ils  sont  les  mêmes 
et  que  les  deux  méthodes  conduisent  aux  mêmes 
résultats  ;  cependant  elles  diffèrent  par  quelques 
circonstances  qui  donnent  presque  toujours  à 
l'une  beaucoup  d'avantage  sur  l'autre. 

La  méthode  des  mélanges  exige  qu'on  fasse 
entrer  dans  les  résultats  l'effet  des  grands  vases 
dont  on  fait  usage  ,  et  la  dissipation  de  la  chaleur 
qui  est  communiquée,  soit  à  l'atmosphère,  soit 
aux  corps  environnants ,  tandis  que  la  tempé- 
rature du  mélange  parvient  à  l'uniformité  ;  la 
différence  de  pesanteur  spécifique  des  subs- 
tances ,  telles  que  l'eau  et  le  mercure  ,  est  un 
obstacle  qui  rend  l'équilibre  de  température  dif^ 
ficile  à  obtenir  ;  l'action  que  l'eau  exerce  sur 
plusieurs  corps  comme  dissolvant ,  complique 
le  résultat,  et  la  difficulté  de  démêler  les  effets 
devient  insurmontable  ,  lorsqu'il  se  forme  une 
combinaison ,  ou  qu'il  y  a  ch{>ngeraent  de  cons- 
titution ,  comme  dans  la  combustion  et  la  res- 
piration :  enfin  on  ne  peut  employer  les  subs- 
tances gazeuses  qu'en  si  petite  quantité,  que  cette 
espèce  d'épreuve  devient  alors  tout-à-fait  illusoire. 

L'usage  du  calorimètre  n'exige  qu'une  cor- 
rection  facile  ,    c^Ue    de    l'effet  produit  par  la 


l5o  STATIQtJE     CHIMIQUE. 

capacité  du  calorique  du  vase  qui  contient  les 
corps  liquides  mis  en  expériences  ;  il  est  propre 
à  déterminer  le  calorique  qui  se  dégage  dans  tous 
les  phénomènes  chimiques,  ainsi  que  celui  qui 
abandonne  un  corps  pendant  qu'il  se  refroidit. 
Il  est  cependant  difficile   de  déterminer   par 
son  moyen  le  calorique  spécifique  des  substances 
gazeuses ,  parce  qu'il  faut  en  employer  des  vo- 
lumes considérables  pour  liquéfier  une  certaine 
quantité   de    glace  :   pour  cet  objet  on    en  fait 
passer  un  volume  déterminé  dans  une  espèce  de 
serpentin  contenu  dans  le  calorimètre;  on  ob- 
serve la  température,  qu'on  lui  a  donnée,  parle 
moyen  d'un  thermomètre  placé  dans  le  tube  qui 
le  conduit,    et   celle  qu'il  conserve   en  sortant 
de    l'appareil  :   l'on  juge   du    calorique    qu'il   a 
abandonné  par  la  quantité  de  glace  qu'il  a  pu 
liquéfier.  Quoique  les  expériences  sur  les  subs- 
tances   gazeuses    n'aient  pas  été  faites  avec  la 
précision  que    les  auteurs   se    proposaient    d'y 
porter  ,    leurs   premiers  résultats  doivent   être 
regardés  comme  des  approximations  beaucoup 
plus  grandes  que  celles  qu'on  a  obtenues  par  les 
mélanges. 

I02.  Les  observations  précédentes  expliquent 
les  différences  considérables  que  l'on  trouve  entre 
les  déterminations  de  Crawford  qui  s'est  servi 
de  la  première  méthode  (i)  -  et  celle  de  Lavoisier 

(i)  On  animal  Iieat. 


Y)\J      CALORIQUE.  î  5 1 

et  Laplace.  On  n'est  plus  surpris  des  vacillations 
fie  Crawford  ,  qui  dans  les  premières  épreuves 
a  attribué  au  gaz  oxigène  une  capacité  de  ca- 
lorique 87  fois  plus  grande  que  celle  de  leau , 
et  qui  dans  des  épreuves  postérieures  l'a  réduite 
à  4?74<>  ■>  pendant  que  les  derniers  ne  la  trou- 
vent que  de  o,65  (i)  ;  et  quoiqu'ils  ne  proposent 
cette  détermination  qu'avec  beaucoup  de  réserve, 
elle  doit  ce23endant  inspirer  plus  de  confiance 
que  celle  de  Crawfoi'd. 

io3.  On  a  vu  que  dans  les  modifications  de 
température  qui  s'opèrent  par  des  mélanges  ,  le 
calorique  se  distribue  en  raison  des  capacités  et 
des  quantités ,  et  que  dans  les  changements  d'état 
des  corps ,  il  s'accumule  ou  s'exprime  de  ma- 
nière que  dans  les  changements  inverses  ,  les 
corps  en  reprennent  la  même  quantité.  Un  effet 
semblable  a  lieu  dans  les  successions  de  com- 
binaisons qui  sont  accompagnées  d'une  absorp- 
tion ou  d'un  dégagement  de  calorique  ;  les  au- 
teurs du  mémoire  sur  la  chaleur  ont  établi  sur 
ces  considérations  les  principes  suivants. 

Si  dans  une  combinaison  ou  dans  un  chan- 
gement d'état  quelconque  ,  //  y  a  une  diniinu- 
tîon  de  chaleur  libre  ;  cette  chaleur  reparaîtra- 
toute  entière  lorsque  les  substances  reviendront 
à  leur  premier  état ,  et  réciproquement ,  si  daiis^ 

(i)  Recueil  dcMéra,  par  Séguin  ,  tom.  I> 


'^^  STATTQTTE     CHIMÎQITi;. 

la  combinaison  ou  dans  le  changement  cVêtat , 
il  y  a  une  augmentation  de  chaleur  libre,  cette 
nouvelle  chaleur  disparaîtra  dans  le  retour  des 
substances  à  leur  état  prinùiif. 

En  généralisant  ce  jyrincipe ,  toutes  les  va- 
riations de  chaleur ,  soit  réelles,  soit  appa- 
rentes cju' éprouve  un  système  de  corps  en  chan- 
geant d'état ,  se  reproduisent  dans  un  ordre 
inverse ,  lorsque  le  système  repasse  à  son  pre- 
mier état. 

104.  Le  calorique  produit  sur  les  corps  un 
autre  effet  dont  il  faut  reconnaître  les  rapports 
avec  les  changements  de  température  ;  il  les 
dilate  et  accroît  leurs  dimensions. 

La  dilatation  que  les  corps  éprouvent  par 
une  certaine  élévation  de  température  est  beau- 
coap  plus  considérable  dans  les  fluides  élastiques 
que  dans  les  liquides ,  et  dans  ceux-ci  que  dans 
les  corps  solides. 

Les  liquides  ne  diffèrent  pas  seulement  entre 
eux  par  lexpansibilité ,  mais  on  a  observé  que  les 
dilatations  d'un  même  liquide  n'étaient  pas  pro- 
portionnelles aux  accroissements  de  température, 
et  elles  augm  'ntent  progressivement  lorsqu'il 
approche  du  teime  où  il  doit  se  réduire  en 
vapeurs  (i). 

Dans  les  expériences  qui  ont    été  faites  par 

(i)  De  I.UC.  modif.   de  l'atm.   tom.   II,  édit.  in -8^. 


BU     CALORIQUE.  l53 

par  Ellicot,  Sméathon  (i),  le  gênerai  Roy  (i), 
Laplace  et  Lavoisier  (3)  ,  sur  la  dilatation  des 
corps  solides  par  la  chaleur ,  on  ne  trouve  aucun 
rapport  entre  ces  dilatations  et  la  capacité  de 
calorique  des  corps,  leur  dureté  et  leurs  autres 
propriétés  connues ,  si  ce  n'est  ,  à  ce  qu'il  me 
parait  ,  avec  leur  fusibilité  ;  ainsi  parmi  les 
métaux,  c'est  le  platine  qui  se  dilate  le  moins, 
et  le  plomb  et  le  zinc  qui  présentent  cette  pro- 
priété au  plus  haut  degré  ;  parmi  les  verres ,  celui 
où  il  entre  de  Toxide  de  plomb  se  dilate  beau- 
coup plus  que  ceux  qui  n'en  contiennent  pas. 
On  peut  donc  présumer  qu'il  en  est  des  solides, 
relativement  à  la  fusibilité ,  comme  des  liquides  , 
par  rapport  à  la  vaporisation ,  et  qu'une  même 
substance  solide  n'éprouverait  pas  des  degrés 
imiformes  de  dilatation  à  des  températures 
éloignées  ;  mais  qu'en  approchant  du  terme  de 
la  liquéfaction  ,    les   dilatations   deviendraient 

proportionnellement  plus  grandes. 

On  trouve  ici  une  confirmation  du  principe 

que  les  causes  chimiques  exercent  une  influence 

avant   que  les   effets  qu'elles  doivent   produire 

puissent  se  manifester  (ii). 

io5.  Ces  observations  font  voir  que  la  chaleur 

dilate  les  corps  d'une  manière  inégale  entre  eux. 

(i)    Trans.   pKilos.    1788. 

(3)  Jlid,  1785. 

(5)  Mém.  recueillis  par  Séguin  ,  tom.  II. 


l54  STATIQUE     CHIMIQUE. 

Les  liquides  éprouvent  par  les  mêmes  tempéra- 
tures un  effet  beaucoup  plus  grand  que  les  so- 
lides ,  et  fort  inférieur  à  celui  des  fluides  élas- 
tiques ;  mais  dans  le  passage  d'un  état  à  l'autre , 
les  dilatations  participent  à  celles  qui  appar- 
tiennent à  l'état  que  la  substance  doit  prendre; 
enfin  les  dilatations  de  volume  ne  correspondent 
pas  aux  changements  de  température ,  lorsqu'un 
(îorps  passe  de  l'état  solide  à  l'état  liquide  ,  ou 
de  celui-ci  à  l'état  de  fluide  élastique  :  il  faut 
voir  comment  l'on  peut  concilier  ces  apparences 
diverses  avec  les  lois  auxquelles  l'action  du  ca- 
lorique est  soumise,  et  qui  viennent  d'être  ex- 
posées ,  et  quelle  correspondance  peut  exister 
entre  les  effets  thermométriques  et  les  quantités 
de  calorique  qui  se  combinent. 

io6.  Dansquelqu'état  qu'vme  substance  se  trou- 
ve ,  sa  température  se  met  en  équilibre  avec  celle 
des  autres  corps  (90);  de  sorte  que  le  calorique 
tend  toujours  à  se  mettre  dans  des  proportions 
correspondantes ,  selon  l'état  des  substances  entre 
lesquelles  il  se  distribue. 

Pictet  désigne  par  tension  cette  propriété  du 
calorique ,  de  se  distribuer  uniformément  entce 
différents  corps  ,  non  en  raison  de  leur  masse 
mécanique  ,  mais  de  la  capacité  qu'ils  ont  dans 
l'état  où  ils  se  trouvent,  de  manière  à  produire 
entre  eux  un  équilibre  de  température  :  on  peut 
la  comparer  à  l'effort  d'une  substance  élastique 


BTTCAtORIQTTE.  l55 

qui  se  met  en  équilibre  d  élasticité  arv^ec  les  autres 
substances  semblables  qui  réagissent  contre  elle  ; 
cependant  il  faut  la  distinguer  de  cette  force  ex  • 
pansive  qui  appartient  aux  fluides  élastiques  , 
quoiqu'elle  en  soit  le  principe  elle  agit  dans  tous 
les  corps  indifféremment  ,  quelque  soit  leur 
état  ;  mais  son  effet  est  d'autant  plus  grand 
qu'il  y  a  plus  de  distance  entre  leurs  tempé- 
ratures ,  d'où  l'on  peut  tirer  cette  conclusion , 
que  le  calorique  agit  avec  d'autant  plus  cVé' 
ncT'gie  entre  les  corps  dont  la  température  est 
différente  ,  que  sa  tension  est  plus  grande. 

J07.  Nous  avons  vu  que  la  température  n'était 
point  élevée  pendant  que  la  glace  se  liquéfiait, 
le  même  phénomène  a  lieu  dans  les  autres  corps 
solides  qui  passent  à  Tétat  liquide ,  à  moins  que 
cet  effet  ne  soit  déguisé  par  d'autres  :  ce  qui  fait 
voir  que  l'élévation  de  température  dans  les 
corps  solides  ne  dépend  que  de  la  résistance 
qu'oppose  la  force  de  cohésion  à  celle  du  calo- 
rique ,  et  l'observation  nous  avait  déjà  conduit 
à  considérer  ces  deux  forces  comme  opposées. 
Mais  lorsque  l'on  change  par  la  compression 
la  distance  que  les  molécules  obéissant  à 
leurs  dispositions  naturelles  doivent  avoir 
entre  elles ,  suivant  l'action  qu'elles  éprouvent 
du  calorique  ,  elles  abandonnent  le  calorique  qui 
est  en  excès  dans  la  condition  où  elles  se  trou- 
vent ,  et  leur  température  est  élevée  de  tout  cet 


1 56  s  T  A  TI  Q  U  E     C  H  I  M  I  QtT  B. 

excès ,  jusqu'à  ce  qu'elles  l'aient  cëdë  aux  autre,9 
corps  ,  ou  qu'elles  aient  pu  reprendre  l'état  d& 
dilatation  dans  lequel  elles  se  trouveraient  en 
équilibre  de  température  ;  de  là  la  chaleur  pro- 
duite par  la  compression  et  par  la  percussion. 

Les  effets  qui  sont  produits  dans  les  liquides 
par  le  calorique  ,  ont  d'une  part  de  l'analogie 
avec  ceux  que  l'on  observe  dans  les  solides ,  et 
d'autre  part  avec  ceux  qui  ont  lieu  dans  les 
fluides  élastiques  ;  mais  dans  ceux  -  ci  c'est 
la  compression  de  l'atmosphère  qui  paraît  subs- 
tituée à  l'action  réciproque  des  molécules  ,  et 
qui  détermine  les  proportions  de  calorique  , 
selon  les  changements  de  température  ;  c'est  aussi 
de  cette  compression  que  dépend  la  température 
à  laquelle  un  hquide  peut  parvenir  avant  de  se 
réduire  en  vapeur.  Il  convient  donc  d'examiner 
d'abord  les  rapports  qui  existent  entre  la  com- 
pression et  la  température  dans  les  fluides  élas- 
tiques pour  en  distinguer  les  effets  de  ceux  de 
Faction  réciproque  des  molécules,  et  pour  cela 
il  faut  reconnaître  ce  qui  arrive  aux  fluides  élas- 
tiques lorsqu'ils  sont  soumis  à  une  compression 
égale,  mais  à  différentes  températures,  et  lors- 
qu'ils éprouvent  une  différente  compression ,  la 
température  restant  la  même. 

io8.  Les  physiciens  ont  tâché  depuis  long- 
temps de  déterminer  les  dilatations  que  les  gaz 
éprouvaient  par  l'élévation  de  température ,  mais 


DU     CALORIQUE.  iB'J 

îes  opinions  étaient  restées  flottantes  par  la  di- 
versité des  résultats  de  leurs  expériences  :  un 
jeune  chimiste,  GayLussac,  dont  les  talents  me 
sont  en  particulier  d'un  grand  secours  ,  a  fixé 
les  incertitudes  dans  un  mémoire  qu'il  a  lu  à 
l'institut  (i),  et  dont  je  vais  présenter  l'extrait. 
Deluc,  en  comparant  les  hauteurs  trouvées 
par  le  baromètre  à  celles  qu'il  avait  mesurées 
géométriquement ,  a  trouvé  que  vers  la  tempé- 
rature i6o^  qu'il  appelle  température  fixe  ,  l'air 
atmosphérique  se  dilate  de  rfr  de  son  volume 
pour  chac{ue  degré. 

Vers  le  1 5^  degré ,  le  général  Roy  a  attribué 
à  l'air  sec  ,  une  dilatation  de  777 ,  et  à  l'air  hu- 
mide une  dilatation  beaucoup  plus  forte.  Saussure 
observe  à  cet  égard  que  ce  physicien  ayant  in- 
troduit dans  son  appareil ,  soit  de  l'eau  liquide , 
soit  de  la  vapeur  d'eau  ,  il  a  confondu  deux 
choses  qu'il  était  essentiel  de  séparer ,  savoir  la 
conversion  de  l'eau  en  vapeur  élastique  ,  et  la 
dilatation  de  l'air  unie  à  cette  vapeur.  D'après 
des  expériences  faites  depuis  le  6^  degré  jusqu'au 
22^;  il  fixe  à  7^  la  dilatation  de  l'air  sec,  et  de 
<?elui  qui  est  plus  ou  moins  humide  ,  mais  tenant 
toujours  son  eau  en  parfaite  dissolution ,  évi- 
tant d'ailleurs  soigneusement  qu'il  put  se  former 
de^  nouvelles  vapeurs. 

(1)  Ar.n.  de  Cliim.    Thtrni.   an    10. 


j58  statique    chimique. 

Piiestley  est  le  premier  qui  se  soit  occupé  de 
la  dilatation  des  autres  gaz  ;  mais  ses  expériences 
ne  donnent  que  des  dilatations  relatives  très-dif- 
férentes les  unes  des  autres  ,  et  lui-même  ne 
leur  accorde  pas  beaucoup  de  confiance. 

Enfin  Guyton  et  Prieur  ont  attribué  à  chaque 
gaz  une  dilatation  particulière  et  très-croissante 
en  approchant  du  terme  de  fébullition  de  l'eau. 
Ils  ont  trouvé  pour  le  gaz  azote .  par  exemple , 
que  depuis  o  jusqu'à  ao%  il  se  dilate  de  ^  de 
son  volume  pour  chaque  degré  ;  depuis  20  jus- 
qu'à 4o°  de  -^  ;  depuis  4o°  jusqu'à  60  de  ^  , 
et  dc^puis  Go^  jusqu  à  80  de  plus  de  -J  ;  mais 
cette  progression  très-croissante  et  la  différence 
de  leurs  résultats  doivent  être  rapportées  prin- 
cipalement à  l'ean  qu'ils  auront  laissée  dans  leur 
appareil ,  et  qui  comme  l'on  sait ,  prend  d'autant 
plus  facilement  l'état  élastique  que  sa  tempé- 
rature est  très-élevée.  Il  sera  dont  arrivé  à  80° 
que  Feau  en  se  convertissant  abondamment  en 
vapeur  ,  aura  expulsé  de  leur  appareil  beaucoup 
d  air  qui  ne  l'aurait  pas  été  sans  elle  ,  et  que 
parconséquent  ils  auront  attribué  à  l'air  restant 
une  dilatation  trop  forte. 

Ce  sont  ces  grandes  variations  dans  les  résultats 
des  physiciens  sur  la  dilatation  des  gaz  ,  qui  ont 
déterminé  Gay  Lussac  à  traiter  de  nouveau  cet 
objet.  En  évitant  dans  ses  appareils  toutes  les 
causes  d'erreurs  qu'il  a  pu  prévoir,  sur-tout  la 


D  U      C  A  L  O  R  I  Q  U  E.  I  Sq 

présence  de  l'eau,  il  a  reconnu  que  l'air  atmos- 
phérique ,  les  £^az  oxigène  ,  hydrogène  ,  azote  , 
iiitreux  ,  ammoniacal ,  acide  carbonique  ,  acide 
sulfureux  ,  acide  muriatique ,  et  la  vapeur  de 
Tether  sulfurique  se  dilatent  également  par  les 
mêmes  degrés  de  chaleur,  et  que  depuis  o  jus- 
qu'à 8oo ,  loo  parties  de  chacun  des  gaz  per- 
manents prennent  un  accroissement  de  ?>']  p.  5o, 
ou  de  ~  du  volume  par  chaque  degré. 

Ce  coefficient  ~  semble  différer  bien  peu  de 
de  celui  ^  de  Deluc  ;  mais  Gay  Lussac  observe 
que  la  différence  des  températures  desquelles  ils 
sont  partis,  en  établit  une  très-sensible  entre  leurs 
résultats.  Il  fera  voir  ailleurs  que  les  coefficients 
varient  avec  les  températures  d'où  l'on  part ,  et 
il  déterminera  la  loi  des  variations. 

Il  a  remarqué  qu'en  approchant  du  terme  de 
l'ébullition  de  l'éther  ,  les  condensations  de  sa 
vapeur  sont  un  peu  plus  rapides  que  celles  des 
gaz ,  ce  qui  correspond  à  la  plus  grande  dila- 
tation que  les  liquides  éprouvent  lorsqu'ils  ap- 
prochent de  l'ébullition  ,  et  à  celle  qui  se  fait 
remarquer  dans  quelques  liquides  près  de  la 
congélation  ;  mais  l'effet  n'est  plus  sensible  quel- 
ques degrés  au-dessus  de  celui  où  s'est  fait  le 
passage  de  l'état  liquide  à  celui  de  fluide  élas- 
tique. 

Priestley  ,  Guyton  et  Prieur  ont  trouvé  au 
gaz  ammoniacal  une  très-grande  dilatation.  Si 


1 


l6o  STATIQUE      CHIMIQUE. 

Ton  reçoit  directement  dans  un  appareil  le  gaz 
ammoniacal  provenant  de  la  décomposition  du 
muriate  d'ammoniaque  par  la  chaux  ordinaire  , 
on  trouvera  aussi  une  très-grande  dilatation  ; 
mais  dans  ce  cas  on  observera  sur  les  parois  de 
l'appareil ,  lorsque  la  température  sera  abaissée  , 
un  peu  de  liquide  et  quelques  points  cristallins 
qui  sont  du  muriate  ou  du  carbonate  d'ammo- 
niaque ;  si  Ton  fait  séjourner  le  gaz  sur  la  po- 
tasse caustique  avant  de  l'introduire  dans  son 
appareil ,  on  trouvera  qu'il  se  dilate  comme  les 
autres  gaz  ;  mais  alors  on  ne  verra  dans  le  réci- 
pient ni  liquide,  ni  molécules  cristallines.  Cela 
prouve  qu'outre  les  liquides  il  faut  encore  éviter 
scrupuleusement  ,  dans  les  recherches  sur  la 
dilatation  des  gaz  ,  les  corps  solides  qui  sont 
susceptibles  de  prendre  l'état  élastique  à  la  tem- 
pérature à  laquelle  on  les  expose. 

Puisque  la  solubilité  plus  ou  moins  grande 
des  différents  gaz  ,  ni  leur  plus  ou  moins  grande 
densité  sous  la  même  pression  et  à  la  même 
température  ,  ni  la  nature  particulière  des  gaz 
et  des  vapeurs  n'influent  point  sur  leur  dila- 
tation ,  et  qu'elle  dépend  uniquement  de  leur 
état  élastique,  on  peut  conclure  généralement 
crue  tous  les  gaz  et  toutes  les  vapeurs  se  dila- 
tent également  par  les  mêmes  degrés  de  cha- 
leur. 

H  est  donc  confirmé  par  là  que  tous  les  gaz 


DU      CALORIQUE.  l6l 

tt  Tair  atmosphérique  qui  tiennent  plus  ou  moins 
d  eau  en  dissolution  ,  sont  également  dilatables. 
Saussure  avait  reconnu  cette  propriété  dans  l'air 
atmosphérique. 

Tous  les  gaz  étant  également  dilatables  par  la 
chaleur,  et  également  compressibles  ,  et  ces  deux 
propriétés  dépendant  1  une  de  l'autre  ,  les  vapeurs 
qui  suivent  les  mêmes  lois  de  dilatation  doivent 
aussi  être  également  compressibles;  mais  cette 
conclusion  ne  peut  être  vraie  qu'autant  que  les 
vapeurs  comprimées  restent    entièrement  dans 
l'état  élastique,  ce  qui  exige  que  leur  température 
soit  assez  élevée  pour  les  faire  résister  à  la  pres- 
sion qui  tend  à  leur  faire  prendre  l'état  liquide. 
109.  Ces  expériences  font  voir  que  l'action  réci- 
proque des  molécules  n'a  plus  aucun  effet  sen- 
sible dans  les  gaz ,  mais  que  la  compression  étant 
constante ,  les  dilatations  produites  par  la  tem- 
pérature sont  les  mêmes  pour  tous ,  et  que  tous 
les  liquides  qui  ont  pris   l'état  de  gaz  se  trou- 
vent soumis  aux  mêmes  lois  ;  de  sorte  que  leur 
constitution  ne  dépend  plus  que  de  l'action  du 
calorique  et  de  la  résistance  de  la  compression. 
L  effort  élastique  d'un  gaz  pour  occuper  le  vo- 
hime  qui  convient  à  sa  température,  croît  dans 
le  même  rapport  dans  tous  les  gaz  et  dans  toutes 
les  vapeurs,  si  elles  ne   peuvent  effectivement 
recevoir  ce  volume ,  et  l'effet  comparatif  du  ca- 
lorique à  différentes  températures  ,  est  mesure 


II 


iba  STATIQUE      CHIMIQUE. 

par  lo  tension  qui  en  i('^ulte  dans  le  fluide  élas- 
tifjiie;  mais  si  le  volume  peut  se  dilater  en  li- 
berté, la  tension  reste  la  même,  et  tout  Teffet 
du  calorique  se  borne  à  la  dilatation  du  volume: 

Ce  n'est  donc  que  parce  que  la  compression 
s  oppose  à  la  dilatation,  que  la  température  s'é- 
lève ,  et  l'im  de  ces  deux  effets  peut  suppléer 
à  lautre.  La  compression  remplace  l'action  ré- 
ciproque des  molécules  ;  avec  cette  différence  , 
que  c'est  une  même  force  pour  tous  les  gaz  , 
et  que  ses  effets  sont  uniforines  et  proportion- 
Dcis  à  son  intensité  ,  au  lieu  que  faction  réci- 
proque des  m^olécules  varie  dans  chaque  subs- 
tance. 

iio.  Puisque  la  compression  remplace  l'action 
réciproque  des  molécules,  il  est  manifeste  qu'en 
diminuant  la  compression  sans  changer  la  tem- 
pérature ,  on  doit  accroître  le  calorique  en  pro- 
portion de  la  dilatation  du  volume. 

Si  l'on  dilate  l'air  par  le  moyen  d'une  ma- 
chine pneumatique  ,  il  doit  donc  se  faire  ime 
absorption  de  calorique  proportionnelle  SLUst 
changements  qui  sont  produits  dans  le  volume 
de  l'air ,  pour  qu'il  puisse  être  en  équilibre  de 
teiTipérature  avec  les  corps  dont  il  est  environné. 
Cependant  le  thermomètre ,  plongé  dans  cet  air , 
n'éprouve  qu'un  abaissement  léger  qui  paraît 
Sic  pas  correspondre  à  l'effet  que  je  su])pose  î 
-c'eiJt  que  le  changement  qu'indique  le  therrao> 


D  U      C  A  L  O  R  I  Q  U  E.  1 63 

mètre  est  dû  à  la  distribution  du  calorique 
entre  lui  et  les  substances  avec  lesquelles  il  se 
trouve  en  contact  selon  leur  niasse  respective  , 
et  selon  leur  capacité  de  calorique.  Lorsqu'on 
plonge  un  thermomètre  dans  un  liquide  ,  sur- 
tout lorsque  la  quantité  du  licfuide  est  consi- 
dérable relativement  à  lui  ,  1  influence  qu'il  a 
par  lui-même,  en  partageant  sa  propre  tempé- 
rature avec  celle  du  liquide  ,  est  si  petite  qu'on 
la  néglige  sans  qu'il  en  réî,ulte  aucune  erreur 
sensible  :  il  en  est  tout  autrement  lorsqu'on  fait 
l'expérience  avec  l'air;  celui-ci ,  dont  loo  pouces 
cubes  ne  pèsent  qu'environ  46  grains,  se  trouve 
en  contact  non-seulement  avec  le  thermomètre 
qui  a  plusieurs  fois  autant  de  pesanteur  ,  mais 
sur  -  tout  avec  une  grande  circonférence  dont 
une  partie  est  métallique  ,  et  par  conséquent 
très-propre  à  soustraire  promptement  la  chaleur 
dégagée  :  il  ne  doit  donc  y  avoir  qu'une  très- 
petite  partie  de  l'effet  de  son  changement  de 
température  qui  agisse  sur  le  thermomètre ,  et 
son  indication  se  trouve  affectée  de  toute  la  dif- 
férence qui  dépend  de  la  quantité  de  l'air  qui 
absorbe  du  calorique  et  des  corps  qui  lui  en 
fournissent.  Il  n'est  donc  pas  surprenant  que 
les  changements  très-grands  qui  se  font  dau5 
les  proportions  du  calorique  relativement  à  lair , 
n'en  produisent  que  de  très-petits  dans  la  tem- 
pérature du  thermomètre. 

II.. 


*C4  STATIQUE     CHIMIQUE. 

Cest  au  changement  cousideFable  de  tempe- 
ra ture  qui  a  lieu  dans  l'air  qu'on  dilate  par  la 
pompe  pneumatique  ,  qu'est  due  la  formation 
de  ce  nuage  dont  on  a  donné  différentes  ex- 
plications ,  et  qui  se  redissout  promptement , 
parce  que  l'air  reprend  la  température  des  corps 
ambiants.  Si  l'abaissement  de  température  n'était 
beaucoup  plus  grand  qu'on  ne  le  suppose ,  il  ne 
serait  pas  une  cause  suffisante  du  phénomène. 

Ce  que  je  viens  de  dire  sur  la  dilatation  doit 
s'appliquer  aux  effets  de  la  compression  ;  lors 
donc  que  l'on  comprime  l'air  ,  il  en  sort  une 
quantité  de  calorique  qui  est  proportionnelle  à 
la  diminution  du  volume.  {Note  IV^.) 

III.  On  peut  opposer  que  lorsque  l'air  éprouve 
«ne  compression  ,  l'augmentation  de  son  ressort 
fait  voir  qu'il  tient  une  quantité  de  calorique  , 
qui  étant  lui-même  dans  un  état  de  compression  , 
est  la  cause  de  cet  effort;  ce  qui  prouve  que 
c'est  la  même  quantité  de  calorique  qui  produit 
l'équilibre  de  température  dans  les  deux  cir- 
constances ,  c'est  que  si  après  avoir  comprimé 
l'air  on  le  remet  en  liberté ,  il  se  produit  un 
refroidissement  qui  correspond  à  la  chaleur 
qui  avait  été  dégagée.  S'il  eût  retenu  dans  la 
^•ompression  une  plus  grande  quantité  de  ca- 
lorique que  celle  qui  convenait  à  la  réduction 
de  son  volume  dans  la  température  donnée  , 
il  ne  reprendrait  pas  les  dimensions  qu'il  doit 


1 


©  TT      C  A  L  O   R  I  Q  n  F.  TD5 

avoir  sous  la  nouvelle  compression  ;  il  s'arrê- 
terait au  terme  où  le  calorique  comprimé  se 
trouverait  en  équilibre  avec  l'action  des  corps 
voisins  ,  et  il  n'y  aurait  pas  de  refroidissement 
dans  ces  corps  ;  ce  n'est  donc  point  par  l'effet  du 
calorique  plus  comprimé ,  qu'il  tend  à  reprendre 
son  premier  état.  Je  ne  puis  confirmer  plus  solide- 
ment cette  théorie  que  par  l'opinion  de  Laplace  ^ 
qui  a  bien  voulu  me  remettre  la  note  ci-jointe. 
(  Note  r.  ) 

La  chaleur  qui  se  dégage  des  corps  solides  par 
les  moyens  mécaniques  qui  en  rapprochent  les 
molécules  ,  et  celle  qu'on  exprime  des  fluides 
élastiques  par  la  compression  ,  étant  un  effet  du 
rapprochement  des  molécules ,  (  Note  VI.  )  on 
voit  pourquoi  le  frottement ,  l'agitation  et  la 
compression  des  liquides  ne  produisent  pas  de 
chaleur  appréciable ,  puisqu'ils  ne  sont  pas  sen- 
siblement compressibles. 

lia.  Présumons  à  présent  pour  déterminer 
•quelle  est  la  différence  de  l'action  du  calorique 
sur  les  corps  ,  selon  l'état  dans  lequel  ils  se 
trouvent ,  et  quels  sont  les  phénomènes  qu'il 
produit  dans  leur  passage  d'un  état  à  un  autre. 

Il  y  a  cette  différence  entre  les  corps  solides, 
les  liquides ,  et  les  fluides  élastiques ,  que  dans 
:ies  premiers  le  calorique  a  une  proportion  d6- 
terminée  avec  l'état  de  dilatation  qu'ils  éprouvent 
«n  rais^on   de  la   température  et  de  l'action  rô 


l66  STATIQUE     CHTMIQTJE. 

ciproqiie   de  leurs  molécules  ;    lorsqu'un  corps 
devient  liquide,    celle-ci  cesserait   d'avoir    son 
effet    sans    une  compression    étrangère  ;    mais 
celte    compiession    maintient    les    molécules  à 
une    distance  où  leur    action  réciproque    peut 
encore  produire  un  effet  :  la   diminution  de  la 
résistance  permet  au  calorique  de  s'accumuler  jus- 
qu  à  un  certain  point ,  sans  accroître  la  tempéra- 
ture ;  et  Ton  trouve  dans  cette  diminution  la  cause 
pour  laquelle  les  liquides  peuvent  éprouver  une 
dilatation  plus  grande  que  les  solides  ,    par  les 
mêmes  élévations  de  température;  enfin  la  résis- 
tance continuant  de  s'affaiblir,,  le  calorique  de- 
venu prépondérant  la  détruit  entièrement,  et  il 
s'accumule  jusqii  à  ce  que  rélasticité  qu'il  peut 
communiquer  au  fluide  élastique  soit  en  équilibre 
avec  la  compressipn  :  celle-ci  est  devenue  le  seul 
obstacle  qui ,  selon  son  intensité  ,  fait  varier  l'état 
du   nouveau  gaz. 

Dans  cette  suite  de  phénomènes  on  trouve 
un  rai)port  constant  entre  les  quantités  de  ca-  . 
lorique  et  les  conditions  sous  lesquelles  se 
trouve  placé  le  corp>s  qui  en  éprouve  l'action  : 
la  température  quil  reçoit  ne  corresjïcnd  point 
à  raccumtJJation  du  calorique  ,  puisqu'un  corps 
peut  en  prendre  une  grande  quantité  sans  qu'elle 
changé;  la  dilatation  en  est  un  indice  plus  sûr  ; 
mais  on  voit  aussi  qu'elle!  n'est  point  proportion- 
nelle à  sa  quantité,  puisquelie  est  incompara- 


DU      CALORIQUE.  167 

Llement  plus  considérable  dans  les  fluides  élas- 
tiques que  dans  les  liquides  ,  et  dans  ceux-ci  que 
dans  les  solides ,  et,  que  dans  le  passage  d'un 
^tat  à  l'autre  elle  participe  à  ces  deux  conditions. 
(Note  F^I.)  IjC  calorique  qui  devient  latent  dans 
le  passage  d'un  solide  à  Fetat  fluide  ,  et  d'un 
liquide  à  celui  de  fluide  élastique,  produit. son 
effet  dans  les  changements  d'étajt  contraires , 
comme  celui  qui  élevaitla  tem»»irature  et  qui  était 
latent  pour  les  corps  qui  étaient  au  même  degré  , 
affecte  les  corps  qui  sont  à  une  température  plu5 


,.j^  ]^jBu  corps  solide  peut  prendre  une  tempérar 
.JLMie  d'autant, plus  élevée,  qu'il  a  itïoins  de  disi- 
position  à  §e  liqupfier  ,  ou  qu'il  oppose  plus  de 
force  de  cohésion  à,  l'action  du.çaloricjue  ,  et 
^ençjafit  qu'il  ,en.tre  en  liquéfaction  ,  ga  tempéra? 
tU:i:P,,re;S!te,la;mème  :  tout  le  calôriqviQ.est -employa 
à  produire  le  liquide.  j  .   ,j; m   •.  ,  j  :_'j 

Si  lesélévatipns  de  tempéi\'vtiui',es ftans  les  corjii 
_^lides  ne  dépendt^nt  que  de  [,1»/ résistance  que 
.^e  calorique  éprouve  deiract,iiç>n.:r<2cipr(Xfue  des 
^olécules,  et  dans  les  fluif|es  élastiques  de  la 
compression  à  laquelle  ils  sont  soumis ,  les  deux 
pauses  agissent  dans  les  liquides  :  nous  ne  pou- 
vons ,  comme  dans  les  solides,  y  accroître  Tactton 
réciproque  par  la  compression ,  maj,s  nous  pou- 
vons en  diminuer  ou  en  faire  disparaître  l'effet  > 
comme  dans  les  fluides  élastiques. 


l68  STATIQUE     CHIMIQUE. 

1 13.  Les  effets  qui ,  dans  les  circonstances  que 
nous  avons  examinées,  sont  dus  aux  changements 
de  dimensions  produits  par  une  cause  méca- 
nique ou  par  Téquilibre  de  température  ,  sont 
encore  les  mêmes ,  lorsqu'ils  proviennent  de  l'ac- 
tion de  l'affinité  ;  mais  dans  ce  cas  ils  se  compli- 
quent souvent  avec  d'autres  résultats  de  l'affinité  ; 
ce  n'est  que  lorsque  celle-ci  a  peu  d'énergie,  que 
l'on  retrouve  dans  son  intégrité  le  rapport  de 
la  quantité  du  calorique  avec  les  dimensions  que 
prend  une  substance  ,  telle  est  Tévaporation. 

Si  le  refroidissement  produit  par  l'évaporation 
parait  beaucoup  plus  grand  avec  une  substance 
très-évaporable  ,  telle  que  l'éther  ,  que  celui 
qu'on  obtient  par  la  dilatation  d'un  fluide  élas- 
tique ,  c'est  que  l'effet  se  concentre  sur  le  ther- 
momètre ;*  il  est  au  fond  le  même,  ou  il  n'y  a 
de  différence  que  dans  la  quantité  de  la  dilatation. 

On  peut  même ,  dans  une  température  assez 
élevée,  produire  la  congélation  de  l'eau,  ainsi 
que  l'a  fait  CaVallô ,  par  le  moyen  d'une  quan- 
tité peu  considérable  d'éther  :  si  l'on  ramenait 
par  la  compressiofi  la  vapeur  de  l'éther  qui 
s'est  formée  ,  il  ^'en  dégagerait  toute  la  quan- 
tité de  ciJorique  qui  avait  servi  à  lui  donner 
l'état  élastique  ,  et  cependant  le  thermomètre 
n  indiquerait  alors  qu'une  très  -  petite  partie 
de  cet  effet  ;  c'eit  que  le  calorique  qui  serait 
éUminé  passerait  dans  toute  la  surface  de  l'ap- 


DTT     CALORIQUE.  169 

pareil  ,  et  le  thermomètre  qui  n'en  fait  qu'une 
petite  partie  ne  serait  que  Faiblement  affecté, 
pendant  que  si  on  l'humectait  du  liquide  , 
c'est  du  thermomètre  même  que  les  vapeurs 
recevraient  directement  le  calorique.  On  convient 
que  dans  Tèvaporation  ,  la  vapeur  qui  se  forme 
par  la  dissolution  dans  l'air  ,  contient  autant  de 
calorique  que  celle  qui  est  produite  par  la  cha- 
leur :  Watt  a  même  conclu  de  ses  expériences  , 
c{ue  l'eau  tenue  en  dissolution  par  l'air  ,  avait 
plus  de  calorique  latent  qu'un  égal  volume  de 
vapeur ,  mais  cette  différence  ne  me  parait  devoir 
être  attribuée  qu'aux  inexactitudes  inséparables 
de  ce  genre  d'expérience.  (  Note  VII,  ) 

ii4-  L'observation  des  phénomènes  prouve 
donc  que  les  principes  énoncés  (io3)  doivent  s'ap- 
pliquer aux  changements  de  dimensions  produits 
dans  les  corps  par  le  calorique ,  lorsque  l'affi- 
nité n'y  apporte  point  d'obstacle  ,  et  qu'il 
y  a  un  rapport  constant  entre  les  dimensions 
qu'ils  en  reçoivent ,  selon  l'état  de  leur  action 
réciproque  ou  de  la  compression  qui  se  substitue 
à  cette  action,  comme  il  y  en  a  un  entre  leur 
capacité  de  calorique  et  l'état  dans  lequel  ils  se 
trouvent  ;  quant  à  la  température  ,  elle  est  en 
■Rapport  avec  les  obstacles  qui  s'opposent  à  l'action 
expansive  du  calorique. 

3i  l'on  augmente  progressivement  la  chaleur 
d'un  corps  solide  ,   il  parvient  à  un  degré  où 


17^  STATIQUE     GHïMIQ'irE, 

la  force  de  cohésion  est  tellement  affaiblie  v  qu'il 
iie  peut  plus  conserver  son  état ,  et  prend  celui 
de  liquide  ou  de  fluide  élastique  ,  et  si  jusqu'à 
présent  quelques  corps  ont  été  réfractaires ,  on 
ne  doit  Taltribuer  quà  rimpuissance  des  moyens 
qu'on  peut  employer  pour  accumuler  le  calori- 
que.  Lorsque  la  chaleur  a  écarté  les  molécules 
d'une  substance  au  point  que  leur  affinité  mu- 
tuelle   cède    à    l'action    du    calorique  ,     cette 
substance  en   absorbe    subitement  une  grande 
proportion  ;  ses  molécules  se  combineraient  sans 
interruption  ,  et  formeraient  immédiatement  un 
gaz   qui  se  dilaterait  de  plus  en  plus,   en  con- 
servant la  même  température  ,  si  c^et  effet  n'était 
limité  par  la  compression  de   l'atmosphère  qui 
concourt  par   là   aux    résultats  de  l'action  chi- 
mique ,    et    par   celle  du   gaz  même    qui   s'est 
formé  ;  de  sorte  que  le  calorique   qui    élève  la 
température     au  -  dessus    de    l'équilibre     d'un 
système    de    corps    ne   produit    cet    effet    que 
par  la  résistance  qu'opposent  à  sa,  leoiBbinaison 
l'affinité   réciproque    des  molécui^  -^tr,l3^^.  com- 
pression de  l'atmosphère.;  Le  calorique  qui  de- 
vient latent  dans  ces  chaîigejtnents'd'iitîit ,  reparaît 
dans  le  retour  d'un  fluide  élastiqii^  à, l'élut  li- 
quide ,  et  de  celui-ci;  à  l'état  sohde.  O^  voit.donc 
que  le   calorique   qui   de^yi<?nt  latent  dai^s,, une 
circonstaûce ,  produit  les  effets  thermométriques 
dans  une  autre,  et  que  ^eux-ci  sont,;difféients 


DU     CAÏ.OIIIQUE.  171 

selon  la  résistance  qu'il  éprouve  ,  et  varient  dans 
les  différents  états  d'une  substance  ,  et  dans 
le  passage  d'un  état  à  un  autre.  (Note  F^IIT.) 
II 5.  Les  corps  diffèrent  encore  par  la  pro- 
priété de  communiquer  plus  ou  moins  facile- 
ment la  clialeur,  et  de  parvenir  plus  ou  moins 
proraptement  à  l'équilibre  de  température  du 
système  dans  lequel  iis  se  trouvent  placés,  ou 
I  par  la  faculté  conductrice  ;  mais  il  faut ,  en  con- 
sidérant cette  faculté  comparative  ,  distinguer 
dans  les  liquides  et  les  fluides  élastiques  les  effets 
dûs  au  mouvement  que  le  changement  de  pesan- 
teur spécifique  imprime  à  leurs  parties  ,  de  ceux 
qui  sont  dûs  à  la  communication  immédiate  , 
comme  je  le  ferai  observer  plus  particulière- 
ment. 


CHAPITRE     II. 

Des  différents  états  du  calorique. 

Il 

116.  J_jES  résultats  de  l'action  du  calorique  qui 
sont  déduits  de  l'expérience  immédiatement,  ou 
par  des  raisonnements  rigoureux ,  sont  vrais  , 
indépendamment  des  idées  qu'on  peut  se  former 
de  la  nature  du  calorique ,  et  soit  qu'on  le  re* 


17^  STATIQUE   cniMiQûe. 

garde  comme  une  force  qui  n'est  connue  que 
par  ses  effets  ,  ou  comme  une  substance  qui 
exerce  les  propriétés  qui  lui  appartiennent. 

Toutefois  il  importe  à  la  théorie,  pour  indiquer 
les  rapports  que  les  propriétés  du  calorique  ont 
entre  elles ,  et  rinfTuence  qu'elles  peuvent  avoir 
dans  les  phénomènes  compliqués,  de  déterminer 
les  différences  qui  peuvent  distinguer  cette  puis- 
sance de  toutes  celles  qui  entrent  dans  faction 
chimique  :  on  aura  non-seulement  cet  avantage  si 
l'on  peut  prouver  que  Faction  du  calorique  est 
analogue  à  celle  d'une  substance  qui  entre  en 
combinaison  avec  les  autres ,   mais  encore  celui 
de  faire  dépendre  ses   effets  d'une  cause  com- 
mune  à   tous   les   phénomènes  chimiques ,   en 
le  considérant  cependant  comme  un  fluide  qui 
est  éminemment  élastique  et  qui  peut  éprouver 
une  condensation  indéfinie.   Il  ne  s'agit  que  de 
voir  si  les  explications  établies  sur  cette  hypo- 
thèse s'appliquent  exactement  aux  phénomènes  , 
seule  méthode  que  Ton  puisse  employer  pour  un 
objet   qui    lui-même    échappe  au  poids  et  à  la 
mesure  qui  peuvent  seuls  certifier  incontesta- 
blement l'existence  d'un  corps  ;  et  si  ce  :'  expli- 
cations  correspondent    d'une    manière  satisfai- 
sante, on  sera  autorisé  à  ne  le  considérer  que 
comme  une  substance  qui  a  la  propriété  d'entrer 
en  combinaison  avec  les  autres  ,   en  négligeant 
des  discussions  qui  sontinutiles pour  l'explicatiou 


D  D     C  A  L  O  R  I  Q  U  E.  l'y 3 

des  phénomènes  chimiques ,  et  qui  ne  pouvant 
être  jugées  par  l'expërieuce  sont  interminables. 

117.  Pour  classer  les  effets  du  calorique,  ou 
a  distingué  le  calorique  sensible  et  le  calorique 
latent  ;  le  calorique  spécifique  et  le  calorique 
absolu  ,  le  calorique  libre  et  le  calorique  com- 
biné :  il  faut  reconnaître  ce  qu'il  peut  y  avoir  de 
réel  dans  les  modifications  du  calorique  qui  ont 
conduit  à  ces  distinctions,  et  examiner  si  elles 
peuvent  toutes  se  déduire  des  propriétés  de  la 
combinaison   chimique. 

C'est  au  calorique  libre  qu'on  a  attribué  les 
effets  qu  il  produit  lorsqu'il  affecte  nos  sens ,  ou 
lorsqu'il  fait  varier  la  température  et  la  dilataiion 
des  corps.  On  a  représenté  ceux-ci  comme  une 
éponge  dont  les  vides  se  remplissaient  du  ca- 
lorique qui  tendait  à  les  occuper  en  cherchant 
à  se  mettre  en  équilibre  par  une  propriété  com- 
mune à  tous  les  fluides  ;  cependant  de  célèbres 
physiciens  ont  reconnu  l'action  d'une  affinité  qui 
tendait  à  condenser  le  calorique  ;  mais  on  l'a 
distinguée  de  l'affinité  chimique  qui  produit  les 
combinaisons  ,  sous  le  nom  d'affinité  physique 
ou  d'affinité  d'adhérence  ou  de  cohésion,  et  on 
a  attribué  l'union  du  calorique  à  cette  première 
affinité  ,  et  celle  du  calorique  combiné  à  la  se- 
conde (i). 

[1)  Pictet  j  Essais  de  Pphys.  p.  i3. 


174  stAlTique    chimique. 

Cette  manière  d'envisager  l'action  du  calori- 
que me  paraît  peu  conforme  aux  indications  de 
l'expérience.  Il  est  facile  de  se  convaincre  que 
le  calorique  qui  produit  des  effets  sensibles  ne 
correspond  point  aux  interstice»  qu'on  peut  sup- 
poser entre  les  molécules  des  liffërents  corps  : 
la  capacité  de  calorique  d'un  poids  égal  d'eau , 
c'est-à-dire  la  quantité  de  crlorique  qu'elle  peut 
abandonner  ,  en  passant  d'un  degré  déterminé 
de  température  à  un  autre,  comparée  à  celle  de 
l'alcool,  est  dans  le  rapport  de  rooo  :  678  (i)  , 
les  dilatations  qu'une  même  quantité  de  chaleur 
produit  dans  le  volume  d'un  gaz  ,  sont  incom- 
parablement plus  grandes  que  celles  qu'éjjrou- 
vent  les  liquides  et  sur-tout  les  solides ,  et  il 
n'y  a  aucun  rapport  entre  les  dilatations  et  les 
quantités  de  calorique  qui  sont  absorbées. 

Pour  produire  le  même  effet ,  le  calorique  se 
combine  en  différentes  proportions  avec  les  dif- 
férentes substances  en  raison  de  l'affinité  qu  il 
a  pour  elles ,  et  non  des  interstices  qu'il  y  trouve. 

1 18.  La  différence  qui  existe  entre  le  calorique 
qu'on  regarde  comme  libre ,  et  celui  qu'on  appelle 
combiné  n'autorise  point  à  attribuer  leur  état  à 
deux  affinités  distinctes  ,  car  nous  avons  vu  dans 
le  chapitre  précédent  que  le  calorique  n'élevait 
la  température  d'un  corps  que  parce  qu'il  trouvait 

(i)   Mém.    sur   la   Chaleur. 


D  U     C  A  L  O  R  I  Q  C  E.  I  ^5 

un  obstacle  qui  rempèchait  de  lui  donner  les 
dimensions  qui  étaient  nécessaires  pour  main- 
tenir une  tension  égale  à  celle  des  corps  voisins  : 
la  seule  différence  qu'il  y  ait  donc  entre  le  ca- 
lorique que  l'on  a  regardé  comme  combiné ,  et 
celui  que  Ton  a  désigné  par  le  nom  de  calorique 
libre  ,  consiste  en  ce  que  l'un  produit  une  sa- 
turation dont  l'équilibre  ne  change  pas  dans  les 
circonstances  données,  et  que  l'autre  au  con- 
traire se  trouve  dans  un  autre  degré  de  tension , 
à  cause  des  forces  qui  s'opposent  à  une  dilatation 
proportionnée  à  sa  quantité  ,  et  quil  est  par 
conséquent  plus  disposé  à  entrer  dans  d'autres 
^combinaisons  qui  ne  sont  pas  au  même  terme 
de  saturation  ;  on  n'a  qu'à  lever  cet  obstacle  et 
l'excès  de  saturation  disparaît  ;  le  calorique  que 
l'on  regarde  comme  libre  devient  latent. 

Le  calorique  ,  dès  qu'il  produit  un  effet  sur 
un  corps  qui  n'éprouve  pas  de  changement  dans 
son  état  de  combinaison ,  augmente  ses  dimen- 
sions; il  accroît  la  distance   de  ses  molécules  , 
il  surmonte  leur  affinité  réciproque  ,  effort  qui 
est  immense ,  si  on  le  compare  aux  forces  mécani- 
ques que  l'on  peut  attribuer  à  des  parties  extrê- 
mement subtiles  et  d'une  grande  mobilité  ,  et  qui 
ne  présente  aucune  analogie  qu'avec  cette  force 
puissante  qui  produitles  combinaisons  chimiques. 
Dans  Tunion  qu'il  contracte,  il  suit  les  mêmes 
lois  que  nous  avons  remarquées  dans  celles  des 


tjQ  STATIQUE     CHIMIQUE. 

acides ,  et  que  l'on  retrouve  en  général  dans  toute 
espèce  de  combinaison ,  avec  cette  différence  que 
son  affinité  se  mesure  avec  tous  les  corps  qui  se 
ti^ouvent  dans  un  système  exposé  à  une  même 
température  ,  c'est-à-dire  ,  qui  parviennent  à  un 
même  degré  de  saturation  ,  pendant  qu'un  acide 
n'établit  son  équilibre  de  saturation  qu'avec  des 
alcalis,  et  qu'il  trouve  relativement  aux  autres 
substances  ,  dans  la  force  de  cohésion  ou  dans 
Télasticité  qu'il  doit  vaincre  et  dans  celles  qui 
lui  appartiennent  à  lui-même,  une  résistance  qu'il 
ne  peut  surmonter  :  nous  allons  nous  en  assurer 
par  la  comparaison  des  effets. 

De  même  qu  il  faut  des  quantités  différentes 
des  mêmes  acides ,  pour  produire  le  même  degré 
de  saturation  avec  différentes  basés  alcalines  ,  il 
faut  aussi  différentes  quantités  de  calorique  pour 
produire  le  même  degré  de  saturation  dans  dif- 
férents corps  ,  ou ,  ce  qui  est  la  même  chose  , 
pour  les  élever  d'une  même  température  à  une 
autre  température  déterminée. 

Le  calorique  spécifique  ,  ou  la  quantité  com- 
parative de  calorique  qui  peut  produire  un  même 
effet ,  un  même  degré  de  saturation  avec  dif- 
férents corps  ,  correspond  donc  à  la  quantité 
d'un  même  acide  qui  est  nécessaire  pour  pro- 
duire un  même  degré  de  saturation  ,  la  neu- 
tralisation ,  par  exemple ,  avec  différentes  bases 
ou  avec  la    quantité  de  différents   acides   qu'il 


»  F      C  A  L  O  R  I  Q  L  E.  1^7 

îavit  pour  produire  cet  effet  avec  une  même 
base  ;  mais  toute  Faciditë  nécessaire  pour  pro- 
duire la  neutralisation  peut  être  déterminée  , 
au  heu  qu'on  ne  peut  que  comparer  les  quan- 
tités de  calorique  par  les  effets  constants  quelles 
produisent  dans  une  substance  qui  sert  d'objet 
de  comparaison. 

Un  acide  devient  latent  dans  une  combinaison  ; 
son  acidité  reparaît  lorsqu'une  autre  snbstance 
vient  partager  l'action  qu'il  exerçait  sur  la  base 
avec  laquelle  il  était  combiné  sans  concurrence. 
^  Ainsi  le  calorique  sensible  est  celui  qui  passe 
d'une  combinaison  dans  une  autre  qui  n'est  pas 
au  même  degré  de  saturation   :    il   s'établit  un 
équilibre  de  saturation  ,  et  les  proportions  qui 
sont  nécessaires  pour  cet    effet   dépendent   des 
affinités  pour  le  calorique  comme  pour  un  acide, 
et  de  la  quantité  pondérale  de  la  base  ;  l'un  et 
Tautre  deviennent  latents  jusqu'à  ce  qu'une  force 
supérieure  les  oblige  à  passer  dans   une  autre 
combinaison  ,  ou  plutôt  à  subir  un  nouveau  par- 
tage. Le   combiné  prend  des  qualités  qui  dé- 
pendent des  proportions  qui  le  composent ,  et 
les   forces   antagonistes  se  saturent  selon   Telé- 
inent  qui  domine  ;   mais  comme  l'alcalinité  est 
la  force  antagoniste  d'un  acide,  c'est  la  force  de 
cohésion  qui  l'est  du  calorique. 

1 19.  Le  calorique  latent  est  donc  celui  qui ,  dans 
les  mêmes  circonstances,  conserve  son  état  de 
I-  12 


îy^  STATIQUE      CïTîMIQUT;. 

combinaison;  mais  dans  d'autres  circonstances 
il  peut  devenir  à  son  tour  calorique  sensible  : 
or  le  calorique  spécifique  étant  la  quantité  de 
calorique  qui  peut  devenir  sensible  en  quit- 
tant une  combinaison  dans  une  étendue  déter- 
minée de  Téchelle  thermométrique ,  comparée  à 
celle  qu'abandonne  une  autre  combinaison  dans 
cette  même  circonstance  ,  il  ne  diffère  du  calo- 
rique latent  que  par  la  saturation  comparative 
que  l'un  et  l'autre  produisent. 

En  procurant  la  liquidité  aux  corps  solides  , 
le  calorique  met  leurs  parties  en  état  d'exercer 
leur  affinité  mutuelle;  c'est  ainsi  que  les  corps 
solides  et  non  solubles  dans  l'eau  deviennent 
par  la  fusion  capables  de  former  une  substance 
vitreuse  qui  est  homogène,  et  qui  peut  prendre 
la  forme  cristalline  déterminée  par  la  figure  de 
ses  parties  ,  quand  la  température  s'abaisse  , 
c'est-à-dire  quand  son  action  diminue  ,  comme 
il  arrive  dans  les  dissolutions  par  Teau. 

De  même  qu'un  liquide  peut  dissoudre  une 
plus  grande  quantité  de  deux  substances  salines 
que  d'une  seule ,  parce  que  l'action  mutuelle  d& 
ces  deux  substances  concourt  avec  celle  qu'il 
exerce  ,  le  calorique  liquéfie  plus  facilement  deux 
corps  solides  ,  dont  les  parties  exercent  une  affi- 
nité mutuelle  que  sil  agissait  sur  ces  corps  isolés, 
comme  on  le  voit  dans  les  alliages  qui  sont  plus, 
fusibles  que  les   métaux  qui    les  forment  ,   et 


DU      CALORIQUE.  ï'yg 

comme  on  l'observe  dcins  la  vitrification  où  les 
terres  non  vitrifiables  servent  de  fondants  à 
d'autres  terres  qui  seules  résisteraient  également 
au  degré  de  chaleur  qui  produit  alors  la  vitri- 
fication. 

Lors  donc  que  le  calorique  procure  la  liqué- 
faction des  corps  solides  ,  soit  immédiatement , 
soit  par  faction  intermédiaire  d'un  liquide ,  il 
agit  comme  les  dissolvants  ,  et  sous  ce  point  de  vue 
il  peut  leur  être  assimilé  ;  comme  eux  ,  il  n'opère 
la  liquéfaction  réciproque  qu'en  diminuant  f  effet 
de  faffinité  des  parties  de  chaque  corps  ,  par  un 
effet  analogue  d'affinité.  Plus  il  se  trouve  surabon- 
dant dans  une  combinaison,  plus  ses  propriétés 
dominent,  et  plus  la  substance  devient  élastique  : 
alors  son  action  devient  nuisible  à  la  combi- 
naison de  cette  substance  avec  une  autre  qui 
n'acquiert  pas  la  même  élasticité,  et  il  peut  être 
considéré  comme  un  dissolvant  qui  opère  la 
séparation  de  deux  substances. 

120.  Avant  que  de  détruire  la  force  de  co^ 
hésion ,  ou  de  séparer  une  substance  par  la  vola- 
tihté  qu'il  lui  communique ,  il  faut  que  sa  pro- 
portion se  soit  accrue  jusqu'à  un  certain  terme, 
alors  il  s'accumule  subitement  (11/4),  et  lors 
que  son  action  cède  à  celle  des  forces  oppo- 
sées, les  corps  se  retrouvent  avec  lui  dans  les 
mêmes  proportions. 

Si  nous  portons  notrfi  attention  sur  la  liqué- 

1  :a  . . 


l8o  STATIQUE     CHIMIQUE. 

faction    même    produite    par    un     dissolvant  , 
nous   y   reconnaissons  des  effets  pareils. 

L'eau  commence  par  se  combiner  avec  un  so- 
lide ,  jusqu'à  ce  que  sa  force  de  cohésion  soit  assez 
affaiblie  ;  alors  le  solide  se  dissout  tout-à-coup , 
il  prend  immédiatement  l'état  liquide  sans  passer 
par  des  états  intermédiaires  :  un  autre  liquide  se 
dissout  en  toute  proportion  si  sa  pesanteur  spécifi- 
que n'y  met  obstacle  ;  mais  plus  l'eau  est  abon- 
dante ,  moins  celle  qui  est  superflue  tient  à  la 
combinaison;  si  par  l'évaporation  ou  par  l'action 
d'une  autre  substance ,  l'eau  se  sépare  de  la  dis- 
solution ,  le  corps  solide  reprend  son  état  en  rete- 
nant la  même  quantité  d'eau  qu'il  avait  au  mo- 
ment où  il  était  passé  à  l'état  liquide. 

Si  l'on  ne  veut  pas  regarder  cette  conformité 
entre  les  propriétés  du  calorique  et  celles  d'une 
substance  qui  subit  une  combinaison  ,  comme 
une  preuve  rigoureuse  de  son  existence  subs- 
tantielle, on  ne  pourra  se  refuser  à  convenir  que 
l'hypothèse  de  son  existence  n'a  aucun  incon- 
vénient ,  avec  l'avantage  de  n'introduire  dans  les 
explications  des  phénomènes  que  des  principes 
généraux  et  uniformes. 

12  1.  Quoique  le  calorique  spécifique  d'une 
substance  ait  un  rapport  constant  avec  les  dila- 
tations qu'elle  éprouve  à  différentes  tempéra- 
tures, et  qu'il  soit  probable  qu'il  y  en  ait  un 
entre  les  dilatations  des  différentes  substances  et 


DU      CALORIQUE.  I&I 

leur  calorique  spécifique  ,  on  ignore  encore  quel 
il  peut  être  dans  la  plupart  des  circonstances  : 
on  voit  seulement  que  les  dilatations  des  fluides 
élastiques  indiquent  moins  de  calorique  spéci- 
fique que  celles  des  liquides ,  et  celles-ci  que  les 
dilatations  des  solides  ;  ainsi  la  condensation  d'un 
métal  est  accompagnée  d'un  dégagement  de  ca- 
lorique beaucoup  plus  grand  qu'une  condensa- 
tion semblable  dans  une  même  quantité  pon- 
dérale d'un  gaz. 

Il  me  paraît  donc  que  plus  la  condensation 
d'une  substance  augmente  ,  plus  la  quantité  de 
calorique  qui  s'en  sépare  par  un  même  chan- 
gement de  dimensions  est  grande ,  ou  en  d'autres 
termes ,  que  le  calorique  est  dans  un  état  d'autant 
plus  condensé  ,  que  sa  quantité  diminue  ;  ce 
qui  est  conforme  à  l'action  croissante  des  affi- 
nités lorsque  la  proportion  diminue. 

Toute  la  quantité  de  calorique  qui  peut  former 
le  calorique  spécifique  paraît  donc  avoir  un  rap- 
port constant  avec  l'état  d'expansion  d'une  subs- 
tance ,  mais  non  avec  son  calorique  absolu  ;  par 
exemple  ,  le  calorique  spécifique  de  la  vapeur 
de  l'eau  n'a  point  de  rapport  avec  celui  de  l'eau  : 
quand  la  vapeur  est  réduite  en  liquide  il  ne 
s'en  est  dégagé  que  le  calorique  qui  la  réduisait 
en  état  gazeux  ,  et  tout  celui  qui  appartient 
à  l'eau  n'a  point  influé  sur  ce  phénomène  ;  il  en 
est  de  même  du  calorique  que  l'eau  peut  abau- 


3^2  STATIQUE     C  II  î  7,^  î  Q  U  E. 

donner  jusqu  a  ce  qu'elle  soit  réduite  en  état 
de  glace,  et  qui  forme  le  caloriq^ue  spécifique 
de  l'eau  ;  mais  la  glace  peut  retenir  et  retient 
probablement  une  quantité  de  calorique  beau- 
'coup  plus  grande  que  celle  qui  s'est  dégagée 
depuis  l'état  de  vapeur  jusqu'à  celui  de  la  con- 
gélation ;  puisque  l'action  chimique  s'accroît 
à  mesure  que  la  proportion  d'un  élément  di- 
minue ,  il  faut  donc  qu'il  se  trouve  beaucoup 
plus  condensé  que  celui  qui  constituait  la  va- 
peur. 

Il  y  a  cette  différence,  sur  laquelle  j'insisterai 
ailleurs,  entre  les  substances  solides  et  liquides  , 
et  les  fluides  élastiques ,  que  lorsque  ceux-ci  su- 
bissent une  forte  combinaison  ,  ils  éprouvent 
une  condensation  beaucoup  plus  grande.  Cette 
condensation  doit  être  incomparablement  plus 
considérable  dans  le  calorique  que  dans  les 
autres  substances  qui  lui  doivent  à  lui-même 
leur  état  élastique. 

Si  le  calorique  n'était  pas  plus  condensé  dans 
les  corps  à  mesure  que  leurs  molécules  se  rap- 
prochent ,  ou  plutôt  si  celui  qui  est  le  plus  voisin 
cle  chaque  molécule  n'était  pas  dans  un  plus 
grand  état  de  condensation  que  celui  qui  s'en 
trouve  à  une  plus  grande  distance  ,  les  calo- 
riques spécifiques  devraient  être  proportionnels 
aux  dilatations  :  on  conçoit  donc  comment  sa 
quantité  doit  toujotirs  correspondre  au  volume 


DU      CALORIQUE.  l83 

OU  à  la  pesanteur  spécifique  d'un  même  corps, 
pourvu    que    sa    tension   reste   la   même  ;    car 
ayant  la   propriété   de   se   combiner  avec   tous 
les  corps ,    il  abandonne  celui  dont    les    molé- 
cules se   rapprochent ,    parce   qu'il   est  chassé , 
pour    ainsi    dire  ,     par    celui    qui    se    trouve 
autour  des  molécules  dans  l'état  de  condensation 
qui  est  déterminé  par  leur  action ,  pour  produire 
dans  les  autres  corps  une  dilatation  au   moyen 
de  laquelle  il  se  trouve  encore  dans  un  état  de 
condensationqui  convient  à  1  action  qu  il  éprouve. 
122.   Je  n'ai   considéré  jusqu'ici  le  calorique 
que  dans  les  effets  qu'il  produit  sur  les  corps  , 
et  par  conséquent  dans  les  circonstances  où  il 
exerce   une  action  sur  eux  :  j'ai    fait   voir  que 
cette  action  était  parfaitement  analogue  à  celle 
d'une  substance  qui  se  combine;  mais  l'élasticité 
dont  il  jouit  dans  un  degré  éminent  lui  donne 
une  propriété  qui  le  distingue  des  combinaisons 
dans  lesquelles  cette  force   ne   contribue  point 
aux  effets  ,  et  dont  nous  pouvons  prendre  une 
idée  ,  en  considérant  ce  qui  se  passe  dans  une 
faible   combinaison  d'une  substance    élastique , 
par  exemple  ,   dans  une  dissolution  d'acide  car- 
bonique par  l'eau  ,   d'autant  plus  que  c'est  lui- 
même  qui  est  le  principe  de  cette  propriété  dans 
toutes  les  substances  qui  la  possèdent. 

Si  après  avoir  saturé  l'eau  d'acide  carbonique 
à  une  certaine  pression  de  l'atmosphère  ,  on  vient 


i84  STATIQUE     CHIMIQUE. 

à  diminuer  cette  pression  ,  une  partie  de  Tacide 
carbonique  s'échappe  et  reprend  l'état  élastique  ; 
le  dégagement  de  ce  gaz  a  également  lieu  , 
si  l'on  augmente  son  élasticité  en  élevant  la 
température  :  plus  ces  deux  causes  de  sépa- 
ration seront  énergiques  ,  plus  grande  sera  la 
quantité  de  l'acide  carbonique  qui  reprendra 
l'état  élastique. 

Le  même  phénomène  a  lieu  dans  le  calorique 
combiné  avec  une  substance  :  si  les  circons- 
tances qui  sont  nécessaires  pour  qu'un  corps 
échauffé  prenne  un  certain  degré  de  tempéra- 
ture ,  viennent  à  s'affaiblir  ,  une  partie  du  ca- 
lorique s'échappe  et  conserve  son  état  élastique , 
jusqu'à  ce  qu'il  le  perde  en  se  combinant  avec 
un  corps  ;  c'est  alors  le  calorique  rayonnant  dont 
je  vais  examiner  les  propriétés. 

I2J.  Le  calorique  rayonnant  apperçu  par 
Mariote  fut  soumis  à  l'expérience  sous  le  noù^ 
de  chaleur  obscure,  par  Lambert;  Schéele  le 
distingua  plus  particulièrement  sous  le  nom 
d'ardeur  rayonnante  {i)',  Saussure  s'en  occupa 
ensuite  {i)  ;  mais  c'est  sur-tout  le  citoyen  Pictet  (3) 
cjui  en  a  fait  connaître  les  propriétés  par  èts 
expériences  très-délicates. 

(i)  Traité  cliiin.  de  l'Air  et  du  Feu,  p.  1 18. 

(2)  Voyages  dans  les  Alpes,  tom.  IV,  édit.  in^S'» 

(3)  Essais  de  Pbvs. 


Dr      CALORIQUE.  "    I  8d 

Sche'ele  observa  que  le   calorique  rayonnant 
est  réfléchi  par  les  miroirs  métalliques,  qui  ne 
reçoivent  aucune  chaleur  par  son   action  ,  mais 
qui  s'échauffent  si  Ton  noircit  leur  surface  ;  qu'il 
est   absorbé  par   le    verre  qui  ne  transmet  que 
la  lumière  ,  laquelle  peut  être  réfléchie  ensuite 
par  un   miroir  métallique    sans    chaleur  ;    que 
l'air  n'en  reçoit  point  de  chaleur  ,  pendant  qu'un 
corps  échauffé  lui  en  communique  ;  que  par  cette 
raison  l'haleine  d'une  personne  placée  dans  un 
courant  de  calorique  rayonnant  est  visible    en 
hiver  ,  quoiqu'une  température  beaucoup  moins 
sensible  la  rende  invisible  en   été;  que  par  la 
même  un  courant  d'air  n'est  point  affecté  par  le 
calorique  rayonnant  ;  de  sorte  qu'une  lumière  y 
conserve  sa  direction ,  et  qu'il  ne  produit   pas 
dans  les  ombres  cette  ondulation  qu'excite  un 
corps  chaud  avec  lequel  il  se  trouve  en  contact. 
Le   calorique   rayonnant  s'échappe   donc  des 
corps  échauffés  et  placés  dans  l'atmosphère  sans 
produire  de  lumière,   ou  bien  il  est  confondu 
avec  la  lumière  :  dans  ce  dernier  cas  ,  il  est  ré- 
fléchi  par  les  miroirs  métalliques  avec  la  lumière  ; 
mais  il   est  absorbé   par  les  miroirs  et  par  les 
lentilles  de  verre  qui  ne  réfléchissent  ou  ne  trans- 
mettent que  la  lumière  ,  jusqu'à  ce  que  le  verre 
soit    assez  échauffé  pour  donner   lui-même  du 
calorique  rayonnant. 

Lors  donc  que  Pictet  a  éprouvé  les  variations 


i86  STATIQUE     CHIMIQUE. 

cVim  thermomètre  exposé  dans  un  récipient  à 
Tinfluence  d'une  bougie  ,  ce  n'est  pas  le  calo- 
rique rayonnant  envoyé  directement  par  la 
liougie,  qui  produisait  les  variations  ,  mais  celui 
qui  provenait  du  verre  échauffé,  et  c'est  avec 
cette  modification  qu'il  faut  adopter  ses  résultats. 
Lecaloricjue  rayonnant  est  absorbé  ainsi  après 
des  réflexions  plus  ou  moins  multipliées  par  la 
surface  des  corps  environnants ,  plus  promp- 
tement  par  les  uns ,  par  exemple  par  les  corps 
noirs  ;  plus  lentement  par  les  corps  blancs  :  le 
poli  des  surfaces  contribue  aussi  à  sa  réflexion , 
et  alors  il  paraît  être  réfléchi  entièrement  par  les 
corps  métalliques  ;  il  finit  par  se  combiner  en 
entier  si  les  corps  voisins  parviennent  k  un  par- 
fait équilibre  de  température  ,  et  ce  n'est  qu'au- 
tant qu'il  se  combine  qu'il  produit  quelqu'effet 
sur  eux. 

Si  au  contraire  cet  équilibre  est  rompu,  une 
partie  du  calorique  combiné  dans  les  corps  les 
plus  chauds,  se  dégage  sous  la  forme  de  calo- 
rique rayonnant ,  et  vient  se  combiner  avec  les 
corps  d'une  température  inférieure;  une  con- 
séquence de  cet  effet,  ainsi  que  l'a  fait  voir 
Pictet ,  est  qu'un  corps  froid  placé  au  foyer 
d'un  miroir  concave  métallique  ,  produit  un 
abaissement  dans  le  thermomètre  qu'on  a  mis 
au  foyer  d'un  autre  miroir  concave  qui  se  trouve 
vis-à-vis  du  premier  ,  comme  si  le  froid  lui-même 


jD  U      CALORIQUE.  1 87 

pouvait  être  réfléchi.  Il  prouve  que  l'un  et  Fautrç 
effet  ne  diffèrent  que  par  la  direction  selon  la- 
quelle  se  meut   l'émanation   du  calorique  ,    et 
selon  le  degré  de  tension  qu'il  a  dans  les  corps  ; 
de   sorte  que  par   les   circonstances  ,   un   effet 
devient  l'inverse  du    premier.    Ce   savant  phy- 
sicien a  observé  les  différences  que  présente  le 
calorique  ravonnant  dans  le  vide,  dans  la  vapeur 
de  l'eau  ,  et  dans  le  gaz  de  l'éther  sulfurique.  Il 
n'en  a  trouvé  que  dans  l'intensité  de  cette  pro- 
priété ,  qui  est  un  peu  plus  grande  dans  le  vide 
(jiie  dans  la   vapeur  de  l'eau  ,    et  dans  eelle-ci 
que  dans  le  gaz  étliéré.   On  peut  donc  regarder 
comme  une  propriété  générale  des  gaz  de  donner 
un  passage^dibre  au  calorique  rayonnant,  et  il 
])araît  que  plus  est  grande  leur  expansion  ,  plus 
ils  possèdent  cette  propriété  ;   cependant  il   ne 
faut  pas  l'y  considérer  comme  absolue. 

Au  contraire ,  les  liquides  ne  paraissent  pas 
permettre  la  transmission  du  calorique  rayon^ 
nant ,  ou  du  moins  il  est  si  promptement  absorbé , 
que  cet  effet  peut  être  regardé  comme  nul ,  et 
la  tension  du  calorique  qui  est  en  raison  directe 
de  l'élévation  de  température  ,  et  inverse  de  la 
capacité  de  calorique  ,  ne  doit  être  considérée 
dans  les  liquides  ,  et  à  plus  forte  Raison  dans 
les  solides  entre  eux ,  que  comme  une  tendance 
à  l'équilibre  de  saturation. 

124.  U  résulte  de  la  propriété  que  l'air  pos- 


ibo  STATIQUlî     CriIMIQTTE. 

sède,  selon  l'observation  de  Schëele  ,  ainsi  que 
les  antres  gaz,  de  ne  pas  se  combiner  avec  le 
calorique  rayonnant ,  que  lorsqu  il  se  fait  dans 
l'air  une  combustion  ou  un  dégagement  de  ca- 
lorique du  à  une  autre  cause ,  il  n'y  en  a  qu'une 
partie  qui  soit  employée  immédiatement  à  re- 
hausser sa  température  ;  de  sorte  qu'un  ther- 
momètre exposé  à  Tinfluence  du  calorique  rayon- 
nant ,  peut  quelquefois  tromper  sur  la  tempé- 
rature de  l'air,  puisqu'il  peut  absorber  le  calo- 
rique rayonnant  qui  ne  se  combine  pas  avec- 
l'air. 

Ce  n'est  qu'au  calorique  rayonnant  qu'on  peut 
faire  une  apphcation  rigoureuse  de  la  dénomi- 
nation de  calorique  libre  ;  mais  €»Ô!le  désignant 
ainsi ,  il  ne  faut  pas  perdre  de  vue  qu'il  ne 
produit  un  effet  réel  sur  les  corps  ,  que  lors- 
qu'il entre  en  combinaison  avec  eux  ,  et  que 
son  existence  n'est  encore  prouvée  que  dans  les 
iluides  élastiques. 


DU      CALORIQUE. 


CHAPITRE     III. 
De  l'action  de  la  lumière  et  du  fluide  électrique. 

113.  Lj  A  lumière  contribue  beaucoup  aux  phé- 
nomènes chimiques  ,  elle  détermine  plusieurs 
combinaisons,  elle  est  j)roduite  au  moyen  de 
plusieurs  autres  :  c'est  donc  l'un  des  agents  dont 
il  convient  de  reconnaître  les  pr©priètés  carac- 
téristiques ;  mais  on  doit  toujours  distinguer  les 
conséquences  où  conduisent  l'observation  et  l'ana- 
logie relativement  aux  êtres  qui  ne  peuvent  être 
soumis  au  poids  et  à  la  mesure ,  des  détermina- 
tions qui  sont  assises  sur  cette  base  invariable. 
Lorsque  les  corps  changent  de  dimension ,  ils 
prennent  ou  ils  abandonnent  du  calorique,  selon 
que  leurs  nouvelles  dimensions  sont  plus  res- 
serrées ou  plus  étendues  ;  si  ces  changements  se 
font  avec  rapidité  ,  ils  sont  accompagnés  non- 
seulement  de  chaleur  ,  mais  encore  de  lumière  ; 
ainsi  le  fer  devient  chaud  et  lumineux  par  une 
percussion  vive  ,  le  muriate  oxigéné  de  potasse  C:,(<-u^  )/<^/i'^< 
détonne  avec  le  soufre  et  les  autres  corps  faci- 
lement combustibles,  par  le  moyen  d'une simnie 
percussion  ,  et  il  s'en  dégage  beaucoup  de  lu- 


igO  STATIQUE     CHIMIQUE^ 

mière  ;  lia  mélange  de  fer  et  de  soufre  ,  con- 
venablement humecté  fait  perdre  son  élasticité 
au  gaz  oxigène  ,  et  selon  que  l'absorption  est 
plus  ou  moins  prompte ,  plus  ou  moins  abon- 
dante ,  il  ne  se  dégage  qu'une  chaleur  à  peine 
sensible  ,  mais  prolongée  ,  ou  une  chaleur  plus 
vive  ,  ou  enfin  ime  combustion  accompagnée 
de  beaucoup  de  lumière ,  et  les  résultats  plus 
ou  moins  lents  sont  les  mêmes. 

Il  est  inutile  d'accumuler  des  faits  si  notoires  , 
pour  en  tirer  les  conclusions  cfu'ils  présentent , 
et  qui  sont ,  en  les  combinant  avec  ceux  qui  ont 
été  exposés  précédemment;  i**.  que  lorsque  les 
dimensions  d'un  corps  diminuent ,  le  calorique 
qui  excède  la  proportion  qu'il  doit  contenir  , 
passe  en  combinaison  dans  les  corps  voisins , 
en  y  produisant  la  dilatation  qu'exige  son  in- 
troduction ,  suivant  la  quantité  et  la  capacité 
de  ces  corps  ;  i'* .  que  si  le  phénomène  se  passe 
dans  un  gaz  ,  une  partie  du  calorique  prend 
l'état  de  calorique  rayonnant ,  qui  passe  ensuite 
en  combinaison  ,  soit  avec  les  corps  liquides  y 
soit  avec  les  corps  solides  ;  3".  que  dans  ce  dernier 
cas  ,  si  la  quantité  du  calorique  qui  est  éliminée 
est  considérable  ,  ou  plutôt  si  l'élimination  est 
rapide  ,  il  se  dégage  plus  ou  moins  de  lumière  ; 
4°.  que  les  combinaisons  produisent  en  cela  des 
effets  analogues  à  ceux  de  la  compression  mé- 
canique ;  mais  ces  effets  sojit  ordinaireiijent  beau- 


j 


BU      CALORIQUE.  K^  I 

court  plus  considérables  ,  pnrce  que  la  puissaiice 
de  rafiinité  est  beaucoup  plus  énergique  que 
les  puissances  mécaniques  qui  sont  à  notre  dis- 
position ,  ou  que  nous  pouvons  observer  ;  ce- 
pendant comme  l'action  des  deux  éléments  d'une 
combinaison  sur  le  calorique  peut  varier  consi- 
dérablement ,  selon  celle  que  l'un  et  l'autre  pou- 
vaient exercer  dans  l'état  isolé,  et  selon  leur 
affinité  réciproque ,  les  résultats  de  la  combi- 
naison peuvent  être  très-différents  ,  et  ne  ré- 
pondent point  à  l'énergie  qui  la  produit. 

126.  Selon  cette  théorie  adoptée  par  le  plus 
grand  nombre  des  chimistes,  la  lumière  peut  se 
fixer  dans  les  corps  ,  et  elle  reprend  par  là  les 
propriétés  du  calorique  combiné  ;  en  effet ,  les 
corps  colorés ,  et  sur-tout  s'ils  sont  noirs,  s'échauf- 
fent en  l'absorliant  ;  les  corps  blancs  s'échauffent 
beaucoup  moins ,  parce  qu  ils  la  réfléchissent  ; 
les  verres  la  transmettent  pour  la  plus  grande 
partie  ,  mais  ils  en  absorbent  une  petite  quan- 
tité ,  et  prennent  en  conséquence  un  peu  de 
chaleur  ;  lorsqu'elle  est  recueillie  dans  le  foyer 
des  lentilles  ,  ou  réfléchie  dans  celui  des  miroirs 
concaves  ,  elle  produit  tous  les  effets .  du  calo- 
rique accumulé  par  tout  autre  moyen  ,  avec  cette 
différence  que  les  corps  en  subissent  d'autant 
plus  l'effet,  qu'ils  sont  plus  opaques  ou  j)lus 
colorés. 

Cette  différence  dans  le  mode  de  comraunica- 


Î9^  STATIQUE     CHIMIQUE. 

tion  entre  le  calorique  et  la  lumière ,  se  fait  re- 
marquer dans  une  expérience  indiquée  par 
Schëele  :  «  En  exposant ,  dit-il ,  aux  rayons  du 
»  soleil  deux  thermomètres  égaux  ,  dont  l'un  est 
»  rempli  d'esprit-de-vin  coloré  d'un  rouge  foncé  , 
»  et  l'autre  d'esprit-de-vin  non  coloré  ,  la  liqueur 
)>  rouge  s'élèvera  bien  plus  promptement  que  la 
»  blanche  ;  mais  si  vous  mettez  ces  deux  tlier- 
»  momètrcs  dans  leau  chaude ,  leurs  liqueurs 
»  monteront  en  même  temps  ». 

De  même  le  calorique  rayonnant  devient  ca- 
lorique combiné,  lorsqu'il  est  fixé;  mais  ce  qui 
le  distingue  de  la  lumière  ,  c'est  qu'il  est  absorbé 
plus  facilement ,  et  par  des  corps  qui  transmet- 
tent la  lumière  ;  les  verres  et  les  liquides  trans- 
parents ne  donnent  point  de  passage  au  calo- 
rique rayonnant  ;  mais  ils  en  donnent  un  à  la 
lumière  (  1 23  ).  Il  parait  donc  qu'il  faut  admettre 
cette  distinction  entre  le  calorique  rayonnant 
et  la  lumière  ;  que  le  premier  possède  moins  les 
qualités  d'une  éminente  élasticité,  ou  qu'il  est 
doué  d'une  moindre  vélocité  :  cette  différence 
ne  dépend  que  des  circonstances  de  leur  émis- 
sion ,  puisque  l'un  peut  prendre  la  nature  de 
l'autre,  et  qu'ils  peuvent  ensuite  remplir  les 
fonctions  du  calorique  ,  lorsqu'ils  obéissent  à 
l'action  des  corps  ;  mais  l'un  et  l'autre  ne  pro- 
duisent aucun  effet,  qu'autant  qu'ils  entrent  en 
combinaison. 


Dr      CALORIQUE.  ir)3. 

127.  Si  l'observation  indique  que  le  calorique 
rayonnant  et  la  lumière  remplissent  les  fonctions 
du  calorique ,  en  se  fixant    dans  les  corps  qui 
n'éprouvent  pas  de  changement  dans  leur  com- 
binaison ,  et  en  perdant  les  propriétés  qui  les 
caractérisaient  ;  si  par  conséquent  on  est  fondé 
à  les  regarder  comme  une  seule  et  même  subs- 
tance qui   ne  diffère  que  par  l'état  dans  lequel 
elle  se  trouve  ,  il  y  a  cependant  quelques  combi- 
naisons chimiques  qui  paraissent  éprouver  des 
effets  différents  de  la  lumière  et  de  la  chaleur, 
et  qui  sembleraient  conduire   à  les  considérer 
I    comme  des   substances    distinctes  ;   ainsi ,  lors- 
que l'acide  nitrique  est  exposé  à  la  lumière,  il 
s'en    dégage   du  gaz    oxigène  ,   et    il    se    forme 
du  gaz  nitreux  ;  la  chaleur ,   au  contraire ,  dé- 
gage le  gaz  nitreux  de  l'acide  nitrique  :  l'acide 
muriatique  oxigéné  abandonne  son  oxigène  par 
l'action  de  la  lumière,  et  il  peut ,  par  celle  de  la 
chaleur  ,   être   distillé  sans  décomposition  ;  les 
effets  produits  dans  d'autres  combinaisons  pa- 
raissent les  mêmes  ;  par  exemple  ,  lorsqu'on  ex- 
pose à  l'action  de  la  lumière  une  dissolution  de 
prussiate  de  potasse,  dans  laquelle  on  a  mêlé  uu 
peu  d'acide  ,   la   dissolution   est   promptement 
décomposée  ;  une  partie  de  l'acide  prussique  est 
dégagée ,  parce  qu'elle  reprend  l'état  élastique  ; 
une  autre  partie  se  précipite   en  prussiate   de 
fer  :  lorsque  l'on  fait  subir  lébullition  à  cette  dis- 
I.  i3 


194  STATIQUE     CHIMIQUE, 

solution  ,  elle  subit  la  même  dëcomposilion  • 
mais  si  elle  ne  reçoit  que  la  température  qu'elle 
aurait  prise  par  Taction  de  la  lumière ,  elle  n'é- 
prouve point  de  changement. 

Il  faut  examiner  quelles  sont  les  circons- 
tances qui  peuvent  produire  ces  effets  qui  n'an- 
noncent quelquefois  qu'une  différence  dans 
l'énergie  de  l'action  de  la  lumière  et  de  la  cha- 
leur ,  et  qui  paraissent  prouver  d'autres  fois 
qu'il  y  a  une  distance  plus  grande  entre  elles  ; 
il  convient  pour  cela  d'en  suivre  quelques-uns 
dans  leurs  détails  ,  en  comparant  les  deux  agents 
qui  les  produisent. 

128.  Nous  devons  au  célèbre  comte  de  Rum- 
ford  des  expériences  très-intéressantes  sur  les 
effets  de  la  lumière  solaire  ,  ainsi  que  sur  ceux 
de  la  chaleur  (i). 

Je  diviserai  ces  expériences  en  deux  classes; 
celles  dans  lesquelles  il  a  produit  avec  la  dis- 
solution d'or  une  couleur  pourpre ,  et  avec  la 
dissolution  d'argent  une  couleur  jaune  brune , 
et  celles  dans  lesquelles  il  a  obtenu  une  réduc- 
tion de  ces  métaux. 

Il  a  donc  imprégné  de  dissolution  d'or  de  la 
soie  blanche ,  de  la  toile  de  lin  et  de  coton ,  de  la 
magnésie  blanche ,  et  en  exposant  ces  subs- 
tances à  la  lumière   du  jsoleil  ou  à  la  chaleur 

(t)  rtllosop.   papers.  voL  I.. 


T)  V      CALORIQUr.  IQJ 

d'une  bougie  ,  elles  ont  pris  une  belle  couleur 
pourpre  ;  mais  dans  l'obscurité  elles  n'ont  subi 
aucun  changement.  Lorsqu'elles  nëtoient  pas 
humides,  la  chaleur  et  la  lumière  y  produisaient 
peu  d'altération  ;  mais  en  les  humectant ,  l'effet 
avait  lieu. 

Avec  la  dissolution  d'argent  les  mêmes  subs- 
tances prenaient  une  nuance  de  jaune  brun ,  mais 
elles  n'acquéraient  point  de  couleur  dans  l'obs- 
curité sans  chaleur. 

J'ai  fait  sur  le  muriate  d'argent  quelques  ex- 
périences qui  peuvent  jeter  du  jour  sur  ces  ré-, 
sultats.    Schéele  avait   observé  que   le   muriate 
d  argent  recouvert  d'eau  et  exposé  à  la  lumière  , 
abandonnait  de  l'acide  muriatique  ,  de  sorte  que 
l'eau  qui  surnageait  formait  avec  la  dissolution 
d'argent  un  nouveau  précipité  de  muriate  ;  mais  il 
avait  supposé  que  l'argent  noircissait ,  parce  que 
la  lumière  l'avoit  rapproché  de  l'état  métallique  en 
lui  donnant  du  phlogistique.  Pour  expliquer  les 
effets  de  la  lumière  d'une  manière  plus  conforme; 
à  l'observation  (i)  ,  j'avais  présumé  que  le  mu- 
riate d'argent  laissait  exhaler  son  oxigène ,  lors- 
qu'on l'exposait  à  la  lumière,  de  même  que  l'acide 
muriatique  oxigéné ,  qu'il  prenait   une  couleur 
noire  en  se  rapprochant  par  là  de  létat  métal- 
lique, et  qu'il  abandonnait  l'acide   muriatique 

(i)  Jourii.  de  Pliys.    1786. 

i3.. 


î  9^  STATIQUE     C  H  I  M  I  Q  n  E. 

avec  lequel  il  ne  pouvait  plus  rester  en  com- 
binaison dans  cet  ëtat.  J'ai  soumis  cette  an- 
cienne conjecture  à  l'expérience. 

Le   muriate   d'argent   recouvert    d'eau ,    puis 
exposé  aux  rayons  du  soleil  pendant  plusieurs 
jours ,  n'a  laissé  dégager  dans  le  commencement 
que  quelques  bulles  qui  paraissent  n'être  dues 
qu'à    l'air    adhérent   au    muriate    d'argent  ,    et 
chassé  par  l'eau  ;  car ,  passé  le  premier  effet ,  il 
ne  s'est  plus   dégagé  de  gaz  ,  quoique  la  quan- 
tité de  muriate  d'argent  fût  assez  considérable , 
et  qu'il  ait  fallu  l'agiter  plusieurs  fois  pour  en 
renouveler  la  surface  exposée  aux  rayons  de  la 
lumière  :  l'eau  qui  était  devenue  acide ,  rougis- 
sait le  papier  teint  avec  le  tournesol,  sans  dé- 
truire sa  couleur  ;  elle  ne  contenait  donc  pas 
de  l'acide  muriatique  oxigéné  ;   saturée  avec  la 
soude  ,  elle  a  donné   par  l'évaporation  du    mu- 
riate de  soude  ;  le  muriate  noirci  par  la  lumière 
se  dissout  en  entier  dans  l'ammoniaque  ,  comme 
celui  qui  a  conservé  sa  blancheur. 

C'était  donc  sans  fondement  que  j'avais  sup- 
posé que  dans  ce  cas  l'oxigène  était  déterminé 
par  l'action  de  la  lumière  à  reprendre  l'état  élas- 
tique ,  et  à  abandonner  le  métal. 

J'ai  exposé  à  la  chaleur  le  muriate  d'argent 
ïjoirci  par  la  lumière  dans  une  petite  cornue  de 
verre  placée  sur  le  sable  ;  il  s'est  fondu  en  se 
combinant  avec  le  verre  ;  il  ne  s'est  point  dégagé 


DU      CALORIQUE.  I97 

d'oxigène ,  mais  de  l'acide  muriatique.  On  a 
soumis  du  muriate  d'argent  qui  navait  pas 
éprouve'  l'action  de  la  lumière  à  une  chaleur 
moins  forte  ,  et  l'on  a  observé  qu'il  noircissait 
avant  d'entrer  en  fusion,  et  qu'il  s'en  dégageait 
en  même  temps  un  peu  d'acide  muriatique;  mais 
point  d'oxigène.  Il  paraît  donc  que  la  lumière  ne 
fait  qu'occasionner  la  séparation  d'une  portion 
de  l'acide  muriatique  qui  est  combiné  dans  le 
muriate  d'argent,  et  que  la  chaleur  seule  peut 
produire  le  même   effet. 

Du  muriate  d'argent  laissé  dans  un  lieu 
obscur,  mais  exposé  à  un  courant  d'air,  y  a 
noirci  assez  promptement  ,  comme  s'il  eût  subi 
l'action  de  la  lumière  :  l'air  a  donc  favorisé  le 
dégagement  de  cette  partie  d'acide  muriatique 
qui  doit  se  séparer  pour  que  le  muriate  d'ar- 
gent prenne  luie  couleur  noire  ,  et  cette  sépa- 
ration peut  être  l'effet  de  causes  très-différentes. 

Il  y  a  apparence  que  le  muriate  d'or  éprouve 
le  même  effet  que  le  muriate  d'argent ,  et  que 
la  lumière  ,  ainsi  que  la  chaleur  ,  en  sépare  une 
partie  de  l'acide,  mais  que  l'intermède  de  l'eau 
favorise  cet  effet ,  puisque  les  substances  sèches 
n'ont  pas  pris  la  couleur  pourpre.  La  couleur  que 
prennent  les  combinaisons  de  l'or  et  de  largent 
est  celle  même  des  oxides  de  ces  métaux  lorsqu'ils 
dominent  :  ce  qui  explique  la  remarque  de  Rum- 
iord,  que  les  couleurs  qu'on  obtient ,  ressemblent 


î  9^  s  T  A  T  r  Q  L  E      C  H  I  Jî  I  Q  TJ  2'. 

à  celles  des  émaux  dans  lesquels  on  fait  entrer 
ces  oxides. 

129.  Je  passe  aux  expériences  dans  lesquelles 
Rumlord ,  dirigé  par  celles  que  Mistriss-Fulhame 
avait  faites  précédemment  ,  a  obtenu  la  réduc- 
tion des  deux  métaux.  îl  a  exposé  à  la  lumière 
du  soleil  un  flacon  qui  renferinait  des  morceaux 
de  charbon  et  une  dissolution  d'or  :  bientôt 
Tor  a  été  complètement  réduit  ;  la  dissolution 
d'argent  a  éprouvé  une  réduction  semblable  ; 
les  métaux  forment  une  couche  brillante  sur 
le  verre  auquel  ils  s'appliquent  ,  où  ils  se 
déposent  en  pellicules  et  en  cristaux  à  la  sur- 
face du  charbon.  De  pareils  flacons  furent  en- 
fermés dans  des  cylindres  de  fer-blanc  ,  et  exposés 
à  la  chaleur  de  l'eau  bouillante ,  et  l'événe- 
ment fut  le  même ,  de  sorte  que  la  chaleur  de 
l'ébullition  de  l'eau  produisit  un  effet  pareil  à 
celui  des  ravons  du  soleil  ;  ce  qui  est  contraire  à 
l'idée  que  Rumford  s'était  faite  de  la  haute  tem- 
pérature que  la  lumière  peut  communiquer  aux 
molécules  sur  lesquelles  elle  porte  son  action  , 
ainsi  qu'il  l'observe  lui-même  avec  la  candeur 
qui  le  caractérise. 

Jai  répété  ces  expériences  sur  la  dissolution 
d'argent  ,  en  adaptant  au  flacon  un  tube  ])our 
examiner  le  gaz  qui  pourrait  se  dégager,  et  j'ai 
obtenu  dans  l'une  et  l'autre  circonstance  un 
mélange  de  gaz  nitreux  et  d'acide  carbonique  : 


DU      CALORIQUE,  ÏQ?) 

j'ai  également  exposé  à  l'action  de  la  lumière 
et  à  celle  de  Feau  bouillante,  de  Tacide  nitrique 
dans  lequel  j'avais  mis  des  fragments  de  char- 
bon ,  et  il  s* est  également  dégagé  dans  l'une 
et  l'autre  épreuve  du  gaz  nitreux  et  de  l'acide 
carbonique. 

1 3o.  Rumford  a  soumis  à  l'action  de  la  lumière 
la  dissolution  du  muriate  d'or  dans  l'éther  ,  et 
il  a  observé  qu'elle  rendait  promptement  à  Tor 
l'état  métallique,  pendant  que  cette  dissolution 
se  conservait  dans  lobscurité  sans  éprouver  d'al- 
tération ;  la  dissolution  d'or  ,  et  celle  d'argent , 
mêlées  avec  Ihuile  de  thérébentine  et  l'huile 
d'olive  ,  exposées  ensuite  soit  à  l'action  de  la 
lumière  ,  soit  à  celle  de  la  chaleur  ,  se  sont  égale- 
ment réduites  ;  mais  Talcool  n'a  pu  produire 
l'effet  de  ces  huiles  ,  et  les  dissolutions  qui  ont 
été  mêlées  avec  lui  se  sont  maintenues  dans  l'une 
et  l'autre  épreuve. 

Les  huiles  se  sont  colorées  par  l'action  qu'elles 
ont  exercée  dans  cette  réduction  :  il  est  facile 
de  voir  que  l'hydrogène  a  produit  ici  les  mêmes 
effets  que  le  charbon  dans  les  expériences  pré- 
cédentes, et  de  là  vient  que  les  huiles  ont  éprouvé 
le  chailgement  qu'on  observe  dans  toutes  les 
circonstances  où  elles  perdent  une  portion  d'hy- 
drogène ,  et  où  le  carbone  devient  prédomi- 
nant; Rumford  n'a  pu  observer  la  même  alté- 
ration dans  l'éther  ,  parce  que ,  comme  il  con- 


ïiOO  STATIQUE     C  II  ï  :.f  I  Q  U  È. 

tient  une  moindre  proportion  de  carbone  ,  il  peut 
supporter  une  beaucoup  phis  grande  perte  d'hy- 
drogène ,  sans  prendre  sensiblement  plus  de  con- 
sistance, et  sur-tOLit  sans  se  colorer. 

Il  me  paraît  donc  que  dans  les  premières  ex- 
périences de  Rumford ,   le  métal  est  resté  dans 
l'état  d'oxide ,  et  qu'il  n'a  fait  que  perdre  une 
partie  de  son  acide  qui  l'a  abandonné  pour  s'unir 
à  l'eau ,   soit  par  le  moyen  de  la  lumière  ,  soit 
par  la  chaleur  ;  ce  qui  est  resté  d'acide  a  été  un 
obstacle  à  la  réduction  du  métal  ,  par  la  même 
raison  qu'une  substance    terreuse  et  vitrifiable 
empêche  par  son  action  les  oxides  de  se  réduire , 
lorsqu'ils  entrent  dans  les  émaux  ou  dans  les 
verres  ;  c'est  donc  le  concours  d'une  affinité  qui 
empêche   que   l'oxigène  n'abandonne   dans   ces 
circonstances  l'oxide  d'or  et  d'argent ,  quoiqu'il 
n'.y  soit    que  faiblement   retenu.    Cependant  à 
une  haute  température ,  ces  affinités  auxiliaires 
ne  suffisent  pas  ;    de  là  vient  que  les  couleurs 
qui  sont  dues  à  l'oxide  d'or  sur  les  porcelaines 
sont  plus  fugitives  que  celles  des  autres  oxides, 
et    ne   peuvent   supporter    les   opérations     qui 
exigent  un  grand  feu  (i). 

Dans  les  dernières  expériences  l'oxide  a  été 
réduit  par  le  charbon  et  par  l'hydrogène  de 
l'éther  et  des  huiles  ,    et  la  lumière  a  favorisé 

(i)  Alex.  Biongniart.  Journ.  des  Mines  j  n".  67. 


DU      CALORIQUE.  aol 

cette  réduction  comme  la  chaleur  ;  mais  cet  effet 
est  limité  :  on  ne  l'obtient  qu'avec  des  oxides 
qui  abandonnent  facilement  leur  oxigène  ;  de 
sorte  qu'en  reconnaissant  l'identité  d'action ,  on 
ne  peut  comparer  l'effet  de  la  lumière  des  rayons 
solaires  qui  ne  sont  pas  réunis  par  le  moyen  de 
la  réflexion  ou  de  la  réfraction ,  qu'à  celui  d'une 

I     température  peu  élevée. 
1 3 1 .  Jusqu'ici  nous  trouvons  des  effets  pareils 
■     dans  l'action  de  la  lumière  et  de  la  chaleur  ,  en 
..    fesant  varier  l'intensité  de   l'une  et  de  l'autre. 
f    Cependant  la  lumière ,  qui  a  paru  n'avoir  qu'une 
supériorité  égale  à  celle  d'une  faible  élévation 
de  température  ,  dégage  le  gaz  oxigène  de  l'acide 
muriatic[ue  oxigéné  et  de  l'acide  nitrique  ,  et  la 
chaleur  ne  peut  produire  cet  effet  que  lorsque  les 
acides  sont  retenus  par  un  alcali  qui  les  met  en 
état  d'éprouver  l'action  d'une    haute   tempéra- 
ture. Examinons  de  quelles  circonstances  peut 
dépendre  la  différence  qui  se  présente  dans  cette 
occasion  :  son  explication  pourra  s'appliquer  à 
tous  les  cas  semblables. 

