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ESSAI
D E
STATIQUE CHIMIQUE-
PREMIERE PARTIE.
1
Digitized by the Internet Archive
in 2009 with funding from
University of Ottawa
http://www.archive.org/details/essaidestatiquec01bert
ESSAI
DE
STATIQUE CHIMIQUE,
PAR C. L. BERTHOLLET,
MEMBRE DU SENAT CONSERVATEUR, DE L'INSTITUT, elc.
PREMIÈRE PARTIE.
DE L'IMPRIMERIE DE DEMONVILLE ET SOEURS.
A PARIS,
RUE DE THIONVILLE, îso. ii6,
Chez FIRMIN DIDOT, Libraire pour les IMathëmatique?
l'Archi lecture, la Marine, et les Éditions Stéréotypes.
AN XI. — iSoD.
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TABLE DES MATIERES
CONTENUES DANS CE VOLUME.
Introduction, * page i
PREMIERE PARTIE.
DE L'ACTION CHIMIQUE EN GÉNÉRAL.
SECTION PREMIERE,
DE l'action chimique DES SOLIDES ET DES LIQUIDES.
Chapitre premier. De la force de cohésion, a 3
Chap. il De la dissolution, 34
Chap. m. De T action réciproque des substances
qui sont tenues en dissolution, 4^
Chap. IV. De la combinaison, Sg
SECTION IL
DE l'acidité ET DE l' AL C AL IN T TÉ.
Chap.. 1er. J)q l action réciproque des acides et
des alcalis, 68
VJ STATIQUE CHIMIQUE.
Chap. II. De V action d'un acide sur une com-
binaison neutre, P^§® 7^
Chap. IïI. Des précipités produits par les acides
ou par les alcalis , ■ 84
Chap. IV. De l'action réciproque des combi-
naisons neutres^ gS
Chap. V. De la capacité comparative de satu-
ration des acides et des alcalis , 107
NOTES DE LA SECONDE SECTION.
Note première , 129
Note II (de Fischer), i34
SECTION If I.
DU CALORIQUE.
Chap. I^r. Des effets du calorique indépendants
de ceux de la combinaison , j 89
Chap. II. Des différents états du calorique , 171
Chap. III. De l'action de la lumière et du fluide
électrique , 1 89
Chap. IV. Du calorique , considéré relativement
aux co^iibinaisons , 217
NOTES DE LA TROISIlÈBIE SECTION.
Note m , . 240
Note IF, 24a
TABLE DES MATIÈRES.
vij
Note V, pî<ge
245
Note VI,
247
Note Fil,
230
Note ?'III,
aSa
Note IX,
254
Note X,
267
Note XI,
260
S E C T I O N I V.
DE l'effet de L'EXPA^SÏOI^{ ET DE LA CONDEINSATIOIf
DAINS LES SUBSTANCES ÉLASTIQUES.
Chapitre 1er. Des propriétés caractéristiques des
fluides élastiques , 263
Chap. II. De ï affinité résultante , 3o8
KOTES de la quatrième SECTION.
Note XII, 332
SECTION V.
DES LIMITES DE LA COMBINAISON".
Chapitre 1er. Des proportions des éléments dans
les combinaisons , 334
Chap. II. De Faction des dissolvants , 387
Chap. III. De ï efflorescence , 4^3
Chap. IV. De la propagation de Faction chi-
mique , 409
v'Ùj STATIQUE CHIMIQUE, CtC.
NOTES DE LA CINQUIÈME SECTION.
Note XIII, page 4^9
Note XIV, 433
Note XV, 449
Note XVI, 457
SECTION VI.
DE L ACTION DE l' ATMOSPHÈRE.
Chapitre I^i'. De la constitution de l'atmos-
phère, 470
Chap. II. Des parties élémentaires de ïair at-
mosphérique , 5o2
NOTES DE LA SIXIÈME SECTION.
Note XVII, 5i9
Note XVIII, 52Î
Conclusion de la première partie , S'il\
ESSAI
D E
STATIQUE CHIMIQUE.
INTRODUCTION.
J_jES puissances qui produisent les phénomènes
chimiques sont toutes dérivées de l'attraction
mutuelle des molécules des corps à laquelle on
a donné le nom d'affinité , pour la distinguer de
l'attraction astronomique.
Il est probable que Tune et l'autre ne sont
qu'une même propriété ; mais l'attraction astro-
nomique ne s'excerçant qu'entre des masses
placées à une distance où la figure des molé-
cules, leurs intervalles et leurs affections par-
ticulières , n'ont aucune influence , ses effets
toujours proportionnels à la masse et à la rai-
son inverse du carré des distances , peuvent
être rigoureusement soumis au calcul : les effets
de l'attraction chimique ou de l'affinité , sont
au contraire tellement altérés par les conditions
particulières et souvent indéterminées , qu'on
ne peut les déduire d'un principe général ; mais
qu'il faut les constater successivement H n'v
^ STATIQUE CHIMIQUE.
a que quelques-uns de ces effets qui puissent
<^tre assez dégagés de tous les autres phénomènes ,
pour se prêter à la précision du calcul.
C'est donc Tobservation seule qui doit servir
à constater les propriétés chimiques des corps ,
ou les affinités par lesquelles ils exercent une
action réciproque dans une circonstance déter-
minée ; cependant , puisqu'il est très-vraisem-
Jolable que l'affinité ne diffère pas dans son
origine de l'attraction générale, elle doit éga-
lement être soumise aux lois que la mécanique
a déterminées pour les phénomènes dus à Faction
de la masse , et il est naturel de penser que
plus les principes auxquels parviendra la théorie
chimique auront de généralité , plus ils auront;
d'analogie avec ceux de la mécanique ; mais ce
n'est que par la voie de l'observation qu'ils
doivent atteindre à ce degré , que déjà l'on peut
indiquer.
L'effet immédiat de l'affinité qu'une substance
exerce , est toujours une combinaison ; en sorte
que tous les effets qui sont produits par l'action
chimique, sont une conséquence de la formation
de quelque combinaison. >
Toute substance qui tend à entrer en com-
binaison , agit en raison de son affinité et de
sa quantité. Ces vérités sont le dernier terme
cle toutes les observations chimiques.
Mais, i". Les différentes tendances à la çom-^
INTRODUCTION. 3
binaison doivent être considérées comme autant
de forces qui concourrent à un résultat ,
ou qui se détruisent en partie par leur oppo-
sition ; de sorte qu il faut distinguer ces forces
pour parvenir à l'explication des phénomènes
qu'elles produisent , ou pour les comparer
cntr'eux.
2°. L'action chimique d'une substance ne dé-
pend pas seulement de l'affinité qui est propre
aux parties qui la composent , et de la quantité;
elle dépend encore de l'état dans lequel ces par-
ties se trouvent , soit par une combinaison
actuelle qui fait disparaître une partie plus ou
moins grande de leur affinité , soit par leur
dilatation ou leur condensation qui fait varier
leur distance réciproque : ce sont ces conditions
qui, en modifiant les propriétés des parties élé-
mentaires d'une substance , forment ce que
j'appelle sa" constitution : pour parvenir à fa-
nalyse de l'action chimique , il faut apprécier
non-seulement chacune de ces conditions, mais
encore toutes les circonstances avec lesquelles
elles ont quelque rapport.
Les propriétés des corps qui peuvent ainsi
modifier l'affinité, ont encore d'autres effets qui
sont indépendants de ceux que produit la com-
binaison , et qui sont l'objet des différentes parties
de la physique. Il y a même plusieurs phéno-
aomènes qui , quoiqu'ils soient pFoduits en tout
!..
% STATIQUE CHIMIQUE.
OU en partie par l'affinité , doivent cependant
être considérés sous un autre rapport , soit
parce que l'affinité n'y contribue que pour une
part trop faible , soit parce que l'expérience n'a
pu conduire encore à déterminer les affinités
particulières auxquelles ils sont dus. On désigne
comme propriétés physiques toutes celles qui
ne paraissent pas dépendre immédiatement de
l'affinité.
Il suit de là qu'il doit souvent exister un
rapport entre les propriétés physiques et les
propriétés chimiques ; qu'il faut souvent avoir
recours aux unes et aux autres pour l'explica-
tion d'un phénomène auquel elles peuvent
concourir , et qu'il convient d'établir une relation
intime entre les différentes sciences dont la
physique se compose , pour qu'elles puissent
s'éclairer mutuellement.
Les principes établis sur les résultats de faits
observés sous chaque point de vue , et l'explica-
tion des phénomènes chimiques fondée sur leurs
rajjports avec toutes les propriétés dont ils sont
des conséquences , constituent la théorie qu'on
doit distinguer en théorie générale et en théories
particulières.
Il y a des sciences qui peuvent parvenir à
un certain degré de perfection sans le secours
d'aucune théorie , et seulement par le moyen
dun ordre arbitraire qu'on établit entre les
I N T R O D TJ C T I O ?C. ^
observations des faits naturels dont elles s'occu-
pent principalement ; mais il n'en est pas de
même en chimie , où les observations doivent
naître presque toujours de l'expérience même,
et où les faits résultent de la reunion factice
des circonstances qui doivent les produire. Pour
tenter des expériences , il faut avoir un but ,
être guidé par une hypothèse ; et pour tirer
quelque avantage de ses observations , il faut les
comparer sous quelques rapports , et déterminer
au moins quelques-unes des circonstances né-
cessaires auxquelles chaque phénomène observé
doit son origine , afin qu'on puisse le reproduire.
Ainsi des suppositions plus ou moins illusoires ,
et même des chimères qui sont aujourd'hui ridi-
cules , mais qui ont engagé aux tentatives les
plus laborieuses , ont été nécessaires au berceau
de la chimie : par leur moyen les faits se sont
multipliés , un grand nombre de propriétés a été
constaté , et plusieurs arts se sont perfectionnés.
Toutefois la chimie ne fesait que se grossir
d'observations incomplètes , et de théories
particulières qui n'avaient aucune liaison en-
tre elles , qui se succédaient comme les caprices
de l'imagination , et qui n'avaient aucun rap-
port avec les lois générales ; orgueilleuse et isolée
de toutes les autres connaissances , plus elle
fesait d'acquisitions , plus elle s'éloignait dit
caractère des véritables sciences.
6 STATIQUE CHIMIQUE.
Ce n'est que depuis que l'on a reconnu
l'affinité comme la cause de toutes les combi-
liaisons , que la chimie a pu être regardée
comme une science qui commençait à avoir
des principes généraux : dès-lors on a cher-
ché à soumettre à un ordre régulier la succes-
sion des combinaisons , que différents éléments
peuvent former , et à déterminer les propor-
tions qui entrent dans ces combinaisons.
Bergman donna beaucoup plus d'étendue à
l'application de ce premier principe : il fit ap-
percevoir la plupart des causes qui pouvaient
en déguiser ou en faire varier les effets : il
fonda sur lui les méthodes des différentes ana-
lyses chimiques , qu'il porta à un degré de pré*
cision inconnu jusqu'à lui.
Cependant un grand nombre de phénomènes
dépendent de la combinaison de l'oxigène qui
est la substance dont les affinités paraissent le
plus actives; et son existence même n'était point
connue : il fallait suppléer par des hypothèses
à l'action qu'il exerce. Priestley n'eut pas plutôt
fait connaître cette substance qui joue un rôle
si important , que Lavoisier en détermina les
combinaisons , et rappela à cette cause réelle
les nombreux effets qu'elle produit. Le grand
jour que ses découvertes immortelles réjjan-
dirent non-seulement sur les phénomènes qui
en dépendaient , mais encore sur l'action de
r :n' T R o D r c T I o ]v. ^
plusieurs autres gaz découverts à ia même
époque , mérita à la révolution qu'il produisit
l'honneur d'être regardée comme une tliéorié
générale et nouvelle.
La considération précise d'une cause égale-
ment puissante , par les modifications qu'elle
introduit dans les résultats de l'affinité , celle
de l'action de la chaleur était aussi nécessaire
pour l'interprétation de la plupart des phé-
nomènes : on devait à Black la découverte des pro-
priétés fondamentales de la chaleur ; elles avaient
occupé après lui plusieurs physiciens ; mais elles
furent soumises à des lois bien déterminées , dans
un savant mémoire qu'on doit à Laplace et à
Lavoisier.
On voit donc que la chimie a acquis de nos
jours la connaissance de ces propriétés géné-
ratrices qui accompagnent toute action chimi-
que , et qui sont la source de tous les phéno-
mènes qu'elle produit : cette science a donc pu
être fondée sur des principes dont l'application
a fait faire des progrès rapides à toutes les
connaissances qu'elle embrasse.
Com.me les théories particulières bornent leurs
considérations à certains faits ou à quelques
classes de phénomènes, elles peuvent souvent
se restreindre à l'application rigoureuse des
propriétés bien constatées , et n'être , pour ainst
dire, que l'expression réservée de l'expérience ^
^ STATIQUE CHIMIQUE.
jusqu'à ce que les progrès de la science îeui"
donnent une plus grande extension : elles
peuvent donc être réduites à toute la certi-
tude qui peut appartenir aux connaissances
fondées sur le témoignage de nos sens ; ce qui
est sur - tout vrai pour la détermination des
éléments des substances composées , et des mé-
thodes par lesquelles on parvient à cette dé-
termination.
Il n'en est pas de même de la théorie qui
embrasse la considération de toutes les théories
particulières , et qui cherche à démêler ce qu'il
peut y avoir de commun entre les propriétés
chimiques été tous les corps , et ce qui peut dé-
pendre d'une dis2:)Osition particulière à chacun :
occupée de répandre la lumière sur tous les
objets , de perfectionner toutes les méthodes ,
de recueillir les résultats pour les comparer ,
elle tâche de reconnaître toute la puissance de
chaque cause , et toutes les causes qui peuvent
concourir à chaque phénomène ; elle porte la
vue par-delà les limites de l'observation ; elle ne
compare pas seulement les phénomènes dont
les causes peuvent être clairement assignées ;
mais elle indique la liaison qui peut se trouver
entre les connaissances acquises et celles aux-
quelles on doit aspirer : si elle abandonne sans
explication un certain nombre de faits dont
elle n'apperçoit encore aucune conséquence ,
INTROT)TTCTIO:îf. ^
soit parce qu'ils doivent être ëclaircis par des
expériences plus exactes ou mieux dirigées ,
soit parce qu'ils dépendent d'un conflit trop
grand de différentes propriétés , elle les ressaisit
dès quelle apperçoit une lueur qui peut la
guider.
Cette théorie repose nécessairement sur des
vérités bien établies , et sur des conjectures plus
ou moins fondées ; et , par l'application des prin-
cipes auxquels elle s'élève , elle donne des ex-
plications plus ou moins complètes , plus ou
moins certaines des phénomènes divers; elle se
perfectionne et s'aggrandit par les progrès de
l'observation, et par son commerce avec les
autres sciences.
Dès que l'on a reconnu les propriétés géné-
rales auxquelles doivent aboutir tous les effets
de l'action chimique , on s'est hâté d'établir ,
comme lois constantes et déterminées , les con-
ditions de l'affinité qui ont paru satisfaire à
toutes les explications ; et réciproquement on
déduit de ces lois toutes les explications , et
c'est dans la superficie que la science acquiert
par là , que l'on fait principalement consister ses
progrès.
Persuadé que les principes adoptés en chimie,
et les conséquences immédiates qu'on en tire
pour qu'elles servent elles-mêmes de principes
secondaires , ne devaient point encore être admis
ÎO STATIQUE CHIMIQUE.
oomme des maximes fondamentales , je les ai
rappelés à un nouvel examen , et j'ai déjà publié
dans mes recherches sur les lois de l'affinité les
observations qui m'ont porté à croire qu'on ne
s'était pas encore fait une idée très-exacte des
effets qu'elle produit.
Le but de cet essai est d'étendre mes premières
réflexions à toutes les causes qui peuvent faire
varier les résultats de l'action chimique , ou du
produit de l'affinité et de la quantité. J'exa-
minerai donc quelle est la dépendance mutuelle
des propriétés chimiques des corps, comparées
d'abord entr'^lles , et considérées ensuite dans
les différentes substances ; quelles sont les forces
qui naissent de leur action dans les effets qui
en proviennent , et quelles sont celles de ces
forces qui concourrent à ces effets ou qui leur
sont opposées.
L'essai est divisé en deux parties ; dans la
première, je considère tous les éléments de l'action
chimique , et dans la seconde , les substances
qui l'exercent et qui contribuent le plus aux
phénomènes chimiques , en les classant par leurs
dispositions ou par les rapports qui existent
entre leurs affinités.
Le premier effet de l'affinité sur lequel je
fixe l'attention , est celui qui produit la cohé-
rence des parties qui entrent dans la compo-
sition d'un corps ; c'est l'effet de l'affinité réci-
î N T R O D U C T I O ?r. î f
, proque de ces parties , que je clistingue par le
nom de force de cohésion , et qui devient, une
force opposée à toutes celles qui tendent à faire
entrer dans une autre combinaison les parties
qu'elle tend au contraire à réunir.
Toutes les affinités qui tendent par leur action
à diminuer l'effet de la cohésion , doivent être
considérées comme une force qui lui^est opposée ,
et dont le résultat est la dissolution. Lors donc
qu'un liquide agit sur un solide , sa force de
dissolution peut produire la liquéfaction du
solide , si elle l'emporte sur celle de cohésion ;
mais quelquefois cet effet a lieu immédiatement;
quelquefois il faut que la cohésion soit d'abord
affaiblie par un commencement de combi-
naison ; il est des circonstances où le liquide
ne peut agir qu'à la surface du solide et le
mouiller ; enfin le solide ne peut pas même être
mouillé , lorsque son affinité avec le liquide ne
produit pas un effet plus grand que celui de
l'affinité mutuelle des parties de ce dernier. Ces
deux forces produisent donc , selon leur rap-
port , différents résultats qui doivent être dis-
tingués , mais qu'il ne faut pas attribuer , avec
quelques physiciens , à deux affinités dont ils
■ont regardé l'une comme chimique , et -l'autre
comme dérivée des lois physiques.
Les effets de la force de cohésion n'ont pu
échapper à l'attention des chimistes; mais ils
T* STATIQUE CHIMIQUE,
ne l'ont considérée que comme une qualité des
corj^s actuellement solides , de sorte que la
solidité n'existant plus , ils l'ont regardée comme
détruite : au contraire , ses effets peuvent cesser
d'être sensibles sans qu'elle cesse d'agir , ainsi
que toutes les forces physiques qui sont com-
primées : c'est ici l'une des principales causes
de la différence que l'on trouvera entre les ex-
plications que je présente et celles qui sont
adoptées, et dans lesquelles on a négligé de faire
entrer cette considération.
L'action réciproque qui tend à réunir les
parties d'une substance peut être surmontée par
une force dissolvante , et son énergie diminue
à mesure que la quantité du dissolvant aug-
mente , ou que son action est accrue par la
chaleur ; au contraire , elle augmente si les cir-
constances précédentes s'affaiblissent , et elle
reproduit enfin des effets qui sont dus à sa
prépondérance : de là toutes les séparations et
précipitations qui ont lieu dans un liquide , et
qui sont dues à la formation d'un solide.
La cristallisation est un des effets remarquables
de la force de cohésion ; les parties qui cris-
taJlisent prennent un arrangement symétrique
qui est déterminé par l'action mutuelle des
petits solides que leur force de cohésion sépare
d'un liquide ; et les conditions d'un solide qui
se rompt plus facilement dans un sens que dans
ÎNTRODUCTIOIN". l3
un autre , qui est plus ou moins fragile , plus
ou moins élastique , plus ou moins ductile ,
dépendent de cet arrangement.
La différente solubilité des sels qui provient du
rapport de leur force de cohésion à l'action du
liquide dissolvant , est non-seulement la cause de
leur cristallisation , mais aussi de leur séparation
successive par le moyen de l'évaporation ; elle
n'est pas seulement opposée à l'effet du dissol-
vant , mais à leur action mutuelle ; car pendant
que différents sels sont en dissolution , ils ne
forment qu'un liquide où toutes les actions par-
ticulières se contrebalancent jusqu'à ce que la
force de cohésion ait acquis assez d'énergie pour
faire passer à l'état solide ceux qui sont moins
solubles.
• Puisque l'effet immédiat de toute action chi-
mique est une combinaison , la dissolution n'est
elle-même qu'une combinaison considérée sous
son rapport avec la force de cohésion ; or , dans
toute combinaison on remarque que l'action
d'une substance est toujours proportionnelle à
la quantité qui peut se trouver dans la sphère
d'activité : une conséquence immédiate de cette
loi , c'est que l'action d'une substance diminue
en raison de la saturation qu'elle éprouve.
Parmi les affinités d'une substance , il y en
a quelquefois une qui est dominante , et qui
imprime son caractère k ses propriétés distinc-
t4 STATIQUE CHIMIQUE.
fives : ce sont ces affinités énergiques qui ser-*^
vent à classer les substances dans un système
de chimie , et qui donnent naissance à la plupart
des phénomènes chimiques.
Toutes les propriétés qui sont dérivées de cette
affinité dominante deviennent latentes ou re-
paraissent avec elles ; la combinaison en a de
nouvelles qui n'ont plus aucun rapport avec
celles qui ont disparu par la saturation , mais
elles sont une conséquence des changements qui
se sont opérés par la condensation ou par la
dilatation des éléments de la combinaison ; car
Taction réciproque des molécules d'une com-
binaison correspond à la condensation ou
à la dilatation qui approche ou éloigne les
molécules; ainsi les sels qui sont dans létat de
combinaison ont une solubilité et une cristal-
lisation particulière.
Lorsque les substances qui jouissent d'une
affinité dominante subissent une combinaison
qui est étrangère à Taction de cette affinité ,
elles y portent toutes les propriétés qui en dé-
pendent, et qui ne sont que modifiées par la
constitution qu'elles ont acquise , et par le
degré de saturation qu'elles ont éprouvé ; ainsi
un alliage conserve les propriétés métalliques j
et celles qui proviennent de l'action réciproque
des molécules, soit simples, soit composées, telles
que la force de cohésion, la fusibilité, éprouvent.
INTRODUCTION. l5
ainsi que la pesanteur spécifique , un change-
ment qui n'est produit que par celui de la distance
mutuelle des molécules dans la constitution
qu'elles ont acquise par la combinaison.
Une affinité dominante et énergique dans une
substance suppose une disposition analogue dans
une autre substance dont les propriétés carac-
téristiques doivent par là être regardées comme
antagonistes des siennes , puisqu'elles les font
disparaître par la saturation.
Les acides et les alcalis montrent au plus haut
degré ces propriétés antagonistes qui sont la
source principale des phénomènes chimiques ;
leur action réciproque mérite donc de fixer par-
ticulièrement l'attention.
Je considère d'abord comme un attribut gé-
néral , cette propriété corrélative des acides et
des alcalis de se saturer mutuellement , indé-
pendamment des affections particulières à cha-
cun d'eux , et des propriétés qui dépendent
des éléments dont ils sont composés.
Comme cette saturation réciproque des acides
et des alcalis est un effet immédiat de leur
affinité réciproque , elle doit être regardée
comme la mesure de leur affinité , si l'on prend
en considération les quantités respectives qui
sont nécessaires pour produire cet effet. D'où
il suit que les affinités des acides pour les alcalis
ou des alcalis pour les acides sont proportion-
l6 STATIQUE CHIMIQUE.
nelles à leur capacité de saturation. J'e'tabli^
en conséquence que lorsque plusieurs acides
agissent sur une base alcaline, l'action de l'un
des acides ne l'emporte pas sur celle des autres ,
de manière à former une combinaison isolée ,
mais chacun des acides a dans l'action une part
qui est déterminée par sa capacité de saturation
et par sa quantité; je désigne ce rapport com-
posé , par la dénomination de masse chimique ;
je dis donc que chacun des acides qui se trou-
vent en concurrence avec une base alcaline agit
en raison de sa masse ; et pour déterminer les
masses , je compare les capacités de saturation ,
soit de tous les acides avec une base , soit de
toutes les bases avec un acide.
Pour expliquer les combinaisons qui se for-
ment dans le concours de deux acides avec une
base , et celles qui se produisent par l'action de
deux acides et de deux bases , on a supposé une
affinité élective qui , par sa graduation , subs-
titue une substance à une autre dans une com-
binaison , et qui dans l'action réciproque de
quatre substances , détermine deux combi-
naisons qui s'isolent.
Cette supposition ne peut point se concilier
avec la loi générale des combinaisons ; mais la
considération des deux effets distincts de l'af-
finité , en tant qu'elle produit les combinaisons
et qu'elle est le principe de la force de cohésion ,
INTROD UCTIO l>r. Ï'J
ni'a paru suffire à rexplication de tous les faits
qu'on attribue à l'affinité élective et à l'action
des doubles affinités.
La loi générale à laquelle est assujettie l'ac-
tion chimique que les substances exercent en
raison de l'énergie de leur affinité et de leur
quantité , n'est pas seulement modifiée dans
les effets qui en dépendent par la force de
cohésion ; elle l'est encore par l'action ex-
pansive du calorique ou de la cause de la cha-
leur, qui est le principe de Tex^jansibilité.
Comme toutes les substances éprouvent dans
leur action 1 influence du calorique , et qu il
contribue par conséquent à tous les phénomènes
chimiques , il est important de déterminer avec
précision ses propriétés générales et les effets
qu'il peut produire dans différentes circons-
tances. J'entrerai à cet égard dans des détails
élémentaires qui paraissent étrangers au but
que je me suis proposé.
C'est du rapport de l'action réciproque par
laquelle les molécules d'une substance simple ou
composée tendent à se réunir , avec l'action
expansive que le calorique exerce sur elles ,
que dépend la disposition de cette substance
à la solidité , à l'état liquide ou à l'état élas-
tique : l'effet du calorique peut concourir ,
selon les circonstances , à la combinaison de
cette substance avec les autres , ou lui être
I. a
jS statique chimique.
contraire. Lorsque le calorique produit l'e'tat
élastique , on doit considérer le gaz qui en pro-
vient comme dû à la combinaison quil forme,
et l'élasticité comme une force opposée, soit à
la solidité , soit aux combinaisons liquides ; mais
il faut appliquer à l'élasticité ce que j'ai remar-
qué sur la solidité : son action précède l'instant
où elle devient effective.
L'effort du calorique qui tend à accroître la
distance des molécules serait toujours opposé
aux combinaisons des substances entre elles , s'il
ne j3roduisait souvent un effet plus grand que
ce premier, en diminuant la solidité qui est un
autre obstacle à la combinaison , ou en aug-
mentant l'élasticité qui seconde l'action des gaz :
il favorise donc les combinaisons de quelques
substances , et il est contraire à d'autres selon
leurs dispositions. Il ne faut pas confondre ces
effets avec ceux de l'affinité réciproque des
substances.
Les fluides élastiques ont un grand désavantage
relativement aux autres substances dans l'action
qu'ils exercent sur elles, car ils ne peuvent
porter dans la sphère d'activité qu'une très-
jjetite masse.
Dans l'action réciproque des gaz , les résultats
sont très-différents selon l'intensité de l'affinité ;
lorsqu'elle est faible , elle se borne à une disso-
lution dans laquelle les dimensions respectives.
INTRODUCTIOir. ir^
çt les propriétés ne sont point altérées ; si elle
est énergique , ces dimensions éprouvent une
grande diminution , et il se forme des combi-
naisons qui ont des propriétés nouvelles ; mais
il faut reconnaître les propriétés qui distin-
guent les gaz constants des vapeurs qui ne
prennent l'état de gaz que dans certaines cir-
constances.
Tous ces effets varient par les changements
de dimensions que produisent les changements
de température , et qui sont beaucoup plus con-
3idérables que dans les liquides et les solides.
Il importe donc de déterminer avec soin les lois
que suit la dilatation des fluides élastiques, et
de comparer sous ce rapport ceux qui sont per-
manents et ceux qui ne prennent cet état que
par l'action des premiers ou par des élévations
de température.
Les substances naturellement élastiques peu-
vent être ramenées par la combinaison à 1 état
liquide ou solide ; alors elles acquièrent des
propriétés nouvelles par leur condensation. On
doit distinguer l'action chimique qu'elles peu-
vent exercer dans cet état , et l'énergie qu'elles
ont acquise et qu'elles peuvent communiquer
à leur combinaison en regardant laffinité de
celle-ci comme une force résultante des affinités
élémentaires qui lui succèdent lorsque la com-
binaisoû c^se , ou qui donjoeût naissance à
2.,
20 STATIQTTE CHIMIQUE.
d'autres affinités résultantes, lorsque l'état de
combinaison vient à changer.
Tous les phénomènes de la nature se passent
dans l'atmosphère qui concourt souvent à les
produire par sa compression , sa température
ou la combinaison des parties qui la composent ;
il faut donc avoir une connaissance exacte des
qualités de l'atmosphère sous ces trois rapports.
Le résultat des différentes causes qui inter-
viennent dans l'action chimique est quelquefois
une combinaison dont les proportions sont cons-
tantes ; quelquefois au contraire les propor-
tions des combinaisons qui se forment ne sont
pas fixes et varient selon les circonstances dans
lesquelles elles sont produites : dans le premier
cas il faut une accumulation de forces pour
changer les proportions , qui soit égale à celles
qui tendent à maintenir leur état de combi-
naison : cet obstacle vaincu , l'action chimique
continue à produire son effet en raison de
l'énergie des affinités et de la quantité des subs-
tances qui l'exercent. J'ai tâché de déterminer
les conditions qui limitent ainsi les proportions
dans quelques combinaisons , et qui paraissent
mettre une interruption dans la progression de
l'action chimique.
Il y a encore dans l'action chimique une con-
dition qui doit être prise en considération , et
qui sert à expliquer plusieurs de ses effets; c'est
INTRODtrCTIOIf. aï
rinlervalle de tems qui est nécessaire pour qu'elle
s*exëcute , et qui est très-variable selon les subs-
tances et selon les circonstances. J'examine sous
ee rapport la propagation de l'action chimique.
Après avoir ainsi parcouru tous les éléments
jconnus de l'action chimique , je passe à la se-
conde partie qui est destinée à considérer le&
dispositions des substances qui sont les plus
remarquables par leurs propriétés chimiques ,
et classées par leur caractère distinctif ou par
leur affinité dominante. Je tâche de trouver dans
leurs propriétés l'origine de celles des combi-
naisons qu'elles forment , selon Tétat dans lequel
elles s'y trouvent et la raison des phénomènes
auxquels elles concourrent.
J'examine sous cet aspect les propriétés des
substances inflammables , celles de leurs com-
binaisons mutuelles , celles des acides composés
et des différentes combinaisons qui en sont dé-
rivées selon les proportions de leurs éléments ,
celles des alcalis , des terres , et enfin des subs-
tances métalliques.
Les substances végétales et les substances
animales sont très - complexes , moins par le
nombre des éléments qui entrent dans leur com-
position , que par les substances qui en pro-
viennent , et qui agissent chacune par une force
résultante ; elles sont si mobiles et si variables
qu'il est bien difficile de parvenir à une coa-
â2 STATIQUE CHIMIQUE.
naissance exacte des causes des phénomènes qui
leur doivent leur origine ; c'est dans leur con-
sidération qu'on doit porter la plus grande cir-
conspection : je me bornerai à indiquer ce qui
me paraît le mieux constaté , ou ce qu'on peut
conjecturer de plus raisonnable sur les phéno-
mènes de ce genre que la chimie a pu atteindre.
On trouvera une grande inégalité dans les
discussions dans lesquelles j'entrerai : je passerai
rapidement sur quelques objets qui sont im-
portants , mais qui ne présentent rien d'incertain
nux chimistes , et je m'arrêterai avec beaucoup
de détails à d'autres qui sont moins intéressants,
mais qui me paraîtront exiger de nouveaux
éclaircissements.
PREMIERE PARTIE.
DE L'ACTION CHIMIQUE EN GÉNÉRAL.
SECTION PREMIERE.
DE L'ACTION CHIMIQUE DES SOLIDES ET DES LIQUIDES.
CHAPITRE PREMIER.
De la force de cohésion.
I. l_j' ACTION chimique produit des effets dif-
férents , selon qu'une substance est gazeuze ,
liquide , ou dans l'état solide ; de sorte que
toute action chimique n'est pas un effet
simple de l'affinité , mais qu'elle est modifiée
par la constitution des corps qui l'exercent ;
il importe donc pour reconnaître les causes
des phénomènes chimiques , d établir quelle
peut être l'influence de la constitution des subs-
tances , et quelle différence peut apporter
chacune de ses conditions, soit qu'elle la pré-
cède , soit qu'elle en devienne un résultat. Je
^4 STATIQUE CHIMIQUE.
commence par considérer les rapports de l'etaC
solide à letat liquide.
2. La cohésion est l'effet de Taffinitë que les
molécules exercent les unes sur les autres , et
qui les tient à une distance déterminée par
l'équilibre de cette force avec celles qui lui sont
opposées ; caria propriété , que les corps les plus
compacts possèdent , d'éprouver une diminution
de volume par les abaissements de température,
prouve qu'il nj a pas de contact immédiat entre
leurs parties.
Les corps dans lesquels les parties intégrantes
sont composées , sont soumis à la cohésion comme
ceux dont les parties sont similaires ; le sulfate
de baryte forme non-seulement des masses so-
lides ; mais toutes ses parties qui sont en état de
combinaison prennent un arrangement symétri-
que , ainsi que les p-rfies du cristal de roche.
La plupart des substances Hquides prennent
elles-mêmes une forme solide , lorsque l'effet de
la hquidité est diminué par un abaissement de
température ; ainsi l'eau se congèle et forme des
cristaux : on ne peut douter que le même effet
n'eût lieu pour tous les liquides, si l'on pouvait
produire un froid assez grand ; mais l'on observe
à cet égard une grande différence entre eux.
Les gaz même annoncent cette disposition
entre leurs parties ; le gaz muriatique oxigené
prend un état concret , et cristallise à une tem«
DE l'actioît chimique, etc. aS
perature qui approche de celle de la congé-
lation de Teau ; et toutes les substances gazeuses,
loisqu elles ont perdu leur élasticité , en formant
une combinaison, sont disposées à prendre l'état
solide , si la température le permet ; par exemple,
le gaz ammoniaque et le gaz acide carbonique de-
viennent solides dès qu'ils entrent en combinai-
son , et le gaz hydrogène le plus subtil des
fluides élastiques qui puisse être contenu dans
des vases , forme avec le gaz oxigène , l'eau qui
peut devenir concrète.
On ne peut donc douter que toutes les subs-
tances n'aient dans leurs parties une disposi-
tion constante à se réunir et à former un corps
solide : si cet effet ne peut se produire , c est
que la force de cohésion est surmontée par
l'action du calorique.
3. Quoique les effets de la chaleur et les pro-
priétés du calorique doivent être analysés en
particulier , il sera nécessaire cependant de
considérer dans ce qui va suivre la dilatation
qu'elle produit dans tous les corps : cette force
expansive est non-seulement contraire à la force
de cohésion, mais encore à la tendance que les
substances ont à se combiner les unes avec les
autres , quoique par son effet opposé à celui
d'autres forces, il arrive souvent qu'elle favorise
ces combinaisons.
4. La force de cohésion, soit celle qui réunit
i6 STATIQUE CIÏIMïOtTE.
des parties similaires , soit celle qui agit stfr
une combinaison, s'accroît dans une substance
d^autant plus que ses molécules éprouvent un
rapprochement plus grand ; l'alumine qui ,
après avoir été soumise à un haut degré de cha-
leur, a éprouvé une grande retraite, a non-
seulement pris beaucoup de cohésion mécanique ,
mais elle a acquis la puissance de résister à
l'action des acides et des alcalis : le saphir qui
n'est presque que de l'alumine pure, et dont
la cohésion pourrait être comparée à celle de
l'alumine qui a éprouvé le plus grand degré de
chaleur , n'est point attaqué par les agents les
plus puissants , jusqu'à ce que cette cohésion ait
été détruite en grande partie ; le spath ada-
mantin ou corindon , qui n'est presque que de
l'alumine , présente encore une plus grande
résistance ; d'où il résulte que la force de cohésion
est non-seulement opposée à l'action du calo-
rique , mais à celle de toute substance qui tend
à changer l'état d'un corps solide.
Nous trouvons donc dans tous les corps une
disposition à devenir solides , qui varie consi-
dérablement selon leur nature , qui toujours
en opposition avec la force expansive de la
chaleur, en est quelquefois détruite, parce qu'elle
dépend de la distance des parties ; mais qui
renaît , dès que l'expansion produite par la cha-
leur est diminuée , à un certain degré.
DE L^ACTIOW CHIMIQUE, etC. I^J
Quelques chimistes ont distingue sous le nona
d'affinité d'aggrégation les effets de la force de
cohésion de ceux de l'affinité de composition ;
mais ils ne l'ont admise qu'entre les molécules
de même espèce , et ils l'ont opposée à V affinité
de composition, quoique la force de cohésion
soit souvent une cause qui détermine les com-
binaisons , et qui par conséquent devient alors
ce qu'ils ont appelé affinité de composition.
5. J'ai remarqué que plusieurs substances
gazeuses acquéraient par leur combinaison mu-
tuelle la propriété de devenir solides : il résulte
de là que leurs parties éprouvent par l'acte de
la combinaison un changement semblable à celui
que les liquides subissent par un abaissement de
température qui produit leur rapprochement ,
ou que la figure des nouvelles molécules est
plus favorable à leur action réciproque.
Il arrive aussi souvent que deux liquides for-
ment par leur combinaison une substance solide ,
d'où il suit que dans ces circonstances la force
de cohésion qui ne pouvoit produire aucun
effet sensible , devient une force prépondérante ,
ce qui indique de même une analogie entre les
effets produits dans une substance par un chan-
gement de température et ceux qui sont dus à
la combinaison de deux substances.
6. Plus l'action du calorique sur un corps
s'affaiblit , plus celle de l'affinité réciproque
aS STATIQUE CHIMIQUE.
acquiert d'énergie , et plus les parties se rap-
prochent ; de là vient la diminution de volume
que le refroidissement cause dans les corps ;
mais lorsqu'une substance passe de l'état liquide
à l'état solide , la force de cohésion produit,
quelquefois elle-même un autre effet qui est
contraire au premier.
7. Lorsque les corps passent de l'état liquide
à l'état solide , leurs parties tendent à prendre,
la disposition dans laquelle leur affinité réci-
proque s'exerce avec le plus d'avantage : de là
cet arrangement symétrique qu'elles prennent ,
et qui constitue la cristallisation.
Cette disposition symétrique produit quel-
quefois une augmentation de volume qui in-
troduit une interruption apparente dans Teffet
nécessaire du rapprochement des parties qui est
dû à la diminution de l'action du calorique : ainsi
lorsque l'eau se congèle , sa pesanteur spécifique
diminue , et il y a des métaux dont la partie ,
encore solide , surnage celle qui est liquéfiée ;
de sorte qu'ils ont également une pesanteur
spécifique moins grande, lorsqu'ils sont solides,
que lorsqu'ils sont dans l'état liquide.
8. Les substances liquides dont le volume
éprouve un accroissement en passant à la soli-
dité , présentent un phénomène qui mérite
d'être remarqué. Cette dilatation de volume
ne s'observe pas seulement au moment de la
DE l'action chimique, etc. 29
congélation , mais elle commence à se mani-
fester dans le liquide , lorsqu'il approche du
terme de la congélation.
Mairan remarqua le premier la dilatation de
l'eau qui approche du degré de la congélation ;
mais c'est Dehicqui en détermina la quantité(i).
Il observa qu'elle commençait à se manifester
à-peu-près au 4^« degré au-dessus du terme de
la congélation , et que la diminution qui avait
lieu depuis le 8^. degré jusqu'au 4^? ne fesait
que compenser cet effet.
Il observa de plus que l'influence de la cause
qui produit cette dilatation se fait appercevoir
à plusieurs degrés qui précèdent celui où elle
se manifeste par un accroissement réel.
Blagden confirma non-seulement ces observa-
tions (2) , mais ce savant physicien constata que
la dilatation de volume continuait , et même
dans une plus grande proportion , à mesure que
la température de l'eau était abaissée au-dessous
du zéro , sans entrer en congélation. .
L'effet n'est pas limité au terme ordinaire
de la congélation de l'eau : Blagden a observé
que lorsque ce terme était abaissé par la dis-
solution d'un sel , l'augmentation de volume qui
(i) Recherches sur les modifications de l'Atmosphère,
ëdit. in-8° , tom. a.
(a) Trans. philo*. 1788.
3o STATIQUE CHIMIQUE.
doit précéder la congélation se manifestait à-
peu-près à une époque égale , avant qu'elle de-
vînt effective.
9. Si l'on considère que lorsque les liquides
approchent du terme de l'ébullition , rinfluence
de l'état élastique auquel ils vont passer , se fait
appercevoir pctr une progression plus grande
de dilatation , quelque tems avant qu'ils se chan-
gent en fluides élastiques , et que la loi de dila-
tation à laquelle sont soumis les fluides élas-
tiques , éprouve également , comme nous le
verrons, une modification , lorsqu'ils approchent
du terme de la liquidité , on est déjà conduit à
admettre comme un principe général , que les
causes qui déterminent les changements de cons-
titution des corps exercent une action dont les
effets sont même sensibles avant que le chan-
gement de constitution ait lieu.
Une première conséquence de ce principe ,
c'est que l'affinité réciproque qui peut pro-
duire l'état solide , doit être considérée comme
une force qui agit , non - seulement lorsque
la solidité se manifeste , mais avant ce terme ;
de sorte que toutes les fois qu'il se produit
quelque substance solide , soit par une sépara-
tion , soit par une combinaison , il faut chercher
dans l'action réciproque des parties qui acquiè-
rent la solidité, la cause même qui la produit,
quoiqu'elle ne se manifestât pas auparavant.
DE l'action chimique, etc. 3f
ïO. Tous les corps qui passent de l'état li-
quide à l'état solide n'éprouvent pas une dila-
tation occasionnée par i arrangement que j^ren-
nent alors leurs parties; il y en a au contraire,
et c'est probablement le plus grand nonibi e , qui
subissent une contraction ; ainsi l'acide nitrique
€t l'acide sulfurique dont la congélation devrait
avoir une si grande analogie avec celle de l'eau ,
éprouvent cependant une contraction qui paraît
même être considérable dans l'acide nitrique (i).
Plusieurs métaux prennent une pesanteur spé-
cifique plus grande en se solidifiant : le mercure
est de ce nombre ; et le célèbre Cavendish a
expliqué , par la contraction qu'il éprouve ,
l'abaissement du thermomètre qui provient de
ia congélation du mercure au moment où elle
s'opère , et dont on avait conclu des tempé-
ratures beaucoup plus basses que celles qui ont
lieu réellement (2),
II. Ce ne sont pas seulement les substances
qui éprouvent une dilatation en passant à l'état
solide, qui peuvent conserver leur liquidité à un
degré de température plus bas que celui de leur
congélation : Cavendish a trouvé que cet effet
avait lieu dans le mercure qui se congèle : il a
même observé qu'il était beaucoup plus con-
(1) An account of expei- made by John. ]VP. Nab. by
Henri Cavendish. Trans. philos. ij86.
(2) Trans. philos, yol. LXXIII.
52 STATIQUE CHIMIQUE.
siflërable dans la congélation de l'acide nitrique
que dans celle de l'eau.
Cette espèce d'inertie, que possèdent également
toutes les dissolutions salines , lorsqu'elles sont
au terme de la cristallisation , et qui provient ,
soit de la difficulté des changements de position
dans les molécules , soit de celle du passage du
calorique d'une combinaison dans une autre ,
lorsqu'ils ne sont provoqués que par une force
très-fadjle , se fait remarquer dans un grand
nombre de phénomènes , lorsque l'action chi-
mique a peu d'énergie , et c'est un objet sur
lequel je reviendrai dans la suite.
12. Le mouvement, que l'on imprime aux
parties de l'eau qui se trouvent au-dessous du
degré qui est propre à sa congélation , en faisant
passer ses molécules dans un grand nombre de
positions , amène celles qui sont les plus favo-
rables à Faction réciproque : par là il favorise
la congélation ; mais Blagden a fait voir que
cette cause indiquée par Mairan n'avait point
autant d'efficacité qu'on lui en attribuait, il a
trouvé que rien ne déterminait plus prompte-
ment cet effet que le contact d'un fragment de
glace ; et le contact d'un cristal salin produit
un effet analogue dans une dissolution du même
sel : mais du sable répandu dans l'eau qui était
au-dessous du terme de la congélation, n'a point
favorisé la formation de la glace ; au contraire ?
DE l'action chimique, etc. 33
les parties terreuses qui restent suspendues dans
l'eau et qui détruisent sa transparence , déter-
minent la congélation au terme où elle peut
s'opérer. Ces faits confirment non-seulement
que c'est à la force de cohésion qui provient de
l'affinité réciproque , qu'est dû l'état solide
qu'acquièrent les substances liquides; mais ils
prouvent encore que le contact des substances
déjà solides favorise cet effet lorsqu'elles ont une
affinité avec celles qui doivent passer à letat
solide , et qu'au contraire elles n'exercent aucune
influence sensible sur le phénomène, si elles
sont dépourvues de cette affinité.
On peut déjà conclure de ces observations que
la cohésion qui est l'effet de l'affinité réciproque
des molécules doit être considérée comme une
force opposée à la liquidité, que cette force
agit non-seulement lorsque la coJiésion existe
mais que c'est elle qui la rend effective et qu'elle
s'exerce entre les parties intégrantes qui résultent
d'une combinaison , comme entre les molécules
d'une substance simjjle.
1.
34 STATIQUE CHIMIQUE.
CHAPITRE II.
De la Dissolution. '
23. Oi les substances liquides peuvent acquérir
l'état solide par l'accroissement de la force de cohé-
sion , une cause contraire peut procurer la liqui-
dité à un corps solide : lorsque cet effet est produit
par l'action d'un liquide , il constitue la dis-
solution ; alors l'union devient telle , que tout
le solide qui s'est liquéfié se trouve distribué
dans le liquide et uniformément confondu aved
lui ; de sorte que l'un et l'autre ne présentent
plus qu'une substance homogène.
Deux liquides de pesanteur spécifique dif-
férente peuvent aussi , par leur action réci-
proque, se confondre et ne former plus qu'un
liquide uniforme.
L'action réciproque de deux corps peut être
assez faible pour ne pas balancer la résistance
de la force de cohésion ou de la distance de leur
pesanteur spécifique , et les effets qu'elle produit
doivent alors être différents , quoiqu'ils dérivent
de la même cause.
Nous devons trouver cet effet plus ou moins
DE l'action" chimique, etc. 3Î
complet dans tous le« résultats de l'action réci-
proque des liquides et des solides; c€^t donc
un phénoiT" ne général dans lequel il faut re-
connaître les lois de l'action chimique.
L'action chimique des différentes substances
s'exerce non-seulement en raison de leur aflinité ,
mais encore en raison de leur quantité : une
conséquence immédiate , c'est que l'action chi-
mique diminue à mesure que la saturation s'opère.
C'est par la correspondance exacte des phé-
nomènes avec les conséquences immédiates de
ce principe et des circonstances qui doivent en
modifier l'application , que de simple supposition
il prendra le caractère de loi générale de l'action
chimique , et lorsque les explications de ces
phénomènes pourront en être déduites natu-
rellement , on devra rejeter toute autre sup-
position comme fau^e ou inutile : je vais donc
faire un premier essai de cette loi de l'affinité ,
en l'appliquant à l'action réciproque des solides
et des liquides , et en déterminant les modifi-
cations qu'elle doit recevoir des conditions dans
lesquelles les solides et les liquides peuvent
exercer leur action réciproque.
14. Un liquide ne peut exercer son action sur
un solide qu'au contact de celui-ci , ou plutôt
dans la sphère d'activité que l'affinité peut avoir ;
en sorte que son action sur le solide n'est pas
plus forte , soit qu'il se trouve fort abondant ,
3..
3G STATIQUE CHIMIQUE.
soit qu'il n'y en ait que ce qui est ne'cessaire
pour établir tous les points de contact possibles.
Cependant , comme dans un liquide il s'établit
un équilibre de saturation dans toute sa quan-
tité , les parties qui peuvent agir sur le solide
parviennent beaucoup plus lentement au degré
de saturation où son action cesse ; de sorte que
la quantité de solide qui se dissout est pro-
portionnelle à celle du liquide , en conséquence
de la loi générale de l'affinité.
Il suit encore de cette loi , qu'une subs-
tance qui est en dissolution dans une quantité
plus grande de liquide que celle qui est néces-
saire y est retenue par une action plus puis-
sante , et qu'au contraire la quantité de liquide
qui est superflue , est assujettie plus faiblement
par l'affinité de la substance dissoute que celle
qu'exige la dissolution ; ce qui est conforme à
l'observation.
On voit donc que la loi générale que j'ai
énoncée n'est ici modifiée que par la circons-
tance qui limite la quantité du liquide qui peut
exercer simultanément son action.
i5. L'action chimique est réciproque : son
effet est le résultat d'une tendance mutuelle à
la combinaison ; on ne peut pas , à la rigueur ,
dire plutôt qu'un liquide agit sur un solide ,
qu'on ne peut dire que le solide agit sur le li-
quide : la commodité de l'expression fait trans-
DE l'action chimique, etc. 3^
porter sans inconvénient toute l'action clans
l'une des deux substances , quand on veut exa-
miner l'effet de cette action plutôt que l'action
elle-même.
Cette réflexion doit s'appliquer à toutes les
propriétés et à tous les phénomènes cliimiques ;
mais il faut considérer séparément les deux subs-
tances , pour connaître l'état des forces qu'elles
exercent l'une et l'autre , et les changements qui
surviennent dans leurs propriétés ; prenons
d'abord pour exemple l'action de l'eau et de la
chaux.
i6. Lorsque la chaux est placée dans l'eau , ces
deux substances exercent une action mutuelle;
mais la force de cohésion est d'abord trop con-
sidérable pour que l'eau puisse opérer une dis-
solution ; c'est la chaux qui commence à s'im-
biber du liquide ; à mesure qu'elle s'en sature,
sa force de cohésion diminue, et lorsqu'elle se
trouve suffisamment affaiblie , l'eau qui se trouve
en contact avec elle peut la dissoudre : il s'é-
tablit donc alors deux combinaisons qui exercent
des forces opposées , jusqu'à ce qu'elles soient
parvenues à un état de saturation ou d'équi-
libre dans lequel elles sont stationnaires, pen-
dant que les conditions restent les mêmes; mais
si la température ou la quantité de Teau vient
à varier, il faut qu'il s'établisse un autre équi-
libre.
38 Statique chimique.
Il en est de même de toutes les substances
qui possèdent une force de cohésion assez con-
sidérable pour que l'action de l'eau ne puisse
la surmonter avant qu'elle soit assez affaiblie
par l'état de saturation qu'elle commence à
éprouver elle-même; mais si elles n'ont qu'une
cohésion très-faible , ou si elles se trouvent déjà
saturées d'eau , de manière à ne conserver qu'une
très-faible cohésion , elles pourront se dissoudre
immédiatement dans l'eau, et les sels qui ont
retenu de l'eau dans leur cristallisation se trouvent
dans ce cas.
Si l'eau n'était pas dans une quantité suf-
fisante relativement à celle de la chaux , il n'y
aurait que l'un des deux effets mentionnés
qui eût lieu , la chaux absorl>erait l'eau en
entier , et lui communiquerait son état solide ;
cependant la cohésion réciproque des molécules
de la chaux serait tellement affaiblie par la sa-
turation qu'elle éprouverait, qu'elle pourrait se
réduire d'elle-même en poudre.
17. Souvent l'eau qui se combine avec un
corps solide ne peut point affaiblir assez sa
force de cohésion pour pouvoir le dissoudre lui-
même ; alors le corps ne fait que s'humecter sans
se dissoudre dans l'eau : lorsque son affinité
pour l'eau , affaiblie par la saturation qu'elle
éprouve , est en équilibre avec la force de cohé-
sion , il cesse d'en imbiber. Souvent encore l'eau
DE l'action chimique, etc. 39
a une action si faible , comparée à celle de cohé-
sion , qu'elle ne fait qu'adhérer à la surface du
corps solide et le mouiller.
18, Lorsque le solide est réduit en petites
masses on dans l'état pulvérulent , l'action par
laquelle le liquide mouille ces petites masses
peut quelquefois les y tenir suspendues et sur-^
monter la différence de pesanteur spécifique sans
produire de dissolution ; c'est ce qu'on observe
dans quelques précipitations chimiques dans
lesquelles le liquide ne reprend pas la trans-
parence , malgré la différence de pesanteur spé-
cifique qui se trouve entre lui et la substance
qu'il cesse de tenir en dissolution; de sorte que
cette suspension annonce une affinité réciproque
qui maintient les deux substances en contact,-
mais qui ne suffit pas pour produire la dis-
solution.
Si l'affinité du liquide pour le corps solid<r
est encore plus faible que l'affinité réciproque
de ses parties, elle n'humecte, elle ne mouille
pas le corps ; c'est ce qui arrive au mercure qui
n'adhère qu'à un petit nombre de corps.
19. L'action des liquides sur les corps qu'ils
ne peuvent dissoudre , est donc quelquefois su-
périei|ire à l'action mutuelle de leurs propres
parties , et quelquefois elle lui est inférieure :
de cette circonstance dépend la propriété qu'ont
les fluides de s'élever au-dessus du niveau de-
4o STATIQUE CHIMIQUE.
leur surface autour d'un solide qu'on y plonge ,
ou de se déprimer, et par là s'expliquent les
propriétés des tubes capillaires et les attractions
et répulsions qu'on observe entre les corps qui
flottent à la surface d'un liquide , et qu'on avait
prises pour réelles , pendant qu'elles ne sont
qu'une suite des courbes qui se forment au
contact mutuel , comme Monge l'a fait voir pour
les différents cas que présente l'observation , et
dont il a donné une explication aussi complète
qu'élégante (i).
20. Deux liquides se dissolvent aussi lorsque
leur affinité respective l'emporte sur la force
de cohésion et sur la différence de pesanteur
spécifique qui tendent à les tenir séparées , et
l'on trouve dans cette dissolution les caractères
de la dissolution d'un solide , avec cette dif-
férence que la résistance à la force dissolvante
étant ici beaucoup moindre que celle qu'oppose
un solide , la dissolution peut s'opérer plus sou-
vent en toutes proportions , sans qu'on apper-
çoive une différence dans les parties supérieures
et inférieures du liquide ; mais quelquefois
l'affinité respective est si faible , que dès qu'un
liquide se trouve saturé de l'autre à un certain
point , la résistance égale son action ; alors il
s'établit deux combinaisons qui varient par leur
(1) Mémoires de l'Académie des Sciences , 1787.
DE l'actioît chimique, etc. 4^
quantité , selon les proportions des deux li-
quides : par exemple , lorsqu'on ajoute un peu
d éther à une quantité considérable d'eau , ou
un peu d'eau à l'éther , il se fait une dissolution
complète ; mais si l'on mêle quantités égales
d'eau et d'éther , il s'établit deux liquides qui
restent séparés , le supérieur qui tient une grande
proportion d'éther , et l'inférieur qui tient un»
grande proportion d'eau : lorsqu'on change la
quantité de l'eau ou de l'éther , il s'établit d'autres
proportions dans les deux liquides qui se séparent.
Quelquefois encore l'affinité réciproque de
deux liquides ne peut surmonter la résistance
qui naît de l'affinité mutuelle de leurs parties
et de la différence de leur pesanteur spécifique :
il se produit alors un effet analogue à celui par
lequel un liquide mouille un solide ; le liquide
le plus léger s'étend a la surface du plus pesant ,
comme il arrive à l'huile qu'on répand sur l'eau ;
c'est cette supériorité de l'affinité réciproque des
parties de l'eau sur celles de l'huile , qui fait
qu'une mèche imbibée d'eau n'admet dans la
suction que les parties aqueuses , ou seulement les
parties huileuses, si elle se trouve imbibée d'huile.
On ne peut douter que les molécules d'un
liquide n exercent une affinité réciproque , qui
doit être confondue avec la force de cohésion ,
puisqu'elle finit par produire la solidité par la
congélation. De là vient quelles se partagent
4a STATIQUE CHIMIQUE.
uniformément une substance qu'elles peuvent
dissoudre , et qu'elles résistent à l'action de
l'atmosphère pour se réduire en gouttes et con-
server une convexité ; mais cette action peut
avoir une certaine énergie , sans que la mobilité
des parties soit détruite , comme un métal peut
être malléable , c'est-à-dire , permettre à ses
parties de glisser les unes sur les autres , et
cependant avoir une grande force de cohésion
entre les mêmes parties. L'effet d'une différence
dans la pesanteur spécifique peut aussi être
confondu avec celui de la force de cohésion ;
mais il est ordinairement si petit , comparati-
vement aux forces qui sont en action , qu'il
n'y a que quelques circonstances où il doive être
pris en considération.
2 1 . Nous avons parcouru les différents effets
qui peuvent résulter de l'opposition de la force
de cohésion et de la force dissolvante , selon
leur intensité respective : on voit que la dis-
tinction que quelques physiciens ont voulu
établir entre l'affinité chimique et Tadhérence
physique n'est point fondée ; mais les effets
qu'on a voulu attribuer à la dernière dépen-
dent de la même cause que ceux qui sont dûs
à l'affinité , et ils n'en diffèrent que par l'énergie
de l'action réciproque , comparée à la résistance
qui lui est opposée.
22. Il y a une autre force qui concourt avec
DE l'action chimique, etc. 43
l'action des liquides sur les solides , et qui en
favorise la dissolution , lorsqu'elle ne devient
pas contraire comme principe de l'élasticité' ; c'est
l'action expansive de la chaleur , qui , opposée
à la force de cohésion , en détruit l'effet. Cette
cause suffit même pour donner la liquidité à la
plupart des corps solides ; mais comme la dila-
tation que produit la chaleur dans les différents
corps varie considérablement , son effet sur les
dissolutions varie également.
Lorsque cette cause agit seule , on trouve dans
les corps rendus liquides des propriétés ana-
logues à celles que présentent les substances
tenues dans l'état liquide par l'action du ne
autre substance : cependant il faut séparer des
effets comparatifs ce qui dépend de Factioii du
dissolvant que j'examinerai plus particulière-
ment ailleurs.
On observe ainsi dans l'action de deux coT-ps
rendus liquides par l'action seule de la chaleur
selon leur quantité respective , et leur disposi-
tion à la liquidité , des effets qui correspondent
;à ceux qui ont eu lieu dans l'action d'un li*
quide sur un solide ; par exemple , lorsque l'étain
et le cuivre sont exposés à l'action de la cha-
leur, l'étaiu seul est réduit dans letat liquide,
et ne dissout qu'une petite 2K)rtion de cuivre,
lorsque la température n'est pas élevée au-dessus
de celle qui peut liquéfier le premier métal j
'44 STATIQUE CHIMIQUE.
si la chaleur est un peu plus grande, il agit
davantage sur le cuivre , et d'autant plus que
sa proportion est plus considérable; mais si la
quantité est très-petite, son action se borne à
la surface du cuivre qu'il ne peut liquéfier ; il
ne forme qu'un étamage. Deux métaux forment
quelquefois un alliage en toute proportion ,
quelquefois leur action réciproque se trouve
trop faible , et ils ne peuvent s'allier qu'en
des proportions déterminées par la différence
de pesanteur spécifique et de fusibilité : ils
présentent à cet égard les propriétés des solides
qui se dissolvent dans un liquide , ou des li-
quides qui ont une faible affinité mutuelle et
une pesanteur spécifique différente.
23. La dissolution est donc l'effet d'une force
qui peut surmonter la résistance de la force de
cohésion , et la différence de pesanteur spéci-
fique. Lorsque la résistance est trop considé-
rable , il faut qu'elle commence par l'affaiblir
par un commencement de saturation de la subs-
tance qui l'oppose.
Lorscfue la résistance a assez d'énergie , il
s'établit deux termes de saturation entre les
forces contraires. Ces termes de saturation varient
par les quantités respectives et par les autres
circonstances qui peuvent favoriser ou affaiblir
l'action chimique.
Dans l'action d'un liquide sur un solide , les
DE l'action chimique, etc. 45
quantités qui déterminent Ténergie de ractioii
sont celles qui peuvent se trouver dans la sphère
d'activité ; mais la quantité de la substance qui
se dissout est proportionnelle à celle du liquide
qui sert de dissolvant.
CHAPITRE III.
TDe raction réciproque des substances qui sont
tenues en dissolution.
24. LiORSQu'uN liquide est saturé d'une subs-
tance solide quil a dissoute , c'est-à-dire , lors-
que son action affaiblie par la saturation ne peut
plus surmonter la force de cohésion qui réunit
les parties du solide , l'action réciproque de toutes
les parties actuellement liquides en compose une
substance homogène qui agit d'une manière
uniforme sur les rayons lumineux ; mais à moins
que la dissolution ne soit très-étendue par une
surabondance du dissolvant , et que par consé-
quent la distance introduite entre les parties
dissoutes ne soit portée à un certain terme ,
pendant que l'action du liquide est accrue en
raison de sa quantité , la force de cohésion doit
toujours être regardée comme une résistance qui
4^7 STATIQUE CHIMIQUE.
continue d'agir : en effet , l'on n'a qu'à dimi-
nuer ou la quantité du dissolvant ou la cha-
leur dont l'action concourt avec celle du li-
quide , pour que la force de cohésion détermine
la séparation d'une partie de la substance dis-
soute , si l'on ne compense la diminution de
la quantité ou celle de la chaleur l'une par
l'autre : l'on a vu que cette action se manifestait
même par des effets sensibles , avant que de
devenir prépondérante (i8).
a5. Lorsque , soit par la diminution de la
quantité du liquide , soit par l'affaiblissement'
de la température , la force de cohésion cause
la séparation d'une portion de la substance
dissoute , presque toujours les parties qui se
séparent prennent un arrangement régulier qui
est dû à un certain rapport entre leur figure
et leur affinité réciproque. De là , ces cristaux
que la nature présente avec tant de variété ,
et qui sont produits dans un si grand nombre
de combinaisons cliimiques.
Les lames qui continuent de s'appliquer , soit
parce que le cristal agit sur la substance dis-
soute, soit parce que la cause de sa séparation
continue d'exister dans le liquide , sont compo-
sées elles-mêmes de molécules semblables aux
premières, et continuent d'accroître le cristal
en conservant sa première forme ; cependant cet
accroissement peut être déterminé à se faire sur
DE l'actioîï chimique, etc. 47
«ne face plutôt que sur une autre , selon la
position du cristal et les circonstances où se
ti'ôuve la dissolution.
Le cristal qui résulte de cet arrangement symé-
trique des molécules intégrantes, se trouve tel-
lement constitué , qu'en saisissant successivement
les joints par lesquels les lames se trouvent
réunies , on parvient à un noyau qui est le
même dans les cristaux d'une même substance ;
de sorte que toutes les formes secondaires de
ces cristaux dépendent du décroissement d^
lames superposées au noyau.
Ce mécanisme de la cristallisation a été dé*
veloppé avec tant de supériorité par Ilauy ,
qu'il est devenu une application des plus heu-
reuses de la géométrie aux opérations de la
nature ; mais ces résultats de l'affinité et de la
forme des parties intégrantes conduisent à des
considérations qui se détachent de la chimie.
26. Les substances qui sont tenues en disso-
lution exercent une action mutuelle qui modifie
les effets de la dissolution et de la cristallisation ;
pour déterminer ce qui dépend de cette action ,
je choisirai les substances salines qui sont éga-
lement remarquables par leur solubilité , par
leur cristallisation et par leurs propriétés chî-
miques. Je ne les regarderai ici que comme des
substances qui se dissolvent et qui reprennent
leur premier état pai' la cristallisation , indé»
'48 STATIQUE CHIMIQUE.
pendamment des causes qui peuvent changer
leur combinaison.
Il faut d'abord remarquer que lorsque la dis-
solution d'un sel se trouve au terme de cristalliser,
un cristal du même sel y détermine la cristal-
lisation ; c'est ainsi que dans la cristallisation
ordinaire toutes les molécules salines viennent
se déposer sur les cristaux qui sont d'abord
formés , de sorte que tout le dépôt salin se
grouppe, si la cristallisation n'est pas trop pré-
cipitée.
27. Le contact des cristaux ne détermine pas
seulement la séparation de la partie du sel qui
est disposée à se déposer , parce qu'elle est en
excès de ce que l'eau peut en tenir en disso-
lution dans une température donnée ; mais elle
cause celle d'une partie que l'eau pourrait re-
tenir , en sorte que cette dissolution se trouve
ramenée au-delà de l'équilibre de la force dis-
solvante avec celle de cohésion.
Ce n'est pas seulement un cristal d'un même
sel qui pourra produire cet effet , plusieurs
corps agiront de même , mais d'une manière
moins efficace et inégale entre eux ; ainsi lors-
qu'on plonge différentes substances solides dans
la dissolution d'un sel celui-ci adhère à quel-
ques-unes et non aux autres.
Ces observations prouvent que les substances
solides exercent une action efficace sur celles
DE l'actioit chimique, etc 49
qui sont encore liquides , lorsqu'elles ont avec
elles une affinité réciproque qui ait un peu
d'énergie , et ce qui a été exposé sur la congé-
lation , produite par le contact de là glace , le
confirme encore , ainsi que les propriétés des
tubes capillaires.
28. Dans les dissolutions qui ne sont produites
que par une faible action chimique , la pesan-
teur spécifique de la substance qui est dissoute
produit un effet sensible, soit dans la propor-
tion de la substance dissoute qui est plus grande
dans la partie inférieure du liquide , que dans
la supérieure , soit dans le dépôt des parties
salines qui viennent s'unir à celles qui sont déjà
solides , et dans ce dernier effet elle concourt
avec Faction du solide. Je citerai à cette occa-
sion une observation intéressante de Leblanc.
« J'ai mis, dit-il (ij, dans un vase d'environ
» deux pouces de diamètre sur deux pieds de
» haut , une dissolution assez rapprochée pour
» cristalliser ; j'ai suspendu des cristaux de
» même espèce dans la liqueur , à différentes
» hauteurs , jusque vers la surface : j'ai répété
» cette expérience sur différents sels ; en voici
» les résultats : lorsque la liqueur se trouve
» suffisamment rapprochée , tous les cristaux
» croissent, avec cette différence que l'accrois-
(1) Journal de Pbys, tom. XXXIII, 1>. 376.
ï. 4
5o STATIQUE CHIMIQUE.
?> sèment est d'autant plus considérable que le
» cristal se rapproche davantage du fond du
» vase, et à mesure que la liqueur se trouve
» par le repos assez dépouillée de molécules
» salines, les cristaux décroissent par des gra-
» dations semblables à celles des accroissements.
» De manière qu'il arrive un tems où les cris-
» taux qui se trouvent les plus voisins de la
j) surface se dissolvent en entier , tandis que
» ceux qui occupent le fond prennent encore
» de Taccroissement ; il arrive même que ces
» derniers continuent de croître dans la partie
}) qui touche le fond du vase , tandis que la
» partie opposée du même cristal se dissout à
» son tour par l'effet de l'action réciproque des
» parties dissoutes «.
•jg. Une dissolution saline peut être amenée
dans l'évaporation à un terme bien plus grand
de saturation que celui auquel elle pourrait
parvenir par la dissolution , avec une même
quantité d'eau et à une même température ; on
peut appliquer à cette dissolution surchargée ,
ce que j'ai exposé sur l'eau qui peut subir un
degré de froid plus grand que celui qui est né-
cessaire à sa congélation. ( 8. ) Le mouve-
ment qu'on lui imprime produit aussi une cris-
tallisation soudaine en déterminant dans ce li-
quide une position des parties salines dans
laquelle leur affinité réciproque s'exerce avec U
DE l'actio]^ chimique, etc. 5i
plus d'avantage ; mais cet effet ne serait qu'ins-
tantané , si les premiers cristaux n'agissaient
ensuite sur les molécules qui restent en disso-
lution (26).
Cette action mutuelle des solides qui tendent
à donner leur constitution aux substances qui
sont tenues en dissolution , et avec lesquelles
ils exercent une affinité réciproque , ainsi que
celle des liquides qui tendent au contraire à
donner la liquidité en détruisant la cohésion et
les effets successifs de ces deux forces qui peu-
vent devenir tour-à-tour supérieures par un chan-
gement de circonstances, méritent une grande
attention dans l'explication des phénomènes
imturels.
3o. L'action mutuelle produit encore d'autres
effets qu'il faut remarquer ; l'expérience fait voir
que lorsque l'eau a dissous un sel avec satu-
ration , elle pouvait encore en dissoudre d'une
autre espèce , que même elle pouvait reprendre
par là la faculté de dissoudre une nouvelle
quantité du premier sel (i); si la force dissol-
vante de l'eau n'était secondée par une autre
cause , comme elle diminue en raison de l'action
qu'elle exerce , elle ne pourrait se porter sur une
substance nouvelle sans abandonner celle qui
occupait sa force dissolvante , il faut donc qu'un
(i) Vaucjuelia , Anu. de Chi,m. tom. XIII.
4..
5>2 STATIQUE CHIMIQUE.
sel agisse sur l'autre , que leur action mutuelle
diminue la résistance de leur force de cohésion ,
et concourre par là avec l'action de l'eau.
3i. Lorsqu'on affaiblit l'action du dissolvant,
soit en diminuant sa quantité , soit en baissant
sa température , la substance qui était tenue en
dissolution se sépare en raison de l'insolubdite
qu'elle a dans ces nouvelles circonstances ; mais
lorsqu'il se trouve plusieurs sels qui agissent les
uns sur les autres , leur solubilité se trouve
augmentée d'une manière inégale en raison non-
seulement de leur affinité mutuelle, mais encore
en raison de la proportion dans laquelle ils se
trouvent : de là vient que lorsqu'un liquide con-
tient plusieurs sels , on les sépare difficilement
dans une première cristallisation , à moins qu'ils
lie diffèrent beaucoup entre eux par leur force
de cohésion ; mais en répétant les cristalhsations
^près la première séparation , la quantité d un
sel qui est confondu avec un autre , se trouve
de plus en plus diminuée ; elle n'apporte plus une
résistance assez grande à l'action du dissolvant
pour s'opposer à la séparation du sel qui a une
force plus grande de cristallisation , et l'on finit
quelquefois par obtenir une séparation complète j
mais quelquefois les deux sels se confondent ,
sur-tout lorsqu'ils ne diffèrent pas beaucoup par
leur solubihté, et ils prennent en cristalUsant
une forme particulière , ou conservent celle
DE l'acttott chimique, etc. 55
qui est propre à l'un des deux. C'est ainsi que
le sulfate de fer et le sulfate de cuivre se réu-
nissent et composent un sel complexe , quoique
le premier ait une solubilité plus grande que
le second ( i ) , et que dans la soude muriatée
gypsifère (2) , le sulfate de chaux prend la forme
du muriate de soude , quoiqu'il soit plus abon-
dant que ce sel dans la combinaison ; souvent
enfin le liquide retient après la séparation des
cristaux un résidu incristallisable auquel on a
donné le nom d'eau-mère, et qui est dû en tout ou
en partie à faction mutuelle des substances salines*
Si la force de cristallisation de deux sels n'est
pas considérable, l'action mutuelle qu'ils exercent
peut l'emporter sur elle ; de sorte que par là
ils perdent la propriété de cristalliser , et que
la puissance relative de l'eau se trouve aug-
mentée , où l'on n'obtient qu'une partie des
deux sels, selon les proportions mises en disso-
lution ; le reste demeure confondu dans l'état
liquide , sans qu'on puisse le faire cristalliser
par la simple évaporation et le repos.
32. Il y a même des sels qui ont si peu de
force de cohésion , que l'action de l'eau , en
quelle petite proportion qu'elle se trouve, suffit
pour empêcher leur cristallisation ; alors la ré-
sistance de la cohésion peut être considérée
(l) Leblanc, Jouru. de Phys. tom. XXXI.
(3) Hauy, Traité de Miner, tom. Il, pag. 365.
o4 STATIQUE CHTMTQUE.
comme nulle ; aussi Taffinité de ces substances^
pour l'eau parait forte , parce qu'elle a tout son
effet : les sels qui sont dans ce cas attirent faci-
lement l'humiditë , et tombent , comme on dit ,
en déliquescence ; mais ce qui prouve que quoi-
que déliquescents , ils ont une cohésion active ,
c'est qu'ils prennent facilement la forme cris-
talliile au moyen de l'alcool qui diminue l'action
que l'eau exerce sur eux.
Par la même raison , ces sels agissent aved
énergie sur les autres ; de sorte que s'ils ne trou-
vent pas une résistance considérable dans leur
force de cristallisation , ils en retiennent une
proportion plus ou moins grande dans le résidu
incristaliisable.
33. Lorsqu'on veut reconnaître cet effet des
Sels déliquescents , il faut examiner les subs-
tances qui restent dans le liquide incristaliisable :
Èi l'on ajoutait à la dissolution saturée d'un sel
cristaliisable , un sel déliquescent , mais dans
l'état de dessication , on pourrait être induit en
erreur, parce que l'action serait composée : le
sel déliquescent tendrait à prendre de l'eau , en
miéme temps qu il agirait sur l'autre sel : l'effet
serait donc aussi conq3osé ; d'une part la satu-
ration de l'eau tendrait à produire une préci-
pitation , de l'autre Faclion du sel déliquescent
augmenterait la solubilité de celui qui peut cris-
talliser.
DE l'action chimique, etc. 55
34. Nous avons vu ( 16 ) , que lorsqu'un solide
se dissolvait dans l'eau , il s'établissait deux com-
binaisons , l'une de la substance solide qui re-
tenait une partie de l'eau , l'autre du liquide qui
prenait en dissolution une partie du solide ; ces
dcTix composes répondent à la force dissolvante
et à la résistance de la cohésion ; de sorte que
si la quantité du liquide se trouvait trop petite ,
il serait entièrement absorbé , comme le solide
disparait entièrement s'il est en trop petite quan-
tité : dans chaque variation de ces rapports , il
s'établit des proportions correspondantes des
deux combinaisons , à part les deux extrêmes ,
c'est-à-dire; i^. le terme ou tout le solide peut
être pris en dissolution par le liquide ; %^. celui
ou tout le liquide peut être réduit à 1 état solide.
Lorsque par l'évaporation la quantité du li-
quide vient à diminuer , ou que sa force dis-
solvante est affaiblie par un abaissement de tem-
pérature , une partie du sel se sépare et cris-
tallise , le liquide qui reste dans l'état de satu-
ration n'oppose qu'une faible action à celle par
laquelle le solide qui se sépare tend à retenir
une portion d'eau qui favorise Tarrangement
symétrique de ses parties, mais qui le modifie.
Cette eau interposée entre les parties salines
perd sa liquidité par l'action qu'elle en éprouve ,
sans qu'on puisse dans cet état la comparer rigou-
reusement à la glace dans laquelle l'affinité ré-»
^^ STATIQUE CHIMIQUE,
ciproqiie a produit un arrangement qui a aug-
mente son volume : elle sert , par son action
intermédiaire , à réunir en gros cristaux les mo-
lécules qui , en obéissant à leur affinité réci-
proque , ne pourraient former que des masses
isolées beaucoup plus petites; de sorte qu'en
chassant cette eau par quelque moyen , la forme
d'un cristal est détruite et la substance saline se
réduit en masses beaucoup plus petites, dont
l'affinité mutuelle ne produit plus d'effet , jus-
qu'à ce que leur force de cohésion soit encore
surmontée par l'eau ou par la chaleur.
35. Cette eau intermédiaire n'est pas néces-
saire à toute cristallisation , car il y a beaucoup
de cristaux , sur-tout parmi les substances qui
ont très-peu de solubihlé, qui paraissent n'en
point admettre ou nen avoir qu'une quantité'
très-petite. Il y en a qui paraissent pouvoir cris-
talhser en retenant une certaine quantité d'eau
de cristalhsation , ou sans le secours de cette
eau ; mais cette circonstance suffit pour changer
la forme de leurs cristaux ; car il est vraisem-
blable que c'est à cette cause qu'est due la dif-
férence de la forme des cristaux de la chaux
sulfatée anhydre et du sulfate de chaux (i) , et
comme le conjecture Hauy , celle de l'arragonite
avec les autres carbonates de chaux.
(i) Traité de Miner, toiu. IV, p. 348»
DE l'actiow chimique, etc. 57
Il paraît que les sels qui ont une force de
cohésion considérable retiennent beaucoup moins
deau que ceux qui sont doués dune faible
cohésion ; en effet l'affinité réciproque des
molécules salines doit être un obstacle à leur
action sur Teau ; delà vient que des sels peu-
vent en conserver beaucoup et cependant
n'exercer qu'une faible action sur elle, comme
on l'observe dans plusieurs sels qui tombent
naturellement en efflorescence , c'est-à-dire qui
cèdent facilement à l'air leur eau de cristalli-
sation. Une action plus forte sur ce liquide ,
réunie à une faible cohésion , leur donne la pro-
priété d'être déliquescents.
Cette eau qui n'est retenue que par une action
faible ne contribue qu'à quelques propriétés des
substances salines dont les éléments exercent une
action réciproque beaucoup plus puissante ; elle
est plutôt un intermède qui fait varier les phé-
nomènes dûs à la force de cohésion qu'une
partie de la substance ; mais cet intermède con^
tribue beaucoup aux phénomènes de la cristal-
lisation qu'il faut distinguer de ceux qui dé-
pendent de l'action que les substances peuvent
exercer sur les autres par leur affinité distnictive.
De là vient queles circonstances de la cristallisation
peuvent apporter beaucoup de changements dans
la forme des cristaux , quoiqu'elles n'influent
pas sur les propriétés de la substance , et l'on
58 STATIQUE CHIMIQUE.
trouverait probablement peu de rapports entre
la forme que prendrait une substance liquéfiée
par la chaleur , et soumise à un refroidissement
gradué qui permettrait à ses molécules de
prendre un arrangement symétrique , et celle
qu'elle prendrait en cristallisant par le moyen
de Feau.
Les causes qui favorisent la liquidité des subs-
tances diminuent l'effet de la force de cohésion ,
même lorsqu'elles sont parvenues à l'état solide.
De là vient que les sels qui retiennent beaucoup
d'eau dans la composition de leurs cristaux ,
reprennent facilement la liquidité par la cha-
leur ; on distingue cette liquéfaction qu'on
appelle aqueuse , de celle qui est due à l'action
seule de la chaleur : cette première liquéfac-
tion n'a pas lieu dans les sels qui jouissent d'une
force de cohésion considérable , et qui ont
retenu peu d'eau dans leur cristallisation.
L'action réciproque de deux substances produit
donc des effets comparables à ceux de l'action
que les molécules de chacune exercent entre elles.
Les uns modifient les autres dans leur rapport
avec la force qui produit la dissolution.
DE l'action CHIMIQTTE, CtC. 5()
CHAPITRE IV.
De la Combinaison.
36. J \\ I considéré dans les chapitres prëce'dent.s
les effets de laffinité réciproque qui produit la
cohésion de molécules , et ensuite ceux qui pro-
viennent de l'action opposée de la force de
cohésion , et d'un liquide qui tend à la dé-
truire ; mais toute action chimique entre AexxX
substances différentes produit un effet analogue
à celui qui est dû à l'affinité mutuelle des mo-
lécules similaires ; elle forme ou tend à former
entre elles une union qui est le produit de leur
affinité réciproque, et qui diffère selon la force
de cette action et selon la résistance qui lui est
opposée. Cest à cette réunion de deux subs-
tances , ainsi qu'à l'acte qui l'a produite , que
Ion donne le nom de combinaison.
Il résulte de là que la dissolution est une
véritable combinaison , et que son action la plus
faible est due à la même cause : la scide dif-
férence qu'il y ait entre elles est relative à l'as-
pect sous letjuel on les envisage : dans la disso-
lution , on porte principalement son attention
6o STATIQUE CHIMIQUE.
sur la liquidité qu'un corps solide acquiert par
la combinaison et sur-tout sur Tuniformité des
parties du liquide compose ; la même idée s'ap-
plique à la dissolution gazeuse. Dans la com-
binaison , on considère principalement les autres
propriétés du combiné qui s'est formé et qui
résultent de l'union de ses éléments , en les com-
parant avec celles qu avaient les substances qui
se sont combinées : le plus souvent la dissolution
n'est due qu'à une faible combinaison qui n'a
pas fait disparaître les propriétés caractéristiques
du corps dissous.
Une conséquence des considérations précé-
dentes , c'est que nous devons retrouver dans
la combinaison les lois que nous avons obser-
vées dans l'action chimique qui produit la dis-
solution.
Puisque toute action réciproque produit une
combinaison , toutes les propriétés chimiques
qui distinguent une substance sont dérivées
de ses affinités ou de sa tendance à la combi-
naison avec les autres substances , et tous les
phénomènes auxquels elle concourt dépendent
des combinaisons dans lesquelles elle entre ou
dont elle est éliminée; de sorte que la combi-
naison qui est le résultat de toute action chi-
mique est la cause générale des effets chimiques
qui sont produits , ou des phénomènes qu'on
parvient à expliquer en les comparant entre eux
I
DE l'action chimique, etc. 6l
pour reconnaître leur dépendance mutuelle ,et
en les considérant sous leurs rapports avec toutes
les combinaisons qui les produisent.
37. Parmi les affinités d'une substance , il s'en
trouve quelquefois une qui domine et qui lui
imprime un caractère particulier, et la plupart
des propriétés qu'elles possède n'en sont qu'une
dépendance. Ce sont ces affinités dominantes qui
servent sur-tout à classer les propriétés chimi-
ques des différentes substances et les phénomènes
chimiques qui en sont dérivés ; ainsi l'affinité
pour loxigène distingue les substances inflam-
mables ; l'affinité réciproque des acides et des
alcalis constitue l'acidité et l'alcalinité ; par là
même ces affinités et leurs effets sont l'objet prin-
cipal des considérations chimiques.
L'affinité caractéristique suppose dans les deux
sujets de la combinaison ( et ce que je dis de
deux doit s'appliquer à tous ceux qui entrent
dans une combinaison complexe) des propriétés
qui les rendent antagonistes ; de sorte que l'une
ne peut dominer qu'aux dépends de l'autre , et
quune égalité de force produit un état dans
lequel on n'apperçoit plus le caractère ni de l'un
ni de l'autre ; c'est cet état qu'on appelle neutre ,
et qui ne s'apperçoit pas seulement dans l'action
réciproque des acides et des alcalis , mais dans
celles de toutes les forces antagonistes.
38. Si l'on considère ce qui se présente à l'ob-
^2 STATIQUE CHIMIQUE.
servation dans la combinaison mutuelle de deux
substances antagonistes , par exemple , d'un acide
et d'un alcali , on trouve que l'acidité diminue à
mesure que la quantité d'alcali augmente , et
l'on parvient à un degré de saturation ou l'aci-
dité et l'alcalinité ont également disparu et sont
devenues latentes ; cependant si l'on continue
d'ajouter de l'alcali , son caractère reparaît et
devient de plus en plus dominant.
On voit donc, i». que l'acidité et l'alcalinité
se saturent mutuellement et peuvent devenir
alternativement dominantes , selon la proportion
dans laquelle la combinaison s'opère : il n'y a.
aucun obstacle , aucune suspension dans la
marche de la combinaison et de la saturation
qui l'accompagne , à moins que la force de cohé-
sion ou l'élasticité ne produisent une séparation
dans laquelle les proportions se trouvent déter-
minées par l'une de ces deux conditions.
1^ . Que les ]>ropriétés acides et alcalines
diminuent , selon le degré de saturation
qu'éprouvent l'acide et l'alcali ; de sorte qu on
retrouve dans l'action chimique qui s'exerce avec
le plus d'énergie, les mêmes caractères que nous
avons observés dans le degré le plus faible qui
produit la dissolution ( i4)-
3g. Les chimistes frappés de ce qu'ils trou-
vaient des proportions déterminées dans plusieurs
combinaisons , ont souvent regardé comme une
DE l'action chimique, etc. 63
propriété générale des combinaisons de se cons-
tituer dans des proportions constantes ; de sorte
que selon eux , lorsqu'un sel neutre reçoit un
excès d'acide ou d'alcali , la substance homogène
qui en résulte est une dissolution du sel neutre
dans une portion libre dacide ou d'alcali.
C'est une hypothèse qui n'a pour fondement
qu'une distinction entre la dissolution et la
combinaison , et dans laquelle on confond les
propriétés qui causent une séparation avec laf-
finité qui produit la combinaison ; mais il faudra
reconnaître les circonstances qui 2>euvent déter-
miner les séparations des combinaisons dans un
certain état, et qui limitent par là les effets de
la loi générale de l'affinité.
Ce n'est pas toujours au terme de la neutra-
lisation que la séparation peut s'opérer : le iar-
trite acidulé de potasse se sépare et cristallise
plus facilement que le tartrite neutre : dira-t-on
que c'est le dernier qui est tenu en dissolution
par l'excès d'acide ? je crois pouvoir me borner
pour /:e moment à cet exemple.
4o. Il faut en conséquence de ce qui vient
d'être exposé , distinguer deux espèces de satu-
ration ; l'une est la limite de l'action chimique
qu'une substance peut exercer sur une autre ,
dans des circonstances données : par exemple,
on dit que l'eau est saturée d'un sel, lorsqu'elle
ne peut plus en dissoudre , quoique ni Its pro-
64 STATIQUE CHIMIQUE.
priëtës de l'eau , ni les propriétés du sel n'aient
éprouvé de saturation ; l'autre est le terme où
les propriétés antagonistes d'une substance sont
déguisées par celles d'une autre , et se trouvent
dans l'équilibre qui produit cet état d'indiffé-
rence qu'on appelle neutralisation; cette seconde
saturation se rencontre rarement au même terme
que la première.
Lorsqu'une combinaison s'est formée , ses deux
éléments y sont retenus en raison de leur affinité
mutuelle , et en raison de leur quantité respec-
tive ; de sorte que conformément à la loi géné-
rale de l'action chimique , si l'un des deux do-
mine, la partie qui se trouve en excès est d'autant
moins retenue par la substance antagoniste ,
que l'excès est plus considérable ; mais comme
dans l'état neutre , l'action de chaque élément
sur la substance antagoniste est bien loin d'être
épuisée ; on voit comment un sel neutre peut
éprouver l'action dissolvante de l'eau , sans que
l'état de combinaison change ; cependant lors-
qu'il y a une grande différence dans l'action que
l'eau exerce sur chacun des deux éléments , et
lorsque l'action qui les réunit n'est pas très-
énergique , celle de l'eau peut produire des
changements considérables dans la combinaison ,
comme je l'observerai plus particulièrement en
traitant de l'action des dissolvants.
4 1 . La force de cohésion oppose une résis-
DE l'action chimique, etc. 65
tance à l'action énergique qui produit les com-
binaisons, comme elle le fait dans la dissolu-
tion ; ainsi , de ce qu'une combinaison ne peut
s'opërer , il ne faut pas en conclure que deux
substances n'ont point d'affinité mutuelle : l'alu-
mine la plus divisée ne peut être dissoute direc-
tement par l'acide acétique ; mais si l'on mêle
une dissolution de sulfate d'alumine avec la
dissolution d'un sel qui contienne l'acide acétique,
cette combinaison peut se faire et se maintenir :
il ne pouvait y avoir que la force de cohésion
qui réunissait les molécules de Talumine , qui
s'opposât à la combinaison dans la première
circonstance. Tous les acides peuvent tenir la silice
en dissolution, si celle-ci a été préalablement
dissoute par un alcali ; mais si l'on rapproche
les molécules de la silice par la dessication , la
force de cohésion qui les réunit s'oppose à leur
dissolution dans les acides , si ce n'est dans l'acide
fluorique.
43. Il suit de ce qui précède que l'action chi-
mique la plus forte , ainsi que la plus faible ,
s'exerce en raison de l'affinité réciproque des
substances et des quantités qui se trouvent dans
la sphère d'activité , que l'action diminue en
raison de la saturation , qu'il n'y a point de
terme où elle détermine des proportions ; mais
que c'est dans les forces qui lui sont opposées
qu'il faudra chercher les limites des proportions
'j
6(^ STATIQUE CHIMIQUE.
des combinaisons qu'elle forme , et celles de sa'
puissance ; enfin il faut distinguer deux effets
de l'action chimique , celui par lequel il se pro-
duit une saturation réciproque , et celui qui
apporte des changements de constitution.
Lorsque deux substances exercent une action
chimique , les propriétés qui dépendent de l'af-
finité qui les réunit , et qui ne sont réellement
que leur tendance mutuelle à la combinaison dans
les différentes circonstances où elles peuvent se
trouver , subissent une saturation qui est pro-
portionnelle à l'action mutuelle; elles deviennent
latentes , et ne reparaissent dans chacune des ^
substances qu'à mesure que son action devient
dominante sur celle de l'autre , ou qu'elle acquiert
4e la liberté.
Les propriétés au contraire qui dépendent de
Ia constitution n'éprouvent que des changements
relatifs à ceux mêmes de la constitution , qui
quelquefois devient moyenne de celle des deux
substances qui se combinent, pendant que dans
d'autres circonstances l'une des deux substances
communique son état à l'autre ; mais avec des
modifications qui dépendent de cette nouvelle
union. Il n'y a point de saturation dans cet effet ;
on n'y apperçoit que Faction réciproque des
molécules , qui selon la force de leur affinité I
mutuelle , et selon le rapport qu'elles ont
avec le calorique , éprouvent ujie condensa-
DE l'actio!n- chimique, etc. 67
tion plus ou moins grande , et acquièrent
plus ou moins de disposition à la solidité , à
la liquidité ou à Télasticité; cette action réci-
proque produit des effets qui conservent beau-
coup d'analogie avec les effets mécaniques.
Ainsi la même cause produit deux séries de
propriétés qui doivent étj e considérées comme
des forces particulières qui concourrent aux
phénomènes chimiques, ou qui produisent des
effets qui se compensent ou se détruisent.
L'une de ces deux forces peut tellement l'em-
porter sur l'autre , que l'une ne commence à
agir que lorsque l'autre se trouve affaiblie ; ainsi
l'on ne retrouve dans l'argile condensée aucune
des propriétés qui la caractérisent, jusqu'à ce
qu'on ait détruit la force de cohésion qui réunit
ses molécules.
Outre les affinités dominantes qui sont la tige
des propriétés caractérisques des substances re-
marquables par l'énergie de leur action , elles
en ont encore de secondaires qui leur donnent
d'autres propriétés et qui suivent aussi les
mêmes lois de saturation ; mais leurs effets dis-
paraissent lorsque l'affinité supérieure en force
peut s'exercer.
Nous allons examiner plus particulièrement dans
les rapports des acides avec les alcalis , l'action
«lutuelle des substances qui se combinent, et dont
les propriétés se saturent réciproquement.
5..
sae:
SECTION II.
DE L'ACIDITÉ ET DE L'ALCALINITÉ.
CHAPITRE PREMIER.
De V action réciproque des acides et des alcalis.
44- Hj NT RE les substaûces qui sont douées d'une
forte affinité réciproque, les acides et les alcalis
méritent d'être distingués par l'énergie de leur
action, par le nombre des combinaisons qu'ils
forment , par l'influence qu'ils ont dans les phé-
nomènes naturels et dans les opérations des arts ;
de sorte qu'ils ont principalement fourni les
matériaux qui ont servi à établir les principes
de la science , et par cette raison je m'arrêterai
particulièrement à l'examen de leur action chi-
mique.
On peut considérer les acides et les alcalis sous
(lifférents rapports ; par exemple , sous celui de
leur composition , des modifications qu'ils peu-
vent éprouver par un changement de consti-
tution , et des différences qui les distinguent à
cet égard entr'eux , ou sous celui de l'action
réciproque qu'ils exercent comme acides et comme
DE l'acidité et de l' AL C A 1 1 N I TÉ. 6cf.
alcalis. Je ne m'occupe ici que de l'exercice ré-
ciproque d'une propriété générale aux acides et
aux alcalis, de l'acidité et de l'alcalinité.
45. Il y a des substances qui se conduisent
comme acides avec des bases alcalines , et comme
alcalis avec les acides ; telles sont la plupart de»
oxides métalliques : on peut les assimiler aux
acides , lorsqu'elles en remplissent les fonc-
tions , et aux alcalis , lorsqu'elles se combinent
avec les acides ; cependant cette ressemblance
est imparfaite , et ne peut servir à la classifi-
cation de leurs propriétés. H y a d'autres subs-
tances dans lesquelles les propriétés acides ou
alcalines sont tellement faibles qu'elles ne leur
imprime pas un caractère dominant : ces subs-
tances doivent être examinées dans leurs pro-
priétés particulières ; mais tout ce qui appartient
à l'action chimique des acides et des alcalis se
retrouve dans toute action chimique , qui par
son énergie produit une saturation des propriétés
distinctives.
46. Les acides ont pour caractère distinctif
de former par leur union avec les alcalis des
combinaisons dans lesquelles on ne trouve plus
les propriétés de l'acidité et de l'alcalinité , lors-
que les proportions de l'acide et de l'alcali sont
telles quelles donnent le degré de saturation
qu'on appelle neutralisation.
L'acidité et ralcalinité sont donc deux terme»
7Ci STATIQUE CIÎIMÎQTTE.
corrélatifs d'un genre de combinaison; mais le»
acides et les alcalis ont, comme les autres corps,
des propriétés qui dépendent de Faction réci-
proque de leurs molécules , et qui peuvent modi-
fier Teflet de leur tendance mutuelle à la com-
binaison : ces propriétés ne subissent point la
saturation ; mais elles s'accroissent ou elles di-
minuent, selon l'état où se trouvent les molécules
combinées qui se substituent en cela aux molé-
cules simples de l'acide et de l'alcali non combinés.
Il faudra par conséquent distinguer avec soin
les effets de la saturation et ceux qui résultent de
l'action réciproque des parties intégrantes de la
combinaison , comme il faut distinguer dans un
acide et dans un alcali leur tendance réciproque
à la combinaison et les effets de leur volatilité,
de leur f].xité, de leur cohésion, de leur pesan-
teur spéci fiqu e .
Outre son affinité pour les alcalis , un acide
en a de secondaires qui établissent entre les
autres et lui quelques différences ; mais c'est
celle qu'il a pour l(^s alcalis qui exerce la plus
grande action , et qui produit ses principales
propriétés ; dès qu'elle peut se satisfaire, elle
détruit toutes les combinaisons qu'il a pu former
en conséquence de ses autres affinités ; de sorte
que l'on doit la regarder comme une affinité
dominante qui lai imprime son caractère.
47. il suit de là que dans ki comparaison des
©E L* ACIDITÉ ET DE LALCALirîITÉ. "Jfr
acides, le premier objet qui doit fixer l'attention^
c'est la puissance avec laquelle ils peuvent exercer
l'acidité qui forme leur caractère distinctif ; or ,
cette puissance se mesure par la quantité de
chacun des acides qui est nécessaire pour pro-
duire le même effet ; c'est-à-dire pour saturer
une quantité donnée d'un même alcali. C'est
donc la capacité de saturation de chaque acide
qui , en mesurant son acidité , donne la force
comparative de l'affinité à laquelle elle est due ;
mais les propriétés de chaque combinaison doi-
vent se déduire de celles de ses éléments , qui sont
simplement modifiées par l'acte même de la com •
binaison.
En effet , tous les acides produisent un même
résultat , exercent une force égale en neutralisant
les alcalis, mais on observe qu'ils ne possèdent
pas tous la même puissance , si on établit la
comparaison sur leur quantité ; il faut plus ou
nioins de chaque espèce pour produire le même
effet; c'est en cela que diffère l'énergie de leur
affinité.
On peut donc dire que Taffinité des différents
acides pour une même base alcaline , est en raison
inverse de la quantité pondérale de chacun d'eux
qui est nécessaire pour la neutralisation . avec-
unc; quantité égale de la même base alcaline -^
mais en proportionnant les quantités à l'affinité .
on produit le même effet ; de sorte que la force
7^ STATIQUE CHIMIQUE.
que Ion met en action dépend de l'affinité et
de la quantité , et que lune peut suppléer à
1 autre.
48. J'ai désigné par le nom Ae masse chimique
cette faculté de produire une saturation , cette
puissance qui se compose de la quantité pon-
dérale d'un acide et de son affinité; selon cette
définition les masses qui sont mises en action
sont proportionnelles à la saturation qu'elles
peuvent produire dans la substance avec laquelle
elles se combinent.
Un acide est donc d'autant plus puissant ,
qu'à poids égal il peut saturer une plus grande
quantité d'alcali; le même rapport de puissance
se conservera entre les acides lorsque leur action
devra surmonter la force de cohésion , et il faut
leur appliquer ce qui a été exposé sur l'action
réciproque d'un liquide et d'un solide avec les
modifications suivantes.
49- 11 faut premièrement distinguer la puis-
sance d'un acide qui se mesure par sa capacité
de saturation , de son énergie qui dépend de
sa concentration : un liquide homogène tel que
l'eau a toujours la même force dissolvante , à
un égal degré de température ; mais un acide
peut être étendu par une quantité plus ou moins
grande d'eau ; et par là la quantité qui peut
se trouver dans la sphère d'activité peut être
tellement affaibfie , qu'elle ne suffise point pour
DE l'acidité et de l' A L C ALI NIT É. 78
yaincre la force de cohésion que le même acide
plus concentré pourrait surmonter , c'est ordi-
nairement dans ce sens qu'on appelle un acide
fort ou faible.
En second lieu , la combinaison d'un acide
avec une base acquiert une force de cohésion
plus ou moins grande. Cette force de cohésion
qui survient dans une combinaison est ordi-
nairement la plus grande , au terme de la neu-
tralisation ; mais quelquefois elle se trouve à un
autre degré de saturation.
