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Full text of "Essais de sciences mandites"

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ESSAIS  DE  SCIENCES  HARilTES 

Z  SERPENT  DE  l;     /NÈSE 


SECONDE  SEPTALNi       t 
(Livre  II)        W 

LA  CLEF  DE  LA  MAQl^  WIRE 

(OUVRAGE   ORNÉ  DE  NOMBREUSES  GRAVURES) 


PAU 


Stanislas  DE  GUAITA 


PARIS 

OIÎAMI'EL,  .ÉDITEUR 

5,  nue  i)E  sAvoiB,  5 
1897 


\Digitized  byCjOOÇlC 


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LE  SERPENT  DE  LA  GENÈSE 


SECONDE  SEPTAINE 

L.\  CLEF  DE  LA  MAGIE  NOIRE 


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«  McditaCus  sum  graviter  die  ac  nocte  super  liisce 
quœ  videram,  legeram,  audieram,  didiceram.... 

«  Âudivi  omncs,  spernebam  nullum...  Non  eniin 
scicntia  mali»  sed  usus  damnât...    » 

(H.  KHVNRATH,  ex  Amphitheatro 
Sapientiœ  œternœ,  pag.  146-147,  passim;. 


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ESSAIS  DE  SCIENCES  MAUDITES 

^SERPENT  DE  LA  GENÈSE 


SECONDE  SEPTAINE 
(Livre  II) 

LA  CLEF  DE  LA  MAGIE  NOIRE 

(OUVBAGE  ORNÉ  DE  NOMBREUSES  GRAVURES) 


PAR 


Stanislas  DE   GUAITA 


PARIS 

CIIAMUEi:,    KDITEUK 

5;    BUB   DE   SAVOIE^    5 

1897 


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AYANT  -  PROPOS 


JOTRE  seconde  Septaine  a  pour  objet  (Téclaircir 
el    d'interpréter    scientifiquement   Veiisemble 
des  faits  et  des  légendes  produits  au  cours 
de  la  première.  ,    " 

Lfl'CIef  de  la  Magie  Noire  doit  ouvrir  aux  curieux 
rultime  sanctuaire  de  ce  Temple  de  Satan  dojit  ils  ont, 
en  notre  compagnie,  parcouru  les  parvis  encombrés  d'un 
briC'à-brac  de  fétiches  sans  nom,  pêle-mêle  avec  d'étranges 
simulacres  : 

As,  nummos,  lapides^  cadaver,  simulacra,  nihilque...  (1). 

Ils  reverront  au  grand  jour  ce  pandémonium  qu'ils 
ont  fouillé  naguère  à  tâtons,  ou  munis  seulement  d'une 
lanterne  sourde,  jusqu'en  ses  cryptes  hantées  dlialluci- 
nantes  ténèbres. 

Voir,  c'est  bien  ;  comprendre  vaut  mieux.  —  Close  la 
fantasmagorie  du  Sabbat,  place  à  qui  veut  connaître  le 
démoîi  tel  qu'il  est. 

(!)  Tryphon,  moine  et  poète  du  \iV  siècle,  cité  par  Victor  Hugo,  les 
Misérables  (ir,  2i. 


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8  LA  CLEF  DE   LA  MAGIE  NOIRE 


Lheure  a  sonné  de  Vépiphanie  salanique.  Le  taber- 
nacle s'ouvre,  et  voici  que,  révélant  le  suprême  arcane  de 
son  inconscience  meurtrière^  l'Idole  va  s'éclairer  du  feu 
cosmique  et  omnilatent  qui  est  sa  substance  propre  et  sa 
vie. 

Ce  présent  volume  commente  et  corrige  le  précédent  ; 
il  en  redresse  les  images,  renversées  ou  falsifiées  par 
r artifice  du  Maître  des  enchantements  ;  il  remet  en  leur 
place  les  horizons  intervertis  ^  substitue  un  jour  probe  au 
fallacieux  éclat  des  torches  infernalesy  si  prompt  à  dé- 
praver les  formes  y  à  faire  mentir  les  couleurs.  Il  rétablit 
en  un  mot  la  perspective  normale^  au  lieu  de  celle  sabba- 
tique {toute  factice  et  clémente  aux  prestiges)  dont 
s'épeuraient  Us  yeux  ensorcelés,  sur  la  lande  du  bouc. 

Le  parallélisme  interprétatif  des  sept  chapitres,  d'un 
tome  à  Vautre,  nous  a  paru  une  méthode  servik,  à 
quoi  nous  n'imaginons  pas  qu'il  soit  urgent  de  s'astreindre. 
Ce  serait  renoncer  au  système  autrement  fécond  des  cor- 
respondances tarotiques.  Il  s'agit  moins,  comme  on 
pense,  de  reprendre  im  à  un,  pour  en  démonter  le  méca- 
nisme, les  phénomènes  mentionnés  au  Livre  précédent, 
que  d'établir  une  théorie  générale  des  forces  occultes, 
décisivement  synthétique,  et  dont  P intelligence  permette 
à  nos  Lecteurs  de  découvrir  par  eux-mêmes  —  et,  le  cas 
échéant,  d'inférer  à  priori  —  le  comment  et  le  pourquoi, 
non  pas  seulement  des  faits  que  nous  avons  choisis  pour 
exemples,  mais  indistinctement  de  tous  ceux,  similaires, 
qui,  chaque  jour,  défient  la  sagacité  de  Vobservateur. 
Nous  tentero7is,  du  reste,  pour  quelques-uns  des  cas  si- 


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AVANT- PROPOS 


(pialés  au  tome  i,  ce  quil  serait  oiseux  (T entreprendre 
pour  tous  :  l'adaptation  des  principes  aux  faits.  Bien 
plusy  nous  ne  balancerons  pas,  en  vue  de  rompre  la  mo- 
notonie des  spéculations  abstraites,  àétayer  nos  théories 
éC un  contrôle  nouveau,  moyennant  de  nouveaux  exemples ^ 
proposés  çà  et  là. 

La  Sorcellerie  ou  Magie  Noire,  qu'ailleurs  jwus  défi.^ 
nissons  »  la  mise  en  œuvre,  pour  le  Mal,  des  forces 
occultes  de  la  Nature,  »  diffère  de  la  haute  et  divine 
Magif  en  trois  points  essentiels:  elle  s'en  distingue 
(Tabord  par  la  diversité  d^ intention,  puis  par  le  degré  de 
science  ou  dlgnorance  des  moyens  employés,  enfin  par  le 
contraste  des  résultats  obtenus. 

Mais,  —  nous  l'avons  noté  dans  un  autre  livre  et  ny 
.saurions  trop  revenir^  —  Mage  et  Sorcier  plient  aux 
buts  les  plus  discords,  aux  œuvres  les  plus  disparates, 
un  même  agent  qui  leur  est  commun  à  tous  deux  — 
r  Astral. 

Cest  dire  que  notre  deiucième  Septaine  (Clef  de  la 
Magie  Noire)  se  réduira  presque  à  une  étude  du  plan 
astral  (I):  champ  de  bataille  hyperphysique  où  se  heur- 
teut,  en  un  cliquetis  d'éclairs,  la  lumineuse  flamberge  de 
Saint  Michel-Archange  et  la  fourche  fulgurante  de  Sataii- 
Panthée.  Formidable  duel  !  D'une  part,  le  champion  fati- 
dique d'IIylê,  Vaveugle  Instinct,  mo7istre  collectif  réac- 
iionnépar  les  dévorantes  passions  individuelles  ;  d'autre 
part,  la  sainte  guerrière  cCArkê,  Vlnlelligence  sereine, 

(1)  Particulièrement  dans  tes  rapports  avec  le  plan  matériet. 


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10  L.\  CLEF  DE  LA    MAGIE  NOIRE 


sciemment  ralliée  au  plan  providentiel  :  c'est  VAn^e  et  le 
Démon  légendaires^  sescrimajit  à  armes  égales  dans  la 
région  du  feu  cosmique! 

Voilà  r Astral  —  fourche  ignée  aux  griffes  de  Satan, 
glaive  de  flamme  aux  mains  du  Kéroub.  Nous  pourrions 
ajouter,  dans  V esprit  d'une  savante  école  de  gnose  :  voilà 
V Astral  —  agent  pantomorphe  et  co7ivertible  ;  tantôt 
Satan  lui-même,  lorsqu'il  subit  les  forces  collectives  du 
Mal;  tantôt,  quand  il  est  7nû  par  les  puissances  provi- 
dentielles, lumière  de  gloire  des  élus  et  corps  mystique  du 
Saint-Esprit.  ^ 

Une  étude  consciencieuse  de  V Astral  doit  embrasser 
ces  deux  aspects  contradictoires  ;  d'où  il  résulte  que  la 
Clef  de  la  Magie  Noire  7ie  donne  pas  seulement  accès 
dans  V édifice  des  sciences  réprouvées,  mais  peut  ouvrir 
au^si  le  temple  —  sinon  le  sanctuaire  —  de  lu  haute  et 
divine  Magie, 

Pourquoi  le  temple  et  non  le  sanctuaire?  —  Cest 
qu'abstraction  faite  du  plan  astral,  que  nous  savons 
commun  par  essence  aux  adverses  milices  du  Ciel  et  de 
l'Enfer,  le  mage  est  actif  sur  d'autres  plans  encore, 
parfaitement  inconnus  des  fauteurs  de  sortilège.  De  pa- 
reilles altitudes  ne  se  révèlent  accessibles  qu'à  V essor  de 
l'aigle  ou  de  la  colombe  mystiques;  mais,  hiboux  ou 
vautours  de  IWrcane,  jamais  les  immondes  cohortes  n'en 
souilleront  l'éther  immaculé (l). 


(i)  C'est  le  vulgaire  sorcier qxi  ici  nous  désignons,  et  les  forces  mises 
en  œuvre  par  lui.  Le  premier  tome  du  Serpent  de  la  Genèse  a  fait  assez 
voir  en  quels  misérables  bas- fonds  d'abrutissement  et  d'esclavage  moral 
se  confinent  les  artisans  de  la  Goëtie, 


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AVANT-PROPOS  1 1 


i»  félonne  donc  point,  Ami  Lecteur,  de  rencontrer. 
presque  à  tous  feuillets  du  présent  tome^  des  théories  qui 
intéressent  également  les  hiérophantes  de  la  lumière  et 
de  la  nuit.  Sur  toute  chose,  garde-toi  de  croire  tous  les 
principes  éternels  de  la  Kabbale  et  de  la  sainte  Magie 
condensés  en  ce  tome  II.  Il  ne  renferme  qu'en  mode 
indirect  leurs  tmins  sublimes  enseignements  :  nous  n  ou- 
trepasserons guelfe  à  cette  fois  la  zone  temporelle,  qu'en 
notre  troisième  Septaine  il  nous  faudra  délibérément 
franchir,  pour  élucider j  dans  la  mesure  peinnise  à  ms 
efforlSy  le  tenible  Problème  du  Mal. 

Alors  même,  tout  sera  loin  d^étre  exposé,  l'n  autre 
ouvrage  affrontera  ultérieurementy  s'il  plaît  à  Dieu,  les 
suprêmes  révélations  de  la  science  traditionnelle  des 
mages  ;  du  moins  ce  qui  peut  en  être  livré  par  notre 
humble  intermédiaire  paraîtra  en  temps  et  lieu.  Persuade- 
toi  d'ailleurs  que  le  dernier  mot  de  ces  arcanes  ne  sera 
jamais  dit,  ni  par  nous,  ni  par  aucun  autre. 

En  veux-tu  savoir  la  raison  profonde  ?  —  Cest  que, 
même  en  supposant  qu'un  adepte  intégralement  initié 
consentît,  par  impossible,  à  dépouiller^  l'Isis  céleste  de 


Toutefois,  n'ayons  garde  éC oublier  que  Satan  se  métamorpho***  rommf 
il  contient,  pour  tenir  infester  le  plan  intellectuel  même.  Mais  sur  ce 
niveau,  il  prend  nom  /'Erreur  {tome  /,  page  52).  et  sous  cette  formp 
métaphysique,  il  n*a  plus  rien  à  coir  avec  la  sorcellerie  proprement  dite. 

Si  donc  nous  avons  parlé  (tome  /,  chapitre  VU)  des  magiri^ns  noir% 
de  VArt  et  de  la  Pensée,  cest  dans  une  acception  ésotêrique plu* Inrgi' , 
et  nos  lecteurs  déjà  initiés  n* ont  pu  se  méprendre  sur  F^'xprit  qui  nous 
dicta  naguère  cet  aphorisme  :  —  •  //  n'est  point  de  mode  ou  s'i'.ffvrt^ 
V activité  de  Vhomme,  que  le  Satanitme  ne  soit  susceptible  (Venrahir  fl 
d'imprégner  ;  comme  il  n'en  est  pas  que  l'inspiration  dirine  nepuiax^ 
érertuer  et  ennoblir  •  (Tome  /,  page  5Î8). 


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42  LA   CLEF  DE  LA  MAGIE  NOIUE 

son  dernier  voile,  la  main  du  profanateur,  soudainement 
paralysée^  serait  impuissante  au  sacrilège.  Les  exprès  - 
sio7is  feraient  banqueroute  à  sa  pensée  ;  bien  plus^  dans 
rhypothèse  même  où  il  en  trouverait  d'adéquates,  il 
s'expliquerait  en  une  lanyue  à  toi  inconnue.  Trêve  de 
métaphores.  Écoute  ce  que  présage  l'un  des  maîtres  de 
VésotérismCy  à  V égard  d'un  tel  adepte  : 

«  Plus  il  s'élèvera  (dit-il)  dans  la  sphère  intelligible,  plus 
il  s'approchera  de  VÊtre  insondable  dont  la  contemplation 
doÀt  faire  son  bonheur,  moins  il  pourra  en  communiquer  aux 
autres  la  connaissance  ;  car  la  vérité,  lui  parvenant  sous 
des  formes  intelligibles,  de  plus  en  plus  universalisées,  ne 
pourra  nullement  se  renfermer  dans  les  formes  rationnelles 
ou  sensibles  qu'il  voudra  lui  donner.  C'est  ici  que  beaucoup 
de  contemplateurs  mystiques  se  sont  égarés  Comme  ils 
n^avaient  point  assez  approfondi  la  triple  modification  de 
leur  être,  et  qu'ils  ne  connaissaient  pas  la  composition  intime 
du  quaternaire  humain^  ils  ignoraient  la  jnanière  dont  se 
fait  la  transformation  des  idées,  tant  dans  la  progression 
ascendante  que  dans  la  progression  descendante  ;  en  sorte 
que,  confondant  sans  cesse  Veiitendement  et  V intelligence, 
et  ne  faisant  point  de  différence  entre  les  produits  de  leur 
volonté,  suivant  qu'elle  agissait  dans  l'une  ou  Vautre  de  ces 
modifications,  ils  montraient  souvent  le  contraire  de  ce  qu'ils 
votdaient  mo7itrer  ;  et  que,  de  voyants  qu'ils  auraient  été 
peut-être,  ils  devenaient  des  visionnaires  (I).  » 

Ces  lignes  de  Fabre  d'Olivet  sembleront  péremptoires 
à  quiconque  possède  bien  sa  théorie  de  F  homme  tri-un. 
Comme  exemple  à  l'appui  de  la  démonstration  ci-dessus 
transcrite^  le  théosophe  i^ivoque  les  égarements  notables 
du  plus  génial  voyant  des  temps  modernes,  ce  twrtigineux 

(1  )  Vers  dorés  de  Pythagoro,  p.  359-360. 


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AVANT-PROPOS  13 


Jacob  BœJimeque  Saint-Martin^  Vun  des  premiers  mailre<i 
de  Fabre  (TOlivei^  n  hésite  point  à  proclamer  «  la  plus 
grande  lumière  qui  ait  paru  sur  la  terre,  depuis  Celui 
qui  est  la  Lumière  même  (I).  »  Cest  quen  effet  il  na 
reculé  devant  aucun  arcane,  cet  artisan  sans  lettres 
«  dont  le  regard  audacieux  {dit  d'Olivet)  a  pénétré  jusque 
dadis  le  sanctuaire  divin  (i)  ».  Xon  content  f  avoir 
plongé  à  F  abîme  de  Wodh  sans  en  être  anéanti,  et  vu  la 
face  fulgurante  de  lod-hévê  sans  en  mourir j  le  grand 
mystique  y  ivre  du  feu-principe^  a  tenté  le  Seigneur!  Jacob 
Bœhme  a  voulu  tout  dire,  tout  révéler  à  nu,  —  tout,  jus- 
quaux  racines  anié-éternelles  de  la  Sature  et  de  Dieu 
même....  Alors,  sa  plume  a  été  frappée  d'impuissance  el 
sa  langue  de  bégaiement. 

Nous  ne  saurions  disconvenir,  au  reste,  que  Bœhme  na 
pas  payé  trop  cher  sa  témérité.  Du  moins  fions  semble-t- 
il  ainsi,  quand  nous  comparons  ce  Yoyint  à  tant  de  pau- 
vres visionnaires  frappés  d'aveuglement,  de  folie  on  de 
mort,  pour  être  descendus  en  un  goujre  bien  méprisable 
au  regard  du  divin  abîme  ;  pour  avoir  consumé  leurs  pru- 
nelles au  flamboiement  de  F  Enfer;  —  enfin  Jsll  faut  tout 
dire),  pour  avoir  épuisé  leur  substance  à  évoquer  un  être 
qui  ne  se  manifeste  point  qu'on  ne  le  crée  de  son  désir, 
quon  ne  le  pétrisse  de  sa  chair  et  de  son  sang,  quon  ne 
F  anime  et  ne  F  abreuve  de  sa  propre  vie  :  puisque  Satan 
n  existe  pas,  au  sens  où  se  Fimaginent  les  agnostiques  de 


1 1 1  Lettres  à  Kirchberger  de  Liebîstorf,  page  9  •!♦*  la  Corrpxi^udnnrp 
inédite  de  Saint- Martin,  publiée  par  MM.  Schauor  cl  Clm.jui't  iPari^, 
1962,  f?rand  in-8>). 

{i)  Vers  dorés,  p.  360. 


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14  LA  CLEF  DE  LA  MAGIE  NOIHE 


rortliodoxie  étroite,  incurablement  férus  du  manichéisme 
officiel. 

Cet  art  suicide  autant  que  meurtrier  —  Vauto-vampi- 
risme  évocateur  du  Néant  fait  diable  —  rentre  dans  les 
mystères  que  ce  présent  volume  entreprendra  de  résoudre. 


II 


Mais  avant  d'éclaircir  les  œuvres  coutumières  du  Mage 
noir,  en  précisant  à  quelles  armes  y  à  quels  auxiliaires, 
à  quelh  tactique  son  vouloir  opiniâtre  sait  demander  la 
victoire  dans  Viniquité,  il  importe  de  déblayer  le  champ 
des  folles  hypothèses  et  des  préjugés  populaires,  afin  de 
ne  plus  laisser  prise  aux  malentendus. 

Une  distinction  peut  y  suffire,  mais  cette  distinction 
s  impose,  et  mal  en  a  pris  aux  magistes  qui  ont  cru  pou^ 
voir  biaiser  en  face  de  la  difficulté,  trouvant  sans  doute 
moins  compromettant  de  broder  dans  les  teintes  neutres 
leur  canevas  théosophique^  sans  avoir  à  débrouiller  de 
prime  abord  un  si  délicat  et  si  voyant  écheveau.  D'autres 
ont  estimé  plus  commode  de  trancher  ce  nœud  gordien 
par  une  affirmation  ou  une  négation  gratuites  imais,  sui- 
vant qu'ils  ont  décidé  dans  un  sens  ou  dans  Vautre^  ils 
ont  vainement  alarmé  la  conscience  des  simples,  ou  émis 
au  gré  des  savants  une  allégation  sa7is  portée. 

Cet  insidieux  point  d'interrogation  qui  se  dresse  au 
seuil  des  sciences  naturelles  et  même  mathématiques^ 
comme  au  seuil  de  la  philosophie  et  de  Vhistoire,  le  voici 
nettement  posé  : 

LE  SURNATUREL  EXISTE-T-IL? 


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AVANT-PROPOS  II 


Sous  réserve  de  la  disiinciion  qui  va  suivre,  notre  réponse 
sera  catégorique  :  —  non,  le  Surnaturel  n'existe  point. 
Qu'on  nous  puisse  objecter  comme  indéniables,  et  même 
expérimenlalement  vérifiés,  des  faits  auxquels  le  lan- 
gage courant  accole  Vépithèle  de  surnaturels,  c*est  ce  qui 
ne  saurait  soulever  le  moindre  doute. 

Le  tout  est  de  s'entendre  sur  les  mots.  Or  celui-ci 
prête  à  confusion^  et,  qui  pis  est,  contribue  au  discrédit 
des  doctrines  théologiques^  en  favorisant,  sous  leur  ga- 
rantiCy  une  des  opinions  les  plus  choquantes  pour  la  rai- 
son et  injurieuses  au  sens  commun  lui-même,  qui  se  soient 
répandues  par  le  monde  à  la  joie  des  fanatiques  et  des 
sots  :  la  croyance  à  rarbitraire  divin,  gouvernant  Vuni- 
vers  en  dépit  et  souvent  à  V encontre  des  lois  naturelles. 
Lorsqu'un  vocable  comporte  ou  semble  comporter  plu- 
sieurs sens  disparates,  ne  convient-il  pas  de  fixer  sa  pré- 
férence sur  celui  qui  se  réclame  de  Vétymologie  radicale, 
sans  préjudice  des  significations  figurées  qui  en  dérivent, 
par  une  sorte  non  plus  de  filiation  légitime,  inais  d^ affi- 
liation rationnelle,  réglée  d'après  les  lois  invariables  de 
l'Atialogie?  {Principe  générateur  de  toute  comparaison 
comme  de  toute  synthèse,  V  Analogie  engendre  en  effet  des 
séries  successives  de  significations  dérivées,  qui  sont,  aux 
sens  purement  radicaux,  ce  que  sont  les  fils  d'adoption 
aux  enfants  nés  dans  le  mariage). 

Revenons  au  mot  surnaturel,  qv^on  entend  communé- 
ment au  p}*opre,  et  non  pas  au  figuré.  Pressons-le;  d'où 
dérive^t-il? —  Sans  conteste,  du  mot  nature  (l). 

(i]  La  racine  de  Nature  est  natus.  En  sorte  que^  si  l'on  voûtait  user 


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IG  LA   CLKF  DE  l\  MAGIE  NOIRE 

QiCeat-ce  donc  que  la  Naluret  —  Vne  drfiniiion  nette 
est  moins  aisée  à  fournir,  qu'il  ne  peut  paraître  de  prime 
abord. 

Esl'il  au  vocabulaire  des  penseurs  un  mol  dont  on  ait 
fait  un  pire  abus,  nous  en  douions  fort.  CJiaqu^  fois 
qu'un  ptumilif,  s  égarant  aux  dédales  de  rontologie  (sort 
commun  à  quiconque  prétend  à  briUe-pour point  disserter 
du  principe  des  êtres,  ou  de  leur  origine,  ou  de  leur  es- 
sence), chaque  fois  qu'un  plumitif  s' est  trouvé  dans  rem- 
barras, cesi  immanquablement  au  mot  nature  qu'il  a  fait 
appel,  pour  couvrir  la  déroute  de  ses  idées,  et,  sous  un 
semblant  de  profondeur,  déguiser  le  vague  ou  Vinsuffi- 
sance  de  sa  conception.  Nature!  voilà  qui  répond  à  tout  ; 
à  la  faveur  de  ce  substantif,  on  n'est  jaynais  en  passe  de 
rester  court.  Aussi  a-t-il  perdu  toute  signification  caté- 
gorique, tout  caractère  décisif,  toute  valeur  précise;  telles 
ces  pièces  de  monnaie  qui  ont  trop  circulé  :  V effigie  n'en 
est  plus  distincte,  à  peine  l'ébauche  subsiste-t-elle  d'un 
profil  incertain. 

Grâce  aux  phraseurs  de  la  philosophie,  Nature  est  une 
locution  qui  dit  tout  et  ne  dit  rien.  Dans  l'ombre  d'ac- 
ception qui  lui  reste,  on  la  qualifierait  volontiers  Ce  qui 
existe,  comme  Dieu  Celui  qui  est. 


d'un  raisonnement  (fuelque  peu  suspeci  de  paradoxe,  on  pourrait  déjà 
scandaliser  les  partisans  du  surnaturel,  en  déduisant  de  cette  étymo- 
logie  la  conséquence  que  voici  : 

La  religion  chrétienne  elle-mèmp  est  nalurolle,  puisque  le  Christ  est 
l'incarnation  du  divin  Fils,  nk  du  Père  de  toute  éternité  :  «  et  e,r 
pâtre  natum,  ante  omnia  sœcula..,  Deum  de  Deo.  .  »  Voilà  donc  un  Dieu 
naturel?  —  Mais  nous  ne  comptons  pa^ pousser  plus  avant  cette  argutie. 

Dieu  seul  est  surnaturel,  car  il  n'existe  point,  il  est. 


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AVANT-PROPOS  17 


Or  donc ^  admettant  pour  V instant  celle  vulgaire  défini- 
tioHj  nous  pourrions  déjà  dire  qu'il  est  aussi  absurde  d'affir^' 
mer  V existence  d'une  chose  ou  (Fun  phénomène  au-dessus 
da  la  nature,  qu  il  serait  chimérique  de  concevoir  un  être 
ou  une  Puissance  au-dessus  de  Dieu.  Si  naturel  veut  dire 
qui  existe,  surnaturel  signifie  donc  qui  est  au-dessus  de 
Texislence,  ce  qui  revient  à  dire  qui  n'existe  pas.  —  Uon 
sortira  difficilement  de  là.  Le  vocable  surnaturel,  appli-' 
que  à  des  phénomènes  de  la  nalurCy  nous  semble  aussi 
bouffon  que  serait,  attribué  à  des  essences  spirituelles,  le 
vocable  hyperdivin. 

Pour  rendre  le  mot  Nature  à  son  se7ts  véritable  et  lui 
restituer  toute  sa  portée^  il  ne  faut  rien  moins  qu'enta- 
mer la  révélation  de  quelques-uns  des  plus  hauts  mystères 
de  la  Scieyice.  Cest  ce  que  nous  tenterons  au  tome  III 
(Problème  du  Mal),  en  recherchant  ce  quest  la  Nature 
dans  son  principe,  dans  son  essence,  dans  sa  substance, 
dans  ses  opérations;  comment  il  faut  la  concevoir  en 
son  intégrité,  avant  la  chute  adamique;  ce  qu'enfin  elle 
est  devenue  dans  la  matérialisation  universellCy  produit 
de  cette  catastrophe  et  de  la  sous-multiplication  de  VA- 
dam  céleste,  à  travers  Vespace  et  le  temps.  Toutes  ces 
questions  s'enchaînent  de  la  sorte  la  plus  rigoureuse,  et 
semblent  appartenir  exclusivement  aux  matières  de  notre 
troisième  Septnine. 

Le  programme  de  cette  deuxième  Septaine  (Clef  de  la 
Magie  noire)  7i  appelle  en  effet  aucun  de  ces  développe- 
ments. Les  înystères  de^ip  (Kadôm)  —  ou  des  principes 
originels^  —  ceux  rf'aS^V  (Oùlam)  —  ou  des  destinées 
finales  —  n'intéressent  notre  thèse  actuelle  que  d'une 


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18  LA  CLEF  DE  LA  MAGIE  NOIRE 


manière  assez  indirecte.  Nous  prenons  Vhomme  terrestre^ 
au  point  d'évolution  où  la  vague  de  la  vie  Va  porté  sur 
notre  planète;  et  nom  recherchons  jusqu'Où  sa  malice  j)eHl 
induire  en  complicité  la  Nature  élémentaire^  dont  les  lois 
fatales  sont  indifférentes  à  servir  la  perversité,  comme  à 
seconder  le  bon  vouloir  y  des  êtres  habiles  à  mettre  en 
œuvre  cesdites  4ois,  vers  un'  but  d'égoisme  à  satisfaire 
ou  de  bien  général  à  accomplir. 

Au  contraire,  notre  troisième  Septaine  (Le  Problème  du 
Mal)  comporte  un  tout  autre  cadre.  Voyez  comme  s'élar- 
git le  domaine  qu'il  doit  embrasser  :  Vhorizon  mystique 
recule  au  levant,  (tune  part,  jusqu'à  l'engendremenl  de 
l'Eternelle  Nature  (1),  à  la  promulgation  du  Décret  fon- 
damental antérieur  à  la  chute  adchnique;  —  au  couchant, 
d'autre  party  il  se  prolonge  jusqu'à  la  consommation  des 
siècles  et  la  réintégration  des  sous-multiples  dans  VUnité  ; 
jusqu'à  l'apothéose  d'Adam  au  giron  du  Verbe  éternel! 

Quelques  d?veloppements  que  requière  l'élucidalion  de 
ces  arcanes,  étrangers  d'ailleurs  à  l'objet  du  présent  tome, 
il  va  bien  falloir  en  toucher  un  thot  dès  cette  heure  ;  car 
il  nous  serait  impossible  de  répondre,  même  sommaire- 
ment, à  cette  question —  qu'est-ce  au  juste  que  la  Nature  ? 
—  sans  préciser,  en  quelques  traits  fermes  et  brefs^  V his- 
toire de  la  chute,  conçue  non  plus  dans  les  termes  d'une 
fable  cosmogonique^  mais  dms  l'esprit  de  la  Synthèse 
ésotérique  et  traditionnelle. 

En  dehors  même  de  la  question  du  naturel  et  du  sur- 
naturel que  noire  silence  en  ces  mxtières  laisserait  pen- 


{i](Bœhme), 


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AVANT-PROPOS  49 


iante^eet  empiétement  forcé  sur  le  programme  du  Livre 
lll  présente  encore  V avantage  de  jeter  un  dair  sur  rori- 
giiie  de  l'astral,  qui,  sans  cela^  fût  demeurée  fort  obs- 
cure. Du  même  coup,  la  digression  qu'on  va  lire  nous 
permettra  de  mettre  en  lumière  une  divergence  fonda- 
mentale entre  les  écoles  théosophiques  d^Orient  et  d'Oc- 
cident, —  divergence  dont  il  semble  d'autant  plus  ur- 
gent de  bien  fixer  les  termes,  quelle  a  été  moins  sentie 
jusqu'à  ce  jour.  L a- t-on  seulement  signalée  avant  nous? 
Espérons  en  tout  cas  que  le  Public  saura  apprécier  Vim- 
portaiice  d'une  distinction  qui  nous  paraît  essentielle. 

En  effet j  si  nous  interrogeons  les  différentes  sources 
de  Venseignertient  occulte,  nous  voici  en  présence  de  deux 
courants  très  distincts,  de  traditions  pour  ainsi  dire 
contradictoires  (I). 

Le  premier  courant  {qui  est  celui  de  Vésotérisme  mo- 
saïque, interprété  par  Fabre  d'Olivet,  et,  en  général^ 
celui  de  la  doctrine  .secrète  en  occident  :  soit  qu'on  s  en 
tienne  à  la  tradition  kabbalistique  purCy  ou  qu'on  suive 
celle  des  mystiques,  depuis  Alexandrie  jusqu'à  nos  jours, 
en  passant  par  la  Gnose,  les  Templiers,  les  Rose  f  Croix, 
Paracelse,  Fludd  et  Crollius,  pais  V Ecole  des  voyants  : 
Bœlime,  Gichtel,  Leade,  Martinès,  Dutoit-Mambrini, 
Saint-Martin  et  Molitor,  etc.),  —  le  premier  courant 
nous  amène  tout  droit  à  la  conception  d'un  absolu  de  Vie 


(I)  Contradictoires^  quant  au  point  de  dépari  de  leur  Cosmogonie, 
rouions-nous  dire  ;  nullement  quant  à  l'enseignement  des  grande»  lois 
de  la  Nature  actuelle.  Sur  ce  point,  il  y  a  le  plus  souvent  parfait 
accord  entre  les  deu^c  Écoles. 


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20  LA  CLEF  DE  LA  MAGIE  NOIRE 

éternelle  et  de  Nature-essence,  dont  la  Nature  sensible  et 
contingente,  dont  V Univers  matériel  et  concret  ne  se- 
raientquun  produit  en  mode  de  déviation  éventuelley  un 
accident  passager. 

Conçue  antérieurement  à  la  déchéance^  VÊternelle 
Nature,  épouse  féconde  de  Dieu  {quelle  manifeste  en 
mettant  au  jour  son  Logos),  constituerait  cette  sphère 
de  VVnilé  divine  {le  Plérôme  de  Valetitin)  où  se  meu- 
vent harmonieusemeiit  tous  les  êtres  intra-émanés, 
dont  la  synthèse  est  Adam  Kadmon  (I),  alias  le  Verbe. 
Le  Verbe  —  engendré  de  Vindissoluble  union  de  l'Es- 
prit pur  et  de  VAme  vivante  universelle,  ou,  si  Ton 
préfère^  du  Dieu  mâle  et  de  la  Nature  féminine  ;  —  le 
Verbe,  idéal  MacrocosmCy  qu'à  ce  point  de  vue  nous  ap~ 
pellerions  encore  Adam-iElohîra  {^)jpar  opposition  à  Vun 


(1)  y\rr^'p  din. 

(2)  DmSn  DIN.  Mais  h  nom  véritable  du  Verbe  éternel  est 
Ihôah  itllohlm  DmSn  T\^7\^  (Voy,  la  note  que  nous  avons  publit^e 
dans  un  autre  ouvrage  :   Au  Seuil  du  Mystôre,  pages  112-114). 

Cette  inexplicable  identité  de  V Homme  conçu  dans  son  essence  uni- 
verselle,  et  de  Dieu  même  en  tant  que  manifesté  par  son  Verbe,  — 
constitue  le  Grand  Arcane  kabbalistique, 

•  Ce  quest  Adam  dans  son  essence  universelle,  ne  peut  pas  être  e.r- 
primé  sans  une  instruction  préalable,  attendu  que  la  civilisation  euro- 
péenne n'étant  pas,  à  beaucoup  près,  aussi  avancée  que  l'avait  été  celle 
d'Asie  et  d'Afrique  avant  Moïse,  elle  n'a  pas  encore  acquis  les  mêmes 
pensées  universelles,  et  manque  par  conséquent  de  termes  pour  les 
exprimer,  a).,.  Ce  qu'est  Adam  dans  son  essence  particulière,  peut 
être  exprimé  ;  quoique  cette  idée,  particularisée  dans  la  pensée  de 
Moise,  se  présente  encore  pour  nous  sous  une  forme  universelle.  Adam 
est  ce  que  fai  appelé  le  liègne  hominal,  ce  qu'on  appelait  impropre- 
ment le  genre  humain  ;  c'est  l'Homme  conçu  abstractivement  :  c'est-à- 
dire  la  masse  générale  de  tous  les  hommes  qui  composent,  ont  composé, 
au  composeront  l'humanité  ;  qui  jouissent,  ont  Joui  ou  jouiront  de  la 


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AVANT-PROPOS  21 


de  ses  membres  qu  on  pourrait  nommer  Adam-iEloha  (1). 

Dam  ce  dernier ^  il  faudrait  voir  T auteur  à  la  fois  et  la 
viciifne  de  Vaccidenl  dont  nous  parlions  tout  à  Vheure. 

Cet  accident,  d'où  proviendraitr-il  ?  —  De  r imprudence 
d'Adam,  considéré  {au  sens  le  plus  restreint),  comme  un 
£loha  consubstantiel  au  Verbe  —  Adam  jElohim  — 
dont  il  serait  en  quelque  manière  à  son  origine  un  organe 
vivant. 

Au  lieu  de  invre  heureux  dans  lu  substance  maternelle 
de  la  divine  Nature  et  dans  l  Unité  du  Verbe,  —  Adam, 
incité  par  Nahàsh  MfTM  [CÉgoïsme),  veut  connaître 
el  saisir  lu  Nature  en  elle-même  {dans  son  essence  radi- 
cale antérieure  au  divin  baiser  générateur  de  tÊtre, 
datis  ce  que  Bœhme  appelle  sa  racine  ténébreuse  :  en  un 
moi,da7is  sa  matrice  avant  la  fécondation).  S'emparer  de 
celte  essence  occulte,  antécédente  à  V élémentisation  lumi- 
neuse; de  ce  pivot  de  la  vie  possible  qui  voudrait  être, 
^ms  qui  n  est  point:  telle  est  V  ambition  confuse  d'Adam- 
^Eloha.  Il  plonge  éperdûment  en  ce  baralhre,  y  cherche 
lumière,  vie  autonome  et  toute-puissance  ;  mais  il  n'y 
irouve  que  ténèbres  angoisseuses  (2),  appétentes  et  tou- 


ri>  humaine  ;  et  cette  masse  ainsi  conçue  comme  un  seul  être  vit  d'une 
n>  propre,  universelle,  qui  se  particularise  et  se  réfléchit  dans  les 
individus  des  deux  sexes.  Considéré  sous  ce  dernier  rapport,  Adam  est 
^iic  et  femelle,  b),  »  (Caïn,  pages  29-30). 

Awu  cette  citation  très  remarquable  de  Fabre  d'Olivet,  il  est 
ff abord  question  du  Verbe,  Ihôah  /Elohim,  ou  Adam  Kadmôn,  ou 
Adam  iElohJm  a);  —  puis  d'un  membre  du  Verbe,  d'Adam-Éve, 
ou  (f  Adam  yEloha  b), 

(Il  nr^H  DIN. 

(-i  "Cn  Hosheck   de  Moïse,    enveloppant  DÎnn  Thôm  ;  —  et  en 


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22  LA  CLEF  DE  LA  MAGIE  NOIRE 

jours  déçmSy  tourment  stérile,  effort  aveugle.,.,  lls'eu^ 
gloutit  dans  un  néant  avide  d'être,  qui  pompe  sa  vie  et 
dont  il  va  devenir  la  larve  incessaimnent  dévorée  (1). 

Mais  la  Provide)ice,  intelligence  supérieure  de  la  Na- 
ture, a  prévu  cette  lugubre  possibilité  :  elle  darde  un 
rayon  créateur  dans  Pabîme  —  c'est  le  Fiat  de  Paracelse 
et  de  Bœhme  (2)  —  et  le  remède,  préparé  en  puissance 
de  toute  éternité,  va  passer  en  acte  pour  le  salut  dWdam . 

Les  Ténèbres  du  limbe  anté-éternel  {ce  fonds  primitif 
où  vient  s'élémentiserj  en  s'y  réfléchissant,  la  Lumière 


correspondance  avec  1  esotérisine  hellénique  :  la  Grande  Nuit  d'Of- 
phée,  nuit-mère,  matrice  de  Prothyrêe,  (la  Grande  Déesse),  avant 
que,  fécondée  du  Grand  Être,  celle-ci  n'engendre  Priraigène,  le  Logos 
universel,  d* où  émaneront  fous  les  dietur  par  couples  (Cf.  Hymnes  «*- 
phiquos). 

(1)  Notons  ici  deux  mystères  des  plus  profonds  : 

a.  —  Jamais  la  Racine  ténébreuse  ne  se  serait  produite  au  dehors, 
puisqu'elle  est  néant  par  elle-même,  si  Adam  neCavait  manifestée,  en 
lui  communiquant  son  être  et  en  lui  prêtant  sa  substance.  Il  Va  ainsi 
réalisée  en  s'y  abîmant,  d'où  le  Mal,  produit  de  cette  crtériorisatiofi,; 
—  le  mal,  qui  n'était  point  destiné  à  paraître  dans  la  Nature. 

h.  —  Ceci  nous  explique  cette  opinion^  singulière  en  apparence,  de 
Fabre  (TOlivet  commentant  Moïse  :  «  La  vie  d'Adam,  qui  s'avançait 
d'un  cours  majestueux  etdou.r  dans  l'Éternité,  s'arrêta  tout  à  coup,  et 
prit  un  mouvement  rétrograde.  Elle  rentra  donc  dans  la  nuit  d'où  elfe 
était  sortie,  et  ce  fut  l'Espace;  elle  recula  dans  rÉternité,  et  ce  fut  le 
Temps...  »  (V,  Gain,  Remarques, page  202). 

(2)  C'est  par  suite  d'une  confusion  assez  grave,  que  ces  grands  hom- 
mes ont  pu  professer  cette  opinion.  Le  Fiat  lux,  c'est  f'élémentisation 
lumineuse,  la  révélation  de  la  Nature-essence,  de  la  noire  Déesse 
devenue  l'Épouse  divine,  au  premier  regard  de  l'Epowr,  Le  Fiat  est 
donc  antérieur  à  fa  chute.  Ce  qui  a  égaré  Paracelse  et  Bœhme  dans 
leur  interprétation  de  ce  verset  mosaïque  (Genèse,  /,  3),  c'est  l'hypo- 
thèse d'une  chute  antérieure  à  celle  d'Adam  (ta  Chute  angélique). 
Car^qu'il  y  ait  eu,  ou  non,  deux  catastrophes  successives,  il  est  certain 
que  Moise  n'en  a  connu  ou  admis  qu'une,  celle  d'Adam-Eve,  d'où' 
découle  toute  manifestation  sensible  et   tout  ordre  temporel. 


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AVANT-PROPOS  23 


inimible  de  VEsprit  pur)^  ces  Ténèbres  sont  tissues  de 
trois  Forces  potentielles^  concaténées  en  pile  physiogé- 
nique  :  une  force  corapressive  (mh^e  de  la  densitéjj  une 
force  expansivefmàra  de  la  rarité),  'enfin  une  force  rota-» 
toire,  produit  de  la  lutte  des  deux  premières  {et  mère  dw 
feu'principe).  ^Ce  triple  dynamisme,  base  occulte  de  toute 
vie  cre'aturelkj  s'empare  d'Adam-Êve  :  la  force  expan- 
sivcy  dilat/int  la  substance  d'Adam,  don^e  San  Abel, 
TEspace  élhérç,  centrifuge;  la  force  compressive  a  donné 
^'p  Kaïfi,  le  Temps  .diviseur,  centripète'.  Car,  devenu 
inuable,  Adam  comiait  h  Temps  ;  devenu  corporel,  il  va 
connaître  TEspace. 

Le  Temps  compacte  en  nébuleuses  la  substance  éthérée 
de  V Espace  ;  Cam  accable  Abel  :  d'où  le  monde  matériel, 
qui  s'organise  sur  la  base  de  te  troisième  propriété  de 
V Abîme  {la  force  rotatoife),  laquelle  engendre  TW  Sèth, 
la  répartition  sidérale  de  la  substance  adamique  dans 
l'Espace,  au  moyen  du  Temps. 

Le  Fiat  de  Bœhme  (1),  ou  le  rayon  dardé  par  la  Pro- 
vidence a  allumé  la  Lumière  astrale  dans  V abîme  :  les  . 
systèmes  solaires  s'organisent....  Désormais  Adam  se 
disséminera  par  sous-jnultiplication,  au  moyen  du  Temps, 
dans  tous  les  mondes  qui  roulent  à  travers  l'Étendue  : 
jusqu'au  jour  de  sa  totale  épuration  et  du  retour  à 
r  Unité,  par  mtégration  de  V Espace  divisible,  et  rupture 
du  moule  du  Temps  diviseur. 

Telle  est  la  substance  de  cet  enseignement  (2),  soit 


{\]  Voir  la  note  précédente. 

(2)  Les  différente»  écoles  que  nom  avons   rangées  sous  la  rubrique 


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24  LA  CLEF  DE  LA  MAGIE  NOIRE 


qu'on  veuille,  avec  Bœhme  et  toute  Vérole  mystique^  ima- 
giner deux  chutes  successives:  celle  de  Lucifer-uElaha, 
englouti  le  premier  aux  ténèbres  abyssales  dd  la  Nature- 
essence  {avant  V illumination'),  et  s' enveloppant  —  pour 
séduire  Adam-Ëve  —  dans  lîfHi  Nahàsh,  la  3^  propriété 
de  r Abîme  ;dans  cette  Rotation  angoisseuse  (produit  des 
deux  forces  compressive  et  expansive),  qui  est  la  base 
latente  de  la  double  vie  psychique  et  volitive  de  tous  les 
êtres  créés  ;  —  soit  qu^on  suppose,  avec  Moïse  intoYi^éte 
par  Fabre  d'Olivet,  que  Nahàsh,  force  impersonnelle,  a 
suffi  pour  déterminer  la  chute  d'Adam-Ève. 

Il  importe  d'ailleurs  assez  peu  qu  antérieurement  à  la 
chute  dWdam,  un  autre  Ailloha,  —  un  Adam  avant  la 


générale  de  Doctrine  Secrète  en  Occident,  ont  chacune,  ou  peu  s'en  faut, 
son  langage  propre  ;  et  si  le  fond  essentiel  reste  identique»  les  symbo- 
les et  les  vocabulaires  varient  à  l'infini. 

Dans  notre  exposé,  nous  adoptons  le  langage  de  l'École  que  nous 
croyons  la  plus  savante,  celle  qui  va  de  MoUe  à  Fabre  d'Olivet,  en 
passant  par  la  Kabbale  et  par  Bœhme. 

Encore  y  a-til,  au  long  de  cette  chaîne  de  transmission  ésotèrique, 
diverses  opinions  à  sélecter  et  plusieurs  dialectes  à  unifier. 

Ces  dénominations  ^'orientale  et  d'occidentale,  par  rapport  à  la  tra- 
dition occulte,  ne  présentent  rien  d'absolu;  elles  nous  sont  dictées  par 
les  circonstances.,.  Plusieurs  écoles  asiatiques  et  même  hindoues  peu- 
vent enseigner  une  doctrine  d'accord  avec  la  nôtre^  comme  il  se  peut 
voir  en  Europe  des  ésotériciens  partisans  de  l'éternité  de  l'i'nirers 
physique. 

Mais  nous  avons  tenu  à  nous  distinguer  de  certains  occultistes, 
d'ailleurs  instruits,  à  tendance  matérialiste  et  même  athée,  qui  se 
donnent  pour  les  disciples  et  les  seuls  représentants  de  la  Sagesse 
orientale.  La  Société  théosophique,  fondée  par  eu.r  à  Madras,  a  rapi- 
dement propagé  ses  branches  en  Europe  et  en  Amérique.  C'est  ce  qui 
a  décidé  un  grand  nombre  de  Kabbalistes,  d'Hermétis/es,  de  G  nos- 
tiques,  de  Rose-Croix,  de  Martinistes  et  de  Mystiques  européens,  dont 
les  doctrines  concordent  sur  tant  de  points  essentiels,  à  lever  V éten- 
dard spiritualiste  de  la  Tradition  occidentale. 


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AVANT-PROPOS  25 


letlrej  nommé  Lucifer  —  ait,  ou  noUy  rompu  le  pre- 
mier  Véquilibre  céleste.  Car,  en  admettant^  avec  l'École 
mystique,  F  hypothèse  des  deux  chutes  successives  de 
Lucifer  et  d^Adam,  le  premier  entraînant  Vautre  :  il  n'en 
reste  pas  moins  certain  que  Lucifer^  tout  au  moins^  a 
succombé  par  lui-même,  et  sans  que  nul  Esprit  malin 
provoquât  s'a  défaillance.  Donc  l'intervention  d'un  tenta- 
teur conscient  ne  s  impose  aucunement  pour  expliquer  la 
chute.  Qu'un  tel  être  s'en  soit  ou  non  mêlé,  c'est  là  une 
controverse  d'un  iîitérét  secondaire j  et  qui  ne  doit  pas 
diviser  des  théosophes  d'accord  touchant  le  reste. 

Si  laconique  que  soit  notre  exposé,  nous  en  avons  assez> 
dit  pour  caractériser  le  premier  courant,  celui  de  l'Occulr 
tisme  occidental. 

L'autre  courant  {qui  est  celui  de  l'Èsotérisme  bouddhi- 
que, et,  nous  semble-t'il,  de  toutes  les  Écoles  ioniennes) 
nous  conduit  à  envisager  l'Univers  matériel  comme  une 
inanifestation  éteimellement  renouvelée  de  l'Univers  ar- 
chétype ;  —  la  Chute,  comme  une  figure  simplement  allé- 
gorique de  la  descente  de  l'Esprit  dans  la  matière  ;  et  la 
Rédemption,  comme  un  emblème  simplement  mystique  du 
mouvement  évolutif  inverse,  qui  sublime  les  formes  pro- 
gressives de  l'Être  vers  une  spiritual isation  en  quelque 
sorte  mécanique.  Si  bien  que  l'Esprit,  s'irradiant  sans 
cesse  pour  descendre  dans  la  matière;  et  la  matière, 
élaborée  sans  trêve  en  vue  de  la  délivrance  de  l'Esprit 
captif,  qui  tend  à  remonter  pour  descendre  encore^  re- 
monter, redescendre  et  ainsi  de  suite  indéfiniment  : 
V Objectif  concret  ne  peut  plus  être  conçu  comme  un  dé- 


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*  26        *  LA  CLEF  Dfi  LA  MAGIE  NOIRE 


bordemenl  glacé,  viais  tarissable,  du  Subjectif  polentiel  ; 
car  la  Nature  vivante  (balancée  en  un  perpétuel  va-et- 
vient  du  pôle  ^fférenciation  au  pôle  intégraHon^  et  vice-- 
versa)  se  réduit  à  un  pur  dynamisme  :  —  où  le  Bien  et 
le  Maly  étant  nécessités,  ne  sont  plus  imputables  à  la 
comcience  de  Vêtre  moral  ;  —  où  Parabrahm^  avec  la 
même  indifférence,  envoie  ses  émanations  peupler  V enfer 
de  la  matière  différenciée,  et  réengloutit  au  non-étre 
abyssal  de  sa  douteuse  essence  les  sous-multiples  rendus 
à  sa  dévorante  unité:  ces  êtres  qui  ont  en  vain  langui , 
souffert,  désespéré;  puis  lutté,  et  conquis  d'assaut  V équi- 
voque bonheur  de  Nirvana,  pour  le  perdre  encore  (l) 
après  un  repos  illusoire,  et  s'offrir  derechef  à  la  calami- 
terne  étreinte  de  l'indestructible  Maïa,  ogresse  d'un 
éternel  cauchemar,  qui  crée  et  dévore  les  apparences 
formelles  sans  pouvoir  s'en  rassasier  jamais,  et  qui  peuple 
intarissablement  les  royaumes  de  h  vie  dolente  et  de  la 
mort,  sans  jamais  parvenir  tout  à  fait  elle-mêine  ni  à 
vivre,  ni  à  mourir. 

Il  nous  répugne,  en  Occident,  de  faire  de  l'univers  une 
machine,  de  Vhomme  un  esclave  à  la  torture,  et  d'un 
Dieu  inconscient  Vauteur  du  Mal  éternel!  Conséquences 


(1)  On  nous  objectera  que  les  entitéê  qui  ont  atteint  Nivcdnà  ne 
quitteront  plus  leur  Ciel  d'oisive  béatitude ^  pour  redescendre  dans 
l'arène,  de  la  vie  cosmique. 

Nous  répliquerons  que  c'est  un  pur  sophisme*  Si,  en  effet,  ces  enti- 
tés, pleinement  réintégrées  en  V Unité  divine,  se  fondent  en  elle  à  tout 
jamais,  tout  au  moins  participent-elles  à  la  sous-multiplication  inces- 
sante que  subit  et  subira  ladite  i^ni  té,  sans  qu'il  soit  possible  d'entrevoir 
la  guérison  de  cette  incontinence  morbide,  non  plus  chronique,  mais 
éternelle. 


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AVANT- PROPOS  27 


ejpirêmes,  qiCil  nest  que.  trop  facile  de  tirer  des  prémisses 
de  la  Synthèse  hindoue  (1)  :  car  enfiny  Vuni\)ers  physique 
supposant  f  existence  du  Mal,  éterniser  l'un,  c'est  éterni- 
ser Pautre. 

Sur  ce  point-là,  les  sectes  exotériques  du  Christior- 
nisme  seynblént  elles-mêmes  présenter  une  solution  moins 
dommageable  à  Vhomme  et  moins  révoltante  pour  sa  wi- 
son.  En  effet,  si  elles  professent,  à  V égard  des  pervers, 
le  dogme  absurde  des  peines  éternelles,  du  moins  pro- 
me ttef libelles  justice  aux  justes,  en  enseignant  la  «  fin 
du  monde  »,  cestrà-dire,  à  tout  prendre,  le  caractère 
accidentel  et  transitoire  de  ce  monde  physique,  où  le 
Mal  sévit  indistinctement  sur  les  bons  comme  sur  les  mé- 
chants (i). 

Le  parallèle  que  nous  avons  esquissé  entre  les  deux 
ésolérismes  d^Occident  et  d'Orient  suffit  à  en  faire  sen- 
tir le  fort  et  le  faible;  et  il  paraît  presque  superflu  (Pa- 
jouter  que  nos  ouvrages  se  réclament  expressément  du 
premier  de  ces  deux  courants  occultes. 

Que  si  nous  remontons  à  Vorigine  de  la  digression  qu*on 


(i)  Voir  la  note,  page  24. 

ii)Ence  moment,  nous  raisonnonn  dans  V esprit  très  étroit  de  ce 
même  exotérisme,  qui  n*admet  pas  la  grande  toi  de  justice  distributive 
présidant  aiur  incarnations  ;  —  loi  que  les  hindous  connaissent  en  re- 
vanche parfaitement  et  qu'ils  enseignent  sous  le  nom  de  Karma.  Seu- 
lement Us  ont  le  tort  d'en  exagérer  la  portée  et  d'en  universaliser  la 
norme  inflexible.  Rien  n'est  plus  dangereiirr  que  cette  extension  d'ufw 
doctrine  correcte  en  elle-même.  Nous  prendrons  soin  de  préciser  ail- 
leurs les  justes  limites  où  il  convient  de  la  restreindre. 


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28  LA  CLEF  DE  LA  MAGIE  NOIRE 

vient  de  lire,  H  nous  sera  plus  facile  de  donner  un  sens 
au  mot  natui'e. 

Nous  comprendrons  mieux  qu'on  peut  envisager  la  Na- 
ture sous  deux  aspects  : 

l**  La  Nature  éternelle  et  céleste,  qui  est  fÉden  supé- 
rieur, le  royaume  de  TUnité.  Les  notions  du  Temps  et  de 
l'Espace  y  disparaissent  dans  le  double  concept  de  V  Éter- 
nel et  deV Infini.  Les  âmes  qui  y  sont  réintégrées  cessent 
d'être  sujettes  aux  alternatives  de  la  mort  et  des  renais- 
sances ;  car  leur  substance,  tout  à  fait  spiritualisée,  n  offre 
plus  de  prise  aux  vagues  rétrogrades  du  torrent  des  gé- 
nérations., é 

2^  La  Nature  temporelle  et  cosmique  (1),  ou  de  dé- 
chéance, triple  comme  VUnivers  dont  elle  est  la  loi.  Elle 
se  subdivise  :  —  1*^  en  Nature  providentielle  ou  natu- 
T2Lnle,qui  est  commune  au  Ciel  et  à  la  Terre;  c'est  par 
elle  quela  Nature  temporelle  se  relie  à  V  Éternelle  nature^ 
que  VUnivers  aboutit  à  VEden  et  le  Temps  à  VÉternité; 
2^  en  Nature  hominale,  ou  psychique  et  volitive,  inter- 
médiaire (2);  —  3°  en  Nature  fatidique  ou  naturée. 

Ceux  qui  voudraieyit  quelques  développements  sur  cette 
hiérarchie  trinitaire,  en  trouveront  d!admirables  dans 
/'Histoire  philosophique  de  Fabre  d'Olivet,  qui  les  a  ex- 
cellemment distinguées  et  magistralement  décrites.  Quant 
à  nous,  il  co7ivient  de  nous  en  tenir  là.  Nous  n'avons 


(1)  La  Nature  temporelle  est  (V  ailleurs  contenue  dans  V  Éternelle 
Nature.  L immense  Univers  est  comme  une  tache  sur  la  blancheur  de 
V incommensurable  Eden. 

(2)  Ainsi  l'homme  devient  le  centre  et  le  moyen-terme  de  l'Univers 
qui  est  le  produit  de  sa  chute. 


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AVANT-  PROPOS  •  29 


t^oulu^  pour  Vinstant,  que  prévenir  un  enchaînemenl  de 
malentendus  qui  s'annonçaient  à  perle  de  vue,  et  souli- 
gner^ —  en  pre'cisant  les  différentes  significations  attri- 
buables  au  mot  Nature,  —  ce  qu'offre  de  ridicule  et  de 
chimérique  celui  de  Surnaturel. 

Quant  à  nier  les  essences  spirituelles,  et  même  la  pos- 
sibilité de  rapports  entre  les  êtres  de  cet  ordre  et  les  âmes 
descendues  dans  la  déchéance  de  la  chair;  quant  à  con- 
tester la  claire-vue,  la  bilocation,  les  apports,  la  commu- 
nication de  pensée,  fenvoùtempnt  à  distance  et  tant 
Œ autres  phénomènes  psycho-fluidiques  et  mystérieux  à 
des  titres  divers^  —  nous  n'y  pensons  pas.  SU  nous  pre- 
nait fantaisie  d'y  contredire  au  mépris  de  toute  évidence, 
nous  n'écririons  pas  de  gros  livres  à  dessein  de  les  ex- 
pliquer. Ce  sont  là  des  faits,  que  nous  appellerons -pro- 
diges, miracles  inême,  si  Von  y  tient. 

Il  nous  suffit  d!  avoir  protesté  contre  F  interprétation 
irrationnelle  et  agnostique  des  exégèles  qui  veulent  voir, 
dans  tout  phénomène  de  ce  genre^  une  infraction  aux 
lois  de  naturCy  une  interruption  arbitraire  dans  l inces- 
sante filiation  des  causes  et  des  effets  : —  en  un  mot,  la 
volonté  actuelle  de  Dieu  ou  de  ses  anges,  se  substituant 
aux  causes  naturelles,  pour  produire  sur  la  matière  (ex- 
ceptionnellement soustraite  aux  lois  qui  la  régissent)  une 
action  immédiate,  directe. 

Voilà  rhypothèse  absurde  par  excellence^  et  qui  fait 
pendant  (si  f  ose  dire)  dans  l'ordre  des  idées,  au  mol  non 
moins  absurde,  examiné  plus  haut, 

La  Providence  influe  satis  doute  sur  le  monde  physique, 


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30  «LA  CLEF  DE  LA  MAGIE  NOIRE 

en  suivant  la  o/iaîne  (Tor  des  intermédiaires  naturels,  tour 
à  tour  déterminés  et  déterminants.  Mais  d'abord,  c'est  une 
grave  erreur  que  d'assimiler  à  Dieu  la  Providence,  laquelle 
H  est  autre,  en  dernière  analyse,  que  /'Intelligence  de  la 
Nature  :  nous  espérons  le  rendre  évident  par  la  suite.  Au 
surplus,  cette  facul  té  supérieure  du  vivant  Macrocosme,  la 
Providence,  agit  en  mode  physiologique,  (?/i  plus  ni  motus 
que  la  faculté  correspondante  chez  un  homme  de  chair  et 
d'os  :  chez  un  écrivain,  par  exemple,  saisissant  la  plume 
à  l'instigation  de  son  intelligence^  qui,  d'accord  avec  sa 
volonté,  va  lui  dicter  quelque  note).  Jamais  la  Providence 
ne  bouleve7*sej  ou  même  n'entrave  dans  leur  mécanisme 
les  grandes  lois  primordialement  établies,  comme  des  té- 
moins à  jamais  incorruptibles  de  V Éternelle  Sagesse. 

Que  si  Dieu  pouvait  troubler  l'harmonie  de  ces  immua- 
bles lois,  il  en  ferait  de  faux  témoins,  et,  s'infligeanl  à 
lui-même  un  démenti  solennel^  il  sèmerait  la  confusion^ 
non  pas  seulement  dans  l'Univers  sensible,  mais  encore  et 
surtout  dans  les  mondes  moral  et  intelligible.  L'inacces- 
sible sphère  des  principes  en  serait  elle-même  ébranlée. 

Ce  qui  ne  se  peut.  —  Un  figuier  qui  soudain  produirait 
des  noix  ne  serait  plus  un  figuier  :  de  même  un  principe, 
coërcible  au  point  d'engendrer,  sous  la  pression  d'tme 
Puissance  quelconque,  des  résultats  contraires  à  ceu.r 
qu'il  fournissait  dans  sa  libre  expansion,  ne  serait  plu.s 
un  principe.  —  Nous  irons  plus  loin.  L'enseJiible  des  lois 
universelles  {issues  des  mutuelles  relations  des  Principes , 
tendant  à  se  manifester  en  potentialités,  puis  en  actes), 
l'ensemble  des  lois  est  comme  un  prodigieux  engrenage, 
rigoureusement  un  dans  sa  raison  d'être  ;  un  mécanisme 


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AVANT-PROPOS  *         31 


OÙ  chaque  pièce  cominande  toutes  les  autres,  et  reçoit  en 
retour j  par  une  sorte  d'action  collective  et  réciproque,  les 
vertus  de  T  Unité-principe.  Cette  réversibilité  des  plus  di- 
verses fonctions  s'observe  dans  tout  système  cohésif  et  ré- 
ductible  à  une  rigoureuse  synthèse. 

Sous  Vavom  dii  :  Vidée  d'un  Principe  susceptible  d'al- 
tération dans  son  entité  ou  de  variation  dans  ses  consé- 
quences est  une  idée  radicalement  fausse,  en  ce  qu'elle 
implique,  dans  les  termes  même  où  elle  se  formule^  une 
évidente  contradiction  (i).  Mais  en  admettant  pour  un  peu 
cette  instabilité  possible^  telle  est  la  vertu  solidaire  des 
premiers  principes^  que  la  moindre  altération  de  iun 
(feux  aurait  son  contrecoup  dans  l'univers  intelligible 
tout  entier  :  de  là,  le  Chaos,  se  propageant  au  long 
de  la  chaîne  de  causalité,  romprait  éC emblée  l'équilibre 
du  Ciel  et  de  la  Terre;  ce  serait  la  fin  du  monde,  telle- 
que,  vers  l'an  mil,  les  populations  terrifiées  se  la  figuraient 
imminente. 

Iji  cause  occulte  en  gît  dans  la  nature  de  Dieu  lui- 
même,  qui  étant  F  Absolu-conscient  —  Wronski  dirait 
r Absolu-raison  —  ne  se  conçoit  susceptible  ni  d'une  er- 
reur, ni  d'une  hésitati07i,  ni  d'une  variation  quelconque 
dans  ses  volontés.  Les  lois  préfixes  sont  l'œuvre  de  sa  Sa- 
gesse; la  Providence  en  règle  l'emploi.  Si  Dieu  violait 
une  des  lois  qu'il  a  fondées  dans  le  principe  {Be-rœshith 
n*iyS"l":2),  Use  nierait  lui-même  :  car  il  manifesterait 
la  mutation  de  l'immuable,  V imprévoyance  de   Vomiii- 


(1)  Tout  principe  est  simple,  radicalement  un  ;  or  un  changement 
d'état  suppose  le  binaire. 


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32  LA  CLEF  DE  LA  MAGIE  NOIRE 


scient,  les  hésitations  de  la  suprême  Pensée,  les  tergi- 
versations du  Verbe  absolu. 


III 


Nul  ne  s'est  mépris  sans  doute  sur  la  valeur  des  quel- 
ques axiomes  énoncés  dans  la  section  H  de  cet  avant- 
propos;  leur  portée  est  iticalculable  ;  elle  embrasse  et  do- 
mine tout  cet  ouvrage. 

Il  convenait  de  les  inscrire  en  tête  de  notre  deuxième 
Septaine,  au  point  précis  où  s'ouvre  l'enseignement  dog- 
matique de  Haute  Doctrine,  après  l'exposé  pur  et  simple 
des  faits  qui  intéressent  notre  sujet  (première  Septaine  : 
LE  Temple  de  Satan). 

Bien  plus,  {au  risque  d'anticiper  formellement  sur  les 
matières  du  présent  tome),  il  semble  utile  de  courir,  d'ores 
et  déjà,  au-devant  des  objectio7is  probables. 

A  ces  deux  axiomes  :  —  Le  Surnaturel  n'est  point;  — 
rÈtre  absolu  n'est  susceptible  ni  d'hésitations  ni  de  re- 
mords, —  on  opposera  le  récit  du  Déluge^  d'une  part, 
tel  que  le  donnent  les  traductions  officielles  de  la  Bible  ; 
et  de  l'autre,  ce  fameux  verset  de  la  Vulgate,  où  chacun 
peut  lire  que  le  Seigneur  se  repentit  d'avoir  créé  l'homme 
ici'bas.  Or  Moïse  étant,  pour  les  fidèles,  l'infaillible 
porte-parole  de  V Esprit-Saint,  et  pour  les  adeptes  de 
rÉsolérisme  occidental  une  de  leurs  plus  imposantes 
autorités,  de  telles  objections  paraissent  asse:^  graves 
pour  requérir  de  notre  part  une  réponse  immédiate. 

Puissions-nous,  sans  être  taxé  de  suffisance^  affirmer 


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AVANT-PROPOS  33 


ici  que  rien  n'est  plus  facile  au  inonde  que  de  réduire  à 
néant  ces  spécieuses  difficultés.  Prions  le  Lecteur  d^être 
arbitre. 

V  Le  Déluge.  —  Que  notre  planète  ait  été  ravagée  à 
plusieurs  reprises  par  des  déluges  formidables,  encore 
que  partiels,  c'est  ce  que  VOccultisme  ne  conteste  pas 
plus  que  la  science  universitaire.  Sachant  même  ce 
qu'ignore  celle^i,  les  causes  géologiques  (1)  et  méta- 
physiques (2)  de  pareils  cataclysmes,  il  a  pu  formuler 
Vinflexible  Im  de  leur  retour  périodique,  déterminable 
à  date  fixe.  —  Quant  à  travestir,  comme  la  VulgatCy  le 
déluge  ueiversel  en  événement  historique  du  cycle  pré- 
sent,  c'est  une  autre  affaire.  Le  fait  est  très  contestable 
et  généralement  contesté.  Quoi  qu'il  en  soit  de  ce  point 
de  controverse,  qu'il  n'y  a  pas  lieu  de  débattre  ici,  il  de^ 
meure  constant  que  Moïse  admet  en  principe  la  possibi- 
lité d'un  déluge  universel  (3).  C'est  assez  pour  quHl  soit 


(4)  ïoy.  nommément  Delormel,lAGnxiàe  Période,  Paris,  1789,  in-S. 

(2)  Voy.  Fabre  cCOlivet,  Langue  hébr.  restit.,  (t,  II,  p.  174-257)  ;  Hist. 
philos.,  ff.//,  p.  188-194). 

(3)  Ce  qi^il  importe  de  n'oublier  Jamais,  c'est  l'erreur  grossière  de 
ceux  qui  veulent  voir  dans  la  Genèse,  suivant  l'opinion  malheureuse- 
ment accréditée,  les  Annales  du  peuple  juif  à  l'époque  patriarcale.  Le 
Sepher  de  Moïse  est,  non  pas  le  récit  d'une  série  de  faits  historiques, 
accomplis  dans  le  passé,  mais  le  Livre  transcendantal  des  principes 
cosmogoniques  et  androgoniques  :  principes  dont  les  adaptations  se  sont 
produites,  se  produisent  ou  se  produiront  dans  le  temps  et  l'espace. 

Nous  jugeons  utile  de  transcrire  à  cette  heure  quelques  lignes  de 
rHisloire  philosophique  du  genre  humain,  où  Fabre  d'Olivet,  par  une 
double  définition  des  plus  précises,  prévient  toute  éventualité  de  con- 
fusion et  jusqu'à  la  possibilité  d'un  malentendu, 

m...  Il  est  deux  espèces  de  déluges,  qu'on  ne  doit  pas  confondre  en- 
seinble  :  le  Déluge  universel;  celui  dont  parle  Moïse  sous  le  nom  de 

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34  LA  CLEF  DE  LA  MAGIE  NOIRE 

permis  de  raisonner  sur  le  fait  réputé  possible,  comme 
sur  un  fait  accompli.  Aimi  allons-nous  faire. 

Le  Déluge,  comme  tous  les  cataclysmes  généraux  ou 
partiels^  est  un  effet  rigoureusement  logique  des  causes 
naturelles  ;  il  ne  se  réalise  en  acte  qu'en  suivant  la  filière 
hiérarchique  des  causes  mues  et  motrices. 

Le  Verbe  de  Dieu,  pour  s'accomplir,  peut  providentiel- 
lement (1)  influer  sur  les  lois  secondaires  ^sansles  altérer 
dans  leur  essence. 

Soit  donnée  une  roue  entée  sur  un  axe  mobile  ;  cette 
roue  tourne  à  dextre.  Si  nous  la  faisons  tourner  à  se- 
nestre,  rious  aurons  modifié  le  sens  de  sa  rolation,  sans 
altérer  sa  nature  intime,  qui  est  de  tourner.  Sa  fonction 
n'est  Jiullement  corrompue,  pour  inversée  qu'elk  soit  (2). 


Maboul  ;  celui  que  les  Brahmes  connaissent  sous  le  nom  de  Dina-pra- 
layam,  est  une  crise  de  la  Nature  qui  met  un  terme  à  son  action  ;  &est 
une  reprise  en  dissolution  absolue  des  êtres  créés...  Moïse  en  parle 
comme  d'une  funeste  possibilité...  La  description  de  ce  déluge,  la  con^ 
naissance  de  ses  causes  et  de  ses  effets,  appartiennent  à  la  cosmogonie,.. 
Les  déluges  de  la  seconde  espèce  sont  ceux  qui  n'occasionnent  qu'une 
interruption  dans  la  marche  générale  des  choses,  par  des  inondations 
partielles,  plus  ou  moins  considérables.  Parmi  ces  cataclysmes,  on  peut 
considérer  celui  qui  détruisit  l'Atlantide  comme  un  des  plus  terribles, 
puisqu'il  submergea  un  hémisphère  tout  entier  et  fit  passer  sur  l'au- 
tre un  torrent  dévastateur  qui  le  ravagea.  ••  (Hist.  philos.,  tome  //, 
p.  191-192,  passim). 

(i  )  Voir  ce  que  nous  disons  {page  30)  sur  le  rôle  physiologique  de 
la  Providence,  cette  intelligence  de  la  Nature, 

(2)  Nous  ne  nous  dissimulons  point  l'imperfection  ni  même  le  ridi- 
cule  de  rapprochements  pareils  :  du  particulier  à  l'universel,  comme 
du  nombre  à  l'unité,  toute  comparaison  est  inévitablement,  ou  défec^ 
tueuse,  ou  du  moins  mesquine;  et  pourtant  les  analogies  du  sensible 
sont  seules  aptes  à  rendre  à  notre  raison  un  compte  indirect  des  réri- 
tés  intelligibles.  Résignons-nous  donc  à  l'insuffisance  du  rapproche^ 
ment,  et  le  reprenons. 


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AVANT-PROPOS  35 


En  fabriquant  cette  roue  muable  dans  les  deux  sens^ 
nous  nous  étions  réservé  d'en  intervertir  à  notre  capiice 
la  rotation,  de  droite  à  gauche,  ou  de  gauche  à  droite.  — 
Ainsi  {pour  user  d*un  langage  exotérique  jusqu'à  la  tri- 
vialité). Dieu  s'était  réservé  de  dilater  à  son  gré,  ou  de 
condenser  les  eaux.  —  Comment? 

Sous  touchons  à  l'un  des  arcanes  de  rinitiation  mo- 
saïque, et  ceux-là  seuls  en  auront  V intelligence  pleine  et 
entière,  qui  savent  ce  qu'il  faut  entendre  par  le  fameux 
Roûach  iElohîm  D^nSs  m"l ,  qui ,  dans  le  Principe 
r*ttr*ï^13,  se  mouvait  en  puissance  de  fécondité 
PSmQ  sur  la  face  des  doubles-eaux  D^DH  >3S  Sj. 

Par  son  essence,  ce  Roûach  iElohim  se  rattache  au 
Roùach  HakkadôschU^npn  nn,  TE^prit  Saint,  dont  il 
est  la  manifestation  première,  édénale.  En  substance  et 
dans  Vunivers,  il  constitue  ce  mystérieux  agent  que  les 
hindous  nomment  Akasa  {le  fluide  pur),  lorsqu'une  force 
intellige7ite  le  dirige;  mais  qui,  abandonné  à  la  fatalité 
de  son  mouvement  propre,  devient  le  cyclone  de  Naliàsh 
i:M13,  ou  du  serpent  de  la  Genèse  —  en  un  mot,  la  Lu- 
mière  astrale.  Dans  l'un  et  Vautre  cas,  il  a  été  appelé 
rame  du  inonde,  comme  on  le  verra  plus  avant.  Il  est  le 
suprême  facteur  de  V équilibre  élémentaire,  JEmeshM^lû^, 
et  le  glaive  du  jugement  ou  de  V équilibre  moral,  Hocq 
pn  (l).  Comme  principe  de  la  manifestation  sensible. 
Moïse  le  fait  couler  à  la  région  d'Eden  sous  le  nom  de 
Phishôn  ]W^S,  te  fleuve  producteur  de  la  création  ob- 
jective ou  physique  (2)  ;  comme  expansion  de  la  Faculté 

{Il  Voy.  le  Sepher  letxirah.  traduit  par  Papus  (Chap.  II et  III). 
(2)  Gih6n,  Hiddekel  et  PhraUi,  la  trois  autres  fleuves  symboliques 


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LA  CLEF  DE  LA  MAGIE  NOIRE 


plastique  génératrice,  et  spécialement  comme  Puissance 
universelle  (Tindividualisation  vitale,  ce  théocrate  le 
désigne  sous  Vemhlème  de  la  colombe  de  Noéj  lônah 
nSV  (1).  Voilà  ce  que  nous  pouvons  dire. 

Mais  le  détail  de  ces  spécificatiom  nous  entraînerait 
trop  loin.  Le  problème  du  déluge  doit  seul  nous  occuper^ 
à  cette  heure.  Tenotis-nous-en,  quant  au  reste,  à  des  gé- 
néralités. 

Tous  les  termes  ci-dessus,  énoncés,  et  d'autres  encore 
qui  seront  ultérieurement  définis,  expriment  la  filiation 
occulte  émanée  de  Rouâch  Hakkadôsch,  V Esprit  Saint; 
soit  une  hiérarchie  de  Principes  et  de  Puissances,  hiérar- 
chie qui  pour  nous  ^  sous-multiples  déchue  d^Adam,  vient 
aboutir  dans  le  monde  astral^  ou  des  fluides  hyperphysi- 
ques.  Déjà,  Au  Seuil  du  Mystère,  nous  avons  éclair  ci, 
d'après  la  tradition  constante  des  Maîtres  de  la  Sagesse, 
la  triple  nature  de  Vuniversel  fluide,  selon  qu'il  est  con- 
sidéré dans  son  mouvement  d'expansion,  Aôd  TÎt*,  dans 
son  mouvement  de  restriction,  Aôb  aîS,  ou  dans  le  cycle 
inté-gral  de  son  double  mouvement,  ascendant  et  descen- 
dant, Aôr  lis  (2).  —  Si  nous  observons  à  cette  heure 
que  ks  eaux  ont  toujours  passé,  dans  les  sanctuaires  de 
Vancien  monde,  pour  Vhiéroglyphe  matériel  du  principe 
passif  et  restrictif  (3),  nous  ne  serons  pas  surpris  d'ap- 


du  paradis  terrestrCy  expriment  également  diverses  modifications  de 
l'Agent  astral. 

(1)  Voy,  Langue  hébr.  rcst.  (t.  If,  p.  230). 

(2)  La  plupart  des  occultistes  écrivent  Aoûr  1^!»t.  —  Avec  Fabre 
d'Olivet,  nous  trouvons  plus  précis  de  distinguer  le  feu  (Aoùr)  de  la 
lumière  (Aôr). 

(3)  Le  feUfpar  contre,  était  V  emblème  du  principe  d'activité  expamive. 


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AVANT-PROPOS  37 


prendre  que  ces  eaux,  dans  leur  état  normal,  sont 
comprimées^  condensées  et  comme  enchaînées  (l)  par 
une  force  victorieusement  compressive,  astringente  et 
liante  (2).  Ce  nœud  statique  venant  à  se  dissoudre,  il 
s'ensuit  que  les  eaux  obéissent,  dans  la  mesure  de  leur 
prodigieuse  élasticitéy  à  l'agent  universel  de  fécondité  et 
dexpansion  qui  dynamise  et  distend  toutes  choses,  selon 
la  multiplication  quateme  propre  au  monde  élémentaire. 
—  Ce  dernier  agent,  très  voisin  d'Iônah,  était  bien  connu 
des  anciens  Sages:  ils  lui  avaient  assigné  pour  emblème 
la  pierre  cubique,  qui  devient,  au  quatrième  feuillet  du 
Tarot,  le  trône  où  siégera  l'Empereur  mystérieux,  le 
Rhawôn  de  Thoth  et  le  Moloch  •]Sd  des  Phéniciens 
{substantif  qui,  par  une  simple  mutation  des  voyelles 
latentes,  donne  en  hébreu  le  mot  Melech^  qui  veut  dire 
Roi). 

Auretraitde  U agent compressif  qui  neutralisait  la  force 
d'expansion,  Peau  se  dilute  donc  avec  une  extrême  vio- 
lence  :  c'est  ce  que  Fabre  d^Olivet  traduit  par  la  grande 
intumescence  Sl3Dn"ni<  (3)  ;  c'est  ce  que  Moïse  lui^ 


(IJ  Se  rappeler  la  chaîne  symbolique  que  Xerxès  (dit  la  légende  tra- 
ditionnelle) fit  jeter  dans  V archipel  indien,  pour  enchaîner  la  tem- 
pête.... Voir  le  Crocodile,  poème  épiquo*magique,  par  un  amateur  de 
choses  cachées  (Claude  de  Saint-Martin).  Paris,  an  VIII  de  la  Hépu^ 
blique,  1  vol,  in-B  (p.  13-14). 

12)  ffereb  317. 

(3)  Uadepte  Saint-Martin  a  écrit  d*étonnantes  pages  sur  le  déluge, 
qu'il  traite  en  fait  accompli.  Il  n*a  garde  de  soutenir  qu'une  pluie 
tomba,  assez  abondante  pour  inonder  toute  la  terre  :  version  ridicule 
et  contre  laquelle  s'insurgent  à  l'envi  le  simple  bon  sens  et  le  texte 
même  du  Sepher. 

•  ...  Le  mot  hébreu  raiN  arubboth,  quoique  signifiant  cataractes. 


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38  LA  CLEF  DE  LA  MAGIE  NOIRE 

même  veut  faire  entendre  plus  au  clair,  quand  il  dit  :  Et 
furent  ouvertes  toutes  les  sources  de  TAbîme  poten- 
tiel (1), 

:  Dinn  n:>:yQ-S3  ^^ypa: 

Ainsi  le  Déluge  s^opère  par  un  phénomètie  d'ordre  na- 
turelj  —  le  retrait  d'une  force  constinctive  du  Cosmos,  et 
cause  permanente  de  V affaissement  des  eaux.  Entravée  à 
point  nommé  dans  sa  fonction  condensatriccy  cette  Force 
abandonne  les  masses  liquides  à  la  merci  d'une  force 
opposée^  indéfiniment  jnultiplicatrice  et  dilatante. 

Ce  retrait  décisifs  qui  en  reste  le  provocateur  immé- 
diat ?  —  Là  encore  y  Dieu  n'opère  que  par  les  principes 
préétablis;  la  liberté  humaine  est  Vun  de  ces  principes. 
Ainsi  que  Fabre  d'Olivet  le  laisse  entendre  à  merveille^ 
ce  n'est  pas  le  Verbe  de  la  divine  Volonté  qui  sponta- 
nément délie  les  sources  de  V Abîme  :  lod-hévê  cède  à 
V effort  de  VAdam  teirestre  qui  se  débattait  contre  Lui; 
il  le  laisse  choir  du  poids  de  son  lourd  destin;  voilà  tout, 
Uhoyninalité  luttait  à  outrance  pour  se  rendre  indépen- 
dante de  son  Principe  céleste;  le  Créateur  cède  à  regret; 
il  s'éloigne,  alors  qu'on  voulait  s'éloigner  de  sa  face;  il 

selon  la  lettre,  n'estil  pas  un  dérivé  du  verbe  11"!  rabab  ou  ni"l 
raba,  qui  veut  dire,  il  a  été  multiplié  ?  Alors  le  texte  présente  Vidée 
naturelle  d'une  action  plus  étendue  dans  l'Agent  qui  produit  l'eau,  et 
nullement  celle  du  simple  écoulement  d'une  eau  auparavant  exis- 
tante... »  (Saint-Martin,  Tableau  naturel,  Edimbourg  (Lyon),  i78f, 
2  voL  t.n-8,  p,  32  (/m  second  tome). 

Dans  ce  même  ouvrage,  Saint^Martin  expose  encore  comme  quoi  le 
déluge  est  la  conséquence  naturelle  et  fatale  de  la  corruption  adami^ 
que,  et  non  point  une  punition  divine,  au  sens  coutumier  du  mot.  il 
laisse  également  entendre  pourquoi  le  cataclysme,  évoqué  par  la  dépra- 
vation des  hommes,  a  choisi  Veau  comme  instrument  dévastateur. 

(i)  Langue  hébr.  rest.,  tome  II,  p.  202  et  333. 


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AVANT-PROPOS  39 


affranchit  qui  tentait  de  s'affranchir.  Toute  négative,  la 
condamnation  qu^il  prononce  se  réduit  à  un  acquiesce- 
ment tacite. 

Lhomme,  abandonné  au  tourbillon  de  sa  corruption 
croissante,  a  fait,  satis  le  savoir,  un  pacte  avec  la  Mort  : 
il  appartient,  dès  lors,  à  la  fatalité  du  suicide.  Il  appelle 
le  cataclysme;  il  V évoque  en  une  langue  à  soi-même  in- 
connue... Malheureux,  il  ignore  que  le  Cataclysme  va 
venir.  —  Fabre  d'Olivet  est  formel  sur  ce  point  :  «  la 
véritable  pensée  de  Moïse  est  que  l'Être  des  Êtres  ne  dé- 
truit la  terre  qu'en  l'abandonnant  à  la  dégradation,  à  la 
corruption  qui  est  son  propre  ouvrage  :  pensée  déjà  ren- 
fermée dans  le  renoncement  dont  il  est  question  au  ver- 
set 6.  »  {Chap.  VI)  (1). 

^  Cest  ce  Renoncement  que  nous  avons  précisément 
choisi,  comme  deuxième  exemple  des  objections  qui  pour^ 
raient  nous  être  faites. 

Ici,  nous  aurons  recours  encore  à  Fabre  d'Olivet,  dont 
les  explications  doctrinales,  souvent  bien  sommaires,  ont 
pour  elles  d^être  toujours  d'une  netteté  et  d'une  correction 
parfaites.  Les  notes  qui  criblent  sa  traduction  du  texte 
hébreu  de  Moïse  répugnent  aux  commentaires  proprement 
dits  ;  elles  portent  de  préférence  sur  l'analyse  grammati- 
cale et  hiéroglyphique^  —  recherches  qu'un  vocabulaire 
radical,  placé  à  la  suite  de  son  admirable  grammaire,  per- 
met de  pousser  asse^i  loin...  Penseur  et  savant  dont  l'érur 
dition  prodigieuse  ne  le  cède  qu'à  une  modestie  et  une 
conscience  d'un  autre  âge,  Fabre  d'Olivet  a  su  pénétrer 

(1)  Lang.  hébr.  rest.,  tome  II,  p.  190. 

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40  LA  CLEF  DE  LA  MAGIE  NOIRE 

fort  avant  dans  la  crypte  des  sanctuaires  écroulés  (1), 
jusqu'au  tabernacle  des  plus  mystérieux  arcanes.  Maintes 
fois  V occasion  nous  sera  fournie  de  recourir  à  ses  lumières  ; 
aussi  avons-nous  eu  à  cœur  de  le  saluer  ici,  comme  une 
autorité  de  premier  ordre. 

Fermons  cette  parenthèse^  pour  retourner  à  notre  con- 
troverse. 

La  première  objection  supposée  aurait  eu  pour  but  d^ in- 
valider nos  principes,  en  opposant  à  notre  dénégation 
formelle  un  exemple  évident  des  grandes  lois  naturelles 
violées.  Le  DétugCy  en  effet,  tel  qu'assez  communément  on 
se  le  représente^  constituerait  un  cas  d'impossibilité  phy- 
sique ;  mais  nous  croyons  avoir  montré,  d'une  sorte  assez 
concluante,  que^  dans  la  production  de  ce  phénomène  ex- 
ceptionnel, rien  n'autorise  à  voir  une  action  directe  de  la 
Volonté  divine  sur  l'univers  sensible^  mais  un  effet  né- 
cessaire des  causes  naturelles,  agissant,  il  est  vrai,  sous 
Nmpulsion  de  la  Providence,  sans  que  les  lois  premières 
en  souffrent  nulle  atteinte. 

C'est  à  la  conception  (Tun  Dieu  invariable  dans  ses 
desseins,  exempt  de  toutes  passio7is,  incapable  de  tout 
remords,  que  s'attaquerait  la  seconde  objection  élue  pour 
exemple.  Ici,  comme  tout  à  l'heure,  les  apparences  mili- 
tent contre  nous  :  et  le  texte  sacré,  tel  que  le  traduit  Saint 
Jérôme,  légitimerait  sans  conteste  ridée  d'un  Dieu  gros- 
sièrement anthropomorphe.  Mais  il  faut  voir  quels  mots 


(1)  Pour  plus  de  détails  sur  Vœuvre  de  Fabre  d'Olivet,  consulter  le 
beau  travail  de  Papus  :  Fabre  d'Olivet  et  Saint- Yves  d'Alveydre  (Paris, 
1888,  plaquette  grand  tn-8.).  Voir  aussi  la  troisième  édition  de  notre 
livre:  Au  seuU  du  Mystère  (Paris,  1890,  tn-8),  p.  69-72. 


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AVANT-PROPOS  41 


hébraïques  le  fougueux  Père  de  VÉglise  rend  par  :  a  pse- 
nituit  Eum  quod  hotninem  fecîsset  in  terra  :  H  (lod-hévê) 
se  repentit  d'avoir  créé  Vhomme  sur  la  terre.  » 

Nette  est  cette  traduction,  mais  le  texte  authentique 
de  Moïse  ne  Vest  pas  moins,  et  malheureusement  il  ne  dit 
rien  de  tout  cela  : 

(fest-à-dircy  mot  à  mo<(l),  selon  le  savant  d'Olivet:  — 
€  Et  il  renonça  entièrement  (ilsereposadu  soin)  IIIOAH, 
à  cause  de  quoi  il  avait  créé  l'ipséité  d'Adam  {l'homme 
universel)  en  la  terre.  »  Ou,  en  bon  français  (2)  :  «  Et 
Ihôah  renonça  entièrement  au  soin  conservateur  qu'il 
donnait  à  Texistence  de  ce  même  Adam,  sur  la  terre.  » 
Vanalyse  radicale  du  mot  Innachem  Dn3^  prouve  en 
effet  qu'il  ne  peut  signifier  se  repentir  qu'en  un  sens 
absolument  détourné,  pour  ne  pas  dire  bâtard,  —  contre 
lequel  protestent  à  F  envi  le  contexte  de  Moïse  et  F  opinion 
très  philosophique  et  très  haute  des  initiés  de  Mitzraîm 
et  d'Israël,  touchant  VÊtre-des-êtres  :  «  le  verbe  ni3, 
généralisé  par  le  signe  collectif  t3,  signifie  pi'oprement 
renoncer  entièrement,  cesser  tout  à  fait,  se  désister,  dé- 
poser un  soin,  abandonner  une  action,  un  sentiment... 
Dieu  ne  se  repent  pas,  comme  le  dit  Saint  Jérôme  ;  mais 
il  renonce,  il  délaisse  ;   tout  au  plus,    il  s'irrite  (3).  » 

Si  Fabre  d'Olivet  eut  poursuivi  la  restitution  raisonnée 

(1)  Lang.  hébr.  rest.,  /.  //,  p.  183. 

(2)  Lang.  hébr.  restit.,  t.  Il,  p.  330. 

(3)  Ung.  hébr.  restit.,  t.  II,  p.  185-186. 

Dans  la  construction  de  cette  dernière  phrase,  Fabre  d'Olivet  a,  se- 
lon nous,  le  tort  de  laisser  prise  à  un  malentendu.  Sa  pensée  —  c'est 


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42  LA  CLEF  DE  LA  MAGIE  NOIRE 

de  la  Genèse  au  delà  du  dixième  chapitre,  on  se  demande 
de  quelle  encre  il  aurait  bafoué  les  interprètes  à  coup  sûr 
plus  mystificateurs  que  naïfs  y  qui,  lors  de  r  incendie  des 
cinq  villes  immondes  (1),  métamorphosent  à  la  lettre  la 
femme  de  Lot  en  une  statue  de  sel  !  Il  faut  être  bien 
généreux,  vraiment,  pour  prêter  à  Moïse  ces  géniales 
trouvailles  ;  mais  alors  qu'on  jouit  d'une  aussi  féconde 
imaginationy  se  dérober  de  la  sorte  à  la  gloire  de  se^ 
découvertes,  voilà  pécher  par  excès  de  modestie. 
Cest  d'un  saisissement  d'épouvante,  mortel  ou  non  (2), 


du  moins  notre  conviction  —  n*ett  pas  que  VÈtre  des  êtres  soit  sujet  à 
s'irriter;  mais  bien  que  le  verbe  DïIm^  pourrait  à  la  rigueur  y  dans  tel 
autre  cas,  revêtir  cette  extrême  signification,  La  suite  de  la  note  le 
prouve  bien  ;  d'Olivet  poursuit  en  ces  termes  :  «  Ce  dernier  sens  (s'ir- 
riter) qui  est  le  plus  fort  qu'on  puisse  donner  au  verbe  0TVi2,  a  été 
généralement  suivi  par  les  écrivains  hébreux  postérieurs  à  Moyse, 
Etc..  . 

(1)  Là,  comme  partout  dans  la  Genèse,  V intérêt  se  concentre  sur 
l'intelligence  des  significations  comparative  ou  symbolique,  et  superla- 
tive ou  hiéroglyphique.  Le  sens  direct  ou  positif  du  récit  a  trait  à 
l'embrasement  et  à  Veffondrement  d'une  vallée  entière,  qui  recouvrait 
de  véritables  lacs  de  naphte  et  de  matières  bitumineuses.  Le  feu  du 
Ciel  (la  foudre),  communiquant  Vincendie  à  ces  formidables  réservoirs 
de  liquides  inflammables  ou  explosifs,  toute  la  vallée  s'effondra  dans 
de  souterraines  anfractuosités;  le  gouffre  enfin  fui  noyé  par  une  voie 
d'eau  que  l'explosion  avait  ouverte,  et  le  lac  asphaltite  ou  mer  morte 
recouvrit  de  son  morne  niveau  les  ruines  de  Sodome  et  de  Gomorrhe, 

La  signification  littérale  semble,  on  le  voit,  d'assez  mince  consé» 
quence,  —  Ce  n'est  pas  toutefois  une  raison  suffisante  pour  autoriser 
le  traducteur  à  enluminer  sa  version  d'un  merveilleux  aussi  grotesque. 

(2)  Saisissement  mortel  sans  doute,  puisqu'au  désert  les  filles  de  Lot 
eurent  peu  après  fantaisie  d'enivrer  le  vieillard,  puis  de  dormir  à 
tour  de  rôle  avec  lui,  afin  de  «  susciter  de  la  semence  de  leur  père  »  ; 
petite  escapade  que  ces  demoiselles  ne  se  fussent  pas  vraisemblablement 
permise,  sous  l'œil  vigilant  de  Madame  leur  mère,  —  Dieu  !  la  belle 
chose  qu'un  livre  dicté  par  l'Esprit-Saint,  lorsque  les  hommes  s'avisent 
de  l'interpréter  suivant  la  lettre!,,. 


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AVANT-PROPOS  43 


—    qu'il  s  agit   dans   ce  verset  (Genèse,   xix,   26)  : 

:  rSd  n>s3  Mm  inn^a  inurs  tasm 

que  les  Bibles  vulgaires  rendent  toutes  à  peu  près  comme 
suit  :  tt  La  femme  de  Lot  regarda  derrière  elle,  et  elle 
fut  changée  en  une  statue  de  sel.  (Traduction  Le  Maistre 
de  Sacy).  » 

Par  une  métaphore  aussi  hardie  qu'expressive,  nous 
disons  volontiers:  pétrifié  de  stupeur  ou  glacé  de  crainte. 
Même  il  nous  advient  d'écrire,  sans  spécifier  davantage  : 
il  ne  bougeait  plus...  un  vrai  marbre  !  ou  encore  :  il  resta 
pétrifié  sur  place  ;  ou  mêmCy  à  la  rigueur  :  cette  pétri- 
fiante nouvelle  en  fit  une  statue.  Coutumières  en  fran- 
çais jusqu^à  la  banalité ,  de  pareilles  figures  sont-elles 
jamais  prises  au  pied  de  la  lettre?...  Cependant  y  Une 
faut  désespérer  de  rien  :  quand  notre  idiome  sera  passé 
à  Vélat  de  langue  morte,  les  traducteurs  à  venir  de  nos 
livres  d^ aujourd'hui,  s'ils  ont  un  faible  pour  les  récits 
merveilleux,  pourront  s'offrir  à  des  milliers  d'exemplai- 
res la  réédition  du  miracle  de  la  statue  de  sel;  à  de  légè- 
res variantes  pi'ès,  du  moins  :  car  ce  sera  de  statues  de 
pierre,  de  marbre  ou  de  glace  que  parleront  nos  vieux 
textes  français,  dociles  à  l'art  évocateurde  cette  docte  et 
infaillible  exégèse. 

Ce  rapprochement  s'impose  à  tel  point,  que,  voulu  ou 
non,  Paveuglement  des  interprètes  de  Moïse  reste  incom- 
préhensible..,. 

Au  demeurant,  pourquoi  ne  pas  semer  l'absurde  à  plei- 
nes mains  ?  Le  doigt  de  Dieu  n' est-il  pas  là  pour  légitimer 
r impossible,  au  gré  des  simples,  et  V expliquer  dé/initive- 


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4i  LA  CLEF  DE  LA  MAGIE  NOIRE 

menty  en  le  proclamant  à  jamais  inexplicabU?  Ce  verset 
demeure  fermé  à  ton  entendement^  cher  commentateur  de 
la  Bible.  Qu'à  si  peu  ne  tienne!  Vite  un  petit  miracle,  et 
tout  deviendra  clair.  Et  béni  soit-il^  n'est-ce  pas^  ce  Deus 
ex  machina  qui  descend  du  Ciel  à  point  nommé,  pour  lu 
pleine  satisfaction  des  esprits  les  plus  difficiles  à  satis- 
faire ! 

Le  Miracle  !  au  détour  de  toutes  les  pages  de  glose  re- 
ligieuse, nous  le  retrouvons,  invariablement  revêtu  de  cette 
signification  hybride  et  agnostique,  si  révoltante  pour  le 
bon  sens,  et  si  contraire  à  Vidée  que  les  adeptes  d'Egypte 
et  de  Chaldée  s'étaient  faite  des  phénomènes  mystétneiix, 
théurgiques  ou  magiques. 

Qu'était-ce  qu'un  prodige  (1),  aux  yeux  de  ces  sages 
du  monde  antique  ?  —  Un  effet  naturel,  dont  la  cause 
nous  échappe;  un  phénomène  imprévu,  qui  ne  viole  en 
apparence  une  loi  bien  vérifiée,  que  pour  obéir  aune  autre 
loi  moins  connue,  d'un  ordre  supérieur  et  plus  général. 

IV 

Les  scioices  naturelles  notes  fournissent  de  ces  exem- 
ples à  foison. 


(1)  Nous  employons  indifféremment  ici  detix  vocables  qu^une  nuance 
distingue  :  Prodige  et  Miracle. 

Le  Prodige  est  laïque  :  Cagliostro  faisait  des  prodiges. 

Le  Miracle  affecte  un  caractère  religieux  et  plus  grave  :  Jésus-Christ 
faisait  des  miracles. 

Quant  au  mot  Prestige,  il  s'applique  de  préférence  aux  tours  de 
passe^passe,  aux  trompe-Vœil  de  pure  adresse  manuelle.  Cependant 
Prestige  s'emploie  aussi  comme  synonyme  de  Prodige,  mais  toujours  en 
mauvaise  part. 


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AVANT- PROPOS  45 


Lecteur  ami,  pour  peu  que  tu  sois  chimiste  à  tes  heu- 
res de  loisir,  tu  n'ignores  pas  le  principe  qui  trouve  au 
laboratoire  une  si  fréquente  application;  nous  voulons 
parler  de  la  loi  de  double  décomposition  des  sels  :  lorsque 
Vacide  de  Vun  peut  former  avec  la  hase  de  Vautre  une 
combinaison  insoluble  ou  très  peu  soluble^  il  se  produit^  à 
r instant  même  du  contact  (1),  un  échange  réciproque. 

Soient  mélangées  deux  solutions  filtrées,  Vune  d'acé- 
tate de  phmb.  Vautre  de  chromate  de  potasse.  V échange 
est  immédiat  :  abandonnant  la  potasse,  Vacide  chromi- 
que  se  combine  avec  Voxyde  de  plomb,  pour  former  un 
chromate  insoluble,  qui  se  précipite  instantanément,  sous 
V aspect  d'une  poudre  jaune.  —  D'autre  part,  Vacide  acé- 
tique,  saturant  la  potasse,  engendre  un  sel  hygroscopi- 
que,  et  qui  reste  en  dissolution  dans  la  liqueur.  Soit,  se- 
lon le  système  des  équivalents  (S)  : 

PbO,C^H303  +  K0,Cr03  =  PbCCrO»  +  KO,C^IPO^ 

Jusqu'ici,  nulle  difficulté.  —  Mêlons  cette  fois  une  so- 
lution  d^iodure  de  potassium  à  une  autre  de  cyanure  de 
mercure  :  Viode,  formant  avec  le  mercure  un  protoiodure 
presque  insoluble,  il  s'ensuit  qu'aux  termes  de  la  loi  ci- 
dessus  énoncée,  V échange  se  devrait  faire  aussitôt.  —  // 
n'en  est  rien:  au  lieu  du  précipité  rouge  éclatant  que  nous 


[1)7/  8*açit,  bien  entendu,  de  deux  sels  en  dissolution  dans  l'eau  ; 
car  ce  n'est  qu'à  la  faveur  d*un  véhicule  liquide,  ou  d'une  trituration 
fort  intime,  que  deux  sels  susceptibles  de  double  décomposition  peu- 
vent se  pénétrer  moléculairement,  en  sorte  que  l'échange  soit  complet 
et  non  partiel, 

(2}  La  notation  atomique  ne  nous  étant  pas  familière,  nous  avons 
recours  à  celle  des  équivalents.  Nous  réduisons  d'ailleurs  les  formules 
à  leur  plus  simple  expression. 


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46  LA  CLEF  DE  LA  MAGIE  NOIRE 

attendions,  une  cristallisation  spontanée,  incolore,  se 
forme  sous  nos  yeux  dans  toute  la  masse  du  liquide^  et 
dépose  lentement  au  fond  du  vase  ses  paillettes  nacrées  et 
légères. 

Une  loi  supérieure  est  intervenue  :  celle  de  la  formation 
des  sels  doubles  ;  loi  d'une  application  moins  fréquentey 
et  dont  Vexameny  d'ailleurs  hors  de  propos,  nous  entrai- 
nerait  trop  avant  dans  des  digressions  abstraites. 

Bref  y  t'échange  ne  se  fait  pas  ;  les  deux  sels  se  combi- 
nent pour  n'en  plus  former  qu'un  seul  :  le  cyatihydrar- 
gyrate  d'iodure  de  potassium  : 

Kl  -}-  HgCUz  =  KI,HgC*Az. 

Da7is  ce  sel  double,  le  cyanure  de  mercure  joue  le  rôle 
diacide  complexe  et  l'iodure  de  potassium  celui  de  base 
composée.  Et  il  faut  une  goutte  d'un  acide  quelconque  — 
l'acide  azotique,  par  exemple — pour  rompre  la  cohésion 
chimique  du  sel  double,  et  refouler  (si  Von  peut  dire)  les 
deux  sels  primitivement  mélangés,  dans  la  sphèred^ action 
de  la  loi  du  double  échange  : 

KTjHgC^Az  +  AzO»,HO  =  K0,Az05  -f  Ilgl  +  HC«Az. 

Subitement  oxydé,  le  potassium  de  Viodure  s'unit  à 
l'acide  azotique,  avec  lequel  il  a  le  .plus  d'affinité  :  l'iode, 
libre  dès  lors,  attaque  le  mercure,  pour  former  avec  lui 
l'iodure  écarlate  qui  se  précipite  au  fond  de  Véprouvette. 
Enfin  l'odeur  d'amandes  amères  qui  se  développe  est  due 
à  la  production  de  V acide prussique,  engendré  par  l'union 
du  cyanogène  avec  l'hydrogène  contoiu  dajis  l'eau  d'hy- 
dratatio7i  de  l'acide  azotique,  laquelle  eau  a  déjà  cédé  son 
oxygène  au  potassium  naissant,  dont  cet  acide  s'est 
emparé. 


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AVANT-PROPOS  47 


Cet  exemple  est  significatif  :  pour  qui  ne  connaîtrait 
pas  la  formation  des  sels  complexes,  V expérience  ci-des- 
sus  paraîtrait  une  stupéfiante  anomaliCy  une  violation 
vraiment  inexplicable  de  la  loi  de  double  décomposition 
des  sels. 

Les  prodiges  sont  tels  :  phénomènes  d'exception,  qui 
refusent  de  se  ranger  sous  l'empire  d*une  loi  donnée^ 
bien  connue  des  savajits  ;  pour  le  motif  assez  simple  qu'ils 
relèvenléPune  loi  supérieure^  ignorée  ou  méconnue  desdits 
savants. 

«  Pas  de  loi  sans  exception...  *  Qui  ne  comiaît  ce  pro- 
verbe^ paradoxal  enthéonCy  très  juste  en  pratique  ?  Lin- 
tuilion  populaire  ne  se  trompe  guère  au  fond  :  elle  for- 
mule parfois  ses  oracles  en  termes  gauches  et  même 
inexacts  ;  mais  cette  phraséologie  sentencieuse  et  poncive 
habille  une  pensée  souvent  profonde,  et  presque  toujours 
juste. 

Toute  importante  découverte  fait  rentrer  dans  Vordre 
des  phénomènes  rationnels  quelque  fait  miraculeux  au 
sentunent  des  naïfs,  et  que  la  science  officielle  niait  obsti- 
nément jusqu'alors,  faute  de  pouvoir  l'expliquer. 

Il  n'est  pas  de  science  occulte,  dit  excellemment 
M.  de  Saint-Yves  ;  il  n'y  a  que  des  sciences  occultées. 

Vn  autre  exemple,  qui  relève  à  titre  égal  de  la  chimie, 
delaphgsique  et  de  l'histoire  naturelle,paraîtraplus  frap- 
pant encore  :  il  s'agit  d'un  phénomène  dont  la  science  des 
universités  serait  fort  inhabile  à  justifier  la  production. 

Cest  un  fait  tangible,  patent,  et  que  chacun  peut  véri- 
fier sam  peine.  Mais,  pour  en  donner  la  raison,  pour  en 


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48  LA  CLEF  DE  LA   MAGIE  NOIRE 

démontrer  le  mécanisme^  il  faut,  de  toute  nécessité,  recou- 
rir aux  lumières  traditionnelles  des  Maîtres  de  la  sa- 
gesse ésotérique... 

Nous  allons  surprendre  et  saisir  sur  le  vif  la  force  de 
création  (1)  :  nous  verrons  la  matière  se  produire  de  tou- 
tes pièces  sous  nos  yeux,  au  grand  jour  de  Vexamen 
scientifique;  et  cela,  dans  des  conditions  de  contrôle  ex- 
périmental à  confondre  tout  contradicteur  par  V évidence, 
et  à  paralyser  toute  velléité  d'  «  ergotage  »,  sur  les  lèvres 
du  plus  fougueux  défenseur  de  l'apophtegme  fameux  : 
a  rien  ne  se  perd,  rien  ne  se  crée  (2).  » 

— Parl&xrvous  sérieusement?  Ce  serait  à  n'eti  pas  croire 
ses  yeux... 

—  Libre  à  vous. 

—  D'ailleurs,  c'est  impossible! 

—  Notre  répome pourrait  être  celle  de  William  Crookes, 
le  grand  chimiste,  de  qui  Von  contestait,  à  priori  et  sous 
le  même  prétexte,  les  décisives etmémorables expériences: 


(1)  l/n  bon  prêtre,  à  qui  nous  faisions  cette  démonstration,  s'écria 
dans  les  transports  d'une  naïve  allégresse  :  —  Voilà  qui  s'appelle 
prendre  le  Bon  Dieu  la  main  dans  le  sac  t  l'exclamation  nous  parait 
belle  en  sa  trivialité  et  digne  d'être  transcrite. 

(2)  «  Rien  ne  se  perd,  rien  ne  se  crée  »...  Cet  apophtegme  n'est  fatix 
d'ailleurs  qu'appliqué  exclusivement  à  la  matière  sensible,  •  Ei  nihilo 
nihil  »,  disaient  les  anciens  sages,  et  ils  avaient  raison  :  le  néant  n'en- 
gendre pas.  —  C'est-à-dire,  que  tout  être  sort  d'un  principe  réel,  posi- 
tif et  non  abstrait.  Gréer,  c'est  tirer  d'un  principe  occulte,  comme  nous 
l'expliquons  plus  bas;  mais  ce  n'est  pas  faire  de  rien.  Ex  nihilo  nihiL 

La  substance  cosmique  absolue  engendre  éternellement  la  matière 
transitoire.  Celle-ci  se  livre  à  d'innombrables  métamorphoses,  jusqu'au 
jour  oit  elle  rentre  dans  son  subslratum  essentiel  :  la  matière  physique 
(différenciée)  redevient  substance  hypcrphysique  (homogène). 

En  ce  sens,  —  qui  n'est  point  celui  de  la  science  moderne,  —  l'axiome 
contesté  se  soutient. 


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AVANT-PROPOS  49 


«  Je  ne  soutiens  pas  que  ce  soilpossible  ;  j'affirme  que  cela 
est,  »  A  peu  de  frais  vous  pouvez»  vous  en  convaincre. 

Un  kiJogramme  de  soufre  en  fleur ^  lavé  avec  soin  ; 
quelques  litres  d'eau  distillée;  quelques  grammes  de  se- 
mences de  cresson  vous  en  fourniront  l'irrésistible  preuve  : 
ces  objelspeu  cabalistiques  vous  pourront  servir ,  au  besoin, 
d'arguments  péremptoireSy  pour  réduire  au  silence  les 
plus  obstinés  positivistes  de  notre  inonde  occidental.  Son- 
ge:>y  bien  cependant,  un  tel  honneur  n' est  pas  sans  péril  : 
si  loyalement  que  vous  expérimentiez,  ils  vous  traiteront 
d*  escamoteur.,.. 

Étendez  votre  fleur  de  soufre  (1)  efi  une  couche  égale 
de  moyenne  épaisseur;  semo-y  vos  graines  et  les  arrosez 
exclusivement  d'eau  distillée  :  les  semences  ne  larderont 
guère  à  germer,  les  tiges  à  grandir,  et  bientôt  vous  pour- 
rez  faire  votre  première  cueillette  de  cresson.  Quand  un 
certain  nombre  de  récolles  successives  vous  aura  fourni 
tiges  et  feuilles  en  abondance,  incinérez  toute  cette  sub- 
stance végétale  :  vous  obtiendrez  facilement  ainsi  une 
quantité  de  sels  fixes  dépassant  de  beaucoup  le  poids  des 
graines  semées.  Quelle  ne  sera  pas  votre  surprise,  en  sou- 
mettant à  l'analyse  chimique  cette  cendre  végétale,  d'y 
trouver  en  proportions  normales  de  la  potasse,  de  l'alu- 
mine, de  la  chaux,  des  oxydes  de  fer  et  de  manganèse, 
combinés  pour  une  part  aux  acides  carbonique,  sulfurique 
et  phosphorique,  —  à  l'état  libre  pour  l'autre  part  !  Ainsi, 
pour  passer  sous  silence  les  corps  volatils  ou  décompo- 

(i)  L'expérience  réussirait  aussi  bien,  si  l'on  remplaçait  le  soufre 
par  de  rart/de  de  plomb,  de  la  silice  pure,  ou  par  toute  autre  substance 
poreuse,  inerte  et  insoluble  dans  l'eau. 

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50  LA  CLEF  DE  LA  MAGIE  NOIRE 

sables  évaporés  au  cours  de  la  calcination,  vous  y  cons- 
taterez la  présence  d'un  assez  grand  nombre  de  corps 
réputés  simples,  métaux  et  métalloïdes, —  les  mêmes  exac- 
tement qui  se  retrouvent  dans  la  cendre  du  cresson  nor- 
mal (1),  poussé  en  pleine  terre  et  en  pleine  eau,  et  dont 
les  racines  adhèrent  au  lit  même  d'une  source  ou  d'une 
rivière. 

La  présence  de  V oxygène  et  du  carbone  s* explique  assez 
par  elle-même  :  gorgées  d'eau  distillée,  les  racines  se  sont 
assimilé  V oxygène  ;  les  feuilles  ont  aspiré  l'acide  carbo- 
nique de  ïair  et  retenu  le  carbone.  Quoi  de  plus  simple  ? 
—  Mais  le  silicium?  Le  soufre  n'en  contient  pas  plus  que 
Veau  distillée.  Serait-^e  l'atmosphère  qui  aurait  servi  de 
véhicule  à  ce  métalloïde?  C'est  bien  improbable  :  abstrac- 
tion faite  des  poussières  qui  ne  sont  point  assimilubles,  et 
des  eaux  de  pluie  dont  la  composition  chimique  assex^ 
connue  exclut  la  présence  du  silicium,  l'air  ne  peut  guère 
servir  de  véhicule  qu'à  des  gaz,  et  je  ne  sache  point  que 
le  silicium  forme,  si  ce  n'est  avec  le  fluor  y  des  combinai- 
sons gazeuses  :  le  fluorure  de  silicium  est  un  gaz.  Mais^ 
outre  que  la  nature  n'est  pas  fort  riche  en  foyers  de  réac- 
tion propres  à  lui  donner  naissance,  il  est  très  corrosif, 
désorganisaleur  des  tissus  végétaux,  et  toute  plante  aspi- 
rerait  la  mort  avec  ses  effluves.  —  L'on  ne  justifierait 
pas  avec  un  meilleur  succès  la  présence,  dans  Vair,  des 
composés  volatils  du  soufre  et  du  phosphore;  toutefois,  il 

(1  )  Les  savants  Schrader,  Greefet  Braconnât  ont  vérifié  le  fait  et  le 
confirment.  L'expérience  n'est  donc  pas  de  notre  invention  ;  nous 
nous  bornons  à  ta  commenter.  (Voir  le  livre  très  remarquable  de  Chau- 
6<irrf  ;  L'Univers  expliqué  par  la  Révélation.  —  Paris,  1831,  in -8, 
page  301). 


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AVAî^T-PROPOS  64 


n'y  a  point  là  d'impossibilité  matérielle^  à  priori. 
Mais  ce  qui  semble  une  hypothèse  bien  ingrate  et  dure 
à  admettre  en  ce  qui  concerne  ces  trois  métalloïdes  :  soufre, 
phosphore,  silicium,  devient^  en  rétat actuel  delà  chimie, 
une  supposition  gratuitement  absurde^  pour  expliquer  la 
pré^sence,  dans  les  cendres  du  cresson^  d'autres  corps  dits 
simples^  tels  que  le  fer,  le  manganèse,  le  calcium  et  raln^ 
minium  ;  car  ils  n'entrent  dans  aucune  combinaison 
gazeuse  ou  volatile  à  la  température  ordinaire. 

—  Waccord,  mais  les  graines  en  contenaient. 

—  Je  le  veux  bien,  et  f  attendais  Tobjection N' avons- 
nous  pas  dit  que  le  poids  des  cendres,  obtenues  en  calci- 
nant les  liges  et  tes  feuilles^  dépassait  de  beaucoup  celui 
des  graines  semées  dans  la  fleur  de  soufre  ?  D'ailleurs, 
cest  cinq  grammes  de  graines  de  cresson  que  vous  aviez, 
$emé,n  est-ce  pas?  Eh  bien^  calcine:^  cinq  grammes  des 
mêmes  graines  et  soumette::»  la  cendre  aux  analyses  qua- 
litative et  quantitative  :  si  vous  y  découvrez  des  traces  des 
mêmes  corps  simples^  sera-ce  en  poids  égal  à  celui  des 
éléments  que  nous  offrent  les  résidus  abondamment  pro- 
duits par  V incinération  des  tiges  et  feuilles,  récoltées  à  di- 
verses reprises  sur  les  mêmes  pieds?  —  Son,  n'est-ce 
point  ?... 

Alors  nous  voici  claquemurés  dam  ce  dilemme  :  ou  ces 
métalloïdes  et  ces  métaux  se  sont  formés  inexplicable- 
ment de  toutes  pièces,  —  tranchons  le  mot  :  ont  été 
créés  sous  vos  yeux,  —  ce  que  votre  science  déclare 
impossible  à  priori  ;  ou  bien  vous  en  êtes  réduits  à  Taveu 
du  phénomène  taxé  par  vous  de  suprême  absurdité  dans 
le  magistère  des  alchimistes  :  la  multipUcation  substan- 


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52  LA  CLEF  DE   LA  MAGIE  NOIRE 

tielle  des  corps  soumis  aux  lois   de    la  densité  (1). 

Nous  serions  fâché  qiion  se  fne'prîi  sur  nos  sentiments 
personnels  :  il  en  est  dont  Fimputation  nous  serait  dou- 
loureusement sensible. 

Nul  ne  professe  plus  que  nous  pour  la  science  moderne 
une  admiration  sincère  et  à  certains  égards  enthousiaste  : 
et  si  ses  méthodes  d'induction  nous  semblent  insuffisantes 
parfois  j  sises  divulgations  sans  réticences  témoignent  à 
nos  yeux  d'une  téméraire  légèreté^  confinant  au  crime  (2), 
la  science  n'en  est  pas  inoins  pour  nous  une  des  plus  véné- 
rables déesses  du  monde  intelligible. 

Exploratrice  intrépide  et  sagace,  dans  la  splière positive 
dont  elle  s'est  tracé  les  limites  à  elle^mêmCy  là  nul  obsta- 
cle n'a  pu  Vémouvoir^  nulle  puissance  n'a  été  capable 
d'entraver  son  essor.  Deuxinfiîus  s'ouvraient  devant  elle: 
ni  les  scintillantes  profondeurs  de  l'empire  des  étoiles, 
ni  Vimpénéirable  et  troublant  mystère  dont  s'enveloppent 
les  univers  d'atomes  organiques  gravitant  dans  une  goutte 
d'eau,  n'ont  intimidé  son  zèle;  étoile  par  étoile,  atome  par 
atome,  elle  a  entrepris  cette  double  conquête.  Chaque  jour, 


(1)  Pour  la  multiplication  de  la  pierre  philosophai e,  voir  Raymond 
Lui  le,  Flamel  et  les  autres  alchimistes. 

Henin  Khunrath  est  aussi  clair  que  formel  sur  ce  point,  dans  son 
Amphithéâtre  de  la  iSagcsse  éternelle  [page  206). 

(2)  S'agit'il  de  théories  métaphysiqueSy  nou^  admettons  toutes  les 
franchises  :  d'autant  plus  qu'il  est  facile  de  ne  rien  celer  aux  amis  de 
la  Sagesse,  tout  en  demeurant  impénétrable  auœ profanes...  Mais  dès 
lors  qu'il  est  question  de  livrer  à  tout  venant  la  préparation^  souvent 
si  simple,  de  produits  formidables  (nitroglycérine,  acide  cyanhydri- 
que,  iodure  d'azote,  ptofnaïnes,  cultures  microbiologiques,  etc.),  In 
fameuse  •  probité  scientifique  »  n'est  plus  à  notre  gré  qu'une  dange- 
reuse bavarde,  et  rien  davantage. 


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AVANT- PROPOS  53 

elle  i*  enorgueillit  et  une  lûctoire  nouvelle;  itifatigabUy  elle 
refoule  dans  les  deux  sens  la  frontière  de  Vlnconnu. 

Mais  répétons-le  ;  pour  tout  ce  qui  ne  rentre  pas  dans 
son  doinaine  strictement  positifs  elle  se  déclare  incotupé- 
tente.  Les  faits  seuh  V intéressent  :  elle  les  accumule  sans 
discernement,  parfois  sans  distinction  ;  fidèle  à  sa  mé- 
thode analytique^  elle  ejicombre  des  gerbes  mêlées  de  sa 
moisson  les  greniers  de  la  mémoire  humaine.  Mais  jamais 
elle  n  atteint  à  la  vraie  synthèse  ;  car  on  ny  peut  remonter 
quen  pénétrant  au  delà  du  sensible,  en  allant  plus  loin 
que  les  faits. 

Cet  archange  du  monde  contemporain  n'a  pas  d'ailes. 
Colosse  invincible,  comme  Antée,  quand  ses  pieds  touchent 
à  la  terre,  adieu  sa  force  prodigieuse  et  sa  pénétrante 
intelligence,  et  son  initiative  sagace,  pour  peu  qu'elle  s'é- 
lève à  quelques  pieds  du  sol.  Sur  ce  champ  de  bataille 
éthéré^  Vadversaire  la  sait  vaincue  d'avance  :  en  vain  se 
débal-elky  défaillantey  presque  inaniméCy  dans  une  lutte 
inégale^  faute  d'avoir  pu  retrempe)'  son  énergie  au  sein 
maternel  de  Dèmèter.  —  Sœur  (TAntée,  enfant  de  la  Terre 
comm^  lui^  la  Scietice  moderne  attend  son  rédempteur  y  le 
second  père  de  qui  elle  doit  naître  à  nouveau ^  enfant  du  Ciel. 

En  matière  (ï investigations  positives,  elle  n'a  point  son 
égale  :  autant  la  dire  infaillible.  Mais  on  la  voit  soudain 
frappée  d'impuissance  y  lorsqu'un  problème  d'ordre  pure- 
nient  intelligible  se  pose  devant  elle  ;  parfois  même, 
comme  nous  venons  de  le  voir,  acculée  à  l'un  de  ces  pro- 
blèmes mixtes  (tels  que  la  genèse  de  la  matière ^  dans  cer^ 
taifis  cas  anormaux  de  croissance  organique,  chez  V ani- 
mal ou  chez  la  plante),  elle  se  tait  ou  balbutie. 


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54  LA  CLEF  DE  LA  MAGIE  NOIRE 

Mais  OÙ  trouver  une  justification  plausible  de  noire 
phénomène  de  prodigieuse  végétation,  puisque  F  Académie 
des  Sciences  nous  laisse  en  vain  frapper  à  sa  porte  ? 

Peut-être  serons-nous  plus  heureux  en  abordant,  au 
seuil  de  leur  humble  retraite,  ce  rabbin  décrié  qu'on  dit 
versé  dans  la  sorcellerie,  ou  ce  vieux  chanoine  sauvage 
et  sédentaire  qui  passe  communément  pour  un  maniaque 
renforcé  (l).  Un  même  souci  cloître  V Israélite  et  le  Chré- 
tien dans  une  solitude  laborieuse  ;  une  même  réprobation 
les  enveloppe  dans  un  injurieux  abandon.  Uon  tremble 
devant  l'un,  et  Vautre  fait  pitié.  Les  bo7ines  gens  les  évi- 
tent tous  deux  ;  mais  Vun  et  raulre  s'eti  consolent  :  à 
vivre  en  un  monde  meilleur  y  ils  ont  perdu  la  souvenance 
des  amertumes  de  celui-ci.  Persécutés  de  leurs  pairs  comme 
de  leurs  supérieurs  hiérarchiques,  ils  ont  tu  jusqu'au  cri 
de  la  conscience  opprimée,  désappris  jusqu'à  la  protesta- 
tion du  dédain 

Que  nous  interrogions  le  sémite  ou  le  chrétien,  la  doc- 
trine s  affirmera  la  mêmey  en  un  langage  presque  identi- 

(1)  En  crayonnant  ces  deux  types  d'adeptes,  comme  assez  communs 
et  significatifs  au  Panthéon  des  sciences  occultes,  —  nous  disculpe- 
rons-nous ici  de  toute  prétention  à  pourtraira  telle  ou  telle  individua- 
lité contemporaine?  Ce  soin  nous  avait  semblé  superflu,  lorsquen  1888, 
le  Lotus  publia  ces  pages  pour  la  première  fois. 

Aussi  ne  fûmes-nous  pas  médiocrement  surpris  alors,  de  recevoir  coup 
sur  coup  tant  de  lettres  et  même  de  visites  quasi-suppliantes,,.  Signa- 
tures et  visages  inconnus,  des  amateurs  de  chimériques  ressemblances 
s'évertuaient,  en  dépit  de  nos  plus  énergiques  protestations,  à  nous  ar- 
racher le  nom  et  l'adresse  imaginaires  du  vietw  chanoine  et  du  mysté- 
rieux rabbin!  Ce  fut  peine  perdue,  comme  bien  on  pense,  et  ce,  pour  le 
meilleur  de  tous  les  motifs.  La  présente  note  suffira-t-elle  enfin  (nous 
en  doutons  fort)  à  désabuser  les  excellents  badauds  qui  naguère,  incri- 
minant notre  prétendue  discrétion,  nous  assiégeaient  dans  nos  derniers 
retranchements  f 


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AVANT-PROPOS  56 


que.  Et  ce  sera  VËsolemme  vivant  de  V antique  tradition 
judéo-chrétienne  qui  par  leur  bouche  nous  répondra  :  — 
a  Ouij  la  croissance  du  végétaly  dans  les  conditions  d'iso- 
lement  que  t^ous  dites,  est  un  fait  mystérieux  pour  la 
science  positiviste,  une  réalité  inexplicable  à  jamais  pour 
les  philosophes  qui  soutiennent  Véternité  de  la  matière  : 
car  nous  sommes  en  présence  d'un  transfert  de  puissance 
en  acte  ;  en  un  mot,  il  y  a  eu  création. 

Chanoine  ou  rabbin^  ainsi  répondrait  le  vieux  Kabba- 
liste,  qui  ne  manquerait  pas  d'invoquer,  à  Vappui  de  sa 
thèse,  la  Doctrine  secrète  transmise  jusqu'à  nos  jours 
(f  adepte  en  adepte,  et  par  voie  strictement  orale.  Or,  ce 
qi^il  exposerait  de  vive  voix,  en  termes  généraux  et  peut- 
être  sous  la  garantie  du  secret  juré^  le  Lecteur  va  le  trou- 
vai' ici  même^  sans  réticence  et  par  écrit. 

Nous  avons  parlé  de  création.  N* ayons  garde  d'attribuer 
à  ce  mot  le  sens  irrationnel  si  cher  aux  théologiens  d'un 
autre  âge.  Avec  les  initiés  de  l'ancien  monde  et  les  phi- 
losophes du  nouveau,  répétons  encore  :  Ex  nihilo  nihil,  le 
néant  n'engendre  pas. 

Moïse,  au  premier  verset  de  sa  Cosmogonie,  ex- 
prime hiéroglyphiquement  le  vrai  sens  du  mot  créer  : 
tt  DNH^t^  Sna  n^tt^t^ia  —  in  principio  creavit  Deus 
deorura...  »  Le  mot  t^nil(i)  (Barâ,  creavit) ,  ouvert  à  F  aide 


(i)  Ce  mot  Î411  est  au  prétérit.  Généralisé  et  porté  à  /'infinitif,  il 
devient  HVa. 

Entre  le  1  et  /*K,  a  trouvé  place  le  signe  convertible  à  son  pôle  de 
lumière,  le  Vaf^  pointé  en  haut.  Ce  qui  nous  donne  la  même  significa- 
tion, mais  universalisée,  mais  soustraite  à  tout  régime  temporel,  ac' 
guise  à  V étemelle  abstraction. 


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56  LA   CLEF  DE  LA  MAGIE  NOIRE 

des  clefs  de  Salomon^  manifeste  le  sens  ésote'rique  suivanl  : 
«  Paternité  (3)  du-raouvement-actif-producteur  (*î)  »  de 
l'existence  potentielle-à-la-millièmc-puissance  (^);  ^cesi" 
à'dire  :  «  Produclioii  du  mouvement  extériorisateur  qui 
fait  passer  du  primîpe  absolu  à  V essence  radicale^  sus- 
ceptible à  son  tour  de  multiplication  divisionnelle,  dans 
la  genèse  des  individus.  » 

Tous  les  êtres  se  Gvé^ni  donc  par  série  d'extériorisations 
successives. 

/.  L irradiation  féconde  du  Verbe  les  détermine  en 
Principes,  et  c'est  la  première  étape. 

2.  Du  Principe^  ils  passent  à  /'Essence  ou  Puissance 
d'être  générique,  spécifiée  et  spécifiante  :  seconde  étape. 

3.  Cest  à  ce  degré  de  réalisation,  cest  parvenu  à  ce 
moyen  terme  (4)  entre  la  principiation  et  Vexistence^  que 
Vétre  s'individualise  en  centres  d'activité  potentielle  ; 
c'est  la  Puissance  d'être  germinale  :  troisième  étape. 

Pour  compléter  ces  données  occultes  si  délicates  à  saisir, 
il  nous  reste  à  préciser  le  rôle  maternel  de  la  Vie,  dans 
cette  filiation  d'êtres  virtuels.  Reprenons. 

Ainsi,  dans  V expansion  du  Verbe  créateur,  la  Vie  (qui 
lui  est  indissolublement  associée)  ne  se  conçoit  qu-nm- 
verselle,  et,  si  Von  ose  dire,  sans  destination  particulière. 


(1)  N'oublions  pas  qu'ici-bas  nous  sommes  dans  la  loi  de  déchéance. 
Sous  cet  angle  trompeur,  la  grande  illusion  matérielle  nous  semble 
réalité,  tandis  que  nous  ne  parvenons  à  la  réalité  essentielle  que  par  un 
effort  de  V intelligence.  C'est  un  renversement  des  choses....  Les  essences 
n'apparaissent  un  moyen  terme  qu'à  notre  point  de  vue  terrestre;  elles 
ne  sont  puissances  d'être  (ou  plutôt  d'exister)  qu'à  ce  même  point  de 
vue.  Dans  l'ordre  primitif,  antérieur  à  la  chute,  les  essences  sont  réa^ 
litèSy  et  les  choses  physiques  seraient  illusion. 


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AVANT-PROPOS  57 


MaiSy  à  celte  fm  (ranimer  et  cV évertuer  les  Principes  des 
êtres,  la  Vie  s'impose  une  première  particularisation.  Elle 
époiise  ces  Principes  ou  Types  radicaux,  et  de  leur  union, 
sfmt  engendrées  les  Essences. 

Puis,  pour  vivifier  à  leur  tour  les  êtres  déterminés  en 
Essences  (ou  Puissances  collectives  spécifiées)  la  Vie  subit 
une  deujcième  particularisation. 

Enfin  les  Puissances  collectives  de  la  vie  spécifiée  (ou 
Essences),  se  sou^-multipliant  en  d'innombrables  germes 
individuels^  génèrent  ces  centres  d'activité  potentielle  dont 
nous  avons  parlé  :  troisième  particularisation. 

En  chacun  de  ces  centres^  se  manifeste  alors  un  iMoi 
plus  ou  moins  défini,  plus  ou  moins  instinctif  ;  perfectible^ 
suivant  son  espèce,  mais  non  encore  conscient  :  ce  Moi, 
c^est  raffirmation  individuelle  de  chaque  germe,  son  àme 
de  vie  particulière  (1). 

//  va  sans  dire  que  ces  doctrines  n'impliquent  rien  con- 
tre la  théorie  traditionnelle  de  l" Évolution,  Indiquer  les 
stad?s  deVInvolution  créatrice,  ce  n'est  pas  enseigner  que 
tout  être  qui  s  incarne  vient  immédiatement  de  les  par- 
courir.  Nous  7ie  pensons  pas,  avec  les  théologiens  primai- 
res du  Christianisme,  que,  dans  le  règne  hominal,  par 


(f)  Il  est  expédient  de  noter  ici,  pour  l'édification  des  étudiants  déjà 
avancés,  que,  dans  /'état  êdénal.  toute  cette  genèse  s'opérait  intus  ot  in- 
tra  :  en  sorte  que  chaque  sous-multiple  naissait  à  la  vie  individuelh* 
au  sein  maternel  d'Adamah  (l'élément  homogène  avec  ta  substance 
d'Adam),  sans  renoncera  la  vie  collective  ni  ro?npre  le  cadre  mys- 
tique de  la  grande  Unité,  —  Depuis  la  chute,  cette  genèse  s'effectue 
extra  forisque,  hors  du  giron  unitaire. 


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58  LA  CLEF  DE  LA  MAGIE  NOIRE 


exemple^  «  Dieu  crée  les  aines  à  Vinstanl  même  de  la 
conception  chaimelle.  » 

En  rappelant  ici  quil  est  une  échelle  de  la  vie  descen- 
dantCy  comme  il  en  est  une  de  la  vie  progressive,  et  qu'un 
ordre  hiérarchique  répartit  sur  les  échelons  d^  cette  der- 
nière les  moules  des  différentes  espèces,  il  convient  encore 
d'ajouter  que  ces  échelons  sont  gravis,  ces  moules  occupés 
tour  à  tour  par  les  monades  individuelles  en  ascension , 
suivant  les  lois  de  Vuniverselle  métempsycose. 

Les  races  elles-mêmes  s'élaborent  et  évoluent,  comme 
les  monades  individuelles  qui  en  sont  les  exemplaires.  Ce 
sont  deux  modes  de  rédemption  bien  disti7icts{i).  Il  en  est 
même  un  troisième,  qui  tient  de  Vun  et  de  Vautre;  c*est 
ce  que  nous  verrons  en  détail  au  Livre  III  :  le  Problème 
du  Mal. 

Quand  Vintelligence  lucide  aborde  ces  profondeurs,  il 
lui  semble  voir  la  vision  d'Ezéchiel.  L engrenage  univer- 
sel des  vies  est  bien  syjnbolisé  par  cet  ensemble  formida- 
ble de  roues  constellées,  qui  tourtient  les  unes  dans  les 
autres:  infinie  complication  de  détails  concourant  à  rii" 
nité  simple  et  grandiose  du  total  Cosmos. 

Nous  n'avions  pas  affaire  ci-dessus  auproblème  de  rÉvo- 
lutioji,  inséparable  de  V énigme  des  existences  successives. 

Notre  commentaire  du  mot  création  nous  limitait  à  un 
autre  point  de  vue  :  nous  tachions  à  esquisser  le  méca- 


(1  )  Oji  caractériserait  assez  bien  ces  deux,  modes  par  une  locution 
triviale  :  les  individus  peuvent  avancer  sur  le  chemin  de  la  vie  pro- 
gressive, soit  en  marchant  pour  leur  propre  compte,  soit  en  se  laissant 
trainer  par  la  masse  de  leurs  semblables. 


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AVANT-PROPOS  59 


mme  général  de  rinvolulion,  qui  fonctionne  sur  le  plan 
a^iraly  ou  hyperphysique. 

Là  est  la  genèse  animique  et  biologique  (l),  la  genèse 
dV)ixJre  intelligible.  Est^-il  besoin  de  noter  que  la  genèse 
dVirdre  sensible  en  est  distincte,  et  affecte  sur  le  plan 
pinjsique  une  direction  tout  inverse  ?  —  Le  germe  est  le 
}'"int  de  rencontre  des  ddux  lignes  (verticale-active  et  ho- 
rrjmtale-passive)  ;  c'eM  le  nœud  d^ union  de  la  matière  et 
de  la  vie,  du  monde  sensible  et  du  monde  hyperphysique  ; 
c'est  la  cellule  organique  où  s'emprisonne  Tàme  vitale: 
rest,  en  un  mot,  la  molécule  inerte  qui  tressaille  et  s'a- 
nime,  microscopique  sanctuaire^  tabernacle  d'amour  où 
V  célèbre  et  s'accomplit^  des  milliards  de  fois  par  seconde, 
le  mariage  vivificateur  de  la  Terre  et  du  CieL 

Si  nous  examinons  le  germe  (2)  dans  les  phénomènes 
de  sa  production  et  de  sa  croissance^  il  est  clair  que  nous 
le  supposons  placé  dans  des  conditions  de  développement 
possible,  et  même  favorable  :  car  rame  vitale  où  dort  l'es- 
prit latent  s'incorpore  au  milieu  le  mieux  disposé  pour 
la  recevoir  :  et  s/,  primordialement,  lorsqu'il  n  existait 
point  encore  de  matière  organisée,  des  âmes  de  vie  ont  du 
nécessairement  féconder  la  matière  inerte,  pour  créer  la 
cellule,  il  n'en  saurait  plus  être  ainsi  de  nos  jours,  où  ces 
énergies  virtuelles  infléchissefit  de  préférence  leur  mouve- 
ment germinal  vers  des  cellules  organiques,  élaborées  ad 
lioc,  cellules  appartenant  à  un  être  de  race  identique  à  la 

(i)  Toujours   sottg  le  bénéfice  de  la  restriction  formulée  plus  haut 
fP'  56  et  57,  en  noie), 
(i)  Végétal  ou  animal. 


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60  LA  CLEF  DE  LA  MAGIE  NOIRE 

leur{\),  —  Cesl  la  loi  de  filiation,  chez  les  animaux  comme 
chez  les  plantes  :  7wus  en  négligeons  à  dessein  Vexpo- 
siiion  raisonnée,  qui  nous  détournerait  du  sujet  principal, 
pour  nous  entraîner  hors  du  cadre  de  cet  Avant-propos. 

Or  donc,  étant  données  ces  conditions  de  formatioti  pos- 
sible, —  dans  un  végétal,  par  exemple,  —  dès  que  rame 
a  individualisé  la  molécule  qu'elle  anime  et  féconde,  elle 
obéit  à  son  instinct  de  conservation,  en  groupatU  autour 
de  la  cellule  centrale  d'autres  cellules,  dont  l'agrégation 
forme  une  sorte  de  chrysalide  protectrice  :  en  cet  état,  le 
germe  cuirassé  constitue  la  graine,  qui  tend  à  se  détacher 
de  la  plante  mère.  —  Vient  le  jour  où,  mure  pour  une 
existence  individuelle,  cette  graine  voit  se  rompre  le  der- 
nier lien  qui,  la  rattachant  à  la  tige  maternelle,  la  faisait 
participer  encore^  dans  une  mesure  moindre  de  jour  en 
jour,  à  la  vie  collective  de  la  plante, 

(Nous  passons,  en  tout  cecij  les  détails  techniques  et 
topiques  ;  nous  omettons  la  description  des  phases  décrois- 
sauce,  —  variables  d'espèce  à  espèce,  — pour  71' esquisser 
que  le  schéma  essentiel  de  la  formation  germinale,  La 
première  botanique  venue  suppléera  copieusement  à  ce  que 
ces  pages,  trop  délibérément  synthétiques,  peuvent  pré- 
senter  d'insuffisant  pour  les  esprits  méticuleux,  ou  même 
d'irritant  pour  les  amateurs  d'une  analyse  ponctuelle  et 
suivie.  —  Le  Lecteur  est  prié  de  ne  point  perdre  de  vue 
qu'il  ne  s'agit  de  rien,  pour  le  présent,  sinoyi  de  quel- 
ques  données  très  générales  de  biolocjie  occulte,  acci- 


(1)  S'oublion^  pas  que  ces  dmes  de  vie,  étant  spécialisées,   appar- 
tiennent nf^cessairenipnt  à  une  race  particulière. 


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AVANT-PROPOS  61 


deniellemeni  tangentes  à  Vobjet  de  ces  prolégomènes). 

En  somme,  que  pemer  de  celte  force  inconnue,  qui, 
après  avoir  e'iu  domicile  dans  une  cellule  organique,  attire, 
ijroupe  et  s'assimile  les  atomes  avoisinants,  pour  s'en 
faire  un  corps  de  défense?  Car,  —  chose  bien  digne  de 
notre  attention!  —  ce  n  est  pas  tant  la  plante  fécondée  qui 
concentre  sa  vitalité  sur  un  points  afin  de  former  la  se- 
mence conservatrice  de  sa  race  (I)  :  cest  le  germe  uni- 
miqm  de  la  future  graine  {énergie  potentielle  déposée,  il 
est  vrai  y  d^ms  un  terrain  organique  approprié  pour  la  re- 
revoir) (2),  cest  ce  germe,  —  aimant  mrjsiérieux  et  invi- 
sible^ —  qui  centralise  à  son  profil  les  éléments  dont  il  a 
besoin^  qui  les  distingue,  les  sélecte,  se  les  approprie^  pour 
se  constituer  lui-même  en  semence  parfaite. 

Pareillement,  chez  l'animal,  cest  l'œuf  fécondé  qui  at- 
tire à  soi,  et  non  pas  tant  la  mère  qui  fait  affiner  vers 
l'œuf  (S)  les  matériaux  requis  pour  la  formation  de  son 
corps  de  défense. 


{ 1  )  Sans  doute ^  il  y  a  réciprocité  harmonique  dans  tes  fonctions,  mer- 
reilleusement  concordantes,  de  l'être  qui  veut  perpétuer  sa  race  et  du 
(jerme  qui  veut  éclore;  mais  le  travail  actif,  et  pour  ainsi  dire  savant 
(sélection, assimilation,  répartition  des  matériaux,  etc.),  est  f  œuvre  de 
ce  dernier. 

(2)  Ou,  pour  préciser,  (\à,ns  l'ovaire  dont  le  pollen  a  fécondé  les  ovn- 
1,»5^  —  C'est  donc  en  chaque  ovuln  qu'il  faut  voir  (après  la  fécondation), 
le  microscopique  sanctuaire  dont  nous  avons  parlé  ;  le  nœud  d'union 
de  la  matière  et  de  la  vie;  le  point  d'intersection  des  deux  lignes  (ver- 
ticale-^ctive  et  horizontale-passive),  symboliques  des  deux  genèses  com- 
plémentaires: /'intellectuelle  et  la  sensible. 

(3)  Sous  entendons  ici  par  œuf  fécondé  la  volonté  obtuse  et  ins- 
tinctive qui  réside  en  lui  ;  comme  nous  avons  entendu  par  ^ernie  la 
force  efficiente  analogue,  l'étincelle  de  vie  spécifiée  qui  anime  le  germe. 

Tout  cela  se  conçoit  aisément.  Soiwieux.  sur  toute  chose  d'être  intel- 
ligible au  grand  nombre,  nous  éludons  le  plus  possible  la  terminologie 


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6â  LA  CLEF  DE  LA  MAGIE  NOIRE 

//  en  est  de  même  eneoi^e  des  kystes,  cancers  et  autres 
excroissances  de  nature  analogue  :  c'est  d'eux-mêmes  qu^ils 
se  forment j  dans  les  tnilieux  idoines  à  subir  leurs  ravages  ; 
leur  développement  matériel  est  actif  y  nullement  passif. 

Germes  végétaux  ou  animaux  :  la  graine,  le  fœtus  et  le 
polype  en  voie  de  formation  se  façonnent  eux-mêmes,  se- 
lon le  vouloir  instinctif  inné  en  eux,  puissance  efficiente  et 
qui  tend  à  se  réaliser  en  acte^  —  sauf  à  emprunter  autour 
d'elle  tous  les  matériaux  indispensables  à  cette  réalisatioff. 

L'âme  de  vie  collective,  universellement  distribuée  aux 
êtres  des  trois  règnes  7iaturels{l),  est  nommée  par  Moïse 

routumière  aux  naturalistes.  Il  serait  très  facile  à  eeur^ide  nous  sus- 
citer mainte  querelle  de  mots;  d'autant  que  la  précision  de  notre  voca- 
bulaire se  doit  ressentir  beaucoup  d'un  pareil  effort  de  vulgarisation. 

(1)  Les  minéraux  ont  également  une  vitalité,  et  même  une  âme  la- 
tente :  la  cristallisation  est  un  phénomène  aussi  fatalement  instinctif 
que  la  croissance  des  végétaux.  Nous  n'avons  gardé  le  silence  sur  la  vie 
minéra\Q,  qu'en  raison  de  l'étendue  déjà  excessive  de  cet  Avant-propos. 
La  biologie  minérale  eût  nécessité  des  commentaires  hermétiques  très 
développés;  nous  avons  dû  nous  abstenir  à  l'égard  de  cet  important 
problème,  que  nous  aurons  sans  doute  f  occasion  de  poser  ailleurs. 

Un  seul  mot  à  ce  sujet.  Nous  disons  que  les  Énergies  virtuelles,  au- 
tour de  qui  se  groupent  les  matériaux  nécessaires  à  la  formation  des 
corps,  existent  également  ches  les  êtres  des  trois  Règnes.  Notons  néan- 
moins que,  dans  les  règnes  minéral  et  végétal,  ces  énergies  ne  sont  pas 
libres,  ni  vraiment  volontaires;  mais  soumises  à  la  toute-puissance  du 
Destin  :  tandis  que,  dans  le  règne  animal,  le  reflet  de  la  volonté  propre 
se  manifeste  déjà  (quoique  bien  faiblement!)  dans  un  sens  qui  n'est 
point  toujours  celui  du  Destin.  — Enfin  le  règne  hominalÇqui  vaudrait 
d'être  classé  quatrième,  à  part  des  trois  autres),  n'est  plus  que  partielle- 
ment soumis  à  la  Puissance  fatidique.  Les  Énergies  virtuelles  du  genr^e 
humain  sont  libres  dans  une  notable  proportion  ;  elles  jouissent  d'une 
volonté  propre,  et  qui,  bien  qu'actuellement  inconsciente,  apparaît  tim- 
brée d'une  originalité  qui  distinguera  telle  personnalité  de  telle  autre. 
Les  âmes  humaines  se  constituent  une  enveloppe  physique  à  leur  image 
individuelle;  le  Destin  ne  les  lie  qu'en  les  assujettissant  aux  formes  gè- 
nérales  de  la  race..,  La  Providence  elle-même  peut  avoir  une  influence 
sur  le  développement  du  fœtus  humain,  et  cela  est  un  grand  mystère. 


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AVANT-PROPOS  63 


^in  CTÎJJ  Nephesh-ha-haïah  (1)  en  tant  qiion  la  cotisi- 
dère  dans  son  essence  homogène;  et  HJV  lônah,  en  tant 
que  faculté  génératrice^  expatisive,  plastique;  ou  souffle 
hiogénique  de  Nature  y  apte  à  se  spécifier  d'abord  en  essences 
(jénériques^  puis  à  s'individualiser  en  d'innombrables 
mis-mulliples,  pour  former  ces  potentialités  d'assimila- 
tion et  d'auto-création  corporelle^  qui  sont  l'étincelle  vi- 
vante et  le  vouloir  instinctif  de  toutes  les  créatures  en  voie 
de  se  développer  organiquement  sur  le  plan  physique. 

Mais  sur  quel  modèle^  sur  quel  patron,  cette  étincelle 
vitale  et  vivifiante  façonnera-t-elle  un  corps  qui  lui  soit 
approprié?  Ceci,  (comme  nous  l'avons  vu)  dépend  de  Téta- 
Ion  spirituel^  savoir  du  Principe,  gwi,  modalisant  la  Vie 
universelle.  Va  déterminée  en  telle  ou  telle  Essence  par- 
ticulièrey  ou  Puissance  d'être  spécifiée. 

Ces  Principes  sont  les  formes  pures,  les  archétypes 
immortels  et  préfixes  de  chaque  espèce.  Ce  sont  eux  — 
MUS  n'y  saurions  trop  insister  —  qui  particularisent  et 
façonnent  la  Force  universelle  de  viviftcation,  lônah.  De 
l'union  première  du  Principe  radical  et  dlônah,  iiaîl  donc 
l* incorruptible  essence  de  chaque  espèce.  Enfin  cette  Es- 
^^nce,  ou  puissance  d'être  collective,  engendre  la  multipli- 
cité  des  individus  virtuels  instinctifs,  auxquels  il  sera 


(J)  Les  Kabbalistes  donnent  aussi  ce  nom  de  ^2-  Nephcsh  au  corps 
f^^ral, par  opposition  à  rW^  Roûach,  rdme,  ef  à  HOwJ  Neshamah,  l'esprit 
^u  ^intelligence.  Mais  cet  hiérogramme  Nephcsh,  que  Moïse  a  formé 
P«r  lacontraction  de  trois  racines  :  TTN  HS-'I^  exprime  dans  le  Sépher 
^^  synthèse  de  ces  trois  facultés,  instinctive^  animique  et  mentale  :  «  =^3 
f^prime  la  partie  naturante  de  l'âme, T\Z  la  partie  naturée,  CN  lapav- 
ii^  naturelle.  »  (Voy.  Fabre  c^Olivet,  Lang.  hébr.  reslit.,  /.  //,  p.  52). 


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64  LA  CLEF  DE  LA  MAGIE  NOIRE 

donné  d'élire  et  d'agréger  à  soi,  sur  le  canevas  de  leur 
forme  astrale,  tous  les  éléments  dont  ils  ont  besoin  pour 
se  réaliser  objectivement  ici-bas. 

A  ces  types  radicaux,  à  ces  Principes  spécificateurs  des 
races,  d'autres  Kabbalistes  attribuaient  le  nom  rf'Imagi- 
nos^vocable  dont  l'interprétation  s'altéradans  la  suite  (1). 

—  Quoi  que  l'on  puisse  penser  de  ces  étalons  des  races,  ce 
sont  bien  en  effet  les  Images,  les  patrons  intelligibles 
sur  quoi  se  déterminent  et  se  modèlent  les  exemplaires 
individuels.' 

Résumons-nous  une  dernière  fois  :  le  Type  ou  /'Image 

—  force  active  de  spécification  —  pénètre  et  féconde  lu 
Vie  universelle  hijperphijsique  ou  lônah,  —  force  passive. 

—  Les  Essences  spécifiées,  qui  résultent  de  cet  hiimen^ 
engendrent  à  leur  tour  les  germes  virtuels,  c'est-à-dire 
les  individus  déterminéAi  en  puissances  d'être. 

Telle  est,  en  ses  principaux  stades^  la  Genèse  occulte 
et  vitale  des  germes,  bien  distincte,  encore  un  coup^  de 
la  Genèse  apparente  ou  matérielle  des  semences.  Il  faut 
de  toute  nécessité,  si  l'on  veut  prévenir  les  plus  regretta- 
blés  confusions  et  les  malentendus  les  plus  burlesques, 
avoir  toujours  présente  à  l'esprit  la  distinction  fondamen- 
tale qui  s'impose,  entre  /(?.s  Principes  d'ordre  intelligible 


(1  )  Suicant  iex  Kahbalistoa pfm  modernes,  le  Type  (i mago)yde}tcenfian t 
du  Ciel  au  moment  de  la  conception,  est  imbu  du  caractère  indiridufl. 
Ils  le  nomment  TM^W  Jechidah  ou  principe  d'individualité,  et  veulent 
y  voir  l'empreinte  différentielle  du  sceau  divin  sur  chaque  exemplaire 
terrestre. 

Le  JcM'hidah  de  la  nouvelle  Ecole  (U^yj  Zolcni  de  Moschè  Corduero)^ 
équivaudrait  en  somme  à  l'émanation  individuelle  du  principe  nommé 
plus  anciennement  huix^o.  Le  sens  n'est  donc  pas  positivement  altéré. 


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AVANT-PR01H)S  6o 


et  l€4  origines  d'ordre  sensible.  Ce  sont  les  deux  sources 
inverses  et  complémentaires  de  l'existence  mixte  :  l'une^ 
véri fiable  expérimentalemenl^  relève  des  sciencBspûsiiives  ; 
Tatiire  n  est  connue  que  par  Vexpérience  mystique  et  les 
inductions  de  rÉsotérisme;au  dire  de  tels  docteurs  con^- 
temporains,  elle  n'existerait  même  pas. 

Pour  clore  ce  long  et  abstrait  exposé  de  principesy  qui 
nous  ramènera  naturellement  à  notre  point  de  départ,  — 
T  examen  du  phénomène  observé  par  les  savants  Schraderj 
Greef  et  Braconnoty  —  un  mot  nous  reste  à  dire  des 
plantes  en  général. 

Nous  avons  précisé  comment  le  germe,  énergie  indivi- 
duelle en  puissatice  d'être,  a  déjà  accoynpli  un  premier 
travail  d autour éation,  pour  se  déterminer  en  graine  et  se 
détacher  à  ce  titre  de  la  planter-mère  :  étape  initiale  de 
son  développement  matériel.  On  doit  y  voir  une  adapta- 
tion élémentaire,  ety  pour  ainsi  dire,  la  fixation  d'une 
étincelle  de  vie  spécialisée  dans  un  corps  de  défense;  ou 
sa  claustration,  si  Vonveuty  dans  un  étui  protecteur. 

En  cet  étaty  la  semence  n'est  toutefois  encore  qu'un 
individu  végétal  embryonnaire,  incapable  de  se  développer 
en  dehors  de  certaines  conditions  indispensables  à  révo- 
lution végétative, — exigences  qui  sont  communes  à  toutes 
les  plantes.  Il  lui  faut  :  r  une  couche  de  matière  poreuse 
où  prendre  racine  (l);   2*»   une  certaine  quantité  d' eau 


{{)  Ce  n'est  là  une  condition  sine  quâ.  non,  que  pour  la  grande  majo- 
rité des  espèces.  Telles  plantes  marines  ou  paludéennes  naissent,  gran- 
dissent  et  meurent  dans  l'eau,  sans  avoir  jamais  adhéré  au  sol  par  leurs 
racines. 


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66  LÀ  CLEF  DE  LA  MAGIE  NOIRE 

pour  s'abreuver  ;  3^  une  atmosphère  normaU  (1)  pour  sa 
double  respiration,  diurne  et  nocturne.  {Chacun  sait  en 
effet  que  l$s  plantes  aspirent  de  jour  V acide  carbonique, 
dont  elle^  expirent  l'oxygène^  après  s' être  assimilé  le  car- 
bone ;  tandis  que  de  nuit  leurs  fonctions  sont  à  V inverse  : 
c^est  V oxygène  qu'elles  aspirent  alors,  et  elles  rejettent  Va- 
cide  carbonique,  —  produit  de  la  combustion  lente  {dans 
V oxygène)  du  carbone  en  excès,  assimilé  pendant  le  jour). 

Telles  sont  les  conditions  générales  de  la  germination 
des  graines,  —  conditions,  répétons-le,  communes  à  tou- 
tes les  essences  végétales.  Mais  il  est,  en  outre,  des  exi- 
gences particulières  à  chaque  espèce  :  par  exemple,  la 
présence  dans  le  sol  de  substances  azotées,  phosphatées, 
siliceuses,  calcaires  (2)...  Car  il  faut  apparemment  que 
les  végétaux  à  la  composition  chimique  desquels  ces  corps 
sont  indispensables,  les  puissent  rencontrer  dans  le  rayon 
de  leur  attraction  nutritive,  afin  de  les  emprunter  au  sol 
et  de  se  les  assimiler,  au  gré  de  leur  nature.  Ainsi  telle 
fleur  croît  abondamment  sur  les  terrains  siliceux,  qui  se 
refuse  à  pousser  sur  un  tuf  calcaire. 

En  règle  générale,  la  plante  élabore,  pour  sa  nutrition, 
les  éléments  assimilables  que  lui  fournissent  le  sol  et 
Vair  ambiants  ;  elle  décompose  ou  combine  à  son  gré  les 
oxydes,  les  sels,  les  gaz  simples  ou  complexes,  ets'appro- 


({)  Normale,  —  non  seulement  en  oxygène,  azote,  vapeur  d'eau,  aride 
carbonique,  etc.,  mais  encore  en  chaleur,  lumière,  électricité.,. 

(2)  Quand  tels  de  ces  produits  manquent  à  la  tei*re  arable,  et  qu'on  y 
veut  semer  des  plantes,  à  la  germination  comme  à  la  croissance  des- 
quelles ils  sont  indispensables,  on  supplée  à  l'indigence  native  du  sol, 
par  l'apport  artificiel  des  substances  requises,  qui  prennent  alors  les 
noms  «/'amendements  et  rf'engrais. 


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AVANT-PROPOS  67 


'      prie  toules  ces  substances,  dans  la  mesure  de  ses  besoins: 

I 

Mais  nous  avons  établi  Vinsuffisance  de  celte  loi  de 
nutrition^  à  justifier  la  présence  du  Fer,  du  Manganèse j 
de  r Aluminium  et  du  Calcium,  dans  les  tiges  et  les 
feuilles  cTun  cresson  semé  dam  la  fleur  de  soufre,  et 
arrosé  exclusivement  d^eau  chimiquement  pure.  Cet 
exemple  isolé  suffit  à  établir  la  réalité  d'un  autre  mode 
de  nutrition.  Sig7ialées  en  effet  dans  les  cendres  dudit 

I  cresson,  les  substances  ci-dessus  n'ont  pu  provenir,  ni  de 
fatmosphère  qui  baigne  sa  tige  et  ses  feuilles,  ni  du 
soufre  en  fleur  où  plongent  ses  racines,  ni  de  Veau  dis- 

I       iillé^  dont  il  s'abreuve.., 

I  Ces  substances,  où  donc  les  a-t-il  trouvées?  —  Nulle 

*  pari,  nous  l'avons  vu  :  elles  ont  été  créées  pour  lui,  au  fur 
et  à  mesure  que  ses  besoins  les  réclamaient. 

Quand  une  graine  ne  trouve  pas,  dans  le  sol  qui  l'a 
reçue,  non  seulement  les  conditions  nécessaires  à  la  ger- 
mination des  semences  en  général,  mais  encore  toutes 
celles  que  requiert  son  espèce  en  particulier,  elle  avorte 
et  pourrit  :  c'est  la  loi  commune.  Cependant,  il  est  des 
plantes  si  vivaces  et  d'un  si  rigide  destin,  que  leurs 
graines  s'obstinent  à  germer  dans  un  terrain  apte  en 
principe,  il  est  vrai,  à  la  germination  des  semences  végé- 
tales, mais  dépourvu,  au  cas  particulier,  des  éléments 
chimiques  qui  entrent  dans  la  composition  spécifique  et 
normale  de  la  plante  à  naître.  Alors,  de  deux  choses 
Vune  :  ou  le  végétal  se  prive,  dans  l'évolution  de  sa  crois- 
sance, des  principes  particuliers  qu'il  s'assimilerait  dans 


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68  LA  CLEF  DE  LA  MAGIE  NOIRE 

les  circonstances  ordinaires,  et  dont,  pour  cette  fois^ 
V analyse  chimique  établit  V absence  (i),  ou  il  a  recours, 
afin  de  se  Us  procurer  quand  mêm<î,  à  une  voie  eîn^traor- 
dinaire  et  d'exception. 

Celte  voie,  inconnue  à  la  science  des  Universités,  est 
celle  des  fluides  impondérables,  ou  plutôt  de  TÉther  vital, 
—  dont  la  lumière,  lu  chaleur,  le  magnétisme  et  V élec- 
tricité sont  les  quatre  manifestations  phénoméniques. 

Le  végétal  s'alimente  des  effluves  créateurs  de  cette 
Substance  première,  qm  les  anciens  nommaient  âme  du 
monde,  et  sur  la  nature  de  laquelle  roulera  notre  pre- 
mier chapitre  en  particulier^  et  tout  notre  ouvrage  en 
général. 

Que  fait  la  plante?  —  Le  vouloir  latent  de  son  Moi 
biologique  fait  office  d'aimant.  Son  organisme  fait  office 
à  la  fois  et  d'alambic  et  d'atlianor:  si  bien  qu  élaborant 
les  fluides  hyperphysiques,  selon  les  exigences  de  ses  fonc- 
tions naturelleSy  il  les  réduit  de  puissance  en  acte  ;  —  et 
que,  substance  permanente  et  absolue,  VAôr  se  diffé- 
rencie en  tel  ou  tel  mode  de  matière  transitoire  et  contin- 
gente. 

Nous  Vavons  fait  voir  Au  Seuil  du  Mystère  (2)  :  VAme 
du  monde,  ou  Lumière  asfrale,  est  le  substratum  insaisis- 
sable de  toute  existence  physique;  et,  à  un  point  donné 
de  son  évolution,  rame  du  monde  se  compacte  en  matière 
pondérable  et  sensible. 


(  1  )  Dans  ce  cas,  la  plan  te,  après  avoir  poussé  hâtivement  une  tige  grêle, 
s'étiole  le  plus  souvent  et  meurt  de  mort  précoce, 
(2)  Pages  85-86  de  la  3e  édition. 


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AVANT-PROPOS  69 


Cest  sur  celle  matérialisalion  de  la  substance^  que 
repose  tout  V édifice  spagifrique  des  alchimistes.  La 
suprême  ambition  du  fils  d'Hermès  consiste  à  déterminer 
le  point  précis  où  s'opère  cette  condefisation  mystérieuse^ 
à  laquelle  le  Trismégiste  fait  une  allusion  directe^  en  son 
symbole  de  la  Table  d'Émeraude,  lorsqu'il  dit,  du  secret 
agent  réalisateur  de  toute  perfection  corporelle  (Telestna)  : 
«  Vis  ejus  intégra  est,  si  versa  fueril  in  terrain  »  ;  sa  force, 
(d'extériorisation)  est  parfaite  (révolue),  quand  elle  s'est 
métamorphosée  en  terre  (matière  sensible), 

La  Table  d'Éraeraude  est  une  page  magistralement 
initiatique,  qui  trouvera  sa  place  au  cours  du  premier 
chapitre,  ^ous  comptons  traduire  en  entier  ce  testament 
sacerdotal  d'un  monde  qui  n'est  plus  ;  peut-être  confir- 
mera-t'iU  dans  son  laconisme  sacrée  les  principes  que 
nous  avons  eu  V occasion  d^ émettre,  —  et  fournira-l-il  de 
fermes  assises  à  notre  explication  de  la  grande  théorie, 
traditionnelle  en  occulte,  (Tun  agent  universel  des  mira- 
cleSy  prodiges  et  maléfirces. 


Le  Surnaturel  n'est  point.  Nos  Lecteurs  conçoivent  pré- 
sentement qu'en  tête  de  cet  avant-propos,  nous  ayons  ar- 
boré cet  axiome  péremptoire  :  —  tout  prêt  que  nous  puis- 
sions être  à  confirmer  VexistencCy  bien  plus,  à  fournir 
r explication  de  certains phéiiomènes  contestés  d'ordinaire, 
et  qui  trouveraient  assex,  sceptiques  tels  défenseurs  intran- 
sigeants du  Surnaturel  en  général.  Cest  qu'il  y  avait  là 


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70  LA  CLEF  DE  LA  MAGIE  NOIRE 


une  notion  essentielle  à  redresser,  et  y  du  même  coup  y  tout 
un  ordre  de  connaissances  à  garantir. 

En  vue  de  ruiner  un  faux  concept  {si  fâcheu-setnent  fa- 
milier au  plus  grand  nombre  de  ceux-là,  pour  qui  la  matière 
tangible  nemarque  pas  V  ultime  frontière  du  Connaissable)^ 
notre  effort  nous  induisit  en  une  prolixité  de  développe- 
ments  prélimiyiaireSy  qui  empiètent  quelque  peu  sur  la 
substance  même  du  livre. 

Ce  luxe  de  détails  anticipés  s'adressait  au  public  pro- 
fanCy  à  dessein  de  mettre  en  garde  les  superficiels  y  — 
éventuellement  curieux  de  jeter  un  regard  dans  la  lor- 
gnette ésotériquCy  —  contre  un  angle  de  déviatiott  du  rayon 
visuely  imperceptible  à  Vexamen  de  Vinstrument,  et  qui 
n'en  fausserait  pas  moins,  de  sorte  irrémédiable,  le  champ 
normal  de  la  vision. 

«.4  quoi  servent  les  préfaces?  A  vider  certaines  ques- 
tion préalables,  à  lever  certaines  préventions  qui  empê- 
chent de  lirCy  à  écarter  certains  obstacles  qui  empêchent 
d'entrer.  »  —  Voilà  ce  que  nous  pensons,  avec  le  comte 
Agénor  de  Gasparin,  Vauteur  d'un  très  beau  livre  de 
recherches  occultes,  aujourd'hui  presque  oublié  {i). 

Pour  déférer  à  ce  judicieux  conseil  y  il  nous  reste  à 
prévenir  un  second  malentendu,  corollaire  du  premier. 
Nous  n'avons  pas  voulu  qu'on  se  mépnt  sur  lu  question 
du  Surnaturel  :  à  plus  forte  raison,  ne  faut-il  pas  qu'en 
des  pages  que  la  Go'étie  va  hanter  par  intervalles  de  ses 
ténébreux  simulacres,  une  confusion  devienne  possible, 


(1)  Des  Tables  tournanles,du  surnaturel  cl  des  Esprits.  Paris,  Dentu, 
1855,  2  vol.  i/i-18. 


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AVANT-PROPOS  71 


touchant  V essence  de  la  véritable  Magie.  Cette  fois,  nos 
éclaircissements  sont  dédiés  au^  étudiants  déjà  sur  la 
voie^  —  en  un  mot,  aux  initiés.  Le  parallèle  (g^on  a 
pu  lire,  au  début  du  présent  discours^  ne  saurait  satis- 
faire à  les  préserver  des  faux  pas. 

Une  conception  des  moins  connectes  court  le  public^ 
accréditée  par  certains  demi-érudits  en  la  matière.  On 
croit  communément  que  la  Magie  réside,  avant  tQut\  dans 
Tart  de  produire  à  volonté  ce  que  les  spirites  appellent 
des  phénomènes.  Définir  de  la  sorte  la  Magie^  c\est  voir 
dans  l'Adepte  par  fait,  dans  le  Mage^une  façon  de  Médium, 
habile  à  régulariser  le  jeu  des  manifestations  {intermittent 
d'ordinaire)  ;  à  mettre  un  frein  au  caprice  familier  des 
Invisibles  ;  tranchons  le  mot,  —  à  domestiquer  hs  «  Es- 
prits  »/ 

En  vérité,  si  la  haute  Magie  consistait  en  cela^  conve- 
nons qu'elle  se  réduirait  à  bien  peu  de  chose 

Rien  n'est  moins  fixe  et  plus  mal  défini  que  ces  mani- 
festalions  prétendues  sensibles,  qui  s'ébauchent  confuse- 
ment  dans  le  nimbe  élastique  des  médiums. 

Jouets  de  Larves  dépourvues  d'essence  propre  et  sans 
trêve  balancées  du  non-être  radical  à  V apparence  physi- 
que, les  Médiums  offrent  à  ces  formes  lémuriennes  un 
miroir  paradoxal,  où  refléter  leur  semblant  d existence. 
Eux-mêmes  font  paraître  à  V examen  du  psychologue  une 
personnalité  capricante,  absurde,  protéenne,  et  qui  porte 
la  signature  équivoque  des  soi-disant  Esprits. 

Quels  produits  peuvent  naître  du  concours  éventuel  de 
ces  deux  instable  facteurs  —  Larve  et  médium,  —  on 


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72  LA  CLEF  DE  LA  MAGIE  NOIRE 

rUnagine  aisément  ;  et  nul  ne  s'étonnera  de  constater  que 
ce  caractère  fallacieux  et  trouble^  qui  leur  est  propre  à 
tous  deux,  distingue  à  fortiori  les  phénomènes  issus  de 
leur  collaboration. 

La  curiosité  du  plus  grand  nombre  se  confine  dans  le 
spectacle  amusant  de  ces  phénomènes  :  manifestations 
fugaces,  dont  Vétude  relève  assurément  du  magiste  et  de 
sa  compétence;  mais  l'on  aurait  toi't  de  croire  que  le  pro- 
gramme de  la  Magie  (même  déviée  à  gauche)  se  limite  à 
cet  examen. 

Ce  qu'assez,  pertinemment,  bien  qu*en  un  sens  très  res- 
treint, les  spirites  dénomment  phénomène,  n'intéresse 
V occultiste  qu'à  titre  exceptionnel  et  en  mode  très  indirect. 

Comment  et  pourquoi?  —  Cest  le  problème  qu'il  con- 
viendrait d'aborder  sur  l'heure^  sauf  à  requérir  de  ceux 
qui  veulent  bien  nous  suivre^  en  ce  dédale  d'explications 
préliminaires^  une  attention  quelque  peu  soutenue.  La 
question  en  vaut  la  peine;  car,  s'il  nous  est  donné  de  met- 
tre en  lumière  une  fondamentale  distinction^  aussi  ur- 
gente à  bien  établir  que  délicate  à  bien  pénétrer,  peut"  être 
aurons-nous  dit  une  chose  assez,  neuve,  —  et  même  fourni 
à  la  sagacité  des  chercheurs  l'une  des  maîtresses-clefs  de 
l'Èsoiérisme. 

Supposons  la  soudaine  production  d'un  phénomène  bien 
évident^  bien  incontestable,  devant  un  nombreux  concours 
de  spectateurs  de  toute  classe.  If  ores  et  déjà,  nous  pou- 
vons mettre  à  part  trois  catégories  de  témoins,  que  le  mys- 
tère de  ces  manifestations,  si  surprenant  soit-il,  n'in- 
triguera guère.  Cest  d^ abord  le  dévot  étroit,  qui  porte  à 


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AVANT-PROPOS  73 


Factif  du  Diable  tout  incident  de  cet  ordre...  Puis  ces 
bonz-es  de  Forthodoxie  officielle^  dont  remploi  est  de  pan- 
iifiev  scientifiquement  y  Vodil  clos  à  toute  lueur  suspecte 
(Tkérésiey  les  oreilles  bouchées  à  toute  voix  qui  fie  sonne 
point  à  Vunisson  du  concert  académique.  Ces  deux  sortes 
de  témoins  ont  leur  siège  fait  d'avance  :  Vun  a  vu  V ombre 
des  cornes  de  Béehébuth;  Vautre  n'a  vu  goutte^  et  savait 
de  reste,  en  venant  à  la  séance,  qu'il  se  dérangeait  pour 
rien...  Éliminons  enfin  cette  triste  variété  de  non-valeurs, 
pantins  du  scepticisme  à  la  modCy  imperynéables  à  tout 
noble  souci,  dont  le  tic  est  de  ricaner  leur  vie  :  devant 
eut,  véritables  eunuques  de  l'intelligence,  Vadorable  Vé- 
rité pourrait  s'épanouir  dans  le  resplendissement  de  sa 
nudité  céleste^  sans  les  émouvoir  d'un  frisson,  ni  réveil- 
1er  en  eux  l'apparence  même  d'un  désir. 

Ces  trois  types  écartés^  reste  l'homme  de  bonne  foi,  le 
témoin  pur  et  simple,  sans  parti  pm,  qui  en  est  pour  ce 
quil  a  vu  et  s'ingénie  peut-être  à  en  découvrir  la  cause... 
Pour  celui-là,  —  soit  chercheur  consciencieux  ou  simple 
badaudy  —  le  phénomène  dûment  constaté  revêtira  une 
importance  capitale.  Badaud,  ce  miracle  à  proportions 
bourgeoises,  réalisé  dans  un  cadre  bourgeois ^  le  trouble 
et  le  ravit...  Esprit  sérieux,  il  n'est  guère  moins  cap- 
tivé par  l'évidence  d'un  fait  inaccessible  aux  lois  de  la 
science  contemporaine,  cette  Révélatrice  qu'il  avait  pris 
V habitude  d'envisager  comme  universellement  compétente 
et  infaillible  sur  son  trépied.  Aurait-il  fait  fausse  route? 
Façonné  au  moule  de  r école  positiviste  (où  Von  n'admet 
d'autre  critérium  de  la  réalité  que  le  témoignage  de  ses 
cinq  sens) f  voilà  qu'il  se  heurte  àV évidence  d'un  faithos- 


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74  LA  CLEF  DE  LA  MAGIE  NOIRE 


lilôy  du  moins  il  le  croit,  à  V  esprit  de  la  science  positive, 
et  ses  sens  même  lui  en  attestent  à  Venvi  Vauthenticité  ! 
Va-lr-il  renier  ses  dieuXy  ou  saurort-il  pousser  jusqu'au 
bout  les  conséquences  logiques  des  prémisses  qui  s'infligent 
à  son  assentiment?..  En  toute  hypothèse,  converti  à  lu 
mode  de  saint  Thomas^  nul  doute  que,  pour  lui,  le  phéno- 
mène énigmatique  ne  prenne  une  valeur  et  une  portée 
excessives. 