Rumford  a  fort  bien  observé  que  la  lumière 
devait  élever  la  température  des  molécules  sur 
lesquelles  elle  agissait ,  quoique  celle  de  la  subs- 
tance dans  laquelle  se  trouvaient  ces  molécules  , 
parût  recevoir  peu  de  chaleur  :  la  circonstance 
qui  empêche  que  la  température  commune  ne 
mesure  l'effet  produit  sur  quelques  parties ,  est 


aôa  STATIQUE     CHIMIQUE. 

celle  -même  qui  fait  qu'un  thermomètre  n'in- 
diqiie  qu'une  petite  partie  du  changement  quV- 
prouve  une  petite  quantité  d'air  ,  comparée  à 
toute  la  masse  avec  laquelle  elle  partage  sa  tem- 
pérature (iio  .  Mais  cet  effet  a  beaucoup  moins 
d'intensité  que  ses  premières  considérations  ne 
l'avaient  porté  à  le  croire. 

Dans  l'acide  muriatique  oxigéné  ,  la  lumière 
ne  peut  être  réduite  à  l'état  de  combinaison  que 
par  l'action  de  l'oxigène  ;  c'est  à  lui  que  se  borne 
son  action  :  elle  peut  donc  produire  sur  lui  seid 
les  effets  d'une  haute  température  ;  de  sorte  qu'il 
reprend  l'état  élastique  comme  il  l'aurait  fait 
à  une  température  élevée. 

Si  la  chaleur  est  communiquée  au  liquide  par 
un  corps  échauffé  ,  elle  agit  également  sur  tout 
le  liquide  dont  la  température,  en  s'élevant , 
rend  volatiles  l'eau  et  l'acide  muriatique  ;  de 
sorte  que  le  liquide  passe  dans  la  distillation 
sans  qu'il  se  soit  établi  une  différence  qui  puisse 
produire  la  séparation  de  l'oxigène  ;  mais  si 
l'acide  muriatique  est  retenu  par  une  base  alca- 
line ,  sa  température  peut  être  assez  rehaussée 
pour  que  le  dégagement  de  l'oxigène  ait  lieu. 

Lors  donc  que  la  lumière  produit  le  déga- 
gement du  gaz  oxigène  de  l'acide  muriatique 
oxigéné ,  de  l'acide  nitrique  ,  d'une  plante  qui 
végète  ,  il  faut  en  conclure  qu'elle  est  entrée 
en  combinaison  ,  qu'elle  a  domu;  La  quantité  (W 


DIT      CALORIQUE.  ao3 

calorique  qui  manquait  au  gaz  qui  se  dégage, 
et  qu'en  élevant  sa  température  elle  a  augmenté 
son  élasticité  ;  et  si  le  calorique  rayonnant  ou 
la  chaleur  ne  peuvent  produire  le  même  effet , 
c'est  que  dans  les  circonstances  données ,  ils  ne 
peuvent  former  une  pareille  combinaison  ,  ou  en 
isoler  l'effet. 

i32.  Ces  observations  me  paraissent  confirmer 
l'identité  de  la  substance  de  la  lumière  avec  celle 
du  calorique  ;  mais  elles  confirment  indubita- 
blement Tidentité  de  leurs  effets  avec  quelques 
différences  qui  ne  dépendent  que  des  conditions 
dans  lesquelles  elles  agissent. 

Les  couleurs  n'ont  aucune  influence  sur  l'ac- 
tion du  calorique  ,  mais  elles  rendent  les  corps 
plus  ou  moins  propres  à  fixer  la  lumière  et  à 
la  changer  en  calorique;  de  sorte  qu'un  corps 
blanc ,  exposé  même  au  foyer  d'un  verre  ardent 
éjirouve  des  effets  beaucoup  moins  considérables 
qu'un  corps  noir  ,  parce  qu'il  n'y  a  que  la  partie 
de  la  lumière  qui  entre  en  combinaison  qui 
puisse  produire  des  effets  chimiques  dans  une 
substance. 

La  lumière  est  quelquefois  fixée  par  un  élé- 
ment d'une  combinaison  plutôt  que  par  un  autre; 
de  sorte  qu'elle  agit  alors  sur  lui  d'une  manière 
isolée,  pendant  que  le  calorique  se  serait  com- 
Ijiiié  uniformément  avec  tous  les  éléments.  Ces 
filets  de  la  lumière  solaire  ne  peuvent  être  cora- 


2o4^  STÀTIQUr     CniMIQUP. 

parés  qu^à  ceux  d'une  température  peu  élevée  ; 
mais  si  les  rayons  sont  concentrés ,  ils  agissent 
avec  la  plus  grande  puissance  qu'il  soit  possible  de 
procurer  au  calorique;  à  en  juger  par  les  effets, 
le  calorique  rr.yonnant  paraît  être  dans  un  état 
intermédiaire  entre  la  lumière  et  le  calorique 
combiné. 

Tels  sont  les  résultats  de  l'observation  :  quel- 
ques physiciens  ont  prétendu  que  la  lumière 
était  une  substance  distincte  de  la  chaleur  :  Deluc 
a  beaucoup  insisté  sur  leur  différence  ;  mais 
Saussure  me  paraît  avoir  prouvé  la  faiblesse  des 
fondements  sur  lesquels  il  a  voulu  l'établir  (i). 
Un  savant  célèbre  s'est  appuyé  récemment  sur 
quelques  phénomènes  encore  obscurs  et  d'une 
faible  intensité  pour  distinguer  les  rayons  calo- 
rifiques des  lumineux;  en  supposant  que  cette 
distinction  se  réalisât ,  elle  ne  changerait  rien 
dans  l'explication  des  phénomènes  chimiques  qui 
est  fondée  sur  les  effets  de  la  lumière ,  telle 
qu'elle  nous  parvient. 

i33.  Mais  la  lumière  se  divise  en  rayons  diffé- 
rents ,  et  nous  supposons  que  le  calorique  est  une 
substance  identique  ;  c'est  que  nous  comprenons  , 
sous  le  nom  de  calorique  ,  le  sujet  auquel  appar- 
tiennent indifféremment  les  propriétés  que  nous 
attribuons  au  calorique,  comme  plusieurs  effets 

(i)  Voyez  dans  les  Alpes,  tom.  IV,  éJit.  in-8°. 


DU      CALORIQUE.  Û03 

Je  Tair  atmosphérique  s'expliquent  sans  qu'on 
ait  besoin  d'avoir  égard  aux  différences  des 
parties  qui  le  composent.  Il  est  donc  possible  , 
il  est  même  probable  que  le  caloric[ue  renferme 
plusieurs  substances  réellement  différentes  ,  et 
quil  est  un  genre  auquel  aj^partiennent  jilu- 
sieurs  espèces  ;  mais  jusqu'ici  on  a  observé  peu 
de  différences  dans  l'action  chimique  des  rayons 
lumineux  ;  cependant  Schéele  a  remarqué  que 
le  rayon  violet  agissait  plus  que  les  autres  sur 
le  muriate  d'argent. 

Sennebier  a  examiné  l'effet  des  rayons  prisma- 
tiques sur  cette  même  substance ,  et  il  a  déter- 
miné la  différence  de  leur  action  par  celle  du  temps 
que  chacun  d'eux  exigeait  pour  l'amener  à  la 
même  nuance.  Le  rayon  violet  a  produit  dans 
quinze  secondes  le  même  effet  que  le  rayon 
roui^e  dans  vingt  minutes  ;  les  autres  ravous 
ont  été  intermédiaires  (i)  :  il  y  a  sans  doute 
beaucoup  de  connaissances  à  acquérir  sur  la 
physique  des  couleurs  ,  et  la  théorie  du  calo- 
rique ,  ainsi  que  sur  la  plupart  des  autres  objets. 

i34.  Si  le  dégagement  de  la  lumière  ne  dif- 
fère de  l'élimination  du  calorique  que  par  les 
circonstances  de  l'émission ,  on  ne  doit  pas  être 
surpris  qu'il  puisse  être  dû  à  des  causes  très-dif- 
férentes ;  sa  source  la  plus  ordinaire  est  la  com^ 

(i.)  Mém.  Physico-CIiim.  rom.  III. 


^o6  STATIQUE     CHIMIQUE. 

binaison  de  Toxigène ,  avec  quelque  substance 
inflammable  ;  mais  cFautres  combinaisons  et  la 
compression  même  d'une  substance  peuvent  la 
produire  ;  il  suffit  qu'il  se  fasse  sous  certaines 
conditions  un  changement  dans  la  proportion 
du  calorique  d'un  corps  ,  ou  d'un  système  de 
corps  {Note  IX). 

Le  calorimètre  rend  compte  de  tout  le  calo- 
rique qui  se  dégage  ;  mais  la  combustion  qui  se 
fait  dans  l'atmosphère  ,  laisse  toute  la  partie  qui 
prend  l'état  de  lumière  s'échapper ,  et  toute; 
celle  qui  s'est  dégagée  en  calorique  rayonnant 
se  disperser  au  loin  jusqu'à  ce  que  des  subtances  : 
solides  ou  liquides  aient  pu  réduire  l'une  et 
l'autre  à  l'état  de  combinaison. 

La  lumière  paraît  être  retenue  par  quelques 
substances  qui  changent  peu  son  état  élastique ,  et 
qui  lui  permettent  de  se  rétablir  facilement  pai>' 
une  cause  peu  active ,  comme  l'on  voit  l'air 
atmosphérique  adhérer  à  quelques  corps  ,  et 
s'en  dégager  facilement.  Il  est  probable  que  c'est 
ainsi  que  quelques  corps  deviennent  lumineux 
dans  l'obscurité ,  après  avoir  été  exposés  à  une 
lumière  vive  ;  mais  il  ne  faut  pas  confondre 
cet  effet  avec  celui  que  présentent  d'autres 
substances  qui  éprouvent  une  véritable  com-* 
bustion  (  Note  X). 

i35.  Outre  les  effets  qui  constituent  les  phé- 
nomènes électriques ,  l'action  du  fluide  électrique' 


PU      C  A  L  O  R  I  Q  IT  E.  10'J 

produit  (les  changements  dans  les  propriétés 
ciiimiques  des  corps,  de  sorte  qu'il  favorise  la 
formation  ou  la  décomposition  de  plusieurs 
combinaisons  ;  par  là  il  doit  être  compté  parmi 
les  agents  chimiques. 

Si  Ton  compare  les  effets  chimiques  de  1  ac- 
tion de  Télectricité  avec  celle  du  calorique  ,  on 
trouve  entreux  la  plus  grande  analogie. 

L'étincelle  électrique  enflamme  le  mélange 
du  gaz  oxigène  et  du  gaz  hydrogène  ,  d'où  ré- 
sulte la  formation  de  l'eau  ,  comme  le  fait 
une  élévation  de  température  :  l'une  et  l'autre 
favorisent  1  évaporation  et  augmentent  la  légèreté 
spécifique  des  fluides  élastiques  (i)  :  Tune  et 
l'autre  décomposent  l'ammoniaque  ;  et  par  le 
moyen  d'un  métal ,  l'eau  tenue  en  dissolution 
par  l'acide  carbonique  :  elles  favorisent  égale- 
ment la  combinaison  de  l'azote  avec  l'oxigène 
ou  la  production  de  l'acide  nitrique  ,  la  com- 
bustion du  tournesol  par  l'air  (2) ,  ainsi  que  celle 
des  liqueurs  inflammables ,  le  dégagement  de 
riiydrogène ,  de  léther ,  des  huiles  et  de  l'al- 
cool ,  l'oxidation  des  métaux ,  ou  selon  leur  in- 
tensité ,  le  dégagement  de  l'oxigène  des  oxides  f  3). 

Cependant  le  fluide  électrique  n'agit  pas  tou- 
jours comme  le  calorique  qui  passe  en   combi- 

(1)  Van  Marum  ,  1"  suite  des  Exp.  p.  210. 

(2)  Cavendisli.  Trans.  pliilos.  lyBa. 

(3)  Descrip.  d'une  tics-grande  machine  électriq.  p.  168. 


208  STATIQUE     cniMîQUK. 

liaison  par  comiruinication  immédiate  avec  une 
substance  ;  mais  son  action  se  concentre  sur 
quelques  molécules  d'une  substance ,  et  alors 
il  produit  des  effets  analogues  à  ceux  que  nous 
avons  remarqués  relativement  à  la  lumière  (i  3 1)  ; 
seulement  ces  effets  sont  beaucoup  plus  consi- 
dérables que  ceux  de  la  lumière  ordinaire  du 
soleil  ;  ainsi  ,  pendant  que  cette  dernière  dé- 
gage de  Toxigène  de  l'eau  ordinaire  et  de  l'acide 
nitrique,  le  fluide  électrique  peut  en  dégager 
non-seulement  de  l'acide  nitrique  ,  mais  même 
de  l'acide  sulfurique  ;  il  peut  décomposer  l'eau 
en  entier ,  lorsqu'on  fait  passer  des  commotions 
à  travers  des  couches  de  ce  liquide  ,  quoique 
dans  d'autres  circonstances  dont  je  tâcherai 
d'expliquer  la  différence ,  il  en  opère  la  pro- 
duction. 

Il  ne  faut  pas  conclure  de  l'identité  de  ces 
effets  ,  que  les  agents  sont  les  mêmes  ;  au  con- 
traire ,  l'observation  paraît  prouver  qu  il  y  a 
une  différence  essentielle  entre  eux  :  on  observe 
peu  de  changement  de  température  j3ar  l'ac- 
tion de  l'électricité  :  lorsque  les  métaux  entrent 
en  combustion  ,  c'est  à  elle  seule  que  la  chaleur 
qu'ils  acquièrent  doit  être  attribuée  ;  car  si  l'oa 
soumet  à  une  forte  commotion  un  métal  incom- 
bustible ,  tel  que  l'or,  l'argent  ou  le  platine, 
on  n'apperçoit  pas  qu'il  ait  pris  une  chaleur 
capable  d'opérer  sa   fusion  ,     ce    qui    devrait 


DU     CALORIQUE.  209 

arriver  avec  la  seule  différence  d'une  plus  forte 
commotion  qui  ne  produirait,  la  liquéfaction 
que  par  une  élévation  de  température.  La  cha- 
leur produite  dans  ce  cas  me  paraît  n'être  qu'un 
effet  de  la  compression  que  les  parties  qui  se 
dilatent  le  plus  exercent  sur  les  autres  :  on  ne 
pourrait  même  rien  conclure  contre  cette  opi- 
nion, quand  on  parviendrait  à  faire  rougir  un 
métal  sans  le  contact  de  Toxigène  ;  puisque  la 
percussion  peut  produire  cet  effet  (Note  XI ) . 

L'action  du  fluide  électrique  cause  dans  la 
partie  des  corps  sur  lesquels  elle  se  porte ,  une 
dilatation  telle  qu'elle  paraît  les  réduire  en  gaz 
plus  facilement  que  celle  du  calorique  qui  par- 
viendrait à  les  liquéfier  ,  à  en  juger  du  moins  par 
l'effet  qu'elle  produit  sur  les  métaux  ,  et  que  Van 
Marum  a  décrit  avec  tant  de  soin. 

Cette  dilatation  me  paraît  propre  à  expliquer 
l'analogie  des  effets  chimiques  :  dans  l'une  et 
l'autre  circonstance  la  force  de  cohésion  se  trouve 
diminuée  par  la  distance  introduite  entre  les 
molécules,  et  par  là  les  combinaisons,  auxquelles 
cet  obstacle  s'opposait ,  s'effectuent. 

i36.  Dans  ces  derniers  temps,  des  effets  élec 
triques  qui  ont  d'abord  paru  avoir  un  carac- 
tère particulier ,  et  dont  on  a  indiqué  la  cause 
sous  le  nom  d^  galvanisme  ^  ont  exercé  la  saga- 
cité des  phvsiciens  et  des  chimistes  ;  quoique 
la  série  des  phénomènes  auxquels  ce  genre  d  ob- 
I.  *   i4 


ÛIO  STATIQUE     CHIMIQUE. 

servatioQS  a  donné  naissance  ,  mérite  de  formef 
une  partie  distincte  de  la  physique  ;  leur  con- 
nexion avec  plusieurs  phénomènes  chimiques , 
m'engage  à  tirer  du  célèbre  Volta  (  i  )  une  es- 
quisse de  la  théorie  lumineuse  qu'il  en  a  donnée. 

Tous  les  phénomènes  de  la  pile  ou  de  l'appa- 
reil électromoteur  se  déduisent  par  la  théorie 
de  Volta  d'une  propriété  génératrice  que  pos- 
sèdent principalement  les  métaux. 

Les  métaux  exercent  une  action  mutuelle,  re- 
lativement à  l'état  électrique  qui  leur  est  na- 
turel :  en  équilibre  d'électricité  pendant  qu'ils 
sont  isolés  ,  ils  se  partagent  inégalement  celle 
qui  leur  appartient  dès  qu'ils  sont  en  contact  ; 
les  uns  se  surchargent  de  fluide  électrique  aux 
dépens  des  autres ,  mais  d'une  manière  inégale , 
de  sorte  que  cet  effet  est  plus  grand  entre  cer- 
tains métaux  qu'eatre  d'autres  ;  on  peut  com- 
poser une  série  des  métaux  sous  ce  rapport ,  et 
ceux  qui  forment  les  deux  termes  extrêmes  de 
la  série  sont  le  zinc  ,  qui  prend  de  l'électricité 
à  tous  les  autres  ,  et  l'or  ou  l'argent  qui  en 
cèdent  à  tous.  Les  métaux  intermédiaires  en 
prennent  à  ceux  qui  occupent  des  places  infé- 
rieures dans  la  série  ,  et  en  donnent  à  ceux  qui 
remplissent  des  places  supérieures. 

Cette  propriété  n'est  pas  limitée  aux  métaux  , 
le    charbon    peut    être    comparé    aux    métaux 

(i)  Ann.  de  Cliim.  Frim.  an  lO. 


HTJ     CALORIQUE.-  211 

qui  sont  le  plus  disposes  à  donner  du  fluide 
électrique  par  le  contact,  et  loxide  de  manganèse 
cristallisé  en  cède  une  plus  grande  quantité  , 
même  que  lor  ou  largent. 

Pendant  que  les  métaux  restent  isolés   dans 
leur  contact,   cette  action  mutuelle  ne  produit 
qu'un  premier   effet  ;    mais  s'ils  ont  une  com- 
munication établie  d'un  côté  avec  un  réservoir 
d  électricité  ,  de  l'autre  avec  des  corps  conduc- 
teurs ,  le  métal  qui  a  cédé  du  fluide  électrique  à 
ïin  autre,  par  exemple,  l'argent  qui  en  a  donné 
au  zmc  ,  en  reçoit  du  réservoir  ,  et  le  pousse  con- 
tinuellement dans  le  zinc  qui  le  transmet  aui 
corps  conducteurs;  il  s'établit  ainsi  un  courant 
continu:    une   substance    conductrice    liquide, 
telle  que  l'eau  reçoit  donc  le  fluide  électrique 
qui  passe  de  l'argent  au  zinc  ;  mais  si  elle  com- 
munique avec  une  plaque  d'argent  qui  soit  ciio 
mème  en  contact  avec  une  plaque  de  zinc ,  et  qui 
exerce  pareillement  une  action  mutuelle  ,  l'effet 
des  deux  dernières  plaques  est  accru  de  celui  des 
deux  premières  ,  d'où  résulte  une  plus  grande 
.tension   dans  l'électricité  qui   se  dégage  •   de  là 
toutes  les  propriétés  dé  la   pile,  dont    l'action 
augmente    en  raison,  arithmétique   du   nombre 
de  ses  éléments;  maisisi  la  pile  est  isolée,  cette 
-action  de  ses  éléments  accujmule  le  fluide  élec- 
trique  dans  ,1a  pmie  supérieure,  aux   dépens 
•.4e  la  partie  inférieure ,  de  sorte  que  la  moitié 


i4. 


ÎI2  STATÎQUK     CHTMTQtTT:. 

supérieure  surchargée  de  fluide  électrique  ,  se 
trouve  dans  un  état  positif ,  et  la  moitié  infé- 
rieure dans  un  état  négatif,  pendant  que  le 
centre  de  ces  forces  ,  qui  se  contrebalancent  , 
reste  dans  l'état  naturel. 

Cependant  le  courant  électrique  qui  s  établit 
avec  une  pile  qui  n'est  pas  composée  de  nom- 
breux éléments  ,  n  a  pas  une  tension  qui  pro- 
duise un  effet  sensible  sur  les  électromètres  , 
mais  on  peut  augmenter  la  tension  de  l'électricité 
qui  provient  de  cette  pile  par  le  moyen  d'un  con- 
densateur ,  et  déterminer  Taugmentation  qu'elle 
reçoit  en  augmentant  les  éléments ,  par  le  moyen 
d'un  électromètre  dont  la  graduation  a  été  établie 
sur  les  effets  comparables  des  étincelles  produites 
par  un  électrophore  :  c'est  ainsi  que  Volta  a  pu 
mesurer  l'action  de  chaque  élément  de  la  pile , 
et  l'action  composée  de  tous  ses  éléments. 

Il  prouve  de  plus ,  par  la  rapidité  avec  laquelle 
un  grand  réservoir  se  charge  au  contact  le  plus 
instantané  de  la  pile ,  en  prenant  la  même  ten- 
sion d'électricité  que  la  pile  ,  que  la  quantité  de 
fluide  électrique  qui  circule  dans  un  temps 
donné  ,  est  beaucoup  plus  grande  que  celle  qu'il 
pourrait  recevoir  même  d  une  vaste  machine 
dans  le  même  intervalle  de  temps. 

Cette  propriété  de  la  pile  ,  de  donner  le  mou- 
vement à  une  grande  quantité  de  fluide  élec- 
trique ,  en  rend  les  effets  analogues  à  ceux  d'une 


DU     CALORIQUE.  2l3 

bouteille  de  Leide ,  dout  l'action  se  soutiendrait 
sans  interruption  ,  et  rend  raison  de  tous  les 
phénomènes  qu'il  paraissait  jusques  là  naturel 
d'attribuer  à  une  action  chimique  des  substances 
mises  en  présence  ;  action  qui  semblait  perpé- 
tuer les  effets  électriques. 

Il  faut  distinguer  ici  l'action  des  conducteurs , 
et  les  décompositions  chimiques  qui  ont  lieu. 
Plus  les  liquides  intermédiaires  entre  les  élé- 
ments de  la  pile  sont  bons  conducteurs ,  plus  le 
courant  est  rapide  ,  et  plus  les  effets  sont  sen- 
sibles ,  sans  qu'on  ait  besoin  de  faire  intervenir 
leurs  propriétés  chimiques  :  Volta  a  prouvé  que 
ce  n'était  que  par  cette  propriété  que  le  mu- 
riate  de  soude ,  le  muriate  d'ammoniaque  ,  l'acide 
nitrique  ,  etc. ,  augmentaient  les  effets  de  la  pile , 
tels  que  la  commotion  qu'on  peut  en  recevoir, 
sans  accroître  la  tension  du  fluide  électrique. 

Priestley  avait  déjà  remarqué  que  l'alcali  caus^ 
iique  j  et  que  l'acide  muriatique  ne  pouvaient 
rendre  visible  l'étincelle  électrique  ,  d'où  il  avait 
conclu,  qiClls  doivent  être  de  bien  meilleurs 
conducteurs  de  V électricité  que  Veau  et  les  autres 
substances  fluides  (i).  Morgan  a  fait  la  même 
observation  sur  tous  les  acides  minéraux  (2). 
Les  dimensions  en  surface  des  éléments  de  la 

(1)  Exp.  et  obs.  sur  diff.  espèces  dVid.  vol.  I,  p.Ssi: 

(2)  Trans.  pliilos.   1785, 


2ï4  STATIQUE     CHïMIQtTE. 

pile  et  des  cartons  humides  qui  sont  interpose'* 
produisent  un  effet  particulier  dont  Volta  con- 
vient qu'il  ne  peut  donner  qu'une  explication 
probable.  Un  appareil  ëlectromoteur  ainsi  com- 
posé de  plaques  larges,  produit  un  grand  effet 
sur  les  métaux  dont  il  procure  facilement  la 
combustion  ,  ainsi  que  l'ont  fait  voir  Hachette, 
Tenard,  Fourcroy  et  Vauquelin  (i),  et  cepen- 
dant la  tension  du  fluide  électrique  n'est  pas 
plus  grande  que  celle  d  une  pile  ordinaire  ,  non 
plus  que  les  commotions  qu'elle  excite. 

Volta  conjecture  que  cette  différence  dépend  de 
ce  que  le  corps  humain  ,  plus  mauvais  conduc- 
teur que  les  métaux,  oppose  une  résistance  au 
courant  électrique  mu  avec  une  faible  tension , 
et<Tue  cette  résistance  plus  grande  empêche  que 
la  quantité  du  fluide  électrique  n'augmente  eii 
raison  de  ce  que  peuvent  en  fournir  les  grandes 
plaques ,  pendant  que  les  fils  métalliques  peu- 
vent la  recevoir  et  en  subir  linfluence  (2). 

Quant  aux  effets  chimiques  qui  ont  lieu  ,  ils 
paraissent  n'être  que  des  conséquences  de  l'ac- 
tion électrique ,  et  nous  avons  déjà  observé  que 
l'électricité  favorisait  plusieurs  combinaisons  et 
plusieurs  décompositions,  comme  le  faisait  une 
élévation  de  température  ,  et  que  pour  produire 

cet    effet   il   suffisait    aue   l'électricité  tendit  à 

1. 

(i)  Journ.  de  PEcoie  Poiyt.   tom.   IV. 
(2}  Eibl.  I3rit.  vol.  XIX. 


DU      CALORIQUE.  213 

écarter  les  molécules  des  corps  quelle  affecte, 
parce  qu'elle  détruit  par  là  l'obstacle  de  la  force 
de  cohésion  ;  le  calorique  lui-même  ne  favorise 
les   combinaisons    et    les    décompositions    que 
comme  une  force  opposée  à  celle  de  la  cohésion. 
L'action  par  laquelle  deuxsubstances  en  contact 
se  font  un  partage  différent  du  fluide  électrique 
qui  convenait  à  leur  état  isolé,  n'est  pas  propre 
aux  seuls  métaux  et  à  quelques  substances  so- 
lides analogues  ,  elle  appartient  encore  ,  comme 
l'a  fait  voir  Volta,  aux  liquides;  de  sorte  que 
l'action  mutuelle  de  deux  liquides  différents  peut 
produire  un  courant  électrique ,  pourvu  qu'un 
métal  interposé  serve  alors  de  conducteur  ;   un 
troisième  liquide  peut  même  remplacer  le  métal. 
i38.  Cependant  plusieurs  physiciens  ont  con- 
tinué de  recueillir  des  faits  intéressants  sur  la  na- 
ture et  sur  l'action  de  cette  électricité  :  WoUaston 
entre  autres  (i)  a  fait  voir  qu'un  fil  métallique  ex- 
trêmement mince  et  recouvert  d'une  couche  de 
verre  pouvait ,  par  son  extrémité  découverte  , 
.  décomposer   l'eau   même  ,   avec    une   machine 
i  électrique  d'une  force  médiocre  ;   de  sorte  quil 
'  est  prouvé    qu'il  suffit  de  rétrécir   les  dimen- 
•  fiions   du  passage  de  l'électricité  pour  produire 
cet    effet ,  quoiqu'en   elle  même  elle  soit    peu 
considérable.    Van    Manim    a  confirmé    dun& 

(i)  Bibl.  Britan.  tqm.  XVIII. 


ai6  STATIQUE      CHIMIQUE. 

manière  lumineuse  l'identité  du  courant  du  fluide 
électrique  mu  par  une  pile  ou  par  une  machine 
électrique  (i). 

iSg.  Toutefois  il  existe  encore  une  différence 
entre  la  manière  dont  l'eau  est  décomposée  par 
l'électricité  ordinaire  ou  par  celle  de  la  pile  :  la 
première  sépare  dans  toutes  les  expériences  con- 
nues jusqu'à  présent  les  deux  éléments  de  l'eau, 
et  les  dégage  confondus  en  un  seul  fluide  élas- 
tique ;  mais  par  l'action  de  la  pile  l'hydrogène 
s'échappe  du   fil  métallique  qui    communique 
avec  l'argent ,  c'est-à-dire  avec  l'extrémité  de  la 
pile  qui  a  l'électricité  négative  et  l'oxigène  de 
celui  qui  communique  avec  le  zinc  ou  à  l'extré- 
mité animée  de  l'électricité  positive.  Il  paraît, 
si  l'on  ne  veut  admettre  des  propriétés  incon- 
ciliables avec  celles  qui  sont  le  mieux  établies  en 
physique  ,  que  l'on  doit  expliquer  ce  dégagement 
isolé  de  chacun  des  éléments  de  l'eau ,  d'une  part 
à  la  propriété  que  l'eau  a.de  recevoir ,  ainsi  que 
toutes  les  combinaisons  connues ,  des  proportions 
différentes  des   substances   qui  la   composent  , 
lorsque  les  forces  qui  produisent  sa  composition 
se  trouvent  contrariées  par  d'autres  forces  ;  d'autre 
part  à   la  propriété    qu'il    faut    supposer    dans 
Véleclricité  positive  de  favoriser  plus   le   déga- 
gement de  l'oxigène  ,  et  dans  l'électricité  néga^ 

(i)  Ann.  t^e  Cli'm.  Frim,  an  lo» 


T>  V      CALORIQUE.  21  <^ 

tive ,  d'être  au  contraire  plus  favorable  au  dé- 
gagement  de  riiydrogène ,  mais  la  circonspection 
qu  il  convient  de  s  imposer  dans  les  recherches 
physiques,  conseille  d'attendre  que  Texpërience 
iiit  prononcé  sur  un  objet  qui  conserve  encore 
quelqu  obscurité ,  et  il  est  probable  qu'on  ne 
tardera  pas  à  en  recevoir  une  réponse  décisive. 
La  chimie  a  acquis  par  ces  découvertes  qui  font 
époque  dans  l'histoire  des  sciences ,  un  ao^ent  dont 
lénergie  sera  peut-être  portée  à  un  degré  qu'on 
ne  fait  qu'entrevoir ,  et  qui  donnera  le  moyen 
de  produire  dans  la  formation  et  la  décompo- 
sition des  combinaisons  chimiques  des  effets 
mattendus  et  supérieurs ,  dans  quelques  circons- 
tances, à  ceux  qu'il  est  possible  d  obtenir  de 
l'action  du  calorique. 


CHAPITRE     IV. 

Du  calorique  considéré  relativement  aux 
combinaisons. 

Von.,, 

TOg.  V^E  qui  a  ete  exposé  au  chapitre  premier 
ne  concerne  que  l'effet  du  calorique  sur  les  cor2>s 
isolés;  mais  les  résultats  que  nous  avons  re- 
cueillis de  l'observation  ne  peuvent  plus  s  apph- 


HlS  STATIQUE    CHîMIQtfE. 

quer  aux  changements  qui  s  opèrent  lorsque  leS 
mêmes  substances  entrent  en  combinaison  avec 
d'autres,  et  sur-tout  lorsqu'elles  éprouvent  en 
même  temps  des  altérations  dans  leur  cons- 
titution. 

Lorsqu'il  se  forme  une  combinaison  énergique, 
on  voit  toujours  une  chaleur  plus  ou  moins  con- 
sidérable accompagner  l'acte  de  la  combinaison  ; 
ainsi  ,  lorsque  les  alcalis  se  combinent  avec  les 
acides ,  il  y  a  toujours  de  la  chaleur  dégagée  : 
cet  effet  a  lieu  dans  la  combinaison  qui  produit 
la  liquéfaction  d'un  solide  ,  tel  que  la  chaux  , 
et  même  dans  celle  qui  opère  le  dégagement 
d'une  substance  élastique  ,  comme  l'acide  car- 
bonique ;  de  sorte  que  l'on  voit  par  cela  seul 
combien  il  serait  illusoire  de  regarder  comme 
un  principe  d'une  apphcation  générale,  celui 
qui  ne  serait  établi  que  sur  la  considération 
d'un  genre  de  ces  phénomènes. 

Dans  la  dissolution  des  sels  et  dans  la  liqué- 
faction de  1".  glace  ,  il  se  produit  du  froid,  ou 
il  s'absorbe  du  calorique  ;  cependant  il  y  a  un 
acte  de  combinaison  ,  et  les  effets  varient  par 
différentes  circonstances  ;  c'est  qu'alors  plusieurs 
causes  agissent ,  que  leurs  effets  peuvent  se 
contrebalancer,  et  qu'ils  ne  donnent  pour  ré- 
sultat que  l'excès  des  uns  sur  les  autres. 

Comme  cet  objet  a  exercé  la  sagacité  de  plu- 
sieurs physiciens  ,  je  l'examinerai  avec  quelques 


DU     CALORIQUE.  2 1<) 

détails ,  je  lâcherai  de  fixer  les  circonstances  qui 
font  varier  les  résultats  en  comparant  les  effets 
quon  observe  dans  les  corps  isolés  avec  ceux 
qui  ont  lieu  dans  les  dissolutions  et  dans  les 
combinaisons ,  selon  Tënergie  de  l'affinité  qui. 
produit  celles-ci  ;  enfin  ,  avec  ceux  qui  sont  ac- 
comna^nés  d'un  chanjïement  considérable  de 
constitution. 

i4o.  Lorsqu'un  liquide  tel  que  l'eau  passe  à 
Fétat  solide  ,  il  se  fait  un  dégagement  de  chaleur , 
comme  lorsque  de  l'état  de  vapeur  elle  passe  à 
l'état  liquide  ;  seulement  il  est  beaucoup  plus 
considérable  dans  cette  dernière  circonstance  : 
l'observation  fait  voir  que  lorsque  les  ©orps 
passent  de  l'état  liquide  à  l'état  solide  ,  ils  éprou- 
vent une  condensation  :  et  si  l'eau  et  quel- 
ques autres  substances  augmentent  de  volume, 
on  ne  doit  l'attribuer  qu'à  l'arrangement  des 
molécules  qui  cristallisent ,  d'où  il  suit  que  lors- 
que les  corps  passent  de  l'état  liquide  à  l'état 
solide ,  il  s'effectue  par  la  prédominance  de  l'af- 
finité  réciproque  un  rapprochement  des  mo- 
lécules ,  qui  est  analogue  à  celui  qui  a  lieu  lors- 
que les  vapeurs  passent  à  létat  'liquide  ,  mais 
qui  est  beaucoup  inoins  considérable  ,  parce  que 
les  volumes  sont  alors  beaucoup  moins  com- 
pressibles. 

Ce  rapprochement  des  molécules  ,  dû  à  la  pré- 
pondérance de  l'affinité  récij)roque,  est  accom. 


220  STATIQUE     CHIMIQtTE. 

pagnë  d'une  élimination  de  calorique  dont  la. 
proportion  est  toujours  déterminée  pour  les  di- 
mensions actuelles  d'un  corps. 

Lorsqu'il  se  forme  une  combinaison  ,  il  se  fait 
aussi  un  rapprochement  des  molécules ,  qui 
est  d'autant  plus  grand  pour  J'état  actuel  des 
corps ,  que  la  combinaison  est  plus  énergique  ; 
mais  en  même  temps  il  y  a  des  changements 
d'état  ,  de  sorte  qu'une  substance  solide  peut 
devenir  liquide  par  l'influence  de  celle  avec 
laquelle  elle  se  combine  :  examinons  d'abord 
ce  qui  se  passe  ,  lorsque  l'action  de  la  com- 
binaison est  faible  telle  qu'elle  est  dans  les  dis- 
solutions ordinaires. 

1 4 1  •  Lorsque  deux  liquides  agissent ,  il  y  a 
toujours  condensation  de  volume ,  et  en  même 
tems  dégagement  de  calorique ,  ainsi  qu'on  l'ob- 
serve dans  l'union  des  acides  et  des  alcalis  li- 
quides ,  et  même  dans  l'union  de  l'alcool  avec 
l'eau  ;  mais  si  un  liquide  dissout  un  solide  ,  deux 
causes  agissent ,  et  sur  les  dimensions  et  sur 
le  calorique  :  le  corps ,  qui  passe  de  l'état  solide 
à  l'état  liquide  par  l'action  du  dissolvant,  éprouve 
une  modification  semblable  à  celle  qui  serait 
due  à  sa  liquéfaction  par  le  calorique,  et  op- 
posée à  celle  qu'on  remarque  lorsqu'il  passe  de 
l'état  liquide  à  l'état  solide  ,  c'est-à-dire ,  qu'il 
éprouve  une  augmentation  dans  ses  dimensions , 
et  que  par  là  même  il  absorbe  et  rend  latente 


DU      CALORIQUE.  221 

Tihe  certaine  quantité  de  calorique  ;  mais ,  cVun 
autre  côté,  la  combinaison  produit  un  effet  op- 
posé ,  elle  diminue  les  dimensions ,  et  elle  dé- 
gage du  calorique  :  le  résultat  dépend  de  celui 
de  ces  effets  qui  domine  ,  de  sorte  qu'un 
acide  ,  en  dissolvant  la  glace  ,  peut  donner 
de  la  chaleur ,  si  celle  qui  devrait  résulter  de  son 
union  avec  la  même  quantité  d'eau,  surpassait 
celle  que  la  glace  doit  absorber  pour  se  réduire 
en  eau  ;  mais  il  produira  un  effet  contraire 
si  l'absorption  du  calorique  par  la  glace  ,  l'em- 
porte sur  le  dégagement  dû  à  la  dissolution 
dune  même  quantité  d'eau  :  d'où  il  suit  que 
leffet  doit  varier  par  la  concentration  de  l'acide , 
c'est-à-dire  par  la  quantité  d'eau  qu'il  tient  en 
dissolution  ,  et  qui  a  déjà  produit  son  effet , 
par  la  proportion  de  la  glace  sur  laquelle  il 
agit,  et  par  l'action  qu'il  peut  exercer  sur  la 
force  de  cohésion  à  certaines  températures. 
Ces  effets  observés  par  Wilke ,  et  sur-tout  par 
Cawendish  ,  ont  été  présentés  d'une  manière 
lumineuse  par  les  auteurs  du  mémoire  sur  la 
chaleur .  «  Si  le  mélange  d'un  acide  avec  unequan- 
»  tité  donnée  d'eau  ,  produit  de  la  chaleur ,  en 
»  mêlant  cet  acide  avec  la  même  quantité  de 
y>  glace,  il  produira  de  la  chaleur  ou  du  froid, 
j>  suivant  que  la  chaleur  qui  résulte  de  son 
«  mélange  avec  l'eau  est  plus  ou  moins  consi- 
»  dérable  que  celle  qui  est  nécessaire  pour  fondre 


222  STATIQUE     CHIMIQUE. 

»  la  glace;  on  peut  donc  supposer  à  cet  acide 
»  un  degré  de  concentration  que  nous  nom- 
»  merons  K ,  tel  qu'en  le  mettant  avec  une  partie 
»  infiniment  petite  de  glace  ,  il  ne  produise  ni  ^ 
»  froid  ni  chaleur.  Cela  posé  ,  le  plus  grand  froid 
»  que  puisse  produire  le  mélange  de  lacide  avec 
«  la  glace  ,  est  celui  auquel  l'acide  concentré 
»  au  degré  K  ,  cesse  de  dissoudre  la  glace  ;  on 
y>  peut  déterminer  le  maximum  de  froid  sans  le, 
»  produire  ,  en  observant,  à  des  degrés  de  froid 
»  moindres  ,  la  loi  qui  existe  entre  les  degrés 
»  du  thermomètre  et  les  degrés  correspondants 
»  de  concentration  auxquels  lacide  cesse  de  disr 
»  soudre  la  glace  ». 

i[\i.  On  observe  les  mêmes  effets  dans  la  dis- 
solution des  sels  par  Teau  ou  dans  celle  de  la 
glace  qu'ils  opèrent. 

On  doit  à  Lowilz  une  observation  qui  rend  le 
contraste  très-sensibles.  Il  a  fait  voir  (  i  )  que  la 
potasse  et  la  soude  desséchée  qui  produisent  une 
chaleur  considérable  en  se  dissolvant  dans  l'eau  , 
donnent  au  contraire  un  froid  remarquable  ) 
lorsqu'étant  dans  l'état  cristallin  ,  on  opère  leur 
dissolution  daps  i'eau ,  et  beaucoup  plus  grande 
lorsqu'on  les  fait  agir  sur  la  glace  ou  sur  l 
neige. 

Ces  alcalis  ne  diffèrent  alors  relativement  ai* 


1 


(i)  Ann.  de  Cliim.  lom.    XXII.  '<: 


i 


DU     CALORIQUE.  ^^3 

calorique  ,  qu'en  ce  que  ,  dans  la  cristallisation , 
ils  en  abandonneiW  une  partie ,  et  qu'ils  éprou- 
vent une  contraction  dans  leur  volume  ;    mais 
ils    reprennent    ce    calorique    en  se    dissolvant 
dans  l'eau ,   et  ils  subissent   une  dilatation    de 
volume  égale  à  la  contraction  précédente  ;  par 
conséquent  la  quantité  d'eau   qu'ils  retiennent 
dans  leur  cristallisation  ,   a   fait   ou  occasionné 
une  perte  de  calorique   qui    équivaut  à    toute 
celle  qui  aurait  produit  la  chaleur  qui  se  serait 
dégagée ,  si  après  les  avoir  fortement  desséchés 
on  les  eût   dissous    dans    l'eau  ;    il    résulte   en 
effet  des  observations  de  Watson  (i)  et  de  Vau- 
quelin  (2) ,  qu'il  y  a  une  dilatation  de  volume 
par  la  dissolution  de   tous  les  sels  neutres  par 
l'eau.  Lorsque  ces  sels  dissolvent  la  glace  ,  l'effet 
se  compose  de  celui  qu'ils  auraient  produit  sur 
une  même  quantité  d'eau ,  et  de  celui  du  calo- 
rique que  cette    quantité  aurait  absorbé  pour 
passer  de  l'état  de  glace  à  l'état  liquide. 

Le  àe^ré  de  froid  qui  provient  de  la  dissolu- 
tion mutuelle  des  sels  et  de  la  glace  serait  donc 
beaucoup  plus  considérable  que  celui  qui  est  dû 
à  la  hquéf action  de  la  glace  par  les  acides,  qui 
produisent  de  la  chaleur  avec  l'eau,  s'ils  pou- 
vaient  en  dissoudre  une  quantité  égale  ;   mais 


(0  Trans.  pliilos.    1773. 

(a)  Ann.  de  chim.  tom.  XIIL 


224  STATIQUE     CHIMIQUE. 

cet  effet  est  limite,  parce  que  la  force  de  colie'- 
sion  des  sels  augmente  beaifcoup  plus  rapide- 
ment par  le  froid  que  celle  des  acides  ,  et  qu'elle 
suspend ,  pour  ainsi  dire ,  leur  action ,  comme 
on  le  verra  ci-après. 

Cependant  l'avantage  reste  à  quelques  sels  ,  et 
le  même  Lowitz  a  fait  voir  que  le  muriate  de 
chaux  était  la  substance  la  plus  propre  à  pro- 
duire un  grand  refroidissement ,  de  sorte  que  c'est 
par  les  proportions  de  ce  muriate  qu'il  a  déter- 
minées ,  que  Fourcroy  et  Vauquelin  ont  congelé 
l'ammoniaque  et  l'étlier  (i),  et  que  Pepys  (2)  a 
solidifié  56  livres  de  mercure. 

C'est  donc  par  leur  solubilité  à  une  teilipé- 
rature  basse,  que  les  sels  doivent  principalement 
les  différences  qu'ils  présentent  en  donnant  du 
froid  par  leur  action;  ce  qui  le  confirme,  c'est 
que  le  sulfate  de  soude  produit  à  peine  un  re- 
froidissement avec  la  glace ,  parce  que  comme 
l'a  observé  Blagden  (  3  ) ,  dès  que  l'eau  qui  le 
tient  en  dissolution  s'abaisse  un  peu  au-dessous 
du  terme  de  la  congélation  ,  il  cristallise  et  se 
sépare  (4)  ;  mais  si  on  le  dissout  par  l'acide  ni- 
trique ,  pourvu  qu'il  soit  dans  l'état  cristallisé  , 
il  produit  un  très-grand  froid,  comme  l'a  éprouvé 

(1)  Ann.  de  Chim.  tom.  XXIX. 

(2)  BIbl.  Britan.  n°.    i4o. 

(3)  Trans.  philos.  ijS8. 

(4)  Ibid.     1788. 


DU     CALORIQUE.  la'J 

Walker  (i),  et  il  peut  remplacer  la  neige  pour 
cet  objet  :  le  phosphate  de  soude  et  le  sulfate 
de  magnésie  ont  la  même  propriété. 

L'action  mutuelle  des  sels  est  si  faible  ,  qu'elle 
change  peu  leur  volume  respectif  :  elle  diminue 
cependant  leur  force  de  cohésion ,  et  augmente 
par  là  leur  solubilité;  il  résulte  de  là  que  ce 
mélange  doit  augmenter  la  propriété  frigorifique 
des  sels ,  et  c'est  ce  que  Blagden  et  Walker  ont 
établi  ;  mais  si  un  sel  par  lui-même  est  très-soluble, 
:  l'addition  d  un  autre  sel  n'augmente  pas  sensi- 
\  blement  son  action ,  comme  Walker  la  observé 
pour  le  muriate  de  chaux. 

La  plupart  des  sels  qui  sont  privés  d'eau  de 
cristallisation  ,  font  monter  le  thermomètre  en 
se  dissolvant  dans  l'eau  ;  de  sorte  que  IVffet  de 
la  condensation  qui  est  due  à  la  combinaison , 
l'emporte  alors  sur  celui  du  passage  de  létat 
solide  à  l'état  liquide  ;  mais  cette  propriété  des 
sels  desséchés  n'est  pas  générale;  Walker  remarque 
que  le  muriate  d'ammoniaque,  quoi  qu  évaporé 
jusqu'à  dessication  ,  produit  cependant  un  froid 
considérable  ;  il  y  a  apparence  que  cette  com- 
binaison et  toutes  celles  qui  sont  dans  le  même 
,  cas  ,  éprouvent  une  ddatation  considérable  en  se 
dissolvant  dans  l'eau. 

143.  Il  y  a  d'autres  phénomènes  parallèles  à 

(1)  Nicholsons,  journ.  sept.  1801, 

I.  i5 


226  STATIQUE     C  H  I  M  I  Q  Tî  E. 

ceux  que  je  viens  d'analyser  ,  et  sur  lesquels 
Blagden  a  fait  des  observations  très-intéressantes. 
Ce  savant  physicien  a  fait  voir  que  les  sel  sabais- 
sent  le  terme  de  la  congélation  de  Teau  ,  chacun 
en  raison  simple  de  la  quantité  qui  est  tenue 
€n  dissolution  ,  et  que  l'effet  qu'ils  peuvent  pro- 
duire sur  la  glace  est  proportionnel  au  degré 
de  température  auquel  ils  peuvent  faire  des- 
cendre l'eau ,  sans  qu'elle  puisse  se  congeler  ;  de 
sorte  que  la  glace  qu'ils  peuvent  liquéfier  à  une 
température  ,  est  égale  à  la  quantité  d'eau  dont 
ils  peuvent  empêcher  la  congélation  à  ce  même 


degré 


Il  a  observé  qu'un  sel  ajouté  à  la  dissolution 
d'im  autre  abaissait  le  terme  de  la  congélation 
de  cette  dissolution  presque  d'une  quantité  égale 
à  l'abaissement  qu'il  produirait  par  sa  seule 
action,  et  que  le  même  effet  avait  lieu  si  l'on 
ajoutait  un  troisième  sel  au  précédent  ;  de  sorte 
qu'on  peut  juger  par  la  quantité  des  sels  qui 
peuvent  être  maintenus  en  dissolution  par  une 
proportion  d'eau,  et  par  la  température  à  la- 
quelle ils  la  maintiennent  elle-même  dans  l'état 
liquide  sans  se  précipiter  ,  de  la  quantité  de 
glace  qu'ils  pourront  dissoudre  ,  et  du  degré  de 
froid  qu'ils  pourront  produire. 

Il  fait  remarquer  que  la  température  à  laquelle 
ks  sels  peuvent  abaisser  le  thermomètre  ,  est 
limitée  par  cette  circonstance  ;  de  sorte  que  s  U 


C  tr      CALORIQUE.  227 

S€  trouve  une  grande  proportion  de  sel ,  l'effet 
est  prolonge  ,   le  froid  se  maintient  à  un   degré 
constant;  et   la   liquéfaction  de   la    glaee   con- 
tinue ,  jusqu'à  ce  qu'elle  ait  pu  absorber  suc- 
cessivement tout  le  calorique  qui  lui  est  nécessaire 
pour  se  réduire  en  eau  ,  et  tout  celui  qu'exige- 
rait le  même  sel  pour  se  dissoudre  dans  l'e'au. 
i44-  Les  expériences  de  Vauquelin  (i)  jettent 
encore  du  jour  sur  l'effet  que  produit  le  mélange 
des  sels  :  il  a  fait  voir  que  lorsqu'on  dissolvait  du 
muriate   de  soude  dans  la  solution  saturée  d'un 
autre  sel,  il  arrivait  souvent  qu'il  n'y  avait  pas 
production  de  froid,    qu'il  se  dégageait  au  con- 
traire quelquefois  du  calorique  ,    et  qu'il   s'en 
dégageait  toujours  lorsqu'il  y  avait  précipitation 
d'une  partie  du  sel  préalablement  dissous.   Ces 
observations  s'expliquent  par  la  petite  conden- 
sation que  l'action  mutuelle  des  sels  doit  néces- 
sairement produire  dans  leur  volume ,  quoique 
leur  solubilité  se  trouve  augmentée  par  les  raisons 
qui  seront  développées  dans  la  suite. 

Relativement  au  calorique  ,  l'effet  qui  est  dû 
à  la  concentration  du  volume  diminue  celui  qui 
l'est  à  la  dilatation  qui  serait  produite  ,  si  les  sels 
se  dissolvaient  séparément ,  et  lorsqu'il  y  a  dépôt 
d'une  partie  du  sel ,  il  faut  ajouter  à  cette  pre- 
mière quantité  tout  le  calorique  qui  se  dégage 

(i)  Ann.  de  Clilm.  lom.  XIIL 

;5.. 


228  STATIQUE     CHIMIQUE- 

du  sel  qui  prend  de  Teau  en  se  séparant ,  comme 
dans  une  cristallisation  ordinaire  ;  mais  si  les 
sels  agissent  sur  la  glace ,  leur  augmentation  de 
solubilité  domine  dans  le  résultat. 

On  voit  cependant  par  là  pourquoi  Blagden  a 
trouvé  que  l'addition  d'un  sel  ne  procurait  pas 
au  terme  de  la  congélation  de  l'eau  tout  ra- 
baissement qu'il  aurait  pu  produire  étant  sé- 
paré ,  il  en  faut  déduire  tout  l'effet  de  la  con- 
densation du  volume  produit  par  l'action 
réciproque;  la  liquéfaction  de  la  glace  par  le 
xnélan-e  des  sels  doit  aussi  être  diminuée  de 
cette  même  quantité  ;  ainsi  tous  ces  phénomènes 
ge  correspondent. 

Les  compensations  des  effets  produits  par  la 
dissolution  et  par  les  altérations  de  volume  qui 
dépenc^ent   de  l'action  chimique  et  du  passage 
de  IViat  sohde  à  l'état  Uquide  ,   n'ont  pas  heu 
dans  le  passage  de  l'état  hquide  à  l'état  élastique  , 
parce  que  l'action  mutuelle  des  gaz  n'apporte 
aucun  changement  dans  le  volume  qu'ils  doivent 
occuper  (109);  ainsi,    les  observations  précé- 
dentes ne  doivent  pas  s'appliquer  à  l'évaporation. 
145.  Dans   la  plupart  des  faits  que  je  viens 
d'exposer  ,   l'effet  de   la  liquéfaction  Femportf 
sur  celui   qui  est  dû  à  la  combinaison;  il  nei 
est  pas  de  même  lorsque  celle-ci  a  quelqu'énergie 
alors  l'action  de  la   combinaison   couvre  et  n. 
laisse  point  appercevoir  l'effet  qui  est  dû  à  k 


T>  TJ     C  A  L  O  R  I  Q  TJ  E.  2^9 

liquéfaction  ;  ainsi  ,  les  alcalis  dessèches  pro- 
duisent de  la  chaleur  en  se  dissolvant  dans  l'eau  ; 
mais  cette  chaleur  est  beaucoup  plus  considé- 
rable ,  si  on  les  combine  avec  un  acide  qui  exerce 
une  action  beaucoup  plus  puissante  que  Teau  ; 
cet  effet  varie  selon  le  degré  de  concentration 
de  l'acide  ;  s'il  s'est  déjà  dégagé  beaucoup  de  ca- 
lorique par  sa  combinaison  avec  l'eau  ,  il  s'en. 
élimine  beaucoup  moins  lorsqu'il  se  combine 
avec  l'alcali  ,  parce  que  la  condensation  qu'il  a 
éprouvée  avec  l'eau  diminue  celle  qu'il  subit  en 
se  combinant  avec  l'alcali ,  et  que  celle  que  l'eau 
a  éprouvée  est  rétablie  en  partie,  puisque  par 
la  combinaison  de  l'acide  avec  l'alcali ,  elle  reçoit 
une  restitution  dans  son  volume,  qui  équivaut 
à  la  diminution  de  l'action  exercée  sur  elle. 

i46.  Lorsque  les  combinaisons  qui  se  forment 
sont  accompagnées  d'un  grand  changement  de 
constitution ,  les  phénomènes  deviennent  plus 
compliqués  ;  on  n'apperçoit  plus  de  rapport 
entre  les  changements  de  volume  et  les  tempé- 
ratures qui  s'éta])lissent;  ainsi,  lorsqu'on  dissout 
un  carbonate  d'alcali  dans  un  acide  un  peu 
concentré ,  il  se  dégage  beaucoup  d'acide  carbo- 
i.'ique,  et  cependant  il  y  a  production  de  cha- 
leur; dans  la  dissolution  du  cuivre  par  l'acide 
nitrique  ,  il  y  a  liquéfaction  du  cuivre,  dégage- 
ment d'une  grande  quantité  de  gaz  nitreux ,  et 
cependant  grande  production  de  chaleur  :  dans 


3jo  statique    ctitmique. 

la  détonation  du  nitrate  de  potasse  avec  le 
charbon ,  un  développement  de  beaucoup  de 
chaleur  est  accompagné  de  la  formation  d'une 
grande  quantité  de  gaz. 

Il  faut  se  rappeler,  i**.  que  les  gaz  reçoivent 
par  les  mêmes  changements  de  température 
des  accroissements  de  volume  qui  sont  beau- 
coup plus  considérables  que  ceux  des  liquides  , 
et  sur-tout  des  solides  (112);  2°.  que  lorsque 
les  fluides  élastiques  sont  retenus  dans  une 
combinaison  ,  leur  tendance  à  l'élasticité  est 
un  effort  qui  continue  à  agir  ,  et  qui  produit 
son  effet  dès  que  la  force  qui  le  maintenait  se 
trouve   assez  affaiblie. 

Lors  donc  qu'une  substance  gazeuse  peut  se 
former,  soit  parce  que  celte  même  substance 
éprouve  une  résistance  moindre  que  celle  qui 
la  contenait ,  soit  parce  qu'elle  est  le  produit 
d'une  combinaison  qui  se  forme  ,  elle  doit 
s'échapper  en  gaz  ,  et  cependant  elle  n'exige 
pour  cela  qu'une  quantité  de  calorique  qui  ne 
produirait  qu'un  petit  changement  dans  les  dimen- 
sions de  la  substance  qui  reste  solide  ou  liquide. 

On  voit  par  là  comment  l'acide  carbonique 
qui  se  dégiige  dans  le  premier  exemple  que 
j'ai  donné ,  peut  occuper  un  volume  beaucoup 
plus  considérable  qu'auparavant  ,  et  quoiqu'il 
n'absorbe  qu'une  partie  du  calorique  éliminé 
par  la  combinaison. 


DU      CALORIQUE.  23l 

Cependant  cet  effet  de  l'action  d'un  acide  sur 
un  carbonate  n'est  pas  général  ;  mais  ses  excep- 
tions sont  propres  à  faire  distinguer  les  effets 
produits  par  la  combinaison  de  ceux  qui  sont 
dûs  à  la  formation  du  fluide  élastique ,  ainsi 
que  l'a  fait  Lavoisier  (i). 

La  solution  de  carbonate  d'ammoniaque  qui 
contient  une  grande  proportion  d'acide  carbo- 
nique ,  a  donné  un  peu  de  froid  avec  l'acide 
nitrique  ;  mais  en  enlevant  au  carbonate  une 
portion  de  l'acide  carbonique  par  la  chaux,  il 
y  a  eu  production  de  chaleur  ,  et  d'autant  plus 
que  la  quantité  d'acide  carbonique  enlevée  par 
la  chaux  était  plus  grande. 

Dans  le  second  exemple  ,  l'oxigène  qui  s'est 
combiné  avec  le  cuivre  a  peut-être  éprouvé  toute 
la  perte  de  calorique  qui  a  été  nécessaire  au  gaz 
nitreux  pour  prendre  l'état  élastique  ;  de  sorte 
que  toute  la  chaleur  provenant  de  l'action  de 
l'acide  nitrique  sur  l'oxide  a  pu  se  dégager. 

Pour  l'explication  du  troisième  cas  ,  il  faut 
encore  observer  que  les  circonstances  qui  avaient 
réduit  l'oxigène  à  l'état  solide  ont  changé,  et  il 
ne  faut  plus  le  comparer  qu'à  ce  qu'il  aurait 
été  s'il  se  fût  trouvé  dans  l'état  élastique  ;  on 
voit  alors  que  la  combinaison  a  réellement  été 
accompagnée  d'une  grande  réduction  de  volume. 

(i)  M(.MQ.  de  l'Acad.    1777. 


^32  STATIQUE     CHIMIQUE. 

147.  Cependant  il  ne  faudrait  pas  conclure 
que  la  quantité  de  calorique  qui  se  dégage  a 
des  rapports  constants  avec  les  dimensions  qui 
s'établissent  même  dans  les  combinaisons  qui 
restent  dans  l'état  solide  et  dans  Tétat  liquide  ; 
cette  conclusion  ne  peut  s'appliquer  rigoureu- 
sement qu'aux  substances  isolées  et  qui  ne  su- 
bissent pas  de  combinaison  :  la  différence  de 
l'action  des  éléments  qui  entrent  en  combinaison 
sur  le  calorique ,  les  changements  qui  résultent 
de  leur  action  réciproque  et  qui  varient  par  les 
températures ,  altèrent  considérablement  le  ré- 
sultat ;  ainsi  l'oxigène  retient  la  plus  grande 
partie  de  son  calorique  dans  l'acide  nitrique  , 
et  il  en  abandoi>ne  beaucoup  plus  dans  d'au- 
tres combinaisons  ,  dans  lesquelles  il  éprouve 
une  condensation  moins  grande  ;  mais  l'ob- 
servation nous  apprend  que  quoiqu  il  n'y  ait 
point  de  rapport  entre  les  quantités,  il  y  a 
cependant  toujours  élimination  de  calorique , 
lorsqu  une  substance  passe  d'une  combinaison 
plus  faible  en  une  combinaison  plus  forte  ,  à 
moins  que  cetefiet  ne  puisse  être  déguis,é  par  celui 
des  changements  de  volume  qui  accompagnent  les 
changements  d'état  ;  ainsi  le  gaz  oxigène  qui  se 
combine  avec  le  gaz  nitreux  ,  abandonne  un 
peu  de  calorique  ,  il  en  abandonne  encore  en 
s'unissant  avec  l'eau,  puis  en  se  combinant  avec 
un  alcali.  Il  n'y  a  parmi  toutes  les  combinaisons 


DU      CALOUIQUE.  233 

connues  jusqu'à  présent ,  queTacide  muriatique 
siiroxige'ne  ,  et  quelques  oxides  métalliques 
que  ron  puisse  conjecturer  faire  une  exception. 

i48.  Il  resuite  de  tout  ce  qui  précède,  que 
l'effet  immédiat  de  toute  combinaison  est  une 
élimination  de  calorique  ,  que  cet  effet  peut  être 
déguisé  dans  les  combinaisons  faibles  ,  par  les 
changements  de  dimensions  qui  proviennent  du 
passage  de  l'état  solide  à  l'état  liquide  ,  ou  de 
celui  de  liquide  à  l'état  de  fluide  élastique;  mais 
que  lorsqu'elles  sont  énergiques ,  Teffet  de  la 
combinaison  relativement  au  calorique ,  Vem- 
porte  toujours  sur  celui  de  la  dilatation  acciden- 
telle du  volume ,  et  que  néanmoins  il  n'y  a  pas 
dans  les  combinaisons,  entre  les  changements 
de  dimensions  et  les  éliminations  de  calorique, 
les  rapports  qu'on  observe  entre  les  substances 
isolées  ;  de  sorte  que  l'on  tomberait  dans  une 
erreur  ,  si  l'on  établissait  comme  principe  gé- 
néral que  la  dilatation  est  toujours  accompagnée 
de  refroidissement  ,  et  dans  une  autre  ,  si  l'on 
prétendait  que  la  combinaison  produit  constam- 
ment de  la  chaleur.  Ces  effets  peuvent  quel- 
quefois se  compenser  ,  ou  l'excès  de  l'un  sur 
l'autre  produit  le  résultat. 

149.  Le  calorique  qui  se  dégage  pendant  une 
binaison  est  une  quantité  aussi  constante  que  celui 
qui  est  déterminé  par  les  dimensions  d'un  corps 
isolé  ,  mais  on  ne  peut  pas  la  conclure  des  dimen- 


234  STATIQUE     CHIMIQUE. 

sions  qui  se  sont  établies  ,  compare'es  à  celles 
qui  précédaient  ;  d'autres  conditions  qui  dé- 
rivent ,  soit  de  l'affinité  des  éléments  de  la 
combinaison  ,  soit  de  leur  action  réciproque  , 
limitent  la  proportion  dans  laquelle  il  y  entre , 
et  l'état  de  condensatiori  dans  lequel  il  s'y 
trouve.  C'est  avec  cette  modification  des  rapports 
du  calorique  avec  les  dimensions  ,  qu'il  faut 
apj)liquer  aux  corps  isolés  et  aux  substances 
qui  subissent  une  combinaison  les  principes  qui 
ont  été  établis  (io3). 

Non-seulement  on  a  souvent  confondu  ces 
deux  genres  de  phénomènes,  mais  encore  le 
calorique  spécifique  ,  ou  la  quantité  de  calo-^ 
rique  combiné  qu'un  corps  peut  prendre  ou 
abandonner ,  en  passant  d'une  température  dé- 
terminée à  une  autre ,  avec  tout  le  calorique 
combiné  ou  le  calorique  absolu  :  je  vais  tâcher 
de  fixer  l'état  de  nos  connaissances  sur  cet  objet. 

Crawford  a  prétendu  établir  en  principe  que 
les  capacités  de  calorique  ne  changent  pas  pen- 
dant qu'un  corps  conserve  son  état ,  d'où  il  a 
conclu  que  la  capacité  de  calorique  d'un  corps 
était  proportionnelle  à  son  calorique  absolu  ; 
de  sorte  que  par  l'un  il  a  cherché  à  déterminer 
quel  était  l'autre. 

i5o.  Les  gaz  et  les  vapeurs  suivent  tous  les 
mêmes  lois  de  dilatation  ,  ainsi  qu'on  l'a  vu  ; 
ils  prennent  tous  à  une  même  température  une 


DU     CALORIQUE.  23i) 

quantité  de    calorique  proportionnelle   aux   di- 
mensions qui  sont  déterminées  par  la  compres- 
sion;  ainsi  Ton  peut  dire  que  leur  capacité  de 
calorique  est  proportionnelle  à  leurs  dimensions; 
mais  on  ne  connaît  pas  quelles  sont  les  différences 
de  ces  capacités  entre  elles  ,  et  quelle  quantité  de 
calorique  chaque  gaz  exige  pour  parvenir  a  une 
même  dilatation   :  on  ignore   encore  si  ces  ca- 
pacités  changent  par  des  élévations  de  tempé- 
rature ,  quoiqu'elles  conservent  le  même  rapport 
entre  elles,  mais  si   l'on  fait   attention  que   le 
gaz  oxigène  n'a  qu'une  faible  capacité  de  calo- 
rique ,  pendant  que  certaines  combinaisons  font 
voir  qu'il  en  contient  une  grande   proportion  , 
on  trouvera  ^probable  que  les  capacités  de  calo- 
rique des  gaz  éprouvent  de  grandes  variations  à 
des  températures  éloignées  :  pour  les  liquides  , 
et  particulièrement    l'eau  ,    les  expériences    de 
Deluc  et  de  Crawford  paraissent  prouver  qu'elles 
restent  les  mêmes  dans  Tintervalle   thermomé- 
trique qui  sépare  la  congélation  et  l'ébullition  ; 
dans  cet  espace  ,  l'action  des  molécules  sur  le 
calorique  et  leur  action  réciproque  ,  ne  paraissent 
pas  éprouver  de  changement  assez  considérable 
pour  qu'il  en  résulte  un  effet  sensible  dans  les 
capacités,  ou  du  moins  s'il  y  a  quelque  variation 
dans  le  terme  qui  approche  de  la  congélation  ,  et 
sur-tout  dans  celui  qui  approche  de  rébullition  , 
parce  que  le  passnge  d'un  état  à  l'autre  qui  a  une 


236  STATIQTTE     CHIMIQUE. 

influence  sur  les  dilatations  en  a  probablement 
une  sur  la  capacité  du  calorique  ;  on  peut  ,  pour 
1  explication  des  phénomènes ,  adopter  cette  cons- 
tance dans  le  calorique  spécifique  ;  mais  ce  que 
l'on  a  observé  dans  cette  partie  de  l'échelle 
thermométrique  ne  peut  plus  sappUquer  aux 
différentes  températures  que  peuvent  recevoir 
les  corps  solides. 

Ceux-ci  prennent  Tétat  solide ,  non  parce  que 
leurs  molécules  se  touchent ,  il  y  a  apparence 
qu'elles  sont  encore  à  de  très-grandes  distances 
relativement  à  leurs  dimensions  ;  mais  parce  que 
l'action  qu'elles  exercent  sur  le  calorique  et  par 
laquelle  elles  le  condensent  ,  est  en  équilibre 
avec  leur  action  réciproque  plus  on  rapproche 
leurs  parties  ,  plus  le  calorique  qui  reste  se  trouve 
condensé  ,  et  plus  forte  est  l'affinité  qui  le  retient. 

Cette  supposition  qui  est  fondée  sur  les  attri- 
buts de  l'affinité ,  me  paraît  réalisée  par  les  ob- 
servations que  j'ai  pi  ésentées  sur  l'accumulation 
du  calorique,  lorsque  son  action  devient  plus  puis- 
sante que  celle  de  la  force  de  cohésion  ou  de 
la  compression  ,  et  sur  la  distinction  qu'il  faut 
établir  entre  le  calorique  spécifique  de  la  glace , 
de  l'eau ,  de  la  vapeur  de  Feau  qui  est  formée 
sous  différentes  compressions  à  la  chaleur  de 
l'ébullition  ,  ou  cjui  est  exposée  à  des  degrés 
supérieurs  de  température  (120 ,  121). 

Il  devrait  résulter  de  là  que  le  calorique  spé- 


\ 


DU      CALORIQUE.  a^J 

cifique  des  corps  solides  augmente  à  mesure  que 
leurs  dimensions  diminuent  ;  mais  d'un  autre 
côté ,  par  les  élévations  égales  de  température  ,  les 
dimensions  vont  en  croissant  en  plus  grande  pro- 
portion ,  et  la  résistance  de  la  cohésion  diminue  : 
l'expérience  n'a  point  appris  si  ces  effets  se  com- 
pensaient ,  ou  si  lun  était  plus  grand  que  l'autre. 
Je  conclus  donc  qu  il  n'y  a  aucun  rapport  connu 
entre  les  capacités  de  calorique  des  corps  solides 
à  différentes  températures ,  quoique  dans  la  petite 
«tendue  de  l'échelle  thef-mométrique  qui  sépare 
la  congélation  et  l'ébuîlition  de  l'eau ,  ces  chan- 
gements puissent  être  assez  petits  pour  n'être 
pas  sensibles,  puisque  les  dilatations  que  ces 
degrés  de  chaleur  produisent ,  sont  elles-mêmes 
extrêmement  petites. 

i5i.  Crawford  a  donné  une  grande  extension 
aux  prin-cipes  qu  il  avait  d'abord  adoptés  sur  la 
constance  des  capacités  de  calorique  pendant  que 
les  corps  ne  changeaient  pas  d'état  ;  il  a  déduit 
des  variations  de  capacité  qu'il  a  observées  dans 
une  combinaison  malgré  même  les  changements 
d'état  que  pouvaient  avoir  subi  ses  éléments  , 
l'absorption  où  le  dégagement  de  calorique  qui 
devait  s'être  opéré  :  ainsi  il  a  expliqué  les  phé- 
nomènes de  la  respiration  par  la  capacité  de 
calorique  de  l'acide  carbonique  qui  se  forme  , 
comparée  à  celle  du  gaz  oxigène. 

Je  négligerai  ici  les  ixicertitudes  qui  provien- 


Ïi38  STATIQCIE     CHIMIQUE. 

lient  de  la  metliode  qu'il  a  employée  pour  cl<^* 
terminer  les  capacités  de  calorique  des  subs- 
tances gazeuses ,  et  de  celles  qui  forment  des 
combinaisons. 

Les  auteurs  du  mémoire  sur  la  chaleur  ont 
cherché  quelle  devait  être  la  quantité  absolue 
de  calorique  dans  Teau  ,  en  déterminant  par 
l'expérience  son  calorique  spécifique ,  ainsi  que 
celui  de  plusieurs  substances  avec  lesquelles  ils 
l'ont  combinée ,  et  la  quantité  de  chaleur  qui 
se  dégageait  dans  ces  combinaisons  ;  mais  ces 
épreuves  ont  donné  des  valeurs  très-différentes 
pour  le  calorique  absolu  de  l'eau  ,  et  leur  ont 
paru  détruire  l'hypothèse  que  le  calorique  spé- 
cifique est  projDortionnel  avec  lui  :  cependant 
ils  observent  eux-mêmes  qu'une  petite  erreur 
dans  la  détermination  du  calorique  spécifique 
suffirait  pour  introduire  cette  différence  ,  parce 
qu'il  ne  peut  être  qu'une  très-petite  quantité , 
relativement  au  calorique  absolu  ;  mais  ils  ont 
fait  une  autre  épreuve  dont  la  conséquence  n'a 
rien  de  douteux.  Ils  ont  mêlé  une  partie  de 
nitrate  de  potasse  avec  huit  parties  d'eau  ;  on 
sait  que  dans  la  dissolution  du  nitrate  de  potasse 
il  y  a  un  refroidissement  produit  ,  et  qu'en  con- 
séquence le  calorique  spécifique  de  la  dissolu- 
tion devrait  être  plus  grand  que  celui  des  deux 
substances  séparées  :  or  le  calorique  spécifique 
de  la  dissolution  qui  dépend  seulement  de  l'eau, 


DU    CALORiQur:.  ^39 

^t  snns  y  faire  entrer  tout  celui  qui  uppartieut 
au  nitrate  de  potasse ,  et  raccroissement  dont 
on  vient  de  parler ,  devrait  être  de  0,88889,  en 
donnant  au  calorique  spécifique  de  l'eau  la  valeur 
de  1,0000  ;  et  rexpérience  n'a  donne  pour  le 
calorique  spécifique  de  la  dissolution  que  0,8 1 670. 

Le  nitrate  de  potasse  qui  a  diminué  dans  cette 
expérience  le  calorique  spécifique  de  l'eau  ,  con- 
tient ce23endant  plus  de  o,3o  d'oxigène,  lequel 
a  conservé  presque  tout  le  calorique  qu'il  a 
dans  l'état  de  gaz  ;  et  selon  Crawford  ,  le  gaz 
oxigène  a  presque  cinq  fois  autant  de  calorique 
spécifique  que  l'eau  :  on  pourrait  facilement 
accumuler  de  semblables  considérations  qui  dé- 
montrent qu'on  ne  peut  rien  conclure  du  calo- 
rique spécifique  des  éléments  isolés  d'une  com- 
})inaison  ,  relativement  à  celui  de  la  combinaison, 
ni  du  calorique  spécifique  d'une  substance  ,  re- 
lativement à  la  quantité  totale  qu'elle  en  con- 
tient ,  quoique  toutes  ces  quantités  soient  cons- 
tantes quand  les  conditions  se  trouvent  les 
mêmes. 

Comme  la  proportion  du  calorique  fait  varier 
non-seulement  la  force  de  cohésion  ,  mais  qu'en 
changeant  les  dimensions  d'une  manière  inégale, 
elle  introduit  une  force  qui  modifie  l'action 
chimique  des  différentes  substances ,  il  convient 
de  considérer  à  présent  les  propriétés  qui  en 
dérivent. 


a4'0  STATIQUE     CHIMIQUE. 


..    I 


NOTES    DE   LA   IIP   SECTION. 


NOTE    III. 


EnGwooD  (i)  fait  contre  l'usage  du  calorimètre 
deux  objections  qui  méritent  d'être  examinées  d'autant  plus 
qu'elles  l'ont  empêclié  de  s'en  servir  pour  déterminer  les 
quantités  de  calorique  qui  sont  représenlées  par  les  degrés 
de  son  thermomètre  5  ce  qui  aurait  établi  une  comparaison 
exacte  entre  les  degres  de  ce  thermomètre  5  et  ce  qui  lui 
aurait  donné  un  avantage  dont  sont  privés  même  les  ther- 
momètres à  mercure, 

La  première  de  ces  objections  est  fondée  sur  la  propriété 
qu'a  la  glace  d'absorber  une  certaine  quantité  d'eau  ,  ce 
qui  rend  selon  lui  les  résultats  incertains  :  il  n'a  pas  fait 
attention  que  les  auteurs  ont  prescrit ,  lorsque  la  glace  se 
trouvait  au-dessous  de  zéro,  de  la  piler ^  de  l'étendre  par 
couches  fort  minces  ^  et  de  la  tenir  ainsi  pendant  quelque 
temps  dans  un  lieu  dont  la  température  soit  au-dessus  de 
zéro.  Il  faut  observer ,  ont-ils  ajouté,  qu'au  commencement 
de  chaque  expérience  ,  la  glace  est  déjà  imbibée  de  toute 
la  quantité  d'eau  qu'elle,  peut  ainsi  retenir. 

On  voit  qu'avec  ces  précautions  l'eau  que  la  glace  peut 
absorber  ne  peut  point  être   une  cause   d'erreur  ,   puisque 

(i)  Trans.  philos.   1784, 


DU      C  A  L  O  R  I  Q  U  T..  2^  j 

la  dernière  se   trouve  à  cet  égard  dans  le  même  état  avant 
l'expérience  et  lorsqu'elle  finit. 

La  seconde  objection  de  Wedgwood  porte  sur  la  prn- 
rriété  qu'a  l'eau  qui  vient  de  se  liquéfier  de  reprendre 
l'état  de  glace  à  la  même  température  :  il  a  fait  sur  cet 
objet  des  expériences  curieuses  qui  prouvent  que  le  contact 
des  corps  solides  peut  réellement  produire  une  nouvelle 
congélation  dans  Peau  qui  vient  de  se  liquéfier,  et  qu'ils 
différent  entre  eux  par  le  degré  de  cette  propriété'  :  il 
explique  ce  phénomène  sur-tout  par  une  évaporation  qu'il 
suppose  produite  par  le  froid. 

Sa    véritable    cause    me    parait  être  l'attracti.'n    que    le 
«olide  exerce    et  par  laquelle  il  se   serait  mouillé  si'  l'eau 
se  fut  trouvée  plus  éloignée   du  terme   de  la  congélation; 
mais  dans  l'état  où  elle  est,  cette  action   suffit  pour  sur- 
monter ce  qu'il  restait  de  force  au  calorique  pour  produire 
!a  liquidité.  C'est  donc  un  phénomène  analogue  à  la  séi^a- 
ration  d'un  sel  qui  est  tenu  en  dissoluUon ,  par  le  contact 
d'un  cristal  du  même  sel ,  ou  même  par  un  autre  corps  solide 
ou  à  la  congélation    de  l'eau  ,   qui   est    déterminée  par  le 
contact  de  la  glace   (27)5  mais  cette  cause  ne  peut  produire 
aucune  erreur  sensible  dans  les  épreuves   qu'on  fait  avec  le 
calorimètre  ,  et  ce    qui  prouve  bien  que  cette  épreuve  n'est 
pas  sujette  aux  incertitudes  que  suppose  Wedgwood ,  c'est 
que  les  mêmes  expériences  répétées  plusieurs  fois  ont  donné 
des  résultats  dont  les  différences  étaient  très-petites,  et  telles 
qu'elles  existent  dans   les  expériences  de  physique  qu'on 
regarde  comme  très-exactes. 


ï-  iG 


-34^  STATIQUE      CHIMIQUE. 


NOTE     IV. 

Les  changements  de  température  qui  ont  lieu  dans  1  air 
qui  éprouve    une    dilatation  ou  une  condensation  ,  et    qui 
abandonne  ou  prend  du  calorique  selon  les  dimensions  qu'on 
lui  donne,  ont  reçu  difterentes  explications  5  mais  toujours 
dans  la  supposition  qu'ils  étaient  conformes  à  l'indication 
du   thermomètre  :  Cnllen  qui  paraît  avoir  observé  le  pre- 
mier l'abaissement  du   tliermomètre    par    la    dilatation    de 
i'air  dans  la  machine    pneumatique,  l'attribua    au    refroi- 
dissement   produit    par    une    évaporation  j    mais   Saussure 
prouve  que  l'air  desséché  par  l'alcali  lait  baisser  le  ther- 
ïuomèlre  à-peu-près    autant   que   l'air  humitle  ,    lorsqu'on 
le  dilate  par  la  pompe  pneumatique ,   qu'alors  l'hygromètre 
reste    immobile  à  la  plus  haute   sécheresse  ,    et   que    par 
conséquent  l'évaporation  ne   peut  être   la    cause   du   froid 
produit  (i).  Lambert  avait   observé  que  lo  refroidissement 
était  d'autant  plus    considérable  ,    que   l'on   raréfiait    plus 
]>romplementFair,  et  il  l'avait  expliqué  par  des  particules 
de  feu  entraînées   par   l'air,   et  remplacées  peu-à-peu  par 
d'autres  particules  émanées  du  récipient  ;  c'est  à  cette  idée 
un  peu  vague  que  Saussure  lui-même  s'ai-vête. 

Cependant  ce  célèbre  physicien  est  obligé  de  faire  d'autres 
suppositions  pour  expliquer  d'autres  faits  qui  dérivent  natu- 
rellement de  la  cause  que  j'ai  indiquée  :  Kollet  avait  prétendu 
que  lorsqu'on  pompait  l'air  du  récipient  le  plus  sec,  on  voyait 
toujours  se  former  cette  vapeur  ou  ce  nuage  qui  ^^araît 
tomber  ou  se  condenser  au  bout  de  quelques  instants  ;  Saussure 
fait  voir  que  cette  apparence  n'a  pas  lieu  lorsqu'on  a  pris 
les  précautions  nécessaires  pour  avoir  une  dessicatiou  par- 

Ȕ)    Essais  sur  rHygrx)iu(;trifi. 


DU     C  A.  L  O  R  I  Q  U  E.  1^3 

faite;  de  sorte  que  la  formation  de  ce  nuage  exige  un  air 
qui  ait  un  certain  degré  d'humidité  ,  ou  que  quelque  partie 
de  l'appareil  contienne  de  l'humidité  :  il  croit  que  dans  les 
expériences  de  Nollet ,  //  y  avait  dans  les  tuyaux  de  sa. 
pompe  une  humidité  cachée  ,  qui  se  changeant  en  vapeurs 
élastiques  ^  lorsque  l'air  se  raréfiait^  s'élançait  avec  force 
dans  l' intérieur  du  récipient. 

Il  pense  que  les  vapeurs  vésiculaires  se  forment  à  une 
distance  du  cheveu  de  l'hygromètre  qui  n'en  est  pas  affecté  , 
et  qui  marche  au  sec;  ce  qui  est  contraire  à  l'observation; 
car  lorsque  l'air  se  trouve  saturé  d'eau  au  point  conve- 
nable ,  on  apperçoit  à  l'instant  les  vapeurs  vésiculaires  et 
les  couleurs  dont  elles  brillent  dans  toute  l'étendue  du 
récipient  :  la  dilatation  oblige  l'eau  du  cheveu  de  se  réduire 
en  vapeurs  ;  il  doit  donc  marcher  au  sec ,  mais  lorsque  la 
quantité  d'eau  tenue  en  dissolution  est  suffisante  ,  le  froid 
qui  survient  en  oblige  une  partie  à  sfe  réduire  en  vapeur 
vésiculaire ,  parce  que  son  intensité  est  telle  dans  ce  mo- 
ment, que  son  effet  l'emporte  relativement  à  la  vapeur 
sur  celui  de  la  dilatation;  cette  partie  précipitée  par  lo 
froid  est  bientôt  redissoute  au  m^oyen  de  la  température 
communiquée,  de  sorte  que  les  vésicules  disparaissent;  si 
après  avoir  comprimé  l'air  on  fait  cesser  la  compression  , 
le  froid  produit  par  sa  dilatation  donne  également  nais- 
sance à  la  vapeur  vésiculaire;  mais  lor.sque  l'on  comprime 
l'air,  on  n'apperçoît point  de  vapeurs  vésiculaires  ,  quoique 
l'hvgromètre  marche  à  l'humide  ,  parce  qu'alors  la  tempé- 
rature de  l'air  est  trop  élevée,  et  que  c'est  aux  parois  de 
Fappareil  que  l'humidité  doit  se  déposer  par  rabaissement 
de  temj)érature  qui  succède. 

Pictet  (  1  )  cite  des  faits  qui  le  portent  à  supposer  que 
le  feu  emporte  dans  le  mouvement  qui  lui  est  propre 
Feau  qui  se  trouve  dans  un   cheveu  hygrométrique  ,  ou  la 

{i)   Essais  <le  Phys.   p.    i45. 

ïG.. 


^44  STATIQUE     CIÎi:MIQtIE. 

lui  rapporte,  selon  la  direction  de  son  mouvement  5  II 
emprunte  en  conséquence  de  Deluc  la  qualification  de 
fluide  déférent  qu'il  donne  au  feu  auquel  il  a  attribué 
ee  transport  de   la  vapeur. 

Cette  supposition  me  paraît  incompatible  avec  l'idée  qu'où 
doit  se  faire  du  calorique  soit  combiné  avec  une  substance  , 
soit  rayonnant ,  et  à  celle  qu'on  j^eut  concevoir  de  la  force 
inécanique  du  feu  qui  se  meut  dans  un  sens  horizontal  ^ 
de  sorte  que  si  les  faits  étaient  inexplicables,  ce  ne  serait 
j)as  une  raison  pour  l'admettre.  Voici  les  faits  : 

Ayant  mis  un  thermomètre  et  un  hygromètre  dans    uii 

ballon  vide  d'air ,  mais  rempli  de  vapeurs   aqueuses  à   la 

température  de  4  degrés  ,  il  transporta  le  ballon  dans  une 

chambre  voisine,  dont  la  températuie  était  précisément  au 

terme  de  la  congélation  5  l'hygromètre  qui  marquait  98  degrés 

marcha  à  la   sécheresse ,    et  au  bout  de  4    minutes ,  il  ne 

marquait  plus  que  91  ,  le  thermomètre  dans  le  ballon  s'était 

refroidi  d'un  degré;  l'hygromètre  continua  à  descendre  au 

sec  ,   et   quelques  minutes   après    il   n'était  plus  qu'à   89  ; 

inais   au  bout  de  20   minutes  ,    le  thermomètre   du   ballon 

étant  arrivé  à  zéro,  il  trouva  l'hygromètre  remonté  à  94  ? 

et  5  minutes  plus  tard  il  fut  à  91  ^^  où  il  demeura  station- 

uaire.  A  peine  le  ballon  était-il  resté  une  minute  dans  la 

température  plus  basse,  qu'il  avait  paru  une  rosée.  Ayant 

transporté  le  ballon  d'une  température  plus  basse  dans  ui.e 

température  plus  éleA'ée  ,  il  observa  les  mêmes  phénomènes 

dans  un  ordre  inverse. 

Pendant  que  la  partie  d'une  vapeur  qui  reçoit  la  pre- 
mière un  abaissement  de  température  ,  se  réduit  en  lifniidt', 
celle  qui  reste  dans  l'état  de  vapeur  doit  conserver  à-peu- 
près  la  même  température,  comme  il  arrive  à  l'eau  dans 
laquelle  il  se  forme  de  la  glace  ,  parce  que  la  partie  qui 
devient  solide  la  maintient  par  le  calorique  qu'elle  aban- 
donne 5  le  cheveu  s'est  donc  trouvé  dans  une  vapei:r  plu» 


n  U      C  A  L  O  K  I  Q  U  E.  !i45 

rai;î,mais  à  une  température  semblable  ou  peu  différente, 
il  a  donc  dû  marcher  au  sec  jusqu'à  ce  que  la  tempéra- 
ture se  soit  abaissée  et  mise  eu  équilibre  avec  les  corpg 
environnants  j  alors  le  cheveu  est  parvenu  à  l'état  hygro- 
métrique qui  convenait  à  l'humidité  et  à  la  température  5 
dans  le  cas  contraire  l'évaporation  a  eu  une  influence  épale  sur 
la  température  ,  et  par  conséquent  sur  l'état  hygrométrique. 
Ce  qui  confirme  cette  explication  ,  c'est  que  le  thermo- 
mètre a  suivi  lui-même  cette  marche ,  et  il  y  a  apparence 
qu'il  n'a  pas  indiqué  précisément  l'état  de  la  température  , 
à  cause  du  calorique  rayonnant  qu'il  a  pu  recevoir  du 
ballon  ,   ou  lui   envoyer. 


NOTE     V. 

,1 

«r  Ox  sait  depuis  long- temps  qu'à  la  même  température, 
55  le  ressort  d'une  même  quantité  d'air ,  est  à  très-peu-près 

I»  réciproque  à  son  volume.  Cette  propriété  est  commune  à 
.»  tous  les  gaz,  et  même  à  tous  les  fluides  dans  l'état  de 
3>  vapeurs.  Il  en  résulte  qu'à  températures  égales,  deux 
»  molécules  d'air  plus  ou  moins  rapprochées  se  repoussent 
I  »  toujours  avec  la  même  force  ;  ensorte  que  si  l'on  repré- 
»  sente  leur  force  répulsive  par  l'action  d'un  ressort  tendu 
»  entre  elles,  la  tension  de  ce  ressort  est  la  même,  quei- 
35  que  soit  leur  écartement  naturel.  Concevons  en  effet  une 
33  masse  de  gaz  ou  de  vapeurs  renfermée  dans  une  vessie 
»  qui  communique  avec  un  tube  recourbé  ,  en  partie  rempli 
y>  de  mercure  ,  et  supposons  que  son  ressort  élève  une 
y>  colonne  de  -jS  centimètres  de  hauteur;  concevons  ensuite 
»  qu'en  comprimant  la  vessie  ,  on  réduise  le  gaz  à  la  moitié 
»  de  son  volume,  il  est   visible   que  dans  ce  nouvel  élut 


2:46  STATIQUE     CHIMIQUE. 

»  la  coiiclie  de  gaz  contigue  à  la  surface  du  mercure  j  aura 
35  une  densité  deux  fois  plus  grande  que  dans  son  premier 
33  état ,  et  qu'il  y  aura  par  conséquent  deux  fois  plus  de 
3)  ressorts  appuyés  sur  cette  surface  ;  ainsi ,  puisque  suivant 
33  l'expérience  ,  la  hauteur  de  la  colonne  de  mercure  de- 
33  vient  double  ,  il  faut  que  la  tension  de  ces  ressorts  soit 
33  la  même  5  cette  tension  ne  change  donc  point  par  le 
33  rapprochement  des  molécules  du  gaz  ;  elle  ne  fait  que  mul- 
33  tiplier  le  nombre  des  ressorts  appliqués  sur  une  même 
33  surface. 

33  De  là  il  suit  c[ue  les  molécules  d'un  gaz  n'obéissent 
33  sensiblement  qu'à  la  force  répulsive  de  la  chaleur  ,  et  que 
33  leur  action  d'affinité  les  unes  sur  les  autres  ,  est  très- 
33  petite  relativement  à  cette  force.  Ainsi ,  leur  ressort  ne 
33  dépend  que  de  la  température^  et  la  quantité  de  chaleur 
33  libre  qui  existe  dans  une  masse  de  gaz  ou  de  vapeurs  , 
33  est  à  température  égale  proportionnelle  à  son  volume; 
33  car  s'il  y  en  avait  plus  sous  le  même  volume  ,  dans 
33  l'état  de  condensation,  que  dans  celui  de  dilatation,  la 
33  force  répulsive  de  deux  molécules  voisines  ,  en  serait 
33  augmentée. 

33  En  diminuant  donc  d'un  tiers  ou  de  moitié  le  volume 
y>  d'un  gaz,  il  doit  s'en  dégager  un  tiers  ou  une  moitié 
33  de  la  cluileur  libre  qui  existe  entre  ses  molécules.  Si 
33  l'on  pouvait  mesurer  exactement  cette  chaleur  dégagée  , 
33  oji  en  conciuerait  là  quantité  de  chaleur  libre  ,  contenue 
33  dans  un  volume  donné  de  ce  gaz  ;  mais  celte  mesure  est 
33  très-difficile  à  obtenir  au  moyen  du  thermomètre,  soit 
33  parce  qu'une  partie  de  la  chaleur  dégagée  se  répand  sur 
33  les  corps  environnants  ,  ou  se  développe  en  chaleur 
33  rayonnante  ;  soit  parce  que  la  masse  du  thermomètre  , 
33  quelque  petit  qu'il  soit,  est  fort  grande  relativement  à 
33  celle  du  gaz  que  l'on  condense.  Des  expériences  fliiîes 
»  avec  le  caiorimètre  la  donneraient  d'une  manière  très- 


DU     CALORIQUE.  3^7 

.»  précise.  L'effet  do  Ja  chaleur  ainsi  dégagée  est  sensibl© 
»  sur  la  vitesse  du  son  5  elle  produit  Texcès  de  cette  TÎtesso 
33  sur  celle  que  donne  la  théorie  ordinaire  ,  comme  je  m'en 
»  suis  assuré  par  le-  calcul. 

33  II  suit  encore  de  ce  qui  précède  que  si  l'on  conçoit 
33  des  volumes  égaux  de  deux  différents  gaz  renfermés  dans 
33  deux  enveloppes  de  même  capacité ,  et  inextensibles  5  si 
33  Ton  suppose  qu'à  une  température  donnée  ,  le  ressort 
>3  de  ces  deux  gaz  soit  le  même  en  augmentant  de  la  même 
33  manière  leur  température  ,  l'accroissement  de  leur  ressort 
33  sera  le  même,  puisqu'il  ne  dépend  que  de  la  température. 
33  Concevons  maintenant  que  les  enveloppes  qui  les  con- 
33  tiennent ,  cessent  d'être  inextensibles  ;  les  deux  gaz  se 
33  dilateront  jusqu'à  ce  que  leurs  ressorts  soient  égaux  à 
»  la  pression  de  l'atmosphère  qui  environne  ces  enveloppes  5 
33  et  comme  pour  chaque  gaz  le  volume  est  en  raison  in- 
33  verse  du  ressort,  les  deux  gaz  prendront  le  même  volurat? 
33  et  se  dilateront  également.  C'est  en  effet  ce  que  le  citoyen 
33  Gai  Lussac  a  constaté  par  un  grand  nombre  d'expériences. 
33  On  voit  par  ce  que  nous  venons  de  diie  ,  que  ce  fait 
33  intéi-essant  est  lié  à  celui  de  l'accroissement  du  ressort 
33  des  gaz  en  i-aison  inverse  de  leur  volume ,  et  par  con- 
33  séquent  à  ce  principe  général  que  la  force  répulsive  des 
33  molécules  des  gaz  est  indépendante  de  leur  écartement 
»  mutuel,  et  ne  dépend  que  de  la  tenipérature  33. 


NOTE     VI. 


Le   comte    de    Rumford  a  fait  une  expérience   curieuse 
sur  la  chaleur  qui  peut  être  produite  par  le  IroUemeiit  (j)  ; 

(1)  F.siais,  vol.  II, 


•2q8  STATIQUE     C  H  î  3Î  I  Q  U  E. 

il  a  fait  mouvoir  avec  rapidité  an  foret  obtus  dans  un 
cylindre  de  bronze  do  i3  livres,  poids  anglais  ,  et  il  a 
observé  que  le  foret  avait,  dans  l'espace  de  deux  heures^ 
par  une  pression  qui  équivalait  à  i  oo  quintaux,  réduit 
en  pordre  4''"5  grains  de  bronze,  et  qu'il  s'était  dégagé 
pendant  cette  opération  une  quantité  de  chaleur  qui  aurait 
amené  36,38  livres  d'eau ,  de  la  température  de  la  congé- 
lation à  celle  de  l'ébuUition,  il  ii'a  pas  trouvé  de  diffé- 
rence entre  le  calorique  spécifique  de  la  poudre  métal- 
lique f  et  celui  du  bronze  qui  n'avait  pas  subi  de  frot- 
tement 5  ce  qui  lui  fait  croire  que  la  chaleur  n'est  due 
qu'à  un  mouvement  imprimé ,  et  non  au  calorique,  tel  que 
le  considèrent  la  plupart  des  chimistes. 

Je  me  bornerai  à  examiner  si  le  résultat  de  cette  expé- 
rience oblige  de  renoncer  à  la  théorie  du  calorique,  con- 
sidéré comme  une  substance  qui  entre  en  combinaison 
avec  les  corps  ,  et  si  l'on  ne  peut  pas  en  donner  une 
explication  satisfaisante  par  l'application  des  lois  déduites 
de   la   comparaison   de  ses  autres   effets. 

En  regardant  le  dégagement  du  calorique  comme  l'effet 
de  la  diminution  de  volume  produite  par  la  compression, 
ce  n'est  point  la  limaille  seule  qui  a  dû  contribuer  à 
ce  dégagement  5  mais  toutes  les  parties  du  cylindre  de 
bronze  ,  quoique  d'une  manière  très-inégale  ,  par  l'effort 
d'expansion  de  la  partie  qui  était  la  plus  comprimée  ,  et 
qui  éprouvait  la  plus  haute  température  sans  pouvoir  prendre 
les  dimensions  qui  convenaient  à  cette  température,  sur  les 
pp.*ilP';  les  moins  échauffées  et  les  moins  dilatées,  de  sorte 
qu'il  y  a  du  avoir  une  condensation  de  métal  relativement 
à  se£!  dimensions  naturelles ,  qui  diminuait  depuis  le  lieu 
do  Lx  compression  la  plus  forte  jusqu'à  la  siu'face  :  sup- 
posoïis  l'effet  uiiiforme  dans  tout  le  cylindre.  , 

li  a  dû  se  dégager  par  la  diminution  de  volume  une 
cil  wCur  égale  à  celle    qui  aurait  produit  une  augraentatloa 


J)  U      CALORIQUE.  a/jf) 

pareille  de  volume  en  supposant  que  les  chaleurs  spéci- 
fiques du  métal  ne  changent  pas  dans  cette  étendue  de 
l'échelle  thermométrique  ,  et  que  les  dilatations  soient  uni- 
formes j  ce  qui  doit  s'éloigner  peu  de  la  réalité  pour  des 
températures  et  des  dilatations  voisines.  Toute  la  chaleur 
qui  s  est  dégagée  aurait  donné  à-peu-près  160  degrés  du 
thermomètre  de  Réaumur  au  cylindre ,  et  si  la  dilatation 
du  bronze  par  la  chaleur  était  égale  à  celle  qu'on  a  re- 
connue dans  le  fer  qui  est  de  y-~,  pour  chaque  degré  du 
thermomètre  ,  les  180  degrés  auraient  produit  une  dila- 
tation de  --fl^  dans  chacune  de  ses  dimensions  ,  et  la  ré- 
duction du  volume  due  à  la  compression  supposée  égale 
à  cette  augmentation  ,  a  dû  produire  le  môme  degré  de 
chaleur. 

Or  la  percussion ,  l'action  du  balancier  ,  la  compression 
des  filières  produisent  un  changement  quelquefois  consi- 
dérable dans  la  pesanteur  spécifique  des  métaux;  il  paraît, 
par  exemple  ,  qu'elle  peut  l'augmenter  de  plus  d'un 
vingtième  dans  le  platine  et  dans  le  fer  que    l'on  forge. 

On  voit  donc  que  l'expérience  du  comte  de  Rumford 
est  bien  éloignée  d'atteindre  les  limites  d'une  explicatlou 
fondée  sur  une   propriété  connue   et    incontestable. 

Il  est  facile  de  faire  des  rapprochements  imposants  sur 
les  phénomènes  du  calorique  ;  mais  si  l'on  disait  à  une  per.- 
sonne  peu  habituée  aux  spéculations  chimiques  :  le  cylindre 
du  comte  de  Rumford  a  donné  pendant  deux  heures  d'un 
frottement  violent  autant  de  chaleur  que  i5  kilograiiimes 
de  glace  en  auraient  absorbé  pour  se  réduire  en  eau  sans 
changer  de  température  ,  ou  deux  hectogrammes  de  gaz  oxi^ 
gène  pour  se  combiner  avec  le  phosphore  ,  je  ne  sais  lequel 
de  ces  phénomènes  la  surprendrait  le  plus. 

Les  petits  changements  qui  peuvent  survenir  dans  la 
quantité  du  calorique  combiné ,  ont  une  si  faible  influence 
sur    la   capacité  du   caloriqui^   dans  une  petite  étendue   de 


3  5o  .STA.TIQUr:     CIIIMTQITE. 

l'échelle  therinométrlque  ,  qu'elle  devient  entièi-etnent 
inappréciable,  et  nous  n'avons  point  encore  les  données 
nécessaires  pour  reconnaître  quels  sont  les  cliangeraents 
qui  ont  lieu  à  cet  égard  dans  un  corps  solide,  selon  l'état 
de  condensation  dans  lequel  on  l'a  mis  par  une  force  mé- 
canique et  à  des   températures  éloignées. 

D'ailleurs ,  dans  l'expérience  que  Rumford  a  faite  pour 
examiner  la  chaleur  spécifique  de  la  limaille  de  bronze 
qu'il  avait  formée  ,  il  l'a  échauffée  jusqu'à  la  température 
de  l'eau  bouillante  5  mais  ce  minéral  Irès-élastique  a  dû 
reprendre  en  partie  ,  dès  qu'il  s'est  trouvé  libre  et  sur- 
tout dans  cette  dernière  opération^  l'état  de  dilatation  et 
la  proportion  de  calorique  qui  lui  convient  à  une  certaine 
température  ,  et  par  là  l'effet  de  la  compression  qu'il  avait 
éprouvée  a  dû  dispaiMÎtre  en  partie  ,  comme  on  voit  cpi'uiî 
mêlai   écroui  reprend  ses   propriétés  dans  le  recuit. 


NOTE    VII. 


ce  VoicT,  dit  Deluc  (1),  une  expérience  par  laquelbs 
»  Watt  s'est  assuré  que  l'eau  perd  proportionnellement 
»  plus  de  chaleur  par  l'évaporation  ordinaire  que  par  l'ébuU 
y>  lition.  Cette  expérience  qu'il  voulut  bien  répéter  en  ma 
33  présence ,  il  y  a  six  à  sept  ans ,  fut  faite  dans  un  vas^ 
»  de  ferblanc  ,  d'environ  huit  pouces  de  diamètre,  con- 
35  tenant  de  l'eau  plus  chaude  cjue  le  lieu  ,  et  mise  en 
33  évaporalion  dans  l'air  libre  :  ce  vase  contenait  aussi  un 
39  thermomètre  qui,  eu  agitant  doucement  l'eau  ,  indiquait 
33  exactement  les  pertes  de  chaleur  c|u'éprouvait    celle-ci  > 

(i)   Ann.  de   Cliim,   tom.  VIII,  p.    79. 


DU      CALORIQUE.  '2^1 

3»  en  même  temps  que  ses  perles  fie  poids  étiient  indi- 
33  quées  par  une  balance  à  laquelle  le  vase  était  suspendu. 
33  Un  autre  vase  semblable  à  celui-là,  contenant  une  même 
33  quantité  d'eau  ,  à  la  même  température ,  fut  placé  à 
33  une  petite  distance;  mais  cette  eau  était  couverte  d'un 
33  papier  huilé ,  peur  empêcher  son  évaporation.  Après 
33  iVxpérience ,  la  chaleur  perdue  par  ce  dernier  vase ,  fut 
33  déduite  de  la  perte  de  chaleur  essuyée  en  même  temps 
>3  par  le  vase  où  l'eau  s'évaporait,  et  le  restant  de  cette 
33  perte  ayant  été  comparée  à  celle  du  poids  ,  le  résultat 
33  fut  que  l'eau  évaporée  considérée  seule  ,  avait  enlevé  à 
33  ce  vase  une  quantité  de  feu  proportionnellement  plus 
33  grande  que  n'en  contenaient  les  vapeurs  de  l'eau  bcuil- 
33  lante  33. 