5o. Ilsuit des observations précédentes , i°. que
l'on doit classer parmi les acides toutes les subs-
tances qui peuvent saturer les alcalis et faire
disparaître leurs propriétés , comme 1 on doit
placer parmi les alcalis toutes celles qui , par
leur combinaison, peuvent saturer l'acidité.
2». Que la capacité de saturation étant la me-
sure de cette propriété , elle doit servir à former
réchelle de la puissance comparative des acides ,
ainsi que celle des alcalis.
L'affinité présente dans la combinaison des
acides avec les alcalis les deux effets bien distincts
de la saturation et de l'action mutuelle à laquelle
est due la force de cohésion : par la première
les qualités antagonistes disparaissent ; par la
seconde les propriétés qui dépendent de la dis-
tance des molécules reçoivent au contraire un
accroissement; car lu force de cohésion est plus
74 STATIQTJE CHIMIQTTË.
grande dans les combinaisons salines qu'elle
nVtait dans leurs éléments.
5i. On ne reconnaît donc plus dans les com-
binaisons neutres les propriétés caractéristiques
de leurs éléments ; mais celles qui appartiennent
à ces combinaisons pendant qu'elles existent dans
leur intégrité , sont presqu'entièrement dérivées
de Taffinité réciproque des parties intégrantes de
la combinaison ; telles sont la fusibilité , la vo-
latilité , la fixité , la dureté , les attributs de la
cristallisation , la pesanteur spécifique ; mais
comme les propriétés des coïubinaisons qui dé-
pendent de Taifinilé réciproque des parties in-
tégrantes de la combinaison ont un rapport
constant avec les propriétés des parties élémen-
taires , je tâcherai dans la suite d'établir quel
est ce rapport et quelles sont les conditions qui
le font varier.
Je me servirai dans les cliapitres suivants de
la force de cohésion qui appartient aux bombi-
naisons ou même à leurs éléments, pour expliquer
les effets qui en dépendent et qui ont été con-
fondus avec ceux de l'affinité qui produit la satu-
ration ; mais je me bornerai à y considérer cette
force , comme cause des séparations qui s'opèrent
indépendamment des circonstances , qui en pla-
cent le plus grand effet dans un certain degré
de saturation.
Il faut constater les principes exposés dan»
DE L*ACIDITÉ ET DE l' A LC AL I ?f ITt. 7^
ce chapitre , en examinant s'ils correspondent
exactement aux phénomènes que présente l'ac-
tion réciproque des acides et des alcalis dans les
différentes circonstances où elle s'exerce ^
CHAPITRE II.
De l'action d^un acide sur une combinaison
neutre.
Sa. IMous venons de voir que tous les acides
avaient la propriété de saturer les alcalis , et de
former une combinaison neutre ; mais qu'il fallait
différentes quantités pour produire cet effet ;
de sorte que chaque acide , à poids égal , a une
capacité de saturation qui lui est propre pouf
chaque espèce d'alcali.
Lorsqu'un sel neutre est dissous et qu'oit
ajoute un acide à sa dissolution , ou lorsqu'on
opère sa dissolution par le moyen d'un acide >
celui-ci entre en concurrence avec l'acide com-
biné, l'un et l'autre agissent sur la base alcaline,
chacun en raison de sa masse , comme si la com-
binaison n'eut pas existé. Ils parviennent au
même degré de saturation ; de sorte que la satu-
ration commune est égale à celle qu'on aurait
76 STATIQUE CHIMIQUE.
obtenue , si Ton eût employé une quantité d'un
seul acide qui eût égalé par sa capacité de satu-
ration les deux qui sont mis en action.
On ne peut donc pas dire , si toutes les cir-
constances restent égales , qu'un acide en chasse
un autre de la base avec laquelle il était com-
biné ; mais il partage l'action qui était exercée
sur la base pour produire la saturation en raison
des masses employées : le premier qui était en
combinaison perd de son union avec la base ,
autant que le second en acquiert , et par cette
perte il recouvre de son énergie pour agir sur
d'autres substances en raison de l'acidité qu'il
conserve.
53. Ce sont là les conséquences qui se dédui-
sent immédiatement des propriétés de l'affinité ,
mais on a établi une théorie différente ; on a
regardé l'affinité d'un acide pour vme base comme
élective , c'est-à-dire qu'on lui a attribué la pro-
priété d'éliminer entièrement un acide d'une
combinaison pour le substituer à sa place , et
Ton a construit les tables d'affinité sur cette
puissance comparative.
Cependant si l'on considère qu'un acide exerce
une action puissante sur une combinaison neutre,
qu'à part un petit nombre d'exceptions , il dissout
toutes les combinaisons neutres malgré la résis-
tance de leur cohésion , et que son action est
d'autant plus puissante qu'il est plus concentré ;
i
DE l'acidité et de L ALCALINITÉ. 77
on doit reconnaître quil exerce son action chi-
mique sur la combinaison , que par conséquent
cette action doit être proportionnelle à son alfi-
nitë ou à sa capacité de saturation et à sa quan-
tité. L'eau elle-même exerce son action chimique ;
ce n'est que par cette force qu'elle produit la
dissolution d'une combinaison neutre , et si
elle ne change pas son état de saturation , ce
n'est que parce que toute son action n'é-
quivaut pas à la tendance mutuelle qui reste
aux deux éléments de la combinaison ; mais si
celle-ci n'est due qu à une faible affinité , Teau
suffit pour déterminer un autre état de satu-
ration.
J'ai fait voir par des expériences directesf i) que
les combinaisons qui étaient considérées comme
produites par les affinités électives auxquelles on
attribuait le plus de supériorité , cédaient à d'au-
tres que l'on regardait comme inférieures, pourvu
qu'on affaiblît les circonstances qui tendaient à
maintenir les premières.
54. On a donc confondu les effets qui étaient
dûs à la force de cohésion ou à l'élasticité qui
produisent les séparations des combinaisons, avec
l'affinité mutuelle par laquelle leurs propriétés
acides et alcalines se saturent et parviennent
à l'état neutre.
(t) Recherche» sur les lois de raffin. Mém. de i'Inst.
tom. m.
7^ STATIQUE CHIMIQUE.
Considérons dans Taction d'un acide sur un©
combinaison neutre , les effets de la force de
cohésion qui résulte de Faction réciproque des
éléments de cette combinaison, soit qu'elle existe
avant l'intervention d'un acide , soit qu'elle en
devienne une conséquence.
55. La disposition à la solidité qui appartient
à des proportions déterminées d'acide et d'alcali ,
et l'insolubilité qui en provient , sont quelquefois
si grandes , que cette combinaison se forme et
se sépare en entier , quoiqu'il y ait un grand
excès d'acide ; ainsi lorsqu'on mêle une dissolution
de baryte avec l'acide sulfurique , toute la baryte
se sépare et se précipite en sulfate , l'action que
le liquide exerce sur la combinaison qui vient
de se former ne peut surmonter la résistance
que présente son insolubilité , et cet effet est
indépendant de la différence des acides , puisque
l'acide sulfurique lui-même n'aurait plus d'action
sur ce précipité , à moins qu'il ne fût dans un
état de concentration auquel les autres acides
ne peuvent être réduits.
Mais si l'insolubilité n'est pas aussi con-
sidérable , elle pourra être surmontée par
un excès d'acide plus ou moins grand , selon
le degré de l'insolubilité ; ainsi l'acide oxa-
lique ne précipite en oxalate de chaux qu'une
partie de la chaux qui forme une combi-
naison neutre avec un autre acide : dès que
DE L ACIDITÉ ET DE L ALCALINITÉ. 79
l'acide de la combinaison a acquis une certaine
énergie par la diminution de la base , il con-
trebalance Feffort de Tinsolubilité , et Toxa-
late de chaux cesse de se séparer ; l'insolu-
bilité du phosphate ou du sulfite de chaux est
encore surmontée beaucoup plus facilement ;
une faible acidité suffit pour en faire disparaître
l'effet.
56. Lors donc que deux acides agissent sur un
alcali , il s'établit un équilibre de saturation qui
est le produit de la quantité de chacun des deux
-acides , et de la capacité relative de saturation ;
mais lorsqu'il se forme une combinaison qui se
précipite , il s'établit deux composés qui exercent
des forces opposées (i6); Fun est formé de
la combinaison insoluble , et l'autre l'est de la
combinaison qui reste liquide , et qui se trouve
avec un excès d" acide : celui-ci épuise son action
dissolvante sur la suljstance insoluble ; les résul-
tats dépendent de l'insolubilité comparée à l'é-
nergie de l'acide ; mais comme l'action des acides
est proportionnelle à leur quantité , en augmen-
tant la quantité de l'acide qui est opposé à lin-
fiolubilité , on peut diminuer celle du pré-
<;ipité ou le faire disparaître , à moins que la
ïorce de cohésion ne soit trop grande pour céder
4 celle qui tend à la détruire.
67. Lorsqu'il se forme une séparation , soit
par une précipitation immédiate, soit par une
8o STATIQUE CHIMIQUE.
cristallisation , le liquide qui reste , à part les
cas rares où l'acide opposé est entièrement se'-
parë en formant une combinaison insoluble ,
est composé d'une partie des deux acides et
d'une partie de la base : on ne doit pas le re-
garder comme une dissolution de la combinaison
insoluble par l'autre acide; l'un et l'autre acide
y exercent leurs forces sur la base , l'un et l'autre
agissent en raison de leur énergie et de leur
quantité, et se mettent en équilibre de satura-
tion ( 35 ).
58. Les résidus incristallisables dans lesquels
on n'a considéré ( 3i ) que l'action réci-
proque des substances neutres, peuvent être
fort augmentés par l'excès de l'une des subs-
tances saturantes ; le moyen de les ramener
aux conditions mentionnées est de faire dispa-
i^aître l'excès d'acide ou d'alcali qui s'oppose à
la cristallisation.
Quelquefois la substance qui est séparée par
la force de cohésion , n'est pas une combinaison
simple de lun des acides et de la base alcaline ;
mais elle est formée de certaines proportions des
deux acides et de la base alcaline qui se trouvent
être douées d'une insolubilité qui détermine leur
séparation , comme il arrive à une simple com-
binaison et par la même raison.
59. On vient de voir ce qui se passe lorsque
deux acides établissent la concurrence de leur
DE l'acidité et de l' ALC ALINITÉ. 8f
action sur une base au milieu d'un liquide ; mais
les résultats diffèrent par quelques circonstances ,
lorsqu un acide porte son action sur une com-
binaison insoluble et déjà formée ; parce cjue
force de la cohésion peut beaucoup varier
dans la même espèce de combinaison , comme
nous avons vu qu'elle pouvait varier relative-
ment à la dissolution , et il faut appliquer ici ce
qui a été exposé sur cet objet.
L'acide n'agit donc pas alors en raison de sa
quantité totale , mais en raison de la quantité
qui peut se trouver dans la sphère d activité ,
où son énergie doit lutter contre la résistance
de la cohésion. ( il\ , 49)- ^*^<Jn action s'affaiblit à
mesure quil approche de l'état de saturation;
celle de la combinaison solide au contraire reste la
même , parce qu il n y a que la surface qui puisse
l'exercer successivement ; de sorte qu'il s'établit
bientôt dans le liquide un degré de saturation
auquel il ne peut plus surmonter la résistance :
de là l'utilité de tous les procédés qu'on emploie ,
soit pour multiplier les points de contact , soit
pour diminuer la force de cohésion des parties
solides , et la différence qu'on observe entre une
combinaison récente et très-divisée, et la même
combinaison qui a été desséchée ou poussée
à un grand feu.
60. L'action d'un acide ou d'un alcali sur une
combinaison qui , dans le cas de liquidité , s'exerce
I. 6
S'2 STATIQUE CHIMIQUE.
en raison de la masse , est donc modifie'e lorsque
la combinaison est solide , ou lorsque celle qui
se forme le devient ; par là l'effet de la cohésion
qui lui appartient, et le résultat varient selon l'état
de cette force , et selon la quantité et l'énergie
de l'acide et de l'alcali qui peuvent se trouver
dans la sphère d'activité.
Ce qui précède doit s'appliquer à l'action d'une
base alcaline sur une combinaison neutre ; mais
la force de cohésion qui est beaucoup plus consi-
dérable dans quelques-unes de ces bases que dans
les acides , a par là même une influence plus
considérable dans cette action.
Si l'on amène à l'état de dessication un mélange
de parties égales de soude et de sulfate de potasse ,
et que l'on enlève après cela l'excès d'alcali par
l'action de l'alcool, le résidu se trouve composé
de sulfate de potasse et de sulfate de soude.
Le sulfate de potasse étant beaucoup moins
soluble que le sulfate de soude , c'est lui qui se
séparerait le premier ; si l'on fesait évaporer le
mélange sans avoir séparé l'excès d'alcali, il se
saisirait par cette circonstance de la plus grande
partie de l'acide , seulement il y aurait un résidu
incristallisable avec excès de soude, dans lequel
une partie du sulfate de potasse seroit retenue.
6i . Comme l'alcool dissout également la soude
et la potasse , son action ne change point sen-
siblement le résultat de l'action réciproque do
DE l'acidité et de l' A LC A L Iiy'iTÉ. 83
l'acide et des deux alcalis : cette expérience est
<lonc propre à faire voir le partage de Taction
d'un acide sur deux alcalis , indépendamment des
effets de la force de cohésion des deux combi-
naisons ; mais si Ton traite le muriate de soude
avec la chaux, Ton a à peine des indices de la
décomposition du 23remier , parce que la chaux
ayant très-peu de solubilité, elle ne peut agir qu'en
très-petite proportion, et à mesure que Tévapo-
ration avance, son insolubilité tend à la séparer,
pendant que la soude lui oppose toute sa masse :
dans ce cas l'alcool ne peut servir à constater
l'action, parce qu'il ne peut séparer l'excès de
base alcaline.
L'action d'un acide ou d'un alcali sur une
combinaison qui , dans le cas de liquidité , s'exerce
en raison de la masse , est donc également modi
fiée lorsque la combinaison est solide, ou lorsque
celle qui se forme le devient ; par là l'effet de la
cohésion qui lui appartient , et le résultat, varient
selon l'état de cette force et selon la quantité et
l'énergie de l'acide et de l'alcali qui peuvent se
trouver dans la sphère d'activité; de là les préci-
pités dont les conditions vont nous occuper.
84 STATIQUE CHIMIQUE.
CHAPITRE III.
Des précipités produits par les acides ou par
les alcalis.
62. Ljorsqu'un acide forme un précipité par
sa combinaison avec une base alcaline en la sé-
parant d'un autre acide , l'insolubilité qui cause
la précipitation tient aux qualités naturelles de
chacun des éléments de la combinaison dont la
disposition à la solidité se trouve accrue par la
condensation qu'ils éprouvent.
L'insolubilité qui tire son origine de là , dé-
termine les proportions des éléments de la com-
binaison qui se précipite , seulement elle cède
plus ou moins à l'acide qui reste dans le liquide ;
de sorte que l'effet de l'acide surabondant se
borne à diminuer la quantité de la combinaison
insoluble ; mais lorsqu'une base alcaline produit
une précipitation, son effet peut être différent
selon les propriétés de la base qui se précipite ,
parce que les alcalis diffèrent beaucoup entre eux,
sous le rapport de la solubilité.
63. Si cette base est soluble par elle-même ,
si c'est la combinaison qu'elle forme qui devient
DE l'aCTDTTï et de l' ALC ALIX ITÉ. 85
insoluble , elle se trouve dans le cas précédent :
la combinaison qui se sépare doit également avoir
des proportions déterminées ; un excès d'alcali
la rend plus soluble et diminue la quantité du
précipité , ou le fait disparaître.
Mais si la base insoluble ]:)ar elle-même a besoin
d'une certaine proportion d'acide pour être
rendue liquide , alors une autre base alcaline en
s'emparant d'une partie de l'acide, lui. enlèvera
la solubilité : elle se précipitera en formant une
combinaison insoluble , qui pourra varier dans
les proportions de ses éléments.
■ Un alcali qui agit sur la dissolution d'un sel
à base terreuse , partage donc son action sur
l'acide avec cette base , mais celle-ci a besoin de
tout l'effet de l'acide avec lequel elle était
combinée pour conserver la solubilité , telle
quelle était; à mesure doncque l'action de l'acide
qu'elle éprouve , diminue , l'insolubilité s'établit
et s'accroît, jusqu'à ce que la séparation se fasse ;.
l'acide se divise entre l'alcali et la base ter-
reuse, en raison des forces qui sont en action
au moment de la séparation ; de sorte qu'il se
forme deux combinaisons , l'une qui est soluble
et l'autre qui est insoluble. '
Ainsi lorsqu'on a pirécipité par un alcali , l'alu-
mine et la magnésie de lacide sulfuiique avec
lequel elles formaient une combinaison soluble ,
l'on n a q.u à dissoudre de nouveau ces précipités
S6 STATIQTIE CHIMIQUE.
dans un acide tel que lacide muriatique ou
l'acide nitrique, en y ajoutant ensuite une dis-
solution de baryte , on obtient une quantité assez
considérable de sulfate de baryte qui atteste que
l'acide sulfurique y était combiné. On peut se
convaincre également avec les dissolutions mé-
talliques, principalement avec celles de mercure
que les précipités retiennent une partie de l'acide.
64. Il ne faudrait pas cependant conclure de
là que les précipités ne puissent jamais être
réduits à l'état de simplicité : il suffit même
quelquefois d'accroître la force de cohésion dans
une substance où cette propriété est énergi-
que , pour la séparer d'un acide avec lequel elle
n'a d'ailleurs qu'une faible affinité ; il suffit
par exemple d exposer à une forte dessi cation la
silice dissoute par un autre acide que le fluorique,
pour qu'elle l'abandonne et devienne insoluble:
nous verrons aussi que la force de cohésion de
qiielcjues métaux peut décider leur précipitation
dans l'état métallique , sans qu'ils retiennent de
1 acide qui les tenait en dissolution ; mais il paraît
que cette séparation complète n'a jamais lieu
entre les acides et les alcalis : seulement la quan-
tité de l'acide peut être diminuée plus ou moins,
seloii la force de l'alcali qui tend à l'enlever au
précipité , dont rinsolubilité ne dépend pas de
proportions déterminées.
Si la quantité du liquide qui sert de dissolvant
DE l'acidité et de L ' AL C AL l]>(rTÉ. 87
est assez grande pour contrebalancer l'insolu-
bilité qui naît de la diminution dans l'action
de l'acide , il ne se forme pas de séparation , et
alors chaque base agit sur l'acide en raison de
sa masse ; ainsi Bergman a observé ( i ) que la
potasse ou la soude ne troublent pas la trans-
parence d'un sel à base de chaux , lorsque dans
la solution ce sel se trouve étendu de cinquante
fois autant d'eau ; si lacide ne continuait pas
d'agir sur la chaux , le précipité paraîtrait avec
une proportion d'eau beaucoup plus grande ; car
il faut à-peu-près sept cents parties d'eau pouF
en dissoudre une de chaux.
Si l'ammoniaque ne produit pas un précipita
comme l'alcali fixe avec les sels à base de chaux ,
c'est qu'elle a la propriété de se combiner en for-
mant un sel triple , que l'on ne sépare par la
vaporisation , que lorsque l'action du liquide se
trouve plus faible que son insolubilité.
65. On peut donc distinguer deux espèces de
précipités : ceux dans lesquels l'acide et ila base
acquièrent par la combinaison une insolubilité
qu'ils n'avaient ni l'un ni l'autre , étant isolés ;
ou qu'ils n'avaient qu'à un degré beaucoup plus
faillie; tels sont plusieurs sels qui forment des
précipités, si l'eau n'est pas suffisante pour les
tenir en dissolution , ou qui cristallisent lors^
(i) De Attract. élett. § Vil.
^^ STATIQUE CHIMIQUE.
qu'on vient à diminuer celle dans laquelle ils
étaient dissous, et les précipites dont la base n'a
acquis de la solubilité que par Faction de l'acide ,
et qui foiaient une combinaison insoluble dès
que cette action vient à diminuer. Les précipites
de la première espèce ont des proportions cons-
tantes dans les éléments de leur combinaison ,
ou du moins ces proportions ne peuvent éprouver
que des variations peu considérables, ainsi que
je le ferai remarquer ailleurs. Ceux de la seconde
peuvent être composés de proportions très-va-
riables , jusqu'à ce qu'on soit parvenu à une
quantité d'acide que l'action croissante de la base
ne permette plus de diminuer ; car ils peuvent
retenir des proportions différentes d'acide en se
précipitant, selon l'état des forces qui sont mises
en action. Ce qui le prouve , c'est si , après
avoir form^ un sel insoluble à base terreuse,
lors même qu'il annonce une forte affinité, et
qu il a une grande force de cohésion qui a dé-
terminé sa. jprédpitation , tel que le sulfate de
baryte , on peut lui enlever uneqjortion de l'acide
en fesant agir sm^ lui :un alcali concentré. On
obtient un plus grand effet en traitant de même
le phosphate de ch^ux.
,..11 est'done très-probable qu'alors les précipités
diffèrent sejon les circonstances de l'opération y
selon l'énergie de l'alcali qui les a produits , et
par conséquent selon l'état de coiucentration où
DE l'acidité et de L ' A L C A.LIN ITÉ. 89
il se trouve ; mais comme les circonstniices varient
au commencement et à la fin de la précipita-
tion , lorsqu'on ne fait pas tovit-à-coup le mélange
des liquides , Faction de l'alcali se trouvant beau-
coup plus énergique en commençant c[ue lorsque
la saturation avance , il est très-probable que le
précipité varie dans ses proportions en même
raison ; ce qu'il est sur-tout facile de remarquer
dans les précipitations métalliques.
Ces variations doivent non-seulement suivre
celles des circonstances de l'opération ; mais elles
doivent encore être différentes selon l'affinité
réciproque des éléments de la combinaison qui
forme un précipité , et selon la force de cohésion
qui leur est propre , comme on vient de le voir
relativement au sulfate de baryte et au phosphate
de chaux.
GG. C'est une fausse idée de la nature des pré-
cipités qui a conduit à la doctrine des affinités
électives et à la construction de ces tables dont
les modernes se sont tant occupés et qui en
imposent par un appareil d'exactitude. Comme
cette doctrine est suivie dans la plupart des
explications chimiques , je crois devoir insister
sur les apparences qui lui servent de fon-
dement.
• De ce qu'il se forme un précipité lorsquon
oppose une base alcaline à une autre qui était
engagée dans une combinaison avec un acide ,
9^ STATIQUE CHIMIQT7E.
on a conclu que la première éliminait la seconde,
et prenait sa place dans la combinaison : de là
vient que les alcalis ont été placés dans l'ordre
des affinités , suivant les précipitations mutuelles
qu'ils pouvaient produire.
On a suivi une marche opposée pour les acides.
Quand un acide versé sur la dissolution d'une
combinaison produit un précipité , on en con-
clut qu'il enlève la base à l'autre acide avec
lequel elle était combinée. De là on donne l'an-
tériorité d'affinité élective aux alcalis qui ont le
moins de disposition à la solidité , et on la donne
au contraire aux acides qui ont la plus grande
disposition à former des combinaisons solides.
67. Toutefois les précipités qui se forment sont
dûs aux mêmes dispositions , soit qu'on les pro-
duise en ajoutant un acide ou un alcali à une
combinaison neutre ; toute la différence dé-
pend de ces dispositions mêmes, et de l'état
des forces qui leur sont opposées.
Que l'on ajoute de la chaux , de la potasse ou
de l'ammoniaque à une dissolution de phosphate
de chaux par son propre acide , on aura le même
résultat ; le phosphate de chaux , insoluble par
lui-même, recouvrera cette qualité, parce que
l'acide dont la force pouvait la déguiser éprouvera
une saturation qui fera cesser son action : la
seule différence qu'il y aura , c'est que la chaux
se réduira toute en sel insoluble , et que l'alcali
DE l'acidité et de L ALCALINITE. 9I
fixe ou Tammoniaque produiront une combi-
naison soluble avec la portion dacitle pbospho-
rique excédant la quantité qui forme avec la
cbaux une combinaison insoluble.
Si au lieu d'un pbospliate acidulé de cbaux
on prend une dissolution de pbospliate de cbaux
par un acide quelconque , on aura par le moyen
des alcalis ou de la cbaux un précipité semblable
de pbospliate de cbaux , et la combinaison qui
se formera en saturant l'acide qui servait de
dissolvant , dépendra des propriétés de lespèce
d'acide et de l'espèce d'alcali.
Enfin , si l'on verse un acide qui ait la pro-
priété de former une combinaison insoluble avec
la cbaux sur la dissolution d'une combinaison
de cbaux, il se forme un précipité analogue
à ceux dont je viens de parler ; mais une jiartie
de la base reste en combinaison avec le premier,
acide , et il s'établit un équilibre entre la foroe
de cobésion et la force dissolvante , jusqu'à ce
que par l'addition d'une base alcaline on fasse
disparaître toute l'action de l'acide , comme dans
les cas précédents.
Tous ces pbénomènes sont indépendants des
affinités électives , telles qu'on les a conçues , et si
l'on veut classer les affinités par leur force rela-
tive , ce n'est point par les précipitations qu'on
peut remplir cet objet , puisque celles-ci dépen-
dent ou de laccroissement de la force de cobésion
9^ STATIQUE CHIMIQUE.
par l'acte de la combinaison ou de la diminution;
de Taclion qui la ferait disparaître ou la rendrait
latente , et qu'elles sont modifiées par les quan-
tités respectives des substances , par leur conden-
sation , par la température.
J ajouterai encore un exemple à ceux que j'ai
rai^portés sur les contradictions auxquelles peut
conduire la détermination des affinités électives
par les précipitations.
Lorsque Ton prend une dissolution étendue
de muriate de strontiane , la soude et la potasse
bien pures n y jiroduisent aucun précipité ; mais
lorsqu'elle est concentrée , on a un précipité :
si donc on l'examine dans le dernier état , on
en conclut que la soude et la potasse ont plus
d'affinité avec l'acide muriatique que la stron-
tiane; mais celle-ci décompose les sulfates et les
carbonates de potasse et de soude : il faudra
donc admettre un autre ordre d'affmité élective
pour facide sulfurique et facide oxalique , que
pour facide muriatique.
Comme la baryte est par elle-même beaucoup
plus soluble que la strontiane, et qu'elle conserve
cette propriété avec facide muriatique , la potasse
et la soude ne produisent point avec le muriate
de baryte de précipité dans les circonstances où
le muriate de strontiane en donne : il faudrait
donc lui attribuer par cette raison un ordre dif-
férent d'affinité élective, cependant ces effets
DE l'acidité et de l' ALC AL ITSITÉ. 9$
divers ont un rapport constant avec la solubi-
lité des substances dans les circonstances où elles
se trouvent , et dès que la force de cohésion
devient prépondérante , elle produit les sépa-
rations que Ion prend pour témoignage de cette
élection que Ton suppose.
CHAPITRE IV.
De r action réciproque des combiiiaisojis neutres.
68. J'ai considéré dans le chapitre premier de
cette section Tacidité et l'alcalinité comme deux
qualités antagonistes qui se saturent mutuelle-
ment ; de sorte que lorsque leur combinaison
est parvenue à l'état neutre , ni l'acidité , ni
l'alcalinité n'exercent plus aucune action sensible ;
il n'en est pas de même de l'action réciproque
des molécules qui continue d'opérer son effet .
les propriétés qui en dépendent ne sont pas ,
à la vérité , celles des deux individus ; elles sont
devenues communes aux parties intégrantes de
la combinaison , et quoiqu'elles soient dérivées
de celles des éléments de la combinaison elles
9^ STATIQUE CHIMIQUE.
n'en sont pas le terme moyen , parce qu'il
se fait des changements de constitution.
Nous avons déjà vu ( 5 1 ) que Tun de ces
changements , celui dont je vais examiner les
conséquences dans l'action réciproque des com-
binaisons neutres , consiste dans un accroisse-
ment de la force de cohésion , qui doit résulter
du rapprochement des parties (5).
69. Si les principes que j'ai établis sont exacts , |
l'acidité et l'alcalinité ne doivent plus avoir aucune
influence sur l'action réciproque des sels qui sont
dans l'état neutre , mais tous les phénomènes
qu'elle produit doivent dépendre des propriétés
qui émanent de l'action réciproque de leurs
parties intégrantes : l'acidité et l'alcalinité de-
venues latentes ne doivent plus agir que dans
les circonstances où elles acquerront une nou-
velle liberté.
Nous avons vu que la force de cohésion n'exer-
çait pas seulement sa puissance dans les corps qui
sont actuellement solides ; mais que c'était elle
qui, préexistante à cet état, le réalisait (9) : il
suit de là que dans le mélange des substances
liquides , les combinaisons qui doivent jouir
d'une force de cohésion capable de les séparer ,
doivent se former et se séparer en effet , par
la même raison que l'eau mêlée avec l'alcool s'en
sépare pour se congeler ; mais de même que dans
cet exemple il faut un plus grand degré de froid
DE l'acidité et de l' A LC A LIN ITÉ. ^^
pour congeler l'eau , l'action réciproque des
autres substances doit diminuer les effets de la
cohésion.
Dans rhypothèse examinée dans le chapitre II,
la force de cohésion d'une combinaison neutre
avait à combattre non - seulement l'action de
l'eau , mais encore celle de l'acide qui entrait
en concurrence avec le premier les disposi-
tions de la combinaison que l'acide ajouté pou-
vait former , fesaient varier le résultat de même
que les quantités des substances : ici la force
de cohésion est seule , et elle se mesure par la
solubilité.
70. Parcourons donc les différentes conditions
dans lesquelles peuvent se trouver deux com-
binaisons neutres, et examinons si les faits sont
d'accord avec la théorie.
Lorsque l'on fait le mélange d'un sel soluble
à base de chaux avec une combinaison soluble
de l'acide sulfurique , celui-ci qui a la propriété
de former avec la chaux un sel insoluble , se
combine avec elle et se précipite en fesant mi
échange de sa base avec l'autre acide ; mais le
sulfate de chaux a beaucoup plus de solubilité
que le sulfate de baryte : si donc Ton mêle une
dissolution de sulfate de chaux avec celle d'une
combinaison plus soluble de baryte , il se fait
un autre échange de base, et le sulfate de baryte
se précipite.
^S STATIQUE CHIMIQUE-
Dans la supposition que les combinaisons
étaient dans Tëtat neutre , le liquide n'oppose
à la précipitation que Faction dissolvante de
Tcau , ou la faible action que la combinaison
soluble peut exercer sur celle qui se sépare , la
force de cohésion n'a point à lutter contre celle
d'un acide ; de sorte qu'elle produit son effet
beaucoup plus complètement, et qu'elle le pro-
duit dans des circonstances où elle aurait été
surmontée par un faible excès d'acidité.
En effet , si l'on ajoute de l'acide oxalique
à la dissolution d'un sel à base de chaux , on
obtient un précipité d'oxalate de chaux beau-
coup moins abondant que si l'on s'était servi
de la solution d'un oxalate neutre , parce que
l'action de l'acide ne permet qu'à une partie de
l'oxalate de chaux de se former , au lieu qu'avec
un oxalate cet obstacle n'existe pas.
71. Il suit de là que si la force de cohésion
qui appartient à une combinaison est peu con-
sidérable , et si elle ne produit qu'une insolubi-
lité qui cède facilement , il peut arriver qu'on
n'obtienne point de précipité par le moyen d'un
acide au'on verse sur la dissolution d'un sel ,
quoiqu'il possède la propriété de former avec la
base de ce sel une combinaison qui serait inso-
luble , si l'action de l'eau ne se trouvait secondée
par celle d'un acide , mais l'on a une précipi-
tation complète de cette base, lorsque l'on ajoute
•DE l'acidité ET DE l'alcalinité. 97
au sel qu'elle forme une combinaison neutre de
l acide précipitant : c'est ce qui arrive avec l'acide
sulfureux, qui ne produit pas de précipité avec
une dissolution d'un sel à base de chaux ou de
i)aryte et qui précipite ces bases en sulfites
lorsquil est employé dans un état de combi-
naison neutre; l'on obtient un effet semblable
SI dans la circonstance précédente on sature
1 excès d acide.
De même le phosphate de chaux étant flici-
lementsoluble par les acides, l'on ne produitpas
de précipité SI l'on verse l'acide phosphonque
sur la dissolution d'un sel à base de chaux •
mais SI l'on mêle la dissolution d'un sel de chaux
avec celle d'un phosphate d'alcali, le phosphate
de chaux se sépare et se précipite.
Il serait inutile d'accumuler ici un plus ^rand
nombre d'exemples : « que l'on parcoure toutes
- les décompositions connues qui sont dues aux
» affinités complexes , et l'on verra que c'est
« toujours aux substances qui ont la propriété de
» former un précipité ou un sel qu'on peut se-
« parer par la cristalhsation , qu'on a attribué
^> un excès d'affinité sur celles qui leur sont
« opposées ; de sorte qu'on peut prévoir , par le
» degré de solubilité des sels qui peuvent se
» former dans un liquide , quelles sont les subs-
» tances dont Bergman et d'autres savants chi-
* mistes auront prétendu représenter les forces
7
98 STATIQTTE CHIMIQUE.
» dans des tableaux symboliques , en attribuant
» toujours une supériorité d'affinité aux deux
» substances qui doiventformer une combinaison
» insoluble relativement à la quantité du dis-
fi solvant (i) ».
72. Cet effet de l'insolubilité peut être mo-
difiée par quelques circonstances qu'il faut
reconnaître , sur-tout lorsqu'elle diffère peu
entre les combinaisons qui sont en action :
ces circonstances sont l'action réciproque des
parties intégrantes des deux combinaisons , leurs
proportions respectives, et les changements qu'ap-
porte la température dans la solubilité compa-
rative.
Les substances salines exercent une action
réciproque qui augmente leur solubilité : cet
effet est nul ou très-petit , lorsque la différence
de solubilité est grande ; mais il peut devenir tel-
lement considérable entre deux sels qui ont l'un
et l'autre beaucoup de solubilité , qu'il s'oppose
à toute cristallisation. (3i , 32).
Le résultat varie par les proportions des subs-
tances qui sont en action ; ainsi lorsque celle qui
ja plus de solubilité peut se former en plus grande
quantité , elle se sépare en partie la première ; les
combinaisons cristallisent successivement , selon
la faculté que l'eau possède de tenir en dissolution
' (1) Recherclii sur les lois de l'affinité.
DE l'acidité et de L ' AL C A Ll?f ITÉ. 99
la quantité de chacune aux différentes époques de
cristallisation ; une partie du sel moins soluble
acquiert par l'action de l'autre une solubilité plus
grande ; de sorte qu'il peut en être retenu une
portion dans le résidu incristalîisable , pendant
qu'une quantité considérable d'un sel plus soluble
cristallise jusqu a ce qu'il soit parvenu aux propor-
tions où l'action réciproque l'empêche également
de se former ; alors une partie du premier peut
encore ci istaUiser.
J ai établi par plusieurs exemples ces effets suc-
cessifs de l'action réciproque des combinaisons et
de leurs proportions dans l'eau qui les tient en
dissolution : je me bornerai à en rapporter ici
quelques-uns.
73. Si l'on mêle du sulfate de potasse et du
nitrate de chaux , quelles que soient les propor-
tions , le sulfate de chaux qui peut se former
se sépare par l'excès de son insolubilité comparée
à celle du nitrate de potasse : le sulfate de potasse
et le nitrate de soude qui diffèrent moins par
leur solubilité que les deux sels précédent sdon-
neront par la cristallisation une plus grande
proportion de sulfate de potasse que de nitrate
de potasse ; mais lorsque la proportion du
premier sera diminuée par la cristallisation,
on obtiendra aussi du nitrate de potasse , parce
que l'eau qui reste à cette époque serait inca-
pable de teniren dissoluti on la quantité de ce
y*
IfOO STATIQUE CHIMIQUE.
sel qui pourrait se former , et que le sulfate d&
potasse de son côté est rendu plus soluble par
l'action réciproque de l'autre sel : ce résultat
aurait pu être déterminé dès la première cris-
tallisation en augmentant la proportion du
nitrate de soude.
- ^^/-,"i„,^ Un mélange de nitrate de potasse et de muriate
de chaux donne encore un résultat dans lequel
l'influence des proportions est plus marquée ,
parce que les deux sels les moins solubles qui
peuvent se former , le nitrate de potasse et le
cu<«"'w-'>t|t.^-*^'«^iiumate dépotasse, diffèrent peu par cette pro-
priété ; aussi l'on peut obtenir l'un ou l'autre
de ces sels par la première cristallisation , en
fesant un peu varier les proportions du nitrate
de potasse et du muriate de chaux.
'J/^. Il arrive quelquefois qu'au lieu de com-
binaisons simples , c'est-à-dire qui soient formées
de deux substances , il se produit des sels triples
ou même plus complexes ; ainsi lorsqu'on mêle
du sulfate de potasse et du muriate de magnésie 1
à poids égaux , ou deux parties de muriate de
magnésie , et une de sulfate de potasse , on
retire par les cristallisations successives , d'abord
du sulfate de potasse , puis un sel triple , com-
posé de magnésie , d'acide sulfurique et de po-
tasse , après cela du muriate de potasse , et enfin
du sulfate de magnésie. Lorsqu'on mêle poids
esaux de muriate de soude tit de sulfate dam-
DE l'acidité et de l alc ali^vité. ioi
moniaque , le premier sel qu'on retire est un
sulfate de soude et d'ammoniaque ; dans ces cas
qui se rencontrent rarement dans les sels non
métalliques , l'on observe de même que les sels
se séparent en raison de leur insolubilité mo-
difiée par les proportions et l'action réciproque»
75. La solubilité des sels varie par la diffé-
rence de température , mais elle ne suit pas
pour tous la même progression. Dans quel-
ques-uns elle prend un accroissement consi-
dérable par l'élévation de la chaleur ; dans
quelques autres elle reste presque la même.
Cette condition qui détermine la séparation des
sels, peut donc produire des effets différents,
selon l'état thermométrique ; de là vient que
quelques sels dont la solubilité est à-peu-près
égale à un degré de chaleur , peuvent cepen-
dant se séparer facilement , en introduisant ua
grand changement dans la température , et eu
faisant alterner l'effet des proportions et celui
de la différence de solubilité.'
Le nitrate de potasse et le muriatende soude " ^ '^•^^•^-^^''-''«^
nous donnent un exemple frappant de cet effet.
Près du degré de la congélation , le nitrate de
potasse a beaucoup moins de solubilité que le
muriate de soude , mais elle augmente beaucoup
par la chaleur , et celle du muriate de soude
très-peu; de sorte que la solubilité du dernier,
qui n'était à-peu-près que la moitié de celle d« "
102 STATIQUE CHIMIQUE.
nitrate de potasse , passe par un degré où elle
est égale , et enfin elle devient au degré de
l'elDullition près de huit fois plus petite. En
fesant donc subir l'ébuUition au mélange , on
fait cristalliser à une haute température le mu-
riate de soude : ensuite par le refroidissement
on fait cristalliser le nitrate de potasse : on di-
minue tour-à-tour la proportion de l'un < t de
l'autre sel , et Ton parvient par des cristallisa-
lions réitérées à les séparer entièrement Tun et
l'autre.
76. On suppose ordinairement que les sels
étaient formés dans une dissolutiou tels qu'on
les retire ensuite par la cristallisation ; mais la
séparation qui s'en fait selon l'ordre de leur solu-
bilité, et selon les proportions qui agissent,
fait voir que leurs parties exercent d'une ma-
nière égale leur action réciproque , comme je
l'ai supposé (Sa). Cependant lorsqu'on ne porte
pas son attention sur ce qui se passe dans le
liquide , et qu'on s'occupe seulement du ré-
sultat , l'expression vulgaire qui suppose l'exis-
tence des sels est commode , et n'a pas d'in-
convénient; je continuerai donc à m'en servir.
1']. L'action réciproque des combinaisons sa-
lines à laquelle sont dus les résidus incristalli-
sables , s'exerce au moment de la cristallisation ,
comme si les sels préexistaient, ou comme si
après avoir formé ceux qui doivent cristalliser j
DE l'acidité et de l' AL C A L INITÉ. Io5
on les eût mis directement en dissolution ; de
sorte que les échanges de base n'apportent
aucune différence dans le résultat. Mais quoique
les effets de Faction réciproque des sels soient
ordinairement assez peu considérables pour qu'on
puisse les négliger , il y en a cependant qui
méritent d'être remarqués.
Lorsqu'on décompose le sulfate de potasse
par le muriate de chaux, on n'obtient d'abord
qu'une quantité de sulfate de chaux plus petite
que celle qui devrait résulter de la combinaison
immédiate d'acide sulfurique et de chaux , dans
la même quantité d'eau ; c'est par la même cause
que , selon l'observation de Guyton (i), la dissolu-
tion de sulfate de potasse , de muriate de potasse ,
etc. , versée dans l'eau de chaux rendue laiteuse
par l'eau chargée de gaz acide carbonique, fait dis-
paraître sur-le-champ le précipité ; qu'il n'y a
également aucun précipité lorsqu'on verse de
l'eau chargée d'acide carbonique dans un mélange
d'eau de chaux et de dissolution de ces sels
neutres.
Cet effet très-petit dans les sels qui ont une
force de cristallisation considérable, souveut même
nul , parce que la force de cristallisation d'un
sel peut l'emporter sur l'action d'un autre ('72) ,
devient beaucoup plus grand lorsqu'ils ont
{\) Mém. de Schéele part, II , note de la page 18»
lo4 STATIQUE CHIMIQUE.
riui et l'autre peu de force de cohésion , tels que
le sulfate de soude et le nitrate de soude qui
dans certaines proportions se privent presqu en-
tièrement de la faculté de cristalliser : les sels
incristallisables produisent par conséquent un
grand effet sur ceux qui n'ont par eux-mêmes
qu'une faible disposition à cristalliser ; mais il
faut distinguer le partage de l'eau qui peut se
faire entre différents sels et produire des pré-
cipitations (33j , de l'effet de leur action réci-
proque.
78. C'est donc la même cause qui produit les
séparations des combinaisons dans l'affinité com-
plexe , et dans celle où deux acides sont en
concurrence pour se combiner avec une base.
La seule différence qu il y ait , c'est que dans
une circonstance il y a neutralisation , et dans
l'autre , un excès d acide qui joint son action
à celle du dissolvant ; en effet , lorsqu'on sup-
prime cet excès d'acide , soit par un alcali, soit
par l'évaporation , la différence disparaît.
Cet excès d'acide empêche par son action que
la séparation , qui serait produite par la dispo-
sition d'une combinaison , n'ait lieu , ou ne se
fasse aussi complètement que dans l'affinité com-
plexe.
Il peut aussi nuire aux proportions des parties
constituantes de quelques combinaisons (65);
de sorte que les précipités ou les combinaisons
î)E l'acidité et de l'alcaliïtité. io5
solides qu'on obtient par l'action des sels neutres
sont dans un état beaucoup plus constant que
ceux qui ont du surmonter un excès d'acide ou
d'alcali.
Ce qui a etë exposé sur la concurrence de
deux acides pour se combiner avec une b^se ,
et sur 1 action de deux combinaisons salines ,
doit s'étendre à l'action de toutes les substances
acides et alcalines , et de toutes les combinaisons
qui en sont formées , quelque soit le nombre des
substances qui agissent. Il faut toujours distin-
guer une puissance acide et une puissance alca-
line ; SI ces deux puissances sont en équilibre ,
c'est-à-dire s'il y a neutralisation, il faut leur
appliquer ce qui a été dit de l'action réciproque
des parties intégrantes des combinaisons neutres.
S'il y a au contraire excès de l'une des deux
puissances, leur action reçoit l'explication qui
a été donnée de l'action de deux acides sur unt?
base (Sa).
79- Une idée fausse de l'affinité a introduit
plusieurs suppositions sur les résultats de l'action
réciproque des substances salines; ainsi de ce
qu on retirait un certain sel dans une ])remière
cristallisation , on en a conclu qu'il s'était fait
un échange complet de base entre les acides ,
pendant que des combinaisons opposées peuvent
se succéder ou se former dès le commencement ,
selon les proportions des substances qui sont eu
Io6 STATIQUE CHIMIQUE.
action à Tépoque de la cristallisation (78) , et que
ion est exposé par conséquent à tirer des con-
séquences contradictoires des résultats d'une
opération , selon les circonstances qui accom-
pagnent la cristallisation.
On a confondu les effets de la saturation , qui
sont un résultat indépendant de la solidité et
de la liquidité , avec ceux de l'action réciproque
de leurs parties intégrantes et de la force de
cohésion qui leur est propre , et l'on a cherché
^ représenter par des nombres la force des acides
qui choisissaient leurs bases, pendant que les
séparations ne s'opèrent qu'en raison de la solu-
bilité de chaque combinaison.
Cette solubilité n'est pas une propriété absolue ;
mais elle dépend du rapport de 1 action de l'eau
à la force de cohésion ; de sorte que si ce n'est
pas l'eau qui sert de dissolvant, ou si elle con-
tient quelque autre substance qui en modifie
l'action , les effets sont différents. ( Note I. )
Les phénomènes précédents n'offrent aucune
différence avec ceux que nous avons analysés
( section l , chap. III) ^ où nous n'avons con-
sidéré que l'action mutuelle des substances qui
sont en dissolution ; de sorte que les sépara-
tions et les précipitations qui se font avec
échange de bases , ne sont qu'un effet de la
force de cohésion qui est propre aux combi-
naisons , et qui n'est modifiée que par leur
DE L ACIDITÉ ET DE l' ALC ALINITÉ. IO7
action réciproque : racidité et l'alcalinité deve-
nues latentes n'y contribuent qu'indirectement ;
mais ia théorie que je viens d'exposer suppose
que par l'action mutuelle des substan-ees salines,
l'état de saturation n'éjjrouve pas de change-
ment; c'est ce que je tâcherai d'établir dans le
chapitre suivant.
CHAPITRE V.
De la capacité comparative de saturation des
acides et des alcalis.
80. 1_^ES acides et les alcalis diffèrent entre eux
par la quantité réelle qui s'en trouve soit dans
les liquides qui portent leur nom , soit dans les
combinaisons qu'ils forment ; mais la capacité
de saturation qui est la mesure de la puissance
<les acides et des alcalis , ne'peut être déterminée
qu'autant que l'on connaît leur quantité réelle.
En général, puisque l'action chimique varie
par la quantité , il importe de déterminer les
quantités réelles de cliaque substance qui peut
être mise en action. S'il s'agit de combinaisons,
leur composition ne peut être établie que par
^o8 STATIQUE CHIMIQUE.
la proportion de leurs éléments , et pour par^
venir à la fixer , il faut presque toujours savoir
quelle est celle des agents qu'on emploie ; les phé-
nomènes auxquels ces combinaisons contribuent,
exigent la même connaissance pour recevoir leur
explication.
La détermination des proportions d'une subs-
tance qui peut être mise en action ou qui se
trouve dans une combinaison , est donc le fon-
dement de toutes les recherches chimiques ; le
but de toutes les méthodes , de tous les pro-
cédés est d'y parvenir , et ce but doit toujours^
être présent à l'attention des chimistes.
Comme les acides et les alcalis sont les prin-
cipaux agents dont on se sert pour l'analyse ,
et sur-tout pour l'analyse minérale , la connais-
sance de leur quantité réelle dans les liquides
qui portent leur nom , ou dans les combinaisons
qu'ils forment , est celle dont on doit le plus s'oc-
cuper. Mais comme les alcalis , à rexce23tion d'un
seul , ont une fixité qui permet plus facilement
de reconnaître leur quantité, ce sont les acides
dont il est le plus difficile d'obtenir un résultat
d'une exactitude suffisante.
Ces motifs m'engagent à entrer dans quel-
ques détails sur les méthodes qui ont été em-
ployées pour déterminer les quantités d'acide
réel dans les liquides ou dans les combinaisons
solides.
DE l'acidité et de l' ALC ALIIf I T É. IO9
Kirwan est celui des chimistes auquel on
doit sur cet objet les travaux les plus impor-
tants, et par la constance qu'il y a mise , et par
l'autorité que son nom leur prête ; mais en choi-
sissant pour les considérations suivantes ses ré-
sultats , comme ceux qui méritent le plus de
confiance , je chercherai à en démêler les incer-
titudes et je croirai seconder par là les vues de ce
savant chimiste.
Kirwan a d'abord cherché à déterminer la
quantité d'acide ree/ qui entrait en combinaison
soit avec l'eau des acides ordinaires , soit avec
les bases alcalines ; il s'est servi pour cet objet
du gaz acide muriatique. Mais ce gaz contient
«ne portion d'eau qui est indéterminée , et il
peut perdre cette eau en tout ou en partie ,
lorsqu'on pousse au feu les combinaisons qu'il
a formées. Ce qui le prouve , c'est que , lors-
qu'on décompose le muriate de soude par
l'acide sulfurique et lorsque la masse a subi
une longue chaleur , on ranime le dégagement
du gaz acide muriatique en y introduisant
de l'eau , qui par sa combinaison et sa vapo-
risation favorise ce dégagement , comme elle
le fait avec les carbonates. Cette quantité
d'eau est une cause assez considérable d incer-
titude dans une substance qui passe de l'état
gazeux à l'état liquide , ou qui entre dans de»
combinaisons solides.
i
IIO STATIQUE CHIMIQUE.
Pour déterminer la quantité d'acide réel dans
les combinaisons des autres acides , il a d'abord
supposé que les bases alcalines prennent une
égale quantité de chaque espèce d'acide réel :
cette supposition l'a conduit à des déterminations
éloignées de la réalité ; mais l'observation en a
instruit Kirvvan, et il a établi son dernier travail
sur des bases plus sûres.
Dans l'ouvrage où Kirwan présente les fruits
mûris de ses longues observations ( i ), il décrit
d'abord celles qu'il a faites sur la dilatation
qu'éprouvent l'acide sulfurique , l'acide nitrique,
et l'acide muriatique , lorsqu'on les fait passer
du 8^ degré du thermomètre de Iléaumur à iG,9 ;
étendue de l'échelle thermométrique , qui est
suffisante pour les observations chimiques : et ,
d'après ses observations , il ramène les quantités
d'acide qui se trouvent dans les acides de dif-
férentes pesanteurs spécifiques à la température
de 60 degrés de Fahreneith. Voyons comment
il s'y est pris, i». pour mesurer les dilatations
produites par l'élévation de température ; 2". pour
déterminer la quantité d'acide réel qui se rap-
porte aux différentes pesanteurs spécifiques.
Il a fait ses épreuves de dilatation sur l'acide
sulfurique , à trois degrés différents de pesanteur
spécifique : le premier avait pour pesanteur spé-
(0 BJbl. Britan. tom, XIV.
DE l'acidité et de L ALCALINITÉ. IH
^cifique i,856, il a gagné en se refroidissant , ou
perdu en s'ëchauffant o,oooG8 par degré , entre
60 et 70 degrés de Falireneith , et o,ooo43 par
degré, entre 60 et 49; le second dont la pesan^
teur spécifique à 60 degrés était 1,700 , a perdu
ou gagné o,ooo36par degré de température entre
60 et 70, et o,ooo5i par degré, entre 60 et 5o;
le troisième avait pour pesanteur spécifique
1,333 , il a perdu ou gagné o,ooo/|.3 par degré,
entre 60 et 70 , et o,ooo34 entre 49 t-t 60.
Ce qui me ferait craindre qu'il n y eût quelques
inexactitudes dans ces oljservations , c'est que
les résultats ne suivent pas une marche régulière
sans qu'on puisse appereevoir aucune raison de
cette différence. Le second acide acquiert moins
de pesanteur spécifique que le premier et le
troisième , entre 70 et Go degrés ; mais il en
acquiert davantage aux degrés inférieurs.
L'auteur a aussi éprouvé la dilatabilité de l'acide
nitrique , selon sa concentration par différents
degrés de chaleur, et il a observé que plus il
était concentré plus il était dilatable , et qu'il
l'était plus aux degrés supérieurs qii'aux degrés
inférieurs ; ce qui sert à expliquer des ol^ser-
vations de Proust , qui a remarqué qu'en dis-
tillant un acide nitrique concentré de manière
qu'il en reste une portion dans la cornue , ce
résidu a moins de pesanteur spécifique que la
partie qui passe à la distillation , et que plus Tacide
11± STATIQUE CHIMIQUE.
est concentré, plus sa distillation est facile (i).
Rirvvan a remarqué que l'acide muriatique avait
une expansibilité plus grande que Tacide nitri-
que , d'une même pesanteur spécifique ; mais
cet acide présente une propriété particulière.
82. L'acide sulfurique et l'acide nitrique éprou-
vent dans leur combinaison avec l'eau une con-
centration qui lait que la pesanteur spécifique
acquise par leur mélange , n'est pas celle qui ré-
sulte de leur pesanteur spécifique primitive ; au
lieu que les pesanteurs spécifiques de l'acide
muriatique , mêlé avec différentes proportions
d'eau , répondent exactement à celle qui résulte
des poids d'eau et d acide , et qu'il désigne par
la dénomination de pesanteur spécifique mathé-
matique.
Cette propriété qui distingue l'acide muria-
tique de toutes les combinaisons dans lesquelles
on observe que les volumes des éléments subis-
sent une condensation , lorsqu'il n'y a pas une
cause particulière de l'effet contraire, dépend pro-
bablement de ce que le gaz muriatique en passant
à Fétat liquide éprouve une telle condensation
par la grande proportion d'eau qui est nécessaire,
que des proportions plus grandes n'exercent plus
sur lui une force qui produise une altération
sensible dans l'état où il se trouve.
(i) Journ, de Phys. messid. an 10.
DE l'acidité et de l' A lc A i.ir<riTi:. n3
Kirwan a construit une table en combinant
l'effet de la condensation de l'acide sulfurique et
de l'acide nitrique , avec les différences de pesan-
teur spécifique , pour en déduire la quantité
d'acide réel ; et pour déterminer celle-ci , il a
regaj^dé comme acide réel celui qui est contenu
dans le sulfate de potasse , dans le nitrate de
soude et dans le muriate de potasse fortement
desséché ; comme l'acide muriatique n'éprouve
pas de condensation par l'action de l'eau , il
n'exige pas de tables différentes de celles de
sa pesanteur spécifique.
On est obligé de supposer que l'acide ne con-
tient plus d'eau dans les sels desséchés , ou de
la négliger ; il faut supposer de plus que la quan-
tité de la base est bien déterminée ; on voit donc
que chaque évaluation, avec quelque soin qu'elle
soit faite , est nécessairement accompagnée de
quelque incertitude qui s'étend ensuite sur tous
les résultats.
La table ainsi construite peut être employée
pour comparer les quantités d'acide qui se trou-
vent dans la même espèce d'acide selon les dif-
férentes 23esanteurs spécifiques ou les quantités
d'acide de différente espèce ; son utilité n'est pas
douteuse dans plusieurs circonstances ; mais elle
me semble l'être pour la détermination des élé-
ments des combinaisons salines auxquelles l'au-
teur l'a particulièrement destinée. Il me paraît
I. 8
Il4 STATIQUE CHIMIQUE.
que son usage dans ce cas n'a point d'avantage
sur la méthode directe qu'emploient les chimistes :
en effet , il faut toujours commencer par déter-
miner la proportion de la base; après cela, ou
on la sature par une quantité d'acide dont l'acide
réel est donné par la table de Rirwan , ou l'on
procède à la cristallisation , et ensuite à une forte
dessication pour reconnaître la quantité d'eau
que la chaleur peut séparer de la combinaison ,
et alors on regarde comme acide réel le poids que
la base acquiert et retient malgré la chaleur , et
comme eau , le poids qu'a perdu la combinaison
en éprouvant une forte dessication ; mais comme
cette détermination de l'eau est toujours utile,
les chimistes peuvent rarement se passer de cette
dernière épreuve ; il ne s'agit plus que de savoir
s'il convient de s'en tenir à la table de Rirwan ,
ou de regarder comme acide réel le poids qu'a i
acquis une base bien déterminée , et qu'elle re-
tient à une forte dessication : il me paraît qu'on 1
a pour le moins autant d'exactitude en se bornant |
à cette augmentation de poids; car la table de
Rirwan ne fixe les quantités d'acide réel que ^
sur l'épreuve faite avec une base ; elle porte
donc avec elle l'incertitude qu'a nécessairement
cette détermination , et de plus elle a celles qui
accompagnent une détermination établie sur
plusieurs données.
Je ne vais pas la raison qui a pu décider le
DE l'acidité et de l' ALC A LIXITÉ. Ii5
choix de Kirwan pour les sels dont il s'est servi :
il me semble que les combinaisons qui sont
les plus propres à remplir cet objet , sont
celles qui ont une base qui ne s'évapore pas
lorsqu'on la pousse à la dessication , et qui
n'attaque pas facilement les vases dans les-
quels on fait cette opération préalable pour en
connaître la quantité ; telles sont la baryte ,
la strontiane et la chaux : ces bases ont de plus
1 avantage de former avec plusieurs acides des
combinaisons insolubles j^ar le moyen desquelles
on peut reconnaître la quantité de ces acides
dans d'autres combinaisons ; mais l'acide nitrique ,
qui ne forme avec les bases alcalines que des
sels solubles qui éprouvent une décomposition
facile par la chaleur , présente des difficultés
difficiles à surmonter , et Rinvan convient que
ses évaluations des nitrates n'ont pas autant
d'exactitude que les autres.
82. Les considérations précédentes font voir
que les tables par lesquelles Kirwan fixe les
éléments des substances salines ne doivent pas
être regardées comme une détermination rigou-
reuse : Guyton a proposé , pour faire la vérifi-
cation des proportions qu'elles supposent , un
moyen qui me paraît réunir à la simplicité une
exactitude à laquelle on ne peut opposer aucune
difficulté : « Ce moyen consiste dans la compa-
w raison des résultats de l'expérience et du calcul ,
8..
xi6 STATIQUE cni:VriQUE.
» pour la concordance de l'effet très-sensible de
» l'excès ou du défaut de Tune des substances
» après la décomposition réciproque (i) ».
Guyton observe en conséquence que dans le cas
d'un échange de base entre deux sels, le résultat du
mélange doit être ou neutre , ou avec excès d'acide
ou avec excès de base, et qu'en rendant complets
la décomposition de l'un des sels , on doit obtenir
par le calcul le même résultat que par Texpé-
rience : il examine donc ce qui doit arriver ,
d'après les proportions de Bergman , lorsqu'on
mêle le muriate de baryte avec le sulfate de
soude , et il fait voir qu'il devrait y avoir un excès
considérable d'acide ; cependant le mélange reste
dans l'état neutre : d'où il faut nécessairement
conclure que les proportions de Bergman s'éloi-
gnent de la réalité.
Guyton fait une observation semblable sur le
mélange du nitrate de chaux et du sulfate de
potasse , d'après les proportions d'une table déjà
amendée que Rirwan publia en 1791 , et sur le
sulfate de soude et le muriate de magnésie.
Richter paraît être le premier chimiste qui
ait fait attention à cette propriété remarquable
des combinaisons salines de n'éprouver point de
changement dans l'état de saturation, lorsqu'elles
sont confondues dans une même dissolution.
(1) Ann. de chiui.j tom. XXV , p. 292 ^ Mcm. del'Iust.
loiu. II.
/
DE l'acidité et de L ALCALINITÉ. II7
L'on trouvera dans une note qvie je tire de la
traduction de Fischer , un précis de ses opi-
nions. ( Note II. )
Je me suis assuré par mes propres expériences
que l'état de saturation n'éprouvait pas de chan-
gement, lorsque l'on mêlait différents sels neutres
cpii produisaient des précipités ou dont on re-
tirait par la cristallisation des sels qui avaient
fait un échange de base , pourvu qu'on n'em-
ployât pas de sels métalliques dans lesquels cette
correspondance de saturation ne paraît pas exis-
ter. ( Recherches sur les lois de Vaginite. ) J'ai
réitéré les épreuves avec différentes combinaisons
des acides sulfurique , sulfureux , phospliorîque,
oxalique , acétique et tartareux, et je n'ai apperçu
un léger changement qu'avec les phosphates de
potasse et de soude qui ont laissé une trés-faible
acidité dans le liquide , en les mêlant avec des
sels solubles à base de chaux , ce qui indique
seulement dans les phosphates une disposition
à prendre un excès de base qu'on observe eu
effet dans quelques-unes des combinaisons de
l'acide phosphorique.
83. J'ai appliqué la méthode de Richter et de
Guy ton , 1°. au mélange du sulfate de potasse et
de miuiate de baryte , suivant les proportions
des dernières tables de Kirwan : le sulfate de
potasse contient selon ces tables 82, 4B d'acide
sur 100 de base; le muriate de baryte 3 1,8^0»
Ïl8 STATIQTE CHIMIQUE.
d'acide sur loodebase, et le muriate de potasse
56, 3o d'acide et loo de base : pour que l'échange
de base puisse avoir lieu sans que l'état neutre
soit changé , il faut qu'il y ait une quantité d'acide
lîiuriatique qui puisse saturer loo parties • de
potasse , c'est-à-dire 56, 3o d'acide ; or 56, 3o
d'acide muriatique satureraient 177,04 de baryte;
mais 177,04 de baryte exigeraient suivant la table
88,52 d'acide sulfurique, et il ne s'en trouve que
82,48 dans le sulfate de potasse, ou il faudrait
que dans le muriate de baryte il n'y eût que
164,96 de baryte, au lieu de 177,04 avec 56, 3o
d'acide muriatique.
2". Au mélange du sulfate de soude et du
^^^^^^^.^^^^ c^/5«^^^,.^inuriate de baryte : pour qu'il put se décom-
poser en changeant de base , il faudrait que dans
le sulfate de soude il y eiit 11 5,42 d'acide an
lieu de 127,65 , ou que dans le muriate de
baryte il y eût 2 53,36 de baryte au lieu de
23o,84 avec 73,41 d'acide.
3<*. Si l'on applique le même calcul au mé-
lange de nitrate de chaux et le sulfate de potasse ,
on trouve que pour 100 de chaux il faudrait
179,50 d'acide au lieu de i43 ; de sorte qu'il
jnanque dans les proportions données 36, 5o
d'acide sulfurique pour produire la saturation
de toute la chaux, ou bien cette base doit se
trouver en plus petite proportiou dans le nitrate
de chaux.
DE l'acidité et de L A L C A.LI ]y ITÉ. IIQ
L^°. Le sulfate d'ammoniaque et le muriate de
baryte présentent dans leur décomposition mu-
tuelle des disproportions encore plus considé-
rables : pour que le sulfate d'ammoniaque et
le sulfate de baryte pussent faire un échange
de base en conservant Tétat de neutralisation,
il faudrait que dans le sulfate d'ammoniaque ,
il y eût 268,86 d'acide, au lieu de 383, 80, oa
que dans le muriate de baryte il y eût 767,60
de baryte, au lieu de 537,73 avec 171 d'acide.
Si Ion peut rejeter une partie de cette dif-
férence sur l'évaluation du muriate de baryte ,
la plus grande partie doit certainement être
attribuée à celle du sulfate d'ammoniaque dans
laquelle il se trouve une proportion beaucoup
trop forte d'acide , comme d'autres considérations
le font voir , et dans sa première table Kirwan
l'avait fixée dans le rapport de 100 à qS , rapport
qui est trop faible dans un sens opposé.
Ces écarts sont trop considérables pour pou-
voir s'expliquer par la proportion plus ou moins
forte d'acide qu'on peut supposer dans le sulfate
de baryte qui se forme ; d'ailleurs cette suppo-
sition qu'on n'est point fondé à faire lorsque
l'échange a lieu entre deux sels qui sont dans
l'état neutre, ne pourrait s'appliquer au mé-
lange de nitrate de chaux et de sulfate de
potasse.
Lorsque Ton fait subir cette épreuve au suUate
lao STATIQUE CriTMIQTJE.
d'ammoniaque, il faut préalablement faire dis-
paraître la légère acidité qu'a ce sulfate , après
la cristallisation ; mais la quantité d'ammo-
niaque nécessaire pour cet objet est si petite,
cju'elie ne change pas sensiblement les propor-
tions des éléments de ce sel.
84. Les observations précédentes me paraissent
conduire nécessairement à cette conséquence
qr.e je n'ai fait qu'indiquer dans mes recliercbes
sur les lois de l'affinité, maisque Richter a établie
positivement , savoir que les différents acides
suivent des proportions correspondantes avec les
différentes bases alcalines pour parvenir à un
état neutre de combinaison : cette considération
peut être d'une grande utilité pour vérifier
les expériences qui sont faites sur les propor-
tions des éléments des sels ; et même pour déter-
miner celles sur lesquelles l'expérience n'a pas
encore prononcé , et pour établir la méthode
la plus sûre et la plus facile de remplir cet objet
si important pour la chimie; mais 1°. elle ne
peut être appliquée qu'aux substances salines
dont on peut opérer la décomposition sans former
de sels triples ; ou du moins il ne faut établir
la comparaison que sur des combinaisons dans
lesquelles elles ne donnent pas des sels triples ;
2°. On ne peut faire entrer dans cette compa-
raison que les substances qui peuvent former
des comi)inaisons neutres , propriété que j'ai
DE L ACIDITÉ ET DE L ALCALINITÉ. 131
établie coninie le caractère distinctif des acides
et des alcalis : par cette raison les sels à ])ase
d'alumine doivent en être exclus , parce que
non-seulement l'alumine ne produit pas de sa-
turation complète avec les acides , mais qu'elle
a besoin du concours d'un alcali pour former
le sulfate d'alumine , et qu alors même ce sel
conserve un excès d'acidité; 3'\ on ne peut em-
ployer les combinaisons que dans l'état neutre ,
parce que l'excès d'acide ou d'alcali ne pourrait
être mesuré que par l intermède d une substance
qui compliquerait trop le résultat.
On n'a , à part ces exceptions , qu'à déter-
miner avec soin les proportions d'un acide avec
les différentes bases alcalines : il suffit ensuite
de reconnaître les proportions d'une seule com-
binaison de chacun des autres acides avec une
base alcaline, en choisissant celle qui offre le
plus de convenance pour l'expérience , et un
calcul facile donne les proportions de toutes les
autres.
85. Cette correspondance exacte des jDropor-
tions d'un acide avec différentes bases , et d'une
base avec différents acides , Anent se lier avec la
théorie que j'ai exposée sur l'action mutuelle
paie- laquelle les acides et les alcalis se saturent
mutuellement ; elle prouve que cette action mu-
tuelle n'est pas seulement une force qui existe
dans un certain decjré entre deux individus; mais
1 5»2 STATIQUE CHIMIQUE.
qu'elle est la même dans toutes les substances
qui sont douées de l'acidité et de l'alcalinité ,
ou que ses effets ne varient que par Tinten-
sitë avec laquelle les substances la possèdent.
Comme Ivirwan est, de tous les chimistes qui
m'ont précédé sur cet objet, celui dont l'opinion
a le plus d'analogie avec celle que je présente ,
j'ai cru devoir m'arréter à discuter des différences
qui paraissent d'abord légères , et qui nous ont
conduits cependant à des résultats opposés.
<J6. Pour classer les affinités relatives des bases
alcalines, Kirwan établit i*-*. que la quantité
d'acide réel qui est nécessaire pour saturer un
poids donné de chacune des bases est en raison
inverse de l'affinité des bases avec l'acide ; 2°. que
la quantité de chacune des bases nécessaire pour
saturer une quantité donnée de chaque acide ,
est en raisan directe de l'affinité du même acide
avec la base; de sorte que d'un côté une plus
grande affinité exige une moindre quantité de
l'un des principes saturants , et que de l'autre
elle en exige une plus grande quantité , et c'est
par le moyen de cette contradiction qu'il main-
tient l'existence de l'affinité élective , et qu'il en
évalue la force indépendammeni des quantités
qui sont en action , et dont il avait cependant
reconnu l'influence ; c'est ensuite sur les déter-
minations des affinités électives qu'il établit les
résultats des affinités doubles , et la balance des
DE l'acidité et de l' ALC ALI N ITÉ. 1^3
affinités quiescentes et des affinités divellentes.
Ainsi en divisant ingénieusement les forces qui
déterminent deux combinaisons en forces quies-
centes et en forces divellentes, il ne fait plus
entrer dans la comparaison de ces forces , la
considération des quantités qui agissent , et
il regarde comme force constante Taffinitë d'un
acide , mesurée par la quantité de base alcaline
qu'il peut saturer ; de sorte que la décomposition
se fait complètement, selon qu'une force calculée,
comme je viens de le dire , l'emporte sur l'autre ;
mais j'ai fait voir (j5) que lorsque l'échange des
bases n'était pas sollicité par une force de cohé-
sion considérable , les sels qui se formaient dans
un mélange variaient par les proportions des
.substances opposées qui se trouvaient en action.
Ce savant chimiste prétend appuyer sa théorie
des affinités quiescentes et divellentes déter-
minées par sa méthode , par quelques exemples
dans lesquels il trouve que les nombres affectés
à chaque affinité satisfont aux combinaisons qui
se forment ; mais si l'on veut donner quelque
valeur à des nombres choisis pour représenter
quelques effets, j'en prendrai dans sa table même
qui ne peuvent pas soutenir cette épreuve ; ainsi
1 affinité de l'acide sulfurique déterminée par
la quantité de potasse qui peut le saturer , est
représentée par 121 , et celle de l'acide muria^
tique par 3i/j ; ce qui fait pour les affinités
124 STATIQUE CHIMIQUE.
quiescentes 435 , lorsqu'on mêle le sulfate de
potasse avec le muriate de baryte ; et les affinités
divellentes du sulfate de baryte et du muriate
de potasse ne donnent que 377 : de sorte qu'il
ne devrait point se faire de décomposition , et
. cependant elle est complète ; de même lorsqu'on
mêle le muriate de strontiane avec le sulfate de
potasse , on a pour affinités quiescentes 337 »
et seulement 3x5 pour affinités divellentes.
88. L'action chimique est réciproque ; l'affi-
nité lui est proportionnelle ; la saturation est
un terme commun à tous les acides et à toutes
les bases alcalines : si l'on veut comparer l'action
saturante des acides aved une base , il faut com-
parer les quantités de chaque acide qui sont
nécessaires pour produire le même effet , c'est-
à-dire la saturation de la base : on devra donc
regarder l'affinité de deux acides pour une base
comme étant en raison inverse de la quantité de
chacun des deux acides qui pourra saturer la
br.se , ainsi que je l'ai établi chapitre I^'' ; si ce
sont les bases alcalines c|ue l'on compare , il
faudra les considérer de même , et la base qui ,
en moindre quantité , produira la saturation
sera celle qui exercera une action plus éner-
gique, qui aura une plus grande affinité; enfin
l'on vient de voir que les rapports de ces deux
forces se conservent dans toutes les combi-
naisons formées par les acides et par les alcalis.
DE l'acidité et de L ALCALINITE. 153
87. Si les observations que j'ai pre'sente'es prou-
vent que la capacité de saturation est la mesure
de la puissance ou de l'affinité qu'ils exercent
comme acides , on doit prendre une idée de
cette affinité comparative , bien différente de
celle qu'çn a établie dans les tables d'affinité.
L'acide fluorique , d'après les expériences de
Ricbter , doit être le premier acide^en puissance ,
puisque looo parties en saturent 1882 de cbaux.
Le pbosphorique doit être placé après; selon
Vauquelin 1000 parties en saturent i44c>. Vient
ensuite l'acide muriatique , puis le sulfurique
et le nitrique dont la différence n'est pas bien
établie.
En appliquant la même méthode aux alcalis ,
c'est l'ammoniaque qui marche la première
d'après les expériences de Kirwan, qui me parais-
sent beaucoup plus exactes que celles de Richter :
la magnésie et la chaux la suivent ; ensuite la
soude , la potasse , la strontiane et la baryte.
Je ne fais pas entrer l'acide carbonique dans
cette comparaison , parce que les carbonates que
Kirwan a soumis à ses épreuves ont presque tous
un excès variable d'alcali , pour les autres acides,
les portions des éléments de leurs combinaisons
sont déterminées dans un si petit nombre et avec
une telle imperfection , qu'on ne peut s'en servir
pour fixer leur place dans l'ordre des affinités ;
quoiqu'ils suivent la même progression dans les
! ^6 STA.TIQUE CHIMIQUE.
quantités des différentes bases nécessaires à leur
saturation.
88. Pour accorder ce résultat avec l'ordre des
affinités qu'on a admis, il faut ï*econnaître dans
les affections des substances qui se combinent ,
et dans les conditions où elles peuvent se trou-
ver , l'explication naturelle des faits qui ont
conduit à des déterminations si différentes ; c'est
ici dans la seule force de cohésion dont on a
confondu les effets avec ceux de l'affinité élec-
tive , que je place la cause de cette différence ,
sans examiner encore les circonstances qui éta-
blissent les proportions d'une combinaison. Le
sulfate de baryte jouit d'une force de cohésion
considérable relativement aux combinaisons qui
peuvent être rendues solubles par l'eau, et il
se trouve à l'égard de tous les acides dans le
même cas que l'alumine qui a éprouvé une forte
concentration comme dans la porcelaine ou dans
le saphir. Ne dirait-on pas , si l'on ne connaissait
ralumine que dans cet état de condensation , que
l'acide sulfurique n'a point d'affinité avec elle?
L'alcali qui est combiné avec la silice dans le
verre , ne devient-il pas insoluble par les acides
qui l'en sépareraient si facilement si la force
de cohésion que cette combinaison a acquise
n'était devenue supérieure à leur action?
Lorsque l'on prononce que l'acide sulfurique
a plus d'affinité avec la baryte que les autres
DE l'acidité et de L ALCALINITÉ. I27
acides, on ne fait pas attention que cet acide
lui-même , à moins qu'il ne soit très-concentré ,
et que son action ne soit aidée par celle de la
chaleur , n'a pas plus d'action sur le sulfate de
baryte que les autres acides , et que son affinité
par conséquent n'a pas plus d'énergie contre la
force de cohésion du sulfate qu'il ne faut pas
confondre avec la puissance de saturation , ou
avec la puissance antagoniste de l'alcalinité.
Regarder la baryte comme douée d'une affi-
nité beaucoup plus forte que l'ammoniaque pour
l'acide carbonique , c'est prononcer qu'il faudrait
une force beaucoup plus grande pour surmonter
la résistance de l'élasticité d'une petite quantité
de fluide élastique que d'une grande quantité.
89. Quelle que soit l'opinion que l'on conserve
sur l'affinité élective , on ne pourra se refuser
à reconnaître un rapport frappant entre la ca-
pacité de saturation des acides , et les proportions
constantes des différents alcalis qui les peuvent
saturer , et l'on devra convenir que ces propriétés
doivent être en relation avec l'affinité des acides
pour les alcalis ; d'où l'on doit conclure qu'il ne
peut y avoir qu'une différence peu considérable
entre l'affinité de l'acide sulfurique et celle de
l'acide muria tique pour la baryte , si l'on refuse
d'admettre la supériorité du dernier ; cependant
on suppose dans le premier la plus grande affi-
nité pour cette base , et le muriate de baryte
128 STATIQUE C II I ."M î Q U E.
est décomposé facilement par racétite de plomb
et par le nitrate d'argent , quoique ces oxides
ayent si peu d'action sur les acides avec lesquels
ils forment ces combinaisons soiubles , qu'ils ne
peuvent en saturer complètement l'acidité. Pour
expliquer les précipitations , on fait balancer
l'excès de force de l'acide niuriatique sur celle de
l'acide acétique , par la différence qui se trouve
entre l'affinité des oxides pour l'un et pour l'autre
des acides : on s'arrête à cette différence s'il se
trouve des nombres qui puissent correspondre à
cette supposition, quelqu'éloignés qu'ils soient de
représenter les propriétés réelles , telles que la
capacité de saturation ; enfin Ton néglige vjtoute
considération de l'insolubilité des précipités ,
quoiqu'ensuite on la fasse entrer dans l'expli-
cation de leurs propriétés.
Ce que je viens d'exposer dans cette section
sur les affinités , ne doit plus s'appliquer à Faction
de plusieurs acides sur une base , ou de plusieurs
bases sur un acide , lorsqu'il y a des cbange-
iTients de température qui font varier la force
de cobésion , et sur-tout lorsqu'il y a une dif-
férence de dilatabilité qui s'accroît encore par
la cbaleur qui se dégage dans l'action chimique
ou qui est ajoutée.
Après avoir examiné les effets de faction opposée
de la liquidité et de la solidité , de l'acidité et de
l'alcalinité , je passerai aux changements que
é
DE l'acidité et de L ALCALINITÉ. I39
le calorique produit dans l'affinité réciproque des
molécules des corps et dans celle qui forme les
combinaisons.
NOTES DE LA SECONDE SECTION.
NOTE PREMIERE.
O
N peut juger par le degré Je solubilité des combinaisons
qui peuvent se former, des sels qui peuvent se trouver en-
semble dans un liquide , par exemple , dans une eau mi-
nérale , en considérant pour la commodité du langage ces
combinaisons comme jouissant dans le liquide d'une exis-
tence isolée : ainsi une eau ne peut contenir en même temps
du carbonate de soude et un sel à base calcaire. Elle n©
peut tenir en dissolution un sel à base de chaux avec un
Bulfate dans une proportion plus grande que celle qui peut
produire la quantité de sulfate de chaux qui peut être tenue
en dissolution, en accordant cependant une petite latitude
pour l'augmentation de solubilité que peut produire l'action
mutuelle des sels.
La différence de solubilité par différents degrés de tem-
pérature , est la cause d'un phénomène qui a d'abord été
observé par Schéele , et ensuite par Gréenj ( i ) : une eau qui
contient de la soude , de la magnésie , de l'acide sulfurique
Q) Journal des Mines, n?. XXYL
I. Q
îJo STATIQUE CHIMIQUE.
et Je l'acide muriatique , donne pendant i'évaporation, du
muriate de soude et par le refroidissement du sulfate de
magnésie 5 mais si cette eau est exposée à la congélation ,
c'est au contraire du sulfate de soude qui cristallise.
La solubilité du sulfate de soude diminue si rapidement
par l'abaissement de température, que selon l'observation
de Biagden ( i ) ce sel ne peut abaisser le degré de la congé-
lation de l'eau que d'un degré du thermomètre de Falire-
neitli , et alors il se sépare et cristallise promptement ,
pendant que celle du muriate de soude diminue irès-peu ,
et que ce sel peut abaisser la température de 28 degrés du
même thermomètre au-dessous de la congélation , sans se
précipiter lorsque sa proportion est d'une partie contre quatre
d'eau. Une température un peu plus basse que celle de
la congélation doit donc produire la cristallisation de sulfate
de soude , et la chaleur de l'ébullition qui augmente beau»
coup la solubilité comparative du sulfate de soude , celle
du muriate de soude. Cette différence , produite par la
température , est donc une suite naturelle de la cause d^
la séparation des sels par la cristallisation , et elle fait voir
d'une manière convaincante qu'on ne doit point dans la
réalité regarder les sels comme tout formés dans un li-
quide dont on peut les retirer , puisqu'en changeant les
rapports de solubilité , on fait alterner le.5 combinaisons
qui se forment ; mais que c'est leur différence de solubilité
dans les circonstances où ils se trouvent , qui produit leur
içéparation et leur cristallisation successive.
Gréen , qui regarde avec les autres chimistes les sels dan&
un liquide tels que les produit I'évaporation , dit que dès
que le sulfate de soude est séparé par le froid , il ne
donne plus du muriate de soude ^ lorsqu'on le mêle avec
du muriate de magnésie et qu'on le soumet à .I'évapora-
tion , et qu'il a fait sur cet objet plusieurs tentatives in*
(^i) Traus. pînios. T7S8,
DE l'acidité et de l' ALCALINITE. 1 3,t
1
fructueuses : je ne sais ce qui a pu le tromper , mais ayant
mêlé poids égaux de muriale de magnésie et de sulfate de
soude desséché j et ayant fait évaporer leur dissolution, il
s'est formé une croi^te épaisse de muriate de soude ; l'action
mutuelle des sels ne fait qu'augmenter jusqu'à un certain
point la solubilité du muriate de soude. ' • .*
Quoique le sulfate de soude ait beaucoup de solubilité
dans l'fau, il retient cependant faiblement cette eau dans
ses cristaux , comme le prouve la facilité avec laquelle il
tombe en efflorescence à l'air ; j'explique par là un fait
qui paraît au premier coup-d'œil se soustraire à la régie
que j'ai établie sur la formation des sels , en raison dé
leur solubilité ; lorsqu'on fait évaporer les eaux des salines
de la Meurthe , il se forme un dépôt abondant de sulfate
de soude , dépourvu d'eau de cristallisation , cependant
une partie du sulfate de soude reste dans l'eau-mère , et
ne cristallise que par le refroidissement : il arrive ici la
même chose que lorsqu'on mêle un muriate ou nitrate de
chaux desséché à une dissolution saturée de- nitrate d«
potasse 5 une partie du nitrate de potasse est précipitée^
parce que le sel à bass de chaux s'jcmpare d'abord ' d'iSné
partie de l'eau, quoique par son action il ait la pro^TÎ^té
d'augmenter là solubilité du liitrate de potasse.
On a encore lin résultat semblable , lorsqu'on fait éva-
porer un mélange de sulfaté d'animijoiaque et de muriate
de soude; il se forme un- précipité considérable desuliate
de soude pi-Lvé d?eau ^ quoique bésnl ait une solubilité k^
peu-près égale à celle du' muriate d'ammoniaque.
! Davy a fait des observations intéressantes sur les quan-
tités d'eau que le nitrate d'ammoiJiaqtie retient djins' sa
cristallisation, selon la tempi-rature à laquelle l'évaporatîfin
s'opère (i), et sur les changements que cett^- circcM-
(i) Bibliot. Britan. n', 148. -*i»>'"I ■"♦^ *?- ■
9-
ï3a STATIQTTE CHIMIQUE.
tance produit dans sa cristallisation. Les deux extrêmes
paraissent être le nitrate prismatique obtenu à la tempé-
rature de l'atmosphère et qui contient le plus d'eau de
cristallisation, et le nitrate compact ou en aiguilles très-
iiues qui résulte de l'évaporation à la température de 119-
degrés de Réaumur; le nitrate fibreux dont l'évaporation a
été faite à 17 degrés de Réaumur , tient le milieu entre
les premières espèces.
Il peut se faire que l'insolubilité d'un sel soit telle-
fnent dominée par l'action de l'une des substances qui
sont en présence, que son effet soit détruit et qu'il s©
f roauise un autre ordre de combinaison auquel on n'aurait
pas été conduit par la connaissance des solubilités des subs-
tances isolées ; ainsi lorsqu'on mêle la dissolution de l'oxide
<3e plomb par la soude avec une eau de sulfate de soude , il ne
se fait qu'un petit précipité (1). La plus grande partie de l'oxide
de plomb reste en dissolution , quoique le sulfate de plomb
soit insoluble , et qu'il résiste même fortement à l'action
des acides ; mais il est très - soluble dans la soude avec
laquelle il se trouve alors en contact , et il forme avec elle
un, sel triple , comme la jnagnésie avec l'ammoniaque et
l'âçide muriatique.
Les effets que j'attribue à la force de cohésion ne sont
réellement dûs qu'à l'insolubilité , c'est-à-dire nu rapport
de la force de cohésion , à l'action chimique de l'eau 5
de .là vient que les -combinaiisons que cette cause déter-
mine;, sont souvent très-différentes , lorsque la liquidité est
produite, par l'action seule de la chaleur.
Si l'oii pousse au feu, dans un creuset de platine , un
jnélange de muriate de chaux et de sulfate de baryte; il
entre en. fusion si liquide qu'il a l'apparence de l'eau ; après
Je refroidissement on trouve que la masse est composée df
{î) De l'influence des prop. Méin. de l'Inst. tom. III.
DE l'acidité et de l' ALC ALI NITÉ. IjS
sulfate de chaux et de muriate de baryte qu'on peut sé-
parer en grande partie par une prompte lotion ; car si l'on
se servait d'une ébullitinn prolongée , le sulfate de chaux
serait décomposé : cette expérience curieuse que j'ai répétéf^
est , à ce que l'on m'a dit , due aux travaux qui s'exé-
cutent dans le laboratoire de Sécuin.
o
Lorsqu'on soumet également à l'action de la chaleur un
mélange de sulfate de soude et de carbonate de chaux y
celui-ci entre en fusion très-liquide y et c'est par l'action
qu'exercent alors ses éléments que le sulfate , changé en
sulfure au moyen d'un mélange de charbon , se convertit
en carbonate dans le procédé qu'on doit au citoyen Leblanc
pour obtenir une soude propre à remplacer celle du com-
merce.
Ces observations prouvent que la force de cohésion qui
peut produire les effets les >plus énergiques , lorsque l'eau
sert de dissolvant , peuvent eu produire de contraires lorsque
les mêmes substances exercent une action mutuelle sans la
concours de l'eau : elles " confirment encore que le*
séparations qui ont lieu ne sont pas l'effet immédiat de
l'affinité comparative , mais de la force de cohésion qui
devient plus grande entre quelques substances qu'entr»
quelques autres dans les circonstances où elles se trouvent.
Les chimistes avaient distingué , à la vérité , les
affinités qui s'exercent par la voie humide y et celles qui
s'exercent ^ar /a voie sècJw y mais sans indiquer les cause»
rjui fesaient varier les effets d'ane force qu'ils regardaient
comme constante ; et ils conlondaipnt ceux qui sont dûs
à l'état différent de liquéfaction , et à la volatilité accruo
par l'action du calorique. Dans l'une des notes savantes que
Fischer a ajoutées à la traduction allemande de mes recher-
ches sur les affinités, il remarque que Hanhnemann avait
prononcé avant moi dans une traduction des arts chimiques
de Dtmachi , que les décompositions des combinaisons
l34 STATIQUE CHIMIQUE.
chimiques ne dépendaient que de leurs z-apports de soîu-»
bilité.
NOTE II (de Fischer).
X_iE sujet que Berthollet traite à la fin de la première
suite de son ouvrage sur les affinités a déjà été traité en
1793 par Richter dans sa stécliiométrie , S. 1^^, pag. 124.
Guyton en parle aussi dans les Mémoires de l'Institut ,
pour l'année 1 797 , sans avoir eu connaissance de l'ou-
vrage de Richter^ ^"i j quoique rempli d'expériences et
d'observations très •- intéressantes , est très-peu connu eu
Allemagne. Mais c'est la faute de l'auteur, qui devait les
séparer des hypothèses , et ne pas vouloir les mêler toujours
avec des calculs qui le rendent obscur pour beaucoup de
lecteurs.
Voici comment Richter l'exprime :
ce Si deux, solutions neutres sont mêlées ensemble , et
» qu'il s'en suive une décomposition , les produits qui en
33 résulteront seront presque sans exception , également
53 neutres , Mais si les deux solutions , ou une des deux ,
33 n'étaient pas neutres , les produits ne le seraient pas
33 non plus 33.
Richter n'a pas cité les exceptions , mais Berthollet en
cite quelques-unes qui ont lieu dans le cas où , dans le
mélange , il y a des sels métalliques : il n'y aurait peut-
être d'ailleurs aucune exception. Ii'idée de neutralité ne
semble point applicable à ces sels ; ils conservent tous un
excès d'acide dans l'état liquide ; leurs bases ne sont point
solubles dans l'eau _, et elles n'agissent point avec les acides
comme des alcalis. Ce sont cependant des conditions né-
cessaires à la neutralité. Quoiqu'il en soit , on pourra re-
garder avec Richter , Guyton et Berthollet , la loi comme
DE l'acidité et de l'alcaliîsmté. i35
stable f lorsqu'il s'agira d'une base alcaline et d'un acide.
On peut tiier de là les conclusions suivantes 5
I**. Les quantiiés de deux bases alcalines qui sont néces-
saires pour neutraliser des parties égales d'un acide , sont
en proportion des quauiités de ces mêmes bases , néces-
saires pour neutraliser tout autre acide.
Soient A et B deux acides , a et ^ deux bases alcalines.
Les deux sels neutres Aa , Bb, sont supposés tels que,
dans leur mélange ^ ils changent complètement de base.
Il résultera donc de cette supposition , que A d'abord
neutralisé par a j le sera ensuite par b , et que par con-
séquent les quantités de a et de b f qui sont capables de
neutraliser A , doivent être capables de neutraliser une autre
quantité de B, qui est fixe.
Il est clair qu'on peut changer les mots bases et acides
et que la loi est applicable à toutes les combinaisons
neutres , même lorsque Aa et Bb ne changent pas de
bases, puisqu'on pourra toujours renverser l'expérience eu
mêlant Ab avec Ba.
2°. Si on connaît Aa^ Ab , Bb par l'expérience , on
pourra trouver Ba par le calcul. Richter se sert de cette
conclusion pour trouver la proportion de neutralisation ,
lorsqu'il est difficile de la fixer immédiatement ; mais il
a détei'miné en grande partie les proportions par i'expé_
rience.
3°. Lorsqu'on aura trouvé par l'expérience combien il
faut d'alcali et de terre pour neutraliser j,ooo parties
d'acide sulfurique, nitrique ou muriatique , on verra bien
que chaque table contient d'autres nombres ; mais les
nombres de chaque table seront entre eux dans la même
proportion que les nombres de l'autre la donnent. Le
même cas aurait lieu si l'on examinait combien il fauS
d'acide pour neutraliser ijOOO parties de soude , d'am-
inoniaque ou de chaux
l36 STATIQUE CHIMIQUE.
C'est d'après cette vue que Richter a traité la matîèrer
Il s'est donné la j)eine d'examiner chaque acide , dans
sa relation envers les bases, par l'expérience et le calcul ,
et de donner ses résultats en tables 5 c'est ce qui remplit
la plus grande partie de ses ouvrages depuis 1791 5 jusqu'^à
j8oo.
II semble que Richter n'ait pas fait attention que toutes
ses tables peuvent être réduites dans une seule de ai
nombres , divisée en deux colonnes , au moyen desquelles
on peut les réduire toutes par une règle de trois. Voici
celle que J'ai calculée , d'après les nouvelles tables de
Richter, dont plusieurs diffèrent des précédentes. (Voyez
les cahiers 8 et 10 de ses idées sur de nouveaux objets
de la chimie. )
Acides,
Fluorique ^ij
Carbonique 5'jj
Sébacique 706
Muriatique 712
Oxalique 755
Phosphorique .... 979
Formique 988
Sulfurique lOOO
Succiuique. . . ,| . . 1209
Nitrique ....... i4'>5
Acétique. 14S0
Citrique i683
Tartareux 1694
Cette table veut dire que si l'on prend une matière d'une
de ces dexix colonnes , par exemple la potasse de la première,
à laquelle correspond le nombre i6o5 , les nombres de
l'autre colonne montreront combien il faut de chaque acide
Bases.
Alumine 525
Magnésie 6j5
Ammoniaque .... 672
Chaux • 793
Soude 859
Strontiane 1329
Potasse i6o5
Baryte 2222
DE l'acidité et de l' alc A l inité. iSy
pour neutraliser ces i6o5 parties de potasse; il leur faudra,
par exemple , 427 parties d'acide fluorique , S^j d'acide
carbonique , etc. Si on prend une matière de la secoiule
colonne , or se servira de la première colonne pour savoir
combien il faut de terre ou d'alcali pour la neutraliser.
Tous ces nombres peuvent, pour ainsi dire , être regardés
comme les représentants de la force d'affinité 5 et les matières
d'une colonne , qui sont proches l'une de l'autre , sont en
proportion inverse des deux nombres de l'autre colonne
qui leur correspondent. (Voyez BerthoUet , art. X et XV. )
La potasse et la soude sont en proportion de SSq à i6o5
envers chaque acide; mais il suit de l'examen de Berihollet
que les nombres ne suffisent pas pour expliquer , par le
calcul , les phénomènes de l'affinité simple et double.
On voit que l'ouvrage de Ilichfer contient des choses
excelli'r-ntes pour la théorie des affinités 5 mais il contient
aussi beaucoup d'hypothèses insoutenables, parmi lesquelles
je range ce qu'il dit de la grandeur des masses.
Richter donne à ses tables un ordre déterminé d'après
la grandeur des nombres ; mais il fiit des sous-divisions
à chaque colonne, plaçant séparément les trois alcalis du
côté des bases , ainsi que les acides fluorique , sulfurique ,
muriatique et nitrique du côté des acides. Il croit à la
fin qu'il doit exister une autre loi dans la manière dans
laquelle les nombres se suivent; et il trouve , après de
longs calculs, que ces nombres du côté des bases doivent
être regardés comme faisant parrie d'une progression arith-
métique , et ceux du côté des acides , comme faisant p.irtid
d'une progression géométrique (1).
(i) La série des trois alcalis est représentée par a, a-4-li , a -{-5b;
la série des terres par a, a-|-b, a-j-5b, a-f-gl», a-f-iol>. La série
des quatre acides niiaéraux est représentée par c, cd' , < il ' , cd',_
et la série des autres acides (excepté l'acide phosphoriquc ) , par c,
cd5, cd'^, cd«, cd", cd'*, c.d'i, cd'«.
l38 STATIQUE CHIMIQUE.
Il est certain que les nombres des tables peuvent être
regardés comme des séries en progression; mais Richter
se trompe ^ s'il croit y avoir trouvé la loi des proportions
de neutralité , ou des forces d'affinité. C'est la propriété
de tout nombre de pouvoir être considéré comme fesant
partie d'une série arithmétique ou géométrique (i). Ricliter
pouvait faire la même chose sans sa sous-division , comme
je l'ai fait dans la table que je viens de donner. C'est
encore plus facile , si on prend la liberté que prend de
temps en temps Richter , d'augmenter ou de diminuer un
nombre pour rendre la série plus complète.
(i) Si on prend des logarithmes d'une série de nombres, on voit
qu'ils peuvent être regardés comme faisant partie d'une série arithmé^
tique : les nombres de la série font alors partie d'une série géomé-
trique.
SECTION III.
DU CALORIQUE.
CHAPITRE PREMIER.
Des effets du calorique indépendants de ceux
de la combinaison.
90. 1-jA cause de la chaleur que je désigne par
calorique , quelle qu'en soit la nature , a une
puissance si étendue , elle lexerce dans des cir-
constances si variées , qu il importe de bien ap-
précier chacun de ses effets pour les évaluer
dans les phénomènes plus compliqués. Je com-
mencerai donc par rappeler les notions les plus
élémentaires sur les changements qu'elle produit
dans les corps qui ne sont soumis qu'à son action.
Lorsque plusieurs corps qui sont à différents
degrés de chaleur sont mis en contact , il s'établit
plus ou moins rapidement une température uni-
forme et commune à tout le système.
Si l'eau , à la température de zéro , mais encore
liquide , est mêlée avec un poids égal d'eau à
60 degrés , le mélange prend une chaleur de
^4o STATTQTTE CHIMIQUE.
3o degrés ; de sorte que le calorique se distribue
entre les substances homogènes en raison de leur
quantité.
91. Le partage de température ne se fait pas
d'après la même loi , lorsque les corps sont de
nature différente ou dans un état différent. L'ex-
périence fait voir, par exemple, qu'un métal
plongé dans un poids égal d'eau de tempéra-
ture supérieure , gagne plus de degrés de chaleur
thermométrique que l'eau n'en perd , et cela
se fait suivant des proportions différentes pour
chaque espèce de métal.
Il faut conclure de là que le calorique qui
augmente d'un degré la température de Teau
élèverait d'une quantité plus forte celle d'un
poids égal de métal , et qu'il y aurait pour chaque
métal un accroissement différent.
92. Une disposition analogue se manifeste dans
tous les corps ; ils prennent des températures
différentes par l'acquisition d'une même quan-
tité de calorique. On peut mesurer cette dis-
position ; pour cela on regarde comme unité
de calorique la quantité nécessaire pour élever
d'un degré la température de l'unité pondérale
d'un corps auquel on compare les autres. On
détermine par l'expérience la quantité de calo-
rique nécessaire pour élever aussi d'un degré la
température d'une unité pondérale d'un autre
corps. Cette quantité comparative de calorique
Dtr CALORIQUE. l4l
5 appelle le calorique spécifique du corps. On a
encore donne le nom de capacité de calorique à
cette propriété des corps d'exiger des quantités
différentes de calorique pour parcourir les mêmes
degrés de température , en la considérant comme
une puissance comparative dont ils jouissent.
Je me servirai indifféremment de ces deux ex-
pressions.
Un exemple rendra ceci plus sensible : sup-
'posons qu'un corps dont la température est
égale à zéro soit plongé dans un poids égal
d'eau à 5o degrés, et que la température du
mélange étant arrivée à l'état d'équilibre , elle
soit de 3o degrés : l'eau en communiquant au
corps une partie de son calorique , a perdu
20 degrés de sa température , et la même quan-
tité de calorique , à laquelle cette perte est due ;k^
en passant dans le corj)s plongé , en a augmenté
la température de 3o degrés.
Il est évident que si une même quantité de
calorique fait éprouver des changements dif-
férents de température à deux corps de même
poids, celui des deux qui aura éprouvé le plus
grand changement , a besoin de moins de
calorique pour varier d'un degré , et que cette
quantité sera plus petite en proportion de ce
que sa variation aura été plus grande : donc
les caloriques spécifiques de deux corps sont
jpn raison inverse des variations de tempe-
J^l STATIQUE CHIMIQUE.
rature que la même quantité dé calorique
produit dans deux poids égaux de ces corps.
Si Tun des deux corps était de l'eau , son calo-
rique spécifique pourrait être pris pour l'unité',
et il serait facile , d'après ce qui vient d'être i
dit , de déterminer le calorique spécifique de
lautre corps en le rapportant à cette unité.
En reprenant la supposition précédente , on
trouverait que le calorique spécifique du corps
est à celui d'un poids égal d'eau comme ao à
3o, ou comme 2 à 3 ; c'est-à-dire que celui
de l'eau étant égal à i , celui du corps sera \.
