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Full text of "Essai philosophique concernant l'entendement humain : ou l'on montre quelle est l'etendue de nos connoissances certaines, et la maniere dont nous y parvenons"

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BIBLIOTHECA 


S&<*l¥l&l«SïS 


ESSAI 

PHILOSOPHIQUE 

CONCERNANT 

L'ENTENDEMENT 

HUMAIN. 

TOME    QUATRIEME. 


ESSAI 

.  PHILOSOPHIQUE 

CONCERNANT 

L'ENTENDEMENT 

HUMAI  N, 

0  TJ   l'o  N    MONTRE 

Ouelle  eft  l'étendus  de  nos  connoiffances  certai- 
nes ,  &  la  manière  dont  nous  y  parvenons. 

par    M.    LOCK  E. 

•      Traduit  de  VJngWis  par  M.  COSTE- 

NOUVELLE   ÉDITION, 

Revue,  corrigée  &  augmentée  de  quelques  Addiiions 
irapor.a:',tes  de  l'Auteur,  qui  n'ont  paru  qu'après  fa 
mort ,  •&  de  plufiçurs  Remarquesdu  Traductenr ,  dont 
quelques-unes  paroiflent  pour  la  première  fois  dans 
cette  Édition. 

Quàm  btllum  eft  vtllt  cor.fitsrl  potihs  nefeire  quodnef- 
cias ,  quàm  ifta  tfutienicm  naufeare ,  atque  ipfumfibi 
difpîiarè!  Cic.  de  Nat.  Deor.  Lib.  I. 

-    TOME    QUATRIEME. 


A  AMSTERDAM^ 

AUX     DÉPENS   DE  LA    COMPAONH. 

a^mu — =ggg^! —      '-gg* 

Mt      D  CC,      L  X  X  IV»    . 


TABLE 

DES     CHAPITRES. 


TOME     IV. 


«Chap.    I  V.   TT*\  E  la  réalité  de  notre 

U  JJ  Connoijfance.       Pag.  I 
V.  De  la  Vérité  en  général.  a  5 

,VI.  Des  Propojitions  univerfelles  ,  de 
leur  Vérité  &  de  leur  Certitude,  3  6 

VII.  Des    Propojitions  qu'on  nomme 
Maximes  ou  Axiomes.  61 

VIII.  Des  Propojitions  frivoles.  99 

IX.  De  la  Connoijfance  que  nous  avons 

de  notre  exiflence.  1 1 7 

X.  De  la  Connoijfance  que  nous  avons 

de  V exiflence  de  Dieu.  119 

XI.  De  la  Connoijfance  que  nous  avons 

de  V exiflence  des  a  •  rti  es  chofes.  1 46 

XII.  Des  Moyens   d'augmenter  notre 
Connoijfance.  1 64 

XIII.  Autres  Confldérations  fur  notre 
Connoijfance.  186 

XIV.  Du  Jugement.  ioo 

XV.  De  la  Probabilité.  194 

XVI.  Des  Degrés  d'aj/èntiment,  2.01 

XVII.  De  la  Raifon.  114 


TABLE. 

XVIIL  De  la  Foi  &  de  la  Raifort  ; 

&  de  leurs  bornes  difUncles*  16& 

XIX.  De  VEnthouJiafme.  283 

XX.  De  V Erreur.  303 

XXI.  De  la  Divifion  des  Sùcnces.  32? 


a 


ESSAI 


2 


^^^^^^g^g'gg^^sggg^ggg^a 


ESSAI 

PHILOSOPHIQUE 

CûNCER N  AN  T 

L'ENTENDEMENT  HUMAIN. 
SUITE    DU  LIVRE   IV. 

CHAPITRE      IV. 

—  "    ■  i  i    '  «m 

De  la  Réalité  de  notre  Connoijfance. 


$.   I.    Je   ne    doute  point   qu'à    préfent  ChAP*  lY' 
il     ne   puifîe  venir    dans   l'efprit  de    mon      0biea'on: 

-,     r,  •  -,  •  ■„*•-...  Si  notre  con- 

Lecteur     que     je     nai    travaille    jufquici  noiffance  eft 

qu'à  bâtir  un  chârcau  en  l'air  ,  &  qu'il  ne  placée    dans 

foit  tenté  de  me  dire ,  »  A  quoi  bon  tout  cet  "ne    eut' 

»  étalage  de  raifonnemens  ?  La  ConnoifTan-  être  toute 

»  ce,  dites-vous,  n'eft  autre  chofe  que  la  chim»ntIu«» 
»  perception   de  la  convenance    ou   de   la 
»  difeonvenance    de    nos    propres     idées. 
»  Mais    qui  fait  ce  que  peuvent  être  ces 
Tome  IV,                           A 


1  De  la  Réalité  de  notre 

*■* j  n  idées  ?  Y  a-t-i!  rien  de  fî  extravagant  que 

Chap.   IV.))  les  inuginations  qui  fe  forment  dans   le 

»  cerveau  des  hommes  ?  Où  efr  celui  qui 

»  n'a  pas  quelque  chimère  dans  la  tête  ?  Et 

x>  s'il  y  a  un  homme  d'un  fens  raffis  &  d'un 

»  jugement  tout-à-fait  folide  ,  quelle  diffé- 

»  rence  yaura-t-il,  en  vertu  de  vos  Règles  , 

v  entre  la  connoifiance  d'un  tel  homme  ,  & 

»  celle   de   l'efprit  le  plus    extravagant  du 

»  monde  ?   Ils  ont  tous  deux  leurs   idées  , 

»  &  apperçoivent  tous  deux  la  convenance 

»  ou  la  difeonvenance  qui  efr  entr'elles.  Si 

»  ces  idées  différent  par  quelque  endroit  , 

»  tout  l'avantage  fera  du  côté  de  celui  qui 

»  a  l'imagination  la  plus   échauffée ,  parce 

»  qu  il  a  des  idées  plus  vives  &   en  plus 

»  grand  nombre  ;  de  forte   que  félon  vos 

»  propres  Règles  il  aura  auffi  plus  de  con- 

»  noiffance.  S'il  efr  vrai  que  toute  la  con- 

»  noiffance    confifte    uniquement  dans    la 

j>  perception  de  la  convenance  ou  de  la  dif- 

*>  convenance  de  nos  propres  idées,  il  y  aura 

x>  autant   de  certitude  dans  les  vifions  d'un 

»  EnthoufiafTe  que  dans  les   raifennemens 

»  d'un  homme  de  bon  fens.  11   n'importe 

»  ce  que  les  chofes  font  en  elles-mêmes  , 

}>  pourvu  qu'un   hemme  obferve  la  conve- 

>>  nance  de  fes  propres  imaginations  &  qu'il 

»  parle  conféquemment  ;  ce  qu'il  dit  efr  cer- 

»  tain  ,   c'eû  la  vérité  toute  pure.  Tous  ces 

»  châteaux  taris  en  l'air  feront  d'aufû  fertes 

»  retraites  de  la  Vérité  que  les  Démcnftra- 

2»  tions  d'Luclidc.  A  ce  compte,  dire  qu'une 


Connoijfance.  Liv.  IV. 


fi  harpie  n'efl:  pas  un  centaure  ,  c'eft  aufïi-  = 


»  bien  une  connoiifance  certaine  6z  une  vé-  Chap.    I  Y. 
»  rite ,   que  de  dire  qu'un  quarré  n'eft  pas 
»  un  cercle. 

»  Mais  de  quel  ufage  fera  toute  cette 
»  belle  connoifknce  des  imaginations  des 
»  hommes,  à  celui  qui  cherche  a  s'infiruire 
»  de  la  réalité  des  choies  ?  Qu'importe  de 
»  favoir  ce  que  font  les  fantaifies  des 
»  hommes  ?  Ce  n'eft  que  la  connciffance 
«  des  chofes  qu'on  d(  it  eftimer,  c'eft  cela 
»  feul  qui  donne  du  prix  à  nos  raifonne- 
»  mens ,  &  qui  fait  préférer  13  connoiifan- 
»  ce  d'un  homme  à  celle  d'un  autre ,  je  veux 
»  dire  la  connoiilance  de  ce  que  les  chofes 
»  font  réellement  en  elles-mêmes ,  &  non 
»  une  connoiiîance  de  fonges  &  de  vifions. 

$.  1.  A  cela  je  réponds:  Que  fi  la  con-     Réponfe: 
noiifance-que  nous  avons  de  nos  idées  ,  Ce  Notre    con- 

■\>r  >'        j  '        noiffance 

termine    a    ces    idées    lans  s  étendre  pius  n.eft       ^.m 
avant  lorfqu'on  fe  propofe    quelque    choie  mérique , 
de   plus  ,   nos    plus  féneufes    penfées    ne  P"^1.'*    °" 
feront  pas  d'un  beaucoup  plus  grand  ufage  s'accordent 
que  les  rêveries  d'un  cerveau  déréglé  ;  &  avec  les 
que  les  vérkés  fondées  fur  cette  connoif-  cnoIes' 
fance  ne  feront  pas  d'un  plus  grand  poids 
que  les  difcours  d  un  homme  qui  voit  clai- 
rement les  chofes  en  fonge ,   &  les  débite 
avec  une  extrême    confiance.   Mais  ,  avant 
que  de  finir,  j'efpere  montrer  évidemment 
que  cette    voie   d'acquérir  de  la    ceni'ude 
par  la  connoiiFance  de  nos  propres  idées  , 
renferme    quelque  chofe    de   plus    qu'une 

A  a 


'4  De  la  Réalité  de  notre 

~  — a  pure  imagination  ;   &  en    même   tems   il 

Chap,  iV.paroiira,  à  mon  avis,  que  toute  la  cer- 
titude qu'on  a  des  vérités  générales ,  ne  ren- 
ferme effectivement  autre  chofe. 

§.  3.  Jl  eft  évident  que  l  efprit  ne  con- 
noit  pas  les  chofes  immédiatement  ,  mais 
feulement  par  l'intervention  des  idées  qu'il 
en  a.  Et  par  conféquent  notre  connoiflance 
11'eft  réelle,  qu'autant  qu'il  y  a  de  la  con- 
formité entre  nos  idées  &  la  réalité  des 
chofes.  Mais ,  quel  fera  ici  notre  Critcrion  ? 
Comment  l'efprit  qui  n'apperçoit  rien  que 
fes  propres  idées  ,  connoîtra-t-il  qu'elles 
conviennent  avec  les  chofes  mêmes?  Quoi- 
que cela  ne  femble  pas  exempt  de  difficulté, 
je  crois  pourtant  qu'il  y  a  deux  fortes 
d'idées  dont  nous  pouvons  être  affûtés  qu'elles 
font  conformes  aux  chofes. 
Et  premié-  $.  4.  Les  premières  font  les  idées  fim- 
rement ,  de  „/r5  •  car  pUifqUe  l'efprit  ne  fauroit  en  au- 
ce  nombre      *  ■  r    ,        c  -    \    ■  * 

l'ont  toutes  cune  manière  le  les  former  a  lui  -  même , 
ïes  idées  fim-  comme  nous  l'avons  fait  voir  ,  il  faut  né- 
p  ceffairement    qu'elles    foient  produites  par 

des  chofes  qui  agiffent  naturellement  fur  l'ef- 
prit &  y  falfent  naître  les  perceptions  aux- 
quelles elles  font  appropriées  par  la  fageffe 
&  la  volonté  de  celui  qui  nous  a  faits.  Il 
s'enfuit  de-îà  que  les  idées  fimples  ne  font 
pas  des  fictions  de  notre  propre  imagination  , 
mais  des  productions  naturelles  ce  régulières 
de  chofes  édifiantes  hors  de  nous  ,  oui  opè- 
rent réellement  fur  nous;  &  qu:ainfi  elles 
ont  .toute  la    conformité  à  quoi. elles   font 


Conr.oijfance.  Liv.  IV  % 

deftinées  ,   ou  que    notre   état   exige  :  car — s 

elles  nous  repréfentent  les  chofes  fous  les  Chap.  I V. 
apparences  que  les  chofes  font  capables  de 
produire  en  nous ,  par  où  nous  devenons 
capables  nous-mêmes  de  diftinguer  les  Ef- 
peces  des  Subftances  particulières  ,  de  dis- 
cerner l'état  où  elles  fe  trouvent ,  &  par 
ce  moyen  de  les  appliquer  à  notre  ufage. 
Ainfi  l'idée  de  blancheur  ou  d'amertume  , 
telle  qu'elle  eft  dans  l'efprit ,  étant  exacte- 
ment conforme  à  la  puilfance  qui  eft  dans 
un  corps  d'y  produire  une  telle  idée  ,  a 
toute  la  conformité  réelle  qu'elle  peut  ou 
doit  avoir  avec  les  chofes  qui  exiftent  hors 
de  nous.  Et  cette  conformité  qui  fe  trouve 
entre  nos  idées  fimples  &  l'exiitence  des 
chofes,  fuffit  pour  nous  donner  une  con- 
noifTance  réelle. 

§.   5.  En  fécond  lieu  ,    toutes  nos  idées      Seconde- 
complexes  ,  excepté  celles  des   fubftances  ,  ment  :  Tou- 
étant  des  Archétypes  que  l'efprit  a  formés  tes  le.s  ldecs 

1    •        *  vi       1  j    a-     /    ^    *  1       complexes, 

lui-même,  quil   na  pas  défîmes  a  être  des  exCepté  cel- 
copies  de  quoi  que  ce  foit  ,  ni  rapportés  à  les  des  fubC 
l'exiftence  d'aucune  chofe  comme  à  leurs  tances* 
originaux ,   elles  ne  peuvent   manquer  d'a- 
voir  toute  la   conformité  néceffaire  à  une 
connoiffance  réelle.    Car  ce   qui   n'eft   pas 
deftiné  à  repréfenter  autre  chofe  que  foi- 
même,  ne   peut  être  capable  d'une  fauffe 
repréfentation,  ni  nous  éloigner  de  la  jufte 
conception  d'aucune  chofe  par  fa  difTemblan- 
ce  d'avec  elle.  Or  ,   excepté    les  idées  des 
Subftances,  telles  font  nos  idées  complexes 

A3 


6  De  la  Réalité  de  notre 

i —  j  qui  ,  comme  j'si  fait  voir  ailleurs,  font  des 

Chap.   IV.  combînaifons  d'idées  que  l'efprit  joint  en- 
femble  p^r  un  libre  choix,   fans  examiner 
fi  des  ont  aucune  li.ifon    d.ns  la  nature. 
De  là  vient  que  toutes  les  id.es  de  cet  or- 
dre   font    elles  mêmes    conlidérées   comme 
des  Archétypes:  6c  les  chofes  ne  font  con- 
fia érées  qu'en   tant  qu'elles  y  font  confor- 
mes. De  (or'e  que  nous  ne  pouvons  qu!être 
infailliblement  allures  quj  toute  notre  con- 
noifTance  tuuchant  ces  idées  eir  réelle,  6c 
s'étend   ~ux   choies    même ,   p.  rce    que  , 
.dans  tuutcs  nos  penfées,  6c  dans  tous  nos 
raifoopemens   &   dans    tous    nos  difcours 
fur  ces  fortes  d'idées  ,  nous  n'avons  def- 
fein    de  coniidérer    les     choies    qu'autant 
qu'elles  font  conformes  à  nos  idées  ;  &  par 
coniéquent  nous  ne  pouvons  manquer  d'at- 
traper fur  ce  fujet  une  réalité  certaine  & 
ïiiuuuîîable. 
Ceft     fur       £,    6.    Je   fuis  afTuré  qu'on  m'accordera 
fo  dée<I'î      *"ans   Peme  tîue   ^a  conneilfance    que  nous 
réalité  des      pouvons  avoir  des  Vérités  Mathématiques  , 
co:,noiflan-     neft  pas  feulement  une  connoiffance  cer- 

ces      Mathc-       •  •        j  u  r     . 

manques,  taine,  mais  réelle  ,  que  ce  ne  lont  point 
de  fimples  vifions  ,  &  des  chimères  d'un 
cerveau  fertile  en  imaginations  frivoles. 
Cependant ,  à  bien  confidérer  la  chofe  , 
nous  trouverons  que  toute  cette  connoif- 
fance roule  uniquement  fur  nos  propres 
idées.  Le  Mathématicien  examine  la  vérité 
6c  les  propriétés  qui  appartiennent  à  un 
jReciangle  ou  à  un  Cercle  ,  à  les  confidérer 


Connoijfance.  Liv.  IV.  7 

feulement  tels  qu'ils   font  en  idée  dans  fon  -  -"     -  "  - 
efprit  ;  car  peut-être  n'a-t-il  jamais  trouvé  Chap'      y* 
en  fa  vie  aucune  de  ces  figures  ,  qui  foient 
mathématiquement  ,   c'eft-a-dire  ,   précifé- 
ment  &  exactement  véritables.  Ce  qui  n'em= 
pêche  po  rtant  pus  que  la  connouTance  qu'il 
a  de  quelque  vériré  ou  de  quelque  propriété 
que  ce  foit,  qui  appartiennent  au  Cercle  ou  à 
toute  autre  figure  Mathématique  ,   ne  foit 
véritable  &  certaine,  même  à  l'égard  des 
chofes  réellement  exifhntes;  parce  que  les 
chofes  réelles  n'entrent  dans  ces  fortes  de 
Propofitions,  &  n'y  font  confidérées  qu'autant 
qu'elles  conviennent  réellement  avec  les  Ar- 
chétypes qui  font  dans  l'efprit  du  Mathé- 
maticien. Efr-il  vrai  de  l'idée  du  Triangle 
que  fes  trois    Angles    font    égaux  à  deux 
droits  ?  La  même  chofe  eu  auffi  véritable 
d'un   Triangle  ,   en    quelque  endroit    qu'il 
exifte  réellement.  Mais  que  toute  autre  fi- 
gure  actuellement  exiftante  ,  ne    foit  pas 
exactement  conforme  à  l'idée  du   Triangle 
qu'il  a    dans  l'efprit ,  elle    n'a   abfolument 
rien  à  démêler   avec   cette   Propofition.  Et 
par   conféquent  le  Mathématicien  voit  cer- 
tainement que  toute    fa  connoiffance  tou- 
chant   ces  fortes  d'idées   eft  réelle  ;   parce 
que   ne    confidérant     les  chofes    qu'autant 
qu'elles  conviennent  avec  ces  idées  qu'il  a 
dans  l'efprit,  il  eft  affuré,  que  tout  ce  qu'il 
fait  fur  ces  figures  ,  lorfqu'elles  n'ont  qu'- 
une exiftence   idéale  dans  fon    efprit  ,    fe 
trouvera  auflî  véritable  à  l'égard  de  ces  mê- 

A4 


8  Dt  la.  Txéalitê  de  no<rt 

\  —  mes  figures  ,  fi  elles  viennent  à  exifier  i. 

Chap.  IV.  lemenc  dans  la  Matière:  fes  réflexions  ne 
tombent  que  fur  ces  figures  ,  qui  font  les 
mêmes  ,  cù  qu'elles  exjilent ,  &  de  quel- 
que manière  qu'elles  exiftent. 

lit!  descon-       $*   7'    Ils  s'enuair  û'e  là  Mue  la  connoif- 
noifTances      fance  des  Ve'rités  morales  eu  auffi  capable 
morales.        d'une  certitude  réelle  que  celle  des  Vérités 
mathématiques  ;  car  la  certitude  n'étant  que 
la  perception  de  la    convenance  ou  de  la 
difeonvenance  de  nos  idées;  &  la  Démons- 
tration n'étant  autre  chofe   que  la  percep- 
tion de  cette  convenance  par  l'intervention 
d'autres  idées  moyennes  ;  comme  nos  idées 
morales  font  elles  -  mêmes  des  Archétypes 
auffi-bien  que  les  idées  mathématiques ,   ck 
qu'ainiî  ce  font  des  idées  complettes;  toute 
la  convenance  ou  la  difeonvenance  que  nous 
découvrirons  entr'elles  produira  une  connoif- 
fance   réelle  auffi-bien  que  dans   les  figures 
mathématiques. 
L'exiften-         x     8>    pour   nr/eù*  à   la   Connoiffance 
ce  n  elt  pas  y  r  m 

requife  pour  &  la    certitude  ,.  il  eu   necenaixe  que  nous 
rendre  cette  ayons  des  idées  déterminées  :  &  pour  faire 

connoifiance  ■  rr  r.  •        i  n.         »t  e 

réelle.  que  notre    connomance  loit   réelle,   il  faut 

que  nos  idées  répondent  à  leurs  Archéty- 
pes. Du  refte  ,  l'on  ne  doit  pas  trouver 
étrange  ,  que  je  place  la  certitude  de  notre 
connoiffance  dans  la  confidération  de  nos 
idées ,  fans  me  mettre  fort  en  peine  (  à  ce 
qu'il  femble  )  de  l'exiftence  réelle  des  cho- 
fes  ;  puifqu'après  y  avoir  bien  penfé  ,  l'on 
trouvera,  fi  je  ne  me  trompe,  que  la  plu-; 


Connoiffance.  Liv.  IV.  9 

part   des  difcours  fur    lefque's  roulent   les 
penfées  &  les  difputes  de  ceux  qui  précen-  Chai"      v" 
dent  ne  fonger   a  autre   choie  qu'a  la  re- 
cherche de  la  Vérité   &  de    la  Certitude  , 
ne  font  effectivement  que  des  propofitions 
générales  &  des  notions  auxquelles  l'exiften- 
ce  n'a  aucune  part.  ,Tous  les  difcours  des 
Mathématiciens  fur  la  Quadrature  du  Cer- 
cle,  fur  les  Serions  Coniques,  ou  fur  toute 
autre  partie  des  Mathématiques  ,  ne  regar- 
dent point    du  tout  l'exiftence  d'aucune  de 
ces  figures.  Les  Démonftrations  qu'ils  font 
fur   cela ,  &  qui  dépendent  de3  idées  qu'ils 
ont  dans  l'efprit ,  font  les  mêmes ,  foit  qu'il 
y  ait  un  Quarré  ou  un  Cercle  actuellement 
exiftânt  dans  le  monde  ou  qu'il  n'y  en  ait 
point.   De  même,   la  vérité  &  la  certitude 
des  difcours  de  Morale  eft  confédérée  in- 
dépendamment de   la    vie  des   hommes  & 
de  l'exiftence  que  les  Vertus  dont  ils  trai- 
tent,  ont   actuellement  dans   le  monde  ;& 
les   Offices  de   Ciceron  ne   font  pa3  moins 
conformes  à  la  Vérité  ,    parce  qu'il  n'y   a 
perfonne  dans  le  monde   qui  en  pratique 
exactement  les  maximes ,  qui  règle  ù   vie 
fur  le  modèle  d'un  homme  de  bien  tel  que 
Ciceron  nous  l'a  dépeint  dans  cet  ouvrage  , 
&  qui    n'exiftoit  qu'en  idée  lorfqu'il   écri- 
voit.    S'il  elt    vrai    dans   la  fpéculation  , 
c'eft  à-dire,  en  idée  que  le  meurtre  mérite 
ta  mort  y  il  le  fera  auffi  à  l'égard  de  toute 
action  réelle  qui  eft  conforme  à  cette  idée 
de  Meurtre,  Quant  aux  autres  actions  ,  la 

A.  S 


io  De  la  Réalité  de  notre 

vérité  de  cette  propofition  ne  les  touche  en 
•  tHAr-  l1  V.  aucune  manière.  Il  en  cft  de  même  de  tou- 
tes les  autres  efpcces  de  chofes  qui  n'ont 
point  d'autre  elîence  que  les  idées  mêmes 
qui  font  dans  l'efprit  des  hommes, 
noiflance  $•  9*  Mais,  dira-t-on,  fi  la  connoiflance 

n'eft  pas  morale  ne  confifte  que  dans  la  contempla- 
moms  venta-  tjon  fe  nos  propres  idées  morales  ;  &  que 
ble  oucer-  .'  r     r  >         n 

taine,  parce  ces  idées  ,  comme  celles  des  autres  Modes 
«jue  les  idées  foient  de  notre  propre  invention  ,  quelle 
de  Morale         /.  ■  j     1       r   a-      a, 

/ont  de  notre  etrange  notion  aurons-nous  de  la  Jujtice  <Sc 

propre  in-  de  la  Tempérance  ?  Quelle  confufion  entre 
vention  ,  &  |es  Vertus  &  les  Vices ,  fi  chacun  peut  s'en 

que  c  eft nous  r  11       -j/  A   1    •      1  : \   «       > 

qui  leur  don-  *orrner  telles  idées  qu  il  lui  plaira  ?   Il  n  y 

onsdes  aura  pasplus  de  confufion  ou  de  défordre  dans 
noms,  jes  c^0fes  mêmes  ,  &  dans  les  raifonnemens 

qu'on  fera  fur  leur  fujet ,  que  dans  les  Ma- 
thématiques il   arriverait  du  défordre  dans 
les  Démonfliations,  ou  du  changement  dans 
les  Propriétés  des  figures  &  dans  les  rapports 
que  l'une  a  avec  l'autre,  fi   un  homme  fai- 
feit  un    Triangle  à  quatre  coins  ,    &   un 
Trapèze  à  quatre  Angles  droits;  c'elr-à-dire 
en  bon  François  ,   s'il  changeoit  les    noms 
des  figures ,  &    qu'il   appellât   d'un  certain 
nom  ce  que   les  Mathématiciens  appellent 
d'un    autre.   Car  qu'un    homme    fe  forme 
l'idée  d'une  figure  à  trois  angles  dont  l'un 
foit  droit  ,    &    qu'il    l'appelle,  s'il    veut  , 
Equilative  ou  Trapèze,  ou  de  quelque  autre 
nom,  les  propriétés  de  cette  idée  6v  les  Dé- 
monstrations qu'il  fera  fur  fon  fujet ,  feront 
les  mêmes  que  s'il  l'appelloit  Triangle  lUc* 


Connoiffance.  Liv.  IV.  1 1 

tande.  J'avoue  que  ce  changement  de  nom,  ^ --f -' 

contraire  à  la  propriété  du  langage  ,  trou- 
blera d'abord  celui  qui  ne  fait  pas  quelle 
idée  ce  nom  fignifie  ;  mais  dès  que  la  figure 
eft  tracée,  les  conféquences font  évidentes, 
&  la  Démonftration  paroît  clairement.  Il 
en  eft  juftement  de  même  à  l'égard  des  con- 
noiflances  morales.  Par  exemple  f  qu'un 
homme  ait  l'idée  d'une  action  qui  confifte 
à  prendre  aux  autres  fans  leur  confente- 
ment  ce  qu'une  honnête  induftrie  leur  a 
fait  gagner,  &  qu'il  lui  donne,  s'il  veut  , 
le  nom  de  Juftice ,  quiconque  prendra  ici 
le  nom  fans  l'idée  qui  y  eft  attachée,  s'éga- 
rera infailliblement  ,  en  y  attachant  une 
autre  idée  de  fa  façon.  Mais  féparez  l'idée 
d'avec  le  nom  ,  prenez  le  nom  tel  qu'il  eft 
dans  la  bouche  de  celui  qui  s'en  fert  ,  & 
vous  trouverez  que  les  mêmes  chofes  con- 
viennent à  cette  idée  qui  lui  conviendront  fi 
vous  l'appeliez  injufiice.  A  la  vérité  ,  les 
noms  impropres  caufent  ordinairement  plus 
de  défordre  dans  les  difcours  de  Morale  , 
parce  qu'il  n'eft  pis  fi  facile  de  les  rectifier 
que  d:ns  les  Mathématiques ,  où  la  figure  , 
une  fois  tracée  &  expofée  aux  yeux  ,  fait 
que  le  mot  eft  inutile  ,  &  n'a  aucune  force  ; 
car  qu'eft-il  befcin  de  figne  lorfque  la  chofe 
fignifiée  eft  préfente  ?  Mais  dans  les  termes 
de  Morale  ,  on  ne  fauroit  faire  cela  fi  aifé- 
ment,  ni  fi  promptement  ,  à  caufe  de  tanc 
de  compofitions  compliquées  qui  conftituent 
les  idées  complexes  de  ces  Modes.  Cepen* 

A  6 


1%  De  la  Réalité  de  notre 

•»"  ■»■■"  '■  =  dant  qu'on  vienne  à  nommer  quelqu'une  de 
Gh^p.  1  Y.  ces  idées  d'une  manière  contraire  à  la  fi- 
gnification  que  les  mots  ont  ordinairement 
dans  cette  Langue  ,  cela  n'empêchera  point 
que  nous  ne  publions  avoir  une  connoif- 
fance  certaine  &  démonfirative  de  leurs  di- 
verfes  convenances  ou  difeonvenances  ,.  fi- 
nous  avons  le  foin  de  nous  tenir  conftam- 
ment  aux  mêmes  idées  précifes  ,  comme 
dans  les  Mathématiques  ,  &.  que  nous  fui- 
vions  ces  idées  dans  les  différentes  relations, 
qu'elles  ont  l'une  à  l'autre  fans  que  leurs, 
noms  nous  fa/ïent  jamais  prendre  le  change. 
Si  nous  féparons  une  fois  l'idée  en  queftion 
d'avec  le  figne  qui  tient  fa  place  y  notre 
ConnoifTance  tend  également  à.  la  décou- 
verte d'une  vérité  réelle  &  certaine ,  quels, 
que  foient  les   fons  dont  nous  nous    fer.— 

„  vions. 

Des  noms-       ,  ..  ,     .    v  , 

ïnal  impo(és       y-  10.  Une  autre  cnole  a  quoi  nous  ds- 
ne  confon-     vons  prendre  garde  ,  c'eft  que  Iorfque  Dieu 
ceîtkudéntd3  ou  quelqu'aurre  Légiflateur  ont  défini  cer- 
iiotre  con-     tains  termes  de  Morale ,  ils  ont  établi  par.— 
Noiiîance.      là  l'effence  de  cette  efpece  à  laquelle    ce 
nom  appartient  ;  &  il  y  a  du  danger,  après 
cela  ,  de  l'appliquer  ou  de  s'en,  fervir  dans 
un   autre  fens.  Mais  en  d'autres  rencontres 
c'efi  une  pure   impropriété  de  langage  que 
d'employer  ces.  termes  de  Morale  d'une  mi- 
nière contraire  à  l'ufage  ordinaire  du  pays. 
Cependant  cela  même  ne  trouble,  point  la 
certitude  de  la  connoiffance  ,    qu'on   peut 
toujours  acquérir ,  par  une  légitime  confia 


ConnoiJfance.Llv.ïV.  13 

dération  &  par  une  exacte  comparaifon  de  ^ 

ces  idées ,  quelques  noms  bifarres  qu'on  leur  Chap«    W* 
donne. 

G.    11.   En  troifieme  lieu,   il  y  a  une     Les  idées 

y      r  ...  ■/  ,  •    /•  des     nibftan- 

autre  lotte   d  idées  complexes  qui  le  rap-  ces  ont  leurs 
portant  à  des  Archétypes  qui  exifïent  hors  Archétypes 
de  nous,  peuvent  en  être   différentes;   &  hors deaous^ 
ainfi  notre  connoiffance  touchant  ces  idées 
peut  m  mquer  d'être  réelle.  Telles  font  nos 
idées    des  Subftances ,    qui  confïitant  dans 
une  colle&ion  d'idées  fimples  ,  qu'on  fuppofe 
déduites  des  Ouvrages  de  la  Nature  ,   peu- 
vent pourtant  être  différentes  de    ces  Ar- 
chétypes ,   dès-là  qu'elles  renferment  plus 
d'idées  ou  d'autres  idées  que  celles   qu'on 
peut  trouver  unies  dans  les    chofes  même. 
D'où   il  arrive  qu'elles  peuvent   manquer  3 
&  qu'en  effet  elles  manquent  d'être  exac- 
tement conformes  aux  chofes  même.- 

$.   ia.  Je  dis  donc  que  pour  avoir  des  nosu^^squs" 
idées  des  Subftances  qui   étant  conformes  conviennent 
aux  chofes  puiffenr  nous  fournir  une  con-  a^c  ces  Ar° 
noiflance  réelle,   il  ne  fuffit  pas  de  joindre aiitant^no'tre 
enfemble  ,  ainfi  que  dans  les  Modes ,  des  connoifl'ance 
idées  qui  ne  foient  pas  incompatibles  ,  quoi- e"  r^eIle' 
qu'elles  n'aient  jamais  exifté  auparavant  de 
cette  manière,  comme  font   par  exemple, 
les  idées  de  Sacrilège  ou  de  Parjure ,  &c. 
qui  étoient  aufïi  véritables  &  au/fi  réelles 
avant  qu'après  l'exiftence  d'aucune  telle  ac- 
tion. Il  en  eft ,  dis-je ,.  tout  autrement  à 
l'égard  de  nos   idées  des   Subftances  ;    car 
«elles-ci  éxam  regardées  comme  des  copies- 


14  De  la  Réalité de  notre 

—  qui  doivent  repréfenter  des  Archétypes  exif- 
ViiAP.  IV.  tans  hors  je  nous  }  elles  doivent  être  tou- 
jours formées  fur  quelque  chofe  qui  exifte 
ou  qui  ait  exifté,  &  il  ne  faut  pas  qu'el- 
les foient  compofées  d'idées  que  notre  ef- 
prit  joigne  arbitrairement  enfemble  fans 
fuivre  aucun  modèle  réel  d'où  elle*  aient 
été  déduites  ,  quoique  nous  ne  puiffions  ap- 
percevoir  aucune  incompatibilité  dans  une 
telle  combin?ifon.  La  raifon  de  cela  eft  , 
que  ne  fâchant  pas  quelle  eft  la  conftitu- 
tion  réelle  des  Subftances  d'où  dépendent 
nos  idées  hmples  ,  &  qui  eft  effectivement 
la  caufe  de  ce  que  quelques-unes  d'elles  font 
étroitement  liées  enfemble  dans  un  même 
fujet ,  &  que  d'autres  en  font  exclues  ;  il 
y  en  a  fort  peu  dont  nous  puifiions  affurer 
■qu'elles  peuvent  ou  ne  peuvent  pas  exifter 
enfemble  dans  la  nature ,  au-delà  de  ce 
qui  paroît  par  l'expérience  &  par  des  ob- 
fervations  fenfibles.  Par  conféquent  toute 
la  réalité  de  la  connoiffance  que  nous  avons 
des  Subftances  eft  fondée  fur  ceci  :  Que 
toutes  nos  idées  complexes  des  Subftances 
doivent  être  telles  qu'elles  foient  unique- 
ment compofées  d'idées  fimples  qu'on  ait 
reconnu  co-exifter  dans  la  nature.  Jufques- 
là  nos  idées  font  véritables ,  &  quoiqu'elles 
ne  foient  peut-être  pas  des  copies  fort 
^xacles  des  Subftances,  elles  -ne  laiffent  pour- 
tant pas  d'être  les  fujets  de  la  connoiffance 
réelle  que  nous  avons  des  Subftances  : 
.connoiftance   qu'on  trouvera  ne  s'étendre 


Connoijfance.  Liv.  IV.  1 $ 

pas  fort  loin  ,  comme  je  l'ai  déjà  montré'.  -  S  3 

Mais  ce  fera  toujours  une  connoiflance  réel-  Chap»  * ■  »* 
le  ,  aufli  loin  qu'elle  pourra  s'étendre.  Quel- 
ques idées  que  nous  ayons,  la  convenance 
que  nous  trouvons  qu'elles  ont  avec  d'au- 
tres, fera  toujours  un  fujet  de  connoiflan- 
ce. Si  ces  idées  font  abftraites,  la  connoif- 
fance  fera  générale.  Mais  pour  la  rendre 
réelle  par  rapport  aux  Subftances,  les  idées 
doivent  être  déduites  de  l'exiftence  réelle 
des  chofes.  Quelques  idées  fimples  qui  aient 
été  trouvées  coexifîer  dans  une  Subftance  3 
nous  pouvons  les  joindre  hardiment  enfera- 
ble  ,  &  former  ainfi  des  idées  abftraites  des 
Subftances.  Car  tout  ce  qui  a  été  une  fois 
uni  dans  la  nature,  peut  l'être  encore. 

§.   13.  Si  nous  confidérions  bien    cela,     Dans  nos 
&  que  nous  ne  bornafïions  pas  nos  pen-  recherches 
fées  &  nos  idées  abftraites  à  des  noms  com-  ta'nCeess  noUg 
me  s'il   n'y  avoit  ,  ou   ne  pouvoit  y  avoir  devons  con- 
d'autres  efpeces  de   chofes  que   celles  que  fld5rer  les 
les  noms  connus  ont  déjà  déterminées,  &  pas borner 
pour  ainh  dire  ,  produites  ,  nous  penferions  nospenfées 
aux  chofes  mêmes  d'une  manière  beaucoup  a  °e,sn°ms» 

r  ou  a    des  ef- 

plus  libre  &    moins  connue  que  nous  ne  peces  qu'on 
faifons.   Si  je  difois  de   certains  Imbécilles  f«pp°fe  éta- 

t  c  j  1     blies  par  des 

qui  ont  vécu  quarante  ans  ians  donner  le  noms 
moindre  figne  de  raifon  ,  que  c'eft  quelque 
chofe  qui  tient  le  milieu  entre  l'homme 
&  la  bête ,  cela  pafleroit  peut-être  pour  un 
paradoxe  bien  hardi  ,  ou  même  pour  une 
faufleté  d'un  très-dangereufe  conféquence  ; 
&  cela  en  vertu  d'un  préjugé  7  qui  n'eft  fou^ 


16*  Delà  "Réalité de  notre 

dé  fur  autre  chofc  que  fur  cette  fauffe  fup^ 
Chap.    I V.  pofition  ,  que    ces  deux  noms  Homme  & 
béte  y  fignifient  des    Efpeces    diftincres ,  fi 
bien  marquées  par  des    Eifences   réelles  9 
que  nulle  autre  Efpece  ne  peut  intervenir 
entr'elles  ;  au  lieu  quefi  nous  voulons  faire 
abf  hraclion  de  ces  noms ,  &  renoncer  à  la 
fuppofition   de    ces  effences    fpécinques  t 
établies  par  la  Nature,  auxquelles  toutes  les 
chofes  de  la   même  dénomination  partici- 
pent exactement  &  avec  une  entière  égalité: 
fi ,  dis-je ,  nous  ne  voulons  pas  nous  figu- 
rer qu'il  y  ait  un  certain  nombre  précis  de 
ces  effences  fur  lefquelles  toutes  les  chofes 
aient  été  formées  &  comme  jettées  au  mou- 
le ,  nous  trouverons  que  l'idée  de  la  figure , 
du  mouvement   &  de  la  vie   d'un  homme 
deftitué  de  raifon,   efl  aufïi-bien  une  idée 
diftinde  &c   confirme  auffi-  bien  une  efpece 
de  chofe   diflin&e  de  l'homme  &  de  la  bèt3, 
que  l'idée  de  la  figure  d'un  âne  accompagne 
de  raifon  feroit  différente  de  celle  de  l'hom- 
me ou  de   la    bête  y  &    confîitueroit    une 
efpece  d'animal  qui  tiendrait  le  milieu  entre 
1  homme  &  la  bête,  ou  qui  feroit  diflinct 
de  l'un  &  de   l'autre. 
Objeftïon        $14.  Ici  chacun  fera  d'abord  tenté  de 
oueTe  dis        me  ^re  :   ^*  V on  peut  fuppofer  que  des  Im- 
qu'un  imbé-  bécilles  font  quelque  chofe  entre  Vhomim 
cilieeftquel-  g,  [a  fâie  ^  que  font-ils  donc  y  je  vous  prie  ? 
entre  l'hom-  ^e  répond»,  ce  font  des  Imhécilles.  ;  ce  qui 
me  &  la  bête,  efl  un  aufii  bon  mot  pour   quelque  chofë 
Réponfç.    fe  différent  de  la  fignification  du  mot,  hom,- 


Connoiffance.  Liv.  IV.  \J 

me  ou  bête ,  que  les  noms  à' homme  &  de  -^ 

bète  font  propres  à  marquer  des  fignifica-  CHAr«  IV* 
ti.ns  difhnctes  l'une  de  l'autre.  Cela  bien 
confidéré  pourroit  réioudre  cette  que/lion , 
&  faire  voir  ma  penfée  fans  qu'il  fût  be- 
foin  de  plus  longs  difcours.  Mais  je  ne 
connois  pas  fi  peu  le  zèle  de  certaines 
gens  ,  toujours  prêts  à  tirer  des  conféquen- 
ces  ,  &  à  fe  figurer  la  Religion  en  danger, 
dès  que  quelqu'un  fe  hafarde  de  quitter 
leurs  façons  de  parler  ,  pour  ne  pas  pré- 
voir quelles  odieufes  épithetes  on  peut  don- 
ner à  une  telle  Propofition.  Et  d'abord  on 
me  demandera  fans  doute  :  Si  les  imbé.cilles 
font  quelque  chofe  entre  l'homme  &  la 
bête  que  deviendront-ils  dans  l'autre  mon- 
de ?  A  cela  je  réponds  ,  premièrement,  qu'il 
ne  m'importe  point  de  le  favoir,  ni  de  le 
rechercher:  *  Qu'ils  tombent  ou  qu'ils  fe  *  Rom.XlV^ 
fouiiennenty  cela  regarde  leur  Maître  :  &  4. 
foit  que  nous  déterminions  quelque  chofe  ou 
que  nous  ne  déterminions  rien  fur  leur 
condition ,  elle  n'en  fera  ni  meilleure ,  ni 
pire  pour  cela.  Ils  font  entre  les  mains  d'un 
Créateur  fidèle  ,  &  d'un  Père  plein  de  bonté 
qui  ne  difpofe  p3s  de  fes  Créatures  fuivant 
les  bornes  étroites  de  nos  penfées  ou  de 
nos  opinions  particulières  ,  &  qui  ne  les 
diftingue  point  conformément  aux  noms  & 
aux  efpeces  qu'il  plaît  d'imaginer.  Du  refte, 
comme  nous  connoiffons  fi  peu  de  chofes 
de  ce  Monde  ,  où  nous  vivons  actuelle- 
ment 3  nous  pouvons  bien ,  ce  me  femble, 


1 8  De  la  Réalité  de  notre 

***--'- — m=>  nous  réfoudre  fans  peine  à  nous  abftenir 
•CrtAP.  IV.  dc  prononcer  dinniivcment  fur  Iesdifférens 
é"ats  pir  où  doivent  pafTer  les  créatures  en 
quittant  ce  monde.  Il  nous  peut  fuffîre  que 
Dieu  ait  fait  connoître  à  tous  ceux  qui  font 
capables  d'inflruclion  ,  de  difcours  &  de 
nifonnement ,  qu'ils  feront  appelles  à  ren- 
dre compte  de  leur  conduite  ,  &  qu'ils  re- 

t  2.  Corinth.  cevront  4*  félon  ce  qu'ils  auront  fait  dans 

Y.  10.  s> 

ce  Corps. 

$.15.  Mais  je  réponds,  en  fécond  lieu  , 
que  tout  le  fort  de  cette  Queftion ,  Si  je 
veux  priver  les  Imbécilles  d'un  état  à  venir , 
rouie  fur  une  de  ces  deux  fuppofitions  qui 
font  également  faufTes.  La  première  eft  : 
Que  toutes  les  chofes  qui  ont  la  forme  & 
l'apparence  extérieure  d'homme  ,  doivent 
être  néceflairement  deftinées  à  un  état  d'im- 
mortalité après  cette  vie;  ou  en  fécond  lieu  : 
Que  tout  ce  qui  a  une  naiffance  humaine 
doit  jouir  de  ce  privilège.  Otez  ces  imagi- 
nations ,  &  vous  verrez  que  ces  fortes  de 
Queflions  font  ridicules  &  fans  aucun  fon- 
dement. Je  fupplie  donc  ceux  qui  fe  figu- 
rent qu'il  n'y  a  qu'une  différence  acciden- 
telle entr'eux  &  des  Imbécilles  ,  (  l'efTence 
étant  exactement  la  même  dans  l'un  &  dans 
l'autre)  de  confidérer  s'ils  peuvent  imagi- 
ner que  l'immortalité  foit  attachée  à  aucune 
forme  extérieure  du  corps.  Il  fufrit,  je  penfe, 
de  leur  propofer  la  chofe,  pour  la  leur  faire 
defavouer.  Car  je  ne  crois  pas  qu'on  ait 
encore  vu  perfonne  dont  fefprit  foit  affez 


Connoijfancc.  Liv.  IV.  If 

enfoncé  dans  îa  mitiere  pour  élever  aucune 
figure  compofée  de  parties  groflîeres ,  fen-  Chaf.  lr> 
fibles  ,  &  extérieures  ,  jufqu'a  ce  point  d'ex- 
cellence ,  que  d'affirmer  que  la  vie  éter- 
nelle lui  foit  due  ou  en  fait  une  fuite  né- 
ceffaire  ,  ou  qu'aucune  muTe  de  matière  une 
fois  dhïoute  ici-bas  doive  enfuite  être  ré- 
tablie dans  un  état  où  elle  auri  éternelle' 
ment  du  fentimsnt  ,  de  la  perception  & 
de  la  CjnnoiiTance  ,  dcj-la  feulement  qu'elle 
a  été  moulée  fur  une  telle  rigure ,  que  fes 
parties  extérieures  ont  eu  une  telle  confi- 
guration particulière.  Si  l'on  r.dmet  une  fois 
ce  fentiment  ,  qui  attache  l'immortalité  à 
une  certaine  configuration  extérieure,  il  ne 
faut  plus  parler  d'Ame  ou  d'Efprir,  ce  qui 
a  été  jufqu'ici  le  feul  fondement  fur  lequel 
on  a  conclu  que  certains  Etres  corporels 
étoient  immortels  &que  d'autres  nel'étoient 
pas.  C'eiî  donner  davantage  à  l'extérieur 
qu'à  l'intérieur  des  chofes.  C'efr  faire  con- 
finer l'excellence  d'un  homme  dans  la  fi- 
gure extérieure  de  fon  corps  plutôt  que 
dans  les  perfections  intérieures  de  fon  ame  : 
ce  qui  n'efr  guère  mieux  que  d'attacher  cette 
grande  &  ineftimable  prérogative  d\m  état 
immortel  &  d'une  vie  éternelle  dont  l'hom- 
me jouit  préférablement  aux  autres  êtres 
matériels ,  que  de  l'attacher ,  dis-je ,  à  la 
manière  dont  fa  barbe  eft  faite ,  ou  dont 
fon  habit  eft  taillé;  car  une  telle  ou  une 
telle  forme  extérieure  de  nos  corps  n'em- 
porte pas   plutôt  avec  foi  des   efpérances 


10  De  la  Réalité  de  notre 

r   ii  d'une   durée  éternelle  ,  que  la  façon  donc 

Chap.  IV.  e(t  fait  l'habit  d'un  homme  lui  donne  un 
fujet  raifonnable  de  penfer  que  cet  habit 
ne  s'ufera  jamais  ,  ou  qu'il  rendra  fa  per- 
fonne  immortelle.  On  dira  peut-être ,  que 
perfonne  ne  s'imagine  que  la  figure  rende 
quoi  que  ce  foit  immortel ,  mais  que  c'efHa 
figure  qui  eft  le  figne  de  la  réfîdence  d'une 
ame  raifonnable  qui  eft  immortelle.  J'admire 
qui  l'a  rendue  figne  d'une  telle  chofe;  car  pour 
faire  que  cela  foit ,  il  ne  fuffit  pas  de  dire  am- 
plement ;  il  faudroit  avoir  des  preuves  pour 
en  convaincre  une  autre  perfonne.  Je  ne 
fâche  pas  qu'aucune  figure  parle  un  tel  lan- 
gage ,  c'eft-à-dire  ,  qu'elle  défigne  rien  de 
tel  par  elle  même.  Car  on  peut  conclure 
auffi  raifonnablement  que  le  corps  mort  d'un 
homme ,  en  qui  l'on  ne  peut  trouver  non 
plus  d'app.ïrence  de  vie  ou  de  mouvement 
que  dans  une  flatue  ,  renferme  une  ame 
vivante  à  caufe  de  fa  figure,  que  de  dire 
qu'il  y  a  une  ame  raifonnable  dans  un  im~ 
bécille  ,  parce  qu'il  a  l'extérieur  d'une  créa- 
ture raifonnable  ,  quoique  durant  tout  le 
cours  de  fa  vie  ,  il  ne  paroiife  dans  fes 
actions  aucune  marque  de  raifon  fi  exprelfe 
que  celles  qu'on  peut  obferver  en  plufieurs 
bêtes. 
De  ce  qu'on  ^#  Io\  Mais  un  imbécille  vient  de  parens 
Monjlre.  raifonnables  ;  &  par  conféquent  il  faut  qu'il 
ait  une  ame  raifonnable.  Je  ne  vois  pas  par 
quelle  règle  de  Logique  vous  pouvez  tirer 
une  telle  conféquence,  qui    certainement 


'Connoijfancc.  Liv.  IV.  i r 

n'eft  reconnue  en  aucun  endroit  de  la  terre;  >  ■■■    •     -^ 
car  fi  elle  l'écoit ,  comment  les  hommes  ofe-  tHAP-    *  v- 
roient-ils  détruire,  comme  ils  font  par-tout , 
des  productions  nul  formées  &  contrefaites  ? 
Oh  ,  direz-vous  ,  mais  ces  productions  font 
des  Monftres.  Eh  bien  feit.   Mais  —   que 
feront  ces  imbécilles,  toujours  couverts  de 
bave,  fans  intelligence,    &  tout-à-fa»t  in- 
traitables ?  Un  défaut  dans  le  corps  fera-t-il 
un  monftre  ,  &  non  un  défaut  dans  l'efprif , 
qui  eft  la  plus  noble ,  &  comme  on  parle 
communément,  la  plus  efTentielle  partie  de 
l'homme  ?  Eft-ce  le  manque  du  nez  ou  d'un 
cou  qui  doit  faire  un  monftre,  &  exclure 
du  rang  des  hommes  ces  fortes  de  produc- 
tions, &  non  le  manque  de  raifon  &  d'en- 
tendement? C'eft  réduire  toute  la  Queftion 
à  ce  qui  vient  d'être  réfuté  tout-à-1'heure  ; 
c'eft  faire  tout  confifter  dans  la  figure ,  & 
ne  juger  de  l'homme  que  par  fon  extérieur. 
Mais  pour  faire  voir  qu'en  effet  ,  de  la  ma- 
nière dont    on  raifonne  fur    ce  fujet ,   les 
gens  fe  fondent  entièrement  fur  la  figure , 
&  réduifent  toute  Vejfence  de  i'efpece  hu- 
maine (  fuivant  l'idée  qu'ils  s'en  forment  ) 
à  la  forme  extérieure  ,  quelque  déraifonna- 
ble  que  ceb  foit ,   &  malgré  tout  ce  qu'ils 
difent  pour  le  défavouer  ,  nous  n'avons  qu'à 
fuivre    leurs  penfées    &  leur  pratique  un 
peu  plus  avant ,    &  la    chofe  paroîtra  avec 
la  dernière  évidence.  Un  imbécille  bien  for- 
mé eft  un  homme  ,  il  a  une  ame  raifonna- 
ble  quoiqu'on  n'en  voie  aucun  figne  ;  il  n'y 


11  De  la  Réalité  de  notre 


=  a  point  de  doute  à  cela,  dites-vous.  Faites 


Çhaf.  IV.  jes  orci||es  Un  peu  plus  longues  &  plus 
pointues,  le  nez  un  peu  plus  plat  qu'à  l'or- 
dinaire &  vous  commencez  à  héfiter.  Faites 
le  vifage  plus  étroit ,  plus  plat  &  plus  long  ; 
vous  voila  tcut-à-Lit  indéterminé.  Donnez- 
lui  encore  plus  de  reffemblance  à  une  bête 
brute ,  jufqu'à  ce  que  la  tête  foit  parfaite- 
ment celle  de  quelqu'autre  animal ,  dès-lors 
c'eft  un  monjlre  ;  &  ce  vous  eft  une  dé- 
monftxation  qu'il  n'a  point  d'ame ,  &  qu'il 
doit  être  détruit.  Je  vous  demande  préfen- 
tement,  où  trouver  la  jufte  mefure  &  les 
dernières  bornes  de  la  figure  qui  emporte 
avec  elle  une  ame  raifonnable?  Car  puif- 
qu'il  y  a  eu  des  Fœtus  humains  ,  moitié 
bête  &  moitié  homme  ,  d'autres  dont  les 
trois  parties  participent  de  l'une  ,  &  l'autre 
partie  de  l'autre  ;  &  qu'il  peut  arriver  qu'ils 
approchent  de  l'une  ou  de  l'autre  forme 
félon  toute  la  variété  imaginable,  qu'ils  ref- 
femblcnt  à  un  homme  ou  à  une  bête  par 
différens  degrés  mêlés  enfemble  ;  je  ferois 
bien  aife  de  l'avoir  quels  font  au  jufte  les 
linéamens  auxquels  une  ame  raifonnable  peut 
ou  ne  peut  pas  être  unie  ,  félon  cette  hy- 
pothefe  ;  quelle  forte  d'extérieur  eft  une 
marque  afiurée  qu'une  ame  habite  ou  n'ha- 
bite pas  dans  le  corps.  Car  jufqu'a  ce  qu'on 
en  foit  venu  là  ,  nuus  parlons  de  l'homme 
au  hafard ,  &  nous  en  parlerons ,  je  crois, 
toujours  ainfi,  tandis  que  nous  nous  fixe- 
rons à  certains  fons  ,  &  que  nous  nous  fi- 


Connoîjfance.  Liv.  IV.  2.3 

gureron«  certaines  efpeces  déterminées  dans  k-«=ss 
la  Nature  ,  fans  favcir  ce  que  c'eit.  Mais  ClIAP'  IV* 
après  tout ,  je  fouhaitercis  qu'on  confidé- 
rât  que  ceux  qui  croient  avoir  fatisfait  à 
la  difficulté  en  nous  difant  qu'un  Fatus  con- 
trefait eit  un  monftre ,  tombent  dans  la 
même  faute  qu'ils  veulent  reprendre ,  c'eft 
qu'ils  établirent  par-là  une  Efpece  moyen- 
ne entie  l'homme  &  la  bête  ;  car  je  vous 
prie ,  qu'elt-ce  que  leur  monftre  en  ce 
cas-là  ,  (  fi  le  mot  de  menjîre  fignifie 
quoi  que  ce  foit  )  finon  une  chofe  qui  n'eft 
ni  homme,  ni  bête,  mais  qui  participe  de 
de  l'un  &  de  l'autre  ?  Or  tel  eft  justement 
Viinbécilk  dont  on  vient  de  parler.  Tant  il 
eft  néceflaire  de  renoncer  à  la  notion  com- 
mune des  Efpeces  &  des  Elfences ,  fi  nous 
voulons  pénétrer  véritablement  dans  la  na- 
ture des  chofes  même  ,  &:  les  examiner 
par  ce  que  nos  facultés  nous  y  peu- 
vent faire  découvrir  ,  à  les  confidérer  telles 
qu'elles  exillent ,  &  non  pas  par  de  vaines 
fantaifies  dont  on  s'eft  entêté  fur  leur  fujer, 
fans  aucun  fondement. 

§.   17.  J'vi  propoféceci  dans  cet  endroit ,    LesmotsSc 

parce   que  je  crois  que  nous  ne  faurions  la  ^'"^'on 

i  ,      r  ■  f  ■  ,       des  choies  era 

prendre  trop   de  foin   pour  éviter  que  les  efpeces  nous 

mots  &  les  efpeces ,  à  en  juger  par  les  no-  impofent. 

tions  vulgaires  félon  lefquelles  nous  avons 

accoutumé  de  les  employer  ,  ne  nous  im- 

pofent  ;  car  je  fuis   porté  a  croire  que  c'eft- 

là   ce    qui   nous    empêche   le  plus  d'avoir 

des  connoifTances  claires  &  diitincles ,  par- 


5-4  &e  ïa  Réalité  de  notre 

a  ticuliérement  à  l'égard  des  fubfhnces  ;  S: 
I  V.  qUe  c'eft  de. |à  qu'eft  venue  une  grande 
pairie  des  difficultés  fur  la  vérité  &  fur  la 
certitude.  Si  nous  nous  accoutumions  feu- 
lement à  féparer  nos  réflexions  &  nos  rai- 
fonnemens  d'avec  les  mots,  nous  pour- 
rions remédier  en  grande  partie  à  cet  in- 
convénient par  rapport  à  nos  propres  pen- 
fées  que  nous  considérerions  en  nous-mê- 
mes ,  ce  qui  n'empêcheroit  pourtant  pas 
<jue  nous  ne  fuffions  toujours  embrouillés 
dans  nos  difeours  avec  les  autres  hommes, 
pendant  que  nous  perfiflerons  -à  croire  que 
les  efpeces  &  leurs  eflènees  font  autre 
chofe  que  nos  idées  abstraites  relies  qu'elles 
font  ,  auxquelles  nous  attachons  certains 
noms  peur  en  être  les  fignes. 

_,  6.  18.  Enfin,  pour  reprendre  en  peu  de 

Récapitu-  '  .       ,.        r       . 

fation,  mots  ce   que  nous  venons  de   dire  iur  la 

certitude  &  la  réalité  de  nos  connoilTan- 
ces;  par-tout  où  nous  appercevons  la  con- 
venance ou  la  difeonvenance  de  quelqu'une 
de  nos  idées  ;  il  y  a  là  une  connoilTance 
certaine  ;  &  par-tout  où  nous  fommes  af- 
furés  que  ces  idées  conviennent  avec  la  réa- 
lité des  chofes ,  il  y  a  une  connoifTance 
certaine  &  réelle.  Et  ayant  donné  ici  les 
marques  de  cette  convenance  de  nos  idées 
avec  la  réalité  des  chofes ,  je  crois  avoir 
montré  en  quoi  confifte  la  vraie  certitude  , 
la  certitude  réelle;  ce  qui ,  de  quelque  ma- 
nière qu'il  eût  paru  à  d'autres  ,  avoit  été 

jufqu'ici 


Connoijfance.  Liv.  IV  2.J 

jufqu'ici ,  à  mon  égard ,  un  de  ces  Defiderata9 
fur  quoi  ,  à  parler  franchement  ,  j'avois 
grand  befoin  d'être  éclairci. 

CHAPITRE     V. 

De  la  vérité  en  général. 

$.  i.iL  y  a  plufieurs  fiecles  qu'on  a  Chap  y 
demandé  ce  que  c'eft  que  la  Vérité  ;  & 
comme  c'eft-là  ce  que  tout  le  genre-hu-  «aelKérité, 
main  cherche  ou  prétend  chercher,  il  ne  peut 
qu'être  digne  de  nos  foins  d'examiner  avec 
toute  l'exadhtude  dont  nous  fommes  capa- 
bles, en  quoi  elle  confifle  ,  &  par -là  de 
nous  inftruire  nous-mêmes  de  fa  nature  , 
&  d'obferver  comment  l'efprit  la  diftingue 
de  la  faufTeté. 

§.  a.  Il  me  femble  donc  que  la   vérité      Une  }ufle 

n'emporte  autre  chofe ,  félon  la  fignification  coni°"&ion 

j  .  „/..••?•  »     oiueparation 

propre  du  mot ,  que  La  conjonction  ou  la  des  fignes , 

féparation  des  fignes  fuivant  que  les  chofes  c'eft-à-dire 
mêmes  conviennent  ou  difconviennent  en-  jes  ldees  ou 
truelles.  Il  faut  entendre  ici  par  la  conjonc- 
tion ou  la  féparation  des  fignes  ce  que  nous 
appelions  autrement  propofition.  De  forte 
que  la  vérité  n'appartient  proprement  qu'aux 
proportions  ,  dont  il  y  en  a  de  deux  fortes , 
l'une  mentale  ,  &  l'autre  verbale  ,  ainfi  que 
les  fignes  dont  on  fe  fert  communément 
Tome  i  V.  B 


De   la    Vérité 


- — ! font  de  deux   fortes  ,   favoir  les    idées    & 

Chap.  V.    les  mQt5t 

„       ...        G.   l.  Pour  avoir  une  notion  chire   delà 

Ce  qui  fait      ?•*■•/!.*  '     ir  •         i  ri'        i 

îes  propoli-  vente  ,  il  eit  fort  neceilaire  de  conhdtrer  la 
ti  mis  menta-  vérité'  mentale  &  la  vérité  verbale  diflinc- 
?es.&  Veiba"  «wnènt  Tune  de  l'autre.  Cependant  il  crt 
très-difiicile  d'en  difcourir  féparérnent,  parce 
qu'en  traitant  des  proportions  mentales  on 
ne  peut  éviter  d'employer  les  fecours  des 
mots ,  &  dès -là  les  exemples  qu'on  donne  de 
propositions  mentales  ceffent  d'être  pure- 
ment mentales  &  deviennent  verbales.  Car 
une  proposition  mentale  n'étant  qu'une 
l'impie  considération  des  idées  comme  elles 
font  dans  notre  efprit  fans  être  revêtues  de 
mots  ,  elles  perdent  leur  nature  de  propo- 
rtions purement  mentales  dès  qu'on  em- 
ploie des  mots  pour  les  exprimer. 

Il  eft  fort  V*  4*  ^e  ^u'  ^âlt  cîu  ^  e^  encore  plus 
Bifficile  de  difficile  de  traiter  des  proportions  mentales 
traiter  des  &  des  verbales  féparéme-nt  ,  c'eft  que  la 
proportions      111  j- 

înentales,       plupart  des  hommes  ,    pour    ne   j;as    due 

tous,  mettent  des  mots  à  la  place  des  idées 
en  formant  leurs  penfées  &  leurs  raifonne- 
mens  en  eux-mêmes,  du  moins  lorfque  le 
fujet  de  leur  méditation  renferme  des  idées 
complexes.  Ce  qui  eft  une  preuve  bien 
évidente  de  l'imperfection  &  de  l'incertitude 
de  nos  idées  de  cette  efpece  ,  &.  qui ,  à  le 
bien  confidérer  ,  peut  fervir  à  nous  faire 
voir  quelles  font  les  chofes  dont  nous  avons 
des  idées  claires  &  parfaitement  détermi- 
nées ,  &  quelles  font  les  chofes  dont  nous 


«Z  général.  Uv.  IV.  2.7 

■n'avons  point  de  telles  idées.  Car  fi  nous    .  . ,    ,     =a 
obfervons  foigneufcment  la   manière   dont    Chap,  V. 
notre  efprit    le    prend  à  penftr  &c  à  rai- 
fonner  ,    nous  trouverons ,  à    mon  avis , 
que  quand  nous  formons  en    nous  -  mêmes 
quelques    proportions  fur  le   blanc  ou  le 
noir ,  fur  le  doux  ou  l'amer,  fur  un  triangle 
ou  un  cercle,   nous    pouvons  former  dans 
notre  efprit  les    idées  mêmes  ;    &    qu'en 
effet   nous  le  faifons  fouvent ,  fans  réflé- 
chir fur  les  noms  de  ces  idées.  Mais  quand 
nous  voulons  faire  des  réflexions  ou  former 
des  propofitions  fur  des  idées   plus  com- 
plexes ,  comme  fur    celles  d'homme  ,   de 
vitriol,  de  valeur,  de  gloire,  nous  mettons 
ordinairement  le  nom  à  la  place  de  i  idée  : 
parce  que  les  idées  que    ess   noms   ligni- 
fient ,  étant  la  plupart  imparfaites,  confufes 
&  indéterminées  ,  nous  réfléchirions  fur  les 
noms  mêmes;   parce  que  les  idées  que  ces 
noms  figni rient ,  étant  la  plupart  imparfaites,, 
confufes  &  indéterminées  ,   nous  réfiéchif- 
fons  fur  les  noms  mêmes  ,  parce  qu'ils  font 
plus  clairs,  plus  certains,  plus  diftincts  ,  & 
plus  propres  à  fe  préienter  pr  imptement  à 
l'efprit  que  de  pures  idées  ;  de   forte  que 
nous  employons  ces  termes  à    la  place  des 
idées  mêmes,  lors  même  que  nous  voulons 
méditer  &  raifonner   en   nous-mêmes  ,  & 
faire  tacitement  des   propofitions  mentales. 
Nous  en  ufons  ainfi   à  l'égard   des  fubftan- 
ces  ,  comme  je  l'ai  déjà  remarqué ,  à  caufe 
de  l'imperfedion  de  nos  idées  ,  prenant  le 


1 8  De   ta   Vérité 

— *-' a  nom  pour  l'effence  réelle  dont  ncus   n'a- 

Chap.  V.    vons  pourtant  aucune  idée.  Dans  les  modes , 
nous  faifons  la  même  chofe   ,  à  caufe  du 
grand  nombre  d'ide'es  fimples  dont  ils  font 
compofe's.  Car    la    plupart  d'entr'eux  étant 
extrêmement  complexes  ,  le  nom   fe   pré- 
fente bien  plus  aifément    que  l'idée  même 
qui  ne  peut  être  rappellée  ,  &  pour  ainfi 
dire  ,    exa&ement  retracée  à  l'elprit    qu'à 
force  de  tems  &  d'application  ,  même  à  l'é- 
gard des  perfonnes  qui  ont  auparavant  pris 
la   peine   d'éplucher  toutes   ces  différentes 
idées  ;  ce  que  ne  fauroient  faire  ceux    qui 
pouvant   aifément  rappeller  dans  leur  mé- 
moire la   plus  grande  partie  des  termes  or- 
dinaires  de  leur  Langue,  n'ont  peut-être 
jamais  fongé  ,   durant  tout  le  cours  de  leur 
vie ,   à   confidérer   quelles    font    les    idées 
précifes  que  la  plupart  de  ces  termes  ligni- 
fient. Us  fe  font  contentés  d'en  avoir  quel- 
ques notions  confufes  &  cbfcures.  Et  parmi 
ceux  qui  parlent    le  plus    de   Religion   & 
de  Conjcience ,  d'Eglife  &  de  Foi ,  de  Vuif- 
fance  &  de  Droit ,  d'obji  ru  Fiions  &  d'hu- 
meurs, de  mélancolie  &  de  bile  ,  combien 
n'y  en  a-t-il  pas  dont  les   penfées  &   les 
méditations  fe  réduiroient   peut-être  à  fort 
peu  de  chofe  ,  fi   on  les  prioit  de  réfléchir 
uniquement   fur  les   chofes  mêmes ,  &  de 
laiffer    à  quartier  tous  ces  mots  avec  )ef- 
quels  il  eïl  fi  ordinaire  qu'ils  embrouillent 
les  autres    &    qu'ils    s'embarraflent    eux» 
mêmes. 


en  général.  Liv..  IV.  1  $ 

§.  5.  Mais    pour   revenir    à   confidérer  ■  ■< 

en  quoi  confifte  la  Vérité' ,   je  dis  qu'il  faut    ^JjJJ'Jf' 
diftinguer  deux  fortes  de  propofitions  que  font  que  des 
nous  fommes  capables  de  former.  ides  jointes 

t»         •  1  ^   1  v    »      •  j'      on  feparees 

Premièrement ,  les  ment: les  ,  ou  les  idées  fans  J»;nte- 
font  jointes  ou  féparées  dans  notre  enten- mention  tdes 
dément  %  fans  l'intervention   des   mots ,  par  mots* 
l'efprit ,   qui  appercevant   leur  convenance 
ou  leur  difeonvenance  ,    en  juge  actuelle- 
ment. 

Il  y  a  ,  en  fécond  lieu ,  des  propofitions 
verbales  qui  font  des  mots,  fignes  de  nos  idées, 
joints  ou  féparés  en  des  fentences  affirmatives 
ou  négatives.  Et  par  cette  manière  d'affir- 
mer ou  de  nier  ,  ces  fignes  formés  par 
des  fons  ,  font  ,  pour  ainfi  dire  ,  joints  en- 
femble  ou  féparés  l'un  de  l'autre.  De  forte 
qu'une  propofition  confifte  à  joindre  ou 
à  féparer  des  fignes  ;  &  la  Vérité  confifte 
à  joindre  ou  à  féparer  ces  fignes  félon  que 
les  chofes  qu'ils  fignifient,  conviennent  ou 
difeonviennent. 

$.   6.  Chacun   peut  être    convaincu  par      Quand  eh- 
fa    propre   expérience  ,  que  l'efprit  venant  ce  T-'e  'es 

•  *  -  r  r     t  propofitions 

a   appercevoir  ou  a  iuppoler  la  convenance  mentales  & 
ou   la  difeonvenance  de  quelqu'une  de   fes  verbales  con- 
idées ,  les  réduit  tacitement  en  lui-même  à  t,ennent 

r  j  r  ■  ai  quelque    ve- 

une  elpece  de  propolition  affirmative  eu  rite  réelle, 
négative  ,  ce  que  j'ai  tâché  d'exprimer  par 
les  termes  de  joindre  enfemble  Se  de  féparer. 
Mais  cette  aâion  de  l'efprit  qui  eft  fi  fa- 
milière à  tout  homme  qui  penfe  &  qui  rai- 
fonne,  eil  plus  facile  à  concevoir   en   ré- 


Ë 


30  De  la  Vérité 

fléchifTant  fur  ce  qui  fe  paffe  en  nous  ? 
Chap.  y.  Jorfque  nous  affirmons  ou  nions  ,  qu'il  n'efi 
aifé  de  l'expliquer  par  des  paroles.  Quand 
un  homme  a  dans  l'efprrt  l'idée  de  deux 
lignes  ,  favoir  la  latérale  &  la  diagonale 
d'un  qu^rré,  dont  la  diagonale  a  un  pouce 
de  longueur ,  il  peut  avoir  au  Ai  l'idée  de 
là  divifion  de  cette  ligne  en  un  certain 
nombre  de  parties  égales  ,  p^r  exemple  en 
cinq,  en  dix  ,  en  cent  ,  en  mille,  ou  en 
Tout  autre  nombre  ;  tk  il  peut  avoir  l'idée 
de  cette  ligne  longue  d'un  pouce  comme 
pouvant,  ou  ne  pouvant  pas  erre  divifee 
en  telles  psrries  égaies  qu'un  certain  nom- 
bre d'elles  foit  égal  à  la  ligne  latente.  Or 
toutes  les  fois  qu'il  appperçoit ,  qu'il  croit  , 
ou  qu'il  fuppofe  qu'une  telle  efpcce  de  di- 
viiibilité  convient  ou  ne  convient  pas  avec 
l'idée  qu'il  a  de  cette  ligne,  il  joint  ou  fé- 
pare  ,  pour  ainfi-dire  ,  ces'  deux  idées  ,  je 
veux  dire  celle  de  cette  ligne  ,  &  celle  de 
cette  efpece  de  divisibilité,  &  par-là  il  for- 
me une  propofition  mentale  qui  eft  vraie 
ou  fauffe  ,  félon  qu'une  telle  efpece  de  di- 
vifibilité,  ou  qu'une  divifibi'ité  en  de  telles 
parties  aîiquotes  convient  réellement  ou  non 
avec  cette  ligne.  Et  quand  les  idées  font 
ri  nu  jointes  ou  féparées  dans  l'efprit  ;  félon 
que  ces  idées  ou  les  chofes  qu'elles  ligni- 
fient, conviennent  ou  difeonviennent  ,  c'eft- 
là  ,  fi  j'ofe  ainfi  parler  ,  une  Vérité  mentale. 
Mais  la  Vérité  verbale  cft  quelque  chofe  de 
plus.  C'eft  une  propofition    eu   des  mots 


3 


Chap.  V. 


eti  général.  Liv.  1V\  3* 

font  affirmés  ou  niés  l'un  de  l'autre ,  félon 
q ce  les  idées  qu'ils  fignifient ,  conviennent 
ou  difconviennent  :  &  cette  vérité  eft  en- 
core de  deux  efpeces  ,  ou  -purement  verbale 
&  frivole ,  de  laquelle  je  traiterai  dans  le 
chapitre  dixième,  ou  bien  réelle  &  infiruc- 
tive,  &  c'eiî  elle  qui  eft  l'objet  de  cette 
connoifTance  réelle  dont  nous  avons  déjà 
parlé. 

$.  7.  Mais  peut-être  qu'on  aura   encore      oW'tion 
ici  le  même  fcrupule  à  l'égard  de  la  Vérité  contre  la  vé- 
qu'on  a  eu    touchant    la    connoifTance   &  ~te  VCrhfle  : 
quon  m'objectera  «  que,  fi  la  Vente  n  eir  ce  qUe  yen 
»  autre  chofe  qu'une  conjonction  ou  fépa-  dis ,  elle  peut 

.  c  1  r     être  entière— 

»  ration  de  mots  ,  rormsns  des  propoil-  ment  c^m^. 
»  tions  ,  félon  que  les  idées  qu'ils  lignifient  rique, 
»  conviennent  ou  difconviennent  dans  l'ef- 
»  prit  des  hommes  ,  la  connoifTance  de  la 
»  Vérité  n'eft  pas  une  choie  fi  eftimablo 
»  qu'on  fe  l'imagine  ordinairement  ;  puif- 
»  qu'à  ce  compte,  elle  ne  1  enferme  autre 
»  chofe  qu'une  conformité  entre  des  mots 
»  &  les  productions  chimériques  du  cer- 
»  veau  des  hommes  ;  car  qui  ignore  de 
»  quelles  notions  bizarres  eft  remplie  la 
»  tête  de  je  ne  fai  combien  de  perfennes , 
»  &  quelles  étranges  idées  peuvent  fe 
»  former  dans  le  cerveau  de  tous  les  hom- 
»  mes  ?  Mais  fi  nous  nous  en  tenons-là  ,  il 
»  s'enfuivra  que  par  cette  règle  nous  ne 
»  connoifTons  la  vérité  de  quoi  que  ce  foit, 
»  eue  d'un  monde  vifionnaire  ,  &  cela  en 
»  confultant  ncs  propres  imaginations  ;  & 

B4 


32,  De   la    Vérité 

m-  -1*     a    »  que  nous  ne  découvrons  point  de  vérité 

Chap.  V.    n  qUj  ne  convienne  auflî-bien  aux  harpies 

»  &  aux  centaures  qu'aux  hommes  &  aux 

»  chevaux.  Car  les  idées  des  centaures  & 

»  autres    femblabîes    chimères  peuvent  fe 

.»  trouver  dans  notre  cerveau ,  &  y  avoir 

»  une      convenance    ou    difconvenance    , 

»  tout  auffi-bien  que   les  idées    des  êtres 

»  réels  :  par  conféquent  on   peut    former 

»  d'auffi  véritables  proportions  fur  leur  fu- 

»  jet ,  que  fur  des  idées  des  chofes  réelle- 

»  ment  exiftantes  ;  de  forte  que  cette  pro- 

j)  pofition  ,  tous  les  centaures  font  des  ani- 

»  maux,  fera  auffi  véritable  que  celle-ci  , 

»  tous  les  hommes  font  des  animaux ,  &  la 

»  certitude  de  l'une  fera  aufli  grande  que  celle 

»  de  l'autre.  Car  dans  ces  deux  propofitions" 

»  les  mots  font  joints  enfemble  félon  la  con- 

»  venance  que  les  idéesont  dans  notre  efprir, 

»  la  convenance  de  l'idée  $  animal  avec  celle 

»  de  centaure  étant  aulfi  claire  &  auffi  vifible 

«  dans  l'efprit  que  la  convenance  de  l'idée 

»  ^animal    avec  celle    d'homme  ;  &  par 

»  conféquent   ces    deux    propofitions   font 

»  également  véritables,  &  d'une  égale  cer- 

»  titude.   Mais  à  quoi  nous  fert  une  telle 
Réponfe  à        y ,  •   >  ? 
cette  objec-     D    vente  '. 

tion.  La  vé-  $.  8.  Quoique  ce  qui  a  été  dit  dans  le 
rite  réelle  Chapitre  précédent  pour  diftinguer  la  con- 
fdfeTccnfor-  noifiance  réelle  d'avec  l'imaginaire  pût 
mes  aux  future  à  difïiper  ici  ce  doute ,  &  faire  dif- 
chofes.  Cerner  la  Vérité  réelle  de  celte  qui  n'elt  que 

chimérique  ,  ou   û  vous  voulez  ,  purement 
nominale ,  ces  deux  diftincnons  étant  éta- 


en  général.  Liv.  IV.  33 

blies  fur  le  même  fondement  ;  il  ne  fera  ^ — '—■ — a 
pourtant  pas  inutile  de  faire  encore  re-  Chap.  V. 
marquer  dans  cet  endroit  ,  que  ,  quoique 
nos  mots  ne  fignifient  autre  chofe  que  nos 
idées  ,  cependant  comme  ils  font  deftinés 
à  fignifier  des  chofes ,  la  vérité  qu'ils  con- 
tiennent ,  lorfqu'ils  viennent  à  former  des 
propositions  ,  ne  fauroit  être  que  verbale , 
quand  ils  défignent  dans  l'efprit  des  idées 
qui  ne  conviennent  point  avec  la  réalité 
des  chofes.  C'ell  pourquoi  la  vérité ,  aufti- 
bien  que  la  connoiffance  peut  être  fort  bien 
distinguée  en  verbale  ,  &  en  réelle  y  celle- 
là  étant  feulement  verbale  ,  où  [les  termes 
font  joints  félon  h  convenance  ou  la  dif- 
convenance  des  idées  qu'ils  fignifient ,  fans 
confidérer  fi  nos  idées  font  telles  qu'elles 
exiftent  ou  peuvent  exifter  dans  la  nature. 
Mais  au  contraire  les  propofitions  renfer- 
ment une  vérité  réelle ,  lorfque  les  fignes 
dont  elles  font  compofées  ,  font  joints  félon 
que  nos  idées  conviennent  ;  &  que  ces  idées 
font  telles  que  nous  les  connoiflbns  capa- 
bles d'exilter  dans  la  nature  ;  ce  que  nous 
ne  pouvons  connoître  à  l'égard  des  fubf- 
tances  qu'en  fâchant  que  telles  fubflances 
ont  exifîé. 

§.  9.  La  Vérité  eu  la  dénotation  en  paro-     L*  feuflèté 
les  de  la  convenance  ou    de  la    difeonve-  joindre  les 
mnee  des  idées  ,  telle  qu'elle  eu.  La  Faujfeté  noms  autre- 
eft  la  dénotation  en  paroles  de  la  conve-  J"6"1?"? 
nance  ou   de  la  dilconvenance  des  idées  ,  ne   cormen- 
auu-e  qu'elle  n'eft  effectivement.    Et  tant  n?nt» 


34  De  ta    Vérité 

s~  ...  j=  que  ces  idées,  ainfi  désignées  par  certain* 
Cu  a  p.  V.  fons,  font  conformes  à  leurs  Archétypes, 
jufques-là  feulement  la  vérité  eft  réelle  ; 
de  forte  que  la  connoiffance  de  ce  te  efpece 
de  vérité  confifle  à  fivoir  quelles  font  les  idées 
que  les  mots  fignificnt ,  Se  à  appercevcir 
la  convenance  ou  la  difconvenance  de  ces 
idées  ,  félon  qu'elle  eit  défignée  par  ces 
mots. 

Lespropo-  $•  IO-  Maîs  Parce  qu'on  regarde  les 
fitions  gcné-  mots  comme  les  grands  véhicules  de  la 
xales  doivent  vérité  &  de  la  Connoiffance  ,  fi  j'ofe  m'ex- 

*-tre  traitées       •  '  ■    r        o  c  j 

plus  au  long.  primer  ainli ,  &  que  nous  nous  lervons  de 
mots  &  de  propofitions  en  communiquant 
&  en  recevant  la  vérité ,  &  pour  l'ordinaire 
en  r.jionnant  fur  fon  fujet  ,  j'examinerai 
plus  au  long  en  quoi  confifle  la  certitude 
des  vérités  réelles  ,  renfermées  dans  des 
propofitions,  &  où  efï-ce  qu'on  peut  la  trou» 
ver  ;  je  tâcherai  de  faire  voir  dans  quelle 
efpece  de  propofitions  univerfelles  nous 
fommes  capables  de  voir  certainement  la 
vérité  ou  la  fauffeté  réelle  qu'elles  ren- 
ferment. 

Je  commence:  ai  par  les  propofitions  gé"- 
nérJes  ,  comme  étant  celles  qui  occupenr 
le  plus  nos  penfées ,  &  qui  donnent  le 
plus  d'exercice  à  njs  fpéculations.  Car  com- 
me les  vérités  générales  étendent  le  plus 
notre  connoiffance  &  qu'en  nous  inftrui- 
fant  tout  d'un  coup  de  plufleurs  chofes  par- 
ticulières ,  elles  nous  donnent  de  grandes 
vues  &  abrègent  le  chemin  qui  nous  con~ 


en  général.  Liv.  IV.-  3$ 

duit  à  la  connoifTance,  1  efprit  en  fait  aufli  =- =— —-r-s 

le  plus  grand  objet  de  fes  recherches.  Chap.  \  . 

6.    1 1.  Outre  cette   vérité,  prife  ,  dans        ,.  , 

t-  rr       t  a  j  1  1     Vente  mc- 

ce  fens  reflerre  dont  je  viens  de  parler ,  il  rale  &  m</ti, 
y  en  a  deux  autres  efpeces.  La  première  phyG^ue. 
eft  la  Vérité  morale ,  qui  confifte  à  parler 
des  chofes  félon  la  perfuafion  de  notre  ef- 
prit  ,  quoique  la  propofition  que  nous  pro- 
nonçons, ne  foit  pas  conforme  à  la  réalité 
des  chofes.  Il  y  a  ,  en  fécond  lieu  ,  une 
Vérité  métaphyfique ,  qui  n'eft  autre  chofe 
que  l'exiftence  réelle  des  chofes  ,  conforme 
aux  idées  auxquelles  nous  avons  attaché  les 
noms  dont  on  fefert  pourdéfigner  ces  chofes. 
Quoiqu'il  femble  d'abord  que  ce  n'eft  qu'une 
fimple  confédération  de  l'exiftence  même 
des  chofes  ,  cependant  à  le  confidérer  de 
plus  près  ,  on  verra  qu'il  renferme  une 
propofition  tacite  par  où  l'efprit  joint  telle 
chofe  particulière  à  l'idée  qu'il  s'en  étcit 
formée  auparavant  en  lui  afilgnant  un  cer- 
tain nom.  Mais  parce  que  ces  confidéra- 
tions  fur  la  Vérité  ont  été  examinées  au- 
paravant ,  ou  qu'elles  n'ont  pas  beaucoup  de 
rapport  à  notre  préfent  deflein  ,  c'eft  aftez 
qu'en  cet  endroit  nous  les  ayions  indiquées 
en  paftant. 

A 


B  f 


3  6       Des  Prop&foions  univerfelles  , 

< ===t&s=$Sp==f&j  j. 

CHAPITRE     VI. 

Des    Trapofitions    univerfelles  ,    de    leur 
vérité ,   &  de  leur  certitude,. 


Chap.    VI.  ^.  !.  \JrUoiQUE  la  meilleure  &  la  plus 
11  eft  né-     fûre  voie  pQUr  arriver  à  une  connouTance 
arler  des       claire  &  diftin&e  y  foit  d'examiner  les  idées 
mots  en         &  d'en  juger  par  elles-mêmes ,  fans  penfer 
traitant  de  la  a  jeurs  noms  en  aucune  manière  "cependant 
c  elt  »  je    penle  ,    ce    qu  on  pratique  fort 
rarement ,  tant  la  coutume  d'employer  des 
fons  pour  des  idées  a  prévalu  parmi  nous.. 
Et  chacun  peut    remarquer    combien  c'eft 
une  chofe  ordinaire  aux  hommes  de  fe  fer- 
vir  des    noms  à   la  place  des  idées  ,  lors 
même  qu'ils   méditent   &  qu'ils  raifonnent 
en  eux-mêmes  ,  fur- tout  fi  les  idées  font 
fort  complexes  &  compofées  d'une  grande 
colle&ion  d'idées  fimples.    Ceft-là   ce  qui 
fait  que   la   confidération  des  mots  &  des 
proportions  eft  une  partie  fi  nécefiaire  d'un 
difcours  où  l'on  traite  de  la  connoiiïance , 
qu'il  eft  fort  difficile  de  parler  intelligible- 
ment de  l'une  des  ces  chofes  fans  expliquée 
Il  eft  diffi-  l'autre. 

cîle  d'enten-  k  i.  Comme  toute  fa  connoifTance  que 
dredes  veri-        *  -.        ,,    .  v     \ 

tés  générales  nous  avons  fe  réduit  uniquement  a  des. 
fi  elles  ne  vérités  particulières  ,  ou  générales  ,  il  eft 
£eat  expri-     Rident  ?  que ,  quoiqu'on  puide  faire  poux 


de  leur  Vérité,  &c.   Liv.  IV.      37 

parvenir  à  l'intelligence  des  vérités  parti-  "~^1 

culieres  ,  l'on  ne  fauroit  jamais  bien    en-  Chap«    V*. 

tendre  les  vérités  générales  ,  qui  font  avec     ,  , 

D  .      .     *  mees  pardes 

raifon  l'objet  le  plus  ordinaire  de  nos  re-  propofitiony 

cherches ,  ni  les  comprendre  que  fort  ra-  véritables, 

rement  foi-même  ,  qu'entant  qu'elles  font 

conçues  &  exprimées  par  des  paroles.  Ainfi, 

en  recherchant  ce  qui  conftitue  notre  con- 

noilTance  ,  il  ne  fera  pas  hors  de  propos 

d'examiner  la  vérité  de  la  certitude  des  pro- 

pofirions  univerfelles. 

'    $.  3.  Mais  afin  de  pouvoir  éviter  ici  l'illu-  doï!bl7eace™! 

fion  où  nous  pourroir  jeter  l'ambiguïté  des  tude  ,  l'une 

termes ,  écueil  dangereux  en  toute  occafion ,  de  yénté  • , 
.,     n  „  ,     D  ,-,  '  &  l'autre  de 

il  elt  a  propos  de  remarquer  qu  il  y  a  une  conngiflànce, 

double  certitude,  une  certitude  de  vérité  & 
une  certitude  de  connoijfance.  Lorfque  les 
mots  font  joints  de  telle  manière  dans  des 
propofitions  ,  qu'ils  expriment  exactement 
la  convenance  ou  la  difconvenance  telle 
qu'elle  eft  réellement ,  c'efl  une  certitude  de 
vérité.  Et  la  certitude  de  connoijfance  con- 
fifteà  appercevoir  la  convenance  ou  ta  dif- 
convenance des  idées  ,  entant  qu'elle  efî 
exprimée  dans  des  propofitions.  C'c-ft  ce  que 
nous  appelions  ordinairement  connaître  la 
vérité  d'une  propofition  ,  où  en  être  certain. 

$.  4.  Or  comme   ncus    ne  faurions  être     Orrnepe-af 
affurés  de  la  vérité  d"aucune  propofition  gé-  jfre  afiuré 

M,     ,  .  .  r     r  J       .^       d'aucune 

nerale  ,   a  moins  que  nous  ne  connoijjions  propofition 
les  bornes  précifes  &   l'étendue  des  efpeces  générale 
que  Signifient  les  termes   dont  elle  efl  corn-  ^l!  ?!  ?  ,eft 

c        \     r       •         t     rr  •  véritable 

pojee  ,u  leroit  nsçeiïaire  que  nous  con-  lçrf^éi'^ 


3  S       Des  Proj-ofi tiens  univerfdles ,' 

*"  =  millions  l'efTence  de  chaque    efpece  ,  puif- 

Chap.    VI-qUec-efl  cette  efTence  qui  conftitue  &  ter- 

mine  l'efpece.  C'efl:  ce  qu'il  n'eft  pas  ma! 
chaque  efpe-  a^  ^e  hire  à  l'égard  de  toutes  les  Idées 
ce  dont  i!  eft  Simples  &  des  Modes  ;  car  dans  les  idées 
par  e  ,  n'eft  flmp]es  &  frms  jes  modes ,  l'efTence  réelle 
pas  comme.     9    f  .      ,       ,„        ,        '        .      a 

ce  la  nominale  n  eft  qu  une  feule  <x  même 

chofe  :  ou  ,  pour  exprimer  la  même  penfée 
en  d'autres  termes,  l'idée  abftraite  que  le 
terme  général  lignifie  étant  la  feule  chofe 
qui  conftitue  ou  qu'on  peut  fuppofer  qui 
conftitue  l'efTence  &  les  bornes  de  l'efpece, 
on  ne  peut  être  en  peine  de  favoir  jufqu'où 
s'étend  l'efpece  ,  ou  quelles  chofes  font 
comprifes  fous  chaque  terme  ;  car  il  eft 
évident  que  ce  font  toutes  celles  qui  ont 
une  exacte  conformité  avec  l'idée  que  ce 
terme  fignifie,  &  nulle  autre.  Mais  dans 
les  fubftances  ,  où  une  efTence  réelle  ,  dif- 
îinéte  de  la  nominale  ,  eft  fuppofée  consti- 
tuer ,  déterminer  &  limiter  les  efpeces  ,  i! 
e/l  vifible  que  l'étendue  d'un  terme  générai 
eft  fort  incertaine  ;  parce  que  ne  connoif- 
fant  pas  cette  efTence  réelle ,  nous  ne  pou- 
vons pas  favoir  ce  qui  eft  ou  n'eft  pas  de 
cette  efpece  ,  &  par  conféquent  ,  ce  qui 
peut  ou  ne  peut  pas  en  être  affirmé  avec 
certitude.  Ainfi ,  lorfque  nous  parlons  d'un 
homme  ou  de  l'or,  ou  de  quelqu'autre  ef- 
pece de  fubftances  naturelles ,  entant  que 
déterminée  par  une  certaine  ejfence  réelle 
que  la  nature  donne  régulièrement  à  chaque 
individu  de  cette  efpece,  &qui  le  fait  être 


de  leur  Vérité y  &c.  Liv.  IV.  39 

de  cette  efpece  ,  nous  ne  faurions  être  cer-  — ■ ■  *!•<£ 

tains  de  la  vérité  d'aucune  affirmation  ou  Chap.  V  l, 
négation  faite  fur  le  fujet  de  ces  fubftances. 
Car  à  prendre  Y  homme  ou  Yor  en  ce  fens  , 
pour  une  efpece  de  chofes,  déterminée  par 
des  effences  réelles  ,  différentes  de  l'idée 
complexe  qui  eft  dans  l'efprit  de  celui  qui 
parle  ,  ces  chofes  ne  fignifient  qu'un  je  ne 
îai  quoi  ;  &  l'étendue  de  ces  efpeces  ,  fixée 
par  de  telles  limites  ,  eft  fi  inconnue  &  Ci 
indéterminée  qu'il  eft  impofiible  d'affirmer 
avec  quelque  certitude  ,  que  tous  les  hom- 
mes font  raifonnables  ,  &  que  tout  or  eft 
jaune.  Mais  lorfqu'on  regarde  l'effence  no- 
minale comme  ce  qui  limite  chaque  efpece  , 
&  que  les  hommes  n'étendent  point  l'appli- 
cation d'aucun  terme  général  au-delà  des 
chofes  particulières  ,  fur  lefquelles  l'idée 
complexe  qu'il  fignifie,  doit  être  fondée  9 
ils  ne  font  point  en  danger  de  méconnoître 
les  bornes  de  chaque  efpece  y  &  ne  fau- 
roient  douter  fur  ce  pied-là  ,  fi  une  pro- 
portion eft  véritable  ,  ou  non.  J'ai  voulu 
expliquer  en  flile  Scholafiique  cette  incer- 
titude des  propotui.ris  qui  regardent  les 
fubftances  ,  &:  me  fervir  en  cette  occaficn 
des  termes  à'ej/ence  &  à'efpece  ,  afin  de 
montrer  fabfurdké  tz  l'inconvénient  qu'il 
y  a  à  fe  les  figurer  comme  quelque  forte  de 
réalités  qui  foient  autre  chofe  que  des  idées 
cbftraites  ,  défignées  par  certains  noms.  En 
effet ,  fuppofer  que  les  efpeces  des  fubftan- 
ces foient  autre  chofe  que  la  réduction  même 


40       Des  Propofitions  univerf elles , 
a  des  fubftances  en  certaines  fortes  ,  rangées 


Chaf,  IV.  fous  divers  noms  généraux,  félon  qu'elles 
conviennent  aux  différentes  idées  abfrrai- 
tes  que  nous  défignons  par  ces  noms  là  , 
c'eft  confondre  la  vérité  ,  &  rendre  incer- 
taines toutes  propofitions  générales  qu'on 
peut  faire  fur  les  fubftances.  Ainfi  ,  quoique 
peut-être  ces  matières  puiflent  être  expo- 
fées  plus  nettement  &  dans  un  meilleur 
jour,  à  des  gens  qui  n'auroient  aucune  con» 
noifTance  de  la  Science  Scholaftique  ;  cepen- 
dant comme  ces  faufles  notions  tfejfence 
&  d'efpece  ont  pris  racine  dans  l'efprit  de 
la  plupart  de  ceux  qui  ont  reçu  quelque 
teinture  de  cette  forte  de  favoir  qui  a  fi 
fort  prévalu  dans  notre  Europe,  il  eft  bon 
de  les  faire  connoître  &  de  les  diflïper  pour 
donner  lieu  à  faire  un  tel  ufage  des  mots 
qu'il  puiffe  faire  entrer  la  certitude  dans 
l'efprit. 
Cela  regar-       ^.  5,   Lors  donc  que  tes  noms  des  fuhf- 

cSuérïment1*  tanCes  f0Ut  ***&&  pour  Jignijiet  des  ef- 
les  fubfian-  peces  qu'on  Juppofe  déterminées  par  des  ef- 
çeJ«  fences  réelles  que  nous  ne  connoijfons  pas 

ils  font  incapables  d'introduire  la  certitude 
dans  V entendement  ;  &  nous  ne  faurions 
être  aflures  de  la  vérité  des  propofitions 
générales  ,  compofées  de  ces  fortes  de  ter- 
mes. La  raifon  en  eft  évidente.  Car  com- 
ment pouvons-nous  erre  afTurés  que  telle 
ou  telle  qualité  eft  dans  l'or,  tandis  que  nous 
ignorons  ce  qui  eft  ou  n'eft  point  dans 
l'or  ;  puifquç  félon  cette  manière  de  parle* , 


de  teut  Vérité,  &c.  Liv,  IV.  41 

rien  n'eft   or,  que   ce  qui  participe  à  une  •  ■* 

effence  qui  nous  eft  inconnue  ,  &  dont  par 
conféquent  nous  ne  faurions  dire  où  eft-ce 
qu'elle  eft ,  ou  n'eft  pas.  D'où  il  s'enfuit 
que  nous  ne  pouvons  jamais  être  allures  à 
l'égard  d'aucune  partie  de  matière  qui  foit 
dans  le  monde,  qu'elle  eft ,  ou  n'eft  pas  or 
en  ce  fens-là  ;  par  la  raifon  qu'il  nous  eft 
abfolument  impofîible  de  favoir  ,  fi  elle  a , 
ou  n'a  pas  ce  qui  fait  qu'une  chofe  eft  ap- 
pelée or,  c'eft-à-dire  ,  cette  effence  réelle 
de  l'or  dont  nous  n'avons  abfolument  au- 
cune idée.  Il  nous  eft  ,  dis-je  ,  auffi  impof- 
fible  de  favoir  cela  ,  qu'il  l'eft  à  un  aveugle 
de  dire  en  quelle  fleur  fe  trouve  ou  ne  fe 
trouve  point  la  couleur  de  *  penfée  ,  tandis  *  ç-eft  \e 
qu'il  n'a  abfolument  aucune  idée  de  h  cou-  nom  d'une 

leur  de  penfée.  Ou  bien  ,  fi  nous  pouvions        r  a 
r       •  ■  ,  n  r     connue. 

lavoir  certainement  (  ce  qui  n'eft  pas  pof-      Voyez   ?e 

fible  )  où  eft  l'eifence   réelle  que  nous    ne  Di&ionnaire 
__        '/r  j  1  j  àeV  Académie 

connonions  pas  ;  dans  quels  amas  de  matière  fran-0ifit 

eft  par  exemple  ,  l'eiTence  réelle  de  l'or  , 
nous  ne  pourrions  pourtant  point  être  affu- 
rés  que  telle  où  telle  qualité  pût  être  attri- 
buée avec  vérité  à  l'or  ,  puifqu'il  nous  eft 
imp  Mliblede  connoître  qu'une  telle  qualitéou 
idée  ait  une  liaifon  néceftaire  avec  une  ejfcnce 
réelle  dont  nous  n'avons  aucune  idée  ,  quel- 
le que  foit  l'efpece  qu'on  puiffe  imaginer 
que  cette  erTence,  qu'on  fuppofe  réelle  , 
conftkue  effectivement. 

$.  6.  D'autre  part  ,  quand  les  noms  des      IInVaq»« 
r  l 'ri.         1-  r  1      /  ...       Peu  °e  Pro" 

lUDitançes  font  employés   comme   ils  de-  poncions  uni. 


Àfl      Des  Proportions  univerfetles , 
fttL'"-  '  r=>  vroient  toujours  l'être  ,  pour  défigner  les 
Chap.    VI.  \dées  qUe   ies  hommes  ont   dans   l'efprit  , 

r  ,,      r     quoiqu'ils  ayent  aLrs  une  fignification  clai- 

verfelles  fur    '      -1  '    .    ,         -,  r 

les  fubftan-      re   &  déterminée  ,   ils  ne  Jervent pourtmt 

ces ,  dont  la  pas  encore    à  former  plufieurs  proportions 

connue  °"      univerfelles  ,   de    la    vérité  defquellcs  nous 

puifjlons  être  ajfurés.  Ce  n'efl  pas  à  caufe 

qu'en   faifant  un  tel  ufbge  des  mots ,  nous 

fommes  en  peine  de  faveir  quelles  chofes  ils 

fignirîent,  mais  parce  que  les  idées  complexes 

qu'ils   fignirient  ,   font  telles  combinaifons 

d'idées  fimples  qui    n'emportent  avec  elles 

nulle  connexion  ,  ou  incompatibilité  vifible, 

qu'avec   très- peu  d'autres  idées. 

Parce  qu  on       *   ^  ^es  \^es  comp'exes  que  les  noms, 

ne  peut  con-         V    '  r  j      r  un 

noître  qu'en  Qu2  nous  donnons  aux  eipeces  des  itibitan- 

peu  de  ren-  ces  ,  fignihent  ,    font  des    Collections  de 
contres  la  •  m  •  r 

coe'xiftence     certaines  qualités  que  nousjavons  remarque 

de  leurs  coéxifter  dans  un    *  Joutien  inconnu  que 

if Ie?",.  n°us    appelions  fub (lance.    Mais  nous   ne 

lcîurions  connonre  certainement  quelles  au- 
tres qualités  coéxifvent  néceffairement  avec 
de  telles  combinaifons,  à  moins  que  nous 
ne  puifiïons  découvrir  leur  dépendance  na- 
turelle ,  dont  nous  ne  faurions  porter  la 
connoiifance  fort  avant  à  l'égard  de  leurs 
premières  Qualités.  Et  pour  toutes  leurs 
fécondes  Qualités  ,  nous  n'y  pouvons  ab- 
folument  point  découvrir  de  connexion 
pour  les  raifjns  qu'on  a  vu  dans  le  Cha- 
pitre III.  de  ce  IV.  Livre  :  Premièrement, 
parce  que  nous  ne  connoiîlbns  point  les 
cjnfli:u;ions    réelles    des  fubflances ,  def- 


de  leur  Vérité,  &c.  Liv.  IV.         43 


«pelles  dépend  en  pmkulier  chaque  fecon- ■*? 

de  Qualité  ;  &  en  fécond  lieu  ,  parce  que  ,  CHap*  V  * 
fuppofé  que  cela  nous  fût  connu  ,  il  ne  pour- 
r  ic  nous  fervir  que  pour  une  connoilfance 
expérimentale  ,  &  non  pour  une  connoif- 
fniceuniverfelle,  ne  pouvant  s'étendre  avec 
certitude  au-delà  d'un  tel  ou  d'-jn  tel  exem- 
ple ,  p.;rce  que.  notre  eâtéiidgrfieat  ne  fnz- 
roit  découvrir  aucune  connexion  imcgin^ble 
entre  une  féconde  Qualité  Si  quelque  mo- 
dification que  ce  foit  d'une  des  premières 
Qualités.  Voilà  pourquoi  l'on  ne  peut  for- 
mer fur  les  fubftances  que  fort  peu  de  pro- 
portions générales  qui  emportent  avec  elles 
une  certitude  indubitable. 

6.  8.  Jout  or  eli  fixe,  eft  une  prope-     Exempîe 
r-i  J  i        dansi'Or. 

iition  dont  nous  ne  pouvons   pas  connoitre 

certainement  la  vérité  ;  quelque  générale- 
ment qu'on  la  creie  véritable.  Car ,  fi  félon 
la  v„ine  imagination  des  écoles  ,  quelqu'un 
vient  à  fuppofer  que  le  mot  cr  fignifie  une 
efpece  de  chofe,  diftinguée  par  la  nature 
à  h  faveur  d'une  effence  réelle  qui  lui  ap- 
partient ,  il  eft  évident  qu'il  ignore  quelles 
fubftances  particulières  font  de  cette  efpece , 
&  qià'aiiifi  il  ne  fauroit  avec  certitude  affir- 
mer univerfellement  quoique  ce  foit  de  l'or 
Mais  s'il  prend  ie  mot  or  pour  une  efpece 
déterminée  par  fon  eflence  nominale  ;  que 
l'e.Tence  nominale  foit ,  par  exemple ,  l'idée 
complexe  d'un  corps  d'une  certaine  couleur 
jaune  ,  malléable ,  fufible  ,  6-  plus  pefant 
qu'aucun  autre  corps  connu  ,  en  employant 


44      Dit  Proportions   uïtiverfelles , 

K'  ii  i  _  ainfi  le  mot  or  dans  fon  ufage  propre"  i 
Chap.  Y  I.  il  n'eft  pas  difficile  de  connoître  ce  qui  eft 
ou  n'eft  pas  or.  Mais  avec  tout  cela  ,  nulle 
autre  qualité  ne  peut  être  univerfellement 
affirmée  ou  niée  avec  certitude  de  l'or  ,  que 
ce  qui  a  avec  cette  eflence  nominale  une 
connexion  ou  une  incompatibilité  qu'on  peut 
découvrir.  La  fixité ,  par  exemple  ,  n'ayant 
aucune  connexion  nécefTaire  avec  la  couleur  , 
la  pefanteur ,  ou  aucune  autre  idée  (impie 
qui  entre  dans  l'idée  complexe  que  nous 
avons  de  l'or  ,  eu  avec  cette  combinaifon 
d'idées  prifes  enfemble  ,  il  eft  impoflible 
que  nous  puilïions  connoître  certainement 
la  vérité  de  cette  proposition  ,  que  tour  or 
ejl  fixe. 

