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'**Y,
BIBLIOTHECA
S&<*l¥l&l«SïS
ESSAI
PHILOSOPHIQUE
CONCERNANT
L'ENTENDEMENT
HUMAIN.
TOME QUATRIEME.
ESSAI
. PHILOSOPHIQUE
CONCERNANT
L'ENTENDEMENT
HUMAI N,
0 TJ l'o N MONTRE
Ouelle eft l'étendus de nos connoiffances certai-
nes , & la manière dont nous y parvenons.
par M. LOCK E.
• Traduit de VJngWis par M. COSTE-
NOUVELLE ÉDITION,
Revue, corrigée & augmentée de quelques Addiiions
irapor.a:',tes de l'Auteur, qui n'ont paru qu'après fa
mort , •& de plufiçurs Remarquesdu Traductenr , dont
quelques-unes paroiflent pour la première fois dans
cette Édition.
Quàm btllum eft vtllt cor.fitsrl potihs nefeire quodnef-
cias , quàm ifta tfutienicm naufeare , atque ipfumfibi
difpîiarè! Cic. de Nat. Deor. Lib. I.
- TOME QUATRIEME.
A AMSTERDAM^
AUX DÉPENS DE LA COMPAONH.
a^mu — =ggg^! — '-gg*
Mt D CC, L X X IV» .
TABLE
DES CHAPITRES.
TOME IV.
«Chap. I V. TT*\ E la réalité de notre
U JJ Connoijfance. Pag. I
V. De la Vérité en général. a 5
,VI. Des Propojitions univerfelles , de
leur Vérité & de leur Certitude, 3 6
VII. Des Propojitions qu'on nomme
Maximes ou Axiomes. 61
VIII. Des Propojitions frivoles. 99
IX. De la Connoijfance que nous avons
de notre exiflence. 1 1 7
X. De la Connoijfance que nous avons
de V exiflence de Dieu. 119
XI. De la Connoijfance que nous avons
de V exiflence des a • rti es chofes. 1 46
XII. Des Moyens d'augmenter notre
Connoijfance. 1 64
XIII. Autres Confldérations fur notre
Connoijfance. 186
XIV. Du Jugement. ioo
XV. De la Probabilité. 194
XVI. Des Degrés d'aj/èntiment, 2.01
XVII. De la Raifon. 114
TABLE.
XVIIL De la Foi & de la Raifort ;
& de leurs bornes difUncles* 16&
XIX. De VEnthouJiafme. 283
XX. De V Erreur. 303
XXI. De la Divifion des Sùcnces. 32?
a
ESSAI
2
^^^^^^g^g'gg^^sggg^ggg^a
ESSAI
PHILOSOPHIQUE
CûNCER N AN T
L'ENTENDEMENT HUMAIN.
SUITE DU LIVRE IV.
CHAPITRE IV.
— " ■ i i ' «m
De la Réalité de notre Connoijfance.
$. I. Je ne doute point qu'à préfent ChAP* lY'
il ne puifîe venir dans l'efprit de mon 0biea'on:
-, r, • -, • ■„*•-... Si notre con-
Lecteur que je nai travaille jufquici noiffance eft
qu'à bâtir un chârcau en l'air , & qu'il ne placée dans
foit tenté de me dire , » A quoi bon tout cet "ne eut'
» étalage de raifonnemens ? La ConnoifTan- être toute
» ce, dites-vous, n'eft autre chofe que la chim»ntIu«»
» perception de la convenance ou de la
» difeonvenance de nos propres idées.
» Mais qui fait ce que peuvent être ces
Tome IV, A
1 De la Réalité de notre
*■* j n idées ? Y a-t-i! rien de fî extravagant que
Chap. IV.)) les inuginations qui fe forment dans le
» cerveau des hommes ? Où efr celui qui
» n'a pas quelque chimère dans la tête ? Et
x> s'il y a un homme d'un fens raffis & d'un
» jugement tout-à-fait folide , quelle diffé-
» rence yaura-t-il, en vertu de vos Règles ,
v entre la connoifiance d'un tel homme , &
» celle de l'efprit le plus extravagant du
» monde ? Ils ont tous deux leurs idées ,
» & apperçoivent tous deux la convenance
» ou la difeonvenance qui efr entr'elles. Si
» ces idées différent par quelque endroit ,
» tout l'avantage fera du côté de celui qui
» a l'imagination la plus échauffée , parce
» qu il a des idées plus vives & en plus
» grand nombre ; de forte que félon vos
» propres Règles il aura auffi plus de con-
» noiffance. S'il efr vrai que toute la con-
» noiffance confifte uniquement dans la
j> perception de la convenance ou de la dif-
*> convenance de nos propres idées, il y aura
x> autant de certitude dans les vifions d'un
» EnthoufiafTe que dans les raifennemens
» d'un homme de bon fens. 11 n'importe
» ce que les chofes font en elles-mêmes ,
}> pourvu qu'un hemme obferve la conve-
>> nance de fes propres imaginations & qu'il
» parle conféquemment ; ce qu'il dit efr cer-
» tain , c'eû la vérité toute pure. Tous ces
» châteaux taris en l'air feront d'aufû fertes
» retraites de la Vérité que les Démcnftra-
2» tions d'Luclidc. A ce compte, dire qu'une
Connoijfance. Liv. IV.
fi harpie n'efl: pas un centaure , c'eft aufïi- =
» bien une connoiifance certaine 6z une vé- Chap. I Y.
» rite , que de dire qu'un quarré n'eft pas
» un cercle.
» Mais de quel ufage fera toute cette
» belle connoifknce des imaginations des
» hommes, à celui qui cherche a s'infiruire
» de la réalité des choies ? Qu'importe de
» favoir ce que font les fantaifies des
» hommes ? Ce n'eft que la connciffance
« des chofes qu'on d( it eftimer, c'eft cela
» feul qui donne du prix à nos raifonne-
» mens , & qui fait préférer 13 connoiifan-
» ce d'un homme à celle d'un autre , je veux
» dire la connoiilance de ce que les chofes
» font réellement en elles-mêmes , & non
» une connoiiîance de fonges & de vifions.
$. 1. A cela je réponds: Que fi la con- Réponfe:
noiifance-que nous avons de nos idées , Ce Notre con-
■\>r >' j ' noiffance
termine a ces idées lans s étendre pius n.eft ^.m
avant lorfqu'on fe propofe quelque choie mérique ,
de plus , nos plus féneufes penfées ne P"^1.'* °"
feront pas d'un beaucoup plus grand ufage s'accordent
que les rêveries d'un cerveau déréglé ; & avec les
que les vérkés fondées fur cette connoif- cnoIes'
fance ne feront pas d'un plus grand poids
que les difcours d un homme qui voit clai-
rement les chofes en fonge , & les débite
avec une extrême confiance. Mais , avant
que de finir, j'efpere montrer évidemment
que cette voie d'acquérir de la ceni'ude
par la connoiiFance de nos propres idées ,
renferme quelque chofe de plus qu'une
A a
'4 De la Réalité de notre
~ — a pure imagination ; & en même tems il
Chap, iV.paroiira, à mon avis, que toute la cer-
titude qu'on a des vérités générales , ne ren-
ferme effectivement autre chofe.
§. 3. Jl eft évident que l efprit ne con-
noit pas les chofes immédiatement , mais
feulement par l'intervention des idées qu'il
en a. Et par conféquent notre connoiflance
11'eft réelle, qu'autant qu'il y a de la con-
formité entre nos idées & la réalité des
chofes. Mais , quel fera ici notre Critcrion ?
Comment l'efprit qui n'apperçoit rien que
fes propres idées , connoîtra-t-il qu'elles
conviennent avec les chofes mêmes? Quoi-
que cela ne femble pas exempt de difficulté,
je crois pourtant qu'il y a deux fortes
d'idées dont nous pouvons être affûtés qu'elles
font conformes aux chofes.
Et premié- $. 4. Les premières font les idées fim-
rement , de „/r5 • car pUifqUe l'efprit ne fauroit en au-
ce nombre * ■ r , c - \ ■ *
l'ont toutes cune manière le les former a lui - même ,
ïes idées fim- comme nous l'avons fait voir , il faut né-
p ceffairement qu'elles foient produites par
des chofes qui agiffent naturellement fur l'ef-
prit & y falfent naître les perceptions aux-
quelles elles font appropriées par la fageffe
& la volonté de celui qui nous a faits. Il
s'enfuit de-îà que les idées fimples ne font
pas des fictions de notre propre imagination ,
mais des productions naturelles ce régulières
de chofes édifiantes hors de nous , oui opè-
rent réellement fur nous; & qu:ainfi elles
ont .toute la conformité à quoi. elles font
Conr.oijfance. Liv. IV %
deftinées , ou que notre état exige : car — s
elles nous repréfentent les chofes fous les Chap. I V.
apparences que les chofes font capables de
produire en nous , par où nous devenons
capables nous-mêmes de diftinguer les Ef-
peces des Subftances particulières , de dis-
cerner l'état où elles fe trouvent , & par
ce moyen de les appliquer à notre ufage.
Ainfi l'idée de blancheur ou d'amertume ,
telle qu'elle eft dans l'efprit , étant exacte-
ment conforme à la puilfance qui eft dans
un corps d'y produire une telle idée , a
toute la conformité réelle qu'elle peut ou
doit avoir avec les chofes qui exiftent hors
de nous. Et cette conformité qui fe trouve
entre nos idées fimples & l'exiitence des
chofes, fuffit pour nous donner une con-
noifTance réelle.
§. 5. En fécond lieu , toutes nos idées Seconde-
complexes , excepté celles des fubftances , ment : Tou-
étant des Archétypes que l'efprit a formés tes le.s ldecs
1 • * vi 1 j a- / ^ * 1 complexes,
lui-même, quil na pas défîmes a être des exCepté cel-
copies de quoi que ce foit , ni rapportés à les des fubC
l'exiftence d'aucune chofe comme à leurs tances*
originaux , elles ne peuvent manquer d'a-
voir toute la conformité néceffaire à une
connoiffance réelle. Car ce qui n'eft pas
deftiné à repréfenter autre chofe que foi-
même, ne peut être capable d'une fauffe
repréfentation, ni nous éloigner de la jufte
conception d'aucune chofe par fa difTemblan-
ce d'avec elle. Or , excepté les idées des
Subftances, telles font nos idées complexes
A3
6 De la Réalité de notre
i — j qui , comme j'si fait voir ailleurs, font des
Chap. IV. combînaifons d'idées que l'efprit joint en-
femble p^r un libre choix, fans examiner
fi des ont aucune li.ifon d.ns la nature.
De là vient que toutes les id.es de cet or-
dre font elles mêmes conlidérées comme
des Archétypes: 6c les chofes ne font con-
fia érées qu'en tant qu'elles y font confor-
mes. De (or'e que nous ne pouvons qu!être
infailliblement allures quj toute notre con-
noifTance tuuchant ces idées eir réelle, 6c
s'étend ~ux choies même , p. rce que ,
.dans tuutcs nos penfées, 6c dans tous nos
raifoopemens & dans tous nos difcours
fur ces fortes d'idées , nous n'avons def-
fein de coniidérer les choies qu'autant
qu'elles font conformes à nos idées ; & par
coniéquent nous ne pouvons manquer d'at-
traper fur ce fujet une réalité certaine &
ïiiuuuîîable.
Ceft fur £, 6. Je fuis afTuré qu'on m'accordera
fo dée<I'î *"ans Peme tîue ^a conneilfance que nous
réalité des pouvons avoir des Vérités Mathématiques ,
co:,noiflan- neft pas feulement une connoiffance cer-
ces Mathc- • • j u r .
manques, taine, mais réelle , que ce ne lont point
de fimples vifions , & des chimères d'un
cerveau fertile en imaginations frivoles.
Cependant , à bien confidérer la chofe ,
nous trouverons que toute cette connoif-
fance roule uniquement fur nos propres
idées. Le Mathématicien examine la vérité
6c les propriétés qui appartiennent à un
jReciangle ou à un Cercle , à les confidérer
Connoijfance. Liv. IV. 7
feulement tels qu'ils font en idée dans fon - -" - " -
efprit ; car peut-être n'a-t-il jamais trouvé Chap' y*
en fa vie aucune de ces figures , qui foient
mathématiquement , c'eft-a-dire , précifé-
ment & exactement véritables. Ce qui n'em=
pêche po rtant pus que la connouTance qu'il
a de quelque vériré ou de quelque propriété
que ce foit, qui appartiennent au Cercle ou à
toute autre figure Mathématique , ne foit
véritable & certaine, même à l'égard des
chofes réellement exifhntes; parce que les
chofes réelles n'entrent dans ces fortes de
Propofitions, & n'y font confidérées qu'autant
qu'elles conviennent réellement avec les Ar-
chétypes qui font dans l'efprit du Mathé-
maticien. Efr-il vrai de l'idée du Triangle
que fes trois Angles font égaux à deux
droits ? La même chofe eu auffi véritable
d'un Triangle , en quelque endroit qu'il
exifte réellement. Mais que toute autre fi-
gure actuellement exiftante , ne foit pas
exactement conforme à l'idée du Triangle
qu'il a dans l'efprit , elle n'a abfolument
rien à démêler avec cette Propofition. Et
par conféquent le Mathématicien voit cer-
tainement que toute fa connoiffance tou-
chant ces fortes d'idées eft réelle ; parce
que ne confidérant les chofes qu'autant
qu'elles conviennent avec ces idées qu'il a
dans l'efprit, il eft affuré, que tout ce qu'il
fait fur ces figures , lorfqu'elles n'ont qu'-
une exiftence idéale dans fon efprit , fe
trouvera auflî véritable à l'égard de ces mê-
A4
8 Dt la. Txéalitê de no<rt
\ — mes figures , fi elles viennent à exifier i.
Chap. IV. lemenc dans la Matière: fes réflexions ne
tombent que fur ces figures , qui font les
mêmes , cù qu'elles exjilent , & de quel-
que manière qu'elles exiftent.
lit! descon- $* 7' Ils s'enuair û'e là Mue la connoif-
noifTances fance des Ve'rités morales eu auffi capable
morales. d'une certitude réelle que celle des Vérités
mathématiques ; car la certitude n'étant que
la perception de la convenance ou de la
difeonvenance de nos idées; & la Démons-
tration n'étant autre chofe que la percep-
tion de cette convenance par l'intervention
d'autres idées moyennes ; comme nos idées
morales font elles - mêmes des Archétypes
auffi-bien que les idées mathématiques , ck
qu'ainiî ce font des idées complettes; toute
la convenance ou la difeonvenance que nous
découvrirons entr'elles produira une connoif-
fance réelle auffi-bien que dans les figures
mathématiques.
L'exiften- x 8> pour nr/eù* à la Connoiffance
ce n elt pas y r m
requife pour & la certitude ,. il eu necenaixe que nous
rendre cette ayons des idées déterminées : & pour faire
connoifiance ■ rr r. • i n. »t e
réelle. que notre connomance loit réelle, il faut
que nos idées répondent à leurs Archéty-
pes. Du refte , l'on ne doit pas trouver
étrange , que je place la certitude de notre
connoiffance dans la confidération de nos
idées , fans me mettre fort en peine ( à ce
qu'il femble ) de l'exiftence réelle des cho-
fes ; puifqu'après y avoir bien penfé , l'on
trouvera, fi je ne me trompe, que la plu-;
Connoiffance. Liv. IV. 9
part des difcours fur lefque's roulent les
penfées & les difputes de ceux qui précen- Chai" v"
dent ne fonger a autre choie qu'a la re-
cherche de la Vérité & de la Certitude ,
ne font effectivement que des propofitions
générales & des notions auxquelles l'exiften-
ce n'a aucune part. ,Tous les difcours des
Mathématiciens fur la Quadrature du Cer-
cle, fur les Serions Coniques, ou fur toute
autre partie des Mathématiques , ne regar-
dent point du tout l'exiftence d'aucune de
ces figures. Les Démonftrations qu'ils font
fur cela , & qui dépendent de3 idées qu'ils
ont dans l'efprit , font les mêmes , foit qu'il
y ait un Quarré ou un Cercle actuellement
exiftânt dans le monde ou qu'il n'y en ait
point. De même, la vérité & la certitude
des difcours de Morale eft confédérée in-
dépendamment de la vie des hommes &
de l'exiftence que les Vertus dont ils trai-
tent, ont actuellement dans le monde ;&
les Offices de Ciceron ne font pa3 moins
conformes à la Vérité , parce qu'il n'y a
perfonne dans le monde qui en pratique
exactement les maximes , qui règle ù vie
fur le modèle d'un homme de bien tel que
Ciceron nous l'a dépeint dans cet ouvrage ,
& qui n'exiftoit qu'en idée lorfqu'il écri-
voit. S'il elt vrai dans la fpéculation ,
c'eft à-dire, en idée que le meurtre mérite
ta mort y il le fera auffi à l'égard de toute
action réelle qui eft conforme à cette idée
de Meurtre, Quant aux autres actions , la
A. S
io De la Réalité de notre
vérité de cette propofition ne les touche en
• tHAr- l1 V. aucune manière. Il en cft de même de tou-
tes les autres efpcces de chofes qui n'ont
point d'autre elîence que les idées mêmes
qui font dans l'efprit des hommes,
noiflance $• 9* Mais, dira-t-on, fi la connoiflance
n'eft pas morale ne confifte que dans la contempla-
moms venta- tjon fe nos propres idées morales ; & que
ble oucer- .' r r > n
taine, parce ces idées , comme celles des autres Modes
«jue les idées foient de notre propre invention , quelle
de Morale /. ■ j 1 r a- a,
/ont de notre etrange notion aurons-nous de la Jujtice <Sc
propre in- de la Tempérance ? Quelle confufion entre
vention , & |es Vertus & les Vices , fi chacun peut s'en
que c eft nous r 11 -j/ A 1 • 1 : \ « >
qui leur don- *orrner telles idées qu il lui plaira ? Il n y
onsdes aura pasplus de confufion ou de défordre dans
noms, jes c^0fes mêmes , & dans les raifonnemens
qu'on fera fur leur fujet , que dans les Ma-
thématiques il arriverait du défordre dans
les Démonfliations, ou du changement dans
les Propriétés des figures & dans les rapports
que l'une a avec l'autre, fi un homme fai-
feit un Triangle à quatre coins , & un
Trapèze à quatre Angles droits; c'elr-à-dire
en bon François , s'il changeoit les noms
des figures , & qu'il appellât d'un certain
nom ce que les Mathématiciens appellent
d'un autre. Car qu'un homme fe forme
l'idée d'une figure à trois angles dont l'un
foit droit , & qu'il l'appelle, s'il veut ,
Equilative ou Trapèze, ou de quelque autre
nom, les propriétés de cette idée 6v les Dé-
monstrations qu'il fera fur fon fujet , feront
les mêmes que s'il l'appelloit Triangle lUc*
Connoiffance. Liv. IV. 1 1
tande. J'avoue que ce changement de nom, ^ --f -'
contraire à la propriété du langage , trou-
blera d'abord celui qui ne fait pas quelle
idée ce nom fignifie ; mais dès que la figure
eft tracée, les conféquences font évidentes,
& la Démonftration paroît clairement. Il
en eft juftement de même à l'égard des con-
noiflances morales. Par exemple f qu'un
homme ait l'idée d'une action qui confifte
à prendre aux autres fans leur confente-
ment ce qu'une honnête induftrie leur a
fait gagner, & qu'il lui donne, s'il veut ,
le nom de Juftice , quiconque prendra ici
le nom fans l'idée qui y eft attachée, s'éga-
rera infailliblement , en y attachant une
autre idée de fa façon. Mais féparez l'idée
d'avec le nom , prenez le nom tel qu'il eft
dans la bouche de celui qui s'en fert , &
vous trouverez que les mêmes chofes con-
viennent à cette idée qui lui conviendront fi
vous l'appeliez injufiice. A la vérité , les
noms impropres caufent ordinairement plus
de défordre dans les difcours de Morale ,
parce qu'il n'eft pis fi facile de les rectifier
que d:ns les Mathématiques , où la figure ,
une fois tracée & expofée aux yeux , fait
que le mot eft inutile , & n'a aucune force ;
car qu'eft-il befcin de figne lorfque la chofe
fignifiée eft préfente ? Mais dans les termes
de Morale , on ne fauroit faire cela fi aifé-
ment, ni fi promptement , à caufe de tanc
de compofitions compliquées qui conftituent
les idées complexes de ces Modes. Cepen*
A 6
1% De la Réalité de notre
•»" ■»■■" '■ = dant qu'on vienne à nommer quelqu'une de
Gh^p. 1 Y. ces idées d'une manière contraire à la fi-
gnification que les mots ont ordinairement
dans cette Langue , cela n'empêchera point
que nous ne publions avoir une connoif-
fance certaine & démonfirative de leurs di-
verfes convenances ou difeonvenances ,. fi-
nous avons le foin de nous tenir conftam-
ment aux mêmes idées précifes , comme
dans les Mathématiques , &. que nous fui-
vions ces idées dans les différentes relations,
qu'elles ont l'une à l'autre fans que leurs,
noms nous fa/ïent jamais prendre le change.
Si nous féparons une fois l'idée en queftion
d'avec le figne qui tient fa place y notre
ConnoifTance tend également à. la décou-
verte d'une vérité réelle & certaine , quels,
que foient les fons dont nous nous fer.—
„ vions.
Des noms- , .. , . v ,
ïnal impo(és y- 10. Une autre cnole a quoi nous ds-
ne confon- vons prendre garde , c'eft que Iorfque Dieu
ceîtkudéntd3 ou quelqu'aurre Légiflateur ont défini cer-
iiotre con- tains termes de Morale , ils ont établi par.—
Noiiîance. là l'effence de cette efpece à laquelle ce
nom appartient ; & il y a du danger, après
cela , de l'appliquer ou de s'en, fervir dans
un autre fens. Mais en d'autres rencontres
c'efi une pure impropriété de langage que
d'employer ces. termes de Morale d'une mi-
nière contraire à l'ufage ordinaire du pays.
Cependant cela même ne trouble, point la
certitude de la connoiffance , qu'on peut
toujours acquérir , par une légitime confia
ConnoiJfance.Llv.ïV. 13
dération & par une exacte comparaifon de ^
ces idées , quelques noms bifarres qu'on leur Chap« W*
donne.
G. 11. En troifieme lieu, il y a une Les idées
y r ... ■/ , • /• des nibftan-
autre lotte d idées complexes qui le rap- ces ont leurs
portant à des Archétypes qui exifïent hors Archétypes
de nous, peuvent en être différentes; & hors deaous^
ainfi notre connoiffance touchant ces idées
peut m mquer d'être réelle. Telles font nos
idées des Subftances , qui confïitant dans
une colle&ion d'idées fimples , qu'on fuppofe
déduites des Ouvrages de la Nature , peu-
vent pourtant être différentes de ces Ar-
chétypes , dès-là qu'elles renferment plus
d'idées ou d'autres idées que celles qu'on
peut trouver unies dans les chofes même.
D'où il arrive qu'elles peuvent manquer 3
& qu'en effet elles manquent d'être exac-
tement conformes aux chofes même.-
$. ia. Je dis donc que pour avoir des nosu^^squs"
idées des Subftances qui étant conformes conviennent
aux chofes puiffenr nous fournir une con- a^c ces Ar°
noiflance réelle, il ne fuffit pas de joindre aiitant^no'tre
enfemble , ainfi que dans les Modes , des connoifl'ance
idées qui ne foient pas incompatibles , quoi- e" r^eIle'
qu'elles n'aient jamais exifté auparavant de
cette manière, comme font par exemple,
les idées de Sacrilège ou de Parjure , &c.
qui étoient aufïi véritables & au/fi réelles
avant qu'après l'exiftence d'aucune telle ac-
tion. Il en eft , dis-je ,. tout autrement à
l'égard de nos idées des Subftances ; car
«elles-ci éxam regardées comme des copies-
14 De la Réalité de notre
— qui doivent repréfenter des Archétypes exif-
ViiAP. IV. tans hors je nous } elles doivent être tou-
jours formées fur quelque chofe qui exifte
ou qui ait exifté, & il ne faut pas qu'el-
les foient compofées d'idées que notre ef-
prit joigne arbitrairement enfemble fans
fuivre aucun modèle réel d'où elle* aient
été déduites , quoique nous ne puiffions ap-
percevoir aucune incompatibilité dans une
telle combin?ifon. La raifon de cela eft ,
que ne fâchant pas quelle eft la conftitu-
tion réelle des Subftances d'où dépendent
nos idées hmples , & qui eft effectivement
la caufe de ce que quelques-unes d'elles font
étroitement liées enfemble dans un même
fujet , & que d'autres en font exclues ; il
y en a fort peu dont nous puifiions affurer
■qu'elles peuvent ou ne peuvent pas exifter
enfemble dans la nature , au-delà de ce
qui paroît par l'expérience & par des ob-
fervations fenfibles. Par conféquent toute
la réalité de la connoiffance que nous avons
des Subftances eft fondée fur ceci : Que
toutes nos idées complexes des Subftances
doivent être telles qu'elles foient unique-
ment compofées d'idées fimples qu'on ait
reconnu co-exifter dans la nature. Jufques-
là nos idées font véritables , & quoiqu'elles
ne foient peut-être pas des copies fort
^xacles des Subftances, elles -ne laiffent pour-
tant pas d'être les fujets de la connoiffance
réelle que nous avons des Subftances :
.connoiftance qu'on trouvera ne s'étendre
Connoijfance. Liv. IV. 1 $
pas fort loin , comme je l'ai déjà montré'. - S 3
Mais ce fera toujours une connoiflance réel- Chap» * ■ »*
le , aufli loin qu'elle pourra s'étendre. Quel-
ques idées que nous ayons, la convenance
que nous trouvons qu'elles ont avec d'au-
tres, fera toujours un fujet de connoiflan-
ce. Si ces idées font abftraites, la connoif-
fance fera générale. Mais pour la rendre
réelle par rapport aux Subftances, les idées
doivent être déduites de l'exiftence réelle
des chofes. Quelques idées fimples qui aient
été trouvées coexifîer dans une Subftance 3
nous pouvons les joindre hardiment enfera-
ble , & former ainfi des idées abftraites des
Subftances. Car tout ce qui a été une fois
uni dans la nature, peut l'être encore.
§. 13. Si nous confidérions bien cela, Dans nos
& que nous ne bornafïions pas nos pen- recherches
fées & nos idées abftraites à des noms com- ta'nCeess noUg
me s'il n'y avoit , ou ne pouvoit y avoir devons con-
d'autres efpeces de chofes que celles que fld5rer les
les noms connus ont déjà déterminées, & pas borner
pour ainh dire , produites , nous penferions nospenfées
aux chofes mêmes d'une manière beaucoup a °e,sn°ms»
r ou a des ef-
plus libre & moins connue que nous ne peces qu'on
faifons. Si je difois de certains Imbécilles f«pp°fe éta-
t c j 1 blies par des
qui ont vécu quarante ans ians donner le noms
moindre figne de raifon , que c'eft quelque
chofe qui tient le milieu entre l'homme
& la bête , cela pafleroit peut-être pour un
paradoxe bien hardi , ou même pour une
faufleté d'un très-dangereufe conféquence ;
& cela en vertu d'un préjugé 7 qui n'eft fou^
16* Delà "Réalité de notre
dé fur autre chofc que fur cette fauffe fup^
Chap. I V. pofition , que ces deux noms Homme &
béte y fignifient des Efpeces diftincres , fi
bien marquées par des Eifences réelles 9
que nulle autre Efpece ne peut intervenir
entr'elles ; au lieu quefi nous voulons faire
abf hraclion de ces noms , & renoncer à la
fuppofition de ces effences fpécinques t
établies par la Nature, auxquelles toutes les
chofes de la même dénomination partici-
pent exactement & avec une entière égalité:
fi , dis-je , nous ne voulons pas nous figu-
rer qu'il y ait un certain nombre précis de
ces effences fur lefquelles toutes les chofes
aient été formées & comme jettées au mou-
le , nous trouverons que l'idée de la figure ,
du mouvement & de la vie d'un homme
deftitué de raifon, efl aufïi-bien une idée
diftinde &c confirme auffi- bien une efpece
de chofe diflin&e de l'homme & de la bèt3,
que l'idée de la figure d'un âne accompagne
de raifon feroit différente de celle de l'hom-
me ou de la bête y & confîitueroit une
efpece d'animal qui tiendrait le milieu entre
1 homme & la bête, ou qui feroit diflinct
de l'un & de l'autre.
Objeftïon $14. Ici chacun fera d'abord tenté de
oueTe dis me ^re : ^* V on peut fuppofer que des Im-
qu'un imbé- bécilles font quelque chofe entre Vhomim
cilieeftquel- g, [a fâie ^ que font-ils donc y je vous prie ?
entre l'hom- ^e répond», ce font des Imhécilles. ; ce qui
me & la bête, efl un aufii bon mot pour quelque chofë
Réponfç. fe différent de la fignification du mot, hom,-
Connoiffance. Liv. IV. \J
me ou bête , que les noms à' homme & de -^
bète font propres à marquer des fignifica- CHAr« IV*
ti.ns difhnctes l'une de l'autre. Cela bien
confidéré pourroit réioudre cette que/lion ,
& faire voir ma penfée fans qu'il fût be-
foin de plus longs difcours. Mais je ne
connois pas fi peu le zèle de certaines
gens , toujours prêts à tirer des conféquen-
ces , & à fe figurer la Religion en danger,
dès que quelqu'un fe hafarde de quitter
leurs façons de parler , pour ne pas pré-
voir quelles odieufes épithetes on peut don-
ner à une telle Propofition. Et d'abord on
me demandera fans doute : Si les imbé.cilles
font quelque chofe entre l'homme & la
bête que deviendront-ils dans l'autre mon-
de ? A cela je réponds , premièrement, qu'il
ne m'importe point de le favoir, ni de le
rechercher: * Qu'ils tombent ou qu'ils fe * Rom.XlV^
fouiiennenty cela regarde leur Maître : & 4.
foit que nous déterminions quelque chofe ou
que nous ne déterminions rien fur leur
condition , elle n'en fera ni meilleure , ni
pire pour cela. Ils font entre les mains d'un
Créateur fidèle , & d'un Père plein de bonté
qui ne difpofe p3s de fes Créatures fuivant
les bornes étroites de nos penfées ou de
nos opinions particulières , & qui ne les
diftingue point conformément aux noms &
aux efpeces qu'il plaît d'imaginer. Du refte,
comme nous connoiffons fi peu de chofes
de ce Monde , où nous vivons actuelle-
ment 3 nous pouvons bien , ce me femble,
1 8 De la Réalité de notre
***--'- — m=> nous réfoudre fans peine à nous abftenir
•CrtAP. IV. dc prononcer dinniivcment fur Iesdifférens
é"ats pir où doivent pafTer les créatures en
quittant ce monde. Il nous peut fuffîre que
Dieu ait fait connoître à tous ceux qui font
capables d'inflruclion , de difcours & de
nifonnement , qu'ils feront appelles à ren-
dre compte de leur conduite , & qu'ils re-
t 2. Corinth. cevront 4* félon ce qu'ils auront fait dans
Y. 10. s>
ce Corps.
$.15. Mais je réponds, en fécond lieu ,
que tout le fort de cette Queftion , Si je
veux priver les Imbécilles d'un état à venir ,
rouie fur une de ces deux fuppofitions qui
font également faufTes. La première eft :
Que toutes les chofes qui ont la forme &
l'apparence extérieure d'homme , doivent
être néceflairement deftinées à un état d'im-
mortalité après cette vie; ou en fécond lieu :
Que tout ce qui a une naiffance humaine
doit jouir de ce privilège. Otez ces imagi-
nations , & vous verrez que ces fortes de
Queflions font ridicules & fans aucun fon-
dement. Je fupplie donc ceux qui fe figu-
rent qu'il n'y a qu'une différence acciden-
telle entr'eux & des Imbécilles , ( l'efTence
étant exactement la même dans l'un & dans
l'autre) de confidérer s'ils peuvent imagi-
ner que l'immortalité foit attachée à aucune
forme extérieure du corps. Il fufrit, je penfe,
de leur propofer la chofe, pour la leur faire
defavouer. Car je ne crois pas qu'on ait
encore vu perfonne dont fefprit foit affez
Connoijfancc. Liv. IV. If
enfoncé dans îa mitiere pour élever aucune
figure compofée de parties groflîeres , fen- Chaf. lr>
fibles , & extérieures , jufqu'a ce point d'ex-
cellence , que d'affirmer que la vie éter-
nelle lui foit due ou en fait une fuite né-
ceffaire , ou qu'aucune muTe de matière une
fois dhïoute ici-bas doive enfuite être ré-
tablie dans un état où elle auri éternelle'
ment du fentimsnt , de la perception &
de la CjnnoiiTance , dcj-la feulement qu'elle
a été moulée fur une telle rigure , que fes
parties extérieures ont eu une telle confi-
guration particulière. Si l'on r.dmet une fois
ce fentiment , qui attache l'immortalité à
une certaine configuration extérieure, il ne
faut plus parler d'Ame ou d'Efprir, ce qui
a été jufqu'ici le feul fondement fur lequel
on a conclu que certains Etres corporels
étoient immortels &que d'autres nel'étoient
pas. C'eiî donner davantage à l'extérieur
qu'à l'intérieur des chofes. C'efr faire con-
finer l'excellence d'un homme dans la fi-
gure extérieure de fon corps plutôt que
dans les perfections intérieures de fon ame :
ce qui n'efr guère mieux que d'attacher cette
grande & ineftimable prérogative d\m état
immortel & d'une vie éternelle dont l'hom-
me jouit préférablement aux autres êtres
matériels , que de l'attacher , dis-je , à la
manière dont fa barbe eft faite , ou dont
fon habit eft taillé; car une telle ou une
telle forme extérieure de nos corps n'em-
porte pas plutôt avec foi des efpérances
10 De la Réalité de notre
r ii d'une durée éternelle , que la façon donc
Chap. IV. e(t fait l'habit d'un homme lui donne un
fujet raifonnable de penfer que cet habit
ne s'ufera jamais , ou qu'il rendra fa per-
fonne immortelle. On dira peut-être , que
perfonne ne s'imagine que la figure rende
quoi que ce foit immortel , mais que c'efHa
figure qui eft le figne de la réfîdence d'une
ame raifonnable qui eft immortelle. J'admire
qui l'a rendue figne d'une telle chofe; car pour
faire que cela foit , il ne fuffit pas de dire am-
plement ; il faudroit avoir des preuves pour
en convaincre une autre perfonne. Je ne
fâche pas qu'aucune figure parle un tel lan-
gage , c'eft-à-dire , qu'elle défigne rien de
tel par elle même. Car on peut conclure
auffi raifonnablement que le corps mort d'un
homme , en qui l'on ne peut trouver non
plus d'app.ïrence de vie ou de mouvement
que dans une flatue , renferme une ame
vivante à caufe de fa figure, que de dire
qu'il y a une ame raifonnable dans un im~
bécille , parce qu'il a l'extérieur d'une créa-
ture raifonnable , quoique durant tout le
cours de fa vie , il ne paroiife dans fes
actions aucune marque de raifon fi exprelfe
que celles qu'on peut obferver en plufieurs
bêtes.
De ce qu'on ^# Io\ Mais un imbécille vient de parens
Monjlre. raifonnables ; & par conféquent il faut qu'il
ait une ame raifonnable. Je ne vois pas par
quelle règle de Logique vous pouvez tirer
une telle conféquence, qui certainement
'Connoijfancc. Liv. IV. i r
n'eft reconnue en aucun endroit de la terre; > ■■■ • -^
car fi elle l'écoit , comment les hommes ofe- tHAP- * v-
roient-ils détruire, comme ils font par-tout ,
des productions nul formées & contrefaites ?
Oh , direz-vous , mais ces productions font
des Monftres. Eh bien feit. Mais — que
feront ces imbécilles, toujours couverts de
bave, fans intelligence, & tout-à-fa»t in-
traitables ? Un défaut dans le corps fera-t-il
un monftre , & non un défaut dans l'efprif ,
qui eft la plus noble , & comme on parle
communément, la plus efTentielle partie de
l'homme ? Eft-ce le manque du nez ou d'un
cou qui doit faire un monftre, & exclure
du rang des hommes ces fortes de produc-
tions, & non le manque de raifon & d'en-
tendement? C'eft réduire toute la Queftion
à ce qui vient d'être réfuté tout-à-1'heure ;
c'eft faire tout confifter dans la figure , &
ne juger de l'homme que par fon extérieur.
Mais pour faire voir qu'en effet , de la ma-
nière dont on raifonne fur ce fujet , les
gens fe fondent entièrement fur la figure ,
& réduifent toute Vejfence de i'efpece hu-
maine ( fuivant l'idée qu'ils s'en forment )
à la forme extérieure , quelque déraifonna-
ble que ceb foit , & malgré tout ce qu'ils
difent pour le défavouer , nous n'avons qu'à
fuivre leurs penfées & leur pratique un
peu plus avant , & la chofe paroîtra avec
la dernière évidence. Un imbécille bien for-
mé eft un homme , il a une ame raifonna-
ble quoiqu'on n'en voie aucun figne ; il n'y
11 De la Réalité de notre
= a point de doute à cela, dites-vous. Faites
Çhaf. IV. jes orci||es Un peu plus longues & plus
pointues, le nez un peu plus plat qu'à l'or-
dinaire & vous commencez à héfiter. Faites
le vifage plus étroit , plus plat & plus long ;
vous voila tcut-à-Lit indéterminé. Donnez-
lui encore plus de reffemblance à une bête
brute , jufqu'à ce que la tête foit parfaite-
ment celle de quelqu'autre animal , dès-lors
c'eft un monjlre ; & ce vous eft une dé-
monftxation qu'il n'a point d'ame , & qu'il
doit être détruit. Je vous demande préfen-
tement, où trouver la jufte mefure & les
dernières bornes de la figure qui emporte
avec elle une ame raifonnable? Car puif-
qu'il y a eu des Fœtus humains , moitié
bête & moitié homme , d'autres dont les
trois parties participent de l'une , & l'autre
partie de l'autre ; & qu'il peut arriver qu'ils
approchent de l'une ou de l'autre forme
félon toute la variété imaginable, qu'ils ref-
femblcnt à un homme ou à une bête par
différens degrés mêlés enfemble ; je ferois
bien aife de l'avoir quels font au jufte les
linéamens auxquels une ame raifonnable peut
ou ne peut pas être unie , félon cette hy-
pothefe ; quelle forte d'extérieur eft une
marque afiurée qu'une ame habite ou n'ha-
bite pas dans le corps. Car jufqu'a ce qu'on
en foit venu là , nuus parlons de l'homme
au hafard , & nous en parlerons , je crois,
toujours ainfi, tandis que nous nous fixe-
rons à certains fons , & que nous nous fi-
Connoîjfance. Liv. IV. 2.3
gureron« certaines efpeces déterminées dans k-«=ss
la Nature , fans favcir ce que c'eit. Mais ClIAP' IV*
après tout , je fouhaitercis qu'on confidé-
rât que ceux qui croient avoir fatisfait à
la difficulté en nous difant qu'un Fatus con-
trefait eit un monftre , tombent dans la
même faute qu'ils veulent reprendre , c'eft
qu'ils établirent par-là une Efpece moyen-
ne entie l'homme & la bête ; car je vous
prie , qu'elt-ce que leur monftre en ce
cas-là , ( fi le mot de menjîre fignifie
quoi que ce foit ) finon une chofe qui n'eft
ni homme, ni bête, mais qui participe de
de l'un & de l'autre ? Or tel eft justement
Viinbécilk dont on vient de parler. Tant il
eft néceflaire de renoncer à la notion com-
mune des Efpeces & des Elfences , fi nous
voulons pénétrer véritablement dans la na-
ture des chofes même , &: les examiner
par ce que nos facultés nous y peu-
vent faire découvrir , à les confidérer telles
qu'elles exillent , & non pas par de vaines
fantaifies dont on s'eft entêté fur leur fujer,
fans aucun fondement.
§. 17. J'vi propoféceci dans cet endroit , LesmotsSc
parce que je crois que nous ne faurions la ^'"^'on
i , r ■ f ■ , des choies era
prendre trop de foin pour éviter que les efpeces nous
mots & les efpeces , à en juger par les no- impofent.
tions vulgaires félon lefquelles nous avons
accoutumé de les employer , ne nous im-
pofent ; car je fuis porté a croire que c'eft-
là ce qui nous empêche le plus d'avoir
des connoifTances claires & diitincles , par-
5-4 &e ïa Réalité de notre
a ticuliérement à l'égard des fubfhnces ; S:
I V. qUe c'eft de. |à qu'eft venue une grande
pairie des difficultés fur la vérité & fur la
certitude. Si nous nous accoutumions feu-
lement à féparer nos réflexions & nos rai-
fonnemens d'avec les mots, nous pour-
rions remédier en grande partie à cet in-
convénient par rapport à nos propres pen-
fées que nous considérerions en nous-mê-
mes , ce qui n'empêcheroit pourtant pas
<jue nous ne fuffions toujours embrouillés
dans nos difeours avec les autres hommes,
pendant que nous perfiflerons -à croire que
les efpeces & leurs eflènees font autre
chofe que nos idées abstraites relies qu'elles
font , auxquelles nous attachons certains
noms peur en être les fignes.
_, 6. 18. Enfin, pour reprendre en peu de
Récapitu- ' . ,. r .
fation, mots ce que nous venons de dire iur la
certitude & la réalité de nos connoilTan-
ces; par-tout où nous appercevons la con-
venance ou la difeonvenance de quelqu'une
de nos idées ; il y a là une connoilTance
certaine ; & par-tout où nous fommes af-
furés que ces idées conviennent avec la réa-
lité des chofes , il y a une connoifTance
certaine & réelle. Et ayant donné ici les
marques de cette convenance de nos idées
avec la réalité des chofes , je crois avoir
montré en quoi confifte la vraie certitude ,
la certitude réelle; ce qui , de quelque ma-
nière qu'il eût paru à d'autres , avoit été
jufqu'ici
Connoijfance. Liv. IV 2.J
jufqu'ici , à mon égard , un de ces Defiderata9
fur quoi , à parler franchement , j'avois
grand befoin d'être éclairci.
CHAPITRE V.
De la vérité en général.
$. i.iL y a plufieurs fiecles qu'on a Chap y
demandé ce que c'eft que la Vérité ; &
comme c'eft-là ce que tout le genre-hu- «aelKérité,
main cherche ou prétend chercher, il ne peut
qu'être digne de nos foins d'examiner avec
toute l'exadhtude dont nous fommes capa-
bles, en quoi elle confifle , & par -là de
nous inftruire nous-mêmes de fa nature ,
& d'obferver comment l'efprit la diftingue
de la faufTeté.
§. a. Il me femble donc que la vérité Une }ufle
n'emporte autre chofe , félon la fignification coni°"&ion
j . „/..••?• » oiueparation
propre du mot , que La conjonction ou la des fignes ,
féparation des fignes fuivant que les chofes c'eft-à-dire
mêmes conviennent ou difconviennent en- jes ldees ou
truelles. Il faut entendre ici par la conjonc-
tion ou la féparation des fignes ce que nous
appelions autrement propofition. De forte
que la vérité n'appartient proprement qu'aux
proportions , dont il y en a de deux fortes ,
l'une mentale , & l'autre verbale , ainfi que
les fignes dont on fe fert communément
Tome i V. B
De la Vérité
- — ! font de deux fortes , favoir les idées &
Chap. V. les mQt5t
„ ... G. l. Pour avoir une notion chire delà
Ce qui fait ?•*■•/!.* ' ir • i ri' i
îes propoli- vente , il eit fort neceilaire de conhdtrer la
ti mis menta- vérité' mentale & la vérité verbale diflinc-
?es.& Veiba" «wnènt Tune de l'autre. Cependant il crt
très-difiicile d'en difcourir féparérnent, parce
qu'en traitant des proportions mentales on
ne peut éviter d'employer les fecours des
mots , & dès -là les exemples qu'on donne de
propositions mentales ceffent d'être pure-
ment mentales & deviennent verbales. Car
une proposition mentale n'étant qu'une
l'impie considération des idées comme elles
font dans notre efprit fans être revêtues de
mots , elles perdent leur nature de propo-
rtions purement mentales dès qu'on em-
ploie des mots pour les exprimer.
Il eft fort V* 4* ^e ^u' ^âlt cîu ^ e^ encore plus
Bifficile de difficile de traiter des proportions mentales
traiter des & des verbales féparéme-nt , c'eft que la
proportions 111 j-
înentales, plupart des hommes , pour ne j;as due
tous, mettent des mots à la place des idées
en formant leurs penfées & leurs raifonne-
mens en eux-mêmes, du moins lorfque le
fujet de leur méditation renferme des idées
complexes. Ce qui eft une preuve bien
évidente de l'imperfection & de l'incertitude
de nos idées de cette efpece , &. qui , à le
bien confidérer , peut fervir à nous faire
voir quelles font les chofes dont nous avons
des idées claires & parfaitement détermi-
nées , & quelles font les chofes dont nous
«Z général. Uv. IV. 2.7
■n'avons point de telles idées. Car fi nous . . , , =a
obfervons foigneufcment la manière dont Chap, V.
notre efprit le prend à penftr &c à rai-
fonner , nous trouverons , à mon avis ,
que quand nous formons en nous - mêmes
quelques proportions fur le blanc ou le
noir , fur le doux ou l'amer, fur un triangle
ou un cercle, nous pouvons former dans
notre efprit les idées mêmes ; & qu'en
effet nous le faifons fouvent , fans réflé-
chir fur les noms de ces idées. Mais quand
nous voulons faire des réflexions ou former
des propofitions fur des idées plus com-
plexes , comme fur celles d'homme , de
vitriol, de valeur, de gloire, nous mettons
ordinairement le nom à la place de i idée :
parce que les idées que ess noms ligni-
fient , étant la plupart imparfaites, confufes
& indéterminées , nous réfléchirions fur les
noms mêmes; parce que les idées que ces
noms figni rient , étant la plupart imparfaites,,
confufes & indéterminées , nous réfiéchif-
fons fur les noms mêmes , parce qu'ils font
plus clairs, plus certains, plus diftincts , &
plus propres à fe préienter pr imptement à
l'efprit que de pures idées ; de forte que
nous employons ces termes à la place des
idées mêmes, lors même que nous voulons
méditer & raifonner en nous-mêmes , &
faire tacitement des propofitions mentales.
Nous en ufons ainfi à l'égard des fubftan-
ces , comme je l'ai déjà remarqué , à caufe
de l'imperfedion de nos idées , prenant le
1 8 De ta Vérité
— *-' a nom pour l'effence réelle dont ncus n'a-
Chap. V. vons pourtant aucune idée. Dans les modes ,
nous faifons la même chofe , à caufe du
grand nombre d'ide'es fimples dont ils font
compofe's. Car la plupart d'entr'eux étant
extrêmement complexes , le nom fe pré-
fente bien plus aifément que l'idée même
qui ne peut être rappellée , & pour ainfi
dire , exa&ement retracée à l'elprit qu'à
force de tems & d'application , même à l'é-
gard des perfonnes qui ont auparavant pris
la peine d'éplucher toutes ces différentes
idées ; ce que ne fauroient faire ceux qui
pouvant aifément rappeller dans leur mé-
moire la plus grande partie des termes or-
dinaires de leur Langue, n'ont peut-être
jamais fongé , durant tout le cours de leur
vie , à confidérer quelles font les idées
précifes que la plupart de ces termes ligni-
fient. Us fe font contentés d'en avoir quel-
ques notions confufes & cbfcures. Et parmi
ceux qui parlent le plus de Religion &
de Conjcience , d'Eglife & de Foi , de Vuif-
fance & de Droit , d'obji ru Fiions & d'hu-
meurs, de mélancolie & de bile , combien
n'y en a-t-il pas dont les penfées & les
méditations fe réduiroient peut-être à fort
peu de chofe , fi on les prioit de réfléchir
uniquement fur les chofes mêmes , & de
laiffer à quartier tous ces mots avec )ef-
quels il eïl fi ordinaire qu'ils embrouillent
les autres & qu'ils s'embarraflent eux»
mêmes.
en général. Liv.. IV. 1 $
§. 5. Mais pour revenir à confidérer ■ ■<
en quoi confifte la Vérité' , je dis qu'il faut ^JjJJ'Jf'
diftinguer deux fortes de propofitions que font que des
nous fommes capables de former. ides jointes
t» • 1 ^ 1 v » • j' on feparees
Premièrement , les ment: les , ou les idées fans J»;nte-
font jointes ou féparées dans notre enten- mention tdes
dément % fans l'intervention des mots , par mots*
l'efprit , qui appercevant leur convenance
ou leur difeonvenance , en juge actuelle-
ment.
Il y a , en fécond lieu , des propofitions
verbales qui font des mots, fignes de nos idées,
joints ou féparés en des fentences affirmatives
ou négatives. Et par cette manière d'affir-
mer ou de nier , ces fignes formés par
des fons , font , pour ainfi dire , joints en-
femble ou féparés l'un de l'autre. De forte
qu'une propofition confifte à joindre ou
à féparer des fignes ; & la Vérité confifte
à joindre ou à féparer ces fignes félon que
les chofes qu'ils fignifient, conviennent ou
difeonviennent.
$. 6. Chacun peut être convaincu par Quand eh-
fa propre expérience , que l'efprit venant ce T-'e 'es
• * - r r t propofitions
a appercevoir ou a iuppoler la convenance mentales &
ou la difeonvenance de quelqu'une de fes verbales con-
idées , les réduit tacitement en lui-même à t,ennent
r j r ■ ai quelque ve-
une elpece de propolition affirmative eu rite réelle,
négative , ce que j'ai tâché d'exprimer par
les termes de joindre enfemble Se de féparer.
Mais cette aâion de l'efprit qui eft fi fa-
milière à tout homme qui penfe & qui rai-
fonne, eil plus facile à concevoir en ré-
Ë
30 De la Vérité
fléchifTant fur ce qui fe paffe en nous ?
Chap. y. Jorfque nous affirmons ou nions , qu'il n'efi
aifé de l'expliquer par des paroles. Quand
un homme a dans l'efprrt l'idée de deux
lignes , favoir la latérale & la diagonale
d'un qu^rré, dont la diagonale a un pouce
de longueur , il peut avoir au Ai l'idée de
là divifion de cette ligne en un certain
nombre de parties égales , p^r exemple en
cinq, en dix , en cent , en mille, ou en
Tout autre nombre ; tk il peut avoir l'idée
de cette ligne longue d'un pouce comme
pouvant, ou ne pouvant pas erre divifee
en telles psrries égaies qu'un certain nom-
bre d'elles foit égal à la ligne latente. Or
toutes les fois qu'il appperçoit , qu'il croit ,
ou qu'il fuppofe qu'une telle efpcce de di-
viiibilité convient ou ne convient pas avec
l'idée qu'il a de cette ligne, il joint ou fé-
pare , pour ainfi-dire , ces' deux idées , je
veux dire celle de cette ligne , & celle de
cette efpece de divisibilité, & par-là il for-
me une propofition mentale qui eft vraie
ou fauffe , félon qu'une telle efpece de di-
vifibilité, ou qu'une divifibi'ité en de telles
parties aîiquotes convient réellement ou non
avec cette ligne. Et quand les idées font
ri nu jointes ou féparées dans l'efprit ; félon
que ces idées ou les chofes qu'elles ligni-
fient, conviennent ou difeonviennent , c'eft-
là , fi j'ofe ainfi parler , une Vérité mentale.
Mais la Vérité verbale cft quelque chofe de
plus. C'eft une propofition eu des mots
3
Chap. V.
eti général. Liv. 1V\ 3*
font affirmés ou niés l'un de l'autre , félon
q ce les idées qu'ils fignifient , conviennent
ou difconviennent : & cette vérité eft en-
core de deux efpeces , ou -purement verbale
& frivole , de laquelle je traiterai dans le
chapitre dixième, ou bien réelle & infiruc-
tive, & c'eiî elle qui eft l'objet de cette
connoifTance réelle dont nous avons déjà
parlé.
$. 7. Mais peut-être qu'on aura encore oW'tion
ici le même fcrupule à l'égard de la Vérité contre la vé-
qu'on a eu touchant la connoifTance & ~te VCrhfle :
quon m'objectera « que, fi la Vente n eir ce qUe yen
» autre chofe qu'une conjonction ou fépa- dis , elle peut
. c 1 r être entière—
» ration de mots , rormsns des propoil- ment c^m^.
» tions , félon que les idées qu'ils lignifient rique,
» conviennent ou difconviennent dans l'ef-
» prit des hommes , la connoifTance de la
» Vérité n'eft pas une choie fi eftimablo
» qu'on fe l'imagine ordinairement ; puif-
» qu'à ce compte, elle ne 1 enferme autre
» chofe qu'une conformité entre des mots
» & les productions chimériques du cer-
» veau des hommes ; car qui ignore de
» quelles notions bizarres eft remplie la
» tête de je ne fai combien de perfennes ,
» & quelles étranges idées peuvent fe
» former dans le cerveau de tous les hom-
» mes ? Mais fi nous nous en tenons-là , il
» s'enfuivra que par cette règle nous ne
» connoifTons la vérité de quoi que ce foit,
» eue d'un monde vifionnaire , & cela en
» confultant ncs propres imaginations ; &
B4
32, De la Vérité
m- -1* a » que nous ne découvrons point de vérité
Chap. V. n qUj ne convienne auflî-bien aux harpies
» & aux centaures qu'aux hommes & aux
» chevaux. Car les idées des centaures &
» autres femblabîes chimères peuvent fe
.» trouver dans notre cerveau , & y avoir
» une convenance ou difconvenance ,
» tout auffi-bien que les idées des êtres
» réels : par conféquent on peut former
» d'auffi véritables proportions fur leur fu-
» jet , que fur des idées des chofes réelle-
» ment exiftantes ; de forte que cette pro-
j) pofition , tous les centaures font des ani-
» maux, fera auffi véritable que celle-ci ,
» tous les hommes font des animaux , & la
» certitude de l'une fera aufli grande que celle
» de l'autre. Car dans ces deux propofitions"
» les mots font joints enfemble félon la con-
» venance que les idéesont dans notre efprir,
» la convenance de l'idée $ animal avec celle
» de centaure étant aulfi claire & auffi vifible
« dans l'efprit que la convenance de l'idée
» ^animal avec celle d'homme ; & par
» conféquent ces deux propofitions font
» également véritables, & d'une égale cer-
» titude. Mais à quoi nous fert une telle
Réponfe à y , • > ?
cette objec- D vente '.
tion. La vé- $. 8. Quoique ce qui a été dit dans le
rite réelle Chapitre précédent pour diftinguer la con-
fdfeTccnfor- noifiance réelle d'avec l'imaginaire pût
mes aux future à difïiper ici ce doute , & faire dif-
chofes. Cerner la Vérité réelle de celte qui n'elt que
chimérique , ou û vous voulez , purement
nominale , ces deux diftincnons étant éta-
en général. Liv. IV. 33
blies fur le même fondement ; il ne fera ^ — '—■ — a
pourtant pas inutile de faire encore re- Chap. V.
marquer dans cet endroit , que , quoique
nos mots ne fignifient autre chofe que nos
idées , cependant comme ils font deftinés
à fignifier des chofes , la vérité qu'ils con-
tiennent , lorfqu'ils viennent à former des
propositions , ne fauroit être que verbale ,
quand ils défignent dans l'efprit des idées
qui ne conviennent point avec la réalité
des chofes. C'ell pourquoi la vérité , aufti-
bien que la connoiffance peut être fort bien
distinguée en verbale , & en réelle y celle-
là étant feulement verbale , où [les termes
font joints félon h convenance ou la dif-
convenance des idées qu'ils fignifient , fans
confidérer fi nos idées font telles qu'elles
exiftent ou peuvent exifter dans la nature.
Mais au contraire les propofitions renfer-
ment une vérité réelle , lorfque les fignes
dont elles font compofées , font joints félon
que nos idées conviennent ; & que ces idées
font telles que nous les connoiflbns capa-
bles d'exilter dans la nature ; ce que nous
ne pouvons connoître à l'égard des fubf-
tances qu'en fâchant que telles fubflances
ont exifîé.
§. 9. La Vérité eu la dénotation en paro- L* feuflèté
les de la convenance ou de la difeonve- joindre les
mnee des idées , telle qu'elle eu. La Faujfeté noms autre-
eft la dénotation en paroles de la conve- J"6"1?"?
nance ou de la dilconvenance des idées , ne cormen-
auu-e qu'elle n'eft effectivement. Et tant n?nt»
34 De ta Vérité
s~ ... j= que ces idées, ainfi désignées par certain*
Cu a p. V. fons, font conformes à leurs Archétypes,
jufques-là feulement la vérité eft réelle ;
de forte que la connoiffance de ce te efpece
de vérité confifle à fivoir quelles font les idées
que les mots fignificnt , Se à appercevcir
la convenance ou la difconvenance de ces
idées , félon qu'elle eit défignée par ces
mots.
Lespropo- $• IO- Maîs Parce qu'on regarde les
fitions gcné- mots comme les grands véhicules de la
xales doivent vérité & de la Connoiffance , fi j'ofe m'ex-
*-tre traitées • ' ■ r o c j
plus au long. primer ainli , & que nous nous lervons de
mots & de propofitions en communiquant
& en recevant la vérité , & pour l'ordinaire
en r.jionnant fur fon fujet , j'examinerai
plus au long en quoi confifle la certitude
des vérités réelles , renfermées dans des
propofitions, & où efï-ce qu'on peut la trou»
ver ; je tâcherai de faire voir dans quelle
efpece de propofitions univerfelles nous
fommes capables de voir certainement la
vérité ou la fauffeté réelle qu'elles ren-
ferment.
Je commence: ai par les propofitions gé"-
nérJes , comme étant celles qui occupenr
le plus nos penfées , & qui donnent le
plus d'exercice à njs fpéculations. Car com-
me les vérités générales étendent le plus
notre connoiffance & qu'en nous inftrui-
fant tout d'un coup de plufleurs chofes par-
ticulières , elles nous donnent de grandes
vues & abrègent le chemin qui nous con~
en général. Liv. IV.- 3$
duit à la connoifTance, 1 efprit en fait aufli =- =— —-r-s
le plus grand objet de fes recherches. Chap. \ .
6. 1 1. Outre cette vérité, prife , dans ,. ,
t- rr t a j 1 1 Vente mc-
ce fens reflerre dont je viens de parler , il rale & m</ti,
y en a deux autres efpeces. La première phyG^ue.
eft la Vérité morale , qui confifte à parler
des chofes félon la perfuafion de notre ef-
prit , quoique la propofition que nous pro-
nonçons, ne foit pas conforme à la réalité
des chofes. Il y a , en fécond lieu , une
Vérité métaphyfique , qui n'eft autre chofe
que l'exiftence réelle des chofes , conforme
aux idées auxquelles nous avons attaché les
noms dont on fefert pourdéfigner ces chofes.
Quoiqu'il femble d'abord que ce n'eft qu'une
fimple confédération de l'exiftence même
des chofes , cependant à le confidérer de
plus près , on verra qu'il renferme une
propofition tacite par où l'efprit joint telle
chofe particulière à l'idée qu'il s'en étcit
formée auparavant en lui afilgnant un cer-
tain nom. Mais parce que ces confidéra-
tions fur la Vérité ont été examinées au-
paravant , ou qu'elles n'ont pas beaucoup de
rapport à notre préfent deflein , c'eft aftez
qu'en cet endroit nous les ayions indiquées
en paftant.
A
B f
3 6 Des Prop&foions univerfelles ,
< ===t&s=$Sp==f&j j.
CHAPITRE VI.
Des Trapofitions univerfelles , de leur
vérité , & de leur certitude,.
Chap. VI. ^. !. \JrUoiQUE la meilleure & la plus
11 eft né- fûre voie pQUr arriver à une connouTance
arler des claire & diftin&e y foit d'examiner les idées
mots en & d'en juger par elles-mêmes , fans penfer
traitant de la a jeurs noms en aucune manière "cependant
c elt » je penle , ce qu on pratique fort
rarement , tant la coutume d'employer des
fons pour des idées a prévalu parmi nous..
Et chacun peut remarquer combien c'eft
une chofe ordinaire aux hommes de fe fer-
vir des noms à la place des idées , lors
même qu'ils méditent & qu'ils raifonnent
en eux-mêmes , fur- tout fi les idées font
fort complexes & compofées d'une grande
colle&ion d'idées fimples. Ceft-là ce qui
fait que la confidération des mots & des
proportions eft une partie fi nécefiaire d'un
difcours où l'on traite de la connoiiïance ,
qu'il eft fort difficile de parler intelligible-
ment de l'une des ces chofes fans expliquée
Il eft diffi- l'autre.
cîle d'enten- k i. Comme toute fa connoifTance que
dredes veri- * -. ,, . v \
tés générales nous avons fe réduit uniquement a des.
fi elles ne vérités particulières , ou générales , il eft
£eat expri- Rident ? que , quoiqu'on puide faire poux
de leur Vérité, &c. Liv. IV. 37
parvenir à l'intelligence des vérités parti- "~^1
culieres , l'on ne fauroit jamais bien en- Chap« V*.
tendre les vérités générales , qui font avec , ,
D . . * mees pardes
raifon l'objet le plus ordinaire de nos re- propofitiony
cherches , ni les comprendre que fort ra- véritables,
rement foi-même , qu'entant qu'elles font
conçues & exprimées par des paroles. Ainfi,
en recherchant ce qui conftitue notre con-
noilTance , il ne fera pas hors de propos
d'examiner la vérité de la certitude des pro-
pofirions univerfelles.
' $. 3. Mais afin de pouvoir éviter ici l'illu- doï!bl7eace™!
fion où nous pourroir jeter l'ambiguïté des tude , l'une
termes , écueil dangereux en toute occafion , de yénté • ,
., n „ , D ,-, ' & l'autre de
il elt a propos de remarquer qu il y a une conngiflànce,
double certitude, une certitude de vérité &
une certitude de connoijfance. Lorfque les
mots font joints de telle manière dans des
propofitions , qu'ils expriment exactement
la convenance ou la difconvenance telle
qu'elle eft réellement , c'efl une certitude de
vérité. Et la certitude de connoijfance con-
fifteà appercevoir la convenance ou ta dif-
convenance des idées , entant qu'elle efî
exprimée dans des propofitions. C'c-ft ce que
nous appelions ordinairement connaître la
vérité d'une propofition , où en être certain.
$. 4. Or comme ncus ne faurions être Orrnepe-af
affurés de la vérité d"aucune propofition gé- jfre afiuré
M, , . . r r J .^ d'aucune
nerale , a moins que nous ne connoijjions propofition
les bornes précifes & l'étendue des efpeces générale
que Signifient les termes dont elle efl corn- ^l! ?! ? ,eft
c \ r • t rr • véritable
pojee ,u leroit nsçeiïaire que nous con- lçrf^éi'^
3 S Des Proj-ofi tiens univerfdles ,'
*" = millions l'efTence de chaque efpece , puif-
Chap. VI-qUec-efl cette efTence qui conftitue & ter-
mine l'efpece. C'efl: ce qu'il n'eft pas ma!
chaque efpe- a^ ^e hire à l'égard de toutes les Idées
ce dont i! eft Simples & des Modes ; car dans les idées
par e , n'eft flmp]es & frms jes modes , l'efTence réelle
pas comme. 9 f . , ,„ , ' . a
ce la nominale n eft qu une feule <x même
chofe : ou , pour exprimer la même penfée
en d'autres termes, l'idée abftraite que le
terme général lignifie étant la feule chofe
qui conftitue ou qu'on peut fuppofer qui
conftitue l'efTence & les bornes de l'efpece,
on ne peut être en peine de favoir jufqu'où
s'étend l'efpece , ou quelles chofes font
comprifes fous chaque terme ; car il eft
évident que ce font toutes celles qui ont
une exacte conformité avec l'idée que ce
terme fignifie, & nulle autre. Mais dans
les fubftances , où une efTence réelle , dif-
îinéte de la nominale , eft fuppofée consti-
tuer , déterminer & limiter les efpeces , i!
e/l vifible que l'étendue d'un terme générai
eft fort incertaine ; parce que ne connoif-
fant pas cette efTence réelle , nous ne pou-
vons pas favoir ce qui eft ou n'eft pas de
cette efpece , & par conféquent , ce qui
peut ou ne peut pas en être affirmé avec
certitude. Ainfi , lorfque nous parlons d'un
homme ou de l'or, ou de quelqu'autre ef-
pece de fubftances naturelles , entant que
déterminée par une certaine ejfence réelle
que la nature donne régulièrement à chaque
individu de cette efpece, &qui le fait être
de leur Vérité y &c. Liv. IV. 39
de cette efpece , nous ne faurions être cer- — ■ ■ *!•<£
tains de la vérité d'aucune affirmation ou Chap. V l,
négation faite fur le fujet de ces fubftances.
Car à prendre Y homme ou Yor en ce fens ,
pour une efpece de chofes, déterminée par
des effences réelles , différentes de l'idée
complexe qui eft dans l'efprit de celui qui
parle , ces chofes ne fignifient qu'un je ne
îai quoi ; & l'étendue de ces efpeces , fixée
par de telles limites , eft fi inconnue & Ci
indéterminée qu'il eft impofiible d'affirmer
avec quelque certitude , que tous les hom-
mes font raifonnables , & que tout or eft
jaune. Mais lorfqu'on regarde l'effence no-
minale comme ce qui limite chaque efpece ,
& que les hommes n'étendent point l'appli-
cation d'aucun terme général au-delà des
chofes particulières , fur lefquelles l'idée
complexe qu'il fignifie, doit être fondée 9
ils ne font point en danger de méconnoître
les bornes de chaque efpece y & ne fau-
roient douter fur ce pied-là , fi une pro-
portion eft véritable , ou non. J'ai voulu
expliquer en flile Scholafiique cette incer-
titude des propotui.ris qui regardent les
fubftances , &: me fervir en cette occaficn
des termes à'ej/ence & à'efpece , afin de
montrer fabfurdké tz l'inconvénient qu'il
y a à fe les figurer comme quelque forte de
réalités qui foient autre chofe que des idées
cbftraites , défignées par certains noms. En
effet , fuppofer que les efpeces des fubftan-
ces foient autre chofe que la réduction même
40 Des Propofitions univerf elles ,
a des fubftances en certaines fortes , rangées
Chaf, IV. fous divers noms généraux, félon qu'elles
conviennent aux différentes idées abfrrai-
tes que nous défignons par ces noms là ,
c'eft confondre la vérité , & rendre incer-
taines toutes propofitions générales qu'on
peut faire fur les fubftances. Ainfi , quoique
peut-être ces matières puiflent être expo-
fées plus nettement & dans un meilleur
jour, à des gens qui n'auroient aucune con»
noifTance de la Science Scholaftique ; cepen-
dant comme ces faufles notions tfejfence
& d'efpece ont pris racine dans l'efprit de
la plupart de ceux qui ont reçu quelque
teinture de cette forte de favoir qui a fi
fort prévalu dans notre Europe, il eft bon
de les faire connoître & de les diflïper pour
donner lieu à faire un tel ufage des mots
qu'il puiffe faire entrer la certitude dans
l'efprit.
Cela regar- ^. 5, Lors donc que tes noms des fuhf-
cSuérïment1* tanCes f0Ut ***&& pour Jignijiet des ef-
les fubfian- peces qu'on Juppofe déterminées par des ef-
çeJ« fences réelles que nous ne connoijfons pas
ils font incapables d'introduire la certitude
dans V entendement ; & nous ne faurions
être aflures de la vérité des propofitions
générales , compofées de ces fortes de ter-
mes. La raifon en eft évidente. Car com-
ment pouvons-nous erre afTurés que telle
ou telle qualité eft dans l'or, tandis que nous
ignorons ce qui eft ou n'eft point dans
l'or ; puifquç félon cette manière de parle* ,
de teut Vérité, &c. Liv, IV. 41
rien n'eft or, que ce qui participe à une • ■*
effence qui nous eft inconnue , & dont par
conféquent nous ne faurions dire où eft-ce
qu'elle eft , ou n'eft pas. D'où il s'enfuit
que nous ne pouvons jamais être allures à
l'égard d'aucune partie de matière qui foit
dans le monde, qu'elle eft , ou n'eft pas or
en ce fens-là ; par la raifon qu'il nous eft
abfolument impofîible de favoir , fi elle a ,
ou n'a pas ce qui fait qu'une chofe eft ap-
pelée or, c'eft-à-dire , cette effence réelle
de l'or dont nous n'avons abfolument au-
cune idée. Il nous eft , dis-je , auffi impof-
fible de favoir cela , qu'il l'eft à un aveugle
de dire en quelle fleur fe trouve ou ne fe
trouve point la couleur de * penfée , tandis * ç-eft \e
qu'il n'a abfolument aucune idée de h cou- nom d'une
leur de penfée. Ou bien , fi nous pouvions r a
r • ■ , n r connue.
lavoir certainement ( ce qui n'eft pas pof- Voyez ?e
fible ) où eft l'eifence réelle que nous ne Di&ionnaire
__ '/r j 1 j àeV Académie
connonions pas ; dans quels amas de matière fran-0ifit
eft par exemple , l'eiTence réelle de l'or ,
nous ne pourrions pourtant point être affu-
rés que telle où telle qualité pût être attri-
buée avec vérité à l'or , puifqu'il nous eft
imp Mliblede connoître qu'une telle qualitéou
idée ait une liaifon néceftaire avec une ejfcnce
réelle dont nous n'avons aucune idée , quel-
le que foit l'efpece qu'on puiffe imaginer
que cette erTence, qu'on fuppofe réelle ,
conftkue effectivement.
$. 6. D'autre part , quand les noms des IInVaq»«
r l 'ri. 1- r 1 / ... Peu °e Pro"
lUDitançes font employés comme ils de- poncions uni.
Àfl Des Proportions univerfetles ,
fttL'"- ' r=> vroient toujours l'être , pour défigner les
Chap. VI. \dées qUe ies hommes ont dans l'efprit ,
r ,, r quoiqu'ils ayent aLrs une fignification clai-
verfelles fur ' -1 ' . , -, r
les fubftan- re & déterminée , ils ne Jervent pourtmt
ces , dont la pas encore à former plufieurs proportions
connue °" univerfelles , de la vérité defquellcs nous
puifjlons être ajfurés. Ce n'efl pas à caufe
qu'en faifant un tel ufbge des mots , nous
fommes en peine de faveir quelles chofes ils
fignirîent, mais parce que les idées complexes
qu'ils fignirient , font telles combinaifons
d'idées fimples qui n'emportent avec elles
nulle connexion , ou incompatibilité vifible,
qu'avec très- peu d'autres idées.
Parce qu on * ^ ^es \^es comp'exes que les noms,
ne peut con- V ' r j r un
noître qu'en Qu2 nous donnons aux eipeces des itibitan-
peu de ren- ces , fignihent , font des Collections de
contres la • m • r
coe'xiftence certaines qualités que nousjavons remarque
de leurs coéxifter dans un * Joutien inconnu que
if Ie?",. n°us appelions fub (lance. Mais nous ne
lcîurions connonre certainement quelles au-
tres qualités coéxifvent néceffairement avec
de telles combinaifons, à moins que nous
ne puifiïons découvrir leur dépendance na-
turelle , dont nous ne faurions porter la
connoiifance fort avant à l'égard de leurs
premières Qualités. Et pour toutes leurs
fécondes Qualités , nous n'y pouvons ab-
folument point découvrir de connexion
pour les raifjns qu'on a vu dans le Cha-
pitre III. de ce IV. Livre : Premièrement,
parce que nous ne connoiîlbns point les
cjnfli:u;ions réelles des fubflances , def-
de leur Vérité, &c. Liv. IV. 43
«pelles dépend en pmkulier chaque fecon- ■*?
de Qualité ; & en fécond lieu , parce que , CHap* V *
fuppofé que cela nous fût connu , il ne pour-
r ic nous fervir que pour une connoilfance
expérimentale , & non pour une connoif-
fniceuniverfelle, ne pouvant s'étendre avec
certitude au-delà d'un tel ou d'-jn tel exem-
ple , p.;rce que. notre eâtéiidgrfieat ne fnz-
roit découvrir aucune connexion imcgin^ble
entre une féconde Qualité Si quelque mo-
dification que ce foit d'une des premières
Qualités. Voilà pourquoi l'on ne peut for-
mer fur les fubftances que fort peu de pro-
portions générales qui emportent avec elles
une certitude indubitable.
6. 8. Jout or eli fixe, eft une prope- Exempîe
r-i J i dansi'Or.
iition dont nous ne pouvons pas connoitre
certainement la vérité ; quelque générale-
ment qu'on la creie véritable. Car , fi félon
la v„ine imagination des écoles , quelqu'un
vient à fuppofer que le mot cr fignifie une
efpece de chofe, diftinguée par la nature
à h faveur d'une effence réelle qui lui ap-
partient , il eft évident qu'il ignore quelles
fubftances particulières font de cette efpece ,
& qià'aiiifi il ne fauroit avec certitude affir-
mer univerfellement quoique ce foit de l'or
Mais s'il prend ie mot or pour une efpece
déterminée par fon eflence nominale ; que
l'e.Tence nominale foit , par exemple , l'idée
complexe d'un corps d'une certaine couleur
jaune , malléable , fufible , 6- plus pefant
qu'aucun autre corps connu , en employant
44 Dit Proportions uïtiverfelles ,
K' ii i _ ainfi le mot or dans fon ufage propre" i
Chap. Y I. il n'eft pas difficile de connoître ce qui eft
ou n'eft pas or. Mais avec tout cela , nulle
autre qualité ne peut être univerfellement
affirmée ou niée avec certitude de l'or , que
ce qui a avec cette eflence nominale une
connexion ou une incompatibilité qu'on peut
découvrir. La fixité , par exemple , n'ayant
aucune connexion nécefTaire avec la couleur ,
la pefanteur , ou aucune autre idée (impie
qui entre dans l'idée complexe que nous
avons de l'or , eu avec cette combinaifon
d'idées prifes enfemble , il eft impoflible
que nous puilïions connoître certainement
la vérité de cette proposition , que tour or
ejl fixe.
§. 9. Comme on ne peut découvrir au-
cune liaifon entre la fixité & la couleur , la
pefanteur & les autres idées fimplesdel'eifen-
ce nominale de l'or que nous venons de pro-
pofer ; de même fi nous faifons que notre
idée complexe de l'or, foit un corps jaune,
fujible , duclile , pefant & fixe , nous ferons
dans la même incertitude à l'égard de fa
capacité d'être difibus dans Veau régale , &
cela par la même raifon ; puifque par la confi-
dération des idéesmême nous nepouvonsja-
mais affirmer ou nier avec certitude d'un
corps dont l'idée complexe renferme la cou-
leur jaune, une grande pefanteur, la ductilité,
la fufibilité & la fixité , qu'il peut être
difTous dmsVeau régale : & ainfi du refte
de leur Vérité ', &c. Liv. IV. 4$
<le fcs autres qualités. Je voudrois bien voir ' ' ' a
une affirmation générale touchant quelque Chap« VI»
qualité de l'or, dont on puifle être certai-
nement affuré qu'elle eft véritable. Sans
doute qu'on me répliquera d'abord ; voici
une propofirion univerielle tout-à-fait cer-
taine , tout or eji malléable. A quoi je ré-
ponds : C'eft-là, j'en conviens, une pro-
pofition très-aiTurée , fi la malléabilité fait
partie de l'idée complexe que le mot or
îtgnifie. Mais tout ce qu'on affirme de l'or
en ce cas-là , c'eft que ce fon fignifie une
idée dans laquelle eft renfermée la mal'-
Habilité ; efpece de vérité & de certitude
toute femblable à cette affirmation , un cen-
taure efl un animal à quatre pieds. Mais fi
la malléabilité ne fait pas partie de l'eiTence
Spécifique , fignifiée par le mot ory il efl
vifible que cette affirmation , tout or ejl
malléable, n'efr pas une propofuion cer~
taine ; car que l'idée complexe de l'or foit
compofée de telles autres qualités qu'il vous
plaira fuppofer dans l'or , la malléabilité
ne paroîtra point dépendre de cette idée
complexe , ni découler d'aucune idée fimple
qui y foit renfermée : la connexion que la
malléabilité a avec fes autres qualités , fi
elle en a aucune, venant feulement de l'in-
tervention de la confHtution réelle de fes
parties infenfibles , laquelle confHtution
nous étant inconnue , il eft impoffible que
nous appercevions cette connexion , à moins
que nous ne puiffions découvrir ce qui joint
toutes ces qualités enlernble,
46 Des Propofîtions univcrfelles ,'
= $. 10. A la vérité, plus le nombre de
Chap. V I. ces qualités coexiftantes que iuus réunif-
fons (bus un feul nom dans une idée cum-
cette ïôexif- Plexe > eft Srand > PluS n0US rendons la
tencepeut lignification de ce mot précife & détermi-
être connue, n(^et Mais pourtant n^us ne pcuvonsia-
lulques-là • • j t i j<
Iespropofi- ma,s *a rendre par ce moyen capable d une
tiens univer- ceriicude univerfelle p r rapport a d'autres
telles peu- nagfoife qui ne font pas contenues dans
vent être ~ /* r i
certaines ; notre idée complexe : puifque nous n ap-
ir.ais cela ne percevons point la iiailon ou la dépendance
s'étend pas > ,, « •> r
Certifia quelles ont I une avec 1 aucre, ne connoil-
fant ni la conilkution réelle fur laquelle
elles font fondées , ni comment elles en
tirent leur origine. Car la principale partie
de notre connciiTance fur les fubfrances ne
confiite pas fimplement , cemme en d'au-
tres choies, dans le rapport de deux idées
qui peuvent exilter féparement, mais, dans
la liaifon & dans la coexistence nécefiaire
de plusieurs idées diflinctes dans un même
fujet , ou dans leur incompatibilité à coe\if-
ter de cette manière. ^1 nous pouvions
commencer par l'autre bout, & découvrir
en quoi confifte une telle couleur , ce qui
rend un corps plus léger ou plus pefan: ,
quelle contexture de parties le rend mal-
léable , fufible , fixe & propre à erre dilfous
dans cette efpece de liqueur &: non dans
une autre ; li dis-je , njus avions une telle
idée des corps , & q îe nous puiffi jns ap-
percevoir en quoi confident originairement
toutes leurs qualités leniibles f & comment
de leur Vérité, &c. Liv. IV. 47
elles font produites , nous pourrions nous sa
en former de telles idées abftraites qui nous Chap. YI«
ouvriroient le chemin à une connoiffance
plus générale , &: nous mettroient en état
de former des propofitions univerfelles , qui
emporrercient avec elles une certitude &
une vérité générale. Mais tandis que nos
idées complexes des eipeces des fubftances
font fi éloignées de cette constitution réelle
& intérieure, d'où dépendent leurs qualités
fenfible, & qu'elles ne font compcfées que
d'une collection imparfaite des qualités ap-
parentes que nos fens peuvent découvrir ,
il ne peut y avoir que très-peu de pro-
pofitions générales touchant les fubftances,
de la vérité réelle defquelles nous puiflions
être certainement affurés ; parce qu'il y a
fort peu d'idées fimples dont la connexion
& la coexistence néceifaires ncus foicnt con-
nues d'une manière certaine & indubitable.