D'après ce qui précède, on peut établir 1*
règle suivante : Si , ayant plongé un corps dans
un poids égal d^ eau de différente température ^
et ayant laissé établir V équilibre , on écrit un&
fraction qui ait pour numérateur Id vdriatioÀ
de température éprouvée par Veau , et pour dé-^
nominateur la variation éprouvée par le corps ;
on aura V expression du calorique spécifique de
ce corps. ' '
Si l'on n'avait pas employé i^n poids d'eau
égal à celui du corps, il faudrait multiplier les
résultat par le poids de l'eau, et le diviser par
le poids du corps.
93. Ce que l'on vient d'observer n'est vrai
qu'autant que les corps mis en expérience de-
meurent dans un état constant ; mais si étant
préservés de toute combinaison, ils passent de
DU CALORIQUE. l43
l'état solide à l'ëtat liquide ou réciproquement , il
se présente d'autres phénomènes : Teau en offre
un exemple remarquable.
Lorsqu'on mêle un poids quelconque d'eau
solide ou glace , dont la température soit à zéro
du thermomètre avec un poids égal d'eau à 60 de-
grés , il en résulte un poids double d'eau liquide
à la température de la congélation.
Ce phénomène ne pouvait être prévu , d'après
ce que nous avons dit jusqu'ici relativement au
partage de la température. En l'examinant en
lui-même , nous voyons que l'eau solide est de-
venue liquide sans gagner de température , et
que l'eau liquide en a perdu 60 degrés. Le ca-
lorique qui la tenait à cette température a donc
été totalement emplové à la liquéfaction de la
glace , et les vraies conclusions de ce fait sont
les suivantes :
Lorsque la glace passe à réiat liquide elle
se combine avec une quantité de calorique ca-
pable d'élever un poids égal d'eau depuis zéro
jusqu'à 60 degrés du thermomètre.
-A la température zéro , l'eau solide dijfère
de l'eau liquide en ce que celle-ci contient de
plus le calorique capable d'élever le même poids
d'eau depuis la température zéro jusqu'à 60 de-
grés^ mais ce calorique, en se combinant, a perdu
sa puissance sur le thermomètre.
Il est facile d'après cela de concevoir comment
t44 STATIQUE CHIBIIQUE.
il arrive au milieu d'une température supérieure
à la congélation , que le thermomètre environné
de glace pilée reste constamment à zéro, et ne
commence à s'élever que lorsque toute la glace
a pris l'état liquide.
94. La liquéfaction n'est pas la seule circons-
tance où le calorique se combine en perdant sa
puissance sur le thermomètre.
Un thermomètre plongé dans l'eau qu'on
échauffe , indique les degrés de la température
que l'eau prend successivement, jusqu'à l'ébul-
lition ; mais il demeure stationnaire à ce degré ;
la chaleur qu'on ajoute ne fait qu'accélérer la
réduction de l'eau en vapeur , et ne produit
aucune variation de température ; le thermo-
mètre , transporté dans la vapeur , est encore
stationnaire pendant qu'il reste de l'eau dans
l'état liquide ; mais dès que sa conversion en
vapeur est totale , le calorique qui continue de
se combiner exerce la puissance thermomé-
trique, et la température s'élève.
Ce fait prouve que lorsque l'eau passe de
l'état liquide à celui de vapeur , le calorique s'y
accumule en perdant , comme , dans la liqué-
faction , sa puissance sur le thermomètre ; la
quantité de calorique qui disparaît par là, élè-
verait , suivant les expériences du célèbre Watt ^
un même poids d'eau qui ne se réduirait pas
en vapeur à 943 degrés du thermomètre de
PU CALORIQUE. l/j[5
Fahreneith , ou à-peu-près à 5oo degrés du cen^
tigrade
95. Le calorique qui s'est ainsi combiné, re-
paraît en produisant les effets thermomëtriques ;
lorsque la vapeur de leau , par exemple , reçue
dans un récipient, lui cède le calorique auquel elle
doit l'état de vapeur et reprend l'état liquide, la
réduction en liquide continue jusqu'à ce que le
récipient ait acquis la température de l'ébul-
lition.
De même leau qui étant exposée au froid , a
pris , sans cesser d être liquide , une température
inférieure à la glace, fait remonter le thermo-
mètre à la congélation , au moment où elle se
solidifie. La quantité de glace qui se forme dans
cet instant dépend de la proportion d'eau qui
demeure liquide , et peut absorber le calorique
abandonné par l'autre portion , et du degré de
froid qui existait dans toute la masse ; de sorte
qu'en connaissant le poids de leau et le degré
de froid auquel elle est parvenue , on peut dé-
terminer la quantité de glace qui se formera.
96. Des effets analogues ont lieu dans tous les
corps, lorsque par finfluence seule du calorique
ils passent de l'un à l'autre des trois états de
solide , de liquide , et de vapeur.
Le calorique qui saccumule en perdant sa
puissance sur le thermomètre , a élé appelé clia-
leur latente ou calorique latent, et l'on a dési'^ué
I- lO
ï46 STATIQUE CHIMIQUE.
par calorique libre celui qui produit les effets
thermomëtriques.
97. Lorsqu'un corps est exposé dans une
atmosph^^-rede température supérieure à lasienne,
il s écliauffe insensiblement jusqu'à ce que toutes
ses molécules ayent pris la température du fluide
environnant ; mais si ce corps est une masse
de glace dans Fétat de température qui précède
immédiatement la liquéfaction , les molécules
qui forment sa couche la plus extérieure se
^combineront avec le calorique, et se résoudront
en liquide : la couche suivante se liquéfiera à
son tour : à chaque opération le calorique qui
liquéfie la glace devient latent et perd le pouvoir
d'altérer la température du noyau ; elle demeure
donc constamment à zéro ; mais à des degrés
inférieurs elle prend , comme les autres corps ,
une température uniforme.
Concevons actuellement un espace fermé de
tous les côtés par une enceinte de glace à la
température de zéro ; il n'y aura pas de com-
munication entre l'intérieur et l'extérieur ; la
surface de glace présentant de chaque côté des
limites au-delà desquelles le calorique ne peut
agir , les couches intérieures se liquéfieront
jusqu'à ce qu'elles aient épuisé tout le calorique
qui élève la température intérieure au-dessus de
Kéro , et il n'en sera pas liquéfié au-delà.
98. On a été conduit par ces coasidération^f
DO CALORIQUE. \[^n
à mesurer la quantité de calorique qui se de-
gage pendant un phénomène quelconque , par
un moyen différent de celui qui a été expose (92) :
il suffit que le phénomène ait lieu dans l'espace
intérieur de l'enceinte de glace ; si on recueille
soigneusement toute l'eau qui s'est formée, elle
indiquera le calorique qui s'est dégagé et qui est
devenu latent par la liquéfaction de la glace.
Pour ramener le résultat de cette éjjreuve à
i'unité de calorique établie ci-dessus , on na qu'à
nuiltiplier le poids de l'eau par 60 , et on aura la
quantité d'eau dont la température serait élevée
d'un degré par le calorique dégagé.
Les quantités de calorique éliminées pendant
le refroidissement d'un corps , sont comparables
à celles qui se dégagent pendant un phénomène
chimique au moyen des poids d'eau dont elles sont
capables d'augmenter la température d'un degré,
car elles sont directement proportionnelles à ces
poids.
99. Pour donner de la précision à ce genre
d épreuve , on a imaginé un instrument appelé
calorimètre. C'est aux expériences faites avec cet
instrument par Lavoisier et Laplace , qu'on doit
et les connaissances les plus précises sur les
effets du calorique et la théorie la plus exacte
sur la chaleur. C'est cet ouvrage important qui
me sert principalement de guide (i).
(1) Mém. sur la chaleur. Acad. des Sciencp-s , 1780.
10. .
i/|8 «TATIQUB CHIMIQUE
Le calorimètre doit être considéré comme
composé de deux capacités concentriques , et
séparées par une cloison métallique : l'une et
l'atitre renferment de la glace pilée.
Il est important que la glace extérieure soit
toujours au terme de la liquéfaction , afin que
son contact maintienne la glace intérieure à la
température zéro.
Celle-ci doit être humectée avant que d'être
mise en place , afin que l'eau qu'elle retient , lors-
que l'expérience finit, n'affaiblisse pas le résultat.
{Note HT.)
loo. Pour déterminer la capacité de calorique
d'un corps , on en place dans l'enceinte inté-
rieure une unité pondérale élevée à une tem-
pérature déterminée ; on recueille exactement ,
par le moyen d'un robinet, l'eau qui est due
à la liquéfaction de la glace par le calorique que
communique le corps mis en expérience pour
passer de la température où il était au degré
de la congélation ; l'épreuve détermine- donc la
quantité de calorique qui se dégage de l'unité
pondérale de ce corps : la température du corps
is'est abaissée d'un certain nombre de degrés , pour
prendre celle de la glace ; on divise par ce nombre
et on a le dégagement de calorique correspondant
k la variation d'un degré. i^
Si la masse du corps soumis à l'épreuve n'était pa^
^gale à l'uni té pondérale, on diviserait le résultat
»Tr CALORIQUE. r/fC)
de l'expérience par le poids du corps , et on aurai I;
le résultat correspondant à l'unité pondérale.
loi Si l'on compare les éléments employés
dans la méthode (92), avec ceux de la déter-
mination actuelle, on verra qu'ils sont les mêmes
et que les deux méthodes conduisent aux mêmes
résultats ; cependant elles diffèrent par quelques
circonstances qui donnent presque toujours à
l'une beaucoup d'avantage sur l'autre.
La méthode des mélanges exige qu'on fasse
entrer dans les résultats l'effet des grands vases
dont on fait usage , et la dissipation de la chaleur
qui est communiquée, soit à l'atmosphère, soit
aux corps environnants , tandis que la tempé-
rature du mélange parvient à l'uniformité ; la
différence de pesanteur spécifique des subs-
tances , telles que l'eau et le mercure , est un
obstacle qui rend l'équilibre de température dif^
ficile à obtenir ; l'action que l'eau exerce sur
plusieurs corps comme dissolvant , complique
le résultat, et la difficulté de démêler les effets
devient insurmontable , lorsqu'il se forme une
combinaison , ou qu'il y a ch{>ngeraent de cons-
titution , comme dans la combustion et la res-
piration : enfin on ne peut employer les subs-
tances gazeuses qu'en si petite quantité, que cette
espèce d'épreuve devient alors tout-à-fait illusoire.
L'usage du calorimètre n'exige qu'une cor-
rection facile , c^Ue de l'effet produit par la
l5o STATIQtJE CHIMIQUE.
capacité du calorique du vase qui contient les
corps liquides mis en expériences ; il est propre
à déterminer le calorique qui se dégage dans tous
les phénomènes chimiques, ainsi que celui qui
abandonne un corps pendant qu'il se refroidit.
Il est cependant difficile de déterminer par
son moyen le calorique spécifique des substances
gazeuses , parce qu'il faut en employer des vo-
lumes considérables pour liquéfier une certaine
quantité de glace : pour cet objet on en fait
passer un volume déterminé dans une espèce de
serpentin contenu dans le calorimètre; on ob-
serve la température, qu'on lui a donnée, parle
moyen d'un thermomètre placé dans le tube qui
le conduit, et celle qu'il conserve en sortant
de l'appareil : l'on juge du calorique qu'il a
abandonné par la quantité de glace qu'il a pu
liquéfier. Quoique les expériences sur les subs-
tances gazeuses n'aient pas été faites avec la
précision que les auteurs se proposaient d'y
porter , leurs premiers résultats doivent être
regardés comme des approximations beaucoup
plus grandes que celles qu'on a obtenues par les
mélanges.
I02. Les observations précédentes expliquent
les différences considérables que l'on trouve entre
les déterminations de Crawford qui s'est servi
de la première méthode (i) - et celle de Lavoisier
(i) On animal Iieat.
Y)\J CALORIQUE. î 5 1
et Laplace. On n'est plus surpris des vacillations
fie Crawford , qui dans les premières épreuves
a attribué au gaz oxigène une capacité de ca-
lorique 87 fois plus grande que celle de leau ,
et qui dans des épreuves postérieures l'a réduite
à 4?74<> ■> pendant que les derniers ne la trou-
vent que de o,65 (i) ; et quoiqu'ils ne proposent
cette détermination qu'avec beaucoup de réserve,
elle doit ce23endant inspirer plus de confiance
que celle de Crawfoi'd.
io3. On a vu que dans les modifications de
température qui s'opèrent par des mélanges , le
calorique se distribue en raison des capacités et
des quantités , et que dans les changements d'état
des corps , il s'accumule ou s'exprime de ma-
nière que dans les changements inverses , les
corps en reprennent la même quantité. Un effet
semblable a lieu dans les successions de com-
binaisons qui sont accompagnées d'une absorp-
tion ou d'un dégagement de calorique ; les au-
teurs du mémoire sur la chaleur ont établi sur
ces considérations les principes suivants.
Si dans une combinaison ou dans un chan-
gement d'état quelconque , // y a une diniinu-
tîon de chaleur libre ; cette chaleur reparaîtra-
toute entière lorsque les substances reviendront
à leur premier état , et réciproquement , si daiis^
(i) Recueil dcMéra, par Séguin , tom. I>
'^^ STATTQTTE CHIMÎQITi;.
la combinaison ou dans le changement cVêtat ,
il y a une augmentation de chaleur libre, cette
nouvelle chaleur disparaîtra dans le retour des
substances à leur état prinùiif.
En généralisant ce jyrincipe , toutes les va-
riations de chaleur , soit réelles, soit appa-
rentes cju' éprouve un système de corps en chan-
geant d'état , se reproduisent dans un ordre
inverse , lorsque le système repasse à son pre-
mier état.
104. Le calorique produit sur les corps un
autre effet dont il faut reconnaître les rapports
avec les changements de température ; il les
dilate et accroît leurs dimensions.
La dilatation que les corps éprouvent par
une certaine élévation de température est beau-
coap plus considérable dans les fluides élastiques
que dans les liquides , et dans ceux-ci que dans
les corps solides.
Les liquides ne diffèrent pas seulement entre
eux par lexpansibilité , mais on a observé que les
dilatations d'un même liquide n'étaient pas pro-
portionnelles aux accroissements de température,
et elles augm 'ntent progressivement lorsqu'il
approche du teime où il doit se réduire en
vapeurs (i).
Dans les expériences qui ont été faites par
(i) De I.UC. modif. de l'atm. tom. II, édit. in -8^.
BU CALORIQUE. l53
par Ellicot, Sméathon (i), le gênerai Roy (i),
Laplace et Lavoisier (3) , sur la dilatation des
corps solides par la chaleur , on ne trouve aucun
rapport entre ces dilatations et la capacité de
calorique des corps, leur dureté et leurs autres
propriétés connues , si ce n'est , à ce qu'il me
parait , avec leur fusibilité ; ainsi parmi les
métaux, c'est le platine qui se dilate le moins,
et le plomb et le zinc qui présentent cette pro-
priété au plus haut degré ; parmi les verres , celui
où il entre de Toxide de plomb se dilate beau-
coup plus que ceux qui n'en contiennent pas.
On peut donc présumer qu'il en est des solides,
relativement à la fusibilité , comme des liquides ,
par rapport à la vaporisation , et qu'une même
substance solide n'éprouverait pas des degrés
imiformes de dilatation à des températures
éloignées ; mais qu'en approchant du terme de
la liquéfaction , les dilatations deviendraient
proportionnellement plus grandes.
On trouve ici une confirmation du principe
que les causes chimiques exercent une influence
avant que les effets qu'elles doivent produire
puissent se manifester (ii).
io5. Ces observations font voir que la chaleur
dilate les corps d'une manière inégale entre eux.
(i) Trans. pKilos. 1788.
(3) Jlid, 1785.
(5) Mém. recueillis par Séguin , tom. II.
l54 STATIQUE CHIMIQUE.
Les liquides éprouvent par les mêmes tempéra-
tures un effet beaucoup plus grand que les so-
lides , et fort inférieur à celui des fluides élas-
tiques ; mais dans le passage d'un état à l'autre ,
les dilatations participent à celles qui appar-
tiennent à l'état que la substance doit prendre;
enfin les dilatations de volume ne correspondent
pas aux changements de température , lorsqu'un
(îorps passe de l'état solide à l'état liquide , ou
de celui-ci à l'état de fluide élastique : il faut
voir comment l'on peut concilier ces apparences
diverses avec les lois auxquelles l'action du ca-
lorique est soumise, et qui viennent d'être ex-
posées , et quelle correspondance peut exister
entre les effets thermométriques et les quantités
de calorique qui se combinent.
io6. Dansquelqu'état qu'vme substance se trou-
ve , sa température se met en équilibre avec celle
des autres corps (90); de sorte que le calorique
tend toujours à se mettre dans des proportions
correspondantes , selon l'état des substances entre
lesquelles il se distribue.
Pictet désigne par tension cette propriété du
calorique , de se distribuer uniformément entce
différents corps , non en raison de leur masse
mécanique , mais de la capacité qu'ils ont dans
l'état où ils se trouvent, de manière à produire
entre eux un équilibre de température : on peut
la comparer à l'effort d'une substance élastique
BTTCAtORIQTTE. l55
qui se met en équilibre d élasticité arv^ec les autres
substances semblables qui réagissent contre elle ;
cependant il faut la distinguer de cette force ex •
pansive qui appartient aux fluides élastiques ,
quoiqu'elle en soit le principe elle agit dans tous
les corps indifféremment , quelque soit leur
état ; mais son effet est d'autant plus grand
qu'il y a plus de distance entre leurs tempé-
ratures , d'où l'on peut tirer cette conclusion ,
que le calorique agit avec d'autant plus cVé'
ncT'gie entre les corps dont la température est
différente , que sa tension est plus grande.
J07. Nous avons vu que la température n'était
point élevée pendant que la glace se liquéfiait,
le même phénomène a lieu dans les autres corps
solides qui passent à Tétat liquide , à moins que
cet effet ne soit déguisé par d'autres : ce qui fait
voir que l'élévation de température dans les
corps solides ne dépend que de la résistance
qu'oppose la force de cohésion à celle du calo-
rique , et l'observation nous avait déjà conduit
à considérer ces deux forces comme opposées.
Mais lorsque l'on change par la compression
la distance que les molécules obéissant à
leurs dispositions naturelles doivent avoir
entre elles , suivant l'action qu'elles éprouvent
du calorique , elles abandonnent le calorique qui
est en excès dans la condition où elles se trou-
vent , et leur température est élevée de tout cet
1 56 s T A TI Q U E C H I M I QtT B.
excès , jusqu'à ce qu'elles l'aient cëdë aux autre,9
corps , ou qu'elles aient pu reprendre l'état d&
dilatation dans lequel elles se trouveraient en
équilibre de température ; de là la chaleur pro-
duite par la compression et par la percussion.
Les effets qui sont produits dans les liquides
par le calorique , ont d'une part de l'analogie
avec ceux que l'on observe dans les solides , et
d'autre part avec ceux qui ont lieu dans les
fluides élastiques ; mais dans ceux - ci c'est
la compression de l'atmosphère qui paraît subs-
tituée à l'action réciproque des molécules , et
qui détermine les proportions de calorique ,
selon les changements de température ; c'est aussi
de cette compression que dépend la température
à laquelle un hquide peut parvenir avant de se
réduire en vapeur. Il convient donc d'examiner
d'abord les rapports qui existent entre la com-
pression et la température dans les fluides élas-
tiques pour en distinguer les effets de ceux de
Faction réciproque des molécules, et pour cela
il faut reconnaître ce qui arrive aux fluides élas-
tiques lorsqu'ils sont soumis à une compression
égale, mais à différentes températures, et lors-
qu'ils éprouvent une différente compression , la
température restant la même.
io8. Les physiciens ont tâché depuis long-
temps de déterminer les dilatations que les gaz
éprouvaient par l'élévation de température , mais
DU CALORIQUE. iB'J
îes opinions étaient restées flottantes par la di-
versité des résultats de leurs expériences : un
jeune chimiste, GayLussac, dont les talents me
sont en particulier d'un grand secours , a fixé
les incertitudes dans un mémoire qu'il a lu à
l'institut (i), et dont je vais présenter l'extrait.
Deluc, en comparant les hauteurs trouvées
par le baromètre à celles qu'il avait mesurées
géométriquement , a trouvé que vers la tempé-
rature i6o^ qu'il appelle température fixe , l'air
atmosphérique se dilate de rfr de son volume
pour chac{ue degré.
Vers le 1 5^ degré , le général Roy a attribué
à l'air sec , une dilatation de 777 , et à l'air hu-
mide une dilatation beaucoup plus forte. Saussure
observe à cet égard que ce physicien ayant in-
troduit dans son appareil , soit de l'eau liquide ,
soit de la vapeur d'eau , il a confondu deux
choses qu'il était essentiel de séparer , savoir la
conversion de l'eau en vapeur élastique , et la
dilatation de l'air unie à cette vapeur. D'après
des expériences faites depuis le 6^ degré jusqu'au
22^; il fixe à 7^ la dilatation de l'air sec, et de
<?elui qui est plus ou moins humide , mais tenant
toujours son eau en parfaite dissolution , évi-
tant d'ailleurs soigneusement qu'il put se former
de^ nouvelles vapeurs.
(1) Ar.n. de Cliim. Thtrni. an 10.
j58 statique chimique.
Piiestley est le premier qui se soit occupé de
la dilatation des autres gaz ; mais ses expériences
ne donnent que des dilatations relatives très-dif-
férentes les unes des autres , et lui-même ne
leur accorde pas beaucoup de confiance.
Enfin Guyton et Prieur ont attribué à chaque
gaz une dilatation particulière et très-croissante
en approchant du terme de fébullition de l'eau.
Ils ont trouvé pour le gaz azote . par exemple ,
que depuis o jusqu'à ao% il se dilate de ^ de
son volume pour chaque degré ; depuis 20 jus-
qu'à 4o° de -^ ; depuis 4o° jusqu'à 60 de ^ ,
et dc^puis Go^ jusqu à 80 de plus de -J ; mais
cette progression très-croissante et la différence
de leurs résultats doivent être rapportées prin-
cipalement à l'ean qu'ils auront laissée dans leur
appareil , et qui comme l'on sait , prend d'autant
plus facilement l'état élastique que sa tempé-
rature est très-élevée. Il sera dont arrivé à 80°
que Feau en se convertissant abondamment en
vapeur , aura expulsé de leur appareil beaucoup
d air qui ne l'aurait pas été sans elle , et que
parconséquent ils auront attribué à l'air restant
une dilatation trop forte.
Ce sont ces grandes variations dans les résultats
des physiciens sur la dilatation des gaz , qui ont
déterminé Gay Lussac à traiter de nouveau cet
objet. En évitant dans ses appareils toutes les
causes d'erreurs qu'il a pu prévoir, sur-tout la
D U C A L O R I Q U E. I Sq
présence de l'eau, il a reconnu que l'air atmos-
phérique , les £^az oxigène , hydrogène , azote ,
iiitreux , ammoniacal , acide carbonique , acide
sulfureux , acide muriatique , et la vapeur de
Tether sulfurique se dilatent également par les
mêmes degrés de chaleur, et que depuis o jus-
qu'à 8oo , loo parties de chacun des gaz per-
manents prennent un accroissement de ?>'] p. 5o,
ou de ~ du volume par chaque degré.
Ce coefficient ~ semble différer bien peu de
de celui ^ de Deluc ; mais Gay Lussac observe
que la différence des températures desquelles ils
sont partis, en établit une très-sensible entre leurs
résultats. Il fera voir ailleurs que les coefficients
varient avec les températures d'où l'on part , et
il déterminera la loi des variations.
Il a remarqué qu'en approchant du terme de
l'ébullition de l'éther , les condensations de sa
vapeur sont un peu plus rapides que celles des
gaz , ce qui correspond à la plus grande dila-
tation que les liquides éprouvent lorsqu'ils ap-
prochent de l'ébullition , et à celle qui se fait
remarquer dans quelques liquides près de la
congélation ; mais l'effet n'est plus sensible quel-
ques degrés au-dessus de celui où s'est fait le
passage de l'état liquide à celui de fluide élas-
tique.
Priestley , Guyton et Prieur ont trouvé au
gaz ammoniacal une très-grande dilatation. Si
1
l6o STATIQUE CHIMIQUE.
Ton reçoit directement dans un appareil le gaz
ammoniacal provenant de la décomposition du
muriate d'ammoniaque par la chaux ordinaire ,
on trouvera aussi une très-grande dilatation ;
mais dans ce cas on observera sur les parois de
l'appareil , lorsque la température sera abaissée ,
un peu de liquide et quelques points cristallins
qui sont du muriate ou du carbonate d'ammo-
niaque ; si Ton fait séjourner le gaz sur la po-
tasse caustique avant de l'introduire dans son
appareil , on trouvera qu'il se dilate comme les
autres gaz ; mais alors on ne verra dans le réci-
pient ni liquide, ni molécules cristallines. Cela
prouve qu'outre les liquides il faut encore éviter
scrupuleusement , dans les recherches sur la
dilatation des gaz , les corps solides qui sont
susceptibles de prendre l'état élastique à la tem-
pérature à laquelle on les expose.
Puisque la solubilité plus ou moins grande
des différents gaz , ni leur plus ou moins grande
densité sous la même pression et à la même
température , ni la nature particulière des gaz
et des vapeurs n'influent point sur leur dila-
tation , et qu'elle dépend uniquement de leur
état élastique, on peut conclure généralement
crue tous les gaz et toutes les vapeurs se dila-
tent également par les mêmes degrés de cha-
leur.
H est donc confirmé par là que tous les gaz
DU CALORIQUE. l6l
tt Tair atmosphérique qui tiennent plus ou moins
d eau en dissolution , sont également dilatables.
Saussure avait reconnu cette propriété dans l'air
atmosphérique.
Tous les gaz étant également dilatables par la
chaleur, et également compressibles , et ces deux
propriétés dépendant 1 une de l'autre , les vapeurs
qui suivent les mêmes lois de dilatation doivent
aussi être également compressibles; mais cette
conclusion ne peut être vraie qu'autant que les
vapeurs comprimées restent entièrement dans
l'état élastique, ce qui exige que leur température
soit assez élevée pour les faire résister à la pres-
sion qui tend à leur faire prendre l'état liquide.
109. Ces expériences font voir que l'action réci-
proque des molécules n'a plus aucun effet sen-
sible dans les gaz , mais que la compression étant
constante , les dilatations produites par la tem-
pérature sont les mêmes pour tous , et que tous
les liquides qui ont pris l'état de gaz se trou-
vent soumis aux mêmes lois ; de sorte que leur
constitution ne dépend plus que de l'action du
calorique et de la résistance de la compression.
L effort élastique d'un gaz pour occuper le vo-
hime qui convient à sa température, croît dans
le même rapport dans tous les gaz et dans toutes
les vapeurs, si elles ne peuvent effectivement
recevoir ce volume , et l'effet comparatif du ca-
lorique à différentes températures , est mesure
II
iba STATIQUE CHIMIQUE.
par lo tension qui en i('^ulte dans le fluide élas-
tifjiie; mais si le volume peut se dilater en li-
berté, la tension reste la même, et tout Teffet
du calorique se borne à la dilatation du volume:
Ce n'est donc que parce que la compression
s oppose à la dilatation, que la température s'é-
lève , et l'im de ces deux effets peut suppléer
à lautre. La compression remplace l'action ré-
ciproque des molécules ; avec cette différence ,
que c'est une même force pour tous les gaz ,
et que ses effets sont uniforines et proportion-
Dcis à son intensité , au lieu que faction réci-
proque des m^olécules varie dans chaque subs-
tance.
iio. Puisque la compression remplace l'action
réciproque des molécules, il est manifeste qu'en
diminuant la compression sans changer la tem-
pérature , on doit accroître le calorique en pro-
portion de la dilatation du volume.
Si l'on dilate l'air par le moyen d'une ma-
chine pneumatique , il doit donc se faire ime
absorption de calorique proportionnelle SLUst
changements qui sont produits dans le volume
de l'air , pour qu'il puisse être en équilibre de
teiTipérature avec les corps dont il est environné.
Cependant le thermomètre , plongé dans cet air ,
n'éprouve qu'un abaissement léger qui paraît
Sic pas correspondre à l'effet que je su])pose î
-c'eiJt que le changement qu'indique le therrao>
D U C A L O R I Q U E. 1 63
mètre est dû à la distribution du calorique
entre lui et les substances avec lesquelles il se
trouve en contact selon leur niasse respective ,
et selon leur capacité de calorique. Lorsqu'on
plonge un thermomètre dans un liquide , sur-
tout lorsque la quantité du licfuide est consi-
dérable relativement à lui , 1 influence qu'il a
par lui-même, en partageant sa propre tempé-
rature avec celle du liquide , est si petite qu'on
la néglige sans qu'il en réî,ulte aucune erreur
sensible : il en est tout autrement lorsqu'on fait
l'expérience avec l'air; celui-ci , dont loo pouces
cubes ne pèsent qu'environ 46 grains, se trouve
en contact non-seulement avec le thermomètre
qui a plusieurs fois autant de pesanteur , mais
sur - tout avec une grande circonférence dont
une partie est métallique , et par conséquent
très-propre à soustraire promptement la chaleur
dégagée : il ne doit donc y avoir qu'une très-
petite partie de l'effet de son changement de
température qui agisse sur le thermomètre , et
son indication se trouve affectée de toute la dif-
férence qui dépend de la quantité de l'air qui
absorbe du calorique et des corps qui lui en
fournissent. Il n'est donc pas surprenant que
les changements très-grands qui se font dau5
les proportions du calorique relativement à lair ,
n'en produisent que de très-petits dans la tem-
pérature du thermomètre.
II..
*C4 STATIQUE CHIMIQUE.
Cest au changement cousideFable de tempe-
ra ture qui a lieu dans l'air qu'on dilate par la
pompe pneumatique , qu'est due la formation
de ce nuage dont on a donné différentes ex-
plications , et qui se redissout promptement ,
parce que l'air reprend la température des corps
ambiants. Si l'abaissement de température n'était
beaucoup plus grand qu'on ne le suppose , il ne
serait pas une cause suffisante du phénomène.
Ce que je viens de dire sur la dilatation doit
s'appliquer aux effets de la compression ; lors
donc que l'on comprime l'air , il en sort une
quantité de calorique qui est proportionnelle à
la diminution du volume. {Note IV^.)
III. On peut opposer que lorsque l'air éprouve
«ne compression , l'augmentation de son ressort
fait voir qu'il tient une quantité de calorique ,
qui étant lui-même dans un état de compression ,
est la cause de cet effort; ce qui prouve que
c'est la même quantité de calorique qui produit
l'équilibre de température dans les deux cir-
constances , c'est que si après avoir comprimé
l'air on le remet en liberté , il se produit un
refroidissement qui correspond à la chaleur
qui avait été dégagée. S'il eût retenu dans la
^•ompression une plus grande quantité de ca-
lorique que celle qui convenait à la réduction
de son volume dans la température donnée ,
il ne reprendrait pas les dimensions qu'il doit
1
© TT C A L O R I Q n F. TD5
avoir sous la nouvelle compression ; il s'arrê-
terait au terme où le calorique comprimé se
trouverait en équilibre avec l'action des corps
voisins , et il n'y aurait pas de refroidissement
dans ces corps ; ce n'est donc point par l'effet du
calorique plus comprimé , qu'il tend à reprendre
son premier état. Je ne puis confirmer plus solide-
ment cette théorie que par l'opinion de Laplace ^
qui a bien voulu me remettre la note ci-jointe.
( Note r. )
La chaleur qui se dégage des corps solides par
les moyens mécaniques qui en rapprochent les
molécules , et celle qu'on exprime des fluides
élastiques par la compression , étant un effet du
rapprochement des molécules , ( Note VI. ) on
voit pourquoi le frottement , l'agitation et la
compression des liquides ne produisent pas de
chaleur appréciable , puisqu'ils ne sont pas sen-
siblement compressibles.
lia. Présumons à présent pour déterminer
•quelle est la différence de l'action du calorique
sur les corps , selon l'état dans lequel ils se
trouvent , et quels sont les phénomènes qu'il
produit dans leur passage d'un état à un autre.
Il y a cette différence entre les corps solides,
les liquides , et les fluides élastiques , que dans
:ies premiers le calorique a une proportion d6-
terminée avec l'état de dilatation qu'ils éprouvent
«n rais^on de la température et de l'action rô
l66 STATIQUE CHTMIQTJE.
ciproqiie de leurs molécules ; lorsqu'un corps
devient liquide, celle-ci cesserait d'avoir son
effet sans une compression étrangère ; mais
celte compiession maintient les molécules à
une distance où leur action réciproque peut
encore produire un effet : la diminution de la
résistance permet au calorique de s'accumuler jus-
qu à un certain point , sans accroître la tempéra-
ture ; et Ton trouve dans cette diminution la cause
pour laquelle les liquides peuvent éprouver une
dilatation plus grande que les solides , par les
mêmes élévations de température; enfin la résis-
tance continuant de s'affaiblir,, le calorique de-
venu prépondérant la détruit entièrement, et il
s'accumule jusqii à ce que rélasticité qu'il peut
communiquer au fluide élastique soit en équilibre
avec la compressipn : celle-ci est devenue le seul
obstacle qui , selon son intensité , fait varier l'état
du nouveau gaz.
Dans cette suite de phénomènes on trouve
un rai)port constant entre les quantités de ca- .
lorique et les conditions sous lesquelles se
trouve placé le corp>s qui en éprouve l'action :
la température quil reçoit ne corresjïcnd point
à raccumtJJation du calorique , puisqu'un corps
peut en prendre une grande quantité sans qu'elle
changé; la dilatation en est un indice plus sûr ;
mais on voit aussi qu'elle! n'est point proportion-
nelle à sa quantité, puisquelie est incompara-
DU CALORIQUE. 167
Llement plus considérable dans les fluides élas-
tiques que dans les liquides , et dans ceux-ci que
dans les solides , et, que dans le passage d'un
^tat à l'autre elle participe à ces deux conditions.
(Note F^I.) IjC calorique qui devient latent dans
le passage d'un solide à Fetat fluide , et d'un
liquide à celui de fluide élastique, produit. son
effet dans les changements d'étajt contraires ,
comme celui qui élevaitla tem»»irature et qui était
latent pour les corps qui étaient au même degré ,
affecte les corps qui sont à une température plu5
,.j^ ]^jBu corps solide peut prendre une tempérar
.JLMie d'autant, plus élevée, qu'il a itïoins de disi-
position à §e liqupfier , ou qu'il oppose plus de
force de cohésion à, l'action du.çaloricjue , et
^ençjafit qu'il ,en.tre en liquéfaction , ga tempéra?
tU:i:P,,re;S!te,la;mème : tout le calôriqviQ.est -employa
à produire le liquide. j . ,j; m •. , j :_'j
Si lesélévatipns de tempéi\'vtiui',es ftans les corjii
_^lides ne dépendt^nt que de [,1»/ résistance que
.^e calorique éprouve deiract,iiç>n.:r<2cipr(Xfue des
^olécules, et dans les fluif|es élastiques de la
compression à laquelle ils sont soumis , les deux
pauses agissent dans les liquides : nous ne pou-
vons , comme dans les solides, y accroître Tactton
réciproque par la compression , maj,s nous pou-
vons en diminuer ou en faire disparaître l'effet >
comme dans les fluides élastiques.
l68 STATIQUE CHIMIQUE.
1 13. Les effets qui , dans les circonstances que
nous avons examinées, sont dus aux changements
de dimensions produits par une cause méca-
nique ou par Téquilibre de température , sont
encore les mêmes , lorsqu'ils proviennent de l'ac-
tion de l'affinité ; mais dans ce cas ils se compli-
quent souvent avec d'autres résultats de l'affinité ;
ce n'est que lorsque celle-ci a peu d'énergie, que
l'on retrouve dans son intégrité le rapport de
la quantité du calorique avec les dimensions que
prend une substance , telle est Tévaporation.
Si le refroidissement produit par l'évaporation
parait beaucoup plus grand avec une substance
très-évaporable , telle que l'éther , que celui
qu'on obtient par la dilatation d'un fluide élas-
tique , c'est que l'effet se concentre sur le ther-
momètre ;* il est au fond le même, ou il n'y a
de différence que dans la quantité de la dilatation.
On peut même , dans une température assez
élevée, produire la congélation de l'eau, ainsi
que l'a fait CaVallô , par le moyen d'une quan-
tité peu considérable d'éther : si l'on ramenait
par la compressiofi la vapeur de l'éther qui
s'est formée , il ^'en dégagerait toute la quan-
tité de ciJorique qui avait servi à lui donner
l'état élastique , et cependant le thermomètre
n indiquerait alors qu'une très - petite partie
de cet effet ; c'eit que le calorique qui serait
éUminé passerait dans toute la surface de l'ap-
DTT CALORIQUE. 169
pareil , et le thermomètre qui n'en fait qu'une
petite partie ne serait que Faiblement affecté,
pendant que si on l'humectait du liquide ,
c'est du thermomètre même que les vapeurs
recevraient directement le calorique. On convient
que dans Tèvaporation , la vapeur qui se forme
par la dissolution dans l'air , contient autant de
calorique que celle qui est produite par la cha-
leur : Watt a même conclu de ses expériences ,
c{ue l'eau tenue en dissolution par l'air , avait
plus de calorique latent qu'un égal volume de
vapeur , mais cette différence ne me parait devoir
être attribuée qu'aux inexactitudes inséparables
de ce genre d'expérience. ( Note VII, )
ii4- L'observation des phénomènes prouve
donc que les principes énoncés (io3) doivent s'ap-
pliquer aux changements de dimensions produits
dans les corps par le calorique , lorsque l'affi-
nité n'y apporte point d'obstacle , et qu'il
y a un rapport constant entre les dimensions
qu'ils en reçoivent , selon l'état de leur action
réciproque ou de la compression qui se substitue
à cette action, comme il y en a un entre leur
capacité de calorique et l'état dans lequel ils se
trouvent ; quant à la température , elle est en
■Rapport avec les obstacles qui s'opposent à l'action
expansive du calorique.
3i l'on augmente progressivement la chaleur
d'un corps solide , il parvient à un degré où
17^ STATIQUE GHïMIQ'irE,
la force de cohésion est tellement affaiblie v qu'il
iie peut plus conserver son état , et prend celui
de liquide ou de fluide élastique , et si jusqu'à
présent quelques corps ont été réfractaires , on
ne doit Taltribuer quà rimpuissance des moyens
qu'on peut employer pour accumuler le calori-
que. Lorsque la chaleur a écarté les molécules
d'une substance au point que leur affinité mu-
tuelle cède à l'action du calorique , cette
substance en absorbe subitement une grande
proportion ; ses molécules se combineraient sans
interruption , et formeraient immédiatement un
gaz qui se dilaterait de plus en plus, en con-
servant la même température , si c^et effet n'était
limité par la compression de l'atmosphère qui
concourt par là aux résultats de l'action chi-
mique , et par celle du gaz même qui s'est
formé ; de sorte que le calorique qui élève la
température au - dessus de l'équilibre d'un
système de corps ne produit cet effet que
par la résistance qu'opposent à sa, leoiBbinaison
l'affinité réciproque des molécui^ -^tr,l3^^. com-
pression de l'atmosphère.; Le calorique qui de-
vient latent dans ces chaîigejtnents'd'iitîit , reparaît
dans le retour d'un fluide élastiqii^ à, l'élut li-
quide , et de celui-ci; à l'état sohde. O^ voit.donc
que le calorique qui de^yi<?nt latent dai^s,, une
circonstaûce , produit les effets thermométriques
dans une autre, et que ^eux-ci sont,;difféients
DU CAÏ.OIIIQUE. 171
selon la résistance qu'il éprouve , et varient dans
les différents états d'une substance , et dans
le passage d'un état à un autre. (Note F^IIT.)
II 5. Les corps diffèrent encore par la pro-
priété de communiquer plus ou moins facile-
ment la clialeur, et de parvenir plus ou moins
proraptement à l'équilibre de température du
système dans lequel iis se trouvent placés, ou
I par la faculté conductrice ; mais il faut , en con-
sidérant cette faculté comparative , distinguer
dans les liquides et les fluides élastiques les effets
dûs au mouvement que le changement de pesan-
teur spécifique imprime à leurs parties , de ceux
qui sont dûs à la communication immédiate ,
comme je le ferai observer plus particulière-
ment.
CHAPITRE II.
Des différents états du calorique.
Il
116. J_jES résultats de l'action du calorique qui
sont déduits de l'expérience immédiatement, ou
par des raisonnements rigoureux , sont vrais ,
indépendamment des idées qu'on peut se former
de la nature du calorique , et soit qu'on le re*
17^ STATIQUE cniMiQûe.
garde comme une force qui n'est connue que
par ses effets , ou comme une substance qui
exerce les propriétés qui lui appartiennent.
Toutefois il importe à la théorie, pour indiquer
les rapports que les propriétés du calorique ont
entre elles , et rinfTuence qu'elles peuvent avoir
dans les phénomènes compliqués, de déterminer
les différences qui peuvent distinguer cette puis-
sance de toutes celles qui entrent dans faction
chimique : on aura non-seulement cet avantage si
l'on peut prouver que Faction du calorique est
analogue à celle d'une substance qui entre en
combinaison avec les autres , mais encore celui
de faire dépendre ses effets d'une cause com-
mune à tous les phénomènes chimiques , en
le considérant cependant comme un fluide qui
est éminemment élastique et qui peut éprouver
une condensation indéfinie. Il ne s'agit que de
voir si les explications établies sur cette hypo-
thèse s'appliquent exactement aux phénomènes ,
seule méthode que Ton puisse employer pour un
objet qui lui-même échappe au poids et à la
mesure qui peuvent seuls certifier incontesta-
blement l'existence d'un corps ; et si ce :' expli-
cations correspondent d'une manière satisfai-
sante, on sera autorisé à ne le considérer que
comme une substance qui a la propriété d'entrer
en combinaison avec les autres , en négligeant
des discussions qui sontinutiles pour l'explicatiou
D D C A L O R I Q U E. l'y 3
des phénomènes chimiques , et qui ne pouvant
être jugées par l'expërieuce sont interminables.
117. Pour classer les effets du calorique, ou
a distingué le calorique sensible et le calorique
latent ; le calorique spécifique et le calorique
absolu , le calorique libre et le calorique com-
biné : il faut reconnaître ce qu'il peut y avoir de
réel dans les modifications du calorique qui ont
conduit à ces distinctions, et examiner si elles
peuvent toutes se déduire des propriétés de la
combinaison chimique.
C'est au calorique libre qu'on a attribué les
effets qu il produit lorsqu'il affecte nos sens , ou
lorsqu'il fait varier la température et la dilataiion
des corps. On a représenté ceux-ci comme une
éponge dont les vides se remplissaient du ca-
lorique qui tendait à les occuper en cherchant
à se mettre en équilibre par une propriété com-
mune à tous les fluides ; cependant de célèbres
physiciens ont reconnu l'action d'une affinité qui
tendait à condenser le calorique ; mais on l'a
distinguée de l'affinité chimique qui produit les
combinaisons , sous le nom d'affinité physique
ou d'affinité d'adhérence ou de cohésion, et on
a attribué l'union du calorique à cette première
affinité , et celle du calorique combiné à la se-
conde (i).
[1) Pictet j Essais de Pphys. p. i3.
174 stAlTique chimique.
Cette manière d'envisager l'action du calori-
que me paraît peu conforme aux indications de
l'expérience. Il est facile de se convaincre que
le calorique qui produit des effets sensibles ne
correspond point aux interstice» qu'on peut sup-
poser entre les molécules des liffërents corps :
la capacité de calorique d'un poids égal d'eau ,
c'est-à-dire la quantité de crlorique qu'elle peut
abandonner , en passant d'un degré déterminé
de température à un autre, comparée à celle de
l'alcool, est dans le rapport de rooo : 678 (i) ,
les dilatations qu'une même quantité de chaleur
produit dans le volume d'un gaz , sont incom-
parablement plus grandes que celles qu'éjjrou-
vent les liquides et sur-tout les solides , et il
n'y a aucun rapport entre les dilatations et les
quantités de calorique qui sont absorbées.
Pour produire le même effet , le calorique se
combine en différentes proportions avec les dif-
férentes substances en raison de l'affinité qu il
a pour elles , et non des interstices qu'il y trouve.
1 18. La différence qui existe entre le calorique
qu'on regarde comme libre , et celui qu'on appelle
combiné n'autorise point à attribuer leur état à
deux affinités distinctes , car nous avons vu dans
le chapitre précédent que le calorique n'élevait
la température d'un corps que parce qu'il trouvait
(i) Mém. sur la Chaleur.
D U C A L O R I Q C E. I ^5
un obstacle qui rempèchait de lui donner les
dimensions qui étaient nécessaires pour main-
tenir une tension égale à celle des corps voisins :
la seule différence qu'il y ait donc entre le ca-
lorique que l'on a regardé comme combiné , et
celui que Ton a désigné par le nom de calorique
libre , consiste en ce que l'un produit une sa-
turation dont l'équilibre ne change pas dans les
circonstances données, et que l'autre au con-
traire se trouve dans un autre degré de tension ,
à cause des forces qui s'opposent à une dilatation
proportionnée à sa quantité , et quil est par
conséquent plus disposé à entrer dans d'autres
^combinaisons qui ne sont pas au même terme
de saturation ; on n'a qu'à lever cet obstacle et
l'excès de saturation disparaît ; le calorique que
l'on regarde comme libre devient latent.
Le calorique , dès qu'il produit un effet sur
un corps qui n'éprouve pas de changement dans
son état de combinaison , augmente ses dimen-
sions; il accroît la distance de ses molécules ,
il surmonte leur affinité réciproque , effort qui
est immense , si on le compare aux forces mécani-
ques que l'on peut attribuer à des parties extrê-
mement subtiles et d'une grande mobilité , et qui
ne présente aucune analogie qu'avec cette force
puissante qui produitles combinaisons chimiques.
Dans Tunion qu'il contracte, il suit les mêmes
lois que nous avons remarquées dans celles des
tjQ STATIQUE CHIMIQUE.
acides , et que l'on retrouve en général dans toute
espèce de combinaison , avec cette différence que
son affinité se mesure avec tous les corps qui se
ti^ouvent dans un système exposé à une même
température , c'est-à-dire , qui parviennent à un
même degré de saturation , pendant qu'un acide
n'établit son équilibre de saturation qu'avec des
alcalis, et qu'il trouve relativement aux autres
substances , dans la force de cohésion ou dans
Télasticité qu'il doit vaincre et dans celles qui
lui appartiennent à lui-même, une résistance qu'il
ne peut surmonter : nous allons nous en assurer
par la comparaison des effets.
De même qu il faut des quantités différentes
des mêmes acides , pour produire le même degré
de saturation avec différentes basés alcalines , il
faut aussi différentes quantités de calorique pour
produire le même degré de saturation dans dif-
férents corps , ou , ce qui est la même chose ,
pour les élever d'une même température à une
autre température déterminée.
Le calorique spécifique , ou la quantité com-
parative de calorique qui peut produire un même
effet , un même degré de saturation avec dif-
férents corps , correspond donc à la quantité
d'un même acide qui est nécessaire pour pro-
duire un même degré de saturation , la neu-
tralisation , par exemple , avec différentes bases
ou avec la quantité de différents acides qu'il
» F C A L O R I Q L E. 1^7
îavit pour produire cet effet avec une même
base ; mais toute Faciditë nécessaire pour pro-
duire la neutralisation peut être déterminée ,
au heu qu'on ne peut que comparer les quan-
tités de calorique par les effets constants quelles
produisent dans une substance qui sert d'objet
de comparaison.
Un acide devient latent dans une combinaison ;
son acidité reparaît lorsqu'une autre snbstance
vient partager l'action qu'il exerçait sur la base
avec laquelle il était combiné sans concurrence.
^ Ainsi le calorique sensible est celui qui passe
d'une combinaison dans une autre qui n'est pas
au même degré de saturation : il s'établit un
équilibre de saturation , et les proportions qui
sont nécessaires pour cet effet dépendent des
affinités pour le calorique comme pour un acide,
et de la quantité pondérale de la base ; l'un et
Tautre deviennent latents jusqu'à ce qu'une force
supérieure les oblige à passer dans une autre
combinaison , ou plutôt à subir un nouveau par-
tage. Le combiné prend des qualités qui dé-
pendent des proportions qui le composent , et
les forces antagonistes se saturent selon Telé-
inent qui domine ; mais comme l'alcalinité est
la force antagoniste d'un acide, c'est la force de
cohésion qui l'est du calorique.
1 19. Le calorique latent est donc celui qui , dans
les mêmes circonstances, conserve son état de
I- 12
îy^ STATIQUE CïTîMIQUT;.
combinaison; mais dans d'autres circonstances
il peut devenir à son tour calorique sensible :
or le calorique spécifique étant la quantité de
calorique qui peut devenir sensible en quit-
tant une combinaison dans une étendue déter-
minée de Téchelle thermométrique , comparée à
celle qu'abandonne une autre combinaison dans
cette même circonstance , il ne diffère du calo-
rique latent que par la saturation comparative
que l'un et l'autre produisent.
En procurant la liquidité aux corps solides ,
le calorique met leurs parties en état d'exercer
leur affinité mutuelle; c'est ainsi que les corps
solides et non solubles dans l'eau deviennent
par la fusion capables de former une substance
vitreuse qui est homogène, et qui peut prendre
la forme cristalline déterminée par la figure de
ses parties , quand la température s'abaisse ,
c'est-à-dire quand son action diminue , comme
il arrive dans les dissolutions par Teau.
De même qu'un liquide peut dissoudre une
plus grande quantité de deux substances salines
que d'une seule , parce que l'action mutuelle d&
ces deux substances concourt avec celle qu'il
exerce , le calorique liquéfie plus facilement deux
corps solides , dont les parties exercent une affi-
nité mutuelle que sil agissait sur ces corps isolés,
comme on le voit dans les alliages qui sont plus,
fusibles que les métaux qui les forment , et
DU CALORIQUE. ï'yg
comme on l'observe dcins la vitrification où les
terres non vitrifiables servent de fondants à
d'autres terres qui seules résisteraient également
au degré de chaleur qui produit alors la vitri-
fication.
Lors donc que le calorique procure la liqué-
faction des corps solides , soit immédiatement ,
soit par faction intermédiaire d'un liquide , il
agit comme les dissolvants , et sous ce point de vue
il peut leur être assimilé ; comme eux , il n'opère
la liquéfaction réciproque qu'en diminuant f effet
de faffinité des parties de chaque corps , par un
effet analogue d'affinité. Plus il se trouve surabon-
dant dans une combinaison, plus ses propriétés
dominent, et plus la substance devient élastique :
alors son action devient nuisible à la combi-
naison de cette substance avec une autre qui
n'acquiert pas la même élasticité, et il peut être
considéré comme un dissolvant qui opère la
séparation de deux substances.
120. Avant que de détruire la force de co^
hésion , ou de séparer une substance par la vola-
tihté qu'il lui communique , il faut que sa pro-
portion se soit accrue jusqu'à un certain terme,
alors il s'accumule subitement (11/4), et lors
que son action cède à celle des forces oppo-
sées, les corps se retrouvent avec lui dans les
mêmes proportions.
Si nous portons notrfi attention sur la liqué-
1 :a . .
l8o STATIQUE CHIMIQUE.
faction même produite par un dissolvant ,
nous y reconnaissons des effets pareils.
L'eau commence par se combiner avec un so-
lide , jusqu'à ce que sa force de cohésion soit assez
affaiblie ; alors le solide se dissout tout-à-coup ,
il prend immédiatement l'état liquide sans passer
par des états intermédiaires : un autre liquide se
dissout en toute proportion si sa pesanteur spécifi-
que n'y met obstacle ; mais plus l'eau est abon-
dante , moins celle qui est superflue tient à la
combinaison; si par l'évaporation ou par l'action
d'une autre substance , l'eau se sépare de la dis-
solution , le corps solide reprend son état en rete-
nant la même quantité d'eau qu'il avait au mo-
ment où il était passé à l'état liquide.
Si l'on ne veut pas regarder cette conformité
entre les propriétés du calorique et celles d'une
substance qui subit une combinaison , comme
une preuve rigoureuse de son existence subs-
tantielle, on ne pourra se refuser à convenir que
l'hypothèse de son existence n'a aucun incon-
vénient , avec l'avantage de n'introduire dans les
explications des phénomènes que des principes
généraux et uniformes.
12 1. Quoique le calorique spécifique d'une
substance ait un rapport constant avec les dila-
tations qu'elle éprouve à différentes tempéra-
tures, et qu'il soit probable qu'il y en ait un
entre les dilatations des différentes substances et
DU CALORIQUE. I&I
leur calorique spécifique , on ignore encore quel
il peut être dans la plupart des circonstances :
on voit seulement que les dilatations des fluides
élastiques indiquent moins de calorique spéci-
fique que celles des liquides , et celles-ci que les
dilatations des solides ; ainsi la condensation d'un
métal est accompagnée d'un dégagement de ca-
lorique beaucoup plus grand qu'une condensa-
tion semblable dans une même quantité pon-
dérale d'un gaz.
Il me paraît donc que plus la condensation
d'une substance augmente , plus la quantité de
calorique qui s'en sépare par un même chan-
gement de dimensions est grande , ou en d'autres
termes , que le calorique est dans un état d'autant
plus condensé , que sa quantité diminue ; ce
qui est conforme à l'action croissante des affi-
nités lorsque la proportion diminue.
Toute la quantité de calorique qui peut former
le calorique spécifique paraît donc avoir un rap-
port constant avec l'état d'expansion d'une subs-
tance , mais non avec son calorique absolu ; par
exemple , le calorique spécifique de la vapeur
de l'eau n'a point de rapport avec celui de l'eau :
quand la vapeur est réduite en liquide il ne
s'en est dégagé que le calorique qui la réduisait
en état gazeux , et tout celui qui appartient
à l'eau n'a point influé sur ce phénomène ; il en
est de même du calorique que l'eau peut abau-
3^2 STATIQUE C II î 7,^ î Q U E.
donner jusqu a ce qu'elle soit réduite en état
de glace, et qui forme le caloriq^ue spécifique
de l'eau ; mais la glace peut retenir et retient
probablement une quantité de calorique beau-
'coup plus grande que celle qui s'est dégagée
depuis l'état de vapeur jusqu'à celui de la con-
gélation ; puisque l'action chimique s'accroît
à mesure que la proportion d'un élément di-
minue , il faut donc qu'il se trouve beaucoup
plus condensé que celui qui constituait la va-
peur.
Il y a cette différence, sur laquelle j'insisterai
ailleurs, entre les substances solides et liquides ,
et les fluides élastiques , que lorsque ceux-ci su-
bissent une forte combinaison , ils éprouvent
une condensation beaucoup plus grande. Cette
condensation doit être incomparablement plus
considérable dans le calorique que dans les
autres substances qui lui doivent à lui-même
leur état élastique.
Si le calorique n'était pas plus condensé dans
les corps à mesure que leurs molécules se rap-
prochent , ou plutôt si celui qui est le plus voisin
cle chaque molécule n'était pas dans un plus
grand état de condensation que celui qui s'en
trouve à une plus grande distance , les calo-
riques spécifiques devraient être proportionnels
aux dilatations : on conçoit donc comment sa
quantité doit toujotirs correspondre au volume
DU CALORIQUE. l83
OU à la pesanteur spécifique d'un même corps,
pourvu que sa tension reste la même ; car
ayant la propriété de se combiner avec tous
les corps , il abandonne celui dont les molé-
cules se rapprochent , parce qu'il est chassé ,
pour ainsi dire , par celui qui se trouve
autour des molécules dans l'état de condensation
qui est déterminé par leur action , pour produire
dans les autres corps une dilatation au moyen
de laquelle il se trouve encore dans un état de
condensationqui convient à 1 action qu il éprouve.
122. Je n'ai considéré jusqu'ici le calorique
que dans les effets qu'il produit sur les corps ,
et par conséquent dans les circonstances où il
exerce une action sur eux : j'ai fait voir que
cette action était parfaitement analogue à celle
d'une substance qui se combine; mais l'élasticité
dont il jouit dans un degré éminent lui donne
une propriété qui le distingue des combinaisons
dans lesquelles cette force ne contribue point
aux effets , et dont nous pouvons prendre une
idée , en considérant ce qui se passe dans une
faible combinaison d'une substance élastique ,
par exemple , dans une dissolution d'acide car-
bonique par l'eau , d'autant plus que c'est lui-
même qui est le principe de cette propriété dans
toutes les substances qui la possèdent.
Si après avoir saturé l'eau d'acide carbonique
à une certaine pression de l'atmosphère , on vient
i84 STATIQUE CHIMIQUE.
à diminuer cette pression , une partie de Tacide
carbonique s'échappe et reprend l'état élastique ;
le dégagement de ce gaz a également lieu ,
si l'on augmente son élasticité en élevant la
température : plus ces deux causes de sépa-
ration seront énergiques , plus grande sera la
quantité de l'acide carbonique qui reprendra
l'état élastique.
Le même phénomène a lieu dans le calorique
combiné avec une substance : si les circons-
tances qui sont nécessaires pour qu'un corps
échauffé prenne un certain degré de tempéra-
ture , viennent à s'affaiblir , une partie du ca-
lorique s'échappe et conserve son état élastique ,
jusqu'à ce qu'il le perde en se combinant avec
un corps ; c'est alors le calorique rayonnant dont
je vais examiner les propriétés.
I2J. Le calorique rayonnant apperçu par
Mariote fut soumis à l'expérience sous le noù^
de chaleur obscure, par Lambert; Schéele le
distingua plus particulièrement sous le nom
d'ardeur rayonnante {i)', Saussure s'en occupa
ensuite {i) ; mais c'est sur-tout le citoyen Pictet (3)
cjui en a fait connaître les propriétés par èts
expériences très-délicates.
(i) Traité cliiin. de l'Air et du Feu, p. 1 18.
(2) Voyages dans les Alpes, tom. IV, édit. in^S'»
(3) Essais de Pbvs.
Dr CALORIQUE. " I 8d
Sche'ele observa que le calorique rayonnant
est réfléchi par les miroirs métalliques, qui ne
reçoivent aucune chaleur par son action , mais
qui s'échauffent si Ton noircit leur surface ; qu'il
est absorbé par le verre qui ne transmet que
la lumière , laquelle peut être réfléchie ensuite
par un miroir métallique sans chaleur ; que
l'air n'en reçoit point de chaleur , pendant qu'un
corps échauffé lui en communique ; que par cette
raison l'haleine d'une personne placée dans un
courant de calorique rayonnant est visible en
hiver , quoiqu'une température beaucoup moins
sensible la rende invisible en été; que par la
même un courant d'air n'est point affecté par le
calorique rayonnant ; de sorte qu'une lumière y
conserve sa direction , et qu'il ne produit pas
dans les ombres cette ondulation qu'excite un
corps chaud avec lequel il se trouve en contact.
Le calorique rayonnant s'échappe donc des
corps échauffés et placés dans l'atmosphère sans
produire de lumière, ou bien il est confondu
avec la lumière : dans ce dernier cas , il est ré-
fléchi par les miroirs métalliques avec la lumière ;
mais il est absorbé par les miroirs et par les
lentilles de verre qui ne réfléchissent ou ne trans-
mettent que la lumière , jusqu'à ce que le verre
soit assez échauffé pour donner lui-même du
calorique rayonnant.
Lors donc que Pictet a éprouvé les variations
i86 STATIQUE CHIMIQUE.
cVim thermomètre exposé dans un récipient à
Tinfluence d'une bougie , ce n'est pas le calo-
rique rayonnant envoyé directement par la
liougie, qui produisait les variations , mais celui
qui provenait du verre échauffé, et c'est avec
cette modification qu'il faut adopter ses résultats.
Lecaloricjue rayonnant est absorbé ainsi après
des réflexions plus ou moins multipliées par la
surface des corps environnants , plus promp-
tement par les uns , par exemple par les corps
noirs ; plus lentement par les corps blancs : le
poli des surfaces contribue aussi à sa réflexion ,
et alors il paraît être réfléchi entièrement par les
corps métalliques ; il finit par se combiner en
entier si les corps voisins parviennent k un par-
fait équilibre de température , et ce n'est qu'au-
tant qu'il se combine qu'il produit quelqu'effet
sur eux.
Si au contraire cet équilibre est rompu, une
partie du calorique combiné dans les corps les
plus chauds, se dégage sous la forme de calo-
rique rayonnant , et vient se combiner avec les
corps d'une température inférieure; une con-
séquence de cet effet, ainsi que l'a fait voir
Pictet , est qu'un corps froid placé au foyer
d'un miroir concave métallique , produit un
abaissement dans le thermomètre qu'on a mis
au foyer d'un autre miroir concave qui se trouve
vis-à-vis du premier , comme si le froid lui-même
jD U CALORIQUE. 1 87
pouvait être réfléchi. Il prouve que l'un et Fautrç
effet ne diffèrent que par la direction selon la-
quelle se meut l'émanation du calorique , et
selon le degré de tension qu'il a dans les corps ;
de sorte que par les circonstances , un effet
devient l'inverse du premier. Ce savant phy-
sicien a observé les différences que présente le
calorique ravonnant dans le vide, dans la vapeur
de l'eau , et dans le gaz de l'éther sulfurique. Il
n'en a trouvé que dans l'intensité de cette pro-
priété , qui est un peu plus grande dans le vide
(jiie dans la vapeur de l'eau , et dans eelle-ci
que dans le gaz étliéré. On peut donc regarder
comme une propriété générale des gaz de donner
un passage^dibre au calorique rayonnant, et il
])araît que plus est grande leur expansion , plus
ils possèdent cette propriété ; cependant il ne
faut pas l'y considérer comme absolue.
Au contraire , les liquides ne paraissent pas
permettre la transmission du calorique rayon^
nant , ou du moins il est si promptement absorbé ,
que cet effet peut être regardé comme nul , et
la tension du calorique qui est en raison directe
de l'élévation de température , et inverse de la
capacité de calorique , ne doit être considérée
dans les liquides , et à plus forte Raison dans
les solides entre eux , que comme une tendance
à l'équilibre de saturation.
124. U résulte de la propriété que l'air pos-
ibo STATIQUlî CriIMIQTTE.
sède, selon l'observation de Schëele , ainsi que
les antres gaz, de ne pas se combiner avec le
calorique rayonnant , que lorsqu il se fait dans
l'air une combustion ou un dégagement de ca-
lorique du à une autre cause , il n'y en a qu'une
partie qui soit employée immédiatement à re-
hausser sa température ; de sorte qu'un ther-
momètre exposé à Tinfluence du calorique rayon-
nant , peut quelquefois tromper sur la tempé-
rature de l'air, puisqu'il peut absorber le calo-
rique rayonnant qui ne se combine pas avec-
l'air.
Ce n'est qu'au calorique rayonnant qu'on peut
faire une apphcation rigoureuse de la dénomi-
nation de calorique libre ; mais €»Ô!le désignant
ainsi , il ne faut pas perdre de vue qu'il ne
produit un effet réel sur les corps , que lors-
qu'il entre en combinaison avec eux , et que
son existence n'est encore prouvée que dans les
iluides élastiques.
DU CALORIQUE.
CHAPITRE III.
De l'action de la lumière et du fluide électrique.
113. Lj A lumière contribue beaucoup aux phé-
nomènes chimiques , elle détermine plusieurs
combinaisons, elle est j)roduite au moyen de
plusieurs autres : c'est donc l'un des agents dont
il convient de reconnaître les pr©priètés carac-
téristiques ; mais on doit toujours distinguer les
conséquences où conduisent l'observation et l'ana-
logie relativement aux êtres qui ne peuvent être
soumis au poids et à la mesure , des détermina-
tions qui sont assises sur cette base invariable.
Lorsque les corps changent de dimension , ils
prennent ou ils abandonnent du calorique, selon
que leurs nouvelles dimensions sont plus res-
serrées ou plus étendues ; si ces changements se
font avec rapidité , ils sont accompagnés non-
seulement de chaleur , mais encore de lumière ;
ainsi le fer devient chaud et lumineux par une
percussion vive , le muriate oxigéné de potasse C:,(<-u^ )/<^/i'^<
détonne avec le soufre et les autres corps faci-
lement combustibles, par le moyen d'une simnie
percussion , et il s'en dégage beaucoup de lu-
igO STATIQUE CHIMIQUE^
mière ; lia mélange de fer et de soufre , con-
venablement humecté fait perdre son élasticité
au gaz oxigène , et selon que l'absorption est
plus ou moins prompte , plus ou moins abon-
dante , il ne se dégage qu'une chaleur à peine
sensible , mais prolongée , ou une chaleur plus
vive , ou enfin ime combustion accompagnée
de beaucoup de lumière , et les résultats plus
ou moins lents sont les mêmes.
Il est inutile d'accumuler des faits si notoires ,
pour en tirer les conclusions cfu'ils présentent ,
et qui sont , en les combinant avec ceux qui ont
été exposés précédemment; i**. que lorsque les
dimensions d'un corps diminuent , le calorique
qui excède la proportion qu'il doit contenir ,
passe en combinaison dans les corps voisins ,
en y produisant la dilatation qu'exige son in-
troduction , suivant la quantité et la capacité
de ces corps ; i'* . que si le phénomène se passe
dans un gaz , une partie du calorique prend
l'état de calorique rayonnant , qui passe ensuite
en combinaison , soit avec les corps liquides y
soit avec les corps solides ; 3". que dans ce dernier
cas , si la quantité du calorique qui est éliminée
est considérable , ou plutôt si l'élimination est
rapide , il se dégage plus ou moins de lumière ;
4°. que les combinaisons produisent en cela des
effets analogues à ceux de la compression mé-
canique ; mais ces effets sojit ordinaireiijent beau-
j
BU CALORIQUE. K^ I
court plus considérables , pnrce que la puissaiice
de rafiinité est beaucoup plus énergique que
les puissances mécaniques qui sont à notre dis-
position , ou que nous pouvons observer ; ce-
pendant comme l'action des deux éléments d'une
combinaison sur le calorique peut varier consi-
dérablement , selon celle que l'un et l'autre pou-
vaient exercer dans l'état isolé, et selon leur
affinité réciproque , les résultats de la combi-
naison peuvent être très-différents , et ne ré-
pondent point à l'énergie qui la produit.
126. Selon cette théorie adoptée par le plus
grand nombre des chimistes, la lumière peut se
fixer dans les corps , et elle reprend par là les
propriétés du calorique combiné ; en effet , les
corps colorés , et sur-tout s'ils sont noirs, s'échauf-
fent en l'absorliant ; les corps blancs s'échauffent
beaucoup moins , parce qu ils la réfléchissent ;
les verres la transmettent pour la plus grande
partie , mais ils en absorbent une petite quan-
tité , et prennent en conséquence un peu de
chaleur ; lorsqu'elle est recueillie dans le foyer
des lentilles , ou réfléchie dans celui des miroirs
concaves , elle produit tous les effets . du calo-
rique accumulé par tout autre moyen , avec cette
différence que les corps en subissent d'autant
plus l'effet, qu'ils sont plus opaques ou j)lus
colorés.
Cette différence dans le mode de comraunica-
Î9^ STATIQUE CHIMIQUE.
tion entre le calorique et la lumière , se fait re-
marquer dans une expérience indiquée par
Schëele : « En exposant , dit-il , aux rayons du
» soleil deux thermomètres égaux , dont l'un est
» rempli d'esprit-de-vin coloré d'un rouge foncé ,
» et l'autre d'esprit-de-vin non coloré , la liqueur
)> rouge s'élèvera bien plus promptement que la
» blanche ; mais si vous mettez ces deux tlier-
» momètrcs dans leau chaude , leurs liqueurs
» monteront en même temps ».
De même le calorique rayonnant devient ca-
lorique combiné, lorsqu'il est fixé; mais ce qui
le distingue de la lumière , c'est qu'il est absorbé
plus facilement , et par des corps qui transmet-
tent la lumière ; les verres et les liquides trans-
parents ne donnent point de passage au calo-
rique rayonnant ; mais ils en donnent un à la
lumière ( 1 23 ). Il parait donc qu'il faut admettre
cette distinction entre le calorique rayonnant
et la lumière ; que le premier possède moins les
qualités d'une éminente élasticité, ou qu'il est
doué d'une moindre vélocité : cette différence
ne dépend que des circonstances de leur émis-
sion , puisque l'un peut prendre la nature de
l'autre, et qu'ils peuvent ensuite remplir les
fonctions du calorique , lorsqu'ils obéissent à
l'action des corps ; mais l'un et l'autre ne pro-
duisent aucun effet, qu'autant qu'ils entrent en
combinaison.
Dr CALORIQUE. ir)3.
127. Si l'observation indique que le calorique
rayonnant et la lumière remplissent les fonctions
du calorique , en se fixant dans les corps qui
n'éprouvent pas de changement dans leur com-
binaison , et en perdant les propriétés qui les
caractérisaient ; si par conséquent on est fondé
à les regarder comme une seule et même subs-
tance qui ne diffère que par l'état dans lequel
elle se trouve , il y a cependant quelques combi-
naisons chimiques qui paraissent éprouver des
effets différents de la lumière et de la chaleur,
et qui sembleraient conduire à les considérer
I comme des substances distinctes ; ainsi , lors-
que l'acide nitrique est exposé à la lumière, il
s'en dégage du gaz oxigène , et il se forme
du gaz nitreux ; la chaleur , au contraire , dé-
gage le gaz nitreux de l'acide nitrique : l'acide
muriatique oxigéné abandonne son oxigène par
l'action de la lumière, et il peut , par celle de la
chaleur , être distillé sans décomposition ; les
effets produits dans d'autres combinaisons pa-
raissent les mêmes ; par exemple , lorsqu'on ex-
pose à l'action de la lumière une dissolution de
prussiate de potasse, dans laquelle on a mêlé uu
peu d'acide , la dissolution est promptement
décomposée ; une partie de l'acide prussique est
dégagée , parce qu'elle reprend l'état élastique ;
une autre partie se précipite en prussiate de
fer : lorsque l'on fait subir lébullition à cette dis-
I. i3
194 STATIQUE CHIMIQUE,
solution , elle subit la même dëcomposilion •
mais si elle ne reçoit que la température qu'elle
aurait prise par Taction de la lumière , elle n'é-
prouve point de changement.
Il faut examiner quelles sont les circons-
tances qui peuvent produire ces effets qui n'an-
noncent quelquefois qu'une différence dans
l'énergie de l'action de la lumière et de la cha-
leur , et qui paraissent prouver d'autres fois
qu'il y a une distance plus grande entre elles ;
il convient pour cela d'en suivre quelques-uns
dans leurs détails , en comparant les deux agents
qui les produisent.
128. Nous devons au célèbre comte de Rum-
ford des expériences très-intéressantes sur les
effets de la lumière solaire , ainsi que sur ceux
de la chaleur (i).
Je diviserai ces expériences en deux classes;
celles dans lesquelles il a produit avec la dis-
solution d'or une couleur pourpre , et avec la
dissolution d'argent une couleur jaune brune ,
et celles dans lesquelles il a obtenu une réduc-
tion de ces métaux.
Il a donc imprégné de dissolution d'or de la
soie blanche , de la toile de lin et de coton , de la
magnésie blanche , et en exposant ces subs-
tances à la lumière du jsoleil ou à la chaleur
(t) rtllosop. papers. voL I..
T) V CALORIQUr. IQJ
d'une bougie , elles ont pris une belle couleur
pourpre ; mais dans l'obscurité elles n'ont subi
aucun changement. Lorsqu'elles nëtoient pas
humides, la chaleur et la lumière y produisaient
peu d'altération ; mais en les humectant , l'effet
avait lieu.
Avec la dissolution d'argent les mêmes subs-
tances prenaient une nuance de jaune brun , mais
elles n'acquéraient point de couleur dans l'obs-
curité sans chaleur.
J'ai fait sur le muriate d'argent quelques ex-
périences qui peuvent jeter du jour sur ces ré-,
sultats. Schéele avait observé que le muriate
d argent recouvert d'eau et exposé à la lumière ,
abandonnait de l'acide muriatique , de sorte que
l'eau qui surnageait formait avec la dissolution
d'argent un nouveau précipité de muriate ; mais il
avait supposé que l'argent noircissait , parce que
la lumière l'avoit rapproché de l'état métallique en
lui donnant du phlogistique. Pour expliquer les
effets de la lumière d'une manière plus conforme;
à l'observation (i) , j'avais présumé que le mu-
riate d'argent laissait exhaler son oxigène , lors-
qu'on l'exposait à la lumière, de même que l'acide
muriatique oxigéné , qu'il prenait une couleur
noire en se rapprochant par là de létat métal-
lique, et qu'il abandonnait l'acide muriatique
(i) Jourii. de Pliys. 1786.
i3..
î 9^ STATIQUE C H I M I Q n E.
avec lequel il ne pouvait plus rester en com-
binaison dans cet ëtat. J'ai soumis cette an-
cienne conjecture à l'expérience.
Le muriate d'argent recouvert d'eau , puis
exposé aux rayons du soleil pendant plusieurs
jours , n'a laissé dégager dans le commencement
que quelques bulles qui paraissent n'être dues
qu'à l'air adhérent au muriate d'argent , et
chassé par l'eau ; car , passé le premier effet , il
ne s'est plus dégagé de gaz , quoique la quan-
tité de muriate d'argent fût assez considérable ,
et qu'il ait fallu l'agiter plusieurs fois pour en
renouveler la surface exposée aux rayons de la
lumière : l'eau qui était devenue acide , rougis-
sait le papier teint avec le tournesol, sans dé-
truire sa couleur ; elle ne contenait donc pas
de l'acide muriatique oxigéné ; saturée avec la
soude , elle a donné par l'évaporation du mu-
riate de soude ; le muriate noirci par la lumière
se dissout en entier dans l'ammoniaque , comme
celui qui a conservé sa blancheur.
C'était donc sans fondement que j'avais sup-
posé que dans ce cas l'oxigène était déterminé
par l'action de la lumière à reprendre l'état élas-
tique , et à abandonner le métal.
J'ai exposé à la chaleur le muriate d'argent
ïjoirci par la lumière dans une petite cornue de
verre placée sur le sable ; il s'est fondu en se
combinant avec le verre ; il ne s'est point dégagé
DU CALORIQUE. I97
d'oxigène , mais de l'acide muriatique. On a
soumis du muriate d'argent qui navait pas
éprouve' l'action de la lumière à une chaleur
moins forte , et l'on a observé qu'il noircissait
avant d'entrer en fusion, et qu'il s'en dégageait
en même temps un peu d'acide muriatique; mais
point d'oxigène. Il paraît donc que la lumière ne
fait qu'occasionner la séparation d'une portion
de l'acide muriatique qui est combiné dans le
muriate d'argent, et que la chaleur seule peut
produire le même effet.
Du muriate d'argent laissé dans un lieu
obscur, mais exposé à un courant d'air, y a
noirci assez promptement , comme s'il eût subi
l'action de la lumière : l'air a donc favorisé le
dégagement de cette partie d'acide muriatique
qui doit se séparer pour que le muriate d'ar-
gent prenne luie couleur noire , et cette sépa-
ration peut être l'effet de causes très-différentes.
Il y a apparence que le muriate d'or éprouve
le même effet que le muriate d'argent , et que
la lumière , ainsi que la chaleur , en sépare une
partie de l'acide, mais que l'intermède de l'eau
favorise cet effet , puisque les substances sèches
n'ont pas pris la couleur pourpre. La couleur que
prennent les combinaisons de l'or et de largent
est celle même des oxides de ces métaux lorsqu'ils
dominent : ce qui explique la remarque de Rum-
iord, que les couleurs qu'on obtient , ressemblent
î 9^ s T A T r Q L E C H I Jî I Q TJ 2'.
à celles des émaux dans lesquels on fait entrer
ces oxides.
129. Je passe aux expériences dans lesquelles
Rumlord , dirigé par celles que Mistriss-Fulhame
avait faites précédemment , a obtenu la réduc-
tion des deux métaux. îl a exposé à la lumière
du soleil un flacon qui renferinait des morceaux
de charbon et une dissolution d'or : bientôt
Tor a été complètement réduit ; la dissolution
d'argent a éprouvé une réduction semblable ;
les métaux forment une couche brillante sur
le verre auquel ils s'appliquent , où ils se
déposent en pellicules et en cristaux à la sur-
face du charbon. De pareils flacons furent en-
fermés dans des cylindres de fer-blanc , et exposés
à la chaleur de l'eau bouillante , et l'événe-
ment fut le même , de sorte que la chaleur de
l'ébullition de l'eau produisit un effet pareil à
celui des ravons du soleil ; ce qui est contraire à
l'idée que Rumford s'était faite de la haute tem-
pérature que la lumière peut communiquer aux
molécules sur lesquelles elle porte son action ,
ainsi qu'il l'observe lui-même avec la candeur
qui le caractérise.
Jai répété ces expériences sur la dissolution
d'argent , en adaptant au flacon un tube ])our
examiner le gaz qui pourrait se dégager, et j'ai
obtenu dans l'une et l'autre circonstance un
mélange de gaz nitreux et d'acide carbonique :
DU CALORIQUE, ÏQ?)
j'ai également exposé à l'action de la lumière
et à celle de Feau bouillante, de Tacide nitrique
dans lequel j'avais mis des fragments de char-
bon , et il s* est également dégagé dans l'une
et l'autre épreuve du gaz nitreux et de l'acide
carbonique.
1 3o. Rumford a soumis à l'action de la lumière
la dissolution du muriate d'or dans l'éther , et
il a observé qu'elle rendait promptement à Tor
l'état métallique, pendant que cette dissolution
se conservait dans lobscurité sans éprouver d'al-
tération ; la dissolution d'or , et celle d'argent ,
mêlées avec Ihuile de thérébentine et l'huile
d'olive , exposées ensuite soit à l'action de la
lumière , soit à celle de la chaleur , se sont égale-
ment réduites ; mais Talcool n'a pu produire
l'effet de ces huiles , et les dissolutions qui ont
été mêlées avec lui se sont maintenues dans l'une
et l'autre épreuve.
Les huiles se sont colorées par l'action qu'elles
ont exercée dans cette réduction : il est facile
de voir que l'hydrogène a produit ici les mêmes
effets que le charbon dans les expériences pré-
cédentes, et de là vient que les huiles ont éprouvé
le chailgement qu'on observe dans toutes les
circonstances où elles perdent une portion d'hy-
drogène , et où le carbone devient prédomi-
nant; Rumford n'a pu observer la même alté-
ration dans l'éther , parce que , comme il con-
ïiOO STATIQUE C II ï :.f I Q U È.
tient une moindre proportion de carbone , il peut
supporter une beaucoup phis grande perte d'hy-
drogène , sans prendre sensiblement plus de con-
sistance, et sur-tOLit sans se colorer.
Il me paraît donc que dans les premières ex-
périences de Rumford , le métal est resté dans
l'état d'oxide , et qu'il n'a fait que perdre une
partie de son acide qui l'a abandonné pour s'unir
à l'eau , soit par le moyen de la lumière , soit
par la chaleur ; ce qui est resté d'acide a été un
obstacle à la réduction du métal , par la même
raison qu'une substance terreuse et vitrifiable
empêche par son action les oxides de se réduire ,
lorsqu'ils entrent dans les émaux ou dans les
verres ; c'est donc le concours d'une affinité qui
empêche que l'oxigène n'abandonne dans ces
circonstances l'oxide d'or et d'argent , quoiqu'il
n'.y soit que faiblement retenu. Cependant à
une haute température , ces affinités auxiliaires
ne suffisent pas ; de là vient que les couleurs
qui sont dues à l'oxide d'or sur les porcelaines
sont plus fugitives que celles des autres oxides,
et ne peuvent supporter les opérations qui
exigent un grand feu (i).
Dans les dernières expériences l'oxide a été
réduit par le charbon et par l'hydrogène de
l'éther et des huiles , et la lumière a favorisé
(i) Alex. Biongniart. Journ. des Mines j n". 67.
DU CALORIQUE. aol
cette réduction comme la chaleur ; mais cet effet
est limité : on ne l'obtient qu'avec des oxides
qui abandonnent facilement leur oxigène ; de
sorte qu'en reconnaissant l'identité d'action , on
ne peut comparer l'effet de la lumière des rayons
solaires qui ne sont pas réunis par le moyen de
la réflexion ou de la réfraction , qu'à celui d'une
I température peu élevée.
1 3 1 . Jusqu'ici nous trouvons des effets pareils
■ dans l'action de la lumière et de la chaleur , en
.. fesant varier l'intensité de l'une et de l'autre.
f Cependant la lumière , qui a paru n'avoir qu'une
supériorité égale à celle d'une faible élévation
de température , dégage le gaz oxigène de l'acide
muriatic[ue oxigéné et de l'acide nitrique , et la
chaleur ne peut produire cet effet que lorsque les
acides sont retenus par un alcali qui les met en
état d'éprouver l'action d'une haute tempéra-
ture. Examinons de quelles circonstances peut
dépendre la différence qui se présente dans cette
occasion : son explication pourra s'appliquer à
tous les cas semblables.
Rumford a fort bien observé que la lumière
devait élever la température des molécules sur
lesquelles elle agissait , quoique celle de la subs-
tance dans laquelle se trouvaient ces molécules ,
parût recevoir peu de chaleur : la circonstance
qui empêche que la température commune ne
mesure l'effet produit sur quelques parties , est
aôa STATIQUE CHIMIQUE.
celle -même qui fait qu'un thermomètre n'in-
diqiie qu'une petite partie du changement quV-
prouve une petite quantité d'air , comparée à
toute la masse avec laquelle elle partage sa tem-
pérature (iio . Mais cet effet a beaucoup moins
d'intensité que ses premières considérations ne
l'avaient porté à le croire.
Dans l'acide muriatique oxigéné , la lumière
ne peut être réduite à l'état de combinaison que
par l'action de l'oxigène ; c'est à lui que se borne
son action : elle peut donc produire sur lui seid
les effets d'une haute température ; de sorte qu'il
reprend l'état élastique comme il l'aurait fait
à une température élevée.
Si la chaleur est communiquée au liquide par
un corps échauffé , elle agit également sur tout
le liquide dont la température, en s'élevant ,
rend volatiles l'eau et l'acide muriatique ; de
sorte que le liquide passe dans la distillation
sans qu'il se soit établi une différence qui puisse
produire la séparation de l'oxigène ; mais si
l'acide muriatique est retenu par une base alca-
line , sa température peut être assez rehaussée
pour que le dégagement de l'oxigène ait lieu.
Lors donc que la lumière produit le déga-
gement du gaz oxigène de l'acide muriatique
oxigéné , de l'acide nitrique , d'une plante qui
végète , il faut en conclure qu'elle est entrée
en combinaison , qu'elle a domu; La quantité (W
DIT CALORIQUE. ao3
calorique qui manquait au gaz qui se dégage,
et qu'en élevant sa température elle a augmenté
son élasticité ; et si le calorique rayonnant ou
la chaleur ne peuvent produire le même effet ,
c'est que dans les circonstances données , ils ne
peuvent former une pareille combinaison , ou en
isoler l'effet.
i32. Ces observations me paraissent confirmer
l'identité de la substance de la lumière avec celle
du calorique ; mais elles confirment indubita-
blement Tidentité de leurs effets avec quelques
différences qui ne dépendent que des conditions
dans lesquelles elles agissent.
Les couleurs n'ont aucune influence sur l'ac-
tion du calorique , mais elles rendent les corps
plus ou moins propres à fixer la lumière et à
la changer en calorique; de sorte qu'un corps
blanc , exposé même au foyer d'un verre ardent
éjirouve des effets beaucoup moins considérables
qu'un corps noir , parce qu'il n'y a que la partie
de la lumière qui entre en combinaison qui
puisse produire des effets chimiques dans une
substance.
La lumière est quelquefois fixée par un élé-
ment d'une combinaison plutôt que par un autre;
de sorte qu'elle agit alors sur lui d'une manière
isolée, pendant que le calorique se serait com-
Ijiiié uniformément avec tous les éléments. Ces
filets de la lumière solaire ne peuvent être cora-
2o4^ STÀTIQUr CniMIQUP.
parés qu^à ceux d'une température peu élevée ;
mais si les rayons sont concentrés , ils agissent
avec la plus grande puissance qu'il soit possible de
procurer au calorique; à en juger par les effets,
le calorique rr.yonnant paraît être dans un état
intermédiaire entre la lumière et le calorique
combiné.
Tels sont les résultats de l'observation : quel-
ques physiciens ont prétendu que la lumière
était une substance distincte de la chaleur : Deluc
a beaucoup insisté sur leur différence ; mais
Saussure me paraît avoir prouvé la faiblesse des
fondements sur lesquels il a voulu l'établir (i).
Un savant célèbre s'est appuyé récemment sur
quelques phénomènes encore obscurs et d'une
faible intensité pour distinguer les rayons calo-
rifiques des lumineux; en supposant que cette
distinction se réalisât , elle ne changerait rien
dans l'explication des phénomènes chimiques qui
est fondée sur les effets de la lumière , telle
qu'elle nous parvient.
i33. Mais la lumière se divise en rayons diffé-
rents , et nous supposons que le calorique est une
substance identique ; c'est que nous comprenons ,
sous le nom de calorique , le sujet auquel appar-
tiennent indifféremment les propriétés que nous
attribuons au calorique, comme plusieurs effets
(i) Voyez dans les Alpes, tom. IV, éJit. in-8°.
DU CALORIQUE. Û03
Je Tair atmosphérique s'expliquent sans qu'on
ait besoin d'avoir égard aux différences des
parties qui le composent. Il est donc possible ,
il est même probable que le caloric[ue renferme
plusieurs substances réellement différentes , et
quil est un genre auquel aj^partiennent jilu-
sieurs espèces ; mais jusqu'ici on a observé peu
de différences dans l'action chimique des rayons
lumineux ; cependant Schéele a remarqué que
le rayon violet agissait plus que les autres sur
le muriate d'argent.
Sennebier a examiné l'effet des rayons prisma-
tiques sur cette même substance , et il a déter-
miné la différence de leur action par celle du temps
que chacun d'eux exigeait pour l'amener à la
même nuance. Le rayon violet a produit dans
quinze secondes le même effet que le rayon
roui^e dans vingt minutes ; les autres ravous
ont été intermédiaires (i) : il y a sans doute
beaucoup de connaissances à acquérir sur la
physique des couleurs , et la théorie du calo-
rique , ainsi que sur la plupart des autres objets.
i34. Si le dégagement de la lumière ne dif-
fère de l'élimination du calorique que par les
circonstances de l'émission , on ne doit pas être
surpris qu'il puisse être dû à des causes très-dif-
férentes ; sa source la plus ordinaire est la com^
(i.) Mém. Physico-CIiim. rom. III.
^o6 STATIQUE CHIMIQUE.
binaison de Toxigène , avec quelque substance
inflammable ; mais cFautres combinaisons et la
compression même d'une substance peuvent la
produire ; il suffit qu'il se fasse sous certaines
conditions un changement dans la proportion
du calorique d'un corps , ou d'un système de
corps {Note IX).
Le calorimètre rend compte de tout le calo-
rique qui se dégage ; mais la combustion qui se
fait dans l'atmosphère , laisse toute la partie qui
prend l'état de lumière s'échapper , et toute;
celle qui s'est dégagée en calorique rayonnant
se disperser au loin jusqu'à ce que des subtances :
solides ou liquides aient pu réduire l'une et
l'autre à l'état de combinaison.
La lumière paraît être retenue par quelques
substances qui changent peu son état élastique , et
qui lui permettent de se rétablir facilement pai>'
une cause peu active , comme l'on voit l'air
atmosphérique adhérer à quelques corps , et
s'en dégager facilement. Il est probable que c'est
ainsi que quelques corps deviennent lumineux
dans l'obscurité , après avoir été exposés à une
lumière vive ; mais il ne faut pas confondre
cet effet avec celui que présentent d'autres
substances qui éprouvent une véritable com-*
bustion ( Note X).
i35. Outre les effets qui constituent les phé-
nomènes électriques , l'action du fluide électrique'
PU C A L O R I Q IT E. 10'J
produit (les changements dans les propriétés
ciiimiques des corps, de sorte qu'il favorise la
formation ou la décomposition de plusieurs
combinaisons ; par là il doit être compté parmi
les agents chimiques.
Si Ton compare les effets chimiques de 1 ac-
tion de Télectricité avec celle du calorique , on
trouve entreux la plus grande analogie.
L'étincelle électrique enflamme le mélange
du gaz oxigène et du gaz hydrogène , d'où ré-
sulte la formation de l'eau , comme le fait
une élévation de température : l'une et l'autre
favorisent 1 évaporation et augmentent la légèreté
spécifique des fluides élastiques (i) : Tune et
l'autre décomposent l'ammoniaque ; et par le
moyen d'un métal , l'eau tenue en dissolution
par l'acide carbonique : elles favorisent égale-
ment la combinaison de l'azote avec l'oxigène
ou la production de l'acide nitrique , la com-
bustion du tournesol par l'air (2) , ainsi que celle
des liqueurs inflammables , le dégagement de
riiydrogène , de léther , des huiles et de l'al-
cool , l'oxidation des métaux , ou selon leur in-
tensité , le dégagement de l'oxigène des oxides f 3).
Cependant le fluide électrique n'agit pas tou-
jours comme le calorique qui passe en combi-
(1) Van Marum , 1" suite des Exp. p. 210.
(2) Cavendisli. Trans. pliilos. lyBa.
(3) Descrip. d'une tics-grande machine électriq. p. 168.
208 STATIQUE cniMîQUK.
liaison par comiruinication immédiate avec une
substance ; mais son action se concentre sur
quelques molécules d'une substance , et alors
il produit des effets analogues à ceux que nous
avons remarqués relativement à la lumière (i 3 1) ;
seulement ces effets sont beaucoup plus consi-
dérables que ceux de la lumière ordinaire du
soleil ; ainsi , pendant que cette dernière dé-
gage de Toxigène de l'eau ordinaire et de l'acide
nitrique, le fluide électrique peut en dégager
non-seulement de l'acide nitrique , mais même
de l'acide sulfurique ; il peut décomposer l'eau
en entier , lorsqu'on fait passer des commotions
à travers des couches de ce liquide , quoique
dans d'autres circonstances dont je tâcherai
d'expliquer la différence , il en opère la pro-
duction.
Il ne faut pas conclure de l'identité de ces
effets , que les agents sont les mêmes ; au con-
traire , l'observation paraît prouver qu il y a
une différence essentielle entre eux : on observe
peu de changement de température j3ar l'ac-
tion de l'électricité : lorsque les métaux entrent
en combustion , c'est à elle seule que la chaleur
qu'ils acquièrent doit être attribuée ; car si l'oa
soumet à une forte commotion un métal incom-
bustible , tel que l'or, l'argent ou le platine,
on n'apperçoit pas qu'il ait pris une chaleur
capable d'opérer sa fusion , ce qui devrait
DU CALORIQUE. 209
arriver avec la seule différence d'une plus forte
commotion qui ne produirait, la liquéfaction
que par une élévation de température. La cha-
leur produite dans ce cas me paraît n'être qu'un
effet de la compression que les parties qui se
dilatent le plus exercent sur les autres : on ne
pourrait même rien conclure contre cette opi-
nion, quand on parviendrait à faire rougir un
métal sans le contact de Toxigène ; puisque la
percussion peut produire cet effet (Note XI ) .
L'action du fluide électrique cause dans la
partie des corps sur lesquels elle se porte , une
dilatation telle qu'elle paraît les réduire en gaz
plus facilement que celle du calorique qui par-
viendrait à les liquéfier , à en juger du moins par
l'effet qu'elle produit sur les métaux , et que Van
Marum a décrit avec tant de soin.
Cette dilatation me paraît propre à expliquer
l'analogie des effets chimiques : dans l'une et
l'autre circonstance la force de cohésion se trouve
diminuée par la distance introduite entre les
molécules, et par là les combinaisons, auxquelles
cet obstacle s'opposait , s'effectuent.
i36. Dans ces derniers temps, des effets élec
triques qui ont d'abord paru avoir un carac-
tère particulier , et dont on a indiqué la cause
sous le nom d^ galvanisme ^ ont exercé la saga-
cité des phvsiciens et des chimistes ; quoique
la série des phénomènes auxquels ce genre d ob-
I. * i4
ÛIO STATIQUE CHIMIQUE.
servatioQS a donné naissance , mérite de formef
une partie distincte de la physique ; leur con-
nexion avec plusieurs phénomènes chimiques ,
m'engage à tirer du célèbre Volta ( i ) une es-
quisse de la théorie lumineuse qu'il en a donnée.
Tous les phénomènes de la pile ou de l'appa-
reil électromoteur se déduisent par la théorie
de Volta d'une propriété génératrice que pos-
sèdent principalement les métaux.
Les métaux exercent une action mutuelle, re-
lativement à l'état électrique qui leur est na-
turel : en équilibre d'électricité pendant qu'ils
sont isolés , ils se partagent inégalement celle
qui leur appartient dès qu'ils sont en contact ;
les uns se surchargent de fluide électrique aux
dépens des autres , mais d'une manière inégale ,
de sorte que cet effet est plus grand entre cer-
tains métaux qu'eatre d'autres ; on peut com-
poser une série des métaux sous ce rapport , et
ceux qui forment les deux termes extrêmes de
la série sont le zinc , qui prend de l'électricité
à tous les autres , et l'or ou l'argent qui en
cèdent à tous. Les métaux intermédiaires en
prennent à ceux qui occupent des places infé-
rieures dans la série , et en donnent à ceux qui
remplissent des places supérieures.
Cette propriété n'est pas limitée aux métaux ,
le charbon peut être comparé aux métaux
(i) Ann. de Cliim. Frim. an lO.
HTJ CALORIQUE.- 211
qui sont le plus disposes à donner du fluide
électrique par le contact, et loxide de manganèse
cristallisé en cède une plus grande quantité ,
même que lor ou largent.
Pendant que les métaux restent isolés dans
leur contact, cette action mutuelle ne produit
qu'un premier effet ; mais s'ils ont une com-
munication établie d'un côté avec un réservoir
d électricité , de l'autre avec des corps conduc-
teurs , le métal qui a cédé du fluide électrique à
ïin autre, par exemple, l'argent qui en a donné
au zmc , en reçoit du réservoir , et le pousse con-
tinuellement dans le zinc qui le transmet aui
corps conducteurs; il s'établit ainsi un courant
continu: une substance conductrice liquide,
telle que l'eau reçoit donc le fluide électrique
qui passe de l'argent au zinc ; mais si elle com-
munique avec une plaque d'argent qui soit ciio
mème en contact avec une plaque de zinc , et qui
exerce pareillement une action mutuelle , l'effet
des deux dernières plaques est accru de celui des
deux premières , d'où résulte une plus grande
.tension dans l'électricité qui se dégage • de là
toutes les propriétés dé la pile, dont l'action
augmente en raison, arithmétique du nombre
de ses éléments; maisisi la pile est isolée, cette
-action de ses éléments accujmule le fluide élec-
trique dans ,1a pmie supérieure, aux dépens
•.4e la partie inférieure , de sorte que la moitié
i4.
ÎI2 STATÎQUK CHTMTQtTT:.
supérieure surchargée de fluide électrique , se
trouve dans un état positif , et la moitié infé-
rieure dans un état négatif, pendant que le
centre de ces forces , qui se contrebalancent ,
reste dans l'état naturel.
Cependant le courant électrique qui s établit
avec une pile qui n'est pas composée de nom-
breux éléments , n a pas une tension qui pro-
duise un effet sensible sur les électromètres ,
mais on peut augmenter la tension de l'électricité
qui provient de cette pile par le moyen d'un con-
densateur , et déterminer Taugmentation qu'elle
reçoit en augmentant les éléments , par le moyen
d'un électromètre dont la graduation a été établie
sur les effets comparables des étincelles produites
par un électrophore : c'est ainsi que Volta a pu
mesurer l'action de chaque élément de la pile ,
et l'action composée de tous ses éléments.
Il prouve de plus , par la rapidité avec laquelle
un grand réservoir se charge au contact le plus
instantané de la pile , en prenant la même ten-
sion d'électricité que la pile , que la quantité de
fluide électrique qui circule dans un temps
donné , est beaucoup plus grande que celle qu'il
pourrait recevoir même d une vaste machine
dans le même intervalle de temps.
Cette propriété de la pile , de donner le mou-
vement à une grande quantité de fluide élec-
trique , en rend les effets analogues à ceux d'une
DU CALORIQUE. 2l3
bouteille de Leide , dout l'action se soutiendrait
sans interruption , et rend raison de tous les
phénomènes qu'il paraissait jusques là naturel
d'attribuer à une action chimique des substances
mises en présence ; action qui semblait perpé-
tuer les effets électriques.
Il faut distinguer ici l'action des conducteurs ,
et les décompositions chimiques qui ont lieu.
Plus les liquides intermédiaires entre les élé-
ments de la pile sont bons conducteurs , plus le
courant est rapide , et plus les effets sont sen-
sibles , sans qu'on ait besoin de faire intervenir
leurs propriétés chimiques : Volta a prouvé que
ce n'était que par cette propriété que le mu-
riate de soude , le muriate d'ammoniaque , l'acide
nitrique , etc. , augmentaient les effets de la pile ,
tels que la commotion qu'on peut en recevoir,
sans accroître la tension du fluide électrique.
Priestley avait déjà remarqué que l'alcali caus^
iique j et que l'acide muriatique ne pouvaient
rendre visible l'étincelle électrique , d'où il avait
conclu, qiClls doivent être de bien meilleurs
conducteurs de V électricité que Veau et les autres
substances fluides (i). Morgan a fait la même
observation sur tous les acides minéraux (2).