§.  9.  Comme  on  ne  peut  découvrir  au- 
cune liaifon  entre  la  fixité  &  la  couleur  ,  la 
pefanteur  &  les  autres  idées  fimplesdel'eifen- 
ce  nominale  de  l'or  que  nous  venons  de  pro- 
pofer  ;  de  même  fi  nous  faifons  que  notre 
idée  complexe  de  l'or,  foit  un  corps  jaune, 
fujible  ,  duclile ,  pefant  &  fixe ,  nous  ferons 
dans  la  même  incertitude  à  l'égard  de  fa 
capacité  d'être  difibus  dans  Veau  régale  ,  & 
cela  par  la  même  raifon  ;  puifque  par  la  confi- 
dération  des idéesmême nous  nepouvonsja- 
mais  affirmer  ou  nier  avec  certitude  d'un 
corps  dont  l'idée  complexe  renferme  la  cou- 
leur jaune, une  grande  pefanteur,  la  ductilité, 
la  fufibilité  &  la  fixité  ,  qu'il  peut  être 
difTous  dmsVeau  régale  :  &   ainfi  du  refte 


de  leur  Vérité ',  &c.  Liv.  IV.          4$ 

<le  fcs  autres  qualités.  Je  voudrois  bien  voir  '  '  '  a 
une  affirmation  générale  touchant  quelque  Chap«  VI» 
qualité  de  l'or,  dont  on  puifle  être  certai- 
nement affuré  qu'elle  eft  véritable.  Sans 
doute  qu'on  me  répliquera  d'abord  ;  voici 
une  propofirion  univerielle  tout-à-fait  cer- 
taine ,  tout  or  eji  malléable.  A  quoi  je  ré- 
ponds :  C'eft-là,  j'en  conviens,  une  pro- 
pofition  très-aiTurée ,  fi  la  malléabilité  fait 
partie  de  l'idée  complexe  que  le  mot  or 
îtgnifie.  Mais  tout  ce  qu'on  affirme  de  l'or 
en  ce  cas-là ,  c'eft  que  ce  fon  fignifie  une 
idée  dans  laquelle  eft  renfermée  la  mal'- 
Habilité  ;  efpece  de  vérité  &  de  certitude 
toute  femblable  à  cette  affirmation ,  un  cen- 
taure efl  un  animal  à  quatre  pieds.  Mais  fi 
la  malléabilité  ne  fait  pas  partie  de  l'eiTence 
Spécifique  ,  fignifiée  par  le  mot  ory  il  efl 
vifible  que  cette  affirmation  ,  tout  or  ejl 
malléable,  n'efr  pas  une  propofuion  cer~ 
taine  ;  car  que  l'idée  complexe  de  l'or  foit 
compofée  de  telles  autres  qualités  qu'il  vous 
plaira  fuppofer  dans  l'or  ,  la  malléabilité 
ne  paroîtra  point  dépendre  de  cette  idée 
complexe ,  ni  découler  d'aucune  idée  fimple 
qui  y  foit  renfermée  :  la  connexion  que  la 
malléabilité  a  avec  fes  autres  qualités ,  fi 
elle  en  a  aucune,  venant  feulement  de  l'in- 
tervention de  la  confHtution  réelle  de  fes 
parties  infenfibles ,  laquelle  confHtution 
nous  étant  inconnue ,  il  eft  impoffible  que 
nous  appercevions  cette  connexion ,  à  moins 
que  nous  ne  puiffions  découvrir  ce  qui  joint 
toutes  ces  qualités  enlernble, 


46       Des  Propofîtions   univcrfelles  ,' 
=       $.    10.  A  la  vérité,  plus  le  nombre  de 


Chap.    V  I.  ces    qualités  coexiftantes   que  iuus  réunif- 
fons  (bus  un  feul  nom  dans  une  idée  cum- 

cette  ïôexif-  Plexe  >  eft  Srand  >  PluS  n0US  rendons  la 
tencepeut  lignification  de  ce  mot  précife  &  détermi- 
être  connue,  n(^et  Mais  pourtant    n^us    ne    pcuvonsia- 

lulques-là  •     •  j  t  i      j< 

Iespropofi-  ma,s  *a  rendre  par  ce  moyen  capable  d  une 
tiens  univer-  ceriicude  univerfelle  p  r  rapport  a  d'autres 
telles  peu-  nagfoife  qui  ne  font  pas  contenues  dans 
vent  être         ~  /*  r  i 

certaines  ;  notre  idée  complexe  :  puifque  nous  n  ap- 
ir.ais  cela  ne  percevons  point  la  iiailon  ou  la  dépendance 

s'étend  pas  >  ,,  «  •>  r 

Certifia  quelles  ont  I  une  avec  1  aucre,  ne  connoil- 
fant  ni  la  conilkution  réelle  fur  laquelle 
elles  font  fondées ,  ni  comment  elles  en 
tirent  leur  origine.  Car  la  principale  partie 
de  notre  connciiTance  fur  les  fubfrances  ne 
confiite  pas  fimplement ,  cemme  en  d'au- 
tres choies,  dans  le  rapport  de  deux  idées 
qui  peuvent  exilter  féparement,  mais, dans 
la  liaifon  &  dans  la  coexistence  nécefiaire 
de  plusieurs  idées  diflinctes  dans  un  même 
fujet ,  ou  dans  leur  incompatibilité  à  coe\if- 
ter  de  cette  manière.  ^1  nous  pouvions 
commencer  par  l'autre  bout,  &  découvrir 
en  quoi  confifte  une  telle  couleur ,  ce  qui 
rend  un  corps  plus  léger  ou  plus  pefan: , 
quelle  contexture  de  parties  le  rend  mal- 
léable ,  fufible  ,  fixe  &  propre  à  erre  dilfous 
dans  cette  efpece  de  liqueur  &:  non  dans 
une  autre  ;  li  dis-je  ,  njus  avions  une  telle 
idée  des  corps ,  &  q  îe  nous  puiffi jns  ap- 
percevoir  en  quoi  confident  originairement 
toutes  leurs  qualités  leniibles  f  &  comment 


de  leur  Vérité,  &c.  Liv.  IV.          47 

elles  font  produites  ,  nous  pourrions  nous  sa 

en  former  de  telles  idées  abftraites  qui  nous  Chap.  YI« 
ouvriroient  le  chemin  à  une  connoiffance 
plus  générale ,  &:  nous  mettroient  en  état 
de  former  des  propofitions  univerfelles  ,  qui 
emporrercient  avec  elles  une  certitude  & 
une  vérité  générale.  Mais  tandis  que  nos 
idées  complexes  des  eipeces  des  fubftances 
font  fi  éloignées  de  cette  constitution  réelle 
&  intérieure,  d'où  dépendent  leurs  qualités 
fenfible,  &  qu'elles  ne  font  compcfées  que 
d'une  collection  imparfaite  des  qualités  ap- 
parentes que  nos  fens  peuvent  découvrir  , 
il  ne  peut  y  avoir  que  très-peu  de  pro- 
pofitions générales  touchant  les  fubftances, 
de  la  vérité  réelle  defquelles  nous  puiflions 
être  certainement  affurés  ;  parce  qu'il  y  a 
fort  peu  d'idées  fimples  dont  la  connexion 
&  la  coexistence  néceifaires  ncus  foicnt  con- 
nues d'une  manière  certaine  &  indubitable. 
Je  crois  pour  moi ,  que  parmi  toutes  les 
fécondes  qualités  des  fubftances  ,  &  parmi 
les  Puiifunces  qui  s'y  rapportent ,  on  n'en 
fauroit  nommer  deux  dont  la  coexistence 
néceffaire  ou  l'incompatibilité  puiffe  être  con- 
nue certainement,  hormis  dans  les  qualités 
qui  appartiennent  au  même  fens ,  lesquel- 
les s'excluent  néceirairement  Tune  l'autre, 
comme  je  l'ai  déjà  montré.  Perfonne  ,  dis— 
je  ,  ne  peut  connoître  certainement  par  la 
couleur  qui  eft  dans  un  certain  corps,  quelle 
odeur  ,  quel  goût,  quel  fon  ,  ou  quelles  qua- 
lités ta&iles  il  a  ,  ni  quelles  altérations  il 


4"8       Des  Proportions  univerfclles , 

S»  a  eft  capable  de  faire  fur  d'autres   corps  ,  ou 

JCuap.  VI.  de  recevoir  par  leur  moyen.  On  peut  dire 
Ja  même  chofe  du  fon  ,  du  goût ,  &c.  Corn- 
me  les  noms  fpécifiques  dont  nous  nous 
fervons  pour  défigner  les  fubfhnces  ,  lig- 
nifient des  collections  de  ces  fortes  d'idées, 
il  ne  faut  pas  s'étonner  que  nous  ne  puif- 
fions  former  avec  ces  noms  que  fort  peu 
de  propofitions  générales  d'une  certitude 
réelle  &  indubitable.  Mais  pourtant  lorf- 
que  l'idée  complexe  de  quelque  forte  de 
fubftance  que  ce  foit ,  contient  quelqu'idée 
fimple  dont  on  peut  découvrir  la  c^exifrance 
néceffaire  qui  eft  entr'clle  &  quelqu'autre 
idée;  jufques-là  l'on  peut  former  fur  cela 
des  propofitions  univerfelles  qu'on  a  droit 
de  regarder  comme  certaines  :  fi ,  par  exem- 
ple ,  quelqu'un  pouvoit  découvrir  une  con- 
nexion néceffaire  entre  la  malléabilité  & 
la  couleur  ou  la  pefanteuràeY or  ,  ou  quel- 
qu'autre partie  de  l'idée  complexe  qui  eft 
défignée  par  ce  nom-là  ,  il  pourroit  for- 
mer avec  certitude  une  propofition  univer- 
felle  touchant  l'or  confidéré  dans  ce  rap- 
port :  &  alors  la  vérité  réelle  de  cette  pro- 
pofition, tout  or  ejl  malléable,  feroitaufïi 
certaine  que  la  vérité  de  celle-ci  ;  les  trois 
angles  de  tout  triangle  rectangle  font  égaux 
p  à  deux  droits. 

les  qualités         $•  **•  Si  nous  avions  de  telles  idées  des 
quicompo-     fubftances  ,    que   nous  puiffions  connoître 

lent  nos         quelles    constitutions  réelles  produifent  les 
jdees  com-       ~  * 

ple*ej  des      qualités  ienjibles  que  nous  y  remarquons  , 


dthur  Vcriîèy  &c.  Liv-.  IV»         49 

&  comment  ces  qualités  en  découlent;  nous  — -         .=? 
pourrions  par  les  -idées  fpécifiques  de  leurs     HAP#    Y  * 
•elfences  réelles  que  nous  aurions  daos  l'ef-  fubftances 
prit ,  déterrer  plus  certainement  leurs  pro-  dépendent ,  1 
prietés,  &  découvrir  quelles  font  les  qua  -  P°ur  la  P1"- 

\.    ,  1       r  lA  »  part,  des  cau- 

Jites  que  les  luwtances  ont  ,  ou  n  ont  pas,  fes  ext<jr;eu_ 
que  nous  ne  pouvons  le  faire  préfentement  res  éloignées 
par  le  fecours  de  nos  fens  :  de  forte   que  *■  1ue  ûous 

*  a         ,  •  >  '     j    ï,  -,  ne    pouvons 

pour  connoitre  les  propriétés  de  lor,  il  ne  apercevoir* 
feroit  non-plus  néceffaire  que  l'or  exiflât^ 
&  que  nous  filfiohs  des  expériences  fur  ce 
corps  que  nous  nommons  ainfi  ,  qu'il  efl 
nécelfaire  ,  pour  connoître  les  propriétés 
d'un  triangle  ,  qu'un  triangle  exifte  dans 
quelque  portion  de  matière.  L'idée  que 
nous  aurions  dans  l'efprit  fervircit  aufiï- 
bien  pour  l'un  que  pour  l'autre.  Mais  tant 
s'en  Lut  que  nous  ayions  été  admis  dans 
les  fecrers  delà  nature,  qu'à  peine  avons- 
nous  jamais  approché  de  l'entrée  de  ce  fane- 
tua.re.  Car  nous  avons  accoutumé  de  con- 
fidérer  les  fubihnces  que  nous  rencontrons, 
chacune  à  part ,  comme  une  chofe  entière 
qui  fubfiHe  par  elle  -  même ,  qui  a  en  elle  - 
même  toutes  fes  qualités  ,  &  qui  efl  in- 
dépendante de  toute  autre  chofe  ;  c'eft  t 
dis-je  ,  ainfi  que  nous  nous  repréfentons  les 
fubihnces,  fans  fonger  pour  l'ordinaire  aux 
opérations  de  cette  matière  fluide  &  invifible 
dont  elles  font  environnées  ,  des  mouve- 
mens  &  des  opérations  de  laquelle  matière 
dépend  la  plus  grande  partie  des  qualités 
qu'on  remarque  dans  les  fubflances  Se  que 
Tome  IV,  G 


50        Des  Proportions  univerfcltcs, 

*-■   us  nous  regardons  comme  les   m  t 

vhap.  vi.  rentes  de  diftinftion  ,  pj>r  où  nous  les  con> 
noiffons,  &  en  vertu  defquclles  nous  leur 
donnons  certaines  dénominations.  Mais  une 
pièce  d'or  qui  exifteroit  en  quelqu'endnit 
par  elle-même  féparee  de  Pimpreflion  &  de 
l'influence  de  tout  autre  cerps  ,  perdreie 
aulïï  tôt  toute  fa  couleur  &  la  pefanteur, 
peut-être  aulïi  fa  malléabilité  qui  pourroic 
bien  fe  changer  en  une  parfaite  friabilité , 
car  je  ne  vois  rien  qui  prouve  le  contraire. 
Ueaii  dans  laquelle  la  fluidité  eft  par  rap- 
port à  nous  une  qualité  efTentielle ,  cef- 
leroit  d'être  fluide  ,  fi  elle  étoit  biffée  à 
elle-même.  Mais  fi  les  corps  inanimés  dé- 
pendent fi  fort  d'autres  corps  extérieurs  , 
par  rapport  à  leur  état  préfent  ,  en  ferre 
qu'ils  ne  feroient  pas  ce  qu'ils  nous  pjroif- 
foient  être  ,  fi  les  corps  qui  les  environ- 
nent étoient  éloignés  deux  ;  cette  dépen- 
dance eft  encore  plus  grande  à  i'égard  dc-3 
végétaux  qui  font  nourris  ,  qui  creiflent  , 
&  qui  produifent  des  feuilles  ,  des  fleurs  , 
&  de  la  femence  dans  une  confiante  fuc- 
cefllon.  Et  fi  nous  examinons  de  plus  pus 
l'état  des  animaux ,  nous  trouverons  que 
leur  dépendance  par  rapport  à  Ja  vie,  au 
mouvement  &  aux  plus  confidérables  qua- 
lités qu'on  peut  obferver  en  eux ,  roule  fi 
fort  fur  des  caufes  extérieures  &  fur  des 
qualités  d'autres  corps  qui  n'en  font  point 
partie  ,  qu'ils  ne  fauroient  fubfifter  un  mo- 
ment fans  eux  ,  quoique  pourtant  ces  corps 


àt  ItUf  vérité ,  &c.  Liv.  IV.  5  r 

iîor.t  ils'  dépendent  ne  foient  pas  fort  con- 
sidères en  cette  occafion,  &  qu'ils  ne  faifent 
peint  partie  de  l'idée  complexe  que  nous 
nous  formons  de  ces  animaux.  Otez  l'air 
à  la  plus  grande  partie  des  créatures  vi- 
vantes pendant  une  i'euie  minute ,  &  elles 
perdront  aufli-tôt  le  fentiment  ,  la  vie  & 
le  mouvement.  C'efl  de  quoi  la  néceilité  de 
rerpirer  nous  a  forcé  de  prendre  connoif- 
fance.  Mais  combien  y  a-t-il  d'autres  corps 
extérieurs  ,  &  peut-être  plus  éloignés  , 
d'où  dépendent  les  reflbrts  de  ces  admira- 
bles machines,  quoiqu'on  ne  les  remarque 
pas  communément  ,  &.  qu'en  n'y  faite 
même  aucune  réflexion.  Et  combien  y  en 
a-t-il  que  la  recherche  la  plus  exacte  ne 
faurcit  découvrir  ?  Les  habirans  de  cette 
petite  boule  que  nous  nommons  la  terre  , 
quoiqu'eioignés  du  fjleil  de  tant  de  mtl- 
lions  de  lieues  ,  dépendent  pourtant  fi  fort 
du  mouvement  duetnent  tempéré  dzs  par- 
ticules qui  en  émanent  &  qui  font  agrées 
par  la  chaleur  de  cet  aflre  ,  que  fi  cette 
terre  ét^it  transférée  de  cette  fituation  011 
elle  fe  trouve  préfentement ,  3  une  petite 
partie  de  cette  diftance  ,  de  forte  qu'elle 
fût  placée  un  peu  plus  loin  ou  un  peu  plue 
près  de  cette  iburce  de  chaleur  ,  il  eft  plus 
que  probable  que  la  plus  grande  p:rtie  d^s 
animaux  qui  y  font ,  périroient  tout  auili- 
tôt  puifque  nous  les  voyons  mourir  ii  fou- 
vent  par  l'excès  ou  le  dcYaut  de  la  chaleur 
du  foleil,  à  quoi  une  pofïcion  accidentelle 

C  2. 


Chajt .  VI. 


$2       Dts  Frcpcjîtioris  untverjilkf , 

^-■'-  =  les   cxpofe    dans    quelques    parties  de    ce 

Chap.  V  perjt  globe.  Les  qualités  qu'on  remarque 
dans  une  pierre  d'aimant  doivent  néccff.i- 
rement  avoir  leur  caufe  bien  au-delà  des 
limites  de  ce  corps  ;  &  la  mortalité  qui  fe 
jépand  fouvent  fur  différentes  efpeces  d'a- 
nimaux par  des  caufes  inviiibles  ,  &  la 
mort  qui  ,  à  ce  qu'on  dit,  arrive  certaine- 
ment à  quelqu'un  d'eux  dts-qu'ils  viennent 
à  paffer  la  ligne  ,  ou  à  d'autres  ,  comme 
on  n'en  peut  douter ,  pour  être  tranfportés 
dans  un  pays  vcihn  \  tout  cela  montre  évi- 
demment que  le  concours  &  l'opération  de 
divers  corps  avec  lefquels  on  croit  rarement 
que  ces  animaux  aient  aucune  relation  , 
efl  abfolument  néceilaire  pour  faire  qu'ils 
jfoient  tels  qu'ils  nous  paroilfent  ,  &  pour 
conferver  ces  qualités  par  où  nous  les  con- 
îiciflbns  &  les  diftinguons.  Nous  nous 
trompons  donc  entièrement ,  de  croire  que 
les  chofes  renferment  en  elles-mêmes  les 
qualités  que  nous  y  remarquons  :  6c  c*cfl 
en  vain  que  nous  cherchons  dans  le  corps 
d'une  mouche  eu  d'un  éléphant  la  cooili- 
rmion  d'où  dépendent  les  qualités  &  les 
pu  illances  que  nous  voyons  dans  ces  ani- 
maux ,  puifque  pour  en  avoir  une  parfaite 
connciiTance  il  nous  faudroit  regarder  non- 
feulement  au-delà  de  cette  terre  &  de 
notre  atmofphère ,  mais  même  au-delà  du 
icleil  ou  des  étoiles  les  plus  éloignées  que 
nos  yeux  aient  encore  pu  découvrir  :  c\r 
il  nous  efi  impofiâlie  de  dé:erminer  jufqu'à 


de  leur  Vérité ,   &c.  LÎv.  IV.  £$ 

q*ueî  point  l'exiftence  &  l'opération  des  fubf- 
tances  particulières  qui  font  dans  notre 
globe  dépendent  des  caufes  entièrement 
éloignées  de  notre  vue.  Nous  voyons  & 
nous  appercevons  quelques  mouvemens  Si 
quelques  opérations  dans  les  chofes  qui 
nous  environnent  :  mais  de  favoir  d'où 
viennent  ces  flux  de  matière  qui  confer- 
vent  en  mouvement  &  en  état  toutes  ces 
admirables  machines  ,  comment  ils  fonr 
conduits  &  modifiés  ,  c'efl  ce  qui  pafTe 
notre  connoiflance  3c  toute  la  capacité  ds 
notre  efprit  ;  de  forte  que  les  grandes  par- 
ties, &  les  roues,  fi  j'ofe  ainfi  dire,  de  ce 
prodigieux  bâtiment  que  nous  nommons 
Y  Univers  ,  peuvent  avoir  entr'elles  une  telle 
connexion  &  une  telle  dépendance  dans 
leurs  influences  dkdansleurs  opérations  (car 
nous  ne  voyons  rien  qui  aille  à  établir  la 
contraire  )  que  les  chofes  qui  font  ici  dans 
le  coin  que  nous  habitons  ,  prendroienc 
peut-être  une  toute  autre  face  ,  &  cef- 
feroient  d'être  ce  qu'elles  font  ,  fi  quel- 
qu'une des  étoiles  ou  quelqu'un  de  ces 
vaites  corps  qui  font  à  une  diftance  incon- 
cevable de  nous ,  cefloit  d'être  ,  ou  de  fe 
mouvoir  comme  il  fait.  Ce  qu'il  y  a  de 
certain ,  c'efl;  que  les  chofes  ,  quelque  par- 
faites &  entières  qu'elles  piroiflent  en  elles- 
mêmes  ,  ne  font  pourtant  que  des  appa- 
nages  d'autres  parties  de  la  nature,  par 
rapport  à  ce  que  nous  y  voyons  de  plus 
remarquable  :   car  leurs   qualités   fenfibles-, 

C3 


Chap.  Y  h 


54      B&  FfDpoJîaons  unkerfeiles, 

*  --  leurs  avions  &  leurs   pui (Tances  dépendent 

Chat.  VI-  ^e  quelque  chofe  qui  leur  eir  extérieur. 
Et  parmi  tout  ce  qui  fait  pirrie  de  la  na- 
ture ,  mus  ne  connoiffons  rien  de  fi  com- 
plet &  de  û  parfait  qui  ne  doive  Ton  e?:if- 
tence  &  fes  perfections  à  d'autres  êtres 
qui  font  dans  fan  voifinage  :  de  forte  que 
pmr  comprendre  parfaitement  les  qu  dites 
oui  font  dms un  corps,  il  ne  faut  pas  bor- 
ner nos  penfc'es  à  la  considération  de  fa 
fu.f.icc,  m^is  porter  notre  vue  beaucoup 
plus    loin. 

$.  il.  Si  cela  cfl  ainfi  ,  il  n'y  a  pis  lieu 
de  s'étonner  eue  nous  ayons  des  idées  fort 
imparfaites  àcs  fubfrnccs,  &:  que  les  ef- 
fenecs  réelles  d'où  dépendent  leurs  pro- 
pneus &  leurs  opérations  ,  nous  foient 
nues.  Nuis  ne  pouvons  pas  môme 
découvrir  quelle  eft  la  grofieur ,  la  figure 
&  la  contexture  des  petites  particules  ac- 
tives qu'elles  ont  réellement,  &  moins  en- 
core les  différens  mouvemens  que  d'uurres. 
corps  extérieurs  communiquent  à  ces  parti- 
cules ,  d'où  dépend  &  par  cù  fe  forme  la 
pus  grands  &  la  plus  remarquable  partie  des 
qualités  que  n^us  cbfervons  cLns  ces  fubftan- 
ces  ,  &  qui  continuent  les  idées  complexes 
que  nous  avons.  Cette  feule  confidération 
fuffit  pour  nous  faire  perdre  toute  efpérsnce 
d'avoir  jamais  des  idées  de  leurs  efTenccs 
réelles ,  au  défaut  defquelles  les  effences 
nominales  que  nous  leur  fubftituons  ne  fe- 
ront guère  propres  à  nous  donner  aucune 


Je  leur  Vérité,  &c.  Liv.  IV.  f} 

Gonnôiffance  générale  ,   ou  à   nous  fournir *a 

des  propofitions  univerfelles,  capables  d'une   Chap-  ^  h 
certitude  réelle. 

$.    i>.   Nous  ne    devons  donc  pas  être      Lejuge- 

/•     •     .      J      ,  ,  ,  ment  pc.it 

lui  pris   qu  on    ne  trouve  de   certitude   que  étendre 
d.ms  un   très-petit   nombre  de  proportions  plus  avant , 
l'énérJes  qui  regardent  les    fubftances.  La  nia,s  ce  n  ?rft 

0  .  ,„    n  n  7      i  Tas   connoil- 

connoiilance  que  nous  avons  de  leurs  qua-  fance. 
lues  Se  de  leurs  propriétés  s'étend  rarement 
au-delà  de  ce  que  nos  fens  peuvent  nous 
apprendre.  Peut-être  que  des  gens  curieux 
&  appliqués  à  frire  des  obfervv.tions  peu- 
vent ,  par  la  force  de  leur  jugement ,  pé- 
nétrer plus  avant  ,  &  par  le  moyen  de 
quelques  probabilités  déduites  d'une  obfer- 
vation  exacre  ,  Se  de  quelques  apparences 
réunies  à  propos  ,  faire  fou  vent  (de  juffes 
conjectures  fur  ce  que  l'expérience  ne  leur 
a  pas  encore  découvert  ;  mais  ce  n'eft  tou- 
jours que  conjeclurer ,  ce  qui  ne  produit 
qu'une  fimple  opinion ,  &  n'eir  nullement 
accompagné  de  la  certitude  néceffaire  à  une 
vraie  connoilTance;  car  toute  notre  connoif- 
fance  générale  efi  uniquement  renfermée 
dans  nos  propres  penfées  ,  Se  ne  confific 
que  dans  la  contemplation  de  nos  propres 
idées  abftraites.  Par-tout  où  nous  apper- 
cevons  quelque  convenance  ou  quelque  dif- 
conveoance  entr'elles  ,  nous  y  avons  une 
conooifTance  générale  ,de  forte  que  formant 
des  propositions  ,  ou  joignant  comme  il  faut 
les  noms  de  ces  idées  ,  nous  pouvons  pro- 
noncer des  vérités  générales  ave;  cenitude. 

C4 


5<?        DïS  Tropofiti ons  uni l 'crfel/e?, 

*» —=*  Mais  parce  que  dans  les  idées  abftrakes  dë«r 

Cwap.  VI.  fubflances  que  leurs  noms  fpécifîques  figni— 
fient  ,  lorfqu'ils  ont  une  lignification  dif- 
rin£te  &  déterminée,  on  n'y  peut  décou- 
vrir de  liaifon  ou  d'incompatibilité  qu'avec 
fort  peu  d'autres  idées  ;  la  certitude  des 
proposions  univerfelles  qu'on  peut  faire 
iur  les  fubftances  ,  eft  extrêmement  bornée 
&  défectueufe  dans  le  principal  point  des 
recherches  que  nous  faifons  fur  leur  fujet  ; 
&  parmi  les  noms  des  fubflances  à  peine 
y  en  a-t-il  un  feul  (  que  l'idée  qu'on  lui  at- 
tache foit  ce  qu'on  voudra  )  dont  nous  puif- 
fions  dire  généralement  &  avec  certitude 
qu'il  renferme  telle  ou  telle  autre  qualité 
qui  ait  une  o-exiflence  ou  une  incompatibi- 
lité confiante  avec  cette  idée  par  tout  où  elle- 
.  fe  rencontre. 
T,éceknree  $•  T4*  Avant  que  nous  puiffions  avoir 
pour  que       une  telle connoiffance  dans  un  degré  paffable, 

nouspuiflïons  nQUS  devons  ("avoir  premièrement  quels  font 
connoitre  les ,  ,  r    .  .       n  ,.  , 

(ubftances.     tes  changemens  que  les  premières   qualités 

d'un  corps  produifent  régulièrement  dans 
les  premières  qualités  d'un  autre  corps  , 
comment  fe  fait  cette  altération.  En  fécond' 
lieu  ,  nous  devons  fivoir  quelles  premières 
qualités  d'un  corps  produifent  certaines  (èn- 
fations  ou  idées  en  nous.  Ce  qui,  à  le  bien- 
prendre  ,  ne  fignifie  pis  moins  que  con- 
noître  tous  les  effets  de  la  matière  fous  fes 
diverfes  modifications  de  grofTeur  ,  de  fi- 
gure ,  de  cohéfion  de  parties ,  de  mouve- 
ment &  de  repos :;  ce  qu'il  nous  eftabfo-- 


dé  leur  vérité ,  &c.  Liv.  IV.  57 

Iument -impofïïble  de  connoître  fans  rêvé-  = -- 

lacioii ,  comme  tout   le  monde  en  convien-  CHAr4 
dra ,  fi  je  ne  me  trompe.  Et  quand  même 
une  révélation  particulière  mus  apprendrait 
quelle   forte  de  figure,  de    groffeur  Sz  de 
mouvement    dans     ies    parties    infenfibles 
d'un  corps  devroit  produire  en  nous  la  fen- 
fation  de  la  couleur  jaune  ,  &  quelle  efpece 
de  figure  ,  de  groffeur  &:  de  contexture  de 
parties   doit  avoir  la  fuperficie  d'un  corps 
pour  pouvoir  donner  à  ce   corps   tels   cor- 
pufcules  ,   le  mouvement   qu'il  faut    pour 
produire  cette  couleur  ,  cela  furfiroit-il  pour 
former  avec  cerricude  des  propofitions  uni- 
verfelles  touchant  les  différentes  efpeces  de 
figure  ,  de  groffeur,-  de    mouvement  &  de 
contexture  ,  par   où  les  particules  infenfi- 
bles des  corps  produifent  en  nous  un  nom- 
bre infini  de  fenfations  ?  Non  fans  doute  , , 
à    moins  que   nous  n'cufnons  des  facultés . 
ailez  fubtiles  pour   apperçevoir  au  jufte  la 
groffeur  ,  la   figure,,  la    contexture    &  le' 
mouvement  des  corps,  dans  ces  petites  par-  • 
ticules  par  où  ils  opèrent  fur  nos  fens  ,  afin 
que   par  cette  connoiffance    nous   puiffiens  ; 
nous  en  fermer  des  idées  abflraites.  Je  n'ai 
parlé  dans  cet  endroit  que  des  fubftances  - 
corporelles  ,  dont  les  opérations    femblent 
ayoïr  plus  de   proportion  avec    notre  en- 
tendement ,    car   pour   les  opérations    des  ■ 
efprits  ,   c'eit-à-dire  ,  ia  faculté  de   penfer : 
&  de  mouvoir  des  corps,   nous  nous  trou- 
vons, d'ubsrd  reut-àrfaiï  hors  de  rcu;c  à  cest 


5  8      Des  Fi'cpc.fitïuns  univcrfelles  , 

tL l=  égard;  quoique  peut-être  après  avoir  examiné 

Chap.  VI.  (jc  plus  prè^-  la  nature  des  corps  &  leurs 
opérations,  Se  confidéré  jufqu'où  les  notions 
mêmes  que  nous  avons  de  ces  opérations 
peuvent  être  portées  avec  quelque  clarté 
au-delà  des  frits  fenfibles  ,  nous  ferons  con- 
traints d'avouer  qu'à  cet  égard  même  toutes 
nos  découvertes  ne  fervent  prefqu'à  autre 
chofe  qu'a   nous  faire  voir  notre  ignorance, 

6  l'abfolue   incapacité  où  nous   fommes  de 
trouver  rien  de  certain  fur  ce  fujet. 

Tandis  que       §.  15.  Il  eft  ,  di?-je ,  de  la  dernière  évi- 
ros  idées  des  dence  ,  que    les  constitutions    réelles    des 

fubftances  ne  r  ,n  ,,  r         ,         ,  . 

renferment  lubitances  n  étant  pas  rentermees  dans  les 
point  leurs  idées  abstraites  &  complexes  que  nous  nous 
conftitutions  formons  de3  fubfrances   &   que  nous   défi- 

leelles,  nous  n  .  , , 

jie  pouvons  gnons  Par  leurs  noms  généraux  ,  ces  idées 
former  fur  ne  peuvent  nous  fournir  qu'un  petit  de- 
quepeuufe  £re'de  certirude  univerfelle  ;  parce  que  dès- 
propofitions  là  que  les  idées  que  nous  avons  des  fubf- 
générales,  tances  ,  ne  comprennent  point  leurs  cenf- 
ti'utions  réelles  ,  elles  ne  font  point  cem- 
pofées  de  la  chofe  d'eù  dépendent  les  qua- 
lités que  nous  obfervons  dans  ces  fubftan- 
ces,  ou  avec  laquelle  elles  ont  une  liaifon 
certains,  8c  qui  ne  peurroh  nous  en  faire 
connoîtrela  nature.  Par  exemple  ,  que  l'idée 
à  laquelle  nous  donnons  le  nom  £  homme 
f)it  omme  elle  cft  communément  ,  un 
corps  d'une  certaine  forme  cxrérieure  avec 
du  fenriment  5  de  h  raifon  ,  &  la  faculté  de 
fc  mouvoir  volontairement.  jCcmme  c'eft- 
U  l'idée  abUraite  ,  &  par  conféquent  Pef- 


certaines. 


de  leur  Vérité  t  &c.  Liv.  IV.  ?  ? 

fence  del'efpece  que  nous  nommons  homm  ■         -- a 

nous  ne  pouvons  former  avec  cert;;u;le  ■•-—'• 
que  fort  peu  de  propoikions  générales  tou- 
chant Y  homm:  ,  pris  pour  une  telle  idée 
complexe;  p:rce  que  ne  connoiffant  pas  la 
conftrution  réelle  d'où  dépend  le  fermaient , 
la  puiiî'ance  de  fe  mouvoir  &  de  r^ifonner  , 
avec  cette  forme  particulière,  &  p.r  où 
ces  quatre  chofes  fe  trouvent  unies  enfem- 
ble  d  ;ns  le  même  fujet,  il  y  a  fort  peu  d'au- 
tres qualités  avec  lefquelles  nous  puidSons 
appercevoir  qu'elles  aient  une  Iiaifon  né- 
ceiLire.  Ainfi  ,  nous  ne  faurions  affirmer 
avec  certitude  que  tous  les  hommes  dor- 
ment  j  certains  inten'alles ,  qu'aucun  hoi;t~ 
mené  peut  fe  nourrir  avec  du  bois  ou  des 
pierres  ,  que  la  cigue  eft  un  poifon  pour  tous 
les  hommes,  parce  que  ces  idées  n'ont  au- 
cune Iiaifon  ou  incompatibilité  avec  cette 
elfence  nominale  que  nous  attribuons  à 
V homme ,  avec  cette  idée  ibftraite  que  ce 
nom  figni:ïe.  Dans  ce  c-^s  6\_  autres  fembla- 
bles  nous  devons  en  appeller  à  des  expé- 
riences faites  fur  des  fujets  particuliers ,  ce 
qui  ne  faur oit  s'écendie  fort  loin.  A  l'égard 
du  refte  nous  devons  nous  conten- er  d'une 
fimple  probabilité;  car  nous  ne  pouvons 
avoir  aucune  certitude  générale  ,  pendant 
que  notre  idée  fpéciiique  de  l'homme  ne 
renferme  p  int  cette  conftitution  récile 
qui  eft  la  racine  à  laquelle  toutes  fes  qua- 
lités inféparables  font  unies  ,  &  d'où  elles 
Usent  leur  origine.  E:    tandis    que    l'idée 

C  6 


6ù      Des  Proportions   univerféllés  j, 

**~  ■■      ■'=  que  nous  faifons  fignifier  au  mot   hommt 
Chap.  Y!»    n'eft   qu'une  collection  imparfaite  de  quel-* 
ques  qualités  fenfiblcs  &  de  quelques  puif- 
fances  qui  le -trouvent  en  lui,  nous   ne  fau- 
rions  découvrir  aucune   connexion  ou    in- 
compatibilité entre  notre  idée  fpécifique  & 
l'opération  que  les  parties  de  la  ciguë  ou  des 
pierres  doivent  produire   fur    fa  confhtu-* 
tion.  Il  y  a  des  animaux  qui  mangent  delà 
ciguë  fans  en  être  incommodés,  &  d'autres- 
qui  fe  nourrirent  de,  bois  &  de   pierres  ; 
mais  tant  que    nous  n'avons    aucune  idée 
des  confeirutions  réelles  de  différentes  fortes . 
d'anim3ux ,    d'où  dépendent  ces   qualités  , 
ces  puiffances-là  &  autres  femblables,  nous 
ne  devons  point  efpérer  de  venir  jamais  à 
former  ,    fur  leur  fujet  ,  des    propofitionç 
univerféllés    d'une  entière    certitude.    Ce 
qui  nous  peut  fournir  de  telles  propositions -y 
creft  feulement  les  idées  qui   font  unies  à 
notre  effence  nominale  ou  à  quelqu'une  de 
les  parties  par   des  liens    qu'on   peut  dé- 
couvrir. Mais  ces  idées-là  font  en  "  petit 
nombre   &  de  fi  peu  d'importance   ,   que 
nous  pouvons    regarder   avec  raifon  notre 
connoilfance    générale  touchant    les    fubf- 
tances  (  j'entens  une  connoiirance  certaine  ) 
comme  n'étant  prefque  rien  du  tout. 
En  quoi  §•  I&  Enfin,  pour  conclure,  les  pro- 

wonfifte  la       pofitions   générales  ,     de    quelque    efpece 
néraie'des^2"  Ru'c^3  foient  f  ne  font  capables  de  certi- 
propofitions.  tude  ,  que  lorfque  les  termes  dont  elles  font 
compofées }  magnifient  des  idées  dont  n#Ufc 


de  leur  Venté,  &c.  Liv.  fV.  6'T 


pouvons  découvrir  la  convenance  &  la  dif-  —  -  ^ 

convenance  félon  qu'elle  y  eft  exprimée.  Et  Ghaî-.  Yiî 
quand  nous  voyons  que  les  idées  que  ces- 
termes  lignifient ,  conviennent  ou  ne  con- 
viennent pas  ,  félon  qu'ils  font  affirmés  ou- 
niés  l'un  de  l'autre  ,  c'eft  alors  que  nous- 
fommes  certains  de  la  vérité  ou  de  la  faul- 
feté  dé  ces  propofuions.  D'où  nous  pou- 
vons inférer  qu'une  certitude  générale  na 
peut  jamais  fe  trouver  dans  nos  idées.  Que 
fi  nous  l'âllons  chercher  ailleurs  dans  des 
expériences  ou  des  obfervations  hors  de- 
nous ,  dès-lors  notre  connoifonce  ne  s'é- 
tend point  au  delà  des  exemples  particu- 
liers. C'eft  la  contemplation  de  nos  propres- 
idées  abïtraites  qui  feule  peut  nous  fournir 
une  connoijfan.ce  générale. . 


CHAPITRE     VII.      • 

Des  Proportions  qu'on  nomme  Maxi- 
mes ou  Axiomes. 


.1. 


$.  I.  JiL  y  a  uneefpece  de  propofitions  qui  Chap.   VIL" 

îbus  le  nom  de- Maximes  ou  d'Axiomes ont 

paiTé  pour  les    principes  des  fciences   :  &         ?  AV°." 
r-  ,ii        r        '   -i  mes  font  evx* 

parce  quelles  font  évidentes  par  elles  mê-  dens  par  eiufc 

mes  ,  on  a  fuppofé  qu'elles  étoient  innées  ,  même», 
fans  que  perfonne  ait  jamais  tâché  (  que  je 
fâche  )  de  faire  voir  la  raifon  &  le  fonde- 
ment de    leur  extrême  clarté  t  qui   nous. 


6x  Des  Axiomes.  Liv.  IV. 

t"  g  force,  pour  ainfi  dire,  à  leur  donner  notre 

Chap.  VI.  confenteniont.  Il  nV-ft  pourtant  pas  inutile 
d'entrer  d^ns  cette  recherche  ,  &  de  voir 
fi  cette  grande  évidence  eft  particulière  à 
ces  feules  propofitions,  comme  aufîi  d'exa- 
miner jufqu'où  elles  contribuent  à  nos  autres. 
connoifTances. 

Ç.   i.   La  connoiffance  confifte ,  comme 

-,         .      je  l'ai  déjà  montré  ,   dans  la  perception  de 
En  quoi       i  '  j     i       ,/-  j 

tonfifte  cette 'a   convenance  ou  de  la   dilconvenance  des 

évidence  im-  idées.  Or  par-tout  où  cette  convenance  ou 

mt  iate,         difeonvenance  eft  apperçue  immédiatement 

par  elle-même  ,    fans  l'intervention   ou  1» 

fecours  d'aucune    autre  idée  ,  notre   con- 

noiflance  eft  évidente   par  elle-même .  C'eft 

de  quoi  fera  convaincu  tout  homme  qui  con- 

fidérera  une  de  ces  propofuions  auxquelles 

il  donne  fon  confentement  dès  la  première 

vue  fans  l'intervention   d'aucune    preuve  ; 

car  il    trouvera   que  la  raifon  pourquoi  il 

reçoit  toutes  ces  propofitions ,  vient  de  la 

convenance  ou  de  la  difeonvenance  que  l'ef- 

prit  voit  dans  ces  idées  en  les  comparant 

immédiatement  entr'elles  félon  l'affirmation 

ou  la  négation  qu'elles  emportent  dans  une 

telle  propofrnn. 

y.  3.  Cela  étant  ainfi,  voyons  préfente- 

Llle  n'eft    ment  fi  cette  (  1  )   évidence  immédiate  ne 

as  particu- 

ere  aux  (  j  ^  Self-évidence:  mot  expreftif  en  Anglois  ,  qu'on 

propofitions  ne  peut  ren^re  en  François ,  fi   je  ne  me  trompe  , 

qui  parlent  qv.e  par  périphrafe.  C'eft  la  propriété  <ju'a  une  pro- 

pourAxio-  pojlton  d'être  évidente  par  elle-même  ;  ce  que    jVp- 

•nes,  pelle  évidence  immédiate,  pour  ne  pas  embnrraffer 
le  difeours  pur    une  circonlocution.   Après   ce  que 


l 


Des  Axiomes.  Liv.  IV.  6} 

convient  qu'à  ces  propofitions  auxquelles  •  ■  ■■  =q 
on  donne  communément  le  nom  de  Ma-  Chap.YIÏ» 
ximes ,  &  qui  ont  l'avantage  de  paifer  pour 
Axiomes.  11  eft  tout  vifible  ,  que  plufieurs 
autres  vérités  qu'on  ne  reconnoit  peint  pour 
Axiomes  font  auflï  évidentes  par  elles- 
mêmes  que  ces  fortes  de  propoiirions.  C'efl 
ce  que  nous  verrons  bientôt  ,  fi  nous 
parcourons  les  différentes  fortes  de  conve- 
nance ou  de  difeonvenance  d'idées  que  nous 
avons  propofé  ci-deifus  ,  favoir  V identité,  la 
relation,  la  coexijlence  ,  &  Vexijlence  réelle; 
par  cii  nous  reconnoîtrons  que  non-feule- 
ment ce  peu  de  propofitions  qui  ont  paifé 
pour  Maximes  font  évidentes  par  eiles- 
mêmes  ,  mais  que  quantité  ,  ou  plutôt  une 
infinité  d'autres    propofitions  le  font  auffi. 

$.  4.  Car   premièrement   la    perception  I.  A  l'égard 
immédiate  d'une  convenance  ou  difeonve-  „s  l'^f"^ 

,,  •  ,       •   ,       ,  r      j  t       r  oc  de  la  di- 

nance  d  identité  ,  étant  fondée  iur  ce  que  verfité',  ton- 
l'efprit  a  des  idées  diftinctes  ,  elle  nous  tes  les  pro- 
fournit autant  de  propofitions  évidentes  par  P0^-10"^0»* 

11  î  j>-./        A-r-  également 

elles-mêmes  que  nous  avons  d  idées  diltinc-  évidentes  par 
tes  qui  font  comme  le  fondement  de  cette  elle$-mêm«s». 
connoiifancc  :  &  le  premier  aéle  de  l'efprit, 
fans   quoi   il  ne  peur  jamais   erre   capable 
d'aucune  connoiffance  ,  conn/tcàconnoître 
chacune  de  fes  idées   par  elle-même,   Cv  à 

l'Auteur  v:ent  c'e  dire  dans  le  paragraphe  précédent  , 
il  étoit  ;iifé  d'entendre  ici  ce  c;ue  j'ai  voulu  dire  par- 
cette  expreffion.  Mais  comme  j'en  aurai  peut-êrre 
befoin  dans  la  fuite  ,  j'ai  cru  qu'il  ne  feroit  pas  inu- 
tile d'avertir  le  lefteur  que  c'eft-lù  le  fens  que  je  lui: 
donnerai  çonPiâmment, 


64  Des  Axiomes.  Liv.  IV. 

e a  la  difHnguer  de    toute   autre.  Chacun  voit 

Ghap-, VII.  en  lui-même  qu'il  connoît  les  idées  qu'ila 
dans  l'efprit ,  qui' connoît  aufll  quand  eit-ce 
qu'une  idée  eft  préfente  à  fon  entende^ 
ment ,  &.  ce  qu'elle  eft  ;  &  que  lorfqu'il  y 
en  a  plus  d'une,  il  les  connoît  diftincle.- 
ment  ,  &  fans  les  confondre  l'une  avec 
Vautre.  Ce  qui  étant  toujours  aïnfi ,  (  car  il 
efl:  impoffible  qu'il  n'apperçoive  point  ce 
qu'il  apperçoit  )  il  ne  peut  jamais  douter 
qu'une  idée  qu'il  a  dans  l'efprit  ,  n'y  foit 
actuellement,  &  ne  foit  ce  qu'elle  eft  ;  &  que 
deux  idées  diftinétes  qu'il  a  dans  l'efprit ,  n'y 
foient  effectivement  ,  &  ne  foient  deux 
idées.  Ainfi ,  toutes  ces  fortes  d'affirmations 
&  de  négations  fe  font  fans  qu'il  foit  poflible 
d'héfiter  ,  d'avoir  aucun  doute  ou  aucune 
incertitude  à  leur  égard  ;  &  nous  ne  pou- 
vons éviter  d'y  donner  norre  confentement, 
dts  que  nous  les  comprenons  ,  c'eft-à-dire, 
dès-que  nous  avons  dans  l'efprit  les  idées 
déterminées  qui  font  délignées  par  les  mots 
contenus  dans  la  propofuion.  Et  par  confa-  - 
quent  toutes  les  fois  que  l'efprit  vient  à  con- 
fidérer  attentivement  une  propofition ,  en 
forte  qu'il  apperçoive  que  les  deux  idées 
qui  font  fignifiées  par  les  termes  dent 
elle  eft  compofee  ,  &.  affirmée  ou  niée 
l'une  de  l'autre  ,  ne  font  qu'une  même  idée , 
ou  font  différentes;  dès-là  il  eft  infaillible- 
ment, certain  de  la  vérité  d'une  telle  propofî-! 
tion  ;  &  cela  également ,  foit  que  ces  pro- 
pofitions  foient  compofées  de  termes  qui 
ÎTjgnirlenr.  des  idées  plus  ou  m;ins  gériér'-lêSj., 


Des  Axiomes.  Liv.  IV.  6f 

p?r  exemple  ,   foit  que  l'idée   générale   de  - 

VI  tre  foit  affirmée  d  'elle-même  ,  comme  ^HAV'  VU, 
cfcns  certe  propofition.,  tout  ce  qui  e fi,  efl\ 
ou  qu'une  idée  plus  pirticuliere  foit  affir- 
mée d'elle-même,  comme  Un  homme  efi  un 
homme ,  ou  ce  qui  efi  blanc  ,  eji  blanc  :  foit 
que  l'idée  de  Y  Etre  en  général  foit  niée  du 
non-être  ,  qui  eft  (  fi  j'ofe  ainft  parler  )  la 
feule  idée  différente  de  l'être  ,  comme  dans 
cette  autre  prerpofuion  ,  il  efi  impojfible 
qu'une  même  chofe  foit  &  ne  foit  pas  y  ou 
que  l'idée  de  quelqu'être  particulier  foit  niée 
d'une  autre  qui  en,  eft  différente  ,  comme, 
un  homme  n'efi  pas  un  cheval ,  le  rouge  n'efi 
pas  bleu.  La  différence  des  idées  fait  voir 
aufll-tôt  la  vérité  de  la  propofition  avec  une 
entière  évidence ,  dès  qu'on  entend  les  ter- 
mes dont  on  fe  fert  pour  les  défigner ,  & 
cela  avec  autant  de  certitude  &  de  facilité 
tfans  une  propofition  moins  générale  que 
dans  celle  qui  l'eft  davantage  ;  le  tout  par 
la  même  raifon  ,  je  veux  dire  ,  à  caule  que 
l'efprit  apperçoit  dans  toute  idée  qu'il  a, 
qu'elle  eft  la  même  avec  elle-même  ,  & 
que  deux  idées  différentes  font  différentes 
&  non  les  mêmes  :  dequoi  il  eft  également 
certain,  foit  que  ces  idées  ioient  d'une  plus- 
petite  ou  d'une  plus  grande  étendue  ,  plus 
ou  moins  générales  ,  6c  p-lus  ou  moins  abf- 
traites.  Par  conséquent ,  le  privilège  dette 
évident  par  foi-même  n'appartient  point 
u-niquement,  &  par  un  droit  particulier  ,  à 
ces  deux  propofition:--  générales  >  tout  a  qui 


66  Des  Axiomes.  Liv.  IV. 

t? —  '      a  e/?,  ef}  ;  €•  r7  f/?  impvffible    qu'une  même 
Chvp*    Vil.  chofe  foit  &  ne  foit  pas  en  même  temps.  La 
perception  dêcre  ,  ou  de  n'être  point ,  n'ap- 
partient pas  plutôt  aux  idées  vagues,  ligni- 
fiées par  ces  termes  ,  tout  ce  que  ,  ôi.  chofe, 
qu'a  quelqu'autre  idée  que  ce  foit.  Car  ces 
deux    maximes   n'emportent    dans  le  fjnd 
autre  chofe  finon  que  le  mime  ,  eft  le  même  , 
eu  que  ,  ce  qui  efl  le  mime  ,   n'efl  pas  dif- 
férent :  vérités  qu'on  reconnoît  p.ufïi  -  bien 
dans   des    exemples    plus   particuliers   que 
que  dans  ces  maximes  générales  ,  ou  ,  pour 
parler  plus   exactement  ,    qu'on    découvre 
dans  des  exemples  particuliers  avant  que  d'a- 
voir jamiis  pen(é  à  ces  maximes  générale   , 
&  qui  tirent  toute  leur  force  de  la  faculté 
que  l'efprit  a  de  difeerner  les  idées  particu- 
lières qu'il  vient  à  conlidérer.  En  effet ,  il  e/t 
tout  vilible  que  l'efprit  connaît  &  apperçoit 
que  l'idée  du  blanc  eft  l'idée  du  blanc,  & 
non  celle  du   bleu  ;  &  que  ,   lorfque  l'idée 
du  bhnc    eft    dans  l'efprit ,  elle  y  eft    & 
n'en   eft  pas  abfente ,  qu'il  Y  apperçoit ,  dis- 
je  ,  clairement,  &  le  connoîth  certainement 
fans  le   fecours  d'aucune  preuve,  ou  fans 
rédéchir  fur  aucune  de  ces   deux  propofi- 
tions  générales  ,  que  la  confidération  de  ces 
axiomes  ne  peut  rien  ajouter  à   l'évidence 
ou  à  la  certitude  de  la  connoifTance  qu'il   a 
de  ces  chofes.  Il  en  eft  juftement  de  même 
à  l'égard  de  tomes  les  idées  qu'un  homme 
a  dans  l'efprit ,  comme  chacun  peut  l'éprou- 
ver en   foi-mîme.    Il  connaît    que  ch.que 


Des  Axiomes.  Liv.  IV.  6j 

ïàêe  eft  cette  même  idée  &  non  une  autre ,  "-  —~? 
&  qu'elle  eft  dans  fon  efprit  &  non  hors  de 
fl>n  efprit  lorfqu'elle  y  eft  actuellement  ;  il 
le  connoît ,  dis-je,  avec  une  certitude  qui 
ne  fauroit  être  plus  grande.  D'où  il  s'enfuie 
qu'il  n'y  a  point  de  proportion  générale 
dont  la  vérité  puiffe  être  connue  avec  p'us 
do  cerritude  ,  ni  qui  foit  capable  de  rendre 
cette  première  plus  parfaite.  Ainfl  ,  notre 
connoifTance  de  fimple  vue  s'étend  auffi 
loin  que  nos  idées  p3r  rapport  à  Tidenrké  , 
&  nous  femmes  capables  de  former  autant 
de  propositions  évidentes  par  elles-mêmes, 
que  nous  avons  de  noms  pour  désigner  àos 
idées  diftin£tes  ;  fur  quoi  j'en  appelle  à 
l'efprit  de  chacun  en  particulier  ,  pour 
favoir  fi  cette  propofr.ion  ,  un  cercle  efl  un 
cercle  .  n'eft  pas  une  propofition  auffi  évi- 
dente p?.r  elle-même  que  cetle-ci  qui  efl 
compofée  de  termes  plus  généraux  ,  tout  ce 
qui  eji  ,  efl  ;  &  encore  ,  fi  cette  propofi- 
tion ,  h  bleu  n  'efl  pas  rouge ,  n'eit  point  une 
propofition  dont  l'efprit  ne  peut  non  plus 
douter  ,  dès-qu'il  en  comprend  les  termes , 
que  de  cet  axiome  ,  il  efl  impofjible  qu'une 
mêm*  chu fe  foit  &  ne  foit  pas  :  &  ainfi  de 
toutes  les  autres  propofrions  de  cette  efpece. 

§.  5.  En  fécond  lieu  ,  pour  ce  qui    eft  **•  rar  r-T- 
de-la  coexistence,  ou  d'une  connexion  en-  exiftènceC°" 
tre  deux  idées,  tellement  néceiTaire  ,   que  noussvons 
dès-que  l'une   eft  fuppofée  dans  un  fuiet,  fort  F.eu  de 

i>         '   j  •       „•  /Ti     ,,  .  !    ,     proportions 

I  dUtre  doive  1  être  audi  dune  manière  ine-  évidentes  par 
vitable  ,    l'efprit   n'a    une  perception   ire-  elles-mêmes» 


68  Des  Axiomes.  Liv.  IV. 

g =3  médiate  d'une  relie  convenance  ou  difcon- 

CiiAp.  VII.  venance  qu'à  l'égard  d'un  très-petit  nom- 
bre d'idées.  C'eft  pourquoi  notre  connoif- 
fance  intuitive  ne  s'étend  pas  fort  loin  fur 
cet  article  ;  &  l'on  ne  peut  former  là-deiTus 
que  très-peu  de  propofitions  évidentes  par 
elles-mêmes.  Il  y  en  a  pourtant  quelques- 
unes  ;  par  exemple,  l'idée  de  remplir  un 
lieu  égal  au  contenu  de  fa  furface  ,  écanc 
attachée  à  notre  idée  du  corps ,  je  crois 
que  c'eft  une  propofition  évidente  par  elle* 
même  ,  que  deux  corps  ne  fauroient  être 
dans  U  mime  lieu. 

„„  .  G.  6.  Quant  à  la  troifieme  forte  de  conve- 

Jïï.  Nous  en        y         >  ,  .  , 

pouvons        nance  qui  regarde  les  relations  des  modes,  Ie3 

avoir  dansles  Mathématiciens  ont  formé  plufieurs  axiome» 

autres  rela-    fur  ]a  feu|e  relation  d'égalité  ,  comme  que  //'. 
tions» 

de  chofes  égales  on  en  été  des  chofes  égales  U 

Teflc  ejl  égal.  Mais  encore  que  cette  propo- 
fition &  les  autres  du  même  genre  foient 
reçues  par  les  Mathématiciens  comme  au- 
tant de  maximes ,  &  que  ce  foient  effective- 
ment des  vérités  inconteftables  ;  je  crois 
pourtant  qu'en  les  onfidirant  avec  toute- 
l'attention  imaginable,  on  ne  fauroit  trou- 
ver qu'elles  foient  plus  clairement  évidentes 
par  elles-mêmes  que  celles-ci ,  un  &  un 
font  égaux  à  deux  ;  fi  de  cinq  doigts  d'une 
main  ,  vous  en  ôte^  deux  ,  &  deux  autres  des- 
cinq doigts  de  l'autre  main ,  le  nombre  des 
doigts  qui  rejlera  fera  égal.  Ces  propofnions* 
&:   mille  autres  femblables  qu'on  peut  for- 


Des  Axiomes.  Liv.  IV.  6$ 

Hier  fur  les  nombres  ,  fe  font  recevoir  né-  =■ 

ceffairement  dès-qu'on  les  entend   pour  la  CHAf.   Y  IL- 
première  fois ,  &  emportent  avec  elles  une 
auffi   grande  ,   pour  ne   pas  dire  une  plus 
grande  évidence  que  les  axiomes  de  Ma- 
thématique. 

a  t.  •  i-  »  «/       i    i         IV.    Tou» 

$.  7.  F,n^  quatrième  heu  ,   a  1  égard  de  chanti'cxif- 

l'exiflence  réelle,  comme  elle  n'a  de  liaifon  tence   réelle 

avec  aucune  autre  de  nos  idées  qu'avec  celle  nous  n  en 

-1  avons  aucu." 

de  nous-mêmes  &  du  premier  être  ,  tant  ne, 

s'en  Lut  que  nous  ayons  fur  l'exiftence 
réelle  de  tous  les  autres  êtres  une  connoif- 
fance  qui  nous  foit  évidente  par  elle-même, 
que  nous  n'avons  pas  même  une  connoif- 
fance demonftrative.  Et  par  conféquent  il 
n'y  a  point  d'axiome  fur  leur  fujet. 

§.  8.  Voyons  après  cela  quelle  eft  l'in-      Les  sxio- 
fluence    que  ces    maximes   reçues   fous  le  mes  n'ont  pas 

,,  r       .  '  .        beaucoup 

nom  d  axiomes,  ont  lur  les   autres  parties  d'influence 

de  notre  connoiffance.  La  règle  qu'on  pofe  fur  les  autres 

dans  les  écoles,  Que  tout  raifonnement  vient  Partiesde  n°* 
j„     i     r      A**  s    j'v  i'         tre   connoit- 

oe  choies  déjà  connues  ,  oc  d.jja  accordées  ,  fanCe. 

ex  pnecognitis  &  pnsconceffis  ,  comme  ils 
parlent;  cette  règle,  dis-je ,  fcmble  faire 
regarder  ces  maximes  comme  ie  fondement 
de  toute  autre  connoiffance,  &  comme  des 
chofes  déjà  connues ,  par  où  l'on  entend, 
je  crois  ,  ces  deux  chofes  ;  la  première  ,  que 
ces  axiomes  font  les  vérités  les  premières 
connues  à  l'efprit  ;  &  la  féconde  ,  que  les 
autres  parties  de  notre  connoiffance  dépen- 
dent de  ces  axiomes. 

$.  9.  Et  premièrement ,  il  paroit  évidem- 


70  Des  Axiomes.  Liv.  IV. 

t- u  ment  par  l'expérience  que   ces   vérités  rté 

Chai-.YH.    fon[  pas   ies  premières    connues  ,    comme 
,,  nous  l'avons  *  déjà    montré.    En   effet ,  qui 

Parce   que  ,  ,  c  « 

ce  ne  font  pas  lie  s  apperçcit   qu  un    entant  connoit   cer- 
tes vérités ,    tainement  qu'un  étranger  n'eftpas  fa  mère, 

les  premières  que  ja  verge  qu'il   craint   n'eit  pas  le  fucre 
connues.  *  b      >  v 

*iàiv.  i.f.6.  q^i  on  lui  preknte  ,  long-tems  avant  que  de 
favoir  ,  qu'il  eji  impojjlble  qu'une  chofefoit 
&  m  foitpas  ?  Combien  peut-on  remarquer 
de  vérités  fur  les  nombres  ,  dont  on  ne 
peut  nier  que  l'efprit  ne  les  connoiffe  par- 
faitement &  nen  foit  pleinement  convaincu, 
avant  qu'il  ait  jamais  penfé  à  ces  maximes 
générales  ,  auxquelles  les  Mathématiciens  le 
rapportent  quelquefois  dans  leurs  raifonne- 
mens?  Tout  cela  eff  incontefhble  ,  &  i! 
n'eit  pas  difficile  d'en  voir  la  raifon.  Car 
ce  qui  fait  que  l'efprit  donne  fon  confen- 
tement  à  ces  fortes  de  proportions  ,  n'étant 
autre  chofe  que  la  perception  qu'il  a  de  11 
convenance  ou  de  la  difeonvenance  de  les 
idées  ,  félon  qu'il  les  trouve  affirmées  ou 
niées  l'une  de  l'autre  par  des  termes  qu'il 
en'end;&  connoiffant  d'ailleurs  que  chaque 
idée  eft  ce  qu'elle  eft,  &  que  deux  idées  dif- 
tinéles  ne  font  jamais  la  même  idée  ,  il  doit 
s'enfuivre  nécerfairement  de-là  ,  que  parmi 
ces  fortes  de  vérités  évidentes  par  elles- 
mêmes,  celles-là  doivent  être  connues  les 
premières  qui  font  composées  d'idées  qui 
font  les  premières  dans  l'Efprit  :  &  il  eft 
vilible  que  les  premières  idées  qui  font 
dans  l'efprit ,  font  celles  des  chofes  parti- 


Des  Axiomes.  Liv.  IV.  71 

culicres  ;  defquelles  l'entendement  va    par — i 

des  degrés  infenfibles  à  ce  petit  nombre  <-kap.  YU, 
d'idées  générales  ,  qui  étant  formées  à  l'oc- 
cafion  des  objets  des  fens  qui  fe  préfentent 
le  plus  communément  ,  font  fixées  dins 
l'efprit  avec  les  noms  généraux  dont  on  fe 
fert  pour  les  défigner.  Ainli  ,  les  idées 
particulières  font  les  premières  que  l'efprit 
reçoit ,  qu'il  difeerne  ,  &  fur  lefquelles  il 
acquiert  des  connoiflances.  Après  cela  vien- 
nent les  idées  moins  générales  ou  les  idées 
fpécifiques  qui  fuivent  immédiatement  les 
particulières  ;  car  les  idées  abliraites  ne  fe 
préfentent  pas  fi-tôt  ni  fi  aifément  que  les 
idées  particulières  ,  aux  enfans,  ou  à  un 
efprit  qui  n'eft  pas  encore  exercé  à  cette 
manière  de  penfer.  Que  fi  elles  paroiffenc 
aifées  à  former  à  des  perfonnes  faites  ,  ce 
n'eft  qu'à  caufe  du  confiant  &  du  familier 
ufage  qu'ils  en  font  ;  car  fi  nous  les  cunfi- 
dérons  exactement  ,  nous  trouverons  que 
les  idées  générales  font  des  ridions  de  l'ef- 
prit qu'on  ne  peut  fermer  fans  quelque 
peine ,  &  qui  ne  fe  préfentent  pas  fi  aifé- 
ment que  nous  fommes  portés  à  nous  le 
figurer.  Prenons  ,  par  exemple  ,  l'idée  gé- 
nérale d'un  triangle  ;  quoiqu'elle  ne  foie 
pas  la  plus  abftrâite ,  la  plus  étendue  &  la 
plus  nul-aifée  à  former,  il  eft  certain  qu'il 
faut  quelque  peine  &  quelqu'adreffe  pour 
fe  la  repréfemer  ,  car  il  ne  doit  être  ni 
oblique  ,  ni  rectangle,  ni  équilatere  ,  ni 
ibicele,  ni    fedène  ,  mais    tout  cela  à  la 


tTSt  Ses  Axiomes.  Liv.  IV. 

e£*  =a  fois  ,  &  nul  de  ces  triangles  en  particulier» 

Chas.  VU.  H  eft  vrai  que  dans  1  état  d'imperfection  où 
fe  trouve  notre  eiprit ,  il  a  befoin  de  ces 
■idées  ,  &  qu'il  fe  hâte  de  les  former  le 
plutôt  qu'il  peut ,  pour  communiquer  plus 
aifément  (es  penfées  &  étendre  fes  propres 
■connoi nuances  ,  deux  chofes  auxquelles  il 
•efr  naturellement  fort  enclin.  Mais  avec 
tout  cela  ,  l'on  a  raifon  de  regarder  ces  idées 
comme  autant  de  marques  de  notre  imper- 
fection ;  ou  du  moins  cela  fuffit  pour  faire 
voir  que  les  idées  les  plus  générales  &  les 
plus  abftraites  ne  font  pas  celles  que  l'ef- 
prit  reçoit  les  premières  &  avec  le  plus 
•de  facilité  ,  ni  celles  fur  qui  roule  fa  pre- 
mière connoiifance. 

$.  10.  En  fécond  lieu  ,  il  s'enfuit  évi- 
demment de  ce  que  je  viens  de  dire  ,  que 
•ces  maximes  tant  vantées  ne  font  pas  les 
principes  &  les  fondemens  de  toutes  nos 
autres  connoi (Tances.  Car  s'il  y  a  quantité 
d'autres  vérités  qui  foirent  autant  évidentes 
par  elles-mêmes  que  ces  maximes  &plufieurs 
même  qui  nous  font  plutôt  connues  qu'elles,  il 
eft  impofibleque  ces  maximes  foient  les  prin- 
cipes d'où  nous  déduifons  toutes  les  autres  vé- 
rités. Nefauroit-onvoir,  par  exemple  qu'un  & 
deux  font  égaux  à  trois  ,  qu'en  vertu  de  cet 
axiome  ou  de  quelqu'autre  femblable ,  le  tout 
eji  égal  à  toutes  fes  parties  prifes  enfemble  ? 
Qui  ne  voit  au  contraire  qu'il  y  a  bien  des 
gens  qui  favent  qu'un  &  deux  font  égaux 
à    trois  ,    fans  avoir    jamais  penfé  à  cet 

axiome  j 


De s  Âxiorh.es.  Liv.  IV.  73 

axiome,  ou  à  aucun  autre  femblable  par  où  -~* 

ion  puiffe  le  prouver  ,  &  qui  le  favent  Chac'  YU* 
pourtant  auifi  certainement  qu'aucune  autre 
perfonne  puiffe  être  afmrée  de  la  vérité  de 
cet  axiome  ,  le  tout  eji  égal  à  toutes  jes 
parties ,  ou  de  quelqu'autre  que  ce  foit  ; 
&  cela  par  la  même  raifon  ,  qui  efi  *  Xévi-  dans  une 
dence  immédiate  qu'ils  voyent  dans  cette  note,  pag. 
propofition  ,  un  &  deux  font  égaux  à  trois  :  6/  ' ce  jui,r, 
l'egalite  de  ces  idées  leur  étant  aufu  viable  par-là* 
&  auifi  certaine  ,  fans  le  fecours  d'aucun 
axiome  ,  que  par  fen  moyen  ,  puifqu'ils 
n'ont  befein  d'aucune  preuve  pourl'apper- 
cevoir  ?  £t  apiè-;  qu'on  vient  a  lavoir,  que 
le  tout  efb  égal  à  toutes  (es  parties  ,  on  ne 
voit  pas  plus  clairement  ni  plus  certaine- 
ment qu'auparavant  >  qu'un  <5-  deux  font 
égaux  à  trois.  Car  s'il  y  a  quelque  différence 
entre  ces  idées ,  il  efi  vifible  que  celles  de 
tout  &  de  partie  font  plus  obfcures ,  ou 
qu'au  moins  elles  fe  placent  plus  difficile- 
ment dans  l'efprk ,  que  celles  d'un,  de  deux 
&  de  trois.  Et  je  voudrois  bien  demander 
à  ces  Meilleurs  qui  prérendent  que  toute 
connohfance ,  excepté  celles  de  ces  prin- 
cipes généraux ,  dépend  des  principes  géné- 
raux innés  ôc  évadons  par  eux-mêmes ,  de 
quel  principe  on  a  befoin  pour  prouver 
qu'w/z  &  un  font  deux ,  que  deux  &  deux 
font  quatre ,  &  que  trois  fois  deux  font  (ix  ? 
Or  comme  on  connoît  la  vérité  de  ces  pro- 
pofitions  fans  le  fecours  d'aucune  preuve , 
il  s'enfuit  de-là  vifiblement ,  ou  que  uuce 
Tome  IV.  D 


•74  &cs  Axiomes.  Liv.  IV. 

*- =s  connoifîance  ne  dépend  point  de  certaines 

LiiAP.  VII.  vérités  déjà  connues  ,  et  de  ces  maximes  gé- 
nérales qu'on  nomme  principes  ,  ou  bien 
que  ces  propofitions-là  font  au-ant  de  prin- 
cipes ;  &  fi  on  les  met  au  rang  des  princi- 
pes, il  faudra  y  mettre  auffi  une  grande 
partie  des  proportions  qui  regardent  les 
nombres.  Si  nous  ajoutons  à  cela  toutes  les 
propofitions  évidentes  par  elles-mêmes 
qu'on  peut  former  fur  toutes  nos  idées 
diflin&es,  le  nombre  des  principes  que  les 
hommes  viennent  à  connaître  en  difterens 
âges  ,  fera  prefqu'infini ,  ou  du  moins  in- 
nombrable ,  &  il  en  faudra  mettre  dans  ce 
rang  quantité  qui  ne  viennent  jamais  à 
leur  connoiffance  durant  tcut  le  cours  de 
leur  vie.  Mais  que  ces  fortes  de  vérités  Ce 
préfentent  à  l'elprit ,  plutôt  ou  plus  tard  , 
ce  qu'on  en  peut  dire  véritablement  ,  c'ert 
qu'elles  font  très-connues  par  leur  propre 
évidence  ,  qu'elles  font  entièrement  indé- 
pendantes, &  qu'elles  ne  reçoivent  &  ne 
iont  capables  de  recevoir  les  unes  des  au- 
tres aucune  lumière  ni  aucune  preuve  ,  & 
moins  encore  les  plus  particulières  des  plus 
générales  ,  ou  les  plus  fimples  desplus  com- 
pofées  ;  car  les  plus  fimples  &  les  moins 
abflraites  font  les  plus  familières  &  celles 
•qu'on  apperçcit  plus  aifément  &  plutôt. 
Mais  quelles  que  foient  les  plus  claires 
idées  ,  voici  en  quoi  confifte  l'évidence  &  la 
certitude  de  toutes  ces  fortes  de  propofitions; 
c'eit  en  ce  qu'un  homme  voit  que  la  mêrne 


Des  Axïomzs.  Liv.  IV.  "  7'$ 


idée  eft  la  même  idée  ,  &  qu'il  appercoit  -     '  '      "^ 
infailliblement  que  deux  différentes  idéesfont    CHÀr-  vu* 
des  idées  différentes.   Car  lorfqu'un  homme 
a  dans  l'efprit  les  idées  d'un  &:  de  deux,  l'idée 
<lu  jaune  &  celle  du  £/etf  ,  il  ne  peut  que 
connoître  certainement  que  l'idée  d'un  efl 
l'idée  d'un ,  &  non  celle  de  deux ,  &   que 
l'idée  du  jaune  eft  l'idée  du.  jaune,  &  non 
celle  du  3/f//.    Car  un    homme  ne  fauroit 
confondre  dans  fon  efprit  des  idées  qu'il  y 
voit  difiin&es  :  ce  feroit  fuppofer  ces  idées 
confufes    &  difrinétes  en    même-tems ,    ce 
qui  eft  une  parfaite  contradiction  ■  &  d'ail- 
leurs n'avoir    point  d'idées  diltincles  ,    ce 
feroit  être  privé  de  l'ufage  de  nos  facultés  , 
■&  n'avoir  abfolument  aucune  connoifTance. 
Par  conféquent ,  toutes  les  fois  qu'une  idée 
eft  affirmée  d'elle-même  ,  ou  que  deux  idées 
parfaitement  diftinftes   font  niées  l'une  de 
l'autre  ,    l'efprit  ne  peut  que  donner  fon 
confentement  à  une  telle  propofition,  com- 
me à  une  vérité  infaillible,  dès-qu'il  entend 
les  termes  dont  elle  eft  compofée  ;   il  ne 
peut  ,  dis-je  ,  que  la   recevoir  fans  héfiter 
le  moins  du  monde  ,  fans  avoir  befoin  de 
preuve ,  ou  penfer  à  ces  nropofitions  com- 
pofées  de  termes  plus  généraux ,  auxquelles 
on  donne  le  nom  de  maximes. 

$.     II.    Que  dirons-nous   donc    de  ces     De  qu'ei 
maximes  générales  ?  Sont-elles  abfolument  l,faSe  (on} 
inutiles  ?  Nullement  ;   quoique  peut  -  être  a^érTles!!168 
leur  ufage  ne  foit  pas  tel  qu'on  s'imagine 
ordinairement.   Mais   parce  que  douter  le 


"]6  Des  Axiomes.  Liv.  IV. 

.—  moins    du    monde  des  privilèges  que  ccr- 


C'HAr.  yil.  taines  gens  ont  attribué  à  ces  maximes, 
c'eft  une  hardieJe  contre  laquelle  on  pour- 
roit  fe  récrier  comme  contre  un  attentat 
horrible  qui  ne  va  pas  à  moins  qu'à  ren- 
vcrlèr  toutes  les  Sciences  ,  il  ne  fera  p:s 
inutile  deconfidérer  ces  maximes  par  rapport 
aux  autres  parties  de  notre  connoifïance  ,  & 
d'examiner  plus  particulièrement  qu'on  n'a 
encore  fait,  à  quoi  elles  fervent  ,  &  à  quai 
elles  ne  faurcient  fervir. 

I.  Il  paroît  évidemment  par  ce  qui  vient 
d'être  dit,  qu'elles  ne  font  d'aucun  ufage 
pour  prouver  ,  ou  pour  confirmer  des  pro- 
pofitions  plus  particulières  qui  font  évidentes 
par  elles-mêmes. 

II.  il  n'eft  pas  moins  vifible  qu'elles  ne 
font  ni  n'ont  jamais  été  les  fondemens 
d'aucune  Science.  Je  fais  bien  que  fur  la  foi 
àes  Scholaftiques  ,  on  parle  beaucoup  des 
Sciences  &:  des  rnaxirr.es  fur  lefqueîles  ces 
Sciences  font  fondées.  Mais  je  n'ai  point  eu 
encore  le  bonheur  de  rencontrer  quelqu'une 
de  ces  Sciences  ,  &  moins  encore  aucune 
qui  fiât  bâtie  fur  ces  ceux  maximes,  ce 
qui  eji ,  efl  ;  &,  il  efi  impojfrble  qu'une 
même  chofefeit  &  ne  joit  yas  en  menu- te  ms. 
Je  ferois  fort  aife  qu'on  me  montrât  où  je 
pourrois  trouver  quelqu'une  de  ces  Sciences 
bâties  fur  ces  axiomes  généraux  ,  ou  fur  que!- 
qu'autre  fembLble  ;  &  je  ferois  bien  obligé 
à  quiconque  voudroit  me  faire  voir  le  plan 
&  le  fyftême  de  quelque  Science ,  fondée 


Des  Axiomes.  Liv.  IV. 

fur  ces  maximes  ou  fur  quelqu'autre  de  cet 
ordre,  djnt  on  ne  puiiTe  faire  voir  qu'elle 
fe  fjutient  auffi-bien  fans  le  fecours  de 
ces  fortes  d'axiomes.  Je  demande  fi  ces 
maximes  générales  ne  peuvent  point  être 
du  même  ufjge  dans  l'étude  de  la  Théo- 
logie &  dans  les  queftions  Théologiques  , 
que  dans  les  aurres  Sciences.  Il  eft  hors 
de  doute  qu'elles  peuvent  fervir  auTi  d.ms 
la  Théologie  à  fermer  la  bouche  aux  chi- 
caneurs &  a  terminer  les  difputes  :  mais 
je  ne  crois  pourtant  p-.s  que  peribnne  en 
veuille  conclure  que  la  Religion  Chrétienne 
eit  fondée  fur  ces  maximes  ,  ou  que  la 
connoifTance  que  nous  en  avons ,  découle 
de  ces  principes.  Ceft  de  la  révélation  que 
nous  e(t  venue  h  connoifî'ance  de  cette 
fainte  Religion  ,  &  f*ns  le  fecours  de  là 
révélation  ces  maximes  n'auroient  jamais 
été  capables  de  nous  la  faire  connoîire. 
Lorfque  nous  trouvons  une  idée  par  l'in- 
tervention de  laquelle  nous  découvrons  la 
liaifon.  de  deux  autres  idées  ,  c'efl  une  ré- 
vélation qui  nous  vient  de  la  part  de  Dieu 
par  ta  voie,  de  la  r?.ifon  :  car  dès-lors  nous 
onnoiiTons  une  vérité  que  nous  ne  con- 
n pillions  pas  auparavant.  Quand  Dieu  nous- 
enfeigne  lui-même  une  vérité  ,  c'eft:  une 
rêvé!  mon.  qui  nous  efl  communiquée  par 
la  voie  de  fon  efprit  ;  &  dès-là  notre  con- 
noiffance  en  augmentée.  Mais  dans  l'un  ou 
l'autre  de  cc<  cas  ce  n'cfl  point  de  ces 
maximes  que  notre  eforh  tire  ù  lumière 

D  3 


Chap.  V». 


?$  Des  Axiomes.  Liv.  IV. 

"-—  -  ■  q  eu  fa  eormoLTance  ;  cardans  l'un  elle  nous. 
Chap.  VU.  y\en:  cjes  chofes  même  dont  nous  découvrons 
laj  \  étiré  en  appercevant  leur  convenance 
ou  leur  difeonvenance;  &  dans  l'autre  la 
lumière  nous  vient  immédiatement  de  Dieu, 
dont  l'infaillible  véracité,  fi  j'ofe  me  fervir 
de  ce  terme  ,  nous  eit  une  preuve  évidente 
de  la  vérité  de  ce  qu'il  dit. 

III.  En  troifieme  lieu  ,  ces  maximes  gé- 
nérales ne  contribuent  en  rien  à  faire  faire 
aux  hommes  des  progrès  dans  les  Sciences  , 
<  ou  des  découvertes  de  vérités  auparavant 

Phitofhphi*  incclinues"  M.  Newton  a  démontré  dans  * 
naturulis  un  Livre  qu'on  ne  peut  allez  admirer  > 
principe  plufieurs  propositions  qui  font  tout  autant 
de  nouvelles  ventés,  inconnues  auparavant 
dans  le  monde ,  &  qui  ont  porté  la  con- 
noiffance  des  Mathématiques  plus  avant 
qu'elle  n'a  voit  été  encore  :  m  is  ce  n'effc 
point  en  recourant  à  ces  maximes  géné- 
rales ,  ce  qui  e(î,  e(l  \  le  tout  efi  plus  grand 
que  fa  partie,  &  autres  femblables  ,  qu'il  a 
fait  ces  belles  découvertes.  Ce  n'eft  point, 
dis-je  ,  par  leur  moyen  qu'il  eft  venu  à 
connoître  la  vérité  &  la  certitude  de  ces 
propositions.  Ce  n'eft  pas  non  plus  par  leur 
îecours  qu'il  en  a  trouvé  les  démonstrations, 
mais  en  découvrant  des  idées  moyennes  qui 
puflent  lui  faire  voir  la  convenance  ou  la 
difeonvenance  des  idées  telles  qu'elles  étoient 
exprimées  dans  les  proportions  qu'il  a  dé- 
montrées. Voilà  l'emploi  le  plus  considéra- 
ble de  l'Entendement  Humain  :  c'eA-là  ce  ' 


Des  Axiomes.  Liv.  IV.  7$ 

qui  l'aide  le  plus  à  étendre  fes  lumières  &  --J 

à  perfectionner  les  Sciences  ;  en  quoi  il  ne  Chap.-VH.' 
reçoit  abfolument  aucun  fecours  de  la  con- 
fidération  de  ces  maximes  ou  autres  fem- 
blibles  qu'on  fait  tant  valoir  dans  les  écoles. 
Que  fi  ceux  qui  ont  conçu  par  tradition  , 
une  fi  haute  eftime  pour  ces  fortes  de  pro- 
pofitions,  qu'ils  croient  qu'on  ne  peut  faire 
un  pas  dans  la  ccnnoiflance  des  chofes  (ans 
le  fecours  d'un  axiome  ,  &  qu'on  ne  peut 
pofer  aucune  pierre  dans  l'édirice  des  Scien- 
ces fans  une  maxime  générale  ;  fi  ces  gens- 
là  ,  dis-je  ,  prenoient  feulement  la  peine  de 
di(tinguer  entre  le  moyen  d'acquérir  la  con- 
noiflance,  &  celui  de  communiquer  la  con-' 
noiffance  qu'on  a  une  fois  acquife  ;-  entre 
la  méthode  d'inventer  une  Science  ,  &  ceiîe 
de  l'enfeigner  aux  autres ,  autant  qu'elle  eil 
connue,  ils,  verroient  que  ces  maximes  gé  • 
nérales  ne  font  point  les  fondemens  fur 
lefque's  les  premiers  Inventeurs  ont  élevé 
ces  admirables  édifices  ,  ni  les  clefs  qui  leur 
ont  ouvert  les  fecrets  de  la  connoiffence. 
Quoique  dans  la  fuite,  après  qu'on  eue 
érigé  des  écoles  &  établi  des  Profefieurs 
pour  enfeigner  les  Sciences  que  d'autres 
atfoient  déjà  inventées  ,  ces  Profeffeurs  fe 
foient  fbuvent  fervrs  de  maximes  ;  c'efr—  . 
à-dire,  qu'ils  aient  établi  certaines  propo- 
fitions  évidentes  par  eiles-n?êmes  ,  ou  qu'on 
ne  pouvait  éviter  de  recevoir  pour  véri- 
tables après  les  avoir  eveminées  avec  quel- 
qu'atsemion  ;    de   forte  que  les  ayant  une 

D4 


&d  J>es  Axiomes.  Liv.  IV, 

*• — -=  fois  imprimées  dans  1'cfprir  de  leurs  écolier» 

Çhap.  VU.  comme  autant  de  vérités  inconteflables  ,  ils- 
les  ont  employées  dans  l'occafion  pour  con- 
vaincre ces  écoliers  de  quelques  vérités 
particulières  qui  ne  leur  éroient  pas  fi  fa- 
milières que  ces  axiomes  généraux  qui  leur 
avoient  été  auparavant  inculqués  &  fixés 
foigneufement  dans  l'efprit.  Du  refre,  ces 
exemples  particuliers  ,  confidérés  avec  at- 
tention ne  paroi  flent  pas  moins  évidens  par 
eux-mêmes  à  l'Entendement ,  que  ces  maxi- 
mes générales  qu'on  propofe  pour  les  con- 
firmer ;  &  c'efl:  dms  ces  exemples  particu- 
liers que  les  premiers  inventeurs  ont  trouva 
h  vérité  fans  le  fecours  de  ces  maximes 
générales  ;  tout  autre  qui  prendra  la  peine 
de  les  confidérer  attentivement ,  pourra 
faire  encore  la  même  chofe. 

Pour  venir  donc  à  l'ufage  qu'on  fait  de 
ces  maximes  :  premièrement ,  elles  peuvent 
fervir  dans  la  méthode  qu'on  emploie  or- 
dinairement p?ur  enfeigner  les  Sciences  r 
jufqu'où  elles  ont  été  avancées  ;  mais  elles 
ne  fervent  que  fort  peu  ,  ou  rien  du  tout 
pour  porter  les  Sciences  p'.us  avant. 

En  fécond  lieu  ,  elles  peuvent  fervir  dans 
les  difputes ,  fermer  la  bouche  à  des  chi- 
caneurs opiniâtres  ,  &  à  terminer  ces  fortes 
de  contestations.  Sur  quoi  je  prie  mes  Lec- 
teurs de  m'accorder  la  liberté  d'examiner  , 
fi  la  néceflué  d'employer  ces  maximes  dans 
cette  vue,  n'a  pas  été  introduite  de  la 
manière   qu'on    Ya  voir.  Les  écoles   ayant 


Des  Axio  m  es.  Li  v.  iV.  8  r 

établi  la  difpute  comme  la  pier:e-de-touche -*—- 

de  l'habileté  des  gens ,  &  comme  la  preuve  Chap-  *  "• 
de  leur  Science,  elles  adjugeoient  la  vic- 
toire à  celui  à  qui  le  champ  de  bataille  d'e- 
meuroit,  &  qui  partait  le  dernier  ;  de  forte 
qu'on  en  concluoit  ,  que  s'il  n'avoit  pas 
foutenu  le  meilleur  p?rti  ,  il  avoir  eu  du 
moins  l'avantage  de  mieux  argumenter. 
Tvl.-.is  p:rce  que  fcîon  cette  méthode  il  pou- 
voit  arriver  que  la  difpute  ne  pourroit  point 
être  décidée  entre  deux  combattans  égale- 
ment experts,  tandis  que  l'un  auroit  tou- 
jours un  terme  moyen  pour  prouver  une 
certaine  propofmon  ,  &  que  l'autre  ,  par  une 
difrinction  ou  fans  diftin&ion  pourroit  nier 
conftamment  la  majeure  ou  la  mineure  de  l'ar- 
gument qui  lui  feroh  objefié  ;  pour  éviter  que 
la  difpute  ne  s'engageât  àms  une  fuite  infinie 
de  fyllogifmes  ,  on  introduifit  dans  îes  écoles 
certaines  proportions  générales  dont  la  plu- 
part font  évidentes  par  elles-mêmes  ,  & 
qui  étant  de  nature  à  être  reçues  de  tous 
les  hommes  avec  un  entier  confentement  , 
dévoient  être  regardées  comme  des  mefures 
générales  de  Ta  vérité,  &  tenir  lieu  de 
principe  (  Iorfque  les  difputans  n'en  avoient 
point  pofé  d'autres  entrTeux  )  au-delà  def- 
quels  on  ne  pouvoir  point  aller ,  &  aux- 
quels on  feroit  obligé  de  fe  tenir  de  parc 
&  d'autre.  Ainfi ,  ces  maximes  ayant  reçu 
le  nom  de  Principes  qu'on  ne  pouveit  point 
r.ier  dans  ta  difpute  T  ris  l'es  prirent ,  par 
erreur,  pour  l'origine  &  Ta  fourre  d'au  roote 


Si  Des  Axiomes.  Liv.  IV. 

"wi  .  .  la  connoiflance  avoit  commencé  à  s'intro-- 
C'hap,  VII.  duire  dans  l'efprit ,  &  pour  les  fendemens 
fur  lefquels  les  Sciences  étoient  bâries  ;. 
parce  que  lorfque  dan-;  leurs  difputes  ils. 
en  venoient  à  quelqu'une  de  ces  maximes  ,. 
ils  s'arrètoient  fins  aller  plus  avant,  &  la 
queftion  étoit  terminée.  Mais  j'ai  déjà  fait 
voir   que  c'eft-là  une  grande  erreur. 

Cette  méthode  étant  en  vogue  dans  les 
écoles  qu'on  a  regardé  comme  les  fources, 
de  la  connoiflance  ,  a  introduit  le  même- 
ufage  de  ces  maximes  dans  la  plupart  dés 
converfations  hors  des  écoles,  &  cela  pour 
fermer  la  bouche  aux  chicaneurs  avec  qui, 
]'on  efr  excule  de  raifonner  plus  Iong-tems 
dès-qu'ils  viennent  à  nier  ces  principes 
généraux  ,  évidens  par  eux-mêmes  &  admis 
par  toutes  les  perfonnes  raifonnables  qui 
y  ont  une  fois  fait  quelque  réflexion.  Mais 
encore  un  coup  ,  ils  ne  fervent  dans  cette, 
occafion  qu'à  terminer  les  difputes.  Car  au 
fond  fi  l'on  en  prefle  la  fignifkation  dans 
ces  mêmes  cas,  ils  ne  nous  enfeignent  rien 
de  nouveau.  Cela  a  été  déjà  fait  par  les 
idées  moyennes  dont  on  s'eft  fervi  dans  la 
difpute  &  dont  on  peut  voir  la  liaifon  fans 
le  feccurs  de  ces  maximes  ;  de  forte  que 
par  le  moyen  de  ces  idées  la  vérité  peut 
être  connue  avant  que  la  maxime  aie 
été  produite  ,  &  que  l'argument  ait  été' 
pouffé  jufqu'au  premier  principe.  Car  les. 
hommes  n'auroient  pas  de  peine  à  connoîr 
tre  &  à  quitter  un  méchant  argument  avant 


Des  Axiomes.  Liv.  IV.  83 

cjne  d'en  venir-là  ,  fi  dans  leurs  difputes  ils  -  - — 
avoient  en  vue  de  chercher  &  d'embrafTer  Chap.  YU*, 
la  vérité  ,  &  non  de  contefter  pour  obtenir 
la  victoire.  C'efl  ainfi  que  les  maximes  fer- 
vent à  réprimer  l'opiniâtreté  de  ceux  que 
leur  propre  fmcérité  devroit  obliger  à  fe 
rendre  plutôt.  Mais  la  méthode  des  écoles. 
ayant  autonfé  &:  encourage  les  hommes  à 
s'oppofer  &  à  réfifter  à  des  vérités  éviden- 
tes ,  jufqu'à  ce  qu'ils  foient  battus  ,  c'eft— 
à-dire,  qu'ils  foient  réduits  a  fe  contredire 
eux-mêmes  ou  à  combattre  des  principes 
établis  ,  il  ne  faut  pas  s'étonner  que  dans 
la  converfarion  ordinaire  ils  n'aient  pas  hon- 
te de  Lire  ce  qui  eft  un  fujet  de  gloire 
&  pafle  pour  vertu  dans  les  écoles  ,  je 
veux  dire ,  de  foutenir  opiniâtrement  &. 
jufqu'à  la  dernière  extrémité  le  côté  de  la 
queftion  qu'ils  ont  une  fois.  embrafTé ,  vrai 
eu  faux  r  même  après  qu'ils  font  convain- 
cus :  Etrange  moyen  de  parvenir  à  la  vérité? 
&  à  la  connoiiîance ,  &  qui  l'eft  à  tel  point 
que  les  gens  raifonnables  répandus  dans  le 
refte  du  monde  ,  qui  n'ont  pas  été  cor-» 
lompus  par  l'éducation,  auroient ,  je  penfe  , 
bien  de  la  peine  à  croire  qu'une  telle  mé- 
thode eût  jamais  été  fuivie  par  des  perfon— 
nés  qui.  font  profeffion  d'aimer  la  vérité  », 
&  qui  pafîent  leur  vie  à  étudier  la  Religions 
ou  la  Nature  ,  ou  qu'elle  eût  été  admife 
dans  des  Séminaires  établis  pour  enfeignes 
les  vérités  de  la  Religion  ou  de  la  Philo- 
fophie  à  ceux  qui  les  ignorent  entiéremenx.2 


§4  Des  Axiomes.  Liv.  IV. 

'■  —  '.  '  g  Je  n'examinerai  peint  ici  combien  cette  m:* 
Chap.  VII.  niere  d'inftruire  eft  propre  à  détourner 
Tefprit  des  jeunes  gens  de  l'amour  &  d'une 
recherche  fincere  de  la  vérité,  ou  plutôt, 
à  les  faire  douter  s'il  y  a  effectivement  quel- 
que vérité  dans  le  mond?  ,  ou  du  moins 
qui  mérite  qu'on  s'y  attache.  Mais  ce  que 
je  crois  fortement  ,  c'eft  qu'excepté  les  lieux 
qui  ont  admis  la  Philofophie  Péripatéticienne 
dans  leurs  écoles  ,  où  elle  a  régné  plufieurs 
fiecles  fans  enfeigner  autre  chofe  au  mon- 
de que  l'art  de  difputer,  on  n'a  regarde 
nulle  part  ces  maximes  ,  dont  nous  parlons 
préfenteme»t  ,  comme  les  fondemens  des. 
Sciences  ,  comme  des  fecours  importans 
pour  avancer  dans  la  connoifTance  des. 
chofes. 

Ces  maximes  générales  font  donc  d'unr 
grand  ufage  dans  les  difputes ,  comme  j'ai 
déjà  dit,  pour  fermer  la  bouche  aux  chica- 
neurs ,  mais  elles  ne  contribuent  pas  beau- 
coup à  la  découverte  des  vérités  inconnues, 
ou  à  fournir  à  l'efprit  le  moyen  de  faire' 
de  nouveaux  progrès  dans  la  recherche  de 
la  v 'rite.  Car  qui  eft-ce  ,  je  vous  prie  ,  qui 
a  commencé  de  fonder  fes  connoifTances 
fur  cette  propofition  générale,  ce  qui  efl  t 
*(l\  ou  ,  il  efl  impoffible  qu'une  chofe  foie 
&  ne  foit  pas  en  même  teins  ?  Qui  eft-ce- 
qui  ayant  pris  pour  principe  l'une  ou  l'autre 
de  ces  maximes,  en  a  déduit  un  Syftême 
de  connoifTances  utiles  ?  L'une  de  ces  ma- 
ximes peut  fort  bien  fervir  comme  de  pierre 


Des  Axiomes.  Liv.  IV.  $$ 

de  touche ,  pour  fairs  voir  où  aboutiflent  — 

certaines   fauffes  opinions  qui  renferment  Chaf.JVH» 
fouvent  de  pures  contradictions  ;  mais  quel- 
que propres  qu'elles  foient  à  dévoiler  l'ab- 
furdité  ou    la  faurTeté*  du  raifonnement  ou 
de  l'opinion  particulière  d'un  homme,  elles 
ne  fauroient  contribuer  beaucoup  à  éclarrcir 
l'entendement ,  &  Ton  ne  trouvera  pas  que 
l'efprit  en  reçoive  beaucoup  de  fecours  à 
l'égard  du  progrès  qu'il  fait  dans  la  connoif- 
fance  des  chofes  ;   progrès  qui  ne  feroit  ni 
plus  ni  moins   certain ,  quand  bien  l'efprit 
n'auroit  jamais  penfé  à  ces  deux  propor- 
tions générales.  A  la  vérité,  elles  peuvent 
fervir    dans    l'argumentation ,   comme  j'ai 
déjà  dit  ,    pour    réduire  un    chicaneur  au 
filence  f  en  lui  faifant  voir  Pabfurdité  de  ce 
qu'il  dit,    &  en   l'expofant  à  la  honte  de 
contredire  tout  ce  que  le  monde  voit ,  8c 
dont  il  ne  peut   s'empêcher  lui-même   d§r 
reconnoître  la  vérité.  Mais  au:re  chofe  efl 
de  montrer  à  un  homme  qu'il  efl  dans  l'er- 
reur, &  autre  chofe  de  l'inftruirede  la  vérité. 
Et  je  voudrois  bien    fa  voir  quelles  vérités- 
ces  propofitions  peuvent  nous  faire   con- 
noître  par  leur    influence  ,   que  nous  ne 
connuffions  pas  auparavant ,  ou  que  nou* 
ne   puflîons    connoftre   fans  leur    fecours.. 
Tirons-en  toutes  les  confequences  que  noua 
pourrons  ;    ces  conséquences  fe  réduiront 
toujours  à  des  propofitions  purement  [  i  J 

(0  C'eft-à-dire>  où  unt  idit  efl  affirmée  d'dh-mî 


86  Des  axiomes.  Liv.  IV. 

*■'*.  s  identiques  ;    &    toute    l'influence    de  ce» 

Çhap.  VII.  maximes,  fi  elle  en  a  aucune,  ne-  tombera 
que  fur  ces  fortes  de  propofitions.  Chaque 
propofnion  pirticuliere  qui  regarde  V identité 
ou  la  diverjité ,  eft  connue  auffi  clairement 
&  aufii  certainement  par  elle-même ,  fi  orv 
la  confidere  avec  attention ,  qu'aucune  de 
ces  deux  propofitions  générales  ,  avec  cette 
feule  différence  ,  que  ces  dernières  pouvant 
être  appliquées  à  tous  les  cas  ,  on  y  infifte 
davantage.  Quant  aux  autres  maximes  moins- 
générales  ,  il  y  en  a  plufieurs  qui  ne  font 
que  des  propofitions  purement  verbales  r 
Se  qui  ne  nous  apprennent  autre  chofe 
que  le  rapport  que  certains  noms  ont  en- 
tr'eux.  Telle  eft  celle-ci,  le  tout  efl  égal  à* 
toutes  J es  parties  ;  car  je  vous  prie  ,  quelle, 
vérité  réelle  nous  eft  enfeignée  par  cette 
maxime  ?  Que  contient-elle  de  plus  que  ce 
qu'emporte  par  foi-même  la  lignification  du. 
mot  tout?  Et  comprend-on  que  celui  qui 
fait  que  le  mot  tout  fignifie  ce  qui  efl 
compofé  de  toutes  fes  parties  ,  foit  fort 
éloigné  de  favoir  que  le  tout  eft  égal  à  tou- 
tes fes  parties  ?  Je  crois  fur  le  même  fon- 
dement ,  que  cette  propofnion ,   une  mon" 

me.  Comme  le  mot  identique  eft  tout-à-fait  inconnu, 
dans  notre  langue  ,  je  me  ferois  contenté  d'en  met- 
ire  l'explication  dans  le  texte  ,  sil  ne  fe  fût  rencon- 
tré que  dans  cet  endroit.  Mais  parce  que  je  ferai 
Bientôt  indifpenfablement  obligé  de  me  fervir  de  ce 
terme ,  autant  vaut-il  que  je  l'emploie  préfentement. 
Le  lecteur  s'y  accoutumera  plutôt ,  en  le  voyant 
fouvent*. 


Les  Axiomes.  Liv.  IV.  $7  - 

tjgrte  eji  plus  haute  qu'une  vallée.  &  plu- 
ficurs  autres  femblables  peuvent  aulTi  paffer  ^HAS«-  ^*-4* 
pour  des  maximes.  Cependant  lorfque  les 
Profeflèurs  en  Mathématique  veulent  ap- 
prendre aux  autres  ce  qu'ils  favent  eux- 
mêmes  de  cette  Science  ,  ils  font  très-bien 
de  pofer  à  l'entrée  de  leurs  Syilêmes  cette 
m-xime  &  quelqu'autres  femblables  ,  afin 
que  dès  le  commencement  leurs  écoliers= 
s'étant  rendus  tout -à-fait  familiers  ces  for- 
tes de  propofi dons ,  exprimées  en  termes 
généraux  ,  ils  puiiTent  s'accoutumer  aux  ré- 
flexions qu'elles  renferment  tic  à  regardée 
ces  propofitions  plus  générales  comme  au— 
tant  de  fentences  &  de  règles  établies  „ 
qu'ils  foient  en  état  d'appliquer  à  tous  les 
cas  particuliers  ;  non  qu'à  les  confidérer  avec 
une  égale  application  elles  parouTent  plus 
claires  Se  plus  évidentes  que  les  exemples 
particuliers  pour  la  confirmation  defquels. 
on  les  propofe  ,  mais  parce  qu'étant  plus 
familières  à  l'efprit ,  il  fufîk  de  les  nom- 
mer pour  convaincre  l'entendement.  Cela  % 
dis-je  ,  vient  plutôt  ,  à  mon  avis  ,  de  la 
coutume  que  nous  avons  de  les  mettre  à 
cet  ufage ,  &  de  les  fixer  dans  notre  ef- 
prit  à  force  d'y  penfer  fouvent ,  que  de  la. 
différente  évidence  qui  foit  dans  les  ebofes. 
En  effet ,  avant  que  la  coutume  ait  établi 
dans  notre  efprit  des  méthodes  de  penfer 
tic  de  raifonner,  je  m'imagine  qu'il  en  efV 
Cour  autrement ,  8c  qu'un  entant  à  qui  l'or^ 
4te  une  partie  de  fa  pomme  ;   le  cannoit: 


88  Des  Axiomes.  Liv.  TV. 

"r mieux  dans  cet  exemple  particulier  que  par 

kaf.  vu.  cette  propofition  générale  ,  le  tout  ejï  égal 
à  toutes  fes  parties  ;  &  que  fi  l'une  de  ces 
chofes  a  befoin  de  leur  être  confirmée  par 
l'autre ,  il  eu  plus  néceflaire  que  la  propo- 
fition générale  foit  introduite  dans  fon  ef- 
prit ,  à  la  faveur  de  la  propofition  parti- 
culière ,  que  la  particulière  par  le  moyen 
de  la  générale;  car  c'eu  par  des  chofes  par- 
ticulières que  commence  notre  connoiffan- 
ce  ,  qui  s'étend  enfuite  par  degrés  à  des 
idées  générales.  Cependant  notre  efprit 
prend  après  cela  un  chemin  tout  différent, 
car  réduifant  fa  connoifTance  à  des  propc- 
fitions  auffi  générales  qu'il  peut ,  il  fe  les 
rend  familières  &  s'accoutume  à  y  recourir 
comme  à  des  modèles  du  vrai  ou  du  faux  ; 
&  les  faifant  fervir  ordinairement  de  règles 
pour  meuirer  la  vérité  des  autres  propofi- 
tïons,  il  vient  à  fe  figurer  dans  la  fuite, 
que  les  propofitions  plus  particulières  em- 
pruntent leur  vérité  &  leur  évidence  de 
la  conformité  qu'elles  ont  avec  ces  propofi- 
tions plus  générales  fur  lefquelles  on  appuie 
fî  fouvent  en  converfation  &  dans  les  dif- 
putes ,  &  qui  font  fi  conftamment  reçues- 
Ceu-li  ,  je  penfe ,  la  raifon  pourquoi  par- 
mi tant  de  propofitions  évidentes  par  elles- 
mêmes  ,  on  n'a  donné  le  nom  de  maximes 
qu'aux  plus  générales. 
Sî  Ton  ne  $.  il.  Une  autre  chofe  qu'il  ne  fer3  pas  -, 
jrendpas  je  crois ,  mal  à  propos  d'obferver  fur  ces 
E^£fafc  maximes  générales  ,.  e'eft    qu'elles  font   W 


Des  Axiomes.  L'rv.  IV.  $$ 

éloignées  d'avancer,  ou  de  confirmer  notre  -  -  -'-      "r  "3 
efpnt  dans  b    vr-ie  connoifilince  ,   que   û  Chap-  VII. 

nos  notions  font  faufles ,  vagues  ou  incer-  , 

,  .  rr      oes  motî, 

raines,  &  que  nous  attachions  nos  penlees  Ces maximes 

au  Ton  des  mots,  au  lieu  de  les  fixer  fur  peuvent 
lesidies  confiantes  &  déterminées  deschofes,  ^ntradic-*' 
ces  maximes  générales  ferviront  à  nous  con-  tions.  Exem- 
firmer  dans  des  erreurs;  &  félon  cette  me-  pie  dans  le 
thode  fi  ordinaire  d'employer  les  mots  fans 
aucun  rapport  aux  chofes ,  elles  ferviront 
même  à  prouver  des  contradictions.  Far 
exemple;  celui  qui  avec  Defcart&s  fe  for- 
me  dans  fon  efprit  une  idée  de  ce  qu'il 
appelle  corps ,  comme  d'une  chofe  qui  n'efl 
qu  étendue ,  peut  démontrer  aifément  par 
cette  maxime,  ce  qui  ejîy  e(l ,  qu'il  n'y  a 
point  de  vuide  ,  c'efl-à-dire  ,  d'efpace  fins 
corps.  Car  l'idée  à  laquelle  il  attache  le  mot 
de  corps  n'étant  que  pure  étendue ,  la  con- 
noiflance  qu'il  en  déduit ,  que  l'efpacs  ne 
fauroit  être  fans  corps  ,  efl  certaine.  Car  il 
connoît  clairement  &  diflinclement  fa  pro- 
pre idée  ai  étendue  ,  &  il  fait  qu'elle  efî  ce 
qu'elle  efl ,  &  non  une  autre  idée  ,  quoi- 
qu'elle foit  défignée  par  ces  trois  noms 
étendue  ,  corps  &  efpace  ,  trois  mots  qui  ne 
fignifianc  qu'une  feule  &  même  idée  ,  peu- 
vent fans  doute  être  affirmés  l'un  de  l'autre 
avec  la  même  évidence  &  la  même  certi- 
tude que  chacun  de  ces  termes  peut-être 
affirmé  de  foi-même  :  &  il  efl  aufîi  certain  , 
que  tandis  que  je  les  emploie  tous  pour 
lignifier  une  feule  &  même  idée ,  cette  af- 


9<3  Dis  Axiomes.  Liv.  IV. 

*•;-'-  -a  firmation ,   le  corps  ejl  efpace  ,  eft  auffi  vé- 

Chap.  VU.    ritable&    auflï  identique  dans  fa  fignifica- 

tion  que  celle-ci,  le  corps  ejl  corps,   l'eft 

tant  à  l'égard  de  fa  fignification  qu'à  l'égard 

du  fon. 

$.  13.  Mais  fi  une  autre  perfonne  vient 
à  fe  repréfenter  la  chofe  fous  une  idée  dif- 
férente de    celle  de  Defcartes,  fe   fervant 
pourtant  avec  Defcartes  du  mot  de  corps  , 
mais  regardant  l'idée  qu'il  exprime  par  ce 
mot  ,  comme  une  chofe  qui  eft  étendue  & 
folide  tout    enfemble,  il    démontrera  aufït 
aifément  qu'il  peut  y  avoir  du  vuide ,  ou 
un  efpace  fans  corps ,   que  Defcartes  a  dé- 
montré le  contraire;  p.;rce  que  l'idée  à  la- 
quelle   il  donne    le    nom    £  efpace    n'étant 
qu'une  idée  fimp'e  d'cxten(io:i ,   &   celle  à 
laquelle   il   donne  le    nm  de   corps  étant 
une  idée  compofée   d'exteniion  &  de  réjif- 
tïbilité  ou  folidité  jointes  enfemble  dans  le 
même  fujet  ,  les  idées  de  corps  &  d'efpace 
ne  font  pas  exactement  une  feule  &  même 
idée,  nuis   font  auffi  diftinftes  dans   l'en- 
tendement que  les  idées  d'un  &  de  deux ,  de 
blanc  &  de  noir,  ou  que  celle  de  corporéitè 
Tome\        &■  *  d'humanité  ,  fi  j'ofe  me  fervir  de  ces 
pag.  231.        termes  barbares:  d'où  il  s'enfuit  que  l'une 
n'eft  pas  affirmée  de  l'autre  ni  dans  notre 
efprit,  ni  par  les  paroles  dont    on  fe  fert 
pour  les  défigner  ;  mais  que  cette  propofi- 
tion  négative   qu'on  en  peut  former,  Yex~ 
t:njion  ou  C  efpace  n'cfl  pas  corps ,  eft  auffi 
véïixablc&:  aufîi  é  ndemment  certaine  qu'au- 


Dts  Axiomes.  Liv.  IV.  91 

cune  propofnion  qu'on   puifTe  prouver  par  T 

cette  maxime  ,  il  ejl  impojfib le  qu'une  mê-   Chap*  vir«' 

me  chofe  foit  &  ne  foït  pas  en  même-tems.      c^  ffl0j; 

§.   14.  Mais  quoiqu'on  puifTe  également  mes  ne  prou. 

démontrer  ces  deux   propofitions  ,   il  y  #  vent  Point 

t  •  1        o      -i       y  i„  l'exiftence 

du  vuide,  8c   il  n y  en  a  point,  par  le  des  chofes 

moyen  de  ces  deux  principes  indubitables,  horsdenou&J 
ce  qui  efl ,  efl  ;  &  il  ejl  impojfible  qu'une 
même  ckofefoit  &  ne  foit  pas  ;  cependant 
nul  de  ce?  principes  ne  pourra  jamais  fer- 
vir  à  nous  prouver  qu'il  y  ait  des  corps 
actuellement  exifhns,  ou  quels  font  ces 
corps  ;  car  pour  cela  ,  il  n'y  a  .que  nos 
feus  qui  puiiTent  nous  l'apprendre  autant 
qu'il  eft  en  leur  pouvoir.  Quant  à  ces  prin- 
cipes univerfels  &  évidens  par  eux-mêmes, 
comme  ils  ne  font  autre  chofe  que  la  con- 
noiffance  confiante  ,  cl  .ire  &  diftincle  que 
nous  avons  de  nos  idées  les  plus  générales 
&  les  plus  étendues  ,  ne  peuvent  nous 
alTurer  de  rien  qui  fe  paiïe  hors  de  notre  ■ 
efprit  :  leur  certitude  n'eft  fondée  que  fur 
la  connoi/Tance  que  nous  avons  de  chaque 
idée  confidérée  en  elle-même  ,  &  de  d  dif- 
tinction  d'avec  les  autres  ,  fur  quoi  nous  ne 
faurions  nous  méprendre  >  tandis  que  ces 
idées  fonc  dans  notre  efprit  :  quoique  nous 
puifTions  nous  tromper ,  &  que  fouvent 
nous  nous  trompions  efFeclivement  ,  lorf- 
que  nous  retenons  les  noms  fans  les  idées  y 
ou  que  nous  les  employons  confufément  ^ 
pour  défigner  tantôt  une  idée,  &  tantôt 
«ne   autre.  Dans  ces  cas-là  ,  la  force  de 


<yi  Les  Axiomes.  Liv.  IW 

J s  ces   axiomes  ne  portant  que  fur  le   fort  , 

VII.  £.  non  fur  ja  fignirtcatioo  des  mots  ,  elle 
ne  fert  qu'à  jetter  dans  la  confufion  &  d..ns 
l'erreur.  J'ai  fait  cetre  remarque  pour  mon- 
trer aux  hommes  que  ces  maximes  quel- 
que fort  qu'on  les  exalte  comme  les  grands 
boulevards  de  la  vérité ,  ne  les  mettront 
pas  à  couvert  de  l'erreur  ,  s'ils  empbicnt 
les  mots  dans  un  fens  vague  Se  indéter- 
miné. Du  refte ,  dans  tout  ce  qu'on  vient 
de  voir  fur  le  peu  qu'elle?  contribuent  à 
l'avancement  de  nos  connoilTances  ,  ou  fur 
leur  dangereux  ufage  lorfqu'on  les  applique  à 
des  idéesindétermir.ées,  j'ai  été  fort  éloigné  de 
dire  ou  de  prétendre  qu'elles  doivent  être 
[  I  ]  laijféesà  V  écart  y  comme  certaines  gens 
ont  été  un  peu  trop  prompts  à  me  l'im- 
puter. Je -les  reconnois  peur  des  vérités  , 
&  des  vérités  évidentes  par  elles-mêmes  , 
&  en  ce*te  qualité  elles  ne  peuvent  point 
c:re  laifftes  à  l'écart.  Jufqu'où  que  s'étende 
leur  influence,  c'efl  envain  qu'un  voudroit 
tâcher  de  la  reiTerrer  ,  &  c'eft  à  quoi  je  ne 
fongeai  jjrmis.  Je  puis  pourtant  avoir  raifon 
de  croire  ,  fans  faire  aucun  tort  à  la  vérité, 
que  quelque  grand  fond  qu'il  femble  qu'on 
fafTe  fur  ces  maximes,  leur  ufage  ne  répond 

(i)  Ce  font  les  propres  termes  d'un  auteur  qui  a 
attaqué  ce  que  M.  Locke  a  dit  du  peu  d'uf:.ge  qu'on 
peut  tirer  àes  Maximes.  On  ne  voit  pas  trop  bien  ce 
qu'il  entend  par  Laiaside  ,  laijfcr  à  l'écart.  Peut- 
être  a-t-il  voulu  dire  par-là  r.e'gl.ger  ,  méprifer.  Quoi 
qu'il  en  foit ,  on  ne  peut  mieux  faire  que  ce  rap- 
porter fes  propres  termes. 


Des  Axiomes.  Liv.  IV.  93 

point  à  cette  i!ee  ;  &  je  puis    avertir  les  < .    =3 

hommes    de    n'en    pas   faire    un    mauvais   Chap.  YIU 
ufage  pour  fe  confirmer  eux-mêmes  dans 
l'erreur  T         r 

<).  1 5 .  Mais  qu  elles  aient  tel  uiage  qu  on  edd^ngereux 
voudra  dans  des  propofitions  verbales,  elles  à  l'égard  des 
ne  fauroient  nous  faire  voir  ,  ou  nous  prou-  pi^r>a*" 
ver  la  moindre  connoiffance  qui  appartien- 
ne à  la  nature  des  fubftances  telles  qu'elles 
fe  trouvent  6c  qu'elles  exiftent  hors  de 
nous  ,  au-delà  de  ce  que  l'expérience  nous 
enfeigne.  Et  quoique  la  conféquence  de 
ces  deux  propofitions  qu'on  nomme  prin- 
cipes ,  foit  fort  claire  ,  &  que  leur  ufage 
ne  foit  ni  nuifible  ni  dangereux  pour  prou- 
ver des  choies ,  où  le  fecours  de  ces  maxi- 
mes n'eft  nullement  néceffaire  pour  en 
établir  la  preuve  ,  parce  qu'elles  funt  allez 
claires  par  elles-mêmes  fans  leur  entremife  , 
c'eft-à-dire  ,  où  nos  idées  font  déterminées 
&  connues  par  le  moyen  des  noms  qu'on 
emploie  peur  les  défigner  ;  cependant  lorf- 
qu'on  fe  fort  de  ces  principes,  ce  qui  ejî , 
eji\  &  //  eft  impoffible  qu'une  même  chofe 
foit  &  ne  foit  pas,  pour  prouver  des  propofi- 
tions où  il  y  a  des  mots  ,  qui  fignifient 
des  idées  complexes,  comme  ceux-ci ,  hom- 
me ,  cheval  ,  or  ,  vertu  ,  &c.  alors  ces 
principes  font  extrêmement  dangereux,  & 
engagent  ordinairement  les  hommes  à  re- 
garder &  à  recevoir  la  fauffeté  comme  une 
vérité  manifeile ,  &  des  chofes  fort  incer- 
taines comme  des  Démonftrations ,  ce  qui 


94  D<s  Axiomes.  Liv.  IV. 

£-'  '  —  produit  l'erreur  l'opiniâtreté ,  &  tous  les 
,^hat.  vil.  ma]heurs  où  peuvent  s'engager  les  hommes 
en  raifonnant  mal.  Ce  n'eft  pas ,  que  cts 
principes  (oient  moins  véritables,  ou  qu'ils 
aient  moins  de  force  pour  prouver  des  pro- 
posions compofées  de  termes  qui  figni- 
nifient  des  idées  complexes ,  que  des  pro- 
posions qui  ne  roulent  que  fur  des  idées 
ïïmples  ;  mois  parce  qu'en  général  les  hom- 
mes fe  trompent  en  croyant ,  que ,  lorfqu'on 
retient  les  mêmes  termes ,  les  propofitions 
.roulent  fur  les  mêmes  chofes  ,  quoique  dans 
le  fond  les  idées  que  ces  termes  lignifient, 
foient  différentes.  Ainfi ,  Ton  fe  fert  de  ces 
maximes  pour  foutenir  des  propofitions  qui 
par  le  fon  &  par  l'apparence  font  viuble- 
ment  contradictoires,  comme  on  l'a  pu  voir 
clairement  dans  les  dénionftrations  que  je 
viens  de  propofer  fur  le  vmde.  De  forte  , 
que  tandis  que  les  hommes  prennent  des 
mots  pour  des  chcfes  ,  comme  ils  le  font 
ordinairement,  ces  maximes  peuvent  fer- 
vir  &  fervent  communément  à  prouver  des 
propofitions  contradictoires  ,  comme  je  vais 
le  faire  voir  encore  plus  au  long. 

$.  16.  Par  exemple,   que  l'homme  foit 

fansVhomme.  ^e  *uJet  ^ur  leclue^  on  veut  démontrer  quel- 
que chofe  par  le  moyen  de  ces  premiers 
principes  ,  nous  verrons  que  tant  que  la 
démonstration  dépendra  de  ces  principes  , 
«île  ne  fera  que  verbale ,  &  ne  nous  four- 
nira aucune  propofition  certaine,  véritable 
&  univerfelle ,  ni  aucune  connoifTance  de 


Des  Axiomes.  Liv.  IV.  $> 

ouelqu'être  exiftant  hors  de  nous.  Premié-  - — -         a 
rement  ,  un  enfant  s  etani  forme  1  idée  a  un  *• 

homme  ,  il  eft  probable  que  fon  ide'e  eft 
juftement  femblable  au  portrait  qu'un  pein- 
tre fait  des  apparences  viables  ,  qui  jointes 
enfemble  condiment  la  forme  extérieure 
d'un  homme,  de  forte  qu'une  telle  com- 
plication d'idées  unies  dans  fon  enten- 
dement compofe  cette  particulière  idée  com- 
plexe qu'il  appelle  homme;  &  comme  le 
blanc  ou  la  couleur  de  chair  fait  partie  de 
cette  idée  ,  l'enfant  peut  vous  démontrer 
qu'un  Nègre  n'eft  pas  un  homme ,  parce  que 
la  couleur  blanche  eft  une  des  idées  fimples 
qui  entrent  conftamment  dans  l'idée  com- 
plexe qu'il  appelle  homme  ;  il  peut,  dis-je  , 
démontrer  en  vertu  de  ce  principe ,  il  ef} 
impojfible  qu'une  même  chofe  Joit  &  ne  f oit 
pas  ,  qu'un  Nègre  n'eft  pas  un  homme  , 
ïà  certitude  n'étant  pas  fondée  fur  cette 
propofition  univerfelle  ,  dont  il  n'a  peut- 
être  jamais  cuï  parler,  ou  à  laquelle  il  n'a 
jamais  penfé,  mais  fur  la  perception  claire 
&  diflincte  qu'il  a  de  fes  idées  fimples  de  noir 
&  de  blanc  ,  qu'il  ne  peut  confondre  en- 
femble ,  ou  prendre  l'une  pour  l'autre  ,  foit 
qu'il  foit  ou  ne  foit  pas  inftruit  de  cette 
maxime.  Vous  ne  fauriez  non  plus  démon- 
trer à  cet  enfant,  ou  à  quiconque  a  une 
telle  idée  qu'il  défïgne  par  le  nom  cXhom- 
me ,  qu'un  homme  ait  une  ame  ,  parce 
que  fon  idée  à? homme  ne  renferme  en 
elle-même  aucune  telle  notion  ;  &  par  con- 


96'  Des  Axiomes.  Liv.  IV. 

féquent  c'eft  un  point  qui  ne  peut  lui  ôtrô 
ÇnA.r.  VU.  prouvé  par  le  principe,  ce  qui  efl ,  efl  ; 
mais  qui  dépend  de  conféquences  &  d'ob- 
fervations,  par  le  moyen  defquelles  il  doit 
Fermer  fon  idée  complexe  ,  délignée  par  le 
mot  homme. 

y.  17.  En  fécond  lieu  ,  un  autre  qui  en 
formant  la  collection  de  l'idée  complexe 
qu'il  appelle  homme ,  efl  allé  plus  avant  , 
&  qui  a  ajouté  à  la  forme  extérieure  le 
rire  &  le  difcours  raifonnable ,  peut  dé- 
montrer que  les  enfans  qui  ne  font  que  de 
naître ,  &.  les  imbécilles ,  ne  font  pas  des 
hommes ,  par  le  moyen  de  cette  maxime , 
//  efl  impoffible  qiCune  même  chofe  foit  & 
ne  foit  pas.  Et  en  effet  il  m'eft  arrivé  de 
difeourir  avec  des  perfonnes  fort  raifonna- 
bles  qui  m'ont  nié  actuellement  ,  que  les 
enfans  &  les  imbécilles  fulîent  hommes. 