D'après  les  principes  que  j'ai  exposés ,  l'eau  qui  dans 
l'évaporation  prend  l'état  élastique  par  sa  combinaison  avec 
l'air ,  doit  prendre  une  quantité  de  calorique  proportionnelle 
à  son  volume  réel ,  et  à  la  température  de  laquelle  dépend 
sa  tension  :  or  la  vapeur  de  l'eau  qui  se  forme  sous  la 
pression  de  l'atmosphère  ,  et  à  im  degré  de  chaleur  de 
80  degrés  doit  l'emporter  par  ces  deux  conditions  sur  celle 
qui  est  tenue  en  dissolution  par  l'air  ,  sous  une  même 
compression  et   à  une  température   plus  basse. 

Il  parait  que  c'est  de  cette  expérience  que  Watt  a  conclu 
que  la  vaj'eur  de  l'eau  avait  d'autant  moins  de  calorique 
spécifique  ,  qu'elle  était  formée  sous  une  plus  forte  com- 
pression. 

N'y  a-t-il  point  quelque  circonstance  qui  en  a  imposé 
sur  le  véritable  résultat?  Dans  le  vase  qui  était  à  décou- 
vert ,  et  dont  l'eau  avait  une  température  s'jpérieure  à 
celle  de  l'air,  la  partie  du  liquide  qui  prenait  l'état  élas- 
tique-en  se  combinant  avec  l'air,  donnait  à  celui-ci  une 
légèreté  spécifique  plus  grande  que  si  l'air  eût  été  échauffé 
au  même  degré  sans    se   combiner  avec   l'eau  ,   il   a   donc 


"^2  STATIQl    F      CHIMIQUE. 

tiii  s'établir  un  courant  plus  rapide   sur  le  vase  découveit 

C[ue  sur  l'autre  ,    et    une    beaucoup   plus   grande   quantité 

<!-air  a  dû    s'échauffer  et  contribuer  au  refroidissement  du 

premier. 


NOTE    VIII. 


Deltjc  prétend  (i)  que  le  mercure  est  de  tous  les  li- 
quiaes,  celui  dont  les  changements  dans  le  volume  repré- 
sentent arec  le  plus  d'exactitude  les  variations  de  la  chaleur  , 
même  dans  les  températures  très -basses;  pour  établir  cette 
opinion,  il  suppose  i°.  que  le  mercure  n'éprouve  pas  de 
contraction  en  se  congelant  5  2°.  que  l'alcool  se  dilate  en 
se  congelant ,  et  que  cette  dilatation  affecte  sa  marche  par 
les  abaissements  de  température,  comme  celle  de  l'eau  qui 
approche  de  la  congélation  ;  mais  Cavendish  a  fait  voir  que 
le  mercure  éprouve  une  contraction  qui  équivaut  à  la  di- 
latation que  causerait  l'élévation  de  4^4  degrés  de  Fah  : 
elle  paraît  même  avoir  passé  dans  une  expérience  de  Brauu 
celle  de  5oo  degrés  ,  ce  qui  donnerait  une  contraction  de  -^ 
de  son  volume.  On  n'a  point  obtenu  la  congélation  de 
l'alcool  par  le  plus  grand  froid  qu'on  ait  produit.  D'ail- 
leurs rien  ne  jiorte  à  croire  qu'il  éprouverait  une  aug- 
mentation de  volume  ,  si  l'on  parvenait  à  le  congeler. 
L'analogie  même  conduit  à  penser  que  c'est  une  contraction 
qu'il  doit  éprouver  ,  puisque  les  huiles  se  contractent  , 
selon  l'observation  de  Deluc  ,  et  que  selon  celle  de  Cavendish 
l'acide  nitrique  et  l'acide  sulfurique  subissent  le  même 
effet;  de  sorte  que  la  contraction,  qui  est  une  conséquence 
de  l'accroissement  de  l'action  réciproque  ,   paraît    être    le 

(1)  Ilecbercli  sur  les  Mod.  de  l'Aîm.  tom.  II. 


13  U      C  A  L  O  R  T  Q  T.T  E.  2l53 

pliénoniène  le  plus  général ,  et  la  dilatation  qu'on  a  observée 
dans  la  congélation  de  l'alcool  mêlé  avec  l'eau ,  ne  doit 
être  attribuée  qu'à  la  dernière. 

Il  n'y  a  aucune  raison  de  croire  que  la  contraction  qu'é- 
prouve un  liquide  qui  passe  à  l'état  solide,  ne  produit  pas 
un  effet  dans  les  degrés  de  température  qui  précèdent  celui 
de  leur  congélation ,  comme  la  dilatation  qui  est  due  à  la 
cristallisation  en  produit  un  contraire  ,  et  comme  le  fait 
également  la  dilatation  qui  est  due  à  la  chaleur;  car  Deluc 
a  fait  voir  que  plus  les  liquides  approchent  de  la  vapo- 
risation ,  plus  les  dilatations  qu'ils  éprouvent  par  un 
même  degré  de  chaleur  sont  grandes. 

Il  y  a  donc  dans  tous  les  liquides  deux  causes  qui  em- 
pêchent que  leur  dilatation  et  leur  condensation  ne  soient 
une  mesure  exacte  des  changements  de  température  :  la 
première  est  la  dilatation  progressive  qu'ils  éprouvent  en 
approchant  de  la  vaporisation ,  la  seconde  est  la  dilatation 
ou  la  condensation  auxquelles  ils  sont  sujets  en  approchant 
de  la  congélation  ,  et  les  effits  de  ces  deux  causes  se 
compliquent  et  varient  selon  la  distance  qui  les  sépare  dans 
chaque  liquide. 

La  marche  du  mercure  doit  être  plus  régulière  dans  les 
degrés  élevés  de  température  que  celle  de  l'Llcool ,  et  celle 
des  huiles  qui  difïèrent  à  cet  égard  selon  leur  volatilité. 
Dans  les  degrés  inférieurs,  au  contraire  ,  l'alcool  doit 
représenter  avec  plus  d'exactitude  les  différences  de  tem- 
pérature ,  et  il  me  paraît  qu'on  ne  doit  pas  regarder 
comme  une  irrégularité ,  qu'il  faut  attribuer  entièrement 
à  l'alcool  ,  la  différence  qui  se  trouve  entre  son  indicii- 
tion  et  celle  du  thermomètre  à  mercure;  car  Deiuci 
observé  qu'un  thermomètre  fait  avec  l'alcool  n'était  qu'à 
'ft7i  lorsque  celui  à  mercure  marquait  lo  ,  et  Blagdou 
ayant  mis  deux  thermomètres  faits  avec  l'aicool  avec  tin 
thenaomèlre  à  mercure  dans  un  mélajige  fnlgorifique ,  l'un 


254  STATIQUE     CHIMIQUE. 

des  deux  premiers  marquait  29  ,  l'autre  3o ,  pendant  que 
celui  à  mercure  était  à  4o  de  Fahr  (1)  ,  quoique  ces  ther- 
momètres eussent  été  mis  d'accord  au  terme  de  la  con- 
gélation. 


ly  O  T  E    IX. 


De  ce  que  le  calorique  se  dégage  le  plus  ordinairement 
sous  la  forme  de  lumière  de  cette  espèce  de  combinaison 
qu'à  cause  de  cette  circonstance  on  appelle  inflammation 
ou  combustion ,  on  a  été  tenté  de  regarder  tout  dégage- 
ment de  lumière  comme  l'effet  d'une  combustion  ou  d'une 
combinaison  dans  laquelle  l'oxigène  éprouve  une  conden- 
sation, et  de  conclure  si  l'expérience  fesait  découvrir  des 
combinaisons  avec  dégagement  de  lumière ,  sans  que  l'oxigèn» 
y  eût  part,  que  la  théorie  adoptée  sur  la  combustion  se  trou- 
vait démentie.  On  a  cru  trouver  cet  avantage  dans  des  expé- 
riences publiées  par  les  chimistes  hollandais  dont  l'association 
a  produit  des  travaux  si  importants  pour  la  chimie  ,  sur  une 
jgnition  qui  présente  les  apparences  d'une  inflammation  , 
quoiqu'elle  ne  soit  pas  due  à  la  condensation  de  l'oxi- 
gène (2)  5  mais  à  une  combinaison  du  soufre  i».vec  les 
métaux. 

Schéele  avait  déjà  observé  le  phénomène  qui  fait  l'objet 
des  recherches  des  chimistes  hollandais  :  a  On  voit ,  dit- 
>3  il  (3),  que  presque  dans  toutes  les  combinaisons  que 
53  les  métaux  qui  en  sont  susceptibles  forment  au  feu  avec     à 

A)  Historg.  of  tlie  cougel.  of  quiet  silver.  Trans.  pliilos.  17S3. 
(2)   Expér.    sur  l 'inflammation    du    méîange    du  soufre    avec   différeuti 
métaux.  Journ.  des  Mines  ,  n'".   II. 

(5)    Trailé  cliini.   de    l'Air  cl  du   Feu  ,    p.   iQJ. 


DU      CALORIQUE.  qSd 

p  le  soufre,  le  mélange  s'enflamme  au  même  instant.  Il 
»  se  produit  un  elfet  de  la  même  nature  ,  lorsque  ces  mé- 
>3  langes  se  font  dans  des  vaisseaux  clos.  Je  mêlai  trois 
»  onces  de  limaille  de  fer  avec  une  once  et  demie  de 
»  soufre  en  poudre  fine  ,  et  je  les  mis  dans  une  petite 
3)  cornue  de  verre  qui  en  tut  remplie  auT  trois  quarts  ? 
»  j'attachai  à  son  cou  une  vessie  humectée  et  vidée  d'air, 
3>  et  je  posai  peu  à  peu  la  cornue  sur  des  charbons  ar- 
33  dents.  Lorsque  le  fond  de  I3.  cornue  commença  à  rougir, 
»  les  bords  de  la  masse  brûlèrent  d'une  belle  lumière 
»  d'un  rouge  pourpre  qui  s'étendit  de  plus  en  plus,  jusqu'à 
3»  ce  que  le  milieu  fut  aussi  rouge;  alors  les  bords  s'obs- 
33  curcirent  ,  et  la  lumière  pourpre  du  milieu  disparut 
33  aussitôt....  Je  distillai  du  soufre  avec  de  la  limaille  de 
33  j)lomb ,  j'obtins  la  même  lumière  rouge  foncée  3>. 

Les  chimistes  hollandais  qui  ont  fait  des  expériences 
semblables  ,  ont  observé  que  le  cuivre  était  le  métal  le 
plus  propre  à  produire  ce  phénomène  j  que  la  proportion 
la  plus  convenable  était  de  4°  grains  de  métal  ,  et  de 
j5  grains  de  soufre  ,  et  qu'en  diminuant  ou  en  augmen- 
tant le  dernier ,  Teffet  devenait  plus  faible  ;  qu'après  le 
cuivre  venaient  le  fer ,  le  plomb  ,  l'étain  ,  et  enfin  le  zinc  j 
mais  que  l'antimoine  et  le  bismuth  ne  présentaient  pas 
cette  propriété. 

J'ai  répété  l'expérience  avec  le  cuivre ,  et  même  sur  des 
proportions  beaucoup  plus  considérables  ,  et  j'ai  observé 
que  le  dégagement  de  la  lumière  pourpre  était  accompagnée 
d'une  grande  chaleur ,  qui  ,  produite  soudainement ,  fcsait 
éclater  le  vase  de  verre  dans  lequel  était  contenu  le  mé- 
lange, et  que  cet  effet  était  instantané  et  ne  durait  que 
pendant  que  la  combinaison  du  soufre  et  du  métal  pouvait 
s'opérer. 

Je  n'ai  point  pu  produire  cette  ignition  avec  le  zinc  , 
niais_lc  souire  s'est  volatilisé  eu  culier  ,  et  en  effet  le  soufre 


^56  STATIQUE    cîîîmiqut:. 

neutre  pas  en  combinaison  Avec  le  zinc;  ce  qui  me  fait 
conjecturer  que  les  cliiinistes  lioilanclais  ont  confondu  la 
véritable  combustion  du  zinc  avec  l'ignition  dont  11  s'agit  j 
aussi  ont-ils  élé  obligés  d'en^ployer  l'action  vive  des  souf- 
flets ,  et  la  flamme  a  été  dans  ce  cas  vive  ,  claire  et  blanche  ; 
ce  qui  est  le  caractère  de  la  combustion  du  zinc. 

Ces  expériences  ont  été  répétées  à  Turin  (i),  où  l'on 
a  observé  que  lorsqu'on  soumettait  à  une  clialeur  suffi- 
sante un  sulfure  de  fer  formé  par  un  feu  doux  pour  ré- 
duire le  mélange  en  une  masse ^  il  avait,  après  la  fulgo- 
ration  ,  l'aspect  d'une  substance  beaucoup  plus  solide 
qu'auparavant. 

Les  auteurs  de  ces  expériences  ont  éprouvé  qu'avec  les 
oxides  et  le  soufre  on  formait  de  l'acide  sulfureux  sans 
dégagement  de  lumière ,  et  qu'au  contraire  avec  les  métaux 
on  obtenait  l'apparence  lumineuse  sans  production  d'acide  : 
ils  en  concluent  que  ces  faits  ce  semblent  confirmer  la  doc- 
»  trine  de  Slhal,  et  détruire  au  moins  en  partie  celle  de» 
S)  chimistes  pneumatiques  sur  la  nature  des  régules  métal- 
35  liques  35. 

Il  me  semble  qu'on  ne  devrait  pas  choisir  pour  com- 
battre cette  doctrine  qu'on  appelle  pneumatique,  des  faits 
qui  s'expliquent  complètement  par  ses  principes.  Les  oxides 
peuvent  former  de  l'acide  parce  qu'ils  peuvent  céder  de 
l'oxigène  au  soufre;  ils  ne  donnent  pas  de  la  lumière  dans 
l'acte  de  leur  combinaison  ,  parce  que  l'acide  volatil  qui 
se  dégage  peut  prendre  le  calorique  en  combinaison. 

(1)    Mcm.  de  l'Acad.  de   Turin,  tom.  YI. 


DU      C  A.  L  O  R  I  Q  U  E.  2S7 

NOTE      X. 

Plusieurs  corps  deviennent  lumineux  3ans  difî'érentes 
circonstances  5  U  me  semble  que  les  causes  de  ce  phé- 
nomène   doivent  être  rapportées  aux  suivantes. 

Un  corps  devient  lumineux  ou  parce  que  sa  température 
s'élève,  ou  parce  qu'il  subit  une  combustion,  c'est-à-dire 
une  combinaison  avec  l'oxigène  ,  ou  parce  qu'exposé  aux 
rayons  de  la  lumière  ,  il  en  absorbe  une  certaine  quantité 
qui  n'entre  qu'en  faible  combinaison,  et  qui  conserve  son 
état  élastique  ,  comme  on  voit  l'air  être  retenu  par  l'affinité  de 
quelques  corps,  et  n'y  perdre  qu'en  partie  son  état  élastique- 
La  lumière  produite  par  le  frottement  peut  venir  ou  de 
la  température  exhaussée  par  la  compression  et  le  rappro- 
chement des  m^olécules  qui  l'éprouvent ,  ou  de  la  combus- 
tion ;  ces  deux  caus>3S  peuvent  se  trouver  réunies  :  Thomas 
Wedgwood  a  prouvé  que  les  corps  solides  devenaient  lu- 
mineux lorsqu'ils  parvenaient  à  une  certaine  température 
qui  ne  parait  pas  différer  beaucoup  entre  eux  (1)  5  lors 
donc  que  la  compression  peut  produire  dans  quelques  mo- 
lécules un  rapprochement  assez  grand  pour  élever  leur 
température  au  terme  convenable ,  elles  doivent  devenir 
lumineuses,  quoique  cette  différence  de  température  ne 
puisse  avoir  qu'une  faible  influence  sur  le  thermomètre  et 
sur   les  corps  voisins. 

Le  même  chimiste  a  fait  une  observation  intéressante 
sur  ce  phénomène,  c'est  qu'un  corps  devient  lumineux 
lorsque  sa  chaleur  provient  d'une  substance  qui  n'avait  point 
cette  propriété  ,  comme  d'un  gaz  ,  de  même  que  si  elle 
lui  avait  été  communiquée  par  un  corps  lumineux  j   ce  qui 

{))   Trans.  philog.  1792, 

I.  17 


•Jt58  STATIQUE     CHIMIQUE. 

confirme   rickntilé   subsLantielie   de  k  lumière  et    du  ca- 
loritjue. 

La  lumière  qui  provient  de  l'élévation  de  température 
des  corps  se  pi-oduit  lorsqu'ils  sont  placés  dans  le  gaz  azote 
et  l'acide  carbonique  ainsi  que  dans  le  gaz  oxigène;  celle 
qui  est  due  à  la  combustion  au  contraire  n'a  lieu  qu'autant 
qu'il  Y  ^  "^e  l'oxigène   pour  la  produire. 

C'est  à  cette  seconde  espèce  qu'appartient  la  propriété 
lumineuse'  de  plusieurs  substances  que  l'on  a  confondues 
sous  le  nom  de  phosphores  5  tels  sont  le  phosphore  de 
Canton  ,  le  phosphore  de  Bologne ,  quelques  nitrites  ,   etc. 

On  augmente  la  propriété  de  ces  substances  en  haussant 
leur  température  ,  mais  on  en  accélère  la  destruction. 

Huline  a  publié  dernièrement  des  expériences  curieuses 
sur  une  lumière  de  cette  espèce  que  donnent  spontanément 
quelques  poissons  et  quelques  autres  substances  (i). 

Les  poissons  qui  ont  été  principalement  l'objet  de  ses. 
expériences  sont  les  maquereaux  et  ks  harengs. 

La  lumière  qui  en  émane  précède  la  putréfaction  qui 
U  détruit,  elle  est  produite  également  par  les  parties  in- 
ternes que  l'on  met  à  découvert  ,  et  par  la  surface  ,  elle 
est  fixée  dans  un  liquide  qui  suinte  à  la  surface ,  et  dont 
on  peut  la  séparer  par  le   moyen  d'une  lame. 

Celte  matière  communique  sa  propriété  lumineuse  à  quel- 
ques liquides  et  non  à  d'autres  :  l'eau  seule  ne  devient 
pas  lumineuse  ,  non  plus  que  celle  qui  est  imprégnée  d'acide 
carbonique,  ou  d'autres  acides,  d'alcali,  de  chaux,  d'hy- 
drogène sulfuré  ,  etc.  ;  elle  devient  lumine\ise  lorsqu'elle 
tieiït  en  dissolution  la  plupart  des  sels  neutres ,  mïiis  il 
faut  que  la  proportion  des- sels  ne  soit  pas  trop  grande, 
alors  le  liquide  acquiert  cette  propriété  par  une  addition  ' 
6ulfisante  d'eau  :   l'agitation  augmente  l'effet.  C'est  la  sur- 

(i)    Trans.  pLilos.   iSoo. 


DU      C  A  L  O  R  î  O  u  E,  200 

face  qui  est  sur-tout  lumineuse;   cette  lumière  dure  pen- 
dant quelques  jours   après    lesquels  elle  finit. 

Les  apparences  que  j'ai  observées  moi-même  me  por- 
teraient  à  croire  qu'elles  peuvent  dépendre  du  gaz  hydrogène 
phosphuré  î  mais  c'est  à  des  expériences  précises  à  pro- 
noncer  sur  la  cause  de  cette  propriété. 

Hulme  a  encore  observé  qu'uii  ver-luisant  ,  placé  à  une 
température  très-basse,  a  cessé  d'être  lumineux,  qu'il  a 
repris  cette  propriété  en  le  faisant  passer  dans  une  tempé- 
rature plus  élevée,  que  le  vieux  bois  et  les  autres  subs- 
tances lumineuses  sont  affectés  de  même  par  les  chang'e- 
gements  de  température  ,  qu'une  chaleur  qui  approche  de 
rébullition  de  j'eau  détruit  également  cette  propriété,  que 
les  vers  luisants  peuvent  être  lumineux  après  leur  mort  j 
ce  qui  prouve  que  ce  n'est  pas  la  respiration  qui  leur  donne 
celte  qualité  :  le  thermomètre  n'éprouve  aucune  impression 
de  tous  ces  corps  luiuineux  ,  sans  doute  parce  que  le 
calorique  se   dégage  sous  forme  de   lumière. 

Enfin  certains  corps  deviennent  lumineux,  lorsqu'on  les 
a  exposés  à  une  lumière  vive;  ils  paraissent  n'éprouver 
aucun  changemeiit  dans  leur  composition,  quoiqu'on  réitère 
souvent  le  phénomène.  C'est  dans  ceux-là  que  j'admets  une 
faible  combinaison  de  lumière  qui  a  retenu  en  partie  son  état 
élastique;  mais  ce  n'est  qu'u^.e  analogie  qui  me  conduit  à 
cette  explication  ,  et  cette  cause  de  la  propriété  lumineuse 
5st  beaucoup  plus  obscure  et  incertaine  que  les  précédentes. 
J'ai  dit  que  la  présence  de  l'oxigène  était  nécessaire  pour 
e  dégagement  de  la  lumièro  qui  était  due  à  une  combi- 
laison  ;  capendaut  il  ne  faut  pas  regarder  cette  cause  comme 
imque ,  ainsi  que  je  le  remarque  dans  la  note  précédente.     ' 


17- 


a6o  STATIQUE     CHIMIQUE. 


NOTE    XI. 

Il  m'a  paru  important  de  déterminer  la  différence  qnl 
pouvait  exister  entre  Faction  du  fluide  électrique  et  celle 
du  calorique,  et  la  cause  qui  pouvait  souvent  rendre  leurs 
effets  semblables;  d'autant  plus  que  dans  les  leçonsdes 
écoles  normales  cette  similitude  d'effet  m'avait  fait  adopter 
l'opinion  de  ceux  qui  ont  regardé  le  fluide  électrique  comme 
le  calorique  même  5  j'ai  en  conséquence  prié  le  citoyen 
Charles  de  me  permettre  de  me  servir  de  ses  appareils 
l)uissants  pour  faire  des  expériences  qui  me  paraissaient 
propres  à  cet  objet.  Il  a  bien  voulu  se  charger  de  les  faire 
lui-même  avec  cette  obligeance  que  ses  confrères  sont  tou- 
jours sûrs  de  trouver  en  lui  :  je  vais  en  présenter  le  ré- 
sultat tel  qu'il  m'a  été  communiqué  par  Gay  Lussac ,  qui 
a  coopéré  à  ces  expériences. 

Un  fil  de  platine  a  été  soumis  à  des  commotions  qui 
approchaient  de  celles  qui  pouvaient  en  opérer  la  com- 
bustion ,  et  pour  s'en  assurer  on  a  excité  une  commotion 
par  laquelle  une  grande  partie  du  fil  a  été  fondue  ou  dis- 
persée ,  on  a  ensuite  employé  des  commotions  un  peu  moms 
fortes ,  et  aussitôt  après  chacune ,  on  touchait  le  fil  pour  juger 
de  la  température  à  laquelle  il  se  trouvait;  on  sentait  une 
chaleur  qui,  après  quelques  minutes,  était  dissipée,  mais 
qu'on  a  évaluée  semblable  tout  au  plus  à  celle  de  l'ébu.- 
lition  de  l'eau.  Si  l'électricité  liquéfiait  les  métaux  et  les 
mettait  en  combustion  par  la  chaleur  qu'elle  excite,  le  fil 
de  platine  aurait  dû  approcher,  après  une  commotion  qui 
différait  peu  de  celle  qui  aurait  produit  sa  dispersion  et  sa 
combustion  ,  du  degré  de  température  qui  peut  causer  sa 
liquéfaction  :  or  ce  degré  qui  est  le  plus  élevé  que  l'on  puisse 
obtenir,  serait,  selon  l'évaluation  plus  ou  moins  exacte  de 
Wedgwood,  de  3^277  degïés  de  Fahreneit. 


Dtr     CALORIQUE-  sGt 

Lorsque  la  commotion  est  assez  forte  pour  détruire  l'ng- 
;»régation  du  fil  ds  platine ,  elle  commence  par  détacher 
de  la  surface  des  molécules  qui  s'exhalent  comme  une 
fumée;  si  elle  est  assez  forte  pour  produire  la  combustion  , 
ce   qui  reste  du  fil   paraît  déchiré    en  filaments. 

Un  thermoscope  noirci  par  l'encre  et  placé  dans  le  cou- 
rant d'une  forte  étincelle  électrique ,  n'a  éprouvé  qu'une 
dilatation  qui  équivalait  à-peu-près  à  un  degré  du  ther- 
momètre de  Réauraur  ,  et  ce  léger  effet  pouvait  dépendre  de 
l'oxidation  du  fer  de  l'encre  :  placé  à  côté  de  ce  courant,  il  n'a 
présenté  aucune  dilatation,  quoique  l'air  fût  nécessairement 
affecté  de  l'action  électrique  :  il  en  a  été  de  même  lors- 
qu'il a  été  mis  en  contact  avec  un  conducteur  métal- 
lique qui  recevait  un  courant  moins  énergique  que  dans 
les  expériences  précédentes. 

Un  cylindre  de  verre  rempli  d'air  avec  un  excitateur  à 
chacune  de  ses  extrémités  ,  à  l'une  desquelles  était  fixé 
un  tube  qui  communiquait  avec  un  autre  cylindre  rempli 
d'eau  ,  produisait  à  chaque  commotion  une  impulsion  quî 
élevait  l'eau  de  plus  d'un  décimètre  au  -  dessus  de  son 
niveau  5  mais  son   effet  était  instantané. 

Ces  expériences  me  paraissent  prouver  que  ce  n'est 
point  par  une  élévation  de  température  que  l'électricité 
agit  sur  les  substances  et  sur  leurs  combinaisons  5  mais 
par  une  dilatation  qui  éloigne  les  jnolécules  des  corps.  La 
faible  chaleur  qui  a  été  observée  dans  le  fil  de  platine  ^ 
n'est  que  l'effet  de  la  compression  produite  jiar  les  mo- 
lécules qui  éprouvent  les  premières  l'action  électrique  , 
ou  qui  l'éprouvent  à  un  plus  haut  degré  5  elle  doit  être 
comparée  à  celle  qu'on  excite  par  la  percussion  ou  par 
la   compression. 

Si  la  dilatation  était  un  effet  de  la  chaleur,  celle  qu'a 
<'  prouvée  un  gaz  dans  l'expérience  rapportée  ci-dessus  n'aurait 
pas  été  instantanée  ,  elle  n'aurait  éprouvé  qu'une  diminution 


i^^2  STATIQUE     CHIMIQUE. 

progressive  par  le  rélroiJissenient ,  comme  lorsque  son  ex- 
pansion est  (lue  à  la  chaleur. 

Dans  l'expérience  par  laquelle  on  décompose  le  gaz 
ammoniaque  ,  ce  gaz  éprouve  iiidahirablement  l'action  de 
l'électricité ,  et  cependant  il  ne  s'échauffe  point  ,  et  dès 
que  la  décomposition  est  finie,  son  volume  reste  constant , 
parce  que  l'action  électrique  dont  on  se  sert  dans  cette 
expérience  n'est  pas  assez  énergique  pour  produire  une 
dilatation  que  l'on  puisse  appercevoir  :  on  ne  cause 
point  de  dilatation  sensible  dans  un  gaz  par  une  com- 
motion qui  n'est  pas  très-forte  ,  parce  que  l'impulsion  n'étant 
point  graduée  comme  l'expansion  qui  es*  due  au  calorique, 
et  étant  excitée  instantanément,  la  résistance  du  liquide 
devient  très-grande  ,  et  ne  peut  être  vaincue  que  lorsque 
la  dilatation  a  beaucoup  d'énergie. 

Une  expérience  de  Deiuiau  et  de  ses  savants  associés 
confirme  cette  explication  :  ils  ont  faitpasser  une  commotion  à 
travers  du  plomb  placé  dans  uu  vase  rempli  de  gaz  azote 
qui  ne  pouvait  l'oxider  5  il  s'est  réduit  en  poudre  en  con- 
servant toutes  ses  propriétés  métalliques  :  s'il  eût  éprouvé 
une  liquéfaction  semblable  par  l'action  de  la  chaleur,  son 
refroidissement  eût  été  graduel,  et  il  se  serait  congelé  en. 
une  seule,    ou  du   moins   en  plusieurs   masses. 

Il  faut  donc  distinguer  ,  lorsqu'on  soumet  un  métal  à 
l'action  électrique ,  les  effets  produits  immédiatement  par 
l'électricité  ,  de  ceux  qui  sont  dûs  à  son  oxidation  :  les 
premiers  se  bornent  à  diminuer  ou  à  détruire  les  effets 
de  la  force  de  cohésion,  à  écarler  ses  molécules  et  à  les 
disperser  :  s'il  se  dégage  par  là  un  peu  de  chaleur ,  elle 
n'est  due  qu'à  la  compression  qu'éprouvent  quelcjues  parties; 
mais  ceux  qui  sont  dûs  à  l'oxidation  produisent  un  haut 
degré  de  chaleur  ,  et  alors  les  effets  prennent  toute  l'ap- 
parence de  ceux  d'une  combustion  ordinaire  5  de  là  vient 
que  les  métaux  les  plus  oxidables  sont  ceux  qui  rougissent 


n  U     C  A  L  O  n  I  Q  TT  E.  a65 

le  plus  facilement  ,  et  qui  offreut  le  plus  les  propriétés 
d'un  métal  qui   est  liquéfié  par  la  chaleur. 

L'électricité  favorise  cette  oxidation  ,  par  là  même  qu'elle 
diminue  la  force  de  cohésion  ;  c'est  ainsi  qu'un  alcali  rend 
l'action  du  soufre  beaucoup  jilus  puissante  sur  l'oxigène  , 
.en  détruisant  la  force  de  cohésion  qui  lui  était  opposée , 
et  qu'un,  métal  dissous  dans  mie  amalgame  s'oxide  beau- 
coup plus  facilement  que  lorsqu'il  est  dans  l'état  solide. 
Ce  n'est  qu'en  détruisant  ainsi  les  effets  de  la  force  de 
cohésion  ,  que  la  chaleur  elle-même  produit  l'oxidation  des 
métaux,  mais  l'action  expansire  de  l'éîectrirlté  doit  avoir 
beaucoup  d'avantage  sur  celle  du  calorique,  parce  que  son 
action  est  bornée  au  solide  qui  se  trouve  dans  son  cou- 
rant 5  de  sorte  que  le  gaz  n'éprouve  pas  lui-même  une 
dilatation  qui  soit  contraire  à  la  condensation  qui  accom- 
pagne la  cor.ibinaison  ;  on  peut  appliquer  à  cette  circons- 
tance ce  que  l'on  observe  sur  l'action  du  gaz  bydrogène 
qui  peut  réduire  corriplètement  un  oxide  de  fer  placé  au 
foyer  d'un  verre  ardent ,  quoique  l'eau  ,  dont  les  deux 
éléments  reçoivent  également  lii  chaleur,  soit  décomposée 
par  ce  métal. 

Il  est  probable  que  c'est  également  à  l'effet  expansif 
d'un  courant  électrique  qui  s'établit  entre  deux  métaux 
entre  lesquels  s'interpose  une  couche  d'eau ,  qu'est  due 
l'oxidation  que  l'abroni  a  observée  entre  ces  substances 
mises  en  contact  dans  l'eau  ,  et  qui  paraît  se  borner  dans 
ce  cas  à  la  combinaison  de  l'oxigène  qui  est  tenu  en  dis- 
solution dans    ce    liquide   (i). 

Tous  les  effets  chimiques  produits  dans  les  substances- 
soumises  à  l'action  de  l'électricité  me  paraissent  pouvoir 
se  déduire  de  ces  considérations  ,  et  s'expliquer  par  la 
diminution   de  la  force   de    cohésion    qui    est   un    obstacle 

(i)  Journal    de   Pbys.   Veadém.    an    S. 


î64  STATIQUE     CHIMIQUE. 

aux  combinaisons  que  tendent  à  former  leurs  molécules} 
mais  il  reste  à  déterminer  les  différences  que  peuvent  pré- 
senter l'électricité  positive  et  l'électricité  négative  5  les  effets 
chimiques  de  la  pile  de  Volta  peuvent  être  beaucoup  plus 
considérables  que  ceux  de  l'électricité  ordinaire  ,  quoique 
celle-ci  soit  douée  d'une  tension  beaucoup  plus  grande  } 
parce  que  son  action  étant  nécessairement  interrompue  y 
les  effets  chimiques  qui  exigent  du  temps  pour  se  con- 
sommer j  ne  pourraient  que  commencer  à  s'exécuter  y  et 
seraient  même  détruits  par  le  rétablissement  subit  du  pre* 
mier  état  du  corps  ,  au  lieu  que  la  permanence  de  l'action 
de  l'appareil  électromoteur,  quoique  plus  faible  à  chaque 
instant ,  peut  donner  lieu  aux  changements  chimiques  qu'elle 
favorise  en  diminuant  les  effets  de  la  force  de  cohésion. 

Je  ne  regarde  moi-même  les  explications  que  je  viens  de 
hasarder  que  comme  des  conjectures  que  l'observation  peut 
confirmer  ou  détruire. 


SECTION     IV. 


DE    L'EFFET    DE    L'EXPANSION  ET   DE    LA    CONDENSATION 
DA^'S  LES  SUBSTANCES  ÉLASTIQUES. 


CHAPITRE     PREMIER. 

Ths  propriétés   caractéristiques   des  Jîuîdes 
élastiques. 

T02.  XJES  substances  sont  différemment  af- 
fectées par  le  calorique  ,  de  sorte  que  quelques- 
unes  ne  font  qu'éprouver  une  dilatation  en 
conservant  l'état  solide  au  plus  haut  degré  de 
chaleur  que  l'on  puisse  obtenir ,  à  moins  qu'on  ne 
fasse  concourir  quelqu'affinité  avec  l'action  du 
calorique  ;  d'autres ,  au  contraire,  conservent  l'état 
élastique  aux  plus  grands  abaissements  de  tempé- 
rature ,  et  sous  les  plus  fortes  pressions  connues  , 
et  il  n'y  a  que  l'énergie  de  l'affinité  plus  puis- 
sante que  ces  moyens  qui  puisse,  détruire  leur 
élasticité. 

Quelques  substances  tiennent  le  milieu  entre 
ces  extrêmes  ;  à  une  température  et  à  une 
pression  données ,  elles  restent  dans  l'état  liquide  ; 


'"^66  STATIQUE     CHIMIQUE. 

une  autre  température  ou  une  autre  pression 
les  réduit  à  l'ëtat  de  fluide  élastique  :  on  les 
distingue  alors  des  gaz  sous  le  nom  de  vapeurs. 
Ces  différentes  propriétés  dépendent  de 
l'énergie  plus  ou  moins  grande  de  l'affinité  ré- 
ciproque des  molécules  d'une  substance  et  de 
son  rapport  avec  l'affinité  que  ces  molécules 
ont  ave€  le  calorique  ;  mais  ces  deux  effets  ne 
pouvant  être  distingués,  il  faut  se  borner  à  en 
considérer  le  résultat,  en  le  regardant  comme 
une  force  variable  dans  les  différentes  substances, 
selon  leur  nature  ,  et  dans  chaque  substance 
selon  les  circonstances   où  elle  se  trouve. 

Ainsi ,  après  avoir  regardé  la  solidité  comme 
une  force  qui  favorise  les  combinaisons  ou  qui 
leur  est  opposée  ,  je  considérerai  dans  ce  cha- 
pitre l'élasticité  comme  une  autre  force  dont 
il  faut  évaluer  les  effets.  Je  l'examinerai  dans 
les  différentes  circonstances  de  l'action  chimique  y 
indépendamment  des  causes  auxquelles  une 
substance  doit  cette  disposition  ,  et  des  lois  que 
le  calorique  suit  dans  cette  action. 

i53.  L'acide  carbonique  ne  peut  se  coinbiner 
qu'en  petite  proportion  avec  l'eau  à  une  tem- 
pérature un  *peu  élevée  ;  ce  n'est  pas  que  l'eau 
ne  tende  à  s'unir  avec  une  plus  grande  quantité 
de  cet  acide  ;  car  ,  en  diminuant  la  force  de 
l'élasticité  par  la  compression  ,  oh  peut  augmen- 
ter  indéfiniment  cette  dissolution  x  on  produit 


DE  l'expaîtsiox  et  de  la   coxdswsatîoîî.    267 
aussi  le  même  effet  en  abaissant  la  tempe'rature  , 
mais  alors  il  est  limité  par  la  force  de  cohésion 
que  l'eau   acquiert  au  degré  de  la  congélation  , 
et  qui  ,  l'emportant  sur  son  affinité  pour  l'acide 
carbonique  ,  l'oblige  d'abandonner  celui-ci  :  et  il 
y  a  apparence  cj[ue  la  force  qui  prépare  la  cristal- 
lisation qui  sannonce  par  une  dilatation  ,  quel- 
ques degrés  au-dessus  du  terme  delà  congélation  , 
produit   un   effet    analogue    sur   la    dissolution 
des  substances  gazeuses  par  l'eau  ,  de  sorte  que 
ce   n'est  pas  au  degré  même    de  la  congélation 
que  l'eau  peut  dissoudre  la  plus  grande  quantité 
de  ces  substances  ,   mais    quelques    degrés    au- 
dessus  :  enfin,  Ton  aurait  un  résultat  opposé, 
en  diminuant  la  compression   ou  en  élevant   la 
température  ,  si  Ton  agissait  sur  une  combinaison 
de  l'acide   carbonique   avec  Feau  saturée  à  une 
température  basse  ,  ou  à  une  forte  compression. 
Comme   ces    effets    peuvent  s'observer    dans 
toutes  les  combinaisons  des  substances  gazeuses 
avec  les  différences  qui  dépendent  de  lintensité 
de    la   combinaison   ,    il    en    résulte  ,    i".    que 
l'élasticité  doit  être  considérée  comme  une  force 
opposée  aux  combinaisons  d'une  substance  qui 
en  est  douée    avec   les    substances    liquides    on 
solides  ,  ou  qui   ont  un   degré  différent   d'élas- 
ticité ;    20.  que  cette  force  s'accroît    par  l'accu- 
mulation  du  calorique  qui  fait  varier  par-là  les 
combinaisons  qui  peuvent  se  former  à  différentes 


Î5G8  STATTQITE     CniMIQUE. 

températures  :  il  suit  encore  de-là  que  l'on  ppiit 
comparer  Taclion  que  deux  substances  liquides 
exercent  sur  un  fluide  élastique  par  les  quantités 
de  ce  fluide  que  chacune ,  à  égalité  de  poids  , 
peut   assujettir. 

i54.  Lorsqu'une  substance  liquide,  qui  tend 
k  se  combiner  avec  l'acide  carbonique,  ne  peut 
plus  surmonter  son  élasticité  ,  à  température  et 
compression  données  ,  la  tendance  à  la  combi- 
naison qui  lui  reste  pour  cet  acide  ,  est  égale 
à  celle  de  toutes  les  substances  qui  se  trouvent 
dans  le  même  cas  ;  mais  le  terme  ,  où  s'arrête 
l'action  d'une  substance  qui  devient  solide  ,  est 
quelquefois  fort  éloigné  de  celui  où  elle  pour- 
rait parvenir ,  si  l'on  commençait  à  diminuer 
les  effets  de  l'élasticité  par  une  dissolution  pré- 
liminaire ;  ainsi  le  carbonate  de  chaux  peut 
être  dissous  par  l'eau  chargée  d'acide  carbonique. 

Comme  le  carbonate  de  chaux  est  encore  bien 
éloigné  du  terme  où  la  tendance  à  la  combinaison 
de  sa  base  pour  l'acide  carbonique ,  serait  épuisée 
à  la  température  ordinaire  de  l'atmosphère  ; 
ce  n'est  qu'en  l'exposant  à  un  haut  degré  de 
chaleur  ,  que  l'acide  carbonique  a  acquis  une 
disposition  assez  grande  à  l'élasticité  ,  pour 
pouvoir  commencer  à  se  dégager  ,  et  à  mesure 
que  la  proportion  d'acide  carbonique  s'y  trouve 
diminuée  ,  il  faut  que  la  chaleur  augmente  pour 
que  le  dégagement  continue  :  ce  n'est  que  lorsque 


DE    l'eXPA>-SIO:X    et    de    la    CO:YDE:fSATION.     2^0 

la  disposition  à  l'élasticité  est  devenue  supérieure  à 
toute  l'action,  que  la  chaux  peut  exercer,  que  celle- 
ci  se  trouve  entièrement  dépouillée  de  cet  acide. 

La  grande  quantité  d'acide  carbonique  ,  que 
les  bases  alcalines  peuvent  prendre  en  combi- 
naison ,  en  surmontant  sa  force  élastique  ,  prouve 
quelle  force  énorme  elles  exercent.  On  voit  donc 
que  l'élasticité  agit  contre  les  affinités  qui 
tendent  à  produire  une  combinaison  ,  comme 
la  force  de  cohésion  agit  dans  un  sens  contraire  : 
elle  doit  être  considérée  comme  un  effort  qui 
peut  être  comprimé  ;  mais  elle  peut  croîtr(? 
jusqu'à  un  terme  auquel  elle  l'emporte  sur 
l'affinité  qui  produit  les  combinaisons ,  et  elle 
cause  de  même  des  séparations  lorsqu'elle  de- 
vient prédominante  ;  l'une  produit  la  précipita- 
tion et  l'autre  la  volatilisation  ,  et  ces  deuî^ 
effets  opposés  ,  que  nous  allons  comparer , 
peuvent  concourir  également  aux  combinitisons 
qui  se  forment  dans  plusieurs  circonstances  , 
et  que   l'on   a  attribuées  aux  affinités  électives. 

Nous  avons  remarqué  que  la  force  de  cohésion 
devenait  active  avant  de  réaliser  l'état  solide  (9)  : 
l'élasticité  montre  encore  plus  clairement  la  force 
qu'elle  exerce  avant  qu  il  y  ait  production  d'un 
fluide  élastique  ,  puisque  la  tension  élastique» 
d'un  liquide  est  accrue  par  les  causes  qui  aug- 
mentent cette  force  ,  à  mesure  qu'elle  approche 
du  terme   où   elle  peut  produire  son  eïîal. 


270  STATIQUr:     CHIMIQUE. 

ij5.  Si  Ion  met  en  concurrence  un  acide, 
dont  l'état  naturel  est  la  liquidité  ,  avec  un 
acide  naturellement  élastique  ,  tel  que  Tacide 
carbonique  ,  mais  qui  se  trouve  combiné  avec 
une  base  alcaline  qui  comprime  son  élasticité  ; 
la  tendance  ,  à  la  combinaison  de  cette  base  , 
partage  son  action  entre  les  deux  acides  ,  en 
raison  de  leur  capacité  de  saturation  et  de  leur 
quantité  ,  de  sorte  que  Facide  carbonique  éprouve 
une  >Jturation  d'autant  plus  petite  que  la  force 
qui  lui  est  opposée  est  plus  grande  ;  si  donc 
il  étoit  combiné  en  quantité  considérable  avec  , 
la  base  alcaline  ,  par  exemple  ,  jusqu'au  point 
de  neutralisation  ,  il  obéit  en  partie  à  la  force 
élastique  qui  est  devenue  relativement  plus 
grande  que  la  saturation ,  et  se  volatilise  :  il 
n'oppose  donc  plus  la  même  masse  à  celle  de 
l'autre  acide  ;  par  là  sa  force  relative  se  trouve 
diminuée  ;  ainsi  ,  quoique  l'acide  opposé  n'aurait 
qu'une  affinité  ou  capacité  de  saturation  beaucoup 
plus  faible  ,  il  pourrait  éliminer  l'acide  carbo- 
nique ,  s'il  se  trouvait  en  assez  grande  quantité 
pour  saturer  la  base  ;  auais  si  la  base  alcaline 
ne  tient  qu'une  petite  proportion  d'acide  car- 
bonique ,  un  autre  acide  ne  pourra  chasser 
celui-ci  que  lorsqu'il  se  trouvera  en  quantité 
suffisante  ;  de  sorte  qu'au  commencement  du 
mélange  ,  il  n'y  aura  point  d'effervescence  ; 
c'est  en  effet  ce  qu'on  observe  ,  lorsqu'on  ajoute 


i 


DE    L  EXPANSION    ET    DE    LA    COIYDENSATIO^T.     'l'J  l 

par  parties  successives  un  acide  à  la  solvition 
<i'un  alcali  qui  n'est  combiné  cju'avec  une  petite 
proportion  d'acide  carbonique.  L'effervescence 
ne  se  manifeste  que  lorsque  la  quantité  de 
l'acide  ajouté  est  devenue  assez  considérable. 
L'effet  devient  plus  prompt  et  plus  complet , 
si  l'on  accroît  la  force  de  l'élasticité  par  la 
chaleur. 

C'est   à    cet    effet   de    l'élasticité    qu'on    doit 
attribuer  les  décompositions  que  les  acides  les 
plus   fixes  font  des  combinaisons  qui  sont  com- 
posées   d'une  base  fixe   et   d'un   acide    volatil , 
sur-tout  lorsqu'on  augmente   l'élasticité   par  la 
chaleur,  indépendamment  des  capacités  de  satu- 
ration ;  alors  la  force  qui  dépend  des  proportions 
d'une  substance  ,  disparaît  peu-à-peu ,  et  l'action 
de    l'élasticité   s'accroît  relativement   ou  effecti- 
vement si  la  température  s'élève  ;  c'est  ainsi  que 
l'acide   sulfurique  décompose  ,  par  le  moyen  de 
la    chaleur  ,    les    muriates    et   nitrates    à   base 
fixe  :  j'ai  distillé   un  mélange   d'acide    oxalique 
et   de  muriate  de  soude  ,  et   le   liquide  qui    a 
passé  contenait  beaucoup  d'acide  muriatique  ; 
cependant   lorsque  la  volatilité  des  deux  acides 
est  peu  différente  ,  la  plus  forte  affinité  de  l'un 
peut  l'emporter  sur  l'effet  de  la  seule  élasticité  \ 
ainsi  ,    avant    répété  la  inertie  expérience  avec 
l'acide   acétique  ,   celui-ci  a  passé  seid   dans  la 
ilistillation. 


2*7^  STATIQUE     CHIMIQUE. 

i56.  Si  une  base  est  volatile  ,  et  qu'à  une 
température  peu  élevée  elle  partage  avec  une 
base  fixe ,  son  action  sur  un  acide  élastique  ,  la 
chaleur  qui  augmente  l'élasticité  de  la  base  et 
de  l'acide  volatil  ,  déterminera  leur  séparatioa 
et  leur  combinaison  ,  comme  la  force  de  cohésion 
détermine  la  séparation  des  combinaisons  aux- 
quelles elle  appartient.  ' 

Ces  séparations  ,  décidées  par  la  volatilité  et 
par  la  fixité  ,  s'opèrent  plus  facilement  et  plus 
complètement ,  lorsque  les  substances  ,  qui  sont 
en  action,  sont  toutes  dans  l'état  neutre  :  parce 
que  c'est  dans  cet  état  que  l'action  relative  des 
acides  et  des  alcalis  est  la  plus  forte  ;  en  ap- 
pliquant ce  que  j'ai  dit  sur  les  décompositions 
réciproques  par  la  force  de  cohésion  (  Chap.  //^,' 
Sect.  II.)  à  toutes  les  observations  qui  ont  été- 
faites  sur  celles  qui  ont  lieu  par  l'élévation  de 
température  ,  on  trouvera  qu'elles  peuvent  étre^ 
expliquées  complètement  par  cette  seconde  cause 
analogue  à  la  première  ;  une  table  de  volatilité 
respective  ferait  également  prévoir  les  coinbi- 
naisons  qui  doivent  se  former  par  l'action  de 
la  chaleur  dans  le  mélange  de  différentes  subs;* 
tances ,  si  ce  n'est  dans  le  cas  où  les  dispositions' 
de  deux  substances  ,  qui  sont  en  concurrence 
de  combinaison  ,  diffèrent  peu  ,  et  où  l'affinité 
peut  alors  décider  une  combinaison  complexe 
plutôt  quune  combinaison  binaire  ,  ainsi  qu^ 


ï)E  l'éxpatîsioin"  et  dé  la  condensation.  ^-îS 
je  l'ai  fait  remarquer  ,  relativement  aux  cam« 
binaisons  qui  diffèrent  peu  par  leur  solubi- 
lité. 

Comm"e  le  rapport  de  la  force  de  cohésion 
à  rëlasticité  varie  par  les  différents  degrés  de 
chaleur  ,  il  arrive  souvent ,  qu'après  avoir  formé 
une  combinaison  par  la  prépondérance  de  la 
première  ,  on  en  produit  une  opposée  en  aug- 
mentant la  dernière  ;  ainsi  ,  lorsque  Ton  mêle 
du  carbonate  d'ammoniaque  avec  le  muriate  de 
chaux  dans  un  état  liquide  ,  le  carbonate  de 
chaux ,  qui  est  insoluble  ,  se  forme  et  se  préci- 
pite ;  mais  si  on  expose  à  l'action  de  la  chaleur 
le  muriate  d'ammoniaque  et  le  carbonate  de 
chaux ,  c'est  le  carbonate  d'ammoniaque  qui  se 
sépare  et  se  sublime. 

Lors  donc  qu'un  liquide  agit  sur  une  substance 
gazeuse  ,  celle-ci  se  combine  jusqu'à  ce  que  la 
résistance  de  l'élasticité  se  trouve  en  éauilibre 
avec  l'action  du  hquide,  de  sorte  qu'en  faisant 
varier  les  circonstances  qui  augmentent  ou 
diminuent  l'action  mutuelle  de  ces  substances 
par  la  quantité  du  liquide  ,  par  la  compres- 
sion du  gaz ,  ou  par  la  température  ,  on 
change  l'équilibre  entre  l'action  du  liquide  et 
celle  de  la  substance  gazeuse  ,  d'où  il  faut 
conclure  que  ,  lorsqu'on  a  pour  but  de  combiner 
une  substance  avec  un  liquide  ,  il  faut  abaisser 
la  température  ,  et  faire  en  cela  le  contraire 
i.  18 


:î74  statique    ciiimiquï. 

de    ce    qu'exige  l'action   d'un  liquide    sur   uïïff 
substance  solide. 

Cependant  Faction  du  calorique  peut  favoriser 
la  combinaison  d'une  substance  élastique  en 
diminuant  la  force  de  cohésion  ,  ce  qui  a  sur-tout 
lieu  avec  les  corps  solides  ;  mais  alors  un  degré 
de  chaleur  ,  supérieur  à  celui  qui  produit  cet 
effet ,  détruit  la  combinaison  même  qui  s'est  for- 
mée ;  ainsi ,  le  mercure  a  besoin  d'un  certain  degré 
de  chaleur  pour  se  combiner  avec  l'oxigène  ;  un. 
degré  plus  élevé  rend  l'état  élastique  à  celui-ci. 

Ce  qid  prouve  que  c'est  principalement  en  dimi- 
nuant la  force  de  cohésion  que  la  chaleur  agit,  c'est 
qu'un  métal  qui  ne  peut  s'oxider  qu'à  un  degré 
de  température  élevée  ,  s'oxide  à  la  température 
de  l'atmosphère  ,  s'il  est  dissous  par  le  mercure  ; 
c'est  que  le  phosphore  ,  dissous  par  l'hydrogène , 
s'enflamme  à  un  degré  de  température  beaucoup 
moins  élevé  que  lorsqu'il   est  dans   l'état  solide.. 

Lorsqu'une  substance  élastique  se  trouve  ré- 
duite  à  l'état  liquide  par  une  combinaison  ,  elle 
se  conduit  comme  les  liquides  ,  pendant  que^ 
l'action  qu'elle  éprouve  ne  change  pas  ;  mais  r 
dès  qu'elle  vient  à  diminuer  ,  ou  que  la  tem- 
pérature s'élève  ,  l'élasticité  qu  elle  acquiert  doit 
être  regardée  comme  une  force  qui  ,  ajoutée 
aux  précédentes  ,  influe  sur  les  résultats  ,  comme 
îe  fait  la  force  de  cohésion  dans  un  sens  opposé. 
1.57.  Les  gaz  exercent  aussi  une  action  mu- 


toË    LE5CPANSIÔ^    ET    DE    LA    CQ^DE^^SATlOîf.    2^5 

îiieîle ,  €t  ils  en  exercent  une  sur  les  liquides 
çt  sur  les  solides  ,  de  sorte  que  si  ceux-ci  ont 
la  propriété  de  leur  faire  perdre  letat  élastique  , 
ils  peuvent  réciproquement  les  réduire  dans 
leur  propre  état  ;  mais  cette  action  varie  beau- 
coup dans  ses  résultats,  selon  son  intensité  et 
selon  les  circonstances  qui  l'accompagnent.  De 
plus  les  liquides  prennent  1  état  gazeux  ,  par 
une  élévation  de  température  qui  varie  pour 
chacun  d'eux ,  et  alors  leur  action  chimique  se 
trouve  changée.  Tous  ces  objets  appellent  un 
examen   approfondi. 

Cavendish  a  obsei^^é  (i)  qu'en  agitant  un 
mélange  de  dix  parties  d'air  atmosphérique  et 
d'une  partie  d'acide  carbonique  avec  un  volume 
égal  d'eau  distillée  ,  celle-ci  n'enlevait  à  l'air 
que  la  moitié  de  l'acide  carbonique  ;  avant 
transporté  lair  sur  de  nouvelle  eau  distillée  , 
elle  n'a  absorbé  que  la  moitié  du  restant  de 
l'acide  carbonique  ,  comme  l'a  fait  voir  une 
absorption  ultérieure  produite  par  l'eau  de 
chaux. 
^  J'ai  éprouvé  (2)  que  si ,  dans  la  combustion 
j  d'un  gaz  hydrogène  carburé  ou  oxi carburé  ,  on 
avoit  un  résidu  ,  celui-ci  retenait  près  d'im 
dixième  de  l'acide  carbonique  formé  ,  quoiqu'on 

(0  Exper.  en  air.    Traiis.  philos.  1-04. 
.(2)  Mt-m.  de  rinstit.   tora.  IV. 

18., 


■2']6  STATIQUE    CHIMIQUE. 

l'agitât    sur  une   quantité    d'eau  considérable  ; 
c'est  par  cette  action  que  l'air  exerce  sur  l'acide 
carbonique,   qu'il    peut    j)river    l'eau  de   c^lui 
qu'elle    tient   en    dissolution  ;    d'où  vient  que  , 
lorsque  l'on  renferme    dans   un   vase   une  eau 
acidulée     avec    une    certaine     quantité     d'air  , 
celui-ci   fait  un  effort  pour  s'échapper  ,  il  sur- 
monte les  obstacles  qui  s'opposent  à  la  dilatation 
qu'il  éprouve    par  l'accession   de  l'acide  carbo- 
nique ,  s'ils  sont  trop  faibles  ;  mais  l'action  de 
l'air  est  limitée  par  la  quantité  qui  peut  l'exer- 
cer et  par  l'action  de  l'eau  qui  s'accroît  à  mesure 
que  la  quantité  d'acide  carbonique  diminue. 

On  retrouve  donc  dans  cette  action  de  l'air 
sur  l'acide  carbonique  ,  toutes  les  circonstances 
qui  accompagnent  celle  de  l'affinité  chimique  ^ 
iivec  la  différence  qui  dépend  de  l'élasticité, 
laquelle  augmente  relativement  l'action  de  l'air 
sur  l'acide  carbonique,  lorsqu'on  en  accroît 
l'énert^ie  ,  ou  par  une  élévation  de  température  , 
ou  par  une  diminution  de  compression. 

Cette  propriété  des   gaz   doit    être    regardée, 
comme  générale  ,  puisqu'on   l'a    observée   dans  , 
ceux    dont    la    pesanteur   spécifique ,  qui  s'op- 
pose à   son  effet ,  a  le  plus  de  différence. 

Vassab ,  qui  a  fait  des  observations  intéressantes 
sur  cet  objet  (i) ,  rappelle  que  dix  ans  auparavant» 

(i)  Mém.  de  la  Soc.  Méd.  d'Emul.  3=.  année. 


DE    l'exPAIVSIOW    ET   DE   LA    CONDENSATIOÎf.     277 

Volta  lui  fit  voir  que  le  gaz  hydrogène  descendait 
à  travers  le  gaz  atmosphérique  ,  pour  se  répandre 
également  dans  toute  sa  masse  et  qu'il  em- 
ployait quelque  temps  pour  parvenir  à  une  dif- 
fusion égale  :  il  fit  en  conséquence  lui-même  des 
expériences  qui  confirment  cette  propriété ,  et 
il  constata  aussi  celle  que  l'acide  carbonique 
possède  ,  de  se  dissoudre  également  dans  une 
masse  d'air ,  avec  un  espace  de  temps  suffisant. 

Il  faut  donc  reconnaître  entre  les  gaz  une 
action  réciproque  comparable  à  celle  qui  pro- 
duit les  dissolutions  des  liquides  entre  eux  ,  ou 
des  solides  par  les  liquides  ;  mais  elle  a  ses  ca- 
ractères particuliers. 

i58.  Lorsqu'on  mêle  différents  gaz  dont  l'ac- 
tion se  borne  à  cette  dissolution  ,  on  n'observe 
aucun  changement  dans  la  température  ou  dans 
le  volume  qui  résulte  du  mélange  ;  de-là  on 
doit  conclure  que  cette  action  mutuelle  de  deux 
gaz  ne  produit  aucune  condensation  ,  et  qu'elle 
ne  peut  surmonter  l'effort  de  l'élasticité  ou  de 
l'affinité  du  calorique  ,  de  sorte  que  les  pro- 
priétés de  chaque  gaz  ne  se  trouvent  point  sensi- 
blement altérées  ,  au  lieu  que  dans  les  dissolut  ions 
mutuelles  des  liquides  il  se  fait  une  condensation , 
et  que  dans  celle  des  solides  on  observe  souvent 
une  dilatation  qui  est  accompagnée  de  refroi- 
dissement et  qui  est  due  à  ce  que  l'affinité  réci- 
proque qui    s'opposait    à    la    combinaison    du 


57^  STATIQUE     CHIMIQUE. 

calorique  se  troiwe  diminuée  ;  ainsi  ,  quoique 
ia  dissolution  et  la  combinaison  de  deux  gaz 
soient  l'une  et  l'autre  l'effet  d'une  action  chi- 
mique qui  ne  diffère  que  par  l'intensité  ,  on 
peut  établir  entre  elles  une  différence  réelle  , 
parce  qu'il  y  a  une  distance  bien  prononcée 
entre  les  résultats  ;  la  combinaison  de  deux  gaz 
entraîne  toujours  une  condensation  de  leur  vo- 
lume et  donne  naissance  à  des  propriétés  nou- 
yelles  ;  dans  leur  dissolution  les  gaz  n'éprouvent 
qu'en  commun  les  changements  dûs  à  la  com^ 
pression  et  à  la  température  ,  et  ils  conservent 
leurs  propriétés  individuelles  qui  ne  se  trouvent 
diminuées  qu'en  raison  de  la  faible  action  qui 
les  tient  unis. 

Lorsque  les  liquides  dissolvent  un  gaz  ,  celui- 
ci  perd  considérablement  de  son  volume  et  se 
condense  ,  car  l'eau  qui  dissout  un  volume  égal 
d'acide  carîîonique  change  très-peu  de  pesanteur 
spécifique  ;  cette  dissolution  a  donc  les  carac- 
tères de  la  combinaison  ;  mais  lorsque  par  son 
action  l'air  dégage  cet  acide  de  Teau  ,  il  reprend 
îe  volume  qui  convient  à  la  température  et  à 
îa  2:)ression  ,  il  reçoit  pour  cela  le  calorique  que 
ges  dimensions  exigent. 

Nous  trouvons  donc  ici  un  résultat  de  l'action 
réciproque  de  deux  substances  qui  est  Irès-dif^ 
férent  à  cause  de  l'état  respectif  de  condensa- 
iioîi  dans  lequel  elles  sont  ;  comme  les  liquides 


^    de 
^L  €0 


DE   l'eXPABTSIO^T    ET    DF.    LA    COT^DE^'SATIO]V.    îî-jg 

prennent  eux-mêmes  les  propriétés  des  gaz 
par  l'action  de  la  chaleur  ,  et  qu'ils  peuvent 
se  dissoudre  dans  l'air  et  dans  les  autres  gaz  , 
il  faut  examiner  les  rapports  qui  se  trouvent 
entre  leurs  différents  états  et  les  forces  qui  sont 
mises  en  action  pour  les  produire. 

1 59.  Appliquons  d'abord  à  l'eau  ,  qui  est  réduite 
en  vapeur ,  les  observations  qui  ont  été  faites  sur 
l'action  que  le  calorique  exerce  sur  les  gaz  (108). 

Si  la  température  est  plus  élcA'^ée  que  cette 
de  l'ébuUition  ,  et  si  la  compression  reste  la 
même  ,  la  vapeur  de  l'eau  se  conduit  absolu- 
ment comme  les  autres  gaz  ,  ainsi  que  le  prou- 
vent les  expériences  de  Gay  Lussac  (108)  ,  et  il 
n'y  a  aucune  observation  à  faire  qui  les  concerne 
particulièrement  :  lorsqu'elle  n'est  qu'au  degré 
de  l'ébuUition  à  une  température  de  100  degrés 
du  thermomètre  centigrade  et  sous  une  pression 
de  28  pouces,  elle  a  un  degré  d'élasticité  qui 
correspond  à  cette  température ,  et  par  lequel  elle 
maintient  dans  l'état  gazeux  ;  qu'on  diminue 
alors  la  compression  ,  elle  se  dilate  encore  comme 
un  autre  gaz  ,  et  sa  tension  diminue  en  raison  de 
sa  dilatation  ou  du  nombre  des  ressorts  comparé 
à  l'espace  {Note  V).  Dans  cet  état,  elle  peut 
recevoir  une  addition  de  vapeur  proportionnelle 
à  l'augmentation  de  volume,  jusquàce  qu'elle  soit 
parvenue  au  degré  de  tension  qu'elle  avait  d'abord; 
mais  si  l'on  réduit  l'espace  à  ses  premières  di- 


aSo  STATIQUE     CHIMIQUE. 

jnensions ,  toute  la  partie  de  la  vapeur  ajoutée 
reprend  l'état  liquide  et  la  quantité  de  celle 
qui  reste  est  la  même  que  celle  qui  existait 
d'abord,    ainsi    que  la  tension   élastique. 

Si  on  abaisse  la  température ,  elle  ne  peut 
plus  conserver  l'état  élastique  ,  elle  cède  à  la 
pression  supposée  la  même ,  et  se  réduit  en  un 
liquide  qui  conserve  cependant  ïui-méme  une 
tension  élastique  qui  correspond  au  degré  actuel 
de   température. 

Si  la  compression  seule  augmente ,  elle  reprend 
encore  l'état  liquide  ,  et  l'eau  qui  est  reproduite 
exerce  un  effort  élastique  qui  répond  à  la 
tension  de  la  vapeur  qui  pourrait  se  former  sous 
une  autre  pression. 

i6o.  Comparons  à  présent  les  vapeurs  avec 
l'état  des  liquides  qui  sont  tenus  en  dissolu^ 
tion  par  les  gaz  permanents. 

L'eau  qui  se  dissout  dans  l'air  y  prend  l'état 
élastique  :  Deluc  avait  observé  (i)  que  l'air  hu' 
mide  était  plus  léger  que  l'air  sec  ;  mais  il  re^ 
gardait  la  vapeur  élastique  de  l'eau  comme 
mêlée  simplement  à  l'air  ,  et  comme  tendant 
à  s'en  séparer  et  à  s'élever  par  la  différence  de 
pesanteur  spécifique. 

Sçiussure  (a)  prouva  que  l'air  agissait  comme 

(t)  Recherch.  sur  les  mod.  de  l'Atm.  $.  709» 
(?)  Essais  siir  rHygrpmétrie, 


BE   l'expansion    et   DE    LA    CONDENSATIOlT.    28 1 

dissolvant ,  il  modifia  la  théorie  de  Leroi ,  qui 
avait  eu  le  premier  cette  idée  ,  mais  qui  com- 
parait cette  dissolution  à  celle  d'une  substance 
saline;  il  fît  voir  que  l'eau  se  réduit  en  fluide 
élastique  en  se  dissolvant  dans  l'air  ,  que  le 
volume  de  celui-ci  en  est  affecté ,  selon  la  com- 
pression et  la  température ,  jusqu'au  terme  de 
la  saturation  où  la  dissolution  cesse  de  s'opérer  ; 
de  sorte  que  dans  l'état  de  saturation  complète  , 
un  pied  cube  d'air  ne  peut  en  tenir  qu'environ 
onze  grains  en  dissolution  ,  à  une  température 
de  i5  degrés,  que  cette  quantité  diminue  par 
les  abaissements  de  température  ;  mais  relati- 
vement à  l'effet  de  la  compression  sur  la  vapeur 
élastique  ,  son  opinion  présente  quelques  incer- 
titudes que  je  discuterai  ;  après  cela  je  déduirai 
des  observations  de  ce  célèbre  physicien  les 
conséquences  qui  me  paraîtront  en  résulter , 
et  enfin  je  tâcherai  de  confirmer  ces  consé- 
quences par  d'autres  observations. 

Ayant  chassé  ,  par  le  moyen  de  la  pompe 
pneumatique ,  le  huitième  du  volume  contenu 
dans  un  récipient ,  Saussure  a  observé  que  Ihy- 
gromètre  marchait  au  sec  ;  ayant  continué  des 
opérations  semblables ,  le  progrès  de  la  dessi- 
cation  a  continué;  cependant  l'hygromètre  n'a 
pa«:  marché  d'une  manière  uniforme  ,  il  a  in- 
diqué un  excès  d'humidité  d'autant  plus  grand , 
que  la  quantité  d'air  diminuait,    et  lorsque  la 


2^2  STATIQTIE     CHIMIQUE. 

poiripe  n'a  plus  produit  d'effet  ,  riiygromètre 
est  reste  fixe  à  2 5  degrés  de  la  sécheresse  ex- 
trême. 

iGi.  Il  faut  distinguer  ici  les  indications  de 
riiygronièlre ,  de  l'humidité  réelle  ;  lorsque  Sans-» 
sure  a  terminé  son  expérience  ,  sans  pouvoir 
amener  l'hygromètre  au-delà  du  35«  degré  de 
sécheresse  ,  on  aurait  indubitablement  pu  le 
faire  passer  au  degré  de  sécheresse  extrême  par 
l'action  de  l'alcali  que  Saussure  emploie  pour 
cela  ,  puisque  tous  les  airs  ,  quelque  dilatés  qu'ils 
soient,  parviennent  par  ce  moyen  au  degré  de 
la  plus  grande  sécheresse  ;  mais  si  alors  on  eiit 
introduit  de  l'eau  dans  le  récipient ,  l'hygro- 
mètre eût  commencé  à  reprendre  les  a  5  degrés 
auxquels  il  s'était  arrêté  ;  puis  il  aurait  continué 
de  marcher  jusqu'à  l'extrême  humidité  ;  la  quan- 
tité d'eau  qui  est  nécessaire  pour  produire  l'hu- 
midité extrême  ,  dans  une  température  donnée  , 
est  donc  égale ,  soit  qu'un  espace  soit  vide ,  soit 
qu  il  soit  occupé  par  un  air  plus  ou  moins 
dense  ;  ce  qui  ninfirme  pas  la  différence  des 
indications  de  Thygromètre  dans  nn  air  plus 
ou  moins  dense ,  déduites  d'observations  directes  ; 
il  faudrait  seulement  en  conclure  que  dans  le 
vide  l'hygromètre  peut  retenir  un  peu  d'hu- 
midité ,  qui  naturellement  ne  se  réduit  pas  en 
vapeur. 

D'autres  observations  de  Saussure  m^e  parais- 


T>T.    l'expansion   et    T)T.   LA    COlVDEySATlON',    2  83 

sent  prouver  que  lorsque  Thygromètre  approche 
de  riiumiditë  extrême  ou  du  terme  de  son  action , 
il  suit  une  marche  contraire,  et  qu'il  se  met 
difficilement  en  équilibre  d'humidité  ;  de  sorte 
que  les  quantités  d'eau  sont  plus  grandes  que 
sa  marelle  n'en  indique  :  «  ainsi,  dit-il,  §.  333, 
i>  quand  l'hygromètre  est  à  70  degrés  ,  il  faut , 
»  suivant  ma  table  ,  un  refroidissement  de  12 
3)  degrés  ~  pour  ramener  l'air  au  terme  de  la 
»  saturation,  et  cependant  j'ai  éprouvé  qu'un 
»  jour  où  l'hygromètre  était  à  70  ,  et  le  ther- 
»  momètre  à  10,  la  surface  extérieure  d'un  verre 
»  commençait  à  se  couvrir  de  rosée  ,  lorsque 
»  l'eau  contenue  dans  ce  verre  n'était  que  de 
»  8  degrés  \  plus  froide  que  cet  air. 

Saussure  donne  lui-même  l'explication  de  la 
dissonnance  de  lliv^rromètre  ,  avec  l'humidité 
réelle  de  lair  peu  condensé  :  «  d'après  les 
$>  lois  générales  ,  dit  -  il  §.  il\6  ,  l'air  doit 
»  attirer  les  particules  des  vapeurs  avec  moin:^ 
»  de  force  lorsqu'il  est  rare,  lorsque  ses  molé- 
»  cules  sont  en  petit  nombre ,  que  quand  il 
»  est  dense.  Par  conséquent  le  cheveu,  auquel 
»  la  raréfaction  de  l'air  n'ôte  rien  à  sa  force 
»  attractive,  doit  avoir  une  force  d'attraction 
))  relativement  plus  grande  dans  un  air  rare  que 
»  dans  un  air  dense  ;  et  par  cela  même  il  doit 
M  alors  absorber  une  plus  grande  quantité  de 
»  vapeurs ,  et  indiquer  une  humidité  plus  grande 


O  r 


2D4  STATIQUE     CHIMIQUE. 

»  qu'il  ne  ferait ,  toutes  choses  d'ailleurs  égales , 
»  dans  un  air  plus  dense.  Ainsi  lors  même  que 
»  l'air  en  sortant  du  récipient  a  entraîné  avec 
»  lui  une  moitié  des  vapeurs ,  la  moitié  restante 
»  plus  fortement  attirée  par  le  cheveu  que  par 
»  l'air  raréfié  qui  reste  ,  affecte  ce  cheveu  plus 
y*  qu'elle  n'aurait  fait  si  l'air  eût  conservé  toute 
»  sa  densité  ;  et  ainsi  l'hygromètre  indique  plus 
»  de  vapeurs  qu'il  n'en  reste  réellement  dans 
»  le  récipient  ». 

Je  ne  saurais  donc  adopter  la  conséquence 
qu'il  tire  des  mêmes  expériences ,  et  qu  il  établit 
en  principe  pour  la  suite  de  son  ouvrage  ,  $.  \l\è  : 
«r  qu'à  mesure  que  l'air  devient  plus  rare  ,  il 
»  faut  une  quantité  d'eau  moins  considérable 
»  pour  le  saturer.  Par  exemple  ,  si  jusqu'à  la  hau- 
»  teur  du  Saint-Bernard  ,  8  grains  -^  produisent 
»  l'effet  qu'auraient  produit  9  \  dans  la  plaine, 
»  il  ne  faudra  ,  toutes  choses  d'ailleurs  égales , 
3»  pour  saturer  l'air  du  Saint-Bernard  ,  que  les 
»  —  de  la  quantité  qu'il  eût  fallu  dans  la  plaine. 
»  Et  en  appliquant  les  mêmes  raisonnements 
M  aux  mêmes  expériences,  on  verra  que  si  l'air 
»  était  raréfié  au  point  de  ne  soutenir  que 
»  1  lignes  \  de  mercure  ;  il  ne  faudrait  ,  pour 
»  le  saturer ,  que  la  vingtième  partie  de  ce  qu'il 
»  faut  quand  il  soutient  le  baromètre  à  27 
»  pouces  ». 

1 62 .  Il  me  paraît  donc  que  les  expériences  même 


r.E    l'expansion    et    de    la    OONDEA'SATIOy.    m85 

de  Saussure  font  voir  directement  que  la  quantité 
pondérale  de  vapeur  aqueuse  est  la  même,  dans 
Je  même  espace ,  quelle  que  soit  la  quantité  de 
l'air  avec  lequel  elle  se  trouve  unie ,  que  la  tem~ 
pérature  seule  détermine  cette  quantité  ,  qu'elle 
conserve  sa  tension  indépendamment  des  dif- 
férences de  compression  ,  comme  si  elle  était 
un  gaz  permanent  ;  de  sorte  qu'elle  contribue 
à  l'effort  élastique  quelque  soit  le  volume  auquel 
elle  est  réduite  par  la  compression  de  l'air  , 
comme  le  ferait  une  quantité  correspondante 
d'air  à  différentes  compressions. 

Les  expériences  de  Saussure  ont  encore  prouvé 
que  la  tension  de  la  vapeur  élastique  de  l'eau 
était  proportionnelle  à  la  quantité  qui  se  dis- 
solvait dans  un  volume  d'air  à  une  température 
donnée  ;  comme  ces  expériences  sont  fondamen- 
tales, je  rappellerai  le  procédé  par  lequel  elles 
ont  été  exécutées. 

Un  baromètre  renfermé  dans  un  ballon  bien 
luté  n'est  plus  sensible  qu'à  l'élasticité  de  l'air  ; 
sous  ce  rapport ,  Saussure  l'appelle  manornètre. 

Il  a  donc  placé  dans  un  grand  ballon  un  ma- 
nomètre ,  un  thermomètre  et  deux  hygromètres 
pour  comparer  les  effets  de  l'élasticité  ,  de  l'hu- 
midité et  de  la  chaleur  :  il  a  introduit  succes- 
sivement un  petit  rouleau  de  linge  humecté  et 
pesé  très-exactement  ;  il  l'a  retiré  quand  il  a  eu 
produit  un  effet  déterminé  sur  le  manomètre;. 


îà85  STATIQtrE     CHIMIQUE. 

de  sorte  qu'il  a  pu  comparer  l'effet  d'un  poîcî^ 
d'eau  sur  l'élasticité  de  l'air  contenu  dans  le 
ballon.  Il  a  suivi  une  marche  opposée  en  plon- 
geant dans  un  ballon  rempli  d'air  humide ,  un 
vase  qui  contenait  de  la  potasse  desséchée  :  et 
en  comparant  l'augmentation  de  poids  qu'elle 
acquérait ,  et  la  diminution  de  pression  qu'il 
observait  dans  le  manomètre ,  il  a  obtenu  des 
résultats  qui  correspondaient  aux  précédents. 

Il  conclut  de  ses  comparaisons  faites  avec  beau- 
coup de  soin  ,  et  en  introduisant  dans  les  résultats 
les  corrections  qu'exigeaient  les  variations  de 
température  qui  étaient  survenues  ,  que  la  va- 
peur élastique  de  Teau  a  une  pesanteur  spéci- 
cifique  qui  est  à  celle  de  l'air ,  dans  la  même 
température  et  sous  la  même  compression  , 
comme  lo  à  i4. 

i63.  Deluc  (^Note  XII)  et  Volta  ont  aussi 
fait  de  nombreuses  expériences  qui  prouvent  que 
les  quantités  de  vapeurs  élastiques  qui  se  for- 
ment dans  le  vide  sont  exactement  les  mêmes 
que  celles  qui  occupent  le  même  espace  rempli 
d'air  au  même  degré  de  saturation,  quelle  que  soit 
sa  compression  :  il  est  à  désirer  que  ce  dernier  ne 
tarde  plus  à  publier  les  expériences  qu'il  a  faites 
sur  cet  objet ,  et  qu'il  a  bien  voulu  me  com- 
muniquer ;  mais  ces  deux  physiciens  ont  conclu 
que  l'eau  n'était  point  tenue  en  dissolution  par 
l'air ,  qu'elle  ne  devait  son  état  élastique  qu'à 


DE    LEXPAZVSIOX   ET    DE    LA    CO^DEZS-SATIOX.    iSj 

raction  du  calorique  ,  indépendamment  de  toute 
affinité  de  Tair. 

Si  cette  opinion  était  fondée  ,  il  faudrait  sup- 
poser qu'un  liquide ,  qui  tend  à  prendre  l'état 
élastique  ,  ne  pénétrerait  dans  Tair  qu'en  rai- 
son des  vides  qu'il  peut  occuper ,  et  que  son 
élasticité  répondrait  exactement  à  la  quantité 
de  ces  vides  ;  il  suivrait  de-là  que  le  volume 
de  l'air  ne  devrait  point  augmenter  ;  or  ,  il 
s'accroît  précisément  dans  le  rapport  du  fluide 
élastique  qui  s'est  formé.  Peut-on  dire  avec  De- 
luc  (i)  qu'une  attraction  semblable  à  celle  qui 
produit  l'ascension  des  liqueurs  dans  les  tubes 
capillaires  ,  distend  les  pores  des  corps  qui  s'îiu* 
mectent  ?  mais  une  attraction  qui  réunit  une 
substance  à  iine  autre  ,  et  qui  surmonte  la 
résistance  de  l'élasticité  de  ses  molécules ,  n'a- 
t-elle  pas  tous  les  caractères  de  l'affinité  chi- 
mique ?  cette  opinion  ne  peut  se  concilier  avec 
les  faits  qui  prouvent  que  les  gaz  se  dissolvent 
mutuellement ,  de  manière  à  former  un  gaz  uni- 
forme ,  malgré  la  différence  de  pesanteur  spé- 
cifique ,  ainsi  que  Volta  lui-même  Ta  fait  voir  ; 
et  la  même  chose  a  lieu  avec  les  liquides  qui 
se  dissolvent  dans  l'air  ;  elle  ne  peut  non  plus 
se  concilier  avec  la  compression  uniforme  que 
l'atmosphère  exerce  sur  les  liquides. 

i^i)  Trans.   philos.    1791. 


a88  STATIQUE     CHIMIQUE. 

r64.  Cette  compression  et  la  dissolution  mu^ 
tuelle  des  gaz  prouvent  que ,  tandis  qu  il  existe 
une  vapeur  dans  un  espace  ,  il  n'y  a  point  de 
vide  dans  le  sens  qu'oh  attache  ordinairement 
à  ce  mot  ;  car  il  existe  entre  toutes  les  molé- 
cules qui  s'y  trouvent  une  action  non  inter- 
rompue ,  seulement  elle  s'affaiblit  à  proportion 
de  l'éloignement  des  molécules  qui  en  sont  le 
centre  et  si  le  calorique  rayonnant  et  la  lumière 
passent  à  travers  les  gaz  ,  c'est  que  le  mouve- 
ment qui  leur  est  propre  est  plus  fort  que 
l'action  qu'ils  éprouvent  ,  et  n'en  est  pas  sen- 
siblement affaibli. 

Il  me  paraît  donc  incontestable  que  c'est 
Une  véritable  action  chimique  qui  produit  les 
dissolutions  des  liquides  dans  les  gaz  et  Téva- 
poration  ,  ainsi  que  la  étabU  Saussure.  Mais 
l'observation  confirme  l'opinion  de  Deluc  et  de 
Volta  ,  relativement  à  la  quantité  de  vapeur 
élastique  qui  se  forme  dans  un  espace  donné  et 
qui  est  égale  ,  soit  que  cet  espace  soit  vide  , 
ou  qu'il  soit  occupé  par  un  air  plus  ou  moins 
dense  ,  mais  qui  est  au  même  degré  hj  gro- 
métrique  et  à  la  même  température. 

i65.  Les  expériences  de  Saussure  ont  prouvé 
directement  que  la  tension  de  la  vapeur  élas- 
tique de  l'eau  était  proportionnelle  à  la  quantité 
qui  se  dissolvait  dans  un  volume  d'air  à  une 
température    donnée  ,   et   qu'elle   agissait  alors 


BE    LEXPAin-SIOX    et   DE    LA    COXDtXSA.TlON.    aSd 

comme  un  gaz  dont  la  pesanteur  spécifique 
était  à  celle  de  l'air,  comme  lo  à  i4  :  doù  il 
suit  que  lon  peut  juger  de  l'effet  d'un  liquide 
qui  est  réduit  en  fluide  élastique  par  les  tensions 
qu'on  lui  trouve  à  une  température  donnée  , 
même  dans  le  vide  ,  ainsi  que  les  observations 
suivantes  le  confirmeront  ;  mais  pour  déter- 
miner ses  rapports  de  quantité  avec  l'air .  lors- 
qu'il est  mis  en  dissolution  par  celui-ci;  il  faut 
de  plus  savoir  quelle  est  la  pesanteur  spéci- 
fique de  la  vapeur  élastique  qu'il  forme  comme 
l'on  connaît  celle  de  la  vapeur  élastique  de 
l'eau. 

La  différence  que  produit  la  compression  de 
l'air  dans  cette  vapeur  n'altère  pas  le  rapport 
de  sa  pesanteur  spécifique  ,  de  sorte  que  celle 
qui  aurait  occupé  un  espace  vide  avec  une  pres- 
sion de  6  lignes  ,  n'en  occupe  plus  que  la 
54^  partie  ,  si  l'air  saturé  de  cette  eau  peut  élever 
la  colonne  de  mercure  de  27  pouces,  pendant 
que  sec  il  ne  l'aurait  élevée  que  de  26  7  pouces. 

Van  Marum  en  répétant  avec  soin  des  expé- 
riences entreprises  par  Lavoisier  et  Laplace  , 
a  observé  (i)  que  lorsqu'on  introduisait  dans 
différents  tubes  barométriques  placés  sur  un 
bam  de  mercure ,  de  l'eau ,  de  l'ammoniaque  , 
de  l'éther  ;  la  température  étant  de  10  degrés, 

(1)    Descriptions  de  fjuelques  appr.rcils -chimiques, 

'•  '  «9 


^QO  STATIQUE     CIIIMIQTTE 

l'eau  faisait  descendre  le  mercure  de  o  pouces,  4» 
l'ammoniaque  de  7,2,  et  lëtlier  de   12, 5. 

Saussure  a  trouve  que  l'air  étant  saturé  d'eau 
à  16  degrés  du  thermomètre  de  Rëaunnur ,  et 
par  conséquent  à  une  température  plus  élevée? 
et  à  une  pression  de  517  pouces  de  mercure  ,  . 
l'eau  contribuait  à  relïort  élastique,  pour  à- 
peu-près  6  lignes  de  mercure  ;  ces  deux  nombres 
coincident  autant  qu'on  pourrait  s'y  attendre, 
et  correspondent  aux  expériences  qu'a  faites 
Deluc. 

166.  Lorsqu'on  sature  l'air  d'éther  à  diffé- 
rentes températures  ,  il  acquiert  aussi  la  même 
tension  que  dans  le  vide  ,  aux  températures 
correspondantes  ,  ainsi  que  Volta  s'en  est  assuré 
par  des   expériences   délicates. 

Parconséquent  l'étlier  ayant ,  à  une  tempé- 
rature de  10  degrés,  une  tension  de  i2,5  ,  il 
doit  être  réduit  par  une  pression  de  i5,5  dans 
l'état  qu'il  a  lorsqu'il  est  dissous  par  l'air  jus- 
qu'à saturation,  à  28  pouces  de  pression:  l'air 
en  éprouve  aussi  une  compression  dans  le  mano- 
mètre :  nous  verrons  dans  la  section  suivante  les 
effets  qui  doivent  résulter  lorsque  les  deux  gaz 
acquièrent  la  liberté  de  se  dilater. 

La  différence  qu'il  y  a  entre  la  vapeur  de 
l'éther  qui  est  seule  ou  qui  est  dissoute  par  l'air, 
c'est  que  lorsque  l'espace  est  vide ,  si  l'on  abaisse 
le  tube  dans  le  bain  de  mercure  d'une  quantiti 


DE   L  EXPA?rSIO:!!f    ET   DE    LA    COIVDENSATIOX.    29 1 

égale  à  la  dilatation  ,  ainsi  que  Ta  fait  Van 
Marum  ,  tout  le  fluide  élastique  redevient  li- 
quide ;  mais  si  l'on  comprime  la  dissolution  de 
l'éther  par  l'air ,  le  volume  de  celui-ci  diminue 
en  raison  de  la  compression  ,  etl  étlier  ne  reprend 
l'état  liquide  qu'en  raison  de  la  diminution  de 
l'espace. 

167.  Cette  dernière  expérience  est  très-propre 
à  rendre  sensibles  les  effets  que  j'analyse  :  qu'on 
prenne  une  dissolution  d'étlier  par  l'air ,  en  la 
comprimant  sur  un  bain  de  mercure  ,  on  voit 
l'éther  se  réduire  en  gouttes ,  ou  même  en 
couche  liquide ,  à  mesure  que  la  compression 
augmente;  l'on  fait  disparaître  les  gouttes  et 
l'on  rétablit  la  transjjarence  du  tube  en  faisant 
succéder  une  dilatation  de  volume  égale  à  la 
première. 

Tout  l'effet  de  la  compression  est  alors  limité 
à  faire  prendre  l'état  liquide  à  une  partie  du 
fluide  élastique,  et  la  tension  de  celui  qui  est 
en  dissolution  reste  la  même  ;  il  faut  donc 
distinguer  l'effet  de  la  compression  récipror 
que  ,  dans  laquelle  la  vapeur  élastique  paraît 
se  conduire  comme  les  autres  gaz  ,  et  celui 
de  la  compression  qui  produit  une  diminu- 
tion de  volume.  Nous  avons  vu.  (Note  I.) 
que  la  tension  des  gaz  permanents  ne  paraisr 
sait  augmentée  par  la  compression  ,  que  parce 
qu'on  multipliait  par  Ik  le  nombre  des  ressorts. 

I9" 


59^  STATIQUE     CHIMIQUE. 

qui  s'appliquent  h  une  surface  :  cet  effet  h  si 
pas  lieu  pour  la  vapeur  élastique  ,  parce  qu  il 
lui  est  plus  facile  de  reprendre  l'état  li- 
quide. 

i68.  On  peut  donc  établir  comme  principe  ^^  j 
i".  que  l'air  dissout  les  liquides  évaporables  par 
l'action  de  son  affinité  ;  2°.  que  dans  cette  disso-  • 
lution  ,  ils  prennent  la  forme  de  fluide  élasti-  1 
que,  et  que  dans  cet  état  ils  jouissent  de  toute»  I 
les  propriétés  des  fluides  élastiques  jusqu'au 
terme  de  la  saturation. 

Il  suit  de  là  que  l'eau  tenue  en  dissolution 
par  l'air,  acquiert  par  l'état  élastique  qu'il  lui 
procure  exactement  les  mêmes  propriétés  qu'elle 
a  lorsqu'elle  est  réduite  en  vapeur  par  l'action 
seule  de  la  chaleur  ;  de  sorte  que  l'action  de 
l'affinité  de  l'air  consiste  à  maintenir  l'eau  dan,--/ 
l'état  élastique  ,  et  à  lui  donner  les  propriétés 
d'un  gaz  permanent  jusqu'au  terme  de  la  satu- 
ration; ce  que  je  dis  de  Tair  et  de  l'eau  doit 
^'appliquer  aux  autres  dissolutions  des  liquide* 
par  les  gaz. 

La  propriété  par  laquelle  l'air  maintient  la 
Vapeur  de  l'eau  dans  l'état  élastique  ,  jusqu'au 
terme  de  la  saturation,  peut  être  comparée  à 
celle  qu'a  le  muriate  de  soude  ,  selon  l'obser- 
vation de  Blagden  ,  que  j'ai  déjà  rappelée  ,  de 
maintenir  l'eau  liquide  jusqu'à  un  certain  degré 
au-dessous  de  la  congélation  ordinaire  ;  de  sorte 


DE    l'eXPANSIOIV    ET   DE    LA    COîfDE]VSATIO]V.    29? 

qu'alors  elle  subit  par  le  froid  un  dëcroissement 
progressif ,  comme  l'eau  simple  fait  dans  un 
degré  plus  élevé  ;  mais  lorsqu'elle  parvient  enfin 
au  terme  qui  appartient  à  sa  congélation  ,  elle 
éprouve  une  dilatation  pareille  à  celle  qu'on 
observe  dans  l'eau  simple  qui  approche  de  la 
congélation  et  reprend  les  propriétés  oui  lui 
appartiennent. 

169.  Il  suit  de  là  que  la  vapeur  élastique  de 
l'eau  doit  éprouver  ,  par  les  élévations  de  tem- 
pérature la  même  dilatation  que  les  autres  gaz 
et  23ar  conséquent  avoir  la  densité  de  la  vapeur 
de  l'eau  bouillante ,  lorsqu'elle  est  parvenue  au 
100^  degré  du  thermomètre  centigrade. 

Saussure  (i6i)  a  prouvé  en  comparant  les 
quantités  d'eau  qu'il  dissolvait  dans  l'air  sec  , 
et  l'accroissement  de  tension  qui  en  résultait , 
qu'il  y  avait  un  rapport  constant  entre  la 
tension  et  la  vapeur  produite  ,  et  que  cette 
vapeur  élastique  avait  une  pesanteur  spéci- 
fique qui  est  à  celle  de  l'air ,  comme  i  o  à 
i4  ,  à  égalité  de  température  et  de  compres- 
sion. Or  Lavoisier  a  conclu  de  ses  propres 
expériences  que  la  pesanteur  spécifique  de  l'air 
à  10  degrés  du  thermomètre,  était  à  celle  de 
l'eau  comme  84 2  à  i  ;  ce  qui  donne  ,  en  éva- 
luant à  Y  l'augmentation  de  volume  de  la  va- 
peur d'eau  ,  depuis  10  degrés  du  thermomètre 
jusqu'à  80  ,  une  pesanteur  spécifique  de  iS-'o. 


^0\  STATIQtlE     CHIMIQUE. 

On  doit  à  Watt  ce  qu'on  a  de  plus  précis  sur' 
la  pesanteur  spécifique  de  la  vapeur  de  Teau  atï 
terme  de  rébuUition  :  voici  comment  il  s'ex-^ 
prime(i)  :  i/  est  conjiu par  quelques-unes  de  mes 
expériences  _,  et  par  celles  du  docteur  Black  que 
la  vapeur  de  Veau^  en  comptarhi  depuis  60 ,  ou 
du  tempéré  y  est  plus  que  deux  fois  le  volume 
d'un  poids  égal  de  gaz  oxigène. 

Quoique  cette  indication  soit  un  peu:  vague, 
et  quoiqu'on  ne  puisse  compter  sur  une  parfaite 
exactitude  dans  les  rësuLta-ts  de  Saussure  ,  on 
trouve  cependant  le  rapport  le  plus  satisfaisant 
entre  le  premier  résultat  et.  celui  de  Watt;  car  ^ 
selon  les  déterimnations  de  Lavoisier  ,  la  pesan- 
teur spécifique  du  gaz  oxigène  est  au  i  o^  degré 
de  Réaumur  de  765  ;  de  sorte  que  l''expressio«s 
(le  Watt  fixe-  la  légèreté  spécifique  de  la  vapéu* 
de  feau  au-delà,  d^  lâSo.^ 

170.  En  établissaiït  que  l'air  agit  sur  les-  li* 
quides  qu'il  dissout ,.  comme  sur  les  autres  gaz^ 
par  là  même  on  prouve  que  les  vapeurs  élas> 
tiques  doivent  se  trouver  en  même  quantité 
dans  un  espace  vide  ou  dans  un  espace  rempli 
d'air  ,  pendant  que  la  température  et  la  tensioû . 
om  la  saturation  restent  les  mêmes  ;  car  pour.: 
qu'il  y  eût  un  autre  effet,  il  faudrait  que  l'air 
agît  autrement  par  la  compression  qu'il  ne  fait^ 

{3^  TraAs.  philos.  1784^  P'  35ar 


r>E  l'expansion  et  de  la  roïOEXSATiOF.  agSi 
sur  un  gaz ,  qu'il  exerçât  sur  la  vapeur  de  i'eau  une 
force  différente  que  sur  un  autre  gaz ,  et  alors 
il  y  aurait  une  grande  distance  entre  les  effets. 

Lors  donc  que  la  compression  diminue  l'es- 
pace qui  contient  un  air  saturé ,  une  partie  de 
la  vapeur  élastique  doit  devenir  liquide  pour 
permettre  à  l'autre  d'occuper  celui  qui  lui  con- 
vient, et  comme  il  lui  arriverait  ,  si  l'on  dimi- 
nuait l'espace  qu'elle  occupe  par  l'effet  de  sa 
seule  force  élastique ,  ou  comme  il  arriverait  à 
la  vapeur  de  l'eau  au  degré  de  Fébullition.  Il  y 
a  cette  différence  entre  les  liquides ,  qu'ils  ont 
k  une  même  température  des  tensions  inégales 
qui  sont  relatives  à  leur  élasticité,  jusqu'à  ce 
qu'ils  soient  parvenus  à  fébullition  :  alors  leur 
tension  se  trouve  égale  à  la  résistance  de  la 
compression  de  l'atmosphère  ;  ils  se  changent 
en  fluides  élastiques ,  et  suivent  les  mêmes  lois 
de  dilatation  :  avant  ce  degré  de  température 
l'affinité  des  gaz  leur  donne  les  propriétés  des 
gaz  permanents  ,  mais  sans  produire  aucun 
changement  dans  le  terme  de  leur  plus  grande 
tension  ,  comme  l'action  réciproque  des  gar 
permanents  n'influe  point  également  sur  le* 
tensions  qu'ils  doivent  avoir  dans  des  circons- 
tances données. 

171.  Saussure  pense  que  l'air  ne  dissout  l'eau, 
que  lorsque  Faction  du  feu  Va  convertie  en 
-yapeur  élastique ,  §.  191.  En  cela  je  diffère  de 


ÛQ^  STATIQUE     CHIMIQUE- 

son  opinion  ;  l'action  de  l'air  et  celle  du  calo- 
rique sont  simultanées  ;  mais  c'est  la  première 
qui  détermine  la  seconde,  la  compression  de 
l'atmosphère  s'oppose  à  la  formation  de  la  va- 
peur de  tout  l'excès  qu'elle  a  sur  la  tension 
du  liquide  ;  ainsi  dans  la  circonstance  où  s'est 
faite  l'expérience  de  Van  Marum  que  j'ai  citée , 
une  pression  de  i5  pouces  de  mercure  suffit 
pour  empêcher  la  vapeur  de  l'éther  de  se  pro-^ 
duire  ,  comme  elle  peut  aussi  lui  rendre  l'état 
liquide  si  elle  était  formée. 

L'action  de  l'affinité  de  l'air  sur  l'eau  se  ma- 
nifeste d'une  manière  frappante  dans  la  disso- 
lution de  la  glace ,   malgré  la    résistance  de  la 
force  de  cohésion;  Saussure  a  observé  qu'à  2,7- 
degrés  au-dessous  du  terme  de  la  congélation , 
l'hygromètre  qui  était  à  36,70  monta  dans  l'air 
où  il  avait  mis  un  linge  glacé  dans  une  heure 
de  18°,  et  dans  trois  de  Aq?^^.  Cependant  il  ne 
parvint  dans  cet  espace  de  temps  qu'à  86,22  , 
de  sorte  que  l'obstacle  de  la   force  de  cohésion 
retarde  non-seulement  la  dissolution  ,  mais  l'em-. 
'pêche  probablement  de  se  compléter.  Il  est  vrai-^ 
sem])lable  que  l'effet  diminuerait  par  les  abais- 
sements de  température,  et  qu'enfin  l'on  par- 
viendrait à  un  degré  où  la  dissolution  ne  pourrait 
plus  s'opérer. 

172.   Puisque  les  vapeurs  élastiques  que  les 
liquides    peuvent    produire    sont    déterminées. 


DE    L  EXPANSION    ET    T)T    LA    CONDEXS  VTION.    297 

par  l'espace  ,  et  puisque  la  comjjression  qu'elles 
éprouvent     lorsqu'elles     sont     dans     l'état     rie 
dissolution    ne    peut    faire    varier   leur   quan- 
tité pondérale ,  on  conçoit  d'où  vient  que  Saus- 
sure a  trouvé   les   mêmes  propriétés  hygromé- 
triques dans  le  gaz  hydrogène ,  l'air  atmosphé- 
rique et  l'acide  carbonique.  Priestiey  avait  déjà 
observé  que  différents  gaz  prenaient  le  même 
ficcroissement  de  volume   lorsqu'on  les  mettait 
en  contact  avec  l'éther  ;  j'ai  répété  cette  expé- 
rience   avec   Gay    Lussac   sur   le  gaz   oxigène  , 
le  gaz  azote  ,   l'hydrogène  ,  l'air  atmosphérique 
et  l'acide   carbonique  ,   et  nous   avons   observé 
qu'ils    éprouvaient    tous    la    même  dilatation  , 
excepté   le  gaz    acide    carbonique    dans  lequel 
elle   a   été    un  peu    plus   jégère  ;     mais    il    est 
naturel  d'attribuer  cette  différence  ,    qui    était 
très-jjetite  ,   à  un  peu  d'acide  carbonique    qui 
aura  pu  être  réduit  en  liquide  par  une  portion 
de  l'éther.   On  voit  que  l'eau  doit  se  dissoudre 
également  en  pareille  quantité  dans  les  différents 
gaz ,  et  qu'elle   doit  y  porter  une  tension  pro- 
portionnelle à  la  température  et  à  l'état  de  sa- 
turation. 

173.  Il  ne  faudrait  cependant  pas  conclure 
de  ce  qui  précède ,  que  les  substances  gazeuses 
ne  contiennent  point  d'autre  eau  que  celle  qui 
est  dans  l'état  gazeux  ,  et  sur  le  volume  de  la- 
quelle   elles    n'agissent    par    compression    nue 


29^  STATIQUE     CHIMIQUE. 

comme  elles  font  entre  elles  :  je  prouverai  au 
contraire  que  quelques-unes  peuvent  en  tenir 
en  véritable  combinaison  ;  mais  ce  n  est  point 
celle-là  qui  produit  les  effets  hygrométriques  , 
parce  que  retenue  par  une  plus  forte  affinité , 
elle  ne  contribue  pas  à  riiumiditë  et  à  la  séche- 
resse des  corps  qui  se  partagent  l'eau  de  l'at- 
mosphère :  ainsi  l'argile  retient  une  certaine 
quantité  d'eau  qu'elle  n'abandonne  qu'aux  degrés 
extrêmes  de  la  chaleur  ,  et  que  les  substances 
hygrométriques  sont  bien  éloignées  de  pouvoir 
lui  enlever. 

L'affinité  réciproque  des  molécules  de  l'eau 
qui  finit  par  la  réduire  en  un  corps  solide  , 
lorsque  la  force  qui  lui  est  opposée  devient  trop 
faible ,  produit  encore  des  effets  entre  la  vapeur 
de  l'eau  et  le  liquide  ;  de  là  vient ,  comme  l'a 
observé  Gay  Lussac ,  que  lorsqu'on  distille  sans 
communication  avec  l'air  une  substance  dont  il 
se  dégage  des  vapeurs  aqueuses  sans  aucun  gaz 
permanent ,  et  en  recevant  ces  vapeurs  dans  un 
récij^ient  rempli  d'eau ,  on  ne  peut  éviter  un 
balancement  qui  fait  refluer  l'eau  dans  la  cornue  ; 
mais  on  prévient  facilement  cet  inconvénient 
en  interposant  entre  l'eau  et  la  cornue  une 
petite  couche  de  mercure. 

Welter  avait  auparavant  imaginé  le  moyen 
de  se  servir  de  la  compression  même  de  l'at- 
mosphère pour  prévenir  cet  effet  par  les  tubea^ 


I^E    l'eXPANSIOIV    et    DE    LA    C01\'T>F?fSATT0:V.     299 

de  sûreté ,  qui  depuis  lors  sont  employés  avec 
succès  dans  un  si  grand  nombre  d'opérations  , 
et  qui  ont  donné  toute  son  utilité  à  l'appareil 
que  l'on  doit  à  Woulfe;  mais  lorsqu'on  a* intérêt 
d'éviter  le  mélange  de  l'air,  le  premier  moyen 
a  un  grand  avantage  :  par  là  même  que  le  mer- 
cure a  beaucoup  moins  d'affinité  avec  la  vapeur 
de  l'eau  ,  que  l'eau  n'en  a  elle-même  ,  les  effets 
de  résorption  qui  sont  très-difficiles  à  éviter  , 
n'ont  plus  lieu. 