Les dimensions en surface des éléments de la
(1) Exp. et obs. sur diff. espèces dVid. vol. I, p.Ssi:
(2) Trans. pliilos. 1785,
2ï4 STATIQUE CHïMIQtTE.
pile et des cartons humides qui sont interpose'*
produisent un effet particulier dont Volta con-
vient qu'il ne peut donner qu'une explication
probable. Un appareil ëlectromoteur ainsi com-
posé de plaques larges, produit un grand effet
sur les métaux dont il procure facilement la
combustion , ainsi que l'ont fait voir Hachette,
Tenard, Fourcroy et Vauquelin (i), et cepen-
dant la tension du fluide électrique n'est pas
plus grande que celle d une pile ordinaire , non
plus que les commotions qu'elle excite.
Volta conjecture que cette différence dépend de
ce que le corps humain , plus mauvais conduc-
teur que les métaux, oppose une résistance au
courant électrique mu avec une faible tension ,
et<Tue cette résistance plus grande empêche que
la quantité du fluide électrique n'augmente eii
raison de ce que peuvent en fournir les grandes
plaques , pendant que les fils métalliques peu-
vent la recevoir et en subir linfluence (2).
Quant aux effets chimiques qui ont lieu , ils
paraissent n'être que des conséquences de l'ac-
tion électrique , et nous avons déjà observé que
l'électricité favorisait plusieurs combinaisons et
plusieurs décompositions, comme le faisait une
élévation de température , et que pour produire
cet effet il suffisait aue l'électricité tendit à
1.
(i) Journ. de PEcoie Poiyt. tom. IV.
(2} Eibl. I3rit. vol. XIX.
DU CALORIQUE. 213
écarter les molécules des corps quelle affecte,
parce qu'elle détruit par là l'obstacle de la force
de cohésion ; le calorique lui-même ne favorise
les combinaisons et les décompositions que
comme une force opposée à celle de la cohésion.
L'action par laquelle deuxsubstances en contact
se font un partage différent du fluide électrique
qui convenait à leur état isolé, n'est pas propre
aux seuls métaux et à quelques substances so-
lides analogues , elle appartient encore , comme
l'a fait voir Volta, aux liquides; de sorte que
l'action mutuelle de deux liquides différents peut
produire un courant électrique , pourvu qu'un
métal interposé serve alors de conducteur ; un
troisième liquide peut même remplacer le métal.
i38. Cependant plusieurs physiciens ont con-
tinué de recueillir des faits intéressants sur la na-
ture et sur l'action de cette électricité : WoUaston
entre autres (i) a fait voir qu'un fil métallique ex-
trêmement mince et recouvert d'une couche de
verre pouvait , par son extrémité découverte ,
. décomposer l'eau même , avec une machine
i électrique d'une force médiocre ; de sorte quil
' est prouvé qu'il suffit de rétrécir les dimen-
• fiions du passage de l'électricité pour produire
cet effet , quoiqu'en elle même elle soit peu
considérable. Van Manim a confirmé dun&
(i) Bibl. Britan. tqm. XVIII.
ai6 STATIQUE CHIMIQUE.
manière lumineuse l'identité du courant du fluide
électrique mu par une pile ou par une machine
électrique (i).
iSg. Toutefois il existe encore une différence
entre la manière dont l'eau est décomposée par
l'électricité ordinaire ou par celle de la pile : la
première sépare dans toutes les expériences con-
nues jusqu'à présent les deux éléments de l'eau,
et les dégage confondus en un seul fluide élas-
tique ; mais par l'action de la pile l'hydrogène
s'échappe du fil métallique qui communique
avec l'argent , c'est-à-dire avec l'extrémité de la
pile qui a l'électricité négative et l'oxigène de
celui qui communique avec le zinc ou à l'extré-
mité animée de l'électricité positive. Il paraît,
si l'on ne veut admettre des propriétés incon-
ciliables avec celles qui sont le mieux établies en
physique , que l'on doit expliquer ce dégagement
isolé de chacun des éléments de l'eau , d'une part
à la propriété que l'eau a.de recevoir , ainsi que
toutes les combinaisons connues , des proportions
différentes des substances qui la composent ,
lorsque les forces qui produisent sa composition
se trouvent contrariées par d'autres forces ; d'autre
part à la propriété qu'il faut supposer dans
Véleclricité positive de favoriser plus le déga-
gement de l'oxigène , et dans l'électricité néga^
(i) Ann. t^e Cli'm. Frim, an lo»
T> V CALORIQUE. 21 <^
tive , d'être au contraire plus favorable au dé-
gagement de riiydrogène , mais la circonspection
qu il convient de s imposer dans les recherches
physiques, conseille d'attendre que Texpërience
iiit prononcé sur un objet qui conserve encore
quelqu obscurité , et il est probable qu'on ne
tardera pas à en recevoir une réponse décisive.
La chimie a acquis par ces découvertes qui font
époque dans l'histoire des sciences , un ao^ent dont
lénergie sera peut-être portée à un degré qu'on
ne fait qu'entrevoir , et qui donnera le moyen
de produire dans la formation et la décompo-
sition des combinaisons chimiques des effets
mattendus et supérieurs , dans quelques circons-
tances, à ceux qu'il est possible d obtenir de
l'action du calorique.
CHAPITRE IV.
Du calorique considéré relativement aux
combinaisons.
Von.,,
TOg. V^E qui a ete exposé au chapitre premier
ne concerne que l'effet du calorique sur les cor2>s
isolés; mais les résultats que nous avons re-
cueillis de l'observation ne peuvent plus s apph-
HlS STATIQUE CHîMIQtfE.
quer aux changements qui s opèrent lorsque leS
mêmes substances entrent en combinaison avec
d'autres, et sur-tout lorsqu'elles éprouvent en
même temps des altérations dans leur cons-
titution.
Lorsqu'il se forme une combinaison énergique,
on voit toujours une chaleur plus ou moins con-
sidérable accompagner l'acte de la combinaison ;
ainsi , lorsque les alcalis se combinent avec les
acides , il y a toujours de la chaleur dégagée :
cet effet a lieu dans la combinaison qui produit
la liquéfaction d'un solide , tel que la chaux ,
et même dans celle qui opère le dégagement
d'une substance élastique , comme l'acide car-
bonique ; de sorte que l'on voit par cela seul
combien il serait illusoire de regarder comme
un principe d'une apphcation générale, celui
qui ne serait établi que sur la considération
d'un genre de ces phénomènes.
Dans la dissolution des sels et dans la liqué-
faction de 1". glace , il se produit du froid, ou
il s'absorbe du calorique ; cependant il y a un
acte de combinaison , et les effets varient par
différentes circonstances ; c'est qu'alors plusieurs
causes agissent , que leurs effets peuvent se
contrebalancer, et qu'ils ne donnent pour ré-
sultat que l'excès des uns sur les autres.
Comme cet objet a exercé la sagacité de plu-
sieurs physiciens , je l'examinerai avec quelques
DU CALORIQUE. 2 1<)
détails , je lâcherai de fixer les circonstances qui
font varier les résultats en comparant les effets
quon observe dans les corps isolés avec ceux
qui ont lieu dans les dissolutions et dans les
combinaisons , selon Tënergie de l'affinité qui.
produit celles-ci ; enfin , avec ceux qui sont ac-
comna^nés d'un chanjïement considérable de
constitution.
i4o. Lorsqu'un liquide tel que l'eau passe à
Fétat solide , il se fait un dégagement de chaleur ,
comme lorsque de l'état de vapeur elle passe à
l'état liquide ; seulement il est beaucoup plus
considérable dans cette dernière circonstance :
l'observation fait voir que lorsque les ©orps
passent de l'état liquide à l'état solide , ils éprou-
vent une condensation : et si l'eau et quel-
ques autres substances augmentent de volume,
on ne doit l'attribuer qu'à l'arrangement des
molécules qui cristallisent , d'où il suit que lors-
que les corps passent de l'état liquide à l'état
solide , il s'effectue par la prédominance de l'af-
finité réciproque un rapprochement des mo-
lécules , qui est analogue à celui qui a lieu lors-
que les vapeurs passent à létat 'liquide , mais
qui est beaucoup inoins considérable , parce que
les volumes sont alors beaucoup moins com-
pressibles.
Ce rapprochement des molécules , dû à la pré-
pondérance de l'affinité récij)roque, est accom.
220 STATIQUE CHIMIQtTE.
pagnë d'une élimination de calorique dont la.
proportion est toujours déterminée pour les di-
mensions actuelles d'un corps.
Lorsqu'il se forme une combinaison , il se fait
aussi un rapprochement des molécules , qui
est d'autant plus grand pour J'état actuel des
corps , que la combinaison est plus énergique ;
mais en même temps il y a des changements
d'état , de sorte qu'une substance solide peut
devenir liquide par l'influence de celle avec
laquelle elle se combine : examinons d'abord
ce qui se passe , lorsque l'action de la com-
binaison est faible telle qu'elle est dans les dis-
solutions ordinaires.
1 4 1 • Lorsque deux liquides agissent , il y a
toujours condensation de volume , et en même
tems dégagement de calorique , ainsi qu'on l'ob-
serve dans l'union des acides et des alcalis li-
quides , et même dans l'union de l'alcool avec
l'eau ; mais si un liquide dissout un solide , deux
causes agissent , et sur les dimensions et sur
le calorique : le corps , qui passe de l'état solide
à l'état liquide par l'action du dissolvant, éprouve
une modification semblable à celle qui serait
due à sa liquéfaction par le calorique, et op-
posée à celle qu'on remarque lorsqu'il passe de
l'état liquide à l'état solide , c'est-à-dire , qu'il
éprouve une augmentation dans ses dimensions ,
et que par là même il absorbe et rend latente
DU CALORIQUE. 221
Tihe certaine quantité de calorique ; mais , cVun
autre côté, la combinaison produit un effet op-
posé , elle diminue les dimensions , et elle dé-
gage du calorique : le résultat dépend de celui
de ces effets qui domine , de sorte qu'un
acide , en dissolvant la glace , peut donner
de la chaleur , si celle qui devrait résulter de son
union avec la même quantité d'eau, surpassait
celle que la glace doit absorber pour se réduire
en eau ; mais il produira un effet contraire
si l'absorption du calorique par la glace , l'em-
porte sur le dégagement dû à la dissolution
dune même quantité d'eau : d'où il suit que
leffet doit varier par la concentration de l'acide ,
c'est-à-dire par la quantité d'eau qu'il tient en
dissolution , et qui a déjà produit son effet ,
par la proportion de la glace sur laquelle il
agit, et par l'action qu'il peut exercer sur la
force de cohésion à certaines températures.
Ces effets observés par Wilke , et sur-tout par
Cawendish , ont été présentés d'une manière
lumineuse par les auteurs du mémoire sur la
chaleur . « Si le mélange d'un acide avec unequan-
» tité donnée d'eau , produit de la chaleur , en
» mêlant cet acide avec la même quantité de
y> glace, il produira de la chaleur ou du froid,
j> suivant que la chaleur qui résulte de son
« mélange avec l'eau est plus ou moins consi-
» dérable que celle qui est nécessaire pour fondre
222 STATIQUE CHIMIQUE.
» la glace; on peut donc supposer à cet acide
» un degré de concentration que nous nom-
» merons K , tel qu'en le mettant avec une partie
» infiniment petite de glace , il ne produise ni ^
» froid ni chaleur. Cela posé , le plus grand froid
» que puisse produire le mélange de lacide avec
« la glace , est celui auquel l'acide concentré
» au degré K , cesse de dissoudre la glace ; on
y> peut déterminer le maximum de froid sans le,
» produire , en observant, à des degrés de froid
» moindres , la loi qui existe entre les degrés
» du thermomètre et les degrés correspondants
» de concentration auxquels lacide cesse de disr
» soudre la glace ».
i[\i. On observe les mêmes effets dans la dis-
solution des sels par Teau ou dans celle de la
glace qu'ils opèrent.
On doit à Lowilz une observation qui rend le
contraste très-sensibles. Il a fait voir ( i ) que la
potasse et la soude desséchée qui produisent une
chaleur considérable en se dissolvant dans l'eau ,
donnent au contraire un froid remarquable )
lorsqu'étant dans l'état cristallin , on opère leur
dissolution daps i'eau , et beaucoup plus grande
lorsqu'on les fait agir sur la glace ou sur l
neige.
Ces alcalis ne diffèrent alors relativement ai*
1
(i) Ann. de Cliim. lom. XXII. '<:
i
DU CALORIQUE. ^^3
calorique , qu'en ce que , dans la cristallisation ,
ils en abandonneiW une partie , et qu'ils éprou-
vent une contraction dans leur volume ; mais
ils reprennent ce calorique en se dissolvant
dans l'eau , et ils subissent une dilatation de
volume égale à la contraction précédente ; par
conséquent la quantité d'eau qu'ils retiennent
dans leur cristallisation , a fait ou occasionné
une perte de calorique qui équivaut à toute
celle qui aurait produit la chaleur qui se serait
dégagée , si après les avoir fortement desséchés
on les eût dissous dans l'eau ; il résulte en
effet des observations de Watson (i) et de Vau-
quelin (2) , qu'il y a une dilatation de volume
par la dissolution de tous les sels neutres par
l'eau. Lorsque ces sels dissolvent la glace , l'effet
se compose de celui qu'ils auraient produit sur
une même quantité d'eau , et de celui du calo-
rique que cette quantité aurait absorbé pour
passer de l'état de glace à l'état liquide.
Le àe^ré de froid qui provient de la dissolu-
tion mutuelle des sels et de la glace serait donc
beaucoup plus considérable que celui qui est dû
à la hquéf action de la glace par les acides, qui
produisent de la chaleur avec l'eau, s'ils pou-
vaient en dissoudre une quantité égale ; mais
(0 Trans. pliilos. 1773.
(a) Ann. de chim. tom. XIIL
224 STATIQUE CHIMIQUE.
cet effet est limite, parce que la force de colie'-
sion des sels augmente beaifcoup plus rapide-
ment par le froid que celle des acides , et qu'elle
suspend , pour ainsi dire , leur action , comme
on le verra ci-après.
Cependant l'avantage reste à quelques sels , et
le même Lowitz a fait voir que le muriate de
chaux était la substance la plus propre à pro-
duire un grand refroidissement , de sorte que c'est
par les proportions de ce muriate qu'il a déter-
minées , que Fourcroy et Vauquelin ont congelé
l'ammoniaque et l'étlier (i), et que Pepys (2) a
solidifié 56 livres de mercure.
C'est donc par leur solubilité à une teilipé-
rature basse, que les sels doivent principalement
les différences qu'ils présentent en donnant du
froid par leur action; ce qui le confirme, c'est
que le sulfate de soude produit à peine un re-
froidissement avec la glace , parce que comme
l'a observé Blagden ( 3 ) , dès que l'eau qui le
tient en dissolution s'abaisse un peu au-dessous
du terme de la congélation , il cristallise et se
sépare (4) ; mais si on le dissout par l'acide ni-
trique , pourvu qu'il soit dans l'état cristallisé ,
il produit un très-grand froid, comme l'a éprouvé
(1) Ann. de Chim. tom. XXIX.
(2) BIbl. Britan. n°. i4o.
(3) Trans. philos. ijS8.
(4) Ibid. 1788.
DU CALORIQUE. la'J
Walker (i), et il peut remplacer la neige pour
cet objet : le phosphate de soude et le sulfate
de magnésie ont la même propriété.
L'action mutuelle des sels est si faible , qu'elle
change peu leur volume respectif : elle diminue
cependant leur force de cohésion , et augmente
par là leur solubilité; il résulte de là que ce
mélange doit augmenter la propriété frigorifique
des sels , et c'est ce que Blagden et Walker ont
établi ; mais si un sel par lui-même est très-soluble,
: l'addition d un autre sel n'augmente pas sensi-
\ blement son action , comme Walker la observé
pour le muriate de chaux.
La plupart des sels qui sont privés d'eau de
cristallisation , font monter le thermomètre en
se dissolvant dans l'eau ; de sorte que IVffet de
la condensation qui est due à la combinaison ,
l'emporte alors sur celui du passage de létat
solide à l'état liquide ; mais cette propriété des
sels desséchés n'est pas générale; Walker remarque
que le muriate d'ammoniaque, quoi qu évaporé
jusqu'à dessication , produit cependant un froid
considérable ; il y a apparence que cette com-
binaison et toutes celles qui sont dans le même
, cas , éprouvent une ddatation considérable en se
dissolvant dans l'eau.
143. Il y a d'autres phénomènes parallèles à
(1) Nicholsons, journ. sept. 1801,
I. i5
226 STATIQUE C H I M I Q Tî E.
ceux que je viens d'analyser , et sur lesquels
Blagden a fait des observations très-intéressantes.
Ce savant physicien a fait voir que les sel sabais-
sent le terme de la congélation de Teau , chacun
en raison simple de la quantité qui est tenue
€n dissolution , et que l'effet qu'ils peuvent pro-
duire sur la glace est proportionnel au degré
de température auquel ils peuvent faire des-
cendre l'eau , sans qu'elle puisse se congeler ; de
sorte que la glace qu'ils peuvent liquéfier à une
température , est égale à la quantité d'eau dont
ils peuvent empêcher la congélation à ce même
degré
Il a observé qu'un sel ajouté à la dissolution
d'im autre abaissait le terme de la congélation
de cette dissolution presque d'une quantité égale
à l'abaissement qu'il produirait par sa seule
action, et que le même effet avait lieu si l'on
ajoutait un troisième sel au précédent ; de sorte
qu'on peut juger par la quantité des sels qui
peuvent être maintenus en dissolution par une
proportion d'eau, et par la température à la-
quelle ils la maintiennent elle-même dans l'état
liquide sans se précipiter , de la quantité de
glace qu'ils pourront dissoudre , et du degré de
froid qu'ils pourront produire.
Il fait remarquer que la température à laquelle
ks sels peuvent abaisser le thermomètre , est
limitée par cette circonstance ; de sorte que s U
C tr CALORIQUE. 227
S€ trouve une grande proportion de sel , l'effet
est prolonge , le froid se maintient à un degré
constant; et la liquéfaction de la glaee con-
tinue , jusqu'à ce qu'elle ait pu absorber suc-
cessivement tout le calorique qui lui est nécessaire
pour se réduire en eau , et tout celui qu'exige-
rait le même sel pour se dissoudre dans l'e'au.
i44- Les expériences de Vauquelin (i) jettent
encore du jour sur l'effet que produit le mélange
des sels : il a fait voir que lorsqu'on dissolvait du
muriate de soude dans la solution saturée d'un
autre sel, il arrivait souvent qu'il n'y avait pas
production de froid, qu'il se dégageait au con-
traire quelquefois du calorique , et qu'il s'en
dégageait toujours lorsqu'il y avait précipitation
d'une partie du sel préalablement dissous. Ces
observations s'expliquent par la petite conden-
sation que l'action mutuelle des sels doit néces-
sairement produire dans leur volume , quoique
leur solubilité se trouve augmentée par les raisons
qui seront développées dans la suite.
Relativement au calorique , l'effet qui est dû
à la concentration du volume diminue celui qui
l'est à la dilatation qui serait produite , si les sels
se dissolvaient séparément , et lorsqu'il y a dépôt
d'une partie du sel , il faut ajouter à cette pre-
mière quantité tout le calorique qui se dégage
(i) Ann. de Clilm. lom. XIIL
;5..
228 STATIQUE CHIMIQUE-
du sel qui prend de Teau en se séparant , comme
dans une cristallisation ordinaire ; mais si les
sels agissent sur la glace , leur augmentation de
solubilité domine dans le résultat.
On voit cependant par là pourquoi Blagden a
trouvé que l'addition d'un sel ne procurait pas
au terme de la congélation de l'eau tout ra-
baissement qu'il aurait pu produire étant sé-
paré , il en faut déduire tout l'effet de la con-
densation du volume produit par l'action
réciproque; la liquéfaction de la glace par le
xnélan-e des sels doit aussi être diminuée de
cette même quantité ; ainsi tous ces phénomènes
ge correspondent.
Les compensations des effets produits par la
dissolution et par les altérations de volume qui
dépenc^ent de l'action chimique et du passage
de IViat sohde à l'état Uquide , n'ont pas heu
dans le passage de l'état hquide à l'état élastique ,
parce que l'action mutuelle des gaz n'apporte
aucun changement dans le volume qu'ils doivent
occuper (109); ainsi, les observations précé-
dentes ne doivent pas s'appliquer à l'évaporation.
145. Dans la plupart des faits que je viens
d'exposer , l'effet de la liquéfaction Femportf
sur celui qui est dû à la combinaison; il nei
est pas de même lorsque celle-ci a quelqu'énergie
alors l'action de la combinaison couvre et n.
laisse point appercevoir l'effet qui est dû à k
T> TJ C A L O R I Q TJ E. 2^9
liquéfaction ; ainsi , les alcalis dessèches pro-
duisent de la chaleur en se dissolvant dans l'eau ;
mais cette chaleur est beaucoup plus considé-
rable , si on les combine avec un acide qui exerce
une action beaucoup plus puissante que Teau ;
cet effet varie selon le degré de concentration
de l'acide ; s'il s'est déjà dégagé beaucoup de ca-
lorique par sa combinaison avec l'eau , il s'en.
élimine beaucoup moins lorsqu'il se combine
avec l'alcali , parce que la condensation qu'il a
éprouvée avec l'eau diminue celle qu'il subit en
se combinant avec l'alcali , et que celle que l'eau
a éprouvée est rétablie en partie, puisque par
la combinaison de l'acide avec l'alcali , elle reçoit
une restitution dans son volume, qui équivaut
à la diminution de l'action exercée sur elle.
i46. Lorsque les combinaisons qui se forment
sont accompagnées d'un grand changement de
constitution , les phénomènes deviennent plus
compliqués ; on n'apperçoit plus de rapport
entre les changements de volume et les tempé-
ratures qui s'éta])lissent; ainsi, lorsqu'on dissout
un carbonate d'alcali dans un acide un peu
concentré , il se dégage beaucoup d'acide carbo-
i.'ique, et cependant il y a production de cha-
leur; dans la dissolution du cuivre par l'acide
nitrique , il y a liquéfaction du cuivre, dégage-
ment d'une grande quantité de gaz nitreux , et
cependant grande production de chaleur : dans
3jo statique ctitmique.
la détonation du nitrate de potasse avec le
charbon , un développement de beaucoup de
chaleur est accompagné de la formation d'une
grande quantité de gaz.
Il faut se rappeler, i**. que les gaz reçoivent
par les mêmes changements de température
des accroissements de volume qui sont beau-
coup plus considérables que ceux des liquides ,
et sur-tout des solides (112); 2°. que lorsque
les fluides élastiques sont retenus dans une
combinaison , leur tendance à l'élasticité est
un effort qui continue à agir , et qui produit
son effet dès que la force qui le maintenait se
trouve assez affaiblie.
Lors donc qu'une substance gazeuse peut se
former, soit parce que celte même substance
éprouve une résistance moindre que celle qui
la contenait , soit parce qu'elle est le produit
d'une combinaison qui se forme , elle doit
s'échapper en gaz , et cependant elle n'exige
pour cela qu'une quantité de calorique qui ne
produirait qu'un petit changement dans les dimen-
sions de la substance qui reste solide ou liquide.
On voit par là comment l'acide carbonique
qui se dégiige dans le premier exemple que
j'ai donné , peut occuper un volume beaucoup
plus considérable qu'auparavant , et quoiqu'il
n'absorbe qu'une partie du calorique éliminé
par la combinaison.
DU CALORIQUE. 23l
Cependant cet effet de l'action d'un acide sur
un carbonate n'est pas général ; mais ses excep-
tions sont propres à faire distinguer les effets
produits par la combinaison de ceux qui sont
dûs à la formation du fluide élastique , ainsi
que l'a fait Lavoisier (i).
La solution de carbonate d'ammoniaque qui
contient une grande proportion d'acide carbo-
nique , a donné un peu de froid avec l'acide
nitrique ; mais en enlevant au carbonate une
portion de l'acide carbonique par la chaux, il
y a eu production de chaleur , et d'autant plus
que la quantité d'acide carbonique enlevée par
la chaux était plus grande.
Dans le second exemple , l'oxigène qui s'est
combiné avec le cuivre a peut-être éprouvé toute
la perte de calorique qui a été nécessaire au gaz
nitreux pour prendre l'état élastique ; de sorte
que toute la chaleur provenant de l'action de
l'acide nitrique sur l'oxide a pu se dégager.
Pour l'explication du troisième cas , il faut
encore observer que les circonstances qui avaient
réduit l'oxigène à l'état solide ont changé, et il
ne faut plus le comparer qu'à ce qu'il aurait
été s'il se fût trouvé dans l'état élastique ; on
voit alors que la combinaison a réellement été
accompagnée d'une grande réduction de volume.
(i) M(.MQ. de l'Acad. 1777.
^32 STATIQUE CHIMIQUE.
147. Cependant il ne faudrait pas conclure
que la quantité de calorique qui se dégage a
des rapports constants avec les dimensions qui
s'établissent même dans les combinaisons qui
restent dans l'état solide et dans Tétat liquide ;
cette conclusion ne peut s'appliquer rigoureu-
sement qu'aux substances isolées et qui ne su-
bissent pas de combinaison : la différence de
l'action des éléments qui entrent en combinaison
sur le calorique , les changements qui résultent
de leur action réciproque et qui varient par les
températures , altèrent considérablement le ré-
sultat ; ainsi l'oxigène retient la plus grande
partie de son calorique dans l'acide nitrique ,
et il en abandoi>ne beaucoup plus dans d'au-
tres combinaisons , dans lesquelles il éprouve
une condensation moins grande ; mais l'ob-
servation nous apprend que quoiqu il n'y ait
point de rapport entre les quantités, il y a
cependant toujours élimination de calorique ,
lorsqu une substance passe d'une combinaison
plus faible en une combinaison plus forte , à
moins que cetefiet ne puisse être déguis,é par celui
des changements de volume qui accompagnent les
changements d'état ; ainsi le gaz oxigène qui se
combine avec le gaz nitreux , abandonne un
peu de calorique , il en abandonne encore en
s'unissant avec l'eau, puis en se combinant avec
un alcali. Il n'y a parmi toutes les combinaisons
DU CALOUIQUE. 233
connues jusqu'à présent , queTacide muriatique
siiroxige'ne , et quelques oxides métalliques
que ron puisse conjecturer faire une exception.
i48. Il resuite de tout ce qui précède, que
l'effet immédiat de toute combinaison est une
élimination de calorique , que cet effet peut être
déguisé dans les combinaisons faibles , par les
changements de dimensions qui proviennent du
passage de l'état solide à l'état liquide , ou de
celui de liquide à l'état de fluide élastique; mais
que lorsqu'elles sont énergiques , Teffet de la
combinaison relativement au calorique , Vem-
porte toujours sur celui de la dilatation acciden-
telle du volume , et que néanmoins il n'y a pas
dans les combinaisons, entre les changements
de dimensions et les éliminations de calorique,
les rapports qu'on observe entre les substances
isolées ; de sorte que l'on tomberait dans une
erreur , si l'on établissait comme principe gé-
néral que la dilatation est toujours accompagnée
de refroidissement , et dans une autre , si l'on
prétendait que la combinaison produit constam-
ment de la chaleur. Ces effets peuvent quel-
quefois se compenser , ou l'excès de l'un sur
l'autre produit le résultat.
149. Le calorique qui se dégage pendant une
binaison est une quantité aussi constante que celui
qui est déterminé par les dimensions d'un corps
isolé , mais on ne peut pas la conclure des dimen-
234 STATIQUE CHIMIQUE.
sions qui se sont établies , compare'es à celles
qui précédaient ; d'autres conditions qui dé-
rivent , soit de l'affinité des éléments de la
combinaison , soit de leur action réciproque ,
limitent la proportion dans laquelle il y entre ,
et l'état de condensatiori dans lequel il s'y
trouve. C'est avec cette modification des rapports
du calorique avec les dimensions , qu'il faut
apj)liquer aux corps isolés et aux substances
qui subissent une combinaison les principes qui
ont été établis (io3).
Non-seulement on a souvent confondu ces
deux genres de phénomènes, mais encore le
calorique spécifique , ou la quantité de calo-^
rique combiné qu'un corps peut prendre ou
abandonner , en passant d'une température dé-
terminée à une autre , avec tout le calorique
combiné ou le calorique absolu : je vais tâcher
de fixer l'état de nos connaissances sur cet objet.
Crawford a prétendu établir en principe que
les capacités de calorique ne changent pas pen-
dant qu'un corps conserve son état , d'où il a
conclu que la capacité de calorique d'un corps
était proportionnelle à son calorique absolu ;
de sorte que par l'un il a cherché à déterminer
quel était l'autre.
i5o. Les gaz et les vapeurs suivent tous les
mêmes lois de dilatation , ainsi qu'on l'a vu ;
ils prennent tous à une même température une
DU CALORIQUE. 23i)
quantité de calorique proportionnelle aux di-
mensions qui sont déterminées par la compres-
sion; ainsi Ton peut dire que leur capacité de
calorique est proportionnelle à leurs dimensions;
mais on ne connaît pas quelles sont les différences
de ces capacités entre elles , et quelle quantité de
calorique chaque gaz exige pour parvenir a une
même dilatation : on ignore encore si ces ca-
pacités changent par des élévations de tempé-
rature , quoiqu'elles conservent le même rapport
entre elles, mais si l'on fait attention que le
gaz oxigène n'a qu'une faible capacité de calo-
rique , pendant que certaines combinaisons font
voir qu'il en contient une grande proportion ,
on trouvera ^probable que les capacités de calo-
rique des gaz éprouvent de grandes variations à
des températures éloignées : pour les liquides ,
et particulièrement l'eau , les expériences de
Deluc et de Crawford paraissent prouver qu'elles
restent les mêmes dans Tintervalle thermomé-
trique qui sépare la congélation et l'ébullition ;
dans cet espace , l'action des molécules sur le
calorique et leur action réciproque , ne paraissent
pas éprouver de changement assez considérable
pour qu'il en résulte un effet sensible dans les
capacités, ou du moins s'il y a quelque variation
dans le terme qui approche de la congélation , et
sur-tout dans celui qui approche de rébullition ,
parce que le passnge d'un état à l'autre qui a une
236 STATIQTTE CHIMIQUE.
influence sur les dilatations en a probablement
une sur la capacité du calorique ; on peut , pour
1 explication des phénomènes , adopter cette cons-
tance dans le calorique spécifique ; mais ce que
l'on a observé dans cette partie de l'échelle
thermométrique ne peut plus sappUquer aux
différentes températures que peuvent recevoir
les corps solides.
Ceux-ci prennent Tétat solide , non parce que
leurs molécules se touchent , il y a apparence
qu'elles sont encore à de très-grandes distances
relativement à leurs dimensions ; mais parce que
l'action qu'elles exercent sur le calorique et par
laquelle elles le condensent , est en équilibre
avec leur action réciproque plus on rapproche
leurs parties , plus le calorique qui reste se trouve
condensé , et plus forte est l'affinité qui le retient.
Cette supposition qui est fondée sur les attri-
buts de l'affinité , me paraît réalisée par les ob-
servations que j'ai pi ésentées sur l'accumulation
du calorique, lorsque son action devient plus puis-
sante que celle de la force de cohésion ou de
la compression , et sur la distinction qu'il faut
établir entre le calorique spécifique de la glace ,
de l'eau , de la vapeur de Feau qui est formée
sous différentes compressions à la chaleur de
l'ébullition , ou cjui est exposée à des degrés
supérieurs de température (120 , 121).
Il devrait résulter de là que le calorique spé-
\
DU CALORIQUE. a^J
cifique des corps solides augmente à mesure que
leurs dimensions diminuent ; mais d'un autre
côté , par les élévations égales de température , les
dimensions vont en croissant en plus grande pro-
portion , et la résistance de la cohésion diminue :
l'expérience n'a point appris si ces effets se com-
pensaient , ou si lun était plus grand que l'autre.
Je conclus donc qu il n'y a aucun rapport connu
entre les capacités de calorique des corps solides
à différentes températures , quoique dans la petite
«tendue de l'échelle thef-mométrique qui sépare
la congélation et l'ébuîlition de l'eau , ces chan-
gements puissent être assez petits pour n'être
pas sensibles, puisque les dilatations que ces
degrés de chaleur produisent , sont elles-mêmes
extrêmement petites.
i5i. Crawford a donné une grande extension
aux prin-cipes qu il avait d'abord adoptés sur la
constance des capacités de calorique pendant que
les corps ne changeaient pas d'état ; il a déduit
des variations de capacité qu'il a observées dans
une combinaison malgré même les changements
d'état que pouvaient avoir subi ses éléments ,
l'absorption où le dégagement de calorique qui
devait s'être opéré : ainsi il a expliqué les phé-
nomènes de la respiration par la capacité de
calorique de l'acide carbonique qui se forme ,
comparée à celle du gaz oxigène.
Je négligerai ici les ixicertitudes qui provien-
Ïi38 STATIQCIE CHIMIQUE.
lient de la metliode qu'il a employée pour cl<^*
terminer les capacités de calorique des subs-
tances gazeuses , et de celles qui forment des
combinaisons.
Les auteurs du mémoire sur la chaleur ont
cherché quelle devait être la quantité absolue
de calorique dans Teau , en déterminant par
l'expérience son calorique spécifique , ainsi que
celui de plusieurs substances avec lesquelles ils
l'ont combinée , et la quantité de chaleur qui
se dégageait dans ces combinaisons ; mais ces
épreuves ont donné des valeurs très-différentes
pour le calorique absolu de l'eau , et leur ont
paru détruire l'hypothèse que le calorique spé-
cifique est projDortionnel avec lui : cependant
ils observent eux-mêmes qu'une petite erreur
dans la détermination du calorique spécifique
suffirait pour introduire cette différence , parce
qu'il ne peut être qu'une très-petite quantité ,
relativement au calorique absolu ; mais ils ont
fait une autre épreuve dont la conséquence n'a
rien de douteux. Ils ont mêlé une partie de
nitrate de potasse avec huit parties d'eau ; on
sait que dans la dissolution du nitrate de potasse
il y a un refroidissement produit , et qu'en con-
séquence le calorique spécifique de la dissolu-
tion devrait être plus grand que celui des deux
substances séparées : or le calorique spécifique
de la dissolution qui dépend seulement de l'eau,
DU CALORiQur:. ^39
^t snns y faire entrer tout celui qui uppartieut
au nitrate de potasse , et raccroissement dont
on vient de parler , devrait être de 0,88889, en
donnant au calorique spécifique de l'eau la valeur
de 1,0000 ; et rexpérience n'a donne pour le
calorique spécifique de la dissolution que 0,8 1 670.
Le nitrate de potasse qui a diminué dans cette
expérience le calorique spécifique de l'eau , con-
tient ce23endant plus de o,3o d'oxigène, lequel
a conservé presque tout le calorique qu'il a
dans l'état de gaz ; et selon Crawford , le gaz
oxigène a presque cinq fois autant de calorique
spécifique que l'eau : on pourrait facilement
accumuler de semblables considérations qui dé-
montrent qu'on ne peut rien conclure du calo-
rique spécifique des éléments isolés d'une com-
})inaison , relativement à celui de la combinaison,
ni du calorique spécifique d'une substance , re-
lativement à la quantité totale qu'elle en con-
tient , quoique toutes ces quantités soient cons-
tantes quand les conditions se trouvent les
mêmes.
Comme la proportion du calorique fait varier
non-seulement la force de cohésion , mais qu'en
changeant les dimensions d'une manière inégale,
elle introduit une force qui modifie l'action
chimique des différentes substances , il convient
de considérer à présent les propriétés qui en
dérivent.
a4'0 STATIQUE CHIMIQUE.
.. I
NOTES DE LA IIP SECTION.
NOTE III.
EnGwooD (i) fait contre l'usage du calorimètre
deux objections qui méritent d'être examinées d'autant plus
qu'elles l'ont empêclié de s'en servir pour déterminer les
quantités de calorique qui sont représenlées par les degrés
de son thermomètre 5 ce qui aurait établi une comparaison
exacte entre les degres de ce thermomètre 5 et ce qui lui
aurait donné un avantage dont sont privés même les ther-
momètres à mercure,
La première de ces objections est fondée sur la propriété
qu'a la glace d'absorber une certaine quantité d'eau , ce
qui rend selon lui les résultats incertains : il n'a pas fait
attention que les auteurs ont prescrit , lorsque la glace se
trouvait au-dessous de zéro, de la piler ^ de l'étendre par
couches fort minces ^ et de la tenir ainsi pendant quelque
temps dans un lieu dont la température soit au-dessus de
zéro. Il faut observer , ont-ils ajouté, qu'au commencement
de chaque expérience , la glace est déjà imbibée de toute
la quantité d'eau qu'elle, peut ainsi retenir.
On voit qu'avec ces précautions l'eau que la glace peut
absorber ne peut point être une cause d'erreur , puisque
(i) Trans. philos. 1784,
DU C A L O R I Q U T.. 2^ j
la dernière se trouve à cet égard dans le même état avant
l'expérience et lorsqu'elle finit.
La seconde objection de Wedgwood porte sur la prn-
rriété qu'a l'eau qui vient de se liquéfier de reprendre
l'état de glace à la même température : il a fait sur cet
objet des expériences curieuses qui prouvent que le contact
des corps solides peut réellement produire une nouvelle
congélation dans Peau qui vient de se liquéfier, et qu'ils
différent entre eux par le degré de cette propriété' : il
explique ce phénomène sur-tout par une évaporation qu'il
suppose produite par le froid.
Sa véritable cause me parait être l'attracti.'n que le
«olide exerce et par laquelle il se serait mouillé si' l'eau
se fut trouvée plus éloignée du terme de la congélation;
mais dans l'état où elle est, cette action suffit pour sur-
monter ce qu'il restait de force au calorique pour produire
!a liquidité. C'est donc un phénomène analogue à la séi^a-
ration d'un sel qui est tenu en dissoluUon , par le contact
d'un cristal du même sel , ou même par un autre corps solide
ou à la congélation de l'eau , qui est déterminée par le
contact de la glace (27)5 mais cette cause ne peut produire
aucune erreur sensible dans les épreuves qu'on fait avec le
calorimètre , et ce qui prouve bien que cette épreuve n'est
pas sujette aux incertitudes que suppose Wedgwood , c'est
que les mêmes expériences répétées plusieurs fois ont donné
des résultats dont les différences étaient très-petites, et telles
qu'elles existent dans les expériences de physique qu'on
regarde comme très-exactes.
ï- iG
-34^ STATIQUE CHIMIQUE.
NOTE IV.
Les changements de température qui ont lieu dans 1 air
qui éprouve une dilatation ou une condensation , et qui
abandonne ou prend du calorique selon les dimensions qu'on
lui donne, ont reçu difterentes explications 5 mais toujours
dans la supposition qu'ils étaient conformes à l'indication
du thermomètre : Cnllen qui paraît avoir observé le pre-
mier l'abaissement du tliermomètre par la dilatation de
i'air dans la machine pneumatique, l'attribua au refroi-
dissement produit par une évaporation j mais Saussure
prouve que l'air desséché par l'alcali lait baisser le ther-
ïuomèlre à-peu-près autant que l'air humitle , lorsqu'on
le dilate par la pompe pneumatique , qu'alors l'hygromètre
reste immobile à la plus haute sécheresse , et que par
conséquent l'évaporation ne peut être la cause du froid
produit (i). Lambert avait observé que lo refroidissement
était d'autant plus considérable , que l'on raréfiait plus
]>romplementFair, et il l'avait expliqué par des particules
de feu entraînées par l'air, et remplacées peu-à-peu par
d'autres particules émanées du récipient ; c'est à cette idée
un peu vague que Saussure lui-même s'ai-vête.
Cependant ce célèbre physicien est obligé de faire d'autres
suppositions pour expliquer d'autres faits qui dérivent natu-
rellement de la cause que j'ai indiquée : Kollet avait prétendu
que lorsqu'on pompait l'air du récipient le plus sec, on voyait
toujours se former cette vapeur ou ce nuage qui ^^araît
tomber ou se condenser au bout de quelques instants ; Saussure
fait voir que cette apparence n'a pas lieu lorsqu'on a pris
les précautions nécessaires pour avoir une dessicatiou par-
Ȕ) Essais sur rHygrx)iu(;trifi.
DU C A. L O R I Q U E. 1^3
faite; de sorte que la formation de ce nuage exige un air
qui ait un certain degré d'humidité , ou que quelque partie
de l'appareil contienne de l'humidité : il croit que dans les
expériences de Nollet , // y avait dans les tuyaux de sa.
pompe une humidité cachée , qui se changeant en vapeurs
élastiques ^ lorsque l'air se raréfiait^ s'élançait avec force
dans l' intérieur du récipient.
Il pense que les vapeurs vésiculaires se forment à une
distance du cheveu de l'hygromètre qui n'en est pas affecté ,
et qui marche au sec; ce qui est contraire à l'observation;
car lorsque l'air se trouve saturé d'eau au point conve-
nable , on apperçoit à l'instant les vapeurs vésiculaires et
les couleurs dont elles brillent dans toute l'étendue du
récipient : la dilatation oblige l'eau du cheveu de se réduire
en vapeurs ; il doit donc marcher au sec , mais lorsque la
quantité d'eau tenue en dissolution est suffisante , le froid
qui survient en oblige une partie à sfe réduire en vapeur
vésiculaire , parce que son intensité est telle dans ce mo-
ment, que son effet l'emporte relativement à la vapeur
sur celui de la dilatation; cette partie précipitée par lo
froid est bientôt redissoute au m^oyen de la température
communiquée, de sorte que les vésicules disparaissent; si
après avoir comprimé l'air on fait cesser la compression ,
le froid produit par sa dilatation donne également nais-
sance à la vapeur vésiculaire; mais lor.sque l'on comprime
l'air, on n'apperçoît point de vapeurs vésiculaires , quoique
l'hvgromètre marche à l'humide , parce qu'alors la tempé-
rature de l'air est trop élevée, et que c'est aux parois de
Fappareil que l'humidité doit se déposer par rabaissement
de temj)érature qui succède.
Pictet ( 1 ) cite des faits qui le portent à supposer que
le feu emporte dans le mouvement qui lui est propre
Feau qui se trouve dans un cheveu hygrométrique , ou la
{i) Essais <le Phys. p. i45.
ïG..
^44 STATIQUE CIÎi:MIQtIE.
lui rapporte, selon la direction de son mouvement 5 II
emprunte en conséquence de Deluc la qualification de
fluide déférent qu'il donne au feu auquel il a attribué
ee transport de la vapeur.
Cette supposition me paraît incompatible avec l'idée qu'où
doit se faire du calorique soit combiné avec une substance ,
soit rayonnant , et à celle qu'on j^eut concevoir de la force
inécanique du feu qui se meut dans un sens horizontal ^
de sorte que si les faits étaient inexplicables, ce ne serait
j)as une raison pour l'admettre. Voici les faits :
Ayant mis un thermomètre et un hygromètre dans uii
ballon vide d'air , mais rempli de vapeurs aqueuses à la
température de 4 degrés , il transporta le ballon dans une
chambre voisine, dont la températuie était précisément au
terme de la congélation 5 l'hygromètre qui marquait 98 degrés
marcha à la sécheresse , et au bout de 4 minutes , il ne
marquait plus que 91 , le thermomètre dans le ballon s'était
refroidi d'un degré; l'hygromètre continua à descendre au
sec , et quelques minutes après il n'était plus qu'à 89 ;
inais au bout de 20 minutes , le thermomètre du ballon
étant arrivé à zéro, il trouva l'hygromètre remonté à 94 ?
et 5 minutes plus tard il fut à 91 ^^ où il demeura station-
uaire. A peine le ballon était-il resté une minute dans la
température plus basse, qu'il avait paru une rosée. Ayant
transporté le ballon d'une température plus basse dans ui.e
température plus éleA'ée , il observa les mêmes phénomènes
dans un ordre inverse.
Pendant que la partie d'une vapeur qui reçoit la pre-
mière un abaissement de température , se réduit en lifniidt',
celle qui reste dans l'état de vapeur doit conserver à-peu-
près la même température, comme il arrive à l'eau dans
laquelle il se forme de la glace , parce que la partie qui
devient solide la maintient par le calorique qu'elle aban-
donne 5 le cheveu s'est donc trouvé dans une vapei:r plu»
n U C A L O K I Q U E. !i45
rai;î,mais à une température semblable ou peu différente,
il a donc dû marcher au sec jusqu'à ce que la tempéra-
ture se soit abaissée et mise eu équilibre avec les corpg
environnants j alors le cheveu est parvenu à l'état hygro-
métrique qui convenait à l'humidité et à la température 5
dans le cas contraire l'évaporation a eu une influence épale sur
la température , et par conséquent sur l'état hygrométrique.
Ce qui confirme cette explication , c'est que le thermo-
mètre a suivi lui-même cette marche , et il y a apparence
qu'il n'a pas indiqué précisément l'état de la température ,
à cause du calorique rayonnant qu'il a pu recevoir du
ballon , ou lui envoyer.
NOTE V.
,1
«r Ox sait depuis long- temps qu'à la même température,
55 le ressort d'une même quantité d'air , est à très-peu-près
I» réciproque à son volume. Cette propriété est commune à
.» tous les gaz, et même à tous les fluides dans l'état de
3> vapeurs. Il en résulte qu'à températures égales, deux
» molécules d'air plus ou moins rapprochées se repoussent
I » toujours avec la même force ; ensorte que si l'on repré-
» sente leur force répulsive par l'action d'un ressort tendu
» entre elles, la tension de ce ressort est la même, quei-
35 que soit leur écartement naturel. Concevons en effet une
33 masse de gaz ou de vapeurs renfermée dans une vessie
» qui communique avec un tube recourbé , en partie rempli
y> de mercure , et supposons que son ressort élève une
y> colonne de -jS centimètres de hauteur; concevons ensuite
» qu'en comprimant la vessie , on réduise le gaz à la moitié
» de son volume, il est visible que dans ce nouvel élut
2:46 STATIQUE CHIMIQUE.
» la coiiclie de gaz contigue à la surface du mercure j aura
35 une densité deux fois plus grande que dans son premier
33 état , et qu'il y aura par conséquent deux fois plus de
3) ressorts appuyés sur cette surface ; ainsi , puisque suivant
33 l'expérience , la hauteur de la colonne de mercure de-
33 vient double , il faut que la tension de ces ressorts soit
33 la même 5 cette tension ne change donc point par le
33 rapprochement des molécules du gaz ; elle ne fait que mul-
33 tiplier le nombre des ressorts appliqués sur une même
33 surface.
33 De là il suit c[ue les molécules d'un gaz n'obéissent
33 sensiblement qu'à la force répulsive de la chaleur , et que
33 leur action d'affinité les unes sur les autres , est très-
33 petite relativement à cette force. Ainsi , leur ressort ne
33 dépend que de la température^ et la quantité de chaleur
33 libre qui existe dans une masse de gaz ou de vapeurs ,
33 est à température égale proportionnelle à son volume;
33 car s'il y en avait plus sous le même volume , dans
33 l'état de condensation, que dans celui de dilatation, la
33 force répulsive de deux molécules voisines , en serait
33 augmentée.
33 En diminuant donc d'un tiers ou de moitié le volume
y> d'un gaz, il doit s'en dégager un tiers ou une moitié
33 de la cluileur libre qui existe entre ses molécules. Si
33 l'on pouvait mesurer exactement cette chaleur dégagée ,
33 oji en conciuerait là quantité de chaleur libre , contenue
33 dans un volume donné de ce gaz ; mais celte mesure est
33 très-difficile à obtenir au moyen du thermomètre, soit
33 parce qu'une partie de la chaleur dégagée se répand sur
33 les corps environnants , ou se développe en chaleur
33 rayonnante ; soit parce que la masse du thermomètre ,
33 quelque petit qu'il soit, est fort grande relativement à
33 celle du gaz que l'on condense. Des expériences fliiîes
» avec le caiorimètre la donneraient d'une manière très-
DU CALORIQUE. 3^7
.» précise. L'effet do Ja chaleur ainsi dégagée est sensibl©
» sur la vitesse du son 5 elle produit Texcès de cette TÎtesso
33 sur celle que donne la théorie ordinaire , comme je m'en
» suis assuré par le- calcul.
33 II suit encore de ce qui précède que si l'on conçoit
33 des volumes égaux de deux différents gaz renfermés dans
33 deux enveloppes de même capacité , et inextensibles 5 si
33 Ton suppose qu'à une température donnée , le ressort
>3 de ces deux gaz soit le même en augmentant de la même
33 manière leur température , l'accroissement de leur ressort
33 sera le même, puisqu'il ne dépend que de la température.
33 Concevons maintenant que les enveloppes qui les con-
33 tiennent , cessent d'être inextensibles ; les deux gaz se
33 dilateront jusqu'à ce que leurs ressorts soient égaux à
» la pression de l'atmosphère qui environne ces enveloppes 5
33 et comme pour chaque gaz le volume est en raison in-
33 verse du ressort, les deux gaz prendront le même volurat?
33 et se dilateront également. C'est en effet ce que le citoyen
33 Gai Lussac a constaté par un grand nombre d'expériences.
33 On voit par ce que nous venons de diie , que ce fait
33 intéi-essant est lié à celui de l'accroissement du ressort
33 des gaz en i-aison inverse de leur volume , et par con-
33 séquent à ce principe général que la force répulsive des
33 molécules des gaz est indépendante de leur écartement
» mutuel, et ne dépend que de la tenipérature 33.
NOTE VI.
Le comte de Rumford a fait une expérience curieuse
sur la chaleur qui peut être produite par le IroUemeiit (j) ;
(1) F.siais, vol. II,
•2q8 STATIQUE C H î 3Î I Q U E.
il a fait mouvoir avec rapidité an foret obtus dans un
cylindre de bronze do i3 livres, poids anglais , et il a
observé que le foret avait, dans l'espace de deux heures^
par une pression qui équivalait à i oo quintaux, réduit
en pordre 4''"5 grains de bronze, et qu'il s'était dégagé
pendant cette opération une quantité de chaleur qui aurait
amené 36,38 livres d'eau , de la température de la congé-
lation à celle de l'ébuUition, il ii'a pas trouvé de diffé-
rence entre le calorique spécifique de la poudre métal-
lique f et celui du bronze qui n'avait pas subi de frot-
tement 5 ce qui lui fait croire que la chaleur n'est due
qu'à un mouvement imprimé , et non au calorique, tel que
le considèrent la plupart des chimistes.
Je me bornerai à examiner si le résultat de cette expé-
rience oblige de renoncer à la théorie du calorique, con-
sidéré comme une substance qui entre en combinaison
avec les corps , et si l'on ne peut pas en donner une
explication satisfaisante par l'application des lois déduites
de la comparaison de ses autres effets.
En regardant le dégagement du calorique comme l'effet
de la diminution de volume produite par la compression,
ce n'est point la limaille seule qui a dû contribuer à
ce dégagement 5 mais toutes les parties du cylindre de
bronze , quoique d'une manière très-inégale , par l'effort
d'expansion de la partie qui était la plus comprimée , et
qui éprouvait la plus haute température sans pouvoir prendre
les dimensions qui convenaient à cette température, sur les
pp.*ilP'; les moins échauffées et les moins dilatées, de sorte
qu'il y a du avoir une condensation de métal relativement
à se£! dimensions naturelles , qui diminuait depuis le lieu
do Lx compression la plus forte jusqu'à la siu'face : sup-
posoïis l'effet uiiiforme dans tout le cylindre. ,
li a dû se dégager par la diminution de volume une
cil wCur égale à celle qui aurait produit une augraentatloa
J) U CALORIQUE. a/jf)
pareille de volume en supposant que les chaleurs spéci-
fiques du métal ne changent pas dans cette étendue de
l'échelle thermométrique , et que les dilatations soient uni-
formes j ce qui doit s'éloigner peu de la réalité pour des
températures et des dilatations voisines. Toute la chaleur
qui s est dégagée aurait donné à-peu-près 160 degrés du
thermomètre de Réaumur au cylindre , et si la dilatation
du bronze par la chaleur était égale à celle qu'on a re-
connue dans le fer qui est de y-~, pour chaque degré du
thermomètre , les 180 degrés auraient produit une dila-
tation de --fl^ dans chacune de ses dimensions , et la ré-
duction du volume due à la compression supposée égale
à cette augmentation , a dû produire le môme degré de
chaleur.
Or la percussion , l'action du balancier , la compression
des filières produisent un changement quelquefois consi-
dérable dans la pesanteur spécifique des métaux; il paraît,
par exemple , qu'elle peut l'augmenter de plus d'un
vingtième dans le platine et dans le fer que l'on forge.
On voit donc que l'expérience du comte de Rumford
est bien éloignée d'atteindre les limites d'une explicatlou
fondée sur une propriété connue et incontestable.
Il est facile de faire des rapprochements imposants sur
les phénomènes du calorique ; mais si l'on disait à une per.-
sonne peu habituée aux spéculations chimiques : le cylindre
du comte de Rumford a donné pendant deux heures d'un
frottement violent autant de chaleur que i5 kilograiiimes
de glace en auraient absorbé pour se réduire en eau sans
changer de température , ou deux hectogrammes de gaz oxi^
gène pour se combiner avec le phosphore , je ne sais lequel
de ces phénomènes la surprendrait le plus.
Les petits changements qui peuvent survenir dans la
quantité du calorique combiné , ont une si faible influence
sur la capacité du caloriqui^ dans une petite étendue de
3 5o .STA.TIQUr: CIIIMTQITE.
l'échelle therinométrlque , qu'elle devient entièi-etnent
inappréciable, et nous n'avons point encore les données
nécessaires pour reconnaître quels sont les cliangeraents
qui ont lieu à cet égard dans un corps solide, selon l'état
de condensation dans lequel on l'a mis par une force mé-
canique et à des températures éloignées.
D'ailleurs , dans l'expérience que Rumford a faite pour
examiner la chaleur spécifique de la limaille de bronze
qu'il avait formée , il l'a échauffée jusqu'à la température
de l'eau bouillante 5 mais ce minéral Irès-élastique a dû
reprendre en partie , dès qu'il s'est trouvé libre et sur-
tout dans cette dernière opération^ l'état de dilatation et
la proportion de calorique qui lui convient à une certaine
température , et par là l'effet de la compression qu'il avait
éprouvée a dû dispaiMÎtre en partie , comme on voit cpi'uiî
mêlai écroui reprend ses propriétés dans le recuit.
NOTE VII.
ce VoicT, dit Deluc (1), une expérience par laquelbs
» Watt s'est assuré que l'eau perd proportionnellement
» plus de chaleur par l'évaporation ordinaire que par l'ébuU
y> lition. Cette expérience qu'il voulut bien répéter en ma
33 présence , il y a six à sept ans , fut faite dans un vas^
» de ferblanc , d'environ huit pouces de diamètre, con-
35 tenant de l'eau plus chaude cjue le lieu , et mise en
33 évaporalion dans l'air libre : ce vase contenait aussi un
39 thermomètre qui, eu agitant doucement l'eau , indiquait
33 exactement les pertes de chaleur c|u'éprouvait celle-ci >
(i) Ann. de Cliim, tom. VIII, p. 79.
DU CALORIQUE. '2^1
3» en même temps que ses perles fie poids étiient indi-
33 quées par une balance à laquelle le vase était suspendu.
33 Un autre vase semblable à celui-là, contenant une même
33 quantité d'eau , à la même température , fut placé à
33 une petite distance; mais cette eau était couverte d'un
33 papier huilé , peur empêcher son évaporation. Après
33 iVxpérience , la chaleur perdue par ce dernier vase , fut
33 déduite de la perte de chaleur essuyée en même temps
>3 par le vase où l'eau s'évaporait, et le restant de cette
33 perte ayant été comparée à celle du poids , le résultat
33 fut que l'eau évaporée considérée seule , avait enlevé à
33 ce vase une quantité de feu proportionnellement plus
33 grande que n'en contenaient les vapeurs de l'eau bcuil-
33 lante 33.
D'après les principes que j'ai exposés , l'eau qui dans
l'évaporation prend l'état élastique par sa combinaison avec
l'air , doit prendre une quantité de calorique proportionnelle
à son volume réel , et à la température de laquelle dépend
sa tension : or la vapeur de l'eau qui se forme sous la
pression de l'atmosphère , et à im degré de chaleur de
80 degrés doit l'emporter par ces deux conditions sur celle
qui est tenue en dissolution par l'air , sous une même
compression et à une température plus basse.
Il parait que c'est de cette expérience que Watt a conclu
que la vaj'eur de l'eau avait d'autant moins de calorique
spécifique , qu'elle était formée sous une plus forte com-
pression.
N'y a-t-il point quelque circonstance qui en a imposé
sur le véritable résultat? Dans le vase qui était à décou-
vert , et dont l'eau avait une température s'jpérieure à
celle de l'air, la partie du liquide qui prenait l'état élas-
tique-en se combinant avec l'air, donnait à celui-ci une
légèreté spécifique plus grande que si l'air eût été échauffé
au même degré sans se combiner avec l'eau , il a donc
"^2 STATIQl F CHIMIQUE.
tiii s'établir un courant plus rapide sur le vase découveit
C[ue sur l'autre , et une beaucoup plus grande quantité
<!-air a dû s'échauffer et contribuer au refroidissement du
premier.
NOTE VIII.
Deltjc prétend (i) que le mercure est de tous les li-
quiaes, celui dont les changements dans le volume repré-
sentent arec le plus d'exactitude les variations de la chaleur ,
même dans les températures très -basses; pour établir cette
opinion, il suppose i°. que le mercure n'éprouve pas de
contraction en se congelant 5 2°. que l'alcool se dilate en
se congelant , et que cette dilatation affecte sa marche par
les abaissements de température, comme celle de l'eau qui
approche de la congélation ; mais Cavendish a fait voir que
le mercure éprouve une contraction qui équivaut à la di-
latation que causerait l'élévation de 4^4 degrés de Fah :
elle paraît même avoir passé dans une expérience de Brauu
celle de 5oo degrés , ce qui donnerait une contraction de -^
de son volume. On n'a point obtenu la congélation de
l'alcool par le plus grand froid qu'on ait produit. D'ail-
leurs rien ne jiorte à croire qu'il éprouverait une aug-
mentation de volume , si l'on parvenait à le congeler.
L'analogie même conduit à penser que c'est une contraction
qu'il doit éprouver , puisque les huiles se contractent ,
selon l'observation de Deluc , et que selon celle de Cavendish
l'acide nitrique et l'acide sulfurique subissent le même
effet; de sorte que la contraction, qui est une conséquence
de l'accroissement de l'action réciproque , paraît être le
(1) Ilecbercli sur les Mod. de l'Aîm. tom. II.
13 U C A L O R T Q T.T E. 2l53
pliénoniène le plus général , et la dilatation qu'on a observée
dans la congélation de l'alcool mêlé avec l'eau , ne doit
être attribuée qu'à la dernière.
Il n'y a aucune raison de croire que la contraction qu'é-
prouve un liquide qui passe à l'état solide, ne produit pas
un effet dans les degrés de température qui précèdent celui
de leur congélation , comme la dilatation qui est due à la
cristallisation en produit un contraire , et comme le fait
également la dilatation qui est due à la chaleur; car Deluc
a fait voir que plus les liquides approchent de la vapo-
risation , plus les dilatations qu'ils éprouvent par un
même degré de chaleur sont grandes.
Il y a donc dans tous les liquides deux causes qui em-
pêchent que leur dilatation et leur condensation ne soient
une mesure exacte des changements de température : la
première est la dilatation progressive qu'ils éprouvent en
approchant de la vaporisation , la seconde est la dilatation
ou la condensation auxquelles ils sont sujets en approchant
de la congélation , et les effits de ces deux causes se
compliquent et varient selon la distance qui les sépare dans
chaque liquide.
La marche du mercure doit être plus régulière dans les
degrés élevés de température que celle de l'Llcool , et celle
des huiles qui difïèrent à cet égard selon leur volatilité.
Dans les degrés inférieurs, au contraire , l'alcool doit
représenter avec plus d'exactitude les différences de tem-
pérature , et il me paraît qu'on ne doit pas regarder
comme une irrégularité , qu'il faut attribuer entièrement
à l'alcool , la différence qui se trouve entre son indicii-
tion et celle du thermomètre à mercure; car Deiuci
observé qu'un thermomètre fait avec l'alcool n'était qu'à
'ft7i lorsque celui à mercure marquait lo , et Blagdou
ayant mis deux thermomètres faits avec l'aicool avec tin
thenaomèlre à mercure dans un mélajige fnlgorifique , l'un
254 STATIQUE CHIMIQUE.
des deux premiers marquait 29 , l'autre 3o , pendant que
celui à mercure était à 4o de Fahr (1) , quoique ces ther-
momètres eussent été mis d'accord au terme de la con-
gélation.
ly O T E IX.
De ce que le calorique se dégage le plus ordinairement
sous la forme de lumière de cette espèce de combinaison
qu'à cause de cette circonstance on appelle inflammation
ou combustion , on a été tenté de regarder tout dégage-
ment de lumière comme l'effet d'une combustion ou d'une
combinaison dans laquelle l'oxigène éprouve une conden-
sation, et de conclure si l'expérience fesait découvrir des
combinaisons avec dégagement de lumière , sans que l'oxigèn»
y eût part, que la théorie adoptée sur la combustion se trou-
vait démentie. On a cru trouver cet avantage dans des expé-
riences publiées par les chimistes hollandais dont l'association
a produit des travaux si importants pour la chimie , sur une
jgnition qui présente les apparences d'une inflammation ,
quoiqu'elle ne soit pas due à la condensation de l'oxi-
gène (2) 5 mais à une combinaison du soufre i».vec les
métaux.
Schéele avait déjà observé le phénomène qui fait l'objet
des recherches des chimistes hollandais : a On voit , dit-
>3 il (3), que presque dans toutes les combinaisons que
53 les métaux qui en sont susceptibles forment au feu avec à
A) Historg. of tlie cougel. of quiet silver. Trans. pliilos. 17S3.
(2) Expér. sur l 'inflammation du méîange du soufre avec différeuti
métaux. Journ. des Mines , n'". II.
(5) Trailé cliini. de l'Air cl du Feu , p. iQJ.
DU CALORIQUE. qSd
p le soufre, le mélange s'enflamme au même instant. Il
» se produit un elfet de la même nature , lorsque ces mé-
>3 langes se font dans des vaisseaux clos. Je mêlai trois
» onces de limaille de fer avec une once et demie de
» soufre en poudre fine , et je les mis dans une petite
3) cornue de verre qui en tut remplie auT trois quarts ?
» j'attachai à son cou une vessie humectée et vidée d'air,
3> et je posai peu à peu la cornue sur des charbons ar-
33 dents. Lorsque le fond de I3. cornue commença à rougir,
» les bords de la masse brûlèrent d'une belle lumière
» d'un rouge pourpre qui s'étendit de plus en plus, jusqu'à
3» ce que le milieu fut aussi rouge; alors les bords s'obs-
33 curcirent , et la lumière pourpre du milieu disparut
33 aussitôt.... Je distillai du soufre avec de la limaille de
33 j)lomb , j'obtins la même lumière rouge foncée 3>.
Les chimistes hollandais qui ont fait des expériences
semblables , ont observé que le cuivre était le métal le
plus propre à produire ce phénomène j que la proportion
la plus convenable était de 4° grains de métal , et de
j5 grains de soufre , et qu'en diminuant ou en augmen-
tant le dernier , Teffet devenait plus faible ; qu'après le
cuivre venaient le fer , le plomb , l'étain , et enfin le zinc j
mais que l'antimoine et le bismuth ne présentaient pas
cette propriété.
J'ai répété l'expérience avec le cuivre , et même sur des
proportions beaucoup plus considérables , et j'ai observé
que le dégagement de la lumière pourpre était accompagnée
d'une grande chaleur , qui , produite soudainement , fcsait
éclater le vase de verre dans lequel était contenu le mé-
lange, et que cet effet était instantané et ne durait que
pendant que la combinaison du soufre et du métal pouvait
s'opérer.
Je n'ai point pu produire cette ignition avec le zinc ,
niais_lc souire s'est volatilisé eu culier , et en effet le soufre
^56 STATIQUE cîîîmiqut:.
neutre pas en combinaison Avec le zinc; ce qui me fait
conjecturer que les cliiinistes lioilanclais ont confondu la
véritable combustion du zinc avec l'ignition dont 11 s'agit j
aussi ont-ils élé obligés d'en^ployer l'action vive des souf-
flets , et la flamme a été dans ce cas vive , claire et blanche ;
ce qui est le caractère de la combustion du zinc.
Ces expériences ont été répétées à Turin (i), où l'on
a observé que lorsqu'on soumettait à une clialeur suffi-
sante un sulfure de fer formé par un feu doux pour ré-
duire le mélange en une masse ^ il avait, après la fulgo-
ration , l'aspect d'une substance beaucoup plus solide
qu'auparavant.
Les auteurs de ces expériences ont éprouvé qu'avec les
oxides et le soufre on formait de l'acide sulfureux sans
dégagement de lumière , et qu'au contraire avec les métaux
on obtenait l'apparence lumineuse sans production d'acide :
ils en concluent que ces faits ce semblent confirmer la doc-
» trine de Slhal, et détruire au moins en partie celle de»
S) chimistes pneumatiques sur la nature des régules métal-
35 liques 35.
Il me semble qu'on ne devrait pas choisir pour com-
battre cette doctrine qu'on appelle pneumatique, des faits
qui s'expliquent complètement par ses principes. Les oxides
peuvent former de l'acide parce qu'ils peuvent céder de
l'oxigène au soufre; ils ne donnent pas de la lumière dans
l'acte de leur combinaison , parce que l'acide volatil qui
se dégage peut prendre le calorique en combinaison.
(1) Mcm. de l'Acad. de Turin, tom. YI.
DU C A. L O R I Q U E. 2S7
NOTE X.
Plusieurs corps deviennent lumineux 3ans difî'érentes
circonstances 5 U me semble que les causes de ce phé-
nomène doivent être rapportées aux suivantes.
Un corps devient lumineux ou parce que sa température
s'élève, ou parce qu'il subit une combustion, c'est-à-dire
une combinaison avec l'oxigène , ou parce qu'exposé aux
rayons de la lumière , il en absorbe une certaine quantité
qui n'entre qu'en faible combinaison, et qui conserve son
état élastique , comme on voit l'air être retenu par l'affinité de
quelques corps, et n'y perdre qu'en partie son état élastique-
La lumière produite par le frottement peut venir ou de
la température exhaussée par la compression et le rappro-
chement des m^olécules qui l'éprouvent , ou de la combus-
tion ; ces deux caus>3S peuvent se trouver réunies : Thomas
Wedgwood a prouvé que les corps solides devenaient lu-
mineux lorsqu'ils parvenaient à une certaine température
qui ne parait pas différer beaucoup entre eux (1) 5 lors
donc que la compression peut produire dans quelques mo-
lécules un rapprochement assez grand pour élever leur
température au terme convenable , elles doivent devenir
lumineuses, quoique cette différence de température ne
puisse avoir qu'une faible influence sur le thermomètre et
sur les corps voisins.
Le même chimiste a fait une observation intéressante
sur ce phénomène, c'est qu'un corps devient lumineux
lorsque sa chaleur provient d'une substance qui n'avait point
cette propriété , comme d'un gaz , de même que si elle
lui avait été communiquée par un corps lumineux j ce qui
{)) Trans. philog. 1792,
I. 17
•Jt58 STATIQUE CHIMIQUE.
confirme rickntilé subsLantielie de k lumière et du ca-
loritjue.
La lumière qui provient de l'élévation de température
des corps se pi-oduit lorsqu'ils sont placés dans le gaz azote
et l'acide carbonique ainsi que dans le gaz oxigène; celle
qui est due à la combustion au contraire n'a lieu qu'autant
qu'il Y ^ "^e l'oxigène pour la produire.
C'est à cette seconde espèce qu'appartient la propriété
lumineuse' de plusieurs substances que l'on a confondues
sous le nom de phosphores 5 tels sont le phosphore de
Canton , le phosphore de Bologne , quelques nitrites , etc.
On augmente la propriété de ces substances en haussant
leur température , mais on en accélère la destruction.
Huline a publié dernièrement des expériences curieuses
sur une lumière de cette espèce que donnent spontanément
quelques poissons et quelques autres substances (i).
Les poissons qui ont été principalement l'objet de ses.
expériences sont les maquereaux et ks harengs.
La lumière qui en émane précède la putréfaction qui
U détruit, elle est produite également par les parties in-
ternes que l'on met à découvert , et par la surface , elle
est fixée dans un liquide qui suinte à la surface , et dont
on peut la séparer par le moyen d'une lame.
Celte matière communique sa propriété lumineuse à quel-
ques liquides et non à d'autres : l'eau seule ne devient
pas lumineuse , non plus que celle qui est imprégnée d'acide
carbonique, ou d'autres acides, d'alcali, de chaux, d'hy-
drogène sulfuré , etc. ; elle devient lumine\ise lorsqu'elle
tieiït en dissolution la plupart des sels neutres , mïiis il
faut que la proportion des- sels ne soit pas trop grande,
alors le liquide acquiert cette propriété par une addition '
6ulfisante d'eau : l'agitation augmente l'effet. C'est la sur-
(i) Trans. pLilos. iSoo.
DU C A L O R î O u E, 200
face qui est sur-tout lumineuse; cette lumière dure pen-
dant quelques jours après lesquels elle finit.
Les apparences que j'ai observées moi-même me por-
teraient à croire qu'elles peuvent dépendre du gaz hydrogène
phosphuré î mais c'est à des expériences précises à pro-
noncer sur la cause de cette propriété.
Hulme a encore observé qu'uii ver-luisant , placé à une
température très-basse, a cessé d'être lumineux, qu'il a
repris cette propriété en le faisant passer dans une tempé-
rature plus élevée, que le vieux bois et les autres subs-
tances lumineuses sont affectés de même par les chang'e-
gements de température , qu'une chaleur qui approche de
rébullition de j'eau détruit également cette propriété, que
les vers luisants peuvent être lumineux après leur mort j
ce qui prouve que ce n'est pas la respiration qui leur donne
celte qualité : le thermomètre n'éprouve aucune impression
de tous ces corps luiuineux , sans doute parce que le
calorique se dégage sous forme de lumière.
Enfin certains corps deviennent lumineux, lorsqu'on les
a exposés à une lumière vive; ils paraissent n'éprouver
aucun changemeiit dans leur composition, quoiqu'on réitère
souvent le phénomène. C'est dans ceux-là que j'admets une
faible combinaison de lumière qui a retenu en partie son état
élastique; mais ce n'est qu'u^.e analogie qui me conduit à
cette explication , et cette cause de la propriété lumineuse
5st beaucoup plus obscure et incertaine que les précédentes.
J'ai dit que la présence de l'oxigène était nécessaire pour
e dégagement de la lumièro qui était due à une combi-
laison ; capendaut il ne faut pas regarder cette cause comme
imque , ainsi que je le remarque dans la note précédente. '
17-
a6o STATIQUE CHIMIQUE.
NOTE XI.
Il m'a paru important de déterminer la différence qnl
pouvait exister entre Faction du fluide électrique et celle
du calorique, et la cause qui pouvait souvent rendre leurs
effets semblables; d'autant plus que dans les leçonsdes
écoles normales cette similitude d'effet m'avait fait adopter
l'opinion de ceux qui ont regardé le fluide électrique comme
le calorique même 5 j'ai en conséquence prié le citoyen
Charles de me permettre de me servir de ses appareils
l)uissants pour faire des expériences qui me paraissaient
propres à cet objet. Il a bien voulu se charger de les faire
lui-même avec cette obligeance que ses confrères sont tou-
jours sûrs de trouver en lui : je vais en présenter le ré-
sultat tel qu'il m'a été communiqué par Gay Lussac , qui
a coopéré à ces expériences.
Un fil de platine a été soumis à des commotions qui
approchaient de celles qui pouvaient en opérer la com-
bustion , et pour s'en assurer on a excité une commotion
par laquelle une grande partie du fil a été fondue ou dis-
persée , on a ensuite employé des commotions un peu moms
fortes , et aussitôt après chacune , on touchait le fil pour juger
de la température à laquelle il se trouvait; on sentait une
chaleur qui, après quelques minutes, était dissipée, mais
qu'on a évaluée semblable tout au plus à celle de l'ébu.-
lition de l'eau. Si l'électricité liquéfiait les métaux et les
mettait en combustion par la chaleur qu'elle excite, le fil
de platine aurait dû approcher, après une commotion qui
différait peu de celle qui aurait produit sa dispersion et sa
combustion , du degré de température qui peut causer sa
liquéfaction : or ce degré qui est le plus élevé que l'on puisse
obtenir, serait, selon l'évaluation plus ou moins exacte de
Wedgwood, de 3^277 degïés de Fahreneit.
Dtr CALORIQUE- sGt
Lorsque la commotion est assez forte pour détruire l'ng-
;»régation du fil ds platine , elle commence par détacher
de la surface des molécules qui s'exhalent comme une
fumée; si elle est assez forte pour produire la combustion ,
ce qui reste du fil paraît déchiré en filaments.
Un thermoscope noirci par l'encre et placé dans le cou-
rant d'une forte étincelle électrique , n'a éprouvé qu'une
dilatation qui équivalait à-peu-près à un degré du ther-
momètre de Réauraur , et ce léger effet pouvait dépendre de
l'oxidation du fer de l'encre : placé à côté de ce courant, il n'a
présenté aucune dilatation, quoique l'air fût nécessairement
affecté de l'action électrique : il en a été de même lors-
qu'il a été mis en contact avec un conducteur métal-
lique qui recevait un courant moins énergique que dans
les expériences précédentes.
Un cylindre de verre rempli d'air avec un excitateur à
chacune de ses extrémités , à l'une desquelles était fixé
un tube qui communiquait avec un autre cylindre rempli
d'eau , produisait à chaque commotion une impulsion quî
élevait l'eau de plus d'un décimètre au - dessus de son
niveau 5 mais son effet était instantané.
Ces expériences me paraissent prouver que ce n'est
point par une élévation de température que l'électricité
agit sur les substances et sur leurs combinaisons 5 mais
par une dilatation qui éloigne les jnolécules des corps. La
faible chaleur qui a été observée dans le fil de platine ^
n'est que l'effet de la compression produite jiar les mo-
lécules qui éprouvent les premières l'action électrique ,
ou qui l'éprouvent à un plus haut degré 5 elle doit être
comparée à celle qu'on excite par la percussion ou par
la compression.
Si la dilatation était un effet de la chaleur, celle qu'a
<' prouvée un gaz dans l'expérience rapportée ci-dessus n'aurait
pas été instantanée , elle n'aurait éprouvé qu'une diminution
i^^2 STATIQUE CHIMIQUE.
progressive par le rélroiJissenient , comme lorsque son ex-
pansion est (lue à la chaleur.
Dans l'expérience par laquelle on décompose le gaz
ammoniaque , ce gaz éprouve iiidahirablement l'action de
l'électricité , et cependant il ne s'échauffe point , et dès
que la décomposition est finie, son volume reste constant ,
parce que l'action électrique dont on se sert dans cette
expérience n'est pas assez énergique pour produire une
dilatation que l'on puisse appercevoir : on ne cause
point de dilatation sensible dans un gaz par une com-
motion qui n'est pas très-forte , parce que l'impulsion n'étant
point graduée comme l'expansion qui es* due au calorique,
et étant excitée instantanément, la résistance du liquide
devient très-grande , et ne peut être vaincue que lorsque
la dilatation a beaucoup d'énergie.
Une expérience de Deiuiau et de ses savants associés
confirme cette explication : ils ont faitpasser une commotion à
travers du plomb placé dans uu vase rempli de gaz azote
qui ne pouvait l'oxider 5 il s'est réduit en poudre en con-
servant toutes ses propriétés métalliques : s'il eût éprouvé
une liquéfaction semblable par l'action de la chaleur, son
refroidissement eût été graduel, et il se serait congelé en.
une seule, ou du moins en plusieurs masses.
Il faut donc distinguer , lorsqu'on soumet un métal à
l'action électrique , les effets produits immédiatement par
l'électricité , de ceux qui sont dûs à son oxidation : les
premiers se bornent à diminuer ou à détruire les effets
de la force de cohésion, à écarler ses molécules et à les
disperser : s'il se dégage par là un peu de chaleur , elle
n'est due qu'à la compression qu'éprouvent quelcjues parties;
mais ceux qui sont dûs à l'oxidation produisent un haut
degré de chaleur , et alors les effets prennent toute l'ap-
parence de ceux d'une combustion ordinaire 5 de là vient
que les métaux les plus oxidables sont ceux qui rougissent
n U C A L O n I Q TT E. a65
le plus facilement , et qui offreut le plus les propriétés
d'un métal qui est liquéfié par la chaleur.
L'électricité favorise cette oxidation , par là même qu'elle
diminue la force de cohésion ; c'est ainsi qu'un alcali rend
l'action du soufre beaucoup jilus puissante sur l'oxigène ,
.en détruisant la force de cohésion qui lui était opposée ,
et qu'un, métal dissous dans mie amalgame s'oxide beau-
coup plus facilement que lorsqu'il est dans l'état solide.
Ce n'est qu'en détruisant ainsi les effets de la force de
cohésion , que la chaleur elle-même produit l'oxidation des
métaux, mais l'action expansire de l'éîectrirlté doit avoir
beaucoup d'avantage sur celle du calorique, parce que son
action est bornée au solide qui se trouve dans son cou-
rant 5 de sorte que le gaz n'éprouve pas lui-même une
dilatation qui soit contraire à la condensation qui accom-
pagne la cor.ibinaison ; on peut appliquer à cette circons-
tance ce que l'on observe sur l'action du gaz bydrogène
qui peut réduire corriplètement un oxide de fer placé au
foyer d'un verre ardent , quoique l'eau , dont les deux
éléments reçoivent également lii chaleur, soit décomposée
par ce métal.
Il est probable que c'est également à l'effet expansif
d'un courant électrique qui s'établit entre deux métaux
entre lesquels s'interpose une couche d'eau , qu'est due
l'oxidation que l'abroni a observée entre ces substances
mises en contact dans l'eau , et qui paraît se borner dans
ce cas à la combinaison de l'oxigène qui est tenu en dis-
solution dans ce liquide (i).
Tous les effets chimiques produits dans les substances-
soumises à l'action de l'électricité me paraissent pouvoir
se déduire de ces considérations , et s'expliquer par la
diminution de la force de cohésion qui est un obstacle
(i) Journal de Pbys. Veadém. an S.
î64 STATIQUE CHIMIQUE.
aux combinaisons que tendent à former leurs molécules}
mais il reste à déterminer les différences que peuvent pré-
senter l'électricité positive et l'électricité négative 5 les effets
chimiques de la pile de Volta peuvent être beaucoup plus
considérables que ceux de l'électricité ordinaire , quoique
celle-ci soit douée d'une tension beaucoup plus grande }
parce que son action étant nécessairement interrompue y
les effets chimiques qui exigent du temps pour se con-
sommer j ne pourraient que commencer à s'exécuter y et
seraient même détruits par le rétablissement subit du pre*
mier état du corps , au lieu que la permanence de l'action
de l'appareil électromoteur, quoique plus faible à chaque
instant , peut donner lieu aux changements chimiques qu'elle
favorise en diminuant les effets de la force de cohésion.
Je ne regarde moi-même les explications que je viens de
hasarder que comme des conjectures que l'observation peut
confirmer ou détruire.
SECTION IV.
DE L'EFFET DE L'EXPANSION ET DE LA CONDENSATION
DA^'S LES SUBSTANCES ÉLASTIQUES.
CHAPITRE PREMIER.
Ths propriétés caractéristiques des Jîuîdes
élastiques.
T02. XJES substances sont différemment af-
fectées par le calorique , de sorte que quelques-
unes ne font qu'éprouver une dilatation en
conservant l'état solide au plus haut degré de
chaleur que l'on puisse obtenir , à moins qu'on ne
fasse concourir quelqu'affinité avec l'action du
calorique ; d'autres , au contraire, conservent l'état
élastique aux plus grands abaissements de tempé-
rature , et sous les plus fortes pressions connues ,
et il n'y a que l'énergie de l'affinité plus puis-
sante que ces moyens qui puisse, détruire leur
élasticité.
Quelques substances tiennent le milieu entre
ces extrêmes ; à une température et à une
pression données , elles restent dans l'état liquide ;
'"^66 STATIQUE CHIMIQUE.
une autre température ou une autre pression
les réduit à l'ëtat de fluide élastique : on les
distingue alors des gaz sous le nom de vapeurs.
Ces différentes propriétés dépendent de
l'énergie plus ou moins grande de l'affinité ré-
ciproque des molécules d'une substance et de
son rapport avec l'affinité que ces molécules
ont ave€ le calorique ; mais ces deux effets ne
pouvant être distingués, il faut se borner à en
considérer le résultat, en le regardant comme
une force variable dans les différentes substances,
selon leur nature , et dans chaque substance
selon les circonstances où elle se trouve.
Ainsi , après avoir regardé la solidité comme
une force qui favorise les combinaisons ou qui
leur est opposée , je considérerai dans ce cha-
pitre l'élasticité comme une autre force dont
il faut évaluer les effets. Je l'examinerai dans
les différentes circonstances de l'action chimique y
indépendamment des causes auxquelles une
substance doit cette disposition , et des lois que
le calorique suit dans cette action.
i53. L'acide carbonique ne peut se coinbiner
qu'en petite proportion avec l'eau à une tem-
pérature un *peu élevée ; ce n'est pas que l'eau
ne tende à s'unir avec une plus grande quantité
de cet acide ; car , en diminuant la force de
l'élasticité par la compression , oh peut augmen-
ter indéfiniment cette dissolution x on produit
DE l'expaîtsiox et de la coxdswsatîoîî. 267
aussi le même effet en abaissant la tempe'rature ,
mais alors il est limité par la force de cohésion
que l'eau acquiert au degré de la congélation ,
et qui , l'emportant sur son affinité pour l'acide
carbonique , l'oblige d'abandonner celui-ci : et il
y a apparence cj[ue la force qui prépare la cristal-
lisation qui sannonce par une dilatation , quel-
ques degrés au-dessus du terme delà congélation ,
produit un effet analogue sur la dissolution
des substances gazeuses par l'eau , de sorte que
ce n'est pas au degré même de la congélation
que l'eau peut dissoudre la plus grande quantité
de ces substances , mais quelques degrés au-
dessus : enfin, Ton aurait un résultat opposé,
en diminuant la compression ou en élevant la
température , si Ton agissait sur une combinaison
de l'acide carbonique avec Feau saturée à une
température basse , ou à une forte compression.
Comme ces effets peuvent s'observer dans
toutes les combinaisons des substances gazeuses
avec les différences qui dépendent de lintensité
de la combinaison , il en résulte , i". que
l'élasticité doit être considérée comme une force
opposée aux combinaisons d'une substance qui
en est douée avec les substances liquides on
solides , ou qui ont un degré différent d'élas-
ticité ; 20. que cette force s'accroît par l'accu-
mulation du calorique qui fait varier par-là les
combinaisons qui peuvent se former à différentes
Î5G8 STATTQITE CniMIQUE.
températures : il suit encore de-là que l'on ppiit
comparer Taclion que deux substances liquides
exercent sur un fluide élastique par les quantités
de ce fluide que chacune , à égalité de poids ,
peut assujettir.
i54. Lorsqu'une substance liquide, qui tend
k se combiner avec l'acide carbonique, ne peut
plus surmonter son élasticité , à température et
compression données , la tendance à la combi-
naison qui lui reste pour cet acide , est égale
à celle de toutes les substances qui se trouvent
dans le même cas ; mais le terme , où s'arrête
l'action d'une substance qui devient solide , est
quelquefois fort éloigné de celui où elle pour-
rait parvenir , si l'on commençait à diminuer
les effets de l'élasticité par une dissolution pré-
liminaire ; ainsi le carbonate de chaux peut
être dissous par l'eau chargée d'acide carbonique.
Comme le carbonate de chaux est encore bien
éloigné du terme où la tendance à la combinaison
de sa base pour l'acide carbonique , serait épuisée
à la température ordinaire de l'atmosphère ;
ce n'est qu'en l'exposant à un haut degré de
chaleur , que l'acide carbonique a acquis une
disposition assez grande à l'élasticité , pour
pouvoir commencer à se dégager , et à mesure
que la proportion d'acide carbonique s'y trouve
diminuée , il faut que la chaleur augmente pour
que le dégagement continue : ce n'est que lorsque
DE l'eXPA>-SIO:X et de la CO:YDE:fSATION. 2^0
la disposition à l'élasticité est devenue supérieure à
toute l'action, que la chaux peut exercer, que celle-
ci se trouve entièrement dépouillée de cet acide.
La grande quantité d'acide carbonique , que
les bases alcalines peuvent prendre en combi-
naison , en surmontant sa force élastique , prouve
quelle force énorme elles exercent. On voit donc
que l'élasticité agit contre les affinités qui
tendent à produire une combinaison , comme
la force de cohésion agit dans un sens contraire :
elle doit être considérée comme un effort qui
peut être comprimé ; mais elle peut croîtr(?
jusqu'à un terme auquel elle l'emporte sur
l'affinité qui produit les combinaisons , et elle
cause de même des séparations lorsqu'elle de-
vient prédominante ; l'une produit la précipita-
tion et l'autre la volatilisation , et ces deuî^
effets opposés , que nous allons comparer ,
peuvent concourir également aux combinitisons
qui se forment dans plusieurs circonstances ,
et que l'on a attribuées aux affinités électives.
Nous avons remarqué que la force de cohésion
devenait active avant de réaliser l'état solide (9) :
l'élasticité montre encore plus clairement la force
qu'elle exerce avant qu il y ait production d'un
fluide élastique , puisque la tension élastique»
d'un liquide est accrue par les causes qui aug-
mentent cette force , à mesure qu'elle approche
du terme où elle peut produire son eïîal.
270 STATIQUr: CHIMIQUE.
ij5. Si Ion met en concurrence un acide,
dont l'état naturel est la liquidité , avec un
acide naturellement élastique , tel que Tacide
carbonique , mais qui se trouve combiné avec
une base alcaline qui comprime son élasticité ;
la tendance , à la combinaison de cette base ,
partage son action entre les deux acides , en
raison de leur capacité de saturation et de leur
quantité , de sorte que Facide carbonique éprouve
une >Jturation d'autant plus petite que la force
qui lui est opposée est plus grande ; si donc
il étoit combiné en quantité considérable avec ,
la base alcaline , par exemple , jusqu'au point
de neutralisation , il obéit en partie à la force
élastique qui est devenue relativement plus
grande que la saturation , et se volatilise : il
n'oppose donc plus la même masse à celle de
l'autre acide ; par là sa force relative se trouve
diminuée ; ainsi , quoique l'acide opposé n'aurait
qu'une affinité ou capacité de saturation beaucoup
plus faible , il pourrait éliminer l'acide carbo-
nique , s'il se trouvait en assez grande quantité
pour saturer la base ; auais si la base alcaline
ne tient qu'une petite proportion d'acide car-
bonique , un autre acide ne pourra chasser
celui-ci que lorsqu'il se trouvera en quantité
suffisante ; de sorte qu'au commencement du
mélange , il n'y aura point d'effervescence ;
c'est en effet ce qu'on observe , lorsqu'on ajoute
i
DE L EXPANSION ET DE LA COIYDENSATIO^T. 'l'J l
par parties successives un acide à la solvition
<i'un alcali qui n'est combiné cju'avec une petite
proportion d'acide carbonique. L'effervescence
ne se manifeste que lorsque la quantité de
l'acide ajouté est devenue assez considérable.
L'effet devient plus prompt et plus complet ,
si l'on accroît la force de l'élasticité par la
chaleur.
C'est à cet effet de l'élasticité qu'on doit
attribuer les décompositions que les acides les
plus fixes font des combinaisons qui sont com-
posées d'une base fixe et d'un acide volatil ,
sur-tout lorsqu'on augmente l'élasticité par la
chaleur, indépendamment des capacités de satu-
ration ; alors la force qui dépend des proportions
d'une substance , disparaît peu-à-peu , et l'action
de l'élasticité s'accroît relativement ou effecti-
vement si la température s'élève ; c'est ainsi que
l'acide sulfurique décompose , par le moyen de
la chaleur , les muriates et nitrates à base
fixe : j'ai distillé un mélange d'acide oxalique
et de muriate de soude , et le liquide qui a
passé contenait beaucoup d'acide muriatique ;
cependant lorsque la volatilité des deux acides
est peu différente , la plus forte affinité de l'un
peut l'emporter sur l'effet de la seule élasticité \
ainsi , avant répété la inertie expérience avec
l'acide acétique , celui-ci a passé seid dans la
ilistillation.
2*7^ STATIQUE CHIMIQUE.
i56. Si une base est volatile , et qu'à une
température peu élevée elle partage avec une
base fixe , son action sur un acide élastique , la
chaleur qui augmente l'élasticité de la base et
de l'acide volatil , déterminera leur séparatioa
et leur combinaison , comme la force de cohésion
détermine la séparation des combinaisons aux-
quelles elle appartient. '
Ces séparations , décidées par la volatilité et
par la fixité , s'opèrent plus facilement et plus
complètement , lorsque les substances , qui sont
en action, sont toutes dans l'état neutre : parce
que c'est dans cet état que l'action relative des
acides et des alcalis est la plus forte ; en ap-
pliquant ce que j'ai dit sur les décompositions
réciproques par la force de cohésion ( Chap. //^,'
Sect. II.) à toutes les observations qui ont été-
faites sur celles qui ont lieu par l'élévation de
température , on trouvera qu'elles peuvent étre^
expliquées complètement par cette seconde cause
analogue à la première ; une table de volatilité
respective ferait également prévoir les coinbi-
naisons qui doivent se former par l'action de
la chaleur dans le mélange de différentes subs;*
tances , si ce n'est dans le cas où les dispositions'
de deux substances , qui sont en concurrence
de combinaison , diffèrent peu , et où l'affinité
peut alors décider une combinaison complexe
plutôt quune combinaison binaire , ainsi qu^
ï)E l'éxpatîsioin" et dé la condensation. ^-îS
je l'ai fait remarquer , relativement aux cam«
binaisons qui diffèrent peu par leur solubi-
lité.
Comm"e le rapport de la force de cohésion
à rëlasticité varie par les différents degrés de
chaleur , il arrive souvent , qu'après avoir formé
une combinaison par la prépondérance de la
première , on en produit une opposée en aug-
mentant la dernière ; ainsi , lorsque Ton mêle
du carbonate d'ammoniaque avec le muriate de
chaux dans un état liquide , le carbonate de
chaux , qui est insoluble , se forme et se préci-
pite ; mais si on expose à l'action de la chaleur
le muriate d'ammoniaque et le carbonate de
chaux , c'est le carbonate d'ammoniaque qui se
sépare et se sublime.
Lors donc qu'un liquide agit sur une substance
gazeuse , celle-ci se combine jusqu'à ce que la
résistance de l'élasticité se trouve en éauilibre
avec l'action du hquide, de sorte qu'en faisant
varier les circonstances qui augmentent ou
diminuent l'action mutuelle de ces substances
par la quantité du liquide , par la compres-
sion du gaz , ou par la température , on
change l'équilibre entre l'action du liquide et
celle de la substance gazeuse , d'où il faut
conclure que , lorsqu'on a pour but de combiner
une substance avec un liquide , il faut abaisser
la température , et faire en cela le contraire
i. 18
:î74 statique ciiimiquï.
de ce qu'exige l'action d'un liquide sur uïïff
substance solide.
Cependant Faction du calorique peut favoriser
la combinaison d'une substance élastique en
diminuant la force de cohésion , ce qui a sur-tout
lieu avec les corps solides ; mais alors un degré
de chaleur , supérieur à celui qui produit cet
effet , détruit la combinaison même qui s'est for-
mée ; ainsi , le mercure a besoin d'un certain degré
de chaleur pour se combiner avec l'oxigène ; un.
degré plus élevé rend l'état élastique à celui-ci.
Ce qid prouve que c'est principalement en dimi-
nuant la force de cohésion que la chaleur agit, c'est
qu'un métal qui ne peut s'oxider qu'à un degré
de température élevée , s'oxide à la température
de l'atmosphère , s'il est dissous par le mercure ;
c'est que le phosphore , dissous par l'hydrogène ,
s'enflamme à un degré de température beaucoup
moins élevé que lorsqu'il est dans l'état solide..
Lorsqu'une substance élastique se trouve ré-
duite à l'état liquide par une combinaison , elle
se conduit comme les liquides , pendant que^
l'action qu'elle éprouve ne change pas ; mais r
dès qu'elle vient à diminuer , ou que la tem-
pérature s'élève , l'élasticité qu elle acquiert doit
être regardée comme une force qui , ajoutée
aux précédentes , influe sur les résultats , comme
îe fait la force de cohésion dans un sens opposé.
1.57. Les gaz exercent aussi une action mu-
toË LE5CPANSIÔ^ ET DE LA CQ^DE^^SATlOîf. 2^5
îiieîle , €t ils en exercent une sur les liquides
çt sur les solides , de sorte que si ceux-ci ont
la propriété de leur faire perdre letat élastique ,
ils peuvent réciproquement les réduire dans
leur propre état ; mais cette action varie beau-
coup dans ses résultats, selon son intensité et
selon les circonstances qui l'accompagnent. De
plus les liquides prennent 1 état gazeux , par
une élévation de température qui varie pour
chacun d'eux , et alors leur action chimique se
trouve changée. Tous ces objets appellent un
examen approfondi.
Cavendish a obsei^^é (i) qu'en agitant un
mélange de dix parties d'air atmosphérique et
d'une partie d'acide carbonique avec un volume
égal d'eau distillée , celle-ci n'enlevait à l'air
que la moitié de l'acide carbonique ; avant
transporté lair sur de nouvelle eau distillée ,
elle n'a absorbé que la moitié du restant de
l'acide carbonique , comme l'a fait voir une
absorption ultérieure produite par l'eau de
chaux.
^ J'ai éprouvé (2) que si , dans la combustion
j d'un gaz hydrogène carburé ou oxi carburé , on
avoit un résidu , celui-ci retenait près d'im
dixième de l'acide carbonique formé , quoiqu'on
(0 Exper. en air. Traiis. philos. 1-04.
.(2) Mt-m. de rinstit. tora. IV.
18.,
■2']6 STATIQUE CHIMIQUE.
l'agitât sur une quantité d'eau considérable ;
c'est par cette action que l'air exerce sur l'acide
carbonique, qu'il peut j)river l'eau de c^lui
qu'elle tient en dissolution ; d'où vient que ,
lorsque l'on renferme dans un vase une eau
acidulée avec une certaine quantité d'air ,
celui-ci fait un effort pour s'échapper , il sur-
monte les obstacles qui s'opposent à la dilatation
qu'il éprouve par l'accession de l'acide carbo-
nique , s'ils sont trop faibles ; mais l'action de
l'air est limitée par la quantité qui peut l'exer-
cer et par l'action de l'eau qui s'accroît à mesure
que la quantité d'acide carbonique diminue.
On retrouve donc dans cette action de l'air
sur l'acide carbonique , toutes les circonstances
qui accompagnent celle de l'affinité chimique ^
iivec la différence qui dépend de l'élasticité,
laquelle augmente relativement l'action de l'air
sur l'acide carbonique, lorsqu'on en accroît
l'énert^ie , ou par une élévation de température ,
ou par une diminution de compression.
Cette propriété des gaz doit être regardée,
comme générale , puisqu'on l'a observée dans ,
ceux dont la pesanteur spécifique , qui s'op-
pose à son effet , a le plus de différence.
Vassab , qui a fait des observations intéressantes
sur cet objet (i) , rappelle que dix ans auparavant»
(i) Mém. de la Soc. Méd. d'Emul. 3=. année.
DE l'exPAIVSIOW ET DE LA CONDENSATIOÎf. 277
Volta lui fit voir que le gaz hydrogène descendait
à travers le gaz atmosphérique , pour se répandre
également dans toute sa masse et qu'il em-
ployait quelque temps pour parvenir à une dif-
fusion égale : il fit en conséquence lui-même des
expériences qui confirment cette propriété , et
il constata aussi celle que l'acide carbonique
possède , de se dissoudre également dans une
masse d'air , avec un espace de temps suffisant.
Il faut donc reconnaître entre les gaz une
action réciproque comparable à celle qui pro-
duit les dissolutions des liquides entre eux , ou
des solides par les liquides ; mais elle a ses ca-
ractères particuliers.
i58. Lorsqu'on mêle différents gaz dont l'ac-
tion se borne à cette dissolution , on n'observe
aucun changement dans la température ou dans
le volume qui résulte du mélange ; de-là on
doit conclure que cette action mutuelle de deux
gaz ne produit aucune condensation , et qu'elle
ne peut surmonter l'effort de l'élasticité ou de
l'affinité du calorique , de sorte que les pro-
priétés de chaque gaz ne se trouvent point sensi-
blement altérées , au lieu que dans les dissolut ions
mutuelles des liquides il se fait une condensation ,
et que dans celle des solides on observe souvent
une dilatation qui est accompagnée de refroi-
dissement et qui est due à ce que l'affinité réci-
proque qui s'opposait à la combinaison du
57^ STATIQUE CHIMIQUE.
calorique se troiwe diminuée ; ainsi , quoique
ia dissolution et la combinaison de deux gaz
soient l'une et l'autre l'effet d'une action chi-
mique qui ne diffère que par l'intensité , on
peut établir entre elles une différence réelle ,
parce qu'il y a une distance bien prononcée
entre les résultats ; la combinaison de deux gaz
entraîne toujours une condensation de leur vo-
lume et donne naissance à des propriétés nou-
yelles ; dans leur dissolution les gaz n'éprouvent
qu'en commun les changements dûs à la com^
pression et à la température , et ils conservent
leurs propriétés individuelles qui ne se trouvent
diminuées qu'en raison de la faible action qui
les tient unis.