§.  18.  En  troifieme  lieu;  peut-être 
qu'un  autre  ne  compofe  fon  idée  complexe 
qu'il  appelle  homme  ,  que  des  idées  de  corps 
en  général ,  &  de  la  pui fiance  de  parler 
&  de  raifonner  ,  &  en  exclut  entièrement 
la  forme  extérieure.  Et  un  tel  homme  peut 
démontrer  qu'un  homme  peut  n'avoir  point 
de  mains  Se  avoir  quatre  pieds;  puifqu'au- 
cune  de  ces  deux  chofes  ne  fe  trouve  en- 
fermée dans  fon  idée  d'homme  :  tk  dans 
quelque  corps  ou  figure  qu'il  trouve  la  fa- 
cilité de  parler  jointe  à  celle  de  raifonner , 
c'eft  -  là  un  homme ,  à  fon  égard  ;  parce 
qu'ayant  une  connoifFjnce  évidente  d'une 

telle 


Prt  Axiomes.  Lîv.  IV.  f? 

tefle  idée  complexe  ,  il  eft  certain  que ,  ce  *- 

.     ,7/7  Chap.VIU 

qui  ejt,  ejt. 

$.    19.' De  farte  qu'à  bien  confidérer  la      Combien 
chofe,  je  crois  que   nous  pouvons  aflurer  ces  maximes 
que   lorfque    nos    idées    font   déterminées  fervent   peu 

r    ■         o       1  /r       >  j       a  prouver 

dans  notre   efpnt ,  &    delignees   par    des  qureiqi1e  ch0_ 

noms  fixes  &  connus  que  nous  leur  avons  fe,  lorfque 
attachés  fous  ces  déterminations    précifes  ,    "ou?,  c}vons 

,2.  ces  idées 

ces  maximes  font  rort  peu  neceiiaires  ,  ou  ciaires  &  dif- 
plutôt  ne  font  abfolument  d'aucun  ufage,  tinaes. 
pour  prouver  la  convenance  ou  la  difcon- 
venance  d'aucune  de  ces  idées.  Quiconque 
ne  peut  pas  difeerner  la  vérité  ou  la  fauf- 
feté  de  ces  fortes  de  proportions  fans  le 
fecours  de  ces  maximes  ou  autres  fembla- 
bles ,  ne  pourra  le  faire  par  leur  entremife  ; 
puifqu'cn  ne  fauroit  fuppofer  qu'il  connoif- 
ie  fans  preuve  la  vérité  de  ces  maximes 
mêmes,  s'il  ne  peut  connokre  fans  preu- 
ve la  vérité  de  ces  autres  proportions  qui 
font  aufli  évidentes  par  elles  -  mêmes  que 
ces  maximes.  C'efi  fur  ce  fondement  que 
la  connoijfance  intuitive  n'exige  ou  n'admet 
aucune  preuve  ,  dans  une  de  ces  parties 
plutôt  que  dans  l'autre.  Quiconque  fuppofe 
qu'elle  en  abefoin,  renverfe  le  fondement 
de  toute  connoiffance  &  de  toute  certitude  ; 
&  celui  à  qui  il  faut  une  preuve  pour  être 
affuré  de  cette  propofition  ,  deux  font 
égaux  à  deux ,  &  pour  y  donner  fon  con- 
fentement ,  aura  auffi  befoin  d'une  preuve 
pour  pouvoir  admettre  celle-ci ,  ce  qui  efl , 
c/?.  De  même  ,  tout  homme  qui  a  befoin 
Tome  IV.  E 


i,8  Des  axiomes.  Liv.  IV. 

»= — -= ^-a  d'une    preuve    pour    être    convaincu     que 

.Chap.  VII.  J€UX  nc  font  pas  trois ,  que  le  blanc  n'eji 
pas  noir,  qu'un  triangle  n'efî  pas  vu  cer- 
cle ,  &c.  ou  que  deux  autres  idées  déter- 
minées &  diflindej,  quelles  qu'elles  foient , 
ne  font  pas  une  feule  &  même  idée ,  aura 
befoin  d'une  Démonftration  pour  pouvoir 
être  convaincu,  Qu'il efî  impojfible  qu'une 
chofe  foit  &  ne  foit  pas. 
Leur  ufage  $,  20.  Or  comme  ces  idées  font  d'un 
*orf  a"°er^ux  fort  petit  ufage  lorfque  nous  avons  des 
idées  font  idées  déterminées  ,  elles  font  d'ailleurs  d'un 
ccufiifes,  ufage  fort  dangereux,  comme  je  viens  de 
le  montrer  ,  lorfque  nos  idées  ne  font  pas  dé- 
terminées ,  que  nous  nous  fervons  de  mets 
qui  ne  font  pas  attachés  à  des  idées  déter- 
minées ,  mais  qui  ont  une  fignification 
vague  &  inconftante,  fignifîant  tantôt  une 
idée,  &  tantôt  une  autre  ;  d'où  s'enfuivent 
des  méprifes  &  des  erreurs  que  ces  maximes 
citées  en  preuve  pour  établir  des  propor- 
tions dont  les  termes  fignifient  des  idées 
indéterminées  ,  fervent  à  confirmer  ,  &  à 
graver  plus  fortement  dans  l'cfprit'  par  leur 
autorité. 


8 


Dcj  Fropojztions  frivoles.  Liv.  IV.   99 

CHAPITRE     VIII. 
Des  Proportions  frivoles. 


,J 


E  laifTe  préfentement  à  d'autres  à 


juger  fi  les  maximes  dont  je  viens  de  par-  Chap.  VIII. 
1er  dans  le  Chapitre  précédent  ,  font  d'un     ceItajnes 
auffi  grand  ufage  pour  la  connoiffance  réelle,  proportions 
qu'on  le  fuppofe  généralement.    Ce  que  je  n'ajoutent 

•  •       /r  l      j-  >  n.        >i  rien  à -otra 

crois  pouvoir  ailurer  hardiment ,  c  eit  qu  il  ç^nçi^rç, 
y   a  des   prepoiitions    univerfelles  ,  qui  , 
quoique  certainement  véritables  ,  ne  répan- 
dent  aucune  lumière  dans  l'entendement , 
&  n'ajoutent  rien  à  notre  conneiflance. 

$.  a.  Telles  font ,  premièrement ,  toutes     ï.  Les  Pro- 
fits  proportions   purement    identiques.    On  portions 
reconnoit   d  abord    &    a  la   première    vue  ' 

qu'elles  ne  renferment  aucune  inflrucrion. 
Carlcrfque  nous  affirmons  le  même  terme 
de  lui-même,  foit  qu'il  ne  foit  qu'un  fimple 
fon  ,  ou  qu'il  contienne  quelqu  idée  claire 
&  réelle  ,  une  telle  propofition  ne  nous 
apprend  rien  que  ce  que  nous  devons  déjà 
connoître  certainement  ,  foit  que  nous  la 
formions  ncus-mêmes  ,  ou  que  d'autres 
nous  la  propofent.  A  la  vérité  ,  cette  pro- 
pofition fi  générale,-  ce  qui  efi ,  e fl ,  peut 
fervir  quelquefois  à  faire  voir  à  un  hoi  ne 
l'abfurdité  où  il  s'eft  engagé  lorfque  par 
des  circonlocutions  ou  des  termes  équïvo- 

E  2 


100  Des  Fropofitions 

ques,  i!  veut,  dans  des  exemples  pnrticu- 
Mai'.  V III.  Jiers ,  nier  la  même  chefe  d'elle -jnême-; 
parce  que  perfonne  ne  peut  fe  déclarer  ii 
ouvertement  contre  le  bon  fens  que  de 
foutenir  des  contradictions  vifibles  &  di- 
rectes en  termes  évidens  ;  ou  s'il  le  fait ,  ori 
eu  excufable  de  rompre  tout  entretien  avec 
lui.  Mais  avec  tout  cela  je  crois  pouvoir 
dire  que  ni  cette  maxime  ni  aucune  autre 
propofition  identique  ,  ne  nous  apprend 
rien  du  tout  :  ce  quoique  dans  ces  fortes  de 
proportions ,  cette  célèbre  maxime  qu'on 
fait  fi  fort  valoir  comme  le  fondement  de 
la  de'monftration  ,  puifie  être  &  foit  fou- 
vent  employée  pour  les  confirmer,  tout  ce 
qu'elle  prouve  n'emporte  dans  le  fond  rutre 
chofe  que  ceci,  que  le  même  mot  peut  être 
affirmé  de  lui-même  avec  une  entière  certi- 
tude ,  fans  qu'on  puijfe  douter  de  la  vérité 
d'une  telle  propofition ,  &  permettez-moi 
d'ajouter,  Jans  qu'on  puifie  aufii  arriver 
par-là  à  aucune   connoifiance  réelle. 

$.  3.  Car  à  ce  compte,  le  plus  ignorant 
«de  tous  les  hommes  qui  peut  feulement  for- 
mer une  propofition  (k  qui  fait  ce  qu'il 
penfe  quand  il  dit  oui  ou  non  ,  peut  faire 
un  million  de  prcpcfitions  de  la  vérité  des- 
quelles il  peut  être  infailliblement  affuré 
fans  être  pourtant  infrruit  de  la  moindre 
chofe  par  ce  moyen  ,  comme  ,  ce  qui  ejl 
ame  eji  ame ,  c'efl-à-dire  ,  une  ame  efi  une 
arne  ,  un  efprit  ejl  un  efprit ,  une  fétiche  eji 
une  fétiche  ,  &c.  toutes  proportions  équi- 


Frivoles.  Liv.  IV.  loi 

valentes  à  celle-ci,  ce  qui  e(i  ,  e(i  ;  c'ert-  : 

à-dire  ,    ce    qui   a  de  Vexiflence    ,   a    de  Chap-  VIU<* 
Fexifience  ,  ou  «««  ^wi  <z  f//ze  ame  ,  ^  z//z*r 
a/ne.  Qu'eit-ce   aurre  chofe  que  fe  jouer  des 
mors  ?  C'eft  faire    jufrement    comme    un 
liage   qui   s'amuferoit    à    jeter  une  hu'tre 
d'une  main  à  l'autre ,  &  qui ,  s'il  avoit  des 
mots ,   pourroit  fans  doute  dire  ,   l'huitre 
dans  h  main  droite  efr  le  fujec  ,  &  l'huitre      ¥ 
chns  fa  main  gauche  efè  *  l'attribut,   &  for-  nommeau-° 
mer  par    ce   moyen  cette  propofition  évi-  trement  clans 
dente  par  elle-même  ,  ïhuitre   e[i  L'huitre  ,  les  Ecoles 
fans  avoir  pour  tout  cela  le  moindre  grain 
de    connoifTance  de  plus.    Cette    manière 
d'agir  pourroit  tout  auni  bien    fatkfaire  la 
faim  dufïnge  que  l'entendement  d'un  hom- 
me ;  &  elle  ferviroit  autant  à  faire  croître 
le  premier  en  grcffeur  ,  qu'à  faire  avancer 
le  dernier  en  connoiifanee. 

Je  fais  qu'il  y  a  des  gens  qui  s'intéref- 
fent  beaucoup  pour  les  propojiiions  identi- 
ques, &  qui  s'imaginent  qu'elles  rendent  de 
grands  fervices  à  la  Philofophie  ,  parce 
qu'elles  font  évidentes  par  elles-mêmes.  Ils 
les  exaltent  comme  li  elles  renfermoienc 
tout  le  fecret  de  la  connoiJfance  ,  &  que 
l'entendement  fût  conduit  uniquement  par 
leur  moyen  dans  toutes  les  vérités  qu'il  ell 
Capable  de  comprendre.  J'avoue  auflî  libre- 
ment que  qui  que  ce  foit ,  que  toutes  ces 
proportions  font  véritjbles  &  évidentes 
p^r  elles-mêmes.  Je  conviens  de  plus  que 
le  fondement  de  touces  nos  connoi (Tances 

*3 


ioa  Des  Proportions 

*"■"'•  =  dépend  de  la  faculté  que  nous  avons  dTap- 
Chap.  VIII.  percevoir  que  la  même  idée  èft  la  motif  , 
&  de  la  diîcerner  de  celles  qui  font  diffé- 
rentes ,  comme  je  l'ai  fait  voir  dans  le  cha- 
pitre précédent.  Mais  je  ne  vois  pas  com- 
ment cela  empêche  que  l'ufage  qu'on  pré- 
tendroit  faire  àes  proportions  identiques 
pour  l'avancement  de  la  connciflar.ee  ne 
îbit  jugement  traité  de  frivole.  Qu'on 
répète  auflî  fruvent  qu'on  voudra  ,  que 
la  volonté  cfl  la  volonté ,  &  qu'on  fafïe  fur 
cela  autant  de  fond  qu'on  juger?,  à  propos  ; 
cie  quel  ufage  fera  cette  proportion  ,  & 
une  infinité  d'autres  femb'abies ,  pour 
dre  nos  connoiiïinces  ?  Qu'un  homme  for- 
me autant  de  ces  fortes  de  proportions 
que  les  mots  qu'il  fait  pourront  lui  permet- 
tre d*en  faire,  comme  celles-ci,  Une  loie/î 
un:  Ici ,  &  l'obligation  cfl  UoblivaV.cn  :  le 
droit  ejî  le  droit ,  &  Uinjufit  cfl  l  in 
ces  proportions  &  autres  fëmblab'es  lui 
feront-eiles  d'aucun  uiage  p  or  apprendre 
h  Morale  ?  Lui  feront-eiles  connoître  à  lui 
ou  aux  autres  les  devoirs  de  la  vie?  Ceux 
qui  ne  favent  &  ne  fauront,  peut-être  ja- 
mais ce  que  c'efr  que  juflz  &  injufle  ,  ni  les 
mefures  de  l'un  &  de  l'autre ,  peut  former 
avec  autant  d'afïurance  toutes  ces  fortes  de 
proportions ,  &  en  connoître  auffi  infailli- 
blement la  vérité ,  que  celui  qui  eft  le  mieux 
inftruit  des  vérités  de  la  Morale.  Mais  quel 
progrès  font-ils  par  le  moyen  de  ces  propo- 
rtions dans  la  connoifTance  d'aucune  chofe 
néceflaire  ou  utile  à  leur  conduite  ? 


Frivoles.  Liv.  IV.  10 f 

On  regarderoit  fans  doute  comme  un  pur 


badinage  les  efforts  d'un  homme  qui  pour  Chaf.  \  Illi 
éclairer  l'entendement  fur  quelque  Science  , 
s'amuferoit  à  entafler  des  propofitions  iden- 
tiques &  à  infifler  fur  des  maximes  comme 
celles-ci  ,  la  fubftance  efî  la  fubfiance ,  le 
corps  eft  le  corps  ,  le  vuide  efl  le  vuidc  ,  un 
tourbillon  efi  un  tourbillon  ,  un  centaure 
efl  un  centaure  ,  &  une  chimère  efi  une  chi~ 
mère ^  &c.  Car  toutes  ces  propofitions  & 
autres  femblables  font  également  véritables, 
également  certaines  ,  &  également  évidentes 
par  elles-mêmes.  Mais  avec  tout  cela,  elles 
ne  peuvent  paffer  que  pour  des  propofitions 
frivoles ,  fi  l'on  vient  à  s'en  fervir  comme 
de  principes  d'inftruclion ,  &  à  s'y  appuyer 
comme  fur  des  moyens  pour  parvenir  à  la 
connoiiTance  ;  puisqu'elles  ne  nous  en- 
feignent  rien  que  ce  que  tout  homme,  qui 
eft  capable  dedifcourir,  fait  lui-même  fans 
que  perfonne  le  lui  dife  ,  favoir ,  que  le 
même  terme  eft  le  même  terme  ,  &  que  la 
même  idée  eft  la  même  idée.  Et  c'eft  fur  ce 
fondement  que  j'ai  cru  &:  que  je  crois  en- 
core ,  que  de  mettre  en  avant  &  d'inculquer 
ces  fortes  de  propofitions  dans  le  deffein  de 
répandre  de  nouvelles  lumières  dans  l'en- 
tendement ,  ou  de  lui  ouvrir  un  chemin 
vers  la  connoiffance  des  chofes,  c'eft  une 
imagination  tout-à-fait  ridicule.  L'inftruc- 
tion  confifte  en  quelque  chofe  de  bien  dif- 
férent. Quiconque  veut  entrer  lui-même  , 
ou  Lire  entrer  les  autres  dans  des  vérités 

fc  4 


104  Des  Ptvpofiûons 

l~-  =  qu'il  ne  connoît  point  encore,  doit  trouver 

hap.  \  Al.  dQS  idies  moyennes  ,  &  les  ranger  l'une 
auprès  de  l'autre  dans  un  tel  ordre  ,  que 
l'entendement  puiïîe  voir  la  convenance  ou 
la  difeonvenance  des  idées  en  queftion.  Les 
proportions  qui  fervent  à  cela  ,  font  vérita- 
blement infcruclives  ;  mais  elles  font  bien 
différente;?  de  celles  où  l'on  affirme  le  même 
terme  de  lui-même,  par  où  nous  ne  pou- 
vons jamais  parvenir  ni  faire  parvenir  les 
autres  à  aucune  efpece  de  connoiflance. 
Cela  n'y  contribue  pas  plus  ,  qu'il-  fervi- 
rcit  à  une  peifonne  qui  voudroit  appren- 
dre à  lire ,  qu'on  lui  inculquât  ces  propo  - 
(irions ,  un  A  ejî  un  A  ,  un  B  e(l  un  B ,  &c 
Ce  qu'un  homme  peut  favoir  aufii  -  bien 
qu'aucun  Maître  d'école  ,  fans  être  pourtanc 
jamais  capable  de  lire  un  feul  mDt  durant 
tout  le  cours  de  fa  vie  ;  ces  proportions 
&  autres  femblables  purement  identiques  , 
ne  contribuant  en  aucune  manière  à  lui 
apprendre  à  lire  ,  quelqu'ufage  qu'il  en 
puiffe  faire. 

Si  ceux  qui  défapprouvent  que  je  nomme 
frivoles  ces  fortes  de  proportions  ,  avoient 
lu  &  pris  la  peine  de  comprendre  ce  que 
j'ai  écrit  ci-delfus  en  termes  fort  intelli- 
gibles ,  ils  n'auroient  pu  s'empêcher  de 
voir  que  par  proportions  identiques  , 
je  n'entends  que  celles-là  feulement  où 
le  même  terme  emportant  la  même,  idée  , 
eft  affirmé  de  lui-même.  C'eft-là  ,  à 
mon  avis ,  ce  qu'il  faut  entendre  propre- 
ment par  des  proportions  identiques  ;  &  je 


Frivoles.  Liv.  IV.  105 


crois  pouvoir  continuer  de  dire  fûremont  à  — 1  — .  j.  .  'i* 
l'égard  de  toutes  ces  fortes  de  propofi-  Chap.  \  uL. 
tions  ,  que  de  les  propofer  comme  des 
moyens  d'inftruire  l'efprit  ,  c'eft  un  vr:i 
badinnge.  Car  perfonne  qui  a  l'ufage  de  la 
r:ifon  ,  ne  peut  e'viter  de  les  rencontrer 
toutes  les  fois  qu'il  eit  néceiTaire  qu'il  en 
prenne  connoiffance  ;  &  lorfqu'il  en  prend 
connoiffance  ,  il  ne  fauroit  douter  de  leur 
vérité. 

Que  fi  certaines  gens  veulent  donner  le 
nom  S  identique  à  des  propofuions  où  le 
m.-me  terme  n'eft  p3s  affirmé  de  lui-même, 
c'eft  à  d'autres  à  juger  s'ils  parlent  plus 
proprement  que  moi.  Ce  qu'il  y  a  de  cer- 
tain ,  c'efl  que  tout  ce  qu'ils  difent  des  pro- 
portions qui  ne  font  pas  identiques  ,  ne 
tombe  point  fur  moi ,  ni  fijr  ce  que  j'ai 
dit ,  puifque  tout  ce  que  j'ai  dit  ,  le  rap- 
porte à  ces  propofuions  où  le  même  terme 
eCt  affirmé  de  lui-même;  &  je  voudrois  bien 
voir  un  exemple  où  Ton  pût  fe  fervir  d'une 
telle  proportion  peur  avancer  -dans  quel- 
que connoiffance  que  ce  (oit.  Quant  aux 
propofuions  d'une  autre  efpece ,  tout  l'u- 
fage qu'on  en  peut  faire  ,  ne  m'intéreffe 
en  aucune  minière ,  parce  qu'elles  ne  font- 
pas  du  nombre  de  celles  que  je  nomme 
identiques, 

$.  4.  En  fécond  lieu  ,    une  autre  efpece  fLL<* 
de    propofuions  frivoles  ,  c'eft  quand  une  partie  d'une 
partie   de  l'idée  complexe  efr  affirmée  du  i6é- corr- 
a:tndu  tcut ,  eu  ce    qui    efï    1,    mêmef^001» 

E   S 


Jo6  Des  Vropofiilons 

—  ■■  "*  ?*=»  chofe,  quand  on  affirme  une  partie  d'une 
Çhap.  VIII.  définition  du  mot  défini.  Telles  font  toutes 
les  propofitions  où  le  genre  eft  affirmé  de 
l'efpece ,  &  où  des  termes  plus  généraux 
font  a/ïiimés  de  termes  qui  le  lont  moins. Car 
quelle  inftruétion  ,  quelle  connoiffance  pro- 
duit cette  propofuion  ,  h  plomb  ejl  un  mé- 
tal,  dans  l'elprit  d'un  homme  qui  connoît 
l'idée  complexe  que  le  mot  de  plomb  fignifie, 
puifque  toutes  les  idées  fimples  qui  confti- 
tuent  l'idée  complexe  qui  eft  figniliée  par 
le  mot  de  métal,  ne  font  autre  chofe  que 
ce  qu'il  comprenoit  auparavant  fous  le  nom 
de  plomb  1  11  efl  bien  vrai  qu'à  l'égard  d'un 
homme  qui  connoît  la  figniheation  du  mot 
de  métal ,  &  non  pas  celle  du  mot  de 
plomb  ,  il  eft  plus  court  de  lui  expliquer 
la  fignification  du  mot  de  plomb  ,  en  lui 
difant  que  c'efr  un  métal  (  ce  qui  défigne 
tout  d'un  ccup  plufieurs  de  fes  idées  fim- 
ples) que  de  les  compter  une  à  une ,  en 
lui   difant  que  c'eft   un  corps  fort  pefant , 

_  fufible  &  malléable. 

Comme  r       .. 

îorfqu'une  y>   ">>  Ceit  encore  fe  jouer  lur   des  mots 

partie    de  la  que  d'affirmer   quelque  partie  d'une  défini- 

définition  eft     .        rf      ^^   j^j    .     ou  d>ajfirmer  une  des 
arhrmpe  du  /  , 

mot  défini,  idées  dont  eft  formée  une  idée  complexe  , 
du  nom  de  toute  l'idée  complexe  ,  comme 
tout  or  efl  fufible  :  car  la  fufibilité  étant  une 
des  idées  fimples  qui  comptent  l'idée  com- 
plexe que  le  mot  or  fignifie,  affirmer  du 
nom  d'or  ce  qui  eft  déjà  compris  dans  fa 
fignification  reçue  ,  qu'eft-ce  autre    chofe 


Frivoles.  Liv.  IV.  107 

que  fe  jouer  fur  des  fons  ?  On  trouver  oit 
beaucoup  plus  ridicule  d'ahurer  grave-  Chap.  VIu 
ment  comme  une  vérité  fort  importante 
que  l'or  e/?  jaune  ;  mais  je  ne  vois  pas  com- 
ment c'eft  une  chofe  plus  importante 
de  dire  que  l'or  eji  fujible  ,  fi  ce  n'eft 
que  cette  qualité  n'entre  point  dans  l'idée 
complexe  dont  le  mot  or  eft  le  ligne  dans 
le  difcours  ordinaire.  De  quoi  peut  -  on 
inftruire  un  homme  en  lui  difant  ce  qu'on 
lui  a  déjà  dit ,  ou  qu'on  fuppofe  qu'il  fait 
auparavant  ?  Car  on  doit  fuppofer  que  je 
fais  la  fignification  dujnot  dont  un  autre  fe 
fert  en  me  parlant  ,  ou  bien  il  doit  me  l'ap- 
prendre. Que  fi  je  fais  que  le  mot  orfignirie 
cette  idée  complexe  de  corps  jaune,  pejant, 
fujible  ,  malléable,  ce  ne  fera  pas  m 'ap- 
prendre grand'chofe  que  de  réduire  enfuite 
cela  folemnellement  en  une  propofuion  ,  & 
de  me  dire  gravement,  tout  or  efi  fujible. 
De  telles  propjfitions  ne  fervent  qu'à  faire 
voir  le  peu  de  fincérké  d'un  homme  qui  veuc 
me  faire  accroire  qu'il  dit  quelque  chofe 
de  nouveau  en  ne  Enfant  que  repafTer  fou- 
vent  fur  la  définition  des  termes  qu'il  a 
déjà  expliqués.  Mais  quelque  certaines 
qu'elles  fuient  ,  elles  n'emportent  point 
d'autre  connoiffince  que  celle  de  la  fignifi- 
cation  mime  des  mots. 

v.  6.  EciaircifTons  ceci  par  d'autres  exem-  .."empfa 
pies  :  chaque  homme  eji  un  animal  ou  un  Palefroi 
corps  vivant ,  eft.  une  propofuion  suffi  cer- 
taine qu'il  puiffe  y  en  avoir ,  mais  qui  ne 

E  6 


io8  Des  Piopo Citions 

=a  contribue  pas  plus  à  la  connoiffance  das 
Ghap.  VIII.  chofes ,  que  fi  l'on  difoir  ,  un  palefroi  efl  un 
cheval ,  ou  un  animal  qui  va  l'amble  ou 
qui  hennit  ;  car  ces  deux  propofitions  rou- 
lent également  fur  la  lignification  des  mots, 
la  première  ne  me  faifant  connoître  aufe 
chofe ,  finon  que  le  corps ,  le  fentiment  &  le 
mouvement  ,  ou  la  puifîance  de  fentir  & 
de  fe  mouvoir  ,  font  trois  idées  que  je 
comprends  toujours  fous  le  mot  homme  ,  & 
que  je  défigne  par  ce  nom-là  ;  de  forte  que 
le  nom  $  homme  ne  faurcit  appartenir  aux 
chofes  où  ces  idées  ne  fe  trouvent  point 
enfemble  ;  comme  d'autre  part  quand  on 
me  dit  qu'un  palefroi  efl  un  animal  qui  va 
l'amble  &  qui  hennit  ,  on  ne  m'apprê~nd 
par-là  autre  chofe  ,  finon  que  l'idée  de 
corps,  le  fentiment  ,  &  une  certaine  ma- 
nière d'aller  avec  une  certaine  efpece  de 
voix  font  quelques-unes  des  idées  que  je 
renferme  toujours  fous  le  terme  de  palefroi  t 
de  forte  que  le  nom  de  palefroi  n'appartient- 
point  aux  chofes  où  ces  idées  ne  fe  trou- 
vent point  enfemble.  Il  en  efl  jufrement 
de  même  lorfqu'un  terme  concret  qui  fignifie 
une  ou  plufieurs  idées  fimples  qui  compi- 
lent enfemble  l'idée  complexe  qu'on  défigne 
par  le  nom  d'homme, efl  affirmée  du  mot 
homme  :  fuppofe/5  ,  par  exemple  ,  qu'un 
Romain  eût  lignifié  par  le  moi  ho mo  toutes 
ces  idées  diftin&es  unies  dans  un  feullujet 
corporeitas  ,  fenpbilitas  ,  potentia  fe  mo- 
vaidi  y  rationabilitas  ,  rifibilitas  ,  il  aurok 


Frivoles.  Liv.  IV.  T09 

pu  fans  doute  affirmer  très-certainement , ^ 

&  univerfellement  du  mot  homo  ,  une  ou  Chac.  rT1&» 
plusieurs  de  ces  idées,  ou  toutes  enfemble, 
nuis  par -là  il  n'auroit  dit  autre  chofe, 
finon  que  dans  fbn  pays  le  mot  homo  cora- 
prenoit  dans  fa  fignifkation  toutes  ces  idées. 
De  même  un  Chevalier  de  Roman  qui  pan1 
le  mot  de  palefroi  fignifieroit  tes  idées  fuivan^ 
tes,  un  corps  d'une  certaine  figure,  qui  a  qua- 
tre jambes  ,  du  fentiment  &  du  mouvement  r 
qui  va  l'amble,  qui  hennit ,  &  efl  accoutumé 
à  porter  une  femme  fur  fon  dos  ,  pourroic 
avec  autant  de  certitude  affirmer  univer-* 
Tellement  une  de  ces  idées  du  mot  palefroi 
ou  toutes  enfemble ,  mais  il  ne  nous  enfei- 
gneroit  par-là  autre  chofe  fi  ce  n'eil  que 
le  mot  de  palefroi  en  termes  de  Romaa 
fignifie  toutes  ces  idées  ,  &  ne  doit  être 
appliqué  à  aucune  chofe  en  qui  l'une  dé- 
cès idées  ne  fe  rencontre  pas.  Mais  fi  quel- 
qu'un me  dit  que  tout  être  en  qui  le  fenti- 
ment, le  mouvement,  la  raifon  &  le  rire  fonc 
unis  enfemble  a  actuellement  une  notion  de 
Dieu,  ou  peut  être  affoupi  par  l'opium  ; 
une  telle  perfonne  avance  fans  doute  une 
propofition  inftruclive,  parce  qu'avoir  une 
notion  de  Dieu  ,  ou  être  plongé  dans  le  fom~ 
meil par  l'opium  ,  étant  deux  chofes  qui  ne 
fe  trouvent  pas  renfermées  dans  l'idée 
que  le  mot  d'homme  fignihe  ,  nous  lbmmes 
inflruits  pa;  ces  proportions ,  de  quelque 
chofe  de  plus  que  de  ce  que  le  mot  d'homme 
fignifie  Amplement  }  &  par  cenféquenc  ik 


ÎTô  Des   Vropnfi dons 

connoiiïance  que  ces    propofitions   renfer- 


Chap.  VIII.  mcnt>  eft  piuS  qUe  VCrbalc. 

0  $-7»  On  doit  fuppofer  qu'avant   qu'un 

prend  par-là  homme  forme  une  propofition ,  il  entend 
que  la  figni-  les  termes  dont  elle  eft  compofée ,  autre- 
heauon  des  mem ,  il  parle  comme  un  perroquet  ,  ne 
fongeant  qu'à  faire  du  bruit  ,  &  à  former 
certains  fons  qu'il  a  appris  de  quelqu'autre, 
&  qu'il  prononce  après  lui ,  fans  favoir 
pourquoi ,  &  non  comme  une  créature  rai- 
sonnable qui  emploie  ces  fons  comme  autant 
de  lignes  des  idées  qu'elle  a  dans  Pefprit. 
Il  faut  fuppofer  auffi  que  celui  qui  écoute , 
entend  les  termes  dans  le  même  fens  que 
s'en  fert  celui  qui  parle;  ou  bien  fon  dif— 
cours  n'eft  qu'un  vrai  jargon,  un  bruit  con- 
fus &  inintelligible.  C'eft  pourquoi  ,  c'efl 
fe  jouer  des  mots  que  de  faire  une  propo- 
fition qui  ne  contienne  rien  de  plus  que 
ce  qui  eft  renfermé  dans  lun  des  termes, 
&  qu'on  fuppofe  être  déjà  connue  de  celui 
à  qui  l'on  parle,  comme  un  triangle  a  trois 
côtés,  ou  le  faffran  efl  jaune.  Ce  qui  ne 
peut  être  foufFert  que  lorfqu'un  homme  veut 
expliquer  à  un  autre  les  termes  dont  il  fe 
fert ,  parce  qu'il  fuppofe  que  la  fignifica- 
tion  lui  en  eft  inconnue  ;  ou  lorfque  la 
perfonne  avec  qui  il  s'entretient  ,  lui  dé- 
clare qu'il  ne  les  entend  point ,  auquel  cas 
il  lui  enfeigne  feulement  la  fignificatîon  de. 
Et  non,  ce  mot ,  &  i'ufage  de  ce  figne. 
aucune  con-       A.  8.  Il  y  a  donc  deux  fortes  de   propo- 

noiffance  _  . "  ,  a        •        r 

réelle,  huons  dont  nous  pouvons  connoitrc  la  v«^ 


Frivoles.  Liv.  IV.  TTÏ 

rite  avec  une  entière    certitude  :  l'une  eft  — 


de  ces  propofitions  frivoles  qui  ont  de  la  Chap.  V1U» 
certitude  ,  mais  une  certitude  purement 
verbale  ,  &  qui  n'apporte  aucune  instruc- 
tion dans  refprit.  En  fécond  .lieu  ,  nous 
pouvons  connoître  la  vérr.é  ,  &  par  ce 
moyen  être  certains_des  propofitions  qui 
affirment  quelque  chofe  d'une  autre  qui 
eft  une  conféquence  néceffaire  de  fon  idée 
complexe  ,  mais  qui  n'y  eft  pas  renfermée  , 
comme  que  V angle  extérieur  de  tout  triangle 
ejl  plus  grand  que  V un  des  angles  intérieurs 
oppojes  •  c>r  comme  ce  rapport  de  l'angle 
extérieur  à  l'un  des  angles  intérieurs  oppo- 
fés  ne  fait  point  partie  de  l'idée  complexe 
qui  eft  figninée  par  le  mot  de  triangle  ,  c'eft 
là  une  vérité  réelle  qui  emporte  une  con- 
noiffance  réelle  &  inftruclive. 

$.  9.  Comme  nous  n'avons  que  peu  ou  pofiteionSprgX 
point  de  connoiiTances  des  combinaifons  nérales  cor.' 
d'idées  fimples  qui   exiftent  enfemble  dans  Se,r"ant  les 

1       r  L/i  1  j  iubftances, 

les  fubltances ,  que  par  le  moyen  de  nos  fontfouven* 
fens ,  nous  ne  Saurions  faire  fur  leur  fujet  frivoles, 
aucunes  propofitions  univerfel'es  qui  foient 
certaines  au-delà  du  terme  où  leurs  efTences 
nominales  nous  conduifent  ;  &  comme  ces 
efTences  nominales  ne  s'étendent  qu'à  un 
petit  nombre  de  vérités  ,  très-peu  impor- 
tantes ,  eu  égard  à  celles  qui  dépendent  de 
leurs  conftitutions  réelles  ,  il  arrive  de- là 
que  les  propositions  générales  qu'on  forme 
fur  les  fubfianccs ,  font  pour  la  plupart 
frivoles ,  fi  elles  font  certaines  ;  tk  que  fi 


ItZ  Des  Tro^oji lions 

ii elles   font  inltruclives ,  elles  font  incertai- 

CH\e.  Y1II.  nes  &  je  tei|e  nature  que  nous  ne  pou- 
vons avoir  aucune  connoiifance  de  leur  ve- 
ri.é  réelle  ,  quelque  fecours  que  de  conf- 
iantes obfervations  &  l'analogie  puiiTcnt 
nous  fournir  pour  former  des  conjectures. 
D'où  il  arrive  qu'on  peut  fouvent  ren- 
contrer des  difcours  fort  clairs  &  fort  Suivis 
qui  fe  réduifent  pourtant  à  rien.  Car  il  eSl 
vifible  que  les  noms  des  êtres  fubilantiels 
auffi  bien  que  les  autres  ,  étant  confidérés 
dans  toute  l'étendue  de  h  lignification 
relative  qui  leur  eftaSTignée,  peuvent  ère 
joints  avec  beaucoup  de  vérité  ,  par  des 
proportions  affirmatives  &  négatives  ,  fé- 
lon que  leurs  définitions  refpeclives  les 
rendent  propres  à  être  mis  enfemble  ,  <Sc 
que  les  prcpofitions  ,  compcfées  de  ces  for- 
tes de  termes ,  peuvent  être  déduites  l'une 
de  l'autre  avec  autant  de  clarté  que  celles 
qui  fcurniffent  à  l'ëfprît  les  vérités  les  plus 
réelles  ;  &  tout  cela  fans  que  nous  ayons 
aucune  connoiiTance  de  la  nature  ou  de  ia 
réalité  des  chofes  existantes  hors  de  nous. 
Selon  cette  méthode  ,  l'on  peut  faire  eu 
paroles  des  démonstrations  &  des  propo- 
sions indubitables,  fans  pourtant  avancer 
p.ir-là  le  moins  du  monde  dans  la  connoif*- 
fance  Si  l'a  vérité  des  chofes  :  par  exemple  , 
celui  qui  a  appris  les  mots  fuivans,.  avec 
les  lignifications  ordinaires  &  refpeftives 
qu'on  leur  a  attaché',  fubfîancef  homme, 
animât }  forme ,  ame  végétative ,  j'enjiùve  y 


Frivoles.  Liv.  IV.  113 

raifonnabU ,  peut  former  plufieurs  pro-  caAP  y« 
polirions  indubitables  touchant  l'ame  fans 
favoir  en  aucune  manière  ce  que  l'ame  eft 
réellement.  Chacun  peut  voir  une  infinité 
de  propofitions  ,  de  raifonnemens  &  de 
conclufions  de  cette  forte  dans  des  Livres 
de  Métaphyfique ,  de  Théologie  Schotafti- 
que,  &  d'une  certaine  efpece  de  Phyfique  , 
dont  la  lecture  ne  lui  \  apprendra  rien  de 
plus  de  Dieu  ,  des  Efprits  &  des  corps  , 
que  ce  qu'il  en  favoit  avant  que  d'avoir  par- 
couru ces  Livres. 

$.  to.  Celui  qui  a  h  liberté  de  définir,  Et  pour-* 
c'eiî-à-dire  ,  de  déterminer  la  lignification  1U01* 
des  noms  qu'il  donne  aux  fubftances  , 
(  ce  que  tout  homme  qui  les  établit  fignes 
de  fes  propres  idées  fait  certainement  )  & 
qui  détermine  ces  lignifications  au  hafard 
fur  fes  propres  imaginations  ou  fur  celles 
des  autres  hommes  ,  &  non  fur  un  férieux 
examen  de  la  nature  des  chofes  même  , 
peut  démontrer  facilement  ces  différentes 
lignifications  ,  l'une  à  l'égard  de  l'autre,  félon 
les  dilférens  rapports  &  les  mutuelles  re- 
lations qu'il  a  établi  entr'elles  ;  auquel  cas 
fait  que  les  chofes  conviennent  ou  dif- 
conviennent ,  telles  qu'elles  font  en  elles- 
mêmes,  il  n'a  befoin  que  de  réfléchir  fur 
fes  propres  idées  &  fur  les  noms  qu'il  leur 
a  impofé.  Mais  aufli  par  ce  moyen  il  n'aug- 
mente pas  plus  fa  connoiffance  que  celui-là 
i  augmente  fes  richeffes  qui  prenant  un  fac 
de  jetions  ,   nomme    l'un  placé   dans   un 


114  &es  Proportions 

i>"  -*  certain  endroit  un  écu  ,  l'autre   placé  dans 

Chap.  VIII.  un  autre  une  Livre   ,    &  l'autre  dans   un 

troifieme  endroit  un  fou  ;  il  peut  fans  doute 

en  continuant  toujours  de  même  compter 

fort  exactement   ,  &  afTembler  une  grofle 

fomme,  félon  que  fesjettons  feront  placés, 

&  qu'ils  lignifieront  plus  ou  moins  ,  comme 

il  le  trouvera  à  propos ,  fans  être  pourtant 

plus  riche  d'une  pite  ;  &  fans  favoir  même 

combien  vaut  un  écu  ,  une  livre  ou  un  fou  , 

mais  feulement  que   l'un  efl  contenu  trois 

fois  dans  l'autre  ,  &  contient  l'autre  vingt 

fois  ;  ce  qu'un  homme  peut  faire  auffi  dans 

la  fignif.o.tion  àcs  mots   en    leur    donnant 

plus  ou   mûir.s    d'étendue ,  confidérés  l'un 

par  rapport  à  l'autre. 

HI.Emplo-         $.11.  Mais  à  l'oçcafioq  des  mots  qu'on 

yer  les  mots    emploie  dans  les  difcours  &  fur  tout  dans 

fensT'eftfe  ceuX  ^e  conrroverfe  j  &  ou  l°n  difpute 
jouer  fur  des  félon  la  méthode  écablie  dans  les  écoles, 
ions.  voici    une  manière  de  fe  jouer  des  mots  , 

qui  efl:  d'une  conféquence  encore  plus  dan- 
gereufe,  &  qui  nous  éloigne  beaucoup  plus 
de  la  certitude  que  nous  efpérons  trouver 
dans  les  mots  ou  à  laquelle  nous  préten- 
dons arriver  par  leur  moyen  ;  c'eft  que  la 
plupart  des  Ecrivains  ,  bien  loin  de  fonger 
à  nous  inflruire  dans  la  connoiflance  des 
chofes  telles  qu'elles  font  en  elles-mêmes  , 
emploient  les  mots  d'une  manière  vague 
&  incertaine  ,  de  forte  que  ne  tirant  pss 
même  de  leurs  mots  des  déductions  claires 
&  évidentes    l'une    par  rapport  à  l'autre, 


Frivoles.  Liv.  IV.  TI? 


prenant    confkmment    les     mêmes    mots  —  "■  '  -j-vs 
dans  la  même   lignification  ,   il  arrive  que  Ghap.\HU 
leurs  difcours ,  qui   fans  être  fort  inflruc- 
tifs  pourraient  être  du  moins  fuivis  &  fa- 
ciles à  entendre  ,  ne  le  font  point  du  tout" 
ce    qui    ne  leur    feroit  pas   fort  mal-^ifé , 
s'ils  ne  tr.mvoicnt  à  propos  de  couvrir  leur 
ignorance  &  leur  opiniâtreté  fous  lY.bfcu- 
rite  &  l'embarras  des  termes  ;  à  quoi  peut- 
être  l'inadvertance  &  une   màuvdife  h 
tude    contribuent    beaucoup    à  l'cg.vrd   de 
plufieurs  perfonnes. 

<$.    la.   Mais  pour  conclure  ,    voici  les      Marque* 
marques  auxquelles  on  peut   connokre  les  ies  pfop°bâ« 
proportions  purement  verbales.  les  ; 

Premièrement,  toutes  les  propofitions  où  *•  Lorfqu'el- 

deux   termes  abftraits  font  affirmés  l'un  de  ,,e0Sfé°  s  de°m 

l'autre  ,  ne  concernent  que  la  fignincation  deux  termes 

des  fons.  Car    nulle  ide'e  abfrraite  ne  pou-  abf-rf,lts  affir^ 

»  ,  a  r  mes  1  un  de 

vant  être   la    même  ,    avec    aucune  autre  l'autre, 

qu'avec  elle-même  ,  lorfque  fon  nom  abf- 
trait  eft  affirmé  d'un  autre  terme  abftrait  , 
il  ne  peut  figniner  autre  ebofe  fi  ce  n'eft 
que  cette  idée  peut  ou  doit  être  appellée 
de-  ce  nom  ;  ou  que  ces  deux  ndms  ligni- 
fient la  même  idée.  Ainfi  ,  qu'un  hemme 
dife,  que  / 'épargne  efl  frugalité \  que  la  gra- 
titude efl  juflice,  ou  que  telle  ou  telieaclion 
eft  ou  n'eft  pas  tempérance  ;  quelque  fpé- 
cieufes  ,  que  ces  proportions  &  autres  lem- 
blables  paroiffent  du  premier  coup  d'œil , 
cependant  fi  l'on  vient  à  en  preffer  la  figni- 
fication  &  à  examiner  exactement  ce  qu'elles 


\\6  Des  Proportions 

=  contiennent ,  on  trouvera  que   cela  n'em- 


*""•  VHI.  porte  autre  chofe  que  la  lignification  des 
termes. 

§.  13.  En  fécond  lieu  toutes  les  propo- 
fitions  où  une  partie  de  l'idée  complexe 
qu'un  certain  terme  lignifie  ,  eft  affirmé 
de  ce  terme  ,  font  purement  verbales  , 
comme  fi  je  dis  que  l'or  ejl  un  mêtalou  quV/ 
efl  pcfant.  Et  airifî  toute  propofuion  où  les 
mots  de  la  plus  grande  étendue  qu'on 
appelle £?/z/-£5  font  affirmés  de  ceux  qui  leur 
font  fubordonnés  ou  qui  ont  moins  d'éten- 

„  T     r    ,        due ,   qu'on  nomme  efpecés  ou  individu? , 

î.Lorfqu  une      n        "  1    , 

partie  de  la     elt   purement   verbale. 

définition  eft       si  nous  examinons  fur  ces  deux  règles 

allumée  du       1  «•.  •  r         1         jr 

terme  dé;mi.  *es  proposons  qui  compolent  les  dilcours 
écrits  ou  non  écrits  ,  nous  trouverons  peut- 
êfre  qu'il  y  en  a  beaucoup  plus  qu'on  ne 
croit  communément  qui  ne  roulent  que  fur 
la  lignification  des  mots,  &  qui  ne  renfer- 
ment rien  que  l'ufage  &  l'app'ication  de 
ces  fignes. 

En  un  mot ,  je  crois  pouvoir  pofcr  pour 
une  règle  infaillible  ,  que  par-tout  où  l'idée 
qu'un  mot  fignifie  ,  n'eit  pas  diuinfbment 
connue  &  préfente  à  l'efprit  &  où  quelque 
chofe  qui  n'eft  pas  déjà  contenue  dans  cette 
idée  ,.  n'efr  pas  affirmée  ou  niée  ;  dans  ce 
cas-là  nos  penfées  font  uniquement  atta- 
chées à  des  fons ,  &  n'enferment  ni  véricé 
ni  faufleté  réelle.  Ce  qui  ,  fi  l'on  y  pre- 
nait bien  g^rde,  pourroit  peut-être  épar- 
gner bien  de  v?ins  aniufemens  &  des  dif- 
pu:es,   &  abréger    extrêmement   h   peine 


Frivoles,  liv.  IV.  117 

que  nous  prenons,  les  tours  &  détours  que 
nous  fùfons  pour  parvenir  à  une  connoif- 
fance  réelle  &  véritable. 

CHAPITRE     IX. 

V»  la  connoijjance  que  nous  avons  de  notre 
exijlence. 

$.    I.  ±^j  Ou  S    n'avons   confidéré    juf-    Chaj,    ix 
qu'ici  que  les  eflences  des  chofes  ;  &  com- 
me   ce    ne   font  que  des   idées   abftraites     Lespfopcv 
que  nous  raiTemblons  dans  notre  efprit  en  étions  gêné- 
ics  détachant  de  toute  exiftence  particulière  taines  ne  fQ  ' 
[  car  tout  ce  que  l'efprit  fait  en  fe  formant  rapportent 
des  abftra&ions ,  c'eft  de  confidérèr  une  idée  Pas  a  1  exit° 
fans  aucun  rapport  à  aucune  autre  exiftence 
que  celle  qu'elle  a  dans  l'entendement  ]  elles 
ne  nous  donnent  abfolument  point  de  con- 
noifftnce  d'aucune  exiftence  réelle.  Sur  quoi 
nous  pouvons  remarquer  en  paffant,  que  les 
propofitions  univerfelles  de  là  vérité  ou  de  la 
fauffeté  defquelles  nous  pouvons  avoir  une 
connoiflance   certaine ,    ne   fe    rapportent 
pointa  l'exiftence;   &  d'ailleurs,  que  tou- 
tes  les  affirmations  ou    nég.nions  particu- 
lières qui  ne  feroient  pas  certaines  ,  fi  on  les 
1  rendoi:  générales,   appartiennent  feulement 
|à  l'exiilence,  donnant  feulement  àconnoître 
l'union  ou  la  féparation  accidentelle  de  certai- 
nes idées  dans  des  chofes  exifiantes,  quoiqu'à 


Il 8       De  notre  cxiflaice.  Liv.  IV. 
-=  les  conïïdirer  dans  leurs  natures  ahirraites. 


Chai».  IX.   Ces  idées  n'aient  aucune  liaifon  ou  incom- 
.  patibilité  néceffaire  qui  nous  foit     connue. 

noifEince  de  $•  a*  ^a's  ^ans  Parler  ici  de  la  nature 
l'exiftence.  des  différentes  efpeccs  de  propofiticns , 
que  nous  confidérerons  plus  au  long  dans 
un  autre  endroit ,  examinons  préfentement 
quelle  connoifiance  nous  pouvons  avoir  de 
l'exigence  des  chofes ,  &  comment  nous  y 
parvenons.  Je  dis  donc  que  nous  avons  une 
connoifTance  de  notre  propre  exiftence  par 
intuition ,  de  l'exifrence  de  Dieu  p^r 
démonjiration  ,  &  d'autres  chofes  par  j'en- 

fation, 
Laconnoif-        x  p  cg  •    eft   ^Q    nQtrc        «£, 

vance  de  no-        -v     J  t  . 

tre  exiftence  tence ,  nous  l'appercevons  avecxant  devi- 
se intuitive,  dence  &  de  certitude  ,    que  la   chofe    n'a 
pas  befoin  &  n'eft  point  capable  d'être  dé- 
ni antrée  par  aucune    preuve.    Je    penfc  , 
je  raijfbnnèj  je   fens    du  plaifir  &   de  la 
douleur  ;  aucune    de  ces  chofes   peut-elle 
m'être  plus  évidente  que  ma  propre  exif- 
tence?  Si  je  doute  de  toute  autre  chofe,  ce 
doute    même  me    convainc  de  ma    propre 
exiflence ,   &  ne  me  permet  pas  d'en  dou- 
ter ;  car  fi  je  connois  que   je  fens  de  la 
douleur,  il   efl  évident  que  j'ai    une  per- 
ception aufïï  certaine  de  mi   propre  exif- 
tence  que  de  l'exiftence  de  la  douleur  que 
je  fens;  ou  fi  je   conneis   que   je    doute, 
j'ai   une  perception    aufïi  certaine  de  l'e- 
xiftence  de  la  chofe  qui    doute ,  que    de 
cette  penfée  que  j'appelle  doute.  C'eft  donc 


De  notre  exijlence.  Liv.  IV.       lia. 

l'expérience  qui  nous   convainc   que  nous  â& 

avons  une  connoijfance  intuitive  de  notre  Chap.  IX, 
exifience  ,  &  une  infaillible  perception  in- 
térieure que  nous  fommes  quelque  chofe. 
Dans  chaque  atte  de  fenfation,  de  raifonne- 
ment  ou  de  penfée,  nous  fommes  inté- 
rieurement convaincus  en  nous-mêmes  de 
notre  propre  être,  &  nous  parvenons  fur 
cela  au  plus  haut  degré  de  certitude  qu'il 
eft  poinble  d'imaginer. 


CHAPITRE     X. 

De    la  connoijfance     que  nous    avons   de 
V exijlence   de  DIEU, 


$.  1.    \^f  Uoique    Dieu    ne    nous  ait    Chap   x# 

donné  aucune  idée  de    lui-même    qui  foit 

née  avec  nous  ;   quoiqu'il  n'ait  gravé  dans      Nous  fon>« 

nos  âmes  aucuns  caractères  originaux  qui  mes  capables 

•  a-         r  .        ,.         r  n  ce  connaître 

nous  y    puinent  faire  lire  ion  exiitence;  certainement 

cependant  on  peut  dire  qu'en  donnant  à  qu'il  y  a  m» 
notre  efprit  les  facultés  dont  il  eft  orné ,  Dieu« 
il  ne  s'eft  pas  laiifé  fans  témoignage  • 
puifque  nous  avons  des  fens  ,  de  l'intelli- 
gence &  de  la  raifon  ,  &  que  nous  ne  pou- 
vons manquer  de  preuves  manifeftes  de  fon 
exiitence  tandis  que  nous  réfléchifTons  fur 
nous-mêmes.  Nous  ne  faurions,  dis-je , 
nous  plaindre  avec  juftice  de  notre  igno- 
rance fur  cet  important    article  j  puifque 


110  rDe  Vcxtjïence 

Dieu  lui-même  nous  a  fourni  fiabondam- 
,Chap.  X.  ment  les  moyens  de  le  connoître  ,  autant 
qu'il  eft  néceffaire ,  pour  la  fin  pour  la- 
quelle nous  exilions,  &  pour  notre  féli- 
cite qui  eft  le  plus  grand  de  tous  nos  intérêts. 
Mais  encore  que  l'exiftence  de  Dieu  foit  la 
vérité  la  plus  aifée  à  découvrir  par  la  rai- 
fon  ,  &  que  fon  évidence  égale,  fi  je  ne 
me  trompe  ,  celle  des  démonfirations  Ma- 
thématiques, elle  demande  pourtant  de  l'at- 
tention ;  &  il  faut  que  l'efprit  s'applique  à 
la  tirer  de  quelque  partie  incontefiable  de 
nos  connoifiances  par  une  déduction  régu- 
lière. Sans  quoi  nous  ferons  dans  une  auffi 
grande  incertitude  &  dans  une  auffi  grande 
ignorance  à  l'égard  de  cette  vérité ,  qu'à 
l'égard  des  autres  proportions  qui  peuvent 
être  démontrées  évidemment.  Du  reile  , 
pour  faire  voir  que  nous  fommes  capables 
de  connoître ,  &  de  connoître  avec  certitude 
quil  y  a  un  Dieu,  &  pour  montrer 
comment  nous  parvenons  à  cette  connoif- 
fance,  je  crois  que  nous  n'avons  befoin 
que  de  faire  réflexion  fur  nous-mêmes,  & 
fur  la  connoifTance  indubitable  que  nous 
avons  de  notre  propre  exiftence. 

,,,  ().  i.  C'efr,  je  penfe,  une  chofe   incon- 

L  homme  -v  ».  *      i  • 

conncît  qu'il  tefrabie ,  que  1  homme  connoit  clairement 

çftlui-*iême.  &  certainement,  qu'il  exifte    &  qu'il  eft 

quelque  chofe.  S'il  y  a  quelqu'un  qui    ne 

puiiïe   douter  ,  je  déclare  que  ce  n'eft  pas 

à  lui  que  je  parla ,    non   plus  que  je  ne 

voudrois  pasdifputer  contre  le  pur  néant, 

,  /  -  & 


de  Dieu.  Liv.  IV.  III 

•&  entreprendre  de  convaincre  un  non-être  •  * 

qu'il  eft  quelque  chofe.  Que  fi  quelqu'un  Chap.  X. 
veut  pouffer  le  Pyrrhonifme  jufqu'à  ce  point 
que  de  nier  fa  propre  exifrence  (  car  d'en 
douter  efîèclivement  ,  il  eft  clair  qu'on  ne 
fauroit  le  faire  )  je  ne  m'oppofe  point 
au  plaifir  qu'il  a  d'être  un  véritable  néant  ; 
qu'  il  jouiffe  de  ce  prétendu  bonheur  ,  juf- 
qu'à ce  que  la  faim  ou  queiqvt'autre  incom- 
modité lui  perfuade  le  contraire.  Je  crois 
donc  pouvuir  pofer  cela  comme  une  vé- 
rité ,  dont  tous  les  hommes  font  convain- 
cus certainement  en  eux-mêmes,  fans  avoir 
la  liberté  d'en  douter  en  aucune  manière  , 
que  chacun  connoit  qu'il  eji  quelque 
chofe  qui  exifie  actuellement. 

§.  3.  L'homme  fait  encore,  par  une  jj  conr.c«t 
connoiffance  de  fimple  vue ,  que  le  pur  auflî  que  le 
néant   ne  peut  non  plus  produire  un  être  ne?nr  ne  fau- 

,  ,  ,  .,        r   ,       r  *         ,      ,  ,   toit  produire 

Te  cl ,  que  le  même  néant  peut  être  égala  «ueîcmecho- 

deux  angles  droits.  S'il  y  a  quelqu'un  qui  fe  :  Donc  il 

ne  fâche  pas  ,     que  le  non-être,    ou  l'ab-  ^  a  !JU  jty16 
r  j  *  a  /■>    cno»e  à.  eter- 

ience  de  tout  être  ne  peut  pas  être  égal  a  nel. 

deux  angles  droits  ,  il  eft  impoffible  qu'il 
conçoive  aucune  des  demonftrations  d'Eu- 
clide.  Et  par  conféquent ,  fi  nous  favons 
que  quelqu'être  réel  exifte  >  &  que  le  non- 
être  ne  fauroit  produire  aucun  être,  il  eft 
d'une  évidence  Mathématique  que  quelque 
chofe  a  exifté  de  toute  éternité  ;  puifque 
ce  qui  n'eft  pas  de  toute  éternité  ,  a  un 
commencement,  &  que  tout  ce  qui  a  un 
Tome  IV.  F 


lil  De  VExiflence 

t-  =  ccmmencement,  doit  avoir  été  produit  p. r 

Chap.  X.     quclqu'autre  chofc. 

§.4.  il  eft  de  la   même  évidence ,  que 
étemel  doit    tout  ^tre  l1"  tlre  ^on  exiftenœ  &  fon  cont- 
être  tout-       mencement  d'un  autre,  tire  auffi  d'un  au- 
paifUnt.         tre  tout   œ  qu-'il  a  &  tout  ce  qui  lui  ap- 
partient. On    doit   reconnoitre  que   toutes 
fes  facultés  lui  viennent  delà  mêmefource. 
Il  faut  donc  que  la  fource  éternelle  de  tous 
les  êtres,   foit   auffi  la    fource  &  le  prin- 
cipe de  toutes  leurs  puillances  ou  facultés  ; 
de  forte  que  cet  être  éternel  doit  être  aujji 
tout  -  puijfant. 
Tout    in-        $•   5  •  Outre  cela  l'homme  trouve  en  In- 
telligent,        même  de  h  perception  &  de  la  connoijfance. 
Nous    pouvons  donc   encore  avancer  d'un 
degré,    &  nous  affurer  non-feulement  que 
quelqu'être  exifte,    mais  encore  qu'il  y   a 
au  monde  quelqu'être    intelligent. 

11  faut  donc  dire  l'une  de  ces  deux  cho- 
fes ,  ou  qu'il  y  a  eu  un  temps  auquel  il 
n'y  avoit  aucun  être  intelligent,  6c  au- 
quel la  connoifiance  a  commencé  à  exifler, 
ou  bien  qu'il  y  a  eu  un  éire  intelligent  de 
toute  éternité.  Si  l'on  dit  qu'il  y  a  un  temps  , 
auqxel  aucun  être  n'a  eu  aucune  connoif- 
fance  ,  &  auquel  l'Etre  éternel  étoit  privé 
de  toute  intelligence;  je  réplique,  qu'il 
étoit  donc  impolfible  qu'une  conneiffance 
exiftât  jamais.  Car  il  eft  auffi  impclfible 
qu'une  chofe  abfolument  defiituée  de  con- 
noinance  &  qui  agit  aveuglément  &  fans 
aucune  perception,  produife  un   être  in- 


de  Dieu.  Liv.  IV.  11} 

tclîigent  ,  qu'il  eft  impoinble  qu'un  trian-  ;.  .  ■  -u±H 
gle  fe  fafTe  à  foi-même  trois  angles  qui  Chap.  x» 
fuient  plus  graads  que  deux  droits.  Et  il 
eft  aufïï  contraire  à  l'idée  de  la  matière  pri- 
vée de  fentiment,  qu'elle  fe  produife  à  elle- 
même  du  fentiment;  delà  perception  & 
de  la  connniflance,  qu'il  elt  contraire  à 
l'idée  d'un  triangle  ,  qu'il  fe  faffe  à  lui- 
même  des  angjes  qui  fuient  plus  grands 
que  deux  droits. 

§.  6.  Àinfi  par  la  confédération  de  nous-   ^Etparcon* 

a  a     j  féquent  Dieu 

mêmes.  &  de  ce  que  nous  trouvons  in- iai_mêœe. 
Ëulliblement  dans  notre  propre  nature,  la 
la  raifon  nous  conduit  à  la  connoiflance  de 
cette  certaine  &  évidente,  qu'il  y  a  un 
Etre  éternel,  trcs-puiffant &  très-intelligent^ 
quelque  nom  qu'on  lui  veuille  donner  ,  foie 
qu'on  l'appelle  Dieu  ou  autrement  ;  il 
n'importe.  Rien  n'eft  plus  évident  ;  &  en 
conlidérant  bien  cette  idée ,  il  fera  aifé 
d'en  déduire  tous  les  autres  attributs  que 
nous  devons  reconnoître  dans  cet  Etre  é- 
ternel.  Que  s'il  fe  trou  voit  quelqu'un  affez 
déraisonnable  pour  luppofer ,  que  l'homme 
eft  le  fcul  i  tre  qui  ait  de  la  connoiiîance 
&  de  la  fageffe  ,  mais  que  néanmoins  i!  a 
été  formé  par  le  hafard,  &  que  c'eit  t:e  même 
principe  aveugle  &  fans  connoiiTance  qui 
conduit  tout  le  refle  de  l'Univers ,  je  le 
prierai  d'examiner  à  loifir  cette  cenfure 
tcut-à-fait  folide  &  pleine  d'emphafe  que 
Ciceron  fait  *  quelque  part  contre  ceux  qui  *  &et<gîhs% 
pourroient  avoir  une  telle  peniee  :    \hiid 

F  2. 


t&4  De  l'ExiJUttce 

t—  -■! — ljs  eniirf  venus ,  dit  ce  fage  Romain  , 
Chap.  x.  neminem  ejfe  oportet  tam  jhilté  arrogan\ 
tan  ,  ut  in  fe  mcntem  &  rationsrn  putet 
zncj/èf  in  Ccclo  Mundoque  non  putej  ?  Avt 
ut  ea  quce  vix  fumma  ingenii  ratione  corn- 
pnhendat ,  nulla  ratione  moveri  putct  ? 
>■>  Certainement  perfonne.  ne  devroit  être 
»  fi  fortement  orgueilleux  que  de  s'imagi- 
»  ner  qu'il  y  a  audedans  de  lui  un  en- 
»  tendement  &de  la  raifon,  &  que  cepen- 
»  dant  il  n'y  a  aucune  intelligence  qui 
»  gouverne  les  Cicux  &  tout  ce  vaïre 
»  Univers  ou  de  croire  que  des  chofes  que 
5>  toute  la  pénétration  de  ion  efprit  eft  à 
»  peine  capable  de  lui  faire  comprendre,  fe 
i>  meuvent  au  hafard  ,  &  fans  aucune 
3i  règle. 

De  ce  que  je  viens  de  dire,  il  s'enfuit 
clairement ,  ce  me  femble  ,  que  nous  avons 
une  connoiiîance  plus  certaine  de  l'exif- 
tenec  de  Dieu  que  de  quelqu'autre  chofe 
que  ce  foit  que  nos  fens  ne  nous  aient 
pas  découvert  immédiatement.  Je  crois  mê- 
me pouvoir  dire  que  nous  connoi (Tons  plus 
certainement  qu'il  y  a  un  Dieu  ,  que  nous 
ne  connoiifons  qu'il  y  a  quelque  autre  cho- 
fe  hors  de  nous.  Quand  je  dis  que  nous 
connoijfons  ;  je  veux  dire  que  avons  en 
notre  pouvoir  cette  connoiffance  qui  ne 
peut  nous  manquer,  fi  nous  nousyappli- 

_—•--■-■         quons  avec    la  même  attention  qu'à   plu- 

»,.,,       ..  lieurs  autres  recherches. 

L'idée  que  

î»ous  avons        $•  7-  Je  n  examinerai    point  ici  cora- 


de  Dieu.  Liv.  IV.  ïaf 

ment  l'idée  d'un  Etre  fouvenincment  par- 
fait qu'on  ';jinme  peut  fe  former  dans  ion     Chap.  X- 
efprit ,  preuve  eu   ne  prouve  point  l'exil      ^  v 
tence  de  Dieu.  Car    il  y  a  une  telle  di-  tl      ,  ,rç~t 
verfité  dans  les   tempéran.ens  des  hommes  n'e 

&  dans  leur  manière  de  penfer  ,  qu'à  Te-  j   ,,  ■ .  :'uve 
...  ,  /  •    /      i  de  I  exiltence 

gard  d  une   même  vente    dont  on  veut  les  o\,n  Dieu, 

convaincre  ,  les  uns  font  plus  frappés  d'une 
raifon ,  &  les  autres  d'une  autre.  Je  crois 
pourtant  être  en  droit  de  dire  ;  que  ce  n'eft 
pas  un  fort  bon  moyen  d'établir  l'e:.ii- 
tence  d'un  Dieu  &  de  fermer  la  bouche 
aux  Athées  ,que  de  faire  rouler  tout  le  lort 
d'un  article  auilî  important  que  celui-là  fur 
ce  feul  pivot ,  &  de  prendre  pour  feule 
preuve  de  l'exiftence  de  Dieu  l'idée  que 
quelques  perfonnes  ont  de  ce  Souverain 
Etre  :  je  dis  quelques  perfonnes  ;  car  il  efl 
évident  qu'il  y  a  des  gens  qui  n'ont  au- 
cune idée  de  Dieu  ,  qu'il  y  en  a  d'autres 
qui  en  ont  une  telle  idée  qu'il  vaudroit 
mieux  qu'ils  n'en  euîTent  point  du  tout ,  & 
que  ia  plus  grande  partie  en  ont  une  idée 
telle,  fi  j'ofe  me  fervir  de  cette  ex- 
preffion.  C'eft,  dis-je,  une  méchante  mé- 
méthode  que  de  s'attacher  trop  fortement  à 
cette  découverte  favorite,  jufqu'à  rejeter 
toutes  les  autres  démonfrrations  de  l'exif- 
tence de  Dieu,  ou  du  moins  à  tâcher  de  les 
affaiblir ,  &  à  défendre  de  les  employer 
comme  fi  elles  éroient  foibles  ou  faunes  ; 
auoique  dans  le  fond  ce  foient  des  preuves 
qui  noui  font  voir  fi  clairement  &    d'une 

^3 


ïiô*  De  FÊxiJfence 

£- =  manière  fi  convaincante  l'exiftence  de  ce  Sou* 

Chap.  X.  vcrajn  -£tre  j  pir  ja  confidération  de  notre 
propre  exiflence  &  des  parties  fenfibles  de 
l'Univers  ,  que  je  ne  penfe  pas  qu'un  hom- 
me fage  y  puiiïe  renfler.  Car  il  n'y  a  point 
à  ce  que  je  crois,  de  vérité  plus  certaine 
&  plus  évidente  que  celle-ci  ,  que  les  per- 
fections invisibles  de  Dieu,  fa  Puijfance 
éternelle  &  Ja  Divinité  font  devenues  vijl- 
b:  s  dcpcis  la  création  du  Monde  ,  par  la 
conno'rjance  que  nous  en  donnent  fes  créa- 
turcs.  Mais  bien  que  notre  propre  exiflence 
nou-:  f  Air  ni  ife  une  preuve  claire  &  incon- 
tefîable  de  i'exiftence  de  Dieu ,  comme  je 
V  ii  déjà  montré  ;  &  bien  que  je  croie  que 
perîunne  ne  puifTe  éviter  de  s'y  rendre  , 
li  on  l'ex?mine  avec  autant  de  foin  qu'au- 
cune autre  déinon{lrn.tiDn  d'une  aufli  longue 
déduction;  cependant  comme  c'eft  un  point 
fi  fondam2;;nl  &  dune  fi  haute  impor- 
tance ,  que  toute  la  Religion  &  la  véritable 
mjrale  en  dépendent ,  je  ne  doute  pas  que 
mon  Lecleur  ne  m'excufe  fans  peine,  fi  je 
reprends  quelques  parties  de  cet  argument 
pour  les  mettre  dans  un  plus  grand  jour. 

chSëXe       y-  8-  Ceft  une  ve'rké  «*t-M««  évi: 

de  toute  éter-  dente  qu'il  doit  y  avoir  quelque  chofe  qui 
mté.  exifle  de  toute  éternité.  Je   n'ai  encore  ouï 

perfonne  qui  fût  affez  déraifonnable  pour 
fuppofer  une  contradi&ion  aufll  manifefïe 
que  le  feroit  celle  de  foutenir  qu'il  y  a 
eu  un  temps  auquel  il  n'y  avoit  abfolu- 
raent  rien.  Car  ce  feroit  la  plus  grande  de 


ât  Dieu.  Liv.  IV.  Ï17 

toutes  les   abfurdites ,    que  de  croire  que  =s 
k  pur  néant  ,   une  parfaite    négation  ,    &    Chap-  *» 
une  abfence  de  route  être ,  pût  jamais  pro- 
duire quelque  chofe  d'acluelL-ment  exiiiant. 

Puis  donc  que  toute  créature  raifonna- 
ble  doit  néceifairement  reconnoîrre  que 
quelque  chofe  a  exifté  de  toute  éternité  ; 
voyons  présentement  quelle  efpece  de  cho- 
fe ce  doit    être. 

$.  9.  L'homme  ne  conmît  ou  ne  con-  1;  v  a  t'eux 
çoit  dans  ce  monde  que  deux  fortes  d'êtres,  fortes  ci'E- 

Premiérement,   ceux  qui  font  purement  trcsr'  fi}?* 

.    '       .  r       .  pei.U'.ns  ot  les 

matériels,  qui  n'ont  nifentiment,  ni  per-  autres  non 
cepnon  ,  ni  penfée  ;  comme  l'extrémité  des  penfans. 
poils    de    la   barbe      &    les  rognures   des 
ongles. 

Secondement ,  des  êtres  qui  ont  du  fen- 
timent ,  de  la  perception  &  des  penfées  , 
tels  que  nous  nous  reccnnuiiîbns  nous- 
mêmes.  Cefr  pourquoi  dans  la  fuite  nous 
désignerons,  s'il  vous  plaît  ,  ces  deux  fortes 
d'êtres  par  le  nom  d'Êtres  penfans  &  non- 
penfans  ;  termes  qui  font  peut-être  plus 
commodes  pour  le  deffein  que  nous  avons 
préfentement  en  vue ,  (  s'ils  ne  le  font 
pas  pour  autre  chofe  )  que  ceux  de  ma- 
tériel &  d'immatériel. 

$.  10.  Si  donc  il  doit  y  avoir  un  être  tj„  j>re  non 
qui  exifte  de  toute  écernité ,  voyons  de  penfantnefau- 
laquelle  de  ces  deux    fortes   d'êtres  il   faut  "it  produire 

••!/-•       -i-      j>  1        j   1  -r  un  Etre  peu- 

qu  il  loir,  tt  d  abord  la  railon  porte  natu-  fant. 
reîlement  à  croire  que  ce  doit  erre  necef- 
fairemen:  un  être  qui  penfe  j  car  il  eft  auflî 

F4 


128  De  VExifi-nu 

^ -i-=  irnpofTible  de  concevoir  que  la   fimplerrra— 

p'  ^*  tiere  non-penfante  produife  jamais  un  être 
intelligent  qui  penie,  qu'il  eft  importable  de 
concevoir  que  le  néant  put  de  lui-même 
produire  la  matière.  En  eiFet  ,  fuppofons 
une  panie  de  mauer.  ,  groiïe  ou  petite, 
qui  exiire  de  tome  éternité,  nous  trou- 
verons qu'e!!r  eft  mov.pab'.  de  rien  produi- 
re p^r  elle-même.  Suppofoos  par  exemple  , 
que  la  marier-:  du  premier  cai'lou  qui  nous 
romhe  e;ure  les  mains  ,  Toit  éternelle  ,  que 
les  parties  en  foient  exactement  unies ,  & 
qu'elles  foient  dans  un  p;  rfaic  repas  les 
unes  auprès  des  autres:  s'il  n'y  avcit  au- 
cun autre  être  dans  le  monde  ,  ce  caillou 
ne  demeureroit-il  pas  éternellement  dans  cet 
état  ,  toujours  en  repos  &  dans  une  en- 
tière inaction?  Peut-on  concevoir  qu'il 
puiffe  fe  donner  du  mouvement  à  lui-mê- 
me, n'étant  que  pure  matière,  ou  qu'il 
puiiTe  produire  aucune  chofe?  Puis  donc 
que  la  matière  ne  fauroit  ,  par  elle-mê- 
me ,  fe  donner  du  mouvement,  il  faut 
qu'elle  ait  fon  mouvement  ,  de  toute  éter- 
nité ,  ou  que  le  mouvement  lui  ait  éré  im- 
primé par  quelqu'autre  Etre  plus  puifTant 
que  la  matière,  laquelle,  comme  on  voit, 
n'a  pas  la  force  de  fe  mouvoir  elle-même. 
Mais  fuppofons  que  le  mouvement  foit  de 
toute  éternité  dans  la  matière  ;  cependant 
la  matière  qui  eft  un  être  non-penfant,  & 
le  mouvement,  ne  fauroient  jamais  faire 
naître  la  penfée,  quelques  changemens  que 


de     Dieu.  Liv.  IV.  11  <) 

le  mouvement  puiiè  produire  tant  à   l'é-  ■ l...~ 

gard  de  fa  figure  qu'à  l'égard  de  la  grof-  Chap.  X, 
feur  des  parties  de  la  matière.  Il  fera.. tou- 
jours autant  au-defïus  des  forces  du  mou- 
vement &  de  la  matière  de  produire  de  la 
connoiïfancc,  qu'il  eft  au-deiîus  des  forces 
du  néant  de  produire  la  matière.  J'en  ap- 
pelle à  ce  que  chacun  penfe  en  lui-même: 
qu'il  dife  qu'il  n'efl  point  vrai  qu'il  pour- 
ront concevoir  aufll  aifément  la  matière  pro- 
duite par  le  néant ,  que  fe  figurer  que  la 
penfée  ait  été  produite  par  la  fimple  ma- 
tière dans  un  teins  auquel  il  n'y  avoit  au- 
cune choie  penfa  rite ,  ou  aucun  être  intelli- 
gent qui  exiftât  actuellement.  Divifez  la 
matière  en  autant  de  petites  parties  qu'il 
vous  plâtra  ,  (  ce  que  nous  fommes  por- 
tés à  regarder  comme  un  moyen  de  h/'pi- 
rhualïfer  &  '''en  faire  une  chofe  penfante  :  ) 
donnez-lui,  dis-je,  toutes  les  figures  &  tous 
les  différens  mouvemens  que  vous  vou- 
drez ;  faites-en  un  globe,  un  cube,  un 
cône,  un  prifme  ,  un  cylindre,  &c.  donc 
les  diamètres  ne  foient  que  la  iooooome 
partie  d'un  (  a  )  Gry  ;  cette  particule  de 
matière  n'agira  pas  autrement  fur  d'autres 

(a)  J'appelle  Gry  £  de  lime  :  la  ligne  i* 
d' un  pouce:  le  ponce  JL  d'un  pied  phiU fop bique*: 
le  pied  pbiiofopbique  J-  d'un  pendule  ,  dont  cha- 
que vibration  ,  dans  'la  latitude  de  4.5  degrés 
eft  égale  a  une  féconde  de  tems  ,  où  de  JL  de 
minute,  fai  affeëté  de  me  fervir  ici  de  cette  me- 
[u$t  ,  ^   de  ces  parties    divifées  par  dix',  en 

F   ) 


130  De  VExiJîence 

=s  corps  d'une  groffeur  qui   lui   foit   propor- 


VHAP.  X*  tionnée,  que  des  corps  qui  ont  un  pouce 
ou  un  pied  de  diamètre;  &  vous  pouvez 
efperer  avec  autant  de  raifon  de  produire 
du  fentimcnt ,  des  penfëes  &  de  la  con- 
noiflance  ,  en  joignant  enfemble  degrofîes 
parties  de  matière  qui  aient  une  cer- 
taine figure  &  un  certain  mouvement ,  que 
par  le  moyen  des  plus  petites  parties  de 
matière  qu'il  y  ait  au  monde.  Ces  derniers 
fe  heurtent ,  fe  poufient  &  réfutent  l'une 
à  l'autre ,  juitement  comme  les  plus  grof- 
fes  parties  ;  &  c'eft-là  tout  ce  qu'elles  peu- 
vent faire.  Par  conféquent ,  fi  nous  ne 
voulons  pas  fuppofer  un  premier  Etre  qui 
ait  exiflfé  de  toute  éternité,  la  matière  ne 
peut  jamais  commencer  d'exifter.  Que  fi 
nous  difons  que  la  fimple  matière  defti- 
tuée  de  mouvement  eiî  éternelle,  le  mour 
vement  ne  peut  jamais  commencer  cPexif- 
ter  :  &  fi  nous  fuppofons  qu'il  n'y  a  eu 
que  la  matière  &  le  mouvement  qui  aient 
exifîé,  ou  qui  foient  éternels  ,  on  ne  voit 
pas  que  la  penfée   puiffe    jamais  commen,- 

leur  donnint  des  noms  particuliers ,  parce  que 
je  crois  qr'il  (croît  d'une  commodité  générale  que 
tous  les  favans  s' accordaient  à  employer  cette 
mcfure  dans  leurs  calculs  (  Cette  note  eft  de 
M.  Locke.  Le  mot  Cry  eft  de  fa  façon.  I'  l'a 
inventé  pour  exprimer  ^  de  ligne  ,  mefure 
qui  jufqu'ici  n'a  point  eu  de  nom,  &  qu'on 
peut  aulli- bien  défigner  par  ce  mot  que  par 
quelqu'autre  que  ce  foit.  ) 


de  Dieu.  Liv.  IV.  131 


cer  d'exifter.  Car  il  eit  impofïïble  de  con-  -— -- -/ 

■  •  r  ■  1    w        r  CHAP.    A. 

cevoir  que  la  matière ,  101c  qu  elle  le  meu- 
ve ou  ne  fe  meuve  pas,  pui.Te  avoir 
originairement  en  elle-même,  ou  tirer, 
pour  ainfi  dire  ,  de  Ton  fein  le  fendaient , 
la  perception  &  la  connoiiLnce;  comme  il 
paroît  évidemment  de  ce  qu'en  ce  c.is-làce 
devroit  être  une  propriété  éternellement 
inféparable  de  la  matière  6c  de  chacune  de 
fes  parties,  d'ivoir  du  fentiment ,  de  la 
perception  &  de  la  conncifîance.  A  quoi 
l'on  pourrait  ajouter,  qu'encere  que  l'i- 
dée générale  &  fpécinque  qoe  nous  avons 
delà  matière  nous  porte  à  en  parler  com- 
me fic'écoit  une  chjfe  unique  en  nombre, 
cependant  toute  la  mariere  n'eit  pas  pro- 
prement une  chofe  individuelle  qui  e.virte 
comme  un  être  matériel ,  ou  un  corps  fin- 
gulier  que  nous  connoilïons  ou  que  n^us 
pouvons  concevoir.  De  forte  que  ii  b  ma- 
tière étoit  le  premier  Etre  écernel  penfant  y 
il  n'y  auroit  <pss  un  Etre  unique,  éternel, 
infini  ,  &  penfant ,  mais  un  n  -mbre  infini 
d'êtres  éternels,  finis,  penfans.qui  fereien":  in- 
dépendant les  uns  des  autres ,  dont  les  forces 
feroient  bornées,  &  les  penfées  diftinctes, 
&  qui  ne  pourroient  p?r  conféquent  ja- 
mais produire  ce-  ordre  ,  cette  harmonie  & 
cette  beauté  q'uon  remarque  dans  la  na- 
ture. Puis  donc  que  le  premier  Etre  doit 
être  néceiTai rement  un  Erre  penfant ,  & 
que  ce  qui  exifre  avant  toutes  chofes  ,  doit 
néceiTairemen:  contenir  &  avoir ,  actùelle- 

F  6 


132  De  VExiflence 

=  ment  du   moins  ,  toutes  les  perfections  qnr 


Çhap.  X.  peuvent  exifter  dans  la  fuite;  (  car  il  ne 
peut  jamais  donner  à  un  autre  des  per- 
fections qu'il  n'a  point  ,  ou  actuellement 
en  lui-même,  ou  du  moins  dans  un  plus 
haut  degré)  il  s'enfuit  néceiLiirement  de- 
là, que  le  premier  Etre  éternel  ne  peut 
Il  y  a  donc  *  j  matière, 
eu  un  Etre  , 

fage  de  toute  $•  n«  Si  donc  il  eft  évident ,  que  quel-' 
éternité.  qUe  chofe  doit  nécejfairement  exijîer  de 
toute  éternité^  il  ne  l'eft  pas  moins,  que 
cette  chofe  doit  être  nécejfairement  un  Etre 
penfant.  Car  il  eft  auffi  impoffible  que  la 
matière  non-penfante  produife  un  être  pen- 
fant ,  qu'il  eft  impoffible  que  le  néant  ou 
l'abfence  de  tout  être  pût  produire  un  être 
pofuif ,  ou  la  matière. 

$.  12.  Quoique  cette  découverte  d'uni 
efprit  nêcejjairement  exiftant  de  toute  éter- 
nité fuffife  pour  nous  conduire  à  la  con- 
noifLnce  de  Dieu  ;  puifqu'il  s'enfuit  de-là, 
que  tous  les  autres  êtres  intelligens  qui 
ont  un  commencement y  doivent  dépendre 
de  ce  premier  Etre,  &  n'avoir  de  con- 
noiilance  6c  de  puirTanre  qu'autant  qu'il 
leur  en  accorde  ;  &  que  s'il  a  produit  ces 
êtres  intelligens  ,  il  a  Lit  auffi  les  parties 
moins  confidérables  de  cet  Univers  ,  c'eft- 
à-dire ,  tous  les  Etres  inanimée  :  ce  qui 
fait  nécefLircment  connaître  fa  touce- 
feience ,  ù  puijfan'e  ,  fà  providence ,  Se 
tous  fes  autres  attributs,  encore,  dis-je, 
que  cela  fumTe  pour  démontrer  clairement 
l'exiftence  de  Dieu  ;   cependant  pour  met> 


de  Dieu.  Liv.  IV.  ï^ 


tre  cette  preuve  dans  un  plus  grand  jour  , :=53 

nous    allons  voir  ce  qu'on    peut  objecter      HAP'     * 
pour  la  rendre  mfpeâe.  S'il  eft  ma» 

§.  13.  Premièrement  :  on  dira  peut-être  tériel. 
que  ,  bien  que  ce  foit  une  vérité  aufli  é- 
vidente  que  la  démoflration  la  plus  cer- 
taine ,  qu'il  doit  y  avoir  un  Erre  éter- 
nel ,  &  que  cet  Etre  doit  avoir  de  la  con- 
noifîance  ;  il  ne  s'enfuit  pourtant  pas  de-là, 
que  cet  Etre  pen  fa  nt  ne  puifTe  être  maté- 
riel. Eh  bien  !  qu'il  foit  matériel  ;  il  s'en- 
fuivra  toujours  également  de-là  qu'il  y  a 
un  Dieu.  Car  s'il  y  a  un  Erre  éternel  qui 
ait  une  feience  &  une  puiiïance  infinie,  il 
eft  certain  qu'il  y  a  un  Dieu  ,  foit  que  vous 
fuppofiez  cet  Etre  matériel  ou  non.  Mais 
cette  fuppjlition  a  quelque  chofe  de  dan- 
gereux ex  d'illufcire ,  (i  je  ne  me  trompe  ; 
car  comme  on  ne  peur  é\  iter  de  fe  rendre 
à  la  démonilration  qui  établit  un  Etre  é- 
ternel  qui  a  de  la  cor.noiilance,  ceux  qui 
foutiennent  l'éternité  de  la  matière,  feroient 
bien  aifes  qu'on  leur  accordât  que  cet  Etre 
intelligent  eft  matériel  ;  après  quoi  biffant 
échapper  d;  leurs  tfprits,  &  bannifTant  en- 
tièrement de  1  urs  difeours  la  démonftration 
p:r  l.quL'le  en  a  prouvé  l'exiftence  né- 
ceifaue  d'un  Etre  éternel,  intelligent ,  ils 
viendraient  à  foutenjr  que  tout  eft  matiè- 
re,  &  par  ce  moyen  ils  nieroient  l'exif- 
tence  de  Dieu,  c'efr-à-dire,  d'un  être  é- 
teinel,  penfant  ;  ce  qui  bien  loi1  de  con- 
firmer leur  hypothefe  ne  fert  qu'a  la  ren~ 


ïj4  De  VExiflence. 

verfer  entièrement.  Car  s'il  peut  être ,  corn* 
Chap.  X.  me  iis  le  croient ,  que  h  matière  exifte  de 
route  éternité  fans  aucun  Etre  éternel,  pen- 
fant ,  il  efl  évident  qu'ils  féparent  la  ma- 
tière &  la  penfée  ,  comme  deux  chofes  qu'ils 
fuppofent  n'avoir  enfemble  aucune  liai- 
ion  néceffaire  ;  par  où  ils  établirent  , 
contre  leur  propre  penfée  ,  l'exiftence  né- 
ceffaire d'un  Efprit  éternel,  &  non  pas  celle 
de  la  matière;  puifque  nous  avons  déjà 
prouvé  qu'on  ne  fauroit  éviter  de  recon- 
noître  un  Etre  penfant  qui  exifte  de  toute 
éternité.  Si  donc  la  penfée  &  la  matière 
peuvent  être  féparées  ,  l'exiflence  étemelle 
de  la  matière  ne  fera  point  une  fuite  de 
l  exiftence  éternelle  d'un  Etre  penfant ,  ce 
qu'ils  fuppofent  fans  aucun  fondement. 
ÎI  n'eft  pas  $•  14.  Mais  voyons  à  préfent  comment 
matériel  ;        jls  peuvent  fe  perfuader  à  eux-mêmes ,  & 

I.  Parce  que    c  •  ■  t->       '^  1 

chaque  partie  *alre  voir  aux  autres ,  que  cet   Etre  éternel 

de  matière  eft  penfant  ^   eji  matériel. 

nonpenfante.  Premièrement ,  je  voudrois  leur  deman- 
der s'ils  croient  que  toute  la  matière,  c'eft- 
à-dire  ,  chaque  partie  de  la  matière,  penfe. 
Je  fuppofe  qu'ils  feront  difficulté  de  le  dire  ; 
car  en  ce  cas-là  il  y  auroit  autant  d'Etres 
éternels  penfans ,  qu'il  y  a  de  pnrri- 
cules  de  matière  :  &  par  conféquent  il  y 
auroit  un  nombre  infini  de  Dieux.  Que 
s'ils  ne  veulent  pas  reconnoître  que  la  ma- 
tière comme  matière,  c'eft-à-dire,  chique 
partie  demmere,  foit  auffi-bien  penfante 
qu'elle  efl  étendue  ;  ils  n'auront  pas  moins 


de  Dieu.  Liv.  IV.  13? 

de  peine  à  faire  fentir     à     leur      propre  '  ^  "    "  ~^ 
•r  »        a  r  r  :.         _  Chap.  X, 

railon   ;  quun  être   peniant    ioit    compo- 

fé  de   parties  non-penfantes ,  qu'à   lui  faire 

comprendre  qu'un  être  étendu  foit  compofé 

de  parties  non  -  étendues. 

6.   15.  En  fécond  lieu,  fi  toute  la  ma-      ?■  p3!"ce. 

.    •  r  ...  ,./-  ,.,     ,      qu  une   feule 

tiere  ne  pente  pas,  qu  ils  me  dilent  s  il  ny  pnrtie  je 
a  qu'un  feul  atome  qui  penfe.  Ce  fentiment  matière  ne 
eft  fujet  a  un  aufïi  grand  nombre  d'abfur-  peutr  e're 
dites  que  Iautre  ;  car  ou  cet  atome  de  ma- 
tière eft  feul  éternel ,  ou  non.  S'il  eft  feul 
éternel,  c'eft  donc  lui  feul  qui  par  fa  pen- 
fée  ou  fa  volonté  toute-puiffante  a  pro- 
duit tout  le  refte  de  la  matière.  D'où  il 
s'enfuit  que  la  matière  a  été  créée  par  une 
penfée  toute-puiifinte,  ce  que  ne  veulent 
point  avouer  ceux  contre  qui  je  difpute 
préfentement.  Car  s'ils  fuppofent  qu'un  feul 
atome  penfant  d  produit  tout  le  refte  de  la 
matière  ,  ils  ne  fauroient  lui  attribuer  cette 
prééminence  fur  aucun  autre  fondement  que 
fur  ce  qu'il  penfe  ;  ce  qui  eft  l'unique  dif- 
férence qu'on  fuppyfe  entre  cet  atome  & 
les  autres  parties  de  la  matière.  Que  s'ils 
difent  que  cela  fe  fait  de  quelqu'autre  ma- 
nière qui  eft  au-deiïus  de  notre  concep- 
tion, il  faut  toujours  que  ce  foit  par  voie 
de  création  ;  &  par-là  ils  font  obligés  de 
renoncer  ,  à  leur  grande  maxime  ,  rien  ne 
fe  fait  de  rien.  S'ils  difent  que  tour  le  refte 
de  la  matière  exifte  de  toute  éternité  aufll- 
bien  que  ce  feul  atome  penfant  ,  à  la  vé- 
rité ils  difent  une  chofe  qui  n'eft  pas  tout- 


136  De  VExifunce 

à-fait   fiabfurde,  mais  ils  l'avancent  gratis 


6' 


Chap.  X.  &  fans  aucun  fondement;  car  ,  je  vous 
prie  ?  n'eft-ce  pas  bâtir  une  hypothefe  en 
l'air  fans  la  moindre  apparence  de  raifon, 
que  de  fuppofer  que  toute  la  matière  eft 
éternelle,  mais  qu'il  y  en  a  une  petite  par- 
ticule qui  furpaffe  tout  le  refte  en  connoif- 
fance  &  en  puiiTance  ?  Chaque  particule  de 
matière,  en  qualité  de  matière,  eft  capa- 
ble de  recevoir  toutes  les  mêmes  figures 
&  tous  les  mêmes  mouvemens  que  quel- 
qu'autre  particule  de  matière  que  ce  puifTe 
être  ;  &  je  défie  qui  que  ce  foit  de  donner 
à  l'une  quelque  chofe  de  plus  qu'à  l'autre, 
s'il  s'en  rapporte  précifément  à  ce  qu'il  en 
penfe  en  lui-même, 
qu'un  certain  $•  i6«  En  troifieme  lieu,  Si  donc  un 
amas  tle  ma-  feul  atome  particulier  ne  peut  point  être 

tierenon-      cet  £tre  éternel    penfant  ,    qu'on  doit    ad- 
penlante  ne  ,      _,  .      r  '  ' 

peut  être      mettre  neceuairement  comme  ncus  lavons 

penfant.  déjà  prouvé;  fi  toute  la  matière,  en  qua- 
lité de  manière,  c'eft-à-dire ,  cruque  partie 
de  matière  ,  ne  peut  pas  l'être  non  plus  ; 
le  feul  p.mi  qui  refte  à  prendre  à  ceux  qui 
veulent  que  cet  être  éternel,  penfant  foit  maté- 
riel ,  c'eft  de  dire  .  qu'il  eft  un  certain  amas 
particulier  de  madère  jointe  enfemble.  C'eft- 
ià  ,  je  penfe ,  l'idée  fous  laquelle  ceux  qui 
prétendent  que  Dieu  foit  matériel  ,  font 
le  plus  portés  à  fe  le  figurer  ,  parce  que 
c'eft  la  notion  qui  leur  ,eft  le  plus  promp- 
tement  fuggérée  par  l'id  se  commune  qu'ils  ont 
d'eux-mêmes,  &  des  autres  hommes  qu'ils  re» 


fie  Dieu.  Liv.  IV.  T37 

gardent  comme  autant  d'êtres  matériels  qui  ' '--^ 

penfent.  Mais  cette  imagination  ,  quoique  CHAi>«  X* 
plus  naturelle ,  n'eft  pas  moins  abfurde 
que  celle  que  nous  venons  d'examiner  ; 
car  de  fuppofer  que  cet  ê:re  éternel  pen- 
fant  ne  loit  autre  choie  qu'un  amas  de 
parties  de  matière  dont  chacune  eft  non» 
penfante ,  c'eft  attribuer  tome  ta  fageffe  ëz 
h.  connoitTance  de  cet  ê_re  éternel  à  la 
fimple  juxtapofition  de  parties  qui  le  com- 
pofent;  ce  qui  eft  ta  chofe  du  monde  la 
plus  abfurde.  Car  des  pairies  de  matière 
qui  ne  penfent  peint  ,  ont  beau  être  étroi- 
tement jointes  enfembie  ,  elles  ne  peuvent 
acquérir  par-là  qu'une  nouvelle  relation  lo- 
cale, qui  confifte  dans  une  nouvelle  pofi- 
tion  de  ces  différentes  parties  ;  &  il  n'eft 
pas  poffible  que  cela  puiffe  leur  commu- 
niquer la  penfée  &  la  connoilTance.  c  %     »~» 

n,  r  ooit  qu  ïî 

Ç.   17.  Mais  de  plus,  ou  toutes  les  ppr-  foit  en  mou- 
ties  de  cet   amas    de  madère  font  en    re-  vement  »  ou 
pos,  ou  bien  elles  ont  un  certain  mouve-  ^"P05* 
ment  qui   fait  qu'il  penfe.   Si  cet  amas  de 
matière  eft  dans  un  parfait  repos,   ce  n'eft 
qu'une  lourde   mifle   privée  de    route   ac- 
tion ,   qui    ne    peut  par  conféquent  avoir 
aucun   privilège  fur  un  atome. 

Si  c'eft  le  mouvement  de  fes  parties 
qui  le  fait  penfer  ,  il  s'enfuivn  delà  que 
toutes  fes  penfées  doivent  être  nécelTaire- 
ment  accidentelles  &  limitées  ;  car  toutes 
les  parties  dont  cet  amas  de  matière 
eft  compofé,  &  qui   par  leur  mouvement 


I38  Bt  VExiJlence 

fc"===s  y  produifent  la  penfée  ,  étant  en  elles*' 
Ç.HAP.  X.  m,imcs  &  prifes  féparément ,  deftituées  de 
toute  penfée  ;  elles  ne  fauroient  régler  leurs 
propres  mouvemens,  &.  moins  encore  être 
réglées  p.T  les  penfées  du  tout  qu'elles  com- 
posent ;  parce  que  dans  cette  fuppofuicn  , 
le  mouvement  devant  précéder  h  penfée  & 
être  par  conféquent  fans  elle  ,  la  penfée 
n'eft  point  la  caufe  ,  rmis  la  fuite  du  mou- 
vementée qui  étant  pofé,iI  n'y  aura  ni  liberté, 
ni  pouvoir  ,  ni  choix  ,  ni  penfée  eu  action 
quelconque  réglée  par  la  raifon  &  par  la 
fageffe.  De  forte  qu'un  tel  être  penfant  ne 
fera  ni  plus  parfait  ni  plus  fige  que  la 
fimple  matière  toute  brute  ;  puifque  de 
réduire  tout  à  des  mouvemens  accidentels 
&  déréglés  d'une  matière  aveugle  ,  ou  bien 
à  des  penfées  dépend.) n:es  des  mouvemens 
déréglés  de  cette  même  matière  c'eft  la 
même  chofe  ,  pour  ne  rien  dire  des  bor- 
nes étroites  où  fe  trouven rient  refferrées 
ces  fortes  de  ponfées  &  de  connoiffances 
qui  feroient  dans  une  abfolue  dépendance 
du  mouvement  de  ces  différentes  parties. 
Mais  quoique  cette  hypothefe  foit  fujette 
à  mille  autres  abfurdicés ,  celles  que  nous 
venons  de  propofer  fuffit  pour  en  faire 
voir  l'impoffibilité  ,  fans  qu'il  foit  nécef- 
faire  d'en  rapporter  davantage.  Car  fuppofé 
que  cet  amas  de  matière  penfant  fut  toute 
la  nntiere,  ou  feulement  une  partie  de  celle 
qui  compofe  cet  univers,  il  ferait  impuffi- 
ble  qu'aucune  particule  connut  fon  propre 


de  Dieu.  Liv.  IV.  139 

mouvement ,  ou  celui  d'aucune  autre  par-  *= 

ticu'e  ,   ou  que  le  tout  connût  le  mouve-    Chap.  X., 

ment  de  chaque  partie  dont  il  feroit  com- 

pofé  ,  &  qu'il   pût  par   conféquent  régler 

fes  propres   penfées    ou   mouvemens ,    ou 

p'urôt  aucune  penfe'e  qui  réTultât  d'un  fem- 

blable  mouvement. 

a       o    r-vi  >•  _   -  1  ^3  matières 

$.   18.  D  autres  s  imaginent  que  lama-  nepeutpas 

tiere  eft  éternelle ,  quoiqu'ils  reconnoiffent  erre  coéter- 
un  être  érernel  ,  penO.nt  oc  immatériel,  "elle  avec  uni 
A  la  vérité  ils  ne  détruifent  point  par-là  nei# 
l'exiftence  d'un  Dieu  ;  cependant  comme 
ils  lui  ôcent  une  des  parties  de  fon  ouvrage  > 
la  première  en  ordre ,  &  fort  confidérable 
par  elle-même  ,  je  veux  dire  la  criatïcn  y 
examinons  un  peu  ce  femiment.  Il  faut, 
dir-on  reconnoître  que  la  matière  eft  éternelle. 
Pourquoi  ?  Parce  que  vous  ne  fuiriez  con- 
cevoir comment  elle  pourroit  être  faite  de 
rien.  Pourquoi  donc  ne  vous  regardez-vous 
point  aufiï  vous-même  comme  éternel  ? 
Vous  répondrez  peut-être  que  c'eft  à  caufe 
que  vous  avez  commencé  d'exifter  depuis 
vingt  ou  trente  ans.  M«is  fi  je  vous  de- 
mande ce  que  vous  entendez  par  ce  vous 
qui  commença  alors  à  exifter  ,  peut-être 
ferez-vous  embarrafTé  à  le  dire.  La  ma- 
tière dont  vous  êtes  compofé,  ne  commença 
pas  alors  à  exifter  ;  parce  que  fi  cela  écoit 
elle  ne  feroit  pas  éternelle  :  elle  commença 
feulement  à  être  formée  &  arrangée  de 
la  manière  qu'il  faut  pour  compofer  votre 
corps.  M3is  cette  difpofnion  de  parties  neil 


140  De  VExiJlence 

ï"  "  ',  ,3  pas  vous,  elle  ne  conftitue  pas  ce  prin- 
Chap.  X.  cjpe  penfant  qui  eft  en  vous  &  qui  eft 
vous-même  ;  car  ceux  à  qui  j'ai  affaire  pré- 
fentement ,  admettent  bien  un  Etre  pen- 
fant,  éternel  &  immatc'riel,  mais  ils  veu- 
lent aufli  que  la  matière  ,  quoique  non- 
penfante  foit  aufli  éternelle.  Quand  eft-ce 
donc  que  ce  principe  penfant  qui  eft  en 
vous ,  a  commencé  d'exifter  ?  S'il  n'a  jamais 
commencé  d'exifter ,  il  faut  donc  que  de 
toute  éternité  vous  ayez  été  un  êtte  pen- 
fant :  abfurdité  que  je  n'ai  pas  befoin  de 
réfuter ,  jufqu'a  ce  que  je  trouve  quelqu'un 
qui  foit  allez  dépourvu  de  fens  pour  la 
foutenir.  Que  fi  vous  pouvez  reconnoître 
qu'un  être  penfant  a  été  fait  de  rien  (  comme 
doivent  être  toutesles  choies  qui  ne  font  point 
éternelles  ,  )  pourquoi  ne  pouvez-vous  pas 
aufli  reconnoître ,  qu'une  égale  puiflance 
puifle  tirer  du  néant  un  être  matériel , 
avec  cette  feule  différence  que  vous  ères 
afluré  du  premier  par  votre  propre  expé- 
rience ;  &  non  pas  de  l'autre  ?  Bien  plus  , 
on  trouvera ,  tout  bien  confidéré  ,  qu'il  ne 
faut  pas  moins  de  pouvoir  pour  créer  un 
efprit  que  pour  créer  la  matière.  Et  peut- 
être  que  û  nous  voulions  nous  éloigner  un 
peu  des  idées  communes  ,  donner  l'effort 
à  notre  efprit ,  &c  nous  engager  dans  l'exa- 
men le  plus  profond  que  nous  pourrions 
faire  de  la  nature  des    chofes,   (  1  )  nous 

f  \  )  I!  y  a  ,  mot  pour  mot ,  dans  l'Anglois ,  Nous 
pourrions  être  capables  de  vij'er    à   quelque   cCMK'ep- 


de  Dieu.  Liv.  IV.  141 

pourrions  en  venir  jufqu'à  concevoir  ,  quoi-  e~ï=r=— 
que  d'une  manière  imparfaite ,  comment  la  ******  X» 
matière  peut  d'abord  avoir  été  produite , 
&  avoir  commencé  d'exifrer  par  le  pouvoir 
de  ce  premier  être  éternel  ;  mais  on  ver- 
roit  en  même  tems  que  de  donner  l'être 
à  un  efprit ,  c'eft  un  effet  de  cette  puif- 
fance  éternelle  &  infinie  ,  beaucoup  plus 
mal  aifé  à  comprendre,  (a)  Mais  parce 
que  cela  m'écarteroit  peut-être  trop  des  no- 
tion obfcure  &  confufe  ,  de  la  manière  dont  la  ma- 
tière pourroit  d'abord  avoir  été  produite  .  &c. 
vrt  might  bc  ablî  to  atm  at  fome  dim  and  feeming 
conception  hou  Matter  might  at  fiefl  be  made.  Com- 
me je  n'entendois  pas  fort  bien  ces  mots  ,  dim  and 
feeming  conception  ,  que  je  n'entends  pas  bien  en- 
core ,  je  mis  à  la  place  ,  quoique  d'une  manière  im- 
parfaite :  traduction  un  peu  libre  que  M.  Locke  ne 
défapprouva  point ,  parce  que  dans  le  fond  elle  rend 
aflez  bien  fa  penfée. 

(2)  Ici  M.    Locke  excite  notre  curiofité ,   fans 
vouloir  la  fatisfaire.  Bien  des  gens  s'étant  imaginés 
qu'il  m'avoit  communiqué  cette  maniete  d'expliquer 
la  création  de  la  matière,  me  prièrent  peu   de   tems 
après  que  ma  traduction  eut  vu  le  jour  ,  de  leur  en 
faire  pert  ;  mais  je  fus  obligé  de  leur  avouer  que  M. 
Locke  m'en  avoit  fait  un  fecret  à   moi-même.   Enfin 
long-tems  après  fa  mort ,  M.  le  Chev.  Newton,  à 
qui  je  parlai  par  hafard  de  cet  endroit  du  livre  de  M. 
Locke,  me  découvrit  tout  le  myftere.    Souriant,  il 
me  dit  d'abord  que  c'étoit  lui-même   qui   avoit  ima- 
giné cette  manière  d'expliquer  la  création  de  la  ma- 
tière ,  que  la  penfée  lui  en    éloit  venue  dans  l 'ef- 
prit un  jour  qu'il  vint  a  tomber  fur  cette   queftion        *Lefe;- 
avec  M.  Locke  &  un  feigneur  Anglois  *  Et  voici    Comte  de 
1    comment  il  leur  expliqua  fa  penfée.  On  pourroit,    Penbrocke 
'     dit-il  ,  fe  former  en  quelque  manière  une  idée  de  la   mort  au  mois 
I    création  de  la  matière  en  fuppofant  que  Dieu  eût  em-    <)e  Février 
péché  par  fapuiffance  queritnne  pût   entrer  dans  uie   delapréfenta 
artaineporcion  dcl'efpacepur,  qui  de  fa  nature  ejl  pîiU'  aimée  \1\%* 


ïqi  De    VFxiflcnce 

fe  a  tions  fur  lefquelles  la  pbilofophie  eft:  pre- 

Çhap.  X.  fentement  fondée  dans  le  monde,  je  ne 
ferais  pas  excufable  de  m'en  éloigner  fifort, 
ou  de  rechercher  autant  que  la  grammaire 
le  pourroir  permettre  ,  fi  dans  le  fond  l'o- 
pinion communément  établie  eft  contraire 

trahît ,  éterntl ,  neceffaire,  infini;  car  dès-là  cette 
portion  d'efpace  ,  auroit  l'impénétrabilité  ,  l'une  des 
qualités  effentielles  à  la  mature  :  &  comme  Vefpace 
pur  eft  absolument  uniforme,  on  n'a  qu'à  fuppofet 
que  Dieu  auroit  communiqué  cette  efpece  d'impéné- 
trabilité à  une  autre  pareille  portion  de  Vefpace  , 
&  cela  nous  donner oit  ,  en  quelque  forte ,  une  idée 
de  la  mobilité  de  la  matière,  autre  qualité  qui  lui 
eft  auffi  très-cfftntielle.  Nous  voilà  maintenant  déli- 
vrés de  l'embarras  de  chercher  ce  que  M.  Locke 
avoit  trouvé  bon  de  cacher  à  fes  lecteurs  :  car  c'ell- 
li tout  ce  qui  lui  a  donné  occafion  de  nous  dire, 
Que  fi  nous  voulions  donner  l'effort  à  notre  efprit  , 
nous  pourrions  concevoir ,  quoique  d'une  manière  im- 
parfaite ,  comment  la  matière  pourroit  d'abord  avoir 
été  produite  ,  &c.  Pour  moi,  s'il  m'eft  permis  de 
dire  librement  ma  peniee  ,  je  ne  vois  pus  comment 
ces  deux  fuppofitions  peuvent  conrtibuer  à  nous 
faire  concevoir  la  création  de  la  matière.  A  mon 
fens ,  elles  n'y  contribuent  non  plus  qu'un  pont 
contribae  a  rendre  l'eau  qui  coule  immédiatement 
defi'ous  ,  impénétrable  à  un  boulet  de  canon  ,  qui 
venant  à  tomber  perpendiculairement  d'une  hauteur 
de  vingt  ou  trente  toifes  fur  ce  pont  y  eft  arrêté  fans 
pouvoir  paifer  à  travers  pour  entrer  dans  l'eau  qui 
coule  directement  defi'ous.  Car  dans  ce  cas-là,  l'eau 
refte  liquide  &  pénétrabie  à  ce  boulet,  quoique  la 
folidité  du  pont  empêche  que  le  boulet  ne  tombe 
dans  l'eau.  De  même  ,  la  puiflance  de  Dieu  peut  em- 
pêcher que  rien  n'entre  dans  une  certaine  portion 
d'efpace,  mais  elle  ne  change  point  par-là,  la  na- 
ture de  cette  portion  d'efpace  ,  qui  reftsnt  toujours 
pénétrabie,  comme  toute  autre  portion  d'efpace, 
n'acquiert  point  en  conféquence  de  cet  obftacle  ,  le 
moindre  degré  de  l'impénétrabilité  qui  eft  effea» 
tielle  à  la  matière,  &ç» 


de  Dieu.  Liv.ïV.  143 

Il  ce  fentiment  particulier  ;  j'aurcis  tort  ,  — : — :-±si 
dis-je  ,  de  m'engjger  dans  cette  difcuffion ,  Chap-  Xj 
fur-tcut  d^ns  cet  endroit  de  la  terre  où 
la  doctrine  reçue  eft  affez  bonne  pour  mon 
deffein,  puifqu'elle  pofe  comme  une  chofe 
indubitable ,  que  fi  l'on  admet  une  fois  la 
création  ou  le  commencement  de  quelque 
Substance  que  ce  foit ,  tirée  du  néant, 
on  peut  fuppjfer  avec  la  même  facilité  , 
la  création  de  toute  autre  fubitance,  ex- 
cepté  !e   Créateur  lui-même. 

y.  19.  Mais  direz- vous,  n'eft-il  pas  im- 
polfible  d'admettre  ,  qu'une  chofe  ait  été 
faite  de  rien  ,  puifque  nous  ne  fau rions  le 
concevoir  ?  Je  réponds  que  non.  Première- 
ment ,  parce  qu'il  n'eft  pas  raifonnable  de 
nier  la  puiilance  d'un  être  infini ,  fous  pré- 
texte que  nous  ne  faurions  comprendre 
fes  opérations.  Nous  ne  refufons  pas  de 
croire  d'autres  effets  ,  fur  ce  fondement 
que  nous  ne  faurions  comprendre  la  ma- 
nière dont  ils  font  produics.  Nous  ne  fau- 
rions concevoir  comment  queîqu'autre  chofe 
que  l'impulfion  d'un  corps  peut  mouvoir  - 
le  corps  ;  cependant  ce  n'eft  pas  une  rai- 
fon  furfifante  pour  nous  obliger  à  nier  que 
cela  fe  puifîë  faire  ,  contre  l'expérience 
confiante  que  nous  en  avons  en  nous-mê- 
mes f  dans  tous  les  mouvemens  volontai- 
res qui  ne  font  produits  en  nous  que  par 
l'action  libre  ou  la  feule  penfée  de  notre 
efprit  :  mouvemens  qui  ne  font  ni  ne  peu- 
vent être  des  effets  de  l'impulfion  ou  de 


144  &  VExiJience 

»9  la  détermination   que  le  mouvement  d'une 


£.hap.  X.  matiere  aveugle  cuufe  au  dedans  de  nos 
corps  ,  ou  fur  nos  corps  ;  car  li  cela  étoit , 
nous  n'aurions  pas  le  pouvoir  ou  la  liberté 
de  changer  cette  détermination.  Par  exem- 
ple, ma  main  droite  écrit  pendant  que  ma 
main  gauche  eft  en  repos.  Qu'eft-ce  qui 
caufe  le  repos  de  l'une ,  &  le  mouvement 
de  l'autre?  Ce  n'eft  que  ma  volonté,  une 
certaine  penfée  de  mon  efprit.  Cette  pen- 
fée  vient-elle  feulement  à  changer  ?  ma  main 
droite  s'arrête  aulîî-tôt ,  la  gauche  com- 
mence à  fe  mouvoir.  C'eït  un  point  de  f  it  li 
qu'on  ne  peut  nier.  Expliquez  comment  ' 
cela  fe  fait;  rendez-le  intelligible,  &  vous 
pourrez  par  le  même  moyen  comprendre  la 
création.  Car  de  dire,  comment  font  quel- 
ques-uns pour  expliquer  U  caufe  de  ces 
mouvemens  volontaires  ,  que  l'ame  donne 
une  nouvelle  détermination  au  mouvement 
des  efprits  animaux  ,  cela  n'éclaircit  nul- 
lement la  difficulté.  C'eit  expliquer  une 
chofe  obfcuie  par  une  autre  aufll  obfcure; 
car  dans  cette  rencontre  il  n'elt  ni  plus 
ni  moins  difficile  de  changer  la  détermi- 
nation du  mouvement  que  de  produire  le 
mouvement  même,  parce  qu'il  faut  que  cette 
nouvelle  détermination  qui  eft  cor  rauniquée 
aux  efprits  animaux  foit  ou  produite  im- 
médiatement par  la  penfée ,  ou  bien  par 
quelqu'autre  corps  que  la  penfée  mette 
dans  leur  chemin,  où  il  n'étoit  pas  aupa- 
ravant, de  forte  que  ce  corps  reçoive  (en 

mouvement 


de  Dieu.  Liv.  IV.  145 

mouvement  de  la    penfée  ;    &  lequel  des  ,.  _-=i 

deux  partis  qu'on  prenne  ,  le  mouvement  Chap.  XI. 
volontaire  efl  auiïi  dirticile  à  expliquer  qu'au- 
paravant, a.  D'ailleurs  ,  c'eft  avoir  trop 
bonne  opinion  de  nous-mêmes  que  de  ré- 
duire toutes  les  chofes  aux  bornes  étroites 
de  notre  capacité,  &  de  conclure  que  tout 
ce  qui  pafTe  notre  compréhenfiun  eu  ira- 
poffible  ;  comme  fi  une  chcfe  ne  pouvoir: 
|être,  dès- là  que  nous  ne  faurions  concevoir 
comment  elle  fe  peut  faire.  Borner  ce  que 
Dieu  peut  faire  à  ce  que  nous  pouvons 
'comprendre,  c'eft  donner  une  étendue  in- 
finie à  notre  compréhenfion  ,  ou  faire  Dieu 
lui-même,  fini.  Mais  fi  vous  ne  pouvez  pas 
concevoir  les  opérations  de  votre  propre 
Urne  qui  efl  finie,  de  ce  principe  penj'ant 
-qui  eft  au  dedans  de  vous  ,  ne  foyez  point 
jétonnés  de  ne  pouvoir  comprendre  les  opé- 
rations de  cet  efprit  éternel  &  infini  qui 
(a  fait  &  qui  gouverne  toutes  chofes  ,  & 
\qve  les  Cieux  des  deux  ne  faiiroient  con~ 
'.tenir. 