C'est  par  un  effet  analogue ,  que  dans  les 
machines  à  feu  une  petite  quantité  d'eau  froide 
produit  une  soudaine  condensation  dont  l'effet 
est  secondé  par  la  dilatation  qui  en  résulte  dans 
le  reste  de  la  vapeur ,  et  par  le  refroidissement 
qui  l'accompagne ,  comme  l'a  observé  Darwin  (i). 
Cette  action  réciproque  sert  encore  à  expliquer 
l'effet  de  l'eau  qui  favorise  le  dégagement  d'une 
substance  gazeuse ,  d'où  vient  que  l'absence  de 
Veau  ,  comme  Fa  fait  voir  Vitliering  (s) ,  distingue 
le  carbonate  de  baryte  natif,  qui  ne  peut  être 
décomposé  par  la  chaleur  ,  du  carbonate  arli- 
cifiel ,  qui  peut  l'être  au  moyen  de  l'eau  qu'il 
contient  ;  mais  le  premier  peut  se  décomposer 
dans  un  tube ,  en  y  faisant  passer  un  courant 
de  vapeur  d'eau ,  comme  l'a  fait  Priestley  y  ou 

(j)  Trans.  philos.    1788. 
(2)  Ibldy    1784. 


300  STATIQUE      CHIMIQUE. 

en   y  suppléant   par   un    courant   d'air ,    seloit 
Clément  et  Désorme. 

174.  Lors  donc  que  Teau  est  faiblement  re- 
tenue dans  une  combinaison  ,  et  qu'elle  se  réduit 
en  vapeurs  ,  elle  sollicite  et  détermine  une  autre 
substance  à  prendre  l'état  gazeux  par  toute  l'af- 
finité qu'elle  a  pour  le  gaz  qu'elle  dissout.  Cette 
propriété  peut  être  d'une  grande  utilité  dans 
plusieurs  opérations  de  chimie. 

L'affinité  mutuelle  des  gaz  peut  donc  produire 
entre  eux  un  effet  qui  est  plus  grand  que  leur 
différence  de  pesanteur  spécifique ,  mais  qui 
est  inférieur  à  la  tension  élastique  qui  appar- 
tient à  chaque  molécule  des  uns  et  des  autres  ;  de 
sorte  que  le  volume  n'est  point  altéré  par  cette 
action  ;  les  liquides  qui  prennent  l'état  élastique 
se  conduisent  dès-lors  comme  des  gaz. 

Quelques  solides  paraissent  se  dissoudre  dans 
l'air  comme  les  liquides  ;  ainsi  le  phosphore  se 
dissout  dans  l'azote  en  accroissant  son  volume  ,  et 
l'observation  intéressante  de  Gay  Lussac  sur  le  mu- 
riate  d'ammoniaque  (108)  prouve  qu'il  en  fait  de 
même  :  il  y  a  apparence  que  les  corps  odorants  se 
dissolvent  ainsi  ,  puisqu'ils  conservent  dans  leur 
union  avec  l'air  ,  les  propriétés  qui  les  carac- 
térisent; mais  si  l'affinité  mutuelle  des  gaz  est 
plus  forte  que  celle  qui  se  borne  à  la  disso- 
lution ,  et  si  elle  peut  effectuer  un  changement 
dans  les  dimensions  respectives,  il  se  produit 


t>£    L*ÈXPA^-SIO]N■    ET    DE    LA    CONDErySATlO:!f.    5ôi 

-d'autres  phénomènes  qui  appartiennent  à  la 
combinaison  ,  et  qui  en  séparent  d'un  grand 
espace ,  ce  que  je  désigne  ici  par  dissolution  , 
])arce  que  par  là  même  que  les  dimensions  respec- 
tives diminuent ,  l'action  réciproque  s'accroît  , 
et  l'effet  n'est  limité  que  parce  que  cette  action 
s'affaiblit  en  raison  de  la  saturation  qui  s'opère. 
170.  On  doit  distinguer  la  dissolution  de  la 
combinaison ,  non-seulement  parce  que  dans  la 
première  chacune  des  substances  est  retenue 
par  une  si  faible  affinité,  qu'elle  conserve  ses 
dimensions;  mais  encore  parce  que  toutes  les 
propriétés  qui  la  caractérisent ,  toutes  ses  autres 
tendances  à  la  combinaison  se  trouvent  à  peine 
affaiblies  ;  au  lieu  que  dans  la  combinaison  les 
propriétés  antagonistes  sont  diminuées  de  toute 
la   saturation  qu'elles  ont  éprouvée. 

Il  y  a  donc  ,  dans  les  combinaisons  des  gaz , 
une  condensation  qui  est  ordinairement  plus 
grande  que  celle  qu'on  observe  dans  les  liquides  , 
parce  qu'ils  peuvent  beaucoup  plus  diminuer 
de  volume  par  les  mêmes  causes. 

On  observe  en  effet  une  condensation  quelque- 
fois considérable  dans  les  combinaisons  gazeuses 
qui  se  forment  ;  ainsi  la  vapeur  de  l'eau  à  la  chaleur 
de  Fébullition  occupe  beaucoup  moins  d'espace 
que  le  gaz  hydrogène  et  le  gaz  oxigène  qui  la  pro- 
duisent n'en  occuperaient  à  la  même  température  : 
le  gaz  nitreux  a  une  pesanteur  spécifique  plus 


k 


302  STATIQUJÏ     CHIMIQUE. 

grande  que  celle  du  simple  mélange  de  ses  deux: 
éléments  ;  il  en  est  de  même  du  gaz  ammo- 
niaque. 

Le  rapprochement  des  molécules  peut  être 
tel ,  que  l'action  réciproque  se  trouve  augmentée 
au  point  que  la  substance  combinée  prenne 
l'état  liquide,  ou  même  l'état  solide  ;  ainsi  le 
gaz  ammoniaque  dans  lequel  les  éléments  ont 
déjà  subi  une  grande  condensation  en  éprouvé 
une  nouvelle  lorsqu'il  se  combine  avec  le  gaz 
muriatique ,  et  1  un  et  l'autre  prennent  l'état 
solide. 

Le  gaz  hydrogène  et  le  g3cz.  oxigène  réduits 
en  eau ,  ne  peuvent  plus  conserver  l'état  gazeux 
que  sous  un  certain  degré  de  pression  :  à 
une  pression  trop  considérable  ,  ils  prennent 
l'état  liquide ,  et  enfin  par  une  diminution  de 
température,  ils  deviennent  solides.  Cette  com- 
binaison se  trouve  donc ,  par  le  rapprochement 
des  molécules  ,  dans  un  état  intermédiaire 
entre  celui  où  l'affinité  réciproque  ne  produit 
aucun  effet  sensible ,  et  celui  où  elle  produit 
la  liquidité  ,  et  enfin  la  solidité  ,  et  selon  l'état 
de  la  température  et  de  la  compression  ,  la  force 
expansive  ou  la  force  de  cohésion  deviennent 
prépondéran  tes . 

176.  On  retrouve  donc  dans  les  gaz  qui  se 
combinent  et  qui  subissent  unj  assez  grande 
condensation ,  les  phénomènes  que  j'ai  observés 


DE   l'exPANSIOTC    ET   DE    LA    COlYDENS^TIOîf.    3o5 

dans  les  autres  combinaisons  dans  lesquelles  la 
disposition  à  la  solidité  est  augmentée  toutes  les 
fois  que  l'affinité  a  assez  d'énergie  :  mais  ici  ils 
sont  beaucoup  plus  considérables ,  parce  que  la 
condensation  est  beaucoup  plus  grande. 

Les  liquides  et  les  solides  qui  se  combinent 
avec  les  substances  gazeusas  les  assujettissent  à 
leur  état,  où  ils  prennent  eux-mêmesTétat  gazeux, 
selon  l'énergie  des  forces  qui  sont  en  action ,  et 
quelquefois  selon  les  proportions. 

Lorsqu'un  solide  passe  en  combinaison  avec 
un  fluide  élastique,  il  est  difficile  d'estimer  la 
condensation  qui  résulte  de  la  combinaison  , 
parce  que  l'on  ignore  quel  volume  prendrait  un 
solide  à  une  température  basse  ,  si  lu  force  de 
cohésion  cessait  d'agir  sur  lui  ;  cependant  cette 
condensation  est  manifeste ,  puisque  dans  la 
plupart  des  cas  ,  le  volume  de  la  substance 
gazeuse  est  réduit  par  la  combinaison  ,  et  que 
toujours  la  pesanteur  spécifique  de  la  combi- 
naison est  plus  grande  que  celle  qu'avait  la 
substance  gazeuse  ;  ainsi  la  pesanteur  spécifique 
du  gaz  muriatique  oxigéné  .  de  l'acide  sulfureux 
et  de  l'acide  carbonique  ,  est  beaucoup  plus 
grande  que  celle  du  gaz  oxigène  ;  celle  du  gaz 
hydrogène  carburt» ,  phosphuré  ,  sulfuré  ,  plus 
grande  que  celle  du  gaz   hydrogène. 

177.  Si  dans  les  combinaisons  qui  se  forment , 
une  portion  du  calorique  est  toujours  éliminée, 


3b4  STATIQUE     CHIMIQUE. 

si  l'action  du  calorique  a  toujours  pour  effet 
immédiat  la  dilatation  des  corps  ^  et  si  elle  aug- 
mente leur  disposition  à  Tëlasticitë  ,  il  paraît 
d'abord  difficile  de  concevoir  comment  une  aug- 
mentation de  calorique  peut  produire  la  coni- 
hinaison  de  Thydrogène  et  de  Foxigène  dont  il 
doit  s'en  éliminer  une  grande  quantité,  et  com- 
ment il  se  fait ,  selon  l'expression  de  Monge  (i)  y 
qu^en  augmentant  là  dose  du  dissolvant ,  on 
diminue  V adhérence  qu^il  avait  pour  ses  bases. 
J'ai  emprunté  de  Monge  lui-même  une  expli-i 
cation  qui  me  paraît  résoudre  cette  difficulté  (2). 
La  compression  en  rapprochant  les  molécules 
de  deux  gaz  augmente  leur  action  réciproque  , 
elle  peut  être  portée  à  un  point  où  elle  déter- 
mine la  combinaison  ;  or  la  partie  d'un  gaz  qui 
la  première  reçoit  la  chaleur,  éprouve  une  dila- 
tation d'autant  plus  grande  que  la  chaleur  est 
plus  intense  ,  elle  doit  comprimer  avec  un  grand 
effort  les  parties  du  gaz  qui  n'ont  pas  encore 
reçu  le  même  degré  de  température ,  elle  décide 
par  là  leur  combinaison;  mais  le  calorique 
qu'abandonne  cette  combinaison ,  et  qui  rélève 
à  une  température  beaucoup  plus  haute  produit 
par  la  tension  qui  en  est  la  suite  une  réaction 
beaucoup  plus  grande ,  de  sorte  que  la   partie 

(i)  Mém.  del'Acad.  1783. 
(2)  Ibid,    17S8. 


i 


r>E    L'£XPAr,-SIOX    ET   DE   LA    COIv-DE.\SATIOX.    3o5 

qui  n'avait  d'abord  fait  que  se  dilater  ,  est  obligée 
d'entrer  elle-même  en  combinaison. 

Le  calorique  ne  ferait  donc  que  causer  par 
la  dilatation  d'une  partie  d'un  gaz  une  com- 
pression sur  celle  qui  est  la  moins  échauffée  ; 
mais  l'effet  total  serait  dû  au  rapprochement 
subit  des  molécules  produit  par  la  combi- 
naison, comme  il  est  dû  à  cette  même  cause 
dans  la  percussion  des  corps  solides,  et  dans 
'  celle  des  corps  qui  contiennent  des  substances 
dont  la  combinaison  n'exige  qu'une  petite  cause , 
et  qui  se  trouvent ,  pour  ainsi  dire  ,  sur  la  limite 
de  leur  existence. 

Trembley  a  fait  contre  cette   explication   des 
observations  qui  ne  me  paraissent  fondées  que 
sur  l'obscurité   avec   laquelle  je   l'ai   présentée. 
I  »  Comment  donc  ,    dit-il ,   le  calorique    peut-il 
»  produire  à-la-fois  l'élasticité  et  la  compression  ? 
»  et  une  compression  par  laquelle  il»  se   chasse 
»  lui-même  des  aggrégats  qu'il  avait  formés  avec 
»  l'oxigènc  ?  Dans  le  premier   cas  ,    l'on    admet 
»  un  moyen  nouveau  et  inconnu  qui  a  été  oublié 
»  dans  la   théorie,  et  qui  en   prouve   l'insuffi- 
9)  sance  ;  dans  le  second  ,   on  fait  jouer  au  ca- 
»  lorique  des  effets  si  différents  et  si  opposés, 
))  qu'il  n'est   pas  possible  de   s'en    former   une 
»  idée  ,  et  l'on   retombe  par  là  dans  le  défaut 
1)  qu'on  a  tant  reproché  au  phl/jgis tique  (i)  », 

(i)  Mém.  (le  Berlin  ,    1797.  . 

*•  20  . 


3o6  STATIQÎJE     (CHIMIQUE. 

Trembley  a  donc  établi  son  objection  sur  M 
supposition  que  le  calorique  augmentait  à-la-fois 
l'élasticité  ,  et  produisait  une  compression  par 
laquelle  il  se  chassait  lui-même  de  la  combi- 
naison qu'il  formait  ;  ce  n'est  pas  ce  que  j'ai 
voulu  dire. 

La  dilatation  soudaine  ,  produite  dans  une 
partie  des  deux  gaz  qui  sont  mêlés ,  ou  en  simple 
dissolution  ,  cause ,  selon  l'explication  que  j'ai 
cru  pouvoir  adopter ,  une  compression  propor- 
tionnelle dans  la  partie  qui  n'a  pas  encore  pu 
partager  la  température  ,  et  produit  par  là  la 
combinaison  des  deux  éléments. 

1°.  La  compression  favorise  la  combinaison 
d'une  substance  gazeuse  par  le  rapprochement 
des  parties  qui  exercent  l'action  chimique  ;  ainsi 
l'on  augmente  par  son  moyen  la  dissolution  du 
gaz  acide  carbonique  dans  l'eau ,  et  une  com- 
pression beaucoup  plus  grande  peut  exercer 
une  action  efficace  sur  des  combinaisons  beau- 
coup  plus  difficiles  à  former. 

0°.  C'est  un  fait  que  la  compression  peut^ 
produire  des  combinaisons  qui  sont  accompa- 
gnées de  détonnation  ou  d'élimination  du  calo- 
rique ;  car  par  elle  seule  on  fait  détonner  1er 
muriate  oxigéné  de  potasse  ,  mêlé  avec  des  subs-* 
tances  inflammables  ,  ainsi  que  l'argent ,  l'or  et 
le  mercure  fulminant.  Il  suffit  donc  que  la  dila- 
tation d'une  partie  du   gaz  soit  un   effet  plus  j 


t)È  l'expansio»-  et  de  la  condensation.  3o7 
prompt  que  la  communication  de  la  tempéra- 
ture à  l'autre  partie. 

3».  On  ne  peut  douter  que  la  détonnation  ne 
soit  un  effet  successif,  et  que  par  conséquent 
la  ddatation  produite  dans  une  partie  ne  puisse 
causer  la  compression  supposée  dans  une  partie 
contiguë. 

Howard  a  très-bien  expliqué  par  cette  cir- 
constance les  différences  que  présentent  dans 
leur  force  la  poudre  ordinaire  ,  et  les  autres 
poudres  détonnantes  (i). 

On  voit  donc  comment  l'électricité  peut  pro- 
duire deux  effets  opposés,  selon  les  circonstan- 
ces (i  35)  ;  elle  décomposera  l'eau  par  1  emoyen  de 
l'expansion  qui  accompagne  son  action;  mais  cette 
même  expansion  pourra  la  former  de  nouveau 
lorsque  l'effet  se  passera  dans  le  mélange  qui 
s'est  formée  de  gaz  hydrogène  et  de  gaz  oxigène  , 
la  dilatation  produite  dans  une  partie  pourra 
agir  par  la  compression  sur  les  autres ,  ce  qui 
correspond  aux  expériences  des  chimistes  hol- 
landais (a)  qui  ont  été  répétées  par  Silvestre  et 
Chappe,  et  par  Tennant. 

(i)  Trans,  philos.   i8oo. 

(2)  Journ.  de  Phys.  tom.  XXXV. 


ait. 


I 


3o8 


STATIQUE     CHIMIQUE. 


CHAPITRE     II. 
De  VaJJiniLè  résultante. 

l'jB.  JLjes  substances  élastiques  éprouvent  une 
contraction  plus  ou  moins  grande,  lorsqu'elles 
entrent  en  combinaison  ;   mais  les  caractères  de 
ces  combinaisons   dépendent  en  grande  partie 
de  l'état  où   les  substances  gazeuses  s'y  trouvent 
réduites  ;  elles  agissent  quelquefois  comme  une 
substance  simple  ;   dans   d'autres   circonstances 
elles  se  décomposent  ,  et  leurs  parties  forment 
de  nouvelles  combinaisons ,  dont  les  propriétés 
dépendent  encore  de  l'état  des  substances  élas- 
tiques qui   les   composent  ;    de   sorte    que   ces 
substances  portent  dans    les   combinaisons  des 
dispositions  qui   déterminent  leur  constitution 
particulière ,  et  qui  contribuent  par  là  plus  ou 
moins  à  l'action  que  celles-ci  peuvent  exercer. 
L'action  chimique  des  substances  qui  ont  dans 
^  ^  composition  quelqu'élément  naturellement 
^      ^  jie  reçoit  donc  par  les  changements    de 
^^      .       ">n,  des  modifications  dont  il  faut  dé- 
termni       v^  conditions  et  les  différences  carac- 
téristiques a>,  ^^jj^g   ^^^g   substances  qui  ne 


DE  l'expansio?^  et  DE  LA.  coi>rnE]vsATroîr.  309 
cliangent  pas  sensiblement  de  constitution  :  je 
devrai  encore  ,  dans  ce  chapitre  ,  comparer  les 
différences  qui  distinguent  la  décomposition  de 
ces  substances. 

J'appelle  affinité  résultante  ,  celle  dont  l'actioii 
procède  de  plusieurs  affinités  dans  une  même 
substance ,  pendant  que  celle-ci  Texerce  collec- 
tivement ,  et  je  distingue  celle  des  parties  qui 
la  composent  ,  lorsqu'elles  deviennent  indivi- 
duelles ,  j^ar  le  nom  d'affinités  élémentaires  ; 
par  exemple ,  lorsque  l'acide  nitrique ,  qui  est 
composé  d'oxigène  et  d'azote  ,  se  combine  avec 
la  potasse  ,  il  agit  sur  cet  alcali  par  une  affi- 
nité qui  résulte  de  celle  de  l'oxigène  et  de  celle 
de  l'azote  ;  mais  si  les  parties  élémentaires  se 
séparent  pour  entrer  dans  d'autres  combinai- 
sons ,  les  affinités  élémentaires  sont  substituées 
à  l'affinité  résiftltante.  Comme  l'action  chimique 
est  réciproque ,  je  donne  également  le  nom 
d'affinité  résultante  à  celle  d'une  substance 
simple  pour  une  substance  composée ,  dont  elle 
n'altère  point  la  composition. 

179.  Si  l'eau  dissout  une  combinaison  saline 
sans  changer  l'état  respectif  de  saturation  ,  et 
si  elle  ne  peut  y  produire  de  changement ,  quelle 
que  soit  la  proportion  dans  laquelle  on  la  fait 
agir,  on  peut  bien  dire  que  Faction  réciproque 
(le  la  substance  saline  est  résultante;  ce  qui 
provient  de  ce  que  les  parties  élémentaires  de 


'lO  STATIQï'E     CniMTQUE. 

la.  combinaison  sont  encore  éloignées  de  l'état 
de  saturation  ,  de  sorte  que  ce  qui  leur  reste 
à  satisfaire  de  leur  tendance  réciproque  est 
encore  plus  considérable  que  Faction  que  Feau 
exerce  sur  l'une  des  parties  élémentaires,  pré- 
férablement  à  l'autre;  mais  si  l'eau  agit  sur  le  ' 
sulfate  de  mercure  oxigéné  ,  elle  produit  une 
séparation  des  parties  élémentaires ,  elle  change 
l'état  de  la  combinaison  selon  sa  quantité 
et  selon  la  température  qui  la  seconde  ;  alors 
il  faut  comparer  ,  comme  isolées ,  toutes  les 
forces  qui  influent  sur  le  résultat  :  on  ne  doit 
plus  considérer  l'eau  comme  un  simple  dis- 
solvant. 

L'espèce  d'affinité  résultante  dont  je  viens  de 
parler,  et  qui  appartient  aux  dissolvants,  pro- 
prement dits  ,  ne  mérite  ici  aucune  considération 
particulière  :  il  suffit  de  remarquer,  si  un  dis- 
solvant agit  sans  altérer  l'état  de  combinaison , 
ou  si  une  action  relativement  plus  forte  ne 
laisse  plus  subsister  les  mêmes  rapports  entre 
les  éléments  de  la  combinaison  :  dans  le  premier 
cas  ,  le  liquide  ne  change  pas  sensiblement  l'état 
des  forces  ,  il  procure  seulement  la  faculté 
de  les  exercer  en  donnant  la  liquidité  ,  et 
dans  le  second  ,  en  changeant  l'état  de  corn-- 
binaison  ,  il  amène  bien  un  autre  résultat ,  par 
la  force  qu'il  exerce  ,  mais  sans  altérer  sensi-- 
blement  les  forces  qui  agissaient  avant  son  iii'» 


DE    l'expansion    et    DE    LA    CONnE:i^SATIOX.    3ll 

tcrvention  :  il  n'en  est  pas  de  même  lorsque 
les  substances  élémentaires  changent  d'état  en 
passant  dans  d'autres  combinaisons  ;  alors  les 
forces  qui  agissent  éprouvent  une  révolution 
qu'il  convient  de  distinguer,  et  dont  il  faut 
considérer  la  cause  et  les  effets. 

i8o.  L'action  d'une  substance  dépend  de  l'é- 
nergie de  son  affinité  ,  et  de  la  quantité  avec 
laquelle  elle  se  trouve  dans  la  sphère  d'activité  ; 
si  donc  l'élasticité  qu'on  lui  suppose  dans  l'état 
libre  est  surmontée  par  l'action  d'une  autre 
substance ,  si  par  là  elle  se  trouve  très-con- 
densée ,  et  si  la  combinaison  qu'elle  vient  de 
former  est  liquide ,  elle  jouit  de  toutes  les  pro- 
priétés des  liquides  et  elle  peut  agir  avec  une 
masse  beaucoup  plus  grande. 

Cependant  l'effet  de  son  affinité  est  diminué 
de  toute  la  saturation  qu'elle  éprouve  par  la 
combinaison  qu'elle  subit  ;  mais  cet  effet  est 
souvent  beaucoup  plus  petit  dans  l'affinité  ré- 
sultante ,  que  l'augmentation  d'énergie  qu'elle 
acquiert  par  sa  condensation.  D'ailleurs,  si  la 
substance  avec  laquelle  elle  s'est  combinée  est 
devenue  liquide,  quoique  son  action  soit  éga- 
lement affaiblie  de  toute  celle  qu'elle  exerce 
sur  l'élément  gazeux ,  elle  peut  cependant  ac- 
quérir plus  par  l'avantage  de  la  liquidité  qu'elle 
ne  perd  par  la  combinaison ,  et  concourir  avec 
l'action  de  la  substance  gazeuse. 


3 1 2  STATIQUE      CHIMIQUE. 

On  voit  par  là  comment  le  soufre  et  le  plios- 
phore  peuvent  former ,  par  la  condensation  de 
l'oxigène ,  des  combinaisons  qui  ont  une  action 
si  puissante  sur  les  alcalis  ,  et  dont  les  pro- 
priétés dérivent  particulièrement  de  celle  de 
Toxigène  ,  tandis  que  dans  l'état  gazeux  son  élas- 
ticité était  un  obstacle  à  toute  combinaison  avec 
eux. 

i8i.  Il  ne  faudrait  pas  conclure  de  ce  qui 
précède ,  que  plus  la  condensation  d'une  subs- 
tance gazeuse  est  grande  ,  plus  est  considérable 
l'énergie  qu'elle  porte  dans  tous  ses  effets  ;  mais 
il  y  a  deux  conditions  qu'il  faut  distinguer  ,  la 
^condensation  et  la  diminution  de  l'affinité  par 
la  saturation  qu'elle  éprouve. 

Plus  la  condensation  est  forte,  plus  grande 
est  la  perte  qui  est  due  à  la  saturation,  le  reste 
étant  égal  ;  on  doit  donc  retrouver  dans  la  com- 
binaison ,  d'autant  moins  des  propriétés  qui  sont 
dues  à  l'affinité  d'une  substance  gazeuse ,  que 
cette  substance  se  trouve  réduite  à  un  plus  grand 
état  de  condensation. 

L'acide  sulfureux  contient  une  proportion  plus 
petite  d'oxigène  ,  que  l'acide  sulfurique  ;  mais 
il  est  moins  condensé ,  de  là  il  est  plus  volatil , 
il  abandonne  même  difficilement  l'état  gazeux  ^ 
ce  qui  l'a  fait  regarder  comme  beaucoup  plus 
faible  ;  cependant  il  possède  les  ])ropriétés  acides 
à  lin  plus  liaut  degré  ;    car  si  l'on  expose   le 


DE   l'expansion   ET    DE    LA    CONDENSATTON".     3t3 

sulfite  de  potasse  au  gaz  oxigène ,  il  en  absorbe 
une  quantité  considérable ,  et  tout  le  sulfite  se 
convertit  en  sulfate  ,  sans  qu'il  y  ait  aucun 
changement  dans  l'élat  de  saturation  ,  et  sans 
qu'il  se  fasse  aucun  dégagement ,  ainsi  que  je 
ni  en  suis  assuré  en  fesant  l'expérience  dans  un 
récipient  rempli  de  gaz  oxigène  sur  Teau. 

Je  remarquerai  à  cette  occasion ,  que  dans  les 
évaluations  que  l'on  a  données  des  proportions 
de  Facide  et  de  l'alcali  dans  les  sulfites  et  dans 
les  sulfates,  on  est  nécessairement  tombé  dans 
une  erreur  ,  lorsqu'on  a  établi  les  proportions 
de  l'acide  sulfureux  dans  les  sulfites  plus  grandes 
que  celles  de  l'acide  sulfurique  dans  les  sulfates. 

Lorsqu'on  pousse  au  feu  un  sulfite ,  il  se  su- 
blime du  soufre ,  il  se  dégage  même  du  gaz  sul- 
fureux ,  et  le  résidu  se  trouve  changé  en  sulfate  , 
ce  qui  m'avait  fait  croire  qu'il  restait  moins  de 
soufre  dans  l'acide  sulfurique  qui  reste  combiné 
avec  la  potasse  (i);  mais  une  partie  de  l'alcali 
est  surabondante  ,  et  se  trouve  dans  l'état  de  sul- 
fure ,  de  sorte  que  la  conclusion  que  j'avais  tirée 
de  cette  expérience  n'est  pas  exacte. 

Le  nitrate  de  potasse  dont  on  a  dégagé  une 
portion  de  l'oxigène,  se  dissout  après  cela  faci- 
lement dans  l'eau  ;  la  dissolution  ne  donne  aucun 
indice  d'alcalinité,  comme  l'a  constaté  Gay  Lussac^ 

(i)  Méxn.   de  l'Acad.  1782. 


3r4  STATIQUE     CHIMIQUE. 

cependant  il  s'en  dégage  beaucoup  de  gaz  nitreux 
lorsqu'on  y  verse  un  acide  ;  mais  il  ne  faut 
pas  pousser  l'action  du  feu  trop  loin  ,  parce 
qu'alors  l'acide  nitreux  lui-même  commencerait 
à  se  décomposer  ,  et  l'alcalinité  se  développerait  ; 
l'acide  nitreux  a  donc  autant  d'acidité  que  l'acide 
nitrique. 

Le  muriate  oxigéné  de  potasse  abandonne  par 
l'action  de  la  chaleur  tout  son  gaz  oxigène  ,  et 
cependant  le  résidu  est  encore  parfaitement 
neutre ,  quoiqu'on  ait    avancé  le  contraire. 

On  ne  peut  douter  que  les  phosphites  ne   se 
changent  en  phosphates ,  de  même  que  les  sulfites  j 
en  sulfates  ,  sans  que  l'état  de  saturation  change. 

182.  Ces  faits  prouvent  que  la  propriété  acide 
qui  consiste  à  saturer  des  quantités  déterminées 
d'alcali ,  n'est  point  proportionnelle  à  la  quan- 
tité d'oxigène  qui  se  combine  avec  une  base  ; 
mais  que  plus  il  se  trouve  condensé  ,  plus  forte 
par  conséquent  est  l'action  qu'il  éprouve ,  moins 
il  donne  d'acidité  à  quantité  égale  ;  parce 
que  la  propriété  acide  qu'il  communique  par 
son  affinité  qui  reste  libre ,  se  trouve  diminuée 
en  raison  de  cette  action. 

Mais  les  propriétés  qu'il  doit  à  la  condensation 
sont  beaucoup  plus  grandes  dans  l'acide  sulfu- 
iique  ;  il  acquiert  une  pesanteur  spécifique 
beaucoup  plus  considérable  ,  il  a  par  conséquent 
beaucoup  plus  de  puissance  contre  la  iorce  de 


DE    l'expansion    et   DE    LA    CONDENSATION.    3l5 

cohésion  (49)  ,  et  il  résiste  beaucoup  plus  à  sa 
décomposition. 

On    ne   peut   établir   ce   rapport  de    l'action 
entre  l'acidité  et  la   condensation  deloxigène, 
que  lorsque  la  base  est  la  même  ,   et  non  lors- 
que l'on  en  fait  la  comparaison  dans  ses  diffé- 
rentes combinaisons  ,   parce  que  les  propriétés 
de  la  base  concourrent   elles-mêmes    à  l'action 
qu'il    exerce    sur    les  alcalis,    et  peut  modifier 
ses    effets  jusqu'à  un  certain   point  ;   le  soufre 
et  le  phosphore   nous  en  offrent  un  exemple  : 
l'un  et  l'autre   ont   à-peu-près  la  même  pesan- 
teur spécifique  ;  le  phosphore  agit  beaucoup  plus^ 
puissamment  que  le  soufre    sur  l'oxigène  ,    de 
sorte  que  celui-ci  s'y  trouve  fixé  en  plus  grande 
quantité ,  et  dans  un  plus  grand  état  de  con- 
densation ,  et  Tacide  phosphorique  acquiert  par 
là  plus  de  pesanteur  spécifique ,    et  beaucoup 
plus  de  fixité  que  l'acide  sulfurique  :  cependant 
si  les  expériences  qui  ont  été  faites  pour  déter- 
miner les  proportions  ont  été  exactes  ,  on  trouve 
que  l'oxigène  produit  un  plus  grand  effet  acide 
dans   l'acide    phosphorique  que  dans   le   sulfu- 
rique :   100  parties  d'acide  sulfurique,  selon  les 
,    expériences  de  Chenevix ,  qui  diffèrent  peu  des 
^   évaluations  de  Thenard  (i),  contiennent  38  par- 
'•   ties  pondérales   d'oxigène  ,    et    selon  celles   de 

(i)  Bibl.  Biit.in.   toiu,    XVÎII, 


5l6  STATIQUE     CHIMIQUE. 

Lavoisier,  loo  parties  d'acide  phosphorique  en 
ont  60  d'oxigène.  Or ,  100  parties  d'acide  siil- 
fiirique ,  ou  38  d'oxigène  ,  neutralisent  70  par- 
ties de  chaux  (i)  ,  tandis  que  100  parties  d'acide 
phosphorique ,  ou  60  parties  d'oxigène  ,  en 
neutrahsent  174(2);  cependant  il  me  paraît 
probable  qu'une  circonstance  peut  en  imposer: 
j'ai  remarque  que  le  phosphate  de  chaux  prenait 
en  se  précipitant  un  excès  de  chaux;  de  sorte 
qu'il  est  possible  que  le  phosphate  que  Vau- 
quelin  a  obtenu  ,  eût  une  portion  de  chaux 
qui  excédait  l'état  neutre,  et  si  l'on  fesait  l'ex- 
périence sur  un  phosphate  exactement  neutre , 
on  pourrait  trouver  que  l'oxigène  communique 
en  moindre  proportion  les  propriétés  acides 
dans  sa  combinaison  avec  le  phosphore ,  que 
dans  celle  avec  le  soufre. 

i83.  En  appliquant  les  principes  que  ces  ob- 
servations paraissent  confirmer  aux  différentes 
combinaisons  que  forment  les  substances  élas- 
tiques y  on  peut  juger  par  les  propriétés  de  ces 
combinaisons  de  l'état  de  saturation  qu'elles 
éprouvent;  ainsi  l'eau  ne  laissant  appercevoir 
aucune  propriété  de  l'oxigène  ,  ni  de  l'hydro- 
gène ,  on  peut  en  conclure  que  ces  deux  subs- 
tances se  trouvent  combinées  au  terme  où  l'af- 

(ï)  Syst.  des  Conn.  Chim.  tom,  IIÏ. 
(2)  Ibid, 


DE   l'exPANSIOX    et    DE    LA    CONDENSATION.    3l7 

finitë  réciproque  exerce  le  plus  grand  effet ,  et 
qu'elles  sont  dans  un  état  comparable  à  celui 
d'un  sel  neutre  dans  lequel  les  propriétés  acides 
et  alcalines  sont  également  devenues  latentes  : 
elles  ont  éprouvé  par  leur  combinaison  une  con- 
densation par  laquelle  leur  volume  a  été  réduit 
à  -~.  Dans  les  acides ,  les  qualités  de  l'oxigène 
restent  dominantes  ;  dans  les  liquides  inflam- 
mables ,  ce  sont  celles  de  Fliydrogène  qui  le 
sont  ;  de  sorte  que  dans  les  premières  combi- 
naisons ,  l'oxigène  éprouve  un  degré  de  satu- 
ration plus  petit  que  dans  l'eau  ,  et  dans  les 
dernières ,  c'est  l'hydrogène  qui  est  dans  ce  cas. 
Ces  observations  nous  font  reconnaître  dans 
les  combinaisons  gazeuses  ,  des  propriétés  ana- 
logues à  celles  que  nous  avons  observées  dans 
les  combinaisons  des  acides  avec  les  alcalis:  la 
saturation  rend  latentes  les  propriétés  carac- 
téristiques des  deux  gaz  ;  mais  celles  qui  appar- 
tiennent à  l'un  des  deux  peuvent  n'être  pas 
neutralisées  ,  comme  dans  les  sels  acidulés  et 
alcalinules;  alors  la  combinaison  conserve  les 
propriétés  distinctives  de  l'un  des  éléments  ;  c'est 
ce  qui  arrive  dans  les  acides  qui  doivent  leur 
acidité  à  l'oxigène.  Son  influence  est  d'autant 
plus  grande  ,  qu'il  éprouve  moins  de  saturation  : 
de  là  vient  qu'il  conserve  autant  de  capacité  de 
saturation  dans  l'acide  sulfureux  que  dans  l'acide 
(S.ulfurique ,  quoiqu'il  y  soit  en  plus  petite  pi'o- 


->Io  STATIQUE     CHÏMIqUÉ. 

portion  ;  cependant  il  faut  pour  cela  qu'il  ait 
acquis  assez  de  solubilité  dans  Feau  pour  pou- 
voir agir  dans  un  degré  de  concentration  assez 
considérable  ;  car  s'il  ne  pouvait  être  suffisam-' 
ment  condensé ,  il  perdrait ,  par  l'état  de  dila- 
tation ,  ce  qu'il  aurait  gagné  par  la  faiblesse  de  J 
la  combinaison  ,  comme  on  l'observe  dans  l'acide 
muriatique  oxigéné.  Enfin  il  faut  distinguer  dans 
les  combinaisons  gazeuses  ,  comme  dans  celles 
des  acides  et  des  alcalis  ,  les  effets  qui  dépendent 
de  la  condensation  de  ceux  qui  proviennent 
de  la  saturation. 

184.  Après  ces  considérations  générales  sur 
les  combinaisons  des  substances  gazeuses  ,  nous 
allons  examiner  l'action  résultante  de  ces  com- 
binaisons ,  et  les  modifications  qu'elle  éprouve. 

Pendant  qu'une  substance  agit  par  une  force 
résultante ,  l'état  respectif  de  ses  parties  élé- 
mentaires ne  change  pas ,  de  sorte  qu'il  ne  faut 
pas  considérer ,  par  exemple ,  un  mélange  d'acide 
nitrique  et  d'acide  sulfurique  dans  l'eau  ,  comme 
une  dissolution  d'oxigène ,  d'azote  et  de  soufre, 
ainsi  qu'on  doit  le  faire  relativement  à  des  subs- 
tances qui ,  par  leur  combinaison ,  ne  changent 
pas  sensiblement  de  constitution;  mais  il  faut 
regarder  dans  ce  mélange  l'acide  nitrique  et 
l'acide  sulfurique  comme  deux  substances  sim- 
ples ,  pendant  qu'ils  conservent  leur  constitution. 

Lorsque  la  substance  composée ,  en  agissant 


î)Ê  l'expansion  et  de  la  condensation.  Sirt 
par  une  force  résultante  ,  entre  dans  une  com- 
binaison ,  l'union  des  parties  élémentaires  se 
trouve  affermie  de  toute  la  saturation  qu'elle 
éprouve  par  là  ;  ainsi  le  fer  qui  pourrait  décom- 
poser facilement  l'acide  nitrique,  ne  le  peut 
plus ,  dès  que  celui-ci  est  combiné  avec  la  potasse  ; 
et  l'acide  muriatique  oxigéné ,  qui  cède  si  faci- 
lement son  oxigène  ,  le  retient  beaucoup  plus 
dans  le  muriate  oxigéné  de  potasse. 

Le  contraire  a  lieu  ,  lorsqu'au  lieu  d'une  subs- 
tance saturante  qui  sert  d'appui  à  l'affinité  ré- 
sultante,  on  en  ajoute  une  qui  tend  à  former 
une  combinaison  où  doit  entrer  l'une  des  parties 
élémentaires;  par  exemple,  lorsqu'on  ajoute  de 
l'acide  sulfurique  au  mélange  de  l'eau  et  du  fer , 
cet  acide  favorise  la  décomposition  de  l'eau  , 
parce  qu'il  tend  ,  ainsi  que  l'oxigène  ,  à  se  com- 
biner avec  le  métal ,  et  la  décomposition  de  l'eau 
est  décidée  par  la  réunion  de  leurs  forces  :  c'est 
dans  cette  réunion  de  forces  que  consistent  les 
effets  de  l'affinité  qu'on  a  appelée  prédisposante. 

Le  calorique  qui  tend  à  rendre  l'élasticité  aux 
substances  condensées  ,  affaiblit  par  là  même  , 
ou  détruit  l'union  de  laquelle  dépendait  l'affi- 
nité résultante ,  et  lui  fait  succéder  les  affinités 
élémentaires  ,  ou  par  l'effet  seul  de  son  action 
ou  par  le  concours  d'autres  affinités  ;  ainsi  le 
nitrate  de  potasse  étant  exposé  à  une  forte 
chaleur,  l'acide  nitrique  est  réduit  en  gaz  oxi- 


SaO  STATIQUE     CHIMIQUE. 

gène  et  en  gaz  azote ,  et  mis  en  contact  à  un 
degré   beaucoup  moindre  de   chaleur ,  avec   le 
fer ,  le  soufre  ou  le  charbon  ;  il  se  détruit ,   et 
les  affinités  de  l'oxigène  remplacent  les  siennes 
dans  les  combinaisons  qui  se  forment.  On  voit 
donc  que  la   chaleur  qui  se  dégage  dans  beau-  ^ 
coup  d'opérations  ,  par  exemple ,  dans  le  simple   f 
mélange  de  l'eau  et  de  l'acide  sulfurique  peut*  | 
intervenir    efficacement    dans   les  phénomènes 
qui  se  produisent. 

i85.  Lorsqu'une  substance  étrangère  exerce 
sur  l'une  des  substances  élémentaires  une  action 
plus  forte  que  la  tendance  à  la  combinaison  qui 
tient  celle-ci  dans  un  composé ,  elle  en  produit 
la  séparation;  mais  comme  son  action  s'affaiblit 
par  la  saturation  qu'elle  ^éprouve  ,  et  comme 
au  contraire  la  substance  iqui  tend  à  retenir 
celle  qui  est  l'objet  d'un  effort  opposé  ,  agit 
avec  d'autant  plus  de  force ,  que  la  proportion 
de  la  dernière  diminue,  ces  deux  actions  con- 
traires peuvent  parvenir  à  un  état  d'équilibre 
qui  ne  sera  changé  qu'en  fesant  varier  les  masses, 
ou  en  changeant  la  température  ;  mais  unC; 
circonstance  qui  doit  encore  être  remarquée  ^ 
c'est  que  l'action  chimique  ne  s'épuise  quelquefois 
qu'après  un  temps  considérable  ;  or  si  une  com- 
binaison qui  résulte  de  certaines  proportions 
prend  l'état  gazeux,  elle  se  soustrait  avant  que 
la  substance  opposée  ait  épuisé  l'action  qu'elle 


t)É    L^ÈXPAKSIOJV    Eï    BE    LA.    CONDENSATlOlN^.     3^  if 

(exerce  sur  rune  des  substances  élémentaires  ; 
de  sorte  qu'on  prendrait  une  idée  fausse  des 
forces  qui  sont  opposées,  si  Ton  regardait  les 
deux  combinaisons  qui  se  séparent  comme  le 
terme  fixe  des  puissances  qui  les  produisent. 

i86v  Pendant  que  les  affinités  élémentaires 
substituent  leur  action  à  celle  de  Taffinité  ré- 
sultante ,  il  arrive  souvent  qu'une  partie  de  la 
substance  composée  agit  sur  un  résultat  de  la 
décomposition  par  une  affinité  résultante  ;  de 
sorte  que  par  la  combinaison  qu'elle  tend  à 
former,  elle  favorise  d'une  part  la  décomposition, 
et  d'un  autre  côté  elle  est  préservée  de  sa  propre 
décomposition.  C'est  ainsi  que  dans  la  plupart 
des  occasions'où  un  métal  agit  sur  Tacide  nitri- 
que ;  il  n'y  en  a  qu'une  partie  qui  se  décom- 
pose ,  pendant  que  l'autre  entre  en  combinaison 
avec  l'oxide  ;  il  y  a  apparence  que  la  distance 
cause  cette  différence  d'action  ,  et  que  la  partie 
de  l'acide  qui  est  la  plus  voisine  du  métal  ,  se 
décompose  ,  pendant  que  celle  qui  est  plus 
éloignée  se   combine   avec  l'oxide. 

On  voit  donc  que  les  quantités  des  substances 
qui  peuvent  agir,  que  la  température  initiale 
et  celle  qui  peut  s'établir  successivement ,  que 
l'action  résultante  d'une  partie  de  la  substance 
composée  ,  que  la  constitution  qui  est  attachée 
à  certaines  proportions  qui  entrent  en  combi- 
naison ,  peuvent  faire  varier  indéfiniment  les 
I.  ai 


3^2  s  T  A  T  [QUE     C  H  I  31 1  Q  U  C 

résultais  de  l'action  de  deux  substances ,  lorâ 
même  qu'une  seule  est  composée ,  comme  ou 
peut  l'observer  dans  l'action  mutuelle  de  l'acide 
nitrique  ,  et  d'un  métal  qui  donne  naissance 
à  des  gaz  ,  des  oxides  ,  des  nitrates  très-difié- 
rents,  et  encore  à  l'ammoniaque  qui  vient  mo- 
difier diversement  tous  les  produits. 

187.  Les  observations  précédentes  prouvent 
combien  l'action  chimique  est  plus  mobile  dans 
les  substances  qui  reçoivent  dans  leur  compo- 
sition des  éléments  gazeux  ,  que  dans  celles  qui 
sont  composées  d'éléments  fl  xes  ,  combien  1  on 
perd  pour  la  connaissance  des  propriétés  chi- 
miques et  des  phénomènes  auxquels  elles  con- 
courrent ,  lorsqu'on  se  borne  à  la  détermination 
de  leurs  parties  élémentaires ,  et  même  de  leurs 
proportions. 

i88.  Pour  bien  concevoir  la  différence  qui 
existe  dans  l'action  des  substances ,  suivant  leur 
constitution  ,  comparons  les  propriétés  qu'elles 
présentent  dans  différents  états. 

Pendant  que  les  molécules  du  soufre  sont  sou- 
mises à  la  force  de  cohésion  ,  cette  substance 
ne  peut  vaincre  la  résistance  de  l'élasticité  du 
gaz  oxigène  ;  mais  si  elle  perd  sa  cohésion  par 
le  moyen  d'un  alcali  ,  elle  peut  alors  exercer 
une  action  beaucoup  plus  puissante  ;  elle  s« 
trouve  dans  le  même  cas  que  si  la  chaleur  eût 
détruit   l'effet  de  sa  cohésion  ;   elle   peut   doné 


bË    l'eXPAIVSiON    et    de    la    CONDÈNSATIOTf.    ^2^ 

Jke  combiner   avec  loxigène  jusqu'au  terme  où 

la  résistance  de   celui-ci   est  égale  à   ce  qiu  lui 

reste  d'action  :  Talcali  affaiblit,  à  la  vérité,   sa 

tendance  à   la  combinaison   avec  l'oxi^ène  ,   de 

toute  la  quantité  par  laquelle  il  agit  sur  lui  ; 

I-   hiais  il  apporte  lui-même  une  disposition  à  ss 

I    combiner  avec  loxigène  :  cette  disposition  ne  pro- 

ij    duisait  point  d'effet ,  pendant  qu  il   était  seul , 

j   parce  qu'il  ne  pouvait  surmonter  la  résistance  de 

l'élasticité  :  le  résultat  est  un  effet  pareil  à  celui 

qu'aurait  produit  un  degré  de  température  assez 

élevé  pour  changer  le  soufre  en  acide  sulfurique. 

Le  soufre,  dans   cette   circonstance,   na  fait 

que   recouvrer  l'exercice   de  l'affinité  qui   était 

rendue  latente  par  la  force  de  cohésion  ^  il  n'en 

est  pas  de  même  du  fluide  élastique. 

Si  l'on  dissout  l'acide  carbonique  par  l'eau  , 
teon  volume  se  trouve  très-condensé  ,  comme  le 
fait  voir  la  pesanteur  spécifique  de  cette  eau  , 
et  sur-tout  celle  qu'il  a  dans  les  carbonates  alca- 
lins ,  selon  les  expériences  de  Kirvvan ,  et  quoiqu'il 
ipterde  par  là  cette  partie  de  son  affinité  qui 
répond  à  la  saturation  qu'il  éprouve  ,  il  nest 
î)as  surprenant  qu'il  puisse  alors  produire  des 
effets  beaucoup  plus  énergiques  que  dans  J  état 
élastique  ;  aussi  l'eau  imprégnée  d'acide  carbo- 
nique dissout  le  carbonate  de  chaux  qui  n'a 
^lus  d'action  sur  l'acide  carbonique  libre  ,  et 
qui  a  une  grande  force  de    cohésion  ^    et   elle 

21.. 


{",24  STATIQUE     CHIMIQUE. 

peut  elle-même ,  au  moyen  de  ce  carbonate  , 
absorber  une  beaucoup  plus  grande  quantité 
d'acide  carbonique  ;  cependant  ce  même  acide 
n'aurait  pu  se  combiner ,  même  avec  la  chaux  , 
sans  le  concours  de  l'eau;  mais  une  fois  condensé 
par  la  chaux  ,  son  affinité  a  acquis  une  telle 
énergie ,  qu'il  ne  peut  plus  en  être  séparé  que 
par  le  concours  de  l'eau  qui  agit  alors  elle- 
même  par  l'élasticité  qu'elle  reçoit  de  la  chaleur. 

Le  soufre  a  acquis  une  énergie  d'action  par  la 
destruction  de  la  force  de  cohésion ,  et  l'acide 
carbonique  par  la  condensation  de  son  volume. 
Cette  dernière  condition  pouvant  varier  in- 
définiment dans  les  combinaisons  qui  fixent 
l'acide  carbonique  ,  il  en  résulte  que  l'action 
de  son  affinité  peut  s'y  trouver  très-différente. 

L'action  de  l'eau  est  très-faible  dans  la  plupart 
des  circonstances ,  si  on  la  compare  à  celle  de 
l'acide  nitrique  ;  cependant  c'est  elle  qui  procure 
la  plus  grande  énergie  à  cet  acide,  qui  sans 
elle  resterait  dans  l'état  gazeux  ,  et  ne  serait 
que  de  la  vapeur  nitreuse  ;  ses  éléments  qu'elle 
rapproche ,  acquièrent  une  grande  puissance ,  et 
dès  qu  il  est  entré  en  combinaison  avec  une 
base  ,  l'eau  est  devenue  inutile,  elle  peut  être 
chassée  sans  que  l'acide  cesse  de  conserver  le 
nouvel  état  qu'il  doit  à  cette  combinaison ,  jus- 
qu'à ce  que  la  chaleur  ait  enfin  produit  une 
dilatation  qui  contrebalance    Tuction  mutuelle,  f 


DE    l'expansion    et    DE    LA    CONDENSATION.     3^5 

de  ses  éléments  ,  et  celle  de  la  base  avec  laquelle 
ils  étaient  réunis. 

189.  L'oxigène  en  se  combinant  peut  donc 
acquérir  une  grande  énergie  à  la  faveur  de  sa  con- 
densation; mais  cette  énergie  dépend  encore  du 
degré  de  saturation  qu'il  éprouve ,  et  du  concours 
de  la  substance  avec  laquelle   il   s'est  combiné. 

Si  la  saturation  est  faible  ,  l'avantage  produit 
par  la  condensation  peut  être  tel  ,  que  Ton  n'ait 
l^as  besoin  de  détruire  les  effets  de  la  saturation 
par  la  chaleur,  pour  qu'une  combinaison  qui 
ne  pouvait  s'opérer  avec  la  substance  pendant 
qu'elle  était  dans  l'état  élastique  ,  ne  se  fasse  imr 
médiatement  ;  c'est  ce  que  Ton  observe  dans 
l'acide  muriatique  oxigéné  ,  qui  décompose 
l'ammoniaque  ;  l'oxigène  et  Tliydrogène  se 
réunissent  ,  quoiqu'ils  fussent  l'un  et  l'autre 
en  combinaison  ;  mais  si  l'une  des  deux  subs- 
tances éprouve  une  nouvelle  saturation  ,  si 
par  exemple  l'ammoniaque  est  combinée  avec 
l'acide  muriatique,  la  combinaison  de  l'oxi- 
gène avec  l'hydrogène  ne  peut  plus  avoir  lieu 
dans  la  même  circonstance  ;  au  contraire  lors- 
qu'une substance  tend  à  se  combiner  avec  l'un 
des  éléments ,  elle  agit  en  sens  opposé  à  la  force 
résultante ,  elle  tend  à  la  détruire  ,  et  concourt 
par  là  avec  l'action  de  la  chaleur  ;  alors  celle-ci 
n'a  pas  besoin  d'être  aussi  forte  pour  effectuer 
cette  destruction. 


s^ab  STATIQUE      CHlMIQtlT:. 

C'est  en  augmentant  l'action  réciproque  des 
éléments  par  la  nouvelle  condensation  qu'une 
combinaison  produit ,  qu'elle  affermit  Tunion 
de  ces  éléments  ,  et  c'est  au  contraire  par  la 
dilatation  que  la  chaleur  affaiblit  cette  action 
réciproque,  et  finit  par  en  détruire  l'effet. 

C'est  ainsi  qu'une  substance  accélère  ,  par  son 
concours  avec  la  chaleur  ,  la  décomposition  d'une 
combinaison  qui  contient  un  élément  élastique  ; 
par  exemple,  lorsque  le  charbon  détonne  avec 
le  nitrate  de  potasse ,  celui-ci  n'a  pas  besoin 
d'une  température  si  élevée  pour  la  séparation 
de  ses  éléments  que  s'il  était  seul  ;  l'affinité  du 
charbon  pour  l'oxigène  concourt  avec  l'action 
de  la  chaleur  pour  séparer  l'oxigène  de  l'azote  ; 
mais  dès  que  cette  séparation  s  opère ,  l'oxigène 
qui  entre  en  combinaison  avec  les  parties  du 
charbon  ,  est  soumis  aux  mêmes  conditions  que 
si  le  gaz  oxigène  se  fût  combiné  immédiatement  ; 
tout  ce  qui  lui  est  superflu  en  calorique  est 
éliminé  dans  l'une  et  l'autre  circonstance  ;  Vacide 
carbonique  se  trouve  revêtu  des  mêmes  pro- 
priétés ;  les  affinités  élémentaires  ont  succédé  à 
l'affinité  résultante  ;  ou  bien  il  s'est  établi  une 
nouvelle  affinité  résultante. 

Une  substance  inflammable  hâtera  d'autant 
plus  la  décomposition  de  celle  qui  est  oxigénée , 
qu'elle  aura  une  plus  grande  tendance  à  se  com- 
biner avec  l'oxigène  ,  et  que  celui-ci  sçra,  pl.uai 


DE    l'expansion    ET    DE    LA    CONDENSATION.     327 

faiblement  retenu    dans   sa  combinaison  :    elle 
I    produira  donc  cet  effet  plus  facilement  avec  le 
j    muriate  suroxigené  qu  avec  le  nitrate  de  potasse  ; 
un  métal  très-oxidable  exigera  moins  de  chaleur 
que  celui  qui  l'est  peu;  et  enfin  par  la  réunion 
1    des  conditions  favorables  ,  la  compression  suf- 
fira pour  produire  la  décomposition. 

190.  Si  Ton  ne  distingue  pas  la  différence  qui 
I  existe  dans  faction  d'une  même  substance  , 
!  selon  la  constitution  dont  elle  jouit  dans  la  cir- 
<  onstance  où  elle  Fexerce  ,  on  peut  tirer  de 
l'observation  des  conséquences  très-opposées  sur 
les  lois  de  l'affinité  ;  ainsi  on  trouve ,  en  con- 
sidérant faction  des  liquides  et  des  solides  , 
que  plus  est  grande  la  quantité  d'une  substance 
qui  se  combine  avec  une  autre ,  plus  son  action 
diminue;  mais  si  l'on  porte  son  attention  sur 
l'acide  sulfureux ,  comparé  à  l'acide  sulfurique  , 
on  observe  que  quoique  le  soufre  se  trouve  en 
plus  grande  proportion  dans  le  premier ,  et  que 
par  conséquent  il  devrait,  conformément  à  la 
théorie  générale  ,  retenir  l'oxigène  avec  plus  de 
force  que  le  dernier ,  c'est  cependant  le  con- 
traire qui  a  lieu  ;  car  le  gaz  hydrogène  sul- 
furé ,  le  fer  et  plusieurs  autres  métaux  décom- 
posent l'acide  sulfureux  en  lui  enlevant  l'oxi- 
gène ,  pendant  qu'ils  n'ont  pas  d'action  sur 
l'acide  sulfurique ,  dans  les  mêmes  circonstances 
de  liquidité  ;  de  morne  le  gaz  nitreux  cède  plus 


020  STATIQUE      CHIMIQUE. 

facilement  son  oxigène    aux   substances    métal- 
liques que  l'acide  nitrique  (i). 

Lorsque  des  substances  élastiques  passent  de 
Télnt  de    condensation  à  un  état   de  dilatation 
plus  ou  moins  grande ,  selon  les  combinaisons 
quelles  forment  ,  elles  portent   d'autres  dispo- 
sitions dans  ces  combinaisons.  Leur  état  produit 
des    effets   opposés  à  ceux   qui   sont   dus   à   la 
condensation;   de  là  naissent  des  combinaisons 
déterminées  par  les  circonstances  ,   et  qui   dif- 
fèrent pour  l'état  de  condensation  et  pour  les 
proportions  des  parties  élémentaires  :  ces  diffé- 
rentes combinaisons  exercent  en  conséquence  de 
leur  constitution  une  action  qui  est  aussi  différente 
de  la  précédente,  que  si  elles  avaient  d'autres 
parties  constituantes;  ainsi  à  part  les  circons- 
tances où  l'acide  sulfureux  et  l'acide  sulfurique 
peuvent  être  transformés  ,   ils  présentent  dans 
leurs  combinaisons  et  dans  leurs  modes  ,  autant 
de  différences  que  deux  acides  qui  ont  d'autres 
parties  élémentaires. 

If) T.  Ces  phénomènes  divers  se  rangent  sous 
]es  lois  générales  ,  si  l'on  fait  entrer  dans  les 
causes  qui  concourrent  à  les  produire  les  etiets 
de  l'élasticité  qui  s'oppose  aux  combinaisons  ,  j 
qui  diminue  la  quantité  qui  peut  se  trouver 
dans  la  sphère  d'activité  relativement  aux  liquides 

(i)  Système  des  Çonn.  Chim.  tom.  VI ,  p.  ?:5o^ 


DE    L'EXPAKSrOîf    ET    T)E    LA     CONDENSATION.    SsQ 

et  aux  solides  ,  lesquels  sous  un  mt*me  volume 
agissent  en  beaucoup  plus  grande  quantité,  et 
si  Ton  distingue  les  propriétés  qu'une  substance 
acquiert  par  la  condensation  de  ses  éléments 
gazeux  ,  de  la  saturation  que  ces  éléments 
éj^rouvent. 

C'est  pour  n'avoir  pas  considéré  ces  effets  de 
l'élasticité  et  de  la  disposition  à  l'élasticité  , 
qu'ils  ont  été  confondus  avec  ceux  de  l'affinité 
indépendante  des  circonstances  qui  la  modifient , 
et  que  l'on  a  prononcé  que  les  acides  ,  natu- 
rellement élastiques  ,  possédaient  une  affinité 
plus  faible  qne  ceux  qui  sont  plus  fixes  ;  c'est 
également  pour  n'avoir  pas  distingué  les  effets 
dus  à  la  condensation  et  à  la  capacité  de  satu- 
ration qui  est  la  mesure  de  l'action  des  acides 
sur  les  alcalis  ,  que  l'on  a  regardé  l'acide  sul- 
fureux comme  un  acide  beaucoup  plus  faible 
que  l'acide  sulfurique,  pendant  qu'à  quantité 
égale  il  peut  saturer  une  plus  grande  quantité 
de  base  alcaline;  enfin  en  négligeant  les  consi- 
dérations de  la  théorie  ,  on  a  souvent  tiré  de 
quelques  observations  des  conséquences  qui  se 
contredisent  ,  avec  celles  qui  ont  été  déduites 
d'autres  observations. 

Ainsi  quoique  plusieurs  faits  soient  une  preuve 
dune  plus  grande  disposition  de  l'hydrogène  , 
que  du  carbone  à  se  combiner  avec  l'oxigène , 
à  toutes  les  températures ,  quoique  à  poids  égal 


•^  ><^  s  T  A  ï  I  Q  n  E     0  n  I  M  I  Q  tT  E. 

il  produise  une  plus  grande  saturation  d'une 
plus  grande  quantité  d'oxigène  ,  comme  l'on  a 
vu  que  lorsque  l'on  expose  à  l'action  de  la  cha- 
leur l'eau  qui  passe  en  vapeur  sur  le  charbon  j  1 
<^elle-ci  se  décompose ,  on  en  a  conclu  que  le 
carbone  a  plus  d'affinité  avec  l'oxigène  que  l'hy-  • 
drogène-  îl  y  a  ici  un  concours  de  circons- 
tances qui  participent  au  résultat  ;  l'hydrogène 
se  dégage  pour  se  combiner  avec  le  carbone;  de 
sorte  que  c'est  de  Thy drogène  carburé  qui  se 
forme,  et  non  de  l'hydrogène  qui  est  éliminé; 
et  en  même  temps  Toxigène  se  combine  avec 
une  autre  partie  du  carbone  ,  mais  l'hydrogène 
carburé  et  l'acide  carbonique  ont  l'un  et  l'autre 
une  grande  disposition  à  l'élasticité  qui  s'accroît 
d'autant  plus  que  la  température  est  plus  élevée , 
et  la  somme  de  la  dilatation  à  laquelle  ils 
parviennent ,  est  beaucoup  plus  grande  que  celle 
de  l'eau. 

Le  phosphore  décompose  l'acide  sulfurique , 
mais  il  ne  décompose  pas  l'acide  sulfureux  ; 
l'on  en  conclut  qu'il  ne  peut  décomposer  l'acide 
sulfurique  que  jusqu'à  un  certain  terme,  que 
3'action  du  soufre  ,  deveniîe  plus  puissante  à 
mesure  que  l'oxigène  diminue  ,  contrebalance 
alors  l'affinité  du  phosphore  pour  l'oxigène , 
et  que  par  conséquent  l'affinité  du  premier 
est  plus  grande  ;  mais  Ton  a  perdu  de  vue 
les  observations  que  j'ai  rapportées  ficjo),  et  qui 


# 


DE    l'expansion    ET    DE    LA.    CONDENSATION.     33l 

prouvent  que  Toxii^ène  abandonne  plus  facilement 
le  soufre  dans  Tacide  sulfureux  que  dans  l'acide 
sulfurique.  Ce  n'est  donc  que  par  des  circons- 
tances qui  dépendent  de  la  force  de  cohésion 
du  phosphore  et  de  la  volatilité  de  Tacide  sul- 
fureux que  le  phosphore  agit  moins  sur  l'acide 
sulfureux  que  sur  l'acide  sulfurique ,  quoique 
l'oxigène  tienne  beaucoup  plus  à  ce  dernier  ; 
la  chaleur  requise  pour  diminuer  la  force  de 
cohésion  du  phosphore  accroît  l'élasticité  de 
'  l'acide  sulfureux  ;  de  sorte  qu'il  se  soustrait  à 
Faction  du  phosphore,  pendant  que  d'autres 
substances  qui  exercent  une  action  beaucoup 
plus  faible  ,  peuvent  le  décomposer. 

192.  Ainsi  les  substances  naturellement  élas- 
tiques ont  une  disposition  qui  apporte  de  grandes 
différences  dans  leur  action ,   selon  les  circons- 
taiices  dans  lesquelles  elles  l'exercent;  pendant 
qu'elles   sont  retenues  dans   une  combinaison  , 
et   qu'elles    n'éprouvent    qu'une    condensation 
commune  aux  autres  substances  ,  elles  doivent 
!    être  considérées    comme  elles  ,    et   les   change- 
ments   de   dimension   n'influent   sur  elles   que 
^   par  la  disposition  plus  ou  moins  grande  à  l'état 
I   solide  ;   mais  dès  que  leur  élasticité   change   la 
»    constitution    de   la    substance ,    leur  action    se 
modifie  proportionnellement  :  |a  chaleur  dimi- 

Iiiue  par  là  leur  action  résultante  ;  les  substances 
mii  agissent  sur  elles  |)ar  une  force  régultauîe 


532  STATIQUE     CHIMIQUE. 

contribuent  à  maintenir  leur  état  ,  celles  qui 
portent  leur  action  sur  l'un  des  éléments  de  la 
combinaison  ,  plutôt  que  sur  l'autre ,  concour- 
rent  avec  la  chaleur  à  le  détruire  ;  dans  cet  effet 
les  affinités  élémentaires  se  substituent  à  l'affinité 
résultante. 


NOTES    DE  LA  IV"   SECTION. 


NOTE    XII. 


L 


lEs  expériences  que  Deluc  a  faites  (i)  prouvent  incon- 
testablement que  la  quantité  de  vapeur  qui  se  forme  dans 
un  espace  vide ,  est  la  même  que  si  cet  espace  est  rempli 
d'air. 

Le  thermomètre  étant  à  65  degrés  de  Fahr ,  le  maximum 
de  l'évaporation  dans  le  vide  élève  le  mei-cure  d'un  petit 
manomètre  de  o,5  pouces  ,  comme  il  résulte  de  la  moyenne 
de  plusieurs  expériences  ,  à  la  même  température  :  le  ré- 
cipient étant  rempli  d'air  sec  ,  et  ensuite  porté  à  l'humidité 
extrême,  le  baromètre  ,  considéré  comme  manomètre  ,  re- 
cevra également  une  élévation  de  0,5  pouces. 

Il  conclut  d'un  grand  nombre  d'expériences  faites  avec 
l'exactitude  qu'on  lui  connaît  ,  que  ie  produit  de  Féva- 
poration  est  toujours  de  la  mène  nature^  c'est-à-dire  un 

(i)  Trans.  philos.    1733. 


ht   l'exPA^'SION    et    de    la    COlS-DENSATIOX.    33$ 

Jlulde  élastique  qui ,  soit  seul  ,  soit  mêlé  avec  l'air  affecte 
ie  manomètre  par  la  pression  ,  et  l'hygromètre  par  V hu- 
midité .^  sans  aucune  différence  qui  soit  produite  par  la 
présence  ou  l' absence  de  l'air ,  au  moins  d'une  manière 
sensible  jusqu'à  présent. 

Il  fait  voir  de  plus  que  l'hygromètre  à  cKeveu  est  uA 
indice  trompeur  pour  les  degrés  qui  approchent  de  l'Jiu- 
midité  extrême  :  ce  qui  confirme  les  observations  que  j(J 
me   suis  permises  sur    cet   objet. 

La  correspondance  qui  existe  entre  la  température  et 
l'évaporation ,  fait  conclure  à  Deluc  que  la  dernière  n'esî 
due  qu'à  l'action  de  la  chaleur  5  la  différence  qu'il  y  a  ^ 
ielon  lui  ,  entre  l'évaporation  et  la  vaporisation  ,  c'est  que 
dans  celle-ci  la  vapeur  doit  surmonter  la  pression  qiia 
l'atmosphère  exerce  sur  l'eau ,  et  que  dans  la  première  la 
vapeur  se  forme  à  la  surface  de  l'eau  à  toute  température  y 
parce  qu'elle  n'y  trouve  qu'une  résistance  qu'elle  peut  tou- 
jours vaincre  5  elle  ne  fait  que  se  mêler  avec  l'air  ,  et  se 
dilater  en  proportion  de  sa  quantité,  comme  si  c'était  une 
nouvelle  quantité  d'air. 


Il 


*!9l 


SECTION     V. 


Des  limites  de  la  combinaison. 


CHAPITRE     PREMIER. 

Des  proportions    des    éléments    dans    les 
combinaisons. 

À 

193.  J'ai  examine  les  causes  qui  produisent 
la  séparation  et  l'isolement  des  combinaisons  , 
et  je  les  ai  trouvées  dans  les  effets  de  la  so-^ 
lidité  et  de  l'élasticité  ;  il  reste  un  problème 
intéressant  à  résoudre  ;  c'est  de  déterminer 
quelles  sont  les  dispositions  et  les  circonstances 
qui  décident  des  proportions  fixes  dans  certaines 
combinaisons  ,  pendant  que  d'autres  se  font  en 
toutes  proportions  ,  et  quels  rapports  il  y  a  à 
cet  égard  entre  les  combinaisons  qui  se  forment 
par  le  moyen  de  la  solidité  et  celles  qui  sont 
produites  sans  perdre  l'état  élastique ,  et  qui 
conservent  leurs  propriétés  et  leurs  proportions 
au  milieu  des  autres  fluides  élastiques ,  pendant 
qu'il  y  en  a  également  qui  peuvent  recevoir  des 
proportions   variables  ;  mais   à   l'égard   de   ces 


i 


r>î:S    LI3ÏTTES    BV.    LA    CO  M  BIX  A  I  S  0:?f .       33S 

combinaisons  fixes ,  il  convient  encore  d'exa- 
miner ce  qu'il  y  a  de  constant ,  ou  ce  qui  peut 
se  trouver  d'exagéré  dans  cette  propriété  qu'oa 
leur  attribue. 

Parmi  les  résultats  de  l'action  chimique ,  il 
nV  en  a  point  dont  la  cause  ait  été  plus  né^ 
gligée  que  celle  de  la  détermination  des  pro- 
portions qu'on  observe  dans  quelques  circons- 
tances, pendant  que  dans  d'autres  occasions  les 
combinaisons  se  font  en  toutes  proportions  , 
et  celle  de  la  différence  qui  peut  se  trouver  à  cet 
égard  entre  les  solides ,  les  liquides  et  les  fluides 
élastiques. 

De  ce  qu'on  a  trouvé  une  composition  plus 
ou  moins  fixe  dans  un  certain  nombre  de  com- 
binaisons ,  on  a  regardé  comme  un  attribut  des 
affinités  électives  de  déterminer  par  la  diffé- 
rente énergie  de  leur  action  les  proportions  des 
combinaisons  qu'elles  formaient,  el  l'on  n'a  plus 
cherché  à  reconnaître  ce  qu'il  y  avait  de  positif 
dans  la  constance  des  proportions  ,  jusqu'où  s'é- 
tendait réellement  cette  propriété ,  et  ce  qui  dis  • 
tinguait  l'action  chimique  des  corps  qui  la  possè- 
dent ,  de  celle  des  substances  qui  en  sont  privées. 
Cependant  on  a  observé  que  les  effets  de  la 
tendance  à  la  combinaison  ne  sont  pas  toujours 
limités  à  ces  proportions,  même  dans  les  subs- 
tances salines  dans  lesquelles  se  manifeste  l'ac- 
tion  dune    affinité  énergique  ;    alors  pour    ne 


336  STATIQUE     CHIMIQUE. 

pas  s'ëcarter  des  idées  que  l'on  avait  adoptées  ^ 
on  a  suppose  qu'il  y  avait  alors  différents  termes 
de  saturation;  deux,  par  exemple,  dans  les 
sels  qui  peuvent  cristalliser  dans  l'état  neutre  y 
ou  qui  peuvent  être  acidulés;  mais  Ton  a  vu 
que  des  combinaisons  se  formaient  en  propor-. 
uons  très-variées ,  et  à  l'égard  de  celles-ci ,  on 
n'a  pas  méconnu  entièrement  la  loi  que  suit  : 
l'action  chimique  dont  l'effet  est  d'autant  plus 
grand ,  que  la  quantité  de  la  substance  qui 
l'exerce  est  plus  considérable  :  quelquefois  on- 
a  distingué  une  affinité  physique  qui  agit  en 
raison  de  la  quantité  des  substances ,  de  l'affi-. 
nité  chimique  à  laquelle  on  a  attribué  une 
faculté  élective  pour  former  les  combinaison» 
de  substances  qui  se  choisissent  ou  s'excluent 
indépendamment  des  quantités  qui  sont  en. 
action. 

Enfin  dans  ces  derniers  temps ,  on  a  trouvé 
que  la  forme  des  molécules  d'une  substance  ou 
des  parties  intégrantes  d'une  combinaison  dé- 
terminait toutes  les  formes  secondaires  qu'elles 
pouvaient  produire  par  leur  réunion  ,  et  l'on 
a  conclu  que  cette  forme  primitive  déterminait 
les  combinaisons  elles-mêmes ,  et  par  conséquent 
les  proportions  de  leurs  éléments. 

Je  vais  tâcher  de  trouver  l'explication  des 
différents  états  de  combinaison  dans  les  circons- 
tances qui  fout    varier    l'effet   de   faffinité  qui 


DES    LIMITES   DE    LA    CO  M  B  I^îf  A.  I  SON.     337 

produit  une  saturation  réciproque  des  tendances 
à  la  combinaison  ,  et  d  établir .  une  ligne  de 
démarcation  plus  prononcée  que  je  ne  l'ai  fait 
entre  ses  effets  immédiats  ,  et  ceux  de  l'action 
réciproque  à   laquelle  est  due  la  solidité. 

194-  Si  nous  reportons  notre  attention  sur 
les  phénomènes  que  présentent  les  combinaisons 
faibles  qui  produisent  la  dissolution  ,  nous  obser- 
vons qu'un  corps  solide  ,  un  sel  ,  par  exemple  , 
se  dissout  en  toute  proportion  dans  l'eau  ,  ^jus- 
qu'au terme  extrême  qui  donne  la  saturation , 
et  auquel  la  force  dissolvante  se  trouve  plus 
faible  que  la  force  de  cohésion  qui  lui  est 
opposée,  mais  que  le  degré  de  saturation 
varie  selon  la  température  qui  diminue  '  la  ré- 
sistance de  la  cohésion  :  un  degré  de  tempé- 
rature trop  élevé  donne  une  telle  tension 
élastique  à  l'eau  ,  qu'elle  abandonne  le  sel  qu'elle 
tenait  en  dissolution. 

Les  métaux  qui  s'allient  se  dissolvent  en 
toute  proportion  ,  lorsque  la  différence  de 
pesanteur  spécifique  et  de  fusibilité  ne  vient  pas 
interrompre  cette- dissolution   mutuelle. 

Les  substances  qui  se  vitrifient  ,  se  combi- 
nent aussi  en  toute  proportion  ,  jusqu'au  terme 
où  l'insolubilité  de  quelques-unes  et  le  de^ré 
de  température  mettent  un  obstacle  à  cette 
dissolution  qui  est  uniforme  et  transparente  , 
et   qui   par    conséquent    a   tous  les  caractères 


338  STA'fIQUK     CHIMIQUE. 

d'une  combinaison  chimique  où  toutes  les  pro- 
priétés sont  devenues  communes. 

La  dissolution  d'une  substance  élastique  par. 
l'eau,  nous  présente  des  phénomènes  analogues; 
plus  la  quantité  d'eau  est  considérable  ,  plus 
est  grande  la  proportion  de  la  substance  élas- 
tique qui  se  dissout  ;  mais  la  chaleur  qui  pou- 
vait favoriser  la  dissolution  du  sel  ,  en  dimi-i' 
nuant  la  résistance  de  la  cohésion  produit  ici 
un  effet  contraire ,  parce  qu'elle  accroît  l'élas- 
ticité qui  est  l'obstacle  à  la  combinaison. 

Si  nous  mettons  à  présent  en  opposition  deux 
combinaisons,  nous  observons  que  les  sépara- 
tions qui  peuvent  se  produire  sont  encore  un. 
effet  qui  dépend  des  quantités  qui  agissent , 
et  de  la  résistance  qu'opposent  ,  ou  la  force  dci 
cohésion,  ou  l'élasticité  :  que  l'eau  soit  très- 
saturée  d'acide  carbonique,  l'air  lui  en  enlèvera, 
plus  ou  moins ,  selon  sa  quantité ,  et  selon  la, 
température  qui  réglera  l'effort  élastique  de 
l'acide  carbonique  :  si  au  contraire  l'air  tient, 
en  dissolution  beaucoup  d'acide  carbonique  ^ 
l'eau  qui  en  est  dépourvue  ,  .et  qui  par  consé- 
quent possède  toute  sa  puissance  ,  lui  en  prendra 
jusqu'à  une  certaine  limite  :  lorsque  son  action 
cessera  d'être  efficace  ,  l'eau  de  chaux  pourra  en-, 
leA^er  à  l'air  la  portion  qu'il  avait  pu  défendre 
contre  ]a  force  de   l'eau. 

Que  l'on  expose  de  i'éther  à  l'action  de  IV.ir,^ 


DES    LIMITES    DE    LA    C  O  MBI  N  A  I  S  O  T-T.      SSq 

il  y  en  a  une  partie  qui  prend  l'état  élastique, 
€t  qui  corresj)ond  au  volume  que  l'air  occu- 
pait ,  et  à  la  température  ;  mais  si  alors  on 
le  met  en  contact  avec  l'eau  ,  celle-ci  rend  Vélat 
liquide  à  la  vapeur  éthérée  :  elle  agit  en  raison 
de  sa  quantité ,  et  sa  puissance  diminue  par  la 
saturation  ;  car  lorsqu'elle  est  parvenue  à  un 
degré  avancé  de  saturation ,  c'est  Tair  qui  lui  en 
enlève ,  et  le  partage  se  fait  selon  l'état  des  forces , 
et  par  conséquent  selon  le  degré  délasticité  dé- 
terminé par  la  température. 

Dans  ces  phénomènes  simples  dont  il  serait 
inutile  d'accumuler  un  plus  grand  nombre  ,  c'est 
Taffinité  qui  produit  des  combinaisons  qui  ne 
diffèrent  que  par  l'intensité  de  celles  qu'on  re- 
garde spécialement  comme  chimiques:  la  marche 
qu'elle  suit  se  montre  sans  obscurité  ,  et  si  lors- 
qu'elle agit  avec  plus  d'énergie  les  phénomènes 
n'ont  plus  la  même  régularité ,  c'est  sans  doute 
parce  que  les  circonstances  qui  l'accompagnent 
alors  changent  l'état  des  forces  qui  jjroduisent 
le  résultat. 

195,  J'ai  assez  multiplié  les  preuves  qui  font 
voir  qu'il  est  de  l'essence  de  faction  chimique 
de  croître  en  raison  des  quantités  des  substances 
qui  l'exercent ,  et  de  produire  des  combinaisons 
dont  les  proportions  sont  graduelles  depuis  le 
premier  jusqu'au  dernier  terme  de  saturation  ; 
tnais  dans  un  grand  nombre  de  combinaisons 

Q.I.. 


3qO  STATIQUE     CHIMIQUE. 

les  proportions  ne  suivent  point  cette  progres- 
sion ,  et  il  se  fait  des  séparations  dues  à  des 
partages  déterminés  des  éléments  de  ces  com- 
binaisons. La  force  de  cohésion  ou  lelasticité 
deviennent  prépondérantes  pour  produire  ces 
séparations;  mais  il  ne  suffit  pas  de  recueillir 
ces  résultats  de  lobservation  dans  chaque  cas 
particulier  ;  il  faut  examiner  les  dispositions 
et  les  circonstances  dont  ces  propriétés  peu- 
vent  dépendre ,  et  qui  quelquefois  en  rendent 
l'effet  constant ,  pendant  que  dans  d'autres  occa- 
sions on  ne  l'observe  point ,  où  il  ne  paraît  assu- 
jetti a  aucune  régul?/rité. 

Kii  wan  a  examiné  les  pesanteurs  spécifiques 
de  l'acide  sulfurique  et  de  l'acide  nitrique , 
mêlés  avec  différentes  proportions  d'eau,  et  il 
a  observé  que  non-seulement  ces  pesanteurs 
étaient  plus  grandes  que  celles  qui  résulteraient 
des  pesanteurs  spécifiques  des  deux  liquides 
séparés  ;  mais  qu'il  y  avait  une  proportion  dans 
laquelle  elle  était  plus  grande  que  dans  les 
autres. 

L'expérience  fait  donc  voir  qu'il  y  a  dans  les 
combinaisons  une  pro|>ortion  des  substances  qui 
les  forment ,  dans  laquelle  leur  action  a  le  plus 
grand  effet,  et  où  l'affinité  mutuelle  s'exerce 
avec  le  plus  d'avantage  ,  relativement  à  la  con- 
densation ;  l'on  apperçoit  déjà  que  c'est  dans 
ces  proportions  que  la  force  de   cohésion  doit 


DES    LIMITPS    DE    LA    C  OMBIÎV  A  IS  03^.       54  I 

acquérir  l'accroissement  le  plus  considérable  , 
et  que  les  combinaisons  élastiques  doivent  re- 
cevoir le  plus  de  densité  ;  mais  cette  conclusion 
suppose  une  égalité  de  dispositions  dans  les 
substances  qui  subissent  la   condensation. 

On  observe  même ,  lorsque  l'action  se  passe 
entre  deux  liquides  qui  ne  font  qu'éprouver  un 
certain  degré  de  condensation  qui  ne  produit 
aucune  séparation  ,  deux  termes  auxquels  l'effet 
de  la  condensation  est  le  plus  grand  ;  l'un  ,  dans 
lequel  l'un  des  deux  liquides  domine  par  sa 
quantité ,  et  l'autre  dans  lequel  c'est  le  second 
liquide  qui  se  trouve  en  plus  grande  propor- 
tion ;  c'est  ce  qu'indiquent  les  observations  de 
Blagden  sur  les  mélanges  de  l'alcool  et  de  l'eau  , 
dans  la  vue  de  reconnaître ,  par  les  pesanteurs 
spécifiques  ,  les  proportions  des  deux  liquides 
qui  se  trouvent  dsns  une  eau-de-vie  (i)  :  il 
résulte  de  ses  expériences  faites  avec  un  grand 
soin  sur  des  proportions  croissantes  d'alcool 
avec  cent  parties  d'eau ,  et  sur  des  proportions 
d'eau  mêlées  successivement  à  cent  parties  d'al- 
cool ,  que  c'est  à-peu-près  dans  le  mélange  de  1 5  à 
20  parties  de  l'un  des  liquides  avec  cent  parties  de 
l'autre,  que  le  plus  grand  effet  de  condensation 
est  produit  par  l'addition  d'un  liquide  à  l'autre. 

Ainsi  la  théorie  que  j'ai  exposée  sur  la  force 
de  l'affinité  qui  croît  en  raison  de  la  quantité- 

(i)  Traas.   philos.  1.75^. 


342  STATIQUE     C  îl  [  ]<f  iQtiff. 

avec  laquelle  une  substance  peut  agir,  doit  être 
modifiée  relativement  à  la  condensation,  parce 
que  cet  effet  ne  dépend  pas  seulement  de  l'action: 
qu'elle  exerce ,  mais  de  celle  qu'elle  éprouve  elle- 
même  ,  et  c  est  dans  certaines  proportions  ,  très- 
variables  selon  les  dispositions  des  deux  subs- 
tances qui  exercent  une  action  mutuelle  »  que  cet 
effet  est  le  plus  grand  :  pour  les  liquides  qui  ne 
changent  pas  d'état  par  cette  action  ,  il  y  a  deux 
termes  où  la  plus  grande  condensation  a  lieu  ; 
cependant  il  faudrait  supposer  une  égalité  par- 
faite dans  les  dispositions  de  chacun  des  li- 
quides ,  pour  que  la  quantité  de  la  condensation 
fût  la  même  dans  l'un  et  l'autre  ;  de  sorte  que 
l'on  peut  établir  en  général ,  que  dans  l'action 
chimique  de  deux  substances  liquides ,  il  y  a 
une  proportion  dans  laquelle  se  trouve  le  plus 
grand  effet  de  la  condensation. 

Ce  terme  de  la  plus  grande  condensation 
qu'éprouvent  les  liquides  ,  doit  être  celui  où 
ils  sont  le  plus  disposés  à  se  congeler  ,  où  à 
prendre  l'état  solide ,  puisque  la  solidité  est 
elle-même  l'effet  d'une  condensation  des  mo- 
lécules, qui  exercent  alors  leur  action  réciproque 
avec  plus  d'énergie  ;  on  peut  expliquer  par  là 
quelques  observations  de  Cawendish  et  de  Reiv. 

Cawendish  a  observé  que  lorsqu'on  soumettait 
au  grand  froid  un  mélange  d'acide  et  d'eau  y 
si   celle-ci   était   en   trop    grande    proportion^ 


DES    LIMITES    DE    LA    COMBIN AISOIN".       343 

il  s'en  congelait  une  partie  qui  se  séparait; 
que  lorsque  cette  séparation  était  parvenue  à 
un  certain  degré  ,  c'était  le  mélange  lui-même 
qui  restait  en  congélation  ;  de  sorte  qu'il  a  dis- 
tingué la  congélation  aqueuse  et  la  congélation 
spiritueuse  :  il  a  remarqué  que  cette  dernière 
avait  plus  facilement  lieu  dans  certaines  pro- 
portions d'eau  ,  que  dans  d'autres;  de  sorte  que 
ce  n'est  pas  au  plus  grand  point  de  concentration 
d'un  acide  que  se  trouve  sa  plus  grande  dis- 
position à  se  congeler. 

Reiv  a  confirmé  les  observations  de  Cawen-» 
disli  (  I  ) ,  il  a  fait  voir  qu'il  y  a  dans  l'acide 
sulfurique  un  terme  de  concentration  où  il  pos- 
sède au  plus  haut  point  la  propriété  de  se 
congeler  ,  et  que  ce  terme  est  à-peu-près  celui 
où  sa  pesanteur  spécifique  est  1800;  de  sorte 
qu'en  deçà  et  au  delà  de  cette  pesanteur,  la  congé- 
lation exige  un  plus  grand   froid. 

Cependant  la  condensation  qui  appartient  aux 
proportions  ne  peut  avoir  qu'une  part  plus  ou 
moins  grande  dans  les  faits  précédents  ;  parce 
que  la  disposition  à  la  congélation  peut  être 
très-inégale  dans  les  deux  liquides  qui  sont 
mêlés  ,  et  que  leur  combinaison  est  trop  faible 
pour  contrebalancer  l'effet  de  l'abaissement  de 
température  ;  de  sorte  que  la  congélation  pourra 

(1)  Trans.  philos.    1787. 


344  STATIQUE     CHIMIQUE. 

séparer,  par  exemple,  une  partie  de  l'eau  mêlée 
avec  l'alcool ,  qui  dépassera  de  beaucoup  la  pro- 
portion où  la  condensation  est  la  plus  grande  , 
lorsque  l'eau  domine  ;  elle  pourra  peut  -  être 
passer  encore  la  proportion  où  l'alcool  domi- 
nant produit  la  plus  grande  condensation  ;  parce 
qu'à  ce  terme  l'effet  se  compose  encore  de  celui 
que  le  froid  produit  sur  l'alcool ,  et  de  celui 
qu'il  produit  sur  Teau  ;  il  n'en  est  pas  de  même 
avec  Taeide  sulfurique  qui  a  une  disposition 
assez  grande  à  se  congeler  :  la  séparation  de  l'eau 
passera  encore  le  premier  terme  ;  mais  il  est 
probable  qu'elle  s'arrêtera  à-peu-près  au  der- 
nier. 

Les  effets  de  la  condensation  se  compliquent 
donc  dans  les  substances  qui  ne  sont  retenues 
que  par  une  faible  combinaison  ,  et  qui  peu- 
vent céder  à  une  cause  peu  efficace  pour  se 
séparer  ;  mais  ils  doivent  être  beaucoup  plus 
constants  lorsque  la  combinaison  est  plus  éner- 
gique, et  qu'il  ne  se  produit  par  la  conden- 
sation aucun  cbangement  dans  l'état  de  satu- 
ration. 

196.  Si  l'on  observe  dans  les  liquides  qui 
n'exercent  qu'une  faible  action  réciproque  ,  que 
la  condensation  qui  en  résulte ,  est  plus  grande 
dans  certaines  proportions  que  dans  d'autres  , 
cet  effet  doit  sur-tout  avoir  lieu  dans  les  com- 
binaisons qui  sont  produites  par  une  forte  affi- 


DES    LIMITES    DE    LA    CO  MB  IN  AISOTT.      345 

nité  ,  telles  que  les  combinaisons  salines;  mais 
les  dispositions  qui  se  trouvent  dans  chacun  des 
éléments  de  la  combinaison  doivent  contribuer 
inégalement  à  la  séparation  qu'une  plus  grande 
condensation  doit  j^roduire  ;  de  sorte  que  ce 
n  est  pas  seulement  la  plus  grande  condensation 
qui  doit  déterminer  les  séparations  spontanées 
des  combinaisons  ;  mais  que  cet  effet  doit  dé- 
pendre aussi  des  dispositions  de  leurs  éléments , 
et  des  circonstances  qui  donnent  plus  d'influence 
à  une  cause  qu'à  l'autre . 

Si  la  condensation  accroît  la  force  de  cohé- 
sion ,  ou  l'action  réciproque  des  molécules  ,  la 
combinaison  qui  se  sépare  par  cette  raison  , 
résiste  à  une  action  contraire ,  de  toute  l'ang- 
mentation  de  force  produite  par  le  rapproche- 
ment des  parties  ;  de  sorte  qu'il  s'introduit  une 
espèce  d'interruption  dans  les  progrès  de  l'action 
chimique  ,  comme  ,  dans  un  sens  opposé  ,  on  en 
trouve  une  dans  les  effets  thermométriques  du 
calorique ,  pendant  qu'il  s'accumule  dans  un 
corps  qui  passe  de  l'état  solide  à  l'état  liquide , 
ou  de  celui-ci  à  l'état  élastique.  Cette  résistance 
sera  d'autant  plus  considérable ,  que  la  force 
de  cohésion  acquise  sera  plus  grande  ;  mais  dès 
qu'elle  sera  vaincue  ,  les  lois  de  l'action  chi- 
mique reprendront  leur  entier  effet ,  c'est-à-dire 
que  l'action  de  toutes  les  substances  sera  pro- 
portionnelle à  leur  masse. 


^4^  s  T  A  T  I  Q  tl  p.     r  H  T  M  T  Q  i:  F,  M' 

La  cause  qui  produit  la  séparation  d'un*  ■ 
substance  qui  acquiert  Tétat  solide  ,  est  donc 
celle  même  des  proportions  avec  lesquelles  elle 
se  sépare  ;  ces  proportions  sont  celles  avec  les- 
quelles la  force  de  cohésion  a  l'énergie  suffi" 
santé  pour  produire  la  séparation  ;  elles  doivent  • 
être  constantes  lorsque  les  circonstances  sont 
les  mêmes  ,  ou  lorsque  l'effet  de  la  conden- 
sation l'emporte  sur  celui  qu'elles  peuvent  pro- 
duire ,  comme  l'eau  se  congèle  à-peu-près  au 
même  degré  de  température  ,  lorsque  l'action 
chimique  de  quelque  substance  ne  s'y  oppose 
pas  ;  dans  cet  état ,  la  combinaison  résiste  à 
l'action  chimique  jusqu'à  ce  qu'elle  ait  acquis 
un  accroissement  qui  soit  plus  considérable  que 
l'effet  de  la  condensation.  La  loi  générale  de 
l'affinité  ne  paraît  donc  interrompue  que  parce 
qu'un  obstacle  qui  naît  de  son  action  même 
s'oppose  à  la  progression  de  ses  effets  ,  jusqu'à 
ce  qu'elle  ait  acquis  assez  de  force  pour  le  sur- 
monter. 

[97.  De  ce  que  la  force  par  laquelle  une  com- 
binaison est  formée  produit  une  condensa- 
tion et  augmente  par  là  les  effets  de  l'action 
réciproque  ,  il  doit  en  résulter  que  ces  effets- 
doivent  avoir  lieu  particulièrement  au  terme 
de  saturation  où  les  deux  éléments  de  la  com- 
binaison exercent  le  plus  haut  degré  de  leur^ 
puissance  ,  si  Tun  et  l'autre  possèdent  une  égale 


DES    LIMITES    DE    LA    C  OM  B  lî*' A  I  SO  ?î.     347 

tiisposition  à  la  solidité  ,  ou  si  une  même  cause 
produit   un    effet    équivalent    sur  l'un    et   sur 
l'autre;  mais  si  Tun  des  deux  avait  naturellement 
une  plus  grande  disposition   à  la  solidité   que 
l'autre ,    c'est   vm   excès  de  celui-là  qui  devrait 
entraîner  la  séparation    du    combiné.  Dans  les 
combinaisons  dont  les  éléments  paraissent  avoir 
des  dispositions  à-peu-près  égales  à  la  solidité , 
tels  que  les  sels  à  base  de  soude ,  de  potasse  , 
et  d'ammoniaque ,  et  qui  ont  pour  acides  ,  la- 
cide  muriatique ,  le  nitrique ,  et  l'acétique  ,  le 
plus    grand  degré   de   concentration   doit    être 
conscquemment  au  terme  de  la  neutralisation  ; 
et  ce  qui  le   confirme ,  c'est  le  dégagement   de 
la  chaleur  ,  qui    est  un  effet  de  cette  conden^ 
sation  ;  car  si  l'on  dissout  ces  sels  neutres  dans 
un  excès  d'acide,  quoique  privés  d'eau  de  cris- 
tallisation ,   ou    il   se  produit  du  froid  comme 
avec  le  muriate  d'ammoniaque ,  ou  il  ne  se  dé- 
gage que   très-peu   de   chaleur  ,  et  incompara- 
blement moins  que   lorsqu'on  arrête  la  combi- 
naison à  l'état  de  neutralisation  ;   de  sorte   que 
la  liquéfaction  produit  une  dilatation  de  volume 
qui  l'emporte  sur  l'effet  de  la  condensation  qui 
est  due  à  la  combinaison ,  et  qui  fait  voir  que 
passé     l'état    neutre  ,     cette    condensation  est 
beaucoup  plus  faible. 

C'est  donc  dans  l'état  neutre  que  les  combi- 
naisons,  dont  los   éléments  ont  à-pcu-près  une 


^4S  STATIQUE     CHIMIQUE. 

égale  disposition  ,  se  séparent  par  la  cristalli- 
sation ,  23arce  que  c'est  à  ce  terme  que  la  con- 
densation est  la  plus  grande  ;  mais  l'insolubilité 
sera  d'autant  plus  considérable ,  l'action  réci- 
proque étant  supposée  peu  différente  ,  que  les 
éléments  de  la  combinaison  auront  une  plus 
grande  disposition  à  cette  propriété  ;  ainsi  l'acide 
phosphorique  ,  l'oxalique  ,  le  tartareux ,  le  sul- 
furique  doivent  produire  facilement  des  sels 
insolubles  avec  les  bases  terreuses  ;  au  contraire , 
le  muriatique ,  le  nitrique  ,  l'acétique  en  doivent 
former  de  beaucoup  plus  solu])les  ;  cependant 
Tinfluence  de  la  capacité  de  saturation  peut  se 
faire  appercevoir  dans  ces  effets  :  ainsi  la  ma- 
gnésie et  la  chaux  qui  diffèrent  beaucoup  plus 
à  cet  égard  de  la  baryte  et  de  la  strontiane , 
que  l'acide  muriatique  et  l'acide  nitrique  ne 
diffèrent  entre  eux  ,  doivent  agir  beaucoup 
moins  par  leur  disposition  à  la  solidité  que  la 
baryte  et  la  strontiane  :  il  n'est  pas  même  sur- 
prenant qu'elles  forment  des  sels  déliquescents 
avec  ces  deax  premiers  acides,  pendant  que  la 
potasse  même  et  la  soude  produisent  des  sels 
qui  cristallisent ,  puisqu'il  entre  moins  de  ces 
terres  dans  la  combinaison. 

Ainsi  nous  trouvons  dans  les  propriétés  des 
sels  que  forment  les  bases  alcalines  avec  les 
acides ,  une  correspondance  exacte  avec  la  sup- 
position que  leur  insolubiUté  dépend  de  la  dis- 


DES    LIMITES    DE    LA    COMBINAISONS.       349 

position  naturelle  de  leurs  éléments  ,  accrue  par 
la  condensation  qui  est  due  à  l'affinité  qui  les 
réunit  ;  nous  n'avons  besoin  de  faire  interv^enir 
quelques  explications,  qui  peuvent  paraître  dou- 
teuses ,  que  pour  la  formation  de  quelques  sels 
déliquescents  qui  ont  néanmoins  une  base  ter- 
reuse douée  d'une  grande  solidité  ;  mais  ces  ex- 
plications se  fortifient  par  la  considération  des 
précipités  que  ces  combinaisons  mêmes  donnent , 
dés  que  l'action  de  leur  acide  vient  à  diminuer. 

198.  La  force  de  cohésion  propre  aux  élé- 
ments de  la  combinaison  doit  être  considérée 
comme  une  propriété  latente  qui  conserve  sen- 
siblement son  influence,  ou  qui  la  reprend  dès 
que  la  force  qui  Ta  fait  disparaître  vient  à  di- 
minuer, ainsi  que  nous  l'avons  vu  dans  l'action 
réciproque  de  Tacidité  et  de  l'alcalinité  ,  et 
même  avec  une  énergie  nouvelle  qui  est  due 
à  la  condensation;  en  effet  les  alcalis  terreux 
qui  sont  peu  solubles  par  eux-mêmes,  forment 
facilement  des  combinaisons  peu  solubles  ,  ou  , 
lorsque  par  l'influence  de  l'acide  et  de  sa  quantité , 
leurs  combinaisons  se  trouvent  solubles  ,  elles 
perdent  leur  solubilité  ,  si  l'on  vient  à  diminuer 
la  quantité  de  l'acide ,  ou  ce  qui  revient  au  même, 
à  affaiblir  son  action  en  la  divisant  :  de  là 
viennent  les  précipités  qui  ont  lieu  lorsqu'une 
autre  base  alcaline  vient  partager  leur  action 
sur  l'acide  qui  les  rendait  solubles. 


OOO  STATIQUE     CHIMIQUE. 

Ces  précipités  doivent  donc  être  considérés 
comme  des  combinaisons  qui  ont  un  excès  d'al- 
cali ,  parce  que  l'insolubilité  propre  à  ces  alcalis 
a  produit  leur  séparation  ,  lorsqu'elle  est  devenue 
prépondérante  ;  il  est  rare  que  Ton  puisse  pro- 
duire immédiatement  ces  espèces  de  combinai- 
sons, à  cause  de  la  force  de  cohésion  qui  apporte 
un  trop  grand  obstacle  :  je  vais  cependant  en 
donner  un  exemple ,  et  si  l'observation  se  dirige 
sur  cet  objet  ,  on  en  découvrira  sans  doute 
quelques  autres  ;  d'ailleurs  les  sels  métalliques 
présentent  plusieurs  faits  de  cette  espèce. 

Bucholz  avait  obtenu  de  beaux  cristaux  ,  en 
fesant  bouillir  de  la  chaux  avec  son  muriate  ; 
Tromesdorff  a  vérifié  ce  fait  (i)  :  il  prescrit  , 
pour  obtenir  ces  cristaux ,  de  faire  bouillir  une 
quantité  de  muriate  de  chaux  avec  un  quart 
ou  même  moins  de  chaux  caustique  :  il  faut 
débarrasser  par  l'alcool  les  cristaux  longs  et  fins 
qui  se  sont  formés. 

J'ai  répété  cette  expérience  ,  et  j'ai  constaté 
que  ces  cristaux  n'étaient  point  de  la  chaux  , 
comme  on  l'a  annoncé;  mais  un  muriate  de 
chaux  avec  excès  de  chaux  ;  si  on  traite  ces 
cristaux  avec  l'eau  ,  il  s'établit  d'autres  propor- 
tions ,  la  partie  qui  se  dissout  est  du  muriate- 
qui  ne    retient  qu'un  peu    d'excès    de    chaux , 

(i)  Journ.  de  Chim.  de  Van  Mons.  n°.  2. 


et  la  portion  qui  ne  se  dissout  pas  retient 
un  plus  grand  excès  de  chaux  :  on  peut  obtenir 
des  séparations  successives  par  des  additions 
d'eau,  et  les  proportions  qui  s'établissent  dé- 
pendent du  rapport  de  la  force  dissolvante  à  la 
résistance  de  la  cohésion. 

199.  Les  acides  qui  ont  une  force  de  cohésion 
considérable  ,  présentent  des  phénomènes  ana- 
logues ,  ou  qui  n'annoncent  d'autre  différence 
que  celle  qui  provient  de  leur  plus  grande  solu- 
bilité ,  c'est  de  cette  qualité  que  dépend  la  pro- 
priété qu'ont  les  acides  tartareux  et  oxalique 
de  former  ,  avec  des  bases  qui  ont  beaucoup 
de  solubilité  ,  des  combinaisons  avec  excès  d'acide 
qui  sont  beaucoup  moins  solubles  que  leurs 
combinaisons  neutres,  et  qui  doivent  leur  exis- 
tence à  cette  insolubilité ,  pendant  qu'avec  des 
bases  peu  solubles  elles  forment  immédiatement 
des  combinaisons  neutres  ;  dans  ce  cas ,  l'inso- 
lubilité est  attachf'e  à  un  excès  d'acide  ,  comme 
dans  la  circonstance  précédente  elle  1  est  à  un 
excès  d'alcali  :  par  Tadditiodi  d'un  alcali  soluble , 
on  augmente  la  solubilité ,  et  l'on  obtient , 
par  la  cristallisation ,  un  sel  qui  en  a  une  plus 
grande;  mais  un  alcali  peu  soluble  produit  un 
effet  contraire  ,  et  forme  un  précipité. 

On  voit  par  là  pourquoi  l'on  ne  forme  des 
sels  acidulés  qu  avec  les  acides  qui  annoncent 
une  force  de  cohésion  considérable  ;  aussi  peut- 


k 


352  STATIQUE     CHIMIQUE. 

on  remarquer  (pie  cette  propriété  se  trouve 
unie  à  celle  de  former  des  sels  insolubles 
avec  les  bases  alcalines  qui  ont  elles  -  mêmes 
peu  de  solubilité ,  et  que  Ton  désigne  comme 
terreuses.  Les  acides  qui  ont  par  eux-mêmes 
peu  de  disposition  à  la  cohésion  ,  tendent  donc 
à  former  des  combinaisons  solubles  ;  il  en  est 
de  même  des  alcalis  ;  les  uns  et  les  autres  pro- 
duisent des  coml)inaisons  insolubles  lorsqu'ils 
ont  une  grande  disposition  à  la  solidité  ;  mais 
les  effets  de  ces  dispositions  se  combinent  lors- 
que l'acide  et  l'alcali  se  réunissent. 

L'ammoniaque  en  effet  ne  produit  point  de 
sel  insoluble  ,  lorsqu'elle  est  en  assez  grande 
quantité  pour  donner  seule  l'état  neutre  à  un 
acide  ;  il  en  est  de  même  de  la  soude  et  de  la 
potasse  ;  mais  ce  sont  la  chaux ,  la  baryte  et  la 
strontiane  qui  ont  sur-tout  la  propriété  de 
former  des  sels  insolubles. 