Lorsque les liquides dissolvent un gaz , celui-
ci perd considérablement de son volume et se
condense , car l'eau qui dissout un volume égal
d'acide carîîonique change très-peu de pesanteur
spécifique ; cette dissolution a donc les carac-
tères de la combinaison ; mais lorsque par son
action l'air dégage cet acide de Teau , il reprend
îe volume qui convient à la température et à
îa 2:)ression , il reçoit pour cela le calorique que
ges dimensions exigent.
Nous trouvons donc ici un résultat de l'action
réciproque de deux substances qui est Irès-dif^
férent à cause de l'état respectif de condensa-
iioîi dans lequel elles sont ; comme les liquides
^ de
^L €0
DE l'eXPABTSIO^T ET DF. LA COT^DE^'SATIO]V. îî-jg
prennent eux-mêmes les propriétés des gaz
par l'action de la chaleur , et qu'ils peuvent
se dissoudre dans l'air et dans les autres gaz ,
il faut examiner les rapports qui se trouvent
entre leurs différents états et les forces qui sont
mises en action pour les produire.
1 59. Appliquons d'abord à l'eau , qui est réduite
en vapeur , les observations qui ont été faites sur
l'action que le calorique exerce sur les gaz (108).
Si la température est plus élcA'^ée que cette
de l'ébuUition , et si la compression reste la
même , la vapeur de l'eau se conduit absolu-
ment comme les autres gaz , ainsi que le prou-
vent les expériences de Gay Lussac (108) , et il
n'y a aucune observation à faire qui les concerne
particulièrement : lorsqu'elle n'est qu'au degré
de l'ébuUition à une température de 100 degrés
du thermomètre centigrade et sous une pression
de 28 pouces, elle a un degré d'élasticité qui
correspond à cette température , et par lequel elle
maintient dans l'état gazeux ; qu'on diminue
alors la compression , elle se dilate encore comme
un autre gaz , et sa tension diminue en raison de
sa dilatation ou du nombre des ressorts comparé
à l'espace {Note V). Dans cet état, elle peut
recevoir une addition de vapeur proportionnelle
à l'augmentation de volume, jusquàce qu'elle soit
parvenue au degré de tension qu'elle avait d'abord;
mais si l'on réduit l'espace à ses premières di-
aSo STATIQUE CHIMIQUE.
jnensions , toute la partie de la vapeur ajoutée
reprend l'état liquide et la quantité de celle
qui reste est la même que celle qui existait
d'abord, ainsi que la tension élastique.
Si on abaisse la température , elle ne peut
plus conserver l'état élastique , elle cède à la
pression supposée la même , et se réduit en un
liquide qui conserve cependant ïui-méme une
tension élastique qui correspond au degré actuel
de température.
Si la compression seule augmente , elle reprend
encore l'état liquide , et l'eau qui est reproduite
exerce un effort élastique qui répond à la
tension de la vapeur qui pourrait se former sous
une autre pression.
i6o. Comparons à présent les vapeurs avec
l'état des liquides qui sont tenus en dissolu^
tion par les gaz permanents.
L'eau qui se dissout dans l'air y prend l'état
élastique : Deluc avait observé (i) que l'air hu'
mide était plus léger que l'air sec ; mais il re^
gardait la vapeur élastique de l'eau comme
mêlée simplement à l'air , et comme tendant
à s'en séparer et à s'élever par la différence de
pesanteur spécifique.
Sçiussure (a) prouva que l'air agissait comme
(t) Recherch. sur les mod. de l'Atm. $. 709»
(?) Essais siir rHygrpmétrie,
BE l'expansion et DE LA CONDENSATIOlT. 28 1
dissolvant , il modifia la théorie de Leroi , qui
avait eu le premier cette idée , mais qui com-
parait cette dissolution à celle d'une substance
saline; il fît voir que l'eau se réduit en fluide
élastique en se dissolvant dans l'air , que le
volume de celui-ci en est affecté , selon la com-
pression et la température , jusqu'au terme de
la saturation où la dissolution cesse de s'opérer ;
de sorte que dans l'état de saturation complète ,
un pied cube d'air ne peut en tenir qu'environ
onze grains en dissolution , à une température
de i5 degrés, que cette quantité diminue par
les abaissements de température ; mais relati-
vement à l'effet de la compression sur la vapeur
élastique , son opinion présente quelques incer-
titudes que je discuterai ; après cela je déduirai
des observations de ce célèbre physicien les
conséquences qui me paraîtront en résulter ,
et enfin je tâcherai de confirmer ces consé-
quences par d'autres observations.
Ayant chassé , par le moyen de la pompe
pneumatique , le huitième du volume contenu
dans un récipient , Saussure a observé que Ihy-
gromètre marchait au sec ; ayant continué des
opérations semblables , le progrès de la dessi-
cation a continué; cependant l'hygromètre n'a
pa«: marché d'une manière uniforme , il a in-
diqué un excès d'humidité d'autant plus grand ,
que la quantité d'air diminuait, et lorsque la
2^2 STATIQTIE CHIMIQUE.
poiripe n'a plus produit d'effet , riiygromètre
est reste fixe à 2 5 degrés de la sécheresse ex-
trême.
iGi. Il faut distinguer ici les indications de
riiygronièlre , de l'humidité réelle ; lorsque Sans-»
sure a terminé son expérience , sans pouvoir
amener l'hygromètre au-delà du 35« degré de
sécheresse , on aurait indubitablement pu le
faire passer au degré de sécheresse extrême par
l'action de l'alcali que Saussure emploie pour
cela , puisque tous les airs , quelque dilatés qu'ils
soient, parviennent par ce moyen au degré de
la plus grande sécheresse ; mais si alors on eiit
introduit de l'eau dans le récipient , l'hygro-
mètre eût commencé à reprendre les a 5 degrés
auxquels il s'était arrêté ; puis il aurait continué
de marcher jusqu'à l'extrême humidité ; la quan-
tité d'eau qui est nécessaire pour produire l'hu-
midité extrême , dans une température donnée ,
est donc égale , soit qu'un espace soit vide , soit
qu il soit occupé par un air plus ou moins
dense ; ce qui ninfirme pas la différence des
indications de Thygromètre dans nn air plus
ou moins dense , déduites d'observations directes ;
il faudrait seulement en conclure que dans le
vide l'hygromètre peut retenir un peu d'hu-
midité , qui naturellement ne se réduit pas en
vapeur.
D'autres observations de Saussure m^e parais-
T>T. l'expansion et T)T. LA COlVDEySATlON', 2 83
sent prouver que lorsque Thygromètre approche
de riiumiditë extrême ou du terme de son action ,
il suit une marche contraire, et qu'il se met
difficilement en équilibre d'humidité ; de sorte
que les quantités d'eau sont plus grandes que
sa marelle n'en indique : « ainsi, dit-il, §. 333,
i> quand l'hygromètre est à 70 degrés , il faut ,
» suivant ma table , un refroidissement de 12
3) degrés ~ pour ramener l'air au terme de la
» saturation, et cependant j'ai éprouvé qu'un
» jour où l'hygromètre était à 70 , et le ther-
» momètre à 10, la surface extérieure d'un verre
» commençait à se couvrir de rosée , lorsque
» l'eau contenue dans ce verre n'était que de
» 8 degrés \ plus froide que cet air.
Saussure donne lui-même l'explication de la
dissonnance de lliv^rromètre , avec l'humidité
réelle de lair peu condensé : « d'après les
$> lois générales , dit - il §. il\6 , l'air doit
» attirer les particules des vapeurs avec moin:^
» de force lorsqu'il est rare, lorsque ses molé-
» cules sont en petit nombre , que quand il
» est dense. Par conséquent le cheveu, auquel
» la raréfaction de l'air n'ôte rien à sa force
» attractive, doit avoir une force d'attraction
)) relativement plus grande dans un air rare que
» dans un air dense ; et par cela même il doit
M alors absorber une plus grande quantité de
» vapeurs , et indiquer une humidité plus grande
O r
2D4 STATIQUE CHIMIQUE.
» qu'il ne ferait , toutes choses d'ailleurs égales ,
» dans un air plus dense. Ainsi lors même que
» l'air en sortant du récipient a entraîné avec
» lui une moitié des vapeurs , la moitié restante
» plus fortement attirée par le cheveu que par
» l'air raréfié qui reste , affecte ce cheveu plus
y* qu'elle n'aurait fait si l'air eût conservé toute
» sa densité ; et ainsi l'hygromètre indique plus
» de vapeurs qu'il n'en reste réellement dans
» le récipient ».
Je ne saurais donc adopter la conséquence
qu'il tire des mêmes expériences , et qu il établit
en principe pour la suite de son ouvrage , $. \l\è :
«r qu'à mesure que l'air devient plus rare , il
» faut une quantité d'eau moins considérable
» pour le saturer. Par exemple , si jusqu'à la hau-
» teur du Saint-Bernard , 8 grains -^ produisent
» l'effet qu'auraient produit 9 \ dans la plaine,
» il ne faudra , toutes choses d'ailleurs égales ,
3» pour saturer l'air du Saint-Bernard , que les
» — de la quantité qu'il eût fallu dans la plaine.
» Et en appliquant les mêmes raisonnements
M aux mêmes expériences, on verra que si l'air
» était raréfié au point de ne soutenir que
» 1 lignes \ de mercure ; il ne faudrait , pour
» le saturer , que la vingtième partie de ce qu'il
» faut quand il soutient le baromètre à 27
» pouces ».
1 62 . Il me paraît donc que les expériences même
r.E l'expansion et de la OONDEA'SATIOy. m85
de Saussure font voir directement que la quantité
pondérale de vapeur aqueuse est la même, dans
Je même espace , quelle que soit la quantité de
l'air avec lequel elle se trouve unie , que la tem~
pérature seule détermine cette quantité , qu'elle
conserve sa tension indépendamment des dif-
férences de compression , comme si elle était
un gaz permanent ; de sorte qu'elle contribue
à l'effort élastique quelque soit le volume auquel
elle est réduite par la compression de l'air ,
comme le ferait une quantité correspondante
d'air à différentes compressions.
Les expériences de Saussure ont encore prouvé
que la tension de la vapeur élastique de l'eau
était proportionnelle à la quantité qui se dis-
solvait dans un volume d'air à une température
donnée ; comme ces expériences sont fondamen-
tales, je rappellerai le procédé par lequel elles
ont été exécutées.
Un baromètre renfermé dans un ballon bien
luté n'est plus sensible qu'à l'élasticité de l'air ;
sous ce rapport , Saussure l'appelle manornètre.
Il a donc placé dans un grand ballon un ma-
nomètre , un thermomètre et deux hygromètres
pour comparer les effets de l'élasticité , de l'hu-
midité et de la chaleur : il a introduit succes-
sivement un petit rouleau de linge humecté et
pesé très-exactement ; il l'a retiré quand il a eu
produit un effet déterminé sur le manomètre;.
îà85 STATIQtrE CHIMIQUE.
de sorte qu'il a pu comparer l'effet d'un poîcî^
d'eau sur l'élasticité de l'air contenu dans le
ballon. Il a suivi une marche opposée en plon-
geant dans un ballon rempli d'air humide , un
vase qui contenait de la potasse desséchée : et
en comparant l'augmentation de poids qu'elle
acquérait , et la diminution de pression qu'il
observait dans le manomètre , il a obtenu des
résultats qui correspondaient aux précédents.
Il conclut de ses comparaisons faites avec beau-
coup de soin , et en introduisant dans les résultats
les corrections qu'exigeaient les variations de
température qui étaient survenues , que la va-
peur élastique de Teau a une pesanteur spéci-
cifique qui est à celle de l'air , dans la même
température et sous la même compression ,
comme lo à i4.
i63. Deluc (^Note XII) et Volta ont aussi
fait de nombreuses expériences qui prouvent que
les quantités de vapeurs élastiques qui se for-
ment dans le vide sont exactement les mêmes
que celles qui occupent le même espace rempli
d'air au même degré de saturation, quelle que soit
sa compression : il est à désirer que ce dernier ne
tarde plus à publier les expériences qu'il a faites
sur cet objet , et qu'il a bien voulu me com-
muniquer ; mais ces deux physiciens ont conclu
que l'eau n'était point tenue en dissolution par
l'air , qu'elle ne devait son état élastique qu'à
DE LEXPAZVSIOX ET DE LA CO^DEZS-SATIOX. iSj
raction du calorique , indépendamment de toute
affinité de Tair.
Si cette opinion était fondée , il faudrait sup-
poser qu'un liquide , qui tend à prendre l'état
élastique , ne pénétrerait dans Tair qu'en rai-
son des vides qu'il peut occuper , et que son
élasticité répondrait exactement à la quantité
de ces vides ; il suivrait de-là que le volume
de l'air ne devrait point augmenter ; or , il
s'accroît précisément dans le rapport du fluide
élastique qui s'est formé. Peut-on dire avec De-
luc (i) qu'une attraction semblable à celle qui
produit l'ascension des liqueurs dans les tubes
capillaires , distend les pores des corps qui s'îiu*
mectent ? mais une attraction qui réunit une
substance à iine autre , et qui surmonte la
résistance de l'élasticité de ses molécules , n'a-
t-elle pas tous les caractères de l'affinité chi-
mique ? cette opinion ne peut se concilier avec
les faits qui prouvent que les gaz se dissolvent
mutuellement , de manière à former un gaz uni-
forme , malgré la différence de pesanteur spé-
cifique , ainsi que Volta lui-même Ta fait voir ;
et la même chose a lieu avec les liquides qui
se dissolvent dans l'air ; elle ne peut non plus
se concilier avec la compression uniforme que
l'atmosphère exerce sur les liquides.
i^i) Trans. philos. 1791.
a88 STATIQUE CHIMIQUE.
r64. Cette compression et la dissolution mu^
tuelle des gaz prouvent que , tandis qu il existe
une vapeur dans un espace , il n'y a point de
vide dans le sens qu'oh attache ordinairement
à ce mot ; car il existe entre toutes les molé-
cules qui s'y trouvent une action non inter-
rompue , seulement elle s'affaiblit à proportion
de l'éloignement des molécules qui en sont le
centre et si le calorique rayonnant et la lumière
passent à travers les gaz , c'est que le mouve-
ment qui leur est propre est plus fort que
l'action qu'ils éprouvent , et n'en est pas sen-
siblement affaibli.
Il me paraît donc incontestable que c'est
Une véritable action chimique qui produit les
dissolutions des liquides dans les gaz et Téva-
poration , ainsi que la étabU Saussure. Mais
l'observation confirme l'opinion de Deluc et de
Volta , relativement à la quantité de vapeur
élastique qui se forme dans un espace donné et
qui est égale , soit que cet espace soit vide ,
ou qu'il soit occupé par un air plus ou moins
dense , mais qui est au même degré hj gro-
métrique et à la même température.
i65. Les expériences de Saussure ont prouvé
directement que la tension de la vapeur élas-
tique de l'eau était proportionnelle à la quantité
qui se dissolvait dans un volume d'air à une
température donnée , et qu'elle agissait alors
BE LEXPAin-SIOX et DE LA COXDtXSA.TlON. aSd
comme un gaz dont la pesanteur spécifique
était à celle de l'air, comme lo à i4 : doù il
suit que lon peut juger de l'effet d'un liquide
qui est réduit en fluide élastique par les tensions
qu'on lui trouve à une température donnée ,
même dans le vide , ainsi que les observations
suivantes le confirmeront ; mais pour déter-
miner ses rapports de quantité avec l'air . lors-
qu'il est mis en dissolution par celui-ci; il faut
de plus savoir quelle est la pesanteur spéci-
fique de la vapeur élastique qu'il forme comme
l'on connaît celle de la vapeur élastique de
l'eau.
La différence que produit la compression de
l'air dans cette vapeur n'altère pas le rapport
de sa pesanteur spécifique , de sorte que celle
qui aurait occupé un espace vide avec une pres-
sion de 6 lignes , n'en occupe plus que la
54^ partie , si l'air saturé de cette eau peut élever
la colonne de mercure de 27 pouces, pendant
que sec il ne l'aurait élevée que de 26 7 pouces.
Van Marum en répétant avec soin des expé-
riences entreprises par Lavoisier et Laplace ,
a observé (i) que lorsqu'on introduisait dans
différents tubes barométriques placés sur un
bam de mercure , de l'eau , de l'ammoniaque ,
de l'éther ; la température étant de 10 degrés,
(1) Descriptions de fjuelques appr.rcils -chimiques,
'• ' «9
^QO STATIQUE CIIIMIQTTE
l'eau faisait descendre le mercure de o pouces, 4»
l'ammoniaque de 7,2, et lëtlier de 12, 5.
Saussure a trouve que l'air étant saturé d'eau
à 16 degrés du thermomètre de Rëaunnur , et
par conséquent à une température plus élevée?
et à une pression de 517 pouces de mercure , .
l'eau contribuait à relïort élastique, pour à-
peu-près 6 lignes de mercure ; ces deux nombres
coincident autant qu'on pourrait s'y attendre,
et correspondent aux expériences qu'a faites
Deluc.
166. Lorsqu'on sature l'air d'éther à diffé-
rentes températures , il acquiert aussi la même
tension que dans le vide , aux températures
correspondantes , ainsi que Volta s'en est assuré
par des expériences délicates.
Parconséquent l'étlier ayant , à une tempé-
rature de 10 degrés, une tension de i2,5 , il
doit être réduit par une pression de i5,5 dans
l'état qu'il a lorsqu'il est dissous par l'air jus-
qu'à saturation, à 28 pouces de pression: l'air
en éprouve aussi une compression dans le mano-
mètre : nous verrons dans la section suivante les
effets qui doivent résulter lorsque les deux gaz
acquièrent la liberté de se dilater.
La différence qu'il y a entre la vapeur de
l'éther qui est seule ou qui est dissoute par l'air,
c'est que lorsque l'espace est vide , si l'on abaisse
le tube dans le bain de mercure d'une quantiti
DE L EXPA?rSIO:!!f ET DE LA COIVDENSATIOX. 29 1
égale à la dilatation , ainsi que Ta fait Van
Marum , tout le fluide élastique redevient li-
quide ; mais si l'on comprime la dissolution de
l'éther par l'air , le volume de celui-ci diminue
en raison de la compression , etl étlier ne reprend
l'état liquide qu'en raison de la diminution de
l'espace.
167. Cette dernière expérience est très-propre
à rendre sensibles les effets que j'analyse : qu'on
prenne une dissolution d'étlier par l'air , en la
comprimant sur un bain de mercure , on voit
l'éther se réduire en gouttes , ou même en
couche liquide , à mesure que la compression
augmente; l'on fait disparaître les gouttes et
l'on rétablit la transjjarence du tube en faisant
succéder une dilatation de volume égale à la
première.
Tout l'effet de la compression est alors limité
à faire prendre l'état liquide à une partie du
fluide élastique, et la tension de celui qui est
en dissolution reste la même ; il faut donc
distinguer l'effet de la compression récipror
que , dans laquelle la vapeur élastique paraît
se conduire comme les autres gaz , et celui
de la compression qui produit une diminu-
tion de volume. Nous avons vu. (Note I.)
que la tension des gaz permanents ne paraisr
sait augmentée par la compression , que parce
qu'on multipliait par Ik le nombre des ressorts.
I9"
59^ STATIQUE CHIMIQUE.
qui s'appliquent h une surface : cet effet h si
pas lieu pour la vapeur élastique , parce qu il
lui est plus facile de reprendre l'état li-
quide.
i68. On peut donc établir comme principe ^^ j
i". que l'air dissout les liquides évaporables par
l'action de son affinité ; 2°. que dans cette disso- •
lution , ils prennent la forme de fluide élasti- 1
que, et que dans cet état ils jouissent de toute» I
les propriétés des fluides élastiques jusqu'au
terme de la saturation.
Il suit de là que l'eau tenue en dissolution
par l'air, acquiert par l'état élastique qu'il lui
procure exactement les mêmes propriétés qu'elle
a lorsqu'elle est réduite en vapeur par l'action
seule de la chaleur ; de sorte que l'action de
l'affinité de l'air consiste à maintenir l'eau dan,--/
l'état élastique , et à lui donner les propriétés
d'un gaz permanent jusqu'au terme de la satu-
ration; ce que je dis de Tair et de l'eau doit
^'appliquer aux autres dissolutions des liquide*
par les gaz.
La propriété par laquelle l'air maintient la
Vapeur de l'eau dans l'état élastique , jusqu'au
terme de la saturation, peut être comparée à
celle qu'a le muriate de soude , selon l'obser-
vation de Blagden , que j'ai déjà rappelée , de
maintenir l'eau liquide jusqu'à un certain degré
au-dessous de la congélation ordinaire ; de sorte
DE l'eXPANSIOIV ET DE LA COîfDE]VSATIO]V. 29?
qu'alors elle subit par le froid un dëcroissement
progressif , comme l'eau simple fait dans un
degré plus élevé ; mais lorsqu'elle parvient enfin
au terme qui appartient à sa congélation , elle
éprouve une dilatation pareille à celle qu'on
observe dans l'eau simple qui approche de la
congélation et reprend les propriétés oui lui
appartiennent.
169. Il suit de là que la vapeur élastique de
l'eau doit éprouver , par les élévations de tem-
pérature la même dilatation que les autres gaz
et 23ar conséquent avoir la densité de la vapeur
de l'eau bouillante , lorsqu'elle est parvenue au
100^ degré du thermomètre centigrade.
Saussure (i6i) a prouvé en comparant les
quantités d'eau qu'il dissolvait dans l'air sec ,
et l'accroissement de tension qui en résultait ,
qu'il y avait un rapport constant entre la
tension et la vapeur produite , et que cette
vapeur élastique avait une pesanteur spéci-
fique qui est à celle de l'air , comme i o à
i4 , à égalité de température et de compres-
sion. Or Lavoisier a conclu de ses propres
expériences que la pesanteur spécifique de l'air
à 10 degrés du thermomètre, était à celle de
l'eau comme 84 2 à i ; ce qui donne , en éva-
luant à Y l'augmentation de volume de la va-
peur d'eau , depuis 10 degrés du thermomètre
jusqu'à 80 , une pesanteur spécifique de iS-'o.
^0\ STATIQtlE CHIMIQUE.
On doit à Watt ce qu'on a de plus précis sur'
la pesanteur spécifique de la vapeur de Teau atï
terme de rébuUition : voici comment il s'ex-^
prime(i) : i/ est conjiu par quelques-unes de mes
expériences _, et par celles du docteur Black que
la vapeur de Veau^ en comptarhi depuis 60 , ou
du tempéré y est plus que deux fois le volume
d'un poids égal de gaz oxigène.
Quoique cette indication soit un peu: vague,
et quoiqu'on ne puisse compter sur une parfaite
exactitude dans les rësuLta-ts de Saussure , on
trouve cependant le rapport le plus satisfaisant
entre le premier résultat et. celui de Watt; car ^
selon les déterimnations de Lavoisier , la pesan-
teur spécifique du gaz oxigène est au i o^ degré
de Réaumur de 765 ; de sorte que l''expressio«s
(le Watt fixe- la légèreté spécifique de la vapéu*
de feau au-delà, d^ lâSo.^
170. En établissaiït que l'air agit sur les- li*
quides qu'il dissout ,. comme sur les autres gaz^
par là même on prouve que les vapeurs élas>
tiques doivent se trouver en même quantité
dans un espace vide ou dans un espace rempli
d'air , pendant que la température et la tensioû .
om la saturation restent les mêmes ; car pour.:
qu'il y eût un autre effet, il faudrait que l'air
agît autrement par la compression qu'il ne fait^
{3^ TraAs. philos. 1784^ P' 35ar
r>E l'expansion et de la roïOEXSATiOF. agSi
sur un gaz , qu'il exerçât sur la vapeur de i'eau une
force différente que sur un autre gaz , et alors
il y aurait une grande distance entre les effets.
Lors donc que la compression diminue l'es-
pace qui contient un air saturé , une partie de
la vapeur élastique doit devenir liquide pour
permettre à l'autre d'occuper celui qui lui con-
vient, et comme il lui arriverait , si l'on dimi-
nuait l'espace qu'elle occupe par l'effet de sa
seule force élastique , ou comme il arriverait à
la vapeur de l'eau au degré de Fébullition. Il y
a cette différence entre les liquides , qu'ils ont
k une même température des tensions inégales
qui sont relatives à leur élasticité, jusqu'à ce
qu'ils soient parvenus à fébullition : alors leur
tension se trouve égale à la résistance de la
compression de l'atmosphère ; ils se changent
en fluides élastiques , et suivent les mêmes lois
de dilatation : avant ce degré de température
l'affinité des gaz leur donne les propriétés des
gaz permanents , mais sans produire aucun
changement dans le terme de leur plus grande
tension , comme l'action réciproque des gar
permanents n'influe point également sur le*
tensions qu'ils doivent avoir dans des circons-
tances données.
171. Saussure pense que l'air ne dissout l'eau,
que lorsque Faction du feu Va convertie en
-yapeur élastique , §. 191. En cela je diffère de
ÛQ^ STATIQUE CHIMIQUE-
son opinion ; l'action de l'air et celle du calo-
rique sont simultanées ; mais c'est la première
qui détermine la seconde, la compression de
l'atmosphère s'oppose à la formation de la va-
peur de tout l'excès qu'elle a sur la tension
du liquide ; ainsi dans la circonstance où s'est
faite l'expérience de Van Marum que j'ai citée ,
une pression de i5 pouces de mercure suffit
pour empêcher la vapeur de l'éther de se pro-^
duire , comme elle peut aussi lui rendre l'état
liquide si elle était formée.
L'action de l'affinité de l'air sur l'eau se ma-
nifeste d'une manière frappante dans la disso-
lution de la glace , malgré la résistance de la
force de cohésion; Saussure a observé qu'à 2,7-
degrés au-dessous du terme de la congélation ,
l'hygromètre qui était à 36,70 monta dans l'air
où il avait mis un linge glacé dans une heure
de 18°, et dans trois de Aq?^^. Cependant il ne
parvint dans cet espace de temps qu'à 86,22 ,
de sorte que l'obstacle de la force de cohésion
retarde non-seulement la dissolution , mais l'em-.
'pêche probablement de se compléter. Il est vrai-^
sem])lable que l'effet diminuerait par les abais-
sements de température, et qu'enfin l'on par-
viendrait à un degré où la dissolution ne pourrait
plus s'opérer.
172. Puisque les vapeurs élastiques que les
liquides peuvent produire sont déterminées.
DE L EXPANSION ET T)T LA CONDEXS VTION. 297
par l'espace , et puisque la comjjression qu'elles
éprouvent lorsqu'elles sont dans l'état rie
dissolution ne peut faire varier leur quan-
tité pondérale , on conçoit d'où vient que Saus-
sure a trouvé les mêmes propriétés hygromé-
triques dans le gaz hydrogène , l'air atmosphé-
rique et l'acide carbonique. Priestiey avait déjà
observé que différents gaz prenaient le même
ficcroissement de volume lorsqu'on les mettait
en contact avec l'éther ; j'ai répété cette expé-
rience avec Gay Lussac sur le gaz oxigène ,
le gaz azote , l'hydrogène , l'air atmosphérique
et l'acide carbonique , et nous avons observé
qu'ils éprouvaient tous la même dilatation ,
excepté le gaz acide carbonique dans lequel
elle a été un peu plus jégère ; mais il est
naturel d'attribuer cette différence , qui était
très-jjetite , à un peu d'acide carbonique qui
aura pu être réduit en liquide par une portion
de l'éther. On voit que l'eau doit se dissoudre
également en pareille quantité dans les différents
gaz , et qu'elle doit y porter une tension pro-
portionnelle à la température et à l'état de sa-
turation.
173. Il ne faudrait cependant pas conclure
de ce qui précède , que les substances gazeuses
ne contiennent point d'autre eau que celle qui
est dans l'état gazeux , et sur le volume de la-
quelle elles n'agissent par compression nue
29^ STATIQUE CHIMIQUE.
comme elles font entre elles : je prouverai au
contraire que quelques-unes peuvent en tenir
en véritable combinaison ; mais ce n est point
celle-là qui produit les effets hygrométriques ,
parce que retenue par une plus forte affinité ,
elle ne contribue pas à riiumiditë et à la séche-
resse des corps qui se partagent l'eau de l'at-
mosphère : ainsi l'argile retient une certaine
quantité d'eau qu'elle n'abandonne qu'aux degrés
extrêmes de la chaleur , et que les substances
hygrométriques sont bien éloignées de pouvoir
lui enlever.
L'affinité réciproque des molécules de l'eau
qui finit par la réduire en un corps solide ,
lorsque la force qui lui est opposée devient trop
faible , produit encore des effets entre la vapeur
de l'eau et le liquide ; de là vient , comme l'a
observé Gay Lussac , que lorsqu'on distille sans
communication avec l'air une substance dont il
se dégage des vapeurs aqueuses sans aucun gaz
permanent , et en recevant ces vapeurs dans un
récij^ient rempli d'eau , on ne peut éviter un
balancement qui fait refluer l'eau dans la cornue ;
mais on prévient facilement cet inconvénient
en interposant entre l'eau et la cornue une
petite couche de mercure.
Welter avait auparavant imaginé le moyen
de se servir de la compression même de l'at-
mosphère pour prévenir cet effet par les tubea^
I^E l'eXPANSIOIV et DE LA C01\'T>F?fSATT0:V. 299
de sûreté , qui depuis lors sont employés avec
succès dans un si grand nombre d'opérations ,
et qui ont donné toute son utilité à l'appareil
que l'on doit à Woulfe; mais lorsqu'on a* intérêt
d'éviter le mélange de l'air, le premier moyen
a un grand avantage : par là même que le mer-
cure a beaucoup moins d'affinité avec la vapeur
de l'eau , que l'eau n'en a elle-même , les effets
de résorption qui sont très-difficiles à éviter ,
n'ont plus lieu.
C'est par un effet analogue , que dans les
machines à feu une petite quantité d'eau froide
produit une soudaine condensation dont l'effet
est secondé par la dilatation qui en résulte dans
le reste de la vapeur , et par le refroidissement
qui l'accompagne , comme l'a observé Darwin (i).
Cette action réciproque sert encore à expliquer
l'effet de l'eau qui favorise le dégagement d'une
substance gazeuse , d'où vient que l'absence de
Veau , comme Fa fait voir Vitliering (s) , distingue
le carbonate de baryte natif, qui ne peut être
décomposé par la chaleur , du carbonate arli-
cifiel , qui peut l'être au moyen de l'eau qu'il
contient ; mais le premier peut se décomposer
dans un tube , en y faisant passer un courant
de vapeur d'eau , comme l'a fait Priestley y ou
(j) Trans. philos. 1788.
(2) Ibldy 1784.
300 STATIQUE CHIMIQUE.
en y suppléant par un courant d'air , seloit
Clément et Désorme.
174. Lors donc que Teau est faiblement re-
tenue dans une combinaison , et qu'elle se réduit
en vapeurs , elle sollicite et détermine une autre
substance à prendre l'état gazeux par toute l'af-
finité qu'elle a pour le gaz qu'elle dissout. Cette
propriété peut être d'une grande utilité dans
plusieurs opérations de chimie.
L'affinité mutuelle des gaz peut donc produire
entre eux un effet qui est plus grand que leur
différence de pesanteur spécifique , mais qui
est inférieur à la tension élastique qui appar-
tient à chaque molécule des uns et des autres ; de
sorte que le volume n'est point altéré par cette
action ; les liquides qui prennent l'état élastique
se conduisent dès-lors comme des gaz.
Quelques solides paraissent se dissoudre dans
l'air comme les liquides ; ainsi le phosphore se
dissout dans l'azote en accroissant son volume , et
l'observation intéressante de Gay Lussac sur le mu-
riate d'ammoniaque (108) prouve qu'il en fait de
même : il y a apparence que les corps odorants se
dissolvent ainsi , puisqu'ils conservent dans leur
union avec l'air , les propriétés qui les carac-
térisent; mais si l'affinité mutuelle des gaz est
plus forte que celle qui se borne à la disso-
lution , et si elle peut effectuer un changement
dans les dimensions respectives, il se produit
t>£ L*ÈXPA^-SIO]N■ ET DE LA CONDErySATlO:!f. 5ôi
-d'autres phénomènes qui appartiennent à la
combinaison , et qui en séparent d'un grand
espace , ce que je désigne ici par dissolution ,
])arce que par là même que les dimensions respec-
tives diminuent , l'action réciproque s'accroît ,
et l'effet n'est limité que parce que cette action
s'affaiblit en raison de la saturation qui s'opère.
170. On doit distinguer la dissolution de la
combinaison , non-seulement parce que dans la
première chacune des substances est retenue
par une si faible affinité, qu'elle conserve ses
dimensions; mais encore parce que toutes les
propriétés qui la caractérisent , toutes ses autres
tendances à la combinaison se trouvent à peine
affaiblies ; au lieu que dans la combinaison les
propriétés antagonistes sont diminuées de toute
la saturation qu'elles ont éprouvée.
Il y a donc , dans les combinaisons des gaz ,
une condensation qui est ordinairement plus
grande que celle qu'on observe dans les liquides ,
parce qu'ils peuvent beaucoup plus diminuer
de volume par les mêmes causes.
On observe en effet une condensation quelque-
fois considérable dans les combinaisons gazeuses
qui se forment ; ainsi la vapeur de l'eau à la chaleur
de Fébullition occupe beaucoup moins d'espace
que le gaz hydrogène et le gaz oxigène qui la pro-
duisent n'en occuperaient à la même température :
le gaz nitreux a une pesanteur spécifique plus
k
302 STATIQUJÏ CHIMIQUE.
grande que celle du simple mélange de ses deux:
éléments ; il en est de même du gaz ammo-
niaque.
Le rapprochement des molécules peut être
tel , que l'action réciproque se trouve augmentée
au point que la substance combinée prenne
l'état liquide, ou même l'état solide ; ainsi le
gaz ammoniaque dans lequel les éléments ont
déjà subi une grande condensation en éprouvé
une nouvelle lorsqu'il se combine avec le gaz
muriatique , et 1 un et l'autre prennent l'état
solide.
Le gaz hydrogène et le g3cz. oxigène réduits
en eau , ne peuvent plus conserver l'état gazeux
que sous un certain degré de pression : à
une pression trop considérable , ils prennent
l'état liquide , et enfin par une diminution de
température, ils deviennent solides. Cette com-
binaison se trouve donc , par le rapprochement
des molécules , dans un état intermédiaire
entre celui où l'affinité réciproque ne produit
aucun effet sensible , et celui où elle produit
la liquidité , et enfin la solidité , et selon l'état
de la température et de la compression , la force
expansive ou la force de cohésion deviennent
prépondéran tes .
176. On retrouve donc dans les gaz qui se
combinent et qui subissent unj assez grande
condensation , les phénomènes que j'ai observés
DE l'exPANSIOTC ET DE LA COlYDENS^TIOîf. 3o5
dans les autres combinaisons dans lesquelles la
disposition à la solidité est augmentée toutes les
fois que l'affinité a assez d'énergie : mais ici ils
sont beaucoup plus considérables , parce que la
condensation est beaucoup plus grande.
Les liquides et les solides qui se combinent
avec les substances gazeusas les assujettissent à
leur état, où ils prennent eux-mêmesTétat gazeux,
selon l'énergie des forces qui sont en action , et
quelquefois selon les proportions.
Lorsqu'un solide passe en combinaison avec
un fluide élastique, il est difficile d'estimer la
condensation qui résulte de la combinaison ,
parce que l'on ignore quel volume prendrait un
solide à une température basse , si lu force de
cohésion cessait d'agir sur lui ; cependant cette
condensation est manifeste , puisque dans la
plupart des cas , le volume de la substance
gazeuse est réduit par la combinaison , et que
toujours la pesanteur spécifique de la combi-
naison est plus grande que celle qu'avait la
substance gazeuse ; ainsi la pesanteur spécifique
du gaz muriatique oxigéné . de l'acide sulfureux
et de l'acide carbonique , est beaucoup plus
grande que celle du gaz oxigène ; celle du gaz
hydrogène carburt» , phosphuré , sulfuré , plus
grande que celle du gaz hydrogène.
177. Si dans les combinaisons qui se forment ,
une portion du calorique est toujours éliminée,
3b4 STATIQUE CHIMIQUE.
si l'action du calorique a toujours pour effet
immédiat la dilatation des corps ^ et si elle aug-
mente leur disposition à Tëlasticitë , il paraît
d'abord difficile de concevoir comment une aug-
mentation de calorique peut produire la coni-
hinaison de Thydrogène et de Foxigène dont il
doit s'en éliminer une grande quantité, et com-
ment il se fait , selon l'expression de Monge (i) y
qu^en augmentant là dose du dissolvant , on
diminue V adhérence qu^il avait pour ses bases.
J'ai emprunté de Monge lui-même une expli-i
cation qui me paraît résoudre cette difficulté (2).
La compression en rapprochant les molécules
de deux gaz augmente leur action réciproque ,
elle peut être portée à un point où elle déter-
mine la combinaison ; or la partie d'un gaz qui
la première reçoit la chaleur, éprouve une dila-
tation d'autant plus grande que la chaleur est
plus intense , elle doit comprimer avec un grand
effort les parties du gaz qui n'ont pas encore
reçu le même degré de température , elle décide
par là leur combinaison; mais le calorique
qu'abandonne cette combinaison , et qui rélève
à une température beaucoup plus haute produit
par la tension qui en est la suite une réaction
beaucoup plus grande , de sorte que la partie
(i) Mém. del'Acad. 1783.
(2) Ibid, 17S8.
i
r>E L'£XPAr,-SIOX ET DE LA COIv-DE.\SATIOX. 3o5
qui n'avait d'abord fait que se dilater , est obligée
d'entrer elle-même en combinaison.
Le calorique ne ferait donc que causer par
la dilatation d'une partie d'un gaz une com-
pression sur celle qui est la moins échauffée ;
mais l'effet total serait dû au rapprochement
subit des molécules produit par la combi-
naison, comme il est dû à cette même cause
dans la percussion des corps solides, et dans
' celle des corps qui contiennent des substances
dont la combinaison n'exige qu'une petite cause ,
et qui se trouvent , pour ainsi dire , sur la limite
de leur existence.
Trembley a fait contre cette explication des
observations qui ne me paraissent fondées que
sur l'obscurité avec laquelle je l'ai présentée.
I » Comment donc , dit-il , le calorique peut-il
» produire à-la-fois l'élasticité et la compression ?
» et une compression par laquelle il» se chasse
» lui-même des aggrégats qu'il avait formés avec
» l'oxigènc ? Dans le premier cas , l'on admet
» un moyen nouveau et inconnu qui a été oublié
» dans la théorie, et qui en prouve l'insuffi-
9) sance ; dans le second , on fait jouer au ca-
» lorique des effets si différents et si opposés,
)) qu'il n'est pas possible de s'en former une
» idée , et l'on retombe par là dans le défaut
1) qu'on a tant reproché au phl/jgis tique (i) »,
(i) Mém. (le Berlin , 1797. .
*• 20 .
3o6 STATIQÎJE (CHIMIQUE.
Trembley a donc établi son objection sur M
supposition que le calorique augmentait à-la-fois
l'élasticité , et produisait une compression par
laquelle il se chassait lui-même de la combi-
naison qu'il formait ; ce n'est pas ce que j'ai
voulu dire.
La dilatation soudaine , produite dans une
partie des deux gaz qui sont mêlés , ou en simple
dissolution , cause , selon l'explication que j'ai
cru pouvoir adopter , une compression propor-
tionnelle dans la partie qui n'a pas encore pu
partager la température , et produit par là la
combinaison des deux éléments.
1°. La compression favorise la combinaison
d'une substance gazeuse par le rapprochement
des parties qui exercent l'action chimique ; ainsi
l'on augmente par son moyen la dissolution du
gaz acide carbonique dans l'eau , et une com-
pression beaucoup plus grande peut exercer
une action efficace sur des combinaisons beau-
coup plus difficiles à former.
0°. C'est un fait que la compression peut^
produire des combinaisons qui sont accompa-
gnées de détonnation ou d'élimination du calo-
rique ; car par elle seule on fait détonner 1er
muriate oxigéné de potasse , mêlé avec des subs-*
tances inflammables , ainsi que l'argent , l'or et
le mercure fulminant. Il suffit donc que la dila-
tation d'une partie du gaz soit un effet plus j
t)È l'expansio»- et de la condensation. 3o7
prompt que la communication de la tempéra-
ture à l'autre partie.
3». On ne peut douter que la détonnation ne
soit un effet successif, et que par conséquent
la ddatation produite dans une partie ne puisse
causer la compression supposée dans une partie
contiguë.
Howard a très-bien expliqué par cette cir-
constance les différences que présentent dans
leur force la poudre ordinaire , et les autres
poudres détonnantes (i).
On voit donc comment l'électricité peut pro-
duire deux effets opposés, selon les circonstan-
ces (i 35) ; elle décomposera l'eau par 1 emoyen de
l'expansion qui accompagne son action; mais cette
même expansion pourra la former de nouveau
lorsque l'effet se passera dans le mélange qui
s'est formée de gaz hydrogène et de gaz oxigène ,
la dilatation produite dans une partie pourra
agir par la compression sur les autres , ce qui
correspond aux expériences des chimistes hol-
landais (a) qui ont été répétées par Silvestre et
Chappe, et par Tennant.
(i) Trans, philos. i8oo.
(2) Journ. de Phys. tom. XXXV.
ait.
I
3o8
STATIQUE CHIMIQUE.
CHAPITRE II.
De VaJJiniLè résultante.
l'jB. JLjes substances élastiques éprouvent une
contraction plus ou moins grande, lorsqu'elles
entrent en combinaison ; mais les caractères de
ces combinaisons dépendent en grande partie
de l'état où les substances gazeuses s'y trouvent
réduites ; elles agissent quelquefois comme une
substance simple ; dans d'autres circonstances
elles se décomposent , et leurs parties forment
de nouvelles combinaisons , dont les propriétés
dépendent encore de l'état des substances élas-
tiques qui les composent ; de sorte que ces
substances portent dans les combinaisons des
dispositions qui déterminent leur constitution
particulière , et qui contribuent par là plus ou
moins à l'action que celles-ci peuvent exercer.
L'action chimique des substances qui ont dans
^ ^ composition quelqu'élément naturellement
^ ^ jie reçoit donc par les changements de
^^ . ">n, des modifications dont il faut dé-
termni v^ conditions et les différences carac-
téristiques a>, ^^jj^g ^^^g substances qui ne
DE l'expansio?^ et DE LA. coi>rnE]vsATroîr. 309
cliangent pas sensiblement de constitution : je
devrai encore , dans ce chapitre , comparer les
différences qui distinguent la décomposition de
ces substances.
J'appelle affinité résultante , celle dont l'actioii
procède de plusieurs affinités dans une même
substance , pendant que celle-ci Texerce collec-
tivement , et je distingue celle des parties qui
la composent , lorsqu'elles deviennent indivi-
duelles , j^ar le nom d'affinités élémentaires ;
par exemple , lorsque l'acide nitrique , qui est
composé d'oxigène et d'azote , se combine avec
la potasse , il agit sur cet alcali par une affi-
nité qui résulte de celle de l'oxigène et de celle
de l'azote ; mais si les parties élémentaires se
séparent pour entrer dans d'autres combinai-
sons , les affinités élémentaires sont substituées
à l'affinité résiftltante. Comme l'action chimique
est réciproque , je donne également le nom
d'affinité résultante à celle d'une substance
simple pour une substance composée , dont elle
n'altère point la composition.
179. Si l'eau dissout une combinaison saline
sans changer l'état respectif de saturation , et
si elle ne peut y produire de changement , quelle
que soit la proportion dans laquelle on la fait
agir, on peut bien dire que Faction réciproque
(le la substance saline est résultante; ce qui
provient de ce que les parties élémentaires de
'lO STATIQï'E CniMTQUE.
la. combinaison sont encore éloignées de l'état
de saturation , de sorte que ce qui leur reste
à satisfaire de leur tendance réciproque est
encore plus considérable que Faction que Feau
exerce sur l'une des parties élémentaires, pré-
férablement à l'autre; mais si l'eau agit sur le '
sulfate de mercure oxigéné , elle produit une
séparation des parties élémentaires , elle change
l'état de la combinaison selon sa quantité
et selon la température qui la seconde ; alors
il faut comparer , comme isolées , toutes les
forces qui influent sur le résultat : on ne doit
plus considérer l'eau comme un simple dis-
solvant.
L'espèce d'affinité résultante dont je viens de
parler, et qui appartient aux dissolvants, pro-
prement dits , ne mérite ici aucune considération
particulière : il suffit de remarquer, si un dis-
solvant agit sans altérer l'état de combinaison ,
ou si une action relativement plus forte ne
laisse plus subsister les mêmes rapports entre
les éléments de la combinaison : dans le premier
cas , le liquide ne change pas sensiblement l'état
des forces , il procure seulement la faculté
de les exercer en donnant la liquidité , et
dans le second , en changeant l'état de corn--
binaison , il amène bien un autre résultat , par
la force qu'il exerce , mais sans altérer sensi--
blement les forces qui agissaient avant son iii'»
DE l'expansion et DE LA CONnE:i^SATIOX. 3ll
tcrvention : il n'en est pas de même lorsque
les substances élémentaires changent d'état en
passant dans d'autres combinaisons ; alors les
forces qui agissent éprouvent une révolution
qu'il convient de distinguer, et dont il faut
considérer la cause et les effets.
i8o. L'action d'une substance dépend de l'é-
nergie de son affinité , et de la quantité avec
laquelle elle se trouve dans la sphère d'activité ;
si donc l'élasticité qu'on lui suppose dans l'état
libre est surmontée par l'action d'une autre
substance , si par là elle se trouve très-con-
densée , et si la combinaison qu'elle vient de
former est liquide , elle jouit de toutes les pro-
priétés des liquides et elle peut agir avec une
masse beaucoup plus grande.
Cependant l'effet de son affinité est diminué
de toute la saturation qu'elle éprouve par la
combinaison qu'elle subit ; mais cet effet est
souvent beaucoup plus petit dans l'affinité ré-
sultante , que l'augmentation d'énergie qu'elle
acquiert par sa condensation. D'ailleurs, si la
substance avec laquelle elle s'est combinée est
devenue liquide, quoique son action soit éga-
lement affaiblie de toute celle qu'elle exerce
sur l'élément gazeux , elle peut cependant ac-
quérir plus par l'avantage de la liquidité qu'elle
ne perd par la combinaison , et concourir avec
l'action de la substance gazeuse.
3 1 2 STATIQUE CHIMIQUE.
On voit par là comment le soufre et le plios-
phore peuvent former , par la condensation de
l'oxigène , des combinaisons qui ont une action
si puissante sur les alcalis , et dont les pro-
priétés dérivent particulièrement de celle de
Toxigène , tandis que dans l'état gazeux son élas-
ticité était un obstacle à toute combinaison avec
eux.
i8i. Il ne faudrait pas conclure de ce qui
précède , que plus la condensation d'une subs-
tance gazeuse est grande , plus est considérable
l'énergie qu'elle porte dans tous ses effets ; mais
il y a deux conditions qu'il faut distinguer , la
^condensation et la diminution de l'affinité par
la saturation qu'elle éprouve.
Plus la condensation est forte, plus grande
est la perte qui est due à la saturation, le reste
étant égal ; on doit donc retrouver dans la com-
binaison , d'autant moins des propriétés qui sont
dues à l'affinité d'une substance gazeuse , que
cette substance se trouve réduite à un plus grand
état de condensation.
L'acide sulfureux contient une proportion plus
petite d'oxigène , que l'acide sulfurique ; mais
il est moins condensé , de là il est plus volatil ,
il abandonne même difficilement l'état gazeux ^
ce qui l'a fait regarder comme beaucoup plus
faible ; cependant il possède les ])ropriétés acides
à lin plus liaut degré ; car si l'on expose le
DE l'expansion ET DE LA CONDENSATTON". 3t3
sulfite de potasse au gaz oxigène , il en absorbe
une quantité considérable , et tout le sulfite se
convertit en sulfate , sans qu'il y ait aucun
changement dans l'élat de saturation , et sans
qu'il se fasse aucun dégagement , ainsi que je
ni en suis assuré en fesant l'expérience dans un
récipient rempli de gaz oxigène sur Teau.
Je remarquerai à cette occasion , que dans les
évaluations que l'on a données des proportions
de Facide et de l'alcali dans les sulfites et dans
les sulfates, on est nécessairement tombé dans
une erreur , lorsqu'on a établi les proportions
de l'acide sulfureux dans les sulfites plus grandes
que celles de l'acide sulfurique dans les sulfates.
Lorsqu'on pousse au feu un sulfite , il se su-
blime du soufre , il se dégage même du gaz sul-
fureux , et le résidu se trouve changé en sulfate ,
ce qui m'avait fait croire qu'il restait moins de
soufre dans l'acide sulfurique qui reste combiné
avec la potasse (i); mais une partie de l'alcali
est surabondante , et se trouve dans l'état de sul-
fure , de sorte que la conclusion que j'avais tirée
de cette expérience n'est pas exacte.
Le nitrate de potasse dont on a dégagé une
portion de l'oxigène, se dissout après cela faci-
lement dans l'eau ; la dissolution ne donne aucun
indice d'alcalinité, comme l'a constaté Gay Lussac^
(i) Méxn. de l'Acad. 1782.
3r4 STATIQUE CHIMIQUE.
cependant il s'en dégage beaucoup de gaz nitreux
lorsqu'on y verse un acide ; mais il ne faut
pas pousser l'action du feu trop loin , parce
qu'alors l'acide nitreux lui-même commencerait
à se décomposer , et l'alcalinité se développerait ;
l'acide nitreux a donc autant d'acidité que l'acide
nitrique.
Le muriate oxigéné de potasse abandonne par
l'action de la chaleur tout son gaz oxigène , et
cependant le résidu est encore parfaitement
neutre , quoiqu'on ait avancé le contraire.
On ne peut douter que les phosphites ne se
changent en phosphates , de même que les sulfites j
en sulfates , sans que l'état de saturation change.
182. Ces faits prouvent que la propriété acide
qui consiste à saturer des quantités déterminées
d'alcali , n'est point proportionnelle à la quan-
tité d'oxigène qui se combine avec une base ;
mais que plus il se trouve condensé , plus forte
par conséquent est l'action qu'il éprouve , moins
il donne d'acidité à quantité égale ; parce
que la propriété acide qu'il communique par
son affinité qui reste libre , se trouve diminuée
en raison de cette action.
Mais les propriétés qu'il doit à la condensation
sont beaucoup plus grandes dans l'acide sulfu-
iique ; il acquiert une pesanteur spécifique
beaucoup plus considérable , il a par conséquent
beaucoup plus de puissance contre la iorce de
DE l'expansion et DE LA CONDENSATION. 3l5
cohésion (49) , et il résiste beaucoup plus à sa
décomposition.
On ne peut établir ce rapport de l'action
entre l'acidité et la condensation deloxigène,
que lorsque la base est la même , et non lors-
que l'on en fait la comparaison dans ses diffé-
rentes combinaisons , parce que les propriétés
de la base concourrent elles-mêmes à l'action
qu'il exerce sur les alcalis, et peut modifier
ses effets jusqu'à un certain point ; le soufre
et le phosphore nous en offrent un exemple :
l'un et l'autre ont à-peu-près la même pesan-
teur spécifique ; le phosphore agit beaucoup plus^
puissamment que le soufre sur l'oxigène , de
sorte que celui-ci s'y trouve fixé en plus grande
quantité , et dans un plus grand état de con-
densation , et Tacide phosphorique acquiert par
là plus de pesanteur spécifique , et beaucoup
plus de fixité que l'acide sulfurique : cependant
si les expériences qui ont été faites pour déter-
miner les proportions ont été exactes , on trouve
que l'oxigène produit un plus grand effet acide
dans l'acide phosphorique que dans le sulfu-
rique : 100 parties d'acide sulfurique, selon les
, expériences de Chenevix , qui diffèrent peu des
^ évaluations de Thenard (i), contiennent 38 par-
'• ties pondérales d'oxigène , et selon celles de
(i) Bibl. Biit.in. toiu, XVÎII,
5l6 STATIQUE CHIMIQUE.
Lavoisier, loo parties d'acide phosphorique en
ont 60 d'oxigène. Or , 100 parties d'acide siil-
fiirique , ou 38 d'oxigène , neutralisent 70 par-
ties de chaux (i) , tandis que 100 parties d'acide
phosphorique , ou 60 parties d'oxigène , en
neutrahsent 174(2); cependant il me paraît
probable qu'une circonstance peut en imposer:
j'ai remarque que le phosphate de chaux prenait
en se précipitant un excès de chaux; de sorte
qu'il est possible que le phosphate que Vau-
quelin a obtenu , eût une portion de chaux
qui excédait l'état neutre, et si l'on fesait l'ex-
périence sur un phosphate exactement neutre ,
on pourrait trouver que l'oxigène communique
en moindre proportion les propriétés acides
dans sa combinaison avec le phosphore , que
dans celle avec le soufre.
i83. En appliquant les principes que ces ob-
servations paraissent confirmer aux différentes
combinaisons que forment les substances élas-
tiques y on peut juger par les propriétés de ces
combinaisons de l'état de saturation qu'elles
éprouvent; ainsi l'eau ne laissant appercevoir
aucune propriété de l'oxigène , ni de l'hydro-
gène , on peut en conclure que ces deux subs-
tances se trouvent combinées au terme où l'af-
(ï) Syst. des Conn. Chim. tom, IIÏ.
(2) Ibid,
DE l'exPANSIOX et DE LA CONDENSATION. 3l7
finitë réciproque exerce le plus grand effet , et
qu'elles sont dans un état comparable à celui
d'un sel neutre dans lequel les propriétés acides
et alcalines sont également devenues latentes :
elles ont éprouvé par leur combinaison une con-
densation par laquelle leur volume a été réduit
à -~. Dans les acides , les qualités de l'oxigène
restent dominantes ; dans les liquides inflam-
mables , ce sont celles de Fliydrogène qui le
sont ; de sorte que dans les premières combi-
naisons , l'oxigène éprouve un degré de satu-
ration plus petit que dans l'eau , et dans les
dernières , c'est l'hydrogène qui est dans ce cas.
Ces observations nous font reconnaître dans
les combinaisons gazeuses , des propriétés ana-
logues à celles que nous avons observées dans
les combinaisons des acides avec les alcalis: la
saturation rend latentes les propriétés carac-
téristiques des deux gaz ; mais celles qui appar-
tiennent à l'un des deux peuvent n'être pas
neutralisées , comme dans les sels acidulés et
alcalinules; alors la combinaison conserve les
propriétés distinctives de l'un des éléments ; c'est
ce qui arrive dans les acides qui doivent leur
acidité à l'oxigène. Son influence est d'autant
plus grande , qu'il éprouve moins de saturation :
de là vient qu'il conserve autant de capacité de
saturation dans l'acide sulfureux que dans l'acide
(S.ulfurique , quoiqu'il y soit en plus petite pi'o-
->Io STATIQUE CHÏMIqUÉ.
portion ; cependant il faut pour cela qu'il ait
acquis assez de solubilité dans Feau pour pou-
voir agir dans un degré de concentration assez
considérable ; car s'il ne pouvait être suffisam-'
ment condensé , il perdrait , par l'état de dila-
tation , ce qu'il aurait gagné par la faiblesse de J
la combinaison , comme on l'observe dans l'acide
muriatique oxigéné. Enfin il faut distinguer dans
les combinaisons gazeuses , comme dans celles
des acides et des alcalis , les effets qui dépendent
de la condensation de ceux qui proviennent
de la saturation.
184. Après ces considérations générales sur
les combinaisons des substances gazeuses , nous
allons examiner l'action résultante de ces com-
binaisons , et les modifications qu'elle éprouve.
Pendant qu'une substance agit par une force
résultante , l'état respectif de ses parties élé-
mentaires ne change pas , de sorte qu'il ne faut
pas considérer , par exemple , un mélange d'acide
nitrique et d'acide sulfurique dans l'eau , comme
une dissolution d'oxigène , d'azote et de soufre,
ainsi qu'on doit le faire relativement à des subs-
tances qui , par leur combinaison , ne changent
pas sensiblement de constitution; mais il faut
regarder dans ce mélange l'acide nitrique et
l'acide sulfurique comme deux substances sim-
ples , pendant qu'ils conservent leur constitution.
Lorsque la substance composée , en agissant
î)Ê l'expansion et de la condensation. Sirt
par une force résultante , entre dans une com-
binaison , l'union des parties élémentaires se
trouve affermie de toute la saturation qu'elle
éprouve par là ; ainsi le fer qui pourrait décom-
poser facilement l'acide nitrique, ne le peut
plus , dès que celui-ci est combiné avec la potasse ;
et l'acide muriatique oxigéné , qui cède si faci-
lement son oxigène , le retient beaucoup plus
dans le muriate oxigéné de potasse.
Le contraire a lieu , lorsqu'au lieu d'une subs-
tance saturante qui sert d'appui à l'affinité ré-
sultante, on en ajoute une qui tend à former
une combinaison où doit entrer l'une des parties
élémentaires; par exemple, lorsqu'on ajoute de
l'acide sulfurique au mélange de l'eau et du fer ,
cet acide favorise la décomposition de l'eau ,
parce qu'il tend , ainsi que l'oxigène , à se com-
biner avec le métal , et la décomposition de l'eau
est décidée par la réunion de leurs forces : c'est
dans cette réunion de forces que consistent les
effets de l'affinité qu'on a appelée prédisposante.
Le calorique qui tend à rendre l'élasticité aux
substances condensées , affaiblit par là même ,
ou détruit l'union de laquelle dépendait l'affi-
nité résultante , et lui fait succéder les affinités
élémentaires , ou par l'effet seul de son action
ou par le concours d'autres affinités ; ainsi le
nitrate de potasse étant exposé à une forte
chaleur, l'acide nitrique est réduit en gaz oxi-
SaO STATIQUE CHIMIQUE.
gène et en gaz azote , et mis en contact à un
degré beaucoup moindre de chaleur , avec le
fer , le soufre ou le charbon ; il se détruit , et
les affinités de l'oxigène remplacent les siennes
dans les combinaisons qui se forment. On voit
donc que la chaleur qui se dégage dans beau- ^
coup d'opérations , par exemple , dans le simple f
mélange de l'eau et de l'acide sulfurique peut* |
intervenir efficacement dans les phénomènes
qui se produisent.
i85. Lorsqu'une substance étrangère exerce
sur l'une des substances élémentaires une action
plus forte que la tendance à la combinaison qui
tient celle-ci dans un composé , elle en produit
la séparation; mais comme son action s'affaiblit
par la saturation qu'elle ^éprouve , et comme
au contraire la substance iqui tend à retenir
celle qui est l'objet d'un effort opposé , agit
avec d'autant plus de force , que la proportion
de la dernière diminue, ces deux actions con-
traires peuvent parvenir à un état d'équilibre
qui ne sera changé qu'en fesant varier les masses,
ou en changeant la température ; mais unC;
circonstance qui doit encore être remarquée ^
c'est que l'action chimique ne s'épuise quelquefois
qu'après un temps considérable ; or si une com-
binaison qui résulte de certaines proportions
prend l'état gazeux, elle se soustrait avant que
la substance opposée ait épuisé l'action qu'elle
t)É L^ÈXPAKSIOJV Eï BE LA. CONDENSATlOlN^. 3^ if
(exerce sur rune des substances élémentaires ;
de sorte qu'on prendrait une idée fausse des
forces qui sont opposées, si Ton regardait les
deux combinaisons qui se séparent comme le
terme fixe des puissances qui les produisent.
i86v Pendant que les affinités élémentaires
substituent leur action à celle de Taffinité ré-
sultante , il arrive souvent qu'une partie de la
substance composée agit sur un résultat de la
décomposition par une affinité résultante ; de
sorte que par la combinaison qu'elle tend à
former, elle favorise d'une part la décomposition,
et d'un autre côté elle est préservée de sa propre
décomposition. C'est ainsi que dans la plupart
des occasions'où un métal agit sur Tacide nitri-
que ; il n'y en a qu'une partie qui se décom-
pose , pendant que l'autre entre en combinaison
avec l'oxide ; il y a apparence que la distance
cause cette différence d'action , et que la partie
de l'acide qui est la plus voisine du métal , se
décompose , pendant que celle qui est plus
éloignée se combine avec l'oxide.
On voit donc que les quantités des substances
qui peuvent agir, que la température initiale
et celle qui peut s'établir successivement , que
l'action résultante d'une partie de la substance
composée , que la constitution qui est attachée
à certaines proportions qui entrent en combi-
naison , peuvent faire varier indéfiniment les
I. ai
3^2 s T A T [QUE C H I 31 1 Q U C
résultais de l'action de deux substances , lorâ
même qu'une seule est composée , comme ou
peut l'observer dans l'action mutuelle de l'acide
nitrique , et d'un métal qui donne naissance
à des gaz , des oxides , des nitrates très-difié-
rents, et encore à l'ammoniaque qui vient mo-
difier diversement tous les produits.
187. Les observations précédentes prouvent
combien l'action chimique est plus mobile dans
les substances qui reçoivent dans leur compo-
sition des éléments gazeux , que dans celles qui
sont composées d'éléments fl xes , combien 1 on
perd pour la connaissance des propriétés chi-
miques et des phénomènes auxquels elles con-
courrent , lorsqu'on se borne à la détermination
de leurs parties élémentaires , et même de leurs
proportions.
i88. Pour bien concevoir la différence qui
existe dans l'action des substances , suivant leur
constitution , comparons les propriétés qu'elles
présentent dans différents états.
Pendant que les molécules du soufre sont sou-
mises à la force de cohésion , cette substance
ne peut vaincre la résistance de l'élasticité du
gaz oxigène ; mais si elle perd sa cohésion par
le moyen d'un alcali , elle peut alors exercer
une action beaucoup plus puissante ; elle s«
trouve dans le même cas que si la chaleur eût
détruit l'effet de sa cohésion ; elle peut doné
bË l'eXPAIVSiON et de la CONDÈNSATIOTf. ^2^
Jke combiner avec loxigène jusqu'au terme où
la résistance de celui-ci est égale à ce qiu lui
reste d'action : Talcali affaiblit, à la vérité, sa
tendance à la combinaison avec l'oxi^ène , de
toute la quantité par laquelle il agit sur lui ;
I- hiais il apporte lui-même une disposition à ss
I combiner avec loxigène : cette disposition ne pro-
ij duisait point d'effet , pendant qu il était seul ,
j parce qu'il ne pouvait surmonter la résistance de
l'élasticité : le résultat est un effet pareil à celui
qu'aurait produit un degré de température assez
élevé pour changer le soufre en acide sulfurique.
Le soufre, dans cette circonstance, na fait
que recouvrer l'exercice de l'affinité qui était
rendue latente par la force de cohésion ^ il n'en
est pas de même du fluide élastique.
Si l'on dissout l'acide carbonique par l'eau ,
teon volume se trouve très-condensé , comme le
fait voir la pesanteur spécifique de cette eau ,
et sur-tout celle qu'il a dans les carbonates alca-
lins , selon les expériences de Kirvvan , et quoiqu'il
ipterde par là cette partie de son affinité qui
répond à la saturation qu'il éprouve , il nest
î)as surprenant qu'il puisse alors produire des
effets beaucoup plus énergiques que dans J état
élastique ; aussi l'eau imprégnée d'acide carbo-
nique dissout le carbonate de chaux qui n'a
^lus d'action sur l'acide carbonique libre , et
qui a une grande force de cohésion ^ et elle
21..
{",24 STATIQUE CHIMIQUE.
peut elle-même , au moyen de ce carbonate ,
absorber une beaucoup plus grande quantité
d'acide carbonique ; cependant ce même acide
n'aurait pu se combiner , même avec la chaux ,
sans le concours de l'eau; mais une fois condensé
par la chaux , son affinité a acquis une telle
énergie , qu'il ne peut plus en être séparé que
par le concours de l'eau qui agit alors elle-
même par l'élasticité qu'elle reçoit de la chaleur.
Le soufre a acquis une énergie d'action par la
destruction de la force de cohésion , et l'acide
carbonique par la condensation de son volume.
Cette dernière condition pouvant varier in-
définiment dans les combinaisons qui fixent
l'acide carbonique , il en résulte que l'action
de son affinité peut s'y trouver très-différente.
L'action de l'eau est très-faible dans la plupart
des circonstances , si on la compare à celle de
l'acide nitrique ; cependant c'est elle qui procure
la plus grande énergie à cet acide, qui sans
elle resterait dans l'état gazeux , et ne serait
que de la vapeur nitreuse ; ses éléments qu'elle
rapproche , acquièrent une grande puissance , et
dès qu il est entré en combinaison avec une
base , l'eau est devenue inutile, elle peut être
chassée sans que l'acide cesse de conserver le
nouvel état qu'il doit à cette combinaison , jus-
qu'à ce que la chaleur ait enfin produit une
dilatation qui contrebalance Tuction mutuelle, f
DE l'expansion et DE LA CONDENSATION. 3^5
de ses éléments , et celle de la base avec laquelle
ils étaient réunis.
189. L'oxigène en se combinant peut donc
acquérir une grande énergie à la faveur de sa con-
densation; mais cette énergie dépend encore du
degré de saturation qu'il éprouve , et du concours
de la substance avec laquelle il s'est combiné.
Si la saturation est faible , l'avantage produit
par la condensation peut être tel , que Ton n'ait
l^as besoin de détruire les effets de la saturation
par la chaleur, pour qu'une combinaison qui
ne pouvait s'opérer avec la substance pendant
qu'elle était dans l'état élastique , ne se fasse imr
médiatement ; c'est ce que Ton observe dans
l'acide muriatique oxigéné , qui décompose
l'ammoniaque ; l'oxigène et Tliydrogène se
réunissent , quoiqu'ils fussent l'un et l'autre
en combinaison ; mais si l'une des deux subs-
tances éprouve une nouvelle saturation , si
par exemple l'ammoniaque est combinée avec
l'acide muriatique, la combinaison de l'oxi-
gène avec l'hydrogène ne peut plus avoir lieu
dans la même circonstance ; au contraire lors-
qu'une substance tend à se combiner avec l'un
des éléments , elle agit en sens opposé à la force
résultante , elle tend à la détruire , et concourt
par là avec l'action de la chaleur ; alors celle-ci
n'a pas besoin d'être aussi forte pour effectuer
cette destruction.
s^ab STATIQUE CHlMIQtlT:.
C'est en augmentant l'action réciproque des
éléments par la nouvelle condensation qu'une
combinaison produit , qu'elle affermit Tunion
de ces éléments , et c'est au contraire par la
dilatation que la chaleur affaiblit cette action
réciproque, et finit par en détruire l'effet.
C'est ainsi qu'une substance accélère , par son
concours avec la chaleur , la décomposition d'une
combinaison qui contient un élément élastique ;
par exemple, lorsque le charbon détonne avec
le nitrate de potasse , celui-ci n'a pas besoin
d'une température si élevée pour la séparation
de ses éléments que s'il était seul ; l'affinité du
charbon pour l'oxigène concourt avec l'action
de la chaleur pour séparer l'oxigène de l'azote ;
mais dès que cette séparation s opère , l'oxigène
qui entre en combinaison avec les parties du
charbon , est soumis aux mêmes conditions que
si le gaz oxigène se fût combiné immédiatement ;
tout ce qui lui est superflu en calorique est
éliminé dans l'une et l'autre circonstance ; Vacide
carbonique se trouve revêtu des mêmes pro-
priétés ; les affinités élémentaires ont succédé à
l'affinité résultante ; ou bien il s'est établi une
nouvelle affinité résultante.
Une substance inflammable hâtera d'autant
plus la décomposition de celle qui est oxigénée ,
qu'elle aura une plus grande tendance à se com-
biner avec l'oxigène , et que celui-ci sçra, pl.uai
DE l'expansion ET DE LA CONDENSATION. 327
faiblement retenu dans sa combinaison : elle
I produira donc cet effet plus facilement avec le
j muriate suroxigené qu avec le nitrate de potasse ;
un métal très-oxidable exigera moins de chaleur
que celui qui l'est peu; et enfin par la réunion
1 des conditions favorables , la compression suf-
fira pour produire la décomposition.
190. Si Ton ne distingue pas la différence qui
I existe dans faction d'une même substance ,
! selon la constitution dont elle jouit dans la cir-
< onstance où elle Fexerce , on peut tirer de
l'observation des conséquences très-opposées sur
les lois de l'affinité ; ainsi on trouve , en con-
sidérant faction des liquides et des solides ,
que plus est grande la quantité d'une substance
qui se combine avec une autre , plus son action
diminue; mais si l'on porte son attention sur
l'acide sulfureux , comparé à l'acide sulfurique ,
on observe que quoique le soufre se trouve en
plus grande proportion dans le premier , et que
par conséquent il devrait, conformément à la
théorie générale , retenir l'oxigène avec plus de
force que le dernier , c'est cependant le con-
traire qui a lieu ; car le gaz hydrogène sul-
furé , le fer et plusieurs autres métaux décom-
posent l'acide sulfureux en lui enlevant l'oxi-
gène , pendant qu'ils n'ont pas d'action sur
l'acide sulfurique , dans les mêmes circonstances
de liquidité ; de morne le gaz nitreux cède plus
020 STATIQUE CHIMIQUE.
facilement son oxigène aux substances métal-
liques que l'acide nitrique (i).
Lorsque des substances élastiques passent de
Télnt de condensation à un état de dilatation
plus ou moins grande , selon les combinaisons
quelles forment , elles portent d'autres dispo-
sitions dans ces combinaisons. Leur état produit
des effets opposés à ceux qui sont dus à la
condensation; de là naissent des combinaisons
déterminées par les circonstances , et qui dif-
fèrent pour l'état de condensation et pour les
proportions des parties élémentaires : ces diffé-
rentes combinaisons exercent en conséquence de
leur constitution une action qui est aussi différente
de la précédente, que si elles avaient d'autres
parties constituantes; ainsi à part les circons-
tances où l'acide sulfureux et l'acide sulfurique
peuvent être transformés , ils présentent dans
leurs combinaisons et dans leurs modes , autant
de différences que deux acides qui ont d'autres
parties élémentaires.
If) T. Ces phénomènes divers se rangent sous
]es lois générales , si l'on fait entrer dans les
causes qui concourrent à les produire les etiets
de l'élasticité qui s'oppose aux combinaisons , j
qui diminue la quantité qui peut se trouver
dans la sphère d'activité relativement aux liquides
(i) Système des Çonn. Chim. tom. VI , p. ?:5o^
DE L'EXPAKSrOîf ET T)E LA CONDENSATION. SsQ
et aux solides , lesquels sous un mt*me volume
agissent en beaucoup plus grande quantité, et
si Ton distingue les propriétés qu'une substance
acquiert par la condensation de ses éléments
gazeux , de la saturation que ces éléments
éj^rouvent.
C'est pour n'avoir pas considéré ces effets de
l'élasticité et de la disposition à l'élasticité ,
qu'ils ont été confondus avec ceux de l'affinité
indépendante des circonstances qui la modifient ,
et que l'on a prononcé que les acides , natu-
rellement élastiques , possédaient une affinité
plus faible qne ceux qui sont plus fixes ; c'est
également pour n'avoir pas distingué les effets
dus à la condensation et à la capacité de satu-
ration qui est la mesure de l'action des acides
sur les alcalis , que l'on a regardé l'acide sul-
fureux comme un acide beaucoup plus faible
que l'acide sulfurique, pendant qu'à quantité
égale il peut saturer une plus grande quantité
de base alcaline; enfin en négligeant les consi-
dérations de la théorie , on a souvent tiré de
quelques observations des conséquences qui se
contredisent , avec celles qui ont été déduites
d'autres observations.
Ainsi quoique plusieurs faits soient une preuve
dune plus grande disposition de l'hydrogène ,
que du carbone à se combiner avec l'oxigène ,
à toutes les températures , quoique à poids égal
•^ ><^ s T A ï I Q n E 0 n I M I Q tT E.
il produise une plus grande saturation d'une
plus grande quantité d'oxigène , comme l'on a
vu que lorsque l'on expose à l'action de la cha-
leur l'eau qui passe en vapeur sur le charbon j 1
<^elle-ci se décompose , on en a conclu que le
carbone a plus d'affinité avec l'oxigène que l'hy- •
drogène- îl y a ici un concours de circons-
tances qui participent au résultat ; l'hydrogène
se dégage pour se combiner avec le carbone; de
sorte que c'est de Thy drogène carburé qui se
forme, et non de l'hydrogène qui est éliminé;
et en même temps Toxigène se combine avec
une autre partie du carbone , mais l'hydrogène
carburé et l'acide carbonique ont l'un et l'autre
une grande disposition à l'élasticité qui s'accroît
d'autant plus que la température est plus élevée ,
et la somme de la dilatation à laquelle ils
parviennent , est beaucoup plus grande que celle
de l'eau.
Le phosphore décompose l'acide sulfurique ,
mais il ne décompose pas l'acide sulfureux ;
l'on en conclut qu'il ne peut décomposer l'acide
sulfurique que jusqu'à un certain terme, que
3'action du soufre , deveniîe plus puissante à
mesure que l'oxigène diminue , contrebalance
alors l'affinité du phosphore pour l'oxigène ,
et que par conséquent l'affinité du premier
est plus grande ; mais Ton a perdu de vue
les observations que j'ai rapportées ficjo), et qui
#
DE l'expansion ET DE LA. CONDENSATION. 33l
prouvent que Toxii^ène abandonne plus facilement
le soufre dans Tacide sulfureux que dans l'acide
sulfurique. Ce n'est donc que par des circons-
tances qui dépendent de la force de cohésion
du phosphore et de la volatilité de Tacide sul-
fureux que le phosphore agit moins sur l'acide
sulfureux que sur l'acide sulfurique , quoique
l'oxigène tienne beaucoup plus à ce dernier ;
la chaleur requise pour diminuer la force de
cohésion du phosphore accroît l'élasticité de
' l'acide sulfureux ; de sorte qu'il se soustrait à
Faction du phosphore, pendant que d'autres
substances qui exercent une action beaucoup
plus faible , peuvent le décomposer.
192. Ainsi les substances naturellement élas-
tiques ont une disposition qui apporte de grandes
différences dans leur action , selon les circons-
taiices dans lesquelles elles l'exercent; pendant
qu'elles sont retenues dans une combinaison ,
et qu'elles n'éprouvent qu'une condensation
commune aux autres substances , elles doivent
! être considérées comme elles , et les change-
ments de dimension n'influent sur elles que
^ par la disposition plus ou moins grande à l'état
I solide ; mais dès que leur élasticité change la
» constitution de la substance , leur action se
modifie proportionnellement : |a chaleur dimi-
Iiiue par là leur action résultante ; les substances
mii agissent sur elles |)ar une force régultauîe
532 STATIQUE CHIMIQUE.
contribuent à maintenir leur état , celles qui
portent leur action sur l'un des éléments de la
combinaison , plutôt que sur l'autre , concour-
rent avec la chaleur à le détruire ; dans cet effet
les affinités élémentaires se substituent à l'affinité
résultante.
NOTES DE LA IV" SECTION.
NOTE XII.
L
lEs expériences que Deluc a faites (i) prouvent incon-
testablement que la quantité de vapeur qui se forme dans
un espace vide , est la même que si cet espace est rempli
d'air.
Le thermomètre étant à 65 degrés de Fahr , le maximum
de l'évaporation dans le vide élève le mei-cure d'un petit
manomètre de o,5 pouces , comme il résulte de la moyenne
de plusieurs expériences , à la même température : le ré-
cipient étant rempli d'air sec , et ensuite porté à l'humidité
extrême, le baromètre , considéré comme manomètre , re-
cevra également une élévation de 0,5 pouces.
Il conclut d'un grand nombre d'expériences faites avec
l'exactitude qu'on lui connaît , que ie produit de Féva-
poration est toujours de la mène nature^ c'est-à-dire un
(i) Trans. philos. 1733.
ht l'exPA^'SION et de la COlS-DENSATIOX. 33$
Jlulde élastique qui , soit seul , soit mêlé avec l'air affecte
ie manomètre par la pression , et l'hygromètre par V hu-
midité .^ sans aucune différence qui soit produite par la
présence ou l' absence de l'air , au moins d'une manière
sensible jusqu'à présent.
Il fait voir de plus que l'hygromètre à cKeveu est uA
indice trompeur pour les degrés qui approchent de l'Jiu-
midité extrême : ce qui confirme les observations que j(J
me suis permises sur cet objet.
La correspondance qui existe entre la température et
l'évaporation , fait conclure à Deluc que la dernière n'esî
due qu'à l'action de la chaleur 5 la différence qu'il y a ^
ielon lui , entre l'évaporation et la vaporisation , c'est que
dans celle-ci la vapeur doit surmonter la pression qiia
l'atmosphère exerce sur l'eau , et que dans la première la
vapeur se forme à la surface de l'eau à toute température y
parce qu'elle n'y trouve qu'une résistance qu'elle peut tou-
jours vaincre 5 elle ne fait que se mêler avec l'air , et se
dilater en proportion de sa quantité, comme si c'était une
nouvelle quantité d'air.
Il
*!9l
SECTION V.
Des limites de la combinaison.
CHAPITRE PREMIER.
Des proportions des éléments dans les
combinaisons.
À
193. J'ai examine les causes qui produisent
la séparation et l'isolement des combinaisons ,
et je les ai trouvées dans les effets de la so-^
lidité et de l'élasticité ; il reste un problème
intéressant à résoudre ; c'est de déterminer
quelles sont les dispositions et les circonstances
qui décident des proportions fixes dans certaines
combinaisons , pendant que d'autres se font en
toutes proportions , et quels rapports il y a à
cet égard entre les combinaisons qui se forment
par le moyen de la solidité et celles qui sont
produites sans perdre l'état élastique , et qui
conservent leurs propriétés et leurs proportions
au milieu des autres fluides élastiques , pendant
qu'il y en a également qui peuvent recevoir des
proportions variables ; mais à l'égard de ces
i
r>î:S LI3ÏTTES BV. LA CO M BIX A I S 0:?f . 33S
combinaisons fixes , il convient encore d'exa-
miner ce qu'il y a de constant , ou ce qui peut
se trouver d'exagéré dans cette propriété qu'oa
leur attribue.
Parmi les résultats de l'action chimique , il
nV en a point dont la cause ait été plus né^
gligée que celle de la détermination des pro-
portions qu'on observe dans quelques circons-
tances, pendant que dans d'autres occasions les
combinaisons se font en toutes proportions ,
et celle de la différence qui peut se trouver à cet
égard entre les solides , les liquides et les fluides
élastiques.
De ce qu'on a trouvé une composition plus
ou moins fixe dans un certain nombre de com-
binaisons , on a regardé comme un attribut des
affinités électives de déterminer par la diffé-
rente énergie de leur action les proportions des
combinaisons qu'elles formaient, el l'on n'a plus
cherché à reconnaître ce qu'il y avait de positif
dans la constance des proportions , jusqu'où s'é-
tendait réellement cette propriété , et ce qui dis •
tinguait l'action chimique des corps qui la possè-
dent , de celle des substances qui en sont privées.
Cependant on a observé que les effets de la
tendance à la combinaison ne sont pas toujours
limités à ces proportions, même dans les subs-
tances salines dans lesquelles se manifeste l'ac-
tion dune affinité énergique ; alors pour ne
336 STATIQUE CHIMIQUE.
pas s'ëcarter des idées que l'on avait adoptées ^
on a suppose qu'il y avait alors différents termes
de saturation; deux, par exemple, dans les
sels qui peuvent cristalliser dans l'état neutre y
ou qui peuvent être acidulés; mais Ton a vu
que des combinaisons se formaient en propor-.
uons très-variées , et à l'égard de celles-ci , on
n'a pas méconnu entièrement la loi que suit :
l'action chimique dont l'effet est d'autant plus
grand , que la quantité de la substance qui
l'exerce est plus considérable : quelquefois on-
a distingué une affinité physique qui agit en
raison de la quantité des substances , de l'affi-.
nité chimique à laquelle on a attribué une
faculté élective pour former les combinaison»
de substances qui se choisissent ou s'excluent
indépendamment des quantités qui sont en.
action.
Enfin dans ces derniers temps , on a trouvé
que la forme des molécules d'une substance ou
des parties intégrantes d'une combinaison dé-
terminait toutes les formes secondaires qu'elles
pouvaient produire par leur réunion , et l'on
a conclu que cette forme primitive déterminait
les combinaisons elles-mêmes , et par conséquent
les proportions de leurs éléments.
Je vais tâcher de trouver l'explication des
différents états de combinaison dans les circons-
tances qui fout varier l'effet de faffinité qui
DES LIMITES DE LA CO M B I^îf A. I SON. 337
produit une saturation réciproque des tendances
à la combinaison , et d établir . une ligne de
démarcation plus prononcée que je ne l'ai fait
entre ses effets immédiats , et ceux de l'action
réciproque à laquelle est due la solidité.
194- Si nous reportons notre attention sur
les phénomènes que présentent les combinaisons
faibles qui produisent la dissolution , nous obser-
vons qu'un corps solide , un sel , par exemple ,
se dissout en toute proportion dans l'eau , ^jus-
qu'au terme extrême qui donne la saturation ,
et auquel la force dissolvante se trouve plus
faible que la force de cohésion qui lui est
opposée, mais que le degré de saturation
varie selon la température qui diminue ' la ré-
sistance de la cohésion : un degré de tempé-
rature trop élevé donne une telle tension
élastique à l'eau , qu'elle abandonne le sel qu'elle
tenait en dissolution.
Les métaux qui s'allient se dissolvent en
toute proportion , lorsque la différence de
pesanteur spécifique et de fusibilité ne vient pas
interrompre cette- dissolution mutuelle.
Les substances qui se vitrifient , se combi-
nent aussi en toute proportion , jusqu'au terme
où l'insolubilité de quelques-unes et le de^ré
de température mettent un obstacle à cette
dissolution qui est uniforme et transparente ,
et qui par conséquent a tous les caractères
338 STA'fIQUK CHIMIQUE.
d'une combinaison chimique où toutes les pro-
priétés sont devenues communes.
La dissolution d'une substance élastique par.
l'eau, nous présente des phénomènes analogues;
plus la quantité d'eau est considérable , plus
est grande la proportion de la substance élas-
tique qui se dissout ; mais la chaleur qui pou-
vait favoriser la dissolution du sel , en dimi-i'
nuant la résistance de la cohésion produit ici
un effet contraire , parce qu'elle accroît l'élas-
ticité qui est l'obstacle à la combinaison.
Si nous mettons à présent en opposition deux
combinaisons, nous observons que les sépara-
tions qui peuvent se produire sont encore un.
effet qui dépend des quantités qui agissent ,
et de la résistance qu'opposent , ou la force dci
cohésion, ou l'élasticité : que l'eau soit très-
saturée d'acide carbonique, l'air lui en enlèvera,
plus ou moins , selon sa quantité , et selon la,
température qui réglera l'effort élastique de
l'acide carbonique : si au contraire l'air tient,
en dissolution beaucoup d'acide carbonique ^
l'eau qui en est dépourvue , .et qui par consé-
quent possède toute sa puissance , lui en prendra
jusqu'à une certaine limite : lorsque son action
cessera d'être efficace , l'eau de chaux pourra en-,
leA^er à l'air la portion qu'il avait pu défendre
contre ]a force de l'eau.
Que l'on expose de i'éther à l'action de IV.ir,^
DES LIMITES DE LA C O MBI N A I S O T-T. SSq
il y en a une partie qui prend l'état élastique,
€t qui corresj)ond au volume que l'air occu-
pait , et à la température ; mais si alors on
le met en contact avec l'eau , celle-ci rend Vélat
liquide à la vapeur éthérée : elle agit en raison
de sa quantité , et sa puissance diminue par la
saturation ; car lorsqu'elle est parvenue à un
degré avancé de saturation , c'est Tair qui lui en
enlève , et le partage se fait selon l'état des forces ,
et par conséquent selon le degré délasticité dé-
terminé par la température.
Dans ces phénomènes simples dont il serait
inutile d'accumuler un plus grand nombre , c'est
Taffinité qui produit des combinaisons qui ne
diffèrent que par l'intensité de celles qu'on re-
garde spécialement comme chimiques: la marche
qu'elle suit se montre sans obscurité , et si lors-
qu'elle agit avec plus d'énergie les phénomènes
n'ont plus la même régularité , c'est sans doute
parce que les circonstances qui l'accompagnent
alors changent l'état des forces qui jjroduisent
le résultat.
195, J'ai assez multiplié les preuves qui font
voir qu'il est de l'essence de faction chimique
de croître en raison des quantités des substances
qui l'exercent , et de produire des combinaisons
dont les proportions sont graduelles depuis le
premier jusqu'au dernier terme de saturation ;
tnais dans un grand nombre de combinaisons
Q.I..
3qO STATIQUE CHIMIQUE.
les proportions ne suivent point cette progres-
sion , et il se fait des séparations dues à des
partages déterminés des éléments de ces com-
binaisons. La force de cohésion ou lelasticité
deviennent prépondérantes pour produire ces
séparations; mais il ne suffit pas de recueillir
ces résultats de lobservation dans chaque cas
particulier ; il faut examiner les dispositions
et les circonstances dont ces propriétés peu-
vent dépendre , et qui quelquefois en rendent
l'effet constant , pendant que dans d'autres occa-
sions on ne l'observe point , où il ne paraît assu-
jetti a aucune régul?/rité.
Kii wan a examiné les pesanteurs spécifiques
de l'acide sulfurique et de l'acide nitrique ,
mêlés avec différentes proportions d'eau, et il
a observé que non-seulement ces pesanteurs
étaient plus grandes que celles qui résulteraient
des pesanteurs spécifiques des deux liquides
séparés ; mais qu'il y avait une proportion dans
laquelle elle était plus grande que dans les
autres.
L'expérience fait donc voir qu'il y a dans les
combinaisons une pro|>ortion des substances qui
les forment , dans laquelle leur action a le plus
grand effet, et où l'affinité mutuelle s'exerce
avec le plus d'avantage , relativement à la con-
densation ; l'on apperçoit déjà que c'est dans
ces proportions que la force de cohésion doit
DES LIMITPS DE LA C OMBIÎV A IS 03^. 54 I
acquérir l'accroissement le plus considérable ,
et que les combinaisons élastiques doivent re-
cevoir le plus de densité ; mais cette conclusion
suppose une égalité de dispositions dans les
substances qui subissent la condensation.
On observe même , lorsque l'action se passe
entre deux liquides qui ne font qu'éprouver un
certain degré de condensation qui ne produit
aucune séparation , deux termes auxquels l'effet
de la condensation est le plus grand ; l'un , dans
lequel l'un des deux liquides domine par sa
quantité , et l'autre dans lequel c'est le second
liquide qui se trouve en plus grande propor-
tion ; c'est ce qu'indiquent les observations de
Blagden sur les mélanges de l'alcool et de l'eau ,
dans la vue de reconnaître , par les pesanteurs
spécifiques , les proportions des deux liquides
qui se trouvent dsns une eau-de-vie (i) : il
résulte de ses expériences faites avec un grand
soin sur des proportions croissantes d'alcool
avec cent parties d'eau , et sur des proportions
d'eau mêlées successivement à cent parties d'al-
cool , que c'est à-peu-près dans le mélange de 1 5 à
20 parties de l'un des liquides avec cent parties de
l'autre, que le plus grand effet de condensation
est produit par l'addition d'un liquide à l'autre.
Ainsi la théorie que j'ai exposée sur la force
de l'affinité qui croît en raison de la quantité-
(i) Traas. philos. 1.75^.
342 STATIQUE C îl [ ]<f iQtiff.
avec laquelle une substance peut agir, doit être
modifiée relativement à la condensation, parce
que cet effet ne dépend pas seulement de l'action:
qu'elle exerce , mais de celle qu'elle éprouve elle-
même , et c est dans certaines proportions , très-
variables selon les dispositions des deux subs-
tances qui exercent une action mutuelle » que cet
effet est le plus grand : pour les liquides qui ne
changent pas d'état par cette action , il y a deux
termes où la plus grande condensation a lieu ;
cependant il faudrait supposer une égalité par-
faite dans les dispositions de chacun des li-
quides , pour que la quantité de la condensation
fût la même dans l'un et l'autre ; de sorte que
l'on peut établir en général , que dans l'action
chimique de deux substances liquides , il y a
une proportion dans laquelle se trouve le plus
grand effet de la condensation.
Ce terme de la plus grande condensation
qu'éprouvent les liquides , doit être celui où
ils sont le plus disposés à se congeler , où à
prendre l'état solide , puisque la solidité est
elle-même l'effet d'une condensation des mo-
lécules, qui exercent alors leur action réciproque
avec plus d'énergie ; on peut expliquer par là
quelques observations de Cawendish et de Reiv.
Cawendish a observé que lorsqu'on soumettait
au grand froid un mélange d'acide et d'eau y
si celle-ci était en trop grande proportion^
DES LIMITES DE LA COMBIN AISOIN". 343
il s'en congelait une partie qui se séparait;
que lorsque cette séparation était parvenue à
un certain degré , c'était le mélange lui-même
qui restait en congélation ; de sorte qu'il a dis-
tingué la congélation aqueuse et la congélation
spiritueuse : il a remarqué que cette dernière
avait plus facilement lieu dans certaines pro-
portions d'eau , que dans d'autres; de sorte que
ce n'est pas au plus grand point de concentration
d'un acide que se trouve sa plus grande dis-
position à se congeler.
Reiv a confirmé les observations de Cawen-»
disli ( I ) , il a fait voir qu'il y a dans l'acide
sulfurique un terme de concentration où il pos-
sède au plus haut point la propriété de se
congeler , et que ce terme est à-peu-près celui
où sa pesanteur spécifique est 1800; de sorte
qu'en deçà et au delà de cette pesanteur, la congé-
lation exige un plus grand froid.
Cependant la condensation qui appartient aux
proportions ne peut avoir qu'une part plus ou
moins grande dans les faits précédents ; parce
que la disposition à la congélation peut être
très-inégale dans les deux liquides qui sont
mêlés , et que leur combinaison est trop faible
pour contrebalancer l'effet de l'abaissement de
température ; de sorte que la congélation pourra
(1) Trans. philos. 1787.
344 STATIQUE CHIMIQUE.
séparer, par exemple, une partie de l'eau mêlée
avec l'alcool , qui dépassera de beaucoup la pro-
portion où la condensation est la plus grande ,
lorsque l'eau domine ; elle pourra peut - être
passer encore la proportion où l'alcool domi-
nant produit la plus grande condensation ; parce
qu'à ce terme l'effet se compose encore de celui
que le froid produit sur l'alcool , et de celui
qu'il produit sur Teau ; il n'en est pas de même
avec Taeide sulfurique qui a une disposition
assez grande à se congeler : la séparation de l'eau
passera encore le premier terme ; mais il est
probable qu'elle s'arrêtera à-peu-près au der-
nier.
Les effets de la condensation se compliquent
donc dans les substances qui ne sont retenues
que par une faible combinaison , et qui peu-
vent céder à une cause peu efficace pour se
séparer ; mais ils doivent être beaucoup plus
constants lorsque la combinaison est plus éner-
gique, et qu'il ne se produit par la conden-
sation aucun cbangement dans l'état de satu-
ration.
196. Si l'on observe dans les liquides qui
n'exercent qu'une faible action réciproque , que
la condensation qui en résulte , est plus grande
dans certaines proportions que dans d'autres ,
cet effet doit sur-tout avoir lieu dans les com-
binaisons qui sont produites par une forte affi-
DES LIMITES DE LA CO MB IN AISOTT. 345
nité , telles que les combinaisons salines; mais
les dispositions qui se trouvent dans chacun des
éléments de la combinaison doivent contribuer
inégalement à la séparation qu'une plus grande
condensation doit j^roduire ; de sorte que ce
n est pas seulement la plus grande condensation
qui doit déterminer les séparations spontanées
des combinaisons ; mais que cet effet doit dé-
pendre aussi des dispositions de leurs éléments ,
et des circonstances qui donnent plus d'influence
à une cause qu'à l'autre .
Si la condensation accroît la force de cohé-
sion , ou l'action réciproque des molécules , la
combinaison qui se sépare par cette raison ,
résiste à une action contraire , de toute l'ang-
mentation de force produite par le rapproche-
ment des parties ; de sorte qu'il s'introduit une
espèce d'interruption dans les progrès de l'action
chimique , comme , dans un sens opposé , on en
trouve une dans les effets thermométriques du
calorique , pendant qu'il s'accumule dans un
corps qui passe de l'état solide à l'état liquide ,
ou de celui-ci à l'état élastique. Cette résistance
sera d'autant plus considérable , que la force
de cohésion acquise sera plus grande ; mais dès
qu'elle sera vaincue , les lois de l'action chi-
mique reprendront leur entier effet , c'est-à-dire
que l'action de toutes les substances sera pro-
portionnelle à leur masse.
^4^ s T A T I Q tl p. r H T M T Q i: F, M'
La cause qui produit la séparation d'un* ■
substance qui acquiert Tétat solide , est donc
celle même des proportions avec lesquelles elle
se sépare ; ces proportions sont celles avec les-
quelles la force de cohésion a l'énergie suffi"
santé pour produire la séparation ; elles doivent •
être constantes lorsque les circonstances sont
les mêmes , ou lorsque l'effet de la conden-
sation l'emporte sur celui qu'elles peuvent pro-
duire , comme l'eau se congèle à-peu-près au
même degré de température , lorsque l'action
chimique de quelque substance ne s'y oppose
pas ; dans cet état , la combinaison résiste à
l'action chimique jusqu'à ce qu'elle ait acquis
un accroissement qui soit plus considérable que
l'effet de la condensation. La loi générale de
l'affinité ne paraît donc interrompue que parce
qu'un obstacle qui naît de son action même
s'oppose à la progression de ses effets , jusqu'à
ce qu'elle ait acquis assez de force pour le sur-
monter.
[97. De ce que la force par laquelle une com-
binaison est formée produit une condensa-
tion et augmente par là les effets de l'action
réciproque , il doit en résulter que ces effets-
doivent avoir lieu particulièrement au terme
de saturation où les deux éléments de la com-
binaison exercent le plus haut degré de leur^
puissance , si Tun et l'autre possèdent une égale
DES LIMITES DE LA C OM B lî*' A I SO ?î. 347
tiisposition à la solidité , ou si une même cause
produit un effet équivalent sur l'un et sur
l'autre; mais si Tun des deux avait naturellement
une plus grande disposition à la solidité que
l'autre , c'est vm excès de celui-là qui devrait
entraîner la séparation du combiné. Dans les
combinaisons dont les éléments paraissent avoir
des dispositions à-peu-près égales à la solidité ,
tels que les sels à base de soude , de potasse ,
et d'ammoniaque , et qui ont pour acides , la-
cide muriatique , le nitrique , et l'acétique , le
plus grand degré de concentration doit être
conscquemment au terme de la neutralisation ;
et ce qui le confirme , c'est le dégagement de
la chaleur , qui est un effet de cette conden^
sation ; car si l'on dissout ces sels neutres dans
un excès d'acide, quoique privés d'eau de cris-
tallisation , ou il se produit du froid comme
avec le muriate d'ammoniaque , ou il ne se dé-
gage que très-peu de chaleur , et incompara-
blement moins que lorsqu'on arrête la combi-
naison à l'état de neutralisation ; de sorte que
la liquéfaction produit une dilatation de volume
qui l'emporte sur l'effet de la condensation qui
est due à la combinaison , et qui fait voir que
passé l'état neutre , cette condensation est
beaucoup plus faible.
C'est donc dans l'état neutre que les combi-
naisons, dont los éléments ont à-pcu-près une
^4S STATIQUE CHIMIQUE.
égale disposition , se séparent par la cristalli-
sation , 23arce que c'est à ce terme que la con-
densation est la plus grande ; mais l'insolubilité
sera d'autant plus considérable , l'action réci-
proque étant supposée peu différente , que les
éléments de la combinaison auront une plus
grande disposition à cette propriété ; ainsi l'acide
phosphorique , l'oxalique , le tartareux , le sul-
furique doivent produire facilement des sels
insolubles avec les bases terreuses ; au contraire ,
le muriatique , le nitrique , l'acétique en doivent
former de beaucoup plus solu])les ; cependant
Tinfluence de la capacité de saturation peut se
faire appercevoir dans ces effets : ainsi la ma-
gnésie et la chaux qui diffèrent beaucoup plus
à cet égard de la baryte et de la strontiane ,
que l'acide muriatique et l'acide nitrique ne
diffèrent entre eux , doivent agir beaucoup
moins par leur disposition à la solidité que la
baryte et la strontiane : il n'est pas même sur-
prenant qu'elles forment des sels déliquescents
avec ces deax premiers acides, pendant que la
potasse même et la soude produisent des sels
qui cristallisent , puisqu'il entre moins de ces
terres dans la combinaison.
Ainsi nous trouvons dans les propriétés des
sels que forment les bases alcalines avec les
acides , une correspondance exacte avec la sup-
position que leur insolubiUté dépend de la dis-
DES LIMITES DE LA COMBINAISONS. 349
position naturelle de leurs éléments , accrue par
la condensation qui est due à l'affinité qui les
réunit ; nous n'avons besoin de faire interv^enir
quelques explications, qui peuvent paraître dou-
teuses , que pour la formation de quelques sels
déliquescents qui ont néanmoins une base ter-
reuse douée d'une grande solidité ; mais ces ex-
plications se fortifient par la considération des
précipités que ces combinaisons mêmes donnent ,
dés que l'action de leur acide vient à diminuer.