Tome  IV. 


Chap.  XI. 


146  De  V Exiflence 

CHAPITRE     XI. 

De    la   connoijjance    que    nous    ayons   de 
Vexijience  des  autres  chofes. 

$.  I.  JjLjA  connoiffance    que    nous  avons 

On       eut  de  notre  propre  exiflence  nous  vient  par 

avoir  une       intuition  ;   &  c'eft  la  raifort  qui    nous  r-.it 

connoiffance  Connoître  clairement  l'exiftence  de   Dieu  , 

ces  autres  ,    ,  ,' 

chofes  que      comme  on  la  montre  cuns  le  chapitre  pre- 

par  voie  de      cèdent. 

en  a  ion.  Quant  à  l'exiftence   des   autres  chofes  , 

on  ne  fauroit  la  connokre  que  par  fcnj.i- 
tion  ;  car  comme  l'exiftence  réelle  n'a  au- 
cune liuifon  ndceflaire  avec  aucune  des 
idées  qu'un  homme  a  dans  fa  mémoire  , 
&  que  nulle  exiflence ,  excepté  celle  de 
Dieu  ,  n'a  de  liajfen  nécefïaire  avec  l'exif- 
tence d'aucun  hemme  eu  particulier  ,  il 
s'enfuit  de  là  que  nui  homme  ne  peur  con- 
noître l'exiftence  d'aucun  être,  que  lorfque 
cet  être  fe  fait  appercevoir  a  cet  homme 
par  l'opération  aâuelie  qu'il  fait  fur  lui. 
Car  d'avoir  l'idé^e  d'une  chofe  dans  notre 
efprit,  ne  prouve  pas  plus  l'exiftence  de 
cette  chofe  que  le  portrait  d'un  homme 
démontre  fon  exiftence  dans  le  monde , 
ou   que  les  vifions    d'un   fonge  établirent 

Exemple  :  un£  véritable   hiftoire. 
la    blancheur         .  _ ,    _     ,  .         , 

de  ce  papier,      $•   a.  C  elt  donc   par   la  réception    ac«» 


des  autres  Chofes.  Liv.  IV.      147 

tuelle  des  idées  qui  nous  viennent  de  de- ^ 

hors,  que  nous  venons  à  connoître  l'exif-  Chap.  XI. 
tence  des  autres  choies ,  &  à  erre  convain- 
cus en  nous-mîmes  que  dans  ce  tems-lù 
il  cxifle  hors  de  nous  quelque  choie  qui 
excite  cette  idée  en  nous ,  quoique  peut- 
être  nous  ne  fâchions  ni  ne  confierions 
point  comment  cela  fe  fait.  Car  que  nous 
ne  connoifïicns  pas  la  manière  dont  ces 
idées  font  produites  en  nous  ,  cela  ne  di- 
•minue  en  rien  la  certitude  de  nos  fens  ni 
la  réalité  des  idées  que  nous  recevons  par 
leur  moyen:  par  exempie,  lorfque  j'écris 
ceci,  le  papier  venant  à  frapper  mes  yeux, 
produit  dans  mon  efprit  l'idée  a  laquelle  je 
donne  le  nom  de  blanc  ,  quel  que  foit  l'ob- 
jet qui  l'excite  en  moi  ;  &  par-là  je  con- 
nois  que  cette  qualité  ou  cet  accident  , 
dont  l'apparence  étant  devant  mes  yeux 
produit  toujours  cette  idée ,  exifte  réelle- 
ment &  hors  de  moi.  Et  faiTurance  que 
j'en  ai  ,  qui  cil  peut-êrre  la  plus  grande 
que  je  puilîe  avoir  ,  &  à  laquelle  mes  fa- 
cultés puiiTent  parvenir,  c'efl  le  témoi- 
gnage de  mes  yeux  qui  font  les  vérita- 
bles &  les  feuls  juges  de  cette  chofe  ;  & 
fur  le  témoignage  defquels  j'ai  raifon  de 
m'appuyer,  comme  fur  une  chofe  fi  cer- 
taine, que  je  ne  puis  non  plus  douter, 
tandis  que  j'écris  ceci  ,  que  je  vois  du 
blanc  &  du  noir  ,•  &  que  quelque  chofe  exifte 
réellement  qui  caufe  cette  fenfation  en  moi , 
que  je  puis    douter  que  j'écris  ou   que  je 

G* 


148  De  l'Exiflcnce 

t— L-      '  —  remue  ma  main;  certitude aulTi  grande  qu'au- 
XI.    cune  que  nous  f0yions  capables  d'avoir  fur 
l'exiftence  d'aucune   choie  ,  excepté  feule- 
ment la  certitude   qu'un    homme  a  de  fa 
propre  exiflence  &  de  celle  de  Dieu, 
o    •  $•  3*  Quoique  la  connoifTance  que  nous 

cela  ne  (bit  avons  par  le  moyen  de  nos  fens  ,  de  l'exif- 
P«s  fi  certain  tence  des  chofcs  qui  font  hors  de  nous  , 
««tft!!.-        ne  fo"  Pas  tout-à-fait  fi  certaine  que  no- 

jnoiHlrations,  r  .  _  ' 

il  peut  être  tre  connoifTance  de  fimple  vue ,  eu  que 
appelle  du  jes  conclufions  que  notre  raifon  déduit ,  en 
jioiffance  °&  confidérant  les  idées  claires  &  abfiraites 
prouve l'exif- qui  font  dans  notre  efprit,  c'eft  pourtant 
îence  des       une  certitude  qui  mérite  le   nom  de  con- 

chofes  hors  -m  r-  r  r   ■  r 

.de  nous.  noijjance.  Si  nous  lommes  une  rois  perlua- 
dés  que  nos  facultés  nous  inftruifent  comme 
il  faut ,  touchant  l'exiltence  des  objets  par 
qui  elles  font  affe&ées  ,  cette  alïurance  ne 
fauroit  pafTer  pour  une  confiance  mal  fon- 
dée ;car  je  ne  crois  pas  que  perfonne  puilfe 
être  férieufement  fi  feeptique  que  d'être 
incertain  de  l'exiltence  des  chofes  qu'il  voit 
&  qu'il  fent  actuellement.  Du  moins  ,  celui 
qui  peut  porter  fes  doutes  fi  avant  (  quel- 
les que  foient  d'ailleurs  fes  propres  pen- 
fées  )  n'aura  jamais  aucun  différent  avec 
moi  ,  puifqu'il  ne  peut  jamais  être  allure 
que  je  dife  quoi  que  ce  foit  contre  fon 
fentiment.  Pour  ce  qui  ell  de  moi  ,  je  crois 
que  Dieu  m'a  donné  une  affei  grande  cer- 
titude de  l'exillence  des  chofes  qui  font  hors 
de  moi  ;  puifqu'en  les  appliquant  différem- 
ment je  puis  produire   en  moi  du  plaifir 


des  autres  Chofes.  Liv.   IV.       149 

&    de  la  douleur  ,  d'où  dépend    mon  plus  e-j '"J 

grand  intérêt  dans  l'e'tat  où  je  me  trouve  Chap'  x  • 
préfentement.  Ce  qu'il  y  a  de  certain  c'eft 
que  la  confiance  où  nous  femmes  que  rtps 
facultés  ne  nous  trompent  point  en  cette 
occafion ,  fonde  la  plus  grande  affurance 
dont  nous  foyons  capables  à  l'égard  de 
l'exiftence  des  êtres  matériels.  Car  nous  ne 
pouvons  rien  faire  que  par  le  moyen  de 
nos  facultés  ;  &  nous  ne  l'aurions  perler  de 
la  çonnoiffance  elle-même,  que  par  le  fe- 
cours  des  facultés  qui  foierrt  proores  à  com- 
prendre ce  que  c'eir  que  çonnoiffance,  M  is 
outre  l'affurance  que  nos  fens  eux-mêmes 
nous  donnent,  qu'ils  ne  fe  trompent  p Vint 
dans  le  rapport  qu'ils  nous  font  de  l'exif- 
tence des  chofes  extérieures  ,  par  les  im- 
prefîïons  actuelles  qu'ils  en  reçoivent ,  nous 
fommes  encore  confirmés  dans  cette  afiu- 
rance  par  d'autres  raifons  qui  concourent  à 
l'établir. 

$.  4.  Premièrement  ,  il  eft  évident  que  1.  pafCe  que 
ces  perceptions  font  produites  en  nous  par  nous  re  pon- 
des caufes  extérieures  qui  affeclenc  nos  fens  ;  J°n.ÇC!,n'!V0;r 

»  >  des  idée?  qu  i 

parce  que   ceux  qui  font  deftitués  des  or-  Ufeveur  des 

ganes  d'un   certain   fens  ,    ne  peuvent   ja-  fens* 

m.iis  faire  que  les  idées  qui  appartiennent 

à  ce    Cens,    foient    actuellement   produites 

dins  leur  efprit.  C'eft  une  vérité  fi  num- 

fefte  ,  qu'on  ne  peut  la  révoquer  en  doute  , 

&  par  confequent,  nous  ne  pouvons  qu'être 

affurés  que  ces  perceptions  ne  viennent  djns 

i'efprit  pir  les  organes  de  ces  fens  ,  &  non 

*3 


Ijo  De  VT.xifien.ee 

g-— =-  p^r  quelqu'autre  voie.   Il  efî  vifible  que  les 

■Chap.  XI.  organes  eux-mêmes  ne  les  produifent  pas , 
car  fi  cela  étoit  ,  les  yeux  d'un  homme 
produiraient  des  couleurs  dans  les  ténè- 
bres ,  &  fon  nez  fentiroit  des  rofes  en 
hiver.  Mais  nous  ne  voyons  pas  que  per- 
fonne  acquière  le  goût  des  Ananas,  avant 
qu'il  aille  aux  Indes  où  fe  trouve  cet  ex- 
cellent fruit ,  6c  qu'il  en  goûte  actuellement. 
II.  Parce         Ç.    5,    £n  fécond  lieu  :   ce  qui  preuve 

«lue  deux  >  .  ,',       l  r 

idées  dont     c\ce  ces  perceptions  viennent  d  une  caufe 
l'une  vient      extérieure  ,  c'eft  que    éprouve  quelquefois 
dnnefenfa-     qUe  je  ne  Jaunis  empêcher  qu'elles  ne  foient 
&  l'autre  dé  produites  dans  mon  cfprit.  Car  enc:reque, 
la  n-ymoire  ,  lorfque  j'ai  les  yeux  fermés  ou  que  je  fuis 
ceptionsT^t  ^ans  une  chambre  obfcure  ,  je  puifle  rap- 
iiftincles.        peller    dans    mon   efprit ,  quand  je  veux , 
les  idées  de  la   lumière  ou  du  foleil ,  que 
des   fenfations  précédentes  avoient  placées 
dans   ma    mémoire,  &  que  je  puifle  quit- 
ter ces  idées  quand  je  veux,  &  me  repré- 
fenter  celle  de  l'odeur   dune  rofe,  ou  du 
goût  du  fucre;  cependant  fi  à  midi  je  tourne 
les  yeux  vers  le  foleil ,  je  ne  faurois  évi- 
ter de  recevoir  les  idées  que  la  lumière  ou 
îe  foleil   produit    alors    en   moi.    De  forte 
qu'il  y  a  une    différence  vifible   entre  les 
idées  qui  s'introduifent  par  force  en  moi , 
•&  que  je  ne  puis  éviter  d'avoir,  &  celies 
qui   font  comme  en  réferve  dans   ma   mé- 
incfire,  fur   lefquelles,    fuppofé  qu'elles  ne 
fuiïcnt  que    là  ,    j'aurois    confkmment    le 
même  pouvoir  d'en  difpofer  &  de  les  laif- 


des  autres  Chofes.  Liv.  IV.        I  5  î 

fer  à  l'écart ,  félon  qu'il  m'en  prendroit  en-  ■■  -  —g 
vie.  Et  par  conféquent  il  faut  qu'il  y  ait  Chap-  XI. 
néceffairement  quelque  caufe  extérieure  , 
l'impreffion  vive  de  quelques  objets  hors 
de  moi  dont  je  ne  puis  furmonter  l'effi- 
cace, qui  produifent  ces  idées  dans  mon 
efprit  ,  foit  que  je  veuille  ou  non.  Outre 
cela  ,  il  n'y  a  perfonne  qui  ne  fente  en 
lui  -  même  la  différence  qui  fe  trouve 
entre  contempler  le  foleii  ;  félon  qu'il  en  a 
l'idée  dans  fa  mémoire,  &  le  regarder  ac- 
tuellement ;  deux  chofes  dont  la  percep- 
tion eft  fi  diftincte  dsns  fon  efprit  que 
peu  de  ces  idées  font  plus  difrincles  l'une 
de  l'autre.  Il  connoît  donc  certainement 
qu'elles  ne  font  pas  toutes  deux  un  effet 
de  fa  mémoire  ,  ou  des  productions  de  fon 
propre  efprit,  Se  de  pures  fantaifies  for- 
mées en  lui-même  ;  mais  que  la  vue  ac- 
tuelle du  foleil  efl  produite  par  une  caufè 
qui  exifte   hors   de  lui. 

$.  6.  En  troifieme  lieu  :  ajoutez  à  cela,  jjj  pa 
que  plufieurs  de  ces  idées  font  produites  que  le  plaiiît 
en  nous  avec  douleur  ;  quoi  /n'en  fuite  nous  ou.'ado"'eur 
nous  en  Jouventons  Jans  rejjcntir  la  moin-  paanent  une 
dre  incommodité.  Ainfi ,  un  fentiment  dé-  fenfation  ac 
fagréable  de  chaud  ou  de  froid  ne  nous  caule  tllsI,e  «  n  ac_ 

c*    v       r     ■  /r-  t      r  compagnent 

aucune  facheule  împrcliion  ,  Iorlque  nous  vas  \e  retour 
en  rappelions  l'idée  dans  notre  efprit,  quoi-  de  ces  Wées , 

qu'il  fut  fort  incommode   quand   nous  l'a-  Iok  T,'e  V- 
1  r      ■  •  objets  exte- 

vons  fenti ,   &  qu'il  le  foit   encore  ,  quand  rieurs  font 
il   vient  à  nous   frapper  actuellement   une  a'Dfens. 
féconde  fois  ;  ce  qui  procède   du  défordre 

G4 


I$a  De  PEx^ence 

i — -  ■  ■  a  que  les  objets  extérieurs  caufent  dans  no- 
Chap.  XI.  tre  corps  par  les  imprefïïons  actuelles  qu'el- 
les y  font.  De  même  nous  nous  refïbuve- 
nons  de  la  douleur  que  caufe  la  faim  ,  la 
foif  &  Je  mal  de  tête  ,  fans  en  reflentir 
aucune  incommodité  ;  cependant  ,  ou  ces 
différentes  douleurs  devroient  ne  nous  in- 
commoder jamuis  ,  ou  bien  nous  incom- 
moder conframment  toute:;  les  fois  que  nous 
y  penfons,  fi  elles  n'étoien{  autre  chcfe  que 
des  idées  flotantes  dans  notre  efprit ,  &  de 
(impies  apparences  qui  viendroient  occuper 
notre  famaiiie  ,  fans  qu'il  y  eût. hors  de  nous 
aucune  chofe  réellement  existante  qui  nous 
cauïàc  ces  différentes  perceptions.  On  peut 
dire  la  même  chofe  du  pLiiir  qui  accom- 
pagne plufieurs  fenfations  actuelles  ;  &  quoi- 
que les  démcinflrations  mathématiques  ne 
dépendent  pas  des  fens ,  cependant  l'exa- 
men qu'on  en  fait  par  le  moyen  des  fi- 
gures ,  fert  beaucoup  à  prouver  l'évidence 
de  notre  vue,  &  f'emble  lui  donner  une  certi- 
tude qui  approche  de  celle  de  la  démonfrra- 
tion  elle-même.  Car  ce  feroit  une  chofe  bien 
étrange  qu'un  homme  ne  fit  pas  difficulté 
de  reconnoître  que  de  deux  angles  d'une 
certaine  figure  qu'il  mefure  par  des  lignes 
&  des  angles  d  une  autre  figure  ,  l'un  eft 
plus  grand  que  l'autre  ,  &  que  cependant 
il  doutât  de  l'exiftence  des  lignes  &  des 
angles  qu'il  regarde,  &  dont  il  fe  fert  ac- 
tuellement pour  mefurer   cela. 

IV*.  Nos        A    jm  En   quatrième  lieu:   nos    fens  ea 
lens    fe  ren-    .  "r  i  ,  ,  ,, 

tient   témoi-  p'uheurs  cas  le  rendent  témoignage  1  un  a 


des  autres  C/iofes.  Liv.  IV.      153 
l'autre  de  la  vérité  de  leurs  rapports    tu    - —         = 
chant    l'exiftence    des   chofes   ienlibles   qui  Chap    Xu 
font  hors  de  nous.  Celui  qui  voit  le  feu,         el,linà 
peut  le  fentir  ,   s'il  doute   que  ce  ne  fait  l'autre  fur 
autre   chofe  qu'une  fimple  imagination  ;  «x  l'exiftence 
il   peut   s'en   convaincre    en  me  tant    dan    extérieures. 
le  feu  fa  propre  main  qui  certainement  ne 
pourroit    jamais    reilentir    une    douleur    fi 
violente   à  l'occafion    d'une    pure  idée    ou 
d'un    fimple    fantôme  ;  à  m^ins   que  cette 
douleur  ne  foit  elle-même  une  imaginatien, 
qu'il   ne  pourroit    pourtant    pas    rappeller 
dans  fon  efprit  ,  en  fe  reprélentant   l'idée 
de  la  brûlure  après  qu'elie  eft  actuellement 
guérie. 

Ainfi  en  écrivant  ceci ,  je  vois  que  je 
puis  changer  les  app:rences  du  papier ,  & 
en  traçant  des  lettres  ,  dire  d'avance  quelle 
nouvelle  idée  il  présentera  à  l'efprit  dans 
le  moment  immédiatement  fnivant  ,  par 
quelques  traits  que  j'y  ferai  avec  la  plu- 
me ,•  mais  j'aurai  beau  imaginer  ces  traits , 
ils  ne  paroîtrqnt  point  ,  li  ma  m  in  de- 
meure en  repos  ,  ou  fi  je  ferme  les  yeux 
en  remuant  ma  main  :  &  ces  caractères  une 
.fois  tracés  fur  le  papier  ,  je  ne  puis  plus 
éviter  de  les  voir  tels  qu'ils  font,  c'eft- 
à-dire ,  d'avoir  les  idées  de  telles  &  tel- 
les lettres  que  j'ai  formées,  d'~ù  il  s'en- 
fuit vifiblement  que  ce  nefl  pas  un  fimple 
jeu  de  mon  imagination  ,  puifque  je  trouvé 
que  les  caractères  qui  ont  été  tracés  félon 
la   fantailie  d-c  mon    efprit ,  ne  dépendent 

G   5 


154  &*  VExiJîence 

as  plus  de   cette  fantaifie  ,   &  ne  cefîent  pa» 


Chap.  XI.  d  erre,  dès  que  je  viens  à  me  figurer  qu  ils 
ne  font  plus  ;  mais  qu'au  contraire  ils  con- 
tinuent d'afFecler  mes  fens  conftamment  & 
régulièrement  félon  la  figure  que  je  leur 
ai  donnée.  Si  nous  ajoutons  à  cela,  que  la 
vue  de  ces  caractères  fera  prononcer  à  un 
autre  homme  les  mêmes  fons  que  je  m'é- 
tois  propufé  auparavant  de  leur  faire  figni- 
fier  ,  on  n'aura  pas  grande  raifon  de  dou- 
ter que  ces  mots  que  j'écris  n'exiftent  réel- 
lement hors  de  moi  ,  puifqu'ils  produifent 
cette  longue  fuite  de  fons  réguliers  dont 
mes  oreilles  font  actuellement  frappées,  lef- 
quels  ne  fauroient  être  un  effet  de  mon 
imagination,  &  que  ma  mémoire  ne  peur- 
Cette  cer-  rolt  jamais  retenir  dans  cet  ordre. 

tîtudeeftaufiï       $.  8.  Que  fi  après  tout  cela  ,  il  fe  trouve 

grande  que     quelqu'un  qui  foit  affez  feeptique    pour  fe 
notre  état  le .J       M    .      2  r  e  tr 

requiert.        défier  de    les  propres   lens   &  pour   ariir- 

mer  ,   que    tout    ce    que    nous    voyons  , 

que  nous  entendons  ,  que    nous  fentons  y 

que  nous    goûtons ,    que    nous    penfons , 

&    que  nous  faifons    pendant  tout  le  tems 

que    nous    fubfiftons  ,    n'eft  qu'une   fuite 

&    une    apparence    trompeufe    d'un    long 

longe  qui  n'a  aucune  réalité  ;  de  forte  qu'il 

veuille    mettre   en  queftion   l'exiïtence  de 

toutes  chofes  ,  ou  la  connoiffance  que  nous 

pouvons    avoir   de  quelque   chofe   que   ce 

foit  ;  je   le   prierai  de  confidérer  que  ,    fi 

tout  n'eft  que  fonge,  il  ne  fait  lui-même 

autre  chofe    que  fonger  qu'il  forme  cette 


des  autres  Chofe s.  Liv.  IV.     i$? 

queftion  ,  &  qu'ainfi  il  n'importe  pas  beau- 
coup qu'un  homme  éveillé  prenne  la  pei- 
ne de  lui  répondre.  Cependant:,  il  pourra 
fonger  ,  s'il  veut,  que  je  lui  fais  cette  ré- 
ponfe ,  que  la  certitude  de  l'exiltence  des 
chofes  qui  font  dans  la  nature ,  étant  une 
Fois  fondée  fur  le  témoignage  de  nos  fens  , 
elle  elt  non-feulement  aufïï  parfaite  que 
notre  nature  peut  le  permettre,  mais  mê- 
me que  notre  condition  le  requiert.  Car 
nos  facultés  n'étant  pas  proportionnées  à 
toute  l'étendue  des  êtres  ni  à  aucune  con- 
noiffance  des  chofes  ,  claire ,  parfaite  ,  ab- 
foluc,  &  dégagée  de  tout  doute  &  de  toute 
incertitude  ,  rn^is  à  la  confervation  de  nos 
perfonnes  en  qui  elles  fe  trouvent ,  telles 
qu'elles  doivent  être  pour  l'ufage  de  cette 
vie,  elles  nous  fervent  allez  bien  dans  cette 
vue ,  en  nous  donnant  feulement  à  con- 
noître  d'une  manière  certaine  les  chofes  qui 
font  convenables  ou  contraires  à  notre  na- 
ture. Car  celui  qui  voit  brûler  une  chan- 
delle &  qui  a  éprouvé  la  chaleur  de  fa  flam- 
me en  y  mettant  le  doigt  ,  ne  doutera 
pas  beaucoup  que  ce  ne  foit  une  chofe  exif- 
tante  hors  de  lui,  qui  lui  fait  du  mal  & 
lui  caufe  une  violente  douleur:  ce  qui  effc 
une  aîfez  grande  afTurance,  puifque  per- 
fonne  ne  demande  une  plus  grande  certi- 
tude pour  lui  fervir  de  règle  dans  fes  ac- 
tions ,  que  ce  qui  eft  aufïi  certain  que  les 
a&ions  mêmes.  Que  fi  notre  fongcur  trouve 
à   propos  d'éprouver  fi  la   chaleur  ardente 

G  6 


Chap.  XI. 


CHAr.  XI. 


156  De  VExiJïmce 

d'une  feurnaife  n'eit  qu'une  vaine  imagi- 
nation d'un  homme  endormi,  peut  être 
qu'en  mettant  la  main  dans  cette  fournaife, 
il  fe  trouvera  fi  bien  éveillé,  que  la  certi- 
tude qu'il  aura  que  c'eit  quelque  chofe  de 
plus  qu'une  lîmple  imagination  ,  lui  paroî- 
tra  plus  grande  qu  il  ne  voudroit.  Kt  par 
conféquent ,  cette  évidence  elt  aulfi  grande 
que  nous  pouvons  le  fouhaiter;  puiiqu'elle 
eft  auffi  certaine  que  le  plaifir  ou  la  dou- 
leur que  nous  Tentons  .  c'eft-à-dire  ,  que 
notre  bonheur  ou  notre  mifere  ,  deux  cho- 
fes  au-delà  desquelles  nous  n'avons  aucun 
intérêt  par  rapport  à  la  connoiifance  ou  à 
l'exiftence.  Une  telle  affurance  de  Pexiftence 
des  chofes  qui  font  hors  de  nous ,  fuf7k  pour 
nous  conduire  dans  la  recherche  du  bien  &: 
dans  la  fuite  du  mal  qu'elles  caufent,  à  quoi 
fe  réduit  tout  l'intérêt  que  nous  avons  de 
le  connoître. 
Maïs  elle  §•  9'  Lors  donc  que  nos  fens  introdui- 
ne  s'étend      fcnr  actuellement  quelqu'idée    dans    notre 

point  au-delà     r     ■  /   •  ,,, 

de  lafenfr-  eiprit  ,  nous  ne  pouvons  éviter  d  être  con- 
tion  afluelle.  vaincus  qu'il  y  a  alors  quelque  chofe  qui 
exifte  réellement  hjrs  de  nous  ,  qui  affecte 
nos  fens  ,  &  qui  par  leur  moyen  fe  fait 
connoître  aux  facultés  que  nous  avons 
d'appercev oir  les  objets  ,  &  produit  actuel- 
lement l'idée  que  nous  appercevons  en  ce 
tems-li  ,  6v  nous  ne  fau rions  nous  déner 
de  leur  témoignage  jufqu'à  douter  fi  ces 
collections  d'idées  fimples  que  nos  fens  nous 
ont  fait  voir  unies  enfemble  édifient  réel- 


des  autres  Chofes.  Liv.  IV.       I57 

ïement  enfemble.  Cette  connoilfance  s'étend — ljb 

auffi-bien  que  le  témoignage  actuel  de  nos  ^»ap.  XI. 
fens  ,  appliqués  à  des  objets  particuliers 
qui  les  affectent  en  ce  tems-la  ,  mais  elle 
ne  va  pas  plus  avant.  Si  j'ai  vu  cette  col- 
lection d'idées  qu'en  a  accoutumé  de  déli- 
gner par  le  nom  d'homme ,  (i  j'ai  vu  ces 
idées  exiger  enfemble  depuis  une  minute  , 
&  que  je  fois  préfentement  feul,'je  ne 
faurois  être  allure  que  le  même  homme 
exifte  préfentement ,  puilqu'il  n'y  a  point 
de  liaifon  nécefiaire  entre  fon  exiftence 
depuis  une  minute  &  fon  exiftence  d'à  pré- 
fent.  Il  peut  avoir  ceiié  d'exifter  en  mille 
manières  ,  depuis  que  j'ai  été  allure  de  fon 
exiftance  pir  le  témoignage  de  mes  fens. 
Que  ii  je  ne  puis  être  certiin  que  le  dernier 
h  imnie  que  j'ai  vu  aujourd'hui  exifte  pré- 
fentement ,  mviins  encore  puis-je  l'être  que 
ce'ui-ia  exifte  qui  a  été  plus  long  -  tems 
éloigné  de  moi,  Se  que  je  n'ai  point  vu 
depuis  hier  ou  l'année  dernière  ;  &  moins 
encore  puis-je  è  re  allure  de  lexiltence  des 
perfonn  s  que  je  n'ai  jamais  vues.  Ainli , 
quoiqu'il  f~.it  excrêmement  probable,  qu'il 
y  a  préfen  ement  des  minions  d'hommes 
aôqellement  exiftans,  cependant-  tandis  que 
je  fu:s  feul  en  écrivant  ceci  ,  je  n'en  ûi 
pas  o_-ice  certitude  que  nous  appelions  czn- 
noinance  ,  à  prendre  ce  terme  dans  toute 
fa  rigueur,  qu;  ique  la  grande  vrjifembLnqe 
qu'il  y  a  à  cela  ne  me  permette  pas  d'en 
douter,  &  que  je  Lis  obligé  raifonnable^ 


158  De   VÊxiftence 

fr'  Al    13  ment  de  faire  plufieurs  chofes  dans  l'afîu- 

Chap.  XI.   rance  qu'il  y  a  préfentement    des   hommes 

dans  le   monde ,  &  des  hommes  même  de 

ma  connoiffance  avec  qui   j'ai   des  affùres. 

Mais  ce  n'eft  pourtant  que  probabilité ,  & 

_  non  connoiffance. 

C'eft  une  x  „,   v  , 

folie  d'atten-       y-  IO-   f>  ou  nous  pouvons  conclure  en 

dre  une  dé-    partant  quelle   folie  c'eft  a  un  homme  dont 

monftration    la  connoiffance  eft  û  bornée ,    &  à  qui  la 
iur chaque  .r  ,   ,    ,  ,  7      ,     .  \.  „, 

«hofe.  railon  a  ete  donnée  pour  juger  de  la  diffé- 

rente évidence  &  probabilité  des  chofes  , 
&  pour  fe  régler  fur  cela  ,  d'attendre  une 
démonftration  &  une  entière  certitude  fur 
des  chofes  qui  en  font  incapables ,  de  re- 
fufer  fon  confentement  à  des  propofitions 
fort  raifonnables ,  &  d'agir  contre  des  vé- 
rités claires  &:  évidentes ,  parce  qu'elles  ne 
peuvent  être  démontrées  avec  une  telle 
évidence  qui  ôte ,  je  ne  dis  pas  un  fujet 
raifonnable,  mais  le  moindre  pré:exte  de 
douter.  Celui  qui  dans  les  affaires  ordi- 
naires de  la  vie  ,  ne  voudrait  rien  admet1- 
tre  qui  ne  fût  fondé  fur  des  démonftrations 
claires  &  directes,  ne  pourroit  s'affurer 
d'autre  chofe  que  de  périr  en  fort  peu  de 
tems.  Il  ne  pourroit  trouver  aucun  mets 
ni  aucune  boiffon  dont  il  pût  hafarder  de 
fe  nourrir  ;  &  je  veudrois  bien  favoir  ce 
qu'il  pourroit  faire  fur  de  tels  fondemens  , 
qui  fût  à  l'abri  de  tout  doute  &  de  toute 
-,  .„  forte  d'objection. 
paffée  eft  Ç.  il.  Comme  nous   connoifTons  qu'un 

connue  par     objet  exifte   lorfqu'il   frappe  actuellement 


des   autres   Chofes.  Liv.  IV.      159 
nos  fens  ,    nous    pouvons  de  même    être  es» 


afîurés  par  le    moyen  de    notre    mémoire    Chap«  XI. 
que  les  chofes  dont   nos  fens  ont    été  af-  , 

Jt  n  ,  ■  n  >  a  •    r  le  moyen  de 

fectes  ,  ont  exilte  auparavant.  Ainli,  nous  ja  méraoire, 
avons  une  connoiffance  de  l'exiftence  paffée 
de  plufieurs  chofes  dont  notre  mémoire  con- 
ferve  des  idées  ,  après  que  nos  fens  nous 
les  ont  fait  connoître  ;  &  c'eft  de  quoi  nous 
ne  pouvons  douter  en  aucune  manière , 
tandis  que  nous  nous  en  fouvenons  bien. 
Mais  cette  connoiffance  ne  s'étend  pas  non- 
plus  au-delà  de  ce  que  nos  fens  nous  ont 
premièrement  appris.  Ainfi  ,  voyant  de 
l'eau  dans  ce  moment  ,  c'eft  une  vérité 
indubitable  à  mon  égard  que  cette  eau  exifte; 
&  fi  je  me  reffouviens  que  j'en  vis  hier, 
cela  fera  auffi  toujours  véritable  ,  &  aufïi 
long-tems  que  ma  mémoire  le  retiendra  ,  ce 
fera  toujours  une  propofition  inconteftable 
à  mon  égard  qu'il  y  avoit  de  l'eau  actuelle- 
ment exiftante  (  1  )  le  icme-  de  Juillet  de 
l'an  1688.  comme  il  fera  tout  aulh*  vérita- 
ble qu'il  a  exifté  un  certain  nombre  de 
belles  couleurs  que  je  vis  dans  le  même  tems 
fur  des  bulles  qui  fe  formèrent  alors  fur 
cette  eau.  Mais  à  cette  heure  que  je  fuis 
éloigné  de  h  vue  de  l'eau  &  de  ces  bulles 
je  ne  connois  pas  plus  certainement  que 
l'eau  exiile  préfentement ,  que  ces  bulles 
ou   ces  couleurs  ;  parce  qu'il  n'eft  pas  plus 


(1)  C'eft  en  ce  tems-là  que  M.  Locke  écrivait 
ceci. 


l6o  De  VExijïcnct 

i-  =  néceiTaire  que  l'eau  doive   exifîer  aujour- 

Chap.  XI.  d'hui  parce  qu'elle  exiftoit  hier,  qu  il  eft 
néceffaire  que  les  couleurs  ou  ces  bulles-là 
exiftent  aujourd  hui  parce  qu'elles  exiftoient 
hier,  quoiqu'il  foie  infiniment  plus  proba- 
ble que  l'eau  exifte;  parce  qu'on  a  obfervé* 
que  l'eau  continue  long  tems  en  exiftence  , 
&  que  les  bulles  qui  fe  forment  fur  l'eau  , 
&  les  couleurs  qu'on  y  remarque  ,  dilpa- 
roiflent  bien-tôt. 
L'exidence      Çj.    ia.    J'ai   déjà    montré  quelles   idées 

dese  pntsne  nous  avons  jes  efprits,   &  comment   elles 

peut  nous  r  .  . 

être  connue  nous  viennent.    Mais   quoique  nous  ayons 

par  elle-  ces  idées  d^ns  l'efprit ,  &  que  nous  fâchions 
qu'elles  y  font  actuellement ,  cependant  ce 
que  nous  avons  de  ces  idées  ne  nous  fait 
pas  connoître  qu'aucune  telle  chofe  exifte 
hors  de  nous  ,  ou  qu'il  y  ait  aucuns  efprits 
finis ,  ni  aucun  autre  Etre  fpiricuel  que 
Dieu.  Nous  fommes  autorifes  par  la  Ré- 
vélation &  par  plulieurs  autres  raifons  à 
croire  avec  affurance  qu'il  y  a  de  telles 
créatures  ;  m  lis  nos  fens  n'étant  pas  capa- 
bles de  nous  les  découvrir  ,  nous  n'avons 
aucun  moyen  de  connoître  leurs  exigences 
particulières.  Car  nous  ne  pouvons  non 
plus  connoître  qu'il  y  ait  des  efprits  finis 
réellement  exiibns  par  les  idées  que  nous 
avons  en  nous  mêmes  de  ces  fjrtes  d'êtres, 
qu'un  homme  peut  venir  à  connoirre  par 
les  Hécs  qu  il  a  des  Fées  ou  des  Centau- 
res qu'il  y  a  des  chofes  actuellement  ejdf- 
tanies ,    qui  répondent  à  ces  idées. 


des  autres  Chofes.  Liv.  IV.       161 
Et    par   conféquent    fur   l'exiftence  des  =s 


!  efprits  aulfi-bien  que  fur  plufieur^  autres  Chap.  XI. 
chofes  ,  nous  devons  nous  contenter  de 
l'évidence  de  la  Foi.  Pour  des  proportions 
univerfelles  &  certaines  fur  cette  matière, 
elles  font  au-delà  de  notre  portée.  Car  , 
par  exemple ,  quelque  véritable  qu'il  puif- 
fe   être  ,    que    tous   les  efprits  intelligens 

)  que  Dieu  ai:  jamais  créés,  continuent  en- 
core d'exifter  ,  cela  ne  fauroit  pourtant 
jamais  faire  partie  de  nos  ccnnoiflTances  cer- 

1  taines.  Nous  pouvons  recevoir  ces  propo- 
fitions  &  autres  femblabîes  comme  extrê- 
mement pr  jb.ibles  :  mais  dans  l'état  où  nous 

,  fommes ,  je  doute  que  nous  puifïîons  le 
connoître  certainement.  Nous  ne  de^  ons 
donc  pas  demander  aux  autres  des  démonf- 
trations  ,  ni  chercher    nous  -  mêmes    une 

i   certitude    univerfelle  fur    toutes     ces  ma- 

!  tieres  ,  où  nous  ne  fommes  capables  de 
trouver  aucune  autre  connoiflance  que  celle 
que  nos  fens  fourniiFent  dans  tel  ou  tel 
exemple    particulier. 

$,    13.  D'où  il  paroît  qu'il  va  deux  for-     u  y  0  des 
tes  de  proportions.  I.  L'une   efl  de   pro-  propofitions 
pofitions    qui    regardent    i'a.iitcnce    dune  particulières 
chofe  qui  réponde  à  une  telle   idée  ,  com-  ce  j  ()U>on 
me  fi  j'ai  dans  mon  efprit  l'idée  d'un   clé-  peut  connoî- 
pkant,  d'un  phénix ,  du  mom'emenc ,  ou  d'un 
Ange ,  la  première  recherche  qui  fe  préfen- 
te    naturellement ,    c'eft ,  fi  une  telle  chofe 
exifïe  quelque   part.  Et  cette  connoidance 
ne  s'étend  qu'à    des    chofes   particulières  ; 


tre. 


l6i  De  VExtflence 

*LL-U — ==  car  nulle  exiftence  de  chofes  hors  de  nous  , 
AP"  ^-  excepté  feulement  l'exiftence  de  Dieu  ,  ne 
peut  être  connue  certainement  au-delà  de 
ce  que  nos   fens  nous  en   apprennent.    II. 
II  y  a  une  autre  forte  de  prcpofitions  où 
eft  exprimée  la  convenance  ou   la  difcon- 
venance  de  nos  idées   abftraites  &  la   dé- 
pendance qui   eft   entr'elles.  De  telles  pro- 
posions peuvent  être  univerfelles  &  cer- 
taines.   Ainfi  ayant  l'idée    de    Dieu   &  de 
moi-même  ,  celle  de  crainte  &  à '  obéiJJ'ance, 
je  ne   puis  être  qu'afî'uré  que  je  dois  crain- 
dre Dieu  &  lui  obéir  :  &  cette  propofirion 
fera  certaine  à   l'égard  de  Yhomme  en   gé- 
néra! ,  fi  j'ai  formé  une  idée  abftrai te  d'une 
telle  efpecedont  je  fuis  un  fujet  particulier. 
Mais   quelque  certaine  que  foit  cette  pro- 
pofition  ,  les  hommes  doivent  craindre  Dieu 
&  lui  obéir ,    elle  ne  me   prouve  pourtant 
pas  l'exiftence  des  hommes  dans  le  monde  ; 
miis  elle  fera  véritable   à  l'égard  de  toutes 
ces  fortes  de  créatures  dès-qu' elles  viennent 
à  exiger.    La  certitude  de  ces  propofitions 
générales  dépend  de  la  convenance  ou  de 
la  difeonvenance  qu'on  peut  découvrir  dans 
ces  idées  abftraites. 
On  peut  §.  14.  Dans  le  premier  cas  ,  notre  con- 

connoi're       noiffance  eft:  la  conféquence  de  l'exiftence 
aulii  des  pro-    ,  .     .,  .  .    .'  .        .  ,,         , 

pofitions  eé~  "es  choies  qui  produiient   des   idées    dans 

nérales  ton-    notre   efprit  par    le   moyen    des  fens  ;  & 

:aÎ     ^n    ■    dans  le  fécond  notre   onnoilTance  eft  une 
idées  aDitrai-  .     , 

tes.  fuite  des  idées  qui   (  quoiqu'elles  foient  ) 

exiilent  dans  notre  efprit  Se  y  produifent 


des  autres  Chofes.  Liv.  IV.      163 
ces  propofitions  générales  &   certaines.  La  '■; 

p'upjrt  d'entr'elles  portent  le  nom  de  vérités    Chap.  XI. 
>  éternelles  :  Se  en  effet ,  elles  le  font  toutes. 
i  Ce  n'eft  pas  qu'elles  foient  toutes  ,   ni  au- 
cunes d'elles  gravées  dans  l'ame  de  tous  les 
!  hommes ,   ni  qu'elles  aient  été  formées  en 
iprcpofitions  dms  l'efpnt  de  qui  que  cefoit, 
jufqu'a  ce  qu'il  ait  acquis  des  idées  abftrai- 
Ites ,  &   qu'il    les    ait    jointes    eu  fép-.rées 
npar    voie    d'affirmation  ou   de    négation    : 
imais  par   tout  011    nous  'pouvons   fuppofer 
une  créature  telle  que    l'homme  ,  enrichie 
ide  ces  fortes  de  facultés  &  par  ce  moyen 
fournie  de  telles  ou  telles  idées  que  nous 
avons  ,  nous  devons  conclure  que  ,  lorfqu'il 
vient  à   appliquer  fes  penfées  à  la   confi- 
dération  de  fes  idées,  il  doit  connaître  né- 
cefTairement  la  vérité  de  certaines   propo- 
rtions  qui   découleront   de   la  convenance 
i  ou  de  la  difeonvenance  qu'il  appercevra  dans 
jfes  propres  idées.  C'eft   pourquoi  ces  pro- 
portions font   nommées  vérités  éternelles  , 
hnon  pas  à  caufeque  ce  font  des  propofitions 
1  actuellement  formées  de  toute  éternité,  & 
i  qui  exiftent    avant   l'entendement  qui    les 
forme  en  aucun  tems  ,    ni    parce    qu'elles 
I  font  gravées  dans  1  efprit   d'après  quelque 
i  modèle  qui  foit  quelque  part  hors  de  l'ef- 
prit,  &  qui  exifïoit  auparavant,  mus  par- 
!  ce  que  ces  propofitions  étant  une  fois  for- 
!  mées    fur   des   idées    abfîraites  ,    en    forte 
qu'elles  foient  véritables ,  elles  ne  peuvent 
qu'être    toujours  actuellement    véritables  , 


Chap.  XI. 


164  De  VExiftence,  &c. 

en  quelque  tems  que  ce  foit  ,  paffé  ou  à 
venir  ,  auquel  on  fuppofe  qu'elles  fuient 
formées  une  autre  fwis  par  un  efprit  en 
qui  fe  trouvent  les  idées  dont  ces  propo- 
rtions font  compofées.  Car  les  noms  étanc 
fuppofés  figniher  toujours  les  mêmes  idées; 
&  les  mêmes  idées  ayant  conftamment  les 
mêmes  rapports  l'une  avec  l'autre,  il  eft  vifi- 
blequc  des  propositions  qui  étant  formées  fur 
des  ide^es  abftraires  ,  font  une  fois  véritables, 
doivent  être  néceff-irement  des  vérités  éter- 
nelles. 


CHAPITRE     XII. 

fr,     ,        ..  Des  moyens  d'augmenter  notre  connoijjance. 
Chap.  XII. 

Laconnoif-  $•  I.V'A  été  UOe  °Pini°n  T^Ue  Parmi 
fance  ne  vient  ies  SavanS  >  clue  'es  maximes  font  les  fon- 
pas  des  ma-  j^g^  de  toute  connoiffance  ,  &  que  cha- 
^Prxcogni-  que  feience  en  particulier  eft  fondée  fur 
ta,  certaines  chofes  +  déjà  connues,  d'où  l'en- 

tendement doit  emprunter  fes  premiers 
rayons  de  lumière,  &  par  ou  il  doit  fe 
conduire  dans  fes  recherches  fur  les  matiè- 
res qui  appartiennent  à  cette  Science  ;  c'eft 
pourquoi  la  grande  routine  des  écoles  a  été 
de  pofer  en  commençant  à  treuter  de  quel- 
que matière  >  un2  ou  pluiieurs  maximes 
pJnér.-.les  cornue  les  fonde  mens  fur  lefquels 
on   doit   bâtir   la  connoiifance   qu'on   peut 


Des  Moyens  d'augm.  &c.  Liv.  IV.  i6ï 

avoir  fur  ce  fujet.  Et  ces  Doctrines,   ainfi  i 1  =< 

pofées  pour  fondement  de  quelque  Science,  Chap.  XII. 
ont  été  nommées  ï'rincipes ,  comme  étant 
les  premières  chofes  d'où  nous  devons 
commencer  nos  recherches  ,  fans  remonter 
plus  haut  ,  comme  nous  l'avons  déjà  re- 
marqué/ 

§.  .  2.    Une    choie    qui   apparemment  a     De  l'occa* 

donné  lieu  à  cette  méthode  dans  fes  autres  fio."  ^e  ceUe 
«*-  ■  t  1      •  r     1      1  r       \    opinion. 

Sciences,   ça  ete,   je  penie  le  bon   lucces 

qu'elle  femble  avoir  dans  les  Mathématiques 

qui  ont  été   ainfi  nommées  par  excellence 

du  mot  Grec  Met6-Aft«rccy  qui  lignifie  chofes 

apprifes  exactement  &  parfaitement   appri- 

fes ,     cette  fcience    ayant    un    plus  grand 

degré  de  certitude,  de  clarté  &:  d'évidence 

qu'aucune  autre  fcience. 

$.  3.  Mais  je   crois  que  quiconque  con-   La  connoîf. 

fidérera  la   chofe  avec  foin,   avouera  que  j^f  „v'ent 

_  '  1       ce  la  compa- 

les  grands  progrès  &  la  certitude  de  la  con-  raifon  des 

noifTance  réelle  où  les  hommes  parviennent  10cle^.sn.cl^,res 
1         1       ht    l'  j   •  oc  dahnftes. 

dans  les  Mathématiques  ,  ne  doivent  point 

être  attribués  à  l'influence  de  ces  principes, 
&  ne  procèdent  point  de  quelqu'avantage 
particulier  que  produifent  deux  ou  trois 
maximes  générales  qu'ils  ont  pofé  au  com- 
mencement ,  mais  des  idées  claires  ,  dif- 
tinctes  &  complexes  qu'ils  ont  dans  l'efprit, 
&  du  rapport  d'égalité  &  d'inégalité  qui  eft 
fi  évident  entre  quelques-unes  de  ces  idées, 
qu'ils  le  connoiffent  intuitivement  ,  par  où 
ils  ont  un  moyen  de  le  découvrir  dans 
d'autres  idées ,  &  cela  fans  le  fecours  de  ces 


1 66  Des  Moyens  d'augmenter 

g.  ■  —  =  maximes.  Car  je  vous  prie,  un  jeune  gar- 
Chap.  XII.  ç0n  ne  peut-il  connoître  que  tout  fon  corps 
Cil  plus  grand  que  fon  petit  doigt ,  finon 
en  venu  de  cet  axiome,  le  tout  ejî  plus 
grand  qu'une  partie ,  ni  en  être  allure 
qu'après  av^ir  appris  cette  maxime?  Ou, 
cil-  ce  qu'une  pa  y  faune  ne  fiuroit  connoître 
qu'ayant  reçu  un  lou  d'une  perfonne  qui 
lui  en  doit  trois, ,  ik.  en^re  un  fou  d'une 
autre  perfonne  qui  lui  doit  aufli  trois 
fous  ,  le  relte  de  ces  deux  dettes  eir  égal  ; 
ne  peut-elle  point,  dis-je,  connoître  cela 
fans  en  déduire  la  certitude  de  cette  ma- 
xime ,  que  ji  ds  c/wfes  égales  vous  en  ôteç 
des  chofes  égaies,  ce  qui  refle  efi  égal  '! 
Maxime  dont  elle  n'a  peut-être  jurrnis  ouï 
parier  ,  ou  qui  ne  s'eft  jamais  préfentée  à 
fon  efprit.  Je  prie  mon  Leêieur  de  confidé- 
rer  fur  ce  qui  a  été  dit  ailleurs ,  lequel  des 
deux  efr  connu  le  premier  &  le  plus  clai- 
rement par  la  plupartdes  hommes,  un  exem- 
ple particulier  ,  ou  une  règle  générale  ,  & 
laquelle  de  ces  deux  chofes  donne  naiiiance 
à  l'autre.  Les  règles  générales  ne  font  au- 
tre chofe  qu'une  comparaifon  de  nos  idées 
les  plus  générales  &  les  plus  abïrraites  qui 
font  un  ouvrage  de  l'efprit  qui  les  forme 
&  leur  donne  des  noms  pour  avancer  plus 
aifément  dans  fes  raifonnemens  ,  &  renfer- 
mer toutes  fes  différents  obfervations  dans 
des  termes  d'une  étendue  générale  ,  &  les 
réduire  à  de  courtes  règles.  Mais  la  con- 
noiiïance  a  commencé   par  des  idées  par- 


notre    Connoijfance.  Liv.  IV.      167 
tîculieres  ;  c'efr ,  dis-je  ,  fur  ces  idées  qu'elle  ,_ 


s'efr  établie  dans  lciprir ,    quoique  dans  la  Chap.  X11L 
fuite  pfl  n'y  fafle.  peut-être  aucune  réflexion; 
car  il  eft  naturel  a  1'efprit ,  toujours  em- 
prefie  à  étendre  fes  conneidances  ,  d'aiTem- 
bier  avec   foin   ces  notions    générales  ,  & 
iïen   faire  un  jufte  ufage  ,  qui   eft  de  dé- 
charger ,  par  leur  moyen  ,  la  mémoire  d'un 
tas  embarraflànt    d'idées  particulières.    En 
effet  ,  qu'en  prenne  la  peine  de  confiderer 
comment    un  enfant  ou  quelqu'autre  per- 
fonne  que  ce  fait,   après  avoir  donné  à  fon 
corps  le  nom  de  tout  &  à  fon  petit  doigt 
celui   de  partie,  aune  plus  grande  certitu- 
de que  fon  corps  &:  fon  petit  doigt  ,  tout 
enfemble  ,    font   plus  gros  que   fon   petit 
doigt  tout  feul  ,  qu'il  ne  pouveit  avoir  au- 
paravant ;  ou  quelle  nouvelle  connoifiance 
peuvent  lui  donner  iùr  le  fujet  de  fon  corps 
ces  deux  termes  relatifs  ,   qu'il    ne  puiife 
point  avoir   fans  eux  ?   Ne  pcurroit-il  pas 
connoître  que  fon  corps  eft   plus  gros  que 
fon  petit  doigt ,  fi  fon  langage  étoit  fi  im- 
parfait ,  qu'il  n'eût   point  de  termes  relatifs 
tels  que  ceux  de  tout  &  de  partie  ?   Je  de- 
mande encore  comment  eft-il  plus  certain  , 
après  avoir  appris  ces  mots ,  que  fon  corps 
eft  un    tout  &  fon  petit  doigt    une  partie , 
qu'il  n'écoit  ,   ou    ne   pouvoit  être  certain 
que  fon  corps  étoit  plus  gros  que  fon  petit 
doigt ,  avant  que  d'avoir  appris  ces  termes  ? 
Une  peifonne   peut  avec  autant  de  raifon 
douter  ou  nier  que  fon    petit   doigt   foit 


1 68  Des  Moyens  d'augmenter 

•  ^         ■    —  une  partie  de  fon  corps  ,  que   douter  ou 
Chap.  XII.  njer    qu'il  f0it  pjus  petit  qUe    fon    corpS. 

De  forte  qu'on  ne  peut  jamais  fe  fervir  de 
cette  maxime  ,  le  tout  eft  plus  grand  qu'une 
partie ,  pour  prouver  que  le  petit  doigt  efl 
plus  petit  que  le  corps ,  finon  en  la  pro- 
pofant   fans  nécefilré  pour  convaincre  quel- 
qu'un d'une  vérité   qu'il  connoît  déjà.  Car 
quiconque    ne    connoît    pas    certainement 
qu'une  particule  de  matière  avec  une  autre 
particule  de  matière  qui  lui  eft  jointe,  eft 
plus  grofife  qu'aucune  des  deux  toute  feule , 
ne  fera  jamais  capable  de  le  connoître  par 
le  fecours  de  ces  termes    relatifs    tout  & 
parties,  dont   on  compofera  telle  maxime 
qu'on  voudra. 
Il  eft  dan-        ^  ^  Mais  de  quelque  manière  que  cela 
bâtir  fur  des  foit   dans    les    Mathématiques  ;  qu'il    foit 
principes        p]us    c]a}r  de  dire  qu*en  ôtant   un   pouce 
gratuits.        d'une  ligne  noire   de  deux  pouces,  &  un 
pouce  d'une  ligne  rcuge  de  deux  pouces , 
le  refte  des   deux  lignes  fera  égal ,  ou  de 
dire  que  fi  de  chofes  égales  vous  en  ôtez 
des   chofes   égales  ,   le   refte  fera  égal  ;  je 
lai/Te  déterminer  à  quiconque  voudra  le  faire, 
laquelle  de  ces  deux  proportions  eft  plus 
claire  &  plutôt  connue  ;  cela  n'étant  d'au^ 
cune  importance  pour  ce  que  j'ai  préfen- 
tement    eu    vue.  Ce  que  je   dois  faire  en 
cet  endroit  ,    c'eft  d'examiner  fi  ,  fuppofé 
que  dans  les  Mathématiques  le  plus  prompt 
moyen  de  parvenir  à  la   connoiiTance  foie 
(Je  commencer  par  des  maaimes  générales , 

& 


notre  ConnoiJJance.  Liv.  IV.     169 

<&  d'en  faire  le  fondement  de  nos  recher- 
ches ,   c'eft  une  voie  bien  fûre  de  regarder   t-HAr#  Xl  ■ 
les  principes  qu'on  établit  dans  quelqu'autre 
Science,  comme  autant  de  vérités  incontef- 
tables,  &  ainfi  de  les  recevoir  fans   exa- 
men ,   &   d'y  adhérer  fans  permettre  qu'ils 
foient   révoqués  en  doute ,    fous   prétexte 
que  les  Mathématiciens  ont  été  fi  heureux 
ou  fi  finceres  que  de  n'en  employer  aucun 
qui  ne  fût   évident  par  lui-même  ,  &  tout- 
à-fiit  inconteftable.  Si  cela  eft ,  je  ne  vois 
p-as  ce  que  c'eft  qui  pourroit  ne  point  pafTer 
pour   vérité  dans  la  morale  ,   &  n'être  pas 
introduit  &  prouvé  dans  la  Phyfique. 

Qu'on  reçoive  comme  certain  &  indu- 
bitable ce  principe  de  quelques  anciens 
Philofophes  ,  que  tout  eji  matière  ,  &  qu'il 
r.'y  a  aucune  autre  chofe  ,  il  fera  aifé  de 
voir  par  les  écrits  de  quelques  perfonnes 
qui  de  nos  jours  ont  renouvelle  ce  Dogme  , 
dans  quelles  conféquences  il  nous  enga— 
géra.  Qu'on  fuppofe  avec  Polemon  que  le 
Monde  eft  Dieu ,  ou  avec  les  Stoïciens  que 
c'eft  Vétker  ouïe  foleil,  ou  avec  Anaximenes 
que  c'eft  Yair  ;  quelle  Théologie  ,  quelle 
Religion ,  quel  Culte  aurons-nous  ?  Tant 
il  eft  vrai  que  rien  ne  peut  être  fi  dange- 
reux que  des  principes  qu'on  reçoit  fans  les 
mettre  en  queftion ,  ou  fans  les  examiner  , 
&  fur-tout  s'ils  intérefTent  la  morale  qui  a 
une  fi  grande  influence  fur  la  vie  des  hom- 
mes ,  &  qui  donne  un  tour  particulier  à 
joutes  leurs  actions.  Qui  n'attendra  avec 
Tome  IV %  H 


170  Des  Moyens  d'augmenter 
auii-iii-j — =»  raifon  une  aurre  forte  de  vie  d'Arifîîppe 
Chap.  XII.  qui  L  i  foi  t  confi  fier  la  félicité  dans  les  plai- 
firs  du  corps  j  que  d'Antiji/ieme  qui  fbu- 
tenoir  que  la  vertu  fttffîfoit  p.ur  nous  ren- 
dre heureux  tl  De  mtme  ,  celui  qui  avec 
Platon  placera  la  hédti'ude  d..ns  la  con- 
noiilunce  de  Dieu  ,  é.evera  fon  efprit  à 
d'autres  contemplations  que  ceux  qui  ne 
portent  point  leur  vue  au  delà  de  ce  coin 
de  terre  &  des  chofes  périiLbles  qu'on  y 
peut  poiléder.  Celui  qui  pofera  pjur  prin- 
cipe avec  Archelaus,  que  le  jufte  &.  l'in- 
julte,  l'honnête  &  le  déshonnête  font  uni- 
quement déterminés  par  les  Loix  &  non 
pas  par  la  nature,  aura  Lns  d^ute  d'autres 
mei'ures  du  bien  &  du  nul  moral  ,  que 
ceux  qui  reconnoiilent  que  nous  fommes 
fujets  à  des  obligations  antérieures  à  toutes 
les  confirmions  humaines. 
point  un  $•   5-  si  donc  des  principes,  c'eft-à-dire 

moyen cer-  ceux  qui  pillent  p^ur  tels,  ne  font  pas 
tam  de  trou- C€rc<ijng  r  ce  que  nous  devons  connoître 
ver  la  venté.  .     v         n  c      ,  ,  n- 

par  quelque  moyen  ,  afin  de  pouvoir  diuin- 

guer  les  principes  certains  de  ceux  qui  font 
douteux  )  in  iis  le  deviennent  feulement  à 
notre  ég-  rd  par  un  confentement  aveugle 
qui  nous  les  fa  lie  recevoir  en  cette  qualité, 
il  eft  à  craindre  qu'ils  ne  nous  égarent. 
Ainfi  bien  loin  que  les  principes  nous 
conduifenr  dms  le  chemin  de  la  vérité, 
ils  ne  ferviront  qu'a  mus  confirmer  d-ns 
M  .  l'erreur, 

moyen <eo-       $•  6.  Mais  comme  la  connoifïance  delà 


nofre  Connoijjan.ee.  Liv.  IV.     171 


certitude  des  principes  ,   aufli-bien  que   de  ."â* 

toute  autre  vérité  ,  dépend  uniquement  de   Lhap-  XII» 

la  perception    que   nous    avons  de  la  con-  .„ 

r  i,i/-  ,  •  j  -       »"e   a  corn- 

venance  ou  de  la  ditconvenance  de  nos  idées,  parer  <]es 

je   fuis  fur    que  le  moyen  d'augment.r  nos  idées  claire* 
connoiffances ,  n'eft  pas    de    recevoir    des  &  complets 
principes  aveuglement  &  avec  une  ici  îm-  fixes  &  dé- 
plicite  ;    mais  plutôt  ,  à  ce    que  je  crois  ,  terminé»» 
d'acquérir  &  de  fixer  dans  notre  efprit  des 
idées  claires  ,  diftinétes  &  complettes  ,  au- 
tant qu'on  peut  les  avoir  ,  &  de  leur   aifi- 
gnerdes  noms  propres  &  d  une  fignification 
confiante.  Et  peut-être  que  par  ce  moyen  , 
fans  nous   faire  aucun  autre  principe  que 
de  confidérer  ces  idées ,  &  de  les  comparer 
l'une  avec  l'autre,   en  trouvant  leur  con- 
venance, leur  difeonvenance,  Se  leurs  dif- 
férens  rapports;  en  fuivant ,  dis-je  ,  cette 
feule  règle ,  nous  acquerrons  plus  de  vraies 
&  claires  connoiffances  qu'en  époufant  cer- 
tain; principes,  &  en  foumettant  ainii  notre 
efprit  à  la  diferérion  d'autrui. 

§.    7.  C'efl   pourquoi  ,  fi  nous  voulons      Lavraîe 
nous  conduire  en  ceci  félon   les  avis  de  la  méthode  d'à* 
raifon  ,  il  faut  que  nous  réglions  la  méiho-  vnncer  !a 
ce  que  nous  Juivons  dans  nos  recherches  c'eft  en  con- 
fur  les  idées   que  nous  examinons^  &  fur  gérant  nos 
la  vérité  que  nous   cherchons.  Les  vérités  [ÏÏ*5  ab*raia 
générales  &  certaines  ne  font  fondées  que 
fur  les  rapports  des  idées  abftraites.  L'ap- 
plication  de  l'efprit  ,   réglée  par  une  bon- 
ne méthode  ,   &  accompagnée  d'une  grande 
pénétration  qui  lui  faHè  trouver  ces  diffé* 

H  a 


Chap.  XII. 


171         Des  Moyens  d'augmenter 

renrs  rapports ,  eu  le  feul  moyen  de  décou- 
vrir tout  ce  qui  peut  former  avec  vérié  &c 
avec    certitude  des  propositions    générales 
fur  le  fujet  de  ces  idées.  Et  pour  appren- 
dre par  quels  degrés  on  doit  avancer  dans 
cette  recherche,  il  faut  s'adrefTer  aux  Mathé- 
maticiens qui  de  commencemens  fcrtclairs& 
fort  faciles  montent  par  de  petits  degrés  &  par 
une  enchaînure  continuée  de  raifonnemens, 
à  la   découverte  &  à  la  démoniïration   des 
vérités  qui    paroiflent  d'abord  au  deiius  de 
la  capacité  humaine.   L'art  de  trouver  des 
preuves   &  ces  méthodes  admirables  qu'ils 
ont  inventées  ,  pour  démêler  &  mettre  en 
ordre   ces  idées    moyennes  qui    font     voir 
démonitrafivement    l'égalité    ou    l'inégalité 
des  quantités  qu'on    ne    peut    joindre  im- 
médiatement enfemble,  eit   ce  qui  a  porté 
leur  connoiflance  fi  avant ,   &  qui  a  pro- 
duit des  découvertes  fi  étonnantes  &  h  inef- 
pérées.  Mais  de  favoir  fi  avec  le  tems  on 
ne  pourra   point  inventer  quelque  fembla- 
ble  méthode  à  l'égard    des    autres    idées  , 
aufli-bien  qu'à  l'égard   de  celles  qui  appar- 
tiennent à  la  Grandeur ,  c'eft  ce  que  je  ne 
veux  point  déterminer.  Une  çhofe   que  je 
crois  pouvoir  affurer  ,   c'eft  que,  fi  d'autres 
idées  qui  font  les  efiences  réelles  aufli-bien 
que  les  nominales  de  leurs  efpeces  ,  étoient 
examinées  félon  la   méthode  ordinaire  aux 
Mathématiciens,  elles  conduiroient  nos  pen- 
fées   plus  loin   &  avec   plus    de   clarté  & 
d'évidence  que  nous    ne  fommes  peut-êtr,e 
portés  à  nous  le  figurer. 


notre  Connoijfance.  Liv.   IV.     I?3 
$.  8.  C'eftce  qui  m'a  donné  la  hardie/Te 


d'avancer  cette  conjecture  qu'on  a  vu  dans  Chap.  XIÏ. 
le    Chapitre  III   *   de  ce   dernier    Livre  ;     _ 
favoir  ,   </i/e  /<?  Morale  ejï  aujp    capable  de  méth0de  la 
démonflration  que  les  Mathématiques.  Car  morale  peut 
les  idées   fur  lefquelles  roule   la  morale  ,  j^JP0"®0 
étant  toutes  des  eflences  réelles  ,  &  de  telle  g,-am]  degré 
nature  qu'elles  ont  entr'elles ,   fi  je  ne  me  d'évidence, 
trompe  ,  Une  connexion  &  une  convenan-     s" 
ce  qu'on   peut'  découvrir  ,  il   s'enfuit  de  là 
qu'auffi  avant  que  nous  pourrons  trouver 
Tes  rapports  de  ces  idées  ,  nous  ferons  juf- 
ques-là  en    pofTeffion    d'autant   de    vérités 
certaines  ,  réelles    Se  générales  ;  Se  je  fuis 
fur  qu'en  fuivant  une   bonne  méthode ,  on 
pourroit    porter  une   grande   partie    de  la 
Morale  à  un   tel    degré  d'évidence  Se  de 
certitude  ,  qu'un  homme  attentif  Se  judi- 
cieux   n'y  pourroit   trouver    non    plus  de 
lujet  de  douter,  que  dans  les   propofuions 
de  Mathématique  qui  lui  ont   été  démon- 
trées. 

6.   9.  Mais  dans  h  recherche  que  nous  .*-?* 

talions  pour  perfectionner  la  connouTance  descescorps, 
que   nous  pouvons   avoir   des  fubftances  ,  on  "e  peut 
le  manque    d'idées   néceflaires    pour   faire  yroèrèsde* 
cette  méthode  nous  oblige   de  prendre  un  par  l'expé»- 
routautrechemin.  Ici  nous  n'augmentons  pas  rience» 
notre  connoifTance  comme  dans   les  modes 
(  dont  les   idées  abftraites  font  les  eflen- 
ces   réelles  auffi  bien  que  tes   nominales  ) 
en  contemplant   nos  propres  idées  ,    &  en 
eanfîdcrant  lears  rapports  Se  leurs  corref- 

H  3 


Ï74  Des  Moyens  a* augmenter 
pondances  qui  dans  les  fubftances  ne  nous 
CiiAP.  XW.  f°nt  pas  d'un  grand  fecours ,  par  les  raifons 
que  j'ai  proposes  au  long  dans  un  autre 
endroit  de  cet  Ouvrage.  D'où  il  s'enfuit 
évidemment ,  à  mon  avis ,  que  les  fubftan- 
ces ne  nous  fournirent  pas  beaucoup  de 
connoifTances  générales  ,  &  que  la  (impie- 
contemplation  de  leurs  idées  abftraites  ne 
nous  conduira  pas  fort  avant  dans  la  re- 
cherche de  la  vérité  &  de  la  certitude. 
Que  faut-il  d  me  que  naus  fa  fiions  pour 
augmenter  notre  connoilTance  à  1  égard  des 
êtres  fubftintiels  ?  Nous  devons  prendre 
ici  une  route  directement  conrraire  ;  car 
n'ayant  aucune  idée  de  leurs  efiences  réel- 
les ,  nous  fommes  obligés  de  confidérer  les 
chofes  même  tettes  qu'elles  exiftent ,  au 
lieu  de  confulter  nos  propres  penfées. 
L'expérience  doit  m'inftruire  en  cette  oc- 
canon  de  ce  que  la  raifjn  ne  fauroit  m'ap»- 
prendre  ;  &  ce  n'eft  que  par  des  expérien- 
ces que  je  puis  connoître  certainement 
quelles  autres  qualités  coexiftent  avec  celles 
de  mon  idée  complexe  ;  (i  par  exemple  y 
ce  corps ,  jaune ,  pefant ,  fufible ,  que  j'ap- 
pelle or y  eft  malléable  ,  ou  non  ;  laquelle 
expérience,  de  quelque  manière  qu'elle  réuf- 
filfe  fur  le  corps  particulier  que  j'examine , 
ne  me  rend  pas  certain  qu'il  en  eft  de  mê- 
me dans  tout  autre  corps  jaune ,  pefant , 
£4ible,  excepté  celui  fur  qui  j'ai  fait  l'épreu- 
ve ;  parce  que  ce  nefl  point  une  confé- 
quence  qui   découle,  en  aucune  manière,. 


notre  Connoijfance.  Liv.  IV.     ï?? 

de  mon  idée  complexe;  la  nécefiïté  ou Tin-  ■ J 

compatibilité  de  la  malléabilité  n'ayant  au-  £*K*'  XW* 
cune  connexion  vilible  avec  la  ccmbinaifon 
de  cette  couleur  ,  de  cette  pefanteur ,   de 
cette  fufibilité  dans  aucun  corps.  Ce  que  je 
viens  de  dire  ici  de  l'eiTence   nominale  de 
l'or,  en   fuppofant  qu'elle    confifte  en  un 
corps  d'une  telle  couleur  déterminée ,  d'une 
telle  pefanteur  &   fufibilité  ,    fe    trouvera 
véritable,  fi  l'on  y  ajoute  la  malléabilité, 
la  fixité  &   la  capacité  d'être  difTous  dans 
feau  régale.  Les  raifonnemens    que    nous 
déduirons  de  ces  idées   ne  nous  ferviront 
pas  beaucoup  à  découvrir  certainement  d'au- 
tres propriétés  dans  les  martes  de  matière 
où  l'on  peut  trouver  toutes  celles-ci.  Com- 
me les  autres  propriétés  de  ces    corps  ne 
dépendent  point    de   ces    dernières,    mais 
d'une  eflence  réelle  inconnue  ,  d'où  celles- 
ci  dépendent  aufïi  ,  nous  ne  pouvons  point 
les    découvrir  par   leur   moyen.    Nous  ne 
faurions  aller   au-delà  de  ce  que  les  idées 
(impies  de  notre  effence  nominale  peuvent 
nous  faire  connoître  ,   ce  qui    n'eft   guère 
au-delà  d'elles-mêmes  ;   &   par  conféquent 
ces   idées  ne   peuvent   nous  fournir  qu'un 
très-petit    nombre    de    vérités   certaines  , 
uni.erfelles   &    utiles.    Car   ayant    trouvé 
par  expérience  que  cette  pièce  particulière 
de  ma'iere    eft  malléable  ,    aufîï-bien    que 
toutes  les  autres  de  cette  couleur ,  de  cette 
pefanteur  &  ds  cette  fufibilité ,  dont  j'aie 
jamais  fait  l'épreuve,   peut-être  qu'à  pré- 


Ij6        Des  Moyens  d'augmenltr 

j — '  .  ....a  font  la  malléabilité  fait  une  partie  de  mon 
Chap,  XII..  idée  complexe ,  une  partie  de  mon  efTence 
nominale  de  l'or.  Mais  quoique  par-là  je 
fafTe  entrer  dans  mon  idée  complexe  à  la- 
quelle j'attache  le  nom  d'or,  plus  d'idées 
fïmples  qu'auparavant ,  cependant  comme 
cette  idée  ne  renferme  pas  l'efience  réelle 
d'aucune  efpece  de  corps,  elle  ne  me  fcrt 
point  à  connoître  certainement  le  refte  des 
propriétés  de  ce  corps,  qu'autant  que  ces 
.  propriétés  ont  une  connexion  vifible  avec 
quelques  -  unes  des  idées ,  ou  avec  toutes 
les  idées  fïmples  qui  condiment  mon  ef- 
fence  nominale  :  je  dis  connoître  certaine» 
ment ,  car  peut-être  qu'elle  peut  nous  aider 
à  imaginer  par  conjecture  quelqu'autre  pro- 
priété. Par  exemple  ,  je  ne  faurois  et ;<e 
certain  par  l'idée  complexe  de  l'or  que  je 
.  viens  de  propofer,  fi  l'or  elt  fixe  ou  non; 
parce  que  ne  pouvant  découvrir  aucune 
eonnexim  ou  incompatibilité  nécefTaire  en- 
tre l'idée  complexe  d'un  corps  jaune ,  pe~- 
faut ,  fufible  &  malléable ,  entre  ces  qua- 
lités ,  dis-je  ,  &  celle  de  la  fixité,  de  forte 
que  je  puifie  connoître  certainement,  que 
dans  quelque  corps  que  fe  trouvent  ces 
qualités-la ,.  ils  font  afTurés  que  la  fixité  y 
eu  aufll.  Pour  parvenir  à  une  entière  cer^ 
titude  fur  ce  point ,  je  dois  encore  recou- 
rir à  l'expérience  ;  &  aulîi  loin  qu'elle  s'é- 
tend, je  puis  avoir  une  connoiffance  cer- 
taine ,  &  non  au-delà.. 

§.  io.  Je  ne  nie  pas  qu'un  homme  ac- 


notre  Connoijfance.  Liv.  IV.      177 
coutume  à  faire  des  expériences  raifonna-  — - — '-—&■ 
blés  &  régulières  ne  foit  capable  de  pané-  Chap'  Xi1, 
trer  plus  avant  dans  la   nature  des   corps,-    çeJa       t- 
&  de  former  àes  conjectures  plus  juftes  fur  nous  procu-  I 
leurs  propriétés  encore  inconnues  ,  qu'une  rer  fiés  co™- 

-    r      r  ,     .         .      r         , -  x  •  modites  ,    6c- 

perfonne  qui   n  a  jamais  longe  a  examiner  non  une  con_. 
ces  corps  ;  irais  pourtant  ce    n'eft  ,   com-  noiflance  gé*- 
me  j'ai  d^jà  dit  ,  que  jugement  &  opinion  ,  ^é^6* 
&  non  connoiiTance    &   certitude.     Cette 
voie   d'acquérir    de  la  connoi (Tance  fur  le" 
fujet  des   Tubflances  &  de  l'augmenter  par- 
ie  Teul  fecours  de  l'expérience  &  de  l'hif- 
toirc  ,.  qui  eït  tout  ce  que  nous   pouvons 
obtenir  de  la  foiblefle  de  nos  facultés  dans 
l'état   de    médiocrité    où  elles  fe  trouvent: 
dans  cette  vie  ;  cela  ,  dis-je  ,  me  fait  croire 
que  la   Phyfique  n'eft  pas   capable   de  de- 
venir une  feience    entre    nos   mains.    Je 
m'imagine  que  nous  ne  pouvons  arriver  qu:à 
une  fort  petite  connoiiTance  générale  tou- 
chant les  efpeces  des  corps  &  leurs  diffé- 
rentes propriétés.  Quant  aux    expériences 
&  aux  obfervations  Hiftcriques.,  elles  peu- 
vent nous   fer vit  par-  rapport  à  la-    com-~ 
modiré  &  à  la  Tante  de  nos  corps ,  &  par-îà- 
augmenter    le.  fonds  dès  commodité  de  l&- 
vie  ;  mais  je  doute  que   nos  talens   aillent: 
au-delà,  &  je  m'imagine  que  nos  facultés' 
Tont  i  ne  jpables  d'étendre  plus  loin  nos  con^ 
noifTances,  _,.     -f- 

K  ti      rt  «i-  t  i-   t\-         IVCH5  iôfïia- 

9.  il.  Il  elt  naturel  de  conclure  de  la., -mes  faits  peu*" 
que,  puilque  nos  facultés  ne  Tont  pas  ca-  cultiver  les- 
gables  de   nous  faire  difeerner  la  fabrique  S3S*i 

H-  5 


ï7$  Des  Moyens- d'augmenter 

f1  '  '=    intérieure  &  les  efTences  réelles  des  corps-, 

Chap.  XII.    quoiqu'elles  nous   découvrent    évidemment 
l'exiftence    d'un  Dieu,  &   qu'elles    nous 
ceflaires  à    "  donnent  une  afTez   grande  connoiflance  de 
ssnfi.vie.       nous-mêmes  pour   nous    inftruire   de   nos. 
devoirs   &    de  nos   plus   grands   inrérêts , 
il  nous  fieroit   bien ,  en  qualité  de  créatu- 
res raifonnables  ,    d'appliquer    les  facultés 
dont   Dieu  nous  a    enrichis   ,   aux  chofes 
auxquelles  elles  font  les  plus  propres  ,  & 
de  fuivre    la  direction  de  la  nature  où  il 
femble  qu'elle  veut  nous  conduire.  Il  eft ,. 
dis-je  ,  raifonnable  de    conclure  de  là  que 
notre    véritable    occupation    confifte  dans 
ces  rechercher  &  dans  cette  efpece  de  con- 
noiflance qui  eft   ia    plus  proportionnée  à 
notre    capacité    naturelle    &   d'où   dipend 
notre  plus  grand  intérêt ,  je  veux  dire  notre 
condition  dans  l'éternité.  Je  crois  donc  être 
en  droit  d'inférer  de  là ,  que  la  Morale  efî 
la  propfe  fcience  &     la  grande  affaire  des: 
hommes  en  général ,  qui  font  intérefles  à 
chercher  le  fouverain  bien  ,    &  qui  font 
propres  à  cette  recherche  ,  comme  d'autres 
par  différens  Arts  qui  regardent  différentes 
paries  de  la  nature,  font  le  partage  &  le 
talent  des  particuliers  qui  doivent  s'y  ap- 
pliquer pour  l'ufage  ordinaire  delà  vie,& 
pour  leur  propre  fubfîftancedans  ce  monde. 
Pour  voir  d'une   manière  inconteftsble  de-^ 
quelle    conféquence  peut  être  pour  la  vie 
humaine,  la  découverte  &  les  propriétés  d'un 
3fe»i:  corps,  nacurel ,  il  ne  faut  que  jetteriez 


notre    Connoijfance.  Liv.  IV.       179 

yeux  fur  le  vafte   Continent    de   l'Améri- = 

que,  où  l'ignorance  des  Arts  les  plus  utiles,  C,HAP'  x  * 
.&  le  défaut  de  la    plus  grande  partie   des 
commodités  de  la  vie ,  dans  un  pays  où  la 
nature  a  répandu  abondamment  toutes  for- 
tes de  biens ,   viennent ,  je  penfe  ,  de  ce 
que  ces  Peuples   ignoroient  ce  qu'on  peut 
trouver  dans  une  pierre  fort  commune  & 
très-peu  eftimée  ,  je  veux  dire  le  fer.   Et 
quelle"  que  foit    l'idée  que   nous  avons  de 
la  beauté  de    notre  génie   ou  de    la   per- 
fection de  nos  lumières    dans    cet    endroit 
de  la  terre  où  la  connoiiïance  &  l'abondince 
femblent  fe  disputer  le  premier  rang  ;   ce- 
pendjnt  quiconque  voudra  prendre  la  peine 
de  confidérer  la    chofe  de  près ,  fera  con- 
vaincu qne  fi  ïufage  du    fer  étoit  perdu- 
parmi  nous  ,  nous  ferions  en  peu  de  fiecles' 
ine'vitablement    réduits   à  la  néceflité  &  à- 
l'ignorance   des  anciens  Sauvages   de  l'A- 
mérique ,  dont   les  ra'.ens   naturels  Se  les 
provifions  néçefTaires  à  la  vie  ne  font  pas 
moins  confidérables  que  parmi  les  Nations 
les  plus   floriffantes  &  les  plus  polies.  De 
forte  que  celui  qui  a  le  premier  fait  con- 
nokre  l'ufage  de  ce  feul  métal  dont  on  fait' 
fi  peu  de  cas,  peut  être  jugement  appelle. 
le  Pore    de*  Arts  &-  l'Auteur  de  l'Abon- 
dance. 

$.  12.  Je  ne  voudrois  pourtant  pas  qu'or.* -^3°"^ 5* 
orût  que  je  méprife  ou  que  je  dilfuade  l'é-- garder  c'e^ 

tude  de  la  nature.  Je  conviens  fans  peine  %P*t*>éfés 
1  ».    .  .      -      _  l  et  ces  tsar. 

«çae  la  contemplation  de-  ies  Ouvrages  nous  Principes 

H.  6- 


Char.  XII. 


180       Des  Moyens  d 'augmenter 

~  donne  fujet  d'admirer ,  d'adorer  &  de  gïo^- 
rifier  leur  Auteur  ;  &  que  fi  cette  étude  elt 
dirigée  comme  il  faut,  elle   peut  être  d'une- 
plus    grande  utilité  au   genre-humain    que- 
ïes  monumens  de  la  plus  iniigne  charité  9 
qui  ont  été   élevés  à  grands  fr.;is  par   les 
Fondateurs  des  Hôpitaux.  Celui  qui  inventa 
^Imprimerie  ,   qui    découvrit  l'ufage  de  11 
BoufFole,  ou  qui  fit  connoître  publiquement 
la  vertu  &  ië  véritable  ufagedu  Quinquina  , 
a   plus  contribué   à  la    propagation  de  la 
connoifTance  ,  à  l'avancement  des  commo- 
dités   utiles  à  la  vie ,    &  a  fauve  plus  de 
gens   du  tombeau  que   ceux  qui   ont  bâti 
des  Collèges ,  des  (  i  )  Manufactures  &  des 
Hôpitaux.  Tout  ce  que  je  prétends   dire  , 
c'efl    que   nous    ne  devons  pas  être  trop- 
prompts  à-  nous  figurer    que    nous  avons- 
acquis,  ou   que  nous  pouvons  acquérir  de 
la  cormoiflance   où   il    n'y  a  aucune  con- 
noiffi»nce  à  efpérer  ,  ou  bien  par  des  voies, 
qui  ne  peuvent  point  nous  y  conduire ,  & 
que  nous  ne  devrions  pas  prendre  de  fyf- 
têmes  douteux  pour  des  Sciences  complet-^ 
tes,  ni  des  notions  inintelligibles  pour  des - 
démonftrations  parfaites.  Sur  la  connoiflance 
des  corps  nous  devons  nous  contenter  de 
tirer  ce  que  nous  pouvons  des  expériences 
particulières  ,  puifque  nous  ne  faurions  for- 
cer un  fyfrême  .complet  fur  la  déc  uverte^ 

(î)   Ce  mot  figmfiè  ici  ié   lieu  où  Ton  travaillai. 


notre  Connoijfance.  Liv.  IV.      r8r 

de  leurs  efTences  réelles  ,  &  raffembler  en  «         ■■   g» 
en  tas  la  nature  Se.  les  propriétés  de  toute  Chap.  XII». 
fefpece.    Lorfque   nos  recherches    roulent 
fur  une   co-exiitence    ou  une  impoffibilité 
de  co-exifter  que  nous  ne  faurions  décou- 
vrir par  la  confidération  de   nos  idées  ,   il' 
faut  que  l'expérience ,  les  obfervations  &t 
i'hiftoire  naturelle  nous  fafTent    entrer  en 
détail  &  par   le  feccurs  de  nos  fens  dans 
la  connoiffance  des    fubft'ances  corporelles.- 
Nous  devons ,  dis-je ,  acquérir  la  connoil- 
fance  des  corps  prr  le  moyen  de  nos  fens,. 
diverfement  occupés  à   obferver  leurs  qua-    . 
lités   ,  &  les  différentes   manières  dont  ils 
opèrent  l'un  fur  l'autre.  Quant  aux  efprits 
féparés ,  nous  ne  devons  efpérer  d'en  favoir 
que   ce  que  là   révélation   nous    enfeigne» 
Qui  confidérera  combien  les  maximes  gêné-- 
raies  y    les  principes' avancés   gratuitement  a. 
&  les    hypothefes  faites  à  plaijir   ont  peu 
fervi  à  avancer  la   véritable  connoijfance  3 
&  à  fatisfaire  les  gens    raifonnables  dans 
les  recherches  qu'ils  ont  voulu  faire   pour 
étendre  leur  lumières  ;  combien  l'applica- 
tion qu'on  err  a  fait  dans  cette  vue  a  peu. 
contribué    pendant  plulTeurs  fiecles  confé~- 
cutifs  à  avancer  les  hommes  dans  la  con- 
noiffance de  la  Phyfique  ,   n'aura  pas  de- 
peine   à  reconnoître  qne  nous  avons  fujet: 
de  remercier  ceux    qui    dans    ce    dernier 
fiecle  ont  pris  une  autre  route  ,  &  nous- 
ont  tracé  un  chemin  ,  qui ,   s'il  ne  conduiL- 
gas  iî   aifément  à  une  doâe   ignorance:  m 


r8l       Des    Moyens  d'augmenter 

mené    plus    fûrement  à  des  connoiflanecs 
Chap.  XII.   utiies. 

$.  13.   Ce  n'eft  pas  que  pour  expliquer 
ufage  des        des  phénomènes  de  la  nature  nous  ne  puif- 
hypothèfes.    fions   nous  fervir  de  quelqu  hypothefe  pro- 
bable, quelle  qu'elle  foit  ;    car  les   hypo- 
thefes  qui  font  bien  faites ,  font  au  moins 
d'un  grand  fecours  à  la  mémoire ,  &  nous 
conduifent  quelquefois  à  de  nouvelles   dé- 
couvertes. Ce  que  je  veux   dire  ,  c'eft  que 
nous    n'en  devons  embrafler  aucune  trop 
promptement ,  (  ce  que  t'efprir  de  l'homme 
eft  fort  porté  à  faire,  parce  qu'il  voudroit 
pénétrer    dans   les   caufes  des   chofes  ,  & 
avoir   des  Principes   fur     lefquels   il    pût 
s'appuyer ,)  jufqu'à    ce    que   nous    ayons  • 
exactement  examiné   les   cùs    particuliers  ,- 
&  Lit  plufieurs  expériences  dans  la  choie 
que  nous    voudrions  expliquer  par   le  fe- 
cours  de    notre  hypothefe  ,    8c  que  nous  • 
3yions  vu  fi  elle  conviendra  à  tous  ces  cas, 
fi  nos  principes  s'étendent  à  tous  les  phé- 
nomènes de  la  nature,  &  ne  font  pas  auflr 
incompatibles   avec  l'un  ,    qu'ils    iemblent 
propres  à  expliquer  l'autre.  Et  enfin ,  nous 
devons    prendre   garde    que    le    nom    de- 
Principe  ne  nous  fafTe  iliufion ,  &  ne  nou3.; 
\mpofe  en  nous  faifant  recevoir  comme  une. 
vérité  incomefLhle  ,  ce  qui  n'eft   tout  au»' 

plus   qu'une     conjecture  fort   incertaine  ,. 

telle  que  font  la  plupart  des  hypotheies  qu'on-: 

flût  dans  îiPhyfique  ;  j'ai  çenfé  dire-t oui ess 

fans  exception» 


notre  Conncijfance.  Liv.  IV.      183 

§.  1^.  Mais  foit  que  la  Phyfique  foit  ca-  ^' 

pable  de  certitude  ou    non  ,  il  me  femble  Chap«  xii° 
que  voici  en  abrégé  les  deux  moyens  d'é-       .     .     , 
tendre  notre  connoiffance  autant  que  nous  idées  claires 
fommcs  capables  de  le  faire.  &  diftinftes 

I.  Le  premier  eft  d'acquérir  &  d'établir  Z^ûïes  & 
Jrî/Z5  norre  e/prif  <&.$  *</£«  déterminées  des  trouver  d'au- 
choies  dont  nous  avons  des  noms  généraux  tre.s J^ees  a.UI 

Jr.    .  . ,,  -,  i  s,       pumentmon- 

ou  fpecinques  ,  ou  du  moins  de  toutes  celles  irerleurcon- 
que  nous  voulons  considérer ,  &  fur  lef-  venance,  ou 
quelles  nous  voulons  raifonner&  augmenter  îeurdifcon- 

3  -ir  r*.      r  r        j       -j'       venance.ee- 

notre  connoijjance.  Que  il  ce  iont  des  idées  fonr  les  mo— 
spécifiques  de  fubftances ,    nous  devons  ta-  yens  d'éten— 
cher  de  les  rendre  auffi  complettes  que  nous  ^fonces?"*" 
pouvons  :  par  où  j'entends  que  nous  de- 
vons    réunir     autant    d'idées  (impies  ,  qui 
étant  obfervées  exifîer    conftamment    en- 
femble  ,  peuvent    parfaitement  déterminer 
Vefpece  ;   &   chacune  de  ces  idées  fimples. 
qui  conftituent  notre  idée  complexe ,  doit 
être   claire  &  diftinéte  dans    notre  efprir». 
Car   comme  il  eft  vifible  que    notre   con- 
noifTance  ne  fauroit  s'étendre    au-delà  de- 
nos  idées,  tant  que  nos  idées  font    impar- 
faites ,  confufes  ou  obfcures  ,  nous  ne  pou- 
vons  point  prétendre  avoir    une  connoif— 
fance  certaine,  parfaite  ,  ou  évidente. 

II.  Le  fécond  moyen ,  c'eft  Vart  de  trou*      LesrmtW- 

ver  des  idées  moyennes   qui  nous  puijfint  matiques  «m 
faire  voir  lu  convenance  ou  Vincompadbi-  f°ntune*em— 

li té  des  autres  idées  qu'on  m  peut  comparer 

Immédiatement. 

£.   1 5.  Que  ce  foit  en  mettant  ces  deux». 


ï8~4       Des  Moyens   d'augmenter 

î~'         '.-s  moyens  en  prarique  ,    &  non  en    fe  repo- 
<£hap.  XII..  fant  fur  des  maximes  &:  en  tirant  descon- 
féquences  de  quelques    propofuions  géné- 
rales, que  confifte    la    véritable     méthode 
d'avancer   notre  connoiffance  à  l'égard  des. 
autres  modes  ,  outre  ceux  de  la  quantité , 
c'efr  ce  qui   paroîtra  aifément  à   quiconque 
fera  réflexion,  fur.    la    connoiffance    qu'on 
acquiert  dans   les   Mathématiques  ;  ou  nous 
trouverons  premièrement  ,  que  quiconque* 
n'a  pas    une.  idée   claire    &    parfaite    des: 
angles  ou  des  figures  fur  quoi  il  defire  de 
connoître    quelque  chofe  ,    eit  dès-là   en- 
tièrement incapable   d'aucune  connoiuance 
fiir    leur    fujet.    Suppofez    qu'un     homme 
n'ait   pas  une  idée  exa&e  &   parfaite  d'un^ 
Angle  droit ,  d'un  Scalene  ou  d'un  Trapèze  ,. 
il  eft  hors  de    doute  qu'il   fe  tourmentera 
en  vain   à  former    quelque   démonstration^ 
fur  le  fujet  de  ces  figures.  D'ailleurs  ,  il  eft 
évident  que  ce  n'efr  pas  l'influence  de  ces 
maximes  qu'on  prend   pour  principe   dans 
les  Mathématiques  ,  qui  a  conduit  Ip-s  Maî- 
tres de  cette  fcience   dans  les  découvertes 
étonnantes  qu'ils  y  ont  faites.  Qu'un  hom- 
me de   bon  fens  vienne   à  connoître  aufïï 
parfaitement  qu'if  eft    poffible ,.  toutes  ces 
maximes  dont  on  fe  fert  généralement  d:ns 
les  Mathématiques  ;  qu'il  en  confidère  l'é- 
tendue &  les  conféquences  tant  qu'il  vou- 
<itra  ,  je  crois  qu'à  peine  il  pourra  jamais  ve- 
nir, à  connoître  pair  lsur  fecours,  que  dans  . 
wi  triangle  rectangle  le  quarré  de  /'/fggo*- 


notre  Connoijfance.  Liv.  IV.     I S  5 
thénvfe  ejl  égal  au  quarré  des  deux  autres  = 


côtés.  Et  lorfqu'un  homme  a  découvert  la  Chap.  XIL» 
vérité  de  cette  proposition  ,  je  ne  penfe 
pas  que  ce  qui  l'a  conduit  dans  cetre  dé- 
monftration  ,  foit  la  connoiflànce  de  -es 
maximes  ,  le  tout  ejl  plus  grand  que  toutes 
fes  parties  ;  &,//  de  chofts  égales  vous  en, 
ôtei  des  chofes  égales ,  le  refle  foit  égal  ; 
car  je  m'imagine  qu'on  pourroit  ruminer 
long-  tems  ces  axiomes  fans  voir  jamais  plus 
clair  dans  les  vérités  Mathématiques. Loriqus 
l'efprit  a  commencé  d'acquérir  la  connoif- 
fance  de  ces  forces  de  vérités  ,  il  a  eu  de- 
vant lui  des  objets ,  &  des  vues  bien  diffé- 
rentes de  ces  maximes  ,  &  que  des  gens 
à  qui  ces  maximes  ne  font  pas  inconnues  , 
mais  qui  ignorent  la  méthode  de  ceux  qui 
ont  les  premiers  découvert  ces  vérités  ,  ne 
fauroient  jamais  affez  admirer.  Et  qui  fait 
fi  pour  étendre  nos  ccnnciifances  dans  les 
autres  feiences  ,  on  n'inventera  point  un. 
jour  quelque  méthode  qui  foit  du  même 
ufage  que  l'Algèbre  dans  les  Mathématiques, 
par  le  moyen  de  laquelle  on  trouve  fi  promp- 
tement  des  idées  de  quantité  piur  en  me- 
forer  d'autres  ,  dont  on  ne  pourroit  con-^ 
noître  autrement  l'égalité  ou  la  proportion 
qu'avec  une  extrême  peine  ,  ou  qu'on  ne 
onnokroit  peut-être  jamais  ? 


186*       Autres  Confédérations  fur 

CHAPITRE     XIII. 

Autres    Confi 'dérations  fur  notre  Connoif- 
fance. 

Chap.  XIII.  §.  I.  In  Otre  connoifTance  a  beaucoup  de 
conformité  avec   notre  vue  par  cet  endroit 
Notre  con-  (  auiïi-bien    qu'à  d'au*res  égards  )    qu'elle 

noifor.ce    eft    \    n  .,       ^  >     rr  ■  •         ■> 

en  pirHe  né-  n  e"  entièrement  necellaire  ,  ni  entièrement 
ceiln-e  ,  &  volontaire.  Si-  notre  connoitfonce  étoit  tcut- 
Iont 'teV0"  à-fait  n'ceiîaire  ,  nan-ieuîement  toute  la 
connoiflance  des  hommes  ferait  égale , 
mais  encore  chaque  homme  connoîtroit  tout 
ce  qui  pourrait  être  connu  ;  &  fi  la  con- 
noillance  étoit  entièrement  volontiire  ,  il 
y  a  des  gens  qui  s'en  mettent  fi  peu  en 
peine ,  ou  qui  en  font  fi  peu  de  cas  ,  qu'ils 
en  auroient  très-peu  ,  ou  n'en  auroient 
abfolument  point.  Les  hommes  qui  ont  des 
fens  ,  ne  peuvent  que  recevoir  quelques 
idées  par  leur  moyen  ;  &  s'ils  ont  la  faculté* 
de  dittinguer  les  objets  ,  ils  ne  peuvent 
qu'appercevoir  la  convenance  ou  la  difcon- 
venance  que  quelques-unes  de  ces  idées 
ont  entr'elles  ;  tout  de  même  que  celui  qui 
a  des  yeux ,  s'il  veut  les  ouvrir  en  plein 
jour,  ne  peut  que  voir  quelques  objets  ,  & 
reconnoître  de  la  différence  entr'eux.  Mais 
quoiqu'un  homme  qui  a  les  yeux  ouverts 
à  la  lumière  ,  ne  puiife  éviter  de  voir  ,.  il 


notre  Connoijjante.  Liv.  IV.     187 

y  3  pourtant  certains  objets  vers  lefquels  ~  '  ^,„ 
il  déoeo:  Je  lui  de  tourner  les  yeux  ,  s'il 
veut.  i'-i  simple,  il  peut  avoir  à  fa  d'if- 
politian  un  Livre  qui  con*ienne  des  pein- 
tures &  des  difcours  ,  capables  de  lui  plaire 
&  de  l'inftruire,  mais  il  peut  n'avoir  ja- 
m  is  envie  de  l'ouvrir,  &  ne  prendre  ja- 
mais la  peine  de  jetter  les  yeux  deflus. 

§.  a.  Une  autrre  chofe  qui  e^t  au  pou-  L'appHca- 
voir  d'un  homme  ,  c'eit  qu'eue  re  qu'il  tion  eft  vo- 
tourne   quelquefois  les   yeux   vers  un  cer-    °"ï?lTe  ÎL 

.    •        t  J  mais  nous 

tain  objet ,  il  eu  pourrant  en   liberté  de  le  connoiffbns 

confidérer    curieufemen:    &z    de    s'attacher  les  chofes, 

a  i-  comme   elles- 

avec  une  extrême   application   a  y  remir-  font(  &  non 

quer  exactement  tout  ce  qu'on  y  peut  voir,  com-neil 
Mais  du  refte  il  ne  peut  voir  ce  qu'il  voit ,  nous  ^t» 
autrement  qu'il  ne  fait.  Il  ne  dépend  point 
de  fa  vol  iné  de  voir  noir  ce  qui  lui  paroît 
jaune ,  ni  de  fe  perfuader  que  ce  qui  l'é- 
chauffé actuellement ,  eft  froid.  La  terre  ne 
lui  paroîtra  pas  ornée  de  fleurs  ni  les  champs 
couverts  de  verdure  toutes  les  fois  qu'il  le 
fouhaitera;  fie  fi  pendant  l'hyver  il  vient  à 
regarder  la  campagne,  il  ne  peut  s'empê- 
cher de  la  voir  couverte  de  gêiée  blanche.  Il 
en  eil  juilernen:  de  même  à  l'égard  de  notre 
entendement  ;  tout  ce  qu'il  y.  a  de  volon- 
taire dans  notre  connoiflance  ,  c'efl  d'ap- 
pliquer quelques-unes  de  nos  facultés  à 
telle  ou  à  telle  efpece  d'objets ,  ou  de  les 
en  éloigner  &  de  confidérer  ces  objets 
avec  plus  ou  tmins  d'exactitude.  Mais  ces. 
facultés    une  fois  appliquées  à  cette    con? 


ï88        Autres  Confidérations  fur 

*  =a  templation  ,  notre  volonté  n'a  plus  la  puif- 

Chap.  XIII.  fance  de  déterminer  la  connoiffance  de  l'efc 
prit  d'une  manière  ou  d'autre.  Cet  effet  eft 
uniquement  produit  par  les  objets  mêmes  , 
jufqu'où  ils  font  clairement  découverts. 
C'eft  pourquoi  tant  que  les  fens  d'une  per- 
fonne  font  affectés  par  des  objets  extérieurs, 
jufques-là  fon  efprit  ne  peut  que  recevoir 
îes  idées  qui  lui  font  présentées  par  ce 
moyen,  &  être  affuréde  l'exirtence  de  quel- 
que chofe  qui  eft  hors  de  lui  ;  &  tant  que 
les  penfées  des  hommes  font  appliquées  à 
confidérer  leurs  propres  idées  déterminées, 
ils  ne  peuvent  qu'obferver  en  quelque  de- 
gré la  convenance  &  la  difconvenance  qui 
le  peut  trouver  entre  quelques-unes  de  ces 
idées,  ce  qui  jufques-là  eft  une  véritable 
connoiffance  ;  &  s'ils  ont  des  noms  pour 
défigner  les  idées  qu'ils  ont  ainfi  confidé- 
sées ,  ils  ne  peuvent  qu'être  affurés  de 
la  vérité  des  proportions  qui  expriment 
h  convenance  ou  la  difconvenance  qu'ils 
apperçoivent  entre  ces  idées  ,  &  être  cer- 
tainement convaincus  de  ces  vérités.  Car 
un  homme  ne  peut  s'empêcher  de  voir  ce 
qu'il  voit  ,  ni  éviter  de  connoître  qu'»1 
apperçoir.  ce  qu'il    apperçoit  effectivement. 

daSSïim-       V-  ?•  Ainfi  >   ceIui  ^ui'  a  acc?uis  ,es  ide'es" 
bres.  àes  nombres  &  a  pris   la    peine  de  com- 

parer ,  un  ,  deux  &  trois  avec  fix  ,  ne  peut 
s'empêcher  de  connoître  qu'ils  font  égaux. 
Celui  qui  a  acquis  l'idée  d'un  triangle  ,  & 
a  trouvé  le  moyen  de  mefurer  fes  angles  % 


Chap.  XIII. 


notre  ConnoiJJance.  Liv.  IV.     189 

&  leur  grandeur  ,  eft   afluré  que  Tes  trois 

angles  font  égaux  à  deux  droits  ;  &  il  n'en 

peut  non    plus   douter  que  de  la  vérité  de 

cette  propofition  ,  il  ejl  impojfible  q u  une 

chofe  [oit  &  ne  [oit  pas. 

De   même,  celui  qui  a  l'idée  d'un  être     ,Et.  danS  Ia 
•      /•  -i  1      o      c       -i         r         1  religion  na- 
ïntelligcnt,  mais  foible  &    fragile,  forme  turelle. 

par  un  autre  dont  il  dépend,  qui  eft  éter- 
nel ,  tout-pui liant ,  parfaitement  fage  ,  & 
parfaitement  bon  ,  connoîtra  aulli  certaine- 
ment que  l'homme  doit  honorer  Dieu  , 
le  craindre  &  lui  obéir  f  qu'il  eft  afluré 
que  le  foleil  luit  quand  il  le  voit  actuelle- 
ment. Car  s'il  a  feulement  dans  fon  efprit 
des  idées  de  ces  deux  fortes  d'êtres  ,  tk.  qu'il 
veuille  s'appliquer  à  les  coniidérer  ,  il  trou- 
vera aufli  certainement  que  l'être  inférieur  , 
fini  ,  &  dépendant ,  eft  dans  l'obligation 
d'obéir  à  l'Etre  fupérieur  &  infini ,  qu'il  eft 
certain  de  trouver  que  trois  ,  quatre  &  fept 
font  moins  que  quinze,  s'il  veut  confidérer 
&  calculer  ces  nombres  ;  &  il  ne  fauroit 
être  plus  afluré  par  un  tems  ferein  ,  que  le 
foleil  eft  levé  en  plein  midi ,  s'il  veut  ou- 
vrir fes  yeux  &  les  tourner  du  côté  de  cet 
.aftre.  Mais  quelque  certaines  &  claires  que 
foient  ces  vérités  ,  celui  qui  ne  voudra  ja- 
mais prendre  la  peine  d'employer  fes  fa- 
cultés comme  il  devroit ,  pour  s'en  inftruire, 
pourra  pourtant  en  ignorer  quelqu'une  y 
ou  toutes  enferable. 


190         Du  Jugement.  Liv.  IV. 

CHAPITRE     XIV. 
Du    Jugement, 


Chap.  XIV.  $.  I.  JLi  E  S  facultés  intellectuelles  n'ayant 

pjs   écé    feulement     données    à     l'homme 

Notrecon-  p^f  la  fpéculation ,  mais  auffi  poui  la  con- 
noiiicincc 
étant  fort       duite  de  ù   vie  ,  l'homme  ferait  dans   un 

■komée, nous  trifte  état ,  s'il  ne  p^uvoit  tirer   du  fecours 

ieqûêlqufeiB  P0Ur  Cette  dïreâ™a  que  des  chofes  9ui 
autrechofe.     font  fondées  fur  la  certitude  d'une  véritable 

connoiiTance  ;  car  cette  efpece  de  connoif- 
fance  étant  refrénée  dans  des  bornes  fort 
étroites  ,  comme  nous  avons  déjà  vu  ,  il  fe 
trouveroit  fouvent  dans  de  parfaites  ténè- 
bres ,  &  tour-à  fait  indéterminé  dans  là 
plupart  des  actions  de  fa  vie  ,  s'il  n'avoit 
rien  pour  fe  conduire  dès-qu'une  conneif- 
fance  claire  &  certaine  viendrait  à  lui  man- 
quer. Quiconque  ne  voudra  manger  qu'ar- 
près  avoir  vu  démonftrativement  qu'une 
telle  viande  le  nourrira  ,  ik  quiconque  ne 
voudra  agir  qu'après  avoir  connu  infailli- 
blement que  l'affaire  qu'il  doit  entreprendre 
fera  fui  vie  d'un  heureux  fuccès,  n'aura  guère 

autre  chofe  à  faire  qu'à  fe  tenir  en  repes 
Queîufage  &    à      ,  .     en  de  £ems> 

on  doit  raire  r  r 

de  ce  crépuf-  $.  1.  C'eft  pourquoi  comme  Dieu  a  ex- 
culeoù  nous  p0f£  certaines  chofes  à  nos  yeux  avec  une 
**n^ede.dnJ  §n"ere  évidence  ,    &  qu'il  nous  a  donne 


Vu  Jugement.  Liv.  IV.  191 

quelques  connoiflances  certaines  ,  quoique  ^^^7 
s-éduite>  à  un  très-petit  nombre  ,  en  com-  '         ' 

par^ifon  de  tout  ce  que  les  créatures  in- 
tellectuelles peuvent  comprendre ,  &  dont 
celles-là  f>nt  apparemment  omme  des 
.avant-goût ,  p3r  où  il  nous  veut  porter  à 
defirer  &  à  rechercher  un  meilleur  état;  il 
ne  nous  a  fourni  audi ,  par  rapport  a  la 
plus  grande  partie  des  chofes  qui  regar- 
dent nos  propres  intérêts,  qu'une  lumière 
obfcure,  &  un  (impie  crépufcu!e  de  pro- 
babilité, ii  j'ofe  m'expritncr  ainli,  confor- 
me à  Tétat  de  midio:nté  6c  d'épreuve  où 
il  lui  a  plu  de  nous  mettre  d^ns  ce  monde  ; 
afin  de  réprimer  par-la  notre  préfomption 
&  la  connance  exceflîve  que  nous  avons  en» 
n^us-mèmes  ,  en  nous  f  îfant  voir  fenfi- 
blement ,  par  une  expérience  journalière  , 
combien  notre  efprit  eit  borné  6c  fu,et  à 
l'erreur  :  vérité  dont  la  convictnn  peut 
nous  ère  un  averriflement  continuel  d'em- 
ployer les  jouis  de  no're  pèlerinage  à  cher- 
cher 6c  a  fuivre  avec  tout  le  foin  &  trsute 
l'induftrie  dont  nous  fommes  capables,  le 
chemin  qui  peut  nous  conduire  a  un  érar 
beaucoup  plus  parf.it.  Car  rien  n'elr  p!u3 
raifonn^ble  que  de  penfer  ,  (  quand  bieil 
la  révélation  fe  t.iroic  fur  cet  article  )quer 
félon  que  les  hommjs  fonr  valoir  les  talent 
que  Dieu  leur  a  donnés  dans  ce  monde, 
ils  recevront  leur  réa  mpenfe  fur  la  fin  du. 
jour  ,  lorfque  le  foleil  lera  couché  pour 
eux  ,  &  que  la  auit  aura  terminé  leur* 
trayaux, 


ïoî  Du  Jugement.  Liv.  IV. 

*«-*— ■ "——■      $.   3.  La    faculté  que  Dieu  a  donnée! 
Ckap,  XIV.  l'homme  pour   fuppléer    au    défaut    d'une 
connoifTance    claire    &    certaine  dans  des 
me»t  fupplée  cas  ou  l°n  ne  Peut  l'obtenir  ,  c'eft  le  Ju- 
a«  défaut  de  gcment ,  par  où  î'efprit  fnppofe  que  fes  idées 
iaconno        conviennent  ou  diiconviennent,  ou  ce  qui 
eft  la  même  choie ,  qu'une  propofuion    efl 
vraie  ou  fauffe  ,  fans  appercevoir  une  évi- 
dence dérnonflrative  dans  les  preuves.  L'ef- 
prit  met  fauventenufage.ee  jugement  par 
nécefTité,  dans    des  rencontres  où  l'on   ne 
peut    avoir  des  preuves  démonflratives  & 
une  connoifî'ance  certaine  ;    &  quelquefois 
aufll  il  y   a  recours  par  négligence  ,  faute 
d'adreffe,  ou  par  précipitation,  lors  même 
qu'on'  peut  trouver  des  preuves   démonf- 
tratives  &  certaines.   Souvent   les  hommes 
ne  s'arrêtent  pas  pour  examiner  avec  foin 
la  convenance  ou  la  difeonvenance  de  deux 
idées  qu'ils  fouhairent  ou  qu'ils  font  intéref- 
fés  de  connoître  ;  mais  incapables  du  degré 
d'attention  qui  efl  requis  dans  une   longue 
fuite  de  gradations  ,   ou  de  différer  quelque 
tems  à  fe  déterminer  ,  ils  jettent  légère- 
ment les  yeux  deifus ,  ou  négligent  entiè- 
rement d'en  chercher  les  preuves  ;  &  ainfi 
fans  découvrir  la  démonftration  ,  ils   déci- 
dent de  la  convenance  ou  de  la  difeonve- 
nance de  deux  idées  à  vue  de  pays ,  fi  j'ofe 
ainfi  dire,  &  comme  elles  paroiffent  con- 
sidérées en  éloignement ,  fuppofant  qu'elles 
conviennent  on  difeonviennent ,   félon  qu'il 
ieur  paroît  plus  vraifemblable ,  après  unfi 

lége* 


Du  Jugement.  Liv.  IV.  I93 

léger  examen.  Lorfque  cetre  faculté  s'exerce  <  '  "'g 
immédiatement  fur  les  chofes  ,  on  la  nomme  Chap.  XIV. 
Jugement  ;  &  lorfqu'elle  roule  fur  des  vé- 
rités exprimées  par  des  paroles  ,  on  l'ap- 
pelle plus  communément  ajfenîiment  ou 
dijfentiment  ',  &  comme  c'eft-là  la  voie  la 
plus  ordinaire  dont  l'Efprit  aoccafion  d'em- 
ployer cette  faculté  ,  j'en  parlerai  fous  ces 
noms-là  comme  fujets  à  équivoque  dans 
notre  Langue. 