Je crois pour moi , que parmi toutes les
fécondes qualités des fubftances , & parmi
les Puiifunces qui s'y rapportent , on n'en
fauroit nommer deux dont la coexistence
néceffaire ou l'incompatibilité puiffe être con-
nue certainement, hormis dans les qualités
qui appartiennent au même fens , lesquel-
les s'excluent néceirairement Tune l'autre,
comme je l'ai déjà montré. Perfonne , dis—
je , ne peut connoître certainement par la
couleur qui eft dans un certain corps, quelle
odeur , quel goût, quel fon , ou quelles qua-
lités ta&iles il a , ni quelles altérations il
4"8 Des Proportions univerfclles ,
S» a eft capable de faire fur d'autres corps , ou
JCuap. VI. de recevoir par leur moyen. On peut dire
Ja même chofe du fon , du goût , &c. Corn-
me les noms fpécifiques dont nous nous
fervons pour défigner les fubfhnces , lig-
nifient des collections de ces fortes d'idées,
il ne faut pas s'étonner que nous ne puif-
fions former avec ces noms que fort peu
de propofitions générales d'une certitude
réelle & indubitable. Mais pourtant lorf-
que l'idée complexe de quelque forte de
fubftance que ce foit , contient quelqu'idée
fimple dont on peut découvrir la c^exifrance
néceffaire qui eft entr'clle & quelqu'autre
idée; jufques-là l'on peut former fur cela
des propofitions univerfelles qu'on a droit
de regarder comme certaines : fi , par exem-
ple , quelqu'un pouvoit découvrir une con-
nexion néceffaire entre la malléabilité &
la couleur ou la pefanteuràeY or , ou quel-
qu'autre partie de l'idée complexe qui eft
défignée par ce nom-là , il pourroit for-
mer avec certitude une propofition univer-
felle touchant l'or confidéré dans ce rap-
port : & alors la vérité réelle de cette pro-
pofition, tout or ejl malléable, feroitaufïi
certaine que la vérité de celle-ci ; les trois
angles de tout triangle rectangle font égaux
p à deux droits.
les qualités $• **• Si nous avions de telles idées des
quicompo- fubftances , que nous puiffions connoître
lent nos quelles constitutions réelles produifent les
jdees com- ~ *
ple*ej des qualités ienjibles que nous y remarquons ,
dthur Vcriîèy &c. Liv-. IV» 49
& comment ces qualités en découlent; nous — - .=?
pourrions par les -idées fpécifiques de leurs HAP# Y *
•elfences réelles que nous aurions daos l'ef- fubftances
prit , déterrer plus certainement leurs pro- dépendent , 1
prietés, & découvrir quelles font les qua - P°ur la P1"-
\. , 1 r lA » part, des cau-
Jites que les luwtances ont , ou n ont pas, fes ext<jr;eu_
que nous ne pouvons le faire préfentement res éloignées
par le fecours de nos fens : de forte que *■ 1ue ûous
* a , • > ' j ï, -, ne pouvons
pour connoitre les propriétés de lor, il ne apercevoir*
feroit non-plus néceffaire que l'or exiflât^
& que nous filfiohs des expériences fur ce
corps que nous nommons ainfi , qu'il efl
nécelfaire , pour connoître les propriétés
d'un triangle , qu'un triangle exifte dans
quelque portion de matière. L'idée que
nous aurions dans l'efprit fervircit aufiï-
bien pour l'un que pour l'autre. Mais tant
s'en Lut que nous ayions été admis dans
les fecrers delà nature, qu'à peine avons-
nous jamais approché de l'entrée de ce fane-
tua.re. Car nous avons accoutumé de con-
fidérer les fubihnces que nous rencontrons,
chacune à part , comme une chofe entière
qui fubfiHe par elle - même , qui a en elle -
même toutes fes qualités , & qui efl in-
dépendante de toute autre chofe ; c'eft t
dis-je , ainfi que nous nous repréfentons les
fubihnces, fans fonger pour l'ordinaire aux
opérations de cette matière fluide & invifible
dont elles font environnées , des mouve-
mens & des opérations de laquelle matière
dépend la plus grande partie des qualités
qu'on remarque dans les fubflances Se que
Tome IV, G
50 Des Proportions univerfcltcs,
*-■ us nous regardons comme les m t
vhap. vi. rentes de diftinftion , pj>r où nous les con>
noiffons, & en vertu defquclles nous leur
donnons certaines dénominations. Mais une
pièce d'or qui exifteroit en quelqu'endnit
par elle-même féparee de Pimpreflion & de
l'influence de tout autre cerps , perdreie
aulïï tôt toute fa couleur & la pefanteur,
peut-être aulïi fa malléabilité qui pourroic
bien fe changer en une parfaite friabilité ,
car je ne vois rien qui prouve le contraire.
Ueaii dans laquelle la fluidité eft par rap-
port à nous une qualité efTentielle , cef-
leroit d'être fluide , fi elle étoit biffée à
elle-même. Mais fi les corps inanimés dé-
pendent fi fort d'autres corps extérieurs ,
par rapport à leur état préfent , en ferre
qu'ils ne feroient pas ce qu'ils nous pjroif-
foient être , fi les corps qui les environ-
nent étoient éloignés deux ; cette dépen-
dance eft encore plus grande à i'égard dc-3
végétaux qui font nourris , qui creiflent ,
& qui produifent des feuilles , des fleurs ,
& de la femence dans une confiante fuc-
cefllon. Et fi nous examinons de plus pus
l'état des animaux , nous trouverons que
leur dépendance par rapport à Ja vie, au
mouvement & aux plus confidérables qua-
lités qu'on peut obferver en eux , roule fi
fort fur des caufes extérieures & fur des
qualités d'autres corps qui n'en font point
partie , qu'ils ne fauroient fubfifter un mo-
ment fans eux , quoique pourtant ces corps
àt ItUf vérité , &c. Liv. IV. 5 r
iîor.t ils' dépendent ne foient pas fort con-
sidères en cette occafion, & qu'ils ne faifent
peint partie de l'idée complexe que nous
nous formons de ces animaux. Otez l'air
à la plus grande partie des créatures vi-
vantes pendant une i'euie minute , & elles
perdront aufli-tôt le fentiment , la vie &
le mouvement. C'efl de quoi la néceilité de
rerpirer nous a forcé de prendre connoif-
fance. Mais combien y a-t-il d'autres corps
extérieurs , & peut-être plus éloignés ,
d'où dépendent les reflbrts de ces admira-
bles machines, quoiqu'on ne les remarque
pas communément , &. qu'en n'y faite
même aucune réflexion. Et combien y en
a-t-il que la recherche la plus exacte ne
faurcit découvrir ? Les habirans de cette
petite boule que nous nommons la terre ,
quoiqu'eioignés du fjleil de tant de mtl-
lions de lieues , dépendent pourtant fi fort
du mouvement duetnent tempéré dzs par-
ticules qui en émanent & qui font agrées
par la chaleur de cet aflre , que fi cette
terre ét^it transférée de cette fituation 011
elle fe trouve préfentement , 3 une petite
partie de cette diftance , de forte qu'elle
fût placée un peu plus loin ou un peu plue
près de cette iburce de chaleur , il eft plus
que probable que la plus grande p:rtie d^s
animaux qui y font , périroient tout auili-
tôt puifque nous les voyons mourir ii fou-
vent par l'excès ou le dcYaut de la chaleur
du foleil, à quoi une pofïcion accidentelle
C 2.
Chajt . VI.
$2 Dts Frcpcjîtioris untverjilkf ,
^-■'- = les cxpofe dans quelques parties de ce
Chap. V perjt globe. Les qualités qu'on remarque
dans une pierre d'aimant doivent néccff.i-
rement avoir leur caufe bien au-delà des
limites de ce corps ; & la mortalité qui fe
jépand fouvent fur différentes efpeces d'a-
nimaux par des caufes inviiibles , & la
mort qui , à ce qu'on dit, arrive certaine-
ment à quelqu'un d'eux dts-qu'ils viennent
à paffer la ligne , ou à d'autres , comme
on n'en peut douter , pour être tranfportés
dans un pays vcihn \ tout cela montre évi-
demment que le concours & l'opération de
divers corps avec lefquels on croit rarement
que ces animaux aient aucune relation ,
efl abfolument néceilaire pour faire qu'ils
jfoient tels qu'ils nous paroilfent , & pour
conferver ces qualités par où nous les con-
îiciflbns & les diftinguons. Nous nous
trompons donc entièrement , de croire que
les chofes renferment en elles-mêmes les
qualités que nous y remarquons : 6c c*cfl
en vain que nous cherchons dans le corps
d'une mouche eu d'un éléphant la cooili-
rmion d'où dépendent les qualités & les
pu illances que nous voyons dans ces ani-
maux , puifque pour en avoir une parfaite
connciiTance il nous faudroit regarder non-
feulement au-delà de cette terre & de
notre atmofphère , mais même au-delà du
icleil ou des étoiles les plus éloignées que
nos yeux aient encore pu découvrir : c\r
il nous efi impofiâlie de dé:erminer jufqu'à
de leur Vérité , &c. LÎv. IV. £$
q*ueî point l'exiftence & l'opération des fubf-
tances particulières qui font dans notre
globe dépendent des caufes entièrement
éloignées de notre vue. Nous voyons &
nous appercevons quelques mouvemens Si
quelques opérations dans les chofes qui
nous environnent : mais de favoir d'où
viennent ces flux de matière qui confer-
vent en mouvement & en état toutes ces
admirables machines , comment ils fonr
conduits & modifiés , c'efl ce qui pafTe
notre connoiflance 3c toute la capacité ds
notre efprit ; de forte que les grandes par-
ties, & les roues, fi j'ofe ainfi dire, de ce
prodigieux bâtiment que nous nommons
Y Univers , peuvent avoir entr'elles une telle
connexion & une telle dépendance dans
leurs influences dkdansleurs opérations (car
nous ne voyons rien qui aille à établir la
contraire ) que les chofes qui font ici dans
le coin que nous habitons , prendroienc
peut-être une toute autre face , & cef-
feroient d'être ce qu'elles font , fi quel-
qu'une des étoiles ou quelqu'un de ces
vaites corps qui font à une diftance incon-
cevable de nous , cefloit d'être , ou de fe
mouvoir comme il fait. Ce qu'il y a de
certain , c'efl; que les chofes , quelque par-
faites & entières qu'elles piroiflent en elles-
mêmes , ne font pourtant que des appa-
nages d'autres parties de la nature, par
rapport à ce que nous y voyons de plus
remarquable : car leurs qualités fenfibles-,
C3
Chap. Y h
54 B& FfDpoJîaons unkerfeiles,
* -- leurs avions & leurs pui (Tances dépendent
Chat. VI- ^e quelque chofe qui leur eir extérieur.
Et parmi tout ce qui fait pirrie de la na-
ture , mus ne connoiffons rien de fi com-
plet & de û parfait qui ne doive Ton e?:if-
tence & fes perfections à d'autres êtres
qui font dans fan voifinage : de forte que
pmr comprendre parfaitement les qu dites
oui font dms un corps, il ne faut pas bor-
ner nos penfc'es à la considération de fa
fu.f.icc, m^is porter notre vue beaucoup
plus loin.
$. il. Si cela cfl ainfi , il n'y a pis lieu
de s'étonner eue nous ayons des idées fort
imparfaites àcs fubfrnccs, &: que les ef-
fenecs réelles d'où dépendent leurs pro-
pneus & leurs opérations , nous foient
nues. Nuis ne pouvons pas môme
découvrir quelle eft la grofieur , la figure
& la contexture des petites particules ac-
tives qu'elles ont réellement, & moins en-
core les différens mouvemens que d'uurres.
corps extérieurs communiquent à ces parti-
cules , d'où dépend & par cù fe forme la
pus grands & la plus remarquable partie des
qualités que n^us cbfervons cLns ces fubftan-
ces , & qui continuent les idées complexes
que nous avons. Cette feule confidération
fuffit pour nous faire perdre toute efpérsnce
d'avoir jamais des idées de leurs efTenccs
réelles , au défaut defquelles les effences
nominales que nous leur fubftituons ne fe-
ront guère propres à nous donner aucune
Je leur Vérité, &c. Liv. IV. f}
Gonnôiffance générale , ou à nous fournir *a
des propofitions univerfelles, capables d'une Chap- ^ h
certitude réelle.
$. i>. Nous ne devons donc pas être Lejuge-
/• • . J , , , ment pc.it
lui pris qu on ne trouve de certitude que étendre
d.ms un très-petit nombre de proportions plus avant ,
l'énérJes qui regardent les fubftances. La nia,s ce n ?rft
0 . ,„ n n 7 i Tas connoil-
connoiilance que nous avons de leurs qua- fance.
lues Se de leurs propriétés s'étend rarement
au-delà de ce que nos fens peuvent nous
apprendre. Peut-être que des gens curieux
& appliqués à frire des obfervv.tions peu-
vent , par la force de leur jugement , pé-
nétrer plus avant , & par le moyen de
quelques probabilités déduites d'une obfer-
vation exacre , Se de quelques apparences
réunies à propos , faire fou vent (de juffes
conjectures fur ce que l'expérience ne leur
a pas encore découvert ; mais ce n'eft tou-
jours que conjeclurer , ce qui ne produit
qu'une fimple opinion , & n'eir nullement
accompagné de la certitude néceffaire à une
vraie connoilTance; car toute notre connoif-
fance générale efi uniquement renfermée
dans nos propres penfées , Se ne confific
que dans la contemplation de nos propres
idées abftraites. Par-tout où nous apper-
cevons quelque convenance ou quelque dif-
conveoance entr'elles , nous y avons une
conooifTance générale ,de forte que formant
des propositions , ou joignant comme il faut
les noms de ces idées , nous pouvons pro-
noncer des vérités générales ave; cenitude.
C4
5<? DïS Tropofiti ons uni l 'crfel/e?,
*» —=* Mais parce que dans les idées abftrakes dë«r
Cwap. VI. fubflances que leurs noms fpécifîques figni—
fient , lorfqu'ils ont une lignification dif-
rin£te & déterminée, on n'y peut décou-
vrir de liaifon ou d'incompatibilité qu'avec
fort peu d'autres idées ; la certitude des
proposions univerfelles qu'on peut faire
iur les fubftances , eft extrêmement bornée
& défectueufe dans le principal point des
recherches que nous faifons fur leur fujet ;
& parmi les noms des fubflances à peine
y en a-t-il un feul ( que l'idée qu'on lui at-
tache foit ce qu'on voudra ) dont nous puif-
fions dire généralement & avec certitude
qu'il renferme telle ou telle autre qualité
qui ait une o-exiflence ou une incompatibi-
lité confiante avec cette idée par tout où elle-
. fe rencontre.
T,éceknree $• T4* Avant que nous puiffions avoir
pour que une telle connoiffance dans un degré paffable,
nouspuiflïons nQUS devons ("avoir premièrement quels font
connoitre les , , r . . n ,. ,
(ubftances. tes changemens que les premières qualités
d'un corps produifent régulièrement dans
les premières qualités d'un autre corps ,
comment fe fait cette altération. En fécond'
lieu , nous devons fivoir quelles premières
qualités d'un corps produifent certaines (èn-
fations ou idées en nous. Ce qui, à le bien-
prendre , ne fignifie pis moins que con-
noître tous les effets de la matière fous fes
diverfes modifications de grofTeur , de fi-
gure , de cohéfion de parties , de mouve-
ment & de repos :; ce qu'il nous eftabfo--
dé leur vérité , &c. Liv. IV. 57
Iument -impofïïble de connoître fans rêvé- = --
lacioii , comme tout le monde en convien- CHAr4
dra , fi je ne me trompe. Et quand même
une révélation particulière mus apprendrait
quelle forte de figure, de groffeur Sz de
mouvement dans ies parties infenfibles
d'un corps devroit produire en nous la fen-
fation de la couleur jaune , & quelle efpece
de figure , de groffeur &: de contexture de
parties doit avoir la fuperficie d'un corps
pour pouvoir donner à ce corps tels cor-
pufcules , le mouvement qu'il faut pour
produire cette couleur , cela furfiroit-il pour
former avec cerricude des propofitions uni-
verfelles touchant les différentes efpeces de
figure , de groffeur,- de mouvement & de
contexture , par où les particules infenfi-
bles des corps produifent en nous un nom-
bre infini de fenfations ? Non fans doute , ,
à moins que nous n'cufnons des facultés .
ailez fubtiles pour apperçevoir au jufte la
groffeur , la figure,, la contexture & le'
mouvement des corps, dans ces petites par- •
ticules par où ils opèrent fur nos fens , afin
que par cette connoiffance nous puiffiens ;
nous en fermer des idées abflraites. Je n'ai
parlé dans cet endroit que des fubftances -
corporelles , dont les opérations femblent
ayoïr plus de proportion avec notre en-
tendement , car pour les opérations des ■
efprits , c'eit-à-dire , ia faculté de penfer :
& de mouvoir des corps, nous nous trou-
vons, d'ubsrd reut-àrfaiï hors de rcu;c à cest
5 8 Des Fi'cpc.fitïuns univcrfelles ,
tL l= égard; quoique peut-être après avoir examiné
Chap. VI. (jc plus prè^- la nature des corps & leurs
opérations, Se confidéré jufqu'où les notions
mêmes que nous avons de ces opérations
peuvent être portées avec quelque clarté
au-delà des frits fenfibles , nous ferons con-
traints d'avouer qu'à cet égard même toutes
nos découvertes ne fervent prefqu'à autre
chofe qu'a nous faire voir notre ignorance,
6 l'abfolue incapacité où nous fommes de
trouver rien de certain fur ce fujet.
Tandis que §. 15. Il eft , di?-je , de la dernière évi-
ros idées des dence , que les constitutions réelles des
fubftances ne r ,n ,, r , , .
renferment lubitances n étant pas rentermees dans les
point leurs idées abstraites & complexes que nous nous
conftitutions formons de3 fubfrances & que nous défi-
leelles, nous n . , ,
jie pouvons gnons Par leurs noms généraux , ces idées
former fur ne peuvent nous fournir qu'un petit de-
quepeuufe £re'de certirude univerfelle ; parce que dès-
propofitions là que les idées que nous avons des fubf-
générales, tances , ne comprennent point leurs cenf-
ti'utions réelles , elles ne font point cem-
pofées de la chofe d'eù dépendent les qua-
lités que nous obfervons dans ces fubftan-
ces, ou avec laquelle elles ont une liaifon
certains, 8c qui ne peurroh nous en faire
connoîtrela nature. Par exemple , que l'idée
à laquelle nous donnons le nom £ homme
f)it omme elle cft communément , un
corps d'une certaine forme cxrérieure avec
du fenriment 5 de h raifon , & la faculté de
fc mouvoir volontairement. jCcmme c'eft-
U l'idée abUraite , & par conféquent Pef-
certaines.
de leur Vérité t &c. Liv. IV. ? ?
fence del'efpece que nous nommons homm ■ -- a
nous ne pouvons former avec cert;;u;le ■•-—'•
que fort peu de propoikions générales tou-
chant Y homm: , pris pour une telle idée
complexe; p:rce que ne connoiffant pas la
conftrution réelle d'où dépend le fermaient ,
la puiiî'ance de fe mouvoir & de r^ifonner ,
avec cette forme particulière, & p.r où
ces quatre chofes fe trouvent unies enfem-
ble d ;ns le même fujet, il y a fort peu d'au-
tres qualités avec lefquelles nous puidSons
appercevoir qu'elles aient une Iiaifon né-
ceiLire. Ainfi , nous ne faurions affirmer
avec certitude que tous les hommes dor-
ment j certains inten'alles , qu'aucun hoi;t~
mené peut fe nourrir avec du bois ou des
pierres , que la cigue eft un poifon pour tous
les hommes, parce que ces idées n'ont au-
cune Iiaifon ou incompatibilité avec cette
elfence nominale que nous attribuons à
V homme , avec cette idée ibftraite que ce
nom figni:ïe. Dans ce c-^s 6\_ autres fembla-
bles nous devons en appeller à des expé-
riences faites fur des fujets particuliers , ce
qui ne faur oit s'écendie fort loin. A l'égard
du refte nous devons nous conten- er d'une
fimple probabilité; car nous ne pouvons
avoir aucune certitude générale , pendant
que notre idée fpéciiique de l'homme ne
renferme p int cette conftitution récile
qui eft la racine à laquelle toutes fes qua-
lités inféparables font unies , & d'où elles
Usent leur origine. E: tandis que l'idée
C 6
6ù Des Proportions univerféllés j,
**~ ■■ ■'= que nous faifons fignifier au mot hommt
Chap. Y!» n'eft qu'une collection imparfaite de quel-*
ques qualités fenfiblcs & de quelques puif-
fances qui le -trouvent en lui, nous ne fau-
rions découvrir aucune connexion ou in-
compatibilité entre notre idée fpécifique &
l'opération que les parties de la ciguë ou des
pierres doivent produire fur fa confhtu-*
tion. Il y a des animaux qui mangent delà
ciguë fans en être incommodés, & d'autres-
qui fe nourrirent de, bois & de pierres ;
mais tant que nous n'avons aucune idée
des confeirutions réelles de différentes fortes .
d'anim3ux , d'où dépendent ces qualités ,
ces puiffances-là & autres femblables, nous
ne devons point efpérer de venir jamais à
former , fur leur fujet , des propofitionç
univerféllés d'une entière certitude. Ce
qui nous peut fournir de telles propositions -y
creft feulement les idées qui font unies à
notre effence nominale ou à quelqu'une de
les parties par des liens qu'on peut dé-
couvrir. Mais ces idées-là font en " petit
nombre & de fi peu d'importance , que
nous pouvons regarder avec raifon notre
connoilfance générale touchant les fubf-
tances ( j'entens une connoiirance certaine )
comme n'étant prefque rien du tout.
En quoi §• I& Enfin, pour conclure, les pro-
wonfifte la pofitions générales , de quelque efpece
néraie'des^2" Ru'c^3 foient f ne font capables de certi-
propofitions. tude , que lorfque les termes dont elles font
compofées } magnifient des idées dont n#Ufc
de leur Venté, &c. Liv. fV. 6'T
pouvons découvrir la convenance & la dif- — - ^
convenance félon qu'elle y eft exprimée. Et Ghaî-. Yiî
quand nous voyons que les idées que ces-
termes lignifient , conviennent ou ne con-
viennent pas , félon qu'ils font affirmés ou-
niés l'un de l'autre , c'eft alors que nous-
fommes certains de la vérité ou de la faul-
feté dé ces propofuions. D'où nous pou-
vons inférer qu'une certitude générale na
peut jamais fe trouver dans nos idées. Que
fi nous l'âllons chercher ailleurs dans des
expériences ou des obfervations hors de-
nous , dès-lors notre connoifonce ne s'é-
tend point au delà des exemples particu-
liers. C'eft la contemplation de nos propres-
idées abïtraites qui feule peut nous fournir
une connoijfan.ce générale. .
CHAPITRE VII. •
Des Proportions qu'on nomme Maxi-
mes ou Axiomes.
.1.
$. I. JiL y a uneefpece de propofitions qui Chap. VIL"
îbus le nom de- Maximes ou d'Axiomes ont
paiTé pour les principes des fciences : & ? AV°."
r- ,ii r ' -i mes font evx*
parce quelles font évidentes par elles mê- dens par eiufc
mes , on a fuppofé qu'elles étoient innées , même»,
fans que perfonne ait jamais tâché ( que je
fâche ) de faire voir la raifon & le fonde-
ment de leur extrême clarté t qui nous.
6x Des Axiomes. Liv. IV.
t" g force, pour ainfi dire, à leur donner notre
Chap. VI. confenteniont. Il nV-ft pourtant pas inutile
d'entrer d^ns cette recherche , & de voir
fi cette grande évidence eft particulière à
ces feules propofitions, comme aufîi d'exa-
miner jufqu'où elles contribuent à nos autres.
connoifTances.
Ç. i. La connoiffance confifte , comme
-, . je l'ai déjà montré , dans la perception de
En quoi i ' j i ,/- j
tonfifte cette 'a convenance ou de la dilconvenance des
évidence im- idées. Or par-tout où cette convenance ou
mt iate, difeonvenance eft apperçue immédiatement
par elle-même , fans l'intervention ou 1»
fecours d'aucune autre idée , notre con-
noiflance eft évidente par elle-même . C'eft
de quoi fera convaincu tout homme qui con-
fidérera une de ces propofuions auxquelles
il donne fon confentement dès la première
vue fans l'intervention d'aucune preuve ;
car il trouvera que la raifon pourquoi il
reçoit toutes ces propofitions , vient de la
convenance ou de la difeonvenance que l'ef-
prit voit dans ces idées en les comparant
immédiatement entr'elles félon l'affirmation
ou la négation qu'elles emportent dans une
telle propofrnn.
y. 3. Cela étant ainfi, voyons préfente-
Llle n'eft ment fi cette ( 1 ) évidence immédiate ne
as particu-
ere aux ( j ^ Self-évidence: mot expreftif en Anglois , qu'on
propofitions ne peut ren^re en François , fi je ne me trompe ,
qui parlent qv.e par périphrafe. C'eft la propriété <ju'a une pro-
pourAxio- pojlton d'être évidente par elle-même ; ce que jVp-
•nes, pelle évidence immédiate, pour ne pas embnrraffer
le difeours pur une circonlocution. Après ce que
l
Des Axiomes. Liv. IV. 6}
convient qu'à ces propofitions auxquelles • ■ ■■ =q
on donne communément le nom de Ma- Chap.YIÏ»
ximes , & qui ont l'avantage de paifer pour
Axiomes. 11 eft tout vifible , que plufieurs
autres vérités qu'on ne reconnoit peint pour
Axiomes font auflï évidentes par elles-
mêmes que ces fortes de propoiirions. C'efl
ce que nous verrons bientôt , fi nous
parcourons les différentes fortes de conve-
nance ou de difeonvenance d'idées que nous
avons propofé ci-deifus , favoir V identité, la
relation, la coexijlence , & Vexijlence réelle;
par cii nous reconnoîtrons que non-feule-
ment ce peu de propofitions qui ont paifé
pour Maximes font évidentes par eiles-
mêmes , mais que quantité , ou plutôt une
infinité d'autres propofitions le font auffi.
$. 4. Car premièrement la perception I. A l'égard
immédiate d'une convenance ou difeonve- „s l'^f"^
,, • , • , , r j t r oc de la di-
nance d identité , étant fondée iur ce que verfité', ton-
l'efprit a des idées diftinctes , elle nous tes les pro-
fournit autant de propofitions évidentes par P0^-10"^0»*
11 î j>-./ A-r- également
elles-mêmes que nous avons d idées diltinc- évidentes par
tes qui font comme le fondement de cette elle$-mêm«s».
connoiifancc : & le premier aéle de l'efprit,
fans quoi il ne peur jamais erre capable
d'aucune connoiffance , conn/tcàconnoître
chacune de fes idées par elle-même, Cv à
l'Auteur v:ent c'e dire dans le paragraphe précédent ,
il étoit ;iifé d'entendre ici ce c;ue j'ai voulu dire par-
cette expreffion. Mais comme j'en aurai peut-êrre
befoin dans la fuite , j'ai cru qu'il ne feroit pas inu-
tile d'avertir le lefteur que c'eft-lù le fens que je lui:
donnerai çonPiâmment,
64 Des Axiomes. Liv. IV.
e a la difHnguer de toute autre. Chacun voit
Ghap-, VII. en lui-même qu'il connoît les idées qu'ila
dans l'efprit , qui' connoît aufll quand eit-ce
qu'une idée eft préfente à fon entende^
ment , &. ce qu'elle eft ; & que lorfqu'il y
en a plus d'une, il les connoît diftincle.-
ment , & fans les confondre l'une avec
Vautre. Ce qui étant toujours aïnfi , ( car il
efl: impoffible qu'il n'apperçoive point ce
qu'il apperçoit ) il ne peut jamais douter
qu'une idée qu'il a dans l'efprit , n'y foit
actuellement, & ne foit ce qu'elle eft ; & que
deux idées diftinétes qu'il a dans l'efprit , n'y
foient effectivement , & ne foient deux
idées. Ainfi , toutes ces fortes d'affirmations
& de négations fe font fans qu'il foit poflible
d'héfiter , d'avoir aucun doute ou aucune
incertitude à leur égard ; & nous ne pou-
vons éviter d'y donner norre confentement,
dts que nous les comprenons , c'eft-à-dire,
dès-que nous avons dans l'efprit les idées
déterminées qui font délignées par les mots
contenus dans la propofuion. Et par confa- -
quent toutes les fois que l'efprit vient à con-
fidérer attentivement une propofition , en
forte qu'il apperçoive que les deux idées
qui font fignifiées par les termes dent
elle eft compofee , &. affirmée ou niée
l'une de l'autre , ne font qu'une même idée ,
ou font différentes; dès-là il eft infaillible-
ment, certain de la vérité d'une telle propofî-!
tion ; & cela également , foit que ces pro-
pofitions foient compofées de termes qui
ÎTjgnirlenr. des idées plus ou m;ins gériér'-lêSj.,
Des Axiomes. Liv. IV. 6f
p?r exemple , foit que l'idée générale de -
VI tre foit affirmée d 'elle-même , comme ^HAV' VU,
cfcns certe propofition., tout ce qui e fi, efl\
ou qu'une idée plus pirticuliere foit affir-
mée d'elle-même, comme Un homme efi un
homme , ou ce qui efi blanc , eji blanc : foit
que l'idée de Y Etre en général foit niée du
non-être , qui eft ( fi j'ofe ainft parler ) la
feule idée différente de l'être , comme dans
cette autre prerpofuion , il efi impojfible
qu'une même chofe foit & ne foit pas y ou
que l'idée de quelqu'être particulier foit niée
d'une autre qui en, eft différente , comme,
un homme n'efi pas un cheval , le rouge n'efi
pas bleu. La différence des idées fait voir
aufll-tôt la vérité de la propofition avec une
entière évidence , dès qu'on entend les ter-
mes dont on fe fert pour les défigner , &
cela avec autant de certitude & de facilité
tfans une propofition moins générale que
dans celle qui l'eft davantage ; le tout par
la même raifon , je veux dire , à caule que
l'efprit apperçoit dans toute idée qu'il a,
qu'elle eft la même avec elle-même , &
que deux idées différentes font différentes
& non les mêmes : dequoi il eft également
certain, foit que ces idées ioient d'une plus-
petite ou d'une plus grande étendue , plus
ou moins générales , 6c p-lus ou moins abf-
traites. Par conséquent , le privilège dette
évident par foi-même n'appartient point
u-niquement, & par un droit particulier , à
ces deux propofition:-- générales > tout a qui
66 Des Axiomes. Liv. IV.
t? — ' a e/?, ef} ; €• r7 f/? impvffible qu'une même
Chvp* Vil. chofe foit & ne foit pas en même temps. La
perception dêcre , ou de n'être point , n'ap-
partient pas plutôt aux idées vagues, ligni-
fiées par ces termes , tout ce que , ôi. chofe,
qu'a quelqu'autre idée que ce foit. Car ces
deux maximes n'emportent dans le fjnd
autre chofe finon que le mime , eft le même ,
eu que , ce qui efl le mime , n'efl pas dif-
férent : vérités qu'on reconnoît p.ufïi - bien
dans des exemples plus particuliers que
que dans ces maximes générales , ou , pour
parler plus exactement , qu'on découvre
dans des exemples particuliers avant que d'a-
voir jamiis pen(é à ces maximes générale ,
& qui tirent toute leur force de la faculté
que l'efprit a de difeerner les idées particu-
lières qu'il vient à conlidérer. En effet , il e/t
tout vilible que l'efprit connaît & apperçoit
que l'idée du blanc eft l'idée du blanc, &
non celle du bleu ; & que , lorfque l'idée
du bhnc eft dans l'efprit , elle y eft &
n'en eft pas abfente , qu'il Y apperçoit , dis-
je , clairement, & le connoîth certainement
fans le fecours d'aucune preuve, ou fans
rédéchir fur aucune de ces deux propofi-
tions générales , que la confidération de ces
axiomes ne peut rien ajouter à l'évidence
ou à la certitude de la connoifTance qu'il a
de ces chofes. Il en eft juftement de même
à l'égard de tomes les idées qu'un homme
a dans l'efprit , comme chacun peut l'éprou-
ver en foi-mîme. Il connaît que ch.que
Des Axiomes. Liv. IV. 6j
ïàêe eft cette même idée & non une autre , "- —~?
& qu'elle eft dans fon efprit & non hors de
fl>n efprit lorfqu'elle y eft actuellement ; il
le connoît , dis-je, avec une certitude qui
ne fauroit être plus grande. D'où il s'enfuie
qu'il n'y a point de proportion générale
dont la vérité puiffe être connue avec p'us
do cerritude , ni qui foit capable de rendre
cette première plus parfaite. Ainfl , notre
connoifTance de fimple vue s'étend auffi
loin que nos idées p3r rapport à Tidenrké ,
& nous femmes capables de former autant
de propositions évidentes par elles-mêmes,
que nous avons de noms pour désigner àos
idées diftin£tes ; fur quoi j'en appelle à
l'efprit de chacun en particulier , pour
favoir fi cette propofr.ion , un cercle efl un
cercle . n'eft pas une propofition auffi évi-
dente p?.r elle-même que cetle-ci qui efl
compofée de termes plus généraux , tout ce
qui eji , efl ; & encore , fi cette propofi-
tion , h bleu n 'efl pas rouge , n'eit point une
propofition dont l'efprit ne peut non plus
douter , dès-qu'il en comprend les termes ,
que de cet axiome , il efl impofjible qu'une
mêm* chu fe foit & ne foit pas : & ainfi de
toutes les autres propofrions de cette efpece.
§. 5. En fécond lieu , pour ce qui eft **• rar r-T-
de-la coexistence, ou d'une connexion en- exiftènceC°"
tre deux idées, tellement néceiTaire , que noussvons
dès-que l'une eft fuppofée dans un fuiet, fort F.eu de
i> ' j • „• /Ti ,, . ! , proportions
I dUtre doive 1 être audi dune manière ine- évidentes par
vitable , l'efprit n'a une perception ire- elles-mêmes»
68 Des Axiomes. Liv. IV.
g =3 médiate d'une relie convenance ou difcon-
CiiAp. VII. venance qu'à l'égard d'un très-petit nom-
bre d'idées. C'eft pourquoi notre connoif-
fance intuitive ne s'étend pas fort loin fur
cet article ; & l'on ne peut former là-deiTus
que très-peu de propofitions évidentes par
elles-mêmes. Il y en a pourtant quelques-
unes ; par exemple, l'idée de remplir un
lieu égal au contenu de fa furface , écanc
attachée à notre idée du corps , je crois
que c'eft une propofition évidente par elle*
même , que deux corps ne fauroient être
dans U mime lieu.
„„ . G. 6. Quant à la troifieme forte de conve-
Jïï. Nous en y > , . ,
pouvons nance qui regarde les relations des modes, Ie3
avoir dansles Mathématiciens ont formé plufieurs axiome»
autres rela- fur ]a feu|e relation d'égalité , comme que //'.
tions»
de chofes égales on en été des chofes égales U
Teflc ejl égal. Mais encore que cette propo-
fition & les autres du même genre foient
reçues par les Mathématiciens comme au-
tant de maximes , & que ce foient effective-
ment des vérités inconteftables ; je crois
pourtant qu'en les onfidirant avec toute-
l'attention imaginable, on ne fauroit trou-
ver qu'elles foient plus clairement évidentes
par elles-mêmes que celles-ci , un & un
font égaux à deux ; fi de cinq doigts d'une
main , vous en ôte^ deux , & deux autres des-
cinq doigts de l'autre main , le nombre des
doigts qui rejlera fera égal. Ces propofnions*
&: mille autres femblables qu'on peut for-
Des Axiomes. Liv. IV. 6$
Hier fur les nombres , fe font recevoir né- =■
ceffairement dès-qu'on les entend pour la CHAf. Y IL-
première fois , & emportent avec elles une
auffi grande , pour ne pas dire une plus
grande évidence que les axiomes de Ma-
thématique.
a t. • i- » «/ i i IV. Tou»
$. 7. F,n^ quatrième heu , a 1 égard de chanti'cxif-
l'exiflence réelle, comme elle n'a de liaifon tence réelle
avec aucune autre de nos idées qu'avec celle nous n en
-1 avons aucu."
de nous-mêmes & du premier être , tant ne,
s'en Lut que nous ayons fur l'exiftence
réelle de tous les autres êtres une connoif-
fance qui nous foit évidente par elle-même,
que nous n'avons pas même une connoif-
fance demonftrative. Et par conféquent il
n'y a point d'axiome fur leur fujet.
§. 8. Voyons après cela quelle eft l'in- Les sxio-
fluence que ces maximes reçues fous le mes n'ont pas
,, r . ' . beaucoup
nom d axiomes, ont lur les autres parties d'influence
de notre connoiffance. La règle qu'on pofe fur les autres
dans les écoles, Que tout raifonnement vient Partiesde n°*
j„ i r A** s j'v i' tre connoit-
oe choies déjà connues , oc d.jja accordées , fanCe.
ex pnecognitis & pnsconceffis , comme ils
parlent; cette règle, dis-je , fcmble faire
regarder ces maximes comme ie fondement
de toute autre connoiffance, & comme des
chofes déjà connues , par où l'on entend,
je crois , ces deux chofes ; la première , que
ces axiomes font les vérités les premières
connues à l'efprit ; & la féconde , que les
autres parties de notre connoiffance dépen-
dent de ces axiomes.
$. 9. Et premièrement , il paroit évidem-
70 Des Axiomes. Liv. IV.
t- u ment par l'expérience que ces vérités rté
Chai-.YH. fon[ pas ies premières connues , comme
,, nous l'avons * déjà montré. En effet , qui
Parce que , , c «
ce ne font pas lie s apperçcit qu un entant connoit cer-
tes vérités , tainement qu'un étranger n'eftpas fa mère,
les premières que ja verge qu'il craint n'eit pas le fucre
connues. * b > v
*iàiv. i.f.6. q^i on lui preknte , long-tems avant que de
favoir , qu'il eji impojjlble qu'une chofefoit
& m foitpas ? Combien peut-on remarquer
de vérités fur les nombres , dont on ne
peut nier que l'efprit ne les connoiffe par-
faitement & nen foit pleinement convaincu,
avant qu'il ait jamais penfé à ces maximes
générales , auxquelles les Mathématiciens le
rapportent quelquefois dans leurs raifonne-
mens? Tout cela eff incontefhble , & i!
n'eit pas difficile d'en voir la raifon. Car
ce qui fait que l'efprit donne fon confen-
tement à ces fortes de proportions , n'étant
autre chofe que la perception qu'il a de 11
convenance ou de la difeonvenance de les
idées , félon qu'il les trouve affirmées ou
niées l'une de l'autre par des termes qu'il
en'end;& connoiffant d'ailleurs que chaque
idée eft ce qu'elle eft, & que deux idées dif-
tinéles ne font jamais la même idée , il doit
s'enfuivre nécerfairement de-là , que parmi
ces fortes de vérités évidentes par elles-
mêmes, celles-là doivent être connues les
premières qui font composées d'idées qui
font les premières dans l'Efprit : & il eft
vilible que les premières idées qui font
dans l'efprit , font celles des chofes parti-
Des Axiomes. Liv. IV. 71
culicres ; defquelles l'entendement va par — i
des degrés infenfibles à ce petit nombre <-kap. YU,
d'idées générales , qui étant formées à l'oc-
cafion des objets des fens qui fe préfentent
le plus communément , font fixées dins
l'efprit avec les noms généraux dont on fe
fert pour les défigner. Ainli , les idées
particulières font les premières que l'efprit
reçoit , qu'il difeerne , & fur lefquelles il
acquiert des connoiflances. Après cela vien-
nent les idées moins générales ou les idées
fpécifiques qui fuivent immédiatement les
particulières ; car les idées abliraites ne fe
préfentent pas fi-tôt ni fi aifément que les
idées particulières , aux enfans, ou à un
efprit qui n'eft pas encore exercé à cette
manière de penfer. Que fi elles paroiffenc
aifées à former à des perfonnes faites , ce
n'eft qu'à caufe du confiant & du familier
ufage qu'ils en font ; car fi nous les cunfi-
dérons exactement , nous trouverons que
les idées générales font des ridions de l'ef-
prit qu'on ne peut fermer fans quelque
peine , & qui ne fe préfentent pas fi aifé-
ment que nous fommes portés à nous le
figurer. Prenons , par exemple , l'idée gé-
nérale d'un triangle ; quoiqu'elle ne foie
pas la plus abftrâite , la plus étendue & la
plus nul-aifée à former, il eft certain qu'il
faut quelque peine & quelqu'adreffe pour
fe la repréfemer , car il ne doit être ni
oblique , ni rectangle, ni équilatere , ni
ibicele, ni fedène , mais tout cela à la
tTSt Ses Axiomes. Liv. IV.
e£* =a fois , & nul de ces triangles en particulier»
Chas. VU. H eft vrai que dans 1 état d'imperfection où
fe trouve notre eiprit , il a befoin de ces
■idées , & qu'il fe hâte de les former le
plutôt qu'il peut , pour communiquer plus
aifément (es penfées & étendre fes propres
■connoi nuances , deux chofes auxquelles il
•efr naturellement fort enclin. Mais avec
tout cela , l'on a raifon de regarder ces idées
comme autant de marques de notre imper-
fection ; ou du moins cela fuffit pour faire
voir que les idées les plus générales & les
plus abftraites ne font pas celles que l'ef-
prit reçoit les premières & avec le plus
•de facilité , ni celles fur qui roule fa pre-
mière connoiifance.
$. 10. En fécond lieu , il s'enfuit évi-
demment de ce que je viens de dire , que
•ces maximes tant vantées ne font pas les
principes & les fondemens de toutes nos
autres connoi (Tances. Car s'il y a quantité
d'autres vérités qui foirent autant évidentes
par elles-mêmes que ces maximes &plufieurs
même qui nous font plutôt connues qu'elles, il
eft impofibleque ces maximes foient les prin-
cipes d'où nous déduifons toutes les autres vé-
rités. Nefauroit-onvoir, par exemple qu'un &
deux font égaux à trois , qu'en vertu de cet
axiome ou de quelqu'autre femblable , le tout
eji égal à toutes fes parties prifes enfemble ?
Qui ne voit au contraire qu'il y a bien des
gens qui favent qu'un & deux font égaux
à trois , fans avoir jamais penfé à cet
axiome j
De s Âxiorh.es. Liv. IV. 73
axiome, ou à aucun autre femblable par où -~*
ion puiffe le prouver , & qui le favent Chac' YU*
pourtant auifi certainement qu'aucune autre
perfonne puiffe être afmrée de la vérité de
cet axiome , le tout eji égal à toutes jes
parties , ou de quelqu'autre que ce foit ;
& cela par la même raifon , qui efi * Xévi- dans une
dence immédiate qu'ils voyent dans cette note, pag.
propofition , un & deux font égaux à trois : 6/ ' ce jui,r,
l'egalite de ces idées leur étant aufu viable par-là*
& auifi certaine , fans le fecours d'aucun
axiome , que par fen moyen , puifqu'ils
n'ont befein d'aucune preuve pourl'apper-
cevoir ? £t apiè-; qu'on vient a lavoir, que
le tout efb égal à toutes (es parties , on ne
voit pas plus clairement ni plus certaine-
ment qu'auparavant > qu'un <5- deux font
égaux à trois. Car s'il y a quelque différence
entre ces idées , il efi vifible que celles de
tout & de partie font plus obfcures , ou
qu'au moins elles fe placent plus difficile-
ment dans l'efprk , que celles d'un, de deux
& de trois. Et je voudrois bien demander
à ces Meilleurs qui prérendent que toute
connohfance , excepté celles de ces prin-
cipes généraux , dépend des principes géné-
raux innés ôc évadons par eux-mêmes , de
quel principe on a befoin pour prouver
qu'w/z & un font deux , que deux & deux
font quatre , & que trois fois deux font (ix ?
Or comme on connoît la vérité de ces pro-
pofitions fans le fecours d'aucune preuve ,
il s'enfuit de-là vifiblement , ou que uuce
Tome IV. D
•74 &cs Axiomes. Liv. IV.
*- =s connoifîance ne dépend point de certaines
LiiAP. VII. vérités déjà connues , et de ces maximes gé-
nérales qu'on nomme principes , ou bien
que ces propofitions-là font au-ant de prin-
cipes ; & fi on les met au rang des princi-
pes, il faudra y mettre auffi une grande
partie des proportions qui regardent les
nombres. Si nous ajoutons à cela toutes les
propofitions évidentes par elles-mêmes
qu'on peut former fur toutes nos idées
diflin&es, le nombre des principes que les
hommes viennent à connaître en difterens
âges , fera prefqu'infini , ou du moins in-
nombrable , & il en faudra mettre dans ce
rang quantité qui ne viennent jamais à
leur connoiffance durant tcut le cours de
leur vie. Mais que ces fortes de vérités Ce
préfentent à l'elprit , plutôt ou plus tard ,
ce qu'on en peut dire véritablement , c'ert
qu'elles font très-connues par leur propre
évidence , qu'elles font entièrement indé-
pendantes, & qu'elles ne reçoivent & ne
iont capables de recevoir les unes des au-
tres aucune lumière ni aucune preuve , &
moins encore les plus particulières des plus
générales , ou les plus fimples desplus com-
pofées ; car les plus fimples & les moins
abflraites font les plus familières & celles
•qu'on apperçcit plus aifément & plutôt.
Mais quelles que foient les plus claires
idées , voici en quoi confifte l'évidence & la
certitude de toutes ces fortes de propofitions;
c'eit en ce qu'un homme voit que la mêrne
Des Axïomzs. Liv. IV. " 7'$
idée eft la même idée , & qu'il appercoit - ' ' "^
infailliblement que deux différentes idéesfont CHÀr- vu*
des idées différentes. Car lorfqu'un homme
a dans l'efprit les idées d'un &: de deux, l'idée
<lu jaune & celle du £/etf , il ne peut que
connoître certainement que l'idée d'un efl
l'idée d'un , & non celle de deux , & que
l'idée du jaune eft l'idée du. jaune, & non
celle du 3/f//. Car un homme ne fauroit
confondre dans fon efprit des idées qu'il y
voit difiin&es : ce feroit fuppofer ces idées
confufes & difrinétes en même-tems , ce
qui eft une parfaite contradiction ■ & d'ail-
leurs n'avoir point d'idées diltincles , ce
feroit être privé de l'ufage de nos facultés ,
■& n'avoir abfolument aucune connoifTance.
Par conféquent , toutes les fois qu'une idée
eft affirmée d'elle-même , ou que deux idées
parfaitement diftinftes font niées l'une de
l'autre , l'efprit ne peut que donner fon
confentement à une telle propofition, com-
me à une vérité infaillible, dès-qu'il entend
les termes dont elle eft compofée ; il ne
peut , dis-je , que la recevoir fans héfiter
le moins du monde , fans avoir befoin de
preuve , ou penfer à ces nropofitions com-
pofées de termes plus généraux , auxquelles
on donne le nom de maximes.
$. II. Que dirons-nous donc de ces De qu'ei
maximes générales ? Sont-elles abfolument l,faSe (on}
inutiles ? Nullement ; quoique peut - être a^érTles!!168
leur ufage ne foit pas tel qu'on s'imagine
ordinairement. Mais parce que douter le
"]6 Des Axiomes. Liv. IV.
.— moins du monde des privilèges que ccr-
C'HAr. yil. taines gens ont attribué à ces maximes,
c'eft une hardieJe contre laquelle on pour-
roit fe récrier comme contre un attentat
horrible qui ne va pas à moins qu'à ren-
vcrlèr toutes les Sciences , il ne fera p:s
inutile deconfidérer ces maximes par rapport
aux autres parties de notre connoifïance , &
d'examiner plus particulièrement qu'on n'a
encore fait, à quoi elles fervent , & à quai
elles ne faurcient fervir.
I. Il paroît évidemment par ce qui vient
d'être dit, qu'elles ne font d'aucun ufage
pour prouver , ou pour confirmer des pro-
pofitions plus particulières qui font évidentes
par elles-mêmes.
II. il n'eft pas moins vifible qu'elles ne
font ni n'ont jamais été les fondemens
d'aucune Science. Je fais bien que fur la foi
àes Scholaftiques , on parle beaucoup des
Sciences &: des rnaxirr.es fur lefqueîles ces
Sciences font fondées. Mais je n'ai point eu
encore le bonheur de rencontrer quelqu'une
de ces Sciences , & moins encore aucune
qui fiât bâtie fur ces ceux maximes, ce
qui eji , efl ; &, il efi impojfrble qu'une
même chofefeit & ne joit yas en menu- te ms.
Je ferois fort aife qu'on me montrât où je
pourrois trouver quelqu'une de ces Sciences
bâties fur ces axiomes généraux , ou fur que!-
qu'autre fembLble ; & je ferois bien obligé
à quiconque voudroit me faire voir le plan
& le fyftême de quelque Science , fondée
Des Axiomes. Liv. IV.
fur ces maximes ou fur quelqu'autre de cet
ordre, djnt on ne puiiTe faire voir qu'elle
fe fjutient auffi-bien fans le fecours de
ces fortes d'axiomes. Je demande fi ces
maximes générales ne peuvent point être
du même ufjge dans l'étude de la Théo-
logie & dans les queftions Théologiques ,
que dans les aurres Sciences. Il eft hors
de doute qu'elles peuvent fervir auTi d.ms
la Théologie à fermer la bouche aux chi-
caneurs & a terminer les difputes : mais
je ne crois pourtant p-.s que peribnne en
veuille conclure que la Religion Chrétienne
eit fondée fur ces maximes , ou que la
connoifTance que nous en avons , découle
de ces principes. Ceft de la révélation que
nous e(t venue h connoifî'ance de cette
fainte Religion , & f*ns le fecours de là
révélation ces maximes n'auroient jamais
été capables de nous la faire connoîire.
Lorfque nous trouvons une idée par l'in-
tervention de laquelle nous découvrons la
liaifon. de deux autres idées , c'efl une ré-
vélation qui nous vient de la part de Dieu
par ta voie, de la r?.ifon : car dès-lors nous
onnoiiTons une vérité que nous ne con-
n pillions pas auparavant. Quand Dieu nous-
enfeigne lui-même une vérité , c'eft: une
rêvé! mon. qui nous efl communiquée par
la voie de fon efprit ; & dès-là notre con-
noiffance en augmentée. Mais dans l'un ou
l'autre de cc< cas ce n'cfl point de ces
maximes que notre eforh tire ù lumière
D 3
Chap. V».
?$ Des Axiomes. Liv. IV.
"-— - ■ q eu fa eormoLTance ; cardans l'un elle nous.
Chap. VU. y\en: cjes chofes même dont nous découvrons
laj \ étiré en appercevant leur convenance
ou leur difeonvenance; & dans l'autre la
lumière nous vient immédiatement de Dieu,
dont l'infaillible véracité, fi j'ofe me fervir
de ce terme , nous eit une preuve évidente
de la vérité de ce qu'il dit.
III. En troifieme lieu , ces maximes gé-
nérales ne contribuent en rien à faire faire
aux hommes des progrès dans les Sciences ,
< ou des découvertes de vérités auparavant
Phitofhphi* incclinues" M. Newton a démontré dans *
naturulis un Livre qu'on ne peut allez admirer >
principe plufieurs propositions qui font tout autant
de nouvelles ventés, inconnues auparavant
dans le monde , & qui ont porté la con-
noiffance des Mathématiques plus avant
qu'elle n'a voit été encore : m is ce n'effc
point en recourant à ces maximes géné-
rales , ce qui e(î, e(l \ le tout efi plus grand
que fa partie, & autres femblables , qu'il a
fait ces belles découvertes. Ce n'eft point,
dis-je , par leur moyen qu'il eft venu à
connoître la vérité & la certitude de ces
propositions. Ce n'eft pas non plus par leur
îecours qu'il en a trouvé les démonstrations,
mais en découvrant des idées moyennes qui
puflent lui faire voir la convenance ou la
difeonvenance des idées telles qu'elles étoient
exprimées dans les proportions qu'il a dé-
montrées. Voilà l'emploi le plus considéra-
ble de l'Entendement Humain : c'eA-là ce '
Des Axiomes. Liv. IV. 7$
qui l'aide le plus à étendre fes lumières & --J
à perfectionner les Sciences ; en quoi il ne Chap.-VH.'
reçoit abfolument aucun fecours de la con-
fidération de ces maximes ou autres fem-
blibles qu'on fait tant valoir dans les écoles.
Que fi ceux qui ont conçu par tradition ,
une fi haute eftime pour ces fortes de pro-
pofitions, qu'ils croient qu'on ne peut faire
un pas dans la ccnnoiflance des chofes (ans
le fecours d'un axiome , & qu'on ne peut
pofer aucune pierre dans l'édirice des Scien-
ces fans une maxime générale ; fi ces gens-
là , dis-je , prenoient feulement la peine de
di(tinguer entre le moyen d'acquérir la con-
noiflance, & celui de communiquer la con-'
noiffance qu'on a une fois acquife ;- entre
la méthode d'inventer une Science , & ceiîe
de l'enfeigner aux autres , autant qu'elle eil
connue, ils, verroient que ces maximes gé •
nérales ne font point les fondemens fur
lefque's les premiers Inventeurs ont élevé
ces admirables édifices , ni les clefs qui leur
ont ouvert les fecrets de la connoiffence.
Quoique dans la fuite, après qu'on eue
érigé des écoles & établi des Profefieurs
pour enfeigner les Sciences que d'autres
atfoient déjà inventées , ces Profeffeurs fe
foient fbuvent fervrs de maximes ; c'efr— .
à-dire, qu'ils aient établi certaines propo-
fitions évidentes par eiles-n?êmes , ou qu'on
ne pouvait éviter de recevoir pour véri-
tables après les avoir eveminées avec quel-
qu'atsemion ; de forte que les ayant une
D4
&d J>es Axiomes. Liv. IV,
*• — -= fois imprimées dans 1'cfprir de leurs écolier»
Çhap. VU. comme autant de vérités inconteflables , ils-
les ont employées dans l'occafion pour con-
vaincre ces écoliers de quelques vérités
particulières qui ne leur éroient pas fi fa-
milières que ces axiomes généraux qui leur
avoient été auparavant inculqués & fixés
foigneufement dans l'efprit. Du refre, ces
exemples particuliers , confidérés avec at-
tention ne paroi flent pas moins évidens par
eux-mêmes à l'Entendement , que ces maxi-
mes générales qu'on propofe pour les con-
firmer ; & c'efl: dms ces exemples particu-
liers que les premiers inventeurs ont trouva
h vérité fans le fecours de ces maximes
générales ; tout autre qui prendra la peine
de les confidérer attentivement , pourra
faire encore la même chofe.
Pour venir donc à l'ufage qu'on fait de
ces maximes : premièrement , elles peuvent
fervir dans la méthode qu'on emploie or-
dinairement p?ur enfeigner les Sciences r
jufqu'où elles ont été avancées ; mais elles
ne fervent que fort peu , ou rien du tout
pour porter les Sciences p'.us avant.
En fécond lieu , elles peuvent fervir dans
les difputes , fermer la bouche à des chi-
caneurs opiniâtres , & à terminer ces fortes
de contestations. Sur quoi je prie mes Lec-
teurs de m'accorder la liberté d'examiner ,
fi la néceflué d'employer ces maximes dans
cette vue, n'a pas été introduite de la
manière qu'on Ya voir. Les écoles ayant
Des Axio m es. Li v. iV. 8 r
établi la difpute comme la pier:e-de-touche -*—-
de l'habileté des gens , & comme la preuve Chap- * "•
de leur Science, elles adjugeoient la vic-
toire à celui à qui le champ de bataille d'e-
meuroit, & qui partait le dernier ; de forte
qu'on en concluoit , que s'il n'avoit pas
foutenu le meilleur p?rti , il avoir eu du
moins l'avantage de mieux argumenter.
Tvl.-.is p:rce que fcîon cette méthode il pou-
voit arriver que la difpute ne pourroit point
être décidée entre deux combattans égale-
ment experts, tandis que l'un auroit tou-
jours un terme moyen pour prouver une
certaine propofmon , & que l'autre , par une
difrinction ou fans diftin&ion pourroit nier
conftamment la majeure ou la mineure de l'ar-
gument qui lui feroh objefié ; pour éviter que
la difpute ne s'engageât àms une fuite infinie
de fyllogifmes , on introduifit dans îes écoles
certaines proportions générales dont la plu-
part font évidentes par elles-mêmes , &
qui étant de nature à être reçues de tous
les hommes avec un entier confentement ,
dévoient être regardées comme des mefures
générales de Ta vérité, & tenir lieu de
principe ( Iorfque les difputans n'en avoient
point pofé d'autres entrTeux ) au-delà def-
quels on ne pouvoir point aller , & aux-
quels on feroit obligé de fe tenir de parc
& d'autre. Ainfi , ces maximes ayant reçu
le nom de Principes qu'on ne pouveit point
r.ier dans ta difpute T ris l'es prirent , par
erreur, pour l'origine & Ta fourre d'au roote
Si Des Axiomes. Liv. IV.
"wi . . la connoiflance avoit commencé à s'intro--
C'hap, VII. duire dans l'efprit , & pour les fendemens
fur lefquels les Sciences étoient bâries ;.
parce que lorfque dan-; leurs difputes ils.
en venoient à quelqu'une de ces maximes ,.
ils s'arrètoient fins aller plus avant, & la
queftion étoit terminée. Mais j'ai déjà fait
voir que c'eft-là une grande erreur.
Cette méthode étant en vogue dans les
écoles qu'on a regardé comme les fources,
de la connoiflance , a introduit le même-
ufage de ces maximes dans la plupart dés
converfations hors des écoles, & cela pour
fermer la bouche aux chicaneurs avec qui,
]'on efr excule de raifonner plus Iong-tems
dès-qu'ils viennent à nier ces principes
généraux , évidens par eux-mêmes & admis
par toutes les perfonnes raifonnables qui
y ont une fois fait quelque réflexion. Mais
encore un coup , ils ne fervent dans cette,
occafion qu'à terminer les difputes. Car au
fond fi l'on en prefle la fignifkation dans
ces mêmes cas, ils ne nous enfeignent rien
de nouveau. Cela a été déjà fait par les
idées moyennes dont on s'eft fervi dans la
difpute & dont on peut voir la liaifon fans
le feccurs de ces maximes ; de forte que
par le moyen de ces idées la vérité peut
être connue avant que la maxime aie
été produite , & que l'argument ait été'
pouffé jufqu'au premier principe. Car les.
hommes n'auroient pas de peine à connoîr
tre & à quitter un méchant argument avant
Des Axiomes. Liv. IV. 83
cjne d'en venir-là , fi dans leurs difputes ils - - —
avoient en vue de chercher & d'embrafTer Chap. YU*,
la vérité , & non de contefter pour obtenir
la victoire. C'efl ainfi que les maximes fer-
vent à réprimer l'opiniâtreté de ceux que
leur propre fmcérité devroit obliger à fe
rendre plutôt. Mais la méthode des écoles.
ayant autonfé &: encourage les hommes à
s'oppofer & à réfifter à des vérités éviden-
tes , jufqu'à ce qu'ils foient battus , c'eft—
à-dire, qu'ils foient réduits a fe contredire
eux-mêmes ou à combattre des principes
établis , il ne faut pas s'étonner que dans
la converfarion ordinaire ils n'aient pas hon-
te de Lire ce qui eft un fujet de gloire
& pafle pour vertu dans les écoles , je
veux dire , de foutenir opiniâtrement &.
jufqu'à la dernière extrémité le côté de la
queftion qu'ils ont une fois. embrafTé , vrai
eu faux r même après qu'ils font convain-
cus : Etrange moyen de parvenir à la vérité?
& à la connoiiîance , & qui l'eft à tel point
que les gens raifonnables répandus dans le
refte du monde , qui n'ont pas été cor-»
lompus par l'éducation, auroient , je penfe ,
bien de la peine à croire qu'une telle mé-
thode eût jamais été fuivie par des perfon—
nés qui. font profeffion d'aimer la vérité »,
& qui pafîent leur vie à étudier la Religions
ou la Nature , ou qu'elle eût été admife
dans des Séminaires établis pour enfeignes
les vérités de la Religion ou de la Philo-
fophie à ceux qui les ignorent entiéremenx.2
§4 Des Axiomes. Liv. IV.
'■ — '. ' g Je n'examinerai peint ici combien cette m:*
Chap. VII. niere d'inftruire eft propre à détourner
Tefprit des jeunes gens de l'amour & d'une
recherche fincere de la vérité, ou plutôt,
à les faire douter s'il y a effectivement quel-
que vérité dans le mond? , ou du moins
qui mérite qu'on s'y attache. Mais ce que
je crois fortement , c'eft qu'excepté les lieux
qui ont admis la Philofophie Péripatéticienne
dans leurs écoles , où elle a régné plufieurs
fiecles fans enfeigner autre chofe au mon-
de que l'art de difputer, on n'a regarde
nulle part ces maximes , dont nous parlons
préfenteme»t , comme les fondemens des.
Sciences , comme des fecours importans
pour avancer dans la connoifTance des.
chofes.
Ces maximes générales font donc d'unr
grand ufage dans les difputes , comme j'ai
déjà dit, pour fermer la bouche aux chica-
neurs , mais elles ne contribuent pas beau-
coup à la découverte des vérités inconnues,
ou à fournir à l'efprit le moyen de faire'
de nouveaux progrès dans la recherche de
la v 'rite. Car qui eft-ce , je vous prie , qui
a commencé de fonder fes connoifTances
fur cette propofition générale, ce qui efl t
*(l\ ou , il efl impoffible qu'une chofe foie
& ne foit pas en même teins ? Qui eft-ce-
qui ayant pris pour principe l'une ou l'autre
de ces maximes, en a déduit un Syftême
de connoifTances utiles ? L'une de ces ma-
ximes peut fort bien fervir comme de pierre
Des Axiomes. Liv. IV. $$
de touche , pour fairs voir où aboutiflent —
certaines fauffes opinions qui renferment Chaf.JVH»
fouvent de pures contradictions ; mais quel-
que propres qu'elles foient à dévoiler l'ab-
furdité ou la faurTeté* du raifonnement ou
de l'opinion particulière d'un homme, elles
ne fauroient contribuer beaucoup à éclarrcir
l'entendement , & Ton ne trouvera pas que
l'efprit en reçoive beaucoup de fecours à
l'égard du progrès qu'il fait dans la connoif-
fance des chofes ; progrès qui ne feroit ni
plus ni moins certain , quand bien l'efprit
n'auroit jamais penfé à ces deux propor-
tions générales. A la vérité, elles peuvent
fervir dans l'argumentation , comme j'ai
déjà dit , pour réduire un chicaneur au
filence f en lui faifant voir Pabfurdité de ce
qu'il dit, & en l'expofant à la honte de
contredire tout ce que le monde voit , 8c
dont il ne peut s'empêcher lui-même d§r
reconnoître la vérité. Mais au:re chofe efl
de montrer à un homme qu'il efl dans l'er-
reur, & autre chofe de l'inftruirede la vérité.
Et je voudrois bien fa voir quelles vérités-
ces propofitions peuvent nous faire con-
noître par leur influence , que nous ne
connuffions pas auparavant , ou que nou*
ne puflîons connoftre fans leur fecours..
Tirons-en toutes les confequences que noua
pourrons ; ces conséquences fe réduiront
toujours à des propofitions purement [ i J
(0 C'eft-à-dire> où unt idit efl affirmée d'dh-mî
86 Des axiomes. Liv. IV.
*■'*. s identiques ; & toute l'influence de ce»
Çhap. VII. maximes, fi elle en a aucune, ne- tombera
que fur ces fortes de propofitions. Chaque
propofnion pirticuliere qui regarde V identité
ou la diverjité , eft connue auffi clairement
& aufii certainement par elle-même , fi orv
la confidere avec attention , qu'aucune de
ces deux propofitions générales , avec cette
feule différence , que ces dernières pouvant
être appliquées à tous les cas , on y infifte
davantage. Quant aux autres maximes moins-
générales , il y en a plufieurs qui ne font
que des propofitions purement verbales r
Se qui ne nous apprennent autre chofe
que le rapport que certains noms ont en-
tr'eux. Telle eft celle-ci, le tout efl égal à*
toutes J es parties ; car je vous prie , quelle,
vérité réelle nous eft enfeignée par cette
maxime ? Que contient-elle de plus que ce
qu'emporte par foi-même la lignification du.
mot tout? Et comprend-on que celui qui
fait que le mot tout fignifie ce qui efl
compofé de toutes fes parties , foit fort
éloigné de favoir que le tout eft égal à tou-
tes fes parties ? Je crois fur le même fon-
dement , que cette propofnion , une mon"
me. Comme le mot identique eft tout-à-fait inconnu,
dans notre langue , je me ferois contenté d'en met-
ire l'explication dans le texte , sil ne fe fût rencon-
tré que dans cet endroit. Mais parce que je ferai
Bientôt indifpenfablement obligé de me fervir de ce
terme , autant vaut-il que je l'emploie préfentement.
Le lecteur s'y accoutumera plutôt , en le voyant
fouvent*.
Les Axiomes. Liv. IV. $7 -
tjgrte eji plus haute qu'une vallée. & plu-
ficurs autres femblables peuvent aulTi paffer ^HAS«- ^*-4*
pour des maximes. Cependant lorfque les
Profeflèurs en Mathématique veulent ap-
prendre aux autres ce qu'ils favent eux-
mêmes de cette Science , ils font très-bien
de pofer à l'entrée de leurs Syilêmes cette
m-xime & quelqu'autres femblables , afin
que dès le commencement leurs écoliers=
s'étant rendus tout -à-fait familiers ces for-
tes de propofi dons , exprimées en termes
généraux , ils puiiTent s'accoutumer aux ré-
flexions qu'elles renferment tic à regardée
ces propofitions plus générales comme au—
tant de fentences & de règles établies „
qu'ils foient en état d'appliquer à tous les
cas particuliers ; non qu'à les confidérer avec
une égale application elles parouTent plus
claires Se plus évidentes que les exemples
particuliers pour la confirmation defquels.
on les propofe , mais parce qu'étant plus
familières à l'efprit , il fufîk de les nom-
mer pour convaincre l'entendement. Cela %
dis-je , vient plutôt , à mon avis , de la
coutume que nous avons de les mettre à
cet ufage , & de les fixer dans notre ef-
prit à force d'y penfer fouvent , que de la.
différente évidence qui foit dans les ebofes.
En effet , avant que la coutume ait établi
dans notre efprit des méthodes de penfer
tic de raifonner, je m'imagine qu'il en efV
Cour autrement , 8c qu'un entant à qui l'or^
4te une partie de fa pomme ; le cannoit:
88 Des Axiomes. Liv. TV.
"r mieux dans cet exemple particulier que par
kaf. vu. cette propofition générale , le tout ejï égal
à toutes fes parties ; & que fi l'une de ces
chofes a befoin de leur être confirmée par
l'autre , il eu plus néceflaire que la propo-
fition générale foit introduite dans fon ef-
prit , à la faveur de la propofition parti-
culière , que la particulière par le moyen
de la générale; car c'eu par des chofes par-
ticulières que commence notre connoiffan-
ce , qui s'étend enfuite par degrés à des
idées générales. Cependant notre efprit
prend après cela un chemin tout différent,
car réduifant fa connoifTance à des propc-
fitions auffi générales qu'il peut , il fe les
rend familières & s'accoutume à y recourir
comme à des modèles du vrai ou du faux ;
& les faifant fervir ordinairement de règles
pour meuirer la vérité des autres propofi-
tïons, il vient à fe figurer dans la fuite,
que les propofitions plus particulières em-
pruntent leur vérité & leur évidence de
la conformité qu'elles ont avec ces propofi-
tions plus générales fur lefquelles on appuie
fî fouvent en converfation & dans les dif-
putes , & qui font fi conftamment reçues-
Ceu-li , je penfe , la raifon pourquoi par-
mi tant de propofitions évidentes par elles-
mêmes , on n'a donné le nom de maximes
qu'aux plus générales.
Sî Ton ne $. il. Une autre chofe qu'il ne fer3 pas -,
jrendpas je crois , mal à propos d'obferver fur ces
E^£fafc maximes générales ,. e'eft qu'elles font W
Des Axiomes. L'rv. IV. $$
éloignées d'avancer, ou de confirmer notre - - -'- "r "3
efpnt dans b vr-ie connoifilince , que û Chap- VII.
nos notions font faufles , vagues ou incer- ,
, . rr oes motî,
raines, & que nous attachions nos penlees Ces maximes
au Ton des mots, au lieu de les fixer fur peuvent
lesidies confiantes & déterminées deschofes, ^ntradic-*'
ces maximes générales ferviront à nous con- tions. Exem-
firmer dans des erreurs; & félon cette me- pie dans le
thode fi ordinaire d'employer les mots fans
aucun rapport aux chofes , elles ferviront
même à prouver des contradictions. Far
exemple; celui qui avec Defcart&s fe for-
me dans fon efprit une idée de ce qu'il
appelle corps , comme d'une chofe qui n'efl
qu étendue , peut démontrer aifément par
cette maxime, ce qui ejîy e(l , qu'il n'y a
point de vuide , c'efl-à-dire , d'efpace fins
corps. Car l'idée à laquelle il attache le mot
de corps n'étant que pure étendue , la con-
noiflance qu'il en déduit , que l'efpacs ne
fauroit être fans corps , efl certaine. Car il
connoît clairement & diflinclement fa pro-
pre idée ai étendue , & il fait qu'elle efî ce
qu'elle efl , & non une autre idée , quoi-
qu'elle foit défignée par ces trois noms
étendue , corps & efpace , trois mots qui ne
fignifianc qu'une feule & même idée , peu-
vent fans doute être affirmés l'un de l'autre
avec la même évidence & la même certi-
tude que chacun de ces termes peut-être
affirmé de foi-même : & il efl aufîi certain ,
que tandis que je les emploie tous pour
lignifier une feule & même idée , cette af-
9<3 Dis Axiomes. Liv. IV.
*•;-'- -a firmation , le corps ejl efpace , eft auffi vé-
Chap. VU. ritable& auflï identique dans fa fignifica-
tion que celle-ci, le corps ejl corps, l'eft
tant à l'égard de fa fignification qu'à l'égard
du fon.
$. 13. Mais fi une autre perfonne vient
à fe repréfenter la chofe fous une idée dif-
férente de celle de Defcartes, fe fervant
pourtant avec Defcartes du mot de corps ,
mais regardant l'idée qu'il exprime par ce
mot , comme une chofe qui eft étendue &
folide tout enfemble, il démontrera aufït
aifément qu'il peut y avoir du vuide , ou
un efpace fans corps , que Defcartes a dé-
montré le contraire; p.;rce que l'idée à la-
quelle il donne le nom £ efpace n'étant
qu'une idée fimp'e d'cxten(io:i , & celle à
laquelle il donne le nm de corps étant
une idée compofée d'exteniion & de réjif-
tïbilité ou folidité jointes enfemble dans le
même fujet , les idées de corps & d'efpace
ne font pas exactement une feule & même
idée, nuis font auffi diftinftes dans l'en-
tendement que les idées d'un & de deux , de
blanc & de noir, ou que celle de corporéitè
Tome\ &■ * d'humanité , fi j'ofe me fervir de ces
pag. 231. termes barbares: d'où il s'enfuit que l'une
n'eft pas affirmée de l'autre ni dans notre
efprit, ni par les paroles dont on fe fert
pour les défigner ; mais que cette propofi-
tion négative qu'on en peut former, Yex~
t:njion ou C efpace n'cfl pas corps , eft auffi
véïixablc&: aufîi é ndemment certaine qu'au-
Dts Axiomes. Liv. IV. 91
cune propofnion qu'on puifTe prouver par T
cette maxime , il ejl impojfib le qu'une mê- Chap* vir«'
me chofe foit & ne foït pas en même-tems. c^ ffl0j;
§. 14. Mais quoiqu'on puifTe également mes ne prou.
démontrer ces deux propofitions , il y # vent Point
t • 1 o -i y i„ l'exiftence
du vuide, 8c il n y en a point, par le des chofes
moyen de ces deux principes indubitables, horsdenou&J
ce qui efl , efl ; & il ejl impojfible qu'une
même ckofefoit & ne foit pas ; cependant
nul de ce? principes ne pourra jamais fer-
vir à nous prouver qu'il y ait des corps
actuellement exifhns, ou quels font ces
corps ; car pour cela , il n'y a .que nos
feus qui puiiTent nous l'apprendre autant
qu'il eft en leur pouvoir. Quant à ces prin-
cipes univerfels & évidens par eux-mêmes,
comme ils ne font autre chofe que la con-
noiffance confiante , cl .ire & diftincle que
nous avons de nos idées les plus générales
& les plus étendues , ne peuvent nous
alTurer de rien qui fe paiïe hors de notre ■
efprit : leur certitude n'eft fondée que fur
la connoi/Tance que nous avons de chaque
idée confidérée en elle-même , & de d dif-
tinction d'avec les autres , fur quoi nous ne
faurions nous méprendre > tandis que ces
idées fonc dans notre efprit : quoique nous
puifTions nous tromper , & que fouvent
nous nous trompions efFeclivement , lorf-
que nous retenons les noms fans les idées y
ou que nous les employons confufément ^
pour défigner tantôt une idée, & tantôt
«ne autre. Dans ces cas-là , la force de
<yi Les Axiomes. Liv. IW
J s ces axiomes ne portant que fur le fort ,
VII. £. non fur ja fignirtcatioo des mots , elle
ne fert qu'à jetter dans la confufion & d..ns
l'erreur. J'ai fait cetre remarque pour mon-
trer aux hommes que ces maximes quel-
que fort qu'on les exalte comme les grands
boulevards de la vérité , ne les mettront
pas à couvert de l'erreur , s'ils empbicnt
les mots dans un fens vague Se indéter-
miné. Du refte , dans tout ce qu'on vient
de voir fur le peu qu'elle? contribuent à
l'avancement de nos connoilTances , ou fur
leur dangereux ufage lorfqu'on les applique à
des idéesindétermir.ées, j'ai été fort éloigné de
dire ou de prétendre qu'elles doivent être
[ I ] laijféesà V écart y comme certaines gens
ont été un peu trop prompts à me l'im-
puter. Je -les reconnois peur des vérités ,
& des vérités évidentes par elles-mêmes ,
& en ce*te qualité elles ne peuvent point
c:re laifftes à l'écart. Jufqu'où que s'étende
leur influence, c'efl envain qu'un voudroit
tâcher de la reiTerrer , & c'eft à quoi je ne
fongeai jjrmis. Je puis pourtant avoir raifon
de croire , fans faire aucun tort à la vérité,
que quelque grand fond qu'il femble qu'on
fafTe fur ces maximes, leur ufage ne répond
(i) Ce font les propres termes d'un auteur qui a
attaqué ce que M. Locke a dit du peu d'uf:.ge qu'on
peut tirer àes Maximes. On ne voit pas trop bien ce
qu'il entend par Laiaside , laijfcr à l'écart. Peut-
être a-t-il voulu dire par-là r.e'gl.ger , méprifer. Quoi
qu'il en foit , on ne peut mieux faire que ce rap-
porter fes propres termes.
Des Axiomes. Liv. IV. 93
point à cette i!ee ; & je puis avertir les < . =3
hommes de n'en pas faire un mauvais Chap. YIU
ufage pour fe confirmer eux-mêmes dans
l'erreur T r
<). 1 5 . Mais qu elles aient tel uiage qu on edd^ngereux
voudra dans des propofitions verbales, elles à l'égard des
ne fauroient nous faire voir , ou nous prou- pi^r>a*"
ver la moindre connoiffance qui appartien-
ne à la nature des fubftances telles qu'elles
fe trouvent 6c qu'elles exiftent hors de
nous , au-delà de ce que l'expérience nous
enfeigne. Et quoique la conféquence de
ces deux propofitions qu'on nomme prin-
cipes , foit fort claire , & que leur ufage
ne foit ni nuifible ni dangereux pour prou-
ver des choies , où le fecours de ces maxi-
mes n'eft nullement néceffaire pour en
établir la preuve , parce qu'elles funt allez
claires par elles-mêmes fans leur entremife ,
c'eft-à-dire , où nos idées font déterminées
& connues par le moyen des noms qu'on
emploie peur les défigner ; cependant lorf-
qu'on fe fort de ces principes, ce qui ejî ,
eji\ & // eft impoffible qu'une même chofe
foit & ne foit pas, pour prouver des propofi-
tions où il y a des mots , qui fignifient
des idées complexes, comme ceux-ci , hom-
me , cheval , or , vertu , &c. alors ces
principes font extrêmement dangereux, &
engagent ordinairement les hommes à re-
garder & à recevoir la fauffeté comme une
vérité manifeile , & des chofes fort incer-
taines comme des Démonftrations , ce qui
94 D<s Axiomes. Liv. IV.
£-' ' — produit l'erreur l'opiniâtreté , & tous les
,^hat. vil. ma]heurs où peuvent s'engager les hommes
en raifonnant mal. Ce n'eft pas , que cts
principes (oient moins véritables, ou qu'ils
aient moins de force pour prouver des pro-
posions compofées de termes qui figni-
nifient des idées complexes , que des pro-
posions qui ne roulent que fur des idées
ïïmples ; mois parce qu'en général les hom-
mes fe trompent en croyant , que , lorfqu'on
retient les mêmes termes , les propofitions
.roulent fur les mêmes chofes , quoique dans
le fond les idées que ces termes lignifient,
foient différentes. Ainfi , Ton fe fert de ces
maximes pour foutenir des propofitions qui
par le fon & par l'apparence font viuble-
ment contradictoires, comme on l'a pu voir
clairement dans les dénionftrations que je
viens de propofer fur le vmde. De forte ,
que tandis que les hommes prennent des
mots pour des chcfes , comme ils le font
ordinairement, ces maximes peuvent fer-
vir & fervent communément à prouver des
propofitions contradictoires , comme je vais
le faire voir encore plus au long.
$. 16. Par exemple, que l'homme foit
fansVhomme. ^e *uJet ^ur leclue^ on veut démontrer quel-
que chofe par le moyen de ces premiers
principes , nous verrons que tant que la
démonstration dépendra de ces principes ,
«île ne fera que verbale , & ne nous four-
nira aucune propofition certaine, véritable
& univerfelle , ni aucune connoifTance de
Des Axiomes. Liv. IV. $>
ouelqu'être exiftant hors de nous. Premié- - — - a
rement , un enfant s etani forme 1 idée a un *•
homme , il eft probable que fon ide'e eft
juftement femblable au portrait qu'un pein-
tre fait des apparences viables , qui jointes
enfemble condiment la forme extérieure
d'un homme, de forte qu'une telle com-
plication d'idées unies dans fon enten-
dement compofe cette particulière idée com-
plexe qu'il appelle homme; & comme le
blanc ou la couleur de chair fait partie de
cette idée , l'enfant peut vous démontrer
qu'un Nègre n'eft pas un homme , parce que
la couleur blanche eft une des idées fimples
qui entrent conftamment dans l'idée com-
plexe qu'il appelle homme ; il peut, dis-je ,
démontrer en vertu de ce principe , il ef}
impojfible qu'une même chofe Joit & ne f oit
pas , qu'un Nègre n'eft pas un homme ,
ïà certitude n'étant pas fondée fur cette
propofition univerfelle , dont il n'a peut-
être jamais cuï parler, ou à laquelle il n'a
jamais penfé, mais fur la perception claire
& diflincte qu'il a de fes idées fimples de noir
& de blanc , qu'il ne peut confondre en-
femble , ou prendre l'une pour l'autre , foit
qu'il foit ou ne foit pas inftruit de cette
maxime. Vous ne fauriez non plus démon-
trer à cet enfant, ou à quiconque a une
telle idée qu'il défïgne par le nom cXhom-
me , qu'un homme ait une ame , parce
que fon idée à? homme ne renferme en
elle-même aucune telle notion ; & par con-
96' Des Axiomes. Liv. IV.
féquent c'eft un point qui ne peut lui ôtrô
ÇnA.r. VU. prouvé par le principe, ce qui efl , efl ;
mais qui dépend de conféquences & d'ob-
fervations, par le moyen defquelles il doit
Fermer fon idée complexe , délignée par le
mot homme.
y. 17. En fécond lieu , un autre qui en
formant la collection de l'idée complexe
qu'il appelle homme , efl allé plus avant ,
& qui a ajouté à la forme extérieure le
rire & le difcours raifonnable , peut dé-
montrer que les enfans qui ne font que de
naître , &. les imbécilles , ne font pas des
hommes , par le moyen de cette maxime ,
// efl impoffible qiCune même chofe foit &
ne foit pas. Et en effet il m'eft arrivé de
difeourir avec des perfonnes fort raifonna-
bles qui m'ont nié actuellement , que les
enfans & les imbécilles fulîent hommes.
§. 18. En troifieme lieu; peut-être
qu'un autre ne compofe fon idée complexe
qu'il appelle homme , que des idées de corps
en général , & de la pui fiance de parler
& de raifonner , & en exclut entièrement
la forme extérieure. Et un tel homme peut
démontrer qu'un homme peut n'avoir point
de mains Se avoir quatre pieds; puifqu'au-
cune de ces deux chofes ne fe trouve en-
fermée dans fon idée d'homme : tk dans
quelque corps ou figure qu'il trouve la fa-
cilité de parler jointe à celle de raifonner ,
c'eft - là un homme , à fon égard ; parce
qu'ayant une connoifFjnce évidente d'une
telle
Prt Axiomes. Lîv. IV. f?
tefle idée complexe , il eft certain que , ce *-
. ,7/7 Chap.VIU
qui ejt, ejt.