198. La force de cohésion propre aux élé-
ments de la combinaison doit être considérée
comme une propriété latente qui conserve sen-
siblement son influence, ou qui la reprend dès
que la force qui Ta fait disparaître vient à di-
minuer, ainsi que nous l'avons vu dans l'action
réciproque de Tacidité et de l'alcalinité , et
même avec une énergie nouvelle qui est due
à la condensation; en effet les alcalis terreux
qui sont peu solubles par eux-mêmes, forment
facilement des combinaisons peu solubles , ou ,
lorsque par l'influence de l'acide et de sa quantité ,
leurs combinaisons se trouvent solubles , elles
perdent leur solubilité , si l'on vient à diminuer
la quantité de l'acide , ou ce qui revient au même,
à affaiblir son action en la divisant : de là
viennent les précipités qui ont lieu lorsqu'une
autre base alcaline vient partager leur action
sur l'acide qui les rendait solubles.
OOO STATIQUE CHIMIQUE.
Ces précipités doivent donc être considérés
comme des combinaisons qui ont un excès d'al-
cali , parce que l'insolubilité propre à ces alcalis
a produit leur séparation , lorsqu'elle est devenue
prépondérante ; il est rare que Ton puisse pro-
duire immédiatement ces espèces de combinai-
sons, à cause de la force de cohésion qui apporte
un trop grand obstacle : je vais cependant en
donner un exemple , et si l'observation se dirige
sur cet objet , on en découvrira sans doute
quelques autres ; d'ailleurs les sels métalliques
présentent plusieurs faits de cette espèce.
Bucholz avait obtenu de beaux cristaux , en
fesant bouillir de la chaux avec son muriate ;
Tromesdorff a vérifié ce fait (i) : il prescrit ,
pour obtenir ces cristaux , de faire bouillir une
quantité de muriate de chaux avec un quart
ou même moins de chaux caustique : il faut
débarrasser par l'alcool les cristaux longs et fins
qui se sont formés.
J'ai répété cette expérience , et j'ai constaté
que ces cristaux n'étaient point de la chaux ,
comme on l'a annoncé; mais un muriate de
chaux avec excès de chaux ; si on traite ces
cristaux avec l'eau , il s'établit d'autres propor-
tions , la partie qui se dissout est du muriate-
qui ne retient qu'un peu d'excès de chaux ,
(i) Journ. de Chim. de Van Mons. n°. 2.
et la portion qui ne se dissout pas retient
un plus grand excès de chaux : on peut obtenir
des séparations successives par des additions
d'eau, et les proportions qui s'établissent dé-
pendent du rapport de la force dissolvante à la
résistance de la cohésion.
199. Les acides qui ont une force de cohésion
considérable , présentent des phénomènes ana-
logues , ou qui n'annoncent d'autre différence
que celle qui provient de leur plus grande solu-
bilité , c'est de cette qualité que dépend la pro-
priété qu'ont les acides tartareux et oxalique
de former , avec des bases qui ont beaucoup
de solubilité , des combinaisons avec excès d'acide
qui sont beaucoup moins solubles que leurs
combinaisons neutres, et qui doivent leur exis-
tence à cette insolubilité , pendant qu'avec des
bases peu solubles elles forment immédiatement
des combinaisons neutres ; dans ce cas , l'inso-
lubilité est attachf'e à un excès d'acide , comme
dans la circonstance précédente elle 1 est à un
excès d'alcali : par Tadditiodi d'un alcali soluble ,
on augmente la solubilité , et l'on obtient ,
par la cristallisation , un sel qui en a une plus
grande; mais un alcali peu soluble produit un
effet contraire , et forme un précipité.
On voit par là pourquoi l'on ne forme des
sels acidulés qu avec les acides qui annoncent
une force de cohésion considérable ; aussi peut-
k
352 STATIQUE CHIMIQUE.
on remarquer (pie cette propriété se trouve
unie à celle de former des sels insolubles
avec les bases alcalines qui ont elles - mêmes
peu de solubilité , et que Ton désigne comme
terreuses. Les acides qui ont par eux-mêmes
peu de disposition à la cohésion , tendent donc
à former des combinaisons solubles ; il en est
de même des alcalis ; les uns et les autres pro-
duisent des coml)inaisons insolubles lorsqu'ils
ont une grande disposition à la solidité ; mais
les effets de ces dispositions se combinent lors-
que l'acide et l'alcali se réunissent.
L'ammoniaque en effet ne produit point de
sel insoluble , lorsqu'elle est en assez grande
quantité pour donner seule l'état neutre à un
acide ; il en est de même de la soude et de la
potasse ; mais ce sont la chaux , la baryte et la
strontiane qui ont sur-tout la propriété de
former des sels insolubles.
La théorie des précipitations se trouve par-là
ramenée à celle de la détermination des pro-
portions dans les combinaisons ; lorsque Ton
forme un précipité , on ne fait que changer les
proportions , et que rendre dominante l'inso-
lubilité d'une substance qui était déguisée par
l'action d'une autre qui était suffisante pour
produire cet effet , mais qui cesse de l'être.
Le degré de solubilité propre aux acides ne
correspond pas exactement à la propriété qu'ils
»ÎÎS LIMITES DE LA COMBINAISON. 353
ont de devenir solides par levaporation ou par
la con^rélation , parce que l'affinité qu'ils ont
avec l'eau peut diminuer l'effet de leur dispo-
sition à prendre l'état solide ; ainsi l'acide piios-
pîiorique qui perd facilement l'eau qu'il contient
pour passer à l'état solide , annonce cependant
dans quelques combinaisons une disposition à la
solidité, qui est même inférieure à celle de l'acide
sulfurique; c'est donc plutôt par les propriétés
que les acides portent dans leurs combinaisons,
que l'on peut juger de leur disposition à la solidité .
Je suis bien loin de prétendre que dans la
comparaison des phénomènes que j'analyse , on
n'en trouve pas quelques-uns qui ne correspon-
dent point aux conditions que je viens d'assigner ;
mais dans l'explication des phénomènes aux-
quels un grand nombre de propriétés concour-
lent , on ne peut se flatter de déterminer toutes
les causes qui agissent , et qui peuvent apporter
quelques modifications dans les résultats ; le
nombre et l'accord de ces résulta! ts peuvent
cependant être assez grands pour reconnaître
les principes dont ils dérivent , sur-tout lors-
qu'ils sont établis sur des propriétés générales
qui ne peuvent plus être contestées , et qu'ils
ont l'avantage de lier à ces propriétés générales
des phénomènes qui paraissaient en être indé-
pendants.
Ce ncst qu'en séparant ainsi les propriétés
2J
354 STATIQUE CHIMIQUE.
qui concourront aux mêmes phénomènes , que
l'on parvient à disiir}guer les effets du calorique
et des autres causes physiques , et à étabhr une
théorie qui doit être fondée sur leur dépen-
dance mutuelle.
200. Si les observations précédentes prouvent
que la force de cohésion détermine les pro-
portions de plusieurs combinaisons au degré
de neutralisation où l'action mutuelle produit
son plus grand effet ou dans un autre degré
de saturation , selon les dispositions plus grandes
de l'une des parties constituantes , il ne faudrait
pas en conclure que hors de ces proportions , il ne
peut exister des combinaisons des mêmes élé-
ments , qui soient engagées à se séparer par
un degré inférieur de force de cohésion , ou
que si cela arrivait, ce serait encore avec des
proportions fixes , de sorte qu'il ne pour-
rait y avoir de séparation ou de cristalli-
sation que dans l'une ou l'autre proportion.
Cette opinion que l'on applique à plusieurs
combinaisons , et dont on a presque fait une
loi générale , a été sur- tout établie sur la con-
sidération du sulfate acidulé de potasse , et du
phosphate acidulé de chaux; je vais examiner
ce qui a rapport à ces sels et à quelques autres ,
en attendant que l'observation se dirige sur un
|)lus grand nombre de combinaisons analogues.
Bergman avait expliqué la décoaipositioo du
DES LIMITES DE LA COMBINÀISOX. 355
sulfate de potasse par Facide nitrique , observée
d abord par Beaumé, en regardant ce sulfate
comme compose de deux parties , l'une qui avait
les proportions du sulfate acidulé, et l'autre
qui était la portion de potasse qui réduisait le
sulfate acidulé en sulfate neutre : l'acide n'exer-
çait qu'une partie de sa force sur cette der-
nière , parce que le reste était consommé par
le sulfate acidulé ; de sorte qu'un acide beau-
coup plus faible que le sulfurique pouvait en-
lever la portion de potasse à moitié libre , en
la séparant du sulfate acidulé ; mais c'était la
limite de la décomposition possible , et le sel
passait immédiatement de l'un à lautre terme de
, saturation , et ne pouvait recevoir d'autres pro-
j portions. En prouvant dans mes recherches sur
les lois de l'affinité, qu'il était contraire à l'ob-
servation de prétendre que l'action de l'acide
sulfurique fût bornée au terme qui fdrme le
sulfate acidulé , et qu'elle se prolongeait indé-
finiment en perdant progressivement de son
intensité , j'avais conservé le préjugé que ce
sulfate acidulé était une combinaison constante
et décidée par une force de cohésion propre à
la figure que je supposais appartenir à cer-
taines proportions.
20I. J'ai rappelé cet objet à un nouvel exa-
men , et j'ai observé que le sulfate acidulé de
potasse pouvait recevoir différentes proportions
2J.
3lj(3 STATIQUE C II I M I Q Lî f!.
d'acide en excès depuis l'état neutre , jusqu'à
celui où la solubilité qui devient de plus en ,,
plus grande , ne lui permet plus de se séparer i
du liquide acide dans lequel il doit se former ;
-de sorte que je me suis convaincu que la sup-
position que j'admettais doit être rejetée , et .
que l'explicalion ingénieuse de Bergman n'est
qu'un jeu de l'imagination.
Un sulfate acidulé de potasse a été dissous
.dans une certaine quantité d'eau, puis soumis
.à la cristallisation après une évaporation con-
venable ; il s'est formé de nouveaux cristaux
,iin peu moins solubles que les premiers ; en-
suite on a évaporé le liquide ; un sulfate plus
acide et plus solubîe a cristallisé : on a fait
plusieurs cristallisations successives , et dans
Xîhaque opération il s'est fait un partage ; le sel.
qui cristallisait le premier avait un peu moins,
d'acide que celui dont il provenait ; celui au;
contraire qui restait en dissolution , donnait par
J'évaporation un autre sel qui avait un plus
grand excès d'acide , et les propriétés qui appar-s
tiennent à ces proportions : chaque dissolution^
se séparait par une évaporation convena1)le en*
deux combinaisons. On est parvenu à n'avoir»
plus que le sulfate parfaitement neutre ; maisi
les états intermédiaires entre celui-ci et le pre-
îuier sulfate acidulé ne dépendent que des.
circonstances de chaque cristallisation. On a^
T>ES LIMITES DE LA C O MBIÏf A ISOX. 3^7
comparé les proportions d'acide de quatre sul-
fates acidulés obtenus par la première cristal-
lisation des quatre dernières opérations , en en
décomposant des quantités égales par l'acétite
de plomb ; le précipité obtenu de celui qui
s'était réduit à un état parfaiteiuent neutre , a
pesé 3o,a , celui qui le précédait immédiate-
tement 3-2,4, le troisième dans cet ordre 33,3 ,
et le quatrième près de 35.
La forme des cristaux subit plusieurs varia-
tions ; cependant ses changements ne suivent
pas ceux de la proportion de Tacide ; ainsi le
sel reprend la forme du sulfate , quoiqu'il con-
serve encore un certain excès d'acide.
Le suliate acidulé de soude a présenté des
propriétés analogues : il foriue de gros cristaux
parfaitement semblables à ceux du sulfate neu-
tre , quoiqu'il contienne un excès assez consi-
dérable d'acide ; ces cristaux sont tombés en
efflorescence , mais moins promptement que
ceux du sulfate neutre : avec un plus grand
excès d'acide , les cristaux prennent une forme
différente , et ils se conservent à l'air sans tomber
en efflorescence : le sel neutre ne contenait que
la moitié de facide qu'avait le sel qui avait
retenu le plus d'acide, et qui se maintenait sans
déliquescence et sans efflorescence.
ao2. On avait remarqué qu'après avoir dé-
composé la matière osseuse par l'acide phos-
I
358 STATIQUE CHIMIQUE.
phoriqiie , il se formait par l'evaporation un
dépôt que Fou avait confondu avec le sulfate
de chaux. Bonvoisin prouva ( i ) que c'était un
phosphate de chaux, mais Fourcroy et Vau-
quelin out fait voir (2) que cette substance était
un pliosphate acidulé : ils l'ont regardé comme .
une combinaison dont les proportions n'étaient
pas variables , puisqu'ils les ont déterminées à
54 d'acide et 4^ de chaux , et celles du phos- |
phate neutre à 4i d'acide et 69 de chaux. I
On a formé ce phosphate acidulé j^our lui '
faire subir un examen semblable à celui des
sulfates acidulés.
L'eau n'a pas dissout ce phosphate acidulé
comme l'annoncent mes savants collègues; mais
elle a produit une séparation : il s'est dissous
un phosphate plus acide , et le résidu a été
insoluble , mais avec une moindre proportion
d'acide ; par quelques lotions qui ont encore
produit de semblables séparations, il n'a plus con-
servé aucun excès d'acide. Comme le phosphate
acidulé de chaux peut contenir, ainsi que cette
expérience le prouve , différentes proportions
d'acide , il y a apparence que celui qui a servi
à mes essais contenait moins d'acide que celui
qui a été analysé par Fourcroy et Vauquelin.
{Note XTII.)
(1) Mém. tle Turin , 1785.
(2) Mém. de l'Instit. tom. II.
DES LIMITES DE LA C OMBI îf A I SO !>r. 359
L'alcool a séparé du phosphate acidulé la plus
grande partie de l'excès d'acide qui ne retenait
qu'un peu de chaux ; mais il n'a pu le priver
entièrement de cet excès ; l'eau a ensuite achevé
cette séparation.
Si l'on met à-la-fois une grande proportion
d'alcool sur le phosphate acidulé de chaux , il
prend de l'acide phosphorique qui ne retient
que peu de chaux ; mais si l'on n'emploie qu'une
petite proportion d'alcool , alors il se dissout heau-
coup plus de cliaux , parce que l'acide plus con-
centré peut agir plus efficacement sur cette base.
Il est donc constaté que le phosphate acidulé
de chaux contient un excès d'acide différent selon
les circonstances : en effet , Fourcroy et Vau-
quelin disent eux-mêmes qu'ayant versé de l'acide
sulfurique sur une dissolution de phosphate
acidulé de chaux obtenu des os par l'acide
muriatique ou l'acide citrique , il s'est précipité
du sulfate de chaux , d'où ils concluent que
l'acide sulfurique peut enlever à l'acide phos-
phorique une plus grande quantité de chaux
que les deux autres acides. Un grand nombre
d autres circonstances peuvent également faire
varier les proportions qui s'établissent dans le
phosphate acidulé , qu'il ne faut regarder par
conséquent que comme le résultat variable d'une
affinité qui se mesure avec celles qui lui sont
opposées»
■36o STATIQUK CHIMIQUE.
Le phosphate acidulé de chaux a donc des
propriétés parfaitement analogues à celles dest
sulfates acidulés de potasse et de soude , et là
différence qui existe entre ces sels ne consiste
que dans l'insolubilité qui devient proportion-
nellement plus grande dans le phosphate acidulé
de chaux , que dans les sulfates acidulés ; de
sorte qui! suffit de lui faire subir des lotions
suffisantes pour faire une division des combi-
naisons plus ou moins acides, pendant qu'avec
les sulfates on n'obtient cet effet que par des
cristallisations successives.
2o3. On voit par là à quoi se réduit cette
théorie des deux termes de combinaison dans
l'un desquels un sel est neutre , et dans l'autre
il a une autre proportion d'acide, mais égale-
xnent fixe ; bien loin que ces deux termes
soient les seuls , tous les degrés intermédiaires
entre eux peuvent exister , et les propriétés ,
sur-to;it la solubilité, suivent ces proportions;
plus Ion s'éloigne de l'état neutre , plus la so-
lubilité diminue , parce que c'est dans cet état
que l'effet de l'affinité est le plus grand; mais
dans le phosphate acidulé , deux causes con-
courent à augmenter l'insolubilité : la force de
l'affinité de la chaux qui augmente à mesure
que la quantité de l'acide phosphorique dimi-
nue , et la prépondérance de sa force de cohésion
qui s'accroît par la même raison.
I>ES LIMITES DE LA COMEI^T AlS 0?r. 36l
Le sulfate de barj^le présente encore des pro-
priétés semblables. Withering avait observé que
lorsqu'on en fesait une dissolution dans Tacide
sulfurique très-concentré , et au moyen de l'é-
bullition , il se formait des cristaux en laissant
cette dissolution exposée à l'air (i); j'ai répété
cette expérience , et j'ai vu la cristallisation se
former à mesure que l'acide attirait l'humidité :
on a décanté le liquide , et l'on a lavé les cris-
taux un peu confus avec des quantités succes-
sives d'alcool ; on les a même soumis à l'ébul-
lition avec ce liquide qui, éprouvé ensuite avec
une dissolution de nitrate de baryte , n'a donné
que de faibles indices d'acide sulfurique ; mais
l'eau avec laquelle on l'a traité alors, a donné
un précipité abondant avec cette même disso-
lution. Ces cristaux étaient donc un sulfate
acidulé de baryte : l'alcool n'a pu leur enlever
qu'une partie de l'acide sulfurique ; mais l'eau
a agi avec plus d'énergie : je me suis assuré que
l'acide sulfurique qu'elle avait pris ne retenait
point de baryte ; mais je n'ai pas éprouvé s'il
fallait plusieurs lotions pour réduire ce sulfate
acidulé à l'état neutre , ou plutôt s'il fallait une
grande quantité d'eau pour produire cet effet.
204. Ces observations doivent mettre les an:\~
lystes en garde contre les erreurs qui peuvent
(î) Trans. plillos. 1784.
36a STATIQUE CHIMIQUE.
résulter des différentes ^proportions , soit dans
les précipités , soit même dans les sels qu ils
obtiennent par la cristallisation.
Nous venons de voir que le sulfate de baryte
même peut avoir un excès d'acide , mais le
sulfate de potasse et de soude peuvent en retenir .
beaucoup plus facilement en excès dans leur
cristallisation , sans même que leur forme en
soit altérée ; ces différences dans les proportions
se remarquent sur-tout dans les combinaisons
de l'acide phospliorique ; ce qui me paraît dé-
pendre de sa grande capacité de saturation ,
et par conséquent de la forte action qu'il exerce ,
comme la propriété que l'ammoniaque et la
magnésie ont de former facilement des sels ■
triples , me paraît aussi dépendre de cette cause :
Klaprotli a fait voir que le phosphate de soude
pouvait cristalliser avec un excès d'acide ; ce-
pendant il tend à avoir un excès de base , et
Thénard (i) a prouvé qu'il pouvait cristalliser
dans cet état , au milieu d'un liquide légèrement
acide : lorsque l'on précipite , par le moyen de if
l'ammoniaque , un phosphate de chaux tenu
en dissolution par un excès d'acide , le sel qu'on
obtient par la cristallisation , est un sel triple
qui contient luie certaine proportion de chaux;
mais si l'on se sert pour la précipitation d'un
(») Ann. dt Cli'ia. Fruct. an 9.
DES LIMITES DE LA COMB I N A ISO>'. 363
carbonate d'ammoniaque; on a un phosphate qui
a une plus petite proportion de chaux , et ces
sels , sur-tout le dernier , ne peuvent point se
distinguer par la forme des cristaux, et par les
autres apparences , de celui qui n'est composé
que d'ammoniaque et d'acide phosphorique.
2o5. Nous n'avons considéré que les effets qui
sont dûs à la contraction du volume des élé-
ments d'une combinaison , qui produisent dans
le combiné une force de cohésion plus grande
que celle des éléments ; mais nous avons re-
marqué (3o) que l'action mutuelle des sels aug-
mentait leur solubilité ; quelques combinaisons
sont plus disposées à la liquidité que les subs-
tances qui les composent ne le sont séparément ,
telles que le soufre et le phosphore , qui par
leur union acquièrent beaucoup de fusibilité,
ainsi que l'a fait voir Pelletier (i): ces faits
pourraient paraître contradictoires.
Il faut distinguer ici , comme je l'ai fait poi^r
le calorique qui se dégage des combinaisons ,
deux causes dont l'une domine quelquefois sur
l'autre ; lorsque deux substances agissent Tune
sur l'autre, leur action réciproque diminue de
toute la force quelle exerce l'effet de laffinité
mutuelle des molécules de chacune des subs-
tances ; de sorte qu'elle rendrait toutes les combi-
naisons plus solubles qu'elles ne le sont naturelle-
(i) Méœ. (Je Ckiai. tcia. I.
364 STATTQUF CHIMIQUE.
ment , si la coiifîensation , qui est une suite
nécessaire de la combinaison même , n'anéan-
tissait cet effet et n'en produisait un contraire;
lorsque cette seconde cause n'a pas assez d'é-
nergie , ce sont les effets de la première qui
dominent ; ainsi c'est dans les faibles combi-
naisons , telles que celles qui sont dues à l'action
mutuelle des sels qu'on doit trouver une aug-
mentation de solubilité.
L'effet qui est dû à la plus grande conden-
sation doit disparaître dès que l'action du ca-
lorique introduit une distance suffisante entre
les molécules , et c'est ce que l'observation con-
firme : lorsqu'une combinaison s'est séparée
d'un liquide par la force de cohésion qu'elle
a acquise , elle montre , si on élève la tem-
pérature , une disposition à la liquidité plus
grande que la moyenne des liquidités des subs-
tances élémentaires séparées; ainsi le muriate
d'argent qui s'est précipité d'un liquide, entre
en fusion à une chaleur peu élevée , quoiqu'il
ne contienne qu'une petite proportion d'acide :
le sulfate de baryte qui ne se vitrifie qu'à ime
haute température , acquiert une fusibilité beau-
coup plus grande par l'action du muriate de chaux
dont il s'éiair séparé dans l'état liquide : de même
le sulfate de soude favorise considérablement
la liquéfaction du carbonate de chaux. ( Note I. )
C'est parce qv.e les effets de l'affinité réci-
Dr.S LIMITES Ï)E LA COMB I JS" AISO!f. 3oj
proqiie qui produit la force de cohésion , se
trouvent ainsi diminués par Faction des molé-
cules d'une autre substance, que les alliages mé-
talliques acquièrent une fusibilité plus grande
que celle des métaux dont ils sont composés,
quoiqu'ils fussent et plus durs et plus élas-
tiques , à la température ordinaire , propriété
qui était due à la condensation, mais qui fait
place à une plus grande fusibilité , dès que la
cause en est détruite ; c'est par la mémt^ raison
que les terres infusibles par elles-mêmes ac-
quièrent la fusibilité par leur mélange, et que
les fondants agissent non-seulement en commu-
niquant une partie proportionnelle de leur fusi-
])ilité , mais sur-tout en diminuant l'action ré-
< iproque des molécules de la substance dont ils
accélèrent la fusion.
Ce n'est donc que par une exception qui est
due à la faiblesse de leur action, que quelques
substances peuvent augmenter la solubilité
jiioyenne à une basse température ; elles agissent
alors comme les dissolvants qui accroissent Ici
dimensions qu'avaient les sels dans l'état de
cristal, en fesant disparaître l'effet de l'affinité
réciproque de leurs parties intégrantes ; mais
dès que l'élévation de température tend à dé-
truire l'effet qui est dû au rapprochement des
parties, l'affinité mutuelle concourt avec l'action
du calorique et eu accroît l'effet ; c'est ainsi
366 STATIQUE CHIMIQUE.
qu'un liquide dissout un sel en plus grande
quantité par le secours de la chaleur.
206. Les effets de Faction réciproque qui pro-
duit les combinaisons sont plus considérables
dans des substances gazeuses que dans les autres ,
parce que les changements de dimensions pro-
duits par une même force y sont beaucoup plus
grands. Examinons , relativement aux propor-
tions des éléments , à la constance et aux carac-
tères distinctifsdes combinaisons qu'ils forment,
cette propriété que nous avons déjà considérée
sous d'autres aspects.
Nous avons vu que les fluides élastiques exer-
çaient une action réciproque , même lorsque
leur force était insuffisante pour apporter quel-
que changement dans leurs diinensions (1Ô7) ,
qu'alors elle ne produisait qu'une faible com-
binaison que nous avons désignée comme une
dissolution ; mais lorsqu'ils peuvent agir sur
leurs dimensions respectives, ils forment une
combinaison , et pendant qu'elle se conserve ,
ils exercent Une affinité résultante.
La quantité de la condensation , quoiqu'elle
ne puisse pas être regardée comme une mesure
de l'action chimique , doit cependant en être un
indice , et doit produire des propriétés différentes
dans les combinaisons.
Lorsque les circonstances accroissent l'action
mutuelle des substances élastiques et que leur
DES LIMITES DE LA C OMBI IV \ I SO :T. ^67
combinaison se décide , elles doivent se réunir
dans les proportions où leur action a le plus
de force (197); elles doivent donc prendre des pro-
portions plus uniformes que les autres com-
binaisons, parce que la contraction qui est beau-
coup plus grande dans les fluides élastiques que
dans les substances liquides , doit apporter un
beaucoup plus grand obstacle à l'établissement
d'autres proportions: nous ne devons donc pas
trouver dans les combinaisons élastiques qui
sont accompagnées d'une grande condensation ,
ces combinaisons progressives , telles que les
sels acidulés que nous avons examinés ; mais
l'on doit tout-à-coup passer à des combinaisons
dont les proportions sont constantes , ou du
moins ne reçoivent que de petites variations.
I La condensation produit ici le même effet
I que Taccroissement de force de cohésion dans
les combinaisons liquides : plus la condensation
est grande , plus elle isole la combinaison ,
comme le fait la force de cohésion dans les pré-
cipitations ; et lorsque la combinaison est formée ,
elle se maintient jusqu'à ce que les forces qui
lui sont opposées remportent sur l'affinité qui a
produit la condensation (T96).
I 107. On voit donc comment l'oxigène et l'hy-
drogène , qui pendant qu'ils étaient en simple
dissolution , et que par conséquent ils conser-
vaient leur même volume , possédaient en même
o68 STATIQUE cniMiQur;.
temps leurs jJi'opriëtës isolées, passent tout de
suite à l'état d'eau , dès qu'ils entrent en com-
binaison , et qu'ils éprouvent par là une dimi-
nution dans leurs dimensions , en se séparant
de ce qui est superflu aux proportions où ils
exercent la plus grande action , ou du moins
en ne ]3J^enant de l'un ou de l'autre élément
qu'une petite quantité qui peut être assujettie
par l'action de l'eau ; mais qui n'éprouvant pas
la même condensation , peut être séparée par
une cause beaucoup plus faible.
La condensation des éléments est telle , que
le mélange de gaz oxigène et de gaz hydrogène
dont la pesanteur spécifique serait 19,47? eelle
de l'air étant ^6 , forme une vapeur élastique
qui a 33 pour pesanteur spécifique ; mais cet
état de vapeur n'est dû qu'à une action si
peu énergique du calorique , qu'il ne produit
qu'une faible tension élastique , et il l'abandonne
par une légère pression ; de sorte que la pesan-
teur spécifique de cette substance gazeuse devient
mille fois plus petite à une même température.
L'ammoniaque est encore composée de deux
éléments élastiques qui ont subi une grande
condensation ; car lorsque l'on décompose le
gaz ammoniacal par le moyen de l'étincelle
électrique , il prend des dimensions presque
doubles : aussi l'ammoniaque a des proportions
constantes.
t>ï:S LIMITÉS DE LA COMBINAISON. 869
Au contraire, le gaznilreux, tlans lequel les
éléments n'ont subi qu'une faible contraction ,
peut facilement former d'autres combinaisons ;
au simple contact il se combine avec le gaz
oxigène qui tend à s'unir à lui dans les pro-
portions où l'action respective produit le plus
d'effet ; mais il éprouve une contraction beau-
coup plus grande par le concours de l'eau , et
par son moyen se forme 1 acide nitrique.
Quoique le gaz nitreux soir compose d'ëlë-
ments peu condensés , qu'il forme très-facile-
ment d'autres combinaisons, et qu'il cède soa
oxigène à des substances peu énergiques , il ré-
siste cependant à l'action de la chaleur qui tend
à séparer ses éléments , et il paraît que la faible
contraction de ses éléments sert à maintenir sa
combinaison , parce que la chaleur ne produit
que très-peu de différence dans l'effort élas-
tique qui tend à les séparer.
208. Je vais appliquer ces considérations aux
propriétés d'une combinaison dans laquelle une
substance gazeuse se trouve condensée , et une
substance solide a 2:>ris l'état élastique : toutes
les autres jjrésentent des propriétés analogues.
Le soufre à une température peu élevée se
combine avec l'oxigène , jusqu'au terme où dans
1 état fixe il n'a pkis assez d'action pour vaincre
la force de l'élasticité. Jusque là il paraît en
jprendre des proportions qui peuvent augiueut«i:
I
370 STATIQUE CHIMIQUE.
progressivement, parce que la condensation qn il
éprouve est si faible , qu elle ne change pas sensi-
blement l'ëtat de son action, et qu'il n'y a égale-
îTient pas de différence dans l'état de condensation
de l'oxigène qui se fixe.
Si au lieu de laisser le soufre à la température ,
où cette combinaison peut s'opërer , on le réduit
en vapeur , il passe tout de suite à ce degré de
saturation qui forme l'acide sulfureux , dont les
éléments éprouvent déjà un degré de condensation
considérable relativement à l'expansion qui leur
était propre dans cette température: dans cet état
ils opposent une résistance assez grande aux chan-
gements, par conséquent à l'action même du gaz
oxigène ; si la température ne s'élève pas davan-
tage , il faut vaincre tout l'effet de cette condensa-
tion pour qu'ils puissent passer à un autre état de
combinaison ; mais si la température est assez
élevée pour l'emporter tout de suite sur l'effet de
cette condensation , l'affinité réciproque de Foxi-i
gène et du soufre continuera à recevoir son,
effet , et elle produira l'acide sulfurique avec
les proportions de l'un et de l'autre où cet
effet a le plus d'intensité ; mais au - delà elle
&'affaii3lit , et elle ne peut plus équivaloir à la,
résistance de l'élasiicité du gaz oxigène , qui con-
tinue à croître par la haute température qui est
nécessaire.
C'est donc au terme où l'action réciproque a,
DES LIMITES DE LA CO M 13 1 ÎC Al SOT^". Syi
le plus d'effet que l'acide sulfurique est formé;
c'est à ce terme que la condensation est la plus
grande relativement à la température , et que
la combinaison est la plus énergique ; ce qui
le prouve , c'est que c'est dans cet état qu il
retient l'oxigène avec le plus de force
Un jilus haut degré de chaleur qui compense -
rait par la dilatation l'effet de cette condensation,
détruirait l'acide par l'accroissement qu'il don-
nerait à l'élasticité de l'oxigène comparée à celle
du soufre.
Si l'oxigène a subi une condensation dans une
combinaison qui ne le retient cependant que
par une faible affinité , et si le soufre de son
côté ne lui oppose pas une résistance de cohésion
comme dans les sulfures , l'oxigène peut com-
pléter à une temj^érature basse , l'état où s'exerce
la plus forte action , sans que le soufre passe
par la gradation de l'acide sulfureux.
Lorsque l'on expose à l'action du feu un sul-
fite , on détruit l'effet de la condensation qui
maintient l'acide sulfureux , celui-ci passe au
degré de combinaison où la plus grande action
s'exerce , et le sulfite devient sulfate.
209. Je ne fais qu'appliquer ici ce que lobser-
vation nous fait voir plus distinctement dans la
cristallisation des sels qui peuvent être acidulés ;
ils prennent un excès d'acide dans ime circons-
tance ; ils ciistalliseut dans un élat neutre ,
a4..
372 STATIQUE CHIMIQUE.
lorsque la plus forte action que puissent exercer
leurs éléments nVprouve pas une résistance qui
s'oppose à cet effet : ici Toxigène se combine
au terme de la plus forte action , si fétat du
soufre et l'état où lui-même se trouve le per-
mettent; il forme une autre combinaison, lors-
qu'il ne peut compléter celle-là ; mais comme
il y a des sels dont la force de cohésion est telle,
qu'ils se séparent avec des proportions à-peu-»
près uniformes, il y a aussi des combinaisons*
élastiques dont les proportions sont constantes^
Si donc la chaleur favorise la combinaison
d'une substance solide avec un fluide élastique ,•
en diminuant la résistance de la cohésion (i 56);
elle produit des effets différents relativement
aux proportions, selon son intensité et selon
l'état de la vapeur qu'elle peut produire.
Que dans les circonstances où la chaleur pro-
duit des combinaisons avec les substances élas-
tiques qui ne peuvent se former à une tempé-
rature plus basse , elle n'agisse qu'en mettant
les substances dans la condition où elles peu-^
vent exercer la plus forte affinité , on ne peut,
en douter, si Ion considère qu'il suffit de dé-
truire la force de cohésion pour que la luème
combinaison s'opère à une basse température :
il faut une chaleur très-élevée pour combiner
l'argent avec le cuivre ; mais si l'on prend du
muriâte d'*rgent , on fallie avec le cuivre par
DES LIMITES DE LA COMBIX AISO V. J"]^
le moyen d'un léger frottement ; cependant la
combinaison qu'il formait avec l'oxigène et l'acide
muriatique était un obstacle à une autre com-
buiaison ; mais l'isolement de ses parties l'em-
porte sur l'effet de cette combinaison , et il
s allie avec le cuivre sans le secours de la cha-
leur.
Bien plus , la chaleur doit nuire dans la com-
binaison des substances élastiques de toute la
tension qu'elle communique à ses éléments ;
mais l'effet qu'elle produit par les dispositions
qu'elle donne aux substances qui doivent se
combiner entre elles , rem23orte sur cette cause
de séparation ; ce2:)endant elle décompose , par
une trop grande intensité , les combinaisons
dont elle a décidé la production , et c'est ainsi
qu'elle détruit l'affinité résultante, et que par
là les affinités élémentaires lui succèdent f 184).
'> 210. Pour résumer ce que j'ai exposé dans
ce chapitre, il faiU distinguer ce qui est com-
mun à toutes les combinaisons , et ce qui appar-
tient aux combinaisons solides , liquides ou
élastiques , et enfin ce qui est propre au pas-
sage d'un état à l'autre.
jo. Les combinaisons qui éprouvent peu de
condensation , peuvent se faire en toute pro-
wrlion , elles ne sont limitées que par la s»-
uration , c'est-à-dire par la diniinution qu'e'-
irouve l'action qui doit vaincre eu la force de
374 STATIQUE CHIMIQUE.
cohésion, ou ]a différence de pesanteur spécî-^^ P
fique , ou toute autre force opposée ; aussi les
alliages, les verres , les combinaisons minérales»
se font en des proportions très-variées , et dans
lesquelles on apperçoit rarement les interrup-
tions qui proviennent d'une résistance due à
la condensation : les sels s'unissent à l'eau en
toute proportion , jusqu'au point de la satu-
ration.
2°. Lorsqu'un obstacle s'oppose à la progres-
sion continue de la combinaison , et exige qu'il
se fasse une accumulation de force , au moment
où il est vaincu , la combinaison prend tout-
à-coup toute la quantité et les propriétés qu'elle
aurait acquises si laprxogression eût été continue , I
ainsi que l'eau prend par l'ébullition tout le
calorique qui convient à l'état de vapeur.
Dans les combinaisons qui se séparent , parce
qu'elles sont insolubles , cet obstacle est dans la
force de cohésion ; mais elles ne prennent pas
toujours les proportions qui auraient la plus
:;rande insolubilité ; elles peuvent avoir un excès
de l'un ou de l'autre élément , selon les quan-
tités qui peuvent exercer leur action ; de sorte
qu'il n'y a qu'un petit nombre de combinai-
sons insolubles dont les proportions soient cons-
tantes.
3°. La force de cohésion qui est due à l'actior
réciproque , doit être plus grande pour pro
DES LIMITES DE LA COMBINAISON. 37^
duire une séparation , que la diminution de
cohésion propre à chaque élément qui résulte
de cette même action réciproque; mais l'effet
de la condensation cesse d'avoir lieu par l'é-
loignement des molécules qui est causé par le
calorique , de sorte que les combinaisons qui
s'étaient séparées par insolubilité , deviennent
ensuite plus solubles , au moyen de l'action
réciproque de leurs cléments. C'est parce
que l'affinité de l'eau l'emporte sur l'affinité
réciproque des molécules d'un sel , lorsqu'il se
dissout et que la concentration produite par
cette combinaison est plus faible que celle qui
existait dans le corps solide , qu'il se fait une
augmentation de volume dans la dissolution ,
et qu'elle est accompagnée de refroidissement ;
mais cet effet ne peut avoir lieu que dans lea
combinaisons faibles.
Il faut donc distinguer dans une combinaison,
faible , l'effet de la condensation de celui qui
est dû à l'affinité réciproque de deux subs-
tances ; le premier accroît la force de cohésion ,
le second diminue celle qui appartenait aux
éléments de la substance avant la combinaison :
si le premier est faible , c'est le second qui
l'emporte , et de là viennent les combinaisons
dont la solubilité est plus grande que celle des
substances isolées.
4°. Dans l'action réciproque des substances
376 STATIQUE CHIMIQUE.
élastiques , les effets de la condensation peuvent
être beaucoup plus considérables : de là vient
qu'ils forment souvent des combinaisons dont les
proportions sont constantes. Cependant lorsque
l'action rëcij)roque n'est pas forte , et qu'elle
ne produit pas une différence trop grande de
condensation , ces proportions peuvent varier
considérablement ; ainsi les gaz hydrogènes car-
bures , les oxicarburés , les hydrogènes sulfurés ,
les hydrogènes phosphurés peuvent recevoir des
proportions très-différentes.
211. Lorsqu'un fluide élastique se trouve
condensé dans une combinaison, il forme alors
une substance particulière qui agit comme une
substance simple , pendant que les causes qui
ont produit la combinaison ne sont pas détruites;
ainsi cette combinaison peut être tenue en dis-
solution ou se surcomposer , soit avec des fluides
élastiques, soit avec des liquides, soit avec des
solides.
Les combinaisons d'un fluide élastique peu-
vent donc comme les autres , ou se faire en
toute proportion , ou rencontrer des obstacles
qui les limitent plus ou moins; si c'est une
combinaison de deux gaz qui se forme, et s'ils
exercent une action réciproque assez puissante
pour changer leurs dimensions respectives, elle
prend les proportions qui sont déterminées par
le terme où l'action est la plus forte , si c'est
DES LIMITES DE LA C OMBIN AISO:V. Byj
fa combinaison d'un gaz avec un liquide , il
paraît que les proportions ne sont bornées que
par la résistance de l'élasticité , parce qu'en se
dissolvant le fluide élastique est réduit à un
état à-peu-près uniforme ; également si un li-
quide est dissous par un fluide élastique , il
n'y a de limité que celle de la constitution du
liquide qui a pris la forme élastique , parce que
dans cet état un autre gaz ne peut changer ses
dimensions que par la compression commune.
Lorsqu'un fluide élastique passe en combi-
naison avec une substance solide, il est d'au-
tant plus condensé que l'action qu'il éprouve
est plus forte , et cette différence peut quelque-
fois être assez grande pour établir des points
fixes de saturation ; tel est le cas de quelques
oxides métalliques , ainsi que je le remarquerai
plus particulièrement en traitant des oxides ,
mais en général les solides paraissent prendre
des proportions successives des fluides élasti-
ques jusqu'à ce qu'ils ne puissent vaincre la
force de cohésion ; ainsi le soufre , le phos-
phore et le charbon se combinent avec une
proportion variable d'oxigène , jusqu'à ce qu'ils
soient parvenus dans une température donnée
y toute la quantité dont ils peuvent surmonter
fëlasticité.
Les proportions qui s'établissent dans les
combinaisons qui se séparent et s'isolent , ne
SyS STATIQUE Cni3IIQUE.
sont qu'une conséquence de l'effet par lequel
l'action chimique produit une condensation ;
niais elles ne s'établissent que lorsque la con-
densation est assez grande pour changer l'action
chimique qu'elles exercent en une affinité ré-
sultante : elles sont rarement fixes; mais elles
peuvent varier avec une certaine latitude qui
dépend du degré de condensation , et alors les
propriétés de la combinaison sont modifiées,
ou par la surabondance de l'un des éléments ,
comme dans les sels acidulés et alcalinules , ou
par le concours de l'action d'une autre subs-
tance qui diminue celle de l'un des éléments,
comme dans les précipitations.
2 12, Toutes ces observations concourent à
prouver , i**. que la même force qui étant
accrue par le froid ou par la diminution du
calorique , produit la congélation et la sépa-
ration de la glace d'avec l'eau , et qui étant plus
considérable dans les combinaisons , détermine
la cristallisation et les précipitations , est encore
la cause qui fixe les .proportions des éléments
qui s'établissent dans les combinaisons , et de
la stabilité de ces combinaisons ; 2°. que la
cause de la réduction des vapeurs en liquides
et en solides , est encore celle qui dans des cir-
constances où la même force a beaucoup plus
d'énergie , produit la condensation des fluides
élastiques dans les combinaisons , et les pro-
DES LIMITES DIT LA COMBI]VAISOT. 879
portions qui sont déterminées principalement
par le degré le plus élevé de l'action réciproque ;
et toutes me paraissent confirmer que lorsque
les causes qui augmentent les effets de Taciion
réciproque des molécules , ne sont pas assez
puissantes pour les isoler par la force de cohé-
sion ou par la contraction , toutes les substances
qui sont en présence exercent une action cln-
raique en raison composée de leur quantité et
de leur affinité.
21 3. J'ai distingué les effets de raffinitë qui
produit les combinaisons et la saturation mu-
tuelle des propriétés des substances ou de
leurs tendances à la combinaison, de ceux de
l'affinité réciproque des molécules dune su]3S-
tance ou d'une combinaison (43); mais je n'ai point
indiqué encore le point de séparation qui doit se
trouver entre ces deuxrésultats d'une même cause.
Les fluides élastiques n'exercent aucune ac-
tion réciproque que l'on jouisse comparer à la
force qui produit la cohésion dans les solides ,
cependant ils se dissolvent mutuellement , et
quelques-uns exercent une affinité si puissante
qu'elle exclut une grande quantité du calorique
que chacun contenait , et qu'ils forment en-
semble une combinaison nouvelle dans laquelle
leur élasticité se trouve considérablement dimi-
nuée , et leurs propriétés ont éprouvé une sa-
turation plus ou moins complète.
3So STATIQUE CfllMIQtnî.
Les liquides eux-mêmes ne présentent que
de faibles indices de cette force qui produit la
cohésion : l'on n'a qu'à diminuer la compression
qu'ils éprouvent , et ils prennent d'eux-mêmes
l'état élastique ; cependant ils possèdent toute
l'activité de l'affinité qui produit les combi-
naisons.
Je conclus de là que l'affinité, comme prin-
cipe de la combinaison , a une étendue d'action,
beaucoup plus grande que la force de cohésion ,
que l'action réciproque des molécules qui pro-
duit celle-ci, n'est dans les combinaisons qu'une
conséquence de la première, qu'elle ne peut y
avoir qu'une faible influence , et que par consé-
quent la figure de ces molécules est presque
étrangère aux effets de l'affinité qui les produit.
Pourrait-on croire , en supposant que les mo-
lécules du gaz oxigéné et du gaz hydrogène
jouissent d'une figure qui leur est propre ,
qu'elle a quelqu'influence sur la formation de
l'eau , pendant que dans celle-ci même , qui
est près de deux mille fois plus condensée, la
forme des molécules ne commence à se mani-
fester et à produire des effets sensibles , que
lorsqu'elle a éprouvé une nouvelle condensation.
Ce n'est que lorsque les parties intégrantes
d'une combinaison ont éprouvé un rapproche-
ment assez grand , qu'elles commencent à exercer
une action mutuelle dont l'effet augmente
DES LIMITÏS DE LA COMEIÎT AlSOîf. 38ï
& mesure que le rapprochement devient plus
grand ; ainsi la gravitation affecte tous les corps ,
et il n'y a que des masses très - considérables
qui puissent en modifier sensiblement i effet
dans les petits corps qui en sont voisins.
Il y a même apparence que lorsque les mo-
lécules se trouvent très-eloignées , elles n'onÇ
point de figure déterminée ; mais qu'obéis-
sant à l'action expansive du calorique , elles
prennent celle qui résulte d'un effort qui agiÇ
en tout sens : aussi n'observe-t-on point dans les
fluides élastiques et rarement dans les liquides
de phénomènes que l'on puisse attribuer à
une figure particulière des molécules. Il paraît
qu'elles ne prennent une forme déterminée
que lorsque par un effet de l'affinité , elles
subissent une condensation, ou sans changer
détat de saturation, elles sont sollicitées pat
l'effort qui les rapproche et par la résistance
de leur calorique qui s'oppose à son effet.
La forme que les molécules intégrantes reçoivent
alors nepeut contribuer aux propriétés chimiques
qu'autant qu'elle accroît ou diminue la pesanteur
spécifique ou même la cohésion : lorsqu'il se
forme un précipité dans une dissolution ter-
reuse ou métallique , la quantité et les pro-
priétés de ce précipité sont indépendantes des
circonstances qui pourraient favoriser l'action
4ûutueU« des molécules , en raison de l^ur
38a STATIQUE CHIMIQUE.
■ forme : la force de cohésion est produite, mais
la figure n a point encore eu d'influence sur
les propriétés des molécules intégrantes isolées ;
ce n'est que lorsqi-.'elîes peuvent exercer mu-
tuellement une action tranquille et lente , que
cette figure peut déterminer celle des groupes
qui se forment. Là commencent les phénomènes
de la ciistallisation.
Newton a indiqué avec la profondeur que l'on
trouve dans tontes ses vues , la distinction des
phénomènes q^ i sont dûs à l'affinité qui produit
les combinaisons , et à celle par laquelle leurs
molécules prennent l'arrangement symétrique
de la cristallisation.
Après avoir décrit les effets de l'affinité
qui produit plusieurs combinaisons, il passe
ainsi à ceux de ia cristallisation (i). u Lors-
» qu'une liqueur saturée de sel s'est évaporée
» jusqu'à pellicule , et suffisamment refroidie ,
« lé sel se forme en cristaux réguliers. Avant
» d'être rassemblées, les particules salines flot-
» talent dans la liqueur , également distantes
j) les unes des autres ; elles agissaient donc
» mutuellement sur elles-mêmes , avec une force
» qui était égale à distances égales , et inégale
» à distances inégales ; ainsi en vertu de cette
» force , elles doivent se ranger d'une manière
(i) Opt. Liv. IIL
DES LIMITES DE LA C OMBI rf A l SOÎV. 383
» uniforme, et sans cette force elles ne peuvent
» que flotter sans ordre dans la liqueur, ou
3) s'y unir fort irrégulièrement ».
Ce n est que lorsque cette action mutuelle
peut produire des effets sensibles que la forme
des molécules commence à contribuer aux
effets ; alors les molécules prennent Tarran-
gement selon lequel raffiniîé qui tend tou-
jours à les réunir s'exerce avec le plus d'a-
vantage. Ce n'est qu'au degré qui précède la
congélation que l'on apperçoit dans l'eau un
effet qui dépend de la figure que ses molécules
tendent à prendre, et si la congélation est trop
soudaine, leur arrangement n'a plus de symétrie;
cependant tous les autres effets de la force de
cohésion n'éprouvent aucune altération.
La forme que l'on peut supposer dans un.
métal malléable , ne peut se conserver ou change
entièrement de rapports , lorsqu'on fait subir la
maliéation à ce métal, ou qu'il passe dans une.
filière ; cependant ses propriétés restent abso-
lument les mêmes , ou elles n'éprouvent que le
changement qui doit naturellement résulter du.
;rapprochement de ses parties.
Les phénomènes de la cristallisation ne sont
donc qu'une conséquence de la faiblesse même
de l'action chimique qui la produit, et du calme
qui la met à l'abri des perturbations ; mais elle
ne détermine point les combinaisons , ou si elle
384 , STATIQtJE CHIMIQTJT?,
peut y avoir dans quelques circonstances Ufie
petite influence, il faut se garder dans l'expli-
cation des phénomènes chimiques de lui en attri-
buer une étrangère , et sur-tout d'en faire dé*
pendre Tètat des Combinaisons. Si l'on voulait
prêter une action à la forme des molécules ,
comment ferait-on plier les différentes figures
supposées dans cinf[ à six acides confondus dans
l'eau , et celles des éléments de chaque acide et
de l'eau , en sorte cependant que le tout puisse
former un liquide homogène et qui permet la
transmission des rayons lumineux.
Si l'on prétendait que le sulfate d'ammo-
niaque, a dans ses molécules intégrantes une
forme qui détermine non-seulement sa cris-
tallisation , mais sa combinaison, il faudrait
dériver cette forme de celle des molécules de
l'oxigène et du soufre qui ont produit une pre-
mière combinaison, et ensuite de celle de l'hy-
drogène et de l'azote. Mais le sulfate d'ammo-
niaque peut former plusieurs surcompositions
qui varient parleur cristallisation: des éléments
si nombreux qui devraient contribuer chacun
par les propriétés géométriques d'une figure
particulière , peuvent-ils être assujettis à des
résultats réguliers et circonscrits ?
21 4- Il me parait donc qu'il faut séparer leô
phénomènes de la cristallisation , qui sont dus
à, une acliou faible et st^coûdaire, dans laq_uellc
DES LIMITES DE LA COMBINAISON. 385
par là même l'eau peut produire beaucoup de mo-
difications, quoiqu'elle n'exerce qu'une faible affi-
nité' sur les parties intégrantes des cristaux (35) ;
qu'il faut séparer , dis-je , ces phénomènes de
ceux qui sont dus à l'affinité qui produit les
combinaisons et la force de cohésion qui modifie
leurs propriétés. ( Note XIF. ) Us ne doivent
être considérés que comme une conséquence de
la force de cohésion qui vient de naître et qui
s'exerce avec assez de lenteur et de modération ,
pour que la forme qu'ont prise les aggrégats
puisse affecter leur réunion ; mais elle n'est point
entrée dans les forces qui ont produit la com-
binaison ; elle n'a pu qu'apporter quelque mo-
dification à la force de cohésion. On ne peut donc
la regarder comme une cause des combinaisons
qui se forment, et des proportions qu'elles re-
çoivent. Cela est si vrai, que quoique l'on
fasse disparaître la cohésion par la dissolution,
les propriétés d'un sel qui dépendent de son état
de saturation ne sont point altérées , à part
l'inertie de la cohésion dont j'ai décrit les effets.
Si les combinaisons sont rarement constantes
dans leurs proportions , si la forme des cristaux
n'est qu'un indice incertain de leur état , il ne faut
pas accorder moins de latitude , aux indications de
la nomenclature , que l'observation n'oblige d'en
donner aux proportions des combinaisons elles-
mêmes.
I. ^5
.336 statiqtit; ciiimiqiU*:.
L'on ne j)eut s assurer de la constance des
proportions dans les combinaisons que lors-
qu'elles sont dans un degré correspondant de
saturation , ce qu il est difficile de reconnaître ,
si ce n'est par l'état neutre, pour les cond)i-
naisons des acides et des alcalis, et par l'uni*
formité des propriétés caractéristiques telles que
celles de l'eau. Le plus grand nombre des combi-
naisons n'a que deux degrés de saturation qui
puissent être regardés comme fixes , le terme de la
plus grande et celui de la moindre saturation.
Les noms qui expriment la composition d'une
substance ne doivent pas recevoir une interpré-
tation moins étendue ; mais lorsqu'ils doivent
désigner les propriétés caractéristiques d'une
«ubstance et sa composition , désignation sur
laquelle est fondée la principale utilité de la
nomenclature , il est imj^ortant que l'on puisse
prendre une idée juste de l'acception que l'on"
doit leur donner , et il est à désirer que tous
les chimistes puissent s'accorder à suivre les
mêmes conventions : pour les expressions par
lesquelles on indique les substances simples ,
ou que l'on adopte pour d'autres convenances,
elles peuvent varier avec beaucoup moins d'in-
convénient. ( Note ILV, )
DES LIMITES DE LA COM B IIN' AISOIN'. 38^
CHAPITRE II.
De Vaction des dissoli^cmts.
2 1 5. JCjiv traitant de la dissolution [Cliap. TT ,
Sect. I. ) je n'ai considéré que les effets qui
résultaient de l'action mutuelle des deux subs-
; tances qui prenaient un état uniforme de liqui-
I dite ou de gazéité , selon l'énergie relative de
t! l'une et de l'autre ; j'ai ensuite examiné les sé-
(i parations des combinaisons qui avaient lieu en
ft raison de leur solubilité. Dans ces circonstances,
li l'eau que je prends ici pour représenter les dis-
^ solvants , ne change point sensiblement l'état
j de saturation des substances qui sont en com-
Ci binaison ; les effets qu'elle produit se bornent
j à modifier ceux de l'action réciproque des parties
i intégrantes des combinaisons , de sorte qu'elle
{ peut n'être considérée que comme antagoniste
I de la solidité.
1
Cependant les propriétés de la dissolution ,
soit des substances solides dans les liquides (il\],
soit de deux liquides (ao) , soit enfin d'un fluide
élastique par un liquide( 1 53), font voir nou-seule-
ï ment qu'elle est l'effet de la tendance à la com-
25..
588 STATIQUE CHIMIQUE.
binaison qui produit une saturation de pro-
priétés , et qui ne diffère que par rintensitë de
Celle qui forme les combinaisons salines , mais
que c est dans les j)liénomènes qu'elle présente ,
que Ton reconnaît les lois des combinaisons avee
le moins de déguisement.
Ce n'est donc que parce qu'un dissolvant
ne produit qu'un effet inférieur à celui qui
réunit les éléments d'une combinaison , que l'on
&e borne à considérer les effets de solubilité
qui en dépendent ; mais il exerce dans la réalité
une même force que Taffinilé qui produit la
combinaison , et dont l'effet se trouve limité
dans la dissolution diin solide par la force de
cohésion , dans la dissolution d'un liquide par
la différence de pesanteur spécifique, dans l'action
d'un liquide sur un gaz par l'élasticité , et dans
celle d'un gaz sur un liquide par son volume
€t par la température.
L'action des dissolvants ne se borne pas tou-
jours à cet effet sur les combinaisons chimi-
ques ; mais selon l'action réciproque de leurs
éléments , elle peut altérer l'état de saturation ^
et alors elle doit être comptée parmi les forces
qui servent à produire les combinaisons.
Je m'occuperai particulièrement , dans ce cha-
pitre , des changements qui peuvent résulter dans
l'état des combinaisons , sur-tout dans les pro-
portions dont j'ai établi les causes, dans le cha-
DES LIMITES DE LA C O MB I N A I S O !y. BSg
pitre précédent , de cette action des substances
qu'on emploie comme dissolvants , et dont on né-
glige le plus souvent de comprendre l'effet dans
l'explication des résultats de l'action chimique.
Je tâcherai de distinguer les circonstances où
leur action doit être négligée , et celles où elle
doit être comptée parmi les causes des phéno-
mènes dont on donne l'explication : pour cela
il est nécessaire de rappeler des propriétés que
j'ai déjà examinées sous d'autres rapports.
219. L'action de l'eau sur les acides et sur les
alcalis est ordinairement si faible, relativement
à la force qui produit leur combinaison mu-
tuelle , qu'elle doit être entièrement négligée ,
quoique dans la réalité , la tendance mutuelle à
la combinaison soit affaiblie de toute la force
par laquelle chaque partie élémentaire est re-
tenue par un dissolvant , moins celle qu'il con-
serve pour tenir en dissolution la combinaison
formée : ainsi lorsqu'un acide agit sur une base
alcaline , l'action de l'eau ne produit ordinai-
rement aucun changement sensible dans leuï»
saturation mutuelle ; seulement elle diminue
l'énergie de l'acide oj^posé à la force de cohésion ^
parce qu'elle diminue sa concentration en raison
de sa quantité; mais lorsque le liquide agit sur
une combinaison faible , et lorsque Faction qu'il
exerce sur chacune des substances qui la com-
posent est très-différente , le résultat dépend
^9^ STATIQUE CHIMIQUE.
(lu rapport de ces forces; le liquide peut, pro-
duire alors un changement qui dénature la com* *
binaison , et qui en change les proportions ;
c'est ainsi que l'eau agit sur le sulfate de mer-
cure ; employée en petite quantité , elle ne fait
que le dissoudre , mais si elle est plus abon-
nante, son action s'accroît en proportion de sa
quantité , et il s'établit de nouvelL'S combi-
naisons , dont les proportions dépendent de l'état
des forces respectives : dans ce cas le liquide ne
doit plus être considéré coinme un simple dissol-
vant , son action est l'une des forces qui doivent
être évaluées dans le changement qui s'opère, et
il devient l'un des éléments des combinaisons qui
se forment.
Il se présente un grand nombre de circons-
tances pareilles , où l'eau ne produit pas sim-
plement une séparation de combinaisons , sans
changer leur saturation comparative ; mais où elle
détermine d autres proportions dans les com-
binaisons qui se séparent : nous avons vu que
le phosphate acidulé de chaux était amené par
l'action de l'eau à l'état de phosphate neutre(202) :
elle ne produit cet effet qu'en déterminant suc-
cessivement deux combinaisons , dont Tune es6
plus acide et dont l'autce a une plus grande
proportion de base, jusqu'à ce qu'on soit par-
venu à uzie insolubilité et à un état de com-
binaison qui résistent enfin à toute son action ;
DES LIMITES DE LA COMBITV A I SOIST. SqI
lorsqu'on décompose le sulfate acidulé de potasse
par des cristallisations successives , on forme à
chaque cristallisation par l'action de l'eau deux
combinaisons dont l'une est plus acide , et dont
l'autre approche plus de l'ëtat neutre ; et enfin
lorsqu'on est parvenu à celui - ci , l'action
réciproque des éléments a acquis une énergie
qui ne permet plus à l'eau d'altérer leurs pro-
portions. Si donc Faction de l'eau n'aj^porte aucun
changement dans l'état de saturation d'une com-
binaison, ce ne peut être que parce qu'elle est infé-
rieure à ce qu'il reste de tendance mutuelle à satis-
faire dans les éléments de cette combinaison (4o).
217. Ainsi l'action chimique d'un dissolvant
doit être nésrliûfée relativement à l'état des com-
binaisons , lorsque d'autres affinités, beaucoup
plus puissantes , produisent ces combinaisons ;
mais elle prend de limportance à mesure que
ces affinités sont plus faibles, et enfin dans-
quelques circonstances . elle décide par sa force-
relative les composés qui se forment ; l'actiorb
d'un liquide sur un solide est non-seulement
limitée par la force de cohésion ; mais si ce
solide est un composé qui n'ait pas une grande
énergie , il peut s'établir deux nouvelles combi-
naisons , dont la quantité et les proportions des
éléments dépendent de la quantité de l'eau et de
la chaleur , et le concours de ces agents diminue
la combinaison qui doit rester dans l'état solide i
393 STATIQTTE CHIMIQUE.
en employant des quantités d'eau successives ,
on produit une série de combinaisons entre les
deux extrêmes.
Lors même que l'eau ne change pas l'état
respectif de saturation, et qu'elle paraît diviser
simplement les combinaisons , son affinité con-
court réellement à la réunion d'une base avec
im acide, et de l'autre base avec l'autre acide ;
c'est elle qui détermine la combinaison la plus
soluble, c'est-à-dire, celle qui lui oppose moins
d'obstacle , celle sur laquelle son action est plus
forte , à se former , et à se séparer de l'autre ;
mais ces effets sont représentés sans inconvé-
nient par la solubilité d'une combinaison , ou
par la force de cohésion de l'autre , ainsi que
je l'ai fait lorsque j'ai considéré l'action des deux
acides sur une base , et celle de deux acides et
de deux bases. (Secû. II.)
Il résulte de là que la seule distinction réelle
qu'il y ait à faire relativement à l'action de l'eau ,
c'est de considérer si elle produit quelque chan-
gement dans l'état de saturation, ou si elle opère
des séparations et détermine des combinaisons
dont la saturation reste la même.
218. Les observations que j'ai présentées sur
les effets de l'eau , lorsqu'elle agit comme force
antagoniste de la cohésion ou comme principe
de combinaison , doivent s'appliquer aux autres
dissolvants ; mais comme leur force et leurs
DES LIMITES DE LA COMBI ÎN^ A ISO N. SqS
autres propriétés varient , il en doit résulter des
effets différents qu'il faut tâcher d'évaluer -, je
ne considérerai, sous ce rapport, que l'alcool,
dont on fait le plus d'usage après l'eau.
Il faut se rappeler que lorsque j'exprime les
effets de l'insolubilité par la force de cohésion ,
je n'entends par là que le rapport de solubilité
dans le dissolvant qui produit les phénomènes
pour lesquels je me sers de cette expression ,
car la force de cohésion absolue ne répond pas
exactement à l'effet du dissolvant. Elle est beau-
coup mieux représentée par la fusibilité ou par
l'effet que produit la chaleur. La baryte et la
chaux , par exemple , qui résistent complètement
à la chaleur , se dissolvent cependant en assez
grande proportion dans l'eau. Il faut donc que
l'affinité de l'eau ait pu surmonter une grande
partie de la force de cohésion absolue de ces
substances ; mais ce premier effet étant produit
par l'affinité , il paraît que ce n'est que la so-
lubilité accrue par l'action du calorique , comme
elle le serait sans la présence du dissolvant ,
qui augmente dans la dissolution les proportions
de la substance naturellement solide, et que l'on
peut alors considérer la dissolution comme l'effet
d'un double dissolvant du liquide et du calorique ,
» à-peu-près comme l'a fait Lavoisier : « On peut
» distinguer (i) plusieurs cas différents , suivant
(i) De laSolut. des Sels par le Cvilcr. Trait. Elém. tom.II.
^94 STATIQUE CHIMIQUE.
» Il nature et la manière d'être de chaque seL
» Si par exemple un sel est très-peu soluble par
j> l'eau , et qu'il le soit beaucoup par le calo-
» rique , il est clair que ce sel sera très-peu
y* soluble à l'eau froide , et qu'il le sera beau-
i) coujD au contraire , à l'eau chaude ; tel est
n le nitrate de potasse , et sur-tout le muriate
» oxigéné de potasse. Si un autre sel , au con-
7> traire , est à-la-fois peu soluble dans l'eau ,
)) et peu soluble dans le calorique, il sera peu
3) soluble dans l'eau froide comme dans l'eau
» chaude , et la différence ne sera pas très-
ï> considérable ; c'est ce qui arrive au sulfate de
» chaux. •
» On voit donc qu'il y a une relation néces-
» saire entre ces trois choses , solubilité d un
» sel dans l'eau froide , solubilité du même sel
» dans l'eau bouillante , degré auquel ce même
» sel se liquéfie par le calorique seul , et sans
» le secours de l'eau ; que la solubilité d'un sel
» à chaud et à froid est d'autant plus grande
» qu'il est plus soluble par le calorique ; ou ,
j» ce qui revient au même , qu'il est suscep-
» tible de se liquéfier à un degré plus inférieur
» de l'échelle du thermomètre ».
L'alcool paraît conserver les mêmes rapports
que l'eau avec un grand nombre de substances , et
particulièrement avec les acides , les alcalis et les
combinaisons salines , et la différence qui existé
DES LIMITES "DE LA COMBIIN^ A ISON. SqS
entre ces deux dissolvants , consiste principa-
lement en ce que l'action de Talcool est plus
faible , de sorte que la force de cohésion lui
oppose une résistance dont l'effet est plus grand r
de là vient que les acides qui ont une force de
cohésion cotisidérable , tels que l'acide oxalique
et lacide sédatif, ne se dissolvent pas dans l'al-
cool; il en est de même des alcalis; ceux qui
ont peu de solubilité dans l'eau , comme la
chaux, la strontiane , la baryte , ne se dissolvent
pas dans l'alcool ; mais ceux qui sont très-solubles
dans leau , tels que la potasse , et en général les
sels déliquescents peuvent cristalliser , ou cris-
tallisent beaucoup plus facilement avec l'alcool
qu'avec l'eau.
La différence de l'action de l'eau et de l'alcool
ne se borne pas à ces séparations , qui ne sont
dues qu'au plus grand effet de la force de co-
hésion opposée à l'alcool; il peut résulter encore
de cette différence d'action des changements de
proportions , dont la véritable cause peut échap-
per , et qui ont pu souvent conduire à de fausses
conséquences.
•1 19. On se sert quelquefois de différents dissol-
vants , et même successivement, pour opérer , par
leur moyen , la séparation de différentes substan-
ces ; mais il faut distinguer les circonstances où il
n'y a qu'un mélange de ces substances , et celle*
où il existait une combinaison,
596 STATIQUE CHIMIQUE.
C'est dans cette dernière circonstance qu'il
arrive souvent que le dissolvant qu'on emploie
intervient pour produire des combinaisons qui
n'existaient pas , pendant que l'on croit n'opérer
qu'une simple séparation ; et c'est la faiblesse
même de son action qui détermine les combi-
naisons qui se forment , parce qu'avec plus
d'énergie toute la dissolution pourrait s'opérer ,
et la combinaison se conserverait dans son in-
tégrité. L'alcool agit alors sur les combinaisons
qui se maintiennent dans l'eau , comme nous
avons vu que l'eau le fesait relativement aux
sulfates et aux phosphates acidulés, en les sé-
parant en deux combinaisons qui diffèrent non-
seulement par leur solubilité , mais même par
leur état de saturation.
220. Que l'on ait un résidu incristallisable
composé de potasse , d'acide nitrique , d'acide
muriatique et de chaux , l'action mutuelle de
ces substances et celle de l'eau qu'elles retien-
nent , empêchent que la potasse ne puisse cris-
talliser avec les deux acides, ou avec celui des deux
qui doit l'emporter, en raison de sa quantité (58) :
on mêle de l'alcool à ce liquide : celui-ci prend?
la combinaison de la chaux avec les acides , et
celle que forme la potasse se précipite : on ne
sépare pas simplement le nitrate ou le muriate
de potasse , du nitrate ou muriate de chaux ;
car ces substances produisaient une seule cora*
DES LIMITES DE LA COMBIN A I SO Jf. 397
binaison, dans laquelle chacune exerçait sou
action. C'est l'alcool qui détermine la formation
et la séparation de ces sels , en concourant par
sa disposition à s'unir a;u sel à base terreuse , avec
la force de cohésion qui appartient au nitrate
et au muriate de potasse , et qui s'oppose à leur
dissolution dans l'alcool avec plus d'efficacité
qu'à leur dissolution dans l'eau.
Cette séparation n'est pas rigoureuse , il se
dissout dans l'alcool une petite portion du sel
cristallisable par l'effet de l'action du sel à base
de chaux qui la rend un peu soluble dans ce
dissolvant.
Quand il y a dans un liquide incristallisable
un excès d'acide ou d'alcali qui est soluble par
l'alcool , on change les conditions du liquide en
séparant cet excès ; de sorte que , si l'on veut
juger de l'état dans lequel il était, par les ré-
sultats qu'on obtient au moyen de cette sépa-
ration , on s'en fait une idée fausse ; ainsi lors-
qu'on enlève un excès de potasse qui s'opposait
à la ciistallisation du sulfate de potasse , une
combinaison réelle avec excès de potasse est
détruite , et il se forme deux combinaisoiis qui
se séparent , l'une est l'alcool de potasse , et
l'autre est le sulfate de potasse ; mais le premier
retient une petite portion de sulfate de potasse ,
qui est rendu soluble dans l'alcool par l'action
(le 1^ potasse , et dont on ne la prive que par
I
OQ^ StATTQUE CHTMIQTJl».
la cristallisation , et le second retient un petit
excès (le potasse ; la cristallisation même ne
suffit pas toujours pour obtenir une com-
binaison constante ; par exemple , on obtient
le carbonate de potasse dans Tëtat cristallise ,
en traitant la potasse ordinaire avec l'alcool ,
qui dissout la plus grande partie de l'excès de
potasse; mais les cristaux en retiennent assez
pour être déliquescents à l'air.
Je viens de supposer un excès d'alcali dans le
carbonate de potasse ; cependant c'est une com-
binaison aussi exacte que celle du carbonate
neutre , mais l'alcali qui se trouve en excès re-
lativement à l'état neutre , et qui produisait une
plus grande solubilité , peut être séparé plus
facilement, parce que l'action chimique s'affaiblit
par la saturation. L'action de l'alcool change
donc la combinaison qui existait , et lui en
substitue deux nouvelles ; le sel qui cristallise
retient un excès d'alcali , parce que la force de
cohésion qui cause la cristallisation n'appartient
pas à des proportions déterminées , mais qu'elle
commence à avoir de l'énergie avant que de
parvenir à la plus grande intensité.
On produit un effet semblable par le moyen
des autres substances qui peuvent également
former avec la })Otasse une combinaison plus
solubleque le carbonate de potasse ; ainsi Lovvitz
a fait voir qu'on pouvait obtenir le carbonate
DES LIMITES DE LA C O MB I N A I S OiV, 899
de jiotasse par une petite quantité d'acide acé-
tique dont la combinaison soluble permet au
carbonate de potasse de cristalliser , ou par l'ad-
dition d'un peu de soufre qui forme aussi un
sulfure hydrogéné très-soluble (i) ; enfin Tacide
muriatiqueoxigénéproduit le même effet lorsqu'il
n'est pas employé en quantité suffisante pour
former le muriate oxigéné de potasse : si la
dissolution de potasse mi-carbonatée est assez rap"
prochée , il se forme des cristaux de carbonate
de potasse au commencement de l'opération.
j- 221. On voit que les dissolvants doivent être
considérés sous deux rapports , ou comme op-
posés à la force de cohésion, ou comme partie
constituante des combinaisons elles-mêmes , et
qu'il faut leur appliquer sous ces deux rapports
les jîrincipes qui ont été exposés sur faction
chimique , mais un dissolvant peut être employé
dans la vue seulement de favoriser ou de mo-
dérer l'action d'un acide sur un corps solide ,
alors sa quantité peut affecter d'une double
manière cette action , et parce qu'elle en exerce
une sur lui en affaiblissant proportionnellement
son énergie , et parce qu'elle diminue la con-
centration sous laquelle il se trouve dans la
sphère d'activité.
Les dissolvants affaiblissent ainsi l'énergie des
(1) Journ. de Chim. par Viui Mous. 11°. o.
4oO STATIQUE CHIMIQUE.
acides ou des alcalis , lors même qu'ils ne peu- 1
vent produire aucun effet sensible sur leur sa- I
turation respective , et si l'on jugeait alors de
l'affinité d'une substance par l'effet qu'elle pro-
duit sur une autre , on en prendrait une idée
très - fausse. On pourrait la regarder comme
inactive et comme très-inférieure à celle qui *
lui est opposée , pendant qu'en diminuant
seulement la quantité du dissolvant , on aura un
effet tout différent ; c'est ainsi que la potasse
ne peut attaquer le sulfate de baryte et le phos-
phate de chaux , si elle est étendue d'une cer-
taine quantité d'eau ; mais si on la fait bouillir
avec ces sels , et la quantité d'eau qui est seu-
lement nécessaire à la liquidité de l'alcali , elle
les décompose en partie.
Ces effets des dissolvants qui dépendent de *
la différence de leur énergie contre la force de
cohésion ont été négligés , lorsque l'on a établi ,
l'ordre des affinités électives auxquelles seules 1
on a voulu attribuer la formation des combi- |
naisons ; ainsi Bergman ayant dissous du phos-
phate de potasse par l'acide arsénique , et ayant
ajouté à cette dissolution , de l'alcool , qui par
la dissolution de l'acide arsénique concourait
avec la force de cohésion du phosphate de
potasse , et qui par là devait opérer la sépa-
ration du dernier, attribue cet effet à une plus
forte affinité élective de la potasse pour l'acide
t)ï:§ tlUÎTTÊâ t)E LA COMBIIvrAISON. ^t>ï
pliospliorique que pour l'acide arsënique , et
c'est souvent par un semblable moyen que l'on a
déterminé les affinités électives.
Si l'on ajoute de l'alcool à une dissolution assez
étendue de chaux par l'acide itiuriatique à laquelle
on a mêlé de l'acide sulfureux , il se précipite du
sulfite de chaux : il faudrait également en con-
clure que l'acide sulfureux a plus d'affinité avec la
chaux que l'acide muriatique ; cependant lors-
qu'on Verse de l'acide muriatique concentré sur
1 le sulfite de chaux , il s'exhale de l'acide sulfureux :
les mêmes principes conduiraient donc à une con-
séquence contradictoire. De plus , l'alcool produit
les mêmes précipités lorsqu'un sel est rendu
soluble par un excès de son propre acide; ainsi
l'alcool précipite de la solution du j:)hosphate aci-
dulé de chaux , un phosphate moins acidulé.
22 2. Les considérations exposées dans ce clia-
i pitre font voir que les dissolvants exercent réel-'
lement une action chimique , qui ne diffère que
par l'intensité de celle qui produit les plus fortes
combinaisons; mais comme elle varie en elle-
même , et sur-tout par le rapport qu'elle a avec
les forces qui produisent d'autres cond^inaisons ,
il y a des cas où elle peut être négligée j parce
quelle n'apporte aucun changement sensiblcj
dans la saturation , et il y en a d'autres où
4 lie intervient comme principe de combinaison.
1^ Lorsqu'elle ne change pas l'état respectif d«
i. iQ
i
402 STA^TIQUE CHIMIQUÎ.
saturation, son effet est borné à la solubilllë
des combinaisons , et l'on ne doit la regardeif -
que comme une forcé antagoniste de la soli-
dité : elle affaiblit , en raison de sa quantité qui
excède celle qui est nécessaire à la liquidité ,
l'action des autres substances contre la solidité ,
en diminuant la quantité de ces substances qui
peut l'exercer, et en occupant une partie de leur
énergie : elle sépare une combinaison miique
en deux combinaisons , dont l'une est plus so-
lubîe , et dont l'autre s isole par la force d©
coliésion qu'elle peut lui opposer.
Souvent les dissolvants exercent les deux
actions , et contribuent par l'une aux séj^ara-
tions qui se font , et par l'autre aux proportion*
des éléments qui s'établissent.
De la différente intensité de l'action de deux
dissolvants , tels que l'eau et l'alcool , peuvent
résulter des différences considérables dans les
combinaisons qui se séparent : une plus forte
action s'oppose à une cristallisation qui a lieu
dans le dissolvant plus faible, et par là même^
celle-ci peut produire des séparations et des
proportions de combinaisons qui restent con--
fondues dans l'état liquide , lorsque le dissol-
vant a plus d'énergie.
On trouve ici un exemple frappant de l'in-
fluence que les mots peuvent avoir sur les idées
que ïon se forme ^ et sur les résultats même*
DKS LÏMITÏS DE I. A C OM BIK A 13 O?»". /!\o3
«âe l'observation. On commence par regarder un
dissolvant comme im agent qui nefait quedisposer
les autres substances à former des combinaisons ,
parce qu'effectivement il ne produit aucun autre
effet sensible, lorsqu'il ne se fait pas de sépa-
ration , et l'on néglige en conséquence son action
dans les autres circonstances , parce qu'il s'y
trouve sous le nom de dissolvant.
Il est difiicile d'atteindre par le langage à
une précision qui prévienne toute confusion ;
mais il faut toujours se rappeler que toutes les
substances qui sont en présence exercent une
action , et que s'il est des circonstances où elle
doive être négligée, il peut s'en trouver d'autres
où elle contribue efficacement an résultat.
^■v/'V-x.'V
C Tî A P I T R E III.
Z^e Vejjlorescence.
a 13. v^uKi.QUES substances salines, et parti-
culièrement le carbonate de soude , ont la pro-
priété de se séparer des substances avec les-
quelles elles se trouvent en combinaison dans
yn certain d(^gré d'humidité ; Schéele est là
26..
4^4 ST A. TIQUE CIIIMÏQUB»
premier qui ait apperru que cette propriété
pouvait produire des changements dans les
combinaisons (i).
Cette force par laquelle les molécules se réu-
nissent dans les proportions convenables pour
former une combinaison constante , et se sé-
parent des autres substances qui ont une action
sur elles , a beaucoup d'analogie avec celle qui
produit la cristallisation dans un liquide , quoi-
que par la différence des circonstances l'effet
soit opposé ; il parait que par ces circonstances
une combinaison qui serait promptement dé-
truite , si son action était en concurrence avec celle
des substances qui sont contenues dans un li-
quide , se sépare continuellement et par très-,
petites parties à la surface; par là ses molécules
sont soustraites successivement , et alors leur
action réciproque les groupe , de même que dans
la cristallisation ; mais quelle que soit la cause
de la différence qui existe entre cet effet , et
celui de la cristallisation ordinaire , je vais tâcher
d'en indiquer les conséquences dans les phé-
nomènes auxquels elle contribue, en la désignant
sous le nom d'efflorescence , et en la considérant
principalement comme une qualité qui appar-
tient à quelques substances.
224. Si le muriate de soude se trouve eu coiin
<i} Mém. de Cljlm. tom. II.
I>ES LIMITES DE LA COMBINAISON. ^o5
ciirrènce avec la chaux dans un degré conve-
nable d'humidité , l'action dé la soude sur l'acide
muriatique est affaiblie par là ; elle partage celle
de la chaux sur l'acide carbonique qui se trouve
dans l'air atmosphérique ; mais diminuée par la
saturation , elle serait bientôt insuffisante contre
la force de cohésion du carbonate de chaux ,
s'il ne se faisait une séparation décidée par
l'efflorescence : la décomposition du muriate
de soude continue donc jusqu'à ce qu'il se
soit formé assez de muriate de chaux, parce
que l'acide muriatique devant se partager entre
les deux bases en raison de leur action , il arrive
un terme où leurs forces se balancent.
La petite quantité d'acide carbonique qui se
combine d'abord dans la masse totale , ne pro-
duit pas une force de cohésion qui puisse l'em-
porter sur les forces opposées (77) ; seulement
elle suffit pour déterminer successivement l'ef-
florescence ; mais si l'on met en dissolution tout-
à-coup la quantité de carbonate qui s'est sé-
parée , la force de cohésion a alors assez d in-
tensité pour précipiter le carbonate de chaux ,
et l'on obtient des combinaisons opposées par
cette seule condition des quantités.
L'efflorescence produit de même une sépa-
ration de carbonate de soude , lorsque celui-ci se
trouve en contact avec le carlionate de chaux dans
un degré d'humidité oonvenable; aloi's il refait
4o6 .STATIQUE CHIMIQUE,
une très- petite dissolution du carbonate de cliany,
au moyen de l'action qu'exerce sur lui le mu-
riate de soude; mais la combinaison de l'acide
carbonique avec la soude, et sa séparation simul-
tanée sont décidées par la disposition à l'efflo-
rescence, et le phénomène se continue. Les cir-
constances qui peuvent favoriser l'efflorescence
sont un mélange convenable de muriate de soude
et de carbonate de chaux , et une humidité sou-
tenue à une température élevée ; le voisinage
d'un corps poreux favorise encore la décom-
position du mufiate de soude, en facilitant l'ef-
florescence et la séparation du carbonate de
soude ; mais quoiqu il y ait peu de différence
entre les conditions de cette décomposition , et
celle qu'on obtient par la chaux, il paraît que
la première exige un i atervalle de temps bcniicoup
plus grand , et peut-être quelques circonstances
plus favorables, telles qu'une température plus
élevée; d'où vient, probablement, que Schéele
n'a pas obienu celle décomposition en se ser-
vant du carbonate de chaux.
2*5, C'est par ces circonstances, que j'ai obser-
vées sur les bords du lac IHatron , que j'ai cru
pouvoir expliquer la formation continuelle d'une
immense quantité de carbonate de soude (i) ,
et il est probable que c'est à des circonstances
(j) Mém. sur l'Egypte.
DES LIMITES DE LA CO M B I?f A.I S ON. 4^7
semblables ou peu différentes , qu'est due la
production du carbonate de soude qu'on observe
dans d'autres déserts, ainsi que sur la surface
de quelques voûtes et de quelques murs.
C'est encore à une cause semblable qu'il faut
rapporter la décomposition du muriate de soude
par des lames de fer tenues dans un lieu hu-
mide : le carbonate de soude effleurit à leur
surface , et il se décompose , si on le plonge dans
les gouttes du muriate de fer qui se forme en
même temps.
Schéeie auquel on doit les principales obser-
vations sur cet objet, a éprouvé que les dé-
compositions avaient également lieu avec le
sulfate et le nitrate de soude , mais non avec
les mêmes sels à base de potasse, et il attribue
fort bien cette différence à la propriété efilo-
rescente du carbonate de soude.
C'est probablement par la même raison que
plusieurs plantes sur les bords de la mer peuvent
décomposer le muriate de soude dans les cir-
constances favorables , c est-à-dire lorsqu'elles ne
croissent pas dans l'eau ; car alors elles ne con-
tiennent que le muriate de soude qui n'éprouve
pas de décomposition ; le carbonate ne se forme
que lorsqu'elles végètent sur les bords , et dans
un terrain imprégné de muriate de soude , et qui
n'a queThumidité qu'exige VeiTlorcscence , tandis
-tpie cette décomposition n'a pas lieu dans les
4o8 STATIQTIE CIIIUriQUE.
plantes qui ne contiennent que des sels à bas©
tle potasse.
22G. Quoique rcfflorescence soit une pro-
prictë plus énergique dans le carbonate de
dans les autres sels , plusieurs de ceux - ci
n'en sont pas dépourvus ; c\^st elle qui me
paraît être cause que dans les plâtras im-
prégnés de salpêtre, le nitrate de potasse se
sépare des sels à base terreuse , et se trouve
principalement dans les parties les plus élevées,
pendant que celles qui sont voisines du sol con^
tiennent sur-tont du sel à base de chaux.
C'est à la même propriété que me pai\iît due
îa formation du sulfate d'alumine qui a lieu à
la surface des granités , des porphires qu on
tient pendant long-temps humectés d'acide sul-
furique , comme l'a fait Bayen (i), lequel s'en est
servi avantageusement pour l'analyse de ces
pierres.
Enfin par la propriété efflorescente que pos-
sède le sulfate acidulé de potasse , il s'élève et
forme des arborisations au-dessus d'une combi^
naison qui retient un excès d'acide plus grand
qu'il ne convient à la constitution de ce sel ,
ce qui fait voir que dans ce phénomène , tandis
qu'une nouvelle combinaison tend à se séparer
par efflorescence , une autre tend à con&erver
l'excès de l'élément qui s'oppose à cet effet,
(i) Joiirn. Je Pliy^. 1779.
DïS LIMITES DE L \ CO MTÎ I!S' AISO:>f. ^Of)
Quoique l'efflorescence ne produise qu'un
petit nombre d'effets , elle ne doit cependant
pas être négligée , puisqu'elle sert à expliquer
la production de quelques combinaisons qui sont
opposées à celles qui se forment dans les cir-
constances ordinaires, et qu'elle peut devenir
d'une application utile dans les arts.
On retrouve ici un exemple frappant de com-
binaisons qui sont décidées par inie légère cir-
constance dans un ordre inverse à celui que
Ton attribue aux affinités électives.
CHAPITRE IV.
De la propagation de V action chimique.
22y. J_i'ACTiON chimique s'exerce plus ou
moins rapidement , et cette circonstance a sou-
vent une grande influence sur ses résultats ;
l'action du calorique présente , avec cette pro-
priété des autres substances , des rapports qu'il
est utile d'examiner.
Des combinaisons qui paraissent constantes
dans leurs proportions , se détruisent par une
action plus lente, que celle qui les a produijtes ;
d'autres proportions s établissent , et font place
I
«îrO 8TATIQFE CHIMIQtflî.
à leur tour à de nouvelles combinaisons ; par
là les conclusions que Ton tire de lobservation
varient selon l'instant où elle se fait : l'on prend
pour le dernier résultat de l'action chimique ,
celui qui précède d'autres changements que
l'on néglige , et l'on attribue à l'élection de l'af-
finité un état qui n'est que transitoire.
Quelquefois donc l'action chimique paraît
instantanée , quelquefois ses effets sont très-
lents , et il faut un espace de temps considé-
rable pour que les forces qui sont en présence
parviennent à un état d'équilibre. Quelles sont
les dispositions dans les substances qui prod'ii-
sent cette différence? quelles sont les circons-
tances qui favorisent ou atténuent cet effet ?
228. On peut d'abord remarquer , qu'indé-
pendamment de toute autre circonstance^ l'ac-
tion chimique est beaucoup plus lente lorsqu'elle
est faible , que lorsqu'elle est vive ; et comme
l'action d'une substance s'affaiblit à mesure que
sa saturation fait des progrès, ce sont les der-
niers termes de cette saturation qu'elle ne peut
parcourir que dans un intervalle de temps beau-
coup plus considérable que celui qui est néces-
saire pour y parvenir ; ainsi dans les effets
mécaniques une forte impulsion fait parcourir
à un corps le même espace , dans un temps
beaucoup plus court qu'une impulsion beaucoup
plus faible.
DES LIMITES DE LA COMBINAISON. 4'!
C'est donc sur-tout dans les combinaisons
faibles qu'on peut observer cette résistance à la
saturation ; telles sont les dissolutions des sels
par l'eau , comparées à la combinaison des acides
avec les alcalis , et l'on remarque encore un©
grande différence entre le commencement de la
dissolution et sa fin ; ce n'est qu'avec peine que
l'eau achève de se saturer au point où le per-
mettent son action et la résistance qu'elle doit
vaincre.
La combinaison d'un acide par un alcali qui
s'opère par une force beaucoup plus grande que
celle qui produit la dissolution d'un sel par
l'eau , est aussi beaucoup plus prompte , jus-
qu'à ce qu'elle approche de létat de saturation ;
mais alors sa progression devient lente , et l'on
arrive à un terme où les papiers qui nous ser-
vent d'indices annoncent souvent en même temps
l'acidité et l'alcalinité ; ce n'est qu'après un es-
pace de temps assez considérable qu'on peut
reconnaître celle des deux qui domine réellement.
L'agitation accélère beaucoup le complément
d'une dissolution ou d'une combinaison : son
effet dépend précisément de la différence qu'il
y a entre l'action d'une substance lorsqu'elle
est éloignée de 1 état de saturation , ou lorsqu'elle
est voisine de cet état: on substitue par là une
action forte et prompte à une action faible et
lente.
4li «TATIQITE CHIMiQUe,
Lorsque l'eau agit sur un sel pour le dis-
soudre , la couche qui est contiguë au sel est
d'abord dans un état de saturation plus avancé
que celle qui lui est superposée , et ainsi de
suite, jusqu'à la surface ; il n'y a donc qu'une
légère différence de saturation entre chaque
couche , et elles se trouvent , les unes respec-
tivement aux autres , dans cet état de saturation
où l'action est la plus faible et la plus lente ,
et la différence de pesanteur spécifique peut
encore avoir une influence marquée sur l'effet
d'une faible tendance à la combinaison ; inais
si je mets en contact les parties du liquide les
plus saturées avec celles qui sont le plus éloi-
gnées de la saturation , j'établis une action
beaucoup plus vive , j'en accélère les effets ;
l'agitation doit donc servir à rendre une dis-
solution beaucoup plus promptement uni-
forme ; ce qui doit s'appliquer aux combinai-
sons mêmes les plus fortes , lorsque l'action
des substances qui les forment, approche de
l'état d'équilibre.
On peut obtenir cet effet de la pesanteur spé-
cifique qui s'établit d'elle-même entre les couches
d'un liquide , par la dissolution d'un sel , si cette
dissolution s'opère à la surface du liquide ; de
sorte que cette seule circonstance peut produire
une dissolution beaucoup plus prompte ; alors
à mesure que l'eau dissout les molécules salines ^
DES LIMITES DE LA C OMBIN A ISOTT. ^\l^
elle descend par la pesanteur spécifique qu'elle
acquiert, et la partie du liquide qui était au
ioiicl s élève à la surface par sa légèreté spéci*
flque. Il s'établit par là une circulation qu'il
est facile de rendre sensible en plongeant un
tube rempli d'acide sulfurique sur une soucoupe
remplie d'eau ; ce courant assez rapide entraîne
les petits corps insolubles que l'on a pu ajouter
au liquide.
Il me paraît que c'est le citoyen Beaumé qui
a le premier fait attention à la circulation qui
s'établit en conséquence du changement de pe-
santeur spécifique , lorsqu'un sel est dissous à
la surface de l'eau , et qui en a fait en même
temps une application utile pour dissoudre les
résidus salins qui se trouvent au fond d'un
vase : en effet , lorsqu'on plonge à la surface
de l'eau le col d'un vase qui contient un sel
durci en masse , on voit l'eau , qui a opéré une
dissolution , descendre en formant un courant ,
et Teau pure ou moins saturée former un cou-
rant opposé en venant la remplacer ; d'où il
suit que la dissolution du sel s'opère beaucoup
plus promptement au moyen du renouvellement
continuel d'une eau dont l'action est moins
affaiblie par la saturation , que si Ion fesait
séjourner sur ce sel une quantité d'eau dont les
difïérentes couches auraient peu de différence
de saturalign. Yeher a fait depuis long-temps
4l4 STATIQUE CHiMiQtTfi.
line application de cette propriété à toutes le5
substances solides qui se dissolvent plus prompte-
ment lorsqu'on les tient à la partie supérieure du
dissolvant, et j'en ai indiqué, d'après lui, un
exemple pour la dissolution de la potasse com-
mune destinée aux lessives dans l'art du blanchi-
ment par 1 acide muriatiqueoxigéné (i) , pendant
que, par une raison contraire, on doit opérer
la dissolution des substances gazeuses dans le fond
du liquide. Ces considérations sont devenues
familières aux chimistes.
229. Il y a apparence qu'indépendamment de
la lenteur de l'action qui dépend de la faiblesse
de l'affinité , les substances sont distinguées par
une propriété que Ion peut comparer à la pro-
priété conductrice de la chaleur que je vais
examiner ; de sorte que dans quelques-unes
l'action a une lenteur particulière qui est indé-
pendante de son énergie; ainsi quoique l'acide
sulfurique exerce d'abord une action vive sur
l'eau , quoiqu'il la retienne fortement , il par-
vient cependant difficilement à une dissolution
uniforme , de manière à ne pas laisser apper-
cevoir de stries , lorsqu'on interpose le liquide
entre l'œil et la lumière : il en est de même
de l'alcool, pendant que l'acide muriatique et
l'acide acétique acquièrent beaucoup plus promp-
tement l'uniformité de dissolution.
(1) Journ. des Manufactures et des Arts.
DES LIMITES DE LA C 031 B I3f A I SO N. 4l5
Les effets hygrométriques sont dus , ainsi que
la dissolution d un sel , à la tendance à la com-
binaison d'une substance j^our l'eau qui est
tenue en dissolution par Tair. On observe ë^^a-
lement que l'action des substances hverométri-
ques se rallentit à mesure qu elle approche di*
terme extrême , et quelques-unes de ces subs-
tances parcourent les différents degrés avec
beaucoup plus de rapidité que d'autres; ains»
le cheveu a un effet plus prompt que la baleine :
cette différence ne dépend pas de la faiblesse d©
la puissance hygrométrique ; car la chaux qui
l'exerce , au moins avec autant d'énergie que là
muriate de chaux, produit cependant son effet
beaucoup plus lentement; il faut donc qu'elle
soit due à une faculté plus ou moins grande d©
propagation qui distingue les sul)stanccs, et qui
est indépendante de l'énergie de l'affinité
La lenteur de l'action des fluides élastiques
est très-grande , lorsque la force qui tend à en.
produire la combinaison est faible ; ainsi le gaz
oxigène ne dissout que lentement l'acide carbo»
nique, ce n'est que dans un espace de temps
très-long qu'il épuise son action sur le fer ;
quoique les sulfures d'alcali exercent une action
assez vive sur l'oxigène , ce n'est cependant
qu'avec lenteur qu'ils l'absorbent , l'air acquiert
difficilement le degré extrême d'humidité et ce-
pendant la vapeur dç l'eau parvient jjromptement
4lÔ STATIQUE CHIMIQUE.
danslevideaudegrëde tension qiiepeutluidohhéf
la température : quelques substances odorantes
au contraire se dissolvent et se disséminent rapi*
dément dans un espace étendu de ratmosplièrc.
On accélère également Faction des fluides élas-
tiques par l'agitation qui rapproche les parties
les moins saturées , et il est probable quil peut •
s'établir , par les différences de pesanteur spéciil-
que , des courants qui accélèrent 1 équilibre de
saturation , comme dans les liquides ; mais ces
effets doivent également varier selon la position ,
de la substance qui se dissout ou qui entre en
combinaison , et ils doivent se compliquer avec ,^
ceux de la température.
.aao. La faculté de se combiner plus promple-
ment avec une substance qu'avec une autre ,
produit quekjuefois des précipitations que l'on
peut regarder comme accidentelles , et qui n'otit
pas lieu si les circonstances rendent l'action plus
lente. Bergman observe que si Fou verse de
lacide sulfuric[ue concentré sin^ les solutions
saturées de sulfate de potasse , d'alun , de sulfate
de fer , de muriate mercuriel corrosif ou d'autres
sels que Feau dissout difFicilement , ces sels se
précipitent subitement; mais si Fon ne verse
l'acide sulfurique que par petites portions et
en agitant le liquide, ces précipitations n'ont
pas lieu. On observe le uième phénomène
en mêlant tout-à-coup une dissolution aqueuse
I>ES LIMITES DE LV COMBI?^ AlSO^T. l^n
lîe muriate de baryte avec l'acide muriatique
concentré , et dans un i^rand nombre d'autres
circonstances où l'on Y(jit un précipité se for-
mer dans le premier moment du mélange , et
ensuite se redissoudre lentement ou plus piomp-
tement par le secours de lagitation ou de la
chaleur.
Si l'amnité exige un temps plus ou moins
long pour produire des combinaisons , cet effet
n'est pas moins marqué dans l'action réciproque
des molécules , par lesquelles elles adhèrent et for-
ment des cristallisations; mais si le mouvement
qu'on leur imprime peut accélérer la formation
des cristaux en amenant les positions des molé-
cules qui lui sont le plus favorai)ies, il faut
qu'il soit assez modéré pour déterminer seu-
lement la première formation des cristaux , qui
doivent ensuite se compléter au milieu du calme
pour que la ciistallisation ])uisse être réguhère.
Il paraît que faction par laquelle les molé-
cules d'un solide adhèrent mutuellement , se
prolonge fort au-delà du moment où elles entrent
en contact ; car l'on éprouve souvent qu'un préci-
pité qui s'est formé récemment dans un liquide,
acquiert peu-à-peu une dureté considérable , sans
qu'on puisse fattri^uer à une autre cause , et
que différents corps se durcissent par la vétusté
depuis même que leur évaporation a cessé.
u3i. Les coips présentent , rcdativement à la
4l8 STATIQUE C II IMIQTjC
communication de la chaleur , une propriété
analogue à celle que je viens d'observer ; pen-
dant cjue la différence de température entre
deux corps est grande , la communication est
prompte ; mais elle se ralentit lorsque ces
corps approchent d'une saturation uniforme ;
ainsi lorsqu'on plonge un thermomètre dans un
liquide beaucoup j)lus chaud ou beaucoup plus
ftoid , son ascension ou son abaissement est
d'abord rapide , puis sa marche se ralentit en
ajjprochant de l'équilibre de température.
Newton a supposé avec beaucoup de proba-
bilité que les quantités de chaleur qu'un corps
perd dans des petits espaces de temps , sont
proportionnelles à l'excès de sa température sur
celle du milieu ambiant ; ainsi lorsqu'un corps
a une chaleur qui surpasse celle de l'atmos-
phère de i8o degrés, la quantité de chaleur
qu'il perdrait dans un moment donné sera double
de celle qu'il perdrait dans un espace égal de
temps , si sa température ne surpassait celle
de l'atmosphère que de 90 degrés , d'où il suit
que si les temps étaient en proportion arithmé-
tique, les décroissements de chaleur seraient en
progression géométrique, et que la chaleur qui
resterait, considérée comme différence entre la
température du corps et celle de l'air es-térieur,
suivrait aussi la même loi (i).
<i) Crawford on aflimû WU
DES LIMITES DE LA C OM BIN .\ I S 0]>r. f^ig
Independamnient de celte cause générale de
ralentissement dans les changements de tem-
pérature , les corps diffèrent par la proprie'té de
communiquer plus ou moins facilement la clia-
leur , d'être plus ou moins bons conducteurs.
La communication inégale de la cliaiear à des
corps qui parviennent cependant à une tempé-
rature uniforme , est remarquable dans une
observation que rapporte Dehic : il avait fait
pour ses hygromètres une monture dans laquelle ,
par une combinaison du verre et du cuivre ,
les effets de la chaleur sur ces deux substances
se compensaient , pourvu que les changements
de température fussent lents : mais s ils étaient
brusques en passant du chaud au froid , ré-
chauffement plus prorapt du cuivre produisait
un racourcîssement dans la substance hygros-
copique cpi'il servait à fixer, et ce racourcis-
sement était suivi d'un effet contraire produit
par la dilatation plus lente du verre (i).
Cette propriété a sur^^tout été observée entra
les solides qui la présentent, sans qu'une cause
étrangère en altère les résultats ; mais les li-
quides la possèdent également , et de là vient
que les thermomètres à lalcool ont une marche
plus lente que c^ux à mercure , comme l'a
observé Crawford ; mais dans les liquides il faut
iljstinguer les effets qui sont dûs à la locomotion
(i) Tians. pliilos. i'/<).i>
4'10 STATIQUE CHIMIQUE.
de leurs parties, de ceux qui dépendent de la
faculté C(.>nducLiice.