Il  n'en  saurait  être  de  même  pour  roccultiste,  à  qui  la 
Nature  universelle  offre,  au  delà  même  du  plan  physique 
{seul  accessible  aux  moyetis  de  recherches  et  de  contrôle 
de  la  science  dite  positive),  trois  autres  plans  d'investi-- 
galion  et  d^ expérience  : 

1°  Le  plan  astral,  monde  inférieur  des  énergies  poten- 
tielles :  c'est  le  royaume  de  la  Nature-naturéCy  où  domine 
le  Destin  ; 

2^  Le  plan  psychique,  monde  passionnel,  intermédiaire: 
c'est  le  milieu  propre  de  la  Substance  adamique,  où  se 
meut  l'âme  vivajite  universelle,  athanor  de  la  Volonté; 

3°  Le  plan  spirituel,  monde  supérieur,  intelligible  : 
c'est  l'éden  de  la  Nature-naturante,  où  règne  la  Provi- 
dence, 

Sur  chacun  de  ces  trois  plans ^  l'initié  peut  avoir  accès  ; 
nous  verrons  ailleurs  sous  quelles  conditions,  et  par 
quelles  issues. 

A  même  le  monde  spirituel,  il  peut  étudier  la  généra- 
tion des  principes^  dans  Vordre  préfix  de  Vabsolutisme 
divin  ;  —  à  même  le  monde  psychique,  il  peut  surprendre 
l'élaboration  des  vies,  au  cremet  de  la  tourmente  passion- 


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AVANT-PROPOS  75 


îielle  {où  s'affirme,  jusque  dans  la  lutte  intérieure,  l'an^ 
linomie  des  âmes  et  des  volontés  (1)  ;  — à  rnénie  le  monde 
astral,  il  peut  connaître  le  substratum  de  toute  manifes- 
tation sensible,  et  déchiffrer  cette  mystérieuse  langue  des 
signatures^  où  s'inscrit  la  genèse  dynamique  des  formes. 

Inutile  d^ajouter  que  le  inonde  matériel  et  tangible 
présente  à  Vinitié^  comme  au  profane^  un  champ  physique 
(T expériences,  merveilleusement  défriché  du  reste  et  mis 
en  valeur  par  les  pioimiers  du  positivisme  contemporain. 

Voilà  donc  quatre  ordres  de  réalités ,  {matérielles, 
astrales,  psychiques  et  spirituelles) y  que  r adepte  ésoté- 
ricien  peut  observer  à  loisir  sur  les  divers  plans  qui  leur 
sont  propres.  Quel  intérêt  relatif  et  secondaire  présen- 
teront pourluiy  dès  lors,  les  phénomènes  aussi  éphémères 
qu  illusoires,  également  déplacés  sur  tous  ces  plans,  et 
qui  n  appartiennent  en  propre  à  aucun  d'eux  ? 

Car,  il  importe  essentiellement  de  s'en  rendre  compte, 
—  et  c'est  là  le  nœud  gordien  du  problème  qui  nous 
occupe,  —  le  phénomène,  conçu  dans  le  sens  de  manifes^ 
talion  fugace  de  Vlnvisible  (2),  ne  présente  ni  existence 


(1)  Dans  celle  anlinomie  réside  le  principe  de  la  perfectibililè.  — 
Cf.  l'admirable  page  de  Lacuria,  De  l'âme  et  de  la  volonté,  ou  de  la 
double  vie  de  Thomine  (Harmonies  de  l'Être  exprimées  par  les  nom- 
bres ;  Paris,  1847,  2  toi.  in-S,  tome I,  ch.  XVIJJ,  pages  31o-3i9). 

(2)  Sous  visons  principalement  ici  les  apparitions  fltiidiques  d'êtres 
virants  ou  de  parties  d'êtres,  telles  que  mains,  pieds,  etc.,  qui  se  dissi- 
pent après  s  être  un  instant  condensées.  Quant  aux  définitives  ma.iêfidi- 
lisatioDS  (dont  il  faut  se  défier,  car  elles  se  réduisent  le  plus  souvent  à 
de  simples  apports),  elles  constituent,  quand  elles  sont  réelles^  une  caté- 
gorie à  part  et  d^  exception;  elles  relèvent  de  la  haute  magie  propre- 
ment dite. 


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76  LA  CLKF  DE  LA  MAGIE  NOIRE 

physique,  ni  virtualité  astrale  :  c*est  une  sorte  dlUusmi, 
un  mirage  résultant  (Tun  compromis  anormal  entre  ces 
deux  classes  de  réalités.  Il  ne  se  produit  que  par  rinler- 
section  {si  Von  peut  dire)  tout  accidentelle  des  plans 
physique  et  astral. 

Dans  une  phase  d'instabilité^  dans  un  instant  de  dé- 
sordrCf  les  deux  lignes  natui*ellement  parallèles  viennent 
à  se  couper  sur  un  point,  —  où  le  phénomène  se  produit^ 
fallacieux,  paradoxal.  Mais  bientôt  la  norme  rétablit  son 
empire,  et  sitôt  que  les  deux  plans  ont  repris  leur  niveau 
parallèle,  le  phénomène  a  disparu. 

Est-ce  à  dire  qu'il  n'y  ait  point  de  relations  légitimes, 
normales,  entre  le  monde  astral  et  le  monde  matériel?  — 
Nul  doute  qu'il  n'y  en  ait,  puisque  ce  dernier  n'est  que 
l'expression  de  l'autre,  sa  résultante,  son  effet.  La  subs- 
tance  astrale  s  est  manifestée  en  engendrant  la  matière 
physique,  et  celle-ci  retournera  en  temps  voulu  à  son  état 
premier.  Jusque-là,  elle  est  incessamment  élaborée  par 
Vinflux  du  monde  astral,  qui  subit  en  revanche  une  ré- 
percussion constante  des  phénomènes  du  monde  physique. 
Voilà  qui  suppose,  d'un  monde  à  l'autre,  un  double  courant 
descendant  et  ascendant,  comme  l'enseigne  la  Table 
d'Émeraude.  Il  s'opère  là  une  véritable  endosmose  d'in- 
fluences. Mais  les  deux  grandes  portes  de  communication, 
entre  le  monde  liyperphysique  ou  astral  et  le  monde  phy- 
sique ou  matériel,  sont  les  portes  de  la  Naissance  et  de 
la  Mort  ;  ou,  pour  plus  de  précision,  celles  par  où  s'effec- 
tuent, d'une  part,  l'incarnation  des  âmes,  —  et  Uur 
désintégration  posthume,  de  l'autre. 

C'est  même  en  faussant  ces  rapports  normaux  quil 


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AVA.NT-PROPOS  U 


devient  possible  de  provoquer  celte  phase  de  trouble  (assez 
rare  en  létal  ordinaire  des  choses), phase  où  V intersection 
fortuite  des  deux  plans  engendre  la  fugace  illusion. 

Ceci  est  très  remarquable,  A  part  certains  cas  peu  fré- 
quents^ où  la  nature  fait  elle-même  tous  les  frais  de  ces 
fantasmagories  {i);si  Von  excepte  encore  telles  œuvres  de 
haute  Magie,  quund  le  Thaumaturge  crée  la  matière  hors 
de  lui^-mêine,  soit  en  extériorisant  sa  propre  substance,  soit 
en  compactant  VAôr  par  l'intermédiaire  de  son  médiateur 
plastique  ;  —  on  peut  dire  à  coup  sûr,  partout  où  se  ma- 


(1)  V occasion  nous  sera  fournie,  ultérieurement ,  de  signaler 
quelques-uns  de  ces  cas. 

Mais  on  nous  saura  gré  de  transcrire,  sous  toutes  réserves,  un  pas^ 
sage  très  singulier  de  Saint  Martin,  touchant  les  caprices  anarchiques 
des  Puissances  naturelles,  «  Ce  n*est  (dit- il)  qu'en  agissant  dans  leur 
détordre  et  dans  leur  désharmonie,  qu'elles  (les  Puissances)  produisent 
ces  formes  monstrueuses  que  Von  remarque  dans  les  différents  règnes 
de  la  nature;  de  même  que  ces  formes  de  bêtes,  et  ces  voix  animales 
qui  se  manifestent  quelquefois  dans  les  oragen  et  les  tempêtes,  et  qu'il 
n'est  pas  nécessaire  (V attribuer  à  l'intervention  des  Esprits..,.  Les  Puis- 
sances de  la  Nature  soni  contenues  les  unes  dans  les  autres,  quand 
elles  jouissent  de  leur  harmonie.  Leur  frein  se  brise  dans  les  temps 
d'orage,  et  comme  elles  portent  en  elles-mêmes  les  germes  et  les  prin- 
cipes de  toutes  les  formes,  et  surtout  le  son  ou  le  mercure,  il  n'est  pas 
étonnant  que  quelques-unes  d'entre  elles,  se  trouvant  alors  plus  réac- 
tionnées  que  les  autres,  elles  produisent  à  notre  vue  des  formes  carac- 
térisées, et  à  nos  oreilles  des  voix  d'animaïux  à  nous  connus.  Il  ne 
faut  pas  être  surpris  non  plus  de  ce  que  ces  voix  et  ces  formes  n'ont 
qu'une  courte  durée  et  qu'une  existence  éphémère  ;  elles  7ie  peuvent 
avoir  ni  la  vie,  ni  les  qualités  substantielles  dont  elles  jouissent,  quand 
elles  sont  le  résultat  de  l'union  harmonique  de  toutes  les  Puissances 
génératrices.  »  (Le  Ministère  de  rHonime-Esprit,Pa/"i>,  1802,  in-%,  p. 
142-443). 

Ces  lignes,  prises  au  pied  de  la  lettre,  semblent  au  moins  contesta- 
bles; mais  qui  nous  garantira  que  Saint-Martin  les  entendit  exclusi- 
vement de  la  sorte  f  Elles  offrent,  en  tous  cas,  un  symbole  frappant  et 
suggestif,  dont  notre  Lecteur  saura  faire  profit. 


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78  LA  CLEF  DE  LA  MAGIE  NOIRE 

nifesle  le  phénomène j  qu'il  y  a  perturbation^  profanation, 
viol  en  quelque  manière,  ou  des  arcanes  de  la  naissance, 
ou  des  arcanes  de  la  mort. 

V immoralité  des  médiums  est  passée  en  proverbe  dans 
les  milieux  où  ils  sont  connus.  Beaucoup  d^ entre  eiuc, 
sinon  tous,  paraissent  les  irresponsables  victimes  d'une 
dépravation  toute  pathologique.  D'aucuns  soiit  génitale- 
ment  des  monstres^  et  nous  jugeons  inutile  de  revenir  sur 
les  révélations  que  nous  avons  faites  à  cet  égard  {pp.  406^ 
407  du  Temple  de  Satan).  D'autre  part,  nous  verrons  en 
ce  présent  tome  [notamment  au  chapitre  II,  Mystères  de 
la  Solitude),  le  rôle  efficace  attribué  au  sperme  dans  les 
maléfices  des  nigromans  de  toute  époque  et  de  tout  pays. 
—  Voilà  pour  la  profanation  des  mystères  de  la  naissance; 
quant  à  celle  des  mystères  de  la  mort,  il  suffit  de  nommer 
le  Spiritisme^  cette  doctrine  si  répandue  de  nos  jours  et 
qui  élève  à  la  hauteur  d'une  religion  V antique  Nécroman- 
cie, dépouillée  de  toute  science  (expérimentale  ou  tradi- 
tionnelle) de  la  vie  posthume,  comme  de  tout  souci  des 
rites  psychurgiques,  qui,  dans  le  culte  des  ancêtres^  appa- 
raissaient jadis  la  garantie  et  Vhonneur  mutuels  des 
vivants  et  des  morts. 

On  doit  mieux  sentir  à  cette  heure  Vimportance  secon- 
daire du  phénomène,  dans  les  enseignements  de  la  Syn- 
thèse ésotérique.  Si  les  manifestations  de  cet  ordre  sont 
tout  dans  le  Spiritisme  ;  si  .elles  ont  une  valeur  encore 
prépondérante,  quoique  déjà  partielle^  dans  la  Sorcellerie 
ou  Magie  Noire,  qui  est  avant  tout  Vart  des  illusions  et 
des  prestiges  ;  —  on  concevra  sans  peine  que  la  haute  et 
divine  Magie^  qui  peut  se  définir  la  Science  de  l'Être,  élu- 


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AVANT-PROPOS  79 


diésous  tous  ses  aspects  de  réalité,  d'essence  et  de  prin- 
cipe^ relègue  au  second  plan  d'illusoires  artifices.  Prendre 
essor  à  travers  tous  les  mondes,  pour  aller  étudier  les 
merveilles  de  F  Être  soitë  toutes  latitudes^  et  cueillir  les 
fleurs  du  Vrai  et  du  Beau,  les  fruits  du  Bien  et  du  Juste 
sous  tous  les  climats  du  vivant  Univers,  —  et  jusqu'en 
Édeti  perdu  et  reconquis, —  telle  doit  être  surtout  V ambi- 
tion de  Vadepte. 


VI 


La  Science  ésotérique  nous  propose  donc  un  triple  objet 
d^ étude:  la  Nalure-naturante,  la  Nature  psychique  et  vo- 
Vilive  (Vhomme)  et  la  Nature-nalurée.  Uon  est  convenu 
de  dire,  en  termes  moins  exacts,  mais  aussi  moins 
abstraits  :  Dieu,  VHoniîne  et  F  Univers. 

Le  Temple  de  Salomon  s'appuyait  sur  deux  colonnes  : 
Iakin  et  Bohaz,  l'Actif  et  le  Passif,  l'impulsion  et  la  ré- 
sistance, la  Liberté  et  la  Nécessité,  le  Moi  et  le  Non-moi. 
Ces  deux  mêmes  colonnes  décorent  le  péristyle  du  temple 
de  la  Science;  elles  symbolisent  V Expérience  et  la  Tra- 
dition. 

V Expérience  n'est  pas  tout  :  à  s' aventurer  sans  guide 
en  pays  inconnu,  l'on  s' égare  infailliblement.  —  La  Tra- 
dition n'est  pas  tout;  elle  devient  lettre  morte,  pour  qui- 
conque ne  prend  point  Vinitiative  d'en  contrôler  V oracle. 

Beaucoup  ont  le  tort  de  s'en  tenir  à  ce  mode  tout  passif 
d'acquérir  la  Vérité. 

La  méditation  des  ouvrages  d'occulte  absorbe  exclusi- 
vement la  plupart  des  chercheurs  que  préoccupe  le  pro- 


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80  LA  CLEF  DE  LA  MAGIE  NOIRE 

blême  mystique;  —  nous  disons  des  plu^ séneux,  {les  plus 
futiles,  véritables  badauds  en  foire,  se  traînant  volontiers 
d'une  baraque  à  Vautre^  en  quête  de  phénomènes).  Comme 
si  le  labeur  de  s'initier  se  bornait  à  des  efforts  d'assimi- 
lation doctrinale!  L œuvre  écrite  des  inaîtres  n'est  pas 
impunément  négligeable^  —  qui  en  doute  ?  —  et  nous  fai- 
sons  peu  de  cas  de  tel  présomptueux  novateur j  qui  se  tav^ 
gue  de  suppléer,  par  V exubérance  de  sa  propre  imagina" 
lion,  à  Vétude  approfondie  des  classiques  de  VÉsoté- 
risme. 

Mais  cette  étude  ne  saurait  suffire.  H  faut  encore  payer 
de  sa  personne  et  s  aventurer  résolument  à  la  conquête 
du  vrai,  à  travers  les  ténèbres  d'un  monde  inconnu.  Cest 
par  là  que,  se  distinguant  du  simple  érudit,  qui  n  est  sou- 
cieux d'intervenir  que  dans  les  batailles  d'opiniom,  l'oc- 
cultiste tend  à  pémtrer  V essence  des  choses^  et  va  déchif- 
frer à  même  la  grande  stèle  de  la  nature,  qui  est  écrite 
au  dedans  comme  au  dehors. 

Imagine::»  une  feuille  de  parchemin,  couverte  (Thiéro- 
glyphes  sur  ses  deux  faces,  mais  adhérente  à  un  tableau 
par  Vune  d'elles.  Les  caractères  du  recto,  — qu'on  les  sa- 
che ou  non  interpréter,  —  apparaîtront  visibles  aux  yeux 
de  chair  ;  tandis  que  les  signes  tracés  au  verso  ne  seront 
perceptibles  qu'à  l'organe  visuel  de  l'âme,  ce  qui  revient 
à  dire  qu'un  bon  lucide  pourra  seul  les  distinguer. 

Ceci  71' est  qu'une  métaphore,  — ^t  le  néophyte  ferait 
fausse  route,  s'il  allait  en  conclure  que  la  lucidité  magné- 
tique est  la  faculté  maîtresse  à  développer  en  soi,  la  su- 
prême prérogative  de  l'adeplat.  Il  y  a  plusieurs  degrés 
de  voyance,  comme  il  y  a  plusieurs  :cOnes  de  vision.  Que 


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AVANT-PROPOS 


8i 


d'illustres  voyants  n'ont  été  aucunement  lucides  sur  le 
plan  physique!  Tel,  en  revanche,  peut  être  un  merveilleux 
lucide^  au  sens  démotique  et  cher  aux  somnambules  y  qui 
nen  est  pas  moins  un  imbécile  accompli  :  ces  deux  quor 
Hlés  n'ont  rien  qui  s'exclue,  et  Vexpéinence  Va  maintes 
fois  prouvé.... 


Siy  indépendamment  du  monde  physique^  dont  Vobser- 
ration  relève  des  sens  charnels j  V Univers  comporte  trois 


SDÎrituet 
"^ • 1-- 


plans  de  réalité  ou  mondes  hiérarchisés,  — Vâmehumaine 
possède  trois  étages  aboutissant  à  ces  trois  plans  :  U/S3 
Nephesch  ou  le  corps  astral,  correspond  au  monde  hyper- 
physique  ;TVr\  ^oùsich  ou  P  Ame  passionnelle,  au  monde 
psychique  ;  nQW3  Neschamah  ou  rintelligence  {réceptive 
de  PEspril  pur),  au  monde  intelligible. 
Ces  trois  centres  principaux^  comme  Va  péremptoirer 

ment  établi  Fabre  d'Olivet,  possèdent  chacun  une  sphèi*e 

6 


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82  LA  CLEF  DE  LA   MAGIE  NOIRE 

d action  qui  lui  est  propre  :  et  ces  trois  sphères  étagéés 
s'enchaînent  de  telle  sortCj  que  la  circonférence  déployées 
par  le  centre  inférieur,  Nephesch  {Instinct^  vie  sensitive^ 
corps  astral),  atteint  le  centre  médian,  Ro\xdLch{ Ame  pas- 
sionnelle, vie  psychique)  ;  et  que  la  circonférence  déployée 
par  celui-ci  touche  au  point  central  de  la  circonférem^e 
supérieur Cy  Neschamah  {Intelligence y  vie  spirituelle).  — 
Enfiny  ce  ternaire  est  tonalisé  par  une  unité  relative^  qui 
en  fait  un  quaternaire  ;  en  d^ autres  termes,  ces  trois  sphè- 
res sont  enveloppées  par  une  quatrième,  d'un  rayon  dou- 
ble d^étenduCj  la  sphère  volitive,  dont  le  point  central  se 
confond  nécessairement  avec  celui  de  la  sphère  psychique, 
médiane. 

Le  schéma  ci-contre  permettra  de  saisir  d!un  coup  d'œil 
ces  rapports  de  l'homyne  triple,  avec  le  triple  univers. 

Vétre  humain  (soit  individuel,  soit  collectif)  peut  être 
conçu  comme  englobant  et  maîtrisant,  sous  V empire  de  sa 
volonté  souveraine,  une  portion  des  trois  essences  cosmi- 
ques, —  Esprit,  âme,  fluide  astral,  —  qui  le  font  parti- 
ciper à  la  triple  vie  de  r  Univers. 

Par  son  intelligence  (réceptive  de  V  Esprit  pur),  F  homme 
confine  à  Vunité  des  choses,  à  la  Nature-naturante,  à  la 
Providence  divine.  Par  son  corps  astral,  il  touche  à  Pin- 
finie  divisibilité,  aMDestind^/a  nature  physique,  naturée. 
Lame  intermédiaire  de  Vhomme  est  la  substance  propre, 
passive  de  son  être;  enfin  sa  volonté  incline  cette  âme  à  se 
mettre  d'accord,  soit  en  haut,  sur  le  plan  spirituel,  avec  la 
Providence;  soitenbas,  avec  le  Destin,sur  leplan  astral. 

Aussi  doil'On  concevoir  la  volonté  comme  f essence 
propre  de  Vhomme  :  car  elle  le  constitue  ce  qxiil  est,  en 


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AVANT-PROPOS  83 


bieti  Ole  en  mal,  selon  qu'elle  gouverne^  soit  à  dextre^ 
soit  à  seneslre,  sa  substance  propre,  qui  est  VAme. 

Cest  ce  que  Fabre  d'Olivet  a  éclairci  le  premier,  avec 
cette  lucidité  géniale  qui  caractéinse  le  grand  métaphysi- 
cien de  VÉsotérisme  au  XW  siècle.  Envisageant  V homme 
sous  son  aspect  d'universalité  transcendante  Jl  désigne  la 
Volonté  hwnaine  comme  Vune  des  trois  grandes  Puissances 
rectrices  du  Cosmos;  /a  Providence  et  le  Destin  sont  les 
deux  autres.  Dans  le  règne  hominal^  dit-il,  «  le  lieu  pro- 
pre de  la  Volonté  est  F  Ame  universelle.  Cest  par  V  Ins- 
tinct universel  de  Vhomme  qu^elle  se  lie  au  Destin,  et  par 
son  IntelUgence  universelle  qu'elle  communique  avec  la 
Providence  :  lu  Providence  n'est  même,  pour  Vhomme  in- 
dividuel,  que  cette  Intelligence  universelle,  et  le  Destin, 
que  cet  Instinct  universel.  Ainsi  donc  le  règne  hominal 
renferme  en  lui  tout  l'Univers.  //  n'y  a  absolument  hors 
de  lui  que  la  Loi  divine  qui  le  constitue,  et  la  Cause  pre- 
mière  d'où  celte  Loi  est  émanée.  Cette  Cause  première 
est  appelée  Dieu,  et  cette  Loi  divine  porte  le  nom  de 
Nature  (l).  » 

Ces  généralités  bien  comprises,  nous  retrouvons  le 
-néophyte  au  seuil  du  sentier  mal  aplani  qui  mène  au  Tem- 
ple de  la  Science. 

Désireux  de  s'initier,  non  seulement  par  l'élude  des 
maîtres,  dépositaires  de  la  Tradition,  mais  encore  par  sa 
propre  expérience  ;  résolu  d'étendre  ses  iiivestigations 
partout  où  le  pourra  conduire  une  volonté  ferme,  entraî- 

(1)  Hist.  philos,  du  genre  humain,  tome  //,  p.  IO0-IO6. 


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84  LA  CLEF  DE  LA  MAGIE  NOIRE 


née  par  de  persévérants  efforts;  il  demandera  peut-être 
quelles  portes  donnent  accès  aux  différents  étages  de 
Vêlre  humain,  sur  les  plans  qui,  dans  V univers  invisible  y 
leur  correspondent  ;  il  demandera  le  secret  de  la  détente 
par  quoi  s'ouvrent  ces  portes,  et  le  mol  de  passe  encore^ 
pour  être  admis  à  les  franchir,.. 

Mais  ce  sont  là  trophées  de  victoire,  que  chacun  doit 
personnellement  et  progressivement  conquérir.  Si  parfaites 
qu* apparaissent  ses  intentions^  si  noble  son  but,  si  ar- 
dent son  courage,  Vlnitiable  s'attend-ily  en  vérité ^à  d'aussi 
brusques  révélations?  Pense-t-il  qu'on  va  placer  ainsi, 
dans  sa  main  novice  et  mal  affermie,  toutes  les  clefs  du 
sanctuaire  ?. . .  Pourquoi  ne  demander  point  à  rhié*opluinte, 
en  Vabordant,  les  formules  d'énoncialion  et  de  mise  en 
œuvre  du  Grand  Arcane?  Les  deux  demandes,  d'une  naï- 
veté congénère,  équivaudraient  Vune  à  l'autre. 

Voilà  ce  qu'auraient  répondu  à  de  pareilles  questions 
les  Maîtres  de  V antique  Sagesse,..  Dans  les  cryptes  de 
Memphis,  d'Eleusis  ou  de  Thèbes,  on  n'allait  pas  si  vile 
en  besogne. 

Ils  ne  sont  plus,  ces  temples  grandioses  d'un  monde 
aboli,  derniers  asiles  et  témoignages  adéquats  d'une  doc- 
trine surhumaine,  expérimentale  et  tradilionnelh  tout 
ensemble;  les  monuments  de  pierre  et  de  métal  sont 
écroulés,  mais  le  seritier  étroit  et  glissant,  qui,  de  chaque 
côté,  surplombe  un  abîme,  aboutit  toujours  au  sancliuiire 
idéal  de  la  Vérité. 

Sans  doute  il  appartient  aux  aînés  de  mettre  sur  la 
voie  leurs  frères  plus  jeunes.  Mieux  expérimentés,  ils 
sont  tenus  d'encourager  les  novices  par  la  parole  et  par 


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AVANT-PROPOS  85 

fexempU;  ils  doivent  encore  les  prémunir  de  leurs  con- 
seils, contre  Us  embûches  d'une  route  qu'ils  commissent^ 
pmr  ravoir  eux-mêmes  parcourue.  Mais  là  doit  se  bor- 
ner leur  concours  tout  indirect. 

yul  ne  parfait  son  initiation  que  de  soi-même.  Cest 
un  aphorisme  fondamental  de  la  Magie. 

Ce  qu^il  importe  de  préciser  d'ores  et  déjà,  tout  en  ren- 
voyant pour  le  surplus  aux  notes  sur  r Extase,  incluses 
en  notre  chapitre  II  (I),  —  notes  révélatrices  dliori%ons 
peu  fréquentés^  et  grosses  de  profitables  renseignements 
sur  la  question  des  arcanes  à  découvrir  par  Vexpérience 
directe  et  V essor  de  V initiative  personnelle,  —  ce  qu'il 
importe  de  préciser,  h  voici. 

Cest  que  l'homme  astral,  Hiomme psychique  et  Vhoynme 
spirituel,  destinés  à  connaître  et  à  dominer  les  inondes 
divers  qui  leur  correspondent,  sont  pouiwus  à  cet  effet 
d'organes  spéciaux  de  réceptivité  {astrale,  psychique  et 
mentale),  aussi  réeU  que  les  organes  physiques  des  sens. 
Ces  subtils  orgaiies,  très  généralement  ignorés,  sont 
fort  inégalonent  développés  chez  Vhomme  de  chair  et 
(Tos;  mais  ils  existent,  au  moins  à  l'état  rudimentaire,  — 
//  serait  plus  exact  de  dire,  à  l'état  d'atrophie  par  suite 
de  non-usage  :  car  il  s'agit  moins  d'évoluer  les  sens 
internes,  que  de  les  réveiller  petit  à  petit. 

Quiconque  est  rentré  en  possession  des  facultés  récep- 
tives de  son  âme  sur  tous  les  plans  (2),  celui-là  peut  se 


(1)  Mystères  de  la  solitude,  p.  202-216. 

(2)  Nous  voulons  dire:  autant  que  faire  se  peut  ici-bas  »  —  Nous 


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86  LA  CLEF  DE  LÀ  MAGIE  NOIRE 

dire  réintégré  dès  ici-bas  à  V Unité  de  la  Nature  céleste. 

Chez  quelques  rares  hommes,  tels  sens  internes  peuvent 
avoir  gardé  presque  toute  leur  acuité  de  perception  ;  lu 
déchéance  de  la  chair  où  ces  hommes  sont  descendus 
semble  7i'avoir  altéré^  que  d'une  façon  minime,  r intensité 
fonctionnelle  des  facultés  de  leur  âme.  Ces  privilégiés 
sontj  en  mode  conscient,  les  Voyants  des  différents  or- 
dres ;  en  mode  de  relative  inconscience,  ce  sont  les  Ins- 
pirés de  toute  classe. 

Vhomme  de  génie  n'est  autre,  en  dernière  analyse, 
qu^un  adepte  intuitif  et  spontané,  magnifiquement  in- 
complet, mais  riche  de  ces  dons  si  rares  et  qui  manquent 
trop  souvent  aux  plus  sublimes  mystiques  :  les  facultés 
de  transposition  esthétique  de  r  Intelligible  au  Sensible,  et 
de  convertibilité  du  Verbe  divin  au  Verbe  humain. 

Dépareilles  facultés  d^  expression  ne  s' acquièrent  point  ; 
elles  sacreront  toujours  Vhotnme  de  génie,  de  droit  divin 
et  de  grâce  antérieure  ;  tandis  que  Vadepte  est  de  droit 
humain  et  de  conquête  ultérieure,  les  efforts  de  sa  libre 
volonté  rayant  élaboré  tel.  —  Cette  distinction  fonda- 
mentale une  fois  établie,  V analogie  peut  et  doit  se  pour- 
suivre. 

Le  Génie  consiste  dans  la  faculté  de  réintégration 
spontanée,  (plus  ou  moins  consciente  et  sujette  à  inter- 
mittences), du  sous-multiple  humain  dans  la  patrie  céleste 
de  r  Unité,  Adamah. 


n'avons  jamais  pensé  que  P homme  déchu  puisse  soustraire  absolument 
ses  facultés  au  marasme  qui  est  la  conséquence  fatale  de  son  incarna- 
tion terrestre.  La  répercussion  du  corps  physique  sur  Vdme  ne  peut 
être  tout  à  fait  amortie. 


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AVANT-PROPOS  87 


Aussi  les  poètes^  peintres^  musiciens,  sculpteurs,  et 
en  général  tous  les  artistes  qui  se  croient,  —  à  tort  ou  à 
raison,  du  reste,  —  des  génies,  emploient-ils  la  tnênie 
locution  que  les  mystiques  y  pour  caractériser  les  péinodes 
de  facilité  à  produire.  Ils  ont,  ou  non^  /'inspiration.  Cela 
est  remarquable... 

Lœuvre  capitale  de  V initiation  se  résume  donc,  si  Von 
veut,  dans  l'art  de  devenir  artificiellement  un  génie  (i); 
à  celte  différence  près,  toutefoiSy  que  le  génie  naturel 
donne  rinspiration  à  de  certaines  heures,  plus  ou  moins 
souvent,  lorsque  l'Esprit  veut  bien  descendre  ;  tandis  que 
le  Génie  acquis  serait,  à  son  plus  haut  stade,  la  faculté 
de  forcer  V inspiration  et  de  communiquer  avec  le  Grand 
Inconnu,  toutes  et  quantes  fois  on  le  désire. 

Il  est,  à  celle  différence^  une  raison  vraiment  assez 
simple  :  c'est  que  le  Dieu  descend  vers  l'homme  de  géniCy 
tandis  que  le  Mage  monte  jusqu'au  Dieu. 

L'homme  de  génie  est  une  sorte  d'aimant,  attractif  par 
intermittences.  —  L'Adepte  est  une  Puissance  conver- 
tible, un  lien  comcienl  de  la  terre  au  Ciel  :  un  être  qui 
peut,  à  volonté,  rester  sur  terre,  jouir  de  ses  avantages 
et  cueillir  ses  fruits,  —  ou  monter  au  Ciely  s'identifier  à 
la  Nature  divine,  et  boire  à  longs  traits  la  céleste  am- 
broisie. 

Le  Génie,  force  naturelle  d'attraction,  établit  par  pé- 
riodes avec  l'Unité  une  corrélation  plus  ou  moins  éphé- 
mère. —  L'Adeptat,  passeport  illimité  pour  l'Infini,  im- 


(1)  Les  facultés  de  transposition  esthétique  mises  à  part ^  bien  entendu  : 
nous  avons  dit  qu'elles  ne  s'acquièrent  pas. 


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8ê  LA  CLEF  DB  LA  MAGIE  NOIRE 


plique  un  droit  de  réintégration,  en  quelque  manière  ad 
libitum. 

Aussi  TAdepte  (1)  prendril  dans  Vlnde  le  nom  signifi- 
catif de  Yoghi,  —  uni  en  Dieu. 

Expérience  et  Tradition,  voilà  donc  les  deux  colonnes 
du  Temple  ésotérique.  La  véinté  peut  se  transmettre^ 
comme  un  héritage;  elle  peut  s'acquérir  par  Vinilialive 
de  V homme ^  sur  tous  les  pluns. 

Mais,  nous  l'avons  dit,  la  science  transmise  resterait 
lettre  morte  sans  V expérience  personnelle;  de  même  que 
celle-ci  pourrait  conduire  à  sa  ruine  Vaventurier  témé- 
raire de  VArcane,  à  défaut  de  cet  héritage  sacré  :  la  Tra- 
dition. 

Entre  ces  deux  modes,  actif  et  passif,  intelligible  et 
sensible  (2)  d'acquisition  de  la  Connaissance,  vient  se  pla- 
cer une  méthode  intermédiaire,  très  féconde,  qui  concilie 
les  autres,  les  complète  et  parvient  d'aventure  à  leur 
suppléer  :  c'est  lu  méthode  analogique  ;  elle  relève  à  la 
fois  de  la  Sagacité  et  de  la  Raison. 

L'homogénéité  de  la  Nature,  ce  principe  fondamental, 

(1)  Nous  nommerons  ainsi  le  hiérarque  parvenu  à  cumuler  la  su' 
prème  sagesse  et  la  suprême  puissance,  dont  la  nature  humaine  peut 
devenir  réceptive,  —  par  opposition  à  V étudiant  qu'on  a  seulement  mis 
sur  la  voie,  et  que  nous  qualifierons  d'initié. 

Celui-ci  est  iniliatus,  c'est-à-dire  commencé.  Vautre  est  Adeptus* 
ayant  su  par  lui-même  acquérir  (adipisci)  la  Doctrine  et  la  Force. 

On  est  convenu  pourtant  de  qualifier  aussi  d'Adeptes,  les  magistes 
parvenus  à  la  maîtrise  purement  spéculative. 

(2)  On  conçoit  dans  quel  esprit  nous  employons  ce  mot  :  sensible. 
N'avons-nous  point  parlé  tout  à  f  heure  des  sens  propres  (ou  facultés 
réceptives)  de  Vhomme  astral,  de  Vhomme  psychique,  de  l'homme  spi^ 
rituel? 


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AVANT-PROPOS  89 


qui  s'inscrit  au  fronton  de  toute  synthèse  magique,  a  pour 
premier  corollaire  un  aphorisme,  dont  Hermès  Trismé-- 
ffisie  a  donné  la  formule  :  Ce  qui  est  en  haut  est  comme 
ce  qui  est  en  bas  ;  ce  qui  est  en  bas,  comme  ce  qui  est  en 
haut.  Là  se  fonde  en  droit  la  méthode  analogique^  qui 
permet  d^ inférer  du  connu^  pour  déterminer  rincon7iu. 

La  méthode  analogique  est  double^  inductive  et  déduc- 
live;  elle  s'exerce  de  bas  en  haut,  comme  de  haut  en 
bas:  soit  qu'elle  parte  des  faits  constatés,  pour  aboutir 
à  la  loi  qui  les  régit,  ou  au  principe  dont  relève  cette  loi  ; 
soit  qu'elle  s'étaye  d'une  loi  déjà  admise,  d'un  principe 
déjà  fixéy  pour  conclure  à  des  faits  non  vérifiés  encore,  ou 
simplement  pour  motiver  le  triage  et  la  clussification 
des  faits  connus. 

Un  exemple  n'est  pas  inutile. 

Si  le  magiste,  analysant  les  facultés  de  V Amehumaine, 
découvre  en  celle-ci,  d'une  part,  trois  modifications  prin- 
cipales, hiérarchiquement  réparties  sur  trois  plans  d'acti- 
vité; et,  d'autre  part,  une  force  synthétique  (la  Volonté), 
qui,  englobant  ce  triple  dynamisme,  le  maîtrise  et  le  ra- 
fnène  à  F  Unité  ontologique  :  il  pourra  en  induire  par 
analogie,  que  le  triple  dynamisme  correspoiidant  de  l'Uni- 
vers  invisible  est  enveloppé,  régi,  unifié,  par  une  Puissance 
synthétique  (la  Volonté  divine  créatrice),  qui  est,  à  l'Uni- 
vers conçu  dans  son  ensemble,  ce  que  la  volonté  humaine 
est  à  l'homme  conçu  daiu  son  ensemble  ;  savoir  :  son  agent 
d'unification,  son  essence  propre  (Y).  —  Méthode  analo- 
gique inductive. 

(i)  Voy.  p€tge8  84-83.  —  A  un  autre  point  de  vue»  on  peut  induire 


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90  LA  CLEF  DE  LA  MAGIE  NOIRE 


Si  le  même  magislef  à  rinversey  reporte  sa  vue  men- 
tale du  Cosmos  intégral  sur  F  homme  individuel  :  il  pourra 
déduire  par  analogie,  vu  Videntité  de  constitutioUy  que 
Vhomme  esty  à  vrai  dire,  un  petit  monde,  un  microcosme  ; 
par  opposition  au  tnacrocosme,  ou  grand  monde.  —  Mé- 
thode analogique  déductive. 

Nous  avons  montré  le  contrôle  réciproque  où  V  Expé- 
rience et  lu  Tradition  s'évertuent  et  se  confirment  à  Venvt. 
L étude  exclusive  des  maîtres  n'aboutirait  qu'à  engendrer 
des  érudits  en  mysticisme;  et  la  seule  pratique  de  Vextase, 
qu'à  produire  des  visionnaires  :  l'une  et  l'autre  doivent 
concourir  à  former  le  véritable  Adepte....  Eh  bien,  le  rai- 
sonnement par  analogie  peut  suppléer  dans  une  certaine 
mesure  soit  à  l'un,  soit  à  l'autre  de  ces  modes  d'acquéiir 
la  Connaissance;  il  le  peuty  en  fournissant  la  contre- 
épreuve  des  données  traditionnellement  t7*ansmises y  comme 
aussi  de  celles  expérimentalement  obteîiues. 

En  conséquence,  l'Analogie  sera  surtout  précieuse  à 
l'initié  sur  la  voie,  qui  ne  sait  pas  toujours  où  saisir  le  fil 
d'Ariane  de  la  tradition  ésotérique  orthodoxe,  et  sent 
fondre  parfois  ses  ailes  d'Icare,  lorsqu'il  veut  pluner  aux 
régions  supérieures  de  l'expérience  mystique.  Reste-t-il 
pour  lui  des  lacunes  dans  renseignement  des  Maîtres  ? 
Entrevoitnil  des  escarpements  inaccessibles  à  son  essor 
personnel?  —  Il  trouvera  dans  l'Analogie  un  double  cri^ 


encore,  que  l'univers  matériel,  sensible,  (qui  fréquemment  usurpe  le 
nom  de  Cosmos)-,  est  au  total  Cosmos,  ce  que  la  bâtisse  de  muscle,  de 
chair  et  d'os  (qui  souvent  usurpe  le  nom  d'homme),  est  à  l'homme  indi- 
viduel :  savoir,  son  corps  matériel,  sensible. 


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AVANT-PROPOS  91 


térium  un  instrument  à  Vaide  duquel  combler  les  unes, 
et  gravirles  autres. 


VII 


Le  niomeîit  est  venu  de  conclure. 

Résolu  démettre  un  terme  à  cette  introduction  déjà  trop 
dense  et  qui  déborde  son  cadre  normal,  ce  n'est  point  à 
dire  que  nous  regrettions  ces  pages,  —  préventives^  nous 
respéroyiSy  de  méprises  funestes  et  d'imminents  quipro- 
quos. 

Nous  nous  flattons  qu'au  point  où  nous  voici,  V assidu 
Lecteur  s'est  fait  de  la  haute  Magie  une  idée  claire^  pré- 
cise et  correcte,  qui  exclut  en  lui  toute  velléité  de  confu- 
sion^ soit  avec  la  Sorcellerie  proprement  dite^soit  avec  cette 
pitoyable  mystification  à  quoi  se  réduit  VÉsotérisme,  tel 
que  se  le  figurent  les  profanes  et  aussi  nombre  de  soi- 
disant  Mages,  toujours  prêts  à  s'intituler,  en  quatrième 
page  du  Gil-Blas  ou  du  Figaro,  professeurs  de  Sciences 
occultes. 

Une  distinction  péremptoire  importait  d^ autant  plus, 
entre  la  Haute  Doctrine  et  la  Sorcellerie,  que  le  présent 
ouvrage  doit  parallèlement  traiter  de  Vune  et  de  Vautre, 
ou  du  moins  de  théories  applicables  à  toutes  deux, 
comme  nous  V avons  marqué  dès  V abord. 

Voici  V arbre  de  la  Science  du  Bien  et  du  Mal  ;  son 
trotte  bifurqué  s' élève  sur  une  seule  racine. 

Voici  la  vierge  symbolique  qu'Apollonius  a  rencontrée 
sur  les  bords  de  VHyphasis  :  son  corps  est  mi-partie,  noir 
et  blanc. 


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AVANT-PROPOS  93 


Voici  le  mystérieux  losange  du  pentacle  de  Trithème  : 
dans  le  triangle  supérieur  rayonne  le  schéma  divin,  le 
Télragramme  incommunicabk  ;  et  l'image  de  Satan  ricane 
dans  les  ténèbres  du  triangle  inférieur. 

Ce  dernier  emblème  sert  de  frontispice  à  notre  Clef 
de  la  Magie  noire  ;  nous  ne  Vavons  pas  choisi  sans  in- 
tention. 

M.  Oswald  Wirth  Va  reconstruit  sur  la  description 
qu'en  donne  ÉliphaSy  d'après  un  spécimen  qu'en  possé- 
dait son  élève,  le  comte  Alexandre  Branitzki;  car  ce  des- 
sin est  d'une  insigne  rareté,  et  ne  se  trouve  que  dans 
quelques  exemplaires  manuscrits  du  Traité  des  Causes 
secondes  (I). 

//  se  compose,  dit  Êliphas  Lévi,  «  de  deux  triarigles 
unis  par  la  base,  Fun  blunc  et  Vautre  noir;  sous  la  pointe 
du  triangle  noir  est  couché  un  fou  qui  redresse  pénible- 
ment la  tête  et  regarde  avec  une  grimace  d'effroi  dans 
V obscurité  du  triangle  où  se  reflète  sa  propre  image  ;  sur 
la  pointe  du  triangle  blanc  s'appuie  un  homme  dans  la 
force  de  Vâge,  vêtu  en  chevalier,  ayant  le  regard  ferme,  et 
Vattitude  du  commandement  fort  et  paisible.  Dans  le 
triangle  blanc  sont  tracés  les  caractères  du  télragramme 
divin  (2). 


(!)  Outrage  lui-même  peu  commun,  de  iabbé  Jean  Trithème.  Il  a 
été  imprimé  en  1367,  à  Cologne,  sous  ce  titre  :  De  septem  Secundeis  : 
8ive  de  spiritibus  orbem  post  Deum  moventibus,  reconditissimœ  scien- 
tiîe  et  eruditionis  libellus,  etc.  —  Coloniœ,  apud/ohan.  Birkmannum, 
pet,  in-8  (avec  une  vignette  sur  le  titre  et  sept  gravures  sur  bois,  très 
remarquables,  diaprés  Sebald  Beham). 

(2)  Élipkas  Lévi,  dans  une  lettre  adressée  à  un  autre  de  ses  disciples. 


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94  LA  CLEF  DE  LA  MAGIE  NOIRE 

«  On  pourrait  expliquer  ce  penlacle  par  cette  légende  : 
le  Sage  s'appuie  sur  la  crainte  du  vrai  Dieu,  l'insensé  est 
écrasé  par  la  peur  d'un  faux  dieu  fait  à  son  image.  Cest 
là  le  sens  naturel  et  exotmque  de  Vemblème  ;  mais  en 
le  méditant  dans  son  ensemble  et  dans  chacune  de  ses 
parties,  les  adeptes  y  trouveront  le  dernier  mot  de  la 
Kabbale  y  la  formule  indicible  du  Grand  Arcane  :  la  dis- 
tinction entre  les  miracles  et  les  prodiges^  le  secret  des 
apparitions,  la  théorie  universelle  du  magnétisme  et  la 
science  de  tous  les  mystères  (1).  » 

Sans  ouvrir  à  nos  lecteurs  d'aussi  gigantesques  aper- 
çus, ni  flatter  personne  d'illécébrants  espoirs,  ne  ba- 
lançons point  à  faire  Vaveu,  que,  dans  rintelligence  du 
pentacle  de  Trithème,  il  peut  être  donné  à  plusieurs  de 
saisir  sur  le  vif  la  pensée-mère  qui  présida  constamment 
à  la  genèse  du  présent  livre. 

Stanislas  de  Guaita. 


M.  le  baron  Spédalieri ,  donne  du  même  pentacle  un  croquis  s' éloignant 
fort  de  la  description  ci-dessus  transcrite.  Il  faut  que  Vauteurde  THis- 
toire  de  la  Magie  ait  vu  deux  exemplaires  très  différents  du  symbole 
de  Trithème. 

Le  chevalier  est  devenu  une  sorte  d'Hercule,  accoudé  sur  un  écu  de 
guerre,  au  sommet  duquel  s'inscrivent  les  quatres  lettres  nin^«  ''<?'"* 
le  milieu  du  bouclier,  on  remarque  l'étoile  à  six  pointes,  le  sceau  de 
Salomon,  où  se  mire  le  fol,  sur  qui  pèse  la  pointe  inférieure  de  Vécu. 
La  tète  diabolique  apparaît  dans  l'entrelacement  des  deux  triangles,  au 
centre  même  de  l'étoile  (Voir  le  dessin  ci-contre). 

(1)  Éliphas  Lévi,  Histoire  de  la  Magie,  p,  345-346. 


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LE  SERPENT  DE  LA  GENÈSE 

SECONDE  SEPTAINE 

LA  CLEF  DE  LA  MAGIE  NOIRE 


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(Sectiox  8) 

La  Jastice  (huit)  =  Équilibre  =  Balance 
Harmonie...  L'Équilibre  et  son  Agent. 

Chapitre  I 

L'ÉQUILIBRE  ET  SON  AGENT 


^uvREz  le  Livre  de  Thoth  au  huitième  feuillet  (1). 
Thémis  qui,  trônant  entre  deux  colonnes, 
tient  ferme  en  sa  droite  le  glaive  et  les  ba- 
lances dans  sa  main  gauche,  vous  révélera  l'arcane  de 
l'universel  équilibre. 

Les  deux  plateaux  qui  se  font  contrepoids  symbolise- 
ront pour  vous  : 

jo  —  Dans  le  monde  divin,  les  nuptiales  harmonies  de 
la  Sagesse  et  de  Tlnlelligence  (2)  ; 


(i)  Huitième  clef  du  Tarot  :  la  Justice, 

[2)  Le  français  n'étant  pas  une  langue  sacrée,  la  plupart  des  mots 
de  cet  idiome  sont  arbitrairement  dévolus  aux  genres  masculin  ou  fé- 
minin ;  or  le  hasard  et  l'intuition  vague  ne  peuvent  toujours  tomber 
juste. 

Il  ne  faut  donc  pas  trop  s'étonner  qu'il  soit  question  des  noces  de  la 


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100  LA   CLEF  DE   LA   MAGIE  NOIRE 

2©  —  Dans  le  monde  psychique,  l'union  salutaire  et 
féconde  de  la  Miséricorde  et  de  la  Justice  ; 

3*  —  Enfin,  dans  le  monde  hylique  (1)  ou  astral 
(substratum  du  monde  matériel),  ces  deux  plateaux  se- 
ront pour  vous  l'emblème  des  deux  Puissances  mâle  et 
femelle  génératrices  du  Cosmos,  lui-même  androgyne  ; 
c'est  à  savoir  d'Hereb  et  d'Iônah  (2),  principes  des  deux 
forces  centripète  et  centrifuge,  qui  se  manifestent  :  la 


Sagesse  et  de  V Intelligence,  et  plus  bas,  de  l'union  féconde  de  la  Misé- 
ricorde et  de  la  Justice. 

Ce  sont  là  termes  kabbalistiques.  Or,  dans  la  classification  des  ter- 
naires séphirothiques  polarisés,  que  nous  visons  en  ce  passage,  Hoch- 
mah,  ncsn  (la  Sagesse)  est  marquée  du  signe  mâle  et  positif,  comme 
aussi  Hesed  TOn  (Ifi  Miséricorde);  —  et  ce,  par  opposition  à  Binah 
\\y^ZL  (V Intelligence)  eX  à  Geburah  niim  (la  Rigueur,  la  Justice),qm 
sont  marquées  du  signe  féminin  et  négatif.  (Voir  n'importe  quel  traité 
de  Kabbale). 

(1)  Ésotériquement,  Hyléne  veut  pas  dire  ^matière  brute,  sens  très 
restreint  qui  lui  est  vulgairement  dévolu.  —  TXy)  des  philosophes  grecs, 
^S^3r  et  ^Svn  des  rabbins  initiés,  signifie  :  substance  en  fermentation, 
matière  subtile  en  travail.(Gonsulter  Fabre  d'Olivet,  la,  Lang.  héhr,  rest., 
II,  77  ;  —  Drach  :  l'Harmonie  entre  l'Église  et  la  Synagogue,  I,  564  ; 
—  et  l'Hist.  du  Manichéisme  de  Beausobre,  II,  268). 

(2)  Pour  rester  fidèle  à  la  terminologie  des  Kabbalistes  zoharites  (en 
suspendant  la  balance  séphirothique  dans  le  troisième  monde  au  clou 
de  Yésod  110%  comme  nous  l'avons  fait  dans  les  deux  premiers  aux 
clous  de  Kether  ins  et  de  Thiphereth  niNSn),  il  nous  faudrait 
écrire  Hod  T[7\  et  Nettach  nïi,  au  lieu   d'ffereb   317   et  d'Iônak 

Mais  aux  mots  sacrés  de  la  Kabbale,  nous  préférerons  toujours, 
quand  l'occasion  se  présentera  d'en  faire  usage,  les  hiérogrammes  ori- 
ginaux de  Moïse,  d'une  précision  ésotérique  bien  supérieure.  Ne  met- 
tons jamais  en  oubli  ce  fait,  que  le  Zohar,  livre  fondamental  et  sacré 
de  la  Kabbalah,  n'est  (si  sublime  soit-il  et  révélateur)  qu'un  humble 
commentaire  du  Pentateuque  mosaïque,  et  principalement  de  la  Genèse. 
Il  est  écrit  d'ailleurs  en  dialecte  de  Jérusalem,  c'est-à-dire  en  hébreu  dé- 
généré. 


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L*ÉQUIL1BRE   ET  SON   AGENT  10 1 


première,  par  le  Temps,  créateur  et  dévorateur  des  formes 
transitoires;  l'autre,  par  l'Étendue  éthérée.  L'Étendue 
est  Rhéa,  (épouse  de  cet  implacable  Kronos,  dont  le  rôle 
est  d'évertuer  sans  trêve  la  substance  plastique  qui  est  en 
elle,  de  l'élaborer  et  de  la  condenser  en  d'éphémères 
modes  de  matière  diversement  spécifiée,  vivante  et  pro- 
téenne  à  l'infini). 

Ce  que  de  pareilles  notions  peuvent  ofi'rir  d'étrange  et 
d'énigmatique  à  l'esprit,  sera  tiré  au  clair  par  la  suite. 

Quant  au  glaive  qui  charge  la  main  droite  de  Thémis, 
il  symbolise  la  Puissance  et  ses  moyens  d'action,  à  tous 
les  degrés  et  dans  tous  les  Mondes.  —  Pour  nous  en 
tenir  au  plan  astral,  qui  nous  occupe  surtout  en  ce  tome, 
ce  glaive  est  celui  du  collectif  Kéroubim,  image  de  l'É- 
ther  instrumental  et  potentiel,  qui  détermine  et  maintient 
l'équilibre  cosmique. 

Ce  mystérieux  agent  compte  ses  noms  par  centaines. 
—  C'est,  au  dire  des  Kabbalistes,  le  serpent  fluidique 
(TAsiah.  —  Les  vieux  platoniciens  y  voyaient  rame  phy- 
sique du  monde,  qui  tient  enclose  la  semence  de  tous  les 
êtres,  et  les  Gnostiques  Valentiniens  le  personnifiaient 
en  Démiurge^  «  l'ouvrier  inconscient  des  mondes  d'en 
bas.  »  —  Au  gré  des  hermétiques,  c'est,  suivant  le  point 
de  vue,  la  Quintessence  des  éléments^  VAzoth  des  Sages 
(ou  V  fécondé  par  le  A,)  ou  encore  le  Feu  Secret,  vi- 
vant et  philosophai.  —  C'est,  pour  les  magiciens,  Vlnr 
termédiaire  des  deux  natures;  c'est  le  Médiateur  couyer- 
tible,  indifférent  au  Bien  comme  au  Mal,etqu'une  volonté 
ferme  peut  plier  à  l'un  comme  à  l'autre.  ~  C'est  le 
Diable  en&Uj  si  Ton  veut;  c'est-à-dire  la  Force  substan- 


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102  U  CLEF  DE   LA   MAGIE  NOIRE 

tielle  que  les  sorciers  mettent  en  œuvre  pour  leurs  malé- 
fices. 

Puissance  inconsciente  par  elle-même,  mais  propre  à 
réfléchir  toutes  les  pensées  ;  Puissance  impersonnelle, 
mais  susceptible  de  revêtir  toutes  les  personnalités  ; 
Puissance  envahissante  et  dominatrice,  que  l'adepte  peut 
néanmoins  pénétrer,  contraindre  et  subjuguer,  —  et  ce, 
dans  une  mesure  plus  stupéfiante  encore  que  ne  l'imagi- 
nait le  populaire  superstitieux,  au  beau  temps  desLancre 
et  des  Michaêlis  :  c'est,  en  un  mot,  la  Lumière  astrale, 
ou  Médiateur  plastique  universel  (1). 

Ce  chapitre  d'ouverture,  —  qui,  par  intervalles,  sem- 
blera peut-être  à  plus  d'un  traiter  de  tout  autre  chose,  — 
fera  connaître  au  Lecteur  averti  la  nature  déconcertante 
et  les  modes  d'activité  de  cet  agent  effectif  de  l'équilibre  ; 
de  ce  mysticum  robur  que  les  scélérats  de  la  Goëtie  ont 
personnifié  monstrueux  à  leur  propre  image,  avec  les 
stigmates  distinctifs  de  l'animalité,  vers  laquelle  eux- 
mêmes  régressent.  Si  bien  que  le  poète  Piron  a  pu,  pour 
leur  plus  grande  joie,  crayonner,  en  huit  vers  drolati- 
ques, le  portrait  du  Diable  d'enfer,  —  sans  le  flatter,  il  est 
vrai  ;  mais  sans  qu'il  ait  droit  aussi  de  récuser  la  ressem- 
blance : 

11  a  la  peau  d'un  rôt  qui  brûle, 

Le  front  cornu, 
Le  nez  fait  comme  une  virgule, 

Le  pied  crochu, 

(4)  Voir  Au  seuil  du  Mystère  {3e  édit.).  pp.  83-92,  U5-147,  et  le 
Temple  de  Satan,  passim. 


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l'équilibre  et  son  agent  103 

Le  fuseau  dont  fi  loi  t  Hercule 

Noîr  et  tordu, 
Et^  pour  comble  de  ridicule, 

La  queue  au  eu. 

C'est  un  axiome,  en  Magie,  que  tout  verbe  crée  ce  qu'il 
aflBrme.  Or  donc,  à  force  d'évoquer  le  discourtois  per- 
sonnage, les  imbéciles  ou  les  coquins  qui  Vimaginaient 
sous  cet  aspect  traditionnel  mais  peu  hiératique  (1),  — 
type  fixé  depuis  des  siècles  par  le  consensus  de  leurs 
semblables,  —  ont,  petit  à  petit,  réalisé  leur  rêve  en 
astral. 

Ajoutons  que  chaque  fois  qu'un  nouveau  goëtien  fait 
appel  à  la  hideuse  Image,  l'évoquant  avec  toute  l'énergie 
créatrice  de  la  foi  et  le  cri  des  mauvaises  passions  à  leur 
paroxysme;  non  seulement Tlmage lui  apparaît,  mais  en- 
core il  ajoute  à  l'esquisse  fluidique  un  nouveau  trait  de 
vigueur  et  précise  l'existence  du  monstre,  en  le  nourris- 
sant de  sa  propre  substance  hyperphysique. 

Ceci  n'est  point  un  paradoxe,  comme  on  le  pourrait 
croire;  c'est  une  vérité  qui  sera  mieux  sentie  plus  loin, 
quand  nous  aurons  fait  connaître  la  nature  équivoque, 
inqualifiable,  de  certains  spectres  sans  consistance  ontolo- 
gique, sortes  de  compromis  entre  le  néant  qu'ils  mani* 
Testent  et  l'être  qu'ils  blasphèment.  L'occultisme  les 
nomme  des  Larves  (se  référer  particulièrement  au  Chapitre 
II  :  Mystères  de  la  Solitude). 

Mais  trêve  d'anticipations  d'un  pareil  genre.  Nous  n'a- 
vons point  affaire,  pour  l'heure,  au  Satan  fantastique  et 

(i)  Tout  au  moins,  d'un  hiératisme  singulièrement  dépravé. 


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104  LA   CLEF  DE  LA   MAGIE  NOIRE 

burlesque,  ambigu,  malingre  et  falot,  —  vain  reflet  im- 
primé par  les  imaginations  malades  sur  le  miroir  psy- 
chique de  notre  planète.  Fi  du  simulacre  blême  qui  se 
rétracte  devant  un  souffle  d'air,  se  dissout  au  moindre 
effort  de  la  volonté  humaine,  et  qu'un  éclair  d'intelli- 
gence foudroie  !...   Non,  ce  croquemitaine  n'est  qu'une 
Larve,  entre  combien  d'autres  (1)  !  Le  démon  positif  et 
formidable  nous  réclame,  celui-là  qui  sert  d'enveloppe  à 
Nahàsh  urn3  et  de  substratum  à  la  matière  ;  l'universel 
Atlas  qui  soutient  les  mondes  en  équilibre  ;  le  dispensa- 
teur de  la  vie  et  de  la  mort  physiques  ;  le  Démiurge  aux 
mille  noms,  dont  quelques-uns  nous  sont  déjà  connus  : 
c'est  le  Feu  panthomorphe;  c'est  l'âme  plastique  et  ima- 
ginative  du  monde  ;  c'est  le  dragon  de  r Astral. 

Le  dragon  de  l'Astral  est  le  symbole  absolu  de  la  lumière 
du  même  nom,  envisagée  dans  son  double  mouvement 
cosmique  et  dans  la  synthèse  de  ses  opérations. 

Or,  si  nous  avons  laissé  pressentir  jusqu'ici  la  nature 
et  le  rôle  de  ce  grand  agent,  ce  que  nous  en  avons  dit  ne 
doit  guère  s'éclairer  d'un  jour  précis  et  satisfaisant  qu'en 
faveur  des  fidèles  de  nos  précédents  ouvrages,  ou  des 
chercheurs  déjà  sur  la  voie,  ou  des  érudits  en  mysticisme. 

Pour  entrer  au  cœur  du  sujet,  abordons  d'emblée  la 
Table  d'émeraudey  cette  page  révélatrice  que  le  monde 


(1)  Une  Larve,  dans  l'acception  la  plus  large  de  ce  mot  (Voyez  la 
fin  de  notre  chapitre  III  :  la  Roue  du  Devenir), 
A  proprement  parler,  le  Diable  est  une  Image  astrale  vitalisée. 


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l'équilibre  et  son  agent  105 


antique  nous  a  léguée.  —  L'équilibre  universel  et  son 
agent  y  sont  magistralement  décrits. 

Ne  déchiffre  pas  qui  veut  ce  vieux  texte  des  Mystères 
égyptiens.  Très  propre  à  dérouter  les  profanes,  son  laco- 
nisme étrange  et  premier  ravit  le  chercheur  studieux  des 
causes,  en  proposant  à  sa  persévérante  sagacité  plus  de 
sens  profonds  que  de  vocables.  Il  les  découvre  tour  à  tour. 
Ainsi  les  successives  énigmes  se  dépouillent  deleurder- 
nier  voîle,  comme  les  déesses  rivales  de  beauté,  devant 
le  royal  pasteur  du  Mont  Ida. 

En  interprétant  dans  son  entier  l'inscription  de  la 
Table  (TÊmeraude,  nous  tenons  simplement  parole,  aux 
termes  de  YAvant-propos  qui  précède. 

Mais  ici,  traduire  ne  suffirait  point  ;  il  importe  de 
commenter.  On  trouvera,  dans  le  texte  même,  tels  mots 
d'éclaircissement,  — intercalés  entre  parenthèses,  comme 
il  sied  aux  fins  de  prévenir  toute  confusion.  Puis,  à  la 
suite  du  texte,  quelques  développements  plus  étendus 
permettront  au  Lecteur  d'en  mieux  scruter  l'ésotérisme 
médullaire. 

LA  TABLE  D'ÉMERAUDE 

PAROLES  DES  ARCANES  D'HERMÈS  (1). 

IL  EST  VRAI  {en  principé)lL  EST  CERTAIN  {en  théo- 


(1)  Verba  secretorum  Hermelis.  —  «  Verum  sine  mendacio,  cerlum 
et  yerissiraum  :  quod  est  inferius  est  sicut  quod  est  superius  ;  et  quod 
est  superius  est  sicut  quod  est  inferius,  ad  perpetranda  miracuia  rei 
unius. 

«  Et  sicut  omnes  res  fuerunt  ab  uno,  mediatione  unius,  sic  omnes 
res  natœ  fuerunt  ab  hac  un&  re,  adaptatione. 


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106  LA   CLEF  DE  LA   MAGIE  NOIRE 

rie),  IL  EST  RÉEL  (en  fait,  en  application)  (1)  :  QUE 
CE  QUI  EST  EN  BAS  (le  monde  physique  et  matérieV) 
EST  COMME  CE  QUI  EST  EN  HAUT  {analogue  et  pro- 
portionnel au  monde  spirituel  et  intelligible)  ET  CE  QUI 
EST  EN  HAUT  COMME  CE  QUI  EST  EN  BAS  [récipro- 
cité complémentaire)  :  POUR  L'ACCOMPLISSEMENT 
DES  MERVEILLES  DE  LA  CHOSE  UNIQUE  (loi  suprême 
en  vertu  de  quoi  se  parfont  les  harmonies  delà  Créalioriy 
omniverselle  (2)  en  son  unité). 

ET  DE  MÊME  QUE  TOUTES  CHOSES  SE  SONT 
FAITES  [accomplies,  réalisées)  D'UN  SEUL  (en  vertu 
d'un  seul  principe),  PAR  LA  MÉDIATION  D'UN  SEUL 
(par  le  ministère  d'un  seul  agent)  :  AINSI  TOUTES 


«  Pater  ejus  est  Soi,  mater  ejus  Luna  ;  portavit  illud  Ventus  in  ven- 
tre 8U0  ;  nutrix  ejus  Terra  est. 

«  l^ater  omnis  Teiesmi  totius  mundi  est  Iiic. 

«  Vis  ejus  intégra  est,  si  versa  fuerit  in  terram. 

«  Separabis  terram  ab  igné,  subtiie  à  spisso,  suaviter,  cum  magno 
ingenio. 

«  Ascenriit  à  terra  in  cœlum,  iterumque  descendit  in  terram,  et  re- 
cipitvim  superiorum  et  inferiorura. 

«  Sic  habebis  gloriam  totius  mundi.  Ideô  fugiet  à  te  omnis  obscu- 
ri  tas. 

«  Hic  est  totius  fortitndinis  fortitudo  fortis  ;  quia  vincet  omnem  rem 
subtilem,  omnemque  solidam  penetrabit. 

«  Sic  mundus  crcatus  est.  Hinc  erunt  adaptationes  mirabiles^  quarum 
modus  est  hic. 

«  Itaque  vocatus  sum  Hermès  Trismegistus,  habens  très  partes  phi- 
losophie totius  mundi. 

«  Gompletum  est  quod  dixi  de  operatione  Solis.  » 

(Version  latine  de  Khunrath). 

(1)  Textuellement  :  «  H  est  vrai  sans  mensonge,  certain  et  très  véri- 
table ».  —  Cette  triple  affirmation  correspond  évidemment  aux  trois 
mondes  de  la  magie. 

(2)  Néologisme  assez  heureux,  nous  semble-t-il,  créé  par  un  mysti- 
que de  nos  jours,  Louis  Michel  de  Figannières. 


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l'équilibre  et  son  agent  107 


CHOSES  SONT  NÉES  DE  CETTE  MÊME  UNIQUE 
CHOSE,  PAR  ADAPTATION  {ou  par  une  sorte  de  copu^ 
lation){i). 

LE  SOLEIL  {condensateur  de  Virradiation  positive  ou 
delà  Lumière  aurouge,'y\^  Aôd,  Od)  EST  SON  PÈRE 
{élément  producteur  actif  de  cet  agents  [ce  qui  n'est  vrai 
qu'à  notre  point  de  vue  terrestre])  ;  LA  LUNE  {miroir  de 
la  réverbération  négative  ou  de  la  Lumière  au  bleUy  3"ît< 
AÔK  Ob)  EST  SA  MÈRE  {élément  producteur  passif 
[même  remarque])  ;  LE  VENT  [atmosphère  éthérique 
ambulatoire)  L'A  PORTÉ  DANS  SON  VENTRE  {lui  a 
$ervi  —  ou  lui  sert  —  de  véhicule).  LA  TERRE  (envisagée 
comme  type  des  centres  de  condensation  matérielle)  EST 
SA  NOURRICE  {Vathanor  de  son  élaboration). 

C'EST  LA  LE  PÈRE  {élément  producteur)  DE  L'UNI- 
VERSEL TÉLESME  (2)  {perfection,  but  final  à  atteindre) 
DU  MONDE  ENTIER  {de  VUnivers  vivant). 

SA  PUISSANCE  (force  d'extériorisation  créatrice  y  le 
fleuve  Phishôn  T^^^ff^Si  de  Moïse)  EST  ESTIÈRE  {par faite, 
accomplie  ;  intégralement  déployée,  jusqu'au  total  épa- 
nouissement) QUAND  ELLE  S'EST  MÉTAMORPHOSÉE 
(mot  à  mot  :  quand  elle  s  est  tournée)  (3)  EN  TERRE 
(Aretz  yiK  de  Moïse,  substance  condensée  et  spécifiée; 


(1)  c  Per  conjunctionem  »,  variante  de  la  version  Glauber  (Miraculum 
Mundi,  de  mercurio  philosophorum,  Amstel.p  1653,  in-8,  p.  74). 

(2)  Aotre  version  :  Théième,  QMfA'x,  volonté.  Cette  version  admise, 
il  faudrait  restreindre  Tacception  symbolique  du  mot  père  au  sens 
d'élément  de  manifestation. 

(3)  «  Si  versa  fuerit  »  (version  Khunrath)  ;  —  «  ^i  mutetur  i»  (ver- 
sion R.  GJauber). 


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108  LA  CLEF  DE   LA   MAGIE  NOIRE 

forme  ultime  de  F  extériorisation  créatrice,  matière  sett-- 
sible). 

TU  SÉPARERAS  LA  TERRE  {ici,  dans  un  sens  plus 
général,  la  Terre  signi/ie  ce  qui  appartient  au  monde^ 
matériel  et  tangible,  au  monde  des  effigies)  D\]  FEU 
{Principe  d'action;  ce  qui  appartient  aux  mondes  moral 
et  intelligible);  —  LE  SUBTIL  DE  L'ÉPAIS  (sens  analo^ 
gués)  (1)  AVEC  DÉLICATESSE  ET  UNE  EXTRÊME 
PRUDENCE. 

IL  {le  fluide  pur,  universel,  médiateur,  et  —  Saprès 
tels  gnos tiques  —  Corps  du  Saint-Esprit)  MONTE  DE 
LA  TERRE  AU  CIEL  {courant  hémicyclique  de  retour  (2), 
ascendant;  reflux  de  Synthèse)  ET  DERECHEF  {par  un 
mouvement  à  la  fois  alternatif  et  simultané),  IL  DES- 
CEND DU  CIEL  EN  TERRE  {couraiit  hémicyclique  d^é- 
missi07i,  descendant;  influx  d^analyse),  ET  IL  REÇOIT 
(//  se  charge,  il  s'imprègne  tour  à  tour  de)  LA  FORCE 
{les  vertus,  les  propriétés^  les  influences)  DES  CHOSES 
D'EN  HAUT  ET  D'EN  BAS  {des  mondes  physique  ou 
matériel  et  hyper  physique,  ou  astral;  et  encore,  à  un  au- 
tre point  de  vue,  des  sphères  sensible  et  intelligible). 

AINSI  {c'est  par  ces  principes  que)  TU  AURAS  {tu  ac- 


(1)  C'est-à-dire,  envisagés  du  môme  point  de  vue,  comme  antithèse 
du  spirituel  au  sensible.  Mais  nous  ne  pensons  pas  que  ces  mots,  sub- 
tile à  spisso,  forment  pléonasme  avec  le  membre  de  phrase  précédent  ; 
on  pourrait  préciser  nombre  de  significations  difTérentes,  toutes  rigou- 
reusement exactes.  A  l'égard  des  opérations  du  grand  œuvre,  par 
exemple,  le  subtil  et  V épais  signifieront  le  volatil  et  le  fixe. 

Cette  Table  d'Èmeraude  recèle  plus  de  sens  que  de  mots. 

(2)  Hermès  parle  du  retour,  avant  de  parler  de  l'émission  ;  par  là  il 
veut  faire  entendre  qu'il  s'agit  d'un  double  mouvement  Incessant. 


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l'équilibre  et  son  agent  409 

querras^  tu  ^approprieras)  LA  GLOIRE  {la  souveraineté, 
r empire)  DE  L'UNIVERS  ENTIER;  PAR  LA  TOUTE 
OBSCURITÉ  {toute  impuissance,  toute  indécision,  toute 
erreur,  Vhiérogramme  mosaïque  'yifH  Hoshek  eœpnme 
ésotériquement  toutes  les  idées  négatives,  symbolisées 
par  le  cône  cTombre  de  la  terre)  S'ENFUIRA  DE  TOI. 

LA  RÉSIDE  LA  FORCE  FORTE  DE  TOUTE  FORCE 
{le  principe  mutuel  d'activité;  le  potentiel  de  toute  mani' 
f^tatiotij  le  support  de  toute  action,  la  base  immanente 
de  tout  ordre  phénoménal)  QUI  VAINCRA  (s'^wpûr^a  d^, 
coagulera,  fixera)  TOUTE  CHOSE  SUBTILE  {volatile, 
fuyante,  insaisissable,  —  fluidique)  ET  PÉNÉTRERA 
{^immiscera  dans,  décomposera,  —  dissoudra)  TOUTE 
CHOSE  SOLIDE  {cohésive,  dense  et  permanente,  —  con- 
crète). 

AINSI  {par  cet  agent,  ou  encore,  —  par  cette  voie), 
L'UNIVERS  A  ÉTÉ  CRÉÉ  {réduit  de  principe  en  essence, 
d'essence  en  puissance  sementielle,  de  puissance  en  acte  ; 
en  un  mot,  —  réalisé).  DE  LA  PROVIENDRONT  {là  trou- 
veront leur  origine,  leur  principe)  DES  ADAPTATIONS 
{des  applications,  ou  des  productions)  MERVEILLEUSES, 
DONT  LE  MODE  (/a  manière  d'être,  le  type  de  formation) 
EST  ICI  {indiqué,  révélé,  exposé). 

C'EST  POURQUOI  JE  FUS  APPELÉ  HERMÈS 
(hpmhs,  Mercure,  mythe  complexe-,  au  cas  présent,  em- 
blème de  la  Mathèse,  science  intégrale  vivante,  dont  le 
caducée  de  Mercure  (1)  symbolise  le  double  courant  :  f/i- 
tuitif'Synthétique  et  analytique-expéinmental)  LE  TRIS- 

(1)  Voyez  plus  loin,  page  i48,  le  commentaire  du  motUPMHS. 


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110  LA   CLEF  DE   LA   MAGIE  NOIRE 

MÉGISTE  (trois   fois  très  grand  ou  le   plus  grand) y 
POSSÉDANT  (pour  avoir  acquis)  LES  TROIS  PARTIES 
DE  LA  PHILOSOPHIE  (la  totale  connaissance  des  trois 
mondes  :  divin  ou  intelligible,  psychique  ou  passionnely 
naturel  ou  sensible)  (1)  DE  L'UNIVERS  TOUT  ENTIER. 
CE  QUE  J'AI  DIT  (mon  enseignement^  mon  verbe)  EST 
COMPLET  (consommé,  intégralement  proféré)  SUR  LE 
MAGISTÈRE  (2)  (ou  V opération,  le  Grand  Œuvre)  DU 
%OLE\\j  (mille  significations  :  le  Magistère  du  Soleil  peut 
désigner  tout  travail  conduit  à  sa  perfection  ;  l'on  peut  y 
voir  la  Genèse  intellectuelle  ;  la  source  et  le  rôle  des  couv- 
rants fluidiques  universels  ;  l'évolution  de  VAôr  androgyne 
ou  Lumière  engendreuse  ;  enfin  le  Magistère  des  alchi- 
mistes, à  proprement  parler,  dont  le  secret,  disent-ils,  se 
trouve  à  découvert  dans  ce  texte  de  la  Table  smaragdine). 

Nous  ne  chicanerons  point  sur  Tauthenticité,  Tattribu- 
tion  et  la  date  de  l'un  des  monuments  les  plus  magistra- 
lement initiatiques  que  nous  ait  transmis  l'antiquité  gréco- 
égyptienne. 

Les  uns  s'obstinent  à  n'y  voir  que  l'œuvre  amphigou- 
rique d'un  rêveur  alexandrin,  d'autres  taxent  même  ce 
document  d'apocryphe  du  v*  siècle.  Quelques-uns  le 
veulent  de  quatre  mille  ans  plus  ancien... 

Que  nous  importe  ?  Découverte  ou  non  par  Alexandre- 
le-Grand  dans  la  sépulture  d'Hermès,  gravée  ou  non  sur 


(1)  Le  monde  astral  peut  t^lre  rattaché,  soit  au  monde  psychique, 
soit  au  monde  sensible  (Voy.  Au  seuil  du  Mystère,  p.  87-89,  en  note). 

(2)  «  De  magisterio  Solis  »  [version  Glauber). 


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l'équilibre  et  son  agent  111 


une  tablette  d'émeraude,  il  est  certain  que  cette  page 
résume  les  traditions  de  l'antique  Egypte.  Or  l'Egypte  a 
été,  de  nombreux  siècles  durant,  la  dernière  citadelle  de 
i'Êsotérisme  intégral  :  ses  sphinx  ont  été  les  gardiens  du 
trésor  légué  aux  temps  futurs  par  plusieurs  cycles  de 
civilisations,  tellement  lointaines  et  refoulées  dans  la 
nuit  préhistorique  des  temps,  que  ces  foyers  aveuglants 
de  lumière  intellectuelle  ne  dégagent  plus  une  lueur  qui 
les  dénonce  à  nos  archéologues. 

Les  quelques  mots  explicatifs  d'analyse,  intercalés  dans 
notre  version,  exigent  un  commentaire  général  et  synthé- 
tique. Nous  pourrions  dire  que  ce  commentaire  doit 
s'étendre  à  tout  le  présent  volume,  puisque  la  Table 
éCÉmeraude  va  servir  de  point  de  départ  à  nos  dévelop- 
pements sur  les  merveilles  de  l'Astral. 

Mais  nous  tâcherons  d'être,  dès  Tabord,  aussi  expli- 
cite qu'il  se  pourra. 

L'initiateur,  —  quel  qu'il  soit,  il  mérite  bien  ce  nom,  — 
promulgue  en  premier  lieu  la  grande  loi  d'analogie  her- 
métique :  elle  domine  sur  tous  les  mondes,  et  met  l'intel- 
ligence armée  du  compas  de  la  logique  à  même  de  for- 
muler des  inductions,  en  procédant  du  connu  à  l'inconnu, 
du  sensible  à  l'intelligible  et  du  particulier  à  l'universel. 

Nous  offrir  ce  fil  d'Ariane,  voilà  le  premier  souci 
de  THermès  hiérographe. 

Puis  il  passe  à  la  description  du  Lien  qui  rattache  ces 
extrêmes  ;  du  grand  Médiateur  des  êtres  et  des  choses, 
ce  Père  de  l'universel  Télesme^  dont  il  est  question  jus- 


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112  LA   CLEF  DE   LA  MAGIE  NOIRE 

qu'au  bout.  Voici  l'agent  essentiel  de  l'art  royal,  et  le 
Trismégiste  prend  soin  de  nous  prévenir  qu'en  décrivan  t 
sa  nature,  il  nous  fournit  la  clef  mystique  du  Grand— 
(£uvreet  nous  enseigne  le  magistère  du  Soleil. 

Le  Grand-CEuvre  se  peut  concevoir  à  divers  points  de 
vue  ;  il  se  peut  réaliser  sur  divers  plans.  Mais  il  reste 
toujours  la  Chysopée^  ou  l'art  de  tirer  le  pur  de  l'impur 
et  For  des  viles  scories. 

L'Alchimiste  cherche  l'or  métallique  ou  terrestre. 

L'Adepte  de  la  Maîtrise  vitale  cherche  la  Médecine 
universelle,  ou  l'or  physiologique. 

Le  Magicien  cherche  l'or  thaumaturgique  ou  la  Puis- 
sance. 

Le  Mystique  cherche  l'or  moral  ou  la  Sainteté. 

Le  Théosophe  enfin  cherche  l'or  spirituel,  l'identifica- 
tion de  l'intelligence  humaine  et  de  l'essence  divine  :  en 
un  mot,  il  cherche  la  Vérité  absolue,  la  Science. 

Tous  veulent  acquérir  te  Lumière  sous  ses  différents 
aspects.  Car  l'or  physique  n'est,  au  dire  des  Spagyristes, 
que  lumière  condensée  ;  — la  médecine  universelle  réside 
en  une  quintessence  vitale  de  l'or  ;  —  la  puissance  ma- 
gique reste  acquise  à  qui  saura  diriger  la  Lumière  astrale 
ou  l'or  hyperphysique  ;  — la  communion  des  saints  reçoit 
dans  son  giron  quiconque  a  transmué  sa  substance  ani- 
mique  en  or  moral  ;  —  et  la  Vérité-lumière  des  théoso- 
phes  n'est  autre  que  l'or  spirituel  et  divin. 

Mais  nous  traiterons  principalement  ici  de  l'or  hyper- 
physique  :  c'est  lui  que  l'auteur  de  la  Table  d^Émeraude 
désigne  comme  engendrant  le  Télesme  (ou  la  perfection 


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l'équilibre  et  son  agent  113 

des  choses  corporelles).  Il  est  d'ailleurs  le  moyen-terme 
de  tous  les  autres  ors. 

Un  dans  son  principe,  androgyne  (c'est-à-dire  double 
et  triple)  dans  sa  nature,  quadruple  dans  ses  modalités 
manifestatives  (les  quatre  éléments  occultes),  —  cet  être 
protécn  se  révèle  multiple  à  Tinfini  dans  ses  ultimes 
réalisations.  Car  il  constitue  la  substance  cosmique  non 
différenciée,  dont  la  matière  polymorphe  présente  à  nos 
sens  les  spécifications  éphémères. 

C'est  lui  l'universel  Médiateur;  i'Éther  instrumental, 
convertible,  omnilatent  ;  le  Serviteur  de  toutes  les  Puis- 
sances, bonnes  ou  mauvaises  ;  la  Splendeur  équivoque 
des  Cieux,  apte  à  revêtir  alternativement  d'une  appa- 
rence plastique  et  à  draper  dans  son  manteau  d'étoffe 
sidérale  le  dragon  Nahàsh  ou  l'ineffable  Roûach  Hakka- 
dôsch  (1). 


(1)  Peut-être  sera-t-on  surpris  de  nous  voir  recourir  de  préférence  au 
▼ocabulaire  hébreu,  en  des  commentaires  qu'a  motivés  un  monument 
(l'origine  égyptienne. 

Nous  permettra-t-on  de  rappeler  que  la  langue  hébraïque  pure,  telle 
que  Ta  mise  en  œuvre  Tauteur  du  Berœschith,  n'est  autre  précisément 
que  l'idiome  le  plus  occulte  des  sanctuaires  de  Mitzralm?  C'est  ce  que 
Pabre  d'OIivet  a  victorieusement  établi. 

Moïse,  prêtre  d*0siris,  a  tracé  son  livre  des  Cinquante  Chapitres  en 
biérogrammes  (du  troisième  degré),  intelligibles  seulement,  dans  leur 
ésotérJsme,  aux  adeptes  memphites  du  plus  haut  grade.  Ce  livre,  vul- 
gairement la  Genèse,  parait  le  seul  qu'on  ait  transcrit  au  temps  d'Es- 
dras,  sans  en  allérer  l'esprit,  ni  même  la  lettre. 

La  doctrine  .«lecrète  de  Moïse  constitue  ce  que  nous  appelons  la 
Kabbale  primi/tre,  laquelle  s'est  matérialisée  parallèlement  à  la  lan- 
gue même  du  sanctuaire.  L'enseignement  de  Shiméon-ben-Iockaî  est 
à  celui  de  Moïse,  ce  que  le  dialecte  syrochaldaïquc,  qui  se  parlait  à 
Jérusalem  sous  les  Césars,  est  à  l'hébreu  primitif  de  Moïse. 

Nous  n'avons  recours  à  la  Kabbale  Zoharite  (ou  du  moins  ne  fait-elle 

8 


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m  LA  CLEF  DE   LA   MAGIE   NOIRE 

Sous  l'empire  et  Tinflux  des  Principes  d'En  Haut,  cet 
agent  remplit  l'espace  des  Shamaîm  d'une  irradiation 
céleste  et  bienfaisante  :  on  peut  alors  le  considérer  commo 

la  lumière  mystique  où  s'incorpore  le  Saint-Esprit. 

Mais  abandonné  à  lui-même,  ou  lorsqu'une  Volonté  per- 
verse s'empare  de  sa  direction,  il  devient  fatal  et  démo- 
niaque :  c'est  le  corps  même  de  Satan. 

Avec  Paracelse,  Éliphas  Lévi,  Keleph-ben-Nathan, 
Martinès  et  toute  l'école  ésotérique  d'Occident,  nous  rap- 
pellerons de  préférence  lumière  astrale. 

Lalumière  astrale  constitue  le  support  liyperphysique  de 
l'Univers  sensible;  le  virtuel  indéfini  dont  les  êtres  corpo- 
rels sont,  sur  le  plan  inférieur,  les  manifestationsobjecti  ves. 

Qu'on  aitqualifié  d'âme  cosmique  cette  lumière  secrète 
qui  baigne  tous  les  mondes,  il  n'y  a  rien  là  pour  nous  sur- 
prendre. L'on  a  pu  légitimement  encore  l'appeler  sperme 
expansif  de  la  vie  et  réceptacle  aimanté  de  la  mort  : 
puisque  tout  est  né  de  cette  lumière  (par  matérialisation 
ou  passage  de  puissance  en  acte),,  et  que  tout  s'y  doit 
réintégrer  (par  le  mouvement  inverse,  ou  le  retour  de 
l'objectif  concret  au  subjectif  potentiel). 

Comme  l'électricité,  la  chaleur,  la  clarté,  le  son,  etc., 
(ses  divers  modes  d'activité  fluidi(iue),  elle  est  à  la  fois 
substance  et  force. 

Ceux  qui  ne  voient  en  elle  que  le  mouvement  tombent 
dans  une  grave  erreur:  comment  imaginer  un  mouve- 
ment effectif,  à  défaut  de  quelque  chose  qui  soit  mû  ?  Le 


autorité  pour  nous)  que  subsidiairement,  à  défaut  de  l'ésolérisme  plus 
pur  et  plus  profond  des  livres  mosaïques,  dont  le  Zohar  n'est  qu'un 
tardif  commentaire. 


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l'équilibre  et  son  agent  iiti 

néant  ne  vibre  pas.  Concevoir  une  agitation  quelconque 
ou  toute  autre  qualité  dans  le  vide  absolu,  c'est  manifes- 
tement absurde.  —  Et  réduire  la  lumière  astrale  à 
Vobsirail  du  mouvement,  c'est  en  faire  un  être  déraison, 
ce  qui  revient  à  nier  son  existence,  même  latente. 

L'on  est  donc  obligé  de  la  définir  :  une  substance  qui 
manifeste  une  force  ;  ou,  si  l'on  préfère,  une  force  qui 
met  en  œuvre  une  substance  :  les  deux  inséparables. 

En  tant  que  substance,  nous  Tavons  dit,  il  faut  envi- 
sager la  lumière  astrale  comme  le  substratum  de  toute 
matière  ;  le  potentiel  de  toute  réalisation  physique  ; 
rhomogénéité,  racine  de  toute  diflerenciation.  —  C'est 
l'expression  temporelle  d'Adamah  nDlH,  —  cet  élément 
primordial  d'où,  selon  Moïse,  l'universel  Adam  a  tiré 
son  être  :  ou,  pour  emprunter  le  langage  de  l'exoté- 
risme,  cette  terre  dont  le  Très-haut  façonna  le  premier 
ancêtre  humain. 

En  tant  que  force,  l'Astral  nous  apparaîtra  comme 
évertué  par  l'influx  et  le  reflux  de  cette  vivante  essence 
que  nous  avons  nommée,  à  l'instar  de  Moïse,  Nephesch- 
ha-chaïah  n^nn  tt^SJ,  le  souffle  de  vie  (i). 

Pour  motiver  ce  flux  et  ce  reflux  de  Tàme  vivante,  il 
suffit  de  la  peindre  tiraillée,  pour  ainsi  dire,  entre  deux 
aimants  :  en  haut,  Roûach  jElohîm,  souffle  vivificateur  de 
la  substance  collective,  homogène,  édénale  ; .  en  bas, 
Nakàsh,  agent  suscitateur  des  existences  individuelles, 
particulières,  matérialisées..  C'est  le  principe  de  la  divi- 
sibilité en  face  du  principe  de  l'intégration  ;   c'est  le 

(1)  Avant-propos,  p   63;  —cf.  a.\xssï  Au  seuil  du  Mystère,  p.  146. 


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116 


LA   CLEF  DE  LA   MAGIE   NOIRE 


morcellement  des  Moi  naissants  ou  à  naître,  qui  s'op- 
pose à  l'unité  du  Soi  éternel. 

De  cette  opposition  résulte  un  double  dynamisme  de 
forces  hostiles,  qu'il  convient  d'étudier  Tune  et  l'autre 
dans  leur  nature  propre  et  dans  la  loi  de  leur  mutuel 
mécanisme.  Puis,  revenant  à  Nahàsh  (le  dragon  de 
l'Astral),  nous  surprendrons  plus  aisément  le  mystère  du 
fluide  lumineux  de  même  nom,  avec  le  contraste  de  ses 
courants  opposés  et  son  point  central  d'équilibre. 


t 


-m. 


La  lumière  astrale  est,  somme  toute,  la  substance 
universelle  animée,  mue  en  deux  sens  inverses  et 
complémentaires,  par  l'effet  d'une  polarité  double,  du 
pôle  intégration  au  pôle  dissolution,  et  vice  versa. 

Elle  subit  en  effet  deux  actions  contraires:  la  puis- 


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l'équilibre  et  son  agent  117 

^nce  d'expansion  féconde,  la  lumineuse  lônah  rui^ 
effective  des  générations  et  dispensatrice  de  la  vie,  d'une 
part;  —  et  de  l'autre,  la  puissance  de  constriction  des- 
tructive des  formes,  le  ténébreux  Hereb  31?,  agent 
principal  de  la  mort,  et  par  là  de  la  réintégration  (retour 
des  individus  à  la  collectivité  ;  de  la  matière  différenciée 
et  transitoire,  à  la  substance  une,  permanente  et  non 
différenciée)  (l). 

Ces  deux  hiérogrammes,  Hereb  et  lônah^  que  nous 
empruntons  à  Moïse,  reviennent  à  plusieurs  fois  dans  le 
texte  hébreu  de  la  Genèsey  et  notamment  au  VIII*  cha- 
pitre, qui  traite  du  déluge  (y.  6  à  12). 

Tous  les  traducteurs  officiels  rendent  Heréb  et  lônah 
par  corbeau  et  colombe  :  sens  que  ces  deux  vocables 
peuvent  en  effet  revêtir,  dans  l'acception  la  plus  circons- 
crite et  matérialisée  dont  ils  soient  susceptibles. 

Nous  résumerons  pour  mémoire  le  récit  qu'on  prête  à 
Moïse. 

Le  déluge  a  fait  son  œuvre,  et  les  eaux  se  desséchant 
petit  à  petit,  le  sommet  des  montagnes  commence  à  pa- 
raître. —  Noé  laisse  quarante  jours  s'écouler,  puis  il 
ouvre  la  fenêtre  de  l'arche,  et  donne  l'essor  à  un  corbeau 
(Hereb)y  qui  s'envole  pour  ne  plus  revenir  (2).  Sept  jours 
après,  Noé  met  en  liberté  une  colombe  {lônah)  ;  mais 


(1)  La  force  d'expansion,  en  agissant  sur  VÀdr,  engendre  le  courant 
de  la  lumière  positive,  Aôd;  et  la  force  de  constriction,  celui  de  la  lu- 
mière négative,  Àdb. 

(2)  Les  Septante  traduisent  ainsi  ;  mais  S.  Jérôme  est  plus  exact  : 
le  corbeau,  ditril,  sortait  et  rentrait  alternativement  (egrediebatur  et 
revertebatur). 


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118  LA   CLEF  DE   LA  MAGIE  NOIRE 


celle-ci  revient,  n'ayant  point  trouvé  où  prendre  pied  (l), 
et  Noé  la  réintègre  dans  l'arche.  Une  semaine  s'écoule 
encore  ;  il  lâche  à  nouveau  la  colombe  qui  lui  revient  le 
soir  du  même  jour,  mais  portant  en  son  bec  un  rameau 
d'olivier-. •  Enfin,  après  sept  nouveaux  jours  d'attente, 
Noé  l'ayant  laissée  partir  pour  la  troisième  fois,  la  colombe 
ne  reparaît  plus. 

Telle  est,  du  moins  en  substance,  la  version  commu- 
nément accréditée. 

Mais  il  suffit  de  recourir  à  la  traduction  littérale  de 
Fabre  d'Olivet,  soutenue  de  notes  étymologiques  déci- 
sives, pour  entrevoir,  sous  les  puérils  emblèmes  de  la 
Vulgate  et  des  autres  versions  reçues,  toute  la  portée 
ésotérique  et  grandiose  d'un  texte  aussi  pitoyablement 
travesti.  Sans  entreprendre  un  commentaire  général  qui 
serait  un  hors-d'œuvre  en  ce  chapitre,  et  d'ailleurs  né- 
cessiterait à  lui  seul  un  chapitre  de  développements,  — 
précisons,  avec  le  précieux  appui  du  restaurateur  de  la 
langue  hébraïque,  le  vrai  sens  attribuable  aux  deux  hiéro- 
grammes  en  litige. 

a  H  est  bien  vrai,  dit  Fabre  d'Olivet,  que  le  mot  hébreu 
nJV  signifie  une  colombe;  mais  c'est  de  la  même  manière  que 
le  mot  3*12?  signifie  un  corbeau:  c'est-à-dire  que  les  noms  de 
ces  deux  oiseaux  leur  ont  été  donnés,  dans  un  sens  restreint, 
par  une  suite  des  analogies  morales  et  physiques  qu'on  a  cru 
remarquer  dans  la  signiBcation  primitive  attachée  aux  mots 
11*1^  et  r\3Vy  et  les  qualités  apparentes  du  corbeau  et  de  la 


(1  )  Môme  au  sommet  des  montagnes,  qui  émergeaient  déjà  47  jours 
auparavant?  Telle  est  la  logique  du  sens  admis  des  théologiens. 


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l'équilibre  et  son  agent  119 

eoiombe.  La  noirceur  de  VErèbe,  sa  tristesse,  Tavidité  avec  la- 
quelle on  croyait  qu'il  dévorait  les  êtres  qui  tombaient  dans 
son  sein,  pouvaient-elles  être  mieux  caractérisées  que  par  un 
oiseau  ténébreux  et  vorace  tel  que  le  corbeau  ?  —  La  blan- 
cheur de  la  colombe,  au  contraire,  sa  douceur,  son  inclination 
à  r&mour  ne  semblaient-elles  pas  inviter  à  la  choisir  pour  être 
1  emblème  de  la  faculté  génératrice,  de  la  force  plastique  de 
la  Nature?...  La  colombe  fut  le  symbole  de  Sémiramis,  de 
Derceto,  de  Mylitta,  d'Aphrodite, de  Vénus,  de  tous  les  person- 
nages allégoriques  auquels  les  anciens  attribuaient  la  faculté 
génératrice,  représentée  par  cet  oiseau... 

Il  est  évident  que  le  nom  de  Tlonie,  le  nom  de  cette  contrée 
fameuse,  que  TAsie  et  l'Europe  réclament  également,  découle 
de  la  même  source  que  le  mot  qui  nous  occupe,  J13V  (1)...  » 

On  le  voit,  l'antithèse  est  rigoureuse  entre  Hereb  et 
ïdnaA.  Celle-ci  désigne  en  effet  la  faculté  d'expansion,  gé- 
nératrice des  êtres  corporels;  celui-là  exprime  la  force  de 
compression  destructive,  qui  pousse  tout  ce  qui  vit  vers 
la  décrépitude  et  la  mort,  puis  dissout  et  engloutit  la 
dépouille  de  ce  qui  a  vécu  (2).  Hereb  exprime  aussi  le 


(i)  Langue  hébr.  restit,,  tome  II,  pages  231-232,  passim. 

[2)  Cette  antinomie  des  deux  Agents  prôlerail  à  une  foule  de  paral- 
lèles fort  étranges,  et  d'intérêt  majeur  pour  ceux  dont  l'œil  s'exerce  à 
sonder  certains  mystérieux  abîmes  de  la  Nature  et  de  la  Vie. 

Ainsi,  nous  pouvons  dédier  aux  étymologistes  le  contraste  que  voici  : 
d'une  part,  la  racine  sur  laquelle  s'élève  Vlônah  mosaïque  (cette  faculté 
génératrice  dont  la  colombe  est  l'emblème),  — la  racine  iôh  se  retrouve 
intacte  aux  Indes  dans  le  vocable  Yôni,  par  quoi  les  Brahmes  dési- 
gnent l'organe  sexuel  de  la  femme  ;  —  d'autre  part,  la  racine  consti- 
tutive à'Hereb  se  retrouve  à  peine  altérée  (1  s'est  adouci  en  1)  dans 
kerwah,  (au  pluriel  Herwath  TW^V),  le  mot  dont  se  sert  Moïse 
(Berœshith,  IX,  22)  pour  désigner  cet  objet  de  scandale,  que  Noé^  dans 
son  ivresse,  avait  laissé  découvert,  à  la  joie  sacrilège  de  Cham,  et  que 
Saint  Jérôme  qualifie  sans  ambages  de  «  verenda  nudata  ». 

Remarquons   encore  que  les  Sémites,  ^  arabes  et  hébreux^  Harbi 


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120  LA   CLEF   DE  LA    MAGIE  NOIRE 

champ  d'action  où  domine  par  Tunivers  cette  force  cor- 
rosive. 

C'est  plus  particulièrement  dans  cette  dernière  accep- 
tion que  l'ont  connu  les  grecs,  héritiers  de  la  Cosmogo- 
nie d'Orphée.  Cethéocrate,  contemporain  de  Moïse,  avait 
puisé  aux  mêmes  sanctuaires  que  lui  la  notion  de  son 
Erèbe  ÈpeÇè;,  le  gouffre  d'Hécate  ou  de  la  Lune  infernale, 
le  champ  de  Proserpine,  le  séjour  des  ombres,  enfin... 

VHereb  mosaïque,  que  l'on  pourrait  rattacher  à  Kain 
"[>p  (principe  du  Temps),  pactise  en  tous  lieux  avec  l'obs- 


^213r  et  Hebri  ^IIV  —  ces  âpres  adorateurs  du  Dieu  mâle,  unique, 
portent  un  nom  notoirement  formé  d'Hereb,  (le  nom  du  Maroc,  Afaugreb, 
en  dérive  aussi)  ;  —  tandis  qu'Iônah  sen\ble  avoir  nommé  cette  molle 
lonie,  itàvioL»  le  type  des  contrées  où  Ton  adorait  la  Nature  féminine 
et  plastique,  sous  ses  innombrables  et  éblouissantes  incarnations. 

Les  curieux  se  demanderont  enfin,  par  quel  chassé-croisé  d'in- 
fluences, le  màlc  Hereb  gouverne  le  courant  de  la  lumière  négative  et 
sélénique  3*  ^^^  ^*l^  •  —  cependant  que  la  féminine  lôncth  domine 
sur  le  courant  de  la  lumière  positive  et  solaire  Q,  Aôd,  TIN. 

Observons  à  cet  égard,  que  la  plupart  de  ces  attributions  sont,  non 
point  arbitraires,  mais  relatives.  —  Absolument  parlant,  il  n'y  a  qu'un 
Principe  mâle,  qui  est  Dieu  ;  qu'un  Principe  féminin,  qui  est  la  Nature. 
—  Dans  le  monde  subjectif,  il  n'y  a  qu'un  Principe  mâle,  qui  est  l'Es- 
prit universel,  et  qu'un  Principe  féminin,  qui  est  l'Ame  vivante  ;  dans  le 
monde  objectif,  enfin,  qu'un  Principe  mâle,  qui  est  la  Force,  et  qu'un 
Principe  féminin,  qui  est  la  Matière.  —  Mais,  sur  ces  divers  plans,  il 
est  loisible  de  qualifier  de  masculines  ou  de  féminines,  les  diverses 
modifications,  facultés,  énergies,  etc.,  qui  ressortissent  à  l'un  ou  à  l'au- 
tre de  ces  Principes  ;  ainsi  avons-nous  qualifié  lônah  de  féminine, 
parce  qu'elle  appartient  plutôt  à  la  Nature  et  à  la  substance  plastique: 
et  Hereb  de  masculin,  parce  qu'il  constitue  une  Force,  et  que,  par  son 
office  de  compacter  la  substance,  il  devient  en  quelque  sorte  le  véhicule 
de  la  Forme,  laquelle  relève  de  l'Esprit. 

Qu'il  nous  suffise  d'avoir  attiré  l'attention  sur  ces  singularités  occultes, 
dont  la  raison  d'être,  si  elle  était  connue,  pourrait  conduire  assez 
loin 


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l'équilibre  et  soî<  agent  121 

curité,  Hosheck  y^H;  —  Vlônah,  qui  déploie  son  énergie 
dans  le  royaume  d'Abel  San  (principe  de  l'Espace 
éthéré),  montre  partout  l'affinité  la  plus  intime  avec  Té- 
lémenl  lumineux,  Aôr  1W. 

L'une  est  la  colombe  de  la  lumière  et  de  la  vie;  l'autre, 
le  corbeau  des  ténèbres  et  de* la  mort  (1). 

La  douce  colombe  fait  l'amour  et  bat  des  ailes  partout 
où  s'irradie  la  clarté  sidérale  à  travers  l'espace  ;  mais  où 
l'obscurité  domine,  c'est  le  fief  de  l'âpre  corbeau  carnas- 
sier. 

Disons,  pour  préciser  le  point  de  vue  spécial  à  notre 
planète,  que  le  soleil  darde  Tinfluence  dlônah  sur  Thé- 
misphère  qu'il  baigne  de  ses  rayons,  —  et  que  l'influence 
d'Hereb,  liée  aux  phases  de  croissance  et  de  déclin  lu- 
naires, se  localise  dans  le  cône  d'ombre  que  la  terre  traîne 
à  sa  suite,  en  gravitant  par  les  cieux.  Nous  reviendrons 
en  détail  sur  cette  organisation  physique  et  hyperphysique 
du  système  planétaire,  —  à  laquelle  sont  subordonnés  le 
voyage  cosmique  des  âmes  et  toute  la  biologie  de  notre 
monde,  non  moins  que  l'existence  positive  et  la  localisa- 
tion strictement  déterminable  des  séjours  d'épreuve  et  de 
félicité  posthumes,  connus  ou  soupçonnés  sous  les  noms 


(1)  Le  môme  symbolisme  préside  èi  la  terminologie  des  philosophes 
hermétiques.  Us  nomment  Tête  de  corbeau  la  stase  de  dissolution, 
quand  la  matière,  réduite  en  noir,  semble  toute  décomposée  et  perdue 
(c'est  le  Nigrum  nigro  nigrius)  ;  —  et  colombes  de  Diane»  la  stase  de 
régénération  de  ladite  matière»  l'ablution  du  fixe  par  les  larmes  du 
volatil,  quand  la  couleur  blanche  va  paraître.  Les  colombes  annoncent 
et  préparent  le  régime  de  Diane  :  ^ors  naît  la  terre  blanche  feuillée 
(où  germe  la  semence  de  l'Or  vif). 


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122  LA   CLEF   DE   LA    MAGIE  NOIRE 

de  paradis,  de  purgatoire  et  d'enfer  (voy.  chap.  VI,  la 
Mort  et  ses  Arcanes). 

Ainsi,  la  substance  universelle  est  réceptive  d'une  in- 
fluence géminée  :  lônah  la  rend  fertile,  plastique  et  con- 
figurative  ;  Hereb  lui  comniunique  une  force  conipressive 
et  dévorante. 

D'où,  deux  propriétés  contraires  dans  la  lumière  as- 
trale :  Tune  qui  tend  à  volatiliser  le  fixe,  l'autre  qui  tend 
à  fixer  le  volatil. 

Dissoudre  ici,  pour  concréter  là(l)...  L'électricité  nous 
offre,  dans  ses  adaptations  à  l'art  galvanoplastique,  une 
image  sensible  de  cette  double  propriété  :  tandis  que  le 
métal  se  corrode,  au  pôle  positif  de  l'appareil,  les  parti- 
cules qui  s'en  détachent  vont,  charriées  par  le  courant, 
s'accumuler,  se  répartir  et  se  fixer  à  la  surface  du  moule 
ou  de  l'objet  quelconque  suspendu  à  l'électrode  négative. 

Cependant,  par  un  mystère  admirable  —  qui  contri- 
bue à  confirmer  la  grande  loi  de  l'harmonie  par  l'antago- 
nisme des  contraires  (2),  —  la  lutte  même  des  deux 
principes  devient  féconde.  Tous  deux  concourent,  nous 
Talions  voir,  en  dépit  de  leur  hostilité  apparente,  à  la 
génération,  à  la  croissance,  à  la  succession  des  formes 
corporelles. 

Hereb,  agent  centripète,  se  manifeste,  avons-nous  dit, 


(i)  Solve,  Coagula C'est   l'inscription    double   qui  se  lit  sur  les 

deux  bras  du  Grand  Androgyne  d'Henry  Khunrath,  magnifique  pentacle 
que  nous  avons  reproduit  et  commenté,  au  Seuil  du  Mystère  (pages 
127-150). 

(2)  Voir  Éliphas  Lévi,  qui  énonce  et  démontre  cette  loi  (Dogme  et 
Rituel,  passim). 


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l'équilibre  et  son  agent  123 

au  cours  du  temps, — et  lônak,  agent  centrifuge,  se  déploie 
à  travers  l'espace.  Or  le  temps  et  l'espace  ne  sont-ils  pas 
les  conditions  essentielles  de  toute  existence  physique? 

c  Ces  deux  actions,  dit  Fabre  d*01ivet,  selon  la  forme  des- 
quelles tout  existe  dans  la  nature,  issues  de  la  même  source, 
sont  ennemies  dès  leur  naissance.  Elles  agissent  incessamment 
Tane  sur  Tautre,  et  cherchent  à  se  dominer  réciproquement, 
et  à  se  réduire  à  leur  propre  nature.  L'action  compressive,plus 
énergique  que  l'action  expansive,  la  domine  toujours  dans 
iori^ne,  et  Taccablant  pour  ainsi  dire,  compacte  la  substance 
universelle  sur  laquelle  elle  agit,  et  donne  l'existence  aux 
formes  matérielles  qui  n'étaient  pas  auparavant  (t).  > 

Ce  qui  est  vrai  pour  la  condensation  des  nébuleuses, 
Test  aiissi  pour  toute  formation  corporelle. 

La  force  coërcitive,  subjuguant  sa  complémentaire, 
condense  la  substance  originelle,  selon  tel  type  généri- 
que, dans  la  sphère  d'action  de  tel  règne. 

Si  nous  examinons  les  règnes  végétal  et  animal  (où  les 
individus,  mieux  définis,  naissent,  croissent,  déclinent  et 
meurent  en  des  conditions  cycliques  plus  accessibles  à 
notre  observation  si  bornée),  la  victoire  première  de  la 
force  compressive  se  manifestera  évidente  dans  l'exemple 
delà  semence,  qui  tient  prisonnière  en  un  si  petit  espace, 
et,  pour  ainsi  dire,  à  haute  tension,  la  potentialité  d'un 
être;  lequel,  sous  l'empire  de  la  force  inverse,  va  passer 
en  acte,  s'organiser,  grandir,  etc.  A  l'action  succède  en 
effet  la  réaction  :  c'est  le  tour  de  l'agent  expansif,  qui  sus- 
cite l'être  à  son  plein  développement,  pousse  à  la  crois- 
sance du  dedans  au  dehors,  et  favorise  ainsi  la  bâtisse 

(1)  Caîn,  Lettre  à  Lord  Byron,  page  31. 


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124  LA   CLEF   DE   LA   MAGIE  NOIRE 

progressive  d'un  corps  matériel,  qui  s'édifiera  sur  le  pa- 
tron du  corps  astral,  et  selon  l'estampille  individuelle 
imprimée  à  celui-ci  par  la  faculté  plastique,  efficiente, 
de  l'être  en  voie  d'incarnation. 

Cependant  la  force  compressive,  centripète,  s'exerco 
toujours  du  dehors  au  dedans  :  après  avoir  participé  à  la 
création  de  l'être  matériel  (1),  en  compactant  la  substance 
éthérée,  —  il  faut  maintenant  que  cette  même  Force  ac- 
cable son  ouvrage,  et  agisse  sur  lui  à  l'instar  d'un  fer- 
ment dissolutif.  Le  dynamisme  convergent  d'Hereb  n'a 
pas  varié;  mais  il  produit  des  effets  inverses,  selon  qu'il 
opère  sur  la  substance  non  encore  condensée,  ou  sur  la 
matière  physique  :  dans  le  premier  cas,  l'action  est  créa- 
trice; elle  est  plus  ou  moins  promptement  destructive 
dans  le  second  cas. 

Rien  n'est  plus  mystérieux,  quand  on  y  songe,  que 
cette  propriété  inhérente  au  Temps,  de  tout  modifier, 
altérer  et  dissoudre,  d'une  sorte  lente,  parfois  insensible, 
mais  inéluctable  et  sans  remède.  Pourquoi  cette  fatale 
décadence  des  choses,  cette  usure  progressive  des  formes 
matérielles?  Pourquoi  (précurseur  d'une  totale  dissolu- 
tion), ce  déclin  qu'inflige  le  vieux  Saturne  à  tous  les  êtres 
qui  peuplent  l'Étendue  ?  Enfin,  pourquoi  la  vieillesse  et 
la  Mort,  inversement  complémentaires  de  la  Naissance 
et  de  la  Jeunesse?  —  C'est  la  réplique  d'Hereb  au  verbe 
universel  d'iônah. 

Que  la  substance  expansive,  vivante,  soit  liée  au  prin- 
cipe de  l'Espace,  l'esprit  humain  le  conçoit  sans  peine; 

(1)  Et,  par  conséquent,  collaboré  avec /dna^. 


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l'équilibre  et  son  agent  125 

}  mais  il  se  persuade  moins  aisément  de  l'affinité  seci  èle 
qui  rattache  au  principe  du  Temps,  l'insaisissable  facteur 
de  la  décrépitude  et  de  la  mort. 

Le  Temps  lui-même  est  fort  difficile  à  saisir  dans  sa  na- 
ture, comme  à  représenter  par  une  image  sensible  :  «  com- 
ment pourrait-il  affecter  nos  organes  corporels,  puisque 
passé,  il  n'est  plus;  que  futur  y  il  n'est  pas;  que  présent,  il 
est  renfermé  dans  un  instant  indivisible  ?  Le  Temps  est  une 
énigme  indéchiffrable  pour  quiconque  se  renferme  dans 
le  cercle  des  sensations,  et  cependant  les  sensations  seules 
lui  donnent  une  existence  relative.  Si  elles  n'existaient 
pas,  que  serait-il  ?  —  Ce  qu'il  est  :  une  mesure  de  la  vie. 
Changez  la  vie,  et  vous  changerez  le  Temps.  Donnez  un 
autre  mouvement  à  la  matière  et  vous  aurez  un  autre 
Espace  (1).  » 

Ainsi  donc,  comme  Fabre  d'Olivet  le  donne  à  entendre 
avec  sa  profondeur  accoutumée,  le  Temps  procède  de  la 
Vie  en  fermentation,  comme  l'Espace,  de  la  Matière  en 
travail.  —  Traduisons  en  hiérograrames  mosaïques  : 
Kaïn   s'apparie  à  Nephesh^horChaïah  j  comme  Abel  à 

Hetz  yy  (2). 

On  peut  voir,  dans  le  principe  du  Temps,  la  règle  de 
succession  cosmique  des  formes  éphémères,  où  viennent 
s'élaborer  les  âmes  en  voie  de  rédemption,  —  ou  d'évo- 
lution, car  c'est  tout  un. 

Plus  la  vitalité  des  êtres  s'affirme  intense,  plus  il 
semble  que  le  Temps  ait  de  prise  sur  elle,  pour  la  tarir. 


(1)  Fàhre  d'OUvei,  Langue  hébr.  restii,,  tome  I,  pages  114-115. 

(2)  y7,  identique  au  Hioulé  ^SvH  rabbinique,  et  àlTXt)  des  grecs. 


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126  LA   CLEF   DE   LA    MAGIE  NOIRE 

en  altérant,  puis  en  ruinant  les  organismes  qui  consti- 
tuent les  foyers  de  son  élaboration.  —  L'action  corrosivc 
du  Temps,  très  lente  sur  les  minéraux,  dont  Tâme  de 
vie  est  à  peine  éveillée,  se  fait  sentir  davantage  sur  les 
exemplaires  végétaux;  cette  action,  plus  intense  encore 
sur  la  moyenne  des  êtres  du  règne  animal,  devient  fou- 
droyante pour  tels  d'entre  eux.. 

Et  cependant,  les  âmes  de  vie  distribuées  à  tous  les 
êtres  n'en  sont  pas  moins  les  éléments  de  conservation 
temporaire  des  organismes  où  elles  s'incarnent. 

Il  semble  que  ce  soit  là  une  contradiction,  mais  elle 
n'existe  que  dans  les  termes. 

Nous  savons  qu'en  tout  être  organisé,  il  y  a  plusieurs 
vies  :  depuis  la  vie  universelle,  à  quoi  l'individu  se  rat- 
tache par  l'intermédiaire  de  l'Espèce,  jusqu'à  la  vie 
(réfractée)  des  cellules  constitutives  de  son  corps  (1). 
Ces  extrêmes,  qui  touchent  à  l'absolu  de  l'unité  d'une 
part,  à  l'infini  de  la  divisibilité  de  l'autre,  n'appartien- 
nent point  en  propre  à  l'individu  :  dans  l'intervalle  se 
place  logiquement  sa  vie  personnelle,  —  synthétique  par 
rapport  aux  vitalités  cellulaires,  mais  subdivisionnelle 
par  rapport  à  la  vie  collective  des  êtres.  Cette  vie 
moyenne,  la  sienne  propre,  la  vie  de  son  âme  {^hx^)  est 
triple  et  quadruple,  comme  cette  Psyché  même. 

Supposons-la  intégralement  développée,  chez  l'homme 
parfait,  par  exemple;  elle  se  manifestera  sous  trois  mo- 
difications: intellectuelle,  passionnelle,  instinctive.  La 


(1)  Et  jusqu'à  la  vie  chimique  des  atomes  dont  les  cellules  sont  for- 
mées. 


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l'équilibre  et  son  agent  127 

vie  passionnelle,  médiane,  d'un  individu  constitue  en 
eflSet  le  foyer  central  de  son  existence  proprement  dite. 
Par  sa  vie  intellectuelle,  supérieure,  cet  individu  confine 
à  la  vie  collective  de  l'espèce  ;  par  sa  vie  instinctive,  in- 
férieure (vie  du  corps  astral),  il  maîtrise  les  vitalités 
subdivisées  des  cellules  de  son  corps  physique.  Une  qua- 
trième vie,  qui  a  sa  racine  dans  le  foyer  central  de 
Tànae,  la  vie  volitive,  englobe  enfin  les  trois  modifications 
susdites,  pour  les  ramener  à  l'unité. 

D'ailleurs,  la  vitalité  cellulaire  n'est  point  elle-même 
le  dernier  terme  de  la  subdivision,  pas  plus  que  la  vie 
collective  de  l'espèce  ne  constitue  le  dernier  terme  de 
rinlégration  :  cette  vie  collective  aboutit  à  la  vie  univer- 
selle, intégrale  ;  et  pareillement,  au-dessous  de  la  vita- 
lité des  cellules,  se  place  la  vie  atomique,  dont  témoi- 
gnent les  affinités  cmmiques  des  atomes. 

Cela  posé,  l'apparente  contradiction  ci-dessus  se  résout 
d'elle-même.  Nous  avons  dit,  en  effet,  que  —  règle  gé- 
nérale —  le  Temps  exerce  ses  ravages  en  raison  directe 
de  l'activité  vitale  des  êtres,  et  qu'on  doit  nonobstant 
considérer  les  âmes  de  vie,  comme  les  palladia  d'éphé- 
mère conservation  des  corps.  Mais  nous  désignons  alors 
par  âme  de  vie  la  Psyché  elle-même,  la  substance  propre 
de  l'être  individuel  ;  et  par  vitalité,  la  synthèse  de  ces 
énergies  biologiques  réfractées,  qui  sont  comme  les  âmes 
des  cellules. 

Hé  bien,  la  force  hérébique  du  Temps  fomente  la  vie 
chimique  des  atomes,  —  et  ce,  en  tendant  à  relâcher, 
puis  à  dissoudre  le  lien  sympathique  qui  tient  groupées, 
suivant  une  loi  de  hiérarchie  unitaire,  les  vitalités  innom- 


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128  LA   CLEF   DE    LA   MAGIE  NOIRE 

brables  et  infimes  des  cellules  constitutives  de  Torg^a- 
nisme.  Voici  comme. 

Le  lien  sympathique  mentionné  n*est  autre  que  le  corps 
astral.  Sa  rupture  occasionne  la  libération  de  la  Psyché, 
autrement  dit  —  la  Mort,  dont  la  prime  conséquence  est 
l'anarchie  déchaînée  parmi  les  vitalités  moléculaires.  Mais 
ces  vitalités  de  cellules,  n'étant  que  le  produit  d'une  ré- 
fraction de  la  vie  générale  individuelle,  ne  tardent  guère 
à  s'éteindre,  à  l'instar  de  celte  dernière  :  rien  ne  maîtrise 
plus,  dès  lors,  ce  que  nous  avons  appelé  la  vie  chimique 
des  atomes  ;  bref,  le  jeu  des  affinités,  (qu'asservissait  ou, 
pour  mieux  dire,  que  réglait  naguère  le  principe  aggré- 
gatif  des  vies),  s'exerce  enfin  sans  nulle  contrainte:  d'où 
la  décomposition  organique,  que  certaines  Larves  (1) 
fluidiques  viennent  activer  encore,  cm  y  développant  des 
ferments  spéciaux  de  putréfaction... 

Toutes  ces  ruines  se  réfèrent  au  mystérieux  Aôb  siS  de 
la  primitive  Kabbale;  elles  jonchent  le  domaine  delà  lu- 
mière négative,  laquelle  reçoit  son  impulsion  d*Herebj  le 
principe  universel  constrictif  {Vastringence  de  Jacob 
Bœhme).  Aussi  les  adeptes  de  certaine  école  désignaient- 
ils  Hereb  sous  cette  mystique  dénomination  :  c'est  k  bras 
de  Moulh  (le  bras  de  la  mort)  ;  c'est  l'agent  du  retour  à 
l'unité. 


(1)  Le  mot  Larve  s'emploie  souvent  en  magie  comme  synonyme  de 
Lémure^  c'est-à-dire  dans  un  sens  plus  large  que  celui  de  notre  défini- 
tion au  chapitre  II.  —  C'est  ici  le  cas.  Cf.  chap.  VI,  ia  Mort  et  ses 
Arcanes. 


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L*£QU1UBRE  £T  SON   AGENT  129 

Quant  à  la  lumière  positive,  Aôd  TX,  nous  l'avons  vue 
gouvernée  par  le  principe  expansif  de  l'universelle  vivi- 
fication,  lônah  {Vamertume  de  J.  Bœhme). 

Enfin,  ces  actions  opposées  se  balancent  et  se  tempè- 
rent Tune  par  l'autre,  dans  les  eflduves  de  la  lumière 
astrale  équilibrée,  AÔr  "lis. 

VAôr  génère  intarissablement  les  formes  matérielles, 
qui  naissent,  prennent  leur  développement,  puis  décli- 
nent, passent  et  se  succèdent,  grâce  au  concours  des 
deux  Puissances  hostiles,  dont  l'éternel  conflit  a  la  fécon- 
dité d'un  embrassement  d'amour. 

Cette  mutualité  (créatrice  et  destructive  tout  ensemble) 
apparaît  réglée  par  l'empire  qu'exerce  sur  VAôr  certain 
agent  occulte,  Nahàsh,  qui  est  le  principe  même  de  la 
divisibilUé  indéfinie  et  de  Végo-isme  à  outrance  :  attribu- 
tions qui  semblent  s'exclure,  et  s'unifient  néanmoins  en 
lui.  Cet  agent  n'est  pas  moins  que  le  Diable,  au  sentiment 
de  plusieurs  mystiques. 

En  tout  être  qui  s'incarne  ici-bas,  il  fomente  un  Moi 
terrestre,  inférieur,  passager,  exclusif  et  ambitieux  de 
s'étendre  aux  dépens  d'autrui.  Pareillement,  il  dote 
d'une  tendance  féroce  à  l'autonomie  (nous  allions  dire 
qu'il  revêt  d'un  simulacre  de  Moi)  chacune  des  cellules 
constitutives  de  tout  corps  organisé,  chacun  des  atomes 
groupés  pour  former  ces  cellules.  D'où,  un  résultat  que 
nous  avons  signalé  plus  haut  :  tant  que  le  corps  astral, 
ou  frein  aggrégatif  des  vies,  déploie  la  puissance  de 
maîtriser  toutes  ces  vitalités  fragmentaires,  non  seule- 
ment elles  restent  soumises  ;  bien  plus,  elles  concourent 
harmonieusement  à  Texistence  commune.  Mais  que  ce 

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130  LA   CLEF  DE   LA   MAGIE   NOIRE 

frein  vienne  à  faiblir,  et  l'anarchie  se  déclare  parmi  ces 
infimes  vitalités  :  la  mort  s'ensuit,  et  la  décomposition 
commence.  En  un  mot,  l'Agent  qui  nous  occupe  multi- 
plie sous  toutes  les  formes  et  attise  chez  tous  les  êtres  le 
sauvage  instinct  dnstruggle  for  life....  Si  le  démon  n'est 
pas  un  mythe,  en  vérité,  voilà  bien  son  signalement. 

—  «  Crée  encor  pour  détruire,  et  détruis  pour  créer,  » 

clame  vers  Dieu  le  Lucifer  de  Lord  Byron.  Lucifer  se 
trompe  d'adresse.  Ce  n'est  point  Dieu,  c'est  lui-même 
qu'il  devrait  interpeller  ainsi,  —  lui-même,  aveugle  Dé- 
miurge du  monde  inférieur,  despote  de  TAstral,  impla- 
cable de  fatidique  inconscience,  et  dont  l'instinct  seul 
vivace  s'agite  et  se  multiplie,  indifférent  au  mal  comme 
au  bien. 

Fauteur  de  toute  division,  n'est-il  point  cet  Antéchrist 
virtuel,  que  le  Fils  de  l'homme  est  venu  combattre  et 
terrasser?  Notre  Seigneur  Jésus-Christ  le  nomme  posi- 
tivement le  Prince  de  ce  monde:  «  Confidete!  Ego 
vici  mundum!...  Princeps  hujus  mundi  ejicietur  foras  !   » 

Nos  Lecteurs  savent  déjà  son  vrai  nom  :  urna  Nahàsh. 
C'est  par  de  poétiques  fictions  qu'on  Ta  personnifié  sous 
les  appellations  de  Satan,  de  Lucifer,  du  Diable,  etc.. 

Il  n'est  point  une  personne  distincte,  mais  une  Puis- 
sance impersonnelle,  au  contraire,  un  agent  occulte  de 
la  création.  11  domine  d'en  bas  sur  VAôr,  de  même 
qn'Iônah  et  qn'Hereb,    ses  termes  de  polarisation  (1) 


(1)  L'on  ne  saurait  s'étonner  qua  défaut  d'un  vocabulaire  adéquat, 
et  lorsque  nous  traitons  un  sujet  inouï  (au  sens  radical  de  ce  terme), 
nous  soyons  contraint  à  quelques  à  peu  près  d'expression. 


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l'équilibre  et  son  agent  431 

(relaUfs  aux  flux  et  reflux  de  Nephesch-ha-chaïah,  rame 
uQÎverselle  vivante)  dominent  de  droite  et  de  gauche  sur 
Aâd  et  Aôb,  les  courants  de  lumière  positive  et  négative. 
Nahàsh^  dragon-sphinx,  proposant  l'énigme  de  son 
inqualifiable  essence  aux  Œdipe  du  mysticisme,  oflre  à 
leur  sagacité  un  sujet  de  constante  méditation.  Son  ori- 
gine, —  dont  nous  traiterons  au  tome  III,  —  se  réfère 
aux  plus  vertigineux  arcanes  de  la  Nature  et  de  la  Vie. 
Faire  la  lumière  intégrale  sur  Nahàsh,  équivaudrait  à 
résoudre  le  problème  du  mal. 

Un   théosophe  allemand  a  eu  l'audace  d'affronter  le 
monstre  dans  sa  caverne  originelle.  Jacob  Bœhme  a  per- 
scnilé  la    «  raciïie  ténébreuse  »  des  choses;  il  en  a 
décrit  le  pivot,  qui  est  Nahàsh.  Mais  Bœhme  ne  le  connaît 
pas  sous  ce  nom  :  il  l'appelle  le  vortex  ou  le  tourbillon 
(tangoisse^  et  en  fait  la  troisième  propriété  de  son  abîme 
virtuel.  Les  deux  premières  propriétés  ennemies  dont 
l'étreinte  réciproque  engendre  la  troisième,  sont  les  po- 
tentialités comprcssive  et  dilatante  (1),  où  Ton  ne  peut 
se  défendre  de  voir  les  principes  radicaux  d'Hereb  et 
d'Iônah.  Ces  trois  vertus  combinées  (2)  concourent  à  un 
ensemble  que  Bœhme  qualifie  de  racine  ténébreuse  de 
l'Être,  antérieure  à  toute  manifestation  d'icelui  :  c'est  la 
matrice  occulte  de  l'éternelle  Nature  (3),  tourmentée  d'une 


(1)  Vctstringence  et  Vamertume,  selon  la  terminologie  étrange  que  lui 
a  fidèlement  conservée  son  traducteur  français,  le  marquis  de  Saint- 
Martin.  Mais  le  théosophe  d'Amboise  est  loin  d'avoir  toujours  compris 
son  <  divin  Bœhme  ».. 

(2)  «  Les  trois  propriétés  du  Désir  »  (Bœhme), 

(3]  L'enfer  est  la  matrice  du  Macrocosme  (Paracelse), 


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132  LA  CLEF  DE   LA   MAGIE  NOIRE 


appétence  à  générer  la  vie,  appétence  qu'il  définit  TA/- 
tract  originel.  Singulière  rencontre  !  Ce  sont  les  propres 
termes  que  choisira  Fabre  d'Olivet,  pour  traduire  l'hiéro- 
gramme  hébreu  tt^na  ...  Mais  elle  se  tordrait  à  jamais 
stérile,  cette  angoisse  magique  du  possible  qui  voudrait 
être,  elle  s'épuisei^ait  en  efforts  impuissants,  si  Dieu  n'y 
dardait  un  rayon  de  sa  lumière  invisible  :  le  Roûach 
jElohîm  de  la  Genèse.  Sous  l'influx  divin,  la  roue  d'an- 
goisse s'allume  (1),  et  le  désir  devient  plaisir  :  de  là  s'en- 
gendre le  feu-principe  ou  médium  universel  du  théosophe 
allemand. 

Nous  empruntons  en  passant  ces  quelques  traits 
fragmentaires  au  système  de  Bœhme,  parce  qu'ils  offrent, 
avec  l'objet  de  ce  chapitre,  des  rapports  frappants  et 
d'intérêt  majeur.  Cependant,  s'il  y  a  correspondance 
analogique,  il  n'y  a  point  identité.  On  fera  bien  d'y 
prendre  garde.  Le  feurprincipe\  notamment,  n'est  pas  la 
lumière  astrale,  cosmique  ;  mais  sa  source  universelle, 
céleste  (2).... 

Retenons  seulement  que  le  principe  originel  de  Nahàsh 
tient  au  mystère  de  toute  génération  ontologique,  —  et 
que,  dans  les  profondeurs  du  limbe  potentiel,  Nahàsh  est 


(1)  "T1î<  ■'n^l  (Élémentisation  lumineuse). 

(2)  Ainsi  du  reste.  —  Le  grand  mystique  traite  des  principes  de  la 
céleste  Nature,  conçue  antérieurement  à  la  déchéance  (Voy .  notre  Avant- 
propos,  page  20).  Ce  décor  éternel  une  fois  posé,  Bœhme  passe  seule- 
ment aux  drames  do  la  chute  des  anges  et  du  péché  originel.  —  En  ce 
tome,  au  contraire,  nous  acceptons  la  chute  comme  un  fait  accompli  : 
nous  traitons  de  la  Nature  déchue,  sans  chercher  ce  qu'elle  pouvait  être 
avant  la  catastrophe. 


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l'équilibre  et  son  agent  133 

encore  le  point  de  soudure  entre  l'Homme  et  le  Cosmos, 
à  naître  tous  deux. 

Au  demeurant,  c'est  surtout  Moïse  qu'il  faut  interroger, 
touchant  Nahàsh.  Le  théocrate  d'Israël  n'est  point  seule- 
ment l'éditeur  (l'auteur  peut-être)  de  cet  hiérogramme  ; 
historien,  par  surcroît,  de  l'Être  ambigu  qu'il  nomme 
ainsi.  Moïse  a  tracé  une  page  décisive  de  sa  légende 
ésotérique,  au  troisième  chapitre  du  Berœshith. 

Il  désigne  sous  cette  appellation,  urna,  l'Agent  primor- 
dial de  la  chute,  le  Tentateur  édénal  ;  —  sous  ce  même 
nom,  les  Bibles  vulgaires  désignent  «  un  serpent,  subtil 
animal  des  champs  (1)  »,  et  le  scoliaste  agnostique  ajoute 
en  marge  :  c'est-à-dire  le  Démon,  déguisé  sous  cette  appa- 
rence. 

€  Nahàsh,  écrit  Fabre  d'Olivet,  caractérise  proprement  ce 
sentiment  intérieur  et  profond  qui  attache  Tétre  à  sa  propre 
existence  individuelle,  et  qui  lui  fait  ardemment  désirer  de  la 
conserver  et  de  l'étendre.  Ce  nom,  que  j'ai  rendu  par  celui 
d*attract  originel,  a  été  malheureusement  traduit  dans  la  ver- 
sîoD  des  hellénistes  par  celui  de  serpent  ;  maïs  jamais  il  n'a 
eu  ce  sens,  même  dans  le  langage  le  plus  vulgaire.  L'hébreu 
a  deux  ou  trois  mots,  entièrement  différents  de  celui-là,  pour 
désigner  un  serpent.  Nahàsh  est  plutôt,  si  je  puis  m'exprimer 
ainsi,  cet  égoîsme  radical  qui  porte  l'être  à  se  faire  centre  et  à 
tout  rapporter  à  lui.  Moïse  dit  que  ce  sentiment  était  la  pas* 


(1)  Les  modernes  traducteurs,  qui  n'y  voient  point  malice,  suivent 
la  remorque  de  saint  Jérôme  mystifié  et  des  Septante  mystificateurs. 

Chacun  peut  se  reporter  à  V Introduction  générale  du  Serpent  de  la 
Genèse  (tome  I,  page  20-21),  où  nous  avons  transcrit  le  texte  hébreu 
du  verset  en  litige,  avec  les  deux  traductions,  —  ezotérique  et  ésoté- 
rique, —  en  regard. 


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134  LA  CLEF  DE  LA  MAGIE  NOIRE 

sion  entratnante  de  ranimalité  élémentaire,  le  ressort  secret 
ou  le  levain  que  Dieu  avait  donné  à  la  nature.  Il  est  très  re^ 
marquable  que  le  nom  employé  ici  par  l'écrivain  hiérographe 
pour  exprimer  cette  passion,  ce  ressort  ou  ce  levain,  esiHarym, 
le  même  que  Zoroastre,  parmi  les  Perses,  avait  employé  pour 

désigner  le  Génie  du  Mal Ainsi,  d'après  Tesprit  du  Sephei* 

et  la  vraie  doctrine  de  Moyse,  Nahàsh  Harym  ne  serait  pas  un 
être  distinct,  indépendant,....  mais  bien  un  mobile  central 
donné  à  ta  matière,  un  ressort  caché,  un  levain  agissant  dans 
la  profond! té  des  choses,  que  Dieu  avait  placé  dans  la  nature 
corporelle  pour  en  élaborer  les  éléments  (1).  » 

C'est  de  ce  levain,  inséparable  pour  nous  du  fluide 
universel  qui  constitue  sa  base  de  manifestation,  —  c'est 
de  ce  levain  que  parle  Quantius  Aucler,  l'hiérophante 
païen  de  la  Thréïcie,  dans  une  page  étonnante,  où  il 
effleure  le  grand  problème  de  la  biologie  sidérale. 

c  Vous  avez  des  idées  bien  grossières  :  vous  pensez  que  ces 
globes  lumineux,  qui  gardent  toujours  leurs  places  dans  un 
fluide  qui  ne  peut  les  soutenir  ;  qui,  dans  des  oppositions  et 
divers  aspects,  ont  des  marches  toujours  régulières,  ont  été 
placés  sur  vos  tètes  pour  amuser  vos  yeux  et  les  calculs  de  vos 
astronomes  !  Il  n'y  a  dans  la  nature  que  des  corps  morts  ou 
vivants  ;  tout  ce  qui  est  mort  n'est  pas  vivant  ;  tout  ce  qui  est 
vivant  n'est  pas  mort. 

a  II  y  a  un  ferment  qui  est  l'esprit  (2)  qui  joint  l'âme  au 
monde  :  son  action  est  continuelle  ;  il  change  tout,  c'est  le 
grand  Protée  ;  il  dissout  les  êtres  morts,  et  il  les  prépare,  en 
les  dissolvant,  à  être  le  lieu  où  de  nouveaux  êtres,  d'une  ma- 
nière que  vous  ne  pouvez  pas  même  maintenant  soupçonner, 
viennent  du  grand  abîme  de  la  Nuit  pour  se  corporifier.  Si 


(1)  Caïn,  p.  34-35,  passim. 

(2)  Esprit  est  employé  par  Aucler  dans  le  sens  de  spiritueux,  et  non 
pas  de  spirituel. 


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l'équilibre  et  son  agent  135 

TOUS  savez  interpréter  THymne  à  la  nuîtd*Orphée,  vous  aurez 
oodes  premiers  points  de  la  Doctrine  :  vous  saurez  comment 
tout  se  forme,  vous  pourrez  voir  vos  yeux  sans  miroir,  et 
ébranler  les  cornes  du  taureau. 

f  Ce  ferment  n'agit  pas  sur  les  corps  vivants  (1),  parce  que 
YAnimttë  qui  les  informe,  les  maintient,  est  plus  fort  que  le 
ferment  qui  tend  à  les  dissoudre,  étant  d'une  nature  supé- 
rieure. Si  le  ferment  pouvoit  quelque  chose  sur  les  êtres,  il 
les  dîsposeroit  à  recevoir  de  nouveaux  AnimtiS,  qui  de  l'abîme 
de  la  Nuit,  viendroient  se  corporiBer  ;  ainsi  il  tes  dissoudroit. 
Il  faut  donc  qu'ils  aient  quelque  chose  en  eux  qui  repousse  les 
atteintes  du  ferment  et  qui  soit  supérieur  à  cet  esprit  ;  il  faut 
donc  qu'ils  aient  en  eux  chacun  un  animus  qui  les  informe, 
qui  maintient  leur  forme  et  qui  repousse  l'action  du  ferment: 
ainsi  ils  vivent  donc.  Si  la  terre  n'étoit  pas  animée,  le  ferment 
aussi  la  dissoudroit^  et  la  disposeroit  à  recevoir  de  nouveaux 
êtres  qui  rongeroient  les  récoltes,  tourmenteroient  les  espèces 
primitives,  leur  nuiroient,  les  détruiroient  ;  et  elles  ne  seroient 
plus  alors  une  simple  altération^  mais  ne  ressembleroientplus 
aux  idées  archétypes. 

<  Le  propre  du  cadavre  est  de  tomber  ;  c'est  de  là  qu'il  est 
appelé  cadavre  à  cadendo  ;  le  propre  de  l'être  vivant  est  de  se 
dresser  et  de  se  soutenir,  parce  qu'il  a  le  principe  de  son  mou- 
vement et  de  sa  vie  en  lui.  C'est  ainsi  que  je  soutiens  mon 
bras,  que  je  dresse  ma  tête  !  —  Si  les  astres  n'étoient  que  des 
cadavres,  ils  tomberoient  ;  c'est-à-dire  qu'ils  se  rassemble- 
roient  dans  un  même  lieu,  selon  les  lois  de  la  pesanteur  (2).  > 


(1)  Ceci  n'est  point  toat  à  fait  exact.  Le  ferment  agit  sur  les  corps 
vi\'anis  :  il  les  vieillit  et  tend  à  les  dissoudre,  mais  à  la  longue...  C'est 
ce  que  nous  avons  tâché  de  faire  comprendre  plus  haut.  Nous  avons 
ajouté  que  cette  immunité  relative  et  temporaire  était  due  à  l'énergie 
réactive  des  âmes  de  vie. 

(2)  La  Thrèîcie,  ou  la  seule  voie  des  Sciences  divines  et  humaines, 
par  Quantius  Âucler.  —  Paris,  an  VII  de  la  République,  in-8  (pages 
228-230). 

Si  cet  ouvrage  n'était  écrit  d'un  style  inculte,  rocailleux  jusqu'à  de- 
venir insupportable  par  endroits,  il  mériterait  à  coup  sûr  les  honneurs 


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436  LA   CLEF  DE   LA   MAGIE  NOIRE 


L'opinion  qu'exprime  Aucler  ne  doit  point  surprendre, 
bien  que  le  sentiment  contraire  ait  prévalu.  Elle  est  con- 
forme à  la  doctrine  secrète  de  tous  les  Sages  de  l'anti- 
quité. 

L'on  enseignait  partout  dans  les  temples  que  l'Uni- 
vers est  animé.  Sur  ce  point  tombaient  d'accord  les  deux: 
Écoles  rivales,  —  Ihéosophique  et  naturaliste,  —  que  di- 
visait pourtant  la  question  fondamentale  de  la  Divinité. 
Soit  que  les  penseurs  ne  reconnussent  point  de  Cause 
première  en  dehors  de  la  Nature  productrice,  immanente 
à  rUniversqu'Elle  engendre  éternellement;  soit  qu'ils  ad- 
missent l'existence  indépendante  d'un  Être  ineffable  qui, 
principe  de  cette  Nature,  en  demeure  néanmoins  distinct  : 
le  Macrocosme  était  pour  eux  un  être  vivant,  dans  son 
ensemble  comme  dans  ses  parties. 

Tous  les  initiés  du  monde  antique, — Hermès,  Zoroastre, 


(le  la  réimpression,  dont  on  se  montre  si  étourdiment  prodigue  de  nos 
jours  :  d'autant  plus  qu'il  est  devenu  fort  rare. 

Le  fragment  que  nous  reproduisons  là  peut  compter  parmi  les  moins 
mal  écrits  ;  encore  avons-nous  dû  amender  la  ponctuation  de  rhiéro- 
phante. 

Kliphas  {La  Science  des  Esprits,  page  242)  a  eu  le  tort  de  ridiculiser 
Quanlius  Aucler.  La  Thréïcie  constitue,  telle  quelle,  un  traité  de  paga- 
nisme occulte,  tout  à  fait  unique  en  son  genre,  et  dont  on  ne  saurait 
trop  rccommamler  la  lecture  aux  amateurs  de  mysticisme.  Ils  y  trou- 
vonmt  de  piquants  détails,  et,  qui  mieux  est,  quelques  vues  infiniment 
précieuses  et  qu'ils  seraient  fort  empêchés  de  découvrir  nulle  autre  part. 
La  doctrine  ésotérique  y  est  présentée  sous  une  forme  polythéiste,  d'un 
archaïsme  étrange  et  savoureux.  L'ouvrage  n'est  pas  moins  singulier 
que  remarquable  et  difficile  à  trouver  en  librairie. 

La  Thréïcie  était  un  des  livres  de  chevet  du  noble  poète  des  Chi- 
mères. On  peut  consulter  la  notice  qu'il  a  consacrée  à  son  auteur  (Les 
Illuminés^  par  Gérard  de  Nerval,  Paris,  1842.  in-12,  p.  318-354). 


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l'équilibre  et  son  agent  137 


Pytbagore,  Platon,  les Kabbalisles,  les  Alexandrins,  etc., 
—  pensaient  ainsi.  Mais  n'allez  pas  en  induire  que  Py- 
thâgore,  par  exemple,  s'il  revivait  de  nos  jours,  s'ins- 
crirait en  faux  contre  Newton,  et  le  système  de  l'attrac- 
tion universelle.  De  ce  que  les  corps  célestes  s'attirent 
mutuellement,  en  raison  directe  des  masses,  et  en  raison 
inverse  du  carré  des  distances,  il  ne  résulte  pas  qu'ils 
soient  inanimés.  Le  mécanisme  invariable  de  leur  gravi- 
tation n'implique  rien  contre  l'hypothèse  en  litige.  Vie  et 
Liberté  ne  sont  point  synonymes.  —  Ce  chêne,  de  l'aveu 
de  tous,  est  vivant:  mais  sa  croissance  n'en  est  pas  moins 
soumise  à  des  lois  fixes;  il  se  revêt  de  son  feuillage  et 
s'en  dépouille,  selon  les  alternatives  des  saisons.  —  Cet 
homme  est  vivant  :  mais  une  loi  indépendante  de  sa  vo- 
lonté n'en  règle  pas  moins  chez  lui  la  circulation  du 
sang;  il  n'est  point  libre  d'arrêter  les  battements  de  son 
cœur... 

Les  Maîtres  de  l'antique  Sagesse  contesteraient  d'au- 
tant moins  le  mécanisme  de  la  gravitation  universelle, 
que  nécessaireinent  ils  furent  amenés  à  en  construire  la 
théorie,  par  suite  de  la  connaissance  très  certaine  et  très 
approfondie  qu'ils  avaient  acquise,  non  seulement  des 
forces  centripète  et  centrifuge,  mais  encore,  comme 
nous  l'avons  laisse  entendre,  des  essences  occultes  dont 
ces  forces  ne  sont  que  la  résultante  sur  le  plan  physique. 

Que  si  notre  assertion  semblait  téméraire,  et  qu'on 
supposât  les  anciens  théosophes  trop  arriérés  en  cosmo- 
logie pour  se  pouvoir  élever  à  de  pareilles  notions,  il  nous 
serait  facile  de  prouver  aux  incrédules,  que  la  doctrine 
secrète  des  temples  comportait  les  théories  le  plus  en  fa- 


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138  LA  CLEF  DE   LÀ   MAGIE  NOIRE 

veur  aujourd'hui,  —  théories  dont  la  science  se  fait  gloire 
comme  de  récentes  conquêtes,  et  que  ses  Aristarques 
ont  enregistrées  depuis  deux  ou  trois  siècles  à  peine, 
après  lesavoir  revêtues  de  leur  haute  sanction.  Les  Pytha- 
goriciens n'enseignaient-ils  pas  ouvertement,  au  grand 
scandale  des  profanes,  que  la  Terre  gravite  autour  du 
Soleil?  Aristote  nous  en  est  garant.  Ne  lit-on  point  dans 
le  Zohar  «  que  la  Terre  tourne  sur  elle-même  en  forme 
de  cercle;  que  les  uns  sont  en  haut,  les  autres  en  bas;... 
qu'il  y  a  telle  contrée  de  la  terre  qui  est  éclairée,  tandis 
que  les  autres  sont  dans  les  ténèbres  ;  que  ceux-ci  ont  le 
jour  quand  pour  ceux-là  il  fait  nuit  ;  et  qu'il  y  a  des 
pays  où  il  fait  constamment  jour,  où  du  moins  la  nuit 
ne  dure  que  quelques  instants  (1)?  » 

Voilà  cinq  lignes  qui,  connues  ou  ignorées  de  Coper- 
nic, réduisent  à  peu  de  chose  son  mérite  d'inventeur. 
Du  reste,  les  témoignages  que  nous  avons  produits  sont 
loin  d'être  des  faits  isolés.  Le  système  anticipé  de  Coper- 
^  nie  se  trahit  sous  la  plume  d'un  grand  nombre  d'auteurs 
grecs  ou  latins,  initiés  à  la  tradition  ésotérique.  C'est  au 
point  qu'on  a  lieu  d'être  surpris,  avec  Dutens,  «  qu'un 
système  si  clairement  enseigné  par  les  anciens,  ait  pris 
son  nom  d'un  philosophe  moderne.  Pythagore,  Philo- 
laùSjNicétasde  Syracuse,  Platon,  Aristarque  et  plusieurs 
autres  parmi  les  anciens,  ont,  en  mille  endroits,  parlé 
de  cette  opinion  :  Diogène  Laërce,  Plutarque  et  Stobbée 
nous  ont  transmis  avec  précision  leurs  idées  là-dessus  ; 


(1)  Le  Zohar,  cité  par  Adolphe  Franck  (la  Kabbale,  1843,   in-8,  p. 


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l'équilibre  et  son  agent  139 

et  si  on  ne  Ta  pas  admis  plus  tôt,  cela  ne  doit  s'attribuer 
qu'à  la  force  du  préjugé  (1)...  » 

Ces  choses  notifiées  pour  mémoire,  nous  n'insisterons 
pas  davantage  sur  l'identité  des  théories  astronomiques 
anciennes  et  modernes.  Le  présent  chapitre  fait  con- 
naître les  principes  de  Y  équilibre  magique,  dont  nous  dé- 
crivons l'Agent.  L'équilibre  matériel  des  mondes  n'en 
est  qu'une  conséquence,  facile  à  déduire  au  même  titre 
que  plusieurs  autres;  une  adaptation  secondaire  sur  le 
plan  objectif. 

En  insistant  sur  les  influences  peu  connues  qui  s'op- 
posent, se  croisent  et  se  marient  dans  les  ondes  fluidi- 
ques  de  l'Astral;  en  précisant  plusieurs  notions  assez 
neuves,  sinon  insoupçonnées,  sur  la  genèse  des  divers 
courants  qui  s'y  forment  et  sur  les  Agents  occultes  dont 
ils  procèdent,  —  nous  estimons  avoir  été  plus  intéressant 
et  plus  utile  que  si,  prodigue  de  développements  descrip- 
tifs, nous  eussions  ressassé  ce  que  d'autres  ont  déjà  dit, 
et  tràs  bien  dit. 

Éliphas  Lévi  est  particulièrement  à  consulter,  au  sujet 
de  l'équilibre  des  mondes,  que  nous  n'avons  fait  qu'ef- 
fleurer. Nous  emprunterons  seulement  à  ce  magiste  une 
page  remarquable,  interprétative  de  la  Table  d'Êmeraude  : 
il  y  décrit  la  Lumière  universelle,  au  point  de  vue  spécial 
à  notre  planète  : 

«  L'Âme  de  la  terre,  dit-il,  est  un  regard  permanent  du  so- 
leil, que  la  terre  conçoit  et  garde  par  imprégnation. 

(1  )  Dutcns,  Origine  des  découvertes  attribuées  aux  modernes,  Paris, 
1776,  2  vol.  in-8  (t.  I,  p.  205-206). 


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i40  LA  CLEF  DE    LA   MAGIE  ISOIRE 

a  La  lune  concourt  à  cette  imprégnation  de  la  terre,  en  re- 
poussant vers  elle  une  image  solaire  pendant  la  nuit,  en  sorte 
qu*Hermès  a  eu  raison  de  dire,  en  parlant  du  grand  agent  : 
le  Soleil  est  son  père,  la  Lune  est  sa  mère.  Puis  il  ajoute  :  le 
vent  Ta  porté  dans  son  ventre,  parce  que  l'atmosphère  est  le 
récipient  et  comme  le  ereuset  des  rayons  solaires,  au  moyen 
desquels  se  forme  cette  image  vivante  du  soleil,  qui  pénètre  la 
terre  tout  entière,  la  vivifie,  la  féconde  et  détermine  tout  ce 
qui  se  produit  à  sa  surface  par  ses  effluves  et  ses  courants  con- 
tinuels, analogues  à  ceux  du  soleil  lui-même. 

tf  Cet  agent  solaire  est  vivant  par  deux  forces  contraires  : 
une  force  d'attraction  et  une  force  de  projection,  ce  qui  fait 
dire  à  Hermès  que  toujours  il  remonte  et  redescend. 

«  La  force  d'attraction  se  fixe  toujours  au  centre  des  corps, 
et  la  force  de  projection  dans  leurs  contours  ou  à  leur  surface. 

c  C'est  par  cette  double  force  que  tout  aété  créé  et  que  tout 
subsiste. 

c  Son  mouvement  est  un  enroulement  et  un  déroulement 
successifs  et  indéfinis^  ou  plutôt  simultanés  et  perpétuels^  par 
spirales  de  mouvements  contraires  qui  ne  se  rencontrent  ja- 
mais. 

c  C'est  le  même  mouvement  que  celui  du  Soleil,  qui  attire 
et  repousse  en  même  temps  tous  les  astres  de  son  système. 

«  Connaître  le  mouvement  de  ce  soleil  terrestre,  de  manière 
à  pouvoir  profiter  de  ses  courants  et  les  diriger,  c'est  avoir  ac- 
compli le  grand  œuvre,  et  c'est  être  mattre  du  monde  (1).  .  » 

Nous  l'avons  dit  ailleurs  :  ce  qu'ÉIiphas  Lévi  appelle 
courant  de  projection  (actif),  c'est  VAôd  ns  ou  le  Soufre- 
principe  des  alchimistes;  — courant  d^ attraction  (passif), 
c'est  YAôb  sis  ou  Mercure-principe  des  alchimistes.  — 
Enfin,  ce  qu'il  nomme  mouvement  équilibré,  c'est  YAôr 
lis  ou  TAzoth  des  Sages  :  c'est  le  foyer  de  la  quintes- 
sence, où  réside  la  force  de  leur  dissolvant  universel. 


(1)  Dogme  et  Rituel  de  la  Haute-Magie,  t.  I,  p.  152-153 


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[ 


l'équilibre  et  son  agent  141 

Aâdy  Aôb,  Aôr  :  positif  (+),  négatif  (—),  intégral  (oo). 
—  Sommes-nous  curieux  de  voir  quel  sens  Fabre  d'OIi- 
vet,  dans  son  vocabulaire  radical,  assigne  à  ces  trois  ra- 
cines hébraïques? 

Consullons-le;  sa  réponse  semblera  peut-être  énigma- 
tique  et  déconcertante,  à  Tabord.  Mais  qu'on  y  veuille 
bien  réfléchir,  premier  que  de  se  croire  déçu  :  car  nous 
protestons  ici,  qu'à  la  faveur  des  trois  lignes  qu'on  va 
lire,  studieusement  rapprochées  de  nos  explications  sur 
les  Puissances  motrices  de  l'Astral  (savoir  Hereb,  lônah 
et  Nahàsh),  il  deviendra  loisible  aux  amateurs  de  théo- 
sophie  d'entrevoir  l'essence  même  de  V Anima  mundi,  et 
de  surprendre,  non  point  seulement  le  quomodo,  mais  le 
quia  de  l'Équilibre  universel  : 

c  y\H  Le  Désir,  agissant  à  l'intérieur . 
€  nK  Le  Désir,  agissant  à  l'extérieur . 


€  TtM  Le  Désir,  livré  à  son  mouvement  propre,  pro- 
duisant i'ardeur,  tout  ce  qui  enflamme,  ce  qui  brûle^  etc.  (i).  » 

Sans  commenter  outre  mesure  un  texte  dont  il  con- 
viendrait que  chacun  saisît  par  soi-même  et  appréciât 
toute  la  portée,  quelques  observations  n'en  seront  pas 
moins  de  mise,  qui  aideront  à  y  parvenir... 

Le  théosophe  Jacob  Bœhme,  cet  explorateur  enfiévré 
des  suprêmes  arcanes,  nous  dénonce  le  Désir  comme  la 


(1)  La  Langue  hébraïque  restituée,  iA,^,^  du  Vocabulaire  radical, 
—  Rappelons-nous  que  Bœhnie  appeUe  les  trois  formes  de  son  Abime 
potentiel  «  les  trois  propriétés  du  Désir  »,  et  que  la  Racine  ténébreuse 
des  choses,  que  nous  avons  qualifiée  de  pile  physiogénique,  est  formée 
de  ces  trois  éléments. 


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142  LA  CLEF  DE   LA   MAGIE  NOIRE 

racine  première  de  tout  être,  et  de  la  Nature  productrice 
elle-même. 

Le  Désir  est  plus  spécialement  la  Puissance  magique 
d'évocation  aux  mirages  de  l'existence  objective,  sensible. 
11  s'affirme  créateur  comme  la  Volonté,  dont  il  n'est  peut- 
être  qu'une  forme  obscure,  rudimentaire  ou  dégradée  (1). 

Il  se  diversifie  d'ailleurs,  selon  les  milieux  où  il  se  dé- 
veloppe. Simple  conséquence  de  la  chute  et  répercussion 
de  la  chair  sur  l'àme,  quand  il  fermente  au  cœur  humain, 
—  le  Désir  prend  un  autre  caractère  chez  tous  les  êtres 
qui  vivent  de  la  vie  céleste  :  il  témoigne  d'un  acquiesce- 
ment de  la  sensibilité  aux  suggestions  tacites  de  Na- 
hàsh. 

Dans  le  monde  des  âmes,  il  incite  les  monades  à  dé- 
choir, et  les  fait  rouler  sur  la  pente  de  l'incarnation  ;  — 
au  royaume  de  la  vie  et  de  la  mort  physiques,  il  pousse 
les  incarnés  à  perpétuer  leur  race  : 

Ef/icU  ul  cupide  generatim  sœcla  propagent. 

Le  Désir  apparaît  donc  à  la  base  de  toute  manifestation 
objective.  Le  Feu  secret  constitue  le  lien,  l'instrument 
médiateur  entre  le  Désir  et  l'objet  désiré  ;  enfin  la  matière 
marque  le  terme,  la  limite,  l'aboutissement  infime  du 
Désir  réalisé. 

La  Forme  spirituelle,  que  le  Désir  a  fait  descendre  du 
Ciel  empyrée,  se  fixe  un  instant  dans  la  matière  qu'elle 
pétrit  à  son  image  ;  puis,  ses  potentialités  taries,  la  Forme 


(1)  Imaginons  la  Volonté  qui  s'éveille,  inconsciente  et  despotique, 
aux  limbes  des  vies  instinctive  et  passionnelle  ;  la  Volonté  aveugle, 
acoquinée  aux  séductions  de  la  vie  physique,  —  le  Désir  semble*t-il 
autre  chose  ? 


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I 


l'équilibre  et  son  agent  143 

^        fait  retour  à  l'occulte,  par  l'entremise  de  ce  même  Feu 
,  secret,  qui  avait  servi  naguère  à  la  manifester.  La  terrestre 

dépouille  de  la  Forme  spirituelle  envolée  en  garde  la  fu- 
^tive  empreinte:  c'est  la  signature,  ici-bas,  d'une  Énergie 
^  réintégrée  à  sa  source  d'en  haut.  Mais  la  signature  va 

^  s'effacer  graduellement,  l'empreinte  disparaître,  sous  l'ac- 

tion du  ferment  universel,  c'est-à-dire  encore  et  toujours 
du  Feu  secret!... 

I  L'on  serait  lort  en  peine  de  rien  expliquer  de  la  nature 

ni  de  l'origine  du  Cosmos,  sans  recourir  à  la  connais- 
sance de  cette  mystérieuse  Lumière,  invisible  aux  yeux 
charnels  ;  car  c'est  d'elle  que  tout  est  sorti,  et  rien  ne 
subsiste  encore  que  par  elle. 

Indépendamment  des  matérialisations  objectives  dont 
l'ensemble  constitue  l'univers  physique,  la  lumière  astrale 
se  spécialise  encore  et  se  fixe  partiellement,  selon  les 
milieux  :  elle  forme  ainsi  le  corps  sidéral,  et  par  suite  le 
nimbe  de  tous  les  êtres  qu'elle  baigne  de  ses  ondes, 
f  Ainsi  chaque  astre  est  enveloppé  d'une  atmosphère 

hyperphysique  appropriée  à  sa  nature  :  c'est  son  âme  vi- 
tale et  inférieure,  ou  son  corps  arômal  et  supérieur.  Cette 
atmosphère,  réserve  virtuelle  et  milieu  nourricier,  s'éla- 
bore et  s'entretient  elle-même,  en  aspirant  et  en  expirant 
tour  à  tour  la  substance  universelle,  ou  Lumière  astrale 
non  spécialisée,  non  fixée. 

Il  en  est  de  même  de  tous  les  êtres,  quels  qu'ils  soient  ; 
tous  ont  leur  corps  astral  ou  médiateur  plastique. 

Le  Lecteur  pourra  bientôt  comprendre  à  quels  trou- 
blants mystères  la  connaissance  positive  des  corps  sidé- 


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144  LA   CLEF  DE   LA   MAGIE   NOIRB 

raux  (et  particulièrement  du  corps  sidéral  humain)  peut 
servir  de  clef.  Nous  nous  contenterons  d'observer,  en  ce 
chapitre,  qu'il  n'est  point  de  peuple  sur  la  terre,  dont  les 
traditions  mystiques  se  taisent  sur  ce  point. 

Si  la  Lumière  astrale  compte  plusieurs  centaines  de 
noms,  le  corps  fluidique  peut  lui  faire  concurrence  sous 
ce  rapport.  La  liste  énumérative  en  serait  fastidieuse  ; 
nous  y  mettrons  quelque  discrétion,  et  nul  ne  songera 
peut-être  à  s'en  plaindre. 

L'idée  même  du  fantôme,  si  universellement  reçue  des 
hommes  à  toutes  les  époques  de  l'histoire,  traduit  en  mode 
exotérique  l'occulte  notion  de  cette  réalité  :  le  corps  as- 
tral. 

Qu'on  l'appelle  avec  les  brahmes  Linga  Sharira,  Ne^ 
phesh  avec  les  Kabbalistes,  Eidôlon  avec  l'école  helléni- 
que, Houen  avec  les  magistes  chinois,  —  c'est  toujours  ce 
rfottfc/e  mystérieux,  dont  Psellus  enseigne  qu'il  tient  le  mi- 
lieu entre  le  corps  physique  et  l'àme  spirituelle.  C'est 
YAngoëidê  d'Origène  et  le  Simulacrum  des  latins  (1). 


(1)  Oswald  Crollius,  élève  de  Paracelse,  énuraèro  quelques  autres 
noms,  coutumièrement  allribués  au  corps  astral  par  les  adeptes  de  son 
École.  Après  avoir  parlé  du  corps  physique  (dans  l'introduction  de  la 
Bot/aile  Chymie),  le  célèbre  Docteur  poursuit  en  ces  termes  :  «  ...  Quant 
à  l'autre  partie  de  l'homme,  c'est-à-dire  le  corps  syderique,  appelé  le 
Génie  de  l'homme,  d'autant  qu'il  tire  son  origine  du  firmament,  les  la- 
tins l'appellent  encore  Pénates,  à  cause  de  la  proximité  qu'il  a  de  nous 
et  vient  encor  au  monde  avec  nous,  Ombre  visible.  Esprit  domestique. 
Homme  ombrageuse,  petit  homme  familier  des  Philosophes,  Démon  ou 
bon  Génie,  Adech  interne  de  Paracelse,  Spectre-lumière  de  nature, Eues- 
tre  prophétique  en  V homme.  Outre  ces  noms,  il  s'appelle  encore  Ima- 
gination,  qui  enclosttous  les  astres  dans  soy...  L'imagination  est  comme 


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L^ÉQUILIBRE  ET  SON   AGENT  145 

Virgile  en  fait  mention  plus  d'une  fois  ;  il  le  montre 
survivant  au  cadavre  de  chair  : 

<  Et  nunc  magna  mei  sub  terras  ibit  iinago...  »  (1). 

Saint  Paul  écrit  hardiment  :  —  «  S'il  y  a  un  corps  ani- 
mal, il  y  a  aussi  un  corps  spirituel  (2).  » 


la  porte,  la  fontaine  et  le  commencement  de  toutes  les  opérations  ma- 
giques :  et  sans  le  détriment  ou  diminution  de  l'Esprit  astral  ou  syde- 
riqne,  elle  a  la  puissance  de  produire  et  engendrer  des  corps  visibles  ; 
voire  (ce  qui  surpasse  l'entendement  humain),  soit  qu'elle  soit  présente 
ou  absente,  elle  peut  mettre  au  iour  toutes  les  plus  admirables  opéra- 
tions.... L'imagination  de  l'homme  est  un  vray  Aymant,  lequel  a  puis- 
sance de  tirer  à  soy  de  cent  lieues  :...  D'où  le  sage  ou  vray  magicien 
peut  attirer  l'opération  des  astres,  et  la  ioindre  aux  pierres,  images  et 
métaux,  lesquels  par  après  ont  le  mesme  pouuoir  que  les  astres...  tout 
ce  que  nous  voyons  au  grand  monde  peut  estre  produict  par  le  moyen 
de  rimagination  ;  d'où  s'ensuit  que  toutes  les  plantes,  métaux,  et  tout 
ce  qui  a  les  vertus  crescitiues,  peut  estre  produict  par  l'imagination  ou 
la  vraye  Gabalie  ;  et  cecy  est  la  partie  de  magie  appelée  Cabalisti- 
que, appuyée  sur  ces  trois  colomnes  suiuantes  :  premièrement,  aux 
rrayes  prières,  faictes  en  esprit  de  Vérité,  où  se  faict  vnion  de  l'es- 
prit créé  auec  Dieu....  Secondement,  par  la  foy  naturelle  ou  sapience 
ingeneree  ;...  tiercement  par  la  forte  exaltation  de  l'imagination,  les 
forces  de  laquelle  sont  manifestement  demonstrees  tant  par  le  baston 
de  lacob,  duquel  Moyse  faict  mention,  que  par  les  marques  imprimées 
aux  enfans  dans  le  ventre  maternel  :  donc  l'imagination  ou  fantaisie  en 
l'homme  est  semblable  &  TAymant...  »  (La  Royalle  Chymie  de 
Crolliits,  traduitte  en  français  par  I.  Marcel  de  Boulene  (Lyon,  1624, 
in-8).  Préface  admonitoire,  p.  74-76  et  80-81,  passim). 

Ces  lignes  surprenantes  deCroUius  donnent,  par  anticipation,  un  aperçu 
des  magiques  merveilles  qui  peuvent  s'accomplir  &  la  faveur  du  corps 
astral,  évertué  ad  hoc.  L'auteur  de  la  Basilica  Chymica  était  profondé- 
ment versé  dans  les  arcanes  de  la  Science. 

(1)  Enéide,  livre  IV,  v.  654. 

(2)  Corinth.,  XV,  44.  —  Peut- être  saint  Paul  fait-il  allusion,  non 
point  au  Corps  astral  proprement  dit  (expression  terrestre  de  la  fa- 
culté plastique  de  l'àme),  mais  bien  au  Corps  glorieux  (son  expression 
céleste).  Cette  distinction  sera  tirée  au  clair  dans  les  chapitres  qui  vont 
suivre,  particulièrement  au  IVe  et  au  Vie  du  présent  tome. 

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146  LA   CLEF  DE   LA   MAGIE   NOIRE 

«  Les  âmes,  dit  Saint  Ililaire,  qu'elles  soient  ou  non 
incarnées,  possèdent  en  outre  une  substance  corporelle 
inhérente  à  leur  nature  (1).  » 

On  pourrait  multiplier  les  citations,  mais  il  n'importe. . . 

Le  corps  astral,  —  qui  n'est  autre  que  le  Périsprit  des 
Kardécistes,  — double  exactement  le  corps  physique,  dont 
il  se  peut  séparer  sous  certaines  conditions,  comme  nous 
le  verrons  au  chapitre  IL 

Distinct  de  Vénergie  vitale  passive  qui  réside  dans  le 
globule  sanguin  (3)  et  qui  entretient  la  subsistance  des 
cellules,  le  périsprit  a  pour  siège  le  système  cérébro-spi- 
nal et  le  grand  sympathique  :  toute  fibre  nerveuse,  si 
minime  soit-elle,  sert  de  véhicule  à  sa  force  élastique, 
invisiblement  diffuse  en  toutes  les  parties  du  corps  visible. 

Cette  substance  insaisissable  se  répare  et  se  renouvelle 
par  un  phénomène  en  tout  point  analogue  à  celui  de  la 
respiration  pulmonaire.  Mais  le  produit  de  Texpir  fluidi- 
que  forme,  autour  du  corps  astral,  une  sorte  de  halo  d'é- 
ther  spécialisé,  atmosphère  individuelle  de  pureté  ou  de 
corruption,  de  vertu  ou  de  vice,  dans  laquelle  vivent  et 
se  meuvent  les  êtres  potentiels  générés  par  la  volonté  ou 
par  les  passions  (Voir  le  chap.  II). 

Chez  rhomme  et  les  animaux,  même  chez  les  plantes. 


(i)  In  Matth  ,  V,  8.  —  Môme  remarque  qu'à  la  note  précédente. 

(2j  Voyez  Papus,  Traité  méthodique  de  Science  occulte,  pages  182- 
186. 

Cette  forcevitale  des  cellules  est  le  Jiva  des  hindous.  Inséparabledu 
corps,  la  vie  durant,  elle  forme  après  la  mort  cette  silhouette,  vague- 
ment phosphorescente  parfois,  qui  se  décompose  très  vite,  après  avoir 
erré  quelque  temps  autour  de  la  dépouille  mortelle,  dont  elle  ne  s'éloigne 
jamais. 


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f 


l'équilibre  et  son  agent  447 

le  nimbe  est  très  distinct  du  corps  astral,  auquel-  il  sert 
d'enveloppe,  de  vêtement  fluidique.  Dans  le  règne  miné- 
ral, au  contraire,  les  deux  termes  se  confondent  en  quel- 
que sorte  ;  du  moins  la  ligne  de  démarcation  semble- 
t-elle  vague  et  malaisée  à  définir. 

II  en  est  de  même  pour  la  vie  des  astres  :  le  corps 
fluidique  et  le  nimbe  y  paraissent  intimement  combinés, 
comme  ailleurs  il  sera  dit. 

Mais  le  présent  chapitre  doit  se  limiter  à  l'examen  de 
l'Équilibre  et  de  son  Agent,  c'est-à-dire  à  l'élude  de  la 
Lumière  astrale,  envisagée  dans  l'antagonisme  de  ses 
principes  moteurs  et  dans  la  synthèse  de  ses  mouvements. 
Cest  ce  que  nous  avons  tâché  de  mettre  au  jour,  en  in- 
sistant sur  les  ressorts  trop  ignorés  qui  commandent  le 
dynamisme  universel.  Que  si  nous  avons  pu  paraître  obs- 
cur, on  daignera  nous  excuser  en  faveur  de  l'aventureuse 
audace  qu'il  y  avait,  peut-être,  à  scruter  l'essence  même 
des  Puissances  cosmogéniques,  au  lieu  de  nous  en  tenir 
à  la  description,  souvent  produite  et  reproduite,  du  monde 
astral,  soupçonné  d'après  l'étude  de  ses  phénoménales 
manifestations,  —  reflets  fugaces  qu'il'  jette  sur  notre 
monde  matériel. 

Dans  tous  les  sanctuaires  du  vieux  monde,  la  substance 
universelle,  avec  son  double  mouvement,  a  été  représen- 
tée par  le  signe  symbolique  de  Mercure  ^ . 

Nous  sommes  heureux  d'off'rir  au  Public,  à  ce  propos, 
la  primeur  d'une  noté  entièrement  inédite,  due  à  l'obli- 
geance de  réminent  apôtre  des  Missions,  le  marquis  de 
Saint-Yves  d'Alveydre. 


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148 


LA  CLEF   DE   LA   MAGIE  NOIRE 


3.  v^  Esprit  universel. 
2.  O  Mouvement, 
i.  -\- Amour,  conjonc- 
tion. 


-j-=2  =  K=Hh=H  = 
Ê=  A. 

0=u  =  v=va=w  = 

boû  =  bou. 
i^  =  t,  substitutif  de  d. 


€  Vedha,  Boudha,  Hermès 
sont  synonymes.  —  ^  ,  dans 
la  langue  sacrée  de  Tan- 
cienne  race  rouge,  écrite  de 
bas  en  haut,  ce  signe  signi- 
fie :  Ki-vort  :  —  £i(amour)y 
Va  (mouvement),  T  (esprit 
universel). 

«  C'est  le  Savoir,  ou  la 
Connaissance,  dans  son  es- 
sence cosmique  (1). 

«  Le  mot  HPMHi:  est  le 
commentaire  du  signe  hiéro- 
glyphique et  atlantique  ^ , 
et  doit  se  lire  de  gauche  à 
droite  pour  te  sens  apparent, 
et  de  droite  à  gauche  pour  le 
sens  caché  : 

«  S,  H(=a-ft),  ^(syl- 
labiquema),  R,H{=ia-\-i). 
—  Total  :  Si  (conjonction, 
lien)  la  ou  Ya  (mouvement 
circulaire  double  de  va-et- 
vient),  Ma  ^  y  a  (mère  de 
Mercure  et  de  Boudha). 


«  Donc,  lien  du  double  mouvement  $  de  la  Nature 
universelle.  » 


Telle  est  rexplication  donnée  par  M.  de  Saint-Yves. 

L'hiéroglyphe  mercuriel  ^  comporte  une  autre  analyse, 
familière  aux  alchimistes.  Il  peut  se  décomposer  en  trois 
termes,  comme  suit  : 


(1)  Saint- Yves  fait  ici  allusion  à  un  ordre  de  concepts  que  nous  ne 
pouvons,  ni  ne  voulons  aborder  en  ce  volume. 


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l'équilibre  et  son  agent  149 

1 .  Le  signe  du  Soleil  (O  ou  0)i  image  du  Principe  rnâle, 
spirituel  et  fécondateur  de  l'Univers  vivant,  d'une  part  ; 

2.  Et  de  l'autre,  le  signe  de  la  Lune  (3  ou  U),  em- 
blème de  la  Faculté  féminine,  réceptive  et  morphogéni- 
que; 

3.  Ce  principe  et  cette  faculté  sont  nuptialement  com- 
binés à  la  faveur  de  la  croix  (+),  représentation  lingha- 
mique  du  Thau  Sacré  {r\  ou  T)»  qui  symbolise  lui-même 
tout  Agent  de  SynthèsCy  de  réciprocité,  de  mutuelle  réac- 

.  tîon  :  tout  lien  agglutinatif  et  cohobant. 