La  théorie  des  précipitations  se  trouve  par-là 
ramenée  à  celle  de  la  détermination  des  pro- 
portions dans  les  combinaisons  ;  lorsque  Ton 
forme  un  précipité ,  on  ne  fait  que  changer  les 
proportions  ,  et  que  rendre  dominante  l'inso- 
lubilité d'une  substance  qui  était  déguisée  par 
l'action  d'une  autre  qui  était  suffisante  pour 
produire  cet  effet  ,    mais  qui  cesse  de  l'être. 

Le  degré  de  solubilité  propre  aux  acides  ne 
correspond  pas  exactement  à  la  propriété  qu'ils 


»ÎÎS    LIMITES    DE    LA    COMBINAISON.       353 

ont  de  devenir  solides  par  levaporation  ou  par 
la  con^rélation  ,  parce  que  l'affinité  qu'ils  ont 
avec  l'eau  peut  diminuer  l'effet  de  leur  dispo- 
sition à  prendre  l'état  solide  ;  ainsi  l'acide  piios- 
pîiorique  qui  perd  facilement  l'eau  qu'il  contient 
pour  passer  à  l'état  solide  ,  annonce  cependant 
dans  quelques  combinaisons  une  disposition  à  la 
solidité,  qui  est  même  inférieure  à  celle  de  l'acide 
sulfurique;  c'est  donc  plutôt  par  les  propriétés 
que  les  acides  portent  dans  leurs  combinaisons, 
que  l'on  peut  juger  de  leur  disposition  à  la  solidité . 

Je   suis  bien  loin  de  prétendre  que  dans  la 
comparaison  des  phénomènes  que  j'analyse  ,  on 
n'en  trouve  pas  quelques-uns  qui  ne  correspon- 
dent point  aux  conditions  que  je  viens  d'assigner  ; 
mais  dans  l'explication   des   phénomènes   aux- 
quels un  grand  nombre  de  propriétés  concour- 
lent ,  on  ne  peut  se  flatter  de  déterminer  toutes 
les  causes  qui  agissent ,  et  qui  peuvent  apporter 
quelques  modifications    dans  les   résultats  ;    le 
nombre    et  l'accord    de    ces    résulta! ts   peuvent 
cependant  être  assez  grands    pour    reconnaître 
les  principes  dont  ils  dérivent ,  sur-tout    lors- 
qu'ils sont  établis  sur  des  propriétés  générales 
qui  ne  peuvent  plus  être  contestées  ,  et  qu'ils 
ont  l'avantage  de  lier  à  ces  propriétés  générales 
des  phénomènes  qui  paraissaient  en  être  indé- 
pendants. 

Ce  ncst  qu'en   séparant    ainsi  les  propriétés 


2J 


354  STATIQUE     CHIMIQUE. 

qui  concourront  aux  mêmes  phénomènes  ,  que 
l'on  parvient  à  disiir}guer  les  effets  du  calorique 
et  des  autres  causes  physiques  ,  et  à  étabhr  une 
théorie  qui  doit  être  fondée  sur  leur  dépen- 
dance mutuelle. 

200.  Si  les  observations  précédentes  prouvent 
que  la  force  de  cohésion  détermine  les  pro- 
portions de  plusieurs  combinaisons  au  degré 
de  neutralisation  où  l'action  mutuelle  produit 
son  plus  grand  effet  ou  dans  un  autre  degré 
de  saturation  ,  selon  les  dispositions  plus  grandes 
de  l'une  des  parties  constituantes  ,  il  ne  faudrait 
pas  en  conclure  que  hors  de  ces  proportions ,  il  ne 
peut  exister  des  combinaisons  des  mêmes  élé- 
ments ,  qui  soient  engagées  à  se  séparer  par 
un  degré  inférieur  de  force  de  cohésion  ,  ou 
que  si  cela  arrivait,  ce  serait  encore  avec  des 
proportions  fixes  ,  de  sorte  qu'il  ne  pour- 
rait y  avoir  de  séparation  ou  de  cristalli- 
sation que  dans  l'une  ou  l'autre  proportion. 
Cette  opinion  que  l'on  applique  à  plusieurs 
combinaisons  ,  et  dont  on  a  presque  fait  une 
loi  générale ,  a  été  sur- tout  établie  sur  la  con- 
sidération du  sulfate  acidulé  de  potasse ,  et  du 
phosphate  acidulé  de  chaux;  je  vais  examiner 
ce  qui  a  rapport  à  ces  sels  et  à  quelques  autres , 
en  attendant  que  l'observation  se  dirige  sur  un 
|)lus  grand  nombre  de  combinaisons  analogues. 

Bergman  avait  expliqué  la  décoaipositioo  du 


DES    LIMITES    DE    LA    COMBINÀISOX.       355 

sulfate  de  potasse  par  Facide  nitrique  ,  observée 
d  abord  par  Beaumé,  en  regardant  ce  sulfate 
comme  compose  de  deux  parties  ,  l'une  qui  avait 
les  proportions  du  sulfate  acidulé,  et  l'autre 
qui  était  la  portion  de  potasse  qui  réduisait  le 
sulfate  acidulé  en  sulfate  neutre  :  l'acide  n'exer- 
çait qu'une  partie  de  sa  force  sur  cette  der- 
nière ,  parce  que  le  reste  était  consommé  par 
le  sulfate  acidulé  ;  de  sorte  qu'un  acide  beau- 
coup plus  faible  que  le  sulfurique  pouvait  en- 
lever la  portion  de  potasse  à  moitié  libre  ,  en 
la  séparant  du  sulfate  acidulé  ;  mais  c'était  la 
limite  de  la  décomposition  possible  ,  et  le  sel 
passait  immédiatement  de  l'un  à  lautre  terme  de 
,  saturation  ,  et  ne  pouvait  recevoir  d'autres  pro- 
j  portions.  En  prouvant  dans  mes  recherches  sur 
les  lois  de  l'affinité,  qu'il  était  contraire  à  l'ob- 
servation de  prétendre  que  l'action  de  l'acide 
sulfurique  fût  bornée  au  terme  qui  fdrme  le 
sulfate  acidulé ,  et  qu'elle  se  prolongeait  indé- 
finiment en  perdant  progressivement  de  son 
intensité  ,  j'avais  conservé  le  préjugé  que  ce 
sulfate  acidulé  était  une  combinaison  constante 
et  décidée  par  une  force  de  cohésion  propre  à 
la  figure  que  je  supposais  appartenir  à  cer- 
taines proportions. 

20I.  J'ai  rappelé  cet  objet  à  un  nouvel  exa- 
men ,  et  j'ai  observé  que  le  sulfate  acidulé  de 
potasse  pouvait  recevoir  différentes  proportions 


2J. 


3lj(3  STATIQUE     C  II  I  M  I  Q  Lî  f!. 

d'acide   en  excès  depuis  l'état  neutre  ,    jusqu'à 
celui  où   la   solubilité  qui    devient  de  plus   en      ,, 
plus  grande  ,   ne  lui  permet  plus  de  se  séparer     i 
du  liquide  acide  dans  lequel  il  doit  se  former  ; 
-de  sorte  que  je  me  suis  convaincu  que  la  sup- 
position   que  j'admettais  doit   être  rejetée ,    et    . 
que  l'explicalion   ingénieuse   de  Bergman    n'est 
qu'un  jeu  de    l'imagination. 

Un  sulfate    acidulé  de   potasse  a  été   dissous 
.dans  une  certaine  quantité  d'eau,  puis  soumis 
.à  la  cristallisation  après  une  évaporation  con- 
venable ;   il  s'est  formé   de    nouveaux    cristaux 
,iin  peu  moins  solubles  que   les  premiers  ;   en- 
suite on  a  évaporé  le  liquide  ;  un  sulfate  plus 
acide  et   plus  solubîe    a    cristallisé  :   on  a    fait 
plusieurs    cristallisations   successives ,    et   dans 
Xîhaque  opération  il  s'est  fait  un  partage  ;   le  sel. 
qui  cristallisait  le  premier  avait  un  peu   moins, 
d'acide  que  celui  dont  il  provenait  ;    celui    au; 
contraire  qui  restait  en  dissolution ,  donnait  par 
J'évaporation    un  autre  sel  qui   avait    un    plus 
grand  excès  d'acide  ,  et  les  propriétés  qui  appar-s 
tiennent  à  ces  proportions  :   chaque  dissolution^ 
se  séparait  par  une  évaporation  convena1)le  en* 
deux  combinaisons.  On  est  parvenu  à   n'avoir» 
plus  que  le  sulfate  parfaitement  neutre  ;  maisi 
les  états  intermédiaires  entre  celui-ci  et  le  pre- 
îuier    sulfate    acidulé    ne    dépendent    que    des. 
circonstances  de   chaque    cristallisation.  On    a^ 


T>ES    LIMITES    DE    LA    C  O  MBIÏf  A  ISOX.       3^7 

comparé  les  proportions  d'acide  de  quatre  sul- 
fates acidulés  obtenus  par  la  première  cristal- 
lisation des  quatre  dernières  opérations ,  en  en 
décomposant  des  quantités  égales  par  l'acétite 
de  plomb  ;  le  précipité  obtenu  de  celui  qui 
s'était  réduit  à  un  état  parfaiteiuent  neutre  ,  a 
pesé  3o,a  ,  celui  qui  le  précédait  immédiate- 
tement  3-2,4,  le  troisième  dans  cet  ordre  33,3  , 
et  le  quatrième  près  de  35. 

La  forme  des  cristaux  subit  plusieurs  varia- 
tions ;  cependant  ses  changements  ne  suivent 
pas  ceux  de  la  proportion  de  Tacide  ;  ainsi  le 
sel  reprend  la  forme  du  sulfate  ,  quoiqu'il  con- 
serve encore  un  certain  excès  d'acide. 

Le  suliate   acidulé  de   soude  a  présenté    des 
propriétés  analogues  :  il  foriue  de  gros  cristaux 
parfaitement  semblables  à  ceux  du  sulfate  neu- 
tre ,  quoiqu'il  contienne  un  excès  assez  consi- 
dérable d'acide  ;    ces   cristaux   sont   tombés    en 
efflorescence ,    mais    moins   promptement    que 
ceux  du  sulfate   neutre  :    avec    un   plus  grand 
excès  d'acide  ,  les  cristaux  prennent  une  forme 
différente ,  et  ils  se  conservent  à  l'air  sans  tomber 
en  efflorescence  :  le  sel  neutre  ne  contenait  que 
la  moitié    de    facide    qu'avait   le   sel   qui   avait 
retenu  le  plus  d'acide,  et  qui  se  maintenait  sans 
déliquescence  et  sans  efflorescence. 

ao2.    On  avait  remarqué   qu'après  avoir  dé- 
composé la   matière   osseuse   par   l'acide  phos- 


I 


358  STATIQUE     CHIMIQUE. 

phoriqiie ,  il  se  formait  par  l'evaporation  un 
dépôt  que  Fou  avait  confondu  avec  le  sulfate 
de  chaux.  Bonvoisin  prouva  (  i  )  que  c'était  un 
phosphate  de  chaux,  mais  Fourcroy  et  Vau- 
quelin  out  fait  voir  (2)  que  cette  substance  était 
un  pliosphate  acidulé  :  ils  l'ont  regardé  comme  . 
une  combinaison  dont  les  proportions  n'étaient 
pas  variables ,  puisqu'ils  les  ont  déterminées  à 
54  d'acide  et  4^  de  chaux  ,  et  celles  du  phos-  | 
phate  neutre  à  4i   d'acide   et  69  de    chaux.         I 

On  a  formé   ce   phosphate    acidulé   j^our  lui   ' 
faire  subir   un    examen  semblable  à  celui    des 
sulfates  acidulés. 

L'eau  n'a  pas  dissout  ce  phosphate  acidulé 
comme  l'annoncent  mes  savants  collègues;  mais 
elle  a  produit  une  séparation  :  il  s'est  dissous 
un  phosphate  plus  acide  ,  et  le  résidu  a  été 
insoluble ,  mais  avec  une  moindre  proportion 
d'acide  ;  par  quelques  lotions  qui  ont  encore 
produit  de  semblables  séparations,  il  n'a  plus  con- 
servé aucun  excès  d'acide.  Comme  le  phosphate 
acidulé  de  chaux  peut  contenir,  ainsi  que  cette 
expérience  le  prouve  ,  différentes  proportions 
d'acide  ,  il  y  a  apparence  que  celui  qui  a  servi 
à  mes  essais  contenait  moins  d'acide  que  celui 
qui  a  été  analysé  par  Fourcroy  et  Vauquelin. 
{Note  XTII.) 

(1)  Mém.   tle   Turin  ,  1785. 

(2)  Mém.  de  l'Instit.  tom.  II. 


DES    LIMITES    DE    LA    C  OMBI  îf  A  I  SO  !>r.      359 

L'alcool  a  séparé  du  phosphate  acidulé  la  plus 
grande  partie  de  l'excès  d'acide  qui  ne  retenait 
qu'un  peu  de  chaux  ;  mais  il  n'a  pu  le  priver 
entièrement  de  cet  excès  ;  l'eau  a  ensuite  achevé 
cette  séparation. 

Si  l'on  met  à-la-fois  une  grande  proportion 
d'alcool  sur  le  phosphate  acidulé  de  chaux  ,  il 
prend  de  l'acide  phosphorique  qui  ne  retient 
que  peu  de  chaux  ;  mais  si  l'on  n'emploie  qu'une 
petite  proportion  d'alcool ,  alors  il  se  dissout  heau- 
coup  plus  de  cliaux  ,  parce  que  l'acide  plus  con- 
centré peut  agir  plus  efficacement  sur  cette  base. 

Il  est  donc  constaté  que  le  phosphate  acidulé 
de  chaux  contient  un  excès  d'acide  différent  selon 
les  circonstances  :  en  effet ,  Fourcroy  et  Vau- 
quelin  disent  eux-mêmes  qu'ayant  versé  de  l'acide 
sulfurique  sur  une  dissolution  de  phosphate 
acidulé  de  chaux  obtenu  des  os  par  l'acide 
muriatique  ou  l'acide  citrique  ,  il  s'est  précipité 
du  sulfate  de  chaux ,  d'où  ils  concluent  que 
l'acide  sulfurique  peut  enlever  à  l'acide  phos- 
phorique une  plus  grande  quantité  de  chaux 
que  les  deux  autres  acides.  Un  grand  nombre 
d  autres  circonstances  peuvent  également  faire 
varier  les  proportions  qui  s'établissent  dans  le 
phosphate  acidulé  ,  qu'il  ne  faut  regarder  par 
conséquent  que  comme  le  résultat  variable  d'une 
affinité  qui  se  mesure  avec  celles  qui  lui  sont 
opposées» 


■36o  STATIQUK     CHIMIQUE. 

Le  phosphate  acidulé  de  chaux  a  donc  des 
propriétés  parfaitement  analogues  à  celles  dest 
sulfates  acidulés  de  potasse  et  de  soude  ,  et  là 
différence  qui  existe  entre  ces  sels  ne  consiste 
que  dans  l'insolubilité  qui  devient  proportion- 
nellement plus  grande  dans  le  phosphate  acidulé 
de  chaux  ,  que  dans  les  sulfates  acidulés  ;  de 
sorte  qui!  suffit  de  lui  faire  subir  des  lotions 
suffisantes  pour  faire  une  division  des  combi- 
naisons plus  ou  moins  acides,  pendant  qu'avec 
les  sulfates  on  n'obtient  cet  effet  que  par  des 
cristallisations  successives. 

2o3.  On  voit  par  là  à  quoi  se  réduit  cette 
théorie  des  deux  termes  de  combinaison  dans 
l'un  desquels  un  sel  est  neutre  ,  et  dans  l'autre 
il  a  une  autre  proportion  d'acide,  mais  égale- 
xnent  fixe  ;  bien  loin  que  ces  deux  termes 
soient  les  seuls  ,  tous  les  degrés  intermédiaires 
entre  eux  peuvent  exister ,  et  les  propriétés  , 
sur-to;it  la  solubilité,  suivent  ces  proportions; 
plus  Ion  s'éloigne  de  l'état  neutre  ,  plus  la  so- 
lubilité diminue  ,  parce  que  c'est  dans  cet  état 
que  l'effet  de  l'affinité  est  le  plus  grand;  mais 
dans  le  phosphate  acidulé ,  deux  causes  con- 
courent à  augmenter  l'insolubilité  :  la  force  de 
l'affinité  de  la  chaux  qui  augmente  à  mesure 
que  la  quantité  de  l'acide  phosphorique  dimi- 
nue ,  et  la  prépondérance  de  sa  force  de  cohésion 
qui  s'accroît  par  la  même  raison. 


I>ES    LIMITES    DE    LA    COMEI^T  AlS  0?r.       36l 

Le  sulfate  de  barj^le  présente  encore  des  pro- 
priétés semblables.  Withering  avait  observé  que 
lorsqu'on  en  fesait  une  dissolution  dans  Tacide 
sulfurique  très-concentré  ,  et  au  moyen  de  l'é- 
bullition  ,  il  se  formait  des  cristaux  en  laissant 
cette  dissolution  exposée  à  l'air  (i);  j'ai  répété 
cette  expérience ,  et  j'ai  vu  la  cristallisation  se 
former  à  mesure  que  l'acide  attirait  l'humidité  : 
on  a  décanté  le  liquide  ,  et  l'on  a  lavé  les  cris- 
taux un  peu  confus  avec  des  quantités  succes- 
sives d'alcool  ;  on  les  a  même  soumis  à  l'ébul- 
lition  avec  ce  liquide  qui,  éprouvé  ensuite  avec 
une  dissolution  de  nitrate  de  baryte ,  n'a  donné 
que  de  faibles  indices  d'acide  sulfurique  ;  mais 
l'eau  avec  laquelle  on  l'a  traité  alors,    a  donné 
un  précipité  abondant  avec  cette  même  disso- 
lution.   Ces   cristaux   étaient   donc    un    sulfate 
acidulé  de  baryte  :   l'alcool  n'a  pu  leur  enlever 
qu'une  partie  de  l'acide  sulfurique  ;  mais  l'eau 
a  agi  avec  plus  d'énergie  :  je  me  suis  assuré  que 
l'acide  sulfurique  qu'elle  avait  pris  ne  retenait 
point  de  baryte  ;  mais  je  n'ai  pas  éprouvé  s'il 
fallait  plusieurs  lotions  pour  réduire  ce  sulfate 
acidulé  à  l'état  neutre ,  ou  plutôt  s'il  fallait  une 
grande  quantité  d'eau  pour  produire  cet  effet. 
204.  Ces  observations  doivent  mettre  les  an:\~ 
lystes  en  garde  contre  les  erreurs  qui  peuvent 

(î)  Trans.  plillos.  1784. 


36a  STATIQUE     CHIMIQUE. 

résulter  des  différentes  ^proportions  ,  soit  dans 
les  précipités  ,  soit  même  dans  les  sels  qu  ils 
obtiennent  par  la  cristallisation. 

Nous  venons  de  voir  que  le  sulfate  de  baryte 
même  peut  avoir  un  excès  d'acide  ,  mais  le 
sulfate  de  potasse  et  de  soude  peuvent  en  retenir  . 
beaucoup  plus  facilement  en  excès  dans  leur 
cristallisation  ,  sans  même  que  leur  forme  en 
soit  altérée  ;  ces  différences  dans  les  proportions 
se  remarquent  sur-tout  dans  les  combinaisons 
de  l'acide  phospliorique  ;  ce  qui  me  paraît  dé- 
pendre de  sa  grande  capacité  de  saturation , 
et  par  conséquent  de  la  forte  action  qu'il  exerce  , 
comme  la  propriété  que  l'ammoniaque  et  la 
magnésie  ont  de  former  facilement  des  sels  ■ 
triples  ,  me  paraît  aussi  dépendre  de  cette  cause  : 
Klaprotli  a  fait  voir  que  le  phosphate  de  soude 
pouvait  cristalliser  avec  un  excès  d'acide  ;  ce- 
pendant il  tend  à  avoir  un  excès  de  base  ,  et 
Thénard  (i)  a  prouvé  qu'il  pouvait  cristalliser 
dans  cet  état ,  au  milieu  d'un  liquide  légèrement 
acide  :  lorsque  l'on  précipite  ,  par  le  moyen  de  if 
l'ammoniaque  ,  un  phosphate  de  chaux  tenu 
en  dissolution  par  un  excès  d'acide  ,  le  sel  qu'on 
obtient  par  la  cristallisation  ,  est  un  sel  triple 
qui  contient  luie  certaine  proportion  de  chaux; 
mais  si  l'on  se  sert  pour  la  précipitation  d'un 

(»)  Ann.  dt  Cli'ia.  Fruct.  an  9. 


DES    LIMITES    DE    LA    COMB  I  N  A  ISO>'.     363 

carbonate  d'ammoniaque;  on  a  un  phosphate  qui 
a  une  plus  petite  proportion  de  chaux  ,  et  ces 
sels  ,  sur-tout  le  dernier  ,  ne  peuvent  point  se 
distinguer  par  la  forme  des  cristaux,  et  par  les 
autres  apparences ,  de  celui  qui  n'est  composé 
que  d'ammoniaque  et  d'acide  phosphorique. 

2o5.  Nous  n'avons  considéré  que  les  effets  qui 
sont  dûs  à  la  contraction  du  volume  des  élé- 
ments d'une  combinaison ,  qui  produisent  dans 
le  combiné  une  force  de  cohésion  plus  grande 
que  celle  des  éléments  ;  mais  nous  avons  re- 
marqué (3o)  que  l'action  mutuelle  des  sels  aug- 
mentait leur  solubilité  ;  quelques  combinaisons 
sont  plus  disposées  à  la  liquidité  que  les  subs- 
tances qui  les  composent  ne  le  sont  séparément , 
telles  que  le  soufre  et  le  phosphore  ,  qui  par 
leur  union  acquièrent  beaucoup  de  fusibilité, 
ainsi  que  l'a  fait  voir  Pelletier  (i):  ces  faits 
pourraient  paraître  contradictoires. 

Il  faut  distinguer  ici ,  comme  je  l'ai  fait  poi^r 
le  calorique  qui  se  dégage  des  combinaisons  , 
deux  causes  dont  l'une  domine  quelquefois  sur 
l'autre  ;  lorsque  deux  substances  agissent  Tune 
sur  l'autre,  leur  action  réciproque  diminue  de 
toute  la  force  quelle  exerce  l'effet  de  laffinité 
mutuelle  des  molécules  de  chacune  des  subs- 
tances ;  de  sorte  qu'elle  rendrait  toutes  les  combi- 
naisons plus  solubles  qu'elles  ne  le  sont  naturelle- 

(i)  Méœ.  (Je  Ckiai.    tcia.    I. 


364  STATTQUF     CHIMIQUE. 

ment  ,  si  la  coiifîensation  ,  qui  est  une  suite 
nécessaire  de  la  combinaison  même  ,  n'anéan- 
tissait cet  effet  et  n'en  produisait  un  contraire; 
lorsque  cette  seconde  cause  n'a  pas  assez  d'é- 
nergie ,  ce  sont  les  effets  de  la  première  qui 
dominent  ;  ainsi  c'est  dans  les  faibles  combi- 
naisons ,  telles  que  celles  qui  sont  dues  à  l'action 
mutuelle  des  sels  qu'on  doit  trouver  une  aug- 
mentation de  solubilité. 

L'effet  qui  est  dû  à  la  plus  grande  conden- 
sation doit  disparaître  dès  que  l'action  du  ca- 
lorique introduit  une  distance  suffisante  entre 
les  molécules  ,  et  c'est  ce  que  l'observation  con- 
firme :  lorsqu'une  combinaison  s'est  séparée 
d'un  liquide  par  la  force  de  cohésion  qu'elle 
a  acquise  ,  elle  montre ,  si  on  élève  la  tem- 
pérature ,  une  disposition  à  la  liquidité  plus 
grande  que  la  moyenne  des  liquidités  des  subs- 
tances élémentaires  séparées;  ainsi  le  muriate 
d'argent  qui  s'est  précipité  d'un  liquide,  entre 
en  fusion  à  une  chaleur  peu  élevée  ,  quoiqu'il 
ne  contienne  qu'une  petite  proportion  d'acide  : 
le  sulfate  de  baryte  qui  ne  se  vitrifie  qu'à  ime 
haute  température  ,  acquiert  une  fusibilité  beau- 
coup plus  grande  par  l'action  du  muriate  de  chaux 
dont  il  s'éiair  séparé  dans  l'état  liquide  :  de  même 
le  sulfate  de  soude  favorise  considérablement 
la  liquéfaction  du  carbonate  de  chaux.  (  Note  I.  ) 
C'est  parce   qv.e   les   effets  de  l'affinité    réci- 


Dr.S    LIMITES    Ï)E    LA    COMB  I JS"  AISO!f.       3oj 

proqiie  qui  produit  la  force  de  cohésion  ,  se 
trouvent  ainsi  diminués  par  Faction  des  molé- 
cules d'une  autre  substance,  que  les  alliages  mé- 
talliques acquièrent  une  fusibilité  plus  grande 
que  celle  des  métaux  dont  ils  sont  composés, 
quoiqu'ils  fussent  et  plus  durs  et  plus  élas- 
tiques ,  à  la  température  ordinaire  ,  propriété 
qui  était  due  à  la  condensation,  mais  qui  fait 
place  à  une  plus  grande  fusibilité ,  dès  que  la 
cause  en  est  détruite  ;  c'est  par  la  mémt^  raison 
que  les  terres  infusibles  par  elles-mêmes  ac- 
quièrent la  fusibilité  par  leur  mélange,  et  que 
les  fondants  agissent  non-seulement  en  commu- 
niquant une  partie  proportionnelle  de  leur  fusi- 
])ilité ,  mais  sur-tout  en  diminuant  l'action  ré- 
<  iproque  des  molécules  de  la  substance  dont  ils 
accélèrent  la  fusion. 

Ce  n'est  donc  que  par  une  exception  qui  est 
due  à  la  faiblesse  de  leur  action,  que  quelques 
substances  peuvent  augmenter  la  solubilité 
jiioyenne  à  une  basse  température  ;  elles  agissent 
alors  comme  les  dissolvants  qui  accroissent  Ici 
dimensions  qu'avaient  les  sels  dans  l'état  de 
cristal,  en  fesant  disparaître  l'effet  de  l'affinité 
réciproque  de  leurs  parties  intégrantes  ;  mais 
dès  que  l'élévation  de  température  tend  à  dé- 
truire l'effet  qui  est  dû  au  rapprochement  des 
parties,  l'affinité  mutuelle  concourt  avec  l'action 
du  calorique  et    eu  accroît  l'effet  ;    c'est   ainsi 


366  STATIQUE     CHIMIQUE. 

qu'un  liquide  dissout  un  sel  en  plus  grande 
quantité  par  le  secours  de  la  chaleur. 

206.  Les  effets  de  Faction  réciproque  qui  pro- 
duit les  combinaisons  sont  plus  considérables 
dans  des  substances  gazeuses  que  dans  les  autres , 
parce  que  les  changements  de  dimensions  pro- 
duits par  une  même  force  y  sont  beaucoup  plus 
grands.  Examinons  ,  relativement  aux  propor- 
tions des  éléments  ,  à  la  constance  et  aux  carac- 
tères distinctifsdes  combinaisons  qu'ils  forment, 
cette  propriété  que  nous  avons  déjà  considérée 
sous  d'autres  aspects. 

Nous  avons  vu  que  les  fluides  élastiques  exer- 
çaient une  action  réciproque ,  même  lorsque 
leur  force  était  insuffisante  pour  apporter  quel- 
que changement  dans  leurs  diinensions  (1Ô7)  , 
qu'alors  elle  ne  produisait  qu'une  faible  com- 
binaison que  nous  avons  désignée  comme  une 
dissolution  ;  mais  lorsqu'ils  peuvent  agir  sur 
leurs  dimensions  respectives,  ils  forment  une 
combinaison  ,  et  pendant  qu'elle  se  conserve  , 
ils  exercent  Une  affinité  résultante. 

La  quantité  de  la  condensation ,  quoiqu'elle 
ne  puisse  pas  être  regardée  comme  une  mesure 
de  l'action  chimique  ,  doit  cependant  en  être  un 
indice  ,  et  doit  produire  des  propriétés  différentes 
dans  les  combinaisons. 

Lorsque  les  circonstances  accroissent  l'action 
mutuelle  des  substances  élastiques  et  que  leur 


DES    LIMITES    DE    LA    C  OMBI IV  \  I  SO  :T.       ^67 

combinaison  se  décide ,  elles  doivent  se  réunir 
dans  les  proportions  où  leur  action  a  le  plus 
de  force  (197);  elles  doivent  donc  prendre  des  pro- 
portions plus  uniformes  que  les  autres  com- 
binaisons, parce  que  la  contraction  qui  est  beau- 
coup plus  grande  dans  les  fluides  élastiques  que 
dans  les  substances  liquides ,  doit  apporter  un 
beaucoup  plus  grand  obstacle  à  l'établissement 
d'autres  proportions:  nous  ne  devons  donc  pas 
trouver  dans  les  combinaisons  élastiques  qui 
sont  accompagnées  d'une  grande  condensation , 
ces  combinaisons  progressives  ,  telles  que  les 
sels  acidulés  que  nous  avons  examinés  ;  mais 
l'on  doit  tout-à-coup  passer  à  des  combinaisons 
dont  les  proportions  sont  constantes ,  ou  du 
moins  ne  reçoivent  que  de  petites  variations. 
I  La  condensation  produit  ici  le  même  effet 
I  que  Taccroissement  de  force  de  cohésion  dans 
les  combinaisons  liquides  :  plus  la  condensation 
est  grande  ,  plus  elle  isole  la  combinaison  , 
comme  le  fait  la  force  de  cohésion  dans  les  pré- 
cipitations ;  et  lorsque  la  combinaison  est  formée , 
elle  se  maintient  jusqu'à  ce  que  les  forces  qui 
lui  sont  opposées  remportent  sur  l'affinité  qui  a 
produit  la  condensation  (T96). 
I  107.  On  voit  donc  comment  l'oxigène  et  l'hy- 
drogène ,  qui  pendant  qu'ils  étaient  en  simple 
dissolution  ,  et  que  par  conséquent  ils  conser- 
vaient leur  même  volume  ,  possédaient  en  même 


o68  STATIQUE    cniMiQur;. 

temps  leurs  jJi'opriëtës  isolées,  passent  tout  de 
suite  à  l'état  d'eau ,  dès  qu'ils  entrent  en  com- 
binaison ,  et  qu'ils  éprouvent  par  là  une  dimi- 
nution dans  leurs  dimensions  ,  en  se  séparant 
de  ce  qui  est  superflu  aux  proportions  où  ils 
exercent  la  plus  grande  action  ,  ou  du  moins 
en  ne  ]3J^enant  de  l'un  ou  de  l'autre  élément 
qu'une  petite  quantité  qui  peut  être  assujettie 
par  l'action  de  l'eau  ;  mais  qui  n'éprouvant  pas 
la  même  condensation  ,  peut  être  séparée  par 
une  cause  beaucoup  plus  faible. 

La  condensation  des  éléments  est  telle  ,  que 
le  mélange  de  gaz  oxigène  et  de  gaz  hydrogène 
dont  la  pesanteur  spécifique  serait  19,47?  eelle 
de  l'air  étant  ^6 ,  forme  une  vapeur  élastique 
qui  a  33  pour  pesanteur  spécifique  ;  mais  cet 
état  de  vapeur  n'est  dû  qu'à  une  action  si 
peu  énergique  du  calorique ,  qu'il  ne  produit 
qu'une  faible  tension  élastique ,  et  il  l'abandonne 
par  une  légère  pression  ;  de  sorte  que  la  pesan- 
teur spécifique  de  cette  substance  gazeuse  devient 
mille  fois  plus  petite  à  une  même  température. 

L'ammoniaque  est  encore  composée  de  deux 
éléments  élastiques  qui  ont  subi  une  grande 
condensation  ;  car  lorsque  l'on  décompose  le 
gaz  ammoniacal  par  le  moyen  de  l'étincelle 
électrique  ,  il  prend  des  dimensions  presque 
doubles  :  aussi  l'ammoniaque  a  des  proportions 
constantes. 


t>ï:S    LIMITÉS   DE    LA    COMBINAISON.      869 

Au  contraire,  le  gaznilreux,  tlans  lequel  les 
éléments  n'ont  subi  qu'une  faible  contraction  , 
peut  facilement  former  d'autres  combinaisons  ; 
au  simple  contact  il  se  combine  avec  le  gaz 
oxigène  qui  tend  à  s'unir  à  lui  dans  les  pro- 
portions où  l'action  respective  produit  le  plus 
d'effet  ;  mais  il  éprouve  une  contraction  beau- 
coup plus  grande  par  le  concours  de  l'eau  ,  et 
par  son    moyen  se  forme   1  acide  nitrique. 

Quoique  le  gaz  nitreux  soir  compose  d'ëlë- 
ments  peu  condensés  ,  qu'il  forme  très-facile- 
ment d'autres  combinaisons,  et  qu'il  cède  soa 
oxigène  à  des  substances  peu  énergiques ,  il  ré- 
siste cependant  à  l'action  de  la  chaleur  qui  tend 
à  séparer  ses  éléments ,  et  il  paraît  que  la  faible 
contraction  de  ses  éléments  sert  à  maintenir  sa 
combinaison  ,  parce  que  la  chaleur  ne  produit 
que  très-peu  de  différence  dans  l'effort  élas- 
tique qui  tend  à  les  séparer. 

208.  Je  vais  appliquer  ces  considérations  aux 
propriétés  d'une  combinaison  dans  laquelle  une 
substance  gazeuse  se  trouve  condensée ,  et  une 
substance  solide  a  2:>ris  l'état  élastique  :  toutes 
les  autres  jjrésentent  des  propriétés  analogues. 

Le  soufre  à  une  température  peu  élevée  se 
combine  avec  l'oxigène  ,  jusqu'au  terme  où  dans 
1  état  fixe  il  n'a  pkis  assez  d'action  pour  vaincre 
la  force  de  l'élasticité.  Jusque  là  il  paraît  en 
jprendre  des  proportions  qui  peuvent  augiueut«i: 


I 


370  STATIQUE     CHIMIQUE. 

progressivement,  parce  que  la  condensation  qn  il 
éprouve  est  si  faible  ,  qu  elle  ne  change  pas  sensi- 
blement l'ëtat  de  son  action,  et  qu'il  n'y  a  égale- 
îTient  pas  de  différence  dans  l'état  de  condensation 
de  l'oxigène  qui  se  fixe. 

Si  au  lieu  de  laisser  le  soufre  à  la  température    , 
où  cette  combinaison  peut  s'opërer  ,  on  le  réduit 
en  vapeur ,  il  passe  tout  de  suite  à  ce  degré  de 
saturation  qui  forme  l'acide  sulfureux ,  dont  les 
éléments  éprouvent  déjà  un  degré  de  condensation 
considérable  relativement  à  l'expansion  qui  leur 
était  propre  dans  cette  température:  dans  cet  état 
ils  opposent  une  résistance  assez  grande  aux  chan- 
gements, par  conséquent  à  l'action  même  du  gaz 
oxigène  ;  si  la  température  ne  s'élève  pas  davan- 
tage  ,  il  faut  vaincre  tout  l'effet  de  cette  condensa- 
tion pour  qu'ils  puissent  passer  à  un  autre  état  de 
combinaison  ;  mais  si  la  température  est  assez 
élevée  pour  l'emporter  tout  de  suite  sur  l'effet  de 
cette  condensation  ,  l'affinité  réciproque  de  Foxi-i 
gène  et  du    soufre  continuera    à    recevoir   son, 
effet ,   et  elle  produira  l'acide   sulfurique    avec 
les    proportions    de    l'un   et   de   l'autre  où    cet 
effet  a  le  plus  d'intensité  ;    mais    au  -  delà  elle 
&'affaii3lit ,    et  elle  ne  peut  plus  équivaloir  à  la, 
résistance  de  l'élasiicité  du  gaz  oxigène  ,  qui  con- 
tinue à  croître  par  la  haute  température  qui  est 
nécessaire. 

C'est  donc  au  terme  où  l'action  réciproque  a, 


DES    LIMITES    DE    LA    CO  M  13 1  ÎC  Al  SOT^".      Syi 

le  plus  d'effet  que  l'acide  sulfurique  est  formé; 
c'est  à  ce  terme  que  la  condensation  est  la  plus 
grande  relativement  à  la  température  ,  et  que 
la  combinaison  est  la  plus  énergique  ;  ce  qui 
le  prouve ,  c'est  que  c'est  dans  cet  état  qu  il 
retient  l'oxigène  avec  le  plus  de  force 

Un  jilus  haut  degré  de  chaleur  qui  compense  - 
rait  par  la  dilatation  l'effet  de  cette  condensation, 
détruirait  l'acide  par  l'accroissement  qu'il  don- 
nerait à  l'élasticité  de  l'oxigène  comparée  à  celle 
du  soufre. 

Si  l'oxigène  a  subi  une  condensation  dans  une 
combinaison  qui  ne  le  retient  cependant  que 
par  une  faible  affinité  ,  et  si  le  soufre  de  son 
côté  ne  lui  oppose  pas  une  résistance  de  cohésion 
comme  dans  les  sulfures  ,  l'oxigène  peut  com- 
pléter à  une  temj^érature  basse  ,  l'état  où  s'exerce 
la  plus  forte  action  ,  sans  que  le  soufre  passe 
par  la  gradation  de  l'acide  sulfureux. 

Lorsque  l'on  expose  à  l'action  du  feu  un  sul- 
fite ,  on  détruit  l'effet  de  la  condensation  qui 
maintient  l'acide  sulfureux  ,  celui-ci  passe  au 
degré  de  combinaison  où  la  plus  grande  action 
s'exerce  ,  et  le  sulfite  devient  sulfate. 

209.  Je  ne  fais  qu'appliquer  ici  ce  que  lobser- 
vation  nous  fait  voir  plus  distinctement  dans  la 
cristallisation  des  sels  qui  peuvent  être  acidulés  ; 
ils  prennent  un  excès  d'acide  dans  ime  circons- 
tance ;    ils    ciistalliseut  dans    un    élat    neutre  , 

a4.. 


372  STATIQUE      CHIMIQUE. 

lorsque  la  plus  forte  action  que  puissent  exercer 
leurs  éléments  nVprouve  pas  une  résistance  qui 
s'oppose  à  cet  effet  :  ici  Toxigène  se  combine 
au  terme  de  la  plus  forte  action  ,  si  fétat  du 
soufre  et  l'état  où  lui-même  se  trouve  le  per- 
mettent; il  forme  une  autre  combinaison,  lors- 
qu'il ne  peut  compléter  celle-là  ;  mais  comme 
il  y  a  des  sels  dont  la  force  de  cohésion  est  telle, 
qu'ils  se  séparent  avec  des  proportions  à-peu-» 
près  uniformes,  il  y  a  aussi  des  combinaisons* 
élastiques  dont  les  proportions  sont  constantes^ 

Si  donc  la  chaleur  favorise  la  combinaison 
d'une  substance  solide  avec  un  fluide  élastique  ,• 
en  diminuant  la  résistance  de  la  cohésion  (i  56); 
elle  produit  des  effets  différents  relativement 
aux  proportions,  selon  son  intensité  et  selon 
l'état  de  la  vapeur  qu'elle  peut  produire. 

Que  dans  les  circonstances  où  la  chaleur  pro- 
duit des  combinaisons  avec  les  substances  élas- 
tiques qui  ne  peuvent  se  former  à  une  tempé- 
rature plus  basse ,  elle  n'agisse  qu'en  mettant 
les  substances  dans  la  condition  où  elles  peu-^ 
vent  exercer  la  plus  forte  affinité  ,  on  ne  peut, 
en  douter,  si  Ion  considère  qu'il  suffit  de  dé- 
truire la  force  de  cohésion  pour  que  la  luème 
combinaison  s'opère  à  une  basse  température  : 
il  faut  une  chaleur  très-élevée  pour  combiner 
l'argent  avec  le  cuivre  ;  mais  si  l'on  prend  du 
muriâte  d'*rgent ,  on  fallie  avec  le  cuivre  par 


DES    LIMITES    DE    LA    COMBIX  AISO  V.        J"]^ 

le  moyen  d'un  léger  frottement  ;  cependant  la 
combinaison  qu'il  formait  avec  l'oxigène  et  l'acide 
muriatique  était  un  obstacle  à  une  autre  com- 
buiaison  ;  mais  l'isolement  de  ses  parties  l'em- 
porte sur  l'effet  de  cette  combinaison ,  et  il 
s  allie  avec  le  cuivre  sans  le  secours  de  la  cha- 
leur. 

Bien  plus ,  la  chaleur  doit  nuire  dans  la  com- 
binaison des  substances  élastiques  de  toute  la 
tension  qu'elle  communique  à  ses  éléments  ; 
mais  l'effet  qu'elle  produit  par  les  dispositions 
qu'elle  donne  aux  substances  qui  doivent  se 
combiner  entre  elles  ,  rem23orte  sur  cette  cause 
de  séparation  ;  ce2:)endant  elle  décompose  ,  par 
une  trop  grande  intensité  ,  les  combinaisons 
dont  elle  a  décidé  la  production ,  et  c'est  ainsi 
qu'elle  détruit  l'affinité  résultante,  et  que  par 
là  les  affinités  élémentaires  lui  succèdent  f  184). 
'>  210.  Pour  résumer  ce  que  j'ai  exposé  dans 
ce  chapitre,  il  faiU  distinguer  ce  qui  est  com- 
mun à  toutes  les  combinaisons  ,  et  ce  qui  appar- 
tient aux  combinaisons  solides ,  liquides  ou 
élastiques  ,  et  enfin  ce  qui  est  propre  au  pas- 
sage d'un  état  à   l'autre. 

jo.  Les  combinaisons  qui  éprouvent  peu  de 
condensation ,  peuvent  se  faire  en  toute  pro- 
wrlion  ,  elles  ne  sont  limitées  que  par  la  s»- 
uration  ,  c'est-à-dire  par  la  diniinution  qu'e'- 
irouve  l'action  qui  doit  vaincre  eu  la  force  de 


374  STATIQUE     CHIMIQUE. 

cohésion,  ou  ]a  différence  de  pesanteur  spécî-^^  P 
fique ,  ou  toute  autre  force  opposée  ;  aussi  les 
alliages,  les  verres  ,  les  combinaisons  minérales» 
se  font  en  des  proportions  très-variées ,  et  dans 
lesquelles  on  apperçoit  rarement  les  interrup- 
tions qui  proviennent  d'une  résistance  due  à 
la  condensation  :  les  sels  s'unissent  à  l'eau  en 
toute  proportion ,  jusqu'au  point  de  la  satu- 
ration. 

2°.  Lorsqu'un  obstacle  s'oppose  à  la  progres- 
sion continue  de  la  combinaison  ,  et  exige  qu'il 
se  fasse  une  accumulation  de  force  ,  au  moment 
où  il  est  vaincu  ,  la  combinaison  prend  tout- 
à-coup  toute  la  quantité  et  les  propriétés  qu'elle 
aurait  acquises  si  laprxogression  eût  été  continue ,  I 
ainsi  que  l'eau  prend  par  l'ébullition  tout  le 
calorique  qui  convient  à  l'état  de  vapeur. 

Dans  les  combinaisons  qui  se  séparent ,  parce 
qu'elles  sont  insolubles ,  cet  obstacle  est  dans  la 
force  de  cohésion  ;  mais  elles  ne  prennent  pas 
toujours  les  proportions  qui  auraient  la  plus 
:;rande  insolubilité  ;  elles  peuvent  avoir  un  excès 
de  l'un  ou  de  l'autre  élément  ,  selon  les  quan- 
tités qui  peuvent  exercer  leur  action  ;  de  sorte 
qu'il  n'y  a  qu'un  petit  nombre  de  combinai- 
sons insolubles  dont  les  proportions  soient  cons- 
tantes. 

3°.  La  force  de  cohésion  qui  est  due  à  l'actior 
réciproque  ,    doit  être   plus  grande  pour  pro 


DES    LIMITES    DE    LA    COMBINAISON.      37^ 

duire  une  séparation  ,  que  la  diminution  de 
cohésion  propre  à  chaque  élément  qui  résulte 
de  cette  même  action  réciproque;  mais  l'effet 
de  la  condensation  cesse  d'avoir  lieu  par  l'é- 
loignement  des  molécules  qui  est  causé  par  le 
calorique  ,  de  sorte  que  les  combinaisons  qui 
s'étaient  séparées  par  insolubilité  ,  deviennent 
ensuite  plus  solubles ,  au  moyen  de  l'action 
réciproque  de  leurs  cléments.  C'est  parce 
que  l'affinité  de  l'eau  l'emporte  sur  l'affinité 
réciproque  des  molécules  d'un  sel ,  lorsqu'il  se 
dissout  et  que  la  concentration  produite  par 
cette  combinaison  est  plus  faible  que  celle  qui 
existait  dans  le  corps  solide ,  qu'il  se  fait  une 
augmentation  de  volume  dans  la  dissolution , 
et  qu'elle  est  accompagnée  de  refroidissement  ; 
mais  cet  effet  ne  peut  avoir  lieu  que  dans  lea 
combinaisons  faibles. 

Il  faut  donc  distinguer  dans  une  combinaison, 
faible ,  l'effet  de  la  condensation  de  celui  qui 
est  dû  à  l'affinité  réciproque  de  deux  subs- 
tances ;  le  premier  accroît  la  force  de  cohésion , 
le  second  diminue  celle  qui  appartenait  aux 
éléments  de  la  substance  avant  la  combinaison  : 
si  le  premier  est  faible ,  c'est  le  second  qui 
l'emporte ,  et  de  là  viennent  les  combinaisons 
dont  la  solubilité  est  plus  grande  que  celle  des 
substances  isolées. 

4°.  Dans  l'action  réciproque    des  substances 


376  STATIQUE     CHIMIQUE. 

élastiques ,  les  effets  de  la  condensation  peuvent 
être  beaucoup  plus  considérables  :  de  là  vient 
qu'ils  forment  souvent  des  combinaisons  dont  les 
proportions  sont  constantes.  Cependant  lorsque 
l'action  rëcij)roque  n'est  pas  forte  ,  et  qu'elle 
ne  produit  pas  une  différence  trop  grande  de 
condensation  ,  ces  proportions  peuvent  varier 
considérablement  ;  ainsi  les  gaz  hydrogènes  car- 
bures ,  les  oxicarburés ,  les  hydrogènes  sulfurés , 
les  hydrogènes  phosphurés  peuvent  recevoir  des 
proportions   très-différentes. 

211.  Lorsqu'un  fluide  élastique  se  trouve 
condensé  dans  une  combinaison,  il  forme  alors 
une  substance  particulière  qui  agit  comme  une 
substance  simple ,  pendant  que  les  causes  qui 
ont  produit  la  combinaison  ne  sont  pas  détruites; 
ainsi  cette  combinaison  peut  être  tenue  en  dis- 
solution ou  se  surcomposer ,  soit  avec  des  fluides 
élastiques,  soit  avec  des  liquides,  soit  avec  des 
solides. 

Les  combinaisons  d'un  fluide  élastique  peu- 
vent donc  comme  les  autres  ,  ou  se  faire  en 
toute  proportion  ,  ou  rencontrer  des  obstacles 
qui  les  limitent  plus  ou  moins;  si  c'est  une 
combinaison  de  deux  gaz  qui  se  forme,  et  s'ils 
exercent  une  action  réciproque  assez  puissante 
pour  changer  leurs  dimensions  respectives,  elle 
prend  les  proportions  qui  sont  déterminées  par 
le  terme  où  l'action  est  la  plus  forte  ,  si  c'est 


DES   LIMITES    DE    LA    C  OMBIN  AISO:V.      Byj 

fa  combinaison  d'un  gaz  avec  un  liquide  ,  il 
paraît  que  les  proportions  ne  sont  bornées  que 
par  la  résistance  de  l'élasticité ,  parce  qu'en  se 
dissolvant  le  fluide  élastique  est  réduit  à  un 
état  à-peu-près  uniforme  ;  également  si  un  li- 
quide est  dissous  par  un  fluide  élastique  ,  il 
n'y  a  de  limité  que  celle  de  la  constitution  du 
liquide  qui  a  pris  la  forme  élastique  ,  parce  que 
dans  cet  état  un  autre  gaz  ne  peut  changer  ses 
dimensions  que  par  la  compression  commune. 

Lorsqu'un  fluide  élastique  passe  en  combi- 
naison avec  une  substance  solide,  il  est  d'au- 
tant plus  condensé  que  l'action  qu'il  éprouve 
est  plus  forte  ,  et  cette  différence  peut  quelque- 
fois être  assez  grande  pour  établir  des  points 
fixes  de  saturation  ;  tel  est  le  cas  de  quelques 
oxides  métalliques ,  ainsi  que  je  le  remarquerai 
plus  particulièrement  en  traitant  des  oxides  , 
mais  en  général  les  solides  paraissent  prendre 
des  proportions  successives  des  fluides  élasti- 
ques jusqu'à  ce  qu'ils  ne  puissent  vaincre  la 
force  de  cohésion  ;  ainsi  le  soufre  ,  le  phos- 
phore et  le  charbon  se  combinent  avec  une 
proportion  variable  d'oxigène ,  jusqu'à  ce  qu'ils 
soient  parvenus  dans  une  température  donnée 
y  toute  la  quantité  dont  ils  peuvent  surmonter 
fëlasticité. 

Les  proportions  qui  s'établissent  dans  les 
combinaisons  qui  se  séparent  et  s'isolent ,   ne 


SyS  STATIQUE     Cni3IIQUE. 

sont  qu'une  conséquence  de  l'effet  par  lequel 
l'action  chimique  produit  une  condensation  ; 
niais  elles  ne  s'établissent  que  lorsque  la  con- 
densation est  assez  grande  pour  changer  l'action 
chimique  qu'elles  exercent  en  une  affinité  ré- 
sultante :  elles  sont  rarement  fixes;  mais  elles 
peuvent  varier  avec  une  certaine  latitude  qui 
dépend  du  degré  de  condensation ,  et  alors  les 
propriétés  de  la  combinaison  sont  modifiées, 
ou  par  la  surabondance  de  l'un  des  éléments  , 
comme  dans  les  sels  acidulés  et  alcalinules ,  ou 
par  le  concours  de  l'action  d'une  autre  subs- 
tance qui  diminue  celle  de  l'un  des  éléments, 
comme  dans  les  précipitations. 

2  12,  Toutes  ces  observations  concourent  à 
prouver  ,  i**.  que  la  même  force  qui  étant 
accrue  par  le  froid  ou  par  la  diminution  du 
calorique  ,  produit  la  congélation  et  la  sépa- 
ration de  la  glace  d'avec  l'eau ,  et  qui  étant  plus 
considérable  dans  les  combinaisons ,  détermine 
la  cristallisation  et  les  précipitations ,  est  encore 
la  cause  qui  fixe  les  .proportions  des  éléments 
qui  s'établissent  dans  les  combinaisons  ,  et  de 
la  stabilité  de  ces  combinaisons  ;  2°.  que  la 
cause  de  la  réduction  des  vapeurs  en  liquides 
et  en  solides ,  est  encore  celle  qui  dans  des  cir- 
constances où  la  même  force  a  beaucoup  plus 
d'énergie  ,  produit  la  condensation  des  fluides 
élastiques   dans  les  combinaisons  ,   et  les  pro- 


DES    LIMITES   DIT  LA    COMBI]VAISOT.       879 

portions  qui  sont  déterminées  principalement 
par  le  degré  le  plus  élevé  de  l'action  réciproque  ; 
et  toutes  me  paraissent  confirmer  que  lorsque 
les  causes  qui  augmentent  les  effets  de  Taciion 
réciproque  des  molécules  ,  ne  sont  pas  assez 
puissantes  pour  les  isoler  par  la  force  de  cohé- 
sion ou  par  la  contraction  ,  toutes  les  substances 
qui  sont  en  présence  exercent  une  action  cln- 
raique  en  raison  composée  de  leur  quantité  et 
de  leur  affinité. 

21 3.  J'ai  distingué  les  effets  de  raffinitë  qui 
produit  les  combinaisons  et  la  saturation   mu- 
tuelle   des    propriétés    des    substances    ou    de 
leurs  tendances  à  la  combinaison,  de  ceux  de 
l'affinité  réciproque  des  molécules  dune  su]3S- 
tance  ou  d'une  combinaison  (43);  mais  je  n'ai  point 
indiqué  encore  le  point  de  séparation  qui  doit  se 
trouver  entre  ces  deuxrésultats  d'une  même  cause. 
Les  fluides  élastiques  n'exercent  aucune  ac- 
tion réciproque  que  l'on  jouisse  comparer  à  la 
force  qui  produit  la  cohésion  dans  les  solides  , 
cependant  ils  se  dissolvent   mutuellement  ,    et 
quelques-uns  exercent  une  affinité  si  puissante 
qu'elle  exclut  une  grande  quantité  du  calorique 
que  chacun   contenait ,    et    qu'ils    forment    en- 
semble une  combinaison  nouvelle  dans  laquelle 
leur  élasticité  se  trouve  considérablement  dimi- 
nuée ,  et  leurs  propriétés  ont  éprouvé  une  sa- 
turation plus  ou  moins  complète. 


3So  STATIQUE     CfllMIQtnî. 

Les  liquides  eux-mêmes  ne  présentent  que 
de  faibles  indices  de  cette  force  qui  produit  la 
cohésion  :  l'on  n'a  qu'à  diminuer  la  compression 
qu'ils  éprouvent ,  et  ils  prennent  d'eux-mêmes 
l'état  élastique  ;  cependant  ils  possèdent  toute 
l'activité  de  l'affinité  qui  produit  les  combi- 
naisons. 

Je  conclus  de  là  que  l'affinité,  comme  prin- 
cipe de  la  combinaison ,  a  une  étendue  d'action, 
beaucoup  plus  grande  que  la  force  de  cohésion , 
que  l'action  réciproque  des  molécules  qui  pro- 
duit celle-ci,  n'est  dans  les  combinaisons  qu'une 
conséquence  de  la  première,  qu'elle  ne  peut  y 
avoir  qu'une  faible  influence  ,  et  que  par  consé- 
quent la  figure  de  ces  molécules  est  presque 
étrangère  aux  effets  de  l'affinité  qui  les  produit. 

Pourrait-on  croire  ,  en  supposant  que  les  mo- 
lécules du  gaz  oxigéné  et  du  gaz  hydrogène 
jouissent  d'une  figure  qui  leur  est  propre , 
qu'elle  a  quelqu'influence  sur  la  formation  de 
l'eau ,  pendant  que  dans  celle-ci  même ,  qui 
est  près  de  deux  mille  fois  plus  condensée,  la 
forme  des  molécules  ne  commence  à  se  mani- 
fester et  à  produire  des  effets  sensibles  ,  que 
lorsqu'elle  a  éprouvé  une  nouvelle  condensation. 

Ce  n'est  que  lorsque  les  parties  intégrantes 
d'une  combinaison  ont  éprouvé  un  rapproche- 
ment assez  grand  ,  qu'elles  commencent  à  exercer 
une    action    mutuelle    dont    l'effet    augmente 


DES    LIMITÏS    DE    LA    COMEIÎT AlSOîf.     38ï 

&  mesure  que  le  rapprochement  devient  plus 
grand  ;  ainsi  la  gravitation  affecte  tous  les  corps  , 
et  il  n'y  a  que  des  masses  très  -  considérables 
qui  puissent  en  modifier  sensiblement  i  effet 
dans  les  petits  corps  qui  en  sont  voisins. 

Il  y  a  même  apparence  que  lorsque  les  mo- 
lécules se  trouvent  très-eloignées ,  elles  n'onÇ 
point  de  figure  déterminée  ;  mais  qu'obéis- 
sant à  l'action  expansive  du  calorique  ,  elles 
prennent  celle  qui  résulte  d'un  effort  qui  agiÇ 
en  tout  sens  :  aussi  n'observe-t-on  point  dans  les 
fluides  élastiques  et  rarement  dans  les  liquides 
de  phénomènes  que  l'on  puisse  attribuer  à 
une  figure  particulière  des  molécules.  Il  paraît 
qu'elles  ne  prennent  une  forme  déterminée 
que  lorsque  par  un  effet  de  l'affinité  ,  elles 
subissent  une  condensation,  ou  sans  changer 
détat  de  saturation,  elles  sont  sollicitées  pat 
l'effort  qui  les  rapproche  et  par  la  résistance 
de  leur  calorique  qui  s'oppose  à  son  effet. 

La  forme  que  les  molécules  intégrantes  reçoivent 
alors  nepeut  contribuer  aux  propriétés  chimiques 
qu'autant  qu'elle  accroît  ou  diminue  la  pesanteur 
spécifique  ou  même  la  cohésion  :  lorsqu'il  se 
forme  un  précipité  dans  une  dissolution  ter- 
reuse ou  métallique  ,  la  quantité  et  les  pro- 
priétés de  ce  précipité  sont  indépendantes  des 
circonstances  qui  pourraient  favoriser  l'action 
4ûutueU«  des  molécules  ,    en    raison  de   l^ur 


38a  STATIQUE     CHIMIQUE. 

■  forme  :  la  force  de  cohésion  est  produite,  mais 
la  figure  n  a  point  encore  eu  d'influence  sur 
les  propriétés  des  molécules  intégrantes  isolées  ; 
ce  n'est  que  lorsqi-.'elîes  peuvent  exercer  mu- 
tuellement une  action  tranquille  et  lente  ,  que 
cette  figure  peut  déterminer  celle  des  groupes 
qui  se  forment.  Là  commencent  les  phénomènes 
de  la  ciistallisation. 

Newton  a  indiqué  avec  la  profondeur  que  l'on 
trouve  dans  tontes  ses  vues ,  la  distinction  des 
phénomènes  q^  i  sont  dûs  à  l'affinité  qui  produit 
les  combinaisons  ,  et  à  celle  par  laquelle  leurs 
molécules  prennent  l'arrangement  symétrique 
de  la  cristallisation. 

Après  avoir  décrit  les  effets  de  l'affinité 
qui  produit  plusieurs  combinaisons,  il  passe 
ainsi  à  ceux  de  ia  cristallisation  (i).  u  Lors- 
»  qu'une  liqueur  saturée  de  sel  s'est  évaporée 
»  jusqu'à  pellicule  ,  et  suffisamment  refroidie  , 
«  lé  sel  se  forme  en  cristaux  réguliers.  Avant 
»  d'être  rassemblées,  les  particules  salines  flot- 
»  talent  dans  la  liqueur  ,  également  distantes 
j)  les  unes  des  autres  ;  elles  agissaient  donc 
»  mutuellement  sur  elles-mêmes  ,  avec  une  force 
»  qui  était  égale  à  distances  égales  ,  et  inégale 
»  à  distances  inégales  ;  ainsi  en  vertu  de  cette 
»  force  ,  elles  doivent  se  ranger  d'une  manière 

(i)   Opt.  Liv.  IIL 


DES    LIMITES    DE    LA    C  OMBI  rf  A  l  SOÎV.      383 

»  uniforme,  et  sans  cette  force  elles  ne  peuvent 
»  que  flotter  sans  ordre  dans  la  liqueur,  ou 
3)  s'y  unir  fort  irrégulièrement  ». 

Ce  n  est  que  lorsque  cette  action  mutuelle 
peut  produire  des  effets  sensibles  que  la  forme 
des  molécules  commence  à  contribuer  aux 
effets  ;  alors  les  molécules  prennent  Tarran- 
gement  selon  lequel  raffiniîé  qui  tend  tou- 
jours à  les  réunir  s'exerce  avec  le  plus  d'a- 
vantage. Ce  n'est  qu'au  degré  qui  précède  la 
congélation  que  l'on  apperçoit  dans  l'eau  un 
effet  qui  dépend  de  la  figure  que  ses  molécules 
tendent  à  prendre,  et  si  la  congélation  est  trop 
soudaine,  leur  arrangement  n'a  plus  de  symétrie; 
cependant  tous  les  autres  effets  de  la  force  de 
cohésion  n'éprouvent  aucune  altération. 

La  forme  que  l'on  peut  supposer  dans  un. 
métal  malléable  ,  ne  peut  se  conserver  ou  change 
entièrement  de  rapports ,  lorsqu'on  fait  subir  la 
maliéation  à  ce  métal,  ou  qu'il  passe  dans  une. 
filière  ;  cependant  ses  propriétés  restent  abso- 
lument les  mêmes  ,  ou  elles  n'éprouvent  que  le 
changement  qui  doit  naturellement  résulter  du. 
;rapprochement  de  ses  parties. 

Les  phénomènes  de  la  cristallisation  ne  sont 
donc  qu'une  conséquence  de  la  faiblesse  même 
de  l'action  chimique  qui  la  produit,  et  du  calme 
qui  la  met  à  l'abri  des  perturbations  ;  mais  elle 
ne  détermine  point  les  combinaisons ,  ou  si  elle 


384     ,  STATIQtJE     CHIMIQTJT?, 

peut  y  avoir  dans  quelques  circonstances  Ufie 
petite  influence,  il  faut  se  garder  dans  l'expli- 
cation des  phénomènes  chimiques  de  lui  en  attri- 
buer une  étrangère ,  et  sur-tout  d'en  faire  dé* 
pendre  Tètat  des  Combinaisons.  Si  l'on  voulait 
prêter  une  action  à  la  forme  des  molécules  , 
comment  ferait-on  plier  les  différentes  figures 
supposées  dans  cinf[  à  six  acides  confondus  dans 
l'eau  ,  et  celles  des  éléments  de  chaque  acide  et 
de  l'eau  ,  en  sorte  cependant  que  le  tout  puisse 
former  un  liquide  homogène  et  qui  permet  la 
transmission  des  rayons   lumineux. 

Si  l'on  prétendait  que  le  sulfate  d'ammo- 
niaque, a  dans  ses  molécules  intégrantes  une 
forme  qui  détermine  non-seulement  sa  cris- 
tallisation ,  mais  sa  combinaison,  il  faudrait 
dériver  cette  forme  de  celle  des  molécules  de 
l'oxigène  et  du  soufre  qui  ont  produit  une  pre- 
mière combinaison,  et  ensuite  de  celle  de  l'hy- 
drogène et  de  l'azote.  Mais  le  sulfate  d'ammo- 
niaque  peut  former  plusieurs  surcompositions 
qui  varient  parleur  cristallisation:  des  éléments 
si  nombreux  qui  devraient  contribuer  chacun 
par  les  propriétés  géométriques  d'une  figure 
particulière  ,  peuvent-ils  être  assujettis  à  des 
résultats  réguliers  et  circonscrits  ? 

21 4-  Il  me  parait  donc  qu'il  faut  séparer  leô 
phénomènes  de  la  cristallisation  ,  qui  sont  dus 
à,  une  acliou  faible  et  st^coûdaire,  dans  laq_uellc 


DES    LIMITES    DE    LA    COMBINAISON.      385 

par  là  même  l'eau  peut  produire  beaucoup  de  mo- 
difications, quoiqu'elle  n'exerce  qu'une  faible  affi- 
nité' sur  les  parties  intégrantes  des  cristaux  (35)  ; 
qu'il  faut  séparer ,  dis-je ,    ces  phénomènes  de 
ceux  qui  sont   dus   à   l'affinité  qui  produit  les 
combinaisons  et  la  force  de  cohésion  qui  modifie 
leurs  propriétés.  (  Note  XIF.  )  Us  ne  doivent 
être  considérés  que  comme  une  conséquence  de 
la  force  de  cohésion  qui  vient  de  naître  et  qui 
s'exerce  avec  assez  de  lenteur  et  de  modération  , 
pour  que  la  forme  qu'ont   prise   les  aggrégats 
puisse  affecter  leur  réunion  ;  mais  elle  n'est  point 
entrée  dans  les  forces  qui  ont  produit  la  com- 
binaison ;  elle  n'a  pu  qu'apporter  quelque  mo- 
dification à  la  force  de  cohésion.  On  ne  peut  donc 
la  regarder  comme  une  cause  des  combinaisons 
qui  se  forment,  et  des  proportions   qu'elles  re- 
çoivent.   Cela   est    si    vrai,    que    quoique    l'on 
fasse  disparaître  la  cohésion  par  la  dissolution, 
les  propriétés  d'un  sel  qui  dépendent  de  son  état 
de  saturation   ne   sont   point   altérées ,    à    part 
l'inertie  de  la  cohésion  dont  j'ai  décrit  les  effets. 
Si  les  combinaisons  sont  rarement  constantes 
dans  leurs  proportions  ,  si  la  forme  des  cristaux 
n'est  qu'un  indice  incertain  de  leur  état ,  il  ne  faut 
pas  accorder  moins  de  latitude ,  aux  indications  de 
la  nomenclature  ,  que  l'observation  n'oblige  d'en 
donner  aux  proportions  des  combinaisons  elles- 
mêmes. 

I.  ^5 


.336  statiqtit;    ciiimiqiU*:. 

L'on  ne  j)eut  s  assurer  de  la  constance  des 
proportions  dans  les  combinaisons  que  lors- 
qu'elles sont  dans  un  degré  correspondant  de 
saturation  ,  ce  qu  il  est  difficile  de  reconnaître , 
si  ce  n'est  par  l'état  neutre,  pour  les  cond)i- 
naisons  des  acides  et  des  alcalis,  et  par  l'uni* 
formité  des  propriétés  caractéristiques  telles  que 
celles  de  l'eau.  Le  plus  grand  nombre  des  combi- 
naisons n'a  que  deux  degrés  de  saturation  qui 
puissent  être  regardés  comme  fixes ,  le  terme  de  la 
plus  grande    et  celui  de  la  moindre  saturation. 

Les  noms  qui  expriment  la  composition  d'une 
substance  ne  doivent  pas  recevoir  une  interpré- 
tation moins  étendue  ;  mais  lorsqu'ils  doivent 
désigner  les  propriétés  caractéristiques  d'une 
«ubstance  et  sa  composition  ,  désignation  sur 
laquelle  est  fondée  la  principale  utilité  de  la 
nomenclature ,  il  est  imj^ortant  que  l'on  puisse 
prendre  une  idée  juste  de  l'acception  que  l'on" 
doit  leur  donner  ,  et  il  est  à  désirer  que  tous 
les  chimistes  puissent  s'accorder  à  suivre  les 
mêmes  conventions  :  pour  les  expressions  par 
lesquelles  on  indique  les  substances  simples  , 
ou  que  l'on  adopte  pour  d'autres  convenances, 
elles  peuvent  varier  avec  beaucoup  moins  d'in- 
convénient. (  Note  ILV,  ) 


DES    LIMITES    DE    LA    COM  B IIN' AISOIN'.      38^ 

CHAPITRE     II. 
De  Vaction  des  dissoli^cmts. 

2  1 5.  JCjiv  traitant  de  la  dissolution  [Cliap.  TT , 
Sect.  I.  )  je  n'ai  considéré  que  les  effets  qui 
résultaient  de  l'action  mutuelle  des  deux  subs- 
;  tances  qui  prenaient  un  état  uniforme  de  liqui- 
I  dite  ou  de  gazéité  ,  selon  l'énergie  relative  de 
t!  l'une  et  de  l'autre  ;  j'ai  ensuite  examiné  les  sé- 
(i  parations  des  combinaisons  qui  avaient  lieu  en 
ft  raison  de  leur  solubilité.  Dans  ces  circonstances, 
li  l'eau  que  je  prends  ici  pour  représenter  les  dis- 
^  solvants  ,  ne  change  point  sensiblement  l'état 
j  de  saturation  des  substances  qui  sont  en  com- 
Ci  binaison  ;  les  effets  qu'elle  produit  se  bornent 
j  à  modifier  ceux  de  l'action  réciproque  des  parties 
i  intégrantes  des  combinaisons  ,  de  sorte  qu'elle 
{  peut  n'être  considérée  que  comme  antagoniste 
I     de  la  solidité. 

1 

Cependant  les   propriétés  de  la  dissolution  , 
soit  des  substances  solides  dans  les  liquides  (il\], 
soit  de  deux  liquides  (ao) ,  soit  enfin  d'un  fluide 
élastique  par  un  liquide(  1 53),  font  voir  nou-seule- 
ï     ment  qu'elle  est  l'effet  de  la  tendance  à  la  com- 

25.. 


588  STATIQUE     CHIMIQUE. 

binaison  qui  produit  une  saturation  de  pro- 
priétés ,  et  qui  ne  diffère  que  par  rintensitë  de 
Celle  qui  forme  les  combinaisons  salines  ,  mais 
que  c  est  dans  les  j)liénomènes  qu'elle  présente , 
que  Ton  reconnaît  les  lois  des  combinaisons  avee 
le   moins  de  déguisement. 

Ce  n'est  donc  que  parce  qu'un  dissolvant 
ne  produit  qu'un  effet  inférieur  à  celui  qui 
réunit  les  éléments  d'une  combinaison  ,  que  l'on 
&e  borne  à  considérer  les  effets  de  solubilité 
qui  en  dépendent  ;  mais  il  exerce  dans  la  réalité 
une  même  force  que  Taffinilé  qui  produit  la 
combinaison ,  et  dont  l'effet  se  trouve  limité 
dans  la  dissolution  diin  solide  par  la  force  de 
cohésion  ,  dans  la  dissolution  d'un  liquide  par 
la  différence  de  pesanteur  spécifique,  dans  l'action 
d'un  liquide  sur  un  gaz  par  l'élasticité ,  et  dans 
celle  d'un  gaz  sur  un  liquide  par  son  volume 
€t  par  la  température. 

L'action  des  dissolvants  ne  se  borne  pas  tou- 
jours à  cet  effet  sur  les  combinaisons  chimi- 
ques ;  mais  selon  l'action  réciproque  de  leurs 
éléments  ,  elle  peut  altérer  l'état  de  saturation  ^ 
et  alors  elle  doit  être  comptée  parmi  les  forces 
qui  servent  à  produire  les  combinaisons. 

Je  m'occuperai  particulièrement ,  dans  ce  cha- 
pitre ,  des  changements  qui  peuvent  résulter  dans 
l'état  des  combinaisons ,  sur-tout  dans  les  pro- 
portions dont  j'ai  établi  les  causes,  dans  le  cha- 


DES    LIMITES    DE    LA    C  O  MB  I  N  A  I  S  O  !y.     BSg 

pitre  précédent ,  de  cette  action  des  substances 
qu'on  emploie  comme  dissolvants  ,  et  dont  on  né- 
glige le  plus  souvent  de  comprendre  l'effet  dans 
l'explication  des  résultats  de  l'action  chimique. 
Je  tâcherai  de  distinguer  les  circonstances  où 
leur  action  doit  être  négligée  ,  et  celles  où  elle 
doit  être  comptée  parmi  les  causes  des  phéno- 
mènes dont  on  donne  l'explication  :  pour  cela 
il  est  nécessaire  de  rappeler  des  propriétés  que 
j'ai  déjà  examinées  sous  d'autres  rapports. 

219.  L'action  de  l'eau  sur  les  acides  et  sur  les 
alcalis  est  ordinairement  si  faible,  relativement 
à  la  force  qui  produit  leur  combinaison  mu- 
tuelle ,  qu'elle  doit  être  entièrement  négligée , 
quoique  dans  la  réalité ,  la  tendance  mutuelle  à 
la  combinaison  soit  affaiblie  de  toute  la  force 
par  laquelle  chaque  partie  élémentaire  est  re- 
tenue par  un  dissolvant ,  moins  celle  qu'il  con- 
serve pour  tenir  en  dissolution  la  combinaison 
formée  :  ainsi  lorsqu'un  acide  agit  sur  une  base 
alcaline  ,  l'action  de  l'eau  ne  produit  ordinai- 
rement aucun  changement  sensible  dans  leuï» 
saturation  mutuelle  ;  seulement  elle  diminue 
l'énergie  de  l'acide  oj^posé  à  la  force  de  cohésion  ^ 
parce  qu'elle  diminue  sa  concentration  en  raison 
de  sa  quantité;  mais  lorsque  le  liquide  agit  sur 
une  combinaison  faible  ,  et  lorsque  Faction  qu'il 
exerce  sur  chacune  des  substances  qui  la  com- 
posent  est  très-différente  ,  le   résultat   dépend 


^9^  STATIQUE     CHIMIQUE. 

(lu  rapport  de  ces  forces;  le  liquide  peut,  pro- 
duire alors  un  changement  qui  dénature  la  com*  * 
binaison  ,  et  qui  en  change  les  proportions  ; 
c'est  ainsi  que  l'eau  agit  sur  le  sulfate  de  mer- 
cure ;  employée  en  petite  quantité ,  elle  ne  fait 
que  le  dissoudre  ,  mais  si  elle  est  plus  abon- 
nante, son  action  s'accroît  en  proportion  de  sa 
quantité  ,  et  il  s'établit  de  nouvelL'S  combi- 
naisons ,  dont  les  proportions  dépendent  de  l'état 
des  forces  respectives  :  dans  ce  cas  le  liquide  ne 
doit  plus  être  considéré  coinme  un  simple  dissol- 
vant ,  son  action  est  l'une  des  forces  qui  doivent 
être  évaluées  dans  le  changement  qui  s'opère,  et 
il  devient  l'un  des  éléments  des  combinaisons  qui 
se  forment. 

Il  se  présente  un  grand  nombre  de  circons- 
tances pareilles ,  où  l'eau  ne  produit  pas  sim- 
plement une  séparation  de  combinaisons  ,  sans 
changer  leur  saturation  comparative  ;  mais  où  elle 
détermine  d  autres  proportions  dans  les  com- 
binaisons qui  se  séparent  :  nous  avons  vu  que 
le  phosphate  acidulé  de  chaux  était  amené  par 
l'action  de  l'eau  à  l'état  de  phosphate  neutre(202)  : 
elle  ne  produit  cet  effet  qu'en  déterminant  suc- 
cessivement deux  combinaisons ,  dont  Tune  es6 
plus  acide  et  dont  l'autce  a  une  plus  grande 
proportion  de  base,  jusqu'à  ce  qu'on  soit  par- 
venu à  uzie  insolubilité  et  à  un  état  de  com- 
binaison qui  résistent  enfin  à  toute  son  action  ; 


DES    LIMITES    DE    LA    COMBITV  A  I  SOIST.        SqI 

lorsqu'on  décompose  le  sulfate  acidulé  de  potasse 
par  des  cristallisations  successives  ,  on  forme  à 
chaque  cristallisation  par  l'action  de  l'eau  deux 
combinaisons  dont  l'une  est  plus  acide ,  et  dont 
l'autre  approche  plus  de  l'ëtat  neutre  ;  et  enfin 
lorsqu'on    est    parvenu    à    celui  -  ci  ,    l'action 
réciproque  des  éléments  a  acquis  une    énergie 
qui  ne  permet  plus  à  l'eau  d'altérer  leurs  pro- 
portions. Si  donc  Faction  de  l'eau  n'aj^porte  aucun 
changement  dans  l'état  de  saturation  d'une  com- 
binaison, ce  ne  peut  être  que  parce  qu'elle  est  infé- 
rieure à  ce  qu'il  reste  de  tendance  mutuelle  à  satis- 
faire dans  les  éléments  de  cette  combinaison  (4o). 
217.    Ainsi  l'action  chimique  d'un  dissolvant 
doit  être  nésrliûfée  relativement  à  l'état  des  com- 
binaisons  ,  lorsque  d'autres  affinités,  beaucoup 
plus  puissantes  ,  produisent  ces  combinaisons  ; 
mais  elle  prend  de  limportance  à  mesure  que 
ces  affinités   sont    plus   faibles,   et   enfin  dans- 
quelques  circonstances  .  elle  décide  par  sa  force- 
relative  les  composés  qui  se  forment  ;  l'actiorb 
d'un  liquide    sur  un  solide    est   non-seulement 
limitée  par  la  force  de   cohésion  ;    mais   si    ce 
solide  est  un  composé  qui  n'ait  pas  une  grande 
énergie ,  il  peut  s'établir  deux  nouvelles  combi- 
naisons ,  dont  la  quantité  et  les  proportions  des 
éléments  dépendent  de  la  quantité  de  l'eau  et  de 
la  chaleur  ,  et  le  concours  de  ces  agents  diminue 
la  combinaison  qui  doit  rester  dans  l'état  solide  i 


393  STATIQTTE     CHIMIQUE. 

en  employant  des  quantités  d'eau  successives  , 
on  produit  une  série  de  combinaisons  entre  les 
deux  extrêmes. 

Lors  même  que  l'eau  ne  change  pas  l'état 
respectif  de  saturation,  et  qu'elle  paraît  diviser 
simplement  les  combinaisons  ,  son  affinité  con- 
court réellement  à  la  réunion  d'une  base  avec 
im  acide,  et  de  l'autre  base  avec  l'autre  acide  ; 
c'est  elle  qui  détermine  la  combinaison  la  plus 
soluble,  c'est-à-dire,  celle  qui  lui  oppose  moins 
d'obstacle  ,  celle  sur  laquelle  son  action  est  plus 
forte ,  à  se  former ,  et  à  se  séparer  de  l'autre  ; 
mais  ces  effets  sont  représentés  sans  inconvé- 
nient par  la  solubilité  d'une  combinaison  ,  ou 
par  la  force  de  cohésion  de  l'autre  ,  ainsi  que 
je  l'ai  fait  lorsque  j'ai  considéré  l'action  des  deux 
acides  sur  une  base  ,  et  celle  de  deux  acides  et 
de  deux  bases.  (Secû.  II.) 

Il  résulte  de  là  que  la  seule  distinction  réelle 
qu'il  y  ait  à  faire  relativement  à  l'action  de  l'eau , 
c'est  de  considérer  si  elle  produit  quelque  chan- 
gement dans  l'état  de  saturation,  ou  si  elle  opère 
des  séparations  et  détermine  des  combinaisons 
dont  la  saturation  reste  la  même. 

218.  Les  observations  que  j'ai  présentées  sur 
les  effets  de  l'eau ,  lorsqu'elle  agit  comme  force 
antagoniste  de  la  cohésion  ou  comme  principe 
de  combinaison  ,  doivent  s'appliquer  aux  autres 
dissolvants  ;  mais   comme  leur  force  et   leurs 


DES    LIMITES    DE    LA    COMBI ÎN^  A  ISO  N.     SqS 

autres  propriétés  varient ,  il  en  doit  résulter  des 
effets  différents  qu'il  faut  tâcher  d'évaluer  -,  je 
ne  considérerai,  sous  ce  rapport,  que  l'alcool, 
dont  on  fait   le  plus  d'usage  après  l'eau. 

Il  faut  se  rappeler  que  lorsque  j'exprime  les 
effets  de  l'insolubilité  par  la  force  de  cohésion , 
je  n'entends  par  là  que  le  rapport  de  solubilité 
dans  le  dissolvant  qui  produit  les  phénomènes 
pour  lesquels  je  me  sers  de  cette  expression  , 
car  la  force  de  cohésion  absolue  ne  répond  pas 
exactement  à  l'effet  du  dissolvant.  Elle  est  beau- 
coup mieux  représentée  par  la  fusibilité  ou  par 
l'effet  que  produit  la  chaleur.  La  baryte  et  la 
chaux  ,  par  exemple  ,  qui  résistent  complètement 
à  la  chaleur  ,  se  dissolvent  cependant  en  assez 
grande  proportion  dans  l'eau.  Il  faut  donc  que 
l'affinité  de  l'eau  ait  pu  surmonter  une  grande 
partie  de  la  force  de  cohésion  absolue  de  ces 
substances  ;  mais  ce  premier  effet  étant  produit 
par  l'affinité  ,  il  paraît  que  ce  n'est  que  la  so- 
lubilité accrue  par  l'action  du  calorique  ,  comme 
elle  le  serait  sans  la  présence  du  dissolvant  , 
qui  augmente  dans  la  dissolution  les  proportions 
de  la  substance  naturellement  solide,  et  que  l'on 
peut  alors  considérer  la  dissolution  comme  l'effet 
d'un  double  dissolvant  du  liquide  et  du  calorique , 
»  à-peu-près  comme  l'a  fait  Lavoisier  :  «  On  peut 
»  distinguer  (i)  plusieurs  cas  différents  ,  suivant 

(i)  De  laSolut.  des  Sels  par  le  Cvilcr.  Trait.  Elém.  tom.II. 


^94  STATIQUE     CHIMIQUE. 

»  Il  nature  et  la  manière  d'être  de  chaque  seL 
»  Si  par  exemple  un  sel  est  très-peu  soluble  par 
j>  l'eau ,  et  qu'il  le  soit  beaucoup  par  le  calo- 
»  rique ,  il  est  clair  que  ce  sel  sera  très-peu 
y*  soluble  à  l'eau  froide  ,  et  qu'il  le  sera  beau- 
i)  coujD  au  contraire ,  à  l'eau  chaude  ;  tel  est 
n  le  nitrate  de  potasse  ,  et  sur-tout  le  muriate 
»  oxigéné  de  potasse.  Si  un  autre  sel ,  au  con- 
7>  traire ,  est  à-la-fois  peu  soluble  dans  l'eau  , 
))  et  peu  soluble  dans  le  calorique,  il  sera  peu 
3)  soluble  dans  l'eau  froide  comme  dans  l'eau 
»  chaude  ,  et  la  différence  ne  sera  pas  très- 
ï>  considérable  ;  c'est  ce  qui  arrive  au  sulfate  de 
»  chaux.  • 

»  On  voit  donc  qu'il  y  a  une  relation  néces- 
»  saire  entre  ces  trois  choses  ,  solubilité  d  un 
»  sel  dans  l'eau  froide  ,  solubilité  du  même  sel 
»  dans  l'eau  bouillante ,  degré  auquel  ce  même 
»  sel  se  liquéfie  par  le  calorique  seul ,  et  sans 
»  le  secours  de  l'eau  ;  que  la  solubilité  d'un  sel 
»  à  chaud  et  à  froid  est  d'autant  plus  grande 
»  qu'il  est  plus  soluble  par  le  calorique  ;  ou  , 
j»  ce  qui  revient  au  même  ,  qu'il  est  suscep- 
»  tible  de  se  liquéfier  à  un  degré  plus  inférieur 
»  de  l'échelle  du  thermomètre  ». 

L'alcool  paraît  conserver  les  mêmes  rapports 
que  l'eau  avec  un  grand  nombre  de  substances  ,  et 
particulièrement  avec  les  acides  ,  les  alcalis  et  les 
combinaisons  salines ,  et  la  différence  qui  existé 


DES    LIMITES   "DE    LA    COMBIIN^  A ISON.      SqS 

entre  ces  deux  dissolvants  ,  consiste  principa- 
lement en  ce  que  l'action  de  Talcool  est  plus 
faible ,  de  sorte  que  la  force  de  cohésion  lui 
oppose  une  résistance  dont  l'effet  est  plus  grand  r 
de  là  vient  que  les  acides  qui  ont  une  force  de 
cohésion  cotisidérable ,  tels  que  l'acide  oxalique 
et  lacide  sédatif,  ne  se  dissolvent  pas  dans  l'al- 
cool; il  en  est  de  même  des  alcalis;  ceux  qui 
ont  peu  de  solubilité  dans  l'eau  ,  comme  la 
chaux,  la  strontiane  ,  la  baryte  ,  ne  se  dissolvent 
pas  dans  l'alcool  ;  mais  ceux  qui  sont  très-solubles 
dans  leau  ,  tels  que  la  potasse  ,  et  en  général  les 
sels  déliquescents  peuvent  cristalliser  ,  ou  cris- 
tallisent beaucoup  plus  facilement  avec  l'alcool 
qu'avec  l'eau. 

La  différence  de  l'action  de  l'eau  et  de  l'alcool 
ne  se  borne  pas  à  ces  séparations ,  qui  ne  sont 
dues  qu'au  plus  grand  effet  de  la  force  de  co- 
hésion opposée  à  l'alcool;  il  peut  résulter  encore 
de  cette  différence  d'action  des  changements  de 
proportions  ,  dont  la  véritable  cause  peut  échap- 
per ,  et  qui  ont  pu  souvent  conduire  à  de  fausses 
conséquences. 

•1 19.  On  se  sert  quelquefois  de  différents  dissol- 
vants ,  et  même  successivement,  pour  opérer ,  par 
leur  moyen  ,  la  séparation  de  différentes  substan- 
ces ;  mais  il  faut  distinguer  les  circonstances  où  il 
n'y  a  qu'un  mélange  de  ces  substances  ,  et  celle* 
où  il  existait  une  combinaison, 


596  STATIQUE     CHIMIQUE. 

C'est  dans  cette  dernière  circonstance  qu'il 
arrive  souvent  que  le  dissolvant  qu'on  emploie 
intervient  pour  produire  des  combinaisons  qui 
n'existaient  pas ,  pendant  que  l'on  croit  n'opérer 
qu'une  simple  séparation  ;  et  c'est  la  faiblesse 
même  de  son  action  qui  détermine  les  combi- 
naisons qui  se  forment  ,  parce  qu'avec  plus 
d'énergie  toute  la  dissolution  pourrait  s'opérer , 
et  la  combinaison  se  conserverait  dans  son  in- 
tégrité. L'alcool  agit  alors  sur  les  combinaisons 
qui  se  maintiennent  dans  l'eau ,  comme  nous 
avons  vu  que  l'eau  le  fesait  relativement  aux 
sulfates  et  aux  phosphates  acidulés,  en  les  sé- 
parant en  deux  combinaisons  qui  diffèrent  non- 
seulement  par  leur  solubilité ,  mais  même  par 
leur  état  de  saturation. 

220.  Que  l'on  ait  un  résidu  incristallisable 
composé  de  potasse  ,  d'acide  nitrique  ,  d'acide 
muriatique  et  de  chaux  ,  l'action  mutuelle  de 
ces  substances  et  celle  de  l'eau  qu'elles  retien- 
nent ,  empêchent  que  la  potasse  ne  puisse  cris- 
talliser avec  les  deux  acides,  ou  avec  celui  des  deux 
qui  doit  l'emporter,  en  raison  de  sa  quantité  (58)  : 
on  mêle  de  l'alcool  à  ce  liquide  :  celui-ci  prend? 
la  combinaison  de  la  chaux  avec  les  acides ,  et 
celle  que  forme  la  potasse  se  précipite  :  on  ne 
sépare  pas  simplement  le  nitrate  ou  le  muriate 
de  potasse ,  du  nitrate  ou  muriate  de  chaux  ; 
car  ces  substances  produisaient  une  seule  cora* 


DES    LIMITES    DE    LA    COMBIN  A  I  SO  Jf.       397 

binaison,  dans  laquelle  chacune  exerçait  sou 
action.  C'est  l'alcool  qui  détermine  la  formation 
et  la  séparation  de  ces  sels ,  en  concourant  par 
sa  disposition  à  s'unir  a;u  sel  à  base  terreuse ,  avec 
la  force  de  cohésion  qui  appartient  au  nitrate 
et  au  muriate  de  potasse  ,  et  qui  s'oppose  à  leur 
dissolution  dans  l'alcool  avec  plus  d'efficacité 
qu'à  leur  dissolution  dans  l'eau. 

Cette  séparation  n'est  pas  rigoureuse  ,  il  se 
dissout  dans  l'alcool  une  petite  portion  du  sel 
cristallisable  par  l'effet  de  l'action  du  sel  à  base 
de  chaux  qui  la  rend  un  peu  soluble  dans  ce 
dissolvant. 

Quand  il  y  a  dans  un  liquide  incristallisable 
un  excès  d'acide  ou  d'alcali  qui  est  soluble  par 
l'alcool ,  on  change  les  conditions  du  liquide  en 
séparant  cet  excès  ;  de  sorte  que  ,  si  l'on  veut 
juger  de  l'état  dans  lequel  il  était,  par  les  ré- 
sultats qu'on  obtient  au  moyen  de  cette  sépa- 
ration ,  on  s'en  fait  une  idée  fausse  ;  ainsi  lors- 
qu'on enlève  un  excès  de  potasse  qui  s'opposait 
à  la  ciistallisation  du  sulfate  de  potasse ,  une 
combinaison  réelle  avec  excès  de  potasse  est 
détruite ,  et  il  se  forme  deux  combinaisoiis  qui 
se  séparent ,  l'une  est  l'alcool  de  potasse  ,  et 
l'autre  est  le  sulfate  de  potasse  ;  mais  le  premier 
retient  une  petite  portion  de  sulfate  de  potasse  , 
qui  est  rendu  soluble  dans  l'alcool  par  l'action 
(le  1^  potasse ,  et  dont  on  ne  la  prive  que  par 


I 


OQ^  StATTQUE      CHTMIQTJl». 

la  cristallisation ,  et  le  second  retient  un  petit 
excès  (le  potasse  ;  la  cristallisation  même  ne 
suffit  pas  toujours  pour  obtenir  une  com- 
binaison constante  ;  par  exemple  ,  on  obtient 
le  carbonate  de  potasse  dans  Tëtat  cristallise  , 
en  traitant  la  potasse  ordinaire  avec  l'alcool  , 
qui  dissout  la  plus  grande  partie  de  l'excès  de 
potasse;  mais  les  cristaux  en  retiennent  assez 
pour  être  déliquescents  à  l'air. 

Je  viens  de  supposer  un  excès  d'alcali  dans  le 
carbonate  de  potasse  ;  cependant  c'est  une  com- 
binaison aussi  exacte  que  celle  du  carbonate 
neutre  ,  mais  l'alcali  qui  se  trouve  en  excès  re- 
lativement à  l'état  neutre ,  et  qui  produisait  une 
plus  grande  solubilité  ,  peut  être  séparé  plus 
facilement,  parce  que  l'action  chimique  s'affaiblit 
par  la  saturation.  L'action  de  l'alcool  change 
donc  la  combinaison  qui  existait  ,  et  lui  en 
substitue  deux  nouvelles  ;  le  sel  qui  cristallise 
retient  un  excès  d'alcali  ,  parce  que  la  force  de 
cohésion  qui  cause  la  cristallisation  n'appartient 
pas  à  des  proportions  déterminées ,  mais  qu'elle 
commence  à  avoir  de  l'énergie  avant  que  de 
parvenir  à  la  plus  grande  intensité. 

On  produit  un  effet  semblable  par  le  moyen 
des  autres  substances  qui  peuvent  également 
former  avec  la  })Otasse  une  combinaison  plus 
solubleque  le  carbonate  de  potasse  ;  ainsi  Lovvitz 
a  fait  voir  qu'on   pouvait  obtenir  le   carbonate 


DES    LIMITES    DE    LA    C  O  MB  I  N  A  I  S  OiV,      899 

de  jiotasse  par  une  petite  quantité  d'acide  acé- 
tique dont  la  combinaison  soluble  permet  au 
carbonate  de  potasse  de  cristalliser ,  ou  par  l'ad- 
dition d'un  peu  de  soufre  qui  forme  aussi  un 
sulfure  hydrogéné  très-soluble  (i)  ;  enfin  Tacide 
muriatiqueoxigénéproduit  le  même  effet  lorsqu'il 
n'est  pas  employé  en  quantité  suffisante  pour 
former  le  muriate  oxigéné  de  potasse  :  si  la 
dissolution  de  potasse  mi-carbonatée  est  assez  rap" 
prochée  ,  il  se  forme  des  cristaux  de  carbonate 
de  potasse  au  commencement  de  l'opération. 
j-  221.  On  voit  que  les  dissolvants  doivent  être 
considérés  sous  deux  rapports  ,  ou  comme  op- 
posés à  la  force  de  cohésion,  ou  comme  partie 
constituante  des  combinaisons  elles-mêmes  ,  et 
qu'il  faut  leur  appliquer  sous  ces  deux  rapports 
les  jîrincipes  qui  ont  été  exposés  sur  faction 
chimique  ,  mais  un  dissolvant  peut  être  employé 
dans  la  vue  seulement  de  favoriser  ou  de  mo- 
dérer l'action  d'un  acide  sur  un  corps  solide , 
alors  sa  quantité  peut  affecter  d'une  double 
manière  cette  action  ,  et  parce  qu'elle  en  exerce 
une  sur  lui  en  affaiblissant  proportionnellement 
son  énergie ,  et  parce  qu'elle  diminue  la  con- 
centration sous  laquelle  il  se  trouve  dans  la 
sphère  d'activité. 

Les  dissolvants  affaiblissent  ainsi  l'énergie  des 

(1)  Journ.  de  Chim.  par  Viui  Mous.  11°.  o. 


4oO  STATIQUE     CHIMIQUE. 

acides  ou  des  alcalis ,  lors  même  qu'ils  ne  peu-  1 
vent  produire  aucun  effet  sensible  sur  leur  sa-  I 
turation  respective  ,  et  si  l'on  jugeait  alors  de 
l'affinité  d'une  substance  par  l'effet  qu'elle  pro- 
duit sur  une  autre ,  on  en  prendrait  une  idée 
très  -  fausse.  On  pourrait  la  regarder  comme 
inactive  et  comme  très-inférieure  à  celle  qui  * 
lui  est  opposée  ,  pendant  qu'en  diminuant 
seulement  la  quantité  du  dissolvant ,  on  aura  un 
effet  tout  différent  ;  c'est  ainsi  que  la  potasse 
ne  peut  attaquer  le  sulfate  de  baryte  et  le  phos- 
phate de  chaux  ,  si  elle  est  étendue  d'une  cer- 
taine quantité  d'eau  ;  mais  si  on  la  fait  bouillir 
avec  ces  sels ,  et  la  quantité  d'eau  qui  est  seu- 
lement nécessaire  à  la  liquidité  de  l'alcali ,  elle 
les  décompose  en  partie. 

Ces  effets  des  dissolvants  qui  dépendent  de  * 
la  différence  de  leur  énergie  contre  la  force  de 
cohésion  ont  été  négligés  ,  lorsque  l'on  a  établi   , 
l'ordre  des  affinités  électives   auxquelles  seules  1 
on  a  voulu  attribuer  la   formation    des  combi-  | 
naisons  ;  ainsi  Bergman  ayant  dissous  du  phos- 
phate de  potasse  par  l'acide  arsénique  ,  et  ayant 
ajouté  à  cette  dissolution  ,  de  l'alcool ,  qui  par 
la  dissolution    de  l'acide   arsénique  concourait 
avec  la   force    de    cohésion    du    phosphate    de 
potasse  ,    et  qui  par  là  devait    opérer  la   sépa- 
ration du  dernier,  attribue  cet  effet  à  une  plus 
forte  affinité  élective  de  la  potasse  pour  l'acide 


t)ï:§   tlUÎTTÊâ    t)E    LA    COMBIIvrAISON.      ^t>ï 

pliospliorique  que  pour  l'acide  arsënique  ,  et 
c'est  souvent  par  un  semblable  moyen  que  l'on  a 
déterminé  les  affinités  électives. 

Si  l'on  ajoute  de  l'alcool  à  une  dissolution  assez 
étendue  de  chaux  par  l'acide  itiuriatique  à  laquelle 
on  a  mêlé  de  l'acide  sulfureux  ,  il  se  précipite  du 
sulfite  de  chaux  :  il  faudrait  également  en  con- 
clure que  l'acide  sulfureux  a  plus  d'affinité  avec  la 
chaux  que  l'acide  muriatique  ;  cependant  lors- 
qu'on  Verse  de  l'acide  muriatique  concentré  sur 
1   le  sulfite  de  chaux ,  il  s'exhale  de  l'acide  sulfureux  : 
les  mêmes  principes  conduiraient  donc  à  une  con- 
séquence contradictoire.  De  plus ,  l'alcool  produit 
les   mêmes  précipités    lorsqu'un  sel    est  rendu 
soluble  par  un  excès  de  son  propre  acide;  ainsi 
l'alcool  précipite  de  la  solution  du  j:)hosphate  aci- 
dulé de  chaux ,  un  phosphate  moins  acidulé. 
22  2.  Les  considérations  exposées  dans  ce  clia- 
i    pitre  font  voir  que  les  dissolvants  exercent  réel-' 
lement  une  action  chimique ,  qui  ne  diffère  que 
par  l'intensité  de  celle  qui  produit  les  plus  fortes 
combinaisons;  mais  comme   elle  varie  en  elle- 
même  ,  et  sur-tout  par  le  rapport  qu'elle  a  avec 
les  forces  qui  produisent  d'autres  cond^inaisons  , 
il  y  a  des  cas  où  elle  peut  être  négligée  j  parce 
quelle   n'apporte    aucun    changement    sensiblcj 
dans   la   saturation  ,    et    il  y  en  a  d'autres    où 
4  lie  intervient  comme  principe  de  combinaison. 

1^    Lorsqu'elle  ne  change  pas  l'état  respectif  d« 
i.  iQ 

i 


402  STA^TIQUE     CHIMIQUÎ. 

saturation,  son  effet  est  borné  à  la  solubilllë 
des  combinaisons  ,  et  l'on  ne  doit  la  regardeif  - 
que  comme  une  forcé  antagoniste  de  la  soli- 
dité :  elle  affaiblit  ,  en  raison  de  sa  quantité  qui 
excède  celle  qui  est  nécessaire  à  la  liquidité , 
l'action  des  autres  substances  contre  la  solidité , 
en  diminuant  la  quantité  de  ces  substances  qui 
peut  l'exercer,  et  en  occupant  une  partie  de  leur 
énergie  :  elle  sépare  une  combinaison  miique 
en  deux  combinaisons  ,  dont  l'une  est  plus  so- 
lubîe ,  et  dont  l'autre  s  isole  par  la  force  d© 
coliésion  qu'elle  peut  lui  opposer. 

Souvent  les  dissolvants  exercent  les  deux 
actions ,  et  contribuent  par  l'une  aux  séj^ara- 
tions  qui  se  font ,  et  par  l'autre  aux  proportion* 
des  éléments  qui  s'établissent. 

De  la  différente  intensité  de  l'action  de  deux 
dissolvants  ,  tels  que  l'eau  et  l'alcool  ,  peuvent 
résulter  des  différences  considérables  dans  les 
combinaisons  qui  se  séparent  :  une  plus  forte 
action  s'oppose  à  une  cristallisation  qui  a  lieu 
dans  le  dissolvant  plus  faible,  et  par  là  même^ 
celle-ci  peut  produire  des  séparations  et  des 
proportions  de  combinaisons  qui  restent  con-- 
fondues  dans  l'état  liquide ,  lorsque  le  dissol- 
vant a  plus  d'énergie. 

On  trouve  ici  un  exemple  frappant  de  l'in- 
fluence que  les  mots  peuvent  avoir  sur  les  idées 
que  ïon  se  forme  ^  et  sur  les  résultats  même* 


DKS    LÏMITÏS    DE    I.  A    C  OM  BIK  A  13  O?»".      /!\o3 

«âe  l'observation.  On  commence  par  regarder  un 
dissolvant  comme  im  agent  qui  nefait  quedisposer 
les  autres  substances  à  former  des  combinaisons  , 
parce  qu'effectivement  il  ne  produit  aucun  autre 
effet  sensible,  lorsqu'il  ne  se  fait  pas  de  sépa- 
ration ,  et  l'on  néglige  en  conséquence  son  action 
dans  les  autres  circonstances  ,  parce  qu'il  s'y 
trouve  sous  le  nom  de  dissolvant. 

Il  est  difiicile  d'atteindre  par  le  langage  à 
une  précision  qui  prévienne  toute  confusion  ; 
mais  il  faut  toujours  se  rappeler  que  toutes  les 
substances  qui  sont  en  présence  exercent  une 
action  ,  et  que  s'il  est  des  circonstances  où  elle 
doive  être  négligée,  il  peut  s'en  trouver  d'autres 
où  elle  contribue  efficacement  an  résultat. 


^■v/'V-x.'V 


C  Tî  A  P  I  T  R  E     III. 

Z^e   Vejjlorescence. 

a  13.  v^uKi.QUES  substances  salines,  et  parti- 
culièrement le  carbonate  de  soude  ,  ont  la  pro- 
priété de  se  séparer  des  substances  avec  les- 
quelles elles  se  trouvent  en  combinaison  dans 
yn    certain  d(^gré   d'humidité  ;    Schéele  est    là 

26.. 


4^4  ST  A.  TIQUE     CIIIMÏQUB» 

premier  qui  ait  apperru  que  cette  propriété 
pouvait  produire  des  changements  dans  les 
combinaisons  (i). 

Cette  force  par  laquelle  les  molécules  se  réu- 
nissent dans  les  proportions  convenables  pour 
former  une  combinaison  constante  ,  et  se  sé- 
parent des  autres  substances  qui  ont  une  action 
sur  elles  ,  a  beaucoup  d'analogie  avec  celle  qui 
produit  la  cristallisation  dans  un  liquide  ,  quoi- 
que par  la  différence  des  circonstances  l'effet 
soit  opposé  ;  il  parait  que  par  ces  circonstances 
une  combinaison  qui  serait  promptement  dé- 
truite ,  si  son  action  était  en  concurrence  avec  celle 
des  substances  qui  sont  contenues  dans  un  li- 
quide ,  se  sépare  continuellement  et  par  très-, 
petites  parties  à  la  surface;  par  là  ses  molécules 
sont  soustraites  successivement  ,  et  alors  leur 
action  réciproque  les  groupe ,  de  même  que  dans 
la  cristallisation  ;  mais  quelle  que  soit  la  cause 
de  la  différence  qui  existe  entre  cet  effet  ,  et 
celui  de  la  cristallisation  ordinaire ,  je  vais  tâcher 
d'en  indiquer  les  conséquences  dans  les  phé- 
nomènes  auxquels  elle  contribue,  en  la  désignant 
sous  le  nom  d'efflorescence ,  et  en  la  considérant 
principalement  comme  une  qualité  qui  appar- 
tient à  quelques  substances. 