$. 19.' De farte qu'à bien confidérer la Combien
chofe, je crois que nous pouvons aflurer ces maximes
que lorfque nos idées font déterminées fervent peu
r ■ o 1 /r > j a prouver
dans notre efpnt , & delignees par des qureiqi1e ch0_
noms fixes & connus que nous leur avons fe, lorfque
attachés fous ces déterminations précifes , "ou?, c}vons
,2. ces idées
ces maximes font rort peu neceiiaires , ou ciaires & dif-
plutôt ne font abfolument d'aucun ufage, tinaes.
pour prouver la convenance ou la difcon-
venance d'aucune de ces idées. Quiconque
ne peut pas difeerner la vérité ou la fauf-
feté de ces fortes de proportions fans le
fecours de ces maximes ou autres fembla-
bles , ne pourra le faire par leur entremife ;
puifqu'cn ne fauroit fuppofer qu'il connoif-
ie fans preuve la vérité de ces maximes
mêmes, s'il ne peut connokre fans preu-
ve la vérité de ces autres proportions qui
font aufli évidentes par elles - mêmes que
ces maximes. C'efi fur ce fondement que
la connoijfance intuitive n'exige ou n'admet
aucune preuve , dans une de ces parties
plutôt que dans l'autre. Quiconque fuppofe
qu'elle en abefoin, renverfe le fondement
de toute connoiffance & de toute certitude ;
& celui à qui il faut une preuve pour être
affuré de cette propofition , deux font
égaux à deux , & pour y donner fon con-
fentement , aura auffi befoin d'une preuve
pour pouvoir admettre celle-ci , ce qui efl ,
c/?. De même , tout homme qui a befoin
Tome IV. E
i,8 Des axiomes. Liv. IV.
»= — -= ^-a d'une preuve pour être convaincu que
.Chap. VII. J€UX nc font pas trois , que le blanc n'eji
pas noir, qu'un triangle n'efî pas vu cer-
cle , &c. ou que deux autres idées déter-
minées & diflindej, quelles qu'elles foient ,
ne font pas une feule & même idée , aura
befoin d'une Démonftration pour pouvoir
être convaincu, Qu'il efî impojfible qu'une
chofe foit & ne foit pas.
Leur ufage $, 20. Or comme ces idées font d'un
*orf a"°er^ux fort petit ufage lorfque nous avons des
idées font idées déterminées , elles font d'ailleurs d'un
ccufiifes, ufage fort dangereux, comme je viens de
le montrer , lorfque nos idées ne font pas dé-
terminées , que nous nous fervons de mets
qui ne font pas attachés à des idées déter-
minées , mais qui ont une fignification
vague & inconftante, fignifîant tantôt une
idée, & tantôt une autre ; d'où s'enfuivent
des méprifes & des erreurs que ces maximes
citées en preuve pour établir des propor-
tions dont les termes fignifient des idées
indéterminées , fervent à confirmer , & à
graver plus fortement dans l'cfprit' par leur
autorité.
8
Dcj Fropojztions frivoles. Liv. IV. 99
CHAPITRE VIII.
Des Proportions frivoles.
,J
E laifTe préfentement à d'autres à
juger fi les maximes dont je viens de par- Chap. VIII.
1er dans le Chapitre précédent , font d'un ceItajnes
auffi grand ufage pour la connoiffance réelle, proportions
qu'on le fuppofe généralement. Ce que je n'ajoutent
• • /r l j- > n. >i rien à -otra
crois pouvoir ailurer hardiment , c eit qu il ç^nçi^rç,
y a des prepoiitions univerfelles , qui ,
quoique certainement véritables , ne répan-
dent aucune lumière dans l'entendement ,
& n'ajoutent rien à notre conneiflance.
$. a. Telles font , premièrement , toutes ï. Les Pro-
fits proportions purement identiques. On portions
reconnoit d abord & a la première vue '
qu'elles ne renferment aucune inflrucrion.
Carlcrfque nous affirmons le même terme
de lui-même, foit qu'il ne foit qu'un fimple
fon , ou qu'il contienne quelqu idée claire
& réelle , une telle propofition ne nous
apprend rien que ce que nous devons déjà
connoître certainement , foit que nous la
formions ncus-mêmes , ou que d'autres
nous la propofent. A la vérité , cette pro-
pofition fi générale,- ce qui efi , e fl , peut
fervir quelquefois à faire voir à un hoi ne
l'abfurdité où il s'eft engagé lorfque par
des circonlocutions ou des termes équïvo-
E 2
100 Des Fropofitions
ques, i! veut, dans des exemples pnrticu-
Mai'. V III. Jiers , nier la même chefe d'elle -jnême-;
parce que perfonne ne peut fe déclarer ii
ouvertement contre le bon fens que de
foutenir des contradictions vifibles & di-
rectes en termes évidens ; ou s'il le fait , ori
eu excufable de rompre tout entretien avec
lui. Mais avec tout cela je crois pouvoir
dire que ni cette maxime ni aucune autre
propofition identique , ne nous apprend
rien du tout : ce quoique dans ces fortes de
proportions , cette célèbre maxime qu'on
fait fi fort valoir comme le fondement de
la de'monftration , puifie être & foit fou-
vent employée pour les confirmer, tout ce
qu'elle prouve n'emporte dans le fond rutre
chofe que ceci, que le même mot peut être
affirmé de lui-même avec une entière certi-
tude , fans qu'on puijfe douter de la vérité
d'une telle propofition , & permettez-moi
d'ajouter, Jans qu'on puifie aufii arriver
par-là à aucune connoifiance réelle.
$. 3. Car à ce compte, le plus ignorant
«de tous les hommes qui peut feulement for-
mer une propofition (k qui fait ce qu'il
penfe quand il dit oui ou non , peut faire
un million de prcpcfitions de la vérité des-
quelles il peut être infailliblement affuré
fans être pourtant infrruit de la moindre
chofe par ce moyen , comme , ce qui ejl
ame eji ame , c'efl-à-dire , une ame efi une
arne , un efprit ejl un efprit , une fétiche eji
une fétiche , &c. toutes proportions équi-
Frivoles. Liv. IV. loi
valentes à celle-ci, ce qui e(i , e(i ; c'ert- :
à-dire , ce qui a de Vexiflence , a de Chap- VIU<*
Fexifience , ou ««« ^wi <z f//ze ame , ^ z//z*r
a/ne. Qu'eit-ce aurre chofe que fe jouer des
mors ? C'eft faire jufrement comme un
liage qui s'amuferoit à jeter une hu'tre
d'une main à l'autre , & qui , s'il avoit des
mots , pourroit fans doute dire , l'huitre
dans h main droite efr le fujec , & l'huitre ¥
chns fa main gauche efè * l'attribut, & for- nommeau-°
mer par ce moyen cette propofition évi- trement clans
dente par elle-même , ïhuitre e[i L'huitre , les Ecoles
fans avoir pour tout cela le moindre grain
de connoifTance de plus. Cette manière
d'agir pourroit tout auni bien fatkfaire la
faim dufïnge que l'entendement d'un hom-
me ; & elle ferviroit autant à faire croître
le premier en grcffeur , qu'à faire avancer
le dernier en connoiifanee.
Je fais qu'il y a des gens qui s'intéref-
fent beaucoup pour les propojiiions identi-
ques, & qui s'imaginent qu'elles rendent de
grands fervices à la Philofophie , parce
qu'elles font évidentes par elles-mêmes. Ils
les exaltent comme li elles renfermoienc
tout le fecret de la connoiJfance , & que
l'entendement fût conduit uniquement par
leur moyen dans toutes les vérités qu'il ell
Capable de comprendre. J'avoue auflî libre-
ment que qui que ce foit , que toutes ces
proportions font véritjbles & évidentes
p^r elles-mêmes. Je conviens de plus que
le fondement de touces nos connoi (Tances
*3
ioa Des Proportions
*"■"'• = dépend de la faculté que nous avons dTap-
Chap. VIII. percevoir que la même idée èft la motif ,
& de la diîcerner de celles qui font diffé-
rentes , comme je l'ai fait voir dans le cha-
pitre précédent. Mais je ne vois pas com-
ment cela empêche que l'ufage qu'on pré-
tendroit faire àes proportions identiques
pour l'avancement de la connciflar.ee ne
îbit jugement traité de frivole. Qu'on
répète auflî fruvent qu'on voudra , que
la volonté cfl la volonté , & qu'on fafïe fur
cela autant de fond qu'on juger?, à propos ;
cie quel ufage fera cette proportion , &
une infinité d'autres femb'abies , pour
dre nos connoiiïinces ? Qu'un homme for-
me autant de ces fortes de proportions
que les mots qu'il fait pourront lui permet-
tre d*en faire, comme celles-ci, Une loie/î
un: Ici , & l'obligation cfl UoblivaV.cn : le
droit ejî le droit , & Uinjufit cfl l in
ces proportions & autres fëmblab'es lui
feront-eiles d'aucun uiage p or apprendre
h Morale ? Lui feront-eiles connoître à lui
ou aux autres les devoirs de la vie? Ceux
qui ne favent & ne fauront, peut-être ja-
mais ce que c'efr que juflz & injufle , ni les
mefures de l'un & de l'autre , peut former
avec autant d'afïurance toutes ces fortes de
proportions , & en connoître auffi infailli-
blement la vérité , que celui qui eft le mieux
inftruit des vérités de la Morale. Mais quel
progrès font-ils par le moyen de ces propo-
rtions dans la connoifTance d'aucune chofe
néceflaire ou utile à leur conduite ?
Frivoles. Liv. IV. 10 f
On regarderoit fans doute comme un pur
badinage les efforts d'un homme qui pour Chaf. \ Illi
éclairer l'entendement fur quelque Science ,
s'amuferoit à entafler des propofitions iden-
tiques & à infifler fur des maximes comme
celles-ci , la fubftance efî la fubfiance , le
corps eft le corps , le vuide efl le vuidc , un
tourbillon efi un tourbillon , un centaure
efl un centaure , & une chimère efi une chi~
mère ^ &c. Car toutes ces propofitions &
autres femblables font également véritables,
également certaines , & également évidentes
par elles-mêmes. Mais avec tout cela, elles
ne peuvent paffer que pour des propofitions
frivoles , fi l'on vient à s'en fervir comme
de principes d'inftruclion , & à s'y appuyer
comme fur des moyens pour parvenir à la
connoiiTance ; puisqu'elles ne nous en-
feignent rien que ce que tout homme, qui
eft capable dedifcourir, fait lui-même fans
que perfonne le lui dife , favoir , que le
même terme eft le même terme , & que la
même idée eft la même idée. Et c'eft fur ce
fondement que j'ai cru &: que je crois en-
core , que de mettre en avant & d'inculquer
ces fortes de propofitions dans le deffein de
répandre de nouvelles lumières dans l'en-
tendement , ou de lui ouvrir un chemin
vers la connoiffance des chofes, c'eft une
imagination tout-à-fait ridicule. L'inftruc-
tion confifte en quelque chofe de bien dif-
férent. Quiconque veut entrer lui-même ,
ou Lire entrer les autres dans des vérités
fc 4
104 Des Ptvpofiûons
l~- = qu'il ne connoît point encore, doit trouver
hap. \ Al. dQS idies moyennes , & les ranger l'une
auprès de l'autre dans un tel ordre , que
l'entendement puiïîe voir la convenance ou
la difeonvenance des idées en queftion. Les
proportions qui fervent à cela , font vérita-
blement infcruclives ; mais elles font bien
différente;? de celles où l'on affirme le même
terme de lui-même, par où nous ne pou-
vons jamais parvenir ni faire parvenir les
autres à aucune efpece de connoiflance.
Cela n'y contribue pas plus , qu'il- fervi-
rcit à une peifonne qui voudroit appren-
dre à lire , qu'on lui inculquât ces propo -
(irions , un A ejî un A , un B e(l un B , &c
Ce qu'un homme peut favoir aufii - bien
qu'aucun Maître d'école , fans être pourtanc
jamais capable de lire un feul mDt durant
tout le cours de fa vie ; ces proportions
& autres femblables purement identiques ,
ne contribuant en aucune manière à lui
apprendre à lire , quelqu'ufage qu'il en
puiffe faire.
Si ceux qui défapprouvent que je nomme
frivoles ces fortes de proportions , avoient
lu & pris la peine de comprendre ce que
j'ai écrit ci-delfus en termes fort intelli-
gibles , ils n'auroient pu s'empêcher de
voir que par proportions identiques ,
je n'entends que celles-là feulement où
le même terme emportant la même, idée ,
eft affirmé de lui-même. C'eft-là , à
mon avis , ce qu'il faut entendre propre-
ment par des proportions identiques ; & je
Frivoles. Liv. IV. 105
crois pouvoir continuer de dire fûremont à — 1 — . j. . 'i*
l'égard de toutes ces fortes de propofi- Chap. \ uL.
tions , que de les propofer comme des
moyens d'inftruire l'efprit , c'eft un vr:i
badinnge. Car perfonne qui a l'ufage de la
r:ifon , ne peut e'viter de les rencontrer
toutes les fois qu'il eit néceiTaire qu'il en
prenne connoiffance ; & lorfqu'il en prend
connoiffance , il ne fauroit douter de leur
vérité.
Que fi certaines gens veulent donner le
nom S identique à des propofuions où le
m.-me terme n'eft p3s affirmé de lui-même,
c'eft à d'autres à juger s'ils parlent plus
proprement que moi. Ce qu'il y a de cer-
tain , c'efl que tout ce qu'ils difent des pro-
portions qui ne font pas identiques , ne
tombe point fur moi , ni fijr ce que j'ai
dit , puifque tout ce que j'ai dit , le rap-
porte à ces propofuions où le même terme
eCt affirmé de lui-même; & je voudrois bien
voir un exemple où Ton pût fe fervir d'une
telle proportion peur avancer -dans quel-
que connoiffance que ce (oit. Quant aux
propofuions d'une autre efpece , tout l'u-
fage qu'on en peut faire , ne m'intéreffe
en aucune minière , parce qu'elles ne font-
pas du nombre de celles que je nomme
identiques,
$. 4. En fécond lieu , une autre efpece fLL<*
de propofuions frivoles , c'eft quand une partie d'une
partie de l'idée complexe efr affirmée du i6é- corr-
a:tndu tcut , eu ce qui efï 1, mêmef^001»
E S
Jo6 Des Vropofiilons
— ■■ "* ?*=» chofe, quand on affirme une partie d'une
Çhap. VIII. définition du mot défini. Telles font toutes
les propofitions où le genre eft affirmé de
l'efpece , & où des termes plus généraux
font a/ïiimés de termes qui le lont moins. Car
quelle inftruétion , quelle connoiffance pro-
duit cette propofuion , h plomb ejl un mé-
tal, dans l'elprit d'un homme qui connoît
l'idée complexe que le mot de plomb fignifie,
puifque toutes les idées fimples qui confti-
tuent l'idée complexe qui eft figniliée par
le mot de métal, ne font autre chofe que
ce qu'il comprenoit auparavant fous le nom
de plomb 1 11 efl bien vrai qu'à l'égard d'un
homme qui connoît la figniheation du mot
de métal , & non pas celle du mot de
plomb , il eft plus court de lui expliquer
la fignification du mot de plomb , en lui
difant que c'efr un métal ( ce qui défigne
tout d'un ccup plufieurs de fes idées fim-
ples) que de les compter une à une , en
lui difant que c'eft un corps fort pefant ,
_ fufible & malléable.
Comme r ..
îorfqu'une y> ">> Ceit encore fe jouer lur des mots
partie de la que d'affirmer quelque partie d'une défini-
définition eft . rf ^^ j^j . ou d>ajfirmer une des
arhrmpe du / ,
mot défini, idées dont eft formée une idée complexe ,
du nom de toute l'idée complexe , comme
tout or efl fufible : car la fufibilité étant une
des idées fimples qui comptent l'idée com-
plexe que le mot or fignifie, affirmer du
nom d'or ce qui eft déjà compris dans fa
fignification reçue , qu'eft-ce autre chofe
Frivoles. Liv. IV. 107
que fe jouer fur des fons ? On trouver oit
beaucoup plus ridicule d'ahurer grave- Chap. VIu
ment comme une vérité fort importante
que l'or e/? jaune ; mais je ne vois pas com-
ment c'eft une chofe plus importante
de dire que l'or eji fujible , fi ce n'eft
que cette qualité n'entre point dans l'idée
complexe dont le mot or eft le ligne dans
le difcours ordinaire. De quoi peut - on
inftruire un homme en lui difant ce qu'on
lui a déjà dit , ou qu'on fuppofe qu'il fait
auparavant ? Car on doit fuppofer que je
fais la fignification dujnot dont un autre fe
fert en me parlant , ou bien il doit me l'ap-
prendre. Que fi je fais que le mot orfignirie
cette idée complexe de corps jaune, pejant,
fujible , malléable, ce ne fera pas m 'ap-
prendre grand'chofe que de réduire enfuite
cela folemnellement en une propofuion , &
de me dire gravement, tout or efi fujible.
De telles propjfitions ne fervent qu'à faire
voir le peu de fincérké d'un homme qui veuc
me faire accroire qu'il dit quelque chofe
de nouveau en ne Enfant que repafTer fou-
vent fur la définition des termes qu'il a
déjà expliqués. Mais quelque certaines
qu'elles fuient , elles n'emportent point
d'autre connoiffince que celle de la fignifi-
cation mime des mots.
v. 6. EciaircifTons ceci par d'autres exem- .."empfa
pies : chaque homme eji un animal ou un Palefroi
corps vivant , eft. une propofuion suffi cer-
taine qu'il puiffe y en avoir , mais qui ne
E 6
io8 Des Piopo Citions
=a contribue pas plus à la connoiffance das
Ghap. VIII. chofes , que fi l'on difoir , un palefroi efl un
cheval , ou un animal qui va l'amble ou
qui hennit ; car ces deux propofitions rou-
lent également fur la lignification des mots,
la première ne me faifant connoître aufe
chofe , finon que le corps , le fentiment & le
mouvement , ou la puifîance de fentir &
de fe mouvoir , font trois idées que je
comprends toujours fous le mot homme , &
que je défigne par ce nom-là ; de forte que
le nom $ homme ne faurcit appartenir aux
chofes où ces idées ne fe trouvent point
enfemble ; comme d'autre part quand on
me dit qu'un palefroi efl un animal qui va
l'amble & qui hennit , on ne m'apprê~nd
par-là autre chofe , finon que l'idée de
corps, le fentiment , & une certaine ma-
nière d'aller avec une certaine efpece de
voix font quelques-unes des idées que je
renferme toujours fous le terme de palefroi t
de forte que le nom de palefroi n'appartient-
point aux chofes où ces idées ne fe trou-
vent point enfemble. Il en efl jufrement
de même lorfqu'un terme concret qui fignifie
une ou plufieurs idées fimples qui compi-
lent enfemble l'idée complexe qu'on défigne
par le nom d'homme, efl affirmée du mot
homme : fuppofe/5 , par exemple , qu'un
Romain eût lignifié par le moi ho mo toutes
ces idées diftin&es unies dans un feullujet
corporeitas , fenpbilitas , potentia fe mo-
vaidi y rationabilitas , rifibilitas , il aurok
Frivoles. Liv. IV. T09
pu fans doute affirmer très-certainement , ^
& univerfellement du mot homo , une ou Chac. rT1&»
plusieurs de ces idées, ou toutes enfemble,
nuis par -là il n'auroit dit autre chofe,
finon que dans fbn pays le mot homo cora-
prenoit dans fa fignifkation toutes ces idées.
De même un Chevalier de Roman qui pan1
le mot de palefroi fignifieroit tes idées fuivan^
tes, un corps d'une certaine figure, qui a qua-
tre jambes , du fentiment & du mouvement r
qui va l'amble, qui hennit , & efl accoutumé
à porter une femme fur fon dos , pourroic
avec autant de certitude affirmer univer-*
Tellement une de ces idées du mot palefroi
ou toutes enfemble , mais il ne nous enfei-
gneroit par-là autre chofe fi ce n'eil que
le mot de palefroi en termes de Romaa
fignifie toutes ces idées , & ne doit être
appliqué à aucune chofe en qui l'une dé-
cès idées ne fe rencontre pas. Mais fi quel-
qu'un me dit que tout être en qui le fenti-
ment, le mouvement, la raifon & le rire fonc
unis enfemble a actuellement une notion de
Dieu, ou peut être affoupi par l'opium ;
une telle perfonne avance fans doute une
propofition inftruclive, parce qu'avoir une
notion de Dieu , ou être plongé dans le fom~
meil par l'opium , étant deux chofes qui ne
fe trouvent pas renfermées dans l'idée
que le mot d'homme fignihe , nous lbmmes
inflruits pa; ces proportions , de quelque
chofe de plus que de ce que le mot d'homme
fignifie Amplement } & par cenféquenc ik
ÎTô Des Vropnfi dons
connoiiïance que ces propofitions renfer-
Chap. VIII. mcnt> eft piuS qUe VCrbalc.
0 $-7» On doit fuppofer qu'avant qu'un
prend par-là homme forme une propofition , il entend
que la figni- les termes dont elle eft compofée , autre-
heauon des mem , il parle comme un perroquet , ne
fongeant qu'à faire du bruit , & à former
certains fons qu'il a appris de quelqu'autre,
& qu'il prononce après lui , fans favoir
pourquoi , & non comme une créature rai-
sonnable qui emploie ces fons comme autant
de lignes des idées qu'elle a dans Pefprit.
Il faut fuppofer auffi que celui qui écoute ,
entend les termes dans le même fens que
s'en fert celui qui parle; ou bien fon dif—
cours n'eft qu'un vrai jargon, un bruit con-
fus & inintelligible. C'eft pourquoi , c'efl
fe jouer des mots que de faire une propo-
fition qui ne contienne rien de plus que
ce qui eft renfermé dans lun des termes,
& qu'on fuppofe être déjà connue de celui
à qui l'on parle, comme un triangle a trois
côtés, ou le faffran efl jaune. Ce qui ne
peut être foufFert que lorfqu'un homme veut
expliquer à un autre les termes dont il fe
fert , parce qu'il fuppofe que la fignifica-
tion lui en eft inconnue ; ou lorfque la
perfonne avec qui il s'entretient , lui dé-
clare qu'il ne les entend point , auquel cas
il lui enfeigne feulement la fignificatîon de.
Et non, ce mot , & i'ufage de ce figne.
aucune con- A. 8. Il y a donc deux fortes de propo-
noiffance _ . " , a • r
réelle, huons dont nous pouvons connoitrc la v«^
Frivoles. Liv. IV. TTÏ
rite avec une entière certitude : l'une eft —
de ces propofitions frivoles qui ont de la Chap. V1U»
certitude , mais une certitude purement
verbale , & qui n'apporte aucune instruc-
tion dans refprit. En fécond .lieu , nous
pouvons connoître la vérr.é , & par ce
moyen être certains_des propofitions qui
affirment quelque chofe d'une autre qui
eft une conféquence néceffaire de fon idée
complexe , mais qui n'y eft pas renfermée ,
comme que V angle extérieur de tout triangle
ejl plus grand que V un des angles intérieurs
oppojes • c>r comme ce rapport de l'angle
extérieur à l'un des angles intérieurs oppo-
fés ne fait point partie de l'idée complexe
qui eft figninée par le mot de triangle , c'eft
là une vérité réelle qui emporte une con-
noiffance réelle & inftruclive.
$. 9. Comme nous n'avons que peu ou pofiteionSprgX
point de connoiiTances des combinaifons nérales cor.'
d'idées fimples qui exiftent enfemble dans Se,r"ant les
1 r L/i 1 j iubftances,
les fubltances , que par le moyen de nos fontfouven*
fens , nous ne Saurions faire fur leur fujet frivoles,
aucunes propofitions univerfel'es qui foient
certaines au-delà du terme où leurs efTences
nominales nous conduifent ; & comme ces
efTences nominales ne s'étendent qu'à un
petit nombre de vérités , très-peu impor-
tantes , eu égard à celles qui dépendent de
leurs conftitutions réelles , il arrive de- là
que les propositions générales qu'on forme
fur les fubfianccs , font pour la plupart
frivoles , fi elles font certaines ; tk que fi
ItZ Des Tro^oji lions
ii elles font inltruclives , elles font incertai-
CH\e. Y1II. nes & je tei|e nature que nous ne pou-
vons avoir aucune connoiifance de leur ve-
ri.é réelle , quelque fecours que de conf-
iantes obfervations & l'analogie puiiTcnt
nous fournir pour former des conjectures.
D'où il arrive qu'on peut fouvent ren-
contrer des difcours fort clairs & fort Suivis
qui fe réduifent pourtant à rien. Car il eSl
vifible que les noms des êtres fubilantiels
auffi bien que les autres , étant confidérés
dans toute l'étendue de h lignification
relative qui leur eftaSTignée, peuvent ère
joints avec beaucoup de vérité , par des
proportions affirmatives & négatives , fé-
lon que leurs définitions refpeclives les
rendent propres à être mis enfemble , <Sc
que les prcpofitions , compcfées de ces for-
tes de termes , peuvent être déduites l'une
de l'autre avec autant de clarté que celles
qui fcurniffent à l'ëfprît les vérités les plus
réelles ; & tout cela fans que nous ayons
aucune connoiiTance de la nature ou de ia
réalité des chofes existantes hors de nous.
Selon cette méthode , l'on peut faire eu
paroles des démonstrations & des propo-
sions indubitables, fans pourtant avancer
p.ir-là le moins du monde dans la connoif*-
fance Si l'a vérité des chofes : par exemple ,
celui qui a appris les mots fuivans,. avec
les lignifications ordinaires & refpeftives
qu'on leur a attaché', fubfîancef homme,
animât } forme , ame végétative , j'enjiùve y
Frivoles. Liv. IV. 113
raifonnabU , peut former plufieurs pro- caAP y«
polirions indubitables touchant l'ame fans
favoir en aucune manière ce que l'ame eft
réellement. Chacun peut voir une infinité
de propofitions , de raifonnemens & de
conclufions de cette forte dans des Livres
de Métaphyfique , de Théologie Schotafti-
que, & d'une certaine efpece de Phyfique ,
dont la lecture ne lui \ apprendra rien de
plus de Dieu , des Efprits & des corps ,
que ce qu'il en favoit avant que d'avoir par-
couru ces Livres.
$. to. Celui qui a h liberté de définir, Et pour-*
c'eiî-à-dire , de déterminer la lignification 1U01*
des noms qu'il donne aux fubftances ,
( ce que tout homme qui les établit fignes
de fes propres idées fait certainement ) &
qui détermine ces lignifications au hafard
fur fes propres imaginations ou fur celles
des autres hommes , & non fur un férieux
examen de la nature des chofes même ,
peut démontrer facilement ces différentes
lignifications , l'une à l'égard de l'autre, félon
les dilférens rapports & les mutuelles re-
lations qu'il a établi entr'elles ; auquel cas
fait que les chofes conviennent ou dif-
conviennent , telles qu'elles font en elles-
mêmes, il n'a befoin que de réfléchir fur
fes propres idées & fur les noms qu'il leur
a impofé. Mais aufli par ce moyen il n'aug-
mente pas plus fa connoiffance que celui-là
i augmente fes richeffes qui prenant un fac
de jetions , nomme l'un placé dans un
114 &es Proportions
i>" -* certain endroit un écu , l'autre placé dans
Chap. VIII. un autre une Livre , & l'autre dans un
troifieme endroit un fou ; il peut fans doute
en continuant toujours de même compter
fort exactement , & afTembler une grofle
fomme, félon que fesjettons feront placés,
& qu'ils lignifieront plus ou moins , comme
il le trouvera à propos , fans être pourtant
plus riche d'une pite ; & fans favoir même
combien vaut un écu , une livre ou un fou ,
mais feulement que l'un efl contenu trois
fois dans l'autre , & contient l'autre vingt
fois ; ce qu'un homme peut faire auffi dans
la fignif.o.tion àcs mots en leur donnant
plus ou mûir.s d'étendue , confidérés l'un
par rapport à l'autre.
HI.Emplo- $.11. Mais à l'oçcafioq des mots qu'on
yer les mots emploie dans les difcours & fur tout dans
fensT'eftfe ceuX ^e conrroverfe j & ou l°n difpute
jouer fur des félon la méthode écablie dans les écoles,
ions. voici une manière de fe jouer des mots ,
qui efl: d'une conféquence encore plus dan-
gereufe, & qui nous éloigne beaucoup plus
de la certitude que nous efpérons trouver
dans les mots ou à laquelle nous préten-
dons arriver par leur moyen ; c'eft que la
plupart des Ecrivains , bien loin de fonger
à nous inflruire dans la connoiflance des
chofes telles qu'elles font en elles-mêmes ,
emploient les mots d'une manière vague
& incertaine , de forte que ne tirant pss
même de leurs mots des déductions claires
& évidentes l'une par rapport à l'autre,
Frivoles. Liv. IV. TI?
prenant confkmment les mêmes mots — "■ ' -j-vs
dans la même lignification , il arrive que Ghap.\HU
leurs difcours , qui fans être fort inflruc-
tifs pourraient être du moins fuivis & fa-
ciles à entendre , ne le font point du tout"
ce qui ne leur feroit pas fort mal-^ifé ,
s'ils ne tr.mvoicnt à propos de couvrir leur
ignorance & leur opiniâtreté fous lY.bfcu-
rite & l'embarras des termes ; à quoi peut-
être l'inadvertance & une màuvdife h
tude contribuent beaucoup à l'cg.vrd de
plufieurs perfonnes.
<$. la. Mais pour conclure , voici les Marque*
marques auxquelles on peut connokre les ies pfop°bâ«
proportions purement verbales. les ;
Premièrement, toutes les propofitions où *• Lorfqu'el-
deux termes abftraits font affirmés l'un de ,,e0Sfé° s de°m
l'autre , ne concernent que la fignincation deux termes
des fons. Car nulle ide'e abfrraite ne pou- abf-rf,lts affir^
» , a r mes 1 un de
vant être la même , avec aucune autre l'autre,
qu'avec elle-même , lorfque fon nom abf-
trait eft affirmé d'un autre terme abftrait ,
il ne peut figniner autre ebofe fi ce n'eft
que cette idée peut ou doit être appellée
de- ce nom ; ou que ces deux ndms ligni-
fient la même idée. Ainfi , qu'un hemme
dife, que / 'épargne efl frugalité \ que la gra-
titude efl juflice, ou que telle ou telieaclion
eft ou n'eft pas tempérance ; quelque fpé-
cieufes , que ces proportions & autres lem-
blables paroiffent du premier coup d'œil ,
cependant fi l'on vient à en preffer la figni-
fication & à examiner exactement ce qu'elles
\\6 Des Proportions
= contiennent , on trouvera que cela n'em-
*""• VHI. porte autre chofe que la lignification des
termes.
§. 13. En fécond lieu toutes les propo-
fitions où une partie de l'idée complexe
qu'un certain terme lignifie , eft affirmé
de ce terme , font purement verbales ,
comme fi je dis que l'or ejl un mêtalou quV/
efl pcfant. Et airifî toute propofuion où les
mots de la plus grande étendue qu'on
appelle £?/z/-£5 font affirmés de ceux qui leur
font fubordonnés ou qui ont moins d'éten-
„ T r , due , qu'on nomme efpecés ou individu? ,
î.Lorfqu une n " 1 ,
partie de la elt purement verbale.
définition eft si nous examinons fur ces deux règles
allumée du 1 «•. • r 1 jr
terme dé;mi. *es proposons qui compolent les dilcours
écrits ou non écrits , nous trouverons peut-
êfre qu'il y en a beaucoup plus qu'on ne
croit communément qui ne roulent que fur
la lignification des mots, & qui ne renfer-
ment rien que l'ufage & l'app'ication de
ces fignes.
En un mot , je crois pouvoir pofcr pour
une règle infaillible , que par-tout où l'idée
qu'un mot fignifie , n'eit pas diuinfbment
connue & préfente à l'efprit & où quelque
chofe qui n'eft pas déjà contenue dans cette
idée ,. n'efr pas affirmée ou niée ; dans ce
cas-là nos penfées font uniquement atta-
chées à des fons , & n'enferment ni véricé
ni faufleté réelle. Ce qui , fi l'on y pre-
nait bien g^rde, pourroit peut-être épar-
gner bien de v?ins aniufemens & des dif-
pu:es, & abréger extrêmement h peine
Frivoles, liv. IV. 117
que nous prenons, les tours & détours que
nous fùfons pour parvenir à une connoif-
fance réelle & véritable.
CHAPITRE IX.
V» la connoijjance que nous avons de notre
exijlence.
$. I. ±^j Ou S n'avons confidéré juf- Chaj, ix
qu'ici que les eflences des chofes ; & com-
me ce ne font que des idées abftraites Lespfopcv
que nous raiTemblons dans notre efprit en étions gêné-
ics détachant de toute exiftence particulière taines ne fQ '
[ car tout ce que l'efprit fait en fe formant rapportent
des abftra&ions , c'eft de confidérèr une idée Pas a 1 exit°
fans aucun rapport à aucune autre exiftence
que celle qu'elle a dans l'entendement ] elles
ne nous donnent abfolument point de con-
noifftnce d'aucune exiftence réelle. Sur quoi
nous pouvons remarquer en paffant, que les
propofitions univerfelles de là vérité ou de la
fauffeté defquelles nous pouvons avoir une
connoiflance certaine , ne fe rapportent
pointa l'exiftence; & d'ailleurs, que tou-
tes les affirmations ou nég.nions particu-
lières qui ne feroient pas certaines , fi on les
1 rendoi: générales, appartiennent feulement
|à l'exiilence, donnant feulement àconnoître
l'union ou la féparation accidentelle de certai-
nes idées dans des chofes exifiantes, quoiqu'à
Il 8 De notre cxiflaice. Liv. IV.
-= les conïïdirer dans leurs natures ahirraites.
Chai». IX. Ces idées n'aient aucune liaifon ou incom-
. patibilité néceffaire qui nous foit connue.
noifEince de $• a* ^a's ^ans Parler ici de la nature
l'exiftence. des différentes efpeccs de propofiticns ,
que nous confidérerons plus au long dans
un autre endroit , examinons préfentement
quelle connoifiance nous pouvons avoir de
l'exigence des chofes , & comment nous y
parvenons. Je dis donc que nous avons une
connoifTance de notre propre exiftence par
intuition , de l'exifrence de Dieu p^r
démonjiration , & d'autres chofes par j'en-
fation,
Laconnoif- x p cg • eft ^Q nQtrc «£,
vance de no- -v J t .
tre exiftence tence , nous l'appercevons avecxant devi-
se intuitive, dence & de certitude , que la chofe n'a
pas befoin & n'eft point capable d'être dé-
ni antrée par aucune preuve. Je penfc ,
je raijfbnnèj je fens du plaifir & de la
douleur ; aucune de ces chofes peut-elle
m'être plus évidente que ma propre exif-
tence? Si je doute de toute autre chofe, ce
doute même me convainc de ma propre
exiflence , & ne me permet pas d'en dou-
ter ; car fi je connois que je fens de la
douleur, il efl évident que j'ai une per-
ception aufïï certaine de mi propre exif-
tence que de l'exiftence de la douleur que
je fens; ou fi je conneis que je doute,
j'ai une perception aufïi certaine de l'e-
xiftence de la chofe qui doute , que de
cette penfée que j'appelle doute. C'eft donc
De notre exijlence. Liv. IV. lia.
l'expérience qui nous convainc que nous â&
avons une connoijfance intuitive de notre Chap. IX,
exifience , & une infaillible perception in-
térieure que nous fommes quelque chofe.
Dans chaque atte de fenfation, de raifonne-
ment ou de penfée, nous fommes inté-
rieurement convaincus en nous-mêmes de
notre propre être, & nous parvenons fur
cela au plus haut degré de certitude qu'il
eft poinble d'imaginer.
CHAPITRE X.
De la connoijfance que nous avons de
V exijlence de DIEU,
$. 1. \^f Uoique Dieu ne nous ait Chap x#
donné aucune idée de lui-même qui foit
née avec nous ; quoiqu'il n'ait gravé dans Nous fon>«
nos âmes aucuns caractères originaux qui mes capables
• a- r . ,. r n ce connaître
nous y puinent faire lire ion exiitence; certainement
cependant on peut dire qu'en donnant à qu'il y a m»
notre efprit les facultés dont il eft orné , Dieu«
il ne s'eft pas laiifé fans témoignage •
puifque nous avons des fens , de l'intelli-
gence & de la raifon , & que nous ne pou-
vons manquer de preuves manifeftes de fon
exiitence tandis que nous réfléchifTons fur
nous-mêmes. Nous ne faurions, dis-je ,
nous plaindre avec juftice de notre igno-
rance fur cet important article j puifque
110 rDe Vcxtjïence
Dieu lui-même nous a fourni fiabondam-
,Chap. X. ment les moyens de le connoître , autant
qu'il eft néceffaire , pour la fin pour la-
quelle nous exilions, & pour notre féli-
cite qui eft le plus grand de tous nos intérêts.
Mais encore que l'exiftence de Dieu foit la
vérité la plus aifée à découvrir par la rai-
fon , & que fon évidence égale, fi je ne
me trompe , celle des démonfirations Ma-
thématiques, elle demande pourtant de l'at-
tention ; & il faut que l'efprit s'applique à
la tirer de quelque partie incontefiable de
nos connoifiances par une déduction régu-
lière. Sans quoi nous ferons dans une auffi
grande incertitude & dans une auffi grande
ignorance à l'égard de cette vérité , qu'à
l'égard des autres proportions qui peuvent
être démontrées évidemment. Du reile ,
pour faire voir que nous fommes capables
de connoître , & de connoître avec certitude
quil y a un Dieu, & pour montrer
comment nous parvenons à cette connoif-
fance, je crois que nous n'avons befoin
que de faire réflexion fur nous-mêmes, &
fur la connoifTance indubitable que nous
avons de notre propre exiftence.
,,, (). i. C'efr, je penfe, une chofe incon-
L homme -v ». * i •
conncît qu'il tefrabie , que 1 homme connoit clairement
çftlui-*iême. & certainement, qu'il exifte & qu'il eft
quelque chofe. S'il y a quelqu'un qui ne
puiiïe douter , je déclare que ce n'eft pas
à lui que je parla , non plus que je ne
voudrois pasdifputer contre le pur néant,
, / - &
de Dieu. Liv. IV. III
•& entreprendre de convaincre un non-être • *
qu'il eft quelque chofe. Que fi quelqu'un Chap. X.
veut pouffer le Pyrrhonifme jufqu'à ce point
que de nier fa propre exifrence ( car d'en
douter efîèclivement , il eft clair qu'on ne
fauroit le faire ) je ne m'oppofe point
au plaifir qu'il a d'être un véritable néant ;
qu' il jouiffe de ce prétendu bonheur , juf-
qu'à ce que la faim ou queiqvt'autre incom-
modité lui perfuade le contraire. Je crois
donc pouvuir pofer cela comme une vé-
rité , dont tous les hommes font convain-
cus certainement en eux-mêmes, fans avoir
la liberté d'en douter en aucune manière ,
que chacun connoit qu'il eji quelque
chofe qui exifie actuellement.
§. 3. L'homme fait encore, par une jj conr.c«t
connoiffance de fimple vue , que le pur auflî que le
néant ne peut non plus produire un être ne?nr ne fau-
, , , ., r , r * , , , toit produire
Te cl , que le même néant peut être égala «ueîcmecho-
deux angles droits. S'il y a quelqu'un qui fe : Donc il
ne fâche pas , que le non-être, ou l'ab- ^ a !JU jty16
r j * a /■> cno»e à. eter-
ience de tout être ne peut pas être égal a nel.
deux angles droits , il eft impoffible qu'il
conçoive aucune des demonftrations d'Eu-
clide. Et par conféquent , fi nous favons
que quelqu'être réel exifte > & que le non-
être ne fauroit produire aucun être, il eft
d'une évidence Mathématique que quelque
chofe a exifté de toute éternité ; puifque
ce qui n'eft pas de toute éternité , a un
commencement, & que tout ce qui a un
Tome IV. F
lil De VExiflence
t- = ccmmencement, doit avoir été produit p. r
Chap. X. quclqu'autre chofc.
§.4. il eft de la même évidence , que
étemel doit tout ^tre l1" tlre ^on exiftenœ & fon cont-
être tout- mencement d'un autre, tire auffi d'un au-
paifUnt. tre tout œ qu-'il a & tout ce qui lui ap-
partient. On doit reconnoitre que toutes
fes facultés lui viennent delà mêmefource.
Il faut donc que la fource éternelle de tous
les êtres, foit auffi la fource & le prin-
cipe de toutes leurs puillances ou facultés ;
de forte que cet être éternel doit être aujji
tout - puijfant.
Tout in- $• 5 • Outre cela l'homme trouve en In-
telligent, même de h perception & de la connoijfance.
Nous pouvons donc encore avancer d'un
degré, & nous affurer non-feulement que
quelqu'être exifte, mais encore qu'il y a
au monde quelqu'être intelligent.
11 faut donc dire l'une de ces deux cho-
fes , ou qu'il y a eu un temps auquel il
n'y avoit aucun être intelligent, 6c au-
quel la connoifiance a commencé à exifler,
ou bien qu'il y a eu un éire intelligent de
toute éternité. Si l'on dit qu'il y a un temps ,
auqxel aucun être n'a eu aucune connoif-
fance , & auquel l'Etre éternel étoit privé
de toute intelligence; je réplique, qu'il
étoit donc impolfible qu'une conneiffance
exiftât jamais. Car il eft auffi impclfible
qu'une chofe abfolument defiituée de con-
noinance & qui agit aveuglément & fans
aucune perception, produife un être in-
de Dieu. Liv. IV. 11}
tclîigent , qu'il eft impoinble qu'un trian- ;. . ■ -u±H
gle fe fafTe à foi-même trois angles qui Chap. x»
fuient plus graads que deux droits. Et il
eft aufïï contraire à l'idée de la matière pri-
vée de fentiment, qu'elle fe produife à elle-
même du fentiment; delà perception &
de la connniflance, qu'il elt contraire à
l'idée d'un triangle , qu'il fe faffe à lui-
même des angjes qui fuient plus grands
que deux droits.
§. 6. Àinfi par la confédération de nous- ^Etparcon*
a a j féquent Dieu
mêmes. & de ce que nous trouvons in- iai_mêœe.
Ëulliblement dans notre propre nature, la
la raifon nous conduit à la connoiflance de
cette certaine & évidente, qu'il y a un
Etre éternel, trcs-puiffant & très-intelligent^
quelque nom qu'on lui veuille donner , foie
qu'on l'appelle Dieu ou autrement ; il
n'importe. Rien n'eft plus évident ; & en
conlidérant bien cette idée , il fera aifé
d'en déduire tous les autres attributs que
nous devons reconnoître dans cet Etre é-
ternel. Que s'il fe trou voit quelqu'un affez
déraisonnable pour luppofer , que l'homme
eft le fcul i tre qui ait de la connoiiîance
& de la fageffe , mais que néanmoins i! a
été formé par le hafard, & que c'eit t:e même
principe aveugle & fans connoiiTance qui
conduit tout le refle de l'Univers , je le
prierai d'examiner à loifir cette cenfure
tcut-à-fait folide & pleine d'emphafe que
Ciceron fait * quelque part contre ceux qui * &et<gîhs%
pourroient avoir une telle peniee : \hiid
F 2.
t&4 De l'ExiJUttce
t— -■! — ljs eniirf venus , dit ce fage Romain ,
Chap. x. neminem ejfe oportet tam jhilté arrogan\
tan , ut in fe mcntem & rationsrn putet
zncj/èf in Ccclo Mundoque non putej ? Avt
ut ea quce vix fumma ingenii ratione corn-
pnhendat , nulla ratione moveri putct ?
>■> Certainement perfonne. ne devroit être
» fi fortement orgueilleux que de s'imagi-
» ner qu'il y a audedans de lui un en-
» tendement &de la raifon, & que cepen-
» dant il n'y a aucune intelligence qui
» gouverne les Cicux & tout ce vaïre
» Univers ou de croire que des chofes que
5> toute la pénétration de ion efprit eft à
» peine capable de lui faire comprendre, fe
i> meuvent au hafard , & fans aucune
3i règle.
De ce que je viens de dire, il s'enfuit
clairement , ce me femble , que nous avons
une connoiiîance plus certaine de l'exif-
tenec de Dieu que de quelqu'autre chofe
que ce foit que nos fens ne nous aient
pas découvert immédiatement. Je crois mê-
me pouvoir dire que nous connoi (Tons plus
certainement qu'il y a un Dieu , que nous
ne connoiifons qu'il y a quelque autre cho-
fe hors de nous. Quand je dis que nous
connoijfons ; je veux dire que avons en
notre pouvoir cette connoiffance qui ne
peut nous manquer, fi nous nousyappli-
_—•--■-■ quons avec la même attention qu'à plu-
»,.,, .. lieurs autres recherches.
L'idée que
î»ous avons $• 7- Je n examinerai point ici cora-
de Dieu. Liv. IV. ïaf
ment l'idée d'un Etre fouvenincment par-
fait qu'on ';jinme peut fe former dans ion Chap. X-
efprit , preuve eu ne prouve point l'exil ^ v
tence de Dieu. Car il y a une telle di- tl , ,rç~t
verfité dans les tempéran.ens des hommes n'e
& dans leur manière de penfer , qu'à Te- j ,, ■ . :'uve
... , / • / i de I exiltence
gard d une même vente dont on veut les o\,n Dieu,
convaincre , les uns font plus frappés d'une
raifon , & les autres d'une autre. Je crois
pourtant être en droit de dire ; que ce n'eft
pas un fort bon moyen d'établir l'e:.ii-
tence d'un Dieu & de fermer la bouche
aux Athées ,que de faire rouler tout le lort
d'un article auilî important que celui-là fur
ce feul pivot , & de prendre pour feule
preuve de l'exiftence de Dieu l'idée que
quelques perfonnes ont de ce Souverain
Etre : je dis quelques perfonnes ; car il efl
évident qu'il y a des gens qui n'ont au-
cune idée de Dieu , qu'il y en a d'autres
qui en ont une telle idée qu'il vaudroit
mieux qu'ils n'en euîTent point du tout , &
que ia plus grande partie en ont une idée
telle, fi j'ofe me fervir de cette ex-
preffion. C'eft, dis-je, une méchante mé-
méthode que de s'attacher trop fortement à
cette découverte favorite, jufqu'à rejeter
toutes les autres démonfrrations de l'exif-
tence de Dieu, ou du moins à tâcher de les
affaiblir , & à défendre de les employer
comme fi elles éroient foibles ou faunes ;
auoique dans le fond ce foient des preuves
qui noui font voir fi clairement & d'une
^3
ïiô* De FÊxiJfence
£- = manière fi convaincante l'exiftence de ce Sou*
Chap. X. vcrajn -£tre j pir ja confidération de notre
propre exiflence & des parties fenfibles de
l'Univers , que je ne penfe pas qu'un hom-
me fage y puiiïe renfler. Car il n'y a point
à ce que je crois, de vérité plus certaine
& plus évidente que celle-ci , que les per-
fections invisibles de Dieu, fa Puijfance
éternelle & Ja Divinité font devenues vijl-
b: s dcpcis la création du Monde , par la
conno'rjance que nous en donnent fes créa-
turcs. Mais bien que notre propre exiflence
nou-: f Air ni ife une preuve claire & incon-
tefîable de i'exiftence de Dieu , comme je
V ii déjà montré ; & bien que je croie que
perîunne ne puifTe éviter de s'y rendre ,
li on l'ex?mine avec autant de foin qu'au-
cune autre déinon{lrn.tiDn d'une aufli longue
déduction; cependant comme c'eft un point
fi fondam2;;nl & dune fi haute impor-
tance , que toute la Religion & la véritable
mjrale en dépendent , je ne doute pas que
mon Lecleur ne m'excufe fans peine, fi je
reprends quelques parties de cet argument
pour les mettre dans un plus grand jour.
chSëXe y- 8- Ceft une ve'rké «*t-M«« évi:
de toute éter- dente qu'il doit y avoir quelque chofe qui
mté. exifle de toute éternité. Je n'ai encore ouï
perfonne qui fût affez déraifonnable pour
fuppofer une contradi&ion aufll manifefïe
que le feroit celle de foutenir qu'il y a
eu un temps auquel il n'y avoit abfolu-
raent rien. Car ce feroit la plus grande de
ât Dieu. Liv. IV. Ï17
toutes les abfurdites , que de croire que =s
k pur néant , une parfaite négation , & Chap- *»
une abfence de route être , pût jamais pro-
duire quelque chofe d'acluelL-ment exiiiant.
Puis donc que toute créature raifonna-
ble doit néceifairement reconnoîrre que
quelque chofe a exifté de toute éternité ;
voyons présentement quelle efpece de cho-
fe ce doit être.
$. 9. L'homme ne conmît ou ne con- 1; v a t'eux
çoit dans ce monde que deux fortes d'êtres, fortes ci'E-
Premiérement, ceux qui font purement trcsr' fi}?*
. ' . r . pei.U'.ns ot les
matériels, qui n'ont nifentiment, ni per- autres non
cepnon , ni penfée ; comme l'extrémité des penfans.
poils de la barbe & les rognures des
ongles.
Secondement , des êtres qui ont du fen-
timent , de la perception & des penfées ,
tels que nous nous reccnnuiiîbns nous-
mêmes. Cefr pourquoi dans la fuite nous
désignerons, s'il vous plaît , ces deux fortes
d'êtres par le nom d'Êtres penfans & non-
penfans ; termes qui font peut-être plus
commodes pour le deffein que nous avons
préfentement en vue , ( s'ils ne le font
pas pour autre chofe ) que ceux de ma-
tériel & d'immatériel.
$. 10. Si donc il doit y avoir un être tj„ j>re non
qui exifte de toute écernité , voyons de penfantnefau-
laquelle de ces deux fortes d'êtres il faut "it produire
••!/-• -i- j> 1 j 1 -r un Etre peu-
qu il loir, tt d abord la railon porte natu- fant.
reîlement à croire que ce doit erre necef-
fairemen: un être qui penfe j car il eft auflî
F4
128 De VExifi-nu
^ -i-= irnpofTible de concevoir que la fimplerrra—
p' ^* tiere non-penfante produife jamais un être
intelligent qui penie, qu'il eft importable de
concevoir que le néant put de lui-même
produire la matière. En eiFet , fuppofons
une panie de mauer. , groiïe ou petite,
qui exiire de tome éternité, nous trou-
verons qu'e!!r eft mov.pab'. de rien produi-
re p^r elle-même. Suppofoos par exemple ,
que la marier-: du premier cai'lou qui nous
romhe e;ure les mains , Toit éternelle , que
les parties en foient exactement unies , &
qu'elles foient dans un p; rfaic repas les
unes auprès des autres: s'il n'y avcit au-
cun autre être dans le monde , ce caillou
ne demeureroit-il pas éternellement dans cet
état , toujours en repos & dans une en-
tière inaction? Peut-on concevoir qu'il
puiffe fe donner du mouvement à lui-mê-
me, n'étant que pure matière, ou qu'il
puiiTe produire aucune chofe? Puis donc
que la matière ne fauroit , par elle-mê-
me , fe donner du mouvement, il faut
qu'elle ait fon mouvement , de toute éter-
nité , ou que le mouvement lui ait éré im-
primé par quelqu'autre Etre plus puifTant
que la matière, laquelle, comme on voit,
n'a pas la force de fe mouvoir elle-même.
Mais fuppofons que le mouvement foit de
toute éternité dans la matière ; cependant
la matière qui eft un être non-penfant, &
le mouvement, ne fauroient jamais faire
naître la penfée, quelques changemens que
de Dieu. Liv. IV. 11 <)
le mouvement puiiè produire tant à l'é- ■ l...~
gard de fa figure qu'à l'égard de la grof- Chap. X,
feur des parties de la matière. Il fera.. tou-
jours autant au-defïus des forces du mou-
vement & de la matière de produire de la
connoiïfancc, qu'il eft au-deiîus des forces
du néant de produire la matière. J'en ap-
pelle à ce que chacun penfe en lui-même:
qu'il dife qu'il n'efl point vrai qu'il pour-
ront concevoir aufll aifément la matière pro-
duite par le néant , que fe figurer que la
penfée ait été produite par la fimple ma-
tière dans un teins auquel il n'y avoit au-
cune choie penfa rite , ou aucun être intelli-
gent qui exiftât actuellement. Divifez la
matière en autant de petites parties qu'il
vous plâtra , ( ce que nous fommes por-
tés à regarder comme un moyen de h/'pi-
rhualïfer & '''en faire une chofe penfante : )
donnez-lui, dis-je, toutes les figures & tous
les différens mouvemens que vous vou-
drez ; faites-en un globe, un cube, un
cône, un prifme , un cylindre, &c. donc
les diamètres ne foient que la iooooome
partie d'un ( a ) Gry ; cette particule de
matière n'agira pas autrement fur d'autres
(a) J'appelle Gry £ de lime : la ligne i*
d' un pouce: le ponce JL d'un pied phiU fop bique*:
le pied pbiiofopbique J- d'un pendule , dont cha-
que vibration , dans 'la latitude de 4.5 degrés
eft égale a une féconde de tems , où de JL de
minute, fai affeëté de me fervir ici de cette me-
[u$t , ^ de ces parties divifées par dix', en
F )
130 De VExiJîence
=s corps d'une groffeur qui lui foit propor-
VHAP. X* tionnée, que des corps qui ont un pouce
ou un pied de diamètre; & vous pouvez
efperer avec autant de raifon de produire
du fentimcnt , des penfëes & de la con-
noiflance , en joignant enfemble degrofîes
parties de matière qui aient une cer-
taine figure & un certain mouvement , que
par le moyen des plus petites parties de
matière qu'il y ait au monde. Ces derniers
fe heurtent , fe poufient & réfutent l'une
à l'autre , juitement comme les plus grof-
fes parties ; & c'eft-là tout ce qu'elles peu-
vent faire. Par conféquent , fi nous ne
voulons pas fuppofer un premier Etre qui
ait exiflfé de toute éternité, la matière ne
peut jamais commencer d'exifter. Que fi
nous difons que la fimple matière defti-
tuée de mouvement eiî éternelle, le mour
vement ne peut jamais commencer cPexif-
ter : & fi nous fuppofons qu'il n'y a eu
que la matière & le mouvement qui aient
exifîé, ou qui foient éternels , on ne voit
pas que la penfée puiffe jamais commen,-
leur donnint des noms particuliers , parce que
je crois qr'il (croît d'une commodité générale que
tous les favans s' accordaient à employer cette
mcfure dans leurs calculs ( Cette note eft de
M. Locke. Le mot Cry eft de fa façon. I' l'a
inventé pour exprimer ^ de ligne , mefure
qui jufqu'ici n'a point eu de nom, & qu'on
peut aulli- bien défigner par ce mot que par
quelqu'autre que ce foit. )
de Dieu. Liv. IV. 131
cer d'exifter. Car il eit impofïïble de con- -— -- -/
■ • r ■ 1 w r CHAP. A.
cevoir que la matière , 101c qu elle le meu-
ve ou ne fe meuve pas, pui.Te avoir
originairement en elle-même, ou tirer,
pour ainfi dire , de Ton fein le fendaient ,
la perception & la connoiiLnce; comme il
paroît évidemment de ce qu'en ce c.is-làce
devroit être une propriété éternellement
inféparable de la matière 6c de chacune de
fes parties, d'ivoir du fentiment , de la
perception & de la conncifîance. A quoi
l'on pourrait ajouter, qu'encere que l'i-
dée générale & fpécinque qoe nous avons
delà matière nous porte à en parler com-
me fic'écoit une chjfe unique en nombre,
cependant toute la mariere n'eit pas pro-
prement une chofe individuelle qui e.virte
comme un être matériel , ou un corps fin-
gulier que nous connoilïons ou que n^us
pouvons concevoir. De forte que ii b ma-
tière étoit le premier Etre écernel penfant y
il n'y auroit <pss un Etre unique, éternel,
infini , & penfant , mais un n -mbre infini
d'êtres éternels, finis, penfans.qui fereien": in-
dépendant les uns des autres , dont les forces
feroient bornées, & les penfées diftinctes,
& qui ne pourroient p?r conféquent ja-
mais produire ce- ordre , cette harmonie &
cette beauté q'uon remarque dans la na-
ture. Puis donc que le premier Etre doit
être néceiTai rement un Erre penfant , &
que ce qui exifre avant toutes chofes , doit
néceiTairemen: contenir & avoir , actùelle-
F 6
132 De VExiflence
= ment du moins , toutes les perfections qnr
Çhap. X. peuvent exifter dans la fuite; ( car il ne
peut jamais donner à un autre des per-
fections qu'il n'a point , ou actuellement
en lui-même, ou du moins dans un plus
haut degré) il s'enfuit néceiLiirement de-
là, que le premier Etre éternel ne peut
Il y a donc * j matière,
eu un Etre ,
fage de toute $• n« Si donc il eft évident , que quel-'
éternité. qUe chofe doit nécejfairement exijîer de
toute éternité^ il ne l'eft pas moins, que
cette chofe doit être nécejfairement un Etre
penfant. Car il eft auffi impoffible que la
matière non-penfante produife un être pen-
fant , qu'il eft impoffible que le néant ou
l'abfence de tout être pût produire un être
pofuif , ou la matière.
$. 12. Quoique cette découverte d'uni
efprit nêcejjairement exiftant de toute éter-
nité fuffife pour nous conduire à la con-
noifLnce de Dieu ; puifqu'il s'enfuit de-là,
que tous les autres êtres intelligens qui
ont un commencement y doivent dépendre
de ce premier Etre, & n'avoir de con-
noiilance 6c de puirTanre qu'autant qu'il
leur en accorde ; & que s'il a produit ces
êtres intelligens , il a Lit auffi les parties
moins confidérables de cet Univers , c'eft-
à-dire , tous les Etres inanimée : ce qui
fait nécefLircment connaître fa touce-
feience , ù puijfan'e , fà providence , Se
tous fes autres attributs, encore, dis-je,
que cela fumTe pour démontrer clairement
l'exiftence de Dieu ; cependant pour met>
de Dieu. Liv. IV. ï^
tre cette preuve dans un plus grand jour , :=53
nous allons voir ce qu'on peut objecter HAP' *
pour la rendre mfpeâe. S'il eft ma»
§. 13. Premièrement : on dira peut-être tériel.
que , bien que ce foit une vérité aufli é-
vidente que la démoflration la plus cer-
taine , qu'il doit y avoir un Erre éter-
nel , & que cet Etre doit avoir de la con-
noifîance ; il ne s'enfuit pourtant pas de-là,
que cet Etre pen fa nt ne puifTe être maté-
riel. Eh bien ! qu'il foit matériel ; il s'en-
fuivra toujours également de-là qu'il y a
un Dieu. Car s'il y a un Erre éternel qui
ait une feience & une puiiïance infinie, il
eft certain qu'il y a un Dieu , foit que vous
fuppofiez cet Etre matériel ou non. Mais
cette fuppjlition a quelque chofe de dan-
gereux ex d'illufcire , (i je ne me trompe ;
car comme on ne peur é\ iter de fe rendre
à la démonilration qui établit un Etre é-
ternel qui a de la cor.noiilance, ceux qui
foutiennent l'éternité de la matière, feroient
bien aifes qu'on leur accordât que cet Etre
intelligent eft matériel ; après quoi biffant
échapper d; leurs tfprits, & bannifTant en-
tièrement de 1 urs difeours la démonftration
p:r l.quL'le en a prouvé l'exiftence né-
ceifaue d'un Etre éternel, intelligent , ils
viendraient à foutenjr que tout eft matiè-
re, & par ce moyen ils nieroient l'exif-
tence de Dieu, c'efr-à-dire, d'un être é-
teinel, penfant ; ce qui bien loi1 de con-
firmer leur hypothefe ne fert qu'a la ren~
ïj4 De VExiflence.
verfer entièrement. Car s'il peut être , corn*
Chap. X. me iis le croient , que h matière exifte de
route éternité fans aucun Etre éternel, pen-
fant , il efl évident qu'ils féparent la ma-
tière & la penfée , comme deux chofes qu'ils
fuppofent n'avoir enfemble aucune liai-
ion néceffaire ; par où ils établirent ,
contre leur propre penfée , l'exiftence né-
ceffaire d'un Efprit éternel, & non pas celle
de la matière; puifque nous avons déjà
prouvé qu'on ne fauroit éviter de recon-
noître un Etre penfant qui exifte de toute
éternité. Si donc la penfée & la matière
peuvent être féparées , l'exiflence étemelle
de la matière ne fera point une fuite de
l exiftence éternelle d'un Etre penfant , ce
qu'ils fuppofent fans aucun fondement.
ÎI n'eft pas $• 14. Mais voyons à préfent comment
matériel ; jls peuvent fe perfuader à eux-mêmes , &
I. Parce que c • ■ t-> '^ 1
chaque partie *alre voir aux autres , que cet Etre éternel
de matière eft penfant ^ eji matériel.
nonpenfante. Premièrement , je voudrois leur deman-
der s'ils croient que toute la matière, c'eft-
à-dire , chaque partie de la matière, penfe.
Je fuppofe qu'ils feront difficulté de le dire ;
car en ce cas-là il y auroit autant d'Etres
éternels penfans , qu'il y a de pnrri-
cules de matière : & par conféquent il y
auroit un nombre infini de Dieux. Que
s'ils ne veulent pas reconnoître que la ma-
tière comme matière, c'eft-à-dire, chique
partie demmere, foit auffi-bien penfante
qu'elle efl étendue ; ils n'auront pas moins
de Dieu. Liv. IV. 13?
de peine à faire fentir à leur propre ' ^ " " ~^
•r » a r r :. _ Chap. X,
railon ; quun être peniant ioit compo-
fé de parties non-penfantes , qu'à lui faire
comprendre qu'un être étendu foit compofé
de parties non - étendues.
6. 15. En fécond lieu, fi toute la ma- ?■ p3!"ce.
. • r ... ,./- ,., , qu une feule
tiere ne pente pas, qu ils me dilent s il ny pnrtie je
a qu'un feul atome qui penfe. Ce fentiment matière ne
eft fujet a un aufïi grand nombre d'abfur- peutr e're
dites que Iautre ; car ou cet atome de ma-
tière eft feul éternel , ou non. S'il eft feul
éternel, c'eft donc lui feul qui par fa pen-
fée ou fa volonté toute-puiffante a pro-
duit tout le refte de la matière. D'où il
s'enfuit que la matière a été créée par une
penfée toute-puiifinte, ce que ne veulent
point avouer ceux contre qui je difpute
préfentement. Car s'ils fuppofent qu'un feul
atome penfant d produit tout le refte de la
matière , ils ne fauroient lui attribuer cette
prééminence fur aucun autre fondement que
fur ce qu'il penfe ; ce qui eft l'unique dif-
férence qu'on fuppyfe entre cet atome &
les autres parties de la matière. Que s'ils
difent que cela fe fait de quelqu'autre ma-
nière qui eft au-deiïus de notre concep-
tion, il faut toujours que ce foit par voie
de création ; & par-là ils font obligés de
renoncer , à leur grande maxime , rien ne
fe fait de rien. S'ils difent que tour le refte
de la matière exifte de toute éternité aufll-
bien que ce feul atome penfant , à la vé-
rité ils difent une chofe qui n'eft pas tout-
136 De VExifunce
à-fait fiabfurde, mais ils l'avancent gratis
6'
Chap. X. & fans aucun fondement; car , je vous
prie ? n'eft-ce pas bâtir une hypothefe en
l'air fans la moindre apparence de raifon,
que de fuppofer que toute la matière eft
éternelle, mais qu'il y en a une petite par-
ticule qui furpaffe tout le refte en connoif-
fance & en puiiTance ? Chaque particule de
matière, en qualité de matière, eft capa-
ble de recevoir toutes les mêmes figures
& tous les mêmes mouvemens que quel-
qu'autre particule de matière que ce puifTe
être ; & je défie qui que ce foit de donner
à l'une quelque chofe de plus qu'à l'autre,
s'il s'en rapporte précifément à ce qu'il en
penfe en lui-même,
qu'un certain $• i6« En troifieme lieu, Si donc un
amas tle ma- feul atome particulier ne peut point être
tierenon- cet £tre éternel penfant , qu'on doit ad-
penlante ne , _, . r ' '
peut être mettre neceuairement comme ncus lavons
penfant. déjà prouvé; fi toute la matière, en qua-
lité de manière, c'eft-à-dire , cruque partie
de matière , ne peut pas l'être non plus ;
le feul p.mi qui refte à prendre à ceux qui
veulent que cet être éternel, penfant foit maté-
riel , c'eft de dire . qu'il eft un certain amas
particulier de madère jointe enfemble. C'eft-
ià , je penfe , l'idée fous laquelle ceux qui
prétendent que Dieu foit matériel , font
le plus portés à fe le figurer , parce que
c'eft la notion qui leur ,eft le plus promp-
tement fuggérée par l'id se commune qu'ils ont
d'eux-mêmes, & des autres hommes qu'ils re»
fie Dieu. Liv. IV. T37
gardent comme autant d'êtres matériels qui ' '--^
penfent. Mais cette imagination , quoique CHAi>« X*
plus naturelle , n'eft pas moins abfurde
que celle que nous venons d'examiner ;
car de fuppofer que cet ê:re éternel pen-
fant ne loit autre choie qu'un amas de
parties de matière dont chacune eft non»
penfante , c'eft attribuer tome ta fageffe ëz
h. connoitTance de cet ê_re éternel à la
fimple juxtapofition de parties qui le com-
pofent; ce qui eft ta chofe du monde la
plus abfurde. Car des pairies de matière
qui ne penfent peint , ont beau être étroi-
tement jointes enfembie , elles ne peuvent
acquérir par-là qu'une nouvelle relation lo-
cale, qui confifte dans une nouvelle pofi-
tion de ces différentes parties ; & il n'eft
pas poffible que cela puiffe leur commu-
niquer la penfée & la connoilTance. c % »~»
n, r ooit qu ïî
Ç. 17. Mais de plus, ou toutes les ppr- foit en mou-
ties de cet amas de madère font en re- vement » ou
pos, ou bien elles ont un certain mouve- ^"P05*
ment qui fait qu'il penfe. Si cet amas de
matière eft dans un parfait repos, ce n'eft
qu'une lourde mifle privée de route ac-
tion , qui ne peut par conféquent avoir
aucun privilège fur un atome.
Si c'eft le mouvement de fes parties
qui le fait penfer , il s'enfuivn delà que
toutes fes penfées doivent être nécelTaire-
ment accidentelles & limitées ; car toutes
les parties dont cet amas de matière
eft compofé, & qui par leur mouvement
I38 Bt VExiJlence
fc"===s y produifent la penfée , étant en elles*'
Ç.HAP. X. m,imcs & prifes féparément , deftituées de
toute penfée ; elles ne fauroient régler leurs
propres mouvemens, &. moins encore être
réglées p.T les penfées du tout qu'elles com-
posent ; parce que dans cette fuppofuicn ,
le mouvement devant précéder h penfée &
être par conféquent fans elle , la penfée
n'eft point la caufe , rmis la fuite du mou-
vementée qui étant pofé,iI n'y aura ni liberté,
ni pouvoir , ni choix , ni penfée eu action
quelconque réglée par la raifon & par la
fageffe. De forte qu'un tel être penfant ne
fera ni plus parfait ni plus fige que la
fimple matière toute brute ; puifque de
réduire tout à des mouvemens accidentels
& déréglés d'une matière aveugle , ou bien
à des penfées dépend.) n:es des mouvemens
déréglés de cette même matière c'eft la
même chofe , pour ne rien dire des bor-
nes étroites où fe trouven rient refferrées
ces fortes de ponfées & de connoiffances
qui feroient dans une abfolue dépendance
du mouvement de ces différentes parties.
Mais quoique cette hypothefe foit fujette
à mille autres abfurdicés , celles que nous
venons de propofer fuffit pour en faire
voir l'impoffibilité , fans qu'il foit nécef-
faire d'en rapporter davantage. Car fuppofé
que cet amas de matière penfant fut toute
la nntiere, ou feulement une partie de celle
qui compofe cet univers, il ferait impuffi-
ble qu'aucune particule connut fon propre
de Dieu. Liv. IV. 139
mouvement , ou celui d'aucune autre par- *=
ticu'e , ou que le tout connût le mouve- Chap. X.,
ment de chaque partie dont il feroit com-
pofé , & qu'il pût par conféquent régler
fes propres penfées ou mouvemens , ou
p'urôt aucune penfe'e qui réTultât d'un fem-
blable mouvement.
a o r-vi >• _ - 1 ^3 matières
$. 18. D autres s imaginent que lama- nepeutpas
tiere eft éternelle , quoiqu'ils reconnoiffent erre coéter-
un être érernel , penO.nt oc immatériel, "elle avec uni
A la vérité ils ne détruifent point par-là nei#
l'exiftence d'un Dieu ; cependant comme
ils lui ôcent une des parties de fon ouvrage >
la première en ordre , & fort confidérable
par elle-même , je veux dire la criatïcn y
examinons un peu ce femiment. Il faut,
dir-on reconnoître que la matière eft éternelle.
Pourquoi ? Parce que vous ne fuiriez con-
cevoir comment elle pourroit être faite de
rien. Pourquoi donc ne vous regardez-vous
point aufiï vous-même comme éternel ?
Vous répondrez peut-être que c'eft à caufe
que vous avez commencé d'exifter depuis
vingt ou trente ans. M«is fi je vous de-
mande ce que vous entendez par ce vous
qui commença alors à exifter , peut-être
ferez-vous embarrafTé à le dire. La ma-
tière dont vous êtes compofé, ne commença
pas alors à exifter ; parce que fi cela écoit
elle ne feroit pas éternelle : elle commença
feulement à être formée & arrangée de
la manière qu'il faut pour compofer votre
corps. M3is cette difpofnion de parties neil
140 De VExiJlence
ï" " ', ,3 pas vous, elle ne conftitue pas ce prin-
Chap. X. cjpe penfant qui eft en vous & qui eft
vous-même ; car ceux à qui j'ai affaire pré-
fentement , admettent bien un Etre pen-
fant, éternel & immatc'riel, mais ils veu-
lent aufli que la matière , quoique non-
penfante foit aufli éternelle. Quand eft-ce
donc que ce principe penfant qui eft en
vous , a commencé d'exifter ? S'il n'a jamais
commencé d'exifter , il faut donc que de
toute éternité vous ayez été un êtte pen-
fant : abfurdité que je n'ai pas befoin de
réfuter , jufqu'a ce que je trouve quelqu'un
qui foit allez dépourvu de fens pour la
foutenir. Que fi vous pouvez reconnoître
qu'un être penfant a été fait de rien ( comme
doivent être toutesles choies qui ne font point
éternelles , ) pourquoi ne pouvez-vous pas
aufli reconnoître , qu'une égale puiflance
puifle tirer du néant un être matériel ,
avec cette feule différence que vous ères
afluré du premier par votre propre expé-
rience ; & non pas de l'autre ? Bien plus ,
on trouvera , tout bien confidéré , qu'il ne
faut pas moins de pouvoir pour créer un
efprit que pour créer la matière. Et peut-
être que û nous voulions nous éloigner un
peu des idées communes , donner l'effort
à notre efprit , &c nous engager dans l'exa-
men le plus profond que nous pourrions
faire de la nature des chofes, ( 1 ) nous
f \ ) I! y a , mot pour mot , dans l'Anglois , Nous
pourrions être capables de vij'er à quelque cCMK'ep-
de Dieu. Liv. IV. 141
pourrions en venir jufqu'à concevoir , quoi- e~ï=r=—
que d'une manière imparfaite , comment la ****** X»
matière peut d'abord avoir été produite ,
& avoir commencé d'exifrer par le pouvoir
de ce premier être éternel ; mais on ver-
roit en même tems que de donner l'être
à un efprit , c'eft un effet de cette puif-
fance éternelle & infinie , beaucoup plus
mal aifé à comprendre, (a) Mais parce
que cela m'écarteroit peut-être trop des no-
tion obfcure & confufe , de la manière dont la ma-
tière pourroit d'abord avoir été produite . &c.
vrt might bc ablî to atm at fome dim and feeming
conception hou Matter might at fiefl be made. Com-
me je n'entendois pas fort bien ces mots , dim and
feeming conception , que je n'entends pas bien en-
core , je mis à la place , quoique d'une manière im-
parfaite : traduction un peu libre que M. Locke ne
défapprouva point , parce que dans le fond elle rend
aflez bien fa penfée.
(2) Ici M. Locke excite notre curiofité , fans
vouloir la fatisfaire. Bien des gens s'étant imaginés
qu'il m'avoit communiqué cette maniete d'expliquer
la création de la matière, me prièrent peu de tems
après que ma traduction eut vu le jour , de leur en
faire pert ; mais je fus obligé de leur avouer que M.
Locke m'en avoit fait un fecret à moi-même. Enfin
long-tems après fa mort , M. le Chev. Newton, à
qui je parlai par hafard de cet endroit du livre de M.
Locke, me découvrit tout le myftere. Souriant, il
me dit d'abord que c'étoit lui-même qui avoit ima-
giné cette manière d'expliquer la création de la ma-
tière , que la penfée lui en éloit venue dans l 'ef-
prit un jour qu'il vint a tomber fur cette queftion *Lefe;-
avec M. Locke & un feigneur Anglois * Et voici Comte de
1 comment il leur expliqua fa penfée. On pourroit, Penbrocke
' dit-il , fe former en quelque manière une idée de la mort au mois
I création de la matière en fuppofant que Dieu eût em- <)e Février
péché par fapuiffance queritnne pût entrer dans uie delapréfenta
artaineporcion dcl'efpacepur, qui de fa nature ejl pîiU' aimée \1\%*
ïqi De VFxiflcnce
fe a tions fur lefquelles la pbilofophie eft: pre-
Çhap. X. fentement fondée dans le monde, je ne
ferais pas excufable de m'en éloigner fifort,
ou de rechercher autant que la grammaire
le pourroir permettre , fi dans le fond l'o-
pinion communément établie eft contraire
trahît , éterntl , neceffaire, infini; car dès-là cette
portion d'efpace , auroit l'impénétrabilité , l'une des
qualités effentielles à la mature : & comme Vefpace
pur eft absolument uniforme, on n'a qu'à fuppofet
que Dieu auroit communiqué cette efpece d'impéné-
trabilité à une autre pareille portion de Vefpace ,
& cela nous donner oit , en quelque forte , une idée
de la mobilité de la matière, autre qualité qui lui
eft auffi très-cfftntielle. Nous voilà maintenant déli-
vrés de l'embarras de chercher ce que M. Locke
avoit trouvé bon de cacher à fes lecteurs : car c'ell-
li tout ce qui lui a donné occafion de nous dire,
Que fi nous voulions donner l'effort à notre efprit ,
nous pourrions concevoir , quoique d'une manière im-
parfaite , comment la matière pourroit d'abord avoir
été produite , &c. Pour moi, s'il m'eft permis de
dire librement ma peniee , je ne vois pus comment
ces deux fuppofitions peuvent conrtibuer à nous
faire concevoir la création de la matière. A mon
fens , elles n'y contribuent non plus qu'un pont
contribae a rendre l'eau qui coule immédiatement
defi'ous , impénétrable à un boulet de canon , qui
venant à tomber perpendiculairement d'une hauteur
de vingt ou trente toifes fur ce pont y eft arrêté fans
pouvoir paifer à travers pour entrer dans l'eau qui
coule directement defi'ous. Car dans ce cas-là, l'eau
refte liquide & pénétrabie à ce boulet, quoique la
folidité du pont empêche que le boulet ne tombe
dans l'eau. De même , la puiflance de Dieu peut em-
pêcher que rien n'entre dans une certaine portion
d'efpace, mais elle ne change point par-là, la na-
ture de cette portion d'efpace , qui reftsnt toujours
pénétrabie, comme toute autre portion d'efpace,
n'acquiert point en conféquence de cet obftacle , le
moindre degré de l'impénétrabilité qui eft effea»
tielle à la matière, &ç»
de Dieu. Liv.ïV. 143
Il ce fentiment particulier ; j'aurcis tort , — : — :-±si
dis-je , de m'engjger dans cette difcuffion , Chap- Xj
fur-tcut d^ns cet endroit de la terre où
la doctrine reçue eft affez bonne pour mon
deffein, puifqu'elle pofe comme une chofe
indubitable , que fi l'on admet une fois la
création ou le commencement de quelque
Substance que ce foit , tirée du néant,
on peut fuppjfer avec la même facilité ,
la création de toute autre fubitance, ex-
cepté !e Créateur lui-même.
y. 19. Mais direz- vous, n'eft-il pas im-
polfible d'admettre , qu'une chofe ait été
faite de rien , puifque nous ne fau rions le
concevoir ? Je réponds que non. Première-
ment , parce qu'il n'eft pas raifonnable de
nier la puiilance d'un être infini , fous pré-
texte que nous ne faurions comprendre
fes opérations. Nous ne refufons pas de
croire d'autres effets , fur ce fondement
que nous ne faurions comprendre la ma-
nière dont ils font produics. Nous ne fau-
rions concevoir comment queîqu'autre chofe
que l'impulfion d'un corps peut mouvoir -
le corps ; cependant ce n'eft pas une rai-
fon furfifante pour nous obliger à nier que
cela fe puifîë faire , contre l'expérience
confiante que nous en avons en nous-mê-
mes f dans tous les mouvemens volontai-
res qui ne font produits en nous que par
l'action libre ou la feule penfée de notre
efprit : mouvemens qui ne font ni ne peu-
vent être des effets de l'impulfion ou de
144 & VExiJience
»9 la détermination que le mouvement d'une
£.hap. X. matiere aveugle cuufe au dedans de nos
corps , ou fur nos corps ; car li cela étoit ,
nous n'aurions pas le pouvoir ou la liberté
de changer cette détermination. Par exem-
ple, ma main droite écrit pendant que ma
main gauche eft en repos. Qu'eft-ce qui
caufe le repos de l'une , & le mouvement
de l'autre? Ce n'eft que ma volonté, une
certaine penfée de mon efprit. Cette pen-
fée vient-elle feulement à changer ? ma main
droite s'arrête aulîî-tôt , la gauche com-
mence à fe mouvoir. C'eït un point de f it li
qu'on ne peut nier. Expliquez comment '
cela fe fait; rendez-le intelligible, & vous
pourrez par le même moyen comprendre la
création. Car de dire, comment font quel-
ques-uns pour expliquer U caufe de ces
mouvemens volontaires , que l'ame donne
une nouvelle détermination au mouvement
des efprits animaux , cela n'éclaircit nul-
lement la difficulté. C'eit expliquer une
chofe obfcuie par une autre aufll obfcure;
car dans cette rencontre il n'elt ni plus
ni moins difficile de changer la détermi-
nation du mouvement que de produire le
mouvement même, parce qu'il faut que cette
nouvelle détermination qui eft cor rauniquée
aux efprits animaux foit ou produite im-
médiatement par la penfée , ou bien par
quelqu'autre corps que la penfée mette
dans leur chemin, où il n'étoit pas aupa-
ravant, de forte que ce corps reçoive (en
mouvement
de Dieu. Liv. IV. 145
mouvement de la penfée ; & lequel des ,. _-=i
deux partis qu'on prenne , le mouvement Chap. XI.
volontaire efl auiïi dirticile à expliquer qu'au-
paravant, a. D'ailleurs , c'eft avoir trop
bonne opinion de nous-mêmes que de ré-
duire toutes les chofes aux bornes étroites
de notre capacité, & de conclure que tout
ce qui pafTe notre compréhenfiun eu ira-
poffible ; comme fi une chcfe ne pouvoir:
|être, dès- là que nous ne faurions concevoir
comment elle fe peut faire. Borner ce que
Dieu peut faire à ce que nous pouvons
'comprendre, c'eft donner une étendue in-
finie à notre compréhenfion , ou faire Dieu
lui-même, fini. Mais fi vous ne pouvez pas
concevoir les opérations de votre propre
Urne qui efl finie, de ce principe penj'ant
-qui eft au dedans de vous , ne foyez point
jétonnés de ne pouvoir comprendre les opé-
rations de cet efprit éternel & infini qui
(a fait & qui gouverne toutes chofes , &
\qve les Cieux des deux ne faiiroient con~
'.tenir.
Tome IV.
Chap. XI.
146 De V Exiflence
CHAPITRE XI.
De la connoijjance que nous ayons de
Vexijience des autres chofes.
$. I. JjLjA connoiffance que nous avons
On eut de notre propre exiflence nous vient par
avoir une intuition ; & c'eft la raifort qui nous r-.it
connoiffance Connoître clairement l'exiftence de Dieu ,
ces autres , , ,'
chofes que comme on la montre cuns le chapitre pre-
par voie de cèdent.
en a ion. Quant à l'exiftence des autres chofes ,
on ne fauroit la connokre que par fcnj.i-
tion ; car comme l'exiftence réelle n'a au-
cune liuifon ndceflaire avec aucune des
idées qu'un homme a dans fa mémoire ,
& que nulle exiflence , excepté celle de
Dieu , n'a de liajfen nécefïaire avec l'exif-
tence d'aucun hemme eu particulier , il
s'enfuit de là que nui homme ne peur con-
noître l'exiftence d'aucun être, que lorfque
cet être fe fait appercevoir a cet homme
par l'opération aâuelie qu'il fait fur lui.