Ce  n'est  pas  tout  :  le  pentacle  ^  souffre  une  troisième 
décomposition  :  n'y  peut-on  voir  Vastérisme  zodiacal  du 
taureau {\i)y  dominant  le  quaternaire  des  éléments -\-t 

Rien  n'est  arbitraire  en  Kabbale  hiéroglyphique  :  le  si- 
gne du  Taureau  marque  en  effet  l'action,  également  ré- 
partie, des  influences  phébiqueet  isiaques  éparées  \i  (1). 


(1)  Noas  défendrons-nous  du  grief  d'avoir,  en  cette  phrase,  placé  le 
Taureau  sous  la  dépendance  du  Soleil  et  de  la  Lune  9  En  d'autres  ter- 
mes, d'avoir  soumis  la  synthèse  zodiacale  de  plusieurs  univers  loin- 
tains, &  l'influence  d'une  modeste  étoile  de  troisième  grandeur,  et  d'un 
infime  sous-satellite:  l'un  négligeable,  l'autre  parfaitement  impercep- 
tible dans  l'immensité  cosmique?  Le  Lecteur  voudra  bien,du  moins 
l'osons-nous  croire,  nous  faire  gr&ce  d'un  pareil  soupçon  de  surpre- 
nante naïveté  ! 

Les  qualités  positive  et  négative,  irradiante  et  absorbante,  m&le  et 
femeUe,  se  répartissent  et  se  localisent  dans  les  astres  de  toutes  les  ré- 
gions du  Cosmos  ;  elles  s'équilibrent  et  s'opposent  harmonieusement 
l'une  &  l'autre,  selon  des  lois  préfixes. Les  astrologues  tirent  grand  parti, 
pour  leurs  calculs,  de  ces  contrastes  bissezuels  des  corps  célestes. 

Le  Soleil  et  la  Lune  étant,  &  notre  point  de  vue  terrestre,  les  types 
locaux  de  ces  deux  vertus  opposées,  nous  avons  qualifié  celles-ci  de 
phébique  et  d^isiaque,  —  au  même  sens  où  Moïse,  pour  figurer  cette  gé- 


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150  LA   CLEF  DE   LA   MAGIE  NOIRE 


—  Faites  dominer  ce  signe  sur  celui  de  la  Croix  (emblème 
binaire  de  la  conjonction  des  deux  lignes,  verticale-active 
et  horizontale-passive,  —  ou,  si  Ton  préfère,  emblème 
quaternaire  des  Éléments  occultes,  qui  sont  les  fruits  de 
cette  conjonction  même)  :  et  vous  aurez  la  représentation 
parfaite  des  vertus  latentes  du  Mercure  des  Sages  ou  de 
VÀnima  mundi. 

Quelquefois,  pour  préciser  certaines  spécifications  du 
Mercure  des  Sages,  les  alchimistes  l'ont  figuré  par  cet 
hiéroglyphe  5^ ,  substituant  au  signe  féminin  du  Taureau 
(symbole  de  Thumide  radical)  le  signe  mâle  du  Bélier 
<?  ou  Î5*  (expressif  du  feu-principe). 

Nous  sommes  entré  dans  ces  détails,  pour  fournir  un 
exemple  frappant  de  l'inflexible  logique  déployée  par  les 
adeptes,  dans  la  formation  et  l'emploi  du  verbe  hiéro- 
glyphique. On  a  pu  voir  trois  méthodes  d'analyse  assez 
diff*érentes,  donner  trois  résultats  absolument  concor- 
dants. 

Notre  livre  II,  —  Clef  de  la  Magie  Noire,  —  est  édifié 
tout  entier,  répétons-le,  sur  la  connaissance  de  la  Lu- 
mière secrète  et  de  ses  principales  modifications.  Mais 


mination  d'influences,  et  signifier  le  type  de  leur  répartition,  écrit  au 
premier  chapitre  de  la  Genèse,  ;i^-  16e  ;  «Et  -il-fit,  Lui-les-Dieux,  cette 
duïtb-de-clartés-extérieures,  les-grandes  :  ripseïtô-de-la-luraière-cen- 
trale,  la-grande,  pour-représenter-symboliquement-le-jour,  et-l'ipseîté- 
de-la-lumière -centrale,  la-pctite,  pour-représenter-symboliquement  la- 
nuit...  »  (Version  Fabre  d'Olivet).  —  La  Bible  d'Osterwald  traduit  : 
•  Dieu  donc  fit  deux  grands  luminaires^  le  plus  grand  pour  dominer 
sur  le  jour,  le  moindre  pour  dominer  sur  la  nuit.  »  Autant  dire  :  le 
Soleil  et  la  Lune.  Était-ce  bien  U  toute  la  pensée  de  Moïse  ?? 


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l'équilibre  et  son  agent  15  i 

un  aveu  s'impose,  par  quoi  l'on  nous  saura  gré  de  con- 
clure. 

Sans  doute  aurons-nous,  au  cours  de  sept  chapitres, 
le  loisir  et  l'étendue  nécessaires  à  Télucidalion  des  pro- 
blèmes qu'il  nous  sera  permis  d'aborder.  Il  en  est  quel- 
ques-uns, pourtant,  sur  le  voile  hiératique  desquels  nous 
ne  saurions  porter  la  main,  sans  nous  voir  taxé  par  nos 
pairs  de  témérité  sans  exemple  (1). 

Il  est  bon  que  nul  n'en  ignore  :  bien  que  n'étant  lié 
visr-à'Vis  d'aucun  maître,  puisque  le  peu  que  nous  sa- 
vons est  le  fruit  de  nos  seules  études,  —  nous  entendons 
néanmoins  respecter  les  traditions  séculaires  de  l'occul- 
tisme et  la  majesté  des  symboles  religieux. 

Cela  posé,  prévenons  les  chercheurs  consciencieux, 
que,  tout  en  épaississant  sur  certains  mystères  une 
obscurité  imperméable  aux  yeux  profanes,  il  est  un  souci 
qui  ne  nous  quitte  point  :  en  toute  occurrence,  nous  nous 
ingénions  à  marquer  la  voie  aux  initiables.  Pour  peu  que 
ceux-ci  s'appliquent  à  confronter  les  diverses  notions 
que  nous  aurons  pris  soin  de  répartir  par  tout  cet  ou- 
vrage, rien  au  monde  ni  personne  ne  pourra  mettre 
obstacle  à  leur  opiniâtre  volonté  de  lire  entre  les  lignes. 
—  Cherchez,  a  dit  le  grand  Maître,  et  vous  trouverez  : 
frappez,  et  il  vous  sera  ouvert. 


(1)  Quoi  qu'il  en  soit,  nous  osons  bien  augurer  que,lecture  faite,  il  ne 
viendra  à  l'esprit  de  personne,  que  nous  ayons  mal  tenu  notre  engage- 
ment, de  faire  un  coup  de  jour  sur  Tidole  de  la  Goêtie,  réfugiée  dans 
son  ultime  sanctuaire.  —  Mais  autre  chose  est  d'expliquer  aux  cher- 
cheurs studieux  les  arcanes  du  Mal,  autre  chose,  de  fournir  aux  raala- 
yisés  tous  les  moyens  de  le  commettre...  iVbn  enim  scientia  Mali  {dît  un 
grand  Kabbaliste),  sed  tutis  damnât! 


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B  L'ERMITE 


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<■««»  eA»  <»Sgr)  eiS»  e«s^ 


(Section  9). 

L'Ermite  (neuf)  :=  Isolement  =<=  Puissance 
sur  l'Astral  (Mystères  de  la  Solitude). 

Chapitre   II 

LES  MYSTÈRES  DE  LA  SOLITUDE 


^x  neuvième  clef  du  Tarot  ouvre  à  rintelligence 
affranchie  les  mystères  de  la  solitude. 
Un  ermite  à  barbe  inculte,  la  main  gauche 
appuyée  sur  sa  canne,  se  guide  aux  clartés  d'une  lan- 
terne qu'il  soulève  de  la  droite  et  dissimule  un  peu  sous 
les  plis  de  son  large  manteau.  —  Voilà  l'emblème. 

Le  sens  en  est  multiple,  comme  celui  de  tous  les  hiéro- 
glyphes. Nous  nous  attacherons  à  la  signification  moyenne, 
celle  qui  se  propose  naturellement  à  l'esprit.  Néanmoins, 
dans  la  sphère  même  où  notre  interprétation  se  limite, 
le  pentacle  peut  s'éclairer  de  deux  jours  très  différents, 
selon  qu'on  l'envisage  de  deux  points  de  vue  opposés. 

L'ermite  symbolisera  toujours  le  solitaire  ;  mais  cet 
ermite  peut  être  un  sage,  —  ou  un  fou. 

Sage,  il  s'isole  dans  sa  science  et  sa  pureté  ;  drapé  de 


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156  LA   CLEF  DE   LA   MAGIE  NOIRE 

la  bure  de  sa  vertu  sereine,   il  brave  toutes  les  conta- 
gions du  dehors.  Mais  plein  de  sollicitude  envers  ce 
monde  imparfait  d'où  il  s'exile,  et  par  égard  pour  les 
yeux  faibles  qu'aveuglerait  une  trop  éblouissante  lumière, 
il  cache  aux  trois  quarts  le  flambeau  du  Vrai  sous  son 
manteau  de  prêtre,   qui  n'en  laisse  prudemment  filtrer 
que  des  rayons  affaiblis.  Son  bâton  à  sept  nœuds,  — 
emblème  du  critérium  infaillible  que  confère  à  l'initié 
l'intelligence  du  Grand  Arcane,  —  son  bâton  représente 
la  verge  de  Moïse,  la  baguette  des  miracles,  la  crosse  du 
parfait  épiscope  :  c'est  le  sceptre  de  l'unité-synthèse. 

Autre  version  :  le  fou  protège  à  grand  peine  la  flamme 
vacillante  de  sa  pauvre  lanterne,  lumière  illusoire  et  dé- 
cevante, qu'éteindrait  le  moindre  souffle  de  cet  instinct 
collectif  des  foules,  qui  a  nom  le  sens  commun.  C'est  que 
l'insensé  a  peuplé  sa  solitude  d'hallucinations  fugitives 
comme  le  rêve,  et  de  mensongères  créatures,  auxquelles 
son  vouloir  peut  seul  prêter  un  semblant  d'existence, 
son  obstination  une  apparence  de  durée...  Il  végète  ainsi, 
cloîtré  dans  un  séminaire  de  formes  vaines  et  vides,  qu'il 
prend  pour  la  réalité  ;  se  fiant  au  faux  jour  de  son 
système  à  priori,  dont  la  lanterne  est  le  symbole.  La 
canne  ?  ne  figure-t-elle  point  sa  logique  de  maniaque, 
puissante  encore  que  dévoyée;  sa  déraison  toujours  systé- 
matique, et  les  artifices  où  son  imagination  se  dépense, 
sans  s'épuiser  jamais,  pour  prolonger  l'illusion  et  pou- 
voir se  mentir  à  elle-même  avec  une  conviction  de  jour 
en  jour  plus  affermie?... 

Parlons  du  fou  d'abord,  nous  voulons  dire— du  sorcier. 


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LES   MYSTÈRES  DE  LA  SOLITUDE  i57 

Cet  homme  vit  seul  d'habitude.  Redouté  des  uns,  ba- 
foué des  autres»  odieux  à  tous,  la  vie  commune  lui  est  un 
supplice  ;  il  s'en  affranchit  le  plus  qu'il  peut. 

Mais  l'état  de  société  étant  pour  Thomme  une  condi- 
tion normale,  organique,  presque  absolue  de  l'existence, 
le  sorcier  ne  fuit  guère  ses  voisins,  parmi  lesquels  il 
serait  une  exception  monstrueuse,  que  pour  se  créer  à 
l'écart  une  compagnie  d'êtres  décriés,  suspects  et  hideux 
comme  lui. 

Là  se  révèle  la  raison  majeure  de  ces  assemblées  tou- 
jours excentriques,  parfois  criminelles,  que  nous  avons 
dépeintes  d'après  la  légende  (1). 

On  ne  saurait  mettre  en  doute  l'effective  réalité  de  ces 
nocturnes  réunions  de  malfaiteurs  et  de  nigromans; 
maintes  fois  la  sorcellerie  y  servait  de  prétexte  et  de 
couverture  à  des  forfaits  moins  pittoresques,  ainsi  qu'ail- 
leurs nous  l'avons  noté  (2).  Mais  les  adeptes  qui  ne 
pouvaient  se  rendre  en  corps  à  la  synagogue  y  allaient 
en  esprit  :  tel  sorcier  fréquentait  communément  les 
sabbats  y  sans  quitter  son  lit  ou  son  fauteuil. 

A  l'appui  de  cette  opinion,  le  philosophe  Gassendi  nous 
a  conservé  le  souvenir  d'une  aventure  bien  remar- 
quable (3)  et  dont  la  portée  n'échappera  sans  doute  à 
personne. 

Comme  il  se  promenait  par  la  campagne,  il  aperçut  un 


(1)  Le  Serpent  de  la  Genèse,  t.  I,  le  Temple  de  Satan,  p.  151-166. 

(2)  Au  Seuil  du  Mystère,  p.  49-50. 

(3)  Cf.  Gassendi  (Physique,  liv.  Vni,  ch.  vni)  cité  par  Debay,  His- 
toire des  sciences  occultes,  Paris,  1883,  in-18  (pages  422-426). 


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158  LA   CLEF  DE   LA   MAGIE   NOIRE 

groupe  de  manants  furieux  qui  traînaient  brutalement 
un  malheureux  berger,  ligotté  dans  d'étroites  courroies. 
Gassendi  s'en  émut  et  s'informa.  —  C'est  un  sorcier,  lui 
dit-on,  redouté  de  tous  pour  les  maléfices  qu'il  exerce 
sur  les  hommes  et  sur  les  troupeaux.  Nous  l'avons  sur- 
pris en  flagrant  délit  de  sortilège  ;  de  ce  pas  nous  Talions 
livrer  au  magistrat. 

L'homme  de  science  les  en  dissuada  vivement  :  — 
Conduisez  le  gaillard  chez  moi  :  je  veux  voir...  je  veux 
l'interroger  seul  à  seul. 

Les  paysans  vénéraient  Gassendi,  connu  pour  ses  bien- 
faits dans  tout  le  pays  d'alentour.  Ils  n'eurent  garde  de 
rien  objecter  à  cet  ordre,  et  quand  ils  se  furent  retirés  : 

—  Fais  ton  choix,  dit  Gassendi  :  tu  vas  tout  avouer  et 
je  te  baille  la  clef  des  champs.  Si  tu  refuses,  la  justice 
aura  son  cours... 

L'homme,  tout  tremblant  d'une  si  chaude  alerte,  ne 
témoigna  nul  goût  à  lier  connaissance  avec  Nosseigneurs 
du  Parlement  :  on  brûlait  encore,  à  cette  époque-là,  pour 
crime  de  sorcellerie.  Il  commença  donc,  sans  hési- 
ter, la  plus  étrange  confession. 

—  Je  suis  sorcier  depuis  trois  ans.  Monsieur,  et  deux 
fois  la  semaine  je  me  rends  au  Sabbat...  C'est  affaire 
d'avaler  si  peu  que  rien  d'un  extrait  balsamique.  Vers 
minuit,  parait  le  Malin,  sous  l'apparence  d'un  bouc 
monstrueux  ou  d'un  chat  géant  aux  ailes  de  ténèbres  ;  il 
s'envole  par  la  cheminée,  après  vous  avoir  chargé  sur 
ses  épaules... 

—  Tu  me  donneras  de  ce  baume,  répliqua  Gassendi 
sans  s'émouvoir.  L'expérience  parait  originale;  j'en  veux 


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LES  MYSTÈRES  DE  LA   SOLITUDE  159 

courir  la  chance...  bref,  je  compte  te  suivre  au  Sabbat. 

—  Qu'à  cela  ne  tienne,  mon  maître  !  J'y  dois  aller  ce 
soir  même  ;  nous  cheminerons  de  compagnie. 

En  attendant  Theure  fatidique  de  la  médianoche,  le 
berger,  plus  à  son  aise,  fit  au  savant  la  description  cir- 
constanciée des  lieux  incultes  où  Satanas  convoquait  ses 
féaux  ;  il  avoua  les  plus  innommables  débauches,  peignit 
d^ignobles  accouplements  et  de  sauvages  agapes.  Nous 
ferons  grâce  au  Lecteur  des  détails  qu'il  a  pu  lire  au 
chapitre  II  du  Temple  de  Satan  :  une  réédition  de  ce 
genre  parait  inopportune;  c'est  vraiment  assez  d'une  fois. 
Au  sabbat,  —  et  surtout  dans  l'imagination  polluée  de 
ceux  qui  s'y  rendent,  de  fait  ou  en  esprit, —  l'obscène  le 
dispute  au  grotesque  et  l'horrible  au  pitoyable. 

A  l'heure  dite,  le  sagace  philosophe  reçut  sans  bron- 
cher sa  part  du  balsamique  électuaire,  qu'il  fit  mine  de 
prendre,  au  même  instant  qu'il  l'escamotait.  Son  compa- 
gnon absorba  la  sienne  en  conscience,  et  tous  deux 
s'étendirent  à  terre,  auprès  de  la  cheminée.  Le  berger  ne 
larda  point  à  s'endormir  d'un  sommeil  rauque  et  fort 
agité.  Sa  face  se  congestionna  vivement,  d'incompréhen- 
sibles paroles  s'exhalèrent  de  ses  lèvres,  entrecoupant 
par  saccades  sa  respiration  sifflante  et  pénible.  Entre 
temps,  des  soubresauts  convulsifs  marquaient  l'inten- 
tion bien  nette  de  s'élancer  par  les  airs...  Gassendi 
observait  et  notait  à  mesure. 

Au  réveil,  le  pauvre  hère  félicita  celui  que  désormais 
il  saluait  son  complice,  et  l'interpellant  avec  une  volubi- 
lité comique  :  —  N'êtes-vous  point  ravi  de  l'accueil  du 
bouc  Léonard  ?  11  faut  qu'il  vous  ait  de  suite  reconnu 


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160  LA  CLEF  DE  LA  MAGIE  NOIRE 

grand  clerc,  pour  vous  avoir,  dès  la  première  fois,  con- 
cédé l'insigne  honneur  de  lui  baiser  le  derrière... 

Dans  le  cas  précité,  le  sorcier  avale  un  électuaire  ;  le 
plus  souvent,  avons-nous  dit,  il  se  frotte  le  corps  d'un 
onguent  (i  ). 


(1)  Jean  de  Nynauld,  médecin  et  démonographe  sous  Henri  IV  et 
Louis  XlII^est  fort  curieux  à  consulter  sur  le  chapitre  des  compositions 
diaboliques  en  général  et  des  pommades  hallucinatoires  en  particulier. 
Son  traité  De  la  Lycanthropie^  transformation  et  extase  des  sorciers 
[Paris,  1615,  in-8)  est  sans  contredit  l'ouvrage  ancien  où  nous  ayons 
lu  les  plus  piquantes  anecdotes  à  cet  égard,  et  aussi  les  renseignements 
les  plus  précis  et  circonstanciés  (Voir  au  Catalogue  le  titre  exact;. 

«  Entre  tous  les  simples  (dit  Nynauld),  desquels  le  Diablese  sert  pour 
troubler  les  sens  de  ses  Esclaves,  les  suiuans  semblent  tenir  le  premier 
rang,  desquels  aucuns  ont  vertu  d'endormir  profondement,  les  autres 
légèrement,  ou  point  ;  mais  qui  troublent  et  trompent  les  sens  par 
diuerses  figures  et  représentations,  tant  en  veillant,  qu'en  dormant, 
comme  pouroit  faire  la  racine  de  Belladona,  Marelle  furieuse,  sang  de 
Chauve-souris,  d'huppe,  r  Aconit,  la  Berleja  Morelle  endormante, VAche, 
la  Suye,  le  Pentaphylon,  feuilles  du  Peuplier,  VOpium,  VHyoscyame, 
Cyguê,  les  espèces  de  Pavot,  VHyuroye,  le  Synochytides  qm  fait  voiries 
ombres  des  enfers,  c'est-à-dire  les  mauvais  esprits,  comme  au  contraire 
VAnachitides  (aici  apparoir  les  images  des  saincts  anges,  ains...  il  per- 
suade et  induit  les  Sorciers  à  rauir  des  petits  enfans,  pour  d'iceux  ex- 
traire la  gresscet  faire  vn consommé  pour  meslerdans  leurs  onguens  ;... 
(n'oubliant  en  ceste  composition  l'inuocation  particulière  de  leurs 
Démons,  et  cérémonies  magiques  instituées  par  iceux),  ils  s'en  oignent 
toutes  les  parties  du  corps,  après  les  auoir  frottées  iusques  à  rougir, 
afin  que  les  pores  estans  ouuerts  et  relaxez,  l'huyle  ou  onguent  pénètre 
plus  fort  »  (pages  24-26,  passim). 

Nynauld  distingue  trois  sortes  de  pommades  magiques  :  le  premier 
onguent,  à  base  de  sucd'ache,  d'aconit,  de  quinte  feuille  et  de  suie,  etc., 
toutes  substances  incorporées  avec  de  la.  graisse  d'enfant,  a  pour  effet 
de  provoquer  la  seconde  vue,  l'extase,  le  sabbat  en  imagination,  et  tous 
les  rêves  lucides  ou  non,  cependant  que  le  corps  endormi  ne  bouge 
point. 

La  formule  du  second  onguent  est  plus  étrange,  comme  aussi 
son  effet  :  il  n'y  entre  point  «  de  simples  narcotiques,  mais  seulement 
qui  ont  vertu  de  troubler  les  sens  en  les  aliénant,  comme  pour  exemple. 


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LES  MYSTÈRES  DE  LA   SOLITUDE  161 


n  est  probable  que  notre  philosophe,  mis  en  goût  par 
cette  expérience  tout  improvisée,  fut  curieux  de  tenter 


/e  rtJi  pris  démesurément,  la  belle  done,  la  ceruelle  de  chat  et  autres 
choses  qae  ie  tairay,  de  peur  de  donner  occasion  aux  meschansde  faire 
mal  ;  de  sorte  que  ce  transport  ne  se  fait  pas  simplement  par  illusion 
estant  endormy  profondement. ..,  mais  aussi  réellement,  non  pas  en 
rerta  de  cest  onguent,  mais  par  l'ayde  du  Diable  qui  les  emporte  veil- 
lants où  bon  luy  semble,  tout  ainsy  qu'il  faict  les  Magiciens  par  l'air, 
comme  cela  n'est  que  trop  commun  >  (pages  37-38).  Le  Tentateur  n'a~ 
t-il  pas  transporté  Jésus -Christ  sur  le  pinacle  du  temple?  Les  saints 
LîTres  l'attestent  ;  c'est  donc  un  fait  incontestable,  sur  quoi  le  bon 
Nynauld  étaie  sa  théorie  du  transport  réel,  en  chair  et  en  os.  U  y  joint, 
à  titre  d'exemples,  le  récit  de  plusieurs  faits  contemporains  dont  il  se 
porte  garant.  —  Tout  en  laissante  notre  auteur  la  responsabilité  de  cette 
opinion,  peu  congruente  à  l'esprit  positiviste  de  nos  jours,  nous  ne 
tçaarions  nous  défendre  de  marquer  en  passant  que  les  expérimenta- 
teurs de  phénomènes  psycho-fluidiques  n'en  sont  plus  à  compter  les 
cas  avérés  de  lévitation  et  d'apport.  L'hypothèse  du  transport  réel  sem- 
ble même  une  des  moins  invraisemblables  qu'on  puisse  offrir,  pour  jus- 
tifier l'apparition  parfaitement  réelle  et  positive  de  Katie  King  dans  le 
lalx>ratoire  du  savant  chimiste  William  Crookes  (voy.  plus  bas,  p.  166). 
Le  troisième  onguent  m&gique  de  Nynauld  se  compose  «de  certaines 
choses  prises  d'vn  Crapaud,  d'vn  Serpent,  d*vn  Hérisson,  d*vn  Loup, 

d'en  Renard  et  du  sang  humain,  étc mesleesauec  herbes,  racines  et 

autres  choses  semblables  qui  ont  vertu  de  troubler  et  deceuoir  l'yma- 
ginaliue»  (page  49).  Les  sorciers  qui  s'en  oignent  se  croient  trans- 
formés en  loups,  en  chats  ou  en  quelque  autre  animal,  et  courent  la 
campagne  ou  la  forôt  sous  cette  apparence,  attaquant  les  passants, 
égorgeant  et  dévorant  les  a  jeunesses»  qu'ils  parviennent  à  saisir. 
Mais  le  loup-garou  n'apparait  tel,  au  sentiment  de  Nynauld,  que  par 
l'effet  d'une  illusion  magique  :  «  quant  à  la  réalité  de  ceste  métamor- 
phose d'hommes  en  bestes,  i'ay  assez  suflisamment  prouué  cy-dessus, 
qu'elle  ne  pouuoit  estre  réellement  faicte  par  aucunes  choses  natu- 
relles, ny  mesme  par  le  Diable,  iaçoit  qu'il  y  employast  toutes  ses  for- 
ces, attendu  qu'il  ne  sçauroit  seulement  faire  une  mousche.  Cela  donc 
appartient  à  vn  seul  Dieu,  Créateur  et  Conseruateur  de  tout  ce  qui  a 
eslre  et  mouvement»  (pages  53-54).  Plus  loin,  il  insiste  encore  sur  le 
caractère  illusoire  de  la  Lycanthropie  :  «  ...  d'autant  que  les  Diables  ne 
peuuent  créer  les  natures  :  mais  seulement  peuvent  faire  qu'vne  chose 
semble  estre  ce  qu'elle  n'est  pas  »  (page  62). 

Le  livre  de  la  Lycanthropie  de  Nynauld,  dont  nous  avons  tiré  ces  ex- 
il 


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162  LA  CLEF  DE  LA  MAGIE  NOIRE 

une  autre  épreuve,  en  substituant  cette  fois  un  liniment 
à  la  pilule,  et  Fusage  externe  de  la  drogue  magique  à  son 
usage  intérieur.  En  effet,  s'il  en  faut  croire  Eusèbe  Sal- 
verte,  qui  relate  le  fait  dans  son  livre  des  Sciences 
occultes^  Gassendi,  ayant  préparé  une  pommade  à  base 
d'opium,  «  en  oignit  des  paysans  à  qui  il  persuada  que 
cette  cérémonie  les  ferait  assister  au  Sabbat.  Après  un 
long  sommeil,  ils  se  réveillèrent,  bien  convaincus  que  le 
procédé  magique  avait  produit  son  effet  ;  ils  firent  un 
récit  détaillé  de  ce  qu'ils  avaient  vu  au  Sabbat,  et  des 
plaisirs  qu'ils  y  avaient  goûtés;  récit  où  l'action  de  l'opium 
était  signalée  par  des  sensations  voluptueuses  (1).  » 

Salverte  cite  encore  une  expérience  analogue,  réussie 
par  un  savant  du  xvi°  siècle  :  «  En  1545,  dit-il,  on  trouva 
chez  un  sorcier  une  pommade  composée  de  drogues 
assoupissantes.  Le  médecin  du  pape  Jules  III,  André 
Laguna,  s'en  servit  pour  oindre  une  femme  attaquée  de 
frénésie  et  d'insomnie.  Elle  dormit  trente- six  heures  de 
suite,  et  lorsqu'on  parvint  à  l'éveiller,  elle  se  plaignit 
qu'on  l'arrachait  aux  embrassements  d'un  jeune  homme 
aimable  et  vigoureux...  (2).  » 

traits,  est  le  seul  que  nous  ayons  lu  de  cet  auteur;  mais  les  bibliogra- 
phes en  signalent  un  autre»  publié  par  lui  quatre  ans  plus  tôt,  et  qui, 
à  en  croire  son  titre,  aurait  plus  directement  encore  trait  aux  compo- 
sitions et  aux  pommades  magiques  :  Les  Ruses  et  Tromperies  du  Dia- 
ble, descouuertes  sur  ce  qu'il  prétend  auoir  enuers  les  corps  et  âmes  des 
sorciers  :  ensemble,  la  composition  de  leurs  onguens,  par  I.  de  Nynauld. 
—  Paris,  1611,  in-8  (Voir  GraCsse,  Bibliotheca  magica  et pneumatica, 
Leipsig,  1843,  in-8,  page  55). 

(1)  Eusèbe  Salverte,  Des  Sciences  occultes,  1829,  in-8  (tome  H,  ch. 
xvai,  page  11). 

(2]  A.  Luguna., Commentaire  sur  Dioscoride,  liv.  LXXVI,  chap.  lu,  cité 
par  Salverte,  ibid,,  II,  12;. 


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LES   MYSTÈRES  DE  LA  SOLITUDE  163 

Tous  les  bouquins  de  magie  superstitieuse  donnent  des 
formules  de  pommades  hallucinatoires.  Le  libellé  n*en 
varie  guère.  C'est  toujours  une  axonge  plus  ou  moins 
diaboliséCy  pétrie  d'extraits  de  plantes  narcotiques  et  de 
poudres  aphrodisiaques  (l).  L'absorption  cutanée  de  cette 
drogue  procure  un  profond  sommeil,  traversé  de  visions 
luxurieuses  qui  vont  jusqu'à  la  folie,  de  sensations  exas- 
pérées qui  simulent  tous  les  contacts. 

Autant  d'hallucinations,  provoquées  sans  doute  par  le 
toxique,  mais  pourtant  proportionnelles  à  la  dépravation 
mentale  du  patient.  D'inconscientes  auto-suggestions  dé- 
terminent la  direction  de  ces  rêves  impurs. 

Il  faut  songer  que,  jusqu'au  dernier  siècle,  la  tradition 
classique  des  rites  du  Sabbat  fixait  assez,  dans  l'imagina- 
tion populaire,  les  diverses  phases  de  ces  conventicules 


(1)  Les  suppositoires  de  jusquiame  jouaient  un  grand  rôle:  VHyos- 
ciamus  niger  passant,  &  tort  ou  à  raison,  pour  cumuler  toutes  les 
vertus  précieuses  au  nécroman  (utile  dulci  suaviter  miscendo). 

Quant  à  la  drogue  d'usage  interne,  nous  produirons,  à  titre  de  cu- 
riosité, une  formule  dont  nous  sommes  sûr,  d'un  effet  prompt  et  véri- 
tablemenl  prodigieux.  Mais  nous  ne  conseillerions  à  personne  d'en  faire 
l'essai...  Et  d'abord^  en  précisant  les  proportions,  nous  n'aurons  garde 
dlndîquer  la  dose. 

%  (Luna  decrescente)  : 

Suce.  iEnanth.  Crocat 3 

Extract.  Opii  Smyrn 50 

Extract,  nucis  Bethel 30 

Extract.  Penlaphyll 6      F.  S.  A. 

Extract.  Belladonsc.      .)        .^  ) 

Extracl.  Hyosciami      .  >  .     aa,  p.  e.  .  |  15 

Extract.  Conii  maculât  ;  )         \  Pour  X  ...  prises. 


Extract,  pingue  Cannabis  indic.      .     .  250 

Extract.  Cantharid 5  i 

Gum.  Adrag.    •     •     <  —  n  g 

Saccfaar.  pulverat.     )        ^'   ' 


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164  LA  CLEF   DE  LA   MAGIE  NOIRE 

orgiaques,  pour  que  le  cerveau  du  somnambule  les  tra- 
duisit en  un  enchainement  d'images  dont  il  reflétait  la 
suite,  à  la  façon  d'une  glace  devant  laquelle  se  déroule- 
rait la  scène  entière. 

Dans  le  sommeil,  toute  idée  précise  évoque  aussitôt 
la  forme  qui  lui  est  adéquate  en  morphologie  analogique. 
C'est  un  fait  connu... 

Le  mot  imaginatiofiy  pitoyablement  travesti,  détourné 
de  son  sens  initial,  semble  avoir  été  créé  par  un  adepte. 
L'imagination,  qu'en  haute  Magie  on  nomme  encore  le 
translucide  ou  diaphane^  c'est  le  miroir  où  viennent 
sHmaginer,  se  réfléchir  en  images,  les  formes  flottantes 
dans  la  lumière  astrale.  Vintuition  est  Tart  de  contem- 
pler (m<uer/),  à  travers  ces  images  évoquées  dans  le  dia- 
phane, les  vérités  d'ordre  intelligible  dont  elles  peuvent 
être  expressives. 

Le  sorcier  qui  dort  du  sommeil  satanique  peut  assister 
au  Sabbat  sous  deux  modes  très  distincts  :  il  peut  faire 
venir  le  Sabbat,  en  évoquer  les  scènes  ;  mais  il  peut 
y  aller  aussi,  en  corps  astral.  Il  peut  même,  s'il  s'agit 
d'une  assemblée  réelle  de  personnages  en  chair  et  en  os, 
y  manifester  sa  présence,  y  être  vu  et  même  touché... 

Car,  indépendamment  des  phénomènes  subjectifs,  de 
beaucoup  les  plus  fréquents  en  sorcellerie,  il  en  est  par- 
fois qui  présentent  une  certaine  objectivité  :  tels,  les  faits 
de  bilocation,  dont  nous  avons  signalé  plusieurs  (1). 


(1)  Au  Seuil  du  Mystère,  pages  216-218  ;  et  le  Temple  de  Satan, 
passim. 


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LES  MYSTÈRES  DE   LA   SOLITUDE  165 

Ceux  qui  ont  lu  nos  précédents  Essais  de  Sciences 
Maudites  sont  familiers  avec  ces  choses  étranges  de 
l'Astral;  d'ailleurs,  le  chapitre  I  du  présent  ouvrage  ' 
donne  une  suite  aux  renseignements  antérieurement 
produits,  et  les  complète...  Sans  revenir  sur  des  généra- 
lités qui  se  trouvent  partout,  rappelons  aux  curieux  que 
le  Médiateur  plastique  de  l'homme,  ou  corps  astral,  — 
ce  substratum  éthéré  du  corps  physique,  en  un  mol  le 
Périsprit  des  Docteurs  du  Spiritisme,  —  peut  être  pro- 
jeté méthodiquement  au  dehors  :  il  n'y  faut  qu'une  vo- 
lonté ferme  et  beaucoup  d'entraînement. 

A  l'état  normal,  ce  corps  fluidique  est  invisible  ;  mais 
il  peut,  en  s'objectivant,  se  compacter  dans  une  mesure 
plus  ou  moins  accessible  aux  sens  :  soit  qu'il  obéisse  à 
Tefficace  volonté  de  Tadepte,  ou  qu'il  se  trouve  dans 
certaines  conditions  peu  fréquentes,  que  déterminent  les 
variations  de  l'atmosphère  hyperphysique  dont  noire 
planète  est  enveloppée.  Il  devient  visible  alors,  et  pré- 
sente même  une  incroyable  résistance  au  toucher.  Sa 
compaction  offre  parfois  l'apparence  parfaite  de  stabilité 
et  de  cohésion,  qui  est  propre  au  corps  matériel  :  tous 
les  sens  de  Tobservateur  sont  correctement  impression- 
nés.... Et  qu'on  ne  fasse  point  intervenir  cette  fameuse 
théorie  de  l'hallucination  collective  et  concomitante  de 
tous  les  spectateurs  présents.  C'est  une  hypothèse  rece- 
vable,  nous  l'admettons,  en  présence  de  certaines  pro- 
ductions fallacieuses  de  nos  médiums,  quand  telle  per- 
sonne distingue  une  forme  précise,  que  telle  autre  voit 
un  petit  nuage  gris  ou  blanchâtre,  cette  dernière  abso- 
lument rien.  —  Mais  en  regard  de  faits  comme  ceux  que 


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166  LA   CLEF  DE  LA  MAGIE   NOIRE 

nous  allons  rappeler  pour  mémoire,  une  pareille  hypo- 
thèse ne  mérite  qu'un  succès  de  fou-rire. 

Voulez-vous  que  nous  prenions  l'exemple  de  Katy 
King?  Nul  n'est  sans  avoir  ouï  narrer  l'apparition  de  ce 
fantôme,  sa  matérialisation  positive,  obtenue  plusieurs 
fois  la  semaine,  des  années  durant,  non  pas  sur  un 
théâtre  par  un  barnum,  mais  dans  un  laboratoire  de 
chimie  et  par  l'un  des  plus  illustres  savants  que  reven- 
dique l'Europe  intellectuelle  du  xix'^  siècle,  Sir  William 
Crookes?  Les  universitaires  presque  en  masse  ont  vili- 
pendé ce  génie  :  d'aucuns  même  ont  insinué  qu'il  était  le 
compère  de  la  fillette  qui  servit  de  médium. 

Les  faits  scientifiquement  observés,  enregistrés  et 
classés  par  M.  Crookes  dans  l'ouvrage  qu'il  a  mis  au 
jour  il  y  a  quelque  vingt  ans,  Recherches  sur  les  phéno^ 
mènes  du  spiritualisme  (1),  fracassent  à  tel  point  toutes 
les  catégories  meiUales  de  nos  pauvres  pédants  de  la 
matière,  et  bouleversent  si  bien  de  fond  en  comble  leur 
petite  chapelle  scientifique,  en  trahissant  à  la  fois  l'insuf- 
fisance de  leur  méthode  et  le  mal  fondé  de  leurs  critères, 
que  les  collègues  de  M.  Crookes  à  la  Société  Royale  de 
Londres  ont  poussé  l'affolement  jusqu'à  se  couvrir  d'un 
ridicule  éternel  !  jusqu'à  mettre  en  doute  la  loyauté  et 
même  suspecter  l'état  mental  de  l'inventeur  qui,  —  en 
dehors  de  ses  découvertes  psychiques,  —  a  conquis  à  la 
science  tant  et  de  si  merveilleuses  certitudes  ! 


(1)  C'est  un  recueil  de  divers  mémoires  publiés,  de  1870  à  i874, 
dans  le  Quaterly  Journal  of  Science  et  autres  revues.  Nous  n'avons 
sous  les  yeux  que  la  version  française  de  ce  livre,  traduction  Âlidel, 
Paris,  S.  D.,  in-12,  fig. 


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LES   MYSTÈRES  DE   LA   SOLITUDE  467 


Quelques-uns  à  peine,  (conviés  à  la  vérification  scien- 
tifique des  phénomènes,  ceux-là  avaient  vu,  touché,  expé- 
rimenté... et  même  photographié  Tapparition  !)  quelques 
rares,  —  sont-ce  les  plus  courageux  ou  les  plus  lâches? 
—  ont  louvoyé  quand  il  s'est  agi  pour  eux  de  déposer  à 
la  barre  de  l'opinion  :  ils  réservaient  leur  jugement  et 
déclinaient  Thonneur  de  se  prononcer. 

Et  le  grand  chimiste,  qu  a-t-il  répliqué,  lui,  aux  insul- 
teurs  et  aux  incrédules?  —  Ah  !  je  suis  halluciné...  El 
mes  balances,  et  mes  appareils  photographiques,  et  mes 
enregistreurs,  sont-ils  hallucinés,  eux  aussi?... 

Mais,  sans  pudeur  de  couvrir  sa  défaite,  sans  un  mot 
de  réponse  à  cette  décisive  objection,  la  logique  de 
M.  Prudhomme  a  rendu  sa  sentence  en  ces  termes  :  ou 
cet  homme  est  un  imposteur,  ou  c'est  une  dupe,  ou  c'est 
un  fou  ! 

Voilà  donc  votre  salaire,  la  paye  obligatoire  qui  vous 
attend  tous,  tant  que  vous  êtes,  boucs-émissaires  de  la 
Vérité  sainte,  prophètes  de  la  Lumière  nouvelle  qui  blan- 
chit l'horizon  !  expérimentateurs  hardis,  profonds  pen- 
seurs, qui,  appliquant  au  monde  hyperphysique  les  pro- 
cédés mêmes  de  la  science  positive,  avez  établi  l'inébran- 
lable base  d'un  monument  synthétique  des  connaissances 
humaines,  et  posé  la  première  pierre  du  temple  auguste 
où  se  célébrei^,  —  l'heure  est  proche  !  —  la  solennelle 
réconciliation  des  sœurs  ennemies,  la  Science  et  la  Foi  !.. . 

En  effet,  depuis  une  quinzaine  d'années,  l'horizon  des 
esprits  n'est  plus  le  même  ;  le  glas  sonne  du  matérialisme 
agonisant,  l'évolution  mystique  s'accentue  de  jour  en  jour. 

Au  firmament  intellectuel  scintille  une  magnifique 


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LA   CLEF   DE   LA   MAGIE   NOIRE 


pléiade:  /m^t  m/ /Que  de  savants  du  premier  ordre,  con- 
vertis à  la  vérité  spiritualiste  (ou  du  moins  à  la  conscience 
d'un  au-delà)  par  la  logique  de  leurs  mémorables  expé- 
riences :  Aksakoff  en  Russie,  Crookes,  Russel  Wallace  et 
de  Morgan  en  Angleterre,  Cari  du  Prel  et  Zœllner  en 
Allemagne,  Edland  et  Tornebon  en  Suède,  Lorabroso  et 
Chiaïa  en  Italie  !...  En  France,  Téminent  colonel  de  Ro- 
chas veut  être  salué  d'abord  :  ses  découvertes  de  physio- 
logie occulte  balancent  celles  même  du  grand  chimiste 
anglais;  nommons  en  outre  M.  le  D'  Gibier,  M.  le  D' Bara- 
duc,  MM.  Charles  Richet  et  Marillier,et  nous  n'aurons  men- 
tionné qu'un  petit  nombre  des  plus  notables  d'entre  eux. 
Mais  quand  WiHiam  Crookes  publia  d'une  plume  intré- 
pide le  résultat  de  ses  recherches,  c'était  encore,  —  en 
Europe  du  moins,  —  chose  inouïe  et  scandale  sans  pré- 
cédent, qu'une  célébrité  scientifique  telle  que  lui  donnât 
dans  l'étude  des  forces  occultes  et  s'avisât  d'expérimen- 
ter sur  les  spectres  et  les  «  Esprits  »  (1).  Ce  fut  un  toile. 
Le  savant  ne  broncha  point.  Il  confirma  ses  dires. 


(1)  Pourtant,  dès  1869,  une  Société  dialectique^  qui  comptait  parmi 
ses  membres  actifs  des  notabilités  de  la  science  anglaise,  avait  nommé 
une  commission  de  33  enquêteurs,  pour  l'étude  des  phénomènes  «  soi- 
disant  spiritualistes  ».  Il  était  temps  d'en  unir  avec  cette  billevesée  à 
la  mode  ;  ces  Messieurs  comptaient  sur  un  rapport  écrasant  t  Mais  à 
l'issue  d'une  longue  et  minutieuse  enquête,  la  commission  avait  conclu 
à  l'incontestable  réalité  des  phénomènes. 

Rien  n'avait  pu  faire  prévoir  pareil  résultat.  La  Société  dialectique  en 
fut  attérée.  Elle  refusa  de  prendre  la  responsabilité  du  rapport  de  ses 
33  membres  délégués  pour  l'enquête,  les  laissant  libres  de  publier  leurs 
conclusions,  mais  a  leurs  risques  et  périls  !...  Et  pourtant  il  ne  s'agis- 
sait que  de  phénomènes  assez  anodins,  au  regard  des  condensations 
fantômales.  La  commission  n'avait  observé  et  contrôlé,  du  moins  par 
elle-même,  que  la  production  de  bruits  sans  cause  appréciable,  des  dé- 


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LES   MYSTÈRES  DE  LA  SOLITUDE  169 

—  Pour  me  bien  assurer  que  c'était  une  vraie  femme, 
insiste  M.  Crookes,  une  femme  en  chair  et  en  os,  j'ai  ob- 
tenu de  Katy  King  de  la  prendre  dans  mes  bras  !... 

Cependant,  toujours  indulgente  et  propice  à  tous  les 
contrôles,  cette  Katy  King  se  matérialisait  de  toutes  piè- 
ces aux  yeux  de  Crookes,  et  causait  familièrement  avec 
lui  et  les  visiteurs  qu'il  admettait  en  son  laboratoire  :  elle 
se  compactait  instantanément,  tandis  que  son  médium, 
dans  un  état  d'absolue  catalepsie,  gisait  sur  un  tapis  ou 
sur  un  canapé. 

Dans  le  Fakirisme  Occidental  (1),  très  curieux  et  très 
courageux  livre,  hardiment  pensé,  délicatement  écrit,  le 
D'  Gibier  donne  la  reproduction  phototypique  des  clichés 
obtenus  par  William  Crookes.  L'une  des  épreuves  nous 
montre  groupés,  —  tous  trois  parfaitement  distincts  !  — 
le  savant,  le  fantôme  et  le  médium.  D'ailleurs  le  médium 
était  une  enfant  brune,  assez  délicate  et  de  taille  moyenne 
(M"*  Cook),  et  Katy,  beaucoup  plus  forte  et  plus  grande, 


placements  d'objets  sans  contact,  des  faits  de  télégraphie  psychique  et 
antres  du  même  genre. 

Voilà  où  en  étaient  les  choses,  quand  Crookes  commença  ses  inves- 
tigations, et  qu'on  le  vit  publier  successivement  ses  expériences  si  con- 
cluantes avec  le  concours  de  D.  Dunglas  Home,  puis  la  série  des  déci- 
sives épreuves  auxquelles  Katy  King  et  M'^«  Cook  son  médium  se  sou- 
mirent de  si  bonne  grâce. 

(1)  Le  Spiritisme  (Fakirisme  occidental),  Paris,  Doin,  1887,  in-18, 
fig.  —  Le  Dr  Paul  Gibier,  aide-naturaliste  au  Muséum,  eut  également 
l'honneur  d'encourir  l'excommunication  majeure  des  savants  oiTiciels  ; 
mais  les  foudres  universitaires  ne  l'ont  pas  pulvérisé...  11  a  publié  de- 
pois,  sous  ce  titre.  Analyse  des  choses  (Paris,  1890,  in-12),  un  essai  de 
synthèse  philosophique  et  scientifique,  dont  les  conclusions  sont  en 
concordance  avec  celles  de  loccultisme,  11  est  arrivé,  par  l'induction 
d'une  partj  et  l'intuition  de  l'autre,  à  reconstruire  de  lui-même  le  plan 
de  l'édifice  traditionnel. 


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170  LA  CLEF  DE  LA   MAGIE  NOIRE 

avait  les  cheveux  «  châtain  doré  ».  Crookes  en  a  coupé 
une  mèche,  qu'il  garde,  comme  une  pièce  à  conviction 
assez  éloquente  et  une  preuve  péremptoire  de  ces  maté- 
rialisations. Voici  textuellement  ce  qu'en  écrit  le  grand 
chimiste:  «  une  boucle  des  cheveux  de  Katy,  qui  est  là 
sous  mes  yeux  et  qu'elle  m'a  permis  de  couper  au  milieu 
de  ses  tresses  luxuriantes,  après  l'avoir  suivie  de  mes 
propres  doigts  jusque  sur  le  haut  de  ma  tête  et  m'être 
assuré  qu'elle  y  avait  bien  poussé,  est  d'un  riche  châtain 
doré  »  (i). 

Non,  rillustpe  inventeur  de  VÊtat  radiant  n'est  ni  un 
imposteur,  ni  un  halluciné. 

Reste  l'hypothèse  de  la  supercherie  dont  le  Maître  au- 
rait été  la  dupe...  Nous  le  demandons,  est-il  un  instant 
admissible  qu'un  homme  du  poids  de  M.  Crookes,  un 
investigateur  scientifique  de  cette  expérience,  un  savant 
de  cette  compétence  en  physique  et  en  chimie,  se  soit 
laissé  jouer,  berner,  bafouer  par  une  naïve  miss,  une 
timide  enfant  de  quinze  ans  ?  Et  jouer  plusieurs  fois  la 
semaine,  des  années  durant,  presque  toujours  dans  son 
propre  laboratoire,  au  milieu  de  ses  instruments  de  con- 
trôle expérimental  qui  n'ont  dénoncé  aucune  fraude  ;  en 
présence  d'amis  également  compétents,  inaccessibles  à 
toute  illusion  des  sens  et  qui  ont  vu  comme  lui  ! 

Nous  croyons,  pour  notre  part,  à  la  réalité  de  ces  phé- 
nomènes, comme  si  nous  en  eussions  été  témoin  ;  nous 
les  estimons  scientifiquement  vérifiés.  Mais  attendu  que 


(1)  Recherches  sur  le  spiritualisme  (traduction  Alidel,  p.  9  de  l'Ap- 
pendice, intitulé  :  Médiumnité  de  Af^  Cook). 


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LES  MYSTÈRES  DE  LA   SOLITUDE  171 

jamais  faits  analogues  ne  se  sont  encore  produits  sous 
nos  yeux,  nous  nous  réservons  d'en  fournir  ultérieure- 
ment la  théorie  occulte.  —  Que  peut-elle  être  au  demeu- 
rant, cette  théorie,  sinon  le  développement  logique  et  la 
déduction  Jusqu'aux  plus  extrêmes  conséquences,  de  celle 
qui  nous  a  servi  et  nous  doit  servir  encore  à  expliquer 
les  phénomènes  dits  fluidiques,  —  bilocations,  dédouble- 
ments, apports,  objectivations  incomplètes,  —  tels  que 
nous-même  en  avons  vu  et  étudié  plusieurs  ? 

Nous  mentionnions  tout  à  l'heure  la  faculté  que  chacun 
possède  en  puissance  et  peut  réaliser  et  développer  en 
soi  par  lé  double  effort  de  sa  persévérante  volonté  :  sa- 
voir, d'opérer  le  dédoublement  de  l'homme  interne  et  de 
Fhomme  extérieur,  de  l'être  essentiel  et  de  son  vêtement 
terrestre.  C'est  ainsi  que,  sous  l'impulsion  du  vouloir,  le 
périsprit  ou  double  sidéral,  enveloppe  fluidique  de  l'âme, 
peut  se  projeter  hors  de  l'organisme  physique,  diriger  sa 
locomotion,  se  transférer  aux  lieux  les  plus  lointains,  et 
même  se  condenser  au  point  d'aflFecter  normalement  les 
sens  matériels  ;  tandis  que  le  corps  déserté  reste  en  ca- 
talepsie, ou  du  moins  n'est  plus  animé  que  d'une  vie  au- 
tomatique et  en  quelque  sorte  végétative. 

Dans  certains  cas,  ce  dernier  offre  même  à  l'examen  les 
symptômes  d'une  mort  récente  :  la  chaleur  baisse  très 
sensiblement;  la  respiration  cesse  et  le  cœur  ne  bat  plus, 
ou  c'est  d'un  si  faible  essor  que  ces  deux  fonctions  devien- 
nent imperceptibles  à  l'oreille  la  mieux  exercée. 

C'est  là  ce  que  les  occultistes  appellent  une  sortie  en 
corps  astral. 


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172  LA   CLEF   DE   LA   MAGIE  NOIRE 

Si  loin  qu'il  se  soit  envolé  de  sa  prison  de  chair,  le  Pc- 
risprit  reste  toutefois  lié  à  celle-ci  par  une  chaîne  sym- 
pathique d*une  exquise  ténuité  ;  ce  cordon  ombilical  est 
le  seul  lien  qui  rattache  encore  à  sa  matrice  objective 
rârtie  humaine  (dont  le  périsprit  n'est  que  l'enveloppe 
fluidiqueet  la  partie  la  moins  épurée).  En  resserrant  sou- 
dain la  chaîne,  le  corps  fluidique  peut  réintégrer  le  corps 
matériel  ;  mais  si  la  chaîne  vient  à  se  rompre,  la  mort 
arrive  instantanée,  foudroyante,  comme  à  la  suite  d'une 
rupture  d'anévrisme. 

Cette  expérience  est  chose  grave  ;  quelques  précau- 
tions qu'on  prenne,  elle  ne  se  tente  jamais  sans  danger. 

D'abord,  le  Périsprit  en  stase  de  condensation  qui  ren- 
contre en  chemin  une  pointe  métallique  est  sérieusement 
menacé  :  pour  peu  que  sa  substance  centrale  soit  enta- 
mée, le  coagulât  se  dissout  et  la  mort  est  certaine.  Dans 
le  cas  où  l'objet  aigu  se  borne  à  en  effleurer  la  périphérie, 
une  part  notable  de  sa  vitalité  est  subitement  soutirée 
par  lui,  comme  l'électricité  d'un  nuage  par  la  pointe  d'un 
paratonnerre.  Le  corps  astral  court  le  même  risque,  de 
ce  fait,  que  le  corps  matériel  après  une  abondante  hé- 
morragie, —  la  syncope. 

Mais  d'autres  dangers,  d'un  ordre  plus  étrange  et  plus 
mystérieux,  menacent  l'étourdi  chercheur  qui  se  hasarde 
à  tenter  une  projection  de  sa  sidéralité,  sans  s'être  envi- 
ronné de  toutes  les  garanties  préalablement  requises,  pour 
mener  à  bien  une  aussi  redoutable  expérience... 

Il  faut  bien  convenir  que,  —  mage  ou  sorcier,  —  ce- 
lui qui  la  réussit  réalise  en  soi-même  un  chef-d'œuvre 
d'équilibre,  ou  plutôt  résume  en  sa  personne  une  antino- 


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LES  MYSTÈRES  DE  LA   SOLITUDE  173 

raie  sans  pareille.  Mort  et  vivant  tout  ensemble,  il  subit 
à  la  fois  deux  conditions  d*être  contradictoires  :  l'objective 
ou  terrestrCy  et  la  subjective  ou  posthume. 

Pendant  le  sommeil,  il  est  vrai,  tout  être  mène  simul- 
tanément ces  deux  existences  ;  le  corps  astral,  épuisé 
par  la  dépense  nerveuse  subie  durant  la  veille,  s'exté- 
riorise au  moins  partiellement  pour  plonger  à  l'océan 
collectif  astral,  et  faire  provision  de  nouvelles  forces. 
Mais  outre  qu'en  ce  cas  quotidien,  le  corps  astral  ne  s'é- 
loigne guère  de  sa  dépouille  (1)  et  même  ne  la  quitte 
point,  —  tel  un  baigneur  timide  se  cramponne  des  mains 
aux  branches  du  rivage,  afin  de  braver  sans  péril  la  force 
du  courant,  —  il  faut  noter  que  l'être  abmatérialisé  par 
le  sommeil  ne  s'évertue  pas  à  compacter  au  loin  sa 
substance  pour  la  rendre  visible.  Or  le  danger  des  sor- 
ties en  astral  réside  sur  toute  chose  dans  cette  phase  de 
condensation,  qui,  nécessitant  sur  un  point  éloigné  le 
concours  et  l'effort  de  toute  la  vitalité  disponible,  a  pour 
prime  conséquence  d'en  tarir  complètement  le  corps  phy- 
sique, de  vider  ses  dernières  réserves  de  force  nerveuse, 
et  de  réduire  à  la  plus  indigente  ténuité  le  lien  sympa- 
thique intermédiaire.  Enfin  l'être  qui  dort  obéit  à  l'ins- 
tinct commun,  qui  le  guide  infailliblement  dans  les  rou- 
tes aplanies  de  la  nature  :  l'occultiste,  au  contraire,  en 
phase  de  bilocation,  prétend  diriger  sa  tentative  au  gré 


(1)  n  peut  s*en  éloigner,  même  à  d'énormes  distances,  comme  nous 
lavons  dit  au  Setâl  du  Mystère,  (pages  216-218)  ;  mais  c'est  là  Vexcep- 
(ion.  Le  cauchemar  vague  et  sans  objet  précis  peut  être  le  symptôme 
d'un  éloignement  anormal  :  le  corps  matériel  souffre  alors  d'un  ma- 
laise extrême,  et  l'àme  dépaysée  s'effraie 


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174  LA   CLEF  DE   LA   MAGIE  NOIRE 

de  son  intelligence  parfois  inexpérimentée  et  de  sa  vo- 
lonté souvent  téméraire. 

C'est  donc  de  ce  dernier  qu'il  est  question  pour  l'ins- 
tant. Il  a  sciemment  dépouillé  son  vêtement  de  chair,  et 
il  s'élance,  emporté  vers  un  but  préfix  par  le  char  subtil 
de  son  âme,  dirait  un  disciple  de  Pythagore  :  car  le  grand 
philosophe  nommait  ainsi  le  corps  lumineux,  double 
éthéré  du  corps  physique  (1). 

Nous  dirons  d'abord  les  périls  qui  s'adressent  au  corps 
astral  dénudé.  —  Quels  dangers  (plus  effrayants  peut- 
être)  menacent  le  corps  matériel  laissé  vide  et  inerte  ? 
C'est-ce  qu'ensuite  nous  exposerons. 

Dès  le  sortir  de  l'enveloppe  objective,  le  Périsprit  se 
trouve  entraîné  à  la  dérive  des  ondes  torrentielles  qui  en- 
cerclent la  planètô  de  leurs  tourbillons  :  c'est  le  Maëlstrom 
fluidique  (2)  ;  c'est  le  vortex  où  se  love  Nahàsh  VfnS, 
le  Serpent  d'Ashiah  n^tt*V  ;  c'est  le  véhicule  grondant 
de  tout  le  possible  qui  voudrait  êh^e,  de  toutes  les  virtua- 
lités subjectives  avidesde  s'objectiver,  de  toutes  les  âmes 

des  différentes  hiérarchies  impatientes  de  s'incarner 

Si  le  corps  astral  ne  parvient  pas  à  franchir  ce  fleuve  im- 
pétueux, ou  du  moins  à  s'y  diriger,  il  est  perdu. 

Il  faut  qu'il  sache  triompher  de  la  succion  d'/dnafe,  de 
l'accablement  d'Ùereb  :  résister  aux  deux  forces  ceniri- 


(1)  Le  char  subtil  de  Pythagore  est  plutôt  le  corps  spirituel  élaboré 
par  l'épreuve  et  dynamisé  par  l'eiitrainement  magique,  que  le  Péris- 
prit ou  corps  astral  brut  (Voir  noschap.  iv,  v  et  vi).  Cependant  celui-ci 
peut  être  ainsi  nommé  par  extension,  comme  en  ont  coutume  beau- 
coup d'occultistes  de  l'école  même  de  Pythagore. 

(â)  Ceque  plusieurs  voyants  désignent  sous  ce  nom  :  l'engrenage  des 
grandes  roues  noires. 


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LES   MYSTÈRES  DE   LA   SOLITUDE  175 

fuge  et  centripète  ;  manifestations  des  principes  occultes 
de  l'Espace  éthéré,  rayonnant^  où  s'exerce  l'influx  de  la 
Vie,  et  du  Temps  dévorateur,  ténébreux,  qui  gouverne  le 
reflux  de  la  Mort  ! 

La  Lumière  astrale  roule  en  ses  ondes  les  mirages 
animés  les  plus  repoussants,  les  plus  terribles,  les  plus 
monstrueux  :  que  la  frayeur,  la  haine  ou  quelque  pas- 
sion vive  envahisse  soudain  l'âme  en  sortie  sidérale,  le 
lien  se  rompt  et  l'àme  ne  peut  plus  rentrer. 

Ce  n'est  pas  tout.  Dût-on  nous  accuser  de  folie,  nous 
voulons  tout  dire. 

Le  véhicule  du  potentiel  en  instance  d'objectivité  re- 
gorge donc,  —  et  nous  y  insistons,  —  de  formes  parfois 
hideuses,  que  le  pinceau  de  Goya  serait  impuissant  à 
rendre  dans  toute  leur  horreur.  Ces  spectres,  dont  nous 
reparlerons,  —  êtres  obscures  ou  luisant  d'un  vague 
instinct,  semi-conscients  et  d'une  intelligence  limitée 
comme  beaucoup  d'Élémentaux  et  même  d'Élémentaires, 
ou  brutaux  et  inconscients  comme  les  Larves  proprement 
dites,  —  veulent  à  tout  prix  s'incarner  :  ce  sont  les  Lé- 
mures de  tout  ordre. 

Vous  représentez-vous  ce  fleuve  torrentiel  de  l'existence 
subjective  (1)?  Ces  lémures  y  roulent,  emportés  pêle- 
mêle  avec  les  âmes  à  naître...  —  Çà  et  là  se  forment 


(1)  Subjectif  s*emp\o\e  en  occultisme  pour  qualifier  ce  qui  n*est  que 
virtuel  à  letat  d'essence,  par  opposition  à  ce  qui  est  manifeste  à  letat 
de  matière.  Non  point  qu'il  s'agisse  d'une  chose  qui  est  néant  en  de- 
hors de  la  pensée  qui  la  conçoit,  d'une  illusion  du  sujet  :  les  choses 
du  plan  subjectif  deviennent  objets  pour  tous  ceux  qui  savent  se  main- 
tenir sur  ce  plan,  où  s'épanouit  la  réalité  intérieure  de  la  Nature. 


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176  LA   CLEF  DE   LA   MAGJE  NOIRE 

de  petits  vortex  à  l'aigu  sifflement,  prompts  à  se  ré- 
soudre après  un  arrêt  brusque.  C'est  un  être  qui  vient  de 
s'objectiver  en  s'incarnant  :  il  est  passé  de  puissance  en 
acte. 

Comment? —  Soit  en  animant  l'ovule  fécondé  d'une 
femelle  animale  de  sa  race  :  le  fantôme  s'est  fait  embryon  ; 
sa  virtualité  d'extériorisation  progressive  s'y  exerce  au 
gré  des  normes,  et  détermine  sa  forme  organique  sur  le 
patron  de  la  faculté  plastique  qui  lui  est  propre  :  après 
une  gestation  plus  ou  moins  longue,  il  nait,  incarné  sous 
une  forme  adéquate  à  sa  nature,  analogue  et  propor- 
tionnelle à  son  verbe  intérieur.  Telle  est  la  règle  pour 
les  âmes  de  toute  hiérarchie  terrestre.  —  Soit  en  s'en- 
gouffrant  dans  une  effigie  matérielle,  encore  vivante, 
mais  actuellement  abandonnée  et  vide  :  les  Larves,  dé- 
nuées, comme  nous  le  dirons,  de  principe  morphique  cl 
d'essence  individuelle,  (incapables  en  conséquence  de  se 
bâtir  en  corps),  usent  surtout  de  ce  mode  d'incarnation 
par  surprise... 

Conçoit-on  la  portée  de  cette  éventuelle  abomination  ? 
L'expérimentateur  téméraire,  quand  il  veut  réintégrer 
son  corps,  peut  le  trouver  occupé  par  une  Larve,  qui  s'y 
est  installée,  a  pris  possession  des  organes,  s'y  est  for- 
tifiée pour  ainsi  dire. 

Alors,  de  quatre  choses.  Tune  : 

Ou  bien  l'occultiste  parvient  à  chasser  l'ennemi  et  re- 
prend la  place  d'assaut  ;  c'est  Vuniqiie  chance  desaluL 

Ou  bien,  après  avoir  délogé  l'intrus,  la  fatigue  de  la 
lutte  ne  lui  laisse  plus  la  force  de  réintégrer  son  orga- 
nisme i  et  c'est  la  mort. 


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LES   MYSTÈRES  DE   LA   SOLITUDE  177 

)  Ou  bien,  il  rentre  sans  avoir  pu  expulser  le  fantôme  ; 
I  il  doit  se  résoudre  à  vivre  en  partage  avec  lui  ;  d'oii  la 
foliCy  la  monomanie^  ou  tout  au  moins  la  possession. 
Ou  bien,  c'est  la  Larve  qui  demeure  maîtresse  du 
;  champ  de  bataille  ;  elle  va  désormais  végéter  en  ce  corps, 
(     et  c'est  Vidiolisme  (1). 

i 

Si  vous  êtes  sage,  Lecteur  ami,  vous  pouvez  prendre 
ces  quelques  lignes  pour  le  récit  d'un  cauchemar  :  vous 
aurez  même  raison  de  hausser  les  épaules  aux  révéla- 
lions   qu'elles  contiennent  ;   car  elles  n'expriment  plus 
une  réalité  que  pour  les  téméraires  qui  tentent  Dieu  et 
bravent  la  Nature,  jusqu'à  ambitionner  de  descendre  vi- 
vants au  Royaume  de  la  Mort,  puis  de  rentrer  dans  la 
vie  terrestre,  après  avoir  bu  dans  une  coupe  mortelle 
Veau  dormante  du  Styx,  mêlée  aux  flammes  liquides  du 
Phlégéton. 
Dans  les  sanctuaires  de  l'antique  magie,  derrière  l'au- 


(1)  Cette  invasion  de  l'effigie  humaine  par  une  Larve  est  un  cas  moins 
rare  qu'on  ne  se  l'imagine;  il  est  loin  de  se  produire  uniquement  dans 
le  cas  de  bilocation  magique.  Nombre  de  praticiens,  spécialistes  des 
maladies  mentales,  en  savent  long  sur  ce  sujet.  Livrent- ils  bien  leur 
pensée  tout  entière,  lorsqu'ils  épiloguent  et  raffinent  à  l'envi  sur  les 
variations  de  la  personnalité  ?  Peut-être  la  seule  crainte  d'égayer  les  ri- 
caneurs de  profession  leur  interdit-elle  de  paraître  pluu  explicites.  Quoi 
qu'il  en  soil,  le  créateur  du  vocable  aliénation  peut  se  flatter,  ou  d'une 
heureuse  rencontre  d'expression,  ou  d'un  libre  choix  plus  heureux 
encore  (Cf.  chap.  V). 

Observons  d'ailleurs  qu'il  convient,  au  cas  présent,  d'entendre  le  mot 
Larve  dans  son  sens  le  plus  étendu.  Bien  que  d'ordinaire  le  mode  vio- 
lent de  soudaine  incarnation  soit  le  fait  de  Larves  proprement  dites, 
d'autres  entités  moins  infimes  du  monde  invisible  le  pratiquent  aussi 
d'aventure.  Voir,  plus  bas,  l'énumération  des  «  indigènes  de  l'Astral  ». 

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178  LA  CLEF   DE   LA   MAGIE  NOIRE 

tel  des  Dieux  immortels,  les  Mages,  purifiés  par  de 
saintes  ablutions  et  de  rigides  austérilés,  pouvaient,  sous 
l'œil  paternel  de  l'hiérophante,  réaliser,  presque  sans 
péril,  cette  œuvre  psychurgique.  C'était  même  Tultime 
épreuve  de  l'initiation  aux  mystères  d'isis  :  une  sorte  de 
mort  suivie  d'une  résurrection  miraculeuse,  et  le  vain- 
queur de  l'épreuve  se  nommait  devant  le  peuple  :  celui 
qui  vit  malgré  la  mort.  C'est  encore,  dans  l'Inde,  une 
des  secrètes  significations  attribuées  au  titre  de  l'initié 
Dwidja^  ou  deux  fois  né. 

Mais  que  de  garanties  accumulées  autour  du  néophyte  î 
Souvent  il  ne  partait  pas  seul  ;  mais  un  Mentor  accompa- 
gnait et  guidait  ce  Télémaque  du  mystère,  dans  son 
voyage  aux  sombres  bords.  Puis,  sept  mages  expéri- 
mentés (1)  faisaient  la  chaîne  sympathique  autour  du 
corps  de  l'absent;  à  tout  moment,  pour  peu  qu'un  dan- 
ger s'annonçât,  ils  pouvaient  d'un  effort  rappeler  cette 
âme  à  l'existence. 

Le  dragon  de  feu  qui  garde  la  porte  des  mondes  au 
delà  n'était  évoqué  qu'à  bon  escient  :  on  savait  modérer 
le  choc  de  son  abord  et  l'effroyable  étreinte  de  son 
baiser. 

Pour  ce  qui  est  des  Larves  (qui  deviennent  phospho- 
rescentes aux  yeux  clairvoyants,  quand  les  gagne  le  rut 


(1)  En  dos  cas  moins  fréquents,  le  nombre  des  atleptes  de  la  chaîne 
magique  était  porté  à  doute.  Pourquoi  sept  et  douée?  El  quand  douze 
plutôt  que  s«>pt?  Nous  laisserons  au  chercheur  le  plaisir  de  résoudre 
ce  facile  problème  :  les  significations  symboliques  du  Septénaire  des 
planètes  et  du  Duoiénaire  roiianal,  c'est-à-dire  du  petit  ci  du  grand 
cycle,  ne  laissent  guère  de  latiturle  à  l'imagination  pour  s'égarer  en  de 
fallacieuses  hypothèses. 


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LES  MYSTÈRES  DE  LA   SOLITUDE  179 


d'une  imminente  incarnation),  Ton  prenait  soin  de  les 
disperser  avec  l'instrument  requis  (1),  selon  les  rites. 

D'ailleurs,  enveloppé  d'un  vaste  manteau  de  laine 
qu'on  repliait  trois  fois  sur  lui,  le  corps  cataleptisé  re- 
posait dans  un  état  de  salutaire  isolement  :  en  aucun  cas, 
il  ne  risquait  d'être  envahi  ou  possédé  (2). 

L'on  pense  bien  qu'à  la  suite  de  ces  peintures,  du 
reste  assez  peu  engageantes,  nous  n'allons  pas  livrer  la 
formule  du  Sémme,  ouvre-loiy  qui  donne  l'accès  du 
monde  astral. 

Nous  estimons  en  avoir  dit  assez. 

Bornons-nous  à  signaler  pour  mémoire  l'existence  du 
vampire  et  du  loup-gavou,  deux  formes  particulières-  de 


(1)  Uq  de  nos  vieux  amis,  M.  Léon  Sorg,  président  du  tribunal  do 
Pondichéry,  nous  a  rapporté  l'instrument  sacré  qui  sert, ,  au  Thibet, 
a  dissoudre  ces  coagulations  malfaisantes  de  la  Lumière  négative.  Cette 
manière  de  lance  en  cuivre  ciselé  présente  à  l'admiration  du  déchiffreur 
de  pentacles  toute  une  synthèse  hiéroglyphique,  révélatrice,  et  de  la 
doctrine  des  fantômes  astraux,  et  du  mode  de  dispersion  d'iceux.  Nous 
en  détaillerons  ailleurs  la  forme  symbolique  et  la  signification  occulte. 

M.  Augustin  Chaboseau,  le  très  distingué  indianiste,  a  soigneusement 
examiné  ce  rare  objet,  l'un  des  plus  sacrés,  parait-il,  aux  yeux  des  prê- 
tres thibétains,  qui  le  nomment  P'ur-b'u  (lisez  Phourboù).  Il  leur  sert 
pour  l'exorcisme  et  la  mise  en  fuite  des  mauvais  esprits.  Cet  instrument 
liturgique  a  d^  être  primitivement  dérobé  dans  quelque  couvent  thi- 
bétain,  car  les  lamas  initiés  lui  attribuent  un  caractère  si  auguste,  qu'ils 
repousseraient,  à  l'égal  d'un  sacrilège,  l'idée  seule  de  le  donner  ou  de  le 
vendre  à  un  profane.  M.  dhiboseau,  en  1892,  n'avait  encore  eu  l'heu- 
reuse chance  de  découvrir  qu'un  seul  P*ur  b'u,  dans  les  nombreuses 
collections  étudiées  par  lui  à,  celte  époque;  mais  le  nôtre  serait,  nous 
a-t-il  assuré,  le  plus  beau  des  deux  et  le  plus  curicaseinent  ciselé.  (Voir 
la  photogravure  ci  contre). 

(2,  Le  célèbre  minteau  d'Apollonius  n'était  pas  autre  chose.  Ce  mys- 
tique linceul  a  été  conservé,  à  titre  de  symbole,  dans  le  rituel  de  l'ini- 
tiation martiniste. 


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tSO  LA  CLEF  DE  lli   MAGIE  NOIRE 

la  bilocation  magique,  ou  Sortie  en  Corps  astral.  L'étude 
de  ces  phénomènes  cadrera  parfaitement  aux  VI*  et  VU* 
Chapitres,  intitulés,  l'un  :  la  Mort  et  ses  Arcanes,  et 
Tautre  :  Magie  des  transmutations. 

11  nous  reste  à  effleurer  d'autres  mystères,  plus  logi- 
quement attribuables  au  présent  chapitre. 

La  solitude  engendre  tous  les  fantômes,  et  les  amis  des 
fantômes  cultivent  la  solitude. 

Ceux  qui  se  cloîtrent  dans  la  retraite  par  haine  de  leur 
prochain,  obéissent  à  cet  égoïsme  radical  (reflet  de 
Nahàsh),  que  les  hindous  désignent  sous  ce  vocable  : 
Tanha  (1).  C'est  le  principe  de  toute  aberration  et  de 
toute  perversité  ;  la  perdition  est  au  bout. 

Le  mage  de  lumière,  lui  aussi,  recherche  volontiers  la 
solitude;  mais  c'est  pour  mieux  la  fuir....  Voilà  qui  a 
tout  l'air  d'un  paradoxe  ;  il  n'en  est  rien. 

Quand  le  mage  se  résout  à  rompre  ses  attaches  mon- 
daines, c'est  que  pour  lui  la  foule  est  un  désert  fait  de 
multitude,  et  qu'il  a  statué  de  vivre  dans  la  communion 
des  saints,  ou  de  s'élever,  dans  l'apothéose  de  l'Esprit, 
jusqu'à  l'état  sublime  de  sérénité  omnisciente  en  Dieu, 
bien  connu  des  hindous  sous  le  nom,  aussi  calomnié 
qu'incompris  en  occident,  de  Nirvana. 

Il  n'y  a  pas  de  moyen-terme  :  on  ne  s'abstrait  de  l'huma- 
nité que  pour  vivre  avec  Dieu,  —  ou  avec  Satan. 

Aussi  les  anciens  Sages  disaient-ils  de  la  soUlude  que 


(1)   Tanha  consiste  proprement  dans  la  soif  de  Texistcnce   indivi- 
duelle, isolée  ;  Tidolàtric  du  moi  en  procède. 


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LES  MYSTÈRES  DE   LA   SOLITUDE  iSt 

rhomme  s'y  trempe  fortement,  et  s'y  fixe  désormais 
dans  sa  voie,  droite  ou  tortueuse;  en  un  mot,  qu'il  en 
sort  Esprit  de  lumière  ou  de  ténèbres.  Rien  n'est  plus 
Trai. 

Dans  la  solitude,  en  effet,  on  vit  face  à  face  avec  son 
Karma.  L'atmosphère  secrète  des  lieux  déserts,  qu'une 
perpétuelle  saturation  des  volontés  antagonistes  n'a  point 
neutralisée,  banalisée,  blasée,  en  quelque  sorte,  —  une 
telle  atmosphère  est  essentiellement  réceptive  d'un  verbe, 
quel  qu'il  soit  :  la  moindre  pensée,  le  moindre  vouloir, 
le  moindre  désir  s'imprègnent  dans  la  substance  effi- 
ciente de  l'Aôr  ;  ils  s'y  développent  et  s'y  manifestent 
avec  une  merveilleuse  intensité. 

Ce  sont  autant  d'êtres  potentiels,  générés  au  jour  le 
jour,  suivant  les  caprices  de  la  pensée  et  des  aspirations, 
et  qui  exercent  à  la  longue  sur  leur  auteur  une  influence 
répercussive,  que  lui-même  ne  soupçonne  pas.  Car,  le 
plus  souvent,  il  n'a  l'expérience  que  de  la  vie  habiluelle  et 
mondaine. 

Or,  au  cours  de  l'existence  commune,  les  perpétuels 
échanges  de  fluides,  d'idées,  de  vouloirs,  impriment  à 
une  personnalité  des  variations  dans  sa  marche,  des 
fluctuations  dans  son  allure,  des  hésitations  dans  sa 
pensée....  Il  n'est  pas  jusqu'aux  convictions  les  plus 
assises,  que  ne  modifie  peu  à  peu  le  souffle  des  ambian- 
ces. Le  frottement  use  et  polit  insensiblement  les  tran- 
chantes arêtes  des  individualités  les  plus  anguleuses. 

Mais,  dans  la  solitude,  l'homme  ne  subit  aucune  in- 
fluence directe  du  dehors  ;  sa  propre  pensée,  se  repliant 
toujours  sur  elle-même,  s'y  repose  avec  complaisance  et 


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182  LA   CLEF  DE   LA   MAGIE  NOIRE 

s'y  réfléchit  avec  ivresse:  aussi  le  solitaire aflîrme-t-il 
inébranlablement  sa  marche,  dans  la  direction  où  le 
portent  ses  habitudes  cérébrales. 

De  ces  observations,  on  peut  induire  un  apophtegme  : 
c'est  que  l'isolement  absolu,  qui  trempe  le  caractère, 
n'élargit  point  l'intelligence  ;  l'on  s'y  façonne  indompta- 
ble, —  incorrigible  aussi. 

Une  légende  rabbinique  nous  présente  les  Larves 
comme  les  enfants  de  la  solitude  d'Adam,  rêvant  à  la 
femme  archétype,  avant  que  le  Seigneur  eût  dédoublé 
l'homme  primitif,  pour  donner  naissance  à  Eve.  Des 
éphialtes  recueillaient  le  témoignage  de  ces  confuses 
aspirations  et  leur  donnaient  une  forme....  Nous  espé- 
rons qu'on  nous  entend. 

Paracelse  enseigne  à  son  tour  que  ces  sortes  de  fantô- 
mes sont  engendrés  abondamment,  chaque  fois  qu'on 
laisse  sécher  au  soleil  des  vêtements  pollués.  Son  école 
ne  fait  en  cela  que  reproduire  l'opinion  des  anciens  hié- 
rophantes :  une  loi  religieuse  expresse  interdisait  aux 
peuples  de  la  Grèce,  d'exposer  à  la  flamme  de  l'àtre  les 
linges  Lîirhés  de  sperme  ou  de  sang  menstruel  (I). 


(1)  <(  Lémures  gignuntur  per  deperditiones  œsticas  spermatis  et  san- 
guinis  menstrualis. 

■  Sunt  ephemeri  et  maxime  mortales.  Constant  aère  coagulalo  in 
vapore  sanguinis  vel  spermatis,  et  quasi  buUa  quœ  si  ferro  frangatur, 
périt  anima  imperfecta  lemurum. 

«Quœruntsimplices  et  credulos... 

t  Timidi  sunt  et  fugitivi  sicut  avescœli  etsemper  mori  reformidant. 
quia  bulla  aëris  est  vita  eorum,  et  statu  facile  corrumpitur. 

(Paracelse,  cité  par  Éliphas,  la  Cief  des  grands  mystères,  page  386). 


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LES  MYSTÈRES  DE    LA   SOLITODE  183 


L'on  aurait  tort  de  croire  que  ces  prohibitions  fussent 
puériles,  ces  précautions  vaines  :  le  sang  est  un  liquide 
mystérieux  ;  il  déborde  d'une  vie  emphatique,  expansive 
et  prompte  à  revêtir,  dès  qu'on  répand  son  véhicule, 
toutes  les  formes  imaginables.  Les  abattoirs  et  les  amphi- 
théâtres sont  devenus,  de  nos  jours,  des  séminaires  de 
Larves  sans  nom  :  nous  ne  souhaitons  pas  aux  sceptiques 
d'empoisonner  leur  atmosphère  individuelle  par  la  fré- 
quentation de  ces  lieux,  tout  dégoûtants  de  fantômes  san- 
glants ;  que  de  cas  de  folie  et  d'épilepsie  n'ont  point  d'au- 
tre origine  ! 

L'idée  est  à  l'intelligence  ce  que  le  sang  est  au  corps  ; 
aussi  les  cogitations  passionnelles  engendrent  des  spec- 
tres à  foison  :  les  pensées  libidineuses  développent  des 
fantômes  de  luxure  ;  les  rancœurs  inavouées  de  lajalousie 
déterminent  de  vivantes  obsessions,  qui  ravivent  la  plaie 
des  cœurs  envieux;  les  aspirations  délirantes  de  l'or- 
gueil génèrent  des  Larves  inspiratrices  de  vanité  jamais 
assouvie..,,  et  ainsi  des  autres  vices. 

Telles  sont  les  Larves  passionnelles  et  mentales,  qui, 
au  lieu  de  s'engendrer  dans  le  nimbe  extérieur,  comme 
leurs  congénères  d'origine  plus  matérielle,  se  développent 
dans  la  substance  même  de  l'àme!  Celle-ci,  règle  géné- 
rale, les  évacuant  à  mesure,  les  refoule  dans  l'atmo- 
sphère fluidique  individuelle.  Cependant  l'àme  ne  peut 
quelquefois  les  éliminer  toutes,  lorsqu'elles  sont  générées 
quotidiennement  et  à  foison  :  alors, ces  productions  mal- 
saines s'amalgament,  d'une  part  avec  la  substance  du 
corps  sidéral,  de  l'autre  avec  celle  de  la  Psyché  môme, 
qu'elles  troublent,  épaississent  et  modifient  à  la  longue. 


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184  LA   CLEF   DE  LA   MAGIE  NOIRE 

Nous  verrons  au  chapitre  VI,  —  h  Mort  et  ses  arcanes^ 
— comment  elles  deviennent,  à  l'issue  de  la  terrestre 
existence,  les  tortionnaires  de  l'âme,  avant  même  que 
le  supplice  de  la  seconde  mort  n'ait  commencé  pour 
celle-ci. 

Il  n'est  question,  à  cette  heure,  que  des  Larves  évoluant 
dans  le  nimbe  ou  atmosphère  occulte  de  chaque  individu, 
quelle  que  soit  d'ailleurs  leur  nature  et  leur  origine.  Tou- 
tes ne  sont  pas  également  meurtrières,  mais  toutes  sont 
nuisibles,  en  ce  qu'elles  aliènent  la  liberté  de  l'homme  et 
limitent  ses  potentialités  de  vouloir  et  d'agir  :  leur  réac- 
tion la  plus  coutumière  sur  leurs  auteurs  se  traduit  par 
Vhabitude,  cette  forme  moins  anodine  qu'on  ne  peut 
croire  de  l'esclavage  à  tous  les  degrés.  Les  cas  où  l'on 
voit  l'habitude  dégénérer  en  obsession  dénoncent,  à  peu 
près  à  coup  sûr,  la  tyrannie  des  Larves  de  provenance 
corporelle,  animique  ou  mentale. 

Ces  diverses  créations  aôbiques  sont  la  conséquence 
fatale  et  le  juste  châtiment  de  tous  les  onanismes  du  corps, 
de  l'âme  et  de  la  pensée.  Elles  vivent,  ces  coagulations 
de  la  lumière  astrale  ;  mais  c'est  aux  dépens  du  pervers 
qui  les  engendra,  et  qui  les  doit  nourrir,  —  comme  le 
marque  fort  bien  Éliphas,  — de  toute  la  sève  de  son  cœur 
et  de  toute  la  substance  de  son  cerveau  :  elles  l'obsèdent, 
le  harcellent,  et  le  vampirisent  sans  merci.  —  Et  s'il  de- 
mande aux  livres  de  la  Sagesse  traditionnelle  un  moyen 
violent  de  s'en  délivrer,  ce  n'est  encore,  hélas!  qu'à  ses 
risques  et  périls  ;  car  une  si  étroite  solidarité  le  rattache 
à  ces  enfants  de  son  délire,  qu'il  est  sujet  à  se  blesser 
lui-même  en  les  dispersant.  Nous  traiterons,  à  propos  du 


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LES   MYSTÈRES   DE  LA   SOLITUDE  i85 

loup-garou,  de  ces  effets  répercussifs  et  mutuels,  dont  la 
réalité  n'est  que  trop  indiscutable. 

Les  médiums  sont  pour  la  plupart  de  pauvres  valétu- 
dinaires, coutumiers  sans  le  savoir  d'un  véritable  ona- 
nisme cérébral,  et  qui  marchent  dans  la  vie,  escortés, 
obsédés,  souvent  dévorés  tout  vifs  par  ces  Larves  :  elles 
ne  se  coagulent  qu'en  les  épuisant,  puisque  c'est  à  eux 
qu'elles  empruntent  la  substance  plastique  dont  elles  ont 
besoin,  pour  s'objectiver  et  devenir  sensibles. 

En  somme,  ce  sont  bien  là  les  vrais,  les  seuls  démons; 
caries  esprits,  même  le  plus  profondément  sombres  dans 
les  abîmes  de  la  perversité,  ne  sont  pas  tout  entiers  mau- 
vais ;  tandis  que  ces  Larves,  —  grimaces  mensongères  de 
l'Être,  blasphèmes  incohérents  de  la  vie  universelle,  — 
se  montrent  invariablement  nuisibles  et  dépourvues  de 
toute  conscience  :  il  serait  donc  permis  de  voir  en  elles 
d'équivoques  manifestations  de  l'abstrait  qu'on  nomme 
le  Diable  ou  Satan. 

Formant,  pour  ainsi  dire,  autant  d^appendices  vampiri- 
ques  de  l'homme  dont  elles  remplissent  l'atmosphère 
sidérale,  elles  vivent  de  sa  vie,  et  les  semblants  d'intelli- 
gence qu'elles  font  paraître  en  des  cas  très  rares,  ne  sont 
d'ailleurs  et  ne  peuvent  être  que  de  vagues  reflets  de  sa 
pensée. 

11  raessiérait  fort  de  confondre  ces  Larves,  —  en  qui 
les  Kabbalistes  ne  voient  que  des  écorces,  des  coques  ina- 
nes  {corticesy  Kliphôth  niB^Sp),  —  avec  les  essences  spi- 
rituelles plus  ou  moins  obscurées  dans  la  nuit  de  la  ma- 
tière, qui  flottent  entraînées  et  ballottées  aux  torrents 


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186  LA  CLEF  DE  LA  MAGIE  NOIRE 

génésiques  des  trois  règnes  inférieurs  :  minéral,  végétal , 
animal. 

Compactions  de  la  lumière  au  bleu  (Aôbôlh  niaii^),  les 
Larves  proprement  dites  sont  des  substances  dépourvues 
d'individuelle  entité.  Parasites  comme  \egui  de  chêne (i)^ 
elles  n'existent  que  par  autrui  :  vienne  à  leur  manquer 
ce  support  ontologique  (2),  elles  rentrent  dans  le  Non- 
être,  dont  elles  sont  comme  des  manifestations,  nous 
allions  dire  des  Anges,  des  Messies. 

Elles  s'attachent  à  la  façon  des  sangsues  ;  elles  mordent 
à  même  la  sidéralité  d'un  être  réel,  s'en  nourrissent,  y 
pompent  leur  vie  d'emprunt  et  leur  virtualité  d'objecti- 
vation  éphémère  ;  et,  dépourvues  qu'elles  sont  de  type 
essentiel  qui  leur  soit  propre,  d'étalon  générique  sur  quoi 
se  modeler  une  forme,  —  elles  se  concrètent  sur  le  pa- 
tron sidéral  de  l'être  dont  elles  deviennent  ainsi  les  reflets 
animés,  les  appendices  lémuriens,  les  mirages  fur- 
tifs 

Une  Larve  dans  votre  atmosphère,  —  c'est  pour  vous  le 
fantômed'un  très  vague  Sosie...  ;  maisd'un  sosie  qui  vous 
énerve  au  physique  et  vous  épuise,  vous  ébranle  au  mo- 
ral et  vous  déprave,  vous  débilite  à  l'intellectuel  et  vous 
abrutit!  C'est  pour  vous  une  ventouse  toujours  avide 
de  substance  vivante,  une  vulve  braquée  sans  répit  sur 
le  phallus  de  votre  intellect,  une  réceptivité  qui  aspire  à 
toute  heure,  pour  se  les  approprier  en  les  déformant,  les 


(1/  La  comparaison  n'ost  pas  similitude:  le  gui  de  chêne,  pour  para* 
site  qu'il  soit,  jouit  d'une  forme  et  d'une  essence  propres. 

(2)  Les  Larves  peuvent  changer  d'atmosphère  individuelle  ;  mais  ja- 
mais, encore  un  coup,  elles  ne  peuvent  vivre  d'une  existence  propre. 


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LES   MYSTÈRES  DE  LA   SOLITUDE  187 


verbes  viables  auxquels  votre  esprit  peut  donner. nais- 
sance. 

La  potentialité  absorbante,  que  déploient  si  puissam- 
ment les  Larves,  est  le  propre  de  la  substance  mercu- 
rielle  négative  (Aôb),  qui  leur  sert  de  véhicule  et  dont  elles 
sont  les  coagulations. 

Qu'on  s'étonne  à  présent  de  cette  anomalie,  problème 
jusqu'à  ce  jour  insoluble  pour  les  physiologistes  :  nous 
voulons  dire  l'innocuité  relative  du  coït,  même  abusif,  en 
regard  de  la  prompte  déchéance,  physique  et  mentale,  où 
tonibent  ceux  qui  s'adonnent  aux  vices  solitaires... — 
Mystère  de  la  Solitude. 

Que  dire  de  la  fréquence  de  ces  maladies  de  langueur 
si  rapides,  et  de  ces  foudroyantes  consomptions,  qui  traî- 
nent en  quelques  mois  au  tombeau  l'homme  le  plus  vi- 
goureux, la  femme  la  plus  excellemment  constituée,  dans 
les  cas  d'emprisonnement  cellulaire  ?  —  Toujours  Mys- 
tère de  la  Solitude, 

Tous  ces  êtres  sont  victimes,  soit  d'une  invasion,  soit 
d'une  génération  spontanée  de  Larves  dans  leur  atmo- 
sphère fluidique... 

Les  Larves  apparaissent  les  microbes,  les  bacilles,  les 
vibrions  de  l'Invisible,  —  et  nous  serions  tenté  de  croire 
(n'était  leur  défaut  d'entité  et  de  forme  propre),  — qu'elles 
s'incarnent  pour  servir  d'âmes  vivantes  à  ces  légionnaires 
infinitésimaux  de  la  Destruction. 

On  peut  considérer  les  Larves  comme  des  agents  léthi- 
fères,  des  Puissances  de  dissolution  émanées  d'Hereb  (1), 

(1)  S'il  09t  curieux  d'approfondir  ces  théories,  notre  lecteur  voudra 


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188  LA   CLEF   DE   LA   MAGIE  NOIRE 

OU,  d'une  façon  plus  générale,  des  missionnaires  de  Na^ 
hâsh.  Rivalisant  d'inconsistance  avec  cet  Être  formida- 
ble, elles  participent  de  sa  nature  ambiguë,  —  illusoire 
et  pourtant  réelle  (1),  intermédiaire  entre  le  conscient  et 
l'inconscient,  flottante  et  ballottée  de  Tétre  au  non-être  . 

Donc,  le  mauvais  solitaire,  —  ou  Sorcier,  —  génère 
en  masse,  au  hasard  de  sa  déraison,  au  caprice  de  ses 
élans  passionnels,  ces  parasites  vampiriques  dont  il  est 
fatalement  condamné  à  mourir  rongé  :  les  Larves. 

Mais  le  bon  solitaire,  —  ou  Mage,  —  opérant  dans  la 
plénitude  consciente  de  son  intellect  et  de  sa  libre  volonté, 
donne  méthodiquement  naissance  à  des  êtres  potentiels, 
toujours  bénéfiques,  parfois  conscients  et  intelligents.  — 
«  Toute  pensée  est  une  àme  (2),  »  dit  Mejnour,  dans  Za- 
nonL  Nous  verrons  ailleurs  comment  tel  produit  de  nos 


bien  conférer  les  chapitres  i  et  vi  de  la  Clef  de  la  Magie  noire,  i  et  ii 
du  Problème  du  Mal.  Alors  il  pourra  se  faire  une  idée  de  Nahàsh,  soit 
qu'on  veuille  y  voir  l'agent  dualistique  producteur  du  Mal>  ou  l'instru- 
ment quaterne  des  extériorisations  et  des  objectivations  individuelles. 
11  comprendra  quelle  parenté  lie  Kaïn  rp,  le  Principe  du  Temps,  à  ce 
mystérieux  ffereb  111^,  facteur  des  désintégraUons  individuelles  et  des 
intégrations  collectives  ;  —  cet  ffereb  qui  apparaît  le  bras  déployé  et  la 
main  constrictive  de  Mouth  D^D,  l'Être  accablant,  dévorateur,  dont  le 
rôle  providentiel  est  de  ramener  la  Diversité  à  l'Unité,  de  réduire  la 
circonférence  au  point  central  d'où  jaillit  le  rayon  qui  la  détermina, 
et  de  confisquer  enfin  les  différenciations  de  la  matière  sensible,  pour 
convertir  toutes  ses  modalités  particulières  à  l'homogénéité  de  la  sub- 
stance universelle  et  non  différenciée. 

C'est  ce  rôle  providentiel  de  Mouth  qui  inspira  aux  auteurs  du  Zohar 
cette  sublime  pensée  :  la  Mort  est  le  baiser  de  Dieu. 

(1)  Nahàsh  n'existe  point  à  proprement  parler,  et  pourtant  il  est  la 
source,  la  racine  de  l'existence  matérielle. 

[2]  Zanoni,  tome  II,  page  69. 


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LES  MYSTÈRES  DE   LA  SOLITUDE  i89 

volîtions  peut  devenir  un  être  parfaitement  défini,  par 

suite  de  sa  fusion  avec  un  Êlémental  (1) Le  mage  est 

un  vrai  créateur  dans  les  limites  de  sa  sphère  d'action, 
puisqu'il  produit  et  développe,  à  l'instar  de  l'Être  su- 
prême, des  émanations  de  son  verbe^  —  Puissances  effi- 
cientes de  Charité,  de  Science  ou  de  Lumière. 

Certains  mystiques  ont  nommé  ces  Puissances  :  les 
Anges  du  Ciel  inférieur. 

Il  nous  faut  bien  confesser  ici  que  le  sorcier,  s'il  joint 
à  la  perversité  quelque  vigueur  d'intelligence  et  de  vou- 
loir, peut  pareillement  évoluer  des  êtres  réels,  de  vérita- 
bles démons. 


(i)  Sur  ce  point,  les  deux  Écoles  d'Occident  et  d'Orient  sont  en  par- 
faite concordance  dogmatique. 

Koat-Houmi,  l'initié  thibétain,  correspondant  mystique  de  M.  Slnnett, 
lui  a  écrit  une  longue  et  importante  lettre,  que  le  Marquis  de  Saint- 
Yves  a  traduite  intégralement  dans  sa  Mission  des  Juifs.  Nous  en  déta- 
chons  ces  lignes  remarquables  : 

«c  Dans  son  évolution  invisible,  toute  pensée  humaine  passe  dans  l'en- 
droit dont  l'ordre  physique  est  l'envers  et  devient  une  entité  active,  en 
s*as80ciant,  en  s'unifîant  avec  un  élément  particulier,  c'est-à-dire  une 
des  forces  semi-intellectuelles  des  royaumes  de  la  Vie. 

«  Cette  pensée  survit  comme  une  intelligence  active,  comme  une 
créature  engendrée  de  l'Esprit,  pendant  une  période  plus  ou  moins  lon- 
gue et  proportionnelle  à  l'intensité  de  l'action  cérébrale  qui  l'a  générée. 

«Ainsi  une  bonne  pensée  se  perpétue  comme  une  Puissance  active 
et  bienfaisante,  et  une  mauvaise  comme  un  Pouvoir  démoniaque  et 
maléfique.  De  sorte  que  l'homme  peuple  continuellement  sa  course  dans 
l'espace,  d'un  monde  à  son  image,  rempli  des  émanations  de  ses  fan- 
taisies, de  ses  désirs,  de  ses  impulsions  et  de  ses  passions. 

«  Mais  à  son  tour,  ce  milieu  invisible  de  l'homme  réagit,  par  son 
seul  contact,  sur  toute  organisation  sensitive  et  nerveuse,  proportion- 
nellement à  son  intensité  dynamique.  C'est  ce  que  les  Bouddhistes 
appellent  Shambda,  les  hindous  Karma. 

e  L'adepte  crée  sciemment  ces  formes  ;  les  autres  les  génèrent  au 
hasard...  «  (La  Mission  des  Juifs,  page  111). 


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190  LA  CLEF   DE  LA   MAGIE  NOIRE 

Bénéfiques  OU  maléfiques,  ces  êtres  forment  une  classe 
à  part  (1);  ils  sont,  à  vrai  dire,  autre  chose  que  des  Lar- 
ves proprement  dites. 

Engendrées  de  Taveugle  instinct  ou  de  la  passion  dé- 
réglée, les  Larves  n'ont  point  de  consistance  ontologique  ; 
—  par  contre,  les  êtres  produits  de  la  libre  intelligence 
et  de  la  volonté  réfléchie  possèdent  une  substance  psy- 
chique —  bonne  ou  mauvaise,  —  et  sont  sujets  à  mener 
une  vie  propre,  en  se  combinant  avec  un  Élémental. 

Cependant,  par  extension,  les  occultistes  appellent  sou- 
vent Larves  toutes  les  substances  lémuriennes  qui  ne 
jouissent  pas  d'une  conscience  bien  nette,  ou  d'une  per- 
sonnalité bien  tranchée. 

Notons  une  chose  en  passant,  sur  les  apparitions  engrè- 
nerai. 

Quand  les  Lémures  sont  condensés  en  fantômes,  ils  re- 
doutent la  pointe  des  épées  et  fuient  tout  objet  aigu,  sus- 
ceptible d'entamer  leur  coagulât  fluidique  et  de  les  dis- 
soudre en  soutirant  leur  vitalité;  (on  se  souvientde  ce  que 
nous  avons  énoncé  plus  haut,  au  sujet  du  corps  astral 
abmatérialisé). 

Les  Lémures  périssent-ils  alors  tout  entiers,  ou  per- 
dentrils  seulement,  avec  leur  corps  éphémère,  le  moyen 
de  se  manifester?  C'est  ce  qu'il  ne  convient  pas  d'éclair- 
cir  pour  l'heure. 

Quoi  qu'il  en  soit,  on  peut  dire  que  lout  fantôme,  d'où 
qu'il  provienne  et  d'où  qu'il  vienne,  disparaît  instantané- 

(i)  Celle  des  Concepts  ritalisés. 


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[ 


LES  MYSTÈRES  DE  LA   SOLITUDE  191 

ment,  lorsqu'une  pointe  métallique  le  traverse  (I).  La 
dissolution  en  est  signalée  parfois,  comme  à  Gideville, 
par  un  phénomène  électromorphe,  une  étincelle  suivie  de 

quelque   perturbation  atmosphérique Si  le  spectre 

frappé  d'une  pointe  ne  s'est  pas  dissous,  la  vision  est 
purement  hallucinatoire  ;  ce  critérium  de  Tobjectivité 
fantômale  est  certain. 

Pour  nous  en  tenir  aux  Larves  proprement  dites,  elles 
manquent,  faisions-nous  observer,  de  type  générique  et 
par  conséquent  de  forme  qui  leur  appartienne  en  propre. 
Cela  est  si  vrai,  qu'elles  sedéterminent  exactement  sur  le 
modèle  des  individus  qu'elles  hantent  (2)  ;  —  bien  plus, 


(  1)  Qu'on  n'oublie  pas,  qu'en  effleurant  d'une  pointe  le  corps  astral 
condensé  d'un  médium  ou  d'un  magicien  en  phase  de  bilocation,  l'on 
risquerait  fort  de  commettre  un  homicide.  (Voy.  le  Temple  de  Satan, 
pages  402-404, —  et  le  chapitre  VII  du  présent  tome). 

(2)  «  Le  jésuite  Paul  Saufidius,  qui  a  écrit  sur  les  mœurs  et  les  cou- 
tumes des  Japonais,  raconte  une  anecdote  bien  remarquable.  Une  troupe 
de  pèlerins  japonais,  traversant  un  jour  un  désert,  vit  venir  à  elle  une 
bande  do  spectres  dont  le  nombre  était  égal  à  celui  des  pèlerins,  et  qui 
marchaientdu  même  pas.  Ces  spectres,  di/Tormes  d'abord  et  semblables 
a  des  larves,  prenaient  eu  approchant  toutes  les  apparences  du  corps 
humain.  Bientôt  ils  rencontrèrent  les  pèlerins  et  se  mêlèrent  à  eux, 
glissant  en  silence  entre  leurs  rangs  :  alors  les  japonais  se  virent  dou- 
bles, chaque  fantôme  était  devenu  l'image  parfaite  etcomme  le  mirage 
de  chaque  pèlerin.  Les  japonais  effrayés  se  prosternèrent,  et  le  bonze 
qui  les  conduisait  se  mit  à  prier  pour  eux  avec  de  grandes  contorsions 
et  de  gran  Is  cris  Lorsque  les  pèlerins  se  relevèrent,  les  fantômes  avaient 
disparu  et  la  troupe  put  continuer  librement  son  chemin.  Ce  phénomène, 
que  nous  ne  révoquons  pas  en  doute,  présente  les  doubles  caractères 
d'un  mirage  et  d'une  projection  soudaine  de  larves  astrales,  occasion- 
nés par  la  chaleur  de  l'atmosphère  et  l'épuisement  fanatique  des  pèle- 
rins, »  (La  Clef  de^  grands  Mystères,  pages  248-249). 

Celte  citation  d'Éliphas,  qui  trouve  ici  sa  raison  d'être,  aurait  pu  être 
également  réservée  pour  le  chapitre  Ilf,  qui  traite  des  phénomènes 
collectifs. 


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192  LA   CLEF  DE  LA  MAGIE  NOIRE 


variant  de  contour  avec  une  inconcevable  souplesse,  elles 
se  décalquent  sur  le  patron  fugitif  de  ses  pensées. 

Changent-elles  d'atmosphère  fluidique?  Se  détachent- 
elles  d'un  être  pour  en  obséder  un  autre?  —  C'est  une 
mutation  de  forme  instantanée,  leur  nature  simiesque 
se  pliant  aussitôt  à  la  ressemblance  de  leur  nouveau 
père  nourricier.  Pour  se  coaguler  et  prendre  une  figure 
visible,  elles  empruntent  à  ce  dernier  la  substance  bio- 
logique requise  :  aussi  l'être  obsédé  ressent-il  une  subite 
impression  de  froid  pénétrant,  et  même  a-t-il  conscience 
d'une  déperdition  vitale  assez  notable. 

Tel  est  le  cas  du  médium  qui  s'efforce  de  produire  en 
public  des  fantômes  astraux.  Son  vouloir  étant  habile  à 
modifier  l'aspect  de  ces  coagulais,  il  sait,  pour  peu 
qu'entraîné  convenablement,  les  revêtir  de  toutes  les 
formes  qu'il  arrête  en  son  imagination.  Faire  apparaître 
une  main,  un  pied,  une  tête,  l'apparence  d'un  animal, 
ou  même  celle  d'objets  de  toute  autre  nature,  tels  qu'un 
meuble,  une  carafe,  un  bouquet,  —  tout  cela,  pour  cer- 
tains médiums  extraordinaires,  n'est  qu'un  jeu. 

Cette  magie  des  transmutations  touche  de  très  près, 
d'une  part  aux  mystères  de  la  Lycanthropie,  de  l'autre 
à  ceux  de  la  Palingénésie;  une  nuance  seule  l'en  dis- 
tingue :  les  phénomènes  de  palingénésie  et  de  lycanthro- 
pie  se  réduisent  à  des  modalisations  du  double  éthéré 
d'un  animal  ou  d'une  plante  ;  tandis  que  le  corps  astral 
n'est  pas  acteur,  mais  instrument,  dans  l'esquisse  des 
formes  extérieures  par  coagulation  d'une  larve  ;  il  joue 
seulement  (comme  l'indique  son  nom  de  médiateur  plus- 


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r 


LES  MYSTÈRES  DE  LA   SOLITUDE 


193 


tiqué),  un  rôle  d'intermédiaire  entre  la  volonté  du  mé- 
dium et  rétre  lémurien  qui  constitue  l'appendice  fluidi- 
que  de  celui-ci. 

Les  médiums  de  cette  force  ne  sont  pas  légion.  Le 
plus  grand  nombre  se  contente  de  transsuder  une  cer- 
taine dose  de  force  psychique  et  d'en  saturer  leur  nimbe, 
où  les  Indigènes  de  rA«/ra/ (dont  nous  parlerons  bientôt) 
viennent  se  manifester  et  s'ébattre.  Les  Élémentaux,  — 
et  très  rarement  les  Élémentaires,  —  qu'attire  ce  bain 
de  vie  extravasée,  entrent  alors  en  communication  avec 
les  assistants  et  se  mettent  volontiers  en  dépense  de 
phénomènes  fluidiques.  Parmi  ces  Invisibles,  il  en  est 
pourtant  de  plus  avisés  et  de   moins  prodigues,  qui, 
n'ignorant  pas  ce  qui  se  consume  de  force  nerveuse  en 
de  pareils  jeux,  ménagent  le   médium,  aux  fins  de  ne 
point  tarir  en  lui  la  source  complaisante  où  leur  sensua- 
lité s'abreuve.  Us  en  jouissent  le  plus  longtemps  possible, 
mais  ils  n'ont  garde  d'en  abuser;  et,  pour  prolonger  le 
plaisir,  divertissent  le  cercle  des  badauds  spirites  par 
d'interminables  confidences,  dont  (de  la  meilleure  foi  du 
monde)  Timaginative  réactionnéc  du  «  truchement  des 
esprits  »  fera  tous  les  frais  :  et  le  médium-écrivain  de 
faire  crier  sa  plume,  et  le  médium  à  incarnations  de 
multiplier  ses  pantomimes  et  ses  ventriloijuies,  au  cours 
de  séances  qui  n'en  finissent  plus  !  ...  Du  reste,  il  est 
présumable  que  les  Invisibles  venus  du  dehors  ne  négli- 
gent point  eux-mêmes,  pour  obtenir  des  «  effets  physi- 
ques »,  de  mettre  à  profil  les  Larves  qui  peuplent  le 
nimbe  hospitalier  de  l'Évocateur. 

La  Dlupart  des  médiums,   procédant  par  objectiva- 
^    ^  13 


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194  LA   CLEF  DE   LA  MAGIE  NOIRE 

lions  de  Larves  ou  par  évocation  des  Élémentaux  (cons- 
ciente ou  non),  en  sont  quittes  pour  un  peu  de  fatigue, 
sauf  à  payer  chèrement  un  jour  pareille  collaboration . 
Quelques  rares,  en  qui  l'on  peut  voir  d'intuitifs  occul- 
tistes, ne  procèdent  que  par  sorties  en  corps  astral,  par- 
tielles ou  complètes.  Plutôt  que  subir  l'esclavage  du 
pauvre  possédé  que  les  Larves  dévorent  ^out  vif;  plutôt 
même  que  d'appeler  à  l'aide  les  capricieux  génies  des 
éléments,  ils  préfèrent  prendre  sur  soi  les  frais  dynami- 
ques et  les  dangers  immédiats  de  l'expérience,  —  quitte 
à  tomber,  celle-ci  durant,  en  condition  seconde  ou  même 
en  catalepsie  (1).  Ils  réalisent  ainsi  des  apports  d'objets 
matériels,  et  parviennent  à  distendre  leur  sidéralité 
jusqu'à  produire  tous  les  phénomènes  ubiquitaires,  — 
où  sans  doute  excelleront  toujours  les  magiciens  noirs 
et  les  passifs  de  la  médianité,  qui  ne  vont  pas  sans  le 
déploiement  de  toute  une  légion  de  Larves  ou  d'Élé- 
mentaux. 

Mentionnerons-nous  ici  ces  prétendus  médiums  dont 
le  talent  se  réduit  à  des  subtilités  d'escamoteur?  On  ne 
saurait  trop  se  mettre  en  garde  contre  ces  faussaires, 
ingénieux  à  toutes  les  contrefaçons  phénoméniques. 

Rappellerons-nous  la  manie  commune  à  tant  de  mé- 
diums excellents,  qu'on  voit  compromettre  l'évidence  de 


(1)  Beaucoup  de  médiums  et  de  magiciens  ne  peuvent  extérioriser 
leur  force,  môme  paptiellemont,  sans  perdre  connaissance  et  offrir  les 
symptômes  de  la  catalepsie  :  c'est  ce  que  les  fakirs  de  l'Inde  appellent 
dormir  du  sommeil  des  Dieux  ondes  Esprits.  —  D'autres  ne  tombent 
dans  cette  phase  léthargique,  que  s'ils  réalisent  la  projection  intégrale 
de  leur  sidéralité. 


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LES  MYSTÈRES  DE   LA   SOLITUDE  195 

faits  probants  à  coup  sûr,  par  un  déplorable  mélange 
avec  des  phénomènes  impudemment  et  parfois  grossiè- 
rement simulés?  Nous  avons  fait  ailleurs  (1)  nos  ré- 
serves à  ce  sujet,  en  démêlant  la  vraie  cause  d'un  char- 
latanisme aussi  fréquent  :  elle  réside  dans  la  superbe 
obstinée  de  ces  glorieux,  qui,  mettant  leur  amour-propre 
à  donner  le  change  sur  une  maladie  où  ils  voient  leur 
maîtrise,  se  trouvent  acculés  à  la  supercherie  et  con- 
traints de  suppléer  tant  bien  que  mal  aux  intermittences 
de  cet  Agent  qui  les  épuise,  et  qu'ils  appellent  leiw  force. 

Il  est  à  propos  de  faire  observer,  en  effet,  que  la  fa- 
culté d'extériorisation  fluidique  n'est  point  normale  chez 
l'homme,  à  son  présent  degré  d'évolution.  Cette  faculté 
tout  exceptionnelle  se  développe  spontanément,  ou  s'ac- 
quiert par  la  persévérance  de  l'effort.  Spontanée,  on  doit 
y  voir  l'effet  d'une  maladie  véritable,  qui  se  trouve  déjà 
mentionnée  au  précédent  tome  (2),  et  dont  nos  lecteurs 
doivent  comprendre  à  cette  heure  la  cause  et  l'origine 
probables....  Maladie  fort  enviée,  en  tous  cas,  et  volon- 
tiers contrefaite  de  ceux  qui  n'en  sont  pas  atteints. 

Pour  un  médium  conscient  et  volontairement  actif; 
pour  dix  médiums  loyaux  et  sûrs  qui  sont  strictement 
passifs,  l'on  rencontre  peut-être  trente  industriels  dou- 
teux et  cinquante  escamoteurs  sans  vergogne. 


(1)  Le  Serpent  de  la  Genèse,  {omel(le  Temple  de  Satan),  pages  12i- 
122.  —  n  est  juste  d'avouer,  pourtant,  qu'on  voit  de  bons  médiums  tri- 
cher d  une  manière  inconsciente  et  en  parfaite  candeur  d'âme.  (Cf.  le 
récent  livre  de  M  le  colonel  de  Rochas,  V Extériorisation  de  la  Mo- 
trieité,  Paris,  Chamuel,  1896.  in-S"). 

(2)  Ibid.,  p.  399. 


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196  LA   CLEF   DE   LA   MAGIE  NOIRE 

Tel  est,  au  surplus,  le  cachet  des  phénomènes  non 
simulés,  qu'un  observateur  d'expérience  ne  parvient  à 
s'y  méprendre  qu'en  y  mettant  de  la  bonne  volonté. 


Explorateur,    en  ce  chapitre,  des  arcanes  de  la  soli- 
tude, nous  avons  particulièrement  insisté  sur  la  nature 
déconcertante  des  Larves  fluidiques,  calamiteuses  compa- 
gnes de  tout  humain  qui  s'entête,  insociable  et  fanatique, 
à  vivre  dans  l'isolement.  La  voix  unanime  des  premiers 
siècles  chrétiens  nous  désigne  la  Thébaide  comme  la 
patrie  légendaire  des  apparitions  et  des  mirages  :  et  la 
célèbre  eau-forte  où  Jacques  Callot  a  buriné  la  Tenta- 
lion  de  Saint-Antoine  ferait  un  pendant  fort  convenable 
à  la  planche  pittoresque  et  malheureusement  assez  rare 
du  Sabbat  des  Sorciers,  dont  Pierre  de  Lancre  illustra  la 
seconde  édition  de   son  Tableau  de  rhiconstance  des 
Mauvais  anges  (Paris,  Buon,  1613,  in-4*'). 

Les  Larves  sont,  par  excellence,  les  spectres  de  la  so- 
litude. 

Mais  au  royaume  de  TAstral  pullulent  d'autres  races 
d'êtres  spirituels  ou  pseudo-spirituels,  susceptibles  de  se 
manifester  transitoirement  ici-bas,  par  le  ministère  du 
médium. 

Les  uns  sont,  pour  ainsi  dire,  les  indigènes  de  V Astral; 
d'autres  n'y  séjournent  que  de  passage.  Quelques-uns  n'y 
paraissent  qu'à  titre  exceptionnel,  en  missionnaires,  ou 
comme  ambassadeurs.  Il  sera  traité  de  chacun  en  son 
lieu.  Pourtant,  dès  cette  heure,  une  classification  som- 
maire ne  semble  point  hors  de  propos. 


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LES  MYSTÈRES  DE   LA    SOLITUDE  107 


Les  principaux  Indigènes  de  TAstral  (1)  sont:  l'aies 
Mirages  errants^ —  2*  les  Élémentaux,—  3*  les  Élémen- 
taires, —  4*»  les  Ombres  y —  et  5**  les  mauvais  Daïmones. 
L'on  peut  aussi  ranger  dans  celte  classe  les  vivantes 
créations  de  Tlntelligence  et  de  la  Volonté  humaines, 
savoir:  les  Concepts  vitalisés,  la  plupart  des  Puis- 
satices  collectives  el  les  Dominations  Iheuvfjiques  (faux 
dieux). 

Les  Passagers  de  l'Astral  sont  les  Ames  humaineSy 
s'il  est  permis  de  dire,  en  instance  d'incarnation. 

Les  êtres  enfin  qui  ne  paraissent  dans  ce  royaume  in- 
férieur de  la  nature  que  pour  accomplir  une  mission, 
sont  les  Ames  glorifiées  et  les  Anges  célestes. 

L  —  L'apocryphe  des  Oracles  de  Zoroastre  vaticine 
<run  feu  bondissant,  configuratif  et  plastique  ;  d'un  feu 
plein  d'images  et  d'échos,  et  encore  d'une  lumière  qui 
abonde,  rayonne,  parle  et  s'enroule  (2).  Voilà  bien  ce 
fluide  astral,  intarissable  en  Mirages  errants.  —  Pas  un 
être  ayant  eu  vie,  pas  un  fait  accompli  jadis,  pas  un 
verbe  proféré,  pas  une  passion  ayant  dardé  son  éclair 
au  ciel  psychique,  qui  n'aient  laissé  leur  trace  vécue,  leur 


tl)  Nous  roulons  dire  VÀstral  proprement  dit  ou  inférieur,  car  il 
faut  s'entendre.  —  Certains  adeptes  de  la  Science  généralisent  le  terme 
«  Astral  »,  jusqu'à  y  comprendre  les  régions  mystérieuses  où  habitent 
les  Réintégrés,  dans  l'irradiation  plus  subUle  de  la  Lumière  de  gloire. 

(2)  «  Ignis  simulacrum  saltatim  in  aure  in  tumorem  extcndcns  ;  — 
vel  etiam  ignem  infiguratum  unde  vocem  currentcm  —  Vel  lumen 
abundans,  radians,  streperum,  convolutum...  •  (Trinum  magicum, 
Francof.,  1629,  in-12,  Oracula  Chaldneorum;  DcBmones,sacrificia,  po.f^e 
344).  —  Cf.  F.  Patricii  Magiam  phUosophicam,  (Hamburgi,  1593,  in-8, 
fol    44). 


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198  LA   CLEF  DE  LA   MAGIE  NOIRE 

reflet  sonore,  leur  image  ou  leur  écho  dans  cet  infini 
réceptacle  des  témoignages  du  passé,  mouvant  miroir  où 
s'incruste  en  traits  de  feu  le  contour  des  êtres  et  des 
choses  jadis  réfléchis.  Tel  est  ce  mystérieux  Livre  du 
Jugement  dont  parle  TÉcriture,  et  qui  sera  manifesté 
grand  ouvert  à  l'heure  suprême,  pour  que  chacun  puisse 
lire,  au  cours  de  sa  propre  vie  écoulée,  le  brevet  de  son 
triomphe  ou  la  sentence  de  sa  condamnation.  Mais  ce 
livre,  clos  aux  regards  profanes,  les  enfants  delà  Sagesse 
ont  licence  de  le  feuilleter  à  loisir....  Fantômes  des  êtres, 
des  choses,  fantômes  des  événements  aussi  (1),  les  mi- 
rages errants  s'y  déroulent  en  suite  confuse  d'hiéro- 
glyphes, que  les  adeptes  et  les  voyants  ont  toujours  su 
évoquer  et  rétablir  dans  l'ordre  normal  :  le  grand  labeur 
est  ensuite  de  les  interpréter  et  de  les  rendre  en  un  texte 
hiératique,  où  se  révèle  le  passé,  s'explique  le  présent  et 
se  motive  l'avenir  ! 

Voilà  pour  les  Mirages  errants:  simples  images  fluidi- 
ques  (2),  impersonnelles,  inconscientes. 

II.  —  Les  Élémentaux  jouissent  d'une  personnalité; 


(1)  Pour  les  fantômes  d  événements,  se  référer  à  la  très  remarquable 
étude  de  Bulwer  Lytton^  la  Maison  hantée  (Chamuel,  1894,  petit  in-8). 
Les  pages  28-29  décrivent  la  resUtulion  fan tômale  d'un  crime,  commis 
près  d'un  siècle  auparavant.  Bulwer  avait  une  grande  pratique  des  phé- 
nomènes de  la  magie;  ses  peintures  sont  toujours  surprenantes  de  vé- 
rité et  d'intense  émotion. 

Rien  ne  ressemble  de  plus  près  aux  mirages  errants,  que  les  appa- 
rences qu'affectent  volonUers  certains  élémentaux  transitoires,  tels  que 
les  âmes  végétales  ou  minérales  en  stase  d'abmatérialisation.  La  confu- 
sion est  aisée,  —  et  pourtant  il  y  a  un  abtmo  entre  ces  êtres  libérés 
de  leurs  entraves  matérielles  et  de  simples  mirages  errants.  Ces  deux 
sortes  diffèrent  autant  par  l'essence  qui  leur  est  propre,  que  par  leurs 
futures  destinées. 


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LES  MYSTÈRES  DE   LA   SOLITUDE  199 

du  moins  toujours  en  ont-ils  l'apparence.  Ils  se  subdi- 
visent en  de  nombreuses  variétés,  dont  les  dissemblances 
expliquent  les  contradictions  où  quelques  auteurs  sont 
tombés  à  leur  sujet  :  les  uns  les  peignant  dénués  de  toute 
conscience,  tandis  que  d'autres  vantaient  leur  intelli- 
gence et  leur  subtilité.  UÉlémental,  ou  Esprit  élémen- 
taire (1)  est  bien,  comme  le  marque  son  nom,  l'indigène 
par  excellence,  l'aborigène  des  éléments  occultes.  C'est 
à  ce  point  de  vue  que  l'École  de  Paracelse  a  classé  ces 
esprits  en  Salamandres  on  ministranls  du  feu,  en  Sylphes 


(1)  Ne  pas  confondre  Esprit  élémentaire,  avec  Elémentaire  ioxii  court 
(voyez  plus  bas). 

Une  observation  d'importance  trouve  ici  sa  place. 

La  terminologie  coutumiëre  en  occultisme  qualifie  d'Élémentaux  ou 
Esprits  élémentaires  une  classe  parUculiôre  d'invisibles.  —  Mais  il  est 
argent  de  bien  comprendre  qu'à  strictement  parler,  tout  être  relatif  est, 
dans  sa  nature  propre,  un  Esprit  élémentaire.  Ni  les  âmes  humaines, 
ni  les  anges  célestes,  ne  sont  purs  Esprits  comme  on  l'entend  d'ordi- 
naire. En  d'autres  termes,  tous  les  êtres  réels  sont  tirés  d'un  élément 
similaire  &  eux,  d  une  substance  plus  ou  moins  épurée. 

Moïse  le  dit  en  toutes  lettres,  pour  ce  qui  concerne  Âdam-Êve.  Ihôah 
gourmandant  l'homme,  après  sa  défaillance,  lui  déclare,  entre  autres 
choses,  qu'il  devra  désormais  se  nourrir  des  fruits  Acres  de  la  nature 
physique  :  «  tu  t'en  nourriras  (ajoute  TÉternel)  dans  l'agitation  conti- 
nuelle de  ton  esprit,  et  jusqu'au  moment  de  ta  réintégration  à  l'élément 
adamique,  homogène  et  similaire  &  toi  :  car,  comme  tu  as  été  tiré  de 
cet  élément,  et  que  tu  en  es  une  émanation  spiritueuse,  c'est  &  cet  élé- 
ment que  tu  dois  être  restitué  (Genèse,  ch.  III,  v.  19,  traduction  Fabre 
d'Olivot).  Voici  le  mot-à.-mot  des  doux  dernières  lignes  :  «tel  Esprit- 
élémentaire  tu-es,  et  tel  &  l'élément  spiritueux  tu  dois  être  restitué.  » 

Les  traducteurs  autorisés,  rendant  Adamah  nDTN  (l'élément  essen- 
tiel d'Adam)  par  terre,  et  Haphar  127  (Esprit  élémentaire)  par  pom- 
siére,  arrivent  &  tirer  de  l'hébreu  ce  sens  matérialiste  :  «  car  vous  êtes 
poussière  et  vous  retournerez  en  poussière  ». 

Ces  choses  notifiées  pour  mémoire,  nous  ne  changerons  rien  au  voca- 
bulaire reçu  des  initiés.  —  Mais  il  importe  de  bien  s'entendre  sur  les 
mots. 


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200  LA  CLEF  DE  LA   MAGIE   NOIRE 

OU  génies  de  l'air  et  des  tempêtes,  en  Ondins  ou  dé- 
mons des  eaux,  en  Gnomes  ou  Puissances  terrestres, 
gardiens  des  cavernes  et  des  trésors  enfouis. 

Les  Élémentaux,  connus  ou  soupçonnés  des  hommes  à 
toutes  époques,  sont  d'excellents  acteurs,  qui  ont  fait  les 
frais  de  bien  des  rôles  :  tour  à  tour  divinités  locales 
(gefiii  loci  de  l'antiquité  payenne),  faunes,  sylvains, 
nymphes,  œgipans  ;  puis  elfes  et  fées  au  moyen  âge,  far- 
fadets, gobelins,  esprits  familiers,  etc.  ;  génies  des  contes 
orientaux,  Niebelungen  du  Rhin,  etc..  Autant  de  per- 
sonnages qu'ils  ont  joués  en  conscience  ;  car  ils  se  con- 
forment aux  traditions  et  ils  excellent  à  changer  de  dé- 
guisement, d'allures  et  de  langage.  Nul  n'ignore  sous 
quelles  gracieuses  allégories  les  Rose  +  Croix,  —  qui 
connaissaient  ces  êtres  et  savaient  en  tirer  parti,  —  se 
sont  plu  à  symboliser  leurs  relations  avec  l'homme,  et 
la  puissance  que  l'adepte  affranchi  peut  acquérir  sur  eux, 
en  les  domestiquant  à  son  service. 

L'on  ne  saurait  mieux  qualifier  leur  nature,  qu'en  les 
définissant  les  animaux  de  V Invisible,  On  pourrait  ajouter, 
pour  toute  une  catégorie  d'entre  eux,  les  animaux  dans 
rinvisible,  c'est-à-dire  les  âmes  désincarnées  d'animaux. 
Le  genre  Élémcntal  comporte  en  effet  toutes  sortes  d'êtres, 
susceptibles  ou  non  de  revêtir  un  corps  physique  :  depuis 
les  plus  inintelligents  et  brutaux,  jusqu'aux  plus  éminents 
en  esprit,  en  ruse,  en  science  même.  Sous  ce  rapport, 
quelques-uns  dépassent  de  beaucoup  le  niveau  mental  des 
animaux  supérieurs  et  soutiendraient  la  comparaison 
avec  l'homme;  mais  le  défaut  de  sens  moral,  l'inaptitude 
qu'ils  témoignent  à  décider  du  juste  et  de  l'injuste,  les 


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LES  MYSTÈRES  DE   LA  SOLITUDE  SOI 


assimilent  sensiblement  aux  races  bestiales.  Cependant, 
ils  ne  sont  pas  incapables  d'affection,  et  qui  plus  est,  de 
dévoùment  :  pareils  à  l'éléphant  ou  au  chien,  ils  poussent 
parfois  jusqu'au  fanatisme  l'amour  que  tel  ou  tel  être  leur 
a  inspiré,  souvent  à  son  insu.  Le  magicien  qui  les  domine 
et  les  gouverne  à  son  gré,  accomplira  de  surprenantes 
merveilles  par  leur  intermédiaire,  car  ils  jouissent  sur 
l'Astral,  qui  est  leur  milieu  propre,  d'une  puissance  pres- 
que illimitée.  D'ailleurs,  capricieux  et  autoritaires  de  leur 
nature,  ils  deviennent  aisément  de  dangereux  amis,  pour 
quiconque  n'a  pas  su  leur  inspirer  la  crainte  ou  le  res- 
pect :  excellents  serviteurs,  les  Élémentaux  font  des  maî- 
tres détestables.  Us  tyrannisent  le  malheureux  qui  une 
fois  a  plié  sous  le  joug  ;  ils  le  protègent  obéissant,  le  cir- 
conviennent et  l'obsèdent  de  leur  fastidieuse  amitié  ;  in- 
soumis, ils  le  châtient  sans  ménagement.  Jamais  ils  ne 
pardonnent  une  tentative  de  rébellion,  et  leur  vengeance 
est  terrible. 

Génies  recteurs  des  forces  de  la  Nature,  ils  répugnent 
à  voir  les  énergies  qu'ils  gouvernent  maîtrisées  et  rédui- 
tes en  esclavage  par  le  savant  ou  l'industriel.  Les  grands 
cataclysmes  physiques,  les  explosions  souterraines  de 
grisou,  les  accidents  de  laboratoire  et  d'usine  leur  sont 
souventes  fois  attribuables  (1)... 


(1)  Jules  Lermina,  dans  sa.  Magie  pratique,  a,  très  bien  vu  ces  choses; 
il  dénonce  avec  sagacité  la  revanche  de  rÉlémental:  «  Pour  l'Éléniental, 
l'homme  est  un  ennemi,  puisqu'il  est  un  destructeur.  Mais  aussi  qu'il 
prenne  garde,  TÉlémental  se  défend  et  c'est  avec  les  précautions  les  phis 
grandes  que  l'homme  doit  entrer  dans  son  domaine.  Les  choses  se 
vengent.  Elles  souffrent.  Sunt  lacrymœ  rerum  t  Le  poète  a  dit  vrai.  » 
Tout  ce  chapitre  VI  est  à  lire  (Magie  pratique,  pages  205-220). 


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202  LA  CLEF   DE   LÀ   MAGIE  NOIRE 

III.  —  Les  Élémentaux  ne  sont  point  encore  évolués 
au  stade  hominal,  et  toute  une  importante  École  mystique 
leur  dénie  la  faculté  d  y  pouvoir  jamais  atteindre.  —  Les 
Élémentaires  consistent,  à  rencontre,  en  des  individus 
humains  désincarnés  :  ce  sont  les  âmes  retenues  dans  la 
sphère  d'attraction  planétaire  par  leur  corps  astral,  point 
encore  dégagé  des  terrestres  attaches.  Elles  souffrent  en 
cet  état  les  tourments  du  purgatoire  (Voy.  chap.  VI,  la 
Mort  et  ses  Arcanes).  —  Il  n'est  pas  impossible  à  un  Élé- 
mentaire de  se  manifester  ici-bas,  par  l'entremise  d'un  mé- 
dium ;  mais  rien  n'est  plus  rare,  au  moins  dans  les  séan- 
ces spirites.  Les  fantômes  qui  se  donnent  pour  des  humains 
désincarnés  consistent  d'ordinaire  en  des  Élémentaux 
mystificateurs,  ou  en  des  Larves  avides  d'objectivité... 

IV.  — *A  moins  que  ces  fantômes  ne  soient  des  Ombres^ 
cadavres  astraux  en  voie  de  désintégration.  L'on  donne 
ce  nom  aux  résidus  ou  dépouilles  des  Élémentaires  qui 
ont  fini  leur  temps  de  purgatoire.  La  seconde  mort  con- 
sommée, l'âme  spirituelle  a  pris  l'essor,  inséparable  de 
sa  faculté  plastique,  —  en  laissant  dans  l'atmosphère  oc- 
culte de  la  planète  un  cadavre  fluidique,  qui  va  se  dis- 
soudre par  degrés  :  telle  est  V Ombre  proprement  dite. 
Elle  garde  comme  un  vague  reflet,  une  réminiscence  ma- 
chinale de  la  personnalité  à  laquelle  naguère  elle  fut 
unie  ;  si  bien  qu'évertuée  par  la  force  psychique  du  Mé- 
dium et  réactionnée  par  le  vouloir  de  l'évocateur,  cette 
Ombre  apparait  susceptible  de  grimacer  quelques-unes 
des  attitudes  familières  du  défunt,  et  de  jeter  en  son  nom 
quelques  faibles  lueurs  pseudo-mentales. 

V.  —  Les  Mauvais  Daïmones  enfin,  les  plus  redouta- 


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LES   MYSTÈRES  DE   LA   SOLITUDE  203 

bles  auxiliaires  que  puisse  évoquer  le  magicien  noir,  sont 
des  âmes  irrémédiablement  vicieuses  et  perverses  (1),  dont 
rétincelle  divine  est  à  jamais  disparue.  Ce  même  élément 
igné,  qui  sert  de  purgatoire  aux  Élémentaires,  devient 
Tenfer  pour  de  telles  âmes,  —  TEsprit  pur,  leur  céleste 
Époux,  étant  remonté  à  sa  patrie  d'En-haut.  Ce  divorce 
a  eu  pour  prime  conséquence  de  ravir  à  ces  âmes  perdues 
riiérilage  d*immortalité  ;  mais  animées  parfois  d'une  vo- 
lonté intense  pour  le  mal  et  d'un  âpre  désir  de  vivre,  elles 
ont  encore,  bien  que  périssables  en  définitive,  une  lon- 
gue et  sinistre  carrière  à  fournir.  Le  téméraire  qui  les 
évoque  court  grand  risque  d'être  englouti  dans  leurs  téné- 
breux remous  :  dès  lors,  un  destin  similaire  l'attend,  qui 
aboutit  au  Maëlstrom  de  la  perditron  totale. 

Mirages,  Élémentaux,  Élémentaires,  Ombres  et  Dé- 
mons, —  telles  se  dénombrent  les  principales  espèces 
indigènes  de  l'Astral,  auxquelles  on  doit  ajouter  diverses 
sortes  d'êtres,  produits  de  création  humaine,  évolués  sur 
ce  même  plan,  savoir  :  —  l'*  les  Concepts  vitalisés  (2) 
dont  nous  avons  parlé  plus  haut  ;  —  2®  les  Puissances  col- 
lectives fiisionnelles,  dont  nous  détaillerons  au  chapitre 
III  les  modes  de  naissance  et  d'activité  ;  —  S""  enfin,  les 


(1)  Ces  Mauvais  Datmoneê  ne  sont  point  mauvais  absolument,  cruels 
et  perfides  k  tous  égards,  comme  le  vulgaire  se  figure  les  diables.  Ce 
sont  des  &me8  que  des  vices  invétérés,  des  passions  sans  frein  désor- 
mais, possèdent  et  déchirent;  mais  tous  leurs  sentiments,  comme  aussi 
tous  leurs  actes,  ne  sont  pas  nécessairement  détestables. 

(2)  Ayant  à  traiter  de  matières  assez  neuves^  nous  ne  trouvons  pas 
toujours  de  termes  consacrés,  pour  traduire  ce  que  nous  avons  vu  : 
force  nous  est  alors  d'en  improviser.  Nous  prions,  une  fois  pour  tou- 
tes, qu'on  veuille  bien  nous  pardonner  ces  barbarismes  nécessaires. 


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LA    CLEF  DE    LA    MAGIE   NOIBE 


Dominations  ihéitrgiques,  divinités  réelles,  engendrées  et 
développées  dans  les  grands  courants  de  foi,  de  confiance 
religieuse  et  d'amour;  et  qui  sont  en  quelque  sorte,  à  leui* 
origine,  les  concepts  vilalisés  non  plus  d'un  solitaire,  mais 
d'une  multitude  unanime  en  son  fanatisme  créateur.  II 
n'en  est  pas  longtemps  ainsi,  car  ces  Dieux  ne  tardent 
point  à  réagir  sur  les  fidèles  de  leur  culte,  et  s'amalga- 
mant  avec  Tàme  unifiée  des  foules,  ils  dégénèrent  assez 
vite  en  Puissances  collectives  fusionnelles. 

Nous  ne  rappellerons  que  pour  mémoire  la  présence, 
dans  l'Astral  terrestre,  des  êtres  qui  n'y  séjournent  qu'à 
litre  passager,  comme  les  âmes  humaines  emportées  au 
torrent  des  générations,  ou  même  à  titre  exceptionnel, 
comme  les  âmes  glorifiées  et  les  Anges  missionnaires. 
Tels  sont  les  «  exotiques  »  de  l'Astral,  par  opposition  avec 
ses  i(  indigènes  ». 

Les  rites  et  les  procédés  évocatoires  varient,  selon  la 
nature  de  l'Invisible  que  le  magicien  veut  rendre  présent 
et  propice.  Le  (Cérémonial,  riche  en  violents  contrastes, 
voue  l'opérateur,  —  pieux  ou  sacrilège,  —  à  des  œuvres 
étrangement  disparates  :  depuis  l'explosion  des  paroles 
de  blasphème  dans  la  tiède  vapeur  du  sang  répandu,  jus- 
qu'aux harmonies  des  saintes  hymnes,  flottantes  parmi 
les  volutes  de  myrrhe,  de  cinnamome  et  d'encens. 

Ces  mystères  de  l'Astral  sont  malheureusement  moins 
exploités  par  le  mystique  des  sublimes  Écoles  que  par  le 
mauvais  solitaire,  l'adepte  de  la  magie  noire. 

Nous  avons  un  peu  négligé  le  bon  solitaire^  qui  volon- 


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LES  MYSTÈRES   DE   LA   SOLITUDE  205 

tiers  vise  plus  haut  qu  à  un  commerce  avec  les  Esprits, 
même  des  plus  glorieuses  hiérarchies.  Préférant  en  gé- 
néral la  pratique  de  V Extase  à  celle  des  Magies  cérémo- 
niales,  il  ne  s'attarde  guère  aux  rites  évocatoires  que  dans 
ses  périodes  d'expériences.  On  cite  néanmoins  d'illustres 
exceptions;  mais  la  voie  n'est  pas  sans  péril... 

Réintégration,  dès  ici-bas,  du  sous-multiple  humain 
dans  rUnité  divine,  voilà  l'œuvre  majeure  de  l'adeptat. 
C'est  là  l'ambition  du  bon  solitaire. 

En  quoi  consiste  cette  Réintégration  ? 

]Xous  en  connaissons  deux  :  \dL  passive  et  Vactive.  L'une 
el  l'autre  comportent  plusieurs  degrés. 

L'on  parvient  à  la  première  par  la  sainteté  ou  l'austère 
épuration  de  son  essence  animique,  unie  d'amour  au  pur 
Esprit  des  Cieux  ;  —  à  la  seconde,  par  l'apothéose  de  la 
Volonté  libre  et  consciente,  ou  la  réalisation  du  penta- 
gramme  mystique. 

La  première  (réintégration  en  mode  passif)  nécessite 
une  abdication  du  Moi,  qui  se  fond,  sans  réserve  ni  es- 
prit de  retour,  dans  le  Soi  divin.  On  n'agit  plus  par  soi- 
même  ;  c'est  Dieu  qui  agit  par  vous.  Ce  qui  a  fait  dire  à 
l'apôtre  :  «  et  déjà  ce  n'est  plus  moi  qui  vis  ;  c'est  Christ 
qui  vit  en  moi.  » 

La  seconde  (réintégration  en  mode  actif)  équivaut  à  une 
conquête  positive  du  Ciel,  à  un  viol  de  l'Élément  céleste, 
et  de  son  Esprit  collectif:  Rouâch  Haschamaîm. 

Toutes  deux,  à  leur  plus  haut  degré,  rendent  à  Tàme 
l'état  primordial  d'Éden,  la  jouissance  AWdamah,  l'Élé- 
ment pur,  où  se  réfléchit  VAôr  Aîn-Sôph.  —  Mais  la 


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206  LA  CLEF  DE   LA   MAGIE   NOIRE 

passive  implique  une  renonciation  des  volontés  indivi- 
duelles, et  le  dédain  de  toute  science  qui  n'est  pas 
TAmour  :  —  «  Heureux,  a  dit  Christ,  les  pauvres  en  es- 
prit :  à  eux  le  Royaume  du  Ciel.  »  —  L'active,  au  con- 
traire, permet  dans  certains  cas,  ici-bas  même,  Texercice 
d'une  toute-puissance  relative,   délégation  de  la  puis- 
sance de  Dieu.  Elle  met  en  main  l'iEsch  tt^i^,  glaive 
flamboyant  de  Ihôah  JElchîm.  C'est  la  prise  de  posses- 
sion, par  droit  de  conquête,  du  Ciel  mystique  dont  Christ 
a  dit  que  les  Esprits  violents  le   prennent  de   force  : 
0  violenti  rapiunt  illud.  » 

L'ineffable  charité  de  N.-S.  Jésus-Christ  ne  l'a  induit 
à  revendiquer  que  la  réintégration  passive,  et  il  est  mort 
sur  la  croix,  en  doutant  de  Lui-même  et  de  son  Père  : 
—  «  Eli,  Eli,  lamrna  sabachtani!  ...  (1).  » 

L'audace  de  Moise  lui  a  fait  préférer  les  privilèges  de 
la  réintégration  active  :  aussi,  après  avoir  exercé  sur 
terre  l'omnipotence  céleste,  en  maniant  d'une  main  ferme 
le  glaive  igné  du  Kéroub,  Moïse  est-il  monté  vers  Dieu, 
(comme  après  lui  devait  faire  Élie),  vierge  du  baiser  de 
la  Mort  (2),  laissant  à  son  peuple  le  nom  de  peuple  du 

(1)  Assurément  n'était-ce  que  le  cri  de  la  chair,  défaillante  aux  affres 
d'une  suprême  épreuve;  mais  l'évocation  de  ce  cri  de  doute  nous  a  tou< 
jours  épouvanté  t 

(2)  Est-ce  mourir,  en  vérité,  que  délier  volontairement  ses  entraves, 
à  l'heure  et  au  lieu  choisis,  et,  rayant  d'un  vol  de  flamme  le  purgatoire 
de  l'Astral,  prendre  son  essor  vers  le  séjour  solaire  des  Ames  gloriQées  : 
tandis  que  sa  dépouille  charnelle  repose  en  quelque  crypte  ignorée 
et  inaccessible  ?  «  Tous  les  initiés  antiques  parvenus  au  grade  de  Molsp, 
écrit  Saint- Yves  d'Alveydre,  sont  morts  sans  que  leur  corps  ait  laissé 
plus  de  traces  que  le  sien.  Jusqu'à  Pythagore,  jusqu'à  Apollonius  de 
Tyane,  jusqu'à  Jésus-Christ,  nous  verrons  se  reproduire  le  même  fait 
mystérieux.  »  (Mission  des  Juifs,  page  476). 


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LES   MYSTÈRES    DE  LÀ   SOLITUDE  207 

Seij^neur  et  la  libre  entrée  de  la  terre  de  Chanaan,  dont 
les  Juifs  ne  sont  sortis  qu'en  apparence,  mais  où  ils 
régnent  plus  que  jamais  (1). 

La  réintégration  passive  est  plus  divine  peut-être,  plus 
absolument  méritoire  ;  c'est  celle  des  Saints  et  des  Mes- 
sies. —  La  réintégration  active  est  à  coup  sûr  plus 
avantageuse,  plus  riche  en  prérogatives  :  c'est  celle  des 
Mages  et  des  Titans. 

C'est  la  seule  à  quoi  doivent  prétendre  les  hommes 
qui,  n'ayant  pas  dit  un  définitif  adieu  à  la  vie  et  aux 
joies  de  ce  monde,  se  sentent  encore  le  désir  de  récolter 
ce  qu'il  peut  y  avoir  de  bon  dans  ses  illusions  et  ses  mi- 
rages. 

La  vie  éternelle  est  si  longue  !  Même  décidés  à  toujours 
ascendre,  sans  dévier  de  la  route  qui  ramène  au  Père,  il 
ne  nous  serait  pas  permis  de  faire  des  stations?  Dieu, 
qui  est  si  bon,  n'a  créé  (ou  plutôt  laissé  créer)  (2)  que 
pour  cela,  —  dans  cette  nature  même  de  la  déchéance  et 
sur  cette  terre  de  l'épreuve,  —  l'herbe  moelleuse  et 
l'ombre  propice  des  Illusions... 


(1)  Chanaan  VfZ2,  au  sens  le  plus  matériel,  veut  dire  homme  de 
spéculation  et  de  négoce.  La  terre  de  Chanaan  des  juifs  modernes, 
c'est  l'Usure,  c'est  l'Agio,  c'est  la  Hausse  et  la  Baisse  des  valeurs. 

(2)  Le  monde  physique,  conséquence  de  la  chute  d'Adam,  n'a  pas 
été  créé  tel  par  Ihôah  ifilohlm.  —  On  peut  méditer  deux  aphorismes 
kabbalistiques,  péremptoires  sur  ce  point,  pour  qui  sait  les  comprendre. 
Ils  sont  extraits  des  dogmes  recueillis  par  le  Père  Angélus  de  Burgo- 
novo,  l'un  des  auteurs  compilés  par  l'érudit  Pistorius.  Voici  la  traduc- 
tion de  ces  formules,  d'un  profond  ésotérisme  : 

—  Le  Péché  et  Adam,  c'est  ia  mutilation  de  Malkouth,  détaché  de  V  ar- 
bre téphirothique. 

—  Ceit  avec  V arbre  du  Péché  que  Dieu  a  créé  V Ordre  temporel. 


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208  LA   CLRF   DE   LA  MAGIE   NOIRE 

Le  plaisir  bien  compris  et  accepté  dans  Texpansion 
normale  d'un  cœur  honnête,  est-il  autre  chose,  en  somme, 
que  la  modalisation  et  l'adaptation  au  milieu  terrestre  et 
transitoire,  de  la  joie  éternelle  des  Élus?  Puisque  nous 
sommes  descendus  en  ce  monde  inférieur,  n'est-il  pas 
naturel  et  conforme  à  la  logique j  que  nos  consolations, 
nos  satisfactions  et  nos  joies  temporelles,  forcément  pro- 
portionnées à  notre  nature  déchue  (c'est-à-dire  moins 
parfaite),  soient  elles-mêmes  moins  parfaites  et  moins 
angéliques?  Homo  sturiy  disait  Gaton,  l'un  des  saints  du 
paganisme  sloïque,  et  huniani  nil  à  me  alienum  puto  (1). 

L'on  ne  saurait  mieux  dire,  et  Pascal  semblait  lui-même 
commenter  celte  belle  parole  de  Caton,  lorsqu'il  écrivait 
en  ses  Pensées  que  l'homme  n'est  ni  ange  ni  bêle,  et  le 
reste....  Il  est  probable  que  Caton  et  Pascal  lui-même, 
s'ils  eussent  été  initiés  et  qu'il  fût  dans  leur  destin 
de  choisir  entre  la  réintégration  passive  des  saints  et  la 
réintégration  active  des  Titans,  auraient  préféré  cette 
dernière. 

D'ailleurs,  il  n'y  a  pas  même  le  choix,  lorsqu'on  aspire 
à  la  royauté  kabbalislique  du  G.-.  A.-.,  ou  seulement  à 
la  pénétration  des  mystères  de  l'au-delà,  sans  vouloii* 
quitter  le  monde  pour  s'enfermer  dans  un  cloître,  au 
propre  ou  au  figuré.  La  réintégration  en  mode  d'activité 
est  la  seule  qui  souffre  le  relatif. 

L'i  est  la  raison  profooile  du  péril  des  cloîtres,  pour 
certaines  âmes  qui  ne  sont  pas  prêles  au  sacrifice  inté- 

(1)  Le  vers  est  do  Tércnce,  mais  la  pensée  est  do  Caton. 


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LES  MYSTÈRES  DE  LA   SOLITUDE  209 

gral,  sans  restriction  ni  limites,  d'elles-mêmes  et  de  leur 
volonté.  —  Elles  se  sont  données  en  mode  passif: 
lâchent-elles  de  biaiser?  font-elles  quelque  effort  pour  se 
reprendre  ?  L'Époux  les  lâche  (car,  en  mode  passif,  elles 
se  laissent  posséder,  mais  ne  possèdent  point),  et  elles 
tombent  au  pouvoir  de  l'Adversaire.  La  perdition  est  au 
terme  de  leur  vocation  réticente. 

Aussi  ne  faut-il  jamais  hésiter,  sous  prétexte  de  respect 
du  libre-arbitre,  à  traverser  de  mondaines  épreuves  la 
vocation  des  religieux  en  général,  mais  surtout  des 
jeunes  filles  qui  croient  se  sentir  appelées  à  la  vie  con- 
templative. Si  leur  vocation  est  véritable,  elle  sortira 
victorieuse  desdites  épreuves,  indemne  desdites  tra- 
verses ;  toute  difficulté  suscitée  n'aboutira  qu'à  une  con- 
firmation nouvelle  de  leur  premier  vouloir. 

S'agit-il  de  jeunes  filles  du  monde,  par  exemple?  — 
Nous  estimons  criminel  pour  leurs  parents  de  leur  laisser 
prendre  le  voile,  sans  les  avoir  conduites  d'autorité  dans 
le  monde,  et  pas  seulement  en  soirée,  —  au  bal...  Si 
l'appel  de  ces  âmes  se  fait  toujours  entendre  après  cette 
diversion,  si  leur  goût  de  la  vie  religieuse  résiste  à  ce 
dissolvant,  c'est  qu'elles  sont  d'un  métal  incorruptible 
aux  acides  temporels,  et  nul  autre  Alkahesty  —  fût-ce 
celui  de  Paracelse  et  de  Van  Helmont,  —  nul  autre  dis- 
solvant, si  corrosif  soit-il,  n'y  pourra  rien.  Si,  au  con- 
traire, quelque  levain  terrestre,  quelque  ferment  mon- 
dain est  latent  aux  profondeurs  les  plus  inavouées  de  leur 
Moi  inconscient,  elles  seront  entamées,  et  nul  doute  que 
l'espiègle  Érôs  ne  les  chatouille  de  sa  flèche,  virtuellement, 

en  possibilité,  si  tant  est  qu'il  ne  les  pique  pas  en  fait. 

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210  LA   CLEF  DE   LÀ   MAGIE  NOIRE 

Mais,  fermant  cette  parenthèse,  il  convient  de  revenir 
aux  modes  de  la  réintégration,  pendant  cette  vie. 

Nous  2Lppe\ons  réintégré {Yoghi  de  Fécole  mystique  or- 
thodoxe, aux  Indes)  celui  qui  peut,  toutes  les  fois  qu'il  le 
désire,  maîtriser  entièrement  son  Moi  sensible  extérieur, 
pour  s'abstraire  en  esprit  et  plonger,  par  Torifice  du  Moi 
intelligible  interne,  dans  l'océan  du  Soi  collectif  divin,  où 
il  reprend  conscience  des  arcanes  complémentaires  de 
l'Éternelle  Nature  et  de  la  Divinité. 

Nous  appelons  deux  fois  né  (Dwidja  de  l'école  mysti- 
que hindoue)  celui  qui  peut  quitter  son  effigie  terrestre, 
et  revêtu  de  son  corps  astral  ou  élhéré,  aller  puiser  dans 
l'océan  astral  la  solution  des  mystères  qu'il  recèle. 

La  réintégration  spirituelle  interne  peut  prendre  le 
nom  d'Extase  active.  —  On  est  convenu  de  donner,  à  la 
projection  de  la  forme  sidérale,  celui  de  sortie  en  corps 
fluidique  (1)... 

L'extase  active  a  deux  degrés.  —  Au  premier,  l'adepte 
pénètre  l'essence  de  la  Nature  providentielle,  nalurante, 
qui  lui  communique  directement,  sans  symbole,  la  Vérité- 
lumière.  —  Au  deuxième  degré,  il  peut  communiquer 
même  avec  l'Esprit  pur,  qui  le  ravit  au  Ciel  ineffable  des 
Archétypes  divins  :  dans  ce  cas,  il  y  a  transfusion  de  la 
Divinité-pensée  qui  se  fait  humanité-pensante  en  l'intel- 
ligence de  l'adepte,  par  l'effet  d'une  intime  alchimie, 
d'une  transmutation  formidable  et  inexpliquée. 

La  sortie  en  corps  astral  diffère  de  l'extase  active;  car 

(1)  Voyez  plus  haut,  pages  165,  171-179. 


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LES   MYSTÈRES  DE   LA   SOLITUDE  211 

le  corps  physique  semble  alors  en  catalepsie,  actionné 
par  une  vitalité  presque  imperceptible  ;  cependant  que  le 
corps  astral  ou  médiateur  plastique  (enveloppe  ambula- 
toire de  Tàme  spirituelle)  flotte  dans  l'immensité  de  Té- 
ther  sidéral  ou  lumière  universelle,  et  se  dirige  où  il  veut, 
rattaché  qu'il  est  au  corps  matériel  par  une  manière  d'om- 
bilication  fluidique.  Nous  l'avons  déjà  expliqué. 

Ainsi,  la  personnalité  consciente  vogue  en  forme  astrale 
où  bon  lui  semble,  et  va  d'elle-même  prendre  connais- 
sance des  réalités  lointaines  qui  peuvent  l'intéresser  (1). 


(1)  Exemples,  rapportés  de  Cornélius  Agrippa  :  «  C'est  ainsi  que  nous 
lisons  qu'Hermès,  Socrate,  Xénocrate,  Platon,  Plo tin,  Heraclite^  Pytha- 
gore  et  Zoroastre  étaient  coutumiërement  ravis  hors  de  leur  chair,  et 
qu'ils  acquéraient  de  la  sorle  la  science  de  bien  dos  choses.  Nous  lisons 
de  m^medans  Hérodote,  qu'il  y  avait  autrefois  dans  l'Ile  Proconèse  un 
philosophe  d'un  savoir  merveilleux,  du  nom  d'Atheus,  et  que  son  Àmc 
sortait  quelquefois  de  son  corps  ;  après  de  longs  voyages ,  elle  y 
rentrait  plus  savante  qu'auparavant.  Pline  nous  rapporte  que  l'àme 
d'Hermotime  de  Clazomène  avait  coutume  de  pareilles  sorties  ;  que 
délaissant  son  corps,  elle  voyageait  çà  et  là,  et  rapportait  ainsi  de  loin 
des  nouvelles  exactes.  Et  il  y  a  encore  de  nos  jours,  chez  les  Nor- 
wégiens  et  les  Lapons,  nombre  de  gens  qui  quittent  leur  corps  trois 
jours  durant,  et  racontent  à  leur  retour  bien  des  choses  des  pays  éloi- 
gnés. Cependant  qu'ils  voyagent  de  la  sorte,  il  faut  garder  leurs  corps, 
et  veiller  à  ce  que  nul  animal  vivant  ne  passe  dessus  ou  ne  les  touche  : 
autrement,  on  dit  que  ces  âmes  ne  pourraient  y  rentrer  »  (de  Occulta 
pkilosophid,  m,  50). 

De  quels  c  animaux  vivants  •  l'occultiste  en  phase  de  bilocation 
doit-il  redouter  l'abord,  pour  sa  dépouille  corporelle  :  c'est  ce  que  nous 
laisserons  à  la  sublilité  du  Lecteur  le  soin  de  discerner.  Qu'il  n'oublie 
pas  qu'Agrippa  nous  enjoint  formellement  de  lire  entre  les  lignes  de 
son  livre  :  «  Que  nul  ne  s'irrite  contre  nous,  si  nous  avons  caché  la  vé- 
rité de  cette  science  sous  l'ambigu  des  énigmes,  et  si  nous  l'avons  dis- 
persée en  divers  endroits  de  ce  traité.  Car  ce  n'est  point  aux  sages  que 
nous  l'avons  cachée  ;  c'est  aux  pervers  et  aux  méchants  :  et  nous  l'avons 
enseignée  d'un  tel  style,  que  nécessairement  le  profane  n'y  voit  goutte, 
mais  que  le  sage  n'aura  point  de  peine  à  y  parvenir.  *  Telles  sont  les 
dernières  phrases  du  traité  de  la  Philosophie  occulte» 


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âl2  LA  CLEF  DE  LA   MAGIE  NOIRE 

Mais  alors,  —  si  ce  sont  des  notions  d'ordre  intelligible 
qu'elle  prétend  acquérir,  —  ces  notions  ne  lui  sont  que 
symboliquement  transmises,  par  l'intermédiaire  de  la 
lumière  astrale,  qui,  avant  tout  configurative,  ne  parle 
qu'en  offrant  à  la  sagacité  de  l'esprit  une  série  d'images, 
que  celui-ci  doit  traduire  ensuite,  comme  des  hiéro- 
glyphes de  rinvisible.  Ce  langage  concret  et  tissu  d'em- 
blèmes est  donc  le  seul  dont  la  Vérité  se  puisse  servir, 
pour  s'exprimer  par  l'intermédiaire  de  l'Astral. 

En  mode  passif,  la  haute  Extase  comporte  aussi  deux 
degrés  :  —  !•  Communication  avec  la  Nature-essence, 
dans  la  Lumière  de  gloire;  —  2**  avec  l'Esprit  pur. 

Quant  à  l'extase  passive  astrale  ou  inférieure,  elle  n'est 
autre  que  la  lucidité,  soit  naturelle,  soit  magnétique.  De- 
vant le  diaphane  du  sujet  visionnaire,  se  succèdent  les 
images,  les  formes,  les  reflets,  les  fantômes  que  roule  le 
torrent  fluidique  ;  mais  la  science  occulte  peut  seule  ap- 
prendre à  distinguer  l'irradiation  essentielle  du  reflet  illu- 
soire, en  sorte  qu'on  sache  éliminer  celui-ci,  pour  retenir 
celle-là.  Le  péril  est  d'évoquer  à  son  insu  des  mirages 
errants  adéquats  à  ses  pensées  coutumières,  et  de  trouver 
par  suite,  dans  une  vision  estimée  céleste,  l'éloquente 
confirmation,  —  disons  mieux  :  la  traduction  fidèle  —  du 
verbe  intérieur  de  sa  foi  ou  de  ses  désirs.  L'extase  pas- 
sive inférieure  a  fait  bien  des  dupes  et  des  victimes  ;  la 
plupart  des  visions  béatifiques  lui  sont  expressément  at- 
tribuables. 

Ce  qui  importe  avant  tout  à  l'adepte,  c'est  de  parvenir 


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LES   MYSTÈRES  DE   LA   SOLITUDE  213 

à  se  mettre  en  communication  spirituelle  avec  rUnitc  di- 
vine ;  c'est  de  cultiver  l'un  des  degrés  de  l'Extase  active, 
et  d'apprendre  à  faire  parler  au  dedans  de  soi,  vil  atome, 
la  voix  révélatrice  de  l'Universel,  de  l'Absolu... 

Est-il  donc  possible  au  Relatif  de  comprendre  l'Absolu? 
—  Xon,  sans  doute  ;  mais  d'y  assentir,  en  s'unissant  à 
Lui...  Un  fragment  de  miroir  convexe  ne  reflète-t-il  point 
tout  le  Ciel  ?  Toute  la  grande  voix  de  l'Océan  ne  chante- 
t-clle  pas  au  creux  du  plus  humble  coquillage,  qui  a  eu 
la  fortune  (dit  la  Légende)  d'essuyer,  fût-ce  une  heure, 
son  immense  et  sonore  baiser  ? 

Ainsi  l'Extase  laisse  à  l'àme  extasiée  (ne  fût-ce  qu'une 
heure)  l'imprégnation  de  l'Infini,  la  notion  vécue  de  l'Ab- 
solu, —  le  murmure  intarissable  du  Soi  révélateur,  qui 
contient  tous  les  Moi  sans  être  contenu  d'aucun.  Quelles 
jouissances  !  Retremper  sa  vie  individuelle  à  l'océan  col- 
lectif de  la  Vie  inconditionnée,  ou  aspirer  la  sève  spiri- 
tuelle à  même  l'Esprit  pur  —  et  s'en  nourrir  !  C'est  une 
décisive  initiation  :  une  fenêtre  ouverte  sur  l'immensité 
de  laLumière  intelligible  et  de  l'Amour  divin,  de  la  Vérité 
céleste  et  du  Beau  typique. 

Retrouver  le  chemin  du  primitif  Éden  !...  Beaucoup 
passent  à  côté  de  la  porte  qui  commande  ce  sentier,  sans 
même  apercevoir  cette  porte  ;  ou,  la  voyant,  dédaignent 
d'y  frapper.  Peut-être  même  tel  curieux  y  frappe-t-il, 
qui  ne  sait  point  faire  résonner  le  seuil  des  trois  coups 
mystiques  :  il  heurte  en  profane,  et  il  ne  lui  sera  pas  ou- 
vert. 

Le  Christ  a  dit  :  —  Petite  et  accipietis  ;  pulsate  et  ape- 
rietur  vobis  ;  mais  il  a  dit  aussi  :  Multi  vocatif  pauci  veto 


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2i4  LA  CLEF   DE   LA  MAGIE  NOIRE 

electi.  —  Comment  concilier  ces  deux  textes  ?  Ah  !  c'est 
que  parfois  ceux-là  frappent  à  la  porte,  qui  ne  sont  point 
appelés  encore  ;  souvent  ceux  qui  sont  appelés  n'y  frap- 
pent pas,  ou  plus  souvent,  y  frappent  mal. 

Si  donc  tu  aspires  à  devenir  un  adepte,  évoque  le  Ré- 
vélateur qui  réside  au  dernier  tabernacle  de  tout  être  ; 
impose  au  Moi  le  plus  religieux  silence,  afin  que  le  Soi 
se  puisse  faire  entendre,  —  et  alors,  te  réfugiant  au  plus 
profond  de  ton  Intelligence,  écoute  parler  l'Universel, 
l'Impersonnel,  ce  que  les  gnostiques  appellent  V Abîme... 

Mais  il  faut  être  préparé,  —  et  c'est  le  rôle  de  l'initia- 
teur humain  de  surveiller  ces  préliminaires,  —  à  défaut 
de  quoi  l'Abime  n'a  qu'une  voix  pour  celui  qui  l'évoque 
étourdiment,  voix  terrible  qui  a  nom  le  Vertige. 

Au  résumé,  c'est  un  grand  et  sublime  arcane  que  ce- 
lui-ci :  Nul  ne  peut  parfaire  son  initiation,  que  par  la 
révélation  directe  de  V Esprit  universel,  qui  est  la  voix 
qui  parle  à  V intérieur. 

Il  est  le  Maître  unique,  l'indispensable  Gourou  des  su- 
prêmes initiations.  Nous  connaissons  les  diverses  ma- 
nières d'entrer  en  rapport  avec  Lui  :  de  L'aller  chercher, 
—  de  Le  faire  venir,  —  de  Le  laisser  venir  —  de  se  don- 
ner à  Lui,  —  ou  de  prendre  part  à  Sa  souveraineté  (1). 

On  sait  de  quelle  sorte  ambiguë  certains  ouvrages  de 


(1)  A  un  autre  point  de  vue.  les  RosQ-Groix  ont  classé  les  divers  modes 
de  l'extase  en  quatre  catégories,  selon  les  caractères  qu'elle  affecte  et 
les  résultats  qu'elle  donne  :  lo  V  Extase  musicale,  2«  Y  Extase  mystique, 
30  V Extaie  sybilline,  4*  V Extase  d'amour.  Dans  l'Appendice  de  la  troi- 
sième édition  6! Au  seuil  du  Mystère,  nous  avons  commenté  et  éclairci 
la  tradition  reçue  sur  ce  point  (voy.  ce  livre,  pages  218-224). 


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LES   MYSTÈRES  DE  LA   SOLITUDE  215 

haute  science  déguisent  les  Mystères,  — à  telles  enseignes 
que  ces  ouvrages,  souvent  très  profonds,  semblent  à  la 
première  lecture  des  libelles  de  honteuse  superstition. 
Sous  quel  voile  donc  les  auteurs  ont-ils  enseigné  cet  in- 
signe arcane,  dont  nous  avons  entr'ouvert  ci-dessus  le 
tabernacle  mystique? 

Sous  quel  voile  ?  —  Voilà  qui  est  supérieurement  cu- 
rieux. Car  c'est  pour  avoir  confondu  «la  Lettre  qui  tue» 
avec  r  «  Esprit  qui  vivifie  »,  que  tant  d'étudiants  en  oc- 
cultisme donnent  à  cette  heure  dans  le  spiritisme  pur  et 
simple. 

D'une  plume  presque  unanime,  les  hiérographes  noti- 
fient qu'il  faut  évoquer  les  Intelligences  célestes,  comme 
seules  susceptibles  d'enseigner  au  théosophe  les  derniers 
mystères.  Moïse  sur  le  Sinaï,  N.-S.  Jésus-Christ  au  jar- 
din des  Olives,  visités  par  des  Anges  ;  —  Socrate  et  Plo- 
tin,  consultant  leur  génie  ;  —  Paracelse  et  son  démon 
familier  inclus  au  pommeau  de  sa  dague;  —  Zanoni  et 
Mejnour  interrogeant  Adonai,  etc Toutes  ces  légen- 
des, selon  leur  plus  haute  signification,  symbolisent  ce 
qui  présentement  nous  est  connu. 

Non  pas  que  nous  contestions  la  possibilité  ni  l'utihté 
de  se  mettre  en  rapport  avec  les  Intelligences  supérieu- 
res, avec  les  âmes  glorifiées  ;  mais  tout  cela  n'est  que 
Magie  secondaire,  initiation  au  deuxième  degré. 

Au  troisième  degré,  les  esprits  disparaissent...  TEs- 
prit  demeure  seul,  irradiant,  impersonnel,  bouillonnant  à 
travers  les  éternelles  profondeurs  d'un  Infini  qui  n'est  pas 
l'Espace;  débordant  d'Amour  divin,  de  Vie,  de  Joie,  de 
Lumière,  d'Espérance  et  de  Beauté  divines  ;  gorgeant 


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216  LA   CLEF   DE    LA   MAGIE  NOIRE 


l'àme  d'une  ineffable  omniscience  qui  l'enivre,  sans  qu  elle 
s'en  puisse  jamais  saouler. 

La  personnalité  égoïste  se  fond,  disparaît,  s'éteint  à 
l'horizon  du  fini  que  l'âme  a  déserté.  En  Dieu,  comme 
dans  la  Nature  (rÉternelle  Nature  de  Bœhme),  tout  est 
beau,  doux,  évident,  sublime  —  et  formidable  comme 
un  baiser  dont  on  se  sentirait  mourir,  noyé  dans  la  vie!... 

Voyez  comment  Abraham  le  Juif  décvity  sous  l'emblème 
que  nous  avons  dénoncé  captieux,  l'accomplissement  de 
ce  mystère  :  —  «  Tu  verras  alors  que  tu  as  bien  employé 
les  mois  passés,  car,  si  tu  as  cherché  la  véritable  Sagesse 
du  Seigneur,  ton  ange  gardien,  l'Élu  du  Seigneur  pa- 
roitra  devant  toy,  et  te  parlera  des  paroles  si  douces  et 
si  amicales,  que  nulle  langue  humaine  n'en  pourra  ja- 
mais exprimer  la  douceur (1).  » 

Au  cours  de  ces  notes  sur  l'Extase,  nous  nous  sommes 
élevés  presque  constamment  dans  une  atmosphère  plus 
pure  que  celle  de  la  zone  astrale  ;  il  est  temps  d'y  re- 
descendre, car  tout  n'est  point  dit  encore  du  vieil  er- 


(i)  La  sagesse  divine  d'Abraham  le  juif,  dédiée  à  son  fils  Lantech 
(Mss.  xviii*  siècle,  traduit  de  rallemaad  [1432],  2  vol.,  pet.  in-8.  tome 
II,  page  76). 

En  publiant  naguère,  sous  la  rubrique  de  Notes  sur  V Extase,  un 
fragment  du  présent  chapitre,  nous  avions  transcrit  cette  même  phr&se 
d'Abraham  le  Juif,où  nous  avions  cru  lire  ces  mots  :  •  l'Élu  du  Seigneur 
apparaîtra  dedans  toy.  »  Nous  les  avions  même  soulignés,  tant  ils  nous 
avaient  paru  significatifs  et  profonds.  Par  malheur,  en  examinant  le 
manuscrit  de  plus  près,  nous  avons  constaté  qu'une  surcharge,  très 
habilement  faite,  nous  avait  induit  en  erreur.  U  est  fâcheux  d'avoir 
à  modifier  la  phrase  dans  un  sens  de  banalité  ;  mais  le  texte  original 
portant  <c  devant  toy  »,  il  a  bien  fallu  rétablir  la  citation  en  conséquence. 


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LES  MYSTÈRES   DE   LA   SOLITUDE  217 


mile  pentaculaire,  ni  des  conséquences  de  son  isolement, 
sur  le  plan  des  fluides  hyperphysiques. 

Nous  devons,  pour  clore  ce  chapitre,  toucher  un  mot 
des  Incubes  et  des  Succubes.  Le  lecteur  ne  saurait  s*en 
étonner,  car  ces  spectres  sont  les  légitimes  enfants  de  la 
solitude  sexuelle. 

On  peut  paraître  se  jouer  des  lois  de  la  Nature  ;  mais 
qui  la  violente  s'expose  à  des  représailles  d'ordre  sou- 
vent  inattendu,  avec  accompagnement  d'humiliations 

étranges Derrière  ces  humiliations  même,  la  Mère 

Céleste,  toujours  indulgente,  s'ingénie  à  glisser  quelque 
salutaire  leçon  pour  ceux  qu'elle  juge  capables  de  s'a- 
mender, ou  un  grain  d'ellébore  en  faveur  des  monomanes 
encore  curables. 

N'est-il  point  des  orgueilleux  de  la  vertu,  comme  il  est 
des  austères  du  vice?..  Que  de  simples  mortels,  alléchés 
et  déçus  par  une  vanité  un  peu  naïve,  se  flattent,  en  gar- 
dant toute  leur  vie  une  rigoureuse  continence,  d'éluder 
la  norme  sexuelle  ! 

Le  traducteur  autorisé  de  Moïse  fait  bien  dire  au  Créa- 
teur du  monde  :  —  Croissez  et  multipliez  (Genèse  jly  28); 
—  l'homme  se  joindra  à  la  femme  et  ils  seront  une  même 
chair  (Genèsey  11,24).  Mais  qu'importe  aux  mystiques  de 
la  continence  ?  Cet  avis  et  ces  prescriptions  ne  sauraient 
être  pour  eux,  les  purs,  les  saints,  les  privilégiés!...  Eh 
bien,  qu'ils  ne  l'ignorent  plus,  ces  présomptueux  d'une 
vertu  scandaleuse,  puisqu'elle  est  anormale  :  en  reniant 
la  loi  des  sexes,  en  se  refusant  à  l'amour  d'un  époux,  en 
se  dérobant  au  baiser  d'un  être  comme  eux  de  chair  et 


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218  LA   CLEF  DE   LA   MAGIE   NOIRE 

d'os,  ils  se  sont  désignés  aux  dégradantes  promiscuités 
de  rinvisible  et  voués  d'eux-mêmes  aux  stériles  embras- 
sements  des  fantômes. 

Sans  doute,  il  est  des  cas  où  la  continence  absolue  se 
légitime  logiquement  ;  mais  nous  verrons  tout  à  l'heure 
à  quelle  quotité  négligeable  ils  se  réduisent. 

Si  l'on  excepte  d'ailleurs  les  exemples  assez  fréquents 
d'atrophie  par  non-usage  des  organes  physiques,  —  à 
quoi  correspondent  parallèlement  la  dégénérescence  de 
certaines  fonctions  du  cerveau,  et  quelque  altération,  au 
moins  partielle,  du  sens  moral  :  à  part  ces  cas  patholo- 
giques d'une  castration  sans  chirurgien  ni  scalpel,  il  est 
certain  qu'en  sevrant  leur  cœuret  leurs  sens  de  toute  sa- 
tisfaction, ces  fidèles  d'un  inflexible  célibat  n'ont  pu  abo- 
lir en  eux  ni  la  virtualité  de  l'amour  sentimental,  ni  l'ap- 
pétence au  plaisir  physique,  —  et  schismatiques  déso- 
rientés du  sentiment  comme  de  la  sensation,  ils  aiment 
sans  but,  ils  désirent  sans  objet.  Leur  verbe  intérieur 
s'empare  dès  lors  de  ces  préoccupations,  pour  les  for- 
muler. 

Or,  tous  les  verbes  sont  créateurs.  —  Comme  le  verbe 
impératif  objective  ce  qu'il  veut,  comme  le  verbe  dogma- 
tique réalise  ce  qu'il  affirme,  ainsi  le  verbe  appétent  évo- 
que et  suscite  ce  qu'il  convoite. 