$.   4.  Ainfi  l'efprit  a  deux  facultés  qui      Le  juge- 
s'exercent  fur  la   Vérité  &  fur  la  Fauffeté.  ment confiffe 

Un  ,  •  rr  \    à  prefumer 

première,  eit  la  connoniance  par   ou  que!escho- 

l'efprit  apperçoit  certainement  &  efl  indu-  fes  font  d'une 

bitablement  convaincu  de  la  convenance  ou  ce rta,ne  ma~ 
j      1       at  pl  a  niere,  fans 

de  la    diiconvenance    qui  eit    entre    deux  rappeçcevoir 

idées.  certaine- 

La  féconde  efl  le  Jugement  qui  coufifte  mento 
à  joindre  des  idées  dans  l'efprit  ,  ou  à  les 
féparer  l'une  del'aurre,  lorsqu'on  ne  voit 
pas  qu'il  y  ait  entr'elles  une  convenance 
ou  une  difconvenance  certaine ,  mais  qu'on 
le  préfume,  c'eft- à-dire  ,  félon  ce  qu'em- 
porte ce  mot ,  lorfqu'on  \epiend  ainfi  avant 
qu'il  paroiffe  certainement.  Et  û  l'efprit 
unit  ou  fépare  les  idées  ,  félon  qu'elles  font 
dans  la  réalité  des  chofes  ,  c'eft  un  luge* 
gement  droit, 

iTomcIF.  I 


*94        Dtla  Probabilité.  Liv.  IV. 

CHAPITRE     XV. 

.De  la  Probabilité. 

Chap.  XV.  $.  I.  \^j  Omîo  la  démonftrauon  con- 

iifte  à  montrer  la  convenance  ou  la  difcon- 

,  ..I<a,P^)lja"  ven.;nce  de  deux  idées,  l'intervention  d'une 
bilite  eu  11/-  t.. 

l'apparence    ou  de  piulieurs  preuves  qui  ont  entr  elles 

fîe  la  conve-  une  liaifon  confLnre,  immuable,  vifible  ; 
jiancefurdesd     même  h  proj,abuité  0'efl.  autre  chofe 

preuves  qui 

/ie  font  pas  que  1  apparence  dune  relie  convenance  ou 
infaillibles,  difconveounce  par  l'intervention  de  preuves 
dont  la  connexion  n'eft  point  confinante  & 
immuable,  ou  du  moins  n'elt  pas  apperçue 
comme  telle,  ro_is  eir  ou  parok  être  ainfi  , 
le  plus  fouvent ,  &  fuiîic  pour  porter  l'es- 
prit à  juger  que  la  propoiicion  eft  vraie 
ou  faufïe  plutôt  que  le  contraire.,  Par  exem- 
ple ,  dans  la  démonstration  de  cette  vérité  , 
les  trois  angles  d'un  triangle  font  égaux  à 
deux  droits  ,  un  homme  apperçoit  la  con- 
nexion certaine  &  immuable  d'égalité  qui 
eft  entre  les  trois  angles  d'un  triangle  ,  & 
les  idées  moyennes  dont  on  fe  fert  pour 
prouver  leur  égalité  à  deux  droits  ;&  ainfi, 
parunec  mnoiltanceintuirivede  la  convenan- 
ce ou  de  la  difconvenance  des  idées  moyen- 
nes qu'on  emploie  dans  chaque  degré  delà  dé- 
duction ,  toute  la  fuite  fe  trouve  accompa- 
gnée  d'une   évidence  qui  montre   claire- 


De  la  Probabilité.  Liv.  IV.     19^ 

•teént  !a  convenance  ou  la  difconvenance  de  1-  ~  ■■*  • 
-ces  trois  angles  en  égalité  à  deux  droits  :  Cmap.  XY. 
&  par  ce  moyen  il  a  une  connoilfance  cer- 
taine que  cela  eft  ainfi.  Mais  un  autre  hom- 
me qui  n'a  jamais  pris  la  peine  de  confdé- 
rer  cette  démonftration  ,  entendant  affirmer 
à  un  Mathématicien  ,  homme  de  poids  , 
que  les  trois  angles  d'un  triangle  font  égaux 
à  deux  droits  ,  y  donne  fon  confentement , 
c'eft-à-dire,  le  reçoit  pour  véritable:  auquel 
cas  le  fondement  de  fon  afTentiment,  c'eil 
la  probabilité  de  la  chofe  ,  dont  la  preuve 
eft  pour  l'ordinaire  accompagnée  de  la  vé- 
rité ,  l'homme  fur  le  témDÎgnagne  duquel  il 
la  reçoit  n'ayant  pas  accoutumé  d'affirmer 
une  chofe  qui  foit  contraire  à  fa  connoif- 
•fance  ou  au  defius  de  fa  connoiffance  ,  fur- 
tout  dans  ces  fortes  de  matières.  Ainfi,  ce 
qui  lui  fait  donner  fon  confentement  à 
cette  propofnion,  que  les  trois  angles  d'un 
triangle  font  égaux  a  deux  droits ,  ce  qui 
l'oblige  à  fuppofer  de  la  convenance  entre 
ces  idées  fcn?  connoître  qu'elles  -convien- 
nent effectivement ,  c'eft  la  véracité  de  ce- 
lui qui  parle  ,  laquelle  il  a  fouvent  éprouvée 
en  d'autres  rencontres  ,  ou  qu'il  fuppoie 
dans  celle-ci. 

§.  a.  Parce  que  notre  conhoiffance  eft 
teflerrée   dans  des    bornes   fort    étroites  ,  bilitéfupplie 
comme    on  l'a  déjà  montré  ,    &  que  nous  au  défaut  de 
ne  fommes  pas  alfez  heureux  pour  trou-  connolffance» 
ver  certainement  la  vérité  en  chaque  cho- 
ie que  nous  ayons  occafion  de  confidérer  ; 

l  % 


IQ6"     De  la  Probabilité.   Liv.  IV. 

la  plupart  des  propofitions  qui  font  l'objet 
Chap.  XV.  de  nos  penfées  ,  de  nos  raifonnemens ,  de 
nos  difcours  ,  &  môme  de  nos  adions  , 
font  telles  que  nous  ne  pouvons  pas  avoir 
une  connoiliance  indubitable  de  leur  véri- 
té. Cependant,  il  y  en  a  quelques-unes 
qui  approchent  û  fort  de  la  certitude  ,  que 
nous  n'avons  aucun  doute  fur  leur  fujet  ; 
de  forte  que  nous  leur  donnons  notre  aC- 
fentiment  avec  autant  d'affurance  ,  6c  que 
nous  agiifons  avec  autant  de  fermeté  en 
vertu  de  cet  ajfentiment ,  que  fi  elles  étoient 
démontrées  d'une  manière  infaillible  ,  & 
que  nous  en  euffions  une  connoiilance  par- 
faite &  certaine.  Mais,  parce  qu'il  y  a  en 
cela  des  degrés  depuis  ce  qui  "eft  le  plus 
près  de  la  certitude  &  de  la  démonftra- 
tion  jufqu'à  ce  qui  eft  contraire  à  toute 
vraifemblance  &  près  des  confins  de  l'im- 
poffible  ,  &  qu'il  y  a  auffi  des  degrés  d'affen- 
timent  depuis  une  pleine  ajfurance  jufqu'à 
la  conjecture  ,  au  doute ,  &  à  la  défiance  ; 
je  vais  confidérer  préfentement  (après  avoir 
trouvé  ,  fi  je  ne  me  trompe ,  les  bornes  de 
la  connoifTance  &  de  la  cerritude  humai- 
ne) quels  font  les  dijférens  degrés  &  j'on- 
demens  de  la  probabilité ,  &  de  ce  qu'on 
nomme  Foi  ou  affennment. 

Parce  qu'el-       *     ^    La  probabilité  eft  la  vraifemblan- 
le  nous  fait  '     ?..  '        ,  ,     r       rt        /  •     u , 

préfumer        ce  qu  il   y  a  quune    choie  eft   véritable  , 

queleschofes  ce  terme  même  délignant  une  proposition 

font  venta-  f  .     conr]rmation  de  laquelle  il  y  a  des 

VI 65  y  avant       *  \     i        /■   *  /T" 

«lue  nous       preuves  propres  a  la  faire  palier  ou  rece- 


De  la  Probabilité.  Liv.  IV.       Ï97 

Toir  pour  véritable.  La  manière  dont  l'ef-  J — ' ^s 

prit  reçoit   ces  fortes  de  propofitions ,  eft  Chap-  xv« 

ce  qu'on  nomme  croyance ,  affentiment  ou  ._ 

~  .  -.£   .  T  •  coRnoiflîons 

opinion  :  ce  qui  conlifte  a  recevoir  une  pro-  qu'elles  le 

pofition  pour  véritable  fur  des  preuves  qui  foient. 
nous  perfuadent  actuellement  à  la  recevoir 
comme  véritable ,  fans  que  nous  ayons  une 
connoijfance  certaine  qu'elle  le  foit  effec- 
tivement. Et  la  différence  entre  la  proba- 
bilité &  la  certitude ,  entre  la  foi  &  la  con- 
noijfance ,  confifte  en  ce  que  dans  toutes  les 
parties  de  la  connoiifance,  il  y  a  intuition, 
de  forte  que  chaque  idée  immédiate,  cha- 
que partie  de  la  déduction  a  une  liaifon 
vifible  &  certaine  ;  au  lieu  qu'à  l'égard 
de  ce  qu'on  nomme  croyance  ,  ce  qui  me 
fait  croire ,  eft  quelque  chofe  d'étranger  a 
ce  que  je  crois,  quelqœ  chofe  qui  n'y  eft 
pas  joint  évidemment  par  les  deux  bouts, 
&  qui  par-là  ne  montre  pas  évidemment 
la  convenance  ou  la  difconvenance  des  idées 
en  quefrion, 

$.  4.  Ainfi  la  probabilité  étant  defîinée     « 
à  fuppléer  au  défaut  de  notre   connoiffan-  fondemens 
ce ,  &  à  nous  fervir  de  guide  dans  les  en-  dÇ  probabiiî- 
droits  où   la   connoiffance   nous  manque  ,  tfJ^l;lff.oa' 

-  .       "        '  rormited  une 

elle  roule  toujours  lur  les  propoiitions  que  chofe  avec 
qnelques    motifs    nous    portent  à  recevoir  n.otre  expe'- 
pour  véritables  ,  fans  eue  nous  connoifllons  ie  témoigna-* 
certainement  qu'elles  le  font.  Et  voici  en  ge  de  l'expe'- 
peu  de  m)ts  quels  en  font  les  fondemens.  rience  des 
Premièrement ,  la  conformité  d'une  cho- 

13 


loS     De  la  Probabilité.  Liv.  IV. 

(~  * =a  fe  avec  ce  que  nous  connoifîbns  ,  ou  avec 

£hap.  XV.   notre   expérience. 

En  fécond  lieu  ,  le  témoignage  des  au-» 
très  appuyé  fur  ce  qu'ils  ccnnoiflent  , 
ou  qu'ils  ont  expérimenté.  On  doit  con- 
fidérer  dans  le  témoignage  des  autres  ,  I. 
Je  nombre,  a.  l'intégrité.  3.  l'habileté  des- 
témoins.  4.  le  but  de  l'Auteur  lorfque  le 
témoignage  eft  tiré  d'un  livre.  5.  L'ac- 
cord des  parties  de  la  relation  &  fes  cir- 
conftances.  6.  Les  témoignages  contraires. 

Sur  quoi  il       Ç.    5.    Comme   la    Probabilité  nefl    pas 
faut  examiner        •.  /       1  /••  •    j* 

toutes  les        accompagnée  de  cette  évidence  qui  deter- 

convenances   mine    l'entendement  d'une  manière  infail- 

pour  &  con-   jjb|e  &  qUj  produit  une   connoiflhnce  cer- 

tre  avant  que  .,     r  ■  r  ,  . 

déjuger.         taine,    il    raut  que    pour  «igir   raifonnable- 

ment  ,  l'efprit  examine  tous  les  fondemens 
de  probabilité,  &  qu'il  voie  comment  ils 
font  plus  ou  moins ,  pour  ou  contre  quel- 
que propofition  probable ,  afin  de  rui  don- 
ner ou  refufer  fon  confentement;  &  après 
avoir  duement  pefé  les  raifons»de  part  & 
d'autre,  il  doit  la  rejeter  ou  la  recevoir 
avec  un  confentement  plus  ou  moins  fer- 
me, félon  qu'il  y  a  de  plus  grands  fonde- 
mens de  probabilité  d'un  côté  plutôt  que 
d'un  autre^ 

Par  exemple,  fi  je  vois  moi-même  un 
homme  qui  marche  fur  la  glace ,  c'efl  plus 
que  probabilité,  c'elt  connoi fiance  :  mais  fi 
une  autre  perfonne  me  dit  qu'il  a  vu  en 
Angleterre  un  homme  qui ,.  au  milieu  d'an 
rude  hiver    nurchok  fur  l'eau  durcie  car 


De  la  Probabilité.  Liv.  IV.     199' 

le  froid ,  c'eft  une  chofe  fi  conforme  à  ce  1  iTVj — f 
qu'on  voit  arriver  ordinairement  ,  que  je  Chap.  XV* 
fuis  difpofé  par  la  nature  même  de  la  chofe 
à  y  donner  mnn  confentement  ;  à  moin» 
que  la  relation  de  ce  fait  ne  foit  accom- 
pagnée de  quelque  circonftance  qui  le  rende 
vifiblement  fufpecl:.  Mais  fi  on  dit  la  mê- 
me chofe  à  une  perfonne  née  entre  les  deux 
Tropiques,  qui  auparavant  n'ait  jamais  vu 
ni  ouï  dire  rien  de  femblable ,  en  ce  cas 
toute  la  probabilité  fe  trouve  fondée  fur 
le  témoignage  du  rapporteur,  &  félon  que 
les  auteurs  de  la  relation'  font  en  plus 
grand  nombre,  plus  dignes  de  foi ,  &  qu'ils 
ne  font  point  engagés  pir  leur  intérêt  à 
parler  contre  la  vérité ,  le  fait  doit  trouver 
plus  ou  moins  de  créance  dans  l'efprit  de0 
ceux  à  qui  il  eft  rapporté.  Néanmoins  à 
l'égard  d'un  homme  qui  n'a  jamais  eu  que 
des  expériences  entièrement  contraires,  & 
qui  n'a  jamais  entendu  parier  de  rien  de 
pareil  à  ce  qu'on  lui  raconte,  l'autorité  du- 
témoin  le  moins  fufpect  fera  à  peine  capa- 
ble de  le  porter  à  y  ajouter  foi ,  comme 
on  peut  voir  par  ce  qui  arriva  à  un-  Am- 
baffadeur  Hollandois  qui  entretenant  le 
Roi  de  Siam  des  particularités  de  la  Hol- 
lande dont  ce  Prince  s'informoit,  lui  dit' 
entr'autres  chofes  que  d.ms  fon  Pays  l'eair 
&  durci/Toit  quelquefois  fi  fort  pendant  la' 
faifon  la  plus  froide  de  l'année ,  que  1er 
hommes  marchoient  deffus  ;  &  que  cette- 
eau  ainii  durcie  porterait  des  éléphans,  s'il' 

*4 


2.0O     De  la  Probabilité.  Liv.  IV. 


■       '  y  en  avoir  :  Sur   cela  le  Roi  reprit,    pat 

*  cru  jufqu!ici  les  ctofes  extraordinaires 
que  vous  tiiave\  dites ,  parce  que  je  vous 
prenois  pour  un  homme  d'honneur  &  de 
probité,  mais  préfentement  je  fuis  ajfuré 
que  vous  mente^ 

c*k  dUaL  $•  5  '  Ceft,  de  ces  fondemens  que  dépend 
ble  d'une  ^a  probabilité  d'une  propofition;  &  une 
grande  va-  propofition  efl  en  elle-même  plus  ou  moins 
**et  *  probable ,   félon     que  notre   connoiflance  , 

que  la  certitude  de  nos  obfervations  ,  que 
les  expériences  confiantes  &  fouvent  réi- 
térées que  nous  avons  faites,  que  le  nom- 
bre &  la  crédibilité  des  térrwignages  con- 
viennent plus  ou  moins  avec  elle  ,  ou  lui 
font  plus  ou  moins  contraires.  J'avoue  qu'il 
y  a  une  autre  chofe ,  qui ,  bien  qu  elle  ne 
foit  pas  par  elle-même  un  vrai,  fondement 
de  probabilité ,  ne  laiffe  pas  d'être  fouvent; 
employée  comme  un  fondement  fur  lequel: 
les  hommes  ont  accoutumé  de  fe  détermi- 
ner ik.  de  fixer  leur  croyance  plus  que  fur 
aucune  autre  chofe  ;  c'eft  l'opinion  des  au~ 
très  j  quoiqu'il  n'y  ait  rien  de  plus  dange- 
reux ni  de  plus  propre  à  nous  jeter  dans 
l'erreur  qu'un  tel  appui  ,  puifqu'ily  a  beau- 
coup plus  de  faufTeté  &  d'erreur  parmi  les. 
hommes ,  que  de  connoilfance  &  de  vérité. 
D'ailleurs,  fi  les  fentimens  &  la  croyance 
de  ceux  que  nous  connoiffons  &  que  nous 
©(limons,  font  un  fondement  légitime  d  af- 
ïlentiment ,  les  hommes  auront  raifon  d'être 
layens    dans   le  Japon,  Mahométans   en, 


De  la  Probabilité.  Usr.  IV.  aoi 
Turquie,  Catholiques  Romains  enEfpagne, 
Proteftans  en  Angleterre ,  &  Luthériens 
en  Suéde:  Mais  j'aurai  occafion  de  parler 
plus  au  long  ,  dans  un  autre  endroit, 
de   ce  faux  Principe  d'aiTentiment. 

CHAPITRE     X.VI. 
Des  degrés  d'affentiment. 

$.   i.   \^Omme  les  fondemens  de  Pro-  Chap.  XVI. 
habilité  que    nous  avons  propofé   dans    le 
Chapitre  précédent  font  la    bafe  fur  quoi  fenI^t^t3f" 
notre    ajfentiment  eft  bâti ,   ils  font  auffi  la  doit  être  ré- 
melure  par  laquelle  fes  difFérens  degrés  font  g'épar  les 
ou  doivent  être  réglés.   Il   faut  feulement  Ae  piQ^i_ 
prendre  garde  que  quelques  fondemens  de  lité. . 
probabilité  qu'il  puiffe   y  avoir ,   ils  n'opè- 
rent   pourtant  pas  fur  un  efprit  appliqué 
à  chercher  la  vérité  &  à   juger  droitement, 
au-delà  de  ce  qu'ils  paroiflent,  du   moins 
dans  le  premier  jugement  de  l'efprit ,  ou 
dans  la  première  recherche  qu'il  fait.  J'a-* 
voue  qu'a  l'égard  des  opinions  que  les  hom- 
mes   embraffent    dans    le  monde  &   aux«- 
cjuelles  ils  s'attachent  le  plus    fortement,, 
leur  aifentiroent   n'eft  pas  toujours   fondé 
fur  une  vue   actuelle  des   raifons  qui   ont 
premièrement  prévalu  fur  leur  efprrt  ;  car 
en  plufieurs  rencontres  il  eft  prefqu'impof-  ■ 
iible,   &   dans  la  plupart   très-difficile  ,    k* 
eeux-là  même  qui  ont  une  mémoire  admi» 

I   5 


aoi  Des  degrés  d'aJfèntiment.Lw.lV, 
arable,  de  retenir    toutes  les    preuves  qui 


Chap.  XVI.  les   ont  engagés  ,  après  un   légitime  exa- 
men ,   à  fedéclarer  pour  un  certain  fend- 
aient. Il  furfit  qu'une  fois  ils  aient  épluché- 
la  matière  fincérement  &  avec  foin ,  autant 
qu'il  étoit  en  leur  pouvoir  de  faire ,  qu'ils 
foiontentrésdansl'examendetoutesleschofes 
particulières,  qu'ils  pouvoient  imaginer  qui 
répandroient  quelque  lumière   fur  la  quef- 
tion,  &  qu'avec  toute J'adrefle  dont  ils  font 
capables  ils  aient ,    pour  ainfi  dire  ,  arrê- 
té le  compte,    fur  toutes  les  preuves  qui 
font  venues  à  leur  connoiflance.  Ayant  ainfi. 
découvert  une  fois  de  quel  côté  il  leur  pa- 
roît  que  fe  trouve  la  probabilité,  après  une-, 
recherche  aufli  parfaite  &  aufli  exacte  qu'ils, 
foient  capables  de  faire,  ils  impriment jdans* 
leur  mémoire  la  conclufion  de  cet  examen  , 
comme  une  vérité  qu'ils  ont  découverte  ;. 
&  pour  l'avenir  ils  font  convaincus    fur  le 
témoignage  de  leur  mémoire ,   que  c'eft-là. 
l'opinion  qui  mérite  tel  ou  tel  degré  de  leur, 
aflentiment.,  en  vertu  des  preuves  fur  lef- 
Tout  ne     îF^es  ils  l'ont  trouvée  établie, 
pouvant  être-    $.  3.  C'eft  tout  ce  que  la  plus  grande 
toujours   ac-  partj[e  deg  hommes  peuvent,  faire  pour  ré- 
préfental'ef-glcr  *eurs  opinions  .&  leurs   jugerrens  ,  à> 
prit,  nous      moins  qu'on  ne  veuille  exiger  d'eux  qu'ils 

devonsnous/  retjennent  dans,  ieur    mémoire  toutes   les 
iouvenir  que  ,,  ,  -    ,  ,    ,  ,        ,         , 

jipus  avons    preuves  a  une  vente  probable ,  dans  le  me- 

•vu-.une         me  ordre  &  dans  .cette  fuire  régulière  de*.- 

^"■""^'ï' conséquence  dans  laquelle  ils  les  ont  pjfrt- 

ùt&  peu*  .m  »&s  ou„.vues  auparavant  ,  ce  qui  peut  qgsfcl  - 


Dès  degrés  d'ajpntiment.  Liv.  IV.  2.03 

quefois  remplir  un  gros  Volume  fur  une  — 3" 

feule  queftion  ;  ou  qu'ils  examinent  chaque  Chap-  XVU- 
jour  les  preuves  de  chaque  opinion  qu'iis     .  , 
ont  embrafTée  :  deux  chofes  également  im-  d'affenti» 
poffibles.    On  ne  peut   éviter   dans  ce  cas  ment. 
de  fe  repofer  fur  fa  mémoire;  &  il  eft  d'une 
abfolue  néceflité  que  les  hommes  foientper- 
fuadés  de  plufieurs  opinions  dont  les  preu-- 
ves  ne  font  pas  actuellement  préfentes  à  leur 
efprit ,  .&  même  qu'ils  ne  font  peut-être  pas- 
capables  de   rappeller.  Sans  cela ,  il  faut  , , 
eu  que  la  plupart  des  hommes  foient  fort  : 
P.yrrhoniens ,  ou  que  changeant  d'opinion  : 
à.  tout  moment ,  ils  fe  rangent  du  parti  de. 
tout  homme  qui -ayant  examiné   la  ques- 
tion depuis  peu,  leur   propofe  des  argu-- 
naens  auxquels  ils  ne  font  pas  capables  de- 
répondre    fur    le   champ  ,    faute  de-  mé- 
moire. 

$.  3.  Je  ne  puis  m'empteher  d'avouer,,    mimi- 
que de  ce  que  les  hommes  adhèrent  .linfi  fécond-  - 
ai  leurs  Jugemens  précéderas .  ck.s'attachent  •q«l««»«4ée> 

&  1    r  '  »-i  cett5-ccir«<4uï"'- 

rtement   aux  concluiions  qu  ils  onr  une  îe ^Sfnottt  - 

fois  formées  ,   eft  fouvent  caufe  qu'ils  .fonrpr*,'D1er:'-A'-- 

fort  obftinés    dans    Terreur. .  La- .faute,  ne  g^nent,na! 

1  >••      r  /-         y%  "pas-eïèotett.1 

vient  pas  de  ce  qu  ils  fe  repofent  fur  :  leur-fondé,  • 
mémoire,  à  l'égard  des  chofes  dont  fis  ont: 
bien  jugé  auparavant";  mais  de.ee  qu'auoa- - 
ravant  ils  onr  jugé  qu'ils  avoient  bien.e;:^- 
rainé  avant  que  de  fe  déterminer*'.  Com-- 
bren  y.  a-t-il  de  gens  , .(  pour  ne:  pas  met- - 
rre.dans  ce rangja  plus,  grande  partieide;^ 
abinmej*) ,  oui  renient.: avoir  formé iës.ju»- 


a04  Des  degrés  cTaJfèntimenti  Liv.   IV. 

°~  m  gemens  droits  fur  différentes  matières ,  patt- 

Chap.  XVI.  cette  feuje  raifon  qu'ils  n'ont  jamais  penfê* 
autrement,  qui  s'imaginent  avoir  bien  juge, 
par    cela   feul  qu'ils  n'ont  jamais  mis   en. 
queftion    ou    examiné  leurs  propres  opi- 
nions ?  Ce  qui  dans  le  fond  lignifie  qu'ils 
croient    juger   droitement  ,     parce    qu'ils, 
n'-ont  jamais  fait   aucun  ufage  de  leur  ju- 
gement à  l'égard  de  ce  qu'ils  croient.   Ce- 
pendant ces  gens-là    font    ceux    qui  fou- 
tiennent  leurs  fentimens  avec  le  plus  d'opi- 
niâtreté ;  car  en  général  ceux  qui  ont  le- 
moins     examiné    leurs  propres    opinions, 
font  les  plus  emportés  &  les  plus  attachés, 
à  leurs  fens.  Ce  que  nous  connoiflons  une 
fois,  nous  fommes  certains  qu'il   efl    tel 
que  nous  le  connoiflons  ;  &  nous  pouvons 
être  aflurés  qu'il  n'y  a    point  de  preuves  - 
cachées  qui  puiflent  renverfer    notre  con-  - 
noifîance,  ou  la  rendre  douteufe.  Mais  en- 
fait  de  probabilité ,  nous  ne  faurions  être 
afïurés,  que  dans  chaque  cas   nous  ayons 
devant  les  yeux  tous  les  points  particuliers; 
qui  touchent  la  queftion  par  quelqu'endroit , 
&  que  nous  n'ayons  ni  laiffé  en  arrière  ,  ni. 
oublié  de  confidérer  quelque  preuve  donc 
la  folidité  pourroit  faire  paner  la  probabi- 
lité de  l'autre  côté,  &  contrebalancer  tout 
ce  qui  nous  a  paru  jufqu'alors  de  plus  grand 
poids.  A  peine  y  a-t-iî  dans   le  monde  un 
feul  homme  qui  ait  le  loifir ,  la  patience  & 
les.  moyens  d'aflembler  toutes  les  preuves 
^..peuventétablàr.  la  plupart  des  opinions. 


Tfes  degrés  dyajfentiment.  Liv.  IV.  aO  5 

qu'il  a,  enforte  qu'il  pui/Te  conclure  (Cire-  A 

ment  qu'il  en  a  une  idée  claire.  &  entière,  flutti  WMI 
&  qu'il  ne  lui  relie  plus  rien  à  f  avoir  pour 
une  plus  ample  inftru&ion.  Cependant  nous 
fommes  contraints  de  nous  déterminer  d'un 
côté  ou  d'autre.  Le  foin  de  no<re  vie  Se 
de  nos  plus  grands  intérêts  ne  fauroit  fouf- 
frir  du  délai  ;  car.ces  chofes  dépendent  pour 
la  plupart  de  la  détermination  de  notre  ju- 
gement fur  des  articles  où  nous  ne  fommes 
pas  capables  d'arriver  à  une  connoilfance 
certaine  &  démonltrative  ;  &  où  il  eft  ab- 
solument nécefiaire  que  nous  nous  ran- 
gions d'un  côté  ou  d'autre. 

$.  4.  Puis  donc  que  la  plus  grande  parr    1 Le  vérïtai- 
rie  des  hommes  ,   pour  ne  pas  dire  tous  ,      ,  llfa»e ,  . 

-         .  /  . r        ,,        .r     ..  r       .  '   qu  on  en  doit' 

ne     fauroient    evuer  d  avoir  divers  ienti-  fa;re  c-eft 
mens  fans  être  alfurés  de  leur  vérité  par  d'avoir  de  la^ 
des  preuves  certaines  &  indubitables,    &  i'^^J.^ 
que  d'ailleurs  on  regarde  comme  une  grande  les  uns  pouçi- 
marque  d'ignorance  ,.de  légèreté  &.de  folie  les  autres.. 
dans  un  homme  de  renoncer  aux  opinions 
qu'il  a  déjà  embralfées  ,  dès-qu'on  vient  à 
lui  oppofer  quelqu'argument  dont  il  ne  peut 
montrer  la  foiblelfe  fur  le  champ;  ce  ferpif, 
je  penfe ,  une  chofe  bien  féante  aux  hom- 
mes    de  vivre  en    p*ix  &    de   pratiquer- 
emr'eux  les  communs  devoirs  d'humanité 
&  d'amitié  parmi  cette  diverlïté  d'opinions 
qui  les  p.irtagent  :  puifque  nous  ne  pouvons 
pas  attendre  raifonnablement  que  perfonne. 
abandonne  promptemer.t  &  avec    fourmi- 
lion les  propres  feniimens ,  pour.  embriiTe^r 


ir>6  Des  degrés  d%ajfentiment.~lÀv.  TV.' 

!=■■  -  =  les   nôtres  avec  une  aveugle   déférence   a  . 

Chap.  XVI,  une  Autorité  que  l'entendement  de   i'horn^ 
me  ne  reconnoit  point.  Car  quoique  l'hom-  ■ 
me  puuTe  tomber  fouvent    dans  l'erreur  ,  ■ 
il  ne   peut  reconnoître  d'autre    guide  que: 
la  raifon ,  ni   fe   foumetrre  aveuglément  à.- 
la  volonté  &  aux  décidons  d 'autrui.  Si  ce- 
lai que  vous    voulez   attirer  dans  vos  fen- 
timens,  eft    accoutumé  à   examiner  avant: 
que  de   donner    fon  confenteraent ,    vous^ 
devez  lui  permettre  derepafferà  loifir  fur 
le  fujet   en   queftion,  de    rappeller  ce  qui-, 
lui   en-  eft  échappé  de  l'efprit ,  d'en  exa- 
miner toutes  les  parties,  &  de  voir  de  quel? 
côté  panche  la  balance  :  &  s'il  ne  croit  p.is 
que  vos  argumens  foient    aûez  importans; 
pour  devoir  l'engager  de  nouveau  dans  une; 
difcuffion  fi  pénible,  c'eft  ce  que  nous  fai-- 
fons  fouvent  nous-mêmes  en  pareil  cas  ;  &- 
nous  trouverions  fort  mauvais  que  d'autres» 
voulu/Tent  nous  prefcriue  quels  articles  nous: 
devrions   étudier.  Que  s'il  eft  de  ces.  gensj 
qui  fe  rangent  à  telle  ou  telle  opinion  au. 
hafard    &  fur  la    foi    d'aurrui ,    comment 
pouvons-nous  croire  qu'il  renoncera  à  des: 
opinions  ,    que  le   tems  &  la  coutume  ont 
fi  fort  enracinées  dans  fon  efprit  qu'il  les. 
croit  évidentes  par  elles-mêmes ,  &  d'una 
certitude  indubitable,  ou   qu'il  les  regarda 
comme  autant  d'impreffions  qu'il,  a.. reçusse 
de.  Dieu  même  ,  ou  dé   perfonnes  envoyées:  - 
de   là  pa:t  ce    Dieu  ?    Comment,   dis-ie., 
fp-a vons^nous  ■.  e foirer  .que  Jes  &ï.° um exiSJDUu 


Dès-  degrés  cPaJfentiment.  Liv.  IV.  2.07 " 

l'autorité  d'un  étranger  ou  d'un  adverfaire  — *- 

détruiront  des  opinions  ainfi  établies ,  fur-  Chap;  XYI,-. 
tout,  s'il  y  a  lieu  de   foupçonner  que  cet 
adverfaire  agit  par  intérêt  ou  dans  quelque, 
deffein  particulier ,  ce  que  les  hommes  ne  • 
maïiquent  jamais  de  fe  figurer  lorsqu'ils  fe  ■ 
voient    maltraités  ?  Le  parti  que  nous  de- 
vrions  prendre  dans  cette  occafion,  cefe-- 
roic  d'avoir  pitié  de  notre  mutuelle   igno- 
rance, &:  de  tâcher  de  la  difllper  par  tou- 
tes les  voies  douces  &    honnêtes-  dont  on 
peut  s'avifer  pour  éclairer  l'éfprit,  &  non 
pas  de  maltraiter  d'abord  les  autres  comme 
des  gens  obfHné*.  &  pervers  ,  parce  qu'ils  - 
ne  veulent  point  abandonner  leurs  opinions  ; 
<k  embrafler  les  nôtres,  ou  du  moins  celles 
que  nous  voudrions  les  forcer  de  recevoir,, 
tandis  qu'il  eft  plus  que  probable  que  nous 
ne  fommes  pas  moins  obitinés  qu'eux  en 
refufa-nt  d'embrafTer  quelques-uns  de  leurs, 
fentimens.  Car  où  eft  l'homme  qui  a  des- 
preuves  incontestables  de  la  vérité  de  tout 
ce  qu'il  foutient,  eu  delà  faufTeté  de  tout 
ce  qu'il  condamne,  ou  qui  peut  dire  qu'il  : 
a   examiné  à  fond  toutes  fes    opinions,  ou  : 
toutes  celles  des  autres  hommes  ?  La  nécef- 
fitéoù  nous  nous  trouvons  de  croire  fans  con*  - 
noilfance,  &  fouvent  même  fur  de  fort  lé- 
gers fondemens  ,  dans  cet  état  pafTager  d'ac- 
tion ,  &  d'aveuglement  où  nous  viyons  fur.- 
U  terre;   cette  néceilké,    dis- je  j    devroit 
nous  rendre  plus  foigneux  de  nous  inftruirs. 
nous-mêmes  que  de  contraindre. les  autres-  àk 


ao8  Des  degrés  d'ajfentiment.  Eiv.  IV. 

recevoir  nos  femimens.  Du  moins,   ceux 
Ghap.  XVI.  qui  n'ont  pas  examiné    parfaitement   &  à 
fond  toutes  leurs  opinions ,  doivent  avouer 
qu'ils  ne  font  point  en  état  de  les  prefcrire 
aux  autres  ,   8c  qu'ils  3giflent   viiiblement 
contre  la  raifon  en  impofantà  d'autres  nom- 
mes   la     néceiïité  de    croire     comme    une- 
vérité  ce   qu'ils    n'ont  pas   examiné    eux- 
mêmes  ,    n'ayant  pas    pefé  les    raifons    de 
probabilité    fur  lesquelles  ils  devroient    le 
recevoir  ou  le  rejetter.  Pour  ceux  qui  font 
entrés  fincérement  dans  cet  examen ,  &  qui. 
par-là  fe  font  mis   au-defïus  de  tout  dou- 
te à  l'égard  de  toutes   les  Doctrines  qu'ils, 
profelfent ,  &  fur  lefquelles  ils  règlent  leur 
conduite,  ils  pcurroient  avoir  un  plus  jufte. 
prétexte    d'exiger    que    les  autres  fe  fou- 
mifient   à  eux  :   mais  ceux-là  font  en  fi  pe- 
tit  nombre ,  &  ils  trouvent  fi  p3U  de  fu— 
jet  d'être  décififs  dans  leurs  opinions  ,  qu'on, 
ne  doit  s'attendre  à  rien  d'infolent  &  d'im- 
périeux de  leur  part  :   &   l'on  a  raifon  de 
croire ,  que ,  fi  les  hommes  étoient   mieux 
inftruits     eux-mêmes ,    ils  feroient   moins- 
fujets  à  impofer  aux  autres  leurs  propres, 
fentimens. 
bilit^  regarde       $•    5-  Mais  pour  revenir  aux  fondemens 
des  points  de  d'-aflentiment  &  à  fes    différens  degrés,   il 
fait,  ou  de      efl-   à    propos  dé  remarquer  que  les  propo- 
Ipéçulation.     r  .         rr  r      j  t    j 

linons  que  nous  recevons  lur  des  motus  dej 

probabilité  font  de  deux  Grtes.  Les  uns  re- 
gardent qûelqu'exiftence'partict.-Jiere  ,  ou  9- 
«cuxroe.  on  parle- oràinairi?ra?»i;  3  des.  cha— 


Des  degrés  d'ajfentiment.  Liv.  IV.  lof 

fes  de  fait  ,  qui  dépendant  de  l'cbfervation  ,  g  ■-* 

peuvent  être    fondées  fur  un    témoignage     H  * 

humain  ;  &  les  autres  concernant  des  cho- 
fes  qui  étant  au-delà  de  ce  que  nos  fens 
peuvent  nous  découvrir  ,  ne  fauroient  dé- 
pendre d'un  pareil  témoignage. 

$.   6.   A  l'égard  des  propofitions  qui  ap-  ,  J^^. 
partiennentà  la  première  de  ces  chofes  ,  je  ces  de  tous 
veux  dire,  à  des  faits  particuliers,  je  re-  les  autres 

•  •  .".         tri  hommes  s'ac- 

marque  en   premier  lieu  ,    Que  lorfqu  une  cordent  avec 

chofe  particulière  ,  conforme  aux  obferva-  les  nôtres , 

tions  confiantes  faites  par  nous-mêmes  &z  i' en  naît  un* 

„  i  /-  aflurance  cm» 

par  d  autres  en   pareil  cas ,     le  trouve   at-  approche  de- 

teftée  par  le  rapport  uniforme  de  tous  ceux  la  connoif» 
qui  la  racontent  ;  nous  la  recevons,  a uffi  si-  'ance* 
fément  &  nous  nous  y  appuyons  aufli  fer- 
mement que  fi  c'étoit  une  connoiflance  cer- 
taiae  ;  &  nous  raifonnons  &  agi/Tons  en 
conféquence ,  avec  auffi  peu  de  doute  que 
fi  c'était  une  parfaite  démonftration.  Par 
exemple,,  fi  tous  les  Anjois  qui  ont  oc- 
cafion  de  parler  de  l'hiver  pafië  affirment 
qu'il  gela  alors  en  Angleterre ,  ou  qu'on  y 
vit  des  hirondelles  en  été  ,  je  crois  qu'un 
homme  pourroit  prefqu'aulli  peu  douter  de 
ces  deux  faits  ,  que  de  cette  propofition  , 
fept  &  quatre  font  once.  Par  conféquent ,  le 
premier  &  le  plus  haut  degré  de  probabi- 
lité, c'efr  lorfque  le  confentement  général 
de  tous  les  hommes  dans  tous  les  fiécîes, 
autant  qu'il  peut  être  connu  ,  concourt  avec- 
"l'expérience  confiante  Se  continuelle  qu'un 
homme  fait  en  pareil  cas ,  à  confirmer  1& 


110  Des  degrés  (Taffentiment.  Liv.  IV. 

■*  ■  a  vérité  d'un  fait  particulier  attefté   par   des 

Chap.  XVI.  témoins  finceres  :  telles  font  toutes  les  conf— 
titutions  &  toutes  les  propriétés  commu- 
nes des  corps  ,  &:  la    liaifon  régulière  des 
caufes  &  des  effets  qui  paroîr  dans  ie  cour» 
ordinaire  de  la  nature.   Ceft  ce  que  nous 
appelions  un    argument  pris   de  la  nature 
des  chofes  même.    Car  ce  qui  par  nos  cons- 
tantes obfervation9&  celles  des  autres  hom- 
mes s'ell  toujours  trouvé  de  la  même  ma- 
nière ,   nous  avons   rai  Ton  de  le    regarder 
comme  un  effet    des  caufes    confiantes  &. 
régulières  ,  quoiqite  ces  caufes  ne  viennent 
pas  immédiatement  à    notre    connoiffance. 
Ainfi,  que  le  feu  ait  échauffé  un  homme , 
qu'il  ait  rendu  du    plomb  fluide ,  &   chan- 
gé la  couleur  ou  la  confiftance  du  bois  ou' 
du  charbon  ,  que  le  fer  ait  coulé  au    fond' 
de  l'eau  &  nagé  fur  le  vif  argent;  ces  pro*- 
pofitions  &  autres  femblables  fur  des  faits 
particuliers,  étant  conformes  à  l'expérience' 
que  nous  faifons  nous-mêmes  auffi  fouveno 
que  l'occafion    s'en  préfente,   &  étant  gé- 
néralement regardées  par  ceux  qui  ont  oc- 
caiion  de   parler  de  ces  matières,  comme 
de   chofes  qui  fe  trouvent   toujours  ainfi  , 
fans  que  perfonne  s'avife  jamais  de  les  met- 
tre en  queftion  ,  nous  n'avons  aucun  droit 
de  douter  qu'une   relation  qui  affure   que 
telle  chofe  a  été,  ou  que  toute  affirmation' 
qui  pofe  qu'elle  arrivera  encore  de  la  me- 
nte  manière,  ne  foit  véritable.  Ces   fortes* 
da  probabilités  approchent  fi  fort  de  la  cer- 


Des  drgrés  d'aflentiment.   Liv.   IV.  ail 

îàtude  ,  qu'elles  règlent  ncs  penfées  auiTi  ab-  -a- 

fohiment  ,  <k  ont  une  influence  auffi  en-  Chap.  XVI» 
tiere  fut  n  s  c\i.  ns,  que  la  démonfîration 
la  plus  évidcwe;  &  dans  ce  qui  nous  con- 
cerne ,  n  us  ne  mettons  que  peu  ou  point 
de  diffère  ne  entre  Je  telles  probabilités  & 
une  connnifance  certaine.  Notre  croyance 
fe  change  en  arTur^nce  ,  lorfqu  eHe  elt  ap- 
puyée rur  de  tels  fondemens. 

6.  7-   Le  degré   fuivant   de  probabilité  ,      Un  témoî- 

»   h  i      r  g"age  &  une 

ceit  lorfque  je  trouve  par  ma  propre  ex-  expérience 
périence  &  par  le  rapport  unanime  de  tous  qu'on  ne  peut 

les    autres    hommes    qu'une  chofe  eiï ,     la  r,evocluer  en 

i  j  u  i.  i  soute, pro- 

pupart   du    tems  ,   telle  que  1  exemple  par- duit,  pour 
ticulier  qu'en    donnent    plufieurs  témoins  l'ordinaire , 
dignes    de    foi  ;     par     exemple ,       l'Hif-  la  confiance* 
toire  nous  apprenant  dans  tous  les  âges  , 
&  ma  propre  expérience  me  confirmant  ,. 
autant  que  j'ai  occafion  de  l'obferver ,  que 
la    plupart  des  hommes  préfèrent  leur    in- 
térêt  particulier  à  celui  du  public  ,  fi  tous 
les  Hiftoriens  qui  ont  écrit  de  libère  ,  di- 
fent  qne  Tibère  en  a  ufé  ainfi  ,  cela  efl  pro- 
bable. Et   en  ce  cas,   notre  affentiment  eft 
afFez  bien  fondé  pour   s'élever  jufqu'à  un 
degré  qu'on    peut  appeîler  confiance. 

§.   8.  En  troifieme  lieu  :  Dans  des  cho-      Un  temoâ» 
fes   qui     arrivent  indifféremment,   comme  £Vf , 
qu'un  oifeau  vole  de  ce  côte-ci  ou  de  celui-  nature  de  la 
là»    qu'il    tonne  à  la  main   droite  ou  a  la  ?kofe  qui  eft 

i        ji  i  c        \      r     ■>        indifférente  , 

main  gauche  dun    homme,  &c.  lorlqu  un  produit  aufli 
fait  particulier   de  cette  nature   efl   atteité  une  ferme 
par  le  témoignage. uniforme  de  témoins  non-  c*°yaQCe» 


511  Des  degrés  '  cT ajjentiment.  Liv.  IV» 
aa  fufpe&s ,  nous  ne  pouvons  pis  éviter  non" 


Cmaf.  XVI.  plus  d'y  donner  notre  confenrement.  Ainii, 
qu'il    y    ait    en    Italie   une  Ville  appellée 
Rome;  que  dans  cette  Ville  il  ait  vécu   il 
y  a  environ  1700   ans  un   homme  nommé 
Jules   Céfar  \  que  cet  homme  fut   C7énéral 
d'Armée,  &  qu'iT  gagna  une  bataille  con- 
tre   un    autre  Général   nommé    Pompée  : 
quoiqu'il  n'y  ait    rien  dans  la  nature  des 
chofes  pour  ou  contre  ces  faits  ;  cependant 
comme  ils    font    rapportés  par  des  Hifto- 
riens  dignes   de  foi  ,  &  qui  n'ont  été  con- 
tredits p.:r  aucun  Ecrivain  ,  un  homme  ne 
fmroit      éditer    de   les  croire,   &  il  n'en 
peut  non  plus  douter  ,  qu'il   doute  de  l'exif- 
tence   &;  des  actions   des  perfonnes  de  fa 
connoifiance     dont     il     eft     témoin    lui- 
même.. 
Desexpé„       £.  o.  Jufques-là,  la  chofe  eft  aflez  ai- 
SrnoP?  !"  fée  à  comprendre.  La  probabilité  établie  fur 
qui  fe  contre-  de  te's  fondemens  emporte   avec    elle  un 
difent ,  di-      fi  grand  degré  d'évidence  qu'elle  détermine 
rfnfinnes3      naturellement  le  jugement ,   &  nous  laifle- 
degré*  de        aufïi  peu  en  liberté  de  croire  ou  de  ne  pas 
probabilité,     croire  ,.  qu'une  démonfrration  laiffe  en   li- 
berté de  connoître  ou  de  ne  pas  connoître. 
Mais  où  il  y  a  de  la  difficulté ,  c'eft  lorfque 
les  témoignages   contredifent  la  commune 
expérience,  &  que  les  relations  hi doriques 
&  les    témoins  fe   trouvent   contraires  au 
cours  ordinaire   de  la  nature    ou   entr'eux.. 
C'eft-là  qu'il    faut  de  l'application    &  de 
l'exactitude  pour  former  un  jugement  droit  r. 


Des  degrés   d'ajjentiment.  Liv.  IV.  £.13 
&  pour  proportionner  notre  affentiment  à  ■■ 


la  différente  probabilité  de  la  chofe  :  arien-  Chap.  XVI. 
timent  qui  hauflfe  eu  qui  bailfe  félon 
qu'il  ed  fevocifé  ou  contredit  par  ces  deux 
fonderons  de  crédibilité,  je  veux  dire, 
l'obfervation  ordinaire  en  pareil  cas  ,  &  les 
témoignages  particuliers  dans  tel  ou  tel 
exemple.  Ces  deux  fondemens  de  crédibi- 
lité lont  fujets  à  une  û  grande  variété  d'ob- 
fervatbns,  de  circonfrances  &  de  rapports 
contrjires,  à  tant  de  différentes  qualifica- 
tions, tempéramens,  deiîeins ,  négligences, 
&c.  de  la  part  des  auteurs  de  la  rela- 
tion ,  qu'il  eu  impofTible  de  réduire  à  des 
règles  précifes  les  différens  degrés  feion 
lefquels  les  hommes  donnent  leur  aifenti- 
ment.  Tout  ce  qu'on  peut  dire  en  général  ; 
ceft  que  les  raifons  &  les  preuves  qu'on 
peut  apporter  pour  Se  contre,  étant  une 
fois  fournîtes  à  un  examen  légitime  où  l'on 
pefe  exactement  chaque  circonfrance  par- 
ticulière, doivent  parokre  fur  le  tout  l'em- 
porter ,  plus  ou  moins  d'un  côté  que  de 
l'autre;  ce  qui  les  rend  propres  à  pro- 
duire dans  l'efprit  ces  différens  degrés  d'af- 
fenciment,  que  nous  appelions  croyance, 
conjecture ,  doute ,  incertitude  ,  défiance , 
&c. 

$.    10.  Voilà  ce    qui    regarde  l'affentir      Les  témoî. 
ment  dans  des  matières  qui  dépendent  du  \ " ' &"  """ 
témoignage  d'autrui  :    fur    quoi   je    penfe  dition ,  plus 
qu'il  ne  fera  pas  hors  de  propos  de  pren-  ils  forit  éloi- 
<lre  connoiifance  d'une  règle  obfervée  dans  Sne$  '  p  us 


114  D£S  degrés  d'ajfentifricnt.  Liv.  IV. 
-'i la  loi  d' Angleterre ,  qui  eft  que ,   quoique 


Chap.  X*VI.  la  copie    d'un   acte ,   reconnue  authentique 
p  :r  des  témoins  ,  foit  une  bonne  preuve  ; 

foible  eftla      r  ,  ,  •        .>  i 

preuve  qu'on  cependant  la  copie  dune  copie  ,  quelque 
«n  peut  tirer,  bien  atteftée  qu'elle  foit  Se  par  les  témoins 
les  plus  accrédités,  n'eft  jamais  admife 
pour  preuve  en  jugement.  Cela  patte  fi 
généralement  pour  une  pratique  raifonna- 
b!e  &:  conforme  à  la  prudence  Oc  aux  fa- 
ges  précautions  que  nous  devons  employer 
ÛJtns  nos  recherches  fur  des  matières  im- 
portantes ,  que  je  ne  l'ai  pas  encore  ouï 
blâmer  de  perfonne.  Or  û  cette  pratique 
doit  être  reçue  dans  les  décidons  qui  re- 
gardent  le  jufte  &  l'injufte  ,  on  en  peut 
tirer  cette  obfervation  ,  qu'un  témoignage 
a  moins  de  force  &  d'autoriré  ,  à  mefure 
qu'il  eft  plus  éloigné  de  la  vérité  origi- 
nale. J'appelle  vérité  originale  ,  l'être  & 
l'exiftence  de  la  chofe  même.  Un  homme 
■digne  de  foi  venant  à  témoigner  qu'une 
chofe  lui  eft  connue  ,  eft  une  bonne  preuve  ; 
mais  fi  up.e  autre  perfonne  également 
croyable ,  la  témoigne  fur  le  rapport  de 
cet  homme ,  le  témoignage  eft  plus  foi- 
ble  ;  &  celui  d'un  troilïeme  qui  certifie  un 
•ouï  dire  d'un  ouï  dire,  eft  encore  moins 
confidérable  ;  de  forte  que  dans  des  vérités 
qui  viennent  par  tradition  ,  chaque  degré 
•d'éloignement  de  la  fource  afFoiblit  la  force 
<le  la  preuve  ;  &  à  mefure  qu'une  tradi- 
tion patte  fuccettivement  par  plus  de  mains-, 
elle  a  toujours  moins  de  force  &  d'évidence» 


Des  degrés  d'ajft ntiment.   Liv.  IV.  ai  5 

J'ai  cru  qu'il  étoit  néceffaire  de  faire  cette  >  =a 

remarque ,  parce  que  je  trouve  qu'on  en  ufe  Chat.  XVI. 
ordinairement  d'une  manière  directement 
contraire  parmi  certaines  gens  chez  qui  les 
opinions  acquièrent  de  nouvelles  fjrces  en 
vieillirait  ,  de  rorte  qu'une  chofe  qui  n'au- 
roit  point  du  tout  paru  probable  il  y  a 
mille  ans  à  un  homme  raifonnable,  con- 
temporain de  celui  qui  la  certifia  le  pre- 
mier ,  p  .lîe  préfentement  dans  leur  efprit 
pour  certaine  &  tout  à-fait  indubitable  ,  par- 
ce que  depuis  ce  tems  là  plufieurs  perfonnes 
l'ont  rapportée  fur  fon  tém  ignage  les  unes 
après  les  autres.  G'eft  fur  ce  fondement  que 
des  proposions  évidemment  fiuffes  ,  ou 
affez  incertaines  dans  leur  commencement, 
viennent  à  être  regardées  comme  autant 
de  vérités  authentiques ,  par  une  règle  de 
probabilité  prife  à  rebours  ,  de  forte  qu'on 
fe  figure  que  celles  qui  ont  trouvé  ou  mé- 
rité peu  de  créance  dans  la  bouche  de  leurs 
premiers  Auteurs  ,  deviennent  vénérables 
par  l'âge ,  &  l'on  y  infiile  comme  fur  des 
chofes  inconteftables 

6.  1 1 .  Je  ne  voudrois  pas  qu'on  s'allât  L1"ftoire 
imiginer  que  je  prétends  ici  diminuer  1  au-  ufa„e> 
torité  &  l'ufage  de  l'hiftoire.  C'efr  elle  qui 
nous  fournit  toute  la  lumière  que  nous  avons 
en  plufieurs  cas  ;  &  c'eft  de  cette  fource  que 
nous  recevons  avec  une  évidence  convain- 
cante une  grande  partie  des  vérités  uti- 
les qui  viennent  à  notre  connoiflànce.  Je 
ne  vois  rien  de  plus  eflimable  que  les  mé- 


2.1 6  Des  degrés  d'ajjèntiment.  Liv.  IV. 

»  =  moires   qui  nous  reftent  de  l'antiquité  ,   & 

Chap.  XVI.  je  voudrois  bien  que  nous  en  euÏHons  un 
plus  grand  nombre  ,  &  qui  fuffcnt  moins 
corrompus.  Mais  c'eft  la  vérité  qui  me 
force  à  dire  que  notre  probabilité  ne  peut 
s'élever  2u  de/Tus  de  fan  premier  original. 
Ce  qui  n'eft  appuyé  que  fur  le  témoignage 
d'un  feul  témoin  ,  doit  uniquement  fe  fou- 
tenir  ou  être  détruit  par  fon  témoignage  , 
qu'il  foit  bon  ,  mauvais  ou  indifférent  ;  & 
quoique  cent  autres  perfonnes  le  citent 
enfuite  les  unes  après  les  autres ,  tant  s'en 
faut  qu'il  reçoive  par-là  quelque  nouvelle 
force ,  qu'il  n'en  efr  que  plus  foible.  La 
paffion  ,  l'intérêt ,  l'inadvertance  ,  une  fauffe 
interprétation  du  fens  de  l'Auteur ,  &  mille 
raifons  bifarres  par  où  l'efprit  des  hommes 
eft  déterminé  ,  &  qu'il  efr  impofïïble  de 
découvrir  ,  peuvent  faire  qu'un  homme  cite 
à  faux  les  paroles  ou  le  fens  d'un  autre 
homme.  Quiconque  s'efr  un  peu  appliqué 
à  examiner  les  citations  des  écrivains ,  ne 
peut  pas  douter  que  les  citations  ne  méri- 
tent peu  de  créance  lorfque  les  originaux 
viennent  à  manquer  ,  &  par  conféquènt 
qu'on  ne  doive  fe  fier  encore  moins  à  des 
citations  de  citations.  Ce  qu'il  y  a  de  cer- 
tain ,  c'eft  que  ce  qui  a  été  avancé  dans 
un  fiecle  fur  de  légers  fondemens,  ne  peut 
jamais  acquérir  plus  de  validité  dans  les  fie- 
clés  fuivans  ,  pour  être  répété  plufieurs 
fois.  Mais  au  contraire ,  plus  il  eft  éloigné 
de  l'original,  moins  il  a  .de  force  ,  car  il 

<teyient 


Des  degrés  d'ajfentiment.  ï.iv.  IV.  a  17 

devient  toujours  moins  considérable  dans  la  1     ■  "    '  "i 
bouche  ou  dans  les  écries  de  celui  qui  s'en  Chap.  XVI» 
eft  fervi  le   dernier  ,  que  dans  la  bouche 
ou  dans  les  fécrits  de  celui  de  qui  ce  der- 
nier l'a  appris. 

v.  12.  Les  probabilités  dont  nous  avons     Dans  les 

"1  /   •    r     >•    •  j  j  chofes  qu'on 

parle  jufqu  ici  ,  ne  regardent  que  des  ma-  ne  peiltH dé_ 
tieres  de  fait  &  des  chofes  capables  d'être  couvrir  par 
prouvées    par    obfervation    &   par    témoi-  !?s/e"s  » 

ti  n  r  j  1  Analogie 

gnage.   Il  refte  une  autre  efpece  de  pro-  eft  Ia  gran(Je 
habilité  qui  appartient  à  des  chofes  fur  lef- règle  de  la 
quelles  les  hommes  ont   des  opinions ,  ac-  Pr<)babiIlt€'» 
compagnées  de  différens  degrés  dafîèntimenr, 
quoique    ces  chofes  foient   de   telle   nature 
que  ne  tombant  pas  fous  nos  fens  ,  elles  ne 
faurcient  dépendre  d'aucun  témoignage.  Tel- 
les font,    1.  l'exiften:e,  la  nature  &  les 
opérations  des  êtres  finis  «Se  immatériels  qui 
font  hors  de  nous  ,  comme  les  efprits ,  les 
anges,  les  démons,   «Se  ou  l'exiftence  des 
êtres   matériels   que  nos  fens   ne   peuvent 
appercevoir  à  caufe  de  leur  petitefîë  ou  de 
leur  éloignement ,  comme  de  favoir  s'il  y 
a  des  plantes ,  des  animaux  &  des  êtres  in- 
telligens    dans  les  planettes  &z  dans   d'au- 
tres demeures  de  ce  vafîe  univers.  1.  Tel 
eft  encore  ce  qui  regarde  la  manière  d'o- 
pérer dans   la  plupart  des  parties  des  ou- 
vrages de  la  nature,  où  quoique  nous  voyons 
des  effets  fenfibles  ,  leurs  caufes  nous  font 
abfolument  inconnues  ,   de  forte  que  nous 
ne  faurions  appercevoir  les  moyens  ck  la 
manière  dont  ils  font  produits.  Nous  voyoos 
Tome  IV.  K 


ïi$  Des  àègrâiïcffaiâmwt.  Liv.  IV 

e— =====  que  les  animaux  font  engendrés ,  nourris , 
Chap.  XVI.  &  qu'iis  fia  meuvent  ;  que  l'aimant  attire 
le  fer,  &  que  les  parties  d'une  chandelle 
venant  à  fe  fondre  fucccfîivement ,  fe  chan- 
gent en  flamme  ,  Se  nous  donnent  de  la, 
lumière  &  de  la  chaleur.  Nous  voyons  & 
connuiif<>n~  ces  effets  &  autres  fcmblabies; 
nuis  n  ur  ce  qui  eft  des  caufes  qui  opè- 
rent ,  Se  de  la  manière  dont  ils  font  pro- 
duits ,  nous  ne  pouvons  faire  autre  choie 
que  les  conjecturer  probablement.  Car  ces 
enofes  &  autres  fembL.bles  ne  tombant  pas 
jbus  nos  fens  ,  ne  peuvent  être  foumifes  à 
leur  examen ,  ou  atteflées  par  aucun  homme; 
p:r  conféquent  elles  ne  peuvent  paraître 
plus  ou  moins  probables  ,  qu'en  tant  qu'el- 
les conviennent  plus  ou  moins  avec  les  vé- 
rités qui  font  établies  dans  notre  efprit , 
&  qu'elles  ont  du  rapport  avec  les  autres 
parties  de  notre  connoiifance  &  de  nos  ob- 
servations. V analogie  eit  le  feul  fecours  que 
nous  avions  dans  ces  matières  ;  &  c'eft  de 
ià  feulement  que  nous  tirons  tcus  nos  fon- 
demens  de  probabilité.  Ainfi,  ayant  obfervé 
qu'un  frottement  violent  de  deux  corps  pro- 
duit de  la  chaleur ,  &  fouvent  même  du  feu, 
nous  avons  fujet  de  croire  que  ce  que 
nous  appelions  chaleur  &  feu  confifle  dans 
une  certaine  agitation  violente  des  parti- 
cules imperceptibles  de  la  matière  brûlan- 
te, obfervant  de  même  que  les  différen- 
tes réfractions  des  corps  pellucides  excitent 
dans  nos  yeux  différentes  apparences  de  plu- 


Des  degrés  d'ajjentimcnt.  Liv.  IV.  2.19 
fieurs  couleurs;  comme  aufli  que  la  diverfe  K 


pofition  &  ie  différent  arrangement  des  Chap.  XVI. 
parties  qui  compofent  la  furrace  des  diffé- 
rens  corps  comme  du  velours ,  de  la  foie 
façonnée  en  ondes ,  &c.  produit  le  même 
effet ,  nous  croyons  qu'il  efl  probable  que  la 
couleur  &  l'éclat  des  corps  n'efl  autre  cho- 
fe  de  la  part  des  corps,  que  le  différent 
arrangement  &  la  réfraction  de  leurs  par- 
ticules infenfibles.  Ainfi,  trouvant  que  dans 
toutes  les  parties  de  la  création  qui  peuvent 
être  le  fujet  des  obfervations  humaines,  il 
y  a  une  connexion  graduelle  de  l'une  a 
l'autre,  fans  aucun  vuide  confidérable  eu 
vifible ,  entre  deux  ,  parmi  toute  cette  gran- 
de diverfité  de  chofes  que  nous  voyons  dans 
le  Monde,  qui  font  fi  étroitement  iiéesen- 
femble ,  qu'en  divers  rangs  d'êtres  il  n'efl 
pas  facile  de  découvrir  les  bornes  qui  fe- 
parent  les  uns  des  autres  ,  nous  avons  tout 
fujet  de  penfer  que  les  chofes  s'élèvent  aufli 
vers  h  perfection  peu-à-peu  &  par  des  de- 
grés infenfibles.  Il  cft  m al-aifé  de  dire  où 
le  fenfible  &  le  raifonnable  commence,  & 
où  l'infenfible  &  le  déraifonnable  finir.  Et 
qui  efl- ce  ,  je  vous  prie,  qui  a  fefpnt 
allez  pénétrant  pour  .  déterminer  précifé  - 
ment  quel  efl  le  plus  bas  degré  des  chofes 
vivantes,  &  quel  efl  !e  premier  de  celles 
qui  font  deftituéesde  vie  ?  Les  chofes  dimi- 
nuent &  augmentent ,  autant  que  nous  fem- 
mes capables  de  le  diflinguer,  tout  ainfi 
que  la  quantité  augmente  eu  diminue  dans 

Ki 


iio    Des  degrés  d'ajjenthncnt.  Liv.  IV. 

*■  ' =  un  cône  régulier  ,  où,   quoiqu'il  y  air  une 

Ciiap.  XVI.  différence  viïibîc  entre  la  grandeur  du  dia- 
mètre à  des  djfhnces  éloignées,  cependant 
la  différence  qui  eft   entre  le  deffus  &   le 
cleffous  lorfqu'ils  fe  touchent  l'un    l'autre , 
peut  à  peine  être  difeernée.  Il  y  a  une  dif- 
férence  excefïive  entre  certains  hommes  & 
certains  animaux  brutes  ;  mais  fi  nous  vou- 
lons comparer  l'entendement  &  h  capacité 
de   certains  hommes  &  de  certaines  bêtes, 
nous  y  trouverons  fi  peu  de  différence  qu'il 
fera  bien  mal-aifé   d'affurer  que  l'entende- 
ment   de    l'homme  foit  plus  net  ou   plus 
étendu.  Lors  donc  que  nous  obfervons  une 
telle  gradation  infenfible  entre  les  parties 
de  la    création  depuis  l'homme    jusqu'aux 
parties   les  plus  baffes  qui  font  au-deffous 
de  lui ,  la  règle  de    l'analogie  peut  nous 
conduire  à  regarder  comme  probable,  qu'il 
y  a  une  pareille  gradation  dans   les  cho- 
Jes  qui  font  au-dejjus  de  nous  &  hors  de 
lafphere  de  nos  obfervations  ;   &  qu'il  y  a 
par  conféquent  différens  ordres  d'êtres  in- 
teîligens ,   qui  font  plus  excelîens  que  nous 
par  différens  degrés  de  perfection  en  s'éle- 
vant  verslaperfeétion  inrînie  du  Créateur  , 
à  petit  pas  &  par  des  différences,  dont  cha- 
cune eft  à  une  très-petite  diftance  de  celle 
qui  vient  immédiatement  après.  Cette  efpece 
de  probabilité  qui  eft  le  meilleur  guide  qu'on 
ait  pour  les  expériences  dirigées  par  la  rai- 
fon ,  &  le  grand  fondement  des  hypothefes 
raifonnables,  a  suffi  fes  ufages  &  fon  in- 


Des  degrés  cTaflentiment.  Liv.  IV.     111 

fluence:  car  un  raifonnement  circonfpect,  fon- — '•--"r 

de  fur  l'analogie  ,    nous  mené  fcuvent  à  la  Cha?-  x%  ** 
découverte  de  ve'rités  &de  productions  utiles 
qui    fans    cela    demeureroienc     enfevelies 
dans  les  ténèbres. 

§.   13.  Quoique  la  commune   expérience     "3T*uri 
&  le   cours  ordinaire  des  chofes  aient  avec  périence' 
raifon  une  grande  influence  fur   l'efprit  des  contraire  r.e 
hommes,  pour    les  porter  à  donner  ou  à  iaTo^cki* 
refufer  leur  confentement  à   une  chofe  qui  témoignage, 
leur  efl:  propofée  à  croire  :  il  y  a  poutant 
un  cas  où  ce  qu'il  y   a  d'étrange  dans  un 
fait ,  n'affaiblit  poinc  l'alFentiment  que  n  ïus 
devons  donner  au    témoignage  fincere    fur 
lequel  il   eft  fondé.  Car  lorfque  de  tels  évé- 
nemcns  fur  naturel  s  fon:  conformes  aux  fins 
que  fe  propofe   celui  qui  a  le   pouvoir    de 
eiiinger  lecoura  de  ia   nature,,  dans  un  tel 
tems  Se    dans  de  telles  circonfhnces,  ils 
peuvent  être  d'autant  plus  propres  à  trou- 
ver créance  dans  nos  efprits  qu'ils  font  plus- 
au-deflus   des  obfervations  ordinaires,    ou 
même  qu'ils  y  font    plus  oppofés.    Tel   eïï 
justement  le  cas  des  jfrfiracles  qui  étant  une 
f jis  bien  attelles ,  trouvent  non-feulement 
créance  poor  eux-mêmes  ,  mais  la  commu- 
niquent aufli  à  d'autres  vérités  qui  ont  be- 
foin  d'une  telle  conhrm  .tion. 

6.    14.  Outre  les  oropofitions  dont  nous     "."""P* 
avons   p:.rle  julquici  ,  il  y  en  a  une  autre  <$e  la  révéla-- 
eQjeoe  qui  fondée  far  un  fmole  témoignage  don  exclut 
l'emporte    fur  le  degré  le  plus   parfait  de *°g  è°T ' 

o  1  r  aiuu  parraict- 

notre     «ITentiment  ,  foit  que  la  chofe  é:a-  ment  pe  ia 

'    *3 


111  Des  degrés  d'ajfentiment.  Liv.  IV. 
j !.  blie  fur    ce  témoignage  convienne    ou  ne 


diKv.  XVI.  conviennepoint  avec  la  commune  expérience, 
&  avec  le  cours  ordinaire  des  chofes.  La 

h  placer-*  raifon    de  cela    eft  >   <lue     ,e   témoignage 
taine.  vient  de  la  part  d'un  Etre  qui  ne  peut  ni 

tromper ,  ni  être  trompé ,  c'efl -à-dire  de 
Dieu  lui-même;  ce  qui  emporte  avec  foi 
une  afïurance  au- défais  de  tout  doute,  & 
une  évidence  qui  n'eft  fujette  à  aucune  ex- 
ception. C'eft-là  ce  qu'on  défigne  par  le 
njm  particulier  de  Révélation;  &  l'aflen- 
timent  que  nous  lui  donnons  s'appelle  Foi, 
qui  détermine  auffi  abfolument  notre  ef- 
prir ,  &  exclut  aufli  parfaitement  tout  dou- 
te que  njrre  connoiffance  peut  le  faire; 
car  nous  pouvons  tout  auffi-bien  douter  de 
notre  propre  èxiftence,  que  nous  pouvons 
d^urer,  ii  une  révélation  qui  vient  de  la 
part  de  Dieu,  eft  Véritable.  Ainfi  la  Foi 
eft  un  principe  d'alfentiment  &  de  certi- 
tude ,  fur  &  établi  fur  des  fondemens 
inébranlables  ,  &  qui  ne  laiffe  aucun  lieu 
au  doute  ou  à  l'héiitation.  La  feule  chofe 
dont  nous  devons  nous  bien  afiurer,  c'efl 
que  telle  &  telle  chofe  efl  une  révélation 
divine  ,  &  que  nous  en  comprenons  le  vé- 
ritable fens  ;  autrement  nous  nous  expo- 
ferons  à  toutes  les  extravagances  du  fana- 
tifme  ,  &  à  toutes  les  erreurs  que  peuvent 
produire  de  faux  principes,  lorsqu'on  .ijoute 
foi  à  ce  qui  n'eft  pas  une  révélation  divine. 
C'efl  pourquoi  dans  ces  cas-là ,  fi  nous  vou- 
lons ^agir  raifonnablement ,    il  ne  faut   pas 


Des  degrés  d'affentiment.  Liv.  IV.  11"$ 

que  notre  afTentiment  furpafTe  le  degré  d'é-  .  ■■  — « 
vidence  que  nous  avons  que  ce  qui  en  efï  Chat.  XVI. 
l'objet  eft  une  révélation  divine ,  &  que 
c'eft-Ià  le  fens  des  termes  par  lefquels  cette 
révélation  eft  exprimée.  Si  l'évidence  que 
nous  avons  que  c'eft  une  révélation  ,  ou  que 
c'en  eft-là  le  vrai  fens  ,  n'eït  que  proba- 
ble, notre  afTentiment  ne  peut  aller  au-delà 
de  l'afTurance  ou  de  la  défiance  que  pro- 
duit le  plus  ou  le  moins  de  probabilité  qui 
fe  trouve  dans  les  preuves.  Mais  je  traite- 
rai plus  ?u  long  clins  la  fuite,  de  la  Foi  & 
de  la  préléance  quelle  doit  avoir  fur  les 
autres  argumens  propres  à  perfuader  ,  lorf- 
que  je  la  confidérerai  telle  qu'on  la  regar- 
de ordinairement  comme  distinguée  d'avec 
la  raifon  &  mife  en  oppofition  avec  elle , 
quoique  dans  le  fond  la  Foi  ne  foit  au- 
tre chofe  qu'un  afTentiment  fur  la  raifon  la 
P^us  parfaite. 


i  #■  ï 


A4 


Ch.  XVII. 


114         De  la  Raifon.  Liv.  IV. 


CHAPITRE     XVII. 
De  la  Raifon. 


$..   I.    Il  i  "F.  mot  de  Raifon  fe  prend  en 
Différentes  divers  ^ens-  Quelquefois  il  fignifie  des  prin- 
fignifications  cipes  clairs  &  véritables ,  quelquefois  des 
du  mot  Rai-  concmfïons  évidentes  &  nettement  dédui- 
tes  de  ces  principes,  &  quelquefois  la  caufe, 
&  particulièrement  la  caufe  finale.  Mais  par 
Raifon  j'entends  ici  une  faculté  par  où  l'on 
fuppofe  que  l'homme  eft  distingué  des  bê- 
tes ,  Se  en  quci  il  eit  évident  qu'il  les  fur- 
paffe  de  beaucoup  ;  &:  c'eft  dans  ce  fens-là 
que  je  vais  la  conftdérer  dans  tout  ce  Cha- 
pitre. 
En  quoi  $•  a*  Si  ^a  connoifTance  générale  con- 

«oniifte  le      fifre  ,    comme  on  l'a  déjà  montré  dans  une 
raifonne-        perception  de  la  convenance  ou  de  la  dif- 
convenance  de  nos  propres  idées  ,  &   que 
nous  nepuifïions  connoitre  l'exiflence  d'au- 
cune chofe  qui  foit  hors  de  nous  que  par 
Je  feccurs  de  nos  fens ,  excepté  feulement 
i'exiftence  de  Dieu,    de  laquelle   chaque 
homme  peut  s'inftruire  lui-même  certaine- 
ment &  d'une  manière  démonstrative  par 
la  coniidération  de  fa  propre  exiftence;  quel 
lieu  refïe-t-il  donc  à  l'exercice  d'aucune  au- 
tre faculté  quede  la  perception  extérieure  des 
fens.  &  de  la  perception  intéiieure  de  l'ef- 


HAT. 


De  la    Raifon.  Liv.I'V.  ai 5 

prit?  Qu:-1  befoin  avons-nous  de  la  raifon?  e=m- 
Nous   en  avons   un  fore  grand  befoin,  tant     ■>"  v '} 
pour    étendre  noire  connoilfance  que  pour 
régler  notre  afTentiment  ;  car  elle  a  lieu , 
la  raifon,  &  dans  ce  qui  appartient  à  la  con- 
noifTance  &  dans  ce  qui  regarde  l'opinion. 
Elle  eft  d'ailleurs  néceiïaire  &  utile  à  tou- 
tes  nos  autres  facultés  intellectuelles  ;  &  à 
le  bien  prendre,  elle  conftitue  deux  de  ces 
facultés;    favoir  hfagacité,  &  la  faculté 
d'inférer  ou  de  tirer  des  concluions.  Par  la 
première  elle  trouve  des  idées  moyennes  .>. 
&  par  la  féconde  elle  les  arrange  de  telk; 
manière  qu'elle  découvre  la  connexion  qu'il 
y  a  dans  chaque  partie  de  la  déduction,  par 
où  les  extrêmes  font    unis    enfemble  y  & 
qu'elle  amené  au  jour,   pour  ainfi  dire,  la 
vériré  en  queftion  ,   ce  que  nous  appelions 
inférer  y   &c  qui  ne  conûïte  en  autre  chofe 
que  dans  la  perception  de  la  liaifon  qui'  efr 
entre  les  idées  dans  chaque  degré  de  la  dé- 
duction ,  par  où  l'efprit  vient  à  découvrir 
1?.  convenance  ou  la  difeonvenance  certaine 
de  deux  idées,  comme  dans  la  démoniFra-- 
non  où  il   parvient  à   la  connoifTance  3  o a . 
bien  avoir  Amplement  leur  connexion  pro- 
bable ,  auquel  cas  il  donne  ou  retient  for*, 
confentement ,  comme  dans    l'opinion,   La 
fentiment  &.  l'intuition  ne  s'étendent  gras 
fort  loin.  La  plus  grande  partie  de'  cotr  9 
connoifTance  dépend  des  déductions  6c  £i  ■ 
déés  moyennes  ;  &    dans    les  cas' c 
lîeujde--  CQRn.oifIan.ce  y  nous  forâmes- 


Il6         De  la  Raifort.  Liv.  IV. 

1 — =  gé>  de  nous  contenter  d'un   fimple  affen- 

X  vil      timent,    &    de  recevoir   des  propofuions 
pour  véritables  fans  êtres  certains   qu'elles 
le  foient,  nous  avons  befuin  de  découvrir, 
d'examiner,  &  de  comparer  les  fondemens 
de  leur  probabilité.  Dans  ces  deux  cas,  la 
faculté  qui  trouve  &  applique  comme  il  faut 
les  m  jyens  néceflairespjur  découvrir  la  cer- 
titude  dans    l'un ,    &   la  probabilité  dans 
l'autre  ;  c'eft  ce  que  nous  appelions  Raifon. 
Car  comme  la  raifon  apperçoit  la  connexion 
néce  flaire  &   indubitable    que    toutes   les 
idées  ou  preuves  ont  l'une  avec  l'autre  dans 
chaque  degré  d'une  démonflration  qui  pro-  ' 
duit   la   connoiflance;  elle  apperçoit  auflî 
la  connexion  probable  que  toutes  les  idées 
ou  preuves  ont  l'une  avec  l'autre  dans  cha- 
que degré  d'un  difeours  auquel  elle    juge 
qu'on  doit  donner  fon  aflentiment  ;  ce  qui 
eft  le  plus  bas  de  ce  qui  peuc  être  vérita- 
blement appelle  raifon.    Car  lorfque  l'ef- 
prit  n'apperçoit   pas  cette  connexion   pro- 
bable, &  qu'il  ne  voit  pas    s'il  y  a   une 
telle  connexion    ou  non  ,  en  ce  cas-là  les 
opinions  des  hommes  ne  font  pas  des  pro- 
ductions du  Jugement  ou  de  la  raifon  ,  mais 
des  effets  du  hafard  ,  des  penftes  d'un  ef- 
prit  flottant  qui  embrafle  les  chofes  fortui- 
tement ,  fans  choix  &  fans  règle. 
5es  quatn;       $•  3«   De  forte   que  nous   pouvons  fort 
parties.  bien    corfidérer  dans  la  raifon  ces  quatre 

degrés  :  le  premier   &    le  plus  important 
confiûe  à  découvrir  des  preuves  ;  le  fécond 


De  la  Raifon.  Liv.  IV.  117 


à  les  arranger  régulièrement ,  &.  cLns  un  ~c~~_~  p 
un  ordre  clair  &  convenable  qui  faiïe  voir  x  V  1 1." 
nettement  &  facilement  la  connexion  & 
la  force  de  ces  preuves  ;  le  troifieme  à  ap- 
percevoir  leur  connexion  dans  chaque  par- 
tie de  la  déduction  ;  &  le  quatrième  à  ti- 
rer une  jufte  conclulun  du  tout.  On  peut 
obferver  ces  difFérens  degrés  dans  toute  Dé- 
monflration  Mathématique  ;  car  autre  cho- 
ie eft  d'appercevoir  la  connexion  de  cha- 
que partie  ,  a  mefure  que  la  démonftrution 
eft  faite  par  une  autre  perfonne,  &  autre 
.chofe  d'appercevoir  la  dépendance  que  la 
conclufion  a  avec  toutes  les  parties  de  la 
démonftration  :  autre  chofe  eft  encore  de 
faire  voir  une  démonftration  par  foi-même 
d'une  manière  claire  Se  diftincle  ;  &  enfrn 
une  chofe  différente  de  ces  trois-'à,  c'efb 
d'avoir  trouvé  le  premier  ces  idées  moyen- 
nes ou  ces  preuves  dont  la  démonftration 
eft  compofée. 

§.  4.  Il  y  a  encore  une  chofe  à  confi-     I-e  ryïTcr- 
dérer  fur  le  furet  de  la  raifon  que  je  vou-g'Tr' 
drois   bien   qu  on  prit  la,  peine  .a  examiner:  inftmme  r.tde 
c'eft  fi  h   SyL'ogifme  <?/?,  comme  on  croit Ia  r"--t:- 
généralement ,    le  grand    infiniment  de  la 
raifon ,  S*  le  meilleur  moyen  de  mettre   cette 
f'iculté  ai   exercice.  Pour  moi   j'en    doute , 
Ôc   voici   pourquoi. 

Premièrement,  à  c?.ufe  que  Je  Syllogif- 
me  n'aide  la  raifon  que  dans  l'une  des  quatre 
parties  dont  je  viens  de  parler  ;  c'eft-a-- 
«ire  ;  pour  montrer  la  connexion  des  preu- 

K   6 


2i8  De  la  Raifon.  Liv.  IV. 

l  .  ;  ves  dans  un  feul  exemple,  &  non  au-delà, 

Ch  a  p.  Mais  en  cela  même  il  n'eft  pas  dun  grand 
XVII.  uGge ,  puifque  l'efprit  peut  appercevoir  une 
telle  connexion  où  elle  eft  réellement ,  aufT* 
facilement,  &  peut-être  mieux  fans  le  fe- 
cours  du  Syllogifme,  que  par  fon  entre- 
mi  fe. 

Si  nous  faifons  réflexion  fur  les  ac- 
tions de  notre  efprit ,  nous  trouverons  que 
nous  raifonnons  mieux  &  plus  clairement 
lorfque  nous  obfervons  feulement  la  con- 
nexion des  preuves,  fans  réduire  nos  pen- 
fées  à  aucune  règle  ou  forme  fyllogi (ti- 
que. Aufli  vcyons-nous  qu'il  y  a  quantité  de 
gens  qui  raifonnent  d'une  manière  fort 
nette  &  fort  jufie,  quoiqu'ils  ne  fçachent 
point  faire  de  fyllogifme  en  forme.  Qui- 
conque prendra  la  peine  de  confidérer  la 
plus  grande  partie  de  VAJie  &  de  X Amé- 
rique ,  y  trouvera  des  hommes  qui  raifon- 
nent peut-être  aufli  fubtilement  que  lui  y 
mais  qui  n'ont  pourtant  jameis  ouï  parler 
de  fyllogifme  ,  &  qui  ne  fauroient  rédui- 
re aucun  argument  à  ces  fortes  de  formes  ; 
&  je  doute  que  perfonne  s'avife  prefque 
jamais  de  faire  un  fyllogifme  en  raifon- 
nant  en  lui-même.  A  la  vérité  ,  les  fyllc— 
gifmes  peuvent  fervir  quelquefois  à  décou- 
vrir une  fauffeté  cachée  fous  l'éclat  brillanc 
d'une  figure  de  Rhétorique ,  &  adroitement 
envelopeée  dans  une  période  harmenieufe., 
qui  remplit  agréablement  l'oreille  ;  ils  peu- 
vent^ dis-je,  fervir  à  faire  paroître.  un.  rai— 


De  ta  Raifon.  Liv.  IV.  2.29 

formeraient  abfurde  dans  fa  difformité  natu-  ■  ■  ^ 

relie  ,  en  le  dépouiilant  du  faux  éclat  dont  c  h  a  p. 
il  efr.  couvert,  &  de  la  beauté  de  l'expref-  XVII. 
fion  qui  impofe  d'abord  à  l'efprit.  Mais 
la  foibleffe  ou  la  faulTeté  d'un  tel  difcours 
ne  fe  montre ,  par  le  moyen  de  la  forme 
artificielle  qu'on  lui  donne,  qu'à  ceux  qui 
ont  étudié  à  fond  les  modes  ëc  les  figures 
du  fyilogifme  ,  &c  qui  ont  fi  bien  examiné 
les  différences  manières  félon  lefquelles  trois 
propofitions  peuvent  être  jointes  enfemble , 
qu'ils  connoiifent  laquelle  produit  certaine-* 
ment  une  Julie  conclufion ,  &  laquelle  ne 
fçauïi'it  le  faire  ,  Se  fur  quels  fondemens 
cela  arrive.  Je  conviens  que  ceux  qui  ont 
étudié  les  règles  du  fyilogifme  jufqu'à  voir  la-, 
raifon  pourquoi  entreis  propofitions  join- 
tes enfemble  dans  une  certaine  forme  ,  la 
conclufion  fera  certainement  jufle,  &  pour- 
quoi elle  ne  le  fera  pas  certainement  dans 
une  autre  ;  je  conviens ,  dis-je ,  que  ces 
gens-là  font  certains  de  la  conclufion  qu'ils 
déduifent  des  Vrèmïffes  félon  les  modes 
&  lès  figures  qu'on  a  établies  dans  les 
écoles.  Mais  pour  ceux  qui  n'ont  pas 
pénétré  fi  avant  dans  les  fondemens  de  ces 
formes  ,  ils  ne  font  point  aifurés  en  ver- 
tu d'un  argument  fy  llogiitique,  que  ia  con- 
clufion découle  certainement  des  prémifles» 
Ils  le  fuppofent  feulement  ainfi  par  une  foi 
implicite  quils  ont  pour  leurs  Maîtres  &; 
par  une  confiance  quils  mettent  dans  ce:- 
Formes  d'argumentation.  Or  fi  parmi.  toi»s> 


xvn. 


2.30  De  la  Raifort.  Liv.  IV. 

les  hommes  ceux-là  font  en  fort  petit  nom- 
^YHVAMP'  bre  qui  peuvent  faire  un  fyllogifme  ,  en 
compardiljn  ce  a  ux  qui  ne  fauroient  le 
faire  ,  &  fi  entre  ce  petit  nombre  qui  ont 
appris  la  Logique ,  il  n'y  en  a  que  très-peu 
qui  faffent  autre  chofe  que  croire  que  les 
fyllogifmes  réduits  aux  Modes  &  aux  Fi- 
gures établies ,  font  concîuans  ,  fans  con- 
naître certainement  qu'ils  le  foient  ;  cela , 
dis-je,  étant  fuppofé,  fi  le  fyllogifme  doit 
être  pris  pour  le  feul  véritable  infiniment 
de  la  raifon  &  le  feul  moyen  de  parvenir 
à  la  connoifTance ,  il  s'enfuivra  qu'avant 
Ariflote  il  n'y  avoit  perfonne  qui  connût 
ou  qui  pût  connoître  quoi  que  ce  foit  par 
raifon;  &  que  depuis  l'invention  du  fyilo- 
gifme  il  n'y  a  pas  un  homme  entre  dix 
mille  qui   jouifle  de  cet  avantage. 

Mais  Dieu  n'a  pas  été  fi  peu  libéral  de 
fes  faveurs  enves  les  hommes  ,  que  fe  con- 
tentant d'en  faire  des  créatures  à  deux  jam- 
bes ,  ils  aient  lai/Té  à  Arifiotele  foin  de  les 
rendre  créatures  raifonnables  ,  je  veux  dire 
ce  petit  nombre  qu'il  pourroit  engager;  à 
examiner  de  telle  minière  les  fondemens 
du  fyllogifme,  qu'ils  viffent  qu'entre  p'u.3 
de  foixanre  manières  dont  trois  proportions 
peuvent  être  rangées,  il  n'y  en  a  qu'envi- 
ron quatoze  où  L'on  puiiïe  être  ;;.j  ■.■!-..' que 
îa  conclufion  eu  jufte,  &  fur  qutl  fonde- 
ment la  conclufion  eîl  certaine  dans  ç 
tit  nombre  de  fyirogifmes  &  non  d. 
autres  Dieu  a  eu  beaucoup  plus  de  bon;e 


", 


Delà  Raifort.  Lir.  IV.         2.31 

pour  les  hommes.  Il  leur  a  donné  un  ef-  -■-■_! ■*• 

prit  capable  de  raifonner,  fans  qu'ils  aient  Chat. 
befoin  d'apprendre  les  formes  des  fyiiogif- 
mes.  Ce  n'elt  point,  dis-je,  par  les  règles 
du  fyllogifme  que  l'efprit  humain  apprend 
à  raifonner.  Il  a  une  faculté  naturelle  d'ap- 
percevoir  la  convenance  ou  la  difccnve- 
nance  de  fes  idées ,  êc  il  peut  les  mettre 
en  bon  ordre  fans  toutes  ces  répétitions  em- 
barraflantes.  Je  ne  dis  point  ceci  pour  rab- 
baifTer  en  aucune  manière  Ariftote  que  je 
regarde  comme  un  des  plus  grands  hommes 
de  l'Antiquité,  que  peu  ont  égalé  en  éten- 
due, en  fubtilité  ,  en  pénétration  d'efprit  , 
&  par  la  force  du  jugement ,  &  qui  en  cela 
même  qu'il  a  inventé  ce  petit  fyftême  des 
formes  de  l'argumentation ,  par  où  l'on  peut 
faire  voir  que  la  conclufion  d'un  fyllogifme 
eïl  jufte  &  bien  fondée,  a  rendu  un  grand 
fervice  aux  fçavans  contre  ceux  qui  n'a- 
voient  pas  honte  de  nier  tout;  &  je  con- 
viens fans  peine  que  tous  les  bons  raifon- 
nemens  peuvent  ê're  réduits  à  ces  formes 
fyllogi (tiques.  Mais  cependant  je  crois  pou- 
voir dire  avec  vérité,  &  fans  rabbaifler 
Ariftote,  que  ces  formes  d'argumentation 
ne  font  ni  le  feul  ni  le  meilleur  moyen  de 
raifonner,  pour  amener  à  la  connoiflance 
de  la  vérité  ceux  qui  défirent  de  la  trouver, 
&  qui  fouhaitent  de  faire  le  meilleur  ufa- 
ge  qu  ils  peuvent  de  leur  raifon  pour  par- 
venir à  cette  connoiflance.  Et  il  efc  vifi- 
ble  opHAriflote  lui-même  trouva  que  cex*. 


££«         De  l'a  Raifon.  Liv.  IV. 

^  taines  formes  étoient  concluantes ,  &  que 
C  h  a  p.    d'autres  ne  l'étoient  pas  ,   non  par  le  moyen 
XVII.     des  formes  mêmes,  mais  par  la  voie  ori- 
ginale de  la  connoiflance ,  c'eft-à-dire ,  par 
la  convenance  manifefte  des  idées.  Dites  à 
une   Dame  de  campagne  que  le  vent    eft 
fud-oueft ,  &  le  tems  couvert  &  tourné  à 
la  pluye  ;  elle  comprendra  fans  peine  qu'il 
n'eft  pas  fur  pour  elle  de  fortir ,  par  un  tel 
jour ,   légèrement  vêtue  ,  après  avoir  eu  la 
fièvre;  elle    voit    nettement  la  liaifon  de 
routes  ces  choies  y  vent  fud-ouejî ,  nuages  , 
pluie,  humidité  y  prendre   froid  ,    rechute 
&  danger  de  mort,  fans  les  lier  enfemble 
par  une  chaîne  artificielle  &  enibarraflanre 
de  divers  fyllogifmes  qui  ne  fervent  qu'à 
embrouiller  &  retarder  l'efprit  qui  fans  leur 
fecours  va  plus  vice  &  plus  nettement  d'une 
partie  à  l'aune;  de  forte  que   la  probabilité 
que  cette  perfonne  apperçoit  aifément  d.uis 
it-s  cliofes  mêmeainfi  placées  dans  leur  ordie 
naturel,  fe  feroit  tout-à-fait  perdue  à  foa 
égard,  fi  cet  argument  étoi:  traité    favam- 
ment  &  réduit  aux  formes  du  fyllogifine, 
Car  cela  confond  très-fouvent  la  connexion 
des  idées  ;  &  je  crois  que  chacun  reconnoî- 
tra   fans  peine  dans  les  Démonltrations  Ma- 
thématiques,  que  la  connuffance  qu'on  ac- 
quiert par  cet  ordre  naturel,   paroît    plu- 
tôt &  plus  clairement  fans  le  fecours  d'^u- 
cun  fyllogifme. 

L'acie  de  !a  faculté  raifonnable  qu'on  re^- 
garder  cumrcie  le.  pjus  confidërable.eil.celuz^ 


De  la  Raifon.  Liv.  IV.          133 

£  inférer;  &  il  l'eft  effectivement  lorfque  la 
conféquence  eft  bien  rirée.  Mais  l'efprit  eft  c  h  a  p. 
fi  fort  porté  à  tirer  des  conféquences,  foit  XVII, 
parle  violent  defir  qu'il  a  d'étendre  fes  con- 
noiflances,  ou  par  un  grand  penchant  qui 
l'entraîne  à  favorifer  les  fentimens  dont  il 
a  été  une  fois  imbu  ,  que  fouvent  il  fe  hâ- 
te trop  d'inférer  ,  avant  que  d'avoir  apperçu 
la  connexion  des  idées  qui  doivent  lier  en- 
femble  les  deux  extrêmes. 

Inférer  n'eft  autre  chofe  que  déduire 
une  propofition  comme  véritable,  en  vertu 
d'une  propofition  qu'on  a  déjà  avancée  com- 
me véritable  ;  c'eft-à-dire ,  voir  ou  fup- 
pofer  une  connexion  de  certaines  idées 
moyennes  qui  montrent  la  connexion  de 
deux  idées  dont  eft  compofée  la  propofi- 
tion inférée.  Par  exemple  ,  fuppofons  qu'on 
avance  cette  propofition  ,  Les  /tommes  fe- 
ront punis  dans  l'autre  Monde  ;  &  que  de 
là  on  veuille  en  inférer  cette  autre,  donc 
les  hommes  peuvent  Je  déterminer  eux-mê- 
mes :  la  queftion  elt  préfentement  de  favoir 
fi  l'efprit  a  bien  ou  mal  fait  certe  inférence. 
S'il  l'a  faite  en  trouvant  des  idées  moyen» 
nés,  &  en  confidérant  leur  connexion  dans 
leur  véritable  ordre  ,  il  s'eft  conduit  rai- 
sonnablement ,  &  a  tiré  une  jufte  confé- 
quence. S'il  l'a  faite  fans  une  relie  vue, 
bien  loin  d'avoir  tiré  une  conféquence  folide 
&  fondée  en  raifon  ,  il  a  montré  feule- 
ment le  defir  qu'il  avoit  qu'elle  le  fût  , 
ou  qu'on  la    reçut  en  cette  qualité.    Mais 


2.34         &s  la  Rt'fon-  Liv.  IV. 


L.  '  ..a  ce  n'eft  pas  le  fyllogifme  qui  dans  l'un  ni 
*~  H  A  p«  l'autre  de  ces  cas  découvre  ces  idées  ou 
fait  voir  leur  connexion  ;  car  il  faut  que 
l'efprit  les  ait  trouvées  ,  &  qu'il  ait  ap- 
percu  la  connexion  de  chacune  d'elles  avant 
qu'il  puiife  s'en  fervir  raifonnablement  à 
former  des  fylbgifmes  ;  à  moins  qu'on  ne 
dife  ,  que  toute  idée  qui  fe  préfente  à 
l'efprit ,  peut  affez  bien  entrer  dans  un 
fyllogifme  fans  qu'il  foit  nécefi^ire  de  con- 
fidérer  quelle  liaifon  elle  a  avec  les  deux 
autres  ;  &  qu'elle  peut  fervir  à  tout  hafard 
de  terme  moyen  pour  prouver  quelque  con- 
dition que  ce  foit.  G'elt  ce  que  perfonne 
ne  dira  jamais  ;  parce  que  c'eit  en  vertu 
de  la  convenance  qu'on  apperçoit  entre 
une  idée  moyenne  tk  les  deux  extrêmes  , 
qu'on  conclut  que  les  extrêmes  convien- 
nent entr'eux  ;  d'où  il  s'enfuit  que  chaque 
idée  moyenne  doit  être  telle  que  dans  tou- 
te la  chaîne  elle  ait  une  connexion  vifible 
avec  les  deux  idées  entre  lefquelles  eiie  eft 
placée,  fans  quoi  la  conclulion  ne  peut  être 
déduite  par  un  entremife.  Car  par-tout  où 
un  anneau  de  cette  chaîne  vient  à  fe  déta- 
cher &  à  n'avoir  aucune  liaifon  avec  le 
refte ,  dès-là  il  perd  toute  fa  force  ,  &  ne 
peut  plus  contribuer  à  attirer  ,  ou  inférer 
quoi  que  ce  foit.  Ainfi ,  dans  l'exemple  que 
je  viens  de  propofer ,  quelle  autre  chofe 
montre  la  force  ,  <Sc  pat  conséquent  la 
jutlefie  de  la  conféqne>jce  ,  que  la  vue  de 
la  connexion  de  toutes  le.  idées  moyennes 


De  la  Raifon.  Liv.  IV.         a^$ 
qui  attirent  la  conclufion  ou  la  proposition  l  ■  W 

inférée  ,  comme ,  Les  hommes  feront  punis     ^vn*'* 

J)inl  celui    qui   punit  — ■ la. 

punition  jufle Le  puni  coupable  — 

//  aurait  pu  faire  autrement Liberté 

Puijfance  de  fe  déterminer  foi- 

même  ?  Par  cette  vifible  enchaînure  d'idées , 
ainfi  jointes  enfemble  tout  de  fuite  ,  en- 
forte  que  chaque  idée  moyenne  s'accorde 
de  chaque  côté ,  avec  deux  idées  entre  lef- 
quelles  elle  efi  immédiasement  placée,  les 
idées  d'hommes  ,  &  de  puijfance  de  fe  dé- 
terminer foi-même,  paroifient  jointes  en- 
femble ;  c'efr-à-dire  que  cette  propofition  , 
Les  hommes  peuvent  fe  déterminer  eux-mê- 
mes ,   eft  attirée  ou  inférée  par  celle-ci  , 
Qu'ils  feront   punis    dans  l'autre  monde. 
Carpir-là  l'efprit  voyant  la  connexion  qu'il 
y  a  entre  l'idée  de  la  punition  des  hommes 
1  dans  Vautre  monde  ,  &  l'idée  de  Dieu  qui 
\  punit  ;  entre  Dieu  qui  punit  &  la.  jufiiee 
1  de  la  punition  ;  entre  la  jttflke  de  la  puni' 
j  tion   &  la  coulpe  ;  entre  la  coulve  &  la 
puijfance  de  faire  autrement  ;  entre  la  piaf- 
fante de  faire   autrement   &    la  liberté  , 
enrre  la  liberté  &c  la  puijfance  de  Je  déter- 
miner foi-même;   l'efprit,  dis-je  ,   apper- 
çevant  la  liaifon  que  toutes  ces  idées  ent 
l'une  avec  l'autre ,  voit   par  même  moyen 
la    connexion  qu'il  y  a   entre  les  hommes 
&  la  puijfance  de  Je  déterminer  Joi-mêmc. 
Je  demande  préfentement  fi  la  connexion 
des  extrêmes  ne  fe  voit  pas  plus  clairement 


c 


13  6  De  ta  Raifon.  Liv.  IV. 

=  dans  cette  difpofuion  firaple  &  naturelle  , 
X  vtrP*    ^ue  ^ans  ^es  répétitions  perplexes  &  em- 
brouillées de  cinq  ou    fix  fyibgifmes.  On 
doit  me  pardonner  le  terme  d'embrouillé , 
jufqu'à  ce   que  quelqu'un   ayant  réduit  ces 
idées  en  autant  de  fyllogifmes ,  ofe  afïurcr 
que  ces  idées  font  moins  embrouillées ,  & 
que  leur    connexion   eft   plus   vifible  lors- 
qu'elles font  ainfi  tranfpofées  ,  répétées,  & 
enchàflees  dans  ces  formes  artificielles  ,  que 
Icrfqu'ellcs  font    préfentes   à    l'efprit  dans 
cet  ordre  court ,   fimple  &  naturel ,  dans 
lequel  on  vient   de  les  propofer  ,  où  cha- 
cun  peut  les  voir ,  &c    félon    lequel    elles 
doivent   ê:re    vues    avant    qu'elles  puiflent 
former  une  chaîne  de  fyllogiiraes.   Car  l'or- 
dre   naturel    des    idées  qui   fervent  à  lier 
d'autres  idées ,  doit  régler  l'ordre  des  fyl- 
logifmes ;  de  forte  qu'un  homme  doit  voir 
la  connexion  que  chaque  idée  moyenne   a 
avec  celles  qu'il  joint  enfemble  avant  qu'il 
puiiTe  s'en  fervir  avec  raifon  à  former  un 
fyllogifme.    Et  quand   tous  ces  fyllogifmes. 
font  faits ,  ceux  qui  font  Logiciens  &  ceux 
qui    ne    font    pas,  ne  voient   pas    mieux 
qu'auparavant  la  force  de  l'argumentation, 
c'eit-à-dire ,    la    connexion   des    extrêmes. 
Car  ceux    qui    ne   font    pas    Logiciens    de- 
profeflïon  ignorant  les   véritables  formes  du 
fyllogifme  autfi-bieo  que  les  fondemens  de 
ces  firmes,  ne  fauroient  connoître  fi  les  fyl- 
logifmes font   réguliers  ou   non  ,    dans  des 
Modes  &  des   Figures  qui  concluent  jufte  ; 


De  la  'Raifort.  Uv.  IV.  237 

&  ainfi  ils  ne  font  point  aidés;  car  les  for-  ■ —        -— 
mes  félon  lefquelles  on  range  ces  idées,  &      ^"vl  7* 
d'ailleurs  l'ordre  naturel    dans   lequel  l'ef- 
prit    pourrait    juger   de  leurs  connexions 
refpeetives   étant  troublé   par    ces   formes 
fyllogifhques  ,  il  arrive  de-là  que  la  con- 
féquence    efl    beaucoup    plus   incertaine  , 
que  fans    leur  entremife.  Et    pour  ce  qui 
eft   des  Logiciens  eux-mêmes  ,  ils    voient 
la  connexion  que  chaque  idée  moyenne  a 
avec  celles  entre  lefquelles  el!e  eft  placée 
(  d'où  dépend  toute  la  force  de  la  confé- 
quence  ;  )  ils  la  voient ,  dis-je ,  tout  auffi- 
bien  avant  qu'après   que  le  iyllogifrne  eit 
fait  :  ou    bien    ils  ne   la   voient    point  du 
tout.  Car   un   fyllogifme   ne   contribue  en 
rien  à  monrrer  ou  a  fortifier  la  connexion 
de  deux  idées  jointes   immédiatement  en- 
semble;  il   montre   feulement  par   la  con- 
nexion qui  a  été  déjà  découverte  entr' elles, 
comment  les  extrêmes  font  liés  l'un  à  l'au- 
tre. Mais  s'agit-il  de  favoir  quelle  connexion 
une  idée  moyenne  a  avec  aucun  des  extrêmes 
dans  ce  fyllogifme,  c'eft  ce  que  nul  fyllogifme 
ne  montre,  ni  ne  peut  jamais  montrer.  Celt 
Tefprit  feulement  qui  apperçoit  ou  qui  peut 
appercevoir  ces  idées  placées   aum"  dans  une 
efpece  de  juxta  pofttîo/i  ,  &  cela  par  fa  pro- 
pre vue  qui    ne  reçoit    abfolument  aucun 
fecours  ni  aucune  lumière  de  la  forme  fyl- 
logiftique  qu'on  leur   donne.    Cette   forme 
fert  feulement  à  montrer  que,  fi  l'idée  mo- 
yenne convient  avec  celles  auxquelles  elle 


138  Delà  Raifort.  Liv.  IV. 

eft  immédiatement  appliquée  de  deux  côtés, 

^vtiP'  *es  ^eux  ^t<es  éloignées  >  ou  >  comme  pai- 
lent  les  Logiciens ,  les  extrêmes  convien- 
nent certainement  enfemble  ,  &  par  con- 
féquent  la  liaifon  immédiate  que  chaque  idée 
a  avec  celle  à  laquelle  elle  efr  appliquée  de 
deux  côtés  d'où  dépend  toute  la  force  da 
raifonnement ,  paroît  aulli-bien  avant  qu'a- 
près la  conftruchon  du  fyllogifme  ;  ou  bien 
celui  qui  forme  le  fyllogifme  ne  la  verra 
pmais.  Cette  connexion  d'idées  ne  fe  voit, 
comme  nous  avens  déjà  dit,  que  par  la  fa- 
culté perceptive  de  l'efprit  qui  les  décou- 
vre jointes  enfemble  dans  une  efpece  de 
juxta-pojition ,  &  cela  lorfque  les  deux 
idées  font  jointes  enfemble. dans  une  pro- 
pofition  ,  foit  que  cette  propofuion  cons- 
titue ou  non  la  majeure  ou  la  mineure  d'un 
fyllogifme. 

A  quoi  fert  donc  le  fyllogifme  ?  Je  ré- 
ponds, qu'il  efr  principalement  d'ufage  dans 
les  Ecoles,  où  Ton  n'a  pas  honte  de  nier 
la  convenance  des  idées  qui  conviennent 
vifiblement  enfemble  ;  ou  bien  hors  des 
Ecoles  à  l'égard  de  ceux  qui ,  à  l'occafion  & 
à  l'exemple  de  ce  que  les  Doctes  n'ont  p3s 
honte  de  faire  ,  ont  appris  auffi  à  nier  fans 
pudeur  la  connexion  des  idées  qu'ils  ne 
peuvent  s'empêcher  de  voir  eux-mêmes. 
Pour  celui  qui  cherche  fincérem^nt  la  vérité 
&  qui  n'a  d'autre  but  que  de  la  trouver , 
il  n'a  aucun  befoin  de  ces  formes  fylb- 
giftiques  pour  être  forcé  à  reconnoître  la 


De  la  Raifon.  Liv.  IV.          2.39 

conféquence  dont  la   vérité   &   la   jufteffe  =?■ 


paroilîent  bien  mieux  en  mettant  les  idées  ^  ^ tiP" 
dans  un  ordre  fimple  &  naturel.  De-là 
vient  que  les  hommes  ne  font  jamais  des 
fyllogifmes  en  eux-mêmes,  loriqu  ils  cher- 
chent la  vérité  ,  ou  qu'ils  l'enfeignent  à 
des  gens  qui  défirent  fincérement  de  la 
connoître;  parce  qu'avant  que  de  pouvoir 
mettre  leurs  penfées  en  forme  fyllogifii- 
que  ,  il  faut  qu'ils  voient  la  connexion 
qui  cfi  entre  l'idée  moyenne  ôc  les  deux 
autres  idées  entre  lefquelks  elle  eft  placée 
&  auxquelles  elle  eft  appliquée  pour  fùre 
voir  leur  convenance;  Se  lorsqu'ils  voient  une 
fois  cela  ,  ils  voient  fi  la  conféquence  eft  bon- 
ne ou  mauvaife  ,  &  par  conléquent  le  fyl- 
logifme  vient  trop  tard  pour  l'établir.  Car  , 
pour  mi.-  fervir  encore  de  l'exemple  qui 
a  été  propofé  ci-defTus  ,  je  demande  fi  l'ef- 
prit  venant  à  coniidérer  l'idée  de  Jufiic«t 
placée  comme  une  idée  moyenne  entre  la 
punition  des  hommes  &  la  coulpe  de  ce- 
lui qui  eft  puni ,  (  idée  que  l'efprit  ne  peu: 
employer  comme  un  terme  moyen  avant 
qu'il  l'ait  confidérée  dans  ce  rapport;)  je 
demande  fi  dès-lors  il  ne  voit  pas  la  force 
&  la  validité  de  la  conféquence ,  auffi  clai- 
rement que  lorfqu'on  forme  un  fyllogifme 
de  ces  idées  ?  Et  pour  faire  voir  la  même 
chofe  dans  un  exemple  tout-à-fait  fimple  «k 
aifé  à  comprendre,  fuppofons  que  le  mot 
animal  foit  l'idée  moyenne ,  ou  comme  on 
parle  dans  les  Ecoles ,  le  terme  moyen  que 
l'efprit  emploie  pour  montrer  la  coruiexion 


xvn. 


140  De  la  Bai/on.   Liv.  IV, 

tifiomo  &  de  vivent,  je  demande  fi  l'efpric 
C  h  a  p.  ne  volt  pas  cette  liaifon  auflï  promptement 
&  aufil  nettement  lorfque  l'idée  qui  lie  ces 
deux  termes  cft  placée  au  milieu  dans  cet 
arrangement  fimple  &  naturel, 

Homo  Animal  — —  Vivent  , 

que  dans  cet   autre  plus  embarraffé, 

Animal Vivais  —  Homo  —  Animal  ; 

ce  qui  efr  la  pofuion  qu'on  donne  à  ces 
idées  dans  un  fyîlogifaie  ,  pour  faire  voir 
la  connexion  qui  eit  entre  homo  &  vivens 
par  l'intervention  du  mot  animal. 

On  croit  à  la  vérité  que  le    fyllogifme 
eft    néceffaire  à    ceux-mêmes  qui   aiment 
fincérement  la   vérité,  pour  leur  faire  voir 
les  fophifmes  qui   font  fouvent  cachés  fous 
des  difeours  fleuris,  pointillés  ou  embrouil- 
lés. Mais  on  fe  trompe  en    cela  ,   comme 
nous  verrons  fans  peine  fi  nous  confidérons 
cjue  la  raifon  pourquoi  ces  fortes  de  difeours 
vagues  &  fans  liaifon  ,  qui  ne   font  pleins 
<jue  d'une  vaine  Rhétorique,  impofent  quel- 
quefois à  des  gens  qui  aiment  fincérement 
la  vérité  ;  c'eft  que  leur  imagination  étant 
frappée  par  quelques  métaphores  vives  & 
brillantes ,  ils   négligent  d'examiner  quelles 
font  les  véritables  idées  d'où  dépend  la  con- 
féquence  du  difeours  ;  ou  bien  éblouis  de 
l'éclat  de  ces  figures  ils   ont  de  la  peine  à 
découvrir  ces  idées.   Mais  pour  leur  faire 
voir  la  foibleffe  de  ces  fortes  de  raifjnne- 
mens ,  il  ne   faut    que    les  dépouiller  des 
idées  fuperflues  qui  mêlées  &  confondues 

avec 


De  h  Raifon.  Liv.  IV.         2.41 

•4vec  celles  d'eu  dépend  la    connoiflance  ,  ==sk 


-femblent  faire  voir  une  connexion  cù  il  n'y  *^HV^/* 
-en  a  aucune ,  ou  qui  du  moins  empêchent 
qu'on  ne  découvre  qu'il  n'y  a  point  de  con- 
nexion ;  après  quoi  il  faut  placer  dans  leur 
ordre  naturel  ces  idées  nues  d'où  dépend 
Ta  force  de  l'argumentation  ;  &  l'efprit  ve- 
nant à  les  confidérer  en  elles-mêmes  dans 
une  telle  pofition  ,  voit  bientôt  quelle  con- 
nexion elles  ont  ëntr'elles,  &  peut  par  ce 
moyen  juger  de  la  conféquence  fans  avoir 
befoin  du  fecours  d'aucun  fyllogifme. 

Je  conviens  qu'en  de  tels  cas  en  fe  fert 
communément  des  Modes  8c  des  Figurés^ 
comme  fi  la  découverte  de  Vincohérence  de 
ces  fortes  de  difeours  éteit  entièrement  due 
à  la  forme  fyltogiftique.  J'ai  été  moi-mémè 
d.ins  ce  fennment ,  jufqu'à  ce  qu'après  un 
plus  févere  examen  j'ai  trouvé  ^qu'en  ren- 
geant  les  moyennes  toutes  nues  dans  leur 
ordre  naturel  ,  on  "voit  mieux  Vincohé- 
rence de  l'argumentation  que  par  le  moyen 
d'un  fyllogiînie  :  non-feulement  à  caufe  que 
cette  première  méthode  expofe  immédiate- 
ment à  l'efprit  chaque  anneau  de  la  chaîné 
dans  fa  véritable  place ,  par  cù  l'en  eh 
veit  mieux  la  liaifon  ,  mais  auiïi  parce  que 
îe  fyllogifme  ne  montre  YincohJrence  qu'à 
ceux  qui  entendent  parfaitement  les  for- 
mes fyllogiftiques  &:  les  fendemens  fur  les- 
quels elles  font  établies ,  &  ces  perfonnes 
ne  font  pas  un  entre  mille  ;  au  lieu  que 
l'arrangement  naturel  des  idées ,  d'où  àir- 
Tvmc  IV,  L 


2.4-         De  ta  P.aifon.  Liv.  IV. 
=■  pend    la  conséquence    d'un   raifonnement , 


X  V  H  '    ^u^r  pour  faire  voir  à  tout  homme  le  dé- 
faut de  connexion  dans  ce  raifonnement  & 

ï\îbfurdité  de  la  conféqutnee,  feit  qu'il  U  it 
Logicien  ou  non  ,  pourvu  qu'i!  entende 
les  termes,  &  qu'il  ait  la  facultéd'apperce- 
voir  la  convenance  ou  la  di(conven<ince  de 
ces  id^cs ,  fans  laquelle  faculté*  il  nepopr- 
roit  jamais  reconnoître  la  f^rce  ou  h  l.i- 
.fcieiTe ,  la  cohérence  ou  V incohérence  d'un 
difecurs  par  l'entremife  ou  funs  le  feccurs 
du  fylbgifme. 