224.  Si  le  muriate  de  soude  se  trouve  eu  coiin 

<i}  Mém.  de  Cljlm.  tom.  II. 


I>ES    LIMITES    DE   LA    COMBINAISON.      ^o5 

ciirrènce  avec  la  chaux  dans  un  degré  conve- 
nable d'humidité  ,  l'action  dé  la  soude  sur  l'acide 
muriatique  est  affaiblie  par  là  ;  elle  partage  celle 
de  la  chaux  sur  l'acide  carbonique  qui  se  trouve 
dans  l'air  atmosphérique  ;  mais  diminuée  par  la 
saturation  ,  elle  serait  bientôt  insuffisante  contre 
la  force  de  cohésion  du  carbonate  de  chaux , 
s'il  ne  se  faisait  une  séparation  décidée  par 
l'efflorescence  :  la  décomposition  du  muriate 
de  soude  continue  donc  jusqu'à  ce  qu'il  se 
soit  formé  assez  de  muriate  de  chaux,  parce 
que  l'acide  muriatique  devant  se  partager  entre 
les  deux  bases  en  raison  de  leur  action  ,  il  arrive 
un  terme  où  leurs  forces  se  balancent. 

La  petite  quantité  d'acide  carbonique  qui  se 
combine  d'abord  dans  la  masse  totale ,  ne  pro- 
duit pas  une  force  de  cohésion  qui  puisse  l'em- 
porter sur  les  forces  opposées  (77)  ;  seulement 
elle  suffit  pour  déterminer  successivement  l'ef- 
florescence ;  mais  si  l'on  met  en  dissolution  tout- 
à-coup  la  quantité  de  carbonate  qui  s'est  sé- 
parée ,  la  force  de  cohésion  a  alors  assez  d  in- 
tensité pour  précipiter  le  carbonate  de  chaux  , 
et  l'on  obtient  des  combinaisons  opposées  par 
cette  seule  condition  des  quantités. 

L'efflorescence  produit  de  même  une  sépa- 
ration de  carbonate  de  soude  ,  lorsque  celui-ci  se 
trouve  en  contact  avec  le  carlionate  de  chaux  dans 
un  degré  d'humidité  oonvenable;  aloi's  il  refait 


4o6  .STATIQUE     CHIMIQUE, 

une  très-  petite  dissolution  du  carbonate  de  cliany, 
au  moyen  de  l'action  qu'exerce  sur  lui  le  mu- 
riate  de  soude;  mais  la  combinaison  de  l'acide 
carbonique  avec  la  soude,  et  sa  séparation  simul- 
tanée sont  décidées  par  la  disposition  à  l'efflo- 
rescence,  et  le  phénomène  se  continue.  Les  cir- 
constances qui  peuvent  favoriser  l'efflorescence 
sont  un  mélange  convenable  de  muriate  de  soude 
et  de  carbonate  de  chaux  ,  et  une  humidité  sou- 
tenue à  une  température  élevée  ;  le  voisinage 
d'un  corps  poreux  favorise  encore  la  décom- 
position du  mufiate  de  soude,  en  facilitant  l'ef- 
florescence  et  la  séparation  du  carbonate  de 
soude  ;  mais  quoiqu  il  y  ait  peu  de  différence 
entre  les  conditions  de  cette  décomposition  ,  et 
celle  qu'on  obtient  par  la  chaux,  il  paraît  que 
la  première  exige  un  i  atervalle  de  temps  bcniicoup 
plus  grand ,  et  peut-être  quelques  circonstances 
plus  favorables,  telles  qu'une  température  plus 
élevée;  d'où  vient,  probablement,  que  Schéele 
n'a  pas  obienu  celle  décomposition  en  se  ser- 
vant du    carbonate   de  chaux. 

2*5,  C'est  par  ces  circonstances,  que  j'ai  obser- 
vées sur  les  bords  du  lac  IHatron ,  que  j'ai  cru 
pouvoir  expliquer  la  formation  continuelle  d'une 
immense  quantité  de  carbonate  de  soude  (i)  , 
et  il  est  probable  que  c'est  à  des  circonstances 

(j)  Mém.  sur  l'Egypte. 


DES    LIMITES   DE   LA    CO  M  B  I?f  A.I  S  ON.     4^7 

semblables  ou  peu  différentes  ,  qu'est  due  la 
production  du  carbonate  de  soude  qu'on  observe 
dans  d'autres  déserts,  ainsi  que  sur  la  surface 
de  quelques  voûtes  et  de  quelques  murs. 

C'est  encore  à  une  cause  semblable  qu'il  faut 
rapporter  la  décomposition  du  muriate  de  soude 
par  des  lames  de  fer  tenues  dans  un  lieu  hu- 
mide :  le  carbonate  de  soude  effleurit  à  leur 
surface  ,  et  il  se  décompose ,  si  on  le  plonge  dans 
les  gouttes  du  muriate  de  fer  qui  se  forme  en 
même  temps. 

Schéeie  auquel  on  doit  les  principales  obser- 
vations sur  cet  objet,  a  éprouvé  que  les  dé- 
compositions avaient  également  lieu  avec  le 
sulfate  et  le  nitrate  de  soude  ,  mais  non  avec 
les  mêmes  sels  à  base  de  potasse,  et  il  attribue 
fort  bien  cette  différence  à  la  propriété  efilo- 
rescente  du  carbonate  de  soude. 

C'est  probablement  par  la  même  raison  que 
plusieurs  plantes  sur  les  bords  de  la  mer  peuvent 
décomposer  le  muriate  de  soude  dans  les  cir- 
constances favorables ,  c  est-à-dire  lorsqu'elles  ne 
croissent  pas  dans  l'eau  ;  car  alors  elles  ne  con- 
tiennent que  le  muriate  de  soude  qui  n'éprouve 
pas  de  décomposition  ;  le  carbonate  ne  se  forme 
que  lorsqu'elles  végètent  sur  les  bords  ,  et  dans 
un  terrain  imprégné  de  muriate  de  soude ,  et  qui 
n'a  queThumidité  qu'exige  VeiTlorcscence  ,  tandis 
-tpie  cette  décomposition  n'a   pas  lieu   dans  les 


4o8  STATIQTIE    CIIIUriQUE. 

plantes  qui  ne  contiennent  que  des  sels  à  bas© 
tle  potasse. 

22G.  Quoique  rcfflorescence  soit  une  pro- 
prictë  plus  énergique  dans  le  carbonate  de 
dans  les  autres  sels  ,  plusieurs  de  ceux  -  ci 
n'en  sont  pas  dépourvus  ;  c\^st  elle  qui  me 
paraît  être  cause  que  dans  les  plâtras  im- 
prégnés de  salpêtre,  le  nitrate  de  potasse  se 
sépare  des  sels  à  base  terreuse  ,  et  se  trouve 
principalement  dans  les  parties  les  plus  élevées, 
pendant  que  celles  qui  sont  voisines  du  sol  con^ 
tiennent  sur-tont  du  sel  à  base  de  chaux. 

C'est  à  la  même  propriété  que  me  pai\iît  due 
îa  formation  du  sulfate  d'alumine  qui  a  lieu  à 
la  surface  des  granités  ,  des  porphires  qu  on 
tient  pendant  long-temps  humectés  d'acide  sul- 
furique ,  comme  l'a  fait  Bayen  (i),  lequel  s'en  est 
servi  avantageusement  pour  l'analyse  de  ces 
pierres. 

Enfin  par  la  propriété  efflorescente  que  pos- 
sède le  sulfate  acidulé  de  potasse ,  il  s'élève  et 
forme  des  arborisations  au-dessus  d'une  combi^ 
naison  qui  retient  un  excès  d'acide  plus  grand 
qu'il  ne  convient  à  la  constitution  de  ce  sel , 
ce  qui  fait  voir  que  dans  ce  phénomène  ,  tandis 
qu'une  nouvelle  combinaison  tend  à  se  séparer 
par  efflorescence  ,  une  autre  tend  à  con&erver 
l'excès  de  l'élément  qui  s'oppose  à  cet  effet, 
(i)  Joiirn.  Je  Pliy^.    1779. 


DïS    LIMITES    DE    L  \    CO  MTÎ  I!S' AISO:>f.      ^Of) 

Quoique  l'efflorescence  ne  produise  qu'un 
petit  nombre  d'effets ,  elle  ne  doit  cependant 
pas  être  négligée  ,  puisqu'elle  sert  à  expliquer 
la  production  de  quelques  combinaisons  qui  sont 
opposées  à  celles  qui  se  forment  dans  les  cir- 
constances ordinaires,  et  qu'elle  peut  devenir 
d'une  application  utile  dans  les  arts. 

On  retrouve  ici  un  exemple  frappant  de  com- 
binaisons qui  sont  décidées  par  inie  légère  cir- 
constance dans  un  ordre  inverse  à  celui  que 
Ton  attribue  aux  affinités  électives. 


CHAPITRE     IV. 
De  la  propagation  de  V action  chimique. 

22y.  J_i'ACTiON  chimique  s'exerce  plus  ou 
moins  rapidement ,  et  cette  circonstance  a  sou- 
vent une  grande  influence  sur  ses  résultats  ; 
l'action  du  calorique  présente  ,  avec  cette  pro- 
priété des  autres  substances ,  des  rapports  qu'il 
est  utile  d'examiner. 

Des  combinaisons  qui  paraissent  constantes 
dans  leurs  proportions  ,  se  détruisent  par  une 
action  plus  lente, que  celle  qui  les  a  produijtes  ; 
d'autres  proportions  s  établissent ,  et  font  place 


I 


«îrO  8TATIQFE     CHIMIQtflî. 

à  leur  tour  à  de  nouvelles  combinaisons  ;  par 
là  les  conclusions  que  Ton  tire  de  lobservation 
varient  selon  l'instant  où  elle  se  fait  :  l'on  prend 
pour  le  dernier  résultat  de  l'action  chimique  , 
celui  qui  précède  d'autres  changements  que 
l'on  néglige ,  et  l'on  attribue  à  l'élection  de  l'af- 
finité un  état  qui  n'est  que  transitoire. 

Quelquefois  donc  l'action  chimique  paraît 
instantanée  ,  quelquefois  ses  effets  sont  très- 
lents  ,  et  il  faut  un  espace  de  temps  considé- 
rable pour  que  les  forces  qui  sont  en  présence 
parviennent  à  un  état  d'équilibre.  Quelles  sont 
les  dispositions  dans  les  substances  qui  prod'ii- 
sent  cette  différence?  quelles  sont  les  circons- 
tances qui  favorisent  ou  atténuent  cet  effet  ? 

228.  On  peut  d'abord  remarquer ,  qu'indé- 
pendamment de  toute  autre  circonstance^  l'ac- 
tion chimique  est  beaucoup  plus  lente  lorsqu'elle 
est  faible  ,  que  lorsqu'elle  est  vive  ;  et  comme 
l'action  d'une  substance  s'affaiblit  à  mesure  que 
sa  saturation  fait  des  progrès,  ce  sont  les  der- 
niers termes  de  cette  saturation  qu'elle  ne  peut 
parcourir  que  dans  un  intervalle  de  temps  beau- 
coup plus  considérable  que  celui  qui  est  néces- 
saire pour  y  parvenir  ;  ainsi  dans  les  effets 
mécaniques  une  forte  impulsion  fait  parcourir 
à  un  corps  le  même  espace  ,  dans  un  temps 
beaucoup  plus  court  qu'une  impulsion  beaucoup 
plus  faible. 


DES    LIMITES   DE   LA    COMBINAISON.      4'! 

C'est  donc  sur-tout  dans  les  combinaisons 
faibles  qu'on  peut  observer  cette  résistance  à  la 
saturation  ;  telles  sont  les  dissolutions  des  sels 
par  l'eau ,  comparées  à  la  combinaison  des  acides 
avec  les  alcalis  ,  et  l'on  remarque  encore  un© 
grande  différence  entre  le  commencement  de  la 
dissolution  et  sa  fin  ;  ce  n'est  qu'avec  peine  que 
l'eau  achève  de  se  saturer  au  point  où  le  per- 
mettent son  action  et  la  résistance  qu'elle  doit 
vaincre. 

La  combinaison  d'un  acide  par  un  alcali  qui 
s'opère  par  une  force  beaucoup  plus  grande  que 
celle  qui  produit  la  dissolution  d'un  sel  par 
l'eau  ,  est  aussi  beaucoup  plus  prompte ,  jus- 
qu'à ce  qu'elle  approche  de  létat  de  saturation  ; 
mais  alors  sa  progression  devient  lente ,  et  l'on 
arrive  à  un  terme  où  les  papiers  qui  nous  ser- 
vent d'indices  annoncent  souvent  en  même  temps 
l'acidité  et  l'alcalinité  ;  ce  n'est  qu'après  un  es- 
pace de  temps  assez  considérable  qu'on  peut 
reconnaître  celle  des  deux  qui  domine  réellement. 

L'agitation  accélère  beaucoup  le  complément 
d'une  dissolution  ou  d'une  combinaison  :  son 
effet  dépend  précisément  de  la  différence  qu'il 
y  a  entre  l'action  d'une  substance  lorsqu'elle 
est  éloignée  de  1  état  de  saturation  ,  ou  lorsqu'elle 
est  voisine  de  cet  état:  on  substitue  par  là  une 
action  forte  et  prompte  à  une  action  faible  et 
lente. 


4li  «TATIQITE     CHIMiQUe, 

Lorsque  l'eau  agit  sur  un  sel  pour  le  dis- 
soudre  ,  la  couche  qui  est  contiguë  au  sel  est 
d'abord  dans  un  état  de  saturation  plus  avancé 
que  celle  qui  lui  est  superposée  ,  et  ainsi  de 
suite,  jusqu'à  la  surface  ;  il  n'y  a  donc  qu'une 
légère  différence  de  saturation  entre  chaque 
couche ,  et  elles  se  trouvent  ,  les  unes  respec- 
tivement aux  autres ,  dans  cet  état  de  saturation 
où  l'action  est  la  plus  faible  et  la  plus  lente  , 
et  la  différence  de  pesanteur  spécifique  peut 
encore  avoir  une  influence  marquée  sur  l'effet 
d'une  faible  tendance  à  la  combinaison  ;  inais 
si  je  mets  en  contact  les  parties  du  liquide  les 
plus  saturées  avec  celles  qui  sont  le  plus  éloi- 
gnées de  la  saturation  ,  j'établis  une  action 
beaucoup  plus  vive ,  j'en  accélère  les  effets  ; 
l'agitation  doit  donc  servir  à  rendre  une  dis- 
solution beaucoup  plus  promptement  uni- 
forme ;  ce  qui  doit  s'appliquer  aux  combinai- 
sons mêmes  les  plus  fortes  ,  lorsque  l'action 
des  substances  qui  les  forment,  approche  de 
l'état  d'équilibre. 

On  peut  obtenir  cet  effet  de  la  pesanteur  spé- 
cifique qui  s'établit  d'elle-même  entre  les  couches 
d'un  liquide  ,  par  la  dissolution  d'un  sel ,  si  cette 
dissolution  s'opère  à  la  surface  du  liquide  ;  de 
sorte  que  cette  seule  circonstance  peut  produire 
une  dissolution  beaucoup  plus  prompte  ;  alors 
à  mesure  que  l'eau  dissout  les  molécules  salines  ^ 


DES   LIMITES    DE    LA    C  OMBIN  A  ISOTT.      ^\l^ 

elle  descend  par  la  pesanteur  spécifique  qu'elle 
acquiert,  et  la  partie  du  liquide  qui  était  au 
ioiicl  s  élève  à  la  surface  par  sa  légèreté  spéci* 
flque.  Il  s'établit  par  là  une  circulation  qu'il 
est  facile  de  rendre  sensible  en  plongeant  un 
tube  rempli  d'acide  sulfurique  sur  une  soucoupe 
remplie  d'eau  ;  ce  courant  assez  rapide  entraîne 
les  petits  corps  insolubles  que  l'on  a  pu  ajouter 
au  liquide. 

Il  me  paraît  que  c'est  le  citoyen  Beaumé  qui 
a  le  premier  fait  attention  à  la  circulation  qui 
s'établit  en  conséquence  du  changement  de  pe- 
santeur spécifique ,  lorsqu'un  sel  est  dissous  à 
la  surface  de  l'eau  ,  et  qui  en  a  fait  en  même 
temps  une  application  utile  pour  dissoudre  les 
résidus  salins  qui  se  trouvent  au  fond  d'un 
vase  :  en  effet  ,  lorsqu'on  plonge  à  la  surface 
de  l'eau  le  col  d'un  vase  qui  contient  un  sel 
durci  en  masse ,  on  voit  l'eau ,  qui  a  opéré  une 
dissolution ,  descendre  en  formant  un  courant  , 
et  Teau  pure  ou  moins  saturée  former  un  cou- 
rant opposé  en  venant  la  remplacer  ;  d'où  il 
suit  que  la  dissolution  du  sel  s'opère  beaucoup 
plus  promptement  au  moyen  du  renouvellement 
continuel  d'une  eau  dont  l'action  est  moins 
affaiblie  par  la  saturation  ,  que  si  Ion  fesait 
séjourner  sur  ce  sel  une  quantité  d'eau  dont  les 
difïérentes  couches  auraient  peu  de  différence 
de  saturalign.  Yeher  a  fait  depuis  long-temps 


4l4  STATIQUE     CHiMiQtTfi. 

line  application  de  cette  propriété  à  toutes  le5 
substances  solides  qui  se  dissolvent  plus  prompte- 
ment  lorsqu'on  les  tient  à  la  partie  supérieure  du 
dissolvant,  et  j'en  ai  indiqué,  d'après  lui,  un 
exemple  pour  la  dissolution  de  la  potasse  com- 
mune destinée  aux  lessives  dans  l'art  du  blanchi- 
ment par  1  acide  muriatiqueoxigéné  (i) ,  pendant 
que,  par  une  raison  contraire,  on  doit  opérer 
la  dissolution  des  substances  gazeuses  dans  le  fond 
du  liquide.  Ces  considérations  sont  devenues 
familières  aux  chimistes. 

229.  Il  y  a  apparence  qu'indépendamment  de 
la  lenteur  de  l'action  qui  dépend  de  la  faiblesse 
de  l'affinité  ,  les  substances  sont  distinguées  par 
une  propriété  que  Ion  peut  comparer  à  la  pro- 
priété conductrice  de  la  chaleur  que  je  vais 
examiner  ;  de  sorte  que  dans  quelques-unes 
l'action  a  une  lenteur  particulière  qui  est  indé- 
pendante de  son  énergie;  ainsi  quoique  l'acide 
sulfurique  exerce  d'abord  une  action  vive  sur 
l'eau  ,  quoiqu'il  la  retienne  fortement ,  il  par- 
vient cependant  difficilement  à  une  dissolution 
uniforme ,  de  manière  à  ne  pas  laisser  apper- 
cevoir  de  stries  ,  lorsqu'on  interpose  le  liquide 
entre  l'œil  et  la  lumière  :  il  en  est  de  même 
de  l'alcool,  pendant  que  l'acide  muriatique  et 
l'acide  acétique  acquièrent  beaucoup  plus  promp- 
tement  l'uniformité  de  dissolution. 

(1)  Journ.  des   Manufactures  et  des  Arts. 


DES    LIMITES    DE    LA    C  031  B  I3f  A  I  SO  N.     4l5 

Les  effets  hygrométriques  sont  dus  ,  ainsi  que 
la  dissolution  d  un  sel ,  à  la  tendance  à  la  com- 
binaison d'une  substance  j^our  l'eau  qui  est 
tenue  en  dissolution  par  Tair.  On  observe  ë^^a- 
lement  que  l'action  des  substances  hverométri- 
ques  se  rallentit  à  mesure  qu  elle  approche  di* 
terme  extrême  ,  et  quelques-unes  de  ces  subs- 
tances parcourent  les  différents  degrés  avec 
beaucoup  plus  de  rapidité  que  d'autres;  ains» 
le  cheveu  a  un  effet  plus  prompt  que  la  baleine  : 
cette  différence  ne  dépend  pas  de  la  faiblesse  d© 
la  puissance  hygrométrique  ;  car  la  chaux  qui 
l'exerce ,  au  moins  avec  autant  d'énergie  que  là 
muriate  de  chaux,  produit  cependant  son  effet 
beaucoup  plus  lentement;  il  faut  donc  qu'elle 
soit  due  à  une  faculté  plus  ou  moins  grande  d© 
propagation  qui  distingue  les  sul)stanccs,  et  qui 
est   indépendante  de  l'énergie   de   l'affinité 

La  lenteur  de  l'action  des  fluides  élastiques 
est  très-grande ,  lorsque  la  force  qui  tend  à  en. 
produire  la  combinaison  est  faible  ;  ainsi  le  gaz 
oxigène  ne  dissout  que  lentement  l'acide  carbo» 
nique,  ce  n'est  que  dans  un  espace  de  temps 
très-long  qu'il  épuise  son  action  sur  le  fer  ; 
quoique  les  sulfures  d'alcali  exercent  une  action 
assez  vive  sur  l'oxigène  ,  ce  n'est  cependant 
qu'avec  lenteur  qu'ils  l'absorbent ,  l'air  acquiert 
difficilement  le  degré  extrême  d'humidité  et  ce- 
pendant la  vapeur  dç  l'eau  parvient  jjromptement 


4lÔ  STATIQUE     CHIMIQUE. 

danslevideaudegrëde  tension  qiiepeutluidohhéf 
la  température  :  quelques  substances  odorantes 
au  contraire  se  dissolvent  et  se  disséminent  rapi* 
dément  dans  un  espace  étendu  de  ratmosplièrc. 
On  accélère  également  Faction  des  fluides  élas- 
tiques par  l'agitation  qui  rapproche  les  parties 
les  moins  saturées  ,  et  il  est  probable  quil  peut    • 
s'établir  ,  par  les  différences  de  pesanteur  spéciil- 
que  ,  des  courants  qui  accélèrent  1  équilibre  de 
saturation  ,   comme  dans  les  liquides  ;  mais  ces 
effets  doivent  également  varier  selon  la  position    , 
de  la  substance  qui  se  dissout  ou  qui  entre  en 
combinaison ,  et  ils  doivent  se  compliquer  avec   ,^ 
ceux  de  la  température. 

.aao.  La  faculté  de  se  combiner  plus  promple- 
ment   avec   une  substance  qu'avec  une    autre  , 
produit  quekjuefois  des  précipitations  que  l'on 
peut  regarder  comme  accidentelles  ,  et  qui  n'otit 
pas  lieu  si  les  circonstances  rendent  l'action  plus 
lente.    Bergman   observe   que   si   Fou  verse   de 
lacide   sulfuric[ue    concentré   sin^   les   solutions 
saturées  de  sulfate  de  potasse  ,  d'alun ,  de  sulfate 
de  fer  ,  de  muriate  mercuriel  corrosif  ou  d'autres 
sels  que  Feau  dissout  difFicilement  ,  ces  sels  se 
précipitent   subitement;   mais   si  Fon  ne  verse 
l'acide  sulfurique  que  par  petites  portions    et 
en   agitant  le  liquide,  ces  précipitations   n'ont 
pas  lieu.     On    observe    le    uième    phénomène 
en  mêlant  tout-à-coup  une  dissolution  aqueuse 


I>ES    LIMITES    DE    LV    COMBI?^ AlSO^T.      l^n 

lîe  muriate  de  baryte  avec  l'acide  muriatique 
concentré  ,  et  dans  un  i^rand  nombre  d'autres 
circonstances  où  l'on  Y(jit  un  précipité  se  for- 
mer dans  le  premier  moment  du  mélange ,  et 
ensuite  se  redissoudre  lentement  ou  plus  piomp- 
tement  par  le  secours  de  lagitation  ou  de  la 
chaleur. 

Si  l'amnité  exige  un  temps  plus  ou  moins 
long  pour  produire  des  combinaisons  ,  cet  effet 
n'est  pas  moins  marqué  dans  l'action  réciproque 
des  molécules ,  par  lesquelles  elles  adhèrent  et  for- 
ment des  cristallisations;  mais  si  le  mouvement 
qu'on  leur  imprime  peut  accélérer  la  formation 
des  cristaux  en  amenant  les  positions  des  molé- 
cules qui  lui  sont  le  plus  favorai)ies,  il  faut 
qu'il  soit  assez  modéré  pour  déterminer  seu- 
lement la  première  formation  des  cristaux  ,  qui 
doivent  ensuite  se  compléter  au  milieu  du  calme 
pour  que  la  ciistallisation  ])uisse  être  réguhère. 

Il  paraît  que  faction  par  laquelle  les  molé- 
cules d'un  solide  adhèrent  mutuellement ,  se 
prolonge  fort  au-delà  du  moment  où  elles  entrent 
en  contact  ;  car  l'on  éprouve  souvent  qu'un  préci- 
pité qui  s'est  formé  récemment  dans  un  liquide, 
acquiert  peu-à-peu  une  dureté  considérable ,  sans 
qu'on  puisse  fattri^uer  à  une  autre  cause ,  et 
que  différents  corps  se  durcissent  par  la  vétusté 
depuis  même  que  leur  évaporation  a  cessé. 
u3i.  Les  coips  présentent ,  rcdativement  à  la 


4l8  STATIQUE    C  II  IMIQTjC 

communication  de  la  chaleur  ,  une  propriété 
analogue  à  celle  que  je  viens  d'observer  ;  pen- 
dant cjue  la  différence  de  température  entre 
deux  corps  est  grande  ,  la  communication  est 
prompte  ;  mais  elle  se  ralentit  lorsque  ces 
corps  approchent  d'une  saturation  uniforme  ; 
ainsi  lorsqu'on  plonge  un  thermomètre  dans  un 
liquide  beaucoup  j)lus  chaud  ou  beaucoup  plus 
ftoid  ,  son  ascension  ou  son  abaissement  est 
d'abord  rapide ,  puis  sa  marche  se  ralentit  en 
ajjprochant  de  l'équilibre  de  température. 

Newton  a  supposé  avec  beaucoup  de  proba- 
bilité que  les  quantités  de  chaleur  qu'un  corps 
perd  dans  des  petits  espaces  de    temps  ,    sont 
proportionnelles  à  l'excès  de  sa  température  sur 
celle  du  milieu  ambiant  ;  ainsi  lorsqu'un  corps 
a  une    chaleur   qui  surpasse    celle   de   l'atmos- 
phère de    i8o    degrés,  la  quantité   de   chaleur 
qu'il  perdrait  dans  un  moment  donné  sera  double 
de  celle  qu'il  perdrait  dans  un  espace   égal  de 
temps  ,    si  sa   température    ne  surpassait  celle 
de  l'atmosphère  que  de  90  degrés ,   d'où  il  suit 
que  si  les  temps  étaient  en  proportion  arithmé- 
tique, les  décroissements  de  chaleur  seraient  en 
progression  géométrique,  et  que  la  chaleur  qui 
resterait,  considérée  comme  différence  entre  la 
température  du  corps  et  celle  de  l'air  es-térieur, 
suivrait  aussi  la  même  loi  (i). 
<i)  Crawford  on  aflimû  WU 


DES    LIMITES    DE    LA    C  OM  BIN  .\  I  S  0]>r.      f^ig 

Independamnient  de  celte  cause  générale  de 
ralentissement  dans  les  changements  de  tem- 
pérature  ,  les  corps  diffèrent  par  la  proprie'té  de 
communiquer  plus  ou  moins  facilement  la  clia- 
leur ,  d'être  plus  ou  moins  bons  conducteurs. 

La  communication  inégale  de  la  cliaiear  à  des 
corps  qui  parviennent  cependant  à  une  tempé- 
rature uniforme  ,  est  remarquable  dans  une 
observation  que  rapporte  Dehic  :  il  avait  fait 
pour  ses  hygromètres  une  monture  dans  laquelle , 
par  une  combinaison  du  verre  et  du  cuivre  , 
les  effets  de  la  chaleur  sur  ces  deux  substances 
se  compensaient ,  pourvu  que  les  changements 
de  température  fussent  lents  :  mais  s  ils  étaient 
brusques  en  passant  du  chaud  au  froid  ,  ré- 
chauffement plus  prorapt  du  cuivre  produisait 
un  racourcîssement  dans  la  substance  hygros- 
copique  cpi'il  servait  à  fixer,  et  ce  racourcis- 
sement  était  suivi  d'un  effet  contraire  produit 
par  la  dilatation  plus  lente  du  verre  (i). 

Cette  propriété  a  sur^^tout  été  observée  entra 
les  solides  qui  la  présentent,  sans  qu'une  cause 
étrangère  en  altère  les  résultats  ;  mais  les  li- 
quides la  possèdent  également ,  et  de  là  vient 
que  les  thermomètres  à  lalcool  ont  une  marche 
plus  lente  que  c^ux  à  mercure  ,  comme  l'a 
observé  Crawford  ;  mais  dans  les  liquides  il  faut 
iljstinguer  les  effets  qui  sont  dûs  à  la  locomotion 

(i)  Tians.  pliilos.    i'/<).i> 


4'10  STATIQUE     CHIMIQUE. 

de  leurs  parties,  de  ceux  qui  dépendent  de    la 
faculté  C(.>nducLiice. 

L'agitation  produit  dans  la  communication  de 
la  chaleur  un  effet  semblal)le  à  celui  que  nous 
avons  remarqué   pour  la   dissolution  ;    en  rap- 
prochant les  parties  les   plus  distantes  par   Ll 
température ,  elle  accroît  leur  action  réciproque 
et  accélère  réquiiihre   de   température  :    il  sé- 
tablit  aussi  par  la  différence  de  pesanteur  spé- 
cifique une  circulation  qui  éloigne  du  point  où 
la  chaleur  est  communiquée,  la  partie  la  plus 
échauffée ,  et  y  conduit  la  partie  la  moins  di- 
latée ;  mais  ces  effets  qui  sont  dûs  à  une  même 
cause  suivent  une  marche  opposée  ,  parce  que 
la  pesanteur   spécin([ue    diminue   dans  un    cas 
et  augmente  dans  fautre  ;    de   sorte   qu'il  fimt 
appliquer  à  la  chaleur  qui  est  communiquée  à 
la   partie    inférieure    dun   liquide,   ce  que  j'ai 
observé  sur  la  dissolution  d'un  sel  qui  s  opère 
à  la  surface  (228). 

ir  résulte  de  là  que  l'on  doit  observer  une 
grande  différence  dans  la  communication  de  la 
chaleur ,  selon  qu'elle  se  fait  par  la  partie  infé- 
rieure ou  par  la  partie  supérieure  d'un  liquide  ;  la 
dernière  doit  être  beaucoup  plus  lente ,  puisqu'il 
y  a  un  effort  constant  des  molécules  à  se  tenir 
dans  des  couches  séparées  qui  n'ont  qu'une 
différence  graduelle  et  légère  de  température  , 
pendant  que  dans  la  preniière  la  différence  dô 


DES   LI5IITES   DE    LA    COMBI^AISO^^      [\lt 

pesanteur  spécifique  tend  à  rapprocher  conti- 
nuellement les  parties  les  moins  échauffées  du 
centre  d'où  part  la  chaleur. 

Une  autre  cause  vient  encore  augmenter  cet 
effet  :  pendant  que  la  chaleur  pénètre  diffici- 
lement des  couches  supérieures  aux  inférieures, 
il  se  forme  à  la  surface  ,  des  vapeurs  qui  re- 
froidies ensuite  par  le  corps  qu  elles  rencontrent , 
font  place  à  celles  qui  les  suivent  ;  de  sorte 
que  le  liquide  perd  peu-à-peu  sa  température, 
par  les  parois  ({ui  le  contiennent ,  et  sur-tout 
à  la  surface  :  par  là  ,  la  communication  de  la 
chaleur  entre  les  différentes  couches  devient  de 
plus  en  plus   lente   et   difficile. 

Ces  différents  effets  doivent  être  distingués 
avec  soin  ,  lorsque  Ion  considère  les  phénomènes 
que  présente  la  communication  de  la  chaleur 
entre  des  corps  qui  se  trouvent  dans  différents 
états. 

La  résistance  qu'oppose  la  différence  dans  la 
faculté  conductrice,  produit  quelquefois,  soit 
dans  les  liquides  ,  soit  dans  les  solides  ,  une  dis- 
trihution  de  chaleur  dans  laquelle  une  substance 
paraît  la  prendre  presque  en  entier  ,  pendant 
qu'une  autre  éprouve  peu  de  changement  dans 
sa  température  ;   ainsi  lorsqu'une  substance  j^eu 

conductrice  se  trouve  en  concurrence  avec  d'autres 
corps,  la  chaleur  qui  pourrait  se  communiquer 
lentement  à  celte  substance ,  et  la  porter  à  l'uni- 


l\11  STATIQUE     CHIMIQUE. 

formitë  de  température ,  si  elle  était  contenue  a« 
ipilien  d'une  atmosphère  dont  elle  recevrait  peu- 
à-peu  la  chaleur,  passe  beaucoup  plus  mpidement 
aux  autres  corps  ,  pendant  qu'elle  se  comniu- 
nique  d'ime  couche  peu  conductrice  à  la  sui- 
•^ante;  elle  se  trouve  donc  promptement  afl'ai- 
Llie  et  comme  l'effet  saccroit  à  mesure  que  la 
température  baisse,  cette  substance  prend  à  peme 
luie  clialeur  sensible  à  une  petite  distance  du 
centre  de  l'émanation  du  calorique. 

232 .  La  propagation  de  l'action  chimique  a 
sur-tojit  un  caractère  particulier  dans  les  subs- 
tances composées  ,  selon  qu'elles  agissent  par 
inie  aftlnité  résultante  ,  ou  par  leurs  affinités 
élémentaires. 

Si  une  substance  agit  par  l'affinité  résultante, 
elle  produit  plus  ou  moins  promptement  son 
effet  ,  qui  ne  se  ralentit  sensiblement  que  lors- 
que son  action  se  trouve  très-affaiblie  ;  elle  se 
comporte  comme  les  substances  simples;  mais 
si  elle  agit  par  ses  aflinités  élémentaires ,  à  moins 
que  Fachon  ne  soit  très-vive ,  elle  prend  une 
lenteur  beaucoup  |)îus  grande  que  celle  qui 
ne  provient  que  de  la  faiiilesse  de  l'action  ;  ainsi 
lorsqu'on  mêle  de  l'acide  nitrique  avec  une  base 
alcaline,  on  parvient  promptement  à  l'amener 
à  1  état  de  neutralisation  ,  même  lorsque  l'aci- 
dité et  l'alcalinité  sont  très-affaiblies  par  une 
grande   quantité   d'eau  ;   mais   lorsqu'on    mêle 


T>ES    LIMITES   DE   LA    COMBINAïSOlV.      ^1^ 

l'acide  nitrique  et  l'acide  miiriatique  ,  quoiqu'on 
emploie  une  agitation  suffisante  ,  Foxigène  se 
sépare  lentement  de  l'azote  pour  se  combiner 
avec  l'acide  muriatique  ,  et  s'exhaler  avec  lui 
en  acide  muriatique  oxigéné  ;  l'acide  nitrique 
dissout  insensiblement  d'un  autre  côté  le  gaz 
nitreux  pour  rester  combiné  avec  une  autre 
portion  de  l'acide  muriatique  ,  dans  l'état  d'acide 
nitro-muriatique.  Ce  n'est  qu'au  bout  d'un  long 
espace  de  temps  que  les  forces  qui  peuvent 
agir  parviennent  à  un  état  d'équilibre. 

De  là  vient  que  souvent  une  substance  com- 
mence à  agir  par  une  affinité  résultante  ,  et 
qu'ensuite  elle  agit  lentement  par  ses  affinités 
élémentaires  ;  ainsi  une  dissolution  métallique 
par  l'acide  nitrique ,  change  souvent  de  nature 
lorsqu'on  la  conserve  ;  elle  perd  l'état  de  satu- 
ration c[u'elle  avait  d'abord,  le  métal  s'oxide  de 
plus  en  plus  ,  et  quelquefois  il  se  forme  une 
quantité  de  plus  en  plus  grande  d'ammoniaque, 
quoique  la  température  et  les  autres  circons- 
tances n'ayent  pas  été  favorables  à  ce  chan- 
gement. 

Plus  les  affinités  élémentaires  perdent  leur 
force  par  de  nouvelles  combinaisons  qui  pro^ 
duisent  un  plus  haut  degré  de  saturation,  plus 
leur  action  immédiate  est  diminuée  (i84);  plus 
elle  prend  de  lenteur.  Lorsque  Ton  verse  de  l'acide 
muriatique  oxigéné  sur  une  dissolution  de  fer 


'424  STATIQUE     CHIMIQUE. 

peu  oxidé  ,  ce  métal  s'oxide  bientôt  compleïe- 
ment ,  parce  que  Falfinitë  résultante  de  Tacide 
muriatique  oxigëiié  est  très-faible,  et  que  par 
conséquent  elle  apporte  peu  d'obstacle  à  l'action 
du  fer;  si  l'on  emploie  une  dissolulion  de  mu- 
riate  oxii^e'në  de  potasse ,  dans  lequel  Foxigène 
se  trouve  en  plus  grande  proportion  ,  mais 
reienu  par  une  plus  forte  affinité  résultante  , 
le  même  effet  ne  se  manifeste  qu'après  un  espace  . 
de  temps  beaucoup  plus  considérable  ,  et  se 
prolonge  davantage.  L'action  du  calorique  ,  qui 
diminue  la  force  résultante  ,  accélère  aussi  celle 
des  affinités  élémentaires  ;  de  sorte  que  dans  l'ex- 
périence précédente  on  peut  obtenir,  par  son 
moyen  ,   un  effet  très-prompt. 

Lorsque  le  1er  décompose  Tacidc  nitrique  et 
en  dégage  le  gaz  nitreiix  ,  son  action  est  quelque- 
fois très-l^'iite  dans  le  commencemeni  ,  et  ménie 
si  Facide  a  trop  peu  de  concentration  ,  et  si  la 
température  est  trop  basse  ,  elle  a  de  la  jjeine 
à  s'établir  ;  Faction  devient  ensuite  vive  et  tu- 
multueuse,  quoique  l'état  des  proportions  lui 
devientie  de  ]>lusen  plus  défavorable  ;  c'est  que 
la  cbaleur  qui  se  dégage  diminue  proportioii- 
nellemeiit  Feffet  de  Faffinité  résultante  ;  elle  agit 
aussi  sur  le  fer,  en  diminuant  sa  force  de  colié- 
sion;  mais  dans  cette  circonstance  cet  effet  est 
très-petit  relativement  à  Fautre. 

Cette  lenteur  d'action  dans  Faffinité  résultante 


DES   LIMITES   DE    LA    C  OMBIN  ATSOIT.      ^^^ 

se  remarque  dans  les  dissolutions  métalliques 
que  Ton  mêle ,  et  dans  lesquelles  les  métaux  se 
trouvent  à  différents  termes  d'oxidation  :  ce  n'est 
qu'après  un  temps  plus  ou  moins  long  qu'ils 
parviennent  à  une  oxidation  uniforme  ,  et  qu'ils 
prennent  les  proportions  d'acide  qui  conviennent 
à  leur  état ,  soit  pour  rester  en  combinaison 
liquide  ,  soit  pour  foriner  des  précipités  ;  mais 
comme  mon  opinion  diffère  ,  relativement  à 
ces  derniers  pliénomènes ,  de  celle  qui  est  le  plus 
généralement  adoptée  ,  j  en  renvoie  la  discussion 
à  une  autre  partie  de  cet  ouvrage. 

233.  Les  considérations  que  j'ai  présentées 
dans  ce  chapitre  font  voir  combien  il  est  im- 
portant ,  pour  estimer  les  effets  de  l'action  chi- 
mique ,  de  porter  son  attention  sur  sa  propa- 
gation et  sur  les  circonstances  qui  peuvent  la 
modifier  ,  et  combien  Ton  pourrait  se  tromper 
si  l'on  posait  pour  limites  de  l'affinité  dune 
substance  ,  les  combinaisons  qu'elle  jjcut  pro- 
duire dans  les  premiers  moments  où  elle  agit. 

Lorsque  l'action  chimique  est  faible  ,  sa  pro- 
pagation est  lente  ;  de  sorte  qu'il  est  facile  detre 
induit  en  erreur  si  l'on  se  haie  trop  den  saisir 
le  résultat  :  l'on  a  vu  ainsi  beaucoup  de  combi- 
naisons, que  Ton  ne  regardait  pas  comme  pos- 
sibles ,  se  réaliser  en  employant  le  temps  né-» 
cessaire  :  je  choisirai  deux  exemples  dans  le 
grand  nombre  qui  se  présentent. 


2il6  STATIQUE     CHIMIQUE, 

On  regardait  le  gaz  hydrogène  comme  une 
fiubstance  que  son  élasticité  garantissait  de  l'ac- 
tion de  Tacide  muriatique  oxigéné ,  cependant 
Cruickshank  a  observé  qu'en  laissant  pendant 
vingt-quatre  heures  le  gaz  hydrogène  en  contact 
avec  le  gaz  muriatique  oxigéné  ,  il  se  fesait  une 
décomposition  complète  de  l'acide  muriatique 
oxigéné ,  qui  revenait  à  l'état  d'acide  muriatique , 
pendant  que  l'hydrogène  formait  de  l'eau  :  la 
décomposition  lente  du  gaz  hydrogène  carburé 
a  eu  également  lieu  avec  le  gaz  nmriatique  oxi- 
géné f  i\  et  il  en  est  résulté  de  l'eau  et  de  l'acide 
carbonique.  C'est  par  le  moyen  dune  action 
très-lente  que  le  gaz  hydrogène  s'est  changé  dans 
la  irermination  en  gaz  oxicarburé  dans  les  obser- 
vations  de  Sennebier  et  de  son  intéressant  coo- 
pérateur  Huber  (a]  ;  il  paraît  même  qu'ils  ont 
apperçu  que  lorscjue  l'on  abandonne  long-temps 
sur  l'eau  un  mélange  de  gaz  oxicarburé  et  de 
gaz  oxigène^  il  se  forme  peu-à-peu  de  l'acide 
carbonique. 

La  lenteur  de  la  propagation  de  l'action  chi- 
mique est  diminuée  par  les  moyens  qui  rappro- 
chent les  parties  dont  l'état  de  saturation  est 
le  plus  éloigné  ;  c'est  ainsi  que  l'agitation  produit 
un  équilibre  plus  prompt  de  saturation  dans 
les  hquides  et  dans  les  fluides  élastiques. 

(i^  Blbl.   Britan.   tom.    XVIII. 
(i)  Méui.  bur  la  Gerininatiou. 


DES    LIMITES    DE   LA    COMB  I?î  AISOTT.      t\lf 

La  différence  rie  pesanteur  spécifique  qui  tend 
à  tenir  dans  Feloisnement  les  couches  d  un  li- 
quide  ,  qui  sont  distantes  par  la  saturation  ,  lors- 
que Teau  dissout  un  sel  auquel  elle  est  super- 
posée, produit  un  effet  différent  lorsque  la  dis- 
solution s'établit  à  la  surface  ;  il  s'établit  alors 
lui  courant  qui  apporte  le  liquide  le  moins  sa- 
turé à  la  surface  du  sel  qu'il  doit  dissoudre  , 
et  l'effet  de  cette  circulation  est  le  même  que 
celui  de  Tagitation  :  il  met  en  contact  les  parties 
dont  la  saturation  a  le  plus  de  différence  ,  et  il 
accélère  l'action  réciproque. 

Indépendamment  de  l'énergie  de  leur  action  , 
les  substances  paraissent  avoir  une  disposition 
différente  à  produire  plus  ou  moins  prompte- 
ment  les  combinaisons  qu'elles  forment  :  elles 
sont  plus  ou  moins  conductrices  de  l'action 
chimique  ,  et  lorsque  cette  propriété  varie  à 
un  certain  degré ,  elle  peut  occasionner  d'abord 
des  combinaisons  auxquelles  une  action  plus 
lente  en  substitue  d'autres  jusqu'à  ce  que  l'équi- 
libre d'affinité  soit  parvenu  à  s'établir. 

Les  corps  ont ,  relativement  à  la  chaleur  ,  une 
propriété  analogue  à  la  précédente;  ils  en  sont 
plus  ou  moins  conducteurs  :  la  propagation  de 
la  chaleur  est  aussi  beaucoup  phis  rapide  lors- 
qu'il se  trouve  une  grande  distance  dans  les 
températures  ;  en  sorte  que  dans  les  liquides  et 
dans  les  fluides  élastiques  ,  l'agitation  ou  la  cir- 


?;28  ETATIQUE     CHIMIQUE. 

culation  qui  s  établit  en  raison  des  différence* 
de  pesanteur  spécifique  ,  y  produit  les  mêmes 
effets  que  l'on  observe  dans  la  dissolution  des 
sels  :  il  faut  donc  faire  entrer  dans  l'explica- 
tion des  phénomènes  dûs  à  la  communication 
de  la  chaleur  dans  les  liquides  et  les  fluides 
élastiques  ,  leur  propriété  conductrice  ,  la 
distance  des  températures  et  les  effets  de  la 
pesanteur  spécifique  qui  fait  varier  la  position 
de  leurs  molécules.  (  Note  XVI.  )  La  chaleur 
intervient  dans  les  dissolutions,  et  par  le  mou- 
vement qu'elle  occasionne  en  changeant  les  pesan- 
teurs spécifiques ,  et  par  la  diminution  qu'elle 
apporte  dans  la  résistance  de  la  cohésion  ,  elle 
établit  par  là  une  plus  grande  différence  entre 
les  forces  opposées. 

L'analogie  que  j'ai  indiquée  entre  les  combi- 
naisons du  calorique  et  les  autres  combinaisons 
chimiques,  vient  se  réunir  ici  à  celle  que  nous 
observons  entre  la  propagation  de  l'action  chi- 
mique qui  produit  les  dissolutions  et  celle  de 
la  chaleur  qui  tend  à  se  mettre  en  équilibre  dans 
les  corps  qui  diffèrent  par  la  température. 

Dans  les  substances  composées  ,  sur-tout  lors- 
qu'elles contiennent  des  éléments  naturellement 
gazeux,  l'afiinité  résultante  est  beaucoup  plas 
prompte  dans  son  action  que  les  affinités  élé- 
mentaires, même  lorsque  les  forces  qui  lui  sont 
opposées  suffisent  pour  la  détruire  ,   à   moin^ 


DES    LIMITES    DE   LA   COMBINAISON.      4^9 

qu'elles  n'aient  une  grande  prépondérance  ,  d'où, 
il  resuite  que  Ton  voit  souvent  une  combinaison 
se  former  par  une  affinité  résultante,  et  faire 
place  peu-à-peu  à  l'action  des  affinités  élémen- 
taires. 


NOTES    DE   LA  V^   SECTION. 


NOTE    XIII. 


jtXPRÈs  avoir  établi  que  Tacide  phosphorique  que  l'on 
■obtient  en  dissolvant  les  os  calcinés  dans  l'acide  sulfu- 
rique,  ne  retient  pas  de  quantité  sensible  du  dernier,  et 
qu'on  en  sépare  tout  le  sulfate  de  chaux  par  la  cristal- 
lisation,  pourvu  qu'on  n'ait  pas  employé  une  trop  grande 
proportion  d'acide  sulfurique  ,  qu'il  restreint  pour  cetta 
raison  à  quatre  parties  sur  six  d'os  calcinés  j  Bonvoisia 
fait  voir,  ainsi  que  je  l'ai  dit,  que  l'acide  phos[)liorIque 
fetient  ime  portion  de  cliatix  :  il  a  prouvé  qu'en  le  satu- 
fant  avec  l'ammoniaque  ,  on  produisait  un  précipité  qui 
était  un  phosphate  de  chaux  ,  comme  l'avait  déjà  observé 
Bergman  ,  et  qu'une  partie  seulement  de  la  chaux  était  pré- 
cipitée par  l'ammoniaque  ;  de  sorte  que  le  liquide  saturé 
,  re  donnerait  qu'un  phosphate  d'ammoniaque  et  de  chaux 
analogue  au  phosphate  de  magnésie  et  d'ammoniaque,  que 
Fourcroy  a  fait  connaître;  il  a  observé  qu'après  la  fin  de 
JUi  préciplutlpa  par  l'iumnoiiiaque  ^  on  obtenait  ^   par  le 


43o  STATIQUE     CHIMIQUl!. 

moyen  du  carbonate,  un  nouveau  précipité,  qui  était  clu 
carbonate  de  chaux,  et  que  l'on  pouvait  précipiter  auisi  en 
carbonate  de  cbaux  toute  la  chaux  tenue  eu  dissolution 
par  l'acide  phos^>horique  5  de  sorte  qu'il  a  conseillé  d'em- 
ployer ce  procédé  en  fesant  évaporer  et  cristalliser  le 
phospha'e  d'ammoniaque  après  la  précipitation,  pour  faire 
la  préparation  du  phosphore  et  tirer  de  l'acide  phospiio- 
rique  tout  l'avantage  possible  :  il  a  même  prétendu  que 
l'on  pouvait ,  par  ce  moyen  simple ,  se  procurer  un  acide 
phosphorique  parfaicement  pur  ,  en  chassant  l'ammoniaque 
par  la  chaleur  dans  un  vase  d'argent.  Ces  expériences  m'ont 
paru  exactes  ,  si  ce  n'est  que  le  précipité  par  le  carbonate 
d'ammoniaque  n'est  pas  dépourvu  de  phosphate  de  chaux  y 
et  que  le  phosphate  d'ammoniaque  retient  encore  une 
portion  assez  considérable  de  chaux  que  l'on  peut  y 
rendre  sensible,  en  mêlant  à  sa  dissolution  du  carbonate 
de  potasse  ou  de  soude  ;  de  sorte  que  ce  sel  est  très-con- 
venable pour  l'opératioïi  du  phosphore,  mais  que  l'acide 
phosphorique  qu'on  en  obtient  n'est  pas  aussi  pur  que 
celui  que  donne  la  combustion  du  phosphore  qu'on  sature 
ensuite  d'oxigène  ,  en  le   traitant  avec  l'acide    nitrique. 

Gay  Lussac  a  trouvé  le  moyen  d'obtenir  immédiatement 
l'acide  phosphorique  encore  plus  dépouillé  de  chaux  que 
par  le,  procédé  précédent.  Ce  moyen  consiste  à  ajouter  de 
l'acide  oxalique  à  l'acide  phosphorique  ,  épaissi  et  débar- 
rassé de  sulfate  de  chaux  5  alors  il  mêle  une  quantité 
considérable  d'alcool  qui  dissout  l'acide  phosphorique ,  et 
laisse  l'oxalate  de  chaux  ;  cependant  il  est  resté  encore 
dans  les  épreuves  ime  très -petite  proportion  de  chaux 
«nie  à  l'acide  phosphorique.  On  a  cru  que  l'alcool  ne 
dissolvait  pas  l'acide  phosphorique ,  et  Bouelle  qui  lit  dans 
le  temps  des  observations  intéressantes  sur  le  procédé  que. 
l'on  venait  de  faire  connaître  sous  le  nom  de  Schéele  (i)| 

^i)  Journ.  de  Médeciue ,  octoire  i777.«, 


DES    LIMITES    DE    LA.    COMBINAIS  Oîf.      t\Zl 

t'en  servit  pour  précipiter  l'acide  phos[)horif|ue  des  os  qui 
avaient  été  dissous  dans  l'acide  nitrique,  après  avoir  séparé 
une  partie  de  la  chaux  par  le  moyen  de  l'acide  sulfuriquej 
mais  le  précipité  que  l'on  obtient  est  un  phosphate  acidula 
de  chaux,  et  par  des  lotions  répétées  on  le  réduirait  en 
jjhosphale  de  chaux. 

La  propriété  de  former  un  verre  transparent  et  déli- 
quescent ,  n'est  pas  une  preuve  que  l'acide  phosphorique» 
ne  retient  point  de  chaux  ;  car  Bon  voisin  a  obtenu  un 
verre  pareil  d'un  acide  phosphorique  qu'il  avait  saturé 
d'ammoniaque,  et  de  celui  pour  lequel  il  avait  employé 
le  carbonate  d'ammoniaque;  or,  le  premier  contenait  encore 
une  proportion  considérable  de  chaux,  ainsi  qu'il  résuit© 
de  ses  propres  expériences  ,  et  le  dernier  en  retenait  encora 
wne  portion. 

Fourcroy  et  Vauquelin  prétendent  que  le  carbonate  d'am- 
moniaque n'a  pas  la  propriété  de  décomposer  le  phosphate 
de  chaux,  et  de  précipiter  du  carbonate  de  chaux 5  il  faut 
<|u'ils  aient  tait  l'expérience  sur  un  phosphate  de  chaux 
calciné ,  dont  la  force  de  cohésion  sera  devenue  un  obs- 
tacle à  l'action  du  carbonate  d'ammoniaque  ;  mais  ce  n'est 
pas  dans  ce  cas  que  Bonvoisin  a  fait  cette  décomposition» 

Je  ne  suis  pas  encore  d'accord ,  avec  mes  savants  col- 
lègues ,  sur  l'emploi  de  l'acide  oxalique  pour  précipiter  la 
chaux  de  l'acide  phosphorique  ,  et  par  le  moyen  duquel 
ils  ont  cherché  à  déterminer  la  proportion  de  chaux  qui 
est  dans  l'émail  des  dents  :  je  suis  à  cet  égard  de  l'opinioa 
de  Bonvoisin ,  qui  prouve  par  ses  expériences  que  l'acide 
oxalique  ne  précipite  qu'une  partie  de  la  chaux  qui  est 
tenue  en  dissolution  par  un  acide ,  et  cet  effet  est  d'autant 
plus  petit,  que  l'excès  d'acide  qui  s'oppose  à  la  formation 
de  l'oxalate  de  chaux  est  plus  grand  ,  puisque  l'oxalate  de 
chaux  est  soluble  dans  les  acides.  A  l'égard  du  procédé 
pour  la  préparation  du  phosphore,   c'est  à  l'expérieace  ît 


432  STATIQUfi     CHIMIQUE. 

décider  par  la  comparaison  des  frais,  entre  celui  de  Bonvoisin  f 
et  celui  coiiseillé  par  Giobert,  Fourcroy  et  Vauquelin  , 
et  qui  consiste  à  précipiter  l'acide  pliosphorique  par  le 
nitrate  ou  i'acétite  de  plomb  pour  se  servir  ensuite  de  ce 
précipité  j  cependant  ce  qui  me  donnerait  quelque  préjugé, 
contre  ce  dernier  procédé  ,  c'est  que  le  phosphate  de 
plomb  est  soluble  dans  les  acides  ;  de  sorte  qu'une  partie 
peut  rester  en  dissolution  5  Trommsdorff  affirme  de  plus 
que  le  plomb  réduit  qui  reste  dans  la  cornue  qui  a  servi  à 
l'opération  du  phosphore,  est  du  phosphure  de  ce  métal  (1). 

Il  faut  qu'il  y  ait  une  grande  différence  entre  le  phos- 
phate acidulé  dont  j'ai  tait  usage,  et  celui  qu'ont  employé 
Fourcroy  et  Vauquelin  ,  puisqu'ils  disent  qu'il  est  dissoluble 
dans  Ceau  avec  absorption  de  calorique ^  pendant  que  le 
mien,  quoique  préparé  de  différentes  majjlères,  n'a  jamais 
été  dissoluble  qu'en  partie,  et  en  se  partageant  en  deux 
combinaisons  différentes  ,  ainsi  que  je  l'ai  exposé.  D'un 
autre  côté  Bonvoisin  dit  que  ce  sel  est  insoluble  dans 
l'eau. 

Dans  le  savant  mémoire  dans  lequel  Vollaston  a  décrit 
les  substances  et  les  combinaisons  que  l'on  trouve  dans 
les  calculs  humains  (2)  ,  et  qui  sont  l'acide  lithique,  soit 
qu'on  doive  le  regarder  comme  un  acide,  ou  selon  l'opi- 
nion de  Pearson  ,  comme  un  oxide  5  l'oxalate  de  chaux 
qui  caractérise  le  calcul  mural  ^  le  phosphate  ammoniaco- 
niagnésien  ,  et  le  phosphate  calcaire  qui  donnent  à  quelques 
esjièces  de  calcul  une  apparence  cristalline  ,  il  trouve  une 
différence  entre  ce  phosphate  de  chaux  et  celui  qui  entre 
dans  la  composition  des  os  ,  et  il  paraît  regarder  ce  der-  . 
nier  comme  un  phosphate  avec  excès  de  chaux  5  cependant 
cet  excès  n'est  dû  qu'au  carbonate  de  chaux  que  Fourcroj] 

j(r)   Ann.  de   Chim.   ton».  XXXJV. 
j^a)  Traas.  philos,  i7^1% 


»ÉS    LIMITES    DE    LA    COMBIN  AlSOïf.      ^35 

a  indiqué  ,  et  dont  Hattchet  a  prouvé  directement  IVxis- 
lonce  :  en  effet,  la  cliaux  ne  pourrait  se  conserver  en 
excès  au  milieu  d'autres  substances  qui  ont  une  assez  forts 
t'.Jidance  à  se   combiner  avec  elle. 


NOTE    XIV. 


Si  les  observations  que  j'ai  présentées  ne  me  font  pas 
illusion ,  lorsque  l'affinité  produit  une  combinaison  ,  les 
propriétés  particulières  des  éléments  de  cette  combinaison 
éprouvent  une  saturation  plus  ou  moins  grande  ,  et  ainsi 
modifiées,  elles  donnent  naissance  à  celles  de  la  combi- 
naison :  il  s'établit  sur-tout,  dans  les  substances  qui  n'étaient 
pas  dans  l'état  élastique  ,  des  proportions  très- varia  blés  , 
selon  les  quantités  de  celles  qui  exercent  une  action  mu- 
tuelle ,  et  selon  les  causes  qui  la  favorisent  ou  qui  lui 
sont  opposées  ;  la  figure  des  éléments  ne  paraît  avoir  qu'une 
faible  influence  sur  la  formation  de  la  combinaison  ,  sur  ses 
proportions  et  sur  ses  propriétés  chimiques.  La  forme  des 
molécules  intégrantes  de  la  combinaison  étant  un  résultat 
de  l'action  réciproque  de  ses  éléments  et  de  celle  du  calo- 
rique,  elle  doit  être  la  même,  ou  à-peu-prés  la  mèm© 
dans  les  combinaisons  de  même  es(.èce  ;  m^s  elie  j.eut 
encore  se  trouver  la  même  dans  dei  combinaisox.s  très- 
éloignées  :  c'est  un  résultat  sembhible  qui  peut  dériver  de 
1  action  réciproque  de  substances  très-différentes. 

Lorsqii'ensuite  les  molérules  intégrantes  exercent  une 
action  réciproque  très-faible,  et  qu'elles  tendent  à  se  grou[)er 
dans  la  cristallisation  ,  leur  figure  doit  avoir  une  influence 
très-grande,  et  les  résultats  de  cette  faible  action  doivent 
lui  être  subordonnés  et  être  assez  constants  :  alors  naissent 


^34  STATIQUE     CniMTQtlî: 

les  phénomènes  particuliers  de  la  cristalUsatlon  et  les  rap- 
ports de  structure  qui  ont  été  développés  avec  tant  de 
6Upériorfté  parllauyj  mais  si  l'action  réciproque  est  trop 
Tive,  si  ses  effets  sont  trop  rapides  ou  s'ils  sont  contrariés 
par  des. obstacles,  la  figure  des  molécules  ne  peut  inter- 
venir ,  et  cependant  la  substance  composée  jouit  de  toutes 
les  propriétés  qui  dépendent  de  sa  tendance  à  la  combi- 
naison ,  ou  de  sa   force  de  cohésion. 

Ces  principes  sont  contradictoires  avec  ceux  qui  ont 
servi  de  base  au  système  minéralogique  de  Hauy  5  cepen- 
dant la  profonde  estime  que  m'inspirent  ses  lumières  et 
ses  savants  travaux,  m'engagea  entrer  dans  une  discussion 
qui  puisse  servir  à  fixer  la  communication  que  la  chimie 
et  la  minéralogie  doivent  entretenir  entre  elles  ,  et  que 
Hauy  lui-même  n'a  pas  eu  l'intention  d'interrompre  :  je 
considérerai  dans  cette  discussion  les  résultats  de  l'obser- 
vation minéralogique  beaucoup  plus  que  ceux  que  Pou  peut; 
recueillir  des  phénomènes  chimiques  isolés. 

En  parlant  de  la  méthode  qu'il  a  adoptée  pour  la  classifica- 
tion des  minéraux  :  ce  Je  me  suis  d'abord  déterminé  ,  dit  Hauy, 
,>  à  en  diriger  la  marche  autant  que  je  le  pourrai,  d'après 
„  les  résultats  de  la  chimie.   Où  trouver  en  effet  des  rap- 
,>  ports   plus  propres  à  lier  étroitement  entre  elles  diverses 
»  substances  minérales  ,  que  ceux  qui  sont  fondés  sur  l'exis- 
»  tence  d'un  principe  identique?  Où  trouver  des  différences 
a>  plus  trancï^ées  entre   les   mêmes  substances  ,  que   celles 
»  qui  dépendent  des  principes  particuliers  à  chacune  d'elles  ^ 
^  Or  ,    classer  les  êtres    d'un    même  règne  ,   c'est   établir 
3,  entre  eux  une  comparaison  suivie,   d'après  les   rapports 
»  qui  les   lient   et  les  différences   qui  les   séparent.    Cette 
»  comparaison  sera  donc  la  plus  exacte,  et  en  môme  temps 
.,  la  plus  naturelle  possible,   celle  qui  prêtera  le   moins   à 
..  l'arbitraire,  si  le  moyen  choisi   pour  l'établir  est  celui 
>,  qui   nous  dévoile  la  composition    intime  et   le  fond  ua 


Î)ES  LIMITES  DE  LA  COMBIÎÎ  A ISOX.  /\3i 
->  chaque  siibslf nce,  qui  nous  apprend  ce  qu'elle  est  en 
»  elle-même,  plutôt  que  celui  qui  ne  nous  en  montre  que 
»  les  alentours  ,  ou  tout  au  plus  les  effets  extérieurs. 

»  Remarquons,  avant  d'aller  plus  loin,  qu'il  y  a  dans 
»  le  cas  présent  deux  problèmes  à  résoudre.  Le  premier 
»  consisîe  à  diviser  et  à  sous-diviser  l'ensemble  des  subs- 
?>  tances  que  doit  embrasser  la  méthode  ,  de  manière  que 
»  chacune  y  soit  à  sa  véritable  place.  C'est  ce  qu'on  appelle 
7n  classer,  lue  second  a  pour  objet  de  fournir  des  moyens 
»  faciles  et  commodes  pour  caractériser  tellement  chaque 
T»  substance,  que  l'on  puisse  la  reconnaître  par-tout  où  elle 
a>  se  présente ,  et  retrouver  dans  la  méthode  la  place  qui 
»  lui  a  été  assignée  35. 

Il  résulte  manifestement  de  ces  considérations  pleines 
de  justesse,  que  les  propriétés  chimiques  qui  caractérisent 
les  minéraux,  doivent  servir  autant  qu'il  est  possible  à 
les  classer 5  et  en  effet,  Hauy  établit  seulement  sur  les 
caractères  chimiques  sa  première  division  en  quatre  grandes 
•classes. 

Toutes  les  sous-divisions  devront  ,  par  la  même  raison  , 
être  fondées,  autant  qu'il  est  possible ,  sur  l'analyse  chi- 
mique, lorsque  celle-ci  aura  mis  en  état  de  prononcer  sur 
la  composition ,  et  lorsque  des  propriétés  assez  prononcées 
n  exigeront  pas  une   classification  particulière. 

Mais  on  apperçoit  bientôt  qu'il  y  a  des  substances  qui 
ne  sont  qu'un  mélange  mécanique  ,  pendant  qu'il  y  en 
a  d'autres  qui  sont  dans  un  état  de  combinaison  ;  or  , 
quoique  les  premières  puissent  être  dans  un  état  aussi 
constant  que  les  autres,  il  est  clair  qu'elles  doivent  être 
distinguées,  même  lorsque  l'analyse  chimique  indiquerait 
des   quantités  semblables  des  mêmes  éléments. 

La  composition  d'une  substance  dont  les  parties  inté- 
grantes sont  dues  à  une  combinaison,  peut  être  astreinte 
«  des    proportions  fixes,  ou    bien   elle  peut  être  sujette   à 

a8.. 


'436  STATTQrE     CniMIQTl£. 

une  latîluJe  clans  les  proportions  y  qui  diminuerait  plus 
ou  moins  la  précision  de  la  métLode.  L'observation  prouve 
bientôt  que  c'est  la  dernière  de  ces  alternatives  qui  a 
lieu  dans  ie  plus  grand  nombre  de  cas  ;  de  sorte  qu'en 
suivant  le  guide  le  plus  stlr  ,  on  ne  peut  parvenir  à 
une  classification  qui  corresponde  rigoureusement  aux  élé- 
ments des  substances  minérales,  et  l'on  doit  renoncer  à 
une  précision  que  la  minéralogie  ne  comporte  pas. 

De  plus,  une  même  composition  dans  les  minéraux  peut 
cîonner  naissance  à  des  qualités  physiques  assez  diffé- 
rentes, pour  qu'il  soit  nécessaire  de  les  distinguer  5  ainsi 
l'on  ne  devra  pas  confondre  le  cristal  de  roche  avec  le 
silex  ,  quoiqu'ils  aient  une  même  compositvpn.  Il  faudra 
donc  souvent ,  dans  les  sous-divisions  ,  d'autres  caractères, 
anême  pour  les  substances  simples  ,  ou  dont  les  parties  inté- 
grantessont  dans  un  étatde  combinaison  ,  mais  ils  doivent  être 
subordonnés  aux  chimiques  ;  et  dans  touslescas  il  convient  de 
recueillir  tous  les  indices  faciles  à  reconnaître  ,  tels  que  ceux 
que  l'on  doit  au  célèbre  Werner ,  afin  qu'ils  puissent  servir  de 
signalement  à  la  composition  d'une  substance  ,  sans  qu'on 
ait  besoin   d'avoir  recours  à  l'analyse   chimique. 

Parmi  ces  caractères  secondaires  _,  se  trouvent  les  formes 
£e  la  cristallisation  ;  mais  quelle  est  la  valeur  qu'il  faut 
leur  attribuer  ?  C'est  ici  que  je  diffère  de  l'opinion  de 
Hauy,  qui  me  paraît  leur  avoir  donné  une  importance  beau- 
coup trop  grande,  et  qui ,  négligeant  les  principes  qu'il  a 
d'abord  exposés ,  n'établit  ses  espèces  et  ses  variétés  que 
sur  les  rapports  de  structure. 

Après  avoir  fait  voir  que  l'analyse  chimique  n'établit 
pas  toujours  les  différences  qu'on  doit  admettre  entre  les 
minéraux,  ce  que  je  ne  conteste  pas,  il  s'exprime  ainsi: 
«  Il  existe  un  caractère  beaucoup  plus  solide  et  plus  propre 
»  par  son  inrariabilité ,  c'est  celui  qui  se  tire  de  la  forme 
»  exacte  de  la  molécule  intégrante  ,  parce  que  cette  i'oviax 


DES   LIMITES    DE   LA    COMBIST AISOTT      4^7 

»>  existe  sans  aucune  altération  sensible,  indépendamment 
r>  de  toutes  les  causes  qui  peuvent  faire  varier  les  autres 
î3  caractères.  .... 

35  Dira-t-on  qu'il  y  a  des  formes  de  molécules  inté- 
»  grantes  qui  sont  communes  à  des  substances  de  diffé- 
»  rente  nature?  J'observerai  d'abord  que  cela  n'a  lieu  qu& 
»  pour  les  solides  qui  ont  un  caractère  particulier  de  ré- 
x>  gularité  ;  ensorte  que  dans  tous  les  autres  cas ,  la  forme 
3»  de  la  molécule  intégrante  suffit  seule  pour  en  déter-» 
»  miner  l'espèce.  Je  répondrai  ensuite  que  la  plupart  des- 
x>  substances  qui  ont  une  molécule  commune  (  et  il  en 
»  faut  dire  autant  de  celles  qui ,  comme  les  métaux  ductiles ^ 
o->  n'ont  jamais  le  tissu  lamolleux),  sont  faciles  à  distin- 
»  guer  par  d'autres  caractères  ;  par  exemple  :  le  cuba 
»  convient  ,  comme  molécule  intégrante  ,  k  la  magnésie 
»  boralée  ,  à  la  soude  muriatée  ,  au  plomb  sulfuré  ^  au 
T)  fer  sulfuré ,  etc.  ;  toutes  substances  très-reconnaissablea 
»  indépendamment  de  la  division  mécanique  jj. 

Convient-Il  de  donner  une  confiance  si  étendue  à  un 
caractère  qui  n'indique  aucune  différence  entre  des  subs- 
tances si  opposées  que  celles  qu'on  vient  de  nommer ,  et 
auxquelles  on  peut  en  ajouter  plusieurs  autres  ?  On  dit 
cju'on  peut  facilement  dans  ce  cas  avoir  recours  à  d'autres 
caractères,  et  on  les  tire  de  la  méthode  chimique  ;  mais 
la  conclusion  qui  se  présente  d'abord  ,  c'est  que  cette 
méthode  a  plus  d'étendue  et  plus  de  sûreté  j  quoique  seule 
elle  lût  insuffisante. 

Dans  les  substances  simples  ^  et  qui  sont  naturellement 
dans  l'étf.t  solide  ,  on  peut  croire  que  la  forme  des 
molécules  a  des  rapports  plus  décisifs  que  celle  des 
substances  comjiosées  j  mais  comme  une  même  forme  peut 
aj)pr.rtenir  à  différentes  substances  ,  il  faut  encore  que 
l'analyse  ait  constaté  préliminairement  la  nature  de  la  subs- 
tance à  laquelle  elle  appartient  ;  d'ailleurs ,  si  cette  forme 


438  STATIQUE     ClIIMIQUE. 

n'est  jias  distincte  ,  faudra-t-îl  renoncer  à  nommer  et  à  classer 
la  stibstance  ,  et  si  d'autres  propriétés  font  reconnaître 
qu'elle  appartient  à  une  espèce  déterminée  ,  faudra-t-il 
conclure  cju'elle  a  telle  composition  qui  explique  ses 
propriélés  ,  ou  bien  se  borner  à  prontmcer  que  ses  molé- 
cules ont  telle  forme  ;  c'est-à-dire ,  que  si  elles  eussent  pu 
se  réunir  par  la  cristallisation ,  elles  auraient  produit  une 
sorte  de  cristaux  ? 

Pour  établir  que  la  molécule  intégrante  est  le  type  de 
l'espèce  ,  et  que  celle-ci  est  constante  dans  sa  composi- 
tion ,  Hauy  est  obligé  de  regarder  comme  substance  hété- 
rogène toutes  les  diliërences  cjue  l'aniilyse  trouve  dans  les 
minéraux  qui  ont  cependant  une  même  forme  :  ce  Tout 
33  ce  qui  précède,  dit-il,  nous  conduit  à  une  considération 
3)  intéressante  relativement  à  la  composition  chimique  des 
Dî  minéraux  ,  c'est  cjue  les  principes  cjui  concourent  à 
»  former  leurs  molécules  intégrantes  doivent ,  ce  me  semble  , 
33  être  constants  quant  à  leurs  qualités  et  à  leurs  c|uantités5 
33  en  sorte  c|ue  les  substances  qui  font  varier  les  produits 
33  de  l'analyse  sont  étrangères  aux  molécules  ,  et  seule- 
y>  ment  interposées  entre  elles  dans  la  masse  du  minéral  33. 
Et  il  ajoute  en  note  :  «  Je  pense  même  que  dans  le  cas 
33  oîi  l'on  dit  qu'il  y  a  excès  de  l'un  des  principes  ,  d'ail- 
33  leurs  essentiels  à  la  composition  d'un  minéral,  la  partie 
33  surabondante  n'entre  pour  rien  dans  la  formation  de  la 
x>  molécule ,  et  doit  être  rangée  parmi  les  principes  hété- 
33  rogènes  purement  accidentels  33.    Tome  J ^  p.    i6i. 

Selon  cette  doctrine  ,  les  combinaisons  chimiques  ne  s© 
font  que  dans  des  proportions  déterminées  ,  et  tout  ce  qui 
se  trouve  dans  une  combinaison  hors  de  ces  proportions 
n'est  qu'un  mélange  de  substances  hélérogènes,  et  qui  ne 
contribuent  point  par  leur  affinité  à  l'état  et  aux  propriétés 
de  la  combinaison:  en  effet,  cette  supposition  qui  ne  ])eut 
résister  à  l'observalion  chimique  est  nécessaire  pour  établir 


DES    LIMITES    DE    LA    C  OMEl  IV  A  I  SO  N.       4^9 

que   la  fiMiiie  des  molécules  est  le  type   de  chaq^ue  espèce  y 
et  que  celle-ci  est  une  combinaison  constante. 

Par  une  conséquence  de  ces  principes  ,  Hauy  regarde 
les  parties  colorantes  de  c^uelques  minéraux  ,  par  exemple  y 
celles  de  l'oxlde  de  clirôme  c^ui  colorent  l'émeraude  verte, 
comme  simplement  disséminées  ,  de  manière  qu'elles  ne 
nuisent   pas  à  la  transparence.   2o/7u  IV ,  p.   ^i5. 

L'uniformité  dans  la  composition  malgré  la  différence 
de  pesanteur  spécifique  des  parties  élémentaires,  la  trans- 
parence qui  prouve  qu'elles  n'exercent  plus  une  action  séparée 
sur  les  rayons  de  la  lumière,  des  propriétés  communes^ 
mais  différentes  de  celles  des  parties  élémentaires  séparées  y 
sont  cependant  une  indication  irrécusable  de  la  combinaison. 

Tous  les  caractères  de  la  combinaison  se  trouvent  indu- 
bitablement dans  un  verre  qui  peut  être  composé  de  propor- 
tions très-différentes  ,  et  l'on  ne  peut  dire  que  cette  combi- 
naison a  des  proportions  déterminées  et  une  forme  quî 
appartient  à  ses  parties  intégrantes  ,  et  que  tout  le  reste 
est  interposé  sans  entrer  dans  la  formation  du  combiné. 
Ce  que  je  dis  ici  du  verre ,  s'applique  à  tous  les  minéraux 
transparents  qui  contiennent  des  oxides  ou  d'autres  éléments 
étrangers  à  ceux  auxquels  on  attribue  la  forme  de  trois 
molécules  intégrantes. 

Par  une  conséquence  du  principe  précédent  :  ce  Je  conçois  , 
>j  dit  Hauy,  p.  243,  tom.  III,  c^ue  les  granits,  les  gneiss, 
35  etc. ,  les  mélanges  peuvent  passer  de  l'un  à  l'autre  j 
3î  mais  il  n'en  est  pas  de  même  des  espèces  proprement 
y>  dites  ;  si  malheureusement  il  en  était  ainsi  ,  nous 
»  n'aurions  plus  que  des  séries  de  nuances  ;  la  miiiéra- 
35  logie  deviendrait  une  sorte  de  dédale  où  l'on  ne  se 
y>  reconnaîtrait  plus,  et  tout  serait  plein  de  passages  qui 
33  ne  mèneraient  à  rien  33. 

Daubuisson  qui  témoigne  pour  ILuiy  toute  la  vénération 
qui  lui  est  due ,  observe  à  l'occasion  de  ce  passage  :   a  que^ 


44©  STATIQUE     CHIMIQUE. 

75  dans  nos  laboratoires  ,  nous  combinons  à  volonté  l'oi^ 
»  et  l'argent  ;  et  le  mélange  forme  une  masse  entièrement 
>j  homogène  qui  a  ses  caractères  particuliers.  La  nature 
?5  peut  en  faire  et  en  fait  réellement  autant  :  nous  trouvons 
»  de  l'or  pur,  de  l'or  mêlé  d'un  peu  d'argent,  la  quantité 
»  relative  de  ce  dernier  métal  augmente  successivement 
X  par  degrés,  nous  finissons  par  avoir  l'argent  pur  ».  Il 
cite  d'autres  exemples  pris  dans  l'observation  minéralo- 
gique    (i). 

Les  seU  même  les  plus  constants  dans  leurs  proportions 
peuvent  se  surcomposer  ou  se  combiner  ensemble  ,  sans 
que  leur  forme  crisîallineet  leur  transparence  soient  altérées  , 
jls  peuvent  varier  dans  leurs  proportions ,  sans  que  leur  forme 
subisse  de  changement,  comme  avec  la  même  composition 
la  forme   des  parties  intégrantes  peut  être  différente. 

Leblanc  (2)  a  combiné  de  l'oxide  de  mercure  avec  le 
jnuriate  de  soude  ,  de  sorte  qu'il  entrait  un  peu  plus  de 
douze  grains  d'oxide  par  once  de  sel  qui  donnait  par 
la  cristallisation  ,  des  cubes  et  des  tréniies  ,  à  la  manière 
du  muriata  de   soude  ordinaire. 

On  ne  peut  méconnaître  ici  l'action  réciproque  qui  non- 
seulement  rend  soluble  un  oxide  qui  ne  l'est  pas  par  lui- 
même,  mais  qui  le  maintient  dans  une  même  combinaison 
avec  le  muriate  de  soude,  malgré  la  grande  différence  des 
pesanteurs  spécifiques.  Une  dissolution  à  parties  éo-ales 
de  sulfate  de  fer  et  de  sulfaùe  de  cuivre  ^  donne  des  prismes 
tétraèdres  rliomhoidaux  d'un  bleu  -verddtre  ;  la  forme  de 
ces  cristaux  est  parfaitement  bien  déterminée^  et  il  c^é 
aisé  de  recouîiaître  à  l'œil  simple  l'homogénéité  de  leurs 
substances.  On  peut  les  faire  dissoudre  et  cristalliser  à 
plusieurs  reprises ,  sans  que  cette  substance  ,   ni  la  confia, 

(i)  Journal    de   PI13S.   tom.   LIV. 

(2)   Journal   de -Phys.  tojco    iXXI,   p.    gS. 


DES    LIMITES    DE    LA    COMBINAISON.     44' 

~'guration  de  ses  cristaux  ^  soit  changée  en  aucune  ma- 
nière.,.. Un  mélange  de  trois  parties  de  sulfate  de  fer 
çt  d'une  partie  de  sulfate  de  cuivre ,  donne  des  cristaux 
d'un  vert  d'émeraude  et  de  même  forme  que  les  précé^ 
dents  ;  seulement  quelque  différence  dans  la  couleur  dis- 
tingue  ces  deus:  espèces  de  surcomposés. 

Vauqueliii  a  fait  voir  que  le  sulfate  d'alumine  contenait 
"  ïnclifféremmeiit  sept  parties  sur  cent  de  potasse  ou  d'am- 
moniaque  ,  sans  qu'on  appercoive  aucune  différence  dans 
la  cristallisation  5  la  proportion  de  l'acide  lui-même  peut 
changer  ,  ainsi  que  je  m'en  suis  assuré  ^  et  Leblanc  a 
|iiouvé  que  le  sulfate  d'alumine  pouvait  se  surcomposer 
d'une  quantité  considérable  de  sulfate  de  fer  ,  et  cependant 
fjurnir  ,  par  la  cristallisation  ,   des  octaèdres  réguliers. 

Quoique  les  chimistes  aient  jusqu'à  présent  négligé  de 
porter  une  attention  particulière  sur  les  formes  des  sels 
surcomposés,  il  serait  facile  d'accumuler  les  observations 
qui  prouvent  que  les  sels  peuvent  se  surcomposer  sans 
éiirouver  dans  leurs  formes  un  changement  qui  réponde 
à  la  surcomposition  5  et  cependant  ces  surcompositions  qui 
(  Tiservent  leur  transparence,  sont  l'effet  de  l'action  ré- 
ci[)roque   des   éléments  qui  les  composent. 

Si  cette  vérité  est  incontestable  pour  les  substances 
salines  qui  ont  une  solubilité  considérable  ,  et  qui  par 
conséquent  éprouvent  de  la  part  de  l'eau  une  action  éner- 
gique ,  relativement  à  leur  force  de  cohésion ,  l'affinité  réci- 
[  ;  oque  des  substances  qui  ont  peu  de  solubilité,  doit  être 
f  aucoup  plus  efficace  pour  les  réunir  dans  un  état  de 
«combinaison. 

Il  n'est  donc  pas  étonnant  que  l'on  trouve,  dans  les 
minéraux,  des' variétés  considérables  dans  les  proportions 
des  éléments  qui  les  composent ,  quoiqu'ils  présentent  les 
indices  d'une  combinaison  complète,  telle  que  la  trans- 
parence 5    et  ce  serait  se  fonder  sur  un  système  arbitraire, 


44^  STATIQUE     CHIMIQUK. 

que,  de  méconnaître   dan.s    ces    comhinaisons  l'action  réci- 
proque des   parties  cpii  les  constituent. 

Ainsi  l'on  trouve  dans  les  analyses  du  grenat  données 
par  deux  chimistes  également  remarquables  par  l'exac- 
titude de  leurs  procédés  ,  par  Klaprotli  et  par  Vauqueliu , 
une  différerice  qui  s'éloigne  beaucoup  de  celle  qu'on  peut 
attribuer  aux  procédés  mêmes  j  leurs  déterminations  varient 
pour  la  silice  de  54  à  36,  pour  l'alumine  de  28  :  6, 
pour  l'oxide  de  fer  de  4^  •  lO-  I^c  Lametherie  rapporte 
tl'autres   exemples   pareils    (1). 

Il  y  a  même  des  combinaisons  dans  lesquelles  l'un  des 
principes  imprime  la  forme  qui  lui  est  propre  ,  quoiqu'il 
s'y  trouve  en  proportion  plus  petite  que  les  autres  :  ainsi 
la  soude  muriatée  gypsifère  conserve  l'aspect  du  muriat© 
de  soude  ,  et  se  divise  ,  comme  lui ,  parallèlement  aux 
faces  d'un  cube.  Tora.  II ,  p.  365  ;  quoique  selon  l'ana- 
lyse de  Klaproth  elle  contienne,  sur  100  parties  3i,3  de 
ïTiuriate  de  soude  ,  37,8  de  sulfate  de  chaux ,  et  1 1  de 
carbonate  de  chaux. 

L'arsenic  sulfuré  rouge  parait  avoir  la  même  forme  pri- 
mitive que  le  soufre ,  quoique  celui-ci  n'entre  que  pour 
un  dixième  dans  la  combinaison  5  ce  qui  conduit  Hauy  à 
luie  réflexion  qu'il  est  difficile  d'accorder  avec  les  prin- 
cipes qu'il  a  suivis  :  ce  II  s'agirait  donc  de  savoir  si  le 
3>  principe  auquel  on  doit  avoir  égard  dans  la  classifl- 
«  cation ,  est  celui  qui  abonde  le  plus  dans  une  subs- 
?»  tance  ,  ou  celui  qui  la  marque  de  son  empreinte  ». 
Tom,  IV,  p.  233.  Il  me  semble  qu'il  aurait  fallu  se  dé- 
cider sur  ce  point  capital ,  avant  que  d'établir  un  système 
minéralogique  sur  l'opinion  que  la  forme  des  molécules 
intégrantes  est  le  type  des  espèces  minéralogiques. 

La  considération   des  formes  cristallines  n'a    pas  seule- 

{i)   Journal   de  Pliys.  tom.   LIV. 


DES  LIMITES  DE  LA.  COMEINAISON.  44^ 
ment  l'inconvénient  de  réunir  des  substances  qui  sont  Irès- 
éloignées  par  levir  composition;  mais  elle  en  a  un  plus 
grave  encore  ,  celui  d'obliger  de  séparer,  en  espèces  dif- 
férentes, des  substances  que  l'analyse  prouve  être  parLn- 
temeut  identiques  5  ainsi  l'analyse ,  que  Klaproth  et  Vau- 
quelin  ont  faite  de  l'aragonite,  faisait  voir  qu'elle  était  un 
carbonate  calcaire  ;  Tenard  reprit  cette  analyse  en  em- 
ployant tous  les  moyens  que  la  chimie  peut  fournir  pour 
réconnaître  les  autres  substances  qui  pourraient  s'y  trouver, 
et  il  a  constaté  que  non -seulement  l'aragonite  était  un 
carbonate  de  chaux,  mais  que  le  rapport  entre  l'acide  et 
la  base  était  le  même  dans  ce  carbonate,  et  dans  celui  qui 
est  connu  sous  le  nom  de  spath  'd'It;lande. 

ce  Si  c'était  là  le  dernier  mot  de  la  chimie,  dit  Hauy, 
»  il  faudrait  en  conclure  que  la  différence  d'environ  ii"v 
y>  qui  existe  entre  les  angles  primitifs  des  deux  substances 
»  et  qui  en  indique  une  considérable  entre  les  formes 
35  des  molécules  intégrantes,  est  un  effet  sans  cause,  ce 
y>  que  la  saine  raison  désavoue  ;  il  est  plutôt  à  présumer 
»  que  de  nouvelles  recherches  ramèneront  ici  cet  accord 
33  qui  a  constamment  régné  jusqu'à  présent  entre  les  ré- 
33  sultats  de  l'analyse  chimique  ,  et  ceux  de  la  géométrie 
33  des   cristaux  33.    Tom.  III ,  p.   347. 

lïauy  s'arrête  à  soupçonner  quelque  matière  étrangère 
dans  ce  minéral ,  qui  est  d'une  composition  si  simple  et 
si  facile  à  constater,  et  qui  a  été  traité  par  les  plus  habiles 
chimistes  5  mais  que  pourrait-on  en  conclure  ,  si  ce  n'est 
qu'une  très-petite  circonstance  peut ,  dans  quelques  occa- 
sions ,  produire  un  changement  dans  la  forme  ,  comme  on 
va  le  voir  dans  l'exemple  suivant,  pendant  que  des  dif- 
férences très-considérables  dans  la  composition  peuvent  se 
rencontrer  avec  la  même  forme? 

Vauquelin  a  prouvé  par  des  expériences  ,  qui,  ce  qu'il 
suffit    de    remarquer  ,    lui    ont    paru  convaincantes ,   que 


444  STATIQUE     CHIMIQUE. 

l'analase  et  l'oisanile  éiaient  la  même  substance,  et  que  l'un 
et  l'autre  de  ces  minéraux  étaient  dûs  à  l'oxide  du  titane  : 
a  II  resterait  maintenant  à  examiner,  dit  -  il  ,  si  les 
»  formes  de  ces  deux  minéraux  pourraient  être  rapportées 
3ï  au  même  type  primitif;  mais  d'après  les  observations  du 
»  citoyen  Hauy  y  ces  formes  sont  incompatibles  (i)  ». 

La  chaux  sulfatée  anhydre  éprouve  une  division  méca- 
nique qui  se  fait  avec  une  égale  netteté  dans  tous  les 
sens ,  et  qui  conduit  à  des  molécules  intégrantes  j  d'une 
forme  cubique,  ou  à  bien  peu  de  chose  près.  Tom.  IV, 
p.  349.  Il  résulte  de  là  :  <x  qu'en  comparant  cette  subs- 
yj  tance  avec  la  chaux  sulfatée  ordinaire,  avant  que  leur 
»  composition  chimique  fût  connue  ,  on  aurait  pu  pro- 
35  noncer  d'avance  qu'elles  devaient  constituer  deux  espèces 
»  différentes  ». 

L'analyse  chimique  qui  reçoit  ici  l'aveu  de  Hauy,  prouve 
qu'il  n'y  a  de  différence  entre  ces  deux  substances  que 
par  l'eau  de  cristallisation  ,  dont  la  chaux  sulfatée  anhydre 
se  trouve  dépourvue  5  et  cependant  l'eau  de  cristallisation 
n'exerce  qu'une  action  très-faible  relativement  à  l'action 
réciproque  de  l'acide  sulfurique  et  de  la  chaux,  de  sorte 
qu'elle  cède  facilement  à  l'action  du  calorique,  et  aban- 
donne les  deux  autres  principes.  On  ne  peut  trouver  dans 
cette  èau,  à  moins  qu'on  ne  veuille  négliger  entièrement  la 
considération  des  propriétés  chimiques,  une  différence  qui 
autorise  à  mettre  entre  ces  deux  substances  une  distance  plus 
grande  qu'entre  le  carbonate  de  chaux  et  la  chaux  carbonatée 
ferrifère  ,  et  égale  à  celle  qu'on  établit  entre  la  chaux 
carbonatée    et  la  chaux  sulfatée. 

Une  observation  de  Lowitz  fait  voir  combien  est  grande 
l'influence  de  l'eau  sur  les  accidents  de  la  cristallisation  , 
quoiqu'elle   n'exerce  qu'une  action   chimicjue   très-faible  , 

(i)  Journal  des  Mines  ,  n°.  <S5. 


DES   LIMITES   DE   LA    COM  E  IN  ATSOîf.     /^^^ 

et  que  par  conséquent  elle  contribue  très-peu  aux  pro- 
priétés caractéristiques  d'une  substance. 

En  exposant  une  solution  de  muriate  de  soude  à  un 
grand  froid  ,  Lowitz  a  obtenu  des  cristaux  qui  présentaient 
une  forme  hexagonale,  qui  avaient  deux  pouces  de  dia- 
mètre et  une  ligne  d'épaisseur  ,  qui  se  résolvaient  en 
liquide  à  une  température  de  quelques  degrés  au-dessous 
du  zéro  ,  et  qui  tombaient  en  poudre  très-fine  et  très- 
blanchc  ,  à  une  température  très-froide  (i). 

J'ai  parié  (  iVb/e  /),  des  différences  de  cristallisatioTi 
que  Davy  a  observées  dans  le  nitrate  d'ammoniaque  ,  selon 
la   température  qu'il  employait. 

Hauy  se  croyant  obligé  de  restreindre  l'indication  de 
l'espèce  par  la  forme  de  la  molécule  intégrante  y  quoiqu'il 
la  regarde  comme  le  type  de  l'espèce  ,  parce  qu'il  y  a 
de  ces  formes  qui  sont  communes  à  des  substances  de 
différente  nature  j  lorsqu'elles  ont  un  caractère  particulier 
de  régularité,  tom.  I ,  p.  iSg.  fait  intervenir  la  chimie 
et  se  détermine  à  définir  l'espèce  en  minéi'alogie  ,  une 
collection  de  corps  dont  les  molécules  intégrantes 
sont  semblables  et  composées  des  mânes  éléments  unis 
en  même  proportion  ;  mais  on  voit  assez  par  les  pas- 
sages que  j'ai  cités,  qu'il  s'est  fréquemment  soustrait  à 
ce  principe  ,  quoiqu'il  ne  ftk  point  question  de  substances 
douées  d'un  caractère  particulier  de  régularité,  et  en  effet 
comment  aurait-il  pu  s'y  astreindre  ,  puisque  l'analyse  chi- 
mique et  la  forme  des  molécules  intégrantes  donnent  si 
souvent  des  indications  opposées  ?  Il  fallait  donc  choisir 
entre  l'analyse  et  la  forme  des  molécules  intégrantes. 

Quoique  l'analyse  soit  le  seul  moyen  propre  à  faire 
reconnaître  la  composition  des  minéraux  ,  comme  Hauy 
lui-même  l'a  établi;  je  le   répète,  on  ne  parvient  pas  ce- 

(i)   Ann.  de    Chimie,  tom,   XXII,  p.    37. 


44^  STATIQUE     CHIMIQtrt:* 

pendant  par  son  moyen  à  les  distinguer  en  espèces  cor.ô» 
tantes  et  uniformes  dans  leur  composition  ,  parce  que  cetlo 
composition  peut  varier  ,  quoique  les  propriétés  que  Von 
doit  regarder  comme  caractéristiques  n'autorisent  pas  à  les 
séparer  ,  et  l'on  ne  peut  se  borner  à  elle  seule  pour  leur 
classification,  parce  qu'elle  la  resserrerait  dans  des  liniiies 
trop  étroites  ,  et  qu'elle  n'est  point  d'ailleurs  assez  avancée 
pour  suffire  aux  demandes  de  la  minéralogie  5  mais  l'incertitude 
que  laisse  l'analyse  est  beaucoup  plus  restreinte  que  celle 
qu'entraîne  avec  elle  la  forme  des  molécules  intégrantes  ,  s'il 
iallait  nécessairement  choisir  entre  l'une  et  l'autre  exclusive- 
ment, indépendamment  des  contradictions  que  présentent  les 
deux  résultats.  D'où  vient  donc  celte  incertitude  qui  paraît 
attachée  aux  méthodes  miuéralogiques?  tient-elle  à  l'imper- 
fection de  la  science  ou  à  la  nature  des  objets  dont  elle  s'occupe? 
sans  doute  la  minéralogie  ne  peut  pas  devancer  lés  progrès 
de  l'analyse;  mais  il  me  paraît  que  l'espèce  minéralogique  , 
telle  qu'elle  a  été  conçue  par  Hauy  et  par  Dolomieu,  ne 
peut  se  réaliser  cjiue  dans  un  si  petit  nombre  de  subs- 
tances ,  qu'il  est  impossible  d'établir  sur  un  pareil  fonde- 
ment la  distinction  des  minéraux  5  et  que  c'est  parce  qu'où 
s'en  est  fait  une  définition  imaginaire  cju'on  est  conduit  à 
des  principes  exagérés  et  que  l'observation  dément.  De  Lamé- 
therie  me  paraît  avoir  fait  des  réflexions  très-justes  sur  l'insuf- 
fisance de  la  forme ,  pour  i-econnaître  les  espèces  ,  sur  les 
propriétés  qui  doivent  servira  les  distinguer,  et  sur  les 
gradations  qui  conduisent  des  unes  aux  autres. 

Son  idée  dominante  a  conduit  Hauy  à  établir  des  variétés 
dans  les  substances  minérales  ,  selon  les  accidents  qu'il 
a  observés  dans  les  formes  secondaires  de  la  cristallisation  , 
quelque  puisse  être  leur  caractère  chimique  ;  ainsi  il  décrit: 
et  nomme  quarante -sept  variétés  de  chaux  carbonatée  : 
/a  primitive  f  l'equiaxe  ,  l'inverse^  la  viétastatiqne  ^  la. 
contrastante ,   la  mixte  ,    la    basée,,  l'inimitable,    la  bir~ 


T)TS  LIMITES  "DE  LA  COMSIxV  AïSOJY.  4  "î? 
hcmhoïdale  ^  etc.  Tom.  II  ,  p.  loa.  A  cotô  de  ces  variétés 
se  trouve  la  chaux  carbonatée  ferrifère  ,  (|iii  se  divise  en 
primitive^  éqiiiaxe  ^  inverse^  contrastante^  hasée  ^  dihc- 
^raëdre.  Cette  cliaux  carbonatée  ferriière  ,  ne  contient 
quelquefois  qu'un  tiers  de  son  poids  de  carbonate  calcaire, 
lo  reste  est  oxide  de  1er  avec  plus  ou  moins  d'oxide  de 
manganèse.  Voilà  donc  un  minéral  que  l'analyse  prouve 
contenir  une  quantité  considérable  et  même  dominante 
d'une  substance  très-active  par  ses  propriétés  ,  d'un  métal 
qu'on  a  grand  intérêt  à  reconnaître  pour  son  utilité  dans 
les  arts  ,  et  dont  la  nature  ne  se  trouve  pas  plus  fortemeiit 
désignée  dans  la  méthode ,  que  la  plus  petite  variété  de 
cristallisation  secondaire. 

L'abus  de  la  méthode  se  montre  encore  d'une  manière 
plus  frappante  dans  des  substances  qui  ayant  une  com- 
position simple  et  constante  ,  et  qui  pouvant  être  reconnues 
par  un  essai  chimique  très-facile  ^  et  presque  toujours  in- 
dispensable ,  éprouvent  cependant  quelques  variations  dans 
leur  cristallisation.  Je  prendrai  pour  exemple  le  sulfate 
de  Diagnésie  j  ou  magnésie  sulfatée;  quoique  ce  sel  ait 
une  composition  invariable,  il  se  trouve  cependant  divisé 
€n  bis  alterne ,  pyramide  ,  triunitaire  ,  tri-hexasdre  , 
éqidv aient  ^  plagiëdre  ,  et  combien  ne  pourrait-on  pas  mul- 
tiplier cette  division  et  ces  dénominations,  si  l'on  s'amusait 
à  varier  la  cristallisation  de  ce  sel  par  tous  les  moyens 
qui  ont  de  l'influence  sur  elle  .' 

Pendant  que  l'on  décrit  ces  nuances  de  formes  qui  sont 
très-intéressantes,  lorsque  l'on  a  pour  but  de  vérifier  les 
lois  de  la  cristallisation,  mais  qui  sont  inutiles  pour  Jj. 
connaissance  de  l'objet,  on  exclut  du  système  minéralo- 
gique  des  minéraux  amorphes  qui  sont  plus  constants  dans 
leur  composition  et  dans  leurs  propriétés  que  certains  cris- 
taux réguliers.  Daubuisson  cite  à  celte  occasion  teKlin^strin 
de  W'erner^  «qui  a  été  trouvé  dans  l'Amérique,  l'oriii.i.it 


44S  STATIQUE     CHIMIQUE. 

»>  des  masses  de  anoatagnes,  des  sommilés  semblables  â 
»  celles  que  l'on  voit  en  Boliême  ^  en  Silésle  ,  en  Ecosse^ 
35  dans  le  Vêlai ,  etc.  C'était  par-tout  la  même  pierre  y 
»  par-tout  placée  de  la  même  manière  ,  par-tout  affectant 
3>  une  forme  semblable,  et  présentant  les  mêmes  carac- 
»  tèresj  ainsi  cela  suffit,   il  doit  avoir  un  nom  particulier 

y»  qui  le  distingue  des  autres  pierres Les   cristaux  , 

yy  a-t-on  dit ,  sont  les  fleurs  des  minéraux  ;  mais  les  vastes 
»  forêts  doivent  être  compi'ises  pour  quelque  chose  ». 

Je  m'arrête  aux  observations  précédentes,  parce  qu'elles 
me  paraissent  suffire  pour  prouver  que  les  caractères  tirés 
de  la  forme  des  substances  ne  sont  point  des  indices  assez 
sûrs  et  assez  constants  pour  diriger  seuls  dans  la  connaissance 
de  la  nature  des   minéraux,  et  dans  leur  classification. 

Le  choix  de  ces  caractères  a  obligé  de  £iire  un  grand 
nombre  de  divisions  inutiles  ,  et  d'introdiiire  des  déno- 
minations nouvelles  qui  n'ont  aucun  rapport  avec  les  pro- 
priétés intimes  ,  non-seulement  pour  les  variétés  ,  mais 
même  pour  les  espèces  telles  que  la  mésotype  ^  l'harmo-' 
tome  f   la  grammatUe. 

Ainsi  la  minéralogie ,  au  contraire  des  autres  sciences 
qui  dans  leurs  progrès  perfectionnent  et  simplifient  leurs 
méthodes  ,  se  hérisserait  de  difficultés  qui  n'éclairent  point 
sur  les  propriétés  des  minéraux.  Qu'a-t-on  appris  sur  la 
propriété  des  carbonates  de  chaux  quand  on  a  fait  la  pé- 
nible étude  des  formes  géométriques ,  de  quarante-sept 
variétés  connues  des  cristaux  de  cette  substance?  et  malgré 
ce  travail  on  devra  se  croire  bien  peu  avancé  ,  puisque 
le  nombre  des  cristaux  possibles  est  beaucoup  plus  grnnd, 
et  que  l'observation  en  fera  connaître  successivement  de 
nouveaux;  en  effet,  ces  recherches  si  laborieuses  n'ont 
encore  conduit  qu'à  une  indication  intéressante  pour  la 
minéralogie  ,  celle  de  l'identité  de  composition  dans 
i'émeraude   et    le    béril  ,   qui    a   été    constatée   par    Vaù* 


JDES    LIilITES    DE    LA    COàlBIiX  AISO^^       449 

(jueliu  ,  et  qui  se  trouve  liée  à  la  découverte  d'une  terre 
nouvelle. 