L'agitation produit dans la communication de
la chaleur un effet semblal)le à celui que nous
avons remarqué pour la dissolution ; en rap-
prochant les parties les plus distantes par Ll
température , elle accroît leur action réciproque
et accélère réquiiihre de température : il sé-
tablit aussi par la différence de pesanteur spé-
cifique une circulation qui éloigne du point où
la chaleur est communiquée, la partie la plus
échauffée , et y conduit la partie la moins di-
latée ; mais ces effets qui sont dûs à une même
cause suivent une marche opposée , parce que
la pesanteur spécin([ue diminue dans un cas
et augmente dans fautre ; de sorte qu'il fimt
appliquer à la chaleur qui est communiquée à
la partie inférieure dun liquide, ce que j'ai
observé sur la dissolution d'un sel qui s opère
à la surface (228).
ir résulte de là que l'on doit observer une
grande différence dans la communication de la
chaleur , selon qu'elle se fait par la partie infé-
rieure ou par la partie supérieure d'un liquide ; la
dernière doit être beaucoup plus lente , puisqu'il
y a un effort constant des molécules à se tenir
dans des couches séparées qui n'ont qu'une
différence graduelle et légère de température ,
pendant que dans la preniière la différence dô
DES LI5IITES DE LA COMBI^AISO^^ [\lt
pesanteur spécifique tend à rapprocher conti-
nuellement les parties les moins échauffées du
centre d'où part la chaleur.
Une autre cause vient encore augmenter cet
effet : pendant que la chaleur pénètre diffici-
lement des couches supérieures aux inférieures,
il se forme à la surface , des vapeurs qui re-
froidies ensuite par le corps qu elles rencontrent ,
font place à celles qui les suivent ; de sorte
que le liquide perd peu-à-peu sa température,
par les parois ({ui le contiennent , et sur-tout
à la surface : par là , la communication de la
chaleur entre les différentes couches devient de
plus en plus lente et difficile.
Ces différents effets doivent être distingués
avec soin , lorsque Ion considère les phénomènes
que présente la communication de la chaleur
entre des corps qui se trouvent dans différents
états.
La résistance qu'oppose la différence dans la
faculté conductrice, produit quelquefois, soit
dans les liquides , soit dans les solides , une dis-
trihution de chaleur dans laquelle une substance
paraît la prendre presque en entier , pendant
qu'une autre éprouve peu de changement dans
sa température ; ainsi lorsqu'une substance j^eu
conductrice se trouve en concurrence avec d'autres
corps, la chaleur qui pourrait se communiquer
lentement à celte substance , et la porter à l'uni-
l\11 STATIQUE CHIMIQUE.
formitë de température , si elle était contenue a«
ipilien d'une atmosphère dont elle recevrait peu-
à-peu la chaleur, passe beaucoup plus mpidement
aux autres corps , pendant qu'elle se comniu-
nique d'ime couche peu conductrice à la sui-
•^ante; elle se trouve donc promptement afl'ai-
Llie et comme l'effet saccroit à mesure que la
température baisse, cette substance prend à peme
luie clialeur sensible à une petite distance du
centre de l'émanation du calorique.
232 . La propagation de l'action chimique a
sur-tojit un caractère particulier dans les subs-
tances composées , selon qu'elles agissent par
inie aftlnité résultante , ou par leurs affinités
élémentaires.
Si une substance agit par l'affinité résultante,
elle produit plus ou moins promptement son
effet , qui ne se ralentit sensiblement que lors-
que son action se trouve très-affaiblie ; elle se
comporte comme les substances simples; mais
si elle agit par ses aflinités élémentaires , à moins
que Fachon ne soit très-vive , elle prend une
lenteur beaucoup |)îus grande que celle qui
ne provient que de la faiiilesse de l'action ; ainsi
lorsqu'on mêle de l'acide nitrique avec une base
alcaline, on parvient promptement à l'amener
à 1 état de neutralisation , même lorsque l'aci-
dité et l'alcalinité sont très-affaiblies par une
grande quantité d'eau ; mais lorsqu'on mêle
T>ES LIMITES DE LA COMBINAïSOlV. ^1^
l'acide nitrique et l'acide miiriatique , quoiqu'on
emploie une agitation suffisante , Foxigène se
sépare lentement de l'azote pour se combiner
avec l'acide muriatique , et s'exhaler avec lui
en acide muriatique oxigéné ; l'acide nitrique
dissout insensiblement d'un autre côté le gaz
nitreux pour rester combiné avec une autre
portion de l'acide muriatique , dans l'état d'acide
nitro-muriatique. Ce n'est qu'au bout d'un long
espace de temps que les forces qui peuvent
agir parviennent à un état d'équilibre.
De là vient que souvent une substance com-
mence à agir par une affinité résultante , et
qu'ensuite elle agit lentement par ses affinités
élémentaires ; ainsi une dissolution métallique
par l'acide nitrique , change souvent de nature
lorsqu'on la conserve ; elle perd l'état de satu-
ration c[u'elle avait d'abord, le métal s'oxide de
plus en plus , et quelquefois il se forme une
quantité de plus en plus grande d'ammoniaque,
quoique la température et les autres circons-
tances n'ayent pas été favorables à ce chan-
gement.
Plus les affinités élémentaires perdent leur
force par de nouvelles combinaisons qui pro^
duisent un plus haut degré de saturation, plus
leur action immédiate est diminuée (i84); plus
elle prend de lenteur. Lorsque Ton verse de l'acide
muriatique oxigéné sur une dissolution de fer
'424 STATIQUE CHIMIQUE.
peu oxidé , ce métal s'oxide bientôt compleïe-
ment , parce que Falfinitë résultante de Tacide
muriatique oxigëiié est très-faible, et que par
conséquent elle apporte peu d'obstacle à l'action
du fer; si l'on emploie une dissolulion de mu-
riate oxii^e'në de potasse , dans lequel Foxigène
se trouve en plus grande proportion , mais
reienu par une plus forte affinité résultante ,
le même effet ne se manifeste qu'après un espace .
de temps beaucoup plus considérable , et se
prolonge davantage. L'action du calorique , qui
diminue la force résultante , accélère aussi celle
des affinités élémentaires ; de sorte que dans l'ex-
périence précédente on peut obtenir, par son
moyen , un effet très-prompt.
Lorsque le 1er décompose Tacidc nitrique et
en dégage le gaz nitreiix , son action est quelque-
fois très-l^'iite dans le commencemeni , et ménie
si Facide a trop peu de concentration , et si la
température est trop basse , elle a de la jjeine
à s'établir ; Faction devient ensuite vive et tu-
multueuse, quoique l'état des proportions lui
devientie de ]>lusen plus défavorable ; c'est que
la cbaleur qui se dégage diminue proportioii-
nellemeiit Feffet de Faffinité résultante ; elle agit
aussi sur le fer, en diminuant sa force de colié-
sion; mais dans cette circonstance cet effet est
très-petit relativement à Fautre.
Cette lenteur d'action dans Faffinité résultante
DES LIMITES DE LA C OMBIN ATSOIT. ^^^
se remarque dans les dissolutions métalliques
que Ton mêle , et dans lesquelles les métaux se
trouvent à différents termes d'oxidation : ce n'est
qu'après un temps plus ou moins long qu'ils
parviennent à une oxidation uniforme , et qu'ils
prennent les proportions d'acide qui conviennent
à leur état , soit pour rester en combinaison
liquide , soit pour foriner des précipités ; mais
comme mon opinion diffère , relativement à
ces derniers pliénomènes , de celle qui est le plus
généralement adoptée , j en renvoie la discussion
à une autre partie de cet ouvrage.
233. Les considérations que j'ai présentées
dans ce chapitre font voir combien il est im-
portant , pour estimer les effets de l'action chi-
mique , de porter son attention sur sa propa-
gation et sur les circonstances qui peuvent la
modifier , et combien Ton pourrait se tromper
si l'on posait pour limites de l'affinité dune
substance , les combinaisons qu'elle jjcut pro-
duire dans les premiers moments où elle agit.
Lorsque l'action chimique est faible , sa pro-
pagation est lente ; de sorte qu'il est facile detre
induit en erreur si l'on se haie trop den saisir
le résultat : l'on a vu ainsi beaucoup de combi-
naisons, que Ton ne regardait pas comme pos-
sibles , se réaliser en employant le temps né-»
cessaire : je choisirai deux exemples dans le
grand nombre qui se présentent.
2il6 STATIQUE CHIMIQUE,
On regardait le gaz hydrogène comme une
fiubstance que son élasticité garantissait de l'ac-
tion de Tacide muriatique oxigéné , cependant
Cruickshank a observé qu'en laissant pendant
vingt-quatre heures le gaz hydrogène en contact
avec le gaz muriatique oxigéné , il se fesait une
décomposition complète de l'acide muriatique
oxigéné , qui revenait à l'état d'acide muriatique ,
pendant que l'hydrogène formait de l'eau : la
décomposition lente du gaz hydrogène carburé
a eu également lieu avec le gaz nmriatique oxi-
géné f i\ et il en est résulté de l'eau et de l'acide
carbonique. C'est par le moyen dune action
très-lente que le gaz hydrogène s'est changé dans
la irermination en gaz oxicarburé dans les obser-
vations de Sennebier et de son intéressant coo-
pérateur Huber (a] ; il paraît même qu'ils ont
apperçu que lorscjue l'on abandonne long-temps
sur l'eau un mélange de gaz oxicarburé et de
gaz oxigène^ il se forme peu-à-peu de l'acide
carbonique.
La lenteur de la propagation de l'action chi-
mique est diminuée par les moyens qui rappro-
chent les parties dont l'état de saturation est
le plus éloigné ; c'est ainsi que l'agitation produit
un équilibre plus prompt de saturation dans
les hquides et dans les fluides élastiques.
(i^ Blbl. Britan. tom. XVIII.
(i) Méui. bur la Gerininatiou.
DES LIMITES DE LA COMB I?î AISOTT. t\lf
La différence rie pesanteur spécifique qui tend
à tenir dans Feloisnement les couches d un li-
quide , qui sont distantes par la saturation , lors-
que Teau dissout un sel auquel elle est super-
posée, produit un effet différent lorsque la dis-
solution s'établit à la surface ; il s'établit alors
lui courant qui apporte le liquide le moins sa-
turé à la surface du sel qu'il doit dissoudre ,
et l'effet de cette circulation est le même que
celui de Tagitation : il met en contact les parties
dont la saturation a le plus de différence , et il
accélère l'action réciproque.
Indépendamment de l'énergie de leur action ,
les substances paraissent avoir une disposition
différente à produire plus ou moins prompte-
ment les combinaisons qu'elles forment : elles
sont plus ou moins conductrices de l'action
chimique , et lorsque cette propriété varie à
un certain degré , elle peut occasionner d'abord
des combinaisons auxquelles une action plus
lente en substitue d'autres jusqu'à ce que l'équi-
libre d'affinité soit parvenu à s'établir.
Les corps ont , relativement à la chaleur , une
propriété analogue à la précédente; ils en sont
plus ou moins conducteurs : la propagation de
la chaleur est aussi beaucoup phis rapide lors-
qu'il se trouve une grande distance dans les
températures ; en sorte que dans les liquides et
dans les fluides élastiques , l'agitation ou la cir-
?;28 ETATIQUE CHIMIQUE.
culation qui s établit en raison des différence*
de pesanteur spécifique , y produit les mêmes
effets que l'on observe dans la dissolution des
sels : il faut donc faire entrer dans l'explica-
tion des phénomènes dûs à la communication
de la chaleur dans les liquides et les fluides
élastiques , leur propriété conductrice , la
distance des températures et les effets de la
pesanteur spécifique qui fait varier la position
de leurs molécules. ( Note XVI. ) La chaleur
intervient dans les dissolutions, et par le mou-
vement qu'elle occasionne en changeant les pesan-
teurs spécifiques , et par la diminution qu'elle
apporte dans la résistance de la cohésion , elle
établit par là une plus grande différence entre
les forces opposées.
L'analogie que j'ai indiquée entre les combi-
naisons du calorique et les autres combinaisons
chimiques, vient se réunir ici à celle que nous
observons entre la propagation de l'action chi-
mique qui produit les dissolutions et celle de
la chaleur qui tend à se mettre en équilibre dans
les corps qui diffèrent par la température.
Dans les substances composées , sur-tout lors-
qu'elles contiennent des éléments naturellement
gazeux, l'afiinité résultante est beaucoup plas
prompte dans son action que les affinités élé-
mentaires, même lorsque les forces qui lui sont
opposées suffisent pour la détruire , à moin^
DES LIMITES DE LA COMBINAISON. 4^9
qu'elles n'aient une grande prépondérance , d'où,
il resuite que Ton voit souvent une combinaison
se former par une affinité résultante, et faire
place peu-à-peu à l'action des affinités élémen-
taires.
NOTES DE LA V^ SECTION.
NOTE XIII.
jtXPRÈs avoir établi que Tacide phosphorique que l'on
■obtient en dissolvant les os calcinés dans l'acide sulfu-
rique, ne retient pas de quantité sensible du dernier, et
qu'on en sépare tout le sulfate de chaux par la cristal-
lisation, pourvu qu'on n'ait pas employé une trop grande
proportion d'acide sulfurique , qu'il restreint pour cetta
raison à quatre parties sur six d'os calcinés j Bonvoisia
fait voir, ainsi que je l'ai dit, que l'acide phos[)liorIque
fetient ime portion de cliatix : il a prouvé qu'en le satu-
fant avec l'ammoniaque , on produisait un précipité qui
était un phosphate de chaux , comme l'avait déjà observé
Bergman , et qu'une partie seulement de la chaux était pré-
cipitée par l'ammoniaque ; de sorte que le liquide saturé
, re donnerait qu'un phosphate d'ammoniaque et de chaux
analogue au phosphate de magnésie et d'ammoniaque, que
Fourcroy a fait connaître; il a observé qu'après la fin de
JUi préciplutlpa par l'iumnoiiiaque ^ on obtenait ^ par le
43o STATIQUE CHIMIQUl!.
moyen du carbonate, un nouveau précipité, qui était clu
carbonate de chaux, et que l'on pouvait précipiter auisi en
carbonate de cbaux toute la chaux tenue eu dissolution
par l'acide phos^>horique 5 de sorte qu'il a conseillé d'em-
ployer ce procédé en fesant évaporer et cristalliser le
phospha'e d'ammoniaque après la précipitation, pour faire
la préparation du phosphore et tirer de l'acide phospiio-
rique tout l'avantage possible : il a même prétendu que
l'on pouvait , par ce moyen simple , se procurer un acide
phosphorique parfaicement pur , en chassant l'ammoniaque
par la chaleur dans un vase d'argent. Ces expériences m'ont
paru exactes , si ce n'est que le précipité par le carbonate
d'ammoniaque n'est pas dépourvu de phosphate de chaux y
et que le phosphate d'ammoniaque retient encore une
portion assez considérable de chaux que l'on peut y
rendre sensible, en mêlant à sa dissolution du carbonate
de potasse ou de soude ; de sorte que ce sel est très-con-
venable pour l'opératioïi du phosphore, mais que l'acide
phosphorique qu'on en obtient n'est pas aussi pur que
celui que donne la combustion du phosphore qu'on sature
ensuite d'oxigène , en le traitant avec l'acide nitrique.
Gay Lussac a trouvé le moyen d'obtenir immédiatement
l'acide phosphorique encore plus dépouillé de chaux que
par le, procédé précédent. Ce moyen consiste à ajouter de
l'acide oxalique à l'acide phosphorique , épaissi et débar-
rassé de sulfate de chaux 5 alors il mêle une quantité
considérable d'alcool qui dissout l'acide phosphorique , et
laisse l'oxalate de chaux ; cependant il est resté encore
dans les épreuves ime très -petite proportion de chaux
«nie à l'acide phosphorique. On a cru que l'alcool ne
dissolvait pas l'acide phosphorique , et Bouelle qui lit dans
le temps des observations intéressantes sur le procédé que.
l'on venait de faire connaître sous le nom de Schéele (i)|
^i) Journ. de Médeciue , octoire i777.«,
DES LIMITES DE LA. COMBINAIS Oîf. t\Zl
t'en servit pour précipiter l'acide phos[)horif|ue des os qui
avaient été dissous dans l'acide nitrique, après avoir séparé
une partie de la chaux par le moyen de l'acide sulfuriquej
mais le précipité que l'on obtient est un phosphate acidula
de chaux, et par des lotions répétées on le réduirait en
jjhosphale de chaux.
La propriété de former un verre transparent et déli-
quescent , n'est pas une preuve que l'acide phosphorique»
ne retient point de chaux ; car Bon voisin a obtenu un
verre pareil d'un acide phosphorique qu'il avait saturé
d'ammoniaque, et de celui pour lequel il avait employé
le carbonate d'ammoniaque; or, le premier contenait encore
une proportion considérable de chaux, ainsi qu'il résuit©
de ses propres expériences , et le dernier en retenait encora
wne portion.
Fourcroy et Vauquelin prétendent que le carbonate d'am-
moniaque n'a pas la propriété de décomposer le phosphate
de chaux, et de précipiter du carbonate de chaux 5 il faut
<|u'ils aient tait l'expérience sur un phosphate de chaux
calciné , dont la force de cohésion sera devenue un obs-
tacle à l'action du carbonate d'ammoniaque ; mais ce n'est
pas dans ce cas que Bonvoisin a fait cette décomposition»
Je ne suis pas encore d'accord , avec mes savants col-
lègues , sur l'emploi de l'acide oxalique pour précipiter la
chaux de l'acide phosphorique , et par le moyen duquel
ils ont cherché à déterminer la proportion de chaux qui
est dans l'émail des dents : je suis à cet égard de l'opinioa
de Bonvoisin , qui prouve par ses expériences que l'acide
oxalique ne précipite qu'une partie de la chaux qui est
tenue en dissolution par un acide , et cet effet est d'autant
plus petit, que l'excès d'acide qui s'oppose à la formation
de l'oxalate de chaux est plus grand , puisque l'oxalate de
chaux est soluble dans les acides. A l'égard du procédé
pour la préparation du phosphore, c'est à l'expérieace ît
432 STATIQUfi CHIMIQUE.
décider par la comparaison des frais, entre celui de Bonvoisin f
et celui coiiseillé par Giobert, Fourcroy et Vauquelin ,
et qui consiste à précipiter l'acide pliosphorique par le
nitrate ou i'acétite de plomb pour se servir ensuite de ce
précipité j cependant ce qui me donnerait quelque préjugé,
contre ce dernier procédé , c'est que le phosphate de
plomb est soluble dans les acides ; de sorte qu'une partie
peut rester en dissolution 5 Trommsdorff affirme de plus
que le plomb réduit qui reste dans la cornue qui a servi à
l'opération du phosphore, est du phosphure de ce métal (1).
Il faut qu'il y ait une grande différence entre le phos-
phate acidulé dont j'ai tait usage, et celui qu'ont employé
Fourcroy et Vauquelin , puisqu'ils disent qu'il est dissoluble
dans Ceau avec absorption de calorique ^ pendant que le
mien, quoique préparé de différentes majjlères, n'a jamais
été dissoluble qu'en partie, et en se partageant en deux
combinaisons différentes , ainsi que je l'ai exposé. D'un
autre côté Bonvoisin dit que ce sel est insoluble dans
l'eau.
Dans le savant mémoire dans lequel Vollaston a décrit
les substances et les combinaisons que l'on trouve dans
les calculs humains (2) , et qui sont l'acide lithique, soit
qu'on doive le regarder comme un acide, ou selon l'opi-
nion de Pearson , comme un oxide 5 l'oxalate de chaux
qui caractérise le calcul mural ^ le phosphate ammoniaco-
niagnésien , et le phosphate calcaire qui donnent à quelques
esjièces de calcul une apparence cristalline , il trouve une
différence entre ce phosphate de chaux et celui qui entre
dans la composition des os , et il paraît regarder ce der- .
nier comme un phosphate avec excès de chaux 5 cependant
cet excès n'est dû qu'au carbonate de chaux que Fourcroj]
j(r) Ann. de Chim. ton». XXXJV.
j^a) Traas. philos, i7^1%
»ÉS LIMITES DE LA COMBIN AlSOïf. ^35
a indiqué , et dont Hattchet a prouvé directement IVxis-
lonce : en effet, la cliaux ne pourrait se conserver en
excès au milieu d'autres substances qui ont une assez forts
t'.Jidance à se combiner avec elle.
NOTE XIV.
Si les observations que j'ai présentées ne me font pas
illusion , lorsque l'affinité produit une combinaison , les
propriétés particulières des éléments de cette combinaison
éprouvent une saturation plus ou moins grande , et ainsi
modifiées, elles donnent naissance à celles de la combi-
naison : il s'établit sur-tout, dans les substances qui n'étaient
pas dans l'état élastique , des proportions très- varia blés ,
selon les quantités de celles qui exercent une action mu-
tuelle , et selon les causes qui la favorisent ou qui lui
sont opposées ; la figure des éléments ne paraît avoir qu'une
faible influence sur la formation de la combinaison , sur ses
proportions et sur ses propriétés chimiques. La forme des
molécules intégrantes de la combinaison étant un résultat
de l'action réciproque de ses éléments et de celle du calo-
rique, elle doit être la même, ou à-peu-prés la mèm©
dans les combinaisons de même es(.èce ; m^s elie j.eut
encore se trouver la même dans dei combinaisox.s très-
éloignées : c'est un résultat sembhible qui peut dériver de
1 action réciproque de substances très-différentes.
Lorsqii'ensuite les molérules intégrantes exercent une
action réciproque très-faible, et qu'elles tendent à se grou[)er
dans la cristallisation , leur figure doit avoir une influence
très-grande, et les résultats de cette faible action doivent
lui être subordonnés et être assez constants : alors naissent
^34 STATIQUE CniMTQtlî:
les phénomènes particuliers de la cristalUsatlon et les rap-
ports de structure qui ont été développés avec tant de
6Upériorfté parllauyj mais si l'action réciproque est trop
Tive, si ses effets sont trop rapides ou s'ils sont contrariés
par des. obstacles, la figure des molécules ne peut inter-
venir , et cependant la substance composée jouit de toutes
les propriétés qui dépendent de sa tendance à la combi-
naison , ou de sa force de cohésion.
Ces principes sont contradictoires avec ceux qui ont
servi de base au système minéralogique de Hauy 5 cepen-
dant la profonde estime que m'inspirent ses lumières et
ses savants travaux, m'engagea entrer dans une discussion
qui puisse servir à fixer la communication que la chimie
et la minéralogie doivent entretenir entre elles , et que
Hauy lui-même n'a pas eu l'intention d'interrompre : je
considérerai dans cette discussion les résultats de l'obser-
vation minéralogique beaucoup plus que ceux que Pou peut;
recueillir des phénomènes chimiques isolés.
En parlant de la méthode qu'il a adoptée pour la classifica-
tion des minéraux : ce Je me suis d'abord déterminé , dit Hauy,
,> à en diriger la marche autant que je le pourrai, d'après
„ les résultats de la chimie. Où trouver en effet des rap-
,> ports plus propres à lier étroitement entre elles diverses
» substances minérales , que ceux qui sont fondés sur l'exis-
» tence d'un principe identique? Où trouver des différences
a> plus trancï^ées entre les mêmes substances , que celles
» qui dépendent des principes particuliers à chacune d'elles ^
^ Or , classer les êtres d'un même règne , c'est établir
3, entre eux une comparaison suivie, d'après les rapports
» qui les lient et les différences qui les séparent. Cette
» comparaison sera donc la plus exacte, et en môme temps
., la plus naturelle possible, celle qui prêtera le moins à
.. l'arbitraire, si le moyen choisi pour l'établir est celui
>, qui nous dévoile la composition intime et le fond ua
Î)ES LIMITES DE LA COMBIÎÎ A ISOX. /\3i
-> chaque siibslf nce, qui nous apprend ce qu'elle est en
» elle-même, plutôt que celui qui ne nous en montre que
» les alentours , ou tout au plus les effets extérieurs.
» Remarquons, avant d'aller plus loin, qu'il y a dans
» le cas présent deux problèmes à résoudre. Le premier
» consisîe à diviser et à sous-diviser l'ensemble des subs-
?> tances que doit embrasser la méthode , de manière que
» chacune y soit à sa véritable place. C'est ce qu'on appelle
7n classer, lue second a pour objet de fournir des moyens
» faciles et commodes pour caractériser tellement chaque
T» substance, que l'on puisse la reconnaître par-tout où elle
a> se présente , et retrouver dans la méthode la place qui
» lui a été assignée 35.
Il résulte manifestement de ces considérations pleines
de justesse, que les propriétés chimiques qui caractérisent
les minéraux, doivent servir autant qu'il est possible à
les classer 5 et en effet, Hauy établit seulement sur les
caractères chimiques sa première division en quatre grandes
•classes.
Toutes les sous-divisions devront , par la même raison ,
être fondées, autant qu'il est possible , sur l'analyse chi-
mique, lorsque celle-ci aura mis en état de prononcer sur
la composition , et lorsque des propriétés assez prononcées
n exigeront pas une classification particulière.
Mais on apperçoit bientôt qu'il y a des substances qui
ne sont qu'un mélange mécanique , pendant qu'il y en
a d'autres qui sont dans un état de combinaison ; or ,
quoique les premières puissent être dans un état aussi
constant que les autres, il est clair qu'elles doivent être
distinguées, même lorsque l'analyse chimique indiquerait
des quantités semblables des mêmes éléments.
La composition d'une substance dont les parties inté-
grantes sont dues à une combinaison, peut être astreinte
« des proportions fixes, ou bien elle peut être sujette à
a8..
'436 STATTQrE CniMIQTl£.
une latîluJe clans les proportions y qui diminuerait plus
ou moins la précision de la métLode. L'observation prouve
bientôt que c'est la dernière de ces alternatives qui a
lieu dans ie plus grand nombre de cas ; de sorte qu'en
suivant le guide le plus stlr , on ne peut parvenir à
une classification qui corresponde rigoureusement aux élé-
ments des substances minérales, et l'on doit renoncer à
une précision que la minéralogie ne comporte pas.
De plus, une même composition dans les minéraux peut
cîonner naissance à des qualités physiques assez diffé-
rentes, pour qu'il soit nécessaire de les distinguer 5 ainsi
l'on ne devra pas confondre le cristal de roche avec le
silex , quoiqu'ils aient une même compositvpn. Il faudra
donc souvent , dans les sous-divisions , d'autres caractères,
anême pour les substances simples , ou dont les parties inté-
grantessont dans un étatde combinaison , mais ils doivent être
subordonnés aux chimiques ; et dans touslescas il convient de
recueillir tous les indices faciles à reconnaître , tels que ceux
que l'on doit au célèbre Werner , afin qu'ils puissent servir de
signalement à la composition d'une substance , sans qu'on
ait besoin d'avoir recours à l'analyse chimique.
Parmi ces caractères secondaires _, se trouvent les formes
£e la cristallisation ; mais quelle est la valeur qu'il faut
leur attribuer ? C'est ici que je diffère de l'opinion de
Hauy, qui me paraît leur avoir donné une importance beau-
coup trop grande, et qui , négligeant les principes qu'il a
d'abord exposés , n'établit ses espèces et ses variétés que
sur les rapports de structure.
Après avoir fait voir que l'analyse chimique n'établit
pas toujours les différences qu'on doit admettre entre les
minéraux, ce que je ne conteste pas, il s'exprime ainsi:
« Il existe un caractère beaucoup plus solide et plus propre
» par son inrariabilité , c'est celui qui se tire de la forme
» exacte de la molécule intégrante , parce que cette i'oviax
DES LIMITES DE LA COMBIST AISOTT 4^7
»> existe sans aucune altération sensible, indépendamment
r> de toutes les causes qui peuvent faire varier les autres
î3 caractères. ....
35 Dira-t-on qu'il y a des formes de molécules inté-
» grantes qui sont communes à des substances de diffé-
» rente nature? J'observerai d'abord que cela n'a lieu qu&
» pour les solides qui ont un caractère particulier de ré-
x> gularité ; ensorte que dans tous les autres cas , la forme
3» de la molécule intégrante suffit seule pour en déter-»
» miner l'espèce. Je répondrai ensuite que la plupart des-
x> substances qui ont une molécule commune ( et il en
» faut dire autant de celles qui , comme les métaux ductiles ^
o-> n'ont jamais le tissu lamolleux), sont faciles à distin-
» guer par d'autres caractères ; par exemple : le cuba
» convient , comme molécule intégrante , k la magnésie
» boralée , à la soude muriatée , au plomb sulfuré ^ au
T) fer sulfuré , etc. ; toutes substances très-reconnaissablea
» indépendamment de la division mécanique jj.
Convient-Il de donner une confiance si étendue à un
caractère qui n'indique aucune différence entre des subs-
tances si opposées que celles qu'on vient de nommer , et
auxquelles on peut en ajouter plusieurs autres ? On dit
cju'on peut facilement dans ce cas avoir recours à d'autres
caractères, et on les tire de la méthode chimique ; mais
la conclusion qui se présente d'abord , c'est que cette
méthode a plus d'étendue et plus de sûreté j quoique seule
elle lût insuffisante.
Dans les substances simples ^ et qui sont naturellement
dans l'étf.t solide , on peut croire que la forme des
molécules a des rapports plus décisifs que celle des
substances comjiosées j mais comme une même forme peut
aj)pr.rtenir à différentes substances , il faut encore que
l'analyse ait constaté préliminairement la nature de la subs-
tance à laquelle elle appartient ; d'ailleurs , si cette forme
438 STATIQUE ClIIMIQUE.
n'est jias distincte , faudra-t-îl renoncer à nommer et à classer
la stibstance , et si d'autres propriétés font reconnaître
qu'elle appartient à une espèce déterminée , faudra-t-il
conclure cju'elle a telle composition qui explique ses
propriélés , ou bien se borner à prontmcer que ses molé-
cules ont telle forme ; c'est-à-dire , que si elles eussent pu
se réunir par la cristallisation , elles auraient produit une
sorte de cristaux ?
Pour établir que la molécule intégrante est le type de
l'espèce , et que celle-ci est constante dans sa composi-
tion , Hauy est obligé de regarder comme substance hété-
rogène toutes les diliërences cjue l'aniilyse trouve dans les
minéraux qui ont cependant une même forme : ce Tout
33 ce qui précède, dit-il, nous conduit à une considération
3) intéressante relativement à la composition chimique des
Dî minéraux , c'est cjue les principes cjui concourent à
» former leurs molécules intégrantes doivent , ce me semble ,
33 être constants quant à leurs qualités et à leurs c|uantités5
33 en sorte c|ue les substances qui font varier les produits
33 de l'analyse sont étrangères aux molécules , et seule-
y> ment interposées entre elles dans la masse du minéral 33.
Et il ajoute en note : « Je pense même que dans le cas
33 oîi l'on dit qu'il y a excès de l'un des principes , d'ail-
33 leurs essentiels à la composition d'un minéral, la partie
33 surabondante n'entre pour rien dans la formation de la
x> molécule , et doit être rangée parmi les principes hété-
33 rogènes purement accidentels 33. Tome J ^ p. i6i.
Selon cette doctrine , les combinaisons chimiques ne s©
font que dans des proportions déterminées , et tout ce qui
se trouve dans une combinaison hors de ces proportions
n'est qu'un mélange de substances hélérogènes, et qui ne
contribuent point par leur affinité à l'état et aux propriétés
de la combinaison: en effet, cette supposition qui ne ])eut
résister à l'observalion chimique est nécessaire pour établir
DES LIMITES DE LA C OMEl IV A I SO N. 4^9
que la fiMiiie des molécules est le type de chaq^ue espèce y
et que celle-ci est une combinaison constante.
Par une conséquence de ces principes , Hauy regarde
les parties colorantes de c^uelques minéraux , par exemple y
celles de l'oxlde de clirôme c^ui colorent l'émeraude verte,
comme simplement disséminées , de manière qu'elles ne
nuisent pas à la transparence. 2o/7u IV , p. ^i5.
L'uniformité dans la composition malgré la différence
de pesanteur spécifique des parties élémentaires, la trans-
parence qui prouve qu'elles n'exercent plus une action séparée
sur les rayons de la lumière, des propriétés communes^
mais différentes de celles des parties élémentaires séparées y
sont cependant une indication irrécusable de la combinaison.
Tous les caractères de la combinaison se trouvent indu-
bitablement dans un verre qui peut être composé de propor-
tions très-différentes , et l'on ne peut dire que cette combi-
naison a des proportions déterminées et une forme quî
appartient à ses parties intégrantes , et que tout le reste
est interposé sans entrer dans la formation du combiné.
Ce que je dis ici du verre , s'applique à tous les minéraux
transparents qui contiennent des oxides ou d'autres éléments
étrangers à ceux auxquels on attribue la forme de trois
molécules intégrantes.
Par une conséquence du principe précédent : ce Je conçois ,
>j dit Hauy, p. 243, tom. III, c^ue les granits, les gneiss,
35 etc. , les mélanges peuvent passer de l'un à l'autre j
3î mais il n'en est pas de même des espèces proprement
y> dites ; si malheureusement il en était ainsi , nous
» n'aurions plus que des séries de nuances ; la miiiéra-
35 logie deviendrait une sorte de dédale où l'on ne se
y> reconnaîtrait plus, et tout serait plein de passages qui
33 ne mèneraient à rien 33.
Daubuisson qui témoigne pour ILuiy toute la vénération
qui lui est due , observe à l'occasion de ce passage : a que^
44© STATIQUE CHIMIQUE.
75 dans nos laboratoires , nous combinons à volonté l'oi^
» et l'argent ; et le mélange forme une masse entièrement
>j homogène qui a ses caractères particuliers. La nature
?5 peut en faire et en fait réellement autant : nous trouvons
» de l'or pur, de l'or mêlé d'un peu d'argent, la quantité
» relative de ce dernier métal augmente successivement
X par degrés, nous finissons par avoir l'argent pur ». Il
cite d'autres exemples pris dans l'observation minéralo-
gique (i).
Les seU même les plus constants dans leurs proportions
peuvent se surcomposer ou se combiner ensemble , sans
que leur forme crisîallineet leur transparence soient altérées ,
jls peuvent varier dans leurs proportions , sans que leur forme
subisse de changement, comme avec la même composition
la forme des parties intégrantes peut être différente.
Leblanc (2) a combiné de l'oxide de mercure avec le
jnuriate de soude , de sorte qu'il entrait un peu plus de
douze grains d'oxide par once de sel qui donnait par
la cristallisation , des cubes et des tréniies , à la manière
du muriata de soude ordinaire.
On ne peut méconnaître ici l'action réciproque qui non-
seulement rend soluble un oxide qui ne l'est pas par lui-
même, mais qui le maintient dans une même combinaison
avec le muriate de soude, malgré la grande différence des
pesanteurs spécifiques. Une dissolution à parties éo-ales
de sulfate de fer et de sulfaùe de cuivre ^ donne des prismes
tétraèdres rliomhoidaux d'un bleu -verddtre ; la forme de
ces cristaux est parfaitement bien déterminée^ et il c^é
aisé de recouîiaître à l'œil simple l'homogénéité de leurs
substances. On peut les faire dissoudre et cristalliser à
plusieurs reprises , sans que cette substance , ni la confia,
(i) Journal de PI13S. tom. LIV.
(2) Journal de -Phys. tojco iXXI, p. gS.
DES LIMITES DE LA COMBINAISON. 44'
~'guration de ses cristaux ^ soit changée en aucune ma-
nière.,.. Un mélange de trois parties de sulfate de fer
çt d'une partie de sulfate de cuivre , donne des cristaux
d'un vert d'émeraude et de même forme que les précé^
dents ; seulement quelque différence dans la couleur dis-
tingue ces deus: espèces de surcomposés.
Vauqueliii a fait voir que le sulfate d'alumine contenait
" ïnclifféremmeiit sept parties sur cent de potasse ou d'am-
moniaque , sans qu'on appercoive aucune différence dans
la cristallisation 5 la proportion de l'acide lui-même peut
changer , ainsi que je m'en suis assuré ^ et Leblanc a
|iiouvé que le sulfate d'alumine pouvait se surcomposer
d'une quantité considérable de sulfate de fer , et cependant
fjurnir , par la cristallisation , des octaèdres réguliers.
Quoique les chimistes aient jusqu'à présent négligé de
porter une attention particulière sur les formes des sels
surcomposés, il serait facile d'accumuler les observations
qui prouvent que les sels peuvent se surcomposer sans
éiirouver dans leurs formes un changement qui réponde
à la surcomposition 5 et cependant ces surcompositions qui
( Tiservent leur transparence, sont l'effet de l'action ré-
ci[)roque des éléments qui les composent.
Si cette vérité est incontestable pour les substances
salines qui ont une solubilité considérable , et qui par
conséquent éprouvent de la part de l'eau une action éner-
gique , relativement à leur force de cohésion , l'affinité réci-
[ ; oque des substances qui ont peu de solubilité, doit être
f aucoup plus efficace pour les réunir dans un état de
«combinaison.
Il n'est donc pas étonnant que l'on trouve, dans les
minéraux, des' variétés considérables dans les proportions
des éléments qui les composent , quoiqu'ils présentent les
indices d'une combinaison complète, telle que la trans-
parence 5 et ce serait se fonder sur un système arbitraire,
44^ STATIQUE CHIMIQUK.
que, de méconnaître dan.s ces comhinaisons l'action réci-
proque des parties cpii les constituent.
Ainsi l'on trouve dans les analyses du grenat données
par deux chimistes également remarquables par l'exac-
titude de leurs procédés , par Klaprotli et par Vauqueliu ,
une différerice qui s'éloigne beaucoup de celle qu'on peut
attribuer aux procédés mêmes j leurs déterminations varient
pour la silice de 54 à 36, pour l'alumine de 28 : 6,
pour l'oxide de fer de 4^ • lO- I^c Lametherie rapporte
tl'autres exemples pareils (1).
Il y a même des combinaisons dans lesquelles l'un des
principes imprime la forme qui lui est propre , quoiqu'il
s'y trouve en proportion plus petite que les autres : ainsi
la soude muriatée gypsifère conserve l'aspect du muriat©
de soude , et se divise , comme lui , parallèlement aux
faces d'un cube. Tora. II , p. 365 ; quoique selon l'ana-
lyse de Klaproth elle contienne, sur 100 parties 3i,3 de
ïTiuriate de soude , 37,8 de sulfate de chaux , et 1 1 de
carbonate de chaux.
L'arsenic sulfuré rouge parait avoir la même forme pri-
mitive que le soufre , quoique celui-ci n'entre que pour
un dixième dans la combinaison 5 ce qui conduit Hauy à
luie réflexion qu'il est difficile d'accorder avec les prin-
cipes qu'il a suivis : ce II s'agirait donc de savoir si le
3> principe auquel on doit avoir égard dans la classifl-
« cation , est celui qui abonde le plus dans une subs-
?» tance , ou celui qui la marque de son empreinte ».
Tom, IV, p. 233. Il me semble qu'il aurait fallu se dé-
cider sur ce point capital , avant que d'établir un système
minéralogique sur l'opinion que la forme des molécules
intégrantes est le type des espèces minéralogiques.
La considération des formes cristallines n'a pas seule-
{i) Journal de Pliys. tom. LIV.
DES LIMITES DE LA. COMEINAISON. 44^
ment l'inconvénient de réunir des substances qui sont Irès-
éloignées par levir composition; mais elle en a un plus
grave encore , celui d'obliger de séparer, en espèces dif-
férentes, des substances que l'analyse prouve être parLn-
temeut identiques 5 ainsi l'analyse , que Klaproth et Vau-
quelin ont faite de l'aragonite, faisait voir qu'elle était un
carbonate calcaire ; Tenard reprit cette analyse en em-
ployant tous les moyens que la chimie peut fournir pour
réconnaître les autres substances qui pourraient s'y trouver,
et il a constaté que non -seulement l'aragonite était un
carbonate de chaux, mais que le rapport entre l'acide et
la base était le même dans ce carbonate, et dans celui qui
est connu sous le nom de spath 'd'It;lande.
ce Si c'était là le dernier mot de la chimie, dit Hauy,
» il faudrait en conclure que la différence d'environ ii"v
y> qui existe entre les angles primitifs des deux substances
» et qui en indique une considérable entre les formes
35 des molécules intégrantes, est un effet sans cause, ce
y> que la saine raison désavoue ; il est plutôt à présumer
» que de nouvelles recherches ramèneront ici cet accord
33 qui a constamment régné jusqu'à présent entre les ré-
33 sultats de l'analyse chimique , et ceux de la géométrie
33 des cristaux 33. Tom. III , p. 347.
lïauy s'arrête à soupçonner quelque matière étrangère
dans ce minéral , qui est d'une composition si simple et
si facile à constater, et qui a été traité par les plus habiles
chimistes 5 mais que pourrait-on en conclure , si ce n'est
qu'une très-petite circonstance peut , dans quelques occa-
sions , produire un changement dans la forme , comme on
va le voir dans l'exemple suivant, pendant que des dif-
férences très-considérables dans la composition peuvent se
rencontrer avec la même forme?
Vauquelin a prouvé par des expériences , qui, ce qu'il
suffit de remarquer , lui ont paru convaincantes , que
444 STATIQUE CHIMIQUE.
l'analase et l'oisanile éiaient la même substance, et que l'un
et l'autre de ces minéraux étaient dûs à l'oxide du titane :
a II resterait maintenant à examiner, dit - il , si les
» formes de ces deux minéraux pourraient être rapportées
3ï au même type primitif; mais d'après les observations du
» citoyen Hauy y ces formes sont incompatibles (i) ».
La chaux sulfatée anhydre éprouve une division méca-
nique qui se fait avec une égale netteté dans tous les
sens , et qui conduit à des molécules intégrantes j d'une
forme cubique, ou à bien peu de chose près. Tom. IV,
p. 349. Il résulte de là : <x qu'en comparant cette subs-
yj tance avec la chaux sulfatée ordinaire, avant que leur
» composition chimique fût connue , on aurait pu pro-
35 noncer d'avance qu'elles devaient constituer deux espèces
» différentes ».
L'analyse chimique qui reçoit ici l'aveu de Hauy, prouve
qu'il n'y a de différence entre ces deux substances que
par l'eau de cristallisation , dont la chaux sulfatée anhydre
se trouve dépourvue 5 et cependant l'eau de cristallisation
n'exerce qu'une action très-faible relativement à l'action
réciproque de l'acide sulfurique et de la chaux, de sorte
qu'elle cède facilement à l'action du calorique, et aban-
donne les deux autres principes. On ne peut trouver dans
cette èau, à moins qu'on ne veuille négliger entièrement la
considération des propriétés chimiques, une différence qui
autorise à mettre entre ces deux substances une distance plus
grande qu'entre le carbonate de chaux et la chaux carbonatée
ferrifère , et égale à celle qu'on établit entre la chaux
carbonatée et la chaux sulfatée.
Une observation de Lowitz fait voir combien est grande
l'influence de l'eau sur les accidents de la cristallisation ,
quoiqu'elle n'exerce qu'une action chimicjue très-faible ,
(i) Journal des Mines , n°. <S5.
DES LIMITES DE LA COM E IN ATSOîf. /^^^
et que par conséquent elle contribue très-peu aux pro-
priétés caractéristiques d'une substance.
En exposant une solution de muriate de soude à un
grand froid , Lowitz a obtenu des cristaux qui présentaient
une forme hexagonale, qui avaient deux pouces de dia-
mètre et une ligne d'épaisseur , qui se résolvaient en
liquide à une température de quelques degrés au-dessous
du zéro , et qui tombaient en poudre très-fine et très-
blanchc , à une température très-froide (i).
J'ai parié ( iVb/e /), des différences de cristallisatioTi
que Davy a observées dans le nitrate d'ammoniaque , selon
la température qu'il employait.
Hauy se croyant obligé de restreindre l'indication de
l'espèce par la forme de la molécule intégrante y quoiqu'il
la regarde comme le type de l'espèce , parce qu'il y a
de ces formes qui sont communes à des substances de
différente nature j lorsqu'elles ont un caractère particulier
de régularité, tom. I , p. iSg. fait intervenir la chimie
et se détermine à définir l'espèce en minéi'alogie , une
collection de corps dont les molécules intégrantes
sont semblables et composées des mânes éléments unis
en même proportion ; mais on voit assez par les pas-
sages que j'ai cités, qu'il s'est fréquemment soustrait à
ce principe , quoiqu'il ne ftk point question de substances
douées d'un caractère particulier de régularité, et en effet
comment aurait-il pu s'y astreindre , puisque l'analyse chi-
mique et la forme des molécules intégrantes donnent si
souvent des indications opposées ? Il fallait donc choisir
entre l'analyse et la forme des molécules intégrantes.
Quoique l'analyse soit le seul moyen propre à faire
reconnaître la composition des minéraux , comme Hauy
lui-même l'a établi; je le répète, on ne parvient pas ce-
(i) Ann. de Chimie, tom, XXII, p. 37.
44^ STATIQUE CHIMIQtrt:*
pendant par son moyen à les distinguer en espèces cor.ô»
tantes et uniformes dans leur composition , parce que cetlo
composition peut varier , quoique les propriétés que Von
doit regarder comme caractéristiques n'autorisent pas à les
séparer , et l'on ne peut se borner à elle seule pour leur
classification, parce qu'elle la resserrerait dans des liniiies
trop étroites , et qu'elle n'est point d'ailleurs assez avancée
pour suffire aux demandes de la minéralogie 5 mais l'incertitude
que laisse l'analyse est beaucoup plus restreinte que celle
qu'entraîne avec elle la forme des molécules intégrantes , s'il
iallait nécessairement choisir entre l'une et l'autre exclusive-
ment, indépendamment des contradictions que présentent les
deux résultats. D'où vient donc celte incertitude qui paraît
attachée aux méthodes miuéralogiques? tient-elle à l'imper-
fection de la science ou à la nature des objets dont elle s'occupe?
sans doute la minéralogie ne peut pas devancer lés progrès
de l'analyse; mais il me paraît que l'espèce minéralogique ,
telle qu'elle a été conçue par Hauy et par Dolomieu, ne
peut se réaliser cjiue dans un si petit nombre de subs-
tances , qu'il est impossible d'établir sur un pareil fonde-
ment la distinction des minéraux 5 et que c'est parce qu'où
s'en est fait une définition imaginaire cju'on est conduit à
des principes exagérés et que l'observation dément. De Lamé-
therie me paraît avoir fait des réflexions très-justes sur l'insuf-
fisance de la forme , pour i-econnaître les espèces , sur les
propriétés qui doivent servira les distinguer, et sur les
gradations qui conduisent des unes aux autres.
Son idée dominante a conduit Hauy à établir des variétés
dans les substances minérales , selon les accidents qu'il
a observés dans les formes secondaires de la cristallisation ,
quelque puisse être leur caractère chimique ; ainsi il décrit:
et nomme quarante -sept variétés de chaux carbonatée :
/a primitive f l'equiaxe , l'inverse^ la viétastatiqne ^ la.
contrastante , la mixte , la basée,, l'inimitable, la bir~
T)TS LIMITES "DE LA COMSIxV AïSOJY. 4 "î?
hcmhoïdale ^ etc. Tom. II , p. loa. A cotô de ces variétés
se trouve la chaux carbonatée ferrifère , (|iii se divise en
primitive^ éqiiiaxe ^ inverse^ contrastante^ hasée ^ dihc-
^raëdre. Cette cliaux carbonatée ferriière , ne contient
quelquefois qu'un tiers de son poids de carbonate calcaire,
lo reste est oxide de 1er avec plus ou moins d'oxide de
manganèse. Voilà donc un minéral que l'analyse prouve
contenir une quantité considérable et même dominante
d'une substance très-active par ses propriétés , d'un métal
qu'on a grand intérêt à reconnaître pour son utilité dans
les arts , et dont la nature ne se trouve pas plus fortemeiit
désignée dans la méthode , que la plus petite variété de
cristallisation secondaire.
L'abus de la méthode se montre encore d'une manière
plus frappante dans des substances qui ayant une com-
position simple et constante , et qui pouvant être reconnues
par un essai chimique très-facile ^ et presque toujours in-
dispensable , éprouvent cependant quelques variations dans
leur cristallisation. Je prendrai pour exemple le sulfate
de Diagnésie j ou magnésie sulfatée; quoique ce sel ait
une composition invariable, il se trouve cependant divisé
€n bis alterne , pyramide , triunitaire , tri-hexasdre ,
éqidv aient ^ plagiëdre , et combien ne pourrait-on pas mul-
tiplier cette division et ces dénominations, si l'on s'amusait
à varier la cristallisation de ce sel par tous les moyens
qui ont de l'influence sur elle .'
Pendant que l'on décrit ces nuances de formes qui sont
très-intéressantes, lorsque l'on a pour but de vérifier les
lois de la cristallisation, mais qui sont inutiles pour Jj.
connaissance de l'objet, on exclut du système minéralo-
gique des minéraux amorphes qui sont plus constants dans
leur composition et dans leurs propriétés que certains cris-
taux réguliers. Daubuisson cite à celte occasion teKlin^strin
de W'erner^ «qui a été trouvé dans l'Amérique, l'oriii.i.it
44S STATIQUE CHIMIQUE.
»> des masses de anoatagnes, des sommilés semblables â
» celles que l'on voit en Boliême ^ en Silésle , en Ecosse^
35 dans le Vêlai , etc. C'était par-tout la même pierre y
» par-tout placée de la même manière , par-tout affectant
3> une forme semblable, et présentant les mêmes carac-
» tèresj ainsi cela suffit, il doit avoir un nom particulier
y» qui le distingue des autres pierres Les cristaux ,
yy a-t-on dit , sont les fleurs des minéraux ; mais les vastes
» forêts doivent être compi'ises pour quelque chose ».
Je m'arrête aux observations précédentes, parce qu'elles
me paraissent suffire pour prouver que les caractères tirés
de la forme des substances ne sont point des indices assez
sûrs et assez constants pour diriger seuls dans la connaissance
de la nature des minéraux, et dans leur classification.
Le choix de ces caractères a obligé de £iire un grand
nombre de divisions inutiles , et d'introdiiire des déno-
minations nouvelles qui n'ont aucun rapport avec les pro-
priétés intimes , non-seulement pour les variétés , mais
même pour les espèces telles que la mésotype ^ l'harmo-'
tome f la grammatUe.
Ainsi la minéralogie , au contraire des autres sciences
qui dans leurs progrès perfectionnent et simplifient leurs
méthodes , se hérisserait de difficultés qui n'éclairent point
sur les propriétés des minéraux. Qu'a-t-on appris sur la
propriété des carbonates de chaux quand on a fait la pé-
nible étude des formes géométriques , de quarante-sept
variétés connues des cristaux de cette substance? et malgré
ce travail on devra se croire bien peu avancé , puisque
le nombre des cristaux possibles est beaucoup plus grnnd,
et que l'observation en fera connaître successivement de
nouveaux; en effet, ces recherches si laborieuses n'ont
encore conduit qu'à une indication intéressante pour la
minéralogie , celle de l'identité de composition dans
i'émeraude et le béril , qui a été constatée par Vaù*
JDES LIilITES DE LA COàlBIiX AISO^^ 449
(jueliu , et qui se trouve liée à la découverte d'une terre
nouvelle.
Cette méthode a encore l'inconvénient de ne pouvoir
s'appliquer immédiatement qu'aux substances qui ont une
cristallisation régulière , et pour les autres , si elles ne
iorœent pas continuité avec les premières, il ne reste pour
les déterminer que des caractères moins sûrs , selon Hauy y
tom. I , p. i5çf j que celui qui se tire de la structure, il
faut avouer que la chimie serait resserrée dans des limites
bien étroites, si elle ne devait se confier qu'aux rapports
de structure pour se décider sur la nature des substances
qu'elle examine^ et cependant le but de la chimie et de la
minéralogie est le même sous ce rapport.
NOTE XV.
Etablir des règles simples pour que les chimistes
puissent suivre une direction uniforme dans le choix des
dénominations par lesquelles ils doivent désigner les résul-
tats de leurs recherches, indiquer par ces dénominations,
les substances qui ont une analogie de composition , dé-
signer les éléments sur lesquels l'esprit doit fixer son
attention dans les différentes combinaisons que leur fait
eubir leur action mutuelle , énoncer avec clarté et sans
périphrases traînantes , les produits d'opérations compli-
quées; tels sont les avantages que les auteurs qui ont pro-
posé la nomenclature chimique ont eus en me , et l'usage
«;ui s'en est introduit parait les avoir irrévocablement con-
firmés , soit dans l'enseignement , soit dans les ouvrages
qui présentaient un si grand nombre d'objets l'.ouvcaux à
uraver dans la mémoire , et à saumettre ù la discussion j
45o STATIQUE CHIMIQUE.
mais leur premier essai dut avoir des imperfections , et
ils étaient loin de se le déguiser.
C^est sur-tout par la composition des mots cjui désignent
cles combinaisons , et par les terminaisons qui indiquent
leurs analogies, que Ton devait remplir l'objet que l'on
s'était proposé , et c'est la partie de la nomenclature sur
laquelle il est important que les chimistes adoptent des
conventions uniformes.
Ptelativement aux dénominations des substances simples ,
ou d'une composition indéterminée, les mots insignifiants
par eux-mêmes me paraissent non-seulement ne devoir pas
■être repoussés , mais ils me semblent les plus propres à
ï'emplir leur objet , pourvu qu'ils se prêtent aux combi-
naisons de la nomenclature.
Ce sont des noms propres qu'il faut apprendre à appliquer
par la connaissance de l'objet : ils se lient à cette con-
naissance , qui est indispensable , et la rappellent : il
ne s'est élevé aucune difficulté sur les mots chaux , fer ,
anagnésie; ce n'est que lorsqu'un de ces mots, appliqué
à une substance déterminée , est ensuite employé pour
exprimer le mode d'une autre substance dont il donnerait
une fausse idée , qu'il devient une dénomination vicieuse ;
ainsi le mot chaux , appliqué à l'oxide de fer, pouvait^
tromper sur les propi-iétés de la substance , et formait une
discordance dans le langage.
Il a donc fallu changer quelques noms qui étaient
fondés sur des propriétés erronées , et en choisir pour
indiquer des substances peu connues jusque-là : on a «herehê
dans les propriétés de ces substances celles qui ont paru le
plus propres à les désigner pour en tirer les nouvelles déno-
minations ; mais ce sont les mots formés ainsi, qui, quoi"
qu'en petit nombre , ont produit le plus de discussions ,
et ont fait naître le plus d'opposition : ce sont eux qui
ont été l'objet de ces fades plaisiîuteries, dont la nomen-
EiïS LI3IITES DE LA COM BÏN AÎSOIS'. 4j!
t;Iature méthodique fut accueillie à sa naissance, dans le
Journal de Physique : où l'on trouve réiym.)lo"ie mal
établie, l'on veut substituer une autre propriété à cetie
qui a été choisie. Lorsque l'on consent à ne pas réfornier
le mot, on prétend soutenir sa signification dans les mots
composés auxquels on doit l'appliquer , et toutes les vues
se divisent : si l'on trouve que l'étymologie soit érabiie
sur une propriété inexacte, même dans une hinpiie étran-
gère , on la repousse ; ainsi , parce que tangstein sigiiifie
en allemand une pierre pesante, on propose de substit.ier
le nom de Schéelin à celui de Tunstein , qui est reçu
depuis long-temps pour exprimer une substance particulière.
Chenevix , qui vient de publier un ouvrage très-philo-
sophique sur les principes de la nomenclature, et dont je
m'empresse de profiter , cherche cependant , à moii avis ,
avec trop de soin , à conserver dans les combinaisons de
Ja nomenclature la précision de l'étymologie , quoiqu'il pré-
fère les dénominations qui n'en ont point.
Il me paraît que pour Pintérét commun des chimistes
il convient de se conduire pour les dénominations qui
sont tirées d'une propriété connue , comme pour celles
qui ne le sont pas ; que si l'on a recours à l'éiymoh)aie
pour engager à adopter une dénomination nouvelle
qu'une découverte rend indispensable , il faut l'oublier
entièrement, dès qu'elle est adoptée, et ne plus en faire
j)oiir les combinaisons des mots , qu'un usa^e pour ainsi
dire mécanique : le chimiste qui établit l'expression doit
porter beaucoup plus son attention sur l'euphonie et sur les
convenances de nomenclature que sur l'indication d'une
propriété.
Ne voit-on pas en effet des expressions dont l'appli-
cation étymologique est devenue fausse , continuer de rem-
plir leur emploi avec le même avantage. L'eudiomètre ne
^t) Rcmarks npon chemical nomenclature, iSjj.
ag..
4^2 STATIQUE CniMlC)llÉi
donne-t-il pris une idée de l'instrument ou du procédé
par lequel on détermine la proportion de l'oxigène qui
&e trouve dans l'air atmosphérique ou dans un autre gaz ,
quoique l'on soit bien convaincu qu'il n'indique pas la
salubrité qui a servi à dénommer cet instrument? La dé-
signation de brun, de blanc ou de noir^ s'appUque-t-elie
avec quelqu'obscurité aux descendants de ceux qu'une
qualité a fait désigner par ces noms?
Je pourrais peut-être justifier les auteurs qui ont pro-
posé la nomenclature, de s'être écartés pour l'acide ni-
trique , de la règle qu'ils avaient suivie dans les déno-
minations de l'acide sulfurique et de l'acide phosphorique ,
par la différence' même des propriétés que l'acide nitrique
présente dans les différents états de combinaison ; mais ,
quoi qu'il en soit du moment où la nomenclature a été
proposée , je crois devoir retenir la dénomination de l'azote
indépendamment des motifs qui Pont fait choisir , parce
que c'est la plus généralement adoptée , et parce qu'elle
«e classe bien dans les combinaisons de la nomenclature.
Si l'on voulait substituer à l'azote le mot iiitrogène ,
j)roposé par Chaptal , parce qu'appliqué à l'acide nitrique
il aurait de l'analogie avec ceux par lesquels on a désigné
les substances que l'on a considérées comme productrices
de l'eau et des acides , quelqu'un ne pourrait-il pas re-
présenter qu'il est plutôt le radical de l'ammoniaque que
de l'acide nitiique , ou troviver mauvais qu'on abandonnât
sans radical l'ammoniaque , alcali puissant^ ou qu'elle fût'
regardée comme composée de nitrogène ou d'hydrogène , de
deux substances génératrices qui annoncent des composés'
qui en sont à une si grande distance ?
Je ne fais entrer dans les combinaisons des mots que
des abréviations mécaniques 5 ainsi par hydro , je désigne
l'hydrogène; par oxi, l'oxigène: d'après cette explication ,
Chcnevix verra que par le mot h)drogène oxi-carburé ,,
T)i:s LIMITES PE LA C O If E I \ .V I 5 O ?>• . 4'^^
je nVii prétendu déoiguer qu'une substance composée J'hy-
ivogène , d'oxigène et de carbone, et que Je n'ai point
voulu y porter l'indication de l'acidité : lorsque j'ai pro-
posé de désigner par hydro-sulfure la combinaison de
l'hydrogène sulfuré avec une base , j'ai perdu de vue le
sens propre du mot hydro , et je n'y ai \u qu'un dimi-
îiutif d'hydrogène : je me suis conduit de même dans
la désignation des autres états de comtinaison du soufre
et de l'hydrogène : je conviens que cas dénominations ont
l'inconvénient de n'être pas assez distinctes ; mais il est
difficile de l'éviter, paice que les combinaisons ne sont
elles-mêmes distinguées que par de faibles caractères; ce-
pendant ces désignations épargnent des périphrases qui ne
seraient pas elles-mêmes exemptes d'obscurité , et elles in-
diquent des états de combinaison qu'il est essentiel de
distinguer.
J'adopte d'ailleurs les observations de Chenevix sur la
construction de quelques mots composés, dans laquelle on
s'est éloigné des principes qu'on avait établis pour indiquer
l'analogie des combinaisons : j'appelle avec lui hydrogène-
carbure la combinaison de l'hydrogène et du carbone, oui
est analogue à l'hydrogène sulfuré, et j'avais déjà fait une
réforme pareille dans la dénomination de l'hydrogène phos-
phuré (i).
Il fait des observations qui me paraissent très-justes sur
l'état d'une substance végétale qui devient acide , et qui
ne peut être considérée comme le radical de cet acide ,
de même que le phosphore et le soufre dans les acides
qu'ils forment. Ils devraient donc avoir tous uae termi-
naison uniforme. Celle en l'qiic étant la plus générale ,
devrait être adopîée pour tous, sur-tout depuis qu'il est
prouvé que l'acide acétique ne doit pas être distingué de
(i) Ano. de Chia). touj -VXV.
4^4 STATIQtlE CHIMIQUE.
l'acide acéteiix; aussi je ne retiens dans ce traifé que cette
dénomination ; cependant je ne fais pas difficulté de con-
server celle de l'acide tartareux , parce qu'elle s'applique
plus coiivenablenient en français à ses composés , et qu'elle
est recne généralement.
En général , je mets moins d'importance à la stricte
observa lion des principes de la nomenclature qui ne sont
réellement que des cojiveutions dans lesquelles on peut
faire entrer plusieurs considérations 5 l'essentiel , à mou
avis , est de composer les mots de manière qu'ils ne lais-
sent aucujie équivoque sur les parties qui entrent dans la
comjtosiiitin d'une combinaison, et sur le rapport de ses
propriétés caractéristiques avec celles des autres subs-
tances.
Lorsqu'un genre de combinaison n'est point soumis à
des proportions qui en limitent les propriétés , la nomen-
clature a nécessairement le vague qui se trouve dans la
composition , ou dans la connaissance que l'on a pu eu
acquérir 5 aii;si dans les oxides , on ne peut déi.igner avec
quelque précision que les deux extrêmes : on pourrait
adopter , pour le plus fliible degré d'oxidation , le mot
oxidulc employé par lîauy; mais on est obligé d'indiquer
les états intermédiaires par la couleur ou par quelqu'aulre
accident.
C'est un danger commun à la nomenclature et à la
science dont elle est un instrument , que de poser des
barrières im.'iginaires dans la composition et dans la dési-
gnation des substances. Voyez Bruguatelli , qui sur des,
distinctions souvent idéales, vient vous proposer le thei-
moxigène , qu'il distingue confusément de l'oxigène , les
oxides, les tliermoxides , les oxiques , le plilogogène , etc.
Il prétend que ces innovations ont commencé à ^'établir
sur les rives de ia Tamise 5 mais Cheiievix , qui s'e^t
çi'iêté à en coij;baîtrQ cjuelques-unes , nous apprend, mèiu^
DES LIMITES DE LA CO MCI N A I S Oîî. /;55
ani nom des cliimistes ses compatriotes , que Erugnatelli
a été mal informé sur ses progrès; cette cacoplxonie dans
les mots et dans les idées ne devait pas être accueillie
par les savants ctimistes , qui aujourd'hui honorent en si
grand nombre l'Angleterre.
Je dois justifier, par quelques exemples, le jugement
que je porté sur la nomenclature de Erugnatelli. On connaît
le procédé par lequel on réduit le phosphore en acide
phosphorique par l'action de l'acide nitrique, et l'expli-
cation simple que l'on en donne : Voici comment Eru-
gnatelli présente cette opération qu'il a compliquée de l'ad-
dition de l'alcool.
ce Bnignatelli , dit-on dans une note communiquée par
» lui (if, a trouvé un moyen facile et prompt de retirer
» l'oxiphosphorique très-pur , et concentré par îa décom-
» position à froid du thermoxigène de l'oxiseptonique.
« Connaissant que l'oxiseptonique , lorsqu'il vient en
„ contact avec l'alcool , se décompose en pî^rtie à l'ins-
» tant , et change la proportion du thermoxigène relati-
» vement aux autres parties composantes de cet oxique ;
» il a saisi ce moment pour présenter à l'oxiseptonique
« le phosphore. Ce combustible oxigénable décompose alors
„ le thermoxigène de l'oxiseptonique , et se change en
« oxiphosphorique. Qu'on plonge, par exemple, un demi-
» gros de phosphore dans environ deux gros d'alcool,
„ contenu dans un verre ; qu'on verse ensuite une demi-
» once d'oxiseptoneux concentré , etc. ».
BruTuatelli donne le nom à'ammoniure aux combinai-
sons d^es oxides avec l'ammoniaque , et cette terminaison
en ure ne doit , selon les conventions rerues , comme le
remarque fort bien Chenevix, être appliquée qu'aux com-
binaisons des substances combustibles; or l'on ne connaît
(i) Journ. de Van Mous.
4^0 STATIQUE CHI7.ÎIQUE.
point âa combinaison des métaux , mais des oxides qui
ne sont plus combustibles , avec l'ammoniaque.
Ce n'est pas seulement dans cette fausse dénomination
que consiste l'erreur de Brugnatelli dans la description
quil a donnée des ammoniures de mercure et de zinc (i)-
mms il a supposé celui du mercure dans une circonstance
ou il n'existe pas , et il a décrit comme nouveau celui
de zinc que Lassône a fait connaître depuis long-temps.
Voaci comment il prépare son prétendu ammoniure de
mercure.
« Pour obtenir cet ammoniure , on fait dissoudre du
^ mercure dans l'oxique sulfurique, et on évapore jusqu'à
- concrétion : il reste un mélange de sulfate neutre , de
- sulfate acidulé et de mercure : on sépare le dernier à
- Iclide de V^u froide; on allonge la solution saturée
« avec la moitié de son poids d'eau , et on précipite avec
- 1 ammoniaque liquide ; il se forme un précipité blanc
« d oxKle de mercure très-abondant «. C'est ce précipité
quil dissout par l'ammoniaque pour faire l'ammoniure
d ammoniaque; mais Fourcroy a prouvé depuis lono-
temps (2) que le précipité blanc ou gris que l'on ob-
tient nest pas de i'oxide de mercure, mais une com-
binaison très-variable de cet oxide , arec une certaine
proportion d'acide sulftirique et d'ammoniaque; et qu'en
ajoutant de l'ammoniaque on n'obtient pas un nmmoniure
mais une combinaison qui ne diffère de la précédente quo
par une plus grande proportion d'ammoniaque.
Kl) Journ. de CLim. p..r Vaa Mous. Vendem. aa lo,
.(2) Mém. de l'Acad. 1790. Aun. de Cliim. tom. X.
DES LIMITES DE LA COHIE IN AI SON. 4^7
NOTE XVI.
L E comte de Rumford a publié plusieurs mémoires par
lesquels il a prétendu prouver que les liquides et les fluides
élastiques ne sont point conducteurs de chaleur , et qu'ils
ne transmettent le calorique qu'au moyen du contact
avec les corps solides qu'ils doivent au mouvement de
leurs parties : comme cette propriété mettrait entre les
états d'une substance , une différence beaucoup plus
grande que l'on n'a besoin de la supposer pour l'explication
des autres phénomènes 5 comme d'ailleurs les expériences
de ce célèbre philosophe ont fixé l'attention sur un objet
qui avait été négligé et qu'il eu a tiré des applications
Jieureuses pour les arts et les usages de la vie , je crois
devoir proposer quelques doutes sur les principes qu'il a
déduits de ses observations. J'examinerai d'abord si les faits
sur lesquels il s'appuie ne peuvent recevoir une explication
jiaturelle des propriétés que j'ai analysées jusqu'ici , ou
s'ils obligent à avoir recours à des propriétés particulières^
mais je m'arrêterai aux considérations qui peuvent servir
à éclairer cette discussion sans entrer dans les détails
qu'elle exigerait , si je prétendais l'approfondir.
Les expériences que l'auteur a faites sur la communi-
cation de la chaleur ont été exécutées avec un appareil
dont il convient de rappeler la description : « Il employait
33 une jarre cylindrique de verre de 4,j pouces de dia-
33 mètre, et de i3,8 pouces de haut; il mettait au fond
53 de cette jarre une quantité connue d'eau ( environ a
33 livres), qui était destinée à former au fond de ce vase
33 un gâteau de glace. On mettait à cet effet la jarre avec
» cette eau dans un mélange frigorifique de sel et de
*> glace , dont l'action ne tardait pas à convertir l'eau en
33 un disque solide , adhérent au fond et aux parois de la
S3 jarre 5 ou enlevait ensuite ce vase pour le plonger jus-
4^8 STATIQUE CHIMIQUE.
33 qu'au niveau du gâteau intérieur dans un mélange d'ean
35 et de glace , qui lui donnait la température de la glace
» fondante ou de zéro du thermomètre commun. Alors
» après avoir couvert la surface du gâteau avec un disque-
■» de papier , on versait de l'eau cKaude aussi doucement
3> qu'on pouvoit , et à la quantité d'environ 74 onces y
yt> cette eau s'élevait d'environ 8 pouces au-dessus de la
iî surface du gâteau.
y> On enlevait ensuite très-doucement le papier , et après
33 avoir laissé l'eau en contact avec la glace pendant ini
53 certain nombre de minutes ^ on la versait et on pesait
33 immédiatement la jarre avec la glace qu'elle contenait
33 encore ; la différence d'avec le poids primitif établissait
33 la quantité de glace qui avait été fondue pendant que
33 l'eau chaude avait séjourné au-dessus (1) y>.
Ayant observé que le mouvement imprimé en versant
l'eau chaude produisait d'abord un effet considérable et
étranger à la communication de la chaleur , l'auteur ima-
gina successivement plusieurs moyens pour le diminuer :
« Il fit arriver l'eau chaude le long d'un tube de bois ,
33 fermé au bas et percé latéralement de plusieurs petits
33 trous par lesquels l'eau jaillissait sur un disque de bois
33 percé lui-même comme un crible ^ et surnageant à l'eau
33 à mesure qu'elle s'élevait dans le vase. On enlevait ce
■7) disque dès que l'eau était versée, et on couvrait le vase
■» d'un couvercle de bois au centre duquel un thermo-
ss mètre était suspendu; enfin en mettant préalablement
» sur la glace une couche d'eau froide d'environ un demi
33 pouce d'épaisseur , sur laquelle nageait le disque dé
DO bois, en façon de crible , qui lui-même recevait l'eau
33 chaude ; l'auteur parvint à diminuer encore beaucoup
» l'irrégularité des résultats 3».
(1) Bihliot. Britan,
DES LIMITES DK LA CÔHIBU^T Al SO]N'. 4^9
Outre ces précautions , l'auteur a séparé de ses résultats
la quantité de glace qui se liquéfiait dans le premier mo-
ment , et qui surpassait celle qui se fondait dans les es-
paces de temps qui succédaient : dans ces différentes ex-
périences , pendant que la partie du cylindre qui contenait
la glace , était tenue à la température constante de la
glace fondante , la partie supérieure a été laissée en contact
avec l'air environnant , ou couverte d'une enveloppe peu
conductrice, ou plongée aussi dans le mélange d eau et
de glace : l'eau versée sur la glace a reçu différentes tem-»
j'ératures. Je fais trois divisions des résultats de toutes les
expériences 5 i°. l'eau qui n'avait qu'environ quatre degrés
au-dessus de zéro , a fondu un peu plus de glace dans
les mêmes espaces de temps que l'eau bouillante ; 2**. lors-
que la partie supérieure du cylindre a été enveloppée d'une
stibstance peu conductrice, l'eau chaude a fondu plus de
glace que lorsqu'elle était en contact avec l'air 5 3*^. lors-
que la partie supérieure du cylindre a été plongée dans
le mélange d'eau et de glace , il s'est liquéfié plus de glace
que lorsqu'elle était laissée en contact avec une atmos-
phère de 61 degrés du thermomètre de Fahrenheit.
Pour rendre raison de ces observations , il faut appliquer
aux phénomènes observés par Rumford , les propriétés que
nous avons reconnues dans les substances liquides et dans
les fluides élastiques, et desquelles nous avons conclu les
changements qui s'opèrent dans leurs différents états de com-
binaison.
Nous avons vu, 1°. que les parties liquides entraient
d'autant plus promptement en combinaison , qu'elles se
trouvaient dans une plus grande distance de saturation ,
parce qu'alors la force qui sollicite la saturation est plus
grande : de sorte que les effets qui dépendent de la com-
munication de température doivent être très-faibles, lors-
qu'il n'y a que de petites diifércnces.
4^0 STATlfJ, (JE CHIItriQUE.
2°. La locomotion qui sert à rapprocher les molécules
qui se trouvent à un plus grand intervalle de saturation,
accélère l'effet de l'action réciproque par lequel son éqiii-
libre s'établit; de sorte qu'il faut séparer l'effet qui eu
dépend , de celui qui est dû à la communication immédiate.
3". L'eau et quelques autres substances acquièrent une
légèreté spécifique plus grande en approchant du terme de
la congélation , d'où il résulte que la locomotion produite
par les variations de température dans les autres circons-
tances, doit éprouver des modifications qu'il faut apprécier,
lorsque l'eau et les liquides qui peuvent avoir cette pro-
priété commune avec elle , approchent du terme de la con-
gélation.
Pour faire une application de ces propriétés , il faut
encore prendre en considération la direction que l'on donne
à l'émanation de la chaleur ; car la combinaison des effets
sera différente , si elle parvient par la partie inférieure
d^un liquide, ou par la partie supérieure.
Pour qu'il puisse s'établir un mouvement facile entic
les parties qui sont au fond d'un vase , et celles qui sont
à la surface , il faut qu'il y ait peu de différence entre
leur température j alors les parties qui sont voisines de
la glace, et qui prennent de l'expansion, s'élèvent au-dessus
de celles qui ont une température précisément supérieure ;
mais si la température introduit une grande différence
entre les pesanteurs spécifiques , ce mouvement doit être
beaucoup j)lus borné; de sorte que la glace reste environnée
d'une eau qui est à sa température , ou qui en est peu
élo-gnée; on voit donc que la partie de l'effet qui dépend
du mouvement doit être beaucoup moindre , lorsqu'il y
a une grande distance dans la température ; mais lorsque
cette distance existe , le résultat qui appartient à la com-
munication de la chaleur , indépendamment du mouvement ,
doit varier selon la manière dont la température est con-
DES LIMITES DE LA C O T.I B I Tf A I SO:^'. liGt
•ervée dans le linuirle : s'il a une enveloppe non con-
Juctrice , la chaleur étant conservée , il s'en communique
ime quantité plus grande que si elle passe dans les corps
environnants ; mais si la température du liquide n'a pas
une différence assez considérable , comme dans l'expé-
rience^ où l'eau a été employée à 16 degrés 5 il est plus
avantageux d'augmenter l'effet dû à la translation des par-
ties, en refroidissant tout le cylindre , que de conser\-er
celui qui est dû à la communication simple du calorique.
Il me semble que cette explication découle très-naturel-
lement des propriétés connues , et que les observations
de Rumford ne conduisent point à de nouvelles inductions.
Il faut remarquer qu'en séparant l'effet qui avait lieu
dans les premiers instants dans lesquels une différence
considérable de température pouvait occasionner une coai-
muRÎcation prompte , il n'a plus observé que celui qui
était produit lorsqu'il n'y avait plus que de très-petites
différences entre les coucbes successives du liquide, et la
glace elle-même : or, lorsqu'il n'y a qu'une petite dif-
férence de saturation , soit entre les combinaisons chimi-
ques, soit entre les températures , l'équilibre ne s'établit que
très-lentement , et les effets deviennent difficiles à apprécier.
Les expériences que Rumford a faites en plongeant un
petit cylindre de fer échauffé au degré de l'ébullition de
Tcau , dans l'eau et le mercure, qui recouvraient un ma-
melon de glace sans y produire de liquéfaction , confirment
seulement que lorsque deux corps diffèrent peu par leur
température, l'équilibre s'établit difficilement, car il faut
observer que le fer qui a une faible chaleur spécifique
et qui est bon conducteur , a dû, dat^s la partie du liquide
qu'il a traversée lentement , perdre promptement la plu?
grande partie de sa chaleur , et cependant n'élever oue
très-peu celle du liquide , même du mercure, vu la nu>Sjfe
«le celui-ci.
4^2 STATIQUE CHIMIQUE.
Mais je trouve dans les expériences même àe RumforJ
des preuves de Lî propriété qu'il refuse aux liquides.
1°. Dans toutes les expériences que j'ai indiquées , excepté
dans celles faites avec le cylindr«> de fer écliauffé , la
liquéfaction de la glace a eu lieu à un degré assez con-
sidérable , et chaque partie liquéfiée suppose une quantité
de chaleur qui aurait pu élever un poids égal d'eau du
terme de la congélation à y 5 degrés du thermomètre!
centigrade,
2°. Il a fait congeler de l'eau à la surface du mercure,
refroidi par un mélange frigorifique : donc la température
du mercure s'est communiquée à l'eau , et celle-ci a cédé
du calorique au mercure pour remplacer celui qu'il perdait.
Si la communication de la chaleur n'était que l'effet du
mouvement des parties d'un liquide , le mercure d'un thermo-
mètre ne xlevrait presque plus changer de température, dès
qu'il est parvenu au degré de la congélation de l'eau : en effet ^
dans plusieurs de ses expériences [Essai y) , Runiford sup-
pose qu'à ce degr« le mercure n'a plus communiqué de chaleur :
or, un thermomètre prend très-prompteraent la température
des corps voisins , et l'indique à plusieurs degrés au-dessous
du terme de la congélation de l'eau , et jusqu'à sa propre
congélation} alors il se conduit comme les corps solides^
et ses dilatations deviennent proportionnellement plus petites
que les précédentes.
Rumford a prouvé que le pouvoir conducteur du mer-
cure était à celui de l'eau, comme looo à 3i3.
Cet effet du mercure qui prend beaucoup plus prompte-
ment que l'eau la température du système oii il se trouve
placé , quoiqu'il aU une jiesanteur spécifique beaucoup plus
grande, qu'il soit beaucoup moins dilatable par les mêmes
degrés de chaleur, et que par conséquent la chaleur doive
causer beaucoup moins de locomotion dans seo parties que
dans celles de l'eau ; cet effet, dis-je , confirme que les
DES LIMITES DE LA COM El X AlSOIf . 4<J-*
Changements de température dépendent non-seulement de
la communication immédiate et des changements de pesan-
teur spécifique qui produisent le rapprochement des parties
d'une température inégale , mais aussi de la propriété plus
ou moins conductrice de chaque substance.
3°. Rumford ne fait aucune attention au calorique rayon-
nant , ni aucune exception pour lui 5 cependant la commu-
nication de la chaleur qui s'établit par son moyen , entre
les corps solides et les liquides à travers les gaz , ne peut
être douteuse , et l'on peut remarquer que lorsqu'il a
approché un boulet échauffé, de la glace et du suif, il s'est
fait une communication de chaleur qui a fondu la surface
de. l'une et de l'autre , sans qu'on puisse attribuer cette
communication à une circulation telle qu'il l'a prétendue
nécessaire.
Les expériences ingénieuses de Rumford ont exercé la
sagacité de quelques physiciens qui ont déjà prouvé que les
principes auxquels elles le conduisaient n'étaient pas con-
formes aux véritables résultats de l'observation.
Nicholson a fait , avec le concours de Pictet , des ex-
périences par lesquelles il s'est assuré qu'en échauffant
un liquide à sa surface , par la superposition d'un corps ,
la chaleur pénétrait et fesait hausser le thermomètre
plongé au fond de ce liquide : pour éviter la communi-
cation par les parois du vase , on a choisi une subs-
tance très-peu conductrice , et l'on a constaté par le moyen
d'un thermomètre placé dans le même liquide près des
parois du vase , qu'il ne s'était point établi de couranis
qui fussent différents par la température : enfin la marche
des bulles qui se dégageaient , et les autres apparences
du liquide ont convaincu qu'il ne s'était pas formé de
courants.
On a confirmé dans ces expériences que les liquides
différaient par leur faculté conductrice : La pénétration d«
4^4 StAÎIQUE CHIMIQUE.
la chaleur du haut en bas a été cinq fois plus lente, dans
i'iiuile que dans le mercure (i).
Ruraford a supposé que les plus légers changements de
pesanteur spécifique étaient accompagnés d'une locomotion,
qui produisait un courant qu'il a cherché à rendre visible y
en exposant à un changement de température une liqueur
alcaline dans laquelle étaient suspendus des fragments très-
subtils d'ambre qui se trouvaient avoir la même pesanteur
spécifique que le liquide ; mais Tomson a lait voir (2)
combien étaient illusoires les mouvements que l'on observait
dans ces molécules , et qui paraissent n'être dûs , dans
les variations de température qui ne sont pas brusques y
qu'à la différence de pesanteur spécifique qu'ils acquièrent
eux-mêmes , et à l'adhérence de vésicules aériennes 5 de
sorte que quelques-unes de ces molécules marchent en sens
contraires , et viennent se heurter sans suivre des direc-
tions de courants : il a même fait voir que ces corpuscules
flottants pouvaient recevoir différents mouvements , pendant
que les couches du liquide conservaient une tranquillité
parfaite : il a mis dans un vase de verre une eau colorée
en bleu par le suc du choux rouge , puis il a instilé avec
beaucoup de précaution , et par le moyen d'un tube à
extrémité capillaire , de l'eau claire ; il est parvenu par ce
moyen à avoir les deux liquides séparés sans confusion j
alors il a échauffé lentement le vase par la partie infé-
rieure : il est clair que s'il se fût établi un courant , il
aurait été marqué par le liquide coloré ; mais la séparation
des deux liquides s'est maintenue dans son intégrité j bien
plus y des corpuscules placés dans le premier liquide , s'é-
levaient, s'abaissaient et traversaient la ligne de séparation
sans produire lo mélange des deux liquides j de sorte qua
(i) Blbl. Britan. tom. XVIII.
{2) Journ, of WicLolson , febr. 1802.
DKS LIMITrS DE LA COIvI B Un AISOIn'. 4^5
leurs mouvements variés n'étaient point l'effet d'un courant
qui les entraînât ; cependant la chaleur se communiquait
à tout le li(|uide. La propagation de la chaleur et l'a-
gitation des corpuscules qui ont à-peu-près la même
pesanteur spécifique , peuvent donc avoir lieu indépen-
damment du mouvement circulatoire ^ qui ne s'établit que
lorsqu'il y a une différence de température d'une certaine
intensité entre les différentes couciies d'un liquide.
Murrai a opposé à l'opinion de Rumford des expériences
encore plus directes et non moins concluantes (i ; il a
placé la boule d'un thermomètre dans un cylindre de glace
qu'il a rempli alternativement d'huile et de mercure 5 puis
il a approché un corps échauffé de la surface du liquide;
le thermomètre est monté dans l'une et l'autre épreuve de
plusieurs degrés 5 cependant la chaleur ne pouvait par-
venir par les parois de la glace dont la surface devait
l'absorber en se liquéfiant ; il ne s'établissait pas de
courant, car les molécules du liquide , devenues plus
légères , ne pouvaient prendre une direction contraire , et
l'auteur avait évité d'employer l'eau qui se contracte
en passant du degré de la congélation à une température
un peu plus élevée : il faut donc qne la chaleur se soit
communiquée à la boule du thermomètre , sans que le
courant , que l'on suppose nécessaire , se soit établi , et
celle qui a servi à le dilater , n'était que l'excès de celle
qui avait liquéfié une partie de la glace.
Les observations de Murrai confirment en même temps
que le mercure est un conducteur de chaleur plus
efficace que l'huile 5 car l'élévation du thermomètre s'est
manifestée par son intermède dans un temps beaucoup plus
court , et elle a liquéfié plus de glace.
Il me semble que les expériences de Nicholson , de
Thomson et de Murrai ne laissent aucun doute sur la
(1) Ann. (le CLiin. , floréal aa 10.
i. 3o
4^^ s T A. T I Q U E Cîil M I O U E.
communication de la chaleur entre les molécules des li-
quides 5 les unes font voir que les mouvements des cor-
puscules solides qui s'agitent dans un liquide, peuvenfi
souvent en imposer sur les courants que l'on croit npper-
cevoir j mais il ne faudrait pas pour cela nier l'existence de
ces courants , lorsqu'il s'établit une différence assez prompte
entre les pesanteurs sjjéclfiques et lorsque la clialeur se
communique par la partie inférieure d'un liquide 5 les-
autres prouvent que la communication de la chaleur peut
se faire à travers un liquide dans lequel on ne peut sup-
poser un courant qui serve i\ la transporter immédiatement k
•un corps solide , et elles confirment que les liquides jouissent
d'une faculté conductrice qui diffère par son intensité ^
mais il ne faudrait pas en conclure que la locomotion.
des parties des liquides ne concourt pas à établir un prompt
équilibre de température ; il y a même apparence que te
dernier effet est ordinairement le plus grand.
Les considérations qui ont précédé , et dans lesquelles
j'ai fait une application de la faculté de communiquer la
chaleur commune à tous les corps, de la différence con-
ductrice et de la distribution plus prompte de la clialeui*
au moyen de la différence de pesanteur spécifique qu'elle
introduit entre les parties d'un fluide, me paraissent rendre
raison de tous les phénomènes que la sagacité de Pi.umror(i
a fait connaître.
Ces considérations me conduisent à une opinion LieiÊ
différente de la sienne : on sait avec quelle rapidité les
thermoscopes ou thermomètres à air, indiquent les varia-
tions de température : Pictet n'a pu observer une seconde
de différence entre l'élévation d'un thermomètre de cett&
espèce , et l'émanation de cîJorique rayonnant d'un corps,
placé à distance : on a observé que les aérostats éprouvaient
une soudaine dilatation par l'apparilion du soleil (1) ; ce»
^t) Descrip. de Taréostat de TAcad. de Dijon,
Î>î:5 LirJITES HE LA COMBINAISON. ^G']
pliénoiiiùues me paraissent indiquer que les fluides élas-
tiques, bien loin d'être de mauvais conducteurs, reçoivent
au contraire très-prompîement la température des autres
corps ; car peut-on supposer que ce n'est qu'au contact
de l'enA^eloppe de l'aérostat que toutes les parties du gaz
viennent prendre la température qu'elles acquièrent , et
comment conçoit-on que les parties inférieures qui sont
contiguës à la portion de l'enveloppe qui ne reçoit pas
l'émanation solaire, seraient portées vers celle qui lui est
exposée? et comme à chaque contact ces molécules ne
recevraient qu'une partie de la température à laquelle elles
parviennent , quel prodigieux tourbillonnement ne laudralt-
il pas supposer dans le gaz î
Il me paraît doac que les fluides élastiques, loin d'être
de mauvais conducteurs , possèdent cette propriété à un
haut degré , quoiqu'ils diffèrent probablement entre eux à
cetégard; et si l'air qui est contenu produit des effets qui pa-
raissent prouver le contraire, ils sont dûs à quelque cir-
constance qui modifie cette propriété.
Il me paraît probable que cette circonstance est l'état
<îe compression dans lequel un gaz se trouve lorsqu'il ne peut
prendre la dilatation qui convient à la température q\i'il
reçoit : nous aA'ons vu que le calorique , en se combinant avec
les gaz , n'élevait la température que parce que la dilatation
trouvait un obstacle (107) : il doit résulter de là, que plus l'air
se trouve éloigné de l'état de dilatation qu'il devrait avoir pour
être en équilibre de température, plus il doit opposer de résis-
tance à la combinaison du calorique , et plus par consé-
quent il doit perdre de sa faculté conductrice 5 de sorte
que l'air qui prendrait facilement la température des
corps voisins, s'il pouvait recevoir les dimensions conve-
nables sous une pression donnée , deviendrait de plus en
plus mauvais conducteur, à mesure qu'il parviendrait à une
température plus éloignée des dimensions qu'il devrait avoir.
3o..
468 STATIQUE CHIMIQUE.
L'air éprouve alors un effet que l'on peut comparer à celui
d'un corps qui résiste par la force de cohésion à l'action d'un
liquide, pendant que celui-ci peut eu opérer la dissolution,
dès que cette résistance vient à diminuer.
Cette explication pourrait s'appliquer à la propriété con-
servatrice de la chaleur que Rumford a prouvé appartenir
à l'air qui adhère à des parties telles qu'à celles de l'édredon 5
cet air n'adhère qtie par une véritable affinité qui réduit
probablement ses dimensions , ou qui s'oppose du moins
à sa dilatation 5 et si l'eau peut l'en chasser, ce n'est
que parce qu'elle vient se combiner avec ces substances ,
ou adhérer à leur surface par son affinité ; de sorte que
l'air doit épi'ouver alors par l'action de l'affinité des corps
auxquels il est adhérent , le même effet que produit
sur son effort élastique un espace où il est contenu ,
et dans lequel il reçoit une température plus élevée ,
sans pouvoir se dilater.
Ainsi les fluides élastiques, qui se dilatent beaucoup pins
par un même changement de température c|ue les liquides
et que les solides, auraient la faculté correspondante d'entrer
plus faciiemeut en combinaison avec le calorique : ils ré-
sistent peu à leur compression, ils s'échauffent par la ré-
duction de leur volume , et ils se refroidissent lorsqu'on les
dilate : ces effets n'annoncent-lls pas une grande disposition à
se combiner avec le caloricjue ou à l'abandonner , et à m
recevoir différents degrés de saturation? et cependant , selon
l'opinion de Rumford, il y aurait vine barrière insurmontable
entre les températui-es les plus éloignées des différentes
parties d'un gaz lorsque ces parties ne viendraient pas à ren-
contrer tin corps solide.
Il serait possible que les substances liquides fussent elles-
mêmes beaucoup plus propres à conduire la chaleur que
lorsqu'elles sont dans l'état solide : les propriétés de l'af-
finité réciproque qui produit la cohésion, paraissent l'iu-
DES LIMITES DE LA. COMBI?f AI SON". 4^9
(îiquer 5 car par celamême que cette affinité s'oppose à la dila-
tation , elle doit apporter un obstacle à la combinaison du
calorique : cette résistance à son introduction est même
prouvée par la prompte accumulation qui s'en fait , dès
que la force de coliésion est détruite 5 de sorte qu'elle
est opposée à la combinaison du calorique , comme ii
celle des autres substances : en effet , l'eau paraît prendre
plus facilement la température commune , indépendamment
de la locomotion de ses parties, que la glace qui est très-mau-
vais conducteur , et c'est peut-être par cette différence que la
glace , ainsi que tous les solides qui passent à l'état liquide ,
«e liquéfie à sa surface plutôt que de prendre une tempé-
rature commune.
Je ne j)résente ces dernières explications que comme
des conjectures qui peuvent inviter à tenter de5 expériences
sur un objet qui n'est pas indifférent à la théorie chi-
mique.
SECTION VI.
DE L'ACTION DE L'ATMOSPHÈRE.
CHAPITRE PREMIER.
De la constitution de l' atmospJièj^e .
234. 1_j'atmosphère intervient dans un grand
nombre de phénomènes chimiques par Faction
dissolvante qu'elle exerce sur les liquides et sur
les fluides élastiques, par l'obstacle qu'elle op-
pose à leurs dispositions naturelles , ou par la
combinaison de Tun de ses éléments.
Il faut donc la considérer sous ces rapports
pour reconnaître la part qu'elle a dans les phé-
nomènes ; mais sa constitution fait varier son
action.
La constitution de l'atmosphère est le résultat
des conditions dans lesquelles elle se trouve ,
c'est à-dire de la compression qu'elle éprouve ,
de sa température et de son humidité. J'ai déjà
examiné les effets comparatifs de la compression
et de la température sur les gaz en général ( 1 00) ^
DE l'action de l'atmosphère, 4? Ï
mais il faut en faire une application plus par-
ticulière , relativement à l'action de l'atmosphère
et aux dispositions des liquides qu'elle tend à
prendre en dissolution.
L'expérience a appris que le volume de l'air
diminue en raison inverse du poids qui le com-
prime : tous les gaz permanents suivent la même
loi , mais relativement à la vapeur élastique de
l'eau qui y est tenue en dissolution , il faut faire
une distinction , selon la proportion qui s'y
trouve : si l'air en est saturé , la vapeur élas-
tique ne peut éprouver une diminution dans
l'espace qu'elle occupait , sans qu'une partie
proportionnelle à la diminution ne reprenne
l'état liquide (167); mais si Ton augmente l'es-
pace , elle se dilate comme les autres gaz , et
alors l'hygromètre marche au sec ; lorsque l'air
se trouve éloigné de l'état de saturation , il s'ap-
proche de la saturation à mesure qu'il est com-
primé , et l'hygromètre marche à l'humidité ;
mais lorsqu'il est parvenu au terme de la satu-
ration, il ne peut plus être contracté, sans qu'une
partie de la vapeur aqueuse ne se sépare en'
eau; tout ce qui reste en dissolution conserve
le même degré de tension : ainsi la compression
réduit le volume des vapeurs élastiques comme
celui des gaz permanents , jusqu'au terme de
la saturation ; alors elle réduit la quantité.
235. Kous avons vu (108) quelle loi suivait la
H']^ STATIQUE CHIMIQUE.
dilatation des gaz par la chaleur ; mais l'ëlë-
vation de température produit sur la vaj^eur
élastique, ou plutôt sur le liquide qui tend à
former cette vapeur des effets qui méritent une
considération particulière.
1°. Elle dilate la vapeur élastique comme un
gaz , et elle augmente sa tension ; de sorte que
cette vapeur fait équilibre avec une colonne de
mercure , qui est à celle qui produisait la pre-
mière tension , dans le même rapport que les
tensions: la vapeur d'eau qui , à quinze degrés ,
pouvait élever le mercure de six lignes , Télevera
à-peu-près de neuf à une température de 80 de-
grés , ou devra être comprimée de cette colonne
pour conserver son premier volume.
1°. Elle augmente la quantité qui doit occuper
un espace déterminé, ou qui se dissout dans
tm volume d'air ; de sorte que s'il n'y a pas
assez d'eau pour satisfaire à cette condition, Fair
qu'on échauffe s'éloigne par là du degré de
saturation , et fait marcher l'hygromètre au sec.
Mais s'il se trouve de l'eau pour produire la
saturation , la tension s'accroit dans une beau-
coup plus grande proportion que dans la sup-
position précédente ; de sorte qu'un effet beau-
coup plus considérable s'ajoute au premier.
Les quantités d'eau qui se dissolvent dans
un volume d'air , par des élévations de tem-
pérature , suivent donc un rapport beaucoup
DE l'action de l'atmosphère. ^73
plus considérable que les dilatations : à 1 5 degrés
du thermomètre le pied cube d'air saturé d'eau
en contient , selon Fobservation de Saussure ,
à-peu-près ii gr. ; et à 6,78, il n'en peut
contenir que 5 gr.
On voit par là pourquoi l'air , qui est refroidi
par la dilatation , dépose de l'eau lorsqu'on le
dilate ; le froid produit par la dilatation a un
effet beaucoup plus grand sur la quantité d'eau
qui peut être tenue en dissolution que l'augmen-
tation de l'espace qu'il occupe ; ce qui explique
comment il peut se faire que l'air comprimé
par le poids d une colonne de 200 pieds d'eau ,
dans une machine employée dans les mines de
Hongrie (i), dépose de la neige et de petits gla-
rons , lorsqu'on lui permet , par l'ouverture d'un
robinet , de reprendre l'état qu'il doit avoir à
une compression ordinaire.
2 36. Puisque l'effort de l'élasticité est le
même lorsque l'eau élève , par sa tension , une
colonne de mercure dans le vide , ou lorsqu'elle
a déjà pris l'état élastique (i 65) , on peut conclure
de l'effet qu'elle produit dans une circonstance ,
celui que l'on en obtiendrait dans l'autre , et
juger , par la tension d'un liquide , de la force
élastique de la vapeur à différentes tempéra-
tures.
(1) Trans. pliilos. vol. LU.
h'j^ S'TATIQUE CHIMinUF.
BetariGouit a fait des expériences très-inlë-
ressantes sur cet objet (i) ; mais quoiqu'elles
aient un degré d'exactitude suffisant pour le
Lut qu'il s'était proposé , elles n'en ont pas assez,
sur-tout dans les degrés inférieurs , pour recon-
naître la loi que suit cette dilatation ; ainsi il n'a
point obtenu d'effet pour les quatre premiers
degrés du thermomètre , et pour lo degrés il
n'a que o,i5 p. , pendant que l'observation de
Van Marum donne o,4o.
Volta a distingué dans ses recherches, comme
je l'ai fait d'après lui , l'effet qui est dû à l'ac-
croissement de tension par l'élévation de tem-
pérature , lequel suit la loi commune à tous
les gaz , et celui que produit la formation d'une
nouvelle vapeur qui prend elle-même la tension
que donne la température ; de sorte qu'il s'est
rendu compte par là des deux causes qui pro-
duisent l'accroissement de l'action élastique d'un
liiC[iiide ou de la vapeur qu'il forme par la cha-
leur : il a vu que tous les liquides suivaient
dans ces effets la même loi , non - seulement
lorsqu'ils étaient parvenus au terme de l'ébul-
lition , mais à des termes également distants
de l'ébullition : il a observé que l'effort élastique
doublait à-peu-près de 1 3 degrés en 1 3 degrés du
(i) Es=:ai expérimental et analyfique, etc. Prony, Jour.
PûlyteclinK|ue , cahier î.
DE l'action de l'atmosphère. 47 ^
thermomètre de Rëaumur. Je ne présente sans
doute ces résultats , que j'ai recueillis de sa con-
versation , que d'une manière incomplète , et il
se proposait d'y porter une plus grande pré-
cision.
■iZ']. Dalton vient de publier un mémoire im-
portant sur le même objet : Je vais en présenter
le précis , tel qu'il se trouve dans la Biblio-
thèque Britannique (i). J'y appliquerai les prin-
cipes que j'ai tâché détablir, et je discuterai
riiypothèse physique dont il fait usage pour
expliquer ses résultats.
« L'auteur prend un tube de baromètre par-
faitement sec, il le remplit de mercure préa-
lablement bouilli , et il marque l'endroit du
tube où le mercure reste suspendu , formant
le baromètre de Torricelli. Il gradue ce tube
en pouces et dixièmes , par des traits de lime ;
il l'humecte ensuite , après en avoir sorti le
mercure, avec de l'eau ou tel liquide dont il
veut éprouver la vapeur; il le remplit de nou-
veau de mercure en excluant bien i air , et lors-
que le tube a été redressé quelque temps ,
le liquide dont il a été humecté en dedans
se ramasse peu-à-pcu au haut de la colonne
de .mercure où il forme une petite couche.