Ainfi ,  j'ai  connu  un  homme  à  qui  les 
règles  du  fyllcgifme  étoient  en:  Serf  ment 
inconnues,  qui  appercevtr  d'abord  la  Foi» 
Mette  &  les  f'.ux  raifonnemens  d'un  long 
difeours  ,  aniricieux  &  plaufifcle  ,  auquel 
d'autres  gens  exercés  à  toutes  les  finedes 
xfc  la  Logique  le  font  laifiés  attra^pej  ;  ce  je 
crois  qu'i!  y  aura  peu  de  mes  Lecicurs  qui 
ne  connoiifent  de  telles  perfonnes.  Et  en 
effet  fi  cela  n'étoit  ainli,  les  difpmes  qui 
s'élèvent  dans  les  Çonfells  de  la  plupart 
des  Princes,  &  le3  affaires  qui  le  traitent 
dans  les  affemblées  publiques  Cerpient  en 
danger  d'êcre  mal  ménagées ,  puisque  ceux 
qui  y  ont  le  plus  d'autorité  &  qui  d'ordi- 
naire contribuent  le  plus  aux  dédiions  qu'on 
y  prend  ,  ne  font  pas  toujours  des  gens 
qui  aient  eu  le  bonheur  d'être  parfaitement 
ïnfrruits  d-ns  l'art  de  faire  des  fyîlqgif- 
mes  en  forme.  Que  fi  le  fyllcgifms  étoit 
le  feul  ,  ou  même  le  plus  fur  moyea 
de  découvrir  les   faufletés    d'un    difeours. 


De  ta  Raifon.  Liv.  IV.  a.43 


artificieux ,  je   ne   crois   pis  que  fErreur — â 

*&  la  FaufTeté  fuient  fi  fore  du  goût  S/irfiP' 
de  tout  le  genre  humain  &  particulière- 
ment des  principes  dans  des  matières  qui 
intéreffent  leur  Couronne  &  leur  Dignité  t 
que  par  tout  ils  euffent  voulu  négliger  de 
faire  entrer  le  fyllogifme  dans  des  difeuf- 
fîons  importantes  ,  ou  regardé  comme  une 
chofe  û  ridicule  de  s'en  fervir  dans  des 
affaires  de  conféquence  :  Preuve  évidente  à 
mon  égard  que  les  gens  de  bon  fens  & 
d'un  efpri:  folide  év  pénétrant ,  qui  n'ayant 
pas  le  loifir  de  perdre  le  tems  k  difputer, 
dévoient  agir  félon  le  réfultat  de  leurs  dé- 
cidons ,  &fouvent  payer  leurs  méprifes  de 
leur  vie  ou  de  leurs  biens ,  ont  trouvé  que 
ces  formes  fcholaftiques  n'écoient  p;.s  d  un 
grand  ufage  pour  découvrir  la  vérité  ou  la 
faufTeté  d'un  raifonnement ,  l'un  &  l'autre 
pouvant  être  montrées  fans  leur  entremi- 
fe  ,  &  d'une  manière  beaucoup  plus  fenîi- 
ble  à  quiconque  ne  réfuterait  pas  de  voir 
ce  qui  feroit  expofé  viî'iblemenr.  à  fes 
yeux. 

En  fécond  lieu,  une  autre  raifon  qui  me 
fait  douter  que  le  fyllogifme  foit  le  véri- 
table inftrumtnt  de  la  raifon  dans  la  dé- 
couverte de  la  vérité,  c'eft  que  de  quel- 
qu'ufage  qu'on  ait  jamsis  prétendu  que  les 
«iodes  &  les  figures  pufTent  être  ,  pour  dé- 
couvrir la  fillace  d'un  argument  (  ce  qui 
a  été  examiné  ci-deifus  )  il  fe  trouve  dans 
ïf  fond  que  ces  formes  fcholaftiques,  qu'or. 

L  % 


V.    H    A    P. 

%  V  11. 


n.44         De  la  Raifon.  Liv.  IV. 

donne  au  difcours ,  ne  font  pas  moins  fa- 
jcrtes  à  rrcmper  l'efprit  que  des  manières 
d'argumenter  plus  fimples  ;  fur  quoi  j'en 
appelle  à  l'expérience ,  qui  a  toujours  fait 
voir  que  ces  méthodes  artificielles  étoient 
plus  propres  à  furprendre  &  à  embrouiller 
l'efprit  qu'a  1  inftruire  &  à  l'éclairer.  De  là 
vient  que  les  gens  qui  font  battus  &  ré- 
duits au  filence  par  cette  méthode  fcho- 
laftique,  font  rarement  ou  plutôt  ne  font 
jamais  convaincus  &  attirés  par-là  dans  le 
parti  du  vainqueur.  Ils  reconnoiffent  peut- 
être  que  leur  adverfaire  eft  plus  adroit  dans 
la  difpure  ;  mais  ils  ne  aillent  pas  d'être 
perfuadés  de  la  juflicé  de  leur  propre  caufe  ; 
&  tout  vaincus  qu'ils  font  ,  ils  fe  reti- 
rent avec  la  même  opinion  qu'ils  avcient 
auparavant;  ce  qu'ils  ne  pourvoient  frire, 
fi  cette  manière  d'crgumenter  portoit  la 
lumière  &  la  conviéhon  avec  elle,  enforre 
qu'elle  fît  voir  aux  hommes  où  eft  la  vérité. 
Âuffi  a-t-on  reg?rdt  le  fyHogifrrte  comme 
plus  propre  à  faire  obtenir  la  vi&oire  dans 
la  difpute  ,  qu'à  découvrir  ou  à  confirmer 
\z.  vérité  dans  Les  recherches  finceres  qu'on 
en  peut  faire.  Et  s'il  eft  certain  ,  comme 
on  en  peut  douter,  qu'on  puiffe  envelop- 
per des  raifonncmens  fallacieux  dans  des 
fyllogifmes  ,  il  faut  que  la  fallace  puiffe 
être  découverte  par  quelqu'autre  moyen 
que  par  celui  du   fyllogifrne. 

J'ai  vu  par  expérience,   que  ,  Icrfqu'on 
se  xeconnoîc  pas  dans  une  chofje  tous  tes 


De  la  Raifort.  Liv.  IV.         144 


ufages  que  certaines  gens  ont  ete  accoutu-  •  ~y 

mes  de  lui  attribuer ,  ils  s'écrient  d'abord  x-VUv" 
que  je  voudrois  qu'on  en  négligeât  entiè- 
rement l'ufage.  Mais  pour  prévenir  des 
imputations  fi  injuftes  &  fi  destituées  de 
fondement  ,  je  leur  déclare  ici  que  je  ne 
fuis  point  d'avis  qu'on  fe  prive  d'aucun 
moyen  capable  d'aider  l'entendement  dans 
l'acquifition  de  la  connoiffance  ;  &  fi  des 
personnes  flilées  &  accoutumées  aux  for- 
mes fyllogifïiques  les  trouvent  propres  à  ai- 
der leur  raifon  dans  la  découverte  de  la  vé- 
rité ,  je  crois  qu'ils  doivent  s'en  fervir.  Tout 
ce  que  j'ai  en  vue  dans  ce  que  je  viens  de 
dire  du  fyllogifme  ,  c'eft  de  leur  prouver 
qu'ils  ne  devroienr  pas  donner  plu*  de  poids 
à  ces  formes  qu'elles  n'en  méritent ,  ni  fe 
figurer  que  fans  leurs  lëcours  les  hommes 
ne  font  aucun  ufage  ,  ou  du  moins  qu'ils 
ce  font  pas  un  ufage  fi  parfait  de  leur  fa- 
culté de  raifonner.  Il  y  a  dzs  yeux  qui  ont 
befoin  de  lunettes  pour  voir  clairement  êz 
distinctement  les  objets  ;  mais  ceux  qui  s'en 
fervent,  ne  doivent  pas  dire  à  caufe  de  cela,- 
que  perfonne  ne  peut  bien  voir  fans  lunet- 
tes. On  aura  raifon  de  juger  de  ceux  qui 
en  ufent  ainfi ,  qu'ils  veulent  un  peu  trop 
rabbailTer  la  nature  en  faveur  d'un  art 
auquel  ils  font  peut-être  redevables.  Lorf- 
que  la  raifon  efl  ferme  &  accoutumée  à 
s'exercer  ,  elle  voit  plus  promptement  & 
plus  n2ttcrnent  par  fa  propre  pénétration 
iâns  le  fecours  du  fyllogifme,    que  par  fon- 

L  3 


£40  Dt  m  Raifon.  Liv.  IV. 


«-— '      '    ^  entremife.  Mais  fi  l'ufage  do  cette  efpece 

Si  VII?'  ^e  Iunettes  a  ^  ^crr  oîtufqué  la  vue  d  un- 
Logicien  qu'il  ne  puin'e  voir  ,  fans  leur 
fecours,  les  conféquences  ou  les  inconfé- 
qoences  d'un  raifonnement ,  je  ne  fuis  pas 
fi  déraifonnable  pour  le  blâmer  de  ce  qu'il 
s'en  ferr.  Chacun  connoît  mieux  qu'aucune 
autre  perfonne  ce  qui  convient  le  mieux  à 
fa  vue  ;  mais  qu'il  ne  conclue  pas  de  là 
que  tous  ceux  qui  n'emploient  pas  jufte- 
ment  les  mêmes  fecours  qu'il  trouve  lui 
être  néceflaires ,  font  dans  les  ténèbres. 
LefyHo-  §•  5.  MaïiS  quel  que  foit  l'ufage  du  fyl- 
jifme,  n'eft      logifme  dans  ce  qui  regarde  la  connoi/fance , 

pas  d  un  •  °  ■       .•  /  •    /        ,-t     k 

g-and fecours  Je  croîs  Pcuvoir  dire  avec  vérité  op.il  efl 
dans  la  dé-  beaucoup  moins  util?,  on  plutôt  qu'il  n'efi 
monftration  ,  ahf0jument  d'aucun  tifage  dans  les  probabi- 

moins  encore    „■'  „    _       .         J    J ,  ,     '     ,/ 

dans  le*  pro-  *lies  '■>  car  '  ailentiment  devant  ère  deter- 
k^bilités.  miné  dans  les  chofes  probables  p.r  le  plus 
grand  poids  des  preuves,  après  qu'on  les  a 
duemenf  examinées  de  part  &  d'autre  d.ns 
foutes  leurs  circonstances  ,  rien  n'eft  moins 
propre  à  aider  l'efprit  dans  cet  examen  que. 
le  iyllogifme  ,  qui  muni  d'une  feule  pro- 
babilité ou  d'un  feul  argument  topique  fe  . 
donne  carrière ,  &  pou/fe  cet  argument 
dans  fes  derniers  confins  ,  jufqu'à  ce  qu'il 
t'xt  entraîné  l'efprit  hors  de  la  vue  de  la 
chofe  en  queftion  ;  de  forte  que  le  forçant , 
pour  ainfi  dire  ,  à  la  faveur  de  quelque 
difficulté  éloignée ,  il  le  tient  là  fortement 
attaché,  &  peut-être  même  err.brouiilé  & 
^ntre.hfîè  dans  une  chaîne  de  fyUogi fmes  8 


De  ta  Raijon.  Liv.  IV.         147' 
ftnsr  lui  donner  la  liberté  de  confidérer  de  =- 


«pel  côté  fe  trouve  la  plus  grands  proba-    c  H  *  /* 
bilité  ,    après  que  toutes   ont  été  duement 
examinées  ;  tant    s'en   faut    qu'il  fournifle 
les  fecours  capables  de   s'en  inflruire. 

$.  6.  Qu'on  fuppofe  enfin  ,  fi  l'on  veut,      Il'ntfferf 
que  le  fyllocnfme  eit  de  quelque  fecours  pour  P°'nt  a  auS" 

1  .  7     .  ?    1  j     menter  nos 

convaincre  les  hommes  de  leurs  erreurs  ou  de  COiinojflan_ 
leurs  méprifes  ,  comme  on  peut  le  dire  peut-  c?s ,  mais  à 
être,  quoique  je  n'aie  encore  vu  perfonnequi  c,  ^.'Tlc''iljjr. 
ait    é:é    forcé  par    le  fyllogifme  à  quitter  „uc  I:jUÎ 
fès  opinions,  il  eft  du  moins  certain  que  avons  deji,- 
le  fyllogifme   n'elt  d'aucun  ufage  à    notre 
raifon  dans  certe  pjrtie  qui  confite  à  ircu- 
Tcr  des  preuves  &   à  faire   d-:  nouvclUs  dé- 
couvertes ,  laquelle   fi  elle  n'cl  pas  la  qua- 
lité  la  plus   parfaite   do    l'eïpnc  ,     &  fans 
contredit   fa  plus  pénible  fonction  ,  &  celle" 
dont  nous  tirons  le    plus  d'uriliré.  Les  rè- 
gles du  fyllogifme  ne   fe  vent  en   aucuns 
m  miere  à  fournir  à  l'efprit  des  idées  moyen- 
nes  qui  puilient  montrer  la  conne.vijn  de 
celles  qui  lbnc  éloignées.  Ceirte  méthode  de 
raifjnner  ne  découvre    point  de  nouvelles 
preuves;  c'efr  feulement  l'art  d'arranger  cel- 
les que  nous  avons  déjà.  La  47me.  Propofî- 
tÏDn  du  premier  Livre  d'Eucli4'  eft  très- 
véritable,  m'is  je  ne  crois  pis  que  la  dé- 
couverte eu   fjit  due  à  aucunes  régies  de  la 
Logique  ordinaire.  Un  homme  connoît  pre- 
rtnererfleat  ,  &  i!    çît  ensuite   capable   de 
wret    ea  forme  fyllogiiriquc  ;  de  forte' 

L  4 


a4«  De  la    Raifon.  Liv.  IV. 

a  que  le  fyllogifme   vient  après  la   connoif1» 


^cvnP*  ^ilice>  &  alors  on  n'en  a  que  fort  peu,  ou 
'  point  du  tout  de  befoin.  Mais  c'eit  prinr 
cipalement  par  la  découverte  des  idées  qui 
montrent  la  connexion  de  celles  qui  font 
éloignées ,  que  le  fond  des  connoiflances 
s'augmente,  &  que  les  Arts  &  les  Sciences 
utiles  fe  perfectionnent.  Le  fyllogifme  n'efl 
tout  au  plus  que  l'art  de  faire  valoir ,  en 
difputant ,  le  peu  de  connoifTance  que  nom 
avons,  fans  y  rien  ajouter:  de  forte  qu'un 
homme  qui  emploieroit  entièrement  fa  rôi-» 
fon  de  cette  manière  ,  n'en  feroit  pas  ua 
meilleur  ufage  que  celui  qui  ayant  tiré, 
quelques  lingots  de  fer  des  entrailles  de. 
la  terre  ,  n'en  feroit  forger  que  des  épées 
qu'il  mettroit  entre  les  miins.de  fes  valets- 
pour  fe  battre  &  fe  ruer  les  uns  les  autres* 
Si  le  Roi  d'Efpagne  eût  employé  de  cette, 
manière  le  fer  qu'il  avoit  dans  fon  Royau- 
me ,  &  les  mains  de  fon  Peuple  ,  il  n'au- 
rpit  pu  tirer  de  la  Terre  qu'une  très- petite, 
quantité  de  ces  Tréfors  qui  avoient  été; 
cachés  fi  long  -  tems  dîns  les  Mines  de, 
Y  Amérique.  De  même  je  fuis  tenté  de  croire 
que  quiconque  confumera  toute  la  force  de 
fa  raifon  à  mettre  des  Argumens  en  for- 
me ,  ne  pénétrera  pas  fort  avant  dans  ce- 
fpnd  de  connoiflances  qui  relie  encore  ca- 
chés dans  les  fecrets  recoins  delà  nature, 
&  vers  où  je  m'imagine  que  le  pur  bon 
fens  dans  fa  fimplicité  naturelle  eflbeau-. 
coup  plus  propre  à  nous  tracer  un  chemia 


De  la  Raifon.  Liv.  IV.  249 

ppur  augmenter  p.ir-là  le  fond  des  connoif- 
îances  humaines ,  que  cette  réduction  du  rai- 
fonnement  aux  Modes  &  aux  Figures  dont 
on  donne  des  règles  fi  précifes  dans  les 
Ecoles. 

$.  7.  Je  m'itmgine  pourtant  qu'on  peut 
trouver  des  voies  d'aider  la  raifon  dans  cette 
partie  qui  eft  d'un  fi  gnnd  ufage;  &   ce 
qui  m'encourage  à  le  dire ,   c'eft  le  judi- 
cieux Hooker  qui  pr.rle  ainfi  dans  fon  Li- 
vre intitulé  La  Police  Eccléfiafîique  ,  Liv» 
1.  $.  6.  Si  l'on  pouvoit.  fournir  les  vrais 
fecours  du  Savoir  &   de   l'Art  de  raifon." 
lier,  (  car  je  ne  ferai  pas  difficulté  de  dire 
que  dans  ce  jiecle  qui  pajfe  pour  éclairé,  on 
ne  les  connoit  pas  beaucoup  ,  &  qu'en  gei- 
ndrai on  ne  s'en  met  pas  fort  en  peine  ) 
il  y  auroit  fans  doute  prtfqii 'autant  de.. 
différence  par  rapport  à  la  folidité  du  Ju- 
gement entre  les  hommes  qu'vsen  ferviroient 
&  ce    que  les  hommes  font  prifenttment  ? 
qu'entre  les  hommes  d'à  préfent  &  des  im- 
bécilles.  Je  ne  prétend  pas  avoir  trouvé  ou 
découvert   aucun  dé  ces  vrais  fecours  '  de 
l'art,  dont  parle  ce  grand  homme  qui  avoit 
lefprit  fi  pénétrant;  mais  il' eft  vifible  que 
lé  fyllogifme  &  la  Logique-  qui  ett  préfen- 
tement  en  ufage,  &  qu'on  connohToitauflî- 
bien  de  fon  tems  qu'aujourd'hui ,  ne  peu- 
vent être  du.  nombre  de  ceux  qu'il'  avoir 
dans  l'efprit.  C'eft  alfez  pour  moi  '  fi  dans 
un  Difcours  qui  eft  peut-être  un  peu  éloi- 
gné du  chemin  battu,  qui   n'a   point  été  ' 

L-ç 


1 . 

C    H    A    P. 

XVII.' 


a-5Q         De  la  Raijbn.  Liv.  IV. 
»  emprunte  d'ailleurs  ,   &  qui  à  mon    égard 


Xv\ l''    e^  ^ur^mQnt  tout-à-fait  nouveau ,  je  don- 
ne occafion  à  d'autres  de  s'appliquer  à  faire 
de   nouvelles  découvertes  &  à  chercher  en ., 
eux-  mêmes  ces  vrais  J'ecours  de    VArt9 
que  je  crains  bien  que   ceux  qui  fe    fou- 
mettent  fervilement  aux  décifions  d'autrui , 
ne  pourront  jamais  trouver  ,    car  les  che-  ■ 
mins  battus  conduifent  cette  efpecc  de  Bétail 
^■Horace    c'eft  ainfi  qu'un  judicieux  *   Romain  les  a 
Epift  î<5  l'    nomm^s  )  dont  toutes  les  penfées  ne  ten- 
V ImhatoTts  dent    qu'à  l'imitation  non  où  il  .faut  aller 
fayumvecus,  mà\s  où  l'on  va,  non  qub  eundum  ejl ,  fed  . 
quç  itur.  Mais  j'ofe  dire  qu'il  y  a  dans  ce  - 
fiecle  quelques  perfonnes  d'une  telle  force 
de  jugement  &  d'une  fi  grande  étendue  d'ef-  • 
prit  ,  qu'ils  pourroient  tracer  pour  l'avan-  . 
cernent  de  la  connoiffance  des  chemins  nou- 
veaux &  qui  n'ont  point  encore  été  décou- 
verts ,  s'ils  vouloient  prendre  la  peine  de  : 
tourner   leurs  penfées  de  ce  côté-là. 
Nous  raj-        x    g^  Après   avoir  eu  occafion  de  par- 
donnons fur     .      '  .  r  1-Ji-U-/-  ' 

deschofes  'er  dans  cet  endroit  du  iyllogilme  en  ge- 
pamculieres.  néral  &  de  fes  ufages  dans  le  mifonnemenù 
&  pour  la  perfection  dé  nos  connoiflances , 
il  ne  fera  pas  hors  de  propos  ,  avant  que 
de  quitter  cette  matière ,  de  prendre  con- 
noiffance d'une  méprife  vifibïe  qu'on  com- 
met dans  les  règles  du  fyljogifme  ;  C'eft 
que  nul  raifoniument  fyllo^ifiique  ne  peut  - 
ùre  jufle  &■  concluant ,  s'il  ne  contient  au 
moins  une  Propojition  générale  :  comme  fi 
bçus.  ne  .pouvions  point  raifonnej  &  av^i?  s 


DelaRcifon.    Liv.  IV'.  ajl 

des  connoiffhnces  fur   des    chofes  particu-  =-_ 

lieres  :  au  lieu   que  dans  le  fond  on  trou-    T^vri! 
vera ,  tout  bien  confide'ré  ,  qu'il  n'y   a  que 
les  chofes  particulières  qui  foient  l'objet  im- 
médiat de  tous  nos  raifonnemens  ôc  de  toutes 
nos  connoi'i':.nces.  Le  raisonnement  &  la  con- 
noiffance  de  cirque  homme  neroule  que  fur 
les  idées  qui  exiitent  dansfon  efprit ,  deiquel- 
*cs  chacun  n'eft  erTeftivement    qu'une  exif- 
tence  particulière  ;  fe  d'autres  choies  ne  de- 
viennent l'objet  de  nos  connoiffances  &  de  nos 
riiionnemens  qu'en  tant  qu'elles  font  con- 
formes à   ces  idées  particulières  que  nous 
avons  dans  i'efprit.    De  forte  que  la  per- 
ception de  la  convenance  eu  de  la  difeon- 
venance  de  nos  idées  particulières  eft  le  fond  ' 
&  ie  total  de   notre  connoiffance.    L'uni- 
yerfalité  n'eft  qu'un  accident  à  fon  égard  ,  , 
&  conlifte  uniquement  en  ce  que  les  idées 
particulières  qui  en  font  le  fujet  ,  font  tel- 
les que  plus  d'une  chofe  particulière  peut 
leur  être  conforme  &  être  repréfentée  par 
elles.  Mais  la  perception  de  la  convenance  •" 
ou   de  la  diiccnver>a*»;e  de  deux  idées  r  &  -- 
p^r  conféquent  notre  connoiffance  eft  éga- 
lement claire  &  certaine,  foit  que   l'une 
d'elles   ou   toutes  deux  foient  capables  de 
repréfenter  plus  d'un  Etre  réel  ou  non,  ou  •■ 
One  nuiîe  d'elles  ne  le  foit.  Une  autre  cho- 
fe que  je  prends  la  liberté  de  propofer  fur 
le.  fyllogifme ,   avant  que  de  finir  cet  arti- 
cle, c'eft  ,  fi  Ton   n'auroit  pos  fujet  d'exa- 
miner fi  la  forme-  qu'on  donne  préférée-  - 

L  6 


a?X         De  la  Raifort.  Liv.  IV. 


C  h"a~7.  ment  au  fyl'ogifrne  eft  telle  qu'elle  doi*v 
X  V  I  i,  être  raisonnablement.  Car  le  terme  moyen; 
étant  deitiné  à  joindre  les  Extrêmes ,  c'eft- 
à-dire ,  les  idées  moyennes ,  pour  faire  voir- 
par  fon  enuemife  la  convenance  ou  la  dif-. 
convenance  de  deux  idées  en  queftion  > 
la  pofition  du  terme  moyen  ne  leroit-elle, 
pas  plus  naturelle  ,  &.  ne  montreroit-elle.. 
pas  mieux  &  d'une  manière  plus  claire  la, 
convenance  ou  la  difconvenance  des  extrê- 
mes ,  s'il  étoit  placé  au  milieu  entre  deux  ? 
Ce  qu'on  pourroit  faire  fans  peine  en  tranf- 
pofant  les  propofitions  ,  &  en  faifant  que  le 
terme  moyen  fût  l'attribut  du  premier  &  . 
&  le  fujet  du  fécond ,  comme  dans  ces  deu3Ç_ 
exemples ., . 

Omnis  homo  ejl  animal , 
Omne  animal  efl  vivens , 
Mrgo  omnis  homo  ejl  vivens?  . 

Opine,  corpus  eJLextenfum &  folidum^ 
JN,ullum  extenfum  &  folidum  ejl  pur%f, 

extentio  ,. 
Ergor  corpus  non,  efi-pura  extentio. 

Il  :  n'eft  pas  nécefiaire  quç  j'importune- 
mon  Lecteur  par  des  exemples  de  fyllo-- 
gifmes.dont  la  CQnclufioa.foit  particulière»  . 
Jba  même  raifon  autorife  auffi  bien  cette  for-  - 
ne à. l'égard. de  ces  derniers fyilogiim.es  qulà* 


De -là  Raifon.  Liv.  IV;         aJ3- 
ljégard-  de  ceux  dont  la  concîufion  efl  gé-  tsass         =a 

Qérale.  Wll? 

§.  9.  Pour  dire  présentement  un  mot  de 
l'étendue  de  notre  raifon  ,  quoiqu'elle  pêne-      pourquoi, 
tre  dans    les  abymes  de.  la  mer    &  de   la  la  raifon  vient 
terre,    qu'elle  s'élève  jufqu'aux  étoiles    &;  *"°uesn  ™™~ 
nous  conduife  dans    les   vafies  efp.-.ces  &  taines  ren- 
ies appartenons  immeufes  de  ce  prodigieux  contres, 
édifice  qu'on  nomme    V  univers  ,  il    s'en 
faut  pourtant  beaucoup  qu'elle  comprenne 
même  l'étendue  réelle  des  Etres  corporels  ; 
&  il  y  a  bien  des  rencontres  où  elle  vient  à 
nous  manquer. . 

Et  premièrement  elle  nous  manque  abfo-   I.  Parce  qaç 

ment  par-tout  où  les  idées  nous  manquent.  lesidées 
•en  ,•        •  ii-  nous  rmn.- 

Elle    ne   s  étend,    pas    plus   loin    que    ces  quent. 

idées  ,  &  ne  fauroit  le  faire.  C'eft  pourquoi 
par-tout  oit  nous  n'avons  point  d'idées , 
notre  raisonnement  s'arrête ,  &  nous  nous 
trouvons  au  bout  de  nos  comptes.  Que  fi  - 
nous  raifonnons  quelquefois  fur.  des  mots' 
qui  n'emportent  aucune  idée,  c'efl  unique- 
ment fur  ces  fons  que  roulent  nos  rai- 
Ibnnemens  ,  &  non ..  fur  aucune  autre 
chofe. 

$.    10  En  fécond  lieu   notre  raifon   eft     u  parce 
fouvent  emb.irrafiée  &  hors  déroute  à  caufe  que  nos  idée* 
de  l'obfcurité,  delà  cenfufion  ,  oude  l'im- £n.tobfcfure$ 
perfechon    des    idées    fur   lesquelles     elle  tes» 
•'exerce  ;  &  ceû  alors  que  nous  nous  trou- 
vons  embarraflés   dans    des-  contradictions 
&    des    difficultés   inlùrmoncables.    Ainfi,  , 
parce  que  no.us  n'«Yons  point  d'idées  par-?- 


114         De  là  Raifon.  LW.  IV ■. 
==a  faites  de  la  plus  peine  extcnfion  de  la  nra*-- 

<L .  H  A    P.  .  .r.r., 

X  VIL     tiere  ,  ni  de  l'inhniie  ,  notre  raifon  eir  à 
bout  fur  le  fujet  de  la  divisibilité  de  la  ma- 
tière ;  au  lieu  qu'ayant  des  idées  parfaites  , 
claires  &  diftinctes  du  nombre,  narre  rai- 
fon ne  trouve  dans  les  nombres  aucune  de  . 
ces  difficultés  infurmontables  ,  &  ne  tombe 
d«:ns    aucune    contradiction    fur  leur  fujet, 
Ainfi  les  idées  que  nous  avons  des    opéra- 
tions de  notre  efpric  &  du  commencement 
du  mouvement  ou  de  la   penfée  &  de  te 
manière  dont  l'efprit  produit  l'une  &  l'autre  . 
en  nous  ;  ces  idées ,   dis-je  ,   étant  impar- 
faites ,  &  celles  que  nous  nous  fermons  de  .- 
l'opération  de  Dieu  l'étant  encore  davantage,  . 
elles  nous  jettent   dans  de  grandes  difficul- 
tés fur  les  Agens  créés,  doués   de  liberté,  . 
defquelles  la  raifon  ne  peut    guère  fe  dé-  • 
barralfer. 

ÎH.  Parce        (>.  i r.  En  troifieme  lieu  ,  notre  raifon  eu  - 
eue  les  idées    ..    •  ,T,     ^  ,  ,  ,,       , 

moyenne*-     louvent  pouilee  a  bout,  parce  quelle  nap- 

nous  r&an-      perçoit   pas  les  idées  qui  pourraient  fervir 
que/it.  ^  juj  montrer   une  convenance  ou  dîfcon- 

venance  certaine  ou  probable  de  deux  au- 
tres idées  ;  &  dans  ce  point  les  facultés  de  ; 
certains  hommes  l'emportent .  de  be.iuo>up 
fur  celles  de  quelques  autres.  Jufqu'àceque 
X Al-ebre ,  ce  .  grand  inftrurnent    &    ecte  . 
preuve  infîgne  de    la    fagacité  de  l'homme., 
eût  été  découverte  ,    les    hommes    reg-u- 
-ijient  avec  étonnement  plufieurs  démonf- 
trations    des    anciens   Mathématiciens  ,  &  : 
pouvaient  à  peine  s'empêcher  de  croire  que  . 


Efctâ Èàijvn.  Lïv.  IV.         11  % 

îa  découverte  de  quelques-unes  de  ces  preu-  — <- — '- — s» 
ves  ne  fut  au  deifiis  des  forces   humaines.    ^"v^/* 

$.  îa.  En  quatrième  lieu,  lefprit  venant 
à  bâtir  fur  de  faux  principes  ,    fe    trouve     iv.  Parca- 
fouvent  engagé  dans  des  abfurdites  ,  &  des  que  nous 
difficultés  infurmontables ,  dans  de  fâcheux  [omTSc im" 
dciiles  &  de  pures   contradictions  ,  fans  fa-  principes» 
voir  comment  s'en  tire:vEt  dans  ce  cas  il 
eft  inutile  d'implorer  le-  fecours   de  la  rai- 
fon  ,    à  moins  que  ce    ne   foit  pour    dé- 
couvrir la  fauffeté  &  fecouer  !c  joug  de  ces 
principes.  Bien  loin  que  la  raiîbri  éclairciife 
les    diificukés    dans   lesquelles    un    homme  - 
s'engage    en-  s'appuyant     fur  de   mauvais- 
fondemens  ,    elle  l'embrouille    davantage, 
&  le  jette  toujours   plus  avant  dans    Tenir 
barras. 

§.   13.   En  cinquième  lieu  ,   comme  les     V.  Acaufe- 
idées  obfcures  &   imparfaites    embrouillent  ^es  termes 

r  ^  1  ■  r        /■       1  «  c      j  douteux  &• 

iauvent  la  railon  lur  le  même  fondement  ,  incertauis. 
il  arrive   fouvent  que  dans  les   difeours  & 
dans  les  raifonnemens  des    hommes,  leur 
raifon  eft  confondue  &z  notifiée  à  bout  pas 
des  mots  équivoques  &  des  figr.es  douteux 
8c  incertains ,  lorfqu'ils  ne  font  pas   exac- 
tement fur   leurs  gardes.  Mais  quand  nous 
venons  à    tomber  dans  ces  deux    derniers  . 
égaremens,  c'eft  notre  faute,  &  non  celle 
de  la  raifon.Cependant  les  conféquences  n'eà  s 
font    pas   moins  communes  ;   &  l'on  vok  - 
par-tout   les  embarras  ou  les  erreurs  qu'ils  ■-, 
produifent  dans  l'efprit    àes  hommes 

$.  14.  Entre  les  idées  que  nous-  iyaos^i 


C   H    A   P. 
XVII. 

Le  plus 
haut  degré 
de  notre 
connoiflance 
ert'l'intui- 
tion,  fans 
raifonne- 
msr.t. 


2.56"  De  la  Raifort.  Liv.  IV. 

dans  refprit ,  il  y  en  a  qui  peuvent,  être^ 
immédiatement  comparées  par  elles-mêmes, 
l'une  avec  l'autre  ;  &  à  l'égard  de  ces  idées 
l'efprit  eft  capable  d'apptrcevoir  qu'elles 
conviennent  ou  difconviennent ,  suffi  claire- 
ment qu'il  voit  qu'il  les  a  en  lui-même. 
Ainû  l'efprit  apperçoit  aufli  clairement  que 
l'arc  d'un  cercle. eft  plus  petit  que  tout  le 
cercle  ,  qu'il  apperçoit  l'idée  même  d'un 
cercle  :  &  c'elt  ce  que  j'appelle  à  caufe  de 
cela  une  connoiJfan.ee  intuitive  ,  comme  j'ai 
déjà  dit  :  connoifTance  certaine ,  à  l'abri  de 
tout  doute ,  qui  n'abefoin  d'aucune  preuve  & 
ne  peut  en  recevoir  aucune  ,  p;.rce  que 
c'eft  le  plus  haut  point  de  toute  la  certitude 
humaine.  C'eft  en  cela  que  confifle  l'évi- 
dence de  toutes  ces  Maximes  fur  lefquelles 
perfonne  n'a  aucun  doute  ,  de  forte  que  norr- 
feulement  chacun  leur  donne  fdn  confente- 
mem  ,  mais  les  reconnoît  pour  véritables 
dès  qu'elles  font  propoféés  a  fon  entende- 
ment. Pour  découvrir  &  embraifer  ces  vé- 
rités ,  il  n'eït  pas  nécelfaire  de  faire  aucun 
ufage  de  la  faculté  de  difeourir  ,  on  n'a  pas 
befoin  de  raifennement  ;  car  elles  font  con- 
nues dans  un  plus  haut  degré  d'évidence  ;. 
degré  que  je  fuis  tenté  de  croire  (s'il  eft 
permis  de  ha  farder  des  conjectures  fur  des- 
chofes  inconnues  )  tel  que  les  Anges  ont 
préfentement ,  &  que  les  efprits  des  hommes 
j6ftes  parvenus  à  la  perfection  auront  dans 
l'état  à  venir  ,  fur  mille  chofes  qui  à  prêtent 
échappent  tout-à-fait  à  notre  entendement 


Delà  Kalfon.  Liv.  IV.  a 57 

&  defquelles  notre  raifon  dont  la  vue  eft  fi 

X  V  II. 


bornée  ,  ayant   découvert   quelque    foibles    c  H 


rayons,  tout  le  relie  demeure  enféveîi  dans 
les  ténèbres  à  notre  égard. 

$.  x;.   Mjis  quoique  nous  voyons  ça  &  eftIa^3! 
là  quelque    lueur  de  cette    pure   lumière,  tration  par 
quelques  étincelles  de   cette  éditante  con-  voie  de  rai-, 
noiilance,   cependant  la  plus   grande  partie 
de  nos  idées  font  de   telle  nature  que  nous 
ne  faurions  difcerner  leur  convenance    ou 
leur  difconvenance  en  les  comparant  immé- 
diatement enfemble.   Et  à  l'égird  de  toutes 
ces  idées  nous  avons  befoin    du    r^ifonne- 
ment  ,  &    fommes  obligés  de  faire  n  >î  dé-- 
couvertes  par  le  moyen  du  di  (cours  &  des 
déductions.   Or  ces  idées  font  de   deux  for- 
tes ,  que  je  prendrai  la  liberté  i'expofer  en- 
core aux  yeux  de  mon  Lecteur. 

Il  y  a  premièrement  ,  les  idées  dont  on. 
peut  découvrir  la  convenance  m  la  difeon- 
v.enance  par.  l'intervention  d'autres  idées, 
qu'on  compare  avec  elles  ,  quoiqu'on  ne 
puilfela  voir  en-joignant  enfemble  ces  pre- 
mières idées.  Et  en  ce  cas-là  ,  lorfque  la 
convenance  ou  la  difeonvenance.  des  idées 
moyennes  avec  celles  auxquelles  nous  vou- 
lons les  comparer  ,  fe  montrent  vifible- 
inent  à  nous ,  cela  fait  une  demonftration, 
qui  emporte  avec  foi  une.  vraie  connoif-. 
fance,  nuis  qui,  bien  que  certaine  ,  n'eft 
pourtant  pas  fi  aifée  à  acquérir  ,  ni  tout-à- 
fait  fi  claire  que  la  connoiffance  intuitive  ;, 
garce,  qu'en,  celle-ci  il    n'y  a  qu'une  feule- 


fcçt  De  la  Raifon.  Liv.  IV. 

s  intuirion  ,  pure  &  fimple,  fur  laquelle   cm 

Sc'yU*'  n°  lauro*c  fe  méprendre  ni  avoir  ld  moin- 
dre apparence  de  doute  ,  la  vériré  y  pa- 
roi/Tant tout-à-Ia-fois  dans  fa  dernière  per- 
fection. Il  eft  vrai  que  l'intuition  fe  trouve 
auflî  dans  la  démonftration  ,  rmis  ce  n'efl 
pas  tout-à-la  fois  ;  car  il  faut  retenir  dans 
ià  mémoire  l'intuition  de  la  convenaneeque 
l'idée  moyenne  a  avec  celle  à  laquelle  nous 
l'avons  comparée  auparavant  ,  lorfque  nous 
Venons  à  la  comparer  avec  l'idée  fuivante  ; 
&  plus  il  y  a  d'idées  moyennes  dans  une 
dimonftration  ..plus  on  efr  en.  danger  de  fe 
tromper  ,  car  ii  faut  remarquer  &  voir  d'une 
connjii...n:e  de  fiîDpfé  vue  ch  •.que  conve- 
nance ou  difeonvenance  des  ki ies  qui  en- 
trent dans  la  démonftration  ,  en  chaque  de~ 
gré  de  la  déduction,  &  retenir  cerre  liaifon 
dans  la  mémoire  ,  juftement  comme  elle  efl 
de  forte  que  l'efprit  doit  être  anuré  qus 
nulle  partie  ds  ce  qui  efl  néceffaire  pour 
former  la  démonftration,  n'a  été  omife  ou. 
négligée.  C'efl  ce  qui  rend  certaines  dé- 
monftrations  longues  ,  embarraiTées  ,  & 
trop  difficiles  pour  ceux  qui  n'ont  pas  afTez 
de  force  &  d'étendue  d'cfprit  pour  apper- 
cevoir  diftinclement ,  &  pour  retenir  exac- 
tement &  en  bon  ordre  tant  d'articles  par- 
ticuliers. Ceux-mêmes  qui  font  capables  de 
déorouil'er  dans  leur  tête  ces  fortes  de  fpé- 
culurons  compliquées  ,  func  obligé1;  quel- 
quefois de  les  faire  palier  plus  d'une  foi** 
en  revue  avant  que  cle  pouvoir  p.u-vcn1 


C    H    A    P. 

xwiu 


DeîaRaifon.  Liv.  rV'.  la- 
tine connoiftance  certaine.  Mais  du  refte, 
îorfque  l'efprit  recient  nettement  &  d'une 
connoiffunce  de  fimple  vue  le  fouvenir  de 
!a  convenance  d'une  idée  avec  une  autre , 
&  de  celle  ci  avec  une  troisième,  &  de  cette 
troiiieme  avec  une  quatrième  ,  &c.  albw  la 
convenance  de  la  première  &de  la  quatrième 
cR  une  démonfrration  ,  &  produit  une  con- 
noirliince  certaine  qu'en  peut  appeller  cen- 
noijfance  raifonnée  ,  comme  l'autre  efr.  une 
epnnoiflance  inuùùve.  p0llr  fUp_ 

fy.  16.  Il  y  a  ,   en  fécond   lieu  ,  d'i-utres  p'éeraees 

idées  dont  on  ne    peut  juger    qu'elles    fe  *»»»*«»'■ 

r        . J    °         "  tes  ce  la  rai- 

conviennent  ou   difeonviennent   autrement  fon  ,  il  ne 

que  par  l'entremife  d'autres  ide'es  qui  n'ont  nousrefte 
pjin:   de   convenance    Certaines    avec    les  ^en*,  f onde 
ex  rêmes ,  m  ris  feulement  une  convenance  fur  des  rai- 
ordinaire  ou  vraifemblable  ;  &  c'eft  fur  ces  fonnemens 
...  ,..  r  ,.  .      .  probables», 

idées  qu  il  y  a  occanon  à  exercer  le  Juge- 

ment ,  qui  efr  cet  acqvhfccmcnt  de  Vefprit 
par  lequel  on  fuppofe  que  ctrtbïrtis  idées  con- 
viennent entr' elles  en  les  comparant  avec  ces 
fortes  de  moyens  probables.  Quoique  cela 
ne  s  élevé  janvùs  jufqu'à  la  connoiiTance  , 
ni  jufqu'à  ce  qui  en  fait  le  plus  bas  degré j 
cependant  ces  idées  moyennes  lient  quel- 
quefois les  extrêmes  d'une  manière  fi  in- 
time, &  la  probabilité  efr  fi  claire  &  fi  forte, 
que  l'auentiment  h  fuit  auffi  néceffairement 
que  la  connoiffance  fuit  la  démonfrration. 
L'excellence  &  l'ufage  du  Jugement  con- 
fuie  à  obferver  exactement  la  force  &  le 
ooids  de  chaque  probabilité  &  à  en  faire  une 
juf>e  eftimarion   ;  &  enfuite   après .  avoir  à  > 


i.6o  De  la  Raifort.  Liv.  IV. 

pour  ainfi  dire  ,  routes  fommées  exaclemenr,. 
X  V*  L      â  fe  déterminer  pour  le  côté  qui  emporte 

la  balance. 
Intuition  *        $.    17.    La  connoijfance  intuitive  eu  la. 
aémonftra-      perception   de   la  convenance  ou  difconve- 
tion  ,  juge-     y   '.    *  j      j  •_>/  i 

n,ent,    b       venance  certaine  de  deux  îdces  comparées 

immédiatement  enfemble. 

La  connoijfance  raifonnée  elt  la  percep- 
tion de  la  convenance  ou  difconvenance 
certaine  de  deux  idées  ,  par  l'intervention, 
d'une  ou  de  plufieurs  autres  idées. 

Le  jugement  eil  la  penfée  ou:  h  fuppofi- 
tion  que  deux  idées  conviennent  ou  dif— 
conviennent  y  par  l'intervention  d'une  cit 
de  plufieurs  idées  dont  l'efprk  ne  voit  pas. 
la  convenance  ou  la  difconvenance  certaine 
avec  ces  deux  idées,  mus  qu'il  a  obfervé" 
être  fréquente  &.  ordinaire. 
Cônféquen-  %  1  &•  Quoiqu'une  grande  partie  des  fonc- 
ées déduites    tions  de  la  raifon  ,  dv  ce  qui  en  fait   le  fujec 

des  paroles,  ordinaire  ,   ce  foit  de   déduire  une  propo- 
St  confequen-  À  ....     *  ,  ,  r* 
ces  déduites    "tion  dune  autre,    ou  de  tirer  des  conle- 

it%  idéas.       quences  par  des  paroles  ;  cependant  le  prin- 
cipal ade  du  raifonnement  confifte  à  trou- 
ver la  convenance  ou  la  difconvenance  de 
deux  idées  par  l'entremife  d'une  troifieme  ,N 
comme  un   homme  trouve  par.  le  moyen 
d'une  aune    que  la  même  longueur  convient, 
à.  deux  maifons    qu'on  ne    fauroit    joindre, 
enfemble  pour  en  mefurer  l'égalité  par  une. 
jiiXutpojitijn.Lçs  mots  pnt  leurs  conféquences 
ea  tant  qu'ils  font  lignes  de  telles  ou  telles 
idées  j,(Sç  les  chofes  conviennent  ou  dacorv?- 


De  ta  Raifon.lW.  IV.  i6r 

viennent  félon  ce  qu'elles  font  réellement ,  ■  .  -j 

mais  nous  ne  pouvons  le  découvrir  que  par    C  n  a  p. 
les  idées  que  nous  en  avons. 

$.  1.9.  Avant  qne  de  finir  cette  matière,     Quatre 
î\  ne  fera  pas  inutile  de  faire  quelques  ré-  fortes  d'ar» 
flexions  fur  quatre  fortes  d'argumens  dont  g«mens. 
les  hommes  ont  accoutumé  de  fe  ferviren 
raifonnant  avec  les  autres  hommes ,  pour 
les  entraîner  dans  leurs  propres  fentimens-, 
ou    du    moins  pour   les    tenir     dans    une 
efpece    de    refpeft    qui    les    empêche    de 
contredire. 

Le  premier  eu  de  cirer  les  opinions  des  Lepretniet 
perfonnes  qui  par  leur  efprit ,  par  leur  fa-  advtr"u*- 
voir ,  par  Péminence  de  leur  rang  ,  par  leur 
puiffance,ou  par  quelqu'autre  raifon  ,  fe 
font  fait  un  nom,  &  ont  établi  leur  réputa- 
tion fur  l'eftime  commune  avec  une  cer- 
taine efpece  d'autorité.  Lorfque  les  hom- 
mes font  élevés  à  quelque  dignité  ,  on  croit 
qu'il  ne  fied  pas  bien  à  d'autres  de  les  con- 
tredire en  quoique  ce  foit ,  &que  c'eft  bief- 
fer  la  mcdeftie  de -mettre  en  queflion  l'au- 
torité de  ceux  qui  en  font  déjà  en  poffef- 
lion.  Lcrfqu'un  homme  ne  fe  rend  pas 
promptement  à  des  décifions  d'Auteurs  ap- 
prouvés que  les  autres  embraffent  avec  fou- 
miffion  &  avec  refpecl,  on  eft  porté  à  le  cen- 
furer  comme  un  homme  trop  plein  de  va- 
nité :  &  l'on  regarde  comme  l'effet  d'une 
grande  infolence  qu'un  homme  ofe  établir 
un  fentiment  particulier  &  le  foutenir  con- 
tre le  torrent  de  l'Antiquité  ,  ou  le  mettre 


i.6%         De  la  'Raifort.  Liv.  IV. 

•fc.u-  _ !  en  oppofition  avec  celui  de  quelque  favant 

Scvtl1"*  ^°^eur  ou  ^e  quelque  fameux  Ecrivain. 
C'eit  pourquoi  celui  qui  peut  appuyer  fes 
opinions  fur  une  telle  autorité  ,  croit  dès- 
la  erre  en  droit  de  prétendre  la  victoire  ., 
&  il  eft  tout  prêt  a  taxer  d'imprudence 
quiconque  ofera  les  awîquer.  C'eit  ce  qu'on 
peut  appeller,  à  mon  avis,  un  argument 
ad  vevtcur.diam. 
Le  fécond       £#  ao#  Un  fécond  moyen  dont  les  hom- 

viam!'0ra  mes  fe  fervent  pour  porter  &  forcer  ,  pour 
ainfi  dire,  les  autres  à  foumettre  leur  juge- 
ment aux  décifions  qu'ils  ont  prononcées 
eux-mêmes  fur  l'opinion  dont  on  difpute  , 
c'efl:  d'exiger  de  leur  adverfaire  qu'il  ad- 
mette la  preuve  qu'ils  mètrent  en  avant  , 
ou  qu'il  en  affigne  une  meilleure.  C'efl  ce 
j'appelle  un  argument  ad  ignorantiam. 
.,        .r  6.    2.1.  Un  troifieme  moyen  ,    c'efl   de 

me,  ad  ho-     preiler   un   hcmrae    par    les  comecuences 

vtitem.  qUi  découlent  de  fes   propres  principes  ,  ou 

de  ce  qu'il  accorde  lui-même.  C'efl  un  ar- 
gument déjà  connu  fous  le  titre  d'argument 
ad  liQrpùncm. 
Le  qnatrie-       $.  ai.  Le  quatrième  confifle  à  employer 

me,  ad judi-  fes  preuve5  x'irtes  de  cuelqu 'une  des  four- 
ces  de  la  connoiiiance  ou  de  la  probabùire. 
C'eft  ce  que  j'appelle  un  argument  ad  judi- 
cium.  Fù  c'efl  le  feul  de  tous  les  quatre 
qui  foit  accompagné  d'une  véritable  inftruc- 
tien, &  qui  nous  avance  dans  le  chemin  de 
la  connoifTa-nce.  Car  I  ,  de  ce  que  je  ne 
veux  pas  contredire  un  Jwmme  par  refpeâ;, 


■■uum. 


&>  U  Raifon.  Liv.  I  v*.         ^.6*3 

jou  par  quelqu' autre  coniidé  ation  que  celle  ■— m— g_aa 
<^e  la  conviction ,  il  ne  s'enfuit  point  que  Ch*]f- 
4"on  opinion  foit  raifonnable.  II.  Ce  n'eft 
pas  à  dire  qu'un  aurre  homme  fait  dans  le 
bon  chemin  ,  ou  que  je  doive  entrer  d-ms 
le  mîme  chemin  que  lui  par  la  raifon  que 
je  n'en  connais  point  de  meilleur.  III.  Dès- 
là  qu'un  homme  m'a  fait  voir  que  j'ai  tort., 
.il  ne  s'enfui1-  pis  qu'il  ait  raifon  lui-m:me. 
Je  puis  erre  modeite  ,  .&  p;r  cette  r.-.ifon 
ne  point  attaquer  l'opinion  d'un  au_re hom- 
me. Je  puis  è:re  ignorant  ,  &  n'être  pas 
capable  d'en  produire  une  meilleure.  Je 
puis  être  dans  l'erreur  ,  &  un  autre  peut 
■me  faire  voir  que  je  me  trompe.  Touc  cela 
peur  oie  difpofer  peut-être  à  recevoir  la 
vérité  ,  mus  il  ne  contribue  en  rien  à  m'en 
donner  la  connoiffjnce  ;  cela  doit  venir  des 
preuves  ,  des  argumens  ,  &  d'une  lumière 
qui  naiffe  de  la  nature  des  chofes  mêmes 
&  non  de  ma  timidité ,  de  mon  ignorance 
&  de  mes  égaremens. 

§.  2.3.  Par  ce  que  nous  venons  de  dire  çe  m>e  c>e$ 
de  la  raifon,  nous  pouvons  être  en  état  de  que  ,felonla 
former  quelques  conieâures  fur  cette  dif-  ratjbn^an~ 

•     a.-  1  1      r  ■>    11         r  deLus  dem- 

tinction  des  choies  ,   en  tant  qu  elles  font  r0*  t  &  con^ 
félon  la  raifon  ,  au  dejfus  de  la  raifon  ,  &  traire  à  la 
contraires  à  la  raifon.  raifon. 

I.  Par  celles  qui  font  félon  la  raifon , 
j'entends  ces  proportions  dont  nous  pou- 
vons découvrir  la  vérité  en  examinant  & 
?en  fuivant  les  idées  qui  nous  viennent  par 
yoie  de  fenfajiaa.  &  de  réflexion ,  &  <jue 


164         De  ta  Raifon.  Liv.  it. 

-w*—  ■  ■     ^  nous  trouvons  véritables  ou  probables  "paft 
SrvM**    des  déductions  naturelles. 

II.  J'appelle  au  deffus  de  la  rairon  ,  les 
propositions  dont  nous  ne  voyons  pas  que 
la  vérité  ou  la  probabilité  pu i fie  être  dé- 
duite de  ces  principes  par  le  fecours  de 
la  rai  Ton. 

ML.  Enfin  les  propositions  contraires  à  la 
raifort ,  font  celles  qui  ne  peuvent  ccnfifter 
ou  compatir  avec  nis  idées  claires  ôc  dif- 
tinétes.  Ainfi  ,  l'exigence  d'un  DiEU  eft 
félon  la  raifon,  l'exiflence  de  plus  d'un 
Dieu  eft  contraire  à  la  raifon  ,  &  la  ré- 
furreclion  des  morts  eft  au  défias  de  la  rai- 
fon. De  plus  ,  comme  ces  mots  au  dejfus  de 
la  raifon  peuvent  être  pris  dans  un  double 
fens  ,  favoir  pour  ce  qui  ert  hors  de  la 
fphere  de  la  probabilité  ou  de  la  certitude 
je  crois  que  c'efr  aufil  dans  ce  fens  éten- 
du qu'on  dit  quelquefois  qu'une  chofe  eft 
contraire  à  la  raifon. 
La  raifon  $•  a4-     Le    mot    de  raifon  eft  encore 

Se  la  foi  ne      employé  dans  un    autre  ufage  ,  par  où  il 

£ïxP£es    eft  °W*6  à  Ia   Foi  :  &  *P°*<P*  ce  foit  là 
-«ppofées.       une   manière  de  parler  fort  impropre  en 

elle-même,  cependant  elle  eft  fi  fort  au- 
torifée  pat  l'ufrge  ordinaire  ,  que  ce  feroit 
une  folie  de  vouloir  s'oppofer  ,  eu  remé- 
dier à  cet  inconvénient.  Je  crois  feulement 
qu'il  ne  fera  pas  mal  à  propos  de  remar- 
quer que  de  quelque  manière  qu'on  op- 
pole  la  Foi  à  la  raifon  ,  la  Foi  n'eft  au- 
tre chofe  qu'un  ferme  afientiment  de  l'ef- 

prit 


De  la  Raifon.  Liv.  IV.         i'6"? 
prit ,  lequel  affentiment  étant  réglé  com-  . —      "  ra 
ine  il  doit  être  ,  ne  peut  être  donné  à  au-      vxî  L 
cune  chofe  que  fur  de  bonnes  raifons ,   & 
par  conféquent  il  ne  fauroit  être  oppofé  à 
la  raifon.    Celui  qui   croit ,  fans  avoir  au- 
cune raifon  de  croire ,  peut  être  amoureux 
de  fes  propres  fantaifies ,  mais  il  n'eft  pas 
vrai  qu'il    cherche    la   vérité   dans   l'efprit 
qu'il  la  doit  chercher ,  ni   qu'il  rende  une 
obéiiTance  légitime  à  l'on  Maître  qui  vou- 
drait qu'il  fît  ufage  des  facultés  de  difeerner 
les  objets  ,  defquels  il  l'a  enrichi  pour  le 
préferver  des    méprifes  de  l'erreur.    Celui 
qui  ne  les  emploie  pas  à  cet  ufage  autant 
qu'il  eft  en  fa  puiflance ,  a  beau  voir  quel- 
quefois la  vérité ,  il  n'eft  dans  le  bon  che- 
min que  par  hafard  ;   &   je   ne  fais  fi   le 
bonheur  de  cet  accident  exeufera  l'irrégu- 
larité de  fa  conduite.   Ce  qu'il  y  a  de  cer- 
tain .  au  moins ,  c'efl  qu'il  doit  être  comp- 
table de  toutes  les  fautes  où   il  s'engage  ; 
au  lieu  que  celui  qui  fait  ufage  de  la  lu- 
mière &    des  facultés  que  Dieu  lui  a  don- 
nées ,  &  qui  s'applique  fincérement  à  àé- 
couvrir  la  vérité  ,  par  les  fecours   &  l'ha- 
bileté qu'il  a  ,  peut  avoir  cette  fatisfaclion 
en  faifant  fon  devoir  comme  une  créature 
raifonnable;  encore  qu'il  vînt  à  ne  pas  ren- 
contrer la  vérité  ,  fi  recherche  ne  biffera  pas 
d'être  récompenfée.  Car  celui-là  règle  tou- 
jours bien  fon  affentimenr,&  le  place  comme 
il  doit ,  lorfqu'en  quelque  cas  ou  fur  quel- 
que matière  que  ce  foit  ;  il  croit  ou  refufe 
Tome  I  V,  M 


&66         De  la  Raisin,  fciv.  IV. 
t-;  —  de  crcirc   felcn  que  ù  raifun  l'y   conduit. 

XV  II."  Celui  qui  fait  currcmcnt,  pèche  contre  Tes 
propres  lumières  ,  ck  abufe  de  fes  facubés 
qui  ne  lui  ont  été  données  pour  aucune 
autre  fin  que  pour  chercher  tk  fuivre  la, 
glus  claire  éad&eace  ex  la  plus  grande  pro- 
babilité. Lins  parce  que  la  Raifcn  &  la  Foi 
font  mifes  en  cppofnion  par  certaines  per- 
fonnes ,  nous  allons  les  confidérer  fous  ce 
rapport  dans  le  Chapitre  fuivant. 


CHAPITRE     XVIII. 

De  la  Foi   &  de  la  Raifon  ,  &  de  leur  t. 
bornes  dijlincl.es. 

^ $.  i.  fxT 

C  h  a  p.  1  NfOus  avons  montré  ci-defius  , 

I.   que  nous  femmes  néceiiaircmont    d.'.ns- 

Ti    n    ,        l'ignorance ,  &    que  toutes  fortes  de  cen- 

ceffaire  de       nomances  nous  manquent ,  la  ou  les  idées 

tonnoître  les   nous  manquent.    i.  Que  nous  femmes  dans. 

bornes   de  la    „•  o     i  m      '     i  •  r       ~       : 

Foi  &  de  la     1  ignorance  ce  deîhtues  gc  connonlance  ra- 
Raifon.  fonnée ,  dès  que  les  preuves  nous  manquent. 

3..  Que  la  connoiflance  générale  &  la  cer- 
titude nous  manquent  par-tcut  où  les  idées 
fpécifiques  ,  cl:  ires  tk  dé:erminées  vien- 
nent à  nous  manquer.  4.  Et  enfin  ,  que  la, 
probabilité  nous  manque  pour  diriger  no- 
tre alfentiment  dans  des  miticres  où  nous, 
n'avons  ni  connorTance  par  nous-mêmes 
ni  témoignage  de  la  parc  das  autres  nom. 


De  la  Foi,  Je  la  Raifort,  &c.  Liv.  IV.  26*7 

înes  fur  quoi  notre  raifon  puiiïe  fe  fonder.  -=» 

De  ces  quatre  chofes  préfuppofées ,  en  CxHy*u** 
peut  venir ,  je  penfe  à  établir  les  bornes 
qui  font  entre  la  Foi  &  la  Raifon  ;  con- 
noifTance  dont  le  défaut  a  certainement  pro- 
duit dans  le  monde  de  grandes  difputes  & 
peut-être  bien  des  méprifes  ,  û  tant  eft 
qu'il  n'y  ait  pas  caufé  aufïi  de  grands  dé- 
fordres.  Car  avant  que  d'avoir  déterminé 
jufqu'où  nous  fommes  guidés  par  la  rai- 
fon ,  &  jufqu'où  nous  fommes  conduits  par 
ia  Foi ,  c'eft  en  vain  que  nous  difpurerons , 
&  que  nous  tâcherons  de  nous  convain- 
cre l'un  l'autre  fur  des  madères  de  Re- 
ligion. 

§.  2.  Je  trouve  que  drins  chaque  Seâré      Ce  que 
on  fe  fert   avec   plailir  de  la  raifon  autant  fjj \  ??]* rsi. 
qu'on   en  peut  tirer   quelques  fe  cours  ;  &  fon,  entrât 
que,  dès  que  la  raifon  vient  à  manquer  à  3"!*1'*8  • 
quelqu  un  ,  de  quelque  Secte  qu  il  'oit ,  il  j<une  <j«  i'aU«. 
s'écrie  aufïï-tôt,  c'efl  ici  un  article  de  Foi,  tre. 
&  qui  e(i  au  dejfus  de  la  raifort.    Mais  je 
ne  vois  pas  comment  ils  peuvent  argumen- 
ter contre  une  perfonne  d'un  autre  parti, 
ou   convaincre  un  anragonifte  qui   fe   fert 
de  la  même  défaire,  fans  pofer  des  bornes 
précifes  entre  la  Foi  &  la   raifon  ;  ce  qui 
devroic  être   le   premier   point   établi  dans 
toutes  les    queftions  où    la    Foi  a  quelque 

F"; 

Confidérant  donc  ici  la  raifon  comme 
diflincle  de  la  Foi  ,  je  fuppofe  que  c'efl 
la  découverte  de  la  certitude  ou  de  la  pro- 


2 68       De  la  Foi ,  de  la  Raifon  , 
,: =  habilité  des  propofitions  ou  vérités  que  l'eP- 

2YHk'  P™1  Vient  *  ccnno»tre  p=r  des  dédu&ions 
tirées  d'idées  qu'il  a  acquifes  par  l'uf-ige  de 
fes  facultés  naturelles  ,  c'eft-à-dire  par  fen- 
fatïon  on  par  réflexion. 

La    Foi  d'un  autre   coté  ,  eft  l'afTenti- 
inent  qu'on  donne  a  toute  propofition  qui 
n'eft   pas    ainfi  fondée  fur  des   d.-duclions 
de  la  raifon  ,   mais  fur  le  crédit  de  celui 
qui  les  propofe  comme  venant  de  la  part 
de  Dieu  par  quelque  communication  extraor- 
dinaire. Cette  manière  de  découvrir  des  vé- 
rités aux  hommes  ,  c'eft  ce  que  nous  ap- 
pelions révélation. 
Nulle  nou-       $•   3'  Premièrement  donc  je  dis  que  nul 
-velie  idée       homme  infpiré  de  Dieu  ne   peut  p  ir  au- 
fimple  ne_      Cune   révélation   communiquer  aux    autres 
peut  être  in-  n      -j'     r       »  .-, 

ttoduite  clans  hommes  aucune  nouvelle  idée  (impie  qu  ils 

l'efpritpar  n'euffent  auparavant  par  voie  de  feniation 
tiontracH-"  ou  ^e  ^flexion.  Car  quelqu'imprelhon  qu'il 
.tioiiale.  puiffe  recevoir  immédiatement  lui  -  même 

de  la  main  de  Dieu,  fi  cette  révélation  elt 
compcfée  de  nouvelles  idées  funples  ,  c  le 
ne  peut  être  introduite  dans  l'elprit  d'un 
autre  homme  par  des  paroles  ou  par  au- 
cun autre  fjgne  ;  parce  que  les  paroles  ne 
produifent  point  d'autres  idées  par  leur 
opération  immédiate  fur  nous  que  ceiles 
de  leurs  fons  naturels  :  &  c'eft  par  la  cou- 
tume que  nous  avons  pris  de  les  employer 
comme  fignes,  qu'ils  excitent  &  réveillent 
dans  notre  efprit  des  idées  qui  y  ont  été 
auparavant ,  &  non  d'autres,  Car  des  mots 


&  de  leurs  bornes,  tiv.  IV.       l£? 
tus  ou  entendus  ne  rappellent  dans  notre  e 


efprit  que  les  idées  dont  nous  avons  ac-  xy\-t\*' 
coutume  de  les  prendre  pour  fignes  ,  &: 
ne  fauroient  y  introduire  aucune  idée  (Im- 
pie parfaitement  nouvelle  &  auparavant  in- 
connue. 11  en  eft  de  même  à  l'égard  de 
tout  autre  ligne  qui  ne  peut  nous  donner 
à  connoître  des  chofes  dont  nous  n'avons 
jarmis  eu-  auparavant  aucune  idée. 

Ainfi  ,  quelques  chofes  qui  eufTent  été 
découvertes  à  S.  Paul,  lorfqu  il  fur  ravi  dans 
le  trcifieme  Ciel,  quelques  nouvelles  idées 
que  fon  efprit  y  eût  reçu  ,  toute  la  def- 
cription  qu'il  peut  faire  de  ce  lieu  aux  au- 
tres hommes  ,  c'efl:  que  ce  font  des  chofes  quz 
l'œil  n'a  point  vues,  que  l 'oreille  n 'a  point 
ouies  ,  &  qui  ne  font  jamais  entrées  dans 
le  cœur  de  l'homme.  Et  fuppofé  que  Dieu 
fît  connoître  furnstureUernsnc  à  un  hom- 
me une  efpece  de  créature  qui  habite  par 
exemple  dans  Jupiter  on  dans  Saturne,  pour- 
vue de  lix  fens,  (car  perfonne  ne  peut  nier 
qu'il  ne  puilTe  y  avoir  de  telles  créatures 
dans  ces  Planettes)  &  qu'il  vînt  à  impri- 
mer dans  fon  efprit  les  idées  qui  font  in- 
troduites dans  l'efprit  de  ces  habitans  de 
Jupiter  ou  de  Saturne  par  ce  fixieme  fensy 
cet  homme  ne  pourroit  non  plus  faire  naî- 
tre par  des  paroles  dans  l'efprit  des  autres 
hommes  les  idées  produites  par  ce  fixie- 
me fens  ,  qu'un  de  nous  pourroir ,  par  le 
ion  de  certains  mots,  introduire  l'idée  d'une 
couleur  dans  l'efprit  d'un  homme  qui  pof- 

M} 


C  tr  a  p. 


170      De  la  Foi ,  de  la  Raîfon  , 

fédant  les  quatre  autres  fens  dans  leur  per- 
fection ,   auroit  toujours  été  privé  de  ce- 

XYnT"  ^J'  ^°  'a  vue"  1>2r  eon^qBBat»  c-fc  uni- 
quement de  nos  facultés  naturelles  que  nous 
pouvons  recevoir  n:j;  idées  (impies  qui  font 
le  fondemen*-  &  h  feule  matière  de  toutes 
nos  notions  &  de  toute  notre  ccnniii,  rt- 
ce;  &  nous  n'en  pouvons  abfokwnent  re- 
cevoir aucune  par  une  révélation  tradiiio- 
nah  ,  fi  j'oie  me  fervir  de  ce  terne.  Je 
dis  une  révélation  trad'uionale  ,  pour  la 
diftineuec  d'une  révélation  originale.  J'en- 
teijJs  par  cette  dernière  la  première  inv- 
prciTion  qui  eft  faite  immédiatement  par  le- 
doigt  de  Dieu  fur  i'e'prit  d'un  homme  ;. 
impreflion  à  laquelle  nous  ne  pouvons  fi- 
xer aucune  borne  :  2o  p.'.r  l'outre  j'entends 
ces  impreffions  propelées  à  d  outres  par  des 
piroles  Si  par  [es  voies  ordinaires  que  nous 
avons  de  nous  communiquer  nos  concep- 
tions les  uns  aux   autres. 

ta  rêvé-  y-   4-   ^e  -*s  en  fecona<  lieu   que  les  Hlê-* 

lation  tradi-  mes  vérités  que  nous  pouvons  découvrir 
tionale  peut        r  ja  rajfon     peuvent  nous  être  commu- 

nous  faire  *  .  '  r  ,    „     .  ,.  .        , 

connoître  niquees    par    une   révélation    traditionale. 

des  proppfi-  Ain'i  ,  Dieu  pourroit  avoir  communiqué 
peut* connoî-  aux  nommes  Par  'e  moyen  d'une  telle  ré- 
tre  parle  fe-  vélation  ,  la  connoiffance  de  la  vérité  d'une 

cours  de  la      propofition  à'Euclide.  tout  de  même  que 

railon ,   mus  .r      V  •  \    ,       , ,.  ■ 

non  pas  avec  ^es  nommes  viennent  a  u  découvrir  eux- 

autant  de        mêmes  par  Tufage  naturel  de  leurs  facul- 

certitudeque  ^    Miis  dans   toutes  les  chofes  de  cerre 

parce  der-  ,  , 

siernwyen,    efpece  3  la  revelotion  neit  pos  tort  ne.ccl- 


&  de  leurs  bornes.  Liv.  IV.       17 1 
fair^,  ni  d'un  grand  ufage;  parce  que  Dieu  ; —  J^saaftgi 

"J  H    A    P. 

XVIII. 


nous  a  cbnni  des  moyens  naturels  &  plus 


f  *.rs  pur  arriver  à  cette  connoiiTance.  Car 
tuure  vérité  que  nous  venons  à  découvrir 
clairement  par  la  connciiTancc  &  p:r  la 
contemplation  de  nos  propres  idées  fera 
toujours  plus  certaine  à  notre  e'gard  que 
celles  qui  nous  feront  enfeignées  par  une 
réviLtion  tradïtionale.  Cir  la  c?.nnoiuan- 
ce  que  nous  avons  que  cette  révocation  eu. 
venu  [iéremsnt  de  Dieu  ,  ne  peut  ja- 

ma:.-;  être  i\  fine  eue  la  connoiiTance  que 
produit  en  nàns  h  perception  claire  & 
diâiade  que  nous  avons  de  h  convenance  ou 
de  ladifccnven.ince  de  nos  propres  idées.  Par 
exemple,  su  avait  été  révélé  depuis  quelques 
iïecies  que  les  trois  angles  S vn  triangle  faut 
égauxadzux  droits  ,  je  pourrois  donner 
mon  çoafenûemeiîrà  la  vérité  de  cette  pro- 
pontion  fur  h  foi  de  la  tradition  qui  allure 
qu'elle  a  été  révélée  ;  mais  cela  ne  parvien- 
-droit  jamais  à  un  fi  haut  degré  de  certi- 
fie la  connnin'înce  même  que  :'en  au- 
sn  comparent  &  melaraiit  mes  pro- 
pres idées  de  deux  angles  droits g&  les 
trois  angles  d'un  triangle.  Il  en  eft  de 
même  à  l'égard  d'un  fait  qu'on  peut  con- 
noitre  par  le  moyen  des  fens  :  par  exem- 
ple, rhiftoire  du  déluge  nous  elt  commu- 
niquée par  des  écrits  qui  tirent  leur  origi- 
ne de  la  révélation  ;  cependant  perfonne 
•ne  dira,  je  penfe  .  qu'il  a  une  connoi  (fan- 
ée  2uîli  certaine  ik  auiïi   claire  du  déluge 

M  4 


1JZ  7)t  la  Foi ,  de  la  Raifort  , 
^"  '  ■—  qje  Nos  qui  le  vit ,  eu  qu'il  en  auroit  tiU' 
^viV'  lui-même  s'il  eût  éié  alors  en  vie  &  qu'il 
l'eût  vu.  Car  l'affurance  qu'il  a  que  cette 
hiflcire  eft  écrite  dans  un  Livre  qu'on  fup- 
pofe  écrit  par  Moyfe  Auteur  infpiré,  n'eft 
pas  plus  grande  que  celle  qu'il  en  a  par 
le  moyen  de  fes  fens  ;  mais  l'afïurance  qu'il 
a  que  c'eft  Moyfe  qui  a  écrit  ce  Livre  , 
n'eft  pas  fi  grande  ,  que  s'il  avoir  vu  Moyfe 
qui  l'écrivoit  actuellement  ;  &  par  consé- 
quent l'afïurance  qu'il  a  que  cette  hiftoire 
eil  une  révélation ,  eft  toujours  moindre  que 
l'afïurance  qui  lui  vient  des  fens. 
La  rêvé-  y.    5.  Ainfi ,  à  l'égard  des   propofitions 

Rationne        dont  la  certitude  eft  fondée  fur  la  percep-- 
Yeut  être  .  .  j      1      jfr 

recue  contre  ti0n  claire  de  la  convenance  ou  de   la  dn- 

une  claire      convenance  de  nos  idées  qui   nous  eft  con- 
évidence  de    nue  cu  intuition  immédiate  cem- 

h  xaifon.  r  ?       , ...  .. 

me  dans  les  propolitions  évidentes  par  elles- 
mêmes  ,  ou  par  des  déductions  évidentes  de 
la  raifon  comme  dans  les  démonflrations^. 
le  fecours  de  la  révélation  n'eft  point  né- 
ceiTaire  pour  gagner  notre  afTentiment,  & 
pour  introduire  ces  proportions  dans  notre 
efprit  ;  parce  que  les  voies  naturelles  par, 
où  nous  vient  la  connoiffance,  peuvent  les 
y  établir,  ou  l'ont  déjà  fait  :  ce  qui  eft  la 
plus  grande  affurance  que  nous  puiflions 
peut-être  avoir  de  quoi  que  ce  foit  ;  hor- 
mis lorfque  Dieu  nous  le  révèle  immédia- 
tement, &  dans  cette  occafion  même,  no- 
tre affurance  ne  faurci:  être  plus  grande  que 


xviii 


&  de  leurs  bornes.  Liv.  IV.       2.73  ^ 

lk  connoiîTance  que  nous    avons  que  c'eft    l  .i_j ^t 

une  révélation  qui  vient  de  Dieu.  Mais  je      Srvfif" 
ne  crois  pourtant  pas  que  fous  ce  titre  rien 
puiire  ébranler  ou  renverfer  une  connoif- 
fance  évidente,  &  engager  railonnablement 
aucun  homme  à  recevoir  pour  vrai  ce  qui 
eft  directement  contraire  a    une  chofe   qui 
fe  montre  à   fon   entendement    avec   une 
parfaite     évidence.     Car    nulle    évidence 
dont   puiflent  être  capables  les  facultés  par 
où   nous    recevons  de  telles    révélations  ^ 
ne  pouvant  furpaifer  la  certitude  de   notre- 
connoiffance    intuitive,    fi  tant  eft  qu'elle 
puiile  l'égaler  ;  il  s'enfuit  de-îà  que  nous 
ne  pouvons  jamais    prendre    pour    vérité 
aucune  chofe  qui  foie  directement  contraire 
à-  notre    connoiflance^   claire  &    dictin£te„  - 
Parce  que  l'évidence  que  nous  avons,  pre~- 
mitrement,     que  nous  ne  nous   trompons 
point  en  attribuant  une  telle  chofe  à-Di eu  9 
Se  en  fécond  lieu ,  que  nous:  en  compre- 
nons levraifens,  ne  peut  jamais  être  fi 
grande  que  l'évidence  de  notre  propre  con-- 
noifTance  intuitive  par  où  nous  appercevons 
qu'il  eft  impoiîible  que  deux  idées  dont  nous 
voyons  intuitivement  la  difeonvenance  7  doi- 
vent être  regardées  ouadmifes  comme  ayant 
une  parfaite  convenance  entr'elles.  Et  par" 
conféquent  ,    nulle    propofition  ;  ne  peur 
être  reçue  .pour  révélation   Divine ,  on  ob»  • 
tenir TafTentiment  qui  eft  dû   à  toute:  ré-- 
vélation   émanée  de  Dieu  ;  fi  elle  efhcon-*-- 
tcadiiSt^irement  oopoféeà  notre  consofTancr-- 

M  U 


•Z74      Be  îa  foi  y  de  la  Raifon  , 

■j u — <  c.ùre  Se  de  limple  vue  ;  parce  que  ce  ferok 

*X*vîu'  *  enverfer  les  principes  <k  les  fondemens  de 
toute  connoillance  &  de  tout  ailentiment| 
de  forte  qu'il  ne  reftaroit  plus  de  différence 
dans  le  monde  entre  la  vérité  &  la  f.mf- 
fêté  ,  nulles  mefures  du  croyable  &  de  lin— 
croyable,  fi  des  proportions  douteufes  doi- 
vent prendre  place  devant  des  proportions 
évidentes  par  elles-mêmes,  &  que  ce  que 
nous  conncifTons  certainement  dut  céder 
le  pas  à  ce  fur  quoi  nous  femmes  peut- 
être  dans  l'erreur.  Il  eft  donc  inutile  de 
preffer  comme  articles  de  foi  des  proposi- 
tions contraires  à  la  perception  claire  que 
nous  avons  de  la  convenance  ou  de  la  dif- 
convenance  d'aucune  de  nos  ide'es.  Elles  ne 
ne  fauroien  t  gagner  notre  afientiment 
fous  ce  titre,  ou  fous  quelqu'au're  que  ce- 
fbit.  Car  la  foi  ne  peut  nous  convaincre 
d'aucune  chofe  qui  fut  contraire  à  notre 
connoiîî'ance  :  parce  qu'encore  que  la  Foi: 
foie  fondée  fur  le  témoignage  de  Dieu,  qui. 
ne  peut  mentir  ,  &  par  qui  telle  ou.  telle 
jfropofition  nous  eft  revé'ée;  cependant 
nous  ne  fauriens  être  afRirés  qu'elle  eft 
véritablement  une  révélation  divine,  avec 
plus  de  certitude  que  nous  ne  le  fommes 
de  la  vérité  de  notre  propre  coimoilf..nce;. 
puifque  toute  la  force  de  ta  cerrirude  dé- 
pend de  la  connoiif  nce  que  nous  avons: 
que  c  ef:  Dieu  qui  a  révélé  cette  pr  ipofi- 
non  ;  de  forte  que  dins  ce  cas  ou  l'on* 
fuppofe  que  h  proportion  îévélie  ePrcon— 
îiiixe  à  notre  coruioiiTance  ou.  à  notre  £â>- 


&  de  kri's  bornes.  Liv.  IV.       175 

fon ,  elle  fera  toujours  en  barre  à  cette  ob- — -=* 

jeelion  :  Que  nous  ne  faurians  dire  corn-  [,?.  |(p* 
ment  il  cii  poffibte  de  concevoir  qu'une 
chofe  vienne  de  Dieu,  ce  bienf  iHârit  Au- 
teur de  notre  être  :  laquelle  étant  reçue 
p-vir  véritable  ,  doit  renverfer  tous  les  prin- 
ce pes  &  rous  les  fondemens  de  connoif- 
fh.:ce  qtfll  hatis  9  donnés,  rendre  toutes 
nos  lvculces  inutiles,  dé'ruire  abfolument 
h  plus  excellente  partie  de  fon  ouvrage  f 
re  veux  dire  notre  entendement ,  &  rédui- 
re l'homme  dans  un  état  où  il  aura  moins 
de  lumière  8c  Se  moyens  de  fe  enduire 
crue  les  bêtes  qui  périffent.  Car  fi  l'efprir 
de  l'homme  ne  peut  jamais  avoir  une  évi- 
dence plus  cl  °  ire,  ni  peut-être  fi  claire 
qu'une  chofe  eft  de  révélation  Divine,  que 
celle  qu'il  a  dos  principes  de  fa  propre  rai— 
fon  ,  il  ne  peut  jamais  avoir  aucun  fonde- 
ment de  renoncer  à  la  pleine  évidence  de- 
fa  propre  raifon  pour  recevoir  à  la  placer 
vopofi'ion  dont  la  révélation  n'eft  pas. 
accompagnée  d'une  plus  grande  évidence 
■que  ces  principes. 

«5.   6.  J-ji'qves-là  un  homme  a    droit  de     j^^-^  ^n^ 
fttire  nfàfgie   de  fa  raifon  ,  &  eft   obligé  de  corp  in  rêv6- 
t'écouter,  même  à   l'Jgard  d'une  révélation  '• '.",CT   twcS- 
fcriginale  &  immédiate  qu'on  fuppofe  avoir 
-■  Faite  I  !ui-m4me.  Mais  pour  rocs  ceux: 
-qui  ne  prétendent  pas  à  une  révélation  ira— 
Bi€5hrce3    &  de  qui  l'on  exige  qu'ils   re- 
çoivent avec  foumifïïnn  des  vérités   rever- 
sées à  d'autres  hommes ,  qui  leur  font  cois- 

M  6 


ijo      De  la.  Foi,  delà  Raifon , 

muniquées  par  des  écrits  que  la  tradition* 
"Y*'1       a  fait  pafjer  entre  leurs  mains,  ou  par  des? 
paroles  (orties   de   la  bjuche   d'une    autret 
perfonne  ,  ils  ont  beaucoup  plus  affaire  de. 
la  raifon  ,  cv  il  n'y  a  qu'elle  qui  puifTe  noust 
engager  à    recevoir  ces  fortes    de  vérités- 
Car  ce  qui  eft  matière  de  foi  étant  feule- 
ment une  révélation   divine  ,  ôc  rien  autre 
chofe  ;  la  foi ,   à  prendre  ce  mot   pour  es 
que  nous  appelions  communément  Foi  Di- 
y'me ,  n'a  rien  à  faire  avec  aucune  autre  pro- 
pofition que  celles  qu'on  fuppofe  divinement 
révélées.  De  forte  que  je  ne  vois  pas  com- 
ment ceux»  qui  tiennent  que  la  feule  révé- 
lation  eft  l'unique  objet  de  la  foi ,  peuvent 
dire,  que  c'eft  une  matière  de  foi  &  ncn. 
de  raifon  ,    de    croire   que   telle  ou    telle 
proportion  qu'on  peut  trouver  dans  tel  ou 
tel  livre  eft  d'infpiration  divine,    à  moins 
qu'ils  ne   fâchent  par  révélation   que  cette 
-.propofition  ou  toutes  celles  qui   font  dans 
ce  livre,  ont    été  communiquées   par  .une- 
infpiration  divine.    Sans   une    telle  révéla»  - 
tion ,  croire  ou   ne  pas  croire  que    cette 
propofition  ou    ce.  livre  ait    une  autorité 
divine,    ne  peut  jamais  être  une  matiera 
de  loi ,   mais  de  la  raifon  ,   jufques-là  que  - 
je  ne  puis  venir   à    y  donner  mon   con- 
fentemenr  que  par  l'ufage    de  ma  raifon  5 . 
qui  ne  peut  jamais  exiger  de  moi  ,  pu  me 
mettre  en  état  de  croire  ce  qui  eft  conr* 
traire  à  elle-même,     étant  impoflîble  à  !a. 
jaifc-A  de  porter   jamais  l'efprit    à  donner. 


&.  de  leurs  Bornes,  Lïv.  IV*      2.77" 
Çàn  afTentiment  à  ce  qu'elle-même  trouve 


C  H  A  P.. 

xyiiu. 


déraisonnable. 

Par  conféquent  dans  toutes  les  chofev  ou 
aous  recevons  une  claire  év  dence  par  nca 
propres  idées  &  par.  les  principes  de  con- 
noiiTance  dont  j'ai  parH  ci-deffus  ,  la  rai- 
fon  efl:  le  vrai  Juge  compécenr  ;  &  quoique 
la  révélation  en  s'accordant  avec  elle  puifTe 
confirmer  fes  décifions ,.  elle  ne  fauroit 
pourtant ,  dans  de  tels  eus ,  invalider  fes 
décrets  ;  &  par-tout  où  nous  avons  une  dé. 
cifion  claire  &  évidente  de  la  raifon  ,  nous, 
ne  pouvons  être  obligés  d'y  renoncer  pour 
embraffer  l'opinion  contraire  ,  fous  prétex- 
te que  c'eit  une  matière  de  foi  ;  car  la  foi 
ne  peut  avoir  aucune  autorité  contre  des 
décifions  claires  &.  expreiles  de  la  rai- 
fon. 

$•.  7.  Mais  en  troifieme  lieu ,  comme  il     Les  chofe 

y  a   plufieurs  chofes  fur  quoi  nous  n'avons  Q™  fon,t  ?u 
i  r        ■  r  •  r  ■  oeffus  de-la  > 

que  des  notions  fort  imparfaites  ou  iurquoi  ra;fon 

nous  n'en  avons  abfolumcnt  point ,  &  d'au- 
tres dont   nous  ne  pouvons  point  connoî- 
tre  l'exiftence  pafTée ,  préfente  ou  à  venir  9 . 
par  l'ufage  naturel   de  nos  facultés;  com^- 
me,  dis-je,  ces  chofes  font  au-delà  de  ce 
que  nos  facultés  naturelles  peuvent  décou?- 
vrir  &   au-deffus  de  la  raifon ,  ce  font  de  r. 
propres   matières   de    foi  lorfqu'elles  font: 
révélées.  Ainfi  ,  qu'une  partie  des  Ange*-; 
f§  foient  rebellés  contre  Dieu  ,  &  qu'à  caur 
iè  de  cela  ils  aient  été  privés  du  bonheur 
de, leur  premier    état  ;    &  que  les   mortfc. 


1J%       De  l.i  Toi,  de  la  Raifon  ,J 
«s— ==a  refiufciteront  &  vivront  encore  ;  ces  chc 
<XVM>*      ^*  aurres  Semblables  étant  au-delà  de  ce  que 
la  raifon   peur  découvrir,     font  purement 
des  matières  de  foi  avec  lefquelles  la  raifoa 
n'a  rien   à  voir  directement. 
Ou  non  $•  8.  Mais  parce  que  Dieu  en  nous  ac- 

contraires  à    cordant  la  lumière  de  la  raifon  ,  ne  s'eft  pas 

fa  raifon,  fi  o:e'  ^  j    jjberté  de  nous  donner ,  lorf- 

eiles  lont  re-  r        .  » 

vélées ,  font  qu  il  le  juge  a  propos ,  le  fecours  de  la 
des  matières  révélation  fur  les  matières  ou  nos  facultés 
naturelles  font  capables  de  nous  détermi- 
ner par  des  raifons  probables  ;  dans  ce  cas 
lorfqu'il  a  plu  à  Dieu  de  nous  fournir  ce 
fecours  extraordinaire ,  la  révélation  doit 
l'emporter  fur  les  conjectures  probables  de 
la  raifon.  Parce  que  l'efprit  n'étant  pas  cer- 
tain de  la  vérité  de  ce  qu'il  ne  connoît  pas 
évidemment,  mais  fe  kiffant  feulement  en- 
traîner à  la  probabilité  qu'il  y  découvre, 
sft  obligé  de  donner  fan  aiïcntiment  à  un= 
témoignage  qu'il  -T-.it  venir  de  celui  qui 
ne  peut  tromper,  ni  être  trompé.  ■(_"• 
àant  il  appartient  touj.'urs  à  la  raifon  de 
juger  fi  c'eft  véritablement  une  révéiatbn, 
&  qu'elle  eft  la  ligjnirk-ation  des  paroles  dans 
iefque'iles  elle-  eft  propoiee.  Il  eft  vrai  que 
û  une  chofe  qui  eft  contraire  aux  prin- 
cipes ividens  de  la  ri-ffon  '&  à  h  connoif— 
lance  nunifefte  que  l'elprit  a  de  (es  propres 
idées  cidres  &  drai notes,  paffe  pour  révé- 
lation ,  il  faut  alors  écouter  la  raifon  fur 
cela  com.TK1  fur  une  rar.riere  dont  elle  a 
4cok  de  juger;   puifqu'uo '^mme  ne  per^T 


&.  de  Sears  bcr:i:.u  Liv.  TV.  îyy 
jamais  connaître  fi  certainement ,  qu'une 
propofinon  contraire  aux  principes  clairs  XVUL* 
&  évidens  de  fes  comioiffances  naturelles, 
eft  révélée ,  ou  qu'il  entend  bien  les  mors 
dans  lefquels  elle  lui  eu  prepofée ,  qu'il 
connaît  que  la  propofuion  contraire  eft  vé- 
ritable ;  &  par  conséquent  il  efi:  oblige  de 
confiderer,  d'examiner  cette  propolition 
comme  une  matière  qui  eit  du  reffort  de 
la  r.  iibn  ,  &  non  de  h  recevoir  fans  exa- 
men ,    commme  un  article  de  foi. 

$.   o.  Premièrement  donc  toute  propo-  ,  ^faur 
1  ii  pevélée,  de  la  vente  de  laquelle  lef-  révélation 
prit    ne    fauroit    juger  par   fes  facultés  8z  dans  des  ma- 
notions   naturelles ,   eït    pure  matière    de  Uerres  ou  'a 

r  .       t.  ,     r         j      i  r  rajlonnefai;- 

foi,  &  au-dc-lus  de  la  r.iion.  roitjuwer, 

En  fécond  lieu  ,   toutes  les  propofuions  ou  dont  elle- 
fur  lefquelles  l'efprit  peut  fe  déterminer ,  terqu^des-^ 
avec  le  fecours  de  fes  facultés  naturelles,  iugemens 
par  des  déductions   tirées  des  idées  qu'il  a  probables* 
acquifes  naturellement ,   font  du  reifort  de 
la  raifon,  mr.is  toujours  avec  cette  différen- 
ce qu'à  l'égi rd  de  celies  fur  lefquelles  l'ef- 
prit  n'a  qu'une  évidence   incertaine ,  n'é- 
tant perfuadé  de   leur  vérité    que  fur    des- 
fondemens    probables  ,    qui    n'empêchenr 
poir.'  que  le  contraire   ne  puifTe  être  vrai 
f*ns  faire  violence  à  l'évidence  cerraine  de 
fes  propres  connoiilances ,    &  fans  détrui- 
re les    otincipes   de  tout  raifonnernent  ;  à 
i,  dis-je,  de  ces  propofitions  proba- 
bles,  une  révélation  évidente  doit  déter- 
jaaioer  notre  *iïentbaent ,  &  même  contre.- 


ï$o     Be  la  Foi ,  dé  la  Raifonr,. 
g"^  —  la  probabilité.  Car  lorfque  les  principes  d 

xv m*'  *a  rj'^on  nont  F3S  ^a'c  vo*r  évidemment 
qu'une  propofition  cft  certainement  vraie 
ou  fiulle,  en  ce  cas-là  une  révélation  mi- 
mfefte,  comme  un  autre  principe  de  véri- 
té &  un  aurre  fondement  d'ail'entiment  , 
a  lieu  de  déterminer  l'efpric  ;  &  ainfi  là 
propofition  appuyée  de  la  révélation  de- 
Tient  matière  de  foi ,  &  eft  au-delîus  de  la 
raifon  ;  parce  que  dans  cet  article  parti- 
culier la  raifon  ne  pouvant  s'élever  au- 
déifias  de  la  probabilité,  la  foi  a  détermi^ 
né  l'efprit  où  la  raifon  eft  venue  à  man-»~ 
quer ,  la  révélation  ayant  découvert  de  que! 
côté  fe  trouve  la  vérité. 
Trfeut  $•    IO-  Jufques-là  s'étend  l'empire  de  '1 

\6couter  la  foi,  &  cela  fans  faire  aucune  violence  ou. 
raifon  dans  aucun  obftacie  à  h  raifon,  qui  n'eft  point 
des  matières  .        r~À  '      o  c 

oùelle  peut    bleuee  ou  troublée,  m*us  alliltee  &  perfec-r 

fournir  une  tionnée  par  de  nouvelles  découvertes  de  îa 
certaine!"  vérité ,  émanée  de  la  fource  éternelle  de 
toute  ccnnoifïi-nce.  Tout  ce  que  Dieu  a  r ■■■■ 
vêlé,  eff  certainement  véritable,  on  n'en 
fauroit  douter.  Et  c'eft-là  le  propre  objet 
de  la  foi.  Mais  pour  favoir  fi  le  point  en 
queftion  efi:  une  révélation  ou  non  ,  il  faut 
que  la  raifon  en  juge  ,  elle  qui  ne  peut  ja- 
mais permettre  a  l'efprit  de  rejeter  une: 
plus  grande  évidence  pour  embraffer  ce 
qui  eft  moins  évident,  ni  fe  déclarer  pour 
îa  probabilité  par  oppofuion  à  la  connoif- 
fance  &  à  la  certitude.  Il  ne  peut  point  y 
avoir, d.' évidence ,  qu'une  révélation  connue- 


—     &  de  leurs  bornes.  Liv.  IV.     18 1 

par  tradition  vient  de  Dieu  dans  les  ter-  — 
mes  que  nous  la  recevons ,  &  dans  le  fens  cYHvfuF* 
que  nous  l'entendons  ,  qui  foit  fi  claire  & 
fi  certaine  que  celle  des:  principes  de  la 
raifon.  C'eff  pourquoi  nulle  chofe  con- 
traire ou  incompatible  avec  des  decifions 
de  la  rai  fou  ,  claires  &  évidentes  par  elles- 
mêmes,  n'a  droit  d'être  preffee  ou  reçue 
comme  une  matière  de  foi  à  laquelle  le 
raifon  n'ait  rien  à  voir.  Fout  ce  qui  eu 
révélation  divine,  doit  prévaloir  fur  nos 
opinions,  fur  nos  préjugés,  &  nos  inté- 
rêts ,  &  eft  en  droit  d'exiger  de  Pefprit  un 
parfait  affentiment.  Mais  une  telle  fou- 
miffion  de  notre  raifon  à  la  foi  ne  ren- 
verfe  pas  Les  limites  de  la  connoiifance, 
&  n'ébranle  pas  les  fondemens  de  la  rai- 
fon ,  nvis  nous  laiife  la  liberté,  d'employer 
nos  facultés  à  l'ufage  pour  lequel  elles  nous 
ont  été  données. 

§.   11.  Si  l'on  n'a  pas  foin  de  difîinguer     Sil'onn'é» 
les   différences    Jurifdifiions    de  la  foi    &  tablit pas  des_ 
delà  raifon  par  le  moyen  de  ces  bornes,  ^fof&Ta re 
la   raifon    n'aura  absolument  point  de  heu  raifon,  il 
en  matière  de  religion,  &  l'on  n'aura  au-  ?ï  a  r.,en  de 

.  j       lia  1  •    •  01       "fanatique 

cun  droit  de    blâmer   les    opinions  oc  les  0u  de  fi  ex- 
cérémonies extravagantes   qu'on  remarque  travagant 

dans  la  plupart  des   religions  du   monde  :  !"  m"î'?re 
r  v  r  0  >  de  religion 

car  c'eft  à  cette  coutume  d'en  appeller  à  la  q«i  puifle 
foi  par  oppofition  à  la  raifon,  qu'on  peut,  être  refuté» 
je  penfe  ,  attribuer  ,  en  grande  partie  ,  ces 
a.bfurdités  dont  la  plupart  des  religions  qui 
djyifent  le  genre  humain,    font  remplies^. 


Ch 


1^1  Le  la  Foi,  de  la  IXaifon,  ScLiv.  IV. 

a  Les  hommes  n'ayant  été  une  fois  imbus  de 
'  "  *  p-  cetee  opinion,  qu'ils  ne  doivent  point  con- 
fulter.  la  raifon  dans  les  ehofes  qui  regar- 
dent la  religion  ,  quoique  vifiblement  con- 
traires au  fens  commun  &  eux  principes 
de  toute  leur  con  nui  fiance,  ils  ont  lâche 
la  bride  à  leurs  fantaifies  &  eu  penchant 
qu'ils  ont  naturellement  vers  la  iupcrlli- 
tion ,  par  où  il;  ont  été  entraîne's  dans 
des  opinions  i\  étranges  &  dans  des  pra- 
tiques fi  extravagantes  en  fait  de  reli- 
gion, qu'un  homme  raifonnable  ne  peut 
qu'être  furpris  de  leur  folie ,  &  que  re- 
garder ces  opinions  &:  ces  pratiques  com- 
me des  ehofes  fi  éloignies  d'être  agréibles 
•à  Dieu  ,  cet  être  fuprême  qui  ef  i  la  fageffe 
même ,  qu'il  ne  peut  s'empêcher  de  croire 
qu'elles  paroifTent  ridicules  ce  choquantes  à 
tcut  homme  qui  a  l'efprit  &  îe  cœur  bien 
fait.  De  forte  que  dans  le  fond  la  religion 
qui  devreit  nous  distinguer  le  plus  des  bêtes 
&  conrribuer  plus  particulièrement  à  nous 
élever  comme  des  créatures  raifonnables  au- 
deffus  des  brutes  ,  efl  la  chofe  en  quoi  les 
hommes  paroi/lent  fouvent  le  plus  dérai- 
fonnables ,  &  plus  infenfés  que  les  bêtes- 
même.  Credo  quia  impofjlbile  efi  :  Je  le 
crois  parce  qu'il  eft  impofïïble  ,  efl  une  ma- 
xime qui  peut  pafTer  dans  un  homme  cfe 
bien  pour  un  emportement  de  zèle;  mais 
ce  feroit  une  fort  méchante  règle  pour  dé- 
terminer les  hommes  dans  le  choix  de  leurs 
opinions  ou  de  leur  religion» 


DeTEnthoufiafine.  Liv.   ÏV.     2.83 

CHAPITRE     XIX. 

De  VEathoiijiaJme. 


§.  1.  \Jt  Uico^QVE  veut  chercher  fé-  c  h  a  p. 
rieufement  la  vérin,  doit  avanr  toutes  X  I  X. 
chofes  concevoir  de  l'amour  pour  elle.  Car 
celui  qui  ne  l'aime  point ,  ne  durcit  fe  .j  ^'eAj. 
tourmenter  beaucoup  pour  l'acquérir,  ni  re  d'aimer  la 
être  beaucoup  en  peine  br'q  ùl  manque  vérité. 
de  la  trouver.  Il  n'y  a  perfonne  dans  la 
République  des  Lettres  qui  ne  ùiïe  profef- 
fion  ouverte  d'être  amateur  de  la  vérité  ; 
&  il  n'y  a  point  de  créature  raifonnable  qui 
ne  prît  en  mauvaife  part  ce  palier  dans 
l'elprit  des  autres  pour  avoir  une  inclina- 
tion contraire.  Mais  avec  tout  cela  ,  l'on 
peut  dire  fans  fe  tromper,  qu'il  y  a  fort  peu 
de  gens  qui  aiment  la  vérité  pour  l'amour 
de  la  vérité ,  parmi  ceux  -  là  même  qui 
croient  être  de  ce  nombre.  Sur  quoi  il  vau- 
droit  la  peine  d'examiner  comment  un  hom- 
me peut  connoître  qu'il  aime  fincérement 
la  vérité.  Pour  moi  ,  je  crois  qu'en  voici 
une  preuve  infaillible  ,  c'eit  de  ne  pas  re- 
cevoir une  proportion  avec  plus  d'ajfdran- 
ce,  que  les  preuves  fur  lef quelles  elle  efr 
fondée  ne  le  permettent.  Il  e'ft  vifible  que 
quiconque  va  au-delà  de  cette  mefure, 
n'embrafle  pis  la  vérité  par  l'amour  qu'il 


a  84     De  VEnthoufiafrm.  Liv.  IV. 
?  3  a  pour  elle,  qu'il   n'aime    pas     la     vérité* 

*xHixP  Pjur  ^'arnour  d'elle  —  même  ,  mais  pour 
quelqu'autre  fin  indirecfe.  Car  l'évidence 
qu'une  propofition  eft  véritable  (  excepté 
celles  qui  font  évidentes  par  elles-mêmes  ) 
confiftant  uniquement  dans  les  preuves 
qu'un  homme  en  a ,  il  eft  clair  que  quel- 
ques degrés  d'affentiment  qu'il  lui  donne 
au-delà  des  degrés  de  cette  évidence,  tout 
ce  furplus  d'alfurance  eft  dû  à  quelqu'au- 
tre paifion,.  &  non  à  l'amour  de  la  vérité. 
Parce  qu'il  eft  aulH  impoihLrie  que  l'amour 
de  la  vérité  emporte  mon  affentiment  au- 
dëfîiis  de  l'évidence  que  j'ai  qu'une  telle 
propofition  eft  véritable,  qu'il  eft  impoffi- 
ble  que  l'amour  de  la  vérité  me  faiîe  don- 
ner mon  con lentement  à  une  propofition. 
en  confidération  d'une  évidence  qui  ne  me 
fait  point  voir  que  cette  propofition  foir 
véritable  ;  ce  qui  eft  en  effet  embraffer 
cette  propofition  comme  une  vérité,  parce 
qu'il  eft  impolTible  ou  probable  qu'elle  ne 
foit  pas  véritable.  Dans  toute  vérité  qui. 
Voyeija  ne  s^blit     pas    dans  notre  efprit  par  la 

note  qui  eft  a  .  .      ,  *„.,,        „  ,    F ,        r    . 

la  paze.  %%.     lumière   îrrelifrible   d  une       évidence  im- 
de  ce  Tome,   médiate,  ou   par  la  force    d'une  démonf- 

pour  favoir  i„  »  r 

ce  qu'il  faut  tranon  >  'es  argumens  qui  entraînent  fon 
entendre  par  affentiment ,  font  les  garants  &  le  gage 
cette  expref-  fe  fa  probabilité  à  notre  égard ,  &  nous 
ne  pouvons  la  recevoir  que  pour  ce  que 
ces  argumens  la  font  voir  à  notre  entera 
dément  ;  de  forte  que  quelqu' autorité  que 
nous  donnions  à  une  propofition  ,  au-delà 
de  ce  qu'elle   reçoit    des  principes   &  des- 


De  VEnthoufiafme.  Liv.  IV.     a:8  5 

preuves  fur  quoi  elle  eft  appuyée ,  on  en  *---  -•■  ••"** 
doit  attribuer  la  caufe  au  penchant  qui  nous  ^  H  ^  p- 
entraîne  de  ce  côté-là  ;  &  c'eft  déroger 
d'autant  à  l'amour  de  la  vérité  ,  qui  ne 
pouvant  recevoir  aucune  évidence  de  nos 
pallions ,  n'en  doit  recevoir  non  plus  au- 
cune teinture. 

$.  i'  Une  fuite  confiante  de  cette  mau-     d'où  vient 
vaife  difpofition  d'efprit ,    c'eft  de    s'attri-  le  penchant 
buer  l'autorité   de  preferire  aux  autres  nos  c'l,e  les        " 

£,         .  ...  mes  ont 

propres  opinions.    Car   le  moyen  qu'il  ne  d'impofer 


piaffe  prefqu'arriver  autrement,  finon  que  "leurs  opi- 
celui  qui  a  déjà  impofé  à  fa  propre  croyan-  ^"gSaUX 
ce ,  foit  prêt  d'impofer  à  la  croyance  d'au- 
trui  ?  Qui  peut  attendre  raifcnnablement , 
qu'un    homme  emploie    des    argumens  & 
des  preuves  convaincantes  auprès  des  autres 
hommes  ,  fi  fon  entendement  n'efi  pas  ac- 
coutumé à  s'en  fervir  pour  lui-même,  s'il 
fait   violence  à    fes   propres    facultés,   s'il 
tyrannife  fon  efprit ,  &  ufurpe  une   préro- 
gative uniquement  due  à  la  vérité  ,   qui  efi 
d'exiger   l'affentiment  de    Tefprit    par    fa 
feule  autorité,  c'efl-à-dire  à  proportion  de 
l'évidence  que  la  vérité  emporte  avec  elle?     La  force  âe 
$.  3.  A    cette    occafion  je  prendrai  la  ^eenthqufiid; 
liberté  de  confidérer  un   troifieme   fonde- 
ment d'affentiment ,  auquel  certaines  gens 
attribuent  la  même  autorité  que   la  foi  ou 
la  raifon ,   &  fur  lequel  ils  s'appuient  avec 
une  auffi  grande  confiance  ;  je  veux  parler 
de  VEnthoufiafme ,  qui  biffant  la  raifon  à 
quartier ,  voudroit  établir  la  révélation  fans 
•cllej  mais  qui  par-là  détruit  en   effet  la 


0.8 6     De  VEnthoufiafmc,  Liv.  IV. 

a*  -i— =  raifon  &  la  révélation  tout-à-la  fois  ,  & 
c  H  A  p-  leur  fubfhtue  de  vaines  fantaifies,  qu'un 
homme  a  forgées  lui-même,  &  qu'il  prend 
pour  un  fondement  folide  de  croyance  & 
de  conduite. 
Ce  quec'eft  $•  4-  ^a  V.aifon  eft  une  révél.rion  naturel- 
que  la  raifon  le,  par  où  le  père  de  lumière  ,  la  fource  érer- 
o:Ia  révéla-  n^\\^  <je  toute  connoiifance  ,  communique 
aux  hommes  cette  portion  de  vérité  qu'il 
a  mife  à  la  ponce  de  leurs  facu'rés  natu- 
relles. Et  la  révéistian  eft  la  raifon  natu- 
relle augmentée  par  un  nouveau  fond  de 
découvertes  émanées  immédiatement  de 
Dieu,  &  dont  la  raifort  établit  la  vérité 
par  le  témoignage  &  les  preuves  qu'elle 
empluie  pour  montrer  qu'elles  viennent 
effectivement  de  Dieu  ;  de  forte  que  celui 
qui  proferit  la  raifon  pour  f.  ire  place  à  la 
révélation,  éteint  ces  deux  flambeaux  tout- 
à-la  fois  ,  Se  fait  la  même  chofe  que  s'il 
voubit  perfluder  à  un  homme  de  s'arra- 
cher les  yeux  pour  mieux  recevoir ,  par 
le  moyen  d'un  téiefeope ,  1j  lumière  éloi- 
gnée d'une  étoile  qu'il  ne  peut  voir  par 
le  fecours  de  fes  yeux. 
Source  de       *  Mais  les  hommes  trouvant  qu'une 

rne#  révélation  immédiate   eu   un   moyen  plus 

facile  pour  établir  ieurs  opinions  &  peur 
régler  leur  conduire  que  le  travail  derai- 
fonner  jufle  :  travail  pénible,  ennuyeux, 
&  qui  n'eit  pas  toujours  fuivi  d'un  heu- 
reux fuccès  ,  il  ne  faut  pas  s'étonner  qu'ils 
aient    écé  forts   fujets  à    prétendre  avoir 


De  VEnthou fia  fine.  Liv.  IV.     a.87 

des  révélations  &  à  le  perfuader  à  eux-  *= — — -^=* 
rnêmes  qia-'ils  font  ibus  la  direction  parti-  c  H  A  p* 
culiere  du  ciel  par  rapport  à  leurs  aûions 
&  a  leurs  opinions,  fur-tout  à  l'égard  de 
celles  qu'ils  ne  peuvent  juilifier  par  les, 
principes  de  la  raifon  &  par  les  voies  or- 
dinaires de  parvenir  à  la  connoifTcnce.  Auffi 
voyons-nous  que  dans  tous  les  fiecles  les 
hommes  en  qui  la  mélancolie  a  été  mêlée 
avec  la  dévotion ,  &:  dont  la  bonne  opi- 
nion d'eux-mêmes  leur  a  fait  accroire  qu  ils 
avoient  une  plus  étroite  familiarité  avec 
Dieu  &  plus  de  part  à  fa  faveur  que  les 
autres  hommes ,  le  font  fouvent  flattés 
d'avoir  un  commerce  immédiat  avec  la  Di- 
vinité ck  de  fréquentes  communications  avec 
l'efprit  Divin.  On  ne  peut  nier  que  Dieu 
ne  puilîe  illuminer  l'entendement  psr  un 
rayon  qui  vient  immédiatement  de  cette 
fource  de  lumière,  ils  s'imaginent  que  c'elt- 
là  ce  qu'il  a  promis  de  faire;  &  cela  pofé  , 
qui  peut  avoir  plus  de  droit  de  prétendre 
à  cet  avantage  que  ceux  qui  font  fon  peuple 
particulier,  choifi  de  fa  main,  &  fournis 
à   fes  ordres  ? 

$.   6.  Leurs  efprits  ainfi  prévenus,  quel-    c  ,  ^ 

que  opinion  frivole  qui  viennent  à  s'établir  quel'enthou-) 
fortement  dans  leur  fantaifie ,  c'eft  une  illu-  "»&»* 
mination  qui  vient  de  l'efprit  de  Dieu ,  & 
qui  eft  en  même  tems  d'une  autorité  Di- 
vine; &  à  quelqu'a&ion  extravagante  qu'ils 
fe  fentent  portés  par  une  forte  inclination, 
ils  concluent  que  c'eft  une  vocation  ou  une 


a88     De  rEntkoufiafme.  Liv.  IV. 

dire&ion  du  ciel  qu'ils  font  obligés  de 
fuivre.  C'efr  un  ordre  d'en  haut,  ils  ne  fau* 
roient   errer  en  l'exécutant. 