Ici,  pour  éviter  les  redites,  nous  renvoyons  le  Lecteur 
à  notre  théorie  des  Larves  et  des  Concepts  vitalisés  ;  il  y 
trouvera  l'explication  du  choc  en  retour  que  ces  fantô- 
mes exercent  sur  les  auteurs  de  leur  existence. 

Ce  qui  est  vrai  pour  les  individus  ne  l'est  pas  moins 
pour  les  collectivités  humaines,  —  et  la  potentialité  créa- 


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LES  MYSTÈRES  DE  LA    SOLITUDE  219 

trice  des  communs  vouloirs  se  développe  et  s'accroît  en 
progression  géométrique,  et  en  raison  directe  du  nombre 
des  êtres  rassemblés  sous  une  même  oriflamme,  tous  épris 
d'une  chimère  identique  ou  fervents  d'un  même  idéal. 

Là  sans  doute  réside  la  force  des  plus  sublimes  reli- 
gions, comme  des  sectes  les  plus  excentriques  et  des 
eomniunaulés  même  les  moins  respectables.  —  Le  cow- 
sensus  des  sorciers  crée  le  sabbat  en  Astral  ;  ainsi  le  con- 
scfisus  du  fanatisme  musulman  crée  à  la  lettre  pour  ses 
fidèles  le  paradis  rêvé  par  Mahomet  ;  ainsi  le  comensus 
de  certains  mystiques  rompt  l'équilibre  du  monde  hyper- 
physique,  en  y  créant  des  tourbillons  de  folle  et  conta- 
gieuse extase...  —  Mystères  de  la  multitude  :  voilà  qui  va 
faiie,  en  partie,  l'objet  de  notre  troisième  chapitre  in- 
titulé :  la  Roue  du  Devenir, 

Mais  revenons  à  V Incubent  au  iSw(^cii&6  proprement  dits, 
où  plusieurs  ne  veulent  voir  que  l'expression  d'un  mythe 
suranné,  les  figures  personnifiées  et  purement  poétiques 
d'une  chose  qui  ne  l'est  guère  :  la  Pollution  nocturne. 
Ceux-là,  pour  accuser  avec  décence  ce  petit  désagrément 
intime  et  assez  ridicule  en  soi,  disent  simplement  :  fai 
rêvé...,. 

Mais  les  anciens,  —  estimant  que  les  diverses  angois- 
ses du  sommeil  sont  dues  à  la  malice  de  certains  êtres 
fantastiques  (1),  pernicieux   démons  qui   se  plaisent  à 


(1)  Ces  deaz  opinions  sont  un  peu  extrêmes.  Toutes  deux,  dans  la 
moyenne  des  cas,  expriment  une  part  de  la  vérité.  C'est  la  môme  ques- 
tion, envisagée  sous  deux  faces  différentes.  On  trouvera  dans  notre 
théorie  des  Larves,  le  moyen  de  concilier  ces  deux  appréciations  d  appa  • 
rence  inconciliable. 


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220  L\   CLEF   D5   LA    MAGIE   NOIRE 

molester,  étouffer  et  tourmenter  le  dormeur,  en  pesant  sur 
lui  de  tout  leur  effort  malveillant  ou  libidineux,  —  les 
anciens  confondaient  volontiers  les  idées  de  pollution 
nocturne  et  de  cauchemar. 

Les  grecs  ont  synthétisé  les  deux,  en  les  personnifiant 
sous  l'appellation  assez  vague  d'Ephialle  (racine  c(pii>J«, 
je  m'élance  sur)  \  le  mot  latin /^switor  (racine  :  insullOy  je 
saute  sur)  témoigne  par  son  étymologie  que  cette  concep- 
tion n'avait  pas  varié,  en  passant  de  Grèce  à  Rome. 

Le  vocable  tyiàXttiç,  qu'on  a  traduit  par  cauchemar  y 
offrait  donc  un  double  sens.  «  L'Éphialte,  dit  le  bon 
Pierre  Le  Loyer,  estoit  vne  maladie  populaire  et  épidé- 
miale  »...  et  il  ajoute  :  «  le  croiray  qu'il  y  auoit  quelque 
chose  d'extraordinaire,  voire  supernaturel  en  TÉphialte 
de  Rome  (i).  * 

Ne  haussons  pas  les  épaules  à  la  légère  :  cette  opinion 
du  Conseiller  au  siège  présidial  d'Angers  est  très  remar- 
quable. Notons  bien  qu'il  dit  épidémiale  et  non  point 
contagieuse. 

Or,  qu'est-ce  qu'une  épidémie?  —  C'est  un  agent  mor- 
bide, extérieur  au  malade,  et  qui,  répandant  l'infection 
dans  une  zone  parfaitement  déterminable  et  circonscrite, 
frappe  d'un  même  mal  un  grand  nombre  des  êtres  vi- 
vants qui  s'y  trouvent  inclus.  La  zone  dangereuse  s'étend- 
elle?  On  dit:  l'épidémie  a  gagné;  elle  est  ici,  elle  s'ar- 
rête là...  Il  s'agit  donc  bien  d'une  cause  réelle,  objective, 
en  dehors  des  êtres  qui  en  éprouvent  les  effets. 

C'est  en  revenir  à  la  thèse  des   Loca  infesta  du  Père 

(1)  Tome  I  de  l'Histoire  des  Spectres  (Paris,  Buon,  1605,  in-4,  p.  97). 


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LES  MYSTÈRES   DE  LA   SOLITODE  221 

Thyrée,  dont  le  livre  appuie  sur  de  nombreux  exemples 
la  vieille  idée  traditionnelle  des  lieux  hantés. 

Parmi  ceux-ci,  les  cloîtres  ont  toujours  tenu  le  pre- 
mier rang.  Cela  devait  être,  puisqu'à  tous  égards  ils 
constituent  un  terrain  remarquablement  propre  à  la  pro- 
duction comme  au  développement  des  Larves  en  général, 
et  plus  particulièrement  de  VIncube  et  du  Swccw&a.  L'his- 
toire ecclésiastique  le  constate  ;  les  dossiers  de  sorcellerie 
en  présentent  la  preuve  officielle,  revêtue  d'une  sanction 
juridique;  enfin  l'unanimité  des  traditions  populaires, 
locales,  viendrait,  pour  peu  qu'il  parût  nécessaire,  en 
fournir  l'éloquente  confirmation. 

D'ailleurs,  tout  le  moyen  âge,  —  l'ascétique  moyen 
âge,  avec  son  fanatisme  d'austérité  fiévreuse  et  chagrine, 
—  a  vécu,  si  l'on  peut  dire,  en  concubinage  réglé  avec 
les  Invisibles. 

Voulons-nous  des  faits  modernes?  Les  livres  de  mé- 
decine en  foisonnent,  et  c'est  au  docteur  Calmeil,  pen- 
sons-nous, que  revient  l'honneur  d'avoir  introduit  dans 
le  vocabulaire  médical  le  terme  assez  piquant  (1)  à*Hysté- 
rodémonopathie.  —  D'autre  part,  les  missionnaires  ca- 
tholiques en  Chine  sont  là,  pour  nous  garantir  le  carac- 
tère également  épidémique  et  meurtrier  qu'affecte  en 
Extrême-Orient  ce  mal  étrange  (2),   sous  l'étreinte  du- 


(i)  N*implique-t-il  pas  un  aveu  tacite  et  peut-être  inconscient? 

M.  Gougenot  des  Mousseaux  cite,  entre  autres,  les  RR.  PP.  Desjac- 
ques  et  Lemaltre,  comme  particulièrement  édifiés  sur  le  chapitre  de  ces 
incroyables  épidémies.  Les  indigènes  qui  en  sont  atteints,  meurent  à 
l'échéance  de  quatre  à  cinq  ans,  dans  la  consomption  et  le  marasme. 

Un  troisième  missionnaire  écrit  :  «  C'est  une  maladie  presque  endé- 


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222  LA   CLEF  DE   LA   MAGIE   NOIRE 

quel  succombent  des  populations  entières,  et  que  les  in- 
digènes qualifient  de  commerce  d'amour  avec  les  Esprits. 
Il  ne  s'agit  plus  d'un  coït  en  astral,  pendant  le  sommeil 
ou  la  crise  somnambulique,  mais  bien  de  véritables  rela- 
tions chamelles,  consommées,  le  plus  souvent  à  l'état  de 
veille,  avec  des  spectres  objectivés  (1). 

Dans  certaines  conditions  d'ailleurs  exceptionnelles, 
nous  ne  nions  pas  la  possibilité  de  copulation  d'un  être 
humain  avec  un  Êléinental  (2)  ou  un  Élémentaire  con- 


mique  de  certaines  provinces  de  la  Chine  que  nous  avons  explorées  : 
nous  l'appelons  la  maladie  du  Diable  ■.  Consulter  les  Hauts  Phénomènes 
de  la  Magie,  (Paris,  Pion,  i864,  in-8,  pages  392-393). 

(1)  Quant  à  la  possibilité  du  coït  dans  ces  conditions,  et  sans  enga- 
f^er  une  discussion  scabreuse  sur  les  difficultés  qu'on  pourrait  soulever 
À  cet  égard,  —  il  suffira  de  dire  que  les  objections  s'évanouissent  au 
gré  de  ceux-là  qui  ont  vu  et  touché  les  phénomènes  de  matérialisation, 
totale  ou  partielle,  éphémère  ou  durable,  qui  s'opèrent  par  l'entremise 
de  quelques  médiums. 

(2)  Un  théologien  catholique  du  xvii*  siècle,  le  R.  P.  Sinistrari 
d'Ameno,  capucin  (1622-1701)  a  très  curieusement  examiné  ce  problème, 
au  double  point  de  vue  des  faits  observés  et  delà  doctrine  théologique. 
Son  ouvrage  latin,  resté  deux  cents  ans  manuscrit,  n'a  été  traduit  et 
publié  qu'en  1875,  par  les  soins  de  l'éditeur  Liseux.  Sontitreest  signi- 
iicatif  :  de  la  démonialité  et  des  animaux  incubes  et  succubes,  où  Von 
prouve  qu'il  existe  sur  terre  des  créatures  raisonnables  autres  que 
Vhomme,  ayant  comme  lui  un  corps  et  une  âme,  naissant  et  mourant 
comme  lui,  rachetées  par  N.-S.  Jésus-Christ  et  capables  de  salut  et  de 
damnation  (Paris,  Liseux,  1875,  in-8). 

Le  P.  Sinistrari  d'Âmeno  décrit  la  nature  des  Esprits  élémentaires  c( 
leurs  relations  avec  l'homme,  en  des  termes  assez  souvent  corrects,  au 
point  de  vue  de  la  Science  occulte.  On  dirait  d'un  Paracelse  devenu 
casuiste  et  controversiste  romain,  mais  ne  rétractant  que  le  moins  pos- 
sible de  ses  théories  hermétiques. 

Les  Incubes  et  les  Succubes  ne  seraient  point,  selon  lui,  des  démons 
d'enfer  Ces  créatures  •  seraient  des  animaux  raisonnables,  munis  de 
sens  et  d'organes  corporels,  ainsi  que  l'homme;  toutefois  elles  différe- 
raient de  l'homme,  non  seulement  par  la  nature  plus  subtile  de  leur 
corps,  mais  par  la  matière.  En  effet,    l'homme  a  été  formé,   comme  le 


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LES  MYSTÈRES   DE   LA   S0L1TUDK  223 

denses,  ni  celle  du  viol  acconfpli  par  le  magicien  noir  en 
sortie  de  corps  astral....  Mais  sur  le  mode  de  perpé- 
tration d*u0  tel  acte,  il  convient  de  laisser  un  voile 
impénétrable  :  tout  commentaire  serait  lui-même  cri- 
minel. 

Pour  en  finir  avec  l'Incube  et  ses  équivalents,  il  faut 
bien  toucher  un  mot,  aussi  prudent  que  possible,  du  plus 
secret  arcane  de  la  théurgie  pratique  ;  effleurer  ce  que 


constate  l'Écriture,  de  la  partie  la  plus  épaisse  de  tous  les  éléments, 
c  est-à-dire  de  boue,  mélange  épais  d'eau  et  de  terre  :  ces  créatures,  au 
contraire,  seraient  formées  de  la  matière  la  plus  subtile  de  tous  les  élé- 
ments, ou  de  l'un  d'eux  ;  ainsi  les  unes  tiendraient  de  la  terre,  les  au- 
tres de  l'eau,  ou  de  l'air,  ou  du  feu...  »  (page  79).  Le  pèro  Sinislrari 
ajoute,  quelques  feuillets  plus  loin  :  «  Nous  admettrons  encore  que  ces 
Aires  naissent  et  qu'ils  meurent  ;  qu'ils  se  divisent  en  mâiles  et  femelles  ; 
qu'ils  ont,  comme  les  hommes,  des  sens  et  des  passions  ;  que  leur  corps 
se  nourrit  et  se  développe  :  toutefois,  leur  nourriture  ne  doit  pas  être 
grossière  comme  celle  qu'exige  le  corps  humain,  mais  une  substance 
délicate  et  vaporeuse,  émanant,  par  efHuves  spiritueux,  de  tout  ce  qui, 
dans  lanature,  abonde  en  corpuscules  très  volatils,  etc..  •  (page  83). 

Vers  l'époque  où  le  Père  d'Ameno  écrivait  ce  traité,  l'abbé  de  Villars 
publiait  son  Comte  de  Gabalis,  1680,  in-12,  qui  traite  également  des 
Esprits  élémentaires  et  de  leurs  rapports  avec  les  hommes.  Mais  l'abbé 
de  Villars,  interprétant  au  pied  de  la  lettre  les  allégories  des  Kabba- 
Ustes  (Voy.  Au  seuil  du  mystère,  pages  214-216  de  la  3*  édition),  ne  re- 
connaît à  l'Élémental  qu'une  àmc  périssable,  et  l'exclut  de  la  Rédemp- 
tion chrétienne  ;  à  moins  qu'une  créature  humaine  du  sexe  opposé  ne 
l'immortalise,  en  s'unissant  à  lui  par  les  liens  de  l'amour.  Les  deux 
volumes,  tous  deux  écrits  d'un  style  agréable,  sont  des  plus  curieux  à 
rapprocher. 

Cf.  également  les  opinions  de  François  Hédelin  (plus  tard  l'abbé 
d'Aubignac),  qui  publiait,  environ  50  ans  avant  le  Père  d'Ameno,  un 
livre  fort  piquant,  où  il  soutient  la  thèse  en  quelque  sorte  opposée  à  la 
sienne  :  Des  satyres  brutes,  monstres  et  démons^  contre  l'opinion  de 
ceux  qui  ont  estimé  les  Satyres  estre  une  espèce  d*hommes  distincts  et 
sépares  des  Adamicques  iParis,  Buon,  1627,  in-8).  —  L'éditeur  Liseux 
a  réimprimé  ce  livre,  qui  n'est  pas  commun. 


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224  LA  CLEF   DE   LA  HAGIE   NOIRE 

certains  Pères  de  la  primitive  Église  ont  flétri  de  ces 
noms  :  mystère  d'abomiJiationy  abîme  d'iniquité,  honte  du 
sanctuaire,  éternel  opprobre  des  liommes  et  des  dieux ^  — 
tandis  que  les  hiérophantes  des  nations  y  voyaient  la 
commmiion  céleste  et  la  chaîne  de  vie. 

Écoutons  d*abord  Quantius  Aucler,  ce  fou  si  paradoxal 
et  souvent  sensé,  ce  païen  mystique  du  xvm*  siècle,  qui 
prêchait  aux  sans-culottes  le  culte  de  Gérés  et  de  la 
Grande  Nuit  : 

«  Ce  n*est  pas  ici  le  lieu  de  vous  dire  comment  une  femme 
peut  penser  que  l*image  des  Forces  de  la  Nature  répandue 
dans  sa  personne  ;  l'ordre  de  tous  ses  membres;  la  modestie, 
rinnocence  et  toules  les  vertus  dont  sa  taille,  sa  démarche  el 
son  visage  sont  Texcellent  tableau,  puissent  plaire  à  une  In- 
telligence supérieure,  et  lui  faire  désirer  de  s*y  mêler  et  d'eu 
jouir:  c'est  ainsi  que  saint  Paul  prescrit  que  toutes  les  femmes 
soient  voilées  dans  les  temples,  de   peur  que  leur  beauté  ne 
cause  des  dislraclions  aux  Intelligences  supérieures  qui  assis- 
tent aux  sacrés  mystères....  Vous  aurez  peine  à  comprendre 
comment  les  dieux  peuvent  être  épris  de  la  beauté  mortelle 
d'une  femme,  et  désirer  de  posséder  les  signes  que  la  beauté 
intellectuelle  répand  sur  la  forme  extérieure  :  vous  connaissez 
peu    l'amour!...   Encore  moins,   comment  une  Déesse  peut 
s'adapter  au  corps  solide,  et  désirer  de  recevoir  en  son  sein  le 
symbole  des  forces  et  des  vertus  d'un  héros,  ou  de  celles  d'un 
sage  puissant  (1)...  » 

En  transcrivant  ces  lignes  embarrassées  d'Aucler, 
nous  ne  prétendons  ni  les  expliquer,  ni  moins  encore 
entreprendre  la  justification  de  l'idée  qu'elles  trahissent... 


(1)  La  Thréicie,  seule  voie  des  sciences  divines  et  humaines,  pages 
192-193  et  285-286,  passim. 


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LÊ^    5IVST£K£î*    m    IX 


Cela  dit,  rapjjellerona-nou^  jk 
niipliale  et  sucrre,  tendue  au  soiiir 
tours  superposées,  qui  doiuitiLtiei 
raille  du  iScpleutriou?  Là  ruuclja] 
femijie  cliQisie  jjai'îes  niàges  pour 
dieu  Béliis. 

Ce  rile  était  commun  a  lats  les 
païenne. 

Les  seeptiques,  loujoui's  [)rom|i 
cation  su[>erlleielle  et  piquante^  d 
souiiçonneut  ]ias  toujours  la  portci 
de  pi'oduire  a  fe  [n^upos  l'aucedtjt 
et  eliaste  niatîxitie,  vendue  un  lil 
prètï'es  dWnulus  (  I  fj  —  et  d  insi 
passaient  en  tous  Iinix  rournn^  a 
comme  sou^  Til)ere,  le?;  inini^li'es 
volontiers,  tlans  les  ras  analoi^rm^^^ 
Loin  de  nous  !a  prétention  de  nu 
ainsi.  Mais  de  la  (^nuslLiLalioii  d'u 
cooelure  à  la  periuanenrr,  à  Vnli 
L-e  ?eî'ait  l'aisoimer  iVnnr  ^uvlxj.  iln 


Ml  rs'yii^^  avofi?=^  r[>nt«  vn  rl<'i.arl  rétif  avi-i 
Sf^rpf'tit  fli^  la  fii'Ht'fî*'  iit'  Tittijift'  t(i'  Sff/fiti. 

(i)  n  s'aqit  J'iïrnj  «|(ii'^hini  d*'  Utl,  jumi 
niûrLil  ou  saccTihital.  — .\H5-i  tu*  ifi^^Lnii  tn 

qnihi  sai^rçi^,  ciliuqnr  lY-sprit  (■rjiitriii|ci.N'iiiri 

le  proloml  coiitrasln^  i|n\fili.nt  h'^  \<  rn]»-  \\ 
relativement  ii  la  ni-Hii' rv  jI-  <  otninvinJi  >  I 
el  J  [iiitiiurak  siirlouL, 


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226  LA  CLEF  DE  LA  MACIE  NOIRE 

De  pareils  rites  existaient-ils,  oui  ou  non^dans  la  plu- 
part des  sanctuaires  du  vieux  monde  (1)  ? 

Qu*était-ce  que  V Autopsie  des  anciens  mystères?  — 
Qu'appelait-on  Yétat  pneumatique  des  Élus,  au  cours  de 
la  neuvième  nuit  des  Éleusines?  —  En  quoi  consistait 
proprement  la  Télétie^  ou  possession  extatique  des  dieux 
deTHadès? 

Qu'est-ce  que  certains  Kabbalistes  appellent  encore  le 
baiser  du  serpent  de  feu?  Qu'entendaient-ils,  —  en  ma- 
gie  cérémoniale,  —  par  Shéekinah  PIJOU^,  la  Présence 
réelle  de  la  Divinité  f 

A  quel  arcane  enfin  fait  allusion  Moïse,  au  IV^  chapitre 
de  la  Genèse  : 

nnta-om»n  nîan-n»  nnnSun ^aninTi 
:  nna  yifn  Sdd  n»w3  nnS  ^npn  nin 

Abstraction  faite  du  sens  hiéroglyphique  pur,  quelle 
signification  positive  attribuer  à  ce  f.  Il,  ainsi  rendu  par 
Fabre  d'Olivet  :  —  EtAls-considérèrent,  les-fils  de-Lui- 
leS'Dieux,  ces-filles  d'-Adam,  que-bonnes  elles-étaient  : 
et-ils'prirent  pour^eux  des-épouses-corporelles  de- toutes 
celles  qu'ils-chérirent-le-plus  (1)? 

Il  doit  nous  suffire,  pour  cette  fois,  d'avoir  attiré  sur 
ces  replis  du  serpent  l'attention  des  esprits  audacieux, 
investigateurs  sans  défaillance,  que  le  respect  humain  n'a 
pas  encore  figés  dans  un  entêtement  de  négation  à  priori. 
Ceux-là  n'ont  pas  peur  d'encourir  l'excommunication 

(1)  Langue  hébr,  restit,,  tome  II,  page  177. 


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LES  MYSTÈRES  DE  LA  SOLITUDE  227 

majeure  du  ridicule  que  le  vulgaire  attache  à  la  recherche 
de  ces  arcanes  troublants. 

En  somme,  et  sans  revenir  outre  mesure  sur  les  théories 
que  nous  avons  développées  assez  au  long  en  ce  chapitre, 
ni  sur  des  principes  généraux  dont  il  est  loisible  à  chacun 
de  tirer  les  conséquences  détaillées  et  des  adaptations 
spéciales  au  problème  de  TÉphialte^  disons,  pour  con- 
clure, qu'en  règle  générale  il  faut  voir,  dans  les  Incu- 
bes et  les  Succubes,  des  Larves  de  luxure,  engendrées  à 
foison  partout  où  des  humains  se  laissent  rouler  à  la 
pente  des  concupiscentes  rêveries,  que  leur  suggère  un 
célibat  contraint. 

Le  célibat  rigoureux  est  un  outrage  à  la  Mère-Nature. 
Tous  les  êtres,  en  effet,  se  manifestent  en  mode  bissexué 
sur  ce  plan  physique  de  la  déchéance  :  ils  ne  peuvent  être 
restitués  dans  leur  plénitude  ontologique,  progressive- 
ment rendus  à  leur  intégrale  unité,  que  par  la  fusion  des 
électricités  complémentaires  et  la  clôture  du  circuit  qui  va 
d'un  pôle  à  l'autre.  On  sent  bien  que  nous  ne  parlons  pas 
seulement  au  physique,  mais  au  moral  surtout  et  à  Tin- 
tellectuel.  C'est  ce  qu'on  pourra  mieux  saisir  au  prochain 
chapitre,  où  nous  exposons  la  grande  loi,  généralement 
insoupçonnée,  de  la  polarisation  double  et  quaterne  de 
l'Androgyne  humain. 

Telle  est  la  règle.  —  Voici  l'exception  :  en  deux  cas 
seulement,  l'homme  ou  la  femme  peut  logiquement  s'abs- 
traire : 

1^  En  vue  de  l'acquisition  de  certaines  facultés  magi- 
ques, ainsi  que  nous  comptons  le  détailler  ailleurs  ; 

2"  Pour  la  pratique  d'un  mysticisme  particulier,  tout 


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228  LA  CLEF  DE  LA  MAGIE  NOIRE 

d'abnégation  et  de  renoncement  final,  où  tendent  intuitive- 
ment ceux-là  qu'une  irrésistible  vocation  prédestine  à  la 
vie  religieuse,  dans  le  sein  de  telle  communauté,  des  or- 
dres dits  contemplatifs. 

Ces  deux  cas  limitatifs  mis  à  part,  la  solitude  sexuelle 
n'a  pas  d'excuses,  et  quand  elle  se  prolonge,  —  atrophie 
ou  obsession  —  Ton  sait  à  quoi  s'exposent  ses  fervents. . . 

Nous  l'avons  dit  :  les  êtres  constitutifs  de  l'Univers  vi- 
vant sont  comme  lui  androgynes  ;  ils  se  manifestent  par  le 
binaire,  en  mode  d'antagonisme  équilibré. 

Ils  ne  peuvent  se  produire  et  se  reproduire,  dans  le  temps 
et  rétendue,  qu'à  la  faveur  d'une  double  polarité  et  d'un 
schisme  en  deux  natures  dont  l'hostilité  n'est  qu'appa- 
rente :  car  les  pôles  ne  s'opposent  l'un  à  l'autre  que  pour 
être  confondus.  Le  Vide  appelle  le  Plein  ;  le  Plein  recher- 
che le  Vide  :  et  ces  deux  termes  complémentaires  du 
grand  arcane  de  la  vie  n'ont  de  valeur  et  de  raison  d'être 
que  dans  la  loi  de  leur  mutuelle  pénétration  ;  isolés,  ils 
ne  sont. rien,  et  ne  peuvent  qu'efforts  stériles,  subversion, 
désordre... 

Que  serait  le  Père  divin,  sans  la  Mère  céleste  ?  Que 
serait  le  lody  sans  le  Hé  ? 

Dieu  lui-même  ne  se  manifeste  que  par  l'entremise  de 
son  éternelle  Épouse,  la  Nature  naturante,  dont  le  rôle 
est  de  fournir  aux  Principes  qu'il  déploie  une  substance 
plastique  oii  s'informer  et  prendre  vie.  L'Esprit  demeure- 
rait incompréhensible  sans  la  Vie,  qui  le  réactionne  en  l'é- 
laborant; la  Vie  demeurerait  un  non-sens  informe  et 
chaotique,  à  défaut  d'Esprit  qui  l'élaborât. 


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LES  MYSTÈRES  DE  LV  SOLITDDE  229 

Céleste  el  mutuel  amour  des  deux  facteurs  de  TUnivers- 
essence  :  Esprit  et  Vie  !  Le  Verbe  rayonne  à  jamais  dans 
rharmonie  de  leurs  noces  indissolubles. 

Aussi  le  Kabbaliste  fameux  Rabbi  Shiméon-ben-Iockaï, 
s'efforçant  d'exprimer  le  Non-être  initial,  ou  plutôt,  (car 
il  n'y  a  pas  eu  de  commencement  au  sens  où  Ton  croit 
d'habitude),  Vinanité  respective  des  deux  Principes  abs- 
traits Vun  de  Vautre,  dit-il  : 

:  ]^S3«3  VS3^  Vn^awn  lin  «S 

«  Non  respiciebat  faciès  ad  faciem...  » 

(SiPHRA  d'zENIHOUTHA,  I,  2). 

Il  faut  que  les  deux  Faces  d'En  Hautse  regardent  :  c'est 
alors,  —  mais  alors  seulement,  —  que  l'Éternel  mascu- 
lin et  l'Éternel  Féminin  se  révèlent  l'un  à  l'autre,  en  un 
baiser  d'où  naît  perpétuellement  TÊtre. 

Ces  principes  sont  d'ordre  absolu  ;  ils  portent  en  eux 
l'évidence  de  leur  rectitude...  Mais,  puisque  nous  avons 
ouvert  le  Zohar,  nous  ne  le  refermerons  pas  sans  en  avoir 
transcrit  un  autre  texte,  où  la  mutualité  créatrice  des  cé- 
lestes Époux  est  rendue  par  une  image  étrange  et  sublime: 

—  Le  feu  (lit-on  dans  les  Commentaires)  avait  jailli  du 
lod  paternel  de  Dieu,  comme  un  serpent,  et  sous  son 
étreinte,  la  terre  allait  périr  dévorée,  quand  la  Mère  cé- 
leste, —  que  béni  soit  son  nom  !  —  suscita  les  vagues 
marines j  qui  vinrent  affluer,  libératrices,  sur  la  tête  brû- 
lante du  Serpent. 

L'arcane  universel  de  la  Vie  réside  en  l'incessante  réci- 
procité des  Deux  qui  ne  font  qu'Un.  L'isolement  défini- 


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230  LA  CLEF  DE  LA  MAGIE  NOIRE 

tif  des  facteurs  complémentaires  de  l'Être  ferait,  en  réa- 
lisant la  suprême  solitude,  flamboyer  sur  le  mur  de  la  nuit, 
désormais  sans  aurore,  une  sentence  qui  serait  la  révéla- 
tion soudaine  de  Tabsurde  et  du  néant:  la  formule  du 
grand  arcane  de  la  Mort  éternelle. 


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0  ROUE  DE  FORTUNE  "^ 


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(SEcnon  10] 

La  Boue  de  Fortune  (dix)  =  Causalité  =  Vie 
collective  =>  Devenir  {La  Roue  du  Devenir). 

Chapitre  III 

LA  ROUE  DU  DEVENIR 


Jne  solide  plate-forme,  où  siège  le  sphinx  impas- 
sible. 
Plus  bas,  une  vaste  roue,  entée  sur  un  axe 
mobile,  que  deux  supports  maintiennent  à  la  hauteur 
voulue. 

Deux  monstres»  —  les  Génies  antagonistes  du  Mal  et 
du  Bien,  —  cramponnés  à  cette  roue,  de  gauche  et  de 
droite  :  là  descend  un  démon  cornu,  la  tête  en  bas,  la 
fourche  au  point  sénestre  ;  il  entortille  au  volant  ses  jam- 
bes incertaines  et  squammeuses.  Ici,  c'est  un  cynocéphale 
qui  remonte  ;  sa  tête  est  près  d'atteindre  à  la  plate-forme 
du  sphinx,  et  sa  droite  lève  un  caducée... 

Tel  est  l'admirable  emblème  que  nous  présente  la 
dixième  lame  du  Livre  de  Thoth. 


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234  LA  CLEF  DE  LA  MAGIE  IVOIRE 

En  haut,  l'Absolu  manifesté,  le  Verbe,  potentiel  d'une 
inépuisable  création.  C'est  le  sphinx  égyptien,  qui  résume 
en  sa  forme  synthétique  celles  des  quatre  animaux  sa- 
crés de  la  Kabbale  (Haïoth  hakkadosch  tt^iipn  nvn), 
figuratifs  des  quatre  lettres  de  Tincommunicable  lod-hé- 
vau'hé  tl^tl^. 

Typhon,  descendant  à  gauche,  symbolise  Texode  in- 
volutif  des  sous-multiples  verbaux,  qui  sombrent  dans  la 
matière,  entraînés  au  poids  de  leur  chute,  et  qui  donnent 
ainsi  le  branle  à  la  grande  roue  du  Devenir. 

A  droite,  Hermanubis  emblématise,  en  remontant, 
révolution  des  formes  progressives  de  cette  matière 
même,  réactionnée  par  l'Esprit,  et  le  retour  des  sous- 
multiples  à  l'intarissable  Unité-mère  d'où  ils  furent  éma- 
nés. 

C'est,  d'une  part,  le  daïmon  de  Vlnvolution,  qui,  dans 
sa  chute  grimaçante,  n'a  pu  perdre  entièrement  la  figure 
humaine,  —  similaire  de  l'image  divine,  —  cette  figure 
que  ne  parviennent  point  à  dénaturer  les  cornes  de  la  ré- 
bellion, de  l'égoïsme  et  de  l'orgueil.  —  D'autre  part,  le 
daïmon  de  FÊvolution  ascendante,  qui,  brandissant  le 
caducée  de  la  science  et  de  l'équilibre,  et  sur  le  point 
d'escalader  la  plate-forme  sphingienne,  garde  encore  sur 
son  visage  le  stigmate  infamant  de  l'animalité,  symbole 
des  règnes  inférieurs  d'où  il  émerge...  Quel  contraste 
plus  grandiose  et  plus  significatif? 

Les  deux  silhouettes  monstrueuses  figurent,  en  der- 
nière analyse,  un  seul  et  même  personnage,  —  VAdam 
Cosmiquey  —  sous  les  deux  aspects  complémentaires  de 
la  chute  et  de  l'ascension,  ou,  si  Ton  veut,  dans  les  deux 


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LA  ROUE  DU  DEVENIR  235 

tendances  inverses  de  l'Analyse  et  de  la  Synthèse,  de  la 
différenciation  et  de  l'intégration  universelles. 

Mais  que  dire  de  la  conséquence  immédiate  de  ce 
mouvement  double  :  le  branle  imprimé  à  la  roue  du 
Temps  sans  bornCy  qui  va  multiplier  ses  tours,  embras- 
sant V Espace  illimité  dans  la  sphère  de  sa  rotation  ? 
N'est-ce  point  qu'elle  touche  au  sublime,  l'éloquence 
hiéroglyphique  des  auteurs  du  Tarot,  habiles  à  préciser, 
en  cette  simple  image,  le  Gomment  et  le  Pourquoi  du 
rapport  mystérieux  et  profond  qui  lie  à  la  déchéance  de 
l'Adam  céleste,  la  création  de  l'univers  physique  ef  l'ou- 
verture du  cycle  temporel  ? 

Au  point  de  vue  du  total  Cosmos,  envisagé  non  plus 
dans  les  principes  de  sa  genèse,  mais  dans  le  fait  de  son 
gouvernement  et  les  ressorts  de  son  déterminisme  oc- 
culte, notre  pentacle  ne  sera  pas  moins  significatif  :  le 
sphinx  deviendra  l'emblème  de  la  Providence,  le  cyno- 
céphale, celui  de  la  Volonté,  et  le  démon  celui  du  Destin. 

Or,  ces  trois  Puissances  rectrices  du  Cosmos  consti- 
tuant en  vérité  sa  triple  nature,  intellectuelle,  psychique 
et  instinctive,  —  voilà  la  transition  logique  entre  les  vues 
qui  précèdent  et  un  autre  ordre  de  correspondances  non 
moins  essentielles. 

Que  si  nous  passons  en  eff'et  de  la  Cosmogonie  à  l'On- 
tologie, la  dixième  clef  du  Tarot  nous  révélera  la  consti- 
tution ternaire  de  tout  être  :  Esprit,  AmCy  Corps. 

Le  sphinx  symbolisera  Vêlement  spirituely  actif  et 
mâle,  ou  le  soufre-principe  A  des  Alchimistes  ;  —  Ty- 


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236  LA  CLEF  DE  LA  MAGIE  NOIRE 

phon,  Vêlement  corporel,  passif  et  féminin,  ou  le  sel  O 
des  alchimistes; —  Hermanubis,  enfin,  figurera  le  moyen 
terme  entre  l'Esprit  et  le  Corps  :  X élément  animique,  ou 
Mercure  ^  des  alchimistes,  qui  est  androgyne,  c'est-à- 
dire  actif  relativement  au  Corps  et  passif  à  Tégard  de 
TEsprit  (1). 

Ceci  nous  donne  la  polarisation  générale  de  chaque 
être  :  pôle  positif, +,  l'Esprit;  pôle  négatif, — ,  le  Corps  ; 
centre  d'équilibre,  <x,  TAme. 

D'ailleurs,  l'Esprit,  l'Ame  et  le  Corps,  envisagés  sé- 
parément, présentent  chacun  son  ternaire  de  polarisation 
bien  distinct  :  pôle  positif,  pôle  négatif,  et  neutre  équi- 
libré ;  —  ainsi  qu'on  peut  s'en  rendre  compte  en  étudiant 
à  ce  point  de  vue  le  magnifique  schéma  publié  par  Fabre 
d'Olivet,  dans  son  Histoire  philosophique  du  Genre  hu^ 
main  (2),  en  une  planche  hors  texte  (3),  et  qui  fait 
malheureusement  défaut  dans  un  grand  nombre  d'exem- 
plaires. 

Mais  c'est  loin  d'être  tout.  —  Nous  sommes  amené  à 


(1)  Voy.  l'estampe  du  Grand  Androgyne  de  Khunrath,  qae  nous 
avons  reproduite  au  Seuil  du  Mystère,  et  le  Commentaire  que  nous  en 
avons  donné  (pages  129-150). 

A  un  autre  point  de  vue,  —  car  tout  est  dans  tout,  —  les  herméti- 
ques, pour  qui  le  Soufre  (universel  ou  spécifié,  volatil  ou  fixe)  est 
toujours  le  Père  ou  principe  actif,  envisagent  le  Mercure  comme  la 
Mère,  ou  principe  passif,  et  le  Sel  comme  le  Fils,  ou  produit  de  l'union 
du  Soufre  et  du  Mercure,  du  Père  et  de  la  Mère,  de  l'Actif  et  du  Passif. 

Cf.,  au  chap.  VII,  notre  précis  d'art  hermétique. 

(2)  C'est  la  2«  édition  (1824)  de  son  État  social  de  V Homme,  publié 
en  1822.  Le  schéma  ne  se  trouve  point  dans  les  exemplaires  du  pre- 
mier tirage. 

(3)  Insérée  à  la  page  26  du  tome  I. 


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LA  ROUE  DU  DEVENIR  237 


faire  connaître  ici  les  principes  d'un  système  de  polari- 
sation double  et  sextuple,  applicable  à  tous  les  êtres  vi- 
vants, depuis  les  Puissances  constitutives  de  l'Univers 
envisagé  comme  tel,  jusqu'au  plus  humble  exemplaire 
individuel  qu'on  veuille  choisir,  soit  chez  l'homme,  soit 
même  dans  la  série  animale  (1), 

Cette  loi  d'universelle  polarisation  des  êtres  constitue 
lun  des  arcanes  les  plus  occultes  de  la  Magie.  Sa  révéla- 
tion précise  s'adresse  aux  seuls  initiés...  C'est  un  joyau 
qu'on  détache  en  leur  faveur  de  cet  écrin  magnifique 
où  l'Antiquité  sacerdotale  entassa  les  trésors  de  son  éso* 
térisme  :  profonde  réserve  scientifique  du  passé,  où  l'a- 
venir peut  longtemps  puiser  à  mains  pleines,  sans  nul 
risque  d'en  tarir  les  richesses. 

Nous  ne  sachions  pas  que  cette  théorie  ait  jamais  été 
divulguée.  Le  docteur  Adrien  Péladan  lui-même  n'en  fait 
pas  mention  dans  son  livre  génial  de  YAnatomie  homolo- 
gique  (2).  Du  moins  est-il  certain  qu'il  la  connaissait. 
Joséphin  Péladan  transcrit  en  efifet,  dans  l'introduction 
qu'il  a  mise  en  tête  du  livre  posthume  de  son  frère,  une 
page  très  remarquable  d'une  brochure  antérieure,  où  le 
docteur  Adrien  fait  une  allusion  directe  à  la  loi  de  pola- 
rité cérébro-sexuelle,  et  déduit  ingénieusement  l'une  de 
ses  conséquences.  Quant  aux  autres  ouvrages  du  même 
genre  que  nous  avons  pu  consulter,  il  ne  s'y  trouve  pas 
vestige  de  cette  théorie. 


(1)  Jusque  dans  les  règnes  végétal  et  minéral,  on  pourrait  relever 
des  analogies,  susceptibles  d'être  rattachées  à  cette  loi. 

(2)  UAnatomie  homologique  ou  Triple  dualité  du  corps  humain, 
Paris,  1887,  in-8o. 


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238  LA  CLEF  DE  LA  MAGIE  NOIRE 

Nous  parcourions  naguère  la  collection  du  Lotus,  ex- 
cellente revue  d'occultisme,  qu^une  disparition  préma- 
turée empêcha  seule  de  tenir  ce  qu'elle  promettait,  et  ce 
qu'un  bon  lexique  des  matières  collationnées  par  ordre 
en  eût  fait  à  coup  sûr  :  l'encyclopédie  théosophique  des 
études  boudhistes  en  France.  La  page  102  du  premier 
tome  mit  sous  nos  yeux  un  article  (reproduit  du  Théoso- 
phist),  où  se  trouve  posé,  sous  la  signature N.  C,  le  pro- 
blème de  la  polarité  humaine,  à  propos  de  deux  livres 
parus  quelques  mois  auparavant,  Tun  de  M.  le  docteur 
Chazarin,  l'autre  de  M.  le  Professeur  Durville. 

Tout  en  rendant  justice  au  mérite  comme  à  la  coura- 
geuse initiative  dont  firent  preuve  ces  deux  explorateurs 
d'un  monde  assez  nouveau,  M.  N.  G.  aborde,  au  nom  de 
la  science  occulte,  la  critiquedes  deux  ouvrages.  Ce  n'est 
guère  le  lieu  de  résumer  ces  opinions.  Bien  que  le  cen- 
seur nous  paraisse,  à  vrai  dire,  sinon  partial  en  faveur 
du  docteur  Chazarin,  du  moins  un  peu  sévère  pour  M; 
Durville,  dont  l'ouvrage  est  des  plus  remarquables,  nous 
ne  prétendons  point  décider  à  qui  revient  la  palme  de  la 
découverte,  ni  même  examiner  si  découverte  il  y  a. 

C'est  le  critique  lui-même  que  nous  mettrons  sur  la 
sellette. 

Il  cueille  et  nous  offre,  avec  la  curiosité  consciencieuse 
d'un  érudit  herboriseur  du  Mystère,  un  certain  nombre 
de  détails  d'un  réel  intérêt;  mais  qu'il  nous  permette  de 
lui  marquer  notre  surprise,  —  puisqu'il  prend  la  parole 
au  nom  de  l'Occultisme,  de  le  voir  négliger  les  grandes 
avenues  de  la  science,  pour  battre  les  buissons  à  la  re- 
cherche de  ses  fleurettes. 


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LA  ROUE  DU  DEVENIR  239 

Sans  doute,  les  amateurs  de  physiologie  secrète  se- 
ront heureux  d'apprendre  (s'ils  ne  le  savent  déjà),  que 
dans  l'homme  il  y  a  sept  forces,  correspondant  aux  sept 
principes  analytiques  de  M.  Sinnett,  et  que  chacune  de 
ces  forces  se  polarise  à  part  sur  son  plan  spécial  d'acti- 
vité ;  que  la  moitié  droite  du  corps  est  positive,  Tautre 
négative  ;  que  les  artères  et  les  nerfs  moteurs  sont  de 
nature  positive,  les  veines  et  les  nerfs  sensitifs  de  nature 
négative;  que  deux  liquides  de  caractère  chimique  diffé- 
rent, séparés  par  une  cloison  poreuse,  génèrent,  ainsi  que 
Ta  démontré  M.  John  Trowbridge,  un  courant  d'électri- 
cité :  d'où  il  résulte  que  l'endosmose,  s'exerçant  à  travers 
les  tissus  de  l'organisme,  doit  donner  naissance  à  un 
courant  ;  —  qu'enfin  le  coude  est  légèrement  positif  pour 
la  poitrine»  et  la  main  quelquefois  négative  pour  le  pied, 
quelquefois  positive. 

Il  y  a  beau  temps  que  les  étudiants  en  occultisme  sa- 
vent ces  choses  et  quelques  autres  de  même  impor- 
tance: les  eussent-ils  oubliées,  du  reste,  que  les  analogies 
des  révolutions  de  levé,  d'une  part,  et  de  l'autre,  l'étude 
du  Penlagramune  ou  de  l'Étoile  flamboyante  appliquée  à 
la  physiologie,  leur  permettraient  de  reconstituer  géo- 
métriquement tous  ces  rapports. 

L'auteur  de  l'article  cite  fort  à  propos  la  Kabbale  et 
renvoie  au  glossaire  de  Rosenroth  (tome  1  de  la  Kabbala 
Denudata)y  où  se  trouvent  d'intéressantes  notions  sur  la 
polarité  :  entre  autres  la  localisation  de  l'axe  magnétique 


(1)  Découverte  de  la  Polarité  humaine,  Paris,  Doin,  1886,  ia-18. 

(2)  Traité  expérimental  et  thérapeutique  du  Magnétisme,  1 886,  in-8. 


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240  LA  CLEF  DE  LA  MAGIE  NOIRE 

dans  Taxe  du  système  cérébro-spinal,  ce  qui  semble,  en 
vérité,  d'un  intérêt  déjà  capital. 

Mais  ce  que  les  étudiants  ignorent  et  ce  que,  —  par- 
lant au  nom  des  maîtres,  —  il  eût  été  sans  doute  à  pro- 
pos de  leur  enseigner,  c'est  la  grande  loi  de  l'équilibre 
vital,  cette  loi  synthétique  et  rigoureuse  qui  permet  de 
déduire  tant  d'autres  lois^et,  englobant  à  la  fois  les  trois 
foyers  d'activité  qui  constituent  la  vie  de  tout  être,  sert 
d'infaillible  critérium  pour  localiser  à  priori,  non  seule- 
ment la  bipolarité  de  chacun  des  trois  systèmes  dyna- 
miques, —  l'intellectuel,  l'animique  et  l'astral,  —  mais 
aussi  les  termes  d'une  polarisation  qui  s'affirme  cruciale, 
en  mode  double  de  réciprocité  inverse  et  complémentaire, 
et  qui  va  de  l'intellectuel  au  physique,  d'une  part,  et  de 
l'individu  mâle  à  l'individu  femelle,  de  l'autre. 

C'est  bien  là,  non  pas  ailleurs,  la  clef  absolue  de  la 
biologie  occulte,  —  dite  en  magie,  clef  de  la  composition 
des  aimants j —  une  loi  vraiment  universelle,  et,  par  sur- 
croît, révélatrice  d'une  foule  d'autres  :  celles,  par  exem- 
ple, de  la  Sociologie  et  de  THistoire  primitive;  ou  (si, 
nous  élevant  du  plan  terrestre  à  des  plans  supérieurs 
d'existence,  nous  voulons  généraliser),  celles  de  la  Cos- 
mogonie et  de  la  Théogonie  occultes. 

Nous  voici  derechef  dans  l'ésotérisme  le  plus  secret  des 
temples  antiques.  La  connaissance  de  celte  loi  pivotale 
n'était  transmise  qu'au  seul  Épopte,  par  voie  tradition- 
nelle etsousla  garantie  d'un  serment  solennel  et  terrible... 
Non  pas  qu'une  pareille  révélation  se  traduisit  par  un 
aphorisme  immoral  ou   dangereux  en  soi;  mais  elle 


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LA  ROUE  DU  DEVENIR  241 

permettait  de  fabriquer  uti  passé-partout,  à  Thabile  em- 
ploi duquel  il  n*était  guère  de  portes,  dans  le  sanctuaire, 
qu'on  estimât  susceptibles  de  résister. 

Or,  si  le  secret  juré  ou  quelque  motif  du  même  genre 
fermait  la  bouche  à  M.  N.  C,  du  moins  aurait-il  dû,  — 
montant  dans  la  chaire  Ihéosophique  pour  juger  ex  ca- 
thedra MM.  Durville  et  Chazarin,  —  démontrer  l'exis- 
tence d'une  loi  de  synthèse,  et  en  déduire  celle,  plus 
particulière  déjà,  mais  encore  générale,  d'une  loi  de  po- 
larité chez  l'homme, 

Quant  à  nous^  que  nul  engagement  ne  lie^  nous  allons 
prendre  à  tâche  d'exposer  au  bref  cette  théorie,  large 
comme  l'univers,  simple  comme  la  nature,  et  rigoureuse 
comme  une  équation  d'algèbre  :  néanmoins,  pour  ne  pas 
nous  écarter  du  point  de  départ  de  cette  digression,  nous 
entendons,  la  formule  générale  une  fois  énoncée,  en 
resireindre  l'application  toute  schématique  à  la  physio- 
logie de  l'homme,  ou,  pour  mieux  dire,  à  la  biologie  de 
TAndrogyne  humain. 

Le  Lecteur  nous  saura  gré,  peut-être,  de  laisser  à  son 
intelligence  sagace  le  soin,  d'ailleurs  facile,  soit  d'en  éten- 
dre l'adaptation  à  des  objets  plus  universels,  soit  au 
contraire  de  la  restreindre  à  de  plus  spéciaux. 

La  loi  peut  se  formuler  en  ces  termes  : 

Le  mâle  est  positif  dans  la  sphère  sensible,  négatif  dans 
la  sphère  intelligible. 

La  femelle,  par  contre,  est  positive  dans  la  sphère  intel- 
ligible, négative  dans  la  sphère  sensible. 

Inversement  complémentaires,  le  mâle  et  la  femelle 

16 


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S42  LA  CLEF  DE  LA  MAGIE  NOIRE 


sont  neutres  dans  la  sphère  médiane  du  psychique.  Cette 
similitude  animique  (1)  est  même  leur  seul  point  de  fu- 
sion. C*est  moralement  la  charte  d*En  haut  qui  consacre 
ridentité  de  la  race,  entre  individus  de  sexe  opposé. 

Mais  cette  règle  se  conçoit  à  peine,  condensée  en  une 
formule  aussi  générale,  et  son  incalculable  portée  appa- 
raît bien  vague  encore,  pour  ne  pas  dire  bien  nulle. 

A  cette  heure,  il  convient  d'en  faire  brièvement  l'adap- 
tation, dans  les  limites  que  nous  nous  sommes  tracées 
d'avance. 

Donc,  appliquant  cette  loi  vraiment  universelle  à 
l'homme  terrestre,  —  au  couple  humain,  —  c'est-à-dire 
à  rêtre  adamique  envisagé  au  plus  haut  point  où  son 
évolution  aboutit  sur  notre  planète  ; 

Considérant  qu'on  peut  compter  en  lui  trois  centres 
d'activité:  —  1°  le  foyer  intellectuel,  localisé  dans  le  cer- 
veau, et  dont  le  pôle  occulte  réside  aux  circonvolutions 
supérieures  de  cet  organe  ;  —  2°  le  foyer  animique,  loca- 
lisé principalement  dans  le  cœur  et  le  grand  sympathi- 
que et  dont  le  centre  occulte  n'est  autre  que  le  plexus 
solaire  ;  —  3°  le  foyer  sensitif^  qui  distribue  son  énergie 
aux  divers  organes  des  sens,  et  dont  le  pôle  occulte  (2) 
aboutit  à  l'organe  génital  ; 

Nous  disons  que  chez  l'homme^  Vorgane  génital  est 
mâle  ou  positif,  et  le  cerveau  féminin  ou  négatif; 


(1)  Que  si  Ton  était  porté  à  mettre  en  doute  cette  similitude,  en 
songeant  quelles  nuances  très  marquées  différencient  les  &mes  mascu- 
line et  féminine,  nous  prierons  qu'on  se  reportât  à  la  note  3  de  la 
page  246  (et  suiv.).  Nous  croyons  avoir  résolu  cette  difficulté. 

(2)  Non  le  centre  apparent. 


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LA  ROUE  DU  DEVENIR  243 

^ 

Qu'à  l'inverse,  chez  la  femme,  Vorgane  sexuel  est  fémi- 
nin  ou  négatif  et  le  cerveau  mâle  ou  positif; 

Qu'enfin,  chezVhomme  comme  chez  la  femme,  le  plexus 
solaire  consiste  le  point  central  équilibrant  de  l'organisme 
tout  entier. 

Qu'est  ce  qu'un  organe  mâle?  —  C'est  celui  qui  pro- 
duit la  semence,  le  germe  rudimentaire  que  l'organe  fé- 
minin reçoit,  réactionne,  geste,  nourrit,  élabore  et  déve- 
loppe un  lemps  plus  ou  moins  long,  à  l'expiration  duquel 
ce  dit  organe  met  au  jour  un  être  parfait,  c'est-à-dire 
évolué  en  acte,  et  conforme  au  germe  fécondateur  qui 
ne  contenait  cet  être  qu'en  puissance. 

Ces  choses  apparaissent  évidentes,  à  n'envisager  que 
le  pôle  génital  chez  les  individus  des  deux  sexes  :  nul 
ne  contestera  que  le  phallus  de  Thomme  est  actif,  c'est- 
à-dire  un  instrument  de  fécondation  ;  le  ctéis  de  la  femme 
passif,  c'est-à-dire  un  instrument  de  réception,  de  gesta- 
tion et  d'élaboration  définitive. 

L'inverse  n'est  pas  moins  certain,  si  nous  considérons 
le  cerveau,  cet  organe  où  se  manifeste  la  contre-polarité 
du  sexe  (1). 


(1)  Vainement  objecterait-on  la  presque  identité  du  cerveau,  chez  les 
individus  des  deux  saxes,  en  regard  de  la  dissemblance  profonde  qui 
s*accuse  aux  organes  de  la  génération.  Les  idées,  étant  d'ordre  intelli- 
gible, n  ont  que  faire  de  véhicule  phallique  ou  de  cavité  utérine  pour 
Taccom  plisse  ment  de  l'hymen  idéal.  U  leur  suffit  d'un  organe  conden- 
sateur qui  est  le  cerveau,  analogue  chez  l'homme  et  chez  la  femme, 
comme  deux  bouteilles  de  Leyde  toutes  pareilles  peuvent  être  chargées 
d'électricité  de  nom  contraire,  (Qu'on  nous  pardonne  ce  grossier  rap- 
prochement t] 

D'ailleurs,  c'est  fréquemment  sous  une  apparence  sentimentale,  que 


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^44 


LA  CLEP  DË  la  magie  NOIRE 


Le  cerveau  mâle  delà  femme  ne  donne  que  des  germes 
d'idées,  mais  lui  seul  donne  ces  germes,  c'est-à-dire  le 
mouvement  initial  et  la  substance  première,  en  un  mot 
le  sperme  intellectuel  (1). 

C'est  le  cerveau  mâle  de  la  femme  qui  féconde  la  cer- 
velle féminine  de  l'homme. 

Ainsi,  d'une  part,  le  cerveau  de  la  femme  est  à  la  cer- 
velle de  l'homme,  comme  le  phallus  de  l'homme  est  au 
ctéis  de  la  femme. 

D'autre  part,  chez  la  femme,  le  cerveau  est  au  ctéis, 
comme,  chez  l'homme,  le  phallus  esta  la  cervelle. 


4 

ÉQUILIBRE 


:^^ 


\ 


[Cœur  et  )  *^ 


le  sperme  d'ordre  intelligible  est  transmis  par  la  femme  :  ce  sont,  dans 
ce  cas,  les  centres  animiques,  ou  médians,  qui  deviennent  les  lieux  pro- 
pres au  phénomène  de  la  copule,  non  pas  à  celui  de  la  fécondation  :  car 
le  sentiment,  transmis  au  centre  animique  de  l'homme,  se  sublimé  pour 
atteindre  sa  cervelle,  matrice  appropriée  où  il  va  reprendre  sa  première 
qualité  de  sperme  idéal. 

(i)  L'ère  préhistorique   nous  en  présente  un  exemple  frappant,  si 


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LA  ROUE   DU  DEVENIR  245 

De  ces  prémisses  on  peut  déduire  d'innombrables  con- 
séquences, dont  nous  n'esquisserons  que  les  principales 
et  les  plus  décisives  (1). 

Cest  ici  le  lieu  d'invoquer  la  loi  fameuse  en  physique 
générale  :  les  contraires  s'attirent,  les  semblables  se  re- 
poussent. 

En  faisant  à  notre  schéma  l'application  de  cette  for- 
mule, nous  comprendrons  de  suite  : 

L'horreur  de  la  femme  intellectuelle  pour  le  type  du 
viveur, expressif  à  son  gré  de  toute  la  bestialité  du  mâle; 
—  et  réciproquement,  le  mépris  du  viveur  pour  la  femme 
intellectuelle,  qu'il  traite  volontiers  de  bas-bleu  (ligne 
positive  des  semblables); 

Le  dédain  de  l'homme  de  pensée  pour  la  femme  pure- 


Dous  Oxons  nos  regards  sur  Torigine  des  sociétés  humaines.  Ces  temps 
reculés  n'ont  sans  doute  laissé  que  d'indécis  vestiges,  et  des  monuments 
d'une  authenticité  comme  d'une  signification  souvent  douteuses.  Mais 
la  Légende  supplée  presque  avantageusement  aux  récits  de  faits  posi- 
tifs :  elle  synthétise,  en  des  types  de  généralisation  Symbolique,  des 
notions  que  les  récils  de  faits  ne  pourraient  nous  offrir  que  particula- 
risées et  disséminées...  Or,  l'Histoire  et  la  Légende  ne  s'appuient-elles 
pas  l'une  sur  l'autre,  pour  venir  nous  apprendre  que  les  premiers  ger- 
mes de  civilisation  furent  toujours  semés  par  la  femme,  dans  le  Destin 
des  races  adolescentes  ?  L'œuvre  que  la  femme  a  ébauchée,  l'homme  la 
développe  et  la  perfectionne. 

N'est-ce  point  l'Amour,  dans  la  cosmogonie  phénicienne,  qui  tire  le 
monde  du  chaos?  (Voy.  Sanchoniaton, iexie  et  trad.  dans  Fourmont, 
Réflexions  sur  l'origine  des  anciens  peuples.  Paris,  1747,  2  vol.  in-4o, 
tome  I,  pages  4-21).  — Cf.  Fabre  d'Olivet,  Hist.  philos.,  iom^X, passim, 

(1)  L'examen  du  présent  schéma  va  permettre  au  Lecteur  de  les 
déterminer  toutes  géométriquement,  pour  ainsi  dire.  Une  figure  ulté- 
rieure lui  doit  offrir  encore  d'autres  indications,  k  l'effet  de  pousser  ses 
recherches  plus  avant,  si  bon  lui  semble. 


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246  LA  CLEF  DE  LA  MAGIE  NOIRE 

ment  sensuelle,   —  et  réciproquement,  l'aversion   de 
celle-ci  pour  celui-là  (ligne  négative  des  semblables). 

La  raison  de  ces  antipathies  ?  — Voici  :  la  tête  positive 
de  la  femme  méprise  le  phallus  également  positif  de 
l'homme,  et  vice  versa.  —  La  tête  négative  de  l'homme 
a  le  plus  profond  dédain  pour  l'utérus  de  la  femme,  né- 
gatif aussi,  et  réciproquement  ;  c'est  que  :  les  semblables 
se  repoussent. 

Il  ne  serait  pas  plus  difficile  de  qualifier  de  même  les 
sympathies  inverses  de  ces  antipathies;  c'est  que  :  les 
contraires  s'attirent  (1). 

Quant  au  centre  moral  (ou  médian),  équilibrant  les 
deux  pôles  occultes,  —  intellectuel  (ou  cérébral)  et  sen- 
sitif  (ou  génital),  il  est  neutre,  aussi  bien  chez  l'homme 
que  chez  la  femme.  Aussi  faut-il  voir  en  lui  le  point  de 
suspension,  non  seulement  de  la  balance  bi-polaire  dans 
chaque  individu,  mais  encore  de  la  balance  quadri-polaire 
dans  l'androgyne  humain. 

l! Amour  proprement  dit,  qui  est  bien  la  force  dé- 
ployée par  ce  centre  et  qui  lui  appartient  en  propre  (2), 
l'amour  est  de  même  essence  chez  l'homme  et  chez  la 
femme.  Il  se  révèle  identique,  ici  et  là  (3),  avec  son  cor- 


(1)  Chacun  peut  poursuivre  et  compléter  le  tableau  de  ces  relaUvités. 

(2)  Comme  étant  avant  tout  passionnelle,  c'est-à-dire  animique,  bien 
que  susceptible  de  se  porter  plus  haut  ou  plus  bas  :  soit  au  pôle  céré- 
bral (adoration),  soit  au  pôle  sexuel  (appétit  vénérien). 

(3)  Identique  en  son  essence,  non  point  en  sa  tendance.  Ceci  mérite 
un  surcroit  d'attention...  Le  Lecteur  est  prié  de  porter  les  yeux  sur  le 
précédent  schéma  :  les  courants  passionnels  y  sont  figurés  par  des  flè- 
ches en  divers  sens. 


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LA  ROUE  DU  DEVENIR  247 


tège  misérable  et  sublime  de  dévouement  et  d'égoïsme, 
de  tendresse  et  de  jalousie,  de  serments  éternels  et  d'ef- 
fective instabilité. 

Ajoutons  qu'il  constitue  encore  le  moyen-terme,  la 
relativité  sentimentale  entre  individus  de  sexe  opposé. 
Il  est  donc  toujours  central,  ou  médian,  soit  qu'on  envi- 
sage les  individus  isolés,  ou  les  couples  humains. 

Aussi  bien  (comme  nous  l'avons  fait  voir  au  Seuil  du 


Pour  nous  en  tenir  à  l'Amour  envisagé  séparément,  chez  l'homme, 
puis  chez  la  femme,  notons  qi>e  la  logique  môme  de  notre  figure  le  dis« 
tingoe»  ici  et  là,  en  deux  courants  de  direction  précisément  inverse.  Le 
coarant,  chez  l'homme,  monte  du  sexe  (positif)  à  la  cervelle  (négative)  ; 
chez  la  femme,  au  contraire,  11  descend  du  cerveau  (positif)  vers  l'uté- 
rus fnégatif). 

Ce  contraste  doit  nous  suffire  ;  c'est  là  qu'il  faut  chercher  la  cause 
profonde  de  ces  nuances  qui  différencient  l'Amour  d'un  sexe  à  l'autre, 
—  nuances  que  nous  négligeons  de  détailler,  car  chacun  les  connaît. 

Un  exemple,  pourtant,  et  significatif.  —  Pourquoi,  chez  l'homme,  le 
désir  a-t-il  coutume  de  paralyser  les  facultés  intellectuelles,  qu'il  semble 
au  contraire  stimuler  chez  la  femme?...  C'est  un  fait  indubitable  et 
cent  fois  vérifié,  que  l'homme  le  plus  spirituel  devient  aisément  gauche 
et  parfois  stupide,  en  présence  do  la  femme  qu'il  aime  ou  simplement 
qu'il  convoite  ;  alors  que  celle-ci  se  montre  à  l'homme  qu'elle  a  distin- 
gué, plus  brillante,  plus  désirable  que  jamais...  L'homme  demeure  en 
panne,  ou  brûle  ses  vaisseaux^  sitôt  débarqué  :  timide  outre  mesure, 
il  parait  niais  ;  ou,  résolu  soudain,  il  casse  tout.  —  La  femme,  elle, 
ourdit  à  loisir  les  plus  subtiles  trames,  pour  capter  sa  chère  proie  ;  et, 
le  sourire  aux  lèvres,  achève  de  la  fasciner,  dissimulant  les  manœuvres 
d'une  tactique  impeccable  derrière  les  enfantillages  de  sa  coquetterie 
et  les  grâces  de  son  babil...  —  C'est  que,  chez  cette  dernière,  le  courant 
passionnel  va  du  cerveau  à  l'utérus,  laissant  toute  liberté  d'action  à 
l'organe  de  la  pensée.  Chez  l'homme,  au  contraire,  le  fluide  erotique 
(si  Ton  peutdire),  remontant  par  brusques  bouffées  de  l'organe  génital, 
afflue  au  cerveau,  Toffasque  et  y  détermine  une  congestion  fatale  au 
libre  jeu  des  facultés  intellectuelles. 

Cela  se  vérifie  même  de  visu,  et  s'inscrit  en  hiéroglyphes  purement 
physiques  :  l'homme  rougit  au  feu  du  Désir,  et  la  femme  devient  pâle. 
Les  lèvres  de  l'un  sont  brûlantes,  celles  de  l'autre  toujours  glacées,  etc. 


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248 


LA  CLEF  DE  LA  MAGIE  NOIRE 


Mystère  (1),  c'est  TAmour  qui  peut,  —  s'il  est  réalisé 
dans  sa  perfection  et  qu'il  s'affirme  dans  la  stabilité  d'un 
merveilleux  équilibre,  —  replacer  l'être  humain  dans  la 
voie  de  sa  future  réintégration,  en  le  restituant  à  l'état 
d'androgyne  harmonique. 

C'est  alors  qu'identifiés  dans  une  fusion  tout  intime,  les 
centres  neutres  de  l'homme  et  de  sa  compagne  ne  font 
plus  qu'un  seul  centre  :  les  deux  époux  ne  font  plus 
qu'un  seul  Adam-Ève,  en  voie  de  se  réintégrer  à  sa  plé- 
nitude ontologique,  dans  l'apothéose  de  l'Unité  adami* 
que  et  céleste,  qui  a  nom  l'éternel  Verbe. 

L'androgyne  est  devenu  cet  aimant  quaterne,  dégagé 
des  quatre  courants  élémentaires,  dont  le  schéma  peut 
se  tracer  comme  suit  : 


(  1  )  Appendice^  pages  1 4  3  •  1 4  4  • 


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LA  ROUB  DU  DEVENIR  249 


Il  parait  superflu  de  pousser  plas  avant  ces  déductions. 
Nous  avons  formulé  la  loi  suprême  qui  régit  la  compo- 
sition des  aimants  dans  les  trois  mondes,  —  formule 
vraiment  magique,  pour  ceux-là  qui  sauront  la  saisir  et 
l'appliquer  à  propos.  La  grande  Isis  peut  être  conjurée 
par  l'adepte  qui  aura  toute  Tintelligence  de  cet  apo- 
phtegme sacré  ;  qu'il  sache  le  proférer  en  temps  et  lieu, 
les  derniers  voiles  de  la  déesse  tomberont  à  sa  voix. 

Un  mot  encore,  avant  de  poursuivre  notre  chemin  : 
nous  ne  saurioiw  dissimuler  au  Lecteur  que  cette  loi  (1), 
dont  l'enseignement  vient  de  lui  être  transmis,  est  celle- 
là  précisément  que  vise  Éliphas  Lévi,  à  la  page  132  de  son 
Dogme  de  la  haute  Magie.  Après  avoir  exposé  les  doctri-. 
nés  attribuables  au  second  feuillet  du  Livre  universel 


(1)  Fabre  d'Olivet  en  fait  plusieurs  foi?  mention  dans  ses  œuvres, 
sans  jamais  en  livrer  la  formule.  Nous  relevons  ici  une  allusion  presque 
directe,  qu'on  peut  lire  au  tome  I  de  son  Histoire  philosophique  :  «  Mais 
l'homme  n'avait  pas  été  destiné  à  vivrô  seul  et  isolé  sur  la  terre;  il 
portait  en  lui  un  principe  de  sociabilité  et  de  perfectibilité  qui  ne  pou- 
vait pas  rester  toujours  stationnaire  :  or,  le  moyen  par  lequel  ce  prin- 
cipe devait  être  tiré  de  sa  léthargie,  avait  été  placé  par  la  haute  Sagesse 
de  son  auteur  dans  la  compagne  d'homme,  dans  la  femme,  dont  Vorga- 
nisation  différente  dans  des  points  très  importants,  tant  physiques  que 
métaphysiques,  nîi  donnait  des  émotions  inverses.  (Page  73).  »  Mais 
Fabre  d'Olivet  n'a  garde  d'exposer  en  quoi  cette  organisation  diffère. 
Passant  de  suite  à  l'un  des  corollaires  du  théorème  dont  il  élude  renon- 
ciation, il  ajoute  seulement  :  «  Les  mômes  sensations,  quoique  procé- 
dant des  mômes  causes,  ne  produisaient  pas  les  mômes  effets  sur  les 
deux  sexes.  Ceci  est  digne  de  la  plu?  haute  attention  et  je  prie  le  lec- 
teur de  fixer  un  moment  avec  force  sa  vue  mentale  sur  ce  point 
presque  imperceptible  de  la  constitution  humaine.  C'est  ici  le  germe  de 
toute  civilisation,le  point  séminal  d'où  tout  doit  éclore,  le  puissant  mo- 
bile d'où  tout  doit  recevoir  le  mouvement  dans  l'Ordre  social.  — Jouir 
avant  de  posséder,  voilà  Tinstinct  de  l'homme  ;  posséder  avant  de  jouir, 
voilà  l'instinct  de  la  femme^  etc.  »  (page  74). 


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250  LA  CLEF  DE  LA  MAGIE  NOIRE 

de  la  vie,  le  savant  maître  trace  ces  lignes  mystérieuses 
et  inquiétantes  «pour  les  profanes  : 

«  Tels  sont  les  secrets  hiératiques  du  binaire  ;  mais  il  en  est 
un,  le  dernier  de  tous,  qui  ne  doit  pas  être  révélé...  L*arbre  de 
la  science  du  bien  et  du  mal,  dont  les  fruits  donnent  la  mort , 
est  rimage  de  ce  secret  hiératique  du  binaire...  Ce  n'est  point 
le  grand  arcane  de  la  magie  ;  mais  le  secret  du  binaire  conduit 
à  celui  du  quaternaire,  ou  plutôt  il  en  procède  et  se  résout  par 
le  ternaire,  qui  contient  le  mot  de  Ténigme  du  sphinx,  tel 
qu*il  eût  dû  être  trouvé  pour  sauver  la  vie,  expier  le  crime  in- 
volontaire, et  assurer  le  royaume  d'OEdipe  (1).  » 

Nous  avons  vu,  en  eflFet,  par  l'inspection  des  schémas, 
comment  le  Binaire  engendre  le  Quaternaire.  Curieux 
d'exprimer  par  un  symbole  graphique  le  mécanisme  de 
la  résolution  par  le  Ternaire,  et  du  même  coup  celui 
du  retour  à  l'Unité  (qu'Éliphas  sous-entend),  il  va  nous 
suffire  de  considérer  la  figure  de  l'aimant  quaterne 
(â«  schéma)  comme  analogue  à  une  paire  de  ciseaux,  mon- 
tés sur  axe  au  point  central  du  schéma,  et  susceptibles 
de  se  fermer  comme  de  s'ouvrir,  ad  libitum.  Puisque, 
sur  chaque  plan  d'activité,  les  semblables  se  repoussent 
et  que  les  contraires  s'attirent,  les  pôles  positif  et  néga- 
tif de  la  région  conceptuelle,  d'une  part;  les  pôles  né- 
gatif et  positif  de  la  région  sensible,  de  l'autre,  vont 
s'attirer  et  se  confondre.  Quant  au  point  central,  équili- 
brant, il  ne  bouge  point  :  les  ciseaux  se  sont  fermés,  et 
nous  avons  obtenu,  —  selon  la  manière  d'envisager  no- 
tre figure,  —  soit  un  Ternaire,  soit  une  Unité. 

Les  quelques  pages  qu'on  vient  de  lire  seraient  mieux 

[t]  Dogme  et  Rituel,  tome  I,  pages  132-133,  passim, 

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LA  ROUE  DU  DEVE?ÎIR  251 


à  leur  place,  peut-être,  au  cours  de  notre  troisième  sep- 
taine  :  le  Problème  du  Mal.  De  puissants  motirs  nous 
ont  dicté  cette  anticipation.  D'ailleurs  nous  avions  hâte 
de  munir  ceux  qui  veulent  bien  nous  accorder  leur  at- 
tention suivie,  d'un  7not  de  passe  occulte,  qu'ils  trouve- 
ront plus  d'une  fois  l'occasion  de  proférer,  lorsqu'un  obs- 
tacle imprévu  paraîtra  leur  barrer  la  route. 

Le  dixième  pentacle  du  Tarot  est  susceptible  de  com- 
mentaires que  nous  ne  saurions  développer  en  ce 
tome. 

Tout  le  cycle  temporel  s'y  inscrit  symboliquement,  sous 
la  figure  de  la  Roue  Mystique.  La  roue  tourne,  et  le  De- 
venir s'engendre  dans  Torbe  de  sa  rotation.  Quand  elle 
s'arrêtera,  l'antagonisme  étant  aboli,  avec  le  règne  du 
Binaire  impur,  le  monde  physique  aura  cessé  d'être. 

Mais  elle  tourne  :  au  côté  sénestre,  descendant,  TEs- 
prit  choit  dans  la  matière;  au  côté  droit,  ascendant,  la 
Matière  évertuée  darde  la  progression  de  ses  formes  am- 
bitieuses vers  la  récupération  d'une  vie  spirituelle.  L'être 
qui  revêt  ces  formes  successives  n'atteint  la  spiritualité 
pleine  qu'après  le  dépouillement  de  ses  écorces  corpo- 
relles, dont  il  ne  garde  qu'un  simulacre  arômal, flexible 
comme  un  rêve...  Ainsi,  toute  la  série  matérielle  évolue 
vers  cet  idéal  ;  mais  meurt,  en  tant  que  matière,  avant 
que  d'y  atteindre  :  de  cet  effort  proviennent  les  êtres 
mixtes,  de  vie  double  et  triple  :  matérielle  et  spirituelle, 
et  fluidique  ;  les  êtres  mitoyens  entre  le  Ciel  originel  où 
ils  tendent  à  se  rapatrier,  et  la  Terre  d'exil  qu'ils  n'ont 
pas  désertée  encore. 


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252  LA  CLEF  DE  LA  MAGJE  NOIRE 

.  Tout  ordre  temporel  réside  là,  dont  le  Devenir  cons- 
titue la  norme.  Le  mode  de  formation  de  tous  les  êtres 
dérive  de  la  Loi.de  composition  des  aimants,  dont  nous 
avons  livré  la  formule  (1). 

nàvta  pci,  dit  Heraclite.  Tout  s'écoule.  Nulle  chose 
n'est;  toute  chose  devient.  Dans  l'univers,  du  moins, 
ajouterons-noUs,  pour  n'infliger  point  un  démenti  à 
l'axiome  kabbalistique  :  c  l'Ange  qui  a  six  ailes  ne  change 
jamais.  » 

Or  donc,  si  le  fugitif  Devenir  est  bien  la  loi  de  ce 
monde  déchu,  demandons-nous  comment  ce  Devenir 
s'engendre.  Voyons  de  quoi  il  est  fait. 


(1)  Peut-être  l'occasion  nous  sera-t-elle  fournie  ultérieurement,  de 
souligner  quelques-uns  des  cas  où  cette  formule  trouve  son  application 
directe.  Pour  l'instant,  un  exemple  de  détail  suffira,  qui  mette  en  évi- 
dence, après  les  adaptations  d'ordre  plus  général  qui  ont  été  proposées, 
quelle  lumière  répand  la  loi  universelle  des  polarités,  sur  les  moindres 
phénomènes  do  la  psychologie  et  de  la  physiologie  courantes. 

Les  aspirants  de  la  vie  mystique  connaissent  bien,  au  même  titre 
que  les  novices  de  l'existence  religieuse,  la  répercussion  génitale  des 
ofTorts  de  spiritualisation,  qui  se  traduit,  dans  la  période  qui  succède, 
par  de  phis  fréquentes  et  de  plus  sauvages  révoltes  des  sens.  —  De 
quels  contrastes  est  faite  la  vie  claustrale  !  Quelles  alternatives  de 
ferveur  religieuse  et  d'aspirations  mondaines!  Quelle  recrudescence 
d'orages  sensuels,  après  la  lumineuse  sérénité  des  Ciels  paisibles  de 
r&me  !...  A  l'inverse,  qui  n'a  constaté,  en  suite  des  pires  concessions 
faites  à  la  chair  et  à  la  brutalité  d^s  instincts,  cette  reprise  d'idéalité 
qui  sollicite  l'être  avec  toute  l'àpreté  d'un  désir  ;  ce  besoin  de  travail, 
cette.sainte  fièvre  de  l'inspiration  qui  fermente  au  cerveau  de  l'artiste  ; 
cette  atibe  spirituelle,  enfin,  qui  dissipe  l'enténèbrement  passager  de 
r&me  subjuguée  par  la  matière  ? 

«  Dans  la  brute  assoupie  un  ange  se  réveille  !  » 

(Bauoblairb]  . 

L'application  de  la  loi  susdite  s'impose,  aussi  nécessaire,  en  ce  cas 
particulier,  qu'elle  s'imposait  dans  les  exemples  généraux  d'ordre  reli- 
gieux ou  social.  ' 


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^c4t^    /fArC^  t-*-»^» 


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LÀ  liOVE  ml  DEVENIR  2S3 


L'on  se  rendra  .compte  aisément,  à  observer  les  choses 
de  haut,  que  trois  Puissances  concourent  à  lé  prodùrre. 
Peu  de  penseurs  l'avaient  bien  nettement  senti,  avant 
que  Fabre  d'Olivet  n'eût  fixé  les  termes  de  cette  triple 
collaboration.  Mystiques  piirs,  ou  purs  déterministes,  ou 
apologistes  d'une  liberté  sans  frein,  tant  d'autres  avaient 
trouvé  plus  simple  d'assigner  une  source  unique,  au 
fleuve  de  l'Eternel  Devenir  (1)  !  Beaucoup  de  philosophes 
en  sont  encore  là. 

—  Tout  se  modifie,  disent  les  uns,  au  gré  du  divin 
Vouloir:  la  Providence  est  la  cause  voilée,  l'Agent  secret 
et  la  mesure  occulte  de  l'évolution  universelle.  —^  Hé  ! 
non,  répliquent  lés  autres:  pouvez-voùs  méconnaître 
qu'une  inflexible  loi  enchaîné  l'effet  à  la  cause,  néces- 
sairement? Le  déterminisme  est  absolu,  bu  n'est  point  : 
du  Destin  seul  découle  le  fatal  Devenir.  ^—  Et  la  liberté 
humaine,  protestent  d'autres  philosophes,  qu'en  faites- 
vous  ?  C'est  la  Volonté  qui  engendre  et  règle  le  Futur  : 
et  le  Devenir  n'est  autre  que  le  mode  normal  de  sa  gé- 
nération. 

Nulle  de  ces  trois  Écoles  n'est  méprisable,  car  chacune 
enseigne  une  part  de  la  vérité.  Les  trois  Puissances 
qu'elles  préconisent  isolées  concourent  à  motiver  l'ordre 
des  choses  futures  ;  tout  le  mystère  de  l'Avenir  réside 


(1)  «  ...  La  plupart  des  écrivains  qui  m'ont  précédé  dans  la  carrière 
u  ont  vu  qu'un  principe  là  où  il  y  en  avait  trois.  Les  uns,  comme 
Bossuet,  ont  tout  attribué  à  la  Providence  ;  les  autres,  comme  Hobbe», 
ont  tout  fait  découler  du  Destin  ;  et  les  troisièmes,  comme  Rousseai^ 
n'ont  voulu  reconnaître  partout  que  la  Volonté  de  l'homme.  •  (Fabre 
d'Olivet,  Histoire  philos.,  1. 1,  p.  55). 


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254  LA  CLEF  DE  LA  MAGIE  NOIRE 

dans  la  loi  de  leur  mutualité  féconde.  Loi  créatrice  et 
capitale  s'il  en  fut  :  absconse  et  voilée  comme  le  Futur 
qu'elle  commande.  Loi  sibylline  par  excellence  :  tout  art 
divinatoire  doit,  pour  être  sérieux,  fonder  ses  règles  sur 
la  formule  algébrique  de  son  énonciation;  et  la  prophétie, 
exercée  en  mode  intuitif  ou  rationnel,  extatique  ou  dé- 
ductif,  conscient  ou  non,  ne  se  justifie  logiquement  que 
par  l'évaluation  d'un  calcul  de  probabilités,  qui  se  puisse 
chiflFrer  sur  la  valeur  réciproque  de  ces  trois  facteurs, 
combinés  et  proportionnés  en  raison  de  cette  souveraine 
loi. 

Les  fatalistes  disent  vrai,  quand  ils  promulguent  les 
aphorismes  suivants  :  une  cause  étaut  donnée,  l'effet  s'en- 
suit irrésistible.  L'effet  git  inclus  dans  la  cause  comme 
Toiseau  dans  l'œuf.  Sitôt  produit,  l'effet  devient  cause  à 
son  tour,  pour  engendrer  de  nouveaux  effets,  et  ainsi  de 
suite,  à  perte  de  pensée.  Mais  les  innombrables  causes 
existantes  s'enchaînent  et  se  combinent,  s'enchevêtrant 
de  telle  sorte  qu'elles  produisent,  conjointement  ou  sé- 
parément, des  effets  variés  à  l'infini.  Si  bien,  qu'en  dépit 
du  plus  rigoureux  déterminisme,  l'effroyable  complexité 
des  combinaisons  rend  impossible  le  calcul  des  effets  à 
naître. 

Les  mystiques  de  la  Liberté  n'ont  pas  tort,  quand,  fai- 
sant émaner  toute  chose  de  la  libre  initiative  du  Vouloir 
adamique,  dont  l'homme  est  actuellement  la  plus  haute 
expression  incarnée,  ils  soutiennent  que  la  Volonté  serait 
encore  toute-puissante  si  elle  ne  s'était  divisée,  d'où  la 
chute,  et  l'ouverture  du  cycle  temporel  ;  —  quand  ils  ne 
voient  dans  les  obstacles  fatidiques  qu'elle  a  maintenant 


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LA  ROUE  DU  DEVENIR  255 


à  combattre,  que  Texpression,  en  quelque  sorte  consoli- 
dée, d'un  vouloir  antagoniste  au  passé  ;  —  quand  ils  sa* 
luent  dans  le  Destin  (cette  Puissance  même  qui  lie  indis- 
solublement Teffet  à  la  cause),  une  sorte  d'attribut  de  la 
Volonté,  savoir  :  la  garantie  de  pérennité  des  libres  voli- 
tions  antérieures,  irréductibles  et  vivaces,  à  Tépreuve 
contre  les  possibles  retours  de  celte  Volonté  même,  et 
prolongeant  désormais  leur  essor  palingénésique  à  tra- 
ders la  succession  des  apparences. 

Les  avocats  de  la  Providence,  enfin,  ne  sont  pas  moins 
véridiques,  lorsqu'ils  célèbrent  l'irréfragable  et  pacifique 
impulsion  que  la  suprême  Puissance  imprime  à  l'Uni- 
vers :  Tinfaillible  empire   exercé  sur  toutes  choses  par 
celle  Prévoyance  maternelle,  —  qui  est  rinlelligence 
même  de  la  Nature,  et  qui  agit  immédiatement  sur 
Thomme,  par  illumination,  inspiration,  persuasion;  et 
médiatement  sur  le  Destin,  par  l'intermédiaire  de  l'homme, 
capable  de  modifier  celui-ci,  soit  en  combinant  les  causes 
existantes,  soit  en  en  créant  de  nouvelles.  Ainsi  la  Pro- 
vidence édifie  l'Avenir,  sur  les  plans  de  la  sagesse  ;  et, 
répugnant  à  jamais  contraindre  la  liberté  humaine, 
comme  à  violenter  la  règle  du  Destin,  n'en  influe  pas 
"^oins  sur  l'une  et  sur  l'autre.  En  cas  de  conflit,. le  der- 
nier mot  reste  toujours  à  la  Providence.  Les  deux  autres 
Puissances  peuvent  bien  contrarier  momentanément  ses 
desseins,  en  retarder  l'exécution.  Mais  qu'est  le  temps, 
pour  la  divine  Sagesse  ?  Rien  ne  prévaut,  en  définitive, 
contre  «l'événement  providentiel,  précisément  parce  qu'il 
est  indifférent  dans  sa  forme,  et  qu'il  parvient  toujours 
à  son  but  par  quelque  roule  que  ce  soit  :  c'est  le  Temps 


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!256  LA  CLEF  BIT  LA'  MAGIE  NOIRE 

seul  et  la  Forme  qui  varient.  La  Providence  n'est  en- 
chaînée ni  à  Tun,  ni  à  l'autre  (1).  > 

Nos  Lecteurs  savent  déjà  comment  Tâme  humaine, 
placée  ici-bas  entre  Tesprit  et  le  corps,  comme  entre  un 
légitime  époux  et  un  séducteur  de  rencontre,  décide  de 
sa  vie  future  et  en  détermine  le  rhythme,  selon  qu'elle 
se  comporte  à  l'égard  de  Tun  et  de  Tautre  amant,  qui 
d'en  haut  et  d'en  bas  la  sollicitent:  soit  qu'elle  se  voue 
à  la  fidélité  conjugale,  ou  qu'elle  s'obstine  dans  un  adul- 
tère dégradant.  Or,  une  stricte  analogie  homologue  l'Uni- 
.vers  total  au  moindre  individu  qui  le  reflète,  en  le  résu- 
mant; car  identique  est  l'essence  des  êtres  et  des  choses. 
Tout  sort  du  Grand  Adam,  l'Adam  Kadmôn  du  Zohar... 
Providence,  Volonté  et  Destin  sont  au  Cosmos  intégral 
ce  que  les  trois  vies  spirituelle,  psychique  et  instinctive 
sont  à  l'exemplaire  humain.  Aussi  la  Volonté  (soit  collec- 
tive, soit  individuelle),  inséparable  de  l'àme  (universelle 
ou  particulière),  devient  l'artisan  du  Devenir,  en  collabo- 
ration avec  la  Providence  et  le  Destin,  disons  mieux  — 
en  commerce  avec  l'Époux  céleste  ou  le  Fatum  séduc- 
teur (2). 

Cependant,  en  conséquence  de  la  chute  universelle  el 
de  la  matérialisation  qui  en  fut  le  résultat,  la  Volonté 


(1)  Hist.  philos,  du  genre  humain,  t.  I,  pages  S3-54. 

(2)  U  convient  de  notifier,  en  passant,  que  la  grande  loj  de  sexuelle 
polarisation  trouve  à  s'appliquer  ici,  par  analogie  nécessaire.  Qu'on  ait 
le  talent  de  manier  avec  art  la  clef  que  nous  avons  fournie,  et  l'on  sera 
surpris  de  la  fécondité  avec  laquelle  se  déploieront,  et  la  genèse  des 
principes  et  le  processus  des  conséquences,  dans  l'ordre  tant  universel, 
que  particulier. 


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LA  ROLE  DU  DEVENIR  257 


générale  se  trouve  astreinte  à  l'engrenage  du  Destin  ; 
comme  l'âme,  en  conséquence  de  sa  chute  individuelle 
(lisez  de  son  incarnation  terrestre),  se  trouve  assujettie 
aux  exigences  de  l'organisme  physique.  Il  est  des  rap- 
ports forcés  entre  la  Volonté  et  le  Destin,  de  même  qu'en- 
tre la  Psyché  et  le  Corps. 

Tout  un  monde  de  mutualités  en  procède,  inéluctable- 
ment :  contraintes  réciproques,  répercussions,  échanges... 
Mais,  en  dépit  de  cette  communauté  forcée  entre  TAme 
et  le  Corps,  entre  la  Volonté  et  le  Destin  :  l'âme  peut 
s'interdire  de  multiplier  par  sa  faute  ces  points  de  contact 
trop  nombreux  déjà,  et  vivre  dans  l'intimité  de  la  vie  in- 
tellectuelle, en  commerce  avec  l'Esprit  pur.  La  Volonté 
peut  pareillement  gouverner  de  conserve  avec  la  Provi- 
dence, en  éludant  les  écueils  du  Destin. 

Ainsi,  Providentialistes,  Fatalistes  et  Volontaires  exclu- 
sifs ont  raison  chacun  pour  une  part.  En  conciliant  leurs 
systèmes,  ils  pourraient,  d'un  commun  accord,  déter- 
miner la  suprême  formule  de  synthèse  et  d'équilibre  qui 
leur  manque  isolément.  Et,  pour  énoncer  en  mode  exoté- 
rique  la  vérité  sur  ce  point,  nous  dirons  que  si  la  genèse 
pouvait  être  éclaircie  des  événements  à  échoir,  elle  nous 
les  révélerait  attribuables  pour  un  tiers  à  la  fatalité  du 
Destin,  pour  un  tiers  à  l'initiative  de  la  Volonté,  pour  un 
tiers  à  l'instigation  de  la  Providence. 

Seulement,  qu'on  y  prenne  garde  :  cette  répartition 
proportionnelle  semblera  le  plus  souvent  erronée,  par 
suite  d'une  illusion  d'optique  mentale;  cela  tient  à  l'exer- 
cice constamment  occulte  de  l'influence  céleste  ici-bas- 

L'action  providentielle  défie  l'observateur,  parce  qu'elle 

17 


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258  LA  CLEF  DE  LA  MAGIE  NOIRE 

est  médiate,  et  ne  s'exerce  qu'en  mode  fatidique,  sous 
l'apparence  du  déterminisme  le  plus  strict  ;  ou  en  mode 
volilif,  sous  celle  de  l'initiative  humaine  la  moins  con- 
trainte qui  soit.  —  Tel  homme,  par  exemple,  apparaît 
très  libre  d'accomplir  un  acte  donné,  et  l'accomplit  en 
effet;  mais  la  Providence  Tinclinait  intérieurement  à  ce 
faire  :  dira-t-on  qu'il  a  librement  voulu  et  agi  ?  Sans 
doute,  car  il  pouvait  résister  à  l'action  céleste;  mais 
spontanément?  Non  point,  puisqu'il  a  voulu  et  agi  en 
conformité  de  l'inspiration  d'En  haut.  —  D'autre  part, 
tel  événement,  qui  apparaît  fatalement  nécessité  par  une 
cause  antérieure,  et  semble  par  là  ressortir  au  pur  Des- 
tin, fut  préparé  de  longue  date  et  suscité  par  la  Providence, 
qui,  inspirant  Tintelligence  d'un  Élu,  ou  même  utilisant 
la  malice  d'un  pervers,  a  fait,  en  temps  utile,  semer 
par  l'un  ou  l'autre,  ou  par  tous  deux,  dans  le  champ  du 
Devenir,  la  graine  d'une  plante  qui  lève  à  son  heure  en 
plein  terreau  fatidique.  —  Voilà  l'action  providentielle 
déguisée,  au  premier  degré  en  action  volitive,  au  second 
degré  en  action  fatidique,  ainsi  que  nous  l'avions  fait 
pressentir. 

En  résumé,  des  trois  Puissances  collaboratrices  dont 
dépend  l'avenir,  la  seule  Providence  peut  prévoir  à  coup 
sâr,  en  décidant  ce  qu'elle  fera,  et  promulguer  la  marche 
des  choses,  en  statuant  sur  l'essor  de  sa  propre  initiative. 

Théorème  évident,  d'où  procède  un  irrésistible  corol- 
laire :  c'est  que  l'inspiration  d'En  haut  peut  seule  conférer 
au  prophète  une  intuition  certaine  des  choses  futures. 
Encore  ce  dernier  ne  les  percevra-t-il  qu'en  puissance 


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LA  ROUE  DO  DEVENIR  259 


d'être,  et  non  point  en  acte  accompli  :  puisque  la  forme 
des  événements  à  intervenir  n'est  aucunement  fixée 
d'avance,  mais  dépend  des  conjonctures  plus  ou  moins 
propices  que  fera  naître  le  jeu  mutuel  du  Vouloir  humain, 
toujours  spontané  dans  ses  libres  allures,  et  du  Destin 
physique,  toujours  inflexible  en  son  déterminisme 
aveugle. 

Ainsi  tonne  un  Verbe  de  prophétie  sur  les  lèvres  des 
Nabis,  affirmatif  quant  à  l'essence  d'un  événement  à 
venir,  mais  muet, — ou  hypothétique  et  par  suite  faillible, 
—  touchant  le  fait  de  sa  forme  et  l'époque  fixe  où  il 
adviendra.  Sur  ces  derniers  points,  la  Voix  céleste  (1) 
elle-même  ne  peut  prononcer  que  par  calcul  de  proba- 
bilités ;  mais  quelle  vraisemblance  en  faveur  de  ce  qu'a 
disposé  et  prévu  Celle-là  qui,  par  excellence,  prévoit  et 
dispose  :  prœvidel  elprovidet!  L'aléa  se  réduit  à  la  quo- 
tité négligeable. 

La  prophétie  d'Orval,  pour  prendre  un  exemple  pé- 
remptoire  en  dehors  des  prophéties  dites  canoniques, 
montre  à  quelle  lucidité  peut  s'élever  l'InteUigence  hu- 
maine, sous  l'inspiration  de  la  Providence  divine. 

Deux  mots  touchant   l'authenticité  de  la   prophétie 


(1)  Nous  disons  céleste  (ou  providentielle)  et  non  divine.  Cette  dis- 
tinction importe,  au  cas  particulier.  Rappelons  en  effet  que  la  Providence 
est  l'Intelligence  de  la  Nature  (Cf.  page  30).  Quand  nous  accolons  à  la 
Providence  l'épithèle  do  divine,  nous  nous  conformons  au  langage 
reçu.  C'est  d'ailleurs  à  travers  la  Providence  que  Dieu  se  fait  sentir  à 
nous.  Puis  ces  extensions  du  sens  des  vocables  sont  coutumières  en 
toutes  les  langues,  et  nous  pensons  avec  d'Olivet  qu'il  ne  messied 
point  de  sacrifier  &  l'usage  en  pareil  cas,  pourvu  qu'on  le  fasse  pour 
la  commodité  du  style,  et  non  par  ignorance  ou  confusion. 


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260  LA  CLEF  DE  LA  MAGIE  NOIRE 

d'Orval.  —  L'hypothétique,  d'abord  :  elle  aurait  été  écrite 
dans  la  première  moitié  du  xvi®  siècle,  par  un  solitaire 
de  l'abbaye  d'Orval,  et  publiée  pour  la  première  fois 
dans  un  recueil  de  prédictions  imprimé  à  Luxembourg, 
en  1544.  Voilà  ce  que  nous  n'avons  pu  vérifier.  —  Mais 
le  certain,  c'est  qu'on  commença  d'en  parler  lors  des 
événements  de  1814-1815,  etque  Mademoiselle  Lenormand 
la  connaissait  en  1827,  puisqu'elle  en  publia  un  impor- 
tant extrait  dans  ses  Mémoires  de  Joséphine^  imprimés 
celte  même  année.  Cette  prédiction  fut  insérée  in-extenso 
dans  le  Journal  des  villes  et  des  campagnes,  en  1837 
(n*»  du  18  juillet,  n<»  100  de  la  XXV'  année)  ;  et  depuis 
cette  époque,  souvent  citée  et  reproduite  dans  nombre 
de  publications. 

Or,  les  événements  de  notre  histoire  y  sont  prédits,  de 
1797  à  1873,  avec  une  stupéfiante  précision;  et  si,  à 
partir  de  cette  date,  la  prophétie  ne  s'adapte  plus  aux 
faits,  peut-être  n'est-ce  point  défaillance  de  l'inspiration 
sibylline,  mais,  comme  nous  le  verrons,  rupture  de  la 
chaîne  fatidique,  par  suite  d'un  acte  imprévu,  invrai- 
semblable, de  la  libre  volonté  d'Henri  V. 

PROPHÉTIE  D'ORVAL  (1) 

En  ce  lemps'là,  un  jeune  ftomme  (Napoléon)  venu 
d:  Outremer  (Corse)  dans  le  pays  du  Celte  gaulois  se 
manifestera  par  conseils  de  force  (Toulon,  Vendémiaire, 

(1)  Est-il  besoin  de  prévenir  que  les  observations  entre  parenthèses 
sont  de  nous  ?  Le  texte  (en  italiques)  reproduit  les  termes  mêmes  de  la 
prophétie  d'Orval. 


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LA  ROUE  DU  DEVENIR  261 

campagne  d'Italie)  ;  mais  les  grands  qu'il  ombragera 
(les  membres  du  Directoire)  Venverronl  guerroyer  dans 
les  pays  de  la  Captivité  (réminiscence  biblique  :  Egypte, 
lieu  de  captivité  d'Israël). 

La  Victoire  le  ramènera  au  pays  premier  (retour 
d*Ég\pte).  Les  fils  de  Brutus  (les  Républicains)  moult 
slupides  seront  à  son  approche ^  car  il  les  dominera  (18 
Brumaire)  6<  prendra  nom  empereur  (iSOi).  Moult  hauts 
et  puissans  Roys  seront  en  crainte  vraye^  et  son  aigle 
enlèvera  moult  sceptres  et  moult  couronnes.  Piétons  et 
cavaliers  portant  aigles  el  sang  autant  que  moucherons 
dans  les  airSy  courront  avec  luy  dans  toute  V Europe  qui 
sera  moult  esbahie  et  moult  sanglante  (guerres  conti- 
nuelles de  l'Empire). 

Il  sera  tant  fort,  que  Dieu  sera  cru  guerroyer  d'avec 
luy  :  r Église  de  Dieu  moult  désolée  (par  l'impiété  révo- 
lutionnaire) se  consolera  tant  peu  en  voyant  ouvrir  encore 
les  temples  à  ses  brebis  tout  plein  égarées  (suites  du 
Concordat)  et  Dieu  sera  béni. 

Mais  c'est  fait,  les  lunes  sont  passées  ;  le  vieillard  de 
Sion  (le  pape)  maltraité  (captivité  de  Fontainebleau) 
criera  à  Dieu,  et  voilà  que  le  puissant  (Napoléon)  sera 
aveuglé  par  péchés  et  crimes.  Il  quittera  la  grande  ville 
avec  armée  si  belle  que  oncques  fut  jamais  pareille  (levées 
en  masse  pour  la  campagne  de  Russie,  1812)  ;  mais 
oncques  guerroyeur  ne  tiendra  bon  contre  la  face  du  tons, 
(Anathème  contre  les  conquérants,  dont  les  jours  sont 
comptés).  La  tierce  part  et  encore  la  tierce  part  de  son 
armée  périra  par  le  froid  du  Seigneur  puissant  (c'est 
précis  :    retraite  désastreuse  de  Moscou).  Alors   deux 


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262  LA  CLEF  DE  LA  MAGIE  NOIRE 


bistres  seront  passés  depuis  le  siècle  de  solution;  et  voilà 
que  les  veuves  et  les  orphelins  crieront  à  Dieu,  et  voilà 
que  les  hauts  abaissés  (princes  français  et  nobles  émi- 
grés —  ou  encore  les  souverains  étrangers)  reprendront 
force;  ils  s'uniront  pour  abattre  Vhomnie  tant  redouté. 

Voicy  venir  avec  maints  guenoyers  le  vieux  sang  des 
siècles  (retour  des  Bourbons,  à  la  faveur  des  armées 
coalisées),  qui  reprendra  place  et  lieu  en  la  grande  ville 
(première  Restauration  :  Louis  XVIII,  1814)  ;  alors 
r homme  tant  redouté  s'en  ira  tout  abaissé  (abdication  de 
Fontainebleau)  près  le  pays  d'outremer  d'où  il  étoit  ad- 
venu  (l'ile  d'Elbe  est  à  côté  de  la  Corse). 

Dieu  seul  est  grand!  (Cette  exclamation,  dans  la  prose 
du  bon  Solitaire,  marque  presque  toujours  un  change- 
ment de  règne).  La  lune  onzième  n'aura  pas  encore  reluy, 
et  le  fouet  sanguinolent  du  Seigneur  (Napoléon,  autre 
Fléau  de  Dieu)  reviendra  en  la  grande  ville  (retour  de 
IMle  d'Elbe)  et  le  vieux  sang  quittera  la  grande  ville  (fuite 
des  Bourbons,  1815). 

Dieu  seul  est  grand!  Il  aime  son  peuple  et  a  U  sang 
en  liaine.  La  cinquième  lune  reluyra  sur  maints  guer- 
royers  d'Orient  (les  Alliés,  bataille  de  Waterloo);  te 
Gaule  est  couverte  dliommes  et  de  machines  de  guêtre 
(seconde  invasion  des  Alliés).  Cest  fait  de  F  homme  de 
mer!  (Napoléon,  captif  à  Sainte-Hélène).  Voicy  venir 
encore  U  vieux  sang  de  la  Cap  (le  sang  des  Capétiens, 
les  Bourbons  ;  retour  de  Louis  XVHI  ;  deuxième  Res- 
tauration, 1815). 

Dieu  veut  la  paix^  que  son  saint  nom  soit  bény  !  Or, 
paix  grande  sera  dans  le  pays  Celte-gaulois  ;  lu  fleur 


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LA  ROUE  OU  DEVENIR  263 


blanche  (la  fleur  de  lys)  sera  en  honneur  moult  grand; 
les  maisons  de  Dieu  ouyront  moult  saints  cantiques  (flo- 
raison du  culte,  protection  du  clergé).  Mais  les  fils  de 
Brutus  (les  Républicains)  voyeiit  avec  ire  la  fleur  blanche 
et  obtiennent  règlement  puissant  (seraient-ce  les  Ordon- 
nances royales  contre  les  jésuites  ?)  dont  Dieu  est  encore 
moult  fasché  à  causes  des  siens  ;  et  pour  ce  que  le  saint 
jour  est  encore  moult  profané,  ce  pourtant  Dieu  veut 
éprouver  le  retour  à  luy  par  18  fois  12  lunes. 

Dieu  seul  est  grand!  Il  purge  son  peuple  par  maintes 
tribulations  ;  mais  toujours  les  mauvais  auront  fin.  Sus 
donc  lors,  une  grande  conspiration  contre  la  fleur  blanche 
chemine  dans  V ombre  par  mainte  compagnie  maudite,  et 
le  pauvre  vieux  sang  de  la  Cap  quitte  la  grande  ville. 
(Révolution  de  juillet  1830,  Charles  X  prend  la  route  de 
l'exil).  Et  moult  gaudissent  les  fils  de  Brutus  (courtes 
illusions  des  Républicains).  Oyez  comme  les  servans  Dieu 
crient  tout  fort  à  Dieu  et  que  Dieu  est  sourd,  par  le  bruit 
de  ses  flèches  qu'il  retrempe  en  son  ire  pour  les  mettre 
au  sein  des  mauvais. 

Malheur  au  Celte-gaulois  !  Le  coq  (symbole  de  la  bran- 
che cadette,  de  la  maison  d'Orléans)  effacera  la  fleur 
blanche  (le  lys  de  la  branche  ainée,  symbole  des  Bour- 
bons). Un  Grand  s'appellera  roy  du  peuple  (Louis-Phi- 
lippe). Grande  commotion  se  fera  sentir  chez  les  gens, 
parce  que  la  couronne  aura  été  posés  par  mains  d'ou- 
vriers qui  ont  guerroyé  dans  la  grande  ville  (premières 
années  de  la  Monarchie  de  juillet  :  instituée  révolution- 
nairement,  elle  est  constamment  menacée  par  la  Révo- 
lution). 


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264  LA  CLEF  DE  LA  MAGIE  NOIRE 


Dieu  seul  est  grand!  Le  règne  des  mauvais  sera  tm 
croître.  Mais  qu'ils  se  hâtent  :  voilà  que  les  pensées  du 
Celte-gaulois  se  heurtent  et  que  grande  division  est  dans 
V entendement.  (Instabilité  ministérielle?)  Le  Roy  du 
peuple  est  en  abord  vu  moult  foible  (jusqu*au  ministère 

Périer)  et  pourtant  contre-ira  bien  les  mauvais Mais 

il  n^ était  pas  bien  assis  et  voilà  que  Dieu  le  jette  bas  ! 
(Révolution  de  Février  1848). 

Huj'leZy  fils  de  Brutus!  (République  de  1848).  Appelez 
sur  vous  les  bêtes  qui  vont  vous  dévorer!  (Fanatisme  du 
peuple  pour  Louis-Napoléon  ;  l'aigle  de  l'Empire  repa- 
rait en  France  avec  son  cortège  d'oiseaux  de  proie).  D/>m 
grand!  quel  bruit  d'armes  (guerre  de  Crimée,  guerre 
d'Italie,  guerre  du  Mexique,  guerre  franco-allemande). 
//  w'j/  a  pas  encore  un  nombre  plein  de  lunes  et  voicy 
venir  maints  gueiroyers...  C'<?sf /a/<.' (L'année  terrible 
va  amener  l'invasion  et  la  chute  du  second  Empire)-  La 
montagne  de  Dieu  (Pie  IX),  désolée,  a  crié  à  Dieu  (poli- 
tique perfide  avec  Rome).  Les  Fils  de  Juda  07it  crié  à 
Dieu  de  la  tene  étrangère  et  voicy  que  Dieu  n'est  plus 
sourd. 

Quel  feu  va  avec  ses  flèches  !  Dix  fois  six  lunes  et  pas 
encore  six  fois  dix  lunes  ^  ont  nouiri  sa  colère.  Malheur 
à  toy^  grande  ville!  Voicy  les  Roys  (le  roi  de  Prusse,  les 
rois  de  Saxe,  Bavière,  Wurtemberg,  etc.  !  Les  rois  !)  ar- 
mes  par  le  Seigneur  (rien  ne  prévaudra  donc  contre  eux, 
tout  effort  est  inutile).  Mais  déjà  le  feu  Va  égalée  à  la 
terre  (bombardement  de  Paris).  Pourtant^  les  justes  ne 
périront  point.  Dieu  les  a  écoutés.  La  place  du  crime  est 
purgée  par  le  feu  {les  incendies  de  la  Commune).  Le  grand 


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LA  ROUE  DU  DEVENIR  265 


ruisseau  (la  Seine)  a  éconduit  toutes  rouges  ses  eaux  à  la 
mer  (implacables  représailles  des  Versaillais  :  la  Com- 
mune est  écrasée  dans  le  sang).  La  Gaule  vue  comme 
délabrée  (l)  (l'Alsace  et  la  Lorraine  en  sont  violemment 
arrachées)  va  se  rejoindre  (reprendre  haleine  et  se  ré- 
parer). 

Dieu  aime  la  paix.  Venez,  jeune  prince  :  quittez  Vile  de 
la  Capt/vf te' (Premier  voyage  de  M.  le  comte  de  Cham- 
bord  en  France.  —  Le  prophète  voit  le  comte  de  Cham- 
bord  dans  l'intégrité  de  son  droit  ancien  ;  il  le  voit,  en 
4830,  lorsqu'àgé  de  dix  ans  à  peine,  il  part  pour  Texil, 
accompagné  de  son  grand-père  Charles  X  et  de  son 
oncle  le  duc  d'Angouléme  qui  ont  abdiqué  tous  deux,  et 
gagne  l'Angleterre,  l'Ile  de  la  Captivité  :  un  roi  exilé 
n'est-il  pas  un  roi  captif?)  Voyez!  (Réfléchissez  avant 
d'agir  :  l'heure  n'est  pas  encore  venue).  Joignez  le  lion 
à  la  fleur  blanche.  (Faites  alliance,  ô  prince  des  lys,  avec 
celui  dont  le  Lion  est  l'héraldique  emblème  ;  abouchez- 
vous  avec  le  Maréchal  de  Mac-Mahon,  président  de  la 
République  intérimaire).  Vejiez!  (Deuxième  appel;  l'heure 
a  sonné  :  1873,  —  A  partir  de  cette  ligne,  la  prophétie 
d'Orval  ne  concorde  plus  avec  les  événements  ;  pourquoi? 
Serait-ce  point  qu'Henri  V  a  modifié  l'ordre  des  choses, 
en  ne  répondant  pas  à  l'appel  combiné  du  Destin  et  de 
la  Providence?...  La  prophétie  finit  ainsi)  : 

Ce  qui  est  prévu.  Dieu  le  veut  !  Le  vieux  sang  des  siè- 
cles terminera  encore  grandes  divisions.  Lors  un  seul 
pasteur  sera  vu  dans  la  Celte-gaule.  L  homme  puissant 


(1)  D'autres  copies  portent  décabrée. 


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S66  LA  CLEF  DE  LA  MAGIE  NOIRE 


par  Dieu  s'asseoira  hien.  Moult  sages  réghmens  appelle- 
ronl  la  paix.  Dieu  sera  cru  d'avec  luy,  tant  prudent  et 
sage  sera  le  rejeton  de  la  Cap. 

Grâce  au  Père  de  Miséricorde,  la  sainte  Sion  rechaiite 
en  ses  temples  un  seul  Dieu  bon.  Moult  brebis  égarées 
s'en  viennent  boire  au  ruisseau  vif;  ti'ois  princes  et  roys 
mettent  bas  le  manteau  de  l'erreur  et  voyent  clair  en  ht 
foy  de  Dieu,  En  ce  tems4à,  un  grand  peuple  de-  la  mer 
reprendra  vraye  croyance  en  deux  tierces  parts  (l'Angle- 
terre et  rÉcosse?)  Dieu  est  encore  béni  pendant  14  fois 
6  lunes  et  6  fois  13  lunes  (13  ans,  54  jours)...  Dieu  est 
saoul  d'avoir  baillé  miséricordes  et,  ce  pourtant,  il  veut 
pour  ses  bons  prolonger  la  paix  encore  pendant  10  fois 
12  lunes. 

Dieu  seul  est  grand!  les  biens  sont  faits;  les  saints 
vont  souffrir.  L'homme  du  Mal  arrive;  de  deux  sangs 
prend  croissance  :  la  fleur  blanche  s'obscurcit  pendant  10 
fois  6  lunes  et  6  fois  20  lunes  (14  ans,  200  jours...),  puis 
disparoît  pour  ne  plus  paroître. 

Moult  de  mal  et  guère  de  biens  en  ces  temS'-â;  moult 
grandes  villes  détruites  par  le  feu.  Israël  viendra  à  Dieu 
Christ  tout  de  bon;  sectes  maudites  et  sectes  fidèles  sont 
en  deux  parts  bien  marquées.  Mais  c'est  fait;  lors  Dieu 
seul  sera  cru  ;  et  la  tierce  part  de  la  Gaule  et  encore  la 
tierce  part  et^  demie  n'a  plus  de  croyance  ;  comme  aussy 
tout  de  même  les  autres  gens.  Et  voilà  6  fois  3  lunes  et 
4  fois  5  Unies  que  tout  se  sépare  et  le  Siècle  de  Fin  a 
commencé.  Après  le  nombre  non  fait  de  ces  lunes,  Dieu 
combat  par  ses  deux  Justes  (Elie  et  Hénoch?)  et  l'homme 
du  Mal  (PAnlechrist)  a  le  dessus. 


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LA  RODE  DU  DEVENIR  267 


Mais  c'est  fait  !  Le  haut  Dieu  mft  un  mur  de  feu  qui 
obscurcit  mon  entendement^  et  je  n'y  voyplus.,.  Qu'il  soit 
bény  à  tout  jamais. 

Amen! 

Telle  est  celte  surprenante  prophétie,  qui,  —  en  sup- 
posant même  sa  rédaction  postérieure  aux  premiers  évé- 
nements qu'elle  relate,  —  demeure  incontestablement 
contemporaine,  au  moins,  des  dernières  années  de  la 
Restauration.  Abandonnons  aux  risées  du  scepticisme  les 
faits  énoncés  jusqu'à  cette  date  :  resterait  à  expliquer  la 
révélation  de  ceux  qui  s'échelonnent  de  l'avènement  de 
la  Monarchie  de  Juillet  à  la  Présidence  du  Maréchal  de 
Mac-Mahon  (1).  Rien  d'essentiel  qui  ne  soit  indiqué,  jus- 
qu'au calcul  des  lunaisons,  qui  se  trouve  d'une  exactitude 
constamment  vérifiable  (2). 


(1)  On  relèvera  peu t-ôtre,  dans  le  texte  de  la  Prophétie  d'Orval,  cer- 
taines expressions  suspectes  et  quelques  tournures  maladroitement 
archaïques  :  Ton  s'empressera  d'en  conclure  à  une  pitoyable  fraude 
contemporaine.  La  conclusion  ne  nous  paraît  pas  irrésisllble.  On  sait 
quelles  altérations  subit  un  texte  dont  les  copies  ont  longtemps  circulé 
sous  le  manteau.  Si  la  rédaction  primitive  était  sous  nos  yeux,  peut- 
être  serions-nous  surpris  de  constater,  une  fois  de  plus,  à  quel  point 
quelques  variantes  de  transcription  moderne  dégradent  un  texte  au- 
thentique et  en  ruinent  la  vraisemblance.  —  Puis,  encore  une  fois, 
admettons  que  cette  prophétie  date  de  la  Restauration  :  les  événements 
prédits  et  révolus  de  1830  à  1873  en  sont-ils  moins  avérés?... 

(2)  Chacun  peut  s'éviter  de  fastidieux  calculs,  en  consultant  une 
intéressante  brochure,  parue,  on  1873,  sous  les  initiales  F.  P.  ;  en  voici 
le  titre  :  Au  il  février  \%lk,  le  grand  Avènement,  etc.,  prouvé  par  le 
commentaire  le  plus  simple  et  le  plus  méthodique,  etc.,  delà  célèbre 
prophétie  d'Orval  (Bar-le-Duc,  août  1873,  in-S^,  de  94  pages,  plus  1  f' 
non  paginé,  pour  la  table  des  matières). 

L'auteur^  un  fervent  de  l'autel  et  du  trône,  commente  mot  à  mot  le 


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268 


LA  CLEF  DE  LA  MAGIE  NOIRE 


A  partir  de  1873,  nous  l'avons  déjà  dit,  la  concordance 
cesse,  entre  les  pronostics  et  les  événements  accomplis. 
Nous  avons  même  fait  pressentir  le  pourquoi  de  celte 
anomalie. 

Henri  V  fut-il,  —  oui  ou  non,  —  appelé  au  trône  de 
France  par  le  vœu  national,  ou  du  moins  à  la  requête  de 
l'Assemblée  nationale,  en  1873  ?  C'est  un  fait  indubita- 


lexte  que  nous  donnons  ici  (collationné  avec  quelques  variantes  sur 
une  copie  plus  ancienne)  ;  et  prouve,  par  un  calcul  minutieux  des  lu- 
naisons, que  l'auteur  de  la  prédiction  (chose  assez  rare  chez  les  pro- 
phètes eux-mêmes)  localise  à.  jour  fixe  chaque  événement  qu'il  an. 
nonce. 

L'Introduction  de  cette  brochure  renferme  une  concordance  bien 
frappante  entre  les  événements  de  la  Restauration  et  ceux  qui  signa- 
lèrent le  règne  de  Louis-Philippe.  Résumons  quelques  traits  de  ce  long 
parallèle  : 


RESTAURATION 

Le  Duc  de  Berry,  héritier  légi- 
time du  trône  de  son  père  (Char- 
les X),  épouse  une  princesse  étran- 
gère (Sicilienne),  qui  lui  donne 
un  fils  appelé  à.  régner  (le  Duc  de 
Bordeaux;  ;  —  puis  meurt  assas- 
siné, le  13  février  1820,  mois  de 
la  chute  de  Louis-Philippe. 

La  Révolution  de  1830  dure 
trois  jours.    • 

Charles  X  tombe,  À  74  ans,  k 
cause  des  ordonnances  de  son  mi- 
nistre ;  —  il  abdique  en  faveur 
de  son  petil-fils,  âgé  de  10  ans  : 
—  on  répond  qu'il  est  trop  tard  I 

Charles  X  s'embarque  pour 
l'Angleterre,  avec  son  petit-fils,  le 
Duc  de  Bordeaux,  —  et  meurt  en 
exil. 


MONARCHIE    DE   JUILLET 

Le  Duc  d'Orléans,  héritier  légi- 
time du  trône  de  son  père  (Louis- 
Philippe),  épouse  une  princesse 
étrangère  (Mecklembourgeoise) 
qui  lui  donne  un  fils  appelé  k  ré- 
gner (le  Comte  de  Paris)  ;  —  puis 
meurt  de  mort  violente,  le  13 
juillet  1842,  mois  de  la  chute  de 
Charles  X. 

La  Révolution  de  1845  dure 
trois  jours. 

Louis-Philippe  tombe,  à  74  ans, 
à  cause  des  ordonnances  de  son 
préfet  de  police;  —  il  abdique 
en  faveur  de  son  petit-fils,  âgé  de 
10  ans;  —  on  répond  qu'il  est 
trop  tardl 

Louis-Philippe  s'embarque  pour 
l'Angleterre,  avec  son  petit-fils,  le 
Comte  de  Paris,  —  et  meurt  en 
exil. 


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LA  ROUE  DU  DEVENIR  269 

ble  (1).  La  fin  de  non-recevoir  plus  ou  moins  déguisée 
qu'il  objecta  se  réclamerait  peut-être  des  motifs  les  moins 
futiles  et  les  plus  consciencieusement  pesés  ;  sans  doute 
y  a-t-il  là  un  mystère  de  loyalisme  et  d'équité  que  nous 
n'approfondirons  pas  :  tout  au  plus  risquerions-nous  une 
hypothèse  (2),  tout  à  Thonneur  du  prince  qu'on  a  si  du- 


(1)  L'Assemblée  nationale  n*eut  pas  à  voter  en  forme  le  rétablisse- 
ment de  la  monarchie,  à  cause  de  la  lettre  du  Prince  à  M.  Ghesnelong, 
en  date  du  27  octobre,  où  la  revendication  du  drapeau  blanc  s'affirmait 
absolue.  —  Mais  une  commission,  dite  des  neuf,  où  se  trouvaient  re- 
présentées, sous  la  présidence  du  Général  Changarnier,  toutes  les 
nuances  de  la  majorité  monarchiste,  avait  préalablement  délégué 
M.  Ghesnelong  auprès  de  M.  le  Comte  de  Ghambord,  pour  fixer,  d'ac- 
cord avec  lui,  les  conditions  et  les  termes  de  son  rappel  au  trône  do 
France.  Ce  rappel  ne  faisait  plus  question.  L'accord  semblait  parfait, 
sur  tous  les  points  de  la  Constitution;  seule  la  difficulté  du  drapeau 
subsistait  encore...  Le  Prince,  dans  l'entrevue  du  14,  parut  lever  la 
dernière  incerUtude,  en  chargeant  M.  Ghesnelong  de  l'assurance  for- 
melle «  que  rien  ne  serait  changé  au  drapeau,  avant  qu'il  eût  pris  pos- 
session du  pouvoir.  »  Henri  Y  se  réservait  seulement  de  «c  présenter 
au  Pays,  à  l'heure  qu'il  jugerait  convenable,  et  se  faisait  fort  d'obtenir 
de  lui  par  ses  représentants,  une  solution  compatible  avec  son  honneur 
et  qu'il  croyait  de  nature  à  satisfaire  l'Assemblée  et  la  Nation.  » 
(Textuel).  Sur  cette  double  assurance,  les  députés  de  toutes  les  frac- 
tions de  la  majorité  ayant  promis  leur  vote,  le  gouvernement  du  Ma- 
réchal ayant  assuré  son  concours,  la  Monarchie  semblait  faite,  quand 
la  désastreuse  lettre  du  27  vint  anéantir  toutes  ces  espérances,  en 
■  revendiquant  le  drapeau  blanc,  sans  admettre  ni  conditions  ni  ga- 
ranties préalables.  »  (Voyez  la  Campagne  monarchique  d'octobre  1873 
parGh.  Ghesnelong,  Pion,  1896,  in-8o). 

(2)  Supposons  un  instant  que  M.  le  Gomte  de  Ghambord  crût  les 
revendications  de  NaûendorfT,  sinon  justifiées,  du  moins  soutenables, 
aurait-il  agi  différemment?  —  Dans  l'hypothèse  de  la  survivance  de 
Louis  XVII  et  de  sa  postérité  directe,  Henri  V  n'aurait  pu  toucher  à  la 
couronne  qu'en  usurpateur.  Son  devoir  était  donc  de  s'abstenir.  D'autre 
part,  refuser  sans  motifle  trône  offert,  et  reconnaître,  môme  tacitement, 
le  droit  des  Naûendorff,  équivalait  pour  lui  à  noter  d'infamie  la  mémoire 
de  son  grand-père  Charles  X  et  de  son  grand  oncle  Louis  XVIII,  — 
rois  dès  lors  illégitimes.  Il  fallait  donc  un  prétexte,  valable  ou  spécieux, 


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270  LA  CLEF  DE  LA  MÂGiË  NOIRE 

remcnt  blâmé  en  cette  conjoncture...  Quoi  qu'il  en  soit, 
le  fait  demeure  évident.  M.  le  Comte  de  Cliambord  na 
pas  voulu  régner.  Le  moyen  dilatoire  qu'il  invoqua  sou- 
dain, cette  acceptation  du  drapeau  blanc,  dont  il  fit,  k  la 
surprise  de  beaucoup  de  ses  plus  fidèles  serviteurs,  une 
condition  expresse  de  son  avènement  au  trône,  ful-oUc 
autre  chose  qu'un  prétexte  à  repousser  le  sceptre  offert? 
Personne  ne  s'y  trompa,  que  les  intéressés  qui  firent 
semblant. —  Substituer,  au  lendemain  de  nos  désastres, 
la  bannière  des  lys  au  drapeau  tricolore,  c'eût  été  dire 
au  million  de  braves  qui  s'étaient  fait  décimer  sous  ses 
plis  :  —  «  Vous  avez  pris  cette  loque  pour  l'étendard 
national,  naïfs  que  vous  êtes,  ou  rebelles?  Ce  chiffon  aux 
trois  couleurs,  pour  la  gloire  duquel  vous  braviez  la  mort 
d'un  cœur  si  léger,  n'existe  point  même!  Ouvrez  les 

yeux,  Français  :  voici  le  drapeau  de  la  France! Et 

saluez  les  trois  lys  d'or  brodés  sur  satin  blanc!  »  Quelle 
énorme  billevesée!  Si  peu  que  les  ennemis  de  M.  le  Comte 
de  Chambord  accordassent  d'intelligence  et  de  tact  à  ce 
prince,  lui  ont-ils  fait  de  bonne  foi  l'injure  de  prendre  au 
sérieux  pareille  proposition,  à  l'adresse  d'un  peuple  qui 
semblait  alors  acclamer  son  royal  sauveur,  en  se  jetant 
dans  ses  bras?... 


pour  décliner  Tinvitation  de  rAssembléc,  en  1873.  Ce  prétexte,  la  ques- 
tion du  drapeau  blanc  l'offrait  au  Comte  de  Chambord. 

Voilà  une  pure  hypothèse  :  nous  la  donnons  pour  ce  qu'elle  vaut... 
—  n  est  certain  que  l'année  suivante,  en  1874,1e  Comte  de  Chambord, 
intimé  devant  la  Cour  de  Paris  par  les  héritiers  Naûendorff,  crut  devoir 
faire  défaut.  Le  prince  laissa  au  ministère  public  le  soin  de  contredire 
à  leurs  prétentions.  Demandeurs  on  restitution  d'état  civil,  ils  furent 
déboutés,  en  dépit  des  efforts  de  Jules  Favre,  dont  il  faut  lire  l'admi- 
rable  plaidoirie. 


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LA  ROUE  DU  DEVENIR  271 


La  magnifique  précision  de  la  prophétie  d'Orval,  de 
1797  jusqu'en  1873,  trahit,  au  moins  par  intermittences, 
l'inspiration  céleste.  Les  décrets  mêmes  de  la  Providence 
peuvent  être  contrariés,  avons-nous  dit,  par  le  veto  du 
libre  Vouloir  humain;  mais  leur  accomplissement,  avorté 
sous  une  forme,  s'effectuera  bientôt  sous  une  autre.  Si 
donc  le  solitaire  d'Orval  a  subi  sans  mélange  Vinfiux  pro- 
videntiel, la  volonté  d'Henri  V  aura  bien  pu  susciter  à 
l'adaptation  des  plans  énoncés  une  éphémère  entrave  ; 
mais  alors  ils  ne  sont  que  différés  et  s'adapteront  sous 
un  autre  mode,  impossible  à  prévoir  ou  même  à  pres- 
sentir sans  révélation  expresse.  Que  si,  au  contraire,  la 
claire-vue  du  bon  ermite  procédait  d'une  source  ou  moins 
haute,  ou  moins  pure,  alors  l'inhibition  d'une  volonté 
intercurrente, en  1873,  peut  avoir  dérangé  toute  la  trame 
fatidique,  et  rien  n'adviendra  des  événements  désignés  à 
s'ensuivre. 

Dès  le  milieu  de  mars  de  la  présente  année  1896,  l'opi- 
nion s'est  passionnément  émue  des  prophéties  d'une  exta- 
tique de  24  ans,  qui  se  dit  inspirée  par  l'archange  Gabriel. 
Des  mois  ont  coulé,  sans  que  la  vogue  se  démentit.  C'est 
par  centaines  de  mille  que  les  curieux  se  sont  fait  inscrire 
pour  être  admis  à  voir  et  à  entendre  M"®  Henriette 
Couédon,  »  la  voyante  de  la  rue  de  Paradis  ». 

L'ange  nous  annonce  pour  la  fin  de  cette  année  des 
tribulations  amères  et  d'épouvantables  épreuves  :  inon- 
dations, cataclysmes  naturels,  de  grandes  émeutes,  une 
guerre  générale...  Rien  ne  manque  au  tableau  des  châ- 
timents que  le  Ciel  réserve  à  la  France  oublieuse  de  son 


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272  LA  CLEF  DE  LA  MAGIE  NOIRE 

Dieu.  Enfin,  le  rétablissement  de  la  royauté  nous  est  pré- 
dit comme  devant  ouvrir  une  ère  faste,  à  l'issue  de  la 
période  expiatoire  que  nous  vaudra  notre  impiété  et  notre 
corruption.  Le  monarque,  un  Bourbon  d'une  branche 
latérale,  régnera  sous  le  nom  d'Henri  V  (l). 

On  cite  plusieurs  phénomènes  de  seconde  vue,  où  la 
véracité  de  M"'  Couédon  se  serait  fait  paraître.  Mais  au- 
tre chose  est  la  clairvoyance  d'une  lucide,  autre  chose 
l'inspiration  d'une  sibylle  ou  d'une  céleste  missionnée. 
Dans  le  premier  cas,  c'est  M"'  Lenormand  qui  nous  in- 
trigue et  nous  étonne;  dans  l'autre  cas,  c'est  Jeanne 
d'Arc  qui  nous  réveille  et  qui  nous  sauve... 

L'avenir  se  chargera  bientôt  de  détruire  ou  de  centu- 
pler le  prestige  de  lu  Voyante,  car  ses  prédictions  sont 
toutes  à  brève  échéance.  Quoiqu'il  en  advienne,  la  sin- 
cérité de  cette  jeune  fille  ne  fait  pour  nous  aucun  doute, 
pas  plus  que  le  fait  d'une  influence  occulte,  ni  la  réalité 
d'un  être  invisible  dont  elle  est  lorgane.  Médium  à  in- 
carnation, elle  s'exprime  en  vers  assonnants  de    sept 
pieds,  et  ne  se  souvient  plus,  dans  son  état  normal,  des 
choses  qu'elle  a  débitées  lorsqu'elle  se  trouvait  en  con- 
dition seconde.  Mais  l'identité  de  son  inspirateur  reste  un 
problème  insoluble.  L'  «  ange  »  serait-il  un  Élémental? 
un  Élémentaire  ?...ou  véritablement,  comme  elle  le  croit, 
un  messager  du  Ciel  ? 

C'est  ce  que  Demain  nous  révélera. 


(1)  Cf.  la  Voyante  de  la  rue  de  Paradis,  par  Gaston  Méry,  Denlu, 
1896.  in-12  (pages  34-36). 


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LA  ROUE  DU  DEVENIR  273 


Ces  considérations  nous  amènent  tout  droit  aune  étude 
succincte  des  arts  divinatoires,  examinés  dans  leurs  prin- 
cipes. 

Étant  données  les  trois  Puissances  collaboratrices  dont 
le  Futur  est  l'ouvrage,  on  serait  tenté  d'établir  une  clas- 
sification ternaire,  où  se  répartissent  les  différents  moyens 
divinatoires,  selon  qu'ils  procéderaient  d'une  origine 
providentielle,  ou  volitive,  ou  fatidique. 

Mais  en  fait,  la  divination  proprement  dite  semble  le 
monopole  du  Destin. 

La  seule  Providence  infuse,  il  est  vrai,  l'Esprit  de  pro- 
phétie pur  de  tout  mélange.  Mais  le  Verbe  providentiel 
est  incoercible;  sa  transmission,  toute  spontanée,  est 
volontaire  de  sa  part.  Il  ne  s'évoque,  —  exceptionnelle- 
ment, —  que  par  la  pratique  de  Textase  active.  C'est  ce 
qu'un  Lecteur  attentif  du  précédent  chapitre  a  dû  com- 
prendre d'avance. 

On  n'interroge  guère  directement  la  Volonté  univer- 
selle :  c'est  un  fait,  et  la  raison  profonde  n'en  est  point 
facile  à  justifier...  Notons  seulement  que  de  deux  choses, 
Tune  :  ou  cette  Volonté  universelle  suit  les  voies  de  la 
Providence,  et  son  Verbe  se  confond  avec  le  Verbe  pro- 
videntiel (dont  on  peut  dire  :  Spiritus  fiai  ubi  vulty,  ou 
bien  la  hautaine,  se  dégageant  de  cette  tutélaire  influence, 
devient  dès  lors  sujette  à  se  tourner  contre  elle-même  : 
«  les  pensées  se  choquent,  et  grande  division  est  dans 
Tentendement  »!...  La  Volonté  émet  par  suite  des  ora- 
cles contradictoires,  selon  que  le  consultant  s'est  jeté  dans 
l'un  ou   l'autre  de  ses  courants  hostiles.  Du  reste,  on 

18 


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274  LA  CLEF  DE  LA  MAGIE  NOIRE 


peut  envisager  en  ce  cas  la  Volonté  comme  vassale 
du  Destin  à  bref  délai  :  finalement  elle  fléchit  d'autant 
plus  sous  la  loi  fatidique,  qu'elle  parut  s'y  heurter  d*iin 
plus  superbe  effort.  Soient  dites  ces  choses  à  Tégard  de 
la  Volonté  ou  des  volontés  collectives;  car  les  volontés 
individuelles  échappent  à  tout  augure  :  lorsqu'elles-mê- 
mes  s'interrogent,  savent-elles  toujours  quoi  se  répon- 
dre? Non  pas.  Elles  sont  la  spontanéité  même,  dans 
l'indéfinie  multiplicité.  Elles  ne  formulent  que  des  in- 
tentions :  savez-vous  rien  de  plus  variable?...  L'on  con- 
çoit donc  qu'il  n'y  ait  nul  avantage,  comme  nulle  sécurité 
aussi,  à  consulter  l'àme  universelle  volitive  :  puisqu'elle 
s'élève,  en  prime  hypothèse,  à  la  collaboration  provi- 
dentielle; ou  devient,  si  elle  y  répugne,  le  hochet  multiple 
du  Destin,  —  idole  beaucoup  plus  facile  à  faire  parler. 

C'est  au  Destin  que  ressortissent  tous  les  arts  divina- 
toires, plus  ou  moins  imparfaits,  qui  sont  actuellement 
ou  pratiqués,  ou  connus.  On  peut  les  dire  innombrables, 
du  moins  innombrés.  Boissard  et  Peucer,  qui  leur  ont 
consacré  tant  de  centaines  de  pages  in-folio,  semblent 
fort  loin  d'en  offrir  la  nomenclature  intégrale.  Le  livre 
de  Pierre  de  Lancre,  Incrédulité  et  Mescreance  du  Sorti- 
lège, en  produit,  (pages  198-199),  une  liste  sinon  com- 
plète, à  coup  sûr  fort  détaillée,  et  Jean  Belot  présente 
sur  ce  point  le  double  avantage  d'être  explicite  à  la  fois, 
et  concis. 

Nous  renverrons  à  ces  auteurs  pour  le  détail  des  prati- 
ques divinatoires.  Il  nous  suffira  de  souligner  qu'elles  ne 
sont  tant  diverses  que  dans  la  prolixité  de  leurs  formes 
extérieures  :  car,  en  ce  qui  concerne  leur  nature  essen- 


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LA  ROUE  DU  DEVENIR  275 


tielle,  ces  pratiques  diffèrent  beaucoup  moins  qu'il  ne 
semble,  —  et  nous  n'en  sachons  guère  qui  débordent  le 
cadre  d'une  classification  quaterne,  vraisemblablement 
inédile  (1),  et  que  voici  : 

j  !•  Par  révocation  ou  la  consultation  directe  des  In» 
I  visibles.  —  Exemples  :  Théomancie (néo-platonicienne), 
I  Nécromancie,  Recours  à  Tassistance  des  génies  ou  des 
démons,  Fureur  sibylline,  etc. 

IF»  Par  r interprétation  des  signatures  naturelles, 
(dont  il  sera  traité  aux  chapitres  iv  et  v).  —  Exemples  : 
Science  analogique  des  formes  universelles,  (Anatomie 
cosmique  de  Crollius);  Morphologie  qualitative;  Phy- 
sîognomonie,  Phrénologie,  Méloposcopie,  Chiromancie, 
Graphologie,  etc.  ;  Art  augurai,  Ilaruspicine,  Tératos- 
copie,  Interprétation  des  images  fatidiques  :  Onéiro- 
mancie  ou  explication  des  songes,  etc.. 

IIP  Par  Vétude  des  combinaisons  artificielles^  plus 

ou  moins  simples  ou  complexes,  présentant  à  Vesp7Ht  Ti- 

l  mage  contractée  du  f as  et  du  nefas  éternels.  —  Exem- 

'   pies  :  Urim  et  Thummtm,  pile  ou  face  ;  Tarots,  Cartes, 

Jeux  symboliques  de  la  vie  humaine  (jeu  d'oie),  etc., 

Sorts  de  tous  genres... 

IV®  Par  la  fixation  ^prolongée  de  certains  objets,  in- 
formes et  multiformes,  où  Tœil  croit  voir  passer  des 
images  confusément  sibijllines  ;  appel  à  la  lucidité,  par 
une  sorte  d^ pratique  auto-hypnotique,  état  que  provo- 
quent de  concert  Tefforl  prolongé  de  Tattention  et  la  fa- 
tigue du  nerf  optique.  —  Exemples  :  divination  par  les 
éléments  :  Pyromancie,  Aéromancie,Hydromancie,  Géo- 
mancie, (nous  parlons  de  la  vraie  ;  la  fausse  Géoman- 
cie qu'on  pratique  d'ordinaire  rentrant  dans  la  3"  caté- 
gorie), Cristal lomancie,  Divinations  par  la  Carafe,  le 
Miroir  magique,  le  Blanc  d'oeuf,  le  Marc  de  café,  etc.. 

(1)  Cf.  rintroduction  des  Miroirs  magiques,  par  P.  Sédir  (Chamuel, 
4  895,  in-12).  —  On  trouve,  en  cet  excellent  travail,  un  tableau  qui 
n*est  pas  sans  analogie  avec  le  nôtre. 


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376  LA  CLEF  DE  LA  MAGIE  NOIRE 


Ces  divisions,  nullement  arbitraires,  n'ont  cependant 
rien  d'absolu  :  certains  procédés  peuvent  relever   à   la 
fois  de  plusieurs  d'entre  elles.  —  Ainsi,  l'Astrologie,  qui 
appartient  à  la  deuxième  sorte,  en  raison  des  aspects 
célestes  (véritables  signatures  du  firmament),  sur  quoi 
reposent  les  calculs  génethliaques,  —  l'Astrologie   res- 
sortit également  au  troisième  mode,  par  suite  des  règles, 
toutes  d'artifice  et  de  convention,  auxquelles  cette  science 
est  actuellement  (1)  astreinte.  —  De  même  encore,   la 
pratique  du  Tarot,  attribuable  sans  doute  au  troisième 
genre  de  divinations,  dont  un  pur  hasard  semble  la  loi, 
est  réversible  aussi  sur  le  quatrième  :  cette  pratique  se 
fonde  bien  en  effet  sur  les  combinaisons,  toutes  fortuites 
en  apparence,  d'emblèmes  artificiels  et  imaginaires,  non 
pas  sur  l'interprétation  de   signes   ou  d'hiéroglyphes 
spontanément  fournis  par  la  nature  ;  mais,  d'autre  part, 
ce  kaléidoscope  d'images  sibyllines,  miroitant  sous  le 
regard  de  l'expérimentateur,  peut  être  conçu  comme  un 
moyen  perfectionné  de  provoquer   en    lui  la  seconde 
vue. 

L'interprétation  des  signatures  naturelles  parait,  k 
coup  sûr,  en  ses  diverses  variétés,  le  mode  de  divina- 
tion le  plus  rationnel  et  le  moins  trompeur  ;  l'examen  de 
la  physionomie,  le  discernement  des  lignes  du  front  et  de 
la  main,  l'étude  sagace  des  écritures,  présentent  à  l'envi 
une  sérieuse  documentation,  multiple  et  de  mutuel  con- 


(1)  Sur  lo  conlraste  entre  l'Astrologie  des  anciens,  et  la  Babel  de 
notions  arbitraires  qui  porte  aujourd'hui  ce  nom,  consultez  d'Olivet, 
Verg  dorés  de  Pythagore,  pages  2 C 9-27 8). 


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LA   ROOE   DO   DEVENIR  277 


trôle  :  et,  sur  cette  base  de  certitude  psychologique,  ré- 
vélatrice autant  qu'irrécusable,  on  peut  bâtir  tout  un 
édifice  de  lumineuses  conjectures. 

Il  ne  faut  pas  médire  non  plus  des  cartes,  des  TarotSy 
—  ces  jeux  symboliques  de  la  vie  humaine,  déroulée  à 
travers  ses  alternatives  d'heur  et  de  malheur,  ses  con- 
trastes de  chance  et  de  malchance,  dont  les  Arcanes,  — 
fastes  ou  néfastes,  —  burinent  l'emblème  tour  à  tour. 
Un  devin  véritablement  doué  s'exalte  au  maniement  de 
ces  figures  fatidiques  ;  il  sourcille,  on  dirait  qu'il  tend 
l'oreille...  Ces  cartons  bariolés  lui  deviennent  Oracles 
parlants!  Soudain,  il  a  tressailli;  son  œil  s'éclaire  du 
jour  intérieur  :  à  sa  seconde  vue,  un  immense  horizon 
s'est  ouvert.  Le  voile  de  l'Astral  est  déchiré... 

Nous  ne  songeons  même  pas,  on  le  concevra  sans 
peine,  à  résumer  ici  les  principes  généraux  de  ces  sciences 
partiellement  contestables,  aussi  nombreuses  d'ailleurs 
qu'ambiguës,  ni  les  règles  fondamentales  des  arts  sibyl- 
lins qui  leur  correspondent.  Aii  précis  essentiel  d'une  seule 
méthode  prise  pour  exemple,  un  long  chapitre  ne  satisfe- 
rait point.  C'est  aux  traités  spéciaux  qu'il  faut  recourir  : 
les  curieux  n'auront,  en  vérité,  que  l'embarras  du  choix. 

En  dévoilant  la  triple  source  du  FutuT,  nous  n'avons 
manifesté  que  le  principe  des  variations  où  le  Devenir  se 
joue  :  le  pourquoi  de  l'universel  Demain  dans  sa  causalité 
secrète,  et  non  pas  le  comment  des  instabilités  corpo- 
relles, dans  leur  phcnoménalisme  patent.  —  Il  resterait 
à  jeter  un  regard  sur  le  Devenir  particulier  des  apparences 
physiques,  —  énigme  dont  la  loi  des  polarisations,  bien 


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278  LA  CLEF  DE  LA  MAGIE  NOIRE 

comprise  en  son  esprit  général,  élucide  singulièrement 
l'arcane. 

De  la  mutabilité  des  choses  physiques,  nous  n'effleure- 
rons en  deux  mots  que  le  mécanisme  immédiat,  —  dé- 
pendant des  réactions,  des  échanges,  des  réciprocités 
incessantes  qui  ont  pour  milieu  propre  l'Astral,  ce  com- 
mun réservoir  des  êtres,  ce  mystérieux  athanor  des 
Puissances  collectives  de  la  vie. 

Qu'il  s'agisse  de  la  croissance  des  êtres  organisés,  ou 
de  leur  déclin,  pu  des  modifications  qu'ils  subissent,  — 
soit  accidentellement,  soit  volontairement,  —  étrangères 
à  ces  deux  phases,  ascendante  et  décadente,  de  Texis- 
tence  :  toutes  ces  mutations  s'effectuent  par  un  travail 
indiscontinu  du  tissu  cellulaire  sur  l'instable  canevas  du 
corps  astral.  Or,  celui-ci  se  modifie  incessamment  dans 
ses  rapports  avec  l'atmosphère  hyperphysique,  véhicule 
des  mutualités,  des  échanges  et  des  répercussions  qui 
s'exercent,  soit  avec  d'autres  corps  astraux,  soit  avec  les 
Êtres  individuels  ou  collectifs  qui  peuplent  cette  invisible 
atmosphère. 

Au  livre  111,  —  qui  embrasse  des  horizons  moins  res- 
treints que  le  présent  tome,  —  nous  verrons  par  quelles 
règles  d'agrégation  les  monades  se  combinent  pour  for- 
mer des  entités  plus  complexes  :  mouvement  évolutif  de 
synthèse  (1)  qui  n'est  que  la  contre-partie  (dans  la  pé- 


(1)  Ne  serait-il  pas  plus  logique  d'appeler  évolutive  la  période  de 
désintégration,  qui  va  de  l'Unité  absolue  au  nombre,  du  point  central 
au  déploiement  circonférenciel,  (par l'émission  du  rayon);  —  et  invo- 
lutive  la  période  du  processus  inverse,  qui  aboutit  à  la  réintégration 


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LA   ROUE   DU   DEVENIR  279 


riode  ascendante)  du  mouvement  inverse,  involutif  et 
d'analyse,  par  lequel,  (dans  la  période  décadente),  les 
êtres  émanés  de  TUnité-mère  se  désagrègent  en  sous- 
multiples  infinitésimaux,  pour  s'éparpiller  aux  doubles 
profondeurs  du  Temps  et  de  l'Étendue. 

Mais  en  ce  livre  II,  —  qui  ne  traite  des  mondes  invi- 
sibles qu'au  regard  de  la  magie  terrestre  et  des  possibles 
relations  entre  les  habitants  de  ces  mondes  et  les  êtres 
incarnés  ici-bas,  —  nous  n'aborderons  point  le  problème 
de  ces  définitives  fusions  d'exemplaires  adamiques  évo- 
luant vere  rUnité. 

I!  doit  nous  suffire  d'esquisser  ici  quelles  combinaisons 
souvent  fortuites  donnent  naissance  à  des  êtres  collectifs, 
plus  ou  moins  éphémères  ou  durables,  —  sortes  de  vi- 


tiu  nombre  dans  l'Unité,  à  la  résorption  de  la  circonférence  dans  le 
point  d'où  elle  émane  ?  —  On  peut  en  débattre,  mais  nous  avons  cru 
devoir  maintenir  à  ce  sujet  la  terminologie  coutumière  en  occultisme. 

Ces  deux  vocables  semblent  choisis  à  contre-sens,  lorsqu'on  examine 
les  choses  du  haut  des  principes,  du  point  de  vue  transcendental.  — 
C'est  apparemment  au  point  de  vue  terrestre  qu'on  s'est  placé,  pour  la 
fixation  des  deux  termes  en  litige  :  in-volution  (descente  de  l'Esprit 
dans  la  matière),  e-volution  (efTort  réascentionnel  de  l'Esprit  captif,  à 
travers  la  progression  des  apparences]. 

11  ne  s'agit  que  de  s'entendre  sur  les  mots... 

C'est  à  quoi  les  occultistes  n'arrivent  pas  toujours.  Que  d'obstinées 
controverses  entre  adeptes  d'écoles  différentes,  parfaitement  d'accord 
pour  le  fond  des  choses  t  De  très  superficielles  contradicUons  verbales 
défendaient  seules  aux  adversaires  de  lever  le  malentendu. 

Sans  vouloir  abolir,  avec  le  vocabulaire  et  le  symbolisme  propres  de 
chaque  groupe  enseignant,  la  couleur  locale  et  l'originalité  qui  font  le 
charme  des  divers  styles  du  Mystère  ;  sans  pousser  à  la  création  désas- 
treuse d'une  sorte  de  Volapûk  théosophique,  —  il  est  bien  permis  de 
souhaiter  la  rédaction  d'un  bon  lexique  doctrinal,  précisant  les  rigou- 
reuses équivalences  de  langage  et  de  symbolisme,  d'une  école  à  l'autre. 


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280  LA  CLEF  DE  LA  MAGIE  NOIRE 

vantes  synthèses,  résultats  du  groupement  de  plusieurs 
individualités,  sous  les  conditions  requises. 

Après  les  Mystèi*es  de  la  solitude,  nous  allons  abordei' 
les  arcanes   de  la  vie  collective,   les  mystères  de  la 

MULTITUDE. 

Quel  homme  du  monde,  curieux  des  choses  de  l'Oc- 
culte, n'a  vu  réussir  d'aventure  quelque  expérience  de 
table  tournante  ou  parlante  ?  Pas  un  lecteur,  peut-être, 
de  nos  Essais  de  Sciences  maudites. 

Ces  pratiques  de  magie  bourgeoise,  que  la  coterie  kar- 
déciste  a  érigées  en  une  manière  de  sport  nécroman- 
tique  assez  anodin,  se  maintiennent,  depuis  près  d'un 
demi-siècle,  à  l'ordre  du  jour  de  certains  salons. 

Exhibitions  tragi-comiques!  Les  premiers  rôles  en 
sont  tenus,  neuf  fois  sur  dix,  dans  les  milieux  les  plus 
frivoles,  par  d'aimables  comparses  volontiers  mystifica- 
teurs, ou  par  quelques  apôtres  de  la  foi  nouvelle,  dogma- 
tiques et  farouches  commis  -  voyageurs  de  la  maison 
Révoil  et  successeurs,  laquelle  n'est  pas  sise  au  coin  du 
quai. 

Ces  conditions  peu  sérieuses  n'empêchent  que  Texpé- 
ricnce  ne  réussisse  de  temps  en  temps.  De  curieux  phé- 
nomènes ont  lieu.  Quelquefois  la  présence  d'un  vrai  mé- 
dium, soit  professionnel  ou  spontané,  permet  la  manifes- 
tation de  quelque  indigène  de  l'Astral  ;  mais  ces  visites 
d'un  autre  monde  sont  l'exception  :  dans  la  plupart  des 
cas,  la  table  oraculaire  répond  par  coups  frappés,  et  fort 
pertinemment,  sans  que  nulle  Puissance  soit  intervenue, 
étrangère  au  cercle  des  assistants. 


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LA   ROUE   DU   DEVENIR  281 


Inutile  d'insister  sur  les  éléments  de  Texpérience  :  ils 
sont  des  plus  simples.  L'ordonnance  n'en  varie  guère,  et 
seulement  dans  les  détails  de  la  mise  en  œuvre. 

Quelques  personnes  sont  assises  en  cercle  autour  d'un 
guéridon.  Les  mains,  étendues  à  plat  sur  le  bord  de  la 
tablette  supérieure,  y  reposent  le  plus  légèrement  pos- 
sible, tous  doigts  écartés.  On  prend  soin  de  rejoindre 
les  pouces  des  deux  mains,  tandis  que  les  auriculaires 
effleurent,  de  chaque  côté,  les  petits  doigts  des  voisins 
de  droite  et  de  gauche.  Ainsi  se  forme  d'ordinaire  la 
chaîne  magnétique  ;  ainsi  se  clôt  le  circuit  de  cette  bat- 
terie d'éléments  humains. 

Ces  préparatifs,  on  le  remarquera,  sont  les  mêmes, 
soit  qu'on  veuille  interroger  la  table,  ou  simplement  la 
faire  tourner.  La  pensée,  le  vouloir,  le  désir  des  expéri- 
mentateurs, déterminant  seuls  la  direction  de  l'expérience, 
en  dominent  les  résultats.  Tout  dépend  de  cette  mysté- 
rieuse Force,  —  inconsciente  et  spontanée  chez  les  uns, 
asservie  et  canalisée  chez  les  autres,  —  que  Paracelse 
nomme  quelque  part  le  magique  aimant,  le  Magnes  inté- 
rieur et  secret. 

Après  une  phase  plus  ou  moins  longue  de  contention 
mentale,  quand,  la  chaîne  s'étant  favorablement  établie, 
roxpérience  doit  réussir,  une  sorte  de  trépidation  (1)  fé- 


(i)  Il  se  produit  aussi  des  craquements,  quelquefois  des  coups  net- 
tement frappés,  comme  au  choc  d'un  invisible  maillet.  —  Ce  dernier 
phénomène  est  plus  rare  ;  il  décèle  la  présence  d'un  fort  médium  et 
l'intervention  probable  de  Larves  ou  d'entités  astrales  avides  de  se  ma- 
nifester, à  la  faveur  de  la  force  psychique  dont  il  dispose. —  Mais  dans 
la  plupart  des  cas,  la  trépidation  révélatrice  de  la  vie  et  même  de  lé- 
gers craquements  n'impliquent  rien  de  pareil.  Ces  phénomènes  accu- 


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383  LA  CLEF  DE  LA  MAGIE  NOIRE 

brile  naît  et  se  propage  dans  Tépaisseur  même  du  bois  : 
indubitable  symptôme,  qui  accuse  Tinfusion  de  la  vie  à 
même  celte  inerte  matière;  la  pénétration  du  fluide  sibyl- 
lin dans  ràpre  tissu  ligneux;  et  la  présence,  enfin,  de 
rOracle  invoqué  :  Ueus,  ecce  Deus! 

Qu'une  des  personnes  présentes  pose  alors  une  ques- 
tion :  le  meuble  s'ébranle  aussitôt  pour  répondre  ;  il  vibre 
tout  entier,  comme  imbu  de  vie  propre,  doué  d'àme  et 
d'intellect.  Bientôt,  Tun  des  pieds  se  soulève  lentement, 
et  retombe  de  son  poids  pour  se  soulever  à  nouveau  et 
frapper  un  autre  coup  en  retombant  encore.  Ainsi  de 
suite.  —  Un  alphabet  percussif  de  convention  permet 
d'engager  de  la  sorte  avec  l'Invisible  une  conversation 
suivie.  On  interroge  l'Oracle  de  vive  voix,  ou  même 
mentalement  :  TOracle  répond  par  coups  frappés. 

Ecce  Deus  !  Un  être  invisible  est  là,  ce  n'est  point  dou- 
teux. Il  pense,  il  raisonne;  il  parle,  il  répond.  Parfois 
même  il  interroge  à  son  tour. 

Mais  vint-il  du  dehors  ?  Nullement.  Accompagnait-il 
une  des  personnes  assises  en  cercle  autour  du  guéridon  ? 
Pas  davantage.  Tout  à  l'heure  il  n'était  point  là;  le  voici 
présent,  et  néanmoins  il  n'est  pas  venu.  Quand  bientôt, 
la  séance  finie,  les  expérimentateurs  se  disperseront, 


sent  simplement,  comme  nous  Talions  montrer,  Tefficace  propagation 
de  l'efTIuve  sympathique,  transmis  d'un  élément  à  l'autre  de  la  pile 
humaine,  et  la  soudaine  formation  d'un  Être  colleclif,  totalisant  en  soi 
les  virtualités  des  personnes  présentes,  et  qui  constitue  VOracle.  Cela 
étant,  toutes  les  personnes  coopérantes  peuvent  être  qualifiées  de  mé- 
dium à  des  titres  divers,  ou  plutôt  le  Médium  est  l'ensemble  des  assis- 
tants qui  forment  la  chaîne  magnétique. 


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LA   ROUE  DU   DEVENIR  283 


l'Invisible  aura  disparu,  et  pourtant  il  ne  sera  point 
parti. 

Comme  il  s'était  formé  de  toutes  pièces,  en  synthèse 
éphémère  d'éléments  rapprochés  pour  lui  donner  nais- 
sance, — pareillement  il  se  dissipera,  ce  concours  venant 
à  cesser. 

C'est  une  chose  notable,  et  dont  tous  les  spectateurs 
attentifs  de  ces  sortes  d'expériences  ont  été  certaine- 
ment frappés,  —  qu'en  aucun  cas,  et  si  fort  à  souhait 
que  la  tentative  réussisse,  l'oracle  n'émet  quelque  ré- 
ponse révélatrice  d'inconnu,  et  dont  les  éléments  nepuis- 
sent  être  fournis  par  les  assistants,  ou  tout  au  moins 
par  l'un  d'eux  (1).  L'intelligence  qui  se  manifeste  ne  re- 
présente ni  plus  ni  moins  que  la  somme  des  intelligences 
présentes,  additionnées  en  une  seule. 

M.  le  comte  Agénor  de  Gasparin,  —  qui  avait  beau- 
coup expérimenté  les  tables  oraculaires,  en  une  suite  de 
rigoureuses  épreuves,  dont  l'enchaînement,  non  moins 
que  les  résultats,  attestent  chez  lui  autant  de  persévérance 
que  de  sagacité,  —  M.  de  Gasparin  conclut  formellement, 
à  rencontre  de  l'hypothèse  spirite  :  «  Les  esprits  (dit-il) 
sont  des  échos;  ils  renvoient  à  chacun  son  propre  lan- 
gage (2).  » 


(1)  Exemple:  «r  La  table  indiquera  l'heure  qu'il  est,  mon  âge,  le 
nombre  des  pièces  de  monnaie  que  contient  ma  bourse  ;  à  une  condi- 
tion, toutefois,  c'est  que  je  connaîtrai  ce  nombre.  Quand  personne  ne 
le  connaît,  ni  dans  la  chaîne,  ni  dehors,  l'erreur  est  certaine,  et  l'on  n'a 
plus  d'autres  chances  que  celles  fournies  p'ar  les  coïncidences,  et  aussi 
par  un  calcul  assez  simple  de  probabilité.  »  (Gasparin,  des  Tables  tour- 
nantes, etc.,  t.  II,  pp.  430-431). 

[2j  Gasparin,  Des  Tables  tournantes,  etc.  [t.  Il,  p.  504). 


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384  LA  CLEF  DE  LÀ  MAGIE  NOIRE 

C'est  bien  cela  ;  c'est  encore  quelque  chose  de  plus. 

Une  table  parlante  se  peut  définir  un  thermomètre 
psychique  et  mental  qui  révèle,  au  moral  comme  àl'in- 
tellectuel,  la  température  des  milieux  humains. 

L'invisible  discoureur  fera  montre  d'idées,  de  manières 
et  de  style  parfaitement  adéquats  aux  façons  d'être,  de 
penser  et  de  sentir,  propres  à  ses  interlocuteurs. 

Il  sera  léger  et  spirituel  dans  un  cercle  de  gens  d'es- 
prit; compassé  et  pédantesque  dans  un  aréopage  de  so- 
lennels imbéciles;  irrévérencieux  et  frondeur,  si  l'élément 
voltairien  domine.  Dans  une  compagnie  panachée  de 
vieilles  dévotes  et  d'ecclésiastiques,  fourvoyés  autour 
d'un  guéridon  bien  pensant  (malgré  l'enfer  qui  le  pos- 
sède !),  le  Diable  se  montrera  tour  à  tour  édifiant  et  acri- 
monieux, bon  catholique  et  mauvaise  langue.  Entre  aca- 
démiciens, un  invisible  Vaugelas  discutera  la  lettre  B  du 
fameux  Dictionnaire  ;  entre  athées,  c'est  Sylvain  Maré- 
chal qui  viendra,  frais  émoulu  de  la  tombe,  déblatérer 
contre  l'immortalité  de  l'âme  et  l'existence  de  Dieu  (1). 

Quand  la  chaîne  est  formée  d'éléments  hétérogènes  et 
par  trop  discords,  les  résultats  sont  insignifiants,  ou 
nuls. 

L'oracle  mensal  paraît  le  plus  souvent  Texpression 
d'une  moyenne  ;  mais  il  peut  s'élever  à  un  maximum,  ou 
descendre  à  un  minimum  de  lucidité,  de  science  et  de 
conscience. 


(1)  Kliphas  Lnvi  cite  quelque  part,  non  point  à  propos  de  tables  tour- 
nantes, mais  d'apparitions  spectrales,  une  manifestation  bien  curieuse 
d'athéisme  posthume,  dont  le  fantôme  de  Sylvain  Maréchal  aurait  été 
l'instrument  (la  Science  des  Eifprtts,  pp.  307-212). 


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LA   ROUE   DU   DEVJENIU  285 


Ces  différences  tiennent  à  la  proportion  variable  des 
natures,  actives  et  passives  (1),  qui  concourent  à  la  genèse 
de  l'entité  collective,  fluidique. 

Le  minimum  phénoménal  est  attribuable  à  une  sura- 
bondance de  Psychés  plus  ou  moins  négatives,  dont  les 
vertus  éparses  se  contrarient  et  se  neutralisent  partielle- 
ment, à  défaut  d'un  élément  positif  qui  les  groupe,  les 
féconde  et  les  unifie. 

Y  a-t-il  équivalence  et  compensation  entre  les  deux 
natures,  tant  au  point  de  vue  du  nombre  qu'à  Tégard  de 
l'intensité  dynamique,  une  moyenne  proportionnelle  s'é- 
tablit. 

Mais,  pour  atteindre  au  maximum,  il  faut  grouper  un 
certain  nombre  d'éléments  négatifs,  —  intelligences  plus 
intuitives  et  réfléchies  qu'expansives  et  spontanées,  — 
sous  la  prédominance  d'un  élément  tout  à  fait  positif; 
c'est-à-dire  sous  l'influx  d'un  homme  riche  de  qualités 
organisatrices,  doublées  d'un  vouloir  énergique  et  domi- 
nateur. C'est  alors  que,  parfaitement  agencée,  la  batte- 
rie psycho-fluidique  fournit  son  summum  de  rendement. 
Car  les  pensées,  même  les  plus  rudimentaires,  les  rémi- 


(1)  Nous  avons  observé,  dans  notre  théorie  d'inverse  polarisation 
des  individus  mâle  ou  femelle,  que  chez  tous  deux,  la  Psyché  apparaît 
neutre  comme  centre  d'équilibre,  entre  les  pôles  positif  et  négatif  chez 
Tan,  négatif  et  positif  chez  l'autre.  —  Mais  ces  termes  de  polarisation 
n'ont  rien  d'absolu,  en  ce  qu'ils  n'expriment  que  de  simples  rapports. 
Ainsi  telle  Psyché,  ou  centre  animique,  neutre  en  vérité  relativement 
à  ses  deux  pôles,  peut  être  conçue  soit  négative,  soit  positive,  à 
regard  d'autres  Psychés,  comme  il  est  facile  de  s'en  rendre  compte. 

n  serait  oiseux  de  relever  et  de  résoudre  chaque  fois  ces  sortes  d'ap- 
parentes contradictions,  qu'un  Lecteur  attentif  s'expliquera  de  lui- 
même,  au  moindre  effort  de  raisonnement. 


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S86  LA  CLEF  DE  LA  MAGIE  NOIRE 

niscences,  fussent-elles  les  plus  vagues,  qui  peuplaient 
nébuleusement  les  cervelles  négatives,  se  développent 
et  se  précisent  à  souhait,  réactionnées  par  l'influence  de 
rélément  positif  :  et  l'Être  potentiel,  s'en  emparant, 
les  formule  et  les  exprime  par  coups  frappés. 

Comment  définir  cette  classe  d'êtres  potentiels,  en  qui 
l'on  ne  peut  guère  méconnaître  l'autonomie  momentanée? 
Ils  ne  sont  point  des  Larves,  sans  doute,  puisqu'ils  jouis- 
sent d'une  personnalité  intelligente  autant  que  fugitive; 
et  pourtant  leur  nature  semble  inqualifiable,  à  l'égal  de 
celle  des  Larves.  Par  quelles  obscures  et  brusques  réac- 
tions s'intègrent  de  toutes  pièces  ces  Éphémères  collec- 
tifs ;  sous  quel  mode  se  désintègrent-ils  plus  soudaine- 
ment encore  :  c'est  ce  qu'on  a  peine  à  concevoir,  et  qui, 
même  conçu,  se  dérobe  à  l'interprétation  par  l'écriture 
ou  la  parole. 

Essayons  de  soulever  un  coin  du  voile. 

Le  résultat  capital  de  la  chaîne  magnétique  mensalc 
est  l'unification  des  atmosphères  secrètes  individuelles, 
leur  fusion  en  une  seule  atmosphère.  La  commune  ir- 
radiation fluidique  est  cette  force  qui  pénètre,  imbibe  et 
anime  le  guéridon. 

C'est  dans  ce  halo  collectif,  agglomération  et  synthèse 
des  nimbes  occultes  de  tous  les  assistants,  que  l'Oracle 
va  naître  et  mourir. 

On  se  souvient  que  le  nimbe,  ou  atmosphère  lumineuse 
spécifiée  qui  enveloppe  chaque  individu,  s'engendre  de 
son  expir  astral.  Là  sont  coagulés,  en  Lémures  obsé- 


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LA   ROUE  DU   DEVENIR  287 


dants,  de  flottants  mirages  et  des  Larves  parasitaires,  — 
véritables  fantômes  déterminés  par  les  pensées  coutu- 
mières  de  chacun  (i),  et  déterminants  à  leur  tour  de 
pensées  nouvelles  et  d'actes  proportionnels  à  ces  pensées  : 
le  tout  dans  un  même  cercle  vicieux  de  fatalité,  ou  dans 
un  même  entraînement  de  progrès  volontaire.  Ainsi  s'ex- 
plique rhabitudôy  bonne  ou  mauvaise,  et  sa  tendance  à 
devenir  «  une  seconde  nature  ». 

L'énigmatique  ascendant  astral  (2),  dont  Paracelse 
fait  dépendre  les  principaux  arcanes  de  la  Goëtie,  n'est 
rien  autre  que  ce  courant  de  vivantes  images,  signatu- 
res (3)  symboliques  des  passions  dominantes,  des  maî- 
tresses pensées,  des  volitions  habituelles  de  chacun.  C'est 
ce  cycle  de  reflets  psychologiques  réagissant  sur  leur 
auteur,  et  suggestifs  pour  une  part  de  son  Futur  animiquc 
et  mental  (4). 


(1)  Non  seulement  par  ses  pensées,  mais  par  ses  rêveries,  ses  impul- 
sions passionnelles,  ses  volitions,  etc. 

(2)  •  Tout  homme  est  dominé  par  un  ascendant  astral,  dont  la  direc- 
tion est  indiquée  par  les  lignes  de  vie  et  de  mort.  C'est  en  agissant  sur 
cet  ascendant  astral  qu'on  peut  envoûter  ;  les  cérémonies  ne  sont  qu'un 
moyen  de  produire  le  contact  astral  sympathique.  L'ascendant  astral 
est  on  double  tourbillon,  qui  produit  les  attractions  fatales  et  déter- 
mine la  forme  du  corps  astral.  Les  maléficiants  rendent  leur  ascendant 
agressif  et  l'exercent  à  troubler  celui  des  autres.  >  {Paracelse,  cité  par 
Éliphas  Lévi  :  La  Clef  des  Grands  Mystères,  p.  387). 

(3)  Voir,  pour  la  théorie  des  signatures  naturelles  et  les  rapports  du 
signe  à  la  chose  signifiée,  chap.  IV  et  V,  passim. 

(4)  Ainsi  chaque  individualité  modifie  son  propre  ascendant,  lors- 
qu'elle imprime  une  direction  nouvelle  à  ses  facultés  mentales,  psychi- 
ques ou  volitives.  L'ascendant  astral,  modifié  de  la  sorte,  transforme  à 
son  tour  le  double  éthéré  ou  médiateur  plastique,  en  réagissant  sur  lui. 

Dans  la  mutualité  de  ces  deux  actions  (directe  et  répercussive)  on 
trouvera  la  clef  du  mécanisme  de  Karma  terrestre. 


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288  LA  CLEF  DE  LA  MAGIE  NOIRE 

Quand  des  rapports  suivis  s'établissent  entre  deux 
personnes,  et  surtout  si  elles  habitent  ensemble,  les  at- 
mosphères astrales  se  pénètrent  d'une  sorte  plus  ou 
moins  intime,  parfois  jusqu'à  se  confondre  temporaire- 
ment. Les  deux  ascendants  sont-ils  d'intensité  à  peu  près 
égale?  11  s'effectue  maint  échange  d'images  déterminan- 
tes et  de  formes  lémuriennes,  si  bien  que  les  caractères 
s'apparient  en  réagissant  l'un  sur  l'autre.  —  Dans  l'hy- 
pothèse contraire,  celui  dont  l'ascendant  est  le  plus  fort 
l'emporte  en  définitive,  et  fonde  sur  son  prochain  une 
domination  qui  peut  se  perpétuer  jusqu'à  la  tombe.  Les 
adeptes  disent  alors  qu'une  personnalité  absorbe  l'autre, 
et  l'entraîne  en  son  tourbillon.  Ascendant  et  Tourbilloîi 
sont  termes  synonymes  en  magie. 

Il  va  de  soi  que  l'imagination,  ou  faculté  naturelle  d'/- 
niaghier,  de  créer  des  images,  constitue  la  base  néga- 
tive de  l'ascendant. 

L'ascendant  est  riche  (en  mode  passiQ  chez  ceux  qui 
ont  l'imagination  vive  et  féconde.  —  Il  est  énergique  (en 
mode  actif)  chez  ceux  dont  la  volonté  est  puissamment 
organisatrice. 

Car  la  force  de  l'ascendant  ne  réside  point  dans  l'a- 
bondance des  images  qui  pullulent,  emportées  au  hasard 
d'un  tourbillon  giratoire;  elle  réside  au  contraire  dans  le 
vouloir  assez  ferme  pour  les  sélecter,  les  mettre  en  ordre 
et  leur  imprimer  une  influence  favorable,  une  direction 
utile. 

G'eîst  pourquoi,  pour  obtenir,  dans  l'expérience  des 
tables  parlantes,  le  maximum  de  rendement  de  la  pile 
psycho-dynamique,  il  convient  de  subordonner  plusieurs 


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LA  ROUE  DU   DEVENIR  289 


natures  négatives  (fécondes  en  images  générées  sans  or- 
dre) à  l'empire  volontaire  et  régulateur  d'une  seule  na- 
ture énergiquement  positive... 

Maintenant,  comment  s'engendre  l'oracle  éphémère 
des  tables?  Jusqu'à  quel  point  l'un  des  expérimentateurs, 
—  le  plus  passif,  sans  doute,  —  peut-il  servir  d'incon- 
scient médium,  non  pas  au  sens  ordinaire  de  ce  mot, 
mais  en  tant  que  condensateur  des  électricités  psychiques 
unifiées?  La  pensée  collective  ne  pourrait-elle,  sinon 
naître,  du  moins  s'élaborer,  se  traduire  et  trouver  sa 
formule  au  cerveau  de  cet  homme,  organe  plus  ou  moins 
exproprié,  à  titre  fugitif,  et  pour  cause  d'utilité  com- 
mune? Dans  quelle  mesure  enfin  son  corps  astral  exté- 
riorisé peut-il  devenir  l'instrument  immédiat  et  local  de 
la  percussion  alphabétique  ? 

Nous  ne  hâterons  point  la  solution  de  ce  problème, 
dédié  à  la  sagacité  des  théoriciens  de  l'Inconscient. 

11  s'en  faut  bien  que  toutes  les  Puissances  invisibles 
nées  d'un  concours  d'êtres  humains  ,  —  groupés  ou  non 
suivant  la  norme  hiérarchique,  —  ressemblent  à  l'oracle 
mensal,  que  nous  avons  élu  pour  type  d'une  classe  par- 
ticulièrement instable  d'entités  collectives. 


La  parole  d'Adam,  Vhomme  tmiversely  est  essentielle- 
ment créatrice.  Il  pense  des  êtres,  et  son  verbe  impératif 
engendre  des  Puissances  et  des  Dominations.  Telle  est  la 
loi  de  Gan-bhlieden  pyO"]!!,  la  sphère  organique  où 

s'exerce  son  empire,  la  mystérieuse  enceinte  de  mani- 

10 


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29U  LA  CLEF  DE  LA   MAGIE  NOIRE 

festalion,  que  les  traducteurs  agnostiques  de  la  Genèse 
qualifient  de  paradis  terrestre. 

La  chute  a  dépossédé  Thorame  de  sa  divinité,  et  nous 
vivons  sous  la  loi  de  déchéance.  Mais  il  n'importe. 

Rien  n'est  changé  qu'à  la  surface.  La  matérialisation 
de  la  substance  universelle  a  bien  perverti  son  mode,  non 
point  altéré  son  essence.  L'homme  universel  n'a  pu  dé- 
choir qu'en  se  subdivisant;  à  mesure  qu'il  renaît  collec- 
tif, l'homme  reconquiert  ses  privilèges.  Dès  ici -bas,    il 
rentre  dans  ses  droits  par  l'intégration  sociale;  et  ce, 
dans  la  mesure  où  la  collectivité  dont  il  fait  partie,  con- 
sidérable par  le  nombre  et  la  valeur  de  ses  membres,  le 
rapproche  du  primitif  Adam,  c'est-à-dire  de  l'universa- 
lité. 

C'est  ainsi  que  dans  Tordre  politique,  ou  social,  ou  re- 
ligieux, des  millions  d'hommes,  hiérarchiquement  orga- 
nisés, tant  de  siècles  durant,  sous  le  niveau  d'une  règle 
inflexible,  ont  pu  créer,  —  conscients  ou  non  de  leur 
œuvre  (bonne  ou  mauvaise)  dans  Tinvisible,  —  des  Êtres 
virtuels,  des  Entités  collectives,  en  un  mot  des  Domina- 
tions fastes  ou  néfastes,  d'une  puissance  et  d'une  durée 
également  incalculables  ? 

Un  des  maîtres  contemporains  de  la  pensée  ésotérique, 
le  marquis  de  Saint-Yves,  a  traité  de  ce  mystère  avec 
une  parfaite  compétence,  à  propos  du  Nemrodisme,  en 
une  page  de  la  Mission  des  Juifs  que  nous  lui  demande- 
rons la  permission  de  reproduire. 