Car d'avoir l'idé^e d'une chofe dans notre
efprit, ne prouve pas plus l'exiftence de
cette chofe que le portrait d'un homme
démontre fon exiftence dans le monde ,
ou que les vifions d'un fonge établirent
Exemple : un£ véritable hiftoire.
la blancheur . _ , _ , . ,
de ce papier, $• a. C elt donc par la réception ac«»
des autres Chofes. Liv. IV. 147
tuelle des idées qui nous viennent de de- ^
hors, que nous venons à connoître l'exif- Chap. XI.
tence des autres choies , & à erre convain-
cus en nous-mîmes que dans ce tems-lù
il cxifle hors de nous quelque choie qui
excite cette idée en nous , quoique peut-
être nous ne fâchions ni ne confierions
point comment cela fe fait. Car que nous
ne connoifïicns pas la manière dont ces
idées font produites en nous , cela ne di-
•minue en rien la certitude de nos fens ni
la réalité des idées que nous recevons par
leur moyen: par exempie, lorfque j'écris
ceci, le papier venant à frapper mes yeux,
produit dans mon efprit l'idée a laquelle je
donne le nom de blanc , quel que foit l'ob-
jet qui l'excite en moi ; & par-là je con-
nois que cette qualité ou cet accident ,
dont l'apparence étant devant mes yeux
produit toujours cette idée , exifte réelle-
ment & hors de moi. Et faiTurance que
j'en ai , qui cil peut-êrre la plus grande
que je puilîe avoir , & à laquelle mes fa-
cultés puiiTent parvenir, c'efl le témoi-
gnage de mes yeux qui font les vérita-
bles & les feuls juges de cette chofe ; &
fur le témoignage defquels j'ai raifon de
m'appuyer, comme fur une chofe fi cer-
taine, que je ne puis non plus douter,
tandis que j'écris ceci , que je vois du
blanc & du noir ,• & que quelque chofe exifte
réellement qui caufe cette fenfation en moi ,
que je puis douter que j'écris ou que je
G*
148 De l'Exiflcnce
t— L- ' — remue ma main; certitude aulTi grande qu'au-
XI. cune que nous f0yions capables d'avoir fur
l'exiftence d'aucune choie , excepté feule-
ment la certitude qu'un homme a de fa
propre exiflence & de celle de Dieu,
o • $• 3* Quoique la connoifTance que nous
cela ne (bit avons par le moyen de nos fens , de l'exif-
P«s fi certain tence des chofcs qui font hors de nous ,
««tft!!.- ne fo" Pas tout-à-fait fi certaine que no-
jnoiHlrations, r . _ '
il peut être tre connoifTance de fimple vue , eu que
appelle du jes conclufions que notre raifon déduit , en
jioiffance °& confidérant les idées claires & abfiraites
prouve l'exif- qui font dans notre efprit, c'eft pourtant
îence des une certitude qui mérite le nom de con-
chofes hors -m r- r r ■ r
.de nous. noijjance. Si nous lommes une rois perlua-
dés que nos facultés nous inftruifent comme
il faut , touchant l'exiltence des objets par
qui elles font affe&ées , cette alïurance ne
fauroit pafTer pour une confiance mal fon-
dée ;car je ne crois pas que perfonne puilfe
être férieufement fi feeptique que d'être
incertain de l'exiltence des chofes qu'il voit
& qu'il fent actuellement. Du moins , celui
qui peut porter fes doutes fi avant ( quel-
les que foient d'ailleurs fes propres pen-
fées ) n'aura jamais aucun différent avec
moi , puifqu'il ne peut jamais être allure
que je dife quoi que ce foit contre fon
fentiment. Pour ce qui ell de moi , je crois
que Dieu m'a donné une affei grande cer-
titude de l'exillence des chofes qui font hors
de moi ; puifqu'en les appliquant différem-
ment je puis produire en moi du plaifir
des autres Chofes. Liv. IV. 149
& de la douleur , d'où dépend mon plus e-j '"J
grand intérêt dans l'e'tat où je me trouve Chap' x •
préfentement. Ce qu'il y a de certain c'eft
que la confiance où nous femmes que rtps
facultés ne nous trompent point en cette
occafion , fonde la plus grande affurance
dont nous foyons capables à l'égard de
l'exiftence des êtres matériels. Car nous ne
pouvons rien faire que par le moyen de
nos facultés ; & nous ne l'aurions perler de
la çonnoiffance elle-même, que par le fe-
cours des facultés qui foierrt proores à com-
prendre ce que c'eir que çonnoiffance, M is
outre l'affurance que nos fens eux-mêmes
nous donnent, qu'ils ne fe trompent p Vint
dans le rapport qu'ils nous font de l'exif-
tence des chofes extérieures , par les im-
prefîïons actuelles qu'ils en reçoivent , nous
fommes encore confirmés dans cette afiu-
rance par d'autres raifons qui concourent à
l'établir.
$. 4. Premièrement , il eft évident que 1. pafCe que
ces perceptions font produites en nous par nous re pon-
des caufes extérieures qui affeclenc nos fens ; J°n.ÇC!,n'!V0;r
» > des idée? qu i
parce que ceux qui font deftitués des or- Ufeveur des
ganes d'un certain fens , ne peuvent ja- fens*
m.iis faire que les idées qui appartiennent
à ce Cens, foient actuellement produites
dins leur efprit. C'eft une vérité fi num-
fefte , qu'on ne peut la révoquer en doute ,
& par confequent, nous ne pouvons qu'être
affurés que ces perceptions ne viennent djns
i'efprit pir les organes de ces fens , & non
*3
Ijo De VT.xifien.ee
g-— =- p^r quelqu'autre voie. Il efî vifible que les
■Chap. XI. organes eux-mêmes ne les produifent pas ,
car fi cela étoit , les yeux d'un homme
produiraient des couleurs dans les ténè-
bres , & fon nez fentiroit des rofes en
hiver. Mais nous ne voyons pas que per-
fonne acquière le goût des Ananas, avant
qu'il aille aux Indes où fe trouve cet ex-
cellent fruit , 6c qu'il en goûte actuellement.
II. Parce Ç. 5, £n fécond lieu : ce qui preuve
«lue deux > . ,', l r
idées dont c\ce ces perceptions viennent d une caufe
l'une vient extérieure , c'eft que éprouve quelquefois
dnnefenfa- qUe je ne Jaunis empêcher qu'elles ne foient
& l'autre dé produites dans mon cfprit. Car enc:reque,
la n-ymoire , lorfque j'ai les yeux fermés ou que je fuis
ceptionsT^t ^ans une chambre obfcure , je puifle rap-
iiftincles. peller dans mon efprit , quand je veux ,
les idées de la lumière ou du foleil , que
des fenfations précédentes avoient placées
dans ma mémoire, & que je puifle quit-
ter ces idées quand je veux, & me repré-
fenter celle de l'odeur dune rofe, ou du
goût du fucre; cependant fi à midi je tourne
les yeux vers le foleil , je ne faurois évi-
ter de recevoir les idées que la lumière ou
îe foleil produit alors en moi. De forte
qu'il y a une différence vifible entre les
idées qui s'introduifent par force en moi ,
•& que je ne puis éviter d'avoir, & celies
qui font comme en réferve dans ma mé-
incfire, fur lefquelles, fuppofé qu'elles ne
fuiïcnt que là , j'aurois confkmment le
même pouvoir d'en difpofer & de les laif-
des autres Chofes. Liv. IV. I 5 î
fer à l'écart , félon qu'il m'en prendroit en- ■■ - —g
vie. Et par conféquent il faut qu'il y ait Chap- XI.
néceffairement quelque caufe extérieure ,
l'impreffion vive de quelques objets hors
de moi dont je ne puis furmonter l'effi-
cace, qui produifent ces idées dans mon
efprit , foit que je veuille ou non. Outre
cela , il n'y a perfonne qui ne fente en
lui - même la différence qui fe trouve
entre contempler le foleii ; félon qu'il en a
l'idée dans fa mémoire, & le regarder ac-
tuellement ; deux chofes dont la percep-
tion eft fi diftincte dsns fon efprit que
peu de ces idées font plus difrincles l'une
de l'autre. Il connoît donc certainement
qu'elles ne font pas toutes deux un effet
de fa mémoire , ou des productions de fon
propre efprit, Se de pures fantaifies for-
mées en lui-même ; mais que la vue ac-
tuelle du foleil efl produite par une caufè
qui exifte hors de lui.
$. 6. En troifieme lieu : ajoutez à cela, jjj pa
que plufieurs de ces idées font produites que le plaiiît
en nous avec douleur ; quoi /n'en fuite nous ou.'ado"'eur
nous en Jouventons Jans rejjcntir la moin- paanent une
dre incommodité. Ainfi , un fentiment dé- fenfation ac
fagréable de chaud ou de froid ne nous caule tllsI,e « n ac_
c* v r ■ /r- t r compagnent
aucune facheule împrcliion , Iorlque nous vas \e retour
en rappelions l'idée dans notre efprit, quoi- de ces Wées ,
qu'il fut fort incommode quand nous l'a- Iok T,'e V-
1 r ■ • objets exte-
vons fenti , & qu'il le foit encore , quand rieurs font
il vient à nous frapper actuellement une a'Dfens.
féconde fois ; ce qui procède du défordre
G4
I$a De PEx^ence
i — - ■ ■ a que les objets extérieurs caufent dans no-
Chap. XI. tre corps par les imprefïïons actuelles qu'el-
les y font. De même nous nous refïbuve-
nons de la douleur que caufe la faim , la
foif & Je mal de tête , fans en reflentir
aucune incommodité ; cependant , ou ces
différentes douleurs devroient ne nous in-
commoder jamuis , ou bien nous incom-
moder conframment toute:; les fois que nous
y penfons, fi elles n'étoien{ autre chcfe que
des idées flotantes dans notre efprit , & de
(impies apparences qui viendroient occuper
notre famaiiie , fans qu'il y eût. hors de nous
aucune chofe réellement existante qui nous
cauïàc ces différentes perceptions. On peut
dire la même chofe du pLiiir qui accom-
pagne plufieurs fenfations actuelles ; & quoi-
que les démcinflrations mathématiques ne
dépendent pas des fens , cependant l'exa-
men qu'on en fait par le moyen des fi-
gures , fert beaucoup à prouver l'évidence
de notre vue, & f'emble lui donner une certi-
tude qui approche de celle de la démonfrra-
tion elle-même. Car ce feroit une chofe bien
étrange qu'un homme ne fit pas difficulté
de reconnoître que de deux angles d'une
certaine figure qu'il mefure par des lignes
& des angles d une autre figure , l'un eft
plus grand que l'autre , & que cependant
il doutât de l'exiftence des lignes & des
angles qu'il regarde, & dont il fe fert ac-
tuellement pour mefurer cela.
IV*. Nos A jm En quatrième lieu: nos fens ea
lens fe ren- . "r i , , ,,
tient témoi- p'uheurs cas le rendent témoignage 1 un a
des autres C/iofes. Liv. IV. 153
l'autre de la vérité de leurs rapports tu - — =
chant l'exiftence des chofes ienlibles qui Chap Xu
font hors de nous. Celui qui voit le feu, el,linà
peut le fentir , s'il doute que ce ne fait l'autre fur
autre chofe qu'une fimple imagination ; «x l'exiftence
il peut s'en convaincre en me tant dan extérieures.
le feu fa propre main qui certainement ne
pourroit jamais reilentir une douleur fi
violente à l'occafion d'une pure idée ou
d'un fimple fantôme ; à m^ins que cette
douleur ne foit elle-même une imaginatien,
qu'il ne pourroit pourtant pas rappeller
dans fon efprit , en fe reprélentant l'idée
de la brûlure après qu'elie eft actuellement
guérie.
Ainfi en écrivant ceci , je vois que je
puis changer les app:rences du papier , &
en traçant des lettres , dire d'avance quelle
nouvelle idée il présentera à l'efprit dans
le moment immédiatement fnivant , par
quelques traits que j'y ferai avec la plu-
me ,• mais j'aurai beau imaginer ces traits ,
ils ne paroîtrqnt point , li ma m in de-
meure en repos , ou fi je ferme les yeux
en remuant ma main : & ces caractères une
.fois tracés fur le papier , je ne puis plus
éviter de les voir tels qu'ils font, c'eft-
à-dire , d'avoir les idées de telles & tel-
les lettres que j'ai formées, d'~ù il s'en-
fuit vifiblement que ce nefl pas un fimple
jeu de mon imagination , puifque je trouvé
que les caractères qui ont été tracés félon
la fantailie d-c mon efprit , ne dépendent
G 5
154 &* VExiJîence
as plus de cette fantaifie , & ne cefîent pa»
Chap. XI. d erre, dès que je viens à me figurer qu ils
ne font plus ; mais qu'au contraire ils con-
tinuent d'afFecler mes fens conftamment &
régulièrement félon la figure que je leur
ai donnée. Si nous ajoutons à cela, que la
vue de ces caractères fera prononcer à un
autre homme les mêmes fons que je m'é-
tois propufé auparavant de leur faire figni-
fier , on n'aura pas grande raifon de dou-
ter que ces mots que j'écris n'exiftent réel-
lement hors de moi , puifqu'ils produifent
cette longue fuite de fons réguliers dont
mes oreilles font actuellement frappées, lef-
quels ne fauroient être un effet de mon
imagination, & que ma mémoire ne peur-
Cette cer- rolt jamais retenir dans cet ordre.
tîtudeeftaufiï $. 8. Que fi après tout cela , il fe trouve
grande que quelqu'un qui foit affez feeptique pour fe
notre état le .J M . 2 r e tr
requiert. défier de les propres lens & pour ariir-
mer , que tout ce que nous voyons ,
que nous entendons , que nous fentons y
que nous goûtons , que nous penfons ,
& que nous faifons pendant tout le tems
que nous fubfiftons , n'eft qu'une fuite
& une apparence trompeufe d'un long
longe qui n'a aucune réalité ; de forte qu'il
veuille mettre en queftion l'exiïtence de
toutes chofes , ou la connoiffance que nous
pouvons avoir de quelque chofe que ce
foit ; je le prierai de confidérer que , fi
tout n'eft que fonge, il ne fait lui-même
autre chofe que fonger qu'il forme cette
des autres Chofe s. Liv. IV. i$?
queftion , & qu'ainfi il n'importe pas beau-
coup qu'un homme éveillé prenne la pei-
ne de lui répondre. Cependant:, il pourra
fonger , s'il veut, que je lui fais cette ré-
ponfe , que la certitude de l'exiltence des
chofes qui font dans la nature , étant une
Fois fondée fur le témoignage de nos fens ,
elle elt non-feulement aufïï parfaite que
notre nature peut le permettre, mais mê-
me que notre condition le requiert. Car
nos facultés n'étant pas proportionnées à
toute l'étendue des êtres ni à aucune con-
noiffance des chofes , claire , parfaite , ab-
foluc, & dégagée de tout doute & de toute
incertitude , rn^is à la confervation de nos
perfonnes en qui elles fe trouvent , telles
qu'elles doivent être pour l'ufage de cette
vie, elles nous fervent allez bien dans cette
vue , en nous donnant feulement à con-
noître d'une manière certaine les chofes qui
font convenables ou contraires à notre na-
ture. Car celui qui voit brûler une chan-
delle & qui a éprouvé la chaleur de fa flam-
me en y mettant le doigt , ne doutera
pas beaucoup que ce ne foit une chofe exif-
tante hors de lui, qui lui fait du mal &
lui caufe une violente douleur: ce qui effc
une aîfez grande afTurance, puifque per-
fonne ne demande une plus grande certi-
tude pour lui fervir de règle dans fes ac-
tions , que ce qui eft aufïi certain que les
a&ions mêmes. Que fi notre fongcur trouve
à propos d'éprouver fi la chaleur ardente
G 6
Chap. XI.
CHAr. XI.
156 De VExiJïmce
d'une feurnaife n'eit qu'une vaine imagi-
nation d'un homme endormi, peut être
qu'en mettant la main dans cette fournaife,
il fe trouvera fi bien éveillé, que la certi-
tude qu'il aura que c'eit quelque chofe de
plus qu'une lîmple imagination , lui paroî-
tra plus grande qu il ne voudroit. Kt par
conféquent , cette évidence elt aulfi grande
que nous pouvons le fouhaiter; puiiqu'elle
eft auffi certaine que le plaifir ou la dou-
leur que nous Tentons . c'eft-à-dire , que
notre bonheur ou notre mifere , deux cho-
fes au-delà desquelles nous n'avons aucun
intérêt par rapport à la connoiifance ou à
l'exiftence. Une telle affurance de Pexiftence
des chofes qui font hors de nous , fuf7k pour
nous conduire dans la recherche du bien &:
dans la fuite du mal qu'elles caufent, à quoi
fe réduit tout l'intérêt que nous avons de
le connoître.
Maïs elle §• 9' Lors donc que nos fens introdui-
ne s'étend fcnr actuellement quelqu'idée dans notre
point au-delà r ■ / • ,,,
de lafenfr- eiprit , nous ne pouvons éviter d être con-
tion afluelle. vaincus qu'il y a alors quelque chofe qui
exifte réellement hjrs de nous , qui affecte
nos fens , & qui par leur moyen fe fait
connoître aux facultés que nous avons
d'appercev oir les objets , & produit actuel-
lement l'idée que nous appercevons en ce
tems-li , 6v nous ne fau rions nous déner
de leur témoignage jufqu'à douter fi ces
collections d'idées fimples que nos fens nous
ont fait voir unies enfemble édifient réel-
des autres Chofes. Liv. IV. I57
ïement enfemble. Cette connoilfance s'étend — ljb
auffi-bien que le témoignage actuel de nos ^»ap. XI.
fens , appliqués à des objets particuliers
qui les affectent en ce tems-la , mais elle
ne va pas plus avant. Si j'ai vu cette col-
lection d'idées qu'en a accoutumé de déli-
gner par le nom d'homme , (i j'ai vu ces
idées exiger enfemble depuis une minute ,
& que je fois préfentement feul,'je ne
faurois être allure que le même homme
exifte préfentement , puilqu'il n'y a point
de liaifon nécefiaire entre fon exiftence
depuis une minute & fon exiftence d'à pré-
fent. Il peut avoir ceiié d'exifter en mille
manières , depuis que j'ai été allure de fon
exiftance pir le témoignage de mes fens.
Que ii je ne puis être certiin que le dernier
h imnie que j'ai vu aujourd'hui exifte pré-
fentement , mviins encore puis-je l'être que
ce'ui-ia exifte qui a été plus long - tems
éloigné de moi, Se que je n'ai point vu
depuis hier ou l'année dernière ; & moins
encore puis-je è re allure de lexiltence des
perfonn s que je n'ai jamais vues. Ainli ,
quoiqu'il f~.it excrêmement probable, qu'il
y a préfen ement des minions d'hommes
aôqellement exiftans, cependant- tandis que
je fu:s feul en écrivant ceci , je n'en ûi
pas o_-ice certitude que nous appelions czn-
noinance , à prendre ce terme dans toute
fa rigueur, qu; ique la grande vrjifembLnqe
qu'il y a à cela ne me permette pas d'en
douter, & que je Lis obligé raifonnable^
158 De VÊxiftence
fr' Al 13 ment de faire plufieurs chofes dans l'afîu-
Chap. XI. rance qu'il y a préfentement des hommes
dans le monde , & des hommes même de
ma connoiffance avec qui j'ai des affùres.
Mais ce n'eft pourtant que probabilité , &
_ non connoiffance.
C'eft une x „, v ,
folie d'atten- y- IO- f> ou nous pouvons conclure en
dre une dé- partant quelle folie c'eft a un homme dont
monftration la connoiffance eft û bornée , & à qui la
iur chaque .r , , , , 7 , . \. „,
«hofe. railon a ete donnée pour juger de la diffé-
rente évidence & probabilité des chofes ,
& pour fe régler fur cela , d'attendre une
démonftration & une entière certitude fur
des chofes qui en font incapables , de re-
fufer fon confentement à des propofitions
fort raifonnables , & d'agir contre des vé-
rités claires &: évidentes , parce qu'elles ne
peuvent être démontrées avec une telle
évidence qui ôte , je ne dis pas un fujet
raifonnable, mais le moindre pré:exte de
douter. Celui qui dans les affaires ordi-
naires de la vie , ne voudrait rien admet1-
tre qui ne fût fondé fur des démonftrations
claires & directes, ne pourroit s'affurer
d'autre chofe que de périr en fort peu de
tems. Il ne pourroit trouver aucun mets
ni aucune boiffon dont il pût hafarder de
fe nourrir ; & je veudrois bien favoir ce
qu'il pourroit faire fur de tels fondemens ,
qui fût à l'abri de tout doute & de toute
-, .„ forte d'objection.
paffée eft Ç. il. Comme nous connoifTons qu'un
connue par objet exifte lorfqu'il frappe actuellement
des autres Chofes. Liv. IV. 159
nos fens , nous pouvons de même être es»
afîurés par le moyen de notre mémoire Chap« XI.
que les chofes dont nos fens ont été af- ,
Jt n , ■ n > a • r le moyen de
fectes , ont exilte auparavant. Ainli, nous ja méraoire,
avons une connoiffance de l'exiftence paffée
de plufieurs chofes dont notre mémoire con-
ferve des idées , après que nos fens nous
les ont fait connoître ; & c'eft de quoi nous
ne pouvons douter en aucune manière ,
tandis que nous nous en fouvenons bien.
Mais cette connoiffance ne s'étend pas non-
plus au-delà de ce que nos fens nous ont
premièrement appris. Ainfi , voyant de
l'eau dans ce moment , c'eft une vérité
indubitable à mon égard que cette eau exifte;
& fi je me reffouviens que j'en vis hier,
cela fera auffi toujours véritable , & aufïi
long-tems que ma mémoire le retiendra , ce
fera toujours une propofition inconteftable
à mon égard qu'il y avoit de l'eau actuelle-
ment exiftante ( 1 ) le icme- de Juillet de
l'an 1688. comme il fera tout aulh* vérita-
ble qu'il a exifté un certain nombre de
belles couleurs que je vis dans le même tems
fur des bulles qui fe formèrent alors fur
cette eau. Mais à cette heure que je fuis
éloigné de h vue de l'eau & de ces bulles
je ne connois pas plus certainement que
l'eau exiile préfentement , que ces bulles
ou ces couleurs ; parce qu'il n'eft pas plus
(1) C'eft en ce tems-là que M. Locke écrivait
ceci.
l6o De VExijïcnct
i- = néceiTaire que l'eau doive exifîer aujour-
Chap. XI. d'hui parce qu'elle exiftoit hier, qu il eft
néceffaire que les couleurs ou ces bulles-là
exiftent aujourd hui parce qu'elles exiftoient
hier, quoiqu'il foie infiniment plus proba-
ble que l'eau exifte; parce qu'on a obfervé*
que l'eau continue long tems en exiftence ,
& que les bulles qui fe forment fur l'eau ,
& les couleurs qu'on y remarque , dilpa-
roiflent bien-tôt.
L'exidence Çj. ia. J'ai déjà montré quelles idées
dese pntsne nous avons jes efprits, & comment elles
peut nous r . .
être connue nous viennent. Mais quoique nous ayons
par elle- ces idées d^ns l'efprit , & que nous fâchions
qu'elles y font actuellement , cependant ce
que nous avons de ces idées ne nous fait
pas connoître qu'aucune telle chofe exifte
hors de nous , ou qu'il y ait aucuns efprits
finis , ni aucun autre Etre fpiricuel que
Dieu. Nous fommes autorifes par la Ré-
vélation & par plulieurs autres raifons à
croire avec affurance qu'il y a de telles
créatures ; m lis nos fens n'étant pas capa-
bles de nous les découvrir , nous n'avons
aucun moyen de connoître leurs exigences
particulières. Car nous ne pouvons non
plus connoître qu'il y ait des efprits finis
réellement exiibns par les idées que nous
avons en nous mêmes de ces fjrtes d'êtres,
qu'un homme peut venir à connoirre par
les Hécs qu il a des Fées ou des Centau-
res qu'il y a des chofes actuellement ejdf-
tanies , qui répondent à ces idées.
des autres Chofes. Liv. IV. 161
Et par conféquent fur l'exiftence des =s
! efprits aulfi-bien que fur plufieur^ autres Chap. XI.
chofes , nous devons nous contenter de
l'évidence de la Foi. Pour des proportions
univerfelles & certaines fur cette matière,
elles font au-delà de notre portée. Car ,
par exemple , quelque véritable qu'il puif-
fe être , que tous les efprits intelligens
) que Dieu ai: jamais créés, continuent en-
core d'exifter , cela ne fauroit pourtant
jamais faire partie de nos ccnnoiflTances cer-
1 taines. Nous pouvons recevoir ces propo-
fitions & autres femblabîes comme extrê-
mement pr jb.ibles : mais dans l'état où nous
, fommes , je doute que nous puifïîons le
connoître certainement. Nous ne de^ ons
donc pas demander aux autres des démonf-
trations , ni chercher nous - mêmes une
i certitude univerfelle fur toutes ces ma-
! tieres , où nous ne fommes capables de
trouver aucune autre connoiflance que celle
que nos fens fourniiFent dans tel ou tel
exemple particulier.
$, 13. D'où il paroît qu'il va deux for- u y 0 des
tes de proportions. I. L'une efl de pro- propofitions
pofitions qui regardent i'a.iitcnce dune particulières
chofe qui réponde à une telle idée , com- ce j ()U>on
me fi j'ai dans mon efprit l'idée d'un clé- peut connoî-
pkant, d'un phénix , du mom'emenc , ou d'un
Ange , la première recherche qui fe préfen-
te naturellement , c'eft , fi une telle chofe
exifïe quelque part. Et cette connoidance
ne s'étend qu'à des chofes particulières ;
tre.
l6i De VExtflence
*LL-U — == car nulle exiftence de chofes hors de nous ,
AP" ^- excepté feulement l'exiftence de Dieu , ne
peut être connue certainement au-delà de
ce que nos fens nous en apprennent. II.
II y a une autre forte de prcpofitions où
eft exprimée la convenance ou la difcon-
venance de nos idées abftraites & la dé-
pendance qui eft entr'elles. De telles pro-
posions peuvent être univerfelles & cer-
taines. Ainfi ayant l'idée de Dieu & de
moi-même , celle de crainte & à ' obéiJJ'ance,
je ne puis être qu'afî'uré que je dois crain-
dre Dieu & lui obéir : & cette propofirion
fera certaine à l'égard de Yhomme en gé-
néra! , fi j'ai formé une idée abftrai te d'une
telle efpecedont je fuis un fujet particulier.
Mais quelque certaine que foit cette pro-
pofition , les hommes doivent craindre Dieu
& lui obéir , elle ne me prouve pourtant
pas l'exiftence des hommes dans le monde ;
miis elle fera véritable à l'égard de toutes
ces fortes de créatures dès-qu' elles viennent
à exiger. La certitude de ces propofitions
générales dépend de la convenance ou de
la difeonvenance qu'on peut découvrir dans
ces idées abftraites.
On peut §. 14. Dans le premier cas , notre con-
connoi're noiffance eft: la conféquence de l'exiftence
aulii des pro- , . ., . . .' . . ,, ,
pofitions eé~ "es choies qui produiient des idées dans
nérales ton- notre efprit par le moyen des fens ; &
:aÎ ^n ■ dans le fécond notre onnoilTance eft une
idées aDitrai- . ,
tes. fuite des idées qui ( quoiqu'elles foient )
exiilent dans notre efprit Se y produifent
des autres Chofes. Liv. IV. 163
ces propofitions générales & certaines. La '■;
p'upjrt d'entr'elles portent le nom de vérités Chap. XI.
> éternelles : Se en effet , elles le font toutes.
i Ce n'eft pas qu'elles foient toutes , ni au-
cunes d'elles gravées dans l'ame de tous les
! hommes , ni qu'elles aient été formées en
iprcpofitions dms l'efpnt de qui que cefoit,
jufqu'a ce qu'il ait acquis des idées abftrai-
Ites , & qu'il les ait jointes eu fép-.rées
npar voie d'affirmation ou de négation :
imais par tout 011 nous 'pouvons fuppofer
une créature telle que l'homme , enrichie
ide ces fortes de facultés & par ce moyen
fournie de telles ou telles idées que nous
avons , nous devons conclure que , lorfqu'il
vient à appliquer fes penfées à la confi-
dération de fes idées, il doit connaître né-
cefTairement la vérité de certaines propo-
rtions qui découleront de la convenance
i ou de la difeonvenance qu'il appercevra dans
jfes propres idées. C'eft pourquoi ces pro-
portions font nommées vérités éternelles ,
hnon pas à caufeque ce font des propofitions
1 actuellement formées de toute éternité, &
i qui exiftent avant l'entendement qui les
forme en aucun tems , ni parce qu'elles
I font gravées dans 1 efprit d'après quelque
i modèle qui foit quelque part hors de l'ef-
prit, & qui exifïoit auparavant, mus par-
! ce que ces propofitions étant une fois for-
! mées fur des idées abfîraites , en forte
qu'elles foient véritables , elles ne peuvent
qu'être toujours actuellement véritables ,
Chap. XI.
164 De VExiftence, &c.
en quelque tems que ce foit , paffé ou à
venir , auquel on fuppofe qu'elles fuient
formées une autre fwis par un efprit en
qui fe trouvent les idées dont ces propo-
rtions font compofées. Car les noms étanc
fuppofés figniher toujours les mêmes idées;
& les mêmes idées ayant conftamment les
mêmes rapports l'une avec l'autre, il eft vifi-
blequc des propositions qui étant formées fur
des ide^es abftraires , font une fois véritables,
doivent être néceff-irement des vérités éter-
nelles.
CHAPITRE XII.
fr, , .. Des moyens d'augmenter notre connoijjance.
Chap. XII.
Laconnoif- $• I.V'A été UOe °Pini°n T^Ue Parmi
fance ne vient ies SavanS > clue 'es maximes font les fon-
pas des ma- j^g^ de toute connoiffance , & que cha-
^Prxcogni- que feience en particulier eft fondée fur
ta, certaines chofes + déjà connues, d'où l'en-
tendement doit emprunter fes premiers
rayons de lumière, & par ou il doit fe
conduire dans fes recherches fur les matiè-
res qui appartiennent à cette Science ; c'eft
pourquoi la grande routine des écoles a été
de pofer en commençant à treuter de quel-
que matière > un2 ou pluiieurs maximes
pJnér.-.les cornue les fonde mens fur lefquels
on doit bâtir la connoiifance qu'on peut
Des Moyens d'augm. &c. Liv. IV. i6ï
avoir fur ce fujet. Et ces Doctrines, ainfi i 1 =<
pofées pour fondement de quelque Science, Chap. XII.
ont été nommées ï'rincipes , comme étant
les premières chofes d'où nous devons
commencer nos recherches , fans remonter
plus haut , comme nous l'avons déjà re-
marqué/
§. . 2. Une choie qui apparemment a De l'occa*
donné lieu à cette méthode dans fes autres fio." ^e ceUe
«*- ■ t 1 • r 1 1 r \ opinion.
Sciences, ça ete, je penie le bon lucces
qu'elle femble avoir dans les Mathématiques
qui ont été ainfi nommées par excellence
du mot Grec Met6-Aft«rccy qui lignifie chofes
apprifes exactement & parfaitement appri-
fes , cette fcience ayant un plus grand
degré de certitude, de clarté &: d'évidence
qu'aucune autre fcience.
$. 3. Mais je crois que quiconque con- La connoîf.
fidérera la chofe avec foin, avouera que j^f „v'ent
_ ' 1 ce la compa-
les grands progrès & la certitude de la con- raifon des
noifTance réelle où les hommes parviennent 10cle^.sn.cl^,res
1 1 ht l' j • oc dahnftes.
dans les Mathématiques , ne doivent point
être attribués à l'influence de ces principes,
& ne procèdent point de quelqu'avantage
particulier que produifent deux ou trois
maximes générales qu'ils ont pofé au com-
mencement , mais des idées claires , dif-
tinctes & complexes qu'ils ont dans l'efprit,
& du rapport d'égalité & d'inégalité qui eft
fi évident entre quelques-unes de ces idées,
qu'ils le connoiffent intuitivement , par où
ils ont un moyen de le découvrir dans
d'autres idées , & cela fans le fecours de ces
1 66 Des Moyens d'augmenter
g. ■ — = maximes. Car je vous prie, un jeune gar-
Chap. XII. ç0n ne peut-il connoître que tout fon corps
Cil plus grand que fon petit doigt , finon
en venu de cet axiome, le tout ejî plus
grand qu'une partie , ni en être allure
qu'après av^ir appris cette maxime? Ou,
cil- ce qu'une pa y faune ne fiuroit connoître
qu'ayant reçu un lou d'une perfonne qui
lui en doit trois, , ik. en^re un fou d'une
autre perfonne qui lui doit aufli trois
fous , le relte de ces deux dettes eir égal ;
ne peut-elle point, dis-je, connoître cela
fans en déduire la certitude de cette ma-
xime , que ji ds c/wfes égales vous en ôteç
des chofes égaies, ce qui refle efi égal '!
Maxime dont elle n'a peut-être jurrnis ouï
parier , ou qui ne s'eft jamais préfentée à
fon efprit. Je prie mon Leêieur de confidé-
rer fur ce qui a été dit ailleurs , lequel des
deux efr connu le premier & le plus clai-
rement par la plupartdes hommes, un exem-
ple particulier , ou une règle générale , &
laquelle de ces deux chofes donne naiiiance
à l'autre. Les règles générales ne font au-
tre chofe qu'une comparaifon de nos idées
les plus générales & les plus abïrraites qui
font un ouvrage de l'efprit qui les forme
& leur donne des noms pour avancer plus
aifément dans fes raifonnemens , & renfer-
mer toutes fes différents obfervations dans
des termes d'une étendue générale , & les
réduire à de courtes règles. Mais la con-
noiiïance a commencé par des idées par-
notre Connoijfance. Liv. IV. 167
tîculieres ; c'efr , dis-je , fur ces idées qu'elle ,_
s'efr établie dans lciprir , quoique dans la Chap. X11L
fuite pfl n'y fafle. peut-être aucune réflexion;
car il eft naturel a 1'efprit , toujours em-
prefie à étendre fes conneidances , d'aiTem-
bier avec foin ces notions générales , &
iïen faire un jufte ufage , qui eft de dé-
charger , par leur moyen , la mémoire d'un
tas embarraflànt d'idées particulières. En
effet , qu'en prenne la peine de confiderer
comment un enfant ou quelqu'autre per-
fonne que ce fait, après avoir donné à fon
corps le nom de tout & à fon petit doigt
celui de partie, aune plus grande certitu-
de que fon corps &: fon petit doigt , tout
enfemble , font plus gros que fon petit
doigt tout feul , qu'il ne pouveit avoir au-
paravant ; ou quelle nouvelle connoifiance
peuvent lui donner iùr le fujet de fon corps
ces deux termes relatifs , qu'il ne puiife
point avoir fans eux ? Ne pcurroit-il pas
connoître que fon corps eft plus gros que
fon petit doigt , fi fon langage étoit fi im-
parfait , qu'il n'eût point de termes relatifs
tels que ceux de tout & de partie ? Je de-
mande encore comment eft-il plus certain ,
après avoir appris ces mots , que fon corps
eft un tout & fon petit doigt une partie ,
qu'il n'écoit , ou ne pouvoit être certain
que fon corps étoit plus gros que fon petit
doigt , avant que d'avoir appris ces termes ?
Une peifonne peut avec autant de raifon
douter ou nier que fon petit doigt foit
1 68 Des Moyens d'augmenter
• ^ ■ — une partie de fon corps , que douter ou
Chap. XII. njer qu'il f0it pjus petit qUe fon corpS.
De forte qu'on ne peut jamais fe fervir de
cette maxime , le tout eft plus grand qu'une
partie , pour prouver que le petit doigt efl
plus petit que le corps , finon en la pro-
pofant fans nécefilré pour convaincre quel-
qu'un d'une vérité qu'il connoît déjà. Car
quiconque ne connoît pas certainement
qu'une particule de matière avec une autre
particule de matière qui lui eft jointe, eft
plus grofife qu'aucune des deux toute feule ,
ne fera jamais capable de le connoître par
le fecours de ces termes relatifs tout &
parties, dont on compofera telle maxime
qu'on voudra.
Il eft dan- ^ ^ Mais de quelque manière que cela
bâtir fur des foit dans les Mathématiques ; qu'il foit
principes p]us c]a}r de dire qu*en ôtant un pouce
gratuits. d'une ligne noire de deux pouces, & un
pouce d'une ligne rcuge de deux pouces ,
le refte des deux lignes fera égal , ou de
dire que fi de chofes égales vous en ôtez
des chofes égales , le refte fera égal ; je
lai/Te déterminer à quiconque voudra le faire,
laquelle de ces deux proportions eft plus
claire & plutôt connue ; cela n'étant d'au^
cune importance pour ce que j'ai préfen-
tement eu vue. Ce que je dois faire en
cet endroit , c'eft d'examiner fi , fuppofé
que dans les Mathématiques le plus prompt
moyen de parvenir à la connoiiTance foie
(Je commencer par des maaimes générales ,
&
notre ConnoiJJance. Liv. IV. 169
<& d'en faire le fondement de nos recher-
ches , c'eft une voie bien fûre de regarder t-HAr# Xl ■
les principes qu'on établit dans quelqu'autre
Science, comme autant de vérités incontef-
tables, & ainfi de les recevoir fans exa-
men , & d'y adhérer fans permettre qu'ils
foient révoqués en doute , fous prétexte
que les Mathématiciens ont été fi heureux
ou fi finceres que de n'en employer aucun
qui ne fût évident par lui-même , & tout-
à-fiit inconteftable. Si cela eft , je ne vois
p-as ce que c'eft qui pourroit ne point pafTer
pour vérité dans la morale , & n'être pas
introduit & prouvé dans la Phyfique.
Qu'on reçoive comme certain & indu-
bitable ce principe de quelques anciens
Philofophes , que tout eji matière , & qu'il
r.'y a aucune autre chofe , il fera aifé de
voir par les écrits de quelques perfonnes
qui de nos jours ont renouvelle ce Dogme ,
dans quelles conféquences il nous enga—
géra. Qu'on fuppofe avec Polemon que le
Monde eft Dieu , ou avec les Stoïciens que
c'eft Vétker ouïe foleil, ou avec Anaximenes
que c'eft Yair ; quelle Théologie , quelle
Religion , quel Culte aurons-nous ? Tant
il eft vrai que rien ne peut être fi dange-
reux que des principes qu'on reçoit fans les
mettre en queftion , ou fans les examiner ,
& fur-tout s'ils intérefTent la morale qui a
une fi grande influence fur la vie des hom-
mes , & qui donne un tour particulier à
joutes leurs actions. Qui n'attendra avec
Tome IV % H
170 Des Moyens d'augmenter
auii-iii-j — =» raifon une aurre forte de vie d'Arifîîppe
Chap. XII. qui L i foi t confi fier la félicité dans les plai-
firs du corps j que d'Antiji/ieme qui fbu-
tenoir que la vertu fttffîfoit p.ur nous ren-
dre heureux tl De mtme , celui qui avec
Platon placera la hédti'ude d..ns la con-
noiilunce de Dieu , é.evera fon efprit à
d'autres contemplations que ceux qui ne
portent point leur vue au delà de ce coin
de terre & des chofes périiLbles qu'on y
peut poiléder. Celui qui pofera pjur prin-
cipe avec Archelaus, que le jufte &. l'in-
julte, l'honnête & le déshonnête font uni-
quement déterminés par les Loix & non
pas par la nature, aura Lns d^ute d'autres
mei'ures du bien & du nul moral , que
ceux qui reconnoiilent que nous fommes
fujets à des obligations antérieures à toutes
les confirmions humaines.
point un $• 5- si donc des principes, c'eft-à-dire
moyen cer- ceux qui pillent p^ur tels, ne font pas
tam de trou- C€rc<ijng r ce que nous devons connoître
ver la venté. . v n c , , n-
par quelque moyen , afin de pouvoir diuin-
guer les principes certains de ceux qui font
douteux ) in iis le deviennent feulement à
notre ég- rd par un confentement aveugle
qui nous les fa lie recevoir en cette qualité,
il eft à craindre qu'ils ne nous égarent.
Ainfi bien loin que les principes nous
conduifenr dms le chemin de la vérité,
ils ne ferviront qu'a mus confirmer d-ns
M . l'erreur,
moyen <eo- $• 6. Mais comme la connoifïance delà
nofre Connoijjan.ee. Liv. IV. 171
certitude des principes , aufli-bien que de ."â*
toute autre vérité , dépend uniquement de Lhap- XII»
la perception que nous avons de la con- .„
r i,i/- , • j - »"e a corn-
venance ou de la ditconvenance de nos idées, parer <]es
je fuis fur que le moyen d'augment.r nos idées claire*
connoiffances , n'eft pas de recevoir des & complets
principes aveuglement & avec une ici îm- fixes & dé-
plicite ; mais plutôt , à ce que je crois , terminé»»
d'acquérir & de fixer dans notre efprit des
idées claires , diftinétes & complettes , au-
tant qu'on peut les avoir , & de leur aifi-
gnerdes noms propres & d une fignification
confiante. Et peut-être que par ce moyen ,
fans nous faire aucun autre principe que
de confidérer ces idées , & de les comparer
l'une avec l'autre, en trouvant leur con-
venance, leur difeonvenance, Se leurs dif-
férens rapports; en fuivant , dis-je , cette
feule règle , nous acquerrons plus de vraies
& claires connoiffances qu'en époufant cer-
tain; principes, & en foumettant ainii notre
efprit à la diferérion d'autrui.
§. 7. C'efl pourquoi , fi nous voulons Lavraîe
nous conduire en ceci félon les avis de la méthode d'à*
raifon , il faut que nous réglions la méiho- vnncer !a
ce que nous Juivons dans nos recherches c'eft en con-
fur les idées que nous examinons^ & fur gérant nos
la vérité que nous cherchons. Les vérités [ÏÏ*5 ab*raia
générales & certaines ne font fondées que
fur les rapports des idées abftraites. L'ap-
plication de l'efprit , réglée par une bon-
ne méthode , & accompagnée d'une grande
pénétration qui lui faHè trouver ces diffé*
H a
Chap. XII.
171 Des Moyens d'augmenter
renrs rapports , eu le feul moyen de décou-
vrir tout ce qui peut former avec vérié &c
avec certitude des propositions générales
fur le fujet de ces idées. Et pour appren-
dre par quels degrés on doit avancer dans
cette recherche, il faut s'adrefTer aux Mathé-
maticiens qui de commencemens fcrtclairs&
fort faciles montent par de petits degrés & par
une enchaînure continuée de raifonnemens,
à la découverte & à la démoniïration des
vérités qui paroiflent d'abord au deiius de
la capacité humaine. L'art de trouver des
preuves & ces méthodes admirables qu'ils
ont inventées , pour démêler & mettre en
ordre ces idées moyennes qui font voir
démonitrafivement l'égalité ou l'inégalité
des quantités qu'on ne peut joindre im-
médiatement enfemble, eit ce qui a porté
leur connoiflance fi avant , & qui a pro-
duit des découvertes fi étonnantes & h inef-
pérées. Mais de favoir fi avec le tems on
ne pourra point inventer quelque fembla-
ble méthode à l'égard des autres idées ,
aufli-bien qu'à l'égard de celles qui appar-
tiennent à la Grandeur , c'eft ce que je ne
veux point déterminer. Une çhofe que je
crois pouvoir affurer , c'eft que, fi d'autres
idées qui font les efiences réelles aufli-bien
que les nominales de leurs efpeces , étoient
examinées félon la méthode ordinaire aux
Mathématiciens, elles conduiroient nos pen-
fées plus loin & avec plus de clarté &
d'évidence que nous ne fommes peut-êtr,e
portés à nous le figurer.
notre Connoijfance. Liv. IV. I?3
$. 8. C'eftce qui m'a donné la hardie/Te
d'avancer cette conjecture qu'on a vu dans Chap. XIÏ.
le Chapitre III * de ce dernier Livre ; _
favoir , </i/e /<? Morale ejï aujp capable de méth0de la
démonflration que les Mathématiques. Car morale peut
les idées fur lefquelles roule la morale , j^JP0"®0
étant toutes des eflences réelles , & de telle g,-am] degré
nature qu'elles ont entr'elles , fi je ne me d'évidence,
trompe , Une connexion & une convenan- s"
ce qu'on peut' découvrir , il s'enfuit de là
qu'auffi avant que nous pourrons trouver
Tes rapports de ces idées , nous ferons juf-
ques-là en pofTeffion d'autant de vérités
certaines , réelles Se générales ; Se je fuis
fur qu'en fuivant une bonne méthode , on
pourroit porter une grande partie de la
Morale à un tel degré d'évidence Se de
certitude , qu'un homme attentif Se judi-
cieux n'y pourroit trouver non plus de
lujet de douter, que dans les propofuions
de Mathématique qui lui ont été démon-
trées.
6. 9. Mais dans h recherche que nous .*-?*
talions pour perfectionner la connouTance descescorps,
que nous pouvons avoir des fubftances , on "e peut
le manque d'idées néceflaires pour faire yroèrèsde*
cette méthode nous oblige de prendre un par l'expé»-
routautrechemin. Ici nous n'augmentons pas rience»
notre connoifTance comme dans les modes
( dont les idées abftraites font les eflen-
ces réelles auffi bien que tes nominales )
en contemplant nos propres idées , & en
eanfîdcrant lears rapports Se leurs corref-
H 3
Ï74 Des Moyens a* augmenter
pondances qui dans les fubftances ne nous
CiiAP. XW. f°nt pas d'un grand fecours , par les raifons
que j'ai proposes au long dans un autre
endroit de cet Ouvrage. D'où il s'enfuit
évidemment , à mon avis , que les fubftan-
ces ne nous fournirent pas beaucoup de
connoifTances générales , & que la (impie-
contemplation de leurs idées abftraites ne
nous conduira pas fort avant dans la re-
cherche de la vérité & de la certitude.
Que faut-il d me que naus fa fiions pour
augmenter notre connoilTance à 1 égard des
êtres fubftintiels ? Nous devons prendre
ici une route directement conrraire ; car
n'ayant aucune idée de leurs efiences réel-
les , nous fommes obligés de confidérer les
chofes même tettes qu'elles exiftent , au
lieu de confulter nos propres penfées.
L'expérience doit m'inftruire en cette oc-
canon de ce que la raifjn ne fauroit m'ap»-
prendre ; & ce n'eft que par des expérien-
ces que je puis connoître certainement
quelles autres qualités coexiftent avec celles
de mon idée complexe ; (i par exemple y
ce corps , jaune , pefant , fufible , que j'ap-
pelle or y eft malléable , ou non ; laquelle
expérience, de quelque manière qu'elle réuf-
filfe fur le corps particulier que j'examine ,
ne me rend pas certain qu'il en eft de mê-
me dans tout autre corps jaune , pefant ,
£4ible, excepté celui fur qui j'ai fait l'épreu-
ve ; parce que ce nefl point une confé-
quence qui découle, en aucune manière,.
notre Connoijfance. Liv. IV. ï??
de mon idée complexe; la nécefiïté ou Tin- ■ J
compatibilité de la malléabilité n'ayant au- £*K*' XW*
cune connexion vilible avec la ccmbinaifon
de cette couleur , de cette pefanteur , de
cette fufibilité dans aucun corps. Ce que je
viens de dire ici de l'eiTence nominale de
l'or, en fuppofant qu'elle confifte en un
corps d'une telle couleur déterminée , d'une
telle pefanteur & fufibilité , fe trouvera
véritable, fi l'on y ajoute la malléabilité,
la fixité & la capacité d'être difTous dans
feau régale. Les raifonnemens que nous
déduirons de ces idées ne nous ferviront
pas beaucoup à découvrir certainement d'au-
tres propriétés dans les martes de matière
où l'on peut trouver toutes celles-ci. Com-
me les autres propriétés de ces corps ne
dépendent point de ces dernières, mais
d'une eflence réelle inconnue , d'où celles-
ci dépendent aufïi , nous ne pouvons point
les découvrir par leur moyen. Nous ne
faurions aller au-delà de ce que les idées
(impies de notre effence nominale peuvent
nous faire connoître , ce qui n'eft guère
au-delà d'elles-mêmes ; & par conféquent
ces idées ne peuvent nous fournir qu'un
très-petit nombre de vérités certaines ,
uni.erfelles & utiles. Car ayant trouvé
par expérience que cette pièce particulière
de ma'iere eft malléable , aufîï-bien que
toutes les autres de cette couleur , de cette
pefanteur & ds cette fufibilité , dont j'aie
jamais fait l'épreuve, peut-être qu'à pré-
Ij6 Des Moyens d'augmenltr
j — ' . ....a font la malléabilité fait une partie de mon
Chap, XII.. idée complexe , une partie de mon efTence
nominale de l'or. Mais quoique par-là je
fafTe entrer dans mon idée complexe à la-
quelle j'attache le nom d'or, plus d'idées
fïmples qu'auparavant , cependant comme
cette idée ne renferme pas l'efience réelle
d'aucune efpece de corps, elle ne me fcrt
point à connoître certainement le refte des
propriétés de ce corps, qu'autant que ces
. propriétés ont une connexion vifible avec
quelques - unes des idées , ou avec toutes
les idées fïmples qui condiment mon ef-
fence nominale : je dis connoître certaine»
ment , car peut-être qu'elle peut nous aider
à imaginer par conjecture quelqu'autre pro-
priété. Par exemple , je ne faurois et ;<e
certain par l'idée complexe de l'or que je
. viens de propofer, fi l'or elt fixe ou non;
parce que ne pouvant découvrir aucune
eonnexim ou incompatibilité nécefTaire en-
tre l'idée complexe d'un corps jaune , pe~-
faut , fufible & malléable , entre ces qua-
lités , dis-je , & celle de la fixité, de forte
que je puifie connoître certainement, que
dans quelque corps que fe trouvent ces
qualités-la ,. ils font afTurés que la fixité y
eu aufll. Pour parvenir à une entière cer^
titude fur ce point , je dois encore recou-
rir à l'expérience ; & aulîi loin qu'elle s'é-
tend, je puis avoir une connoiffance cer-
taine , & non au-delà..
§. io. Je ne nie pas qu'un homme ac-
notre Connoijfance. Liv. IV. 177
coutume à faire des expériences raifonna- — - — '-—&■
blés & régulières ne foit capable de pané- Chap' Xi1,
trer plus avant dans la nature des corps,- çeJa t-
& de former àes conjectures plus juftes fur nous procu- I
leurs propriétés encore inconnues , qu'une rer fiés co™-
- r r , . . r , - x • modites , 6c-
perfonne qui n a jamais longe a examiner non une con_.
ces corps ; irais pourtant ce n'eft , com- noiflance gé*-
me j'ai d^jà dit , que jugement & opinion , ^é^6*
& non connoiiTance & certitude. Cette
voie d'acquérir de la connoi (Tance fur le"
fujet des Tubflances & de l'augmenter par-
ie Teul fecours de l'expérience & de l'hif-
toirc ,. qui eït tout ce que nous pouvons
obtenir de la foiblefle de nos facultés dans
l'état de médiocrité où elles fe trouvent:
dans cette vie ; cela , dis-je , me fait croire
que la Phyfique n'eft pas capable de de-
venir une feience entre nos mains. Je
m'imagine que nous ne pouvons arriver qu:à
une fort petite connoiiTance générale tou-
chant les efpeces des corps & leurs diffé-
rentes propriétés. Quant aux expériences
& aux obfervations Hiftcriques., elles peu-
vent nous fer vit par- rapport à la- com-~
modiré & à la Tante de nos corps , & par-îà-
augmenter le. fonds dès commodité de l&-
vie ; mais je doute que nos talens aillent:
au-delà, & je m'imagine que nos facultés'
Tont i ne jpables d'étendre plus loin nos con^
noifTances, _,. -f-
K ti rt «i- t i- t\- IVCH5 iôfïia-
9. il. Il elt naturel de conclure de la., -mes faits peu*"
que, puilque nos facultés ne Tont pas ca- cultiver les-
gables de nous faire difeerner la fabrique S3S*i
H- 5
ï7$ Des Moyens- d'augmenter
f1 ' '= intérieure & les efTences réelles des corps-,
Chap. XII. quoiqu'elles nous découvrent évidemment
l'exiftence d'un Dieu, & qu'elles nous
ceflaires à " donnent une afTez grande connoiflance de
ssnfi.vie. nous-mêmes pour nous inftruire de nos.
devoirs & de nos plus grands inrérêts ,
il nous fieroit bien , en qualité de créatu-
res raifonnables , d'appliquer les facultés
dont Dieu nous a enrichis , aux chofes
auxquelles elles font les plus propres , &
de fuivre la direction de la nature où il
femble qu'elle veut nous conduire. Il eft ,.
dis-je , raifonnable de conclure de là que
notre véritable occupation confifte dans
ces rechercher & dans cette efpece de con-
noiflance qui eft ia plus proportionnée à
notre capacité naturelle & d'où dipend
notre plus grand intérêt , je veux dire notre
condition dans l'éternité. Je crois donc être
en droit d'inférer de là , que la Morale efî
la propfe fcience & la grande affaire des:
hommes en général , qui font intérefles à
chercher le fouverain bien , & qui font
propres à cette recherche , comme d'autres
par différens Arts qui regardent différentes
paries de la nature, font le partage & le
talent des particuliers qui doivent s'y ap-
pliquer pour l'ufage ordinaire delà vie,&
pour leur propre fubfîftancedans ce monde.
Pour voir d'une manière inconteftsble de-^
quelle conféquence peut être pour la vie
humaine, la découverte & les propriétés d'un
3fe»i: corps, nacurel , il ne faut que jetteriez
notre Connoijfance. Liv. IV. 179
yeux fur le vafte Continent de l'Améri- =
que, où l'ignorance des Arts les plus utiles, C,HAP' x *
.& le défaut de la plus grande partie des
commodités de la vie , dans un pays où la
nature a répandu abondamment toutes for-
tes de biens , viennent , je penfe , de ce
que ces Peuples ignoroient ce qu'on peut
trouver dans une pierre fort commune &
très-peu eftimée , je veux dire le fer. Et
quelle" que foit l'idée que nous avons de
la beauté de notre génie ou de la per-
fection de nos lumières dans cet endroit
de la terre où la connoiiïance & l'abondince
femblent fe disputer le premier rang ; ce-
pendjnt quiconque voudra prendre la peine
de confidérer la chofe de près , fera con-
vaincu qne fi ïufage du fer étoit perdu-
parmi nous , nous ferions en peu de fiecles'
ine'vitablement réduits à la néceflité & à-
l'ignorance des anciens Sauvages de l'A-
mérique , dont les ra'.ens naturels Se les
provifions néçefTaires à la vie ne font pas
moins confidérables que parmi les Nations
les plus floriffantes & les plus polies. De
forte que celui qui a le premier fait con-
nokre l'ufage de ce feul métal dont on fait'
fi peu de cas, peut être jugement appelle.
le Pore de* Arts &- l'Auteur de l'Abon-
dance.
$. 12. Je ne voudrois pourtant pas qu'or.* -^3°"^ 5*
orût que je méprife ou que je dilfuade l'é-- garder c'e^
tude de la nature. Je conviens fans peine %P*t*>éfés
1 ». . . - _ l et ces tsar.
«çae la contemplation de- ies Ouvrages nous Principes
H. 6-
Char. XII.
180 Des Moyens d 'augmenter
~ donne fujet d'admirer , d'adorer & de gïo^-
rifier leur Auteur ; & que fi cette étude elt
dirigée comme il faut, elle peut être d'une-
plus grande utilité au genre-humain que-
ïes monumens de la plus iniigne charité 9
qui ont été élevés à grands fr.;is par les
Fondateurs des Hôpitaux. Celui qui inventa
^Imprimerie , qui découvrit l'ufage de 11
BoufFole, ou qui fit connoître publiquement
la vertu & ië véritable ufagedu Quinquina ,
a plus contribué à la propagation de la
connoifTance , à l'avancement des commo-
dités utiles à la vie , & a fauve plus de
gens du tombeau que ceux qui ont bâti
des Collèges , des ( i ) Manufactures & des
Hôpitaux. Tout ce que je prétends dire ,
c'efl que nous ne devons pas être trop-
prompts à- nous figurer que nous avons-
acquis, ou que nous pouvons acquérir de
la cormoiflance où il n'y a aucune con-
noiffi»nce à efpérer , ou bien par des voies,
qui ne peuvent point nous y conduire , &
que nous ne devrions pas prendre de fyf-
têmes douteux pour des Sciences complet-^
tes, ni des notions inintelligibles pour des -
démonftrations parfaites. Sur la connoiflance
des corps nous devons nous contenter de
tirer ce que nous pouvons des expériences
particulières , puifque nous ne faurions for-
cer un fyfrême .complet fur la déc uverte^
(î) Ce mot figmfiè ici ié lieu où Ton travaillai.
notre Connoijfance. Liv. IV. r8r
de leurs efTences réelles , & raffembler en « ■■ g»
en tas la nature Se. les propriétés de toute Chap. XII».
fefpece. Lorfque nos recherches roulent
fur une co-exiitence ou une impoffibilité
de co-exifter que nous ne faurions décou-
vrir par la confidération de nos idées , il'
faut que l'expérience , les obfervations &t
i'hiftoire naturelle nous fafTent entrer en
détail & par le feccurs de nos fens dans
la connoiffance des fubft'ances corporelles.-
Nous devons , dis-je , acquérir la connoil-
fance des corps prr le moyen de nos fens,.
diverfement occupés à obferver leurs qua- .
lités , & les différentes manières dont ils
opèrent l'un fur l'autre. Quant aux efprits
féparés , nous ne devons efpérer d'en favoir
que ce que là révélation nous enfeigne»
Qui confidérera combien les maximes gêné--
raies y les principes' avancés gratuitement a.
& les hypothefes faites à plaijir ont peu
fervi à avancer la véritable connoijfance 3
& à fatisfaire les gens raifonnables dans
les recherches qu'ils ont voulu faire pour
étendre leur lumières ; combien l'applica-
tion qu'on err a fait dans cette vue a peu.
contribué pendant plulTeurs fiecles confé~-
cutifs à avancer les hommes dans la con-
noiffance de la Phyfique , n'aura pas de-
peine à reconnoître qne nous avons fujet:
de remercier ceux qui dans ce dernier
fiecle ont pris une autre route , & nous-
ont tracé un chemin , qui , s'il ne conduiL-
gas iî aifément à une doâe ignorance: m
r8l Des Moyens d'augmenter
mené plus fûrement à des connoiflanecs
Chap. XII. utiies.
$. 13. Ce n'eft pas que pour expliquer
ufage des des phénomènes de la nature nous ne puif-
hypothèfes. fions nous fervir de quelqu hypothefe pro-
bable, quelle qu'elle foit ; car les hypo-
thefes qui font bien faites , font au moins
d'un grand fecours à la mémoire , & nous
conduifent quelquefois à de nouvelles dé-
couvertes. Ce que je veux dire , c'eft que
nous n'en devons embrafler aucune trop
promptement , ( ce que t'efprir de l'homme
eft fort porté à faire, parce qu'il voudroit
pénétrer dans les caufes des chofes , &
avoir des Principes fur lefquels il pût
s'appuyer ,) jufqu'à ce que nous ayons •
exactement examiné les cùs particuliers ,-
& Lit plufieurs expériences dans la choie
que nous voudrions expliquer par le fe-
cours de notre hypothefe , 8c que nous •
3yions vu fi elle conviendra à tous ces cas,
fi nos principes s'étendent à tous les phé-
nomènes de la nature, & ne font pas auflr
incompatibles avec l'un , qu'ils iemblent
propres à expliquer l'autre. Et enfin , nous
devons prendre garde que le nom de-
Principe ne nous fafTe iliufion , & ne nou3.;
\mpofe en nous faifant recevoir comme une.
vérité incomefLhle , ce qui n'eft tout au»'
plus qu'une conjecture fort incertaine ,.
telle que font la plupart des hypotheies qu'on-:
flût dans îiPhyfique ; j'ai çenfé dire-t oui ess
fans exception»
notre Conncijfance. Liv. IV. 183
§. 1^. Mais foit que la Phyfique foit ca- ^'
pable de certitude ou non , il me femble Chap« xii°
que voici en abrégé les deux moyens d'é- . . ,
tendre notre connoiffance autant que nous idées claires
fommcs capables de le faire. & diftinftes
I. Le premier eft d'acquérir & d'établir Z^ûïes &
Jrî/Z5 norre e/prif <&.$ *</£« déterminées des trouver d'au-
choies dont nous avons des noms généraux tre.s J^ees a.UI
Jr. . . ,, -, i s, pumentmon-
ou fpecinques , ou du moins de toutes celles irerleurcon-
que nous voulons considérer , & fur lef- venance, ou
quelles nous voulons raifonner& augmenter îeurdifcon-
3 -ir r*. r r j -j' venance.ee-
notre connoijjance. Que il ce iont des idées fonr les mo—
spécifiques de fubftances , nous devons ta- yens d'éten—
cher de les rendre auffi complettes que nous ^fonces?"*"
pouvons : par où j'entends que nous de-
vons réunir autant d'idées (impies , qui
étant obfervées exifîer conftamment en-
femble , peuvent parfaitement déterminer
Vefpece ; & chacune de ces idées fimples.
qui conftituent notre idée complexe , doit
être claire & diftinéte dans notre efprir».
Car comme il eft vifible que notre con-
noifTance ne fauroit s'étendre au-delà de-
nos idées, tant que nos idées font impar-
faites , confufes ou obfcures , nous ne pou-
vons point prétendre avoir une connoif—
fance certaine, parfaite , ou évidente.
II. Le fécond moyen , c'eft Vart de trou* LesrmtW-
ver des idées moyennes qui nous puijfint matiques «m
faire voir lu convenance ou Vincompadbi- f°ntune*em—
li té des autres idées qu'on m peut comparer
Immédiatement.
£. 1 5. Que ce foit en mettant ces deux».
ï8~4 Des Moyens d'augmenter
î~' '.-s moyens en prarique , & non en fe repo-
<£hap. XII.. fant fur des maximes &: en tirant descon-
féquences de quelques propofuions géné-
rales, que confifte la véritable méthode
d'avancer notre connoiffance à l'égard des.
autres modes , outre ceux de la quantité ,
c'efr ce qui paroîtra aifément à quiconque
fera réflexion, fur. la connoiffance qu'on
acquiert dans les Mathématiques ; ou nous
trouverons premièrement , que quiconque*
n'a pas une. idée claire & parfaite des:
angles ou des figures fur quoi il defire de
connoître quelque chofe , eit dès-là en-
tièrement incapable d'aucune connoiuance
fiir leur fujet. Suppofez qu'un homme
n'ait pas une idée exa&e & parfaite d'un^
Angle droit , d'un Scalene ou d'un Trapèze ,.
il eft hors de doute qu'il fe tourmentera
en vain à former quelque démonstration^
fur le fujet de ces figures. D'ailleurs , il eft
évident que ce n'efr pas l'influence de ces
maximes qu'on prend pour principe dans
les Mathématiques , qui a conduit Ip-s Maî-
tres de cette fcience dans les découvertes
étonnantes qu'ils y ont faites. Qu'un hom-
me de bon fens vienne à connoître aufïï
parfaitement qu'if eft poffible ,. toutes ces
maximes dont on fe fert généralement d:ns
les Mathématiques ; qu'il en confidère l'é-
tendue & les conféquences tant qu'il vou-
<itra , je crois qu'à peine il pourra jamais ve-
nir, à connoître pair lsur fecours, que dans .
wi triangle rectangle le quarré de /'/fggo*-
notre Connoijfance. Liv. IV. I S 5
thénvfe ejl égal au quarré des deux autres =
côtés. Et lorfqu'un homme a découvert la Chap. XIL»
vérité de cette proposition , je ne penfe
pas que ce qui l'a conduit dans cetre dé-
monftration , foit la connoiflànce de -es
maximes , le tout ejl plus grand que toutes
fes parties ; &,// de chofts égales vous en,
ôtei des chofes égales , le refle foit égal ;
car je m'imagine qu'on pourroit ruminer
long- tems ces axiomes fans voir jamais plus
clair dans les vérités Mathématiques. Loriqus
l'efprit a commencé d'acquérir la connoif-
fance de ces forces de vérités , il a eu de-
vant lui des objets , & des vues bien diffé-
rentes de ces maximes , & que des gens
à qui ces maximes ne font pas inconnues ,
mais qui ignorent la méthode de ceux qui
ont les premiers découvert ces vérités , ne
fauroient jamais affez admirer. Et qui fait
fi pour étendre nos ccnnciifances dans les
autres feiences , on n'inventera point un.
jour quelque méthode qui foit du même
ufage que l'Algèbre dans les Mathématiques,
par le moyen de laquelle on trouve fi promp-
tement des idées de quantité piur en me-
forer d'autres , dont on ne pourroit con-^
noître autrement l'égalité ou la proportion
qu'avec une extrême peine , ou qu'on ne
onnokroit peut-être jamais ?
186* Autres Confédérations fur
CHAPITRE XIII.
Autres Confi 'dérations fur notre Connoif-
fance.
Chap. XIII. §. I. In Otre connoifTance a beaucoup de
conformité avec notre vue par cet endroit
Notre con- ( auiïi-bien qu'à d'au*res égards ) qu'elle
noifor.ce eft \ n ., ^ > rr ■ • ■>
en pirHe né- n e" entièrement necellaire , ni entièrement
ceiln-e , & volontaire. Si- notre connoitfonce étoit tcut-
Iont 'teV0" à-fait n'ceiîaire , nan-ieuîement toute la
connoiflance des hommes ferait égale ,
mais encore chaque homme connoîtroit tout
ce qui pourrait être connu ; & fi la con-
noillance étoit entièrement volontiire , il
y a des gens qui s'en mettent fi peu en
peine , ou qui en font fi peu de cas , qu'ils
en auroient très-peu , ou n'en auroient
abfolument point. Les hommes qui ont des
fens , ne peuvent que recevoir quelques
idées par leur moyen ; & s'ils ont la faculté*
de dittinguer les objets , ils ne peuvent
qu'appercevoir la convenance ou la difcon-
venance que quelques-unes de ces idées
ont entr'elles ; tout de même que celui qui
a des yeux , s'il veut les ouvrir en plein
jour, ne peut que voir quelques objets , &
reconnoître de la différence entr'eux. Mais
quoiqu'un homme qui a les yeux ouverts
à la lumière , ne puiife éviter de voir ,. il
notre Connoijjante. Liv. IV. 187
y 3 pourtant certains objets vers lefquels ~ ' ^,„
il déoeo: Je lui de tourner les yeux , s'il
veut. i'-i simple, il peut avoir à fa d'if-
politian un Livre qui con*ienne des pein-
tures & des difcours , capables de lui plaire
& de l'inftruire, mais il peut n'avoir ja-
m is envie de l'ouvrir, & ne prendre ja-
mais la peine de jetter les yeux deflus.
§. a. Une autrre chofe qui e^t au pou- L'appHca-
voir d'un homme , c'eit qu'eue re qu'il tion eft vo-
tourne quelquefois les yeux vers un cer- °"ï?lTe ÎL
. • t J mais nous
tain objet , il eu pourrant en liberté de le connoiffbns
confidérer curieufemen: &z de s'attacher les chofes,
a i- comme elles-
avec une extrême application a y remir- font( & non
quer exactement tout ce qu'on y peut voir, com-neil
Mais du refte il ne peut voir ce qu'il voit , nous ^t»
autrement qu'il ne fait. Il ne dépend point
de fa vol iné de voir noir ce qui lui paroît
jaune , ni de fe perfuader que ce qui l'é-
chauffé actuellement , eft froid. La terre ne
lui paroîtra pas ornée de fleurs ni les champs
couverts de verdure toutes les fois qu'il le
fouhaitera; fie fi pendant l'hyver il vient à
regarder la campagne, il ne peut s'empê-
cher de la voir couverte de gêiée blanche. Il
en eil juilernen: de même à l'égard de notre
entendement ; tout ce qu'il y. a de volon-
taire dans notre connoiflance , c'efl d'ap-
pliquer quelques-unes de nos facultés à
telle ou à telle efpece d'objets , ou de les
en éloigner & de confidérer ces objets
avec plus ou tmins d'exactitude. Mais ces.
facultés une fois appliquées à cette con?
ï88 Autres Confidérations fur
* =a templation , notre volonté n'a plus la puif-
Chap. XIII. fance de déterminer la connoiffance de l'efc
prit d'une manière ou d'autre. Cet effet eft
uniquement produit par les objets mêmes ,
jufqu'où ils font clairement découverts.
C'eft pourquoi tant que les fens d'une per-
fonne font affectés par des objets extérieurs,
jufques-là fon efprit ne peut que recevoir
îes idées qui lui font présentées par ce
moyen, & être affuréde l'exirtence de quel-
que chofe qui eft hors de lui ; & tant que
les penfées des hommes font appliquées à
confidérer leurs propres idées déterminées,
ils ne peuvent qu'obferver en quelque de-
gré la convenance & la difconvenance qui
le peut trouver entre quelques-unes de ces
idées, ce qui jufques-là eft une véritable
connoiffance ; & s'ils ont des noms pour
défigner les idées qu'ils ont ainfi confidé-
sées , ils ne peuvent qu'être affurés de
la vérité des proportions qui expriment
h convenance ou la difconvenance qu'ils
apperçoivent entre ces idées , & être cer-
tainement convaincus de ces vérités. Car
un homme ne peut s'empêcher de voir ce
qu'il voit , ni éviter de connoître qu'»1
apperçoir. ce qu'il apperçoit effectivement.
daSSïim- V- ?• Ainfi > ceIui ^ui' a acc?uis ,es ide'es"
bres. àes nombres & a pris la peine de com-
parer , un , deux & trois avec fix , ne peut
s'empêcher de connoître qu'ils font égaux.
Celui qui a acquis l'idée d'un triangle , &
a trouvé le moyen de mefurer fes angles %
Chap. XIII.
notre ConnoiJJance. Liv. IV. 189
& leur grandeur , eft afluré que Tes trois
angles font égaux à deux droits ; & il n'en
peut non plus douter que de la vérité de
cette propofition , il ejl impojfible q u une
chofe [oit & ne [oit pas.
De même, celui qui a l'idée d'un être ,Et. danS Ia
• /• -i 1 o c -i r 1 religion na-
ïntelligcnt, mais foible & fragile, forme turelle.
par un autre dont il dépend, qui eft éter-
nel , tout-pui liant , parfaitement fage , &
parfaitement bon , connoîtra aulli certaine-
ment que l'homme doit honorer Dieu ,
le craindre & lui obéir f qu'il eft afluré
que le foleil luit quand il le voit actuelle-
ment. Car s'il a feulement dans fon efprit
des idées de ces deux fortes d'êtres , tk. qu'il
veuille s'appliquer à les coniidérer , il trou-
vera aufli certainement que l'être inférieur ,
fini , & dépendant , eft dans l'obligation
d'obéir à l'Etre fupérieur & infini , qu'il eft
certain de trouver que trois , quatre & fept
font moins que quinze, s'il veut confidérer
& calculer ces nombres ; & il ne fauroit
être plus afluré par un tems ferein , que le
foleil eft levé en plein midi , s'il veut ou-
vrir fes yeux & les tourner du côté de cet
.aftre. Mais quelque certaines & claires que
foient ces vérités , celui qui ne voudra ja-
mais prendre la peine d'employer fes fa-
cultés comme il devroit , pour s'en inftruire,
pourra pourtant en ignorer quelqu'une y
ou toutes enferable.
190 Du Jugement. Liv. IV.
CHAPITRE XIV.
Du Jugement,
Chap. XIV. $. I. JLi E S facultés intellectuelles n'ayant
pjs écé feulement données à l'homme
Notrecon- p^f la fpéculation , mais auffi poui la con-
noiiicincc
étant fort duite de ù vie , l'homme ferait dans un
■komée, nous trifte état , s'il ne p^uvoit tirer du fecours
ieqûêlqufeiB P0Ur Cette dïreâ™a que des chofes 9ui
autrechofe. font fondées fur la certitude d'une véritable
connoiiTance ; car cette efpece de connoif-
fance étant refrénée dans des bornes fort
étroites , comme nous avons déjà vu , il fe
trouveroit fouvent dans de parfaites ténè-
bres , & tour-à fait indéterminé dans là
plupart des actions de fa vie , s'il n'avoit
rien pour fe conduire dès-qu'une conneif-
fance claire & certaine viendrait à lui man-
quer. Quiconque ne voudra manger qu'ar-
près avoir vu démonftrativement qu'une
telle viande le nourrira , ik quiconque ne
voudra agir qu'après avoir connu infailli-
blement que l'affaire qu'il doit entreprendre
fera fui vie d'un heureux fuccès, n'aura guère
autre chofe à faire qu'à fe tenir en repes
Queîufage & à , . en de £ems>
on doit raire r r
de ce crépuf- $. 1. C'eft pourquoi comme Dieu a ex-
culeoù nous p0f£ certaines chofes à nos yeux avec une
**n^ede.dnJ §n"ere évidence , & qu'il nous a donne
Vu Jugement. Liv. IV. 191
quelques connoiflances certaines , quoique ^^^7
s-éduite> à un très-petit nombre , en com- ' '
par^ifon de tout ce que les créatures in-
tellectuelles peuvent comprendre , & dont
celles-là f>nt apparemment omme des
.avant-goût , p3r où il nous veut porter à
defirer & à rechercher un meilleur état; il
ne nous a fourni audi , par rapport a la
plus grande partie des chofes qui regar-
dent nos propres intérêts, qu'une lumière
obfcure, & un (impie crépufcu!e de pro-
babilité, ii j'ofe m'expritncr ainli, confor-
me à Tétat de midio:nté 6c d'épreuve où
il lui a plu de nous mettre d^ns ce monde ;
afin de réprimer par-la notre préfomption
& la connance exceflîve que nous avons en»
n^us-mèmes , en nous f îfant voir fenfi-
blement , par une expérience journalière ,
combien notre efprit eit borné 6c fu,et à
l'erreur : vérité dont la convictnn peut
nous ère un averriflement continuel d'em-
ployer les jouis de no're pèlerinage à cher-
cher 6c a fuivre avec tout le foin & trsute
l'induftrie dont nous fommes capables, le
chemin qui peut nous conduire a un érar
beaucoup plus parf.it. Car rien n'elr p!u3
raifonn^ble que de penfer , ( quand bieil
la révélation fe t.iroic fur cet article )quer
félon que les hommjs fonr valoir les talent
que Dieu leur a donnés dans ce monde,
ils recevront leur réa mpenfe fur la fin du.
jour , lorfque le foleil lera couché pour
eux , & que la auit aura terminé leur*
trayaux,
ïoî Du Jugement. Liv. IV.
*«-*— ■ "——■ $. 3. La faculté que Dieu a donnée!
Ckap, XIV. l'homme pour fuppléer au défaut d'une
connoifTance claire & certaine dans des
me»t fupplée cas ou l°n ne Peut l'obtenir , c'eft le Ju-
a« défaut de gcment , par où î'efprit fnppofe que fes idées
iaconno conviennent ou diiconviennent, ou ce qui
eft la même choie , qu'une propofuion efl
vraie ou fauffe , fans appercevoir une évi-
dence dérnonflrative dans les preuves. L'ef-
prit met fauventenufage.ee jugement par
nécefTité, dans des rencontres où l'on ne
peut avoir des preuves démonflratives &
une connoifî'ance certaine ; & quelquefois
aufll il y a recours par négligence , faute
d'adreffe, ou par précipitation, lors même
qu'on' peut trouver des preuves démonf-
tratives & certaines. Souvent les hommes
ne s'arrêtent pas pour examiner avec foin
la convenance ou la difeonvenance de deux
idées qu'ils fouhairent ou qu'ils font intéref-
fés de connoître ; mais incapables du degré
d'attention qui efl requis dans une longue
fuite de gradations , ou de différer quelque
tems à fe déterminer , ils jettent légère-
ment les yeux deifus , ou négligent entiè-
rement d'en chercher les preuves ; & ainfi
fans découvrir la démonftration , ils déci-
dent de la convenance ou de la difeonve-
nance de deux idées à vue de pays , fi j'ofe
ainfi dire, & comme elles paroiffent con-
sidérées en éloignement , fuppofant qu'elles
conviennent on difeonviennent , félon qu'il
ieur paroît plus vraifemblable , après unfi
lége*
Du Jugement. Liv. IV. I93
léger examen. Lorfque cetre faculté s'exerce < ' "'g
immédiatement fur les chofes , on la nomme Chap. XIV.
Jugement ; & lorfqu'elle roule fur des vé-
rités exprimées par des paroles , on l'ap-
pelle plus communément ajfenîiment ou
dijfentiment ', & comme c'eft-là la voie la
plus ordinaire dont l'Efprit aoccafion d'em-
ployer cette faculté , j'en parlerai fous ces
noms-là comme fujets à équivoque dans
notre Langue.
$. 4. Ainfi l'efprit a deux facultés qui Le juge-
s'exercent fur la Vérité & fur la Fauffeté. ment confiffe
Un , • rr \ à prefumer
première, eit la connoniance par ou que!escho-
l'efprit apperçoit certainement & efl indu- fes font d'une
bitablement convaincu de la convenance ou ce rta,ne ma~
j 1 at pl a niere, fans
de la diiconvenance qui eit entre deux rappeçcevoir
idées. certaine-
La féconde efl le Jugement qui coufifte mento
à joindre des idées dans l'efprit , ou à les
féparer l'une del'aurre, lorsqu'on ne voit
pas qu'il y ait entr'elles une convenance
ou une difconvenance certaine , mais qu'on
le préfume, c'eft- à-dire , félon ce qu'em-
porte ce mot , lorfqu'on \epiend ainfi avant
qu'il paroiffe certainement. Et û l'efprit
unit ou fépare les idées , félon qu'elles font
dans la réalité des chofes , c'eft un luge*
gement droit,
iTomcIF. I
*94 Dtla Probabilité. Liv. IV.
CHAPITRE XV.
.De la Probabilité.
Chap. XV. $. I. \^j Omîo la démonftrauon con-
iifte à montrer la convenance ou la difcon-
, ..I<a,P^)lja" ven.;nce de deux idées, l'intervention d'une
bilite eu 11/- t..
l'apparence ou de piulieurs preuves qui ont entr elles
fîe la conve- une liaifon confLnre, immuable, vifible ;
jiancefurdesd même h proj,abuité 0'efl. autre chofe
preuves qui
/ie font pas que 1 apparence dune relie convenance ou
infaillibles, difconveounce par l'intervention de preuves
dont la connexion n'eft point confinante &
immuable, ou du moins n'elt pas apperçue
comme telle, ro_is eir ou parok être ainfi ,
le plus fouvent , & fuiîic pour porter l'es-
prit à juger que la propoiicion eft vraie
ou faufïe plutôt que le contraire., Par exem-
ple , dans la démonstration de cette vérité ,
les trois angles d'un triangle font égaux à
deux droits , un homme apperçoit la con-
nexion certaine & immuable d'égalité qui
eft entre les trois angles d'un triangle , &
les idées moyennes dont on fe fert pour
prouver leur égalité à deux droits ;& ainfi,
parunec mnoiltanceintuirivede la convenan-
ce ou de la difconvenance des idées moyen-
nes qu'on emploie dans chaque degré delà dé-
duction , toute la fuite fe trouve accompa-
gnée d'une évidence qui montre claire-
De la Probabilité. Liv. IV. 19^
•teént !a convenance ou la difconvenance de 1- ~ ■■* •
-ces trois angles en égalité à deux droits : Cmap. XY.
& par ce moyen il a une connoilfance cer-
taine que cela eft ainfi. Mais un autre hom-
me qui n'a jamais pris la peine de confdé-
rer cette démonftration , entendant affirmer
à un Mathématicien , homme de poids ,
que les trois angles d'un triangle font égaux
à deux droits , y donne fon confentement ,
c'eft-à-dire, le reçoit pour véritable: auquel
cas le fondement de fon afTentiment, c'eil
la probabilité de la chofe , dont la preuve
eft pour l'ordinaire accompagnée de la vé-
rité , l'homme fur le témDÎgnagne duquel il
la reçoit n'ayant pas accoutumé d'affirmer
une chofe qui foit contraire à fa connoif-
•fance ou au defius de fa connoiffance , fur-
tout dans ces fortes de matières. Ainfi, ce
qui lui fait donner fon confentement à
cette propofnion, que les trois angles d'un
triangle font égaux a deux droits , ce qui
l'oblige à fuppofer de la convenance entre
ces idées fcn? connoître qu'elles -convien-
nent effectivement , c'eft la véracité de ce-
lui qui parle , laquelle il a fouvent éprouvée
en d'autres rencontres , ou qu'il fuppoie
dans celle-ci.