$.  7.  Je  fuppofe  que  c'eft-là  ce  qu'il  faut 
entendre  proprement  par  enthoufiafme , 
qui  fans  erre  fondé  fur  la  raifon  ou  fur  la 
révélation  Divine,  mais  procédant  de  l'ima- 
gination d'un  efprit  échauffe  ou  plein  de 
lui-même,  n'a  pas  plutôt  pris  racine  quel- 
que part,  qu'il  a  plus  d'influence  fur  les 
opinions  &  les  sciions  des  hommes  que 
h  raifon  ou  la  révélation  ,  prifesféparément 
ou  jointes  enfemble  ;  car  les  hommes  ont 
beaucoup  de  penchant  à  fuivre  les  impul- 
sons qu'ils  reçoivent  d'eux-mêmes  ;  &  il 
èft  fur  que  tout  homme  agit  plus  vigou- 
reufement  lorfque  c'eft  un  mouvement  na- 
turel qui  l'entraîne  tout  entier.  Une  forte 
imagination  s'étant  une  fois  emparée  de 
l'efprit  fous  l'idée  d'un  nouveau  principe, 
emporte  aifément  tout  avec  elle,  lorfqu'éle- 
vée  au-deffus  du  fens  commun  &  délivrée 
du  joug  de  la  raifon  &  de  l'importunité  des 
réflexions  elle  eft  parvenue  à  une  autorité 
Divine  &  foutenue  en  même  tems  par 
notre  inclination  &.  par  notre  propre  tem- 
pérament. 
L'enttiou-        Ç.   8.  Quoique  les  opinions  &  les  aclions 

ïiafme  pris  •  v  v    „       \_      r   c  , 

TauiTement      extravagantes    ou  l  enthouiiafme  a  engage 

pour  un  les  hommes,  duflent  fnffife  pour  les  pré- 

Aer.ument.      cautionner  contre  ce  faux   principe  qui  efl 

fi   propre   à    les  jeter    dans    l'égarement  , 

tant  à  l'égard  de  leur  croyance  qu'à  l'égard 

de 


De  VEnthoujiafm;.  Liv.  IV.     189 

<5e  leur  conduite  ;  cependant  l'amour  que  les  3 

hommes  ont  pour  ce  qui  efr  extraordinaire,  Chap.  xix» 
ia  commodité'  &  la  gloire  qu'il  y  a  d'être 
infpiré  &  élevé  au-derfus  des  voies  ordi- 
naires &  communes  de  parvenir  à  la  con- 
noiffance,  flattent  fi  fort  la  pareffe ,  l'igno- 
rance, &  la  vanité  de  quantité  de  gens, 
que  lorfqu'ils  font  une  fois  entêtés  de  cette 
manière  de  révélation  immédiate ,  de  cette 
efpeee  d'illumination  fans  recherche,  de 
certitude  fans  preuves  &  fans  examen  ,  il 
cft  difficile  de  les  tirer  de  -  là.  La  raifon 
efr  perdue  peur  eux.  Us  fe  font  élevés  au- 
deffus  d'elle;»  ils  voient  la  lumière  infufe  dans 
»  leur  entendement,  &  ne  peuvent  fe  trom- 
»  per.  Cette  lumière  y  paroît  vifiblement  : 
»  femblableà  l'éclat  d'un  beau  foleil  ;  elle  fe 
»  montre  elle-même  ,  &  n'a  befoin  d'au^ 
»  tre  preuve  que  de  fa  propre  évidence. 
«ils  fentent,  difent-ils  ,  la  main  de  Dieu 
»  qui  les  pouffe  intérieurement  :  ils  fentent 
»  les  impulfions  de  fefprit ,  &  ils  ne  peu- 
»  vent  fe  tromper  fur  ce  qu'ils  fentent  en 
eux-mêmes.  »  C'eft  par-là  qu'ils  fe  dé- 
fendent, &  qu'ils  feperfoadent  que  la  raifon 
n'a  rien  à  démêler  avec  ce  qu'ils  voient  8c. 
qu'ils  fentent  en  eux-mêmes,  n  Ce  font  des 
»  chofes  dont  ils  ont  une  expérience  ferr- 
»  fible ,  &  qui  font  par  conféraient  a'u- 
»  deffus  de  tout  doute ,  &  n'ont  befoin 
»  d'aucune  preuve.  Ne  ièroit-on  pas  ridi- 
»  cule  d'exiger  d'un  homme  qu'il  eût  à 
»  prouver  que  la  lumière  brille ,  &  qu'il 
Tome  I K  N 


l 90  /><>  PEnthouJiafmc.  Liv.  IV. 
cj--;-i..._i  »  la  voit?  Elle  eit  elle-même  une  preuve 
CiiAr,  XIX.  »  de  ien  éclat,  &  n'en  peut  avoir  d'autre. 
«  Lorfque  l'efprit  J;ivin  porte  la  lumieca 
»  dans  nos  emes  ,  il  en  écarte  les  téne- 
»  bres  ,  &  nous  voyons  cetee  lumière 
»  comme  nous  voyons  celle  du  .foleii  en  plein 
»  midi ,  fans  ave  ir  befoin  que  le  cré- 
»  pufeule  cle  la  ration  nous  la  montre.  Cette 
»  lumière  emi  vient  du  ciel  ell  vive, 
»  claire  &  pure  ,  elle  emporte  fa  propre 
»  démonftratian  avec  elle  j&  nous  pouvons 
»  avec  autant  de  raifon  prendre  un  ver 
»  luifant  pour  nous  aider  à  voir  le  foleil , 
»  qu'à  examiner  ce  rayon  celefte  à  la  faveur 
»  de  notre  raifon  qui  n'eft  qu'un  foible  & 
»  obfcur  lumignon.» 

§.  9.  C'eft  le  langage  ordinaire  de  ces 
gens-îà.  Ils  font  affurés ,  parce  qu'ils  font 
allures  ;  &  leurs  perfuafions  font  droites, 
parce  qu'elles  font  fortement  établies  dans 
leur  efprit.  Car  c'eft  à  quoi  fe  re'duit  tout 
ce  qu'ils  difent ,  après  qu'on  l'a  détaché  des 
métaphores  prifes  de  la  vue  &  ou  fenti- 
ment ,  dont  ils  l'enveloppent.  Cependant 
ce  langage  figuré  leur  impofe  û  fort ,  qu'il 
leur  tient  lieu  de  certitude  pour  eux- 
mêmes,  &  de  démonftration  à  l'égard  des 

TTorcment    autres 
empeutdé-  $.   io.  Mais  pour  examiner  avec  un  peu 

«°uvm  l'en-  d'exactitude  cette  lumière  imérieure  &    ce 
thoufwfme.     r      ■  r  ce 

fentiment  lur  quel  ces  peibnncs  vont  tant 

de  fonds:  il  y  a,  difem-ils  ,  une  lumière 

claire  au-dedans  d'eux,    &  ils  l.i    voient. 

Ils  ont  un  fentiment  vif,  &  ils  le  fentent. 


Dt  VEnthouftafme.  Liv.  IV.     2.9I 

Ils  en  font  afîurés  ,   &  ne  voient  pas  qu'on "  ~1 

puiife  le  leur  difputer.  Car  lorfqu'un  homme  Ckap'  XIX* 
dit  qu'il  voit  ou  qu'il  fent ,  perfonne  ne  peut 
lui  nier  qu'il  voie  ou  qu'il  fente.  Mais 
qu'ils  me  permettent  à  mon  tour  de  leur 
faire  ici  quelques  queftions.  Cette  vue, 
eft-elle  la  precepàon  de  la  vérité  d'une  pro- 
portion ,  ou  de  ceci ,  que  c'eji  une  révé- 
lation qui  vient  de  Dieu  ?  Ce  fentiment , 
eft-il  une  perception  d'une  inclination  ou 
fantaifie  de  faire  quelque  chofe,  ou  bien 
de  l'efprit  de  Dieu  qui  produit  en  eux  cette 
inclination?  Ce  font- là  deux  perceptions 
fort  différentes  8c  que  nous  devons  distin- 
guer foigneufement ,  fi  nous  ne  voulons 
pas  nous  abufer  nous-mêmes.  Je  puis  ap- 
percevoir  la  vérité  d'une  propofition  ,  & 
cependant  ne  pas  appercevoir  que  c'eft  une 
révélation  immédiate  de  Dieu.  Je  puis  ap- 
percevoir dans  Eucliie  la  vérité  d'une  pro- 
pofition ,  fans  qu'elle  foit ,  ou  que  j 'apper- 
çoive  qu'elle  foi:  une  rivehtion.  Je  puis 
appercevoir  auffi  qus  je  n'en  ai  pas  acquis 
la  connciffance  par  uue  voie  naturelle;  d'où 
je  puis  conclure  qu'elle  m'eft  révélée  ,  fans 
appercevoir  pourtant  que  c'eii  une  ré.é- 
latiin  qui  vient  de  Dieu,  parce  qu'il  y  a 
des  efprits  qui  fans  en  avoir  reçu  la  com- 
miffion  de  h  part  de  Dieu,  peuvent  exci- 
ter ces  idées  en  moi ,  &:  les  préfenter  à 
mon  efprit  dans  un  tel  ordre  que  j'en  puifFe 
appercevoir  la  connexion.  De  forte  que 
la  connoilfince  d'une  propofition  qui  vient 

N  a 


£.91     De  VEnthoufiafme.  Liv.  IV. 

«g ;  dans  mon  efprit  je  ne  fais  comment,  n'efï  pa* 

Qup.^XIX.  une  perception  qu'elle  vienne  de  Dieu.  Moins 
encore  une  fuite  perfuafion  que  cette  pro- 
pofition  eït  véritable ,  eft-tlle  une  percep- 
tion qu'elle  vienne  de  Dieu,  ou  même 
qu'elle  eft  véritable.  Mais  quoiqu'on  don- 
ne à  une  telle  penfée  le  nom  de  lumière 
&  de  vue ,  je  crois  que  ce  n'efr  tout  ^u 
plus  que  croyance  &  confiance  :  &  la  pro- 
portion qu'ils  fuppofent  être  une  révéla- 
tion,  n'eft  pas  une  propofnion  qu'ils  con- 
jnoiilent  véritable  ,  mais  qu'ils  préfument 
véritable  Car  lorfqu'on  connoit  qu'une  pro- 
portion eit  véritable,  la  révélation  eft  inu- 
tile ;  &  il  eit  difficile  de  concevoir  com- 
ment un  hemme  peut  avoir  une  révéla- 
tion de  ce  qu'il  connoît  déjà.  Si  donc  c'efb 
une  propofirion  de  la  vérité  de  laquelle 
ils  foient  perfuadés ,  fans  conneitre  qu'elle 
foit  véritable,  ce  n'eft pas  voir,  mais  croire; 
quel  que  feit  le  nom  qu'ils  donnent  à  une 
telle  perfuafion.  Car  ce  font  deux  voies  par 
où  la  vérité  entre  dans  l'efprit .  tout-à-fat 
di&incïes  ,  de  forte  que  l'une  n'eft  pas  l'au- 
tre. Ce  que  je  vois  ,  je  cannois  qu'il  eft 
tel  que  je  le  vois ,  par  l'évidence  de  la 
chofe  même.  Et  ce  que  je  crois,  je  le  fup- 
pofe  véritable  par  le  témoignage  d  autrui. 
Alais  je  dois  connoitre  que  ce  témoignage  a 
été  rendu  :  autrement,  quel  fondement  puis- 
je  avoir  de  croire  ?  Je  dois  voir  que  c'eft 
Dieu  qui  me  révèle  cela ,  ou  bien  je  ne  vois 
rien.  La  queftion  fe  réduit  donc  à  favcjr 


î>e  VEntkoufiafme.  Liv.  IV.     2.9? 
comment  je  connois,  que   c'efr.    Dieu    qui  >*■== 


me  révèle  cela ,  que  cette  impreffion  efl  CîIAP*  X1X« 
faite  fur  mon  ame  par  fon  Saint-Efprit , 
&  que  je  fuis  par  conféquent  obligé  de  la 
fuivre.  Si  je  ne  connois  pas  cela  ,  mon 
affurance  efr  fans  fondement,  quelque 
grande  qu'elle  foit ,  &  toute  la  lumière  dont 
je  prétends  être  éclairé,  n'eft  qu'enthou- 
fiafme.  Car  foit  que  la  propofition  qu'on 
fuppofe  révélée  foit  en  elle-même  évidem- 
ment véritable,  ou  vifiblement  probable, 
ou  incertaine ,  à  en  juger  par  les  voies  or- 
dinaires de  la  connoiifance,  la  vérité  qu'il 
faut  établir  folidement  &  prouver  évidem- 
ment ,  c'e/l  que  Dieu  a  révélé  c?tte  propo- 
fition ,  &  que  ce  que  je  prends  pour  révé- 
lation a  été  mis  certainement  dans  mon 
efprit  par  lui-même,  &  que  ce  n'eft  pas 
une  illufion  qui  ait  éce  infinuée  par  quel- 
qu'autre  efprit,  ou  excitée  par  ma  propre 
fantaifie.  Car,  fi  je  ne  me  trompe,  ces 
gens-là  prennent  une  telle  chofe  pour 
vraie,  parce  qu'ils  préfument  que  Dieu  l'a 
révélée.  Cela  étant,  ne  leur  efr-il  p?.s  de 
la  dernière  importance  d'examiner  fur  quel 
fondement  ils  préfument  que  c'eft  une  ré- 
vélation qui  vient  de  Dieu  •  fans  cela  ,  leur 
confiance  ne  fera  que  pure  préfomption  , 
c'e  cette  lumière  dont  ils  font  fi  fort  éblouis, 
ne  fera  autre  chofe  qu'un  feu  follet  qui  les 
promènera  fuis  cefle  autour  de  ce  cercle. 
Cefî    une  révélation  parce    que  je  le  crois 

N3 


3-94     De  rEnthoufiafme.  Liv.  IV. 

=  fortement ,  &  je  le  crois  parce  que  c'eft  mie 
Chap.  XIX.  révélation. 

T,     .  $.    il.   A  l'égard  de  tcut  ce  qui  cft  de 

fiafme  ne  révélation  divine  ,  il  n  eit  pas  necelian  e 
fauroit  prou- de  le  prouver  autrement  qu'en  faifant  voir 
propoVt'ion  ^ue  ce^  véritablement  une  infpiration  qui 
vient  de  vient  de  Dieu;  car  cez  être  qui  eit  tout 
®,eu«  bon  &  tout  fage  ne  peut  tromper  ,  ni  être 

trompe.  Al  îs  comment  pourrons-nous  con- 
noître  qu'une  propofition  que  ncus  avons 
dans  l'efprit ,  eft  une  vérité  que  Dieu  nous 
a  infpirée ,  qu'il  nous  a  révélée  ,  qu'il  ex- 
pi<fc  lui-même  à  nos  yeux  ,  &  que  peur 
cet  effet  nous  devons  croire  ?  c'eft  \a  que 
Venthcufiafme  manque  d'ôvjir  l'évidence  à 
laquelle  il  prétend.  Car  les  perfonnes  pré- 
venues de  cette  imagination  fe  glorifient- 
d'une  lumière  qui  les  éclaire  ,  à  ce  qu'ils 
difent ,  &  qui  leur  communique  la  con- 
nc-ifïance  de  telle  ou  telle  vérité.  Mais  s'ils 
connoiïïent  que  c'eft  une  vérité ,  ils  doi- 
vent le  connoître  ou  par  Ta  propre  évidence, 
ou  par  les  preuves  naturelles  qui  le  dé- 
montrent vifiblement.  S'ils  voient  &:  con- 
noiflent  que  c'eit  une  vérité  par  l'une  de 
ces  deux  voies ,  ils  fuppofent  en  vain  que 
c'eit  une  révélation  ;  car  ils  connoiffent  que 
cela  eu1  vrai  par  la  même  voie  que  tout 
autre  homme  le  peut  connoître  naturelle- 
ment fans  le  fecours  de  la  révélation  ,  puif- 
que  c'eft  eîFccîivc-ment  ainfi  que  routes  les 
vérités  que  des  hommes  non-infpirés  vien- 
nent à  connoître,  entrent  dans  leur efgrif, 


De  VEnthoufiafme.  Liv.  IV.      1$  ? 

&  s'y  établi iTent  de  quelqu'efpece  qu'elles  ' ---_* 

foient.  S'ils  difent  qu'ils  fa  vent  que  cela  Chap-  XIXV 
eft  vrai ,  parce  que  c'eft  une  révélation  éma- 
née de  Dieu,  la  raifon  eft  bonne:  mais 
abrs  on  leur  demandera,  comment  ils  vien- 
nent à  connoîcre  que  c'eft  une  révélation 
qui  vient  de  Dieu.  S'ils  difent  qu'ils  le 
connoiffent  par  la  lumière  que  la  ehofé 
porte  avec  elle  ,  lumière  qui  brille  ,  qui 
éclate  dans  leur  ame ,  &  à  laquelle  ils  ne 
fauroient  réfiftcr,  je  les  prierai  de  confi- 
dérer  fi  cela  fignific  autre  choie  que  ce  que 
nous  avons  déjà  remarqué,  favoir,  que  c'eft 
une  révélation  ,  parce  qu'ils  croient  forte- 
ment qu'il  eft  véritable;  toute  la  lumière 
dont  ils  parlent ,  n'étant  qu'une  perfuafion 
fortement  établie  dans  leur  efprit ,  mais 
fans  aucun  fondement  eue  c'efl  une  véri- 
té. Car  pour  des  fondemens  raifonnabîes, 
tirés  de  quelque  preuve  qui  montre  que 
c'eft  une  vér/té,  ils  doivent  îeconnoître 
qu'ils  n'en  cnt  point  ;  parce  que ,  s'ils  en 
ont,  ils  ne  le  reçoivent  plus  comme  une 
révélation ,  mais  fur  les  fondemens  ordi- 
naires fur  lefquels  o:r  reçoit  d'autres  vé- 
rités ;  &  s'ils  croient  qu'il  eft  vrai  parce 
que  c'efr  une  révélation  ,  &  qu  ils  n'aient 
point  d'autres  raifons  pour  preuve  que 
c'eft  une  révélation  fmon  qu'ils  font  pleine- 
ment perfuadés  qu'il  eft  véritable  fans  aucun 
autre  fondement  que  cette  même  perfuafion , 
ils  croient  que  c'eft  une  révélation  feule- 
ment   parce  qu'ils    croient  fortement  que 

»4 


lo£     De  VEnthoufiafme.  Liv.  IV. 

11  -  c'eft  une  révélation  ;  ce  qui  eft  un  fonde- 

hap.  XIX.  ment  îrès-peu  fur  pour  s'y  appuyer  r 
tant  à  l'égard  de  nos  opinions  qu'à  I  é^ard 
de  notre  conduite.  Et  je  vous  prie,  quel 
autre  moyen  peut-être  plus  propre  à  nous 
précipiter  dans  les  erreurs  &  dans  les  plus 
extravagantes  ,  que  de  prendre  ainfi  notre 
propre  fantaifie  pour  notre  fuprême  &  uni- 
que guide,  &  de  croire  qu'une  propofi- 
tion  eft  véritable ,  qu'une  a&ion  efi  droite, 
feulement  parceque  nous  le  croyons  ?  La 
force  de  nos  perfuafions  n'eft  nullement 
une  preuve  de  leur  reclitude.  Les  chofes 
courbées  peuvent  être  suffi  roides  &  diffi- 
ciles à  plier  que  celles  qui  font  dr;i:es ,  Se 
les  hommes  peuvent  être  aulîi  décififs  à 
l'égard  de  l'erreur  qu'à  l'égard  de  la  véri- 
té. Et  comment  fe  .formeroient  autrement 
ces  zélés  intraitables  dans  des  parties  diffe- 
rens  &  directement  oppofés  ?  En  effet ,  fi 
la  lumière  que  chacun  croit  être  dans  fon 
fon  efprit ,  &  qui  dans  ce  cas  n'eft  autre 
chofe  que  la  force  de  fa  propre  perfuafion  ; 
fi  cette  lumière ,  dis-je  ,  eft  une  preuve 
que  la  chofe  dont  on  eft  perfuadé  ,  vient 
de  Dieu ,  nos  opinions  contraires  peuvent 
avoir  le  même  droit  de  paffer  pour  des 
infpirations;  &  Dieu  ne  fera  pas  feule- 
ment le  père  delà  lumière,  mais  de  lu- 
mières diamétralement  oppofées  qui  con- 
duifent  les  hommes  dans  des  rouies  con- 
traires ;  de  forte  que  des  propofitions  con-» 
t^didoires  feront  des  vérités  divines,  fi  la 


De  VEnthoufiafm;.  Liv.  IV.     197 

farce  de  l'aluirance,    quoique  deftituée  de  * 

fondemenr ,  peut  prouver  qu'une   propofi-  Chap-  xix* 
eft  une  révélation  divine. 

$.    ia    Cela   ne  fauroit  être  autrement  Lafbrcede 

ta-ndifque  la  force  de  la  perfuafion  eft  éta-  la  perfuafion 

1  F  u  ,  ne  prouve 

bfie  pour    caule   de   croire,  &  qu  on    re-  point qu'une 
garde    la    confiance  d'avoir  raifon  comme  propofmon, 
une  preuve  de  la   vérité  de  ce  qu'on  veut  p^™6  e 
foutenir.    Saint  Paul  lui-même  croyoit  bien 
faire,  &  être  appelle  à  faire  ce  qu'il  fai- 
foit    quand    il    perfécutoit    les   chrétiens,, 
croyant  fortement  qu'ils  avoient  tort.  Ce- 
pendant c'étoit  lai  qui  fe  trompait,  &  non 
pas  les  chrétiens.   Les    gens  de  bien    font 
toujours  hommes  ,  fujets  à  fe  méprendre  a 
&    fouvent   fortement    engagés  dans    des 
erreurs  qu'ils   prennent  pour  autant  de  vé- 
rités   divines  qui    bnilent  dans  leur  efprit 
avec  le  dernier  éclat. 

§.   13.  Dans  l'efprit  la  lumière,    la  vraie      Unerîum  >.. 
lumière  n'eft  ou  ne  peut  être  autre  chofe  redansl'eft 
que  l'évidence  de  la  vérité  de  quelque  pro-  j^!ft'. l    "iHV 
pofition  que  ce  foit  ;   &  fi  ce  n'eïï  pas  une 
propofition  évidente  par  elle-même,  toute 
la  lumière  qu'elle  peut  avoir,    vient  de  la 
clarté  &  de  la  validité  des  preuves  fur  les- 
quelles on  la  reçoit.  Parler  d'aucune  autre 
lumière  dans  l'entendement,  c'eft  s'aban^ 
donner   aux  ténèbres  ou  à  la  puiifance  d\î 
Prince  des  ténèbres  ,  &  fe  livrer  foi-même 
î>  1  îllufion  ,  de  notre  propre  confentement  ^ 
pour  croire  le  menfonge.  Car  fi  la  force  de 
la  perfuafion  eu.  la  lumière  qui  nous  doin 

N-5- 


1<)$     De  VEnthoufiafms.  Liv.  IV. 


-    ■'  —  --=»  fervir  de  guide,  je  demande  comment  oçr 
Chap.  XIX.  p0urra  (jifiinguer  entre  les  illufions  de  Satan 
&  les  infpirations    du    Saint-Efprit.  Ceux 
qui  font  conduits  par  ce  feu  follet ,  le  pren- 
nent aufll  fermement  pour  une  vraie  illu- 
mination ;  c'eft-à-dire  ,  font  auffi  fortement 
perfuadés  qu'ils  font  éclairés  par  l'efpritde 
Dieu,  que  cc\^x  que  l'efprit  Divin  éclaire 
véritablement.  Ils  acquiefeent  à  cette  faulTe 
lumière,  ils  y  prennent  plaifir,  ils  la  fui- 
vent  par-tout  où  elle  les  entraîne;  &  per- 
sonne ne  peut  être  ni  plus  affuré,ni  plus, 
dans  le  parti  de  la  raifon  qu'eux ,  fi  on  s'en 
rapporte  à.  la  force  de  leur  propre  perfua— 
fion. 
Ceftta'  $•  T4'  ^ar  conféquent ,  celui  qui  ne  vou«- 

raifùnqui       dra  pas  donner  tête  baiffée  dans  toutes  le»», 
doit  juger  de  extravagances  de  l'illufion  &  de  l'erreur, 

Ï2  vents  oc*  's 

sévélayon.     ^0lt  mettre  à  l'épreuve  cette  lumière  inté- 
rieure qui  fe  présente  à  lui  pour  lui  fervirv 
de  guide.  Dieu  ne  détruit  pas  l'homme  en 
faifant  un  Prophète  :  il  lui  Wiiïç  toutes  fes 
facultés  dans  leur  état   naturel,   pour  qu'il 
puiffe  juger  fi  les  infpirations  qu'il  fent  en 
lui-même  font  d'une   origine  divine,    ou 
non.  Dieu  n'éteint  point  la  lumière  natu- 
relle d'une  perfonne  brfqu'il  vient  a  éclai- 
rer fon    efprit  d'une  lumière  furnaturelle. . 
S'il  veut  nous  porter  à  recevoir  la    vérité 
d'une  prop  ofition  ,  eu  il  nous  fait  voir  cette 
vérité  par  les  voies  ordinaires   de  la  raifon, 
naturelle,   ou  bien  il  nous   donne  à   con — 
goitre,  que  c'eft  une  vérité  que  fon  aux.o?- 


JDe  l  Jr.rUho:ifuJ.T.:.ÏAV.  IV".     199 
rite  nous   doit    faire  recevoir,  8i  iî  nous -^ 


convainc  qne'le  vienc  de  lui  ,  &  cela  par  Ç*A*  XUfc 
certaines  marques  auxquelles  la  raiîon  ne 
fauroic  fe  méprendre.  Ainli,  la  raifon  doit 
être  notre  dernier  juge  &  notre  dernier 
guide  en  toute  chore.  Je  ne  veux  pas  dire 
par-là  que  nous  devions  confulter  la  raifon, 
&  examiner  fi  une  proportion  que  Dieu 
a  révélée  peut  être  démontrée  par  des 
principes  naturels ,  &  que  il  elle  ne  peut 
l'être,  nous  foyons  en  droit  de  la  rejeter; 
mais  je  dis  que  nous  devons  coufulter  la. 
ou&n  pour  examiner  p^.r  ion  moyen  Ti 
cell  une  révéu.tion  qui  vient  de  Dieu,  ou 
non.  Lt  fi  la  raifon  trouve  que  c'e-fr  une 
révélation  divine,  dès-lors  la  raifon  fe  dé- 
clare auili  fortement  pour  elle  que  pour 
aucune  autre  vérité,  &  en  fait  une  de  fes 
règles.  Du  reue  il  i'ya:  que  chaque  ima- 
gination qui  frnppe  vivement  notre  fantai- 
sie paffe  pour  une  inspiration,  û-  nous  ne 
jugeons  de  nos  perfuaaons  que  par  la  forte 
imprefuon  cu'elles  font  fur  nous.  i>i,  dis-je, 
nous  ne  laiîions  point  a  la  raiton  le  ioin 
a  11  exarr.in:-:"  la  vérité  par  que'que  chofe 
d'extérieur  a  l'égard  da  Ces  penuaiïons  mê- 
me ,  les  irifpirations  ce  les  iiiuîions  ,.  la. 
vérité  à  la  f^u'feré  auront  une  même  me-- 
fure  ,  tk.  il  ne  fera  pas  pofîîble  de  [es  dis- 
tinguer. 

$.   15.  Si  cette   lumière    intérieure   ou      1- "'-;->. 
quelque  pmoolition  que  ce  foit ,   qui    fous  re  rf  -1' -' 
ce  titre  paiie  pour  împiree  dans  notre  ci-  k;ion. 

N  6 


50O     De  V Enthoufiafme.  Liv.  IV. 

■       .'■'*   --J  prit ,  fe  trouve  conforme  aux  principes  de 
•  XIX*  la  raiion  ou  a  la   parole  de  Dieu,   qui  eil 
une  révélation  atteflée  ;   en  ce  cas-la  nous 
avons  la  raifon  pour  garant ,  &  nous  pou- 
vons recevoir  cette  lumière  pour  véritable , 
&   la   prendre  pour  guide   tant   à    l'égard- 
de  notre  croyar.ee  qu'a  1  égard  de  nos  ac- 
tions. Mais  ii  elle  ne  reçoit  ni  témoignage 
ni  preuve  d'aucune  de  ces  règles,  nous  ne 
pouvons   point  la  prendre  pour  une  révé- 
lation ,   ni  même  pour  une  vérité  ,  jufqu'à 
ce  que   quelqu'autre  marque  différente  de 
la  croyance  où  nous  fommes  que  c'eft  une 
révélation,    nous   allure    que  c'eft   effecti- 
vement une   révélation.    Ainfi  nous  voyons 
que  les    faints  hommes  qui  recevoient  des 
révélations  de  Dieu,   avoient    quelqu'autre 
preuve  que  la   lumière  intérieure  qui  écla- 
toit  dans  leurs  efprits  ,  pour  les  alTurer  que 
ces  révélations  venaient  de  la  part  de  Dieu. 
Ils     n'étoient    pas  abandonnés    à  la  feule 
perfualion  que  leurs  perfuafions  venoient 
de   Dieu  ;  mais  ils  avoient  des  lignes  exté- 
rieurs qui  les    afluroient ,    que  Dieu  étoit 
l'auteur   de  ces  révélations  ;    &    lorfqu'ils . 
dévoient  en  convaincre  les  autres,  ils  re-- 
cevoient  un   pouvoir  particulier    pour  juf- 
trfier  la  vérité   de  la    commifilcn  qui   leur  • 
avoit  été  donnée  du  ciçl ,  &z  pour  certi- 
fier  par    des    fignes  vifibles   l'autorité    du- 
mefîage  dont  ils  avoient  été   chargés  delà 
part  de  Dieu.    Moyfe  vit    un  buillon  qui.? 
forûlok.  fans  fe  confurner  y  &.  entendu  une* 


De  VEntfwu  fia  fine.  Liv.  IV.     30  r 
voix  du  milieu  du  huiflon.  C'étoit-là  quel-  _         VI  *" 

,      r       1         ,  >  r        ■  ■        ,      CHAP.   XIX. 

que  choie  de  plus    qu  un    lennment  inté- 
rieur   d'une  impuîfion  qui  l'entraînoit  vers 
Pharaon  pour  pouvoir  tirer  fes  frères  hors 
de  \' Egypte  \  cependant  il  ne  crut  pis  que 
cela  fuffît  pour   aller  en   Egvpte  avec  cet 
ordre  de  la  part    de   Dieu  julqu'a    ce  que 
par  un  autre  miracle  de  ù  verge  changée 
en  ferpent  ,  Dieu    l'eût  affaire'  du  pouvoir 
de  confirmer  ù  million    par  le  même  mi- 
racle repéré  devant  ceux  auxquels  il  étoit 
envoyé.  Ctdéon   fut  envoyé  par  un  Ange 
pour  délivrer  le  peuple  &Ifrael  du  joug  des 
Madiànites,  cependant  il  demanda  un  ligne 
pour  être  convaincu  que  cette  commiffion 
lui   étoit  donnée  de  la  part  de  Dieu.   Ces 
exemples  &  autres  ferrrblables  qu'an    peut 
remarquer  à  l'égard  des  anciens  Prophètes,. 
fumTent  pour  faire  voir  qu'ils  ne  croyoient 
pas   qu'une  vue  intérieure  ou  une  perfna- 
lion  de  leur  efprit ,  fans  aucune  autre  preu- 
ve,   fût  une   aifez  bonne  raifon   pour  les. 
convaincre  que  leur  perfuafion   venoit    de 
Dieu,   quoique  lEcriture  ne  remarque  pas 
par  -  tout  qu'ils  aient  demandé  ou  reçu  de 
telles  preuves. 

£.  16.  Au  refte  ,  dans  tout  ce  que  je 
viens  de  dire  ,  j'ai  é:é  fort  éloigné  de  nier 
que  Dieu  ne  puilfe  illuminer,  ou  qu'il  n'il- 
lumine même  quelquefois  l'efprit  des  hom- 
mes pour  leur  :-ire  comprendre  certaines. 
né*fi  _,  ou  pour  les  porter  à  de  bonnes  ac- 
tiens  par  1'iafiuence  ou.raffiftan.ee  immé-- 


3<3ï     De  VEnthoufiafme.  Liv.  IV. 

P"  diate  du  Saint-Efprit  ,  fans  aucuns  fign€3- 

îiHAr.  XIX.  extraordinaires  qui  accompagnent  cette  in- 
fluence. Mais  aufi!  dans  ces  cas  nous  avons 
la  Raifon  &  l'Ecriture  ,  deux  règles  in- 
faillibles pour  connaître  fi  ces  illumina- 
tions viennent  de  Dieu  ou  non.  Lorfque 
la  vérité  que  nous  embra fions  ,  fe  trouve 
conforme  a  la  révélation  écrite ,  ou  que 
l'action  que  nous  voulons  faire  ,  s'accorde 
avec  ce  que  nous  dicte  la  droite  raifon  eu 
l'Ecriture  Sainte  ,  nous  pouvons  être  affu- 
rés  que  nous  ne  courons  aucun  rifque  de 
de  la  regarder  comme  infpirée  de  Dieu  , 
parce  qu'encore  que  ce  ne  foie  peut-être 
pas  une  rêvé  ation  immédiate,  infliilée  dans 
nos  efprits  par  une  opération  excr:ordinaire 
de  Dieu  ,  nous  fommes  p-jurtint  (Purs  qu'elle 
eff  authentique  par  fa  conformité  avec  la 
vérité  que  nous  avens  reçu;  de  Dieu.  Mais 
ce  n'eft  peint  la  force  de  la  perfuafion  par- 
ticulière que  nous  lentons  en  nous-mêmes 
qui  peut  prouver  que  c'eit  une  j^rr-i^re  ou 
un  mouvement  qui  vient  du  Ciel.  Pien 
ne  peut  le  faire  que  la  paroie  de  Dieu 
écrite  ou  la  raifon  ,  cette  règle  qui  nous 
cit  commune  avec  tous  les  hommes.  Lors 
don:  qu'une  opinion  ou  une  action  efr  au- 
torisée opreJemsm  parla  Raifon,  par  l'E- 
criture ,  nous  pouvons  la  regarder  çjmme 
fondée  fur  une  autorité  divine  ;  Mais  ja- 
mais la  forée  de  notre  periuiiion  ne  pour- 
ra par  elle-même  lui  donner  cette  empie:n- 
îe.  L'inclination  de  notre  cfprit  peut  fa vo- 


De  l'Enihoufiafmc.  Lîv.  IV.     JOj: 

rîfer  cette  perfuafion  autant  qu'il  lui  plai- 
ra ,  &  faire  voir  que  c'eft  l'objet  particu- 
lier de  notre  tendrelTe ,  mais  elle  ne  fau- 
roit  prouver  que  ce  foit  une  production  du 
Ciel   &   d'une  origine  divine. 

CHAPITRE     XX. 
De  l'Erreur. 

<T*  

$.   i.   \.^â  Ommz  la  connoi fiance  ne  re-  ^  """ 

garde  que  les  ventes  vjlibies  &  certaines, 

l'erreur   n'eft  pas  une  faute  de  notre  con-     Les  caufes 

noiflance  ,  mais  une  méprife  de  notre  ju-  de  l'erreur.. 

gpment  qui  donne  f^n  confentement  à  ce 

qui  n'eft  pas  véritable. 

Mais  ,  fi  l'afiennment  eft  fondé  fur  la 
vraifemblance,  fi  la  probabilité  eft  le  pro- 
pre objet  &  le  motif  de  notre  afïentiment , 
&  que  la  probabilité  confifte  dans  ce  qu'on, 
vient  de  propofer  dans  les  chapitres  pré- 
cédens  ,  on  demandera  comment  les  hom- 
mes viennent  à  donner  leur  affentiment 
d'une  manière  oppofeèà  la  probabilité,  car 
rien  n'eft  plus  commun  que  la  contrariété 
des  fentimen.s ,  rien  de  plus  ordinaire  que 
de  voir  un  homme  qui  ne  croit  en  aucu- 
ne tn;nicrc  ce  dont  un  autre  fe  contente 
d?  dou*er  ,  &  qu'un  autre  croit  fermement , 
Ëftfant  gloire  d'y  adhérer  avec  une  conf— 
tanee  inébranlable.    Quoique  les  raiibns  de.. 


304  De  l'Erreur.   Liv.  IV;. 

'  '  '         -  =  cette  conduite   puiiïent   être  fort  différen— 
*  tes,  je  crois  pourtant  qu'on  peut  les  rédui- 

ra à  ces  quatre  : 

I.   Le  manque  de  preuves, 
i.  Le  peu    d'habileté  à  faire    valoir 
les  preuves. 

3.  Le  mangue  de  volonté  d'en  faire 
ufage. 

4.  Les  faujfes   règles    de  probabilité, 
I.  Léman-      $•  2"  Premièrement,  par  le  manque  de 

que  de  preu- preuves ,  je  n'entends  pas  feulement  le  dé- 
faut de  preuves  qui   ne  lont   nulle   part, 
&  que,  par  conféquent ,  on  ne  fauroit  trou- 
ver, mais  le  défaut  même  des  preuves  qui 
exiftent ,  ou  qu'on  peut  découvrir.    Ainfî  y 
un  homme  manque  de  preuves  lorfqu'il  n'a 
pas  la  commodité  ou  l'opportunité  de  faire, 
fes  expériences  &  les  observations  qui  fer- 
vent à  prouver  une  proportion  ,  ou  qu'il 
n'a   pas  la  commodité  de  ramafler  les    té- 
moignages des  autres  hommes  ,  &  d'y  faire 
les   réflexions  qu'il    faut.    Et  tel   eft  l'état 
de  la  plus  grande  partie  des  hommes   qui 
fe  trouvent  engagés  au  travail ,  &  aflervis 
à  la  néceffité  d'une  halle  condition,  &  dont, 
toute  la  vie  fe   paffe  uniquement  à  cher- 
cher de  quoi  fubfiïter.    La  commodité  que . 
ces  fortes  de  gens  peuvent  avoir  d'acqué- 
rir des  connoiflances  Se  de  faire  des  recher- 
ches ,  eft  ordinairement  reiferrée  dans  des  ■ 
bornes  auiïï  étroites  que  leur  fortune.  Com- 
me ils  emploient  tout  leur  tems  6c  tous  leurs 
fùins.à  appaifer  leur  fùim  ou  celle  de  leurs- 


Dt  V Erreur.  Liv.  IV.  30? 


cnfans  ,  leur  entendement  ne  fe  remplit  c  xx 
pas  de  beaucoup  d'inftruchons.  Un  homme 
qui  coniume  twure  fa  vie  dans  un  métier 
pénible  ,  ne  peut  non  plus  s'infcruire  de 
cette  diverïïté  de  chofes  qui  fe  font  dans 
le  monde ,  qu'un  cheval  de  fomme  qui  ne 
va  jamais  qu'au  marché  par  un  chemin  érroit 
&  bourbeux  peut  devenir  habile  dans  la 
carte  du  pays.  Il  n'efr  pas  dis -je  ,  plus 
poiïîble  qu'un  homme  qui  ignore  les  Lan- 
gues, qui  n'a  ni  ioiur ,  ni  livres  ,  ni  ta  com- 
modité de  converfer  avec  différentes  per- 
fonnes ,  foit  en  état  de  ramifier  les  témoi- 
gnages &  les  obfervarbns  qui  exiiîent  ac- 
tuellement &  qui  font  nécefTaires  pour 
prouver  plufieurs  propofitions  ou  plutôt  la 
plupart  des  propofitions  qui  pafTent  p^ur 
les  plus  importantes  dans  les  différentes 
fociécés  des  hommes  ,  ou  pour  découvrir 
des  fondemens  d'aifurance  aufll  folides  que 
la  croyance  des  articles  qu'il  voudroit  bâ- 
tir deffus  eft  jugée  néceffaire.  De  forte 
que  dans  l'état  naturel  &  inaltérable  oui 
fe  trouvent  les  chofes  dans  ce  monde ,  & 
félon  la  conftirution  des  affaires  humaines, 
grande  partie  du  genre  humain  eft  inévi- 
tablement engagée  dans  une  ignorance  in- 
vincible des  preuves  fur  lefquelles  d'autres 
fondent  leurs  opinions  &z  qui  font  effec- 
tivement nécelfaires  pour  les  établir.  La 
plupart  des  hommes ,  dis-je ,  ayant  affez  à 
à  faire  trouver  les  moyens  de  foutenir  leur 
vie  ,  ne  font  pas  en  état  de  s'appliquer" 
à.  ces  [dv  a  rues  &  lab^rieufes  recherches.. 


%o6  De  V Erreur.  Liv.  IV. 

■  -.'m       $.   3.    Dirons -nous  donc  ,  que  la  plus 


Chap.  XX.  gran£jc  partie  des  hommes  font  livrés,  par 
la  néceilité  de  leur  condition,  à  une  ieno- 
Que  cievien-  ran-c  inévitable  des  cnoles  qu  il  leur  îm- 
tironteeux  porte  le  plus  de  Lvoir.  Car  c'eft  fur  cel- 
«uimanquent  ies_]^  qu'on  e/r  naturellement  parte  à  faire 
de  preuves  .  .  * 

iUpon/è.  '  cette  queflion.  Elt-ce  que  le  gros  des  hom- 
mes n'eft  conduit  au  bonheur  ou  à  la  mi- 
fere  que  par  un  bafard  aveugle  ?  Eft-ce 
que  les  opinions  courantes  ck  les  guides  au- 
torifés  dans  chaque  pays  font  à  chaque  hom- 
me une  preuve  &  une  afîurance  fufHfante 
pour  rifquer ,  fur  leur  foi  ,  fes  plus  chers 
intérêts  ,  &  même  fon  bonheur  ou  fort 
malheur  éternel  ?  ou  bien  faudra-t-il  pren- 
dre pour  Oracles  certains  &  infaillibles  de 
la  vérité  ceux  qui  enfeignent  une  chofe 
dans  la  Chrétienté,  &  une  autre  en  Tur~ 
quie  ?  Ou  ,  efl  -  ce  qu'un  prravre  payfan 
fera  éternellement  heureux  pour  avoir  eu 
l'avantage  de  naître  en  Italie  ;  &  un  hom- 
me de  journée  perdu  fans  reflburce ,  pour 
avoir  eu  le  malheur  de  naître  en  Angle 
terre.  Je  ne  veux  pas  rechercher  ici  com- 
bien certaines  gens  peuvent  être  prêts  à 
avancer  quelques-unes  de  ces  choies;  ce 
que  je  fais  certainement ,  c'efl  que  les  hom  • 
mes  doivent  reconnaître  pour  véritable  quel- 
qu'une de  ces  fuppofitions  (  qu'ils  choifif- 
fent  celle  qu'ils  voudront),  ou  bien  tomber 
d'accord  que  Dieu  a  donné  aux  hommes  des 
facultés  qui  fiiffifent  pour  les  conduire  dins 
Je  chemin  qu'ils  devroicnc  prendre  ,, s'ils- les 


De  f  Erreur.  Liv.  IV.  307 

empioyoient  férieufement  à  cet  ufage,  lorf-  ~ 
que  leurs  occupations  ordinaires  leur  en  don-  Chap*  ^•>>* 
nent  le  loifir.  l'erfonne  n'eit  ii  fort  occupé  du 
foin  de  pourvoir  à  fa  fubfiitance ,  qu'il  n'ait 
aucun  tems  de  refte  pour  penfer  à  fon  ame, 
&  pour  s'inflruire  de  ce  qui  regarde  la 
Religion  :  &  fi  ies  hommes  écoient  autant 
appliqués  à  cela  qu'ils  le  font  à  des  chofes 
ravins  importantes  ,  il  n'y  en  a  point  de 
fi  preffé  par  la  nécelTité  ,  qui  ne  put  trou- 
ver le  moyen  d'employer  pluâeurs  inter- 
valles de  loifir  à  fe  perfectionner  dans  cette 
efpece  de  connoiffance. 

6.  4.  Outre  ceux  que  la  petitefTe  de 
leur  fortune  empêche  de  cultiver  leur  ef- 
prit  ,  il  y  en  a  d'autres  qui  font  alfez  ri- 
ches pour  avoir  des  livres  &  les  autres 
commodités  nécefTsires  pour  éclaircir  leurs 
-dou;es  &  leur  faire  voir  la  vérité;  mais 
ils  font  détournés  de  cela  par  des  obfhcles 
pleins  d'artifices  qu'il  eft  afTez  facile  d'ap- 
percevoir  ,  fans  qu'il  foit  néceffaire  de  les 
étaler  en  cet    endroit. 

$.   5.  En  fécond  lieu  ,  ceux  qui  manquent 

d'habileté   pour  faire    valoir    les    preuves     j^  çmçe 

qu'ils  ont ,  pour  ainu  dire  ,  fous  ia  main  ,  de  Terreur  s 

oui    ne   fauroient  retenir  djns  leur  efprit  ~ ef;IlUfi'a" 
'-.,-.,  r         l         orelfe  pour 

une  fuite  de  confcquences  ,  ni  peier  exac-  fcire  valoir 

tement  combien  les  preuves  &  les  temoi-  les  preuves. 

gnages  remportent  les  uns  fur  les  autres  , 

après  avoir  afïigné  à  chaque  circonitance  fa 

jufle  valeur  ;  tous  ceux-là  ,  dis-je  ;  qui  ne 


3o£  De  PErreur.  Liv.   IV. 

*■     '  font   pas   capables  d'entrer  dans  cette  dif- 

hap.  XX.    cuffion,  peuvent  êcre  aifement  entraînés  à 
recevoir  des    propofitions  qui  ne  font  pas 
probibles.  Il  y  a  des  gens  d'un  feul  fyllo- 
gifme,  &  d'autres  de  deux  feulement.  D 'au- 
tres  font    capables   d'avancer    encore  d'un' 
pas  ,  mais  vous   attendrez    en   vain   qu'ils 
aillent   plus  avant  ;  leur  compréhenfion    ne 
s'étend  point  au-delà.   Ces  fortes  de  gens 
ne  peuvent  pas  toujours  distinguer  de  quel 
côté  fe  trouvent  les  plus  fortes   preuves , 
ni  par  confequent  fuivre  confhmment  l'o- 
pinion qui  elt  en  elle-même  la  plus  pro- 
bable.   Or  qu'il  y  ak   une  telle   différence 
entre  les  hommes   par  rapport  à   leur  en- 
tendement ,   c'eft  ce   que  je   ne   crois  pas 
qui   foit   mis  en  queftion   par  qui   que  ce 
foit   qui   ait  eu  quelque  conversation  avec 
fes  voifins,  quoiqu'il  n'ait  jamais  été ,  d'un 
côté  au  Palais  &  à  la  fburfe  ,  ou  de  l'au- 
tre  dans  des   hôpitaux  ck  aux  petites  mai- 
fons.    Soit  que  cette  différence  qu'on   re- 
marque dans  l'intelligence  des  hommes  vien- 
ne de  quelque  défaut  dans  les  organes  du 
corps,  particulièrement  formés  pour  la  pen- 
fée  ,  ou  de  ce  que  leurs  facultés  font  grof- 
fieres  ou  intraitables  faute  cfufage  ou,  com- 
me croient  quelques-uns  ,  de  la  différence 
naturelle  des    âmes    même  des  hommes  , 
ou  de  quelques-unes  de  ces  chofes ,  ou  de 
toutes  prifes  enfemble  ,  c'efl   ce  qu'il  n'eft 
pas   néceffaire   d'examiner  en   cet    endroit. 
Mais  ce  qu'il  y  a  d'évident ,  c'eft   qu'il  fe 


De  l'Erreur.  Liv.    IV.  309 

rencontre  dans  les  divers  enrendemens ,  dans  ~  .  ..  a 
dans  les  conceptions  &  les  raifonnemens  Chap.  XX. 
des  hommes  une  fi  vaïte  différence  de  de- 
grés, qu'on  peut  afîurer ,  fans  faire  aucun 
tort  au  genre  humain  ,  qu'il  y  a  une  plus 
grande  différence  à  cet  égard  entre  certains 
hommes  &  d'autres  hommes,  qu'entre  cer- 
tains hommes  &  certaines  bêtes.  Mais  de 
fay*.ir  d'où  vient  cela,  c'efl  une  queflicn 
fpéculative  qui,  bien  que  d'une  grande  con- 
féquence ,  ne  fait  pourtant  rien  a  mon  pré- 
sent  defîein. 

§.  6.  En  fécond  lieu  ,  il  y  a  une  au-  jjj  çauf 
tre  forte  de  gens  qui  manquent  de  preu-  Défaut  de 
yes  ,  non  qu'elles  fcient  au-delà  de  leur  volonté. 
portée  ,  mais  parce  qu  ils  ne  veulent  pus 
en  faire  ufige.  Quoiqu'ils  aient  aviez  de 
bien  &  de  loifir  ,  &  qu'ils  ne  manquent 
ni  de  talens ,  ni  d'autres  fecours  ,  ils  n'en 
font  jamais  mieux  pour  tout  cela.  Un  vio- 
lent attachement  au  plaifir  ou  une  conf- 
iante application  aux  affaires  ,  détournent 
ailleurs  les  penfées  de  quelques-uns  :  une 
pareffe  ,  une  négligence  générale ,  ou  bien 
une  averfion  particulière  pour  les  livres , 
pour  l'étude  &  la  méditation  empêche  d'au- 
tres d'avoir  abfolument  aucune  penfée  fé- 
rieufe  :  &  quelques-uns  craignant  qu'une 
recherche  exempte  de  toute  partialité  ne 
fût  point  favorable  à  ces  opinions  qui  s'ac- 
commodent le  mieux  avec  leurs  préjugés, 
leur  manière  de  vivre  &  leurs  defîeins  , 
fe  contentent  de  recevoir  fans  examen  & 


310  De  FErr:ur.  Liv.  IV. 

=  fur  la  foi   d'autrui   ce  qu'ils   trouvent  qui 


Cv.a?.  XX.  leur  convient  le  mieux  ,  &  qui  efl  auto- 
rife'  par  la  mode.    Ainfi ,  quantité  de  gens, 
même    de  ceux  qui    pourraient    faire    au- 
trement ,    pafl'ent  leur    vie  fans    s'infer- 
mer  des  probabilités  qu'il  leur  importe  de 
connoitre  ,  tant   s'en   faut  qu'ils  en  faifent 
l'objet   d'un    affentiment  fondé  en  rair-  n  ; 
quoique  ces  probabilités  foient  fi  près  u  .ux 
qu'ils  n'ont  qu'à  tourner  les  yeux  vers  elles 
pour  en  être  frappés.    On  conncît  des  per- 
sonnes qui  ne  veulent  pas  lire  une   lettre 
qu'on    fuppofe   porter   de    méchantes  nou- 
velles ;   et   bien  des  gens  évitent  d'arrêter 
leurs   comptes ,  ou   de  s'informer  même  de 
l'état  de  leur  bien  ,   parce  qu'ils  ont   fujet 
de  craindre  que  leurs  affaires  ne  foient  en 
fort   tnattvaife  poflure.   Peur   moi  ,  je   ne 
faurois   dire  comment  des  perfennes  à  qui 
de   grandes  richefTes  donnent  le  loifir   de 
perfectionner   leur  entendement  ,  peuvent 
s'accommoder  d'une   molle   &  lâche  igno- 
rance ;  mais  il  me'  femble  que  ceux-là  ont 
une  idée  bien  baife  de  leur  ame  ,  qui  em- 
ploient tous  leurs  revenus  à  des  provisions 
pour  le  corns,  f-ns  fonger  à  en  employer 
aucune  partie  à    ïe   procurer   les    m 
d'acquérir  de  h   cohnoi  [Tance   ;  qui   pren- 
nent un   grand   foin   de   paroîrjre   toujours 
dans  un  équipage  propre  8t  brillant,  &  fe 
croiraient  malheureux  avec  des  habits  d'é- 
toffe  groffiere    ou  avec  un  jufte-au-corps 
rapiécé,  &:  qui  pourtant  fourr'rent  fans  pei- 
ne que  leur  ;me  parcifTe  ayee  une  livrée 


De  l'Erreur.  Liv.  IV.  311 

•toute  ufée  ,  couverte  de  méchans  haillons  ,  -•-;_[_; — à 
telle  qu'elle  lui  a  été  préfentée  par  le  ha-  Cs*p.  XX. 
fard ,  ou  par  le  tailleur  de  fon  Pays ,  c'eft- 
à-dire,  pour  quitter  la  figure  imbue  des 
opinions  ordinaires  que  ceux  qu'ils  ont  fré- 
quentés, leur  cnt  inculquées.  Je  n'infifterai 
point  ici  à  faire  voir  combien  cette  condui- 
te eft  déraiionmble  dans  des  perfonnes  qui 
penfent  à  un  état  à  venir  ,  &  à  l'intérêt 
qu'ils  y  ont(ce  qu'un  homme  raifcnnable  ne 
peut  s'empêcher  de  faire  quelquefois.  )  Je  ne 
remarquerai  pas  non  plus  quelle  honte  c'eft 
à  ces  gens  qui  meprifent  fi  fort  la  con- 
noiffance,  de  Ce  trouver  ignorans  dans  des 
chofes  qu'ils  font  inréreiîés  de  connoitre. 
Mais  une  chofe  au  moins  qui  vaut  la  pei- 
ne d'être  confidérce  par  ceux  qui  fe  ài- 
fen:  Gentilshommes  &  de  bonne  maifjn  , 
c'eft  qu'encore  qu'ils  regardent  le  crédit  , 
le  refpecl ,  la  puiffance  &  l'autorité  comme 
les  apanages  de  leur  naiiTance  Se  de  leur  for- 
tune ,  ils  trouveront  pourtant  que  tous  ces 
avantages  leur  feront  enlevés  par  des  gens 
d'une  condition  plus  baffe  qui  les  furpaf- 
fent  en  connoiffance.  Ceux  qui  font  aveu- 
gles, feront  toujours  conduits  par  ceux  qui 
voient  ,  ou  bien  ils  tomberont  dans  la  foffe  ; 
&  celui  dont  l'entendement  eft  ainfi  plon- 
gé dans  les  ténèbres ,  eft  fans  doute  le  plus 
efclave  &  le  plus  dépendant  de  tous  les 
hommes.  Nous  avons  montré  dans  Tous 
les  exemples  précédens  quelques-unes  des 
caufes  ds  l'erreur  où  s'engagent  les  hora- 


Chap.  XX. 


311  De   V Erreur.  Lîv.  IV. 

mes  ,  Se  comment  il  arrive  que  des  doc- 
trines probables  ne  font  pas  toujours  re- 
çues avec  un  affentiment  proportionné  aux 
raifons  qu'on  peut  avoir  de  leur  probabi- 
lité ;  du  refte  nous  n'avons  confidéré  juf- 
qu'ici  que  les  probabilités  dont  on  peut 
trouver  des  preuves  ,  mais  qui  ne  fe  pré- 
fentent  point  à  Tefprit  de  ceux  qui  cm- 
braffen:  l'erreur. 

îV.  Caufe.       6.7.    Il   y  a  ,   en   quatrième   &  dernier 
Faufle   mefu-  ,.  ■  r  a  ■     1 

xe  de  proba-  "eu  >    une   autre  forte   de   gens  qui    lors 
bilité.  même  que  les  probabilités  réelles  font  clai- 

rement expofées  à  leurs  yeux  ,  ne  fe  ren- 
dent pourtant  pas  aux  raifons  manifeftes 
fur  lefquelles  ils  les  voient  établies  ,  mais 
fufpendent  leur  affentiment,  ou  le  donnent 
à  l'opinion  la  moins  probable.  Les  perfen- 
nes  expofées  à  ce  danger,  font  celles  qui 
ont  pris  de  fauffes  mefures  de  probabilité, 
que  l'on  peut  réduire  à  ces  quatre  : 

I,  Des   Propofitions   qui  ne  font  ni 
certaines  ni  évidentes  en  elles-mê- 
mes ,  mais  douteujes  &  fauffes ,  pri- 
Jes   pour  Principes. 
1.   Des  Hypothefes  reçues. 

3.  Des  pa (fions   ou    dts  inclinations 

dominantes. 

4.  L'Autorité. 

ï.Propofi-       $•   8.  Le  premier  Se  le  plus  ferme  fon- 

tïons  douteu-  dément  de  probabilité  ,  c'olt  la  conformité 

fes,  pnfes      qu'une  chofe  a  avec  notre  ccnnoiïiance,  Su 

pour  pnnci-    ~J 

pes.  fur-tout    avec  cette  partie   de  notre   con- 

jioiffance    que   nous   avons    reçue ,  &  que 

nous 


De   l'Erreur.  Liv.  IV.         3T3 

Bous  continuons  de  regarder  comme  autant  -j — as — ■■a 
de  principes.    Ces  fortes  de  principes  ont  Chap.  XX. 
une  fi  grande  influence  fur  nos  opinions  , 
que  c'efr   ordinairement  p*r  eux  que  nous 
jugeons  de   la  vérité;  &  ils  deviennent  à 
tel  point  la  meiure  de  la  probabilité,  que  ce 
qui  ne  peut  s'accorder  avec  nos  principes  , 
bien  loin  de  pa/Ter    pour  probabilité  dans 
notre  efprit ,   ne  fauroit  fe  faire  regarder 
comme  poiïible.    Le  refpecl  qu'on   porte  à 
ces  principes  efl  fi  grand  ,  &  leur   auto- 
rité fi  fort  au  defTus  de  toute  autre  auto- 
rité, que  non-feulement  nous  remettons  le 
témoignage  des  hommes,  mais  même  l'é- 
vidence de  nos  propres  fens ,  lorfqu'ib  vien- 
nent à  dépofer  quelque  choie  de  .contraire 
à  ces  règles  déjà  établies.    Je  n'examinerai 
point  ici ,  combien  la  doétrine  qui  pofi  des 
principes  innés  ,    &    que  les  principes  ne 
doivent  pas  être  prouvés   ou  mis  en  ques- 
tion ,  a  contribué  à  cela  ;  mais  ce  que  je 
ne  ferai   pas   difficulté   de   foute nir  ,  c'eil 
qu'une   vérité  ne  fauroit   être  contraire  à 
une  autre  vérité  ;  d'où  je   prendrai  la  li- 
berté de  conclure  que  chacun  devrait  être 
foigneufement  fur  fes  gardes,  lorfqu'il  s'a- 
git   d'admettre    quelque    chofe   en   qualité 
de   principe  ;  qu'il  devrait  l'examiner   au- 
paravant  avec   la   dernière  exactitude  ,   tk 
voir  s'il  connoît ,  certainement  que  ce  foit 
une  chofe  véritable  par  elle-même  &  par 
fa  propre  évidence,  ou  bien  fi  la  forte  af- 
furance  qu'il  a  qu'elle  eft  véritable  ,   eil 
Tome  IV.  O 


314         '&'  l Erreur.   Liv.  IV. 

V  "  -  uniquement  fondre  fur  le  témoignage  d'au» 

•hap.  XX.  truj    ^ar  fcs  c,u'un  homme  a  pi is  de  faux 

principes  ,  qu'il  s'eft  livré  aveuglement  à 
l'autori'é  d'une  opinion  qui  n'eft  pas  en 
el.'e-même  évidemment  véntable,  fon  en- 
tendement efr  entraîné  par  un  coniepoid* 
qui  le  fait  tomber  inévitablement  dans  l'er- 
reur. 

£.  9.  I!  efr  généralement  établi  jar  la  cou- 
turre  que  les  enfms  reçoivent  de  leurs  peies 
cV  mercs  de  leurs  nourrices  ou  des  pei  fonnes 
qui  fe  tiennent  autour  d'eux ,  certaines  pro- 
portions (  &  fur-rout  fur  le  fujet  de  la  Reli- 
gion )  lefquelles  étant  une  fois  inculquées 
dans  leur  entendement  qui  efr  fans  précau- 
tion aufli-bien  que  fins  prévention,  y  font 
fortement  empreinte?,  6c  foit  qu'elles  foie nt 
vraies  ou  fauffes  ,  y  prennent  à  la  fin  de 
fi  fortes  racines  par  le  moyen  de  l'éduca- 
tion &  d'une  longue  accoutumance  qu'il 
eft  tout-à-fait  ir-pr fTbîe  de  les  en  arra- 
cler.  Car  après  qu'ils  font  devenus  hom- 
mes fans,  venant  à  r 'fléchir  fur  leurs  opi- 
nions ,  &  trouvant  celles  de  cette  efpece  suffi 
anciennes  dans  leur  efprit  qu'aucune  chofè 
dont  ils  fe  puiffent  refîbuvenir,  fins  avoir 
cbfervé  quand  elles  ont  commencé  d'y  être 
introduites,  par  quel  moyen  ils  les  ont  ac- 
quifes,  ils  font  portés  à  les  refpecler  comme 
des  chofes  fâcrées,  ne  voulant  pas  permettre 
cm'eîfes  foient  profanées,  attaquées,  ou  mi- 
fes  en  quefîion,  mais  les  regardant  plutôt 
comme  VUrïm  &  le  Thvmmim  que  Dieu  2 


De   V Erreur,  Lîv.  IV.         31$ 


mis  dans  leur  ame ,  pour  erre  les  arbrres  ■**-"'        ^* 
fouverains  &  infaillibles  de  I3  vérité  &  de  tHAP«  XX, 
la  faufTeté,  &  autant  d'oracles  auxquels  ils 
doivent  en  appeller  dans  toutes  fortes  de 
controverfes. 

$.  10.  Cette  opinion  qu'un  homme  a 
conçue  de  ce  qu'on  appelle  Ces  principes 
(  quoiqu'ils  puiffent  être  )  étant  une  fois 
établie  dans  fon  efprit ,  eft  aifé  de  fe  fi- 
gurer comment  il  recevra  une  proposition 
prouvée  auffi  clairement  qu'il  efr  poffible, 
îi  elle  tend  à  arfoiblir  l'autorité  de  ces  ora- 
cles internes  ,  ou  qu'elle  leur  foit  tant  foit 
peu  contraire  ;  tandis  qu'il  digère  fans  pei- 
ne les  cbofes  les  moins  probables  &  les 
abfurdités  les  plus  groflieres ,  pourvu  qu'el- 
les s'accordent  avec  ces  principes  favoris. 
L'extrême  obftination  qu'on  remarque  dans 
les  hommes  à  croire  fortement  des  opi- 
nions directement  oppofc;es  ,  quoique  fort 
fouvent  également  abfurdes  ,  parmi  les  dif- 
férentes Religions  qui  partagent  le  genre 
humain  ;  cette  obftination,  dis-je  ,  eft  une 
preuve  évidente  auffi-bien  qu'une  confé- 
quence  inévitable  de  cette  manière  de  rai- 
fonner  fur  des  principes  reçus  par  tradi- 
tion ;  jufques-là  que  les  hommes  viennent 
à  défavouer  leurs  propres  yeux ,  à  renon- 
cer à  l'évidence  de  leurs  fens,  &  à  don- 
ner un  démenti  à  leur  propre  expérience, 
plutôt  que  d'admettre  quoi  que  ce  foit  d'in- 
compatible avec  ces  facrés  dogmes.  Pre- 
nez un  Luthérien  de  bon  fens  à  qui  l'on 


3i6  De  VErrètif.  Tiv.  IV. 

ait  con<>imm?nt  inculqué  ce  principe,  (  des 
C«Ai>.  XX.  que  fon   entendement  a  commencé  de  re- 
cevoir  quelques  notions  )  qu'il  doit  croire 
ce  que  croient  ceux  de  fa  communion  ,  de 
forte    qu'il    n'ait    jamais    entendu    meure 
en    quefrion   ce   principe  ,  jufqu'a  ce  que 
parvenu  à  l'âge  de  quarante  ou  cinquante 
ans,  il  trouve  quelqu'un  qui  ait  des  prin- 
cipes tout  différens  ;  quelle  dîfpofiticn  n'a- 
t-il  pas  à   recevoir   fans  peine  la   doctrine 
de  la  conjubftantiaùon  ,  non-feulement  con- 
tre toute   probabilité  ,    mis  même   centre 
l'évidence  manifeile   de  fes  propres  fc-ns  ? 
Ce  principe  a   une  telle  influence  fur  I   n 
efpnt   qu'il    croira   qu'une  chofe  eVc   chair 
&  pain  tout-à-h-fois  ,  quoiqu'il  foit  impof- 
fible  qu'elle  foit  autre  chofe  que  l'un    des 
deux  :  &  quel  chemin  piendrez-vcus  peur 
convaincre   un  homme  de  l'abfurdiré  d'une 
opinion  qu'il  s'eft  mis  en  tête  de  foutenir , 
s'il  à  pofé  pour  principe  de  raifonnement, 
avec  quelques  Phi'ofophes,  qu'il  doit  croi- 
re fa  raifon  (  car  c'e'r  ainii  que  les  hom- 
mes appellent  improprement  les  rrgumens 
qui  découlent  de  leurs   principes  )  contre 
le  témoignage  dss  fens.    Qu'un  Fanatique 
prenne  pour  principe  que  lui  ou  fon  doc- 
teur efl   infpiré  &  conduit  par  une  direc- 
tion immédiate  du  S'aint-Efprit  ;  c'eit    en 
vain    que    vous    attaquez    fes   dogmes  par 
les  raifons  les  plus  évidentes  Et  par  con- 
séquent  tous   ceux  qui    ont   été  imbus  de 
Eaux  principes  ne  peuvent  être  touchés  de* 


De  l'Erreur.  Liv.    IV.  317 

probabilités  les  plus  rpparentes  &  les  plus  ^7f7=XX? 
convaincantes  ,  dans  des  chofes  qui  font  in- 
compatibles avec  ces  principes  ,  jufqu'à  ce 
qu'ils  en  foient  venus  à  agir  avec  eux-mê- 
mes avec  une  candeur  &:  une  ingénuité 
qui  les  porte  à  examiner  ces  fortes  de  prin- 
cipes ,  ce  que  plufieurs  ne  fe  permettent 
jam.is. 

£.     il.    Après   ces  gens  -  là  viennent      i.rmbraf- 
Ceux    dont    L 'entendement   eft    comme    jeté  fer  certaines 
eu  moule  d'une  kyrothefe  reçue  ,  c'efr  leur  hyp°thefes. 
fphere  ;  ils  y  font  renfermés   &  ne  vont 
jamais  au-delà.   La  différence  qu'il  y  a  en- 
tre ceux-ci  &:  les  autres  dont  je   viens  de 
parler  ;  c'eft  que  ceux-ci  ne  font  pas  dif- 
ficulté de  recevoir    un    point  de  fait  ,  Se 

ceux  qui  le  leur  prouvent  ,  deiqueîstoi\s 
ne  différent  que  fur  les  raifons  de  la  cho- 
fe  ,  &  fur  la  manière  d'en  expliquer  l'o- 
pératicn.  Ils  ne  fe  d^ient  pas  ouvertement 
de  leurs  fens  ,  comme  les  premiers  ;  ils 
peuvent  écouter  plus  patiemment  les  inf- 
truclions  qu'on  leur  donne  ,  mais  ils  ne 
veulent  faire  aucuns  fonds  fur  les  rapports 
cju\ :n  leur  fait  pour  expliquer  les  chofes 
au  lement  qu'ils  ne  les  expliquent ,  ni  fe 
laiifer  toucher  par  des  probabilités  qui  les 
mcroient  que  les  chofes  ne  vont  pas 
jufrement  de  la  même  manière  qu'ils  i'^nt 
d 'terminé  en  eux-mêmes.  Et  en  effet, 
ns  feroit-ce  pas  une  chofe  infupportable 
à  uii  favant   i'roieueur  de  voir  fon  auto- 

O  a 


Chap.  XX. 


3l5  D:  r Erreur.   Liv.   IV. 

rite  renverfée  en  un  in  (Vint  pir  un  nou- 
veau  venu  ,  jufqu'alôrs  inconnu  dans  le 
m  >nde  ;  fon  autorité  ,  dio  -  je  ,  qui  eft  en 
vogue  depuis  Trente  ou  quarante  ans  , 
foutenue  par  qum  ité  de  grec  &  de  la- 
tin ,  acquife  pjr  bien  des  fucurs  &  des 
veil'es  ,  &  confirmée  par  une  tradition 
générale  ,  &  par  une  barbe  vénérable  ? 
Qui  peut  jim;is  efpérer  de  réduire  ce  Pro- 
fefleur  à  confe/Ter  que  tout  ce  qu'il  a  e.i- 
feigné  à  (es  écoliers  pendant  trente  années 
ne  con.ient  que  des  erreurs  Se  des  m> 
prifes  ,  &  qu'il  leur  a  vendu  bien  ch^r 
de  l'ignorance  &  de  grands  mns  qui  ne 
fignin  ïîerit  rien  ?  Quelles  pr  >b^bi!i:és  ,  dis— 
je,  pourraient  ê:re  aiTez  confidérables  pour 

pSur'ra  jamais  être  porté  par  les  argum^ns 
les  plus  prefTans  à  fe  dépouiller  tout  d'un 
coup  de  toutes  Tes  anciennes  opinions  & 
de  Tes  prétentions  à  un  Lvoir ,  a  l'acqui- 
fition  duquel  il  a  donné  tout  fon  tems  avec 
une  application  infatigable  ,  &  à  prendre 
des  notions  toutes  nouvelles  après  avoir 
entièrement  renoncé  à  tout  ce  qui  lui  fai- 
foit  le  plus  d'honneur  dans  le  monde  ?  Tous 
les  argumens  qu'on  peut  employer  pour 
l'engager  à  cela  ,  feront  fans  doute  aulîi 
peu  capables  de  prévaloir  fur  fon  efpric 
que  les  efforts  que  fit  Borée  pour  obliger 
le  voyageur  à  quitter  fon  manteau  qu'il 
tint  d'autant  plus  ferme  que  le  vent  fouf- 
floit  avec  plus  de  violence.   On  peut  rap- 


De  V Ermtr.  Liv.  IV.  319 

porter  à  cet  abus  qu'on  fait  de  faujjcs  hy-  c~  p>  :?::%  ' 

pothefes,  les  erreurs    qui   viennent  d'une     " 

hypothefe  vé.  itable  ou   de   principes    rai- 

fonnables  ,   m.is  qu'on  n'entend  pas  dans 

leur  vrai  fens.    Les  exemples  de  ceux  qui 

foui  iennenc  déférentes  opinions .  m  lis  qu'ils 

fondent   tous   fur   la    vérité*    ^l»We  des 

f      „   „    - -»c»,  lontune  preuve  in :onref - 

lain^ei!  r  i) 

idDie  de  cette  epece  d  erreurs.  Tous  ceu< 

qui  fe  difent  Chré  iens  ,  reconnoidént  que 
que  le  Texte  de  l'Evangile  qui  dr,M£r«K»-;<T», 
chiite  a  un  devoir  fort  important.  Cepea^ 
dam  combien  fera  eironn^e  la  pratique  de 
l'un  des  deux  qui  n'entendant  que  le  Fran- 
çois ,fuppofera  que  cette  règle  eu  félon  une 
traduction  ,  repentez-vous  ,  ou  felun  l'au- 
tre ,  faites  pénitence. 

§.  12.  En  troifieme  lieu,  les  probabi-  Despaflîons 
lités  qui  font  contraires  aux  defirs  &  aux  dominantes, 
paffions  dominantes  des  hommes  courent  le 
ml-me  danger  d'è're  rejetées.  Que  la  plus 
grande  probabilité  qu'on  puifie  imaginer, 
fe  préfente  d'un  côté  a  l'elprit  d'un  avare 
pour  lui  faire  voir  Pinjuftice  &.  la  folie  de 
fa  pafTLn  ,  &  que  de  l'aurre  il  voie  de  l'ar- 
gent à  gagner ,  il  ell  aifé  de  prévoir  de 
quel  cô  é  penchera  la  balance.  Ces  amas  de 
boue  femblables  a  des  remparts  de  terre  ré- 
fiftent  aux  plus  fortes  b.tteries;  &  quoi- 
que peut-être  la  force  de  quelqu'argument 
évident  fiiTe  quelqu'impredion  fur  elles  en 
certaines  rencontres,  cependant  elles  demeu- 
rent fermes,  &  tiennent  bon  ccn~re.la  vé- 

O  4 


3io  De  V Erreur.  Liv.   IV. 

■  -»'-— ' '  rire  leur  ennemie  ,  qui  voudrait  les  c?.pti- 

Chap.  XX.  ver  j  ou  ies  traverfer  dans  leurs  defleins. 
Dites  à  un  homme  paflionnémem  amoureux, 
qu'il  cil  duppé  :  apportez-toi  vingt  témoins 
tic  l'infidélité'  de  fa  maîtreiTe;  il  y  a  à  parier 
dixconrrUn)  que  rois  paroles  obligeantes 
de  cette  nftutu   ^nvarr  en  un  mQm 

*Quodvo-  ment  tous  leurs  témoignages,    ivuu.      

/«nu*, faàll facnement  ce  que  nous  dejirons;  c'eft  une 
«redimus.  ^-^  dynt  je  crois  que  chacun  a  fait  l'épreu- 
»c  plus  d'une  t'ois:  &  quoique  les  hommes 
ne  puiilent  pas  fe  déclarer  ouvertement  con- 
tre ces  probabilités  manifeftes  qui  font  con- 
traires à  leurs  fentimens  ,  &  qu  ils  ne  puif- 
fent  pas  en  éluder  la  force,  ils  n'avouent 
pourtant  pas  la  conféquence  qu'on  en  tire. 
Ce  if  cil  pas  a  dire  que  l'entendement  ne 
feit  porté  de  fa  nature  a  fuivre  conframment 
le  parti  le  plus  probable,  mais  c'e<r  que 
l'homme  a  la  pui/îance  de  fufpendre  &:  d'ar* 
rêter  fes  recherches ,  &  d'empêcher  fon  ef- 
pric  de  s'engager  dans  un  examen  abfolu 
&  fatisfaifant ,  aufîî  avant  que  la  matière  en 
queftion  en  eft  capable,  &  le  peut  per- 
mettre. Or  jufqu'a  ce  qu'on  en  vienne  là, 
il  réitéra  toujours  ces  deux  moyens  d'échap- 
per aux  probabilités  les  plus  apparentes. 
,(,^î°7ens  §•   13.  Le  premier  eft ,  que  les  argumens 

sux  urobsbi.  étant  exprimés  par  des  paroles,  comme  font 
lités,  la  So-   la  plupart ,  il  peut  y  avoir  quelque  fnpkif» 

fu '^ofée"6  tlaucru  cacn^  dans  les  termes.  ;  &  que  , 
s'il  y  a  plufieurs  conféquences  de  fuite,  il 
peut  y  en  avoir  quelqu'une  mal  liée.  En 


De  V Erreur.  Liv.  IV.  3x1 

effet ,  il  y  a  fort  peu  de  difcours  qui  foient  .  .  .■' .» 
fi  ferres,  fi  clairs  &  fi  miles,  qu'ils  ne  puif-  CHAt-  xx* 
fent  fournir  à  la  plupart  des  gens  un  prétex- 
te allez  plaufible  de  former  ce  doute  ,  &  de 
s' empêcher  d'y  donner  leur  confentement 
fans  avoir  à  fe  reprocher  d'agir  contre  la 
fincérité  ou  contre  la  raifon  par  le  moyen, 
de  cette  ancienne  réplique,  nonperfuadcbis\ 
ttiamfi  perjuaferisy  »  quoique  je  ne  puiiTe 
»  vous  répondre  ;  je  ne  me  rendrai  pour- 
»  tant  point.  » 

$.    14.  En  fécond  lieu,  je  puis  échapper     "•  Argu- 
au>:  probabilités  manifeftes,&fufpendre  mon  fe's  pourfe" 
contentement ,  fur  ce  fondement  que  je  ne  parti  ccr.^ 
fais  pas  encore  tout.ee  qui  peut  être  dit  en  traice» 
Taveur  du  parti  contraire.  C'efl  poarquoi,bien 
que  je  fois  battu  ,  il  n'eït  pas  néce/1  aire  que 
je  me  rende ,  ne  connoiilant  pas  les  forces 
qui  font  en  réferve.  Ceft  un  refuge  contre 
la  conviction  ,   qui  efi  fi  ouvert  &  d'une  fi 
vafte  étendue ,  qu'il  eu  difficile  de  déter- 
miner quand  un  homme  en  eft  tout-à-fait 
exclu. 

(.    15.    Cependant    il  a  fes  bornes,  &     Çueffcs 

lorfqu'un  homme  a    recherché    foigneuife-  P5obab*'i*és* 
_,    .  1       e  1  '7-..   ,  „    determii 

ment   tous  les  ic niemens  de  probabilité  &  l'aOensÙMn*» 
tf "improbabilité,  lorfqn-'iî  a  fait  tout  fon  pot 

pour  s'informer  iincérement  de  toutes 
les  particularités  de  la  question  ,  &  qu'il  a 
aifembléexactement  toutes  les  raifons  qu'il  a 
pu  découvrir  des  deux  cotés,  dans  la  plupart 
des  cas,  il  peut  venir  à   connoître  fur  !ç 

de  quel  coté  fe  trouve  la  probabilité; 
O   « 


311  De  V Erreur.  Liv.  IV. 

=  car  fur  certiines  matières  de  r-àfoniiement 


Chap.  XX.  il  y  a  des  prouves  qui  étant  des  fuppofi- 
tions  fondées  iur  une  expérience  univer- 
fe'le,  font  ii  fortes  &  ii  claires,  &:  fur 
certains  points  de  faits,  les  témoigages  font 
fi  universels ,  qu'il  ne  peut  leur  refufer  fon 
confentement.  De  force  que  nous  pouvons 
conclure,  à  mon  avis,  qu'à  l'égjrd  des 
propofnions  ,  où  encore  que  les  preuves 
qui  fe  préfentent  à  nous  foient  fort  con- 
sidérables ,  il  y  a  pourtant  des  raifons  fuf- 
fifantes  de  loupçonner  qu'il  y  a  de  la  fo- 
phifHquer ie  dans  les  termes ,  eu  qu'on  peut 
produire  des  preuves  d'un  auffi  grand  poids 
en  faveur  du  parti  contraire;  alors  l'alîenti- 
ment ,  la  fufpenlion  ou  le  diiïentiment  font 
fouvent  des  acles  volontaires.  Mais  lerique 
les  preuves  font  de  nature  à  rendre  la  choie 
en  queftion  extrêmement  probable  fans 
avoir  un  fondement  futfifant  de  foupçonner 
qu'il  y  ait  rien  de  fophiftique  dans  ies  ter- 
mes (  ce  qu'on  peut  découvrir  avec  peu 
d'application  )  ni  des  preuves  également 
fortes  de  l'autre  côté,  qui  n'aient  pas  en- 
core été  découvertes  ,  (  ce  qu'en  certains 
cas  la  nature  de  ia  chofe  peut  encore  mon- 
trer clairement  à  un  homme  attentif  )  je 
crois ,  dis-je,  que  dans  cette  occahon  un 
homme  qui  a  coniidéré  mûrement  ces  preu- 
ves, ne  peut  guère  refufer  fon  confente- 
ment au  côté  de  la  queflion  qui  parofc 
avoir  le  plus  de  probabilité.  S'agit-il,  par 
exemple ,  de  favoir  fi  des  caractères  d'un- 


Le  l'Erreur.  Lîv.   ïV.  313 

primerie  mêlés  confufément  enfemblc  pour- ^f 

ront  fe  trouver  fouven:  ranges  de  telle  Chai>.  Xa, 
manière  qu'ils  tracent  fur  le  p  ipier  un  dif- 
cours  fuivi,  ou  ,  fi  un  concours  fortuit  d'ato- 
mes ,qui  ne  font  pas  conduits  par  un  agent 
intelligent,  pourra  former  plufieurs  fois 
des  corps  d'une  certaine  efpece  d'animaux  r 
dans  ces  cas  &  autres  fembLbles  ,  il  n'y 
a  perfonne,  qui,  s'il  y  fait  quelque  ré- 
flexion ,  puilfe  douter  le  moins  du  monde 
quel  parti  prendre,  ou  être  dans  la  moindre 
incertitude  à  cet  égard.  Enfin  lorfque  la 
chofe  étant  indifférente  de  fa  nature  &  en- 
tièrement dépendante  des  témjins  qui  en 
attellent  la  vérité,  il  ne  peut  y  avoir  au- 
cun lieu  de  fuppofer  qu'il  y  a  un  témoi- 
gnage suffi  fpécieux  contre  que  pour  le  fait 
attelle  ,  duquel  on  ne  peut  s'inltruire  que 
par  voie  de  recherche,  comme  eil,  p.  r 
exemple,  de  favoir  s'il  y  avoit  à  Rome, 
il  y  a  1700  ans,  un  homme  tel  que 
Jules  Céfar  ;  dans  tous  les  cas  de  cette  ef- 
pece je  ne  crois  pas  qu'il  foit  au  pouvoir 
d'un  homme  raifonnable  de  refufer  fon  af- 
fentiment  &  d'éviter  de  fe  rendre  à  de 
telles  probabilités.  Je  crois  au  contraire  que 
dans  d'autres  cas  moins  évidens  il  eif  au 
pouvoir  d'un  homme  raifonnable  de  fuf- 
pendre  fon  alfentiment  ;  &  peut-être  même 
de  le  contenter  des  preuves  qu'il  a,  li  elies 
favorifent  l'opinion  qui  convient  h-  mieux 
avec  fon  inclination  ou  Ion  intérêt,  ôt 
d'arrêter  là  les  recherches.  Mais  qu'un  hom- 

O*  o 


314         Dr.  i Erreur.  L;v.  IV. 

Jr" -—  rne  donne    on  con  "entement  au  côté  où  il 

*  XX.  voit  je  moj|M  rfe  probabilité,  c'eil:  une  chofe 

qui  me  paraît  tout-à-fait  impratiquable  te 

auffi  impoflibîe  qu'il   l'eil  de  croire  qu'une 

même  chofe  (bit  touc-a-la-fois  probable  & 

non  probable. 

ce  qu'Teffen      $'  I^#  Comme  la  connoiflance  n'eft  non 

notre  po'.:-     plus  arbitraire  que    la  perception,   je   ne 

voiroeiaf-    crojs    pas  oue   lafiemiment    foit    plus  en 

pendre  notre  '  .  .  .  -.         r  .. 

affentimer,t?  norre  pouvoir  que  la  conncillance.  Lorf- 
que  la  convenance  de  deux  idées  fe  mon- 
tre à  mon  efprit ,  ou  immédiatement  ,  ou 
par  le  fecours  de  la  raifon  ,  je  ne  puis 
ne  a  plus  refufer  de  l'appercevoir  ni  évi- 
ter de  la  connaître ,  que  je  puis  éviter  de 
voir  les  objets  vers  leiquels  je  tourne  les 
yeux  &  que  je  regarde  en  plein  midi ,-  & 
ce  que  je  trouve  le  plus  probable  apres 
>ir  pleinement  examiné ,  je  ne  puis  re- 
fufer d'y  donner  mon  confentement.  Mais 
quoique  nous  ne  puiflîons  pas  nous  empê- 
cher de  connoître  la  convenance  de  deux 
idées,  torique  nous  avons  à  l'appercevoir, 
ni  de  donner  notre  afîenriment  à  une  pro- 
babiîité  dès  qu'elle  le  montre  vifiblement  à 
nous  après  un  légitime  examen  de  tout  ce 
qoi  concourtà  l'établir,  nous  pouvons  pour- 
tant  arrêter  les  progrès  de  notre  connoi!- 
fânee  8c  de  notre  afleutiment ,  en  arrêtant 
nos  perquisitions,  &  en  cefir.nt  d'employer 
nos  facultés  à  la  recherche  de  la  véiité. 
Si  cela  étoit  ainfi,  l'ignorance,  l'erreur  ou 
l'infidélité ,  ne  pourvoient  être  un  péché  en 


De  V Erreur.  Lir.  IV.         31* 


aucun  cas.  Nous  pouvons  donc  en  certaines  r  vv 

rencontres  prévenir  ou  luipendre  notre 
affentiment.  Mais  un  homme  verfé  dans 
l'Hiftoire  moderne  ou  ancienne  peut-il  dou- 
ter s'il  y  a  un  lieu  tel  que  .Rome ,  ou  s'il 
y  a  jamais  eu-un  homme  tel  que  Jules  Céfarl 
Du  relie  il  eft  confiant  qu'il  y  a  un  million 
de  ventes  qu'un  homme  n'a  aucun  intérêt 
de  connoître,  ou  dont  il  peut  ne  fe  pas 
croire  inte'rcflé  de  s'inflruire ,  comme  fi  *  »  Roîd'An- 
Richard  III.  étoit  bofîu  ou  non,  fi  Roger  g'  eterre. 
Bacon  étoit  mathématicien  ou  %magicien  , 
&c.  Dans  ces  c:.s  &  autres  femblables  ,  où 
perfonne  n'a  aucun  intérêt  à  fe  détermi- 
ner d'un  côté  ou  d'autre,  nulle  de  fes  ac- 
tions ou  de  fes  deffeins  ne  dépendant  d'une 
telle  détermination  ,  il  n'y  a  pas  lieu  de 
s'étonner  que  l'efprit  embraffe  l'opinion  com- 
mune, ou  fe  range  au  fentiment  du  pre- 
mier venu.  Ces  fortes  d'opinions  font  de 
fi  peu  d'importance  que  femblables  à  de 
petits  moucherons  vohigeans  dans  l'air , 
on  ne  s'avife  guère  d'y  faire  aucune  at- 
tention. Elles  font  dans  l'efprit  comme  par 
hafard  ,  &  on  les  y  laide  flotter  en  liberté. 
Mais  lorfque  l'efprit  juge  que  la  prepofi- 
tien  renferme  quoique  chofe  à  quoi  il  prend 
intérêt,  lorfqu'il  croit  que  les  conféquences 
qui  fuivent  de  ce  qu'on  la  reçoit  ou  qu'on 
ia  rejette  ,  font  importantes,  &  que  le  bon- 
heur ou  le  malheur  dépendent  de  prendre 
ou  de  refufer  le  bon  pnrti,  de  forte  qu'il 
s'applique  fçrieufement  à  en  rechercher  & 


3*6 


Bi  VZrrcur.  Liv.    IV. 


as  examiner  la  probabilité,  je  penfe  qu'en  ce 


Chap.  XX.  cas-là  nous  n'avons  pas  le  choix  de  nous  dé- 
terminer pour  le  cô:é  que  nous  voulons, 
s'il  y  a  enrr'eux  des  différences  tcut-à-faic 
vifibîes.  Dans  ce  cas,  la  plus  grande  proba- 
bilité déterminera,  je  crois,  notre  aifenti- 
ment;  car  un  homme  ne  p^ut  non  plus 
éviter  de  donner  fon  arlenriment  ,  ou  de 
prendre  pour  véritable  le  côté  où  il  apper- 
çoit  une  plus  grande  probabilité,  qu'il  peut 
éviter  de  reconnoître  une  propoinion  pour 
véritable  ,  iorfqu'il  apperçoit  la  convenance 
ou  la  difeonvenance  des  deux  idées  qui  la 
compofent. 

Si  cela  ell  ainïi  ,  le  fondement  de  l'erreur 
doit  confilter  dans  de  fautes  mefures  de 
probabilité ,  comme  le  fondement  du  vice 
d.ns  de  fauiîes  mefures  du  bien. 

§  .17.  La  quatrième  &  dernière  faufle  me- 
fure  de  probabilité  que  j'ai  deifein  de  re- 
marquer &c  qui  retient  plus  de  gens  dans, 
l'ignorance  &  dans  l'erreur  ,  que  toutes  les. 
autres  eniemble,  c'eft  ce  que  j'ai  déjà  avan- 
cé dans  le  chapitre  précédent ,  qui  eil  de 
prendre  pour  règle  de  notre  aiientimenc 
les  opinions  communément  reçues  p.rmi 
nos  amis,  ou  dans  notre  parti,  entre  nos 
vciiins ,  ou  dans  notre  p>ys.  Combien  de 
gens  qui  n'ont  point  d'autre  fondement  de 
leurs  opinions  que  l'honnêteté  fuppoiée  ,  ou. 
le  nombre  de  ceux  d'une  même  profiefîïqn.: 
comme  ii  un  honnête  homme  ou  an  favant  de 
profeilion  ne  pouvaient  point  errer,  ou  que. 


4.  Faufle 
mefure  de 
probabilité  , 
V  Autorité* 


D:  VTrmir.  Liv.  IV.         32.7 

la  vérité  dût  être  établie  par  le  fuffrage  de  ■  ■■■ 

la  multitude.  Cependant  la  plupart  n'en  Chap.  XX. 
demande  pas  d'avantage  pour  fe  déterminer. 
Un  tel  fenûment  a  écé  atcefté  par  la  véné- 
rable antiquité ,  il  vient  à  moi  lous  le  paf- 
feport  des  iiecles  précédens  ;  donc  je  luis 
à  l'abri  de  l'erreur  en  le  recevant.  D'autres 
perfcnnes  ont  été  &  font  dans  la  même 
opinion  ,  (  car  c'eft  -  là  tout  ce  qu'on  die 
pour  l' autorifer  )  &  par  conféquent  j'ai  rai- 
îbn  de  l'embraifer.  Un  homme  feroit  tout 
auffi  -  bien  fondé  à  jeter  à  croix  eu  à  pile 
peur  lavoir  quelles  opinions  il  devrait  em- 
bralfer  ,  qu'a  les  choinr  fur  de  telles  règles. 
Tous  les  hommes  font  lujets  à  l'erreur  ,  & 
plulieurs  font  expofés  à  y  tomber  en  plu- 
sieurs rencontres ,  par  paiiion  ou  par  in  é- 
rêt.  b\  nous  pouvions  voir  les  fecrets  mo- 
tifs qui  font  agir  les  peifonnes  de  nom  , 
les  lavans  &  les  chefs  de  parti ,  nous  ne 
trouverions  pcis  toujours  que  ce  fdit  le  pur 
amour  de  la  vérité  qui  leur  a  fait  recevoir 
les  doctrines  qu'ils  profeifènt  &  foutiennent 
publiquement.  Une  chofe  du  moins  fort  cer- 
taine ,  c'eil  qu'il  n'y  a  p^int  d'opinion  fi 
abfurde  qu'on  ne  puifle  embrailer  lur  ce 
fondement  dont  je  viens  de  parler;  car 
on  ne  peut  nommer  aucune  erreur  qui 
n'ait  eu  l'es  parafa ns  :  de  forte  qu'un  hom- 
me ne  manquera  jamais  de  (entiers  terrus, 
s'il  croit  être  dans  le  bon  chemin  par-tout 
où  il  découvre  des  (entiers  que  d'autres 
ont  traces. 


5a  8  De  V Erreur.   Liv.   IV. 

*i:: =a        $.   18.  Mais  malgré  tout  ce  grand  bruit 

Chap.  XX.   qU'on  fait   dan*  le    monde  fur  les  erreurs 

&  les  diverfes  opinions  des  hommes,  je  fuis 
Les    nom-     ,,.    ,  ,     ,.  L  ■    .,■ 

mes  ne  font    oblige  de  dire,  peur  rendre  juitice  au  genre 

pas  engagés     humain,  qu'il  n'y  a  postant  de  gens  dans 

dans  un  fi        l'erreur  &  entêtés  de  faillies  opinions  qu'on 

grrnd  nom-       ,    -  _         ,.  •'     M        ■*  .   J 

bre  d'erreurs  lejuppoje  ordinairement  ;  non  que  je  croie 

qu'on  s'ima-    qu'ils  embraffent  la  vérité ,  mais  parce  qu'en 
8ine'  effet  fur  ces  doctrines  dont  on  t'ai:  tant  de 

bruit,  ils  n'ont  abfolument  point  d'opinion, 
ni  aucune  penfée  pofitive.  Car  fi  quelqu'un 
prenoit  la  peine  de  catéchifer  un  peu  la 
plus  gtande  partie  des  partiians  de  la  plu- 
part des  Sectes  qu'on  voit  dans  le  monde, 
il  ne  tronveroit  pas  qu'ils  aient  en  eux- 
mêmes  aucun  fentirnent  abfclu  fur  ces  ma- 
tières qu'ils  foutiennent  avec  tant  d'ardeur  S 
moins  encore  auroit-il  fujet  de  penfer  qu'ils 
aient  pris  teis  ou  tels  fentimens  fur  l'exa- 
men des  preuves  &  fur  L'apparence  des  pro- 
babilités fur  lefquelles  ces  fentimens  font 
fondés.  Ils  font  réfolus  de  fe  tenir  atta- 
chés au  parti  dans  lequel  l'éducation  ou  l'in- 
térêt les  a  engagés  ;  &  là  comme  les  fim- 
ples  foldats  d'une  armée,  ils  font  éclater 
leur  chaleur  ck  leur  courage  félon  qu'ils 
font  dirigés  par  leurs  capitaines  ,  fans  ja- 
mais examiner  la  caufe  qu'ils  défendent, 
ni  même  en  prendre  aucune  tonnoilfance. 
Si  la  vie  d'un  homme  fait  voir  qu'il  n'a 
aucun  égard  fmcore  pour  la  religion  ,  quelle 
r  d  on  pourrionsi-nous  avoir  de  penfer  qu'il 
fe  rompt  beaucoup  la  tête  à  étudier  les  opi- 
nions de  fonEghle,  &a  examiner  les  fon* 


De  V Erreur.  Liv.  IV.  319 


démens  de  telle  ou  telle  doctrine  ?  Il  fuffit  g 

à  un  tel  homme  d'obéir  à  fes  conducteurs,  HAP* 
d'avoir  tuujrurs  !a  main  &  la  langue  prêtes 
à  foutenir  la  caufe  commune,  &  de  fe 
rendre  par-là  recommandable  à  ceux  qui 
peuvent  le  mettre  en  crédit ,  lui  procurer 
des  emplois,  ou  de  l'appui  dans  ia  focié- 
té.  Et  voiia  comment  les  hommes  devien- 
nent partifans  &    défenfeurs  des  opinions 

pairs",  8c"B6à™i&  c'ce'  conv^incus  cu  »"<"- 
dans  la  tête  les  idées  les  plôtT^S»»  eu 
de  forte  qu'encore  qu'on  ne  puiffe  point 
dire  qu'il  y  ait  dans  le  monde  moins  d'opi- 
ni  tris  i  iirdes  ou  erronées  qu'il  n'y  en  a;  il 
e  urtant  cerrain  qu  il  y  a  moins  de 
[  nés    qui  y  donnent    un   aflentimejftt 

aôuel ,  &  qui  les  prennent  faiilement  pour 
des  vérités ,  qu'on  fe  l'imagine  commu- 
nément. 

CHAPITRE     XXI. 
De   la  Divifion    des    Sciences. 

$.  1.    JL   Ou  t  ce  qui  peut  entrer  dans  Chap.  XXI. 
la  fph're  de  l'enrendement  humain,  étant 
en  premier  lieu,  ou  la    nature  des  chofes      Les  feien- 
telles  qu'elles  font  en   elles-mêmes,  leurs  ces.  lv.xefs 

"  '  en  trois  el" 

relations   &  leur  manière  d'eperer;  ou  en  peces. 
fécond  lieu  ,  ce  que  l'homme  lui-même  elt 
oblige  de  fore  en  qualité  d'agent  raifonaa- 

ble  ci  volontaire  pour  parvenir  à  quelque 


330  De  la  Divifion 

■     =s  fin  &  pariculiérement  à  la  félicité  ;  ou  en 

Chap.  XXI.  troiiicmj  lieu  ,  les  moyens  p.;r  où  l'on  peut 
acquérir  h  connoilLmce  de  ces  chofes  & 
la  communiquer  aux  autres  ;  je  cr .vis  qu'on 
peut  du  i fer  proprement  la  Jcience  en  ce» 
trois  efpeces. 
I.Phyfique.  $.  %,  La  première  eft  la  connoifTance 
des  chofes  comme  elles  font  dans  leur 
propre  exiftence,  dans  leurs  confti'utijns, 
pi   priâtes  k  opérations;   par  oùci^ 

tends  pas  fea^menj^j^nt  leurs  usures! 
JRxiS  constitutions,  leurs  opérations  parti- 
culières  euîfi-bicn  que  les   corps.    C'eft  ce 

*  *wi«*.  que  j'appelle  *  Pkyjijue  ou  fhilofophie 
naturelle y  en  prennt  ce  nu:  dins  un  fens 
un  peu  plus  étendu  qu'on  ne  fait  ordinai- 
rement. La  fin  de  cette  feience  n'eit  que 
fimple  fpéculation  ;  &  tout  ce  qui  peut  en 
fournir  le  fu,'et  à  Pefprit  de  l'homme,  eft 
de  (on  diltricr,  foit  Dieu  lui-même,  les 
An^es,  les  efpnts,  les  corps,  ou  quelqu'une 
de  leurs  affections  ,  comme  le  nombre  & 
la  figure ,  &c. 

H.  Piatîque.  $.  3-  La  féconde  que  je  nomme  *  Fra- 
*  Tlçcc*  tique ,  enfei^ne  les  moyens  de  bien  appli- 
fiKi.  quer  nos  propres  puiîlances  &:  actions,  pour 

obtenir  des  chofes  bonnes  &  utiles.  Ce 
qu'il  y  a  de  plus  confidirable  fous  ce  chef, 
c'en  la  Morale,  qui  confifte  à  découvrir 
les  règles  &  les  mefures  des  avions  hu- 
maines qui  conduifent  au  bonheur  ,  &  les 
moyens  de  mettre  ces  règles  en  pratique. 
Cette  féconde  feience  fe  propofe  pour  fin  , 


des  Scicnres.Liv.  IV.  331 

*^n  la  fimple  fpéculari  )n   &  !a  connoiffan-  LJ — ! -^ 

ce  dz  u  vérité,   nuis  ce  qui  efr  juite,    &  Chap.  XXI. 
une  conduite  qui  y  f  )it  conforme. 

$.  4.  Enfin  la  troisième  peut-être  appel-     ...  „ 
tpfKumitn    eu  la    conno'.'Jar.ce  des  lignes,  noiffance  des 
&  comme  les  mots  en  font    la  plus  ordi-  fignes. 
n.iie  parne  ,  elle  auffi  nommée  allez  pro- 
prement  *    Logique  :  fon  emploi   coniifte    *  AayoxjJ 
à  coniidérer  la   nature  des  figues  dont  Tel-  du  mot 
prit  le  fert  pv;ur  entendre  1rs  chofes  .  ou     a?is  ., 
pour  communiquer  ta  connoinance  aux  au-  parole* 
très.  Car  puifqu'enrre  les  choses  que  1'efpric 
contemple  il  n'y  en  a  aucune,  excepré  lui— 
mjin.5,   qui  foit  préfente  3  l'entendenjenf^ 
il  L-lt  néceiiairgofnliie  ligne  oxl  repréTenta- 
nôn  de  la  chofe  qu'il   coniidere  ,  &  ce  font 
les  idées.  Mais  p.rcequela  feene  des  idées 
qui  constitue  les   pen!ée.->  d'un  homme,  ne 
peut   p,s  piroîcre  immédiatement  à  la  vue 
d'un    uurre  homme,  ni  êrre  conTervée  ail- 
leurs que  djiis  la  mémoire,  qui  n'eft  pas 
un  rtiervoir  fort  affuré,  nous  avons  be- 
foin  de  fignes  de  no;  idées  pour  pouv  ;ir 
nous  entre-communiquer  nos  penfées  auffi- 
bien   que  pour  les   enregistrer   pour  notre 
propre  uLge.  Les  fignes  que   les   h  jmmes 
ont  trouvé  les  plus  commodes  &  d  >nt  ils 
ont   fait  par  conféquent   un  ufige  plus  gé- 
néral ,  ce  font  les  Ions  articulés,  u'eft  p<  ur- 
quoi  la  conlidérarion  des  Idûs  6c  des  Motst 
en  tant  qu'ils    font  les  grands  infrrumens 
de   la  ccnnoifTance ,   fait  une  partie  aifez 
importante  de  leurs  contemplations,  s'ils 


'v 


332-      De   la  Divijion  des  Sciences. 

—  .  -,  veulent  envifager  la   connoifTance  humaine 

Chap.  XXI.  dans  toute  fon  étendue.  Et  peut-être  que 
fi  l'on  confidéroit  difrincï  ment  &  avec  tout 
le  foin  poflible  cette    dernière    efpece  de 
feience  qui   roule  fur  les  ide'es  &  les  mots, 
elle  produirait    une  logique  &c  une  critique 
différentes  de  celles  qu'on  a  vues   jufqu'à 
préïent. 
Ceft-Iàla        ^    j#  Voilà ,  ce  me  femble ,  la  première, 
viftondes   ' "  *a  P'us  générale    &  la  plus   naturelle  divi- 
objets  de        jGon  des  objets  de  notre  entendement.  Car 
notre  con-     l'homme  ne  peut  appliquer  Ces  penfées  qu'à 
1a  contemplation  des  chofes  même,    pour 
en  fa  puilL"incë!,irii. .cu  aux  chofes  qui  font 
aCtions ,  pour  parvenir  à  fes  fins";  T^pP1"65 
fignes  dont  l'efprit  fe  fertdjnslune  &  l'au- 
tre de  c;s  recherches  ,  &  dans  le  jufte  ar- 
rangement de  ces  fignes  même,  pour   s'inf» 
truire  plue  nettement  lui-même.  Or  comme 
ces  trois  articles  ,   (  je  veux  dire  les  chofes 
en  tant  qu'elles  peuvent  être   connues  en 
elles-mêmes,  les  actions  en   tant  qu'elles 
dépendent  de  nous  par  rapport  à  notre  bon- 
heur ,  &  rufage   légitime   des  Jignes  pour 
parvenir  à  la  connoiffance  )  font  tout-à-fait 
différens  ;  il  me  femble  aufïi  que  ce  font 
comme    trois    grandes  Provinces    dans  le 
inonde   intelle&uel ,   entièrement   féparées 
&  djlîin&es  l'une  de  loutre. 

^  Fin  du  quatrième  &  dernier  Tome, 


335 

TABLE 

DES 

AM  77£#ES     PRINCIPALES, 

k    Bstraction  ,   ce  que  c'eft.  tom.   i. 

jHl     P;^e  166.  §.  9. 

£llc  met    une  parfaire   diftance  entre  les 
hommes  &  les  bètes.  idem,  168.  §.  10. 
Idées  abflraites ,  comment  formées.  ft/H.  1. 
1J8.  §.  6.  y  ». 

Les  tevnes  atfrùts  ne  fauroient  être  affir- 
més l'un  de  l'autre,  tom.  y  185.  j.  1. 

accident  ,  ce  que  c'eft.  «»!.  z.  134.  §.  z. 

Actions,  rien  ne  découvre  mieux  les  principes 
des  hommes  que  leurs  actions,  tom.  1.  6<j. 
$.7.  Il  n'y  a  que  deux  fortes  à' actions,  tom. 
1.  116.  §.  4. 

Une  Action  oéfagréabîe  peut   devenir  agréa- 
ble, &  comment,   tom.  1.  203.  §.  69. 
Nulles  actions  confidérées  en  difFérens  tems 
ne  peuvent  être  les  mêmes,  idem.  301.  §.  z. 

Aciions  confidérées  comme  des  modes,  ou  par 
rapport  àce  quel.es  ont  de  moral,  idem.je+t 

§•    «S- 
Adoration ,  1  idée  d  Adoration  n'eft  pas  innée. 

*û>#.  j.   1  oç.  §.  7. 
Affirmations,  elles  ne  roulent  que  fur  des  idées 

concrètes,  tom.  3.  185.  §.  1. 
Algèbre,  fon  ufage.  ?(?»?.  4.  183.  §.  1^. 
Altération  ,  ce  que  c'elt.  /#;#.  1.  194.  §.  t. 
Ame  ,  elle  ne  penfe  pas  toujours,  tom,  1. 149. 

§.  >.  ©V. 


3'4  TABLE 

Elle    n*  penfe  pas  dans  un  profond  fonv 

meil.  idem.  ir}.§.  u.ff. 

Son  immatérialité  nous  eft  inconnue,  totn. 

i   311   §  6' 

La  religion  n'eft  pas  intéreffce  dans  l'im- 

matétialité  de  Y  Ame ,  ibid. 

Notre  ignorance    fur   la  nature  de  Y  Ame. 

tom.  i.  344.  §.  17. 

Combien  les  aétions  de  l'Ame  font  fubites. 

tom.  1.  237.  §.  10. 

Amour,   cequec'elt.  tom.  1.  100.  §.  4. 

analogie,    combien   utile  dans   la    physique. 
tcm.  4.  xi 7.  §.  12. 

Antipathie  Si  Sympathie  .quelle  en  eft  la  four- 
ce.  tom.  3.  16.  .'.  7. 

Si  elles  lont  naturelles  ou  acquifes.x'iw».  17. 
$.  7.  8. 

Elles    font  caufées  quelquefois  par  la  con- 
nexion des  idées,  ibii. 

Argumens,  il  yen  a  de  quatre  fortes. 

1.  Ad  vcïecundiam.  tom.  4.  ttf  1.  0>  Jwiv. 
§.  10. 

2.  Ad  ignorantiam,  §.  i». 

3.  Ad  bominem.  §.21. 

4.  Ad  jiidici-Am.  §.  il. 
Arithmétique ,    l'ufage  des    chiffres  dans  l'a- 

rithméti]ue.  tom.  3.  354.  §.19. 
Leschofes  Artificielles  font  la  plupart  des  idées 
colle&ives.  tom.  1.  »8i.  §.  3. 
P.ourquoi  nous  fommes  moins  fujets  à  tom- 
berdans  la  confufîon  à  l'égard  des  choies 
artificielles  que  des  naturelles  ,  tom.  3. 
1*5.$.  40. 

I1  y  a  des  efpeces  diftinïtes  de   chofes  arti- 
ficielles, idem.   \66.  §.41. 
AJfentiment  qu'on  donne  aux   maximes,   tcm. 

t.  110.  §.   10. 

Des  qu'on  les  entend  &  qu'on  comprend 


DES      MATIERES.         33  y 

les  termes  qu'on  emploie  pour  les  expri- 
mer, c'eftun  figne  que  ces  propcftions 
font  évidentes  par  elles-mêmes,  i.iem.  34. 
§.  17.  &  §.   18. 

Et  r.on  pas  qu'elles  font  innées,  idem.  $8.  §. 
iy.  &  ic.  idem.  124.  §.    1-;. 
L'AfTentiment  tombe  lur  ces  propofitions. 
te?  .  4.  1    ».  Ç.    3. 
Ce  nbe  c'elt.  itL  ?.;.  \f'.  g.  3. 
Il  doit  erre  proportionné  aux  preuves. idem. 
ici.  i-  1. 

Il  oc  pend  Couvent  de  la  mémoire,  ilid.  §. 
I.  t. 

En  quelles  rencor.rres  il  efr  volontaire  de 
refufer  ou  de  fufpendre  Ton  contentement  , 
&  en  quelles  occations  il  efr  nécelTair..  tom. 

4.  3-1.  §.    i^.  16. 
jtffoàati  n  d'idées,  tom.  3.  1*. 

Comment  elle  (e  fait.  idem.  1  5.  §.  6. 

Ses  mauvais  effets,  comme  à    l'égard  des 

Antipathies,  ihid.  &  16.  §.6.  7.  8.  idem,  31. 

5.  tç. 

A  l'égard  des  erreurs  de  I'efprit.  làtrn.  2 S.  §. 

Er  cela  da^s  des  feé^es  de  philofoplnê  8c  de 

reli'.:io   .idem.  $4.  §.  18. 

Le  rems  remédie  quelquefois  à  ces    incon- 

véniens  ,  &  comment,  idem.  30.  §.  13. 

Exemples  du  mauvais  effet  de  l'aiîociation 

des  idées,  idem.  3  1 .  §.  14.  (5°c. 

Les  dangereufes  influences  qu'elle  a  fur  les 

habitudes  inte!Ir£ruelies.  ide.m  33.$.  17. 
jlffutances,  quand  on  y  eft    parvenu,  tom.  4. 

ico.  §.  6. 
Atkeifme  dans  le  monde,  ^;w.  t.  io<5\  $.  8. 
S> tome  ,  ce  que  c'elt.  tom.    1.  305.  §.    3. 
Aveugle  ,    fi    un  aveugle  venoir  à  voir,   il  ne 

connoîtroitpas  par  le  moyen  de  la  vue  un 


3J£  TABLE 

globe  d'avec  un  cube  ,  quoiqu'il  les  dirtin- 
g.iat  par  l'attouchement,  tom.  i.  133.  §.  8. 
Autorité ,  Cuivre  les  lentimens  des  autres  hom- 
mes ,  grande  fource  d'erreur,  tom.  4.  31*.  §. 

17. 

Axiomes,  ne  font  pas  les  fondemens  des  fcien- 
ces.  idem.  61.  §.  1.  CTf. 

B. 

JLP  Etes   Brutes.  Elles  n'ont  pas  des  idées 

univerfelles.  tom.  1.  i£8.  §.  10.  11. 

Is'i  des  idées  abftraites.  ibid.  §.  10. 

Si  elles   ont   du   (entiment  ,   elles  penfenr. 

idem.  168.  §  19. 

Si  elles  penfent ,  ce  qu'eft  le  principe  pen- 

fant  qui  eft  en  elles,  ibid. 
~Bien  Si.  A/*/,  ce  que  c'eiv.  tom.  1.  104.  §.  ».  & 

161.  §.  41. 

Le  plus  grand  Bien  ne  détermine  pas  la  vo- 
lonté, tom.  %.  142.  §.  î^.idem.  156.  §.    3?, 

j^É772.  16  6.  §.  .4. 

Pourquoi.  i«w.  i6"6\  O'fuiv.  §.  44. 45.it/rm, 

188.   &  fhiv.  §.  55.  60.  64.  65.  68. 

Il  y  a  deux  fortes  de  JS/Vwj.  idem.  191.  §.  61. 

Le  Bien  n'agit  fur  la  volonté  que  par  le  de- 

iir.  idem.  170.  §.  46. 

Comment  on  peut  exciter  le  defir  du    Bien. 

idem    i-jz.  ff  fuiv.  §.  4*.  47. 

Souverain  Bien  ,  en   quoi  il  confifte.  idem. 

181.  §.    55- 

Bonheur ,  ce  que  c'eft.   i</e#z.  161.  §.  41. 

Quel  Bonheur  les  hommes  recherchent. /</**». 
164.  §.43. 

Comment  il  arrive  que  nous  nous   conten- 
tons d'un  bonheur  peu  étendu,  idem.  1&8. 

§•  5*. 

C. 


DES      MATIERES.        537 
C. 

\^t  AfacitL  tom.\.  179.  §.  3. 

Il  eft  inutile  de  connoître  l'étendue  ae  nos 

ctâ.tcités.  idem.  61.  §.4.  Cette  connoi'Tance 

eft  propre  à  guérir  du  fcepticifme  &  de  la 

.patelle,  idem.  6\.  §.  6. 

Nos  capacités  font  proportionnées  à  .notre 

état  préfenr.  idem.  63.  §.  y. 
C«;//e  ,  ce  que  c'eft.  tom,  z.  %$$.  §.  1. 
C£  qui  ejl ,  f/?.  Maxime  qui  n'eit    pas    reçue 

avec  un  contentement  général,  tom.  1.  143. 

$■4- 

Certitude  :  elle  dépend  de  l'intuition,   ffl/».  3* 

301.5.1. 

En  quoi  elle  confifte.  f0#?.  4.  15.  §.  jS. 

Certitude  de  vérité.   i^;«.  37.  §.  3. 

Certitude  de  cannoiflance.  z&ù^.  A  l'égard  des 
fubftances  ,  on  ne  peut  trouver  de  certitude, 
que  dans  un  fort  petit  nombre  de  propor- 
tions générales,  idem.  55.  £.  13.  Et  pour- 
quoi, idem.  58.  §.  iy. 
Où  l'on  peut  trouver  la  certitude,  idem.  60. 

§,1*. 

Certitude  verbale,  idem.  110.  §.  8.  Réelle, 
thid. 

Connoiflance  fenfible  ,  la  plus  grande  cer- 
titude que  nous  ayons  de  î'exiftence.  idem. 
14É.  §.  1. 

Chaud  &  Froid,  comment  la  fenfation  de  ces 
deux  chofes  eft  produite  par  la  même  eau 
dans  le  même  tems.  tom.  1.  no.  §.  1 1. 

Ckeveu,  comment  il  paroît  à  travers  un  mi- 
crofeope.  tom.  z.  130.  §.  1 1. 

Citations ,  combien  peu  l'on  doit  s'y  fier,  tsm* 
4.  nç,  §.  11. 
Tome  .IY  » 


538  TABLE 

Clarté  :  Elle  feule  empêche  la  confufion  des 
idées,   tom.  i.  ij8.  §.  j. 

Ce  que  c'efl:  qu'idées  claires  &  obfcures.   tom. 
i.  37$.  §.  1. 