*  Une  fois  que  rifomme  (dit-il)  a  im|)régné.cie  sa  volonté 


I 


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LÀ   ROUE  DD   DEVENIR  291 


certains  éléments  de  Tord  rein  visible;  quand  11  a  conçu,  voulu, 
créé,  non  seulement  un  Pouvoir  visible,  mais,  sans  le  savoir, 
un  être  potentiel,  occulte,  évoqué,  se  manifestant  par  des  ins- 
titutions, ce  dernier  ne  meurt  pas  sans  avoir  vécu,  et,  s*il  est 
insliactif  et  passionnel,  il  vit  en  détruisant. 

c  II  combat  et  dévore  dans  Tordre  invisible,  comme  dans  le 
visible,  les  autres  Êtres  collectifs  de  cette  Terre;  il  s'abreuve 
du  sang,  il  se  nourrit  de  la  chair  de  leurs  membres;  il  aspire 
les  énergies  ignées  de  ce  globe  et  des  régions  inférieures  de 
son  atmos(>hère ;  il  les  respire,  et  il  les  insj)ire  dans  les  ins- 
tincts dominateurs  du  Pouvoir  qu'il  hante  et  des  individus  qui 
Toccupent  (1). 

€  Voilà  pourquoi,  à  Rome,  les  actes  politiques  de  ce  dernier 
sont,  dans  la  vie  de  relation  de  cet  Etat,  une  série  indisconti- 
nue de  massacres  militaires,  et,  dans  sa  vie  organique,  une 
chaîne  indiscontinuée  d'assassinats  politiques. 

<  Or,  s*il  est  relativement  facile  de  créer  ou  de  susciter  des 
Puissances  instinctives,  des  Dominations  destructrices,  il  est 
presque  impossible  de  les  effacer  de  la  biologie  de  la  Terre  et 
de  sa  substance  primitive,  à  moins  d*un  déluge. 

€  Dans  Tordre  invisible  comme  dans  le  visible,  rien  ne  se 
perd,  et  la  substance  première  d*un  Astre  quelconque  garde 
imprimés  en  elle,  dans  sa  Lumière  secrète,  jusqu'au  mou- 
vement d*une  Volonté,  jusqu'à  la  radiation  d'une  Passion, 
jusqu'à  T image  d'une  Pensée. 

<  Une  fois  l'Espace  terrestre  occupé,  le  Temps  terrestre  une 
fois  saisi, rien  ne  peut  plus  être  rattrapé,  rétrogresséni  détruit, 
et,  si  THommo  a  souillé  la  Lumière  intérieure,  les  Vivants  et 
les  Morts  en  sont  infestés,  et  les  derniers  rejettent  sur  les  pre- 
miers cette  souillure. 

c  Dans  le  domaine  du  Mal,  dans  la  sphère  d'action  de  Tins- 
linct,  que  ne  gouvernent  ni  la  Conscience  ni  Tlntelligence,  le 


(i)  Cette  conception  du  dévorant  minotaurc  d'un  régime  d'iniquité 
comporte  une  lumineuse  antithèse.  A  TÉgrégore  noir  d'un  état  social 
séculaire,  hiérarchisé  dans  le  mal,  s'opposerait  TÉgrégore  blanc  d'un 
état  théocratique  harmonieux  et  pondéré,  —  l'Archange  de  la  «  Synar- 
chie  ■. 


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292  LA  CLEF  DE  LA  MAGIE  NOIRE 


pouvoir  créateur  de  l'Homme  sur  celle  Terre  ne  dépasse  pas 
certaines  régions  de  son  atmosphère;  mais  ii  peut  en  modifîer 
singulièrement  la  constitution  et  la  substance  hyperphysiques. 
c  Du  même  coup,  la  voie  ascendante  et  descendante  des 
âmes,  la  Mort  et  la  Génération  en  sont  terriblement  affec- 
tées (1).  > 

Ainsi,  voilà  deux  exemples,  bien  distincts  à  tous  égards, 
d'êtres  générés  par  l'intégration  collective. 

Si  l'on  se  reporte  à  l'oracle  des  tables,  cet  éphémère 
de  rinvisible,  dont  l'existence,  obscure  et  soudaine  en 
son  origine  comme  en  son  terme,  s'accuse  aléatoire  au 
point  de  paraître  un  mirage  intellectuel,  un  fallacieux  re- 
flet des  mentalités  coopérantes,  — quel  contraste  avec  ce 
formidable  Archange  de  l'iniquité  politique  et  du  blas- 
phème antisocial,  pour  qui  les  siècles  sont  des  jours,  les 
hécatombes  humaines  de  périodiques  repas,  et  les  cata- 
clysmes qui  bouleversent  les  empires,  le  contre-coup  d'un 
accès  d'humeur  ou  capricieuse  ou  furibonde  ! 

Cependant,  l'un  et  l'autre  cas  présentent  ce  trait  de 
ressemblance,  que  l'Être  collectif,  généré  pour  un  quart 
d'heure  ou  pour  des  lustres  séculaires,  jouit  d'une  exis- 
tence et  d'une  conscience  propres  :  sans  que  les  individus 
dont  il  forme  la  synthèse  perdent  rien  de  leurs  person- 
nalités respectives.  Ceux-ci  subissent  bien,  il  est  vrai, 
l'impérieuse  suzeraineté  du  monstre  potentiel  pétri  de 
leur  substance,  nourri  de  leur  sang  parfois  et  abreuvé 
de  leurs  larmes  ;  mais  ils  ignorent  profondément  ce 
despote  invisible.  Alors  même  que,  pour  satisfaire  son 

[i]  La  lUission  des  Juifs,  pp.  794-79.-). 


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LA   RODE   DU  DEVENIR  293 


caprice,  on  les  verra  succomber  dans  l'arène  de  la  vie 
terrestre,  ils  ne  s'écrieront  pas,  comme  le  gladiateur  ex- 
pirant :  AvCy  Cœsar;  morituri  le  salutant!  Ainsi  les  cel- 
lules du  corps  humain,  s'il  leur  était  donné  de  philoso- 
pher, nieraient  sans  doute  l'existence  du  vaste  organisme 
dont  elles  font  partie  intégrante,  et  pour  le  salut  duquel 
un  irrésistible  instinct  les  porte  à  se  sacrifier  si  sou- 
vent (1). 

Entre  ces  deux  extrêmes  de  Texistence  collective,  on 
sent  qu'il  y  a  place  pour  beaucoup  d'entités  intermédiai- 
res, plus  ou  moins  stables  et  conscientes.  Nous  ne  son- 
geons point  à  en  fournir  un  catalogue,  même  sommaire. 
De  si  délicates  nuances  en  distinguent  les  variétés, 
qu'une  sèche  classification  ferait  peu  de  profit.  Il  suffira 
de  produire  quelques  spécimens  de  ces  Collectifs,  pour 
qu'un  Lecteur  intelligent  et  réfléchi  puisse,  en  comblant 
les  lacunes  de  la  nomenclature,  suppléer  à  ce  que  nous 
tairons  des  Arcanes  delà  Multitude. 

Les  assemblées  politiques  offrent,  au  point  de  vue  qui 
nous  occupe,  un  champ  d'observations  propice  et  fertile, 
avec  le  contraste  de  leurs  flux  et  de  leurs  reflux  pareille- 
ment désordonnés  :  irrésistibles  et  soudaines  impulsions 
qui  s'y  manifestent  à  rimproviste,et  revirements  invrai- 
semblables qui  leur  succèdent.  Dans  une  enceinte  bien 


(1)  Lire,  dans  le  Traité  méthodique  de  Science  occulte  de  notre  ami 
le  Dr  Papus^  une  page  bien  remarquable  et  singulièrement  instructive, 
intitulée:  •  Une  blessure  à  la  phalange;  Défense  de  l'organisme.  » 
(Pag.  794-798). 


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294  LA  CLEF  DE   LA  MAGIE  NOIRE 

circonscrite,  les  électricités  humaines  s'opposent  ou  se 
confondent,  se  neutralisent  ou  s'exaltent  dans  leur  anta- 
gonisme, au  hasard  des  rencontres  ;  cette  enceinte  est 
un  séminaire  d'êtres  collectifs,  générés  pêle-mêle  avec 
des  Larves  et  des  Concepts  vitalisés.  Lorsqu'un  certain 
nombre  de  citoyens  habiles,  résolus  et  fermes  dans  leurs 
principes,  ne  se  groupent  pas  pour  former  un  noyau 
compact,  un  centre  agrégatif,  un  point  fixe  enfin  dans 
ce  chaos  dynamique,  —  le  sabbat  se  déchaîne  sans  trêve 
des  volontés  et  des  passions  adverses.  Tous  les  mérites 
individuels,    s'entre-détruisant  alors,   concourent  à  la 
nullité   de  l'ensemble  :  et  l'on  aboutit,   en  période  de 
lutte  ouverte,  à  regorgement  mutuel  ;  en  période  d'ap- 
parente accalmie,  à  la  parfaite  stérilité...  Une  Assemblée 
de  citoyens  personnellement  adroits,  humains  et  justes, 
peut  devenir  un  modèle  historique  de  sottise,  de  barba- 
rie ou  d'iniquité  collectives.  Tacite  ne  l'ignorait  pas,  qui, 
d'une  image  familière  et  saisissante,  nous  dépeint  à  ce 
double  égard  les  Pères  Conscrits  de  son  temps  :  Sena-- 
tores  boni  viri,  Senatus  vero  tnala  bestia. 

L'âme  des  foules  est  partout  la  même,  aveugle  et  cré- 
dule, perméable  à  toutes  influences  de  bon  et  de  mauvais 
aloi,  et,  sur  toute  chose,  susceptible  d'étranges  revire- 
ments. 

Eugène  Sue  a  bien  connu  et  décrit  cette  instabilité  du 
caméléon  populaire.  Pas  un  lecteur  du  Juif  Errant,  que 
n'ait  ému  l'allocution  du  missionnaire  Gabriel,  sauvant 
le  Père  d'Aigrigny  que  la  foule  ameutée  à  Notre-Dame 
allait  occire  sur  les  marches  mêmes  du  chœur;  et  dans 
les  Mystères  de  Paris,  on  se  rappelle  la  scène  touchante 


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LA   ROUE  DU   DEVENIR  295 


de  Saint-Lazare,  quand  le  souffre-douleur  des  détenues 
devient,  à  la  voix  de  Fleur-de-Marie,  l'objet  de  l'intérêt 
général;  si  bien  que  la  plus  implacable  persécutrice  de 
l'idiote  enceinte  prend  l'initiative  d'une  collecte,  en  vue 
d'assurer  une  layette  à  l'enfant  qui  viendra. 

La  popularité  (qui  est  à  la  gloire  véritable  ce  que  l'ins- 
tant fugace  est  à  Téternelle  durée),  le  succès  immédiat, 
la  vogue  enfin,  pour  faire  usage  d'un  mot  qui  dira  tout, 
sont  caprices  de  Tàme  des  foules. 

Nous  verrons,  au  chapitre  iv,  comme  il  faut  unifier 
cette  âme  multiple  et  divergente,  afin  de  mettre  à  profit 
les  forces  qu'elle  déploie,  —  irrésistibles,  quand  on  a  su 
les  grouper  en  fulgurant  faisceau. 

C'est  le  mystère  de  la  chaîne  magique.  Son  intelligence, 
soit  dit  en  passant,  peut  conduire  à  celle  du  Grand  Ar- 
cane.  Son  impeccable  emploi  garantirait  Tomnipotence 
à  l'adepte  assez  froidement  calculateur  dans  le  péril  pour 
n'hésiter  point  à  la  mettre  en  œuvre,  et  trop  austère  dans 
le  triomphe  pour  en  abuser  jamais. 

Contentons-nous,  cette  parenthèse  étant  close,  d'ajou- 
ter que  la  chaîne  magique  est  un  moyen  sûr  de  créer 
des  Potentiels  collectifs  à  qui  rien  ne  résiste.  Si  les  au- 
teurs de  la  chaîne  y  mettent  quelque  persévérance  et 
quelque  intensité  volitive,  l'existence  du  colosse  évoqué, 
d'abord  contingente  et  mal  définie  comme  celle  de  TO- 
racle  mensal,  se  précise  et  s'affirme  à  proportion;  il  de- 
vient une  Force  subjugante  et  énergiquement  assimila- 
trice,  une  Domination  du  Ciel  humain  :  il  dévore  et 
résorbe  en  soi,  dans  l'Invisible,  les  Puissances  qui  lui 
font  obstacle  sans  être  à  même  de  sauvegarder  leur  au- 


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296  LA   CLEF  DE  LA  MAGIE  NOIRE 

tonoraie.  Dans  le  monde  physique,  c'est  par  ses  membres 
qu'il  agit,  en  inspirant  aux  individus  réunis  pour  former 
son  corps  social,  des   impulsions,  des  passions  et  des 
idées  dont  ceux-ci  ne  songent  point  à  se  défendre,  les 
croyant  leurs.;  et  qui  se  traduisent  par  des  actes,  dont  le 
résultat  est  l'asservissement,  la  ruine  ou  la  mort  des 
champions  de  volonté  adverse,  non  point  tant  à  la  leur, 
comme  ils  le  peuvent  croire,  mais  plutôt  à  la  sienne 
propre. 

Qu'on  évalue  le  développement  dynamique  où  doivent 
nécessairement  atteindre  les  Collectifs  recteurs  d'agréga- 
tions impersonnelles,  —  Pouvoirs  constitués,  par  exem- 
ple, Ordres  religieux,  Sociétés  secrètes,  —  toutes  compa- 
gnies se  perpétuant  au  service  d'un  principe,  d'une 
idée,  d'une  volonté,  d'un  sentiment  invariables,  impres- 
criptibles, censés  absolus  ! 

L'organisation  normale  de  telles  collectivités,  avec  son 
système  de  ressorts  et  d'engrenages  assortis,  en  fait  des 
corps  vivants,  perdurables  à  la  faveur  d'un  recrutement 
régulier;  ce  sont  là,  dans  toute  la  force  du  terme,  des 
organismes  physiques  géants,  où  s'incarne  une  âme  pas- 
sionnelle vivante  et  vivifiante,  pourvue  d'un  vouloir  irré- 
fragable et  réceptive  d'un  immortel  Esprit. 

De  telles  institutions  humaines,  doublées  dans  l'Invi- 
sible d'un  pareil  support  ontologique,  deviennent  les  ci- 
tadelles souvent  inexpugnables  des  sectes,  dans  la  ba- 
taille chronique  des  idées.  A  l'abri  du  rempart,  les 
vieux  partis  prolongent  la  lutte,  alors  même  qu'elle 
semble  désespérée.  El  dans  les  cas  extrêmes,  quand  les 
corps  sociaux  collectifs  paraissent  abolis,  par  suite  de  la 


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LA    ROUE   DU   DEVENIR  297 


dispersion  ou  du  massacre  des  membres  qui  les  com- 
posent, l'àme  collective  demeure  plus  vivace  que  jamais; 
elle  survit  aux  pires  désastres,  prompte  à  se  refaire  un 
corps,  sous  un  nom  ou  sous  un  autre,  par  Tafirégalion 
d'individus  sains  et  robustes,  qu'elle  inspire  et  possède 
après  les  avoir  sélectes:  si  bien  qu'en  se  réincarnant, 
elle  se  rajeunit,  elle  se  transfigure,  assume  une  vigueur 
nouvelle  et  inaugure  un  cycle  nouveau  de  domination 
terrestre. 

La  survivance  de  Jacques  Molay  nous  offrit,  au  tome 
précédent,  un  mémorable  exemple  de  rénovation  pos- 
thume en  ce  genre.  Vainement  l'Autorité  pontificale  dis- 
sout l'Ordre  du  Temple,  en  vain  les  pouvoirs  politiques 
écrasent  et  diffament  les  Templiers.  On  peut  croire  l'Or- 
dre anéanti,  mais  il  renaît  de  ses  cendres  dans  l'ombre, 
grandit  et  se  propage  au  long  de  quatre  siècles  et  plus, 
Protée  insaisissable,  multiplié  sous  mille  apparences 
étrangères,  conspirateur  affublé  de  mille  oripeaux  d'em- 
prunt... Dirait-on  pas  qu'il  perd  sa  tradition  comme  il  a 
perdu  son  titre;  qu'il  abdique  sa  personnalité  avec  la 
conscience  de  son  origine?  Mais,  sous  le  voile  des  mé- 
tamorphoses, l'Ame  collective  est  là  qui  veille,  gardienne 
d'un  mot  d'ordre!  Ce  mot  d'ordre  ne  sera  point  divulgué  ; 
il  se  perpétue  néanmoins,  inconnu  constamment  des 
subalternes,  méconnu  des  chefs  eux-mêmes  à  de  certai- 
nes époques;  il  se  formule  W/ia/re,  comme  l'iniquité  com- 
plice du  pontife  et  du  monarque  au  xiv®  siècle. 

Sa  double  et  secrète  devise,  le  Temple  Vivant  ne  l'a 
pas  oubliée;  l'heure  venue,  il  l'insufflera  au  cœur  des 


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298  LA  CLEF  DE  LA  MAGIE  NOIRE 

artisans  de  sa  vengeance  testamentaire  :  «  Pulvérise  ta 
tiare  (1),  — foule  aux  pieds  les  lys  (2)  !  « 

Et  voici  !  La  seconde  partie  du  siècle  de  Voltaire  verra 
la  revanche  des  Templiers.  Le  but  se  devine  à  mesure 
que  l'heure  approche,  mais  la  forme  de  rÉvénement 
flotte  encore  indécise. 

C'est  ainsi  que  vers  1772,  la  postérité  occulte  de  Jac- 
ques Molay  revêt  d'abord,  sous  Adam  Weishaupt,  le  ca- 
ractère d'une  vaste  société  secrète,  où  se  trame  une 
conspiration  contre  l'autel  et  le  trône.  D'Ingolsladt,  le 
foyer  central  de  son  incandescence,  la  secte  aréopagito 
rayonne  au  loin  sur  l'Empire.  La  vieille  Allemagne,  mi- 
née sur  toute  son  étendue,  n'attend  plus  qu'une  étincelle. 
Mais  l'Électeur  de  Bavière  est  prévenu  à  temps  (3).  Il 
prend  d'énergiques  mesures,  frappe  ou  bannit  les  conju- 
rés, et  le  complot  échoue  :  l'illuminisme  a  vécu Du 

moins  le  peut-on  croire;  mais  la  Révolution  française 
démontrera,  moins  de  vingt  ans  après,  l'illusion  qu'on 
s'est  faite  en  pensant  détruire  le  ferment  templier,  dont 
le  grand  coup  frappé  en  Allemagne  a  seulement  éconduit 


(1)  Latro  pontifex  deleatur  (L.  P.  D.).  —  Cf.  la  déclaraUon  des 
Rosc-Groix,  ppoclaïuanl,  en  1613,  «  que  par  leur  moyen  le  triple  Dia- 
dème du  Pape  sera  réduit  en  poudre  *.  (Gabriel  Naudé,  Instmct.  à  la 
France  sur  la  vérité  des  frères  de  la  Bote-Croix,  p.  36). 

(2)  Lilia  pedibus  destrue  (L.  P.  D.) 

(3)  «  On  sait  qu'un  des  adeptes  do  cette  société  subversive,  frappé 
d'un  coup  de  tonnerre  dans  la  rue  et  porté  évanoui  dans  la  maison 
d'un  particulier,  laissa  saisir  sur  lui  l'écrit  qui  contenait  le  plan  de  la 
conspiration  et  les  noms  des  principaux  affidés.  o  (Histoire  philos,  du 
Genre  humain,  t.  I,  p.  103).  Cet  adepte,  foudroyé  à  Ratisbonne  aux 
côtés  de  Weishaupt  lui-mt^me,  était  un  prêtre  renégat  du  nom  de  Lanz. 
Son  portefeuille,  saisi  par  la  justice,  fiit  envoyé  à  la  Cour  de  Bavière. 


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LA    ROUE   DU    DEVENIR  299 


l'invasion  et  dépaysé  l'énergie.  Cette  fois,  rien  ne  peut 
mettre  obstacle  à  la  précipitation  des  conjonctures  :  un 
cataclysme  d'une  violence  inconnue  ébranle  tout  d'abord 
la  France,  par  contre-coup  l'Europe  et  le  monde.  Puis 
une  évolution  en  procède,  qui  depuis  un  siècle  se  pour- 
suit, graduelle  et  sûre,  à  travers  des  phases  contrastées 
d'ordre  et  de  désordre,  des  alternatives  de  bouleverse- 
ments politiques  radicaux  et  de  restaurations  mitigées. 
Sensiblement,  Taxe  social  a  fléchi  ;  le  monde  oscille  en- 
core à  rheure  où  nous  parlons,  et  tend  vers  un  nouvel 
équilibre,  vers  un  ordre  de  choses  inédit. 

Quelle  que  soit  la  part,  prépondérante  selon  nous, 
des  menées  occultes  dans  le  drame  de  1789-1793,  cette 
cause  décisive  ne  fut  pas  la  seule  à  nos  yeux.  A  plus 
forte  raison  n'attribuerons-nous  point  à  l'exclusive  pré- 
méditation des  néo-templiers  l'avènement  d'un  cycle  so- 
cial rénové.  C'est  qu'en  France,  l'œuvre  vehmique  s'est 
combinée,  enchevêtrée  avec  le  processus  normal  des 
événements;  cette  vigoureuse  impulsion  en  a  hâté,  mais 
aussi  troublé  le  cours. 

Voyez  cependant  les  lys  noyés  à  deux  reprises  «  dans 
l'effusion  de  leur  sang  d'azur  »,  —  et  la  triple  cou- 
ronne du  Pape  qui  perd  ses  fleurons,  avec  le  Pouvoir 
temporel  par  trois  fois  aboli!  Voilà  bien  l'accomplisse- 
ment du  double  programme  de  la  vengeance  templière: 
Pulvérise  la  tiare,  foule  aux  pieds  les  lys. 

La  grande  Révolution,  cette  période  culminante  et 
peut-être  unique  dans  l'histoire  du  monde;  alors  que 
l'action  providentielle  et  la  Nécessité  fatidi(|ue,  également 
éclipsées  pour  une  heure,  parurent  anéanties  dans  l'é- 


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300  l'A  CLEF   DE  LA  MAGIE   NOIRE 

norme  explosion  où  la  Volonté  (1)  se  complut,  triom- 
phante, mais  sur-le-champ  divisée  et  tournant  ses  armes 
contre  elle-même  dans  l'ivresse  de  sa  victoire;  la  Révo- 
lution française  se  signale  entre  toutes  autres  crises,  par 
le  conflit  des  grands  Collectifs  humains. 

L'âme  templière  s'incarna  dans  la  vaste  Société  jaco- 
bine, tandis  que  les  Génies  potentiels  d'autres  traditions 
secrètes,  plus  vénérables  par  leur  antiquité  et  leur  sa- 
gesse, prenaient  corps,  mais  trop  hâtivement,  dans  les 
groupes  feuillant  et  girondin.  L'esprit  libéral  et  décen- 
tralisateur fléchit  sous  le  despotisme  unitaire  de  la  Mon- 
tagne. La  Commune  de  Paris  fit  échouer  la  cause  des 
communes  de  France.  Les  feuillants  se  dispersèrent,  et  la 
Gironde  fut  sacrifiée!... 

L'histoire  de  la  Convention  est  surtout  précieuse  à  qui 
veut  saisir  sur  le  vif  les  rivalités  meurtrières  d'Entités 
collectives,  dont  Tâpre  compétition  dans  l'Invisible  se 
traduit  ici-bas  en  actes  sanglants.  Dans  quel  enthou- 
siasme de  toute-puissance  s'épanouit  l'Égrégore  victo- 
rieux !  Comme  il  imprime  à  son  armée  terrestre  l'irré- 
sistible élan  de  sa  confiance  et  de  son  courage  ailiers  ! 
Mais,  s'il  vient  à  faiblir  dans  la  lutte  avec  son  adversaire 


(1)  Il  semble  que  la  Volonté  domine  tout  à  l'époque  révolutionnaire, 
—  comme  la  Providence  parait  tout  conduire  au  temps  de  Jeanne 
d'Arc,  —  et  le  Destin  tout  nécessiter  aux  derniers  jours  de  Byzance. 

Cette  prépondérance  alternée  des  Puissances  rectrices  du  monde 
rentre,  à  titre  d'exception,  dans  le  système  de  l'Équilibre  universel. 
Aussi  n'est-ce  point  l'empire  passager  d'une  Puissance  sur  les  deux 
autres,  mais  l'absolutisme  de  cette  domination  souveraine,  qui  nous 
fait  qualifier  d'unique  l'époque  des  Mirabeau,  des  Sieyès  et  des  Robes- 
pierre. 


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LA    ROUE   DU   DEVENIR  301 


(occulte  comme  lui),  quelle  déroute  parmi  ses  légiens  ! 
Quels  revirements  au  cœur  de  l'Assemblée  !...  Tout  ap- 
pui cède  qu'il  aurait  cru  ferme,  toute  fidélité  mollit  qu'il 
croyait  à  l'épreuve  d'un  revers  de  fortune.  Les  plus  sûrs 
instruments  de  son  règne  lui  manquent  à  la  fois  (1). 

Qu'on  étudie  à  ce  point  de  vue  la  crise  du  fédéralisme 
girondin,  et  Teffondrement  d'un  parti  qui,  disposant  d'une 
majorité  massive,  tenait  tous  les  postes  d'honneur  et  de 
sûreté  à  la  Convention  ;  —  puis  la  chute  inopinée  du  co- 
losse en  qui  respirait  l'esprit  et  semblait  battre  le  cœur 
des  foules,  et  qui,  prévenu  des  projets  de  ses  ennemis 
la  veille  de  son  arrestation,  haussa  si  magnifiquement 
les  épaules  :  «  Ils  n'oseraient^  dit-il  ;  on  ne  touche 
pas  à  Danton  :  je  suis  l'arche  !  »;  —  enfin,  plus  tard, 
au  lendemain  de  l'apothéose  de  Robespierre  dicta- 
teur, la  réaction  dévorante  de  Thermidor  :  on  jaugera 
mieux,  à  la  faveur  de  ce  triple  exemple,  l'inanité  des  ma- 
rionnettes individuelles,  en  de  pareilles  tempêtes  d'àmes 
collectives.  Le  vouloir  de  tel  ou  tel  acteur  isolé  équivaut 
au  Néant  même,  quand  les  Volontés  générales  se  heur- 
tent et  se  brisent  dans  l'éthcr  orageux  !  La  vraie  bataille 
est  au  Ciel  psychique  :  tout  se  décide  entre  les  grands 
champions  collectifs.  Ces  formidables  Dominations  de 
l'Invisible  posent  et  sacrifient  les  pions  de  chair  sur  l'é- 


(1)  Pour  qu'il  en  fût  autrement,  il  aurait  fallu  que  l'Égrégore  mis  en 
échec  comptât  parmi  les  siens  quelque  auxiliaire  rompu  au  maniement 
occulte  des  foules  ;  un  lieutenant  capable  de  le  suppléer  à  l'heure  de  la 
défaillance,  et  qui  sût  conjurer  la  débandade,  en  resserrant  la  chaîne 
sympathique  de  groupement.  Mais  de  tels  hommes  sont  rares.  La  Ré- 
volution» si  féconde  en  valeurs  individuelles,  n'en  vit  surgir  dans  au- 
cun des  groupes  qui  se  succédèrent  au  pouvoir. 


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302  LA  CLEF  DE  LA  MAGIE  N01R6 


chi(|4iier  social;  ils  se  jouent  de  nos  individualités  hau- 
taines, avec  la  désinvolture  d'un  enfant  qui  range  ses 
soldats  de  plomb  sur  une  table,  et  d'une  pichenette,  les 
abat  par  files  ! 

D'ailleurs,  dans  la  mêlée  occulte  dont  la  Convention 
nationale  est  le  centre,  interviennent  d'autres  acteurs 
invisibles.  Tandis  que  les  intérêts  majeurs  s'agitent  en- 
tre les  grands  Collectifs  séculaires,  d'autres  initiatives, 
subsidiairement  intercurrentes,  viennent  modifier  les 
événements  dans  leur  forme  extérieure  et  dans  les  dé- 
tails qui  leur  font  cortège.  En  pareil  cas,  les  Volontés 
individuelles,  à  peu  près  nulles  au  regard  des  résultats 
décisifs  k  obtenir,  suffisent  à  provoquer  isolément  des 
résultats  secondaires,  notables  encore.  La  somme  de  l'ad- 
dition n'en  varie  guère,  mais  licence  est  faite  aux  indi- 
vidus d'intervertir  ou  même  d'altérer  (en  les  balançant)  les 
chiffres  de  la  colonne. 

Toute  rivalité  mise  à  part  entre  les  Dominations  collec- 
tives qui  troublent  de  leurs  orages  la  sérénité  du  Ciel  hu- 
main,—  il  reste  àl'àme  des  foules  assez  d'autres  mobiles 
pour  justifier  son  allure  instable,  ambiguë,  et  ses  fiévreux 
écarts.  C'est  la  réciprocité  des  atmosphères  fluidiques,  le 
jeu  mutuel  des  Ascendants,  puis  aussi  l'influence  réper- 
cussive  que  les  Larves  passionnelles  exercent  sur  leurs  au- 
teurs :  voilà  bien  des  éléments  à  porter  en  compte. 
Qu'on  s'étonne  après  cela  de  la  complication  des  trames 
enchevêtrées,  chaos  où  prennent  leur  origine  ces  entraî- 
nements soudains  de  pitié,  d'enthousiasme  ou  de  terreur, 
ces  courants  imprévus,  ces  revirements  à  confondre 
l'esprit  ! 


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LA   ROUE   DU    DEVENIR  303 

Au  sein  même  des  grands  Collectifs  se  forment  de 
moindres  agrégations,  jouissant  d'une  vie  propre  en 
même  temps  que  de  la  vie  commune;  pareillement,  dans 
l'unité  d'un  parti  politique,  se  détachent  plusieurs  compa- 
gnies de  nuances  distinctes,  et  dans  chacune,  on  dis- 
cerne sans  peine  plusieurs  groupes  :  toutes  fractions 
qui  participent  de  l'ensemble  sans  se  fondre  ni  disparaî- 
tre en  lui. 

Du  reste,  les  rares  individus  restés  libres  de  toutes 
attaches,  pour  ne  s'être  point  inféodés  aux  Entités  po- 
tentielles préexistantes,  peuvent,  en  se  groupant,  donner 
naissance  à  des  Collectifs  nouveaux. 

C'est  ce  qui  se  produisit  tardivement  au  berceau  du 
Socialisme,  par  l'effort  de  Babeuf  et  de  ses  amis...  Qua- 
tre-vingt-treize ne  fut  pas  plus  socialiste  que  ne  l'avait 
été  Quatre-vingt-neuf:  pareille  tendance  ne  s'observe,  ni 
dans  la  rédaction  des  cahiers  du  Tiers,  ni  dans  le  tem- 
pérament des  plus  fougueux  tribuns  de  la  Montagne  ;  et, 
lorsque  éclata  la  Révolution,  il  paraît  certain  que  nul 
courant  n'existait  en  ce  sens.  Tant  d'autres  réformes,  et 
plus  urgentes,  sollicitaient  la  Conscience  publique  !  Ba- 
beuf se  fit  fort  d'en  créer  un  ;  et  s'il  y  parvint,  sous  le 
règne  du  directoire,  ce  ne  put  être  que  par  l'emploi,  plus 
ou  moins  instinctif,  de  la  chaîne  sympathique.  La  conspi- 
ration de  l'an  V  devait  échouer  :  le  moderne  Gracchus 
paya  de  la  tête  son  humeur  partageuse  et  l'imputation  de 
rêver  une  nouvelle  loi  agraire  (1)  (5  prairial)  ;  mais   le 


(1)  Babeuf  allait  plus  loin.  Son  idéal  était  le  communisme,  comme 
le  prouve  une  Adresse  au  Peuple  français,  trouvée  dans  ses  papiers. 


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304  LA  CLCF  DE  LA  MAGIE  NOIRE 

vaste  complot  qu'il  avait  su  ourdir  demeure  un  singulier 
exemple  de  mouvement  improvisé  dans  un  milieu  sinon 
réfractaire,  du  moins  sans  préparation  à  cet  effet. 

L'ordre  religieux,  aussi  bien  que  l'ordre  politique  et 
social,  comporte  ses  Entités  collectives,  dont  l'examen 
relève  pareillement  des  mystères  de  la  Mullitude. 

Nous  nous  estimons  tenu  sur  ce  point  à  la  plus  scrupu- 
leuse réserve  :  ce  n'est  pas  qu'il  nous  parût  contre-in- 
diqué  de  produire  ici  des  explications  catégoriques; 
mais,  —  la  matière  étant  ardue  et  délicate,  —  nous 
n'appréhendons  pas  tant  d'être  trop  compris,  que  mal 
interprété. 

Aussi  ne  prendrons-nous  nos  exemples  que  dans  les 
cultes  qui  appartiennent  au  passé.  Il  est  certain  que  tel- 
les faces  delà  question  demeureront  ainsi  dans  l'ombre  : 
peut-être  scmblera-t-il  au  public  qu'à  certains  égards 
nous  nous  soyons  contredit.  Quoi  qu'il  en  soit,  nous  pré- 
férons nous  taire. 

Pour  les  adeptes  de  la  Science,  nous  en  aurons  dit 
assez. 

Une  classe  particulière  d'êtres  collectifs  mérite  d'être 


—  «  La  loi  agraire  (y  lit-on)  ou  le  partage  des  terres  fut  le  vœu  inslan- 
lanê  de  quelques  soldats  sans  principes...  Nous  tendons  à  quelque 
chose  de  plus  sublime,  de  plus  équitable,  le  Bien  commun,  ou  la  coiu- 
niunautti  des  Biens!...  La  terre  n'est  à  personne...  Les  fruits  sont  à 
tout  le  monde...  »  {Extrait  des  pièces  trouvées chet  Babeuf,  impriméex 
par  ordre  de  l' Assemblée:  Adresse  au  Peuple  français,  passim.  — Cité 
par  Barruel,  Mémoires  pour  servir  à  Vhistoire  du  Jacobinisme,  Lyon, 
1818,  t.  IV,  p.  312). 


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LA   ROUE  DU  DEVENIR  305 


signalée  à  part,  et  nous  toucherons  un  mot  des  Domi- 
naliong  théurgiques. 

<  La  théurgie  (s*exclaine  Ëliphas  Lévi,  dans  un  de  ses  livres 
les  plus  admirables  et  les  moins  connus),  la  Théurgie,  mot 
terrible,  mot  à  double  sens,  qui  veut  dire  création  de  Dieu  ! 
Oui,  dans  la  théurgie,  on  apprenait  au  prêtre  comment  il 
doit  créer  des  dieux  à  son  image  et  à  sa  ressemblance,  en  les 
tirant  de  sa  propre  chair  et  en  les  animant  de  son  propre  sang. 
C'était  la  science  des  évocations  par  le  glaive  et  la  théorie  des 
fantômes  sanglants...  Les  grands  mystères  étaient  la  sainte 
Vehme  de  l'antiquité,  où  les  francs-juges  du  sacerdoce  pétris- 
saient de  nouveaux  dieux  avec  la  cendre  des  anciens  rois,  dé- 
trempée dans  le  sang  des   usurpateurs  et  des  assassins  (1).  » 


(i)lLa  Science  des  Esprits  (pp.  216-217,  passim). 

Quelques  lignes  plus  loin,   Ëliphas  Lévi  s'explique  par  un  exemple  : 
«  Ni  DUS  était  le  roi  des  prêtres  :  Stiiniramis  voulut  être  la  reine  des 
peuples,  et  s'assura,    par  un  crime,  la  possession  de  la  couronne  de 
Ninus.  Le  monde  politique  n'avait  pas  alors   de  tribunal  qui  pût  juger 
cette  femme,  tant  elle  se  justifia  par  de  grandes  choses.   Elle  semait  le 
monde  de  merveilles.  Ses  envieux  soulevaient  contre  elle  les  multitu- 
des :  elle  venait  seule,  et  les  révoltes  s'apaisaient.    Mais  elle  avait  un 
fils,  que  les  prêtres  gardaient  pour  otage;  Ninyas  était  initié  aux  grands 
mystères,  et  il  avait  juré  de  venger  Ninus,  dont  il  ne  connaissait  pas 
encore  le  meurtrier.  Sémiramis,  de  son  côté,  était   obsédée  de  fan- 
tômes et  de  remords.  La  femme,  chez  elle,  l'emportait  secrètement  sur 
la  reine,   et  souvent  elle  descendait  seule  dans  la  nécropole,  pour 
pleurer  et  frémir  sur  les  cendres  de  Ninus.   C'est  là  qu'elle  rencontra 
Ninyas,  poussé  par  les  hiérophantes:  entre  le  fils  et  la  mère,  se  dressa 
le  spectre  du  roi  assassiné.  Sémiramis  était  voilée  ;  le  fantôme  ordonna 
de  frapper.  Le  jeune  initié  s'avance  :  Sémiramis  pousse  un  cri  et  lève 
.son  voile;  elle  a  reconnu  Ninyas:    «  Non,  tu  n'es  plus  Ninyas,   dit  le 
spectre,  tu  es  moi-même,  tu  es  Ninus  sorti  de  la  tombe!  »  Et  il  sembla 
absorber  le  jeune  homme  en  lui-même  et  se  confondre  avec  lui  ;  de 
telle  sorte  que  la  reine  ne  vit  plus  devant  elle  que  le  spectre  de  Ninus, 
pâle  et  le  glaive  sacré  à  la  main.  Elle  retira  alors  le  voile  sur  sa  tête 
et  présenta  son  flanc,  comme  devait  faire  plus  tard  Âgrippine.  Quand 
Ninyas  revint  à  lui,  il  était  couvert  du  sang  de  sa  mère  :  «  Est-ce  donc 
moi  qui  l'ai  tuée  ?  s'écriait-il  avec  égarement.  —  Non,  répondit  Sémi- 
ramis en  l'embrassant  pour  la  dernière  fois,  nous  sommes  deux  victimes; 

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31)6  LA   CLEF   DE   LA   MAGIE   NOIRE 


Éiiphas  Lévi,  nous  l'osons  croire,  n'a  garde  de  con- 
fondre cette  théurgie  sacei'dotale  des  grands  mystères 
déjà  dégénérés,  avec  la  sainte  Ihéurgie  dont  Porphyre  et 
lamblique,  héritiers  des  plus  glorieuses  traditions  de  la 
Mysticjue  héroïque  et  divine,  nous  ont  transmis  les  rites 
et  les  formules.  A  toutes  pages  de  son  traité  si  révélateur 
de  V AbslinencCy  Porphyre  laisse  percer  son  mépris  pour 
les  arcanes  de  la  chair  et  du  sang,  indissolublement  liés 
à  l'évocation  des  mauvais  Génies  : 

«  Ces  esprits  (dit-il)  ne  sont  occupés  qu'à  tromper  par  tou- 
tes sortes  d'illusions  et  de  prodiges.  Les  philtres  amoureux  sont 
de  leur  invention  :  Tintempérance,  le  désir  des  richesses, 
ramhition  viennent  d'eux,  et  principalement  Tart  de  tromper; 
car  le  mensonge  leur  est  très  familier.  F-.eur  ambition  est  de 
passer  pour  dieux,  et  leur  chef  voudrait  qu*on  le  crût  le  grand 
Dieu.  Ils  prennent  plaisir  aux  sacrifices  ensanglantés  :  ce 
qu'il  y  ade  corporel  en  eux  s'en  engraisse,  car  ils  vivent  de 
vapeurs  et  d'exhalaisons  et  se  fortifient  par  les  fumées  du  sang 
et  des  chairs.  Cest  pourquoi  un  homme  prudent  et  sage  se 
gardera  bien  de  ces  sacrifices,  qui  attireraient  ces  génies.  11 
ne  cherchera  qu'à  purifier  entièrement  son  àme,  qu'ils  n'atta- 
queront point,  parce  qu'il  n'y  a  aucune  sympathie  entre  une 
âme  pure  et  eux  (1).  » 

On  pourrait  citer  vingt  passages  analogues  du  même 
Porphyre,  d'accord  sur  ce  point  avec  tous  les  adeptes  de 


et  le  sacrificateur,  ce  n'est  pas  toi  :  Je  meurs  assassinée  par  le  grand- 
pr.Hre  de  Bélus  I  »  (Ibid.,  p.  223-224;. 

Cf.  l'histoire  d'Athaiie  {Rois,  liv.  IV,  chap.  i\  ;  Paralipomènes,  liv. 
n,  chap.  \\iv).  Jérusalem,  comme  à  Ninivo,  l'esprit  sacerdotal  reste 
identique. 

(1)  Traité  de  Porphyre,  touchant  l'Abstinence  de  la  chair  des  ani- 
tnau.r,  avec  la  vie  de  Plotin,  etc.,  et  une  dissertation  sur  les  Génies , 
par  .M.  de  Burigny.  (Paris,  de  Bure,  1747,  in-12.  pp.  146-1 '»7). 


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LA   ROUE   DU   DEVENIR  307 


la  haute  et  angélique  Théurgie.  Le  magiste  de  lumière 
conjure  les  Intelligences  du  Ciel  par  les  invocations,  les 
parfums  et  le  pentacle  étoile.  Désireux  de  les  rendre  pré- 
sentes, non  plus  seulement  aux  sens,  mais  à  l'esprit,  — 
il  s'efiforce  surtout  de  leur  devenir  semblable  par  la  pu- 
reté, Tamour  et  l'essor  intellectuel  :  car  il  n'est  pas  de 
plus  infaillible  secret  pour  évoquer  l'un  de  ces  êtres,  que 
de  s'assimiler  à  son  essence,  —  ce  qui  s'appelle,  en  Ma- 
gie, forcer  la  demeure  de  l'Ange,  ou  prendre  ascendant 
siur  lui  (1). 

Reste  la  théurgie  prestigieuse  dont  parle  Éliphas,  et 
qui,  même  au  service  du  Juste  et  du  Vrai,  garde  toujours 
un  caractère  d'ambiguïté,  de  violence,  et  comme  un  stig- 
mate de  réprobation. 

Cette  théurgie  est  celle  dont  s'enorgueillit  le  prêtre  fé- 
licheur  des  tribus  sauvages,  et,  en  général,  tout  pontife 
d'idolâtrie,  lorsque,  baignant  l'autel  du  sacrifice  de  sang 
victimal  et  conjurant  les  Puissances  de  l'Invisible,  il 
semble  prêter  pour  une  heure  le  mouvement,  la  pensée 
et  la  vie,  —  qui  à  ses  Manitous  de  bois  ou  de  pierre,  qui 
à  ses  Belphégor  d'airain. 

Cette  théurgie  fut  encore  celle  des  mages  politiciens  de 
Babylone  et  de  Ninive,  de  Suze  et  d'Ecbatane  :  instru- 
ment de  domination  théocratique,  elle  servit  longtemps 


(1)  Méditer,  dans  l'Initiation  du.  1er  octobre  1893  (pp.  7-23),  l'étude 
sur  Martinès  de  Pasqually  et  les  Miroirs  magiques,  par  F.-Gh.  Barlet. 
—  On  y  verra  la  différence  essentielle  entre  les  pratiques  incomplètes 
de  rUluminisme  proprement  dit  et  les  rites  de  la  Haute  Magie.  L'auteur 
de  ces  pages  péremptoires  est  sans  doute  aujourd'hui  le  plus  savant 
initié  de  cette  vaillante  École  française,  à  laquelle  nous-méme  revendi- 
quons l'honneur  d'appartenir. 


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308  LA   CLEF   DE   LA    MAGIE   NOIRE 

à  établir  sur  des  prestiges  cette  religieuse  terreur  dont 
les  sacerdoces  ambitieux  de  la  toute-puissance  ont  cou- 
tume de  frapper  le  populaire  et  d'éblouir  jusqu'aux 
grands  de  ce  monde,  jusqu'aux  monarques  qu'ils  se  flat- 
tent ou  d'asservir  ou  d'exploiter. 

Or,  si  nous  demandons  sur  la  vertu  de  quels  auxiliaires 
ces  adeptes  d'une  théurgie  cléricale  justifiaient  leur  foi 
et  fondaient  leur  puissance,  l'Ésotérisme  nous  répondra  ; 
Sur  la  coopération  d'Entités  collectives,  qu'ils  appelaient 
leurs  dieux. 

Oui,  de  tels  prêtres,  amalgamant  leur  âme  et  celle  des 
multitudes,  au  moule  d'une  volonté  consciente  ou  d'un 
fanatisme  instinctif,  en  façonnaient  un  Ciel  à  l'image  de 
leur  commun  idéal  ;  —  et  la  plus  essentielle  fonction  du 
Sacerdoce  consistait  à  créer,  à  nourrir,  à  entretenir  des 
dieux. 

On  sent  qu'il  n'est  point  question  d'idoles,  en  tant 
qu'effigies  matérielles.  D'ailleurs,  idole  veut  dire  autre 
chose,  et  plus.  Le  vocable  «^«Xov  n'exprime  pas  seule- 
ment en  grec  la  représentation,  l'image  ou  la  statue  d'un 
(lieu;  il  signifie  surtout  un  spectre,  un  fantôme,  une 
Puissance  occulte,  enfin.  —  Même  sens  au  mot  latin 
Idolum, 

Sur  ce  point,  l'Antiquité  n'a  qu'une  voix,  et  la  Bible 
confirme  Hérodote  et  Pausanias,  Plutarque  et  Tite-Live. 

Ne  lit-on  pas  dans  les  Psaumes  que  tous  les  dieux  des 
nations  sont  des  démons  :  Omnes  dii  (fentium  dœ- 
monia  (I)? 


(I)  Psaume  XCV.  :;. 

Nous  avons  proposé  du  même  lexle   une  inicrprôlalion  ilifTérenle  (le 


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LA   ROUE   DU   DEVENIR  3U9 

Nous  savons  déjà  sous  quels  auspices  les  Collectifs  du 
Ciel  humain  prennent  naissance  et  accroissement. 

Pas  de  chaine  magique  plus  irrésistiblement  efficace 
que  celle  des  volitions  adoratrices,  dynamisées  par  la 
Foi.  C'est  ici  surtout  que  le  Verbe  humain  réalise  d'em- 
blée ce  qu'il  affirme. 

Taxera-t-on  de  fabuleuses  les  voix  du  chêne  dodonien 
et  de  la  statue  de  Memnon?  L'antique  autel  a  pu  prophé- 
tiser sans  doute;  le  guéridon  spirite  se  mêle  bien  d'en 
faire  autant. 

Pontife  et  Mage  ont  été  longtemps  synonymes... 
Le  grand  œuvre  théocratique  serait-il  pas,  somme 
toute,  la  transposition  religieuse  et  l'extension  en  espace 
et  en  durée  de  cette  occulte  genèse,  —  animique  et  spi- 
rituelle et  fluidique,  —  d'où  émerge  encore  sous  nos 
yeux  l'Oracle  raensal?  La  danse  et  le  verbiage  des  tables 
n'équivaudraient-ils  point  aune  réduction  démonstrative 
des  phénomènes  théurgiques  et  sybillins  :  de  même  qu'au 
laboratoire,  moyennant  une  forte  machine  de  Ramsden 
et  une  batterie  de  condensateurs,  l'électricien  reproduit 
la  foudre  en  miniature,  l'éclair  et  sa  détonation  ? 

Quoi  qu'il  en  soit,  les  éléments  demeurent  les  mêmes, 
et  pareille  la  loi  de  génération  collective  :  c'est  toujours 
un  cercle  de  Psychés  passives,  d'âmes  similaires  à  ten- 
dance uniforme,  éparses  faute  de  cohésion,  et  qu'une 
Volonté  énergique,  ou  un  groupe  de  telles  Volontés  uni- 
fiées synthétise,  évertue  et  féconde.  Ainsi,  à  la  faveur 


Temple  de  Satan,  ^.  63)  ;  mais  ces  deux  sens,  loin  de  s'exclure,  s'éclai- 
rent et  se  complètent  mutuellement. 


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310  LA   CLEF   DE   LA   MAGIE   NOIRE 


d'une  chaîne  sympathique  dûment  établie,  une  Entité 
collective  s'engendre. 

Mais,  une  fois  clos  le  circuit  d'enthousiasme  religieux, 
rien  ne  tend  à  le  rompre.  Le  courant,  loin  de  faiblir, 
s'accentue  avec  le  temps;  car  les  éléraenls  transitoires 
de  la  pile  psycho-dynamique,  non  seulement  se  rempla- 
cent à  mesure,  mais  encore  se  multiplient.  L'être  po- 
tentiel s'affirme,  se  développe  et  consacre  bientôt  son  au- 
tonomie, en  réagissant  d'une  sorte  despotique  sur  les 
membres  de  son  corps  social,  grouillant  et  divers. 

Car  ce  serait  une  étrange  erreur  que  de  croire,  avec 
certains  Kabbalistes  dévoyés,  que  la  Déité  s'incorpore  lit- 
téralement à  son  effigie  symbolique,  y  séjourne  à  de- 
meure; enfin,  pour  tout  dire,  qu'elle  hante  de  sapr/- 
sence  réelle  les  images  de  bois  ou  de  marbre,  d'or  ou 
d'airain.  Son  corps  véritable  n'est  point  là.  Quant  à  la 
forme  fluidique,  nous  verrons  plus  loin  ce  qu'elle  peut 
être,  lorsque  d'aventure  elle  se  manifeste  :  phénomène 
insigne  et  d'une  tout  exceptionnelle  rareté. 

Ici  se  dresse  une  objection,  facile  à  prévoir,  non  moins 
facile  à  rétorquer.  Les  voix  traditionnelles  de  l'Antiquité 
nous  attestent  que  de  multiples  apparitions,  —  totales  ou 
partielles,  splendides  ou  monstrueuses,  ravissantes  ou 
terribles,  —  ont  pullulé  autour  des  autels  de  ces  dieux. 
Cicéron  en'rapporte  un  certain  nombre  de  cas  dans  son 
ouvrage  de  Naturâ  Deorum.  L'histoire  du  mysticisme 
alexandrin  abonde  en  constatations  analogues,  et  le  bon 
le  Loyer,  notant  d'après  Virgile  les  rites  d'usage,  lors 
des  sacrifices  solennels  en  l'honneur  des  grands  Olym- 


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LA   ROUE   DU   DEVENIR  311 

piens,  observe  que  cr  les  sacrificateurs  voiloient  leur 
teste,  de  crainte  que  pendant  qu'ils  sacrifioient,  ils  ne 
fussent  troublez  et  empeschez  de  quelque  visage  ou  face 
ennemie  qui  eust  peu  se  présenter  et  offrir  à  leur 
veué  (1)  ». 

Dans  les  temples  du  Polythéisme,  les  Immortels  ne 
furent  point  avares  de  leur  présence  visible,  et  depuis  le 
spectre  de  l'infernale  Hécate  glaçant  d'effroi  les  fidèles 
de  ses  orgies,  jusqu'aux  radieuses  visions  qui  signalaient 
rÉpiphanie  des  mystères  du  Samothrace  et  d'Eleusis,  il 
était  permis  à  l'initié  de  parcourir  du  regard  la  gamme 
lumineuse  des  dieux. 

Que  croire  de  toutes  ces  apparitions  qui  peuplaient 
l'ombre  des  sanctuaires  et  semblaient  liées  à  l'autel?  N'y 
peut-on  voir,  sinon  les  formes  astrales  des  divinités,  du 
moins  des  corps  fluidiques  d'emprunt,  que  s'adaptaient 
les  Entités  collectives  pour  se  manifester  aux  yeux  de 
chair?  Nous  ne  le  pensons  pas.  —  Si  nous  écartons  l'hy- 
pothèse de  supercherie  sacerdotale,  admissible  et  même 
probable  dans  un  certain  nombre  de  cas,  mais  que  la  cri- 
tique négative  des  modernes  a  le  tort  de  généraliser  (2)  à 


(1)  Histoire  des  Spectres,  1603,  in-4o  (t.  II,  pp.  878). 

(2)  L'école  en  question  arbore  comme  un  étendard  cet  absurde  axiome 
de  Y  impossibilité  des  phénomènes  dont  la  science  contemporaine  est 
inapte  à  rendre  raison.  Un  pareil  à  priori  dispense  de  toute  contro- 
verse et  même  de  tout  examen  des  circonstances  et  des  témoignages. 

11  est  d'ailleurs  vraisemblable  qu'en  quelque  occurrence  les  prêtres 
aient  utilisé  leurs  notions  d'optique,  pour  suppléer  aux  phénomènes 
réels  par  des  effets  de  fantasmagorie.  —  E.  Salverte  cite  une  descrip- 
tion de  Damascius,  que  Photius  nous  a  conservée  en  sa  Bibliothèque 
(Cod.  242)  et  dont  les  termes  tendraient  à  le  faire  croire.  La  voici  : 
<  Dans  une  manifestation  qu'on  ne  doit  pas  révéler,...  il  apparaît  sur  la 


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312  LA  CLEF  DE  LA  MAGIE  NOIRE 


priori,  ces  formes  lémuriennes  se  décèleront  des  indigènes 
du  plan  astral,  évoluant  dans  le  nimbe  ou  l'atmosphère 
occulte  de  l'Égrégore  collectif.  Simples  Larves  le  plus 
souvent,  ou  encore  Êlémentaux,  ou  Concepts  vitalisés. 
Dans  les  sanctuaires  où  le  culte  des  ancêtres  a  rétabli  la 
grande  communion  des  vivants  et  des  morts,  les  âfn^s 
ghrifiées  peuvent  s'irradier  aussi,  ou  du  moins  objectiver 
une  image  astrale  adéquate  à  leur  verbe  spirituel.  Très 
exceptionnellement,  les  substances  angéUques  manifeste- 
ront leur  gloire. 

C'est  qu'en  ces  murs  hospitaliers,  les  visiteurs  de  toute 
hiérarchie  trouvent  un  asile  convenable  à  leur  nature. 
Le  milieu  s'y  prête  à  miracle  :  soit  un  temple  voué  de 
temps  immémorial  aux  pérégrins  d'un  autre  monde,  — 
soit  la  crypte  des  mystères,  toute  saturée  du  triple  ma- 
gnétisme de  la  terreur,  de  l'enthousiasme  et  de  l'amour  ! 
L'air  qu'on  y  respire  vibre  au  rythme  incessant  des  litur- 
gies, des  conjurations,  des  prières;  les  lourdes  volutes 
des  parfums  consacrés  se  tordent  et  se  déroulent  dans  la 
tiède  vapeur  du  sacrifice  quotidien. 

Là  les  démons  souterrains,  les  Ombres  exhalées  du 
puits  de  l'abime  trouveront,  comme  l'enseigne  la  Magie 
ténébreuse,  à  se  vêtir  de  sang  condensé;  — .  là  de  même 
les  Visiteurs  d'outre-ciel  se  tisseront  un  corps  arômal  de 

paroi  du  temple  une  masse  de  lumière  qui  semble  d'abord  très  éloignée: 
elle  se  transforme,  comme  en  se  resserrant,  en  un  visage  évidemment 
divin  et  surnaturel,  d'un  aspect  sévère,  mais  mêlé  de  douceur,  et  très 
beau  à  voir.  Suivant  les  enseignements  d'une  religion  mystérieuse,  les 
Alexandrins  l'honorent  comme  Osiris  et  Adonis.  »  Eusèbe  Salverte 
ajoute,  après  avoir  rapporté  ce  passage:  a  Si  j'avais  à  décrire  une  fan- 
tasmagorie moderne,  m'expliquerais-je  autrement  ?  »  (Des  Sciencen 
occm/(m,  1829,  in-80,  t.  I,  p.309). 


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LA    ROUE   DU   DEVENIU  313 


lumière,  de  musique  et  d'encens,  selon  les  rites  de  la 
glorieuse  Théurgie. 

La  Divinité  locale  est  d'ailleurs  présente,  encore  qu'in- 
visible :  mais  le  halo  frémit  de  son  âme  collective  :  âme 
vivante  et  mouvante,  faite  des  âmes  de  milliers  ou  de 
millions  d'adorateurs,  et  toute  peuplée  de  rêves  lému- 
riens  de  cette  multitude  fanatique. 

Pour  se  rendre  manifeste  aux  organes  de  la  vue,  par- 
fois de  l'ouïe  et  du  toucher,  les  Puissances  occultes  ont 
besoin  d'un  milieu  tout  imbu  de  force  psychique  disponi- 
ble :  soit  qu'elles  s'assimilent  le  fluide  vital  émané  des 
chairs  meurtries  ou  du  sang  répandu;  soit  qu'un  médium 
leur  prête  pour  un  temps  sa  propre  substance  biologique, 
qu'elles  lui  restitueront  dans  l'acte  de  se  dissoudre  et  de 
s'évanouir  aux  regards. 

Quant  aux  parfums  consacrés,  ils  n'offriraient  (du 
moins  par  eux-mêmes)  aux  Puissances  invisibles  que  la 
faculté  de  revêtir  un  contour  fallacieux  et  fugace,  une 
image  sans  consistance  et  sans  vie.  Mais,  si  les  fumiga- 
tions tiennent  une  très  large  place  dans  le  Rituel  Ihéur- 
gique,  c'est  que  là  ne  se  borne  point  apparemment  leur 
secret  emploi.  Improviser  des  médiums,  par  l'extase 
qu'elles  provoquent  chez  les  sensitifs;  puis  épurer  les 
fluides  qui  s'exsudent  des  corps  sidéraux  abmatérialisés 
de  la  sorte  :  voilà  la  double  destination  de  ces  effluves 
aromatiques.  On  peut  en  dire  autant,  à  d'autres  égards, 
des  hymnes  religieuses  dont  la  magie  enchante  l'oreille, 
et  des  pompes  liturgiques  dont  l'ordonnance  charme  la 
vue. 


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314  LA  CLEF  DE  LA  MAGIE  NOIRE 


Nous  verrons  plus  loin,  à  propos  des  décisives  expé- 
riences du  colonel  de  Rochas  d*Ayglun,  que  les  divers 
états  physiologiques  ressortissant  au  magnétisme  passif, 
au  somnambulisme  et  à  Textase,  sont  liés  à  un  phéno- 
mène très  particulier  de  dilatation  extra-corporelle  de 
la  substance  vivante  et  sensible;  dilatation  qui  s'effectue 
par  couches  ou  zones  concentriques:  c'est  là  ce  que  le 
savant  physicien  entend   par  c  l'extériorisation  de  la 
sensibilité  (1)  ».  Celte  faculté  a  si  bien  disparu  de  la 
peau  du  sujet,  qu'on  peut  en  piquer  ou  en  échauder  la 
surface  sans  qu'il  s'en  aperçoive;  mais,  si  l'on  répète  les 
mêmes  expériences  sur  l'une  des  couches  sensibles,  dis- 
tantes du  corps  de  plusieurs  centimètres  ou  même  de 
beaucoup  plus,  l'hypnotisé  perçoit  la  sensation  doulou- 
reuse, et  l'accuse  aussitôt  (2).  Cette  sensibilité  abmaté- 
rialisée  est  sujette  à  se  dissoudre  en  certaines  substances, 
telles  que  la  cire,  par  exemple;  à  telles  enseignes  qu'une 
poupée  de  cire  imprégnée  du  fluide  vivant  devient  elle- 
même  sensible;  ou  plutôt  qu'un  lien  s'établit  entre  elle 


(1)  Peu  t-LHro  devrait-on  dire:  extériorer,  <'jp/<?rïorafion,  par  analogie 
avec  améliorer,  amélioration.  Ces  mots  reposent  également  sur  des 
comparatifs  :  exterior  et  melior.  —  De  môme,  il  conviendrait  d  écrire 
individuer,  individuation,  et  non  individualiser,  individualisation. 

Mais  ces  termes  d'un  détestable  aloi  sont  consacrés  par  l'usage,  en 
occultisme,  et  tout  souci  de  correction  doit  disparaître  devant  la  crainte 
de  provoquer  dans  le  vocabulaire  de  nouvelles  contradicUons  gramma- 
ticales. Cette  appréhension  est  si  forte  chez  nous,  que  nous  n'hésitons 
môme  pas  à  faire  usage  de  vocables  bâtards^  composés  d'un  radical 
grec  et  d'un  mot  latin,  en  cette  sorte  :  auto-suggestion,  auto-création, 
etc. 

Excusons-nous  une  fois  pour  toutes,  au  sujet  de  ces  locutions  que 
les  délicats  trouveront  baibares,  et  même  quelque  chose  de  pis. 

(2)  Yoy.  les  États  profonds  de  l' Hypnose,  Paris,  1892,  in-8  (p.  57). 


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LA    ROUE   DU    DEVKNIK  315 


et  le  système  nerveux  du  sujet,  qui,  dès  qu'on  touche  la 
poupée,  perçoit  de  suite   la  sensation  telle  qu'il  l'eût 
^'•prouvée  à  l'état  de  veille,  si  Ton  avait  agi  sans  inter- 
médiaire sur  la  peau  même.  Bien  plus,  il  la  perçoit  à  la 
place  de  son  corps  précisément  correspondante  à  celle 
où  Ton  a  touché  le  volt.  Enfin,  —  chose  plus  étrange 
encore!  —  de  mémorables  expériences  du  colonel  de 
Rochas  ont  établi  qu'une  plaque  photographique  étant 
irabue  de  la  sensibilité  du  sujet  en  hypnose,  dès  qu'on 
égratigne  la  pellicule  à  un  point  donné  de  l'image,  un 
stigmate   s'imprime  aussitôt  par   répercussion  sur  la 
chair  du  sujet  (1),  au  point  correspondant.  L'expérience 
a  réussi  d'une  chambre  à  l'autre,  en  des  conditions  de 
contrôle  et   de  publicité  qui  ne  peuvent  laisser  aucun 
doute.  Ainsi  M.  de  Rochas  a  scientifiquement  vérifié  le 
principe  de  l'envoûtement  à  distance. 

Fermons  cette  parenthèse,  pour  revenir  à  nos  mystères 
de  la  multitude. 

Nous  n'avons  mentionné  ces  étonnantes  constatations 
que  pour  faire  mieux  comprendre  comment,  —  à  for- 
tiori, —  des  Invisibles  peuvent  s'emparer  du  fluide  vi- 
vant épanché  par  les  sensitifs  dans  le  phénomène  do 
l'extase  ;  puisque  d'inertes  objets  qu'on  immerge  dans 
les  couches  de  ce  fluide  le  retiennent  en  s'en  imbibant. 
C'est  à  ce  titre  que  nous  avons  pu  dire,  que  les  parfums, 
en  provoquant  l'extase  chez  des  sensitifs,  improvisent 
des  médiums. 

Mais  il  faut  bien  convenir  que  les  authentiques  apo- 

(1)  Ce  phénomène  ne  réussit  bien  que  sur  des  sujets  très  sensibles. 


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316  LA  CLEF  DE  LA  MAGIE  NOIRE 


théoses  flamboyaient  assez  rares  dans  les  temples  du 
vieux  monde  païen  :  les  spectres  de  la  lumière  négative 
y  étaient  surtout  chez  eux,  au  détriment  des  purs  Esprits 
de  la  lumière  de  gloire. 

Comme  un  prince  pervers  et  cruel  n'invite  et  ne  retienl 
guère  à  sa  cour  que  des  hommes  hypocrites  ou  corrom- 
pus, l'Égrégorc  du  lieu,  rarement  pur,  attirait  de  préfé- 
rence à  soi  des  Entités  d'ordre  équivoque;  et  Vaura  san- 
glante des  victimes  aimantait  l'atmosphère  au  profit  des 
Larves,  des  Lémures  semi-conscients  et  des  démons 
mauvais. 

La  loi  des  sacrifices  sanglants  gardait,  comme  on  Ta 
vu,  dans  l'antiquité  sacerdotale,  une  autorité  quasi-uni- 
verselle. 

Moïse,  sous  ce  rapport,  n'inaugura  point  d'exception  : 
son  culte  apparait,  dans  toute  la  force  du  terme,  un  culte 
de  sang. 

Le  grand  prêtre  de  sa  Loi  n'ofi^rait  pas  seulement  à 
Jéhovah  des  prémices  d'huile  et  de  farine  en  fleur  :  nom- 
bre de  génisses,  de  béliers,  de  colombes  étaient  journel- 
lement immolés  sur  l'autel  des  holocaustes  ;  le  feu  sacré 
en  dévorait  la  graisse  et  les  entrailles,  le  sang  en  était 
répandu  tout  alentour.  On  aspergeait  le  voile  du  sanc- 
tuaire de  pourpre  vivante  ;  on  en  frottait  les  cornes  d'ai- 
rain, sur  l'autel  des  parfums,  «  pour  être  à  Ihôah  une 
oblation  de  très  agréable  odeur  »  !  Le  sang  enfin  parait 
un  Nectar  dont  Adonaï  seul  a  droit  d'être  abreuvé;  le 
sang  devient  la  propriété  du  Seigneur,  si  exclusive  et  si 
inviolable,  que,  contre  tout  homme  qui  mangerait  le  sang 


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LA    ROUE   DU   DEVENIR  317 


des  animaux  avec  leur  chair,  Moïse  édicté  la  peine  de 
mort  (1)! 

Les  sacrifices  humains  ne  font  pas  défaut  en  Israël  :  à 
toutes  les  pages  de  la  Bible,  le  Seigneur  ordonne  des 
massacres  ou  des  holocaustes.  La  dévotieuse  barbarie 
est  une  tradition  qui  date  de  loin.  A  cette  postérité  d'A- 
braham, qui  devait  être  un  jour  plus  nombreuse  «  que 
les  étoiles  du  ciel  et  les  grains  de  sable  de  la  mer  »  (2), 
ce  saint  Patriarche  apparaît  constamment  dans  une 
gloire,  le  glaive  sacerdotal  levé  sur  son  propre  sang. 

Tantôt,  sur  l'ordre  d'Adonaï,  c'est  Moïse  qui  fait  égor- 
ger vingt-trois  mille  Israélites  adorateurs  du  veau  d'or, 
et  qui  félicite  les  enfants  de  Lévi  «  d'avoir  consacré  leurs 
mains  au  Seigneur  en  tuant  leur  fils  et  leur  frère,  afin 
que  la  bénédiction  de  Dieu  leur  fût  donnée  »  (3).  Et  de 
fait,  le  sacerdoce  est,  de  ce  jour-là,  exclusivement  acquis 
aux  Lévites  :  ils  ont  reçu  l'onction  !  Tantôt  c'est  Jephté, 
triomphateur  des  Ammonites,  qui  accomplit  un  vœu,  en 


(!)  CeUe  loi  draconienne  est  répétée  à  plusieurs  reprises  dans  la 
Bible.  Nous  citerons  seulement  deux  passages  du  Léoi tique:  •  Toute 
personne  qui  aura  mangé  du  sang  périra  du  milieu  de  son  peuple 
(vil,  27)  ;  t  «  Car  la  vie  de  toute  chair  est  dans  le  sang;  c'est  pourquoi 
j*ai  dit  aux  enfants  d'Israël  :  vous  ne  mangerez  point  du  sang  de  toute 
chair,  parce  que  la  vie  de  la  chair  est  dans  le  sang;  et  quiconque  en 
mangera  sera  puni  de  mort  (xvn,  14).  »  (Traduction  Le  Maistre  de 
Sacy;  c'est  à  elle  que  nous  empruntons  nos  citations,  quand  il  s'agit 
d'une  version  exotérique). 

En  méditant  le  Traité  de  V Abstinence  de  Porphyre,  on  découvrira 
les  vrais  motifs  de  cette  interdiction  si  sévère.  La  raison  capitale  qui  a 
décidé  Moïse  était  bien  connue  des  platoniciens.  La  vérité  est  une.  et 
identique  à  elle-même  sur  l'Olympe  et  sur  le  SinaT. 

(2)  Genèse,  xxii,  >''.  17. 

{'X)  Exode,  wxiï,  >\  29. 


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318  LA   CLEF   DE    LA    MAGlË   NOIRE 

sacrifiant  sa  propre  fille  au  dieu  dlsaac  et  de  Jacob. 
Quant  aux  ennemis  vaincus,  le  Seigneur  exige  leur  ex- 
termination jusqu'au  dernier  (1).  Chananéens,  Madiani- 
tes,  Amalécites,  etc.,  ils  y  passeront  tous  :  Moïse  Tor- 
donne  au  nom  d'Adonaï,  et  surveille  avec  un  zèle  jaloux 
Texécution  de  cette  loi.  Le  successeur  du  Ihéocrale  n'est 
pas  plus  débonnaire  :  les  habitants  de  Jéricho,  d'Azor  et 
des  autres  villes  que  ses  armes  ont  soumises  sont  passt/s 
au  fil  du  glaive,   et  Josué  accumule,  en  l'honneur    de 
Jéhovah  et  toujours  par  son  ordre,  une  hécatombe  de 
trente  et  un  monarques  !  Si  impérative  est  la  prescrip- 
tion de  tailler  en  pièces  les  Amalécites  et  de  tuer  tout, 
«  depuis  rhomme  jusqu'à  la  femme,  jusqu'aux  petits  en- 
fants et  ceux  qui  sont  encore  à  la  mamelle  »  (2),    que 
Samuel,  cinq  siècles  plus  tard,  vient  signifier  au  roi 
Saùl  son  anathème,  le  Seigneur  l'ayant  rejeté  pour  ce 
qu'il  a  fait  miséricorde  à  son  prisonnier  Agag,  roi  d'A- 
malcc;  après  quoi  l'illustre  et  saint  Nabi,  sans  se  laisser 
attendrir  par  les  lamentations  du  malheureux  Agag,  «  le 
coupe  en  morceaux  devant  le  Seigneur,  à  Galgala  »  (3). 
Terminons  par  ce  trait  du  plus  grand  des  prophètes  : 
après  qu'à  sa  prière  le  feu  du  ciel  est  descendu,  Élie  or- 
donne l'immolation  des  prêtres  de  Baal,  ses  concurrents 


(1)  f  Mais  quant  à  ces  villes  qui  vous  seront  données  pour  héritage, 
vous  ne  laisserez  la  vie  à  aucun  de  leurs  habitants  ; 

•  Mais  vous  les  ferez  tous  passer  au  fil  de  l'épée,  c'est-à-dire,  les 
Hétéens,  les  Amorrhéens,  les  Chananéens,  les  Phérezéens,  les  Hévéens, 
les  Jébuséens,  et  les  Gergeséens,  comme  le  Seigneur  votre  Dieu  vous 
l'a  commandé,  etc.  »  {Deutéronomey  \\,  jt.  16-17). 

(2)  Premier  livre  des  /{ois,  w,  >^  3. 

(3)  /fjid.y  XV,  y\  33. 


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LA    UOUE   DU    OEVEMIl  ol9 


maladroits,  qui  s'étaient  nionlrés  inhabiles  à  obtenir  le 
même  miracle,  et  les  fait  .périr  jusqu'au  dernier  sur  le 
bord  du  torrent  de  Cison  (1). 

L'implacable  despote  qui  commande  toutes  ces  hor- 
reurs, qui  semble  se  complaire  à  ces  barbaries,  est-il 
bien  le  Dieu  vivant,  Ihôah  yElohîm?  Il  est  permis  d'en 
douter  un  peu. 

Hrfléchissons  pourtant.  L'œuvre  mosaïque  n'est  pas 
une  œuvre  aimable;  sublime  et  nécessaire,  elle  l'a  été! 
Le  théocrate  des  Hébreux  a  déployé  une  force  écrasante, 
mais  pour  le  triomphe  du  plus  pur  Esprit...  De  brutalité 
l)lus  idéale,  il  n'en  fut  jamais. 

Moise  ?  Un  saint,  mais  plus  encore  un  Titan.  Or,  si 
la  force  n'est  point  chose  sympathique,  même  exercise 
par  des  mains  surhumaines  et  pour  un  résultat  capital  ; 
gardons-nous  de  méjuger  d'un  homme  tel  que  Moïse,  non 
plus  que  de  l'autorité  céleste  dont  il  fut  le  mandataire  et 
le  porte-glaive,  ici-bas  ! 

Voyez  ce  puissant  Législateur,  cet  Épopte  de  l'absolue 
Vérité,  dont  la  mission  exceptionnelle  est  de  pétrir  de  la 
glaise  humaine,  pour  y  imprimer  le  sceau  divin  ! 

Il  a  écrit  le  Livre  des  principes  cosmogoniques,  Seplier 
Berœshithj  oix  la  science  colossale  du  passé  (2)  dort  sous 

(1)  Troisième  livre  des  Rois,  xviii,  ^i",  40. 

(2)  «  Fils  du  passé  et  gros  de  l'avenir,  ce  livre,  hérilier  de  toute  la 
science  des  Égyptiens,  porte  encore  les  germes  des  sciences  futures. 
Fruit  d'une  inspiration  divine,  il  renferme  en  quelques  pages  et  les  élé- 
ments de  ce  qui  fut,  et  les  éléments  de  ce  qui  doittHre.  Tous  les  secrets 
de  la  nature  lui  sont  confiés.  Tous.  11  rassemble  en  lui,  et  dans  le  seul 
Berteshithy  plus  de  choses  que  tous  les  livres  entassés  dans  les  biblio- 
thè<iues    européennes.  Ce   que  la  nature  a  de  plus  profond,  de  plus 


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320  LA   CLEF   DE  LA  MAGIE   NOIRE 


un  triple  voile  d'hiéroglyphes  (1),  jusqu'au  préfîx  de  la 
manifestation. 

Il  a  érigé  TArche,  symbole  irrévélé  d'un  suprême  Ar- 
cane,  témoignage  cher  au  théurge  de  son  alliance  avec 
le  Ciel  et  point  d'appui  de  son  verbe  fulgurant;  l'Arche 
sainte,  redoutable  athanor  du  feu  céleste,  où  repose  laj 
présence  réelle  de  son  allié  d'en  Haut,  la  Shéekinah 
d'iElohîm! 

Et  il  a  placé  le  Livre  dans  l'Arche.  —  Comme  rœui' 
d'Orphée  ou  le  coffre  d'Osiris,  l'Arche  contient  désormai> 
le  germe  d'un  monde  futur,  la  graine  intellectuelle  qui 
doit  ensemencer  l'avenir. 

Maintenant,  cette  Arche  sainte,  il  faut  un  peuple  pour 
la  porter,  pour  la  servir  et  pour  la  défendre. 

Moïse  a  sélecte  ce  peuple  et  l'a  constitué  en  corps  de 
nation,  après  l'avoir  affranchi  de  la  servitude  :  puis, 
vingt  ans  et  plus,  il  l'a  traîné  de  désert  en  désert  jus- 
qu'au seuil  de  Chanaan  ! 

Pétrir  en  un  tout  homogène  une  foule  diverse  et  bario- 
lée (plus  d'àme  encore  que  d'aspect);  frapper  l'Israël  nou- 
veau d'un  cachet  indélébile  et  unique  au  monde,  en  lui 
révélant  TUnité  de  Dieu,  dogme  jusqu'alors  tout  ésotéri- 
que,  elle  plus  secret  arcane  du  sanctuaire  des  nations  ; 
graver  au  cœur  sémite  le  nom  d'iElohim  et  l'horreur  de 


mystérieux,  ce  que  l'esprit  peut  concevoir  de  merveiUes,  ce  que  l'in- 
telligence a  de  plus  sublime,  il  le  possède...  ■  (Fabre  d'Olivet,  Langue 
hébraïque  restituée,  t.  H,  discours  préliminaire,  p.  6). 

(l)  «  Le  sacerdoce  judaïque,  destiné  à  garder  le  Sépher  de  Moyse. 
n'a  point  été  généralement  destiné  «i  le  comprendre,  et  encore  moins  à 
l'expliquer...  a  (Id.,  ihid.,  p  î)). 


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LA   ROUE  DU   DEVENIR  321 

ridolàtrie;  improviser  le  peuple  de  Dieu,  puis  enfin  l'é- 
purer, —  fût-ce  en  le  décimant!...  ce  n'était  point  une 
médiocre  tâche,  ni  de  celles  qu'on  peut  accomplir  par  la 
douceur,  la  mansuétude  et  le  pardon. 

De  toutes  parts  surgissent  autour  de  la  multitude  en 
marche  des  peuplades  vautrées  dans  les  abominations  du 
paganisme  le  plus  obscène,  et  les  revenants  d'un  exil 
égyptien  n'ont  pas  encore  désappris  le  culte  du  veau  d'or. 
Que  fera  Moïse?  Pour  éprouver  ce  métal  humain  qu'il 
façonne,  Moïse  le  fera  passer  au  creuset  de  l'épreuve  : 
dans  la  fournaise  du  désert,  il  jettera  sans  doute  un  mi- 
nerai d'âmes  bien  alourdi  de  gangue;  or,  il  veut  que  la 
statue  se  coule  en  pur  bronze,  pour  l'immortalité.  Coûte 
que  coûte,  il  va  falloir  que  l'impur  s'évanouisse  en  fumée, 
ou  s'élimine  en  scories... 

—  Vous  avez  beau  dire,  objectera-t-on.  Rien  ne  jus- 
tifie ces  atrocités  dont  Thistoire  juive  est  tissue,  et  cette 
Loi  draconienne,  que  Moïse,  élu  de  Dieu,  instaura.  Pour 
transmuer  les  cœurs.  Bien  n'avait  qu'à  faire  un  miracle... 
Raisons  humaines,  que  toutes  vos  raisons  ! 

—  Ces  raisons  humaines  sont  des  raisons  divines  aussi, 
car  il  n'y  a  qu'une  Raison,  comme  il  n'est  qu'un  Dieu. 

Quand  l'homme  est  atteint  de  certaines  maladies,  une 

opération  devient  nécessaire,  et  le  chirurgien  ne  doit  pas 

craindre  de  débrider  la  plaie.  Lorsqu'un   membre  est 

perdu  de  gangrène,  qui  plus  est,  il  faut  l'amputer,  pour 

le  salut  du  corps  qui  reste.  Eh  bien  !  au  temps  de  Moïse, 

une  opération  pouvait  seule  garantir  laguérisondugrand 

malade  Humanité. 

Avant  Jésus-Christ,  Moïse  a  sauvé  le  monde! 

21 


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322  LA    CLEF   DE    LA   MAGIE   NOIRE 


—  Soit!  admettons,  s'il  le  faut,  l'urgence  de  cette  lé- 
gislation terrible  et  aussi  de  cette  politique  sanguinaire 
dont  Machiavel  a,  depuis  lors,  consacré  le  principe  (1). 
Mettons  que  ces  violences  fussent  légitimes,  par  la  grâce 
non  point  du  Seigneur,  certes  !  mais  de  la  Nécessité,  cette 
norme  païenne,  que  les  Grecs  plaçaient  au-dessus  de  tous 
les  dieux.  Mais  une  objection  reste  debout,  spécieuse 
pour  le  moins. 

Pourquoi  ce  culte  de  sang,  en  Israël?  Pourquoi  ces 
sacrifices  pontificalement  inaugurés  par  Moïse,  et  ritua- 
listiquement  sanctionnés  par  sa  Loi  ?  S'il  faut  répandre  le 
sang,  qu'au  moins  ce  ne  soit  pas  sur  un  autel!  Abomi- 
nable holocauste  !  Quel  Adonaï  de  contrebande  a  pu  s'y 
complaire? 

Point  assurément  lod-liévê  (ou  Ihôah-jElohm)^  le  vé- 
ritable Seigneur  Dieu  des  dieux  :  nous  ne  ferons  nulle 
difficulté  d'en  convenir. 

Selon  toute  vraisemblance,  ceux-là  seuls  s'y  complai- 
saient, que  la  vapeur  de  telles  offrandes  abreuve  et  ré- 
conforte :  Élémentaux,  Larves  et  Lémures  de  tout  ordre. 
Moïse  savait,  comme  tous  les  maîtres  de  la  sagesse,  tirer 
parti  de  pareilles  forces.  Et,  si  notre  Lecteur  s'en  scanda- 
lisait. Jugeant  celles-ci  équivoques,  nous  lui  ferions  ob- 
server qu'il  est  écrit  au  Rituel  kabbalistique  de  Salomon, 


(1)  Machiavel,  dans  ^on  Livre  du  Prince,  conseille  au  conquérant  de 
faire  tomber,  en  son  nouvel  empire,  toutes  les  têtes  qui  dépassent  ;  de 
ne  pas  laisser  vivre  un  seul  rejeton  de  la  souche  de  ses  anciens  rois,  et 
de  disperser  ou  de  massacrer  en  masse  le  peuple  qui  pourrait  avoir 
joui  de  la  liberté.  Mais^  dit-il,  mieux  vaut  anéantir  que  disperser  une 
telle  population. 


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LA   ROUE   DU   DEVENIR  323 


«  que  le  Sage  règne  avec  tout  le  Ciel,  et  se  fait  servir  par 
tout  l'Enfer  d  (1). 

Admettrons-nous  d'autre  part  que,  lors  de  l'exode  des 
hébreux  fugitifs,  ce  fut  le  Vrai  Dieu  encore  dont  la  Bible 
parle  en  ces  termes  :  «  Et  le  Seigneur  marchait  devant 
eux  pour  leur  montrer  le  chemin,  paraissant  durant  le 
jour  en  une  colonne  de  nuée,  et  pendant  la  nuit  en  une 
colonne  de  feu,  pour  leur  servir  de  guide  le  jour  et  la 
nuit  (2)?»  Le  tabernacle  du  témoignage  une  fois  construit, 
«  la  nuée  du  Seigneur  se  reposait  sur  le  tabernacle  durant 
le  jour,  et  une  flamme  y  paraissait  pendant  la  nuit  »  (3). 

A  regard  des  phénomènes  miraculeux  que  prodigua  la 
science  du  prêtre  d'Osiris,  chacun  peut  consulter  le  Pen- 
tateuque.  On  y  verra  comme  ce  théocrate,  éducateur  d'un 
peuple  récalcitrant  sous  la  verge  d'airain,  le  fit  marcher 
de  Mitzraîm  à  la  Terre  promise  dans  un  feu  roulant  de 
miracles,  dont  l'instrument  immédiat  était  l'arche,  ce 
formidable  condensateur  des  forces  hyperphysiques. 

L'Arche  sainte  apparaît  une  batterie  d'électricité  cé- 
leste (4),  construite  sur  un  plan  rigoureusement  scienti- 


(1)  Mss.  hébreu  cité  par  Éliphas  :  Dogme  et  Rituel  de  la  Haute  Magie, 
tome  r.  page  80  (troisième  prérogative  (i)  de  celui  qui  tient  les  clavi- 
cules de  Schlômoh  dans  sa  droite,  et  dans  sa  main  gauche  la  branche 
d'amandier  fleuri). 

(2)  Exode,  XIII,  21. 

(3)  Exode,  XL,  36. 

(4)  <  L'électricité  est  là  [opine  le  marquis  de  Saint- Yves),  mais  sim- 
plement comme  force  intermédiaire  dans  notre  atmosphère  ;  il  y  a 
derrière,  d'autres  forces  encore,  enveloppant  ce  que  les  Indiens  appel- 
lent TAkasa,  voile  elle-même  d'une  concentration  de  l'Âme  du  Monde 
et  de  l'Esprit  pur  sur  ce  tabernacle  et  sur  ce  théurge.  >  (La  Mission 
des  Juifs,  p.  449). 

Nous  partagerions  sans  réticences  l'avis  du  savant  auteur,  pourvu 


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324  LA   CLEF  DE   LA   MAGIE  NOIRE 

fique.  L'élude  sagace  des  prescriptions  relatives  au  ta- 
bernacle mettrait  sur  la  voie  de  bien  des  mystères,  inouïs 
pour  nos  contemporains.  Tout  a  son  importance,  rorien- 
tation  du  tabernacle,  la  structure  compliquée  de  l'Arche, 
le  Voile,  l'Autel  des  parfums  (qui  est  d'or),  TAutel  des 
holocaustes  (qui  est  d'airain)  avec  sa  grille,  le  Chandelier 
aux  sept  branches  et  aux  vingt-deux  coupes,  le  Bassin 
des  ablutions  avec  sa  base,  et  les  Colonnes  du  temple  et 
les  Rideaux  du  parvis,  etc.,  et,  par-dessus  toute  chose, 
la  disposition  réciproque  de  ces  objets  consacrés.  Les 
indications  significatives  abondent,  que  souligne  encore 
le  Rituel  des  cérémonies. 

Les  ingénieurs  des  temples  thébains  et  memphites  sem- 
blent avoir  poussé  l'étude  approfondie  des  forces  fluidi- 
ques  ou  mystérieuses  bien  au  delà  du  possible  contrôle 


qu'il  convint  avec  nous  que  Ihôah  ou  lod-hévé  (mn^),  le  Dieu-Nature,  ne 
se  manifeste  aux  sens  physiques,  par  des  phénomènes  anormaux,  que 
moyennant  la  médiation  d'un  homme,  ou  d'une  collectivité  humaine 
(terrestre  ou  céleste);  d'une  Puissance  adamique  en  un  mot  :  laquelle 
Puissance  met  en  œuvre,  dans  une  intention  particulière  et  contingente, 
les  divers  agents  dont  la  Divinité  ne  dispose  que  pour  un  usage  uni- 
versel et  transcendantal. 

C'est  d'ailleurs  en  niH^  que  Thomme-synthèse  et  Dieu  manifesté 
révèlent  k  l'ésotéricien  leur  identique  essence  ;  mais  le  Tout  divin  ne 
prend  l'initiative  que  de  l'ensemble  cosmique  ;  les  détails  sont  du  res- 
sort du  sous-multiple  hominal. 

M.  de  Saint- Yves,  après  avoir  détaillé  les  merveilles  théurgiques  ac- 
complies par  Moïse,  conclut  en  ces  termes  :  «  Telle  était  la  puissance 
de  la  Sagesse  et  de  la  Science  antiques,  au  sommet  de  l'initiation  do- 
rienno,  quand,  chose  rare,  l'Épopto  se  trouvait  être  un  homme  de 
génie^  capable  de  manifester  la  Divinité  d*une  manière  convenable.  » 
(Ibid.,  p.  464). 

Cette  phrase,  fort  significative,  semble  mettre  notre  opinion  d'accord 
avec  celle  de  l'éminent  occultiste,  et  nous  en  sommes  très  flatté. 


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LA  ROU£  DU   DEVENIR  325 

de  nos  savants  positivistes  du  jour;  mais  les  connaissan- 
ces que  Moïse  devait  à  la  culture  ésotérique  égyptienne 
n'étaient  pas  moins  positives  que  les  leurs. 

Li*Être-des-Êtres,  que  ce  théurge  a  si  bien  connu 
(H^nS  IWS  n^n»)  {Aehïeh  asher  Aehïeh),  l'universel 
Principe  mâle  dont  il  a  poursuivi  la  notion  jusqu'en  son  in- 
sondable Unité  {^lod  ou  Wodh),  n'a  rien  qui  soit  accessible 
aux  yeux  charnels.  Il  n'agit  sur  la  matière  que  par  les  lois 
préétablies...  Toute  Puissance  d'En  haut  qui  se  manifeste 
par  des  phénomènes  et  se  révèle  à  nous  par  d'autres  in- 
termédiaires que  la  lumière  occulte  des  Intelligences,  ne 
peut  être  qu'une  Divinité  de  remplacement. 

Quel  est  donc  cet  allié  divin  que  Moïse  évoque  dans  la 
détresse  ou  le  péril;  ce  céleste  Interlocuteur  qui  le  con- 
seille, le  réconforte  et  l'instruit?  avec  lequel  il  discute  et 
dont  il  détourne  la  colère  embrasée  (1)? 

Qu'on  lise,  au  chapitre  xxxm  du  Deuté^onome,  cette 


(1)  «  ...  Comme  la  sédition  se  formait  et  que  le  tumulte  s'augmen- 
tait» Moise  et  Âaron  s'enfuirent  au  tabernacle  de  l'Alliance.  Lorsqu'ils 
y  furent  entrés,  la  nuée  les  couvrit,  et  la  gloire  du  Seigneur  parut  de- 
vant tous. 

«  Et  le  Seigneur  dit  à  Moïse  :  «  Retirez-vous  du  milieu  de  cette  muU 
tt  titude,  je  vais  les  exterminer  tous  présentement.  >  Alors,  s'étant 
prosterné  contre  terre.  Moïse  dit  à  Aaron  :  a  Prenez  votre  encensoir, 
«  mettez-y  du  feu  de  l'autel  et  de  l'encens  dessus,  et  allez  vite  vers  le 
«  peuple,  afin  de  prier  pour  lui  ;  car  la  colère  est  déjà  sortie  du  trône 
«  de  Dieu,  et  la  plaie  commence  à  éclater.  > 

m  Aaron  fit  ce  que  Moïse  lui  commandait  ;  il  courut  au  milieu  du 
peuple  que  le  fou  embrasait  déjà,  il  offrit  l'encens,  et,  se  tenant  debout 
entre  les  morts  et  les  vivants,  il  pria  pour  le  peuple,  et  la  plaie  cessa. 

«  Le  nombre  de  ceux  qui  furent  frappés  de  cette  plaie  fut  de  qua- 
torze mille  sept  cents  hommes,  sans  ceux  qui  avaient  péri  dans  la 
sédiUon  de  Coré...  » 

(Nombres,  ch.  xvi,  ;i^.  42-49.  Traduction  Le  Maistre  de  Sacy.) 


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326  LA   CLEF  DE   LA   MAGIE   NOIRE 

sublime  vision  du  Sinaï  :  des  milliers  d'Élus,  réintégrés 
aux  privilèges  de  la  divine  Essence,  se  pressent  en  une 
apothéose  colossale,  dans  la  fulgurante  lumière  d^Ihôah 
(t.  2).  Le  voilà,  l'Allié  céleste  :  il  s'est  levé  de  Séïr  ! 

La  grande  Communion  des  Saints  de  l'initiation  do- 
rienne,  telle  est  donc  l'Entité  collective  avec  qui  Moïse 
est  en  constant  rapport,  organique,  hiérarchique  et  ma- 
gique ! 

Tel  est  le  Dieu  de  sa  Théurgie,  —  la  plus  haute,  la 
plus  sainte,  la  plus  légitime  qu'Épopte  ait  jamais  prati- 
quée. 

Voilà  l'Ame  de  lumière  et  l'Esprit  de  Vérité  que  vou- 
lait insuffler  Moïse  au  cœur  du  peuple  de  son  choix. 

Un  peuple  «  de  col  roide  (4)  »,  cet  Israël  nouveau; ré- 
sistant, indomptable,  mais  obstiné  et  inflexible  aussi  ! 
L'incarnation  se  fait  mal...  Un  instant,  l'Allié  céleste 
perd  espoir  et  patience  et  se  désintéresse  delà  race  juive  ; 
il  parle  de  la  sacrifier,  et  d'établir  Moïse  à  la  tête  d'un 
autre  peuple  plus  grand  et  plus  fort  (2).  C'est  Moïse  qui 
l'en  dissuade. 

Car  cette  race  est  brillante  de  vertus,  parmi  les  ténè- 
bres de  ses  vices.  Elle  pourra  se  vautrer  en  fait  dans  la 
plus  crapuleuse  idolâtrie  ;  rien  n'effacera  le  dogme  mo- 
nothéiste, imprimé  au  fer  rouge  dans  la  chair  de  son 
cœur  :  Ihôah  jElohîm  est  un  Dieu  unique! —  Puis,  tel 
qu'un  dragon  commis  à  la  garde  d'un  inestimable  tré- 
sor, le  défend  sans  rouvrir  et  sans  le  connaître,  Israël, 


(i)  Exode,  XXXIII,  ;i^.  3  et  5. 
(2)  Nombres,  xi\\^.  12. 


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LA  ROUE   DU   DEVENIR  327 


se  transmettant  de  génération  en  génération  le  précieux 
dépôt  de  la  Genèse^  cette  réserve  ésotérique  du  passé, 
grosse  de  Tavenir  intellectuel  d'un  monde,  Israël  va  mé- 
riter le  titre  de  gloire  hiéroglyphiquement  inclus  dans 
son  nom  :  Ss"i<l"W%  manifestation  rayonnante  de 
Dieu. 

L'essentiel  est  garanti  de  la  sorte  ;  la  race  juive  salis- 
fait  à  sa  mission.  Dans  les  limbes  de  l'Inconscient  pro- 
phétique, jusques  aux  temps  prescrits,  sommeille  encore 
la  Parole  qui  sauve!... 

Cependant,  les  successeurs  du  grand  théocrate  seront 
la  plupart  au-dessous  de  leur  tâche,  si  facile  et  si  simple 
comparée  à  la  sienne.  La  lumière  d'iElohîm  va  d'abord 
s'affaiblir,  puis  s'éclipser  par  degrés  jusqu'à  totale  obs- 
curation.  Entre  la  Vérité  vivante  évoquée  par  Moïse  et  le 
Sacerdoce  même  élu  par  lui  pour  en  devenir  le  récepta- 
cle, un  rideau  de  brumes  s'interposera,  ténébreux.  A  la 
faveur  du  crépuscule,  les  pontifes  de  la  pire  Goëtie  por- 
teront l'abomination  dans  le  lieu  saint;  et  la  Lumière  de 
gloire  de  Sina  ne  se  fera  plus  connaître  aux  Nabis  que  par 
intermittences,  en  de  rares  éclaircies,  ou  parmi  les  om- 
bres et  les  reflets  d'une  épiphanie  orageuse. 

Revenons  à  Moïse  et  résumons-nous.  Ses  rapports 
religieux  avec  l'Invisible  apparaissent  multiples  et  di- 
vers. 

1*»  Ce  prophète  a  surpris  et  extatiquement  pratiqué 
Y  Absolu  divin,  dans  le  tabernacle  de  son  incommunica- 
ble Unité. 

2*  Il  a  connu,  adoré,  glorifié  Ihôah  MloMm^  savoir 
Dieu  manifesté  dans  la  Nature  par  son  Verbe  éternel. 


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328  LA   CLEF  DE  LA   MAGIE  NOIRE 

Ihôah  n'est-il  point  resté  le  Dieu  d'Israël  par  excellence  ? 

3<»  Moïse  a  fait  alliance  théurgique  avec  VÊgrégore  de 
la  grande  Communion  des  Élus.  —  Le  mystique  interlo- 
cuteur du  théurge,  rAdonaï  personnel  réalisant  Vlmage 
divine,  n'est  autre  que  le  plus  sublime  des  Collectifs  hu- 
mains, réintégré  dans  la  Loi  du  Règne  de  Dieu. 

4*  Enfin,  certaines  prescriptions  du  culte  sanglant  de 
Moïse  donneraient  à  penser  qu'il  entretenait  de  massives 
colonnes  de  substances  élémentales  ou  lémuriennes,  qui 
devaient  lui  servir  pour  les  œuvres  de  sa  Magie  sacer- 
dotale, lorsqu'il  ne  jugeait  pas  à  propos  de  recourir  aux 
prérogatives  de  son  alliance,  et  d'évoquer  l'Égrégore. 

Voilà  des  nuances  bien  complexes  pour  le  discerne- 
ment des  sémites  «  au  col  roide  ».  Engagé  par  son  chef 
dans  ces  multiples  voies  de  l'Art  sacerdotal,  le  peuple 
hébreu,  ignorant  comme  il  l'était,  fût  tombé  prompte- 
ment  dans  l'idolâtrie.  Or  Moïse  voulait,  avant  tout,  im- 
primer le  verbe  monothéiste  dans  la  conscience  d'Israël; 
il  voulait  que  son  dogme  unitaire  fût  l'étoile  sainte  des 
destinées  juives.  Aussi,  réservant  pour  les  initiés  de 
tradition  orale  toutes  ces  périlleuses  distinctions,  il  se 
garda  bien  d'en  embarrasser  son  peuple. 

En  toutes  circonstances,  c'est  toujours  Ihôah  iElohîm 
qu'il  met  en  avant.  Il  est  l'unique  Adonaï,  le  Seigneur, 
dieu  d'Israël. 

Des  ennemis  sont-ils  taillés  en  pièces  ?  Le  Seigneur 
les  a  livrés  au  bras  vengeur  de  son  peuple...  —  Un  pas- 
sage de  cailles  pourvoit-il  à  la  nourriture  des  juifs  au  dé- 
sert? Le  Seigneur  a  envoyé  des  cailles...  —  Une  dé- 
charge fluidique  a-t-elle  foudroyé  Nadab  et  Abiu,  cou- 


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LA   ROUE  DU   DEVENIR  329 


pables  d'une  imprudence  en  offrant  Tencens?  Une  flamme 
sortie  du  Seigneur  les  a  dévorés  (1). 

Dans  les  envoyés  de  Dieu,  c'est  Dieu  que  le  rédacteur 
de  la  Genèse  enseigne  à  voir.  C'est  si  vrai,  que  Jacob, 
ayant  lutté  avec  l'Ange,  donne  au  lieu  de  la  rencontre 
«  le  nom  de  Phanuel  ou  Pheniel,  c'est-à-dire  la  face  de 
Dleu^  en  disant  :  J'ai  vu  Dieu  l'ace  à  face,  et  cependant, 
mon  ame  a  été  sauvée  (2).  » 

Presque  toujours,  quand  Moïse  parle  du  Seigneur  à 
propos  d'un  fait  historique  ou  d'une  prescription  sacer- 
dotale, et  non  point  au  sujet  des  mystères  cosmogoniques 
ou  théogoniques,  c'est  son  Allié  céleste  qu'il  entend  ; 
c'est-à-dire  la  plus  noble  Entité  collective  qui  puisse  hu- 
mainement représenter  et  divinement  suppléer  l'Être- 
des-Êtres. 

Si  l'on  insistait  pour  mieux  connaître  cet  Égrégore 
de  la  grande  Communion  des  Élus,  nous  n'hésiterions 
pas  à  le  désigner  par  son  vrai  nom  :  Sfc<DJ3,  MICHAEL. 

Michaël  est  (pour  notre  tourbillon),  le  tabernacle  du 


(1)  Les  manifestations  ignées  ou  fulgurantes,  à  travers  quoi  le  Sei- 
gneur se  révèle  et  rend  des  oracles,  frappe  ou  guérit,  prononce  la  bé- 
nédiction ou  l'anathème,  etc.,  —  manifestations  qui  abondent  à  toutes 
les  pages  de  la  Bible,  —  ont  fait  délirer  bien  dos  exégètes.  Jéhovah 
(ose  écrire  M.  Renan),  «  ce  bizarre  agent  électriforme  »  (p.  390),  c  est 
le  Ro&ah  universel  sous  forme  globale,  une  sorte  de  masse  électrique 
condensée  »  (p.  289».  (Histoire  d'Israël,  t.  I.  passim.) 

Pareils  commentaires,  qui  témoignent  peut-être  chez  leur  auteur  de 
plus  de  naïveté  encore  que  de  malice,  semblent  la  mieux  éloquente 
critique  du  système  juif  d'exclusive  centralisation  diviniste.  Tout  ra- 
mener exotériquoment  au  Jéhovah  personnel,  c'est  éluder  les  interpré- 
tations polythéistes  qui  pourraient  naître  en  l'esprit  des  foules...  Mais 
toute  médaille  a  un  revers. 

(2)  Genèse,  xxxii,  ;^.  30. 


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330  LA  CLEF  DE  LA   MAGIE  NOIRE 

Seigneur;  or  il  est  écrit  :  c  In  sole  posait  Deus  tdbemn- 
culum  suum...  »  Notons  ici  que  Hichaêl  n'est  qu'un 
iEloha  d'iElohîm,  qu'un  membre  vivant  de  Ihôah  Ado- 
naï,  le  Verbe  éternel  ;  enfin,  qu'Adonai  même  n*est  que 
la  manifestation  de  Wodh  ou  d'Aïn-Soph,  *]iD  yn^  le 
Dieu  suprême  et  irrévélé. 

Par  rapport  à  l'Absolu,  c'est-à-dire  contemplé  de  haut 
en  bas,  le  Verbe  universel  est  l'Homme  typique,  l'Adam 
Kadmon  du  Zohar;  relativement  à  nous,  c'est-à-<lipe 
conçu  de  bas  en  haut,  le  Verbe  est  Ihôah  lui-même,  ou 
Dieu  manifesté. 

Ainsi  l'homme-synthèse  et  Dieu  manifesté  se  confon- 
dent, et  dans  cette  identité  sublime  (1)  réside  un  des  plus 
profonds  mystères  de  la  tradition  kabbalistique.  «  Qui 
peut  accorder  ensemble  (dit  Éliphas)  le  Dieu  de  la  terre 
et  l'Homme  du  Ciel,  en  touchant  au  point  fixe  de  leur 
union  :  celui-là  a  trouvé  le  G.*.  A.*.;  arcane  indicible, 
puisque  c'est  l'alliance  du  Kether  humain  et  du  Kether 
divin,  figurée  par  la  lutte  de  Jacob  avec  l'ange.  Parcet 
arcane,  Lucifer  se  fait  Dieu,  non  plus  en  se  révoltant, 


(1)  t  La  lance  composée  de  quatre  métaux  (voy.,  pour  la  description 
de  ce  symbole.  Des  Erreurs  et  de  la  Vérité,  Edimbourg,  1775,  in-8*, 
p.  35)  n'est  autre  chose  que  le  grand  nom  de  Dieu  composé  de  qua- 
tre lettres  nin>.  Cest  r extrait  de  ce  nom  qui  constitue  V essence  de 
Vhomme;  voilà  pourquoi  nous  sommes  formés  à  l*image  et  à  la  res- 
semblance de  Dieu  ;  et  ce  quaternaire  que  nous  portons,  et  qui  nous 
distingue  si  clairement  de  tous  les  Ctres  de  la  nature,  est  l'organe  et 
l'empreinte  de  cette  fameuse  croix,  dans  laquelle  l'ami  Bœhme  nous 
peint  si  magniûquement  l'ôternelle  génération  divine,  et  la  génération 
naturelle  de  tout  ce  qui  reçoit  la  vie,  soit  dans  ce  monde,  soit  dans 
l'autre.  »  (Correspondance  de  Saint-Martin  avec  le  baron  Kirchberger 
de  Liebistorff,  p.  45). 


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LA   ROUE  DU   DEVENIR  331 

mais  en  obéissant  librement  à  Dieu.  Qui  aiires  habet 
audiendi  audiat!...  C'est  le  iVon-^;tô  d'en-haut  équilibré 
par  celui  d'en-bas,  et  de  ces  deux  négations  jaillit  une 
affirmation  inattendue  et  immense,  qui  est  adéquate  à 
l'homme-dieu  (1).  » 

Pour  en  revenir  à  l'Allié  de  Moïse,  sa  déification  exoté- 
rique  se  légitime  par  une  frappante  analogie.  Puisque 
Chrishna,  manifestant  Wishnou  sur  la  terre,  a  pu  légiti- 
mement dire  :  Je  suis  Wishnou  !  —  pourquoi  Michaël, 
manifestant  Ihôah  au  Ciel  des  âmes,  ne  pourrait-il  pas 
dire  :  Je  suis  Ihôah? 

Si  quelque  Puissance  a  le  droit  de  prendre  exotérique- 
ment  le  nom  de  l'Éternel,  c'est  bien  cette  vivante  Syna- 
gogue de  ses  Élus,  la  plus  haute  expression  collective  du 
Verbe  humain  divinisé  ! 

Néanmoins,  en  donnant  le  Dieu  qui  se  manifestait  dans 
la  nuée  pour  l'éternel  Dieu-des-dieux,  Moïse  a  fait  en 
quelque  sorte  ce  dont  l'auteur  juif  du  Sepher  Toldos  in- 
crimina plus  tard  Jésus  de  Nazareth  :  d'avoir  montré 
aux  nations,  comme  étant  la  véritable  pierre  cubique  du 
Temple,  un  cube  d'argile  fait  à  la  ressemblance  de  cette 
mystérieuse  pierre  de  l'angle,  qu'il  n'était  parvenu  à  dé- 
rober... 

Il  ne  nous  appartient  pas  d'en  dire  davantage.  Nous 
n'avons  nulle  autorité  pour  juger  Moïse,  pas  plus  que  le 
Rabbaliste  auteur  du  Sepher  Toldos  Jeschii  n'était  qtfa- 
lifié,  ce  semble,  pour  se  faire  l'arbitre  de  notre  Messie. 

(1)  Correspondance  de  VAbbé  Constant  avec  le  baron  Spédaliéri, 
M83.  (Ilie  Cahier,  p.  72]. 


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332  LA   CLEF   DE  LA   MAGIE  NOIKE 

Ce  grimoire  syro-chaldaïque,  presque  contemporain 
de  Jésus-Christ,  accuse  le  «  fils  de  Miriam  »  d"avoîr  ac- 
compli tous  ses  prestiges  à  Taide  du  Nom  incommunicable 
UrmSDn  TDMf  (Schefïia  Hamphorasch),  dérobé  au  temple 
de  Jérusalem,  dont  il  aurait  forcé  les  portes  par  de  cou- 
pables enchantements.Suivent  des  récits  de  prodiges  plus 
surprenants  encore  que  ceux  des  Évangiles...  Retenons 
ce  fait  au  passage,  que  les  miracles  de  Jésus  étaient 
chose  hors  de  doute  au  sentiment  des  Juifs  de  son  temps. 

Nous  aurions  pu  nous  étendre  beaucoup  plus  sur  le 
mode  de  génération  comme  sur  le  rôle  des  Entités  col- 
lectives humaines,  étudiées  soit  au  point  de  vue  reli- 
gieux, soit  au  point  de  vue  social.  Le  peu  d'exemples 
que  nous  avons  proposés  serviront  de  jalons  de  repère, 
pour  le  cadastre  d'une  région  peu  fréquentée  des  pen- 
seurs. Nous  nous  flattons  d*avoir  dit  à  ce  sujet  des  cho- 
ses assez  neuves  et  généralement  insoupçonnées. 

L'intégration  collective  est  une  réalité  aussi  constante, 
sur  les  plans  astral  et  psychique,  que  les  combinaisons 
de  la  chimie,  par  exemple,  sur  le  plan  matériel. 

Bien  des  questions  laissées  dans  l'ombre  à  dessein  s'é- 
claireront, si  l'on  sait  faire  usage  de  la  loi,  si  féconde 
en  imprévu,  dite  de  l'analogie  des  contraires. 

Ainsi,  la  Communion  des  Saints,  dont  Michaël  est  la 
personnification  lumineuse,  comporte  pour  antithèse  la 
Synagogue  des  pervers,  dont  l'incarnation  ignée  sera 
Samaël  SïîDD,  le  Satan  ésotérique  de  la  Kabbale. 

Il  messiérait  de  confondre  ce  Collectif  caco-psychique 


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LA   ROUE  DU  DEVENIR  333 

(d'une  réalité  formidable  à  de  certaines  époques,  quand 
des  divisions  intestines  ne  stérilisent  point  sa  vigueur  en 
Topposant  à  elle-même),  —  avec  le  Satan  légendaire, 
griffu  et  cornu,  digne  fils  des  imaginations  fanatiques  et 
qui  n*est,  comme  on  l'a  laissé  entendre  plus  haut,  qu'une 
hnage  astrale  vitalisée... 

Nous  terminerons  ce  chapitre  par  quelques  strophes 
très  remarquables  du  marquis  de  Saint-Yves  (i),  tou- 
chant Samaël.  On  y  verra  la  description,  plus  vraie  que 
réellCj  du  phénomène  dont,  page  310,  nous  réservâmes 
Texamen  :  savoir,  ce  que  peut  être  le  corps  astral  totalisé 
d'une  Entité  collective,  aux  yeux  du  Voyant  admis  à  ce 
très  exceptionnel  spectacle  : 

c  Quand  la  nuit  vient,  Satan,  dans  la  forêt  de  chênes 
Sonne,  et  son  vrai  Sabbat  accourt,  éclairs  de  haines 

Roulant  des  sombres  monts. 
Les  Vosges,  répondant  aux  Alpes,  tonitruent, 
Kt,  dans  cette  clairière  où  leur  chef  luît,  se  ruent 

Des  troupeaux  de  Démons. 

<  Il  en  vient  de  partout;  ils  ont  toutes  les  formes 
Des  Vices  accouplés  aux  Passions  difformes, 

Éternel  rut  boueux  ; 
Il  en  vient  du  sommet  de  toute  Hiérarchie, 
Il  en  jaillit  du  goufîre  où  git  toute  Anarchie, 

Et  tous  sont  monstrueux... 

«  Au  milieu,  double  corne  au  front,  Monstre  électrique, 
Le  vrai  Satan,  celui  du  Rit  ésotérique, 
Météore  géant. 


(1)  Jeanne  d*At'c  victorieuse,  p9.ges  ii^-MA,  passim. 


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331  LA  CLEF  DE  LA   MAGIE   NOIRE 


Assis  sur  un  Dolmen,  les  regarde  et  préside; 
Et  tous  disent  :  —  c  S&Iut  aa  premier  Homicide, 
Roi  des  rois  du  Néant  !  » 

€  A  ces  mots,  rayoQQanl,  Flamme  et  milliers  de  flammes, 
Satan  a  resplendi,  car  ces  Feux  sant  les  Ames 

Qu'il  s'incorpore  ainsi 
Du  front  aux  pieds,  selon  le  crime  ;  et  sous  son  aile 
Droite  ou  gauche,  selon  que  l'Ame  criminelle 

Fut  hommeou  femme  ici  (i)...  • 


\  1  )  L  auteur  aurait  pu  dire  aussi  justement  : 

«  ...  Selon  que  l'àine  criminelle 
ElsT  homme  ou  femme  ici.  > 

Les  âmes  criminelles  des  vivants  font  aussi  bien  partie  du  corps  de 
Samael  que  les  âmes  perverses  des  morts,  —  et  cela  est  un  grand 
mystère. 


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(Section  11) 

La  Force  (onze)  =  Énergie  =  Ses  moyens 
de  déploiement  {Force  de  la  Volonté). 

Chapitre  IV 

FORCE  DE  LA  VOLONTÉ 


•A  volonté! 

Le  Tarot  des  bohémiens  porte  inscrit,  sur 
son  feuillet  onze,  le  simple  et  majestueux  em- 
blème de  celle  déesse. 

On  y  voit  une  jeune  fille,  debout  dans  les  plis  d*un 
manteau  d'apparat,  et  coiffée  du  signe  cyclique  de  la  Vie 
universelle  00,  dompter  sans  le  moindre  effort  un  lion 
en  fureur,  dont  elle  clôt  des  deux  mains  la  gueule  rugis- 
sante. Sur  son  visage  transparait  la  sérénité  de  la  Force 
consciente  d'elle-même  ;  l'attitude  est  si  calme  qu'on  y 
lirait  l'indolence,  si  la  virilité  de  l'acte  n'infligeait  un  dé- 
menti à  l'expression  placide  des  traits. 

Son  genou  fait  saillie  sous  la  robe,  il  semble  ployé  (l). 
Cet  indice  donne  à  penser  que  l'hiéroglyphe  original  la 
peignait  assise.  Sans  doute  un  cartier  malhabile,  repro- 

(1)  Voir  les  éditions  anciennes  du  Tarot. 

22 


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338  LA   CLEF  DE   LA  MAGIE  NOIRE 

duisant  remblème  primitif,  aura  cru  pouvoir  supprimer 
le  fauteuil,  sans  prendre  soin  de  redresser  entièrement 
la  posture  du  sujet. 

Ce  détail  fautif  se  trouve  corrigé  dans  le  Tarot  d'El- 
teilla,  qui  date  de  la  fin  du  xvur  siècle.  La  déesse  y  est 
peinte  sur  un  trône  ;  contre  son  genou  repose  la  tête  du 
lion  apaisé,  qui  va  s'endormir.  Une  fois,  par  hasard, 
Etteilla  nous  semble  avoir  vu  juste. 

Qui  ne  connaît,  au  moins  de  nom,  ce  perruquier  gen- 
delettres,  contemporain  de  Mesmer  et  de  Cagliostro? 
Peu  enthousiaste  de  son  gagne-pain  cosmétique,  il  s'en 
élut  un  autre,  et  cultiva  fructueusement  les  hautes 
sciences,  en  particulier  celle  du  Tarot,  que  le  savant 
Court  de  Gébelin  venait  de  mettre  à  la  mode  :  bref,  le 
digne  coiffeur,  qui  se  nommait  tout  simplement  Alliette, 
s'établit  astrologue,  devin  et  philosophe  hermétique, 
sous  son  nom  inversé  d'Etteilla.  Il  ne  manquait  ni  de 
clairvoyance  naturelle,  ni  d'une  certaine  érudition  tu- 
multueuse et  mal  digérée.  En  son  domicile  de  la  rue  de 
rOseille,  au  Marais,  Etteilla,  c  professeur  d'Algèbre 
(comme  il  s'intitulait) ,  astro-phil-astre  et  restaurateur 
de  la  cartonomancie  pratiquée  chez  les  Égyptiens,  » 
donna,  moyennant  salaire  honnête,  des  consultations  et 
des  leçons  particulières.  La  vogue  lui  fut  bientôt  acquise; 
il  fit  fortune  et  roula  carrosse.  Malheureusement,  il  se 
mêla  d'écrire,  et  ses  œuvres,  —  qu'on  réunit  d'ordinaire 
en  deux  forts  volumes,  ornés  de  figures  en  taille-douce,— 
ne  donnent  pas  l'idée  de  ce  que  pouvaient  être  ces  fa- 
meuses consultations  divinatoires,  qui  ont  fait  courir 
tout  Paris.  —  Doué  d'une  perspicacité  peu  commune,  et 


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FORCE   DE  LA   VOLONTÉ  339 

d'une  grande  aisance  dans  le  maniement  des  nombres  et 
des  figures,  il  étonnait  chez  lui,  le  crayon  ou  le  compas 
k  la  main,  parmi  les  bizarreries  de  ses  diagrammes  et  le 
bariolage  de  ses  tarots.  Mais  l'illusion  tombe,  en  face  de 
son  œuvre  écrite.  Cette  pénible  compilation,  sans  ordre 
ni  clarté,  trahit  le  manque  d'instruction  première  et  ne 
soutient  pas  la  lecture...  Etteilla  fit  pis  encore  :  il  publia 
une  édition  expurgée  du  Tarot  !  On  peut  dire  que  la  fan- 
taisie laborieuse  mais  biscornue  de  ce  singulier  correc- 
teur a  bouleversé  de  fond  en  comble  les  arcanes  du  Livre 
de  Thoth,  intervertissant  Tordre  des  lames,  et  parfois 
substituant  aux  vieux  symboles  magiques  les  caprices 
d'une  imagination  superlativement  brouillonne  et  déré- 
glée. Une  fois  ou  deux,  néanmoins,  il  a  rencontré  juste, 
—  et  c'est,  en  vérité,  le  cas  du  feuillet  qui  nous  occupe. 
La  onzième  clef  du  Tarot  s'explique  et  se  commente 
d'elle-même.  La  déesse,  assise  ou  debout,  signifie  tou- 
jours la  Volonté  vivante,  dont  la  vertu,  décuplée  par  l'en- 
trainement,  dompte  sans  effort  la  rébellion  des  forces 
instinctives  et  passionnelles. 

Le  lion,  qui  symbolise  ces  dernières,  figure  aussi  leur 
milieu  nourricier,  la  lumière  astrale,  dont  il  est  un  des 
plus  antiques  hiéroglyphes.  A  ce  point  de  vue,  le  pen- 
tacle  exprime  l'empire  qu'exerce  la  Volonté  sur  les  fluides 
hyperphysiques,  les  Esprits  élémentaires  et  les  Lémures 
qui  hantent  la  région  sans  limite. 

L'apocryphe  des  Oracles  de  Zoroastrey  que  nous  avons 
déjà  cité,  à  propos  des  mirages  errants,  désigne  le  lion 
comme  la  figure  synthétique  en  quoi  se  résument,  quand 
le  voyant  prolonge  son  extase,  toutes  les  Puissances 


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340  LA   CLEF  DE  LA   MAGIR  NOIRE 


hallucinantes  du  royaume  astral.  «  Cernes  omnia  leo- 
nem  (1)  »,  dit  le  texte  latin. 

«  Le  signe  [zodiacal]  du  lion  (peut-on  lire  au  très  eslimable 
traité  de  Light  of  Egypt),  symbolise  ta  force,  le  courage  el  le 
feu...  Kabbalistiquement,  le  signe  du  Lion  figure  le  cœur  du 
Grand  Homme, et  représente  le  centre  vital  du  système  circu- 
latoire fluidique  de  rbumanité.  C'est  aussi  le  tourbillon  de 
feu  de  la  vie  physique  (2).  » 

.  Telles  sont  les  forces,  également  insurrectionnelles 
dans  le  monde  et  chez  Thomme  (dans  les  sphères  du 
Macrocosme  et  du  Microcosme),  et  que  la  Volonté  do- 
mine et  dirige  magiquement, — comme  l'adepte  des  mys- 
tères chaldéens  faisait  des  lions  sacrés,  nourris  dans  le 


(1)  Le  chapitre  des  Démons  et  des  Sacrifices,  où  so  lit  cette  phrase, 
constitue  une  page  essentielle,  au  point  de  vue  des  rites  théurgiques  : 
Éliphas  Lèvi  en  a  donné  une  belle  traduction  (Histoive  de  la  Magie, 
pages  58-60). 

Ces  curieux  Oracles,  recueillis  dans  les  livres  des  alexandrins,  qui 
volontiers  s'y  réfèrent,  ont  été  imprimés  par  François  Patricius,  en 
tête  de  sa  Magia  Philosophica  (Uamburgi,  1593,  pet.  in-8o).  On  les 
trouve  également  in-extenso  dans  le  Trinum  magicum  (Francofurti, 
1616  ou  1663,  in-i2,  pages  326-401).  La  citation  que  nous  avons  faite 
se  trouve  à  la  page  345  de  ce  dernier  recueil. 

(2)  La  Lumière  d'Egypte  (traduction  française),  Paris,  Chamuel, 
1895,  in-40,  fig.  (Page  185,  passim). 

Cet  important  traité,  dont  nous  venons  de  prendre  connaissance 
(Décembre  1895)  est  à  la  fois  un  curieux  ouvrage  et  une  bonne  action. 
11  n'est  pas  sans  taches,  et  plusieurs  des  critiques  émises  à  son  sujet 
semblent  fondées.  Néanmoins,  bien  que  nos  vues  ne  concordent  pas 
sur  tous  les  points  avec  celles  de  l'auteur,  nous  nous  permettrons  de 
recommander  à  notre  public  la  Lumière  d'Égypfe.  Certaines  pages  de 
co  livre  nous  ont  paru  émaner  d'une  source  particulièrement  intéres- 
sante. Enfin,  pour  emprunter  une  expression  familière  à  Saint-Martin 
(comparant  les  diverses  nourritures  de  l'intelligence),  c'est  quelquefois 
«  du  très  bon  ». 


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FORCE   DE  LA   VOLONTÉ  341 

temple  en  vue  des  épreuves,  et  qu'il  devait  rendre  do- 
ciles au  magnétisme  du  geste  et  de  la  voix. 

Quant  à  l'héroïne  symbolique  de  l'emblème,  nous  la 
préférons  assise,  car  elle  représente  alors  la  Volonté 
calme  et  robuste,  sur  le  trône  de  l'inébranlable  Raison. 
Et  le  fauve,  vaincu  par  le  double  prestige  de  la  fermeté 
jointe  à  la  douceur,  repose  son  mufDe  apprivoisé  sur  les 
genoux  de  Tlmmorlelle  ! 

L'indication  n'est  point  négligeable  encore,  que  fournit 
le  signe  vital  universel  placé  sur  la  tête  de  la  déesse.  Il 
proclame,  —  ce  huit  renversé,  —  qu'en  tous  lieux  de 
Tunivers  où  la  vie  étend  son  empire,  la  Volonté  humaine 
peut  saisir  le  sceptre,  et  que  sa  sphère  d'action  n'a  pas 
d'autres  frontières  que  celles  mêmes  de  l'existence  cos- 
mique, soit  occulte  ou  manifestée. 

La  Volonté  de  l'homme,  ainsi  que  Fabre  d'Olivet  l'a 
magistralement  établi,  constitue  l'une  des  trois  grandes 
Puissances  qui  régissent  l'Univers. 

Dans  l'individu,  comme  dans  l'être  collectif  humain, 
la  Volonté  embrasse  et  maîtrise  de  son  étreinte  unitaire 
les  trois  vies  instinctive,  animique  et  spirituelle,  qui  ali- 
mentent et  soutiennent  trois  modifications  de  la  Psyché  : 
l'âme  sensitive,  l'âme  passionnelle  et  l'âme  intelligente. 
Le  siège  central  de  la  Volonté  réside  en  la  partie  mé- 
diane de  l'Être  humain  ;  mais  cette  faculté  peut  s'amoin- 
drir ou  s'accroître,  descendre  dans  l'instinct  ou  ascendre 
dans  l'intelligence,  pour  y  séjourner  plus  ou  moins  à  de- 
meure. 

Ces  choses  remémorées  succinctement,  car  le  Lecteur 


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342  LA   CLEF  DE  LA   MAGIE   NOIRE 

les  connaît  déjà,  notifions  encore  ce  fait  que  nous  atteste 
runanimilé  des  traditions  sacerdotales  :  qu'en  la  sphère 
d'Éden,  avant  la  chute,  la  volonté  d'Adara-Ève  était  cn'^a- 
trice,  sans  restriction  ni  tempérament  à  ce  pouvoir  quasi- 
divin.  L'homme  universel  exerçait  la  souveraineté  dans 
toute  rétendue  de  l'enceinte  organique  dont  il  occupait 
le  centre  ;  il  y  régnait  au  même  titre  que  les  autres 
dieux,  — consubstantiels  au  Verbe  comme  lui, — régnaient 
chacun  dans  sa  sphère  propre  ;  au  même  titre  enfin,  s'il 
le  faut  dire,  que  ce  Verbe  divin  lui-même  régnait  au  ph'»- 
rôme  intégral  de  la  Divinité. 

La  Volonté  d'Adam  était  le  seul  support  des  êtres  in- 
nombrables dont  il  avait  peuplé  son  domaine  ;  en  sorte 
qu'il  pouvait,  d'une  seule  volilion,  «  les  porter  en  un 
moment  de  l'être  au  néant  et  du  néant  à  l'être  ».  Cette 
formule  significative  est  de  Fabre  d'Olivet.  Nous  ne  ré- 
sistons pas  au  plaisir  de  citer  ici  quelques  lignes  de  ce 
grand  maître,  qui  met  dans  la  bouche  d'Adam  un  dis- 
cours où  7wtre  premier  père  dC'Cviiy  en  style  transparent 
encore  qu'eûcotériquey  les  conséquences  de  sa  témérité,  et 
toute  l'horreur  de  sa  déchéance. 

«  Le  cours  que  suivait  ma  vie  dans  rélernité  s'arrêta;  tout 
s*arréta  autour  de  moi  ;  et  je  vis,  avec  une  indescriptible  stu- 
peur, que  toutes  les  productions  de  mon  Éden,  et  toutes  les 
créatures  que  j*y  avais  mises,  consolidées  par  une  force  qui 
m'était  incomiue,  ne  dépendaient  plus  des  actes  de  ma  vo- 
lonté. Un  mouvement  rétrograde  avait  tout  envahi.  Emporté 
avec  tout  le  reste  dans  ce  mouvement  épouvantable,  c'est  en 
vain  que  j'essayerais  de  te  peindre  mon  angoisse...  C'est  au 
milieu  de  cette  angoisse  que  la  voix  du  Très-haut  se  fit  en- 
tendre à  moi,  et  que  sa  miséricorde  daigna  y  mettre  un  terme 
en  changeant,  par  sa  toute-puissance,  le  mode  de  mon  exis- 


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FORCE  DE  LA   VOLONTÉ  343 


tence,  que  rien  autre  ne  pouvait  changer.  Alors  je  pris  des 
formes  analogues  à  celles  que  mes  productions  avaient 
prises.  Je  devins  corporel  comme  elles.  L'Éternel  Dieu  aurait 
pu  sans  doute  anéantir  mes  productions  ;  mais  comme  la 
soufTrance,  qui  était  la  suite  inévitable  de  ma  faute,  ne  pou- 
vait se  guérir  qu'en  se  divisant  à  Tinfini,  et  que,  plus  elle 
était  partagée  et  divisée,  plus  elle  devenait  supportable,  et 
tendait  d'autant  plus  vite  à  s'eiïacer,  il  daigna  faire  concourir 
à  ma  guérison  toute  la  nature  corporelle  qui  était  mon  ou- 
vrage. Ainsi  la  masse  de  douleurs  qui  devait  peser  à  l'avenir 
sur  la  totalité  des  hommes  h  naître  de  moi,  fut  allégée  dans  un 
très  grand  degré  par  le  partage  qui  en  fut  fait  sur  les  ani- 
maux... Ils  n'étaient  pas  plus  innocents  que  mes  descendants 
ne  le  seront  ;  car,  encore  une  fois,  tous  ces  êtres,  sous  quel- 
que point  de  vue  qu'on  les  considère,  ne  sont  que  moi,  que 
moi-même,  dont  l'unité  est  passée  à  la  diversité  (1).  » 

Primordialement,  en  Éden,  les  volitions  de  l'homme 
s'objectivaient  donc,  dans  l'instant  qu'il  les  proférait.  — 
Depuis  la  chute  et  la  dissémination  d'Adam-Êve  en  de 
multiples  humanités  à  travers  le  temps  et  l'espace,  cette 
magnifique  prérogative  créatrice  semble  ravie  à  l'hom- 
me (2).  Aux  yeux  de  l'observateur  superficiel,  la  Volonté 
de  chaque  individu  n'a  plus  sur  la  matière  d'action 
réelle  et  directe  que  dans  les  limites  du  corps  matériel  ; 
même  en  cette  sphère  étroite,  son  autorité  ne  s'exerce 
que  sur  certains  organes;  le  système  nerveux  moteur 
reste  soumis  à  la  Volonté  ;  mais  sur  les  nerfs  sensitifs, 
son  empire  est  presque  nul. 


(1)  Caîn,  pag&s  211-212,  pcasim, 

(2)  L'ôtre  qu'ici  nous  appelons  rhommo,  c'est,  —  qu'on  ne  s'y 
trompe  pas,  —  le  sous-multiple  adamique,  Adam  hal-ha-arets 
Y^KH  Sv  DIN,  au  degré  d'évolution  où  il  se  trouve  actuellement  sur 
la  terre. 


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344  LA   CLEF   DE   LA    MAGIE  r^OlRE 

Tel  est,  en  deux  mots,  —  à  première  vue,  —  le  misé- 
rable bilan  terrestre  de  cette  faculté  déchue.-. 

Mais,  à  observer  les  choses  de  plus  près,  pareille  dé- 
chéance ne  serait-elle  pas  plus  apparente  que  réelle?  Les 
cas  n'abondent-ils  point,  où  la  Volonté  reconquiert  spon- 
tanément quelque  influence  directe  sur  les  êtres  et  les 
choses  du  monde  extérieur?  Un  peu  d'entraînement  enfin 
ne  rend-il  pas  à  cette  faculté  une  part  de  son  énergie 
virtuelle?  N'en  peut-on  pas  alors  faire  magiquement 
usage,  pour  le  mal  ou  pour  le  bien?  —  Au  point  où 
nous  en  sommes  de  ce  travail,  la  réponse  n'est  plus  dou- 
teuse. C'est  elle  qui  fera  l'objet  du  présent  chapitre. 

Consultons  la  Genèse,  Quand  Ihôah  chasse  du  «  para- 
dis terrestre  »  le  couple  symbolique,  voici  les  termes  de 
la  sentence  qu'il  signifie  à  la  Femme,  type  expressif  de  la 
faculté  volitive  d'Adam  :  —  «  Je  multiplierai  le  nombre 
des  obstacles  physiques  de  toutes  sortes,  opposés  à  l'exé- 
cution de  tes  désirs,  en  augmentant  en  même  temps  le 
nombre  de  tes  conceptions  mentales  et  de  tes  enfantements. 
Avec  travail  et  douleur  tu  donneras  l'être  à  tes  produc- 
tions, etc.  (!)...  »  Telle  est  la  traduction  profonde  de 
Fabre  d'Olivet.  La  version  exotérique  de  Le  Maistre  de 
Sacy  renferme  un  sens  tout  pareil,  sous  une  image  plus 
enveloppée  :  «  Je  vous  affligerai  de  plusieurs  maux  pen- 
dant votre  grossesse;  vous  enfanterez  dans  la  douleur, 
etc.  (2)...  » 

Le  Seigneur  ne  frappe  donc  point  de  stérilité  la  puis- 

(1)  Langue  hébraïque  restituée,  lome  H,  page  316. 

(2)  Genèse,  chap.  m,  ;^^.  16. 


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FORCE  DE   LA   VOLONTÉ  345 

sance  volitive  dont  Eve  est  le  symbole;  il  la  condamne 
à  multiplier  de  laborieux  efforts,  pour  obtenir  un  moin- 
dre résultat. 

La  désintégration  de  THomme  universel,  et  Tcmpri- 
sonnement  de  ses  sous-multiples  en  des  geôles  de  chair, 
opaques,  et  massives,  —  tels  sont  les  obstacles  i\nu 
sous  la  loi  de  déchéance,  entraveront  dès  l'abord  la  fa- 
culté créatrice  dévolue  à  la  nature  humaine.  Tout  épar- 
pillement  substahtiel  comporte  une  diminution  quanti- 
tative de  la  force  liée  à  cette  substance;  et  l'obscuration 
d'une  enveloppe  translucide  autour  d'un  centre  lumineux 
ne  va  point  sans  une  altération  qualitative,  au  moins  ap- 
parente, des  rayons  qui  émanent  de  ce  foyer. 

Mais  dans  l'acte  même  de  bâtir  cette  prison  temporaire 
—  le  corps,  —  quel  merveilleux  pouvoir  créateur  déploie 
la  Volonté!  Comme  elle  triomphe,  jusqu'en  son  humilia- 
tion !  Ici,  elle  est  collective  et  essentielle,  non  pas  encore 
individuelle  et  réfléchie. 

L'individu  qui  s'incarne  ne  se  doute  point,  —  plongé 
d'ailleurs  en  un  engourdissement  profond,  —  qu'un  ar- 
chitecte et  des  ouvriers  d'essence  identique  à  la  sienne 
travaillent  à  lui  construire  une  habitation  congruente  à 
son  nouvel  état.  L'édifice  s'élève,  en  d'autres  termes, 
sans  qu'il  en  ait  conscience  :  car  celui  qui  trace  le  plan 
comme  ceux  qui  l'exécutent  ressortissent  à  cette  moitié 
obscure  de  l'être  humain,  que  nos  psychologues  moder- 
nes commencent  à  soupçonner  sous  le  nom  A' Inconscient. 

L'Inconscient  est  cette  Entité  absconse  qui  se  manifeste 
en  nous,  cet  aller  ego,  ce  Moi  non-moi  (jui  pense,  veut 


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346  LA   CLEF   DE   LA   MAGIE   NOIRE 


et  agit  dans  notre  intérieur,  sans  que  nous  ayons  nul 
sentiment,  parfois  nulle  notion,  de  ce  penser,  de  ce  vou- 
loir, de  cet  agir,  étrangers  et  nôtres  tout  ensemble.  Si  les 
philosophes  ont  assigné  pareille  dénomination  à  celle 
chose  si  malaisée  à  définir,  ce  n'est  point  qu'elle  appa- 
raisse inconsciente  en  soi,  ils  n'en  savent  rien;  c'est 
seulement  parce  que  nous  n'avons  point  conscience 
d'elle. 

Notre  Volonté  propre,  tout  d'abord,  consciente  lors- 
qu'elle s'élève  dans  les  modifications  supérieures  de  l'ê- 
tre (intelligence,  sagacité),  ou  qu'elle  se  maintient  dans 
l'entendement  et  la  raison,  —  ne  l'est  plus  quand  elle 
s'exerce  dans  le  sentiment  pur  ou  qu'elle  descend  dans 
l'instinct. 

11  y  a  en  outre,  par  rapport  à  la  conscience  individuelle 
(qu'on  la  suppose  ou  non  développée),  deux  Inconscients 
collectifs  :  celui  d'en  haut  et  celui  d'en  bas.  L'architecte 
du  corps  appartient  à  l'Inconscient  supérieur,  à  l'Ame 
humaine  collective  par  quoi  l'Esprit  universel  se  mani- 
feste. Cet  architecte  est  la  Volonté  de  l'Espèce.  —Quant 
aux  artisans,  ils  relèvent  de  l'Inconscient  inférieur  et  se 
meuvent  dans  le  royaume  de  l'Instinct  :  ce  sont  les  éner- 
gies moléculaires  que  le  Corps  astral,  cet  entrepreneur  de 
la  bâtisse,  évertue  en  les  unifiant,  et  qui  deviennent  les 
âmes  des  cellules  constitutives  de  l'organisme  physique 
en  voie  de  formation. 

Mais  entre  l'architecte  et  l'entrepreneur,  —  entre  la 
Volonté  de  l'Espèce  et  le  Corps  fluidiquc  de  l'individu,  — 
se  place  un  intermédiaire,  dont  il  faut  bien  toucher  un 
mot. 


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FORCE   DE   LA   VOLO!>ITÉ  347 


Puisque  nous  ébauchons  le  rôle  de  la  Puisssance  vo- 
lilive,  dans  la  manifestation  des  individus  sur  les  plans 
astral  et  physique,  —  peut-être  Tinstant  est-il  venu  de 
mentionner  l'importance  d'une  faculté  occulte  assez  peu 
connue,  et  qu'on  pourrait  définir  la  matrice  psychique 
du  corps  astral. 

Sa  notion  formelle  préservera  les  étudiants  en  Occulte 
de  bien  des  quiproquos. 

En  effet,  sans  mieux  s'expliquer,  les  Occultistes  ont 
coutume  de  dire  :  d'une  part,  que  le  corps  astral,  étant 
périssable,  doit  après  la  mort  se  dissoudre  lentement 
dans  l'atmosphère  terrestre;  — d'autre  part,  que  l'adepte 
doit,  dès  ici-bas,  élaborer  (prétendent  les  uns),  épurer 
(soutiennent  les  autres)  son  corps  lumineux  :  lequel,  à 
l'issue  de  la  terrestre  épreuve,  servira  de  char  à  l'âme 
affranchie,  pour  atteindre  la  Citadelle  ignée  et  parfaire  sa 
réintégration  dans  l'Unité  céleste...  On  s'y  perd! 

Le  malheur,  c'est  que  certains  enseignants  ont  tou- 
jours pris  soin  de  confondre  l'effet  avec  la  cause  :  le 
corps  astral  avec  la  faculté  plastique  d'appropriation, 
pour  ne  pas  dire  qu'ils  ont  entièrement  méconnu  la  na- 
ture de  celle-ci.  La  faculté  plastique  n'est  point  un 
moyen-terme  éventuel,  un  lien  d'éphémère  union  entre 
le  corps  et  l'âme  ;  elle  tient  d'une  manière  intime  à  l'es- 
sence de  la  Psyché,  dont  elle  constitue  l'instrument  de 
précision  et  de  77iise  au  point  pour  les  milieux  où  elles 
séjourneront  ensemble. 

Notifions-le  donc  à  ceux  qui  l'ignorent  :  toute  âme  indi- 


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348  LA   CLEF   DE   LA   MAGIE  NOIRE 


viduelle  est  pourvue  d'une  faculté  plastique  (1)  invisible, 
qui,  docile  à  la  Volonté  eflîciente  de  TEspèce  (essence 
elle-même  émanée  du  principe  ou  archétype),  tisse  sur 
ce  modèle  un  vêtement  fluidique  à  Tàme  :  un  corps  si- 
déral, plus  ou  moins  subtil,  selon  les  divers  milieux  as- 
traux qu'elle  traverse.  Si  Tàme  s'incarne  sur  une  planète, 
c'est  en  vérité  ce  corps  sidéral  qui  servira  de  patron  à 
l'organisme  matériel,  dont  les  cellules  s'agenceront  en  se 
juxtaposant  sur  les  traits  de  son  esquisse  ignée.  Mais^, 
par  ce  fait,  les  deux  formes  corporelles,  la  visible  et  Tin- 
visible,  consomment  un  indissoluble  hymen  :  la  destinée 
leur  est  commune  désormais,  jusqu'à  l'heure  où  la  mort 
de  la  première  sonnera  l'agonie  de  la  seconde. 

C'est  alors  que,  l'àme  émigrant  toute  nue  vers  un 
autre  séjour,  la  faculté  plastique  qui  lui  est  inhérente 
aura  mission  d'élaborer  pour  elle  un  nouveau  corps  sub- 
til, vêtement  approprié  aux  nouvelles  ambiances.  Jusque- 
là,  cette  faculté  se  bornait  au  rôle  de  régulatrice  à  l'é- 
gard de  l'ancien. 

En  effet,  tant  que  l'âme  humaine  passe  d'un  milieu  as- 
tral dans  un  autre  sans  s'incarner  physiquement,  le  corps 
élhéré,  expression  actuelle  de  la  faculté  plastique,  se  subti- 
lise tour  à  tour  ou  se  condense,  afin  de  demeurer  en  har- 
monie avec  le  milieu  nouveau  qui  le  baigne.  Mais  si  l'àme, 


(i)  Ce  que  nous  désignons  ^nr  faculté  plastique  est  connu  des  théo- 
soplies  védantins  sous  un  nom  différent.  —  Cf.,  à  V Appendice  du 
présent  tome,  la  note  brève,  mais  substantielle,  où  M.  Paul  Sédir  a  ré- 
sumé les  enseignements  de  rÉsotérisme  adwaïti  sur  ce  point  de  doc- 
trine; On  constatera  qu'il  n'y  a  guère  de  différence  entre  la  notion 
védantine  du  Corps  causal  et  notre  conception  de  la  faculté  plastique 
efficiente. 


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FORCE  DE  LA  VOLONTÉ  349 


emportée  au  torrent  des  générations,  s'engouffre  en  un 
corps  de  chair,  où  son  élastique  forme  astrale,  captive 
et  comprimée  à  haute  tension,  va,  par  son  dynamisme 
expansif  guidant  le  travail  cellulaire,  pourvoir  à  la  crois- 
sance de  l'organisation  corporelle  :  une  invincible  affi- 
nité relie  dès  lors  les  deux  effigies  ;  l'objective  et  la  sub- 
jective. L'union  terrestre  est  consommée  entre  elles; 
leurs  destins  sont  inséparables  désormais. 

Notre  Public  s'en  souvient  à  coup  sûr  :  Si  loin  que  le 
corps  astral,  abmatérialisé  durant  le  sommeil  ou  l'extase, 
s'éloigne  de  sa  coque  matérielle,  une  chaîne  sympathique 
reste  tendue  entre  elle  et  lui.  Sa  rupture  occasionnerait 
la  mort.  Corps  physique  et  corps  astral  appartiennent 
tous  deux  à  l'orbe  de  la  terre,  et  quoi  qu'on  en  ait  dit, 
ni  l'un  ni  l'autre  n'en  peut  outrepasser  les  secrètes 
limites  :  ceux  qui  savent  ne  nous  démentiront  pas. 

Lorsqu'un  adepte,  —  mais  le  cas  est  si  rare  !  —  s'é- 
lance au  delà  de  ces  bornes,  sur  les  ailes  d'un  corps 
éthéré,  ce  véhicule  n'est  point  la  forme  astrale  propre- 
ment dite.  C'est  le  corps  glorieux  qu'a  su  élaborer  cet 
adepte,  réintégré  dès  ici-bas  dans  la  plénitude  de  ses 
droits  d'en  haut:  si  bien  qu'avant  même  de  mourir,  il 
est  ressuscité  d'entre  les  morts.  Le  corps  glorieux  (1),  ce 

(1)  Le  corps  astral  est  formé  do  la  substance  fluidique  empruntée 
telle  quelle  au  nimbe  de  la  planète  ;  car,  —  bien  que  nous  soutenions^ 
à.  rencontre  de  certains  magistes,  que  le  corps  astral  préexistait  à  la 
conception  du  fœtus,  —  il  reste  certain  pour  nous  qu'au  cours  de  la 
gestation,  sa  substance  fluidique  se  renouvelle  entièrement,  par  des 
échanges  avec  Tastral  terrestre.  C'est  une  conséquence  nécessaire  do 
son  commerce  avec  le  corps  matériel  qu'il  informe.  —  Il  ne  s'agit  plus 
d'une  adaptation  provisoire  au  milieu,  comme  quand  le  corps  astral 
changeait  d'atmosphère  sans  s'incarner  :  il  s'agit   d'une   modification 


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350  LA   CLEF   DE   LA   MAGIE  NOIRE 

€  char  subtil  de  l'âme  »,  comme  l'appelaient  les  Pythago- 
riciens, n'est  point  captif  de  l'attraction  terrestre  ;  mais 
son  ac(iuisition,  posthume  chez  le  plus  grand  nombre, 
ne  peut  s'effectuer  sur  cette  terre  qu'au  bénéfice  d'une 
rare  élite.  Quiconque  y  parvient  ressemble  au  prisonnier 
qui  réussirait,  dans  son  cachot  même,  à  construire  l'ap- 
pareil aérostatique  de  son  évasion. 

Ce  cas  est  d'ordre  exceptionnel;  voici  la  règle.    — 
Chaque  fois  qu'après  une  mort  physique,  l'àme  émigré 
vers  un  autre  monde,  elle  abandonne  un  cadavre  visible 
à  la  voirie  terrestre  et  un  cadavre  invisible  à  l'atmosphère 
occulte  de  la  planète.  Ce  dernier  est  le  corps  astral,  qui 
se  dissout  lentement,  comme  nous  le  disons  au  chapitre 
VI  (la  Mort  et  ses  Arcanes).  L'âme  alors,  transférée  en  un 
autre  séjour,  se  revêt  d'une  enveloppe  neuve,  appropriée 
aux  conditions  hyperphysiques  du  milieu  nouveau  qui  la 
reçoit.  Et  c'est  encore  la  faculté  plastique,  intimement 
liée  d'une  part  à  la  Puissance  volitive  de  l'espèce,  d'au- 
tre part  à  la  propre  nature  individuelle  de  la  Psyché,  — 
c'est  la  Faculté  plastique  qui  élabore  et  qui  adapte  à 
l'àme  pérégrine  tel  corps  astral  de  rechange,  plus  dense 


profonde,  d'une  appropriation  définitive  du  corps  astral  à  l'orbe  plané- 
taire, dont  il  ne  pourra  plus  s'affranchir  désormais. 

Le  corps  astral,  tel  que  nous  le  connaissons  ici-bas,  est  donc  fait  de 
lumière  astrale  spécialisée. 

Mais  le  corps  spirituel,  glorieux,  est  tissu  de  la  pure  substance 
édénale,  agathomorphe  ;  alias  de  l'élément  adamique  (nClK  de  Moïse), 
ou  originelle  Lumière  de  gloire. 

L'un  appartient  au  monde  de  la  déchéance  ;  l'autre  ne  relève  que  du 
monde  céleste,  où  s'épanouit  VÉternelle  Nature  de  Bœhme. 

Ce  corps  glorieux,  c'est  l'expression  définitive  «le  la  faculté  plasti- 
que ;  son  expression  adéquate  au  pur  éther  reconquis. 


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FORCE   DE  LA   VOLONTÉ  381 


OU  plus  épuré,  mais  toujours  en  proportion  de  la  sidéra- 
lité  ambiante. 

Nous  venons  de  dire  que  cette  faculté  obéissait  tout 
d'abord  à  la  Puissance  volitive  de  l'Espèce  :  cela,  pour 
les  traits  généraux  ;  mais  qu'elle  se  conformait  aussi  à  la 
nature  individuelle  de  l'âme  :  ceci,  pour  les  traits  parti- 
culière. Les  difiérences  de  physionomie  sont  dues,  en  très 
notable  proportion,  à  l'influence  irréfragable  du  Karma. 
Or  si  le  Karma  terrestre,  tout  d'alluvion  fluidique  et  d'ap- 
port lémurien,  réside  au  corps  astral,  il  n'en  saurait  être 
de  même  du  Karma  intercyclique,  produit  d'une  réper- 
cussion prolongée  des  corps  astraux  d'existences  précé- 
dentes, sur  la  pure  substance  de  l'âme  ;  celui-là  se  loca- 
lise précisément  dans  la  faculté  plastique  individuelle. 

Cette  mystérieuse  faculté,  dont  l'homme  n'a  pas  le 
monopole,  sculpte  ou  modèle  la  forme  extérieure  de  tous 
les  êtres;  et,  ce  faisant,  traduit  leur  nature  propre  en 
hiéroglyphes  révélateurs  desinnéités  latentes  en  elle. 

Ainsi,  à  quelque  Règne  qu'il  appartienne,  chaque  être 
vivant  se  manifeste  au  monde  des  effigies  et  s'élit  une 
apparence  corporelle  adéquate  à  ses  vertus  intimes,  par 
l'entremise  de  sa  faculté  plastique,  obéissante  à  la  vo- 
lonté de  l'espèce. 

En  cette  dernière,  on  doit  voir  une  modification  de  la 
Volonté  cosmique,  —  c'est-à-dire  humaine,  puisque  de 
rUnivers  à  l'homme,  l'essence  est  identique.  La  tradition 
unanime  des  sanctuaires  nous  désigne  l'Homme,  conçu 
dans  son  universalité,  comme  étant  Yâme  du  Cosmos  in- 
tégral; et  toute  âme  de  vie  comme  émanée,  en  mode  di- 


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352  I.A   CLEF   DE   LA    MAGIE   NOIRE 


rect  ou  indirect,  de  la  substance  biologique  humaine 
(Adamah), 

a  Ihôah  (lit-on  au  deuxième  chapitre  de  la  Genèse)  avait 
formé  hors  de  Vêlement  adamique[\)  toute  ranimallté  de  la 
nature  terrestre  et  toute  l'espèce  volatile  des  cieux  ;  il  les  Ht 
venir  vers  Adam,  pour  voir  quel  nom  relatif  à  lui-même  cet 
Homme  universel  assignerait  à  chaque  espèce  ;  et  tous  les 
noms  qu'il  assigna  à  ces  espèces,  dans  leurs  rapports  avec  lui, 
furent  l'expression  de  leurs  rapports  avec  l'âme  vivante  uni- 
verselle (2). 

Ce  verset  du  Berœshilh  a  trait  au  mystère  que  nous 
dévoilons. 

En  nomtnant  les  animaux,  Adam  détermine  les  natures 
volitives  qui,  —  au  regard  de  sa  propre  nature  univer- 


(1)  C'est-à-dire,  l'Élément  homogène  d'où  provient  la  substance 
d'Adam.  -—  Mais  Ihôah  n'avait  créé  les  animaux  qu'en  principes  ;  c'é- 
tait à  l'homme  de  les  faire  passer  de  puissance  en  acte. 

Rien  d'ailleurs  n'est  moins  facile  que  de  pénétrer  ces  arcanes  du 
Gan-bi-Héden.  Sur  toute  chose,  il  importe,  pour  ne  se  point  égarer 
dans  un  labyrinthe  de  contradictions  vocabulaires,  d'avoir  toujours 
présent  à  l'esprit,  que  Ihôah-iElohim  constitue  l'Adam  Céleste  absolu, 
—  et  qu'Adam  représente,  en  Éden,  un  organe  vivant  de  Uiôah,  im 
iEloha  d'.45lohlm. 

Par  suite  de  sa  déchéance,  Adam  se  divise  ;  la  matière  est  l'instru- 
ment passif  de  cette  division.  L'homme  matériel  et  tous  les  êtres  vi- 
vants sont,  (à  des  degrés  plus  ou  moins  proches),  des  sous-mulliples 
d'Adam  déchu,  dont  le  corps  matériel  intégral  n'est  autre  que  l'Uni- 
vers physique  lui-même. 

(2)  Berœshith,  chap.  ii,  ^.19  (Langue  hébraïque  restituée,  tome  H, 
pages  85  et  315). 

Nous  avons  donné  la  version  ésotériquc  de  Fabre  d'Olivet  :  nous 
allons  transcrire  en  regard  l'a  peu  près  littéral  de  M.  Sylvestre  de  Sacy  : 
«  Le  Seigneur  Dieu  ayant  donc  formé  de  la  terre  (!)  tous  les  animaux 
terrestres  et  tous  les  oiseaux  du  ciel,  il  les  amena  devant  Adam,  afin 
qu'il  vit  comment  il  les  appellerait.  Et  le  nom  qu'Adam  donna  à  chacun 
des  animaux  est  son  nom  véritable.  » 


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FORCE  DE   LA   VOLONTÉ  353 


selle,  —  caractérisent  ces  êtres  émanés  de  son  verbe. 
Les  facultés  plastiques  des  individus  se  conforment  à 
l'essence  volitive  de  chaque  espèce.  Toute  effigie  parU- 
ciilière,  bestiale,  va  donc  dépendre  de  la  virtualité  plas- 
tique où  viennent  s'inscrire  ces  essences. 

Les  animaux  peuvent  être  conçus  comme  personnifi- 
cations incarnées  des  passions  divergentes,  et  souvent 
contradictoires,  qui  se  disputent  Tàme  inférieure  de 
l'homme;  ou,  plus  exactement,  comme  monades  adami- 
ques  déviées  en  tous  sens,  vers  les  extrémités  polaires 
du  dynamisme,  dont  Adam  occupe  le  point  central  d'é- 
quilibre. 

De  telles  notions,  délicates  à  saisir,  semblent  d'ailleurs 
inédites.  Soulignons-les. 

Ainsi,  les  âmes  bestiales  consistent  en  modalisations 
outrancières  et  désharmoniques  de  Tâme  humaine,  jadis 
harmonieuse  en  Éden.  Mais  l'accord  parfait  est  rom- 
pu- 
Productions  indirectes  d'Adam,  antérieurement  à  sa 
chute,  —  les  animaux  sont  depuis  lors  (au  même  titre 
que  les  êtres  incorporés  des  autres  Règnes),  autant  d'a- 
tomes dispersifs  de  sa  substance  corrompue,  autant  de 
sous-multiples  dégénérés  de  son  unité  dissoute.  Car  lui- 
même  s'est  emprisonné  sous  l'écorce  de  ses  productions. 
Ce  n'est  qu'au  fur  et  à  mesure  d'une  évolution  progres- 
sive, que  les  monades  de  pure  substance  adamique, 
émergeant  des  âmes  minérale,  végétale,  animale,  pour 
revêtir  les  états  hominal,  puis  spirituel,  puis  angélique, 
vont  consommer  leur  céleste  réintégration. 
L'humanité  terrestre  achève,  à  l'heure  où  nousparlons, 

23 


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354  LA   CLEF   DE   LA   MAGIE   NOIRE 

de  dépouiller  la  nature  bestiale  d'où  elle  est  issue  :  mais 
cette  âme  inférieure  ne  desserre  point  son  étreinte;  il 
s'en  faudra  violemment  arracher. 

L'Anima  bruta,  cette  région  basse  de  la  psyché  hu- 
maine et  cosmique  tout  ensemble;  cet  empire  où  Nahàsh 
règne  en  despote  ;  cet  orbe,  réel  et  symbolique  à  la  fois, 
qui  encercle  la  planète  et  gravite  autour  de  nous  ;  le  sa- 
tellite obscur  (ainsi  le  nomment  les  adeptes  d'une  savante 
fraternité  occidentale)  :  voilà  le  commun  réservoir  des 
âmes  d'animaux  non  incarnés,  —  et  le  magique  récep- 
tacle d'une  pseudo-spiritualité,  plus  meurtrière  à  l'àme 
que  le  matérialisme  abject  des  savants  théophobes  con- 
temporains. 

La  digression  qu'on  vient  de  lire  importait  pour  l'in- 
telligence, et  de  la  faculté  individuelle  que  nous  nom- 
mons plastique,  et  de  son  rôle  à  l'égard  de  l'essence 
volitive  spécifiée. 

D'ailleurs,  ces  considérations  nous  amènent  à  la  théo- 
rie des  signatures,  qui  sont  les  empreintes  naturelles  où 
la  faculté  plastique  de  tout  être  frappe,  à  même  les 
corps,  ses  sceaux  révélateurs. 

t  Les  secrets  de  la  Nature,  dit  l'hiérophante  de  la  Thrétcie, 
sont  les  mêmes  que  ceux  de  la  religion,  et  il  ne  peut  y  avoir 
qu'une  doctrine,  puisqu'il  n'y  a  qu'un  principe  des  êtres.  Nous 
sentonsj  par  l'impulsion  de  notre  génie,  que  Thomme  est  né 
pour  connoîlre  ;  aussi  nous  devons  lire  la  nature  et  la  qualité 
des  êtres  sur  leurs  enveloppes. Savoir  lire  ces  caractères  est  le 
premier  degré  de  la  science  j  mais  ces  natures  et  ces  qualités 
ont  des  rapports  entre  elles,  qu'on  doit  aussi  savoir  lire  :  les 
caractères  en  sont  plus  déliés,  plus  difficiles  à  lire  ;  c'est  là  le 
second  degré  de  la  science  :  mais  dépouiller  les  êtres  de  leurs 
enveloppes,  les  voir  tels  qu'ils  sont,  est  le  dernier  degré  de  la 


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FORCE   DE   LA   VOLONTÉ  355 


science  ;  peu  d'hommes  y  parviennent.  C'est  alors  que  Thomme 
est  puissant  en  paroles  et  en  œuvres...  (i)  > 

La  théorie  des  signatures  est  de  tradition  dans  les  dif- 
férentes écoles  d'occultisme. 

Les  adeptes  de  l'Astrologie,  qui  attribuent  aux  orbes 
célestes  des  vertus  distinctes,  et  voient,  dans  les  rayons 
dorés  qui  pleuvent  sur  notre  terre,  des  influences  fastes 
ou  néfastes  émanant  des  planètes  et  des  constellations 
zodiacales,  dans  le  jeu  mutuel  de  leurs  aspects  contrastés, 
—  les  astrologues  relèvent,  à  l'examen  des  êtres  physi- 
ques des  quatre  règnes,  les  signatures  des  astres  qui 
concoururent  le  plus  à  la  formation  de  leurs  effigies. 

Il  paraît  superflu  d'insister  sur  l'attribution  classique 
des  septmétaux  de  l'ancienne  chimie,  dont  chacun  repré- 
sentait l'adaptation  parfaite  de  l'un  des  sept  termes  pla- 
nétaires du  système  de  Ptolémée.  Les  substances  miné- 
rales comportaient  aussi  une  filiation  astrologique,  sou- 
vent plus  complexe.  Végétaux,  animaux  ont  subi  le 
même  classement. 

Sur  cette  base  dogmatique  des  correspondances  et  des 
analogies,  ont  été  calculés,  formulés  et  prescrits  le  sym- 
bolisme cérémonial  des  grandes  religions,  et  pareille- 
ment les  rituels  de  la  plus  secrète  magie,  blanche  ou 
noire  (2).  Il  y  aurait  un  beau  livre  à  faire,  sur  Tésoté- 


(1)  La  Thréïcie,  page  246. 

(2)  Cf.  la  Philosophie  occulte  d'Agrippa,  Dogme  et  Rituel  de  la 
Haute  Magie,  par  Éliphas  Lévi,  et  rexcellent  ouvrage  de  Papus  : 
Traité  élémentaire  de  Magie  pratique.  On  y  trouvera  des  listes,  tr^s 
précises  et  satisfaisantes,  des  correspondances  planétaires  sur  quo 
repose  le  Cérémonial  kab balistique. 


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356  LA  CLEF   DE   LA   MAGIE   NOIRE 

risrae  du  culte  catholique  et  ses  correspondances,  — 
dont  Testimable  essai  du  F.-.  Ragon,  la  Messe  et  se^ 
Mystères  (1),  est  loin  d'offrir  la  nomenclature  exacte,  et 
surtout  complète. 

Les  Magistes  de  tous  les  temps  ont  voulu  déchiflFrer  le 
langage  des  signatures. 

Elles  jouent  un  rôle  de  première  importance  dans  les 
œuvres  de  Paracelse  et  de  son  école.  Ce  prodigieux  gt^nie 
universel  de  la  science  au  xvi®  siècle,  infatigable  expéri- 
mentateur qui  savait  tant  de  choses,  et  devinait  ce  qu'il 
n  avait  pu  ni  apprendre  ni  découvrir,  Paracelse  interro- 
geait à  un  triple  point  de  vue  la  physionomie  des  choses, 
révélatrice  pour  lui,  et  du  principe  qui  les  avait  formées, 
et  des  vertus  latentes  sous  leur  écorce.  Astrologue,  chi- 
miste et  médecin  d'une  égale  transcendance,  il  étudiait 
l'histoire  de  la  Nature  au  miroir  des  hiéroglyphes  oix  se 
trahit  la  Pensée  créatrice;  et  pour  peu  que  l'expérience 
et  la  sagacité  flssent  défaut  au  savant,  le  Mage  forçait 
alors  Uranie,  Hermès  et  Esculape  à  se  rencontrer  en  son 
laboratoire,  pour  y  forger  de  concert  la  triple  clef  des 
arcanes  où  il  aspirait. 

Les  livres  de  Paracelse  seront  consultés  avec  fruit, 
pour  ce  qui  a  trait  aux  signatures.  Son  contemporain, 
Cornélius  Agrippa  est  explicite  à  cet  égard,  dans  sa  Phi- 
losophie occulte.  Enfin,  sous  le  titre  de  u  Signatura  re- 
rum  (2;  »,  le  glorieux  mystique  Jacob  Bœhme  a  publié 


(1)  Cf.  la  Messe  et  la  Magie,  par  Paul  Sédir,  Chamuel,  éditeur 
(sous  presse). 

(â)  Il  n'exisle  de  cet  ouvrage  allemand  qu'une  seule  traduction, 
dirons-nous  française  ?  Elle  est  en  quelque  sorte  illisible.  Elle  a  paru  à 


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FORCE   DE   LA   VOLONTÉ  357 

un  traité  où  ceux-là  trouveront  plaisir  et  profit,  que  ne 
rebutent  point  la  méthode  insolite,  le  style  rocailleux  et 
la  terminologie  barbare  du  théosophe  de  Gœrlitz. 

Mais  le  nom  qui  s'impose  à  la  plume,  dès  qu'il  est 
question  des  hiéroglyphes  naturels,  est  celui  d'Oswald 
CroUius,  auteur  de  la  Royalle  Chymie  (1),  à  la  suite  de 
laquelle  on  trouve  un  opuscule  assez  considérable,  sous 
ce  titre:  Traictédes  signatures j  ou  vraye  etviue  anato- 
mie  du  grand  et  du  petit  monde. 

€  CroUius  (dit  Éliphas,  qui  résume  en  une  curieuse  page 
les  conclusions  de  cet  auteur)  CroUius  cherche  à  établir  que 
Dieu  et  la  Nature  ont,  en  quelque  sorte,  signé  tous  leurs  ou- 
vrages, et  que  tous  les  produits  d'une  force  quelconque  de  la 
nature  portent,  pour  ainsi  dire«  Testampille  de  cette  force 
imprimée  en  caractères  indélébiles,  en  sorte  que  l'initié  aux 
écritures  occultes  puisse  lire  à  livre  ouvert  les  sympathies  et 
les  antipathies  des  choses,  les  propriétés  des  substances  et 
tous  les  autres  secrets  de  la  création  (2).  Les  caractères  des 


Francfort,  sous  le  titre  de  Miroir  tempoî'el  de  l'Éternité,  1664,  pet. 
in-80. 

Un  jeane  occultiste  du  plus  sérieux  mérite,  M.  Paul  Sédir,  initié  des 
hauts  grades  martinistcs  et  rosi-cruciens,  prépare  de  la  Signatura 
rerum  une  version  exacte  et  française. 

(1)  Publiée  en  latin  sous  ce  titre  :  Basilica  Cheinica,  Francofurti, 
1604,  in-4°  (souvent  réimprimé).  La  traduction  française,  dont  il  existe 
quatre  éditions,  est  de  I.  Marcel  de  Boulène.  Nous  en  avons  extrait,  au 
chap.  I,  quelques  passages  très  significatifs,  Couchant  le  corps  astral  et 
la  puissance  magique. 

(â)  «  ...  Les  charactëres  et  signatures  naturelles  (dit  CroUius  en  sa 
Préface)  lesquelles  nous  auons  dès  nostre  création,  non  marquées  auoc 
l'ancre,  ains  auec  le  doigt  de  Dieu  (chasque  créature  estant  un  liure  de 
Dieu),  sont  la  meilleure  partie  par  laquelle  les  choses  occultes  sont 
rendues  visibles  et  descouuertes.  )» 

Sans  dédaigner  les  signatures  purement  astrologiques,  Oswald  CroUius 
s'attache  de  préférence  aux  indications  médicinales  que  lui  suggèrent 


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358  LA   ClEF   DE   LA   MAGIE   NOIRE 


différentes  écritures  seraient  primitivement  empruntés  à  ces 
signatures  naturelles  qui  existent  dans  les  étoiles  et  dans  les 
fleurs,  sur  les  montagnes  et  sur  le  plus  humble  caillou.  Les 
figures  des  cristaux,  les  cassures  des  minéraux,  seraient  les 
empreintes  de  la  pensée  que  le  créateur  avait  en  les  for- 
mant (1).  Celte  idée  est  pleine  de  poésie  et  de  grandeur,  mais 
il  manque  une  grammaire  à  cette  langue  mystérieuse  des 
mondes,  il  manque  un  vocabulaire  raisonné  à  ce  verbe  primi- 
tif et  absolu.  Le  roi  Salomon  seul  passe  pour  avoir  accompli 
ce  double  travail  ;  mais  les  livres  occultes  de  Salomon  sont 
perdus  :  Crollius  entreprenait  donc,  non  pas  de  les  refaire, 
mais  de  retrouver  les  principes  fondamentaux  de  cette  langue 
universelle  du  Verbe  créateur. 

€  Par  ces  principes  on  reconnaîtrait  que  les  hiéroglyphes 
primitifs  formés  des  éléments  mêmes  de  la  géométrie  corres- 


les  analogies  de  forme,  souvent  très  frappantes,  qui  homologuent  les 
produits  de  la  Nature  et,  en  particulier,  les  plantes  (leurs  fleurs,  leurs 
fruits,  leurs  tiges,  leurs  racines),  soit  au  corps  humain  pris  dans  son 
ensemble,  soit  &  telle  de  ses  parties,  à  tel  de  ses  organes.  Quand  la 
ressemblance  s'impose,  l'usage  de  la  plante  est  indiqué  pour  la  gué- 
rison  des  organes  de  pareil  aspect.  Notre  auteur  donne  une  nomen- 
clature complète  de  cette  pharmacie,  que  nous  révèlent  le  doigt  de 
Dieu  et  le  sourire  en  fleurs  de  la  Nature.  Quelquefois  les  inductions  de 
Crollius  se  fondent  aussi  sur  l'analogie  des  contraires.  L'ouvrage  se 
termine  par  une  table  détaillée  de  la  notation  hiéroglyphique  des 
corps  :  ces  signes  crochus  et  bizarres  sont  autant  de  petits  pentacles. 
par  quoi  l'adepte  d'Hermès  révèle  à  ses  initiés  les  propriétés  chimiques 
ou  physiologiques  des  substances,  cependant  qu'il  les  dérobe  du  même 
coup  &  la  curiosité  profane. 

(1)  Ne  nous  lassons  pas  de  le  redire  :  i£lohim  n'a  rien  créé  quen 
principe,  en  archétype.  —  La  mission  édénale  de  THomme  universel 
était  d'extérioriser  les  êtres,  en  les  faisant  passer  du  principe  idéal  à 
l'essence  réelle,  et  de  l'essence  à  la  manifestation  sensible,  par  la  seule 
magie  de  sa  volonté.  C'était  donc  Adam  le  créateur  véritable,  au  sens 
que  l'on  attribue  à  ce  mot;  car  il  produisait  les  êtres  au  dehors^  les 
rendQ.ii  patents,  en  les  tirant  d'un  principe  occulte,  interne  et  latent. 

Mais  il  tomba  lui-même  dans  les  entraves  de  sa  création  ;  et,  se 
subdivisant  &  son  tour,  il  se  revêtit  de  matière,  à  l'instar  de  ses  pro- 
duits... 


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FORCE   DE   LA   VOLONTÉ  38Ô 

pondraient  aux  lois  constitutives  et  essentielles  des  formes 
déterminées  parles  mouvements  alternés  ou  combinés  que 
décident  les  attractions  équilibrantes  ;  on  reconnaîtrait,  à  leur 
seule  fîgure  extérieure,  les  simples  et  les  composés,  et  par  les 
analogies  des  figures  avec  les  nombres,  on  pourrait  faire  une 
classitication  mathématique  de  toutes  les  substances,  révélées 
par  les  lignes  de  leurs  surfaces.  11  y  a  au  fond  de  ces  aspira- 
tions, qui  sont  des  réminiscences  de  la  science  édénique,  tout 
un  monde  de  découvertes  à  venir  pour  les  sciences.  Paracelse 
les  avait  pressenties,  Crollius  les  indique,  un  autre  viendra 
pour  les  réaliser  et  les  démontrer.  La  folie  d'hier  sera  le  génie 
de  demain,  et  le  progrès  saluera  ces  sublimes  chercheurs  qui 
avaient  deviné  ce  monde  perdu  et  retrouvé^  cette  Atlantide  du 
savoir  humain  (1)  !  » 

Notons,  en  attendant  raccomplisseraent  de  cette  géné- 
reuse prophétie,  que  les  moins  aléatoires  d'entre  les 
modes  de  divination,  énumérés  au  précédent  chapitre,  se 
réclament  de  principes  invariables,  et  que .  leurs  règles 
reposent  tout  entières  sur  la  lecture  et  l'interprétation  des 
signatures  naturelles. 

La  Chiromancie,  par  exemple,  charriée  jusqu'à  nous 
par  la  tradition  des  siècles,  puis  épurée  naguère  et  ra- 
jeunie par  Desbarrolles,  enfin  passée  par  les  soins  de 
Papus  au  crible  d'une  savante  critique,  —  la  Chiromancie 
attribue  un  sens  absolu  aux  lignes  de  la  main.  Ajoutons 
qu'elle  est  rarement  trompeuse,  lorsqu'on  la  pratique 
avec  prudence  et  discernement.  11  est  parfaitement  logi- 
que d'admettre,  en  effet,  que  certaines  passions  —  pre- 
nons l'avarice  —  se  traduisent  par  tels  mouvements  cou- 
tumiers  des  muscles  de  la  main.  L'homme  rapace  a  les 

(1)  Histoire  de  la  Magie,  pages  370-371. 


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360  LA    CLEF  DE   LA  MAGIE  NOIRE 

doigts  crochus,  et  sa  main  s'exerce  volontiers  au  gesJrc 
convulsif  de  saisir.  Cette  habitude  peut  déterminer  tell^: 
ligne  spéciale,  ou  telle  croix,  ou  telle  étoile,  expressive  <. 
de  rapacité,  au  regard  exercé  du  chiromancien.  NoLi-?! 
supposons  à  priori  ce  qui  précède,  sans  même  nous  eri— - 
quérir  si,  en  fait,  l'avarice  se  traduit  de  cette  façon.  Gel  ^ 
importe  peu  pour  notre  raisonnement...  Allons  plus  loin  - 
Imaginons  un  sujet  qui  apporte  en  naissant  ce  stigmate^ 
dans  le  bagage  de  son  Karma.  L'hypothèse  n'a  rien  quo- 
de  vraisemblable,  puisqu'on  sait  déjà  que  le  corps  physi- 
que se  brode,  pour  ainsi  dire,  cellule  par  cellule,  sur  le 
canevas  de  la  forme  astrale,  (cette  adaptation  de  la  fa- 
culté plastique,   strictement  adéquate  au  milieu).  Voilà 
donc  l'avarice,  avec  tout  ce  qui  s'ensuit,  inscrite  dans  la 
main  du  sujet,  et  clairement  lue  par  l'expérimentateur. 
C'est  un  premier  résultat.  Quant  au  surplus,  qui  empê- 
chera l'habile  chiromancien  de  bâtir,  sur  cette  donnée 
psychologique,  renforcée  de  plusieurs  indications  adja- 
centes, tout  un  édifice  de  conjectures,  moyennant  un 
calcul  de  probabilités  ?  Et,   pour  peu  qu'il  soit  intuitif 
par  surcroît,  ou  lucide,  la  vraisemblance  des  prédictions 
ne  s'érigera-t-elle  pas  en  quasi-certitude?...  Rien  n'in- 
terdit à  la  Raison  la  plus  méfiante  d'admettre  ces  con- 
clusions-là.  Mais  si  l'on  veut,  sur  la  foi  d'un  grand 
nombre  de  vieux  auteurs,  faire  de  la  «  Chiromance  »  un 
infaillible  critérium  de  l'avenir  du  consultant,  fixé  dans 
ses  moindres  détails,  et  lui  prédire  des  naufrages  sur  mer, 
par  exemple,  ou  l'emploi  de  grand  vizir,  ou  la  mort  dans 
un  incendie  :  les  initiés,  qui  savent  comment  l'avenir  s'en- 
gendre et  dans  quelle  mesure  la  libre  Volonté,  jointe  à 


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FORCE   DE   LA   VOLONTÉ  361 


'influence  providentielle,  modifie  la  trame  fatidique  des 
'^vt'nements  futurs  (si  difficile  elle-même  à  augurer,  fût-ce 
>ar  k  peu  près!)  les  initiés  ont  peine  à  s'interdire,  —  la 
politesse  étant  de  stricte  obligation  chez  eux,  —  un  doux 
haussement  d'épaules.  On  peut  raisonner  mêmement,  à 
regard  de  tous  procédés  divinatoires,  dont  l'interpréta- 
tion  des  hiéroglyphes  naturels  fournirait  la  clef. 