§. a. Parce que notre conhoiffance eft
teflerrée dans des bornes fort étroites , bilitéfupplie
comme on l'a déjà montré , & que nous au défaut de
ne fommes pas alfez heureux pour trou- connolffance»
ver certainement la vérité en chaque cho-
ie que nous ayons occafion de confidérer ;
l %
IQ6" De la Probabilité. Liv. IV.
la plupart des propofitions qui font l'objet
Chap. XV. de nos penfées , de nos raifonnemens , de
nos difcours , & môme de nos adions ,
font telles que nous ne pouvons pas avoir
une connoiliance indubitable de leur véri-
té. Cependant, il y en a quelques-unes
qui approchent û fort de la certitude , que
nous n'avons aucun doute fur leur fujet ;
de forte que nous leur donnons notre aC-
fentiment avec autant d'affurance , 6c que
nous agiifons avec autant de fermeté en
vertu de cet ajfentiment , que fi elles étoient
démontrées d'une manière infaillible , &
que nous en euffions une connoiilance par-
faite & certaine. Mais, parce qu'il y a en
cela des degrés depuis ce qui "eft le plus
près de la certitude & de la démonftra-
tion jufqu'à ce qui eft contraire à toute
vraifemblance & près des confins de l'im-
poffible , & qu'il y a auffi des degrés d'affen-
timent depuis une pleine ajfurance jufqu'à
la conjecture , au doute , & à la défiance ;
je vais confidérer préfentement (après avoir
trouvé , fi je ne me trompe , les bornes de
la connoifTance & de la cerritude humai-
ne) quels font les dijférens degrés & j'on-
demens de la probabilité , & de ce qu'on
nomme Foi ou affennment.
Parce qu'el- * ^ La probabilité eft la vraifemblan-
le nous fait ' ?.. ' , , r rt / • u ,
préfumer ce qu il y a quune choie eft véritable ,
queleschofes ce terme même délignant une proposition
font venta- f . conr]rmation de laquelle il y a des
VI 65 y avant * \ i /■ * /T"
«lue nous preuves propres a la faire palier ou rece-
De la Probabilité. Liv. IV. Ï97
Toir pour véritable. La manière dont l'ef- J — ' ^s
prit reçoit ces fortes de propofitions , eft Chap- xv«
ce qu'on nomme croyance , affentiment ou ._
~ . -.£ . T • coRnoiflîons
opinion : ce qui conlifte a recevoir une pro- qu'elles le
pofition pour véritable fur des preuves qui foient.
nous perfuadent actuellement à la recevoir
comme véritable , fans que nous ayons une
connoijfance certaine qu'elle le foit effec-
tivement. Et la différence entre la proba-
bilité & la certitude , entre la foi & la con-
noijfance , confifte en ce que dans toutes les
parties de la connoiifance, il y a intuition,
de forte que chaque idée immédiate, cha-
que partie de la déduction a une liaifon
vifible & certaine ; au lieu qu'à l'égard
de ce qu'on nomme croyance , ce qui me
fait croire , eft quelque chofe d'étranger a
ce que je crois, quelqœ chofe qui n'y eft
pas joint évidemment par les deux bouts,
& qui par-là ne montre pas évidemment
la convenance ou la difconvenance des idées
en quefrion,
$. 4. Ainfi la probabilité étant defîinée «
à fuppléer au défaut de notre connoiffan- fondemens
ce , & à nous fervir de guide dans les en- dÇ probabiiî-
droits où la connoiffance nous manque , tfJ^l;lff.oa'
- . " ' rormited une
elle roule toujours lur les propoiitions que chofe avec
qnelques motifs nous portent à recevoir n.otre expe'-
pour véritables , fans eue nous connoifllons ie témoigna-*
certainement qu'elles le font. Et voici en ge de l'expe'-
peu de m)ts quels en font les fondemens. rience des
Premièrement , la conformité d'une cho-
13
loS De la Probabilité. Liv. IV.
(~ * =a fe avec ce que nous connoifîbns , ou avec
£hap. XV. notre expérience.
En fécond lieu , le témoignage des au-»
très appuyé fur ce qu'ils ccnnoiflent ,
ou qu'ils ont expérimenté. On doit con-
fidérer dans le témoignage des autres , I.
Je nombre, a. l'intégrité. 3. l'habileté des-
témoins. 4. le but de l'Auteur lorfque le
témoignage eft tiré d'un livre. 5. L'ac-
cord des parties de la relation & fes cir-
conftances. 6. Les témoignages contraires.
Sur quoi il Ç. 5. Comme la Probabilité nefl pas
faut examiner •. / 1 /•• • j*
toutes les accompagnée de cette évidence qui deter-
convenances mine l'entendement d'une manière infail-
pour & con- jjb|e & qUj produit une connoiflhnce cer-
tre avant que ., r ■ r , .
déjuger. taine, il raut que pour «igir raifonnable-
ment , l'efprit examine tous les fondemens
de probabilité, & qu'il voie comment ils
font plus ou moins , pour ou contre quel-
que propofition probable , afin de rui don-
ner ou refufer fon confentement; & après
avoir duement pefé les raifons»de part &
d'autre, il doit la rejeter ou la recevoir
avec un confentement plus ou moins fer-
me, félon qu'il y a de plus grands fonde-
mens de probabilité d'un côté plutôt que
d'un autre^
Par exemple, fi je vois moi-même un
homme qui marche fur la glace , c'efl plus
que probabilité, c'elt connoi fiance : mais fi
une autre perfonne me dit qu'il a vu en
Angleterre un homme qui ,. au milieu d'an
rude hiver nurchok fur l'eau durcie car
De la Probabilité. Liv. IV. 199'
le froid , c'eft une chofe fi conforme à ce 1 iTVj — f
qu'on voit arriver ordinairement , que je Chap. XV*
fuis difpofé par la nature même de la chofe
à y donner mnn confentement ; à moin»
que la relation de ce fait ne foit accom-
pagnée de quelque circonftance qui le rende
vifiblement fufpecl:. Mais fi on dit la mê-
me chofe à une perfonne née entre les deux
Tropiques, qui auparavant n'ait jamais vu
ni ouï dire rien de femblable , en ce cas
toute la probabilité fe trouve fondée fur
le témoignage du rapporteur, & félon que
les auteurs de la relation' font en plus
grand nombre, plus dignes de foi , & qu'ils
ne font point engagés pir leur intérêt à
parler contre la vérité , le fait doit trouver
plus ou moins de créance dans l'efprit de0
ceux à qui il eft rapporté. Néanmoins à
l'égard d'un homme qui n'a jamais eu que
des expériences entièrement contraires, &
qui n'a jamais entendu parier de rien de
pareil à ce qu'on lui raconte, l'autorité du-
témoin le moins fufpect fera à peine capa-
ble de le porter à y ajouter foi , comme
on peut voir par ce qui arriva à un- Am-
baffadeur Hollandois qui entretenant le
Roi de Siam des particularités de la Hol-
lande dont ce Prince s'informoit, lui dit'
entr'autres chofes que d.ms fon Pays l'eair
& durci/Toit quelquefois fi fort pendant la'
faifon la plus froide de l'année , que 1er
hommes marchoient deffus ; & que cette-
eau ainii durcie porterait des éléphans, s'il'
*4
2.0O De la Probabilité. Liv. IV.
■ ' y en avoir : Sur cela le Roi reprit, pat
* cru jufqu!ici les ctofes extraordinaires
que vous tiiave\ dites , parce que je vous
prenois pour un homme d'honneur & de
probité, mais préfentement je fuis ajfuré
que vous mente^
c*k dUaL $• 5 ' Ceft, de ces fondemens que dépend
ble d'une ^a probabilité d'une propofition; & une
grande va- propofition efl en elle-même plus ou moins
**et * probable , félon que notre connoiflance ,
que la certitude de nos obfervations , que
les expériences confiantes & fouvent réi-
térées que nous avons faites, que le nom-
bre & la crédibilité des térrwignages con-
viennent plus ou moins avec elle , ou lui
font plus ou moins contraires. J'avoue qu'il
y a une autre chofe , qui , bien qu elle ne
foit pas par elle-même un vrai, fondement
de probabilité , ne laiffe pas d'être fouvent;
employée comme un fondement fur lequel:
les hommes ont accoutumé de fe détermi-
ner ik. de fixer leur croyance plus que fur
aucune autre chofe ; c'eft l'opinion des au~
très j quoiqu'il n'y ait rien de plus dange-
reux ni de plus propre à nous jeter dans
l'erreur qu'un tel appui , puifqu'ily a beau-
coup plus de faufTeté & d'erreur parmi les.
hommes , que de connoilfance & de vérité.
D'ailleurs, fi les fentimens & la croyance
de ceux que nous connoiffons & que nous
©(limons, font un fondement légitime d af-
ïlentiment , les hommes auront raifon d'être
layens dans le Japon, Mahométans en,
De la Probabilité. Usr. IV. aoi
Turquie, Catholiques Romains enEfpagne,
Proteftans en Angleterre , & Luthériens
en Suéde: Mais j'aurai occafion de parler
plus au long , dans un autre endroit,
de ce faux Principe d'aiTentiment.
CHAPITRE X.VI.
Des degrés d'affentiment.
$. i. \^Omme les fondemens de Pro- Chap. XVI.
habilité que nous avons propofé dans le
Chapitre précédent font la bafe fur quoi fenI^t^t3f"
notre ajfentiment eft bâti , ils font auffi la doit être ré-
melure par laquelle fes difFérens degrés font g'épar les
ou doivent être réglés. Il faut feulement Ae piQ^i_
prendre garde que quelques fondemens de lité. .
probabilité qu'il puiffe y avoir , ils n'opè-
rent pourtant pas fur un efprit appliqué
à chercher la vérité & à juger droitement,
au-delà de ce qu'ils paroiflent, du moins
dans le premier jugement de l'efprit , ou
dans la première recherche qu'il fait. J'a-*
voue qu'a l'égard des opinions que les hom-
mes embraffent dans le monde & aux«-
cjuelles ils s'attachent le plus fortement,,
leur aifentiroent n'eft pas toujours fondé
fur une vue actuelle des raifons qui ont
premièrement prévalu fur leur efprrt ; car
en plufieurs rencontres il eft prefqu'impof- ■
iible, & dans la plupart très-difficile , k*
eeux-là même qui ont une mémoire admi»
I 5
aoi Des degrés d'aJfèntiment.Lw.lV,
arable, de retenir toutes les preuves qui
Chap. XVI. les ont engagés , après un légitime exa-
men , à fedéclarer pour un certain fend-
aient. Il furfit qu'une fois ils aient épluché-
la matière fincérement & avec foin , autant
qu'il étoit en leur pouvoir de faire , qu'ils
foiontentrésdansl'examendetoutesleschofes
particulières, qu'ils pouvoient imaginer qui
répandroient quelque lumière fur la quef-
tion, & qu'avec toute J'adrefle dont ils font
capables ils aient , pour ainfi dire , arrê-
té le compte, fur toutes les preuves qui
font venues à leur connoiflance. Ayant ainfi.
découvert une fois de quel côté il leur pa-
roît que fe trouve la probabilité, après une-,
recherche aufli parfaite & aufli exacte qu'ils,
foient capables de faire, ils impriment jdans*
leur mémoire la conclufion de cet examen ,
comme une vérité qu'ils ont découverte ;.
& pour l'avenir ils font convaincus fur le
témoignage de leur mémoire , que c'eft-là.
l'opinion qui mérite tel ou tel degré de leur,
aflentiment., en vertu des preuves fur lef-
Tout ne îF^es ils l'ont trouvée établie,
pouvant être- $. 3. C'eft tout ce que la plus grande
toujours ac- partj[e deg hommes peuvent, faire pour ré-
préfental'ef-glcr *eurs opinions .& leurs jugerrens , à>
prit, nous moins qu'on ne veuille exiger d'eux qu'ils
devonsnous/ retjennent dans, ieur mémoire toutes les
iouvenir que ,, , - , , , , , ,
jipus avons preuves a une vente probable , dans le me-
•vu-.une me ordre & dans .cette fuire régulière de*.-
^"■""^'ï' conséquence dans laquelle ils les ont pjfrt-
ùt& peu* .m »&s ou„.vues auparavant , ce qui peut qgsfcl -
Dès degrés d'ajpntiment. Liv. IV. 2.03
quefois remplir un gros Volume fur une — 3"
feule queftion ; ou qu'ils examinent chaque Chap- XVU-
jour les preuves de chaque opinion qu'iis . ,
ont embrafTée : deux chofes également im- d'affenti»
poffibles. On ne peut éviter dans ce cas ment.
de fe repofer fur fa mémoire; & il eft d'une
abfolue néceflité que les hommes foientper-
fuadés de plufieurs opinions dont les preu--
ves ne font pas actuellement préfentes à leur
efprit , .& même qu'ils ne font peut-être pas-
capables de rappeller. Sans cela , il faut , ,
eu que la plupart des hommes foient fort :
P.yrrhoniens , ou que changeant d'opinion :
à. tout moment , ils fe rangent du parti de.
tout homme qui -ayant examiné la ques-
tion depuis peu, leur propofe des argu--
naens auxquels ils ne font pas capables de-
répondre fur le champ , faute de- mé-
moire.
$. 3. Je ne puis m'empteher d'avouer,, mimi-
que de ce que les hommes adhèrent .linfi fécond- -
ai leurs Jugemens précéderas . ck.s'attachent •q«l««»«4ée>
& 1 r ' »-i cett5-ccir«<4uï"'-
rtement aux concluiions qu ils onr une îe ^Sfnottt -
fois formées , eft fouvent caufe qu'ils .fonrpr*,'D1er:'-A'--
fort obftinés dans Terreur. . La- .faute, ne g^nent,na!
1 >•• r /- y% "pas-eïèotett.1
vient pas de ce qu ils fe repofent fur : leur-fondé, •
mémoire, à l'égard des chofes dont fis ont:
bien jugé auparavant"; mais de.ee qu'auoa- -
ravant ils onr jugé qu'ils avoient bien.e;:^-
rainé avant que de fe déterminer*'. Com--
bren y. a-t-il de gens , .( pour ne: pas met- -
rre.dans ce rangja plus, grande partieide;^
abinmej*) , oui renient.: avoir formé iës.ju»-
a04 Des degrés cTaJfèntimenti Liv. IV.
°~ m gemens droits fur différentes matières , patt-
Chap. XVI. cette feuje raifon qu'ils n'ont jamais penfê*
autrement, qui s'imaginent avoir bien juge,
par cela feul qu'ils n'ont jamais mis en.
queftion ou examiné leurs propres opi-
nions ? Ce qui dans le fond lignifie qu'ils
croient juger droitement , parce qu'ils,
n'-ont jamais fait aucun ufage de leur ju-
gement à l'égard de ce qu'ils croient. Ce-
pendant ces gens-là font ceux qui fou-
tiennent leurs fentimens avec le plus d'opi-
niâtreté ; car en général ceux qui ont le-
moins examiné leurs propres opinions,
font les plus emportés & les plus attachés,
à leurs fens. Ce que nous connoiflons une
fois, nous fommes certains qu'il efl tel
que nous le connoiflons ; & nous pouvons
être aflurés qu'il n'y a point de preuves -
cachées qui puiflent renverfer notre con- -
noifîance, ou la rendre douteufe. Mais en-
fait de probabilité , nous ne faurions être
afïurés, que dans chaque cas nous ayons
devant les yeux tous les points particuliers;
qui touchent la queftion par quelqu'endroit ,
& que nous n'ayons ni laiffé en arrière , ni.
oublié de confidérer quelque preuve donc
la folidité pourroit faire paner la probabi-
lité de l'autre côté, & contrebalancer tout
ce qui nous a paru jufqu'alors de plus grand
poids. A peine y a-t-iî dans le monde un
feul homme qui ait le loifir , la patience &
les. moyens d'aflembler toutes les preuves
^..peuventétablàr. la plupart des opinions.
Tfes degrés dyajfentiment. Liv. IV. aO 5
qu'il a, enforte qu'il pui/Te conclure (Cire- A
ment qu'il en a une idée claire. & entière, flutti WMI
& qu'il ne lui relie plus rien à f avoir pour
une plus ample inftru&ion. Cependant nous
fommes contraints de nous déterminer d'un
côté ou d'autre. Le foin de no<re vie Se
de nos plus grands intérêts ne fauroit fouf-
frir du délai ; car.ces chofes dépendent pour
la plupart de la détermination de notre ju-
gement fur des articles où nous ne fommes
pas capables d'arriver à une connoilfance
certaine & démonltrative ; & où il eft ab-
solument nécefiaire que nous nous ran-
gions d'un côté ou d'autre.
$. 4. Puis donc que la plus grande parr 1 Le vérïtai-
rie des hommes , pour ne pas dire tous , , llfa»e , .
- . / . r ,, .r .. r . ' qu on en doit'
ne fauroient evuer d avoir divers ienti- fa;re c-eft
mens fans être alfurés de leur vérité par d'avoir de la^
des preuves certaines & indubitables, & i'^^J.^
que d'ailleurs on regarde comme une grande les uns pouçi-
marque d'ignorance ,.de légèreté &.de folie les autres..
dans un homme de renoncer aux opinions
qu'il a déjà embralfées , dès-qu'on vient à
lui oppofer quelqu'argument dont il ne peut
montrer la foiblelfe fur le champ; ce ferpif,
je penfe , une chofe bien féante aux hom-
mes de vivre en p*ix & de pratiquer-
emr'eux les communs devoirs d'humanité
& d'amitié parmi cette diverlïté d'opinions
qui les p.irtagent : puifque nous ne pouvons
pas attendre raifonnablement que perfonne.
abandonne promptemer.t & avec fourmi-
lion les propres feniimens , pour. embriiTe^r
ir>6 Des degrés d%ajfentiment.~lÀv. TV.'
!=■■ - = les nôtres avec une aveugle déférence a .
Chap. XVI, une Autorité que l'entendement de i'horn^
me ne reconnoit point. Car quoique l'hom- ■
me puuTe tomber fouvent dans l'erreur , ■
il ne peut reconnoître d'autre guide que:
la raifon , ni fe foumetrre aveuglément à.-
la volonté & aux décidons d 'autrui. Si ce-
lai que vous voulez attirer dans vos fen-
timens, eft accoutumé à examiner avant:
que de donner fon confenteraent , vous^
devez lui permettre derepafferà loifir fur
le fujet en queftion, de rappeller ce qui-,
lui en- eft échappé de l'efprit , d'en exa-
miner toutes les parties, & de voir de quel?
côté panche la balance : & s'il ne croit p.is
que vos argumens foient aûez importans;
pour devoir l'engager de nouveau dans une;
difcuffion fi pénible, c'eft ce que nous fai--
fons fouvent nous-mêmes en pareil cas ; &-
nous trouverions fort mauvais que d'autres»
voulu/Tent nous prefcriue quels articles nous:
devrions étudier. Que s'il eft de ces. gensj
qui fe rangent à telle ou telle opinion au.
hafard & fur la foi d'aurrui , comment
pouvons-nous croire qu'il renoncera à des:
opinions , que le tems & la coutume ont
fi fort enracinées dans fon efprit qu'il les.
croit évidentes par elles-mêmes , & d'una
certitude indubitable, ou qu'il les regarda
comme autant d'impreffions qu'il, a.. reçusse
de. Dieu même , ou dé perfonnes envoyées: -
de là pa:t ce Dieu ? Comment, dis-ie.,
fp-a vons^nous ■. e foirer .que Jes &ï.° um exiSJDUu
Dès- degrés cPaJfentiment. Liv. IV. 2.07 "
l'autorité d'un étranger ou d'un adverfaire — *-
détruiront des opinions ainfi établies , fur- Chap; XYI,-.
tout, s'il y a lieu de foupçonner que cet
adverfaire agit par intérêt ou dans quelque,
deffein particulier , ce que les hommes ne •
maïiquent jamais de fe figurer lorsqu'ils fe ■
voient maltraités ? Le parti que nous de-
vrions prendre dans cette occafion, cefe--
roic d'avoir pitié de notre mutuelle igno-
rance, &: de tâcher de la difllper par tou-
tes les voies douces & honnêtes- dont on
peut s'avifer pour éclairer l'éfprit, & non
pas de maltraiter d'abord les autres comme
des gens obfHné*. & pervers , parce qu'ils -
ne veulent point abandonner leurs opinions ;
<k embrafler les nôtres, ou du moins celles
que nous voudrions les forcer de recevoir,,
tandis qu'il eft plus que probable que nous
ne fommes pas moins obitinés qu'eux en
refufa-nt d'embrafTer quelques-uns de leurs,
fentimens. Car où eft l'homme qui a des-
preuves incontestables de la vérité de tout
ce qu'il foutient, eu delà faufTeté de tout
ce qu'il condamne, ou qui peut dire qu'il :
a examiné à fond toutes fes opinions, ou :
toutes celles des autres hommes ? La nécef-
fitéoù nous nous trouvons de croire fans con* -
noilfance, & fouvent même fur de fort lé-
gers fondemens , dans cet état pafTager d'ac-
tion , & d'aveuglement où nous viyons fur.-
U terre; cette néceilké, dis- je j devroit
nous rendre plus foigneux de nous inftruirs.
nous-mêmes que de contraindre. les autres- àk
ao8 Des degrés d'ajfentiment. Eiv. IV.
recevoir nos femimens. Du moins, ceux
Ghap. XVI. qui n'ont pas examiné parfaitement & à
fond toutes leurs opinions , doivent avouer
qu'ils ne font point en état de les prefcrire
aux autres , 8c qu'ils 3giflent viiiblement
contre la raifon en impofantà d'autres nom-
mes la néceiïité de croire comme une-
vérité ce qu'ils n'ont pas examiné eux-
mêmes , n'ayant pas pefé les raifons de
probabilité fur lesquelles ils devroient le
recevoir ou le rejetter. Pour ceux qui font
entrés fincérement dans cet examen , & qui.
par-là fe font mis au-defïus de tout dou-
te à l'égard de toutes les Doctrines qu'ils,
profelfent , & fur lefquelles ils règlent leur
conduite, ils pcurroient avoir un plus jufte.
prétexte d'exiger que les autres fe fou-
mifient à eux : mais ceux-là font en fi pe-
tit nombre , & ils trouvent fi p3U de fu—
jet d'être décififs dans leurs opinions , qu'on,
ne doit s'attendre à rien d'infolent & d'im-
périeux de leur part : & l'on a raifon de
croire , que , fi les hommes étoient mieux
inftruits eux-mêmes , ils feroient moins-
fujets à impofer aux autres leurs propres,
fentimens.
bilit^ regarde $• 5- Mais pour revenir aux fondemens
des points de d'-aflentiment & à fes différens degrés, il
fait, ou de efl- à propos dé remarquer que les propo-
Ipéçulation. r . rr r j t j
linons que nous recevons lur des motus dej
probabilité font de deux Grtes. Les uns re-
gardent qûelqu'exiftence'partict.-Jiere , ou 9-
«cuxroe. on parle- oràinairi?ra?»i; 3 des. cha—
Des degrés d'ajfentiment. Liv. IV. lof
fes de fait , qui dépendant de l'cbfervation , g ■-*
peuvent être fondées fur un témoignage H *
humain ; & les autres concernant des cho-
fes qui étant au-delà de ce que nos fens
peuvent nous découvrir , ne fauroient dé-
pendre d'un pareil témoignage.
$. 6. A l'égard des propofitions qui ap- , J^^.
partiennentà la première de ces chofes , je ces de tous
veux dire, à des faits particuliers, je re- les autres
• • .". tri hommes s'ac-
marque en premier lieu , Que lorfqu une cordent avec
chofe particulière , conforme aux obferva- les nôtres ,
tions confiantes faites par nous-mêmes &z i' en naît un*
„ i /- aflurance cm»
par d autres en pareil cas , le trouve at- approche de-
teftée par le rapport uniforme de tous ceux la connoif»
qui la racontent ; nous la recevons, a uffi si- 'ance*
fément & nous nous y appuyons aufli fer-
mement que fi c'étoit une connoiflance cer-
taiae ; & nous raifonnons & agi/Tons en
conféquence , avec auffi peu de doute que
fi c'était une parfaite démonftration. Par
exemple,, fi tous les Anjois qui ont oc-
cafion de parler de l'hiver pafië affirment
qu'il gela alors en Angleterre , ou qu'on y
vit des hirondelles en été , je crois qu'un
homme pourroit prefqu'aulli peu douter de
ces deux faits , que de cette propofition ,
fept & quatre font once. Par conféquent , le
premier & le plus haut degré de probabi-
lité, c'efr lorfque le confentement général
de tous les hommes dans tous les fiécîes,
autant qu'il peut être connu , concourt avec-
"l'expérience confiante Se continuelle qu'un
homme fait en pareil cas , à confirmer 1&
110 Des degrés (Taffentiment. Liv. IV.
■* ■ a vérité d'un fait particulier attefté par des
Chap. XVI. témoins finceres : telles font toutes les conf—
titutions & toutes les propriétés commu-
nes des corps , &: la liaifon régulière des
caufes & des effets qui paroîr dans ie cour»
ordinaire de la nature. Ceft ce que nous
appelions un argument pris de la nature
des chofes même. Car ce qui par nos cons-
tantes obfervation9& celles des autres hom-
mes s'ell toujours trouvé de la même ma-
nière , nous avons rai Ton de le regarder
comme un effet des caufes confiantes &.
régulières , quoiqite ces caufes ne viennent
pas immédiatement à notre connoiffance.
Ainfi, que le feu ait échauffé un homme ,
qu'il ait rendu du plomb fluide , & chan-
gé la couleur ou la confiftance du bois ou'
du charbon , que le fer ait coulé au fond'
de l'eau & nagé fur le vif argent; ces pro*-
pofitions & autres femblables fur des faits
particuliers, étant conformes à l'expérience'
que nous faifons nous-mêmes auffi fouveno
que l'occafion s'en préfente, & étant gé-
néralement regardées par ceux qui ont oc-
caiion de parler de ces matières, comme
de chofes qui fe trouvent toujours ainfi ,
fans que perfonne s'avife jamais de les met-
tre en queftion , nous n'avons aucun droit
de douter qu'une relation qui affure que
telle chofe a été, ou que toute affirmation'
qui pofe qu'elle arrivera encore de la me-
nte manière, ne foit véritable. Ces fortes*
da probabilités approchent fi fort de la cer-
Des drgrés d'aflentiment. Liv. IV. ail
îàtude , qu'elles règlent ncs penfées auiTi ab- -a-
fohiment , <k ont une influence auffi en- Chap. XVI»
tiere fut n s c\i. ns, que la démonfîration
la plus évidcwe; & dans ce qui nous con-
cerne , n us ne mettons que peu ou point
de diffère ne entre Je telles probabilités &
une connnifance certaine. Notre croyance
fe change en arTur^nce , lorfqu eHe elt ap-
puyée rur de tels fondemens.
6. 7- Le degré fuivant de probabilité , Un témoî-
» h i r g"age & une
ceit lorfque je trouve par ma propre ex- expérience
périence & par le rapport unanime de tous qu'on ne peut
les autres hommes qu'une chofe eiï , la r,evocluer en
i j u i. i soute, pro-
pupart du tems , telle que 1 exemple par- duit, pour
ticulier qu'en donnent plufieurs témoins l'ordinaire ,
dignes de foi ; par exemple , l'Hif- la confiance*
toire nous apprenant dans tous les âges ,
& ma propre expérience me confirmant ,.
autant que j'ai occafion de l'obferver , que
la plupart des hommes préfèrent leur in-
térêt particulier à celui du public , fi tous
les Hiftoriens qui ont écrit de libère , di-
fent qne Tibère en a ufé ainfi , cela efl pro-
bable. Et en ce cas, notre affentiment eft
afFez bien fondé pour s'élever jufqu'à un
degré qu'on peut appeîler confiance.
§. 8. En troifieme lieu : Dans des cho- Un temoâ»
fes qui arrivent indifféremment, comme £Vf ,
qu'un oifeau vole de ce côte-ci ou de celui- nature de la
là» qu'il tonne à la main droite ou a la ?kofe qui eft
i ji i c \ r ■> indifférente ,
main gauche dun homme, &c. lorlqu un produit aufli
fait particulier de cette nature efl atteité une ferme
par le témoignage. uniforme de témoins non- c*°yaQCe»
511 Des degrés ' cT ajjentiment. Liv. IV»
aa fufpe&s , nous ne pouvons pis éviter non"
Cmaf. XVI. plus d'y donner notre confenrement. Ainii,
qu'il y ait en Italie une Ville appellée
Rome; que dans cette Ville il ait vécu il
y a environ 1700 ans un homme nommé
Jules Céfar \ que cet homme fut C7énéral
d'Armée, & qu'iT gagna une bataille con-
tre un autre Général nommé Pompée :
quoiqu'il n'y ait rien dans la nature des
chofes pour ou contre ces faits ; cependant
comme ils font rapportés par des Hifto-
riens dignes de foi , & qui n'ont été con-
tredits p.:r aucun Ecrivain , un homme ne
fmroit éditer de les croire, & il n'en
peut non plus douter , qu'il doute de l'exif-
tence &; des actions des perfonnes de fa
connoifiance dont il eft témoin lui-
même..
Desexpé„ £. o. Jufques-là, la chofe eft aflez ai-
SrnoP? !" fée à comprendre. La probabilité établie fur
qui fe contre- de te's fondemens emporte avec elle un
difent , di- fi grand degré d'évidence qu'elle détermine
rfnfinnes3 naturellement le jugement , & nous laifle-
degré* de aufïi peu en liberté de croire ou de ne pas
probabilité, croire ,. qu'une démonfrration laiffe en li-
berté de connoître ou de ne pas connoître.
Mais où il y a de la difficulté , c'eft lorfque
les témoignages contredifent la commune
expérience, & que les relations hi doriques
& les témoins fe trouvent contraires au
cours ordinaire de la nature ou entr'eux..
C'eft-là qu'il faut de l'application & de
l'exactitude pour former un jugement droit r.
Des degrés d'ajjentiment. Liv. IV. £.13
& pour proportionner notre affentiment à ■■
la différente probabilité de la chofe : arien- Chap. XVI.
timent qui hauflfe eu qui bailfe félon
qu'il ed fevocifé ou contredit par ces deux
fonderons de crédibilité, je veux dire,
l'obfervation ordinaire en pareil cas , & les
témoignages particuliers dans tel ou tel
exemple. Ces deux fondemens de crédibi-
lité lont fujets à une û grande variété d'ob-
fervatbns, de circonfrances & de rapports
contrjires, à tant de différentes qualifica-
tions, tempéramens, deiîeins , négligences,
&c. de la part des auteurs de la rela-
tion , qu'il eu impofTible de réduire à des
règles précifes les différens degrés feion
lefquels les hommes donnent leur aifenti-
ment. Tout ce qu'on peut dire en général ;
ceft que les raifons & les preuves qu'on
peut apporter pour Se contre, étant une
fois fournîtes à un examen légitime où l'on
pefe exactement chaque circonfrance par-
ticulière, doivent parokre fur le tout l'em-
porter , plus ou moins d'un côté que de
l'autre; ce qui les rend propres à pro-
duire dans l'efprit ces différens degrés d'af-
fenciment, que nous appelions croyance,
conjecture , doute , incertitude , défiance ,
&c.
$. 10. Voilà ce qui regarde l'affentir Les témoî.
ment dans des matières qui dépendent du \ " ' &" """
témoignage d'autrui : fur quoi je penfe dition , plus
qu'il ne fera pas hors de propos de pren- ils forit éloi-
<lre connoiifance d'une règle obfervée dans Sne$ ' p us
114 D£S degrés d'ajfentifricnt. Liv. IV.
-'i la loi d' Angleterre , qui eft que , quoique
Chap. X*VI. la copie d'un acte , reconnue authentique
p :r des témoins , foit une bonne preuve ;
foible eftla r , , • .> i
preuve qu'on cependant la copie dune copie , quelque
«n peut tirer, bien atteftée qu'elle foit Se par les témoins
les plus accrédités, n'eft jamais admife
pour preuve en jugement. Cela patte fi
généralement pour une pratique raifonna-
b!e &: conforme à la prudence Oc aux fa-
ges précautions que nous devons employer
ÛJtns nos recherches fur des matières im-
portantes , que je ne l'ai pas encore ouï
blâmer de perfonne. Or û cette pratique
doit être reçue dans les décidons qui re-
gardent le jufte & l'injufte , on en peut
tirer cette obfervation , qu'un témoignage
a moins de force & d'autoriré , à mefure
qu'il eft plus éloigné de la vérité origi-
nale. J'appelle vérité originale , l'être &
l'exiftence de la chofe même. Un homme
■digne de foi venant à témoigner qu'une
chofe lui eft connue , eft une bonne preuve ;
mais fi up.e autre perfonne également
croyable , la témoigne fur le rapport de
cet homme , le témoignage eft plus foi-
ble ; & celui d'un troilïeme qui certifie un
•ouï dire d'un ouï dire, eft encore moins
confidérable ; de forte que dans des vérités
qui viennent par tradition , chaque degré
•d'éloignement de la fource afFoiblit la force
<le la preuve ; & à mefure qu'une tradi-
tion patte fuccettivement par plus de mains-,
elle a toujours moins de force & d'évidence»
Des degrés d'ajft ntiment. Liv. IV. ai 5
J'ai cru qu'il étoit néceffaire de faire cette > =a
remarque , parce que je trouve qu'on en ufe Chat. XVI.
ordinairement d'une manière directement
contraire parmi certaines gens chez qui les
opinions acquièrent de nouvelles fjrces en
vieillirait , de rorte qu'une chofe qui n'au-
roit point du tout paru probable il y a
mille ans à un homme raifonnable, con-
temporain de celui qui la certifia le pre-
mier , p .lîe préfentement dans leur efprit
pour certaine & tout à-fait indubitable , par-
ce que depuis ce tems là plufieurs perfonnes
l'ont rapportée fur fon tém ignage les unes
après les autres. G'eft fur ce fondement que
des proposions évidemment fiuffes , ou
affez incertaines dans leur commencement,
viennent à être regardées comme autant
de vérités authentiques , par une règle de
probabilité prife à rebours , de forte qu'on
fe figure que celles qui ont trouvé ou mé-
rité peu de créance dans la bouche de leurs
premiers Auteurs , deviennent vénérables
par l'âge , & l'on y infiile comme fur des
chofes inconteftables
6. 1 1 . Je ne voudrois pas qu'on s'allât L1"ftoire
imiginer que je prétends ici diminuer 1 au- ufa„e>
torité & l'ufage de l'hiftoire. C'efr elle qui
nous fournit toute la lumière que nous avons
en plufieurs cas ; & c'eft de cette fource que
nous recevons avec une évidence convain-
cante une grande partie des vérités uti-
les qui viennent à notre connoiflànce. Je
ne vois rien de plus eflimable que les mé-
2.1 6 Des degrés d'ajjèntiment. Liv. IV.
» = moires qui nous reftent de l'antiquité , &
Chap. XVI. je voudrois bien que nous en euÏHons un
plus grand nombre , & qui fuffcnt moins
corrompus. Mais c'eft la vérité qui me
force à dire que notre probabilité ne peut
s'élever 2u de/Tus de fan premier original.
Ce qui n'eft appuyé que fur le témoignage
d'un feul témoin , doit uniquement fe fou-
tenir ou être détruit par fon témoignage ,
qu'il foit bon , mauvais ou indifférent ; &
quoique cent autres perfonnes le citent
enfuite les unes après les autres , tant s'en
faut qu'il reçoive par-là quelque nouvelle
force , qu'il n'en efr que plus foible. La
paffion , l'intérêt , l'inadvertance , une fauffe
interprétation du fens de l'Auteur , & mille
raifons bifarres par où l'efprit des hommes
eft déterminé , & qu'il efr impofïïble de
découvrir , peuvent faire qu'un homme cite
à faux les paroles ou le fens d'un autre
homme. Quiconque s'efr un peu appliqué
à examiner les citations des écrivains , ne
peut pas douter que les citations ne méri-
tent peu de créance lorfque les originaux
viennent à manquer , & par conféquènt
qu'on ne doive fe fier encore moins à des
citations de citations. Ce qu'il y a de cer-
tain , c'eft que ce qui a été avancé dans
un fiecle fur de légers fondemens, ne peut
jamais acquérir plus de validité dans les fie-
clés fuivans , pour être répété plufieurs
fois. Mais au contraire , plus il eft éloigné
de l'original, moins il a .de force , car il
<teyient
Des degrés d'ajfentiment. ï.iv. IV. a 17
devient toujours moins considérable dans la 1 ■ " ' "i
bouche ou dans les écries de celui qui s'en Chap. XVI»
eft fervi le dernier , que dans la bouche
ou dans les fécrits de celui de qui ce der-
nier l'a appris.
v. 12. Les probabilités dont nous avons Dans les
"1 / • r >• • j j chofes qu'on
parle jufqu ici , ne regardent que des ma- ne peiltH dé_
tieres de fait & des chofes capables d'être couvrir par
prouvées par obfervation & par témoi- !?s/e"s »
ti n r j 1 Analogie
gnage. Il refte une autre efpece de pro- eft Ia gran(Je
habilité qui appartient à des chofes fur lef- règle de la
quelles les hommes ont des opinions , ac- Pr<)babiIlt€'»
compagnées de différens degrés dafîèntimenr,
quoique ces chofes foient de telle nature
que ne tombant pas fous nos fens , elles ne
faurcient dépendre d'aucun témoignage. Tel-
les font, 1. l'exiften:e, la nature & les
opérations des êtres finis «Se immatériels qui
font hors de nous , comme les efprits , les
anges, les démons, «Se ou l'exiftence des
êtres matériels que nos fens ne peuvent
appercevoir à caufe de leur petitefîë ou de
leur éloignement , comme de favoir s'il y
a des plantes , des animaux & des êtres in-
telligens dans les planettes &z dans d'au-
tres demeures de ce vafîe univers. 1. Tel
eft encore ce qui regarde la manière d'o-
pérer dans la plupart des parties des ou-
vrages de la nature, où quoique nous voyons
des effets fenfibles , leurs caufes nous font
abfolument inconnues , de forte que nous
ne faurions appercevoir les moyens ck la
manière dont ils font produits. Nous voyoos
Tome IV. K
ïi$ Des àègrâiïcffaiâmwt. Liv. IV
e— ===== que les animaux font engendrés , nourris ,
Chap. XVI. & qu'iis fia meuvent ; que l'aimant attire
le fer, & que les parties d'une chandelle
venant à fe fondre fucccfîivement , fe chan-
gent en flamme , Se nous donnent de la,
lumière & de la chaleur. Nous voyons &
connuiif<>n~ ces effets & autres fcmblabies;
nuis n ur ce qui eft des caufes qui opè-
rent , Se de la manière dont ils font pro-
duits , nous ne pouvons faire autre choie
que les conjecturer probablement. Car ces
enofes & autres fembL.bles ne tombant pas
jbus nos fens , ne peuvent être foumifes à
leur examen , ou atteflées par aucun homme;
p:r conféquent elles ne peuvent paraître
plus ou moins probables , qu'en tant qu'el-
les conviennent plus ou moins avec les vé-
rités qui font établies dans notre efprit ,
& qu'elles ont du rapport avec les autres
parties de notre connoiifance & de nos ob-
servations. V analogie eit le feul fecours que
nous avions dans ces matières ; & c'eft de
ià feulement que nous tirons tcus nos fon-
demens de probabilité. Ainfi, ayant obfervé
qu'un frottement violent de deux corps pro-
duit de la chaleur , & fouvent même du feu,
nous avons fujet de croire que ce que
nous appelions chaleur & feu confifle dans
une certaine agitation violente des parti-
cules imperceptibles de la matière brûlan-
te, obfervant de même que les différen-
tes réfractions des corps pellucides excitent
dans nos yeux différentes apparences de plu-
Des degrés d'ajjentimcnt. Liv. IV. 2.19
fieurs couleurs; comme aufli que la diverfe K
pofition & ie différent arrangement des Chap. XVI.
parties qui compofent la furrace des diffé-
rens corps comme du velours , de la foie
façonnée en ondes , &c. produit le même
effet , nous croyons qu'il efl probable que la
couleur & l'éclat des corps n'efl autre cho-
fe de la part des corps, que le différent
arrangement & la réfraction de leurs par-
ticules infenfibles. Ainfi, trouvant que dans
toutes les parties de la création qui peuvent
être le fujet des obfervations humaines, il
y a une connexion graduelle de l'une a
l'autre, fans aucun vuide confidérable eu
vifible , entre deux , parmi toute cette gran-
de diverfité de chofes que nous voyons dans
le Monde, qui font fi étroitement iiéesen-
femble , qu'en divers rangs d'êtres il n'efl
pas facile de découvrir les bornes qui fe-
parent les uns des autres , nous avons tout
fujet de penfer que les chofes s'élèvent aufli
vers h perfection peu-à-peu & par des de-
grés infenfibles. Il cft m al-aifé de dire où
le fenfible & le raifonnable commence, &
où l'infenfible & le déraifonnable finir. Et
qui efl- ce , je vous prie, qui a fefpnt
allez pénétrant pour . déterminer précifé -
ment quel efl le plus bas degré des chofes
vivantes, & quel efl !e premier de celles
qui font deftituéesde vie ? Les chofes dimi-
nuent & augmentent , autant que nous fem-
mes capables de le diflinguer, tout ainfi
que la quantité augmente eu diminue dans
Ki
iio Des degrés d'ajjenthncnt. Liv. IV.
*■ ' = un cône régulier , où, quoiqu'il y air une
Ciiap. XVI. différence viïibîc entre la grandeur du dia-
mètre à des djfhnces éloignées, cependant
la différence qui eft entre le deffus & le
cleffous lorfqu'ils fe touchent l'un l'autre ,
peut à peine être difeernée. Il y a une dif-
férence excefïive entre certains hommes &
certains animaux brutes ; mais fi nous vou-
lons comparer l'entendement & h capacité
de certains hommes & de certaines bêtes,
nous y trouverons fi peu de différence qu'il
fera bien mal-aifé d'affurer que l'entende-
ment de l'homme foit plus net ou plus
étendu. Lors donc que nous obfervons une
telle gradation infenfible entre les parties
de la création depuis l'homme jusqu'aux
parties les plus baffes qui font au-deffous
de lui , la règle de l'analogie peut nous
conduire à regarder comme probable, qu'il
y a une pareille gradation dans les cho-
Jes qui font au-dejjus de nous & hors de
lafphere de nos obfervations ; & qu'il y a
par conféquent différens ordres d'êtres in-
teîligens , qui font plus excelîens que nous
par différens degrés de perfection en s'éle-
vant verslaperfeétion inrînie du Créateur ,
à petit pas & par des différences, dont cha-
cune eft à une très-petite diftance de celle
qui vient immédiatement après. Cette efpece
de probabilité qui eft le meilleur guide qu'on
ait pour les expériences dirigées par la rai-
fon , & le grand fondement des hypothefes
raifonnables, a suffi fes ufages & fon in-
Des degrés cTaflentiment. Liv. IV. 111
fluence: car un raifonnement circonfpect, fon- — '•--"r
de fur l'analogie , nous mené fcuvent à la Cha?- x% **
découverte de ve'rités &de productions utiles
qui fans cela demeureroienc enfevelies
dans les ténèbres.
§. 13. Quoique la commune expérience "3T*uri
& le cours ordinaire des chofes aient avec périence'
raifon une grande influence fur l'efprit des contraire r.e
hommes, pour les porter à donner ou à iaTo^cki*
refufer leur confentement à une chofe qui témoignage,
leur efl: propofée à croire : il y a poutant
un cas où ce qu'il y a d'étrange dans un
fait , n'affaiblit poinc l'alFentiment que n ïus
devons donner au témoignage fincere fur
lequel il eft fondé. Car lorfque de tels évé-
nemcns fur naturel s fon: conformes aux fins
que fe propofe celui qui a le pouvoir de
eiiinger lecoura de ia nature,, dans un tel
tems Se dans de telles circonfhnces, ils
peuvent être d'autant plus propres à trou-
ver créance dans nos efprits qu'ils font plus-
au-deflus des obfervations ordinaires, ou
même qu'ils y font plus oppofés. Tel eïï
justement le cas des jfrfiracles qui étant une
f jis bien attelles , trouvent non-feulement
créance poor eux-mêmes , mais la commu-
niquent aufli à d'autres vérités qui ont be-
foin d'une telle conhrm .tion.
6. 14. Outre les oropofitions dont nous "."""P*
avons p:.rle julquici , il y en a une autre <$e la révéla--
eQjeoe qui fondée far un fmole témoignage don exclut
l'emporte fur le degré le plus parfait de *°g è°T '
o 1 r aiuu parraict-
notre «ITentiment , foit que la chofe é:a- ment pe ia
' *3
111 Des degrés d'ajfentiment. Liv. IV.
j !. blie fur ce témoignage convienne ou ne
diKv. XVI. conviennepoint avec la commune expérience,
& avec le cours ordinaire des chofes. La
h placer-* raifon de cela eft > <lue ,e témoignage
taine. vient de la part d'un Etre qui ne peut ni
tromper , ni être trompé , c'efl -à-dire de
Dieu lui-même; ce qui emporte avec foi
une afïurance au- défais de tout doute, &
une évidence qui n'eft fujette à aucune ex-
ception. C'eft-là ce qu'on défigne par le
njm particulier de Révélation; & l'aflen-
timent que nous lui donnons s'appelle Foi,
qui détermine auffi abfolument notre ef-
prir , & exclut aufli parfaitement tout dou-
te que njrre connoiffance peut le faire;
car nous pouvons tout auffi-bien douter de
notre propre èxiftence, que nous pouvons
d^urer, ii une révélation qui vient de la
part de Dieu, eft Véritable. Ainfi la Foi
eft un principe d'alfentiment & de certi-
tude , fur & établi fur des fondemens
inébranlables , & qui ne laiffe aucun lieu
au doute ou à l'héiitation. La feule chofe
dont nous devons nous bien afiurer, c'efl
que telle & telle chofe efl une révélation
divine , & que nous en comprenons le vé-
ritable fens ; autrement nous nous expo-
ferons à toutes les extravagances du fana-
tifme , & à toutes les erreurs que peuvent
produire de faux principes, lorsqu'on .ijoute
foi à ce qui n'eft pas une révélation divine.
C'efl pourquoi dans ces cas-là , fi nous vou-
lons ^agir raifonnablement , il ne faut pas
Des degrés d'affentiment. Liv. IV. 11"$
que notre afTentiment furpafTe le degré d'é- . ■■ — «
vidence que nous avons que ce qui en efï Chat. XVI.
l'objet eft une révélation divine , & que
c'eft-Ià le fens des termes par lefquels cette
révélation eft exprimée. Si l'évidence que
nous avons que c'eft une révélation , ou que
c'en eft-là le vrai fens , n'eït que proba-
ble, notre afTentiment ne peut aller au-delà
de l'afTurance ou de la défiance que pro-
duit le plus ou le moins de probabilité qui
fe trouve dans les preuves. Mais je traite-
rai plus ?u long clins la fuite, de la Foi &
de la préléance quelle doit avoir fur les
autres argumens propres à perfuader , lorf-
que je la confidérerai telle qu'on la regar-
de ordinairement comme distinguée d'avec
la raifon & mife en oppofition avec elle ,
quoique dans le fond la Foi ne foit au-
tre chofe qu'un afTentiment fur la raifon la
P^us parfaite.
i #■ ï
A4
Ch. XVII.
114 De la Raifon. Liv. IV.
CHAPITRE XVII.
De la Raifon.
$.. I. Il i "F. mot de Raifon fe prend en
Différentes divers ^ens- Quelquefois il fignifie des prin-
fignifications cipes clairs & véritables , quelquefois des
du mot Rai- concmfïons évidentes & nettement dédui-
tes de ces principes, & quelquefois la caufe,
& particulièrement la caufe finale. Mais par
Raifon j'entends ici une faculté par où l'on
fuppofe que l'homme eft distingué des bê-
tes , Se en quci il eit évident qu'il les fur-
paffe de beaucoup ; &: c'eft dans ce fens-là
que je vais la conftdérer dans tout ce Cha-
pitre.
En quoi $• a* Si ^a connoifTance générale con-
«oniifte le fifre , comme on l'a déjà montré dans une
raifonne- perception de la convenance ou de la dif-
convenance de nos propres idées , & que
nous nepuifïions connoitre l'exiflence d'au-
cune chofe qui foit hors de nous que par
Je feccurs de nos fens , excepté feulement
i'exiftence de Dieu, de laquelle chaque
homme peut s'inftruire lui-même certaine-
ment & d'une manière démonstrative par
la coniidération de fa propre exiftence; quel
lieu refïe-t-il donc à l'exercice d'aucune au-
tre faculté quede la perception extérieure des
fens. & de la perception intéiieure de l'ef-
HAT.
De la Raifon. Liv.I'V. ai 5
prit? Qu:-1 befoin avons-nous de la raifon? e=m-
Nous en avons un fore grand befoin, tant ■>" v '}
pour étendre noire connoilfance que pour
régler notre afTentiment ; car elle a lieu ,
la raifon, & dans ce qui appartient à la con-
noifTance & dans ce qui regarde l'opinion.
Elle eft d'ailleurs néceiïaire & utile à tou-
tes nos autres facultés intellectuelles ; & à
le bien prendre, elle conftitue deux de ces
facultés; favoir hfagacité, & la faculté
d'inférer ou de tirer des concluions. Par la
première elle trouve des idées moyennes .>.
& par la féconde elle les arrange de telk;
manière qu'elle découvre la connexion qu'il
y a dans chaque partie de la déduction, par
où les extrêmes font unis enfemble y &
qu'elle amené au jour, pour ainfi dire, la
vériré en queftion , ce que nous appelions
inférer y &c qui ne conûïte en autre chofe
que dans la perception de la liaifon qui' efr
entre les idées dans chaque degré de la dé-
duction , par où l'efprit vient à découvrir
1?. convenance ou la difeonvenance certaine
de deux idées, comme dans la démoniFra--
non où il parvient à la connoifTance 3 o a .
bien avoir Amplement leur connexion pro-
bable , auquel cas il donne ou retient for*,
confentement , comme dans l'opinion, La
fentiment &. l'intuition ne s'étendent gras
fort loin. La plus grande partie de' cotr 9
connoifTance dépend des déductions 6c £i ■
déés moyennes ; & dans les cas' c
lîeujde-- CQRn.oifIan.ce y nous forâmes-
Il6 De la Raifort. Liv. IV.
1 — = gé> de nous contenter d'un fimple affen-
X vil timent, & de recevoir des propofuions
pour véritables fans êtres certains qu'elles
le foient, nous avons befuin de découvrir,
d'examiner, & de comparer les fondemens
de leur probabilité. Dans ces deux cas, la
faculté qui trouve & applique comme il faut
les m jyens néceflairespjur découvrir la cer-
titude dans l'un , & la probabilité dans
l'autre ; c'eft ce que nous appelions Raifon.
Car comme la raifon apperçoit la connexion
néce flaire & indubitable que toutes les
idées ou preuves ont l'une avec l'autre dans
chaque degré d'une démonflration qui pro- '
duit la connoiflance; elle apperçoit auflî
la connexion probable que toutes les idées
ou preuves ont l'une avec l'autre dans cha-
que degré d'un difeours auquel elle juge
qu'on doit donner fon aflentiment ; ce qui
eft le plus bas de ce qui peuc être vérita-
blement appelle raifon. Car lorfque l'ef-
prit n'apperçoit pas cette connexion pro-
bable, & qu'il ne voit pas s'il y a une
telle connexion ou non , en ce cas-là les
opinions des hommes ne font pas des pro-
ductions du Jugement ou de la raifon , mais
des effets du hafard , des penftes d'un ef-
prit flottant qui embrafle les chofes fortui-
tement , fans choix & fans règle.
5es quatn; $• 3« De forte que nous pouvons fort
parties. bien corfidérer dans la raifon ces quatre
degrés : le premier & le plus important
confiûe à découvrir des preuves ; le fécond
De la Raifon. Liv. IV. 117
à les arranger régulièrement , &. cLns un ~c~~_~ p
un ordre clair & convenable qui faiïe voir x V 1 1."
nettement & facilement la connexion &
la force de ces preuves ; le troifieme à ap-
percevoir leur connexion dans chaque par-
tie de la déduction ; & le quatrième à ti-
rer une jufte conclulun du tout. On peut
obferver ces difFérens degrés dans toute Dé-
monflration Mathématique ; car autre cho-
ie eft d'appercevoir la connexion de cha-
que partie , a mefure que la démonftrution
eft faite par une autre perfonne, & autre
.chofe d'appercevoir la dépendance que la
conclufion a avec toutes les parties de la
démonftration : autre chofe eft encore de
faire voir une démonftration par foi-même
d'une manière claire Se diftincle ; & enfrn
une chofe différente de ces trois-'à, c'efb
d'avoir trouvé le premier ces idées moyen-
nes ou ces preuves dont la démonftration
eft compofée.
§. 4. Il y a encore une chofe à confi- I-e ryïTcr-
dérer fur le furet de la raifon que je vou-g'Tr'
drois bien qu on prit la, peine .a examiner: inftmme r.tde
c'eft fi h SyL'ogifme <?/?, comme on croit Ia r"--t:-
généralement , le grand infiniment de la
raifon , S* le meilleur moyen de mettre cette
f'iculté ai exercice. Pour moi j'en doute ,
Ôc voici pourquoi.
Premièrement, à c?.ufe que Je Syllogif-
me n'aide la raifon que dans l'une des quatre
parties dont je viens de parler ; c'eft-a--
«ire ; pour montrer la connexion des preu-
K 6
2i8 De la Raifon. Liv. IV.
l . ; ves dans un feul exemple, & non au-delà,
Ch a p. Mais en cela même il n'eft pas dun grand
XVII. uGge , puifque l'efprit peut appercevoir une
telle connexion où elle eft réellement , aufT*
facilement, & peut-être mieux fans le fe-
cours du Syllogifme, que par fon entre-
mi fe.
Si nous faifons réflexion fur les ac-
tions de notre efprit , nous trouverons que
nous raifonnons mieux & plus clairement
lorfque nous obfervons feulement la con-
nexion des preuves, fans réduire nos pen-
fées à aucune règle ou forme fyllogi (ti-
que. Aufli vcyons-nous qu'il y a quantité de
gens qui raifonnent d'une manière fort
nette & fort jufie, quoiqu'ils ne fçachent
point faire de fyllogifme en forme. Qui-
conque prendra la peine de confidérer la
plus grande partie de VAJie & de X Amé-
rique , y trouvera des hommes qui raifon-
nent peut-être aufli fubtilement que lui y
mais qui n'ont pourtant jameis ouï parler
de fyllogifme , & qui ne fauroient rédui-
re aucun argument à ces fortes de formes ;
& je doute que perfonne s'avife prefque
jamais de faire un fyllogifme en raifon-
nant en lui-même. A la vérité , les fyllc—
gifmes peuvent fervir quelquefois à décou-
vrir une fauffeté cachée fous l'éclat brillanc
d'une figure de Rhétorique , & adroitement
envelopeée dans une période harmenieufe.,
qui remplit agréablement l'oreille ; ils peu-
vent^ dis-je, fervir à faire paroître. un. rai—
De ta Raifon. Liv. IV. 2.29
formeraient abfurde dans fa difformité natu- ■ ■ ^
relie , en le dépouiilant du faux éclat dont c h a p.
il efr. couvert, & de la beauté de l'expref- XVII.
fion qui impofe d'abord à l'efprit. Mais
la foibleffe ou la faulTeté d'un tel difcours
ne fe montre , par le moyen de la forme
artificielle qu'on lui donne, qu'à ceux qui
ont étudié à fond les modes ëc les figures
du fyilogifme , &c qui ont fi bien examiné
les différences manières félon lefquelles trois
propofitions peuvent être jointes enfemble ,
qu'ils connoiifent laquelle produit certaine-*
ment une Julie conclufion , & laquelle ne
fçauïi'it le faire , Se fur quels fondemens
cela arrive. Je conviens que ceux qui ont
étudié les règles du fyilogifme jufqu'à voir la-,
raifon pourquoi entreis propofitions join-
tes enfemble dans une certaine forme , la
conclufion fera certainement jufle, & pour-
quoi elle ne le fera pas certainement dans
une autre ; je conviens , dis-je , que ces
gens-là font certains de la conclufion qu'ils
déduifent des Vrèmïffes félon les modes
& lès figures qu'on a établies dans les
écoles. Mais pour ceux qui n'ont pas
pénétré fi avant dans les fondemens de ces
formes , ils ne font point aifurés en ver-
tu d'un argument fy llogiitique, que ia con-
clufion découle certainement des prémifles»
Ils le fuppofent feulement ainfi par une foi
implicite quils ont pour leurs Maîtres &;
par une confiance quils mettent dans ce:-
Formes d'argumentation. Or fi parmi. toi»s>
xvn.
2.30 De la Raifort. Liv. IV.
les hommes ceux-là font en fort petit nom-
^YHVAMP' bre qui peuvent faire un fyllogifme , en
compardiljn ce a ux qui ne fauroient le
faire , & fi entre ce petit nombre qui ont
appris la Logique , il n'y en a que très-peu
qui faffent autre chofe que croire que les
fyllogifmes réduits aux Modes & aux Fi-
gures établies , font concîuans , fans con-
naître certainement qu'ils le foient ; cela ,
dis-je, étant fuppofé, fi le fyllogifme doit
être pris pour le feul véritable infiniment
de la raifon & le feul moyen de parvenir
à la connoifTance , il s'enfuivra qu'avant
Ariflote il n'y avoit perfonne qui connût
ou qui pût connoître quoi que ce foit par
raifon; & que depuis l'invention du fyilo-
gifme il n'y a pas un homme entre dix
mille qui jouifle de cet avantage.
Mais Dieu n'a pas été fi peu libéral de
fes faveurs enves les hommes , que fe con-
tentant d'en faire des créatures à deux jam-
bes , ils aient lai/Té à Arifiotele foin de les
rendre créatures raifonnables , je veux dire
ce petit nombre qu'il pourroit engager; à
examiner de telle minière les fondemens
du fyllogifme, qu'ils viffent qu'entre p'u.3
de foixanre manières dont trois proportions
peuvent être rangées, il n'y en a qu'envi-
ron quatoze où L'on puiiïe être ;;.j ■.■!-..' que
îa conclufion eu jufte, & fur qutl fonde-
ment la conclufion eîl certaine dans ç
tit nombre de fyirogifmes & non d.
autres Dieu a eu beaucoup plus de bon;e
",
Delà Raifort. Lir. IV. 2.31
pour les hommes. Il leur a donné un ef- -■-■_! ■*•
prit capable de raifonner, fans qu'ils aient Chat.
befoin d'apprendre les formes des fyiiogif-
mes. Ce n'elt point, dis-je, par les règles
du fyllogifme que l'efprit humain apprend
à raifonner. Il a une faculté naturelle d'ap-
percevoir la convenance ou la difccnve-
nance de fes idées , êc il peut les mettre
en bon ordre fans toutes ces répétitions em-
barraflantes. Je ne dis point ceci pour rab-
baifTer en aucune manière Ariftote que je
regarde comme un des plus grands hommes
de l'Antiquité, que peu ont égalé en éten-
due, en fubtilité , en pénétration d'efprit ,
& par la force du jugement , & qui en cela
même qu'il a inventé ce petit fyftême des
formes de l'argumentation , par où l'on peut
faire voir que la conclufion d'un fyllogifme
eïl jufte & bien fondée, a rendu un grand
fervice aux fçavans contre ceux qui n'a-
voient pas honte de nier tout; & je con-
viens fans peine que tous les bons raifon-
nemens peuvent ê're réduits à ces formes
fyllogi (tiques. Mais cependant je crois pou-
voir dire avec vérité, & fans rabbaifler
Ariftote, que ces formes d'argumentation
ne font ni le feul ni le meilleur moyen de
raifonner, pour amener à la connoiflance
de la vérité ceux qui défirent de la trouver,
& qui fouhaitent de faire le meilleur ufa-
ge qu ils peuvent de leur raifon pour par-
venir à cette connoiflance. Et il efc vifi-
ble opHAriflote lui-même trouva que cex*.
££« De l'a Raifon. Liv. IV.
^ taines formes étoient concluantes , & que
C h a p. d'autres ne l'étoient pas , non par le moyen
XVII. des formes mêmes, mais par la voie ori-
ginale de la connoiflance , c'eft-à-dire , par
la convenance manifefte des idées. Dites à
une Dame de campagne que le vent eft
fud-oueft , & le tems couvert & tourné à
la pluye ; elle comprendra fans peine qu'il
n'eft pas fur pour elle de fortir , par un tel
jour , légèrement vêtue , après avoir eu la
fièvre; elle voit nettement la liaifon de
routes ces choies y vent fud-ouejî , nuages ,
pluie, humidité y prendre froid , rechute
& danger de mort, fans les lier enfemble
par une chaîne artificielle & enibarraflanre
de divers fyllogifmes qui ne fervent qu'à
embrouiller & retarder l'efprit qui fans leur
fecours va plus vice & plus nettement d'une
partie à l'aune; de forte que la probabilité
que cette perfonne apperçoit aifément d.uis
it-s cliofes mêmeainfi placées dans leur ordie
naturel, fe feroit tout-à-fait perdue à foa
égard, fi cet argument étoi: traité favam-
ment & réduit aux formes du fyllogifine,
Car cela confond très-fouvent la connexion
des idées ; & je crois que chacun reconnoî-
tra fans peine dans les Démonltrations Ma-
thématiques, que la connuffance qu'on ac-
quiert par cet ordre naturel, paroît plu-
tôt & plus clairement fans le fecours d'^u-
cun fyllogifme.
L'acie de !a faculté raifonnable qu'on re^-
garder cumrcie le. pjus confidërable.eil.celuz^
De la Raifon. Liv. IV. 133
£ inférer; & il l'eft effectivement lorfque la
conféquence eft bien rirée. Mais l'efprit eft c h a p.
fi fort porté à tirer des conféquences, foit XVII,
parle violent defir qu'il a d'étendre fes con-
noiflances, ou par un grand penchant qui
l'entraîne à favorifer les fentimens dont il
a été une fois imbu , que fouvent il fe hâ-
te trop d'inférer , avant que d'avoir apperçu
la connexion des idées qui doivent lier en-
femble les deux extrêmes.
Inférer n'eft autre chofe que déduire
une propofition comme véritable, en vertu
d'une propofition qu'on a déjà avancée com-
me véritable ; c'eft-à-dire , voir ou fup-
pofer une connexion de certaines idées
moyennes qui montrent la connexion de
deux idées dont eft compofée la propofi-
tion inférée. Par exemple , fuppofons qu'on
avance cette propofition , Les /tommes fe-
ront punis dans l'autre Monde ; & que de
là on veuille en inférer cette autre, donc
les hommes peuvent Je déterminer eux-mê-
mes : la queftion elt préfentement de favoir
fi l'efprit a bien ou mal fait certe inférence.
S'il l'a faite en trouvant des idées moyen»
nés, & en confidérant leur connexion dans
leur véritable ordre , il s'eft conduit rai-
sonnablement , & a tiré une jufte confé-
quence. S'il l'a faite fans une relie vue,
bien loin d'avoir tiré une conféquence folide
& fondée en raifon , il a montré feule-
ment le defir qu'il avoit qu'elle le fût ,
ou qu'on la reçut en cette qualité. Mais
2.34 &s la Rt'fon- Liv. IV.
L. ' ..a ce n'eft pas le fyllogifme qui dans l'un ni
*~ H A p« l'autre de ces cas découvre ces idées ou
fait voir leur connexion ; car il faut que
l'efprit les ait trouvées , & qu'il ait ap-
percu la connexion de chacune d'elles avant
qu'il puiife s'en fervir raifonnablement à
former des fylbgifmes ; à moins qu'on ne
dife , que toute idée qui fe préfente à
l'efprit , peut affez bien entrer dans un
fyllogifme fans qu'il foit nécefi^ire de con-
fidérer quelle liaifon elle a avec les deux
autres ; & qu'elle peut fervir à tout hafard
de terme moyen pour prouver quelque con-
dition que ce foit. G'elt ce que perfonne
ne dira jamais ; parce que c'eit en vertu
de la convenance qu'on apperçoit entre
une idée moyenne tk les deux extrêmes ,
qu'on conclut que les extrêmes convien-
nent entr'eux ; d'où il s'enfuit que chaque
idée moyenne doit être telle que dans tou-
te la chaîne elle ait une connexion vifible
avec les deux idées entre lefquelles eiie eft
placée, fans quoi la conclulion ne peut être
déduite par un entremife. Car par-tout où
un anneau de cette chaîne vient à fe déta-
cher & à n'avoir aucune liaifon avec le
refte , dès-là il perd toute fa force , & ne
peut plus contribuer à attirer , ou inférer
quoi que ce foit. Ainfi , dans l'exemple que
je viens de propofer , quelle autre chofe
montre la force , <Sc pat conséquent la
jutlefie de la conféqne>jce , que la vue de
la connexion de toutes le. idées moyennes
De la Raifon. Liv. IV. a^$
qui attirent la conclufion ou la proposition l ■ W
inférée , comme , Les hommes feront punis ^vn*'*
J)inl celui qui punit — ■ la.
punition jufle Le puni coupable —
// aurait pu faire autrement Liberté
Puijfance de fe déterminer foi-
même ? Par cette vifible enchaînure d'idées ,
ainfi jointes enfemble tout de fuite , en-
forte que chaque idée moyenne s'accorde
de chaque côté , avec deux idées entre lef-
quelles elle efi immédiasement placée, les
idées d'hommes , & de puijfance de fe dé-
terminer foi-même, paroifient jointes en-
femble ; c'efr-à-dire que cette propofition ,
Les hommes peuvent fe déterminer eux-mê-
mes , eft attirée ou inférée par celle-ci ,
Qu'ils feront punis dans l'autre monde.
Carpir-là l'efprit voyant la connexion qu'il
y a entre l'idée de la punition des hommes
1 dans Vautre monde , & l'idée de Dieu qui
\ punit ; entre Dieu qui punit & la. jufiiee
1 de la punition ; entre la jttflke de la puni'
j tion & la coulpe ; entre la coulve & la
puijfance de faire autrement ; entre la piaf-
fante de faire autrement & la liberté ,
enrre la liberté &c la puijfance de Je déter-
miner foi-même; l'efprit, dis-je , apper-
çevant la liaifon que toutes ces idées ent
l'une avec l'autre , voit par même moyen
la connexion qu'il y a entre les hommes
& la puijfance de Je déterminer Joi-mêmc.
Je demande préfentement fi la connexion
des extrêmes ne fe voit pas plus clairement
c
13 6 De ta Raifon. Liv. IV.
= dans cette difpofuion firaple & naturelle ,
X vtrP* ^ue ^ans ^es répétitions perplexes & em-
brouillées de cinq ou fix fyibgifmes. On
doit me pardonner le terme d'embrouillé ,
jufqu'à ce que quelqu'un ayant réduit ces
idées en autant de fyllogifmes , ofe afïurcr
que ces idées font moins embrouillées , &
que leur connexion eft plus vifible lors-
qu'elles font ainfi tranfpofées , répétées, &
enchàflees dans ces formes artificielles , que
Icrfqu'ellcs font préfentes à l'efprit dans
cet ordre court , fimple & naturel , dans
lequel on vient de les propofer , où cha-
cun peut les voir , &c félon lequel elles
doivent ê:re vues avant qu'elles puiflent
former une chaîne de fyllogiiraes. Car l'or-
dre naturel des idées qui fervent à lier
d'autres idées , doit régler l'ordre des fyl-
logifmes ; de forte qu'un homme doit voir
la connexion que chaque idée moyenne a
avec celles qu'il joint enfemble avant qu'il
puiiTe s'en fervir avec raifon à former un
fyllogifme. Et quand tous ces fyllogifmes.
font faits , ceux qui font Logiciens & ceux
qui ne font pas, ne voient pas mieux
qu'auparavant la force de l'argumentation,
c'eit-à-dire , la connexion des extrêmes.
Car ceux qui ne font pas Logiciens de-
profeflïon ignorant les véritables formes du
fyllogifme autfi-bieo que les fondemens de
ces firmes, ne fauroient connoître fi les fyl-
logifmes font réguliers ou non , dans des
Modes & des Figures qui concluent jufte ;
De la 'Raifort. Uv. IV. 237
& ainfi ils ne font point aidés; car les for- ■ — -—
mes félon lefquelles on range ces idées, & ^"vl 7*
d'ailleurs l'ordre naturel dans lequel l'ef-
prit pourrait juger de leurs connexions
refpeetives étant troublé par ces formes
fyllogifhques , il arrive de-là que la con-
féquence efl beaucoup plus incertaine ,
que fans leur entremife. Et pour ce qui
eft des Logiciens eux-mêmes , ils voient
la connexion que chaque idée moyenne a
avec celles entre lefquelles el!e eft placée
( d'où dépend toute la force de la confé-
quence ; ) ils la voient , dis-je , tout auffi-
bien avant qu'après que le iyllogifrne eit
fait : ou bien ils ne la voient point du
tout. Car un fyllogifme ne contribue en
rien à monrrer ou a fortifier la connexion
de deux idées jointes immédiatement en-
semble; il montre feulement par la con-
nexion qui a été déjà découverte entr' elles,
comment les extrêmes font liés l'un à l'au-
tre. Mais s'agit-il de favoir quelle connexion
une idée moyenne a avec aucun des extrêmes
dans ce fyllogifme, c'eft ce que nul fyllogifme
ne montre, ni ne peut jamais montrer. Celt
Tefprit feulement qui apperçoit ou qui peut
appercevoir ces idées placées aum" dans une
efpece de juxta pofttîo/i , & cela par fa pro-
pre vue qui ne reçoit abfolument aucun
fecours ni aucune lumière de la forme fyl-
logiftique qu'on leur donne. Cette forme
fert feulement à montrer que, fi l'idée mo-
yenne convient avec celles auxquelles elle
138 Delà Raifort. Liv. IV.
eft immédiatement appliquée de deux côtés,
^vtiP' *es ^eux ^t<es éloignées > ou > comme pai-
lent les Logiciens , les extrêmes convien-
nent certainement enfemble , & par con-
féquent la liaifon immédiate que chaque idée
a avec celle à laquelle elle efr appliquée de
deux côtés d'où dépend toute la force da
raifonnement , paroît aulli-bien avant qu'a-
près la conftruchon du fyllogifme ; ou bien
celui qui forme le fyllogifme ne la verra
pmais. Cette connexion d'idées ne fe voit,
comme nous avens déjà dit, que par la fa-
culté perceptive de l'efprit qui les décou-
vre jointes enfemble dans une efpece de
juxta-pojition , & cela lorfque les deux
idées font jointes enfemble. dans une pro-
pofition , foit que cette propofuion cons-
titue ou non la majeure ou la mineure d'un
fyllogifme.
A quoi fert donc le fyllogifme ? Je ré-
ponds, qu'il efr principalement d'ufage dans
les Ecoles, où Ton n'a pas honte de nier
la convenance des idées qui conviennent
vifiblement enfemble ; ou bien hors des
Ecoles à l'égard de ceux qui , à l'occafion &
à l'exemple de ce que les Doctes n'ont p3s
honte de faire , ont appris auffi à nier fans
pudeur la connexion des idées qu'ils ne
peuvent s'empêcher de voir eux-mêmes.
Pour celui qui cherche fincérem^nt la vérité
& qui n'a d'autre but que de la trouver ,
il n'a aucun befoin de ces formes fylb-
giftiques pour être forcé à reconnoître la
De la Raifon. Liv. IV. 2.39
conféquence dont la vérité & la jufteffe =?■
paroilîent bien mieux en mettant les idées ^ ^ tiP"
dans un ordre fimple & naturel. De-là
vient que les hommes ne font jamais des
fyllogifmes en eux-mêmes, loriqu ils cher-
chent la vérité , ou qu'ils l'enfeignent à
des gens qui défirent fincérement de la
connoître; parce qu'avant que de pouvoir
mettre leurs penfées en forme fyllogifii-
que , il faut qu'ils voient la connexion
qui cfi entre l'idée moyenne ôc les deux
autres idées entre lefquelks elle eft placée
& auxquelles elle eft appliquée pour fùre
voir leur convenance; Se lorsqu'ils voient une
fois cela , ils voient fi la conféquence eft bon-
ne ou mauvaife , & par conléquent le fyl-
logifme vient trop tard pour l'établir. Car ,
pour mi.- fervir encore de l'exemple qui
a été propofé ci-defTus , je demande fi l'ef-
prit venant à coniidérer l'idée de Jufiic«t
placée comme une idée moyenne entre la
punition des hommes & la coulpe de ce-
lui qui eft puni , ( idée que l'efprit ne peu:
employer comme un terme moyen avant
qu'il l'ait confidérée dans ce rapport;) je
demande fi dès-lors il ne voit pas la force
& la validité de la conféquence , auffi clai-
rement que lorfqu'on forme un fyllogifme
de ces idées ? Et pour faire voir la même
chofe dans un exemple tout-à-fait fimple «k
aifé à comprendre, fuppofons que le mot
animal foit l'idée moyenne , ou comme on
parle dans les Ecoles , le terme moyen que
l'efprit emploie pour montrer la coruiexion
xvn.
140 De la Bai/on. Liv. IV,
tifiomo & de vivent, je demande fi l'efpric
C h a p. ne volt pas cette liaifon auflï promptement
& aufil nettement lorfque l'idée qui lie ces
deux termes cft placée au milieu dans cet
arrangement fimple & naturel,
Homo Animal — — Vivent ,
que dans cet autre plus embarraffé,
Animal Vivais — Homo — Animal ;
ce qui efr la pofuion qu'on donne à ces
idées dans un fyîlogifaie , pour faire voir
la connexion qui eit entre homo & vivens
par l'intervention du mot animal.
On croit à la vérité que le fyllogifme
eft néceffaire à ceux-mêmes qui aiment
fincérement la vérité, pour leur faire voir
les fophifmes qui font fouvent cachés fous
des difeours fleuris, pointillés ou embrouil-
lés. Mais on fe trompe en cela , comme
nous verrons fans peine fi nous confidérons
cjue la raifon pourquoi ces fortes de difeours
vagues & fans liaifon , qui ne font pleins
<jue d'une vaine Rhétorique, impofent quel-
quefois à des gens qui aiment fincérement
la vérité ; c'eft que leur imagination étant
frappée par quelques métaphores vives &
brillantes , ils négligent d'examiner quelles
font les véritables idées d'où dépend la con-
féquence du difeours ; ou bien éblouis de
l'éclat de ces figures ils ont de la peine à
découvrir ces idées. Mais pour leur faire
voir la foibleffe de ces fortes de raifjnne-
mens , il ne faut que les dépouiller des
idées fuperflues qui mêlées & confondues
avec
De h Raifon. Liv. IV. 2.41
•4vec celles d'eu dépend la connoiflance , ==sk
-femblent faire voir une connexion cù il n'y *^HV^/*
-en a aucune , ou qui du moins empêchent
qu'on ne découvre qu'il n'y a point de con-
nexion ; après quoi il faut placer dans leur
ordre naturel ces idées nues d'où dépend
Ta force de l'argumentation ; & l'efprit ve-
nant à les confidérer en elles-mêmes dans
une telle pofition , voit bientôt quelle con-
nexion elles ont ëntr'elles, & peut par ce
moyen juger de la conféquence fans avoir
befoin du fecours d'aucun fyllogifme.
Je conviens qu'en de tels cas en fe fert
communément des Modes 8c des Figurés^
comme fi la découverte de Vincohérence de
ces fortes de difeours éteit entièrement due
à la forme fyltogiftique. J'ai été moi-mémè
d.ins ce fennment , jufqu'à ce qu'après un
plus févere examen j'ai trouvé ^qu'en ren-
geant les moyennes toutes nues dans leur
ordre naturel , on "voit mieux Vincohé-
rence de l'argumentation que par le moyen
d'un fyllogiînie : non-feulement à caufe que
cette première méthode expofe immédiate-
ment à l'efprit chaque anneau de la chaîné
dans fa véritable place , par cù l'en eh
veit mieux la liaifon , mais auiïi parce que
îe fyllogifme ne montre YincohJrence qu'à
ceux qui entendent parfaitement les for-
mes fyllogiftiques &: les fendemens fur les-
quels elles font établies , & ces perfonnes
ne font pas un entre mille ; au lieu que
l'arrangement naturel des idées , d'où àir-
Tvmc IV, L
2.4- De ta P.aifon. Liv. IV.
=■ pend la conséquence d'un raifonnement ,
X V H ' ^u^r pour faire voir à tout homme le dé-
faut de connexion dans ce raifonnement &
ï\îbfurdité de la conféqutnee, feit qu'il U it
Logicien ou non , pourvu qu'i! entende
les termes, & qu'il ait la facultéd'apperce-
voir la convenance ou la di(conven<ince de
ces id^cs , fans laquelle faculté* il nepopr-
roit jamais reconnoître la f^rce ou h l.i-
.fcieiTe , la cohérence ou V incohérence d'un
difecurs par l'entremife ou funs le feccurs
du fylbgifme.
Ainfi , j'ai connu un homme à qui les
règles du fyllcgifme étoient en: Serf ment
inconnues, qui appercevtr d'abord la Foi»
Mette & les f'.ux raifonnemens d'un long
difeours , aniricieux & plaufifcle , auquel
d'autres gens exercés à toutes les finedes
xfc la Logique le font laifiés attra^pej ; ce je
crois qu'i! y aura peu de mes Lecicurs qui
ne connoiifent de telles perfonnes. Et en
effet fi cela n'étoit ainli, les difpmes qui
s'élèvent dans les Çonfells de la plupart
des Princes, & le3 affaires qui le traitent
dans les affemblées publiques Cerpient en
danger d'êcre mal ménagées , puisque ceux
qui y ont le plus d'autorité & qui d'ordi-
naire contribuent le plus aux dédiions qu'on
y prend , ne font pas toujours des gens
qui aient eu le bonheur d'être parfaitement
ïnfrruits d-ns l'art de faire des fyîlqgif-
mes en forme. Que fi le fyllcgifms étoit
le feul , ou même le plus fur moyea
de découvrir les faufletés d'un difeours.
De ta Raifon. Liv. IV. a.43
artificieux , je ne crois pis que fErreur — â
*& la FaufTeté fuient fi fore du goût S/irfiP'
de tout le genre humain & particulière-
ment des principes dans des matières qui
intéreffent leur Couronne & leur Dignité t
que par tout ils euffent voulu négliger de
faire entrer le fyllogifme dans des difeuf-
fîons importantes , ou regardé comme une
chofe û ridicule de s'en fervir dans des
affaires de conféquence : Preuve évidente à
mon égard que les gens de bon fens &
d'un efpri: folide év pénétrant , qui n'ayant
pas le loifir de perdre le tems k difputer,
dévoient agir félon le réfultat de leurs dé-
cidons , &fouvent payer leurs méprifes de
leur vie ou de leurs biens , ont trouvé que
ces formes fcholaftiques n'écoient p;.s d un
grand ufage pour découvrir la vérité ou la
faufTeté d'un raifonnement , l'un & l'autre
pouvant être montrées fans leur entremi-
fe , & d'une manière beaucoup plus fenîi-
ble à quiconque ne réfuterait pas de voir
ce qui feroit expofé viî'iblemenr. à fes
yeux.
En fécond lieu, une autre raifon qui me
fait douter que le fyllogifme foit le véri-
table inftrumtnt de la raifon dans la dé-
couverte de la vérité, c'eft que de quel-
qu'ufage qu'on ait jamsis prétendu que les
«iodes & les figures pufTent être , pour dé-
couvrir la fillace d'un argument ( ce qui
a été examiné ci-deifus ) il fe trouve dans
ïf fond que ces formes fcholaftiques, qu'or.
L %
V. H A P.
% V 11.
n.44 De la Raifon. Liv. IV.
donne au difcours , ne font pas moins fa-
jcrtes à rrcmper l'efprit que des manières
d'argumenter plus fimples ; fur quoi j'en
appelle à l'expérience , qui a toujours fait
voir que ces méthodes artificielles étoient
plus propres à furprendre & à embrouiller
l'efprit qu'a 1 inftruire & à l'éclairer. De là
vient que les gens qui font battus & ré-
duits au filence par cette méthode fcho-
laftique, font rarement ou plutôt ne font
jamais convaincus & attirés par-là dans le
parti du vainqueur. Ils reconnoiffent peut-
être que leur adverfaire eft plus adroit dans
la difpure ; mais ils ne aillent pas d'être
perfuadés de la juflicé de leur propre caufe ;
& tout vaincus qu'ils font , ils fe reti-
rent avec la même opinion qu'ils avcient
auparavant; ce qu'ils ne pourvoient frire,
fi cette manière d'crgumenter portoit la
lumière & la conviéhon avec elle, enforre
qu'elle fît voir aux hommes où eft la vérité.