Cette  méthode  a  encore  l'inconvénient  de  ne  pouvoir 
s'appliquer  immédiatement  qu'aux  substances  qui  ont  une 
cristallisation  régulière  ,  et  pour  les  autres ,  si  elles  ne 
iorœent  pas  continuité  avec  les  premières,  il  ne  reste  pour 
les  déterminer  que  des  caractères  moins  sûrs  ,  selon  Hauy  y 
tom.  I ,  p.  i5çf  j  que  celui  qui  se  tire  de  la  structure,  il 
faut  avouer  que  la  chimie  serait  resserrée  dans  des  limites 
bien  étroites,  si  elle  ne  devait  se  confier  qu'aux  rapports 
de  structure  pour  se  décider  sur  la  nature  des  substances 
qu'elle  examine^  et  cependant  le  but  de  la  chimie  et  de  la 
minéralogie  est  le  même  sous  ce  rapport. 


NOTE    XV. 


Etablir  des  règles  simples  pour  que  les  chimistes 
puissent  suivre  une  direction  uniforme  dans  le  choix  des 
dénominations  par  lesquelles  ils  doivent  désigner  les  résul- 
tats de  leurs  recherches,  indiquer  par  ces  dénominations, 
les  substances  qui  ont  une  analogie  de  composition ,  dé- 
signer les  éléments  sur  lesquels  l'esprit  doit  fixer  son 
attention  dans  les  différentes  combinaisons  que  leur  fait 
eubir  leur  action  mutuelle  ,  énoncer  avec  clarté  et  sans 
périphrases  traînantes  ,  les  produits  d'opérations  compli- 
quées; tels  sont  les  avantages  que  les  auteurs  qui  ont  pro- 
posé la  nomenclature  chimique  ont  eus  en  me  ,  et  l'usage 
«;ui  s'en  est  introduit  parait  les  avoir  irrévocablement  con- 
firmés ,  soit  dans  l'enseignement ,  soit  dans  les  ouvrages 
qui  présentaient  un  si  grand  nombre  d'objets  l'.ouvcaux  à 
uraver  dans  la  mémoire ,  et  à  saumettre  ù  la  discussion  j 


45o  STATIQUE     CHIMIQUE. 

mais  leur   premier    essai  dut   avoir  des    imperfections  ,    et 

ils    étaient  loin    de   se  le    déguiser. 

C^est  sur-tout  par  la  composition  des  mots  cjui  désignent 
cles  combinaisons ,  et  par  les  terminaisons  qui  indiquent 
leurs  analogies,  que  Ton  devait  remplir  l'objet  que  l'on 
s'était  proposé ,  et  c'est  la  partie  de  la  nomenclature  sur 
laquelle  il  est  important  que  les  chimistes  adoptent  des 
conventions    uniformes. 

Ptelativement  aux  dénominations  des  substances  simples  , 
ou  d'une  composition  indéterminée,  les  mots  insignifiants 
par  eux-mêmes  me  paraissent  non-seulement  ne  devoir  pas 
■être  repoussés  ,  mais  ils  me  semblent  les  plus  propres  à 
ï'emplir  leur  objet ,  pourvu  qu'ils  se  prêtent  aux  combi- 
naisons de    la  nomenclature. 

Ce  sont  des  noms  propres  qu'il  faut  apprendre  à  appliquer 
par  la  connaissance  de  l'objet  :  ils  se  lient  à  cette  con- 
naissance ,  qui  est  indispensable  ,  et  la  rappellent  :  il 
ne  s'est  élevé  aucune  difficulté  sur  les  mots  chaux  ,  fer  , 
anagnésie;  ce  n'est  que  lorsqu'un  de  ces  mots,  appliqué 
à  une  substance  déterminée  ,  est  ensuite  employé  pour 
exprimer  le  mode  d'une  autre  substance  dont  il  donnerait 
une  fausse  idée  ,  qu'il  devient  une  dénomination  vicieuse  ; 
ainsi  le  mot  chaux  ,  appliqué  à  l'oxide  de  fer,  pouvait^ 
tromper  sur  les  propi-iétés  de  la  substance  ,  et  formait  une 
discordance  dans  le  langage. 

Il  a  donc  fallu  changer  quelques  noms  qui  étaient 
fondés  sur  des  propriétés  erronées  ,  et  en  choisir  pour 
indiquer  des  substances  peu  connues  jusque-là  :  on  a  «herehê 
dans  les  propriétés  de  ces  substances  celles  qui  ont  paru  le 
plus  propres  à  les  désigner  pour  en  tirer  les  nouvelles  déno- 
minations ;  mais  ce  sont  les  mots  formés  ainsi,  qui,  quoi" 
qu'en  petit  nombre ,  ont  produit  le  plus  de  discussions  , 
et  ont  fait  naître  le  plus  d'opposition  :  ce  sont  eux  qui 
ont  été  l'objet  de  ces  fades  plaisiîuteries,  dont  la  nomen- 


EiïS  LI3IITES  DE  LA  COM  BÏN  AÎSOIS'.  4j! 
t;Iature  méthodique  fut  accueillie  à  sa  naissance,  dans  le 
Journal  de  Physique  :  où  l'on  trouve  réiym.)lo"ie  mal 
établie,  l'on  veut  substituer  une  autre  propriété  à  cetie 
qui  a  été  choisie.  Lorsque  l'on  consent  à  ne  pas  réfornier 
le  mot,  on  prétend  soutenir  sa  signification  dans  les  mots 
composés  auxquels  on  doit  l'appliquer  ,  et  toutes  les  vues 
se  divisent  :  si  l'on  trouve  que  l'étymologie  soit  érabiie 
sur  une  propriété  inexacte,  même  dans  une  hinpiie  étran- 
gère ,  on  la  repousse  ;  ainsi ,  parce  que  tangstein  sigiiifie 
en  allemand  une  pierre  pesante,  on  propose  de  substit.ier 
le  nom  de  Schéelin  à  celui  de  Tunstein ,  qui  est  reçu 
depuis  long-temps  pour  exprimer  une  substance  particulière. 
Chenevix ,  qui  vient  de  publier  un  ouvrage  très-philo- 
sophique sur  les  principes  de  la  nomenclature,  et  dont  je 
m'empresse  de  profiter  ,  cherche  cependant ,  à  moii  avis  , 
avec  trop  de  soin ,  à  conserver  dans  les  combinaisons  de 
Ja  nomenclature  la  précision  de  l'étymologie  ,  quoiqu'il  pré- 
fère les  dénominations  qui  n'en  ont  point. 

Il  me  paraît  que  pour  Pintérét  commun  des  chimistes 
il  convient  de  se  conduire  pour  les  dénominations  qui 
sont  tirées  d'une  propriété  connue ,  comme  pour  celles 
qui  ne  le  sont  pas  ;  que  si  l'on  a  recours  à  l'éiymoh)aie 
pour  engager  à  adopter  une  dénomination  nouvelle 
qu'une  découverte  rend  indispensable  ,  il  faut  l'oublier 
entièrement,  dès  qu'elle  est  adoptée,  et  ne  plus  en  faire 
j)oiir  les  combinaisons  des  mots ,  qu'un  usa^e  pour  ainsi 
dire  mécanique  :  le  chimiste  qui  établit  l'expression  doit 
porter  beaucoup  plus  son  attention  sur  l'euphonie  et  sur  les 
convenances  de  nomenclature  que  sur  l'indication  d'une 
propriété. 

Ne  voit-on  pas    en  effet  des    expressions    dont   l'appli- 
cation étymologique  est  devenue  fausse  ,  continuer  de  rem- 
plir leur  emploi  avec  le  même  avantage.  L'eudiomètre  ne 
^t)  Rcmarks  npon  chemical  nomenclature,  iSjj. 

ag.. 


4^2  STATIQUE     CniMlC)llÉi 

donne-t-il  pris  une  idée  de  l'instrument  ou  du  procédé 
par  lequel  on  détermine  la  proportion  de  l'oxigène  qui 
&e  trouve  dans  l'air  atmosphérique  ou  dans  un  autre  gaz  , 
quoique  l'on  soit  bien  convaincu  qu'il  n'indique  pas  la 
salubrité  qui  a  servi  à  dénommer  cet  instrument?  La  dé- 
signation de  brun,  de  blanc  ou  de  noir^  s'appUque-t-elie 
avec  quelqu'obscurité  aux  descendants  de  ceux  qu'une 
qualité  a  fait  désigner  par  ces  noms? 

Je  pourrais  peut-être  justifier  les  auteurs  qui  ont  pro- 
posé la  nomenclature,  de  s'être  écartés  pour  l'acide  ni- 
trique ,  de  la  règle  qu'ils  avaient  suivie  dans  les  déno- 
minations de  l'acide  sulfurique  et  de  l'acide  phosphorique , 
par  la  différence' même  des  propriétés  que  l'acide  nitrique 
présente  dans  les  différents  états  de  combinaison  ;  mais  , 
quoi  qu'il  en  soit  du  moment  où  la  nomenclature  a  été 
proposée ,  je  crois  devoir  retenir  la  dénomination  de  l'azote 
indépendamment  des  motifs  qui  Pont  fait  choisir  ,  parce 
que  c'est  la  plus  généralement  adoptée ,  et  parce  qu'elle 
«e  classe  bien  dans  les  combinaisons  de  la  nomenclature. 

Si  l'on  voulait  substituer  à  l'azote  le  mot  iiitrogène , 
j)roposé  par  Chaptal ,  parce  qu'appliqué  à  l'acide  nitrique 
il  aurait  de  l'analogie  avec  ceux  par  lesquels  on  a  désigné 
les  substances  que  l'on  a  considérées  comme  productrices 
de  l'eau  et  des  acides  ,  quelqu'un  ne  pourrait-il  pas  re- 
présenter qu'il  est  plutôt  le  radical  de  l'ammoniaque  que 
de  l'acide  nitiique  ,  ou  troviver  mauvais  qu'on  abandonnât 
sans  radical  l'ammoniaque ,  alcali  puissant^  ou  qu'elle  fût' 
regardée  comme  composée  de  nitrogène  ou  d'hydrogène  ,  de 
deux  substances  génératrices  qui  annoncent  des  composés' 
qui  en  sont  à  une  si  grande  distance  ? 

Je  ne  fais  entrer  dans  les  combinaisons  des  mots  que 
des  abréviations  mécaniques  5  ainsi  par  hydro  ,  je  désigne 
l'hydrogène;  par  oxi,  l'oxigène:  d'après  cette  explication  , 
Chcnevix  verra  que  par    le   mot   h)drogène  oxi-carburé  ,, 


T)i:s  LIMITES  PE  LA  C  O  If  E  I  \  .V  I  5  O  ?>• .  4'^^ 
je  nVii  prétendu  déoiguer  qu'une  substance  composée  J'hy- 
ivogène ,  d'oxigène  et  de  carbone,  et  que  Je  n'ai  point 
voulu  y  porter  l'indication  de  l'acidité  :  lorsque  j'ai  pro- 
posé de  désigner  par  hydro-sulfure  la  combinaison  de 
l'hydrogène  sulfuré  avec  une  base  ,  j'ai  perdu  de  vue  le 
sens  propre  du  mot  hydro ,  et  je  n'y  ai  \u  qu'un  dimi- 
îiutif  d'hydrogène  :  je  me  suis  conduit  de  même  dans 
la  désignation  des  autres  états  de  comtinaison  du  soufre 
et  de  l'hydrogène  :  je  conviens  que  cas  dénominations  ont 
l'inconvénient  de  n'être  pas  assez  distinctes  ;  mais  il  est 
difficile  de  l'éviter,  paice  que  les  combinaisons  ne  sont 
elles-mêmes  distinguées  que  par  de  faibles  caractères;  ce- 
pendant ces  désignations  épargnent  des  périphrases  qui  ne 
seraient  pas  elles-mêmes  exemptes  d'obscurité  ,  et  elles  in- 
diquent des  états  de  combinaison  qu'il  est  essentiel  de 
distinguer. 

J'adopte  d'ailleurs  les  observations  de  Chenevix  sur  la 
construction  de  quelques  mots  composés,  dans  laquelle  on 
s'est  éloigné  des  principes  qu'on  avait  établis  pour  indiquer 
l'analogie  des  combinaisons  :  j'appelle  avec  lui  hydrogène- 
carbure  la  combinaison  de  l'hydrogène  et  du  carbone,  oui 
est  analogue  à  l'hydrogène  sulfuré,  et  j'avais  déjà  fait  une 
réforme  pareille  dans  la  dénomination  de  l'hydrogène  phos- 
phuré  (i). 

Il  fait  des  observations  qui  me  paraissent  très-justes  sur 
l'état  d'une  substance  végétale  qui  devient  acide  ,  et  qui 
ne  peut  être  considérée  comme  le  radical  de  cet  acide  , 
de  même  que  le  phosphore  et  le  soufre  dans  les  acides 
qu'ils  forment.  Ils  devraient  donc  avoir  tous  uae  termi- 
naison uniforme.  Celle  en  l'qiic  étant  la  plus  générale  , 
devrait  être  adopîée  pour  tous,  sur-tout  depuis  qu'il  est 
prouvé  que  l'acide  acétique  ne  doit  pas    être  distingué  de 

(i)   Ano.   de   Chia).   touj    -VXV. 


4^4  STATIQtlE     CHIMIQUE. 

l'acide  acéteiix;  aussi  je  ne  retiens  dans  ce  traifé  que  cette 
dénomination  ;  cependant  je  ne  fais  pas  difficulté  de  con- 
server celle  de  l'acide  tartareux  ,  parce  qu'elle  s'applique 
plus  coiivenablenient  en  français  à  ses  composés  ,  et  qu'elle 
est  recne  généralement. 

En  général  ,  je  mets  moins  d'importance  à  la  stricte 
observa  lion  des  principes  de  la  nomenclature  qui  ne  sont 
réellement  que  des  cojiveutions  dans  lesquelles  on  peut 
faire  entrer  plusieurs  considérations  5  l'essentiel  ,  à  mou 
avis  ,  est  de  composer  les  mots  de  manière  qu'ils  ne  lais- 
sent aucujie  équivoque  sur  les  parties  qui  entrent  dans  la 
comjtosiiitin  d'une  combinaison,  et  sur  le  rapport  de  ses 
propriétés  caractéristiques  avec  celles  des  autres  subs- 
tances. 

Lorsqu'un  genre  de  combinaison  n'est  point  soumis  à 
des  proportions  qui  en  limitent  les  propriétés  ,  la  nomen- 
clature a  nécessairement  le  vague  qui  se  trouve  dans  la 
composition  ,  ou  dans  la  connaissance  que  l'on  a  pu  eu 
acquérir  5  aii;si  dans  les  oxides  ,  on  ne  peut  déi.igner  avec 
quelque  précision  que  les  deux  extrêmes  :  on  pourrait 
adopter  ,  pour  le  plus  fliible  degré  d'oxidation  ,  le  mot 
oxidulc  employé  par  lîauy;  mais  on  est  obligé  d'indiquer 
les  états  intermédiaires  par  la  couleur  ou  par  quelqu'aulre 
accident. 

C'est  un  danger  commun  à  la  nomenclature  et  à  la 
science  dont  elle  est  un  instrument ,  que  de  poser  des 
barrières  im.'iginaires  dans  la  composition  et  dans  la  dési- 
gnation des  substances.  Voyez  Bruguatelli ,  qui  sur  des, 
distinctions  souvent  idéales,  vient  vous  proposer  le  thei- 
moxigène  ,  qu'il  distingue  confusément  de  l'oxigène ,  les 
oxides,  les  tliermoxides ,  les  oxiques  ,  le  plilogogène  ,  etc. 
Il  prétend  que  ces  innovations  ont  commencé  à  ^'établir 
sur  les  rives  de  ia  Tamise  5  mais  Cheiievix  ,  qui  s'e^t 
çi'iêté  à  en  coij;baîtrQ  cjuelques-unes  ,  nous  apprend,  mèiu^ 


DES    LIMITES    DE    LA    CO  MCI  N  A  I  S  Oîî.     /;55 

ani  nom  des  cliimistes  ses  compatriotes  ,  que  Erugnatelli 
a  été  mal  informé  sur  ses  progrès;  cette  cacoplxonie  dans 
les  mots  et  dans  les  idées  ne  devait  pas  être  accueillie 
par  les  savants  ctimistes  ,  qui  aujourd'hui  honorent  en  si 
grand  nombre  l'Angleterre. 

Je  dois  justifier,  par  quelques  exemples,  le  jugement 
que  je  porté  sur  la  nomenclature  de  Erugnatelli.  On  connaît 
le  procédé  par  lequel  on  réduit  le  phosphore  en  acide 
phosphorique  par  l'action  de  l'acide  nitrique,  et  l'expli- 
cation simple  que  l'on  en  donne  :  Voici  comment  Eru- 
gnatelli présente  cette  opération  qu'il  a  compliquée  de  l'ad- 
dition de  l'alcool. 

ce  Bnignatelli ,  dit-on  dans  une  note  communiquée  par 
»  lui  (if,  a  trouvé  un  moyen  facile  et  prompt  de  retirer 
»  l'oxiphosphorique  très-pur  ,  et  concentré  par  îa  décom- 
»  position  à  froid    du   thermoxigène  de  l'oxiseptonique. 

«  Connaissant  que  l'oxiseptonique  ,  lorsqu'il  vient  en 
„  contact  avec  l'alcool ,  se  décompose  en  pî^rtie  à  l'ins- 
»  tant ,  et  change  la  proportion  du  thermoxigène  relati- 
»  vement  aux  autres  parties  composantes  de  cet  oxique  ; 
»  il  a  saisi  ce  moment  pour  présenter  à  l'oxiseptonique 
«  le  phosphore.  Ce  combustible  oxigénable  décompose  alors 
„  le  thermoxigène  de  l'oxiseptonique  ,  et  se  change  en 
«  oxiphosphorique.  Qu'on  plonge,  par  exemple,  un  demi- 
»  gros  de  phosphore  dans  environ  deux  gros  d'alcool, 
„  contenu  dans  un  verre  ;  qu'on  verse  ensuite  une  demi- 
»  once   d'oxiseptoneux  concentré  ,  etc.   ». 

BruTuatelli  donne  le  nom  à'ammoniure  aux  combinai- 
sons d^es  oxides  avec  l'ammoniaque ,  et  cette  terminaison 
en  ure  ne  doit ,  selon  les  conventions  rerues  ,  comme  le 
remarque  fort  bien  Chenevix,  être  appliquée  qu'aux  com- 
binaisons des  substances  combustibles;  or  l'on  ne  connaît 

(i)  Journ.    de   Van  Mous. 


4^0  STATIQUE      CHI7.ÎIQUE. 

point  âa   combinaison    des  métaux  ,  mais   des    oxides  qui 
ne  sont  plus  combustibles  ,   avec  l'ammoniaque. 

Ce  n'est  pas  seulement  dans  cette  fausse  dénomination 
que  consiste  l'erreur  de  Brugnatelli  dans  la  description 
quil  a  donnée  des  ammoniures  de  mercure  et  de  zinc  (i)- 
mms  il  a  supposé  celui  du  mercure  dans  une  circonstance 
ou  il  n'existe  pas  ,  et  il  a  décrit  comme  nouveau  celui 
de  zinc  que  Lassône  a  fait  connaître  depuis  long-temps. 
Voaci  comment  il  prépare  son  prétendu  ammoniure  de 
mercure. 

«  Pour  obtenir  cet  ammoniure  ,  on  fait  dissoudre  du 
^  mercure  dans  l'oxique  sulfurique,  et  on  évapore  jusqu'à 

-  concrétion  :  il  reste  un  mélange   de  sulfate  neutre  ,    de 

-  sulfate  acidulé  et  de  mercure  :  on  sépare   le    dernier  à 

-  Iclide   de   V^u  froide;    on    allonge   la  solution    saturée 
«  avec  la  moitié   de  son  poids  d'eau  ,   et  on  précipite  avec 

-  1  ammoniaque  liquide  ;  il  se  forme  un  précipité  blanc 
«  d  oxKle  de  mercure  très-abondant  «.  C'est  ce  précipité 
quil  dissout  par  l'ammoniaque  pour  faire  l'ammoniure 
d  ammoniaque;  mais  Fourcroy  a  prouvé  depuis  lono- 
temps  (2)  que  le  précipité  blanc  ou  gris  que  l'on  ob- 
tient  nest  pas  de  i'oxide  de  mercure,  mais  une  com- 
binaison très-variable  de  cet  oxide  ,  arec  une  certaine 
proportion  d'acide  sulftirique  et  d'ammoniaque;  et  qu'en 
ajoutant  de  l'ammoniaque  on  n'obtient  pas  un  nmmoniure 
mais  une  combinaison  qui  ne  diffère  de  la  précédente  quo 
par  une  plus  grande  proportion  d'ammoniaque. 

Kl)   Journ.   de  CLim.  p..r    Vaa    Mous.   Vendem.  aa  lo, 
.(2)  Mém.  de  l'Acad.  1790.  Aun.  de  Cliim.  tom.  X. 


DES    LIMITES    DE    LA    COHIE  IN  AI  SON.      4^7 

NOTE     XVI. 

L  E  comte  de  Rumford  a  publié  plusieurs  mémoires  par 
lesquels  il  a  prétendu  prouver  que  les  liquides  et  les  fluides 
élastiques  ne  sont  point  conducteurs  de  chaleur  ,  et  qu'ils 
ne  transmettent  le  calorique  qu'au  moyen  du  contact 
avec  les  corps  solides  qu'ils  doivent  au  mouvement  de 
leurs  parties  :  comme  cette  propriété  mettrait  entre  les 
états  d'une  substance  ,  une  différence  beaucoup  plus 
grande  que  l'on  n'a  besoin  de  la  supposer  pour  l'explication 
des  autres  phénomènes  5  comme  d'ailleurs  les  expériences 
de  ce  célèbre  philosophe  ont  fixé  l'attention  sur  un  objet 
qui  avait  été  négligé  et  qu'il  eu  a  tiré  des  applications 
Jieureuses  pour  les  arts  et  les  usages  de  la  vie  ,  je  crois 
devoir  proposer  quelques  doutes  sur  les  principes  qu'il  a 
déduits  de  ses  observations.  J'examinerai  d'abord  si  les  faits 
sur  lesquels  il  s'appuie  ne  peuvent  recevoir  une  explication 
jiaturelle  des  propriétés  que  j'ai  analysées  jusqu'ici  ,  ou 
s'ils  obligent  à  avoir  recours  à  des  propriétés  particulières^ 
mais  je  m'arrêterai  aux  considérations  qui  peuvent  servir 
à  éclairer  cette  discussion  sans  entrer  dans  les  détails 
qu'elle  exigerait ,  si  je  prétendais  l'approfondir. 

Les  expériences  que  l'auteur  a  faites  sur  la  communi- 
cation de  la  chaleur  ont  été  exécutées  avec  un  appareil 
dont  il  convient  de  rappeler  la  description  :  «  Il  employait 
33  une  jarre  cylindrique  de  verre  de  4,j  pouces  de  dia- 
33  mètre,  et  de  i3,8  pouces  de  haut;  il  mettait  au  fond 
53  de  cette  jarre  une  quantité  connue  d'eau  (  environ  a 
33  livres),  qui  était  destinée  à  former  au  fond  de  ce  vase 
33  un  gâteau  de  glace.  On  mettait  à  cet  effet  la  jarre  avec 
»  cette  eau  dans  un  mélange  frigorifique  de  sel  et  de 
*>  glace ,  dont  l'action  ne  tardait  pas  à  convertir  l'eau  en 
33  un  disque  solide ,  adhérent  au  fond  et  aux  parois  de  la 
S3  jarre  5   ou  enlevait  ensuite  ce  vase  pour  le   plonger  jus- 


4^8  STATIQUE     CHIMIQUE. 

33  qu'au  niveau  du  gâteau  intérieur  dans  un  mélange  d'ean 
35  et  de  glace  ,  qui  lui  donnait  la  température  de  la  glace 
»  fondante  ou  de  zéro  du  thermomètre  commun.  Alors 
»  après  avoir  couvert  la  surface  du  gâteau  avec  un  disque- 
■»  de  papier ,  on  versait  de  l'eau  cKaude  aussi  doucement 
3>  qu'on  pouvoit ,  et  à  la  quantité  d'environ  74  onces  y 
yt>  cette  eau  s'élevait  d'environ  8  pouces  au-dessus  de  la 
iî  surface  du  gâteau. 

y>  On  enlevait  ensuite  très-doucement  le  papier ,  et  après 
33  avoir  laissé  l'eau  en  contact  avec  la  glace  pendant  ini 
53  certain  nombre  de  minutes  ^  on  la  versait  et  on  pesait 
33  immédiatement  la  jarre  avec  la  glace  qu'elle  contenait 
33  encore  ;  la  différence  d'avec  le  poids  primitif  établissait 
33  la  quantité  de  glace  qui  avait  été  fondue  pendant  que 
33  l'eau  chaude  avait  séjourné  au-dessus  (1)  y>. 

Ayant  observé  que  le  mouvement  imprimé  en  versant 
l'eau  chaude  produisait  d'abord  un  effet  considérable  et 
étranger  à  la  communication  de  la  chaleur  ,  l'auteur  ima- 
gina successivement  plusieurs  moyens  pour  le  diminuer  : 
«  Il  fit  arriver  l'eau  chaude  le  long  d'un  tube  de  bois  , 
33  fermé  au  bas  et  percé  latéralement  de  plusieurs  petits 
33  trous  par  lesquels  l'eau  jaillissait  sur  un  disque  de  bois 
33  percé  lui-même  comme  un  crible  ^  et  surnageant  à  l'eau 
33  à  mesure  qu'elle  s'élevait  dans  le  vase.  On  enlevait  ce 
■7)  disque  dès  que  l'eau  était  versée,  et  on  couvrait  le  vase 
■»  d'un  couvercle  de  bois  au  centre  duquel  un  thermo- 
ss mètre  était  suspendu;  enfin  en  mettant  préalablement 
»  sur  la  glace  une  couche  d'eau  froide  d'environ  un  demi 
33  pouce  d'épaisseur ,  sur  laquelle  nageait  le  disque  dé 
DO  bois,  en  façon  de  crible  ,  qui  lui-même  recevait  l'eau 
33  chaude  ;  l'auteur  parvint  à  diminuer  encore  beaucoup 
»  l'irrégularité  des    résultats  3». 

(1)  Bihliot.   Britan, 


DES  LIMITES  DK  LA  CÔHIBU^T  Al  SO]N'.  4^9 
Outre  ces  précautions  ,  l'auteur  a  séparé  de  ses  résultats 
la  quantité  de  glace  qui  se  liquéfiait  dans  le  premier  mo- 
ment ,  et  qui  surpassait  celle  qui  se  fondait  dans  les  es- 
paces de  temps  qui  succédaient  :  dans  ces  différentes  ex- 
périences ,  pendant  que  la  partie  du  cylindre  qui  contenait 
la  glace  ,  était  tenue  à  la  température  constante  de  la 
glace  fondante  ,  la  partie  supérieure  a  été  laissée  en  contact 
avec  l'air  environnant ,  ou  couverte  d'une  enveloppe  peu 
conductrice,  ou  plongée  aussi  dans  le  mélange  d  eau  et 
de  glace  :  l'eau  versée  sur  la  glace  a  reçu  différentes  tem-» 
j'ératures.  Je  fais  trois  divisions  des  résultats  de  toutes  les 
expériences  5  i°.  l'eau  qui  n'avait  qu'environ  quatre  degrés 
au-dessus  de  zéro  ,  a  fondu  un  peu  plus  de  glace  dans 
les  mêmes  espaces  de  temps  que  l'eau  bouillante  ;  2**.  lors- 
que la  partie  supérieure  du  cylindre  a  été  enveloppée  d'une 
stibstance  peu  conductrice,  l'eau  chaude  a  fondu  plus  de 
glace  que  lorsqu'elle  était  en  contact  avec  l'air  5  3*^.  lors- 
que la  partie  supérieure  du  cylindre  a  été  plongée  dans 
le  mélange  d'eau  et  de  glace  ,  il  s'est  liquéfié  plus  de  glace 
que  lorsqu'elle  était  laissée  en  contact  avec  une  atmos- 
phère de  61  degrés   du  thermomètre  de   Fahrenheit. 

Pour  rendre  raison  de  ces  observations ,  il  faut  appliquer 
aux  phénomènes  observés  par  Rumford  ,  les  propriétés  que 
nous  avons  reconnues  dans  les  substances  liquides  et  dans 
les  fluides  élastiques,  et  desquelles  nous  avons  conclu  les 
changements  qui  s'opèrent  dans  leurs  différents  états  de  com- 
binaison. 

Nous  avons  vu,  1°.  que  les  parties  liquides  entraient 
d'autant  plus  promptement  en  combinaison  ,  qu'elles  se 
trouvaient  dans  une  plus  grande  distance  de  saturation  , 
parce  qu'alors  la  force  qui  sollicite  la  saturation  est  plus 
grande  :  de  sorte  que  les  effets  qui  dépendent  de  la  com- 
munication de  température  doivent  être  très-faibles,  lors- 
qu'il n'y  a  que  de  petites  diifércnces. 


4^0  STATlfJ,  (JE     CHIItriQUE. 

2°.  La  locomotion  qui  sert  à  rapprocher  les  molécules 
qui  se  trouvent  à  un  plus  grand  intervalle  de  saturation, 
accélère  l'effet  de  l'action  réciproque  par  lequel  son  éqiii- 
libre  s'établit;  de  sorte  qu'il  faut  séparer  l'effet  qui  eu 
dépend  ,  de  celui  qui  est  dû  à  la  communication  immédiate. 
3".  L'eau  et  quelques  autres  substances  acquièrent  une 
légèreté  spécifique  plus  grande  en  approchant  du  terme  de 
la  congélation  ,  d'où  il  résulte  que  la  locomotion  produite 
par  les  variations  de  température  dans  les  autres  circons- 
tances, doit  éprouver  des  modifications  qu'il  faut  apprécier, 
lorsque  l'eau  et  les  liquides  qui  peuvent  avoir  cette  pro- 
priété commune  avec  elle ,  approchent  du  terme  de  la  con- 
gélation. 

Pour  faire  une  application  de  ces  propriétés ,  il  faut 
encore  prendre  en  considération  la  direction  que  l'on  donne 
à  l'émanation  de  la  chaleur  ;  car  la  combinaison  des  effets 
sera  différente  ,  si  elle  parvient  par  la  partie  inférieure 
d^un  liquide,  ou  par  la  partie  supérieure. 

Pour  qu'il  puisse  s'établir  un  mouvement  facile  entic 
les  parties  qui  sont  au  fond  d'un  vase ,  et  celles  qui  sont 
à  la  surface  ,  il  faut  qu'il  y  ait  peu  de  différence  entre 
leur  température  j  alors  les  parties  qui  sont  voisines  de 
la  glace,  et  qui  prennent  de  l'expansion,  s'élèvent  au-dessus 
de  celles  qui  ont  une  température  précisément  supérieure  ; 
mais  si  la  température  introduit  une  grande  différence 
entre  les  pesanteurs  spécifiques  ,  ce  mouvement  doit  être 
beaucoup  j)lus  borné;  de  sorte  que  la  glace  reste  environnée 
d'une  eau  qui  est  à  sa  température  ,  ou  qui  en  est  peu 
élo-gnée;  on  voit  donc  que  la  partie  de  l'effet  qui  dépend 
du  mouvement  doit  être  beaucoup  moindre  ,  lorsqu'il  y 
a  une  grande  distance  dans  la  température  ;  mais  lorsque 
cette  distance  existe  ,  le  résultat  qui  appartient  à  la  com- 
munication de  la  chaleur ,  indépendamment  du  mouvement , 
doit  varier  selon  la   manière  dont  la  température   est  con- 


DES    LIMITES    DE    LA    C  O  T.I  B  I  Tf  A  I  SO:^'.      liGt 

•ervée    dans    le    linuirle  :   s'il  a  une   enveloppe    non   con- 
Juctrice ,  la  chaleur  étant  conservée  ,  il   s'en  communique 
ime  quantité  plus  grande  que  si  elle  passe  dans  les  corps 
environnants  ;   mais   si  la  température  du  liquide    n'a  pas 
une    différence  assez    considérable  ,    comme    dans    l'expé- 
rience^ où   l'eau  a  été  employée  à  16   degrés  5   il  est  plus 
avantageux  d'augmenter  l'effet  dû  à  la  translation  des  par- 
ties,   en  refroidissant    tout  le  cylindre  ,    que  de  conser\-er 
celui  qui  est  dû  à  la  communication  simple  du  calorique. 
Il  me   semble  que  cette    explication  découle  très-naturel- 
lement  des  propriétés    connues ,     et  que    les    observations 
de  Rumford  ne  conduisent  point  à  de  nouvelles  inductions. 
Il  faut    remarquer    qu'en  séparant  l'effet  qui   avait  lieu 
dans  les  premiers    instants    dans    lesquels    une    différence 
considérable  de  température  pouvait  occasionner  une  coai- 
muRÎcation   prompte ,    il  n'a  plus  observé    que    celui    qui 
était   produit    lorsqu'il  n'y   avait   plus  que  de  très-petites 
différences  entre  les  coucbes  successives  du  liquide,  et  la 
glace   elle-même  :   or,    lorsqu'il  n'y   a  qu'une   petite  dif- 
férence de  saturation ,    soit  entre  les  combinaisons   chimi- 
ques, soit  entre  les  températures  ,  l'équilibre  ne  s'établit  que 
très-lentement ,  et  les  effets  deviennent  difficiles  à  apprécier. 
Les  expériences  que  Rumford  a  faites  en  plongeant  un 
petit  cylindre  de  fer   échauffé  au    degré  de  l'ébullition  de 
Tcau ,  dans  l'eau   et  le   mercure,    qui  recouvraient  un  ma- 
melon de  glace  sans  y  produire  de  liquéfaction ,  confirment 
seulement  que   lorsque  deux  corps   diffèrent   peu    par  leur 
température,  l'équilibre  s'établit  difficilement,   car  il  faut 
observer   que    le  fer  qui  a  une  faible   chaleur  spécifique 
et  qui  est  bon  conducteur  ,  a  dû,  dat^s  la  partie  du  liquide 
qu'il  a  traversée  lentement ,  perdre  promptement  la   plu? 
grande   partie  de    sa  chaleur  ,    et   cependant    n'élever  oue 
très-peu  celle  du  liquide ,    même  du  mercure,  vu  la  nu>Sjfe 
«le  celui-ci. 


4^2  STATIQUE     CHIMIQUE. 

Mais  je  trouve  dans  les  expériences  même  àe  RumforJ 
des  preuves  de  Lî  propriété  qu'il  refuse    aux    liquides. 

1°.  Dans  toutes  les  expériences  que  j'ai  indiquées  ,  excepté 
dans  celles  faites  avec  le  cylindr«>  de  fer  écliauffé  ,  la 
liquéfaction  de  la  glace  a  eu  lieu  à  un  degré  assez  con- 
sidérable ,  et  chaque  partie  liquéfiée  suppose  une  quantité 
de  chaleur  qui  aurait  pu  élever  un  poids  égal  d'eau  du 
terme  de  la  congélation  à  y 5  degrés  du  thermomètre! 
centigrade, 

2°.  Il  a  fait  congeler  de  l'eau  à  la  surface  du  mercure, 
refroidi  par  un  mélange  frigorifique  :  donc  la  température 
du  mercure  s'est  communiquée  à  l'eau  ,  et  celle-ci  a  cédé 
du  calorique  au  mercure  pour  remplacer  celui  qu'il  perdait. 

Si  la  communication  de  la  chaleur  n'était  que  l'effet  du 
mouvement  des  parties  d'un  liquide  ,  le  mercure  d'un  thermo- 
mètre ne xlevrait  presque  plus  changer  de  température,  dès 
qu'il  est  parvenu  au  degré  de  la  congélation  de  l'eau  :  en  effet  ^ 
dans  plusieurs  de  ses  expériences  [Essai y)  ,  Runiford  sup- 
pose qu'à  ce  degr«  le  mercure  n'a  plus  communiqué  de  chaleur  : 
or,  un  thermomètre  prend  très-prompteraent  la  température 
des  corps  voisins  ,  et  l'indique  à  plusieurs  degrés  au-dessous 
du  terme  de  la  congélation  de  l'eau  ,  et  jusqu'à  sa  propre 
congélation}  alors  il  se  conduit  comme  les  corps  solides^ 
et  ses  dilatations  deviennent  proportionnellement  plus  petites 
que  les  précédentes. 

Rumford  a  prouvé  que  le  pouvoir  conducteur  du  mer- 
cure était  à  celui  de  l'eau,  comme  looo  à  3i3. 

Cet  effet  du  mercure  qui  prend  beaucoup  plus  prompte- 
ment  que  l'eau  la  température  du  système  oii  il  se  trouve 
placé  ,  quoiqu'il  aU  une  jiesanteur  spécifique  beaucoup  plus 
grande,  qu'il  soit  beaucoup  moins  dilatable  par  les  mêmes 
degrés  de  chaleur,  et  que  par  conséquent  la  chaleur  doive 
causer  beaucoup  moins  de  locomotion  dans  seo  parties  que 
dans  celles  de  l'eau  ;  cet  effet,  dis-je  ,  confirme  que    les 


DES  LIMITES  DE  LA  COM  El  X  AlSOIf .  4<J-* 
Changements  de  température  dépendent  non-seulement  de 
la  communication  immédiate  et  des  changements  de  pesan- 
teur spécifique  qui  produisent  le  rapprochement  des  parties 
d'une  température  inégale  ,  mais  aussi  de  la  propriété  plus 
ou   moins  conductrice   de  chaque  substance. 

3°.  Rumford  ne  fait  aucune  attention  au  calorique  rayon- 
nant ,  ni  aucune  exception  pour  lui  5  cependant  la  commu- 
nication de  la  chaleur  qui  s'établit  par  son  moyen  ,  entre 
les  corps  solides  et  les  liquides  à  travers  les  gaz ,  ne  peut 
être  douteuse ,  et  l'on  peut  remarquer  que  lorsqu'il  a 
approché  un  boulet  échauffé,  de  la  glace  et  du  suif,  il  s'est 
fait  une  communication  de  chaleur  qui  a  fondu  la  surface 
de.  l'une  et  de  l'autre ,  sans  qu'on  puisse  attribuer  cette 
communication  à  une  circulation  telle  qu'il  l'a  prétendue 
nécessaire. 

Les  expériences  ingénieuses  de  Rumford  ont  exercé  la 
sagacité  de  quelques  physiciens  qui  ont  déjà  prouvé  que  les 
principes  auxquels  elles  le  conduisaient  n'étaient  pas  con- 
formes aux  véritables  résultats  de  l'observation. 

Nicholson  a  fait ,  avec  le  concours  de  Pictet ,  des  ex- 
périences par  lesquelles  il  s'est  assuré  qu'en  échauffant 
un  liquide  à  sa  surface ,  par  la  superposition  d'un  corps , 
la  chaleur  pénétrait  et  fesait  hausser  le  thermomètre 
plongé  au  fond  de  ce  liquide  :  pour  éviter  la  communi- 
cation par  les  parois  du  vase ,  on  a  choisi  une  subs- 
tance très-peu  conductrice ,  et  l'on  a  constaté  par  le  moyen 
d'un  thermomètre  placé  dans  le  même  liquide  près  des 
parois  du  vase  ,  qu'il  ne  s'était  point  établi  de  couranis 
qui  fussent  différents  par  la  température  :  enfin  la  marche 
des  bulles  qui  se  dégageaient ,  et  les  autres  apparences 
du  liquide  ont  convaincu  qu'il  ne  s'était  pas  formé  de 
courants. 

On  a  confirmé  dans  ces  expériences  que  les  liquides 
différaient  par  leur  faculté  conductrice  :  La  pénétration  d« 


4^4  StAÎIQUE     CHIMIQUE. 

la  chaleur  du  haut  en  bas  a  été  cinq  fois  plus   lente,  dans 
i'iiuile  que  dans  le  mercure  (i). 

Ruraford  a  supposé  que  les  plus  légers  changements  de 
pesanteur  spécifique  étaient  accompagnés  d'une  locomotion, 
qui  produisait  un  courant  qu'il  a  cherché  à  rendre  visible  y 
en  exposant  à  un  changement  de  température  une  liqueur 
alcaline  dans  laquelle  étaient  suspendus  des  fragments  très- 
subtils  d'ambre  qui  se  trouvaient  avoir  la  même  pesanteur 
spécifique  que  le  liquide  ;  mais  Tomson  a  lait  voir  (2) 
combien  étaient  illusoires  les  mouvements  que  l'on  observait 
dans  ces  molécules  ,  et  qui  paraissent  n'être  dûs ,  dans 
les  variations  de  température  qui  ne  sont  pas  brusques  y 
qu'à  la  différence  de  pesanteur  spécifique  qu'ils  acquièrent 
eux-mêmes ,  et  à  l'adhérence  de  vésicules  aériennes  5  de 
sorte  que  quelques-unes  de  ces  molécules  marchent  en  sens 
contraires  ,  et  viennent  se  heurter  sans  suivre  des  direc- 
tions de  courants  :  il  a  même  fait  voir  que  ces  corpuscules 
flottants  pouvaient  recevoir  différents  mouvements  ,  pendant 
que  les  couches  du  liquide  conservaient  une  tranquillité 
parfaite  :  il  a  mis  dans  un  vase  de  verre  une  eau  colorée 
en  bleu  par  le  suc  du  choux  rouge  ,  puis  il  a  instilé  avec 
beaucoup  de  précaution ,  et  par  le  moyen  d'un  tube  à 
extrémité  capillaire  ,  de  l'eau  claire  ;  il  est  parvenu  par  ce 
moyen  à  avoir  les  deux  liquides  séparés  sans  confusion  j 
alors  il  a  échauffé  lentement  le  vase  par  la  partie  infé- 
rieure :  il  est  clair  que  s'il  se  fût  établi  un  courant ,  il 
aurait  été  marqué  par  le  liquide  coloré  ;  mais  la  séparation 
des  deux  liquides  s'est  maintenue  dans  son  intégrité  j  bien 
plus  y  des  corpuscules  placés  dans  le  premier  liquide  ,  s'é- 
levaient, s'abaissaient  et  traversaient  la  ligne  de  séparation 
sans  produire  lo  mélange  des  deux  liquides  j   de  sorte  qua 

(i)  Blbl.  Britan.  tom.   XVIII. 

{2)    Journ,   of  WicLolson  ,  febr.    1802. 


DKS  LIMITrS  DE  LA  COIvI  B  Un  AISOIn'.  4^5 
leurs  mouvements  variés  n'étaient  point  l'effet  d'un  courant 
qui  les  entraînât  ;  cependant  la  chaleur  se  communiquait 
à  tout  le  li(|uide.  La  propagation  de  la  chaleur  et  l'a- 
gitation des  corpuscules  qui  ont  à-peu-près  la  même 
pesanteur  spécifique  ,  peuvent  donc  avoir  lieu  indépen- 
damment du  mouvement  circulatoire  ^  qui  ne  s'établit  que 
lorsqu'il  y  a  une  différence  de  température  d'une  certaine 
intensité  entre  les  différentes   couciies   d'un  liquide. 

Murrai  a  opposé  à  l'opinion  de  Rumford  des  expériences 
encore  plus  directes  et  non  moins  concluantes  (i  ;  il  a 
placé  la  boule  d'un  thermomètre  dans  un  cylindre  de  glace 
qu'il  a  rempli  alternativement  d'huile  et  de  mercure  5  puis 
il  a  approché  un  corps  échauffé  de  la  surface  du  liquide; 
le  thermomètre  est  monté  dans  l'une  et  l'autre  épreuve  de 
plusieurs  degrés  5  cependant  la  chaleur  ne  pouvait  par- 
venir par  les  parois  de  la  glace  dont  la  surface  devait 
l'absorber  en  se  liquéfiant  ;  il  ne  s'établissait  pas  de 
courant,  car  les  molécules  du  liquide ,  devenues  plus 
légères ,  ne  pouvaient  prendre  une  direction  contraire  ,  et 
l'auteur  avait  évité  d'employer  l'eau  qui  se  contracte 
en  passant  du  degré  de  la  congélation  à  une  température 
un  peu  plus  élevée  :  il  faut  donc  qne  la  chaleur  se  soit 
communiquée  à  la  boule  du  thermomètre  ,  sans  que  le 
courant ,  que  l'on  suppose  nécessaire ,  se  soit  établi  ,  et 
celle  qui  a  servi  à  le  dilater  ,  n'était  que  l'excès  de  celle 
qui   avait    liquéfié  une  partie  de  la  glace. 

Les  observations  de  Murrai  confirment  en  même  temps 
que  le  mercure  est  un  conducteur  de  chaleur  plus 
efficace  que  l'huile  5  car  l'élévation  du  thermomètre  s'est 
manifestée  par  son  intermède  dans  un  temps  beaucoup  plus 
court ,   et  elle  a  liquéfié  plus  de  glace. 

Il  me  semble  que  les  expériences  de  Nicholson ,  de 
Thomson  et   de    Murrai   ne   laissent   aucun   doute   sur    la 

(1)    Ann.   (le   CLiin.  ,  floréal   aa  10. 

i.  3o 


4^^  s  T  A.  T  I  Q  U  E     Cîil  M  I  O  U  E. 

communication  de  la  chaleur  entre  les  molécules  des  li- 
quides 5  les  unes  font  voir  que  les  mouvements  des  cor- 
puscules solides  qui  s'agitent  dans  un  liquide,  peuvenfi 
souvent  en  imposer  sur  les  courants  que  l'on  croit  npper- 
cevoir  j  mais  il  ne  faudrait  pas  pour  cela  nier  l'existence  de 
ces  courants  ,  lorsqu'il  s'établit  une  différence  assez  prompte 
entre  les  pesanteurs  sjjéclfiques  et  lorsque  la  clialeur  se 
communique  par  la  partie  inférieure  d'un  liquide  5  les- 
autres  prouvent  que  la  communication  de  la  chaleur  peut 
se  faire  à  travers  un  liquide  dans  lequel  on  ne  peut  sup- 
poser un  courant  qui  serve  i\  la  transporter  immédiatement  k 
•un  corps  solide  ,  et  elles  confirment  que  les  liquides  jouissent 
d'une  faculté  conductrice  qui  diffère  par  son  intensité  ^ 
mais  il  ne  faudrait  pas  en  conclure  que  la  locomotion. 
des  parties  des  liquides  ne  concourt  pas  à  établir  un  prompt 
équilibre  de  température  ;  il  y  a  même  apparence  que  te 
dernier  effet  est  ordinairement  le  plus  grand. 

Les  considérations  qui  ont  précédé  ,  et  dans  lesquelles 
j'ai  fait  une  application  de  la  faculté  de  communiquer  la 
chaleur  commune  à  tous  les  corps,  de  la  différence  con- 
ductrice et  de  la  distribution  plus  prompte  de  la  clialeui* 
au  moyen  de  la  différence  de  pesanteur  spécifique  qu'elle 
introduit  entre  les  parties  d'un  fluide,  me  paraissent  rendre 
raison  de  tous  les  phénomènes  que  la  sagacité  de  Pi.umror(i 
a  fait  connaître. 

Ces  considérations  me  conduisent  à  une  opinion  LieiÊ 
différente  de  la  sienne  :  on  sait  avec  quelle  rapidité  les 
thermoscopes  ou  thermomètres  à  air,  indiquent  les  varia- 
tions de  température  :  Pictet  n'a  pu  observer  une  seconde 
de  différence  entre  l'élévation  d'un  thermomètre  de  cett& 
espèce ,  et  l'émanation  de  cîJorique  rayonnant  d'un  corps, 
placé  à  distance  :  on  a  observé  que  les  aérostats  éprouvaient 
une  soudaine  dilatation  par  l'apparilion  du  soleil  (1)  ;  ce» 

^t)  Descrip.  de   Taréostat  de  TAcad.  de  Dijon, 


Î>î:5  LirJITES  HE  LA  COMBINAISON.  ^G'] 
pliénoiiiùues  me  paraissent  indiquer  que  les  fluides  élas- 
tiques, bien  loin  d'être  de  mauvais  conducteurs,  reçoivent 
au  contraire  très-prompîement  la  température  des  autres 
corps  ;  car  peut-on  supposer  que  ce  n'est  qu'au  contact 
de  l'enA^eloppe  de  l'aérostat  que  toutes  les  parties  du  gaz 
viennent  prendre  la  température  qu'elles  acquièrent  ,  et 
comment  conçoit-on  que  les  parties  inférieures  qui  sont 
contiguës  à  la  portion  de  l'enveloppe  qui  ne  reçoit  pas 
l'émanation  solaire,  seraient  portées  vers  celle  qui  lui  est 
exposée?  et  comme  à  chaque  contact  ces  molécules  ne 
recevraient  qu'une  partie  de  la  température  à  laquelle  elles 
parviennent ,  quel  prodigieux  tourbillonnement  ne  laudralt- 
il  pas  supposer  dans  le  gaz  î 

Il  me  paraît  doac  que  les  fluides  élastiques,  loin  d'être 
de  mauvais  conducteurs  ,  possèdent  cette  propriété  à  un 
haut  degré ,  quoiqu'ils  diffèrent  probablement  entre  eux  à 
cetégard;  et  si  l'air  qui  est  contenu  produit  des  effets  qui  pa- 
raissent prouver  le  contraire,  ils  sont  dûs  à  quelque  cir- 
constance qui  modifie  cette  propriété. 

Il  me  paraît  probable  que  cette  circonstance  est  l'état 
<îe  compression  dans  lequel  un  gaz  se  trouve  lorsqu'il  ne  peut 
prendre  la  dilatation  qui  convient  à  la  température  q\i'il 
reçoit  :  nous  aA'ons  vu  que  le  calorique  ,  en  se  combinant  avec 
les  gaz ,  n'élevait  la  température  que  parce  que  la  dilatation 
trouvait  un  obstacle  (107)  :  il  doit  résulter  de  là,  que  plus  l'air 
se  trouve  éloigné  de  l'état  de  dilatation  qu'il  devrait  avoir  pour 
être  en  équilibre  de  température,  plus  il  doit  opposer  de  résis- 
tance à  la  combinaison  du  calorique  ,  et  plus  par  consé- 
quent il  doit  perdre  de  sa  faculté  conductrice  5  de  sorte 
que  l'air  qui  prendrait  facilement  la  température  des 
corps  voisins,  s'il  pouvait  recevoir  les  dimensions  conve- 
nables sous  une  pression  donnée  ,  deviendrait  de  plus  en 
plus  mauvais  conducteur,  à  mesure  qu'il  parviendrait  à  une 
température  plus  éloignée  des  dimensions  qu'il  devrait  avoir. 

3o.. 


468  STATIQUE     CHIMIQUE. 

L'air  éprouve  alors  un  effet  que  l'on  peut  comparer  à  celui 
d'un  corps  qui  résiste  par  la  force  de  cohésion  à  l'action  d'un 
liquide,  pendant  que  celui-ci  peut  eu  opérer  la  dissolution, 
dès  que  cette  résistance  vient  à   diminuer. 

Cette  explication  pourrait  s'appliquer  à  la  propriété  con- 
servatrice de  la  chaleur  que  Rumford  a  prouvé  appartenir 
à  l'air  qui  adhère  à  des  parties  telles  qu'à  celles  de  l'édredon  5 
cet  air  n'adhère  qtie  par  une  véritable  affinité  qui  réduit 
probablement  ses  dimensions  ,  ou  qui  s'oppose  du  moins 
à  sa  dilatation  5  et  si  l'eau  peut  l'en  chasser,  ce  n'est 
que  parce  qu'elle  vient  se  combiner  avec  ces  substances  , 
ou  adhérer  à  leur  surface  par  son  affinité  ;  de  sorte  que 
l'air  doit  épi'ouver  alors  par  l'action  de  l'affinité  des  corps 
auxquels  il  est  adhérent  ,  le  même  effet  que  produit 
sur  son  effort  élastique  un  espace  où  il  est  contenu  , 
et  dans  lequel  il  reçoit  une  température  plus  élevée  , 
sans   pouvoir  se   dilater. 

Ainsi  les  fluides  élastiques,  qui  se  dilatent  beaucoup  pins 
par  un  même  changement  de  température  c|ue  les  liquides 
et  que  les  solides,  auraient  la  faculté  correspondante  d'entrer 
plus  faciiemeut  en  combinaison  avec  le  calorique  :  ils  ré- 
sistent peu  à  leur  compression,  ils  s'échauffent  par  la  ré- 
duction de  leur  volume  ,  et  ils  se  refroidissent  lorsqu'on  les 
dilate  :  ces  effets  n'annoncent-lls  pas  une  grande  disposition  à 
se  combiner  avec  le  caloricjue  ou  à  l'abandonner  ,  et  à  m 
recevoir  différents  degrés  de  saturation?  et  cependant ,  selon 
l'opinion  de  Rumford,  il  y  aurait  vine  barrière  insurmontable 
entre  les  températui-es  les  plus  éloignées  des  différentes 
parties  d'un  gaz  lorsque  ces  parties  ne  viendraient  pas  à  ren- 
contrer tin   corps  solide. 

Il  serait  possible  que  les  substances  liquides  fussent  elles- 
mêmes  beaucoup  plus  propres  à  conduire  la  chaleur  que 
lorsqu'elles  sont  dans  l'état  solide  :  les  propriétés  de  l'af- 
finité réciproque  qui  produit  la  cohésion,   paraissent  l'iu- 


DES    LIMITES    DE    LA.    COMBI?f  AI  SON".        4^9 

(îiquer  5  car  par  celamême  que  cette  affinité  s'oppose  à  la  dila- 
tation ,  elle  doit  apporter  un  obstacle  à  la  combinaison  du 
calorique  :  cette  résistance  à  son  introduction  est  même 
prouvée  par  la  prompte  accumulation  qui  s'en  fait  ,  dès 
que  la  force  de  coliésion  est  détruite  5  de  sorte  qu'elle 
est  opposée  à  la  combinaison  du  calorique  ,  comme  ii 
celle  des  autres  substances  :  en  effet ,  l'eau  paraît  prendre 
plus  facilement  la  température  commune  ,  indépendamment 
de  la  locomotion  de  ses  parties,  que  la  glace  qui  est  très-mau- 
vais conducteur  ,  et  c'est  peut-être  par  cette  différence  que  la 
glace  ,  ainsi  que  tous  les  solides  qui  passent  à  l'état  liquide  , 
«e  liquéfie  à  sa  surface  plutôt  que  de  prendre  une  tempé- 
rature  commune. 

Je  ne  j)résente  ces  dernières  explications  que  comme 
des  conjectures  qui  peuvent  inviter  à  tenter  de5  expériences 
sur  un  objet  qui  n'est  pas  indifférent  à  la  théorie  chi- 
mique. 


SECTION      VI. 

DE    L'ACTION    DE    L'ATMOSPHÈRE. 

CHAPITRE     PREMIER. 
De  la  constitution  de  l' atmospJièj^e . 


234.  1_j'atmosphère  intervient  dans  un  grand 
nombre  de  phénomènes  chimiques  par  Faction 
dissolvante  qu'elle  exerce  sur  les  liquides  et  sur 
les  fluides  élastiques,  par  l'obstacle  qu'elle  op- 
pose à  leurs  dispositions  naturelles  ,  ou  par  la 
combinaison  de  Tun  de  ses  éléments. 

Il  faut  donc  la  considérer  sous  ces  rapports 
pour  reconnaître  la  part  qu'elle  a  dans  les  phé- 
nomènes ;  mais  sa  constitution  fait  varier  son 
action. 

La  constitution  de  l'atmosphère  est  le  résultat 
des  conditions  dans  lesquelles  elle  se  trouve  , 
c'est  à-dire  de  la  compression  qu'elle  éprouve , 
de  sa  température  et  de  son  humidité.  J'ai  déjà 
examiné  les  effets  comparatifs  de  la  compression 
et  de  la  température  sur  les  gaz  en  général  (  1 00)  ^ 


DE    l'action    de    l'atmosphère,        4?  Ï 

mais  il  faut  en  faire  une  application  plus  par- 
ticulière ,  relativement  à  l'action  de  l'atmosphère 
et  aux  dispositions  des  liquides  qu'elle  tend  à 
prendre  en  dissolution. 

L'expérience  a  appris  que  le  volume  de  l'air 
diminue  en  raison  inverse  du  poids  qui  le  com- 
prime :  tous  les  gaz  permanents  suivent  la  même 
loi  ,  mais  relativement  à  la  vapeur  élastique  de 
l'eau  qui  y  est  tenue  en  dissolution ,  il  faut  faire 
une  distinction  ,  selon  la  proportion  qui  s'y 
trouve  :  si  l'air  en  est  saturé  ,  la  vapeur  élas- 
tique ne  peut  éprouver  une  diminution  dans 
l'espace  qu'elle  occupait  ,  sans  qu'une  partie 
proportionnelle  à  la  diminution  ne  reprenne 
l'état  liquide  (167);  mais  si  Ton  augmente  l'es- 
pace ,  elle  se  dilate  comme  les  autres  gaz  ,  et 
alors  l'hygromètre  marche  au  sec  ;  lorsque  l'air 
se  trouve  éloigné  de  l'état  de  saturation  ,  il  s'ap- 
proche de  la  saturation  à  mesure  qu'il  est  com- 
primé ,  et  l'hygromètre  marche  à  l'humidité  ; 
mais  lorsqu'il  est  parvenu  au  terme  de  la  satu- 
ration, il  ne  peut  plus  être  contracté,  sans  qu'une 
partie  de  la  vapeur  aqueuse  ne  se  sépare  en' 
eau;  tout  ce  qui  reste  en  dissolution  conserve 
le  même  degré  de  tension  :  ainsi  la  compression 
réduit  le  volume  des  vapeurs  élastiques  comme 
celui  des  gaz  permanents  ,  jusqu'au  terme  de 
la  saturation  ;    alors   elle  réduit  la  quantité. 

235.  Kous  avons  vu  (108)  quelle  loi  suivait  la 


H']^  STATIQUE      CHIMIQUE. 

dilatation  des  gaz  par  la  chaleur  ;  mais  l'ëlë- 
vation  de  température  produit  sur  la  vaj^eur 
élastique,  ou  plutôt  sur  le  liquide  qui  tend  à 
former  cette  vapeur  des  effets  qui  méritent  une 
considération  particulière. 

1°.  Elle  dilate  la  vapeur  élastique  comme  un 
gaz  ,  et  elle  augmente  sa  tension  ;  de  sorte  que 
cette  vapeur  fait  équilibre  avec  une  colonne  de 
mercure ,  qui  est  à  celle  qui  produisait  la  pre- 
mière tension ,  dans  le  même  rapport  que  les 
tensions:  la  vapeur  d'eau  qui  ,  à  quinze  degrés  , 
pouvait  élever  le  mercure  de  six  lignes  ,  Télevera 
à-peu-près  de  neuf  à  une  température  de  80  de- 
grés ,  ou  devra  être  comprimée  de  cette  colonne 
pour  conserver  son  premier  volume. 

1°.  Elle  augmente  la  quantité  qui  doit  occuper 
un  espace  déterminé,  ou  qui  se  dissout  dans 
tm  volume  d'air  ;  de  sorte  que  s'il  n'y  a  pas 
assez  d'eau  pour  satisfaire  à  cette  condition,  Fair 
qu'on  échauffe  s'éloigne  par  là  du  degré  de 
saturation ,  et  fait  marcher  l'hygromètre  au  sec. 

Mais  s'il  se  trouve  de  l'eau  pour  produire  la 
saturation  ,  la  tension  s'accroit  dans  une  beau- 
coup plus  grande  proportion  que  dans  la  sup- 
position précédente  ;  de  sorte  qu'un  effet  beau- 
coup plus  considérable  s'ajoute  au  premier. 

Les  quantités  d'eau  qui  se  dissolvent  dans 
un  volume  d'air  ,  par  des  élévations  de  tem- 
pérature ,    suivent  donc  un  rapport   beaucoup 


DE  l'action  de  l'atmosphère.  ^73 
plus  considérable  que  les  dilatations  :  à  1 5  degrés 
du  thermomètre  le  pied  cube  d'air  saturé  d'eau 
en  contient  ,  selon  Fobservation  de  Saussure  , 
à-peu-près  ii  gr.  ;  et  à  6,78,  il  n'en  peut 
contenir  que  5  gr. 

On  voit  par  là  pourquoi  l'air  ,  qui  est  refroidi 
par  la  dilatation  ,  dépose  de  l'eau  lorsqu'on  le 
dilate  ;  le  froid  produit  par  la  dilatation  a  un 
effet  beaucoup  plus  grand  sur  la  quantité  d'eau 
qui  peut  être  tenue  en  dissolution  que  l'augmen- 
tation de  l'espace  qu'il  occupe  ;  ce  qui  explique 
comment  il  peut  se  faire  que  l'air  comprimé 
par  le  poids  d  une  colonne  de  200  pieds  d'eau , 
dans  une  machine  employée  dans  les  mines  de 
Hongrie  (i),  dépose  de  la  neige  et  de  petits  gla- 
rons  ,  lorsqu'on  lui  permet ,  par  l'ouverture  d'un 
robinet ,  de  reprendre  l'état  qu'il  doit  avoir  à 
une  compression  ordinaire. 

2  36.  Puisque  l'effort  de  l'élasticité  est  le 
même  lorsque  l'eau  élève ,  par  sa  tension  ,  une 
colonne  de  mercure  dans  le  vide  ,  ou  lorsqu'elle 
a  déjà  pris  l'état  élastique  (i 65) ,  on  peut  conclure 
de  l'effet  qu'elle  produit  dans  une  circonstance , 
celui  que  l'on  en  obtiendrait  dans  l'autre  ,  et 
juger  ,  par  la  tension  d'un  liquide ,  de  la  force 
élastique  de  la  vapeur  à  différentes  tempéra- 
tures. 

(1)  Trans.  pliilos.  vol.   LU. 


h'j^  S'TATIQUE     CHIMinUF. 

BetariGouit  a  fait  des  expériences  très-inlë- 
ressantes  sur  cet  objet  (i)  ;  mais  quoiqu'elles 
aient  un  degré  d'exactitude  suffisant  pour  le 
Lut  qu'il  s'était  proposé ,  elles  n'en  ont  pas  assez, 
sur-tout  dans  les  degrés  inférieurs  ,  pour  recon- 
naître la  loi  que  suit  cette  dilatation  ;  ainsi  il  n'a 
point  obtenu  d'effet  pour  les  quatre  premiers 
degrés  du  thermomètre ,  et  pour  lo  degrés  il 
n'a  que  o,i5  p.  ,  pendant  que  l'observation  de 
Van  Marum  donne  o,4o. 

Volta  a  distingué  dans  ses  recherches,  comme 
je  l'ai  fait  d'après  lui ,  l'effet  qui  est  dû  à  l'ac- 
croissement de  tension  par  l'élévation  de  tem- 
pérature ,  lequel  suit  la  loi  commune  à  tous 
les  gaz  ,  et  celui  que  produit  la  formation  d'une 
nouvelle  vapeur  qui  prend  elle-même  la  tension 
que  donne  la  température  ;  de  sorte  qu'il  s'est 
rendu  compte  par  là  des  deux  causes  qui  pro- 
duisent l'accroissement  de  l'action  élastique  d'un 
liiC[iiide  ou  de  la  vapeur  qu'il  forme  par  la  cha- 
leur :  il  a  vu  que  tous  les  liquides  suivaient 
dans  ces  effets  la  même  loi ,  non  -  seulement 
lorsqu'ils  étaient  parvenus  au  terme  de  l'ébul- 
lition ,  mais  à  des  termes  également  distants 
de  l'ébullition  :  il  a  observé  que  l'effort  élastique 
doublait  à-peu-près  de  1 3  degrés  en  1 3  degrés  du 


(i)  Es=:ai  expérimental  et   analyfique,  etc.    Prony,    Jour. 
PûlyteclinK|ue ,    cahier  î. 


DE    l'action    de    l'atmosphère.        47 ^ 

thermomètre  de  Rëaumur.  Je  ne  présente  sans 
doute  ces  résultats  ,  que  j'ai  recueillis  de  sa  con- 
versation ,  que  d'une  manière  incomplète  ,  et  il 
se  proposait  d'y  porter  une  plus  grande  pré- 
cision. 

■iZ'].  Dalton  vient  de  publier  un  mémoire  im- 
portant sur  le  même  objet  :  Je  vais  en  présenter 
le  précis  ,  tel  qu'il  se  trouve  dans  la  Biblio- 
thèque Britannique  (i).  J'y  appliquerai  les  prin- 
cipes que  j'ai  tâché  détablir,  et  je  discuterai 
riiypothèse  physique  dont  il  fait  usage  pour 
expliquer  ses  résultats. 

«  L'auteur  prend  un  tube  de  baromètre  par- 
faitement sec,  il  le  remplit  de  mercure  préa- 
lablement bouilli  ,  et  il  marque  l'endroit  du 
tube  où  le  mercure  reste  suspendu ,  formant 
le  baromètre  de  Torricelli.  Il  gradue  ce  tube 
en  pouces  et  dixièmes  ,  par  des  traits  de  lime  ; 
il  l'humecte  ensuite  ,  après  en  avoir  sorti  le 
mercure,  avec  de  l'eau  ou  tel  liquide  dont  il 
veut  éprouver  la  vapeur;  il  le  remplit  de  nou- 
veau de  mercure  en  excluant  bien  i  air ,  et  lors- 
que le  tube  a  été  redressé  quelque  temps  , 
le  liquide  dont  il  a  été  humecté  en  dedans 
se  ramasse  peu-à-pcu  au  haut  de  la  colonne 
de  .mercure  où  il  forme  une  petite  couche. 

»  Pour  donner  à  la  vapeur  qui  se  forme  alors 

(i)  Bibl.  Bnt.  tcm.   XX  et  XXF. 


A']G  STATIQUE     CHIMIQUE. 

dans  le  vide  de  TorricelU ,  telle  température  qu'il 
désire  lui  procurer  ,  Tauteur  introduit  à  demeure 
et  au  travers  d'un  bouchon  ce  tube  barométrique 
dans  un  (ube  de  verre  de  deux  pouces  de  dia- 
mètre et  de  r4  pouces  de  long.  Le  baromètre 
est  maintenu  dans  l'axe  de  ce  tube  par  deux 
bouchons  qu'il  traverse ,  et  dont  le  supérieur 
a  une  seconde  ouverture  par  laquelle  on  remplit 
le  gros  tube  ,  d'eau  plus  ou  moins  chaude  , 
jusques  à  la  température  de   i55.   (  54  |  R-) 

»  Pour  les  températures  plus  élevées  ,  l'auteur 
emploie  un  baromètre  à  syphon  dont  il  ren- 
ferme la  longue  branche  dans  un  tube  de  fer- 
blanc  ,  qui  peut  supporter  l'eau  bouillante  ;  et  il 
juge  de  la  descente  du  mercure  dans  la  partie  in- 
visible du  tube ,  par  son  ascension  dans  la  branche 
inférieure.  Cette  méthode  suppose  que  le  tube 
est  bien  d'égal  diamètre  dans  toute  sa  longueur. 

»  On  peut  encore  déterminer  ,  par  là  pompe 
pneumatique  ,  munie  d'une  éprouvette  à  baro- 
mètre ,  la  force  de  la  vapeur  aqueuse  à  diverses 
températures  au-dessous  de  l'eau  bouillante.  On 
met  sous  le  récipient  une  fiole  à  moitié  pleine 
d'eau  chaude  ,  dans  la(j[uelle  on  plonge  un  ther- 
momètre ;  on  fait  le  vide  lentement  ,  et  au  mo- 
ment où  l'eau  commence  à  bouillir  par  la  di- 
minution de  la  pression  de  l'air  ,  on  marque  le 
degré  du  thermomètre  et  celui  de  l'éprouvette. 
La  hauteur  du  mercure  dans  celle-ci  est  la  me- 


DE  l'action  de  l'atmosphère.  477 
sure  précise  de  la  force  de  la  vapeur  :  cette 
méthode  est  applicable  à  d'autres  liquides. 

))  En  employant  ces  divers  jjrocédës  ,  et  par 
des  expériences  répete'es  ,  dont  il  a  comparé  soi- 
gneusement les  résultats ,  l'auteur  a  dressé  une 
table  des  forces  expansives  de  la  vapeur  aqueuse  , 
de  degré  en  degré  du  thermomètre  de  Fah- 
renheit entre  la  glace  et  l'eau  bouillante  ;  et 
l'examen  des  résultats  lui  ayant  fait  découvrir 
une  loi  assez  régulière  dans  leur  marche,  qui 
se  rapproche  beaucoup  d'une  progression  géo- 
métrique ,  dont  la  raison  décroîtrait  lentement , 
il  s'en  est  prévalu  pour  étendre  sa  table ,  d'une 
part  jusques  à  la  congélation  du  mercure ,  de 
l'autre  jusques  à  SaS»  F.  (i3o  5  R.)  (Les  rédac- 
teurs donnent  cette  table  ). 

»  On  sait  qu'il  existe  des  liquides  plus  éva- 
porables  que  l'eau  ,  tels  que  l'ammoniaque  , 
Téther,  l'alcool,  etc.  Il  y  en  a  d'autres  qui  le 
sont  moins ,  tels  que  le  mercure  ,  l'acide  sul- 
f  urique  ,  le  muriate  de  chaux  ,  la  solution  de 
potasse  ,  etc.  ;  et  il  paraît  ,  dit  l'auteur  ,  que 
la  force  de  la  vapeur  de  chacun  de  ces  liquides 
dans  le  vide  est  proportionnelle  à  son  t-vapo- 
rabilité.  M.  de  Betancourt  établit  que  la  force 
de  la  vapeur  de  l'eau  et  celle  de  l'esprit-de-vln 
sont  en  rapport  constant  ;  savoir  à-peu-près  , 
comme  trois  à  sept.  Les  premières  expériences 
de  l'auteur  le  rapprochèrent  de  ce  résultat;  niais 


47^  STATIQUE     CHIMIQUE. 

il  a  dû  s'en  écarter  ensuite;  et  d'après  un  travail 
fait  sur  six  liquides  différents  ,    il  est  arrivé    à 
cette  conclusion  générale ,  savoir  :  «  qu'en  par- 
»  tant  d'une  certaine  vapeur  d'une  force  donnée , 
))  la  variation  de  cette  force  par  les  changements 
y>  de  température ,  est  la   même   dans  tous  les 
»  liquides  ».    Ainsi  prenant   pour  terme   com- 
mun la  force  qui  soutient  3o  pouces  anglais  de 
mercure  ,   c'est-à-dire  ,  celle  de  tout  liquide  en 
éhullition  à  l'air   ouvert  ,    on    trouve    que    la 
vapeur  aqueuse  perd  la  moitié  de  sa  force  par 
une  diminution  de  3o°  F.  dans  sa  température  ; 
il  en  est  de  même   de   tout  autre   liquide  ;   sa 
vapeur  perd  la  moitié  de  sa  force  par  un  refroi- 
dissement de  3o°  au-dessous  de  son  terme  par- 
ticulier d'ébullition  ;  et  cette  même  force  double 
pour  la  vapeur  de  tout  liquide ,    comme  pour 
celle  de  l'eau,  par  un  accroissement  de  l\o^  F. 
au-dessus  de  la  température  de  FébuUition  du 
liquide  dont  il  est  cpiestion. 

»  L'auteur  commence  par  l'éther  sulfurique  , 
la  série  d'expériences  qui  l'amena  aux  conclu 
sions  que  nous  venons  d'énoncer  ;  ce  liquide 
entrait  en  ébuUition  à  102^  F.  (3i  ^  11.  )  Il  en  in- 
troduisit  une  petite  quantité  dans  le  vide  d'un 
baromètre,  et  trouva  que  sa  vapeur,  à  la  tem- 
pérature de  62°  F.  ,  (  i3  Y  R.)  soutenait  12,73 
pouces  de  mercure.  C'est  la  force  de  la  vapeur 
aqueuse  à  172°;  or,  ces  deux  températures  sont 


DE    l'aCTIO]^    PE    l' ATMOSPni:  P,  1».         ZjyQ 

respectivement  distantes  de  l[0°  F.  des  termes, 
de  Fëbuliition  de  Tëther  et  de  l'eau,  savoir  lost 
et  2  12.  L'auteur  vérifia  ce  même  rapport  danj 
d'autres  parties  de  rëchelle  au-dessous  du  terme 
de  l'ébullition  ;  il  a  vérifié  aussi  dans  les  tem- 
pératures au-dessus  de  ce  même  terme ,  aii 
moyen  d'un  tube  à  sypbon  ,  dans  la  courte 
branche  duquel  il  introduisit  quelques  gouttes 
d'étlier ,  dont  la  vapeur  soulevait  une  colonne 
de  mercure  plus  ou  moins  considérable  dans 
la  longue  branche,  à  raison  de  la  température 
qu'il  donnait  à  Féther,  en  plongeant  la  branche 
courte  dans  l'eau  chaude.  Il  trouva  que  la  vapeur 
de  l'éther  à  i47°  avait  une  force  équivalente  à 
64,75  pouces  de  mercure.  C'est  aussi  la  force 
de  la  vapeur  de  l'eau  à  257° ,  terme  éloigné 
de  45*^  de  celui  de  l'ébullition  de  l'eau ,  tout 
comme  le  précédent  est  éloigné  aussi  de  4 5°  du 
terme  de  l'ébullition  de  l'éther. 

»  Par  une  disposition  ingénieuse  de  l'appareil , 
l'auteur  a  pu  soumettre  la  vapeur  de  l'éther  à 
la  temjjérature  de  l'eau  bouillante  :  sa  force 
égalait  alors  137,67  pouces  de  mercure.  Cette 
température  (212°)  est  de  iio**  au-dessus  de 
l'éther  bouillant.  Or  ,  l'eau  à  322°  ,  c'est-à-dire , 
à  110°  au-dessus  de  son  terme  débullilion ,  sou-» 
lève  i37,'28  pouces  de  mercure;  donc  la  loi  en 
question  se  maintient  dans  toutes  les  temps* 
ratures  éprouvées. 


48o  STATIQUE     CHIMIQUE. 

»  Dans  les  exjjëriences  sur  la  vapeur  de  l'esprit- 
de-vin  ,  l'auteur  trouva  que  la  force  de  cette 
vapeur  surpassait  un  peu  celle  de  la  vapeur 
aqueuse  à  même  distance  du  terme  d'ébullition. 
11  attribue  la  différence  à  la  difficulté  de  main- 
tenir l'alcool  au  même  degré  de  rectification 
pendant  l'expérience.  La  différence  ,  au  demeu- 
rant ,  n'excède  guère  a  p.  ^ ,  quantité  qui  est 
dans  les  limites  des  erreurs  inévitables  dans  ce 
genre  d'expériences.  La  même  difficulté  qu'il 
avait  éprouvée  dans  les  expériences  avec  l'esprit- 
de-vin ,  se  présenta  avec  plus  d  inconvénient 
encore  dans  cell<?s  avec  l'ammoniaque. 

»  Le  muriate  de  chaux,  qui  entrait  en  ébul- 
lition  à  23o°  ,  c'est-à-dire ,  à  une  température 
plus  élevée  de  i8°  que  celle  à  laquelle  l'eau  bout , 
introduit  dans  le  vide  de  Torricelli  et  chauffé 
successivement  à  55  ,  65  ,  70  et  qS"  F,  ,  produisit 
dans  la  colonne  mercurielle  des  dépressions  qui 
s'accordaient  fort  bien  avec  celles  produites  par 
la  vapeur  aqueuse,  à  même  distance  du  point 
d'ébullition   de  l'eau   pure  ». 

Les  résultats  que  je  viens  de  présenter  ,  et 
qui  font  connaître  la  marche  régulière  de  tous 
les  liquides  et  de  tous  les  fluides  élastiques  dans 
la  progression  de  l'élasticité  qu'elles  reçoivent 
du  calorique  ,  font  voir  que  l'action  récipro- 
que de  leurs  molécules  ou  ne  produit  au- 
cun effet  ou  devient  uniforme  depuis  le  terme 


t>É  l'action  de  l'atmosphère.  48i 
J^uquel  on  voit  cesser  rinfluence  de  la  force  de  co* 
hësion  ;  elle  n'est  plus  modifiée  que  par  l'action 
du  calorique  ,  qui  en  se  combinant  au  même 
degré  de  saturation  doit  produire  des  effets  qui 
sont  semblables  lorsqu'ils  sont  dégages  de  ceux 
des  causes  qui  agissent  en  sens  contraire, 

2  38.  Dalton  a  examiné  une  autre  suite  de 
phénomènes  ;  il  a  déterminé  les  dilatations  que 
l'air  éprouve  ,  lorsqu'il  se  trouve  en  contact  avec 
un  liquide  ,  selon  la  tension  élastique  de  ce 
liquide  :  «  Il  a  employé,  dans  cette  suite  d'ex- 
périences ,  des  manomètres  composés  de  tubes 
droits  et  cylindriques  ,  scellés  hermétiquement 
à  l'une  de  leurs  extrémités,  et  de  ^  de  pouce 
de  diamètre  intérieur.  Ils  étaient  divisés  en 
parties  égales  ;  on  introduisait  au  fond  une 
goutte  ou  deux  du  liquide  à  soumettre  a  l'ex- 
périence ,  et  après  avoir  bien  desséché  le  tube 
en  dedans ,  on  y  laissait  entrer  l'air  commun , 
ou  tel  autre  gaz ,  et  on  l'enfermait  par  une  co- 
lonne de  mercure  ,  longue  depuis  -^  de  pouce 
jusqu'à  3o  pouces  ,  selon  les  circonstances.  On 
plongeait  ensuite  l'extrémité  fermée  du  mano- 
mètre dans  de  l'eau  d'une  température  donnée  , 
et  on  observait ,  par  le  mouvement  du  mercure  , 
l'expansion  du  fluide  élastique  à  raison  de  cette 
température. 

»  On  avait  préalablement  déterminé  la  dilata- 
bilité de  l'air  sec  ;  et  ici  l'auteur  nous  annonce 
I.  3i 


48iA  STATIQL'E     CHIMIQUE. 

en  passant ,  que  d'après  des  expériences  dont  il 
sera  question  dans  un  essai  suivant  ,  l'expan- 
sibilité  de  tous  les  fluides  élastiques  est  la  même  , 
ou  à-peu-j^rès ,  dans  les  mêmes  circonstances. 
Mille  parties  de  l'un  quelconque  de  ces  fluides 
occupent  un  volume  de  iSyo  à  i38o  parties  par 
180°  F.  (80°  R.)  de  chaleur ,  et  cette  dilatation 
se  fait  selon  une  marche  à-peu-près  uniforme. 

«  Voici  la  formule  simple  de  la  dilatation 
combinée,  dans  le  cas  du  mélange  de  la  vapeur 
au  gaz ,  telle  qu'elle  résulte  de  toutes  les  expé- 
riences qu'il  a  faites  entre  les  températures  de 
la  glace  et  de  l'eau  bouillante. 

»  Soit  i  l'espace  occupé  par  un  gaz  sec  dans 
une  température  donnée  ;  p  ,  la  pression  qu'il 
éprouve  ,  exprimée  en  pouces  de  mercure  ;  fj 
]a  force  élastique  de  la  vapeur  du  liquide ,  dans 
cette  même  température  et  dans  le  vide  :  au 
moment  du  mélange ,  une  dilatation  a  lieu ,  et 
l'espace   occupé   par    les    deux    fluides  devient 

bientôt  =  -^ 

»  Ainsi ,  dans  le  cas  de  la  vapeur  aqueuse  mêlée 
à  l'air ,  par  exemple ,  on  a  p  =  3o  pouces  ; 
jf  =    1 5    pouces  ,    à   la  température   donnée  , 

j  80°  F.  )  alors  —-7  = ■  -=  2  :  c  est-  a  -  dire 

J  p—j  5o— 15  ' 

que  le  volume  a  doublé. 

)>Si  la  temj3erature  est  ^oT  F.,  f  =  iS  est 
sextuplé. 


î 


î)r    l'action    de    l' ATLÎGSPHiRE.       48^ 

»  Si  p  =  60  pouces ,  /  —  3o  pouces ,  à  la 
température    de    ieau    bouillante ,    alors    l'es- 

pace   =   ^_Yo  =  2  ;  c  est-à-dire  ,  que  l'eau  sous 

la  pression  de  Go  pouces  de  mercure  ,  et  à  la 
temj^ërature  de  Teau  bouillante,  produit  une 
vapeur  qui  double  précisément  le  volume  de  l'air. 
»  Si  on  emploie  de  rëther;  soit  sa  tempéra- 
ture =  70°  F.  (  17°  R.)  on  aura  /  =  i5  :  si 
l'on  suppose  p  =  3o ,  on  aura  dans  ce  cas  le 
volume  de  l'air   doublé  ». 

239.  Dalton  examine  les  différentes  suppo- 
sitions que  l'on  peut  faire  sur  les  raj^ports  de 
deux  gaz  qui  occupent  ensemble  un  esjjace  ; 
on  présente  ainsi  celle  qu'il  adopte. 

«  Les  particules  de  l'un  des  deux  fluides  peu- 
vent n'exercer  ni  attraction,  ni  répulsion  sur 
celles  de  l'autre;  c'est-à-dire  qu'elles  seront  sou- 
mises ,  dans  cette  supposition  ,  aux  loix  des 
corps  élastiques. 

»  Dans  ce  cas ,  si  l'on  mêle  ces  deux  fluides , 
ils  se  distribueront  de  manière  que  leurs  forces 
réunies  égaleront  la  pression  de  l'atmosphère. 
Chacun  des  deux  ne  sera  pour  l'autre  qu'un 
obstacle  qui  occupera  l'espace  laissé  vide  entre 
les  molécules  homogènes;  la  pj-ession  exercée 
sur  une  molécule  donnée  d'un  fluide  mixte  ainsi 
composé  ,  proviendra  exclusivement  de  l'action 
répulsive  des  molécules  homogènes. 

3].. 


4^4  STATIQUE     CHIMIQUE. 

»  L'auteur  trouve  que.  cette  hypothèse  résout 
toutes  les  difficultés ,  dans  le  cas  des  mélanges 
des  gaz  sans  combinaison.  Ainsi  tous  les  com- 
posants de  Tatmosphère,  les  gaz  oxigène,  azote, 
hydrogène ,  acide  carbonique,  la  vapeur  aqueuse , 
etc.  ,  s'arrangent  ensemble ,  sous  une  pression 
et  une  température  données  ;  et  par  une  dis- 
position paradoxale ,  mais  vraie ,  chacun  d'eux 
occupe  tout  l'espace  destiné  à  l'ensemble  de 
ces  fluides.  Ils  sont  si  rares,  au  demeurant, 
que  l'espace  qui  les  renferme  tous  ne  diffère 
pas  beaucoup  du  vide. 

»  Indépendamment  des  gaz  azote  et  oxigène , 
les  deux  composants  principaux  de  l'air  atmos- 
phérique ,  l'auteur  regarde  la  vapeur  aqueuse 
et  l'acide  carbonique  comme  deux  autres  in- 
grédients constamment  mélangés  dans  ce  fluide. 
Il  assigne  à  ces  quatre  substances  les  propor- 
tions suivantes. 

»  Le  gaz  azote  soutiendrait  à  lui  seul  a  1,2 
pouces  anglais  de  mercure  dans  le  baromètre. 

»  Le  gaz  oxigène  en  soutiendrait  environ  7,3  ; 
l'un  et  l'autre  de  ces  gaz  ne  changent  d'état  par 
aucun  refroidissement  connu. 

»  La  vapeur  aqueuse  varie  en  quantité  ,  à 
raison  de  la  température  ». 

Q.l[0.  Ainsi  deux  fluides  élastiques ,  de  nature 
différente,  n'exercent  pas  plus  d'action  réciproque 
que  si  l'un  était  le  vide  par  rapport  à  l'autre  ; 


DE    l'aCTIOTI    de    L    ATMOSPHÈRE.         4^^ 

on  rei^arde  celui  qui  occupe  le  premier  espace 
comme  un  obstacle  que  l'on  ne  fait  connaître 
que  par  une  comparaison  inexacte  dont  je  par- 
lerai ,  mais  qui  n'agit  point  sur  la  force  ex- 
pansive  du  gaz,  et  qui  n'exerce  point  d'action 
chimique  ,  et  on  n'assigne  à  cet  obstacle  qu'une 
existence  momentanée. 

Deluc  ,  auquel  on  doit  tant  de  recherches  labo- 
rieuses et  importantes  sur  cet  objet,  n'avait 
d'abord  attribue  tous  les  phénomènes  de  l'ëva- 
poration  qu'à  l'action  du  feu  ;  il  admit  ensuite 
une  force  qu'il  compara  à  celle  des  tubes  capil- 
laires ,  laquelle  introduisait  les  molécules  d'un 
fluide  élastique  (i)  entre  celles  d'un  autre,  jus- 
qu'à ce  qu'il  y  eût  équilibre  entre  l'action  et 
h.  réaction,  ce  qui  est  au  fond  une  manière 
de  désigner  l'affinité  ;  mais  ni  lui ,  ni  les  phy- 
siciens qui  ont  suivi  son  opinion ,  n'avaient 
imaginé  qu'un  gaz  dut  être  considéré  à  l'égard 
d'un  autre  ,  comme  privé  d'action  mécanique  ou 
comme  le  vide.  Il  faut  donc  opposer  de  nouvelles 
observations  à  une  opinion  à  laquelle  des  résultats 
bien  saisis  et  très-intéressants  doivent  donner  dei 
l'importance. 

Je  remarquerai  d'abord  que  dans  l'hypothèse 
que  j'ai  choisie  ,  c'est-à-dire ,  en  admettant  que 
la  vapeur  élastique  prend,  par  l'action  d'un  gaz, 

(i)   Trans.   philos.   1793. 


486  STATIQUE     CHIMIQUE. 

les  propriétés  d'un  gaz  permanent ,  les  phéno- 
mènes qui  viennent  d  être  exposés  sexpliqtient- 
d'une  manière  naturelle  :  je  prends  pour  exemple 
le  cas  où  la  tension  élastique  d'un  liquide  étant 
i5,  et  la  pression  3o  ,  le  liquide  est  contenu 
dans  un  espace  avec  un  volume  d'air  ,  en  pro- 
duisant les  effets  manométriques  (i66),  et  où 
le  g-az  composé  passerait  ensuite  à  l'état  qu'il 
aurait  dans  l'atmosphère  sous  une  pression  de 
3o ,  et  toujoTirs  en  contact  avec  le  liquide  ;  dans 
le  manomètre ,  l'air  éprouve  une  pression  de 
45  degrés ,  son  volume  doit  donc  diminuer  dans 
le  rapport  de  45  à  3o  ,  mais  il  doit  se  dilater 
dans  le  même  rapport ,  lorsqu'il  passe  à  une 
pression  de  3o  :  la  vapeur  élastique  doit  éprouver 
une  dilatation  semblable,  et  acquérir  une  lé- 
gèreté spécifique  correspondante  ;  mais  le  volume 
étant  augmenté  parla  dilatation  de  l'air ,  il  doit 
se  former  une  nouvelle  vapeur  correspondante 
à  l'augmentation  de  l'espace  :  ces  trois  causes 
réunies  doivent  donner  précisément  pour  résultat 
un  volume  double  de  celui  que  l'air  avait;  en 
effet,  si  l'on  introduit  dans  un  espace  de  l'air 
sec  à  3o  de  tension ,  de  manière  qu'il  puisse  se 
dilater,  et  si  l'on  y  place  un  liquide  qui  a  i5  de 
tension,  il  suit,  du  principe  établi  sur  l'observa- 
tion, qu'une  vapeur  élastique  qui  se  forme  est  en 
même  quantité  dans  un  espace  qui  est  vide  ou  qui 
est  rempli  par  l'air  ;  que  la  vapeur  occupera  la 


DE    l'A.CTIO^'    11E    l' ATMOSPHT- RE.        4^7 

moitié  de  l'espace  où  l'air  était  contenu;  il  faudra 
donc  qu'une  moitié  de  celui-ci  en  sorte  ,  mais  elle 
exigera  un  nouvel  espace ,  égal  à  celui  de  la  pre- 
mière moitié,  et  qui  se  trouvera  dans  la  même  cir- 
constance; il  devra  donc  se  former  une  quantité  de 
vapeur  égale  à  la  première  ,  et  le  volume  sera 
doublé  conformément  à  la  formulé  de  Dalton. 

Cependant ,  comme  on  le  verra  bientôt ,  il 
n'est  pas  indifférent  de  préférer  une  hypothèse 
physique  qui  s'accorde  avec  les  propriétés  des- 
quelles dérivent  les  phénomènes  ,  à  une  autre 
qui  ne  peut  qu'en  représenter  les  résultats  : 
je  dois  donc  discuter  la  supposition  sur  laquelle 
Dalton  établit  ses  ex])lications. 

1°.  Il  n'est  jioint  de  l'essence  des  gaz  d'être 
privés  d'action  réciproque  ;  le  gaz  nitreux  et 
le  gaz  oxigène  ,  le  gaz  ammoniaque  et  le  gaz 
muriatique ,  le  gaz  mûri  a  tique  oxigéné  et  le  gaz 
hydrogène  sulfuré  ou  phosphuré  n'entrent-ils 
pas  en  combinaison  ,  ou  ne  se  décomposent-ils 
pas  très-facilement  par  leur  action  réciproque? 

a°.  Le  gaz  hydrogène  et  le  gaz  oxigène  for- 
ment de  l'eau  dans  une  circonstance  donnée  ;  le 
gaz  azote  et  le  gaz  oxigène  peuvent  aussi  ])ro- 
duire  l'acide  nitrique;  mais  l'action  réciproque 
qui  décide  les  combinaisons  ne  peut  être  con- 
sidérée comme  une  force  qui  prend  naissance 
à  l'époque  précise  où  elle  se  manifeste  ,  elle  a 
du  exister  long-temps  avant  que  de  produire 


4i>8.  STATIQUE     eniMIQU  E. 

son  effet,  et  s'accroUre^  peu-à-peu  jusqu'à  ce 
qu'elle  soit  devenue  prépondérante. 

3°.  Le  gaz  azote  se  conduit  avec  le  gaz  oxigène 
dans  les  changements  occasionnés  par  la  tem- 
pérature et  par  la  pression,  précisément  comme 
un  seul  et  même  gaz  ;  faut-il  avoir  reco-urs  à  une 
supposition  qui  oblige  à  admettre  une  si  grande 
différence  d'action  que  rien  n'indique  ? 

/\^.  Lorsqu'un  gaz  est  mêlé  avec  un  autre  qui 
a  une  grande  différence  de  pesanteur  spécifique , 
par  exemple  ,  lorsque  le  gaz  hydrogène  est  super- 
posé au  gaz  acide  carbonique ,  ce  n'est  qu'après 
quelques  jours  que  le  mélange  devient  uniforme  : 
si  le  premier  n'offrait  à  l'acide  carbonique  qu'un 
espace  vide  .  celui-ci  devrait  s'y  élancer  avec 
rapidité;  mais  ,  dira-t-on ,  le  gaz  hydrogène  pré- 
sente  un  obstacle  qu'il  faut  surmonter  ?  si  cet 
obstacle  est  une  force  mécanique  ,  il  faut  que 
l'action  élastique  devienne  plus  puissante  que 
lui;  mais  alors  l'un  et  l'autre  gaz  doivent  con^ 
tinuer  d'agir  réciproquement  par  leur  élasticité. 

5°.  Si  un  gaz  n'offre  à  une  vapeur  qui  se  forme, 
que  des  espaces  qu'on  doit  regarder  comme  vides , 
et  s  il  ne  lui  oppose  qu'une  résistance  que  l'on 
compare  à  celle  du  gravier  ,  qui  laisse  passer 
l'eau  à  travers  ses  interstices  ,  il  ne  pourra  que 
retarder  la  formation  de  la  vapeur  ,  comme  on 
l'avance  ;  mais  le  volume  qu'il  occupe  ne  doit 
point  changer  ,  et  cependant  celui  de  la  vapeur 


DE   l'aCTIOI!^^    de    L 'atMO  SPH  ÈR  E.       4^9 

s'ajoute  en  entier  au  sien  ;  on  dit  qu'alors  il  se 
diiate,  parce  qu'il  supporte  une  moindre  partie 
de  la  compression.  Ce  partage  d'une  même  com- 
pression de  l'atmosphère  a-t-il  quelqu'analogie 
avec  une  propriété  physique  déjà  connue?  Peut- 
on  concevoir  une  substance  élastique  qui  ajoute 
son  volume  à  celui  d'une  autre  ,  et  qui  cepen- 
dant n'agit  point  sur  elle  par  sa  force  expansive  ? 

34t.  Ce  qui  a  porté  Dalton  a  rejeter  l'affinité 
chimique  entre  les  gaz,  c'est  que  dans  l'action 
de  l'affinité  il  y  a  pénétration  réciproque ,  dé~ 
p;ageTnent  de  calorique ,  changement  dans  les 
densités ,  et  les  phénomènes  sont  essentiellement 
différents  de  ceux  du  mélange  simple. 

Ces  effets  de  l'affinité  ne  peuvent  être  con- 
testés ,  lorsqu'elle  est  assez  énergique  pour  les 
produire ,  ou  lorsqu'ils  ne  sont  pas  déguisés  par 
des  effets  contraires;  mais  il  arrive  souvent  que 
son  action  est  trop  faible ,  pour  causer  un  chan- 
gement de  dimension  ou  de  température  ,  ou 
même  des  causes  plus  puissantes  ne  laissent 
paraître  qu'un  effet  contraire. 

Le  mercure  qui  adhère  à  la  surface  d'une 
masse  métallique ,  y  exerce  bien  une  action  , 
et  cependant  il  ne  produit  pas  de  changement 
de  dimensions  :  si  la  cohésion  ne  s'y  opposait , 
il  dissoudrait  complètement  le  métal  par  la  même 
force  qui  le  fait  adliérer  à  sa  surface. 

Un  sel  ne  se  dissout  dans  leau  qu'au  moyen 


40O  STATIQUE     CHIMIQUE. 

<1  une  action  chimique ,  et  bien  loin  cju'il  y  ait 
diminution  de  volume,  il  y  a  dilatation,  et  au 
lieu  d'y  avoir  dégagement  de  calorique ,  il  s  en 
fait  une  absorption  (142). 

Cette  dissolution  d'un  sel  a  des  rapports  frap- 
pants avec  celle  d'un  liquide  par  l'air  :  à  une 
température  donnée ,  il  ne  peut  y  avoir  qu'une 
quantité  déterminée  du  sel  qui  se  dissolve  ;  si 
l'on  diminue  la  quantité  de  l'eau ,  et  par  là  son 
volume  ,  une  portion  du  sel  correspondante  à 
cette  diminution  se  dépose  ,  la  force  de  cohésion 
opère  alors  ce  que  la  disposition  à  la  liquidité 
fait  dans  la  dissolution  d'un  liquide  par  un  gaz  : 
la  chaleur  produit  encore  un  effet  analogue  dans 
l'une  et  l'autre  :  la  comparaison  que  Leroi  a 
faite  de  ces  dissolutions  eut  été  exacte  s'il  eût 
pris  en  considération,  comme  l'a  fait  Saussure, 
la  gazéïté  qu'acquiert  le  liquide  en  prenant  l'état 
de  vapeur. 

9.42.  Dalton  conteste  cette  assertion  de  Lavoi- 
sier  ,  que  la  pression  atmosphérique  seule  main- 
tient l'eau  à  l'état  liquide ,  dans  la  température 
ordinaire  :  «  Si,  dit-il,  l'on  anéantissait  tout- 
à-coup  l'atmosphère  aérienne ,  en  ne  laissant 
subsister  que  sa  portion  aqueuse  ,  celle-ci  ne 
s'augmenterait  que  peu  ,  parce  qu'elle  existe 
déjà  dans  l'air  ,  à-peu-près  au  maximum  de  ce 
que  peut  produire  et  entretenir  la  tempéra- 
ture :   seulement  la   suppression    de  l'obstacle 


T)E    l' ACTION    DE    l'aTMO  SPH  ÈRE.        49' 

accélérerait  l'ëvaporation  ,  sans  en  augmenter 
bien  sensiblement  la  quantité  absolue. 

i)  Cette  notion  que  la  pression  empêche  Tëva- 
])oration  des  liquides ,  notion  qui  fait  axiome 
chez  les  physiciens  modernes ,  a  produit  peut- 
être  plus  d'erreur  et  de  perplexité  dans  la  science 
qu'aucune  autre  opinion  également  mal  fondée». 

L'observation  de  Dalton  ne  me  paraît  pas 
juste  ,  et  par  une  conséquence  de  son  opinion , 
il  me  semble  qu'il  est  conduit  à  une  idée  fausse 
sur  la  quantité  de  vapeur  qui  se  formerait  par 
Ja  suppression  de  l'atmosphère  ,  et  celle  qui 
peut  se  dissoudre  dans   l'atmosphère. 

En  examinant  les  effets  de  la  compression  de 
1  atmosphère  ,  opposée  à  l'action  du  calorique  , 
Lavoisier  remarque  que  sans  elle  les  molécules 
s'éloigneraient  indéfiniment ,  sans  que  rien  li- 
mitât leur  écartement ,  si  ce  n'est  leur  propice 
pesanteur  qui  les  rassemblerait  pour  former  une 
atmosphère  (i) 

Il  décrit  ensuite  les  observations  (;u"il  a  faites 
avec  Laplace  ,  sur  la  vaporisation  de  l'éther  et 
de  l'alcool  dans  le  vide  et  sur  la  force  élas- 
tique de  la  vapeur  qui  croît  selon  la  tempé- 
rature ,  et  qui  réduit  le  liquide  en  fluide  élas- 
tique,  lorsque  sa  tension  devient  plus  grande 
que  la  compression  de  l'atmosphère  :  je  ne  vois 

(i)  Traite  élém.  de  Chim.   V^ .  part.   p.  8. 


I 


,  4:)5  STATIQUE     C  n  I  M  I  Q  r  E. 

dans  ces  idées  rien  qui  ne  soit  conforme  aux 
phénomènes. 

En  effet  ,  si  l'on  exécute  une  distillation  eu 
empêchant  l'accès  de  l'air  ;  et  en  refroidissant  le 
récipient  ,  on  supprime  par  le  refroidissement 
la  plus  grande  partie  de  la  résistance  de  la  va- 
peur élastique  ,  qui  par  là  continue  à  se  repro- 
duire et  à  se  condenser  :  on  vérifie  le  principe 
que  sans  la  compression  de  l'atmosphère  aérienne 
ou  de  celle  qui  se  forme  ,  les  liquides  passe- 
raient à  l'état  élastique. 

L'observation  a  fait  voir  que  la  quantité  de 
vapeur  élastique  était  la  même  dans  un  espace 
vide  ou  dans  le  même  espace  occupé  par  l'air 
saturé  d  humidité  ,  au  même  degré  de  tempé- 
rature :  il  faut  conclure  de  là  que  la  quantité 
de  vapeur  élastique  qui  se  forme  dans  l'atmos- 
phère ,  est  différente  de  celle  qui  serait  produite 
si  l'atmosphère  était  supprimée  ;  dans  le  premier 
cas  ,  en  supposant  un  degré  de  température 
uniforme,  la  quantité  d'eau  contenue  dans  un 
même  espace  à  la  partie  supérieure  de  l'at- 
mosphère ,  ou  à  la  partie  inférieure  serait  la 
même ,  indépendamment  des  différences  de  com- 
pression ;  cet  effet  du  moins  aurait  lieu,  jus- 
qu'à ce  que  l'action  chimique  de  l'air  fut  de- 
venue inférieure  à  l'effet  du  2)oids  de  la  vapeur 
eîle-inême.  La  diminution  de  la  compression 
n'agirait  que  sur  la  quantité  de  l'air  qui  serait 


DE  l'actioiv  de  l' atmosphère.  49^ 
diminuée  par  là  pendant  que  celle  de  la  vapeur 
élastique  resterait  la  même;  ainsi,  à  i4  pouces 
de  pression  ,  un  pied  cube  d'air  n'aurait  que 
la  moitié  de  l'air  qu'il  a  à  une  pression  de 
28  pouces;  mais  la  quantité  d'eau  serait  la  même 
à  la  même  température,  et  au  même  degré  de 
saturation ,  d'où  il  résulte  que  les  variations  du 
baromètre  qui  sont  dues  à  celles  de  l'humidité 
de  l'atmosphère  ,  peuvent  être  beaucoup  plus 
grandes  que  ne  l'ont  cru  Saussure,  §.  aaS,  et 
Deluc(i). 

Dans  le  second  cas,  il  ne  pourrait  se  former 
qu'une  quantité  de  vapeur  déterminée  par  sa 
pesanteur  ;  ainsi ,  à  lo  degrés  du  thermomètre ,  la 
quantité  de  vapeur  répandue  dans  tout  l'espace  at- 
mosphérique ne  pourrait  surpasser  celle  qui  équi- 
vaut  à  la  pesanteur  de  o,4  pouce  de  mercure. 

Comme  la  quantité  d'eau  qui  peut  être  tenue 
en  dissolution  par  les  gaz  est  la  même  pour 
tous ,  et  comme  elle  est  proportionnelle  à  leur 
volume  et  à  leur  température  ,  l'état  de  d(»s- 
sication  et  d'humidité  peut  produire  des  varia- 
tions considérables  dans  ceux  qui  ont  peu  de 
pesanteur  spécifique:  ainsi  lorsque  le  gaz  hydro- 
gène à  10 degrés  est  saturé  d'humidité  ,  l'eau  qu'il 
tient  en  dissolution  en  forme  à -peu -près  Je 
dixième,  et  à  1 6  degrés  elle  en  fait  près  du  sixième. 