Mais  il  est  d'autres  signatures  spontanées,  que  Toceul- 
tiste  déchifiFre  et  interprète  à  l'heure  même  de  leur  ma- 
nifestation (souvent  fugace)  au  monde  des  effigies. 

L'art  divinatoire  en  tire  également  parti,  non  sans 
succès  ;  à  ce  point  de  vue,  les  principes  demeurent  tou- 
jours les  mêmes,  et  nous  n'avons  rien  à  dire  de  parti- 
culier. Ce  qui  précède  trouve  son  application  dans  tous 
les  cas... 

Les  phénomènes  de  cet  ordre  valent  d'ailleurs  d'être 
signalés.  Ils  sont  dus  invariablement  à  des  formes  as- 
trales, et  touchent  aux  problèmes  de  la  faculté  plastique 
et  de  la  volonté  efficiente. 

Notre  Public,  mis  au  courant  des  propriétés  essen- 
tielles de  la  Lumière  astrale  par  nos  ouvrages  antérieurs 
et  les  précédents  chapitres  du  présent  tome,  n'a  eu  garde 
d'oublier  l'une  des  plus  caractéristiques  et  des  plus 
étranges  :  sa  vertu  configurative  et  conservatrice  des  for- 
mes et  des  reflets,  des  arômes  et  des  sonorités  mêmes. 

Ses  courants  charrient  d'innombrables  êtres  fluidiques, 
dont  le  corps  astral  est  sujet  à  se  manifester  sur  le  plan 
sensible,   soit  à  titre  d'instable  apparence,  soit  sous  un 


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362  LA   CLEF   DE   LA   MAGIE  NOIRE 

mode  d'illusion  plus  prolongée.  Nous  avons  nommé  les 
principaux  d'entre  eux.  Les  formes  astrales  d'animaux, 
déplantes  et  de  substances  minérales  aussi,  flottent  et 
circulent  en  ces  ondes  striées  d'énergies  diffuses  et  satu- 
rées de  mirages  errants  (fantômes  de  choses  abolies  et 
d'événements  lointains).  Chaque  vague  de  lumière  astrale 
est  une  page  révélatrice  du  livre  universel  des  vies. 

Concevez  présentement,  Lecteur,  que  ces  comparses 
de  l'existence  subjective  se  décèlent  pour  la  plupart,  — 
du  moins  en  ces  régions  basses  de  l'atmosphère  hyper- 
physique  où  nous  les  observons,  —  avides  d'objectiva- 
tions  même  passagères,  aCFamés  de  corporéité  sensible, 
assoiffés  d'illusoire  réalité.  C'est  que  les  êtres  en  période 
durable  de   subjectivisme,   et  bien  vivants  de  cette  vie 
arômale,  répugnent  à  la   frontière  mitoyenne  des  deux 
existences,  au  cercle  inférieur  de  l'Astral  planétaire:  un 
autre  séjour  leur  est  assigné.   Mais  ceux-là  seuls    se 
pressent  aux  portes  de  la  citadelle  physique,  qui,  mori- 
bonds de  la  vie  subjective,   se  trouvent  en  instance  de 
très  prochaine  incarnation,  (Exceptons  pourtant  les  Larves 
et  certains  daïmones,  abrutis  ou  sensuels,  ou  pervers, 
qui  se  tiennent  sans  trêve  à  l'affût  d'un  morceau  de  ma- 
tière à  conquérir  ou  à  posséder). 

Si  les  âmes  en  quête  d'incarnation  trouvent  de  suite  à 
s  incorporer  normalement,  elles  paraissent  au  monde 
matériel,  sous  une  effigie  revêtue  de  signatures  conformes 
à  leur  essence.  Dans  le  cas  inverse,  ces  âmes,  dépaysées 
au  seuil  de  la  matière  comme  au  pied  d'une  muraille 
qu'elles  ne  peuvent  franchir,  s'acharnent  à  y  grimper  et 
plaquent  leur  empreinte  sur  la  surface  de  tout  objet  ca- 


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FORCE  DE   LA    VOLONTÉ  363 


pable  de  la  recevoir:  tel  un  voleur,  qui  a  tenté  l'escalade 
d'une  propriété,  laisse  sur  le  plâtre  ou  le  crépi  du  mur 
le  témoignage  de  son  infructueux  effort  :  on  y  relève 
Tempreinte  de  sa  main,  la  marque  de  son  pied,  etc.. 

C'est  ainsi  que  des  Invisibles,  dont  le  savant  Aksakoflf 
expérimenta  la  présence,  plongeant  leur  main  fluidique 
en  un  vase  de  paraffine  liquéfiée,  puis  dans  un  bain 
d'eau  froide,  ont  fourni  des  moulages  d'une  surprenante 
perfection. 

C'est  ainsi  que  la  forme  sidérale  d'orties  brûlées  a  pu 
s'imprimer  dans  un  bloc  de  glace,  en  des  circonstances 
d'ailleurs  toutes  fortuites,  que  Jacques  Gaffarel  relate  en 
ces  termes  : 

«  Comme  M.  du  Chesne,  sieur  de  la  Violelte...  s'amusoit 
auec  M.  de  Luynes,  dit  de  Formentières,  conseiller  au  Parle- 
ment de  Paris,  à  voir  la  curiosité  de  plusieurs  expériences, 
ayant  tiré  de  sel  de  certaines  orties  bruslées,  et  mis  la  lesciue 
au  serein  en  hyuer,  le  matin,  il  la  trouua  gelée,  mais  auec 
cesl«  merueille,  que  les  espèces  des  orties,  leur  forme  et  leur 
figure  estoient  si  naïvement  et  si  parfaictement  représentées 
sur  la  glace,  que  les  viuantes  ne  Testoyent  pas  mieux.  Cet 
homme  estant  comme  rauy,  appela  ledit  sieur  Conseiller  pour 
eslre  tesmoin  de  ce  secret,  dont  l'excellence  le  fit  conclure  en 
ces  termes  : 

Secret  dont  on  comprend  que  y  quoy  que  le  corps  meure , 
Les  formes  font  pourtant  aux  cendres  leur  demeure. 

«  A  présent  ce  secret  n'est  plus  si  rare,  car  M.  de  Claues,  vn 
des  excellens  chimistes  de  nostre  temps,  le  faict  voir  tous  les 
iours  (i).  » 

(1)  Curiosités  inouyes  sur  la  Sculpture  talismanique  des  Persans, 
Horoscope  des  Patriarches  et  Lecture  des  Estoilles,  pari.  Gaffarel.— 
Paris,  1629,  în-8o  (pages  211-212). 


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364  LA   CLEF   DE   LA   MAGIE   NOIRE 


Gaffarel,  qui  était  plus  initié  qu'il  ne  seyait  d'en  con- 
venir, à  une  époque  où  le  bûcher  de  Gauffridy  famaît 
encore  en  Provence,  tandis  qu'on  apprêtait  à  Loudun 
celui  d'Urbain  Grandier,  —  prêtres  tous  deux  comme 
Tauteur  des  Curiosilez  inouyes,  perdus  l'un  et  l'autre  sur 
l'éternel  grief  de  sorcellerie,  —  Gaffarel  tire  de  ce  qui 
précède  une  induction  logique  et  fort  bien  amenée.  Quel 
prétexte,  qu'une  inoffensive  expérience  de  «  physique 
végétative  »,  pour  lui  permettre  d'aborder  tout  naturelle- 
ment le  terrain  brûlant  de  la  spectrologie  !  Dans  l'espèce, 
la  similitude  doctrinale  s'impose  à  tel  point,  que  toute 
transition  semble  superflue  : 

«  D'îcy  (poursuit  TAstrologue  du  grand  Cardinal)  d'icy  on 
peut  tirer  ceste  conséquence,  que  les  ombres  des  Trespassez, 
qu'on  void  souuent  paroistre  aux  cimetières  sont  naturelles, 
estant  la  forme  des  corps  enterrez  en  ces  lieux,  ou  leur  Gg^ure 
extérieure,  non  pas  Tame  (1),  ny  phantosmes  bastispar  les  dé- 
mons, comme  plusieurs  ont  creu...  Estant  très  certain  qu'aux 
armées,  où  plusieurs  se  meurent,  pour  estre  à  grand  nombre, 
on  void  assez  souuent,  principalement  après  vne  bataille,  de 
semblables  ombres,  qui  ne  sont  (comme  nous  auons  dit)  que 
les  figures  dos  corps  excitées  ou  esleuées,  partie  par  vne  cha- 
leur interne,  ou  du  corps,  ou  de  la  terre,  ou  bien  par  quelque 
externe  comme  celle  du  soleil,  ou  de  la  foule  de  ceux  qui  sont 
encore  envie,  ou  par  le  bruit  et  chaleur  du  canon  qui  es- 
chauiïe  Tair  (2)    » 


(1)  Cela  est  parfaitement  correct  au  point  de  vue  occulte.  H  s*agit 
là  de  coques  inanes,  de  corps  astraux  en  phase  de  dissolution,  ombres 
vaquant  autour  de  leur  dépouille  mortelle,  à  quoi  les  rattache  une 
secrète  affinité.  Ces  vagues  formes  peuvent  être  encore  quelque  chose 
de  moins  ^  la  phosphorescence  de  la  vitalité  cellulaire,  étroitement  liée 
au  cadavre  {Jiva  des  théosophes  bouddhistes). 

Cf.  chap.  Il,  page  t02,  et  chap.  VI,   passim, 

(2)  Curiosités  inouïes^  pages  213-214. 


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FORCE   DE   LA   VOLONTÉ  366 


Il  y  aurait  à  glaner,  au  livre  de  Gaflfarel,  un  nombre 
notable  d'observations  singulières;  il  traite  assez  perti- 
nemment du  plus  constant  et  du  moins  croyable  des  phé- 
nomènes de  signature  spontanée  :   nous  voulons  dire  — 
ces  figures  naturellement  gravées  au  cœur  des  cailloux 
et  des  marbres  les  plus  denses,  et  qu'il  nomme  Gamahez 
ou  camaïeux.  On  en  a  vu  de  délicatement  peintes  et 
comme  modelées  en  ronde-bosse  par  couches  multicolores, 
dans  la  substance  même  du  marbre  ou  du  granit;  si  bien 
que,  pour  sculpter  la  figurine,  en  rejetant  la  gangue  ou 
l'enveloppe  adhérente,  on  n'aurait  qu'à  suivre  avec  le  ci- 
seau les  veines  intérieures  coloriées  :  on  obtiendrait  ainsi  — 
et  ron  a  obtenu  —  des  statuettes  polychromes  qui  sem- 
bleraient en  mosaïque,  si,  de  toute  évidence,  elles  ne 
formaient  une  seule  masse  avec  la  pierre  environnante  ; 
niasse  compacte  qu'il  fallut  scier  en  deux,  afin  d'obtenir 
une  coupe,  ou  difficultueusement  tailler  à  vif,  pour  dé- 
gager la  statue  enganguée  en  un  caillou  fort  dur. 

Le  prodige,  en  vérité,  c'est  que  ces  figurines,  inexpli- 
cablement empreintes  au  centre  de  la  pierre,  ne  repré- 
sentent point  toujours  des  objets  tels  que  la  nature  les 
produit  ;  mais  de  véritables  compositions  artificielles,  — 
on  le  jurerait  du  moins,  —  et  que  l'intelligence  humaine 
semble  avoir  pu  seule  concevoir,  la  main  de  l'homme 
seule  exécuter  :  a  comme  est  ceste  colomne  (écrit  Pierre 
de  Lancre)  que  i'ay  veuë  en  l'Eglise  Sainct-Georges  à 
Venize,  dans  laquelle  on  void  l'image  prétieux  d'vn 
lesus-Christ  crucifié,  qui  s'est  trouué  miraculeusement 
dans  le  marbre,  si  bien  graué  dans  sa  durté,  qu'il  n'y  a 
peintre  qui  le  sçeût  mieux  figurer.  Et  vne  autre  colomne 


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366  LA  CLEF  DE  LA   MAGIE  NOIRE 

de  la  flagellation,  auec  une  teste  de  mort,  en  cesle  pierre 
ou  marbre  qui  sert  d'ornement  au  deuant  de  Tautel.  ' 
Lancre  cite  encore  quelques  exemples  analogues  ;    il  dé- 
crit entre  autres,  d'après  Pline  et  Solin,  «  l'Agathe  du 
Roy  Pyrrhus,    dans   laquelle  se  voyoit  naturellement 
emprainte  l'image  d'vn  Apollon  qui  sonnoit  delà  Gythare 
au  milieu  des  neuf  Muses,  qui  paroissoient  toutes  dis- 
tinctement,  auec  leurs  enseignes;  etc..  »  Enfin,   à  la 
page  39  de  notre  exemplaire  de  Y  Incrédulité  et  Mescreanee 
du  Sortilège  (Paris,  Buon,  1622,  in-4*),  d'où  nous  avons 
transcrit  ces  lignes  du  conseiller  de  Lancre,  on  peut  Vive 
en  marge  une  note  manuscrite,  d'une  très  lisible  écriture 
xvai*  siècle,  ainsi  rédigée  :  «  Un  Christ  crucifié  étoit  aussy 
représenté  dans  un  caveau  de  marbre  rembruni,  emplacé 
dans  la  muraille  de  clôture  du  cœur  (sic),  dans   l'aile 
droite  de  la  Cathédrale  de  Paris,  Je  l'ay  vu  le  22  août 
1769.  —  P'  C.  A.  B.  »  On  trouve,  dans  les  ouvrages  latins 
du  Père  Kircher,  jésuite  (1),  plusieurs  reproductions  en 
taille  douce  de  camaïeux  analogues. 

Quelles  Puissances  du  royaume  astral  ont  pu  donner 
lieu  à  de  pareils  phénomènes?  Le  Lecteurl'a  déjà  deviné. 

—  Ualte-là!  s'exclamerait  ici  un  théologien  primaire. 


(1)  Voy.  entre  autres  le  tome  H  du  Mundus  Sttbterraneus  (Xmsiero- 
daini,  apiid  Jansonium,  1664,  2  vol.  in-folio),  pages  27  à  48. 

Un  auteur  presque  oublié,  en  qui  l'on  peut  voir,  à  de  certains  égards, 
l'anciHre  intellectuel  de  Darwin,  —  J.-B.  Robinet,  reproduil  la  figure 
do  certaines  productions  spontanées,  très  analogues  aux  camaïeux.  — 
Voir  la  planche  n*  IV,  à  la  page  50  de  son  remarquable  ouvrage,  dont 
le  seul  titre  est  bien  significatif:  Vue  philosophique  de  la  gradation 
naturelle  des  formes  de  l'Etre,  ou  les  Essais  de  la  Nature  qui  ap- 
prend à  faire  Vhomme  (Amsterdam,  1768,  in-8*».  fig  ). 


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FORCE  DE  LA  VOLONTÉ  367 


N'avez- VOUS  point  honte  de  parler  phénomènes  naturels, 
quand  le  miracle  vous  crève  les  yeux?  —  Quel  miracle? 
répliquerons-nous...    Miracle  divin,  sans  doute,  pour 
chaque  fois  que  la  Force  créatrice  inconnue  a  fait  con- 
currence aux  fabricants  de  bondieuseries  de  la  place 
Saint-Sulpice;  mais  miracle  diabolique,  apparemment, 
à  l'égard  decette  agathe  païenne  de  l'idolâtre  roi  d*Épire  ? 
Tant  il  est  vrai,  qu'en  bonne  théologie,  des  causes  non 
seulement  divergentes,  mais  radicalement  contradictoires 
produisent  des  effets  d'une  rigoureuse  identité!... 

L'origine  de  ces  singularités  physiques  dépend  à  coup 
sur,  quel  que  soit  l'esprit  de  leur  composition,  d'une  loi 
productrice  invariable  :  loi  de  nature,  comme  toutes  les 
lois,  et  pas  plus  divine  que  diabolique.  L'idée  première 
provient  de  sources  différentes,  soit;  mais  l'exécution 
est  une,  et  tous  les  gamahés  ou  camaïeux  portent  même 
marque  de  fabrique.  Si  l'artiste  inventeur  change,  l'ar- 
tisan graveur  ne  change  point.  C'est  toujours  la  lumière 
astrale,  configurative  et  plastique. 

Quant  à  l'auteur  du  croquis,  il  faut  distinguer.  Il  y  a 
camaïeux  et  camaïeux.  —  S'agit-il  de  simples  images 
d'êtres  ou  de  choses,  tels  que  la  nature  les  produit? 
Point  de  difïiculté  bien  grande  :  ce  sont  photogravures  de 
mirages  errants,  fortuitement  imprimés  dans  quelque 
substance  récegtive.  —  Il  n'en  va  pas  ainsi  de  la  genèse 
des  camaïeux  d'une  composition  savante,  d'un  agence- 
ment en  quelque  sorte  réfléchi,  comme  nous  en  avons 
cité  plusieurs  exemples. 
Que.  l'hypothèse  d'une  empreinte, — sigillée  à  même  la 
^      pierre  selon  l'esquisse  sidérale  d'êtres  particuhers,  —  ne 


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368  LA    CLEF   DE   LA   MAGIE   NOIRE 

justifie  point  de  tels  phénomènes  (ïiœnogénie  complexe  : 
voilà,  nous  en  conviendrons,  ce  qui  tombe  dès  l'abord 
sous  le  sens...  Mais  ne  serait-ce  point  le  cas  d'invoquer 
notre  théorie  des  Êtres  potentiels,  des  Dominations  théur- 
giques,  —  ces  mouvantes  âmes  collectives  où  tant  de 
Psychés,  ravies  au  même  tourbillon  exalté  ou  fanatique, 
cherchent  et  trouvent  leur  unité  religieuse?  où  pullulent 
tant  de  Larves  simiesques,  et  modelées  à  l'imagination 
des  fidèles?  où  tant  de  concepts  vitatisés,  tant  de  mirages 
errants  roulent  et  se  succèdent,  sous  apparences  con- 
formes, nécessairement,  aux  rêves  de  leurs  géniteurs  ?  Le 
tout  mû  en  d'irrésistibles  courants  de  foi,  d'enthousiasme 
et  d'amour;  influx  de  création,  s'il  en  fut  jamais,  et 
dociles  à  la  Volonté  consciente  de  ces  Égrégores  domina- 
teurs? 

Les  Potentiels  collectifs,  on  s'en  souvient,  présentent 
des  types  de  toute  sorte  et  de  toute  hiérarchie,  —  depuis 
Michaël,  allié  céleste  de  Moïse  et  archange  totalisant  en 
soi  la  grande  communion  dorienne,  jusqu'à  l'Esprit  sau- 
vage qui  rend  ses  oracles  sous  la  tente  du  sacrifice,  où  les 
Indiens  scalpeurs  couronnent  de  chevelures  sanglantes 
l'autel  de  Guiché-Manitou. 

Autant  Moïse  diffère  du  sacerdote  peau-rouge,  autant 
diffèrent  les  deux  Égrégores.  L'âme  fluidique  de  l'un  n'a 
pas  la  même  qualité  arômale  que  le  nimbe  éthéré  de  l'au- 
tre. Les  Ascendants  font  contraste  :  le  cycle  d'images 
familières  qui  s'y  déploie  ne  se  ressemble  point.  Chaque 
religion  a  ses  rites,  ses  symboles,  ses  superstitions,  ses 
hiéroglyphes,  — ses  signatures  propres,  en  un  mot.  Ajou- 
tons, ses  serviteurs  lémuriens,  aimantés  soit  du  Vouloir 


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FORCE  DE  LA    VOLONTÉ  369 


des  thaumaturges,  soit  de  celui  qu'émet  TEntité  collec- 
tive d'unification. 

C'est  avec  le  concours  de  ces  éléments  divers  que  s'en- 
gendrent des  courants  d'images,  ou  spontanés  et  soumis 
à  d'inflexibles  lois,  ou  que  provoque  et  dirige  la  magie 
consciente  des  prêtres.  A  tels  points  donnés  d'intersec- 
tion, sur  le  parcours   fluidique,  lémures  et  mirages  se 
coagulent  en  apparitions  béatifiques  ou  en  spectres  terri- 
fiants. Qu'à  ces  points  précis,  mathématiquement  déter- 
minables,  une  matière  se  rencontre,  malléable  et  récep- 
tive, ou  sujette  à  se  modifier  quant  à  la  couleur  et  au 
grain,  selon  les  angulaisons  du  magnétisme  radiant  ou 
les  intersections  de  plans  dynamiques  :  et  des  emprein- 
tes de  figures  variées,  —  emblèmes,  pentacles,  caractères 
hiératiques  ou  démotiques,    —  s  imprimeront  dans  le 
cœur  de  la  substance  modifiable,  à  la  haute  édification 
des  fiidèles,  transportés  de  ferveur  et  de  foi. 

On  sait  d'ailleurs  que  les  plus  durs  granits  n  s'éthéri- 
sent  »,  lorsqu'un  adepte  leur  applique,  dans  les  condi- 
tions voulues,  VAlkahest  spiritueux,  autrement  dit  l'Agent 
universel  dynamisé  par  le  vouloir  humain.  A  la  faveur 
d'une  extrême  distension  moléculaire,  ces  corps  sont 
susceptibles  de  traverser  d'autres  matières  solides,  que 
leur  porosité  rend  perméables;  puis  ils  se  rétablissent 
dans  leur  état  primitif,  dès  que  la  vertu  dilatante  cesse 
de  les  actionner...  Or,  quelques  secondes  d'éthérisation 
suffisent  à  rendre  plastiques  et  réceptifs  à  la  photogra- 
vure astrale,  les  substances  normalement  les  plus  ré- 
fractaires. 

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370  LA  CLEF  DE  LA  MAGIE  NOIRE 

Ce  phénomène  de  gravure  occulte,  qui  donne  nais- 
sance aux  gamahés  dans  le  règne  minéral,  fournit,  appli- 
qué à  un  arbre  de  TAsie,  l'un  des  exemples  les  plus  in- 
téressants que  nous  puissions  retenir.  Le  R.  Père  Hue  a 
vu  cet  arbre,  qui  fleurit  dans  Tenceinte  de  la  lamaserie 
de  Roun-boum,  au  Thibet.  La  légende  veut  qu'il  soit  né 
de  la  chevelure  de  Tsong-Kaba,  fameux  réformateur 
bouddhiste  au  xiv*  siècle,  et  fondateur  de  la  grande  la- 
maserie de  Kaldan,  sise  à  trois  lieues  de  Lha-Ssa,  la  ca- 
pitale de  TËmpire.  Nous  ne  changerons  pas  un  mot  à  la 
relation  du  digne  missionnaire,  qui  a  pu  inspecter  de  très 
près  V Arbre  aux  dix  mille  images. 

c  Oui,  (nous  atteste  le  Père  Hue)  cet  arbre  existe  encore  et 
nous  en  avions  entendu  parler  trop  souvent,  durant  notre 
voyage,  pour  que  nous  ne  fussions  pas  quelque  peu  impatients 
d*aller  le  visiter.  Au  pied  de  la  montagne  où  est  bàlie  la  la- 
maserie, et  non  loin  du  principal  temple  bouddhique,  est  une 
grande  enceinte  carrée,  formée  par  des  murs  en  brique.  Nous 
entrâmes  dans  cette  vaste  cour  et  nous  pûmes  examiner  à 
loisir  l'arbre  merveilleux  dont  nous  avions  déjà  aperçu  du  de- 
hors quelques  branches. 

(I  Nos  regards  se  portèrent  d'abord  avec  une  avide  curiosité 
sur  les  feuilles,  et  nous  fûmes  consternés  d'étonnement,  en 
voyant,  en  eiïet,  sur  chacune  d'elles,  des  caractères  thibétains 
très  bien  formés  ;  ils  sont  d'une  couleur  verte,  quelquefois 
plus  foncée,  quelquefois  plus  claire  que  la  feuille  elle-même. 
Notre  première  pensée  fut  de  suspecter  la  supercherie  des 
f^amas;  mais  après  avoir  tout  examiné  avec  Tattention  la 
plus  minutieuse,  il  nous  fut  impossible  de  découvrir  la  moin- 
dre fraude.  Les  caractères  nous  parurent  faire  partie  de  la 
feuille,  comme  les  veines  et  les  nervures;  la  position  qu'ils 
affectent  n'est  pas  toujours  la  même  ;  on  en  voit  tantôt  au  som- 
met ou  au  milieu  de  la  feuille,  tantôt  à  la  base  et  sur  les 
côtés;  les  feuilles  les  plus  tendres  présentent  le  caractère  en 


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FORCE  DE   LA   VOLONTÉ  371 


rudiment,  à  moitié  formé  ;  Técorce  du  tronc  et  des  branches, 
<|ui  se  lève  àpeu  près  comme  celle  des  platanes,  est  également 
chargée  de  caractères.  Si  Ton  détache  un  fragment  de  vieille 
écorce,  on  aperçoit  sur  la  nouvelle  les  formes  indéterminées 
de  caractères,  qui  déjà  commencent  à  germer,  et,  chose  sin- 
gulière, ils  diffèrent  assez  souvent  de  ceux  qui  étaient  par 
dessus.  Nous  cherchâmes  partout,  mais  toujours  vainement, 
quelque  trace  de  supercherie  :  la  sueur  nous  en  montait  au 
front... 

a  V arbre  des  dix  mille  images  nous  .parut  très  vieux  :  son 
tronc,  que  trois  hommes  pourraient  ù  peine  embrasser,  n'a 
pas  plus  de  huit  pieds  de  haut  ;  les  branches  ne  montent  pas, 
mais  elles  s'étendent  en  panache  et  sont  extrêmement  touffues  ; 
quelques-unes  sont  desséchées  et  tombent  de  vétusté  ;  les 
feuilles  demeurent  toujours  vertes  ;  le  bois,  d'une  couleur 
rougeàtre,  a  une  odeur  exquise  et  qui  approche  un  peu  celle 
de  la  cannelle.  Les  Lamas  nous  dirent  que,  pendant  l'été, 
vers  la  huitième  lune,  il  produisait  de  grandes  fleurs  rouges 
d'une  extrême  beauté. 

«  On  nous  a  assurés  que  nulle  part  il  n'existait  d'autre  ar- 
bre de  cette  espèce  ;  qu'on  avait  essayé  de  le  multiplier  par 
des  graines  et  des  boutures  dans  plusieurs  lamaseries  de  la 
Tartarie  et  du  Thibet,  mais  que  toutes  ces  tentatives  avaient 
été  infructueuses  (1).  » 

Prêtre  aussi  recommandable  par  son  intelligence  que 
par  son  caractère,  Tobservateur  qui  se  porte  garant  du 
prodige  de  Koun-Boum  n'est  point  de  ceux  dont  il  con- 
viendrait de  récuser  le  témoignage.  Son  récit,  au  reste, 
respire  la  franchise  et  commande  le  respect... 

Le  phénomène  relaté  paraît  moins  incroyable,  lorsqu'on 
songe  à  celui  (contrôlé  maintes  fois)  des  écritures  secrè- 
tes, soit  crayonnées  à  distance  ou  obtenues  par  précipi- 

(1)  Souvenirs  de  voyage  dans  la  Tartarie  et  le  Thibet ^  parle  lais- 
sîoQQaire  Hue.  —  Paris,  1857,  2  vol.  in-12  (tome  II,  pages  116-117). 


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372  LA   CLEF  DE   LA   MAGIE  NOIRE 

talion.  C'est  une  des  expériences  favorites  de  nos  mé- 
diums. Home  en  était  coutumier,  et  l'ardoise  de  Slade 
est  passée  en  proverbe  chez  les  Spirites.  On  se  rappelle 
d'ailleurs  les  virulentes  controverses  motivées  naguère 
par  la  correspondance  du  «  mahatma  »  Koot-Hoomi, 
avec  madame  Blavatzky,  son  élève. 

Mais  il  y  a  quarante  ans  que  le  Baron  de  Guldenslubbé 
avait  étudié  et  signalé  ce  phénomène.  A  la  suite  du  livre 
curieux  qu'il  publia  dès  1857,  la  Réalité  des  Esprits  et 
leur  écriture  directe,  se  succèdent  un  grand  nombre  de 
planches  oii  Ton  a  reproduit  en  fac-similé  des  spécimens 
d'écritures  occultes,  obtenues  par  l'auteur  et  plusieurs 
de  ses  amis,  non  pas  les  premiers  venus.  Citons  entre 
autres  MM.  le  comte  d'Ourches,  le  général  baron  de 
Brewern,  le  colonel  de  Kollmann,  le  professeur  Georgii, 
le  baron  Boris  d'UexkùU,  etc.  —  M.  de  Guldenstubbé  a 
pu  suivre  le  procédé  de  précipitation,  qu'il  attribue  aux 
esprits  des  morts  illustres  que  son  désir  évoque.  Il  pla- 
çait primitivement  un  crayon  avec  une  feuille  de  papier 
dans  une  petite  cassette  dont  la  clef  ne  quittait  pas  sa 
poche  ;  il  ne  rouvrait  la  boîte  que  pour  vérifier  la  réus- 
site de  ses  tentatives.  Un  jour  pourtant,  qu'il  avait  laissé 
la  boite  ouverte,  il  put  constater  que  les  caractères  s'im- 
primaient d'eux-mêmes,  en  noir  sur  blanc,  sans  que  le 
crayon  y  fût  pour  rien. 

«  Depuis  ce  moment,  Tau  leur,  voyant  rînutilîté  du  crayon, 
a  cessé  de  le  mettre  sur  le  papier  ;  il  place  simplement  un  pa- 
pier  blanc  sur  une  table  chez  lui,  ou  sur  le  piédestal  des  sta- 
tues antiques,  sur  les  sarcophages,  sur  les  urnes,  etc.,  au 
Louvre,  à  Saint-Denis,  à  Véglise  Saint- Étienne-du-Mont, 


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FORCE  DE   LA   VOLONTÉ  373 


etc.  Il  en  est  de  même  des  expériences  faites  dans   les  diiï«é- 
rents  cimetières  de  Paris  (I).  > 

Rien  n'est  plus  réel  que  le  phénomène  des  caractères 
sanglants  qu'obtenait  Vintras,  empreints  dans  la  subs^ 
tance  même  des  hosties  consacrées  par  lui  ou  par  les 
prêtres  de  sa  secte  :  hiéroglyphes  le  plus  souvent  blas- 
phématoires, et  signatures  kabbalistiques  des  Forces  dé- 
sordonnées, aveugles  ou  malfaisantes  de  l'antique  Goëtie. 

Que  dire  des  cas  de  stigmatisation,  mille  fois  avérés 
en  mystique?  La  a  folie  de  la  croix  »  consomme  le  mi- 
racle. La  Foi  et  le  Désir,  ces  modes  indirects  de  la  Vo- 
lonté, réagissant  sur  d'ardentes  imaginations,  n'impri- 
ment-ils pas  à  la  forme  astrale,  —  et,  par  son  intermé- 
diaire, au  corps  physique,  —  les  cicatrices  de  la  Passion 
de  Notre-Seigneur  :  l'empreinte  de  la  couronne  d'épines, 
et  la  marque  des  clous  aux  pieds  et  aux  mains,  et  l'ap- 
parence contuse  de  la  flagellation,  et  le  stigmate  du  coup 
de  lance  au  flanc  droit?  —  Les  témoignages  abondent. 

Rappelons  pour  mémoire,  en  confirmation  analogique 
du  phénomène  de  la  stigmatisation,  l'expérience  décisive 
de  MM.  Focachon  et  Liébeault,  qui  réalisèrent  la  pose 
d'un  vésicatoire  imaginaire,  par  simple  suggestion? 
Uépispastique  idéal  «  prit  »  à  merveille  :  le  derme  se  sou- 
leva, s'emplit  de  sérosité  laiteuse,  enfin  l'escarre  apparut: 
une  suite  d'épreuves  photographiques  en  fait  foi,  où  Ton 


(1)  Pneumatologie  positive  et  expérimentale.  —  La  Réalité  des 
Esprits  et  le  phénomène  merveilleux  de  leur  écriture  directe,  dé- 
montrées, parle  baron  L.  de  Guldenstubbé.  —  Paris,  Franck,  1857, 
in-80  (page  68). 


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374  LA  CLEF  DE   LA   MAGIE  NOIRE 


peut  suivre  la  marche  et  les  progrès  de  la  vésication  (I  ). 

Que  si  nous  rapprochons  de  ces  derniers  faits  la  dé- 
couverte déjà  mentionnée  du  colonel  de  Rochas,  sur 
r  «  Extériorisation  de  la  sensibilité  »  et  le  phénomène  de 
l'Envoûtement  (2),  il  semble  que  nous  puissions  entre- 
voir le  mécanisme  parfaitement  naturel  des  écritures 
spontanées,  sous  leurs  principaux  modes  de  manifesta- 
lion. 

La  stigmatisation  prouve  en  effet  que,  dans  les  Umiles 
du  corps  humain,  le  médiateur  plastique  peut,  docile  à 
Tessor  du  Désir,  objectiver  les  signatures  de  l'imagina- 
tion. Et  les  expériences  du  savant  Rochas  démontrent, 
d'autre  part,  qu'en  des  conjonctures  définies,  ce  même 
médiateur  plastique  est  parfaitement  capable  d'outrepas- 
ser les  frontières  anatomiques  de  la  chair,  pour  mani- 
fester à  l'extérieur  les  propriétés  dont  il  dispose. 

La  Lumière  astrale  terrestre,  âme  physique  et  imagi- 
native  de  la  planète,  roule  en  ses  ondes  les  simulacres 
de  son  rêve  d'évolution  ;  elle  est  de  plus  le  réceptacle 
de  la  vie  (ou,  pour  mieux  dire,  de  l'agonie  posthume) 
des  Écorces.  Plusieurs  races  d'indigènes  la  hantent,  dont 
nous  avons  détaillé  la  nature...  Elle  a  enfin  ses  grands 
flux  et  reflux  polaires,  et  ses  vents  et  ses  tempêtes 
comme  TOcéan,  —  courants  dont  peut  se  servir  la 
Volonté  humaine,  soit  individuelle  ou  collective,  quand 
elle  a  su  les  calculer.  (Il  existe,  en  magie,  des  instru- 


(1)  Voy.  Fabart,  Histoire  de  l'Occulte,  Appendice  (Lettre  à  M.  Fo- 
cachon,  pharmacien  à  Charmes),  pages  330-337. 

(2)  Voy.  pages  4S3  et  suiv.  du  présent  tome. 


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FORCE  DE  LA   VOLONTÉ  375 

ments  dont  c'est  la  seule  destination).  La  Volonté  peut 
faire  plus  :  elle  peut  créer  des  courants  nouveaux.  C'est 
le  mystère  de  la  chaîne  magique.  Il  en  a  été  question 
déjà  au  sujet  des  Entités  collectives;  nous  y  reviendrons 
encore  par  la  suite. 

Toute  force,  en  magie,  réside  essentiellement  dans  la 
Volonté  et  dans  la  Foi. 

Volonté  et  Foi  sont  les  deux  termes  antinomiques  d'une 
même  Force,  en  ses  modes  spontané  et  passif.  La  Foi  en 
soi-même  et  en  sa  puissance,  voilà  la  base  de  la  volonté 
individuelle.  — La  confiance  en  la  volonté  infaillible  et 
bénéfique  des  dieux,  voilà  la  base  de  la  Foi  collective. 
Homme  de  volonté,  le  héros,  dont  Napoléon  peut  ser- 
vir de  type  contemporain,  témoigne  d'une  aveugle  con- 
fiance en  «  son  étoile  »,  ce  qui  revient  à  dire  qu'ignorant 
les  lois  fatidiques,  il  s'appuie  cependant  sur  le  Destin.  Un 
tel  tempérament  objectif  heurte  de  front  tous  les  obsta- 
cles et  les  brise  ;  jusqu'au  jour  où  lui-même,  se  heurtant 
à  quelque  Destin  plus  rigide  que  le  sien  propre,  en  est 
écrasé.  —  Le  héros  se  jette  en  avant  et  paie  de  sa  per- 
sonne :  en  un  mot,  agit  par  soi-même. 

Homme  de  foi,  le  mystique  entre  en  communion  avec 
un  cercle  de  pensée  et  d'action  où  domine  une  Volonté, 
bonne  ou  mauvaise.  Un  tel  tempérament  subjectif  l^iisse 
agir  en  lui,  soit  Dieu,  manifesté  par  le  concours  de  ceux 
qui  veulent  le  bien  et  y  aspirent  ;  soit  Satan  même, 
qu'on  peut  définir  à  ce  point  de  vue  la  Volonté  collective 
dans  le  mal.  —  Le  mystique,  en  un  mot,  agit  par  au- 
>       trui. 


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376  LA   CLEF  DE   LA   MAGIE  NOIRE 

• 

Homme  de  volonté  et  de  foi  tout  ensemble,  le  véritable 
adepte  n'ignore  point  que  dans  l'accord  équilibré  de  ces 
deux  puissances,  réside  la  suprême  force  magique  :  le 
Magnes  intérieur  et  occulte  n'est  pas  autre  chose.  Un  tel 
tempérament  harmonique  entre  dans  un  cercle  de  volon  tés 
unies,  sans  abdiquer  en  rien  la  sienne  propre.  Addition- 
nant sa  force  et  celle  de  ses  adelphes,  il  commande  en 
son  nom  comme  au  leur.  Il  prend  empire  sur  les  fluides 
et  met  l'embargo  sur  l'escadre  des  volontés  adverses.  — 
L'adepte  agit,  en  effet,  par  lui-même  et  par  les  autres. 

Il  est  écrit  que  la  Foi  transporte  les  montagnes,  il  n'est 
pas  moins  certain  que  rien  ne  résiste  à  l'emprise  de  la 
Volonté.  Que  dire  de  l'efficacité  où  parvient  la  Volonté 
adeptale,  qui  participe  harmonieusement  des  deux? 

Le  Désir  même  est  créateur,  parce  qu'il  procède  indi- 
rectement aussi  de  l'une  et  de  l'autre  :  il  tient  de  la  Vo- 
lonté, par  le  despotisme  inconscient  de  son  coup  d'aile, 
et  de  la  Foi  par  sa  confiance  irraisonnée  et  souvent  dé- 
raisonnable en  la  satisfaction  où  il  appète. 

Nous  avons  insisté  sur  le  problème  des  signatures 
naturelles,  traductions  hiéroglyphiques  très  précises  des 
spécialités  innées,  dont  la  Faculté  plastique  reçoit  le  pro- 
tocole de  la  part  des  Vouloirs  collectif  et  individuel  :  à 
l'effet  d'en  transmettre  l'empreinte  à  la  forme  sidérale. 
Celle-ci  élaborera  le  corps  physique  en  conséquence. 

Ce  mécanisme  de  la  virtualité  créatrice,  impliquant  la 
volonté  pour  point  de  départ  et  la  matière  pour  ultime 
aboutissement,  importait  à  bien  connaître,  premier  que 
d'entreprendre  ce  qui  nous  reste  à  dire,  sur  l'emploi  de 
la  volonté  humaine,  en  magie  cérémoniale. 


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FORCE   DE   LA   VOLONTÉ  377 


Comme  transition,  Saint-Martin  nous  offre  un  épisode 
singulièrement  instructif,  et  dont  notre  Public  est  invité 
à  faire  son  profit.  Les  quelques  pages,  d'apparence  bi- 
zarre, que  nous  allons  lui  faire  connaître,  renferment,  en 
pratique  aussi  bien  qu'en  théorie,  plus  de  valables  secrets 
([lie  tant  d'ouvrages  fort  massifs,  sérieux  et  solennels  à 
en  bâiller,  et  qui  traitent  ex  professo  de  sciences  occul- 
tes- Le  Lecteur  se  tienne  pour  averti  ! 

Quel  amateur  d'occultisme,  en  conscience,  (et  nous 
n'exceptons  pas  la  postérité  intellectuelle  de  Saint-Martin), 
a  pris  la  peine  de  méditer  «  Le  Crocodile^  ou  la  guerre 
du  Bien  et  du  Mal,  poëme  épico-magique  en  102  chants, 
œuvre  posthume  d'un  amateur  de  choses  cachées?  »... 
Par  un  tiacite  accord,  les  nombreux  admirateurs  du  grand 
mystique  s'abstiennent  même  de  critiquer  cette  «  erreur 
d'un  maître  »  (c'est  le  cliché  reçu).  —  Hé  bien,  nous  Tat- 
testons  ici,  —  et  pas  un  initié  véritablement  instruit  ne 
nous  démentira,  —  Is  Crocodile  estime  prodigieuse  épo- 
pée burlesque,  où  se  trouve  la  révélation  du  Grand  Ar- 
cane,  du  Mysterium  magnum  de  Jacob  Bœhme. 

Tous  les  personnages  sont  allégoriques  :  Madame  Jof, 
épouse  du  Joaillier  des  mondes,n'est  autre  que  la  Foi ,  la  Sa- 
gesse ou  la  Sophia  céleste  ;  —  Sédir,  c'est  1'  «  homme  de  dé- 
sir», qui  cherche  la  Vérité  sainte,  sans  abdiquer  son  rôle 
d'hommed'action,  par  quoi  il  se  rend  utile  à  ses  conci- 
toyens;—le  volontaire  Ourdeck[Aoârd'^sch  TΫ  d'Wfc<, 
la  Lumière  du  Feu),  représente  le  Médium  naturel  qui 
devient  adepte,  et  dont  les  facultés  astrales  s'affinent  et 
se  subliment  dans  la  Lumière  de  gloire  ;  —  enfin  Racket 


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378  LA   CLEF   DE  LA   MAf.IE   NOIRE 


(Sfc<"Wfc<T  Raesch-.El,  le  principe  divin  [de  l'àme]), 
Rachel,  fille  de  l'adepte  Éléazar  (1),  sera  la  fiancée  pro- 
mise à  Ourdeckt  etc.. 

Le  Crocodile  (ou  Typhon),  personnification  égjptienne 
de  l'Astral  inférieur,  reptile  igné  où  s'incarne  Nahàsh,  a 
englouti  les  deux  armées  du  Bien  et  du  Mal.  Expliquer 
le  sens  caché  de  cette  aventure  rabelaisienne,  serait  une 
tâche  qui  nous  mènerait  trop  loin.  Il  suffira,  pour  l'intel- 
ligence de  l'épisode  où  nous  voulons  en  venir,  de  noter 
qu'Ourdeck,  l'explorateur  des  mondes  mystérieux,  est  du 
nombre  des  nouveaux  Jonas.  Les  merveilles  dont  il  est 
témoin  dans  le  ventre  du  reptile,  ont  trait  aux  mystères 
des  diverses  régions  hyperphysiques  du  Macrocosme, 
dans  leurs  rapports  avec  le  Microcosme  hominal. 

Enfin,  après  plusieurs  péripéties  symboliquement  fort 
significatives,  le  volontaire  Ourdeck  débouche  en  un  es- 
pace souterrain,  voûté  de  roche  vive  et  clos  de  toutes 
parts.  Un  jour  incompréhensible  y  brille.  Là  se  présente 
à  ses  regards  une  cité  antique,  engloutie  à  la  suite  d'un 
tremblement  de  terre,  l'an  425  avant  Jésus-Christ.  Le 
frontispice  d'une  porte  de  marbre  révèle  à  Ourdeck  le 
nom  de  cette  ville  :  ATALANTE. 

Le  fléau  a  tout  respecté  :  les  maisons  et  les  palais  sont 
intacts,  les  rues  entièrement  libres  et  nettes  de  décom- 
bres ;  les  citoyens,  foudroyés  comme  ils  vaquaient  à  leurs 
affaires,  sont  debout,  dans  l'attitude  où  la  mort  les  a  sur- 
pris... Ourdeck  visite  en  détail  cette  curieuse  nécropole, 

(1)  n  est  très  vraisemblable  que  Saint-Martin  ait  youlu  peindre  son 
maitre  Martinës  de  Pasqiially,  sous  les  traits  du  juif  portugais  Éléazar. 


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FORCE  DE  LA   VOLONTÉ  379 

qu'on  pourrait  nommer  la  capitale  du  monde  astral. 
Les  prodiges  qu'il  observe,  nous  ne  pouvons  les  détailler 
par  le  menu,  mais  nous  engageons  très  fort  les  amateurs 
de  choses  curieuses  à  méditer  d'un  bout  à  Tautre  cette 
fabuleuse  narration,  où  le  théosophe  d'Amboise,  plus  que 
nulle  autre  part,  a  décrit,  sous  une  allégorie  transparente, 
les  mystères  d'une  région  qu'il  connaît  si  bien  :  la  région 
hyperphysique, 

La  puissance  configurative  du  fluide  astral  y  est  d'abord 
caractérisée  en  traits  de  vigueur.  Rien  n'est  plus  facile  au 
jeune  soldat  que  de  prendre  connaissance  des  mœurs  de 
ce  peuple,  de  son  esprit,  du  caractère  enfin  de  chaque 
habitant. 

a  Car  la  même  loi  de  physique  qui  a  fait  que  toutes  les  sub- 
stances et  tous  les  corps  renfermés  hermétiquement  dans  cette 
ville,  n*ont  point  souffert  à  Textérieur,  a  étendu  son  pouvoir 
conservateur  sur  les  paroles  mêmes  des  citoyens  d'Atalante,  et 
a  fait  que  les  traces  en  sont  corporisées  et  sensibles,  comme  le 
sont  tous  les  autres  objets  renfermés  dans  cette  malheureuse 
enceinte  (i).  » 

Ourdeck  entre  successivement  chez  le  gouverneur  de 
la  ville,  puis  chez  un  philosophe  ;  chez  un  médecin  mou- 
rant qui  accuse  un  énigmatique  personnage,  u  l'hiéro- 
phante de  la  rue  des  Singes  »,  de  l'avoir  envoûté;  Our- 
deck assiste  encore  à  l'examen  des  mémoires  couronnés 
par  une  académie  scientifique  :  suprême  séance  que  le 
cataclysme  a  interrompue.  Il  pénètre  enfin  dans  un  tem- 
ple où  prêche  le  redoutable  Hiérophante,  grand-maître 
d'un  cercle  de  magiciens  pervers;  guidé  par  l'influx  ma- 

{{)  Le  Crocodile,  page  263. 


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380  LA  CLEF  DE   LA   MAGIE   NOIRE 

gnétique  de  ce  mage  ténébreux,  noire  volontaire  s'aven- 
ture jusqu'au  laboratoire  occulte  du  malfaiteur,  et  détaille 
les  merveilles  dont  il  a  été  témoin. 

Allégorie  tellement  révélatrice,  —soit  au  point  de  vue 
des  courants  astraux  gouvernés  par  le  Vouloir  humain, 
soit  à  l'égard  des  sortilèges  collectifs  et  des  lois  terribles 
présidant  au  choc  en  retour  comme  à  la  ruine  mutuelle 
des  éléments  mauvais,  —  qu'on  nous  saura  gré  de  repro- 
duire les  pages  essentielles  de  cette  histoire. 

Voici  le  péristyle  d'un  temple,  dédié  à  la  Vérité  ;  fran- 
chissons-en le  seuil,  en  compagnie  d'Ourdeck,  auquel  il 
est  temps  de  laisser  la  parole. 

•  J'entre  (dit-il),  je  trouve  un  grand  concours  dépeuple  as- 
semblé et  paroissant  écouler  un  homme  qui  étoit  assis  dans 
une  chaire  et  qui  leur  parloit.  Je  pus,  à  mon  aise,  lire  toutes 
les  paroles  de  son  discours,  parce  que,  comme  il  parloit  seul, 
elles  s*étoient  conservées  d'une  manière  très  distincte  ;  et  je 
puis  dire  que  ce  discours  renfermoit  tout  ce  que  la  plus  sage 
philosophie  du  Portique  et  du  Pyrée  a  jamais  enseigné  déplus 
pur  et  de  plus  imposant,  quant  à  la  sévérité  des  principes  et  à 
la  sainteté  de  la  doctrine. 

«  Mais,  chose  étonnante  !  indépendamment  de  ces  paroles 
visibles,  et  qui  étoient  sorties  de  la  bouche  de  Torateur,  j'en 
appercevoisdans  son  intérieur  qui  étoient  un  peu  moins  mar- 
(|uées,  mais  qui  Tétoient  assez  pour  que  je  pusse  les  lire  et 
les  discerner;  c*étoit  comme  des  germes  de  paroles,  dont  les 
uns  étoient  presque  entièrement  développés,  d'autresà  moitié, 
d'autres  au  tiers  (1).  Ce  qui  me  confondit  et  me  remplit  d*in- 
dignation,  ce  fut  de  voir  que  ces  paroles  que  j*appercevois  dans 
rinlérieur  du  cor])s  de  l'orateur,  avoient  un  sens  absolument 
opposé  à  celles  qui  étoient  sorties  de  sa  bouche;  autant  celles- 


(1)  Cf.  la  description  de  V arbre  aux  dix  mille  images,  pages  370- 
37i. 


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FORCE  DE  LA   VOLONTÉ  381 


ci  étoient  sensées,  sages  et  édîRantes,  autant  les  autres  étoîent 
impîesy  extravagantes  et  blasphématoires,  de  façon  que  je  ne 
pus  douter  alors  que  cet  orateur  en  avoit  imposé  audacieuse- 
ment  à  son  auditoire,  et  qu*il  ne  croyoit  pas  un  mot  de  ce  qu'il 
lui  avoit  débité 

•  Comme  cet  orateur  traitoitde  matières  saintes  et  divines, 
et  qu'il  les  traitoit  publiquement,  il  falloit  qu*il  fit  tous  ses 
efforts,  non  seulement  pour  ne  pas  scandaliser  son  monde, 
mais  encore  pour  Tédifier;  d'un  autre  côté,  ces  efforts  eux- 
mêmes  contrariant  ses  sentiments  intérieurs,  il  redoubloit 
aussi  d*efforts  en  dedans,  pour  faire  le  contre-poids  de  ce  qu'il 
étoit  obligé  de  débiter  tout  haut  ;  et  ce  sont  ces  efforts  secrets, 
quiy  donnant  à  ses  pensées  sacrilèges  un  plus  grand  degré  de 
fermentation,  donnoient  en  même  temps  aux  paroles  internes 
qui  en  naissoient,  une  forme  plus  déterminée  et  un  caractère 
plus  marqué... 

•   A  force  de  l'examiner  avec  attention,  je  remarquai 

encore  qu'il  sortoit  de  son  cœur  comme  un  courant  de  ces 
mêmes  paroles  impies  et  sacrilèges. 

n  Ce  courant  étoit  d'une  couleur  sombre  et  bronsée  :  il  étoit 
double,  c'est-à  dire  qu'il  y  en  avoit  un  rentrant  et  l'autre  sor- 
tant ;  et  le  cœur  de  l'orateur  étoit  à  la  fois  comme  le  foyer  et  le 
terme  de  ce  double  courant  :  ces  effluves  se  succédoient  avec  ra- 
pidité, et  s'étendoient  dans  le  temple  et  même  au  delà,  car  elles 
passoient  outre  par  la  grande  ported'entrée  ;  mais  comme  je  les 
voyois  aussi  rentrer  par  cette  même  porte,  je  présumai  qu'il 
devoit  y  avoir  un  second  foyer  à  l'autre  extrémité  de  ce  cou- 
rant, et  je  résolus  de  le  chercher  à  l'instant,  en  suivant  Ips 
traces  très  sensibles  de  cet  extraordinaire  phénomène. 

«  Je  parcours  donc,  non  sans  souffrir,  cette  longue  chaîne 
de  paroles  impies  sortant  du  cœur  de  l'orateur;  je  détourne 
mes  yeux  de  tout  autre  objet,  tant  j'avois  envie  de  satisfaire 

ma  curiosité En  sortant  de  la  grande  porte  du  temple,  je 

vis  ce  courant  infect  tourner  à  gauche  dans  une  grande  rue, 
au  bout  de  laquelle  se  trouvoit  une  place  elliptique  assez  vaste  ; 
il  la  traversoit par  le  milieu,  et  delà  entroit  dans  une  petite 
ruesombre,  mal-propre,  mal  alignée  et  d'une  longueur  à  m'en- 
nuyer;  au  bout  de  cette  rue,  il  en  enfiloit  une  autre,  qui  me 


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382  LA   CLEF  DE   LA   MAGIE  NOIRE 


parut  encore  plus  désagréable,  plus  sale   et  plus  tortueuse. 

a  Mais  ces  dégoûts  furent  tempérés,  en  partie,  par  la  joie  et 
l'espoir  de  trouver  ce  que  je  désîrois  avec  tant  d'ardeur  ;  car 
enQn,  en  regardant  l'inscription  de  cette  vilaine  rue,  je  vis 
qu'elle  s'appeloit  la  rue  des  Singes  ;  et  je  n'eus  pas  atteint  la 
vingtième  maison  de  cette  rue,  que  ce  double  courant  de  paro- 
les qui  m'y  avoit  conduit,  entra  dans  une  porte  au*dessus  de 
laquelle  je  vis  écrit  :  l'hiérophante. 

«Jugez  de  ma  satisfaction.  Je  ne  doutai  point  que  cet  hié- 
rophante ne  fût  ce  même  personnage  dont  les  paroles  du  mé- 
decin mourant  m'avoient  donné  quelques  indices,  et  qu'ainsi 
il  ne  fût  le  même  que  je  venois  devoir  préchantdans  le  temple. 

«J'entre  précipitamment  dans  cette  porte:  je  traverse,  tou- 
jours à  la  lumière  sombre  du  double  courant,  une  petite  allée 
obscure,  au  fond  de  laquelle  se  trouvoit  un  escalier,  dont  une 
partie  montoit  à  des  appartemens  supérieurs  ;  mais  dont  Tau- 
tre,  recouverte  seulement  par  une  trappe,  descendoit  dans 
une  cave;  le  courant  se  dirigeoit  sur  cette  trappe,  je  la  lève 
et  je  le  suis  jusque  dans  la  cave,  où  j'arrive  après  avoir  des- 
cendu cinquante  marches. 

€  Là,  je  trouve  un  grand  emplacement  de  forme  pentago- 
nale.  Quatorze  personnes  étoient  rangées  tout  autour  sur  des  siè- 
ges de  fer,  ayant  chacune  au-dessus  de  leur  tête  un  nom  écrit, 
qui  indiquoit  leur  fonction  et  leur  emploi  dans  cette  assemblée; 
au  fond  de  cette  cave  et  sur  une  estrade  élevée  de  deux  gra- 
dins, étoit  un  autre  siège  de  fer  plus  ample  que  les  autres  et 
mieux  travaillé,  mais  vuide  ;  et  au-dessus  de  ce  siège  étoit 
écrit  en  grande  lettre  :  Vhiérophante.  J'eus  alors  une  pleine 
conviction  que  j'avois  trouvé  ce  qui  étoit  l'objet  de  mes  recher- 
ches. 

«Indépendamment  de  ce  courant  de  paroles  qui  m'avoît 
conduit  jusqu'à  cette  cave  et  qui  avoit  précisément  le  fauteuil 
de  l'hiérophante  pour  second  centre,  il  y  avoit  de  semblables 
couransqui  alloient  depuis  ce  fauteuil  derhiérophantejusqu'à 
la  bouche  de  chacun  des  quatorze  assistans,et  qui  retoumoienl 
de  leur  bouche  à  ce  fauteuil  ;  de  façon  que  je  jugeai  que  cet 
h'érophanle  éloit  comme  l'âme  de  leurs  paroles,  et  qu'ils  n'en 
étoient  que  les  organes  et  les  inslrumens. 


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FORCE  DE  LA   VOLONTÉ  383 

«  Au  milieu  de  la  place  étoit  une  grande  table  de  fer,  ayant 
la  forme  pentagonale  comme  la  cave,  et  sur  cette  table  une 
espèce  de  lanterne  de  papier,  transparente,  également  penta- 
gonale»  et  dont  les  côtés  répondoicnt  aux  côtés  delà  table  et  à 
ceux  de  la  cave  ;  au  centre  de  cette  lanterne,  il  y  avoit  une 
pierre  brune,  mais  luisante,  et  qui  laissoit  voir  à  chaque  as- 
sistant, des  mots  et  des  phrases  tout  entières,  écrites  sur  les 
faces  du  papier  qui  lui  étoient  correspondantes;  et  ces  phrases 
répondoient  aux  paroles  que  j'avois  lues  dans  l'intérieur  de 
r  hiérophante. 

c  Devant  son  fauteuil,  il  y  avoit  une  autre  table  oblongue, 
aussi  de  fer,  et  sur  cette  table,  deux  singes  de  fer  qui  avoient 
chacun  à  chaque  patte  et  au  col,  une  chaîne  de  fer  rivée  sur 
cette  table;  ce  qui  faisoit  dix  chaînes.  Devant  ces  deux  singes 
de  fer^  il  y  avoit  un  gros  livre  dont  les  feuillets  étoient  aussi  de 
fer,  et  que  je  pouvois  remuer  et  lire  à  mon  gré. 

c  J'y  lus  clairement  les  traités  des  dilTérens  émissaires  des 
docteurs  occultes,  avec  plusieurs  conquérans  de  la  terre,  et  les 
horribles  conditions  sous  lesquelles  ils  leur  livroient  les  nations 
de  ce  monde 

o  J'y  lus  que  ces  entreprises  avoient  pour  but  défaire  anéantir 
Tordre  de  toutes  choses^  et  d'établir  à  sa  place  un  ordre  fictif 
qui  ne  fût  qu'une  fausse  figure  de  la  vérité.  On  devoit  renver- 
ser tous  les  calculs  connus  depuis,  sous  le  nom  de  calculs  de 
Pythagore,  et  tellement  les  confondre,  que  l'esprit  le  plus 
simple  et  le  mieux  conservé  no  pût  jamais  en  retrouver  les 
traces* 

«  On  devoit  ramener  par  cette  même  loi  tous  les  règnes  de 
lii  nature  et  del'esprityàun  seul  règne  ;  toutes  les  substances, 
soit  élémentaires,  soit  spirituelles,  aune  seule  substance; 
toutes  les  actions  visibles  ou  occultes  des  êtres  à  une  seule 
action  ;  toutes  les  qualités,  bonnes  ou  mauvaises,  vivantes  ou 
mortes,  à  une  seule  qualité  ;  et  ce  seul  règne,  cette  seule  sub- 
stance, cette  seule  action,  cette  seule  propriété  devoit  résider 
dans  cechefde  l'assemblée,  ou  danscet  hiérophante,  quialloit 
bientôt  lancer  hautement  dans  le  monde  cette  doctrine,  et  exi- 
ger pour  récompense,  dès  son  vivant,  les  honneurs  de  l'apo- 
théose et  sa  divinisation,  à  l'exclusion  de  tout  autre  Dieu...  > 


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384  LA   CLEF  DE   LA   MAGIE  NOIRE 

Ourdeck,  frémissant  d'indignation,  lit  dans  ce  Gri- 
moire l'annonce  de  tous  les  malheurs  qui  devaient  fondre 
sur  l'Europe;  il  apprend  qu'un  mage  de  lumière,  désigné 
comme  l'implacable  adversaire  du  théurgiste  mauvais, 
doit  seul  découdre  au  vif  de  ses  horribles  trames  et  fo- 
menter la  ruine  d'aussi  exécrables  projets. 

Alors  Ourdeck  se  sent  naître  au  cœur  le  violent  désir 
que  le  nom  de  cet  auguste  personnage  lui  soit  révélé. 

c  Ce  désir  (poursuit-il)  s'empara  tellement  de  moi,  qu'il  fut 
comme  un  feu  brûlant  dans  mon  sein  ;  mais  bientôt  ce  feu  ne 
pouvant  plus  se  contenir  en  moi,  il  en  sortit  une  lumière  d'une 
blancheur  ravissante  (i  ),  au  milieu  de  laquelle  je  vis  clairement 
le  nom  à'Éléazar,  et  cela  par  trois  fois  consécutives... 

n  Sachez  donc  qu'à  Tinstant  où  ce  nom  d*Éléazar  fut  ainsi 
manifesté  dans  cette  enceinte  souterraine,  les  quatorze  hom- 
mes qui  éloient  assis  sur  des  sièges  de  fer  reprirent  la  vie,  en 
faisant  des  grimaces  et  des  contorsions  épouvantables  ;  sachez 
que  les  courants  particuliers  qui  les  lioienl  au  fauteuil  de 
rhiérophante,  se  détachèrent  de  ce  fauteuil,  et  rentrèrent  dans 
ces  quatorze  hommes,  ce  qui  sembla  rendre  leur  état  plus  vio- 
lent :  sachez  que  les  deux  singes  de  fer  qui  étoient  enchaînés 
sur  la  petite  table,  furent  détachés  àTinstant;  qu'ils  devinrent 
vivans  et  engendrèrent  aussitôt  chacun  six  autres  singes  vi- 
vans  comme  eux;  que  ces  quatorze  singes  se  jetlèrent  comme 
des  éperviers,  chacun  sur  un  des  quatorze  hommes,  et  les  dé- 
vorèrent tous. 

€  Sachez  que  Thiérophante  môme,  par  une  violente  attrac- 
tion, fut  amené  en  un  clin  d*œil,  depuis  le  temple  jusque  sur 
son  fauteuil,  où  il  me  parut  à  lui  seul  plus  tourmentéque  les 
quatorze  autres;  sachez  que  les  quatorze  singes  se  précipilè- 


(1)  Cf.  Bœhme,  les  trois  Principes  de  V Essence  divine,  tome  I. 
chapitres  i  et  ii,  et  particulièrement  pages  14-15  (la  Lumière  engendrée 
du  feu). 


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FORGE  Dfi  LA  VOLONTÉ  388 

rent  aussitôt  sur  lui,  et  le  dévorèrent,  après  lui  avoir  arraché 
les  yeux;  sachez  que  les  quatorze  singes,  après  avoir  mangé 
tout  le  monde,  Qnirent  par  se  manger  les  uns  les  autres,  sans 
qu'il  en  restât  vestige  devant  mes  yeux... 

•  Sachez  enfin,  qu'il  se  fit  un  tremblement  de  terre  si  vio* 
lent,  que  tout  sembla  prêta  s'écrouler  sur  moi.  Maisau milieu 
de  ces  scènes  si  efTrayantes,  une  main  invisible  s'est  emparée 
de  moi...;  et  elle  m'a  transporté,  je  ne  sais  par  où  ni  parquet 
moyen,  jusqu'à  cet  égout  de  larue  Montmartre,  où  vous  savez 
que  j'ai  pris  terre  (1).  i» 

Nous  osons  croire  notre  Public  trop  avancé  sur  la  voie, 
pour  méconnaître  rimportance  de  l'allégorie  que  nous 
avons  tenu  à  mettre  sous  ses  yeux. 

Cet  épisode  est  la  description  symbolique  d'un  cercle 
de  magiciens  noirs,  saisi  et  crayonné  sur  le  vif  de  leurs 
opérations  scélérates.  La  pile  génératrice  d'influences 
mauvaises  est  amorcée,  la  chaîne  magnétique  tendue  :  le 
Crime  fonctionne. 

Examinons  les  principaux  détails  de  la  scène. 

La  machine  infernale  est  disposée  dans  une  cave...  De 
temps  immémorial,  partout  où  l'homme  a  maudit  l'homme 
et  secoué  sur  la  tête  de  son  frère  les  foudres  de  Vulcain, 
TExécrateur  a  choisi  pour  ses  opérations  une  retraite 
souterraine,  comme  la  forge  du  dieu  de  Lemnos.  Depuis 
la  crypte  de  la  théurgie  sanglante,  au  plus  lointain  des 
cycles  préhistoriques,  jusqu'aux  cavernes  de  l'infernale 
Hécate  et  la  cave  cintrée  des  envoûteurs  au  moyen  âge, 
ce  fut  toujours  en  sous-sol  que  les  œuvres  de  colère,  les 


(1)  Le  Crocodile,  pages  359-369,  ;wm«w. 


2j 


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386  LA  CLEF  DE  LA   MAGIE  NOIRE 

pratiques  de  Shatan,  de  Seth  (1),  de  Saturne  ont  été  ac- 
compiles.  Le  rituel  magique  le  veut  ainsi  :  un  double 
motif,  d'analogie  d'abord,  d'empirisme  occulte  ensuite, 
justifieraient  sans  nul  doute  cette  prescription  universel- 
lement reçue. 

On  descend  en  cette  cave  par  une  trappe  qui  s'ouvre 
sur  cinquante  marches  d'ombrcy  antithèse  figurative  des 
cinquante  Portes  de  Lumière,  ou  de  Tlntelligence. 

L'emplacement  de  forme pentagonale  équivaut  à  l'Étoile 
flamboyante  renversée,  emblème  de  la  volonté  crimi- 
nelle. On  sait  que  le  Pentagramme,  où  s'inscrit  la  figure 
du  microcosme  humain  (Vouloir,  Intellect,  Amour,  Puis- 
sance et  Beauté)  constitue  un  hiéroglyphe  convertible  : 
dans  sa  position  normale,  une  seule  pointe  en  haut,  il  est 
le  bouclier  du  mage  de  lumière,  et  traduit  les  vertus 
bienfaisantes  et  les  glorieuses  prérogatives  de  l'Intelli- 
gence, volontairement  ralliée  au  plan  providentiel;  les 
cinq  lettres  du  nom  de  l'homme-dieu  mtt^n^  scintillent 
aux  rayons  de  TÉtoile.  —  Mais  orienté  en  sens  inverse, 
l'Astre  pentagrammatique  n'est  plus  qu'un  symbole  d'ini- 
quité, de  perdition,  de  blasphème  :  ses  deux  pointes  en 
l'air  deviennent  les  cornes  du  Bouc  immonde  menaçant 
le  Ciel,  et  dont  la  tête  s'encadre  au  pentacle  stellairo, 
avec  ses  oreilles  basses  dans  les  branches  latérales,  et 
sa  barbe  en  désordre  dans  Tunique  pointe  inférieure. 
Notons  du  reste  que  le  système  particulier  du  théosophe 
d'Amboisc  assigne  au  nombre  cinq  des  attributs  néfastes 
et  funèbres  :  au  Livre  universel  de  Tllomme,  qui  a  dix 


(1)   Typhoji'Seth  (Egypte). 


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388  LA  CLEF  DE  LA   MAGIE  NOIRE 

feuillets,  le  cinquième  est  celui  «  de  l'idolâtrie  et  de  la 
putréfaction  (1).  » 

La  forme  pentagonale  de  la  table  de  fer  et  de  la  lan- 
terne  de  papier  comporte  le  même  sens  secret.  En  ma- 
gie cérémoniale,  blanche  ou  noire,  les  opérateurs  s'en- 
ferment en  un  cercle,  symbole  des  volontés  amies  : 
communion  des  saints  ou  synagogue  des  pervers.  —  Ici 
le  pentagone  mauvais  supplée  au  cercle  des  évocations. 

Les  trois  figures  concentriques  forment  une  citadelle 
occulte,  à  triple  rempart,  autour  de  X^pierre  noire  qui,  du 
centre  de  la  lanterne,  darde  une  lumière  pâle.  C'est  Êla- 
gabale  (2),  la  pierre  philosophale  d'iniquité,  emblème 
héliaque  d'idolâtrie.  Elles  viennent  du  soleil,  mais  réfrac- 
tées et  froidies  par  la  Lune  infernale,  ces  fausses  lueurs 
qui,  s'effluant  de  celte  pierre,  font  reluire  les  hiérogram- 
mes  d'imposture  tracés  sur  les  faces  de  la  lanterne.  Le 
caillou  noir  est  phosphorescent  d'une  lumière  morte,  et  le 
papier  mi-opaque  la  rend  plus  incertaine  encore  :  c'est 
Aôb  ni^,  le  fluide  négatif  où  glissent  les  Larves,  où  na- 
gent les  écorces  de  la  Nécromancie. 

Quatorze  auxiliaires  de  l'hiérophante  sont  assis  en  cer- 
cle sur  des  sièges  de  fer,  autour  d'une  table  de  fer.  Joi- 
gnez le  maître  aux  disciples,  et  le  total  donnera  le  nom- 
bre de  la  Perversité  collective  et  des  courants  fatals  de 
rinstinct  :  quinzième  clef  du  Tarot  —  le  Diable.  Quant  à 
la  table,  aux  sièges  et  autres  objets,  tous  de  fer,  ils  mar- 


(1)  Des  Erreurs  et  de  la  Vérité,  ou  les  hommes  rappelés  au  principe 
universel  de  la  Science,  Edimbourg  (Lyon),  1775,  in-8o  (page  256). 

(2)  V.  Éliphas,  Dogme  de  la  /faute  Magie,  page  336. 


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FORGE  DE   LA   VOLONTÉ  389 

quent  le  caractère  de  rassemblée  que  gouverne  Mars  (/  ; 
or  cette  planète,  maléficiée  par  le  voisinage  de  Saturne  :5 , 
dont  nous  rele  vions  tantôt  la  signature,  annonce  perver- 
sité froidement  implacable,  orgueil  sauvage  et  chagrin, 
et,  grâce  à  Dieu,  ruine,  écroulement  final. 

Uestrade  élevée  de  deux  gradinsy  où  se  dresse  le  fau- 
teuil de  l'hiérophante,  n'est-il  point  l'emblème  du  Binaire 
impur,  principe  de  tout  antagonisme,  de  toute  division, 
de  tout  pouvoir  schismatique  et  arbitraire?  La  table  oblon- 
gue,  avec  ses  deux  singes  de  fer  enchainés,  confirme  cet 
emblème,  en  le  précisant.  Rien  ne  peut  offrir  de  la  sor- 
cellerie une  plus  parfaite  image  que  ces  deux  singes, 
occupant  les  deux  foyers  de  l'ellipse  mensale,  en  face  du 
fauteuil  de  l'hiérophante. 

Satan,  singe  de  Dieu,  apparaît  binaire,  incapable  qu'il 
est  d'une  entente,  même  avec  les  siens,  d'un  accord,  fût- 
ce  avec  lui-même  !  Sa  magie  de  ténèbres  ne  présente 
rien  d'original  :  imitation  servile  de  la  Religion-sagesse 
défigurée,  ses  rites  sont  ceux  d'une  théurgie  à  rebours. 
L'hiérophante  aussi  est  un  singe  :  pontife  de  l'ombre,  il 
se  déguise  en  prêtre  de  lumière;  et  sectaire  du  mensonge, 
il  va  faire  son  édifiante  grimace  au  temple  de  la  Vérité. 
Hypocrisie  simiesque!...  La  table  elliptique  figure  le  cer- 
cle mauvais  qu'il  a  fondé.  Les  deux  singes,  aux  deux 
foyers  de  l'ellipse,  peignent  la  volonté  du  misérable, 
rectrîce  de  la  chaîne  sympathique  tendue  par  ses  mains  ; 
sa  volonté  double  et  ambiguë,  qui  se  stérilise  presque 
toujours  en  s'opposant  sans  cesse  à  elle-même,  comme 
c'est  la  sentence  rendue  contre  tout  principe  d'Erreur  et 
d'Iniquité.  On  doit  comprendre  à  présent  ce  qu'entend 


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390  LA   CLEF  DE   LA   MAGIE   NOIRE 

Saint-Martin,  par  «  l'hiérophante  de  laru^  des  Shiges...  » 

Le  secret  de  la  chaîne  magique  se  résume  en  un  apho- 
risme dont  voici  les  termes  :  créer  un  point  fixe  où  pren- 
dre appui;  y  établir  sa  batterie  psycho-dynamique;  et, 
de  ce  point  élu  pour  centre,  faire  rayonner  à  travers  le 
monde  la  lumière  astrale,  évertuée  par  un  vouloir  net- 
tement défini  et  formulé. 

C'est  là  une  application  de  la  célèbre  devise  androgj- 
nique  d'Henry  Khunrath  :  Coagula,  Solve.  —  <^  Coagule  »y 
c'est-à-dire,  concentre  le  fluide  à  haute  tension  autour  d'un 
centre  équilibrant;  —  «  dissous  »,  c'est-à-dire,  répands 
au  loin  le  fluide  dynamisé  et  soumis  à  ton  vouloir:  darde- 
le  vers  l'objet  sur  quoi  tu  veux  agir.  Le  fameux  arcane 
de  la  Magnésie  universelle  docile  aux  adeptes  n'est  pas 
autre  chose.  La  Magnésie  est  la  traduction  extérieure, 
rendue  patente  par  ses  eflets,  du  Magnes  intérieur  et  ca- 
ché dans  son  essence. 

La  lumière  astrale  spécialisée  aux  mains  de  l'adepte 
devient  le  véhicule  de  sa  volonté  ;  —  disons  mieux  : 
de  son  verbe  (1).  Voilà  le  sens  du  double  courant  de  pa- 
roles qui  se  propage  en  ondulations  magnétiques,  de 
l'hiérophante  en  chaire  aux  affîdés  de  son  cercle  occulte; 
puis,  centuplé  d'énergie,  fait  retour  à  son  point  de  dé- 
part. 

Les  principes  émis  au  précédent  chapitre,  à  propos  de 
rOracle  mensal,  pourraient  trouver  ici  leur  place;  mais 


(1)  Nous  verrons  tout  à  l'heure,  à  propos  du  Signe  et  de  son  impor- 
tance en  magie,  comment  définir  le  Verbe  humain,  qui  est  la  Volonté 
formulée  et  traduite  par  le  signe. 


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FORCE  DE  LA   VOLONTÉ  391 

il  suffira  d'y  renvoyer.  A  coup  sûr,  notre  Lecteur  en  a 
déjà  fait  l'adaptation  (car  elle  s'impose);  et  décerné  la  men- 
tion négative  au  groupe  des  quatorze  auxiliaires,  occu- 
pant le  pourtour  de  la  table  pentagonale;  tandis  qu'il  ré- 
serve pour  l'hiérophante  la  qualité  d'élément /^osife/,  dont 
le  rôle  est  d'unifier  les  âmes  passives  de  son  cercle,  sous 
la  prédominance  d'un  vouloir  impérieux  et  dominateur. 
Disons  tout  de  suite  que  l'établissement  de  la  chaîne 
secrète  est  rarement  aussi  méthodique,  aussi  voulu,  aussi 
savamment  combiné.  Il  arrive  que  ses  éléments  constitu- 
tifs, spontanément  fournis,  —  nous  dirions  par  le  ha- 
sard, s'il  existait  pour  les  initiés,  —  se  trouvent  ou  mal 
proportionnés  entre  eux,  ou  compromis  par  un  mélange 
d'éléments  hétérogènes.  L'appareil  fonctionne  alors  tant 
bien  que  mal;  mais  il  n'atteint  qu'un  minimum  de  rende- 
ment. C'est  la  répétition  de  ce  qu'on  a  pu  lire,  section  X, 
au  sujet  des  tables  parlantes  et  de  la  génération  des  êtres 
collectifs... 

Rien  n'est  plus  certain  que  la  plupart  des  grandes 
choses  qui  se  font  ici-bas,  s'accomplissent  par  les  spé- 
cialités de  chaînes  magiques,  —  tendues  consciemment 
ou  non,  avec  la  Providence  ou  sans  elle,  à  travers  les 
enchevêtrements  de  circonstances  plus  ou  moins  favo- 
rables. 
Ils  sont  rares,  les  grands  Initiés  (1)  qui,  —  tels  Chri- 

(1)  Voyez  le  beau  livre  de  M.  Edouard  Schuré  :  les  Grands  Initiés» 
Esquisse  de  l'histoire  secrète  des  Religions  (Paris,  Perrin,  1889,  in-8®). 
—  A  vrai  dire,  nos  idées  diffèrent  de  celles  de  M.  Schuré  sur  certains 
points  ;  mais  nous  n'hésitons  pas  à  signaler  son  ouvrage  comme  un 
des  travaux  les  plus  forts  et  les  plus  complets  qui  proposent  une  solu- 
tion sur  ces  hauts  problèmes. 


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392  LA   CLEF   DE   LA   MAGIE   NOIRE 

shna,  Moïse,  Apollonius  (1),  et  d'autres  qu'il  ne  semble 
point  convenable  de  nommer,  — ont  établi  délibérément, 
et  d'accord  avec  les  plans  de  la  divine  Sagesse,  des 
chaînes  magiques  idoines  à  renouveler  la  face  de  la  terre. 

Ils  se  comptent  aussi,  les  puissants  magiciens  de  lu- 
mière ou  d'ombre,  qui,  —  tel  Jacques  Molay,  tel  Ignace 
de  Loyola,  —  ont  sciemment  créé,  dans  un  esprit  ou 
moins  sublime  ou  moins  pur,  des  chaînes  d'une  étendue 
également  immense. 

Mais  les  auteurs  ne  se  comptent  pas,  de  chaînes  sym- 
pathiques i7uti7ictive7nenl  tendues  ;  et  ce  sont  eux  dont 
l'œuvre,  garantie  et  perpétuée  grâce  au  concours  des 
grands  Collectifs  qu'ils  évoquèrent  ou  même  engendrè- 
rent sans  le  savoir,  nous  étonne  après  tant  de  siècles  par 
leur  sève  prodigieusement  vivace  encore.  Exemples, 
beaucoup  d'ordres  religieux,  certaines  corporations  ci- 
viles, les  Fénians,  etc. 

Alors,  objectera-t-on,  les  «  profanes  »  font  souvent  de 
la  magie,  comme  M.  Jourdain  de  la  prose,  —  sans  le 
savoir?  Mais  assurément,  cher  Lecteur.  Êtes- vous  encore 
au  point  de  vous  en  étonner? 

Voyez  les  grands  hommes,  —  et  les  hommes  extraor- 
dinaires, —  qui  ont  fanatisé  leur  époque  :  d'une  part 
Napoléon,  de  l'autre  Cagliostro.  Si  vous  compulsez  leur 
histoire  au  flambeau  de  l'Ésotérisme,  vous  vous  convain- 


(1)  La  mission  d'Apollonius  peut  paraître  moins  féconde  au  premier 
examen  :  c'est  qu'elle  fut  tout  ésotérique.  Les  résultats,  —  immenses 
en  vérité,  —  se  localisent  dans  la  sphère  d'action  des  sociétés  secrètes, 
où  les  mystères  do  Pythagore  et  des  fraternités  platoniciennes  se  sont 
perpétués,  pour  le  salut  du  monde  à  venir. 


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FORCE   DE   LA   VOLONTÉ  393 


crez  que,  tous  prodiges  à  part  (prodiges  de  génie  chez 
Tuu,  de  ...  fakirisme  chez  l'autre)  la  souveraineté  leur 
fut  acquise  sur  l'opinion  par  la  nnise  en  œuvre,  ou  sa- 
vante ou  instinctive,  de  la  chaîne  sympathique  tendue 
sur  leur  entourage  immédiat  (1).  Seulement,  après  eux, 
la  fascination  qu'ils  exerçaient  ne  s'est  point  perpétuée 
avec  le  même  empire,  parce  qu'elle  reposait  moins  sur 
le  principe  que  sur  l'homme. 

Celte  digression  close,  il  sied  d'en  finir  avec  l'épisode 
d'Atalante  et  son  commentaire. 

Le  double  courant  de  blasphèmes  comporte  d'autres 
interprétations  que  nous  avons  tues...  Abstenons-nous 
de  trop  souligner,  afin  de  laisser  quelque  chose  à  faire  à 
la  sagacité  du  Lecteur. 

Pourquoi  l'effluve  magnétique  tourne-t-il  à  gauche,  en 
sortant  du  temple?  La  réponse  est  trop  facile  vraiment. 
11  n'en  est  pas  de  même  de  celle  qui  pourrait  justifier  la 
forme  elliptique  d'une  place  qu'il  traverse  par  le  milieu  : 
l'énigme  vaut  la  peine  d'être  levée,  et  nos  préalables  ex- 
plications peuvent  contribuer  à  l'éelaircir... 

Désignerons-nous  par  son  vrai  nom  le  Livre  aux  feuil- 
lets d'acier,  où  l'explorateur  d'Atalante  épèle  avec  des 
frissons  le  sortilège  qui  trahit  l'Avenir  ?  Les  initiés  ont 
déjà  reconnu  le  a  Livre  de  sang,  toujours  ouvert  »  de 
l'éternel  Illuminisme  noir  !  Ce  cercle  infâme  de  «  frères 
inversifs  »  ou  mages  d'abomination,  tend,  comme  tou- 

(i)  «  Napoléon,  (dit  très  remarquablement  Fabre  d'Olivet),  homme 
fatidique^  dominé  par  l'opinion  qu'il  se  créait  de  lui-môme  et  qu'il  sa- 
vait imposer  aux  autres...  •  {Histoire  philosophique,  tome  II,  page  334). 


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394  LA    CLEF    DE    LA   MAGIE   NOIRE 

jours,  à  deux  buts  capitaux  qu'ils  se  flattent  d'atteindre, 
par  fas  et  nefas  (c'est  leur  devise),  et  grâce  à  leur  chaîne 
d'influx  :  un  résultat  dogmatique,  l'assassinat  de  la  Vérité; 
—  un  résultat  social,  regorgement  de  la  Justice. 

Politiquement,  ces  hommes  n'hésitent  jamais,  en  retour 
de  quelques  garanties,  à  .vendre  les  nations  au  Despotisme, 
comme  Judas  vendit  son  Maître,  —  pour  trente  deniers. 
De  longue  date,  ils  connaissent  Nemrod,  leur  vieux  com- 
plice, un  pantin  formidable  et  sanglant  dont  ils  savent 
jouer  ;  car,  dans  l'instant  qu'ils  baisent  la  poudre  de  ses 
sandales,  ils  tiennent  et  pratiquent  à  leur  gré  les  ficelles 
qui  le  font  mouvoir.  Tel  est  le  pacte  d'iniquité  entre  la 
Tyrannie  adoratrice  du  Diable  et  les  sacerdoces  prodi- 
teurs  de  l'Homme-Dieu. 

Dogmatiquement,  c'est  l'Idolâtrie  et  la  Corruption  que 
les  mages  noirs  veulent  installer  au  sanctuaire,  en  place 
du  pur  spiritualisme  de  Diaus-pitar,  de  Zcv;jrarJip,  du 
Dieu  suprême.  Par  exemple,  aux  Indes,  c'est  la  doctrine 
désolante  de  l'inconscience  originelle  et  du  faux  Nirvana 
qu'ils  substitueront  à  celle  du  pur  Védisme  ésotérique. 
Au  cas  particulier,  leur  chef  est  un  faux  Épicure  assoifl'é 
d'apothéose,  —  une  contradiction  vivante,  —  qui  s'im- 
patronisera  aux  lieu  et  place  de  Pythagore  aboli. 

Une  chose  pourtant  inquiète  l'hiérophante.  Il  est  écrit 
au  Livre  de  fer  qu'un  sage  fera  tout  échouer  :  c'est  un 
adepte  de  la  haute  et  divine  magie,  issu  de  la  postérité 
du  théosophe  de  Samos.  Il  est  mandataire  d'un  auguste 
collège  d'Enfants  du  Ciel,  d'où  il  tient  ses  pouvoirs  et  ses 
droits  mystiques.  Sous  le  nom  de  Société  des  Indépen- 
dantSy  Saint-Martin  décrit  en  effet  le  sublime  Aréopage 


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FORCE  DE   LA   VOLONTÉ  395 

des   élus  réintégrés  à  l'Unité  céleste  (l).  Éléazar,  qui 
n'en  fait  pas  encore  partie,  doit  y  recevoir  la  palme  d'é- 

(1)  Cf.  les  vues  d'Eckartshausen,  très  correctes  et  fort  analogues. 
Voici  quelques  fragments  détachés  du  dernier  livre  qu'il  publia  : 

«  La  religion  se  divise  en  une  religion  extérieure  et  intérieure...  Les 
écoles  de  sagesse  se  divisent  aussi  en  des  écoles  extérieures  et  inté- 
rieures. Les  écoles  extérieures  possèdent  la  lettre  des  hiéroglyphes,  et 
les  écoles  intérieures  l'esprit  et  le  sens. 

m  La  religion  extérieure  est  liée  avec  la  religion  intérieure  par  les 
cérémonies.  L'école  extérieure  des  mystères  se  lie  parles  hiéroglyphes 
avec  rintérieure... 

*  Fils  de  la  Vérité,  il  n'y  a  qu'un  ordre,  qu'une  confrérie,  qu'une 
associaUon  d'hommes  pensants  de  même,  qui  a  pour  but  d'acquérir  la 
lumière.  De  ce  centre,  le  malentendu  a  fait  sortir  des  ordres  innom- 
brables... Le  multiciple  est  dans  le  cérémonial  de  l'extérieur,  la  vérité 
n'est  que  dans  l'intérieur.  La  cause  delà  multiplicité  des  confréries  est 
dans  la  multiplicité  de  l'explication  des  hiéroglyphes,  d'après  le  temps, 
les  besoins,  et  les  circonstances.  La  vraie  communauté  de  lumière  ne 
peut  être  qu'une... 

<  Toutes  les  erreurs,  toutes  les  divisions,  tous  les  malentendus,  tout 
ce  qui,  dans  les  religions  et  les  associations  secrètes,  donne  lieu  à  tant 
d'égarements,  ne  regarde  que  la  lettre  ;  l'esprit  reste  toujours  intact  et 
saint  ;  tout  ne  se  rapporte  qu'au  rideau  extérieur  sur  lequel  les  hiéro- 
glyphes, les  cérémonies  et  les  rites  sont  écrits  ;  rien  ne  touche  à  l'in- 
térieur... 

«  Notre  volonté,  notre  but,  notre  charge  est  de  vivifler  partout  la 
lettre  morte  et  de  donner  partout  aux  hiéroglyphes  l'esprit,  et  aux 
signes  sans  vie  la  vérité  vivante  ;  de  rendre  partout  l'inactif  actif,  le 
mort  vivant  ;  nous  ne  pouvons  pas  tout  cela  de  nous-mômes,  mais  par 
l'esprit  de  lumière  de  celui  qui  est  la  Sagesse,  l'Amour  et  la  Lumière 
du  monde,  qui  veut  devenir  aussi  votre  esprit  et  votre  lumière. 

«  Jusqu'à  présent,  le  sanctuaire  le  plus  intérieur  a  été  séparé  du 
temple,  et  le  temple  assiégé  de  ceux  qui  étaient  dans  les  parvis  ;  le 
temps  vient  où  le  sanctuaire  le  plus  intérieur  doit  se  réunir  avec  le 
temple,  pour  que  ceux  qui  sont  dans  le  temple  puissent  agir  sur  ceux 
qui  sont  dans  les  parvis,  jusqu'à  ce  que  les  parvis  soient  jetés  dehors. 
«  Dans  notre  sanctuaire,  qui  est  le  plus  intérieur,  tous  les  mystères 
de  l'esprit  et  de  la  vérité  sont  conservés  purement  ;  il  n'a  jamais  pu 
être  profané  des  profanes,  ni  taché  par  les  impurs.  Ce  sanctuaire  est 
invisible,  comme  Test  une  force  que  l'on  ne  connaît  que  dans  l'ac- 
tion... 

«  Dans  notre  école,  tout  peut  être  enseigné,  car  notre  maître  est  la 


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39(i  LA   GI.EP  DE   LA   MAGIE  NOIRE 

lection  ;  Sédir  et  Ourdeck  lui-même  y  seront  admis  un 
jour.  -  Voilà  donc,  bien  nettement  posée,  la  vivante 
Providence  de  notre  planète  :  la  fraternité  lumineuse, 
en  face  de  la  fraternité  de  ténèbres  et  d'iniquité;  voilà 
les  enfants  du  Soleil,  en  face  des  missionnaires  du  Satel- 
lite obscur  (l). 

Une  notion  vive  illumine  Ourdeck;  un  violent  désir 
Tembrase,  de  connaître  celui  par  qui  crouleront  les  con- 
seils des  mauvais.  Ourdeck,  médium  d'influences,  objec- 
tive son  désir  :  le  nom  d'Éléazar  est  manifesté...  Aussitôt 
l'équilibre  instable  du  mal  est  rompu.  La  foudre  occulte 
ayant  manqué  son  but,  la  loi  de  choc  en  retour  intervient  : 
les  misérables  affiliés  doivent  ravaler  leur  haine  et  leurs 
imprécations  ;  l'influx  blasphématoire  est  un  poison  qui 
rentre  en  eux,  et  les  torture  avant  de  les  tuer. 

Cependant,  le  Mal  se  multiplie  dans  l'enceinte  du  Mal 
même  ;  les  volitions  perverses  pullulent  en  désordre  :  les 
deux  singes  détachés  reprennent  vie;  ils  accouchent  cha- 
cun de  six  autres  singes  vivants  comme  eux,  et  ces 
quatorze  animaux  dévorent  les  quatorze  sorciers,  ce  qui 
revient  à  dire  que  chaque  auxiliaire  du  Mal  périt,  victime 
de  sa  volonté  mauvaise. 


Lumière  môme  et  son  esprit...  Nos  sciences  sont  l'héritage  promis  aux 
élus  ou  à  ceux  qui  sont  capables  de  recevoir  la  lumière,  et  la  pratique 
de  nos  sciences  est  la  plénitude  de  la  divine  alliance  avec  les  enfants 
des  liommes...  Maintenant,  nous  avons  rempli  notre  charge  et  nous 
vous  avons  annoncé  l'approche  du  grand  midi,  et  la  réunion  du  sanc> 
tuaire  le  plus  intérieur  avec  le  temple...  >  {La  Nuée  sur  le  Sanctuaire, 
ou  quelque  chose  dont  la  philosophie  orgueilleuse  de  noire  siècle  ne  se 
doute  pas,  —  Paris,  1819,  pet.  in-8,  pages  67  à  84,  passim. 
({)  Cf.  la  Lumière  d'Egypte,  pages  112  et  suivantes. 


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FORCE  DE   LA  VOLONTÉ  397 

Une  trombe  répercussive,  s'abattant  surrHiérophante^ 
s'en  empare  et  Je  rejette  irrésistiblement  au  centre  de  sa 
chaîne  infâme  :  ie  voilà  qui  apparaît  sur  son  fauteuil, 
plus  tourmenté  que  ses  quatorze  disciples.  Il  a  dû  ravaler, 
en  effet,  non  seulement  son  propre  poison  volitif,  mais 
le  boucon  des  quatorze  volontés  discipulaires,  dont  il  est 
responsable,  en  sa  qualité  de  maître  inspirateur  :  tous 
les  singes  Tattaquent  à  la  fois.  Peut-être  eùt-il  pu  sau- 
ver sa  vie  par  un  nouveau  crime,  en  dirigeant  le  reflux 
mortel  sur  une  victime  substituée  pour  mourir  à  sa  place; 
mais  il  perd  la  tête,  assailli  qu'il  est  par  tant  de  forces 
adverses,  et  sa  lucidité  habituelle  lui  fait  défaut  :  parti- 
cularité que  symbolise  pour  nous  ce  fait,  des  singes  qui 
lui  crèvent  les  yeux  à  titre  de  prélude...  Dès  lors,  c'en 
est  fait  ;  il  reçoit  le  prix  de  ses  maléfices  et  meurt  dé- 
voré... 

Enfin,  ô  miracle  !  la  multiplication  des  singes  n'a  pro- 
cédé que  de  peu  d'instants  leur  anéantissement  total  ; 
car,  ne  voyant  plus  d'êtres  humains  à  dépecer,  leur  rage 
se  tourne  contre  eux-mêmes  et  ils  se  dévorent  les  uns  les 
autres.  Et  voici  qu'il  n'en  reste  plus  vestige.  Ainsi  en  est- 
il  des  volontés  perverses  :  le  jour  où  le  Mal  se  multiplie 
et  pullule,  marque  souvent  la  veille  de  son  suicide  ou  de 
sa  mutuelle  destruction. 

Telle  est  l'interprétation  ésotérique  de  cette  page  sur- 
prenante, qui  nous  témoigne  que  le  marquis  de  Saint- 
Martin,  si  détaché  des  rites  théurgiques  de  sa  première 
école,  et  se  confinant  avec  Bœhme  sur  les  vierges  cimes 
de  la  Théosophie  transcendante,  répugnait  au  monde 
astral,  non  par  incompétence,  mais  par  antipathie  ;  et 


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398  LA  CLEF  DE  LA   MAGIE   NOIRE 

qu'il  aurait  été,  s'il  l'eût  bien  voulu,  un  très  grand  adepte 
de  la  magie  pratique  et  cérémoniale. 

Un  peu  négligée  par  Saint-Martin,  cette  branche  n'en 
brille  pas  moins  entre  les  plus  enviées,  sur  l'arbre  lumi- 
neux des  hautes  sciences.  Le  premier  initiateur  du 
«  Philosophe  inconnu  »,  Martinès  de  Pasqually  en  faisait 
l'objet  capital  de  son  enseignement,  comme  notre  ami  le 
Docteur  Papus  Ta  fait  ressortir  dans  une  admirable 
étude  (1).  Nul  doute  qu'en  idéalisant  son  vieux  raaitre 
sous  les  traits  d'Éléazar,  l'auteur  du  Crocodile  n'Bil  tenu 
à  lui  solder  une  dette  de  gratitude,  en  même  temps  qu'if 


(1)  L7lluminisme  en  France  (1767-1774).  Martinès  de  Pasçtta/iy. 
etc.,  d'après  des  documents  entièrement  inédits.  —  Paris,  Chainuel. 
1895,  in  12,  fig. 

Ce  livre,  où  le  Président  actuel  du  suprême  Conseil  martiniste  a 
mis  en  œuvre,  avec  une  critique  sagace,  plusieurs  liasses  d'importantes 
notices  et  de  lettres  autographes,  provenant  en  ligne  directe  de  Martinès 
et  de  son  disciple  Wuillermoz,  ^>  ce  livre  accomplit  une  révolution 
dans  l'histoire  du  mysticisme.  H  infirme  une  bonne  part  des  notions 
que  Ton  croyait  positives,  sur  la  doctrine  du  théosophe,  et  redresse 
un  certain  nombre  d'inexactitudes  généralement  accréditées,  touchant 
sa  personne. 

Ainsi,  don  Martinès,  qu'on  estimait  juif  et  d'origine  portugaise,  est 
bel  et  bien  catholique  et  espagnol  :  comme  en  font  foi  son  nom  même, 
«l'un  côté;  et  de  l'autre,  l'acte  de  baptême  de  son  fils. 

Ce  nom,  généralement  orthographié  de  la  sorte:  Dom  Martinès- 
Pascalis,  et  que,  sur  la  foi  de  ses  disciples  immédiats  (Saint-Martin  et 
l'abbé  Fournie),  nous  avions  personnellement  coutume  d'écrire  Marti- 
nets de  Pasquallys,  s'écarte,  en  réalité,  de  ces  deux  transcriptions. 

Don  (et  non  pas  Dom)  Martinès  de  Pasqually  de  la  Tour,  —  telle 
serait  la  véritable  orthographe,  d'après  la  signature  même  du  théurgc. 
Notons  d'ailleurs  qu'à  l'époque  où  il  vécut,  l'orthographe  des  noms 
propres  n'était  pas  fixée  :  on  voyait  très  souvent  deux  frères  signer 
difTéremment  le  nom  de  leur  famille. 

F.-Gh.  Barlet,  en  sa  judicieuse  critique,  publiée  par  Ylnitiation  (oc- 
tobre 189ii),  sous  ce  titre  :  Martinès  de  Pasqually  et  les  miroirs  magi- 
qnesj  discute  lo  fort  et  le  faible  de  la  Ihéurgie  martinésiste. 


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FORCE  DE   LA   VOLONTÉ  399 


lui    rendait  Thommage  spontané   de  son  admiration 
filiale. 

L'épisode  symbolique  d'Atalanle,  dont  nous  avons 
transcrit  et  commenté  quelques  pages  décisives,  sera  le 
meilleur  trait  d'union  entre  ce  qui  précède  et  ce  qui  va 
suivre,  touchant  la  force  de  la  Volonté,  dans  Thorame  et 
dans  Tunivers. 

Comment  la  volonté  collective,  r-dont  l'individu  n'est 
point  conscient,  puisqu'elle  appartient  à  l'espèce,  — 
exerce  son  empire  sur  la  matière,  l'informe  et  l'élabore, 
(grâce  à  l'action  médiatrice  de  la  faculté  plastique  indivi- 
duelle, façonnant  un  corps  astral  approprié  aux  milieux 
que  l'âme  traverse),  —  nous  l'avons  dit. 

Comment,  ici-bas  môme,  la  volonté  individuelle  de 
rhomnie  peut  récupérer,  sciemment  ou  non,  son  privi- 
lège édénal,  et  devenir  créatrice,  sur  les  plans  hyper- 
physique  et  par  suite  matériel  :  voilà  le  problème  dont,  à 
maintes  reprises,  nous  avons  fait  pressentir  la  solution, 
et  qu'il  nous  reste  maintenant  à  bien  fixer  en  ses 
termes. 

C'est  dans  l'exercice  de  ce  pouvoir  créateur  que  réside, 
à  proprement  parler,  la  MAGIE. 

La  Magie  se  pratique  :  ou  directement,  par  l'action  du 
corps  éthéré  sur  les  fluides  impondérables,  (soit  que  l'a- 
depte fasse  naître  des  courants  dans  la  masse  de  l'Astral, 
soit  qu'il  en  utilise  les  marées  existantes),  —  ou  bien  in- 
directement, par  l'empire  que  la  Volonté  peut  étendre 
sur  certains  êtres  de  l'Invisible. 


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400  LA   CLEF  DR   LA   MAGIE  NOIRE 

L'un  et  l'autre  ordre  d*opérations  supposent  des  pou- 
voirs qui  ne  s'acquièrent  (disons  mieux  :  ne  se  dévelop- 
pent) que  par  une  méthode  graduelle  d'entrainement, 
dont  tous  les  hommes  ne  sont  pas  susceptibles. 

Cette  règle  générale,  comme  toutes  les  règles,  com- 
porte des  exceptions.  Quelques  individus  naissent  m/i- 
giciensy  c'est-à-dire  médiateurs  actifs,  ou  médiums, 
c'est-à-dire  magiciens  passifs. 

Nous  avons  déjà  traité  de  Ceux:-ci,  en  notre  premier 
tome,  — •  le  Temple  de  Satan  (1)  — ;  nous  y  reviendrons 
encore  au  chapitre  V  de  la  présente  septaine,  relatif  à 
VEsclavage  magique.  Là  trouveront  leur  place  quelques 
remarquas  tangentes  aux  questions  controversées  du  ma- 
gnétisme et  du  spiritisme,  sur  quoi  notre  opinion  est 
déjà  connue  (2). 

Le  Magnétisme  et  la  Suggestion  peuvent  être  envisagée 
sous  deux  modes,  actif  et  passif:  soit  au  regard  de  l'ex- 
périmentateur qui  agit,  soit  au  regard  du  sujet  qui 
(comme  son  nom  l'indique)  subit  l'action.  Le  premier 
point  de  vue  ressortirait  au  présent  chapitre.  Il  suffira 
d'en  toucher  quelques  mots,  pour  éclaircir  bien  des  phé- 
nomènes dits  magiques  (tels  que  la  fascination,  le  mau- 
vais œil  et  plusieurs  autres),  qui  se  réduisent,  en  somme, 
à  des  cas  déguisés  d*influence  magnétique  ou  sug- 
gestive. 

M.  le  Baron  du  Potet  généralise  un  peu  trop  sa  for- 


(1)  Le  Temple  de  Satan,  pages  121,  et  399-408.  —  Cf.  en  cette  Clef 
de  la  Magie  noire,  les  pages  71-78,  169-171,  185,  192-196,  etc. 

(2)  Le  Temp/e  de  Satan,  pages  376-377,  393-427,  etc. 


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FORGE  DE  LA   VOLONTÉ  401 


raule,  quand  il  proclame  que  a  le  Magnétisme  est  la  clef 
de    la  science  occulte  de  tous  les  temps  et  de  tous  les 
pays  (1)  »  ;  et,  contraint  plus  tard  d'admettre  l'existence 
d'êtres  invisibles  doués  d'intelligence  et  de  vouloir,  le 
rnéme  auteur  dut,  loyalement  et  de  la  meilleure  grâce, 
convenir  que,  si  loin  qu'on  élargit  le  domaine  du  magné- 
tisme animal,  certaines  manifestations  en  outrepassaient 
les  rationnelles  frontières  (2).  Mais  il  en  est  certain  qu'un 
très  grand  nombre  de  faits  réputés  occultes  seraient  jus- 
ticiables de  cette  science,  telle  que  ses  champions  la  dé- 
finissent, et  voire  qu'ils  la  pratiquent. 

En  effet  Mesmer,  dans  son  résumé  théorique  des 
XXVII  Propositions^  comme  en  ses  écrits  ultérieurs, 
ébauche  un  système  intégral  du  Magnétisme,  dont  la 
formule,  maladroite  et  confuse  à  quelques  égards,  n'en 
trahit  pas  moins  l'intuition  positive  qu'il  paraît  avoir 
eue,  de  la  doctrine,  traditionnelle  en  occultisme,  de  l'uni- 
versel Aôr. 

Le  fluide  cosmique  baigne  toutes  choses.  —  Véhicule 
de  la  vie,   il  est  substance  et  force  à  la  fois  ;  et,  par  sa 


(1)  La  Magie  dévoilée,  ou  Principes  de  Science  occulte,  Saint-Ger- 
maÎD,  1875,  in-4^  fig.  (page  58). 

(2)  ff  Un  jour,  pendant  que  j'écrivais  ma  Magie  dévoilée,  je  me 
sentis  saisi  fortement  en  arrière,  par  ma  cravate.  Je  levai  forcément 
la  tôte  et  j'aperçus  trois  individus  groupés  derrière  moi.  Tout  était 
clos  chez  moi  ;  je  ne  savais  pas  comment  ces  gens  étaient  là,  et  mon 
premier  mouvement  fut  de  me  défendre.  Je  donnai  un  violent  coup  de 
poing  à  celui  qui  me  tenait:  ma  main  et  mon  bras  passèrent  au  travers 
de  son  corps.  —  C'était  un  esprit,  qui  alors  posa  son  doigt  sur  sa 
bouche,  et  me  dit  :  •  Tu  dis  dans  ton  livre  des  choses  qu'il  faut  taire  ;  • 
et  après  cela,  les  trois  hommes  disparurent.  »  (Baron  du  Potet,  cité 
par  M.  Dunand,  Révolution  en  philosophie,  page  376). 

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402  LA   CLEF  DE   LA   MAGIE  NOIRE 

double  polarité,  conséquente  à  sa  double  nature,  il  crée, 
vivifie,  renouvelle  tous  les  corps.  —  Inapulsion  et  ré- 
sistance, forces  centrifuge  et  centripète  :  tel  est  le  mode 
binaire  de  sa  manifestation.  —  Un  double  courant  uni- 
versel en  procède,  flux  et  reflux  :  les  astres  s'attirent  et 
se  repoussent;  de  là  résulte  la  gravitation  des  orbes.  — 
Cet  agent  se  décèle,  particulièrement  dans  le  corps  hu- 
main, par  des  propriétés  analogues  à  celles  de  Taimant 
(magnétisme).  —  Le  système  nerveux,  docile  à  la  Volonté^ 
l'emmagasine  et  le  répartit.  —  Le  magnétisme  peut  se 
communiquer  aux  objets,  vivants  ou  inanimés,  selon  leurs 
réceptivités  respectives.  — L'action  fluidique  peut  s'exer- 
cer à  de  grandes  distances,  sans  intermédiaire  visible. 
—  Cette  force  peut  être  accumulée,  concentrée,  trans- 
portée. —  Comme  la  lumière,  elle  est  réfléchie  et  mul- 
tipliée par  les  glaces.  —  Le  son  la  propage  en  la  dyna- 
misant. —  Chez  les  êtres  vivants,  la  santé  résulte  de 
l'équilibre  fluidique  ;  l'équilibre  venant  à  se  rompre,  la 
maladie  s'ensuit.  —  Par  l'effet  de  la  volonté  et  l'emploi 
des  passes,  l'homme  peut  dissoudre  les  accumulations 
excessives;  concentrer  du  fluide,  où  ce  véhicule  delà  vie 
fait  défaut;  faire  circuler  celle-ci  à  grands  courants  dans 
l'organisme...  L'homme   peut,  en  un  mot,  guérir  son 
semblable,  en  rétablissant  l'équilibre  en  lui. 

Voilà,  singulièrement  réduite,  mais  éclaircie  et  filtrée 
en  revanche,  la  théorie  du  D'  Mesmer  :  on  sait  quelles 
additions  lui  ont  apportées  les  découvertes  de  ses  succes- 
seurs. 

Avec  M.  de  Puységur,  le  magnétisme  parut  se  res- 
treindre aux  bornes  de  la  thérapeutique  :  la  phase  de     ! 


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PORC£  DE  LA  VOLONTÉ  403 


vivification  paisible  remplaça  les  crises  et  les  convul- 
sions naguère  à  la  mode  ;  on  suppléa  très  avantageuse- 
ment au  fameux  baquet  condensateur  des  fluides,  par 
rorme  magnétisé  de  la  grand'place  de  Buzancy  :  des 
centaines  de  malades  vinrent  chaque  jour  se  suspendre 
aux  branches  de  l'arbre  séculaire,  entre  les  racines  du- 
quel semblait  sourdre  la  fontaine  de  Jouvence...  Mais 
tout  à  coup,  un  phénomène  insoupçonné  se  déclare  parmi 
les   malades  en  traitement  :  le  sommeil   magnétique  ! 
Grande  révolution  dans  le  royaume  de  Mesmer  :  avène- 
ment du  somnambulisme.  A  sa  remorque,  toutes  les 
merveilles  de  la  lucidité  viennent  confondre  les  savants, 
qui  trouveront  plus  simple  de  méconnaître  les  faits,  ce  qui 
dispense  de  les  expliquer.  «  Ignoramus  (s'écrie  Tun  d'eux), 
et  ignorabimus!  »  Depuis  lors,  c'est  un  feu  roulant  de 
prodiges.  —  Faria,  d'un  seul  mot  impérieusement  pro- 
féré, frappe  de  sommeil  des  groupes  entiers  de  scepti- 
ques. Un  geste  de  lui  transmue,  au  gré  des  sujets,  l'eau 
pure  en  liqueurs  délicieuses  et  variées.  Puis  d'autres 
expérimentateurs  réalisent  la  clairvoyance,  la  clairau- 
dience,  la  seconde  vue,  l'intuition  diagnostique,  jointe  à 
celle  des  remèdes  appropriés,  etc.  Consulté  dans  son 
sommeil  par  le  magnétiseur,  le  malade  même  devient 
son  propre  médecin.  —  De  nos  jours,  Liébeault  et  Foca- 
chon  réussissent  par  suggestion  la  pose  d'un  vésicatoire 
imaginaire;  tandis  que  le  Colonel  de  Rochas  démontre 
Textériorisation  des  couches  sensibles  et  laréalité  du  phé- 
nomène répercussif  qui  explique  l'envoûtement. Mais  nous 
touchons  à  la  frontière  des  faits  attribuables  au  seul  ma- 
gnétisme; avec  Crookes,  nous  l'eussions  dépassée.  Quant 


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404  LA   CLEF  DE  LA   MAGIE  NOIRE 

à  la  théorie  stupéfiante  de  la  Suggestion  (1),  que  Técole 
de  Nancy  a  portée  à  son  extrême  et  rigoureuse  formule, 
—  son  mécanisme  apparent,  si  strict  et  (peut-on  dire)  si 


(1)  Lft  théorie  de  la  Suggestion  ne  date  point  d'hier,  pas  plus  que 
les  découvertes  prétendues  de  bien  des  docteurs  magnétistes. 

Écoutons  la  voix  d'un  moine  du  xiii*  siècle  :  «  Il  est  un  prodig-e 
(dit  Roger  Bacon)  qui  l'emporte  sur  tous  les  autres.  L'âme  raisonnable, 
qui  ne  peut  être  asservie,  puisqu'elle  possède  la  liberté,  peut  cependant 
ôtre  efficacement  circonvenue,  dominée  et  disposée  de  telle  sorte, 
qu'elle  changera  volontiers  ses  habitudes,  ses  affections,  ses  voli lions, 
selon  la  volonté  d'un  autre  ;  et  non  seulement  on  peut  ainsi  dominer 
une  personne,  mais  encore  une  armée,  une  cité,  tout  un  peuple.  Aris- 
tote,  dans  son  livre  des  Secrets,  enseigne  la  manière  de  faire  celte 
expérience,  aussi  bien  sur  un  peuple  ou  une  armée,  que  sur  les  indi- 
vidus. L'on  peut  dire  que  c'est  là  l'extrême  limite  de  la  nature  el  de  la 
science.  »  (Lettre  sur  les  prodiges  de  la  nature  et  de  l'art,  tradnite  et 
commentée  par  Albert  Poisson,  Paris,  Chamuel,  1893,  in-li,  pages 
40-41). 

Puisque  nous  sommes  sur  le  chapitre  des  légitimes  revendications 
de  la  science  d'autrefois,  contre  le  naïf  aplomb  des  novateurs  contem- 
porains, produisons  encore  deux  exemples,  piquants,  en  vérité. 

Que  diraient  MM.  les  Docteurs  Bourru  et  fiurot,  qui  se  croient  très 
légitimes  inventeurs  de  «  l'action  des  médicaments  à  distance»,  s'ils 
lisaient  dans  Agrippa  (ou  dans  tout  autre  auteur  qui  le  relate)  le  cas 
observé  par  Guillaume  de  Paris,  d'un  homme  qui,  chaque  fois  qu*il 
sentait  le  besoin  de  prendre  médecine,  se  contentait  de  regarder  la 
drogue,  et  tout  aussitôt  se  sentait  purgé  ?(Voy.  Philosophie  occulte, 
chap.Lxiv,  page  183  du  tome  1  de  la  traduction  française  de  1727).  — 
Cf.  le  cas  analogue  rapporté  par  Ragon  (Or /Aorfoxte  mafo/iniç'tte,  Paris. 
1853,  in-8,  page  501).  Là,  de  toute  évidence,  il  y  a  suggestion  :  ce 
n'est  pas  la  drogue,  mais  bien  l'idée  de  la  drogue,  qui  agit  sur  le  sujet. 

On  parlait,  l'an  dernier,  d'une  nouvelle  découverte  d'Édison,  qui 
devait  porter  à  son  comble  la  gloire  de  l'illustre  inventeur.  Il  s'agissait 
d'un  instrument  très  simple,  grâce  auquel,  d'un  bout  à  l'autre  du 
monde,  deux  amis  pourraient  correspondre  télégraphiquement  :  nul 
fil  conducteur  ;  l'électricité  secrète  dégagée  par  la  volonté  de  1*  «  expé- 
diteur »  doit  suffire  à  actionner  l'appareil  de  réception.  (Cette  décou- 
verte —  entre  parenthèses  —  fait-elle  pas  songer  aux  Escargots  sympa- 
thiques,  dont  nos  pères  se  sont  moqués  de  si  bon  cœur  ?) 

Eh  bien,  ouvrons  la  même  traduction  d'Agrippa,  mentionnée  plus 
haut.  Qu'y  lisons-nous,  page  17  du  tome  premier?  Voici  :  «...  Un 


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FORCE  DE  LA  VOLONTÉ  405 


mathématique,  est  bien  fait  pour  satisfaire  les  esprits 
positifs  en  même  temps  qu'elle  les  confond  ;  mais  la  rai- 
son d'être  occulte,  le  pourquoi  du  phénomène  suggestif 
est  profondément  ignoré,   de  ceux-là  même  qui,  d'un 
soin  studieux,  observèrent  le  comment,  et  en  induisirent 
la  loi,  avec  autant  de  sagacité  que  de  logique.  Or,  ce 
pourquoi  réside  en  un  arcane  terrible.  Nous  ne  ressas- 
serons point  ici  les  observations  émises  au  tome  précé- 
dent, pas  plus  qu'il  ne  convient  d'empiéter  sur  les  ma- 
tières du  chapitre  qui  va  suivre.  Le  Lecteur  retiendra 
seulement  que  toute  suggestion  infligée  à  un  être  pen- 
sant et  volitif,  équivaut  au  sortilège  d'une  possession 
réelle,  encore  que  limitée  dans  sa  tyrannie;  et  que  tout 
suggestionneur  professionnel  apparaît  un  envoûteur  au 
petit  pied,  un  maléficiant  en   détail,  —  c'est-à-dire, 
sciemment  ou  non,  un  sorcier.  Il  aliène  Tâme  de  ses 
sujets,  en  la  peuplant  de  Larves,  de  concepts  vitalisés  ou 
de  mirages  astraux,  suivant  les  cas;  heureux,  quand  il 
ne  la  voue  point  à  des  vampires  dévorants. 

Toute  âme  pense;  et  toute  pensée  est  elle-même  une 
àme,  à  titre  infinitésimal  ;  et  toute  âme,  sur  la  terre,  cher- 
che à  s'incarner  :  c'est  encore  une  des  formes  de  la  lutte 
pour  l'existence...  Que  la  pensée  émise  tâche  donc,  par 
la  persuasion,  de  conquérir  sa  place  dans  les  cerveaux 
étrangers,  c'est  son  rôle,  et  rien  de  plus  juste.  Mais  que  le 


homme  peut  naturellement  et  sans  aucune  superstition,  sans  le  secours 
d'aucun  esprit,  communiquer  sa  pensée  à  un  autre,  quelque  éloignés 
qu'ils  soient,  en  moins  de  vingt-quatre  heures,  quoique  Ton  ne  puisse 
précisément  fixer  le  temps  :  c'est  une  chose  que  j'ai  vu  faire,  et  que 
j'ai  faite  moi-même;  c'est  aussi  ce  qu'a  fait  autrefois  l'abbé  Trithème.  » 


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406  LA   CLEF  DE  LA  MAGIE  NOIRE 

père  de  cette  pensée  l'impose  au  cerveau  d'un  être  ma- 
giquement dépossédé  de  son  libre  arbitre,  quoi  de  plus 
pesant  à  la  responsabilité  morale  !  Faut-il  être  assez  sûr 
de  soi,  pour  l'oser  entreprendre,  non  pas  une  fois,  dans 
un  cas  donné,  après  mûre  délibération  et  en  vue  d'un 
résultat  capital  ;  mais  quotidiennement,  par  profession 
ou  par  habitude,  ou  par  manie,  et  en  pleine  sécurité  de 
conscience  !... 

Le  phénomène  de  la  fascination  s'opère  par  vertu  sug- 
gestive. 

Un  jour,  nous  conte  Bodin,  le  fameux  sorcier  Deses- 
chelles  (I)  avise  un  brave  homme  de  curé  au  milieu  de 
ses  paroissiens  :  —  Voyez  l'hypocrite,  s'exclame-t-il. 
Vous  pensez  que  c'est  un  bréviaire  quil  porte  là,  sous 
son  bras?  Vous  n'y  êtes  point,  c'est  un  jeu  de  caries  î... 
Le  digne  ecclésiastique,  pour  confondre  le  mauvais  plai- 
sant, exhibe  un  objet  que  toutes  ses  ouailles  et  lui-même 
le  premier  reconnaissent  pour  un  jeu  de  cartes  :  si  bien 
qu'il  s'esquive,  tout  confus,  non  sans  avoir  jeté  par  terre 
ce  profane  objet...  Peu  après,  des  passants  ramassent  le 
prétendu  jeu  de  cartes  :  c'est  bel  et  bien  le  bréviaire  du 
curé...  «  En  quoy  on  apperceut,  (conclut  Bodin)  que 
plusieurs  actions  de  Sathan  se  font  par  illusions  (2)...   » 

Nos  hypnotiseurs  du  jour  se  feraient  un  jeu  de  renou- 
veler cette  expérience.  Courammenl,  ils  en  produisent 
d'analogues. 


{i)  Probablement  Trois-Échelles,  célèbre  sorcier  sous  Charles  IX;  î] 
fut  exécuté  en  1571. 
(2)  Démonomanie  des  sorciers  (Paris,  1587,  in-4,  feuillet  154). 


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FORCE  DE  LA   VOLONTÉ  407 

La  forme  extérieure  de  Tobjet  en  litige  n'a  point 
changé;  son  image  vraie  se  réfléchit  fidèlement  sur  la 
rétine  du  sujet;  mais  c'est  le  casde  dire  que,  voyant, 
celui-ci  ne  voit  pas  :  comme  percevant  des  sons,  il  n'en- 
tendrait point,  si  l'expérience  portait  sur  un  phénomène 
auditif,  au  lieu  d'avoir  trait  à  la  fonction  visuelle. 

Qu'a  donc  fait  le  sorcier  ?  —  Il  a  évoqué  le  mirage  as- 
tral d'un  jeu  de  cartes,  et  imposé  ce  mirage  à  l'imagina- 
tion des  personnes  présentes  :  si  bien  que  l'image,  reflé- 
tée au  translucide  (I)  des  spectateurs,  et  se  superposant 
à  celle  du  bréviaire  que  le  regard  percevait  normalement, 
a  masqué  celle-ci  pendant  toute  la  durée  du  phénomène. 

Voici  un  autre  exemple  de  fascination,  rapporté  par 
le  médecin  Jean  de  Nynauld,  (premières  années  du  xvn' 
siècle).  Un  hobereau  magicien,  natif  de  Granson  en 
Suisse,  le  sieur  de  la  Pierre, 

a...  estant  en  lanopce  d'vn  certain  Gentil- homme,  où  il  y 
auoil  plusieurs  Dames  et  Damoiselles  qui  dançoient  seules  en 
vne  chambre  à  part,  print  vn  petit  tambour  qu'il  gardoit  à 
cest  usage,  puis  s'estant  approché  contre  la  porte  pour  le  tou- 
cher doulcement,  au  premier  son  d'iceluy,  les  Dames  croyoient 
que  ce  fustle  bruit  d*vn  ruisseau  qu'elles  virent  à  Tinstant  sor- 
tir de  la  muraille,  comme  il  leur  sembloit,  lequel  s'accroissoit 
ou  appetissoit  selon  qu'il  touchoit  fort  ou  bellement  le  tam- 
bour. Ce  voyant,  les  Dames,  comme  rauies  et  ensorcelées, 


(i)  En  magie,  on  nomme  translucide^  ou  encore  diaphane,  l'instru- 
ment de  la  vision  sur  le  plan  avStral.  C'est,  en  quelque  sorte,  la  rétine 
de  rame,  miroir  où  se  viennent  réfléchir  les  formes  de  l'existence  sub- 
jective, —  lesquelles  n'ont  de  réalité,  ou  mieux  de  virtualité,  que  dans 
l'atmosphère  seconde. 

Le  translucide  peut  se  définir  l'organe  réceptif  des  images,  le  milieu 
propre  de  Y  imagination. 


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4U8  LA   CLEF   DE   LA   MAGIE  NOIRE 

leuoîent  peu  ù  peu  leurs  robbes  de  peur  de  les  mouiller,  et 
enfin  le  ruisseau  s' accroissant  déplus  en  plus,  furent  contrain- 
tes de  leuer  et  robes  et  chemises  iusques  au  nombril  ;  dequoy 
estant  content  ledit  de  la  Pierre  et  les  Spectateurs  qui  estoîent 
en  dehors  avec  luy,  le  fit  diminuer  peu  à  peu,  et  à  la  fin  dis- 
paroir  entièrement.  Car  s'il  eust  continué  à  le  faire  aggrandîr, 
elles  se  fussent  espouuantées  et  peut  estre  fussent  defaillies 
par  la  crainte  de  se  submerger  (t).  » 

Ce  nouveau  cas  de  puissance  fascinatoire  semble  plus 
complexe  que  le  premier,  (il  est  plus  simple,  au  con- 
traire) ;  mais  l'un  et  l'autre  seront  également  vraisem- 
blables, pour  qui  connaît  les  phénomènes  de  suggestion 
mentale,  et  la  potentialité  occulte  des  signes  analogiques. 

Les  initiés  de  la  Doctrine  secrète  n'ignorent  pas  que, 
de  toutes  les  modifications  fluidiques  de  l'Agent  universel, 
le  Son  (2)  est  peut-être  la  plus  foudroyante  d'occulte  in- 
flux; c'est  aussi  l'une  des  plus  hautes  dans  la  hiérarchie 
des  forces  sensibles.  Une  volonté  d'adepte,  portée  sur  des 
ondulations  sonores  d'un  certain  ordre  rhythmique, 
constitue  une  Force  intelligente,  à  quoi  nul  ne  résiste. 


(1)  1.  de  Nynauld,  delà  Lycanthropie,  transformation  et  extase 
des  sorciers,  VB.ns,  1615^  in-8  (pages  59-60). 

(2)  Dans  le  système  de  Louis-Michel  de  Figannières,  —  mystique 
liétérodoxe,  illuminé  par  de  brusques  éclairs,  et  qui  voit  juste  et  loin, 
quand,  d'aventure,  il  n'exlravague  pas,  —  le  •  fluide  sonique  »  occupe 
le  sommet  do  la  hiérarchie  des  forces  naturelles  ;  au-dessus,  Michel  ne 
mentionne  plus  que  le  «  fluide  divin  ».  (Cf.  Clé  de  la  Vie,  Paris,  1858, 
in-8.  page  52.) 

Cela  concorde  en  quelque  manière  avec  le  système  du  grand  Bœhme, 
qui  qualifie  (symboliquement,  il  est  vrai)  de  Son,  la  6^  et  pénultième 
propriété  (ou  forme  génératrice)  de  Toriginelle  Nature:  il  ne  place  au 
delà,  dans  l'ordre  des  réalisations,  que  la  septième  forme,  qui  est  la 
substance  en  soi,  l'être,  la  chose,  ou  plutôt  Tessencede  laréaUté. 


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FORCE  DE  LA  VOLONTÉ  409 


—  ni  rien,  dans  les  mondes  astral  et  matériel.  Elle  dé- 
ploie les  virtualités  les  plus  énergiques  et  diverses  tout 
ensemble  :  une  véritable  gamme  d'effluves  nuancés. 

Le  son  est  le  meilleur  véhicule,  et  le  mieux  flexible,  de 
la  magnésie  universelle  des  Sages. 

Bien  des  légendes  en  témoignent,  où  Ton  peut  voir  à 
la  fois  des  symboles  et  des  réalités...  La  lyre  d'Orphée 
enchantait  les  fauves  attendris,  et  donnait  une  âme  sen- 
sible aux  choses  immobiles  ;  aux  arbres  inclinés,  d'har- 
monieuses flexions.  Ses  accords  un  instant  ressuscitèrent 
Eurj'dice!...  —  Sur  un  plan  régulateur,  les  pierres  éver- 
tuées se  superposaient  en  cadence,  aux  hymnes  créa- 
trices d'Âmphion  :  ainsi  s'édifia  la  Thèbes  dorienne,  aux 
cent  portes,  la  cité  du  mystère. 

Ni  le  culte  officiel^  ni  la  magie  n'ont  méconnu  jamais 
la  puissance  mystique  du  chant.  Actuellement  encore, 
aux  Indes,  c'est  par  des  Mentras  psalmodiés  à  mi-voix 
que  les  Fakirs  obtiennent  leurs  phénomènes,  si  incroya- 
bles aux  Européens.  —  Les  illuminés  de  Saint-Joachim 
utilisaient  en  leurs  séances  les  sonorités  dissolvantes  de 
l'harmonica  :  c'est  là  que  Mesmer  dut  emprunter  l'usage 
de  cet  instrument,  presque  aussi  fameux  que  son  baquet, 
et  physiologiquement  plus  efficace,  peut-être. 

Les  cloches  et  les  carillons  des  églises,  des  chapelles  et 
des  couvents,  dont  l'importance  diminue  chaque  jour 
dans  les  pompes  du  culte,  jouaient  au  moyen  âge  un  rôle 
capital.  Pour  peu  qu'on  examine,  aux  lumières  de  la 
Symbolique  et  de  la  Liturgie,  l'histoire  des  cloches,  et 
qu'en  regard  des  propriétés  mystiques  que  leur  prêtaient 
nos  ancêtres,  l'on  étudie  les  rites  traditionnels  de  leur 


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410  LA  CLEF  DE  LA   MAGIE  NOIRE 

fonte,  de  leur  baptême  et  de  leur  consécration,  l'on  so 
persuadera  sans  peine  du  caractère  hautement  occulte 
des  cérémonies  qui  les  concernent  (1). 

Pour  désintégrer  en  quelques  secondes  les  roches  les 
plus  dures,  le  savant  américain  Keeley  a  construit  un  ap- 
pareil portatif,  générateur  de  sa  «  force  inter^thérique  », 
et  que  le  son  prolongé  d'un  fort  diapason  suffit  à  mettre 
en  activité. 

Bref,  sous  l'empire  d'un  vouloir  exercé,  le  Son  peut 
tout  en  magie.  Le  son  met  en  extase  ou  procure  des 
convulsions,  il  tue  ou  guérit.  Il  dispense  le  bien-être  ou 
l'angoisse,  rend  héroïque  le  soldat  craintif  ou  démora- 
lise le  plus  vaillant.  Il  intègre  la  matière  par  masses  énor- 
mes, ou  la  réduit  en  impalpables  atomes. 

Deux  mots  du  phénomène  relaté  par  Nynauld  vont 
nous  ouvrir  de  curieux  horizons. 

Les  vibrations  du  tambourin,  la  sonorité  imitative  de 
Teau  qui  jaillit  d'une  fontaine,  et  susurre  et  s'écoule,  — 
remplacent  au  cas  présent  la  suggestion  de  la  parole, 
par  celle,  non  moins  efficace,  du  signe  analogique,  con- 
forme à  la  pensée.  La  parole  elle-même  n'apparait-elle 
pas  un  signe  de  la  pensée,  un  truchement  d'iceile,  — 
abstractivement  plus  explicite,  mais  figurativement  moins 
expressif? 

La  volonté  de  l'homme  au  tambourin,  appuyée  sur  un 
signe  sensible  qui  la  représente,   évoque  dans  l'atmo- 


(1)  M.  Hûysmans  a  réuni  dans  Là-Bas  (Paris  1891,  in-12)  quelques 
détails  curieux  ot  instructifs  sur  les  cloches.  (Voy.  pages  52-58,101- 
103,  187-189,  285-286^  329-331,  et  passiin.) 


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FORCE  DE   LA  VOLONTÉ  411 

sphère  astrale  le  mirage  animé  d'une  source  vive,  et  en 
réfléchit  Timage  dans  le  translucide  des  spectateurs,  sur 
qui  tout  d'abord  le  magicien  a  pris  ascendant.  Nos  Lec- 
teurs savent  ce  qu  expriment  tous  ces  vocables  ;  il  est 
inutile  d'y  revenir. 

Nous  voici  en  face  de  la  théorie  des  signes  d'appui  dont 
a  besoin  la  Volonté  humaine,  pour  agir  au  dehors  :  théo- 
rie complémentaire  de  celle  des  signatures  spontanées, 
où  la  Nature,  (déchue  parallèlement  à  l'homme  dans 
l'éparpillementdes  sous-multiples  adamiques),  inscrit,  du 
haut  en  bas  de  Téchelle  des  effigies,  le  barrême  de  ses 
déviations. 

Au  miroir  des  signatures  naturelles,  on  peut  étudier 
Tessence  propre  des  choses,surprendrc  la  pensée  qui  pré- 
sidait à  leur  concrétion.  Ainsi  est-ce  la  loi  de  ce  monde 
soraatique,  que  les  essences  ne  s'y  peuvent  manifester 
qu'à  la  faveur  d'une  forme  adéquate,  qui  leur  serve  d'en- 
veloppe et  de  garant. 

D'où  il  résulte  que  Tessence  volitive  de  l'homme,  pour 
devenir  créatrice  à  l'extérieur  de  sa  geôle  corporelle,  doit 
prendre  appui  sur  un  signe,  analogiquement  correspon- 
dant à  la  volition  proférée. 

Affermi  sur  un  signe  proportionnel  à  sa  nature,  et  qui 
en  est  la  traduction  parfaite  et  l'absolu  symbole,  le  Vou- 
loir devient  Verbe,  et  la  virtualité  édénale  lui  semble  à 
nouveau  dévolue. 

Ainsi  qualifions-nous,  à  ce  point  de  vue,  le  Verbe  hu- 
main :  une  volition  définie,  étayée  sur  un  emblème  qui  la 
confirme. 


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412  LA   CLEF   DE   LA   MAGIE  NOIRE 

c  Le  si^ne  (dît  quelque  part  Éliphas  Lévî),  le  signe  ex- 
prime la  chose.  —  La  chose  est  la  vertu  du  signe. 

u  II  y  a  correspondance  analogique  entre  le  signe  et  la  chose 
signifiée. 

<  Plus  le  signe  est  parfait,  plus  la  correspondance  est  en* 
tière. 

<  Dire  un  mot,  c*est  évoquer  une  pensée  et  la  rendre  pré- 
sente.  Nommer  Dieu,  par  exemple,  c*est  manifester  Dieu. 

€  La  parole  agit  sur  les  âmes  et  les  âmes  réagissent  sur  les 
corps  ;  donc  on  peut  effrayer,  consoler,  rendre  malade,  guérir, 
tuer  même  et  ressusciter  par  des  paroles. 

€  Proférer  un  nom,  c'est  créer  ou  appeler  un  être. 

«  Dans  le  nom  est  contenue  la  doctrine  ver&aZe  ou  spirituelle 
de  l'être  même. 

«  Quand  Tàme  évoque  une  pensée,  le  signe  de  cette  pensée 
s'inscrit  de  lui-même  dans  la  lumière. 

«  Invoquer,  c'est  adjurer,  c'est-à-dire  jurer  par  un  nom  : 
c'est  faire  un  acte  de  foi  en  ce  nom,  et  c'est  communiera  la 
vertu  qu'il  représente. 

€  Les  paroles  sont  donc,  par  elles-mêmes,  bonnes  ou  mau- 
vaises, vénéneuses  ou  salutaires... 

«  Les  choses  sont  pour  chacun  ce  qu'il  les  fait  en  les  nom- 
mant. Le  verbe  de  chacun  est  une  imprécation  ou  une  prière 
habituelle. 

c  Bien  parler,  c'est  bien  vivre.  —  Un  beau  style  est  une 
auréole  de  sainteté  (t).  » 

On  ne  saurait  trouver  formule  plus  claire  et  plus  juste. 

Éliphas  Lévi,  sans  contester  positivement  la  rigueur  de 
cette  doctrine,  observe  qu'elle  a  égaré  certains  Kabba- 
listes  superstitieux,  qui  en  tiraient  des  conclusions  d'un 
réalisme  immédiat  et  grossier.  Mais  l'auteur  de  Dogme  et 
Rituel  ne  saurait  oublier  que  ces  principes  sont  ceux-là 
mêmes  qui  ont  fourni  la  pierre  angulaire  de  son  édifice, 

(1)  La  Clef  des  Grands  Mystères,  pages  205-206. 


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FORCE  DE  LA   VOLONTÉ  413 


lorsqu'il  ritualisait  la  magie  cérémoniale.  Au  demeurant, 
il  ne  pouvait  bâtir  sur  d'autres  fondations. 

La  doctrine  absolue  des  signes  et  des  correspondances 
de  la  Volonté  constitue  la  clef  de  voûte  de  la  magie  cé- 
rémoniale. Nous  sommes  contraint  d'ajouter —  la  clef  de 
voûte  de  tous  les  cultes  ;  puisque  les  religions  mettent 
en  œuvre  officiellement  la  magie  cérémoniale,  à  dessein 
de  faire  voir,  sentir,  toucher  Dieu  à  leurs  fidèles.  Le  rituel 
sacerdotal  et  le  rituel  kabbalistique  sont  expressifs  d'une 
doctrine  commune,  invariable,  unique  ;  et  dans  l'applica- 
tion, ridentité  des  deux  méthodes  ne  laisse  rien  à  dési- 
rer non  plus. 

En  un  autre  de  ses  ouvrages,  Éliphas  définit  avec  pro- 
fondeur la  Superstition  :  ce  substantif  «  vient  d'un  mot 
latin  qui  signifie  survivre.  C'est  le  signe  qui  survit  à  la 
pensée  ;  c'est  le  cadavre  d'une  pratique  religieuse  »  (I). — 
Alors,  dirons-nous  au  savant  Maitre,  qu'importe  que  des 
Kabbalistes  superstilieiix,  c'est-à-dire  des  initiés  de  la 
lettre  morte,  aient  tiré  de  ces  principes  éternels  de  fausses 
conséquences,  injurieuses  à  la  Divinité  ou  répugnant  à 
la  Raison?  La  lettre  tue,  et  l'esprit  vivifie...  Il  faut  que 
le  néophyte  des  mystères  sache  entrer  dans  l'esprit 
vivificateur  de  l'enseignement  ésotérique.  —  Fruit  de 
l'arbre  du  Bien  et  du  Mal,  la  Haute  Science  perd  ceux 
qu'elle  ne  sauve  pas.  Ceux-là  ({ui  se  nourrissent  de 
la  lettre  morte  deviendront  à  leur  tour  la  pâture  des 
Êcorces  de  la  lumière  morte  :  Kliphôth  nîS^Sp.  Toujours 
la  loi  des  correspondances... 


(1)  Dogme  et  Rituel  de  la  haute  Magie,  page  332. 


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414  LA   CLEF  DE  LA   MAGifi^  NOIRE 


Ainsi,  toute  chose  spirituelle  veut  être  traduite  ici-bas 
par  signes,  afin  de  devenir  transmissible  d'un  être  à  l'au- 
tre, d'acquérir  sa  naturalisation  au  monde  des  effi- 
gies. 

Avant  la  chute,  la  transmission  verbale,  d'une   pure 
Intelligence  à  Tautre,  fut  possible  en  mode  essentiel  et 
direct.  Ce  nonobstant,  il  faut  croire  qu'au  royaume  d'Êd en 
même,  la  pensée,  la  volition,le  verbe  gagnaient  à  se  ma- 
nifester à  l'extérieur:  puisque  Adam,  selon  la  mythologie 
kabbalistique,  trouvait  du  plaisir  à  objectiver  ses  con- 
cepts; qu'autrement  dit,  il  prenait  soin  de  leur  faire  pro- 
duire au  dehors  le  symbole  morphique  de  leur  essence, 
et  de  les  en  vêtir  ! 

Mais  sous  la  loi  de  nature  déchue,  comment  les  Intelli- 
gences emprisonnées  dans  la  matière  correspondraient- 
elles  directement,  par  communication  d'essence  pro- 
pre (1)  ?  Elles  ont  recours  au  siflf»^,  traduction  rigoureuse 
et  nécessaire  des  pensées  dans  le  langage  des  formes. 
Nous  pourrions  dire  —  traduction  naturelle,  —  puisque 
chaque  effluence  spirituelle  se  vêt  aisément  de  son  pro- 
pre symbole,  évolué  au  dehors  (2).  Supposez  deux  amis 
que  l'Atlantique  sépare: l'un  habite  Bordeaux,  Tautre 


(1)  Nous  ne  disons  pas  que  la  communication  directe  soit  magique- 
ment impossible,  d'un  individu  à  l'autre.  Mais  Tadepte  qui  la  réalise 
est  dès  ici -bas  réintégré  dans  la  norme  édénale,  et  il  exerce  les  préro- 
gatives de  cet  état  glorieux. 

(2)  Il  y  a  des  signes  absolus  et  des  signes  relatifs.  -~  Nous  appelle- 
rons signe  <ibsolu  celui  que  Teffluence  spirituelle  pousse  spontanément 
hors  d'elle-même  et  dont  elle  se  vêt;  signe  relatifs  le  symbole  plus  ou 
moins  adéquat  qu'on  peut  imaginer,  pour  suppléer  au  signe  absolu. 


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FORCE   DE   LA   VOLONTÉ  416 


Ne>v-Tork.  Toute  communication  directe  leur  étant  inter- 
dite par  la  dislance,  comment  correspondront-ils  sur  le 
plan  matériel  ?  Ils  s'écriront,  sans  nul  doute,  ou  s'enver- 
ront une  dépêche  :  la  lettre,  le  télégramme  seront  signes 
intermédiaires,  entre  eux.  —  De  même,  la  matière  iso- 
lant les  âmes  humaines  Tune  de  l'autre,  celles-ci  commu- 
niqueront en  revêtant  d'un  signe  matériel  leur  pensée, 
en  l'incorporant  à  un  symbole  significatif. 

Le  signe  peut  être  transmis,  une  fois  fixé,  par  le  véhi- 
cule des  fluides  impondérables,  sur  quoi  la  Volonté  com- 
mande par  l'intermédiaire  du  corps  astral  ou  médiateur 
plastique  ;  alors  c'est  exactement  le  mécanisme  du  télé- 
graphe Brett  et  Bain. 

Sur  ce  principe  se  fondent  la  Télépathie  et  tous  les 
arts  similaires,  la  précipitation  des  écritures  et  la  télé- 
graphie psychique,  telle  que  la  pratiquèrent  l'abbé  Tri- 
thème  et  son  élève  Agrippa,  comme  nous  l'avons  marqué 
dans  une  note.  L'illustre  inventeur  Edison  pourrait  seul 
nous  dire  si  la  nouvelle  découverte  que  la  Presse  annon- 
çait naguère  en  relève  également.  La  chose  est  vraisem- 
blable.Édison  aurait  construit  un  instrument  grâce  auquel 
pouiTaient  correspondre,  sans  fil  conducteur,  deux  amis 
séparés  par  l'énormes  distances.  Le  seul  vouloir  de  l'un 
suffirait  pour  actionner  l'appareil  récepteur  de  l'autre... 
La  parole  articulée  est  un  signe;  le  geste  est  un  signe 
confirmatif  de  la  parole,  et  plus  celle-ci  apparaît  imagée  y 
plus  vigoureusement  elle  traduit  l'effort  mental  ou  voli- 
tif  ;  plus  elle  le  transmet  efficace  et  réalisable. 

Pourquoi,  dans  les  conjonctures  décisives  de  la  vie, 
quand  l'homme  veut  accomplir  un  acte  de  conséquence, 


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416  LA  CLEF  DE  LA  MAGIE  NOIRE 


s'exprime-t-il  volontiers  en  larges  métaphores,  et  souli- 
gne-t-il  en  outre,  par  l'ampleur  de  son  geste,  la  portéede 
sa  parole? —  Pourquoi  lève-t-il  la  main  devant  le  cruci- 
fix, pour  attester  en  justice?  A  quel  instinct  obéit  Ponce- 
Pilatc,  lorsque  après  d'infructueux  efibrts  pour  sauver 
l'Auguste  Victime,  il  tint  à  se  laver  cérémonialement  les 
mains  du  sang  précieux  qui  allait  couler  ?  —  Songez  au 
père  ému,  qui,  bénissant  son  fils  au  départ,  éprouve  le 
besoin  de  lui  imposer  les  mains  sur  la  tête.  —  Rappelez- 
vous  le  tableau  de  Greuze  :  la  Malédiction  paternelle  : 
quel  geste  emphatique  de  réprobation  ! 

Il  est  bon  de  consulter  parfois  les  clichés  de  la  vie  et 
des  mœurs  :  ces  poncifs  nous  insupportent,  ainsi  que  des 
airs  moulus  par  quelque  odieux  orgue  de  barbarie  ;  mais 
qui  pourrait  dire  si  telles  habitudes  n'ont  point  dégénéré 
en  clichés,  proportionnellement  à  leur  valeur  secrète  : 
comme  souvent  les  mélodies  n'ont  subi  l'outrage  de  la 
boîte  à  musique  qu'en  raison  du  charme  même  qui  les  a 
rendues  populaires  ? 

Un  livre  serait  à  écrire  sur  la  vertu  du  gestôy  comme 
signe  expressif  d'idées  et  de  volitions...  Le  pontife  offi- 
ciant multiplie  les  gestes  mystérieux  et  solennels,  qui 
contribuent  pour  une  grande  part  à  la  magie  du  sacer- 
doce. C'est  ce  qu'en  général  ignore  trop  le  clergé,  comme 
Musset  le  reproche,par  la  bouche  de  Fortunio,  à  son  mé- 
chant abbé  Cassius  : 

«  Eh  quoi,  toi  confesseur,  toi  prêtre,  toi  romain, 
Tu  crois  qu'on  dit  un  mot,  qu'on  fait  un  geste  en  vain  ? 
Un  geste,  malheureux  !  Tu  ne  sais  pas  peut-être 
Que  la  Religion  n'est  qu'un  geste,  et  le  prêtre 


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FORCE  DB  LA  VOLONTÉ  417 

Qui,  rhostîe  à  la  main,  lève  le  bras  sur  nous. 

Un  saint  magnétiseur  qu'on  écoule  à  genoux  (1)  !...  » 

Mais  c'est  à  Tégard  du  Vouloir  impératif  et  de  sa  vir- 
tualité créatrice,  que  le  signe  devient  un  puissant  auxi- 
liaire, soit  en  Magie,  soit  en  Religion. 

Il  sert  d'abord  à  préciser  la  Volonté,  à  la  circonscrire 
en  la  formulant. 

Une  fois  celle-ci  fixée  et  traduite,  il  sert  encore  d'api- 
pui  pour  la  projeter  à  distance,  dans  la  direction  voulue. 
Il  sert  enfin,  et  c'est  sa  plus  haute  vertu,  à  dynamiser 
l'effort  solitaire  du  théurge,  en  multipliant  cet  effort  par 
tous  ceux  analogues  des  Volontés  amies,  qui  font  usage 
du  même  signe.  L'intelligent  emploi  du  signe  crée  en  un 
instant  la  chaîne  magique  dans  un  cercle  déterminé,  et 
sitôt,  évoque  VÉgrégore  qui  régit  cette  communion. 

Se  couvrir  du  signe  de  la  croix,  par  exemple,  c'est 
participer  aux  biens  spirituels  de  toute  la  communauté 
de  croyants,  pour  qui  ce  signe  a  été  l'étendard  du  rallie- 
ment religieux,  en  même  temps  que  l'hiéroglyphe  de  la 
rédemption  et  le  schéma  de  la  Doctrine. 

D'autre  part,  le  magicien  qui,  s'enfermant  au  cercle 
pentaculaire  des  évocations,  tient  en  sa  main  l'Étoile  du 
Microcosme,  —  communie  de  volonté,  de  science  et  d'in- 
tention avec  tous  les  initiés,  morts  ou  vivants,  qui  ont 
fait  emploi  du  cercle  à  titre  de  symbole  de  la  communion 
adelphale,  et  se  sont  fiés  à  la  vertu  kabbalistique  du 
pentacle  étoile  :  deux  emblèmes  classiques  d'une  vérité 
invariable,  au  cérémonial  universel  de  la  Science. 


(1)  Alfred  de  Musset,  Premières  Poésies  (Suzon). 

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418  LA  CLEF  DE   LA  MAGIE  NOIRE 

Religieux  ou  magiques,  les  rites  constituent  dans  leur 
ensemble  des  guirlandes  de  signes  évocateurs^  des  sym- 
phonies d'emblèmes  thaumaturgiques. 

Est-il  vraiment  besoin  d'expliquer,  à  cette  heure,  pour- 
quoi ces  minuties  ritualistiques,  et  cette  norme  inflexible 
qui  préside  à  Tagencement  du  Cérémonial?  —  Qu'alors 
on  nous  pardonne  une  comparaison  bien  profane.  Sup- 
posons que  les  maîtres  du  sanctuaire  aient  pourvu  la 
porte  du  tabernacle  d'une  serrure  de  sûreté,  comme  nos 
gens  de  finances  en  apposent  à  leurs  coffres-forts.  L'hom  me 
de  Dieu  monte  à  l'autel  :  c'est  l'heure  de  faire  resplendir 
sur  les  fronts  courbés  des  fidèles  l'ostensoir  de  mystique 
alliance...  Demandera-t-on  pourquoi  le  prêtre  s'attarde 
au  soin  minutieux  de  restituer,  lettre  par  lettre,  le  mot 
de  passe  qui  commande  à  la  serrure  et  va  permettre  de 
l'ouvrir?  Telle  se  dévoile  analogiquement  la  première 
raison  d'être  du  cérémonial. 

Les  initiés  de  tous  les  sanctuaires  n'ont  qu'une  voix 
pour  justifier  la  rigueur  des  prescriptions  à  cet  égard  ; 
et  pour  peu  que  nous  interrogions  l'esprit  des  antiques 
sacerdoces,  il  confirmera  sur  ce  point  l'esprit  du  nou- 
veau. C'est  un  épopte  des  mystères  païens  qui  va  nous 
répondre  : 


«  Aucun  rite  reh'gieux  ne  doit  se  négliger  ;  ils  sont  tous 
l'expression  de  ce  qui  est;  ils  descendent  tous  du  Ciel...  Si 
vous  en  négligez  volontairement  un  seul,  qui  sont  ceux  que 
vous  négligerez,  qui  sont  ceux  que  vous  conserverez?  Si  vous 
en  négligez  volontairement  quelqu'un,  qui  vous  dira  où  vous 
devez  vous  arrêter?  Les  anciens  disoient  que  la  négligence  de 
quelque  rite  religieux  étoit  un  crime  inexpiable,  parce  qu'elle 


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FORCE  DE   LA  VOLONTÉ  419 

attaque  directement  ce  qui  est,  le  Ciel  d'où  ils  émanent...  (i). 
c  Mais  je  vois  venir  encore  à  moi  des  nuées  de  philoso- 
phisles,  pour  me  dire  :  pourquoi  des  rites  extérieurs  ?  tout  ne 
|M)urroit-il  pas  se  passer  dans  l'intérieur?  Non,  parce  que  tout 
n'est  pas  resté  dans  Tintérieur  de  l'entendement  divin  ;  tout  a 
été  manifesté  ;  tout  doit  s'exprimer,  et  nous  devons  être  actifs 
dans  les  analogies  de  l'Univers:  nous  devons  être  avec  ce  qui 
est,  sinon  nous  n'y  serons  point  compris  (2).  Mais  peut-être, 
direz-vous,  ces  rites  nous  paroissent  minutieux?  Hélas  !  je  le 
conçois,  VOU&  êtes  de  si  grands  hommes  !  Cependant  ces  rites 
sont  l'expression  de  ce  qui  est  ;  ces  rites  sont  ceux  qui  ont  été 
pratiqués  scrupuleusement  par  les  plus  grands  héros,  —  par 
les  Hector,  les  Énée  ;  par  les  plus  grands  philosophes,  les 
Platon,  Cicéron,  Xénophon,  Plutarque:  puisque  vous  êtes 
diiîérens  de  ces  grands  hommes,  ce  dont  nous  convenons  éga- 
lementy  demandez  aux  Dieux  des  rites  qui  conviennent  à  votre 
grandeur.  Vains  philosophistes,  vous  dont  la  vanité  et  l'envie 
de  se  distinguer  est  la  vie  ;  nation  frivole  et  opiniâtre,  car 
vous  conciliez  les  extrêmes  ;  vous  n'êtes  que  de  vains  philoso- 
phistes, et  je  suis  un  prophète  qui  vous  parle  des  choses 
divines  :  comment  pourrons*nous  nous  entendre?...  Ëh  bien  ! 
puisque  vous  êtes  si  bons  raisonneurs,  je  n'ai  qu'un  mot  à 
vous  dire.  Outre  ce  qui  est,  rien  n'est;  hors  de  l'Unité,  rien 
n'existe,  et  sous  ce  point  de  vue,  vous  n'existez  déjà  plus  (3).  » 


(1)  La  Thréîcie,  pages  376-377  (passim). 

(2)  Quantius  Aucier  fait  allusion  ici  au  terrible  arcane  de  Timpasse 
finale,  qui  est  aux  antipodes  de  la  réintégration  dans  l'éternelle  Unité. 
C'est  là  que  se  dresse  la  cité  dolente,  où  il  n'y  a  plus  d'espoir  pour  la 
gent  perdue.  Il  est  permis,  au  reste,  d'affirmer  que  cet  épouvantable 
destin  (nous  en  toucherons  un  mot  au  chapitre  vi)  sera  le  partage 
d'un  très  petit  nombre,  de  ceux-là  qui  l'auront  tout  à  fait  voulu. 

(3)  La  Thréîcie,  pages  403-404  (passim), 

  côté  de  quelques  vaines  observances,  Quantius  Âucler  donne  des 
rites  occultes  d'une  grande  logique,  et  d'une  riche  et  simple  beauté. 

Citons,  à  titre  d'exemple  : 

c  Vous  ne  ferez  aucune  adoration,  aucune  invocation,  aucun  sacri- 
fice, sans  vous  être  puriûé,  en  vous  lavant  le  corps  ou  au  moins  les 
mains  :  la  religion  est  l'expression  de  ce  qui  est,  et  ces  actes  sont  les 


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420  LA  CLEF  DE  LA  MAGIE  NOIRE 

Nous  avons  tenu  à  citer  ce  très  curieux  passage,  en 
dépit  de  son  style  décousu  ;  mais  qu*on  se  garde  d*en 
prendre  la  doctrine  au  pied  de  la  lettre.  Elle  n'est  vraie, 
—  et  d'une  vérité  toute  frappante,  —  qu'entendue  dans 
son  esprit  général.  Exclusivement  appliquée  aux  rites  du 
paganisme  romain,  comme  Quantius  Aucler  l'entendait 
peut-être  (mystagogue  un  peu  fanatique,  malgré  sa 
grande  érudition),  cette  doctrine  serait  même  tout  à  fait 
erronée... 

Les  cérémonies  tiennent  à  l'essence  du  culte,  et  rien 


syjbboles  qui  expriment  les  actes  invisibles  et  qai  les  opèrent...  Si 
Teau  vous  manque,  vous  vous  purifierez  au  feu  ;  si  vous  n'avez  ni  eau 
ni  feu,  vous  vous  purifierez  à  l'air,  en  demandant  que  l'eau  qui  emporte 
tout,  emporte  votre  souillure.  Dans  l'eau  dont  vous  vous  laverez,  vous 
mettrez  du  sel  de  sapience... 

4  Pour  adorer,  vous  vous  présenterez  d'abord  devant  les  dieux,  tourné 
le  matin  du  côté  de  l'orient,    à  midi   et  le  soir,  du  côté  du  midi  et  du 
couchant;  là  est  le  cœur  du  monde  et  son  foyer...  Vous  porterez  en- 
suite la  main  droite,  qui  est  la  main  de  la  puissance,  le  pouce  appuyé 
sur  l'index,  ce  qui  la  désigne,  h  votre  bouche  :  parce  que  c'est  votre 
verbe  qui  doit  adorer  le  verbe  des  dieux  et  leur  parler  leur  langage, 
ab  ore  orare;  puis  vous  vous  prosternerez  devant  eux  ;  vous  tournerez 
ensuite  en  rond,  en  traçant  un   cercle.  Les  Romains  tournoient  de 
droite  k  gauche  ;  les  Celtes,  vos  ancêtres,  ô  Européens,  tournoient  de 
gauche  à  droite  :  je  vous  dirois,  choisissez  :  mais  vous  avez  vu  que  ce 
sont  les  rites  romains  que  vous  devez  avoir;  vous  n'êtes  que  des  dé* 
membremens  de  l'empire  romain.  Ainsi  vous  verrez  les  dieux  et  vous 
en  serez  vu,  et  vous  vous  assoierez  ensuite  dans  leur  repos  et  dans 
leur  unité.  Grande  Déesse,  je  ne  crois  pas  divulguer  vos  mystères  en 
disant  ces  choses  t  Et,  soit  que  vous  offriez  des  parfums,  soit  les  par- 
ties de  la  victime  qud  vous  devez  brûler,  qui  sont  les  graisses  et  les  in-- 
testins,  vous  les  agiterez  en  croix  de  l'orient  à  l'occident,  du  midi  au 
septentrion.  Vous  tracerez  une  croix  par  qui  tout  se   fait,   qui  est  le 
symbole  de  la  puissance  des  dieux,  de  la  vie  future  et  éternelle  ;  la 
croix  dans  la  capacité  du  cercle  faisant  quatre  angles  droits  :  c'est  ce 
que  les  anciens   nommoient   ferctum  oàmovere,  «    (Pages  377-379, 
passim). 


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FORGE  DE  LA  VOLONTÉ  AU 

ne  leur  supplée,  àcause  de  la  débilité  mentale  de  la  foule, 
en  tout  temps  incapable  d'atteindre  à  la  hauteur  de  la 
mystique  abstraite.  Il  n'est  pas  de  religion  sans  rites. 
L'on  peut  dire  que,  leur  ensemble  constituant  la  guirlande 
d'efficace  transmission,  en  omettre  un  seul,  c'est,  en 
quelque  sorte,  rompre  la  chaîne  d'or  qui  relie  la  Terre 
au  Ciel. 

On  peut  même  en  dire  autant,  à  certains  égards,  du 
cérémonial  magique,  où  le  néophyte  surtout  doit  scru- 
puleusement s'astreindre. 

Mais  qu'on  ne  s'y  trompe  pas  :  toutes  ces  règles  ritua- 
listiques  ne  sont  promues  que  pour  l'humanité  moyenne, 
et  en  raiâon  de  sa  nature  imparfaite.  Ce  qui  le  fait  bien 
voir,  c'est  la  vertu  réelle  attribuable  à  divers  symbolis- 
mcs,  et  l'efficacité  possible  de  cultes  différents  et  même 
contradictoires  dans  la  forme.  Que  si  la  minutieuse  pra- 
tique des  cérémonies  était  de  nécessité  absolue  pour  tous, 
il  ne  pourrait  donc  y  avoir  qu'un  seul  symbolisme  et  qu'un 
seul  culte  efficaces  :  car  l'Absolu,  c'est  l'unité,  et  le  Re- 
latif comporte  seul  le  multiple  et  le  divers. 

Il  importe  de  le  bien  comprendre.  Sans  la  chute,  l'em- 
ploi du  signe  extérieur  ne  serait  point  indispensable  aux 
intelligences  pour  correspondre.  Libre  aux  Régénérés  de 
s'en  aflfranchir  :  les  Yoghis  n'ont  pas  besoin,  même  ici- 
bas,  du  signe  matériel,  pour  se  faire  comprendre  l'un  de 
l'autre.  Le  sage  n'a  que  faire  de  rites  pour  plonger  aux 
océans  de  la  divine  Essence,  non  plus  que  de  cérémonial 
pour  déployer  son  activité  sur  les  plans  supérieurs  de  la 
vie  spirituelle  et  céleste. 
Si  la  Magie  enfin  comporte  un  cérémonial  nécessaire, 


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422  LA  CLEF  DE  LA  MAGIE  NOIRE 

le  motif  en  est  dans  l'imperfection  des  êtres  sur  qui  Inac- 
tion magique  doit  s*exercer.  Les  pensées  et  les  volitîons 
du  Mage  sont  contraintes  de  prendre  un  corps  sensible  et 
de  s*appuyer  sur  des  signes  sensibles,  afin  d'acquérir 
droit  de  cité  et  de  magistrature  dans  le  monde  inférieur, 
où  vivent  ces  hommes  sur  qui  le  mage  veut  agir.  Car  il 
faut  bien,  selon  Tadage  fameux  des  Kabbalistes,  que  Tes- 
prit  se  vête  pour  descendre,  comme  il  faudra  qu'il  se  dé- 
pouille pour  monter. 

Gela  dit,  on  comprendra  mieux  que  le  disciple  de  lâ 
Science  puisse  simplifier  les  rites,  à  mesure  qu'il  gravit 
l'escalier  lumineux,  et  que  son  objectif  magique  s'élève 
avec  son  effort.  Cependant,  si  haut  qu'il  monle,  l'initié 
ne  répudiera  jamais  l'usage  de  certains  signes  —  ne  fût-ce 
que  l'emploi  kabbalistique  des  pentacles,  ces  schémas 
de  toute  une  synthèse  doctrinale.  Ce  sont  symboles  d'une 
splendeur  et  d'une  vertu  trop  suprêmes,  pour  qu'on  se 
résigne  à  les  dédaigner  ainsi. 

Paracelse,  un  grand  Maître,  réduisait  les  signes  essen- 
tiels de  la  magie  à  deux  souverains  pentacles,  les  Étoiles 
du  Macrocosme  et  du  Microcosme,  plus  connues  sous  les 
noms  de  Pentagramme  et  de  Sceau  de  Salomon.  Voyez 
quelle  minutieuse  description  il  en  donne,  au  discours  de 
la  Philosophie  Occulte,  C'est  une  page  curieuse  et  qu'on 
nous  saura  gré  de  traduire;  car  de  ce  traité  du  fameux 
théosophe,  il  n'existe  encore,  que  nous  sachions,  aucune 
version  française. 

«  Il  y  a  (dit  Paracelse)  deux  pentacles  principaux,  qui  rem- 
portent sur  tous  autres  caractères,  sceaux  et  hiéroglyphes 


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FORGE  DE  LA  VOLONTÉ 


423 


c  Imaginez  deux  triangles 
entrecruisés,  si  bien  que  l'es- 
pace intérieur  est  partagé  en 
sept  fractions,  et  que  les  six 
angles  font  saillie  au  dehors. 
Dans  ces  six  angles,  on  ins- 
crit en  ordre  convenable  les 
six  lettres  du  nom  divin 
ADONAI.  Voilà  pour  le  pre- 
mier pentacle.  —  L'autre  le 
dépasse  de  beaucoup  ;  ses 
vertus  et  son  étonnante  effi- 
cacité lui  valent  un  rang  plus 
sublime.  11  se  compose  ainsi  : 
trois  angles  ou  crochets  s'y 
entrecroisent  et  s'y  compli- 
quent; l'espace  intérieur  se 
trouve  divisé  de  la  sorte  en 
six  parties,  et  cinq  angles 
font  saillie  au  dehors.  Dans 
ces  cinq  angles,  on  trace  et 
Ton  répartit  dans  l'ordre 
voulu  les  cinq  syllabes  du 
très  illustre  et  très  éminent  nom  divin  TE-TRA-GRAH-HA- 
TON... 

c  Les  Kabbalistes  et  les  nigromans  juiTsont  accompli  bien 
des  choses  par  la  vertu  de  ces  deux  caraclèfes.  Aussi  plus  d'un 
en  fait  aujourd'hui  le  plus  grand  cas,  et  les  conserve  soigneu- 
sement en  secret...  (1).  » 


Nous  épargnerons  à  nos  Lecteurs  déjà  initiés  l'analyse 
bien  connue  de  ces  hiéroglyphes  primordiaux.  Un  com- 
mentaire serait  ici  presque  une  impertinence.  Il  suffira 


(i)  Paracelsi  opéra  omnia...  —  Genevae.  1636,  3  vol.  in-folio,  fig. 
(Tome  II,  de  Occulta philosophià,  pages  484-485,  p(u<tm.) 


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4Z4  LA  CLSF  DE  LA  MAGIE  NOIRE 

de  rappeler  que  Téloile  lumineuse  du  Macrocosme  est  le 
symbole  absolu  du  dogme  universel  d'Hermès  :  Quod  su- 
perius,  sicul  et  quod  inferius,  et  vice  versa;  tandis  que 
l'étoile  flamboyante  du  Microcosme,  dont  nous  avons 
parlé  plus  haut  (1),  constitue  le  parfait  emblème  du  mys- 
tère qui  est  le  corollaire  du  grand  Arcane,  divin  et  hu- 
main :  Inconscient  et  Volonté,  Chute  et  Réintégration, 
Épreuve  et  Béatitude;  Dieu  se  faisant  homme,  pour  que 
l'Homme,  à  son  tour,  se  fasse  Dieu;  la  Mort  physique, 
enfin,  motif  discordant  qui  prélude  au  concert  de  la  Vie 
éternelle... 

Ce  qui  explique  un  peu  la  vertu  merveilleuse  qu'ac- 
quièrent ces  pentacles  dans  la  main  d'un  adepte,  c'est 
qu'expressifs,  de  temps  immémorial,  de  la  domination 
que  le  Mage  exerce  sur  les  Esprits  élémentaires  et  sur 
d'autres  races  encore  des  Royaumes  de  l'Invisible,  de  tels 
caractères  constituent  comme  les  signaux  convenus  du 
maître  incarné  à  ses  serviteurs  d'oulre-monde.  Diverse- 
ment efficaces,  selon  le  mode  d'emploi  et  la  volonté  du 
magisle,  l'aspect  de  ces  diagrammes  peut  porter  l'enthou- 
siasme, ou  la  terreur,  ou  l'amour,  parmi  les  phalanges 
turbulentes  de  l'Astral;  surtout  quand  l'expérimentateur 
a  pris  soin  de  «  précipiter  l'image  »  dans  l'atmosphère 
seconde  :  soit  en  consumant,  sur  l'autel-des-parfums,  le 
parchemin  où  ces  signes  furent  tracés  (non  pas  avec  de 
l'encre,  mais  avec  les  substances  requises)  ;  soit  en  réali- 
sant l'esquisse  ignée  de  ces  pentacles,  au  moyen  de  la 
machine  de  Holtz  (ou  d'une  forte  bobine  d'induction), 

(1)  Kn  ce  môme  chapitre^  pages  386-387. 


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TOBCE  DE  LA   VOLONTÉ  425 


sur  une  plaque  de  verre  ponctuée  de  fines  découpures 
métalliques,  que  rejoint  Tétincelle  en  jaillissant  de  l'une 
à  l'autre  (1).  L'instrument  en  usage  à  cet  effet  rappelle 
le  tableau  magique  ou  carreau  fulminant  de  nos  labora* 
toires. 

Li'étoile  du  Macrocosme  s'électrise  ainsi  à  permanence, 
pour  qu'elle  scintille  avec  la  majesté  calme  de  l'Ordre 
universel  dentelle  est  l'emblème;  —  l'étoile  microcos- 
mique,  à  l'inverse,  doit  fulgurer  par  brusques  intermit- 
tences, comme  l'édair  d'iEIohîra  ou  le  verbe  dévorant 
de  Michaël  :  aussi  l'électrise-t-on  par  saccades. 

c  Ignescunt  signa  deorum  »,  disaient  les  anciens  adep- 
tes... L'homme  affranchi  est  un  dieu,  éclipsé  dans  les 
ténèbres  corporelles;  mais  quand  sa  volonté  fulgure  au 
dehors,  les  Esprits  élémentaires  obéissent  en  tremblant... 

Paracelse  d'ailleurs,  malgré  sa  prédilection  pour  les 
deux  signes  qui  sont  comme  la  synthèse  radicale  des  au- 
tres, ne  négligeait  point  ceux-ci,  surtout  en  matière  de 
médecine  occulte.  Ses  sept  livres  des  Archidoxes  magi- 
ques (2)  présentent  une  interminable  série  de  caractères 


(1)  La  précipitation  électrique  servit  vraisemblablement  à  Martinës 
de  Pasqaally,  pour  projeter  en  astral  les  hiéroglyphes  lumineux  qu'il 
faisait  apparaître  à  ses  disciples  travaillant  dans  leur  «  quart  de  cercle  •. 
Cf.  le  livre  de  Papus,  Martinè$  de  Pasqually,  pages  92-93,  109  et 
pasêim, 

(2)  On  trouve  dans  les  Opéra  omnia  de  Paracelse,  publiées  à  Ge-- 
nève,  en  1636  (3  vol.  in-folio),  deux  recueils  d^Archidoxes  (ou  Prin- 
cipes doctrinaux),  relatifs  k  des  sciences  très  distinctes.  Il  faut  se 
garder  de  confondre  les  Archidoxes  magiques,  en  sept  livres^  qui  ter- 
minent le  tome  II,  avec  les  Archidoxes  hermétiques,  en  dix  livres,  qui 
se  trouvent  au  début  du  même  tome. 


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4S6  LA  CLEF  DE  LA  MAGIE  NOIRE 

presque  inintelligibles  au  prime  abord,  et  que  Ton  ne  dé- 
chiffre qu'à  force  de  patience,  et  sous  condition  de  bien 
connaître  le  tour  d'esprit  de  cet  homme  étrange,  et  ses 
caprices  d'abréviations.  Chacun  de  ces  pentacles  consti- 
tue une  amulette,  pour  préserver  ou  guérir  de  telle  ou 
telle  maladie.  C'est  un  signe,  à  la  fois  de  direction  et 
d'appui,  où,  comme  en  une  citadelle  imprenable  aux  in- 
telligences profanes,  il  a  inclus  telle  volition  curative, 
circonscrite  et  dynamisée  par  sa  correspondance  avec  les 
influx  astrologiques  de  similaire  vertu,  que  le  signe  ré- 
sume abrégés,  dans  sa  concision  monogrammatique. 

L'arcane  d'où  dépend  l'efficacité  des  pentacles,  amu- 
lettes et  talismans,  n'est  point  autre. 

Prenons  pour  exemple  une  médaille-  talismanique  du 
soleil  (1).  —  L'influence  céleste  y  est  doublement  évo- 

(1)  Nous  relevons,  dans  les  œuvres  de  ce  brouillon  d'Etteilla,  une 
explication  des  talismans  qui,  pour  être  matérialiste  et  naïve  à  l'excès, 
ne  laisse  point  que  d'exprimer  figurativement,  d  une  sorte  assez  frap- 
pante, la  nature  du  talisman  et  ses  propriétés.  Mais  c'est  ici  surtout 
qu'il  faut  se  garder  de  «  la  lettre  qui  tue  ». 

«  A  Etteilla.  ->  Est-il  vrai,  Monsieur,  que  vous  fabriquiez  des  mé- 
dailles que  l'on  nomme  talismans,  pour  avoir  du  bonheur?  Si  cela  est, 
faites-m'en  passer  une  demi-douzaine. 

«  RépoysB.  —  Madame,...  ceux  qui  ne  sont  pas  profonds  se  figurent 
que  je  peux,  pour  huit  k  dix  louis,  vendre  à  mon  gré  le  bonheur,  et 
de  cette  conséquence,  ils  vont  jusqu'à  m'avouer  la  puissance  de  faire 
le  malheur  des  autres...  Pour  qu'un  talisman,  et  non  une  demi^dou- 
zaine,  porte  bonheur,  c'est-à-dire  pour  qu'il  conduise  et  prévienne  celui 
pour  qui  il  est  établi,  il  faut  que  les  souhaits  du  requérant  soient  dans 
sa  sphère,  et  que  ces  souhaits  soient  légitimes,  enfin  qu*ils  n'aient 
rien  contre  la  science  et  la  sagesse. 

<i  Figurez-vous,  Madame,  qu'un  talisman  est  un  creux,  qui  reçoit 
pures  les  influences  des  astres,  comme  le  creux  reçoit  la  cire  que  le 
figuriste  en  retire;...  que  ces  influences  se  reportent  sur  celui  pour 
qui  est  fait  le  talisman. 

«  Figurez-vous  à  présent  que  ces  influences  talismaniques  ont  une 


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FORGE  DE   LA   V0L0?IT£  427 


quée  :  en  mode  passif^  par  le  choix  de  Tor,  pour  métal 
correspondant  au  soleil,  et  réceptif  de  ses  rayons  occul- 
tes ;  en  mode  actif,  par  l'apposition  des  figures  astrologi- 
ques que  l'opérateur  y  burine.  La  pensée  du  magiste  s'y 
inscrit  dans  le  choix  et  la  disposition  des  caractères;  son 
vouloir  est  sigillé  à  même  le  métal  par  reflfort  matériel 
de  la  gravure,  qu'il  doit  exécuter  lui-même.  Enfin,  les 
deux  Puissances  génératrices  du  talisman,  influx  astral 
et  volonté  humaine,  célèbrent  leur  union  secrète  dans  la 
cérémonie  de  la  consécration,  effectuée  par  le  magiste, 
à  l'heure  astrologique  voulue,  avec  l'aide  des  élémentaux 
et  des  génies  planétaires  invoqués. 