Âuffi a-t-on reg?rdt le fyHogifrrte comme
plus propre à faire obtenir la vi&oire dans
la difpute , qu'à découvrir ou à confirmer
\z. vérité dans Les recherches finceres qu'on
en peut faire. Et s'il eft certain , comme
on en peut douter, qu'on puiffe envelop-
per des raifonncmens fallacieux dans des
fyllogifmes , il faut que la fallace puiffe
être découverte par quelqu'autre moyen
que par celui du fyllogifrne.
J'ai vu par expérience, que , Icrfqu'on
se xeconnoîc pas dans une chofje tous tes
De la Raifort. Liv. IV. 144
ufages que certaines gens ont ete accoutu- • ~y
mes de lui attribuer , ils s'écrient d'abord x-VUv"
que je voudrois qu'on en négligeât entiè-
rement l'ufage. Mais pour prévenir des
imputations fi injuftes & fi destituées de
fondement , je leur déclare ici que je ne
fuis point d'avis qu'on fe prive d'aucun
moyen capable d'aider l'entendement dans
l'acquifition de la connoiffance ; & fi des
personnes flilées & accoutumées aux for-
mes fyllogifïiques les trouvent propres à ai-
der leur raifon dans la découverte de la vé-
rité , je crois qu'ils doivent s'en fervir. Tout
ce que j'ai en vue dans ce que je viens de
dire du fyllogifme , c'eft de leur prouver
qu'ils ne devroienr pas donner plu* de poids
à ces formes qu'elles n'en méritent , ni fe
figurer que fans leurs lëcours les hommes
ne font aucun ufage , ou du moins qu'ils
ce font pas un ufage fi parfait de leur fa-
culté de raifonner. Il y a dzs yeux qui ont
befoin de lunettes pour voir clairement êz
distinctement les objets ; mais ceux qui s'en
fervent, ne doivent pas dire à caufe de cela,-
que perfonne ne peut bien voir fans lunet-
tes. On aura raifon de juger de ceux qui
en ufent ainfi , qu'ils veulent un peu trop
rabbailTer la nature en faveur d'un art
auquel ils font peut-être redevables. Lorf-
que la raifon efl ferme & accoutumée à
s'exercer , elle voit plus promptement &
plus n2ttcrnent par fa propre pénétration
iâns le fecours du fyllogifme, que par fon-
L 3
£40 Dt m Raifon. Liv. IV.
«-— ' ' ^ entremife. Mais fi l'ufage do cette efpece
Si VII?' ^e Iunettes a ^ ^crr oîtufqué la vue d un-
Logicien qu'il ne puin'e voir , fans leur
fecours, les conféquences ou les inconfé-
qoences d'un raifonnement , je ne fuis pas
fi déraifonnable pour le blâmer de ce qu'il
s'en ferr. Chacun connoît mieux qu'aucune
autre perfonne ce qui convient le mieux à
fa vue ; mais qu'il ne conclue pas de là
que tous ceux qui n'emploient pas jufte-
ment les mêmes fecours qu'il trouve lui
être néceflaires , font dans les ténèbres.
LefyHo- §• 5. MaïiS quel que foit l'ufage du fyl-
jifme, n'eft logifme dans ce qui regarde la connoi/fance ,
pas d un • ° ■ .• / • / ,-t k
g-and fecours Je croîs Pcuvoir dire avec vérité op.il efl
dans la dé- beaucoup moins util?, on plutôt qu'il n'efi
monftration , ahf0jument d'aucun tifage dans les probabi-
moins encore „■' „ _ . J J , , ' ,/
dans le* pro- *lies '■> car ' ailentiment devant ère deter-
k^bilités. miné dans les chofes probables p.r le plus
grand poids des preuves, après qu'on les a
duemenf examinées de part & d'autre d.ns
foutes leurs circonstances , rien n'eft moins
propre à aider l'efprit dans cet examen que.
le iyllogifme , qui muni d'une feule pro-
babilité ou d'un feul argument topique fe .
donne carrière , & pou/fe cet argument
dans fes derniers confins , jufqu'à ce qu'il
t'xt entraîné l'efprit hors de la vue de la
chofe en queftion ; de forte que le forçant ,
pour ainfi dire , à la faveur de quelque
difficulté éloignée , il le tient là fortement
attaché, & peut-être même err.brouiilé &
^ntre.hfîè dans une chaîne de fyUogi fmes 8
De ta Raijon. Liv. IV. 147'
ftnsr lui donner la liberté de confidérer de =-
«pel côté fe trouve la plus grands proba- c H * /*
bilité , après que toutes ont été duement
examinées ; tant s'en faut qu'il fournifle
les fecours capables de s'en inflruire.
$. 6. Qu'on fuppofe enfin , fi l'on veut, Il'ntfferf
que le fyllocnfme eit de quelque fecours pour P°'nt a auS"
1 . 7 . ? 1 j menter nos
convaincre les hommes de leurs erreurs ou de COiinojflan_
leurs méprifes , comme on peut le dire peut- c?s , mais à
être, quoique je n'aie encore vu perfonnequi c, ^.'Tlc''iljjr.
ait é:é forcé par le fyllogifme à quitter „uc I:jUÎ
fès opinions, il eft du moins certain que avons deji,-
le fyllogifme n'elt d'aucun ufage à notre
raifon dans certe pjrtie qui confite à ircu-
Tcr des preuves & à faire d-: nouvclUs dé-
couvertes , laquelle fi elle n'cl pas la qua-
lité la plus parfaite do l'eïpnc , & fans
contredit fa plus pénible fonction , & celle"
dont nous tirons le plus d'uriliré. Les rè-
gles du fyllogifme ne fe vent en aucuns
m miere à fournir à l'efprit des idées moyen-
nes qui puilient montrer la conne.vijn de
celles qui lbnc éloignées. Ceirte méthode de
raifjnner ne découvre point de nouvelles
preuves; c'efr feulement l'art d'arranger cel-
les que nous avons déjà. La 47me. Propofî-
tÏDn du premier Livre d'Eucli4' eft très-
véritable, m'is je ne crois pis que la dé-
couverte eu fjit due à aucunes régies de la
Logique ordinaire. Un homme connoît pre-
rtnererfleat , & i! çît ensuite capable de
wret ea forme fyllogiiriquc ; de forte'
L 4
a4« De la Raifon. Liv. IV.
a que le fyllogifme vient après la connoif1»
^cvnP* ^ilice> & alors on n'en a que fort peu, ou
' point du tout de befoin. Mais c'eit prinr
cipalement par la découverte des idées qui
montrent la connexion de celles qui font
éloignées , que le fond des connoiflances
s'augmente, & que les Arts & les Sciences
utiles fe perfectionnent. Le fyllogifme n'efl
tout au plus que l'art de faire valoir , en
difputant , le peu de connoifTance que nom
avons, fans y rien ajouter: de forte qu'un
homme qui emploieroit entièrement fa rôi-»
fon de cette manière , n'en feroit pas ua
meilleur ufage que celui qui ayant tiré,
quelques lingots de fer des entrailles de.
la terre , n'en feroit forger que des épées
qu'il mettroit entre les miins.de fes valets-
pour fe battre & fe ruer les uns les autres*
Si le Roi d'Efpagne eût employé de cette,
manière le fer qu'il avoit dans fon Royau-
me , & les mains de fon Peuple , il n'au-
rpit pu tirer de la Terre qu'une très- petite,
quantité de ces Tréfors qui avoient été;
cachés fi long - tems dîns les Mines de,
Y Amérique. De même je fuis tenté de croire
que quiconque confumera toute la force de
fa raifon à mettre des Argumens en for-
me , ne pénétrera pas fort avant dans ce-
fpnd de connoiflances qui relie encore ca-
chés dans les fecrets recoins delà nature,
& vers où je m'imagine que le pur bon
fens dans fa fimplicité naturelle eflbeau-.
coup plus propre à nous tracer un chemia
De la Raifon. Liv. IV. 249
ppur augmenter p.ir-là le fond des connoif-
îances humaines , que cette réduction du rai-
fonnement aux Modes & aux Figures dont
on donne des règles fi précifes dans les
Ecoles.
$. 7. Je m'itmgine pourtant qu'on peut
trouver des voies d'aider la raifon dans cette
partie qui eft d'un fi gnnd ufage; & ce
qui m'encourage à le dire , c'eft le judi-
cieux Hooker qui pr.rle ainfi dans fon Li-
vre intitulé La Police Eccléfiafîique , Liv»
1. $. 6. Si l'on pouvoit. fournir les vrais
fecours du Savoir & de l'Art de raifon."
lier, ( car je ne ferai pas difficulté de dire
que dans ce jiecle qui pajfe pour éclairé, on
ne les connoit pas beaucoup , & qu'en gei-
ndrai on ne s'en met pas fort en peine )
il y auroit fans doute prtfqii 'autant de..
différence par rapport à la folidité du Ju-
gement entre les hommes qu'vsen ferviroient
& ce que les hommes font prifenttment ?
qu'entre les hommes d'à préfent & des im-
bécilles. Je ne prétend pas avoir trouvé ou
découvert aucun dé ces vrais fecours ' de
l'art, dont parle ce grand homme qui avoit
lefprit fi pénétrant; mais il' eft vifible que
lé fyllogifme & la Logique- qui ett préfen-
tement en ufage, & qu'on connohToitauflî-
bien de fon tems qu'aujourd'hui , ne peu-
vent être du. nombre de ceux qu'il' avoir
dans l'efprit. C'eft alfez pour moi ' fi dans
un Difcours qui eft peut-être un peu éloi-
gné du chemin battu, qui n'a point été '
L-ç
1 .
C H A P.
XVII.'
a-5Q De la Raijbn. Liv. IV.
» emprunte d'ailleurs , & qui à mon égard
Xv\ l'' e^ ^ur^mQnt tout-à-fait nouveau , je don-
ne occafion à d'autres de s'appliquer à faire
de nouvelles découvertes & à chercher en .,
eux- mêmes ces vrais J'ecours de VArt9
que je crains bien que ceux qui fe fou-
mettent fervilement aux décifions d'autrui ,
ne pourront jamais trouver , car les che- ■
mins battus conduifent cette efpecc de Bétail
^■Horace c'eft ainfi qu'un judicieux * Romain les a
Epift î<5 l' nomm^s ) dont toutes les penfées ne ten-
V ImhatoTts dent qu'à l'imitation non où il .faut aller
fayumvecus, mà\s où l'on va, non qub eundum ejl , fed .
quç itur. Mais j'ofe dire qu'il y a dans ce -
fiecle quelques perfonnes d'une telle force
de jugement & d'une fi grande étendue d'ef- •
prit , qu'ils pourroient tracer pour l'avan- .
cernent de la connoiffance des chemins nou-
veaux & qui n'ont point encore été décou-
verts , s'ils vouloient prendre la peine de :
tourner leurs penfées de ce côté-là.
Nous raj- x g^ Après avoir eu occafion de par-
donnons fur . ' . r 1-Ji-U-/- '
deschofes 'er dans cet endroit du iyllogilme en ge-
pamculieres. néral & de fes ufages dans le mifonnemenù
& pour la perfection dé nos connoiflances ,
il ne fera pas hors de propos , avant que
de quitter cette matière , de prendre con-
noiffance d'une méprife vifibïe qu'on com-
met dans les règles du fyljogifme ; C'eft
que nul raifoniument fyllo^ifiique ne peut -
ùre jufle &■ concluant , s'il ne contient au
moins une Propojition générale : comme fi
bçus. ne .pouvions point raifonnej & av^i? s
DelaRcifon. Liv. IV'. ajl
des connoiffhnces fur des chofes particu- =-_
lieres : au lieu que dans le fond on trou- T^vri!
vera , tout bien confide'ré , qu'il n'y a que
les chofes particulières qui foient l'objet im-
médiat de tous nos raifonnemens ôc de toutes
nos connoi'i':.nces. Le raisonnement & la con-
noiffance de cirque homme neroule que fur
les idées qui exiitent dansfon efprit , deiquel-
*cs chacun n'eft erTeftivement qu'une exif-
tence particulière ; fe d'autres choies ne de-
viennent l'objet de nos connoiffances & de nos
riiionnemens qu'en tant qu'elles font con-
formes à ces idées particulières que nous
avons dans i'efprit. De forte que la per-
ception de la convenance eu de la difeon-
venance de nos idées particulières eft le fond '
& ie total de notre connoiffance. L'uni-
yerfalité n'eft qu'un accident à fon égard , ,
& conlifte uniquement en ce que les idées
particulières qui en font le fujet , font tel-
les que plus d'une chofe particulière peut
leur être conforme & être repréfentée par
elles. Mais la perception de la convenance •"
ou de la diiccnver>a*»;e de deux idées r & --
p^r conféquent notre connoiffance eft éga-
lement claire & certaine, foit que l'une
d'elles ou toutes deux foient capables de
repréfenter plus d'un Etre réel ou non, ou •■
One nuiîe d'elles ne le foit. Une autre cho-
fe que je prends la liberté de propofer fur
le. fyllogifme , avant que de finir cet arti-
cle, c'eft , fi Ton n'auroit pos fujet d'exa-
miner fi la forme- qu'on donne préférée- -
L 6
a?X De la Raifort. Liv. IV.
C h"a~7. ment au fyl'ogifrne eft telle qu'elle doi*v
X V I i, être raisonnablement. Car le terme moyen;
étant deitiné à joindre les Extrêmes , c'eft-
à-dire , les idées moyennes , pour faire voir-
par fon enuemife la convenance ou la dif-.
convenance de deux idées en queftion >
la pofition du terme moyen ne leroit-elle,
pas plus naturelle , &. ne montreroit-elle..
pas mieux & d'une manière plus claire la,
convenance ou la difconvenance des extrê-
mes , s'il étoit placé au milieu entre deux ?
Ce qu'on pourroit faire fans peine en tranf-
pofant les propofitions , & en faifant que le
terme moyen fût l'attribut du premier & .
& le fujet du fécond , comme dans ces deu3Ç_
exemples ., .
Omnis homo ejl animal ,
Omne animal efl vivens ,
Mrgo omnis homo ejl vivens? .
Opine, corpus eJLextenfum & folidum^
JN,ullum extenfum & folidum ejl pur%f,
extentio ,.
Ergor corpus non, efi-pura extentio.
Il : n'eft pas nécefiaire quç j'importune-
mon Lecteur par des exemples de fyllo--
gifmes.dont la CQnclufioa.foit particulière» .
Jba même raifon autorife auffi bien cette for- -
ne à. l'égard. de ces derniers fyilogiim.es qulà*
De -là Raifon. Liv. IV; aJ3-
ljégard- de ceux dont la concîufion efl gé- tsass =a
Qérale. Wll?
§. 9. Pour dire présentement un mot de
l'étendue de notre raifon , quoiqu'elle pêne- pourquoi,
tre dans les abymes de. la mer & de la la raifon vient
terre, qu'elle s'élève jufqu'aux étoiles &; *"°uesn ™™~
nous conduife dans les vafies efp.-.ces & taines ren-
ies appartenons immeufes de ce prodigieux contres,
édifice qu'on nomme V univers , il s'en
faut pourtant beaucoup qu'elle comprenne
même l'étendue réelle des Etres corporels ;
& il y a bien des rencontres où elle vient à
nous manquer. .
Et premièrement elle nous manque abfo- I. Parce qaç
ment par-tout où les idées nous manquent. lesidées
•en ,• • ii- nous rmn.-
Elle ne s étend, pas plus loin que ces quent.
idées , & ne fauroit le faire. C'eft pourquoi
par-tout oit nous n'avons point d'idées ,
notre raisonnement s'arrête , & nous nous
trouvons au bout de nos comptes. Que fi -
nous raifonnons quelquefois fur. des mots'
qui n'emportent aucune idée, c'efl unique-
ment fur ces fons que roulent nos rai-
Ibnnemens , & non .. fur aucune autre
chofe.
$. 10 En fécond lieu notre raifon eft u parce
fouvent emb.irrafiée & hors déroute à caufe que nos idée*
de l'obfcurité, delà cenfufion , oude l'im- £n.tobfcfure$
perfechon des idées fur lesquelles elle tes»
•'exerce ; & ceû alors que nous nous trou-
vons embarraflés dans des- contradictions
& des difficultés inlùrmoncables. Ainfi, ,
parce que no.us n'«Yons point d'idées par-?-
114 De là Raifon. LW. IV ■.
==a faites de la plus peine extcnfion de la nra*--
<L . H A P. . .r.r.,
X VIL tiere , ni de l'inhniie , notre raifon eir à
bout fur le fujet de la divisibilité de la ma-
tière ; au lieu qu'ayant des idées parfaites ,
claires & diftinctes du nombre, narre rai-
fon ne trouve dans les nombres aucune de .
ces difficultés infurmontables , & ne tombe
d«:ns aucune contradiction fur leur fujet,
Ainfi les idées que nous avons des opéra-
tions de notre efpric & du commencement
du mouvement ou de la penfée & de te
manière dont l'efprit produit l'une & l'autre .
en nous ; ces idées , dis-je , étant impar-
faites , & celles que nous nous fermons de .-
l'opération de Dieu l'étant encore davantage, .
elles nous jettent dans de grandes difficul-
tés fur les Agens créés, doués de liberté, .
defquelles la raifon ne peut guère fe dé- •
barralfer.
ÎH. Parce (>. i r. En troifieme lieu , notre raifon eu -
eue les idées .. • ,T, ^ , , ,, ,
moyenne*- louvent pouilee a bout, parce quelle nap-
nous r&an- perçoit pas les idées qui pourraient fervir
que/it. ^ juj montrer une convenance ou dîfcon-
venance certaine ou probable de deux au-
tres idées ; & dans ce point les facultés de ;
certains hommes l'emportent . de be.iuo>up
fur celles de quelques autres. Jufqu'àceque
X Al-ebre , ce . grand inftrurnent & ecte .
preuve infîgne de la fagacité de l'homme.,
eût été découverte , les hommes reg-u-
-ijient avec étonnement plufieurs démonf-
trations des anciens Mathématiciens , & :
pouvaient à peine s'empêcher de croire que .
Efctâ Èàijvn. Lïv. IV. 11 %
îa découverte de quelques-unes de ces preu- — <- — '- — s»
ves ne fut au deifiis des forces humaines. ^"v^/*
$. îa. En quatrième lieu, lefprit venant
à bâtir fur de faux principes , fe trouve iv. Parca-
fouvent engagé dans des abfurdites , & des que nous
difficultés infurmontables , dans de fâcheux [omTSc im"
dciiles & de pures contradictions , fans fa- principes»
voir comment s'en tire:vEt dans ce cas il
eft inutile d'implorer le- fecours de la rai-
fon , à moins que ce ne foit pour dé-
couvrir la fauffeté & fecouer !c joug de ces
principes. Bien loin que la raiîbri éclairciife
les diificukés dans lesquelles un homme -
s'engage en- s'appuyant fur de mauvais-
fondemens , elle l'embrouille davantage,
& le jette toujours plus avant dans Tenir
barras.
§. 13. En cinquième lieu , comme les V. Acaufe-
idées obfcures & imparfaites embrouillent ^es termes
r ^ 1 ■ r /■ 1 « c j douteux &•
iauvent la railon lur le même fondement , incertauis.
il arrive fouvent que dans les difeours &
dans les raifonnemens des hommes, leur
raifon eft confondue &z notifiée à bout pas
des mots équivoques & des figr.es douteux
8c incertains , lorfqu'ils ne font pas exac-
tement fur leurs gardes. Mais quand nous
venons à tomber dans ces deux derniers .
égaremens, c'eft notre faute, & non celle
de la raifon.Cependant les conféquences n'eà s
font pas moins communes ; & l'on vok -
par-tout les embarras ou les erreurs qu'ils ■-,
produifent dans l'efprit àes hommes
$. 14. Entre les idées que nous- iyaos^i
C H A P.
XVII.
Le plus
haut degré
de notre
connoiflance
ert'l'intui-
tion, fans
raifonne-
msr.t.
2.56" De la Raifort. Liv. IV.
dans refprit , il y en a qui peuvent, être^
immédiatement comparées par elles-mêmes,
l'une avec l'autre ; & à l'égard de ces idées
l'efprit eft capable d'apptrcevoir qu'elles
conviennent ou difconviennent , suffi claire-
ment qu'il voit qu'il les a en lui-même.
Ainû l'efprit apperçoit aufli clairement que
l'arc d'un cercle. eft plus petit que tout le
cercle , qu'il apperçoit l'idée même d'un
cercle : & c'elt ce que j'appelle à caufe de
cela une connoiJfan.ee intuitive , comme j'ai
déjà dit : connoifTance certaine , à l'abri de
tout doute , qui n'abefoin d'aucune preuve &
ne peut en recevoir aucune , p;.rce que
c'eft le plus haut point de toute la certitude
humaine. C'eft en cela que confifle l'évi-
dence de toutes ces Maximes fur lefquelles
perfonne n'a aucun doute , de forte que norr-
feulement chacun leur donne fdn confente-
mem , mais les reconnoît pour véritables
dès qu'elles font propoféés a fon entende-
ment. Pour découvrir & embraifer ces vé-
rités , il n'eït pas nécelfaire de faire aucun
ufage de la faculté de difeourir , on n'a pas
befoin de raifennement ; car elles font con-
nues dans un plus haut degré d'évidence ;.
degré que je fuis tenté de croire (s'il eft
permis de ha farder des conjectures fur des-
chofes inconnues ) tel que les Anges ont
préfentement , & que les efprits des hommes
j6ftes parvenus à la perfection auront dans
l'état à venir , fur mille chofes qui à prêtent
échappent tout-à-fait à notre entendement
Delà Kalfon. Liv. IV. a 57
& defquelles notre raifon dont la vue eft fi
X V II.
bornée , ayant découvert quelque foibles c H
rayons, tout le relie demeure enféveîi dans
les ténèbres à notre égard.
$. x;. Mjis quoique nous voyons ça & eftIa^3!
là quelque lueur de cette pure lumière, tration par
quelques étincelles de cette éditante con- voie de rai-,
noiilance, cependant la plus grande partie
de nos idées font de telle nature que nous
ne faurions difcerner leur convenance ou
leur difconvenance en les comparant immé-
diatement enfemble. Et à l'égird de toutes
ces idées nous avons befoin du r^ifonne-
ment , & fommes obligés de faire n >î dé--
couvertes par le moyen du di (cours & des
déductions. Or ces idées font de deux for-
tes , que je prendrai la liberté i'expofer en-
core aux yeux de mon Lecteur.
Il y a premièrement , les idées dont on.
peut découvrir la convenance m la difeon-
v.enance par. l'intervention d'autres idées,
qu'on compare avec elles , quoiqu'on ne
puilfela voir en-joignant enfemble ces pre-
mières idées. Et en ce cas-là , lorfque la
convenance ou la difeonvenance. des idées
moyennes avec celles auxquelles nous vou-
lons les comparer , fe montrent vifible-
inent à nous , cela fait une demonftration,
qui emporte avec foi une. vraie connoif-.
fance, nuis qui, bien que certaine , n'eft
pourtant pas fi aifée à acquérir , ni tout-à-
fait fi claire que la connoiffance intuitive ;,
garce, qu'en, celle-ci il n'y a qu'une feule-
fcçt De la Raifon. Liv. IV.
s intuirion , pure & fimple, fur laquelle cm
Sc'yU*' n° lauro*c fe méprendre ni avoir ld moin-
dre apparence de doute , la vériré y pa-
roi/Tant tout-à-Ia-fois dans fa dernière per-
fection. Il eft vrai que l'intuition fe trouve
auflî dans la démonftration , rmis ce n'efl
pas tout-à-la fois ; car il faut retenir dans
ià mémoire l'intuition de la convenaneeque
l'idée moyenne a avec celle à laquelle nous
l'avons comparée auparavant , lorfque nous
Venons à la comparer avec l'idée fuivante ;
& plus il y a d'idées moyennes dans une
dimonftration ..plus on efr en. danger de fe
tromper , car ii faut remarquer & voir d'une
connjii...n:e de fiîDpfé vue ch •.que conve-
nance ou difeonvenance des ki ies qui en-
trent dans la démonftration , en chaque de~
gré de la déduction, & retenir cerre liaifon
dans la mémoire , juftement comme elle efl
de forte que l'efprit doit être anuré qus
nulle partie ds ce qui efl néceffaire pour
former la démonftration, n'a été omife ou.
négligée. C'efl ce qui rend certaines dé-
monftrations longues , embarraiTées , &
trop difficiles pour ceux qui n'ont pas afTez
de force & d'étendue d'cfprit pour apper-
cevoir diftinclement , & pour retenir exac-
tement & en bon ordre tant d'articles par-
ticuliers. Ceux-mêmes qui font capables de
déorouil'er dans leur tête ces fortes de fpé-
culurons compliquées , func obligé1; quel-
quefois de les faire palier plus d'une foi**
en revue avant que cle pouvoir p.u-vcn1
C H A P.
xwiu
DeîaRaifon. Liv. rV'. la-
tine connoiftance certaine. Mais du refte,
îorfque l'efprit recient nettement & d'une
connoiffunce de fimple vue le fouvenir de
!a convenance d'une idée avec une autre ,
& de celle ci avec une troisième, & de cette
troiiieme avec une quatrième , &c. albw la
convenance de la première &de la quatrième
cR une démonfrration , & produit une con-
noirliince certaine qu'en peut appeller cen-
noijfance raifonnée , comme l'autre efr. une
epnnoiflance inuùùve. p0llr fUp_
fy. 16. Il y a , en fécond lieu , d'i-utres p'éeraees
idées dont on ne peut juger qu'elles fe *»»»*«»'■
r . J ° " tes ce la rai-
conviennent ou difeonviennent autrement fon , il ne
que par l'entremife d'autres ide'es qui n'ont nousrefte
pjin: de convenance Certaines avec les ^en*, f onde
ex rêmes , m ris feulement une convenance fur des rai-
ordinaire ou vraifemblable ; & c'eft fur ces fonnemens
... ,.. r ,. . . probables»,
idées qu il y a occanon à exercer le Juge-
ment , qui efr cet acqvhfccmcnt de Vefprit
par lequel on fuppofe que ctrtbïrtis idées con-
viennent entr' elles en les comparant avec ces
fortes de moyens probables. Quoique cela
ne s élevé janvùs jufqu'à la connoiiTance ,
ni jufqu'à ce qui en fait le plus bas degré j
cependant ces idées moyennes lient quel-
quefois les extrêmes d'une manière fi in-
time, & la probabilité efr fi claire & fi forte,
que l'auentiment h fuit auffi néceffairement
que la connoiffance fuit la démonfrration.
L'excellence & l'ufage du Jugement con-
fuie à obferver exactement la force & le
ooids de chaque probabilité & à en faire une
juf>e eftimarion ; & enfuite après . avoir à >
i.6o De la Raifort. Liv. IV.
pour ainfi dire , routes fommées exaclemenr,.
X V* L â fe déterminer pour le côté qui emporte
la balance.
Intuition * $. 17. La connoijfance intuitive eu la.
aémonftra- perception de la convenance ou difconve-
tion , juge- y '. * j j •_>/ i
n,ent, b venance certaine de deux îdces comparées
immédiatement enfemble.
La connoijfance raifonnée elt la percep-
tion de la convenance ou difconvenance
certaine de deux idées , par l'intervention,
d'une ou de plufieurs autres idées.
Le jugement eil la penfée ou: h fuppofi-
tion que deux idées conviennent ou dif—
conviennent y par l'intervention d'une cit
de plufieurs idées dont l'efprk ne voit pas.
la convenance ou la difconvenance certaine
avec ces deux idées, mus qu'il a obfervé"
être fréquente &. ordinaire.
Cônféquen- % 1 &• Quoiqu'une grande partie des fonc-
ées déduites tions de la raifon , dv ce qui en fait le fujec
des paroles, ordinaire , ce foit de déduire une propo-
St confequen- À .... * , , r*
ces déduites "tion dune autre, ou de tirer des conle-
it% idéas. quences par des paroles ; cependant le prin-
cipal ade du raifonnement confifte à trou-
ver la convenance ou la difconvenance de
deux idées par l'entremife d'une troifieme ,N
comme un homme trouve par. le moyen
d'une aune que la même longueur convient,
à. deux maifons qu'on ne fauroit joindre,
enfemble pour en mefurer l'égalité par une.
jiiXutpojitijn.Lçs mots pnt leurs conféquences
ea tant qu'ils font lignes de telles ou telles
idées j,(Sç les chofes conviennent ou dacorv?-
De ta Raifon.lW. IV. i6r
viennent félon ce qu'elles font réellement , ■ . -j
mais nous ne pouvons le découvrir que par C n a p.
les idées que nous en avons.
$. 1.9. Avant qne de finir cette matière, Quatre
î\ ne fera pas inutile de faire quelques ré- fortes d'ar»
flexions fur quatre fortes d'argumens dont g«mens.
les hommes ont accoutumé de fe ferviren
raifonnant avec les autres hommes , pour
les entraîner dans leurs propres fentimens-,
ou du moins pour les tenir dans une
efpece de refpeft qui les empêche de
contredire.
Le premier eu de cirer les opinions des Lepretniet
perfonnes qui par leur efprit , par leur fa- advtr"u*-
voir , par Péminence de leur rang , par leur
puiffance,ou par quelqu'autre raifon , fe
font fait un nom, & ont établi leur réputa-
tion fur l'eftime commune avec une cer-
taine efpece d'autorité. Lorfque les hom-
mes font élevés à quelque dignité , on croit
qu'il ne fied pas bien à d'autres de les con-
tredire en quoique ce foit , &que c'eft bief-
fer la mcdeftie de -mettre en queflion l'au-
torité de ceux qui en font déjà en poffef-
lion. Lcrfqu'un homme ne fe rend pas
promptement à des décifions d'Auteurs ap-
prouvés que les autres embraffent avec fou-
miffion & avec refpecl, on eft porté à le cen-
furer comme un homme trop plein de va-
nité : & l'on regarde comme l'effet d'une
grande infolence qu'un homme ofe établir
un fentiment particulier & le foutenir con-
tre le torrent de l'Antiquité , ou le mettre
i.6% De la 'Raifort. Liv. IV.
•fc.u- _ ! en oppofition avec celui de quelque favant
Scvtl1"* ^°^eur ou ^e quelque fameux Ecrivain.
C'eit pourquoi celui qui peut appuyer fes
opinions fur une telle autorité , croit dès-
la erre en droit de prétendre la victoire .,
& il eft tout prêt a taxer d'imprudence
quiconque ofera les awîquer. C'eit ce qu'on
peut appeller, à mon avis, un argument
ad vevtcur.diam.
Le fécond £# ao# Un fécond moyen dont les hom-
viam!'0ra mes fe fervent pour porter & forcer , pour
ainfi dire, les autres à foumettre leur juge-
ment aux décifions qu'ils ont prononcées
eux-mêmes fur l'opinion dont on difpute ,
c'efl: d'exiger de leur adverfaire qu'il ad-
mette la preuve qu'ils mètrent en avant ,
ou qu'il en affigne une meilleure. C'efl ce
j'appelle un argument ad ignorantiam.
., .r 6. 2.1. Un troifieme moyen , c'efl de
me, ad ho- preiler un hcmrae par les comecuences
vtitem. qUi découlent de fes propres principes , ou
de ce qu'il accorde lui-même. C'efl un ar-
gument déjà connu fous le titre d'argument
ad liQrpùncm.
Le qnatrie- $. ai. Le quatrième confifle à employer
me, ad judi- fes preuve5 x'irtes de cuelqu 'une des four-
ces de la connoiiiance ou de la probabùire.
C'eft ce que j'appelle un argument ad judi-
cium. Fù c'efl le feul de tous les quatre
qui foit accompagné d'une véritable inftruc-
tien, & qui nous avance dans le chemin de
la connoifTa-nce. Car I , de ce que je ne
veux pas contredire un Jwmme par refpeâ;,
■■uum.
&> U Raifon. Liv. I v*. ^.6*3
jou par quelqu' autre coniidé ation que celle ■— m— g_aa
<^e la conviction , il ne s'enfuit point que Ch*]f-
4"on opinion foit raifonnable. II. Ce n'eft
pas à dire qu'un aurre homme fait dans le
bon chemin , ou que je doive entrer d-ms
le mîme chemin que lui par la raifon que
je n'en connais point de meilleur. III. Dès-
là qu'un homme m'a fait voir que j'ai tort.,
.il ne s'enfui1- pis qu'il ait raifon lui-m:me.
Je puis erre modeite , .& p;r cette r.-.ifon
ne point attaquer l'opinion d'un au_re hom-
me. Je puis è:re ignorant , & n'être pas
capable d'en produire une meilleure. Je
puis être dans l'erreur , & un autre peut
■me faire voir que je me trompe. Touc cela
peur oie difpofer peut-être à recevoir la
vérité , mus il ne contribue en rien à m'en
donner la connoiffjnce ; cela doit venir des
preuves , des argumens , & d'une lumière
qui naiffe de la nature des chofes mêmes
& non de ma timidité , de mon ignorance
& de mes égaremens.
§. 2.3. Par ce que nous venons de dire çe m>e c>e$
de la raifon, nous pouvons être en état de que ,felonla
former quelques conieâures fur cette dif- ratjbn^an~
• a.- 1 1 r ■> 11 r deLus dem-
tinction des choies , en tant qu elles font r0* t & con^
félon la raifon , au dejfus de la raifon , & traire à la
contraires à la raifon. raifon.
I. Par celles qui font félon la raifon ,
j'entends ces proportions dont nous pou-
vons découvrir la vérité en examinant &
?en fuivant les idées qui nous viennent par
yoie de fenfajiaa. & de réflexion , & <jue
164 De ta Raifon. Liv. it.
-w*— ■ ■ ^ nous trouvons véritables ou probables "paft
SrvM** des déductions naturelles.
II. J'appelle au deffus de la rairon , les
propositions dont nous ne voyons pas que
la vérité ou la probabilité pu i fie être dé-
duite de ces principes par le fecours de
la rai Ton.
ML. Enfin les propositions contraires à la
raifort , font celles qui ne peuvent ccnfifter
ou compatir avec nis idées claires ôc dif-
tinétes. Ainfi , l'exigence d'un DiEU eft
félon la raifon, l'exiflence de plus d'un
Dieu eft contraire à la raifon , & la ré-
furreclion des morts eft au défias de la rai-
fon. De plus , comme ces mots au dejfus de
la raifon peuvent être pris dans un double
fens , favoir pour ce qui ert hors de la
fphere de la probabilité ou de la certitude
je crois que c'efr aufil dans ce fens éten-
du qu'on dit quelquefois qu'une chofe eft
contraire à la raifon.
La raifon $• a4- Le mot de raifon eft encore
Se la foi ne employé dans un autre ufage , par où il
£ïxP£es eft °W*6 à Ia Foi : & *P°*<P* ce foit là
-«ppofées. une manière de parler fort impropre en
elle-même, cependant elle eft fi fort au-
torifée pat l'ufrge ordinaire , que ce feroit
une folie de vouloir s'oppofer , eu remé-
dier à cet inconvénient. Je crois feulement
qu'il ne fera pas mal à propos de remar-
quer que de quelque manière qu'on op-
pole la Foi à la raifon , la Foi n'eft au-
tre chofe qu'un ferme afientiment de l'ef-
prit
De la Raifon. Liv. IV. i'6"?
prit , lequel affentiment étant réglé com- . — " ra
ine il doit être , ne peut être donné à au- vxî L
cune chofe que fur de bonnes raifons , &
par conféquent il ne fauroit être oppofé à
la raifon. Celui qui croit , fans avoir au-
cune raifon de croire , peut être amoureux
de fes propres fantaifies , mais il n'eft pas
vrai qu'il cherche la vérité dans l'efprit
qu'il la doit chercher , ni qu'il rende une
obéiiTance légitime à l'on Maître qui vou-
drait qu'il fît ufage des facultés de difeerner
les objets , defquels il l'a enrichi pour le
préferver des méprifes de l'erreur. Celui
qui ne les emploie pas à cet ufage autant
qu'il eft en fa puiflance , a beau voir quel-
quefois la vérité , il n'eft dans le bon che-
min que par hafard ; & je ne fais fi le
bonheur de cet accident exeufera l'irrégu-
larité de fa conduite. Ce qu'il y a de cer-
tain . au moins , c'efl qu'il doit être comp-
table de toutes les fautes où il s'engage ;
au lieu que celui qui fait ufage de la lu-
mière & des facultés que Dieu lui a don-
nées , & qui s'applique fincérement à àé-
couvrir la vérité , par les fecours & l'ha-
bileté qu'il a , peut avoir cette fatisfaclion
en faifant fon devoir comme une créature
raifonnable; encore qu'il vînt à ne pas ren-
contrer la vérité , fi recherche ne biffera pas
d'être récompenfée. Car celui-là règle tou-
jours bien fon affentimenr,& le place comme
il doit , lorfqu'en quelque cas ou fur quel-
que matière que ce foit ; il croit ou refufe
Tome I V, M
&66 De la Raisin, fciv. IV.
t-; — de crcirc felcn que ù raifun l'y conduit.
XV II." Celui qui fait currcmcnt, pèche contre Tes
propres lumières , ck abufe de fes facubés
qui ne lui ont été données pour aucune
autre fin que pour chercher tk fuivre la,
glus claire éad&eace ex la plus grande pro-
babilité. Lins parce que la Raifcn & la Foi
font mifes en cppofnion par certaines per-
fonnes , nous allons les confidérer fous ce
rapport dans le Chapitre fuivant.
CHAPITRE XVIII.
De la Foi & de la Raifon , & de leur t.
bornes dijlincl.es.
^ $. i. fxT
C h a p. 1 NfOus avons montré ci-defius ,
I. que nous femmes néceiiaircmont d.'.ns-
Ti n , l'ignorance , & que toutes fortes de cen-
ceffaire de nomances nous manquent , la ou les idées
tonnoître les nous manquent. i. Que nous femmes dans.
bornes de la „• o i m ' i • r ~ :
Foi & de la 1 ignorance ce deîhtues gc connonlance ra-
Raifon. fonnée , dès que les preuves nous manquent.
3.. Que la connoiflance générale & la cer-
titude nous manquent par-tcut où les idées
fpécifiques , cl: ires tk dé:erminées vien-
nent à nous manquer. 4. Et enfin , que la,
probabilité nous manque pour diriger no-
tre alfentiment dans des miticres où nous,
n'avons ni connorTance par nous-mêmes
ni témoignage de la parc das autres nom.
De la Foi, Je la Raifort, &c. Liv. IV. 26*7
înes fur quoi notre raifon puiiïe fe fonder. -=»
De ces quatre chofes préfuppofées , en CxHy*u**
peut venir , je penfe à établir les bornes
qui font entre la Foi & la Raifon ; con-
noifTance dont le défaut a certainement pro-
duit dans le monde de grandes difputes &
peut-être bien des méprifes , û tant eft
qu'il n'y ait pas caufé aufïi de grands dé-
fordres. Car avant que d'avoir déterminé
jufqu'où nous fommes guidés par la rai-
fon , & jufqu'où nous fommes conduits par
ia Foi , c'eft en vain que nous difpurerons ,
& que nous tâcherons de nous convain-
cre l'un l'autre fur des madères de Re-
ligion.
§. 2. Je trouve que drins chaque Seâré Ce que
on fe fert avec plailir de la raifon autant fjj \ ??]* rsi.
qu'on en peut tirer quelques fe cours ; & fon, entrât
que, dès que la raifon vient à manquer à 3"!*1'*8 •
quelqu un , de quelque Secte qu il 'oit , il j<une <j« i'aU«.
s'écrie aufïï-tôt, c'efl ici un article de Foi, tre.
& qui e(i au dejfus de la raifort. Mais je
ne vois pas comment ils peuvent argumen-
ter contre une perfonne d'un autre parti,
ou convaincre un anragonifte qui fe fert
de la même défaire, fans pofer des bornes
précifes entre la Foi & la raifon ; ce qui
devroic être le premier point établi dans
toutes les queftions où la Foi a quelque
F";
Confidérant donc ici la raifon comme
diflincle de la Foi , je fuppofe que c'efl
la découverte de la certitude ou de la pro-
2 68 De la Foi , de la Raifon ,
,: = habilité des propofitions ou vérités que l'eP-
2YHk' P™1 Vient * ccnno»tre p=r des dédu&ions
tirées d'idées qu'il a acquifes par l'uf-ige de
fes facultés naturelles , c'eft-à-dire par fen-
fatïon on par réflexion.
La Foi d'un autre coté , eft l'afTenti-
inent qu'on donne a toute propofition qui
n'eft pas ainfi fondée fur des d.-duclions
de la raifon , mais fur le crédit de celui
qui les propofe comme venant de la part
de Dieu par quelque communication extraor-
dinaire. Cette manière de découvrir des vé-
rités aux hommes , c'eft ce que nous ap-
pelions révélation.
Nulle nou- $• 3' Premièrement donc je dis que nul
-velie idée homme infpiré de Dieu ne peut p ir au-
fimple ne_ Cune révélation communiquer aux autres
peut être in- n -j' r » .-,
ttoduite clans hommes aucune nouvelle idée (impie qu ils
l'efpritpar n'euffent auparavant par voie de feniation
tiontracH-" ou ^e ^flexion. Car quelqu'imprelhon qu'il
.tioiiale. puiffe recevoir immédiatement lui - même
de la main de Dieu, fi cette révélation elt
compcfée de nouvelles idées funples , c le
ne peut être introduite dans l'elprit d'un
autre homme par des paroles ou par au-
cun autre fjgne ; parce que les paroles ne
produifent point d'autres idées par leur
opération immédiate fur nous que ceiles
de leurs fons naturels : & c'eft par la cou-
tume que nous avons pris de les employer
comme fignes, qu'ils excitent & réveillent
dans notre efprit des idées qui y ont été
auparavant , & non d'autres, Car des mots
& de leurs bornes, tiv. IV. l£?
tus ou entendus ne rappellent dans notre e
efprit que les idées dont nous avons ac- xy\-t\*'
coutume de les prendre pour fignes , &:
ne fauroient y introduire aucune idée (Im-
pie parfaitement nouvelle & auparavant in-
connue. 11 en eft de même à l'égard de
tout autre ligne qui ne peut nous donner
à connoître des chofes dont nous n'avons
jarmis eu- auparavant aucune idée.
Ainfi , quelques chofes qui eufTent été
découvertes à S. Paul, lorfqu il fur ravi dans
le trcifieme Ciel, quelques nouvelles idées
que fon efprit y eût reçu , toute la def-
cription qu'il peut faire de ce lieu aux au-
tres hommes , c'efl: que ce font des chofes quz
l'œil n'a point vues, que l 'oreille n 'a point
ouies , & qui ne font jamais entrées dans
le cœur de l'homme. Et fuppofé que Dieu
fît connoître furnstureUernsnc à un hom-
me une efpece de créature qui habite par
exemple dans Jupiter on dans Saturne, pour-
vue de lix fens, (car perfonne ne peut nier
qu'il ne puilTe y avoir de telles créatures
dans ces Planettes) & qu'il vînt à impri-
mer dans fon efprit les idées qui font in-
troduites dans l'efprit de ces habitans de
Jupiter ou de Saturne par ce fixieme fensy
cet homme ne pourroit non plus faire naî-
tre par des paroles dans l'efprit des autres
hommes les idées produites par ce fixie-
me fens , qu'un de nous pourroir , par le
ion de certains mots, introduire l'idée d'une
couleur dans l'efprit d'un homme qui pof-
M}
C tr a p.
170 De la Foi , de la Raîfon ,
fédant les quatre autres fens dans leur per-
fection , auroit toujours été privé de ce-
XYnT" ^J' ^° 'a vue" 1>2r eon^qBBat» c-fc uni-
quement de nos facultés naturelles que nous
pouvons recevoir n:j; idées (impies qui font
le fondemen*- & h feule matière de toutes
nos notions & de toute notre ccnniii, rt-
ce; & nous n'en pouvons abfokwnent re-
cevoir aucune par une révélation tradiiio-
nah , fi j'oie me fervir de ce terne. Je
dis une révélation trad'uionale , pour la
diftineuec d'une révélation originale. J'en-
teijJs par cette dernière la première inv-
prciTion qui eft faite immédiatement par le-
doigt de Dieu fur i'e'prit d'un homme ;.
impreflion à laquelle nous ne pouvons fi-
xer aucune borne : 2o p.'.r l'outre j'entends
ces impreffions propelées à d outres par des
piroles Si par [es voies ordinaires que nous
avons de nous communiquer nos concep-
tions les uns aux autres.
ta rêvé- y- 4- ^e -*s en fecona< lieu que les Hlê-*
lation tradi- mes vérités que nous pouvons découvrir
tionale peut r ja rajfon peuvent nous être commu-
nous faire * . ' r , „ . ,. . ,
connoître niquees par une révélation traditionale.
des proppfi- Ain'i , Dieu pourroit avoir communiqué
peut* connoî- aux nommes Par 'e moyen d'une telle ré-
tre parle fe- vélation , la connoiffance de la vérité d'une
cours de la propofition à'Euclide. tout de même que
railon , mus .r V • \ , , ,. ■
non pas avec ^es nommes viennent a u découvrir eux-
autant de mêmes par Tufage naturel de leurs facul-
certitudeque ^ Miis dans toutes les chofes de cerre
parce der- , ,
siernwyen, efpece 3 la revelotion neit pos tort ne.ccl-
& de leurs bornes. Liv. IV. 17 1
fair^, ni d'un grand ufage; parce que Dieu ; — J^saaftgi
"J H A P.
XVIII.
nous a cbnni des moyens naturels & plus
f *.rs pur arriver à cette connoiiTance. Car
tuure vérité que nous venons à découvrir
clairement par la connciiTancc & p:r la
contemplation de nos propres idées fera
toujours plus certaine à notre e'gard que
celles qui nous feront enfeignées par une
réviLtion tradïtionale. Cir la c?.nnoiuan-
ce que nous avons que cette révocation eu.
venu [iéremsnt de Dieu , ne peut ja-
ma:.-; être i\ fine eue la connoiiTance que
produit en nàns h perception claire &
diâiade que nous avons de h convenance ou
de ladifccnven.ince de nos propres idées. Par
exemple, su avait été révélé depuis quelques
iïecies que les trois angles S vn triangle faut
égauxadzux droits , je pourrois donner
mon çoafenûemeiîrà la vérité de cette pro-
pontion fur h foi de la tradition qui allure
qu'elle a été révélée ; mais cela ne parvien-
-droit jamais à un fi haut degré de certi-
fie la connnin'înce même que :'en au-
sn comparent & melaraiit mes pro-
pres idées de deux angles droits g& les
trois angles d'un triangle. Il en eft de
même à l'égard d'un fait qu'on peut con-
noitre par le moyen des fens : par exem-
ple, rhiftoire du déluge nous elt commu-
niquée par des écrits qui tirent leur origi-
ne de la révélation ; cependant perfonne
•ne dira, je penfe . qu'il a une connoi (fan-
ée 2uîli certaine ik auiïi claire du déluge
M 4
1JZ 7)t la Foi , de la Raifort ,
^" ' ■— qje Nos qui le vit , eu qu'il en auroit tiU'
^viV' lui-même s'il eût éié alors en vie & qu'il
l'eût vu. Car l'affurance qu'il a que cette
hiflcire eft écrite dans un Livre qu'on fup-
pofe écrit par Moyfe Auteur infpiré, n'eft
pas plus grande que celle qu'il en a par
le moyen de fes fens ; mais l'afïurance qu'il
a que c'eft Moyfe qui a écrit ce Livre ,
n'eft pas fi grande , que s'il avoir vu Moyfe
qui l'écrivoit actuellement ; & par consé-
quent l'afïurance qu'il a que cette hiftoire
eil une révélation , eft toujours moindre que
l'afïurance qui lui vient des fens.
La rêvé- y. 5. Ainfi , à l'égard des propofitions
Rationne dont la certitude eft fondée fur la percep--
Yeut être . . j 1 jfr
recue contre ti0n claire de la convenance ou de la dn-
une claire convenance de nos idées qui nous eft con-
évidence de nue cu intuition immédiate cem-
h xaifon. r ? , ... ..
me dans les propolitions évidentes par elles-
mêmes , ou par des déductions évidentes de
la raifon comme dans les démonflrations^.
le fecours de la révélation n'eft point né-
ceiTaire pour gagner notre afTentiment, &
pour introduire ces proportions dans notre
efprit ; parce que les voies naturelles par,
où nous vient la connoiffance, peuvent les
y établir, ou l'ont déjà fait : ce qui eft la
plus grande affurance que nous puiflions
peut-être avoir de quoi que ce foit ; hor-
mis lorfque Dieu nous le révèle immédia-
tement, & dans cette occafion même, no-
tre affurance ne faurci: être plus grande que
xviii
& de leurs bornes. Liv. IV. 2.73 ^
lk connoiîTance que nous avons que c'eft l .i_j ^t
une révélation qui vient de Dieu. Mais je Srvfif"
ne crois pourtant pas que fous ce titre rien
puiire ébranler ou renverfer une connoif-
fance évidente, & engager railonnablement
aucun homme à recevoir pour vrai ce qui
eft directement contraire a une chofe qui
fe montre à fon entendement avec une
parfaite évidence. Car nulle évidence
dont puiflent être capables les facultés par
où nous recevons de telles révélations ^
ne pouvant furpaifer la certitude de notre-
connoiffance intuitive, fi tant eft qu'elle
puiile l'égaler ; il s'enfuit de-îà que nous
ne pouvons jamais prendre pour vérité
aucune chofe qui foie directement contraire
à- notre connoiflance^ claire & dictin£te„ -
Parce que l'évidence que nous avons, pre~-
mitrement, que nous ne nous trompons
point en attribuant une telle chofe à-Di eu 9
Se en fécond lieu , que nous: en compre-
nons levraifens, ne peut jamais être fi
grande que l'évidence de notre propre con--
noifTance intuitive par où nous appercevons
qu'il eft impoiîible que deux idées dont nous
voyons intuitivement la difeonvenance 7 doi-
vent être regardées ouadmifes comme ayant
une parfaite convenance entr'elles. Et par"
conféquent , nulle propofition ; ne peur
être reçue .pour révélation Divine , on ob» •
tenir TafTentiment qui eft dû à toute: ré--
vélation émanée de Dieu ; fi elle efhcon-*--
tcadiiSt^irement oopoféeà notre consofTancr--
M U
•Z74 Be îa foi y de la Raifon ,
■j u — < c.ùre Se de limple vue ; parce que ce ferok
*X*vîu' * enverfer les principes <k les fondemens de
toute connoillance & de tout ailentiment|
de forte qu'il ne reftaroit plus de différence
dans le monde entre la vérité & la f.mf-
fêté , nulles mefures du croyable & de lin—
croyable, fi des proportions douteufes doi-
vent prendre place devant des proportions
évidentes par elles-mêmes, & que ce que
nous conncifTons certainement dut céder
le pas à ce fur quoi nous femmes peut-
être dans l'erreur. Il eft donc inutile de
preffer comme articles de foi des proposi-
tions contraires à la perception claire que
nous avons de la convenance ou de la dif-
convenance d'aucune de nos ide'es. Elles ne
ne fauroien t gagner notre afientiment
fous ce titre, ou fous quelqu'au're que ce-
fbit. Car la foi ne peut nous convaincre
d'aucune chofe qui fut contraire à notre
connoiîî'ance : parce qu'encore que la Foi:
foie fondée fur le témoignage de Dieu, qui.
ne peut mentir , & par qui telle ou. telle
jfropofition nous eft revé'ée; cependant
nous ne fauriens être afRirés qu'elle eft
véritablement une révélation divine, avec
plus de certitude que nous ne le fommes
de la vérité de notre propre coimoilf..nce;.
puifque toute la force de ta cerrirude dé-
pend de la connoiif nce que nous avons:
que c ef: Dieu qui a révélé cette pr ipofi-
non ; de forte que dins ce cas ou l'on*
fuppofe que h proportion îévélie ePrcon—
îiiixe à notre coruioiiTance ou. à notre £â>-
& de kri's bornes. Liv. IV. 175
fon , elle fera toujours en barre à cette ob- — -=*
jeelion : Que nous ne faurians dire corn- [,?. |(p*
ment il cii poffibte de concevoir qu'une
chofe vienne de Dieu, ce bienf iHârit Au-
teur de notre être : laquelle étant reçue
p-vir véritable , doit renverfer tous les prin-
ce pes & rous les fondemens de connoif-
fh.:ce qtfll hatis 9 donnés, rendre toutes
nos lvculces inutiles, dé'ruire abfolument
h plus excellente partie de fon ouvrage f
re veux dire notre entendement , & rédui-
re l'homme dans un état où il aura moins
de lumière 8c Se moyens de fe enduire
crue les bêtes qui périffent. Car fi l'efprir
de l'homme ne peut jamais avoir une évi-
dence plus cl ° ire, ni peut-être fi claire
qu'une chofe eft de révélation Divine, que
celle qu'il a dos principes de fa propre rai—
fon , il ne peut jamais avoir aucun fonde-
ment de renoncer à la pleine évidence de-
fa propre raifon pour recevoir à la placer
vopofi'ion dont la révélation n'eft pas.
accompagnée d'une plus grande évidence
■que ces principes.
«5. 6. J-ji'qves-là un homme a droit de j^^-^ ^n^
fttire nfàfgie de fa raifon , & eft obligé de corp in rêv6-
t'écouter, même à l'Jgard d'une révélation '• '.",CT twcS-
fcriginale & immédiate qu'on fuppofe avoir
-■ Faite I !ui-m4me. Mais pour rocs ceux:
-qui ne prétendent pas à une révélation ira—
Bi€5hrce3 & de qui l'on exige qu'ils re-
çoivent avec foumifïïnn des vérités rever-
sées à d'autres hommes , qui leur font cois-
M 6
ijo De la. Foi, delà Raifon ,
muniquées par des écrits que la tradition*
"Y*'1 a fait pafjer entre leurs mains, ou par des?
paroles (orties de la bjuche d'une autret
perfonne , ils ont beaucoup plus affaire de.
la raifon , cv il n'y a qu'elle qui puifTe noust
engager à recevoir ces fortes de vérités-
Car ce qui eft matière de foi étant feule-
ment une révélation divine , ôc rien autre
chofe ; la foi , à prendre ce mot pour es
que nous appelions communément Foi Di-
y'me , n'a rien à faire avec aucune autre pro-
pofition que celles qu'on fuppofe divinement
révélées. De forte que je ne vois pas com-
ment ceux» qui tiennent que la feule révé-
lation eft l'unique objet de la foi , peuvent
dire, que c'eft une matière de foi & ncn.
de raifon , de croire que telle ou telle
proportion qu'on peut trouver dans tel ou
tel livre eft d'infpiration divine, à moins
qu'ils ne fâchent par révélation que cette
-.propofition ou toutes celles qui font dans
ce livre, ont été communiquées par .une-
infpiration divine. Sans une telle révéla» -
tion , croire ou ne pas croire que cette
propofition ou ce. livre ait une autorité
divine, ne peut jamais être une matiera
de loi , mais de la raifon , jufques-là que -
je ne puis venir à y donner mon con-
fentemenr que par l'ufage de ma raifon 5 .
qui ne peut jamais exiger de moi , pu me
mettre en état de croire ce qui eft conr*
traire à elle-même, étant impoflîble à !a.
jaifc-A de porter jamais l'efprit à donner.
&. de leurs Bornes, Lïv. IV* 2.77"
Çàn afTentiment à ce qu'elle-même trouve
C H A P..
xyiiu.
déraisonnable.
Par conféquent dans toutes les chofev ou
aous recevons une claire év dence par nca
propres idées & par. les principes de con-
noiiTance dont j'ai parH ci-deffus , la rai-
fon efl: le vrai Juge compécenr ; & quoique
la révélation en s'accordant avec elle puifTe
confirmer fes décifions ,. elle ne fauroit
pourtant , dans de tels eus , invalider fes
décrets ; & par-tout où nous avons une dé.
cifion claire & évidente de la raifon , nous,
ne pouvons être obligés d'y renoncer pour
embraffer l'opinion contraire , fous prétex-
te que c'eit une matière de foi ; car la foi
ne peut avoir aucune autorité contre des
décifions claires &. expreiles de la rai-
fon.
$•. 7. Mais en troifieme lieu , comme il Les chofe
y a plufieurs chofes fur quoi nous n'avons Q™ fon,t ?u
i r ■ r • r ■ oeffus de-la >
que des notions fort imparfaites ou iurquoi ra;fon
nous n'en avons abfolumcnt point , & d'au-
tres dont nous ne pouvons point connoî-
tre l'exiftence pafTée , préfente ou à venir 9 .
par l'ufage naturel de nos facultés; com^-
me, dis-je, ces chofes font au-delà de ce
que nos facultés naturelles peuvent décou?-
vrir & au-deffus de la raifon , ce font de r.
propres matières de foi lorfqu'elles font:
révélées. Ainfi , qu'une partie des Ange*-;
f§ foient rebellés contre Dieu , & qu'à caur
iè de cela ils aient été privés du bonheur
de, leur premier état ; & que les mortfc.
1J% De l.i Toi, de la Raifon ,J
«s— ==a refiufciteront & vivront encore ; ces chc
<XVM>* ^* aurres Semblables étant au-delà de ce que
la raifon peur découvrir, font purement
des matières de foi avec lefquelles la raifoa
n'a rien à voir directement.
Ou non $• 8. Mais parce que Dieu en nous ac-
contraires à cordant la lumière de la raifon , ne s'eft pas
fa raifon, fi o:e' ^ j jjberté de nous donner , lorf-
eiles lont re- r . »
vélées , font qu il le juge a propos , le fecours de la
des matières révélation fur les matières ou nos facultés
naturelles font capables de nous détermi-
ner par des raifons probables ; dans ce cas
lorfqu'il a plu à Dieu de nous fournir ce
fecours extraordinaire , la révélation doit
l'emporter fur les conjectures probables de
la raifon. Parce que l'efprit n'étant pas cer-
tain de la vérité de ce qu'il ne connoît pas
évidemment, mais fe kiffant feulement en-
traîner à la probabilité qu'il y découvre,
sft obligé de donner fan aiïcntiment à un=
témoignage qu'il -T-.it venir de celui qui
ne peut tromper, ni être trompé. ■(_"•
àant il appartient touj.'urs à la raifon de
juger fi c'eft véritablement une révéiatbn,
& qu'elle eft la ligjnirk-ation des paroles dans
iefque'iles elle- eft propoiee. Il eft vrai que
û une chofe qui eft contraire aux prin-
cipes ividens de la ri-ffon '& à h connoif—
lance nunifefte que l'elprit a de (es propres
idées cidres & drai notes, paffe pour révé-
lation , il faut alors écouter la raifon fur
cela com.TK1 fur une rar.riere dont elle a
4cok de juger; puifqu'uo '^mme ne per^T
&. de Sears bcr:i:.u Liv. TV. îyy
jamais connaître fi certainement , qu'une
propofinon contraire aux principes clairs XVUL*
& évidens de fes comioiffances naturelles,
eft révélée , ou qu'il entend bien les mors
dans lefquels elle lui eu prepofée , qu'il
connaît que la propofuion contraire eft vé-
ritable ; & par conséquent il efi: oblige de
confiderer, d'examiner cette propolition
comme une matière qui eit du reffort de
la r. iibn , & non de h recevoir fans exa-
men , commme un article de foi.
$. o. Premièrement donc toute propo- , ^faur
1 ii pevélée, de la vente de laquelle lef- révélation
prit ne fauroit juger par fes facultés 8z dans des ma-
notions naturelles , eït pure matière de Uerres ou 'a
r . t. , r j i r rajlonnefai;-
foi, & au-dc-lus de la r.iion. roitjuwer,
En fécond lieu , toutes les propofuions ou dont elle-
fur lefquelles l'efprit peut fe déterminer , terqu^des-^
avec le fecours de fes facultés naturelles, iugemens
par des déductions tirées des idées qu'il a probables*
acquifes naturellement , font du reifort de
la raifon, mr.is toujours avec cette différen-
ce qu'à l'égi rd de celies fur lefquelles l'ef-
prit n'a qu'une évidence incertaine , n'é-
tant perfuadé de leur vérité que fur des-
fondemens probables , qui n'empêchenr
poir.' que le contraire ne puifTe être vrai
f*ns faire violence à l'évidence cerraine de
fes propres connoiilances , & fans détrui-
re les otincipes de tout raifonnernent ; à
i, dis-je, de ces propofitions proba-
bles, une révélation évidente doit déter-
jaaioer notre *iïentbaent , & même contre.-
ï$o Be la Foi , dé la Raifonr,.
g"^ — la probabilité. Car lorfque les principes d
xv m*' *a rj'^on nont F3S ^a'c vo*r évidemment
qu'une propofition cft certainement vraie
ou fiulle, en ce cas-là une révélation mi-
mfefte, comme un autre principe de véri-
té & un aurre fondement d'ail'entiment ,
a lieu de déterminer l'efpric ; & ainfi là
propofition appuyée de la révélation de-
Tient matière de foi , & eft au-delîus de la
raifon ; parce que dans cet article parti-
culier la raifon ne pouvant s'élever au-
déifias de la probabilité, la foi a détermi^
né l'efprit où la raifon eft venue à man-»~
quer , la révélation ayant découvert de que!
côté fe trouve la vérité.
Trfeut $• IO- Jufques-là s'étend l'empire de '1
\6couter la foi, & cela fans faire aucune violence ou.
raifon dans aucun obftacie à h raifon, qui n'eft point
des matières . r~À ' o c
oùelle peut bleuee ou troublée, m*us alliltee & perfec-r
fournir une tionnée par de nouvelles découvertes de îa
certaine!" vérité , émanée de la fource éternelle de
toute ccnnoifïi-nce. Tout ce que Dieu a r ■■■■
vêlé, eff certainement véritable, on n'en
fauroit douter. Et c'eft-là le propre objet
de la foi. Mais pour favoir fi le point en
queftion efi: une révélation ou non , il faut
que la raifon en juge , elle qui ne peut ja-
mais permettre a l'efprit de rejeter une:
plus grande évidence pour embraffer ce
qui eft moins évident, ni fe déclarer pour
îa probabilité par oppofuion à la connoif-
fance & à la certitude. Il ne peut point y
avoir, d.' évidence , qu'une révélation connue-
— & de leurs bornes. Liv. IV. 18 1
par tradition vient de Dieu dans les ter- —
mes que nous la recevons , & dans le fens cYHvfuF*
que nous l'entendons , qui foit fi claire &
fi certaine que celle des: principes de la
raifon. C'eff pourquoi nulle chofe con-
traire ou incompatible avec des decifions
de la rai fou , claires & évidentes par elles-
mêmes, n'a droit d'être preffee ou reçue
comme une matière de foi à laquelle le
raifon n'ait rien à voir. Fout ce qui eu
révélation divine, doit prévaloir fur nos
opinions, fur nos préjugés, & nos inté-
rêts , & eft en droit d'exiger de Pefprit un
parfait affentiment. Mais une telle fou-
miffion de notre raifon à la foi ne ren-
verfe pas Les limites de la connoiifance,
& n'ébranle pas les fondemens de la rai-
fon , nvis nous laiife la liberté, d'employer
nos facultés à l'ufage pour lequel elles nous
ont été données.
§. 11. Si l'on n'a pas foin de difîinguer Sil'onn'é»
les différences Jurifdifiions de la foi & tablit pas des_
delà raifon par le moyen de ces bornes, ^fof&Ta re
la raifon n'aura absolument point de heu raifon, il
en matière de religion, & l'on n'aura au- ?ï a r.,en de
. j lia 1 • • 01 "fanatique
cun droit de blâmer les opinions oc les 0u de fi ex-
cérémonies extravagantes qu'on remarque travagant
dans la plupart des religions du monde : !" m"î'?re
r v r 0 > de religion
car c'eft à cette coutume d'en appeller à la q«i puifle
foi par oppofition à la raifon, qu'on peut, être refuté»
je penfe , attribuer , en grande partie , ces
a.bfurdités dont la plupart des religions qui
djyifent le genre humain, font remplies^.
Ch
1^1 Le la Foi, de la IXaifon, ScLiv. IV.
a Les hommes n'ayant été une fois imbus de
' " * p- cetee opinion, qu'ils ne doivent point con-
fulter. la raifon dans les ehofes qui regar-
dent la religion , quoique vifiblement con-
traires au fens commun & eux principes
de toute leur con nui fiance, ils ont lâche
la bride à leurs fantaifies & eu penchant
qu'ils ont naturellement vers la iupcrlli-
tion , par où il; ont été entraîne's dans
des opinions i\ étranges & dans des pra-
tiques fi extravagantes en fait de reli-
gion, qu'un homme raifonnable ne peut
qu'être furpris de leur folie , & que re-
garder ces opinions &: ces pratiques com-
me des ehofes fi éloignies d'être agréibles
•à Dieu , cet être fuprême qui ef i la fageffe
même , qu'il ne peut s'empêcher de croire
qu'elles paroifTent ridicules ce choquantes à
tcut homme qui a l'efprit & îe cœur bien
fait. De forte que dans le fond la religion
qui devreit nous distinguer le plus des bêtes
& conrribuer plus particulièrement à nous
élever comme des créatures raifonnables au-
deffus des brutes , efl la chofe en quoi les
hommes paroi/lent fouvent le plus dérai-
fonnables , & plus infenfés que les bêtes-
même. Credo quia impofjlbile efi : Je le
crois parce qu'il eft impofïïble , efl une ma-
xime qui peut pafTer dans un homme cfe
bien pour un emportement de zèle; mais
ce feroit une fort méchante règle pour dé-
terminer les hommes dans le choix de leurs
opinions ou de leur religion»
DeTEnthoufiafine. Liv. ÏV. 2.83
CHAPITRE XIX.
De VEathoiijiaJme.
§. 1. \Jt Uico^QVE veut chercher fé- c h a p.
rieufement la vérin, doit avanr toutes X I X.
chofes concevoir de l'amour pour elle. Car
celui qui ne l'aime point , ne durcit fe .j ^'eAj.
tourmenter beaucoup pour l'acquérir, ni re d'aimer la
être beaucoup en peine br'q ùl manque vérité.
de la trouver. Il n'y a perfonne dans la
République des Lettres qui ne ùiïe profef-
fion ouverte d'être amateur de la vérité ;
& il n'y a point de créature raifonnable qui
ne prît en mauvaife part ce palier dans
l'elprit des autres pour avoir une inclina-
tion contraire. Mais avec tout cela , l'on
peut dire fans fe tromper, qu'il y a fort peu
de gens qui aiment la vérité pour l'amour
de la vérité , parmi ceux - là même qui
croient être de ce nombre. Sur quoi il vau-
droit la peine d'examiner comment un hom-
me peut connoître qu'il aime fincérement
la vérité. Pour moi , je crois qu'en voici
une preuve infaillible , c'eit de ne pas re-
cevoir une proportion avec plus d'ajfdran-
ce, que les preuves fur lef quelles elle efr
fondée ne le permettent. Il e'ft vifible que
quiconque va au-delà de cette mefure,
n'embrafle pis la vérité par l'amour qu'il
a 84 De VEnthoufiafrm. Liv. IV.
? 3 a pour elle, qu'il n'aime pas la vérité*
*xHixP Pjur ^'arnour d'elle — même , mais pour
quelqu'autre fin indirecfe. Car l'évidence
qu'une propofition eft véritable ( excepté
celles qui font évidentes par elles-mêmes )
confiftant uniquement dans les preuves
qu'un homme en a , il eft clair que quel-
ques degrés d'affentiment qu'il lui donne
au-delà des degrés de cette évidence, tout
ce furplus d'alfurance eft dû à quelqu'au-
tre paifion,. & non à l'amour de la vérité.
Parce qu'il eft aulH impoihLrie que l'amour
de la vérité emporte mon affentiment au-
dëfîiis de l'évidence que j'ai qu'une telle
propofition eft véritable, qu'il eft impoffi-
ble que l'amour de la vérité me faiîe don-
ner mon con lentement à une propofition.
en confidération d'une évidence qui ne me
fait point voir que cette propofition foir
véritable ; ce qui eft en effet embraffer
cette propofition comme une vérité, parce
qu'il eft impolTible ou probable qu'elle ne
foit pas véritable. Dans toute vérité qui.
Voyeija ne s^blit pas dans notre efprit par la
note qui eft a . . , *„.,, „ , F , r .
la paze. %%. lumière îrrelifrible d une évidence im-
de ce Tome, médiate, ou par la force d'une démonf-
pour favoir i„ » r
ce qu'il faut tranon > 'es argumens qui entraînent fon
entendre par affentiment , font les garants & le gage
cette expref- fe fa probabilité à notre égard , & nous
ne pouvons la recevoir que pour ce que
ces argumens la font voir à notre entera
dément ; de forte que quelqu' autorité que
nous donnions à une propofition , au-delà
de ce qu'elle reçoit des principes & des-
De VEnthoufiafme. Liv. IV. a:8 5
preuves fur quoi elle eft appuyée , on en *--- -•■ ••"**
doit attribuer la caufe au penchant qui nous ^ H ^ p-
entraîne de ce côté-là ; & c'eft déroger
d'autant à l'amour de la vérité , qui ne
pouvant recevoir aucune évidence de nos
pallions , n'en doit recevoir non plus au-
cune teinture.
$. i' Une fuite confiante de cette mau- d'où vient
vaife difpofition d'efprit , c'eft de s'attri- le penchant
buer l'autorité de preferire aux autres nos c'l,e les "
£, . ... mes ont
propres opinions. Car le moyen qu'il ne d'impofer
piaffe prefqu'arriver autrement, finon que "leurs opi-
celui qui a déjà impofé à fa propre croyan- ^"gSaUX
ce , foit prêt d'impofer à la croyance d'au-
trui ? Qui peut attendre raifcnnablement ,
qu'un homme emploie des argumens &
des preuves convaincantes auprès des autres
hommes , fi fon entendement n'efi pas ac-
coutumé à s'en fervir pour lui-même, s'il
fait violence à fes propres facultés, s'il
tyrannife fon efprit , & ufurpe une préro-
gative uniquement due à la vérité , qui efi
d'exiger l'affentiment de Tefprit par fa
feule autorité, c'efl-à-dire à proportion de
l'évidence que la vérité emporte avec elle? La force âe
$. 3. A cette occafion je prendrai la ^eenthqufiid;
liberté de confidérer un troifieme fonde-
ment d'affentiment , auquel certaines gens
attribuent la même autorité que la foi ou
la raifon , & fur lequel ils s'appuient avec
une auffi grande confiance ; je veux parler
de VEnthoufiafme , qui biffant la raifon à
quartier , voudroit établir la révélation fans
•cllej mais qui par-là détruit en effet la
0.8 6 De VEnthoufiafmc, Liv. IV.
a* -i— = raifon & la révélation tout-à-la fois , &
c H A p- leur fubfhtue de vaines fantaifies, qu'un
homme a forgées lui-même, & qu'il prend
pour un fondement folide de croyance &
de conduite.
Ce quec'eft $• 4- ^a V.aifon eft une révél.rion naturel-
que la raifon le, par où le père de lumière , la fource érer-
o:Ia révéla- n^\\^ <je toute connoiifance , communique
aux hommes cette portion de vérité qu'il
a mife à la ponce de leurs facu'rés natu-
relles. Et la révéistian eft la raifon natu-
relle augmentée par un nouveau fond de
découvertes émanées immédiatement de
Dieu, & dont la raifort établit la vérité
par le témoignage & les preuves qu'elle
empluie pour montrer qu'elles viennent
effectivement de Dieu ; de forte que celui
qui proferit la raifon pour f. ire place à la
révélation, éteint ces deux flambeaux tout-
à-la fois , Se fait la même chofe que s'il
voubit perfluder à un homme de s'arra-
cher les yeux pour mieux recevoir , par
le moyen d'un téiefeope , 1j lumière éloi-
gnée d'une étoile qu'il ne peut voir par
le fecours de fes yeux.
Source de * Mais les hommes trouvant qu'une
rne# révélation immédiate eu un moyen plus
facile pour établir ieurs opinions & peur
régler leur conduire que le travail derai-
fonner jufle : travail pénible, ennuyeux,
& qui n'eit pas toujours fuivi d'un heu-
reux fuccès , il ne faut pas s'étonner qu'ils
aient écé forts fujets à prétendre avoir
De VEnthou fia fine. Liv. IV. a.87
des révélations & à le perfuader à eux- *= — — -^=*
rnêmes qia-'ils font ibus la direction parti- c H A p*
culiere du ciel par rapport à leurs aûions
& a leurs opinions, fur-tout à l'égard de
celles qu'ils ne peuvent juilifier par les,
principes de la raifon & par les voies or-
dinaires de parvenir à la connoifTcnce. Auffi
voyons-nous que dans tous les fiecles les
hommes en qui la mélancolie a été mêlée
avec la dévotion , &: dont la bonne opi-
nion d'eux-mêmes leur a fait accroire qu ils
avoient une plus étroite familiarité avec
Dieu & plus de part à fa faveur que les
autres hommes , le font fouvent flattés
d'avoir un commerce immédiat avec la Di-
vinité ck de fréquentes communications avec
l'efprit Divin. On ne peut nier que Dieu
ne puilîe illuminer l'entendement psr un
rayon qui vient immédiatement de cette
fource de lumière, ils s'imaginent que c'elt-
là ce qu'il a promis de faire; & cela pofé ,
qui peut avoir plus de droit de prétendre
à cet avantage que ceux qui font fon peuple
particulier, choifi de fa main, & fournis
à fes ordres ?
$. 6. Leurs efprits ainfi prévenus, quel- c , ^
que opinion frivole qui viennent à s'établir quel'enthou-)
fortement dans leur fantaifie , c'eft une illu- "»&»*
mination qui vient de l'efprit de Dieu , &
qui eft en même tems d'une autorité Di-
vine; & à quelqu'a&ion extravagante qu'ils
fe fentent portés par une forte inclination,
ils concluent que c'eft une vocation ou une
a88 De rEntkoufiafme. Liv. IV.
dire&ion du ciel qu'ils font obligés de
fuivre. C'efr un ordre d'en haut, ils ne fau*
roient errer en l'exécutant.
$. 7. Je fuppofe que c'eft-là ce qu'il faut
entendre proprement par enthoufiafme ,
qui fans erre fondé fur la raifon ou fur la
révélation Divine, mais procédant de l'ima-
gination d'un efprit échauffe ou plein de
lui-même, n'a pas plutôt pris racine quel-
que part, qu'il a plus d'influence fur les
opinions & les sciions des hommes que
h raifon ou la révélation , prifesféparément
ou jointes enfemble ; car les hommes ont
beaucoup de penchant à fuivre les impul-
sons qu'ils reçoivent d'eux-mêmes ; & il
èft fur que tout homme agit plus vigou-
reufement lorfque c'eft un mouvement na-
turel qui l'entraîne tout entier. Une forte
imagination s'étant une fois emparée de
l'efprit fous l'idée d'un nouveau principe,
emporte aifément tout avec elle, lorfqu'éle-
vée au-deffus du fens commun & délivrée
du joug de la raifon & de l'importunité des
réflexions elle eft parvenue à une autorité
Divine & foutenue en même tems par
notre inclination &. par notre propre tem-
pérament.
L'enttiou- Ç. 8. Quoique les opinions & les aclions
ïiafme pris • v v „ \_ r c ,
TauiTement extravagantes ou l enthouiiafme a engage
pour un les hommes, duflent fnffife pour les pré-
Aer.ument. cautionner contre ce faux principe qui efl
fi propre à les jeter dans l'égarement ,
tant à l'égard de leur croyance qu'à l'égard
de
De VEnthoujiafm;. Liv. IV. 189
<5e leur conduite ; cependant l'amour que les 3
hommes ont pour ce qui efr extraordinaire, Chap. xix»
ia commodité' & la gloire qu'il y a d'être
infpiré & élevé au-derfus des voies ordi-
naires & communes de parvenir à la con-
noiffance, flattent fi fort la pareffe , l'igno-
rance, & la vanité de quantité de gens,
que lorfqu'ils font une fois entêtés de cette
manière de révélation immédiate , de cette
efpeee d'illumination fans recherche, de
certitude fans preuves & fans examen , il
cft difficile de les tirer de - là. La raifon
efr perdue peur eux. Us fe font élevés au-
deffus d'elle;» ils voient la lumière infufe dans
» leur entendement, & ne peuvent fe trom-
» per. Cette lumière y paroît vifiblement :
» femblableà l'éclat d'un beau foleil ; elle fe
» montre elle-même , & n'a befoin d'au^
» tre preuve que de fa propre évidence.
«ils fentent, difent-ils , la main de Dieu
» qui les pouffe intérieurement : ils fentent
» les impulfions de fefprit , & ils ne peu-
» vent fe tromper fur ce qu'ils fentent en
eux-mêmes. » C'eft par-là qu'ils fe dé-
fendent, & qu'ils feperfoadent que la raifon
n'a rien à démêler avec ce qu'ils voient 8c.
qu'ils fentent en eux-mêmes, n Ce font des
» chofes dont ils ont une expérience ferr-
» fible , & qui font par conféraient a'u-
» deffus de tout doute , & n'ont befoin
» d'aucune preuve. Ne ièroit-on pas ridi-
» cule d'exiger d'un homme qu'il eût à
» prouver que la lumière brille , & qu'il
Tome I K N
l 90 /><> PEnthouJiafmc. Liv. IV.
cj--;-i..._i » la voit? Elle eit elle-même une preuve
CiiAr, XIX. » de ien éclat, & n'en peut avoir d'autre.
« Lorfque l'efprit J;ivin porte la lumieca
» dans nos emes , il en écarte les téne-
» bres , & nous voyons cetee lumière
» comme nous voyons celle du .foleii en plein
» midi , fans ave ir befoin que le cré-
» pufeule cle la ration nous la montre. Cette
» lumière emi vient du ciel ell vive,
» claire & pure , elle emporte fa propre
» démonftratian avec elle j& nous pouvons
» avec autant de raifon prendre un ver
» luifant pour nous aider à voir le foleil ,
» qu'à examiner ce rayon celefte à la faveur
» de notre raifon qui n'eft qu'un foible &
» obfcur lumignon.»
§. 9. C'eft le langage ordinaire de ces
gens-îà. Ils font affurés , parce qu'ils font
allures ; & leurs perfuafions font droites,
parce qu'elles font fortement établies dans
leur efprit. Car c'eft à quoi fe re'duit tout
ce qu'ils difent , après qu'on l'a détaché des
métaphores prifes de la vue & ou fenti-
ment , dont ils l'enveloppent. Cependant
ce langage figuré leur impofe û fort , qu'il
leur tient lieu de certitude pour eux-
mêmes, & de démonftration à l'égard des
TTorcment autres
empeutdé- $. io. Mais pour examiner avec un peu
«°uvm l'en- d'exactitude cette lumière imérieure & ce
thoufwfme. r ■ r ce
fentiment lur quel ces peibnncs vont tant
de fonds: il y a, difem-ils , une lumière
claire au-dedans d'eux, & ils l.i voient.
Ils ont un fentiment vif, & ils le fentent.
Dt VEnthouftafme. Liv. IV. 2.9I
Ils en font afîurés , & ne voient pas qu'on " ~1
puiife le leur difputer. Car lorfqu'un homme Ckap' XIX*
dit qu'il voit ou qu'il fent , perfonne ne peut
lui nier qu'il voie ou qu'il fente. Mais
qu'ils me permettent à mon tour de leur
faire ici quelques queftions. Cette vue,
eft-elle la precepàon de la vérité d'une pro-
portion , ou de ceci , que c'eji une révé-
lation qui vient de Dieu ? Ce fentiment ,
eft-il une perception d'une inclination ou
fantaifie de faire quelque chofe, ou bien
de l'efprit de Dieu qui produit en eux cette
inclination? Ce font- là deux perceptions
fort différentes 8c que nous devons distin-
guer foigneufement , fi nous ne voulons
pas nous abufer nous-mêmes. Je puis ap-
percevoir la vérité d'une propofition , &
cependant ne pas appercevoir que c'eft une
révélation immédiate de Dieu. Je puis ap-
percevoir dans Eucliie la vérité d'une pro-
pofition , fans qu'elle foit , ou que j 'apper-
çoive qu'elle foi: une rivehtion. Je puis
appercevoir auffi qus je n'en ai pas acquis
la connciffance par uue voie naturelle; d'où
je puis conclure qu'elle m'eft révélée , fans
appercevoir pourtant que c'eii une ré.é-
latiin qui vient de Dieu, parce qu'il y a
des efprits qui fans en avoir reçu la com-
miffion de h part de Dieu, peuvent exci-
ter ces idées en moi , &: les préfenter à
mon efprit dans un tel ordre que j'en puifFe
appercevoir la connexion. De forte que
la connoilfince d'une propofition qui vient
N a
£.91 De VEnthoufiafme. Liv. IV.