(i)  Ann.  (le   Cliim.  tom.   VIII. 


494  STATIQUE     CHTMIQUÎ-^ 

2.43.  C'est  à  lajDropriëté,  que  les  gaz  possèdent  ^ 
de  dissoudre  l'eau  ,  qu'est  due  l'ëvaporation  ; 
no  volume  d'air  sec  prend  ,  pour  se  saturer  , 
la  même  quantité  d'eau  qui  remplirait  dans  le 
vide  l'espace  occupé  par  l'air  saturé  ;  il  reçoit  par  là. 
un  accroissement  de  tension  égal  à  celle  de  la 
vapeur  ;  la  seule  différence  qu'il  y  ait ,  c'est 
que  l'évaporation  se  ferait  plus  rapidement  dans 
le  vide  ;  mais  elle  s'arrêterait  lorsque  la  vapeur 
formée  aurait  acquis  la  tension  qu'elle  ne  peut 
passer  à  une  température  déterminée  ;  l'air  au 
contraire  ,  en  se  renouvelant ,  présente  à  l'eau 
de  nouveaux  espaces  à  remplir  ;  de  sorte  que 
l'effet  total  de  l'évaporation  est  beaucoup  plus 
grand,  et  il  l'est  d'autant  plus  que  l'air  se  trouve 
plus  éloigné  du  degré  de  saturation  ,  et  plus 
échauffé  :  pendant  que  les  circonstances  ne  varient 
pas ,  on  voit  que  les  quantités  de  liquide  qui 
s'évaporent ,  doivent  être  proportionnelles  à  Lx 
tension  déterminée  par  la  température.  Dalton 
a  non-seulement  confirmé,  par  des  expériences 
d'un  grand  intérêt  ,  le  rapport  de  la  quantité 
d'un  liquide  qui  subit  l'évaporalioîi  à  différents 
degrés  de  température  avec  la  tension  qu'il  a 
à  ces  degrés;  mais  il  a  fait  voir  encore  que  les 
liquides  tels  que  l'eau  ,  l'alcool  et  Télher ,  ne 
différaient  à  cet  égard  entre  eux  que  par  la 
distance  à  laquelle  ils  se  trouvaient  du  degré 
de     eur  éBuUition  particulière  \   de  sorte  qu'à 


DE    l'aCTTIOT^    de    l' ATM  OSPHÈRE.       49^ 

une  même  distance  de   ce  terme  ,  la  quantité 
de  leur  évaporation  se   trouve  égale. 

Lorsqu'une  fois  l'eau  est  parvenue  à  l'éljul- 
lition  ,  sa  vapeur  ,  pendant  qu'elle  conserve  sa 
température,  ne  se  mêle  avec  l'air  que  comme 
un  gaz;  mais  elle  reprend  l'état  liquide,  ou  par 
une  augmentation  de  compression  ,  la  tempé- 
rature restant  la  même ,  ou  par  un  refroidis- 
sement ,  la  compression  étant  la  même. 

Dalton  a  éprouvé  que  la  vaporisation  pro- 
duite par  une  chaleur  maintenue  au  niinimwn 
nécessaire  à  l'ébullition ,  pouvait  être  augmentée 
par  l'agitation  de  l'air  ;  ce  qui  fait  voir  qu'alors  , 
outre  la  vaporisation  ,  l'air  peut  encore  agir 
par  son  action  dissolvante ,  et  que  par  consé- 
quent le  résultat  se  compose  de  l'évaporation 
et  de  la  vaporisation  ;  mais  il  y  a  apparence  que 
lorsque  l'ébullition  est  forte,  l'air  ne  peut  plus 
agir  par  son  contact ,  et  qu'alors  l'effet  est  en- 
tièrement dû  à  la  vaporisation. 

244*  La  distillation  participe  aux  effets  de 
la  vaporisation  ou  de  l'évaporation  ,  selon  le 
degré  de  température. 

Si  le  liquide  que  l'on  distille  est  en  ébullition  , 
c'est  la  vapeur  qui  se  forme  ;  lorsque  la  tension 
est  devenue  égale  à  la  pression  de  ratmosphè?e , 
elle  chasse  l'air  qui  se  trouve  dans  le  récipient , 
et  en  se  condensant  par  le  froid ,  elle  fait  place 
il  la  nouvelle  vapeur. 


49^  STATIQUï:     CHIMIQCE. 

Si  la  chaleur  est  inférieure  à  celle  de  Tébul- 
lition ,  le  liquide  ne  prend  pas  une  tension  qui 
puisse    contrebalancer   la    compression  de   Fat- 
mosphère  ;  à  moins  donc  que  la  distillation  ne 
se  fasse    dans  un  appareil  vide  ,   il  ne   se  for- 
mera de  la  vapeur  que  par  l'intermède  de  Tair , 
et  pour  qu  il  y  ait  quelque  distillation  ,  il  faudra 
qu'il  s'établisse  un  courant;   l'air  qui  acquerra 
une  plus  grande  tension  par   l'accession  de   la 
vapeur ,  se  dilatera  et  poussera  devant  lui  l'air 
qui   n'a  pas  reçu  de  vapeur  ;    il   s'établira    un 
courant  qui  ramènera  Tair  qui  aura  été  obligé 
d'abandonner  une  partie   de   sa  vapeur  par   le 
refroidissement ,    comme    nous  avons    vu    qu'il 
s'en  formait  un  dans  la  dissolution  des  sels  (228). 
Fontana  a  publié  des  expéiiences   curieuses , 
qui  prouvent  que  l'expulsion  de  l'air  ou  la  cir- 
culation de  celui  qui  tient  des  vapeurs  en  dis- 
solution est  nécessaire  pour  que  la  distillation   a 
puisse   s'opérer  (i)  ,  même  au  degré  de  Tébul- 
lition  qui   alors   n'a  pas  lieu. 

Il  a  fait  communiquer  deux  matras  par  un 
tube  scellé  hermétiquement ,  il  a  placé  de  l'eau 
dans  l'un  des  deux ,  puis  il  lui  a  fait  subir  long- 
temps la  chaleur  de  l'ébullition ,  et  il  ne  s'est  ponit  j 
fait  de  distillation  :  l'éther  tenu  pendant  vingt- 
quatre  heures  à  une  chaleur  de   5o   degrés  de 

(1)  Jouin.    de  Thys.    1779. 


î)ï.    L^  ACTION    DE    L    AT  SI  O  S  P  H  È  R  E.         497 

Réaumur ,  pendant  que  l'autre  matras  était  en- 
vironné de  glace  ,  n'a  également  point  subi  de 
distillation.  La  compression  qui  résulte  du  pre- 
mier effet  de  la  vapeur  qui  se  dissout ,  s'oppose 
à  ce  qu'il  s'en  produise  de  nouvelle  ;  mais  si 
l'espace  était  vide  ,  la  distillation  aurait  lieu  par 
la  plus  faible  température  ,  ainsi  que  le  remarque 
Saussure. 

Fontana  conclut  de  ses  expériences ,  que  l'ë- 
vaporation  n'est  pas  due  à  l'action  seule  du  feu 
sur  un  liquide  ;  car  si  la  chose  était  ainsi  ^  l'eau 
Ijénètrerait  à  travers  l'air ^  quoique  renfermée , 
comme  le  feraient  tous  les  autres  corps ,  qu'une 
impulsion  quelconque  pousserait  contre  ce  der- 
nier fluide. 

Dalton  prétend  «  que  la  présence  de  l'atmos- 
»  phère  est  un  obstacle,  non  à  la  formation, 
»  mais  à  la  diffusion  de  la  vapeur  ,  diffusion 
3)  qui  aurait  lieu  instantanément  comme  dans 
»  le  vide ,  si  les  molécules  de  lair  ne  s'y  oppo- 
»  saient  par  leur  inertie.  Cet  obstacle  est  écarté 
»  en  proportion  de  la  force  absolue  de  la  va- 
»  peur  :  il  ne  provient  pas  de  la  pression  ou 
»  du  poids  de  l'atmosphère  ,  ainsi  qu'on  l'a  sup- 
»  posé  jusqu'à  présent  ;  car  si  cela  était,  aucune 
»  vapeur  ne  pourrait  se  former  au-dessous  du 
»  degré  de  l'ébullition  ;  mais  c'est  un  obstacle  de 
«  rencontre  analogue  à  celui  qu'éprouve  un  cou- 
»  rant  d'eau  qui  descend  au  travers  du  gravier  j>. 
j.  3i  . 


I 


49^  s  T  A  T  I  Q  U  E     C  H  I  M  f  Q  U  E.  J 

L'éditeur,  dont  Dalton  a  adopté  en  cela  l'opi- 
nion déjà  ancienne,  ajoute  :  «  la  comparaison 
3)  serait  plus  juste  encore  ,  si  Ton  suppose  de 
»  l'eau  qui ,  remontant  pour  atteindre  son  ni- 
»  veau  ,  traverse  une  couche  de  gravier  ;  la 
»  pression  de  ce  gravier  est  en  entier  supportée 
y>  par  sa  base  ;  et  Teau  qui  se  distribue  en 
»  montant  dans  les  interstices  qu'elle  rencontre  y 
»  n'en  éprouve  aucun  effet  ;  seulement  elle  est 
i)  gênée  dans  son  ascension ,  selon  qu'elle  trouve 
»  moins  ou  plus  de    place  pour  se   loger  ». 

Dans  les  ex]>ériences  de  Fontana,  toute  la 
place  est  prise  par  le  gravier  ;  il  n'y  a  pas  seu- 
lement obstacle  à  la  diffusion ,  mais  à  la  pro- 
duction de  la  vapeur. 

Peut-on  comparer  l'obstacle  que  des  molécules  | 
dures  et  inflexibles  opposent  au  passage  d'un  | 
liquide  incompressible,  à  celui  de  molécules  élas- 
tiques ?  Cet  obstacle  mutuel  ne  doit-il  pas  s'op- 
poser à  Teffort  expansif  de  l'un  et  de  l'autre  :  pur 
là  même  un  fluide  élastique  ne  peut  être  sem- 
blable au  vide  à  l'égard  d'un  autre ,  après  la  dif- 
fusion ,  et  le  partage  entre  eux  d'une  compres- 
sion commune  est  une  supposition  gratuite. 

Si  un  gaz  se  plaçait  dans  les  interstices  d'un 
autre  ,  comme  dans  le  vide  ,  il  n'y  aurait  aucune 
augmentation  de  volume  ,  lorsque  la  vapeur 
aqueuse  ou  éthérée  s'unit  à  l'air  ;  mais  il  y  en  a  une 
€\\n  est  proportionnelle  à  la  quantité  de  vapeur 


G£  l'actio:^  de  L'Axr.iosPHèRE.  499 
qui  s'ajoute  ;  l'air  humide  devrait  être  spécifique- 
îiieiit  plus  pesant  que  Tair  ;  mais  il  est  spécifi- 
quement plus  léger,  ainsi  que  l'avait  déjà  remar- 
qué Newton.  Une  table  par  laquelle  Dalîon  a  pré- 
tendu représenter  comment  différentes  molé- 
cules gazeuses  pouvaient  se  loger  dans  un  même 
espace  ,  n'est  donc  qu'un  tableau  d'imagination. 

^45.  Tous  les  liquides  ont  la  propriété  de  se 
dissoudre  dans  Tair ,  tous  ont  une  tension  plus 
ou  moins  grande  dans  le  vide  ;  mais  les  phé- 
nomènes changent  lorsque  deux  liquides  exer- 
cent une  action  mutuelle  ;  soit  lorsqu'ils  sont 
l'un  et  l'autre  dans  l'état  liquide  ,  soit  lorsque 
l'un  des  deux  est  en  vapeur  élastique. 

L'acide  sulfurique  concentré  ne  paraît  poittt 
se  dissoudre  dans  lair  humide  ;  mais  il  s'empare 
de  l'humidité  ,  et  il  la  partage  selon  la  forcé 
qu'il  exerce  sur  la  vapeur  aqueuse ,  et  selon 
la  force  dissolvante  de  l'air  :  ces  deux  forces 
peuvent  se  trouver  en  équilibre  ;  mais  il  est 
facilement  rompu  par  une  légère  différence  dé 
température;  de  sorte  que  l'acide  qui  prend 
de  l'eau  à  une  température  ,  en  cède  à  une 
autre  :  il  paraît  que  ce  n'est  que  lorsque  l'air 
est  très-sec  et  l'acide  très-concentré ,  que  celui-ci 
'  pourrait  agir  par  sa  tension  ,  et  se  dissoudre 
dans  l'air  en  raison  de  cette   tension. 

Un  phénomène  analogue  a  lieu ,  lorsque  l'on 
soumet  à    la   distillation  deiix  liquides   inéga- 

32.. 


5oO  STATIQUE     CIIIMIQtJÊ 

lement  ëvaporables,  par  exemple  ,  l'eau  et  l'acitle 
sulfuriqiie;  quand  la  proportion  de  Teau  est 
grande  ,  elle  passe  d'abord  seule  à  la  distil- 
lation :  mais  il  en  distille  une  moindre  quan- 
tité que  si  elle  n'était  pas  retenue  ;  sa  tension  est 
diminuée  de  l'effet  de  l'action  que  l'acide  sul- 
furique  exerce  sur  elle  :  le  degré  de  son  ébul- 
lition  est  éloigné ,  comme  nous  avons  vu  dans 
les  expériences  de  Dalton  ,  qu'il  l'était  par  le 
muriate  de  chaux.  Enfin  on  parvient  à  un  terme 
où  la  tension  que  reçoit  l'acide  suîfurique  lui- 
même  par  la  chaleur  ,  l'emporte  sur  l'action  par 
laquelle  il  tend  à  retenir  l'eau  ;  alors  celle-ci 
lui  communique  de  sa  volatilité ,  et  produit  un 
effet  contraire  au  précédent  :  l'acide  suîfurique 
passe  donc ,  en  plus  grande  quantité  ,  à  une 
chaleur  donnée,  que  s'il  était  dépourvu  d'eau. 

Cet  effet  de  l'action  mutuelle  de  deux  liquides 
se  remarque  également  lorsque  l'on  soumet 
deux  liquides  différemment  évaporables  dans  le 
vide  de  la  colonne  barométrique  ;  un  mélange 
d'éther  et  d'alcool  déprime  moins  cette  colonn*? 
que  l'éther  seul. 

Si  donc  l'on  soumet  à  la  distillation  un  mé- 
lange d'alcool  et  d'éther ,  il  faut  une  tempéra- 
ture plus  élevée  pour  produire  le  même  effet 
sur  l'éther  que  s'il  était  seul  ;  dès  qu'il  passe 
à  la  distillation  ,  sa  vapeur  permet  non-seule- 
ment à  l'alcool  de  fournir  sa  part  en  raison  de 


DE  l'action  de  l'atmosphère.  5oï 
sa  propre  tension  ;  mnis  elle  avance  le  terme 
de  son  ëbuUition  ,  et  la  quantité  d'alcool  qui 
passe  avec  lui ,  est  plus  grande  que  s'il  n'obéissait 
qu'à  la  tension  qu'il  doit  avoir  à  la  même  tempé- 
rature ,  d'où  il  résulte  que  l'on  ne  peut  obtenir , 
par  la  distillation  ,  un  étlier  qui  soit  absolument 
privé  d'alcool ,  à  moins  qu'on  n'ajoute  une  subs- 
tance qui  puisse ,  par  son  action  ,  retenir  l'alcool. 

C'est  ce  que  l'on  fait ,  au  moyen  de  l'eau  qui 
n'a  qu'une  très-faible  action  sur  l'éther  ,  mais 
qui  en  a  une  plus  énergique  sur  l'alcool  ;  de 
là  vient  que  si  l'on  fait  passer ,  dans  le  vide  baro  ■■ 
métrique,  de  l'éther  ordinaire,  c'est-à-dire,  tenant 
de  l'alcool  ou  une  liqueur  plus  soluble  dans 
l'eau  que  l'éther,  sa  tension  augmente  lorsque  l'on 
y  introduit  un]  peu  d'eau  ,  de  même  que  si  l'on 
ajoutait  un  alcali  à  l'acide  sulfurique  qui  retient 
de  l'eau  ;  c'est  ainsi  qu'une  base  ùxe  rétablit  la  pro- 
priété élastique  de  celle  qui  est  volatile,  lorsqu'elle 
partage  avec  elle  l'action  qu  elle  exerçait  slu* 
un  acide  (i5o). 

L'on  avait  présenté  cette  action  de  l'eau  sur 
l'éther,  comme  un  phénomène  inconcdiable  avec 
les  lois  de  la  dilatation  des  vapeurs  (i)  ;  mais  ayant 
engagé  Gay  Lussac  à  examiner  cet  objet,  il  l'a 
facilement  éclairci ,  et  il  a  consigné  les  résultats 
de  ses  expériences  dans  une  note  que  je  joins 
ici.  {Note  Xril.) 

(i)   Ann.  (le  Çhim.  tenu.   XLIII. 


5oa 


STATIQUE     CHIMIQUE. 


CHAPITRE     II. 

Des  parties  élémentaires  de  V  air  atmosphérique. 

L'ai 
R    concourt ,  par   les   combinaisons 

qu'il  forme  ,  à  un  si  grand  nombre  de  phéno- 
mènes chimiques  ,  qu'il  est  important  d'avoir 
une  idée  précise  des  parties  qui  le  composent , 
des  Droportions  dans  lesquelles  se  trouvent  ses 
cléments  ,  soit  dans  létat  naturel,  soit  dans  les 
différents  produits  des  opérations  chimiques  et 
des  méthodes  par  lesquelles  on  détermine  ces 
proportions. 

Le  gaz  oxigène  et  le  gaz  azote  qui  entrent  dans 
la  composition  de  l'air  atmosphérique  n'exercent 
que  cette  action  mutuelle  qui  produit  l'espèce 
de  combinaison  que  j'ai  distinguée  particuliè- 
rement dans  les  fluides  élastiques  par  le  mot 
de  dissolution  ,  et  qui  ne  porte  aucune  atteinte 
aux  dimensions  propres  à  chaque  espèce  de  gaz. 
Cette  action  suffit  pour  surmonter  la  résis- 
tance qu'oppose  la  pesanteur  spécifique  ;  de 
sorte  qu'un  fluide  élastique ,  qui  résulte  de  dif- 
férents gaz  qui  se  dissolvent  mutuellement ,  a 
une  pesanteur  spécifique  uniforme  et  détermiîaéa 


DE    l'action    T)E    L    ATM  O  SPH  f".  Tl  E.  303 

par  la  proportion  de  ces  gaz  et  par  la  com- 
pression qu'ils  éprouvent  à  une  certaine  tem- 
pérature ;  de  là  vient  que ,  même  sur  la  cime 
du  Mont-Blanc  ,  Tair  atmosphérique  contient 
de  Tacide  carbonique  (i) ,  et  peut-être  en  même 
proportion  qu'au  niveau  de  la  mer;  cependant 
la  différence  de  pesanteur  spécifique  peut  limiter 
les  quantités  qui  peuvent  se  dissoudre;  par  là 
s'expliquerait  la  plus  grande  proportion  d'azote 
que  l'on  admet ,  d'après  l'observation  de  Saus- 
sure ,  à  la  hauteur  des  cimes  élevées  des  mon- 
tagnes ;  mais  on  peut  encore  avoir  ,  sur  l'ob- 
servation de  ce  célèbre  physicien  ,  quelque 
doute  fondé  sur  linexactitude  des  moyens  eudio- 
métriques ,  qui  étaient  adoptés  alors  avec  con- 
fiance ;  et  le  fils  qui  marche  avec  tant  de  succès 
sur  ses  traces,  m'a  confirmé  lui-même  ce  doute 
par  des  observations  postérieures  qu'il  a  faites  ; 
d'ailleurs  les  différences  indiquées  étaient  très- 
petites  ,  établies  sur  un  petit  nombre  d'obser- 
vations qui  n'avaient  pas  même  été  constantes , 
et  l'on  en  trouvait  de  pareilles  entre  l'air  de 
Genève  et  celui  des  plaines  du  Piémont  ;  or  , 
nous  verrons  combien  est  douteuse  cette  der- 
nière différence. 

Dans  la  simple  dissolution  de  l'eau  et  des  autres 
liquides  par  l'air,    celui-ci  agit   sur  la   vapeur 

•  (j)  Voyage  dans  les  Alpes,  tom,  VIII,  éilit.  Iii-S''. 


5o4  STATIQUE     CHIMIQUE. 

comme  sur  un  gaz  ,  sans  éprouver  lui-même 
aucun  changement  dans  ses  proportions  ;  mais 
l'eau  qui  le  dissout  et  qui  agit  par  une  masse 
beaucoup  plus  considérable  ,  paraît  opérer  en 
partie  cette  décomposition  ;  car  celle  qui  est 
exposée  librement  à  l'atmosphère  ,  s'imprègne 
d'un  air  plus  pur  ou  dans  lequel  la  proportion 
de  l'oxigène  est  plus  grande  que  dans  l'air  at- 
mosphérique, et  quand  elle  a  dissous  du  gaz 
azote ,  elle  en  abandonne  une  partie  pour  prendre 
du  gaz  oxigène  à  sa  place  ;  de  là  vient  que  le 
gaz  oxigène,  exposé  long-temps  sur  une  quan- 
tité considérable  d'eau ,  s'altère  ,  à  moins  que 
la  lumière  ne  l'oblige  à  garder  son  état  élas- 
tique ,  ou  ne  le  lui  rende. 

'-247-  Il  y  a  des  substances  qui  exercent  une 
action  beaucoup  plus  puissante  sur  le  gaz  oxi- 
gène ,  et  qui  surmontent  et  la  force  de  son 
élasticité  et  l'action  du  gaz  azote ,  pour  former 
avec  lui  des  combinaisons  intimes. 

On  s'est  servi  de  cette  propriété  que  plusieurs 
substances  ont  de  soustraire  le  gaz  oxigène  à 
l'air  atmosphérique ,  en  laissant  l'azote  dans  l'état 
élastique ,  pour  déterminer  les  proportions  de 
gaz  azote  et  de  gaz  oxigène  qui  forment  l'at- 
mosphère ,  ou  qui  entrent  dans  les  produits  des 
opérations  chimiques  :  on  a  donné  le  nom  d'eu- 
diomètres  aux  moyens  qui  ont  été  employés  , 
en  comprenant  sous  celte   dénomination  et  la 


DE  l'actio:^  de  i>'atmosphère.  5o5 
substance  qui  se  combine  avec  l'oxigène  ,  et 
1  appareil  dont  on  se  sert  pour  mesurer  l'effet 
qu'elle  produit  ;  mais  les  chimistes  ne  sont  pas 
d'accord  sur  le  choix  de  ces  moyens  ,  et  sur  les 
conséquences  qu'on  doit  en   tirer. 

On  peut  distinguer  les  eudiomètres  en  deux 
espèces  :  dans  les  uns  on  fait  agir  un  volume 
déterminé  d'une  substance  gazeuse  sur  un  vo- 
lume aussi  déteiminé  d'air  atmosphérique  : 
une  partie  de  la  substance  gazeuse  ,  en  s'unis- 
sant  avec  l'oxigène  de  1  air  atmosphérique ,  forme 
une  combinaison  soluble  par  l'eau ,  et  dont  le 
volume  est  soustrait  par  là  :  la  diminution  sera 
d'autant  plus  grande,  que  la  quantité  d'oxigène 
aura  été  plus  considérable  ;  on  pourrait  donc ,  par 
ce  moyen,  comparer  les  quantités  d'oxigène  qui 
se  trouvent  dans  différents  gaz,  si  elles  étaient  pro- 
portionnelles aux  diminutions  ;  mais  il  n'est  pas 
propre  à  déterminer  la  quantité  absolue  d'oxigène 
qui  existait ,  à  moins  qu'on  ne  connaisse  exac- 
tement ,  dans  quelle  proportion  il  se  combine 
avec  la  substance  gazeuse  qui  j)crd  son  état  élas- 
tique avec  lui. 

Dans  la  seconde  espèce  d'eudiomètre  ,  l'oxi- 
gène se  combine  avec  une  substance  oxigénabîe, 
solide  ou  liquide  ;  alors  le  résidu  est  le  gaz 
azote  qui  est  pur  ,  ou  du  moins  qui  ne  reçoit 
par  la  combinaison  qu'il  peut  éprouver  qu'un 
changement  que  Ion  peut  évaluer  ;  et  l'on  parvient 


5o5  STATIQUE     CHIMIQUE. 

immédiatement  à  la  détermination  de  la  quantité 
absolue  des  deux  parties  de  l'air  atmosphérique. 
Cet  apperçu  parait  indiquer  la  préférence  que 
l'on  doit  donner  à  ces  derniers  moyens;  cependant 
examinons  avec  plus  de  détails  les  avantages  et  les 
inconvénients  qui  peuvent  appartenir  aux  uns 
et  aux  autres. 

248-  On  doit  à  Priestley  l'idée  ingénieuse  de 
mesurer  la  pureté  de  l'air  par  la  diminution 
qu'y  produit  le  gaz  nitreux,  et  l'on  a  reconnu 
ensuite  que  cette  diminution  dépend  de  la  pro- 
portion de  gaz  oxigène  qu'il  contenait.  Fontana 
imagina  un  appareil  pour  rendre  cette  épreuve 
exacte ,  et  le  procédé  a  depuis  été  désigné  le 
plus  ordinairement  sous  le  nom  d'eudiomètre  de 
Fontana. 

Cet  eudiomètre  a  d'abord  le  désavantage  de 
donner  des  variations  assez  considérables  dans 
ses  résultats,  selon  l'agitation,  la  température, 
la  proportion ,  les  qualités  de  l'eau  ,  et  les  di- 
mensions de  l'appareil ,  ainsi  que  l'ont  remar- 
qué Fontana  ,  et  sur-tout  Inghenouze  :  Cavendish 
a  cherché  à  prévenir  ces  causes  d'incertitude  , 
en  fesant  parvenir  le  gaz  nitreux  dans  l'air 
bulle  à  bulle  ,  et  en  établissant  une  parfaite  éga- 
lité dans  toutes  les  parties  du  procédé  (i)  ;  mais 
on   doit   conclure  de  ses  observations  ,   que  si 

(i)  Trans.  pliilos.   1783. 


DE  l'action  de  I.* ATT.TOSPHÈRE.  ^O'J 
Ton  ne  porte  son  attention  sur  toutes  les  cir- 
constances ,  ainsi  qu'il  a  fait ,  on  ne  peut  plus 
tirer  des  épreuves  aucun  résultat  comparatif  : 
de  Va  vient  une  grande  incertitude  et  beaucoup 
de  discordance  dans  les  observations  qui  ont  été 
/aites  par  ce  moyen. 

Cavendish  a  sur-tout  constaté  avec  exactitude 
quelques-unes  des  causes  qui  font  varier  les 
résultats  :  selon  ses  observations ,  Jprsqu'on  ne 
remue  pas  le  vase  dans  lequel  on  fait  le  mé- 
lange de  gaz  nitreux  et  d'air,  la  diminution  est 
plus  lente  et  plus  faible  que  lorsqu'on  l'agite  : 
la  différence  est  comme  99  à  108.  Celle  qui  pro- 
vient du  temps  employé  pour  introduire  par 
bulles  un  gaz  dans  l'autre ,  est  encore  plus  grande  : 
l'eau  distillée  produit  une  plus  grande  dimi- 
nution que  celle  qui  ne  l'est  pas,  et  l'eau  qui 
a  été  en  contact  avec  le  gaz  nitreux  ,  une  plus 
petite  que  celle  qui  ne  l'a  pas  été  :  si  l'eau 
contient  de  l'oxigène ,  elle  cause  une  plus  grande 
diminution  que  si  elle  a  été  quelque  temps  en 
contact  avec  le  gaz  azote  :  lorsque  l'on  fait  passer 
l'air  dans  le  gaz  nitreux,  la  diminution  est  plus 
grande  qu'avec  la  manœuvre  contraire,  dans  le 
rapport  de  108  à  90.  Nous  examinerons  dans 
la  suite  la   cause  de  ces  différences. 

Ce  qui  mérite  d'être  remarqué  ,  c'est  que  la 
diminution  n'a  pas  varié  sensiblement  dans  les 
expériences  d-^  Cavendish  ,  soit   que  le  gaz    ni- 


5o8  s  T  Al  T  I  Q  U  E      CHIMIQUE. 

treux  fût  impur,  soit  qu  il  fut  sans  mëlani:;c  , 
pourvu  qu'une  quantité  suffisante  fût  employée. 
Fontana  avait  déjà  fait  la  même  observation.  On 
voit  par  là  combien  sont  inutiles  les  mesures 
qu'a  prescrites  Humbold,  pour  déterminer  la 
quantité  de  gaz  azote  qu'il  supposait  se  trouvei:, 
toujours  dans  le  gaz  nitreux  ,  dans  le  but  de 
déduire  les  proportions  d'oxigène  et  de  gaz  ni- 
treux qui  sg  combinent  et  produisent  la  dimi- 
nution ;  la  séparation  du  gaz  azote  se  fait  bien 
par  le  moyen  du  sulfate  de  fer  qu  il  a  indiqué; 
mais  l'existence  du  gaz  azote  dans  le  gaz  nitreux 
est  accidentelle  ,  et  elle  est  étrangère  à  l'ab- 
sorption (i).  Les  expériences  exactes  de  Davy  ont 
fait  voir  que  le  gaz  nitreux,  retiré  par  un  pro- 
cédé semblable  à  celui  de  Humbold ,  ne  laisse 
presque  pas  de  résidu  lorsqu'on  le  fait  absorber 
par  le  sulfate  de  fer  ,  épreuve  sur  laquelle  s'ap- 
puyait Humbold  pour  prouver  la  co-existence 
de  cet  azote  :  son  absorption  est  aussi  à-peu- 
près  totale  par  le  gaz  muriatique  oxigène  (2). 
Parmi  les  observations  de  Cavendisb ,  il  y  en 
a  une  dont  il  ne  pouvait,  à  l'époque  où  il  la 
fit ,  indiquer  la  véritable  explication  :  il  a  trouvé 
que  ,  pendant  que  le  gaz  nitreux ,  retiré  par  le 
moyen  du  mercure  ,   du  cuivre  ou  du   laiton  , 

(1)  Aan.  (le   Cliitii.   tom.    XXVIII. 

(2)  Ibid,  tùiii.   XXXIX. 


BE  l'acttox  de  l'atmosphère.  5o9 
produisait  des  diminutions  égales  ,  celui  qu  il 
formait  ,  i^nr  le  moyen  du  fer ,  donnait  une 
diminution  plus  grande  ,  quoique,  lorsqu'il  était 
employé  en  petite  proportion  ,  la  diminution 
se  trouvât  moindre.  :  il  me  paraît  que  ces  effets 
dépendent  d'une  portion  de  gaz  oxide  d'azote 
qui  se  trouve  unie  au  gaz  nitreux  qui  est  pro- 
duit par  le  fer ,  mais  qui  s'absorbe  dans  feau 
sans  agir  sur  le  gaz  oxigène ,  et  celui  qu'où 
obtient  par  les  autres  moyens  indiqués  ,  s'en 
trouve  privé. 

Si  les  résultats  qu'on  peut  obtenir,  en  évitant 
exactement  toutes  les  causes  d'erreur,  peuvent 
être  comparables  entre  eux,  ils  ne  le  sont  plus 
avec  ceux  des  épreuves  qui  n'ont  pas  été  faites 
avec  le  même  soin  ,  et  avec  la  même  méthode. 
De  plus ,  ils  cessent  de  l'être  pour  des  propor- 
tions très-différentes  d'oxigène  et  d'azote  ;  car 
Humbold  a  observé  lui-même  que  le  gaz  oxigène 
isolé  produit  proportionnellement  une  plus 
grande  diminution ,  que  lorsqu'il  entre  dans  la 
composition  de  l'air  atmosphérique. 

Enfin  cette  méthode  ,  par  laquelle  on  peut 
parvenir  à  comparer  différents  airs  ,  lorsque 
aucune  attention  n'a  été  négligée,  ne  fait  pas 
connaître  la  proportion  d'oxigène  et  d'azote  qui 
se  trouve  dans  l'air  qu'on  éprouve  ;  ou  si  Ion 
veut  la  conclure  ,  on  rencontre  de  nouvelles 
causes  d'incertitude  ,    et    les  données  que    l'on 


èlO  StATîQUE     CIÎTMIQUK. 

adopterait  no  pourraient  être  employées  qiié 
pour  la  méthode  dont  on  fait  usage ,  puisque 
la  diminution  de  volume  yarie,  comme  on  vient 
de  le  voir  ,  selon  les  circonstances  du  procédé*         i 

249.  LVpreuve  que  l'on  fait  par  la  combustion         ; 
du  gaz  hydrogène  ,   et  qui  est  connue  sous  le        ' 
nom    de  Volta ,   auquel  on  doit  l'appareil  par 
lequel  on   l'exécute ,    a  beaucoup   plus  de  pré- 
cision que  la  précédente  ,  et   elle  a   l'avantage 
de  faire  connaître  la  proportion  de  gaz  oxigène  , 
qui  est    réduite   en    eau   par   la  détermination 
exacte  des  proportions  des  éléments  de  l'eau , 
que  l'on  a    obtenue   dans  les  opérations  faites 
sur  de  grandes  quantités  ,  et  avec  toute  la  pré-     ^ 
cision  qui  peut  être  portée  dans  les  expériences      M 
chimiques.  " 

Il  est  difficile  de  concevoir  pourquoi  l'on  s'est 
livré  à  tant  de  soins  pour  perfectionner  l'usage 
du  gaz  nitreux  dans  lequel  on  reconnaissait 
beaucoup  de  causes  d'erreur ,  et  dont  on  ne 
pouvait  conclure  les  proportions  du  gaz  oxi- 
gène ,  pv'^ndant  que  l'on  possédait  une  méthode 
qui  avait  le  double  avantage,  d'avoir  moins  d'in- 
certitude ,   et  d'indiquer  les  proportions. 

Cependant  l'eudiomètre  de  Volta,  qui  a  beau- 
coup de  précision  avec  le  gaz  oxigène  qui  ne 
contient  que  peu  de  gaz  azote  ,  a  linconvénient 
de  ne  pas  produire  la  combustion  de  tout  le 
gaz  oxigène,  lorsqu'il  se  trouve  confondu  avec 


DE    l'action    DJE    l' A  T  I^  OSPH  ÈRE.  Sll 

une  grande  quantité  de  gaz  azote,  comme  dans 
l'air  atmospliërique  :  si  même  il  ne  se  trouve 
qu'une  petite  proportion  de  gaz  oxigène ,  1  in- 
flammation n'a  pas  lieu  :  on  peut  parer  à  ce 
dernier  inconvénient ,  en  ajoutant  une  quan- 
tité connue  de  gaz  oxigène  qui  détermine  la 
combustion  de  celui  qui  préexistait ,  et  en  di- 
visant le  résultat  ;  cependant  il  y  a  toujours 
une  portion  de  gaz  oxigène  qui  échappe  à  la 
combustion ,  comme  le  fait  voir  le  résidu  qu'on 
obtient  par  le  procédé  de  Monge  pour  la  forma- 
tion de  l'eau  ;  car  ce  résidu  contient  du  gaz 
oxigène  et  du  gaz  hydrogène  qui  ont  résisté  à 
la  combustison  ,  parce  qu'ils  se  sont  trouvés 
mêlés  à  une  trop  grande  quantité  de  gaz  azote 
et  de  gaz  acide  carbonique. 

2  5o.  Un  grand  nombre  de  substances  ont  la 
propriété  de  se  combiner  avec  l'oxigène ,  sans 
qu'il  s'en  dégage  aucun  gaz  ,  et  sans  absorber 
le  gaz  azote ,  et  peuvent  par  conséquent  servir 
à  reconnaître  la  quantité  d'oxigène  qui  se  trouve 
dans  un  gaz  ;  mais  il  faut  choisir  celles  qui  agissent 
avec  une  force  assez  grande  pour  que  l'ab- 
sorption ne  soit  pas  d'une  trop  longue  durée  , 
et  qu'elles  puissent  erriever  à  l'azote  tout  l'oxi- 
gène qu'il  tend  à  retenir  par  une  force  crois- 
sante :  ces  moyens  eudiométriques  ont  l'avan- 
tage d'indiquer  directement  la  proportion  d'oxi- 
gène qui  se  trouve  dans  un  gaz  quelqu'il  soit  , 


5 11  STATIQUE     CHIMIQUE. 

pourvu  qu'il  y  soit  en  simple  dissolution  :  il 
faut  discuter  la  préférence  que  quelques-uns 
iTiéritent. 

Les  sulfures  d'alcali  dissous  dans  une  petite 
quantité  d'eau  ,  me  paraissent  avoir  cette  pro- 
priété à  un  haut  degré  ,  et  ils  n'exigent  qu'un 
ajjpareil  très-simj)le  ;  un  tube  gradué  avec  exac- 
titude suffit.  Le  mélange  de  soufre  et  de  limaille 
de  fer  agit  avec  plus  de  promptitude  ;  mais  son 
action  a  deux  causes  d'incertitude  :  lorsque  le 
gaz  oxigène  est  absorbé ,  il  peut ,  comme  l'a 
fait  voir  Priestley ,  se  dégager  du  gaz  hydrogène 
sulfuré  ,  ou  peut-être  les  deux  effets  sont  snnul- 
tanés,  et  Macarty  (i)  attribue  à  cette  cause  la 
diminution  un  peu  moins  grande  qu'il  a  obtenue 
en  employant  ce  mélange ,  que  lorsqu'il  s'est 
servi  d'un  sulfure  d'alcali  :  en  second  lieu  ,  il 
se  produit  un  peu  d  ammoniaque  ,  comme  il 
résulte  des  observations  de  Kirwan  et  d'Austin. 
C'est  probablement  cette  cause  qui  a  pu  aug- 
menter la  diminution  dans  les  expériences  de 
Schéele  ,  qui  a  indiqué  cet  eudiomètre  ,  et  qui 
a  conclu  de  ses  expériences  ,  que  l'air  atmos- 
phérique contenait  0,27  de  gaz  oxigène. 

Un  sulfure  d'alcali  dirons  dans  une  petite 
quantité  d'eau  ,  n'a  point  ces  inconvénients  ; 
dès  que  le  gaz  oxigène  est  absorbé,  son  action 

(1)  Journ,  de  Phys.  tom.  LIL 


TE    l'action    de    l'atmosphère.         5i3 

cesse ,  et  le  résidu  n'éprouve  plus  de  diminution , 
ce  qui  prouve  qu'il  n'a  point  d'action  sur  lazote  ; 
cependant  Macarty  prétend  que  le  sulfure  absorbe 
j  une  portion  d'azote  ,  et  que  ce  n'est  que  lorsqu'il 
en  est  saturé,  que  son  action  est  bornée  à  la  con- 
densation du  gaz  oxigène  ;  il  assure  même  avoir  fait 
absorber  ,  par  un  sulfure  de  chaux  récent,  la  moi- 
tié de  l'azote  que  contenait  un  petit  volume  d'air 
atmosphérique.  Pour  moi,  je  n'ai  j^as  observé 
la  plus  petite  différence  dans  la  diminution  pro- 
duite par  un  sulfure  récent ,  ou  par  le  même 
sulfure  qui  avait  été  agité  avec  l'air  atmosphé- 
rique ;  mais  je  n'ai  fait  mes  épreuves  qu'avec 
les  sulfures  de  potasse  et  de  soude  :  on  peut  donc 
'employer  ces  derniers  sulfures  ,  sans  aucune 
crainte  d'erreur. 

Les  sulfures  d'alcali  ont  cependant  linconvé- 
nient  d'exiger  un  temps  assez  long  pour  que 
leur  opération  soit  achevée  ;  temps  qu'il  faut 
prolonger  pour  être  assuré  quelle  est  terminée  , 
parce  qu'aucun  autre  indice  que  la  diminution 
du  volume  du  gaz  n'annonce  sa  fin;  mais  on 
peut  l'abréger  par  l'agitation. 

aS  I .  Le  phosphore  pour  lequel  Achard  ,  Reboul 
et  Séguin  ont  imaginé  des  appareUs,  produit  ins- 
tantanément son  effet  par  sa  vive  combustion; 
mais  son  action  est  tumultueuse,  et  peut  faci- 
lement entraîner  des  accidents. 

La  combustion  lente  du  phosphore  a  l'avan- 
r.  33  . 


5l4  STATIQUE     CHIMIQUE. 

tage  d  être  beaucoup  plus  expëditive  que  l'actiort 
des  sulfures  ,  et  d'indiquer  la  fin  de  lopëration  , 
parce  que  le  nuage  qui  l'accompagne  et  qui  est 
lumineux  dans  l'obscurité  ,  disparaît  ;  mais  pen- 
dant que  le  phosphore  absorbe  l'oxigène ,  l'azote 
dissout  du  phosphore  ,  ou  plutôt  l'oxigène  se  com- 
bine successivement  avec  le  phosphore  qui  avait 
€té  dissous  par  l'azote ,  et  celui-ci   reste  saturé 
de  phosphore  qui   a  pris  l'état  élastique  ,  d'où 
résulte  une   augmentation   dans  le   volume  de 
l'azote    :    cette   augmentation    est    indifférente 
lorsqu'on  veut   simplement  comparer  l'état  de 
deux  airs;  mais   elle    exige   une  correction,   si 
l'on  veut  déterminer  la  quantité  du  gaz  oxigène 
par  celle  du  résidu  :  l'expérience  m'a  appris  qu'il 
fallait  retrancher  -'-  du  volume  du  dernier. 

Davy  a  proposé  un  autre  moyen  eudiomé- 
trique  ,  qui  est  le  sulfate  ou  le  muriate  de  fer 
imprégné  de  gaz  nitreux  (i)  :  cette  dissolution  , 
sur-tout  celle  par  le  muriate  de  fer ,  opère  l'ab- 
sorption du  gaz  oxigène  dans  quelques  minutes  ; 
mais  il  avertit  qu'il  faut  saisir  le  moment  de 
la  plus  grande  diminution  ,  parce  que  le  gaz 
nitreux  est  décomposé  en  partie ,  et  qu'à  mesure 
que  le  sel  de  fer  devient  plus  oxidé  ,  il  se  dé- 
gage et  du  gaz  nitreux  et  du  gaz  azote. 

252.  Il  est  important,  pour  l'évaluation  com- 

(i)  Bibi.  Britan.  torn.  XVII. 


t)ï;  L'ACTio]>r  DE  l'atmosphère.  5i5 
plète  cVuii  grand  nombre  de  phénomènes ,  de 
connaître  ,  avec  toute  la  précision  à  laquelle  on 
peut  parvenir ,  quelles  sont  les  proportions 
d'oxigène  et  d'azote  qui  entrent  dans  la  compo- 
sition de  l'atmosphère  ,  et  quelles  variations  elles 
peuvent  subir  :  les  chimistes,  qui  s'étaient  d'abord 
flattés  de  pouvoir  comparer  les  propriétés  vitales 
de  l'air  atmosphérique ,  se  sont  beaucoup  occupés 
de  cette  recherche ,  et  quoiqu'on  ait  bientôt 
perdu  l'espérance  qu'on  avait  conçue  relative- 
ment à  la  salubrité  de  l'air  ,  on  a  cru  apper- 
cevoir  une  variation  relative  aux  lieux ,  et  à  la 
disposition  météorologique  :  on  a  annoncé  des 
différences  sensibles  àquelquesheuresd'intcrvalle 
ou  à  quelques  pas  de  distance. 

Cependant  Cavendish  ,  en  fixant  avec  soin 
toutes  les  circonstances  de  l'épreuve  par  le  gaz 
nitreux,  avait  fait  voir  dès  1783  que  les  propor- 
tions des  deux  éléments  de  l'air  étaient  cons- 
tantes, malgré  la  distance  des  lieux,  et  la  dif- 
férence de  température  :  les  observations  que 
JMacarty  a  faites  en  Espagne  ont  confirmé  les 
résultats  de  Cavendish  :  je  me  trouvais  au  Caire 
dans  une  saison  où  le  thermomètre  de  Réaumur 
passait  ordinairement  3o  degrés  ,  et  où  une 
grande  inondation  pouvait  affecter  l'air;  je  n'op- 
posais aux  préjugés  que  je  partageais,  que  quel- 
ques observations  que  j'avais  faites  ;  car  j'avais 
perdu  de  vue  les  expériences  de  Cavendish ,  et 

33.. 


5l6  STATIQUE     CIIIM(QL'i:. 

j'igiïorais  celles  de  Macarty  :  mes  observations 
me  conduisirent  aux  mêmes  résultats  ,  et  furent 
confirmées  par  celles  que  je  fis  à  mon  retour  (i). 

Les  expériences  de  Davy ,  suivies  aussi  dans 
différentes  circonstances  ,  et  l'épreuve  d'un  air 
envoyé  k  Beddoès  de  la  côte  de  Guinée ,  ont  en- 
core confirmé  que  Ton  ne  trouve  pas  de  diffé- 
rence sensible  dans  Fair  atmosphérique,  relati- 
vement aux  proportions  de  ses  éléments. 

Il  parait  donc  que  cest  uniquement  aux  in- 
certitudes qui  accompagnent  l'action  du  gaz 
nitreux,  dont  on  s'est  principalement  servi  pour 
les  épreuves  eudiométriques  ,  que  sont  dues  les 
différences  dans  les  proportions  que  l'on  attribue 
au  gaz  oxigène  ,  et  que  l'on  a  portées  depuis  0,20 
jusqu'à  o,3o. 

Macarty  ,  qui  s'est  servi  d'un  sulfure  ,  établit 
la  proportion  de  Foxigène  depuis  21  à  23  :  l'é- 
preuve par  l'eudiomètre  de  Volta  ne  donne  à- 
peu-près  que  20  ;  mais  Volta  n'a  point  observé 
ces  variations ,  que  l'on  trouvait  par  la  méthode 
du  gaz  nitreux;  j'attribue  à  la  portion  de  gaz 
oxigène,  qui  échappe  à  la  combustion,  la  petite 
différence  que  donne  son  eudiomètre  avec  l'action 
des  sulfures. 

Les  expériences  multipliées  que  j'ai  faites  avec 
toute  l'exactitude  que  j'ai  pu   y   apporter,  me 

(1)  Mém.  sur  l'Egypte- 


DE  l'action  de  i/ atmosphère.  5i7 
paraissent  prouver  que  la  véritable  proportion 
est  de  0,22  de  gaz  oxigène  ,  et  une  fraction  :  mes 
épreuves  faites  en  Egypte  m'ont  donné  à-peu-près 
un  200^  de  plus  d'azote  ,  et  j'ai  expliqué  ce  petit 
excès  dans  le  résidu  par  l'eau  que  pouvait  dissoudre 
l'air  à  la  haute  température  à  laquelle  j'opérais  : 
elle  n'était  peut-être  due  qu'à  une  petite  inexac- 
titude de  graduation  dans  le  tube. 

Davy  ne  porte  qu'à  0,21  la  proportion  de  l'oxi- 
gène  ,  mais  il  a  observé  lui-même  que  les  sul- 
fures d'alcali  produisent  une  absorption  un  peu 
plus  grande.  J'attribue  cette  légère  différence  à 
la  disposition  qu'a  le  gaz  nitreux  à  prendre  la 
forme  élastique  ;  car  il  observe  que  dans  le  vide  , 
ce  gaz  se  dégage  des  dissolutions  de  fer  ;  il  doit 
donc  s'en  dissoudre  dans  le  gaz  azote ,  et  par  là 
le  volume  du  résidu  se  trouve  un  peu  augmenté  : 
ce  qui  me  paraît  un  désavantage  pour  cette  es- 
pèce d'eudiomètre ,  lorsque  l'on  veut  parvenir 
à  une  grande  précision. 

Si  le  procédé  des  sulfures  et  du  phosphore  me 
paraît  avoir  une  exactitude  un  peu  plus  grande, 
pour  la  détermination  des  proportions  ,  que  l'eu- 
diomètre  de  Volta  ,  celui-ci  a  l'avantage  de  servir 
au  procédé  inverse  par  lequel  on  éprouve  le  c^az 
hydrogène  par  Toxigène  ;  et  souvent  il  convient, 
dans  les  recherches  sur  la  composition  des  subs- 
tances gazeuses  dont  on  a  beaucoup  à  s'occuper , 
de  faire  alterner  les  deux  movens. 


5l8  STATIQUE    CHIMIQUE. 

L'air  atmosphérique  contient  toujours  une  cer- 
taine quantité  d'acide  carbonique ,  et  nous  avons 
vu  que  Saussure  en  avait  trouvé  à  la  cime  du 
Mont-Blanc;  on  évalue  cette  quantité  à  0,0 1  , 
mais  il  paraît  que  cette  évaluation  est  beaucoup 
trop  forte. 

Outre  les  parties  constantes,  l'air  atmosphé- 
rique peut  tenir  en  dissolution  différentes  subs- 
tances qui  y  prennent  la  forme  élastique  ,  et  dont 
quelques-unes  sont  le  principe  des  odeurs  ;  mais 
jusqu'à  présent  ces  émanations  ont  échappé  aux 
mioyens  chimiques  qui  peuvent  en  détruire  queh 
ques-unes  ,  mais  non  les  indiquer  :  Cavendish 
a  déjà  observé  qu'on  ne  trouvait  point  de  dif- 
férence dans  les  airs  qui  avaient  été  en  con- 
tact avec  des  fleurs  odorantes,  ou  avec  des  subs- 
tances en  putréfaction.  (  Note  XFIII.  ) 


t)E  l'actiot^  HE  l'atmosphère.      Sig 


NOTES    DE  LA  VF   SECTION. 


NOTE  X  V  I  I. 


J_jrs  citoyens  Désormes  et  Clément  ont  avancé  (i)  qua 
si  l'on  fait  passer  de  l'eau  dans  un  tube  barométrique  où 
il  y  a  de  l'éllier,  la  force  élastique  de  ce  dernier  est  pro- 
digieusement augmentée. 

Si  l'éther  et  Peau  n'avaient  aucune  action  l'un  s\ir  l'autre  , 
on  conçoit  que  lorsque  ces  deux  fluides   seraient  mis  en- 
semble dans  un  tube  barométrique,  leurs  vapeurs  agiraient 
€ur   la   colonne   de    mercure  ,    indépendamment    l'une    de 
l'autre;  c'est-à-dire,  que   la   quantité   dont  la  colonne  de 
mercure  baisserait ,  serait  égale  à  la  somme  des  deux  co- 
lonnes que  chaque  vapeur  pourrait  soutenir  séparément  dans 
le  vide;  mais  l'on  ne  conçoit  lias  en  même  temps  comment 
deux  fluides  élastiques  ayant  une  action  assez  marquée  l'un 
sur  l'autre  ,  peuvent  soutenir  ,   lorsqu'ils    sont    mélangés  j  ^- 
une  colonne  de  mercure  plus  forte  que  la  somme  de  celle» 
qu'ils  pourraient  soutenir  séparément  dans  le  vide.   Si  cela 
était,  on  n'aurait  plus  aucune  idée  précise  de  l'attracHon 
chimique ,  puisque  ce  serait  une  force  qui   tantôt  rappro- 
cherait les  molécules  des  corps  qui  se  combinent ,  et  tantôt 
les  éloignerait.  Au  reste,   l'état  de  composition  des  subs- 
tances qu'on   emploie ,    peut  facilement  en  imposer  ;   pat 

(i)   Ann.  «le   Clilm.   Fruct.  an  lo  ,  p.  5o2r. 


5âO  SX  A. TIQUE     CHIMIQUE. 

exemple  ,  si  l'on  mêle  de  la  potasse  concentrée  avec  âe 
l'ammoniaque,  il  n'y  a  pas  de  doute  que  la  potasse  n'aug- 
mente considérablement  l'élasticité  de  l'ammoniaque  ,  en 
agissant  fortement  sur  l'eau  ,  et  en  diminuant ,  par  consé- 
quent, son  action  sur  le  gaz  ammoniacal.  C'est  exactement 
ce  qui  se  passe  dans  l'expérience  des  citoyens  Désormcs 
et  Clément.  L'éther  dont  ils  se  sont  vservi  contenait  de 
l'alcool,  qui  diminuait  son  élasticité  en  raison  de  sa  pro- 
portion ,  et  l'eau  qu'ils  lui  ont  ajoutée  l'a  au  contraire  aug- 
mentée en  raison  de  son  action  ,  beaucoup  plus  forte  ?ur 
l'alcool  que  sur  l'éllier.  Les  expériences  suivantes  vont 
confirmer  cette  ex|ilication. 

Le  thermomètre  centigrade  indiquant  i5°,  et  le  baromètie 
76  centimètres,  on  a  jjris  deux  tubes  barométriques,  et 
on  a  introduit  dans  l'un  de  l'étlier  sulfurique  ,  préparé 
avec  soin  ,  et  dans  l'autre  ,  du  même  éther,  mais  qui  avait 
été  lavé  avec  environ  trois  fois  son  volume  d'eau.  La  vapour 
du  premier  éther  a  soutenu  une  colonne  de  mercure  de 
3i,""'^-3,  et  celle  du  second  une  colonne  de  35,<=^"'-5  5  d'oîi 
il  est  déjà  évident  que  l'eau  a  la  propriété  d'enlever  à 
l'éther  un  principe  qui  diminuait  son  élasticité,  et  ce  prin- 
cipe ne  peut-être  que  de  l'alcool.  Après  cela  ^  on  a  in- 
troduit dans  chaque  tube  un  volume  d'eau,  à-peu-près  égal 
à  celui  de  l'éther  qui  y  était  renfermé,  et  il  est  arrivé  que 
l'élasticité  de  l'éther  non  lavé  a  été  augmentée  d'un  cen- 
timètre ,  et  celle  de  l'étlier  lavé  de  trois  millimètres  seu- 
lement ;  ce  qui  s'accorde  parfaitement  avec  ce  qu'on  vient 
de  dire  sur  la  propriété  qu'a  l'eau  d'enlever  à  l'éther  de 
l'alcoffll  ,  qui  par  son  action  diminuait  son  élasticité.  On 
voit  d'ailleurs  que  le  ressort  de  l'eau  ne  s'est  pas  ajouté 
entièrement  à  celui  de  l'éther  lavé,  puisque  l'abaissement 
de  la  colonne  de  mercure  n'a  été  que  de  3  millimètres  , 
fandis  qu'à  la  température  de  i5°,  il  aurait  dû  être  de 
]>lus  d'un  centimètre  I  ce  quiprovien.L  saii6  doi^îe  4e  l'acti'jit 


DE  l'actio:^  de  l'atmosphère.       5^1 

gu'îl  y  a  entre  l'eau  et  l'étlier.  Eji  ajoutant  encore  de 
l'eau  dans  les  deux  tubes ,  de  manière  cependant  qu'il  n'y 
en  eût  pas  assez  pour  dissoudre  tout  l'éther  j  la  colonne 
de  mercure  n'a  pas  varié  sensiblement  dans  chaque  tube  ; 
mr.is  aussitôt  que  la  proportion  d'eau  a  été  plus  grande  que 
celle  nécessaire  à  la  dissolution  complète  de  l'étlier,  le 
juercure  s'est  élevé  considérablement  dans  les  deux  tubes  , 
puis  ,  par  une  nouvelle  addition  d'éther ,  il  est  revenu  à-peu- 
près  ù  son  premier  niveau  ,  en  tenant  compte  du  poids  de 
l'ean  ajoutée.  Tous  ces  laits  sont  d'accord  avec  les  pLé- 
«onaènes  chimiques  ,  et:  s'expliquent  clairement. 

Pour  être  plus  intimement  convaincu  que  c'est  à  la  forte 
action  de  .l'eau  sur  l'alcool  qu'est  due  la  grande  augmen- 
tation d'élasticité  de  l'éther  qui  en  contient,  on  a  pris  un 
autre  tube,  où  on  a  d'abord  introduit  un  peu  d'étlier  lavé 
^vec,  l'eau,  et  souienant  une  colonne  de  33,"^®"'- 5  ,  puis  un 
peu  d'alcool.  Le  premier  effet  instantané  a  été  un  abais- 
sement de  3  millimètres  dans  la  colonne  ;  mais  par  une 
■légère  agitation  le  mercure  s'est  élevé  rapidement  ;  de  sorte 
jjue  ia  vapeur  du  mélange  d'éther  et  d'alcool  ne  soutenait; 
.plus  qu'une  colonne  de  25  centimètres }  de  l'eau  introduite 
alors  dans  le  tube,  a  fait  baisser  subitement  le  mercure 
de   5,«nt.^. 

.  Il  paraît  donc  bien  démontré  ,  par  les  expériences  qu'on 
vient  de  rapporter  ,  que  la  grande  augmentation  d'élas- 
ticité de  l'étlier  qu'ont  obtenue  les  citoyens  Désornies  et 
Cléinjent ,  est  due  à  l'impureté  de  l'éther  qu'ils  aui'out 
employé.  Ces  mêmes  expériences  prouvent  que  des  recti- 
iications  faites  avec  soin  ne  dépouillent  pas   l'éther  de  tout 

_l'alx;ool  qu'il  peut  contenir,  et  que  les  layages  par  l'eaii , 
ou, par  d'autres  corps  qui  agiraient  fortement  sur  l'alcool, 
et  peu  sur  l'éther  ,  sont  d'excellents  moyens  pour  lui 
donner  toute  l'élasticité  qui  lui  est  propre.  Il  n'est  pjs  à 
craindre    que   l'éther    ainsi    lavé     rel  eiiiie     une    quantité 


522  STATIQUE     CHIMIQUE. 

sensible  d'eau  ;  car  l'ayant  distillé  à  une  clialeur  très- 
modérée,  en  ne  retenant  que  les  premières  portions,  son 
ressort  n'était  que  de  un  millimètre  plus  fort  que  celui 
de  l'éther  simplement  lavé. 


NOTE    XVIII. 


4 


L  A  p  L  A  c  E  ,  que  j'avais  consulté  sur  les  changements 
que  l'élasticité  des  gaz  éprouve  dans  leur  compression,  ma 
remit  la  note  V,  que  je  fis  imprimer  aussitôt  :  après  un 
examen  plus  attentif,  il  me  donna  celle  que  je  joins  ici  : 
il  en  résulte  qu'il  faut  modifier  ce  que  j'ai  exposé  (  m  > 
TÔo  )  ;  que  les  quantités  de  calorique  qui  sont  contenues 
dans  un  gaz  ne  suivent  pas  les  rapports  des  volumes  y 
indépendamment  des  effets  de  la  compression,  et  que  les 
gaz  ne  diffèrent  pas  des  liquides  et  des  solides,  relativement 
au  calorique  qu'ils  peuvent  abandonner  dans  une  circons- 
tance ,  et  à  celui  qui  est  retenu  dans  uu  plus  grand  état  de 
condensation  (121). 

ce  La  note  V  de  la  page  2^5  ayant  été  écrite  à  la  hâte, 
»  j'ai  reconnu  depuis  son  impression  qu'elle  doit  être  mo- 
»  difiée ,  il  n*est  point  exact  de  dire  que  la  force  répulsive 
»  ^le  deux  molécules  voisines  d'un  gaz  est  toujours  la 
»  même  ,  à  température  égale  ,  quelque  soit  sa  con- 
ji>  densation.  Cette  force  est  proportionnelle  à  la  tempe- 
»  rature  ,  et  réciproque  à  la  distance  mutuelle  de  ces  mo- 
x>  lécules ,  où  ,  ce  qui  revient  au  même ,  à  la  racine  cu- 
»  bique  du  volume  du  gaz  dans  ses  divers  états  de  con- 
»  densation  ou  de  raréfaction.  Pour  le  démontrer,  con- 
»  sidérons  un  volume  de  gaz  réduit  par  la  compression 
»  à  sa  huitième  partie:  il  y  aura  dans  ce  nouvel  état  quatre 


DE    l'aCTIOIV    de    l' ATMOSPHÈ  RE.  523 

30  fois  plus  de  molécules  ,  et  par  conséquent  quatre  fois 
>•  plus  de  ressorts,  appliqué  à  une  surface  donnée;  ainsi 
»  puisque  la  pression  est  huit  fois  plus  grande ,  il  est  né- 
»  cessaire  que  la  tension  de  chacun  de  ses  ressorts  soit 
55  deux  fois  plus  considérable;  elle  est  donc  réciproque, 
35  à  la  distance  mutuelle  des  molécules  voisines ,  qui  dans 
»  cet  état  est  deux  fois  moindre.  Le  raisonnement  qui 
j»  termine  la  note  citée  ,  lie  cette  propriété  générale  à  celle 
»  d'une  dilatation  égale  pour  tous  les  gaz  ,  par  des  accrois- 
35  sements  égaux  de  température .  Il  paraît  encore  que  dans 
33  le  gaz  condensé,  il  y  a  plus  de  chaleur  à  volume  égal, 
33  puisque  le  ressort  des  molécules  voisines  est  alors  aug- 
35  mente  ;  par  conséquent  si  le  volume  est  réduit  par  la 
33  compression  à  la  moitié ,  il  s'en  dégage  moins  que  la 
33  moitié  de  la  chaleur  qu'il  contenait  dans  son  premier 
93  état,  ce  qui  est  conforme  à  l'expérience  et  à  la  vitesse 
>}  observée  du   son  ». 


024  STATIQUE     CHIMIQUE 

CONCLUSION 
DE    LA    PREMIÈRE    PARTIE, 


253.  kJih  a  admis  comme  cause  des  effets  qui 
sont  dus  à  l'action  mutuelle  des  corps  ,  deux 
espèces  d'affinité ,  et  on  a  attribué  des  lois  par- 
ticulières à  celle  que  l'on  regarde  spécialement 
comme  chimique  :  je  trouve  dans  les  essais  sur 
l'hygrométrie  de  Saussure  un  exposé  exact  des 
propriétés  qui  m'ont  paru  satisfaire  à  l'expli- 
cation de  tous  les  phénomènes  qui  sont  dus  à 
cette  action ,  ainsi  que  de  la  distinction  que  l'on 
a  cru  devoir  établir  entre  eux. 

«  Les  différents  corps  ont  une  aptitude  diffé- 
»  rente  à  se  charger  des  vapeurs  qui  sont  con- 
»  tenues  dans  l'air ,  et  ils  s'en  chargent  en  raison 
»  de  leur  affinité  avec  ces  vapeurs  ,  ou  avec  l'eau 
5>  dont  elles  sont  formées. 

»  Exposez  dans  le  même  air  des  quantités 
3>  égales  de  sel  de  tartre  ,  de  chaux  vive  ,  de 
»  bois,  de  linge,  etc.  ;  que  tous  ces  corps  soient, 
i)  s'il  est  possible  ,  parfaitement  desséchés  ;  quel- 
»  ques-uns  d  entre  eux  imbiberont  de  l'eau  ,  et 


CO>XLUSION    UE    LA    PREMIÈRE    PARTIE.  t)2J 

r>  augmenteront  de  poids  ,  mais  en  quantité  ine'- 
».  gale  :  le  sel  en  prendra  plus  que  la  chaux  , 
»  celle-ci  plus  que  le  bois ,  d'autres  corps  n'en 
»  prendront  point  du  tout. 

))  Or ,  ces  différences  ne  peuvent  venir  que  des 
»  différents  degrés  d'affinités  de  ces  corps  avec 
îi  Feau  ;  car  elles  ne  tiennent  ni  à  la  forme  , 
»  ni  au  volume  de  ces  corps ,  ni  même  à  la  na- 
»  ture  de  leur  aggrégation ,  puisque  des  corps 
»  déjà  liquides ,  tels  que  l'acide  vitriolique ,  atti- 
»  rent  Feau  contenue  dans  Fair  avec  la  plus 
»  grande  force.  Ce  qui  prouve  encore  que  cette 
»  absorption  des  vapeurs  dépend  d'une  affinité, 
»  c'est  que  Funion  des  vapeurs  condensées  avec  ces 
»  corps  est  vraiment  celle  qui  résuite  d'une  affi- 
»  nité  chimique  ;  cette  eau  est  chez  eux  dans 
»  un  état  de  combinaison  ,  elle  ne  peut  leur  être 
»  enlevée  par  aucun  moyen  mécanique ,  elle  est 
i>  intimement  liée  avec  leurs  éléments  ;  les 
»  moyens  chimiques  peuvent  seuls  la  séparer  de 
»  ces  corps  en  lui  offrant  des  combinaisons  aux- 
»  quelles  elle  tende  par  une  affinité  plus  forte. 

})  Toutes  choses  d'ailleurs  égales,  Faffinité  de 
»  ces  corps  avec  Feau  est  d'autant  plus  grande  , 
»  qu'ils  en  contiennent  moins,  et  qu'ils  sont, 
»  pour  ainsi  dire ,   plus  fortement  altérés. 

))  L'alcali  fixe  ,  parfaitement  desséché  ,  attire 
j>  Fhuinidité  de  Fair  avec  une  force  extrême  ; 
j>  placé  dans  le  bassin  d'une  balance,    on   voit 


5lÙ  STATIQUE     CHIMIQUE. 

»  son  poids  augmenter  sensiblement  de  minute 
»  en  minute  ;  mais  à  mesure  qu'il  boit  des  va- 
j>  peurs ,  sa  soif ,  ou  sa  force  attractive  diminue  , 
»  et  enfin  sa  pesanteur  n'augmente  que  par 
3>  degrés  insensibles. 

3)  Il  en  est  de  même  des  autres  dissolvants 
»  chimiques  ;  ils  agissent  d'abord  avec  la  plus 
i)  grande  célérité  et  la  plus  grande  force  ,  et  leur 
»  activité  diminue  à  mesure  qu'ils  approchent 
»  du  point  de  saturation  ;  mais  ce  qu'il  y  a  de 
»  particulier  dans  l'affinité  qui  existe  entre  les 
»  vapeurs  et  les  corps  qui  les  absorbent ,  ou 
»  l" affinité  hygrométrique  ,  c'est  que  non-seu- 
»  lement  leur  activité ,  mais  le  degré  même  de 
»  leur  affinité  diminue  à  mesure  qu'ils  appro- 
»  chent  de  la  saturation.  Ainsi ,  lors  même  qu'un 
»  corps  n'a  que  très-peu  d'affinité  avec  l'eau  , 
»  ce  défaut  d'affinité  peut  être  compensé  par 
»  un  plus  haut  degré  de  sécheresse ,  et  récipro- 
»  quement  celui  qui  en  a  le  plus,  tombe  au  niveau 
»  de  celui  qui  en  a  le  moins ,  lorsqu'il  approche 
»  beaucoup  plus  que  lui  de  son  point  de  saturation. 

»  Je  renferme  une  ou  deux  onces  de  sel  alcah 
»  fixe  très-caustique  et  très-sec  dans  un  ballon 
»  de  quatre  pieds  cubes  de  contenance ,  rempli 
»  d'air  médiocrement  humide  ,  mais  sans  aucune 
»  humidité  surabondante  ;  ce  sel  absorbe  le  poids 
»  de  24  ou  2  5  grains  d'eau  qu'il  tire  de  ces  4  pieds 
i)  cubes  d'air.  Alors  le  sel,  par  Timbibition  de 


Conclusion  Dt  la  première  partie.  Sa 7 
»  cette  eau,  se  trouve  avoir  perdu  un  peu  de 
»  sa  force  attractive  ,  et  en  revanche  celle  de 
»  l'air  s'est  telleinent  augmentée  par  la  dëper- 
»  dition  qu'il  a  faite  de  ces  24  grains  d'eau, 
»  que  bien  qu'il  en  contienne  encore ,  le  sel 
»  ne  peut  plus  la  lui  enlever  ,  parce  que  l'air 
»  la  retient  avec  une  force  égale  à  celle  avec 
»  laquelle  le  sel  la  demande ,  et  ce  n'est  pas  que 
»  le  sel  soit  saturé  ,  ni  près  de  là  ;  car  dans  un 
»  air  humide  et  renouvelé ,  il  en  absorberait 
»  encore  pour  le  moins  deux  cents  fois  autant  ; 
»  mais  c'est  que  cette  quantité  ,  toute  petite 
»  qu'elle  est ,  a  diminué  sa  force  absorbante.  En 
»  effet ,  si  l'on  introduit  dans  ce  même  ballon 
»  deux  nouvelles  onces  du  même  sel  parfaite- 
fi  ment  desséché ,  elles  enlèveront  encore  à  l'air , 
»  renfermé  avec  elles,  quelques  portions  dhu- 
»  midité ,  et  ainsi  successivement ,  jusqu'à  ce  que 
»  l'extrême  dessèchement ,  ait  mis  la  force  attrac- 
»  tive  de  l'air  en  équilibre  avec  celle  de  l'alcali 
»  fixe. 

»  Ce  genre  d'affinité  diffère  donc  en  cela  des 
»  autres  affinités  chimiques  ,  dont  la  nature  ou 
»  le  degré  ne  change  pas  en  approchant  de  la 
»  saturation  ;  car  si  plusieurs  menstrues ,  dont 
»  les  affinités  avec  un  certain  corps  sont  iné- 
»  gales  entre  elles,  se  trouvent  à  portée  d'agir 
j)  tous  à-la-fois  sur  ce  même  corps ,  le  plus  puis- 
■»  sant  commencera  par  attaquer  ce  corps  ,   et 


blb  STATIQUE     CHIMIQUE. 

7)  quoiqu'il  marche  continuellement  vers  la  sa- 
n  turation',  la  supériorité  de  ses  forces  sur  celles 
»  des  autres  dissolvants,  ne  diminuera  point 
»  pour  cela  ;  il  ne  laissera  rien  dissoudre  aux 
»  autres  menstrues  qu'il  ne  soit  lui-même  com- 
»  plétement  saturé  ,  ou  si  dans  les  premiers  mo- 
»  ments  il  s'était  emparé  de  quelques  portions 
»  du  dissolvant ,  il  les  leur  reprendrait  jusqu  à 
»  sa  complète  saturation.  Si  par  exemple  on  pro- 
3>  jetait  peu-à-peu  de  la  craie  dans  un  mélange? 
»  d'acide  vitriolique  d'acide  nitreux  et  de  vinai- 
»  gre  ,  il  faudrait  que  l'acide  vitriolique  fat 
»  complètement  saturé  de  craie  avant  que  F  acide 
î)  nitreux  et  le  vinaigre  pussent  s'en  approprier 
»  un  atome  ;  l'acide  nitreux  se  saturerait  ensuite, 
»  et  enfin  le  vinaigre  n'en  prendrait  qu'après 
»  la  parfaite  saturation  des  deux  autres. 

»  Au  contraire ,  si  dans  un  espace  donné  il 
»  ne  se  trouve  pas  une  quantité  d'eau  ou  de 
»  vapeur  suffisante  pour  saturer  d'humidité  tous 
»  les  corps  qui  sont  renfermés  dans  cet  espace  y 
»  aucun  deux  ne  se  saturera  complètement  , 
»  tous  en  auront  un  peu  ;  cette  eau  se  parta- 
»  géra  entre  eux ,  non  pas ,  à  la  vérité ,  en  parties 
»  égales ,  mais  en  parties  proportionnelles  au 
D)  degré  d'affinité  que  chacun  de  ces  corps  a  avce 
»  elle.  Ceux  qui  l'attirent  le  plus  fortement  en 
M  prendront  assez  pour  que  cette  quantité  ra- 
»  baisse  leur  force  attractive  au  niveau  de  ceux 


r;o?î€LUSTo?f  bt.  la  :piioiière  partie.  52(^ 
»  dont  l'attraction  est  la  moindre  ,  et  il  s'ëta- 
»  blira   ainsi  entre  eux  une  espèce  d'équilibre. 

»  C'est  par  l'intermède  de  l'air  que  se  fait  cette 
a  répartition  ;  il  en  prend  à  ceux  qui  en  ont 
»  trop  ,  il  en  rend  à  ceux  à  qui  il  en  manque  , 
»  et  il  en  conserve  lui-même  la  part  que  lui 
>i  assigne  le  degré  de  son  affinité  avec  l'eau. 

»  Si  dans  le  temps  où  cet  équilibre  est  conv 
»  plétement  établi ,  il  s'introduisait  tout-à-coup 
»  dajis  l'air  même  de  nouvelles  vapeurs  ,  dont 
»  la  quantité  ne  fût  pas  assez  considérable  pour 
3)  saturer  et  lair  et  les  corps  renfermés  avec  lui , 
j)  ces  corps  ne  permettraient  pas  à  l'air  de  les 
»  garder  toutes  pour  lui  seul;  il  faudrait  qu'il 
»  leur  en  cédât  ,  pour  ainsi  dire  ,  leur  quote- 
»  part;  et  alors  les  hygromètres,  s'il  y  en  avait 
»  dans  cet  espace ,  iraient  à  l'humide ,  quoique 
y>  l'air  ne  fût  point  encore  rassasié.  Une  nouvelle 
»  portion  de  vapeur  se  répartirait  de  la  même 
»  manière  ,  et  ainsi  successivement ,  jusqu'à  la 
»  parfaite  saturatioxi  de  tous  ces  corps;  enfin, 
»  si  après  leur  saturation  on  continuait  de  faire 
»  entrer  des  vapeurs  dans  cet  espace  ,  cette  eau 
»  surabondante  s'attacherait  à  leur  surface  ,  les 
»  mouillerait ,  et  quoique  retenue  sur  cette  sur- 
»  face  par  une  adhérence  qui  appartient  peut- 
»  être  encore  aux  affinités  chimiques  ,  elle  pour^ 
»  rait  être  essuyée  ou  séparée  de  ces  corps  par 
:»  des  moyens  purement  mécaniques. 
1.  34 


53o  SÎA^IQTTE     CHIMIQUE. 

»  Introduisez  alors  dans  cet  espace  une  nou- 
j>  velle  substance  ,  plus  avide  d'eau  que  les  corps 
»  qui  y  sont  renfermés ,  cette  substance  com- 
»  mencera  par  s'emparer  de  cette  eau  surabon- 
»  dante  qui  mouille  la  surface  de  ces  corps  ,  sans 
»  être  combinée  avec  leurs  éléments  :  puis  si  cette 
»  eau  ne  suffit  pas  pour  la  saturer,  elle  en  dé- 
»  robera  aux  corps  qui  sont  renfermés  avec  elle , 
»  jusqu'à  ce  qu'elle  ait  diminué  son  altération 
»  et  augmenté  la  leur  au  point  qu'elles  devien- 
»  nent  égales  ,  et  qu'il  leur  reste  à  tous  une 
»  égale  tendance  à  s'unir  avec  l'eau. 

»  De  même  si  la  chaleur  ou  quelqu'autre  cause 
»  augmentait  la  tendance  de  quelqu'un  de  ces 
»  corps  à  s'unir  avec  l'eau  sans  augmenter  pro- 
5,  portionnellement  celles  des  autres ,  il  s  empa- 
»  rerait  aussi  d'une  portion  de  l'eau  contenue 
»  dans  les  autres  ,  suffisante  pour  réduire  s^ 
»  force  attractive  au  niveau  de  la  leur  ». 

254.  Le  passage  que  je  viens  de  citer  présente, 
avec  beaucoup  d'exactitude,  des  faits  qui  sont  très- 
propres  à  faire  connaître  les  lois  que  suit  l'action 
chimique  ,  et  l'on  peut  observer  que  Saussure 
éprouve  quelqu'embarras  pour  marquer  une 
différence  entre  l'affinité  physique  et  l'affinité 
chimique  ;  il  cède  à  une  opinion  établie ,  ou  plutôt 
à  mne  apparence  qui  semble  indiquer  un  autre 
genre  d'action  ;  mais  cette  distinction  fait  tomber 
ce  savant  observateur/lans  une  contradiction  ;  car 


r.GSCi.T!r,ioy  de  la  fp^emière  piPviiÎE.  S'^i 
H  a  prononcé  plus  d'une  fois  que  l'union  de  là 
Vapeur  avec  l'air  était  due  à  l'affinité  chimique, 
et  dans  ce  passage  même,  il  la  compare  aux 
dissolutions  chimiques. 

Pour  mieux  faire  sentir  la  différence  que  les 
chimistes  ont  mise  entre  l'affinité  qui  produit 
les  combinaisons  ,  et  celle  que  Saussure  a  dé- 
crite ,  et  qui  a  été  adoptée  par  les  physiciens  pour 
l'explication  de  plusieurs  phénomènes  ,  je  ne 
puis  mitîux  faire  que  de  citer  la  définition  de 
la  première  par  Guyton  qui  a  traité  si  sa- 
vamment de  toutes  les  propriétés  qu'on  lui  a 
attribuées.  «  Cette  attraction  (  chimique  )  est 
»  élective,  comme  l'a  dit  Bergman ,  c'est-à-dire 
5)  que  de  deux  substances  présentées  à  une  troi- 
»  sième  ,  elle  en  chasse  une  ,  et  laisse  Tautre  ;  que 
y>  deux  substances  étant  primitivement  unies  , 
})  une  troisième  exerce  sur  l'une  d'elles  ,  une 
3)  action  qui  déplace  l'autre  Ti)  ». 

Cependant  si  je  consulte  l'opinion  que  se  sont 
formée  de  l'action  mutuelle  des  corps ,  ceux  qui 
ont  embrassé  les  phénomènes  naturels  dans  leur 
plus  grande  étendue  ,  je  trouve  qu'ils  n'ont  in- 
diqué qu'une  origine  commune  de  tous  ses  effets. 

Monge  en  discutant  deux  hypothèses  propres 
à  expliquer  la  formation  de  l'eau  ,  trouve  aue 
l'une  paraît  exiger ,   qu^en  augmentant  la  dos^ 

(i)  Encyclop.  Méthod.  au  mot  affîniu'. 

34.. 


532  STATIQUE     CHIMIQUE. 

du  clls.'iolvant  y  on,  diminue  l'adhérence  qu'il 
avait  pour  ses  hafies  j  ce  gui  est  absolument 
contraire  d  ce  qu'on  observe  dans  toutes  les 
opérations  analogues  de  chimie  (i).  Il  faut  re- 
marquer que  par  dissolution ,  il  entend  ici  com- 
binaison chimique  ;  de  sorte  qu'il  a  regardé  la 
force  qui  la  produit  comme  modifiée  par  la 
quantité  ,  ainsi  qu'on  l'admet  dans  les  phéno- 
mènes physiques. 

Laplace  après  avoir  décrit  le  moyen  d'estimer 
l'action  des  différents  acides  sur  la  glace  ,  selon 
la  température,  ajoute  :  Si  Von  considère  de  la 
même  manière  toutes  les  autres  dissolutions  ,  on 
pourra  mesurer  avec  précision  les  forces  d'af- 
finité des  corps  les  uns  avec  les  autres  y  jjiais 
cette  théorie  ne  peut  être  développée  en  aussi 
peu  de  mots ,  et  nous  en  ferons  l'objet  d'un 
jnémoire  particulier.  Il  aurait  donc  fait  entrer , 
dans  révaluation  des  affinités,  la  quantité  d'un 
acide  ,  par  exemple  ,  son  énergie  et  la  résistance 
variable  de  la  cohésion ,  comme  il  l'a  fait  rela- 
tivement à  l'action  des  acides  sur  la  glace  :  on 
doit  avoir  bien  des  regrets  de  ce  qu'il  n'a  pas 
rempli  sa  promesse. 

INewton ,  qui  jeta  un  coup-d'œil  sur  les  j)lié- 
nomènes  dont  la  chimie  s'occupe ,  a  tracé  dans 
les  explications  qu'il  en  donne ,   les  lois  de  l'at- 

(i)  Mém.  de  l'Acad.  1783  ,    p.  83. 


co:n'ClusiO]V  t>e  la  pnur.iij^nE  partie.  533 
traction  qui  doit  les  produire  ,  telles  qu'il  les 
concevait  en  descendant  des  phénomènes  gëne'- 
raux  aux  faits  particuliers,  et  s'il  s'est  trompé 
dans  quelques  applications ,  parce  que  les  cir- 
constances des  phénomènes  et  les  parties  élé- 
mentaires des  combinaisons  qui  les  produisent 
n'étaient  point  déterminées  avec  assez  d'exac- 
titude à  1  époque  où  il  les  expliquait  ,  on  trouve 
cependant  que  ces  explications  peuvent  convenir 
également  aux  faits  mieux  éclaircis. 

«  La  déliquescence  du  sel  de  tartre,  dit-il  (i^,, 
»  n'est-elle  pas  produite  par  une  attraction  entre 
»  les  particules  salines  et  les  vapeurs  aqueuses 
»  de  l'atmosphère  ?   Pourquoi  le   sel  commun  , 
»  le  salpêtre  et  le  vitriol  ne  deviennent-ils  pas 
y>  de  même  déliquescents ,  si  ce  n'est  faute  d'une 
y^  pareille    attraction  ?    Et   pourquoi   le   sel    de 
))  tartre    n'attire-t-il   qu'une    certaine    quantité 
»  d'eau  ,  si  ce  n'est  parce  qu'aussitôt  qu'il  en  est 
5)  saturé  ,  il  n'a  plus  de  force   attractive  ?  Quel 
»  autre  principe   que  cette  force,   empêcherait 
»  l'eau  (  qui  seule  s'évapore  à  un  degré  de  cha- 
»  leur  assez  faible  )  de  ne  se  détacher  du  sel  de 
»  tartre  qu'au  moyen  d'une  chaleur  violente. 

»  Ts'est-cc  pas  de  même  la  force  attractive  qui 
»  se  déploie  entre  les  molécules  de  l'acide  vitrio- 
»  lique  et  les  globules  de  l'eau  ,  qui  fait  que  cet 

(i)  Opl.  tom.  II. 


-534  STATIQUE     CHISIIQUE. 

»  acide  attire  rhumiditë  de  l'air  jusqu'à  satu- 
:;)  ration  ,  et  qu'il  ne  la  rend  ensuite  qu'avec 
»  beaucoup  de  peine  ,  quand  on  te  soumet  à 
»  la  distillation  »  ? 

Newton  explique  de  même  la  production  des 
autres  combinaisons  chimiques  ,  sans  laisser  ap- 
percevoir  aucune  distinction  entre  les  lois  que 
suit  l'attraction  dans  ces  différentes  circonsr 
tances  :  il  n'y  voit  qu'une  propriété  qui  est 
plus  ou  moins  énergique ,  et  qui  s'affaiblit  à 
mesure  que  la  saturation  s'établit  :  la  saturation 
est  le  terme  où  elle  cesse  de  produire  des  effets. 

Il  remarque  qu'il  faut  d'autant  plus  d'acide 
pour  dissoudre  uçi  métal ,  que  l'attraction  est  plus 
fortç  ;  de  sorte  que  ,  selon  son  opinion  ,  la  quan- 
tité d'acide  nécessaire  pour  produire  la  satu- 
ration ,  est  proportionnelle  à  la  force  de  l'affinité. 

Il  attribue  à  la  condensation  qui  résulte  de  la 
cornbinaison,  la  solidité  et  le  degré  de  fixité  qu'elle 
acquiert  :  lorsque ,  par  exemple ,  le  muriate  d'am- 
moniaque se  forme  de  l'ammoniaque  et  de  l'acide 
muriatique  ,  l'un  et  l'autre  beaucoup  plus  vo- 
latils ,  «  les  particules  réunies  de  ces  esprits 
«  deviennent  moins  volatiles  ,  parce  qu'elles  sont 
»  plus  grosses  et  plus  dégagées  d'eau  ». 

Il  dérive  les  propriétés  d'une  combinaison  , 
de  et  l'es  que  doivent  avoir  les  éléments  qui  la 
t^omposent  dans  les  conditions  où  ils  se  trou-»^ 
SÇV-\  l  airîsi ,  en  e^ipliquarjt  la  formation  du  miK 


coNCLUsiorr  de  la  première  partie.  535 
riate  d'antimoine  par  le  muriate  oxigéné  de 
mercure ,  il  ajoute  :  quand  la  chaleur  est  plus 
»  forte,  l'esprit  de  sel  emporte  le  métal  sous  la 
»  forme  d'un  sel  fusible  ,  nomme  beurre  d'anti- 
»  moine ,  quoique  l'esprit  de  sel  soit  presque  aussi 
»  volatil  que  l'eau ,  et  que  l'antimoine  soit  presque 
»  aussi  fixe  que  le  plomb  ».  C'est  ce  principe 
lumineux  que  les  propriétés  d'une  combinaison 
dépendent  de  celles  qu'avaient  les  éléments ,  à 
part  les  modifications  qui  résultent  de  l'action 
réciproque ,  qui  lui  a  fait  pressentir  que  l'eau 
devait  contenir  une  substance  inflammable. 

255-.  Les  observations  que  j'ai  recueillies  dans 
cette  première  partie ,  me  paraissent  établir  , 
comme  un  fait  général ,  que  l'affinité  propre  à 
chaque  substance  ,  agit  en  raison  de  la  quantité 
qui  se  trouve  dans  la  sphère  d'activité ,  confor- 
Hiément  aux  opinions  que  je  viens  de  rapporter  : 
il  en  résulte  que  la  quantité  peut  suppléer  à  la 
force  de  l'affinité,  ce  qui  exclut  les  affinités  élec- 
tives qui  réunissent  deux  substances  ,  quelle  que 
soit  l'opposition  des  affinités  que  l'on  regarde 
comn>e  plus  faibles  et  indépendanament  des 
quantités. 

Une  conséquence  immédiate  de  ce  principe , 
c'est  que  la  mesure  de  l'affinité  propre  à  chaque 
substance  est  la  saturation  qu'elle  peut  produire 
dans  celles  qui  peuvent  se  combiner  avec  elle  ^ 
comme  Newton  Ta  pensé  :  de  là  j'ai  cherché  la 


536  STATIQUE     CHIMIQUE.  53^^ 

mesure  de  Taffinité  des  différents  acides  avec  les- 
alcalis  dans  leur  capacité  de  saturation. 

Il  fallait  expliquer  les  faits  qui  avaient  porté 
à  admettre  une  affinité  qui  déterminait  le 
choix  des  substances  qui  se  combinent,  et  le* 
proportions  des  combinaisons  quelles  forment. 

J'ai  cherché  cette  explication  dans  l'action  du 
calorique ,  et  dans  l'affinité  réciproque  des  mo- 
lécules d'une  même  substance  ou  des  parties  in- 
tégrantes d'une  combinaison  ,  en  fesant  concourir 
ces  causes  avec  l'affinité ,  dans  la  formation  des 
combinaisons  et  dans  l'explication  des  phéno- 
mènes chimiques  ;  j'ai  du  en  conséquence  porter 
une  grande  attention  sur  les  effets  de  l'expansion 
et  de  la  ccmdensation  ,  sur  la  constitution  des 
substances  ,  et  sur  celle  qu'elles  acquièrent  dans 
les  différentes  circonstances. 

Les  effets  du  calorique  sont  différents,  non- 
seulement  selon  les  dispositions  des  corps  sur 
lesquels  il  agit ,  mais  selon  l'état  où  il  se  trouve 
lui-même  ;  il  a  donc  fallu  examiner  la  différence 
de  son  action  lorsqu'il  se  communique  immé- 
diatement ,  ou  lorsqu'il  forme  le  calorique  rayon- 
nant, et  les  rapports  qu'elle  a  avec  celle  de  la 
sumière  et  de  l'électricité.  Les  propriétés  que 
les  corps  acquièrent  par  la  combinaison  du  ca- 
lorique', sont  quelquefois  favorables  à  l'action 
de  l'affinité,  et  quelquefois  elles  leur  sont  con- 
traires ;  je  les  ai  considérées  comme  des  forces 


â 


COTfCLTJSION   DE    LA    PREMIÈRE    PARTIE.         SSy 

qui  sont  soumises  à  des  lois  régulières  ,  et 
dont  il  faut  évaluer  les  effets  selon  les  circons- 
tances. 

J'ai  tâché  de  séparer  les  effets  de  l'action  im- 
médiate de  l'affinité  qui  sature  plus  ou  moins  les 
tendances  à  la  combinaison  lesquelles  forment  les 
propriétés  distinctives  des  substances,  de  ceux 
de  la  condensation  qui  en  est  une  conséquence  ; 
l'une  tend  à  réunir  toutes  les  substances  qui 
exercent  une  action  chimique  ,  l'autre  devient 
souvent  un  obstacle  à  cet  effet  par  la  résistance 
quelle  oppose  ,  ou  par  les  séparations  qu'elle 
occasionne ,  et  par  là  elle  distribue ,  pour  ainsi 
dire ,  la  saturation  à  laquelle  elle  ne  contribue 
pas  elle-même. 

La  condensation  que  produit  l'action  réci- 
proque des  substances  m'a  servi  à  expliquer  les 
limites  dans  lesquelles  les  proportions  des  élé- 
ments se  trouvent  circonscrites  dans  quelques 
combinaisons  ;  comme  le  plus  grand  effet  de 
l'action  réciproque  a  lieu  dans  certaines  propor- 
tions ,  ces  combinaisons  doivent  se  séparer  avec 
une  composition  déterminée  ,  ou  bien  elles  ac- 
quièrent une  existence  particulière  ,  en  opposant 
une  résistance  qui  est  égale  à  l'effort  qui  a  pro- 
duit la  condensation,  et  qui  doit  être  surmontée 
par  un  accroissement  de  force  ,  pour  que  la 
progression  de  l'action  chimique  puisse  conti- 
nuer, à  moins  que  les   dispositions   naturelles 


538  STATIQUE     CHIMIQUE. 

des  éléments  d'une  combinaison  ne  fassent  varier 
ce  résultat. 

La  force  de  cohésion  qui  constitue  Tétat  so- 
lide est  un  effet  de  l'affinité  réciproque  des  mo- 
lécules ou  des  parties  intégrantes  ,  laquelle 
devient  plus  puissante  que  l'action  expansive  du 
calorique  :  cette  prédominance  peut  être  due  à 
la  condensation  produite  par  la  combinaison  : 
elle  devient  une  résistance  plus  grande  à  l'action 
des  autres  affinités ,  non-seulement  parce  qu'elle 
résulte  d'une  forte  action  réciproque  ,  mais 
encore  parce  qu'elle  fait  que  les  autres  subs- 
tances ne  peuvent  se  trouver  qu'en  petite  quan- 
tité dans  la  sphère  d'activité  ,  et  qu'alors  une 
plus  grande  proportion  cesse  de  produire  un 
effet. 

Ainsi  ,  l'affinité  réciproque  de  deux  subs- 
tances tend  souvent  à  produire  une  saturation 
de  propriétés  :  un  effet  de  cette  action  est  une  con- 
densation qui  chasse  ou  comprime  le  calorique  ; 
«ie  cette  condensation  suit  une  augmentation 
de  l'affinité  réciproque  des  molécules  d'une 
substance  ou  des  parties  intégrantes  d'une 
combinaison  :  cette  affinité  réciproque  fait 
passer  par  là  une  substance  gazeuse  à  l'état  li- 
quide ou  à  l'état  solide. 

L'affinité  qui  produit  la  combinaison  ,  agit 
en  raison  de  la  quaniiié;  mais  elle  se  sature  : 
raffinité  réciproque  des  molécules  ,   faible   d'à- 


1 


COXCLUSIOJN"    DE    LA    PREMIÈRE    PARTIE.  SSq 

bord  ,  presque  nulle  dans  une  substance  gazeuse , 
et  indépendante  des  quantités,  s'accroît  par  la 
combinaison  en  raison  de  la  condensation  à 
laquelle  elle  peut  ensuite  contribuer  elle-même 
de  plus  en  plus  :  elle  se  compose  de  celles  des 
éléments  de  la  combinaison ,  ainsi  que  la  pesan- 
teur spécifique  :  l'une  et  l'autre  affinité  pro- 
duisent  des  effets  qui  se  compliquent  avec  ceux 
du  calorique,  et  qu'il  faut  tâcher  de  distinguer 
dans  les  phénomènes  physiques  ,  comme  dans 
ceux  que  Ton  regarde  comme  chimiques. 

Enfin  j'ai  tâché  de  démêler  la  part  que  pou- 
vaient avoir  dans  l'action  chimique  les  subs- 
tances dont  on  néglige  le  plus  ordinairement 
l'effet  ,  en  les  regardant  simplement  comme  des 
dissolvants ,  et  la  propagation  plus  ou  moins 
lente  de  l'action  chimique  ,  qui  est  analogue  k 
^la  faculté  conductrice  de  la  chaleur. 

J'ai  été  conduit  par  ces  différentes  considé- 
lations  à  conclure  que  l'affinité  chimique  ne 
suivait  j)oint  de  lois  particulières,  mais  que 
tous  les  phénomènes  qui  dépendaient  de  l'ac- 
tion mutuelle  des  corps  ,  étaient  l'effet  des 
mêmes  propriétés  dont  la  chimie  cherchait  à 
embrasser  tous  les  résultats ,  qu'il  ne  fallait  à 
cet  égard  établir  aucune  distinction  entre  la 
pliysique  et  cette  science,  et  que  l'affinité  de 
différentes  substances  qui  produit  leurs  combi- 
pA'sons,  n'est  pas  élective'  mais  Mi«'el!e  est  va« 


54o  STATIQUE      CHIMIQUE, 

riable  selon  les  quantités  qui  agissent  ,  et  selon 
les  conditions  qui  concourrent  à  ses  effets. 

Il  suit  de  là  que  les  qualités  chimiques  des 
différentes  substances  dépendent  ,  i*.  de  leurs 
tendances  à  la  combinaison  qui  se  saturent  mu- 
tuellement ,  et  qui  restent  plus  ou  moins  domi- 
nantes dans  les  combinés  ;  îi°.  de  leurs  rapports 
avec  le  calorique  qui  produit  leur  disposition 
plus  ou  moins  grande  à  Texpansioïi  ,  et  qui 
modifie  leur  faculté  de  combinaison  ,  en  fesant 
varier  la  quantité  qui  peut  se  trouver  dans  la 
sphère  d  activité ,  et  en  opposant  l'élasticité  à 
la  condensation  ,  qui  est  un  effet  de  la  combi- 
naison ;  S^^.  de  l'action  réciproque  de  leurs  mo- 
lécTiles ,  qui  s'ajoute  à  l'effet  de  l'affinité  qui  a 
produit  une  combinaison  ,  mais  qui  s'oppose  à 
leur  action  réciproque  avec  les  autres  substances; 
4'*.  de  leurs  rapports  avec  les  autres  substances 
qui  en  se  combinant  avec  elles  ,  ne  produisent 
pas  une  saturation  réciproque  de  propriétés  ; 
mais  en  font  un  partage  et  une  distribution  va- 
riables ,  et  principalement  de  celles  qui  dépendent 
de  la  constitution.  D'où  il  suit ,  qu'en  considérant 
l'état  de  saturation  des  éléments  d'une  combinai- 
son ,  et  la  condensation  qu'ils  ont  éprouvée ,  on 
peut  reconnaître  dans  un  combiné  l'origine  des 
propriétés  qui  le  distinguent. 

aSG.  Je  me  suis  écarté  de  la  marche  ordinaire 
des  chimistes  :  ils  ont  déduit  les  lois  de  l'affinité 


OO^iCLUSlOX    DE    LA    PREMIÈRE    PARTIE.         54 1 

des  phénomènes  dans  lesquels  l'action  chiuiique 
se  montre  puissante  ;  j'ai  cherché  au  contraire  à 
la  suivre  depuis  qu'elle  commence  à  produire  un 
effet  sensible  jusqu'à    sa  plus   grande  énergie, 
en  remarquant  les  causes  qui  pouvaient  la  mo- 
difier ,  et  il  m'a  paru  que  c'était  principalement 
dans  ces  premiers  effets ,  que  l'on  pouvait  surr 
tout  en  distinguer  le  caractère ,  parce  que  son 
action  même  fait  naître  dans  les  substances  des 
affections  qui    deviennent  des   forces  nouvelles 
qui  déguisent  sa  marche;  ainsi  lorsque  l'on  ob- 
serve une  combinaison  qui  est  accompagnée  d'une 
forte  contraction ,   on   est  tenté  de  prendre  les 
proportions  fixes  qui  sont  déterminées  par  cette 
circonstance  ,  comme  un  attribut  de  l'affinité , 
pendant  que  si  l'on  suivait  l'affinité ,  ou  lorsque 
les  proportions  sont  très-inégales  ,  ou  lorsqu'elle 
ne  produit  qu'une  faible  contraction  ,  on  verrait 
que  Faction   est   proportionnelle  aux  quantités 
qui  l'exercent. 

En  rappelant  à  un  nouvel  examen  toutes  les 
puissances  qui  concourrent  aux  résultats  de 
l'action  chimique ,  et  sur  lesquelles  doit  être 
établie  la  théorie  générale  de  la  chimie  ,  je  ne 
me  flatte  pas  d'avoir  assigné  à  chacune  ses  véri* 
tables  limites  ,  et  encore  moins  d'avoir  indiqué 
toutes  les  causes  qui  peuvent  contribuer  aux 
faits  dont  je  me  suis  appuyé  :  j'ai  manifesté  dans 
l'introduction  quelle  opinion  je  m'étais  formée 


bi'ï  STATIQUE     CHI?.riQUE. 

d'une  tlîcorie  générale.  C'est  une  discussion  qii^ 
j'ai  cherclië  à  établir  sur  des  principes  auxquels 
i  on  m'a  paru  donner  trop  d'extension. 

On  doit,  dans  toute  discussion  dans  laquelle 
on   tâche    de  reconnaître  les  causes  des  pliéno- 
mènes  ,     ne   pas   perdre    de    vue    qu'il    arrive 
souvent   qu'un    ou   plusieurs  phénomènes  ana- 
logues peuvent  également  s'expliquer  par  deux 
hypothèses  ,  et  qu'alors  on  peut  soutenir  deux 
opinions    quelquefois    contradictoires,    jusqu'à 
ce    que    l'on   soit  parvenu   à  une  modification 
des  effets ,    qui  exclut    enfin  l'une    des    deux 
hypothèses  ;   c'est  là  une  circonstance  qui  peut 
maintenir  par  l'expérience  même  quelques  opi- 
nions opposées  ,   et  il  est  difficile  que  l'intérêt 
naturel  que  l'on  attache  à  ses  conceptions ,  n'en- 
gage à  multiplier  ces  espèces  de  faits  qui  peu- 
Vent   recevoir    l'une  des   deux  interprétations  ; 
cependant  l'esprit  philosophique  qui  donne  tant 
d'éclat  à  la  chimie  en  particulier  ,  ne  tarde  pas 
à  dissiper  les  incertitudes  qui  peuvent  partager 
les  opinions;   il  est  difficile  de  trouver  dans  les 
annales  de  l'esprit  humain  une  époque  qui  Flio- 
nore  plus  que  cette  unanimité  qui. s'est  si  promp- 
tement  établie  sur  une  théorie  qui  était   domi- 
nante, celle  du  phlogistique. 

Lorsque  l'on  est  parvenu  à  distinguer  les 
causes  générales  des  phénomènes  chimiques,  il 
est  cependant  facile  de  se  tromper   dans  plu-^ 


I 


CONCLUSTOW    DE    LA   PRE?.Tli:RE   PARTIE.  S/j^ 

Sieurs  applications  ,  soit  parce  que  les  circons- 
tances qui  ont  de  linfluence  sur  ces  faits  ,  ne 
sont  pas  assez  connues ,  soit  parce  que  plusieurs 
causes  peuvent  y  concourir ,  etque^'on  attribue 
aux  unes  ce  qui  dépend  des  autres. 

C'est  ce  concours  de  plusieurs  causes  pour  pro- 
duire  un  même  effet,  qui  produit  sur-tout  des 
anomalies  apparentes ,  qui  conduit  quelquefois  à 
des  explications  douteuses ,  ou  qui  les  rend  même 
impossibles  :  alors,  sans  infirmer  par  ces  faits  obs- 
curs les  conséquences  déduites  de  faits  plus  posi- 
tifs, on  doit  suspendre  l'explication  ,  ou  s'arrêter 
à  des  vues  conjecturales. 

Je  ne  me  déguise  pas  que  pour  exécuter  le 
projet  auquel  j'ai  été  conduit  par  l'établissement 
xnomentané  des  écoles  normales ,  et  par  le  désir 
que  j'ai  eu  de  revoir  le  travail  précipité  auquel 
il  m'avait  engagé  ,  pour  qu'il  pût  me  guider  dans 
l'enseignement  de  l'école  polytechnique  ,  j'aurais 
dû  avoir  une  connaissance  plus  étendue  des  tra- 
vaux qui  se  sont  beaucoup  multipliés  depuis  quel- 
que temps  :  distrait  pendant  plusieurs  années  par 
des  occupations  étrangères  à  la  science ,  je  n'ai 
pu  suppléer  qu'imparfaitement ,  depuis  qu'il 
m'est  permis  de  reprendre  mes  études  ,  aux 
recherches  qui  m'eussent  été  nécessaires. 

Flîf   DE   LA.   PREMlilEE    PAllTIE, 


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