» Pour donner à la vapeur qui se forme alors
(i) Bibl. Bnt. tcm. XX et XXF.
A']G STATIQUE CHIMIQUE.
dans le vide de TorricelU , telle température qu'il
désire lui procurer , Tauteur introduit à demeure
et au travers d'un bouchon ce tube barométrique
dans un (ube de verre de deux pouces de dia-
mètre et de r4 pouces de long. Le baromètre
est maintenu dans l'axe de ce tube par deux
bouchons qu'il traverse , et dont le supérieur
a une seconde ouverture par laquelle on remplit
le gros tube , d'eau plus ou moins chaude ,
jusques à la température de i55. ( 54 | R-)
» Pour les températures plus élevées , l'auteur
emploie un baromètre à syphon dont il ren-
ferme la longue branche dans un tube de fer-
blanc , qui peut supporter l'eau bouillante ; et il
juge de la descente du mercure dans la partie in-
visible du tube , par son ascension dans la branche
inférieure. Cette méthode suppose que le tube
est bien d'égal diamètre dans toute sa longueur.
» On peut encore déterminer , par là pompe
pneumatique , munie d'une éprouvette à baro-
mètre , la force de la vapeur aqueuse à diverses
températures au-dessous de l'eau bouillante. On
met sous le récipient une fiole à moitié pleine
d'eau chaude , dans la(j[uelle on plonge un ther-
momètre ; on fait le vide lentement , et au mo-
ment où l'eau commence à bouillir par la di-
minution de la pression de l'air , on marque le
degré du thermomètre et celui de l'éprouvette.
La hauteur du mercure dans celle-ci est la me-
DE l'action de l'atmosphère. 477
sure précise de la force de la vapeur : cette
méthode est applicable à d'autres liquides.
)) En employant ces divers jjrocédës , et par
des expériences répete'es , dont il a comparé soi-
gneusement les résultats , l'auteur a dressé une
table des forces expansives de la vapeur aqueuse ,
de degré en degré du thermomètre de Fah-
renheit entre la glace et l'eau bouillante ; et
l'examen des résultats lui ayant fait découvrir
une loi assez régulière dans leur marche, qui
se rapproche beaucoup d'une progression géo-
métrique , dont la raison décroîtrait lentement ,
il s'en est prévalu pour étendre sa table , d'une
part jusques à la congélation du mercure , de
l'autre jusques à SaS» F. (i3o 5 R.) (Les rédac-
teurs donnent cette table ).
» On sait qu'il existe des liquides plus éva-
porables que l'eau , tels que l'ammoniaque ,
Téther, l'alcool, etc. Il y en a d'autres qui le
sont moins , tels que le mercure , l'acide sul-
f urique , le muriate de chaux , la solution de
potasse , etc. ; et il paraît , dit l'auteur , que
la force de la vapeur de chacun de ces liquides
dans le vide est proportionnelle à son t-vapo-
rabilité. M. de Betancourt établit que la force
de la vapeur de l'eau et celle de l'esprit-de-vln
sont en rapport constant ; savoir à-peu-près ,
comme trois à sept. Les premières expériences
de l'auteur le rapprochèrent de ce résultat; niais
47^ STATIQUE CHIMIQUE.
il a dû s'en écarter ensuite; et d'après un travail
fait sur six liquides différents , il est arrivé à
cette conclusion générale , savoir : « qu'en par-
» tant d'une certaine vapeur d'une force donnée ,
)) la variation de cette force par les changements
y> de température , est la même dans tous les
» liquides ». Ainsi prenant pour terme com-
mun la force qui soutient 3o pouces anglais de
mercure , c'est-à-dire , celle de tout liquide en
éhullition à l'air ouvert , on trouve que la
vapeur aqueuse perd la moitié de sa force par
une diminution de 3o° F. dans sa température ;
il en est de même de tout autre liquide ; sa
vapeur perd la moitié de sa force par un refroi-
dissement de 3o° au-dessous de son terme par-
ticulier d'ébullition ; et cette même force double
pour la vapeur de tout liquide , comme pour
celle de l'eau, par un accroissement de l\o^ F.
au-dessus de la température de FébuUition du
liquide dont il est cpiestion.
» L'auteur commence par l'éther sulfurique ,
la série d'expériences qui l'amena aux conclu
sions que nous venons d'énoncer ; ce liquide
entrait en ébuUition à 102^ F. (3i ^ 11. ) Il en in-
troduisit une petite quantité dans le vide d'un
baromètre, et trouva que sa vapeur, à la tem-
pérature de 62° F. , ( i3 Y R.) soutenait 12,73
pouces de mercure. C'est la force de la vapeur
aqueuse à 172°; or, ces deux températures sont
DE l'aCTIO]^ PE l' ATMOSPni: P, 1». ZjyQ
respectivement distantes de l[0° F. des termes,
de Fëbuliition de Tëther et de l'eau, savoir lost
et 2 12. L'auteur vérifia ce même rapport danj
d'autres parties de rëchelle au-dessous du terme
de l'ébullition ; il a vérifié aussi dans les tem-
pératures au-dessus de ce même terme , aii
moyen d'un tube à sypbon , dans la courte
branche duquel il introduisit quelques gouttes
d'étlier , dont la vapeur soulevait une colonne
de mercure plus ou moins considérable dans
la longue branche, à raison de la température
qu'il donnait à Féther, en plongeant la branche
courte dans l'eau chaude. Il trouva que la vapeur
de l'éther à i47° avait une force équivalente à
64,75 pouces de mercure. C'est aussi la force
de la vapeur de l'eau à 257° , terme éloigné
de 45*^ de celui de l'ébullition de l'eau , tout
comme le précédent est éloigné aussi de 4 5° du
terme de l'ébullition de l'éther.
» Par une disposition ingénieuse de l'appareil ,
l'auteur a pu soumettre la vapeur de l'éther à
la temjjérature de l'eau bouillante : sa force
égalait alors 137,67 pouces de mercure. Cette
température (212°) est de iio** au-dessus de
l'éther bouillant. Or , l'eau à 322° , c'est-à-dire ,
à 110° au-dessus de son terme débullilion , sou-»
lève i37,'28 pouces de mercure; donc la loi en
question se maintient dans toutes les temps*
ratures éprouvées.
48o STATIQUE CHIMIQUE.
» Dans les exjjëriences sur la vapeur de l'esprit-
de-vin , l'auteur trouva que la force de cette
vapeur surpassait un peu celle de la vapeur
aqueuse à même distance du terme d'ébullition.
11 attribue la différence à la difficulté de main-
tenir l'alcool au même degré de rectification
pendant l'expérience. La différence , au demeu-
rant , n'excède guère a p. ^ , quantité qui est
dans les limites des erreurs inévitables dans ce
genre d'expériences. La même difficulté qu'il
avait éprouvée dans les expériences avec l'esprit-
de-vin , se présenta avec plus d inconvénient
encore dans cell<?s avec l'ammoniaque.
» Le muriate de chaux, qui entrait en ébul-
lition à 23o° , c'est-à-dire , à une température
plus élevée de i8° que celle à laquelle l'eau bout ,
introduit dans le vide de Torricelli et chauffé
successivement à 55 , 65 , 70 et qS" F, , produisit
dans la colonne mercurielle des dépressions qui
s'accordaient fort bien avec celles produites par
la vapeur aqueuse, à même distance du point
d'ébullition de l'eau pure ».
Les résultats que je viens de présenter , et
qui font connaître la marche régulière de tous
les liquides et de tous les fluides élastiques dans
la progression de l'élasticité qu'elles reçoivent
du calorique , font voir que l'action récipro-
que de leurs molécules ou ne produit au-
cun effet ou devient uniforme depuis le terme
t>É l'action de l'atmosphère. 48i
J^uquel on voit cesser rinfluence de la force de co*
hësion ; elle n'est plus modifiée que par l'action
du calorique , qui en se combinant au même
degré de saturation doit produire des effets qui
sont semblables lorsqu'ils sont dégages de ceux
des causes qui agissent en sens contraire,
2 38. Dalton a examiné une autre suite de
phénomènes ; il a déterminé les dilatations que
l'air éprouve , lorsqu'il se trouve en contact avec
un liquide , selon la tension élastique de ce
liquide : « Il a employé, dans cette suite d'ex-
périences , des manomètres composés de tubes
droits et cylindriques , scellés hermétiquement
à l'une de leurs extrémités, et de ^ de pouce
de diamètre intérieur. Ils étaient divisés en
parties égales ; on introduisait au fond une
goutte ou deux du liquide à soumettre a l'ex-
périence , et après avoir bien desséché le tube
en dedans , on y laissait entrer l'air commun ,
ou tel autre gaz , et on l'enfermait par une co-
lonne de mercure , longue depuis -^ de pouce
jusqu'à 3o pouces , selon les circonstances. On
plongeait ensuite l'extrémité fermée du mano-
mètre dans de l'eau d'une température donnée ,
et on observait , par le mouvement du mercure ,
l'expansion du fluide élastique à raison de cette
température.
» On avait préalablement déterminé la dilata-
bilité de l'air sec ; et ici l'auteur nous annonce
I. 3i
48iA STATIQL'E CHIMIQUE.
en passant , que d'après des expériences dont il
sera question dans un essai suivant , l'expan-
sibilité de tous les fluides élastiques est la même ,
ou à-peu-j^rès , dans les mêmes circonstances.
Mille parties de l'un quelconque de ces fluides
occupent un volume de iSyo à i38o parties par
180° F. (80° R.) de chaleur , et cette dilatation
se fait selon une marche à-peu-près uniforme.
« Voici la formule simple de la dilatation
combinée, dans le cas du mélange de la vapeur
au gaz , telle qu'elle résulte de toutes les expé-
riences qu'il a faites entre les températures de
la glace et de l'eau bouillante.
» Soit i l'espace occupé par un gaz sec dans
une température donnée ; p , la pression qu'il
éprouve , exprimée en pouces de mercure ; fj
]a force élastique de la vapeur du liquide , dans
cette même température et dans le vide : au
moment du mélange , une dilatation a lieu , et
l'espace occupé par les deux fluides devient
bientôt = -^
» Ainsi , dans le cas de la vapeur aqueuse mêlée
à l'air , par exemple , on a p = 3o pouces ;
jf = 1 5 pouces , à la température donnée ,
j 80° F. ) alors —-7 = ■ -= 2 : c est- a - dire
J p—j 5o— 15 '
que le volume a doublé.
)>Si la temj3erature est ^oT F., f = iS est
sextuplé.
î
î)r l'action de l' ATLÎGSPHiRE. 48^
» Si p = 60 pouces , / — 3o pouces , à la
température de ieau bouillante , alors l'es-
pace = ^_Yo = 2 ; c est-à-dire , que l'eau sous
la pression de Go pouces de mercure , et à la
temj^ërature de Teau bouillante, produit une
vapeur qui double précisément le volume de l'air.
» Si on emploie de rëther; soit sa tempéra-
ture = 70° F. ( 17° R.) on aura / = i5 : si
l'on suppose p = 3o , on aura dans ce cas le
volume de l'air doublé ».
239. Dalton examine les différentes suppo-
sitions que l'on peut faire sur les raj^ports de
deux gaz qui occupent ensemble un esjjace ;
on présente ainsi celle qu'il adopte.
« Les particules de l'un des deux fluides peu-
vent n'exercer ni attraction, ni répulsion sur
celles de l'autre; c'est-à-dire qu'elles seront sou-
mises , dans cette supposition , aux loix des
corps élastiques.
» Dans ce cas , si l'on mêle ces deux fluides ,
ils se distribueront de manière que leurs forces
réunies égaleront la pression de l'atmosphère.
Chacun des deux ne sera pour l'autre qu'un
obstacle qui occupera l'espace laissé vide entre
les molécules homogènes; la pj-ession exercée
sur une molécule donnée d'un fluide mixte ainsi
composé , proviendra exclusivement de l'action
répulsive des molécules homogènes.
3]..
4^4 STATIQUE CHIMIQUE.
» L'auteur trouve que. cette hypothèse résout
toutes les difficultés , dans le cas des mélanges
des gaz sans combinaison. Ainsi tous les com-
posants de Tatmosphère, les gaz oxigène, azote,
hydrogène , acide carbonique, la vapeur aqueuse ,
etc. , s'arrangent ensemble , sous une pression
et une température données ; et par une dis-
position paradoxale , mais vraie , chacun d'eux
occupe tout l'espace destiné à l'ensemble de
ces fluides. Ils sont si rares, au demeurant,
que l'espace qui les renferme tous ne diffère
pas beaucoup du vide.
» Indépendamment des gaz azote et oxigène ,
les deux composants principaux de l'air atmos-
phérique , l'auteur regarde la vapeur aqueuse
et l'acide carbonique comme deux autres in-
grédients constamment mélangés dans ce fluide.
Il assigne à ces quatre substances les propor-
tions suivantes.
» Le gaz azote soutiendrait à lui seul a 1,2
pouces anglais de mercure dans le baromètre.
» Le gaz oxigène en soutiendrait environ 7,3 ;
l'un et l'autre de ces gaz ne changent d'état par
aucun refroidissement connu.
» La vapeur aqueuse varie en quantité , à
raison de la température ».
Q.l[0. Ainsi deux fluides élastiques , de nature
différente, n'exercent pas plus d'action réciproque
que si l'un était le vide par rapport à l'autre ;
DE l'aCTIOTI de L ATMOSPHÈRE. 4^^
on rei^arde celui qui occupe le premier espace
comme un obstacle que l'on ne fait connaître
que par une comparaison inexacte dont je par-
lerai , mais qui n'agit point sur la force ex-
pansive du gaz, et qui n'exerce point d'action
chimique , et on n'assigne à cet obstacle qu'une
existence momentanée.
Deluc , auquel on doit tant de recherches labo-
rieuses et importantes sur cet objet, n'avait
d'abord attribue tous les phénomènes de l'ëva-
poration qu'à l'action du feu ; il admit ensuite
une force qu'il compara à celle des tubes capil-
laires , laquelle introduisait les molécules d'un
fluide élastique (i) entre celles d'un autre, jus-
qu'à ce qu'il y eût équilibre entre l'action et
h. réaction, ce qui est au fond une manière
de désigner l'affinité ; mais ni lui , ni les phy-
siciens qui ont suivi son opinion , n'avaient
imaginé qu'un gaz dut être considéré à l'égard
d'un autre , comme privé d'action mécanique ou
comme le vide. Il faut donc opposer de nouvelles
observations à une opinion à laquelle des résultats
bien saisis et très-intéressants doivent donner dei
l'importance.
Je remarquerai d'abord que dans l'hypothèse
que j'ai choisie , c'est-à-dire , en admettant que
la vapeur élastique prend, par l'action d'un gaz,
(i) Trans. philos. 1793.
486 STATIQUE CHIMIQUE.
les propriétés d'un gaz permanent , les phéno-
mènes qui viennent d être exposés sexpliqtient-
d'une manière naturelle : je prends pour exemple
le cas où la tension élastique d'un liquide étant
i5, et la pression 3o , le liquide est contenu
dans un espace avec un volume d'air , en pro-
duisant les effets manométriques (i66), et où
le g-az composé passerait ensuite à l'état qu'il
aurait dans l'atmosphère sous une pression de
3o , et toujoTirs en contact avec le liquide ; dans
le manomètre , l'air éprouve une pression de
45 degrés , son volume doit donc diminuer dans
le rapport de 45 à 3o , mais il doit se dilater
dans le même rapport , lorsqu'il passe à une
pression de 3o : la vapeur élastique doit éprouver
une dilatation semblable, et acquérir une lé-
gèreté spécifique correspondante ; mais le volume
étant augmenté parla dilatation de l'air , il doit
se former une nouvelle vapeur correspondante
à l'augmentation de l'espace : ces trois causes
réunies doivent donner précisément pour résultat
un volume double de celui que l'air avait; en
effet, si l'on introduit dans un espace de l'air
sec à 3o de tension , de manière qu'il puisse se
dilater, et si l'on y place un liquide qui a i5 de
tension, il suit, du principe établi sur l'observa-
tion, qu'une vapeur élastique qui se forme est en
même quantité dans un espace qui est vide ou qui
est rempli par l'air ; que la vapeur occupera la
DE l'A.CTIO^' 11E l' ATMOSPHT- RE. 4^7
moitié de l'espace où l'air était contenu; il faudra
donc qu'une moitié de celui-ci en sorte , mais elle
exigera un nouvel espace , égal à celui de la pre-
mière moitié, et qui se trouvera dans la même cir-
constance; il devra donc se former une quantité de
vapeur égale à la première , et le volume sera
doublé conformément à la formulé de Dalton.
Cependant , comme on le verra bientôt , il
n'est pas indifférent de préférer une hypothèse
physique qui s'accorde avec les propriétés des-
quelles dérivent les phénomènes , à une autre
qui ne peut qu'en représenter les résultats :
je dois donc discuter la supposition sur laquelle
Dalton établit ses ex])lications.
1°. Il n'est jioint de l'essence des gaz d'être
privés d'action réciproque ; le gaz nitreux et
le gaz oxigène , le gaz ammoniaque et le gaz
muriatique , le gaz mûri a tique oxigéné et le gaz
hydrogène sulfuré ou phosphuré n'entrent-ils
pas en combinaison , ou ne se décomposent-ils
pas très-facilement par leur action réciproque?
a°. Le gaz hydrogène et le gaz oxigène for-
ment de l'eau dans une circonstance donnée ; le
gaz azote et le gaz oxigène peuvent aussi ])ro-
duire l'acide nitrique; mais l'action réciproque
qui décide les combinaisons ne peut être con-
sidérée comme une force qui prend naissance
à l'époque précise où elle se manifeste , elle a
du exister long-temps avant que de produire
4i>8. STATIQUE eniMIQU E.
son effet, et s'accroUre^ peu-à-peu jusqu'à ce
qu'elle soit devenue prépondérante.
3°. Le gaz azote se conduit avec le gaz oxigène
dans les changements occasionnés par la tem-
pérature et par la pression, précisément comme
un seul et même gaz ; faut-il avoir reco-urs à une
supposition qui oblige à admettre une si grande
différence d'action que rien n'indique ?
/\^. Lorsqu'un gaz est mêlé avec un autre qui
a une grande différence de pesanteur spécifique ,
par exemple , lorsque le gaz hydrogène est super-
posé au gaz acide carbonique , ce n'est qu'après
quelques jours que le mélange devient uniforme :
si le premier n'offrait à l'acide carbonique qu'un
espace vide . celui-ci devrait s'y élancer avec
rapidité; mais , dira-t-on , le gaz hydrogène pré-
sente un obstacle qu'il faut surmonter ? si cet
obstacle est une force mécanique , il faut que
l'action élastique devienne plus puissante que
lui; mais alors l'un et l'autre gaz doivent con^
tinuer d'agir réciproquement par leur élasticité.
5°. Si un gaz n'offre à une vapeur qui se forme,
que des espaces qu'on doit regarder comme vides ,
et s il ne lui oppose qu'une résistance que l'on
compare à celle du gravier , qui laisse passer
l'eau à travers ses interstices , il ne pourra que
retarder la formation de la vapeur , comme on
l'avance ; mais le volume qu'il occupe ne doit
point changer , et cependant celui de la vapeur
DE l'aCTIOI!^^ de L 'atMO SPH ÈR E. 4^9
s'ajoute en entier au sien ; on dit qu'alors il se
diiate, parce qu'il supporte une moindre partie
de la compression. Ce partage d'une même com-
pression de l'atmosphère a-t-il quelqu'analogie
avec une propriété physique déjà connue? Peut-
on concevoir une substance élastique qui ajoute
son volume à celui d'une autre , et qui cepen-
dant n'agit point sur elle par sa force expansive ?
34t. Ce qui a porté Dalton a rejeter l'affinité
chimique entre les gaz, c'est que dans l'action
de l'affinité il y a pénétration réciproque , dé~
p;ageTnent de calorique , changement dans les
densités , et les phénomènes sont essentiellement
différents de ceux du mélange simple.
Ces effets de l'affinité ne peuvent être con-
testés , lorsqu'elle est assez énergique pour les
produire , ou lorsqu'ils ne sont pas déguisés par
des effets contraires; mais il arrive souvent que
son action est trop faible , pour causer un chan-
gement de dimension ou de température , ou
même des causes plus puissantes ne laissent
paraître qu'un effet contraire.
Le mercure qui adhère à la surface d'une
masse métallique , y exerce bien une action ,
et cependant il ne produit pas de changement
de dimensions : si la cohésion ne s'y opposait ,
il dissoudrait complètement le métal par la même
force qui le fait adliérer à sa surface.
Un sel ne se dissout dans leau qu'au moyen
40O STATIQUE CHIMIQUE.
<1 une action chimique , et bien loin cju'il y ait
diminution de volume, il y a dilatation, et au
lieu d'y avoir dégagement de calorique , il s en
fait une absorption (142).
Cette dissolution d'un sel a des rapports frap-
pants avec celle d'un liquide par l'air : à une
température donnée , il ne peut y avoir qu'une
quantité déterminée du sel qui se dissolve ; si
l'on diminue la quantité de l'eau , et par là son
volume , une portion du sel correspondante à
cette diminution se dépose , la force de cohésion
opère alors ce que la disposition à la liquidité
fait dans la dissolution d'un liquide par un gaz :
la chaleur produit encore un effet analogue dans
l'une et l'autre : la comparaison que Leroi a
faite de ces dissolutions eut été exacte s'il eût
pris en considération, comme l'a fait Saussure,
la gazéïté qu'acquiert le liquide en prenant l'état
de vapeur.
9.42. Dalton conteste cette assertion de Lavoi-
sier , que la pression atmosphérique seule main-
tient l'eau à l'état liquide , dans la température
ordinaire : « Si, dit-il, l'on anéantissait tout-
à-coup l'atmosphère aérienne , en ne laissant
subsister que sa portion aqueuse , celle-ci ne
s'augmenterait que peu , parce qu'elle existe
déjà dans l'air , à-peu-près au maximum de ce
que peut produire et entretenir la tempéra-
ture : seulement la suppression de l'obstacle
T)E l' ACTION DE l'aTMO SPH ÈRE. 49'
accélérerait l'ëvaporation , sans en augmenter
bien sensiblement la quantité absolue.
i) Cette notion que la pression empêche Tëva-
])oration des liquides , notion qui fait axiome
chez les physiciens modernes , a produit peut-
être plus d'erreur et de perplexité dans la science
qu'aucune autre opinion également mal fondée».
L'observation de Dalton ne me paraît pas
juste , et par une conséquence de son opinion ,
il me semble qu'il est conduit à une idée fausse
sur la quantité de vapeur qui se formerait par
Ja suppression de l'atmosphère , et celle qui
peut se dissoudre dans l'atmosphère.
En examinant les effets de la compression de
1 atmosphère , opposée à l'action du calorique ,
Lavoisier remarque que sans elle les molécules
s'éloigneraient indéfiniment , sans que rien li-
mitât leur écartement , si ce n'est leur propice
pesanteur qui les rassemblerait pour former une
atmosphère (i)
Il décrit ensuite les observations (;u"il a faites
avec Laplace , sur la vaporisation de l'éther et
de l'alcool dans le vide et sur la force élas-
tique de la vapeur qui croît selon la tempé-
rature , et qui réduit le liquide en fluide élas-
tique, lorsque sa tension devient plus grande
que la compression de l'atmosphère : je ne vois
(i) Traite élém. de Chim. V^ . part. p. 8.
I
, 4:)5 STATIQUE C n I M I Q r E.
dans ces idées rien qui ne soit conforme aux
phénomènes.
En effet , si l'on exécute une distillation eu
empêchant l'accès de l'air ; et en refroidissant le
récipient , on supprime par le refroidissement
la plus grande partie de la résistance de la va-
peur élastique , qui par là continue à se repro-
duire et à se condenser : on vérifie le principe
que sans la compression de l'atmosphère aérienne
ou de celle qui se forme , les liquides passe-
raient à l'état élastique.
L'observation a fait voir que la quantité de
vapeur élastique était la même dans un espace
vide ou dans le même espace occupé par l'air
saturé d humidité , au même degré de tempé-
rature : il faut conclure de là que la quantité
de vapeur élastique qui se forme dans l'atmos-
phère , est différente de celle qui serait produite
si l'atmosphère était supprimée ; dans le premier
cas , en supposant un degré de température
uniforme, la quantité d'eau contenue dans un
même espace à la partie supérieure de l'at-
mosphère , ou à la partie inférieure serait la
même , indépendamment des différences de com-
pression ; cet effet du moins aurait lieu, jus-
qu'à ce que l'action chimique de l'air fut de-
venue inférieure à l'effet du 2)oids de la vapeur
eîle-inême. La diminution de la compression
n'agirait que sur la quantité de l'air qui serait
DE l'actioiv de l' atmosphère. 49^
diminuée par là pendant que celle de la vapeur
élastique resterait la même; ainsi, à i4 pouces
de pression , un pied cube d'air n'aurait que
la moitié de l'air qu'il a à une pression de
28 pouces; mais la quantité d'eau serait la même
à la même température, et au même degré de
saturation , d'où il résulte que les variations du
baromètre qui sont dues à celles de l'humidité
de l'atmosphère , peuvent être beaucoup plus
grandes que ne l'ont cru Saussure, §. aaS, et
Deluc(i).
Dans le second cas, il ne pourrait se former
qu'une quantité de vapeur déterminée par sa
pesanteur ; ainsi , à lo degrés du thermomètre , la
quantité de vapeur répandue dans tout l'espace at-
mosphérique ne pourrait surpasser celle qui équi-
vaut à la pesanteur de o,4 pouce de mercure.
Comme la quantité d'eau qui peut être tenue
en dissolution par les gaz est la même pour
tous , et comme elle est proportionnelle à leur
volume et à leur température , l'état de d(»s-
sication et d'humidité peut produire des varia-
tions considérables dans ceux qui ont peu de
pesanteur spécifique: ainsi lorsque le gaz hydro-
gène à 10 degrés est saturé d'humidité , l'eau qu'il
tient en dissolution en forme à -peu -près Je
dixième, et à 1 6 degrés elle en fait près du sixième.
(i) Ann. (le Cliim. tom. VIII.
494 STATIQUE CHTMIQUÎ-^
2.43. C'est à lajDropriëté, que les gaz possèdent ^
de dissoudre l'eau , qu'est due l'ëvaporation ;
no volume d'air sec prend , pour se saturer ,
la même quantité d'eau qui remplirait dans le
vide l'espace occupé par l'air saturé ; il reçoit par là.
un accroissement de tension égal à celle de la
vapeur ; la seule différence qu'il y ait , c'est
que l'évaporation se ferait plus rapidement dans
le vide ; mais elle s'arrêterait lorsque la vapeur
formée aurait acquis la tension qu'elle ne peut
passer à une température déterminée ; l'air au
contraire , en se renouvelant , présente à l'eau
de nouveaux espaces à remplir ; de sorte que
l'effet total de l'évaporation est beaucoup plus
grand, et il l'est d'autant plus que l'air se trouve
plus éloigné du degré de saturation , et plus
échauffé : pendant que les circonstances ne varient
pas , on voit que les quantités de liquide qui
s'évaporent , doivent être proportionnelles à Lx
tension déterminée par la température. Dalton
a non-seulement confirmé, par des expériences
d'un grand intérêt , le rapport de la quantité
d'un liquide qui subit l'évaporalioîi à différents
degrés de température avec la tension qu'il a
à ces degrés; mais il a fait voir encore que les
liquides tels que l'eau , l'alcool et Télher , ne
différaient à cet égard entre eux que par la
distance à laquelle ils se trouvaient du degré
de eur éBuUition particulière \ de sorte qu'à
DE l'aCTTIOT^ de l' ATM OSPHÈRE. 49^
une même distance de ce terme , la quantité
de leur évaporation se trouve égale.
Lorsqu'une fois l'eau est parvenue à l'éljul-
lition , sa vapeur , pendant qu'elle conserve sa
température, ne se mêle avec l'air que comme
un gaz; mais elle reprend l'état liquide, ou par
une augmentation de compression , la tempé-
rature restant la même , ou par un refroidis-
sement , la compression étant la même.
Dalton a éprouvé que la vaporisation pro-
duite par une chaleur maintenue au niinimwn
nécessaire à l'ébullition , pouvait être augmentée
par l'agitation de l'air ; ce qui fait voir qu'alors ,
outre la vaporisation , l'air peut encore agir
par son action dissolvante , et que par consé-
quent le résultat se compose de l'évaporation
et de la vaporisation ; mais il y a apparence que
lorsque l'ébullition est forte, l'air ne peut plus
agir par son contact , et qu'alors l'effet est en-
tièrement dû à la vaporisation.
244* La distillation participe aux effets de
la vaporisation ou de l'évaporation , selon le
degré de température.
Si le liquide que l'on distille est en ébullition ,
c'est la vapeur qui se forme ; lorsque la tension
est devenue égale à la pression de ratmosphè?e ,
elle chasse l'air qui se trouve dans le récipient ,
et en se condensant par le froid , elle fait place
il la nouvelle vapeur.
49^ STATIQUï: CHIMIQCE.
Si la chaleur est inférieure à celle de Tébul-
lition , le liquide ne prend pas une tension qui
puisse contrebalancer la compression de Fat-
mosphère ; à moins donc que la distillation ne
se fasse dans un appareil vide , il ne se for-
mera de la vapeur que par l'intermède de Tair ,
et pour qu il y ait quelque distillation , il faudra
qu'il s'établisse un courant; l'air qui acquerra
une plus grande tension par l'accession de la
vapeur , se dilatera et poussera devant lui l'air
qui n'a pas reçu de vapeur ; il s'établira un
courant qui ramènera Tair qui aura été obligé
d'abandonner une partie de sa vapeur par le
refroidissement , comme nous avons vu qu'il
s'en formait un dans la dissolution des sels (228).
Fontana a publié des expéiiences curieuses ,
qui prouvent que l'expulsion de l'air ou la cir-
culation de celui qui tient des vapeurs en dis-
solution est nécessaire pour que la distillation a
puisse s'opérer (i) , même au degré de Tébul-
lition qui alors n'a pas lieu.
Il a fait communiquer deux matras par un
tube scellé hermétiquement , il a placé de l'eau
dans l'un des deux , puis il lui a fait subir long-
temps la chaleur de l'ébullition , et il ne s'est ponit j
fait de distillation : l'éther tenu pendant vingt-
quatre heures à une chaleur de 5o degrés de
(1) Jouin. de Thys. 1779.
î)ï. L^ ACTION DE L AT SI O S P H È R E. 497
Réaumur , pendant que l'autre matras était en-
vironné de glace , n'a également point subi de
distillation. La compression qui résulte du pre-
mier effet de la vapeur qui se dissout , s'oppose
à ce qu'il s'en produise de nouvelle ; mais si
l'espace était vide , la distillation aurait lieu par
la plus faible température , ainsi que le remarque
Saussure.
Fontana conclut de ses expériences , que l'ë-
vaporation n'est pas due à l'action seule du feu
sur un liquide ; car si la chose était ainsi ^ l'eau
Ijénètrerait à travers l'air ^ quoique renfermée ,
comme le feraient tous les autres corps , qu'une
impulsion quelconque pousserait contre ce der-
nier fluide.
Dalton prétend « que la présence de l'atmos-
» phère est un obstacle, non à la formation,
» mais à la diffusion de la vapeur , diffusion
3) qui aurait lieu instantanément comme dans
» le vide , si les molécules de lair ne s'y oppo-
» saient par leur inertie. Cet obstacle est écarté
» en proportion de la force absolue de la va-
» peur : il ne provient pas de la pression ou
» du poids de l'atmosphère , ainsi qu'on l'a sup-
» posé jusqu'à présent ; car si cela était, aucune
» vapeur ne pourrait se former au-dessous du
» degré de l'ébullition ; mais c'est un obstacle de
« rencontre analogue à celui qu'éprouve un cou-
» rant d'eau qui descend au travers du gravier j>.
j. 3i .
I
49^ s T A T I Q U E C H I M f Q U E. J
L'éditeur, dont Dalton a adopté en cela l'opi-
nion déjà ancienne, ajoute : « la comparaison
3) serait plus juste encore , si Ton suppose de
» l'eau qui , remontant pour atteindre son ni-
» veau , traverse une couche de gravier ; la
» pression de ce gravier est en entier supportée
y> par sa base ; et Teau qui se distribue en
» montant dans les interstices qu'elle rencontre y
» n'en éprouve aucun effet ; seulement elle est
i) gênée dans son ascension , selon qu'elle trouve
» moins ou plus de place pour se loger ».
Dans les ex]>ériences de Fontana, toute la
place est prise par le gravier ; il n'y a pas seu-
lement obstacle à la diffusion , mais à la pro-
duction de la vapeur.
Peut-on comparer l'obstacle que des molécules |
dures et inflexibles opposent au passage d'un |
liquide incompressible, à celui de molécules élas-
tiques ? Cet obstacle mutuel ne doit-il pas s'op-
poser à Teffort expansif de l'un et de l'autre : pur
là même un fluide élastique ne peut être sem-
blable au vide à l'égard d'un autre , après la dif-
fusion , et le partage entre eux d'une compres-
sion commune est une supposition gratuite.
Si un gaz se plaçait dans les interstices d'un
autre , comme dans le vide , il n'y aurait aucune
augmentation de volume , lorsque la vapeur
aqueuse ou éthérée s'unit à l'air ; mais il y en a une
€\\n est proportionnelle à la quantité de vapeur
G£ l'actio:^ de L'Axr.iosPHèRE. 499
qui s'ajoute ; l'air humide devrait être spécifique-
îiieiit plus pesant que Tair ; mais il est spécifi-
quement plus léger, ainsi que l'avait déjà remar-
qué Newton. Une table par laquelle Dalîon a pré-
tendu représenter comment différentes molé-
cules gazeuses pouvaient se loger dans un même
espace , n'est donc qu'un tableau d'imagination.
^45. Tous les liquides ont la propriété de se
dissoudre dans Tair , tous ont une tension plus
ou moins grande dans le vide ; mais les phé-
nomènes changent lorsque deux liquides exer-
cent une action mutuelle ; soit lorsqu'ils sont
l'un et l'autre dans l'état liquide , soit lorsque
l'un des deux est en vapeur élastique.
L'acide sulfurique concentré ne paraît poittt
se dissoudre dans lair humide ; mais il s'empare
de l'humidité , et il la partage selon la forcé
qu'il exerce sur la vapeur aqueuse , et selon
la force dissolvante de l'air : ces deux forces
peuvent se trouver en équilibre ; mais il est
facilement rompu par une légère différence dé
température; de sorte que l'acide qui prend
de l'eau à une température , en cède à une
autre : il paraît que ce n'est que lorsque l'air
est très-sec et l'acide très-concentré , que celui-ci
' pourrait agir par sa tension , et se dissoudre
dans l'air en raison de cette tension.
Un phénomène analogue a lieu , lorsque l'on
soumet à la distillation deiix liquides inéga-
32..
5oO STATIQUE CIIIMIQtJÊ
lement ëvaporables, par exemple , l'eau et l'acitle
sulfuriqiie; quand la proportion de Teau est
grande , elle passe d'abord seule à la distil-
lation : mais il en distille une moindre quan-
tité que si elle n'était pas retenue ; sa tension est
diminuée de l'effet de l'action que l'acide sul-
furique exerce sur elle : le degré de son ébul-
lition est éloigné , comme nous avons vu dans
les expériences de Dalton , qu'il l'était par le
muriate de chaux. Enfin on parvient à un terme
où la tension que reçoit l'acide suîfurique lui-
même par la chaleur , l'emporte sur l'action par
laquelle il tend à retenir l'eau ; alors celle-ci
lui communique de sa volatilité , et produit un
effet contraire au précédent : l'acide suîfurique
passe donc , en plus grande quantité , à une
chaleur donnée, que s'il était dépourvu d'eau.
Cet effet de l'action mutuelle de deux liquides
se remarque également lorsque l'on soumet
deux liquides différemment évaporables dans le
vide de la colonne barométrique ; un mélange
d'éther et d'alcool déprime moins cette colonn*?
que l'éther seul.
Si donc l'on soumet à la distillation un mé-
lange d'alcool et d'éther , il faut une tempéra-
ture plus élevée pour produire le même effet
sur l'éther que s'il était seul ; dès qu'il passe
à la distillation , sa vapeur permet non-seule-
ment à l'alcool de fournir sa part en raison de
DE l'action de l'atmosphère. 5oï
sa propre tension ; mnis elle avance le terme
de son ëbuUition , et la quantité d'alcool qui
passe avec lui , est plus grande que s'il n'obéissait
qu'à la tension qu'il doit avoir à la même tempé-
rature , d'où il résulte que l'on ne peut obtenir ,
par la distillation , un étlier qui soit absolument
privé d'alcool , à moins qu'on n'ajoute une subs-
tance qui puisse , par son action , retenir l'alcool.
C'est ce que l'on fait , au moyen de l'eau qui
n'a qu'une très-faible action sur l'éther , mais
qui en a une plus énergique sur l'alcool ; de
là vient que si l'on fait passer , dans le vide baro ■■
métrique, de l'éther ordinaire, c'est-à-dire, tenant
de l'alcool ou une liqueur plus soluble dans
l'eau que l'éther, sa tension augmente lorsque l'on
y introduit un] peu d'eau , de même que si l'on
ajoutait un alcali à l'acide sulfurique qui retient
de l'eau ; c'est ainsi qu'une base ùxe rétablit la pro-
priété élastique de celle qui est volatile, lorsqu'elle
partage avec elle l'action qu elle exerçait slu*
un acide (i5o).
L'on avait présenté cette action de l'eau sur
l'éther, comme un phénomène inconcdiable avec
les lois de la dilatation des vapeurs (i) ; mais ayant
engagé Gay Lussac à examiner cet objet, il l'a
facilement éclairci , et il a consigné les résultats
de ses expériences dans une note que je joins
ici. {Note Xril.)
(i) Ann. (le Çhim. tenu. XLIII.
5oa
STATIQUE CHIMIQUE.
CHAPITRE II.
Des parties élémentaires de V air atmosphérique.
L'ai
R concourt , par les combinaisons
qu'il forme , à un si grand nombre de phéno-
mènes chimiques , qu'il est important d'avoir
une idée précise des parties qui le composent ,
des Droportions dans lesquelles se trouvent ses
cléments , soit dans létat naturel, soit dans les
différents produits des opérations chimiques et
des méthodes par lesquelles on détermine ces
proportions.
Le gaz oxigène et le gaz azote qui entrent dans
la composition de l'air atmosphérique n'exercent
que cette action mutuelle qui produit l'espèce
de combinaison que j'ai distinguée particuliè-
rement dans les fluides élastiques par le mot
de dissolution , et qui ne porte aucune atteinte
aux dimensions propres à chaque espèce de gaz.
Cette action suffit pour surmonter la résis-
tance qu'oppose la pesanteur spécifique ; de
sorte qu'un fluide élastique , qui résulte de dif-
férents gaz qui se dissolvent mutuellement , a
une pesanteur spécifique uniforme et détermiîaéa
DE l'action T)E L ATM O SPH f". Tl E. 303
par la proportion de ces gaz et par la com-
pression qu'ils éprouvent à une certaine tem-
pérature ; de là vient que , même sur la cime
du Mont-Blanc , Tair atmosphérique contient
de Tacide carbonique (i) , et peut-être en même
proportion qu'au niveau de la mer; cependant
la différence de pesanteur spécifique peut limiter
les quantités qui peuvent se dissoudre; par là
s'expliquerait la plus grande proportion d'azote
que l'on admet , d'après l'observation de Saus-
sure , à la hauteur des cimes élevées des mon-
tagnes ; mais on peut encore avoir , sur l'ob-
servation de ce célèbre physicien , quelque
doute fondé sur linexactitude des moyens eudio-
métriques , qui étaient adoptés alors avec con-
fiance ; et le fils qui marche avec tant de succès
sur ses traces, m'a confirmé lui-même ce doute
par des observations postérieures qu'il a faites ;
d'ailleurs les différences indiquées étaient très-
petites , établies sur un petit nombre d'obser-
vations qui n'avaient pas même été constantes ,
et l'on en trouvait de pareilles entre l'air de
Genève et celui des plaines du Piémont ; or ,
nous verrons combien est douteuse cette der-
nière différence.
Dans la simple dissolution de l'eau et des autres
liquides par l'air, celui-ci agit sur la vapeur
• (j) Voyage dans les Alpes, tom, VIII, éilit. Iii-S''.
5o4 STATIQUE CHIMIQUE.
comme sur un gaz , sans éprouver lui-même
aucun changement dans ses proportions ; mais
l'eau qui le dissout et qui agit par une masse
beaucoup plus considérable , paraît opérer en
partie cette décomposition ; car celle qui est
exposée librement à l'atmosphère , s'imprègne
d'un air plus pur ou dans lequel la proportion
de l'oxigène est plus grande que dans l'air at-
mosphérique, et quand elle a dissous du gaz
azote , elle en abandonne une partie pour prendre
du gaz oxigène à sa place ; de là vient que le
gaz oxigène, exposé long-temps sur une quan-
tité considérable d'eau , s'altère , à moins que
la lumière ne l'oblige à garder son état élas-
tique , ou ne le lui rende.
'-247- Il y a des substances qui exercent une
action beaucoup plus puissante sur le gaz oxi-
gène , et qui surmontent et la force de son
élasticité et l'action du gaz azote , pour former
avec lui des combinaisons intimes.
On s'est servi de cette propriété que plusieurs
substances ont de soustraire le gaz oxigène à
l'air atmosphérique , en laissant l'azote dans l'état
élastique , pour déterminer les proportions de
gaz azote et de gaz oxigène qui forment l'at-
mosphère , ou qui entrent dans les produits des
opérations chimiques : on a donné le nom d'eu-
diomètres aux moyens qui ont été employés ,
en comprenant sous celte dénomination et la
DE l'actio:^ de i>'atmosphère. 5o5
substance qui se combine avec l'oxigène , et
1 appareil dont on se sert pour mesurer l'effet
qu'elle produit ; mais les chimistes ne sont pas
d'accord sur le choix de ces moyens , et sur les
conséquences qu'on doit en tirer.
On peut distinguer les eudiomètres en deux
espèces : dans les uns on fait agir un volume
déterminé d'une substance gazeuse sur un vo-
lume aussi déteiminé d'air atmosphérique :
une partie de la substance gazeuse , en s'unis-
sant avec l'oxigène de 1 air atmosphérique , forme
une combinaison soluble par l'eau , et dont le
volume est soustrait par là : la diminution sera
d'autant plus grande, que la quantité d'oxigène
aura été plus considérable ; on pourrait donc , par
ce moyen, comparer les quantités d'oxigène qui
se trouvent dans différents gaz, si elles étaient pro-
portionnelles aux diminutions ; mais il n'est pas
propre à déterminer la quantité absolue d'oxigène
qui existait , à moins qu'on ne connaisse exac-
tement , dans quelle proportion il se combine
avec la substance gazeuse qui j)crd son état élas-
tique avec lui.
Dans la seconde espèce d'eudiomètre , l'oxi-
gène se combine avec une substance oxigénabîe,
solide ou liquide ; alors le résidu est le gaz
azote qui est pur , ou du moins qui ne reçoit
par la combinaison qu'il peut éprouver qu'un
changement que Ion peut évaluer ; et l'on parvient
5o5 STATIQUE CHIMIQUE.
immédiatement à la détermination de la quantité
absolue des deux parties de l'air atmosphérique.
Cet apperçu parait indiquer la préférence que
l'on doit donner à ces derniers moyens; cependant
examinons avec plus de détails les avantages et les
inconvénients qui peuvent appartenir aux uns
et aux autres.
248- On doit à Priestley l'idée ingénieuse de
mesurer la pureté de l'air par la diminution
qu'y produit le gaz nitreux, et l'on a reconnu
ensuite que cette diminution dépend de la pro-
portion de gaz oxigène qu'il contenait. Fontana
imagina un appareil pour rendre cette épreuve
exacte , et le procédé a depuis été désigné le
plus ordinairement sous le nom d'eudiomètre de
Fontana.
Cet eudiomètre a d'abord le désavantage de
donner des variations assez considérables dans
ses résultats, selon l'agitation, la température,
la proportion , les qualités de l'eau , et les di-
mensions de l'appareil , ainsi que l'ont remar-
qué Fontana , et sur-tout Inghenouze : Cavendish
a cherché à prévenir ces causes d'incertitude ,
en fesant parvenir le gaz nitreux dans l'air
bulle à bulle , et en établissant une parfaite éga-
lité dans toutes les parties du procédé (i) ; mais
on doit conclure de ses observations , que si
(i) Trans. pliilos. 1783.
DE l'action de I.* ATT.TOSPHÈRE. ^O'J
Ton ne porte son attention sur toutes les cir-
constances , ainsi qu'il a fait , on ne peut plus
tirer des épreuves aucun résultat comparatif :
de Va vient une grande incertitude et beaucoup
de discordance dans les observations qui ont été
/aites par ce moyen.
Cavendish a sur-tout constaté avec exactitude
quelques-unes des causes qui font varier les
résultats : selon ses observations , Jprsqu'on ne
remue pas le vase dans lequel on fait le mé-
lange de gaz nitreux et d'air, la diminution est
plus lente et plus faible que lorsqu'on l'agite :
la différence est comme 99 à 108. Celle qui pro-
vient du temps employé pour introduire par
bulles un gaz dans l'autre , est encore plus grande :
l'eau distillée produit une plus grande dimi-
nution que celle qui ne l'est pas, et l'eau qui
a été en contact avec le gaz nitreux , une plus
petite que celle qui ne l'a pas été : si l'eau
contient de l'oxigène , elle cause une plus grande
diminution que si elle a été quelque temps en
contact avec le gaz azote : lorsque l'on fait passer
l'air dans le gaz nitreux, la diminution est plus
grande qu'avec la manœuvre contraire, dans le
rapport de 108 à 90. Nous examinerons dans
la suite la cause de ces différences.
Ce qui mérite d'être remarqué , c'est que la
diminution n'a pas varié sensiblement dans les
expériences d-^ Cavendish , soit que le gaz ni-
5o8 s T Al T I Q U E CHIMIQUE.
treux fût impur, soit qu il fut sans mëlani:;c ,
pourvu qu'une quantité suffisante fût employée.
Fontana avait déjà fait la même observation. On
voit par là combien sont inutiles les mesures
qu'a prescrites Humbold, pour déterminer la
quantité de gaz azote qu'il supposait se trouvei:,
toujours dans le gaz nitreux , dans le but de
déduire les proportions d'oxigène et de gaz ni-
treux qui sg combinent et produisent la dimi-
nution ; la séparation du gaz azote se fait bien
par le moyen du sulfate de fer qu il a indiqué;
mais l'existence du gaz azote dans le gaz nitreux
est accidentelle , et elle est étrangère à l'ab-
sorption (i). Les expériences exactes de Davy ont
fait voir que le gaz nitreux, retiré par un pro-
cédé semblable à celui de Humbold , ne laisse
presque pas de résidu lorsqu'on le fait absorber
par le sulfate de fer , épreuve sur laquelle s'ap-
puyait Humbold pour prouver la co-existence
de cet azote : son absorption est aussi à-peu-
près totale par le gaz muriatique oxigène (2).
Parmi les observations de Cavendisb , il y en
a une dont il ne pouvait, à l'époque où il la
fit , indiquer la véritable explication : il a trouvé
que , pendant que le gaz nitreux , retiré par le
moyen du mercure , du cuivre ou du laiton ,
(1) Aan. (le Cliitii. tom. XXVIII.
(2) Ibid, tùiii. XXXIX.
BE l'acttox de l'atmosphère. 5o9
produisait des diminutions égales , celui qu il
formait , i^nr le moyen du fer , donnait une
diminution plus grande , quoique, lorsqu'il était
employé en petite proportion , la diminution
se trouvât moindre. : il me paraît que ces effets
dépendent d'une portion de gaz oxide d'azote
qui se trouve unie au gaz nitreux qui est pro-
duit par le fer , mais qui s'absorbe dans feau
sans agir sur le gaz oxigène , et celui qu'où
obtient par les autres moyens indiqués , s'en
trouve privé.
Si les résultats qu'on peut obtenir, en évitant
exactement toutes les causes d'erreur, peuvent
être comparables entre eux, ils ne le sont plus
avec ceux des épreuves qui n'ont pas été faites
avec le même soin , et avec la même méthode.
De plus , ils cessent de l'être pour des propor-
tions très-différentes d'oxigène et d'azote ; car
Humbold a observé lui-même que le gaz oxigène
isolé produit proportionnellement une plus
grande diminution , que lorsqu'il entre dans la
composition de l'air atmosphérique.
Enfin cette méthode , par laquelle on peut
parvenir à comparer différents airs , lorsque
aucune attention n'a été négligée, ne fait pas
connaître la proportion d'oxigène et d'azote qui
se trouve dans l'air qu'on éprouve ; ou si Ion
veut la conclure , on rencontre de nouvelles
causes d'incertitude , et les données que l'on
èlO StATîQUE CIÎTMIQUK.
adopterait no pourraient être employées qiié
pour la méthode dont on fait usage , puisque
la diminution de volume yarie, comme on vient
de le voir , selon les circonstances du procédé* i
249. LVpreuve que l'on fait par la combustion ;
du gaz hydrogène , et qui est connue sous le '
nom de Volta , auquel on doit l'appareil par
lequel on l'exécute , a beaucoup plus de pré-
cision que la précédente , et elle a l'avantage
de faire connaître la proportion de gaz oxigène ,
qui est réduite en eau par la détermination
exacte des proportions des éléments de l'eau ,
que l'on a obtenue dans les opérations faites
sur de grandes quantités , et avec toute la pré- ^
cision qui peut être portée dans les expériences M
chimiques. "
Il est difficile de concevoir pourquoi l'on s'est
livré à tant de soins pour perfectionner l'usage
du gaz nitreux dans lequel on reconnaissait
beaucoup de causes d'erreur , et dont on ne
pouvait conclure les proportions du gaz oxi-
gène , pv'^ndant que l'on possédait une méthode
qui avait le double avantage, d'avoir moins d'in-
certitude , et d'indiquer les proportions.
Cependant l'eudiomètre de Volta, qui a beau-
coup de précision avec le gaz oxigène qui ne
contient que peu de gaz azote , a linconvénient
de ne pas produire la combustion de tout le
gaz oxigène, lorsqu'il se trouve confondu avec
DE l'action DJE l' A T I^ OSPH ÈRE. Sll
une grande quantité de gaz azote, comme dans
l'air atmospliërique : si même il ne se trouve
qu'une petite proportion de gaz oxigène , 1 in-
flammation n'a pas lieu : on peut parer à ce
dernier inconvénient , en ajoutant une quan-
tité connue de gaz oxigène qui détermine la
combustion de celui qui préexistait , et en di-
visant le résultat ; cependant il y a toujours
une portion de gaz oxigène qui échappe à la
combustion , comme le fait voir le résidu qu'on
obtient par le procédé de Monge pour la forma-
tion de l'eau ; car ce résidu contient du gaz
oxigène et du gaz hydrogène qui ont résisté à
la combustison , parce qu'ils se sont trouvés
mêlés à une trop grande quantité de gaz azote
et de gaz acide carbonique.
2 5o. Un grand nombre de substances ont la
propriété de se combiner avec l'oxigène , sans
qu'il s'en dégage aucun gaz , et sans absorber
le gaz azote , et peuvent par conséquent servir
à reconnaître la quantité d'oxigène qui se trouve
dans un gaz ; mais il faut choisir celles qui agissent
avec une force assez grande pour que l'ab-
sorption ne soit pas d'une trop longue durée ,
et qu'elles puissent erriever à l'azote tout l'oxi-
gène qu'il tend à retenir par une force crois-
sante : ces moyens eudiométriques ont l'avan-
tage d'indiquer directement la proportion d'oxi-
gène qui se trouve dans un gaz quelqu'il soit ,
5 11 STATIQUE CHIMIQUE.
pourvu qu'il y soit en simple dissolution : il
faut discuter la préférence que quelques-uns
iTiéritent.
Les sulfures d'alcali dissous dans une petite
quantité d'eau , me paraissent avoir cette pro-
priété à un haut degré , et ils n'exigent qu'un
ajjpareil très-simj)le ; un tube gradué avec exac-
titude suffit. Le mélange de soufre et de limaille
de fer agit avec plus de promptitude ; mais son
action a deux causes d'incertitude : lorsque le
gaz oxigène est absorbé , il peut , comme l'a
fait voir Priestley , se dégager du gaz hydrogène
sulfuré , ou peut-être les deux effets sont snnul-
tanés, et Macarty (i) attribue à cette cause la
diminution un peu moins grande qu'il a obtenue
en employant ce mélange , que lorsqu'il s'est
servi d'un sulfure d'alcali : en second lieu , il
se produit un peu d ammoniaque , comme il
résulte des observations de Kirwan et d'Austin.
C'est probablement cette cause qui a pu aug-
menter la diminution dans les expériences de
Schéele , qui a indiqué cet eudiomètre , et qui
a conclu de ses expériences , que l'air atmos-
phérique contenait 0,27 de gaz oxigène.
Un sulfure d'alcali dirons dans une petite
quantité d'eau , n'a point ces inconvénients ;
dès que le gaz oxigène est absorbé, son action
(1) Journ, de Phys. tom. LIL
TE l'action de l'atmosphère. 5i3
cesse , et le résidu n'éprouve plus de diminution ,
ce qui prouve qu'il n'a point d'action sur lazote ;
cependant Macarty prétend que le sulfure absorbe
j une portion d'azote , et que ce n'est que lorsqu'il
en est saturé, que son action est bornée à la con-
densation du gaz oxigène ; il assure même avoir fait
absorber , par un sulfure de chaux récent, la moi-
tié de l'azote que contenait un petit volume d'air
atmosphérique. Pour moi, je n'ai j^as observé
la plus petite différence dans la diminution pro-
duite par un sulfure récent , ou par le même
sulfure qui avait été agité avec l'air atmosphé-
rique ; mais je n'ai fait mes épreuves qu'avec
les sulfures de potasse et de soude : on peut donc
'employer ces derniers sulfures , sans aucune
crainte d'erreur.
Les sulfures d'alcali ont cependant linconvé-
nient d'exiger un temps assez long pour que
leur opération soit achevée ; temps qu'il faut
prolonger pour être assuré quelle est terminée ,
parce qu'aucun autre indice que la diminution
du volume du gaz n'annonce sa fin; mais on
peut l'abréger par l'agitation.
aS I . Le phosphore pour lequel Achard , Reboul
et Séguin ont imaginé des appareUs, produit ins-
tantanément son effet par sa vive combustion;
mais son action est tumultueuse, et peut faci-
lement entraîner des accidents.
La combustion lente du phosphore a l'avan-
r. 33 .
5l4 STATIQUE CHIMIQUE.
tage d être beaucoup plus expëditive que l'actiort
des sulfures , et d'indiquer la fin de lopëration ,
parce que le nuage qui l'accompagne et qui est
lumineux dans l'obscurité , disparaît ; mais pen-
dant que le phosphore absorbe l'oxigène , l'azote
dissout du phosphore , ou plutôt l'oxigène se com-
bine successivement avec le phosphore qui avait
€té dissous par l'azote , et celui-ci reste saturé
de phosphore qui a pris l'état élastique , d'où
résulte une augmentation dans le volume de
l'azote : cette augmentation est indifférente
lorsqu'on veut simplement comparer l'état de
deux airs; mais elle exige une correction, si
l'on veut déterminer la quantité du gaz oxigène
par celle du résidu : l'expérience m'a appris qu'il
fallait retrancher -'- du volume du dernier.
Davy a proposé un autre moyen eudiomé-
trique , qui est le sulfate ou le muriate de fer
imprégné de gaz nitreux (i) : cette dissolution ,
sur-tout celle par le muriate de fer , opère l'ab-
sorption du gaz oxigène dans quelques minutes ;
mais il avertit qu'il faut saisir le moment de
la plus grande diminution , parce que le gaz
nitreux est décomposé en partie , et qu'à mesure
que le sel de fer devient plus oxidé , il se dé-
gage et du gaz nitreux et du gaz azote.
252. Il est important, pour l'évaluation com-
(i) Bibi. Britan. torn. XVII.
t)ï; L'ACTio]>r DE l'atmosphère. 5i5
plète cVuii grand nombre de phénomènes , de
connaître , avec toute la précision à laquelle on
peut parvenir , quelles sont les proportions
d'oxigène et d'azote qui entrent dans la compo-
sition de l'atmosphère , et quelles variations elles
peuvent subir : les chimistes, qui s'étaient d'abord
flattés de pouvoir comparer les propriétés vitales
de l'air atmosphérique , se sont beaucoup occupés
de cette recherche , et quoiqu'on ait bientôt
perdu l'espérance qu'on avait conçue relative-
ment à la salubrité de l'air , on a cru apper-
cevoir une variation relative aux lieux , et à la
disposition météorologique : on a annoncé des
différences sensibles àquelquesheuresd'intcrvalle
ou à quelques pas de distance.
Cependant Cavendish , en fixant avec soin
toutes les circonstances de l'épreuve par le gaz
nitreux, avait fait voir dès 1783 que les propor-
tions des deux éléments de l'air étaient cons-
tantes, malgré la distance des lieux, et la dif-
férence de température : les observations que
JMacarty a faites en Espagne ont confirmé les
résultats de Cavendish : je me trouvais au Caire
dans une saison où le thermomètre de Réaumur
passait ordinairement 3o degrés , et où une
grande inondation pouvait affecter l'air; je n'op-
posais aux préjugés que je partageais, que quel-
ques observations que j'avais faites ; car j'avais
perdu de vue les expériences de Cavendish , et
33..
5l6 STATIQUE CIIIM(QL'i:.
j'igiïorais celles de Macarty : mes observations
me conduisirent aux mêmes résultats , et furent
confirmées par celles que je fis à mon retour (i).
Les expériences de Davy , suivies aussi dans
différentes circonstances , et l'épreuve d'un air
envoyé k Beddoès de la côte de Guinée , ont en-
core confirmé que Ton ne trouve pas de diffé-
rence sensible dans Fair atmosphérique, relati-
vement aux proportions de ses éléments.
Il parait donc que cest uniquement aux in-
certitudes qui accompagnent l'action du gaz
nitreux, dont on s'est principalement servi pour
les épreuves eudiométriques , que sont dues les
différences dans les proportions que l'on attribue
au gaz oxigène , et que l'on a portées depuis 0,20
jusqu'à o,3o.
Macarty , qui s'est servi d'un sulfure , établit
la proportion de Foxigène depuis 21 à 23 : l'é-
preuve par l'eudiomètre de Volta ne donne à-
peu-près que 20 ; mais Volta n'a point observé
ces variations , que l'on trouvait par la méthode
du gaz nitreux; j'attribue à la portion de gaz
oxigène, qui échappe à la combustion, la petite
différence que donne son eudiomètre avec l'action
des sulfures.
Les expériences multipliées que j'ai faites avec
toute l'exactitude que j'ai pu y apporter, me
(1) Mém. sur l'Egypte-
DE l'action de i/ atmosphère. 5i7
paraissent prouver que la véritable proportion
est de 0,22 de gaz oxigène , et une fraction : mes
épreuves faites en Egypte m'ont donné à-peu-près
un 200^ de plus d'azote , et j'ai expliqué ce petit
excès dans le résidu par l'eau que pouvait dissoudre
l'air à la haute température à laquelle j'opérais :
elle n'était peut-être due qu'à une petite inexac-
titude de graduation dans le tube.
Davy ne porte qu'à 0,21 la proportion de l'oxi-
gène , mais il a observé lui-même que les sul-
fures d'alcali produisent une absorption un peu
plus grande. J'attribue cette légère différence à
la disposition qu'a le gaz nitreux à prendre la
forme élastique ; car il observe que dans le vide ,
ce gaz se dégage des dissolutions de fer ; il doit
donc s'en dissoudre dans le gaz azote , et par là
le volume du résidu se trouve un peu augmenté :
ce qui me paraît un désavantage pour cette es-
pèce d'eudiomètre , lorsque l'on veut parvenir
à une grande précision.
Si le procédé des sulfures et du phosphore me
paraît avoir une exactitude un peu plus grande,
pour la détermination des proportions , que l'eu-
diomètre de Volta , celui-ci a l'avantage de servir
au procédé inverse par lequel on éprouve le c^az
hydrogène par Toxigène ; et souvent il convient,
dans les recherches sur la composition des subs-
tances gazeuses dont on a beaucoup à s'occuper ,
de faire alterner les deux movens.
5l8 STATIQUE CHIMIQUE.
L'air atmosphérique contient toujours une cer-
taine quantité d'acide carbonique , et nous avons
vu que Saussure en avait trouvé à la cime du
Mont-Blanc; on évalue cette quantité à 0,0 1 ,
mais il paraît que cette évaluation est beaucoup
trop forte.
Outre les parties constantes, l'air atmosphé-
rique peut tenir en dissolution différentes subs-
tances qui y prennent la forme élastique , et dont
quelques-unes sont le principe des odeurs ; mais
jusqu'à présent ces émanations ont échappé aux
mioyens chimiques qui peuvent en détruire queh
ques-unes , mais non les indiquer : Cavendish
a déjà observé qu'on ne trouvait point de dif-
férence dans les airs qui avaient été en con-
tact avec des fleurs odorantes, ou avec des subs-
tances en putréfaction. ( Note XFIII. )
t)E l'actiot^ HE l'atmosphère. Sig
NOTES DE LA VF SECTION.
NOTE X V I I.
J_jrs citoyens Désormes et Clément ont avancé (i) qua
si l'on fait passer de l'eau dans un tube barométrique où
il y a de l'éllier, la force élastique de ce dernier est pro-
digieusement augmentée.
Si l'éther et Peau n'avaient aucune action l'un s\ir l'autre ,
on conçoit que lorsque ces deux fluides seraient mis en-
semble dans un tube barométrique, leurs vapeurs agiraient
€ur la colonne de mercure , indépendamment l'une de
l'autre; c'est-à-dire, que la quantité dont la colonne de
mercure baisserait , serait égale à la somme des deux co-
lonnes que chaque vapeur pourrait soutenir séparément dans
le vide; mais l'on ne conçoit lias en même temps comment
deux fluides élastiques ayant une action assez marquée l'un
sur l'autre , peuvent soutenir , lorsqu'ils sont mélangés j ^-
une colonne de mercure plus forte que la somme de celle»
qu'ils pourraient soutenir séparément dans le vide. Si cela
était, on n'aurait plus aucune idée précise de l'attracHon
chimique , puisque ce serait une force qui tantôt rappro-
cherait les molécules des corps qui se combinent , et tantôt
les éloignerait. Au reste, l'état de composition des subs-
tances qu'on emploie , peut facilement en imposer ; pat
(i) Ann. «le Clilm. Fruct. an lo , p. 5o2r.
5âO SX A. TIQUE CHIMIQUE.
exemple , si l'on mêle de la potasse concentrée avec âe
l'ammoniaque, il n'y a pas de doute que la potasse n'aug-
mente considérablement l'élasticité de l'ammoniaque , en
agissant fortement sur l'eau , et en diminuant , par consé-
quent, son action sur le gaz ammoniacal. C'est exactement
ce qui se passe dans l'expérience des citoyens Désormcs
et Clément. L'éther dont ils se sont vservi contenait de
l'alcool, qui diminuait son élasticité en raison de sa pro-
portion , et l'eau qu'ils lui ont ajoutée l'a au contraire aug-
mentée en raison de son action , beaucoup plus forte ?ur
l'alcool que sur l'éllier. Les expériences suivantes vont
confirmer cette ex|ilication.
Le thermomètre centigrade indiquant i5°, et le baromètie
76 centimètres, on a jjris deux tubes barométriques, et
on a introduit dans l'un de l'étlier sulfurique , préparé
avec soin , et dans l'autre , du même éther, mais qui avait
été lavé avec environ trois fois son volume d'eau. La vapour
du premier éther a soutenu une colonne de mercure de
3i,""'^-3, et celle du second une colonne de 35,<=^"'-5 5 d'oîi
il est déjà évident que l'eau a la propriété d'enlever à
l'éther un principe qui diminuait son élasticité, et ce prin-
cipe ne peut-être que de l'alcool. Après cela ^ on a in-
troduit dans chaque tube un volume d'eau, à-peu-près égal
à celui de l'éther qui y était renfermé, et il est arrivé que
l'élasticité de l'éther non lavé a été augmentée d'un cen-
timètre , et celle de l'étlier lavé de trois millimètres seu-
lement ; ce qui s'accorde parfaitement avec ce qu'on vient
de dire sur la propriété qu'a l'eau d'enlever à l'éther de
l'alcoffll , qui par son action diminuait son élasticité. On
voit d'ailleurs que le ressort de l'eau ne s'est pas ajouté
entièrement à celui de l'éther lavé, puisque l'abaissement
de la colonne de mercure n'a été que de 3 millimètres ,
fandis qu'à la température de i5°, il aurait dû être de
]>lus d'un centimètre I ce quiprovien.L saii6 doi^îe 4e l'acti'jit
DE l'actio:^ de l'atmosphère. 5^1
gu'îl y a entre l'eau et l'étlier. Eji ajoutant encore de
l'eau dans les deux tubes , de manière cependant qu'il n'y
en eût pas assez pour dissoudre tout l'éther j la colonne
de mercure n'a pas varié sensiblement dans chaque tube ;
mr.is aussitôt que la proportion d'eau a été plus grande que
celle nécessaire à la dissolution complète de l'étlier, le
juercure s'est élevé considérablement dans les deux tubes ,
puis , par une nouvelle addition d'éther , il est revenu à-peu-
près ù son premier niveau , en tenant compte du poids de
l'ean ajoutée. Tous ces laits sont d'accord avec les pLé-
«onaènes chimiques , et: s'expliquent clairement.
Pour être plus intimement convaincu que c'est à la forte
action de .l'eau sur l'alcool qu'est due la grande augmen-
tation d'élasticité de l'éther qui en contient, on a pris un
autre tube, où on a d'abord introduit un peu d'étlier lavé
^vec, l'eau, et souienant une colonne de 33,"^®"'- 5 , puis un
peu d'alcool. Le premier effet instantané a été un abais-
sement de 3 millimètres dans la colonne ; mais par une
■légère agitation le mercure s'est élevé rapidement ; de sorte
jjue ia vapeur du mélange d'éther et d'alcool ne soutenait;
.plus qu'une colonne de 25 centimètres } de l'eau introduite
alors dans le tube, a fait baisser subitement le mercure
de 5,«nt.^.
. Il paraît donc bien démontré , par les expériences qu'on
vient de rapporter , que la grande augmentation d'élas-
ticité de l'étlier qu'ont obtenue les citoyens Désornies et
Cléinjent , est due à l'impureté de l'éther qu'ils aui'out
employé. Ces mêmes expériences prouvent que des recti-
iications faites avec soin ne dépouillent pas l'éther de tout
_l'alx;ool qu'il peut contenir, et que les layages par l'eaii ,
ou, par d'autres corps qui agiraient fortement sur l'alcool,
et peu sur l'éther , sont d'excellents moyens pour lui
donner toute l'élasticité qui lui est propre. Il n'est pjs à
craindre que l'éther ainsi lavé rel eiiiie une quantité
522 STATIQUE CHIMIQUE.
sensible d'eau ; car l'ayant distillé à une clialeur très-
modérée, en ne retenant que les premières portions, son
ressort n'était que de un millimètre plus fort que celui
de l'éther simplement lavé.
NOTE XVIII.
4
L A p L A c E , que j'avais consulté sur les changements
que l'élasticité des gaz éprouve dans leur compression, ma
remit la note V, que je fis imprimer aussitôt : après un
examen plus attentif, il me donna celle que je joins ici :
il en résulte qu'il faut modifier ce que j'ai exposé ( m >
TÔo ) ; que les quantités de calorique qui sont contenues
dans un gaz ne suivent pas les rapports des volumes y
indépendamment des effets de la compression, et que les
gaz ne diffèrent pas des liquides et des solides, relativement
au calorique qu'ils peuvent abandonner dans une circons-
tance , et à celui qui est retenu dans uu plus grand état de
condensation (121).
ce La note V de la page 2^5 ayant été écrite à la hâte,
» j'ai reconnu depuis son impression qu'elle doit être mo-
» difiée , il n*est point exact de dire que la force répulsive
» ^le deux molécules voisines d'un gaz est toujours la
» même , à température égale , quelque soit sa con-
ji> densation. Cette force est proportionnelle à la tempe-
» rature , et réciproque à la distance mutuelle de ces mo-
x> lécules , où , ce qui revient au même , à la racine cu-
» bique du volume du gaz dans ses divers états de con-
» densation ou de raréfaction. Pour le démontrer, con-
» sidérons un volume de gaz réduit par la compression
» à sa huitième partie: il y aura dans ce nouvel état quatre
DE l'aCTIOIV de l' ATMOSPHÈ RE. 523
30 fois plus de molécules , et par conséquent quatre fois
>• plus de ressorts, appliqué à une surface donnée; ainsi
» puisque la pression est huit fois plus grande , il est né-
» cessaire que la tension de chacun de ses ressorts soit
55 deux fois plus considérable; elle est donc réciproque,
35 à la distance mutuelle des molécules voisines , qui dans
» cet état est deux fois moindre. Le raisonnement qui
j» termine la note citée , lie cette propriété générale à celle
» d'une dilatation égale pour tous les gaz , par des accrois-
35 sements égaux de température . Il paraît encore que dans
33 le gaz condensé, il y a plus de chaleur à volume égal,
33 puisque le ressort des molécules voisines est alors aug-
35 mente ; par conséquent si le volume est réduit par la
33 compression à la moitié , il s'en dégage moins que la
33 moitié de la chaleur qu'il contenait dans son premier
93 état, ce qui est conforme à l'expérience et à la vitesse
>} observée du son ».
024 STATIQUE CHIMIQUE
CONCLUSION
DE LA PREMIÈRE PARTIE,
253. kJih a admis comme cause des effets qui
sont dus à l'action mutuelle des corps , deux
espèces d'affinité , et on a attribué des lois par-
ticulières à celle que l'on regarde spécialement
comme chimique : je trouve dans les essais sur
l'hygrométrie de Saussure un exposé exact des
propriétés qui m'ont paru satisfaire à l'expli-
cation de tous les phénomènes qui sont dus à
cette action , ainsi que de la distinction que l'on
a cru devoir établir entre eux.
« Les différents corps ont une aptitude diffé-
» rente à se charger des vapeurs qui sont con-
» tenues dans l'air , et ils s'en chargent en raison
» de leur affinité avec ces vapeurs , ou avec l'eau
5> dont elles sont formées.
» Exposez dans le même air des quantités
3> égales de sel de tartre , de chaux vive , de
» bois, de linge, etc. ; que tous ces corps soient,
i) s'il est possible , parfaitement desséchés ; quel-
» ques-uns d entre eux imbiberont de l'eau , et
CO>XLUSION UE LA PREMIÈRE PARTIE. t)2J
r> augmenteront de poids , mais en quantité ine'-
». gale : le sel en prendra plus que la chaux ,
» celle-ci plus que le bois , d'autres corps n'en
» prendront point du tout.
)) Or , ces différences ne peuvent venir que des
» différents degrés d'affinités de ces corps avec
îi Feau ; car elles ne tiennent ni à la forme ,
» ni au volume de ces corps , ni même à la na-
» ture de leur aggrégation , puisque des corps
» déjà liquides , tels que l'acide vitriolique , atti-
» rent Feau contenue dans Fair avec la plus
» grande force. Ce qui prouve encore que cette
» absorption des vapeurs dépend d'une affinité,
» c'est que Funion des vapeurs condensées avec ces
» corps est vraiment celle qui résuite d'une affi-
» nité chimique ; cette eau est chez eux dans
» un état de combinaison , elle ne peut leur être
» enlevée par aucun moyen mécanique , elle est
i> intimement liée avec leurs éléments ; les
» moyens chimiques peuvent seuls la séparer de
» ces corps en lui offrant des combinaisons aux-
» quelles elle tende par une affinité plus forte.
}) Toutes choses d'ailleurs égales, Faffinité de
» ces corps avec Feau est d'autant plus grande ,
» qu'ils en contiennent moins, et qu'ils sont,
» pour ainsi dire , plus fortement altérés.
)) L'alcali fixe , parfaitement desséché , attire
j> Fhuinidité de Fair avec une force extrême ;
j> placé dans le bassin d'une balance, on voit
5lÙ STATIQUE CHIMIQUE.
» son poids augmenter sensiblement de minute
» en minute ; mais à mesure qu'il boit des va-
j> peurs , sa soif , ou sa force attractive diminue ,
» et enfin sa pesanteur n'augmente que par
3> degrés insensibles.
3) Il en est de même des autres dissolvants
» chimiques ; ils agissent d'abord avec la plus
i) grande célérité et la plus grande force , et leur
» activité diminue à mesure qu'ils approchent
» du point de saturation ; mais ce qu'il y a de
» particulier dans l'affinité qui existe entre les
» vapeurs et les corps qui les absorbent , ou
» l" affinité hygrométrique , c'est que non-seu-
» lement leur activité , mais le degré même de
» leur affinité diminue à mesure qu'ils appro-
» chent de la saturation. Ainsi , lors même qu'un
» corps n'a que très-peu d'affinité avec l'eau ,
» ce défaut d'affinité peut être compensé par
» un plus haut degré de sécheresse , et récipro-
» quement celui qui en a le plus, tombe au niveau
» de celui qui en a le moins , lorsqu'il approche
» beaucoup plus que lui de son point de saturation.
» Je renferme une ou deux onces de sel alcah
» fixe très-caustique et très-sec dans un ballon
» de quatre pieds cubes de contenance , rempli
» d'air médiocrement humide , mais sans aucune
» humidité surabondante ; ce sel absorbe le poids
» de 24 ou 2 5 grains d'eau qu'il tire de ces 4 pieds
i) cubes d'air. Alors le sel, par Timbibition de
Conclusion Dt la première partie. Sa 7
» cette eau, se trouve avoir perdu un peu de
» sa force attractive , et en revanche celle de
» l'air s'est telleinent augmentée par la dëper-
» dition qu'il a faite de ces 24 grains d'eau,
» que bien qu'il en contienne encore , le sel
» ne peut plus la lui enlever , parce que l'air
» la retient avec une force égale à celle avec
» laquelle le sel la demande , et ce n'est pas que
» le sel soit saturé , ni près de là ; car dans un
» air humide et renouvelé , il en absorberait
» encore pour le moins deux cents fois autant ;
» mais c'est que cette quantité , toute petite
» qu'elle est , a diminué sa force absorbante. En
» effet , si l'on introduit dans ce même ballon
» deux nouvelles onces du même sel parfaite-
fi ment desséché , elles enlèveront encore à l'air ,
» renfermé avec elles, quelques portions dhu-
» midité , et ainsi successivement , jusqu'à ce que
» l'extrême dessèchement , ait mis la force attrac-
» tive de l'air en équilibre avec celle de l'alcali
» fixe.
» Ce genre d'affinité diffère donc en cela des
» autres affinités chimiques , dont la nature ou
» le degré ne change pas en approchant de la
» saturation ; car si plusieurs menstrues , dont
» les affinités avec un certain corps sont iné-
» gales entre elles, se trouvent à portée d'agir
j) tous à-la-fois sur ce même corps , le plus puis-
■» sant commencera par attaquer ce corps , et
blb STATIQUE CHIMIQUE.
7) quoiqu'il marche continuellement vers la sa-
n turation', la supériorité de ses forces sur celles
» des autres dissolvants, ne diminuera point
» pour cela ; il ne laissera rien dissoudre aux
» autres menstrues qu'il ne soit lui-même com-
» plétement saturé , ou si dans les premiers mo-
» ments il s'était emparé de quelques portions
» du dissolvant , il les leur reprendrait jusqu à
» sa complète saturation. Si par exemple on pro-
3> jetait peu-à-peu de la craie dans un mélange?
» d'acide vitriolique d'acide nitreux et de vinai-
» gre , il faudrait que l'acide vitriolique fat
» complètement saturé de craie avant que F acide
î) nitreux et le vinaigre pussent s'en approprier
» un atome ; l'acide nitreux se saturerait ensuite,
» et enfin le vinaigre n'en prendrait qu'après
» la parfaite saturation des deux autres.
» Au contraire , si dans un espace donné il
» ne se trouve pas une quantité d'eau ou de
» vapeur suffisante pour saturer d'humidité tous
» les corps qui sont renfermés dans cet espace y
» aucun deux ne se saturera complètement ,
» tous en auront un peu ; cette eau se parta-
» géra entre eux , non pas , à la vérité , en parties
» égales , mais en parties proportionnelles au
D) degré d'affinité que chacun de ces corps a avce
» elle. Ceux qui l'attirent le plus fortement en
M prendront assez pour que cette quantité ra-
» baisse leur force attractive au niveau de ceux
r;o?î€LUSTo?f bt. la :piioiière partie. 52(^
» dont l'attraction est la moindre , et il s'ëta-
» blira ainsi entre eux une espèce d'équilibre.
» C'est par l'intermède de l'air que se fait cette
a répartition ; il en prend à ceux qui en ont
» trop , il en rend à ceux à qui il en manque ,
» et il en conserve lui-même la part que lui
>i assigne le degré de son affinité avec l'eau.
» Si dans le temps où cet équilibre est conv
» plétement établi , il s'introduisait tout-à-coup
» dajis l'air même de nouvelles vapeurs , dont
» la quantité ne fût pas assez considérable pour
3) saturer et lair et les corps renfermés avec lui ,
j) ces corps ne permettraient pas à l'air de les
» garder toutes pour lui seul; il faudrait qu'il
» leur en cédât , pour ainsi dire , leur quote-
» part; et alors les hygromètres, s'il y en avait
» dans cet espace , iraient à l'humide , quoique
y> l'air ne fût point encore rassasié. Une nouvelle
» portion de vapeur se répartirait de la même
» manière , et ainsi successivement , jusqu'à la
» parfaite saturatioxi de tous ces corps; enfin,
» si après leur saturation on continuait de faire
» entrer des vapeurs dans cet espace , cette eau
» surabondante s'attacherait à leur surface , les
» mouillerait , et quoique retenue sur cette sur-
» face par une adhérence qui appartient peut-
» être encore aux affinités chimiques , elle pour^
» rait être essuyée ou séparée de ces corps par
:» des moyens purement mécaniques.
1. 34
53o SÎA^IQTTE CHIMIQUE.
» Introduisez alors dans cet espace une nou-
j> velle substance , plus avide d'eau que les corps
» qui y sont renfermés , cette substance com-
» mencera par s'emparer de cette eau surabon-
» dante qui mouille la surface de ces corps , sans
» être combinée avec leurs éléments : puis si cette
» eau ne suffit pas pour la saturer, elle en dé-
» robera aux corps qui sont renfermés avec elle ,
» jusqu'à ce qu'elle ait diminué son altération
» et augmenté la leur au point qu'elles devien-
» nent égales , et qu'il leur reste à tous une
» égale tendance à s'unir avec l'eau.
» De même si la chaleur ou quelqu'autre cause
» augmentait la tendance de quelqu'un de ces
» corps à s'unir avec l'eau sans augmenter pro-
5, portionnellement celles des autres , il s empa-
» rerait aussi d'une portion de l'eau contenue
» dans les autres , suffisante pour réduire s^
» force attractive au niveau de la leur ».
254. Le passage que je viens de citer présente,
avec beaucoup d'exactitude, des faits qui sont très-
propres à faire connaître les lois que suit l'action
chimique , et l'on peut observer que Saussure
éprouve quelqu'embarras pour marquer une
différence entre l'affinité physique et l'affinité
chimique ; il cède à une opinion établie , ou plutôt
à mne apparence qui semble indiquer un autre
genre d'action ; mais cette distinction fait tomber
ce savant observateur/lans une contradiction ; car
r.GSCi.T!r,ioy de la fp^emière piPviiÎE. S'^i
H a prononcé plus d'une fois que l'union de là
Vapeur avec l'air était due à l'affinité chimique,
et dans ce passage même, il la compare aux
dissolutions chimiques.
Pour mieux faire sentir la différence que les
chimistes ont mise entre l'affinité qui produit
les combinaisons , et celle que Saussure a dé-
crite , et qui a été adoptée par les physiciens pour
l'explication de plusieurs phénomènes , je ne
puis mitîux faire que de citer la définition de
la première par Guyton qui a traité si sa-
vamment de toutes les propriétés qu'on lui a
attribuées. « Cette attraction ( chimique ) est
» élective, comme l'a dit Bergman , c'est-à-dire
5) que de deux substances présentées à une troi-
» sième , elle en chasse une , et laisse Tautre ; que
y> deux substances étant primitivement unies ,
}) une troisième exerce sur l'une d'elles , une
3) action qui déplace l'autre Ti) ».
Cependant si je consulte l'opinion que se sont
formée de l'action mutuelle des corps , ceux qui
ont embrassé les phénomènes naturels dans leur
plus grande étendue , je trouve qu'ils n'ont in-
diqué qu'une origine commune de tous ses effets.
Monge en discutant deux hypothèses propres
à expliquer la formation de l'eau , trouve aue
l'une paraît exiger , qu^en augmentant la dos^
(i) Encyclop. Méthod. au mot affîniu'.
34..
532 STATIQUE CHIMIQUE.
du clls.'iolvant y on, diminue l'adhérence qu'il
avait pour ses hafies j ce gui est absolument
contraire d ce qu'on observe dans toutes les
opérations analogues de chimie (i). Il faut re-
marquer que par dissolution , il entend ici com-
binaison chimique ; de sorte qu'il a regardé la
force qui la produit comme modifiée par la
quantité , ainsi qu'on l'admet dans les phéno-
mènes physiques.
Laplace après avoir décrit le moyen d'estimer
l'action des différents acides sur la glace , selon
la température, ajoute : Si Von considère de la
même manière toutes les autres dissolutions , on
pourra mesurer avec précision les forces d'af-
finité des corps les uns avec les autres y jjiais
cette théorie ne peut être développée en aussi
peu de mots , et nous en ferons l'objet d'un
jnémoire particulier. Il aurait donc fait entrer ,
dans révaluation des affinités, la quantité d'un
acide , par exemple , son énergie et la résistance
variable de la cohésion , comme il l'a fait rela-
tivement à l'action des acides sur la glace : on
doit avoir bien des regrets de ce qu'il n'a pas
rempli sa promesse.
INewton , qui jeta un coup-d'œil sur les j)lié-
nomènes dont la chimie s'occupe , a tracé dans
les explications qu'il en donne , les lois de l'at-
(i) Mém. de l'Acad. 1783 , p. 83.
co:n'ClusiO]V t>e la pnur.iij^nE partie. 533
traction qui doit les produire , telles qu'il les
concevait en descendant des phénomènes gëne'-
raux aux faits particuliers, et s'il s'est trompé
dans quelques applications , parce que les cir-
constances des phénomènes et les parties élé-
mentaires des combinaisons qui les produisent
n'étaient point déterminées avec assez d'exac-
titude à 1 époque où il les expliquait , on trouve
cependant que ces explications peuvent convenir
également aux faits mieux éclaircis.
« La déliquescence du sel de tartre, dit-il (i^,,
» n'est-elle pas produite par une attraction entre
» les particules salines et les vapeurs aqueuses
» de l'atmosphère ? Pourquoi le sel commun ,
» le salpêtre et le vitriol ne deviennent-ils pas
y> de même déliquescents , si ce n'est faute d'une
y^ pareille attraction ? Et pourquoi le sel de
)) tartre n'attire-t-il qu'une certaine quantité
» d'eau , si ce n'est parce qu'aussitôt qu'il en est
5) saturé , il n'a plus de force attractive ? Quel
» autre principe que cette force, empêcherait
» l'eau ( qui seule s'évapore à un degré de cha-
» leur assez faible ) de ne se détacher du sel de
» tartre qu'au moyen d'une chaleur violente.
» Ts'est-cc pas de même la force attractive qui
» se déploie entre les molécules de l'acide vitrio-
» lique et les globules de l'eau , qui fait que cet
(i) Opl. tom. II.
-534 STATIQUE CHISIIQUE.
» acide attire rhumiditë de l'air jusqu'à satu-
:;) ration , et qu'il ne la rend ensuite qu'avec
» beaucoup de peine , quand on te soumet à
» la distillation » ?
Newton explique de même la production des
autres combinaisons chimiques , sans laisser ap-
percevoir aucune distinction entre les lois que
suit l'attraction dans ces différentes circonsr
tances : il n'y voit qu'une propriété qui est
plus ou moins énergique , et qui s'affaiblit à
mesure que la saturation s'établit : la saturation
est le terme où elle cesse de produire des effets.
Il remarque qu'il faut d'autant plus d'acide
pour dissoudre uçi métal , que l'attraction est plus
fortç ; de sorte que , selon son opinion , la quan-
tité d'acide nécessaire pour produire la satu-
ration , est proportionnelle à la force de l'affinité.
Il attribue à la condensation qui résulte de la
cornbinaison, la solidité et le degré de fixité qu'elle
acquiert : lorsque , par exemple , le muriate d'am-
moniaque se forme de l'ammoniaque et de l'acide
muriatique , l'un et l'autre beaucoup plus vo-
latils , « les particules réunies de ces esprits
« deviennent moins volatiles , parce qu'elles sont
» plus grosses et plus dégagées d'eau ».
Il dérive les propriétés d'une combinaison ,
de et l'es que doivent avoir les éléments qui la
t^omposent dans les conditions où ils se trou-»^
SÇV-\ l airîsi , en e^ipliquarjt la formation du miK
coNCLUsiorr de la première partie. 535
riate d'antimoine par le muriate oxigéné de
mercure , il ajoute : quand la chaleur est plus
» forte, l'esprit de sel emporte le métal sous la
» forme d'un sel fusible , nomme beurre d'anti-
» moine , quoique l'esprit de sel soit presque aussi
» volatil que l'eau , et que l'antimoine soit presque
» aussi fixe que le plomb ». C'est ce principe
lumineux que les propriétés d'une combinaison
dépendent de celles qu'avaient les éléments , à
part les modifications qui résultent de l'action
réciproque , qui lui a fait pressentir que l'eau
devait contenir une substance inflammable.
255-. Les observations que j'ai recueillies dans
cette première partie , me paraissent établir ,
comme un fait général , que l'affinité propre à
chaque substance , agit en raison de la quantité
qui se trouve dans la sphère d'activité , confor-
Hiément aux opinions que je viens de rapporter :
il en résulte que la quantité peut suppléer à la
force de l'affinité, ce qui exclut les affinités élec-
tives qui réunissent deux substances , quelle que
soit l'opposition des affinités que l'on regarde
comn>e plus faibles et indépendanament des
quantités.
Une conséquence immédiate de ce principe ,
c'est que la mesure de l'affinité propre à chaque
substance est la saturation qu'elle peut produire
dans celles qui peuvent se combiner avec elle ^
comme Newton Ta pensé : de là j'ai cherché la
536 STATIQUE CHIMIQUE. 53^^
mesure de Taffinité des différents acides avec les-
alcalis dans leur capacité de saturation.
Il fallait expliquer les faits qui avaient porté
à admettre une affinité qui déterminait le
choix des substances qui se combinent, et le*
proportions des combinaisons quelles forment.
J'ai cherché cette explication dans l'action du
calorique , et dans l'affinité réciproque des mo-
lécules d'une même substance ou des parties in-
tégrantes d'une combinaison , en fesant concourir
ces causes avec l'affinité , dans la formation des
combinaisons et dans l'explication des phéno-
mènes chimiques ; j'ai du en conséquence porter
une grande attention sur les effets de l'expansion
et de la ccmdensation , sur la constitution des
substances , et sur celle qu'elles acquièrent dans
les différentes circonstances.
Les effets du calorique sont différents, non-
seulement selon les dispositions des corps sur
lesquels il agit , mais selon l'état où il se trouve
lui-même ; il a donc fallu examiner la différence
de son action lorsqu'il se communique immé-
diatement , ou lorsqu'il forme le calorique rayon-
nant, et les rapports qu'elle a avec celle de la
sumière et de l'électricité. Les propriétés que
les corps acquièrent par la combinaison du ca-
lorique', sont quelquefois favorables à l'action
de l'affinité, et quelquefois elles leur sont con-
traires ; je les ai considérées comme des forces
â
COTfCLTJSION DE LA PREMIÈRE PARTIE. SSy
qui sont soumises à des lois régulières , et
dont il faut évaluer les effets selon les circons-
tances.
J'ai tâché de séparer les effets de l'action im-
médiate de l'affinité qui sature plus ou moins les
tendances à la combinaison lesquelles forment les
propriétés distinctives des substances, de ceux
de la condensation qui en est une conséquence ;
l'une tend à réunir toutes les substances qui
exercent une action chimique , l'autre devient
souvent un obstacle à cet effet par la résistance
quelle oppose , ou par les séparations qu'elle
occasionne , et par là elle distribue , pour ainsi
dire , la saturation à laquelle elle ne contribue
pas elle-même.
La condensation que produit l'action réci-
proque des substances m'a servi à expliquer les
limites dans lesquelles les proportions des élé-
ments se trouvent circonscrites dans quelques
combinaisons ; comme le plus grand effet de
l'action réciproque a lieu dans certaines propor-
tions , ces combinaisons doivent se séparer avec
une composition déterminée , ou bien elles ac-
quièrent une existence particulière , en opposant
une résistance qui est égale à l'effort qui a pro-
duit la condensation, et qui doit être surmontée
par un accroissement de force , pour que la
progression de l'action chimique puisse conti-
nuer, à moins que les dispositions naturelles
538 STATIQUE CHIMIQUE.
des éléments d'une combinaison ne fassent varier
ce résultat.
La force de cohésion qui constitue Tétat so-
lide est un effet de l'affinité réciproque des mo-
lécules ou des parties intégrantes , laquelle
devient plus puissante que l'action expansive du
calorique : cette prédominance peut être due à
la condensation produite par la combinaison :
elle devient une résistance plus grande à l'action
des autres affinités , non-seulement parce qu'elle
résulte d'une forte action réciproque , mais
encore parce qu'elle fait que les autres subs-
tances ne peuvent se trouver qu'en petite quan-
tité dans la sphère d'activité , et qu'alors une
plus grande proportion cesse de produire un
effet.
Ainsi , l'affinité réciproque de deux subs-
tances tend souvent à produire une saturation
de propriétés : un effet de cette action est une con-
densation qui chasse ou comprime le calorique ;
«ie cette condensation suit une augmentation
de l'affinité réciproque des molécules d'une
substance ou des parties intégrantes d'une
combinaison : cette affinité réciproque fait
passer par là une substance gazeuse à l'état li-
quide ou à l'état solide.
L'affinité qui produit la combinaison , agit
en raison de la quaniiié; mais elle se sature :
raffinité réciproque des molécules , faible d'à-
1
COXCLUSIOJN" DE LA PREMIÈRE PARTIE. SSq
bord , presque nulle dans une substance gazeuse ,
et indépendante des quantités, s'accroît par la
combinaison en raison de la condensation à
laquelle elle peut ensuite contribuer elle-même
de plus en plus : elle se compose de celles des
éléments de la combinaison , ainsi que la pesan-
teur spécifique : l'une et l'autre affinité pro-
duisent des effets qui se compliquent avec ceux
du calorique, et qu'il faut tâcher de distinguer
dans les phénomènes physiques , comme dans
ceux que Ton regarde comme chimiques.
Enfin j'ai tâché de démêler la part que pou-
vaient avoir dans l'action chimique les subs-
tances dont on néglige le plus ordinairement
l'effet , en les regardant simplement comme des
dissolvants , et la propagation plus ou moins
lente de l'action chimique , qui est analogue k
^la faculté conductrice de la chaleur.
J'ai été conduit par ces différentes considé-
lations à conclure que l'affinité chimique ne
suivait j)oint de lois particulières, mais que
tous les phénomènes qui dépendaient de l'ac-
tion mutuelle des corps , étaient l'effet des
mêmes propriétés dont la chimie cherchait à
embrasser tous les résultats , qu'il ne fallait à
cet égard établir aucune distinction entre la
pliysique et cette science, et que l'affinité de
différentes substances qui produit leurs combi-
pA'sons, n'est pas élective' mais Mi«'el!e est va«
54o STATIQUE CHIMIQUE,
riable selon les quantités qui agissent , et selon
les conditions qui concourrent à ses effets.
Il suit de là que les qualités chimiques des
différentes substances dépendent , i*. de leurs
tendances à la combinaison qui se saturent mu-
tuellement , et qui restent plus ou moins domi-
nantes dans les combinés ; îi°. de leurs rapports
avec le calorique qui produit leur disposition
plus ou moins grande à Texpansioïi , et qui
modifie leur faculté de combinaison , en fesant
varier la quantité qui peut se trouver dans la
sphère d activité , et en opposant l'élasticité à
la condensation , qui est un effet de la combi-
naison ; S^^. de l'action réciproque de leurs mo-
lécTiles , qui s'ajoute à l'effet de l'affinité qui a
produit une combinaison , mais qui s'oppose à
leur action réciproque avec les autres substances;
4'*. de leurs rapports avec les autres substances
qui en se combinant avec elles , ne produisent
pas une saturation réciproque de propriétés ;
mais en font un partage et une distribution va-
riables , et principalement de celles qui dépendent
de la constitution. D'où il suit , qu'en considérant
l'état de saturation des éléments d'une combinai-
son , et la condensation qu'ils ont éprouvée , on
peut reconnaître dans un combiné l'origine des
propriétés qui le distinguent.
aSG. Je me suis écarté de la marche ordinaire
des chimistes : ils ont déduit les lois de l'affinité
OO^iCLUSlOX DE LA PREMIÈRE PARTIE. 54 1
des phénomènes dans lesquels l'action chiuiique
se montre puissante ; j'ai cherché au contraire à
la suivre depuis qu'elle commence à produire un
effet sensible jusqu'à sa plus grande énergie,
en remarquant les causes qui pouvaient la mo-
difier , et il m'a paru que c'était principalement
dans ces premiers effets , que l'on pouvait surr
tout en distinguer le caractère , parce que son
action même fait naître dans les substances des
affections qui deviennent des forces nouvelles
qui déguisent sa marche; ainsi lorsque l'on ob-
serve une combinaison qui est accompagnée d'une
forte contraction , on est tenté de prendre les
proportions fixes qui sont déterminées par cette
circonstance , comme un attribut de l'affinité ,
pendant que si l'on suivait l'affinité , ou lorsque
les proportions sont très-inégales , ou lorsqu'elle
ne produit qu'une faible contraction , on verrait
que Faction est proportionnelle aux quantités
qui l'exercent.
En rappelant à un nouvel examen toutes les
puissances qui concourrent aux résultats de
l'action chimique , et sur lesquelles doit être
établie la théorie générale de la chimie , je ne
me flatte pas d'avoir assigné à chacune ses véri*
tables limites , et encore moins d'avoir indiqué
toutes les causes qui peuvent contribuer aux
faits dont je me suis appuyé : j'ai manifesté dans
l'introduction quelle opinion je m'étais formée
bi'ï STATIQUE CHI?.riQUE.
d'une tlîcorie générale. C'est une discussion qii^
j'ai cherclië à établir sur des principes auxquels
i on m'a paru donner trop d'extension.
On doit, dans toute discussion dans laquelle
on tâche de reconnaître les causes des pliéno-
mènes , ne pas perdre de vue qu'il arrive
souvent qu'un ou plusieurs phénomènes ana-
logues peuvent également s'expliquer par deux
hypothèses , et qu'alors on peut soutenir deux
opinions quelquefois contradictoires, jusqu'à
ce que l'on soit parvenu à une modification
des effets , qui exclut enfin l'une des deux
hypothèses ; c'est là une circonstance qui peut
maintenir par l'expérience même quelques opi-
nions opposées , et il est difficile que l'intérêt
naturel que l'on attache à ses conceptions , n'en-
gage à multiplier ces espèces de faits qui peu-
Vent recevoir l'une des deux interprétations ;
cependant l'esprit philosophique qui donne tant
d'éclat à la chimie en particulier , ne tarde pas
à dissiper les incertitudes qui peuvent partager
les opinions; il est difficile de trouver dans les
annales de l'esprit humain une époque qui Flio-
nore plus que cette unanimité qui. s'est si promp-
tement établie sur une théorie qui était domi-
nante, celle du phlogistique.
Lorsque l'on est parvenu à distinguer les
causes générales des phénomènes chimiques, il
est cependant facile de se tromper dans plu-^
I
CONCLUSTOW DE LA PRE?.Tli:RE PARTIE. S/j^
Sieurs applications , soit parce que les circons-
tances qui ont de linfluence sur ces faits , ne
sont pas assez connues , soit parce que plusieurs
causes peuvent y concourir , etque^'on attribue
aux unes ce qui dépend des autres.
C'est ce concours de plusieurs causes pour pro-
duire un même effet, qui produit sur-tout des
anomalies apparentes , qui conduit quelquefois à
des explications douteuses , ou qui les rend même
impossibles : alors, sans infirmer par ces faits obs-
curs les conséquences déduites de faits plus posi-
tifs, on doit suspendre l'explication , ou s'arrêter
à des vues conjecturales.
Je ne me déguise pas que pour exécuter le
projet auquel j'ai été conduit par l'établissement
xnomentané des écoles normales , et par le désir
que j'ai eu de revoir le travail précipité auquel
il m'avait engagé , pour qu'il pût me guider dans
l'enseignement de l'école polytechnique , j'aurais
dû avoir une connaissance plus étendue des tra-
vaux qui se sont beaucoup multipliés depuis quel-
que temps : distrait pendant plusieurs années par
des occupations étrangères à la science , je n'ai
pu suppléer qu'imparfaitement , depuis qu'il
m'est permis de reprendre mes études , aux
recherches qui m'eussent été nécessaires.
Flîf DE LA. PREMlilEE PAllTIE,
^'