Cobibition ,  ce  que  c'efl.  i^w.  117.  §.  13. 

Co/ere  ,  ce  que  c'efl:.  i./fw.  ic?.  §.  it. 

Commentaires  {'ut   les  loix  ,  pourquoi   infinis. 
£0;».  j.  1517.  §.  9. 

Idées  complexes  ,  comment  on  les  forme,  taw. 
1.  z6%.  §.  6.  idem.  176.  §.  1. 
A  l'égard  de  ces  idées ,  îefprit  eft  plus  que 
patlif.  idem.  175.   er  178.  §.  1.  i. 
Elles  peuvent  être  réduires  à  ces   trois  for- 
tes ,    Modes  ,    Subfiances  &  Relations,   idem, 

*19>  §•  3. 
Comparer  des  idées  ,  ce  que  c'eft.  iVew.   159. 

§.4. 

En  cela   les  hommes   furpaffent  les    bêtes. 
idem,  zjj  h  i<5i.  §.  5.  6. 

ïdées  complettes.  tom.  1.  39Î.  CTY.  Nous  n'a- 
vons point  d'idées  complectes  d'aucune  ef- 
pece  de  fubftances.  i  em.  4  5.  §.  6. 

Ccmpofer  des  idées ,  ce  que  c'efl.  tom.  1.  z£i. 
§.  É. 

Il  y  a  par- là  une  grande  différence  entre  les 
hommes  &  les  bêtes,  idem.  %6y  §.  7. 

Compter:  ce  que  c'efl.  ?0w.  z.  54.  §.   j. 
Les   noms   font   néreflaires   pour  compter, 
ibid.  Et  l'ordre,  idem.  58.  §.  7. 
Pourquoi  les  enfans   ne  font  pas   capables 
décompter  de   bonne  heure,   &  pourquoi 
quelques-uns  ne  peuvent  jamais  lt  faire,  ib, 

Confiance,  tom.  4..   ti  1.  §.  7. 

Idées  confufes.  tom.  1.   375    §.  4. 

Confufion  d'idées,  en  quoi  elle  confifle.  idtin, 
ibid  ,  W  fu'ïv.   §.  ç.   6.  7. 

Çaufe  de  cette  confuuon.  idem.  §jj.  ÇJ*  /mj'v. 


DES     MATURES.  53* 

Elle  eft  fondée  (tir    un    rapport   aux   Dams 
qu'on  donne  aux  idées.  idem.  3S1.  §.  îc. 
Moyen  de  remédier  à  cette  contiUioc.  idun. 
381.  §.  11. 
Csnnoifjcuue.  Elle  a  une  grande  liaifonavec  les 
mots.  tom.  3.  134.  §.  11. 
Ce  que  c'eft  que  la  Connoiffance.  idem.    19  t. 

Combien   elle  dépend  de   nos  fens.    idem* 
361.  §.  13. 

ConnoifjMice  actuelle,  idem,  196.  §.  S. 
Habituelle,  ibid.  §.  8. 

LaConnoijjance  habituelle  eft  double,  idem.* 
198.  §.  6. 

Connoijjance  intuitive,  idem.  301.  §.  1.  Eft  la 
plus  claire,  ibid.  Et  irréliftible.  ibid. 

Connoiffance  démonftrative.  idtm.  304.  §.  t. 
Toute  connoiftance  des  ventes  générales 
eft  ou  inruitive  ou  démonftrative.  iaem. 
Jl$.   §.  14. 

Celle  des  exiftences  particulières  eft  fenii- 
tive.  ibid.   §.   14. 

Les  idées  claires  ne  produifenr  pas  toujours 
-une  connoiffance  claire,  idem.  318.  §.   1^. 
Quelle  forte  de  connoiffance  nous  avons  de 
la  nature,  tom.  i.  146.   §.  11. 
Les    commencemens   &  les   progrès    de  Ix 
eennoiffance.  tom.  1.   31.  &  fm-v.  §.   15.   \6. 
idtm.  174.  CT  fuiv.  §.  IJ.  16.  17 
Où  elle  cou  commencer,  idem.  315.  §.  ig. 
Elle  nous  eft  donnée  dans  les  facultés  pro- 
pres à  l'obtenir,  idtm.   m.  §.  iz. 

La.  connoiffance  des  hommes  répond  à  l'urag2 
qu'ils  tont  de  leuts  facuites.  idem.  17a, 
§.  11. 

Nous  ne  pouvons  l'acquérir  cjue  par  l'appli- 
cation de  nos  propres  penlées  a  la  contem- 
plation des  caoiés  mêmes,  idem.  173.  §.  13. 

iJi 


340  'TABtÊ 

Etendue    de  la  connoijfance  humaine,  tom.  3. 
31?.  §.  1.    &c. 

Notre  conno  iflance    ne  s'étend  pas  au-delà 
de  nos  idées,  ibid. 

Ni  au-delà  de  la  percepti  on  de  leur   conve- 
nance ou  difco  nvenance.    ibid.  §.  %. 
Elle  ne  s'étend  pas  à  toutes  nos  idées,  ibid. 

*•*  , 

Moins  encore  a  la  réalité  des  chofes.  idem. 

3*1.   §.  6. 

Elle  elt  pourtant   fort  capable  d'accroifTe- 

ment  ,  fi   l'on  prenoit   de  bons  chemins. 

ibid. 

Notre  connoijfance  d'identité  &  de  diverfitc 

£(i  auffi  étendue  que  nos  idées,   idem.   341.. 

§.8. 

Notre  connoijfance  de  co  exiftence  eft  fort 

•bornée.  idem.   341.   §.  9.   10.  II. 

Et  par  conféquent  celle  des  fubftances  l'eft 

aullî.  idem.  345.    §.  14.  ij.  16. 

Ea  connoijfance  des  autres  relations  ne  peut 

être  déterminée,  idem.  351.  §.  18. 

.Quelle   eft    la    connoijfance   de    l'exiftence. 

idem.    360.  §.  zi. 

Où  eft-ce  qu'on  peut  avoir  une  connoijfanct 

certaine    &   univerfelle.  idem.  373.   §.   i?. 

fom.  4.  60.  §.  \6. 

Ee  mauvais  utage  des  mots ,  grand  obftacle 

à  la  connoijfance.  tom.  3.  375.  §.  30. 

Où  fé  trouve  la  conno  ijfam-e  générale,  idem. 

377-  §•  3l- 

Elle  ne  fe  trouve  que  dans  nos  penlees.  tom. 

Réalité  de  notre   connotjjance.  tom.  j.  377. 

§-3i. 

.Combien  eft  réelle  la  connoijfance  que  nous 

.avons  des  vérités  mathématiques,  tom.   4. 


DES   MATIERES.  34T 

Celle  que  nous  ayons  de  la  morale  eft  réelle, 

idem.  8.  §.  7. 

Jufqu'où  s'étend  la  réalité  de  celle  que  nous' 

avons  des  fubftances.  idem.  13.  §.    12.. 

Ce  qui  fait  notre  connoijfance  réelle,    idem. 

4    W  8.§".  ?.&  8. 

Confidérer  les  chofes  &   non  les   noms  des» 

chofes  ,  moyen  de  parvenir  à  la  connoijfance,- 

idem.  15.  §   13. 
Connoijfance  des  fubftances  ,  en  quoi  elle  con- 

fîfte.  idem.  46,   §.  10. 

Ce  qui  eft  néceflaire  pour  parvenir  à   une 

connoijfance  pallable    des    fubftances.  idem, 

56.  §.   i  4. 
Connoijfance  évidente  par  elle-même.  idem.  Si. 

§.  i. 

La  connoijfance  de  l'identité  &  de  la  diver- 

fîté  eft  aum"  étendue    que  nos  idées,  idem,' 

63.  §.  4.  En  quoi  elle  confifte.  ibid. 

Celle   de  la   coexiftence    eft  fort    bornée, 

idem.  67.  §.  5. 

Celle  des  relations  des  modes  ne  l'eft  pas^ 
tant.  idem.  6%.  §.  6. 

Nous  n'avons  aucune  connoijfance  de   l'exif- 
tence  réelle,  excepté  notre  propre  exiftence 
&  celle  de  Dieu.  ibid.  §.  7. 
La   connoijfance  commence  par   des  chofes 
particulières,  idem.  7J.  §.  fr. 
Nous  avons   une    connoijfance   intuitive   de 
notre  propre  exiftence.  idem.  118.  §.  3.  & 
une    connoiifance  démonftrative  de  l'exif-- 
tence  de  Dieu.  idem.   115.  §.  1. 
La  connoijfance  que  nous  avons  par  le   moyen 
des  fens  mérite  le  nom  de  connoifTance. 
idem.   188.  §.  3. 

Comment  on  peut  augmenter  la  connoiffan- 
(e,  idenh  164.  Ce  n'eft  point  par  le  fecours 

p  j) 


341  TABLE 

des  maximes»   idem.    itfg.  §.  j.  Pourquoi^ 
on  s'eft  figuré  cela.  ibid.  §.  î. 
On   ne   peut    augmenter   la    connoiflance 
qu'en  déterminant  &c  comparant    les  idées. 
idem.  170.  §.  6.  idem.  1S3.  §.    14. 
Et  en  trouvant   leurs  rapports,  idem.    173. 

Par  des  idées  moyennes,  idem.    183.  §.  14 
Corn  n.'nt  la  connnjfance  peut  être  perfection- 
née à   l'égard  des  l'ubltances.     idem.  175. 

§•  9-    ^ 

La  Connoiflance  eft  en  partie  nécefTaire  ,  &  en 

partie  volontaire,  idem.   \%6.  §.  1.  x. 

Pourquoi  notre  connoilTance   ell  fi  petite. 

idem.  190.  §.  1. 
Confcience ,    c'eft  l'opinion   que  nous    avons 

nous-mêmes  de  ce  que  nous  faiions.  to;n. 

I.  66.   §.    8. 
Confcience  fait  qu'une  perfonne  efl  la  même. 

tom.  t.  330.  §.  16.  Ce  que  c'eft.  idem.  431. 

§•    19- 

Il  et  probable  qu'elle,  eft'attachée  à  la  mêmî 
fubftance  individuelle  ,  immatérielle,  idem. 
3+o.  §.  M. 

Elle  eft  nécefTure  pour  penler.  tom.  1.  15a. 
§.  10.  11.  idem.  169.    §.    19. 

Contemplation,  idem.  z.43.  §.    1. 

Convenance  &  difconvenance  de  nos  idées  di- 
vifée  en  quatre  efpeces.  tom.  3.  2,91.   §.    3. 

Corps,  nous  n'avons  pas  plus  d'idées  origina- 
les du  corps  que  de    l'efprit.  tom.  x.  ifj. 

§.    1^. 

Quelles  font  ces  idées  originales  du   *w/>/. 

ifci^.  §.  17. 

L'étendue  ou  la  cohéfîon  des  corps  eft  aufli 
difficile  à  concevoir  que  la  penfée  dans 
l'efprit.  idem.  159.  §.  x$.  14.  15.  *£.  17. 
Le  mouvemement  d'un  corps   par  un  autre 


DES   MATIÈRES.  itf. 

Corps,  auffi    difficile  à   concevoir  que  le 
mouvement  d'un  Corps  par  le  moyen  de  la 
penfée.  idem.  x(-6.  §.  18. 
Le  Corps  n'agit  que  par  impulfion.  tom.  1.  111. 

M* 

Ce  que  c'eft  que  le  Corps,  idem.    292..  §.  n, 
Couleurs  ,    modes   des  couleurs,    tom.    %.  93. 

§•4. 

Ce  que  c'efb  que  la  Couleur,    tom.  3.  105». 

Crainte  }  ce  que  c'eft.  tom.  t.  108.   §.  10. 

Création  y  ce  que  c'eft.  i^/w.  194.  §.  i. 

Elle  ne  doir  pas  être  niée  .parce   que  nous 
n'en  faurions  concevoir  la  manieie.  tom.  4, 

143-  §•  19. 
Oai^  fans  raifon,  c'eft  agir  contre  Ton  devoir, 

idem.  164.  §.   14. 
Croyance  ,  ce  que  c'eft.  idem.  196.  §.  3. 

D. 

SL.J?  Écisif.  Les  plus  habiles  gens  font  les 

moins  déciiîfs.  idem.  10 f.  §.  4. 
Définition ,  pourquoi  l'on  fe  fert  de  genre  dans 

Ja  Définition,  tom.  3.    59.   §.  10. 

Ce  que  c'eft  que  la  Définition,  idem.  75.  §.  6, 

Définir  les    mots  termineroit    une    grande 

partie  des  difputes.  tom.  3.  134.  §.  15. 
Démonfiration ,  ce  que  c'eft.  tom.  3.  306.  §.  3-, 

?ow.  4.   1^7.   §.  iç. 

Elle  n'eft  pas  fi  claire  que  la    connoilTance 

intuitive,  tom.  3.  306.  §.  4.  <>.   7. 

La  connoifTance  intuitiv  -  eft  néceiFaire  dans 

chaque  degré   d'une   Démonfiration.     idem. 

$09.  §.  7. 

La  Dcmonftration    n'eft  pas    bornée    à  la 

quantité.  ;^<?;w.  311.  §.    9. 

Pourquoi  on  a  fuppofé  czla.  idem.  311.  §.  10. 


344  TABLE 

Il  ne  faut  pas  attendre  une  démonstration 

en  toutes  fottes  de  cas.  tom.  4.  ij8.  §.    10. 
T>éfefpoir ,  ce  que  c'eft.  tom.   x.  10?.  §.  11. 
Defir ,  ce.  que  c'eft.  idem.  106.  §.  6. 

C'eft  un  état  où  1'efprit  n'eft  pas  à  fon  aife. 

idem.   147..$.  31.  31. 

Le  Defir  n'eft  excité   que   par   ie  bonheuiv 

idem.  161.  §.  41. 

Jufqu'où.  idem.  164.  §.  43. 

Comment  il  peut  être  excité,  idem.    170. 

§.  46. 

Il  s'égare  par  un  faux  jugement,  idem.  187. 

§.58. 
D'ûiionnxires  ,    comment  ils    devroient  être 

faits,  tom.    3.   180.  §.  15. 
Ditu , ,  immobile  patce  qu'il  eft  infini,  tom.  t. 

aj7-  §■  «. 

Il  remplir  l'immenfité  aufli-bien  que  l'éter- 
nité. ?Âff»î.  35.  §.  3. 
Sa. durée  n'eft  pas  femblable  à  celle  des   créa- 
tures, idem.  45).  §.  11. 
L'idée  de  £>ie«  n'eft  pas  innée,  tom.  1.  xotf. 

*'  *■ 

L'exiftence  de  D/V«  eft  évidente  &  fe  pre- 

fente  fans  peine  à  la  raifon.  idem.  108.  §.  9. 
La  notion  de  Dieu  une  fois  acqwife,  il  eft 
fort  apparent  qu'elle  doit  fe  répandre  &  fe 
conferver  dans  l'efprit  des  hommes,  idem. 
1,10.  §,   10.. 

L'idée  de  Dieu  vient  tard  &  eft  imparfaite. 
idem.   115.  §.  13. 

Combien  étrange  &  incompatible  dans  l'ef- 
prit de  certains  hommes,  idem.  117.  §.  15. 
Les  meilleures  notions  de  la  divinité  peu- 
yent  être  acquifes  par  l'application  de  l'ef- 
prit. idem.  11 9.  §.  16. 
Les  notions  qu'on  fe  forme  de  Dieu  font 
fbuvent  indignes  de  lui.  idem.  117.  §.  15. 16. 


DES    MATIÈRES.  $4* 

L'exiftence  d'un  D/e#  certaine,  idem,  iij, 
$>    16. 

Elle  eft  aufïï  évidente  qu'il  eft  évident  que 
les  trois  angles  d'un  triangle  font  égaux  à 
deux  droits.  ibid. 

L'exiftence  d'un  Dieu  peut  être  démontrée. 
tom.  4.  1x7.  §.  1.  6. 

Elle  eft  plus  certaine  qu'aucune  autre  exif- 
tence  hors  de  nous.  idem.  113.  §.  g. 
L'idée  de  Bien  n'eft  pas  la  feule  preuve  de 
fon  exiftence.  idem.  114.  §.  7. 
L'exiftence  de  Dieu  eft  le  fondement  de  la 
morale  &  de  la  théologie,  ibid. 
Dieu  n'eft  pas  matériel,  idem.  133.  §.  13. 
Comment  nous  formons  notre  idée  de  Dieu, 
tom.  x,  173.  §_.    33.  34. 
Faculté  de  difcerner  les  idées.  /0?«.    1.  *-5ï«" 
§.  r. 

Elle  eft  le  fondement  de  quelques  maximes 
générales,  ibid. 
Difcours  y   ne    peut  être  entre  deux  hommes 
qui  ont  différens  noms  pour    défigner  la 
même  idée,  ou  qui   défignent  différentes 
idées  par  un  même  nom.  idem.  183.  §.  j. 
~Difyûfition.  tom.  1.  219.  §.  10. 
Difputer.  L'art  de  dilputer   eft  nuifîble  à   la 
connoiffance.  tom.  3.  z6\.  §.  6.  7. 
Il  détruit i'ufage  du  langage,  idem,  zi^,   §. 
10.  1 1. 
Difputes  ,   d'où  elles  viennent,  tom.  1.   315»- 
§.  18. 

La  multiplicité  des  Difputes  doit  être  attri- 
buée à  l'abus  des  mots.  tom.  3.   144.  §.  zi.. 
Elles  roulent  prefque  toutes  fur  la  figniii- 
cation  des  mots.  idem.   x6\.  §.  7.- 
Moyen  de  diminuer  le  nombre    des  Difpu-- 
us.  iom.  4.  116.  §13.   Quand  eft-ce  que- 
nous  difpurons  fur  des  mots.  ibid. 


Êm  ■!■    1 


y,6  TABL  F. 

Diflance.  tom.  z.  3  r.  §.  31. 

Idées  diftin:tes.  tom.  1.  37^.  §.  4. 

Divilibilité  de  la    mature,  elt  incomprchîtv» 

fible.  /*/*/#.  170.  §.31. 
Douleur:  la  douleur    préi^nte  agit  fortement 

fur  nous.  idem.  271.  §.  64. 

Ufage  de  la  Douleur,  tom.  1.  198.   §.4. 
Durée,  tom.  z.  j.  §.  r.  z. 

D'où  nous  vient  l'idée  de  la  Durée,  idem.  a. 

§•  3-4-  5- 

Ce  n'elt  pas  du  mouvement,  idem.  13.  §.  i<?. 
Mefure  de  la  Durée,  idem.  14    §.  17.  18. 
Toute    apparence  périodique  ,    régulière. 
idem.  i  5.  §.  19.   10. 

Nulle  de  ces  mefures  n'eft  connue  pour 
être  parfaitement  exa&e.  idem.  18.  §.  zi. 
Nous  conje&urons  feulement  qu'elles  font 
égales  par  la  fuite  de  nos  idées,  ibid.  §.  zi . 
Les  minutes  ,  les  jours  &  les  années  ,  (S'c. 
ne  (ont  pas  néceffaires  à  la  Durée,  idem.  zi. 

Le  changement  des  mefures  de  la  Durée  ne 
change  pas  la  notion  que  nous  en  avons. 
ibid.  §.   Z3. 

Les  mefures  de  la  Durée  ptifes  pour  des 
révolutions  du  foleil ,  peuvent  être  appli- 
quées à  la  Durée  avant  que  le  foleil  exiltir, 
idem.  13.  §.  Z4. 

Durée  fans  commencement,  id  m.  z6  §.  17. 
Comment  nous  melurons  la  Durée,  idem. 
i8.  §.  z8.  19.  50. 

De  nuelle  efjece  d'idées  fîmples  elt  com- 
pofee  l'idée  que  nous  avons  de  la  Durée, 
idem.  45    §,.  9. 

Récapitulation  des  idées   que  nous  avons 
de  la  Durée  ,  du  tems  &  de  l'éternité»  idem, 
31.  §.  31. 
LaDuiée  &  i'expanflon  comparées»  ivitf, 


DES     MATIERES.         347 

La  Durée  &  l'expanfion     font  renfermées 
l'une  dans  l'autre,  idem.  49.  §.  12. 
La  Durée  conlïdérée  comme  une  ligne,  idem. 
48.  §.  11. 

Nous  ne  pouvons  la  confîdérer  fans   fuccef- 
fions.  idem.  49.  §.  11. 
Dureté  ,  ce  que  c'eft.  tom.  1.  188.  §.  4. 

E. 

jCrf  C  o  l  e  s  ,  en  quoi  elles  manquent,  tom.  3 , 

177.  §.  6.  Cf. 
"Ecriture  ,     les   interprétations    de    l'Ecriture 
Sainte  ne  doivent  pas  être  impofées  aux  au- 
tres, tom.  3.  117.  §.  23. 
Ecrits  des  anciens ,  combien  il  eft  difficile  d'ea 
comprendre  exactement   le  fens.    tom.   3, 
16.  §.  ii. 
Education ,  caufe  en  partie  du  peu   de  raifon 

des  gens.  tom.   3.  23.  §.  3. 
Effet ,  ce  que  c'eft.  tom.  t.  2.93.  §.  1. 
Entendement ,  ce   que  c'et.  ;</?;».    ri 8.    §.   5. 
Semblable  à  une  chambre  obfcure.  tom.  1, 
174.  §.  17.  Quand  on  en  fair  un  bon  ufa- 
ge.  idtm.  7.  §.  5.  C'eft  le  pouvoir  de  pen- 
T;r.    j^.7».    17?.  §.    1.    11    eft    entièrement 
p<UÏif  à  l'égard  de  la   réception  des  idte^ 
{impies  idem.  174.  §.   2 5. 
En  hiuy.afme.  tom.  4.  283.  Son  origine,  idem, 
186.  $,  5.    6-   7.    Le  rondement  de  la  per- 
fuahon  .]ue    nous    avons    d'être  infpirés  , 
doit  être  examiné  Se  comment,  idem.  250. 
§.   10.  La    force  de  cette    perfuafion  n'tft 
pas    une  preuve    fumiante.    idem.  197.  §» 
12.  13. 
V EnthouftaCme  pafle  pour  un  fondement  ^'af- 
feuciment.  idem.  i8j.  §.  3.  11  ne  parvienc 

H 


34&  TABLE 

point  a  l'évidence  àjaquellei!  prétend,  idem. 
tS>4.  §.  m. 

Envie  ,  ce  que  c'eft.  fjw,  i.  10?.  §.  13. 
Erreur,  ce  que  c'eft.  /•<?;#.  4..  303.  §.  1. 
Caufes  de  l'E/r^r.  *'£<;*/. 

1.  Le  manque  de  preuves,  idem,  504.  §.  1. 

i.  Le  défaut  d'habileté  à  s'en  fervir.  idem\ 

507.  S-  ï- 

3,  Le  défaut  de  volonté  pour  les  faire  va- 
loir, idem.  309.  §.  6. 

4.  Faillies  menues  de  probabilité,  id.  312» 
§.  7. 

Ji  y  a  moins  de  gens  qui  donnent  leur  afTen- 
timent  à  des  Erreurs  qu'on  ne  croit   ordi- 
nairement, idem.  318.  §.  18. 
M$ket ,  on  en  acquiert  l'idée  par  la  vue  &  par 
.'.uroiichement.  tom.  1.  1-84.  §:  t. 
Modification  de  l'Efpace.  ibid.  §.  4. 
11  n'en  pas  corps,  idem.  2 91,  §.  21.  12.  133 
Ses  parties  font  inféparables.    i<fow.    2514. 

*   '*  •  ... 

L'Elpace  eft  immobile,  tom.  1.  296.  §.  14. 

S'il  eft  corps  ou  efprit.  idem.  197.  §.  i6.\ 
S'il  eft  fubftance  ou  accident,  idem.   i^t. 

L'Efpace  eft  infini.  MO*.  302.  §.  21.  &  tom.  2» 
64.  §.  4. 

Les  idées  de  l'Efpace  &  du  corps  font  dif- 
tin^es.  tom.x.  308.  §.  24.  311.  §.  17. 

UEfpace  confidéré  comme  un  folide.  tom.  2,. 

48.  §.  Il; 

Il  eft  difficile  de  concevoir  aucun  Etre  réel 
vuide  à.' Efface,  ibid. 

îfpecc;  Pourquoi-  dans  une  idée  complexe  le 
changement  d'une  feule  idée  fimple  eft  jugé 
changer  l'Efpece  dans  les  modes  ,  &  non* 
pas  dans  les  fubftancc9.  tom.  3.  x^o.   §.   39. 

L'Efpece.  des  animaux  &  des  végétaux,  eft  dif- 


DES     MATIERES.         34* 

tinguée  le  plus  fouvent  par  la  figure,  idem. 
i~l6.  §.  ip.  Et  celle  des  autres  chofes  par  la 
couleur,  ibid.  &  147.  §.   ty. 
UEfpece  elt  un  ouvrage  que  l'entendement  de 
l'homme    forme  pour  s'entretenir  avec  les 
autres  hommes,  idim.  101.  §.  $. 
Il  n'y  a  point  d'Efpece  de  modes  mixtes  fans 
un  nom.  tom.  1.    137.  §.    4. 
Celle  des  fubîtances  eft  déterminée  par  l'ef- 
fence  nominale,  tom.   3.  ny.  §.  7.  8.  n.   13. 
Non   par  les    formes   fubftantielles.  idem, 

*Î7-    §•    33- 

Ni  par  l'eftence réelle.  *V«w.  131.  §.   18.  if. 
VEfpece  des  efprits  ,  comment  peut  être  dis- 
tinguée, idem.   114.  §.    n. 
Il  y  a  plus  d'Efpeces  de   créatures   au  defïus 
de  nous  qu'au  de  fions,  idem.  \iy.  §.  11. 
Les  Efpeces  des  créatures  vont  par  degrés  in- 
fenfîbles.  idem.  114.  §.  n. 
Ce  qui  eft  néceiiaire  pour  faire  des  Efpeces 
par  des  efiences  réelles,  idem.  131.  §.  14. 
15.  erv. 

Les  Efpeces  des  animaux  ne  fauroient  être 
difHnguées  par  la  propagation,   idem.  138. 

L  Efpece  n  eft  qu'une   conception  partiale  de 
ce  qui  eft  dans  les   individus,  idem.    153. 

$-3*- 

C'eft  l'idée  complexe  ,  lignifiée  par  un  cer- 
tain  nom  ,  qui  ferme   ÏLfpcce.   idem.  158. 

$-35- 

L  homme  fait  les  Efpeces  ou  fortes,  ibid. . 

'    Mais  le  fondement  eft  dans  la  fimilitude  qui 

fe    trouve  dans  les   chofes.  idem.   160.   §. 

36-   37. 

Chaque    idée  abftraite  ,  diftincte  ,  confti» 
tueuneefpece  diftincte.  idem,  .6'..  §.  38. 
E-fpérmç* ,  ce  que  c'eft.  r<w.  z.  io?.  §.  ^. 


jj«  TABLE 

Efprit ,  l'exiftence  des  Efprirs  ne  peut  être  con* 
nue.  tom.  4.  1^3.  §.  11. 
On    ne  fauroic  concevoir  l'opération  des 
Efprits  fur  les  corps,  tom.  3.  371.  §.  z8. 
Quelle    connoiirance    les  Efprits    onc  des 
corps,  idem.  3^6.  §.  13. 
Comment  la  connoillance  des  ILfprits  fépa- 
rés  peut  furpafler  la  nôtre,  tom.  1.  2  ç.i.  §.  y. 
Nous   avons  une   notion   aufli  claire  de  la 
fubftance  des  Efprits  que  de  celle  du  corps. 
tom.  2.  137.  §.  ç. 

Conje&ure  fur  une  manière   de  connoître 
par  ou  les  Efprits  l'emportent  [\it  nous.  idem. 
X50   §.  13- 
Quelles  idées  nous  avons  des  Efprits.  idem. 

ldée<  ongim!es  qui  appartiennent  aux  Ef- 
prits. idem.  1  j  5 .  §.  18. 
Les  Efprit,  le  meuvent.  i&/^.  §.  19.  20. 
Idées  que  nous  avons  deV  Efprit  &du  corps, 
comparées,  idem.  257.  §.  22.  &  270.  §.  30. 
L'exiftence  des  Efprits  aufli  ailée  à  conce- 
voir que  celie  des  corps,  idem.  270.$.  31. 
Nous  ne  concevons  pas  comment  les  Efprits 
s'entre-cemmuniquent  leurs  peniért.  idem. 
X-]6.  §.  36. 

Jufqu'où    nous   ignorons     l'txiflence  ,   le 
efpeces  &  les  propriétés  des  Efprits.   tom.  3, 

169.  S    »7- 

1,'Efprit  &  le  jugement ,  en  quoi  ils  différent, 
tom.  1.25e   §.2. 

Effe-ue  réelle  &  nominale,  tom.  3.  67.  §.  1  5, 
La  fuppofition  que  les  Elpeces  font  difrin* 
guées  par  des  Effences  réelles  incompréhen» 
fibles ,  eft  inutile,  idem.  6  8.  §.  17. 

JjEjfence  réelle  &  nomina.e  toujours  la  même 
dans  les  :dees  (impies  &  dans  les  motes  ,  Se 
toujours  différente  dans  les  fubitdLÇvS.  u.sm, 
70.  §.  18. 


DES    MATIERES.        351 

Ejfences ,  comment  ingénérables    &  incorrup- 
tibles, idem.  71.  §.  19. 

Les  Eifences  fpécifîques  des  modes  mixtes 
font  un  ouvrage  de  l'homme  Se  comment. 
idem.  93.  §.  4.  5.  6. 

Quoiqu'elles  foient  arbitraires  elles  ne  font 
pourtant  pas  formées  au  hafard.   idem.  97. 

Ifjences  des  modes  mixtes  pourquoi  appellees 
Notions,  idem.  105.  §.    11, 
Ce  que  c'eft  que  cts  eflences.  idem.  \o$.  §• 

13.14. 

Elles  ne  fe  rapportent  qu'aux  Efperes.  idem. 

114.  §.4. 

Ce  que  c'eft  que  les  Effences  réelles,  idem, 

118.  §.  6. 

Nous  ne  les  connoiflons  pas.  idem,   nr. 

Notre  Ejfence  (pécifique  des  fubftanccs  n'eft 

qu'une    collection   d'idées    fenhbles.   idem. 

153.  §.   il. 
Les   Ejfences  nominales  formées  par  l'efprir. 

idem.  139.   §.  rj. 

Mais  non  pas  tout-à-fait  arbitrairement. 

idem.  146.  §.  18. 

Elles  font  différentes  en  différens  hommes, 

idem.  141.  §   z6 
Eflences   nominales  des   fubftances   comment 

formées,  idem.  1+6.  §.  z8.  2.9.    Fort  diffé- 

rentes.  idem.  153.  §.  31. 
L'Ejfence  des  efpeces  eft   l'idée  abftraire  défi- 

gnée  par   un  certain  nom.  idem.  61.  §.  12. 

iifem    131.  §    19. 

C'eft  i  homme  qui  en  eft  l'auteur,  idem.  6$. 

§.  14. 

Llle  .il  pourtant  fondée  fur  la  convenance 

des  choies,  idem.  6$.  $.13. 

Les  Ejfences  réelles  ne  déterminent  pas  nos 

tfpeces,  ibid, 


3ïi  TABLE 

Chaque  idée   abftraite    diftin&e ,  avec    ..m 
nom  ,  eft  Yejfence  diftincte  d'une  Efpece  dis- 
tincte, idem.  6j.  §.  14. 
Les  effences  réelles  des  iubftances  ne  peuvent 
être  connues,  tom.  4.  54.  §.  i*. 
Ejfentiel,  ce  que  c'eft.  tom.  3.    m.  §.    1.  utf. 

§•  f- 

Rien  n'eft  tjfe*tiel  aux  individus,  idem.  1 J4. 

§.4. 

Mais  aux  Efpeces.  idem.  ng.  §.  6, 

Ce  que  c'eft    qu'une  différence  e/Tentielle. 

idem.  116.  §.  y, 

Etendue  ,  nous  n'avons  point  d'idée  diftinéte 
de  la  plus  grande  ou  de  k  plus  petite  éten- 
due, tom.  1.  387.  §.  16. 

L Etendue  du  corps  eft  incompréhensible.  ;rffw. 

La  plupart  des  dénominations  prifesdulieu 
&  de  {'Etendue   font   relatives,  /^e?/z.   z^j, 

§•  r- 

V Etendue  &  le  corps  n'eft  pas  la  même  chofe. 

tom.  1.  1317.   §.  \6.  err. 

La  définition  de  Y  Etendue  ne  lignifie   rien. 

jrf<?w.  x$6.  §   t'y. 
L'Etendue  du  corps   &  de   l'efpace   comment 

distinguée.  ;^f/w.  27*4.  §.  15. 
Véricés  Eternelles,    tom.  4.   i$i.  §.  14. 
Eternité  >  d'où  vient  que  nous  fomnies  fujers 

à  nous  errrbarrafter  dans  nos   raifonnemens 

fur  l'Eternité,  tom.  x .  386.  §.  IJ. 

D'où  nous  vient  l'idée  de  Y  Eternité,  tom.  1, 

16.  §.  %j: 

On  démontre  que  quelque  chofe  exifte   de 

toute  Eternité,  ihid. 
Etres  :  Il  n'y  en  a  que  de  deux  fortes,  tom.  4. 

**#  §.  9. 
L'Etre  Eternel  doit  être  penfant.  ibid. 
Evidtir.  Piopoutions  évidentes  par  ellss-mê-  - 


DES    MATIERES.      -  3^3. 

mfî,  ou  l'on  peut  les  trouver,  tom.  4.   63. 
§.  4. 

Elles  n'ont  pas  befoin  de  preuves  &  n'en  re- 
çoivent aucune,  idem.  97.  §.  19. 

Irxifience ,  idée  qui  nous  vient  par  fenfation  Se 
pat  réflexion,  tom.  1.  zoi.  §  7. 
Nous    connoiflons   notre  ptopre   exifienee 
intuitivement,  tom.  4.  ii8.§.    1.   Et    nous 
n'en  faurions  douter.  118.  §.3. 

UExiftence  paflee  n'eft  connue  que  par  le 
moyen  de  la  mémoire,  idem.  158.  §.  ti. 

Txpanfion  eft  fans  bornes,  tom.  1.  34.  §.  x. 

VExpéeience,  nous  aide  fouvent  dans  des  ren- 
contres ,  ou  ne  penfons  point  qu'elle  nous 
foit  d'aucun  fecours.  tom.  1.  133,  §.  8. 

Extafe  }  ce  que  c'eft.  r<?w.  i.  $8.  §.  1. 


F. 


F. 


Aculte's    de    l'efprit  ,    les     premières 

exercées,   tom.  1.   i7x,  §.   14. 

Elles  n'opèrent  pas  l'une  fur  l'autre,  tom.  r. 

131.  133.  §.  18.  to. 
Taire,  ce  que  c'eft.  ;^ét#.  294.  §.  i. 
Taujfeté.  tom.  4.  33.  §.9. 
Fer,  de  quelle  utilité  il  eft  au  genre  humain, 

idem.  177.  §.  11. 
Tignre.  tom.  1.  100.  §.  f.  Elle  peut  êtte  variée 

à  l'infini,  ibid.  i%6.  §.  6. 

DifcoursJΣ«r<?,  abus  du   langage,   tom.  3. 

?47.$.  34 

Tin i  Se  infini,  modes  de  la  quantité.  *$/».  i, 

<ïi.  §   1. 

Toutes  les   idées  polîtives  de  la  quantité 

font  finies,  idem.  71.   §.  8. 
Toi  &  opinion,  en  tant  que  diftinguées  de  la 

connoiflance  ,  ce  que  c'eft.  tom.  1.   3.  §.  3. 

Comment  la  Foi  &  la  connoilTance  différent 

tom,  4.  196.  §.  3. 


254 


TABLE 


Ce  que  c'eft  que  la  Foi.  idem.  nz.  §.  74.. 
Elle  n'eft  pas  oppofée  à  larailon.  idem.  ig±, 
§•  *4- 

La  Foi  Se  la  raifon.  idem.  166, 
La  Foi  confidérée  par  oppolîtion   à  la  rai- 
fon ,  ce  que  c'eft.  idem.  167.  §.  1. 
La  Foi  ne  fauroit  nous  convaincre  de  quoi 
que  ce  foie  qui  (bit  contraire  à  notre  DSÙ- 
fon.idtm.  2.71.  §.  5.  6.  %. 
Ce  qui   eft  révélation   divine  eft  la   feule 
chofe   qui    foie  une  matière  de   Foi.  idem. 

17  5-  §•  6. 

Les  choies  au  deflus    de  la  raifon   font  les 

feules  qui  appartiennent   proprement  à  la 

Toi.  idem.  177.  §.  7. 
Tonnes.  T.e<;  formes  fubftanrielles  ne  distinguent 

pas  l'Efjece.  tom.  3.  17t.  §.  14. 
Propolitions  frivoles,  tom.  4.  99. 

Dii'coacs  frivoles,   idem.  m.  §.  p.  10.  1  r. 


G. 


\SP  É  ne*  rai.    Conroifîance  générale,   ce 
que  c'eft.    tom.  $.   377.$.  31. 
On  ne  peut  favoir  Ci  les  propositions  géné- 
rales   font  véritables ,  qu'on  ne   connoiffe 
l'etfence  de  l'efpece  tom.  4.  57   §.  4. 
Comment  fe  font  les  termes  généraux,  tom, 

3.  fî§-  <\-  7-  8; 

La  généralité  appartient  feulement  aux  li- 
gnes, idem.  61.  §.   11. 

Génération  ,  ce  que  c'eft.  tom.  1.  254.  §.  t. 

Gewre  &  efpece  ,  ce  que  c'eft.  tom.  3.  61.  §.  n. 
Ce  ne  font  que  des  mots  dérivés  du  latin 
qui  fîgnifient  ce  que  nous  appelions  vul» 
gairement  fortes,  idem.  m.  §.  1. 
Le  G enre  n'eft  qu'une  conception  partiale 
de  ce  qui  eft  dans  les  Efpeces.  idem.  153» 

5-3*. 


DES     MATIERES.         jfj 

Le  Genre  &  l'efpece  font  des  idées  adaptées 
au  but  du  langage,  idem.  1 57.  §.  33. 
On  n'a  formé  des  Genres  Se  des  efpeces  que 
pour  avoir  des  noms  généraux,  idem.  1  Si. 

$•  Î9«  .  . 

Gentilshommes  ,  ne  devroient  pas  être  igno- 

rans.  tom.  4.  ;o;-  §.  6. 
CUce  &  eau  ,  (i  ce  l'ont  des  efpeces  diiUn&es, 

tom.  3.  119.  §.    13. 
CoAt ,  les  moues,  tom.  1,  ^4.  $,  j, 

H. 

HT 

JIjLAbitude,    ce  que  c'eft.    *V*w.   ny, 

§.   io. 

Les  actions  habituelles  fe  font  fouvent  en 

nous  fans  que  nous  y  prenions  garde.,  tom. 

I.  137.  §.    10. 
Haine  ,  ce  que  c'eft.  tom.  t.  10 ç.  §.  f. 
Hijoire ,    q  iel:e    hilloire   a   plus     d'autorité. 

fow.  4.   1 1  ç.  §.  11. 
Homme  ,  il  n'eit  pas  la  production  d'un  hafari 

aveugle,  idem.   113.  §.  £. 

L'eifence  de  \'hom?ne  eit  placée  dans  fa  figu- 
re, idem.  10.  §.  16. 

Nous  ne  connoilfons  pas  fon  e/Tence  réelle. 

*<?;».  3.  113.  §.  3.  ijrf.  §.    zi.    141.  §-    16. 

Les  bornes  de  l'Elpece  humaine  ne  font  pas 

déterminées,  idem.  144.  §.  17. 
f     Ce  qui  fait    le  même   Homme   individuel» 

idem.  1 33.  §.  11.    14^.  §.    19. 

Le  même  Homme  peut  être  différentes  per- 

fonnes.  idem.  133.  §.  11. 
Honte  ,  ce  que  c'efr.  tom.  1.  1 1 1.  §.  17. 
Hypothefes ,  leur  ufa^e.  f«w.  4.   iSx.  §.  13. 

Mauvaifes  conféquences   des   fauifes   Hypo~ 

thefes,  idem.  317.   §.  n. 

Les  Hypothefes  doivent  être  fondées  fur  des 

points  de  fait.  tom.  1.  150,  §.  10. 


3î<7  TABLÉ 

I. 


De'e.  Les  idée»  particulières  font  les  pre- 
mières dans  l'efprit.  tom.+.  69. 

Les  idées  générales  font  in  parfaites,  ibid. 
liée  ,  ce  que  c'clt.  tom.  1.  30.  §.  30.  lOy.  §.  8. 

Origine  des  idées  dans  les  enfans.  idem.  ici. 

§.  il  115.  §.  13. 

Nulle  idée  n'elt  innée,  idem.  ut.  §.  17. 

Parce  qu'on  n'en  a  aucun   fouvenir.  idem, 

J16.  §.  10. 

Toutes  les  idées  viennent  de  la  fenlation 

&  as  la  réflexion,  idem.  r4"3.  §.  i. 

Moyen  de  les  acquérir  qui  peut  être  obser- 
vé dans  les  enfans.  idem.  146.  §.  6. 

Pourquoi  quelques-uns  ont  plus  d'idées  ,  & 

d'autres  moins,  idem.  147.  §.  7. 

Idées  acquifes  par  réflexion  viennent  tard, 

&  en  certaines  gens   fort  imparfaitement. 

idem.  148,  §.  8. 

Comment  elles  commencent  &  augmentent 

dans    les   enfans.   idem.   171.    §.  11.    11. 

13.  14. 
irftfV.*  qui  viennent   par  les   fens.  idem.    176. 

§.1. 

Elles  manquent  de  nous,  idem.  1S3.  §.  1. 

Idées  qui  nous  viennent  par  plus  d'un  (ens. 

idem.   194. 

Celles  qui  viennent  par  réflexion,  idem.  19  f. 

Par  fenfation  &  par  réflexion.  i«V/».  i$6. 
irfm  ,  doivent  être  distinguées  en  tant  qu'el- 
les font  dans  l'efprit   &  dans    les   choies. 
idem.  zo8.  §.  7. 

Quelles'  font  les  premières  idées  qui  fe  pré- 
fentent  à  l'efprit ,  cela  efl:  accidentel  &  il 
n'importeras  de  le  connoître,  idem,  132; 
$.7. 


DES    MATIÈRES.        3  ç  7 

làt&s  de  fenfation  fouvent  altérées  par  le  ju- 
gement, idem.  233.  §.  8.   Particulièrement 
celles  de  la  vue.  idem.  136.    §.  9. 
Jdêss  de  réflexion,  idem.  188.  §.  4. 

Les  hommes  conviennenr  fur  les  idées  am- 
ples, idem.  131.  §.  6. 

Les  idées  fe  fuccedent  dans  notre  efprit  dans 
un  certain  degré  de  vîtefle.  tom.  1.  8.  §.  j. 
Elles  ont  des  degrés  qui  manquent  de  noms. 
idem.  94.  §.  6. 

Pourquoi  quelques-unes  ont  des  noms  ,  8C 
d'autres  n'en  ont  pas.  idem.  95.  §.  7. 
Idées  originales,  idem.   116.  §.  37. 

Toutes  les  idées  complexes  peuvent  être  ré- 
duites à  des  idées  fîmples.J  idem.  116.  §.  5. 
Quelles  idées  (impies  ont  été  le  plus  modi- 
fiées, idem.  i»<?.  §.  10. 
Notre  idée  complexe  de  Dieu  &  des  efprits, 
commune  en  chaque  chofe  excepté  l'infi- 
nité, tom.  1.  276.  §.  16. 
liées  claires  &  obfcures.  idem.  348.  §.  t.  Dif- 

tinétes  &  confufes.  351.  §.4. 
Des  Idées  peuvent  être  claires  d'un  côté  (S1  obf- 
cures de  l'autre,  idem.  361.  §.    13. 
Zrfé«  réelles  &  chimériques,  idem.  391.    §.  1. 
Les  idées  fimples   font  toutes   réelles,  ibid. 
§.  t.  Et  complettes.   idem.  398.  §.  1. 
Quelles  Idées  de  modes   mixtes  font  chiméri- 
ques, idem.  403.  §.  4. 
Quelles  idées  de  fubltances  le  font  aufli. 
idem.  i96.  §.  f. 

Ves  Idées  complettes  &  incomplettes./Wtfw?. 
398.  §.  1. 

Comment  on  dit  que  les  idées  font  dans 
les  choies,  ibid.  §.   i. 
Les  modes  font  tous  des  idées  complettes. 
idem,,  401. 
Hormis  quand  on  les  confidere  par  rapport 


3?8 


TABLE 


aux  noms  qu'on  leur  donne,  idem.  403. 
§.  4. 

Les  Idées  des  fubftances  font  incompletteï. 
idem.  405.  §.  6.  I.  En  tant  qu'elles  le  rap- 
portent à  des  elfences  réelles,  idem.  40y.§. 
7.  IJ.  En  tant  qu'elles  fe  rapportent  à  une 
colle&ion  d'idées  hmples.  idim.  410.  §.  8. 
Les  idées  fimples  lont  des  copies  parfaites. 
idem.  415.  §.  11. 

Les  idées  des  fubftances  font  des  copies  im- 
parfaites, idem.  416.$.  13.  Celles  des  mo- 
des lont  de  parfaits  archétypes,  idem.  417, 
§.  14. 

îdées  vraies  ou  faufTes.  tom.  5.  1.  §.  1.  Quand 
elles  font  faillies,  idem,  17.  §.  11.  11.13.  14. 
15.  Confédérées  comme  de  hmples  appa- 
rences dans  l'efprit  ,  elles  ne  font  ni  vraies 
ni  fauffes.  idem.  1.  §.  3.  Confidérées  par  rap- 
port aux  idées  des  autres  hommes  ou  à  une 
exiftence  réelle,  ou  à  des  exiltences  réelles , 
elles  peuvent  être  vraies   ou  faulfes.  ibid. 

Railon  d'un  tel  rapport,  idem.  4.  §.  6. 
Les  idées  fimples  rapportées  aux  idées  des 
auttes  hommes  lont  le  moins  fujettes  à 
être  faulfes,  idem.  6.  §.  6.  Les  complettes 
font  à  cet  égard  plus  lujettes  à  être  fauffes  , 
&  fur-tout  celles  ces  modes  mixtes,  idem.  7. 
§.  10.  11. 

Les  idées  (Impies   rapportées  à  l'exiftence 
font  toutes  véritables,  idem.  9.  §.  14. 
Quand   bien  elles  leroient   aihér^n  es   en 
différentes  petfonnes  idem.  11.  §.  if. 
Les  idées  complexes  des  modes  font  toutes 
vétitables.  idem.   13.  §.    17.  Celles  des  fubf- 
tances  quand  faulfes.  idem.  14.  §.  18. 
Quand  eft-ce  que  les  idées  lont  juftes  ou 
fautives,  idem.  10.  §.  1^. 


DES     MATIERES.         3S9 

liées  qui  nous  manquent  abfolument.  idem. 
361.  §.  13.  D'autres  que  nous  ne  pouvons 
acquérir  à  caule  de  leur  éloignement.  idem. 
364.  $.  14.  Ou  àcaufe  de  leur  petiteife.  idem. 

Les  idées  (impies  ont  une  conformité  réelle 
avec  les  choies,  tom.  4.  j.  §.  4.  Et  toutes 
les  autres  idées  excepté  celles  des  iubltan- 
ces.  idem.  5 .   §.    5. 

Les  idées  fimples  ne  peuvent  point  s'acqué- 
rir par  des  mots  &  des  définitions,  tom.  3. 
8x.  $.11.  Mais  ieulement  par  expérience. 
idem.  S6.  $.  14. 

L.ées  des  modes  mixtes  ,  pourquoi  les  plus 
complexes,  idem.  106.  §.  13. 
Idées  lpéciliques  des  modes  mixtes,  com- 
ment formées  au  commencement,  exemple 
dans  les  mots  Kmneah  &  Niouph.  id<.m.  169, 
$.  44.  45,  Celles  des  fubftances  comment 
formées,  exemple  pris  du  mot  Zahab.  idem. 

171-    $•  4*- 

Les  idées  fimples  &  les   modes  ont  toutes 

des  noms  abltraits  audî-bien  que  concrets. 

idem.  187.  $.  t.  Les  idées  des  fubftar.ces  ont 

à  peine  aucuns  noms  concrets,  ibid.  Elles 

font   différentes   en  différentes  perfonnes. 

idem.  201.  §.  13. 

Nos  idées  font  prefque    toutes    relatives. 

tom.  2.  115.  §.  3. 

Comment  de  caufes  privatives  on  peut  avoir 

des  idées  politives.  tom.  \:  ic6.  ^.  4. 

Identique.  Les  proportions    identiques  n'en- 
feignent  nen.  tom.  4.  99.  Ç.  z. 

Identité  n'ell  pas  une  idée  innée,  tom.  f.   icr. 

t  î-4-5- 
Identité  &.  diverfué.  tom.  1.   141.    $.  18. 
En  qaoi  conhlïel'identité  d'une  plante,  idem. 


$rfo  TABLE 

Celle  des  animaux,  idem.  308.  Ç.  y. 
■Celle  d'un  homme,  idem.  309.  $.  6. 
Unité  de  fubftance   ne  conftitue  pas  tou- 
jours la  même  idée.    idem.  310.  6.   7.  311. 

Identité  perfonnelle.  idem.  31J.  $,  9.  Elle 
dépend  de  la  même  confeience.  uto».  319. 
$.  10. 

Une  exiftence  continuée  fait  l'identité. 
idem.  346.   §.  19. 

Identité  &  diveriité  dans  les  idées  ,  c'^ft  la 
première  pecreption  de  l'efprit.  tom.$.  19t. 

$.4. 
ignorance.  Notre  ignorance  furpafle  infiniment 

notre  connoiffance.  idem.  360.  $.  11. 

Caufes  de  l'ignorance,  ibid. 

I.  Manquer  d'idées,  idem.  361.  $.  23. 

a.  Ne  pas  découvrir  la  connexion  qui  eft 

entre  les  idées  que   nous  avons,  idem.  37L 

$.18. 

3.  Ne  pas  fit'vre  ies  idées  que  nous  avons. 

idem.  37c.  $.30. 
Imagination,  tom.  1.  133.  $,  8. 
Imbécilles  Se  fous.  idem.  170.  §.  il.  13. 
Immenfité.  idem.   2. 84.    §.  4.  Comment  nous 

vient  cette  idée.  tom.  i.  ji.  §,  3. 
Immortalité  de   nations  entières,  «w.  1.  £7. 

§.  9.  10. 
Immortalité ,  elle  n'eft  pas  attachée  a   aucune 

forme  extérieure.  <ow.   4.  18.  $.  15. 
Impénétrabilité,  tom.  1.  184.  $.  1. 
Imposition  d'opinions    déraisonnables,  tom.  4. 

105.  §.  4. 
7/  «/?  Impossible  qu'une  même  chofe  foit  (S"  ne 

[oit  pas  j  ce  n'eft  pas  la  première  chofe  con- 
nue, tom.  1.  47.  Ç.  15. 
bïipojfibilité  ,  ce  n'eft  pas  une  idée  innée,  idem» 

191.  $.  3- 

Imprejfion 


DES     MATIERES.        3<i 
ïwpreffivn  fur  S'efprit,    ce  .ciue  c'eft.  idem.  18. 

Incompatibilité  ,    jufqu'où   peut    être  connue. 
tom.  3.  34S.  ty.  if. 

ïdées  incomplettes.  tom.  1.  35*8 .  §.  1. 

.Individuationis    principium    ,     fon    exiftence. 
ide/w.  305.  $.  3. 

Inférer ,  ce  que  c'eft.  fo«),  4.  114.  $.  x. 
Jnfini.,  pourquoi  i'ioéede  l'Infini  ne  peut  être 
appliquée  à  d'autres  idées  auffi-bien  qu'à 
celles  de  la  quantité,  puifqu'elles  peuvent 
être  répétées  aulfi  Couvent,  tom.  i.  67.  £.  g. 
Il  faut  diftinguer  entre  l'idée  de  l'infinité 
de  l'efpace  ou  du  nombre,  &  celle  d'un 
efpace    ou  d'un   nombre  infini,   idem.    6$. 

Notre  idée  de  {'Infini  eft.  fort  obfcure.  idem, 
71.$.  S. 

Le  nombre  nous  fournit  les  idées  les  plus 
claires  que  nous  puifTions  avoir  de  l'Infini,, 
idem.  73.   $.9. 

Notre  idée  de  l'Infini  efl  une  idée  qui  grof- 
fit  toujours,  idem.  76.  Ç.  n. 
Elle  eft  en  partie  pofitive,  en  partie  com- 
parative &  en  partie    négative,  idem.  75». 

ïlS-      ■ 

Pourquoi  certaines  gens  croient  avoir  une 

idée  d'une  durée  infinie  ,  &  non  d'un  efpa- 
ce infini,  tom.  x.  87.  Ç.  ta. 
Pourquoi  les  difputes  fur  l'Infini  font  ordi- 
juairement  embarralfées.    idem.    8y.    G.   ir. 
idem.  386.  $.  if. 

Notre  idée  de  X Infinité  a  fon  origine  dans 
la  fenfation  &  dans  la  téflexion.  idem.  51. 
$.  11. 

Nous  n'avons  point  d'idée  pofitive  de  l'In- 
fini, idem.  77.  §.  13.  387.  <$.  \C>. 
nfinité  ,  pourquoi  plus  ^communément  attrl- 
Tome  IV.  Q 


j6&  TABLE 

buée  à  la  durée  qu'à  l'expanfion.   idem.   5*. 

Comment  nous  l'appliquons  a  Dieu.  idem. 
61.   $.    1. 

Comment  nous  acquérons  cette  idée,  'ibid, 
L'Infinité  du  nombre ,  de  la  durée  &  de 
l'efpace  confidérée  en  différentes  manières. 
idem.  74.  $.  10.  1 1. 
Vérités  Innées  doivent  être  les  premières  con- 
nues, tom.  1.  yo.  §.  16. 
Principes  innés  font  inutiles  fi  les  hommes 

Jeuvent  les    ignorer    ou  les  révoquer  en 
oure.  idem.  75.  Ç.  13. 

Principes  innés  que  propofe  Myîord  Her- 
bert ,  examinés,  idem.  81.  §.  15.  (?c. 

Règles  de  morales  innées  iont   inutiles,    ii 

elles  peuvent  être  effacées  ou  altérées,  idem, 

89.  §.  i©. 

Propoficions  innées,  doivent  êtrediftinguées 

des  autres  par  leur  clarté  &  par  leur  utilité. 

idem.  130.  §.  zr, 

La  doétrine  des  principes  innés  eft  d'une 

dangereufe  conféquence.    idem.  137.    $.  24, 
Inquiétude  détermine  feule  la  volonté  a!  une 

nouvelle  action,  tom.  x.  143.  §.  29.    14-! 

$.  31^49.  $.   33.  Pourquoi   elle  détermine 

la  volonté.  154.  $.  36.  37. 

Caufes  de  cette  inquiétude,  idem.   1I6.  Ç, 

$7.  &c, 
Influnt ,  ce  que  c'eft.  idem.  g.  $.  10. 
Intuitif.  ConnonTance  intuitive,  tom.  3.  301. 

6.1. 

N  admet  aucun  doute.  ;Vfw.  30^.  6.  4. 

Conftitue  notre  plus  grande  certitude,  tom. 

4-  Mf-  §•  14. 
Jo/>.  tom.  1.  108.  <J.  7. 
Jugement,  en  quoi  il  confifte  principalement. 

tom.  1.  156.  $.  z.  tom.  4.  xj^.  $.  16. 


DES     MATIERES.         j$j 

Taux  Jugemens  des  hommes   par   rapport  au 
bien  &  au  mal.  tom.  i.  189.  §.  60. 

Jugement  droit,  tom.  4.   193.  §.  4. 

Une  caufe  des  faux  Jugemens  des  hommes. 
*/*/#.  103.  $.  3. 

L. 

jL*  A  n  g  a  g  s  s  ,  pourquoi  ils  changent,  tom. 
x.  115.  $.7. 

En  quoi  confifte  le  langage,  tom.  3.  37.  £. 
1.  2.  3- 

Son  ufage.  /Vew.  5*7.  §.  7.  Double  ufage. 
*d<?/».  iS?.  Ç.  1, 
Ses  imperfections.  *&/W. 
L'utilité  du  Langage  détruite  par  la  fubtilité 
des  difputes.  idem.  119.  Ç.  10.  11. 
En  quoi  coniitte  la   fin   du  Langage,  idem, 
248.  $.  23    iVfc;».  43.  §.   2. 
Il  n'eit   pat  aifé  de  remédier  à  fes  défauts. 
idem,  if  8.  §.  1. 

Il  feroit  néceflaire  de  le  faire  pour  philofo- 
pher.  idem.  1^9.  (JT  fuiv.    §.  3.  4  y.  6. 
N'employer  aucun  mot  fans  y  attacher  une 
idée  claire  &  diftinéte  eft  un  des  remèdes 
aux  imperfections   du  Langage,  idem.  2*4. 

$  8.9. 

Se  fervir  des  mots  dans  leur  ufage  propre, 
autre  remède,  idem.  z66.  §.  18. 
Faire  connoître  le  fens  que  nous  donnons  à 
nos  paroles ,  autre  remède,  idem.  z6$.  §. 

t9' 

On  peut  faire  connoître  le  fens  des  mots  â 

l'égard  des  idées  fimples  en  monrrant  ces 
idées,  tom.  3.  271$  13.  Dans  les  modes 
mixtes  en  définilfant  les  mots.  ibid.  Ç.  15. 
Et  dans  les  lubftances  en  montrant  les  cho« 


$H  TABLE 

fes  &  en  définirïant  les  nomi  qu'on    leur 
donne,  idem.  xj6.  §.  ip.  ri. 

Langage  propre,  idem.  49.  $.  8. 

Langage  intelligible,  ibid. 

Liberté  ,  ce  que  c'eft.  tom.  i.  m.  §.  8.  9.  -10. 
11.  11. 

Elle  n'appartient  pas  à  la  volonté,  idem.  117. 
&  14. 

La  Liberté  n'eft  pas  contrainte  lorfqu'elle 
eft  déterminée  par  le  réfultat  de  nos  pro- 
pres délibérations,  idenx  171.  $.  47.  48. 
49-  jo. 

Elle  eft  fondée  fur  un  pouvoir  de  fufpen- 
dre  nos  deûrs  particuliers,  ibid.  §.  47.   51. 

$*• 

La  Liberté  n'appartient  qu'aux  agens.  idem, 

133.  §.19. 

In  quoi  elle  confifte.  idem.  154.  §.  10, 
Libre  ,  jufqu'où  un   homme   eft   libre,   idem. 

1*6.  §.  il. 

L'homme  n'eft  pas  libre  de  vouloir  ou  de 

ne  pas  vouloir,  idem.  137.  §.  zi.  13.  14. 
Libre  arbitre,  la  Liberté  n'appartient   pas  d  la 
volonté,  idem.  117.$.  14. 
En   quoi  coniîfte   ce  qu'on   nomme  Libre 
arbitre,  idem.  171.  §.  47. 
Lieu.  tom.  \.  187.  §.  7.  8. 
LTfage  du  Lieu.  idem.   190.  $.  9- 
Ce  n'eft  qu'une  pofition  rcla-tive.  idem.  19  r, 

5.  10. 

:On  ie  prend  quelquefois  pour  l'efpace  que 

remplit  un  corps,  ibid. 

Le   Lieu  pris  en  deux   fens.  tom.  x.  39.   §. 

6.  7. 

Logique,  a  introduit  l'obfcurité  dans  le  langa- 
ge, tom.  3.  xx y.  §.  6.  Et  a  arrêté  le  progrés 
de  la  connoiftance.  ibid.   Ç.  7.  Cf. 

Lw  de  la  nature  généralement  reconnue,  tom, 
1.  £3.  §.  *. 


DES     MATIERES.         %5^ 

II  y  a  une  telle  Loi ,  quoiqu'elle  fie  foi^ 
pas  innée,  idem.  7  5.  §.  13. 
Ce  cjuila  fait  valoir,  tom.  1.  353.  Ç.  6. 
Lumière.  Définition  abfurde   de  la   Lumière, 
tom.  3.  80.  §.   10. 


M. 


M. 


'X  A  l  ,  ce  que  c'eft.  tom.  t.  161.  §.  41. 
Martin.  (  Abbé  de  S.)  tom.  3.  141.  §.  16. 
Mathématiques  ,  quelle  en  elî  la  méthode,  tom, 

4.    171.   §.  7. 

Comment    elles   fe    perfectionnent.    xVmt*, 

i"8j.§.iç. 
Matière  incompréhenfible  dans  fa  cohefïon  Si 

dans  la  divilibilité.  tom.  t.  if?.  §.  ij.&c. 

Ce   que  c'eft  que  la  Matière,  tom.  3.  Z3«f. 

Si  elle  penfe  ,  c'eft  ce  qu'on  ne  fait  pas. 
irfew.  321.  §.  <>.  Qu'on  ne  faurok  prouver 
que  Dieu  ne  puifle  donner  à  la  Matière  la 
faculté  de  penfer.  ibid. 
La  Matière  ne  fauroir  produire  du  mouve- 
ment, ni  aucune  autre  chofe.  tom.  4.  117, 
§.  10. 

La  Matière  &  le  mouvement  ne   fauroient 
produire  la  penfée.  ibid. 
La  Matière  n'eft  par   éternelle,   idem.  13$,, 
§.  18. 

Maximes,  idem.  61.  §.  1.  Zfe. 

Ne  font  pas  feules  évidentes  par  elles-mê- 
mes, idem.  61.  §.  3. 

Ce  ne  font  pas  les  vérités  les  premières  con- 
nues, idem.  69.  §.  9. 

Ni  le  fondement  de  notre    connoifTance, 
idem.  71.  §.  10. 

Comment  formées,  idem.  1^5.  Ç.  3. 

Q3 


5** 


TABLE 


En  quoi  confifte  leur  évidence,  idem.  71.  §. 
10.  idem.  155.  §.  14. 

Pourquoi  les   plus  générales    proportions 
évidentes  par  elles-mêmes  paflent  pour  des 
Maximes,  idem.  75.  §.  u. 
Elles   ne   fervent    ordinairement  de  preuve 
que  dans  les  rencontres  où  l'on  n'a  aucun 
befoin  de  preuve,  idem.  93.  §.  ij. 
Les  Maximes   font  de  peu  d'ufage  florfque 
les  termes  font  clairs,  idem.  94.  ft,  i£.    \9. 
Et  d'un  ufage  dangereux  lorfque  les  termes 
font  équivoques,  idem.  8  8.  §.  n.  zo. 
Quand  les    Maximes    commencent    d'être 
connues,  tom.  1.  13.  &  fuiv.  §.  9.   n.   13. 
14.  16. 

Comment  elles  fe  font  recevoir,  idem.  39. 
5.  ii.  ti. 

Elles  font  faites  fur  des  obfervations  parti- 
culières. ibiJ.    §.  11. 

Elles  ne  (ont  pas  dans  l'entendement  avant 
que  d'être  actuellement  connues,  idem.  41. 
§    11. 

Ni  les  termes  ni  les  idées  qui  les  compofent 
ne  font  innées,  idem.  43.  §.  13. 
Elles  font  moins  connues  aux  enfans  &  aux 
gCOS  fans  lettres,  idem.  ci.  §.  17. 
Ce  qui   nous   paroît  meilleur  n'eft  pas   une 
règle  pour  les  actions   de  Dieu.  idem.  11*. 
§.  11. 
Mémoire,  idem.  149.  §.  ». 

L'attention  ,  la  répétition  ,  le  plaifîr  &  la 
douleur,  mettent  des  idées  dans  la  mémoi- 
re, idem.  145.   §.3. 

Différence  qu'il  y  a  dans  la  durée  des  idées 
gravées  dans  la  Mémoire,  idem.  147.  $.  4  ç. 
Dans  le  relfouvenir  l'efprit  eft  quelquefois 
adif,  &  quelquefois  paifif.  idem.  14g.  $.  7. 
Néceffité  de  la  Mémoire,  idem,  150.  §.  S.  Ses 
défauts,  ibid.  §.  8.  £. 


DES    MATIERES.        367 

Mémoire  dans  les  bêtes,  idem.  153.  §.  10* 

Menagiana  eue.  tom.  3.  141.  §•  *6. 

Métaphyfique  &  Théologie  de  l'école  ,  font 
pleines  de  propositions  qui  n'initruifent  de 
rien.  tom.  3.  141.  §.  16. 

Méthode  qu'on  emploie  dans  les  mathémati- 
ques, tom.  4  171.  §.  7. 

Minutes  ,  heures  ,  jours  ,  ne  font  pas  néceflai- 
res  à  la  durée,  tom.  1.  zi.  §.  13. 

Miracles ,  fur  quel  fondement  on  donne  (on 
confentement  aux  Miracles,  tom.  4.  zi$. 
§.  10. 

Mifere  ,  ce  que  c'eft.  ffltfJ.  1.  i£t.  §.  41. 

Modes.  Modes  mixtes,  idem.  \\$.  §.  i. 

Ils  (ont  formés  par  l'efprit.  idem.  110.  §.  %. 
On  en  acquiert  quelquefois  les  idées  par 
l'explication  de  leurs  noms.  idem,  tu,  §.  }. 
D'où  eft-ce  qu'un  Mont  mixte  tire  fon  uni- 
té, idem.  ni.  §.  4. 
Occafion  des  Modes  mixtes,  idem,  n 3.  §.  j. 

Mo^i  mixtes  ,  leurs  idées  comment  acquifes. 

Modes  /impies  Se  complexes,  tom.  1.  17$.  £, 
4.0*5. 

Modes  fïmples.  ;</*;».  181.  §.  7.  8. 

Modes  du  mouvement,  row?.  1.  $x.  §.  1. 

Pourquoi  quelques  modes  ont  des  noms  & 
d'autres  n'en  ont  pas.  idem.  95.  §.  7. 

Mural.  Ce  que  c'efl:  que  le  bien  &  le  mal  mo- 
ral, idem.  453.  §.  y. 

Trois  règles  par  ou  les  hommes  jugent  de 
la  rectitude  morale,  ibid.  §.  6. 

Etres  Moraux  ,  comment  fondés  fur  des  idées 
fimples  de  fenfation  où  de  réflexion,  idem. 
3rfi.  §.  14.  is. 

Règles  Morales  ne  font  pas  évidentes  par  elles- 
mêmes,  tom.  1,  6 1.  §.  4. 

Q4 


j*8  TABLE 

Diverfité  d'opinions  fur  les  règles  àe  Mora- 
le,  d'où  vient,  idem.  ($.  §.  6. 

Règles  Morales ,  fi  elles  l'ont  innées ,  ne  peu- 
vent être  violées  avec  l'approbation  publi- 
que, idem.  71,  §.  1 1.  11.  13. 

Morale.  La  Morale  eft  capable  de  démonstra- 
tion, tom.  3.  173.  §•  !6. 

La  Morale  eft  la  véritable  étude  des  hommes. 
f0w.  4.  177.  §.  il. 

Ce  qu'il  y  a  de  moral  dans  les  actions  con- 
fifte  dans  leur  conformité  à  une  certaine 
règle,  tom.  i.  364.  §.  1  <j. 
Fautes  qu'on  commet  dans  la  Morale  doi- 
yent  être  rapportées  aux  mots.  idem.  16^. 
§.  16. 

Si  les  difcours  de  Morale  ne  fonr  pas  clairs  , 
c'eft  la  faute  cte  celpi  qui  parle,  tcm.  3.  174. 
5.17. 

Ce  qui  empêche  qu'on  ne  traite  la  morale 
par  des  argumens  démonftratifs.  1.  Le  dé- 
faut de  lignes.  1.  Leur  trop  grande  compo- 
sition. 3.  L'intérêt,  idem.  354.  $.  19.  çy  io„ 
*  DV.ns  la  morale  le  changement  des  noms  ne 
change  pas  la  nature  des  chofes.  tom.  4.  10. 
§.  9.  il.     • 

Il  eft  bien  difficile  d'allier  la  morale  avec  la 
neceffité  d'agir  en  machine,  tom.  x.  79. 
§.14. 

Malgré  les  faux  jugemens  des  hommes  la 
morale  doit  prévaloir,   tom.  t.  ioj.  §.  70. 

Mots,  le  mauvais  ufage  des  mots  eft  un  grand 
obftacle   à  la    connoiffance.  tom.   3. 
§.30. 

Abus  des  mots.  idem.  119.  §.  r. 
Des  feftes  introduifent  des  mots  fans   leur 
attacher  aucune  lignification,  ibid.  §.  i. 
Les  écoles  ont  fabriqué  quantité  de  mots  qui 
ne  fignifienr  rien.  ibid.  Et  en  ont  obfcucci 
d'autres,  idem.  jij.  §.  6. 


DES?MATIERES.  $*<> 

Qui    font  fouvent  employés  fans   aucune 
lignification,  idem,  ti.it   §.3. 
Inconftance  dans   l'ulag;-  des  mots  eft  un 
abus  des  mots.  idem.  113.  §.    5. 
L'obfcurité,  autte  abus  des  mots.  idem,  nj, 
§.6. 

Prendre  les  mots  pour   des  chofes  ,  autre 
abus.  idem.  131.  §.  4. 
Qui  font  les  plus  lujtts  à  cet  abus  des  mots, 
ibid. 

Cet  abus  des  mots  eft  une  caule  de  l'obfti- 
nation  dans  l'erreur.  *</«».  zj(t.  §.  16. 
Faire  lignifier  aux  mots  des  elfences  réelles 
que  nous  ne  connoifTons  pas  ,  eft  un  abus 
des  mots.  idem.  137.  §.  17.  18. 
Suppofer  qu'ils  ont  une  lignification  certai- 
ne &  évidente  ,  autte  abus.  idem.  144. 
§.  t-t. 

L'ufage  des  mots  eft,  1.  De  faire  connoî- 
tre  nos  idées  aux  autres  ;  z.  Promptement  5 
3.  Et  de  donner  par-là  la  connoiilance  des 
choies,  idem.  148.  §.  i$. 
Quand  eft-ce  que  les  mots  manquent  à 
lemplirces  trois  fins.  ibid.  6cc.  Commenta 
l'égard  des  fubftânces.  idem.  ijz.  §•.  ji. 
Comment  à  l'égard  des  modes  &  des  rela- 
tions, idem.  1  53.  §.  33. 
L'abus  des  mots  caufe  de  grandes  erreurs.  ;'&#% 

*îf-  §•  4- 

Comme  l'opiniâtreté,  ibid.  $,5.  Les  difpu» 

tes.  idem.  itl.  §.  6. 

Les  Mots  lignifient  aurre  chofe  dans  les- re- 
cherches ,  &  autre  chofe  dans  les  difputes. 
ibid,  §.7. 

Le  fens  des  Motsed  donné  à  connoître  dans 
les  idées  (impies  ,  en  montrant.  »'</«».  170. 
§.  14.  D.ins  les  m  es  mixtes,  en  définif- 
ïant.  idem.  171,  §.  1  j.  Et  dans  les  fub'tan. 


37*  TABLE 

ces,  en  monrrant  &  en  définifTant.  iàtm, 
xy6.  §.  19.  il.  11. 

Conléquences  dangereufes  d'apprendre  pre- 
mièrement !es  mots  &  enfuite  leur  fignifi 
cation,  idem.  18 1.  §.  2.4. 
Il  n'y  a  aucun  fujet   ce  honte  à  demander 
aux  hommes   le  fens   de   leurs  mots   lorf- 
qu'ils  font  douteux,  idem,  184.  §.  i  j. 
Il  faut    employer  conltamment  les   mots 
dans  le  même  fens.  idem.  188.  §.  14. 
Ou  du  moins  les  expliquer  lorfque  la  dif- 
pute  ne  les  détermine  p?.s.  idetn.  t8<>.  §.  17. 
Comment  les  mots  lonc  faits  généraux,  idem. 

38.  §.3. 

Mots  qui  lignifient  des  chofes  qui  ne  tom- 
bent pas  fous  les  fens,  dérivés  de  noms  d'i  ■ 
dées  fenfibles.  idem.  39.  §.  f. 
Les  mots  n*ont  point  de  lignification  natu- 
relle, idem.  37.  §.  1. 
Mais  par  impofition.  idem.  4.9.  §.  8. 
Ils  fignifient  immédiatement  les  idées  de 
cdui  qui  parle,  idem.  37.   §.   1.  1.   3.  Ce- 
pendant avec   un   double  rapport,  1.   aux 
idées   qui  font  dans  l'efprit   de  celui  qui 
écoute:  t.   A  la  réalité  des  chofes.  idem. 

46    §4   1. 

Les  Mots  l'ont  propres  par  l'accoutumance 

à  exciter  des  idées,  idem.  47.  §■  6. 

On  les  emploie  fouvent  fans  lignification. 

idem.  48.  §.  7. 

La  plupart   des  mots   font  généraux,  idem. 

fl.  §.  1. 

Pourquoi   certains    mots  dune  langue  ne 

peuvent  poinr  être  traduits  en   ceux   d'une 

autre,  idem.  99.  <Ç.  8. 

Pourquoi  je  me  fuis   fi    fort  éten.iu  fur  le* 

Mots.  idem.  ioy   §.  \  S. 

Il  faut  être  fort  circonfped  à  employer  de 


DES    MATIERES.        371 

nouveaux  mots,  ou  dans  des  lignifications 
nouvelles,  idem.  177.  §.  51. 
Ufage  civil  des  mots,  idem,  190.  §.  3.  Ufa- 
ge  philofophique.  ibid.  Sont  fort  différens, 
idem.  iof.   §.  15. 

Les  Mots  manquent  leur  but  quand  ils  n'ex- 
citent pas  dans  l'efprit  de  celui  qui  éconte, 
la  même  idée  que  dans  l'efprit  de  celui  qui 
parle,  idem.  191.  §.  4. 
Quels  mots  font  les  plus  douteux,  &   pour- 
quoi, idem,   ipi.  §.  ^.iS'c. 
Les  Mots  ont  été  formés  pour  l'ufage   de  la 
vie  commune,  tom,  1.  348.  §.  x. 
Mots  qu'on  ne  peut  traduire,  idem,   114.  §.   6, 
Mouvement,  lent  ou  fort  prompt,    pourquoi 

imperceptible,  idem.  8.  §.  7. 
Mouvement ,  volontaire  inexplicable.  ?<>*#.  4. 

143,-  $•  i?> 

Définitions  abfurdes  du  Mouvement,  tom.  3. 

78.  §.  8.  ?. 

N. 

X  n|  t  C  E  S  S  I  T  E*.    *0W.   t.    117.  §.  1$. 

négatif.  Termes  négatifs,  tom.  3.  3^.  $.  4. 
Noms  négatifs  fignifient   l'abfence   d'idées 
pofitives.  tom.  1.  107   §.   f. 
Âf.  Newton    tom.  4.  7  5.  §.  ir. 

Mot*  donnés  aux  idées.  fo>».  1.  26J.  §.  8. 

Aowi  d'idées  morales  ,  établis  par  une  loi , 
ne  doivent  pas  être  changés,  tom.  4.  113, 
§.  10. 

Noms  de  fubftances  ,  lignifiant  des  eflences 
réelles  ,  ne  font  pas  capables  de  porter  la 
certitude  dans  l'entendement,  idem.  40.  §.  5, 
Lorfqu'ils  lignifient  des  elfences  nominales 
ils  peuvent  faire  quelques  propotuions  ce:* 

Qé 


371  TABLE 

taines,mais  en   fort  petit   nombre,    idem 

41.  §•    6jr 

Pourquoi  les  hommes  mettent  les  noms  à  la 

place  des  ellcnces  réelles  qu'ils  ne  connoif. 

lent  pas.  tom.  3.1,0.$.  !<». 

Deux  fauflés   iuppoliuons  dans    cet  ufage 

des  noms.  idem.  143,  §.  %i, 

11  eft  impoflible  d'avoir  un    nom  particulier 

pour  chaque  chofe  particulière,  tom.  3.  64. 

■  *  V      .       ., 
Et  inutile,  idem.  çt.  §.   3. 

Quand  eft-ce  qu'on  emploie  des  noms  pro- 
pres, tom.  3.  53.  §.  4.  5. 
Les  noms  fpécifiques  fonr  attachés  à  l'ef- 
fence  nominale,  idem.  68.  §.  16. 
Les  noms  des  idées  fïmples,  des  modes  & 
•les  fubltances  ont  tous  quelque  chofe  de 
particulier,  idem.  74.  §.  1. 
Ceux  des  idées  fïmples- &  des   fubftances  fe 
rapportent  aux  chofes.  ibid.  §.  i.- 
Ccux  des   idées  iîniples  &  des  modes  font 
employés  pour  déligner  l'elîence  réelle  &  la 
nominale,  ibid.  §.  3  . 
fsons  d'idées  fïmples  ne  peuvent  être  définis. 
idem.  7 y.  §.   4'  Pourquoi,  idem.  76.  §.  7. 
Ils  font  les  meins  douteux,  idem.  87.  §.  1  j. 
Ont  trés-peu  de    fabordination  dans  ce  que 
les  logici.ns  appellent  Lineu  pr&dicamenta- 
lis,   idem.  88.   §.16. 

Les  noms  des  idees  complexes  peuvent  être 
«lé finis,  idem.   .^4.  §.   11. 
Les  nems  des  modes   mixtes   fîgnifient  des 
idées  arbitraires,  idem.  $1.   £.  x.    3.  «Vf/».. 
169.  §.  44- 

Ils  lient  enfemble  les  parties  de  leuis  idées 
complexes,  idem.  101.  §.  10.  Ils  lignifient 
touio';rs  l'efTence  rée:lç.  idtm.  107.  $.  14. 
Pourquoi  appris  ordinairement  ayant  cjue 


DES     MATIÈRES.         3?* 

les  idées  qu'ils  fignifient  foient  connues. 
ibid.  §.15. 

Koms  des  relations  compris  fous  ceux  des  mo- 
des mixtes,  idem.  109.  §.  16. 
Les  noms  généraux  des  fubftances  fîgnifienr 
ks  forces,  idem.  m.  §.  1. 
Néceiraires  pour  defigner  les   efpeces.  idem,. 
161.  §.  39, 

Les  noms  propres  appartiennent  uniquement 
aux  fubftances.  idem.   %66.  §.  41. 

Koms  des  modes  confédérés  dans  leur  première 
•  application,  idem.  167.  §.  44.  45  . 
Ceux  des  fubftances  cc/nfidérés    de  même, 
idem.    171.  §.  46. 

Les  Noms  fpécitiques  lignifient  différentes 
chofes  en  dirFérenS  hommes,  idem.  17  y, 
§.  48. 

Ils  font  mis  à  la  place  de  la  chofe  qu'on 
fuppofe  avoir  l'eftence  réeJle  de  l'efpece, 
idem.  176.  §.  49. 

ÏZoms  des  modes  mixtes  fouvent  douteux  à 
caufe  de  la  grande  composition  des  idées 
qu'ils  fignifient.  idem.  153.  §.  6. 
Parce  qu'ils  n'ont  point  de  modèle  dans  la 
Nature,  idem.  191.  §.  7.  Parce  qu'on  ap- 
prend le  fon  avant  la  lignification,   idem. 

19I.  §•  9- 

iicms  des  fubftances  douteux ,  parce  qu'ils  fe 
rapportent  à  des  modèles  qu'on  ne  peut  con- 
noitre  ,  ou  du  moins  que  d'une  manière  im- 
parfaite, idem.  ici.  §.   II. 

■    Il  eft  difficile  que  ces  noms  aient  des  ligni- 
fications déterminées  dans   des    recherches 
philofophiques.  idem.  to6.  §.  if. 
Exemple  lur  le  nom  de  Ligueur,  idem.  207.. 

Le  nom  d'Or,  idem.  3.01.  §.  13.  idem,  io$, 
S- 17. 


374  TABLE 

Noms  d'idées  fimples  pourquoi  les  moins  dou- 
teux, idem,  zi  i.  §.    18. 
Les  idées  les  moins  compofées  ont  les  noms 
les  moins  douteux,  idem.  113.  §.  19. 

Nombre,  tom.  1.  61.  §.  1. 

Modes  de  Nombres   font  les  idées    les  plus 
diftinctes.  idem.  63.  §.  3. 
Démonftrations    fur  les  Nombres    font  les 
plus  déterminées,  ibid.  §.  3. 
Le  nombre  eft  une  mefure  générale,   idem. 
71. §.8. 

Il  nous  fournit  l'idée  la  plus  claire  de  l'in- 
finité, ibid.  er  7*.  §.  13. 

Notions,  idem.  134.  §.  i. 

O. 

Bscurité  inévitable  dans  les  anciens 
Auteurs,  tom.   3.    199.$.   10. 
Quelle  eft  la  caufe  de  ïobfcurité  qui  la  ren- 
contre dans  nos  idées,  tom.  1.  374.  §.  3. 
Objîinés ,  ceux  qui  ont  le  moins  examiné  les 
choies  font  les  plus  obftinés.  tom,  4.  103. 

*'3'  .        ., 

Opinion,  ce  que  c'eft.  idem.    196.   3,  31*.  §. 

17- 

Comment  les  opinions  deviennent  des  prin- 
cipes, tom.  1.  yt.  C  fttiv.  §.  il.  13.  24. 
15.  16. 

Les  opinions  des  autres  font  un  faux  fonde- 
ment d'aiTentiment.  tom.  4.  zoo.  §.  6. 
On  prend  fouvent  des  rpinions  fans  de  bon- 
nes preuves,  idem.  Z03.  §.  3. 
L'Or  ifl  fixe  ,    différentes  lignifications   de 
cetre  pro.  ^fnion.  tom.  3,  176.   §.  50. 
L'eau    paile   à  travers   l'Or.    tom.  1.    j88. 

$.4. 
Orgnr.es,  Nos   otaries  font  proportionnés  a 


DES      MATIERES.         37c 

notre  état  dans  ce  monde,  tom,  %,  1,46.  §. 
il.  13. 
Ou  Si.  Quand  ,  ce  que  c'eft.  idem.  41.  §,  8. 


Articules  ,  joignent  entemble  les  par- 
ties du  difcours  ou  les  fentences  entières. 
tom.    3.  îyp.  §.  1. 

C'eft  des  particules  que   dépend  la  beauté 
du  langage,  idem.  180.  §.   1. 
Comment  on  en    peut   connoître  l'ufage, 
ibid.  §.   3. 

Elles  expriment  certaines  aétions  ou  difpo- 
fîcions  de  l'efprit.  idem.  r8i.  §.  4. 

M.  Pafcjl  avoit  une  excellente  mémoire,  toi», 
I.  iji.  §.  9. 

Tajfton.  tom.  z.  130.  §.  n. 

Comment  les  Pajfîons  nous  entraînent  dans 

l'erreur.  t«m.\.  319.  §.  11. 

Elles  roulent  fur  le  plailir  &  la  douleur, 

tom.  x.  100.  §.  3. 

Rarement    une  P.tjfion   exifte  toute  feule, 

idem.  159.$.  39. 

Péché,  chez  différentes  perfonnes  lignifie  des 
actions  différentes,  tom.  1.  87.  §.  iy. 

Penfée.  C'eft  une  opération  &  non  l'effence 
de  l'âme,  idem.  150.  §.  10.  tom.  %.  jo  .  §.  4» 
Modes  de  penfer.  idem.  98.  §.  1.  1.  Ma- 
nière ordinaire  donr  les  hommes  f  enfent. 
idem.  101.  §.  4.  La  penfée  fans  mémoire 
eft  inutile,  tom.  1.  1  58  §.  1  f . 

Perception  de  trois    efptces.  /c«.  i.  118.  §.  y. 
Dans  la  Perception,  l'e'prit  eft  pour  l'ordi- 
naire pallif.  tom.  1.  180.  §.  I. 
C'eft  une  imprcllion  faite  fur  l'efprit.  ibid. 

ju^.c  ie  yentre  de  nos  mères,  idem,  i&i, 
§.  y. 


37*  TABLE  | 

Différence  entre  la  perception  &  les  idées  in- 
nées, i'oid.  §.  6. 

La  Perception  met  de  la  différence  entre  les 
Animaux  &  les  végétaux,  idem.  zfi.  §.  ii. 
Les  diffère ns  degrés  de  la  Perception  mon- 
trent la  fageffe  &  la  bonté  de  celui  qui  nous 
a  faits,  idem.  i^j.  §.  rt. 
La  Perception  appartient  à  tous  les  animaux, 
idem.   139.  §.   14. 

C'eft  la  première  entrée  à  la   connoiffancei 
idem.  141.  §..  1 5. 

Perroquet  qui  parleroit  raifonnablement ,  s'il 
palferoit  dès  là  pour  homme  ,  &  s'il  en  pot* 
teroit  le  nom.  tom.  1.  311.$.  g. 

Terfonne ,  ce  que  c'eit.  idem.  3  ç.  §.  ^.  Terme 
du  barreau,  idem.   34t.  §.  16. 
La  même  conscience  feule  fait  la  mëmeper~ 
fonnalité.  idem.  313.  §.  13.  j'^e»;.    338.    §. 

La  mêmeame  fans  la  même  confeiencene 
ne  fait  pas  la  même  perfonnalité.  idem  .318. 

Larécompenfe  &  la  punition  fuivent  l'i- 
dentité personnelle,  idem.  33».  §.  18. 
Phyfique.  La  Phyfique  n'eft  pas  capable  d'ê- 
tre une  feience.  tom.  3.  369.  §.  x6.  tom.  4. 
176.  §.  10.  bile  eft  pourtant  fort  utile. 
idem,  177.  §.  n.  Comment  elle  peut  être 
perfectionnée,  ibid.  Ce  qui  en  a  empêché 
les  progrès,   ibid. 

fluifir   &  douleur,   tom.    1.  ioj.   §•    •*  *</«». 
110.   §.  iç.   16.  Se  joignent  à    la  plaparc 
de  nos  idées.  rc?«.  t.  196.  §.  1. 
Pourquoi  ils  font  attachés  à  différentes  ac- 
tions, ibid.  §.  3. 

Jrewves.  tom.  3.    306.  §.   3. 

Principes  pratiques  ne  font  pas  innés,  /w».   1. 
j4-  §.  1.  ni  reçus   ayee  ua  contentement; 


DES   MATIÈRES.  377 

univerfel.  idem.  58.  §.  1.  Ils  tendent  à  lac» 
tion.  idem.  J9.  §.  3.  Tout  le  monde  ne 
convient  pas  fur  leut  fujet.  idem.  75».  §. 
14.  Ils  font  diffétens.  idem.  $\.  §.  n. 
Principes i  ne  doivent  pas  être  reçus  fans  un 
févere  examen,  tom.  4.  \66.  §.  '4.  idem. 
311.  §   8. 

Mauvailes  conféquences  des  faux  principes. 
idem.  314.  § .   9.  jo. 

Nul  Principe  n'efl  inné.  tom.  1.  1$,   §.   1.  Ni 
reçu  avec  un  consentement  univerfel.  idem. 

17.  §•  i-  3-  ^Jf  • 

Comment    on  acquiert  ordinairement   les 

Principes,  idem.  92.    £.    1:.  £TV. 

Ils  doivent  être  examinés,  idem.  <>3.  §.  27. 

Us  ne  font  pas  innés  ,  fi  les  idées,  dont  ils 

iont  compofes ,    ne  font   pas  innées,  idem. 

Io:>.  §.  t. 
Termes  privatifs,  tom.  3.  39.  §.  4. 
probabilité ,  ce  tjtte  c'eih  tom.  4.  154.  §.  T.    3. 

les  fondemens  de  la  Probabilité:  idem.  197,, 

§.  4.   Sur  des  matières  défait,  idem.    20^, 

Comment  nous  devons  juger  des  Probabili- 
tés, idem.    198.  §.   <. 
Difficultés  dans  les  Probabilités,  idem.   212. 

Fondemens  de  Probabilité  dans  la  fpécula- 

tïon.  idem.  217.  §.  12. 

FaufTes  règles  de  probabilité,  idem.  312.  §.7. 

Comment  des  efprits  prévenus  évitent  de  le 

rendre  à  la  Probabilité,  idem.  310.  §.  13. 
Propriétés  des  eiTences  fpécifiques    ne  font  pas 

connues,  /o»?.    3.  132.  §.  19. 

Les  Propriétés  des  chofes  font  en  fott  grand 

nombre  irfew.  7.  §.  10.  idem.  i8$.Z4- 
proportions  identiques,  n'enfeignent  rien  toiBfi 

4.  <?i.  $.  i. 


378  TABLE 

Ni  les  génériques,  idem.  105.  §.  4.  idem. 
116.  §.  13. 

Les  Propofitions  où  une  partie  de  la  défini- 
tion eft  affirmée  du  fujet  ,  n'apprenent  rien. 
idem.  \o6.  §.  f.  6.  Si  non  la  lignification  de 
ce  mot.  idem.  1 10.  §.  7. 
Les  Propofitions  générales  qui  regardent  les 
fubftances  font  en  général  ou  frivoles  ou 
incertaines,  idem.  m.  §.  9.  Propofitions  pu- 
rement verbales  comment  peuvent  être  con- 
nnes.  idem. 11  ç.  §.  n. 
Termes  abftraits  affirmés  l'un  de  l'autre  ne 
produifent  que  des  Propofitions  verbales. 
ibtd.  Comme  auffi  lorfqu'une  partie  d'une 
idée  complexe  eft  affirmée  du  tout.  idem. 
116.  §.   13. 

Il  y  a  plus  de  Propofitions  purement  verbales 
qu'on  n<i  croit,  ibid. 

Les  Propofitions  univerfelles  n'appartiennent 
pas  à  l'exiftence.  idem.  11 9.  §.  1. 
Quelles   Propofitions  appartiennent  à  l'exif- 
tence. ibid. 

Certaines  Propofitions  concernant  l'exiften- 
ce, font  particulières,  &  d'autres  qui  ap- 
partiennent à  des  idées  abftraites  ,  peuvent 
être  générales,  idem.  161.  §.  13. 

tropofitions  mentales,  idem.  16.  §.  3.  &  5. 
Verbales,  ibid. 

Il  eft  difficile  de  traiter  des  Propofitions  men- 
tales, ibid.  §.  3.  4. 

Puiffance  ,  comment  nous  venons  à  en  acqué- 
rir l'idée,  tam.  x.  in.  §.  1. 
Puiftance  a&ire  &  palfive.  idem.  114.  §.  t. 
Nulle  PuifTance  pallive  en  Dieu  ,  nulle  puif- 
fance  aétive  dans  la  matière  ;  aéHve  &  paf- 
five  dans  les  efprirs.  ibid. 
Notre  plus  claire  idée  de  puiftance  active 
nous  vient  par  réflexion,  idem.  i\6.  §.  4. 


DES   M  ATI  ERE  S.  37? 

Les  Puiflances  n'opèrent  pas  fur  des  Puil- 
fances.  idem.  13  z.  §.  18. 
Elles  constituent  une  grande  partie  des  idées 
des  (ubltances.  idem.  14).  §.7. 
Pourquoi,  idem.   141.  §.  8. 
Puiiîance,  eft  une  idée  qui  vient  pat  Tenta- 
tion &  par  réflexion,  tom.  \.  zoi.  §.  8. 
"Bunition ,  ce  que  c'eft.  tom.  1.  351.  §.   5. 
La   Punition  &   la   récompenfe  font  atta- 
chées   à    la    Confcience.  idem.    331.  §.    18, 
*V<w.    341.  §.  16. 

Un  homme  ivre  qui  n'a  aucun  fentiment 
de  ce  qu'il  fait ,  pourquoi  puni.  idem.  337. 
$.  11. 

Q: 

/Ualite'  :  fécondes  Qualités  ,  leur 
connexion  ou  leur  incompatibilité  incon- 
nues, tom.  3.  343.  §.  11. 
Qualités  des  (ubitances  peuvent  à  peine  être 
connues  que  par  expérience,  idem.  345.  §. 
14.  \6. 

Celles  des  fubftances  fpirituelles  moins  que 
celles  des  fubitances  corporelles,  idem.  351. 

Les  fécondes  Qualités  n'ont  aucune  Iiaifon 
concevables  entre  les  premières  Qualités 
qui  les  produifent.  idem.  314.  §.  11.  13. 
&  18. 

Les  Qualités  des  fubflances  dépendent  de 
caufes  éloignées,  tom. 4.  48.  §.  11.  Elles 
ne  peuvent  être  connues  par  des  défcrip- 
tions.  tom.  3.  178.  §.  zi. 
Les  fécondes  Qualités  jufqu'où  capables  de 
démonflration.  idem.  311.  §.  11.  12.  13. 
Ce  que  c'eft.  tom.  1.  xc^.  §.  8.  tom.  3.  &8, 
§.   1*. 


38<5  Table 

Comment   on  dit    quelles  font  dans    les 
choies,  tom.  2.  39 S.  §.  i. 
Les  fécondes  Qualités  feroient  auttes  qu'el- 
les ne  paroilïent  lï  l'on    pouvoit   découvrir 
les  pecites    parties  des   corps,  idtm.    245. 

Premières    Qualités,   tom.    1.     205).    §.    9. 
Comment   elles    produilent   des    idées   en' 
nous.   idem.  2:2.  Ç.  n. 
Secondes   Qualités,  idem.  212.  §.   13,  14, 

Les  premières   Qualités  relîemblent  à  nos 

idées,  &  non  les  fécondes,  idem.  115.  §. 

i<j.   16.  0V. 

Trois    fortes   de  Qualités   dans  les  corpr, 

idem.  122.  §.   23.  irfe/s*.   227.  §.   26. 

Les  fécondes  Qualités  font  de  (impies  puif* 

fances.  idem.  222.  C  /w/i\  §.   13.  24.    »f. 

Elles  n'ont  aucune    liaifon  vifible  avec  les 

premières  Qualités,   idem.  225.  §.  25. 

R. 

M-Aison.  Différentes  fignifîdations  de  ce 
mot.  tom.  4.   224.  <jj.    1. 
Ce  que  c'eft  que  la  Raifon.  /W.  fj.  ». 
Elle  a  quatre  parties,  idem.  iz6.  §.  3. 
Où  eft  ce   que   la   Raifon    nous   manqire, 
idem.  253.  §.  9. 

Elle   eft   néceflaire   par-tout   hormis    dans 
l'intuition,  idem.  2^5.  §.   14. 
Ce  que  c'eft  que/è/o»  /#  Raifon  ,  contraire  h 
la  Raifon ,   0*  ##  dejfus  de  la  Raifon.   idem. 
z6$.  §.  1;. 

Considérée  en  oppofition  à  la  foi ,  ce  que 
c'eft.   idem.   267.    §.  2. 
Elle  doit  avoir   lieu  dans  les  matières  de 
religion,  idem.  2,81.  §.  n. 


DES     MATIÈRES.         3S1 

Ule  ne  nous  fert  de  rien  pour  nous  faire 
connoître  des  vérités  innées,  tom.   1.   23,. 

-§•    9- 

L'acquifition  des  idées  générales  ,  des  ter»» 
mes  généraux ,  &  la  raifort  croilîent  ordi- 
nairement enfemble.  idem.  31.  §.  iy. 

-Récompenfe ,  ce  que  c'eft.  tom.  2.  351.  §.  j. 

2?*'*/.  Idées  réelles,  idem.  391. 

^Réflexion,  tom.  1.  143.  §.  4. 

Relatif,  tom,  1.  183.  Ç.  1. 

I  Quelques  termes  Relatifs  pris  pour  des  dé- 
nominations externes,  idem.  284.  §.  2. 
.Quelques-uns  pour  des  termes  abfolus.  i%6 , 

§..3. 

-Comment    on    peut    les    connoître.  29.1. 
§.  10. 

Plufieurs  mots  quoîqu'abfolus   en  apparen- 
ce font  relatifs,  idem.   300.  §,  6. 
Relation,  tom.  1.  281.  §.  7.   fcw.  *.  183.  §.  1. 
Relation  proportionnelle,  idem.   547.  §.  i„ 
Naturelle.  »^w.  348.  §.  i. 
JD'inftitution.^;».  349.  §.  3.  Morale.  *Wf/#. 
351.  $.  4. 
Il   y  a   quantité    de  Relations,  idem.   i,c6, 

Elles  fe  terminent  à  des  idées  (impies,  idem, 
3*7.  $•  18. 

Notre  idée  de  la  Relation  eft  claire,  idem. 
369.  §.19. 

Noms  de  Relations  douteux,  ibid.  §.  i$. 
Les  Relations  qui  n'ont  pas  de  termes  fcor- 
relarifs  ne  font   pas  fi  communément  ob*- 
fervées.  idem.   184.  Ç.    2. 
La  Relation  eft    différente  des  chofes  qui 
en  font  le  fujet.   idem.  i$6.  §.  4. 
Les  Relations  changent  fans  qu'il  arrive  au- 
cun changement  dans  le  fujet.  ibid.  §.  5. 
La  Relation  eft  toujours  entre  deux  chofes» 
idem.  187. 


3*t  TABLE 

Toutes   chofes  font  capables  de   Relation. 

idem.  188.  §.7. 

L'idée  de  la   Relation  fouvent  plus   claire 

cjue  celle  des   chofes  qui  en  font  le  fujet. 

idem.  289.   §.  8. 

Les   Relations    fe  terminent  toutes  à   des 

idées  fimples  venues  par   fenfation  ou  pat 

réflexion,  idem.  291.  §.  p. 

Relation.  Tous  les  hommes  ont  du  tems  pour 
s'en  informer,  tom.  4.  $c6.  $.  3. 
Les  préceptes  de  la  Religion  naturelle  font 
évidens.  tom.  3.  117.  Ç.  13. 

Réminiscence,  tom.  1.  12.6.  §.   10.   idem  149. 
§.  7.  Ce  que  c'eft.    tom.  2.  98.   §.  1. 

Réputation.  Elle  a  beaucoup  de  pouvoir  dans 
la  vie  ordinaire,  idem.   3  59.  §.  11. 

Révélation.  Fondement  d'aifentiment  qu'on  ne 
peut  mettre  en  queftion.Jz-w».  4.  121.  §.  14. 
La  Révélation  traditionelle  ne  peut  intro- 
duire dans  l'efprit  aucune  nouvelle  idée. 
idem.  268.  §.  3.  Elle  n'eft  pas  fi  certaine 
que  notre  raifon  ou  nos  fens.  idem.  178. 
§.  8. 

Dans  des  matières  de  raifonnement  nous 
n'avons  pas   befoin  de    révélation,  idem. 

171.  §.  5- 
La  révélation  ne  doit  pas  prévaloir  fur  ce  que 

nousconnoiiîbns  clairement,  ibid.  &  180. 

§.  10. 

Elle  doit  prévaloir  fur  les  probabilités  de  la 

Raifon.  idem.   178.  §.  8.  9. 
Rhétorique,  c'eft  l'art  de  tromper  les  hommes. 

tom.  y  274.  §.  34. 
Rien.  C'eft  une  démonftration  que  rien  ne  peut 

produire  aucune  chofe.  tom.  4.  121.  §.  3. 


DES    MATIERES.  38* 

S. 

ABLE  ,  blanc  à  l'œil,   pellucide  dans  ua 
microfcope.  totn,  i.  145.  §.  11. 

Sagacité ,  ce  que  c'eft.  tom.  4.  114.  §.  1. 

Sang.  Comment  il  paroit  dans  un  microfcope. 
tom.  1.  145.  §.  11. 

Savoir.  Mauvais  état  du  Savoir  dans  ces  der- 
niers fîecles.  tom.  3.  1x6.  §.  7.  CTf. 
Le  Savoir  des  écoles  confifte    principale- 
ment dans  l'abus  des  termes,  idem.  t%6,  §. 
8.  erc 

Un  tel  Savoir  eft  d'une  dangereufe  confé- 
quence.  idem.  130.  §.  1%, 

Sceptique.  Perfonne  n'eft  allez  fceptique  pour 
douter  de  fa  propre  exiftence.  tom.  4.  ni. 
§.  1. 

Science.  Divifion  des  fciences  par  rapport  aux 
chofes  de  la  nature,  à  nos  actions  ,  &  aux 
lignes  dont  nous  nous  fervons  pour  nous 
entre-comrauniquer  nos  penfées.  idem.  32.?. 
§.  1.  &c. 

Il  n'y  a  point  de  Science  des  corps  naturel». 
tom.  3.   373.  §.  i9. 

Sens.  Pourquoi  nous  ne  pouvons  concevoir 
d'autres  qualités  que  celles  qui  font  les  ob- 
jets de  nos  Sens.  totn.  1.  178.  §.  3. 
Les^Sens  apprennent  à  difcerner  les  objets 
par  l'exercice,  tom.  3.  178.  §.  11. 
Ils  ne  peuvent  être  affectés  que  par  contact. 
idem,  jn,  §.  n. 

Des  Sens  plus  vifs  ne  nous  feroient  pas  aran- 
tageux.  tom.  2.  146.  §.  iz. 
Les  organes  de  nos   Sens  proportionnés  à 
notre  état.  ibid. 

Senfation.  tom.  \.  143.  §.  3.  Peut  être  diftingaée 
des  autres  perceptions,  tom.  3.  315.  §.  14. 


3*4  TABLE 

Expliquées,  tom.  i.  m.  §.   n.  ij.   14.  15. 

16.  &c. 

Ce  que  c'eft.  tom.  1.  98.  §.  i. 

Connoiirance/ê»/76/<?  aulli  certaine   qu'il  Le 

faut.  tom.  4.  154.  §.  S. 

Ne  va  pas  au-delà  de    l'acte  préfent.  idem, 

\S6.  §.  9- 

Idées  [impies  tom.  1.  Ijif.  §.  1. 

Ne  font  pas  formées  par  l'efprit.  idem.  177. 

§•  *■ 

Sont  les  matériaux  de  toutes  nos  connoif- 

fances.  /V?/».  xoj.  10. 

Sont  tomes  pofltives.  idem.  iof.  §.  1. 

Fort  différentes  de  leurs  caufes.  ibid.  §.  t.  3. 
Solidité,  idem.  194.  §.  1.  Inféparable  du  corps. 

ibid. 

Par  elle  le  corps  remplit   l'efpace.  ibid.  §.  1. 

on  en  acquiert  l'idée  par  l'attouchement. 

ibid. 

Comment  diftinguée  de  l'efpace.  idem.  19 7. 

§.  3.  Et  de  la  durée,  idem.  158.  §.  4. 
Soi.  Ce  qui  le  conftitue.  tom.  1.    i$\.  §.  17, 

334.  §.  zo.  idem.  338.  §.  13.  14.  15. 
Sow.  Ses  modes.  ?<?/».  1.  91.  §.  3. 
Stupidité,  tom.  1.  150.  §.  8. 
■Sfibfiance.  tom.  x.  133.  §.  1. 

Nous  n'en  avons  aucune  idée.  ton.  1.  113, 

§.  18. 

Elle  ne  peut  guère  être   connue,  tom.   3. 

311.  §.  C  av. 

Notre  certitude  touchant  les  fubftances  ne 

s'étend  pas  fort  loin.  tom.  4.  41.   §.  7.  58. 

§.  15. 

Dans  les  fubftances  nous  d.evons  rectifier  !a 

fignification  de  leurs  noms  par  les    choies 

plutôt    que    par  des  définitions.  U>m.    3. 

a  Si.  §.  14. 

Leurs 


DES  MATIERES.  3M 
Leurs  idées  font  fingulieres  ou  collectives, 
tom.  i.  i8^>-  §.  6. 

Nous  n'avons   point  d'idée  diftin&e  de  la 
Subjlunce.  idm.   ij>$.  §.   18.  19. 
Nous  n'avons  aucune  idée  d'une  pure  fubf- 
tance.  tom.  x.  134.  §.  x. 
Quelles  font  nos  idées  des  différentes  for- 
tes de  fubftances.  idem.  135.  §    3.4.^. 
Ce  qui  eftà  obferver  dans  nos  idées  des 
lubftances.  idem.  177  §.  37. 
Idées  collectives  des  lubltances.  idem.  i%o. 
Sont  des  idées  fingulieres.  ibid.  §  .  1. 
Trois  fortes  de  Subftances.  idem.  301.  §.  x» 
Les  idées  des  Subfiances  ont  un  double  rap- 
port dans  l'efprit.  idem.  4  >j.  §:  6. 
Les  propriétés  des   Substances   font  en  fort 
grand  nombre  ,  &  ne  fauroient   être  toutes 
connues,  idem.  411,  §.  c>.  10. 
La  plus  parfaite  idée  des  Subftances.  idem. 

Trois  fortes  d'idées  conftituent  notre  idée 

complexe  des  Subftances.  idem.  143    §.   9, 
Subtilité.  Ce  que  c'eft.  row.  3.  né.  §.  8. 
Succejfion.  Idée  qui  nous  vient  principalement 

par  la  fuite  de  nos  idées,  tom.  1.  tpz.  §.  9. 

tam.  x.  6.  §.   6. 

tt  cette  fuite  d'idées  en  eft  la  mefure.  idem. 

10.  §.  H. 
Syllogisme ,  n'eft  d'aucun  fecours  pour  raifon- 

ner.  fcw.  4.   1:7.  $.  4. 

Son  ufage.  i£/d. 

Inconvéniens  qu'il  produir.  ibid. 

Il  n'eft  d'aucun  uiage  dans  les  probabilités, 

idem.  x\6   §.  j. 

N'aide  point  à  faire  de  nouvelles  découver- 
tes, idem.  24-.  §.  6. 

Ou  à  avancer  nos  connoi£ances.  idem.  143, 

2w»f  .IV  K 


}t$  TABLE 

On  peut  faire  des  fyllogifmcs  fur  des  chofes 
particulières,  idem.  2J0.  §.  8. 

T. 

HT1 

J.   H  m  eu  g  nage.  Comment  fes  forces  vien- 
nent à  s'affoibiir.   idem.  113.  $.  10. 

Temple.  (  le  Chevalier  )  conte  qu'il   fait  d'un 
perroquet,  tom.  .311.    Ç.    8. 

Tcms.  Ce  que  c'efr.   idem.   4.  Ç.  17. 

Il  n'eft  pas  la  mefuredu  mouvement,  idem. 
13.   $.  11 

Le  2e»-7i  &  le  lieu  font  des  portions  diftinc- 
tes  dé  la  durée  &.  de  l'expanfion  infinies. 
iditn.  38.  §.   f.  £. 

Deux  fortes  ce  **«»*.   rWe«,  :^.  Ç.  6.  7. 
Les  dénominations  prifefi  du  f«BW  font  re- 
latives, idem,  2.,  é.  5.  3. 

Tolérance    nécellaire   clans    l'état  où    eft  notre 
connoi(l?.nce.  tom.  4.   205.  Ç.  4. 

"Le  Tout  ejl  fias  grand  que  fes  parties  :  ufage   de 
cet  axiome,  i^ra/.  75.  §.   u. 

Tout  &  V.rrtic  ne  font  pas  des  idées  innées.  /07a», 
1.  104.  §.   6. 

Tradition. ,  la  plus  ancienne  eft  la  moins  croya- 
ble. ?o»z.  4.  21  3.  Ç.    10. 

Trifiejfc,  ce  que  c'eit.  /«ro.  1.  K  S.  $.  8. 

V. 

V  Ariete'  dans  les  pourfuites  des  hom- 
mes, d'où  vient,  idem.  1S1.  §.  54. 
Xtritéj  ce  que  c'eft.  ?ow.  4  25.  §.  x.  5.  p.  Vé- 
rité de  penfée.  idem.  16.  §.  3.  6.  De  paro- 
les, ibid.  §  3.  Vérité  verbale  &  réelle,  idem. 
31.  §.  8.  9.  Morale  &  métaphyfique.  idem. 
3.j.  §.  il.  Générale  rarement  comprife  qu'en 
tant  qu'elle  eft  exprimée  par  des  paroles. 
idem.  3*.  $.  i. 


DES    MATIERES.         387 

En  quoi  elle  confifte.  tom.  3.  $6.  §.   19. 
Vertu   Ce  que  c'eft  réellement,  tom.  1.   85.  §. 

18. 

Ce  que  c'eft  dans  l'application  commune  de 

ce  mot.  tom.  1   3s  S-  $■  10.  11. 

La  Vertu   eft    préférable   au   vice,  fuppofé 

feulement  une  fimple  pofTibilité  d'un    état 

avenir,  idem.  îoy.  §.  70. 
F/re,  il  confifte  dans   de  faulîes   mefures  du 

bien.  tom.  4..   324.  §.  \6. 
Vijible  ,  le  moins  viiible.  tom.  %.  43.  §.  p. 
Unité.  Idée  qui  vient  par  lenfation  &  par  ré- 
flexion,  tom.  1.   101    §.  7. 

Suggérée  pour  chaque  choie,  tom.  %.  51.  Ç.  1. 
Universalité  n'eft  que   dans  les  lignes,  row.  3. 

61.    §.    11. 
Univerfaux ,  comment  faits,  tom.  1.  zr  6.  $.  9. 

Volition.  Ce  que  c'eft.  fcw.  z.  118.  §.  5.  »«fw. 

118.  $.  15. 

Mieux  connue  par  réflexion    que  par  des 

mots.  idem.  144.  §.  30. 
Volontaire.  Ce  que  c'eft.  idfe/».  118.  §.  J.   1*4. 

§.  11.  idem.  141.  §.28. 
Volonté.  Ce  que  c'eft.  idem.  m.  §.   f.  118.  $. 

15.  ;</«».  143.  §.  19.  Ce  qui  détermine  la 

Volonté,   ibid. 

Elle   eft  fouvent  confondue  arec  le  defir. 

idem.  144..  $.    30. 

Elle  n'influe  que  fur   nos  propres  actions, 

ibid. 

C'eft  à  elle  qu'elle  fe  termine.  *"*fc#;.  i6o, 

$•  4°- 

La  Volonté  eft  déterminée  par  la  plus  grande 

inquiétude  préfente,  &  capable  d'être  éloi- 
gnée, ibid.  §.40. 
La  Volonté  eit  la  puiflance  de  vouloir,  tom.  I, 

■9J-  §•  1. 

F«^.  il  eft  poffible.  idem.  302.  $.  11. 

R* 


5Î*  TABLE 

Le  mouvement  prouve  \eVuide.  idem,  jof. 

Nous  avons  une  idée  ûnVnide.  idem.   186. 
LIN. 


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