Presque  toujours  le  fabricaleur  du  talisman,  de  l'amu- 
lette ou  du  pentacle  n'en  est  pas  l'inventeur  premier;  il 
faut,  en  ce  cas,  pour  obtenir  un  résultat  eflScace,  que  la 
pensée  et  le  vouloir  potentiels  de  l'inventeur  (déjà  liés  à 
rhiéroglyphe  astral),  passent  en  acte,  réactionnés  par 
l'intention  et  la  volonté  conformes  du  magiste,  qui,  tirant 
d'un  ancien  modèle  un  exemplaire  nouveau,  consacre  ce 
dernier  pour  son  usage  (1). 

odeur  agréable  qui,  portée  par  l'homme  au  talisman,  se  fait  sentir  de 
tous  ceux  sur  qui  ses  desseins  sont  jetés;...  que  cette  môme  odeur 
puissante  renvoyé  naturellement  le  venin  qui  veut  approcher  le  pos- 
sesseur du  talisman,  sur  celui  qui  le  lui  lance,  etc..  »  (Etteilla^  Philo- 
Sophie  des  hautes  Sciences,  Amsterdam,  1785,  pages  137-138,  passim). 

(1)  Les  talismans  peuvent  être  aussi  fabriqués  et  consacrés  pour 
autrui.—  Les  charlatans  du  plus  bas  étage  en  procurent  volontiers  aux 
badauds,  «  pour  huit  ou  dix  louis  i^et  môme  pour  beaucoup  moins... 
Quand  donc  ces  excellentes  dupes  comprendront-elles,  qu'un  soi-disant 
occultiste  qui  exploite  fructueusement  sa  science  et  fait  payer,  fût-ce 
un  sou,  les  services  qu'il  rend,  ne  peut  être  à  coup  sûr  qu'un  impos- 
teur ou...  un  pauvre  diable? 

La  Doctrine  et  ses  bienfaits  se  donnent  ou  se  refusent,  mais  ne  se 
tendent  jamais. 


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428  LA  CLEF  DE  LA  MAGIE  IfOIRE 

La  vertu  secrète  attribuée  très  anciennement  aux  Ca- 
maïeux ou  talismans  naturels,  nous  marque  rorigîne  pro- 
bable des  talismans  créés  par  Tartifice  humain,  et  frap- 
pés au  cachet  de  la  volonté  humaine.  En  toute  chose,  et 
surtout  en  magie,  la  Nature  a  toujours  été  l'institutrice 
de  Thomme. 

Ces  longues  dissertations  qu  on  vient  de  lire,  tant  sur 
l'origine  des  signatures  physiques,  que  sur  la  vertu  des 
signes  d'appui,  permettent  de  comprendre  l'usage  ma- 
gique de  la  Volonté,  soit  dans  le  bien,  soit  dans  le  mal. 
Car,  —  nous  ne  nous  lassons  pas  de  le  redire,  —  la 
Magie  n'est  rien  autre  que  Texercice  du  pouvoir  créateur, 
récupéré  dès  cette  vie  terrestre;  et  si  l'homme,  ayant 
reconquis  cette  prérogative,  peut  l'exercer  ici-bas  même, 
c'est  par  la  magie  cérémoniale,  dont  le  symbolisme  com- 
porte pour  base  la  science  des  signatures,  et  dont  la  pra- 
tique exige,  pour  condition  primordiale,  l'emploi  du  signe 
d'appui. 

Point  de  limite  alors,  pour  ainsi  dire,  à  la  royauté  que 
le  Vouloir  humain  peut  étendre  sur  le  plan  matériel. 

C'est  ainsi  qu'on  peut  voir  l'adepte  entraîné  produire 
de  toutes  pièces  des  corps  sensibles,  par  objectivalion  de 
la  substance  universelle,  qu'il  aura  spécifiée  en  une  ma- 
tière et  moulée  en  uneformeégalementvouluesdelui.  La 
première  condition  d'un  tel  phénomène  est,  pour  le  thau- 
maturge, d'imaginer  nettement  l'objet  qu'il  veut  obte- 
nir ;  puis,  l'image  étant  bien  évoluées  dans  sa  pensée,  la 
deuxième  condition  sera  de  savoir  compacter  la  lumière 
astrale  en  mode  voulu,  sur  la  forme  évoquée  cérébrale- 


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FORCE  DE  LA  VOLOIfTÉ  429 


ment,  —  laquelle  sera  tout  ensemble,  et  le  signe  d*appui 
de  la  Volonté  créatrice,  elle  patron  idéal  de  l'objet  créé. 
Ce  tour  de  force  occulte  s'observe  rarement,  soit  que 
les  thaumaturges  capables  de  le  réussir  soient  eux- 
mêmes  assez  rares,  soit  pour  tout  autre  motif.  On  peut 
considérer  d'ailleurs  ce  phénomène  comme  le  nec  plus 
ultra  de  la  puissance  magique. 

A  l'inverse,  il  est  loisible  au  magicien  de  désintégrer 
tout  objet  matériel,  en  ramenant  la  matière  qui  le  com- 
pose à  l'unité  de  la  substance  radicale  et  non  différenciée. 
Il  peut  aussi  rendre  l'objet  invisible,  en  «  l'éthérisant  » . 
Dans  cet  état,  la  matière  passe  aisément  à  travers  la 
matière,  quitte  à  reprendre  son  apparence  concrète  et 
impénétrable,  dès  que  l'Agent  universel  qui  la  subtilisait 
cesse  de  lui  être  appliqué.  C'est  le  phénomène  qui  se 
produit  autour  de  certains  médiums,  par  le  ministère 
des  Ëlémentaux,  dont  le  pouvoirsur  l'Astral  est  si  grand. 
Un  pot  de  fleurs,  placé  sur  une  table,  s'évanouit  sou- 
dain aux  regards  des  assistants  qui  ne  l'ont  pas  perdu 
des  yeux  une  seconde;  puis,  au  même  instant,  le  bruit  se 
fait  entendre  sous  la  table,  d'un  léger  choc  contre  le  par- 
quet :  c'est  le  pot  de  fleurs  qui,  en  phase  d'éthérisation,  a 
traversé  les  pores  du  bois,  et  qui  se  rétablit  aussitôt  de 
toutes  pièces,  dans  sa  forme  et  sa  matière  primitives. 

Ce  que  le  médium  obtient  avec  l'aide  des  Invisibles 
évoluant  dans  son  nimbe,  l'Adepte  le  peut  réaliser,  soit 
par  la  même  voie,  soit  par  l'application  pure  et  simple,  à 
l'objet,  de  la  Lumière  astrale  au  rouge,  Aôdy  dont  sa  vo- 
lonté dirige  la  vertu  expansive  et  dilatante. 
L'action  du  vouloir  sur  les  fluides  impondérables  se 


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430  LA  CLEF  DE   LA   MAGIE  NOIRE 

traduit  par  un  grand  nombre  de  phénomènes  prodigieux, 
qu*on  n*aura  garde  de  détailler  tous,  leur  mécanisme 
occulte  ne  variant  guère. 

Tels  sont  les  apports  d*objets  matériels,  ce^  «  bouquets  > 
de  rigueur,  au  terme  de  toute  séance  spirite  un  peu 
réussie.  L*apport  s'effectue  d'ordinaire  invisiblement  ; 
c'est-à-dire  que  l'objet  subit,  pendant  le  transport,  la 
métamorphose  moléculaire  de  l'éthérisation,  jusqu'au 
point  d'arrivée  où  il  redevient  visible,  l'Agent  astral  cessant 
de  lui  être  appliqué.  Tant  qu'agit  cette  force  sur  les  corps, 
il  sont  réduits  à  Tétat  de  formes  fluidiques,  impondéra- 
bles :  nulle  matière  en  apparence  dure  et  compacte,  qui 
ne  devienne,  grâce  à  ses  pores  invisibles,  perméable  à  la 
matière  rendue  subtile  pour  un  temps.  Le  métal  même 
passe  à  travers  le  métal.  Enfin,  —  merveille  qui  se  con- 
çoit à  peine,  mais  se  vérifie  par  l'expérience,  —  les 
corps  organisés  et  vivants  se  désintègrent  et  se  réin- 
tègrent ainsi,  sans  souffrir  la  moindre  altération;  un 
bouquet  de  fleurs  récemment  cueillies  se  reconstitue 
dans  toute  sa  fraîcheur,  avec  une  goutte  de  pure  rosée 
au  creux  de  chaque  corolle!... 

Des  témoins  dignes  de  foi  affirment  avoir  vu  le  mé- 
dium Dunglas  Home,  en  chair  et  en  os,  se  fondre  et 
disparaître  au  seuil  d'une  porte  close;  quelques  instants 
après,  ils  relevaient  le  téméraire  expérimentateur  de 
l'autre  côté  de  la  porte,  profondément  évanoui,  mais  sans 
une  égratignure  ni  même  une  ecchymose.  Or,  que  les 
tissus  vivants  et  délicats,  constitutifs  du  corps  humain, 
se  réintègrent  de  la  sorte  après  s'être  soudain  désinté- 
grés, et  qu'il  n'en  résulte  aucun  dommage,  la  chose  est 


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FORCÉ  DE  LA  VOLONTÉ  431 

iéjàbien  difficile  à  concevoir;  mais  qu'un  homme  survive 
i  pareille  épreuve,  que  le  sang  se  remette  à  circuler 
normalement,  que  chaque  organe  reprenne  aussitôt  sa 
fonction  coutumière,  voilà,  nous  le  déclarons^  qui  nous 
semble  passer  les  limites  de  Fintelligence  et  braver  la 
raison.  Et  pourtant,  cela  est. 

Combien  de  phénomènes,  du  reste,  bien  constatés  par 
les  savants,  portent  à  Tintelligence  et  à  la  raison  d*aussi 
formidables  défis  !  Prétendra-t-on,  de  bonne  foi,  com- 
prendre le  mécanisme  de  la  génération  spontanée  ?  L'ex- 
pliquer, on  le  tentera  peut-être  ;  mais  le  comprendre  /... 
Et  quand  la  vue  mentale  se  porte  aux  confins  sacrés  du 
temps  et  de  l'espace  :  cette  conception  de  l'éternité, 
d'une  part,  qui,  en  deçà  et  au  delà  de  l'instant  actuel, 
semble  créer  deux  infinis  ;  d'autre  part,  ce  fait  universel 
de  la  vie  dans  la  vie,  qui  s'affirme  et  s'observe  du  haut 
en  bas  de  l'échelle  des  êtres,  et  de  cercle  concentrique 
en  moindre  cercle,  jusqu'à  l'atome  (réduit  peut-être  au 
point  géométrique,  c'est-à-dire  à  n'exister  pas  !)  Sont-ce 
point  là  autant  de  mystères,  révulsant  la  logique  et  l'en- 
tendement humains  ?...  Ne  nous  hâtons  jamais  trop,  en 
matière  phénoménale,  de  crier  à  l'impossible,  à  l'absurde. 
L'impossible  nous  assiège,  l'absurde  nous  étreint;  et  la 
raison  de  l'homme,  lorsqu'elle  veut  tout  contrôler  par 
A-f-B,  est  alors  plus  cruellement  victime  de  l'inexpli- 
cable; car  l'absurde  l'investissait  naguère,  et  maintenant 
il  est  en  elle. 

L'apport  magique  peut  s'efiectuer  visiblement  aussi, 
soit  par  extériorisation  partielle  du  corps  astral,  soit  par 
l'office  des  Élémentaux. 


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432  LA  CLEF  DE   U  MAGIE  NOIRE 

Fabre  d'Olivet,  chez  qui  la  science  était  doublée  d'un 
entraînement  magique  considérable,  affectionnait  ce  genre 
d'expériences.  L'empereur  Napoléon,  son  ennemi  per- 
sonnel, avait  pourvu  à  ce  que  nul  message  de  la  part  du 
théosophe  n'arrivât  jusqu'à  son  cabinet  des  Tuileries. 
L'auteur  des  Vers  dorés  de  Pylhagore  ayant  intérêt,  lors 
de  la  publication  de  ce  chef-d'œuvre,  à  forcer  le  blocus, 
fut  lui-même,  en  corps  astral,  porter  une  lettre  à  TEm- 
pereur.  Napoléon  crut  qu'on  avait  violé  la  consig^Q^  cl 
s'en  irrita  fort  ;  mais  il  ne  put  jamais  découvrir  le  coupa- 
ble. On  trouve  une  allusion  à  ce  fait  curieux,  dans   le 
deuxième  tirage  des  Notions  sur  le  sens  de  l'ouïe  (1  ) 
(1819,  in- 8®).    —  Cet  opuscule,  publié    d'abord    en 
1811,  sous  ce  titre  :  Guérisonde  Rodolphe  Grivel^  relaie 
et  commente  six  cures  de  sourds  et  muets  de  naissance, 
opérées  par  Tau  leur,  d'après  les  procédés  des  mages 
de  rÉgypte,  dont  Moïse  a  condensé  la  science  aux  dix 
chapitres  du  Sépher.  Toutes  les  pièces  à  conviction  dési- 
rables font  suite  au  texte  principal  :  elles  ne  peuvent  lais- 
ser aucun  doute  sur  la  réalité  de  ces  guérisons  magiques. 
D'Olivet  les  avait  entreprises  sur  le  défi  de  M.  de  Mon- 
talivet,  alors  ministre  de  l'Empire,  qui  avait  mis  le  magiste 
en  demeure  de  justifier,  par  quelque  phénomène  décisif, 


(1  )  «  Mais  ce  n'était  pas  tout  de  l'avoir  écrit  (ce  livre  des  Ver$  dorés), 
il  fallait  le  faire  imprimer,  et  Napoléon  y  consentirait-il  ?  Je  le  sondai 
par  une  lettre  flatteuse,  qui,  malgré  les  obstacles  qu'il  opposait  à  ce 
que  rien  de  moi  lui  pût  parvenir,  lui  arriva  néanmoins  par  une  rouie 
tout  extraordinaire,  et  faite  pour  piquer  sa  curiosité.  Il  jeta  ma  lettre 
au  feu  après  l'avoir  lue  ;  et,  quoique  je  le  priasse  instamment  de  me 
répondre  oui  ou  non,  il  ne  me  répondit  ni  l'un  ni  l'autre.  »  (Notions 
sur  U  sens  de  l'ouie,  pages  20-21). 


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FORCE  DE  LA   VOLONTÉ  433 


de  la  science  qu'il  prétendait  incluse  au  seul  Berœshith, 
L'impression,  aux  frais  de  l'État,  du  grand  ouvrage  qui  ne 
vit  le  jour  qu'en  1815,  la  Langue  hébraique  restituée,  de- 
vait être  le  trophée  de  la  victoire.  Une  préface  ajoutée  à 
rédilion  de  1819,  Notions  sur  le  sens  de  Vouie,  relate  les 
détails  de  celte  piquante  aventure.  —  Nous  lisons  d'autre 
part,  dans  la  Notice  biographique  la  plus  complète  que 
nous  connaissions  sur  Fabre  d'Olivet,  ces  lignes  signifi- 
catives :  «  11  attachait  une  si  grande  foi  au  pouvoir  de  la 
Volonté,  qu'il  assurait  avoir  souvent  fait  sortir  un  volume 
de  sa  bibliothèque  en  se  plaçant  en  face,  et  en  s'imagi- 
nant  fortement  qu'il  avait  l'auteur  devant  les  yeux.  Cela, 
dit-il,  lui  arriva  souvent  avec  Diderot  (1).  »  Nous  citons 
sans  commentaires  cette  allégation,  certainement  vraie 
pour  le  fond  des  choses,  bien  que  sans  doute  incorrecte 
dans  les  termes  que  nous  avons  transcrits... 

La  lévitation^  ou  déplacement  visible  et  suspension 
aérienne  des  objets,  par  l'acte  de  neutraliser  leur  pesan- 
teur, s'obtient  en  réfrénant  Hereb,  le  principe  de  la  force 
centripète. 

On  connaît  les  expériences  célèbres  de  Daniel  Dunglas 
Home,  s'élevant  sans  appui  jusqu'au  plafond  de  la  salle 
où  il  donnait  ses  séances.  Le  médium  Eglington  renou- 
velait naguère  (1887),  à  la  cour  de  Russie,  le  même  pro- 
dige, entre  beaucoup  d'autres.  Nous  empruntons  quel- 


(1)  Dictionnaire  de  la  conversation  et  de  la  lecture,  Paris,  1837, 
in*8^  (Tome  XLI,  page  16).  La  notice  concernant  Fabro  d'Olivet  a 
paru  sous  la  signature  de  M.  Charles  du  Rozoir. 

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434  LA   CLEF  DE   LA   MAGIE  iNOlRE 

ques  lignes  au  récit  très  circonstancié  et  certainement 
sincère  que  lui*niême  en  publiait  à  cette  époque. 

c  L*1mpératrîceprît  place  à  ma  gauche,  la  Grande-Duchesse 
d'Oldenbourg  à  ma  droite.  A  gauche  de  l'impératrice,  le  Grand- 
Duc  d*Oldenbourgy  puis  le  Czar,  la  Grande-Duchesse  Serge,  le 
Grand-Duc  Vladimir,  le  Général  Richler,  le  Prince  Alexandre 
d'Oldenbourg  et  le   Grand-Duc  Serge.  Nous  joignîmes    nos 
mains,  l'Impératrice  saisit  fortement  la  mienne,  puis  les  lu- 
mières furent  éteintes.  Aussitôt,  les  manifestations  commen- 
cèrent; la  plus  frappante  fut  une  voix  qui  s'adressa  à  l'Impé- 
ratrice, et  avec  qui  elle  s'entretint  pendant  quelques  minutes... 
Une  forme  de  femme  se  matérialisa  entre  le  Grand-Duc  Serge 
et  la  Princesse  d'Oldenbourg,  mais  elle  ne  resta  qu'un  instant 
et  disparut.  Je  ne  mentionne  pas  les  phénomènes  moins  impor- 
tants, si  familiers  aux  spiritualistes;  je  dirai  seulement  qu'une 
énorme  botte  à  musique,  pesant  au  moins  40  livres,  fut  trans- 
portée autour  du  cercle,  jusqu'à  ce  qu'elle  se  posÂt  sur  la  main 
de  l'Empereur,  qui  demanda  alors  qu'on  l'enlevÀt,  ce  qui  fut 
fait  de  suite.  Pendant  ce  temps,   les  nombreuses  bagues  qui 
couvraient  les  doigts  de  Tlrapératrice  s'enfonçaient  dans  ma 
chair,  si  bien  que  je  dus  la  prier  de  ne  pas  serrer  si  fort  ma 
main.  Je  commençai  à  m* élever  en  Vaxr;  Tlmpératrice  et  la 
Princesse  d'Oldenbourg  me  suivirent.  La  confusion  devint 
indescriptible,  à  mesure  que  je  m'élevai  plus  haut  et  plus  haut  ^ 
et  que  mes  voisins  grimpaient  comme  ils  pouvaient  sur  des 
chaises.  Il  n'était  guère   favorable  à  l'équilibre   mental  du 
médium  de  savoir  qu'une  Impératrice  se  livrait  à  une  gymnas- 
tique si  insensée  et  qu'elle  pourrait  se  blesser  ;  et  je  ne  cessai 
de  demander,  tout  en  m'élevant  en  l'air,  que  l'on  me  permît 
de  mettre  fin  à  la  séance.  C'était  en  vain,  et  je  continuai  à 
m'élever  jusqu'à  ce  qu'à  la  fin,  mes  pieds  se  trouvassent  en 
contact  avec  deux  épaules  sur  lesquelles  je  restai,  et  qui  se 
trouvèrent  être  celles  de  l'Empereur  et  du  Grand-Duc  d'Olden- 
bourg. Comme  une  personne  le  fit  remarquer  malicieusement 
après  :  «  C'était  la  première  fois  que  l'Empereur  de  Russie  se 
trouvait  sous  les  pieds  de  quelqu'un  !  »  Lorsque  je  descendis, 
la  séance  prit  fin... 


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FORGE    DE   LA   VOLONTÉ  435 


(Suit  la  narration  d'autres  phénomènes). 

c  ...  L'Empereur  se  leva  de  son  siège,  et  me  serrant  forte- 
ment la  main,  il  me  dit  :  «  Tout  cela  est  vraiment  extraordi- 
«c  naire  et  je  vous  remercie  d'avoir  été  Foccâsion  de  me  faire 
<L  voir  ces  manifestations...  >  J'ajouterai  qu'avant  de  quitter 
la  RussiCyje  reçus  deux  paires  de  solitaires  en  diamant  et  en 
saphir,  que  je  porte  en  souvenir  des  événements  que  je  viens 
de  raconter,  et  à  cause  de  l'honneur  qui  y  est  attaché...  (1)  »  > 

Il  n'est  pas  rare  d'assister  dans  l'Inde  à  des  expériences 
analogues.  Ces  phénomènes  que  nos  médiums  réussissent 
quelquefois  avec  l'aide  des  Élémentaux,  les  Fakirs  et  les 
Yoghis  les  réalisent,  soit  en  s'assurant  des  mêmes  auxi- 
liaires, soit  par  l'action  directe  de  la  volonté  sur  TAkasa. 
11   est  juste  d'observer  pourtant  que  plusieurs  de  ces 
thaumaturges  hindous  prétendent  avoir  recours  à  l'assis- 
tance des  Pitris^  ou  des  âmes  de  leurs  ancêtres...  Bien 
des  voyageurs  ont  pu  vérifier  ce  surprenant  prodige  de 
rélévation  sans  support.  M.  Louis  Jacolliot,  qui  a  été 
longtemps  magistrat  dans  nos  possessions  françaises  de 
rinde,  a  publié  un  livre  des  plus  curieux,  où  il  relate,  entre 
autres  merveilles  accomplies  par  les  Fakirs,  ce  phéno- 
mène, si  rare  en  Occident,  de  la  soi-lévilation  (2). 

Nous  aurions  fort  à  faire,  s'il  nous  fallait  rechercher 
l'emploi  magique  de  la  Volonté  partout  où  elle  joue  un 
rôle,  puisqu'il  n'est  point  d'œuvre,  soit  de  lumière,  soit 
de  ténèbres,  où  elle  n'intervienne  :  tantôt  pour  exercer 
son  empire  (ainsi  procèdent  les  adeptes),  et  tantôt  pour 

{i)  Le  Spiritualisme  en  Russie,  par  W.  Eglington  (L'^wrore  du  15 
juillet  1887,  pages  432-434,  passim), 

(2)  Le  Spiritisme  dans  le  monde.  L'Initiation  et  les  Sciences  occultes 
dans  VInde;  Paris,  Lacroix,   1879,  in-8  (pages  287-288  et  307-308). 


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436  LA   CLEF  DE  LA   MAGIE  NOIRE 


Tabdiquer  au  profit  des  Larves  et  des  lémures  (dont  le 
sorcier  devient  finalement  l'esclave). 

D'autre  part,  notre  intention  n'est  aucunement  de  dis- 
séquer par  le  menu  les  œuvres  mauvaises,  ni  d'enrichir 
de  gloses  le  Rituel  du  Mal,  en  sorte  de  rendre  sa  pratique 
ou  plus  facile,  ou  moins  dangereuse.  Si  l'on  trouve  en  ce 
tome,  comme  au  précédent,  l'analyse  de  certains  malé- 
fices, nous  ne  la  proposons  que  pour  exemple  des  lois 
occultes,  saisies  sur  le  vif  de  leur  application  ;  non  point 
à  titre  de  commentaire  cérémonial,  offrant  des  armes  au 
service  des  passions  coupables  ou  des  mauvaises  curio- 
sités. 

La  Justice  immanente  des  choses  édicté  et  exécute, 
dès  ici-bas,  la  sentence  du  maléficiant.  La  norme  du  choc 
en  retour,  presque  impossible  à  éluder  pour  lui,  le  frap- 
pera sur  cette  terre,  —  sans  préjudice  des  abominables 
horizons  karmiques  dont  il  s'ouvre  le  cycle  posthume. 
Le  sorcier  ne  l'ignore  point  :  assurance  d'un  présent  mi- 
sérable et  pressentiment  d'un  sinistre  futur,  —  il  y  a  là 
un  frein  salutaire.  Dieu  nous  garde  de  l'affaiblir! 

Celui-là  serait  déçu,  qui  demanderait  à  notre  Clef  de 
la  Magie  Noire  des  moyens  pratiques  de  nuire  au  pro- 
chain, tout  en  réduisant  pour  soi  les  risques  au  mini- 
mum. Cewor  quisavent  nous  rendront  ce  témoignage,  que 
dans  le  détail  des  plus  perverses  opérations,  mentionnées 
en  ce  livre,  nous  primes  soin,  —  sans  rien  omettre  du 
nécessaire  à  l'intelligence  doctrinale,  —  de  négliger  tou- 
jours l'indication  de  quelque  procédé  pratique,  de  nature 
soit  à  garantir  le  succès  expérimental,  soit  à  en  suppri- 
mer le  péril,  au  profit  de  l'opérateur. 


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FORCE  DE   LA  VOLONTÉ  437 

Chez  le  commun  des  hommes,  les  passions  animiques 
sont  assez  intenses  pour  réactionner  la  volonté  et  la  ren- 
dre magiquement  efficace.  Rien  n'est  plus  fréquent,  d'un 
individu  à  Tautre,  ou  d'un  groupe  humain  à  une  commu- 
nauté soit  amie,  soit  rivale,  que  les  volitions  bienveillan- 
tes ou  hostiles,  exprimées  ou  tacites,  sous  la  forme  de 
bénédictions,  d'anathèmes,  de  souhaits,  d'imprécations, 
elc... 

S'il  suffisait  de  lever  le  doigt  au  ciel  pour  frapper  son 

ennemi  à  distance,  on  verrait  bien  des  morts  soudaines. 

On  n'a  pas  oublié  l'hypothèse  fantasque  d'un  philosophe 

du  siècle  dernier,  peut  être  Jean- Jacques  :  il  suppose 

qu'un  simple  geste,  exécuté  par  Paul,  toutes  portes  closes, 

au  fond  de  son  cabinet,  ait  la  vertu  de  faire  mourir  aux 

antipodes  un  très  riche  mandarin,  dont  l'héritage  soit 

acquis  à  Paul,  sans  que  nul  puisse  jamais  soupçonner  la 

cause  de  cette  mort(l).  Combien  de  civilisés,  conclut  le 

sophiste,  répudieraient  pareille  tentation?  Qui  oserait, 

en  semblable  occurence,  répondre  de  sa  prud'homie?... 


(1)  Voici  la  phrase  aUribuée  à  Jean-Jacques  par  Balzac  et  Protai  : 
•  S'il  suffisait,  pour  devenir  le  riche  héritier  d'un  homme  qu'on  n'au- 
rait jamais  vu,  dont  on  n'aurait  jamais  entendu  parler,  et  qui  habite- 
rait le  fin  fond  de  la  Chine,  de  pousser  un  bouton  pour  le  faire  mourir, 
qui  de  nous  ne  pousserait  ce  bouton  et  ne  tuerait  ce  mandarin?  > 
C'est  presque  en  termes  identiques  que  Chateaubriand  formule  cette 
môme  hypothèse,  qu'il  semble  présenter  comme  de  lui  {Génie  du 
Christianisme,  i^e  partie,  vi,  2).  D'autre  part,  M.Jules  Claretie,  faisant 
allusion  &  ce  célèbre  paradoxe,  remarque  avec  raison  que  jamais  on 
n'a  su  au  juste  qui  l'avait  inventé  (Cf.  Jean  Mornas,  page  i3).  —  Un 
fait  constant,  c'est  que  la  locution  «  tuer  le  mandarin  •  est  passée  en 
proverbe,  dans  le  sens  de  «  commettre  une  mauvaise  action,  avec  la 
certitude  de  n'être  jamais  soupçonné.  > 


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438  LA  CLEF  DE  LA   MAGIE  NOIRE 

Nous  avons  de  la  majorité  des  humains  une   opinion 
meilleure.  Mais  à  écarter  ce  mobile  ignoble  de  la  cupi- 
dité motivant  un  lâche  assassinat,  —  resteraient  la  haine, 
l'envie,  la  colère,  la  jalousie  d'amour,  toutes  passions 
très  capables  d'égarer  la  Volonté  jusqu'au  crime,  ainsi 
qu'on  le  voit  tous  les  jours.  Un  froid  calcul  déciderait  les 
natures  mauvaises  à  se  venger  ainsi  sans  risques  ;  quel- 
ques natures  généreuses  même  subiraient  l'entraînentient 
au  crime,  dans  un  premier  mouvement  d'indignation,  de 
fureur  ou  de  dépit. 

Héritage  et  impunité  à  part,  le  maléfice  peut  faire  une 
réalité  terrible  de  la  folle  hypothèse  du  mandarin.  —  Voilà 
encore  une  de  ces  choses  qu'ignoraient  profondément, 
avec  Rousseau,  tous  ces  «  génies  universels  du  xvih*  siè- 
cle »,  badineurs  des  superficies  philosophiques  et  mora- 
les, à  qui  le  bel  esprit,  l'ironie  facile  ou  le  paradoxe  élo- 
quent tinrent  lieu  si  souvent  de  science  et  de  conscience. 

Supposons  la  possibilité  du  maléfice  universellement 
admise,  comme  elle  le  sera  peut-être  à  la  fin  du  xx«  siè- 
cle. De  cette  conviction  à  l'essai  curieux,  puis  à  l'essai 
profitable,  sans  doute  pour  le  plus  grand  nombre  n'y  au- 
rait-il pas  très  loin.  Spontanée  ou  préméditée,  l'intention 
ne  manquerait  pas;  c'est  le  détail  pratique,  le  procédé 
immédiat  qui  feraient  défaut  à  beaucoup  d'hommes,  pour 
exercer  la  magie  noire. 

Non  qu'il  y  faille  grande  science  :  quand  bien  même 
de  dangereuses  recettes  ne  traîneraient  pas  dans  les  gri- 
moires populaires,  à  la  portée  de  chacun,  —  la  malice 
humaine,  l'intuition  perverse,  l'ingéniosité  de  la  haine  et 
de  l'envie  suffiraient  à  y  suppléer.  Malheureusement  au 


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FORCE  DE  LA  VOLONTÉ  439 


5ré    des  mauvais,  pour  eux  la  mêlée  occulte  n'est  pas 

>ans  risque  à  courir  :  c'est  donc  du  bouclier  qu'ils  seraient 

3n  peine,  bien  plus  que  de  la  lance  ou  du  poignard.  Le 

privilège  de  l'impunité  immédiate,  le  moyen  pratique  et 

sûrement  efficace  de  conjurer  le  péril,  voilà  ce  que  les 

grimoires  ne  fournissent  guère,  et  ce  que  les  adeptes  de 

la  science  pourraient  seuls  garantir  au  maléficiant.  Mais 

ceu7c-ci  ne  parleront  pas.  Que  la  loi  formidable  du  choc 

en    retour  demeure  suspendue  sur  qui  veut  mal  faire, 

comme  le  glaive  sur  Damoclès  ! 

Quant  à  la  théorie  générale,  elle  est  la  même  pour 
l'œuvre  à  accomplir  par  le  mage,  le  sorcier  ou  le  thau- 
maturge sacerdotal.  L'intention  seule  varie,  et  le  décor, 
et  les  accessoires  prescrits;  mais  le  fond  des  choses  ne 
saurait  changer.  En  toute  opération  magique,  la  volonté 
de  l'homme,  exprimée  par  un  signe  qui  lui  sert  à  la  fois 
de  formule  et  d'appui,  agit  sur  les  fluides  impondérables 
ou  sur  les  Invisibles,  à  la  faveur  du  médiateur  plastique 
ou  corps  astral. 

La  Volonté  dans  le  Bien  s'exerce  presque  toujours  col- 
lective, parce  que  la  division,  l'isolement,  la  limite,  cons- 
tituent en  quelque  sorte  l'essence  même  du  Mal  ;  ce  qui 
revient  à  dire,  les  qualités  susdites  étant  privatives,  que 
le  Mal  est  dépourvu  de  réelle  essence. 

Dans  le  Mal,  souvent  le  Vouloir  individuel  tente  d'agir 
isolé;  mais  ce  Vouloir  s'exerce  aussi  collectivement. 

Alors  il  faut  compter  sur  TÉgrégore,  ainsi  que  nous 
Tavons  expliqué  au  chapitre  précédent.  L'Égrégore  a 
une  volonté  propre;  il  exploite  et  utilise,  sans  les  consul- 


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440  LA   CLEF   DE   LA   MAGIE  NOIRE 

ter,  les  individualités  de  son  groupement;  il  se  joue  de 
leurs  douleurs  ou  de  leurs  joies,  et  jongle  à  son  caprice 
avec  leurs  existences;  mais  en  retour,  ces  infimes  vou- 
loirs individuels  peuvent  évoquer  l'Égrégore  et  s'en  ser- 
vir. —  Solidarité  et  réversibilité  magiques. 

Est-il  besoin  de  revenir  sur  nos  enseignements  anté- 
rieurs ?  —  Rappelons  alors  que  les  grands  courants  de 
vertu  ou  de  perversité,  de  fanatisme  ou  de  foi,  dont  une 
chaîne  magique  plus  ou  moins  artistement  tendue  est  tou- 
jours la  pile  génératrice,  sont  régis  par  les  Dominations 
collectives  de  l'Invisible,  ces  anges  du  Ciel  humain. 

De  ces  arcanes  relève  la  création  des  grandes  religions, 
comme  la  genèse  des  associations  ténébreuses. 

Les  verbes  créateurs  :  bénédictions,  anathèmes,  puisent 
là  leur  force  et  leur  efficacité.  On  ne  bénit,  on  ne  réprouve 
qu'au  nom  de  quelque  Principe,  et  conséquemment  de 
quelque  Puissance,  traduction  vivante  du  Principe  abs- 
trait. Par  ces  actes  solennels,  enfin,  l'on  attache  à  celui 
qui  en  est  l'objet  la  protection  ou  la  vengeance  de  TÉ- 
grégore,  recteur  de  la  Collectivité  au  nom  de  laquelle  on 
prononce. 

L'excommunication  est,  à  la  lettre,  l'acte  d'expulser 
un  homme  du  groupe  vivant  auquel  il  participait  jusqu*a- 
lors  :  communion  des  saints  ou  communion  des  pervers. 
C'est  l'élimination  d'une  cellule  animée,  hors  de  l'orga- 
nisme à  quoi  elle  se  rattachait.  L'analogie  est  exacte; 
car,  si  les  Églises  et  les  Associations  occultes  possédaient 
encore  la  sève  et  la  virtualité  de  leur  prime  jeunesse;  si 
l'Égrégore  qui  constitue  leur  àme  ne  s'abâtardissait  ou 
ne  se  civilisait  à  la  longue,  tandis  que  leur  corps  social 


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FORGE  DE  LA   VOLONTÉ  441 

se  débilite  à  sommeiller  dans  la  nécropole  de  ta  lettre 
morte,  —  l'excommunication  serait  encore,  comme  elle 
Ta  été,  une  sentence  capitale,  à  délai  plus  ou  moins  bref. 

Que  d'exemples  on  pourrait  citer,  qu'il  vaut  mieux 
taire!... 

L*excommunié  d'une  collectivité  quelconque,  soucieux 
de  conjurer  le  verbe  de  réprobation  qui  pèse  sur  lui,  ne 
doit  point  rester  dans  l'isolement.  Il  convient,  ou  qu'il 
se  réconcilie  de  suite  avec  ses  frères,  si  tant  est  qu'on 
l'admette  à  résipiscence;  au  cas  contraire,  ou  encore  lors- 
qu'en  son  for  intérieur,  il  juge  néfaste  l'œuvre  à  laquelle  il 
avait  cru  devoir  collaborer  jusque-là,  il  devient  urgent 
qu'il  s'affilie,  de  fait  ou  d'intention,  dans  un  groupe  si- 
non positivement  hostile  au  premier,  du  moins  autre. 

L'individu  qui  brave,  isolé,  une  Puissance  collective 
adverse,  sera  fatalement  brisé,  —  ou  converti,  —  en  un 
mot,  vaincu. 

C'est  pour  le  soustraire  aux  courants  des  volontés  ad- 
verses, et  lui  permettre  de  défier  le  pouvoir  des  Collec- 
tifs qui  les  gouvernent,  que  la  Magie  ordonne  à  l'opérateur 
de  s'enclore  dans  un  cercle,  avec  les  hiéroglyphes  de  sa 
religion  gravés  au  pourtour.  Ces  cercles,  véritables  for- 
teresses pentaculaires,  symbolisent  la  communion  spiri- 
tuelle dont  il  fait  partie,  et  la  protection  efficace  que  lui 
vaut  son  adhésion  au  verbe  collectif.  Toujours  le  signe 
d'appui  de  la  Volonté!  S'il  sait  bien  en  tirer  parti,  l'oc- 
cultiste centuple  sa  force  en  la  multipliant  par  celle  de 
tous  ses  adelphes  vivants;  et  même,  comme  nous  l'avons 
énoncé  ci-dessus,  il  peut  évoquer  l'Égrégore  qui  régit  la 
collectivité,  et  se  couvrir  de  son  égide. 


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442  LA   CLEF  DE  LA   MAGIE  NOlRË 

Le  baron  de  Gleichen,  dont  les  Souvenirs  posthumes 
sont   si  précieux    pour  l'histoire   de   TÉsotérisme   au 
xvni^  siècle,  raconte  un  fait  des  plus  significatifs,  qu'on 
sera  bien  aise  de  nous  voir  enregistrer  à  l'appui  de  nos 
dires.  Il  en  tient  le  récit  de  la  bouche  du  sieur  de  la 
Chevallerie,  le  personnage  même  de  l'aventure.  Les  lec- 
teurs du  livre  très  documenté  de  Papus  sur  rilluminisme 
en  France{i)  n'ignorent  point  comment  Martinès  dePas- 
qually  prescrivait  à  ses  disciples  de  disposer  le  local  de 
leurs  évocations.  Rappelons,  en  deux  mots,  que  chaque 
néophyte  «  travaillait  »  seul,  dans  un  segment  ou  quart  de 
cercle  tracé  à  l'Orient,  avec  de  mystérieux  monogrammes 
inscrits  et  des  cierges  allumés  aux  angles.  A  l'opposite  oc^ 
cidentale,  se  trouvait  un  cercle  plus  grand,  dit  Cercle  d^ 
retraite,  qui  symbolisait  le  Maître  absent  et  la  Puissance 
suprême  de  la  chose  (2).  .  Les  œuvres  magiques  de  l'Ordre 
consistaient  surtout  en  d'opiniâtres  luttes  contre  les  forces 
inversives  des  cercles  mauvais.  Ces  batailles  se  livraient 
aux  solstices  et  aux  équinoxes  (3).  Or,  il  advint  qu'un 


(1)  L'/iiuminisme  en  France,  Martinès  de  Pasqually,  etc..  (pages 
80-82). 

(2)  Les  disciples  do  Marlinès  désignaient  sous  cette  énigmatique 
appellation  le  Collectif  invisible  de  l'Ordre,  et  généralement  tout  prin- 
cipe des  manifestations  occultes  :  «  la  Chose  veut  (disaient-ils  volon- 
tiers), la  Chose  permet,  la  Chose  a  défendu...,  Obéissons  à  la  Chose, 
etc..  )• 

(3)  «  Les  travaux  magiques  de  ces  Messieurs  ont  pour  objet  sur- 
tout de  combattre  les  démons  et  leurs  satellites,  sans  cesse  occupés  à 
répandre  les  maux  physiques  et  spirituels  sur  toute  la  nature  par  leur 
magie  noire.  Les  combats  se  font  particulièrement  aux  solstices  et  aux 
équinoxes,  de  part  et  d'autre.  Ils  travaillent  sur  des  tapis  crayonnés, 
sur  lesquels  ils  établissent  leurs  citadelles,  qui  consistent  en  un  grand 
cercle  au  milieu  pour  le  grand  medtre,  et  deux  ou  trois  plus  petits  pour 


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FORCE  DE   LA   VOLONTÉ  443 

jour,  la  Chevallerie,  contrevenant  aux  prescriptions  de 
rÉcole,  voulut  accomplir  les  saints  rites  en  dépit  d'une 
souillure  récemment  contractée.  C'était  une  imprudence; 


ses  assistants.  Le  chef,  quoique  absent,  voit  toutes  les  opéraUons  de 
ses  disciples,  quand  ils  travaillent  seuls,  et  les  soutient.  »  (Souvenirs 
de  Charles- Henri,  Baron  de  Gleichen  ;  Paris,  Techener,  1868,  in-8, 
pa^e  i52.) 

Quelques  détails  diffèrent,  si  l'on  compare  les  renseignements  four- 
nis par  Gleichen  et  ceux  que   donne  Papus.  Mais  ce  ne  sont  pas   des 
contradictions.  La  place  assignée  au  grand  cercle  variait  certainement, 
d*aprës  le  grade  de  l'affilié  et  la  nature  des  opérations  :   il  n'y  a  donc 
rien  d'étonnant  k  ce  que  l'un  de  ces  auteurs  le  localise  au  centre,  et 
l'autre  à  l'occident.  Quant  aux  petits  cercles  mentionnés  par  Gleichen, 
ils  correspondent  certainement  aux  quarts  de  cercle,  ou  segments,  de 
la  correspondance  de  Martinès,  éditée  en  substance  par  les  soins  de 
Papus.  11  est  d'ailleurs  vraisemblable,  et  c'est  l'hypothèse  que  nous 
avons  admise,  qu'un  petit  cercle  était  inscrit  dans  chaque  segment,  et 
devenait  ainsi  la  citadelle  du  néophyte.  De  la  sorte,  tout  est  concilié. 
Les  œuvres  magiques  des  disciples  de  Martinès  ne  variaient  pas  seu- 
lement d'après  le  grade,  mais  aussi  selon  l'idiosyncrasie  occulte  de 
chaque  disciple.  Quelques-uns  pratiquaient  la  Sortie  en  corps  astral, 
comme  nous  le  témoigne  la  correspondance  de  Saint-Martin  avec  Liebis- 
torff.   Le  Bernois  écrit  à  son  maître,  à  la  date  du  25  juillet  1792  : 
«  L'École  par  laquelle  vous  avez  passé  pendant  votre  jeunesse  me  rap- 
pelle une  conversation  que  j'ai  eue,  il  y  a  deux  ans,  avec  une  personne 
qui  venoit  d'Angleterre  et  qui  avoit  eu  des  relations  avec  un  françois 
habitant  ce  pays,  nommé  M.  d'Hauterive.  Ce  M.  d'Hauterive,  d'après  ce 
qu'elle  me  disoit,  jouissoit  de  la  connoissance  physique  de  la  Cause 
active  et  intelligente  ;  qu'il  y  parvenoit  à  la  suite  de  plusieurs  opéra- 
tions préparatoires,  et  cela  pendant  les  équinoxes,   moyennant  une 
sorte  de  désorganisation  dans  laquelle  il  voyoit  son  propre  corps  sans 
mouvement,  comme  détaché  de  son  âme;  mais  que  cette  désorganisa- 
tion étoit  dangereuse,  à  cause  des  visions  qui  ont  alors  plus  de  pou- 
voir sur  l'àme  ainsi  séparée  de  son  enveloppe,  qui  lui  servoit  de  bou- 
clier contre  leurs  actions,  etc.  »  (Corresp.,  page  49).  —  Saint-Martin 
répond,  &  la  date  du  25  août  :  «  M.  de  Hauterive,  qui  a  eu  le  même 
maître  que  moi,  s'est  donné  plus  que  moi  à  cette  partie  opérative,  et 
quoiqu'il  en  ait  reçu  plus  de  fruits  que  plusieurs  de  nous,  je  vous  avoue 
cependant  que  je  n'en  ai  pas  vu  de  sa  façon  qui  m'aient  engagé  à  chan- 
ger d'idées.  Il  a  assez  d'autres  mérites  à  mes  yeux.  »  (Ibid.y  page  30). 
—  Dans  une  lettre  ultérieure,  du  6  septembre,  Saint-Martin  explique 


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444  LA   CLEF  DE   LA   MAGIE  NOIRE 

il  ne  tarda  guère  à  s'en  repentir.  A  peine  avait-il  engagé 
le  combat,  dans  son  quart  de  cercle,  qu'il  sentit  la  vie 
refluer  de  son  cœur,  et  une  mortelle  angoisse  l'envahir 
et  l'étreindre.  La  force  de  ses  adversaires  l'accablaif,  il 
était  près  de  succomber.  Soudain,  une  brusque  inspira- 
tion se  fit  jour  en  lui,  et  il  trouva  la  force  de  s'élancer 
dans  le  cercle  de  retraite.  Dès  qu'il  y  fut,  une  réaction 
s'opéra,  salutaire  :  son  cœur  se  remit  à  battre,  la  cons- 
cience lui  fut  rendue  avec  la  vie.  En  même  temps,  une 
délicieuse  sensation  de  tiédeur  moite  et  parfumée  Tenve- 
loppa  comme  un  bain...  Le  péril  était  passé...  A  quel- 
ques jours  de  là,  Martinès  écrivit  à  son  disciple  qu'il  veil- 
lait sur  lui  de  loin,  et  l'avait  assisté  dans  sa  détresse,  en 
lui  suggérant  de  se  jeter  ainsi  «  dans  le  grand  cercle  de 
la  Puissance  Suprême  (1)  ». 

L'emploi  du  cercle  magique  est  indiqué,  toutes  les  fois 
qu'on  affronte  des  colères  ou  des  haines  collectives,  et 
qu'on  s'expose  en  butte  à  la  réprobation  d'une  Puissance 
constituée  (2). 

L'aphorisme  bourgeois  qull  ne  faut  pas  braver  Vapi- 


que  la  séparation  du  corps  et  de  Tâine  ne  saurait  être  absolue  qu'à  la 
mort,  et  qu'ainsi  «  il  y  a  quelque  chose  d'exagéré  »  asoutenirqueM.de 
Hauterive  se  dépouillait  de  son  enveloppe  corporelle  :  «  l'àme  ne  sort 
du  corps  qu'à  la  mort;  mais  pendant  la  vie,  les  facultés  peuvent  s'étendre 
hors  de  lui  et  communiquer  à  leurs  correspondants  extérieurs  sans 
cesser  d'être  unies  à  leur  centre»  etc.  »  (Jbid.,  page  38).  Ici,  Saint- 
Martin  est  au-dessous  de  la  vérité,  et  Ton  voit  bien  qu'il  ne  connaît  que 
par  oul-dire  le  phénomène  dont  il  parle. 

(1)  C/".  Souvenirs  du  Baron  de  Gleichen  (pages  152-153). 

(i)  On  entend  bien  que  nous  parlons  occultisme^  et  qu'il  ne  s'agit 
point  d'enfermer  dans  un  cercle  un  gros  propriétaire  en  bisbille  avec 
lo  Conseil  municipal  de  §a  commune,  ni  un  braconnier  rebelle  au 
garde-champétre. 


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FORCE  DE   LA   VOLONTÉ  445 


niorij  n'est  point  aussi  ridicule  qu'on  serait  tenté  de  le 
croire.  La  Volonté  active  détermine  sur  le  plan  astral 
des  courants  fluidiques  évaluables,  si  Ton  peut  dire,  en 
volts  et  en  ampères  :  aussi,  —  magiquement  parlant, 
—  un  vouloir  isolé,  si  énergique  soit-il,  ne  brave  pas  sans 
risques  un  faisceau  de  vouloirs  hostiles,  groupés  avec  in- 
telligence et  dirigés  selon  la  norme  dont  nous  avons  dit 
la  formule.  La  volonté  humaine  est  une  puissance  formi- 
dable ;  mais  il  est  dans  sa  nature  de  se  diviser  aisément  : 
alors  elle  s'oppose  volontiers  à  elle-même,  cependant 
qu'elle  croit  encore  agir  dans  une  direction  unique.  C'est 
ce  qui  arrive  quelquefois  dans  les  ententes  pour  le  bien, 
toujours  et  presque  aussitôt  dans  les  coalitions  pour  le 
mal. 

Voilà  qui  nous  ramène  de  nouveau,  ainsi  que  le  Lecteur 
Ta  sans  doute  compris,  au  mystère  de  la  chaîne  sympa- 
thique. Lorsqu'un  concours  de  Volontés  unanimes  ne 
produit  que  de  faibles  résultats,  et  n'a  point  raison  d'un 
Vouloir  isolé,  c'est  que  les  éléments  de  la  batterie  hu- 
maine sont  anormalement  disposés.  La  chaîne  est  mal 
tendue  :  c'est  comme  si,  en  amorçant  des  piles  électriques 
de  Daniel,  le  garçon  de  laboratoire  reliait  les  zincs  aux 
zincs  et  les  cuivres  aux  cuivres,  au  lieu  d'alterner,  sui- 
vant la  règle.  Dans  ce  cas,  les  courants  se  neutralisant, 
le  résultat  est  nul. 

Quand,  à  l'inverse,  les  multiples  Vouloirs,  correcte- 
ment agencés  en  chaîne  d'influx,  réalisent  leur  maximum 
de  rendement,  l'être  isolé  qui  veut  leur  tenir  tête  n'a 
d'autre  ressource  que  d'entrer  virtuellement  dans  une 
autre  chaîne  :  soit  qu'il  s'enferme,  s'il  veut  combattre. 


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446  *  LA  CLEF  DE  LA  MAGIE  NOIRE 


dans  une  citadelle  occulte  (le  cercle)  ;  soit  en  mode  pas- 
sif, et  s*il  lui  suflit  de  se  garantir,  qu'il  se  fie  à  la  vertu 
d'autres  signes,  également  expressifs  des  Puissance^ 
collectives  amies,  tels  que  pentacles,  talismans,  rites  sa- 
cramentaux,  etc.. 

L'excommunication  majeure,  telle  qu'on  la  pronoDce 
dans  le  catholicisme,  ressemble  fort  à  un  maléfice  sacré, 
avec  les  anathèmes  imprécatoires  et  le  lugubre  cérémo- 
nial dont  on  l'accompagne. 

11  n'était  point  rare,  aux  époques  de  foi  militante  et 
d'intransigeance  religieuse,  de  voir  le  malheureux  que 
l'Église  avait  frappé  de  ses  foudres  (c'est  le  terme  reçu) 
dépérir  en  des  maladies  singulières  et  terrifiantes,  oii  la 
vengeance  du  Ciel  semblait  s'inscrire  et  transparaître. 
On  cite  des  cas  de  mort  soudaine  :  d'autres  fois,  c'est  la 
lèpre  qui  ronge  le  réprouvé,  ou  des  vers  qui  le  dévorent 
tout  vif. 

Combien  l'histoire  ecclésiastique  n'enregistre-t-elle 
point  de  cas  analogues!  Bien  avant  la  consolidation  du 
Pouvoir  pontifical,  les  premiers  Pères  relatent  plusieurs 
exemples  des  anathèmes  d'un  thaumaturge,  sentences 
immédiatement  exécutoires  et  traduites  en  mortelles 
catastrophes  ;  et  sans  sortir  du  Nouveau  Testament  (ni 
redescendre  à  l'ancien,  où  les  épisodes  similaires  abon- 
dent), les  Actes  des  Apôtres  nous  montrent  Ananias  et 
Saphira  foudroyés,  dans  l'instant  que  Saint  Pierre  leur 
signifie  la  sentence  du  Ciel. 

M.  Josophin  Péladan,  ce  grand  artiste  excentrique  de 
qui  les  œuvres^   inégales  et  de  rédaction  trop  hâtive, 


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FORCE  DE   LA   VOLONTÉ  447 


cHîncellent  d'étranges  et  captivantes  beautés,  propose 
dans  Istar  un  procédé  de  chaîne  monastique  bissexuelle, 
pour  l'extermination  des  ennemis  de  l'Église,  —  concep- 
tion moins  paradoxale  qu'il  n'y  paraît  à  l'abord.  On  nous 
permettra  de  transcrire,  à  titre  de  curiosité,  ces  lignes 
assurément  peu  banales. 

DES   CONDAMNATIONS   CAPITALES 

a  Lorsqu'il  sera  nécessaire  de  frapper  un  ennemi  de  TEglise, 
—  et  pour  cela  il  faudra  le  double  assentiment  du  Sacré-Col- 
lège cardinalice  et  du  collège  gnostique  des  vingt-deux,  —  on 
réunira  deux  cents  moines  et  nonnes,  cent  de  chaque  sexe  ; 
ils  se  tiendront  tous  par  la  main  ;  au  moment  où  le  prêtre 
élève  rhostie,  ils  s'uniront  de  volonté  avec  rofficianl  :  celui- 
ci  alors  élèvera  Thostie  contre  le  condamné,  —  qui  tombera 
roide  mort  en  n'importe  quel  lieu  du  monde  où  il  sera. 

€  Attendu  que  la  somme  de  force  nerveuse  de  cent  volontés 
bissexuelles  représente  un  mouvement  électrique  d'une  force 
déterminable,  et  que  Tofficiant  est  à  la  fois  le  point  convergent 
et  Texcitateur  électrique,  il  projettera  un  cou rantd*u ne  vitesse 
énorme  et  de  la  puissance  d'étincelle  d'une  pile  excitable  à 
vingt  mètres. 

c  Ceci  est  de  la  physique  pure  :  en  hyperphysique,  il  y  a 
bien  autre  chose  (1).  d 

Cette  ébauche  de  magie  sacerdotale  (2)  donnerait  à 


{i)  /ftor, Paris,  1888,  2  vol.  in-8  (page  130). 

La  théorie  apparaît  claire  et  correcte,  en  dépit  de  quelque  inexacti- 
tude dans  l'expression  scientiGque.  Ce  qui  parait  plus  critiquable,  c'est 
l'emploi  de  l'hostie  rédemptrice  comme  arme  de  mort. 

(2)  Une  autre  théorie  d'envoûtement  sacré  se  peut  lire  dans  l'ouvrage 
d'un  initié,  d'ailleurs  sujet  à  caution,  M.  Adolphe  Bertet,  qui  a  cru 
trouver  dans  V Apocalypse  de  Saint  Jean  le  rituel  complet  de  cette  œuvre 
de  colère. 

Cette  page,  dont  chacun  peut  penser  ce  qu'il  veut,  est  incontestable- 


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448  LA  CLEF  DE  LA  MAGIE  NOIRE 

rêver  de  quelque  Grégoire  Vil,  dont  l'écusson  portât  en 
sautoir  les  clefs  d'Hermès  croisées  avec  celles  de  Saint- 
Pierre.  Mais  quand  un  politique  doublé  d'un  adepte  s'as- 


ment  très  curieuse,  et  comme  le  volume  est  fort  difficile  à  trouver. 
nous  la  reproduirons  sous  toutes  réserves.  Il  est  bon  de  prévenir  que 
l'auteur  commente  le  viiie  chapitre  de  V Apocalypse,  et  que  par  «  1^ 
Microcosme  »,  il  entend  le  Mage  ofiiciant,  vicaire  du  Christ... 

«  Ici  (dit  M.  Bertet),  comme  nous  allons  le  voir,  il  ne  s'agit  pas 
d'une  œuvre  de  miséricorde.  Il  faut,  au  contraire,  rompre  l'équilibre 
de  la  balance  qui  est  entre  les  mains  de  Dieu,  forcer  le  plateau  qui  re- 
présente la  miséricorde  à  céder  k  celui  qui  représente  la  justice,  qui 
est  chargé  de  tous  les  crimes  qui  ont  lassé  la  patience  des  saints. 

<r  Pour  déterminer  l'œuvre  magique  de  justice  et  de  vengeance,  le 
Microcosme  réunit  dans  son  encensoir  tout  le  feu  qui  est  resté  dans  la 
cassolette  sur  l'autel  des  parfums  ;  puis  il  le  répand  sur  la  terre,  en  de- 
hors du  cercle  magique  dont  il  a  eu  soin  de  s'entourer,  en  invoquant 
le  bras  ou  l'appui  du  Très-Haut  pour  le  ch&timent  des  coupable^. 
{Echéziel,  chapitre  x,  verset  2  ;  ch.  xxiv,  v.  3  et  suivants  ;  chap.  iv. 
V.  3). 

«(  Le  cercle  doit  servir  à  graver  dans  le  souvenir  des  anges  chargés 
de  l'exécution  de  la  vengeance,  qu'en  frappant  les  hommes,  ils  doivent 
épargner  tous  ceux  qui  sont  marqués  au  front  du  signe  de  la  ré- 
demption, et  qui  sont  mentalement  censés  placés  dans  le  cercle,  sous 
l'égide  et  la  protection  immédiate  du  Microcosme  :  c'est  là  l'égide  ou  !<' 
bouclier  du  Seigneur,  qui  doit  préserver  toute  sa  milice  sainte  sur  ta 
terre  des  atteintes  de  l'armée  de  Satan.  C'est  là  une  opération  analogue 
a  celle  que  Jésus  enseigne  à  ses  ap6tres,  lorsqu'il  leur  dit  de  secouer, 
en  signe  de  malédiction,  la  poussière  de  leurs  souliers  contre  ceux  qui 
les  rebuteront  (Matthieu,  chap.  x,  v.  14). 

«  C'est  là  la  plus  redoutable  et  la  plus  périlleuse  des  opérations  ma- 
giques ;  elle  est  analogue  à  celles  par  lesquelles  nous  avons  vu  précé- 
demment Elle  attirer  le  feu  du  ciel  sur  l'autel,  et  faire  tomber  la  foudrt* 
sur  deux  compagnies  de  cinquante  hommes  chacune;  Jésus  sécher  le 
figuier,  et  les  apôtres  demander  à  Jésus  la  permission  de  foudroyer  ceux 
qui  refusaient  de  les  recevoir,  lorsqu'il  les  gourmanda  vertement  sur 
l'abus  qu'ils  se  préparaient  à  faire  de  cette  vertu  ou  puissance  (Luc, 
chap.  i\,  V.  35). 

K  Si  la  prière  est  agréée  par  la  justice  de  Dieu,  des  signes  se  mani- 
festeront à  l'instant  dans  le  ciel  :  les  éclairs  sillonnent  les  nues  ;  la 
foudre  éclate  ;  les  vents  soufflent  avec  impétuosité  des  quatre  points 


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FORCE  DE   LA   VOLONTÉ  449 

seoira-t-il  sur  le  trône. du  Prince  des  Apôtres  ?  La  chose 
serait^elle  heureuse  et  désirable,  à  tout  prendre?  Ce 
rôle  de  théocrate  agressif  apparaitrait-il  congrueut  au 
caractère  d'un   pontife  romain?...  Le  césarisme  et  l'a- 
gression ne  furent  point,  sans  doute,  incompatibles  avec 
la  tiare  :  l'histoire  est  là  pour  en  témoigner.  Toutefois- 
la  question  semble  de  droit  strict,  nullement  de  coutume 
reçue... 

Nous  ne  disputerons  point  si  l'essence  du  Christianisme 
comporte  le  despotisme  théocratique  tel  que  Moïse  l'ins- 
taura, ou  même  si  elle  le  tolère  sous  un  mode  plus  adouci, 
Il  y  a  deux  points  de  vue  à  prendre  en  considération  : 
celui  de  Tabsolutisme  divin  et  celui  des  possibilités  hu- 
maines... «  Quiconque  frappera  du  glaive  (a  dit  le  grand 
Maitre) périra  par  le  glaive;  —  Si  Tonte  donne  un  souf- 
flet sur  la  joue  droite,  présente  l'autre  joue...  »  Ces 
maximes  se  passent  de  commentaires.  Il  n*est  pas  moins 
évident  d'ailleurs,  qu'à  considérer  les  choses  de  moins 
haut,  tout  gouvernement  a  le  droit  et  le  devoir  de  se  dé- 
fendre. Or,  en  fait,  la  hiérarchie  romaine  est  couronnée 
par  un  Pouvoir  centralisateur,  qui  est  un  gouvernement 
au  premier  chef.  Et  si  les  armes  mystiques  sont  jamais 

cardinaux  ;  un  grand  tremblement  de  terre  semble  annoncer  la  fin  du 
monde  (Luc,  ch.  xxi.  v.  25)... 

«  Si,  au  contraire,  la  prière  est  rejetée,  comme  téméraire,  le  ch&ti- 
ment  retombe  sur  celui  qui  a  vainement  invoqué  le  nom  et  le  courroux 
du  Très-Haut,  suivant  ce  précepte  du  Décalogue  :  «  Dieu  en  vain  tu  ne 
jureras  ou  conjureras...  » 

(Apocalypse  du  Bienheureux  Jean...,  dévoilée,  par  Adolphe  Bertet, 
Docteur  en  droit  civil  et  en  droit  canonique,  avocat  près  la  Cour 
d'Appel  de  Chambéry.  —  Paris,  Arnauld  de  Vresse,  1861,  in-8,  chap. 
VIII,  v.  5  et  suiv.,  pages  170-172). 

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450  LA  CLEF  DE  LA  MAGIE  NOIRE 

légitimes,  c*est  assurément  au  service  d*une  théocratie. 
Telles  semblent  se  balancer  les  raisons,  pour  e\ 
contre. 

L'ancien  monde  a  vu  plus  d'une  fois  Tépée  flamboyante 
deMichaël  dans  la  main  du  pontife  ou  du  prophète  thau- 
maturges. L'antinomie  ne  s'accusait  pas  plus  alors  entre 
rÉsotérisme  et  la  Religion,  que  Tantagonisme   entre  la 
loi  humaine  et  le  droit  divin  :  toutes  ces  choses  n*en 
faisaient  qu'une,  —  la  Vérité,  —  dont  l'arche  était  le 
tabernacle.  L'hiérophante  cumulait  dès  lors  tous  les  droits 
du  prêtre  qui  officie,  du  Docteur  qui  enseigne,  du  juge 
qui  statue  et  du  monarque  spirituel  qui  gouverne  les 
intelligences.. •  Toute  la  question  est  de  savoir  si  le  Droit 
sacerdotal  s'est  périmé  à  l'avènement  du  Fils  de  l'homme, 
et  si  leglaive  magique  est  fait  pour  le  bras  du  Serviteur 
des  Serviteurs.  Ce  problème,  un  pape  initié  pourrait  le 
résoudre,  avec  Taide  d'un  Sacré-Collège  qui  prit  sa  part 
de  la  responsabilité  qui  découlerait  d'une  solution,  pro- 
mulguée dans  un  sens  ou  dans  l'autre. 

La  solution  positive  ne  semblerait  acceptable  qu'à  la 
condition  qu'on  fit  voir,  à  la  lumière  supérieure  de  l'Éso- 
térisme,  (dont  l'Église  transfigurée  se  réserverait  le 
flambeau),  l'accord  non  seulement  possible,  mais  néces- 
saire, entre  la  Science  et  la  Foi.  Leurs  enseignements  do 
la  veille,  trop  analytiques  d'une  part,  et  de  l'autre  enve- 
loppés de  symboles  à  l'usage  des  peuples  adolescents, 
trouveraient  leur  harmonieuse  synthèse  dans  l'initiation 
progressive,  désormais  offerte  aux  hommes  de  race 
adulte.  Tous  seraient  appelés,  et  non  plus,  comme 
aux    siècles  antiques,  quelques-uns.  Ainsi  se  trouverait 


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FORCE   DE  LA   VOLONTÉ  4^1 

rétablie,  et  resplendirait  après  une  longue  éclipse, 
V Unité  DoctrinalCy  qui  est  la  sanction  lumineuse  et  le 
sceau  divin  de  la  Vérité.  Alors  seulement  le  pape,  vi- 
vant sommet  de  la  hiérarchie  spirituelle,  exercerait  l'em- 
pire légitime  sur  les  intelligences  :  bien  plus,  la  souve- 
raineté dans  sa  plénitude  impliquant  droit  de  vie  et  de 
mort,  ne  deviendrait-il  pas  juste  que  le  Pontife  se  pût 
servir,  contre  les  irréconciliables  adversaires  de  la  Vérité, 
des  armes  que  la  Vérité  même  place  entre  ses  mains  ? 

Qu'on  ne  s'y  trompe  point,  du  reste.  Le  Souverain 
Pontife  n'exercerait  un  tel  pouvoir  qu'en  des  conjonc- 
tures exceptionnellement  graves,  dans  l'hypothèse  d'un 
péril  collectif  imminent.  Un  gouvernement  fort  ne  sup- 
pose pas  de  toute  nécessité  une  suite  de  mesures  violen- 
tes, et  les  actes  tyranniques  sont  souvent  les  indices 
d'un  gouvernement  faible.  Nous  ne  concevons  la  théo- 
cratie, (ou,  pour  parler  comme  Saint- Yves,  la  Synarchie) 
qu'assurant  aux  individus  la  plus  grande  somme  de  li- 
berté compatible  avec  la  vie  organique  de  l'État  social. 
—  Si  nous  allons  plus  loin  dans  l'ordre  actuel  des  choses, 
(mettons  le  désordre,  pour  peu  qu'il  vous  plaise)  ;  si, 
n'admettant  d'autres  bornes  à  la  licence  individuelle  que 
le  préjudice  directement  causé  à  autrui,  nous  revendi- 
quons la  liberté  absolue,  non  pas  seulement  de  parler 
et  d'écrire,  mais  d'entreprendre,  même  contre  les  pré- 
rogatives de  l'autorité,  c'est  que  celle-ci  nous  apparaît 
dépourvue  de  sanction  légitime  ;  c'est  que  la  plus  large 
initiative  laissée  aux  individus  est  la  première  condition 
qui  permette  à  quelques-uns  d'entre  eux  l'espoir  de 
substituer  un  jour  l'ordre  absolu  à  l'ordre  relatif;  et  Tau- 


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452  LA  CLEF  DE  LA  MAGIE  NOIRE 

torité  radicale  et  légitime  à  la  pseudo-autorité  légale  et 
contingente. 

Étant  donnée  la  réalisation  d'un  État  synarchique  fondé 
sur  les  lois  mêmes  de  l'Universelle  Nature,  on  conçoit 
qu'un  Souverain  Pontife  aurait  le  droit  de  brandir  le 
glaive  du  Kéroub  contre  les  ennemis  de  l'Ordre  social... 

Si  jamais  le  siège  apostolique  était  occupé  de  la  sorte, 
nous  ne  doutons  pas  que  les  apôtres  à  redingote  de  qua- 
ker, les  petits  Jésus  du  Messianisme  huguenot,  —  veni- 
meux, au  demeurant,  comme  pas  un  !  —  ne  qualifiassent 
un  tel  pape  d'Antéchrist,  et  n'étiquetassent  ses  œuvres 
de  légitime  défense  :  lâche  assassinat,  opérations  satani- 
ques,  envoûtement... 

Ce  dernier  mot  nous  fait  songer  qu'à  part  l'analyse  et 
le  commentaire  des  sortilèges  décrits  et  symbolisés  tout 
ensemble  par  le  «  Philosophe  inconnu  )>,  dans  son  épo- 
pée du  Crocodile^  nous  avons  omis  de  passer  en  revue 
les  multiples  efforts  de  la  Volonté  mauvaise.  Nous  ne  le 
regrettons  pas,  n'ayant  été  précédemment  que  trop  ex- 
plicite à  cet  égard. 

Néanmoins,  entre  les  innombrables  opérations  que  Ton 
peut  cataloguer  sous  cette  rubrique  de  la  Volonté  dans 
le  Mal,  nous  retiendrons  à  l'étude  un  exemple,  — l'En- 
voûtement, —  dont  il  est  traité  assez  au  long  déjà  dans 
notre  précédente  Septaine. 

L'Envoûtement  constitue  bien  le  maléfice. par  excel- 
lence. 

Multiforme  comme  le  Mal  même,  variable  de  siècle  en 
siècle  et  de  climats  en  climats,  il  se  retrouve  partout 


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FORGE  DE  LA   VOLONTÉ  453 

SOUS  un  mode  ou  sous  Tautre.  Le  Temple  de  Satan  en  a 
fait  connaître  quelques-uns  ;  à  les  énumérer  tous,  il  fau- 
drait une  patience  de  bénédictin  glossateur  et  plusieurs 
rames  de  papier  blanc. 

On  sait  qu*un  savant  physicien  français,   le  colonel 
Albert  de  Rochas,  administrateur  de  l'École  polytechni- 
que, a  scientifiquement  contrôlé  et  reproduit  ce  phéno- 
mène, dont  le  nom  seul  faisait  pouffer  naguère  les  princes 
de  la  Science.  A  cette  heure,  ils  secouent  la  tête  d'un  air 
pensif,  mais  ils  ne  rient  plus,  —  ou  c'est  d'un  rire  qui 
sonne  faux.  Dans  cinquante  ans,  peut-être,  ils  enseigne- 
ront gravement  du  haut  des  chaires  officielles  la  possi- 
bilité de  nuire  à  distance,  par  l'envoûtement.  Rien  ne 
manquera  sur  leurs  lèvres  à  l'exposé  de  la  vieille  tradi- 
tion magique  ressuscitée  par  Rochas,  sauf  le  nom  de  la 
chose,  qu^on  aura  pris  soin  de  changer,  et  le  nom  de 
l'inventeur,  dont  on  escamotera  plus  soigneusement  en- 
core la  mention. 

Nous  comptons  transcrire,  pour  clore  ce  chapitre,  quel- 
ques extraits  d'une  relation  oi^  M.  de  Rochas  a  consigné 
son  étonnante  découverte  :  c'est  la  démonstration  du 
sortilège  célèbre  par  le  volt  ou  l'image  de  cire,  tel  qu'ail- 
leurs nous  l'avons  détaillé  (1).  Mais  il  nous  parait  cu- 
rieux d'esquisser  auparavant  quelques  variétés  pittores- 
ques et  moins  connues  de  l'Envoûtement. 

On  mène  grand  bruit,  aux  environs  de  Naples,  de  la 
Jeltatura,  ou  sort  jeté  par  le  regard  ;  c'est  le  mauvais 


(1)  Le  Serpent  de  la  Genèse,  l.  Le  Temple  de  Satan   (pages  185 
et  suiv.). 


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454  LA  GLEP  DE  LA  MAGIE  NOIRE 

œil,  également  redouté  en  d'autres  pays.  Cette  pratique 
peut  constituer  renvoùtement  par  suggestion  :  maïs  elle 
ne  sert  d'habitude  qu'à  établir  le  contact,  à  créer  le  rap- 
port, à  tendre  le  lien  fluidique  entre  le  maléficiant  et  le 
maléficié. 

Il  résulte  d'un  rapport  officiel,  rédigé  par  ordre  des  au- 
torités françaises  en  Ânnam,  qu'un  envoûtennent  fort 
étrange  a  fait  nombre  de  victimes  dans  la  province    de 
Quangbinh.  Le  sorcier  qui  en  est  coutumier  annonce  à 
jour  fixe,  plusieurs  mois  d'avance,  la  mort  de  ceux  qu'il 
va  frapper.  Il  se  promène  toujours  armé  d'un  sabre  ou 
d'une  lance  indigène.  Sous  un  prétexte  quelconque,  il 
engage  la  conversation,  en  plein  soleil^  avec  sa  future 
victime,  que,  durant  l'entretien,  il  dévisage  avec  persis- 
tance ;  puis,  dès  qu'elle  tourne  le  dos  pour  s'éloigner,  il 
fiche  vivement  son  arme  en  terre,  sur  l'emplacement 
où  se  découpe  encore   l'ombre  de  son  interlocuteur. 
Quelques  paroles  marmottées  à  voix  basse  accompagnent 
ce  geste  et  en  soulignent  l'intention.  Il  est  remarquable 
que  ce  n'est  point  alors  que  la  victime  se  sent  frappée  ; 
mais  à  l'heure  précise  où  le  magicien  noir  arrache  du 
sol  le  fer  qui  a  encloué  Vomhre  :  un  jour,  —  un  mois,  — 
un  an  s'écoulent...  Puis  la  mort  subite  du  pauvre  diable 
marque  l'instant  où  l'enchanteur  a  repris  son  sabre  ou 
sa  lance  (1). 

L'ombre  physique,  antithèse  négative  du  corps  et  me- 
sure proportionnelle  d'Hereb  par  rapport  à  lui,  a  cons- 

(1)  Extrait  d'un  rapport  de  M,  C.  D.„d,  vice-résident  de  France  à 
Donghoï,  à  M.  le  Résident  supérieur  en  Annam  (i2  mars  i%9i, 
pièce  no  3);  document  transmis  par  M.  de  Pouvourville. 


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FORCE  bK  LA    VOLOiNTÉ  455 

tamment  joué  en  Goëtie  (naturelle  Ou  diabolique)  un  rôle 
trouble  et  néfaste.  C'est  ainsi  qu'au  dire  d'Agrippa,  «  les 
sorciers  observent  que  leur  ombre  couvre  celui  qu'ils 
veulent  ensorceler  ;  c'est  ainsi  que  l'hyène,  par  l'attou- 
chement  de  son  ombre,  fait  taire  les  chiens  (1)  ». 

J.-A.  Vaillant,  quia  si  curieusement  étudié  les  mœurs 
des  Rômes  ou  Bohémiens  de  race  pure,  nous  décrit  un 
rite  d'envoûtement  en  faveur  parmi  ces  tribus  demi-sau- 
vages de  devins-nés,  pour  qui,  au  sentiment  du  popu- 
laire, le  monde  occulte  n*a  plus  de  secrets.  Avant  que  de 
relater  cette  bizarre  cérémonie,  notons  au  passage  une 
superstition  de  plus,  relative  à  Tombre  corporelle  et  aux 
maléfices  dont  on  accuse  les  bohémiens  à  son  sujet  :  «  Si 
quelque  jeune  garçon  passe  assez  près  d'eux  pour  que 
son  ombre  se  dessine  sur  la  muraille  au  pied  de  laquelle 
ils  sont  assis,  où  toute  une  famille  mange  et  repose  au 
soleil  :  Au  large^  enfant,  lui  crie  son  pédagogue,  ces  Stri- 
goî  (vampires)  vont  prendre  votre  ombre,  et  votre  âme 
ira  danser  avec  eux  le  sabbat  toute  l'éternité  (2).  »  L'au- 
teur des  Contes  fantastiques  songeait  peut-être  à  cette 
singulière  tradition,  lorsqu'il  écrivit  la  légende  de  l'homme 
qui  a  perdu  son  ombre. 

Voici  maintenant  comme,  au  récit  de  Vaillant,  le  Rome 
vindicatif  fait  travailler  la  Daïa  (sorcière),  pour  la  ruine 
de  l'impitoyable  dame  du  château,  qui  a  fait  périr  une 


(1)  Agrippa,  Philosophie  occulte,  édition  française  de  1727  (tome  I, 
page  125). 

(2)  Vaillant,  les  Rômes,  Histoire  des  vrais  bohémiens,  Paris,  1857, 
in-80  (page  209). 


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4S6  LA  CLEF  DE  LA  MAGIE  NOIRE 

jeune  bohémienne  qu'il  adorait.  C'est  la  nuit;  Piino 
frappe  à  la  chaumière  de  la  vieille. 

Celle-ci  c  élait  alors  occupée  à  distribuer  par  las  de  trois, 
quatre  et  sept,  quarante-deux  grains  de  maTs,  qui  semblaient 
courir  et  sauter,  comme  malgré  elle,  sur  un  crible  renversé. 

—  Que  veux-tu?  demande-t-elle  à  Purvo,  en  le  voyant  entrer. 

—  Je  veux,  lui  répond  Purvo,  que  tu  enfonces  le  couteau  : 
et  si  le  sort  me  seconde,  je  te  donne  mes  gages  de  cet  le  année. 
A  celte  promesse,  la  Data  se  sent  émue,  laisse  là  son  crible 
et  ses  grains,  et  le  regardant  :  —  Tu  le  veux  ;  eh  !  bien,  reste 
là,  je  reviens.   Ce  disant,  elle  éteint  la  chandelle  et  sort.  A 
minuit  précis,  elle  rentre,  tenant  en  main  un  pot  dans  lequel 
elle  a  fait  infuser  trois  simples  dont  elle  ne  dit  pas  le  nom, 
s'approche  du  foyer,  rapproche  trois  tisons,  les  allume,  et 
quand  la  flamme  s'en  échappe,  elle  délie  sa  ceinture,  dénoue 
ses  cheveux,  et,  le  couteau  à   la   main,  elle  appelle  Purvo. 
Purvo  se  lève  et  s'approche.   Alors  elle  enfonce  le  couteau 
dans  la  terre  et,  posant  le  pied  dessus  :  —  Souffre-t-elle  assez? 
demande-t-elle  à  Purvo.  —  Non,  répond-il.  —  Et,  appuyant 
le  couteau  :  — Souffre-t-elle  assez?  lui  demande-t-elle  encore. 

—  Non  !  répond  encore  Purvo.  —  Et  maintenant?  s'écrie-t-elle 
en  appuyant  plus  fort,  es-tu  content?  —  Non,  daïa,  non  !  — 
Tu  veux  donc  qu'elle  meure  ?  —  Tu  l'as  dit,  elle  et  les  siens, 
et  si  elle  ne  meurt  pas,  je  la  tue.  En  ce  moment,  un  des  tisons 
se  détache,  renverse  le  pot  et  roule  hors  de  Tàlre.  —  Malheur  î 
s'écrie  la  daïa;  et  à  Purvo  :  —  Va  !  tu  rouleras  comme  ce 
tison  ;  le  feu  de  la  vengeance  s'éteindra  dans  le  sang,  et  le 
sang  de  la  vie  sera  renversé.  Ainsi  dit  le  Sort  (1)  !  » 

Un  mode  d'envoûtement  fort  usité  jadis,  est  le  scopé- 
Usine.  Il  consistait  dans  l'acte  de  déposer  une  pierre 
dans  l'enclos  de  son  ennemi  ;  le  maléficiant  prenait  soin 


(1)  Les  Rames,  etc.  (pages  408-409). 


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FORCE  DE  LA    VOLONTÉ  45T 


*Vy  joindre  quelques  paroles  enchantées (I),  afin  de  pré- 
ciser son  intention  et  d'inscrire  en  astral  le  verbe  de  sa 
haine,  tendant  soit  à  la  ruine,  soit  à  la  maladie,  soit  à  la 
mort  de  la  victime  désignée.  Pour  vouer  toute  une  famille 
k  la  ténèbre  occulte,  il  devait  déposer,  ou  mieux  planter 
en  terre  ennemie,  autant  de  moellons  rancuneux  que  la 
Tamille  comptait  de  membres.  —  Le  scopélisme  ne  se 
pratique  plus  guère  ;  à  peine  quelques  vieux  bergers  ont- 
ils  gardé  souvenance  de  ce  rite  imprécatoire,  dont  bien 
desérudits  ignorent  jusqu'au  nom.  Et  pourtant  ce  sorti- 
lège parait  l'origine  d'un  dicton  bien  usuel.  Que  de  fois, 
lorsqu'un  causeur  enveloppe  dans  renonciation   d'une 
généralité,  ou  déguise,  sous  une  phrase  polie  et  souvent 
complimenteuse,  quelque  malice,  —  allusion  mordante 
ou  critique  acérée,  —  l'interlocuteur  témoigne  qu'il  n'est 
point  dupe,  en  s'écriant  :  Ah!  ceci  est  une  pierre  dans 
mon  jardin! 

Ce  cliché  peut  faire  le  pendant  de  l'adage  que  nous 
avons  signalé  déjà  :  Qu'un  tel  se  garde  !  fai  une  dent 
contre  lui.  L'une  et  l'autre  locution,  n'en  déplaise  à 
MM.  de  l'Académie,  dérivent  du  grimoire  en  droite  ligne. 
Inutile  de  pousser  plus  loin  la  description  des  procé- 
dés d'envoûtement.  On  les  peut  varier  à  l'infini  ;  car, 
nous  ne  saurions  trop  le  redire,  les  rites  extérieurs  ne 
valent  que  comme  signes  d'expression  et  d'appui  pour  la 
Volonté  ;  et  toute  vertu  magique  (ainsi  qu'on  en  verra 


(1)  Toujours  la  volonté  exprimée  et  le  signe  d'appui;  c'est-à-dire  la 
forme  et  la  matière  du  maléfice,  comme  nous  l'avons  expliqué  au  tomr 
précédent  (le  Temple  de  Satan ,  pages  172-174). 


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458  LA  CLEF  DE  LA  MAGIE  NOIRE 

encore  une  preuve  tout  à  l'heure)  réside  au  Verbe  du  ma- 
gicien ou  du  sorcier,  c*est-à*dire  en  son  Vouloir,  que  le 
signe  traduit  et  manifeste. 

Les  expériences  de  M.  de  Rochas,  dont  les  conclusions 
paraissent  applicables,  à  titre  indirect,  à  toutes  les  formes 
du  maléfice,  ont  trait  plus  immédiatement  à  certains 
procédés  classiques  d'envoûlenient.que  nous  avons  décrits 
au  tome  premier  de  cet  ouvrage.  Cependant,  nous  avous 
promis  de  consigner  ici  les  détails  de  sa  mémorable  dé- 
couverte,  tels  que  lui-même  les  a  rédigés.  Il  est  temps  de 
tenir  notre  parole  et  de  clore,  avec  cette  relation  d'un 
exceptionnel  intérêt,  le  présent  chapitre  iv,  allongé  outre 
mesure  par  des  digressions  d'ailleurs  indispensables  à 
rintelligencede  nos  doctrines. 

Nous  empruntons  les  extraits  qui  vont  suivre  à  17«i- 
liation{n!'  de  novembre  1892). 

EXPBRIBNCES  DB  M.   LE  COLONEL   DE  ROCHAS 

«  La  plupart  des  sujets,  quand  on  hypereslhésîe  leurs  yeux 
par  certaines  manœuvres,  voient  s'échapper,  des  animaux, 
des  végétaux,  des  cristaux  et  des  aimants,  —  des  lueurs. — 
C'est  ce  qu*a  constaté  pour  la  première  fois,  il  y  a  une  cin- 
quantaine d'années,  par  de  nombreuses  expériences,  un  savant 
chimiste  autrichien,  le  Baron  de  Relchenbacfa. 

c  Chez  rhomme,  ces  effluves  sortent  des  yeux,  des  narines, 
des  oreilles  et  de  l'extrémité  des  doigts,  pendant  que  le  reste 
du  corps  est  simplement  recouvert  d'une  couche  analogue  à 
un  duvet  lumineux.  Quand  on  extériorise  la  sensibilité  d'un 
sujet,  le  sujet  voyant  voit  cette  couche  lumineuse  quitter  la 
peau  et  se  porter  précisément  dans  la  couche  d'air,  où  l'on 
peut  constater  directement  la  sensibilité  du  patient  par  des 
attouchements  ou  des  pincements. 

c  En  continuant  les  manœuvres  propres  à  produire  Texte- 


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FORCB  DE  LA   VOLONTÉ  459 


rîorisatioD,  j*ai  reconnu,  à  Taide  de  divers  procédés,  qu'il  se 
produisait  successivement  une  série  de  couches  sensibles  très 
minces,  concentriques,  séparées  par  des  couches  insensibles, 
et  cela  jusqu'à  plusieurs  mètres  du  sujet.  Ces  couches  sont 
espacées  d'environ  cinq  à  six  centimètres,  et  la  première  n'est 
séparée  de  la  peau  insensible  que  de  la  moitié  de  celte  dis- 
tance  

«  ...  Ce  que  je  considère  comme  nettement  établi,  c'est  que 
les  liquides,  en  général,  non  seulement  arrêtent  VOd  (1),mais 
le  dissolvent  :  c'est-à-dire  qu'en  faisant  traverser,  par  exemple, 
un  verre  rempli  d'eau  par  une  des  couches  sensibles  les  plus 
rapprochées  du  corps,  il  se  produit  une  ombre  odique,  les 
couches  suivantes  disparaissant  derrière  le  verre  sur  une  cer- 
taine étendue;  de  plus,  l'eau  du  verre  devient  entièrement 
sensible  et  émet  même  au  bout  d'un  certain  temps  (probable- 
mentquandelle  est  saturée)  des  vapeurs  sensibles  qui  s'élèvent 
verticalement  de  sa  surface  supérieure.  Entin,  si  l'on  éloigne 
le  verre,  l'eau  qu'il  contient  reste  sensible  jusqu'à  une  certaine 
distance,  au  delà  de  laquelle  le  lien  qui  l'unit  au  corps  du 
sujet  semble  se  rompre,  après  s'être  graduellement  affaibli. 
Jusqu'à  ce  moment,  le  sujet  perçoit,  sur  la  partie  la  plus  rap- 
prochée de  l'endroit  où  était  Teau  lorsqu'elle  s'est  chargée  de 
sa  sensibilité,  tous  les  attouchements  que  le  magnétiseur  fait 
subir  à  cette  eau,  bien  que  la  région  de  l'espace  où  l'on  a 
transporté  le  verre  ne  contienne  plus,  en  dehors  de  ce  verre, 
de  parties  sensibles. 

«  L'analogie  que  présente  ce  phénomène,  avec  les  histoires 
des  personnes  qu'on  a  fait  mourir  à  distance,  en  blessant  une 
figure  de  cire  modelée  à  leur  image,  était  évidente.  J'essayai 
si  la  cire  ne  jouirait  pas,  comme  l'eau,  de  la  propriété  d'em- 
magasiner la  sensibilité,  et  je  reconnus  qu'elle  la  possédait  à 


(1)  Aôd,  Od  (tin),  lumière  astrale  positive  :  c'est  la  force  psychi- 
que de  Crookes.  —  Roclias  a  conservé  ce  nom,  que  M.  de  Reichenbach 
avait  attribué  aux  effluences  lumineuses  dont  il  est  question  plus  haut. 

Vu  la  longueur  de  cette  relation,  nous  supprimons  tout  ce  qui  ne 
tend  pas  directement  au  but.  Plusieurs  points,  chaque  fois,  signalent 
la  coupure. 


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460  LA   CLEF  DE   LA   MAGIE  NOIRE 

un  haut  degré,  ainsi  que  d'autres  substances  grasses,  vis- 
queuses ou  veloutées,  comme  le  cold-cream  et  le  velours  de 
laine.  Une  petite  statuette,  confectionnée  avec  de  la  cire  à  mo- 
deler et  sensibilisée  par  un  séjour  de  quelques  instants  en 
face  et  à  une  petite  distance  d'un  sujet,  reproduisit  les  sensa- 
tions des  piqûres  dont  je  la  perçais,  vers  le  haut  du  corps,  si 
je  piquais  la  statuette  à  la  tète,  vers  le  bas,  si  je  la  piquais 
aux  pieds...  Cependant  je  parvins  à  localiser  exactement  la 
sensation,  en  implantant,  comme  les  anciens  sorciers,  dans  la 
tète  de  ma  figurine,  une  mèche  de  cheveux  coupée  à  la  nuque 
du  sujet  pendant  son  sommeil. C'est  là  l'expérience  dont  notre 
collaborateur  du  Cosmos  a  été  le  témoin  et  même  l'acteur;  il 
avait  emporté  la  statuette  ainsi  préparée  derrière  les  casiers 
d'un  bureau,  où  nous  ne  pouvions  pas  la  voir,  ni  le  sujet,  ni 
moi.  Je  réveillai  Madame  L***,  qui,  sans  quitter  la  place,  se 
mit  à  causer  jusqu'au  moment  où,  se  retournant  brusquement 
et  portant  la  main  derrière  la  tète,  elle  demanda  en  riant  qui 
lui  lirait  les  cheveux  ;  c'était  l'instant  précis  où  M.  X***  avait, 
à  mon  insu,  tiré  les  cheveux  de  la  statuette. 

<  Les  effluves  paraissant  se  réfracter  d'une  façon  analogue 
à  la  lumière,  qui  peut-être  les  entraîne  avec  elle,  je  pensai 
que  si  Ton  projetait,  à  l'aide  d'une  lentille,  sur  une  couche 
visqueuse,  l'image  d'une  personne  suffisamment  extériorisée, 
on  parviendrait  à  localiser  exactement  les  sensations  trans- 
mises de  Pimageà  la  personne.  Une  plaque  chargée  de  gélatino- 
bromure et  un  appareil  photographique  m'ont  permis  de 
réaliser  facilement  l'expérience,  qui  ne  réussit  d'une  façon 
complète  que  lorsque  j'eus  soin  de  charger  la  plaque  de  la 
sensibilité  du  sujet  avant  de  la  placer  dans  l'appareil.  Mais 
en  opérant  ainsi,  j'obtins  un  portrait  tel,  que  si  le  magnétiseur 
touchait  un  point  quelconque  de  la  figure  ou  des  mains,  sur 
la  couche  de  gélatino-bromure,  le  sujet  en  ressentait  l'impres- 
sion au  point  exactement  correspondant  ;  et  cela,  non  seule- 
ment immédiatement  après  l'opération,  mais  encore  trois 
jours  après,  lorsque  le  portrait  eut  été  fixé  et  rapporté  près 
du  sujet.  Celui-ci  paraît  n'avoir  rien  senti  pendant  l'opération 
du  fixage,  faite  loin  de  lui,  et  il  sentait  également  fort  peu 
quand  on  touchait,  au  lieu  du  gélatHio-bromure,  la  plaque 


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FORCE  DE  LA   VOLONTÉ  461 

de  verre  qui  lui  servaîl  de  support.  Voulant  pousser  l'expé- 
rience aussi  loin  que  possible,  et  profilant  de  ce  qu'un  méde- 
cin se  trouvait  présent,  je  piquai  violemment,  sans  prévenir 
€^t  par  deux  fois,  avec  une  épingle,  Tirnage  de  la  main  droite 
die  Madame  L***,  qui  poussa  un  cri  de  douleur  et  perdit  un 
instant  connaissance.  Quand  elle  revint  à  elle,  nous  remar- 
c|  uàmes  sur  le  dos  de  la  main  deux  raies  rouges  sous-cutanées 
<|u'elle  n'avait  pas  auparavant,  et  qui  correspondaient  exacte- 
iTient  aux  deux  écorchures  que  mon  épingle  avait  faites  en 
glissant  sur  la  couche  gélatineuse. 

€  Voilà  les  faits  qui  se  sont  passés  le  2  août,  non  pas  en  pré- 
sence de  membres  de  l'Académie  des  Sciences  et  de  l'Académie 
<le  Médecine,  comme  on  Ta  raconté,  mais  devant  trois  fonc- 
lionnaires  de  l'École  (polytechnique)...  Je  partis  le  soir  même 
pour  Grenoble. 

€  ...  A  mon  retour  de  Grenoble,  j'ai  retrouvé  Madame  L***, 
et  j'ai  pu  recommencer  Texpérience  de  la  photographie,  qui  a 
réussi  sans  tâtonnements  en  suivant  le  mode  d'opération  re- 
connu bon  le  2  août. 

c  L'image  ayant  été  immédiatement  fixée,  je  fis  avec  une 
épingle  une  légère  déchirure  sur  la  couche  de  collodion,  à 
l'emplacement  des  mains  croisées  sur  la  poitrine:  le  sujet 
s'évanouit  en  pleurant,  et,  deux  ou  trois  minutes  après,  le 
stigmate  apparut  et  se  développa  graduellement,  sous  non 
yeux,  sur  le  dos  d'une  de  ses  mains,  à  la  place  exactement 
correspondante  à  la  déchirure. 

«  Le  cliché  n'était^  du  reste,  sensible  qu'à  mes  attouche- 
ments ;  ceux  du  photographe  n'étalent  perçus  que  lorsque 
j'établissais  le  rapport,  en  touchant  sa  personne,  soit  avec  le 
pied,  soit  autrement. 

«  Le  9  octobre,  une  épreuve  sur  papier  ayant  été  tirée,  je 
constatai  que  cette  épreuve  n'avait  qu'une  sensibilité  confuse, 
c'est-à-dire  que  le  sujet  percevait  des  sensations  générales, 
agréables  ou  désagréables,  suivant  la  manière  dont  je  la  tou- 
chais, mais  sans  pouvoir  les  localiser.  Deux  jours  après,  toute 
sensibilité  avait  disparu,  aussi  bien  dans  le  cliché  que  dans 
répreuve. 

c  Le  D'  Luys  m'a  dit  que,  pendant  mon  absence,  il  avait 


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46S  LA   CLEF  DE  LA   HAGIE  NOIRE 

essayé  de  reproduire  le  phénomène  dont  on  lui  avait  parlé,  et 
qu'il  avait  pu  obtenir  la  transmission  de  sensibililé  à  35  mè- 
tres, quelques  instants  après  la  pose...  » 

(Paris,  le  15  octobre  1892). 

Cette  suite  d'expériences,  ordonnées  avec  autant  de 
sagacité  que  de  logique,  révèle  si  clairement  la  nature 
du  sortilège,  que  tout  commentaire  ne  ferait  qu'en  amoin- 
drir la  portée.  Mieux  vaut  laisser  l'éloquence  des  faits 
convaincre  le  Lecteur.  Aussi  nous  bornerons-nous  à 
quelques  brèves  remarques. 

Le  colonel  de  Rochas,  bien  que  familiarisé  avec  ren- 
seignement des  Écoles  mystiques,  et  très  au  courant 
des  traditions  populaires  de  la  Goëtie,  n'admet  toutes  ces 
données  qu'à  titre  de  simples  renseignements  à  vérifier. 
Bref,  il  est  et  veut  demeurer  un  pur  expérimentateur, 
un  simple  physicien.  Les  occultistes  ne  sauraient  trop 
s'en  réjouir,  car  c'est  ce  qui  décuple  auprès  du  public- 
profane  l'autorité  de  ses  expériences.  Ainsi  M.  de  Rochas 
est  amené  par  la  force  des  choses  et  par  la  stricte  induc- 
tion scientifique,  au  contrôle  progressif  des  secrètes 
doctrines,  plus  de  cent  fois  séculaires,  de  l'uni  verselÉso- 
térisme,  toujours  invariable  sous  la  multiplicité  des  my- 
thes et  des  emblèmes. 

Il  vérifiera  de  la  sorte,  une  à  une,  les  notions  tradi- 
tionnelles qui  forment  la  base  de  la  physique  et  de  la 
physiologie  occulte. 

Mais  de  pareilles  expériences  ne  sauraient  être  sans 
danger. 

La  loi  de  répercussion  traumatique,  si  magistralement 


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FORCE  DE  LA  VOLONTÉ  463 


démontrée  par  Rochas,  lui  réserve  peut-être  de  désagréa- 
bles surprises. 

Tant  que  ses  sujets  en  seront  quittes  pour  une  sensa- 
tion douloureuse,  des  égratignures  sous-cutanées  et  un 
évanouissement  de  quelques  secondes,  Tinconvénient  sera 
minime,  et  de  qualité  négligeable.  Mais  il  est  des  organes 
essentiels  à  la  vie,  auxquels  la  moindre  lésion  serait  fu- 
neste. Le  fait  de  la  stigmatisation  répercussive,  eflfectuée 
à  dislance,  sous  certaines  conditions,  est  désormais  hors 
de  doute  ;  mais  le  secret  mécanisme  en  demeure  obscur. 
Quel  expérimentateur  oserait  répondre  qu'accidentelle- 
ment, un  jour,  par  suite  de  quelque  réfraction  imprévue 
ou  d'une  interférence  de  plans  dynamiques,  le  cœur  ou 
le  cerveau  du  sujet  ne  deviendront  pas  le  siège  du  phé- 
nomène encore  inexpliqué  ?... 

Il  parait  certain  que  la  plupart  des  cas  d'envoûtement 
criminel,  préparés  d'avance  par  des  menaces,  se  bor- 
naient à  un  système  de  piqûres  ou  de  brûlures  quotidien- 
nes et  superficielles.  Un  état  d'obsession  en  résultait 
pour  le  maléficié  ;  une  angoisse  de  chaque  instant  cen- 
tuplait chez  lui  les  maux  physiques  par  leur  répétition 
auto-suggestive.  Son  esprit  se  frappait;  il  perdait  l'appé- 
tit, le  sommeil...  La  mort  enfin  pouvait  s'ensuivre  à  lon- 
gue échéance.  —  Mais  il  appert  de  pièces  authentiques, 
et  plusieurs  dossiers  de  procès  de  sorcellerie  en  font  foi, 
que  souvent  aussi  la  mort  occulte  frappait  la  victime,  à 
distance,  d'une  sorte  instantanée  et  foudroyante.  La  cer- 
titude d'une  possibilité  semblable  doit  servir  d'avertisse- 
ment k  tous  les  investigateurs,  curieux  de  contrôler  au 


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464  LA   CLEF   DE   LA  MAGIE  NOIRE 

laboratoire  les  expériences  de  M,  de  Rochas.  Tout  le 
inonde  ne  peut  se  flatter  de  joindre,comme  lui,  à  des  con- 
naissances spéciales,  une  habitude  et  une  prudence  indis- 
pensables  en  ces  recherches. 

Lui-même  nous  a  fait  part  d'un  accident  regrettable, 
arrivé  à  Tun  de  ses  sujels  ;  accident  qui,  grâce  au  Ciel, 
ne  comportait  pas  de  suites  bien  graves.  Un  soir  que  le 
physicien  avait  terminé  la  suite  de  ses  expériences,  il 
jeta  par  la  fenêtre  le  contenu  d'un  verre  qui  avait  servi 
à  Tune  d'elles  :  c'était  de  l'eau,  chargée  de  la  sensibi- 
lité d'un  sujet.  On  était  alors  en  plein  hiver,  et  l'eau 
vivante  se  congela  dans  l'instant  qu'elle  fut  répandue. 
Rochas  referma  sa  fenêtre  et  n'y  songea  plus.  Aussi  ne 
fut-il  pas  médiocrement  stupéfait  d'apprendre,  le  lende- 
main, que  son  sujet  de  la  veille  avait  passé  une  nuit 
affreuse.  Transi  jusqu'aux  moelles,  rien  n'avait  pu  le 
réchauffer  dans  son  lit,  où  il  s'était  tordu,  en  proie  à  de 
douloureuses  tranchées.  Par  bonheur,  l'indisposition  fut 
passagère,  et  l'accident  n'eut  pas  de  conséquences  plus 
fâcheuses. 

Peut-être  l'expérience  des  plaques  sensibilisées  serail- 
elle  sujette  à  réserver  de  pires  surprises,  à  l'essai  de 
procédés  où  l'on  fait  usage  de  substances  extrême- 
ment vénéneuses.  Nul  doute  que  la  loi  de  réversibilité 
magique  ne  s'exerçât  identiquement,  de  l'objet  sensibi- 
lisé à  l'organisme  humain,  —  soit  que  le  fluide  vital  fût 
répandu  sur  une  plaque,  ou  qu'il  saturât  l'eau  d'une 
éprouvelte.  On  fera  bien  d'y  prendre  garde. 

C'est  ce  même  principe  de  la  réversibilité  qui,  d'un 
être  vivant  à  l'autre,  préside  au  transfert  d'un  état  neu- 


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FORCE  DE   LA   VOLONTÉ  465 

rologique, — phénomène  étrange  et  positif,  dont  le  méde- 
cin en  chef  de  la  Charité,  M.  le  D^  Luys,  fait  à  la  théra- 
peutique une  application  quotidienne.  Il  a  des  sujets 
sensibles,  auxquels  il  communique  en  apparence  la  mala- 
die des  valétudinaires  en  traitement.  Pour  effectuer  ce 
transfert,  il  fait  usage  d'aimants,  de  couronnes  magnéti- 
ques d'une  certaine  puissance.  Tous  les  symptômes  patho- 
logiques du  malade  se  manifestent  chez  le  sujet  influencé, 
et  c'est  sur  ce  dernier  que  le  D'  Luys  opère,  au  lieu 
d'agir  sur  le  malade  :  ce  qui  fait  songer  au  grand  Para- 
celse,  réalisant  des  cures  merveilleuses,  non  point,  il  est 
vrai,  sur  une  tierce  personne,  mais  sur  une  statuette  de 
bois  ou  de  cire,  en  rapport  sympathique  avec  son  client 
malade  ou  blessé(l).  Contre-envoûtement,  sortilège  pour 
le  bien,  et  l'on  serait  tenté  d'écrire  «  bénéfice  »,  n'était  le 
mot  consacré  dans  un  autre  sens. 

Pour  en  revenir  à  l'envoûtement  par  l'image  photo- 
graphique, observons  qu'il  ne  serait  pas  impossible  d'ob- 
tenir, au  moyen  d'un  cliché  dont  on  redressât  l'image, 
un  véritable  spectre  de  pénombre,  un  pseudo-corps  astral 
de  la  personne  absente,  et  d'agir  directement  sur  ce  fan- 
tôme comme  sur  un  volt. 


(i)  Souvent,  lorsque  le  mal  était  bien  localisé,  et  ne  ressortissait 
pas  &  un  état  pathologique  général,  Paracelse  moulait  en  cire  ou 
sculptait  en  bois  la  représentation  exacte  du  membre  malade,  qu'il 
traitait  par  les  caustiques,  ou  par  la  poudre  de  sympathie,  selon  les 
cas,  après  avoir  établi  le  rapport  entre  l'organe  malade  et  son 
image.  —  Cette  méthode  curative  était  décriée  comme  absurde,  et  les 
confrères  du  grand  Auréole  s'en  égayaient  fort.  Celui-ci  n'en  conti- 
nuait pas  moins,  avec  sérénité,  à  guérir  tel  genou  malade  en  appliquant 
«r  des  cautères  sur  une  jambe  de  bois  i.  De  là  le  proverbe,  apparem- 
ment. 

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466  LA   CLEF   DE  LA  MAGIE  NOIRE 

Les  Lecteurs  du  Temple  de  Satan  se  rappellent  sans 
doute  que  les  anciens  sorciers  faisaient  entrer  dans  la  com- 
position du  volt  des  débris  d'ongles,  une  dent,  des  che- 
veux, —  en  un  mot,  quelque  détritus  provenant  du  des- 
tinataire du  sortilège,  —  et  qu'ils  habillaient,  si  possible, 
la  figurine  avec  des  étoffes  qu'il  eût  beaucoup  portées. 
Cela  était  en  vue  d'établir  le  rapport,  à  défaut  de  quoi 
toutes  les  cérémonies  sont  en  pure  perte.  Il  est  présuma- 
ble  que  ces  brigands  soulignaient  de  paroles  ambiguës, 
ou  qu'ils  aggravaient  par  une  attitude  menaçante,  l'acte 
ostensible  de  soustraire  à  leur  future  victime  quelque 
objet  usager,  pour  la  composition  ou  le  costume  de  la 
€  manie  ».  La  terreur,  comme  nous  l'exposerons  au 
prochain  chapitre,  a  pour  conséquence  une  immédiate 
déperdition  de  fluide  vital,  effluve  que  peut-être  avaient- 
ils  l'art  de  concentrer  sur  l'objet  de  leur  larcin  manifeste. 

Ce  qui  rendait  dangereuse  au  sorcier  même  la  prati- 
que de  l'envoûtement,  —  et  en  raison  directe  de  sa  pos- 
sible efficacité,  — c'était  la  passion  féroce  qu'il  dévelop- 
pait en  lui  jusqu'au  délire,  dans  le  rite  de  rexécration. 
Lui-même,  à  son  insu,  saturait  le  volt  de  sa  propre  vie 
extériorisée  ;  et,  pour  peu  que  le  destinataire  de  ses  haines 
ne  se  trouvât  pas  en  phase  de  passivité  réceptive,  c'était 
alors  Texécrateur  qui  devenait  victime  de  son  malengin. 
La  loi  du  choc  en  retour  le  surprenait  désarmé,  dans  la 
période  de  dépression  et  de  lassitude,  consécutive  à  celle 
de  fièvre  et  d'exacerbation  physiologique. 

Pareil  effet  répercussif  était  surtout  à  craindre,  dans 
les  cas  de  véné/ice,  ou  d'envoûtement  par  les  fluides 
empoisonnés.  Les  anciens  bergers,  à  qui  ces  pratiques 


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FORCE  DE  LA   VOLONTÉ  467 

semblent  avoir  été  familières,  jetaient  la  contagion  ma- 
gique sur  tout  un  pays,  ou  seulement  sur  une  famille, 
ou  sur  les  bestiaux  d'une  seule  étable.  Nous  avons  résu- 
mé au  tome  précédent  la  curieuse  affaire  des  Sorciers  de 
la  Brie  (1),  à  la  fin  du  xvn«  siècle,  et  nous  prions 
le  Lecteur  d'y  reporter  les  yeux.  La  charge  d'empoison- 
nement magique  (ou  c  gogue  »,  ou  «  gobbe  (2)  »)  usitée 
par  ces  bandits,  avait  nom  le  BeaurCiel'Dieu;i\s  l'appe- 
laient encore  le  magistère  des  neuf  conjurements.  Nous 
n'insisterons  pas  sur  sa  composition,  qui,  selon  toute 
vraisemblance,  ne  se  bornait  point  au  mélange  des  in- 
grédients bizarres  dont  ils  ont  livré  le  détail  à  leur  pro- 
cès (3).  Ce  qui  est  hors  de  doute,  c'est  l'effroyable 
efficacité  de  ces  malengins  ;  les  pièces  authentiques  de 
l'enquête  ne  laissent  place  pour  aucune  incertitude  à  cet 
égard.  Les  gogues,  enterrées  dans  le  voisinage  des  étables 
proscrites,  ne  dégageaient  leurs  effluves  mortifères  qu'à 
la  condition  d'être  arrosées  de  temps  en  temps  de  vinai- 
gre: les  laissait-on  se  dessécher,  le  mal  cessait  de  sévir; 
dès  qu'on  y  versait  à  nouveau  le  liquide  voulu  (4),  la  con- 
tagion reprenait  de  plus  belle. 

(1)  Le  Serpent  de  la  Genèse,  I.  Le  Temple  de  Satan,  pages  176- 
181  et  suiv. 

(2)  Cf.  Thiers,  curé  de  Vibraie,  Traité  des  superstitions  gui  regar- 
dent les  sacrements,  Paris,  1741^  4  vol.  in-12  (tome  I,  page  132). 

(3)  Le  Serpent  de  la  Genèse,  l,  Le  Temple  de  Satan,  pages  180-181. 

(4)  Peut-être  les  sorciers  ont-ils  parlé  de  vinaigre  pour  donner  le 
change  k  leurs  juges  :  nous  avons  tout  lieu  de  croire  que  le  liquide 
dont  on  humectait  les  gogues  renfermait  du  purin  ou  du  lait  des  bes- 
tiaux voués  à  mourir... 

Cette  hypothèse  nous  remet  en  mémoire  une  pratique  abominable, 
relatée  par  L.-A  Cahagnet,  dans  sa  Magie  magnétique.  Il  en  tient  l'indi- 
cation d'un  maître-ouvrier  chez  qui  il  a  exercé  quelque  temps  son  état 


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468  LA  CLEF  DE  LA  MAGIE  NOIRE 

L'aventure  sinistre  de  Bras-de-fer,  que  nous  avons 
produite  et  dont  on  aurait  mauvaise  grâce  à  suspecter 
l'authenticité,  témoigne  des  foudroyanles  atteintes  du  choc 
en  retour.  A  la  moindre  étourderie,  cette  mort  affreuse 
menace  le  magicien  noir,  dans  la  pratique  de  l'envoûte- 
ment en  général,  du  vénéfice  en  particulier. 

C'est  pour  conjurer  ce  péril,  que  les  fauteurs  de  sorti- 
lège ont  imaginé  l'envoûtement  réversible  sur  un  tiers,  à 
titre  conditionnel.  Tel  est  le  maléfice  de  dMalion.  Le 
ricochet  de  l'influx  mortel,  qu'un  obstacle  a  brusquement 
détourné  du  but,  peut  alors  rebondir  sur  une  victime 
subsidiairement  désignée  d'avance,  et  qui  sera  tantôt 
un  homme,  tantôt  un  animal  (I). 


de  touraeur.  Nous  allons  transcrire,  dans  son  réalisme  na!f,  le  récit 
du  paLron  de  Gahagnet  :  «  Encore  très  jeune,  lorsque  je  faisais  mon 
tour  de  France,  je  trouvai  de  l'ouvrage  dans  une  boutique  dont  la 
maîtresse  devint  amoureuse  de  moi.  Je  ne  tardai  pas,  vu  mon  âge  et 
mon  peu  d'expérience,  &  obtenir  d'elle  ce  qu'elle  m'offrait  volontiers; 
mais  comme  elle  était  vieille  et  qu'elle  avait  une  fille  de  mon  âge  en- 
viron, je  me  sentais  plus  amoureux  de  la  fille  que  de  la  mère,  aussi  le 
lui  laissais-je  apercevoir;  je  fis  même  une  condition  de  notre  liaison, 
de  les  connaître  toutes  les  deux.  La  mère  me  promit  tout  ;  mais  elle 
voulait  m'êpouser  elle-m>me  avant  de  m'accorder  sa  ûlle.  Je  trouvai  la 
proposition  d'autant  plus  étonnante,  que  le  mari  de  cette  femme  exis- 
tait et  dirigeait  notre  atelier.  Je  lui  en  fis  l'observation.  Elle  me  dit: 
<(  Ta  vois  quelle  mine  il  a,  il  va  descendre  la  garde  au  premier  jour, 
e  travaille  à  nous  en  débarrasser.  Il  était  un  dur  à  cuire;  voilà  plus 
de  quinze  mois  que  je  fais  celte  besogne;  mais  avant  trois  mois,  il  sera 
parti  1  — Ehî  quelle  besogne  fais-tu  donc,  luidemandai-je?  —  Pardié, 

me  répondit-elle,  tous  les  matins  il  va  faire  son  cas  sur  le  fumier  ; 

et  moi,  j'y  vais  jeter  une  pincée  de...  Tu  vois,  reprit  la  femme,  quelle 

courante  il  a,...  il  n'y  a  plus  qu'espoir.  »  (Magie  magnétique,  Paris, 

1858,  in-18,  pages  441-442.) 

(1)  N.-S.  Jésus-Christ,  délivrant  une  possédée,  envoie  les  démons 
dans  les  corps  d'une  troupe  de  pourceaux.  Cette  allégorie  évangélique 
a  cerlainement  traita  la  loi  occulte  de  substitution. 


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FORCE  DE   LA   VOLONTÉ  469 

.Quiconque  ne  craint  pas  les  envoûteurs  se  trouve  par 
le  fait  même  à  l'abri  de  leurs  atteintes.  Cette  règle  géné- 
rale comporte,  à  notre  connaissance,  une  exception,  — 
presque  négligeable,  en  raison  de  sa  rareté.  L'une  et 
l'autre  reposent  d'ailleurs  sur  des  données  qu'il  vaut 
mieux  taire. 

Quant  à  ceux  qui  ont  peur  des  sortilèges  et  qui  se  sa- 
vent des  ennemis  capables  de  recourir  à  ces  criminelles 
pratiques,  l'emploi  des  talismans,  des  pentacles  leur  sera 
utilement  conseillé,  ainsi  que  l'exact  accomplissement  de 
leurs  devoirs  religieux.  Les  personnes  pieuses  s'en  tien- 
dront même  avec  raison  à  ce  dernier  moyen  de  défense, 
qui  est  peut-être  le  meilleur,  car  il  renferme  aussi  les 
autres.  L'usage  des  sacrements  et  des  sacramentaux  ne 
fera-t-il  point  participer  ces  fidèles  à  la  chaîne  sympathi- 
que de  leur  communion  religieuse,  tandis  que  chapelets, 
Agnus  dei,  médailles  miraculeuses,  etc.,  leur  devien- 
dront d'efficaces  amulettes?  Un  dernier  conseil,  d'une 
capitale  importance,  aux  timides  et  aux  passifs  :  qu'ils  se 
gardent,  sur  toute  chose,  d'aliéner  leur  ascendant^  par 
leur  complaisance  à  servir  de  sujets  au  premier  venu, 
qui  se  montrerait  désireux  de  reproduire  à  tâtons  quel- 
que expérience  de  magnétisme  ou  d'hypnose  !  Le  consen- 
tement, en  pareil  cas,  peut  équivaloir  à  une  abdication 
positive  de  la  volonté,  et  même  à  quelque  chose  de  pis. 
Un  pacte  tacite  peut  être  conclu  de  la  sorte.  Avec  qui  ? 
Avec  l'Inconnu... 

Les  faits  aussi  paradoxaux  qu'incontestables,  de  l'ordre 
de  ceux  que  Rochas  a  contrôlés  et  décrits,  sont  infini- 
ment plus  complexes  qu'on  ne  le  croit  ;  ils  restent  mys- 


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470  LA  CLEF  DE  LA  MAGIE  I<IOiRE 

térieux  dans  leurs  causes  et  dans  leur  mécanisme  secret. 

Peut-être  un  lecteur  superficiel  de  la  relation  rédigée 
parce  savant,  en  conclurait-il  que  l'envoûtement  consiste 
en  un  phénomène  fort  analogue  à  ceux  qui  relèvent  de 
l'électricité  dynamique,  ou  des  autres  forces  occultes  de  la 
Nature.  Un  tout  petit  détail  lui  prouverait  sa  bévue,  pour 
peu  qu'il  y  réfléchit  un  moment. 

<  Le  cliché,  dit  Rochas,  n'était  sensible  qu'à  mes  at- 
touchements; ceux  du  photographe  n'étaient  perçus  que 
lorsque  j'établissais  le  rapport,  en  louchant  sa  personne, 
soit  avec  le  pied,  soit  autrement.  »  —  Ainsi,  loi^s  des 
expériences  de  Rochas,  la  sensibilité  du  sujet,  insépara- 
ble de  la  force  occulte  qui  lui  sert  de  substratum,  imbi- 
bait en  réalité  la  pellicule  gélatineuse  où  l'image  était 
empreinte  :  et  néanmoins,  —  qu'on  nous  passe  l'expres- 
sion, —  cette  sensibilité  n'était  sensible  et  vulnérable  que 
pour  le  magnétiseur,  ou  pour  ceux  auxquels  un  acte  de 
sa  volonté^  traduite  par  un  signe  (le  contact),  concédait 
le  privilège  d'influer  sur  la  couche  sensible  ! 

Soutiendra-t-on  que  (le  courant  n'étant  transmis,  du 
sujet  à  l'objet,  et  vice-versâ,  que  par  l'intermédiaire  du 
magnétiseur  seul),  le  cliché  perde  toute  sensibilité  dès  la 
cessation  du  contact,  direct  ou  non  ?—  L'hypothèse  n'est 
point  recevable,  puisque  mainte  expérience  a  prouvé  qu'il 
s'agit  bien  d'une  saturation  de  fluide  statique,  perma- 
nente plusieurs  jours  durant. 

Supposera-t-on  que,  —  lors  d'un  accident  relaté  plus 
haut,  quand  le  malheureux  sujet  grelotta  la  fièvre  toute 
une  nuit,  —  M.  de  Rochas  ait  sournoisement  passé  cette 
nuit  entière  à  la  belle  étoile,  par  on  ne  sait  combien  de 


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FORCE  DE   LA   VOLONTÉ  471 

degrés  de  froid,  pour  ne  pas  rompre  le  rapport  fluidique 
avec  Teau  répandue  sur  le  sol  glacé  ? 

Non  !  Cet  ordre  de  phénomènes  composites,  où  les 
forces  de  la  Nature  et  de  la  Vie  ne  se  manifestent  que 
maîtrisées,  maniées,  ou  tout  au  moins  évertuées  par  le 
vouloir  humain,  relèvent  de  la  Magie  proprement  dite, 
non  point  seulement  de  la  physique  secrète. 

Paracelse  invoquerait  ici  les  spécialités  de  son  merveil- 
leux Aimant,  le  Magnes  intérieur  et  occulte,  qui  n'est  au- 
tre que  le  Verbe  adamique. 

«  La  Natureest  en  somnambulisme  »,  pour  emprunter 
à  Saint-Martin  son  étonnante  métaphore,  qui  peut-être 
n'en  est  pas  une.  Elle  dort,  etc'est  à  la  Volonté  de  l'homme, 
cette  divine  Essence  (c'est-à-dire  à  l'homme  même),  qu'est 
dévolue  la  mission  de  l'éveiller. 

L'homme  «  rendra  le  verbe  »  à  la  Nature  muette,  — 
à  la  Belle-en-l'Univers-Dormant,  —  entraînée  jadis  avec 
lui  dans  le  gouffre  de  déchéance.  Tel  se  formule  le 
Ministère  de  VHomme^Esprit. 

Que  la  volonté  soit  créatrice  et  la  spiritualité  malheu- 
reusement active  dans  le  mal  comme  dans  le  bien,  c'est 
une  conséquence  inévitable  du  libre-arbitre.  La  décou- 
verte de  Rochas  (révélatrice  de  criminelles  manœuvres, 
longtemps  reléguées  par  la  Science  dans  le  domaine  de 
Tabsurde)  n'en  porte  pas  moins  témoignage,  par  les 
réflexions  qu'elle  suggère,  de  la  royauté  mystique  du 
Vouloir  humain. 

L'époque  actuelle,  —  où  émergent  au  grand  jour  de 


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472  LA  CLEF  DE  LA  MAGIE  NOIRE 

la  publicité  ces  notions  mixtes  d'une  Science  qui  subju- 
gue les  Forces  naturelles  au  service  du  Vouloir,  ~  mar- 
que l'ouverture  d'un  nouveau  cycle  : 

Magnus  ah  integro  sxclorum  nascitur  ordo  ! 

Le  point  tournant  est  doublé  ;  la  nuit  de  la  matière  tire 
à  sa  fin  :  une  pâle  blancheur  dénonce,  à  l'horizon  orien- 
taly  l'aube  future  de  réhabilitation  et  de  délivrance. 

L'Adam  kabbalistique  apparaît,  dans  Texil  de  MalkouUi, 
un  céleste  monarque  détrôné,  à  qui  la  souveraineté  d'en- 
bas  fut  offerte  en  dérisoire  compensation.  Mais  le  vérita- 
ble empire  de  l'Homme,  plus  tard  lui  sera  rendu... 
Déjà  certains  indices  font  pressentir,  selon  la  parole  de 
rÉcrilure,  que  son  royaume  n'est  pas  de  ce  monde.  Déjà 
ràpre  diadème  d'acier  qui  déchirait  son  front  s'éclaire 
par  intermittences  d'épiphaniques  reflets.  Un  jour  vien- 
dra, de  gloire  et  d'apothéose,  où  sur  sa  tête  la  couronne 
terrestre  étincellera,  transmuée  dans  un  nimbe  en  fleu- 
rons d'or  fluide  et  mélodieux. 

Ce  sera  le  Symbole  de  la  Volonté  triomphante  ;  et  le 
Monarque,  remis  en  jouissance  de  son  légitime  héritage, 
assumera,  dans  sa  transfiguration,  l'universelle  Nature 
régénérée. 


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support, 
euillet. 
êle  en  bas, 


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ii:t;'!!£H!^ 


il    LE  PENDU     ^ 


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b 


(Section  12). 

Le  Pendu  (douze)  =  Sacrifice  volontaire  = 
Interférences  de  plans.  (L'Esclavage  Magique), 


Chapitre    V 

L'ESCLAVAGE  MAGIQUE 


TOURNONS  un  feuillet  du  Livre  des  Arcanes. 

C'est  une  déconcertante  et  bizarre  énigme 
que  nous  propose  sa  douzième  clef.  La 
légende,  au  bas  de  l'emblème,  naïve  et  brutale,  ne  nous 
apprendra  rien:  LE  PENDV. 

Mais  quel  étrange  pendu  ! 

Sur  un  tertre  s'élève  le  gibet  improvisé,  en  forme  de 
Thau  hébraïque.  Il  se  réduit  à  une  traverse  horizontale, 
que  maintiennent  à  hauteur  voulue  deux  supports  verti- 
caux, fichés  en  terre.  Ce  sont  de  jeunes  troncs  d'arbre, 
encore  munis  de  leur  écorce  et  grossièrement  ébranchés  : 
six  rameaux,  abattus  d'un  coup  de  hache  à  leur  naissance, 
forment  autant  de  nœuds  artificiels  sur  chaque  support. 
En  tout,  cela  fait  douze  nœuds,  le  nombre  du  feuillet. 

A  la  poutre  transversale,  un  homme,  la  tête  en  bas, 


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476  LA  CLEF  DE  LA  MAGIE  NOIRE 

est  suspendu  par  le  pied  droit.  La  jambe  gauche  repliée 
forme  la  croix  avec  l'autre  jambe.  Deux  sacs  d'argent 
pendent  de  chaque  côté,  sous  Taisselle  ;  il  s'en  échappe 
des  écus.  Les  bras  du  patient  semblent  liés  derrière  son 
dos,  en  sorte  que  les  coudes  dessinent,  avec  le  chef  ren- 
versé, un  triangle  la  pointe  en  bas,  triangle  que  la  croix 
des  jambes  surmonte...  Au  premier  coup  d'oeil,  s'impose 
l'hiéroglyphe  bien  connu  des  alchimistes  y  (l).Il  s'enca- 
dre ainsi  dans  le  carré  que  forme  le  gibet  avec  la  ligne 
du  sol  : 


La  douzième  clef  du  Tarot  nous  initie  aux  gloires  et 
aux  misères  de  l'Esclavage  magique. 

C'est  qu'il  y  a,  en  magie,  deux  sortes  d'esclavages,  le 
bon  et  le  mauvais,  celui  de  l'Esprit  et  celui  de  la  Matière  : 
—  l'esclavage  du  devoir,  de  l'altruisme  et  du  dévouement  ; 
l'esclavage  des  passions,  de  l'égoïsme  et  de  la  routine. 

L'adepte  de  la  haute  science  est  ce  supplicié  symbolique. 
Retenu  entre  ciel  et  terre  par  les  exigences  de  la  mission 
qu'il  s'est  choisie,  il  reste  exilé  du  Ciel  à  cause  du  corps 
périssable  qui  le  soumet  à  l'attraction  physique  ;  et  ses 
pieds  ne  fouleront  plus  les  avenues  de  l'Illusion  terres- 
tre, dont  les  doux  mirages  lui  sont  interdits  désormais: 


(1)  Nous  pourrions,  à  ce  propos,  dire  quelque  chose  du  Grand- 
Œuvre  ;  mais  le  chapitre  vu  du  présent  tome.  Magie  des  transmuta- 
tions, nous  a  paru  mieux  qualifié  pour  des  notes  de  ce  genre.  La  Clef 
de  la  Migie  noire  se  fermera  sur  quelques  données  très  précises  d'Al- 
chimie proprement  dite. 


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l'esclavage  magique  477 


car  la  discipline  qu'il  pratique  a  dessillé  ses  yeux.  Il  ne 
peut  plus  de  bonne  foi  s'enivrer  aux  caresses  de  la  char- 
meuse Maïa,  si  éblouissante  dans  l'éclat  de  sa  parure  men- 
songère, et  si  désirable  aux  hommes  dans  l'imposture  de 
sa  souriante  beauté  ! 

C'est  l'adepte  parfait  que  nous  peignons  là,  l'être  sur- 
humain qui,  parvenu  au  sommet  du  triangle  de  sapience, 
n'a  plus  rien  à  recevoir  de  la  terre,  mais  peut  avoir  en- 
core beaucoup  à  lui  donner  :  ce  que  figurent  les  pièces 
d'argent,  tombant  en  pluie  sur  le  sol.  Ses  bras,  liés  pour 
le  mal,  sont  encore  libres  pour  la  bienfaisance  et  l'amour. 
Si  rare  est  le  mage  véritable,  surtout  à  notre  époque 
d'initiés  spéculatifs  ou  incomplets  et  de  médiums  dou- 
teux, que  cette  interprétation  marque  plutôt  un  idéal  à 
poursuivre,  qu'une  réalité  fréquente  à  inscrire  au  livre 
d'or  des  fils  de  la  Science  et  de  la  Volonté. 

L'esclave  de  la  matière  pullule,  en  revanche. 

Pour  ce  qui  le  touche,  les  détails  du  pentacle  XII  se 
commentent  d'eux-mêmes.  Si  nos  Lecteurs  sont  curieux 
néanmoins  d'un  déchiffrement  analytique,  nous  laisse- 
rons cette  fois  leur  ingéniosité  satisfaire  à  cet  exercice, 
en  appliquant  la  loi  bien  connue  de  l'analogie  des  con- 
traires. Et  puis,  le  chapitre  entier  va  paraphraser  copieu- 
sement l'interprétation  désastreuse,  bien  plutôt  que  le 
sens  faste  et  glorieux  de  l'emblème. 

Deux  remarques  semblent  pourtant  essentielles  à  met- 
tre en  valeur. 

On  sait  que  le  Thau  n,  dernière  lettre  de  l'alphabet 
sacré,  signale  toute  période  consommée,  toute  opération 


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478  LA  GLKF  DE  LA  MAGIE  NOIRE 

accomplie,  et  aussi  chaque  tour  successivement  révolu 
dun*e  spirale  sans  fin.  Le  Thau  s*inscrit  ici  dans  la  forme 
de  la  potence  qui  signifie  la  mort  et  la  régénération  mys- 
tiques ;  il  marque  la  clôture  du  cycle  duodénaire,  pre- 
mier que  de  reparaitre  pour  symboliser^  dix  lames  plus 
loin,  la  révolution  intégrale  des  XXII  hiéroglyphes  cla- 
viculaires  du  Tarot.  Notez  que  cette  figure  du  Thau  se 
retrouve,  invariablement,  au  chiffre  de  clôture  de  tous  les 
cycles  mineurs  :  elle  s'esquisse  dans  la  forme  du  chariot^ 
à  Tarcane  septénaire  ;  dans  le  support  de  la  Roue  de  For- 
tune,  à  Tarcane  dénaire.  Gela  est  caractéristique. 

Notez  enfin  qu'à  l'examen  de  la  carte  qui  nous  occupe, 
si  nous  complétons  le  carré,  en  supposant  droite  (et  non 
sinueuse)  la  ligne  du  sol  qui  ferme  le  thau  par  la  base, 
nous  obtiendrons  le  symbole  des  quatre  éléments,  enca- 
drant la  figure  humaine,  circonscrite  dans  la  geôle  de 
l'existence  élémentaire. 

Sans  revenir  sur  ce  que  nous  avons  notifié  au  seuil  du 
Mystère  (1),  il  semble  à  propos  de  souligner,  en  consé- 
quence, queTarcaneXII  concerne  exclusivement  l'homme 
descendu  dans  la  déchéance  de  la  chair. 

En  effet,  lorsqu'on  songe  aux  destinées  de  l'homme 
universel  avant  sa  chute,  ou  même  au  sort  de  l'homme 
individuel  dans  les  libres  espaces  de  la  vie  éthérée,  l'in- 
carnation terrestre  apparaît  la  mise  en  captivité  préludant 
au  plus  dur  esclavage. 

Du  haut  du  Cîel  profond,  vers  le  monde  agité 
S'abaissent  les  regards  des  âmes  éternelles  : 

(1)  Pages  137  et  suiv.  de  la  3*  édition. 


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l'esclavage  magique  479 

Elles  sentent  monter  de  la  terre  vers  elles 
L'ivresse  de  la  vie  et  de  la  volupté  ; 

Les  effluves  d'en  bas  leur  dessèchent  les  ailes, 

Et,  tombant  de  l'éther  et  du  cercle  lacté. 

Elles  boivent,  avec  l'oubli  du  Ciel  quitté, 

Le  poison  du  désir,  dans  des  coupes  morlelles  (1).  .  » 

La  flamme  vivante,  descendue  en  voltigeant  vers  un 
mirage  embaumé  de  fleurs  merveilleuses,  a  roulé,  brus- 
quement captive,  dans  la  boue  :  sa  lumière  paraît  s'y 
éteindre  et  sa  conscience  s'y  noyer  :  c'est  un  engloutis- 
sement morne.  Les  fleurs  séductrices  masquaient  la  glu 
fangeuse....  Et  voici  !  Un  ange  est  mort  au  Ciel,  un  en- 
fant naîtra  sur  la  terre. 

Étrange  mystère,  en  vérité,  que  celui  qui  préside  à  la 
descente  des  âmes  au  cloaque  de  l'existence  matérielle, 
où  elles  doivent  subir  l'infamante  incarnation.  Étrange 
mystère,  —  et  lugubre.  L'Amour  en  tient  les  clefs  (2). 

A  n'envisager  l'Amour  qu'au  point  de  vue  du  Désir 
qui  le  manifeste,  esl-il  rien  de  plusinsondable  queFessence 
de  cet  obscur  attract,  dont  le  magnétisme  se  fait  égale- 
ment sentir  sur  les  deux  rives  de  la  Vie?  C'est  la  force 
d'Iônah,  terrible  et  douce  ;  elle  gouverne  le  flux  torren- 
tiel des  générations... 


(1)  Louis  Ménard,  Rêveries  d'un  païen  mystique,  Paris,  Lemerre, 
1890,  3*  édiUon,  page  30. 

Qui  donc  a  dit  que  le  verbe  poétique  répugnait  &  renonciation  de 
l'austère  Doctrine  ?  Il  parait  impossible  d'en  mieux  formuler  renseigne- 
ment sur  ce  point,  en  moins  de  mots,  et  plus  sobrement  expressifs. 

(2)  Cf.  Au  Seuil  du  Mystère,  pages  143-144. 


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480  LA  CLEF  DE  LA  MAGIE  NOIRE 

Llônah  de  Moïse  équivaut  à  Y  Aphrodite  d'Homère,  à 
Valma  Venus  (1)  de  Lucrèce. 

Évocatrice  des  âines  sur  le  rivage  de  Tillusion  physi- 
que, la  Charmeuse  couvre  d'une  parure  mensongère  les 
tristes  réalités  de  la  chair  et  du  sang.  Sur  tous  les  plans 
de  l'existence,  son  rôle  est  de  séduire. 

Sa  fantasmagorie  fait  scintiller  l'illusion  d'un  paradis 
au  fond  du  gouffre  de  l'enfer  physique,  et  les  âmes  se 
laissent  prendre  à  son  piège  d'incarnation,  comme,  une 
fois  incarnées,  elles  se  laisseront  prendre  à  son  piège  d'u- 
nion sexuelle.  Vénus  a  besoin  d'exercer  parallèlement 
cette  double  et  complémentaire  fonction  séductrice,  afin 
de  garantir,  par  les  flots  successifs  de  la  génération,  la 
perpétuité  du  transitoire  objectif.  Que  la  déesse  veuille 
capter  les  âmes  ou  accoupler  les  corps,  ses  moyens  ne 
varient  guère  :  le  Désir  est  sa  voix  solliciteuse,  et  son 
divin  piège,  c'est  la  Volupté. 

Car  il  faut  bien  formuler  enfin  ce  que  notre  Public  a 
déjà  pressenti,  peut-être;  c'est  qu'à  l'appel  de  Vénus,  un 
trouble  sensuel  très  intense,  une  irrésistible  soif  de  jouir 
envahit  les  âmes  au  déclin  de  leur  vie  arômale.  Exceptons 
celles  de  qui  la  nature,  entièrement  spiritualisée,  n'offre 
plus  de  prise  au  flux  rétrograde  des  générations.  Toutes 
les  autres,  quand  l'heure  a  sonné  d'une  nouvelle  épreuve, 
se  laissent  charrier  au  torrent  :  le  monde  physique  où  il 
aboutit  leur  apparaît  un  éden  de  lascive  béatitude;  bien- 
tôt la  passion  succède  au  désir  et  le  centre  animique  est 
envahi.  L'incurable  amour  dont  ces  âmes  brûlent  alors 


(1)  Notez  que  Vénus  est  l'épouse  de  Vulcain,  principe  du  feu  terrestre. 


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l'esclavage  magique  481 

pour  la  matière  marque  l'agonie  de  leur  existence  supé- 
rieure. Dès  qu'elles  ont  consenti  à  leur  déchéance,  le 
courantles  entraine  etles  roule  en  ses  remous  :  leur  men- 
talité se  trouble,  leur  conscience  s'affole,  leur  substance 
s'épaissit.  Ravies  par  l'attraction  fluidique  de  la  planète 
prédestinée,  un  vertige  indescriptible  leur  voile  l'horreur 
d'une  dégradation  imminente,  et  lorsqu'enfin  la  matière 
les  engloutit,  elles  perdent  connaissance  dans  l'ivresse 
des  voluptés. 

Il  s'en  faut  d'ailleurs  qu'en  tous  les  cas  l'incorporation 
suive  immédiatement  la  chute.  Les  Psychés  demeurent 
parfois  un  temps  très  prolongé  en  instance  d'incarnation  ; 
elles  errent  alors,  dans  une  demi-inconscience,  aux  régions 
inférieures  de  l'Astral  planétaire.  Elles  peuvent  influencer 
les  médiums,  posséder  les  faibles,  et  même,  en  des  cas 
heureusement  assez  rares,  s'incarner  par  surprise,  comme 
nous  l'avons  dit.  Ordinairement,  tout  étourdies  et  dépay- 
sées, le  serpent  fluidique  d'Ashiah  (qui  s'enroule  autour 
du  globe)  les  emporte  en  cercle  ;  —  jusqu'à  ce  que,  les 
exigences  physiologiques  étant  satisfaites,  elles  trouve- 
ront à  s'incorporer,  selon  des  lois  inconnues  d'appropria- 
tion et  de  sympathie  sélective.  Ces  lois  gouvernent  les 
rapports  entre  ces  âmes  errantes  et  les  couples  humains 
qui  leur  livreront  l'accès  du  monde  matériel. 

La  même  ardeur  que  les  âmes  éprouvent  à  descendre 
dans  la  chair,  elles  l'inspirent  aux  terrestres  géniteurs 
désignés  pour  leur  en  ouvrir  la  porte. 

a  On  ne  peut  expliquer  la  sélection  naturelle  par  le  hasard, 
car  un  mot  n'explique  pas  un  fait.  S*il  y  a  choix,  il  y  a  dis- 
cernement; toute  énergie  suppose  une  volonté.  Mais  est-ce  la 

31 


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482  LA  CLEF  DE  LA  MAGIE  NOIRE 

nôtre?  Non,  c*est  une  volonté  étrangère  {{)  ;  l'amour  n*est  pas 
une  action,  c'est  une  passion.  Les  Puissances  cosmiques  nous 
renvoient  pour  nous  employer  à  leur  œuvre  créatrice,  en  fai- 
sant descendre  des  âmes  dans  la  naissance.  L'A  mou  r,c' est  un 
enfant  qui  veut  naître  ;  les  anciens  l'appelaient  de  son  vrai 
nom,  le  Désir  (Erôs,  Cupido),  parce  qu'en  efTel  c'est  le  Désir 
qui  appelle  les  germes  à  l'existence.  Il  y  a  autour  de  nous  des 
âmes  qui  veulent  s'incarner  :  pour  cela»  elles  se  changent  en 
désirs  et  sollicitent  les  vivants  de  leur  donner  un  corps.  L'Art 
grec  les  représente  par  des  enfants  ailés  :  ce  sont  les  désirs  qui 
voltigent  autour  des  amants. 

«  La  Beauté  est  mère  du  Désir,  d'après  la  mythologie. 
Qu'est-ce  que  la  beauté  ?  C'est  une  harmonie  de  lignes,  une 
pondération  de  formes  qui  annonce  l'aptitude  à  l'éclosion  des 
germes  et  au  perfectionnement  de  larace.  L'ampleur  des  han- 
ches, la  fermeté  de  la  gorge  sont  des  garanties  pour  l'enfant 
qui  naîtra.  Les  âmes  errantes  nous  poussent  vers  nos  com- 
plémentaires ;  elles  choisissent  pour  entrer  dans  la  vie  les 
conditions  organiques  dont  elles  ont  besoin,  et  elles  nous  im- 
posent leur  choix  sans  nous  consulter.  Ce  choix  est  rarement 
d'accord  avec  nos  convenances  sociales  ;  ce  n*est  pas  leur 
faute,  elles  ne  connaissent  que  les  convenances  physiologi- 
ques (2).  » 


Peut-être  ne  faut-il  pas  interpréter  trop  à  la  lettre  la 
prose  délicieuse  et  poétique  de  Louis  Ménard  (3),  plus 
précis  tantôt,  quand  il  chantait.  Nous  n'avons  pu  nous 
défendre  de  transcrire  ces  lignes  pour  la  satisfaction  de 


(1)  Étrangère  à  l'homme  individuel  qui  la  subit.  —  Cf.  Chap.  iv, 
pages  345  el  suiv. 

(2)  Itèveries  d'un  païen  mystique,  p.  80-81. 

(3)  Les  âmes  qui  «  se  changent  en  désirs  «et  «  choisissent  les  condi- 
tions organiques  dont  elles  ont  besoin  »  ;  la  Beauté  réduite  à  une  pro- 
messe de  fécondité,  etc.,  constituent  des  à-peu-près  d'expression  ;  mais 
les  théories  n'en  semblent  pas  moins  belles  et  profondes. 


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l'esclavage  magique  483 

nos  Lecteurs  ;  car  elles  sont  suggestives  etrévélatriceè  h 
qui  sait  lire  et  comprendre. 

La  préexistence  de  TAme,  sa  défaillance  et  son  nau- 
frage au  gouffre  de  la  matière  étaient  bien  connus,  dans 
rAnti(|uité,  des  adeptes  de  toute  école.  L'Art  auguste 
s'empara  de  ces  notions.  Pour  traduire  en  une  langue 
accessible  aux  profanes  la  doctrine  universellement  reçue 
dans  les  temples,  les  rhapsodes-initiés  la  transposèrent 
en  emblèmes  :  leur  verve  prodigua  toutes  les  parures  de 
la  poésie  et  du  rhythme,  aux  cent  fables,  gracieuses  ou 
terribles,  ^  dont  les  scribes  du  sanctuaire,  ces  maitres 
gardiens  du  Symbole,  avaient  formulé  le  thème  initial. 
Ainsi  partout  se  trouvèrent  brodées,  sur  un  canevas 
théqsophique  invariable,  les  multiples  images  de  tant 
d'éclatantes  Mythologies. 

Dans  la  légende  édénale,  que  Moïse  inscrivit  en  fron- 
ton à  son  édifice  du  Berœshilhy  il  ne  semble  point  témé* 
raire  de  voir  le  prototype  de  toutes  celles  analogues,  et 
relatives  au  même  arcane.  La  déchéance  d*Adam-Ëve  est 
une  tradition  mystique,  vraisemblablement  empruntée 
aux  É^ptiens,  qui  la  tenaient  des  Hindous.  Peut-être 
Moïse  en  recueillit-il  même  la  notion  originaire  dans  la 
crypte  madianite,  où  léthro  conservait  pieusement  le  tré- 
sor doctrinal  des  premiers  âges.  Elle  remonterait  ainsi  jus- 
qu'à la  synthèse  scientifique  issue  du  génie  de  la  race  noire, 
et  se  rattacherait  par  elle  à  la  symbolique  antédiluvienne 
des  Atlantes,  au  cycle  primitif  de  la  race  cuivrée  (1). 


(1)  Cf.  Fabre.  d'Olivet,  Histoire  philos,  du  genre  humain,  lom«  I, 
pages  326-327  ;  —  el  SainUYves,  Mission  des  Juifs,  pages  414  etsaiv. 


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484  LA  CLEF  DE  LA  MAGIE  NOIRE 


Quoi  qu'il  en  soit,  cette  fable  a  des  correspondances 
dans  tous  les  symbolismes.  La  désobéissance  de  Pandore, 
celle  de  Proserpine,  sont  en  stricte  analogie  avec  la  dé- 
sobéissance d'Eve.  Ici,  c'est  un  fruit  dont  il  ne  faut  pas 
goûter,  là  c'est  une  boîte  qu'il  est  défendu  d'ouvrir,  ou 
encore  une  fleur  dont  il  faut  respecter  la  tige.  Mais  la 
curiosité  féminine  l'emporte,  et  la  pomme  est  mangée,  et 
la  boite  est  ouverte,  et  le  narcisse  cueilli.  La  prévarica- 
tion d'Eve  exile  du  paradis  terrestre  le  premier  couple 
humain;  celle  de  Pandore  fait  pleuvoir  sur  le  monde  des 
maux  qu'il  n'aurait  dû  jamais  connaître  ;  celle  de  Pro- 
serpine  aboutit  à  son  enlèvement  par  Pluton,  qui  l'en- 
traine  aux  gouffres  infernaux. 

La  fable  de  Psyché  recèle  un  sens  identique,  sous  un 
symbolisme  qui  diffère  peu,  et  l'analogie  s'impose.,. 

Que  d'autres  mythes  on  pourrait  invoquer,  expressifs 
de  la  même  doctrine,  quoique  d'une  similitude  entre  eux 
moins  rigoureuse,  quant  à  la  forme?  Partout,  c'est  le  ré- 
cit d'une  catastrophe  humiliante,joint  à  la  promesse  d'une 
réhabilitation  de  l'être  déchu  ou  dépossédé.  L'ésotérisme 
des  anciens  mystères,  toujours  immuable  dans  son  dogme, 
comportait  invariablement  pour  support  symbolique  une 
fable  de  ce  genre  (1). 


(i)  0  Partout  c'est  un  Dieu  tué,  déchiré,  démembré  par  lesgéans  ;  c*esl 
une  déesse  qui  le  cherche;  qui,  en  le  cherchant,  parcourt  le  monde; 
qui,  en  le  parcourant,  donne  les  mœurs,  les  lois,  fonde  les  cités,  donne 
la  nourriture,  donne  les  arts,  le  culte,  les  rites  :  c'est  un  Dieu  tué, 
démembré  par  les  géans,  qui,  après  bien  des  combats  et  des  douleurs, 
ressuscite  et  demeure  enGn  triomphant  et  victorieux. 
'  «  C'est,  en  Phrygie,  Gybële  désolée  de  l'infidélité  d'Atys,  qui  parcourt 


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L^ESGLAVAGE   MAGIQUE  485 


C'était,  à  Eleusis,  l'enlèvement  de  Persephonê  (ou  Pro- 
serpine)  et  les  infructueuses  pérégrinations  de  Dêméter, 


le  monde  en  furieuse,  et  le  force  à  se  mutiler  de  désespoir  de  l'inAdôlité 
qu'il  lui  a  faite. 

«  En  Egypte,  c'est  Isis,  désolée  de  la  mort  d'Osiris,  que  Typhon  a  tué 
en  trahison»  en  lui  faisaat  essayer  son  cercueil  ;  que  les  géans  ont  dé- 
chiré en  pièces  ;  qui  parcourt  le  monde  pour  en  rassembler  les  mem- 
bres, qui  les  rassemble  tous,  hors  le  membre  viril  dont  elle  consacre 
une  image;  et  en  parcourant  le  monde,  elle  lui  donne  les  lois,  les  arts, 
le  culte,  1(L  nourriture  ;  et  Osiris,  après  bien  des  peines  et  des  combats, 
est  vainqueur  de  Typhon  et  des  géans,  et  ressuscite  pour  le  bonheur 
du  monde. 

<  En  Phénicie,  c'est  Vénus  désolée  de  la  mort  d'Adonis,  que  le  cruel 
Mars  a  tué,  déguisé  en  sanglier;  qui  parcourt  le  monde  pour  retrouver 
son  corps;  miîs  Adonis  terrasse  enQn  l'immonde  animal,  ressuscite 
glorieux  et  console  Vénus. 

•  En  Assyrie,  c'est  Salambo  et  Bélus,  à  qui  il  arrive  les  mêmes  aven- 
tures. 

«  En  Perse,  c'est  Mythras  et  Mythra. 

•  Chez  les  Scandinaves,  c'est  Freya  et  Balder,  à  qui  il  arriva  les 
mêmes  accidens. 

•  A  Samothrace,  à  Troie,  en  Grèce,  à  Rome,  c'est  Gérés,  désolée  de 
l'enlèvement  de  sa  fille,  qui  parcourt  le  monde,  qui  ne  peut  se  conso- 
ler que  lorsqu'elle  a  vu  le  goufTre  par  où  Plu  ton  l'a  enlevée.  C'est  Bac- 
chus  tué,  déchiré,  démembré  par  les  géans,dont  Pallas  a  trouvé  le  cœur 
encore  pal  pi  tant,  dont  Cérès  rassemble  les  membres.qui  ressuscite,  par- 
courltoutes  les  nations,  remplit  le  monde  de  ses  exploits,  demeure  vain- 
queur et  prend  sa  place  parmi  les  dieux.  •  (Q.  Aucler,  la  Thréîcie,  p 
34-36.) 

On  conçoit  assez  que  le  dieu  démembré  par  les  géants  (forces  bruta- 
les de  la  Nature  physique),  c'est  le  Principe  ontologique  de  l'homme, 
qui  se  désintègre  par  sous-multiplication,  à  travers  le  temps  et  l'espace 
La  déesse  qui  lui  vient  en  aide,  et  qui  prépare  son  apothéose  en  ras- 
semblant ses  membres  épars,  c'est  l'Humanité  céleste  et  providentielle, 
descendue  au  secours  de  l'huminité  souffrante  et  terrestre,  lui  envoyant 
des  Messies,  lui  enseignant  l'intégration  sociale  pendant  l'existence  et 
la  réintégration  mystique  après  la  mort.  EnQn.  la  résurrection  du  dieu, 
son  apothéose,  c'est  le  retour  des  sous-multiples  à  l'Unité,  de  la  ma- 
tière différenciée  à  la  substance  première,  du  temps  à  l'Éternité,  de 
l'espace  à  l'Infini  :  c'est  l'homme-synthèse  rendu  à  la  gloire  de  ses 
destinées  divines. 


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486  LA  CLEF  DE  LA  MAGIE  KOIRE 


(ou  Gérés),  parcourant  le  monde  à  la  recherche  de  sa  fille. 

Persephonê,  vivante  image  de  l'Ame  humaine,  déso- 
béit à  sa  mère  (la  Nature  céleste).  Séduite  par  les  con- 
seils du  perfide  Érôs,  elle  cueille  et  porte  à  ses  lèvres  le 
narcisse  étoile,  emblème  du  désir.  A  peine  en  a-t-elle 
respiré  le  parfum,  qu'une  défaillance  la  saisit  :  le  sol 
tressaille,  s'entr'ouvre  et  livre  passage  au  char  de  Pluton, 
attelé  de  sinistres  chevaux  à  la  crinière  de  ténèbres.  Le 
dieu  des  expiations  s*empare  de  Pei*sephonê,  la  ravit  sur 
son  char  d'ébène,  et  tout  s'effondre  dans  la  nuit.  L'abime 
s'est  refermé  (1)...  Voilà  bien  l'attraction  du  feu  terres- 
tre, qui,  trouvant  prise  sur  toute  âme  alourdie  par  lacon* 
cupiscence,  l'enlraine  au  fond  du  gouffre  des  générations» 
dans  le  royaume  de  la  vie  physique  et  de  l'épreuve  ! 

Proserpine  épouse  Pluton  (le  principe  de  rattraclion 
ignée),  et  devient  reine  du  monde  inférieur. 

Sur  ces  entrefaites,  Jupiter,  attendri  par  les  prières  et 
les  larmes  de  Cérès  (la  Nature  céleste),  décide  que  Pro- 
serpine lui  sera  rendue,  si  pourtant  elle  a  su  s'abstenir 
de  toute  nourriture,  au  séjour  des  enfers.  La  malheureuse 
n'a  rien  pris,  si  ce  n'est  trois  grains  de  grenade  :  c'en  est 
assez  pour  qu'elle  appartienne  au  dieu  noir  !...  Mais  Zeùs 
mitigé  la  rigueur  de  la  sentence  primitive.  Persephonê 
partagera  son  existence  entre  Démêler  et  Aidonée  :  elle 
vivra  six  mois  au  Ténare,  près  de  son  époux,  et  six  mois 
au  Ciel,  près  de  sa  mère. 

Le  sens  occulte  de  l'ingénieuse  allégorie  transparaîtra 

(1]  Lire  dans  les  Grandn  Initién  (pages  422  et  suivantes^  la  scène 
de  l'enlèvement  de  Persephonê,  très  habilement  remise  au  point  par 
M.  Edouard  Schuré,  selon  l'esprit  des  £leu8i068. 


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l'esclavage  magique  487 

mieux  au  prochain  chapitre,  —  la  Mort  et  ses  Arcanes. 
Qu'il  suffise  d'observer  que  la  nourriture  est  ici  l'emblème 
d'une  assimilation  des  choses  terrestres  à  la  pure  sub- 
stance de  l'âme.  Si  l'âme  s'est  entièrement  matérialisée 
durant  son  épreuve  corporelle,  les  enfers  la  retiendront 
pour  jamais  captive,  à  la  sortie  du  corps  ;  si  elle  a  su  se 
préserver  de  toute  macule,  elle  sera  pour  jamais  rendue 
à  la  vie  du  Ciel.  Mais  au  cas  plus  ordinaire  où  l'âme 
ne  s'est  assimilé,  comme  Proserpine,  qu'une  plus  ou 
moins  faible  portion  de  l'aliment  défendu,  la  Terre  aura 
sans  doute  acquis  des  droits  sur  elle,  sans  que  sa  nature 
céleste  ait  abdiqué  pour  si  peu.  Ses  destins  se  partage- 
ront dès  lors,  comme  nous  le  pourrons  voir,  entre  le  Ciel 
et  la  terre,  dans  la  succession  de  ses  existences  alternées  : 
jusqu'au  jour  de  son  épuration  totale  et  de  son  retour  à 
l'essence. 

Le  mystère  de  l'incarnation  des  âmes  a  inspiré  Saint- 
Yves,  qui  lui  doit  une  de  ses  plus  belles  pages,  de  celles 
où  le  noble  poète  se  souvient  qu'il  est  un  grand  initié. 
Les  austères  leçons  de  la  science  y  sont  transposées  en 
matière  d'art,  avec  une  maîtrise  et  un  tact  exquis  ;  et  ce 
nous  est  scrupule  et  presque  remords  d'avoir  dû  mutiler 
celte  prose  lyrique,  afin  d'en  tirer  de  profitables  extraits. 

L'âme  descendue  dans  la  prison  du  corps  nous  conte 
l'odyssée  de  sa  chute  individuelle.  La  voici  sur  la  terre. 

a.  .  Ainsi  cette  âme  est  née  au  monde  des  effigies  et  des 
épreuves  ;  et  elle  en  crie. 

€  Son  élément  était  le  fluide  céleste,  la  lumière  intérieure 
de  rUnivers,  Téther  spiritueux,  le  dedans  et  Tendroit  de  la 
substance  cosmogonique. 


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488  LA  CLEF  DE  LA  MAGIE  NOIRE 

«  La  voilà  à  Tenvers,  au  dehors,  en  pleine  nu  il. 

€  Elle  ne  voit  plus  son  corps  céleste  :  il  s'éclipse. 

€  Elle  en  a  perdu  la  science,  la  conscience,  la  vie  réelle. 
Son  intelligence  se  ferme,  sa  clairvoyance  directe  ne  voit  plus, 
son  entendement  n'entend  plus,  sa  sensibilité  psychurgique 
est  partout  accablée. 

€  Entre  elle  et  l'Univers  s'interpose  un  obsl^icle  terrible  : 
quelque  chose  d'obscur  et  de  limitant,  de  courbe,  d'obtus, 
d*àcre  et  de  chaud,  étrange  composé  qui  bruit  et  fourmille, 
voile  savamment  et  artistement  tissé,  replié  sur  lui-même  et 
sur  elle,  dont  toutes  les  contextures  animées,  images  de  1* Uni- 
vers, en  communion  précise  avec  lui,  figures  des  facultés  de 
Tàme.en  conjonctionsubstantielle  et  spécifique  avec  elle,  s'en- 
lacent et  l'enlacent  dans  les  méandres  tortueux  des  organes  et 
des  viscères  :  c'est  le  corps. 

c  Si  le  corps  crie,  c'est  que  l'âme  souffre. 

c  Elle  veut  fuir,  mais  elle  retombe  sous  une  irradiation  qui 
lui  rappelle  la  lumière  vivante,  Iô)iah,  la  Substance  céleste  : 
c'est  un  baiser  maternel. 

€  Parfois  il  lui  semble  qu'elle  est  morte.  Elle  se  rappelle 
comme  dans  un  songe  l'immensité  de  cette  lumière  secrète  où 
elle  se  baignait  nue  dans  des  tourbillons  resplendissants  ;  les 
croupes,  les  vallons  élhérés  d'un  astre  aimé,  sans  atmosphère 
élémentaire,  sans  attraction  physique,  mondedes  essences,  des 
arômes  et  des  parfums  de  la  Vie,  d'où  elle  entendait  monter  et 
descendre  les  harmonies  et  les  mélodies  intérieures  des  temps 
et  des  espaces;  d'où  elle  s'élançait,  frémissante,  à  la  voix  intime 
des  bien-aimés  et  des  bien-aimées,  pour  contempler  Sha- 
maim,  l'éther,  la  mer  azurée  du  Ciel,  les  lies,  les  flottes  sidé* 
raies,  les  mouvements  de  leurs  Génies  animateurs  et  de  leurs 
Puissances  animatrices. 

<  Comme  un  reflet  d'étoile  sur  une  eau  qui  frissonne,  un 
souvenir  tombe  et  tremble  encore  en  elle  de  la  grande  réalité. 

€  Elle  exhale  encore  la  céleste  ambroisie  des  Mystères  éter- 
nels du  Saint-Espnt,  et  les  effluves  de  l'autre  monde  ne 
s'évaporent  que  lentement  de  sa  balsamique  essence  que  la 
mère  boit,  respire  et  baise,  avec  une  ivresse  étrange  pour  les 
profanes. 


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l'esclavage  magique  489 

<  Ne  fenvole  pas, doux  reflet  de  l'astre  des  mages!  Immor- 
telle» souviens-loi  ! 

<  Elle  croit  les  voir  encore,  les  blanches,  les  divines,  hom- 
mes et  femmes,  déesses  et  dieux,  diaphanes,  lumineuses  for- 
mes, types  de  la  Beauté,  calices  de  la  Vérité,  se  mouvant,  pla- 
nant, s'enlaçant  dans  tes  ondes  magiques  du  céleste  Amour, 
dans  les  communions  éblouissantes  de  la  Sapience. 

€  Ne  sont-ce  point  encore  les  théories  sacrées,  les  poèmes 
vivants  du  Verbe  occulte,  les  hymnes  des  Pensées  créatrices,  les 
symphonies  des  sentiments  animateurs,  les  enseignements 
hiérarchiques  des  cercles  psychurgiques,  le  trouble  saint  des 
;;^rands Mystères, les  Dieux,  rayons  du  Dieu  dont  la  lumière  est 
Tombre,  le  sillon  lumineux,  le  vol  arômal  des  Génies,  des 
Envoyés,  des  Intelligences  parfaites,  des  Esprits  immortels, 
des  Ames  victorieuses  et  glorifiées. 

€  0  vertige  !  là  n'est-ce  pointencore  le  quadruple  cercle  in- 
férieur des  âmes  montant  et  descendant,  Tocéan  fluidique, 
étincelant,  sur  lequel  passe  la  brise  de  TAmour,  dans  le  fond 
duquel  crient  la  Naissance  et  la  Mort? 

€  N'est-ce  point  encore...  ?  Mais  qu*allais-je  dire? 

<  Que  s*est-il  donc  passé?  Chante,  fille  des  Dieux  ! 

<  Ecoutez  ! 

«  Un  grand  trouble,  un  vertige,  un  enivrement  subit, 
une  lourdeur  étrange,  un  magnétisme  lointain,  une  attrac- 
tion douce  et  terrible,  une  incantation  des  astres,  un  mot 
d'ordre,  un  cri  de  sphère  en  sphère,  des  adieux  déchirants  à 
la  vie  supérieure,  aux  bien-aimés,  une  prière,  une  cérémo- 
nie solennelle  aux  rite.«  funèbres,  une  dernière  étreinte, 
un  dernier  baiser,  un  serment  de  se  souvenir  eC  de  revenir, 
un  Génie  aux  pieds  ailés  qui  prend  Tlmmortelle  et  Tentratne 
vers  les  gouffres,  Timmensité  d'en  haut  qui  se  ferme,  celle 
d'en  bas  qui  s*ouvre  avec  fracas,  Tocéan  tumultueux  des 
générations,  abîmes  d'âmes  gagnant  ou  quittant  la  cime 
ou  le  fond  de  l'atmosphère  d'un  autre  astre,  bataille  élec- 
trique  des  passions  et  des  instincts  de  la  terre...  puis...  quoi 
donc? 

€  ("est  l'orbe  de  la  terre,  c'est  l'océan  métallique  déroulant 
ses  flux,  enroulant  ses  reflux. 


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490  LA  CLEF  DE  LA  MAGIE  lYOlRE 

c  On  traverse  des lourbi lions  d^àmesquî  montent  et  s'abais- 
sent  

c  Ce  sont  dans  ratmosphère»  Les  nuées,  les  grands  courants 
polaires,  les  souffles  de  Torîent,  les  rafales  de  roccident,  les 
fleuves  aériens  secouant  Técume  des  nuages,  enroulant  leurs 
serpents  électriques;  c'est  Tocéan  inférieur  de  Tair,  avec  ses 
quatre  régions,  celle  des  aigles,  des  grands  migrateurs,  des 
alouettes  et  des  colombes. 

«  Dans  cette  dernière^  commence  le  règne  de  la  substance 
plastique  sur  la  terre,  avec  ses  quatres  nômes  :  minéral,  vé- 
gétal, animalp  hominal,  et  ses  sept  tourbillons  de  Puissances 
génératrices  et  de  générations  spécifiées. 

•  Après  les  cirques  et  les  amphithéâtres  vertigineux  des 
montagnes  blanches,  après  la  féerie  éblouissante  des  glaciers 
et  des  abîmes,  voici  venir  à  Tinfini  les  molles  ondulations  des 
collines  vertf>s,  l'écoulement  écumeux  des  torrents,  le  serpen- 
tement  écaillé  des  rivières  et  des  fleuves  métalliques,  le  balan- 
cement des  forêts  sonnantes,rimmensité  circulaire  des  campa- 
gnes herbeuses,  où  courent  et  se  jouent  des  frissons. 

c  C*est  la  terre,  l'une  des  mille  citadelles  du  royaume  de 
l'homme,  fils  immortel  et  mortel  de  Dieu-les-dieux... 

«  Voici  les  cercles  de  pierres  de  métropoles,  des  cités,  des 
villes  et  des  villages,  avec  le  bourdonnement  des  voix  d'airain, 
qui,  du  haut  des  dômes  et  des  clochers,  scande  et  annonce, 
au-dessus  du  fracas  des  grandes  eaux  populaires,  la  Xais- 
sance  et  la  Mort. 

«  L'Immortelles'arréte  brusquement;  s*attachant  avec  force 
à  la  clarté  des  astres,  elle  mesure  l'espace  parcouru,  la  dis- 
lance qui  la  sépare  des  cieux 

«  —  ...  Où  suis-je  ?  Ciel,  terre,  tout  a  disparu  ;  mais  une 
attraction  invincible  m'enchatne  tout  entière. 

a  —  Ame  immortelle,  voici  ta  mère  ! 

a  Au  nom  de  Dieu,  au  nom  de  la  Nature,  au  nom  d*/od  et 
de  Hévah,  voici  ta  patrie  vivante  ici -bas. 

c  Sois  unie  à  elle  par  toutes  les  Puissances  magiques  de  la 
Vie  ! 

a  Adieu  !  — 

a  Elle  se  rappelle  encore  ses  entretiens  avec  l'Âme  mater- 


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L*E8CLAVAGE  MAGIQUE  491 


nelle,  leur  indivisible  et  mutuelle  pénétration,  leurs  commu- 
nions mystérieuses,  pleines  de  souvenirs  et  d'espérances  sur- 
terrestres, douleurs  et  joies,  frissons,  extases,  musiques 
wnuettes  ;  le  long  enroulement  des  neuf  cercles  séléniques,  Fin- 
caniatioQ  des  épigénèses,  puis...  une  souffrance  crucian te, 
terrible,  une  vapeur  sulfureuse,  un  effluve  ferrugineux  mon- 
tant brusquement  desgouffres  ignés  de  la  terre.tourbitlonnant, 
l'arrachant  à  l'âme  maternelle,  la  clouant  à  un  vide  pneuma- 
tique, à  un  antre  pulmonaire  chaud, mouvant,  ..é  un  cri  dans 
cet  antre,  dans  cette  efOgie  creuse,  et...  le  Souvenir  rentre 
dans  ses  profondeurs  avec  les  Innéïtés  célestes. 
<  Il  ne  revivra  plus  que  par  la  Science  (1)  !...  » 

Ainsi,  la  naissance  physique  est  la  véritable  mort  des 
âmes,  et  la  mort  physique  leur  véritable  renaissance. 

L'initiation,  —  ce  réveil  de  l'âme  en  somnambulisme 
ici-bas,  ce  Remember  de  la  grande  réalité  ultra-terres- 
tre, —  l'initiation  était  considérée  par  les  anciens  adep- 
tes comme  figurative  de  la  mort,  et  procurant  un  avant- 
goût  de  l'existence  arômale,  intérimaire  aux  incarnations. 

•  «  L*Âme  (nous  dit  S(obbée),  éprouve  à  la  mort  les  mêmes 
passions  qu'elle  ressent  dans  l'initiation,  et  les  mots  mêmes 
répondent  aux  mots,  comme  les  choses  répondent  aux  choses. 
Mourir  ou  être  initié,  s'exprime  par  des  termes  semblables  : 
ce  n'est  d'abord  qu'erreurs  et  incertitudes,  que  courses  labo- 
rieuses, que  marches  pénibles  à  travers  les  ténèbres  épaisses 
de  la  nuit.  Arrivé  aux  confins  de  la  mort, — ou  de  l'Initiation, 
tout  se  présente  sous  un  aspect  terrible  ;  ce  n'est  qu'horreur, 
tremblement,  crainte,  frayeur:  mais  dès  que  ces  objets 
effrayants  sont  passés,  une  lumière  miraculeuse  et  divine 
frappe  les  yeux,  etc..  (2).  » 

(1)  ^  Testament  Lyrique,  par  Alexandre  Saint-Yves,  Paris,  1877. 
in  8  (pages  5  à  1 0,  passim). 

(2)  Stobbée,  cité  par  l'abbé  Richard,  Recherches  sur  les  initiations 
anciennes  et  modernes,  Amsterdam,  1779,  in-S,  pages  42-43. 


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492  LA  CLEF  DE  LA  MAGIE  NOIRE 

Apulée  s'exprime  en  termes  analogues  (1). 

Un  initié  du  vieux  monde,  quand  on  Tinterrog^eait  sur 
son  âge,  répondait  volontiers  :  je  suis  mort  en  telle 
année  (celle  de  sa  naissance  corporelle)  ;  à  telle  date 
(celle  de  son  initiation),  je  renaquis  en  esprit.  El  il  comp- 
tait son  âge,  non  point  d'après  son  grade,  comme  nos 
francs-maçons  ont  coutume  de  le  faire,  mais  à  dater  de 
son  admission  aux  mystères  des  dieux.  Alors,  comine  de 
nos  jours,  il  n*était point  rare  d'entendre  un  homnae  fait, 
un  vieillard  même,  annoncer  qu'il  avait  trois  ans.  Cette 
énigmatique  réponse,  qui  veut  dire  à  notre  époque  :  Voye:^ 
en  moi  un  simple  apprenti,  signifiait  alors  :  il  y  a  trois 
ans  que  je  suis  initié. 

Mais  revenons  aux  arcanes  de  la  Naissance. 

L'incorporation  matérielle  delà  Psyché  ne  compromet 
aucunement  les  rapportsqui  la  faisaient  participer  àrhar- 
monie  des  mondes  invisibles  ;  mais  cet  accident  astreint 
l'Immortelle  à  une  communion  indirecte  avec  l'Univers 
physique,  dont  elle  devait  ignorer  les  servitudes. 

Les  âmes  humaines  appartiennent  par  essence  à  la 
région  animique  du  grand  Tout,  cet  organisme  colossal 
dont  l'univers  matériel  n'est  que  le  corps  visible.  En  pre- 
nant corps  elles-  mêmes,  les  âmes  tombent  dans  le  domaine 
propre  de  la  Nature  naturée,  et  sous  le  joug  plus  étroit 
du  Destin  qui  la  gouverne. 

Désormais,  l'Univers  possède  intégralement  l'être  hu- 
main :  des  rapports  d'anatomie  et  de  physiologie  occulte 

(i)  Cf.  LAned'or,  in  fine. 


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l'esclavage  magique  493 


rattachent  et  homologuent  l'individu  dans  son  ensemble 
au  total  Cosmos,  et   chaque  détail  de  la  constitution 
Immaine  au  détail  correspondant  de  l'organisme  universel. 
On  voit  sur  quelles  bases,  à  la  fois  mystiques  et  ration- 
nelles, les  anciens  théosopbes  édifiaient  leur  système  d'à* 
nalogies,  quand  ils  qualifiaient  l'homme  terrestre  de  Micro- 
cosme (ou  de. petit  monde),  rigoureusement  assimilable, 
en  son  tout  comme  en  ses  parties,  au  grand  monde  ou 
Macrocosme  (l). 

Cette  possession  de  l'individu  humain  par  la  Nature 
déchue  s'affirme  à  l'instant  même  de  la  conception,  et  se 
confirme  à  chaque  nouveau  stade,  dans  l'évolution  et  le 
développement  du  fœtus. 

On  peut  dire  que  ce  rudiment  corporel,  progressive- 
ment élaboré  sur  le  patron  fluidique  du  corps  astral,  est 
le  terrain  où  se  règle  un  compromis  entre  les  Puissances 
du  Ciel  et  de  la  terre.  Tandis  que  les  virtualités  latentes 
de  l'espèce  et  de  l'individu  s'efforcent  de  produire  une 
enveloppe  aussi  appropriée  que  possible  à  l'être  qui  prend 
corps,  il  semble  que  le  Génie  de  l'univers  physique,  con- 
trôlant cette  auto-genèse,  veille  à  en  maîtriser  de  toutes 
parts,  ou  du  moins  à  en  répartir  la  libre  expansion.  Ainsi, 
au  fur  et  à  mesure  de  la  croissance,  il  rattache  par  d'in- 
visibles liens  chaque  cellule,  chaque  fibre,  chaque  organe 


(1)  n  semble  qu'une  lumière  puisse  jaillir  du  rapprochement  de 
cette  théorie  av^ec  celle»  précédemiuent  émise,  des  signature*  spontanées, 
que  nous  définissons  :  les  hiéroglyphes  oùla  Nature  des  choses  consigne 
leurs  propriétés  et  révèle  leur  origine.  Peut-être  les  penseurs  recon- 
naitront-ils,  en  juxtaposant  les  deux  théories,  qu'elles  n'en  font  qu'une 
au  total  ;  mais  que  ce  sont  là  deux  manières  différentes  de  faire  valoir 
une  même  vérité. 


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494  LA  CLEF  DE  LA  MAGIE  NOIRS 

naissants,  aux  diverses  régions  de  l'Univers  qui  leur  sont 
analogues  et  correspondantes  ;  il  distribue  harmonieuse- 
ment en  lieux  utiles  les  influences  des  astres»  des  élé- 
ments et  des  orbes  magnétiques  de  la  planète,  et  règle, 
par  rapport  au  fœtus,  la  juridiction  naturelle  des  Puissan- 
ces occultes  qui  président  à  l'activité  formatrice^  sous  les 
divers  modes  applicables  au  plan  matériel. 

La  connaissance  de  ces  rapports,  et  la  mise  en  œuvre 
raisonnée  des  lois  dont  ils  témoignent,  constituent  la 
science  et  Fart  que  les  anciens  auteurs  englobaient  sous 
Tappellation  de  Magie  naturelle.  Cette  magie  serait,  à  les 
entendre,  celle  qui  permet  à  Thomme  d'accomplir  des 
œuvres  en  apparence  miraculeuses,  par  l'emploi  des 
seules  forces  de  la  Nature,  et  sans  recourir  à  l'évocation 
des  Esprits,  ni  même  côtoyer  la  limite  du  «  Surnaturel  ». 

Incorrecte  définition,  qui  s'étaie  d'une  conception  très 
fautive  de  l'Univers,  de  son  principe,  de  ses  lois  et  de  sa 
fin.  Un  tel  langage  serait,  sur  les  lèvres  d'un  adepte,  la 
marque  certaine  d'une  initiation  foncièrement  erronée, — 
si  lesdures  exigences  des  temps  de  persécution  et  de  fana- 
tisme nejustifiaient  assez  lea  meilleurs  théosophes,  d'avoir 
adopté  la  terminologie  reçue  des  scolastiques  alors  pon- 
tifiants. 

Nos  Lecteurs  savent  déjà  que  le  Surnaturel  n'est  point, — 
puisque  la  Volonté  de  l'homme  et  la  Providence  même, 
ces  facteurs  de  miracles,  constituent  l'âme  et  l'intelligence 
de  la  Nature  spirituelle,  comme  le  Destin  constitue  la  loi 
de  la  Nature  corporelle. 

La  totale  Nature,  c'est  la  grande  Isis  des  sanctuaires 
égyptiens.  Sa  glorieuse  image  se  profile  à  travers  les  trois 


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l'esclavage  magique  495 


mondes  :  sa  tête  rayonne  au  Ciel  intelligible;  son  divin 
cœur  bat  au  Ciel  des  âmes,  ses  flancs  augustes  engen- 
drent au  Ciel  éthéré  l'esquisse  des  apparences  ;  le  monde 
élémentaire  lui  fait  un  piédestal....  Et  les  philosophes 
qui  bornent  la  Nature  à  Tordre  des  choses  sensibles,  ne 
voient  même  pas  les  talons  de  la  Grande  Déesse,  mais 
seulement  Tombre  qu'ils  projettent. 