«g ; dans mon efprit je ne fais comment, n'efï pa*
Qup.^XIX. une perception qu'elle vienne de Dieu. Moins
encore une fuite perfuafion que cette pro-
pofition eït véritable , eft-tlle une percep-
tion qu'elle vienne de Dieu, ou même
qu'elle eft véritable. Mais quoiqu'on don-
ne à une telle penfée le nom de lumière
& de vue , je crois que ce n'efr tout ^u
plus que croyance & confiance : & la pro-
portion qu'ils fuppofent être une révéla-
tion, n'eft pas une propofnion qu'ils con-
jnoiilent véritable , mais qu'ils préfument
véritable Car lorfqu'on connoit qu'une pro-
portion eit véritable, la révélation eft inu-
tile ; & il eit difficile de concevoir com-
ment un hemme peut avoir une révéla-
tion de ce qu'il connoît déjà. Si donc c'efb
une propofirion de la vérité de laquelle
ils foient perfuadés , fans conneitre qu'elle
foit véritable, ce n'eft pas voir, mais croire;
quel que feit le nom qu'ils donnent à une
telle perfuafion. Car ce font deux voies par
où la vérité entre dans l'efprit . tout-à-fat
di&incïes , de forte que l'une n'eft pas l'au-
tre. Ce que je vois , je cannois qu'il eft
tel que je le vois , par l'évidence de la
chofe même. Et ce que je crois, je le fup-
pofe véritable par le témoignage d autrui.
Alais je dois connoitre que ce témoignage a
été rendu : autrement, quel fondement puis-
je avoir de croire ? Je dois voir que c'eft
Dieu qui me révèle cela , ou bien je ne vois
rien. La queftion fe réduit donc à favcjr
î>e VEntkoufiafme. Liv. IV. 2.9?
comment je connois, que c'efr. Dieu qui >*■==
me révèle cela , que cette impreffion efl CîIAP* X1X«
faite fur mon ame par fon Saint-Efprit ,
& que je fuis par conféquent obligé de la
fuivre. Si je ne connois pas cela , mon
affurance efr fans fondement, quelque
grande qu'elle foit , & toute la lumière dont
je prétends être éclairé, n'eft qu'enthou-
fiafme. Car foit que la propofition qu'on
fuppofe révélée foit en elle-même évidem-
ment véritable, ou vifiblement probable,
ou incertaine , à en juger par les voies or-
dinaires de la connoiifance, la vérité qu'il
faut établir folidement & prouver évidem-
ment , c'e/l que Dieu a révélé c?tte propo-
fition , & que ce que je prends pour révé-
lation a été mis certainement dans mon
efprit par lui-même, & que ce n'eft pas
une illufion qui ait éce infinuée par quel-
qu'autre efprit, ou excitée par ma propre
fantaifie. Car, fi je ne me trompe, ces
gens-là prennent une telle chofe pour
vraie, parce qu'ils préfument que Dieu l'a
révélée. Cela étant, ne leur efr-il p?.s de
la dernière importance d'examiner fur quel
fondement ils préfument que c'eft une ré-
vélation qui vient de Dieu • fans cela , leur
confiance ne fera que pure préfomption ,
c'e cette lumière dont ils font fi fort éblouis,
ne fera autre chofe qu'un feu follet qui les
promènera fuis cefle autour de ce cercle.
Cefî une révélation parce que je le crois
N3
3-94 De rEnthoufiafme. Liv. IV.
= fortement , & je le crois parce que c'eft mie
Chap. XIX. révélation.
T, . $. il. A l'égard de tcut ce qui cft de
fiafme ne révélation divine , il n eit pas necelian e
fauroit prou- de le prouver autrement qu'en faifant voir
propoVt'ion ^ue ce^ véritablement une infpiration qui
vient de vient de Dieu; car cez être qui eit tout
®,eu« bon & tout fage ne peut tromper , ni être
trompe. Al îs comment pourrons-nous con-
noître qu'une propofition que ncus avons
dans l'efprit , eft une vérité que Dieu nous
a infpirée , qu'il nous a révélée , qu'il ex-
pi<fc lui-même à nos yeux , & que peur
cet effet nous devons croire ? c'eft \a que
Venthcufiafme manque d'ôvjir l'évidence à
laquelle il prétend. Car les perfonnes pré-
venues de cette imagination fe glorifient-
d'une lumière qui les éclaire , à ce qu'ils
difent , & qui leur communique la con-
nc-ifïance de telle ou telle vérité. Mais s'ils
connoiïïent que c'eft une vérité , ils doi-
vent le connoître ou par Ta propre évidence,
ou par les preuves naturelles qui le dé-
montrent vifiblement. S'ils voient &: con-
noiflent que c'eit une vérité par l'une de
ces deux voies , ils fuppofent en vain que
c'eit une révélation ; car ils connoiffent que
cela eu1 vrai par la même voie que tout
autre homme le peut connoître naturelle-
ment fans le fecours de la révélation , puif-
que c'eft eîFccîivc-ment ainfi que routes les
vérités que des hommes non-infpirés vien-
nent à connoître, entrent dans leur efgrif,
De VEnthoufiafme. Liv. IV. 1$ ?
& s'y établi iTent de quelqu'efpece qu'elles ' ---_*
foient. S'ils difent qu'ils fa vent que cela Chap- XIXV
eft vrai , parce que c'eft une révélation éma-
née de Dieu, la raifon eft bonne: mais
abrs on leur demandera, comment ils vien-
nent à connoîcre que c'eft une révélation
qui vient de Dieu. S'ils difent qu'ils le
connoiffent par la lumière que la ehofé
porte avec elle , lumière qui brille , qui
éclate dans leur ame , & à laquelle ils ne
fauroient réfiftcr, je les prierai de confi-
dérer fi cela fignific autre choie que ce que
nous avons déjà remarqué, favoir, que c'eft
une révélation , parce qu'ils croient forte-
ment qu'il eft véritable; toute la lumière
dont ils parlent , n'étant qu'une perfuafion
fortement établie dans leur efprit , mais
fans aucun fondement eue c'efl une véri-
té. Car pour des fondemens raifonnabîes,
tirés de quelque preuve qui montre que
c'eft une vér/té, ils doivent îeconnoître
qu'ils n'en cnt point ; parce que , s'ils en
ont, ils ne le reçoivent plus comme une
révélation , mais fur les fondemens ordi-
naires fur lefquels o:r reçoit d'autres vé-
rités ; & s'ils croient qu'il eft vrai parce
que c'efr une révélation , & qu ils n'aient
point d'autres raifons pour preuve que
c'eft une révélation fmon qu'ils font pleine-
ment perfuadés qu'il eft véritable fans aucun
autre fondement que cette même perfuafion ,
ils croient que c'eft une révélation feule-
ment parce qu'ils croient fortement que
»4
lo£ De VEnthoufiafme. Liv. IV.
11 - c'eft une révélation ; ce qui eft un fonde-
hap. XIX. ment îrès-peu fur pour s'y appuyer r
tant à l'égard de nos opinions qu'à I é^ard
de notre conduite. Et je vous prie, quel
autre moyen peut-être plus propre à nous
précipiter dans les erreurs & dans les plus
extravagantes , que de prendre ainfi notre
propre fantaifie pour notre fuprême & uni-
que guide, & de croire qu'une propofi-
tion eft véritable , qu'une a&ion efi droite,
feulement parceque nous le croyons ? La
force de nos perfuafions n'eft nullement
une preuve de leur reclitude. Les chofes
courbées peuvent être suffi roides & diffi-
ciles à plier que celles qui font dr;i:es , Se
les hommes peuvent être aulîi décififs à
l'égard de l'erreur qu'à l'égard de la véri-
té. Et comment fe .formeroient autrement
ces zélés intraitables dans des parties diffe-
rens & directement oppofés ? En effet , fi
la lumière que chacun croit être dans fon
fon efprit , & qui dans ce cas n'eft autre
chofe que la force de fa propre perfuafion ;
fi cette lumière , dis-je , eft une preuve
que la chofe dont on eft perfuadé , vient
de Dieu , nos opinions contraires peuvent
avoir le même droit de paffer pour des
infpirations; & Dieu ne fera pas feule-
ment le père delà lumière, mais de lu-
mières diamétralement oppofées qui con-
duifent les hommes dans des rouies con-
traires ; de forte que des propofitions con-»
t^didoires feront des vérités divines, fi la
De VEnthoufiafm;. Liv. IV. 197
farce de l'aluirance, quoique deftituée de *
fondemenr , peut prouver qu'une propofi- Chap- xix*
eft une révélation divine.
$. ia Cela ne fauroit être autrement Lafbrcede
ta-ndifque la force de la perfuafion eft éta- la perfuafion
1 F u , ne prouve
bfie pour caule de croire, & qu on re- point qu'une
garde la confiance d'avoir raifon comme propofmon,
une preuve de la vérité de ce qu'on veut p^™6 e
foutenir. Saint Paul lui-même croyoit bien
faire, & être appelle à faire ce qu'il fai-
foit quand il perfécutoit les chrétiens,,
croyant fortement qu'ils avoient tort. Ce-
pendant c'étoit lai qui fe trompait, & non
pas les chrétiens. Les gens de bien font
toujours hommes , fujets à fe méprendre a
& fouvent fortement engagés dans des
erreurs qu'ils prennent pour autant de vé-
rités divines qui bnilent dans leur efprit
avec le dernier éclat.
§. 13. Dans l'efprit la lumière, la vraie Unerîum >..
lumière n'eft ou ne peut être autre chofe redansl'eft
que l'évidence de la vérité de quelque pro- j^!ft'. l "iHV
pofition que ce foit ; & fi ce n'eïï pas une
propofition évidente par elle-même, toute
la lumière qu'elle peut avoir, vient de la
clarté & de la validité des preuves fur les-
quelles on la reçoit. Parler d'aucune autre
lumière dans l'entendement, c'eft s'aban^
donner aux ténèbres ou à la puiifance d\î
Prince des ténèbres , & fe livrer foi-même
î> 1 îllufion , de notre propre confentement ^
pour croire le menfonge. Car fi la force de
la perfuafion eu. la lumière qui nous doin
N-5-
1<)$ De VEnthoufiafms. Liv. IV.
- ■' — --=» fervir de guide, je demande comment oçr
Chap. XIX. p0urra (jifiinguer entre les illufions de Satan
& les infpirations du Saint-Efprit. Ceux
qui font conduits par ce feu follet , le pren-
nent aufll fermement pour une vraie illu-
mination ; c'eft-à-dire , font auffi fortement
perfuadés qu'ils font éclairés par l'efpritde
Dieu, que cc\^x que l'efprit Divin éclaire
véritablement. Ils acquiefeent à cette faulTe
lumière, ils y prennent plaifir, ils la fui-
vent par-tout où elle les entraîne; & per-
sonne ne peut être ni plus affuré,ni plus,
dans le parti de la raifon qu'eux , fi on s'en
rapporte à. la force de leur propre perfua—
fion.
Ceftta' $• T4' ^ar conféquent , celui qui ne vou«-
raifùnqui dra pas donner tête baiffée dans toutes le»»,
doit juger de extravagances de l'illufion & de l'erreur,
Ï2 vents oc* 's
sévélayon. ^0lt mettre à l'épreuve cette lumière inté-
rieure qui fe présente à lui pour lui fervirv
de guide. Dieu ne détruit pas l'homme en
faifant un Prophète : il lui Wiiïç toutes fes
facultés dans leur état naturel, pour qu'il
puiffe juger fi les infpirations qu'il fent en
lui-même font d'une origine divine, ou
non. Dieu n'éteint point la lumière natu-
relle d'une perfonne brfqu'il vient a éclai-
rer fon efprit d'une lumière furnaturelle. .
S'il veut nous porter à recevoir la vérité
d'une prop ofition , eu il nous fait voir cette
vérité par les voies ordinaires de la raifon,
naturelle, ou bien il nous donne à con —
goitre, que c'eft une vérité que fon aux.o?-
JDe l Jr.rUho:ifuJ.T.:.ÏAV. IV". 199
rite nous doit faire recevoir, 8i iî nous -^
convainc qne'le vienc de lui , & cela par Ç*A* XUfc
certaines marques auxquelles la raiîon ne
fauroic fe méprendre. Ainli, la raifon doit
être notre dernier juge & notre dernier
guide en toute chore. Je ne veux pas dire
par-là que nous devions confulter la raifon,
& examiner fi une proportion que Dieu
a révélée peut être démontrée par des
principes naturels , & que il elle ne peut
l'être, nous foyons en droit de la rejeter;
mais je dis que nous devons coufulter la.
ou&n pour examiner p^.r ion moyen Ti
cell une révéu.tion qui vient de Dieu, ou
non. Lt fi la raifon trouve que c'e-fr une
révélation divine, dès-lors la raifon fe dé-
clare auili fortement pour elle que pour
aucune autre vérité, & en fait une de fes
règles. Du reue il i'ya: que chaque ima-
gination qui frnppe vivement notre fantai-
sie paffe pour une inspiration, û- nous ne
jugeons de nos perfuaaons que par la forte
imprefuon cu'elles font fur nous. i>i, dis-je,
nous ne laiîions point a la raiton le ioin
a 11 exarr.in:-:" la vérité par que'que chofe
d'extérieur a l'égard da Ces penuaiïons mê-
me , les irifpirations ce les iiiuîions ,. la.
vérité à la f^u'feré auront une même me--
fure , tk. il ne fera pas pofîîble de [es dis-
tinguer.
$. 15. Si cette lumière intérieure ou 1- "'-;->.
quelque pmoolition que ce foit , qui fous re rf -1' -'
ce titre paiie pour împiree dans notre ci- k;ion.
N 6
50O De V Enthoufiafme. Liv. IV.
■ .'■'* --J prit , fe trouve conforme aux principes de
• XIX* la raiion ou a la parole de Dieu, qui eil
une révélation atteflée ; en ce cas-la nous
avons la raifon pour garant , & nous pou-
vons recevoir cette lumière pour véritable ,
& la prendre pour guide tant à l'égard-
de notre croyar.ee qu'a 1 égard de nos ac-
tions. Mais ii elle ne reçoit ni témoignage
ni preuve d'aucune de ces règles, nous ne
pouvons point la prendre pour une révé-
lation , ni même pour une vérité , jufqu'à
ce que quelqu'autre marque différente de
la croyance où nous fommes que c'eft une
révélation, nous allure que c'eft effecti-
vement une révélation. Ainfi nous voyons
que les faints hommes qui recevoient des
révélations de Dieu, avoient quelqu'autre
preuve que la lumière intérieure qui écla-
toit dans leurs efprits , pour les alTurer que
ces révélations venaient de la part de Dieu.
Ils n'étoient pas abandonnés à la feule
perfualion que leurs perfuafions venoient
de Dieu ; mais ils avoient des lignes exté-
rieurs qui les afluroient , que Dieu étoit
l'auteur de ces révélations ; & lorfqu'ils .
dévoient en convaincre les autres, ils re--
cevoient un pouvoir particulier pour juf-
trfier la vérité de la commifilcn qui leur •
avoit été donnée du ciçl , &z pour certi-
fier par des fignes vifibles l'autorité du-
mefîage dont ils avoient été chargés delà
part de Dieu. Moyfe vit un buillon qui.?
forûlok. fans fe confurner y &. entendu une*
De VEntfwu fia fine. Liv. IV. 30 r
voix du milieu du huiflon. C'étoit-là quel- _ VI *"
, r 1 , > r ■ ■ , CHAP. XIX.
que choie de plus qu un lennment inté-
rieur d'une impuîfion qui l'entraînoit vers
Pharaon pour pouvoir tirer fes frères hors
de \' Egypte \ cependant il ne crut pis que
cela fuffît pour aller en Egvpte avec cet
ordre de la part de Dieu julqu'a ce que
par un autre miracle de ù verge changée
en ferpent , Dieu l'eût affaire' du pouvoir
de confirmer ù million par le même mi-
racle repéré devant ceux auxquels il étoit
envoyé. Ctdéon fut envoyé par un Ange
pour délivrer le peuple &Ifrael du joug des
Madiànites, cependant il demanda un ligne
pour être convaincu que cette commiffion
lui étoit donnée de la part de Dieu. Ces
exemples & autres ferrrblables qu'an peut
remarquer à l'égard des anciens Prophètes,.
fumTent pour faire voir qu'ils ne croyoient
pas qu'une vue intérieure ou une perfna-
lion de leur efprit , fans aucune autre preu-
ve, fût une aifez bonne raifon pour les.
convaincre que leur perfuafion venoit de
Dieu, quoique lEcriture ne remarque pas
par - tout qu'ils aient demandé ou reçu de
telles preuves.
£. 16. Au refte , dans tout ce que je
viens de dire , j'ai é:é fort éloigné de nier
que Dieu ne puilfe illuminer, ou qu'il n'il-
lumine même quelquefois l'efprit des hom-
mes pour leur :-ire comprendre certaines.
né*fi _, ou pour les porter à de bonnes ac-
tiens par 1'iafiuence ou.raffiftan.ee immé--
3<3ï De VEnthoufiafme. Liv. IV.
P" diate du Saint-Efprit , fans aucuns fign€3-
îiHAr. XIX. extraordinaires qui accompagnent cette in-
fluence. Mais aufi! dans ces cas nous avons
la Raifon & l'Ecriture , deux règles in-
faillibles pour connaître fi ces illumina-
tions viennent de Dieu ou non. Lorfque
la vérité que nous embra fions , fe trouve
conforme a la révélation écrite , ou que
l'action que nous voulons faire , s'accorde
avec ce que nous dicte la droite raifon eu
l'Ecriture Sainte , nous pouvons être affu-
rés que nous ne courons aucun rifque de
de la regarder comme infpirée de Dieu ,
parce qu'encore que ce ne foie peut-être
pas une rêvé ation immédiate, infliilée dans
nos efprits par une opération excr:ordinaire
de Dieu , nous fommes p-jurtint (Purs qu'elle
eff authentique par fa conformité avec la
vérité que nous avens reçu; de Dieu. Mais
ce n'eft peint la force de la perfuafion par-
ticulière que nous lentons en nous-mêmes
qui peut prouver que c'eit une j^rr-i^re ou
un mouvement qui vient du Ciel. Pien
ne peut le faire que la paroie de Dieu
écrite ou la raifon , cette règle qui nous
cit commune avec tous les hommes. Lors
don: qu'une opinion ou une action efr au-
torisée opreJemsm parla Raifon, par l'E-
criture , nous pouvons la regarder çjmme
fondée fur une autorité divine ; Mais ja-
mais la forée de notre periuiiion ne pour-
ra par elle-même lui donner cette empie:n-
îe. L'inclination de notre cfprit peut fa vo-
De l'Enihoufiafmc. Lîv. IV. JOj:
rîfer cette perfuafion autant qu'il lui plai-
ra , & faire voir que c'eft l'objet particu-
lier de notre tendrelTe , mais elle ne fau-
roit prouver que ce foit une production du
Ciel & d'une origine divine.
CHAPITRE XX.
De l'Erreur.
<T*
$. i. \.^â Ommz la connoi fiance ne re- ^ """
garde que les ventes vjlibies & certaines,
l'erreur n'eft pas une faute de notre con- Les caufes
noiflance , mais une méprife de notre ju- de l'erreur..
gpment qui donne f^n confentement à ce
qui n'eft pas véritable.
Mais , fi l'afiennment eft fondé fur la
vraifemblance, fi la probabilité eft le pro-
pre objet & le motif de notre afïentiment ,
& que la probabilité confifte dans ce qu'on,
vient de propofer dans les chapitres pré-
cédens , on demandera comment les hom-
mes viennent à donner leur affentiment
d'une manière oppofeèà la probabilité, car
rien n'eft plus commun que la contrariété
des fentimen.s , rien de plus ordinaire que
de voir un homme qui ne croit en aucu-
ne tn;nicrc ce dont un autre fe contente
d? dou*er , & qu'un autre croit fermement ,
Ëftfant gloire d'y adhérer avec une conf—
tanee inébranlable. Quoique les raiibns de..
304 De l'Erreur. Liv. IV;.
' ' ' - = cette conduite puiiïent être fort différen—
* tes, je crois pourtant qu'on peut les rédui-
ra à ces quatre :
I. Le manque de preuves,
i. Le peu d'habileté à faire valoir
les preuves.
3. Le mangue de volonté d'en faire
ufage.
4. Les faujfes règles de probabilité,
I. Léman- $• 2" Premièrement, par le manque de
que de preu- preuves , je n'entends pas feulement le dé-
faut de preuves qui ne lont nulle part,
& que, par conféquent , on ne fauroit trou-
ver, mais le défaut même des preuves qui
exiftent , ou qu'on peut découvrir. Ainfî y
un homme manque de preuves lorfqu'il n'a
pas la commodité ou l'opportunité de faire,
fes expériences & les observations qui fer-
vent à prouver une proportion , ou qu'il
n'a pas la commodité de ramafler les té-
moignages des autres hommes , & d'y faire
les réflexions qu'il faut. Et tel eft l'état
de la plus grande partie des hommes qui
fe trouvent engagés au travail , & aflervis
à la néceffité d'une halle condition, & dont,
toute la vie fe paffe uniquement à cher-
cher de quoi fubfiïter. La commodité que .
ces fortes de gens peuvent avoir d'acqué-
rir des connoiflances Se de faire des recher-
ches , eft ordinairement reiferrée dans des ■
bornes auiïï étroites que leur fortune. Com-
me ils emploient tout leur tems 6c tous leurs
fùins.à appaifer leur fùim ou celle de leurs-
Dt V Erreur. Liv. IV. 30?
cnfans , leur entendement ne fe remplit c xx
pas de beaucoup d'inftruchons. Un homme
qui coniume twure fa vie dans un métier
pénible , ne peut non plus s'infcruire de
cette diverïïté de chofes qui fe font dans
le monde , qu'un cheval de fomme qui ne
va jamais qu'au marché par un chemin érroit
& bourbeux peut devenir habile dans la
carte du pays. Il n'efr pas dis -je , plus
poiïîble qu'un homme qui ignore les Lan-
gues, qui n'a ni ioiur , ni livres , ni ta com-
modité de converfer avec différentes per-
fonnes , foit en état de ramifier les témoi-
gnages & les obfervarbns qui exiiîent ac-
tuellement & qui font nécefTaires pour
prouver plufieurs propofitions ou plutôt la
plupart des propofitions qui pafTent p^ur
les plus importantes dans les différentes
fociécés des hommes , ou pour découvrir
des fondemens d'aifurance aufll folides que
la croyance des articles qu'il voudroit bâ-
tir deffus eft jugée néceffaire. De forte
que dans l'état naturel & inaltérable oui
fe trouvent les chofes dans ce monde , &
félon la conftirution des affaires humaines,
grande partie du genre humain eft inévi-
tablement engagée dans une ignorance in-
vincible des preuves fur lefquelles d'autres
fondent leurs opinions &z qui font effec-
tivement nécelfaires pour les établir. La
plupart des hommes , dis-je , ayant affez à
à faire trouver les moyens de foutenir leur
vie , ne font pas en état de s'appliquer"
à. ces [dv a rues & lab^rieufes recherches..
%o6 De V Erreur. Liv. IV.
■ -.'m $. 3. Dirons -nous donc , que la plus
Chap. XX. gran£jc partie des hommes font livrés, par
la néceilité de leur condition, à une ieno-
Que cievien- ran-c inévitable des cnoles qu il leur îm-
tironteeux porte le plus de Lvoir. Car c'eft fur cel-
«uimanquent ies_]^ qu'on e/r naturellement parte à faire
de preuves . . *
iUpon/è. ' cette queflion. Elt-ce que le gros des hom-
mes n'eft conduit au bonheur ou à la mi-
fere que par un bafard aveugle ? Eft-ce
que les opinions courantes ck les guides au-
torifés dans chaque pays font à chaque hom-
me une preuve & une afîurance fufHfante
pour rifquer , fur leur foi , fes plus chers
intérêts , & même fon bonheur ou fort
malheur éternel ? ou bien faudra-t-il pren-
dre pour Oracles certains & infaillibles de
la vérité ceux qui enfeignent une chofe
dans la Chrétienté, & une autre en Tur~
quie ? Ou , efl - ce qu'un prravre payfan
fera éternellement heureux pour avoir eu
l'avantage de naître en Italie ; & un hom-
me de journée perdu fans reflburce , pour
avoir eu le malheur de naître en Angle
terre. Je ne veux pas rechercher ici com-
bien certaines gens peuvent être prêts à
avancer quelques-unes de ces choies; ce
que je fais certainement , c'efl que les hom •
mes doivent reconnaître pour véritable quel-
qu'une de ces fuppofitions ( qu'ils choifif-
fent celle qu'ils voudront), ou bien tomber
d'accord que Dieu a donné aux hommes des
facultés qui fiiffifent pour les conduire dins
Je chemin qu'ils devroicnc prendre ,, s'ils- les
De f Erreur. Liv. IV. 307
empioyoient férieufement à cet ufage, lorf- ~
que leurs occupations ordinaires leur en don- Chap* ^•>>*
nent le loifir. l'erfonne n'eit ii fort occupé du
foin de pourvoir à fa fubfiitance , qu'il n'ait
aucun tems de refte pour penfer à fon ame,
& pour s'inflruire de ce qui regarde la
Religion : & fi ies hommes écoient autant
appliqués à cela qu'ils le font à des chofes
ravins importantes , il n'y en a point de
fi preffé par la nécelTité , qui ne put trou-
ver le moyen d'employer pluâeurs inter-
valles de loifir à fe perfectionner dans cette
efpece de connoiffance.
6. 4. Outre ceux que la petitefTe de
leur fortune empêche de cultiver leur ef-
prit , il y en a d'autres qui font alfez ri-
ches pour avoir des livres & les autres
commodités nécefTsires pour éclaircir leurs
-dou;es & leur faire voir la vérité; mais
ils font détournés de cela par des obfhcles
pleins d'artifices qu'il eft afTez facile d'ap-
percevoir , fans qu'il foit néceffaire de les
étaler en cet endroit.
$. 5. En fécond lieu , ceux qui manquent
d'habileté pour faire valoir les preuves j^ çmçe
qu'ils ont , pour ainu dire , fous ia main , de Terreur s
oui ne fauroient retenir djns leur efprit ~ ef;IlUfi'a"
'-.,-., r l orelfe pour
une fuite de confcquences , ni peier exac- fcire valoir
tement combien les preuves & les temoi- les preuves.
gnages remportent les uns fur les autres ,
après avoir afïigné à chaque circonitance fa
jufle valeur ; tous ceux-là , dis-je ; qui ne
3o£ De PErreur. Liv. IV.
*■ ' font pas capables d'entrer dans cette dif-
hap. XX. cuffion, peuvent êcre aifement entraînés à
recevoir des propofitions qui ne font pas
probibles. Il y a des gens d'un feul fyllo-
gifme, & d'autres de deux feulement. D 'au-
tres font capables d'avancer encore d'un'
pas , mais vous attendrez en vain qu'ils
aillent plus avant ; leur compréhenfion ne
s'étend point au-delà. Ces fortes de gens
ne peuvent pas toujours distinguer de quel
côté fe trouvent les plus fortes preuves ,
ni par confequent fuivre confhmment l'o-
pinion qui elt en elle-même la plus pro-
bable. Or qu'il y ak une telle différence
entre les hommes par rapport à leur en-
tendement , c'eft ce que je ne crois pas
qui foit mis en queftion par qui que ce
foit qui ait eu quelque conversation avec
fes voifins, quoiqu'il n'ait jamais été , d'un
côté au Palais & à la fburfe , ou de l'au-
tre dans des hôpitaux ck aux petites mai-
fons. Soit que cette différence qu'on re-
marque dans l'intelligence des hommes vien-
ne de quelque défaut dans les organes du
corps, particulièrement formés pour la pen-
fée , ou de ce que leurs facultés font grof-
fieres ou intraitables faute cfufage ou, com-
me croient quelques-uns , de la différence
naturelle des âmes même des hommes ,
ou de quelques-unes de ces chofes , ou de
toutes prifes enfemble , c'efl ce qu'il n'eft
pas néceffaire d'examiner en cet endroit.
Mais ce qu'il y a d'évident , c'eft qu'il fe
De l'Erreur. Liv. IV. 309
rencontre dans les divers enrendemens , dans ~ . .. a
dans les conceptions & les raifonnemens Chap. XX.
des hommes une fi vaïte différence de de-
grés, qu'on peut afîurer , fans faire aucun
tort au genre humain , qu'il y a une plus
grande différence à cet égard entre certains
hommes & d'autres hommes, qu'entre cer-
tains hommes & certaines bêtes. Mais de
fay*.ir d'où vient cela, c'efl une queflicn
fpéculative qui, bien que d'une grande con-
féquence , ne fait pourtant rien a mon pré-
sent defîein.
§. 6. En fécond lieu , il y a une au- jjj çauf
tre forte de gens qui manquent de preu- Défaut de
yes , non qu'elles fcient au-delà de leur volonté.
portée , mais parce qu ils ne veulent pus
en faire ufige. Quoiqu'ils aient aviez de
bien & de loifir , & qu'ils ne manquent
ni de talens , ni d'autres fecours , ils n'en
font jamais mieux pour tout cela. Un vio-
lent attachement au plaifir ou une conf-
iante application aux affaires , détournent
ailleurs les penfées de quelques-uns : une
pareffe , une négligence générale , ou bien
une averfion particulière pour les livres ,
pour l'étude & la méditation empêche d'au-
tres d'avoir abfolument aucune penfée fé-
rieufe : & quelques-uns craignant qu'une
recherche exempte de toute partialité ne
fût point favorable à ces opinions qui s'ac-
commodent le mieux avec leurs préjugés,
leur manière de vivre & leurs defîeins ,
fe contentent de recevoir fans examen &
310 De FErr:ur. Liv. IV.
= fur la foi d'autrui ce qu'ils trouvent qui
Cv.a?. XX. leur convient le mieux , & qui efl auto-
rife' par la mode. Ainfi , quantité de gens,
même de ceux qui pourraient faire au-
trement , pafl'ent leur vie fans s'infer-
mer des probabilités qu'il leur importe de
connoitre , tant s'en faut qu'ils en faifent
l'objet d'un affentiment fondé en rair- n ;
quoique ces probabilités foient fi près u .ux
qu'ils n'ont qu'à tourner les yeux vers elles
pour en être frappés. On conncît des per-
sonnes qui ne veulent pas lire une lettre
qu'on fuppofe porter de méchantes nou-
velles ; et bien des gens évitent d'arrêter
leurs comptes , ou de s'informer même de
l'état de leur bien , parce qu'ils ont fujet
de craindre que leurs affaires ne foient en
fort tnattvaife poflure. Peur moi , je ne
faurois dire comment des perfennes à qui
de grandes richefTes donnent le loifir de
perfectionner leur entendement , peuvent
s'accommoder d'une molle & lâche igno-
rance ; mais il me' femble que ceux-là ont
une idée bien baife de leur ame , qui em-
ploient tous leurs revenus à des provisions
pour le corns, f-ns fonger à en employer
aucune partie à ïe procurer les m
d'acquérir de h cohnoi [Tance ; qui pren-
nent un grand foin de paroîrjre toujours
dans un équipage propre 8t brillant, & fe
croiraient malheureux avec des habits d'é-
toffe groffiere ou avec un jufte-au-corps
rapiécé, &: qui pourtant fourr'rent fans pei-
ne que leur ;me parcifTe ayee une livrée
De l'Erreur. Liv. IV. 311
•toute ufée , couverte de méchans haillons , -•-;_[_; — à
telle qu'elle lui a été préfentée par le ha- Cs*p. XX.
fard , ou par le tailleur de fon Pays , c'eft-
à-dire, pour quitter la figure imbue des
opinions ordinaires que ceux qu'ils ont fré-
quentés, leur cnt inculquées. Je n'infifterai
point ici à faire voir combien cette condui-
te eft déraiionmble dans des perfonnes qui
penfent à un état à venir , & à l'intérêt
qu'ils y ont(ce qu'un homme raifcnnable ne
peut s'empêcher de faire quelquefois. ) Je ne
remarquerai pas non plus quelle honte c'eft
à ces gens qui meprifent fi fort la con-
noiffance, de Ce trouver ignorans dans des
chofes qu'ils font inréreiîés de connoitre.
Mais une chofe au moins qui vaut la pei-
ne d'être confidérce par ceux qui fe ài-
fen: Gentilshommes & de bonne maifjn ,
c'eft qu'encore qu'ils regardent le crédit ,
le refpecl , la puiffance & l'autorité comme
les apanages de leur naiiTance Se de leur for-
tune , ils trouveront pourtant que tous ces
avantages leur feront enlevés par des gens
d'une condition plus baffe qui les furpaf-
fent en connoiffance. Ceux qui font aveu-
gles, feront toujours conduits par ceux qui
voient , ou bien ils tomberont dans la foffe ;
& celui dont l'entendement eft ainfi plon-
gé dans les ténèbres , eft fans doute le plus
efclave & le plus dépendant de tous les
hommes. Nous avons montré dans Tous
les exemples précédens quelques-unes des
caufes ds l'erreur où s'engagent les hora-
Chap. XX.
311 De V Erreur. Lîv. IV.
mes , Se comment il arrive que des doc-
trines probables ne font pas toujours re-
çues avec un affentiment proportionné aux
raifons qu'on peut avoir de leur probabi-
lité ; du refte nous n'avons confidéré juf-
qu'ici que les probabilités dont on peut
trouver des preuves , mais qui ne fe pré-
fentent point à Tefprit de ceux qui cm-
braffen: l'erreur.
îV. Caufe. 6.7. Il y a , en quatrième & dernier
Faufle mefu- ,. ■ r a ■ 1
xe de proba- "eu > une autre forte de gens qui lors
bilité. même que les probabilités réelles font clai-
rement expofées à leurs yeux , ne fe ren-
dent pourtant pas aux raifons manifeftes
fur lefquelles ils les voient établies , mais
fufpendent leur affentiment, ou le donnent
à l'opinion la moins probable. Les perfen-
nes expofées à ce danger, font celles qui
ont pris de fauffes mefures de probabilité,
que l'on peut réduire à ces quatre :
I, Des Propofitions qui ne font ni
certaines ni évidentes en elles-mê-
mes , mais douteujes & fauffes , pri-
Jes pour Principes.
1. Des Hypothefes reçues.
3. Des pa (fions ou dts inclinations
dominantes.
4. L'Autorité.
ï.Propofi- $• 8. Le premier Se le plus ferme fon-
tïons douteu- dément de probabilité , c'olt la conformité
fes, pnfes qu'une chofe a avec notre ccnnoiïiance, Su
pour pnnci- ~J
pes. fur-tout avec cette partie de notre con-
jioiffance que nous avons reçue , & que
nous
De l'Erreur. Liv. IV. 3T3
Bous continuons de regarder comme autant -j — as — ■■a
de principes. Ces fortes de principes ont Chap. XX.
une fi grande influence fur nos opinions ,
que c'efr ordinairement p*r eux que nous
jugeons de la vérité; & ils deviennent à
tel point la meiure de la probabilité, que ce
qui ne peut s'accorder avec nos principes ,
bien loin de pa/Ter pour probabilité dans
notre efprit , ne fauroit fe faire regarder
comme poiïible. Le refpecl qu'on porte à
ces principes efl fi grand , & leur auto-
rité fi fort au defTus de toute autre auto-
rité, que non-feulement nous remettons le
témoignage des hommes, mais même l'é-
vidence de nos propres fens , lorfqu'ib vien-
nent à dépofer quelque choie de .contraire
à ces règles déjà établies. Je n'examinerai
point ici , combien la doétrine qui pofi des
principes innés , & que les principes ne
doivent pas être prouvés ou mis en ques-
tion , a contribué à cela ; mais ce que je
ne ferai pas difficulté de foute nir , c'eil
qu'une vérité ne fauroit être contraire à
une autre vérité ; d'où je prendrai la li-
berté de conclure que chacun devrait être
foigneufement fur fes gardes, lorfqu'il s'a-
git d'admettre quelque chofe en qualité
de principe ; qu'il devrait l'examiner au-
paravant avec la dernière exactitude , tk
voir s'il connoît , certainement que ce foit
une chofe véritable par elle-même & par
fa propre évidence, ou bien fi la forte af-
furance qu'il a qu'elle eft véritable , eil
Tome IV. O
314 '&' l Erreur. Liv. IV.
V " - uniquement fondre fur le témoignage d'au»
•hap. XX. truj ^ar fcs c,u'un homme a pi is de faux
principes , qu'il s'eft livré aveuglement à
l'autori'é d'une opinion qui n'eft pas en
el.'e-même évidemment véntable, fon en-
tendement efr entraîné par un coniepoid*
qui le fait tomber inévitablement dans l'er-
reur.
£. 9. I! efr généralement établi jar la cou-
turre que les enfms reçoivent de leurs peies
cV mercs de leurs nourrices ou des pei fonnes
qui fe tiennent autour d'eux , certaines pro-
portions ( & fur-rout fur le fujet de la Reli-
gion ) lefquelles étant une fois inculquées
dans leur entendement qui efr fans précau-
tion aufli-bien que fins prévention, y font
fortement empreinte?, 6c foit qu'elles foie nt
vraies ou fauffes , y prennent à la fin de
fi fortes racines par le moyen de l'éduca-
tion & d'une longue accoutumance qu'il
eft tout-à-fait ir-pr fTbîe de les en arra-
cler. Car après qu'ils font devenus hom-
mes fans, venant à r 'fléchir fur leurs opi-
nions , & trouvant celles de cette efpece suffi
anciennes dans leur efprit qu'aucune chofè
dont ils fe puiffent refîbuvenir, fins avoir
cbfervé quand elles ont commencé d'y être
introduites, par quel moyen ils les ont ac-
quifes, ils font portés à les refpecler comme
des chofes fâcrées, ne voulant pas permettre
cm'eîfes foient profanées, attaquées, ou mi-
fes en quefîion, mais les regardant plutôt
comme VUrïm & le Thvmmim que Dieu 2
De V Erreur, Lîv. IV. 31$
mis dans leur ame , pour erre les arbrres ■**-"' ^*
fouverains & infaillibles de I3 vérité & de tHAP« XX,
la faufTeté, & autant d'oracles auxquels ils
doivent en appeller dans toutes fortes de
controverfes.
$. 10. Cette opinion qu'un homme a
conçue de ce qu'on appelle Ces principes
( quoiqu'ils puiffent être ) étant une fois
établie dans fon efprit , eft aifé de fe fi-
gurer comment il recevra une proposition
prouvée auffi clairement qu'il efr poffible,
îi elle tend à arfoiblir l'autorité de ces ora-
cles internes , ou qu'elle leur foit tant foit
peu contraire ; tandis qu'il digère fans pei-
ne les cbofes les moins probables & les
abfurdités les plus groflieres , pourvu qu'el-
les s'accordent avec ces principes favoris.
L'extrême obftination qu'on remarque dans
les hommes à croire fortement des opi-
nions directement oppofc;es , quoique fort
fouvent également abfurdes , parmi les dif-
férentes Religions qui partagent le genre
humain ; cette obftination, dis-je , eft une
preuve évidente auffi-bien qu'une confé-
quence inévitable de cette manière de rai-
fonner fur des principes reçus par tradi-
tion ; jufques-là que les hommes viennent
à défavouer leurs propres yeux , à renon-
cer à l'évidence de leurs fens, & à don-
ner un démenti à leur propre expérience,
plutôt que d'admettre quoi que ce foit d'in-
compatible avec ces facrés dogmes. Pre-
nez un Luthérien de bon fens à qui l'on
3i6 De VErrètif. Tiv. IV.
ait con<>imm?nt inculqué ce principe, ( des
C«Ai>. XX. que fon entendement a commencé de re-
cevoir quelques notions ) qu'il doit croire
ce que croient ceux de fa communion , de
forte qu'il n'ait jamais entendu meure
en quefrion ce principe , jufqu'a ce que
parvenu à l'âge de quarante ou cinquante
ans, il trouve quelqu'un qui ait des prin-
cipes tout différens ; quelle dîfpofiticn n'a-
t-il pas à recevoir fans peine la doctrine
de la conjubftantiaùon , non-feulement con-
tre toute probabilité , mis même centre
l'évidence manifeile de fes propres fc-ns ?
Ce principe a une telle influence fur I n
efpnt qu'il croira qu'une chofe eVc chair
& pain tout-à-h-fois , quoiqu'il foit impof-
fible qu'elle foit autre chofe que l'un des
deux : & quel chemin piendrez-vcus peur
convaincre un homme de l'abfurdiré d'une
opinion qu'il s'eft mis en tête de foutenir ,
s'il à pofé pour principe de raifonnement,
avec quelques Phi'ofophes, qu'il doit croi-
re fa raifon ( car c'e'r ainii que les hom-
mes appellent improprement les rrgumens
qui découlent de leurs principes ) contre
le témoignage dss fens. Qu'un Fanatique
prenne pour principe que lui ou fon doc-
teur efl infpiré & conduit par une direc-
tion immédiate du S'aint-Efprit ; c'eit en
vain que vous attaquez fes dogmes par
les raifons les plus évidentes Et par con-
séquent tous ceux qui ont été imbus de
Eaux principes ne peuvent être touchés de*
De l'Erreur. Liv. IV. 317
probabilités les plus rpparentes & les plus ^7f7=XX?
convaincantes , dans des chofes qui font in-
compatibles avec ces principes , jufqu'à ce
qu'ils en foient venus à agir avec eux-mê-
mes avec une candeur &: une ingénuité
qui les porte à examiner ces fortes de prin-
cipes , ce que plufieurs ne fe permettent
jam.is.
£. il. Après ces gens - là viennent i.rmbraf-
Ceux dont L 'entendement eft comme jeté fer certaines
eu moule d'une kyrothefe reçue , c'efr leur hyp°thefes.
fphere ; ils y font renfermés & ne vont
jamais au-delà. La différence qu'il y a en-
tre ceux-ci &: les autres dont je viens de
parler ; c'eft que ceux-ci ne font pas dif-
ficulté de recevoir un point de fait , Se
ceux qui le leur prouvent , deiqueîstoi\s
ne différent que fur les raifons de la cho-
fe , & fur la manière d'en expliquer l'o-
pératicn. Ils ne fe d^ient pas ouvertement
de leurs fens , comme les premiers ; ils
peuvent écouter plus patiemment les inf-
truclions qu'on leur donne , mais ils ne
veulent faire aucuns fonds fur les rapports
cju\ :n leur fait pour expliquer les chofes
au lement qu'ils ne les expliquent , ni fe
laiifer toucher par des probabilités qui les
mcroient que les chofes ne vont pas
jufrement de la même manière qu'ils i'^nt
d 'terminé en eux-mêmes. Et en effet,
ns feroit-ce pas une chofe infupportable
à uii favant i'roieueur de voir fon auto-
O a
Chap. XX.
3l5 D: r Erreur. Liv. IV.
rite renverfée en un in (Vint pir un nou-
veau venu , jufqu'alôrs inconnu dans le
m >nde ; fon autorité , dio - je , qui eft en
vogue depuis Trente ou quarante ans ,
foutenue par qum ité de grec & de la-
tin , acquife pjr bien des fucurs & des
veil'es , & confirmée par une tradition
générale , & par une barbe vénérable ?
Qui peut jim;is efpérer de réduire ce Pro-
fefleur à confe/Ter que tout ce qu'il a e.i-
feigné à (es écoliers pendant trente années
ne con.ient que des erreurs Se des m>
prifes , & qu'il leur a vendu bien ch^r
de l'ignorance & de grands mns qui ne
fignin ïîerit rien ? Quelles pr >b^bi!i:és , dis—
je, pourraient ê:re aiTez confidérables pour
pSur'ra jamais être porté par les argum^ns
les plus prefTans à fe dépouiller tout d'un
coup de toutes Tes anciennes opinions &
de Tes prétentions à un Lvoir , a l'acqui-
fition duquel il a donné tout fon tems avec
une application infatigable , & à prendre
des notions toutes nouvelles après avoir
entièrement renoncé à tout ce qui lui fai-
foit le plus d'honneur dans le monde ? Tous
les argumens qu'on peut employer pour
l'engager à cela , feront fans doute aulîi
peu capables de prévaloir fur fon efpric
que les efforts que fit Borée pour obliger
le voyageur à quitter fon manteau qu'il
tint d'autant plus ferme que le vent fouf-
floit avec plus de violence. On peut rap-
De V Ermtr. Liv. IV. 319
porter à cet abus qu'on fait de faujjcs hy- c~ p> :?::% '
pothefes, les erreurs qui viennent d'une "
hypothefe vé. itable ou de principes rai-
fonnables , m.is qu'on n'entend pas dans
leur vrai fens. Les exemples de ceux qui
foui iennenc déférentes opinions . m lis qu'ils
fondent tous fur la vérité* ^l»We des
f „ „ - -»c», lontune preuve in :onref -
lain^ei! r i)
idDie de cette epece d erreurs. Tous ceu<
qui fe difent Chré iens , reconnoidént que
que le Texte de l'Evangile qui dr,M£r«K»-;<T»,
chiite a un devoir fort important. Cepea^
dam combien fera eironn^e la pratique de
l'un des deux qui n'entendant que le Fran-
çois ,fuppofera que cette règle eu félon une
traduction , repentez-vous , ou felun l'au-
tre , faites pénitence.
§. 12. En troifieme lieu, les probabi- Despaflîons
lités qui font contraires aux defirs & aux dominantes,
paffions dominantes des hommes courent le
ml-me danger d'è're rejetées. Que la plus
grande probabilité qu'on puifie imaginer,
fe préfente d'un côté a l'elprit d'un avare
pour lui faire voir Pinjuftice &. la folie de
fa pafTLn , & que de l'aurre il voie de l'ar-
gent à gagner , il ell aifé de prévoir de
quel cô é penchera la balance. Ces amas de
boue femblables a des remparts de terre ré-
fiftent aux plus fortes b.tteries; & quoi-
que peut-être la force de quelqu'argument
évident fiiTe quelqu'impredion fur elles en
certaines rencontres, cependant elles demeu-
rent fermes, & tiennent bon ccn~re.la vé-
O 4
3io De V Erreur. Liv. IV.
■ -»'-— ' ' rire leur ennemie , qui voudrait les c?.pti-
Chap. XX. ver j ou ies traverfer dans leurs defleins.
Dites à un homme paflionnémem amoureux,
qu'il cil duppé : apportez-toi vingt témoins
tic l'infidélité' de fa maîtreiTe; il y a à parier
dixconrrUn) que rois paroles obligeantes
de cette nftutu ^nvarr en un mQm
*Quodvo- ment tous leurs témoignages, ivuu.
/«nu*, faàll facnement ce que nous dejirons; c'eft une
«redimus. ^-^ dynt je crois que chacun a fait l'épreu-
»c plus d'une t'ois: & quoique les hommes
ne puiilent pas fe déclarer ouvertement con-
tre ces probabilités manifeftes qui font con-
traires à leurs fentimens , & qu ils ne puif-
fent pas en éluder la force, ils n'avouent
pourtant pas la conféquence qu'on en tire.
Ce if cil pas a dire que l'entendement ne
feit porté de fa nature a fuivre conframment
le parti le plus probable, mais c'e<r que
l'homme a la pui/îance de fufpendre &: d'ar*
rêter fes recherches , & d'empêcher fon ef-
pric de s'engager dans un examen abfolu
& fatisfaifant , aufîî avant que la matière en
queftion en eft capable, & le peut per-
mettre. Or jufqu'a ce qu'on en vienne là,
il réitéra toujours ces deux moyens d'échap-
per aux probabilités les plus apparentes.
,(,^î°7ens §• 13. Le premier eft , que les argumens
sux urobsbi. étant exprimés par des paroles, comme font
lités, la So- la plupart , il peut y avoir quelque fnpkif»
fu '^ofée"6 tlaucru cacn^ dans les termes. ; & que ,
s'il y a plufieurs conféquences de fuite, il
peut y en avoir quelqu'une mal liée. En
De V Erreur. Liv. IV. 3x1
effet , il y a fort peu de difcours qui foient . . .■' .»
fi ferres, fi clairs & fi miles, qu'ils ne puif- CHAt- xx*
fent fournir à la plupart des gens un prétex-
te allez plaufible de former ce doute , & de
s' empêcher d'y donner leur confentement
fans avoir à fe reprocher d'agir contre la
fincérité ou contre la raifon par le moyen,
de cette ancienne réplique, nonperfuadcbis\
ttiamfi perjuaferisy » quoique je ne puiiTe
» vous répondre ; je ne me rendrai pour-
» tant point. »
$. 14. En fécond lieu, je puis échapper "• Argu-
au>: probabilités manifeftes,&fufpendre mon fe's pourfe"
contentement , fur ce fondement que je ne parti ccr.^
fais pas encore tout.ee qui peut être dit en traice»
Taveur du parti contraire. C'efl poarquoi,bien
que je fois battu , il n'eït pas néce/1 aire que
je me rende , ne connoiilant pas les forces
qui font en réferve. Ceft un refuge contre
la conviction , qui efi fi ouvert & d'une fi
vafte étendue , qu'il eu difficile de déter-
miner quand un homme en eft tout-à-fait
exclu.
(. 15. Cependant il a fes bornes, & Çueffcs
lorfqu'un homme a recherché foigneuife- P5obab*'i*és*
_, . 1 e 1 '7-.. , „ determii
ment tous les ic niemens de probabilité & l'aOensÙMn*»
tf "improbabilité, lorfqn-'iî a fait tout fon pot
pour s'informer iincérement de toutes
les particularités de la question , & qu'il a
aifembléexactement toutes les raifons qu'il a
pu découvrir des deux cotés, dans la plupart
des cas, il peut venir à connoître fur !ç
de quel coté fe trouve la probabilité;
O «
311 De V Erreur. Liv. IV.
= car fur certiines matières de r-àfoniiement
Chap. XX. il y a des prouves qui étant des fuppofi-
tions fondées iur une expérience univer-
fe'le, font ii fortes & ii claires, &: fur
certains points de faits, les témoigages font
fi universels , qu'il ne peut leur refufer fon
confentement. De force que nous pouvons
conclure, à mon avis, qu'à l'égjrd des
propofnions , où encore que les preuves
qui fe préfentent à nous foient fort con-
sidérables , il y a pourtant des raifons fuf-
fifantes de loupçonner qu'il y a de la fo-
phifHquer ie dans les termes , eu qu'on peut
produire des preuves d'un auffi grand poids
en faveur du parti contraire; alors l'alîenti-
ment , la fufpenlion ou le diiïentiment font
fouvent des acles volontaires. Mais lerique
les preuves font de nature à rendre la choie
en queftion extrêmement probable fans
avoir un fondement futfifant de foupçonner
qu'il y ait rien de fophiftique dans ies ter-
mes ( ce qu'on peut découvrir avec peu
d'application ) ni des preuves également
fortes de l'autre côté, qui n'aient pas en-
core été découvertes , ( ce qu'en certains
cas la nature de ia chofe peut encore mon-
trer clairement à un homme attentif ) je
crois , dis-je, que dans cette occahon un
homme qui a coniidéré mûrement ces preu-
ves, ne peut guère refufer fon confente-
ment au côté de la queflion qui parofc
avoir le plus de probabilité. S'agit-il, par
exemple , de favoir fi des caractères d'un-
Le l'Erreur. Lîv. ïV. 313
primerie mêlés confufément enfemblc pour- ^f
ront fe trouver fouven: ranges de telle Chai>. Xa,
manière qu'ils tracent fur le p ipier un dif-
cours fuivi, ou , fi un concours fortuit d'ato-
mes ,qui ne font pas conduits par un agent
intelligent, pourra former plufieurs fois
des corps d'une certaine efpece d'animaux r
dans ces cas & autres fembLbles , il n'y
a perfonne, qui, s'il y fait quelque ré-
flexion , puilfe douter le moins du monde
quel parti prendre, ou être dans la moindre
incertitude à cet égard. Enfin lorfque la
chofe étant indifférente de fa nature & en-
tièrement dépendante des témjins qui en
attellent la vérité, il ne peut y avoir au-
cun lieu de fuppofer qu'il y a un témoi-
gnage suffi fpécieux contre que pour le fait
attelle , duquel on ne peut s'inltruire que
par voie de recherche, comme eil, p. r
exemple, de favoir s'il y avoit à Rome,
il y a 1700 ans, un homme tel que
Jules Céfar ; dans tous les cas de cette ef-
pece je ne crois pas qu'il foit au pouvoir
d'un homme raifonnable de refufer fon af-
fentiment & d'éviter de fe rendre à de
telles probabilités. Je crois au contraire que
dans d'autres cas moins évidens il eif au
pouvoir d'un homme raifonnable de fuf-
pendre fon alfentiment ; & peut-être même
de le contenter des preuves qu'il a, li elies
favorifent l'opinion qui convient h- mieux
avec fon inclination ou Ion intérêt, ôt
d'arrêter là les recherches. Mais qu'un hom-
O* o
314 Dr. i Erreur. L;v. IV.
Jr" -— rne donne on con "entement au côté où il
* XX. voit je moj|M rfe probabilité, c'eil: une chofe
qui me paraît tout-à-fait impratiquable te
auffi impoflibîe qu'il l'eil de croire qu'une
même chofe (bit touc-a-la-fois probable &
non probable.
ce qu'Teffen $' I^# Comme la connoiflance n'eft non
notre po'.:- plus arbitraire que la perception, je ne
voiroeiaf- crojs pas oue lafiemiment foit plus en
pendre notre ' . . . -. r ..
affentimer,t? norre pouvoir que la conncillance. Lorf-
que la convenance de deux idées fe mon-
tre à mon efprit , ou immédiatement , ou
par le fecours de la raifon , je ne puis
ne a plus refufer de l'appercevoir ni évi-
ter de la connaître , que je puis éviter de
voir les objets vers leiquels je tourne les
yeux & que je regarde en plein midi ,- &
ce que je trouve le plus probable apres
>ir pleinement examiné , je ne puis re-
fufer d'y donner mon confentement. Mais
quoique nous ne puiflîons pas nous empê-
cher de connoître la convenance de deux
idées, torique nous avons à l'appercevoir,
ni de donner notre afîenriment à une pro-
babiîité dès qu'elle le montre vifiblement à
nous après un légitime examen de tout ce
qoi concourtà l'établir, nous pouvons pour-
tant arrêter les progrès de notre connoi!-
fânee 8c de notre afleutiment , en arrêtant
nos perquisitions, & en cefir.nt d'employer
nos facultés à la recherche de la véiité.
Si cela étoit ainfi, l'ignorance, l'erreur ou
l'infidélité , ne pourvoient être un péché en
De V Erreur. Lir. IV. 31*
aucun cas. Nous pouvons donc en certaines r vv
rencontres prévenir ou luipendre notre
affentiment. Mais un homme verfé dans
l'Hiftoire moderne ou ancienne peut-il dou-
ter s'il y a un lieu tel que .Rome , ou s'il
y a jamais eu-un homme tel que Jules Céfarl
Du relie il eft confiant qu'il y a un million
de ventes qu'un homme n'a aucun intérêt
de connoître, ou dont il peut ne fe pas
croire inte'rcflé de s'inflruire , comme fi * » Roîd'An-
Richard III. étoit bofîu ou non, fi Roger g' eterre.
Bacon étoit mathématicien ou %magicien ,
&c. Dans ces c:.s & autres femblables , où
perfonne n'a aucun intérêt à fe détermi-
ner d'un côté ou d'autre, nulle de fes ac-
tions ou de fes deffeins ne dépendant d'une
telle détermination , il n'y a pas lieu de
s'étonner que l'efprit embraffe l'opinion com-
mune, ou fe range au fentiment du pre-
mier venu. Ces fortes d'opinions font de
fi peu d'importance que femblables à de
petits moucherons vohigeans dans l'air ,
on ne s'avife guère d'y faire aucune at-
tention. Elles font dans l'efprit comme par
hafard , & on les y laide flotter en liberté.
Mais lorfque l'efprit juge que la prepofi-
tien renferme quoique chofe à quoi il prend
intérêt, lorfqu'il croit que les conféquences
qui fuivent de ce qu'on la reçoit ou qu'on
ia rejette , font importantes, & que le bon-
heur ou le malheur dépendent de prendre
ou de refufer le bon pnrti, de forte qu'il
s'applique fçrieufement à en rechercher &
3*6
Bi VZrrcur. Liv. IV.
as examiner la probabilité, je penfe qu'en ce
Chap. XX. cas-là nous n'avons pas le choix de nous dé-
terminer pour le cô:é que nous voulons,
s'il y a enrr'eux des différences tcut-à-faic
vifibîes. Dans ce cas, la plus grande proba-
bilité déterminera, je crois, notre aifenti-
ment; car un homme ne p^ut non plus
éviter de donner fon arlenriment , ou de
prendre pour véritable le côté où il apper-
çoit une plus grande probabilité, qu'il peut
éviter de reconnoître une propoinion pour
véritable , iorfqu'il apperçoit la convenance
ou la difeonvenance des deux idées qui la
compofent.
Si cela ell ainïi , le fondement de l'erreur
doit confilter dans de fautes mefures de
probabilité , comme le fondement du vice
d.ns de fauiîes mefures du bien.
§ .17. La quatrième & dernière faufle me-
fure de probabilité que j'ai deifein de re-
marquer &c qui retient plus de gens dans,
l'ignorance & dans l'erreur , que toutes les.
autres eniemble, c'eft ce que j'ai déjà avan-
cé dans le chapitre précédent , qui eil de
prendre pour règle de notre aiientimenc
les opinions communément reçues p.rmi
nos amis, ou dans notre parti, entre nos
vciiins , ou dans notre p>ys. Combien de
gens qui n'ont point d'autre fondement de
leurs opinions que l'honnêteté fuppoiée , ou.
le nombre de ceux d'une même profiefîïqn.:
comme ii un honnête homme ou an favant de
profeilion ne pouvaient point errer, ou que.
4. Faufle
mefure de
probabilité ,
V Autorité*
D: VTrmir. Liv. IV. 32.7
la vérité dût être établie par le fuffrage de ■ ■■■
la multitude. Cependant la plupart n'en Chap. XX.
demande pas d'avantage pour fe déterminer.
Un tel fenûment a écé atcefté par la véné-
rable antiquité , il vient à moi lous le paf-
feport des iiecles précédens ; donc je luis
à l'abri de l'erreur en le recevant. D'autres
perfcnnes ont été & font dans la même
opinion , ( car c'eft - là tout ce qu'on die
pour l' autorifer ) & par conféquent j'ai rai-
îbn de l'embraifer. Un homme feroit tout
auffi - bien fondé à jeter à croix eu à pile
peur lavoir quelles opinions il devrait em-
bralfer , qu'a les choinr fur de telles règles.
Tous les hommes font lujets à l'erreur , &
plulieurs font expofés à y tomber en plu-
sieurs rencontres , par paiiion ou par in é-
rêt. b\ nous pouvions voir les fecrets mo-
tifs qui font agir les peifonnes de nom ,
les lavans & les chefs de parti , nous ne
trouverions pcis toujours que ce fdit le pur
amour de la vérité qui leur a fait recevoir
les doctrines qu'ils profeifènt & foutiennent
publiquement. Une chofe du moins fort cer-
taine , c'eil qu'il n'y a p^int d'opinion fi
abfurde qu'on ne puifle embrailer lur ce
fondement dont je viens de parler; car
on ne peut nommer aucune erreur qui
n'ait eu l'es parafa ns : de forte qu'un hom-
me ne manquera jamais de (entiers terrus,
s'il croit être dans le bon chemin par-tout
où il découvre des (entiers que d'autres
ont traces.
5a 8 De V Erreur. Liv. IV.
*i:: =a $. 18. Mais malgré tout ce grand bruit
Chap. XX. qU'on fait dan* le monde fur les erreurs
& les diverfes opinions des hommes, je fuis
Les nom- ,,. , , ,. L ■ .,■
mes ne font oblige de dire, peur rendre juitice au genre
pas engagés humain, qu'il n'y a postant de gens dans
dans un fi l'erreur & entêtés de faillies opinions qu'on
grrnd nom- , - _ ,. •' M ■* . J
bre d'erreurs lejuppoje ordinairement ; non que je croie
qu'on s'ima- qu'ils embraffent la vérité , mais parce qu'en
8ine' effet fur ces doctrines dont on t'ai: tant de
bruit, ils n'ont abfolument point d'opinion,
ni aucune penfée pofitive. Car fi quelqu'un
prenoit la peine de catéchifer un peu la
plus gtande partie des partiians de la plu-
part des Sectes qu'on voit dans le monde,
il ne tronveroit pas qu'ils aient en eux-
mêmes aucun fentirnent abfclu fur ces ma-
tières qu'ils foutiennent avec tant d'ardeur S
moins encore auroit-il fujet de penfer qu'ils
aient pris teis ou tels fentimens fur l'exa-
men des preuves & fur L'apparence des pro-
babilités fur lefquelles ces fentimens font
fondés. Ils font réfolus de fe tenir atta-
chés au parti dans lequel l'éducation ou l'in-
térêt les a engagés ; & là comme les fim-
ples foldats d'une armée, ils font éclater
leur chaleur ck leur courage félon qu'ils
font dirigés par leurs capitaines , fans ja-
mais examiner la caufe qu'ils défendent,
ni même en prendre aucune tonnoilfance.
Si la vie d'un homme fait voir qu'il n'a
aucun égard fmcore pour la religion , quelle
r d on pourrionsi-nous avoir de penfer qu'il
fe rompt beaucoup la tête à étudier les opi-
nions de fonEghle, &a examiner les fon*
De V Erreur. Liv. IV. 319
démens de telle ou telle doctrine ? Il fuffit g
à un tel homme d'obéir à fes conducteurs, HAP*
d'avoir tuujrurs !a main & la langue prêtes
à foutenir la caufe commune, & de fe
rendre par-là recommandable à ceux qui
peuvent le mettre en crédit , lui procurer
des emplois, ou de l'appui dans ia focié-
té. Et voiia comment les hommes devien-
nent partifans & défenfeurs des opinions
pairs", 8c"B6à™i& c'ce' conv^incus cu »"<"-
dans la tête les idées les plôtT^S»» eu
de forte qu'encore qu'on ne puiffe point
dire qu'il y ait dans le monde moins d'opi-
ni tris i iirdes ou erronées qu'il n'y en a; il
e urtant cerrain qu il y a moins de
[ nés qui y donnent un aflentimejftt
aôuel , & qui les prennent faiilement pour
des vérités , qu'on fe l'imagine commu-
nément.
CHAPITRE XXI.
De la Divifion des Sciences.
$. 1. JL Ou t ce qui peut entrer dans Chap. XXI.
la fph're de l'enrendement humain, étant
en premier lieu, ou la nature des chofes Les feien-
telles qu'elles font en elles-mêmes, leurs ces. lv.xefs
" ' en trois el"
relations & leur manière d'eperer; ou en peces.
fécond lieu , ce que l'homme lui-même elt
oblige de fore en qualité d'agent raifonaa-
ble ci volontaire pour parvenir à quelque
330 De la Divifion
■ =s fin & pariculiérement à la félicité ; ou en
Chap. XXI. troiiicmj lieu , les moyens p.;r où l'on peut
acquérir h connoilLmce de ces chofes &
la communiquer aux autres ; je cr .vis qu'on
peut du i fer proprement la Jcience en ce»
trois efpeces.
I.Phyfique. $. %, La première eft la connoifTance
des chofes comme elles font dans leur
propre exiftence, dans leurs confti'utijns,
pi priâtes k opérations; par oùci^
tends pas fea^menj^j^nt leurs usures!
JRxiS constitutions, leurs opérations parti-
culières euîfi-bicn que les corps. C'eft ce
* *wi«*. que j'appelle * Pkyjijue ou fhilofophie
naturelle y en prennt ce nu: dins un fens
un peu plus étendu qu'on ne fait ordinai-
rement. La fin de cette feience n'eit que
fimple fpéculation ; & tout ce qui peut en
fournir le fu,'et à Pefprit de l'homme, eft
de (on diltricr, foit Dieu lui-même, les
An^es, les efpnts, les corps, ou quelqu'une
de leurs affections , comme le nombre &
la figure , &c.
H. Piatîque. $. 3- La féconde que je nomme * Fra-
* Tlçcc* tique , enfei^ne les moyens de bien appli-
fiKi. quer nos propres puiîlances &: actions, pour
obtenir des chofes bonnes & utiles. Ce
qu'il y a de plus confidirable fous ce chef,
c'en la Morale, qui confifte à découvrir
les règles & les mefures des avions hu-
maines qui conduifent au bonheur , & les
moyens de mettre ces règles en pratique.
Cette féconde feience fe propofe pour fin ,
des Scicnres.Liv. IV. 331
*^n la fimple fpéculari )n & !a connoiffan- LJ — ! -^
ce dz u vérité, nuis ce qui efr juite, & Chap. XXI.
une conduite qui y f )it conforme.
$. 4. Enfin la troisième peut-être appel- ... „
tpfKumitn eu la conno'.'Jar.ce des lignes, noiffance des
& comme les mots en font la plus ordi- fignes.
n.iie parne , elle auffi nommée allez pro-
prement * Logique : fon emploi coniifte * AayoxjJ
à coniidérer la nature des figues dont Tel- du mot
prit le fert pv;ur entendre 1rs chofes . ou a?is .,
pour communiquer ta connoinance aux au- parole*
très. Car puifqu'enrre les choses que 1'efpric
contemple il n'y en a aucune, excepré lui—
mjin.5, qui foit préfente 3 l'entendenjenf^
il L-lt néceiiairgofnliie ligne oxl repréTenta-
nôn de la chofe qu'il coniidere , & ce font
les idées. Mais p.rcequela feene des idées
qui constitue les pen!ée.-> d'un homme, ne
peut p,s piroîcre immédiatement à la vue
d'un uurre homme, ni êrre conTervée ail-
leurs que djiis la mémoire, qui n'eft pas
un rtiervoir fort affuré, nous avons be-
foin de fignes de no; idées pour pouv ;ir
nous entre-communiquer nos penfées auffi-
bien que pour les enregistrer pour notre
propre uLge. Les fignes que les h jmmes
ont trouvé les plus commodes & d >nt ils
ont fait par conféquent un ufige plus gé-
néral , ce font les Ions articulés, u'eft p< ur-
quoi la conlidérarion des Idûs 6c des Motst
en tant qu'ils font les grands infrrumens
de la ccnnoifTance , fait une partie aifez
importante de leurs contemplations, s'ils
'v
332- De la Divijion des Sciences.
— . -, veulent envifager la connoifTance humaine
Chap. XXI. dans toute fon étendue. Et peut-être que
fi l'on confidéroit difrincï ment & avec tout
le foin poflible cette dernière efpece de
feience qui roule fur les ide'es & les mots,
elle produirait une logique &c une critique
différentes de celles qu'on a vues jufqu'à
préïent.
Ceft-Iàla ^ j# Voilà , ce me femble , la première,
viftondes ' " *a P'us générale & la plus naturelle divi-
objets de jGon des objets de notre entendement. Car
notre con- l'homme ne peut appliquer Ces penfées qu'à
1a contemplation des chofes même, pour
en fa puilL"incë!,irii. .cu aux chofes qui font
aCtions , pour parvenir à fes fins"; T^pP1"65
fignes dont l'efprit fe fertdjnslune & l'au-
tre de c;s recherches , & dans le jufte ar-
rangement de ces fignes même, pour s'inf»
truire plue nettement lui-même. Or comme
ces trois articles , ( je veux dire les chofes
en tant qu'elles peuvent être connues en
elles-mêmes, les actions en tant qu'elles
dépendent de nous par rapport à notre bon-
heur , & rufage légitime des Jignes pour
parvenir à la connoiffance ) font tout-à-fait
différens ; il me femble aufïi que ce font
comme trois grandes Provinces dans le
inonde intelle&uel , entièrement féparées
& djlîin&es l'une de loutre.
^ Fin du quatrième & dernier Tome,
335
TABLE
DES
AM 77£#ES PRINCIPALES,
k Bstraction , ce que c'eft. tom. i.
jHl P;^e 166. §. 9.
£llc met une parfaire diftance entre les
hommes & les bètes. idem, 168. §. 10.
Idées abflraites , comment formées. ft/H. 1.
1J8. §. 6. y ».
Les tevnes atfrùts ne fauroient être affir-
més l'un de l'autre, tom. y 185. j. 1.
accident , ce que c'eft. «»!. z. 134. §. z.
Actions, rien ne découvre mieux les principes
des hommes que leurs actions, tom. 1. 6<j.
$.7. Il n'y a que deux fortes à' actions, tom.
1. 116. §. 4.
Une Action oéfagréabîe peut devenir agréa-
ble, & comment, tom. 1. 203. §. 69.
Nulles actions confidérées en difFérens tems
ne peuvent être les mêmes, idem. 301. §. z.
Aciions confidérées comme des modes, ou par
rapport àce quel.es ont de moral, idem.je+t
§• «S-
Adoration , 1 idée d Adoration n'eft pas innée.
*û>#. j. 1 oç. §. 7.
Affirmations, elles ne roulent que fur des idées
concrètes, tom. 3. 185. §. 1.
Algèbre, fon ufage. ?(?»?. 4. 183. §. 1^.
Altération , ce que c'elt. /#;#. 1. 194. §. t.
Ame , elle ne penfe pas toujours, tom, 1. 149.
§. >. ©V.
3'4 TABLE
Elle n* penfe pas dans un profond fonv
meil. idem. ir}.§. u.ff.
Son immatérialité nous eft inconnue, totn.
i 311 § 6'
La religion n'eft pas intéreffce dans l'im-
matétialité de Y Ame , ibid.
Notre ignorance fur la nature de Y Ame.
tom. i. 344. §. 17.
Combien les aétions de l'Ame font fubites.
tom. 1. 237. §. 10.
Amour, cequec'elt. tom. 1. 100. §. 4.
analogie, combien utile dans la physique.
tcm. 4. xi 7. §. 12.
Antipathie Si Sympathie .quelle en eft la four-
ce. tom. 3. 16. .'. 7.
Si elles lont naturelles ou acquifes.x'iw». 17.
$. 7. 8.
Elles font caufées quelquefois par la con-
nexion des idées, ibii.
Argumens, il yen a de quatre fortes.
1. Ad vcïecundiam. tom. 4. ttf 1. 0> Jwiv.
§. 10.
2. Ad ignorantiam, §. i».
3. Ad bominem. §.21.
4. Ad jiidici-Am. §. il.
Arithmétique , l'ufage des chiffres dans l'a-
rithméti]ue. tom. 3. 354. §.19.
Leschofes Artificielles font la plupart des idées
colle&ives. tom. 1. »8i. §. 3.
P.ourquoi nous fommes moins fujets à tom-
berdans la confufîon à l'égard des choies
artificielles que des naturelles , tom. 3.
1*5.$. 40.
I1 y a des efpeces diftinïtes de chofes arti-
ficielles, idem. \66. §.41.
AJfentiment qu'on donne aux maximes, tcm.
t. 110. §. 10.
Des qu'on les entend & qu'on comprend
DES MATIERES. 33 y
les termes qu'on emploie pour les expri-
mer, c'eftun figne que ces propcftions
font évidentes par elles-mêmes, i.iem. 34.
§. 17. & §. 18.
Et r.on pas qu'elles font innées, idem. $8. §.
iy. & ic. idem. 124. §. 1-;.
L'AfTentiment tombe lur ces propofitions.
te? . 4. 1 ». Ç. 3.
Ce nbe c'elt. itL ?.;. \f'. g. 3.
Il doit erre proportionné aux preuves. idem.
ici. i- 1.
Il oc pend Couvent de la mémoire, ilid. §.
I. t.
En quelles rencor.rres il efr volontaire de
refufer ou de fufpendre Ton contentement ,
& en quelles occations il efr nécelTair.. tom.
4. 3-1. §. i^. 16.
jtffoàati n d'idées, tom. 3. 1*.
Comment elle (e fait. idem. 1 5. §. 6.
Ses mauvais effets, comme à l'égard des
Antipathies, ihid. & 16. §.6. 7. 8. idem, 31.
5. tç.
A l'égard des erreurs de I'efprit. làtrn. 2 S. §.
Er cela da^s des feé^es de philofoplnê 8c de
reli'.:io .idem. $4. §. 18.
Le rems remédie quelquefois à ces incon-
véniens , & comment, idem. 30. §. 13.
Exemples du mauvais effet de l'aiîociation
des idées, idem. 3 1 . §. 14. (5°c.
Les dangereufes influences qu'elle a fur les
habitudes inte!Ir£ruelies. ide.m 33.$. 17.
jlffutances, quand on y eft parvenu, tom. 4.
ico. §. 6.
Atkeifme dans le monde, ^;w. t. io<5\ $. 8.
S> tome , ce que c'elt. tom. 1. 305. §. 3.
Aveugle , fi un aveugle venoir à voir, il ne
connoîtroitpas par le moyen de la vue un
3J£ TABLE
globe d'avec un cube , quoiqu'il les dirtin-
g.iat par l'attouchement, tom. i. 133. §. 8.
Autorité , Cuivre les lentimens des autres hom-
mes , grande fource d'erreur, tom. 4. 31*. §.
17.
Axiomes, ne font pas les fondemens des fcien-
ces. idem. 61. §. 1. CTf.
B.
JLP Etes Brutes. Elles n'ont pas des idées
univerfelles. tom. 1. i£8. §. 10. 11.
Is'i des idées abftraites. ibid. §. 10.
Si elles ont du (entiment , elles penfenr.
idem. 168. § 19.
Si elles penfent , ce qu'eft le principe pen-
fant qui eft en elles, ibid.
~Bien Si. A/*/, ce que c'eiv. tom. 1. 104. §. ». &
161. §. 41.
Le plus grand Bien ne détermine pas la vo-
lonté, tom. %. 142. §. î^.idem. 156. §. 3?,
j^É772. 16 6. §. .4.
Pourquoi. i«w. i6"6\ O'fuiv. §. 44. 45.it/rm,
188. & fhiv. §. 55. 60. 64. 65. 68.
Il y a deux fortes de JS/Vwj. idem. 191. §. 61.
Le Bien n'agit fur la volonté que par le de-
iir. idem. 170. §. 46.
Comment on peut exciter le defir du Bien.
idem i-jz. ff fuiv. §. 4*. 47.
Souverain Bien , en quoi il confifte. idem.
181. §. 55-
Bonheur , ce que c'eft. i</e#z. 161. §. 41.
Quel Bonheur les hommes recherchent. /</**».
164. §.43.
Comment il arrive que nous nous conten-
tons d'un bonheur peu étendu, idem. 1&8.
§• 5*.
C.
DES MATIERES. 537
C.
\^t AfacitL tom.\. 179. §. 3.
Il eft inutile de connoître l'étendue ae nos
ctâ.tcités. idem. 61. §.4. Cette connoi'Tance
eft propre à guérir du fcepticifme & de la
.patelle, idem. 6\. §. 6.
Nos capacités font proportionnées à .notre
état préfenr. idem. 63. §. y.
C«;//e , ce que c'eft. tom, z. %$$. §. 1.
C£ qui ejl , f/?. Maxime qui n'eit pas reçue
avec un contentement général, tom. 1. 143.
$■4-
Certitude : elle dépend de l'intuition, ffl/». 3*
301.5.1.
En quoi elle confifte. f0#?. 4. 15. §. jS.
Certitude de vérité. i^;«. 37. §. 3.
Certitude de cannoiflance. z&ù^. A l'égard des
fubftances , on ne peut trouver de certitude,
que dans un fort petit nombre de propor-
tions générales, idem. 55. £. 13. Et pour-
quoi, idem. 58. §. iy.
Où l'on peut trouver la certitude, idem. 60.
§,1*.
Certitude verbale, idem. 110. §. 8. Réelle,
thid.
Connoiflance fenfible , la plus grande cer-
titude que nous ayons de î'exiftence. idem.
14É. §. 1.
Chaud & Froid, comment la fenfation de ces
deux chofes eft produite par la même eau
dans le même tems. tom. 1. no. §. 1 1.
Ckeveu, comment il paroît à travers un mi-
crofeope. tom. z. 130. §. 1 1.
Citations , combien peu l'on doit s'y fier, tsm*
4. nç, §. 11.
Tome .IY »
538 TABLE
Clarté : Elle feule empêche la confufion des
idées, tom. i. ij8. §. j.
Ce que c'efl: qu'idées claires & obfcures. tom.
i. 37$. §. 1.
Cobibition , ce que c'efl. i^w. 117. §. 13.
Co/ere , ce que c'efl:. i./fw. ic?. §. it.
Commentaires {'ut les loix , pourquoi infinis.
£0;». j. 1517. §. 9.
Idées complexes , comment on les forme, taw.
1. z6%. §. 6. idem. 176. §. 1.
A l'égard de ces idées , îefprit eft plus que
patlif. idem. 175. er 178. §. 1. i.
Elles peuvent être réduires à ces trois for-
tes , Modes , Subfiances & Relations, idem,
*19> §• 3.
Comparer des idées , ce que c'eft. iVew. 159.
§.4.
En cela les hommes furpaffent les bêtes.
idem, zjj h i<5i. §. 5. 6.
ïdées complettes. tom. 1. 39Î. CTY. Nous n'a-
vons point d'idées complectes d'aucune ef-
pece de fubftances. i em. 4 5. §. 6.
Ccmpofer des idées , ce que c'efl. tom. 1. z£i.
§. É.
Il y a par- là une grande différence entre les
hommes & les bêtes, idem. %6y §. 7.
Compter: ce que c'efl. ?0w. z. 54. §. j.
Les noms font néreflaires pour compter,
ibid. Et l'ordre, idem. 58. §. 7.
Pourquoi les enfans ne font pas capables
décompter de bonne heure, & pourquoi
quelques-uns ne peuvent jamais lt faire, ib,
Confiance, tom. 4.. ti 1. §. 7.
Idées confufes. tom. 1. 375 §. 4.
Confufion d'idées, en quoi elle confifle. idtin,
ibid , W fu'ïv. §. ç. 6. 7.
Çaufe de cette confuuon. idem. §jj. ÇJ* /mj'v.
DES MATURES. 53*
Elle eft fondée (tir un rapport aux Dams
qu'on donne aux idées. idem. 3S1. §. îc.
Moyen de remédier à cette contiUioc. idun.
381. §. 11.
Csnnoifjcuue. Elle a une grande liaifonavec les
mots. tom. 3. 134. §. 11.
Ce que c'eft que la Connoiffance. idem. 19 t.
Combien elle dépend de nos fens. idem*
361. §. 13.
ConnoifjMice actuelle, idem, 196. §. S.
Habituelle, ibid. §. 8.
LaConnoijjance habituelle eft double, idem.*
198. §. 6.
Connoijjance intuitive, idem. 301. §. 1. Eft la
plus claire, ibid. Et irréliftible. ibid.
Connoiffance démonftrative. idtm. 304. §. t.
Toute connoiftance des ventes générales
eft ou inruitive ou démonftrative. iaem.
Jl$. §. 14.
Celle des exiftences particulières eft fenii-
tive. ibid. §. 14.
Les idées claires ne produifenr pas toujours
-une connoiffance claire, idem. 318. §. 1^.
Quelle forte de connoiffance nous avons de
la nature, tom. i. 146. §. 11.
Les commencemens & les progrès de Ix
eennoiffance. tom. 1. 31. & fm-v. §. 15. \6.
idtm. 174. CT fuiv. §. IJ. 16. 17
Où elle cou commencer, idem. 315. §. ig.
Elle nous eft donnée dans les facultés pro-
pres à l'obtenir, idtm. m. §. iz.
La. connoiffance des hommes répond à l'urag2
qu'ils tont de leuts facuites. idem. 17a,
§. 11.
Nous ne pouvons l'acquérir cjue par l'appli-
cation de nos propres penlées a la contem-
plation des caoiés mêmes, idem. 173. §. 13.
iJi
340 'TABtÊ
Etendue de la connoijfance humaine, tom. 3.
31?. §. 1. &c.
Notre conno iflance ne s'étend pas au-delà
de nos idées, ibid.
Ni au-delà de la percepti on de leur conve-
nance ou difco nvenance. ibid. §. %.
Elle ne s'étend pas à toutes nos idées, ibid.
*•* ,
Moins encore a la réalité des chofes. idem.
3*1. §. 6.
Elle elt pourtant fort capable d'accroifTe-
ment , fi l'on prenoit de bons chemins.
ibid.
Notre connoijfance d'identité & de diverfitc
£(i auffi étendue que nos idées, idem. 341..
§.8.
Notre connoijfance de co exiftence eft fort
•bornée. idem. 341. §. 9. 10. II.
Et par conféquent celle des fubftances l'eft
aullî. idem. 345. §. 14. ij. 16.
Ea connoijfance des autres relations ne peut
être déterminée, idem. 351. §. 18.
.Quelle eft la connoijfance de l'exiftence.
idem. 360. §. zi.
Où eft-ce qu'on peut avoir une connoijfanct
certaine & univerfelle. idem. 373. §. i?.
fom. 4. 60. §. \6.
Ee mauvais utage des mots , grand obftacle
à la connoijfance. tom. 3. 375. §. 30.
Où fé trouve la conno ijfam-e générale, idem.
377- §• 3l-
Elle ne fe trouve que dans nos penlees. tom.
Réalité de notre connotjjance. tom. j. 377.
§-3i.
.Combien eft réelle la connoijfance que nous
.avons des vérités mathématiques, tom. 4.
DES MATIERES. 34T
Celle que nous ayons de la morale eft réelle,
idem. 8. §. 7.
Jufqu'où s'étend la réalité de celle que nous'
avons des fubftances. idem. 13. §. 12..
Ce qui fait notre connoijfance réelle, idem.
4 W 8.§". ?.& 8.
Confidérer les chofes & non les noms des»
chofes , moyen de parvenir à la connoijfance,-
idem. 15. § 13.
Connoijfance des fubftances , en quoi elle con-
fîfte. idem. 46, §. 10.
Ce qui eft néceflaire pour parvenir à une
connoijfance pallable des fubftances. idem,
56. §. i 4.
Connoijfance évidente par elle-même. idem. Si.
§. i.
La connoijfance de l'identité & de la diver-
fîté eft aum" étendue que nos idées, idem,'
63. §. 4. En quoi elle confifte. ibid.
Celle de la coexiftence eft fort bornée,
idem. 67. §. 5.
Celle des relations des modes ne l'eft pas^
tant. idem. 6%. §. 6.
Nous n'avons aucune connoijfance de l'exif-
tence réelle, excepté notre propre exiftence
& celle de Dieu. ibid. §. 7.
La connoijfance commence par des chofes
particulières, idem. 7J. §. fr.
Nous avons une connoijfance intuitive de
notre propre exiftence. idem. 118. §. 3. &
une connoiifance démonftrative de l'exif--
tence de Dieu. idem. 115. §. 1.
La connoijfance que nous avons par le moyen
des fens mérite le nom de connoifTance.
idem. 188. §. 3.
Comment on peut augmenter la connoiffan-
(e, idenh 164. Ce n'eft point par le fecours
p j)
341 TABLE
des maximes» idem. itfg. §. j. Pourquoi^
on s'eft figuré cela. ibid. §. î.
On ne peut augmenter la connoiflance
qu'en déterminant &c comparant les idées.
idem. 170. §. 6. idem. 1S3. §. 14.
Et en trouvant leurs rapports, idem. 173.
Par des idées moyennes, idem. 183. §. 14
Corn n.'nt la connnjfance peut être perfection-
née à l'égard des l'ubltances. idem. 175.
§• 9- ^
La Connoiflance eft en partie nécefTaire , & en
partie volontaire, idem. \%6. §. 1. x.
Pourquoi notre connoilTance ell fi petite.
idem. 190. §. 1.
Confcience , c'eft l'opinion que nous avons
nous-mêmes de ce que nous faiions. to;n.
I. 66. §. 8.
Confcience fait qu'une perfonne efl la même.
tom. t. 330. §. 16. Ce que c'eft. idem. 431.
§• 19-
Il et probable qu'elle, eft'attachée à la mêmî
fubftance individuelle , immatérielle, idem.
3+o. §. M.
Elle eft nécefTure pour penler. tom. 1. 15a.
§. 10. 11. idem. 169. §. 19.
Contemplation, idem. z.43. §. 1.
Convenance & difconvenance de nos idées di-
vifée en quatre efpeces. tom. 3. 2,91. §. 3.
Corps, nous n'avons pas plus d'idées origina-
les du corps que de l'efprit. tom. x. ifj.
§. 1^.
Quelles font ces idées originales du *w/>/.
ifci^. §. 17.
L'étendue ou la cohéfîon des corps eft aufli
difficile à concevoir que la penfée dans
l'efprit. idem. 159. §. x$. 14. 15. *£. 17.
Le mouvemement d'un corps par un autre
DES MATIÈRES. itf.
Corps, auffi difficile à concevoir que le
mouvement d'un Corps par le moyen de la
penfée. idem. x(-6. §. 18.
Le Corps n'agit que par impulfion. tom. 1. 111.
M*
Ce que c'eft que le Corps, idem. 292.. §. n,
Couleurs , modes des couleurs, tom. %. 93.
§•4.
Ce que c'efb que la Couleur, tom. 3. 105».
Crainte } ce que c'eft. tom. t. 108. §. 10.
Création y ce que c'eft. i^/w. 194. §. i.
Elle ne doir pas être niée .parce que nous
n'en faurions concevoir la manieie. tom. 4,
143- §• 19.
Oai^ fans raifon, c'eft agir contre Ton devoir,
idem. 164. §. 14.
Croyance , ce que c'eft. idem. 196. §. 3.
D.
SL.J? Écisif. Les plus habiles gens font les
moins déciiîfs. idem. 10 f. §. 4.
Définition , pourquoi l'on fe fert de genre dans
Ja Définition, tom. 3. 59. §. 10.
Ce que c'eft que la Définition, idem. 75. §. 6,
Définir les mots termineroit une grande
partie des difputes. tom. 3. 134. §. 15.
Démonfiration , ce que c'eft. tom. 3. 306. §. 3-,
?ow. 4. 1^7. §. iç.
Elle n'eft pas fi claire que la connoilTance
intuitive, tom. 3. 306. §. 4. <>. 7.
La connoifTance intuitiv - eft néceiFaire dans
chaque degré d'une Démonfiration. idem.
$09. §. 7.
La Dcmonftration n'eft pas bornée à la
quantité. ;^<?;w. 311. §. 9.
Pourquoi on a fuppofé czla. idem. 311. §. 10.
344 TABLE
Il ne faut pas attendre une démonstration
en toutes fottes de cas. tom. 4. ij8. §. 10.
T>éfefpoir , ce que c'eft. tom. x. 10?. §. 11.
Defir , ce. que c'eft. idem. 106. §. 6.
C'eft un état où 1'efprit n'eft pas à fon aife.
idem. 147..$. 31. 31.
Le Defir n'eft excité que par ie bonheuiv
idem. 161. §. 41.
Jufqu'où. idem. 164. §. 43.
Comment il peut être excité, idem. 170.
§. 46.
Il s'égare par un faux jugement, idem. 187.
§.58.
D'ûiionnxires , comment ils devroient être
faits, tom. 3. 180. §. 15.
Ditu , , immobile patce qu'il eft infini, tom. t.
aj7- §■ «.
Il remplir l'immenfité aufli-bien que l'éter-
nité. ?Âff»î. 35. §. 3.
Sa. durée n'eft pas femblable à celle des créa-
tures, idem. 45). §. 11.
L'idée de £>ie« n'eft pas innée, tom. 1. xotf.
*' *■
L'exiftence de D/V« eft évidente & fe pre-
fente fans peine à la raifon. idem. 108. §. 9.
La notion de Dieu une fois acqwife, il eft
fort apparent qu'elle doit fe répandre & fe
conferver dans l'efprit des hommes, idem.
1,10. §, 10..
L'idée de Dieu vient tard & eft imparfaite.
idem. 115. §. 13.
Combien étrange & incompatible dans l'ef-
prit de certains hommes, idem. 117. §. 15.
Les meilleures notions de la divinité peu-
yent être acquifes par l'application de l'ef-
prit. idem. 11 9. §. 16.
Les notions qu'on fe forme de Dieu font
fbuvent indignes de lui. idem. 117. §. 15. 16.
DES MATIÈRES. $4*
L'exiftence d'un D/e# certaine, idem, iij,
$> 16.
Elle eft aufïï évidente qu'il eft évident que
les trois angles d'un triangle font égaux à
deux droits. ibid.
L'exiftence d'un Dieu peut être démontrée.
tom. 4. 1x7. §. 1. 6.
Elle eft plus certaine qu'aucune autre exif-
tence hors de nous. idem. 113. §. g.
L'idée de Bien n'eft pas la feule preuve de
fon exiftence. idem. 114. §. 7.
L'exiftence de Dieu eft le fondement de la
morale & de la théologie, ibid.
Dieu n'eft pas matériel, idem. 133. §. 13.
Comment nous formons notre idée de Dieu,
tom. x, 173. §_. 33. 34.
Faculté de difcerner les idées. /0?«. 1. *-5ï«"
§. r.
Elle eft le fondement de quelques maximes
générales, ibid.
Difcours y ne peut être entre deux hommes
qui ont différens noms pour défigner la
même idée, ou qui défignent différentes
idées par un même nom. idem. 183. §. j.
~Difyûfition. tom. 1. 219. §. 10.
Difputer. L'art de dilputer eft nuifîble à la
connoiffance. tom. 3. z6\. §. 6. 7.
Il détruit i'ufage du langage, idem, zi^, §.
10. 1 1.
Difputes , d'où elles viennent, tom. 1. 315»-
§. 18.
La multiplicité des Difputes doit être attri-
buée à l'abus des mots. tom. 3. 144. §. zi..
Elles roulent prefque toutes fur la figniii-
cation des mots. idem. x6\. §. 7.-
Moyen de diminuer le nombre des Difpu--
us. iom. 4. 116. §13. Quand eft-ce que-
nous difpurons fur des mots. ibid.
Êm ■!■ 1
y,6 TABL F.
Diflance. tom. z. 3 r. §. 31.
Idées diftin:tes. tom. 1. 37^. §. 4.
Divilibilité de la mature, elt incomprchîtv»
fible. /*/*/#. 170. §.31.
Douleur: la douleur préi^nte agit fortement
fur nous. idem. 271. §. 64.
Ufage de la Douleur, tom. 1. 198. §.4.
Durée, tom. z. j. §. r. z.
D'où nous vient l'idée de la Durée, idem. a.
§• 3-4- 5-
Ce n'elt pas du mouvement, idem. 13. §. i<?.
Mefure de la Durée, idem. 14 §. 17. 18.
Toute apparence périodique , régulière.
idem. i 5. §. 19. 10.
Nulle de ces mefures n'eft connue pour
être parfaitement exa&e. idem. 18. §. zi.
Nous conje&urons feulement qu'elles font
égales par la fuite de nos idées, ibid. §. zi .
Les minutes , les jours & les années , (S'c.
ne (ont pas néceffaires à la Durée, idem. zi.
Le changement des mefures de la Durée ne
change pas la notion que nous en avons.
ibid. §. Z3.
Les mefures de la Durée ptifes pour des
révolutions du foleil , peuvent être appli-
quées à la Durée avant que le foleil exiltir,
idem. 13. §. Z4.
Durée fans commencement, id m. z6 §. 17.
Comment nous melurons la Durée, idem.
i8. §. z8. 19. 50.
De nuelle efjece d'idées fîmples elt com-
pofee l'idée que nous avons de la Durée,
idem. 45 §,. 9.
Récapitulation des idées que nous avons
de la Durée , du tems & de l'éternité» idem,
31. §. 31.
LaDuiée & i'expanflon comparées» ivitf,
DES MATIERES. 347
La Durée & l'expanfion font renfermées
l'une dans l'autre, idem. 49. §. 12.
La Durée conlïdérée comme une ligne, idem.
48. §. 11.
Nous ne pouvons la confîdérer fans fuccef-
fions. idem. 49. §. 11.
Dureté , ce que c'eft. tom. 1. 188. §. 4.
E.
jCrf C o l e s , en quoi elles manquent, tom. 3 ,
177. §. 6. Cf.
"Ecriture , les interprétations de l'Ecriture
Sainte ne doivent pas être impofées aux au-
tres, tom. 3. 117. §. 23.
Ecrits des anciens , combien il eft difficile d'ea
comprendre exactement le fens. tom. 3,
16. §. ii.
Education , caufe en partie du peu de raifon
des gens. tom. 3. 23. §. 3.
Effet , ce que c'eft. tom. t. 2.93. §. 1.
Entendement , ce que c'et. ;</?;». ri 8. §. 5.
Semblable à une chambre obfcure. tom. 1,
174. §. 17. Quand on en fair un bon ufa-
ge. idtm. 7. §. 5. C'eft le pouvoir de pen-
T;r. j^.7». 17?. §. 1. 11 eft entièrement
p<UÏif à l'égard de la réception des idte^
{impies idem. 174. §. 2 5.
En hiuy.afme. tom. 4. 283. Son origine, idem,
186. $, 5. 6- 7. Le rondement de la per-
fuahon .]ue nous avons d'être infpirés ,
doit être examiné Se comment, idem. 250.
§. 10. La force de cette perfuafion n'tft
pas une preuve fumiante. idem. 197. §»
12. 13.
V EnthouftaCme pafle pour un fondement ^'af-
feuciment. idem. i8j. §. 3. 11 ne parvienc
H
34& TABLE
point a l'évidence àjaquellei! prétend, idem.
tS>4. §. m.
Envie , ce que c'eft. fjw, i. 10?. §. 13.
Erreur, ce que c'eft. /•<?;#. 4.. 303. §. 1.
Caufes de l'E/r^r. *'£<;*/.
1. Le manque de preuves, idem, 504. §. 1.
i. Le défaut d'habileté à s'en fervir. idem\
507. S- ï-
3, Le défaut de volonté pour les faire va-
loir, idem. 309. §. 6.
4. Faillies menues de probabilité, id. 312»
§. 7.
Ji y a moins de gens qui donnent leur afTen-
timent à des Erreurs qu'on ne croit ordi-
nairement, idem. 318. §. 18.
M$ket , on en acquiert l'idée par la vue & par
.'.uroiichement. tom. 1. 1-84. §: t.
Modification de l'Efpace. ibid. §. 4.
11 n'en pas corps, idem. 2 91, §. 21. 12. 133
Ses parties font inféparables. i<fow. 2514.
* '* • ...
L'Elpace eft immobile, tom. 1. 296. §. 14.
S'il eft corps ou efprit. idem. 197. §. i6.\
S'il eft fubftance ou accident, idem. i^t.
L'Efpace eft infini. MO*. 302. §. 21. & tom. 2»
64. §. 4.
Les idées de l'Efpace & du corps font dif-
tin^es. tom.x. 308. §. 24. 311. §. 17.
UEfpace confidéré comme un folide. tom. 2,.
48. §. Il;
Il eft difficile de concevoir aucun Etre réel
vuide à.' Efface, ibid.
îfpecc; Pourquoi- dans une idée complexe le
changement d'une feule idée fimple eft jugé
changer l'Efpece dans les modes , & non*
pas dans les fubftancc9. tom. 3. x^o. §. 39.
L'Efpece. des animaux & des végétaux, eft dif-
DES MATIERES. 34*
tinguée le plus fouvent par la figure, idem.
i~l6. §. ip. Et celle des autres chofes par la
couleur, ibid. & 147. §. ty.
UEfpece elt un ouvrage que l'entendement de
l'homme forme pour s'entretenir avec les
autres hommes, idim. 101. §. $.
Il n'y a point d'Efpece de modes mixtes fans
un nom. tom. 1. 137. §. 4.
Celle des fubîtances eft déterminée par l'ef-
fence nominale, tom. 3. ny. §. 7. 8. n. 13.
Non par les formes fubftantielles. idem,
*Î7- §• 33-
Ni par l'eftence réelle. *V«w. 131. §. 18. if.
VEfpece des efprits , comment peut être dis-
tinguée, idem. 114. §. n.
Il y a plus d'Efpeces de créatures au defïus
de nous qu'au de fions, idem. \iy. §. 11.
Les Efpeces des créatures vont par degrés in-
fenfîbles. idem. 114. §. n.
Ce qui eft néceiiaire pour faire des Efpeces
par des efiences réelles, idem. 131. §. 14.
15. erv.
Les Efpeces des animaux ne fauroient être
difHnguées par la propagation, idem. 138.
L Efpece n eft qu'une conception partiale de
ce qui eft dans les individus, idem. 153.
$-3*-
C'eft l'idée complexe , lignifiée par un cer-
tain nom , qui ferme ÏLfpcce. idem. 158.
$-35-
L homme fait les Efpeces ou fortes, ibid. .
' Mais le fondement eft dans la fimilitude qui
fe trouve dans les chofes. idem. 160. §.
36- 37.
Chaque idée abftraite , diftincte , confti»
tueuneefpece diftincte. idem, .6'.. §. 38.
E-fpérmç* , ce que c'eft. r<w. z. io?. §. ^.
jj« TABLE
Efprit , l'exiftence des Efprirs ne peut être con*
nue. tom. 4. 1^3. §. 11.
On ne fauroic concevoir l'opération des
Efprits fur les corps, tom. 3. 371. §. z8.
Quelle connoiirance les Efprits onc des
corps, idem. 3^6. §. 13.
Comment la connoillance des ILfprits fépa-
rés peut furpafler la nôtre, tom. 1. 2 ç.i. §. y.
Nous avons une notion aufli claire de la
fubftance des Efprits que de celle du corps.
tom. 2. 137. §. ç.
Conje&ure fur une manière de connoître
par ou les Efprits l'emportent [\it nous. idem.
X50 §. 13-
Quelles idées nous avons des Efprits. idem.
ldée< ongim!es qui appartiennent aux Ef-
prits. idem. 1 j 5 . §. 18.
Les Efprit, le meuvent. i&/^. §. 19. 20.
Idées que nous avons deV Efprit &du corps,
comparées, idem. 257. §. 22. & 270. §. 30.
L'exiftence des Efprits aufli ailée à conce-
voir que celie des corps, idem. 270.$. 31.
Nous ne concevons pas comment les Efprits
s'entre-cemmuniquent leurs peniért. idem.
X-]6. §. 36.
Jufqu'où nous ignorons l'txiflence , le
efpeces & les propriétés des Efprits. tom. 3,
169. S »7-
1,'Efprit & le jugement , en quoi ils différent,
tom. 1.25e §.2.
Effe-ue réelle & nominale, tom. 3. 67. §. 1 5,
La fuppofition que les Elpeces font difrin*
guées par des Effences réelles incompréhen»
fibles , eft inutile, idem. 6 8. §. 17.
JjEjfence réelle & nomina.e toujours la même
dans les :dees (impies & dans les motes , Se
toujours différente dans les fubitdLÇvS. u.sm,
70. §. 18.
DES MATIERES. 351
Ejfences , comment ingénérables & incorrup-
tibles, idem. 71. §. 19.
Les Eifences fpécifîques des modes mixtes
font un ouvrage de l'homme Se comment.
idem. 93. §. 4. 5. 6.
Quoiqu'elles foient arbitraires elles ne font
pourtant pas formées au hafard. idem. 97.
Ifjences des modes mixtes pourquoi appellees
Notions, idem. 105. §. 11,
Ce que c'eft que cts eflences. idem. \o$. §•
13.14.
Elles ne fe rapportent qu'aux Efperes. idem.
114. §.4.
Ce que c'eft que les Effences réelles, idem,
118. §. 6.
Nous ne les connoiflons pas. idem, nr.
Notre Ejfence (pécifique des fubftanccs n'eft
qu'une collection d'idées fenhbles. idem.
153. §. il.
Les Ejfences nominales formées par l'efprir.
idem. 139. §. rj.
Mais non pas tout-à-fait arbitrairement.
idem. 146. §. 18.
Elles font différentes en différens hommes,
idem. 141. § z6
Eflences nominales des fubftances comment
formées, idem. 1+6. §. z8. 2.9. Fort diffé-
rentes. idem. 153. §. 31.
L'Ejfence des efpeces eft l'idée abftraire défi-
gnée par un certain nom. idem. 61. §. 12.
iifem 131. § 19.
C'eft i homme qui en eft l'auteur, idem. 6$.
§. 14.
Llle .il pourtant fondée fur la convenance
des choies, idem. 6$. $.13.
Les Ejfences réelles ne déterminent pas nos
tfpeces, ibid,
3ïi TABLE
Chaque idée abftraite diftin&e , avec ..m
nom , eft Yejfence diftincte d'une Efpece dis-
tincte, idem. 6j. §. 14.
Les effences réelles des iubftances ne peuvent
être connues, tom. 4. 54. §. i*.
Ejfentiel, ce que c'eft. tom. 3. m. §. 1. utf.
§• f-
Rien n'eft tjfe*tiel aux individus, idem. 1 J4.
§.4.
Mais aux Efpeces. idem. ng. §. 6,
Ce que c'eft qu'une différence e/Tentielle.
idem. 116. §. y,
Etendue , nous n'avons point d'idée diftinéte
de la plus grande ou de k plus petite éten-
due, tom. 1. 387. §. 16.
L Etendue du corps eft incompréhensible. ;rffw.
La plupart des dénominations prifesdulieu
& de {'Etendue font relatives, /^e?/z. z^j,
§• r-
V Etendue & le corps n'eft pas la même chofe.
tom. 1. 1317. §. \6. err.
La définition de Y Etendue ne lignifie rien.
jrf<?w. x$6. § t'y.
L'Etendue du corps & de l'efpace comment
distinguée. ;^f/w. 27*4. §. 15.
Véricés Eternelles, tom. 4. i$i. §. 14.
Eternité > d'où vient que nous fomnies fujers
à nous errrbarrafter dans nos raifonnemens
fur l'Eternité, tom. x . 386. §. IJ.
D'où nous vient l'idée de Y Eternité, tom. 1,
16. §. %j:
On démontre que quelque chofe exifte de
toute Eternité, ihid.
Etres : Il n'y en a que de deux fortes, tom. 4.
**# §. 9.
L'Etre Eternel doit être penfant. ibid.
Evidtir. Piopoutions évidentes par ellss-mê- -
DES MATIERES. - 3^3.
mfî, ou l'on peut les trouver, tom. 4. 63.
§. 4.
Elles n'ont pas befoin de preuves & n'en re-
çoivent aucune, idem. 97. §. 19.
Irxifience , idée qui nous vient par fenfation Se
pat réflexion, tom. 1. zoi. § 7.
Nous connoiflons notre ptopre exifienee
intuitivement, tom. 4. ii8.§. 1. Et nous
n'en faurions douter. 118. §.3.
UExiftence paflee n'eft connue que par le
moyen de la mémoire, idem. 158. §. ti.
Txpanfion eft fans bornes, tom. 1. 34. §. x.
VExpéeience, nous aide fouvent dans des ren-
contres , ou ne penfons point qu'elle nous
foit d'aucun fecours. tom. 1. 133, §. 8.
Extafe } ce que c'eft. r<?w. i. $8. §. 1.
F.
F.
Aculte's de l'efprit , les premières
exercées, tom. 1. i7x, §. 14.
Elles n'opèrent pas l'une fur l'autre, tom. r.
131. 133. §. 18. to.
Taire, ce que c'eft. ;^ét#. 294. §. i.
Taujfeté. tom. 4. 33. §.9.
Fer, de quelle utilité il eft au genre humain,
idem. 177. §. 11.
Tignre. tom. 1. 100. §. f. Elle peut êtte variée
à l'infini, ibid. i%6. §. 6.
DifcoursJΣ«r<?, abus du langage, tom. 3.
?47.$. 34
Tin i Se infini, modes de la quantité. *$/». i,
<ïi. § 1.
Toutes les idées polîtives de la quantité
font finies, idem. 71. §. 8.
Toi & opinion, en tant que diftinguées de la
connoiflance , ce que c'eft. tom. 1. 3. §. 3.
Comment la Foi & la connoilTance différent
tom, 4. 196. §. 3.
254
TABLE
Ce que c'eft que la Foi. idem. nz. §. 74..
Elle n'eft pas oppofée à larailon. idem. ig±,
§• *4-
La Foi Se la raifon. idem. 166,
La Foi confidérée par oppolîtion à la rai-
fon , ce que c'eft. idem. 167. §. 1.
La Foi ne fauroit nous convaincre de quoi
que ce foie qui (bit contraire à notre DSÙ-
fon.idtm. 2.71. §. 5. 6. %.
Ce qui eft révélation divine eft la feule
chofe qui foie une matière de Foi. idem.
17 5- §• 6.
Les choies au deflus de la raifon font les
feules qui appartiennent proprement à la
Toi. idem. 177. §. 7.
Tonnes. T.e<; formes fubftanrielles ne distinguent
pas l'Efjece. tom. 3. 17t. §. 14.
Propolitions frivoles, tom. 4. 99.
Dii'coacs frivoles, idem. m. §. p. 10. 1 r.
G.
\SP É ne* rai. Conroifîance générale, ce
que c'eft. tom. $. 377.$. 31.
On ne peut favoir Ci les propositions géné-
rales font véritables , qu'on ne connoiffe
l'etfence de l'efpece tom. 4. 57 §. 4.
Comment fe font les termes généraux, tom,
3. fî§- <\- 7- 8;
La généralité appartient feulement aux li-
gnes, idem. 61. §. 11.
Génération , ce que c'eft. tom. 1. 254. §. t.
Gewre & efpece , ce que c'eft. tom. 3. 61. §. n.
Ce ne font que des mots dérivés du latin
qui fîgnifient ce que nous appelions vul»
gairement fortes, idem. m. §. 1.
Le G enre n'eft qu'une conception partiale
de ce qui eft dans les Efpeces. idem. 153»
5-3*.
DES MATIERES. jfj
Le Genre & l'efpece font des idées adaptées
au but du langage, idem. 1 57. §. 33.
On n'a formé des Genres Se des efpeces que
pour avoir des noms généraux, idem. 1 Si.
$• Î9« . .
Gentilshommes , ne devroient pas être igno-
rans. tom. 4. ;o;- §. 6.
CUce & eau , (i ce l'ont des efpeces diiUn&es,
tom. 3. 119. §. 13.
CoAt , les moues, tom. 1, ^4. $, j,
H.
HT
JIjLAbitude, ce que c'eft. *V*w. ny,
§. io.
Les actions habituelles fe font fouvent en
nous fans que nous y prenions garde., tom.
I. 137. §. 10.
Haine , ce que c'eft. tom. t. 10 ç. §. f.
Hijoire , q iel:e hilloire a plus d'autorité.
fow. 4. 1 1 ç. §. 11.
Homme , il n'eit pas la production d'un hafari
aveugle, idem. 113. §. £.
L'eifence de \'hom?ne eit placée dans fa figu-
re, idem. 10. §. 16.
Nous ne connoilfons pas fon e/Tence réelle.
*<?;». 3. 113. §. 3. ijrf. §. zi. 141. §- 16.
Les bornes de l'Elpece humaine ne font pas
déterminées, idem. 144. §. 17.
f Ce qui fait le même Homme individuel»
idem. 1 33. §. 11. 14^. §. 19.
Le même Homme peut être différentes per-
fonnes. idem. 133. §. 11.
Honte , ce que c'efr. tom. 1. 1 1 1. §. 17.
Hypothefes , leur ufa^e. f«w. 4. iSx. §. 13.
Mauvaifes conféquences des fauifes Hypo~
thefes, idem. 317. §. n.
Les Hypothefes doivent être fondées fur des
points de fait. tom. 1. 150, §. 10.
3î<7 TABLÉ
I.
De'e. Les idée» particulières font les pre-
mières dans l'efprit. tom.+. 69.
Les idées générales font in parfaites, ibid.
liée , ce que c'clt. tom. 1. 30. §. 30. lOy. §. 8.
Origine des idées dans les enfans. idem. ici.
§. il 115. §. 13.
Nulle idée n'elt innée, idem. ut. §. 17.
Parce qu'on n'en a aucun fouvenir. idem,
J16. §. 10.
Toutes les idées viennent de la fenlation
& as la réflexion, idem. r4"3. §. i.
Moyen de les acquérir qui peut être obser-
vé dans les enfans. idem. 146. §. 6.
Pourquoi quelques-uns ont plus d'idées , &
d'autres moins, idem. 147. §. 7.
Idées acquifes par réflexion viennent tard,
& en certaines gens fort imparfaitement.
idem. 148, §. 8.
Comment elles commencent & augmentent
dans les enfans. idem. 171. §. 11. 11.
13. 14.
irftfV.* qui viennent par les fens. idem. 176.
§.1.
Elles manquent de nous, idem. 1S3. §. 1.
Idées qui nous viennent par plus d'un (ens.
idem. 194.
Celles qui viennent par réflexion, idem. 19 f.
Par fenfation & par réflexion. i«V/». i$6.
irfm , doivent être distinguées en tant qu'el-
les font dans l'efprit & dans les choies.
idem. zo8. §. 7.
Quelles' font les premières idées qui fe pré-
fentent à l'efprit , cela efl: accidentel & il
n'importeras de le connoître, idem, 132;
$.7.
DES MATIÈRES. 3 ç 7
làt&s de fenfation fouvent altérées par le ju-
gement, idem. 233. §. 8. Particulièrement
celles de la vue. idem. 136. §. 9.
Jdêss de réflexion, idem. 188. §. 4.
Les hommes conviennenr fur les idées am-
ples, idem. 131. §. 6.
Les idées fe fuccedent dans notre efprit dans
un certain degré de vîtefle. tom. 1. 8. §. j.
Elles ont des degrés qui manquent de noms.
idem. 94. §. 6.
Pourquoi quelques-unes ont des noms , 8C
d'autres n'en ont pas. idem. 95. §. 7.
Idées originales, idem. 116. §. 37.
Toutes les idées complexes peuvent être ré-
duites à des idées fîmples.J idem. 116. §. 5.
Quelles idées (impies ont été le plus modi-
fiées, idem. i»<?. §. 10.
Notre idée complexe de Dieu & des efprits,
commune en chaque chofe excepté l'infi-
nité, tom. 1. 276. §. 16.
liées claires & obfcures. idem. 348. §. t. Dif-
tinétes & confufes. 351. §.4.
Des Idées peuvent être claires d'un côté (S1 obf-
cures de l'autre, idem. 361. §. 13.
Zrfé« réelles & chimériques, idem. 391. §. 1.
Les idées fimples font toutes réelles, ibid.
§. t. Et complettes. idem. 398. §. 1.
Quelles Idées de modes mixtes font chiméri-
ques, idem. 403. §. 4.
Quelles idées de fubltances le font aufli.
idem. i96. §. f.
Ves Idées complettes & incomplettes./Wtfw?.
398. §. 1.
Comment on dit que les idées font dans
les choies, ibid. §. i.
Les modes font tous des idées complettes.
idem,, 401.
Hormis quand on les confidere par rapport
3?8
TABLE
aux noms qu'on leur donne, idem. 403.
§. 4.
Les Idées des fubftances font incompletteï.
idem. 405. §. 6. I. En tant qu'elles le rap-
portent à des elfences réelles, idem. 40y.§.
7. IJ. En tant qu'elles fe rapportent à une
colle&ion d'idées hmples. idim. 410. §. 8.
Les idées fimples lont des copies parfaites.
idem. 415. §. 11.
Les idées des fubftances font des copies im-
parfaites, idem. 416.$. 13. Celles des mo-
des lont de parfaits archétypes, idem. 417,
§. 14.
îdées vraies ou faufTes. tom. 5. 1. §. 1. Quand
elles font faillies, idem, 17. §. 11. 11.13. 14.
15. Confédérées comme de hmples appa-
rences dans l'efprit , elles ne font ni vraies
ni fauffes. idem. 1. §. 3. Confidérées par rap-
port aux idées des autres hommes ou à une
exiftence réelle, ou à des exiltences réelles ,
elles peuvent être vraies ou faulfes. ibid.
Railon d'un tel rapport, idem. 4. §. 6.
Les idées fimples rapportées aux idées des
auttes hommes lont le moins fujettes à
être faulfes, idem. 6. §. 6. Les complettes
font à cet égard plus lujettes à être fauffes ,
& fur-tout celles ces modes mixtes, idem. 7.
§. 10. 11.
Les idées (Impies rapportées à l'exiftence
font toutes véritables, idem. 9. §. 14.
Quand bien elles leroient aihér^n es en
différentes petfonnes idem. 11. §. if.
Les idées complexes des modes font toutes
vétitables. idem. 13. §. 17. Celles des fubf-
tances quand faulfes. idem. 14. §. 18.
Quand eft-ce que les idées lont juftes ou
fautives, idem. 10. §. 1^.
DES MATIERES. 3S9
liées qui nous manquent abfolument. idem.
361. §. 13. D'autres que nous ne pouvons
acquérir à caule de leur éloignement. idem.
364. $. 14. Ou àcaufe de leur petiteife. idem.
Les idées (impies ont une conformité réelle
avec les choies, tom. 4. j. §. 4. Et toutes
les autres idées excepté celles des iubltan-
ces. idem. 5 . §. 5.
Les idées fimples ne peuvent point s'acqué-
rir par des mots & des définitions, tom. 3.
8x. $.11. Mais ieulement par expérience.
idem. S6. $. 14.
L.ées des modes mixtes , pourquoi les plus
complexes, idem. 106. §. 13.
Idées lpéciliques des modes mixtes, com-
ment formées au commencement, exemple
dans les mots Kmneah & Niouph. id<.m. 169,
$. 44. 45, Celles des fubftances comment
formées, exemple pris du mot Zahab. idem.
171- $• 4*-
Les idées fimples & les modes ont toutes
des noms abltraits audî-bien que concrets.
idem. 187. $. t. Les idées des fubftar.ces ont
à peine aucuns noms concrets, ibid. Elles
font différentes en différentes perfonnes.
idem. 201. §. 13.
Nos idées font prefque toutes relatives.
tom. 2. 115. §. 3.
Comment de caufes privatives on peut avoir
des idées politives. tom. \: ic6. ^. 4.
Identique. Les proportions identiques n'en-
feignent nen. tom. 4. 99. Ç. z.
Identité n'ell pas une idée innée, tom. f. icr.
t î-4-5-
Identité &. diverfué. tom. 1. 141. $. 18.
En qaoi conhlïel'identité d'une plante, idem.
$rfo TABLE
Celle des animaux, idem. 308. Ç. y.
■Celle d'un homme, idem. 309. $. 6.
Unité de fubftance ne conftitue pas tou-
jours la même idée. idem. 310. 6. 7. 311.
Identité perfonnelle. idem. 31J. $, 9. Elle
dépend de la même confeience. uto». 319.
$. 10.
Une exiftence continuée fait l'identité.
idem. 346. §. 19.
Identité & diveriité dans les idées , c'^ft la
première pecreption de l'efprit. tom.$. 19t.
$.4.
ignorance. Notre ignorance furpafle infiniment
notre connoiffance. idem. 360. $. 11.
Caufes de l'ignorance, ibid.
I. Manquer d'idées, idem. 361. $. 23.
a. Ne pas découvrir la connexion qui eft
entre les idées que nous avons, idem. 37L
$.18.
3. Ne pas fit'vre ies idées que nous avons.
idem. 37c. $.30.
Imagination, tom. 1. 133. $, 8.
Imbécilles Se fous. idem. 170. §. il. 13.
Immenfité. idem. 2. 84. §. 4. Comment nous
vient cette idée. tom. i. ji. §, 3.
Immortalité de nations entières, «w. 1. £7.
§. 9. 10.
Immortalité , elle n'eft pas attachée a aucune
forme extérieure. <ow. 4. 18. $. 15.
Impénétrabilité, tom. 1. 184. $. 1.
Imposition d'opinions déraisonnables, tom. 4.
105. §. 4.
7/ «/? Impossible qu'une même chofe foit (S" ne
[oit pas j ce n'eft pas la première chofe con-
nue, tom. 1. 47. Ç. 15.
bïipojfibilité , ce n'eft pas une idée innée, idem»
191. $. 3-
Imprejfion
DES MATIERES. 3<i
ïwpreffivn fur S'efprit, ce .ciue c'eft. idem. 18.
Incompatibilité , jufqu'où peut être connue.
tom. 3. 34S. ty. if.
ïdées incomplettes. tom. 1. 35*8 . §. 1.
.Individuationis principium , fon exiftence.
ide/w. 305. $. 3.
Inférer , ce que c'eft. fo«), 4. 114. $. x.
Jnfini., pourquoi i'ioéede l'Infini ne peut être
appliquée à d'autres idées auffi-bien qu'à
celles de la quantité, puifqu'elles peuvent
être répétées aulfi Couvent, tom. i. 67. £. g.
Il faut diftinguer entre l'idée de l'infinité
de l'efpace ou du nombre, & celle d'un
efpace ou d'un nombre infini, idem. 6$.
Notre idée de {'Infini eft. fort obfcure. idem,
71.$. S.
Le nombre nous fournit les idées les plus
claires que nous puifTions avoir de l'Infini,,
idem. 73. $.9.
Notre idée de l'Infini efl une idée qui grof-
fit toujours, idem. 76. Ç. n.
Elle eft en partie pofitive, en partie com-
parative & en partie négative, idem. 75».
ïlS- ■
Pourquoi certaines gens croient avoir une
idée d'une durée infinie , & non d'un efpa-
ce infini, tom. x. 87. Ç. ta.
Pourquoi les difputes fur l'Infini font ordi-
juairement embarralfées. idem. 8y. G. ir.
idem. 386. $. if.
Notre idée de X Infinité a fon origine dans
la fenfation & dans la téflexion. idem. 51.
$. 11.
Nous n'avons point d'idée pofitive de l'In-
fini, idem. 77. §. 13. 387. <$. \C>.
nfinité , pourquoi plus ^communément attrl-
Tome IV. Q
j6& TABLE
buée à la durée qu'à l'expanfion. idem. 5*.
Comment nous l'appliquons a Dieu. idem.
61. $. 1.
Comment nous acquérons cette idée, 'ibid,
L'Infinité du nombre , de la durée & de
l'efpace confidérée en différentes manières.
idem. 74. $. 10. 1 1.
Vérités Innées doivent être les premières con-
nues, tom. 1. yo. §. 16.
Principes innés font inutiles fi les hommes
Jeuvent les ignorer ou les révoquer en
oure. idem. 75. Ç. 13.
Principes innés que propofe Myîord Her-
bert , examinés, idem. 81. §. 15. (?c.
Règles de morales innées iont inutiles, ii
elles peuvent être effacées ou altérées, idem,
89. §. i©.
Propoficions innées, doivent êtrediftinguées
des autres par leur clarté & par leur utilité.
idem. 130. §. zr,
La doétrine des principes innés eft d'une
dangereufe conféquence. idem. 137. $. 24,
Inquiétude détermine feule la volonté a! une
nouvelle action, tom. x. 143. §. 29. 14-!
$. 31^49. $. 33. Pourquoi elle détermine
la volonté. 154. $. 36. 37.
Caufes de cette inquiétude, idem. 1I6. Ç,
$7. &c,
Influnt , ce que c'eft. idem. g. $. 10.
Intuitif. ConnonTance intuitive, tom. 3. 301.
6.1.
N admet aucun doute. ;Vfw. 30^. 6. 4.
Conftitue notre plus grande certitude, tom.
4- Mf- §• 14.
Jo/>. tom. 1. 108. <J. 7.
Jugement, en quoi il confifte principalement.
tom. 1. 156. $. z. tom. 4. xj^. $. 16.
DES MATIERES. j$j
Taux Jugemens des hommes par rapport au
bien & au mal. tom. i. 189. §. 60.
Jugement droit, tom. 4. 193. §. 4.
Une caufe des faux Jugemens des hommes.
*/*/#. 103. $. 3.
L.
jL* A n g a g s s , pourquoi ils changent, tom.
x. 115. $.7.
En quoi confifte le langage, tom. 3. 37. £.
1. 2. 3-
Son ufage. /Vew. 5*7. §. 7. Double ufage.
*d<?/». iS?. Ç. 1,
Ses imperfections. *&/W.
L'utilité du Langage détruite par la fubtilité
des difputes. idem. 119. Ç. 10. 11.
En quoi coniitte la fin du Langage, idem,
248. $. 23 iVfc;». 43. §. 2.
Il n'eit pat aifé de remédier à fes défauts.
idem, if 8. §. 1.
Il feroit néceflaire de le faire pour philofo-
pher. idem. 1^9. (JT fuiv. §. 3. 4 y. 6.
N'employer aucun mot fans y attacher une
idée claire & diftinéte eft un des remèdes
aux imperfections du Langage, idem. 2*4.
$ 8.9.
Se fervir des mots dans leur ufage propre,
autre remède, idem. z66. §. 18.
Faire connoître le fens que nous donnons à
nos paroles , autre remède, idem. z6$. §.
t9'
On peut faire connoître le fens des mots â
l'égard des idées fimples en monrrant ces
idées, tom. 3. 271$ 13. Dans les modes
mixtes en définilfant les mots. ibid. Ç. 15.
Et dans les lubftances en montrant les cho«
$H TABLE
fes & en définirïant les nomi qu'on leur
donne, idem. xj6. §. ip. ri.
Langage propre, idem. 49. $. 8.
Langage intelligible, ibid.
Liberté , ce que c'eft. tom. i. m. §. 8. 9. -10.
11. 11.
Elle n'appartient pas à la volonté, idem. 117.
& 14.
La Liberté n'eft pas contrainte lorfqu'elle
eft déterminée par le réfultat de nos pro-
pres délibérations, idenx 171. $. 47. 48.
49- jo.
Elle eft fondée fur un pouvoir de fufpen-
dre nos deûrs particuliers, ibid. §. 47. 51.
$*•
La Liberté n'appartient qu'aux agens. idem,
133. §.19.
In quoi elle confifte. idem. 154. §. 10,
Libre , jufqu'où un homme eft libre, idem.
1*6. §. il.
L'homme n'eft pas libre de vouloir ou de
ne pas vouloir, idem. 137. §. zi. 13. 14.
Libre arbitre, la Liberté n'appartient pas d la
volonté, idem. 117.$. 14.
En quoi coniîfte ce qu'on nomme Libre
arbitre, idem. 171. §. 47.
Lieu. tom. \. 187. §. 7. 8.
LTfage du Lieu. idem. 190. $. 9-
Ce n'eft qu'une pofition rcla-tive. idem. 19 r,
5. 10.
:On ie prend quelquefois pour l'efpace que
remplit un corps, ibid.
Le Lieu pris en deux fens. tom. x. 39. §.
6. 7.
Logique, a introduit l'obfcurité dans le langa-
ge, tom. 3. xx y. §. 6. Et a arrêté le progrés
de la connoiftance. ibid. Ç. 7. Cf.
Lw de la nature généralement reconnue, tom,
1. £3. §. *.
DES MATIERES. %5^
II y a une telle Loi , quoiqu'elle fie foi^
pas innée, idem. 7 5. §. 13.
Ce cjuila fait valoir, tom. 1. 353. Ç. 6.
Lumière. Définition abfurde de la Lumière,
tom. 3. 80. §. 10.
M.
M.
'X A l , ce que c'eft. tom. t. 161. §. 41.
Martin. ( Abbé de S.) tom. 3. 141. §. 16.
Mathématiques , quelle en elî la méthode, tom,
4. 171. §. 7.
Comment elles fe perfectionnent. xVmt*,
i"8j.§.iç.
Matière incompréhenfible dans fa cohefïon Si
dans la divilibilité. tom. t. if?. §. ij.&c.
Ce que c'eft que la Matière, tom. 3. Z3«f.
Si elle penfe , c'eft ce qu'on ne fait pas.
irfew. 321. §. <>. Qu'on ne faurok prouver
que Dieu ne puifle donner à la Matière la
faculté de penfer. ibid.
La Matière ne fauroir produire du mouve-
ment, ni aucune autre chofe. tom. 4. 117,
§. 10.
La Matière & le mouvement ne fauroient
produire la penfée. ibid.
La Matière n'eft par éternelle, idem. 13$,,
§. 18.
Maximes, idem. 61. §. 1. Zfe.
Ne font pas feules évidentes par elles-mê-
mes, idem. 61. §. 3.
Ce ne font pas les vérités les premières con-
nues, idem. 69. §. 9.
Ni le fondement de notre connoifTance,
idem. 71. §. 10.
Comment formées, idem. 1^5. Ç. 3.
Q3
5**
TABLE
En quoi confifte leur évidence, idem. 71. §.
10. idem. 155. §. 14.
Pourquoi les plus générales proportions
évidentes par elles-mêmes paflent pour des
Maximes, idem. 75. §. u.
Elles ne fervent ordinairement de preuve
que dans les rencontres où l'on n'a aucun
befoin de preuve, idem. 93. §. ij.
Les Maximes font de peu d'ufage florfque
les termes font clairs, idem. 94. ft, i£. \9.
Et d'un ufage dangereux lorfque les termes
font équivoques, idem. 8 8. §. n. zo.
Quand les Maximes commencent d'être
connues, tom. 1. 13. & fuiv. §. 9. n. 13.
14. 16.
Comment elles fe font recevoir, idem. 39.
5. ii. ti.
Elles font faites fur des obfervations parti-
culières. ibiJ. §. 11.
Elles ne (ont pas dans l'entendement avant
que d'être actuellement connues, idem. 41.
§ 11.
Ni les termes ni les idées qui les compofent
ne font innées, idem. 43. §. 13.
Elles font moins connues aux enfans & aux
gCOS fans lettres, idem. ci. §. 17.
Ce qui nous paroît meilleur n'eft pas une
règle pour les actions de Dieu. idem. 11*.
§. 11.
Mémoire, idem. 149. §. ».
L'attention , la répétition , le plaifîr & la
douleur, mettent des idées dans la mémoi-
re, idem. 145. §.3.
Différence qu'il y a dans la durée des idées
gravées dans la Mémoire, idem. 147. $. 4 ç.
Dans le relfouvenir l'efprit eft quelquefois
adif, & quelquefois paifif. idem. 14g. $. 7.
Néceffité de la Mémoire, idem, 150. §. S. Ses
défauts, ibid. §. 8. £.
DES MATIERES. 367
Mémoire dans les bêtes, idem. 153. §. 10*
Menagiana eue. tom. 3. 141. §• *6.
Métaphyfique & Théologie de l'école , font
pleines de propositions qui n'initruifent de
rien. tom. 3. 141. §. 16.
Méthode qu'on emploie dans les mathémati-
ques, tom. 4 171. §. 7.
Minutes , heures , jours , ne font pas néceflai-
res à la durée, tom. 1. zi. §. 13.
Miracles , fur quel fondement on donne (on
confentement aux Miracles, tom. 4. zi$.
§. 10.
Mifere , ce que c'eft. ffltfJ. 1. i£t. §. 41.
Modes. Modes mixtes, idem. \\$. §. i.
Ils (ont formés par l'efprit. idem. 110. §. %.
On en acquiert quelquefois les idées par
l'explication de leurs noms. idem, tu, §. }.
D'où eft-ce qu'un Mont mixte tire fon uni-
té, idem. ni. §. 4.
Occafion des Modes mixtes, idem, n 3. §. j.
Mo^i mixtes , leurs idées comment acquifes.
Modes /impies Se complexes, tom. 1. 17$. £,
4.0*5.
Modes fïmples. ;</*;». 181. §. 7. 8.
Modes du mouvement, row?. 1. $x. §. 1.
Pourquoi quelques modes ont des noms &
d'autres n'en ont pas. idem. 95. §. 7.
Mural. Ce que c'efl: que le bien & le mal mo-
ral, idem. 453. §. y.
Trois règles par ou les hommes jugent de
la rectitude morale, ibid. §. 6.
Etres Moraux , comment fondés fur des idées
fimples de fenfation où de réflexion, idem.
3rfi. §. 14. is.
Règles Morales ne font pas évidentes par elles-
mêmes, tom. 1, 6 1. §. 4.
Q4
j*8 TABLE
Diverfité d'opinions fur les règles àe Mora-
le, d'où vient, idem. ($. §. 6.
Règles Morales , fi elles l'ont innées , ne peu-
vent être violées avec l'approbation publi-
que, idem. 71, §. 1 1. 11. 13.
Morale. La Morale eft capable de démonstra-
tion, tom. 3. 173. §• !6.
La Morale eft la véritable étude des hommes.
f0w. 4. 177. §. il.
Ce qu'il y a de moral dans les actions con-
fifte dans leur conformité à une certaine
règle, tom. i. 364. §. 1 <j.
Fautes qu'on commet dans la Morale doi-
yent être rapportées aux mots. idem. 16^.
§. 16.
Si les difcours de Morale ne fonr pas clairs ,
c'eft la faute cte celpi qui parle, tcm. 3. 174.
5.17.
Ce qui empêche qu'on ne traite la morale
par des argumens démonftratifs. 1. Le dé-
faut de lignes. 1. Leur trop grande compo-
sition. 3. L'intérêt, idem. 354. $. 19. çy io„
* DV.ns la morale le changement des noms ne
change pas la nature des chofes. tom. 4. 10.
§. 9. il. •
Il eft bien difficile d'allier la morale avec la
neceffité d'agir en machine, tom. x. 79.
§.14.
Malgré les faux jugemens des hommes la
morale doit prévaloir, tom. t. ioj. §. 70.
Mots, le mauvais ufage des mots eft un grand
obftacle à la connoiffance. tom. 3.
§.30.
Abus des mots. idem. 119. §. r.
Des feftes introduifent des mots fans leur
attacher aucune lignification, ibid. §. i.
Les écoles ont fabriqué quantité de mots qui
ne fignifienr rien. ibid. Et en ont obfcucci
d'autres, idem. jij. §. 6.
DES?MATIERES. $*<>
Qui font fouvent employés fans aucune
lignification, idem, ti.it §.3.
Inconftance dans l'ulag;- des mots eft un
abus des mots. idem. 113. §. 5.
L'obfcurité, autte abus des mots. idem, nj,
§.6.
Prendre les mots pour des chofes , autre
abus. idem. 131. §. 4.
Qui font les plus lujtts à cet abus des mots,
ibid.
Cet abus des mots eft une caule de l'obfti-
nation dans l'erreur. *</«». zj(t. §. 16.
Faire lignifier aux mots des elfences réelles
que nous ne connoifTons pas , eft un abus
des mots. idem. 137. §. 17. 18.
Suppofer qu'ils ont une lignification certai-
ne & évidente , autte abus. idem. 144.
§. t-t.
L'ufage des mots eft, 1. De faire connoî-
tre nos idées aux autres ; z. Promptement 5
3. Et de donner par-là la connoiilance des
choies, idem. 148. §. i$.
Quand eft-ce que les mots manquent à
lemplirces trois fins. ibid. 6cc. Commenta
l'égard des fubftânces. idem. ijz. §•. ji.
Comment à l'égard des modes & des rela-
tions, idem. 1 53. §. 33.
L'abus des mots caufe de grandes erreurs. ;'&#%
*îf- §• 4-
Comme l'opiniâtreté, ibid. $,5. Les difpu»
tes. idem. itl. §. 6.
Les Mots lignifient aurre chofe dans les- re-
cherches , & autre chofe dans les difputes.
ibid, §.7.
Le fens des Motsed donné à connoître dans
les idées (impies , en montrant. »'</«». 170.
§. 14. D.ins les m es mixtes, en définif-
ïant. idem. 171, §. 1 j. Et dans les fub'tan.
37* TABLE
ces, en monrrant & en définifTant. iàtm,
xy6. §. 19. il. 11.
Conléquences dangereufes d'apprendre pre-
mièrement !es mots & enfuite leur fignifi
cation, idem. 18 1. §. 2.4.
Il n'y a aucun fujet ce honte à demander
aux hommes le fens de leurs mots lorf-
qu'ils font douteux, idem, 184. §. i j.
Il faut employer conltamment les mots
dans le même fens. idem. 188. §. 14.
Ou du moins les expliquer lorfque la dif-
pute ne les détermine p?.s. idetn. t8<>. §. 17.
Comment les mots lonc faits généraux, idem.
38. §.3.
Mots qui lignifient des chofes qui ne tom-
bent pas fous les fens, dérivés de noms d'i ■
dées fenfibles. idem. 39. §. f.
Les mots n*ont point de lignification natu-
relle, idem. 37. §. 1.
Mais par impofition. idem. 4.9. §. 8.
Ils fignifient immédiatement les idées de
cdui qui parle, idem. 37. §. 1. 1. 3. Ce-
pendant avec un double rapport, 1. aux
idées qui font dans l'efprit de celui qui
écoute: t. A la réalité des chofes. idem.
46 §4 1.
Les Mots l'ont propres par l'accoutumance
à exciter des idées, idem. 47. §■ 6.
On les emploie fouvent fans lignification.
idem. 48. §. 7.
La plupart des mots font généraux, idem.
fl. §. 1.
Pourquoi certains mots dune langue ne
peuvent poinr être traduits en ceux d'une
autre, idem. 99. <Ç. 8.
Pourquoi je me fuis fi fort éten.iu fur le*
Mots. idem. ioy §. \ S.
Il faut être fort circonfped à employer de
DES MATIERES. 371
nouveaux mots, ou dans des lignifications
nouvelles, idem. 177. §. 51.
Ufage civil des mots, idem, 190. §. 3. Ufa-
ge philofophique. ibid. Sont fort différens,
idem. iof. §. 15.
Les Mots manquent leur but quand ils n'ex-
citent pas dans l'efprit de celui qui éconte,
la même idée que dans l'efprit de celui qui
parle, idem. 191. §. 4.
Quels mots font les plus douteux, & pour-
quoi, idem, ipi. §. ^.iS'c.
Les Mots ont été formés pour l'ufage de la
vie commune, tom, 1. 348. §. x.
Mots qu'on ne peut traduire, idem, 114. §. 6,
Mouvement, lent ou fort prompt, pourquoi
imperceptible, idem. 8. §. 7.
Mouvement , volontaire inexplicable. ?<>*#. 4.
143,- $• i?>
Définitions abfurdes du Mouvement, tom. 3.
78. §. 8. ?.
N.
X n| t C E S S I T E*. *0W. t. 117. §. 1$.
négatif. Termes négatifs, tom. 3. 3^. $. 4.
Noms négatifs fignifient l'abfence d'idées
pofitives. tom. 1. 107 §. f.
Âf. Newton tom. 4. 7 5. §. ir.
Mot* donnés aux idées. fo>». 1. 26J. §. 8.
Aowi d'idées morales , établis par une loi ,
ne doivent pas être changés, tom. 4. 113,
§. 10.
Noms de fubftances , lignifiant des eflences
réelles , ne font pas capables de porter la
certitude dans l'entendement, idem. 40. §. 5,
Lorfqu'ils lignifient des elfences nominales
ils peuvent faire quelques propotuions ce:*
Qé
371 TABLE
taines,mais en fort petit nombre, idem
41. §• 6jr
Pourquoi les hommes mettent les noms à la
place des ellcnces réelles qu'ils ne connoif.
lent pas. tom. 3.1,0.$. !<».
Deux fauflés iuppoliuons dans cet ufage
des noms. idem. 143, §. %i,
11 eft impoflible d'avoir un nom particulier
pour chaque chofe particulière, tom. 3. 64.
■ * V . .,
Et inutile, idem. çt. §. 3.
Quand eft-ce qu'on emploie des noms pro-
pres, tom. 3. 53. §. 4. 5.
Les noms fpécifiques fonr attachés à l'ef-
fence nominale, idem. 68. §. 16.
Les noms des idées fïmples, des modes &
•les fubltances ont tous quelque chofe de
particulier, idem. 74. §. 1.
Ceux des idées fïmples- & des fubftances fe
rapportent aux chofes. ibid. §. i.-
Ccux des idées iîniples & des modes font
employés pour déligner l'elîence réelle & la
nominale, ibid. §. 3 .
fsons d'idées fïmples ne peuvent être définis.
idem. 7 y. §. 4' Pourquoi, idem. 76. §. 7.
Ils font les meins douteux, idem. 87. §. 1 j.
Ont trés-peu de fabordination dans ce que
les logici.ns appellent Lineu pr&dicamenta-
lis, idem. 88. §.16.
Les noms des idees complexes peuvent être
«lé finis, idem. .^4. §. 11.
Les nems des modes mixtes fîgnifient des
idées arbitraires, idem. $1. £. x. 3. «Vf/»..
169. §. 44-
Ils lient enfemble les parties de leuis idées
complexes, idem. 101. §. 10. Ils lignifient
touio';rs l'efTence rée:lç. idtm. 107. $. 14.
Pourquoi appris ordinairement ayant cjue
DES MATIÈRES. 3?*
les idées qu'ils fignifient foient connues.
ibid. §.15.
Koms des relations compris fous ceux des mo-
des mixtes, idem. 109. §. 16.
Les noms généraux des fubftances fîgnifienr
ks forces, idem. m. §. 1.
Néceiraires pour defigner les efpeces. idem,.
161. §. 39,
Les noms propres appartiennent uniquement
aux fubftances. idem. %66. §. 41.
Koms des modes confédérés dans leur première
• application, idem. 167. §. 44. 45 .
Ceux des fubftances cc/nfidérés de même,
idem. 171. §. 46.
Les Noms fpécitiques lignifient différentes
chofes en dirFérenS hommes, idem. 17 y,
§. 48.
Ils font mis à la place de la chofe qu'on
fuppofe avoir l'eftence réeJle de l'efpece,
idem. 176. §. 49.
ÏZoms des modes mixtes fouvent douteux à
caufe de la grande composition des idées
qu'ils fignifient. idem. 153. §. 6.
Parce qu'ils n'ont point de modèle dans la
Nature, idem. 191. §. 7. Parce qu'on ap-
prend le fon avant la lignification, idem.
19I. §• 9-
iicms des fubftances douteux , parce qu'ils fe
rapportent à des modèles qu'on ne peut con-
noitre , ou du moins que d'une manière im-
parfaite, idem. ici. §. II.
■ Il eft difficile que ces noms aient des ligni-
fications déterminées dans des recherches
philofophiques. idem. to6. §. if.
Exemple lur le nom de Ligueur, idem. 207..
Le nom d'Or, idem. 3.01. §. 13. idem, io$,
S- 17.
374 TABLE
Noms d'idées fimples pourquoi les moins dou-
teux, idem, zi i. §. 18.
Les idées les moins compofées ont les noms
les moins douteux, idem. 113. §. 19.
Nombre, tom. 1. 61. §. 1.
Modes de Nombres font les idées les plus
diftinctes. idem. 63. §. 3.
Démonftrations fur les Nombres font les
plus déterminées, ibid. §. 3.
Le nombre eft une mefure générale, idem.
71. §.8.
Il nous fournit l'idée la plus claire de l'in-
finité, ibid. er 7*. §. 13.
Notions, idem. 134. §. i.
O.
Bscurité inévitable dans les anciens
Auteurs, tom. 3. 199.$. 10.
Quelle eft la caufe de ïobfcurité qui la ren-
contre dans nos idées, tom. 1. 374. §. 3.
Objîinés , ceux qui ont le moins examiné les
choies font les plus obftinés. tom, 4. 103.
*'3' . .,
Opinion, ce que c'eft. idem. 196. 3, 31*. §.
17-
Comment les opinions deviennent des prin-
cipes, tom. 1. yt. C fttiv. §. il. 13. 24.
15. 16.
Les opinions des autres font un faux fonde-
ment d'aiTentiment. tom. 4. zoo. §. 6.
On prend fouvent des rpinions fans de bon-
nes preuves, idem. Z03. §. 3.
L'Or ifl fixe , différentes lignifications de
cetre pro. ^fnion. tom. 3, 176. §. 50.
L'eau paile à travers l'Or. tom. 1. j88.
$.4.
Orgnr.es, Nos otaries font proportionnés a
DES MATIERES. 37c
notre état dans ce monde, tom, %, 1,46. §.
il. 13.
Ou Si. Quand , ce que c'eft. idem. 41. §, 8.
Articules , joignent entemble les par-
ties du difcours ou les fentences entières.
tom. 3. îyp. §. 1.
C'eft des particules que dépend la beauté
du langage, idem. 180. §. 1.
Comment on en peut connoître l'ufage,
ibid. §. 3.
Elles expriment certaines aétions ou difpo-
fîcions de l'efprit. idem. r8i. §. 4.
M. Pafcjl avoit une excellente mémoire, toi»,
I. iji. §. 9.
Tajfton. tom. z. 130. §. n.
Comment les Pajfîons nous entraînent dans
l'erreur. t«m.\. 319. §. 11.
Elles roulent fur le plailir & la douleur,
tom. x. 100. §. 3.
Rarement une P.tjfion exifte toute feule,
idem. 159.$. 39.
Péché, chez différentes perfonnes lignifie des
actions différentes, tom. 1. 87. §. iy.
Penfée. C'eft une opération & non l'effence
de l'âme, idem. 150. §. 10. tom. %. jo . §. 4»
Modes de penfer. idem. 98. §. 1. 1. Ma-
nière ordinaire donr les hommes f enfent.
idem. 101. §. 4. La penfée fans mémoire
eft inutile, tom. 1. 1 58 §. 1 f .
Perception de trois efptces. /c«. i. 118. §. y.
Dans la Perception, l'e'prit eft pour l'ordi-
naire pallif. tom. 1. 180. §. I.
C'eft une imprcllion faite fur l'efprit. ibid.
ju^.c ie yentre de nos mères, idem, i&i,
§. y.
37* TABLE |
Différence entre la perception & les idées in-
nées, i'oid. §. 6.
La Perception met de la différence entre les
Animaux & les végétaux, idem. zfi. §. ii.
Les diffère ns degrés de la Perception mon-
trent la fageffe & la bonté de celui qui nous
a faits, idem. i^j. §. rt.
La Perception appartient à tous les animaux,
idem. 139. §. 14.
C'eft la première entrée à la connoiffancei
idem. 141. §.. 1 5.
Perroquet qui parleroit raifonnablement , s'il
palferoit dès là pour homme , & s'il en pot*
teroit le nom. tom. 1. 311.$. g.
Terfonne , ce que c'eit. idem. 3 ç. §. ^. Terme
du barreau, idem. 34t. §. 16.
La même conscience feule fait la mëmeper~
fonnalité. idem. 313. §. 13. j'^e»;. 338. §.
La mêmeame fans la même confeiencene
ne fait pas la même perfonnalité. idem .318.
Larécompenfe & la punition fuivent l'i-
dentité personnelle, idem. 33». §. 18.
Phyfique. La Phyfique n'eft pas capable d'ê-
tre une feience. tom. 3. 369. §. x6. tom. 4.
176. §. 10. bile eft pourtant fort utile.
idem, 177. §. n. Comment elle peut être
perfectionnée, ibid. Ce qui en a empêché
les progrès, ibid.
fluifir & douleur, tom. 1. ioj. §• •* *</«».
110. §. iç. 16. Se joignent à la plaparc
de nos idées. rc?«. t. 196. §. 1.
Pourquoi ils font attachés à différentes ac-
tions, ibid. §. 3.
Jrewves. tom. 3. 306. §. 3.
Principes pratiques ne font pas innés, /w». 1.
j4- §. 1. ni reçus ayee ua contentement;
DES MATIÈRES. 377
univerfel. idem. 58. §. 1. Ils tendent à lac»
tion. idem. J9. §. 3. Tout le monde ne
convient pas fur leut fujet. idem. 75». §.
14. Ils font diffétens. idem. $\. §. n.
Principes i ne doivent pas être reçus fans un
févere examen, tom. 4. \66. §. '4. idem.
311. § 8.
Mauvailes conféquences des faux principes.
idem. 314. § . 9. jo.
Nul Principe n'efl inné. tom. 1. 1$, §. 1. Ni
reçu avec un consentement univerfel. idem.
17. §• i- 3- ^Jf •
Comment on acquiert ordinairement les
Principes, idem. 92. £. 1:. £TV.
Ils doivent être examinés, idem. <>3. §. 27.
Us ne font pas innés , fi les idées, dont ils
iont compofes , ne font pas innées, idem.
Io:>. §. t.
Termes privatifs, tom. 3. 39. §. 4.
probabilité , ce tjtte c'eih tom. 4. 154. §. T. 3.
les fondemens de la Probabilité: idem. 197,,
§. 4. Sur des matières défait, idem. 20^,
Comment nous devons juger des Probabili-
tés, idem. 198. §. <.
Difficultés dans les Probabilités, idem. 212.
Fondemens de Probabilité dans la fpécula-
tïon. idem. 217. §. 12.
FaufTes règles de probabilité, idem. 312. §.7.
Comment des efprits prévenus évitent de le
rendre à la Probabilité, idem. 310. §. 13.
Propriétés des eiTences fpécifiques ne font pas
connues, /o»?. 3. 132. §. 19.
Les Propriétés des chofes font en fott grand
nombre irfew. 7. §. 10. idem. i8$.Z4-
proportions identiques, n'enfeignent rien toiBfi
4. <?i. $. i.
378 TABLE
Ni les génériques, idem. 105. §. 4. idem.
116. §. 13.
Les Propofitions où une partie de la défini-
tion eft affirmée du fujet , n'apprenent rien.
idem. \o6. §. f. 6. Si non la lignification de
ce mot. idem. 1 10. §. 7.
Les Propofitions générales qui regardent les
fubftances font en général ou frivoles ou
incertaines, idem. m. §. 9. Propofitions pu-
rement verbales comment peuvent être con-
nnes. idem. 11 ç. §. n.
Termes abftraits affirmés l'un de l'autre ne
produifent que des Propofitions verbales.
ibtd. Comme auffi lorfqu'une partie d'une
idée complexe eft affirmée du tout. idem.
116. §. 13.
Il y a plus de Propofitions purement verbales
qu'on n<i croit, ibid.
Les Propofitions univerfelles n'appartiennent
pas à l'exiftence. idem. 11 9. §. 1.
Quelles Propofitions appartiennent à l'exif-
tence. ibid.
Certaines Propofitions concernant l'exiften-
ce, font particulières, & d'autres qui ap-
partiennent à des idées abftraites , peuvent
être générales, idem. 161. §. 13.
tropofitions mentales, idem. 16. §. 3. & 5.
Verbales, ibid.
Il eft difficile de traiter des Propofitions men-
tales, ibid. §. 3. 4.
Puiffance , comment nous venons à en acqué-
rir l'idée, tam. x. in. §. 1.
Puiftance a&ire & palfive. idem. 114. §. t.
Nulle PuifTance pallive en Dieu , nulle puif-
fance aétive dans la matière ; aéHve & paf-
five dans les efprirs. ibid.
Notre plus claire idée de puiftance active
nous vient par réflexion, idem. i\6. §. 4.
DES M ATI ERE S. 37?
Les Puiflances n'opèrent pas fur des Puil-
fances. idem. 13 z. §. 18.
Elles constituent une grande partie des idées
des (ubltances. idem. 14). §.7.
Pourquoi, idem. 141. §. 8.
Puiiîance, eft une idée qui vient pat Tenta-
tion & par réflexion, tom. \. zoi. §. 8.
"Bunition , ce que c'eft. tom. 1. 351. §. 5.
La Punition & la récompenfe font atta-
chées à la Confcience. idem. 331. §. 18,
*V<w. 341. §. 16.
Un homme ivre qui n'a aucun fentiment
de ce qu'il fait , pourquoi puni. idem. 337.
$. 11.
Q:
/Ualite' : fécondes Qualités , leur
connexion ou leur incompatibilité incon-
nues, tom. 3. 343. §. 11.
Qualités des (ubitances peuvent à peine être
connues que par expérience, idem. 345. §.
14. \6.
Celles des fubftances fpirituelles moins que
celles des fubitances corporelles, idem. 351.
Les fécondes Qualités n'ont aucune Iiaifon
concevables entre les premières Qualités
qui les produifent. idem. 314. §. 11. 13.
& 18.
Les Qualités des fubflances dépendent de
caufes éloignées, tom. 4. 48. §. 11. Elles
ne peuvent être connues par des défcrip-
tions. tom. 3. 178. §. zi.
Les fécondes Qualités jufqu'où capables de
démonflration. idem. 311. §. 11. 12. 13.
Ce que c'eft. tom. 1. xc^. §. 8. tom. 3. &8,
§. 1*.
38<5 Table
Comment on dit quelles font dans les
choies, tom. 2. 39 S. §. i.
Les fécondes Qualités feroient auttes qu'el-
les ne paroilïent lï l'on pouvoit découvrir
les pecites parties des corps, idtm. 245.
Premières Qualités, tom. 1. 205). §. 9.
Comment elles produilent des idées en'
nous. idem. 2:2. Ç. n.
Secondes Qualités, idem. 212. §. 13, 14,
Les premières Qualités relîemblent à nos
idées, & non les fécondes, idem. 115. §.
i<j. 16. 0V.
Trois fortes de Qualités dans les corpr,
idem. 122. §. 23. irfe/s*. 227. §. 26.
Les fécondes Qualités font de (impies puif*
fances. idem. 222. C /w/i\ §. 13. 24. »f.
Elles n'ont aucune liaifon vifible avec les
premières Qualités, idem. 225. §. 25.
R.
M-Aison. Différentes fignifîdations de ce
mot. tom. 4. 224. <jj. 1.
Ce que c'eft que la Raifon. /W. fj. ».
Elle a quatre parties, idem. iz6. §. 3.
Où eft ce que la Raifon nous manqire,
idem. 253. §. 9.
Elle eft néceflaire par-tout hormis dans
l'intuition, idem. 2^5. §. 14.
Ce que c'eft que/è/o» /# Raifon , contraire h
la Raifon , 0* ## dejfus de la Raifon. idem.
z6$. §. 1;.
Considérée en oppofition à la foi , ce que
c'eft. idem. 267. §. 2.
Elle doit avoir lieu dans les matières de
religion, idem. 2,81. §. n.
DES MATIÈRES. 3S1
Ule ne nous fert de rien pour nous faire
connoître des vérités innées, tom. 1. 23,.
-§• 9-
L'acquifition des idées générales , des ter»»
mes généraux , & la raifort croilîent ordi-
nairement enfemble. idem. 31. §. iy.
-Récompenfe , ce que c'eft. tom. 2. 351. §. j.
2?*'*/. Idées réelles, idem. 391.
^Réflexion, tom. 1. 143. §. 4.
Relatif, tom, 1. 183. Ç. 1.
I Quelques termes Relatifs pris pour des dé-
nominations externes, idem. 284. §. 2.
.Quelques-uns pour des termes abfolus. i%6 ,
§..3.
-Comment on peut les connoître. 29.1.
§. 10.
Plufieurs mots quoîqu'abfolus en apparen-
ce font relatifs, idem. 300. §, 6.
Relation, tom. 1. 281. §. 7. fcw. *. 183. §. 1.
Relation proportionnelle, idem. 547. §. i„
Naturelle. »^w. 348. §. i.
JD'inftitution.^;». 349. §. 3. Morale. *Wf/#.
351. $. 4.
Il y a quantité de Relations, idem. i,c6,
Elles fe terminent à des idées (impies, idem,
3*7. $• 18.
Notre idée de la Relation eft claire, idem.
369. §.19.
Noms de Relations douteux, ibid. §. i$.
Les Relations qui n'ont pas de termes fcor-
relarifs ne font pas fi communément ob*-
fervées. idem. 184. Ç. 2.
La Relation eft différente des chofes qui
en font le fujet. idem. i$6. §. 4.
Les Relations changent fans qu'il arrive au-
cun changement dans le fujet. ibid. §. 5.
La Relation eft toujours entre deux chofes»
idem. 187.
3*t TABLE
Toutes chofes font capables de Relation.
idem. 188. §.7.
L'idée de la Relation fouvent plus claire
cjue celle des chofes qui en font le fujet.
idem. 289. §. 8.
Les Relations fe terminent toutes à des
idées fimples venues par fenfation ou pat
réflexion, idem. 291. §. p.
Relation. Tous les hommes ont du tems pour
s'en informer, tom. 4. $c6. $. 3.
Les préceptes de la Religion naturelle font
évidens. tom. 3. 117. Ç. 13.
Réminiscence, tom. 1. 12.6. §. 10. idem 149.
§. 7. Ce que c'eft. tom. 2. 98. §. 1.
Réputation. Elle a beaucoup de pouvoir dans
la vie ordinaire, idem. 3 59. §. 11.
Révélation. Fondement d'aifentiment qu'on ne
peut mettre en queftion.Jz-w». 4. 121. §. 14.
La Révélation traditionelle ne peut intro-
duire dans l'efprit aucune nouvelle idée.
idem. 268. §. 3. Elle n'eft pas fi certaine
que notre raifon ou nos fens. idem. 178.
§. 8.
Dans des matières de raifonnement nous
n'avons pas befoin de révélation, idem.
171. §. 5-
La révélation ne doit pas prévaloir fur ce que
nousconnoiiîbns clairement, ibid. & 180.
§. 10.
Elle doit prévaloir fur les probabilités de la
Raifon. idem. 178. §. 8. 9.
Rhétorique, c'eft l'art de tromper les hommes.
tom. y 274. §. 34.
Rien. C'eft une démonftration que rien ne peut
produire aucune chofe. tom. 4. 121. §. 3.
DES MATIERES. 38*
S.
ABLE , blanc à l'œil, pellucide dans ua
microfcope. totn, i. 145. §. 11.
Sagacité , ce que c'eft. tom. 4. 114. §. 1.
Sang. Comment il paroit dans un microfcope.
tom. 1. 145. §. 11.
Savoir. Mauvais état du Savoir dans ces der-
niers fîecles. tom. 3. 1x6. §. 7. CTf.
Le Savoir des écoles confifte principale-
ment dans l'abus des termes, idem. t%6, §.
8. erc
Un tel Savoir eft d'une dangereufe confé-
quence. idem. 130. §. 1%,
Sceptique. Perfonne n'eft allez fceptique pour
douter de fa propre exiftence. tom. 4. ni.
§. 1.
Science. Divifion des fciences par rapport aux
chofes de la nature, à nos actions , & aux
lignes dont nous nous fervons pour nous
entre-comrauniquer nos penfées. idem. 32.?.
§. 1. &c.
Il n'y a point de Science des corps naturel».
tom. 3. 373. §. i9.
Sens. Pourquoi nous ne pouvons concevoir
d'autres qualités que celles qui font les ob-
jets de nos Sens. totn. 1. 178. §. 3.
Les^Sens apprennent à difcerner les objets
par l'exercice, tom. 3. 178. §. 11.
Ils ne peuvent être affectés que par contact.
idem, jn, §. n.
Des Sens plus vifs ne nous feroient pas aran-
tageux. tom. 2. 146. §. iz.
Les organes de nos Sens proportionnés à
notre état. ibid.
Senfation. tom. \. 143. §. 3. Peut être diftingaée
des autres perceptions, tom. 3. 315. §. 14.
3*4 TABLE
Expliquées, tom. i. m. §. n. ij. 14. 15.
16. &c.
Ce que c'eft. tom. 1. 98. §. i.
Connoiirance/ê»/76/<? aulli certaine qu'il Le
faut. tom. 4. 154. §. S.
Ne va pas au-delà de l'acte préfent. idem,
\S6. §. 9-
Idées [impies tom. 1. Ijif. §. 1.
Ne font pas formées par l'efprit. idem. 177.
§• *■
Sont les matériaux de toutes nos connoif-
fances. /V?/». xoj. 10.
Sont tomes pofltives. idem. iof. §. 1.
Fort différentes de leurs caufes. ibid. §. t. 3.
Solidité, idem. 194. §. 1. Inféparable du corps.
ibid.
Par elle le corps remplit l'efpace. ibid. §. 1.
on en acquiert l'idée par l'attouchement.
ibid.
Comment diftinguée de l'efpace. idem. 19 7.
§. 3. Et de la durée, idem. 158. §. 4.
Soi. Ce qui le conftitue. tom. 1. i$\. §. 17,
334. §. zo. idem. 338. §. 13. 14. 15.
Sow. Ses modes. ?<?/». 1. 91. §. 3.
Stupidité, tom. 1. 150. §. 8.
■Sfibfiance. tom. x. 133. §. 1.
Nous n'en avons aucune idée. ton. 1. 113,
§. 18.
Elle ne peut guère être connue, tom. 3.
311. §. C av.
Notre certitude touchant les fubftances ne
s'étend pas fort loin. tom. 4. 41. §. 7. 58.
§. 15.
Dans les fubftances nous d.evons rectifier !a
fignification de leurs noms par les choies
plutôt que par des définitions. U>m. 3.
a Si. §. 14.
Leurs
DES MATIERES. 3M
Leurs idées font fingulieres ou collectives,
tom. i. i8^>- §. 6.
Nous n'avons point d'idée diftin&e de la
Subjlunce. idm. ij>$. §. 18. 19.
Nous n'avons aucune idée d'une pure fubf-
tance. tom. x. 134. §. x.
Quelles font nos idées des différentes for-
tes de fubftances. idem. 135. § 3.4.^.
Ce qui eftà obferver dans nos idées des
lubftances. idem. 177 §. 37.
Idées collectives des lubltances. idem. i%o.
Sont des idées fingulieres. ibid. § . 1.
Trois fortes de Subftances. idem. 301. §. x»
Les idées des Subfiances ont un double rap-
port dans l'efprit. idem. 4 >j. §: 6.
Les propriétés des Substances font en fort
grand nombre , & ne fauroient être toutes
connues, idem. 411, §. c>. 10.
La plus parfaite idée des Subftances. idem.
Trois fortes d'idées conftituent notre idée
complexe des Subftances. idem. 143 §. 9,
Subtilité. Ce que c'eft. row. 3. né. §. 8.
Succejfion. Idée qui nous vient principalement
par la fuite de nos idées, tom. 1. tpz. §. 9.
tam. x. 6. §. 6.
tt cette fuite d'idées en eft la mefure. idem.
10. §. H.
Syllogisme , n'eft d'aucun fecours pour raifon-
ner. fcw. 4. 1:7. $. 4.
Son ufage. i£/d.
Inconvéniens qu'il produir. ibid.
Il n'eft d'aucun uiage dans les probabilités,
idem. x\6 §. j.
N'aide point à faire de nouvelles découver-
tes, idem. 24-. §. 6.
Ou à avancer nos connoi£ances. idem. 143,
2w»f .IV K
}t$ TABLE
On peut faire des fyllogifmcs fur des chofes
particulières, idem. 2J0. §. 8.
T.
HT1
J. H m eu g nage. Comment fes forces vien-
nent à s'affoibiir. idem. 113. $. 10.
Temple. ( le Chevalier ) conte qu'il fait d'un
perroquet, tom. .311. Ç. 8.
Tcms. Ce que c'efr. idem. 4. Ç. 17.
Il n'eft pas la mefuredu mouvement, idem.
13. $. 11
Le 2e»-7i & le lieu font des portions diftinc-
tes dé la durée &. de l'expanfion infinies.
iditn. 38. §. f. £.
Deux fortes ce **«»*. rWe«, :^. Ç. 6. 7.
Les dénominations prifefi du f«BW font re-
latives, idem, 2., é. 5. 3.
Tolérance nécellaire clans l'état où eft notre
connoi(l?.nce. tom. 4. 205. Ç. 4.
"Le Tout ejl fias grand que fes parties : ufage de
cet axiome, i^ra/. 75. §. u.
Tout & V.rrtic ne font pas des idées innées. /07a»,
1. 104. §. 6.
Tradition. , la plus ancienne eft la moins croya-
ble. ?o»z. 4. 21 3. Ç. 10.
Trifiejfc, ce que c'eit. /«ro. 1. K S. $. 8.
V.
V Ariete' dans les pourfuites des hom-
mes, d'où vient, idem. 1S1. §. 54.
Xtritéj ce que c'eft. ?ow. 4 25. §. x. 5. p. Vé-
rité de penfée. idem. 16. §. 3. 6. De paro-
les, ibid. § 3. Vérité verbale & réelle, idem.
31. §. 8. 9. Morale & métaphyfique. idem.
3.j. §. il. Générale rarement comprife qu'en
tant qu'elle eft exprimée par des paroles.
idem. 3*. $. i.
DES MATIERES. 387
En quoi elle confifte. tom. 3. $6. §. 19.
Vertu Ce que c'eft réellement, tom. 1. 85. §.
18.
Ce que c'eft dans l'application commune de
ce mot. tom. 1 3s S- $■ 10. 11.
La Vertu eft préférable au vice, fuppofé
feulement une fimple pofTibilité d'un état
avenir, idem. îoy. §. 70.
F/re, il confifte dans de faulîes mefures du
bien. tom. 4.. 324. §. \6.
Vijible , le moins viiible. tom. %. 43. §. p.
Unité. Idée qui vient par lenfation & par ré-
flexion, tom. 1. 101 §. 7.
Suggérée pour chaque choie, tom. %. 51. Ç. 1.
Universalité n'eft que dans les lignes, row. 3.
61. §. 11.
Univerfaux , comment faits, tom. 1. zr 6. $. 9.
Volition. Ce que c'eft. fcw. z. 118. §. 5. »«fw.
118. $. 15.
Mieux connue par réflexion que par des
mots. idem. 144. §. 30.
Volontaire. Ce que c'eft. idfe/». 118. §. J. 1*4.
§. 11. idem. 141. §.28.
Volonté. Ce que c'eft. idem. m. §. f. 118. $.
15. ;</«». 143. §. 19. Ce qui détermine la
Volonté, ibid.
Elle eft fouvent confondue arec le defir.
idem. 144.. $. 30.
Elle n'influe que fur nos propres actions,
ibid.
C'eft à elle qu'elle fe termine. *"*fc#;. i6o,
$• 4°-
La Volonté eft déterminée par la plus grande
inquiétude préfente, & capable d'être éloi-
gnée, ibid. §.40.
La Volonté eit la puiflance de vouloir, tom. I,
■9J- §• 1.
F«^. il eft poffible. idem. 302. $. 11.
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5Î* TABLE
Le mouvement prouve \eVuide. idem, jof.
Nous avons une idée ûnVnide. idem. 186.
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