Hors  de  la  Nature,  miroir  manifestatif  de  la  Divinité, 
l'esprit  ne  conçoit  que  l'Absolu,  c'est-à-dire  Dieu  dans 
son  impénétrable  essence. 

Tous  les  êtres  finis,  jusqu'aux  anges  des  plus  sublimes 
hiérarchies,  vivent  et  se  meuvent  dans  le  sein  profond 
de  la  Nature.  Ainsi,  quels  que  puissent  être  les  auxiliaires 
spirituels  que  le  magicien  évoque  à  son  aide,  si  surpre- 
nants qu'apparaissent  les  miracles  qu'il  opère  grâce  à 
leur  concours,  sa  théurgie  n'a  rien  de  surnaturel  (1). 

Le  cadre  tout  arbitraire  d'une  «  Magie  naturelle  »  et 
licite,  en  contraste  avec  la  Magie  illicite  et  démoniaque, 
résulte  de  cette  fausse  conception  du  Surnaturalisme, 
dont  plusieurs  sont  encore  férus.  En  somme,  la  Magie 
naturelle  des  anciens  auteurs  n'est  que  la  science  posi- 
tive (ou  prétendue  telle),  appliquée  à  la  justification  de 
certains  phénomènes  déconcertants  et  paradoxaux. 

€  Cette  magie  (déclare  Porta),  douée  d'vne  plantureuse 
puissance,  abonde  en  mystères  cachez  et  donne  la  contempla- 
tion des  choses  qui  gisent  sansestre  appréhendées,  et  la  qua- 
lité, propriété  et  cognoissancede  toute  nature,  comme  sommet 
de  toute  philosophie.  Encore  enseigne-elle  que,  par  Taide  des 
choses  et  paria  mutuelle  et  opportune  application,  elle  fait  des 

(1)  Voyez  l' Avant-propos,  pages  14  et  suivantes. 


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496  LA  CLEF  DE  LA  MAGIE  NOIRE 

œuvres  que  le  inonde  estime  miracles,  surpassans  toute  ad mi-| 
ration^  et  capacité  de  tout  humain  entendement  (!).  b 

L'instruction  n'était  point  jadis  aussi  généreuse menl 
prodiguée  qu'aujourd'hui.  Les  expériences  dont  la  curio- 
sité de  nos  enfants  s'égaie  sous  le  nom  de  Physique 
amusante  (depuis  les  applications  élémentaires  de  chimie 
ou  d'électricité,  jusqu'aux  tours  de  gobelets,  qui,  en  dé- 
finitive, appartiennent  à  la  science  de  l'optique,  puisqu*ils 
reposent  sur  une  illusion  des  yeux),  toutes  ces  expérien- 
ces eussent  passé  pour  prodiges  de  Satan,  au  gré  des 
badauds  du  moyen  âge,  (témoin  le  bon  rabbin  Jéchiel  et 
la  légende  de  son  clou  merveilleux  et  de  sa  lampe  en- 
chantée) (2).  Or,  tout  n'était  pas  rose  alors,  dans  le  per- 
sonnage, d'ailleurs  considérable,  du  sorcier.  Lorsque 
des  physiciens  s'avisaient  de  publier  quelque  recette  sur- 
prenante, peu  curieux  de  récolter  sur  un  bûcher  la  menue 
monnaie  d'une  réputation  de  nigromans,  ils  prenaient 
soin  de  cataloguer  leur  découverte  sous  la  rubrique  de 
magie  naturelle,  ou  de  physique  occulte. 

C'est  sous  ce  dernier  titre  que  l'abbé  de  Vallemont 
remplit  six  cents  pages  de  sa  prose,  pour  disculper  de 
diabolisme  les  praticiens  de  la  fameuse  baguette  divina- 
toirej  encore  contestée  de  nos  jours  :  savoir,  une  fourche 
de  coudrier,  influençable,  dans  la  main  des  sensitifs,  par 
certaines  émanations,  telles  quel'aMra  des  sources  et  des 


(1)  La  Magie  naturelle^  qui  est  les  secrets  et  miracles  de  nature, 
mise  en  IV  livres,  par  lean-Baptiste  Porta,  Neapolitain.  A  Lyon,  par 
Jean  Martin,  1565,  in-8,  p   2. 

(2)  Cf.  Au  Seuil  du  Mystère,  page  5o. 


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L*£SCLAVAGE  MAGIQUE  497 


nînières.  L'expérimentateur  saisit  les  branches  bifur- 
|uées  de  la  baguette  et  la  maintient  horizontale  :  Tautre 
>o\xt  fléchit  à  point  nommé,  et  se  tourne  vivement  dans 
a  direction  de  la  masse  liquide  ou  de  la  veine  métallique 
i  découvrir.  Il  y  a  là  sans  doute  un  phénomène  d'attrac- 
tion objective  (1)  ;  mais  il  s'y  mêle  vraisemblablement 
un  phénomène  tout  subjectif  de  psychométrie,  puisque  la 
baguette  n'est  sensible  qu'en  de  certaines  mains  ;  —  et 
que  Jacques  Aymar,  pour  ne  citer  qu'un  cas  célébré  et 
d'ailleurs  exceptionnel,  a  pu,  muni  de  sa  baguette,  suivre 
a  la  piste  un  meurtrier,  sur  terre  et  sur  mer,  depuis  Lyon 
jusqu'à  Beaucaire,  puis  de  Beaucaire  jusqu'en  vue  de 
Gênes  (1692)  (2).  On  expliquera  difficilement  pareil  fait 
par  l'action  directe  des  corpuscules  de  l'awrasur  la  four- 
che de  coudrier. 

Aussi,  bien  que  la  baguette  divinatoire  ait  été  souvent 
élue  pour  type  des  applications  de  la  Magie  naturelle 
(comme  l'entendaient  les  vieux  auteurs),  nous  est  avis 
qu'on  pourrait  mieux  choisir. 


\i)  Jean  Bodin  nous  est  garant  que  la  baguette  divinatoire  étaitcon- 
nue  et  usitée,  plus  d'un  siècle  auparavant.  Et  ce  démonographe,  qui 
pourtant  voit  le  diable  partout,  conclut  à  un  phénomène  physique  : 
«  Encores  y  a-  t-il  la  Phytoscopie,  qui  est  la  prédiction  des  choses 
occultes  par  les  plantes,  comme  la  verge  deCoryles  ou  Coudres,  diuisée 
par  moictié,  tenue  en  la  main,  inclinée  de  la  part  où  il  y  a  des  métaux. 
Et  c'est  chose  assez  expérimentée  parles  métalliques...  Toutes  ses  pré- 
dictions cogneuês  par  l'expérience,  encores  que  les  causes  soient  occultes 
et  ignorées,  neantmoins  elles  sont  naturelles,  et  la  recherche  d'icelles 
descouure  la  grandeur  et  beauté  esmerueillable  des  œuuresde  Dieu.  » 
(Demonomanie  des  Sorciers,  Paris,  1587,  in-4  (feuillet  38  6  et  39  a> 
passim). 

(2)  Voy.  la  Physique  occulte  ou  traité  de  la  baguette  divinatoire, 
Paris,  1793,  in-12,  fig.,  pages  37  et  suiv. 

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498  LA  CLEF  DE  LA  MAGIE  NOIRE 


L'influence  du  monde  extérieur  sur  les  sens,  —  action 
mal  définie,  dont  les  puissants  effets  sont  banaux  à  ce 
point,  qu'on  n'y  porte  plus  attention,  —  semblerait  un 
meilleur  exemple.  L'harmonie  captivante  des  formes, 
l'enchantement  des  parfums,  des  sonorités,  des  jeux  de 
lumière  et  de  couleurs,  cette  permanente  féerie  de  la 
grande  Maïa  (l'Illusion  physique),  —  voilà  bien  des  mer- 
veilles d'une  magie  non  seulement  naturelle,  mais  spon- 
tanée. 

Nulle  science  humaine  n'a  su  démasquer  les  prestiges 
delà  charmeuse  ;  nulle  Puissance  ne  Ta  détrônée  encore, 
la  Reine  des  fantastiques  apparences! 

Lorsqu'aux  premiers  soleils  de  printemps,  toute  chose 
créée  tressaille  et  s'égaie  sous  la  caresse  du  ciel  bleu,  les 
organismes  les  plus  blasés  prennent  leur  part  du  grand 
jubilé  d'Érôs  et  de  Cybèlc.  La  Nature,  prodigue  de  sé- 
ductions, exhale  toute  sa  poésie  latente  avec  ses  énergies 
cachées  ;  elle  nous  assiège  par  tous  nos  sens.  Ni  vieillard, 
ni  valétudinaire,  ni  même  hypocondriaque  ne  s'en  défend: 
c'est  irrésistible.  Le  corps  sent  travailler  en  lui  les  fer- 
ments réactioniiés  de  la  vie  et  du  désir;  un  alanguisse- 
ment  indéfinissable  l'envahit,  fait  de  bien-être  et  d'op- 
pression, de  vertige  latent  et  de  volupté  diffuse  ;  le  cœur 
est  plein,  l'allégresse  déborde.  Toute  l'animalité  vibre  à 
l'unisson  de  l'homme  ;  la  nature  végétale  y  répond  de 
son  mieux  en  participant  au  concert.  Une  puissante  mon- 
tée de  sève  fait  éclater  les  bourgeons  et  les  feuilles  éclore. 
Sous  l'impulsion  de  l'éréthisme  universel,  êtres  et  choses 
fraternisent,  fusionnent  en  quelque  sorte,  et  l'on  sent 
positivement  à  cette  heure-là  quel  lien  occulte  etproCond 


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l'esclavage  magique  49d 

les  rattache  et  les  assimile,  conrondus  en  la  vivante  unité! 
C'est  là  le  côté  lucide  de  cette  singulière  extase,  d'ailleurs 
si  féconde  pour  tous  en  illusion  et  pour  plusieurs  en  dé- 
boires. 

Les  liens  mystiques  et  physiologiques  à  la  fois,  qui 
rattachent  l'homme  au  grand  Tout  vivant  comme  lui, 
s'imposent  alors;  ils  sont  intuitivement  perçus.  L'accord 
des  sphères  célestes  se  fait  pressentir,  —  comme  dans  le 
Songe  de  Scipion.  Alors  se  révèle  la  savante  orchestration 
d'influences  qui  nous  enveloppe,  êtres  et  choses,  dans  les 
mailles  sonores  du  Destin  ;  tandis  que,  découpée  sur  ce 
fond  harmonique,  l'universelle  incantation  des  volontés 
fait  participer  ce  qui  est  libre  dans  l'homme  au  concert 
providentiel  des  mondes.  Nulle  part,  en  effet,  du  haut  en 
bas  de  l'échelle,  l'homogénéité  de  la  Nature  ne  se  peut  dé- 
mentir :  son  essence  est  une,  si  son  mode  varie.  Ellecon- 
tient  toute  chose,  et  rien  de  manifesté  ne  se  conçoit  en 
dehors  d'elle.  Ainsi,  des  libres  sommets  de  l'apothéose 
aux  abîmes  de  la  déchéance  et  de  la  servitude,  tout  vibre 
et  donne  sa  note,  spontanée  ou  contrainte,  consciente  ou 
non.  Ainsi  les  dissonnances  de  l'enfer  contribuent  elles- 
mêmes  à  la  symphonie  du  Total  Cosmos. 

Pareille  extase,  bienfaisante  à  l'homme  dégradé,  par 
le  témoignage  des  correspondances  glorieuses  dont  elle 
trahit  l'inaliénable  empire,  n'en  présente  pas  moins,  au 
point  de  vue  des  communions  inférieures  qu'elle  dénonce 
évidentes,  l'indubitable  symptôme  de  la  possession  de 
l'homme  par  la  Nature  naturée. 

*  Voilà  Yesclavage  magiquey  dans  son  expression  natu- 
relle et  spontanée. 


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500  LA  CLEF  DE  LA  MAGIB  NOIRE 


Cet  esclavage  se  traduit,  au  jour  le  jour,  par  les  exigen- 
ces du  corps  et  toutes  les  suggestions  de  la  matière  :  la 
faim,  la  soif,  le  sommeil,  les  appétits  brutaux,  etc.. . 

Il  ne  se  révèle  que  trop  clair,  au  jeu  des  sympathies  et 
des  antipathies,  dont  nous  sommes  volontiers  les  ma- 
rionnettes. Le  raisonnement  compte  pour  bien  peu  dans 
nos  déterminations  coulumières  :  tantôt  c'est  un  <c  mou- 
vement du  cœur  »  qui  nous  emporte  en  son  irrésistible 
et  déraisonnable  élan,  ou  quelque  répugnance  qui  nous 
barre  le  sentier,  brusque  effluve  jailli  des   profondeurs 
mystérieuses  de  l'Instinct.  Dociles  à  ces  obscures  et  sou- 
daines impulsions,  sans  même  nous  être  enquis  de  leur 
pourquoi,  nous  modifions  notre  itinéraire  moral  vers  la 
droite  ou  la  gauche,  et  n'en  restons  pas  moins  convaincus 
d'avoir  librement  opté  pour  ou  contre.  Si  fréquente  est 
la  confusion  entre  notre  volonté  propre  et  celle  de  notre 
Inconscient,  qui  est  un  autre  Moi,  ou  qui  plutôt  en  ren- 
ferme deux  {i)\  N'apparait-elle  pas  doublement  esclave, 
la  créature  qui,  contrainte  d*agir,  croit  à  sa  franche  ini- 
tiative? 

Sans  doute,  et  nous  l'avons  dit,  la  liberté  est  dévolue 


(1)  Est-ce  à  dire  qu'il  faille  se  rendre  sourd  k  la  voix  des  deux  In- 
conscients, inférieur  et  supérieur,  savoir  :  aux  avertissements  de  l'Ins- 
tinct, d'un  côté  ;  et  de  l'autre,  à  l'inspiration  de  la  Providence?  —  Il 
s'en  faut  tellement,  que  nous  devons,  au  contraire,  apprendre  &  discer- 
ner ces  voix,  les  étudier  et  les  éprouver,  s'il  le  faut,  afin  de  savoir  tou- 
jours qui  nous  parle.  Car,  à.  défaut  de  bien  saisir  le  langage  respectif 
de  ces  deux  conseillers  occultes,  nous  serions  sujets  à  négliger  les  pro- 
fitables avis  de  l'un,  comme  à  subir  sans  contrôle  le  despotisme  parfois 
intempestif  de  l'autre. 


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l'esclavage  magique  501 


à  l'homme,  ici-bas,  pour  un  tiers  environ  de  ses  actes, 
tandis  que,  pour  les  deux  autres,  il  obéit  à  des  détermi- 
nations étrangères.  Mais  cette  relative  liberté  ne  lui  ap- 
partient qu'en  puissance,  à  charge  pour  lui  de  la  faire 
passer  en  actes,  par  Texercice  et  le  constant  effort  du 
vouloir  :  alors  seulement  l'homme  jouit  du  tiers  d'ini- 
tiative qui  lui  est  concédé.  Mais  s'il  néglige  de  con- 
quérir son  domaine  légitime,  le  Destin  l'envahit  et  s'en 
empare. 

Supposons,  par  contre,  un  homme  ayant  pris  posses- 
sion de  son  héritage,  et —  comme  le  Béarnais,  —  deux 
fois  maître  chez  lui, 

<  Et  par  droit  de  conquête  et  par  droit  de  naissance.  » 

Que  cet  homme  évoque  en  son  intérieur  l'action 
providentielle,  et  défère  aux  inspirations  qu'il  en  rece- 
vra :  non  seulement,  grâce  à  pareille  alliance,  il  aura 
élargi  au  double  le  champ  de  son  activité,  et  par  là, 
restreint  à  un  tiers  le  fief  de  l'adverse  Destin;  mais  il 
pourra,  jusque  sur  le  territoire  ennemi,  éluder  une  part 
des  embûches  fatidiques,  sinon  les  affronter  de  face  et 
les  réduire  de  haute  lutte.  Voilà  dans  quel  sens  on  peut 
motiver  cet  adage  d'assez  paradoxale  allure  et  qui  n'en 
est  pas  moins  juste  :  «  La  véritable  liberté  consiste 
invariablement  à  faire  son  devoir  ;  la  réelle  servitude 
consiste  à  s'en  affranchir.  »  Il  est  d'ailleurs  dans  l'es- 
sence de  l'Inspiration  providentielle  de  se  proposer  à 
l'assentiment,  et  c'est  de  choix  délibéré  qu'on  y  accède  ; 
au  contraire,  le  joug  du  Destin,  s'infligeant  à  l'être  qui 


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503  LA  CLEF  DE  LA  MAGIE  NOIRE 

lui  a  donné  prise,  s*appesântit  brutalement  sur  lui  (l> 
Ainsi,  sans  se  soustraire  entièrement  aux  entraves  do 
la  Nature  naturée,  qu'il  ne  parviendrait  à  rompre  qu'avec 
les  liens  de  Texistence  physique,  Thorame  peut  néanmoins 
distendre  ces  entraves,  et  les  réduire  au  minimum  d'em- 
pêchement. 

C'est  la  première  œuvre,  et  la  plus  difficile,  de  Ta- 
deptat. 

Entre  toutes  les  sujétions  qui  composent  ici-bas  le  ser- 
vage de  l'homme,  le  tribut  sexuel  mérite  une  mention  à 
part. 

Le  despotisme  dont  il  témoigne  est  d'autant  plus  si- 
gnificatif de  notre  déchéance,  qu'à  tout  prendre,  ce  n'est 
point  chose  matériellement  impossible,  que  d'y  contre- 
venir. La  faim,  la  soif,  le  besoin  de  sommeil  ont  cela  de 
brutalement  inéluctable,  qu'on  encourt  la  mort  à  leur  re- 
fuser satisfaction  périodique  ;  toute  la  résistance  qu'on 
y  peut  faire,  c'est  de  réduire  au  moinSy  le  plus  des  conces- 
sions forcées.  Il  est  donc  loisible  au  sage  de  restreindre 
l'exigence  de  ces  tyrans  et  de  régler  l'impôt  quotidien 
qu'ils  prélèvent  :  nullement,  d'en  abolir  en  soi  la  norme 
assujettissante  ;  tandis  qu'avec  une  bonne  méthode  d'en- 
trainement  et  beaucoup  de  volonté,  le  sage  se  rendra 
maître  de  l'instinct  sexuel. 

Cet  instinct  repose  pourtant,  comme  les  autres  besoins 
somatiques,  sur  une  fonction  spéciale  de  l'organisme. 
C'est  assez  dire  que  lui  dénier  à  jamais  toute  satisfaction 

(1)  Cf.  Histoire  philos,  du  genre  humain,  tome  H,  page  107,  —  et 
Gain,  page  247. 


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l'esclavage  magique  503 


serait  une  imprudence  grave;  bien  plus,  un  outrage  à  la 
Nature  :  et  nous  avons  mentionné  les  multiples  périls 
d'une  continence  absolue  (t).  Mais  l'homme  peut  se  sous- 
traire au  joug  sexuel,  en  ce  sens  qu'au  lieu  d'obéir  à  la 
chair,  il  lui  commandera,  et  lui  imposera  même  silence 
durant  une  période  indéfiniment  extensible. 

Il  est  bien  puissant  alors,  ayant  réalisé  en  lui  la  condition 
du  grand  œuvre  ésotérique.  Il  a  triomphé  à  la  fois  d'une 
exigence  physiologique  de  son  organisme,  et  déjoué  l'em- 
bûche de  la  Vertu  démiurgique  qui  lie  l'esprit  à  la  ma- 
tière. Dansl'occulte  séduction  qu'il  a  vaincue,  git  l'essence 
même  de  Maïa,  la  grande  Illusion,  dont  la  permanence 
fait  toute  la  réalité  de  l'univers  physique. 

Telle  se  dévoile  la  véritable  raison,  ou  du  moins  la 
principale,  qui  légitime  ces  prescriptions  de  continence, 
si  fréquentes  à  toutes  les  pages  des  Rituels,  magiques  ou 
sacerdotaux.  Le  prêtre  ou  l'épopte,  avant  de  franchir  la 
frontière  des  mondes  au  delà,  doivent  avoir  maîtrisé  la 
chair,  non  point  que  «  l'innocence  soit  agréable  au  Sei- 
gneur »,  ni  que  «  le  Très-Haut  se  courrouce  »  d'un  acte 
congruent  à  l'ordre  actuel  des  choses  et  à  l'économie  de 
la  Création  ;  le  prêtre  ou  l'initié  le  doivent  pour  des  mo- 
tifs très  précis,  oserons-nous  dire,  de  positivisme  Irans- 

(1)  Cf.  Chapitre  if,  Mystères  de  la  solilude,  pages  217-230. 

La  continence  est  si  peu  de  règle  inflexible  en  haute  magie,  que  telles 
œuvres  théurgiques  d'un  ordre  très  relevé  impliquent  l'acte  vénérien 
comme  condition  expresse  de  leur  accomplissement.  L'amour  sexuel, 
non  pas  subi,  mais  volontaire,  se  révèle  une  des  forces  les  plus  efficaces 
dont  le  magiste  puisse  ritualiser  l'emploi,  en  vue  de  certains  résultats 
d'exception.  Au  surplus,  ce  sont  là  des  arcanes  que  l'Ésotérisme  doit 
envelopper  de  son  triple  voile  :  gardons -nous  d'y  porter  une  main  scan- 
daleuse. 


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5U4      «  LA  CLEF  DE  LA  MAGIE  ?I01RE 

cendental.  C'est  en  passant  dans  la  lettre  morte,  que  ces 
préceptes  ont  revêtu  le  caractère  de  sentimentalisme  pié- 
tiste  qu'on  leur  connaît  aujourd'hui. 

Il  en  fut  de  même  pour  l'abstinence  de  certains  ali- 
ments, prescrite  dans  la  période  de  préparation  à  quel- 
ques œuvres  mystiques. 

Nous  avons  insisté  plusieurs  fois  dans  nos  ouvrages  sur 
la  vertu  magnétique  du  sang,  et  subsidiairement  de  la 
chair  qui  s'en  trouve  imprégnée.  Le  sang  attire  les  Larves 
et  les  génies  néfastes,  avides  d'acquérir,  par  cela  même 
qu'ils  s'en  abreuvent,  la  force  de  se  manifester  un  instant 
sur  le  plan  objectif.  C'est  pourquoi  les  juifs,  obéissant  au 
précepte  de  Moïse,  ont  en  abomination  toute  viande  qui 
n'est  pas  rigoureusement  exsangue.  Quant  à  la  défense 
solennelle  de  goûter  à  la  chair  des  animaux  immondesy 
desquels  le  Pentateuque  fournit  la  minutieuse  nomencla- 
ture,  cette  proposition  semble  justifiable  à  la  lumière  d'un 
autre  arcane,  bien  connu  des  hiérophantes  de  la  gentilité. 

«  Les  Théologiens  (dit  Porphyre)  ont  observé  avec  une 
grande  attenlîon  l'abstinence  de  la  viande.  L'Égyptien  nous 
en  a  découvert  la  raison,  que  lexpérience  lui  avoit  apprise. 
Lorsque  Tàme  d*un  animal  est  séparée  de  son  corps  par  vio- 
lence, elle  ne  s'en  éloigne  pas,  et  se  tient  près  de  lui.  Il  en  est 
de  même  des  âmes  des  hommes  qu'une  mort  violente  a  fait 
périr  ;  elle  reste  près  du  corps  :  c'est  une  raison  qui  doit  em- 
pêcher de  se  donner  la  mort.  Lors  même  qu'on  iuë  les  ani- 
maux, leurs  âmes  se  plaisent  auprès  des  corps  qu'on  les  a 
forcées  de  quitter  ;  rien  ne  peut  les  en  éloigner  ;  elles  y  sont 
retenues  par  sympathie  ;  on  en  a  vu  plusieurs  qui  soupiroient 
près  de  leurs  corps.  Les  âmes  de  ceux  dont  les  corps  ne  sont 
pas  en  terre,  restent  près  de  leurs  cadavres  :  c'est  de  celles-là 
que  les  Magiciens  abusent  pour  leurs  opérations,  en  les  for- 


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l'esclavage  magique  50o 

çant  de  leur  obéîr,  lorsqu'ils  sont  les  maîtres  du  corps,  ou  même 
d'une  partie.  Les  Théologiens  qui  sont  instruits  de  ces  mystè* 

res ont  avec  raison  défendu  Tusage  des  viandes,  afin  que 

nous  ne  soyons  pas  tourmentés  par  des  âmes  étrangères,  qui 
cherchent  à  se  réunir  à  leurs  corps,  et  que  nous  ne  trouvions 
point  d'obstacles  de  la  part  des  mauvais  génies  en  voulant 
nous  approcher  de  Dieu. 

c  Une  expérience  fréquente  leur  a  appris,  que  dans  le  corps 
il  y  a  une  vertu  secrète  qui  y  attire  Tàme  qui  Ta  autrefois 
habité.  C'est  pourquoi  ceux  qui  veulent  recevoir  les  âmes  des 
animaux  qui  savent  l'avenir,  en  mangent  les  principales 
parties,  comme  le  cœur  des  corbeaux,  des  taupes,  des  éper- 
viers.  L'àme  de  ces  bétes  entre  chez  eux  en  même  tems  qu'ils 
font  usage  de  ces  nourritures,  et  leur  fait  rendre  des  oracles 
comme  des  Divinités  (1).» 

Celte  citation  de  Porphyre  semble  piquante  et  instruc- 
tive, bien  que  l'absolutisme  des  termes  où  elle  s'énonce 
confine  à  la  naïveté.  Les  théosophes  d'Alexandrie  outre- 
passaient fréquemment  la  Vérité,  par  le  fait  d'une  intran- 
sigeance fort  en  désaccord  avec  leur  éclectisme  ;  —  intran- 
sigeance qui  s'affichait  d'ailleurs  bien  plus  dans  l'expres- 
sion que  dans  la  doctrine.  Au  reste,  il  n'est  pas  douteux 
que  cette  proposition  assez  suspecte,  des  «  animaux  qui 
savent  Tavenir  »  et  dont  la  chair  «  fait  rendre  des  ora- 
cles »,  ne  fût  presque  universellement  reçue  dans  la  tra- 
dition exotérique  des  sanctuaires.  L'Aruspicine,  TOrni- 
thomancie  et  les  autres  pratiques  augurâtes  des  nations 
furent-elles  jamais  autre  chose  que  des  arts  occultes  dé- 
générés, en  passant  des  mages  de  la  Science  secrète  aux 
prêtres  du  culte  extérieur? 

(1)  Porphyre,  de  l'Abstinence,  traduction  Burigny,  1767,  in-12,  pa- 
ges 153-155. 


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506  LA  CLEF  DE  LA  MAGIE  NOIRE 

Quant  au  surplus  des  opinions  de  Porphyre,  la  Haute 
Magie  a  toujours  enseigné  :  —  1*  que  le  sang  attire  Larves 
et  Lémures,  qui  s'en  abreuvent  et  lui  empruntent  la  vir- 
tualité passagère  de  se  rendre  visibles  ;  — 2*»  qu'un  lien  se- 
cret rattache  les  âmes  récemment  désincarnées  à  leur 
dépouille  matérielle,  en  sorte  qu'on  puisse  altraire  ou 
même  évoquer  ces  âmes,  par  des  opérations  magiques 
célébrées  sur  les  cadavres  ;  —  3*»  qu'à  se  nourrir  habi- 
tuellement de  la  chair  d'un  animal,  on  risque  de  s'ap- 
proprier, dans  une  certaine  mesure,  les  passions  et  les 
instincts  dominants  qui  faisaient  le  fond  de  son  naturel. 
Ainsi,  celui-là  contracterait  une  tendance  à  l'hypocrisie,  à 
la  cruauté,  à  la  luxure,  qui  consomme  à  son  ordinaire  la 
viande  d'animaux  rusés,  ou  féroces,  ou  lascifs  par  tem- 
pérament. 

Tel  est  sans  doute  le  secret  mobile  qui  détermina  Moïse 
à  interdire  la  chair  d'un  certain  nombre  de  créatures  vi- 
vantes, frappées  dans  leur  forme  extérieure  des  stigma- 
tes du  mauvais  principe.  Car  il  est  très  remarquable  que 
le  Législateur  des  hébreux  fonde  nettement,  sur  la  théorie 
des  signatures  naturelles,  sa  distinction  dogmatique  entre 
les  espèces  pures  et  impures  (1). 

Consultez  sur  ce  point  la  doctrine  ésotérique  des  nations 
païennes,  dont  l'érudit  Quantius  Aucler  s'est  fait,  à  la  fin 
du  siècle  dernier,  le  scrupuleux  organe,  —  et  vous  y 
verrez  peu  de  différence  (2). 

La  justification  des  préceptes  de  continence  et  d'absti- 


(1)  Cf.  Léoi tique,  chap.  xi,  et  Pentateuque  (pcLssim), 

(2)  Cf.  la  Thréîcie,  pages  343-347. 


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l'esclavage  magique  507 

nence,  inscrits  aux  rituels  sacerdotaux  ou  magiques,  né- 
cessiterait, pour  être  complète,  des  développements  à  te- 
nir tout  un  volume.  Les  exigences  de  notre  cadre  nous 
astreignent  à  de  nombreuses  réticences  :  nous  posons 
surtout  les  principes;  pour  l'application,  le  Lecteur  pourra 
consulter  les  ouvrages  spéciaux,  qui  ne  manquent  pas. 
La  lettre  morte,  s'emparant  du  régime  rationnel  des 
abstinences,  Ta  enlisé  sous  un  arbitraire  amoncellement 
de  réglementations  puériles  et  de  prohibitions  excessives. 
De  là  provient  le  célibat  ecclésiastique,  dont  le  principe, 
essentiellement  d'exception,  comme  ailleurs  nous  l'avons 
dit,  ne  devait  se  voir  généralisé  à  aucun  titre. De  là  découle 
l'obligation  des  jeûnes  et  des  abstinences,  périodique 
pour  les  fidèles,  permanente  à  l'usage  d'un  grand  nom- 
bre de  religieux  et  de  moniales  (Chartreux  et  Trappistes, 
Bernardines, Clarisses  et  Carmélites,  etc.).  D'équivalen- 
tes austérités  se  pratiquent  partout,  chez  les  Derviches 
mahométans  et  les  Fakirs  de  l'Inde  ;  car,  dans  toutes 
religions  comme  à  toutes  époques,  le  culte  extérieur  a 
corrompu  l'esprit  de  la  Science  secrète,  àTégaixl  des  abs- 
tinences et  de  leur  usage  normal,  fondé  sur  les  exigen- 
ces passagères  des  œuvres  mystiques.  Le  sacerdoce  a 
toujours  universalise  ce  régime  d'exception,  en  faisant 
un  pieux  mérite  de  ce  qui  n'était  qu'une  condition  pour 
réussir,  et  en  promulguant  la  doctrine  sentimentale  et 
foncièrement  erronée,  —  nous  allions  mettre  scanda- 
leuse, —  des  t  sacrifices  méritoires  »  et  des  «  mortifi- 
cations agréables  à  Dieu  !  » 

Chacun  sait  quelle  importance  Pythagore,  —  ce  grand 


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508  LA  CLEF  DE  LA   MAGIE  NOIRE 

génie  de  rÉsotérisme, — attribuait  au  choix  des  aliments  ; 
les  Vers  dorés  de  Lysis  en  témoignent,  et  le  commenta- 
teur Hiéroclès  nous  en  détaille  les  motifs  (1).  Le  princi- 
pal avait  trait  à  l'élaboration  du  corps  spirituel  ou  a  char 
subtil  de  Tâme  »,  dont  la  genèse,  compromise  par  une 
alimentation  défectueuse,  peut  être  favorisée  par  lin  ré- 
gime convenable. 

Sans  nous  attarder  à  la  confusion  que  nous  signalâmes, 
chez  les  Pythagoriens  mêmes,  entre  le  corps  astral  péris- 
sable et  la  forme  glorieuse  qu'ils  nommaient  le  char  sub- 
til, —  observons  que  la  faculté  plastique,  leur  matrice  à 
Tun  comme  à  l'autre,  ne  peut,  dans  la  condition  terres- 
tre, faire  éclore  la  forme  immaculée,  qu'à  mesure  que  la 
forme  astrale  s'élimine.  C'est  ce  double  labeur,  inverse- 
ment proportionnel,  que  le  sage  exécute  pendant  sa  vie 
terrestre,  en  vue  d'une  délivrance  immédiate  et  du  re- 
tour à  l'essence,  dès  que  cette  vie  aura  cessé.  Il  obtient 
ce  résultat,  dit  Hiéroclès,  par  l'épuration  progressive  et 
parallèle  de  Tâme  et  du  corps  lumineux.  L'âme  se  sublime 
en  acquérant  la  science,  et  le  corps  lumineux  en  se  pur- 
geant des  souillures  contractées  dans  son  union  avec  le 
corps  matériel  (2).  La  première  condition  de  cette  puri- 

(1)  Cf.  Hiéroclès,  tome  II  delà  Bibliothèque  des  anciens  philosophes 
de  Dacier,  pages  230-246. 

(2)  On  voit  qu'Hiéroclès  lui-même  n'échappe  point  à  la  confusion 
que  nous  avons  dite.  Le  corps  glorieux  n'est  pour  lui  que  le  corps 
astral  purifié  et  qui,  de  ce  fait»  a  conquis  ses  ailes. 

La  Vérité,  c'est  que  le  Sage,  pour  élaborer  dès  ici-bas  son  corps  glo- 
rieux, doit  faire  rentrer  en  quelque  sorte  lecorpsastral  périssable  dans 
l'organisme  matériel,  qui,  loin  d'en  p&tir, en  deviendra  plus  subtil.  Cette 
résorption  ne  se  peut  effectuer  que  très  lente,  et^pour  ainsi  dire,  atome 
par  atome.  Â  mesure  qu'iine  molécule  astrale  se  sera  assimilée  en  corps 


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l'esclavage  magique  509 


fication  consiste  en  un  régime  approprié,  qui  proscrit 
tous  aliments  impurs. 

Moïse,  qui  donne  une  classification  si  minutieuse  des 
animaux  mondes  et  immondes,  ne  semble  point  avoir 
étendu  cette  nomenclature  aux  exemplaires  des  règnes 
végétal  et  minéral. 

Pythagore  avait  à  coup  sûr  comblé  cette  lacune,  en  fa- 
veur de  ses  initiés  ;  mais  il  n'en  reste  exotériquement 
que  certains  préceptes,  formulés  en  sentences  énigmati- 
ques.  Exemples  :  —  «  Fabis  abstine.  —  Herbam  molo- 
chinam  fere,  ne  tamen  edas  (1)  ».  Le  premier  de  ces  pré- 
ceptes, qui  interdit  Tusage  des  fèves,  prouve  que  cette 
nomenclature,  demeurée  occulte,  était  basée,  comme  celle 
du  Pentateuque,  sur  la  théorie  des  hiéroglyphes  naturels. 
Ces!  que  (nous  dit  Aucler,  tardif  interprète  d'une  anti- 
que tradition  pythagoricienne),  «  les  fèves  font  lire  sur 
leurs  fleurs  les  portes  mêmes  de  l'Enfer  (2)  ». 

Les  produits  dangereux  des  trois  règnes  portent  ins- 
crit dans  leur  forme  extérieure  l'aveu  de  leur  malice  la- 


physique,  celui-ci  éliminera  une  molécule  de  sa  plus  grossière  sub- 
stance. Inversement,  à  mesure  que  le  corps  astral  se  résorbera,  la  forme 
glorieuse,  se  développant  petit  à  petit,  occupera  la  place  laissée  libre. 
A  la  mort  du  Sage,  tout  ce  qui  est  périssable,  l'organisme  matériel  et 
le  corps  astral  fusionnés  se  dissoudront  ensemble,  et  l'âme,  revêtue  de 
la  forme  glorieuse  des  élus,  sera  immédiatement  assumée  au  royaume 
du  pur  Éther. 

{{)  PythagorcB Philosophi  Symbola  ((evLiWQi  37  a,  des  traductions 
latines  de  Marsile  Ficin,  sous  ce  titre  :  lamblichus  de  Mysteriis,  etc., 
Venetiis,  in  œdibus  Aldi  et  Ândreœ  soceri,  1516,  in-folio]. 

(2)  La  ThréxciCy  page  347. 

Les  fleurs  de  fève  affectent  la  forme  ctéine.  Or  le  Ctéis  féminin  est 
la  porte  de  l'engloutissement  des  âmes,  la  porte  de  l'Enfer  terrestre. 


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510  LA  CLEF  DE  LA  MAGIE  NÛIRB 

tente.  Quel  naturaliste  assez  sourd  au  langage  muet  des 
choses  le  contestera  ?  La  physionomie,  révélatrice  des 
vertus  bonnes  ou  mauvaises,  est  une  réalité  sur  chaque 
échelon  de  la  vie  ascendante.  Du  bas  en  haut,  la  noirceur 
des  âmes  transparait  sur  les  visages.  Tout  Gain  porte  an 
signe  au  front. 

L'aspect  du  poulpe  et  du  scorpion,  de  la  hyène  et  du 
crocodile  dénonce  leur  nature  ;  évoquant  la  crainte  et  la 
nausée  tout  ensemble,  ces  monstres  dégagent  une  aver- 
tissante horreur.  Il  n'y  a  point  à  s'y  méprendre.  D'autres 
bêtes  meurtrières  n'inspirent  que  l'effroi,  chez  qui  le 
stigmate  delà  violence  n'exclut  pas  une  allure  noble,  par- 
fois une  réelle  beauté  :  tels  les  grands  félins,  lion,  tigre 
ou  panthère  ;  tels  les  oiseaux  de  proie,  aigle,  épervier, 
grand-duc  et  condor.  Ils  portent  l'estampille  de  la  féro- 
cité, plus  que  de  Tignominie  ;  mais  tout,  dans  leur  figure 
et  dans  leur  geste,  tout  dit  à  l'observateur  :  garde- toi  ! 

Les  exemplaires  dangereux  du  règne  végétal  n'ont  pas 
un  aspect  plus  trompeur,  pour  qui  sait  observer  et  voir. 
Élancées,  ou  bien  courtes  et  trapues,  les  Solanées  véné- 
neuses ne  savent  point  mentir  :  l'avertissement  est  dans 
leur  port,  dans  leur  feuillage  sombre  ou  blême.  Voyez  la 
Belladone,  la  Mandragore  et  le  Datura;  fleurs  livides, 
pommes  épineuses  ou  baies  fades.  Observez  la  Jusquiame 
aux  feuilles  velues  et  dentelées,  à  l'odeur  vireuse  et  ré- 
pulsive :  quelle  menace  éloquente  sur  les  lèvres  de  ses 
corolles  !  —  Les  Ombellifères  toxiques  n'ont  pas  un  air 
plus  engageant.  Les  Ciguës  épanouissent  un  feuillage 
agressif;  des  macules  de  pourpre  ensanglantent  leur  tige  ; 
la  Ciguë  vireuse  et  TiEnanthe  safranée  répandent,  quand 


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l'esclavage  magique  511 


on  les  brise,  un  suc  jaunâtre  comme  du  pus.  Toutes  ces 
plantes  se  décèlent  malfaisantes  par  la  fétidité  de  leur 
haleine.  —  Des  Euphorbiacées,  sinistres  à  la  vue,  gicle 
à  la  moindre  égratignure  un  lait  corrosif.—  Issues  de  deux 
familles  très  distantes,  la  Sabine  et  la  Rue  trahissent  di- 
versement, par  leur  physionomie  antipathique  et  le  relent 
qu'elles  dégagent,  leur  emploi  d'antiques  avorteuses.  — 
Les  roides  dentelures  de  l'Aconit,  d'un  vert  presque  noir 
et  livide  par  en  dessous,  encadrent  bien  la  fleur  élégante 
et  triste,  d'un  bleu  vénéneux  d'azotate  de  cuivre.  —  La 
Digitale  pourprée  est  aussi  singulièrement  lugubre,  en 
dépit  de  ses  charmes:  sa  feuille  gaufrée,  sombre  et 
poilue  n'impressionne  pas  moins  que  le  tigridement  in- 
terne de  ses  corolles.  —  Le  Colchique  d'automne  montre 
à  niveau  du  sol  sa  fleur  violacée,  sans  tige  ni  feuillage  : 
c'est  la  «  veilleuse  »  des  deuils  prochains.  L'Arum  obs- 
cène étale  sous  bois  son  phallus  malade,  d'un  lilas  ma- 
culé.—  La  Renoncule  scélérate  rampe  à  terre  et  se  cache 
à  demi  sous  l'herbe  et  la  mousse,  comme  un  serpent. 
D'autres  végétaux  mortels  aflectent  une  allure  moins 
cynique,  une  physionomie  plus  composée  ;  mais  à  les 
étudier  en  détail,  ils  portent  tous  des  stigmates  de  répro- 
bation. 

Il  n'est  pas  jusqu'au  règne  minéral,  moins  expressif 
en  faveur  de  l'homme,  parce  qu'il  s'éloigne  davantage  de 
lui,  où  le  déchiffreur  de  signatures  spontanées  ne  puisse 
découvrir  les  caractères  bénéfiques  ou  maléfiques,  et  lire 
sur  les  écorces  les  propriétés  des  essences.  La  cassure 
des  minéraux,  les  formes  cristallines  et  leurs  modes  de 
groupement,  les  couleurs,  la  saveur,  l'odeur  même  sont 


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512  LA  CLEF  DE  LA  MAGIE  NOIRE 

autant  d'indices.  Demandez  au  minéralogiste,  si  des 
échantillons  de  laboratoire  savent  refuser  à  son  instinct 
l'aveu  tacite  de  leurs  propriétés,  avant  même  qu'il  en 
ait  fait  Tépreuve  ! 

Naguère  encore,  la  toxicologie  participait  des  sciences 
occultes,  moins  peut-être  à  cause  du  fari  nefas^  que 
parce  que  les  seuls  intuitifs  s'y  rendaient  experts,  guidés 
par  la  lecture  des  hiéroglyphes  naturels,  autant  et  plus 
que  par  l'expérience  proprement  dite.  Les  livres  sur  le 
discernement  des  poisons  étaient  rares  alors,  et  souvent 
mystificateurs.  Pour  acquérir  cette  doctrine  maudite,   il 
fallait  aller  de  l'avant  et  payer  de  sa  personne.  Il  nous 
reste  des  fragments  significatifs  d'un  poème  d'Héliodore 
sur  les  Poisons  ;  le  début  solennel  ressemble  à  un  ser- 
ment d'initié  : 

Non  mihi,  per  sacram  venerandœ  Palladis  artem, 
Non  per  luciferum  Solem,  mortaLibus  œquum, 
Non  per  te,  divi  cui  subsunt,  Juppiter,  omnes, 
Muneribus  quisquam,  nec  vi,  nec  gratî  amoris, 
Adduxit  me  aliîs  lethalia  prodere  versu. 
Sed  sacras  palmas  splendentia  ad  œthera  tendo, 
Nuilius  atque  mali  mens  est  sibi  conscia  nostra(i)  ! 

Mais  la  toxicologie,  telle  que  nous  l'entendons  aujour- 
d'hui, n'était  qu'une  section  de  la  science  des  venins, 
comme  elle  était  enseignée  dans  les  cryptes  de  l'antique 
Ésotérisme.  Tous  les  initiés  du  vieux  monde,  —  Moïse 
et  Pythagore  en  particulier,  —  pensaient  que  la  gnose 

(1)  Apud  Galenum. 


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l'esclavage  magique  513 

des  poisons  ne  se  limite  pas  à  ceux  qui  détruisent  la  santé 
physique.  Comme  il  y  a  des  substances  nuisibles  ou  mal- 
saines pour  le  corps,  il  y  aurait,  selon  leur  dire,  éparses 
dans  les  trois  règnes,  des  substances  non  moins  funestes* 
pour  l'âme  et  pour  Tesprit.  Théorie  singulière,  mais  qui 
ne  répugne  en  rien  à  la  logique  de  leur  doctrine  :  car,  en 
conséquence  de  la  chute,  les  trois  mondes  se  pénètrent 
par  intersections  de  plans,  et  trop  souvent  se  confondent. 
En  vertu  de  cette  théorie,  ces  théocrates  prohibaient  Tu- 
sage  de  certaines  viandes  tenues  pour  très  saines  de  nos 
jours,  et  même  de  substances  végétales,  qui,  telles  que 
les  fèves,  comptent  parmi  nos  légumes  les  plus  appré- 
ciés. 

Les  docteurs  contemporains  classent  bien  certains  pro- 
duits sous  la  rubrique  de  poisons  de  rintelligence  ou  de 
la  volonté  ;  mais  en  tant  qu'ils  peuvent,  ou  léser  les  or- 
ganes matériels  par  quoi  ces  facultés  se  manifestent,  ou 
provoquer  des  troubles  physiologiques  immédiatement 
appréciables.  —  Tel  n'était  pas  le  point  de  vue  des  anciens 
sages,  pour  qui  le  corps  astral,  ce  lien  régulateur  des  vies, 
cet  intermédiaire  entre  T homme-essence  et  l'homme 
matériel,  constituait  une  réalité  perpétuellement  à  la 
merci  de  leur  subtile  analyse.  Ils  classaient  les  produits 
de  la  Nature,  soit  médicamenteux  ou  simplement  alimen- 
taires, d'après  l'action,  non  pas  apparente  et  manifestée, 
mais  interne  et  profonde,  que  ces  produits  exerçaient  sur 
le  médiateur  plastique. 

Ainsi,  guidés  à  priori  par  l'indication  des  signatures 
spontanées,  dont  la  langue  leur  était  familière,  et  s'étayant 

à  posteriori  du  contrôle  que  leur  offrait  l'étude  du  corps 

33 


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Mi  LA  Clef  de  la  magib  noire 

astral  (1),  —  appareil  de  précision  susceptible  de  s^affi- 
ner  ou  de  pâtir,  selon  le  régime  auquel  est  soumis  le  corps 
matériel,  —  les  Adeptes  avaient  pu  établir  une  nomen- 
clature des  êtres  et  des  choses,  sous  la  double  rubrique 
de  pur  et  d'impur,  c'est-à-dire  de  faste  ou  de  néfaste  à  la 
triple  santé  physique,  morale  et  intellectuelle  de  l'homme. 

C'est  en  modifiant  le  corps  astral,  que  le  plus  grand 
nombre  des  substances  assimilées  au  corps  physique  réa- 
gissent durablement  sur  lui;  exceptons  celles  dontractîon 
est  mécanique,  donc  immédiate,  non  point  physiologique 
et  partant  médiate. 

Le  corps  astral  est  sujet  à  s'appesantir  ou  à  se  subtili- 
ser, premier  point  qui  requiert  surveillance.  Il  est  sujet 
ensuite  à  s'amalgamer  des  Larves  et  des  âmes  animales, 
qui  n'épaississent  pas  seulement  sa  substance,  mais  en 
quelque  sorte  la  dénaturent.  Les  lecteurs  du  prochain 
chapitre  sentiront  l'importance  capitale  de  cette  possible 
altération  du  périsprit. 

Enfin  nous  avons  déterminé,  dans  une  note  ci-des- 
sus (2),  comment  l'acquisition  dès  ici-bas  du  corps  de 
gloire  (ou  char  subtil  de  l'âme)  se  trouve  subordonnée  à 
la  résorption  progressive  et  lente  du  Périsprit  dans  le 
corps  visible  :  voilà  le  grand  œuvre  d'immortalité,  dont 
l'homme  est  à  la  fois  la  matière,  l'œuf  philosophai  et 
l'athanor,  tandis  que  sa  Volonté  fait  l'office  du  feu  secret. 

Cette  mystique  et  sublime  chrysopée  de  l'enveloppe 


(i)  La  science  occulte  leur  offrait,  en  dehors  même  de  Teztase,  diffé- 
rents critères  très  sûrement  révélateurs  des  variations  du  corps  astraJ. 
(2)  Pages  508-509. 


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l'esclavage  magique  815 


lumineuse  requiert,  pour  atteindre  sa  perfection,  un  ré- 
gime d'une  exceptionnelle  sévérité  ;  car  la  forme  astrale 
subit  les  contre- coups  d'une  alimentation  défectueuse.  Sa 
substance  alors  s'épaissit  :  trouble  de  mélanges  étrangers 
et  lourde  d'acquisition  lémurienne,  elle  s'acoquine  bien 
à  l'organisme  matériel,  en  s'homologuant  avec  lui  :  mais 
ellenesauraitplus,  — telle  une  liqueur  subtile,  —  impré- 
gner cet  organisme  jusqu'à  saturation  ;  ni  le  quintessen- 
cier  ensuite,  en  lui  faisant  éliminer  à  mesure  ses  gros- 
sières molécules. 

Ainsi  s'expliquent  les  variables  degrés  d'abstinence 
prescrits  à  l'initié,  selon  l'œuvre  à  quoi  il  se  consacre,  et 
tel  se  justifie  le  régime  scrupuleux  imposé  par  les  anciens 
Sages  au  postulant  du  suprême  arcane  réalisable  sur  la 
terre:  celui  de  Tauto-création,  qui  aboutit  à  l'apothéose 
posthume. 

S'il  fallait  énumérer  et  répartir  normalement  les  pro- 
duits de  la  Nature,  selon  qu'assimilés  au  corps  de  l'homme, 
ils  exercent  sur  son  âme,  son  esprit,  sa  volonté  ou  ses 
instincts  une  influence  répercussive,  à  peine  un  traité 
spécial  ysuffiraiUil. 

Le  Lecteur  trouvera,  disséminés  au  tome  précédent, 
des  notions  intéressantes  et  généralement  peu  connues, 
sur  les  propriétés  occultes  de  quelques  productions  des 
règnes  inférieurs  ;  nous  n'y  reviendrons  pas  ici.  Nous 
avons  tout  lieu  de  croire  que  ces  renseignements  ont  été 
appréciés  pour  curieux  et  instructifs;  car  on  y  a  largement 
puisé  :  nous  avons  eu  le  plaisir  de  relire  notre  prose 
sous  la  signature  de  tels  de  nos  confrères,  qui  nous  ont 


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516  LA  CLEF  DE  LA  MAGIE  NÔlRE 


fait  l'honneur  d'emprunts  textuels  (1)  ;  il  n'y  manquait 
que  des  guillemets  et  l'indication  d'origine  du  texte 
qu'ils  avaient  transcrit... 

Pour  peu  qu'on  veuille  réfléchir  à  ces  secrètes  proprié- 
tés des  simples  sur  les  facultés  supérieures  de  l'homme, 
on  conviendra  que  ce  sont  autant  de  symptômes  dénon- 
ciateurs de  l'esclavage  hominal  en  ce  bas  monde,  puisque 
ces  vertus  impliquent  une  sujétion  au  moins  indirecte  de 
l'intelligence,  du  vouloir,  de  la  sensibilité,  au  despotisme 
de  la  matière  (2). 

V esclavage  magique,  tel  que  l'homme  est  coutumier  de 
le  souffrir  ici-bas,  se  conçoit  quadruple  et  peut  se  formu- 
ler :  élémentaire,  hyperphysique,  hominal,  enfin  spirituel. 

I.  —  V esclavage  élémentaire^  sur  quoi  nous  avons 
insisté,  s'affirme  la  conséquence  fatale  de  l'incarnation. 
L'âme  humaine,  engloutie  dans  la  matière,  subit  toutes 
les  exigences  de  l'organisme  charnel  et  toutes  les  séduc- 


(1)  Citons,  entre  autres,  la  très  recommandable  étude  de  M.  Peter 
Davidson,  sur  le  Gui  et  sa  Philosophie  (Chap.  ii,  Plantes  mystiques  et 
leurs  propriétés),  i^9Z,  (traduit en  français  par  P.  Sédir,  Paris,  Charnu el. 
1896.  in-8).  Nous  ne  fûmes  pas  médiocrement  flatté  de  relire,  sous  la 
signature  du  plus  haut  officier  de  VU.  B.  of,  L.,  des  pages  entières  de 
notre  Serpent  de  la  Genèse,  tome  I,  textuellement  traduites,  sans  la 
moindre  mention  d'emprunt.  —  Quoi  qu'il  en  soit  de  cette  méthode 
américaine  de  silencieuse  appropriation  des  idées  et  môme  des  phra- 
ses glanées  sur  autrui,  nous  nous  sommes  retrouvé  en  si  excellente 
compagnie,  qu'il  y  aurait  ingratitude  k  nous  plaindre. 

(2)  Ces  propriétés  des  simples  sont  assurément  dues  aux  virtualités 
des  Élémentaux  qui  les  régissent  ;  mais  ces  Élémentaux  sont  les  Ar- 
chontes obscurs  ou  inférieurs  de  la  théurgie  alexandrjne  (Voy.  Iam> 
blique)  :  ils  appartiennent  à  la  sphère  de  la  Nature  naturée,  où  l'homme 
originairement  n'était  pas  destiné  à  vivre.  S'il  s'est  ravalé  jusque-là, 
c'est  la  conséquence  de  la  chute  adamique. 


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L* ESCLAVAGE  MAGIQUE  517 


tiens  de  rillusoire  Maïa:  celle-ci  déploie  les  prestiges  de 
sa  magie  fantasmagorique,  pour  appesantir  davantage  sur 
la  créature  déchue  le  joug  de  la  Nature  naturée. 

IL  —  V esclavage  hyperphysique  apparaît  la  résultante 
du  Karma  terrestre  ;  son  instrument  principal  est  Thabi- 
tude.  On  sait  comment  les  images  astrales  qui  peuplent 
le  nimbe  individuel  et  constituent  par  leur  enchaînement 
les  archives  des  pensées,  des  volitions,  des  actes  de  cha- 
cun, réagissent  sur  celui  qui  leur  a  donné  naissance,  et 
rinclinent  à  persévérer  dans  sa  voie  (1).  L'initiative  est 
enchaînée  d'autant,  et  c'est  ainsi  que,  limitant  l'essor  du 
libre-arbitre,  le  passé  d'un  être  commande  son  avenir, 
dans  une  très  notable  mesure. 

IIL  —  L'esclavage  hominal  résulte  de  l'aliénation  de 
l'Ascendant  individuel,  au  profit  d'un  autre  individu,  ou 
d'une  collectivité  humaine.  Notre  Public  sait  ce  que  nous 
entendons  par  ces  termes.  L'aliénation  peut  être  partielle 
et  passagère,  ou  totale  et  définitive.  C'est  le  magnétisme 
(soit  qu'on  l'exerce  en  mode  instinctif  ou  conscient,  ou- 
vertement ou  par  des  procédés  clandestins)  qui  se  révèle 
l'instrument  principal  de  cet  ordre  d'esclavage. 

IV.  —  Vesclavage  spirituel,  enfin,  consiste  dans  la 
sujétion  d'un  homme  à  une  Puissance  invisible,  qui  le  do- 
mine, l'obsède  ou  le  possède,  comme  on  n'en  voit  que 
trop  d'exemples.  La  médianité  est  la  forme  la  plus  ordi- 
naire qu'affecte  ce  genre  de  servitude. 

Nous  dirons  quelque  chose  de  ces  modes  divers  que 
revêt  l'esclavage  magique. 

(1)  Voyez  nos  Mystères  de  la  Solitude  (Chap.  n  du  présent  tome). 


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518  LA  CLBT  DE  LA   MAGIE  NOIRE 

La  répartition  que  nous  en  avons  proposée  peut  servir 
de  fil  dWriane,  dans  ce  labyrinthe  d'influences  qui  se 
croisent  et  s'enchevêtrent  sur  le  sentier  de  Tinitiative  hu- 
maine, et  qui  tantôt  entravent  celle-ci  et  tantôt  la  déna- 
turent. Toutefois  pareille  classification  ne  rime  à  rien 
d'exclusif,  comme  on  va  le  voir  par  deux  exemples. 

Les  magiciens,  pour  seconder  leurs  manœuvres  ma- 
gnétiques, mettent  souvent  à  contribution  les  secrets  de 
la  Magie  naturelle  :  ils  savent  d'autant  mieux  appesantir 
sur  autrui  les  entraves  de  l'illusoire  Maïa,  qu'eux-mêmes 
ont  mieux  réussi  à  s'y  soustraire.  La  servitude  qu'ils  in- 
fligent à  leur  prochain  rentre  ainsi  dans  la  première 
et  la  troisième  catégorie  tout  ensemble.  —  D'autre  part, 
il  est  souvent  difficile  de  marquer  la  frontière  entre  les 
phénomènes  dépendant  de  la  seconde  et  de  la  quatrième 
rubrique.  Le  jeu  des  passions  humaines,  en  efi'et,  aboutit 
à  générer  dans  le  nimbe  individuel  de  véritables  Puis- 
sances invisibles;  l'homme  peut  même  évoquer,  par 
sympathie  et  sans  le  savoir,  des  Esprits  qui  désormais 
s'attacheront  à  son  destin.  De  leur  côté,  les  Êtres  spiri- 
tuels, parvenus  à  s'emparer  d'un  homme,  n'ont  garde 
parfois  de  lui  rendre  sa  dépendance  manifeste  et  de  pa- 
raître à  ses  regards  :  ils  n'influenceront  leur  esclave  in- 
carné que  par  d'anonymes  suggestions,  ou  en  faisant 
surgir,  au  miroir  de  son  translucide,  des  images  astrales 
qu'il  puisse  prendre  pour  les  reflets  de  sa  propre  pensée. 

Des  deux  premières  formes  qu'aflFecte  le  servage  magi- 
que, nous  avons  suffisamment  discouru.  Les  pages  pré- 
cédentes ont  décrit  les  entravesdont  le  Destin  de  la  Nature 


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l'esclavage  magique  519 


matérielle  nous  charge  et  nous  empêche,  dès  le  ventre  de 
nos  mères.  Quelques  chapitres  plus  haut,  les  Mystères  de 
la  Solitude  d^vsient  donné  à  entendre  combien  l'atmo- 
sphère individuelle  de  chacun,  toute  hantée  des  vivants 
reflets  de  ses  concepts,  de  ses  passions  et  de  ses  rêves, 
réagit  sur  Tintelligence,  sur  Tàme  et  l'imagination  qui  ont 
donné  l'être  à  ces  fantômes  :  si  bien  que,  pour  borner 
rinitiative  de  tout  homme  ici-bas,  son  futur  psychologique 
se  décalque  le  plus  possible  sur  le  modèle  de  son  passé. 
On  peut  dire  que  la  troisième  forme  (esclavage  homi- 
nal)  implique  virtuellement  les  trois  autres.  C'est  que 
l'homme,  placé  sur  la  frontière  des  mondes  physique  et 
spirituel,  participe  à  Tun  par  son  corps,  à  l'autre  par  son 
âme  ;  à  tous  deux,  son  corps  astral  sert  de  «  médiateur 
plastique  »,  pour  faciliter  les  transitions.  Ainsi  l'homme, 
actif  sur  tous  les  plans,  peut  se  servir  tout  à  tour,  et 
même  à  la  fois,  des  divers  instruments  qu'il  y  rencontre. 
Rien  n'apparaît  donc  variable  et  complexe,  comme  la 
domination  qu'il  est  capable  d'acquérir  sur  son  prochain, 
et  dont  les  pratiques  du  magnétisme  nous  oflFrent  le  type 
le  plus  ordinaire  et  le  plus  frappant. 

D'abord,  —  et  c'est  la  magie  psychique  dans  toute  sa 
pureté,  —  rame  peut  agir  directement  sur  l'àme,  au  mé- 
pris des  distances  ;  elle  peut  la  dominer,  la  contraindre  et 
même  la  frapper  de  paralysie,  pour  se  substituer  à  elle. 

On  sait  que  les  âmes  humaines,  encore  qu'originelle- 
ment égales,  puisqu'elles  sont  d'identique  essence,  ont 
subi,  en  fait,  un  développement  plus  ou  moins  poussé; 
nous  en  avons  fait  connaître  ailleurs  la  loi  régulatrice. 


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520  LA   GLKF  DE   LA   MAGIE  NOIRE 

Elles  se  sont  accrues  ou  amoindries,  fortifiées  ou  débili- 
tées, selon  que  le  Vouloir,  instrument  de  leur  élaboration, 
les  a  sublimées  dans  le  royaume  de  Tintelligence,  ou 
ravalées  dans  le  domaine  de  l'instincl.  Cette  alternative, 
qui  pose  la  condition  de  la  perfectibilité  des  âmes,  ou  de 
leur  déclin,  dénonce  en  même  temps  la  raison  de  leur 
inégalité  présente. 

Ces  différences  animiques  favorisent  le  phénomène  de 
la  substitution  de  personnalité,  —  un  mode  supérieur  de 
magnétisme  qui  n'est  connu  et  pratiqué,  en  occident,  que 
d'une  élite  d'expérimentateurs  psychologues,  et  géné- 
ralement confondu  avec  la  suggestion  pure  et  simple. 

Quelle  diflTérence,  pourtant  ! 

Suggérer,  c'est  faire  naître,  par  un  moyen  ou  par  un 
autre,  dans  le  cerveau  d'un  sujet  (éveillé  ou  endormi),  une 
pensée  d'origine  étrangère,— pensée  potentielle,  ou  non, 
soit  d'un  acte,  soit  d'une  série  d'actes  à  accomplir.  N'est- 
ce  point  la  définition  la  plus  large  de  ce  phénomène,  tel 
que  le  conçoivent  et  se  l'expliquent,  ou  du  moins  cher- 
chent à  l'expliquer,  les  savants  officiels  ?  Nous  revien- 
drons sur  cette  manière  de  voir,  en  vue  de  la  contrôler  et 
de  l'éclaircir,  au  flambeau  de  l'Occultisme. 

Se  Substituer  à  un  sujet,  c'est  exproprier  l'organisme 
d'autrui,  au  triple  point  de  vue  de  la  volonté,  de  Tintelli- 
gence  et  du  sentiment,  pour  y  installer  son  propre  vou- 
loir, son  propre  penser,  son  propre  sentir,  aux  lieu  et 
place  des  mêmes  facultés  qu'on  déposséda.  Celles-ci  . 
semblent  dès  lors  frappées  de  léthargie,  sinon  en  elles- 
mêmes,  du  moins  dans  leurs  fonctions  corporelles,  c'est- 
à-dire  dans  le  rapport  normal  qui  les  liait  à  l'organisme. 


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l'esclavage  magique  521 


C'est  à  un  étranger  que  cet  organisme  obéira,  pendant 

toute  la  durée  de  cet  état  extraordinaire.  Disons  mieux  : 

le  corps  du  sujet  ne  sera  pas  seulement  soumis  à  Tex- 

périmentaleur,  mais  c'est  l'expérimentateur  lui-même 

qui  agira,  dans  ce  corps  et  par  ce  corps  exproprié. 

Il  agira  même  à  distance,  pourvu  qu'ayant  établi  au 
préalable  le  contact  sympathique,  une  invisible  chaîne 
de  communication  rattache  sa  personne  à  celle  du  sujet, 
qu'il  se  propose  d'envahir.  Absent,  il  possédera  le  sujet 
par  le  seul  acte  de  sa  volonté  lointaine,  et  sans  une  parole 
et  sans  un  geste,  il  le  fera  parler  et  se  mouvoir. 

Pareille  puissance,  rare  en  occident  et  presque  ignorée 
des  savants  européens,  n'en  est  pas  moins  cultivée  et 
connue  des  orientaux,  nommément  aux  Indes,  où  tant 
de  pandits  et  même  de  fanatiques  procèdent  à  l'entraî- 
nement du  fakir,  par  des  exercices  quotidiens  à  peine 
croyables  :  ils  pratiquent  ainsi  le  développement,  l'édu- 
cation, l'essor  ubiquitaire  de  la  volonté  ;  c'est  quelque- 
fois au  détriment  de  l'intelligence,  et  par  là,  de  la  liberté 
véritable,  toujours  proportionnelle  à  la  spiritualisation 
du  vouloir  humain. 

Le  prodige  de  la  substitution  psychique  n'a  point 
échappé  à  Jules  Verne,  cet  ingénieux  conteur  doublé  d'un 
érudit,  dont  l'œuvre  restera  comme  les  Mille  et  une  Nuits 
de  la  Science  exacte.  Il  a  crayonné  dans  Matthias  Sandorf 
l'esquisse  du  phénomène  en  question,  et  ses  lecteurs  n'ont 
pas  oublié  l'audacieux  enlèvement  du  traître  Carpena, 
que  le  D'  Antékirtt,  simple  visiteur  du  bagne  de  Ceuta, 
possède,  anime  et  meut  à  distance  :  il  le  fait  choir,  à  point 
nommé,  du  haut  d'une  falaise  dans  la  mer,  où  une  embar- 


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522  LA   CLEF  DE   LA   MAGIE   NOIRE 

cation  le  recueille.  Pour  tous  les  fonctionnaires  du  pré- 
side, le  bandit  s'est  noyé;  les  courants  ont  emporté  son 
cadavre  au  large...  L'escamotage  passe  pour  un  accident, 
et  tout  est  dit. 

Une  variété  beaucoup  moins  i^are  du  <  Magnétisme  ^ 
humain,  consiste  dans  la  suggestion  proprement  dite. 

Nos  Lecteurs  savent  déjà  que  «  toute  pensée  humaiue 
survit  comme  une  intelligence  active,  comme  une  créa- 
ture engendrée  de  l'esprit,  pendant  une  période  plus  ou 
moins  longue,  et  proportionnelle  à  l'intensité  de  Faction 
cérébrale  qui  l'a  géoérée  ».  Ce  sont  les  propres  paroles 
de  Koot-Hoomi  (1)  :  nous  les  préciserons  encore,  en 
ajoutant  que  ces  êtres  potentiels  se  perpétuent,  vivaces 
et  persistants,  en  raison  directedun^ft^voKfa/,  conscient 
ou  obscur,  qui  a  présidé  à  leur  émission.  En  effet,  le 
Concept,  dynamisé  par  le  vouloir  du  penseur,  se  vivifie 
en  se  combinant  avec  un  Élémental,  de  grade  variable, 
mais  toujours  en  affinité  avec  l'essence  du  concept. 

Si  la  volition  génératrice  est  consciente,  il  est  loisible 
à  rémetteup,  non  seulement  de  dégrossir,  de  corriger  et 
d'affiner  en  quelque  sorte  l'Être  spirituel  qui  s'engendre 
ainsi,  mais  encore  de  le  modaliseràsa  guise,  en  ledouant 
de  propriétés  particulières,  ou  de  virtualités  qui  se  déve- 
lopperont ullérieurement,  soit  d'une  manière  soudaine, 
soit  d'une  façon  lente  et  progressive. 

On  se  gardera  de  confondre  ces  créations  préméditées 
et  voulues  du  Verbe  humain,  avec  les  Larves  et  les  Lému- 

(l)  Voy.  page  189,  en  note. 


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l'esclavage  magique  523 


res  proprement  dits,  qui  se  génèrent  abondamment, 
comme  on  sait»  au  hasard  aveugle  des  passions  surexci- 
tées ou  satisfaites.  Nous  avons  été  assez  explicite,  à  l'égard 
de  ces  distinctions  (i). 

Quoi  qu'il  en  soit  des  Puissances  très  diverses  dont 
rhomme  peuple  son  sillage  astral  et  grossit  son  Karma 
terrestre,  elles  ont  cela  de  commun,  qu'elles  sont  trans- 
missibles  d'un  individu  à  l'autre,  —  et  là  se  fonde  le 
principe,  communément  ignoré,  de  toute  suggestion... 

Nous  avons  vu  comment  Lémures,  Images  astrales  et 
Concepts  vitalisés,  réagissent  sur  leur  auteur,  soit 
qu'ils  hantent  son  nimbe  occulte  (mode  indirect),  soit 
qu'ils  s'assimilent  à  sa  substance  psychique  (mode  im- 
médiat). —  Ces  entités  peuvent  de  même,  à  condition  que 
le  vouloir  humain  s'y  emploie,  passer  dans  l'atmosphère 
astrale  d'un  autre  individu  ;  et,  qui  plus  est,  envahir  son 
être  intime  et  porter  1  antagonisme  en  lui.  Obsession  ex- 
terne ou  possession  intérieure. 

La  suggestion  n'est  rien  autre  que  l'acte  de  faire  pé- 
nétrer, soit  dans  le  nimbe,  soit  dans  la  substance  psychi- 
que d'une  autre  personne,  quelqu'une  de  ces  entités  de 
hiérarchie  plus  ou  moins  haute,  qui,  résultant  du  fonc- 
tionnement instinctif,  ou  passionnel,  ou  mental  de  l'ex- 
périmentateur, ont  été  dynamisées  par  sa  volonté,  cons- 
ciente ou  non. 

Les  contrastes  qui  différencient  de  tels  êtres  parasitaires 
expliquent  d'ailleurs  la  diversité  des  suggestions,  soit  en 
nature,  soit  en  puissance,  soit  en  durée. 


(i)  Cf.  Chapitres  ii  et  m. 


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524  LA   CLEF  DE  LA   MAGIE  NOIRE 

Le  phénomène  auto-suggestif  ne  se  distingue  du  phé- 
nomène de  la  suggestion  transmise,  que  par  Tintra-geoèse 
des  Pensées  vivantes,  par  opposition  à  leur  extra-genèse 
et  à  leur  transfert  d'un  individu  à  un  autre. 

Nous  invoquerons  la  gravité  de  ces  notions,  et  la  dan- 
gereuse portée  de  leurs  conséquences  pratiques,  pour 
excuse  de  nous  maintenir,  ici  du  moins,  dans  Taridite 
des  définitions  abstraites... 

Les  théoriciens  de  Thypnotisme  s'abusent  étrangement 
sur  la  cause  et  les  conditions  latentes  du  phénoinène 
suggestif,  dont  ils  ont,  à  la  faveur  d'une  si  patiente  et 
minutieuse  analyse,  déterminé  le  mécanisme  apparent. 

Sur  le  rôle  secondaire  du  sommeil  provoqué,  relative- 
ment au  fait  capital  de  la  suggestion,  les  auteurs  avertis  el 
compétents  en  ces  matières  tombent  aujourd'hui  d'accord. 

Le  phénomène  de  l'hypnose  oifre,  à  ses  différents  de- 
grés, une  foule  de  particularités  physiologiques  d'un  haut 
intérêt  ;  il  peut  sans  doute,  au  point  de  vue  thérapeutique, 
mériter  les  honneurs  du  premier  plan  ;  enfin  il  est  hors 
de  conteste  que,  chez  la  plupart  des  sujets,  le  sommeil  favo- 
rise le  développement  de  la  suggestion.  Aux  divers  sta- 
des de  l'hypnose,  le  sujet  semble  présenter  au  façonnage 
suggestif  une  glaise  plus  malléable  à  pétrir.  Gela  dit,  il 
n'en  est  pas  moins  certain  que  la  suggestion  réussit  à  mer- 
veille sur  des  sujets  parfaitement  éveillés;  du  reste,  à  en 
croire  les  savants  modernes  qui  rejettent  l'hypothèse  du 
fluide,  le  sommeil  artificiel  ne  s'obtient  lui-même  que  par 
l'effet  d'une  suggestion,  exprimée  ou  tacite...  Le  phéno- 
mène   suggestif  n'implique  donc  pas  nécessairement 
comme  condition  celui  de  l'hypnose. 


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L*ESGLAVAG£  MAGIQUE  525 


A.  tout  instant  de  la  vie  courante,  les  pratiques  sug- 
gestives s'exercent  dans  les  relations  d'homme  à  homme, 
>i*esque  toujours  à  Tinsu  de  celui  qui  émet  la  sugges- 
lon,  aussi  bien  qu'à  Tinsu  de  celui  qui  la  subit  (1). 

S'il  suffisait,  pour  imprimer  une  suggestion  dans  Tes* 
prit  d'un  autre  individu»  d'émettre  un  conseil  à  son 
adresse  ou  même  de  lui  intimer  un  ordre,  tous  les  avis 
seraient  reçus  en  bonne  part,  d'où  qu'ils  vinssent  ;  tous 
les  ordres  seraient  obéis.  Nous  voyons  chaque  jour  qu'il 
en  est  autrement. 

—  Mais  les  hommes,  nous  objectera-t-on,  se  révèlent 
plus  ou  moins  dominables;  les  idiosyncrasies  morales 
diffèrent  entre  elles  par  une  réceptivité  plus  ou  moins 
grande  à  l'influence  suggestive,  comme  les  tempéraments 
physiques  se  distinguent  par  leur  variable  susceptibilité 
à  l'action  physiologique  des  médicaments. 

—  Il  est  facile  de  répondre,  qu'en  vérité,  s'il  en  était 
ainsi,  Pierre,  très  accessible  et  très  malléable  à  l'influence 
suggestive  de  Paul,  obéirait  de  même  aux  suggestions 
toutes  pareilles  qui  lui  viennent  -de  Jean,  et  ne  diffèrent 
ni  par  l'idée  émise,  ni  par  l'expression  qui  la  traduit. 
Pierre,  en  effet,  très  sensible  (ou  très  réfractaire)  à  l'ac- 
tion du  sirop  de  Chloral,  ingéré  à  dose  constante,  ne  su- 
bira-t-il  pas  cette  action  également  intense  (ou  mitigée), 
que  la  drogue  provienne  de  telle  ou  telle  pharmacie  ? 

—  Sans  doute,  répliquera  notre  adversaire  ;  et  il  en 
serait  de  même  encore  pour  des  granules  d'Aconitine, 


(1)  Qu'est-ce  donc  que  Téducation  des  enfants,  si  ce  n'est  la  mise  en 
œuvre  d'une  savante  méthode  de  suggestions  graduées  ? 


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526  LA  CLEF  DE  LA  MAGIE  NOIRE 

par  exemple  :  parce  que  le  Ghloral  et  rAconitioe  sont  àt^ 
substances  fixes  et  nettement  définies.   Mais  prenons, 
s*il  vous  plait,  la  teinture  d* Aconit,  sujette  à  de  n<MQ- 
breuses  variations  qualitatives,  selon  le  climat  où  la  planta 
a  poussé,  la  date  et  les  conditions  de  la  récolte,  le  point 
de  siccité  des  feuilles  lors  de  leur  macération  dans  Valcoo, 
la  qualité  même  de  Talcool  employé,  etc..  Telle  suggesr 
tion,  dites-vous,  efficace  sur  Pierre  à  la  voix  de  Paul,  a 
totalement  échoué  sur  lui  à  la  voix  de  Jean  :  elle  ne  dii- 
férait  pourtant  ni  par  ridée,  ni  par  l'expression.  De  même 
cette  teinture  ne  diffère,  d'une  officine  à  l'autre,  ni  par 
la  plante  qui  en  fournit  la  base,  ni  par  le  véhicule  appro- 
prié; quant  à  la  façon,  le  Codex  en  règle  minutieusement 
les  détails.  L'action  n'en  sera  pas  moins  variable  sur  le 
même  organisme,  selon  que  la  drogue  aura  été  préparée 
en  des  conditions  favorables  ou  médiocres,  et  par  un 
pharmacien  soigneux  ou  négligent.  Cela  est  si  vrai,  que 
les  praticiens  ont  presque  délaissé  cette  préparation  peu 
fidèle.  Ils  lui  préfèrent  l'emploi  du  principe  actif,  de  l'al- 
caloïde, de  l'Aconitine  enfin,  administrée  à  d'invariables 
degrés  de  trituration,  comme  à  des  doses  précises...  La 
suggestion  est  comparable  aux  produits  galéniques  et 
mal  définis  de  l'ancienne  pharmacopée,  non  point  aux     i 
produits  chimiques,  fixes  et  constants,  de  la  nouvelle. 

—  Il  est  bien  certain  qu'analogie  n'est  pas  similitude, 
comme  dit  Molière,  et  que  notre  comparaison,  reprise 
sous  ce  nouvel  aspect,  semble  donner  gain  de  cause  au 
contradicteur  que  nous  avons  introduit.  A  vrai  dire,  nous 
ne  sommes  pas  loin  de  nous  entendre... 

Les  suggestions  varient  de  qualité,  quoique  identiques 


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l'esclavage  magique  527 


en  apparence,  quant  à  la  pensée  et  à  l'expression,  c'est- 
à-dire  quant  au  fond  et  à  la  forme.  En  dépit  de  cette 
double  parité,  le  fait  est  qu'elles  se  révèlent  efficaces  ou 
sans  vertu  sur  le  même  sujet,  suivant  la  source  d'où  elles 
émanent. 

De  ces  prémisses,  il  faut  nécessairement  conclure  que 
dans  la  suggestion,  formulée  ou  tacite,  il  y  a  autre  chose 
qu'une  simple  idée,  exprimée  ou  signifiée.  Il  y  aune  force. 

Derrière  l'idée  transmise,  palpite  une  Énergie  vi- 
vante qui,  inséparable  de  cette  idée,  l'anime  et  l'évertué. 
C'est  le  Daïmon,  l'être  potentiel  dont  nous  parlions  tout 
à  l'heure.  Il  obsédera  ou  possédera  la  personne,  dans  l'at- 
mosphère ou  dans  le  centre  psychique  de  laquelle  il  sera 
transféré.  Le  «  fluide  magnétique  »  sera  l'instrument, 
l'intermède,  le  véhicule  de  ce  transport. 

Pour  qu'une  suggestion  réussisse,  il  est  nécessaire  : 
1**  Que  la  pensée  qui  en  fait  la  base  soit  vitalisée,  au- 
tant dire  doublée  d'une  âme  vivante,  de  hiérarchie  plus 
ou  moins  haute,  de  volonté  plus  ou  moins  intense,  de 
nature  plus  ou  moins  éphémère  ou  consistante,  —  et  qui 
agira  diversement,  selon  son  grade  originel  et  ses  desti- 
nées, conformes  aux  intentions  de  son  créateur  adamique. 
2^  Il  faut  que  la  volonté  du  «  suggéreur  »  surpasse  en 
énergie,  en  décision,  en  autorité  celle  du  patient;  ou  du 
moins,  qu'elle  s'exerce  plus  active  que  la  sienne,  à  l'heure 
où  le  phénomène  s'accomplit.  Exceptionnellement,  à  sup- 
poser que  le  sujet  consentant  se  maintienne  en  état  de 
réceptivité  passive,  une  suggestion  peut  lui  venir  d'un 
homme  dont  le  vouloir  serait  inférieur  au  sien. 


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528  LA  GLBF  DE  LA  MAGIE  NOIRE 

3®  Il  importe  que  le  rapport  fluidique  soit  établi  d'avance 
entre  Tagent  et  le  patient.  L^influx  magnétique  (manifesté 
ou  non  par  des  passes,  ou  par  toute  autre  pratique  mes- 
mérienne)  constitue  le  véhicule  habituel  de  la  pensée  vi- 
talisée,  le  canal  dont  elle  a  besoin  pour  que  s'effectue 
son  transfert,  de  celui  qui  émet  la  suggestion  à  celui  qui 
la  reçoit. 

Le  sommeil,  qu'en  principe  il  n'est  pas  indispensable 
de  provoquer  chez  un  sujet,  pour  le  rendre  accessible  à 
la  suggestion,  —  n'en  favorise  pas  moins  ce  phénomène, 
dans  la  plupart  des  cas. 

On  peut  voir  dans  l'hypnose,  à  ses  divers  degrés,  le 
résultat  d'une  sorte  d'ivresse  astrale  ;  le  somnambule 
cuve,  en  dormant,  la  lumière  magnétique  qu'il  a  digérée 
en  excès.  Car  il  ne  suffit  pas,  pour  endormir  un  sujet,  de 
projeter  une  certaine  quantité  de  fluide  vers  lui,  avec  l'in- 
tention de  le  frapper  de  sommeil  :  il  faut  encore  que  le 
médiateur  plastique  de  cet  individu  assimile  ce  fluide  et 
le  digère.  Et  comme  il  est  loisible  à  la  volonté  de  l'homme 
d'influer  sur  son  propre  corps  astral,  afin  de  le  rendre 
réceptif,  ou  de  le  maintenir  impénétrable  et  rebelle  aux 
influences  du  dehors,  il  en  résulte  que,  les  premières 
fois  surtout,  un  magnétiseur  ne  peut  endormir  un  sujet 
que  de  son  consentement,  à  moins  que  le  praticien 
n'abuse  d'un  prestige  inné  (i  )  ou  d'une  supériorité  voliti ve 
qui  s'impose.  Il  se  peut  qu'il  recoure  aussi  à  de  certaines 

(1)  Prestige  est  encore  un  terme  magique,  très  pertinemment  adapté 
au  langage  usuel.  La  faculté  d'imposer  aux  hommes  est  un  don  fort 
complexe  :  quelque  virtualité  magnétique  native  y  met  en  valeur  des 
avantages  corporels  qui  puissent  impressionner  et  éblouir;  mais  presque 
toujours  un  art  instinctif  s'y  ajoute,  qui  contribue  à  la  séduction. 


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l'esclavage  magique  529 

pratiques  occultes  qu'il  vaut  mieux  taire,  à  des  adjuvants 
connus  et  trop  exploités  en  Goëtie... 

On  rencontre  souvent  d'ailleurs  des  sujets  absolument 
réfractaires  à  Thypnose.  Ce  n'est  pas  qu'ils  s'obstinent 
dans  une  volonté  d'inhibition  ;  mais,  sans  eflfiort  de  leur 
part  et  tout  naturellement,  leur  périsprit  demeure  imper- 
méable aux  influx  extérieurs. 

D'autres  hommes,  à  l'inverse,  possèdent  un  périsprit 
constamment  accessible  à  de  tels  influx  ;  en  sorte  que  ces 
somnambules  prédestinés  deviennent  la  proie  du  premier 
magnétiseur  de  rencontre  qui  voudra  les  endormir.  Ce 
sont  d'ailleurs  de  débiles  natures,  qui  se  laissent  investir 
et  dominer  tour  à  tour  par  les  premiers  venus,  au  hasard 
de  la  vie  coutumière.  Esclaves-nés,  ils  tissent  de  leurs 
mains  les  mailles  de  leurs  entraves  :  de  simples  pensées, 
émises  sans  effort  volitif,  leur  deviennent  suggestions, 
car  ils  sont  sujets  à  vitaliser  eux-mêmes  les  concepts  qui 
leur  sont  transmis.  Par  bonheur,  le  verbe  incontinent  et 
diffusible  de  ces  somnambules  étant  de  virtualité  faible, 
les  suggestions  générées  de  la  sorte  ont  peu  d'avenir. 
Puis  elles  pullulent,  contradictoires  autant  qu'adynami- 
ques,  et  se  neutralisent  ou  s'abolissent  mutuellement. 

Toute  suggestion  aboutit  donc  à  la  possession  —  ou  à 
l'obsession  —  d'un  individu  par  une  entité  parasitaire. 
Mais  ces  entités,  nous  espérons  qu'on  l'a  bien  saisi,  pro- 
fondément dissemblables  quant  à  leur  puissance  et  quant 
à  leur  durée,  difi'èrent  également  quant  au  mode  de  la 
tyrannie  qu'elles  exercent,  infinitésimale  ou  complète, 
périodique  ou  continue,  éphémère  ou  perdurable. 


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530  LA  CLEF  DE    LA  MAGIE  NOIRE 

Un  hypnotiseur  suggère  à  son  sujet  qu'en  ouvrant  le 
surlendemain  le  tiroir  de  son  secrétaire,  il  verra  une  mé- 
sange s'en  envoler.  Si  l'annonce  se  réalise,  si  le  suje. 
voit  ou  croit  voir  ce  qu'on  lui  a  prédit,  c'est  que  l'expé- 
rimentateur a  su  dynamiser  le  concept,  et  l'a  transmis  au 
sujet  sous  forme  d'une  image  astrale  vitalisée.  Cette  image 
astrale,  à  défaut  de  quoi  la  suggestion  échouerait,  possède 
au  plus  bas  degré  une  consistance  ontologique;  cette 
image  constitue  un  être  potentiel,  latent  du  reste  et  in- 
saisissable, jusqu'à  l'heure  préfixe  oîi  il  se  manifestem, 
en  passant  de  puissance  en  acte.  Mais  là  se  bornent  ses 
destins.  L'entité  occulte  va  donc  mourir  dans  l'instani 
même  de  sa  manifestation,  le  rôle  étant  rempli  que  lui 
assignait  l'acte  de  volonté  conscient  qui  avait  présidé  à 
sa  naissance.  —  Voilà  un  exemple  de  possession,  tout  éi»i- 
sodique  et  transitoire,  par  le  fait  d'un  être  infiniment  ins- 
table et  éphémère. 

D'autre  part,  bien  des  cas  de  folie,  de  monomanie, 
d'idiotisme,  sont  des  exemples  de  possession  par  le  fait 
d'un  daïmon  puissant  et  durable  (1).  Les  lésions  qu'on 
relève  à  l'autopsie  des  malheureux  aliénés  n'invalident  en 
rien  notre  théorie,  car  les  savants  contemporains  se  mé- 
prennent, selon  nous,  qui  voient  en  ces  lésions  la  cause 
du  mal  :  elles  n'en  sont  souvent  que  le  résultat.  Il  ne 
messied  point  de  noter  au  passage,  que  le  terme  reçud'û/zV- 
nation  mentale  semble  contenir  étymologiquement  un 
aveu  tacite  bien  conforme  à  la  thèse  hermétique,  en  ce 

(1)  Quant  aux  crétins  et  aux  idiots  de  naissance,  il  y  a  là  un  mys- 
tère de  substitution  psychique,  pendant  la  grossesse.  Nous  le  signa- 
lons, sans  prétendre  y  insister. 


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l'esclavage  magique  531 

qu'il  sanctionne  là  dépossession  de  l'organisme  humain, 
au  bénéfice  d'un  étranger,  —  aliénas. 

Quelquefois  le  despote  étranger,  le  formidable  agent 
possesseur  qui  aliène  à  son  profit  un  corps  humain,  dont 
il  expulse,  paralyse  ou  tourmente  l'âme  légitime,  peut 
être  engendré  d'une  suggestion  ou  d'une  opération  ma- 
gique, d'un  envoûtement  moral. 

Parfois  aussi,  dans  certains  cas  décrits  sous  la  rubrique 
de  «  dédoublement  de  la  personnalité  »,  l'intrus  n'est 
autre  qu'une  âme  humaine  en  instance  d'incarnation  : 
elle  s'est  introduite  par  surprise  en  un  corps  passagère- 
ment déserté  du  légitime  possesseur.  C'est  durant  une 
phase  d'hypnose  ou  de  léthargie,  que  s'est  consommé  ce 
viol  mystérieux  ;  soit  encore  à  la  faveur  d'un  évanouisse- 
ment, consécutif  à  quelque  émotion  foudroyante,  à  quel- 
que ébranlement  du  système  nerveux  :  toutes  circons- 
tances où  l'âme  du  sujet  s'abmatérialise  en  astral.  Fiez- 
vous  aux  commentaires  des  hommes  de  l'art  :  si  quelque 
lacune  compromettait  l'enchaînement  de  leurs  déductions, 
ils  auraient  bientôt  fait  de  la  combler  avec  des  mots  dé- 
rivés du  grec.  Quant  aux  clichés  qui  satisferont  le  public, 
vous  les  entendez  d'ici  :  —  «  Ce  pauvre  X  !  Curieux  d'ex- 
périences bizarres,  ne  s'était-il  pas  mis  entre  les  mains 
de  ces  charlatans  de  magnétiseurs  ?  Sa  raison  n'a  pas 
résisté  à  de  telles  pratiques.  »  Ou  encore  :  —  «  Quand 
le  malheureux  a  su  la  mort  soudaine  de  son  unique  en- 
fant, il  est  tombé  en  syncope  ;  à  son  réveil,  il  était  fou  !  » 
Ou  bien  enfin  :  —  «  Vous  savez  l'accident,  arrivé  à  Z...  ? 
Il  a  fait  une  chute  dans  son  escalier,  et  si  fâcheuse,  qu'on 
l'a  relevé  sans  connaissance.  II  n'a  pas  succombé  sur  le 


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532  LA  CLEF  DE  LA  MAGIE  NOIRE 

coup,  mais  la  secousse  nerveuse  a  été  terrible  :  une  lésion 
du  cerveau  est  à  craindre.  On  parle  d'internement  dans 
une  maison  spéciale...  »  —  En  réalité,  la  catastrophe 
qu'on  désigne  pour  la  cause  du  mal  n'en  a  été  que  rocca- 
sion  (1).  Deux  âmes  se  disputent  un  seul  corps,  voilà  le 
fait.  C'est  désormais  un  antagonisme  continuel  ou  par 
intermittences,  entre  l'ancien  propriétaire  et  le  nouvel 
occupant. 

Ce  fait  anormal  constitue  un  désordre  dans  la  nature. 
Souventes  fois,  il  dépend  d'une  ténébreuse  alliance  : 
quand  les  âmes  qui  se  pressent,  étourdies  et  affolées,  aux 
portes  de  la  vie  terrestre,  se  sont  laissées  circonvenir  par 
les  émissaires  des  cercles  mauvais  constitués  dans  l'In- 
visible, parallèlement  aux  aréopages  de  magiciens  noirs 
qui  fonctionnent  ici-bas.  Les  Élémentaires  et  les  mauvais 
Daïmones,  avides  d'objectivité,  font  usage  aussi  pour 
eux-mêmes  de  l'incorporation  par  surprise.  Les  maîtres 
Kabbalistes  désignent,  sous  le  terme  assez  équivoque 
d*embryonnat  des  âmes,  la  calamiteuse  anomalie  qui  en 
résulte. 

Les  cas  de  possession  radicale  et  définitive,  heureuse- 
ment assez  rares,  ne  sont  point  le  fait,  indistinctement, 
de  tous  les  bandits  du  plan  astral.  On  sait  que  les  Lému- 
res parasitaires  de  certaine  provenance  demeurent  dans 
le  nimbe  à  titre  obsessif,  ou  s'amalgament  avec  la  subs- 
tance de  l'âme,  qu'ils  alourdissent  et  dénaturent  à  la  lon- 
gue, mais  sans  entrer  en  lutte  ouverte  avec  la  person- 

(1)  Nous  Dévouions  pas  dire  que  la  folie  ne  puisse  en  aucun  cas 
résulter  d'une  lésion  cérébrale  ;  nous  pensons  seulement  que  l'effet 
souvent  fut  pris  pour  la  cause,  comme  nous  l'avons  marqué. 


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l'esclavage  magique  533 

nalité  légitime.  C'est  ce  que  nous  avons  déjà  fait  entendre, 
et  sur  quoi  nous  reviendrons  à  propos  des  arcanes  de  la 
mort  (chapitre  vi). 

En  combien  de  sortes  l'homme  peut-il  devenir  indirec- 
tement l'esclave  de  son  semblable?  Elles  se  multiplient 
à  tel  point,  que  nous  n'en  pousserons  pas  plus  avant  la 
nomenclature. 

La  servitude  où  les  Esprits  peuvent  réduire  la  nature 
humaine  est  parfois  de  leur  part  un  fait  spontané  ;  d'au- 
tres fois,  la  tyrannie  spirituelle  ne  s'exerce  qu'à  l'instiga- 
tion d'un  magicien.  On  n'a  pas  oublié  qu'en  effet  il  est 
permis  à  l'homme,  actif  sur  tous  les  plans  de  la  nature, 
de  mettre  en  œuvre  tous  les  ressorts  qui  la  font  agir. 

Mais  sur  le  point  de  clore  ce  discours  par  quelques 
remarques,  touchant  l'esclavage  magique  en  son  mode 
spirituel,  nous  rappellerons  pour  mémoire  la  souverai- 
neté que  déploient  les  êtres  collectifs,  que  nous  avons 
qualifiés  d'Égrégores.  Ces  invisibles  Dominations  du  Ciel 
humain  possèdent  et  meuvent  les  cohortes  de  leurs  ter- 
restres esclaves,  sans  que  ceux-ci  soupçonnent  le  plus 
souvent  que  leur  libre  arbitre  est  enchaîné.  C'est  le  ser- 
vage inconscient  et  machinal,  la  subordination  de  la  par- 
tie au  tout,  du  membre  isolé  à  la  volonté  qui  gouverne 
Tensemble  du  corps.  Nous  en  avons  assez  dit,  au  chapi- 
tre m,  sur  la  génération,  l'essence  et  le  rôle  de  ces  grands 
Collectifs  humains  (Cf.  la  Roue  du  Devenir). 

Présentement  renseigné  sur  la  nature  du  fluide  astral 
et  les  Puissances  motrices  de  ses  flux  et  reflux,  le  Lec- 
teur, à  coup  sûr,  n'aura  garde  de  confondre  les  courants 


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534  LA  CLEF  DE  LA  MAGIE  NOIRE 

cosmiques  spontanés,  avec  les  courants  artificiels  qui 
fonctionnent  au  circuit  des  chaînes  sympathiques.  Les 
uns  comme  les  autres  sont  saturés  de  Lémures  et  d'Ima- 
ges flottantes  ;  mais  ces  êtres  se  succèdent  sans  ordre, 
dans  le  premier  cas,  au  gré  de  leurs  volontés  obscures, 
ou  suivant  les  combinaisons  multiples,  résultant  des  sym- 
pathies et  des  antipathies  mutuelles  ;  tandis  que,  dans 
l'autre  cas,  évertuées,  au  cours  des  chaînes  d'influx,  par 
le  vouloir  de  TÉgrégore  recteur,  ces  êtres  se  groupent, 
vivants  reflets  de  sa  pensée,  et  se  répartissent  harmo- 
nieusement en  vue  d'une  action  commune  ;  ils  devien- 
nent des  messagers,  des  artisans  ou  des  soldats.  D'une 
•   part,  le  règne  du  désordre  et  de  l'antagonisme,  c'est  l'anar- 
chie spectrale  ;  de  l'autre,  la  distribution  des  énergies 
synthétisées,  c'est  la  hiérarchie  dynamique,  utilisant  jus- 
qu'aux écorces  de  l'existence,  jusqu'aux  ébauches  del'idée- 
Voilà  ce  dont  le  magiste  doit  tenir  compte,  lorsqu'il 
prétend  utiliser  les  courants  divers  de  l'Astral  :car  il  peut 
se  servir  des  uns  comme  des  autres,  et  faire  ainsi  beau- 
coup de  bien,  ou  beaucoup  de  mal...  Seulement,  il  s'y 
prendra  diflféremment  selon  les  cas. 

Lui-même  joue  gros  jeu.  —  S'il  affronte  les  courants 
cosmiques,  le  péril  à  conjurer  pour  lui,  c'est  l'émiette- 
ment,  la  désintégration  partielle  ou  même  totale  ;  s'il 
pénètre  dans  le  circuit  d'une  chaîne  puissante,  le  péril 
qui  le  menace  est  l'asservissement,  l'absorption  (parfois 
inconsciente  !)  de  sa  personnalité  dans  celle  de  l'Égré- 
gore  qui  régit  la  chaîne.  Mais  si,  téméraire,  il  s'oppose 
au  courant  pour  le  combattre,  sans  avoir  pris  le  soin 
préalable  de  tendre  une  chaîne  magnétique  adverse,  et 


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l'esclavage  magique  535 


de  force  à  neutraliser  la  première,  il  court  même  risque 
d'être  foudroyé,  au  sens  le  plus  positif  de  ce  terme.  — 
Négligeons  ici  les  commentaires  :  après  ce  que  nous  avons 
précédemment  énoncé,  cette  triple  indication  suffira. 

Au  chapitre  ni  se  trouvent  éclaircis  le  système  des 
chaînes  de  sympathie,  et  la  genèse  des  êtres  collectifs. 
Qu'on  prenne  la  peine  d'y  réfléchir,  et  les  obscurités  se 
dissiperont. 

On  pénétrera  du  même  coup  divers  arcanes,  relatifs  à 
la  vie  intellectuelle  des  sociétés.  On  s'expliquera  mieux, 
non  seulement  l'énorme  essor  qu'un  acte  isolé,  un  livre 
ou  une  parole  publique  impriment  tous  les  jours  à  l'opi- 
nion et  même  aux  mœurs  ;  mais  encore  l'éclosion  spon- 
tanée d'idées  nouvelles,  germant  tout  à  coup  en  mille 
cerveaux  à  la  fois. 

Vers  de  certaines  époques,  des  pensers  inédits,  des 
vues  neuves  émergent  soudainement  à  fleur  d'opinion  : 
sur  toutes  les  lèvres,  sous  toutes  les  plumes  se  retrouvent, 
sans  qu'on  sache  pourquoi,  tels  concepts  jusque-là  fort 
ignorés.  On  donne  créditet  autorité  à  ce  qu'on  méprisait  ; 
l'on  formule  de  tous  côtés  ce  qui,  la  veille  encore,  ne  se 
fût  jamais  offert  à  l'esprit.  Et  couramment  des  penseurs, 
qui  s'ignorent  l'un^  l'autre,  témoignent  des  mêmes  pré- 
occupations imprévues  :  ils  profèrent  à  la  fois,  ils  pré- 
conisent d'identiques  idées,  et,  chose  plus  étrange  encore, 
les  habillent  des  mêmes  vocables.  Il  semble  qu'au  ser- 
vice des  idées  nouvelles,  si  brusquement  écloses,  un 
nouveau  langage  ait  surgi... 

—  Ces  idées-là  étaient  dans  l'air,  opine  la  sagesse  des 
foules.  Et  le  bon  peuple  n'a  pas  tort;  il  est  rare  du  reste 


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536  LA  CLEF  DB  LA  MAGIE  !«OIRE 

que  ses  clichés  les  plus  naïfs  n'enveloppent  point  de  hau- 
tes vérités. 

Les  brusques  virements  d*opinion  se  décèlent  à  Téso- 
téricien  comme  résultant  d'influences  occultes.  Ne  sait-il 
pas  que  les  fraternités  de  lumière  et  les  cercles  de  mages 
noirs  luttent  sans  trêve  au  Ciel  de  l'Invisible  humain,  et 
que  la  direction  politique  tient  moins  immédiatement  au 
cœur  de  ces  champions,  que  le  gouvernement  des  intelli- 
gences? L'antagonisme  est  imprescriptible  entre  Satan 
et  Saint  Michel-archange,  représentés  par  leurs  terrestres 
et  spirituelles  milices. 

Que  l'opinion  évolue  tout  d'un  coup  à  droite  ou  à  gau- 
che, qu'elle  s'épure  ou  se  déprave,  c'est  dans  les  aréopa- 
ges occultes  que  s'est  dessiné  le  geste  initial  du  mouve- 
ment nouveau.  De  ce  que  tant  de  gens  croient  marcher 
au  hasard,  qui,  ne  sachant  point  qu'on  les  mène,  igno- 
rent doublement  où  ils  vont,  il  ne  résulte  pas  que  celui- 
là  qui  les  fait  marcher  ignore  où  il  les  conduit. 

On  agit  sur  V ascendant  global  des  foules  comme  sur 
Vascendant  propre  des  individus  :  on  y  détermine  des 
courants  d'idées,  on  y  crée  des  cercles  d'images  ;  il  suf- 
fit que  l'atmosphère  y  soit  réceptive  à  la  semence  invi-    ; 
sible.  C'est  ainsi  qu'à  la  faveur  des  chaînes  sympathi-    ' 
ques,  se  développent  à  foison  des  formes  intellectuelles    ; 
et  se  propagent  des  concepts  vitalisés.  Ainsi  se  justifie  le 
poncif  des  idées  qui  sont  dans  Vair...  Ajoutons  que  l'un 
des  secrets  de  la  puissance,  autant  sur  les  multitudes  que 
sur  les  hommes  isolés,  trouve  sa  formule  dans  un  autre 
proverbe,  non  moins  populaire,  non  moins  profond,  et 
que  voici  :  prendre  chacun  par  son  côté  faible...      t 


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l'esclavage  magique  537 


Après  avoir  discerné,  à  travers  les  stries  du  fluide 
astral,  les  entités  erratiques  qui  peuplent  ses  ondes,  la 
mention  s'impose  à  nous  des  Invisibles  localisés,  gouver- 
neurs des  énergies  latentes  de  la  matière.  Ce  sont  les 
genii  loci  de  TÉsotérisme  antique  ;  ils  comprennent  plu- 
sieurs classes  d'Ëlémen  taux,  conscients,  semi-conscients, 
et  purement  instinctifs. 

Pas  une  pierre,  dit  la  Kabbale,  pas  un  brin  d'herbe  au 
monde^  sur  quoi  ne  règne  un  Esprit. 

Un  écrivain  de  race,  qui  avait  l'intuition  de  ces  mysté- 
rieuses Puissances  et  qui  est  mort  leur  victime,  —  Gérard 
de  Nerval  les  célèbre  en  ses  Vers  dorés,  (le  XII®  sonnet 
du  surprenant  poème  des  Chimères). 

•  Hé  quoi  t  tout  est  sensible  t  • 

(PYTHAGORE.) 

Homme,  libre  penseur,  te  crois-tu  seul  pensant 
Dans  ce  monde  où  la  vie  éclate  en  toute  chose  ? 
Des  forces  que  tu  tiens  ta  liberté  dispose, 
Mais  de  tous  tes  conseils  l'univers  est  absent. 

Respecte  dans  la  bête  un  esprit  agissant  : 

Chaque  fleur  est  une  àme  à  la  nature  éclose  ; 

Un  mystère  d'amour  dans  le  métal  repose, 

«  Tout  est  sensible  »,  et  tout  sur  ton  être  est  puissant. 

Crains  dans  le  mur  aveugle  un  regard  qui  t'épie  ; 
A  la  matière  même  un  verbe  est  attaché... 
Ne  la  fais  pas  servir  à  quelque  usage  impie  ! 

Souvent  dans  l'être  obscur  habite  un  dieu  caché, 
Et,  comme  un  œil  naissant  couvert  par  ses  paupières, 
Un  pur  esprit  s'accroît  sou»  l'écorce  des  pierres. 

1845. 


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( 


538  LA   CLEF  DE   LA   MAGIE  NOIRE 


Ces  agents  occultes,  dont  nous  avons  discouru  plus 
haut  (1),  riches  en  variétés  très  diverses,  se  laissent 
difficilement  circonscrire  dans  une  définition  générale. 
Répartis  sur  tous  les  échelons  de  la  Nature  manifestée, 
ils  forment  contraste  au  moral,  autant  que  se  ressemblent 
peu  au  physique  les  objets  sur  quoi  ils  régnent  :  la  fou- 
dre et  la  fleur,  la  houille  et  le  zoophyte,  etc.. 

Les  Esprits  élémentaires,  qu'ont  rendus  célèbres  les 
vulgarisateurs  d'une  Kabbale  exotérisée,  ne  représentent 
que  les  moins  sédentaires  d'entre  ces  Agents  :  ce  sont  les 
Gnomes,  les  Ondins,  les  Sylphes,  les  Salamandres,  etc. 

D'autres,  plus  ou  moins  étroitement  liés  aux  choses 
matérielles  qui  dépendent  d'eux,  ne  leur  sont  point 
immanents  d'une  sorte  rigoureuse,  puisqu'ils  peuvent  la 
plupart, — sous  les  conditions  requises  pour  l'objectivation 
des  Invisibles  en  général,  —  se  manifester  dans  le  voisi- 
nage de  ces  objets.  Chose  étrange  au  premier  examen, 
mais  logique  si  l'on  prend  la  peine  d'y  réfléchir,  plus  ces 
êtres  s'élèvent  sur  l'échelle  de  l'évolution,  moins  ils  de- 
viennent libres  de  s'éloigner  du  corps  qui  tend  de  plus 
en  plus  à  devenir  leur  enveloppe. 

L'antiquité  mythologique  a  poétiquement  personnifié 
certains  d'entre  eux  ;  elle  en  a  fait  d'innombrables  demi- 
dieux  (Faunes,  Sylvains,  Dryades,  Néréides,  Cyclopes, 
etc.).  Quant  aux  noms  que  ces  êtres  ont  reçus  au  moyen 
âge,  dans  les  pays  chrétiens  et  musulmans,  dont  ils  encom- 
brent les  légendes,  on  remplirait  plusieurs  pages  à  les 
juxtaposer. 

(1)  Voyez  chapitre  ii,  etpassim. 


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l'esclavage  magique  539 

La  plupart  des  Élémentaux  ne  sont  hostiles  à  l'homme 
qu'autant  qu'il  envahit  leur  domaine,  et,  sciemment  ou 
non,  travaille  à  les  déposséder  (i).  Explosions  au  labo- 
ratoire, éboulements  à  la  raine,  accidents  à  la  fabrique 
peuventêtre  alors  les  marques  de  leur  colère.  Cependant, 
rhommeest  né  leur  maître  :  il  les  asservit  par  la  Science, 
et  comme  Tempire  que  ces  êtres  exercent  sur  la  matière 
est  subordonné  à  des  lois  régulatrices  qu'ils  ne  peuvent 
transgresser,  l'observateur  de  qui  ces  lois  sont  connues 
parvient,  avec  de  laprudence  et  du  sang-froid,  à  conjurer 
chez  eux  tout  maiivais  vouloir. 

Le  savant  n'agit  pas  directement  sur  les  Élémentaux  ; 
c'est  en  manipulant  la  matière  qu'il  les  force  à  venir 
rélaborer,  suivant  un  plan  préconçu  par  lui. 

Le  sorcier  procède  à  l'inverse  ;  il  cherche  à  se  conci- 
lier la  bonne  grâce  et  la  synfipathie  de   ces  Archontes 


(1)  H  faut  lire  dans  le  Lotus  (aeconde  année,  pages  650-658)  la  remar- 
quable étude  où,  sous  le  titre  de  Magie,  M.  Guymiot  aborde,  avec  une 
grande  sûreté  d'intuition,  le  problème  qu'ici  nous  effleurons.  «  Le 
monde  astral  (écrit-il)  n'est  pas  moins  varié  que  le  monde  physique  ; 
tout  comme  celui-ci,  il  est  peuplé  d'une  foule  d'êtres  qui  ont  en  lui  leurs 
conditions  d'existence,  comme  nous  avons  les  nôtres  dans  le  monde 
matériel.  Imaginez  un  être  souterrain,  qui  vienne  prendre  à  l'homme 
ses  moyens  d'existence.  Que  fait  l'homme  ?  H  cherche  à  tuer  cet  être 
qui  lui  cause  un  dommage  grave.  Le  fait  se  passe  tous  les  jours.  La 
taupe  cherche  les  racines  des  plantes  et  les  mange,  sans  faire  de  distinc- 
tion entre  celles  qui  poussent  librement  et  celles  que  l'homme  a  semées. 
Le  jardinier,  dont  elle  dévaste  les  légumes,  la  surveille  et  la  tue.  L'in- 
venteur joue  quelquefois  le  rôle  de  la  taupe  dans  le  monde  astral.  Tout 
ce  qui  existe  dans  ce  monde  y  a  son  utilité  ;  l'inventeur,  en  allant 
s'emparer  des  forces  du  monde  astral,  peut  porter  préjudice  aux  êtres 
qui  emploient  ces  forces  à  leur  usage  ;  quand  ils  le  surprennent  en  train 
d*opérer^  ils  font  ce  que  le  jardinier  fait  à  la  taupe  :  un  coup  de  bêche, 
et  c'est  fini  ;  comme  la  taupe  est  mise  à  l'air  qu'elle  ne  cherchait  pas, 
l'inventeur  est  attiré  dans  le  monde  astral  et  y  reste...  >  (Page  654). 


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540  LA   CLEF  DE   LA   MAGIE  NOIRE 

inférieurs,  et  les  amène  parfois  à  travailler  à  son  profit: 
il  dispose  par  là  sur  la  matière  d^une  puissance  indirecii. 
dont  les  manifestations  apparaissent  merveilleuses  et 
inexplicables  aux  profanes.  La  légende  désigne  plusieurs 
enchanteurs,  auxquels  la  collaboration  des  génies  était 
ouvertement  acquise.  A  quel  prix  ?  C'est  ce  que  nous 
avons  marqué  plus  haut,  en  donnant  une  idée  de  l'hu- 
miliante servitude  qui  en  résultera  pour  le  magicien,  si 
jamais  il  vient  à  fléchir. 

L'adepte  affranchi,  de  son    côté,  ne  dédaigne  point 
l'aide  des  Élémentaux;  seulement,  il  les  domestique  à 
son  service,  loin  de  se  livrer  à  leur  merci,  comme  fait  le 
magicien  noir.  La  haute  Magie  enseigne  de  sûrs  procédés 
à  cet  effet,  et  prescrit  une  méthode  d'entraînement  qui 
constitue  l'un  des  arcanes  de  la  Doctrine  (1).  Le  présent 
ouvrage  contient  des  notions  claires  et  positives,  dont  le 
rapprochement  permettra  d'y  parvenir.  Mais  qu'on  ne 
s'y  trompe  pas  :  autre  chose  est  de  retrouver  une  mé- 
thode efficace  ;  autre  chose  de  la  mettre  avantageuse- 


(\)  Laprescription  traditionnelle da  ««cre/,  dans  raccomplissement 
des  œuvres  magiques,  est  mystérieusement  relative  au  rôle  des  Élé- 
mentaux auxiliaires...  ((Toute  expérience  de  magie  (dit  Tanteur  af«  la 
Philosophie  occulte)  abhorre  le  Public,  veut  être  cachée,  réussit  par  le 
silence  et  avorte  par  la  divulgation,  et  le  plein  effet  ne  s'ensuit  point... 
Il  faut  donc  que  l'opérateur  des  œuvres  occultes  demeure  secret,  s'il 
veut  qu'elles  soient  fructueuses.  Il  importe  qu'il  ne  révèle  à  personne 
ni  la  nature  de  l'opération,  ni  le  lieu,  ni  le  temps,  ni  ce  qu'il  désire,  ni 
ce  qu'il  veut  :  si  ce  n'est  à  son  maître,  à  son  coadjuteur  ou  à  son  as- 
socié, qu'il  devra  choisir  fidèle,  confiant  et  taciturne,  enfin  digne  de  la 
science  par  sa  valeur  innée  ou  par  son  instruction  acquise.  En  effet, 
labavarderie  d'un  collaborateur,  son  scepticisme  ou  son  indignité  en- 
travent le  résultat  de  l'œuvre  et  le  réduisent  à  néant  »  (Comelii  Agrip- 
pœ  de  Occulta  philosophie,  lib.  111,  cap.  ii,  in  fine). 


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l'esclavage  magique  541 


ment  en  pratique.  La  Science  a  des  couronnes  pour  tels 
adeptes  spéculatifs,  qui  n'ont  jamais  su  forger  à  leur 
profit  le  sceptre  de  la  maîtrise  opératoire... 

Il  est  traité  au  tome  premier  de  l'intelligence  de  Té- 
clair  (1)  :  les  Élémentaux  du  feu,  —  vulgo  Salamandres, 
—  comptent  parmi  les  plus  puissants  et  les  plus  dange- 
reux. —  Ils  collaborent  avec  les  Ondins  et  les  Sylphes, 
pour  susciter  les  tempêtes,  Içs  trombes  et  les  cyclones, 
quand  l'ouragan  se  marie  à  la  foudre,  dans  l'éclaboussure 
des  baves  de  la  mer.  Ils  peuvent  encore  animer  et  mou- 
voir de  traîtres  feux-follets,  guides  infidèles  du  voyageur 
égaré,  vers  les  précipices  ou  les  marécages. 

Les  Esprits  élémentaires,  avons-nous  dit,  ne  souffrent 
pas  aisément  qu'on  envahisse  leur  domaine.  Périsse 
l'intrus!  Ils  lui  tendent  des  embûches.  Le  vertige  des 
altitudes  est  le  perfide  appel  des  Sylphes  ;  l'attirance  de 
l'eau,  celui  des  ondins,  symbolisé  dans  les  fables  grec- 
ques de  Narcisse  et  d'Hylas.  Quant  aux  gnomes  des  ca- 
vernes souterraines,  ils  invitent  l'homme  au  suicide,  en 
lui  inspirant  un  morne  désespoir. 

Au  demeurant,  rien  n'est  plus  réel  que  la  fatalité 
inhérente  à  certains  lieux,  hantés  par  des  Larves  insti- 
gatrices de  suicide. 

Qui  n'a  entendu  mentionner,  à  propos  du  camp  de 
Boulogne,  cette  fameuse  guérite  que  Napoléon  dut  faire 
brûler,  parce  que  plusieurs  sentinelles,  coup  sur  coup  et 
sans  mobile  apparent,  s'y  étaient  donné  la  mort  ?...  On 


(1)  Le  Temple  de  Satan,  pages  207-215. 


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542  LA   CLEF  DE  LA  MAGIE  NOIRE 

parlait  aussi,  vers  la  même  époque,  d'une  certaine  cham- 
bre de  caserne,  où  il  était  <c  de  tradition  »  de  se  pendre  à 
l'espagnolette.  L'empereur,  qui  pressentait  d'instiact 
les  choses  mystérieuses,  à  défaut  de  toujours  les  connaî- 
tre, fit  murer  la  pièce,  et  cette  singulière  épidémie  de 
la  corde  cessa  tout  aussitôt. 

Nous  connaissons  une  famille  où  le  suicide  par  immer- 
sion semble  à  Tordre  du  jour,  de  père  en  fils.  Les  hommes 
de  ce  sang  finissent  par  se  noyer,  tôt  ou  tard,  et  toujours 
au  même  coude  d'une  même  rivière.  Chose  étrangement 
lugubre  !  Le  dernier  qui  s'y  jeta,  il  y  a  quelques  années 
à  peine,  s'était  longtemps  roidi  contre  la  mortelle  impul- 
sion ;  mais  il  ne  se  dissimulait  point  que  la  fatalité  héré- 
ditaire le  saisirait  un  jour  ou  l'autre,  trop  impérieuse 
pour  qu'il  s'y  dérobât.  Il  va  sans  dire  qu'il  évitait  les  ap- 
proches de  la  berge  d'où  son  aïeul,  puis  son  père,  s'étaient 
précipités  ;  mais  à  de  certains  jours,  il  se  sentait  poussé, 
entraîné  jusqu'à  ce  lieu  par  une  force  irrésistible  comme 
le  Destin,  et  passait  des  heures  à  s'hypnotiser,  perdu  dans 
la  contemplation  muette  des  stries,  moirant  le  fil  de  l'eau 
profonde.  Parfois,  il  se  cramponnait  aux  broussailles, 
pour  conjurer  la  tentation  qui  grondait  en  lui  ;  mais  un 
jour  enfin,  il  fit  le  saut,  et  se  noya. 

Cet  exemple,  dont  nous  sommes  garant  (1),  paraît 
curieux  à  double  titre,  car  l'influence  néfaste  y  est  loca- 
lisée deux  fois  :  d'une  part,  elle  s'attache  aux  mâles  d'une 
lignée,  aux  mâles  seuls;  d'autre  part,  à  un  point  de  l'es- 
pace nettement  défini... 

(1)  Nous  pourrions  citerle  nom  delafamille.etaussile  nom  de  la  rivière. 


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l'esclavage  magique  543 


Sont-elles  assez  fréquentes,  si  Ton  y  songe,  ces  singu- 
lières et  sinistres  influences  ?  La  légende  a-l-elle  eu  tout 
à.  fait  tort  de  les  personnifier,  en  les  poétisant,  dans  les 
contes  de  Nixes,  de  Sirènes,  de  Dames  blanches  ;  dans 
l'histoire  du  petit  Sauteret  (ou  Sauteriot)  et  d'autres  gé- 
nies dont  les  attributions  ne  varient  guère,  mais  qui 
revêtent  difierents  noms,  suivant  les  temps  et  les  pays?... 
Cependant,  en  face  des  catastrophes  les  plus  significati- 
ves, on  invoque  les  caprices  de  la  foUe,  héréditaire  ou 
spontanée.  C'est  une  réponse  à  tout. 

Quand  nous  retracions,  il  y  a  cinq  ans,   au  premier 
tome  de  cet  ouvrage,  l'impressionnant  épisode  du  pres- 
bytère de  Cideville,  nous  étions  loin  de  prévoir  que  l'a- 
venture  de   Valence-en-Brie  (1896)  allait  en  offrir  la 
réédition.  Notre  ami  le  D'  Papus  a  suivi  ces  saturnales 
de  phénomènes,  qu'il  analyse  en  leurs  péripéties  principa- 
les, avec  la  sagacité  d'un  occultiste  érudit  et  l'autorité 
d'un  témoin  oculaire.  Il  suffira  de  renvoyer  le  Lecteur 
aux  termes  du  rapport  publié  dans  Yhiilialion  (1),  sans 
qu'il  soit  besoin  de  résumer  à  nouveau  l'afifaire.  Les  phé- 
nomènes semblent  calqués  sur  ceux  de  Cideville,  et  at- 
testés, ici  comme  là,  par  des  centaines  d'observateurs. 
Dans  les  deux  cas,  l'infestation  provient  d'un  maléfice  ; 
mais  à  Valence,  le  médium  était  une  pauvre  valétudi- 
naire, dont  les  sorciers,  présents  quoique  invisibles,  as- 
piraient en  larve  astrale  la  vie  extravasée.  C'est  à  l'inter- 
vention de  Papus  et  d'un  autre  occultiste  expérimenté, 

(1)  No  d'août  1896. 


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544  LA  CLEF  D£  LA  MAGIE  NOIRE 

M.  Tabbé  Schnébelia,  que  la  malade  doit  son  rétablisse- 
ment. Tous  les  remèdes  prescrits  parles  médecins  avaient 
été  inefficaces  :  le  traitement  magique  emporta  un  plein 
succès.  Ricane  qui  voudra  !  L'emploi  des  pointes  métal- 
liques délivra  la  maison  de  ses  impalpables  visiteurs,  et 
Ton  put,  à  plusieurs  reprises,  constater  les  phénomènes 
lumineux  qui  signalent  la  rupture  d'un  coagulât  fluidi- 
que.  Les  coups  portés  dans  la  direction  où  la  Voix  se 
faisait  entendre  ont  provoqué  des  pluies  d'étincelles... 
Finalement,  les  phénomènes  ont  cessé  tout  à  fait,  —  et 
la  malade  est  guérie. 

On  avait  pu  craindre  un  instant  qu'à  Valence  l'auteur 
principal  de  la  hantise  ne  fût  un  Élémentaire  haineux,  ou 
un  Daimon  malfaisant  :  la  chose  eût  été  pire  ;  car  alors 
on  aurait  eu  affaire  à  une  coalition  de  magiciens  noirs, 
ramifiée  dans  l'Invisible  avec  quelqu'un  des  cercles  mau- 
vais ;  en  d'autres  termes,  à  des  bandits  occultes  encore 
vivants,  liés  par  un  pacte  avec  une  société  de  bandits 
d'outre-tombe. 

Cette  hypothèse,  fondée  sur  quelques  indices  ambigus, 
mais  que  rien,  par  bonheur,  n'est  venu  confirmer,  nous 
amène  tout  naturellement  à  l'examen  d'un  problème 
d'intérêt  supérieur  :  l'occasion  nous  semble  propice  de 
redresser  certaines  notions  incorrectes,  mais  fort  en  fa- 
veur, qui  répondent  au  terme,  usité  souvent  à  l'aveuglette, 
de  pacte  avec  le  Démon. 

Le  pacte! Il  n'est  pas  d'œuvre  occulte  plus  célèbre  et 
plus  légendaire  ;  il  n'en  est  point  aussi  de  plus  défigurée 
dans  l'opinion  du  peuple  et  même  des  personnes  instruites. 


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l'esclavage  magique  545 


Ce  n'est  pas  faute  pourtant  d'une  formule  adéquate, 
révélant  la  nature  du  pacte.  Le  mot  paraît  clair  en  lui- 
même  ;  d'ailleurs  la  définition  qu'en  donne  la  théologie 
et  la  distinction  qu'elle  en  fait,  expriment  parfaitement 
la  réalité  de  la  chose  :  reste  à  les  comprendre  et  à  les  in- 
terpréter comme  il  faut. 

Le  pacte,  selon  la  doctrine  de  l'Église,  forme  la  base 
et  le  point  de  départ  de  toute  magie.  C'est  un  accord  li- 
brement contracté  entre  le  magicien  et  le  Diable,  —  avec 
ou  sans  cédule  signée  des  contractants,  ou  de  Tun  d'eux, 
Le  pacte  est  exprès  ou  tacite.  —  Dans  le  premier  cas, 
dit  M.  l'abbé  Ribet,  «  il  se  conclut  par  des  paroles  que 
l'on  adresse  au  Démon,  ou  par  l'acceptation  d'une  for- 
mule que  propose  le  Démon  lui-même,  soit  qu'il  appa- 
raisse et  offre  son  concours,  soit  qu'on  l'évoque  par  des 
adjurations  et  des  promesses  »  (l).  —  Quant  au  pacte 
tacite,  il  se  conclut  implicitement,  par  le  seul  fait  d'en- 
treprendre, même  h  titre  expérimental,  une  opération 
dont  le  résultat  doit  être  en  dehors  du  cours  naturel  des 
choses  ;  car  on  se  doute  de  reste  que  le  Diable  peut  seul 
accomplir  pareille  œuvre;  et,  qui  veut  la  fin  doit  vouloir 
aussi  les  moyens... 

Voilà,  dans  toute  son  intransigeance,  la  doctrine  or- 
thodoxe sur  ce  point  :  elle  est  formidable  et  translucide. 
Ainsi  donc,  —  car  il  faut  être  logique,  —  la  moindre 
expérience  de  table  tournante,  le  moindre  contrôle  de 
médianité,  une  tentative  quelconque  d'étudier  les  forces, 


(1)  La  mystique  divine  et  ses  contrefaçons  diaboliques,  etc.,  tome  III, 
page  291. 

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546  LA  CLEF  DE  LA  MAGIE  NOIRE     - 

non  point  surnaturelles  (il  n'en  est  pas),  mais  non  encore 
cataloguées  par  les  bonzes  de  la  science  positive  ;  tout 
essai  curieux  tendant  à  mettre  en  œuvre  des  Agents  ou 
des  Puissances  «  au-dessus  des  forces  de  la  nature  », 
pour  user  du  détestable  langage  en  cours  ;  toute  entre- 
prise de  ce  genre  implique  nécessairement  un  pacte  au 
moins  tacite  avec  l'Enfer  ! 

Quelle  que  soit  la  rigueur  d'une  semblable  doctrine, 
rOccultisme  adopte  in  loto  les  termes  de  la  définition, 
sauf  à  délimiter  le  sens  véritable  et  scientifique  des  mots 
Démon  et  Enfer. 

CUt  sait  déjà  que  nous  répudions  Texistence  du  Malin 
Esprit,  en  tant  qu'absolu  du  Mal  et  antithèse  de  Dieu, 
l'absolu  du  Bien.  Mais  on  a  pu  le  voir,  nous  ne  contes- 
tons pas  plus  l'existence  des  Esprits  pervers  dans  le  monde 
occulte,  que  celle  des  hommes  pervers  dans  le  monde  vi- 
sible. 

Au  surplus,  nous  n'avons  garde  de  nier  la  réalité  for- 
midable du  grand  Agent  magique  dont  le  serpent  est 
Temblème.  Nous  la  nions  si  peu,  que  la  plupart  de  nos 
livres  reposent  sur  la  connaissance  expérimentale  et  ra- 
tionnelle de  cet  universel  Protée,  à  défaut  duquel  pas  un 
phénomène,  magique  ou  non,  de  l'ordre  sensible,  ne  se 
produirait. 

Selon  nous,  le  Diable  esta  envisager  sous  deux  aspects: 
en  corps  et  en  âme  ;  comme  Force  ou  substratum  dyna- 
mique d'une  part  (1),  et  de  l'autre,  comme  Esprit  de 


(1)  Force  inséparable  de  la  substance  non  différenciée.  Cf.  Ghap.  i, 
page  115. 


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l'esclavage  magique  547 

perversité  ou  de  perversion,  selon  l'étymologie  de  sop 
nom  même  Aia€ô).oç  (1). 

Rappelons  en  deux  mots  ce  que  nos  Lecteurs  savent 
déjà. 

Le  Diable,  envisagé  comme  agent,  est  la  Lumière  as- 
trale, corrélation  des  forces  physiques  et  synthèse  des 
forces  hyperphysiques  du  Cosmos.  Quiconque  entre  en 
rapport  direct  avec  la  Lumière  astrale,  dont  l'enve- 
loppe matérielle  de  Thomme  sert  à  l'isoler  dans  une  cer- 
taine mesure,  celui-là  crée  un  lien  durable  entre  sa  per- 
sonne et  cette  multiforme  Puissance,  «  dont  il  deviendra 
le  maître  ou  l'esclave,  le  directeur  ou  le  jouet  »  (2).  — 
Voilà  le  pacte  tacite,  découlant  irrésistiblement  de  toute 
expérience  téméraire  qui  a  réussi. 

Le  Diable,  envisagé  comme  Esprit  de  perversité,  cons- 
titue le  type  abstrait  et  la  synthèse  idéale  des  Intelligen- 
ces et  des  Volontés,  incarnées  ou  non,  qui  se  prévalent 
des  forces  hyperphysiques,  vers  un  but  d'égoïsme  à  satis- 
faire ou  de  crime  à  perpétrer.  Il  n'est  pas  rare  de  voir 
un  homme  s'immiscer  aux  grands  courants  d'égoïsme  et 
de  malice,  et  conclure,  avec  les  Esprits  recteurs  d'iceux, 
soit  un  pacte  implicite  par  le  fait  du  désir  et  de  l'adhé- 
sion morale,  soit  un  pacte  exprès  par  le  fait  d'une  évo- 
cation et  d'une  entente  explicites  et  formulées.  Mais  le 
pacte  exprès  ou  formel  consistera,  neuf  fois  sur  dix,  dans 
les  engagements  réciproques  qui  résultent  de  l'affiliation 
.  à  quelques  sociétés  secrètes  sur  cette  terre,  ou  à  telle 

(1)  Voyez  le  tome  I  du  Serpent  de  la  Genèse,  p.  57  (note  au  bas  de 
la  page). 

(2)  Au  Seuil  du  Mystère,  page  15. 


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548  LA  CLEF  DE  LA   MAGIE  NOIRE 

communauté  mystique  du  monde  ultra-terrestre  :  autant 
dire,  de  Tincorporalion  à  des  cercles  magiques,  soit  visi- 
bles» soit  latents,  presque  toujours  à  la  fois  l'un  et  Tautre. 
M.  le  baron  du  Potet,run  des  plus  hardis  explorateui-s 
du  Magnétisme  contemporain,  nous  décrit  en  mode  inou- 
bliable, dans  une  page  émouvante  et  vécue  de  sa  Magie 
dévoilée,  la  conclusion  du  pacte  tacite.  Portez  attention 
à  cette  confidence,  l'une  des  plus  significatives  à  coup 
sûr  et  des  plus  révélatrices  qu'il  ait  consignées,  au  cours 
de  ce  compendium  de  ses  recherches,  touchant  l'essence 
et  les  propriétés  de  la  Force  occulte  qui  entre  en  œuvre 
dans  le  magnétisme  : 

c  ...  Qu'une  trombe  renverse  et  éparpille  les  habitations, 
qu'elle  déracine  les  arbres  séculaires  et  les  transporte  au  loin, 
qui  s'en  étonne  maintenant  ? 

«Maïs  qu'un  élément,  inconnu  dans  sa  nature,  secoue 
l'homme  et  le  torde  comme  l'ouragan  le  plus  terrible  fait  du 
roseau,  le  lance  au  loin,  le  frappe  en  mille  endroits  à  la  fois, 
sans  qu'il  lui  soit  permis  d'apercevoir  son  nouvel  ennemi  et 
de  parer  ses  coups,  sans  qu'aucun  abri  puisse  le  garantir  de 
cette  atteinte  à  ses  droits,  à  sa  liberté,  à  sa  majesté  ;  que  cet 
élément  ait  des  favoris  et  semble  pourtant  obéir  à  la  pensée,  à 
une  voix  humaine,  à  des  signes  tracés,  peut-être  à  une  in- 
jonction ;  voilà  ce  que  l'on  ne  peut  concevoir,  voilà  ce  que  la 
raison  repousse  et  repoussera  longtemps  encore.  Voilà  pour- 
tant ce  que  je  crois,  ce  que  j'adopte  ;  voilà  ce  que  j'ai  vu,  et, 
je  le  dis  résolument,  ce  qui  est  une  vérité  pour  moi  à  jamais 
démontrée. 

<  Tai  senti  les  atteintes  de  cette  redoutable  puissance.  Un 
jour,  entouré  d'un  grand  nombre  de  personnes,  je  faisais  des 
expériences  dirigées  par  des  données  nouvelles  qui  m'étaient 
personnelles,  cette  force,  —  un  autre  dirait  ce  démon,  —  évo- 
quée, agita  tout  mon  être;  il  me  sembla  que  le  vide  se  faisait 
autour  de  moi,  que  j'étais  entouré  d'une  sorte  de  vapeur  légè- 


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l'esclavage  magique  549 

reine  ni  colorée.  Tous  mes  sens  paraissaient  avoir  doublé  d'ac- 
tivité, et  ce  qui  ne  pouvait  être  une  illusion,  mes  pieds  se  re- 
courbaient dans  leur  prison,  de  manière  à  me  faire  éprouver 
uoe  très  vive  douleur;  et  mon  corps,  entraîné  par  une  sorte 
de  tourbillon,  était,  malgré  ma  volonté,  contraint  d'obéir  et 
de  fléchir.  D'autres  êtres  pleins  de  force,  qui  s'étaient  rappro- 
chés du  centre  de  mes  opérations  magiques,  —  pour  parler 
en  sorcier,  —  furent  plus  rudement  atteints  :  il  fallut  les  sai* 
sir  à  terre,  où  ils  se  débattaient  comme  s'ils  eussent  été  près 
de  rendre  Tàme. 

<  Le  lien  était  fait,  le  pacte  consommé;  une  puissance  oc- 
culte venait  de  me  prêter  son  concours,  s'était  soudée  avec  la 
force  qui  m'était  propre,  et  me  permettait  de  voir  la  lumière. 
«  C'est  ainsi  que  j'ai  découvert  le  chemin  de  la  vraie  ma- 
gie... (I).  » 

Si  nos  Lecteurs  prennent  le  soin  de  parcourir  le  compte 
rendu  des  expériences  qui  ont  préludé  au  phénomène 
décrit  par  du  Potet,  ils  se  persuaderont  qu'en  vain  on 
chercherait  un  exemple  plus  frappant  du  pacte  tacite, 
tel  que  nous  l'avons  défini  plus  haut. 

Qu'il  nous  sufïïse  d'ajouter,  à  l'égard  du  pacte  formel^ 
que  l'engagement  écrit  fut  toujours  de  rigueur,  dans  les 
plus  sérieuses  sociétés  d'initiation  :  cet  acte,  à  part  son 
caractère  de  garantie  exotérique,  constitue  un  signe  d'ap- 
pui, lequel  corrobore  et  formule  magiquement  la  volonté 
du  néophyte.  Chaque  association  terrestre  est  doublée, 
dans  rinvisible,  d'un  cercle  correspondant,  et  régie  par 
unÉgrégore,  comme  nous  l'avons,  à  plusieurs  reprises, 
péremptoirement  exposé.  Quant  aux  Fraternités  invisi- 
bles qui  n'ont  point  d'organisme  matériel  connu,  —  nous 

[1)  Baron  du  Polet,  /a  i/a^ie(/é&oi7ée,  Saint-Germain J875,in-4,  flg., 
pages  161-162. 


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550  LA   CLEF  DE  LA   MAGIE  NOIRE 

voulons  dire  de  groupe  humain  parallèle  et  eonforme 
ici-bas,  la  rédaction  s'impose  d*un  engagement  écrit,  et 
brûlé  par  après  avec  de  certains  rites  :  outre  la  valeur 
du  signe  d*appui,  sur  laquelle  nous  avons  déjà  insistt\ 
l'incinération  du  contrat  équivaut  k\2i  projection  en  Astral 
dudit  signe,  confirmatif  de  l'entente  adeptale.  Il  n'est 
point  invraisemblable  que  l'invisible  Communauté  y  ré- 
ponde par  le  phénomène  de  la  précipitation  d^écriture, 
bien  connu  des  spirites  et  de  l'entourage  de  Madame 
Blavatzky.  —  Voilà  l'échange  de  la  ccdule  rédigée  en 
partie  double,  et  garantie  réciproque  ou  sanction  magi- 
que, comme  on  en  relève  plus  d'un  exemple  dans  la  mi- 
nute des  procès  de  sorcellerie. 

Toutes  ces  choses  paraissent  concorder  d'une  sorte 
bien  frappante  avec  les  enseignements  de  la  théologie 
romaine.  Ses  Docteurs  nous  diront,  qu'à  l'apparition  près 
du  Malin,  dont  les  cornes  et  les  griffes  n'ont  pas  visible- 
ment percé,  nos  a  aveux  »  corroborent  singulièrement 
les  doctrines  exotériques  de  l'Église!... 

Hé  bien,  nous  concéderons  encore  à  ces  Messieurs  les 
cornes  et  les  griffes  auxquelles  ils  semblent  si  fort  tenir  ; 
car,  dans  les  phénomènes  évocatoires,  qui  équivalent  à  la 
dénudation  d'un  pan  de  l'Astral,  les  silhouettes  les  plus 
congruentes  à  la  définition  diabolique  se  profilent  d'aven- 
ture. Il  n'y  a  rien  là  pour  étonner  des  adeptes  de  l'Oc- 
cultisme. Ne  suffit-il  pas,  en  effet,  qu'une  forme  soit 
imaginée  par  l'homme,  pour  qu'aussitôt  ébauchée  en  as- 
tral, elle  se  conserve  aux  archives  de  la  lumière  seconde? 
Et  cent  générations  ascétiques  n'ont-elles  pas  rêvé  l'En- 


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l'esclavage  magique  551 


ier  ?  Or,  tous  Lémures,  toutes  Dominations  théurgiques, 
comme  aussi  tous  Mirages  errants  peuvent  être  évoqués 
et  apparaître. 

Ainsi  triompheront  nos  adversaires.  Après  cet  aveu, 
(diront- ils),  rien  ne  manque  plus  à  la  confirmation  que 
vous  apportez  malgré  vous  des  indéfectibles  vérités  du 
Dogme,  touchant  le  Diable  et  son  royaume... 

Nous  connaissons  ce  langage,  et  ce  procédé  de  polé- 
mique, assimilatif,  au  profit  d'une  thèse  préconçue,  des 
arguments  qui  devaient  servir  à  la  ruiner;  mais  aux- 
quels il  suffira  de  bailler  Tentorse,  pour  qu'ils  viennent 
en  confirmation  de  la  thèse  adverse.  Une  telle  méthode 
est  triomphante  :  elle  a  quelque  chose  d'infaillible  et  de 
péremptoire,dumoinsaugrédes  convaincus  départi  pris. 
N'est-ce  pas  s'emparer  des  pièces  de  Tenhemi,  leur  faire 
faille  volte-face,  et  les  mettre  en  batterie  contre  les  régi- 
ments qu'elles  devaient  couvrir  et  défendre?  Exploit 
plus  facile  à  accomplir,  la  plume  à  la  main,  que  sur  le 
champ  de  bataille. 

C'est  grâce  à  cet  ingénieux  système  que  M.  de  Mirville 
trouvait  jadis,  dans  les  plus  fortes  pages  d'Éliphas  Lévi 
contre  l'existence  du  Diable  personnel,  l'aveu  et  la 
preuve  irrésistibles  que  le  Diable,  pour  Éliphas,  était  bel 
et  bien  une  personne.  La  même  méthode  a  servi  récem- 
ment, contre  les  occultistes  actuels,  à  un  autre  historio- 
graphe du  Démon,  auteur  de  deux  énormes  in-4'»  (1), 


(1)  Le  Diable  au  xix«  siècle,  par  le  Dr   Bataille.  Paris,  s.  d.,  2  vol. 
in-4. 


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552  LA  CLEF  DE  LA  MAGIE  TfOlKE 

OÙ  sa  très  spacieuse  imagination  s'est  allégée  des  chimè- 
res qui  Tencombraient  :  Chimœrœ  in  vacuum  hombinan- 
tes  !  Ce  prodigieux  docteur  apparaît  à  la  fois,  au  double 
point  de  vue  philosophique  et  anecdotique,  le  Nonotle 
et  le  Ponson  du  Terrail  de  la  Magie. 

N'appuyons  pas  sur  ces  ridiculités... 

L'Occultisme,  si  vaillamment  rénové  en  France  depuis 
trois  lustres,  n'a  pu  conquérir  l'attention  des  esprits  sé- 
rieux et  les  suffrages  d'une  élite,  sans  que  plusieui*s  cau- 
ses de  discrédit  ne  vinssent  compromettre  ses  progrès  et 
ternir  sa  renommée.  Il  a  subi  au  dedans  l'épreuve  de  l'en- 
vahissante médiocrité,  au  dehors  les  atteintes  du  déni- 
grement et  de  la  moquerie. 

Combien  de  ratés  littéraires  ou  scientifiques,  ignorants 
d'ailleurs  des  principes  élémentaires  de  l'Occultisme,  se 
sont  réclamés  bruyamment  de  son  crédit  spirituel,  au 
risque  de  déconsidérer  la  Haute-Science,  en  abritant  sous 
son  pavillon  leur  marchandise  de  contrebande  ! 

Combien  de  faméliques  intrus  ont  eu  hâte  de  battre 
monnaie  sur  la  crédulité  des  badauds,  en  exploitant  la 
pratique  fructueuse  de  l'Astrologie,  de  la  Chiromancie  et 
d'autres  arts  divinatoires,  que  la  renaissance  de  l'Ésolé- 
risme  semblait  galvaniser  pour  un  temps,  même  entre 
des  mains  ignares,  suspectes  ou  vénales  ! 

Que  de  barbouilleurs  de  copie  au  mètre,  bénéficiant  de 
la  vogue  acquise  à  ces  études,  ont  su  s'improviser  un 
gagne-pain  mieux  lucratif,  dans  le  négoce  des  révélations 
calomnieuses,  sous  prétexte  d'arracher  le  masque  à 
d'hypocrites  suppôts  de  l'Enfer  ? 

Nous  ne  rappellerons  que  pour  mémoire  ceux-là  qui  se 


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L*£SGLAVAGE   MAGIQUE  553 


sont  fait  initier  à  riUuminisme,  pour  trahir  leurs  ser- 
ments, leurs  frères  et  leur  Dieu. 

Au  demeurant,  ces  misères  étaient  prévues. 
C'est  un  aphorisme  en  magie,  qu'on  ne  peut  faire  le 
jour  sur  certains  arcanes,  sans  soulever  aussitôt  une  op- 
position formidable  de  la  part  des  Forces  adverses,..  Le 
Lecteur  qui,  parvenu  au  point  où  nous  en  sommes,  ne 
saisirait  pas  d'emblée  le  pourquoi  et  le  comment  de  cette 
réaction  fatale,  peut  fermer  le  livre  et  renoncer  à  l'étude 
des  Hautes  Sciences. 

A  chaque  renouveau  de  la  pensée,  toutes  les  fois  que 
le  monde  intellectuel  penche  à  suivre  une  orientation 
inédite,  cette  loi  de  l'Antagonisme  susciterait  de  funestes 
subversions,  si  le  Falum  (cette  Puissance  qui  noue  l'effet 
à  la  cause)  ne  maintenait,  dans  une  certaine  mesure, 
sur  l'avenir,  comme  une  garantie  régulatrice,  l'esclavage 
étroit  du  passé. 

Contrainte  salutaire,  bien  que  parfois  très  cruelle  aux 
novateurs  de  l'art,  de  la  science  et  de  l'action. 

«  Le  mort  saisit  le  vif  »,  prononce  le  Droit  ancien  : 
la  mort  règne  sur  la  vie  et  lui  inflige  sa  loi  ;  quoique 
étant  Hier,  elle  domine  sur  Demain,  à  cause  du  respect 
religieux  qu'inspirent  les  êtres  et  les  choses  qui  ne  sont 
plus. 

La  routine  n'est  que  la  règle  morte  imposée  au  futur 
par  l'autorité  du  passé,  à  la  vie  par  la  majesté  de  la  mort. 
Comme  dans  le  corps  humain,  où  les  cellules  se  jux- 
taposent et  se  groupent  sur  l'emplacement  de  celles  qui 
s'étiolent  à  mesure  et  disparaissent  :  ainsi  l'effet  d'une 
cause  devient  cause  à  son  tour,  pour  reproduire  son 


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554  LA   CLEF  DE   LA   MAGIE  NOIRE 

semblable;  ainsi  ce  fuisera  se  calque  et  se  découpe  sur 
ce  qui  fut.  G*est  la  force  subjugante  du  Destin,  la  nora> 
de  la  mort  qui  règle  le  développement  de  la  vie  ! 

Contre  le  Destin,  les  volontés  et  la  Providence  même 
ont  à  combattre,  pour  improviser  autre  chose,  rénover 
les  formes  vieillies,  *  enfm  garantir  la  variété  du  Beau, 
Tune  des  conditions  pour  que  le  Beau  soit  aimable  : 
mais,  encorç  un  coup,  cette  puissance  épouvantable  de 
la  Fatalité  est  nécessaire  au  monde  tel  qu'il  est.  Sans  elle 
(la  force  morte),  les  forces  vives  réagiraient  trop  impé- 
tueusement Tune  sur  l'autre,  dépourvues  qu'elles  seraient 
d'obstacle  qui  réglât  leur  action,  par  le  fait  même  qu'il 
l'entrave.  Les  transitionsn'étant  plus  ménagées,  le  monde 
muerait  par  secousses  désastreuses  ;  il  se  renouvellerait 
par  séries  de  cataclysmes,  au  lieu  d'évoluer  avec  une 
savante  lenteur.,. 

Nous  voici  loin  du  pacte  et  de  la  cédiUe,  dont  il  s'agis- 
sait, quand  notre  plume  a  dévié  vers  des  considérations 
générales  que  nous  ne  regrettons  point  d'avoir  énoncées. 
Il  n'en  faut  pas  moins  mettre  un  terme  à  cette  digression,' 
qui,  sans  répugner  au  caractère  du  présent  chapitre,  nous 
a  distrait  un  instant  des  rapports  possibles  entre  Thorame 
et  les  Puissances  d'un  monde  plus  subtil. 

Ces  rapports  apparaissent  ordinairement  fâcheux  ou 
nuisibles  à  l'homme.  Le  contraire,  hélas!  est  l'exception. 

5i  Ton  y  réfléchit,  peut-être  se  demandera-t-on  quel 
avantage  trouvent  certaines  classes  d'Invisibles  à  molester 
les  vivants,  à  leur  inspirer  l'horreur,  le  spleen  ou  l'épou- 


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l'esclavage  magique  555 


vante,  et  même  à  les  pousser  au  suicide,  comme  nous 
en  avons  signalé  plusieurs  cas. 

Quand  Tinfestation  est  la  conséquence  d'un  sortilège, 
soit  que  les  maléficiants  agissent  par  eux-mêmes  en  corps 
sidéral,  soit  qu'ils  fassent  intervenir  les  Lémures  évoluant 
dans  la  sphère  de  leur  action  magnétique,  ou  d'autres 
collaborateurs  spirituels  qui  leur  sont  dévoués,  —  l'ex- 
plication est  facile.  C'est  à  l'initiative  humaine  que  le 
mal  s'accuse  attribuable;  c'est  une  volonté  humaine, 
individuelle  ou  collective,  qui  est  l'auteur,  sinon  l'acteur 
de  la  tragi-comédie. 

Mais  il  est  telles  circonstances  où  les  Invisibles  entrent 
en  lice  pour  leur  propre  compte  :  ils  aspirent  à  posséder 
l'homme,  ou  à  l'obséder. 

Toutes  les  natures  humaines  n'offrent  pas  un  accès 
également  facile  à  l'invasion  spirituelle.  Au  point  d'évo- 
lution où  l'homme  se  trouve  ici-bas,  son  corps  matériel 
constitue,  en  fonctionnement  normal,  une  forteresse  qui 
garantit  l'âme,  non  pas  seulement  une  prison  qui  la 
retient.  La  grande  majorité  des  hommes  se  trouve  à 
fabri  des  influences  spirituelles,  ou  du  moins  n'est-elle 
pas  consciente  de  les  subir. 

Tant  que  les  êtres  du  plan  astral  n'ont  point  acquis 
quelque  objectivité  passagère,  le  médiateur  plastique  de 
l'homme  devient,  en  s'extériorisant,  le  seul  point  de  con- 
tact qui  soit  possible  entre  eux  et  l'âme  incarnée. 

Les  forts  médiums,  qui  sont  sujets  à  extravaser  en 
tous  temps  leur  fluide  nerveux,  jusqu'à  en  saturer  l'at- 
mosphère astrale  qui  les  baigne,  doivent  être  regardés 
comme  des  malades.  Chez  le  commun  des  hommes,  la 


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556  LA   CLEF  DE   LA   MAGIE  NOIRE 

force  nerveusene  s'abmatérialise  que  fort  exceptionnellt^ 
ment,  dans  certains  cas  soit  physiologiques,  soit  patholo- 
giques (1), 

Nous  allons  révéler  à  ce  sujet  une  chose  des  plus  mys- 
térieuses et  des  moins  connues,  —  réponse  à  bien  des 
points  d'interrogation. 

Beaucoup  de  passions  acerbes  et  de  sensations  violen- 
tes et  pénibles  (2),  —  spécialement  le  chagrin  moral,  la 
douleur  physique,  la  peur,  etc.,  —  ont  pour  conséquencr- 
immédiate,  chez  l'être  qui  les  subit,  une  extériorisalion 
tout  ensemble  et  un  abandon  de  fluide  vital.  La  force 
nerveuse,  en  pareil  cas,  s'écoule  comme  le  sang  d'une 
blessure.  La  vie  ne  se  défend  plus  ;  elle  s'offre,  du  moins 
elle  se  laisse  prendre.  On  devine  ce  qui  en  peut  résulter  : 
le  banditisme  spirituel.  L'être  quia  provoqué  chez  autrui 
le  paroxysme  diffusif,  en  peut  physiologiquement  profi- 
ter :  source  pour  lui  d'un  délicieux  bien-être. 

Il  serait  facile  de  multiplier  les  exemples.  Les  trois  que 
nous  avons  choisis  paraissent  surtout  frappants,  car  ils 
manifestent  le  pourquoi  insoupçonné  du  deuil  moral, 
après  la  perte  des  êtres  chers  ;  le  pourquoi  de  la  peur. 


(1)  Au  chapitre  m,  pages  313-315,  nous  avons  parlé  de  l'extase  à  ce 
point  de  vue  :  quant  au  sommeil,  qui  délivre  Tétre  psychique  des  en- 
traves de  la  chair,  le  mode  suivant  lequel  cette  abmatérialisation  s'effec- 
tuo  assure  à  l'homme  une  garantie  très  sérieuse  contre  les  atteintes  des 
indigènes  de  l'Astral.  Le  sommeil  n'est  pas  un  état  exceptionnel  ;  c'est 
une  des  fonctions  naturelles  de  la  vie  humaine .  Cf.  Chap.  n,  pages  1 73-174. 

(2)  Au  paroxysme  des  sentiments  et  des  sensations  agréables,  — 
nous  citerons  l'amour  par  exemple  et  le  plaisir  physique,  —  il  y  a  un 
échange  de  fluides,  idoine  à  compenser  les  pertes.  Encore  certaines 
natures  sont-elles  absorbantes,  au  point  de  recevoir  sans  donner.  Voir, 
plus  bas,  ce  que  nous  disons  du  Sadisme. 


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l'esclavage  magique  557 


i  naturelle  à  rhomme»  en  face  d'une  corporisation  sou- 
Laine  de  l'Invisible  ;  le  pourquoi  enfin  de  cette  étrange 
tt  sauvage  passion  qui  lie  le  désir  charnel  à  l'instinct  de 
'érocité,  et  intrigua  tant  de  modernes  psychologues,  sous 
Le  nom  de  sadisme. 

Cherchez  dans  les  profondeurs  de  la  nature  la  raison 
de  ces  choses,  les  unes  si  normales,  les  autres  si  étran- 
ges! 

Pourquoi  les  épouvantes  vagues  et  sans  objet,  en  parti- 
culier la  peur  des  fantômes?— Parce  que  les  Indigènes  de 
l'Astral,  pour  se  manifester  sur  le  plan  physique,  ont 
besoin  de  force  nerveuse,  et  que  l'effroi  qu'ils  inspirent, 
sciemment  ou  par  instinct,  est  un  moyen  sûr  de  voler  cette 
force  au  premier  venu.  Plus  une  apparition  est  nourrie 
de  fluide  nerveux,  plus  elle  se  précise  et  se  revêt  de  l'éa- 
lité  physique  :  là  gît  la  raison  occulte  de  l'intensité  crois-- 
sante  des  phénomènes  terrifiants,  en  proportion  directe 
de  l'effroi...  Dans  les  séances  des  méfdiMms  matérialisant, 
la  sensation  glaciale  qu'éprouve  le  spectateur,  au  voisi- 
nage des  apparitions  fluidiques,  est  due  à  la  perte  subite 
de  force  nerveuse,  dont  le  spectre  s'empare  avidement  (4). 
La  netteté  du  phénomène  s'accroît  à  mesure.  —Du  reste, 
en  cas  ordinaire,  les  Invisibles  n'ont  pas  besoin  d'appa- 
raître aux  regards,  pour  insuffler  à  l'homme  l'épouvante, 
dispensatrice  à  leur  profit  du  breuvage  d'objectivité  (2). 
Pourquoi  ce  monstrueux  instinct  du  sadisme,  qui  par- 
fois gronde  au  tréfonds  des  meilleures  natures  ?  —  Il 

(1)  Cf.  Le  Temple  de  Satan,  page  402. 

(2)  Qui  a  pu  lice  sans  un  frisson  le  Horla  de  Maupassant,  où  de  si 
singulières  intuiUons  se  font  jour,  touchant  ces  mystères  ? 


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558  LA   CLEF  DE  LA   MAGIE  NOIRE 

repose  sur  rinluition  latente  de  ce  fait,  qu'en  faisant 
souffrir  la  victime  de  sa  brutalité,  le  sensuel  bourreau 
provoquera  une  hcmorrhagie  de  cet  invisible  sang,  d** 
cette  force  vitale,  dont  le  rapt  et  rappropriation  décuple- 
ront chez  lui  le  plaisir  physique,  en  exacerbant  jusqu'au 
délire  la  répercussion  cérébrale  de  l'acte  vénérien  (l). 
Pourquoi  enfin  cette  tribulation  morale,  cette  persis- 
tante angoisse  qui  fait  qu'on  pleure  longuement  les  êtres 
chers  que  la  mort  a  frappés  ?  —  Rien,  à  coup  sûr,  qui 
s'explique  mieux  au  cœur  de  l'homme  ;  mais  une  loi  pro- 
videntielle intervient,pourutiliser  au  bénéfice  du  défunt 
la  désolation,  si  naturelle  à  ceux  qui  restent.  Ainsi,  par 
une  admirable  économie  des  transitions,  ménagées  d'un 
monde  à  l'autre,  c'est  au  fort  de  l'épreuve  posthume  que 
l'énergie  psychique,  émanée  de  la  douleur  des  proches, 
viendra  en  aide  au  nouveau-né  d'une  vie  future  !... 

Sans  éclaircir  ce  mystère  d'efficace  solidarité  familiale, 
que  nous  examinerons  de  plus  près  au  sixième  chapitre, 
il  suffit  de  souligner  ici  l'emploi,  —  utile  ou  voluptueux, 
—  auquel  se  prête  indistinctement  la  force  nerveuse  ab- 
matérialisée.  Intérêt  et  volupté!  Ce  sont  là  deux  puissants 
mobiles  :  la  molestation  et  l'infestation  spirituelles,  attri- 
buables  à  l'un  comme  à  Tautre,  peuvent  même  les  com- 
porter tous  deux. 

A  l'égard  du  profit  que  les  Invisibles  pervers  peuvent 
retirer  du  suicide  humain,  il  est  bien  évident  que,  chez 
l'individu  qui  se  frappe  de  mort  dans  la  vigueur  de  sa 


(1)  Cf.  noire  théorie  de  la  polarité  humaine,  chap.  m,  pages  241 
et  suiv. 


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l'esclavage  magique  559 


pleine  santé,  la  mise  en  disponibilité  de  la  force  nerveuse 
sera  totale,  au  lieu  d'être  partielle,  et  ce,  au  bénéfice  de 
quiconque  s'en  voudra  saisir. 

Au  demeurant,  la  haine,  la  vengeance  ou  la  jalousie 
peuvent  déterminer  et  mouvoir  certains  êtres  de  VAu- 
delâj  aussi  bien  qu'elles  meuvent  et  déterminent  les 
hommes  de  chair  et  les  Lémures  de  VEn-deçà  (sous- 
humanifé). 

Il  va  sans  dire  que  les  Invisibles  dont  nous  signalâ- 
mes l'intervention  possible,  dans  les  œuvres  égoïstes  et 
ténébreuses,  soit  comme  acteurs  principaux,  soit  comme 
complices  du  maléficiant,  ne  sauraient  être  les  Intelli- 
gences supérieures.  Ames  glorifiées  ou  Anges  mission- 
naires. Nous  entendons  réserver  pour  un  autre  ouvrage 
les  notions  relatives  à  ces  Esprits  émancipés. 

Leurs  rapports  immédiats  avec  l'homme  sont  d'ailleurs 
exceptionnels,  et  moins  fréquents  qu'on  ne  le  saurait 
croire.  Il  y  a  eu  des  méprises  et  des  déceptions  sur  ce 
point.  Satan  (est-il  écrit)  se  transfigure  parfois  en  ange 
de  lumière  :  c'est  ce  que  plusieurs  mystiques  ont  oublié. 

L'infaillible  discernement  des  Esprits  n'a  pas  été  tou- 
jours leur  privilège  ;  et  tels,  qui  ont  été  déçus  par  les 
Puissances  de  l'ombre  ou  du  crépuscule,  se  croyaient 
d'une  foi  robuste  les  mîssionnés  du  Dieu  solaire  ! 

Quant  aux  cas  avérés  de  direction  angélique,  de  haute 
médianité  et  même  A'embryonnat  céleste,  ils  impliquent 
de  la  part  des  favorisés  quelque  déférence  à  la  Voix  d'En 
haut;  mais  qui  voudrait  taxer  celte  sujétion  toute  volon- 
taire d'esclavage  spirituel? —  A  moins  d'interpréter  ce 


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:1 


560  LA   CLEF  DE  LA   MAGIE  NOIRE 

mot  selon  ic  sens  adeptal,  comme  nous  Tavons  fait  à  Y<a 
verture  de  ce  chapitre. 

Ceci  nous  reporte  au  douzième  feuillet  du  Livre  hiéra-} 
tique  de  Tbôlh,  où  Ton  voit  un  homme,  la  téta  en  bas 
la  cheville  garrottée  à  la  traverse  d'un  gibet.  «  Le  pend 
(dit  Éliphas  Lévi),  c'est  donc  l'adepte,  lié  par  ses  enga- 
gements, spiritualisé  ou  les  pieds  tournés  vers  le  Qel. 
c'est  aussi  l'antique  Proraéthée,  subissant  dans  une  tor- 
ture immortelle  la  peine  de  son  glorieux  larcin  (1).  » 

Le  temple  de  la  Vérité  ésotérique  possède  un  par^'j> 
d'où  l'on  entrevoit  ses  rayons,  et  un  sanctuaire  où  res- 
plendit sa  présence  réelle. 

Le  parvis  est  pour  tous,  le  tabernacle  est  accessible 
à  quelques-uns. 

Mille  sentiers  conduisent  au  temple  ;  mais  on  ne  péné- 
tre au  sanctuaire  de  la  suprême  initiation  que  par  deux 
issues  :  la  porte  de  la  science  et  de  la  lumière,  et  celle 
de  répreuve  et  de  l'amour  (2). 

Les  initiés  spéculatifs  et  volontaires  qu'a  guidés  la 
chaste  mais  froide  ambition  de  savoir  pour  savoir,  n'ont 
pas  nécessairement  renoncé  aux  pompes  de  Maïa,  la 
déesse  de  l'Illusion  terrestre,  ni  souffert  et  désespéré  par 
elle.  Seulement,  ils  ont  appris  à  traduire  le  nom  de  TEn- 
clianteresse  :  ils  savent  qu'elle  n'est  point  la  réalité  sub- 


(1)  Dogme  de  la  Haute  Magie,  page  256. 

(2)  Ces  deux  portes  correspondent  symboliquement  aux  deux  modes 
que  nous  avons  fait  connaître,  pour  la  réintégration  dans  TUnité  :  le 
mode  actif  et  le  mode  passif.  —  C'est  à  ce  dernier  surtout  que  fait 
allusion  la  douzième  lame  du  Tarot. 


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l'esclavage  magique  S61 

tantielle,  mais  le  mirage.  Ils  ne  peuvent  plus  se  laisser 
éduire  à  la  fantasmagorie  de  ses  charmes,  si  délicieuse 
d'autres  hommes...  Gomme  en  une  danse  macabre,  ils 
nt  entrevu  le  squelette,  sous  la  gaze  et  les  falbalas  de  la 
ballerine. 

Cette  acuité  clairvoyante,  prérogative  de  la  Science 
>ure^  en  devient  en  quelque  sorte  le  châtiment. 

L'adepte  intellectuel  peut  bien  encore  prendre  sa  part 
les  illusions  terrestres,  mais  en  sceptique  désabusé,  et 
;ans  y  croire  désormais.  Il  ressemblée  l'acteur,  qui  rend 
sur  la  scène  les  passions  violentes  de  l'ambition,  de  la 
haine  et  de  l'amour,  et  qui  peut  un  instant  s'enfiévrer 
au  jeu,  jusqu'à  se  paraître  sincère  à  lui-même»  Voyez-le, 
qui  s'épanouit  dans  la  joie,  ou  se  contracte  dans  la  dou- 
leur... Mais  adieu  l'émotion,  si  peu  qu'il  réfléchisse!  Il 
rit  alors  de  ses  larmes  faciles,  et,  chose  plus  triste  encore, 
il  rit  de  son  rire. 

Les  Élus  entrés  au  sanctuaire  par  l'autre  porte,  celle 
de  l'Amour,  ont  connu  toutes  les  amertumes  et  renoncé 
les  joies  trompeuses  de  l'existence.  Car  il  fautqu'ils  aient 
épuisé  la  coupe  des  déboires  temporels,  pour  que,  désen- 
chantés  de  la  cité  terrestre,  ils  se  soient  tournés  vers  la 
Jérusalem  céleste,  cette  éternelle  patrie  de  la  Science, 
de  la  Justice  et  de  l'Amour. 

Ce  sont  les  plus  pures  colombes,  qui  s'abattent  ainsi, 
blessées,  sur  le  seuil  de  l'immatériel  refuge. 

Quel  sublime  désenchantement  est  le  leur  ! 

Le  désespoir,  chez  ces  nobles  âmes,  n'est  qu'un  dépla- 
cement de  l'espérance. 

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562  LA  CLEF  DE  LA  MAGIE  NOIRE 

Vint-il  pas  du  Ciel,  puisqu'il  y  remonte,  TAnge  de5 
tribulations  qui,  brutalement,  au  vif  de  ces  tendres  cœurs, 
défricha  le  parterre  d'optimisme  illusoire  dont  les  arômes 
charriaient  des  mirages  heureux,  et  transfigurant  la  réa- 
lité terrestre,  réfléchissaient  sur  elle  l'illusion  du  paradis  ? 

Roses  incandescentes  d'amour!  Lys  de  candeur  intan- 
gible !  Sensiti  ves  de  douloureuse  fierté  !  Vos  graines  dépay- 
sées ne  sont  point  d'ici.  Quelque  semeur  aux  six  ailes  (  I  » 
les  a  laissées  choir  des  mondes  de  la  lumière,  dans  Je 
chaos  tumultueux  de  la  chair  et  du  sang.  Dans  cette 
fange  même,  le  séraphin  surpris  les  a  vues  germer,  croî- 
tre et  fleurir.  Sans  doute  ne  veut-il  pas  que  soient  pro- 
fanées les  fleurs  idéales,  si  anormalement  écloses  au 
bourbier  du  cœur  humain.  Mais  il  ne  les  déracine  que 
pour  les  transplanter  en  meilleure  terre,  —  oii  fleurissent 
leurs  pareilles,  —  là-haut  ! 


(1)  «  Angélus  sex  alas  habens  nunquam  mutatur».  (Aphorisme^  kab' 
balistiques,  dans  la  coUection  de  Pistorius.) 


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lll)  LA  MORT 


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(Section  13) 

La  Mort  (treize)  =  Désintégration  =  Dépouille- 
ment =  La  Mort  et  ses  Arcanes. 

Chapitre   VJ 

LA  MORT  ET  SES  ARCANES 


Treizième  clef  du  Tarot  :  la  MorL 
Le  livre  de  Thoth  nous  offre,  à  son  treizième 
feuillet,  l'image  d'un  grand  squelette  faucheur, 
à  travers  les  plaines  de  l'existence.  11  tranche  tout  ce 
qu'anima  le  souffle  des  vies  :  il  abat  des  herbes,  des 
fleurs,  péle-mêle,  et  des  têtes  humaines.  Mais  à  mesure 
que  s'exerce  la  Destruction  sur  le  champ  illimité  que  lui 
ouvre  la  Nature  physique,  le  terreau  fertile  de  l'espace 
pousse  à  la  lumière  de  nouvelles  productions.  Le  Devenir 
fermente  intarissablement  en  lui.  Réactionné  parla  mort, 
il  crée  à  nouveau  la  vie  ;  la  pourriture  le  féconde,  afin 
qu'il  engendre  des  êtres  organisés. 
Double  mouvement,  inverse  et  complémentaire,  de  la 


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566  LA   CLEF  DE    LA  MAGIE  NOIRE 

dissolution  et  de  la  génération  universelles.  Cet  emblème 
symbolise  la  Mort  et  ses  arcanes. 

Gomme  aux  campagnes  de  Golchide,  où  Jason  sema 
les  dents  du  dragon  égorgé,  voici  surgir  une  moisson 
d'hommes,  armés  pour  le  combat  de  la  vie...  Mais  le 
champ  commence  à  lever  seulement  ;  Ton  en  voit  sortir 
de  toutes  parts  les  jeunes  pousses  de  chair  humaine  :  ce 
sont  des  mains  et  des  pieds  (1). 

Hiéroglyphe  révélateur  d'un  profond  mystère,  que 
nous  allons  noter  dès  l'abord.  Il  a  trait  à  l'inviolabilité  de 
l'initiative  humaine,  dont  la  Mort,destructive  des  individus 
sur  le  plan  physique,  ne  saurait  paralyser  ni  même  in- 
terrompre la  marche. 

Intervertir  les  plans  d'activité  où  cette  initiative  s'exerce, 
voilà  tout  ce  que  peut  faire  la  reine  des  épouvantemenls. 
Car  insoumis  à  sa  loi,  le  Vouloir  de  l'homme  ressemble 
au  mystérieux  personnage  dont  Moïse  a  dit  :  Qui  tentera 
d'accabler  Lantech,  en  multipliera  soixante-dix-sept  fois 
les  forces  vives  (2)...  Ainsi  la  mort,  loin  de  servir  les 
projets  du  despote  qui  voudrait  faire  d'elle  un  des  instru- 
ments de  sa  politique,  favorise  dans  leur  œuvre,  au  con- 


(1)  Par  suite  des  altérations  que  des  cartiers  malhabiles  ont  fait 
subir  à  certains  tarots,  on  pourrait  confondre  la  moisson  humaine  qui 
germe  du  sol,  avec  les  débris  du  carnage.  Une  erreur  est  très  possible 
au  premier  examen.  Pourtant,  à  consulter  la  plupart  des  éditions  usa- 
gères,  celle  de  Marseille  entre  autres,  le  pied  gauche  du  squelette 
écrase  en  passant  la  tète  de  femme  ;  la  tôte  d'homme  couronnée,  que 
sa  faux  vient  d'abattre,  glt  couchée  sur  la  joue  gauche. 

Originairement,  il  n'est  pas  douteux  que  les  mains  et  les  pieds  pous- 
saient de  terre,  tandis  que  les  tètes  jonchaient  le  sol,  tranchées  par  la 
faux  du  Temps-squelette. 

(2)  Genèse,  chB^ji.  iv,  f.  24. 


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LA   MORT  ET  SES  ARCANES  567 

traire,  les  hommes  qu'elle  a  retranchés  du  monde  visible. 
Elle  motive,  sur  le  plan  physique,  la  soudaine  éclosion 
des  germes  dont  ceux-ci  travaillaient  à  ensemencer  les  in- 
telligences; et  telle  pensée,  graine  d'un  futur  lointain, 
qui  mûrissait  lentement  peut-être  au  cerveau  d'un  philo- 
sophe, va  pousser  une  moisson  hâtive,  sous  la  fécondante 
rosée  de  tout  son  sang  répandu. 

Tu  as  beau,  squelette  faucheur,  piétiner  la. tête  humaine 
que  tu  viens  d'abattre,  et  fouler  avec  elle  le  diadème  de 
j>ensée  qui  parait  son  front  :  du  sol,  abreuvé  de  pourpre 
vivante,  surgissent  de  toutes  parts  des  mains  qui  vont 
agir  et  des  pieds  qui  vont  marcher.  La  pensée  s'incarne 
et  se  fait  action. 

Voilà  le  verbe  intime  de  cette  allégorie. 

Puisque,  avant  d'envisager  la  mort  sous  son  aspect 
universel  (qui  d'ailleurs  s'explique  de  lui-même),  un 
détail  pentaculaire  nous  a  préalablement  retenus,  com- 
plétons ce  qu'il  convient  d'en  dire. 

La  mort  violente  qui  frappe  le  penseur  ne  détruit  pas 
la  pensée  ;  mais  la  mûrit,  la  féconde  et  hâte  sa  réalisation 
pratique.  Reste  à  savoir  d'où  procède  cette  vertu  auxi- 
liatrice,  dévolue  au  martyre.  Elle  découle  d'une  loi  occulte 
que  Fabre  d'Olivet  a  bien  connue:  cependant  il  n'y  touche 
que  d'une  sorte  très  indirecte,  en  quelques  mots  réticents. 
Le  prompt  et  total  écroulement  de  l'immense  édifice 
bâti  par  Charlemagne  lui  en  fournit  le  prétexte  : 

«  Si  Charlemagne  (dit-il)  avait  intéressé  la  Providence  à 
son  œuvre,  son  œuvre  aurait  persisté  en  raison  même  de  l'ac- 
tion providentielle  qu'il  y  aurait  évoquée.  Voulez-vous  savoir 


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568  LA  CLEF  DE   LA  MAGIE  NOIRE 

comment?  Je  vais  vous  le  dire  et  vous  dévoiler  ud  grand  mys- 
tère ;  faites-y  attention.  Son  œuvre  aurait  persisté,  para 
qu'il  aurait  continué  à  la  conduire  (t).  » 

Eh  bien,  souffrir  la  mort  pour  ce  qu*on  croit  le  Juste 
ou  le  Vrai,  tel  est  le  plus  infaillible  rite  évocatoire  de 
l'action  céleste  ici-bas. 

La  prérogative  que  Gharlemagne  eût  acquise  en  faisant 
pacte  avec  la  Providence,  devient  le  partage  de  celui  qui 
meurt  pour  une  idée.  Cette  idée,  scellée  de  son  sang,  vi- 
vra désormais  de  sa  vie,  qu'il  lui  infuse  en  la  perdant. 

Jusque-là,  simple  abstraction,  la  doctrine  qu'il  défendait 
s'amalgame  avec  son  être  transfiguré;  il  la  sacre  d'im- 
mortalité ;  il  en  devient  l'ange  tutélaire,  mieux  encore  — 
l'Esprit  recteur  (2). 

Ainsi  se  légitime,  devant  la  raison,  cet  instinct  en 
apparence  déraisonnable,  qui,  chez  les  apôtres  de  toute 
foi  proscrite,  se  traduit  souvent  par  la  soif  du  martyre. 
Ainsi,  l'apparente  absurdité  se  justifie  en  s'érigeant  su- 
blime. 

Au  demeurant,  le  faux  sublime  confine  dangereusement 
au  vrai  ;  le  voisinage  même  de  l'absurde  en  fait  le  péril. 
La  pente  est  glissante  de  l'un  à  l'autre,  et  un  exemple 
s'impose  ici,  qui  donnera  fort  à  réfléchir  ! 

Le  vain  espoir  de  perpétuer  son  effort  de  réalisation 
n'a-t-il  pas  fait  trébucher  au  piège  du  suicide  l'un  des 
plus  illustres  maîtres  de  la  Doctrine  ésotérique  ?  Le  fail 


(1)  Histoire  philosophique  du  genre  humain,  tome  II,  page  90. 

(2)  Cf.  cette  tradition  avec  notre  théorie   des  Êtres  collectifs,  au 
chapitre  lu  :  le  rapprochement  ne  sera  point  stérile. 


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LA  MORT   ET  SES   ARCANES  569 

est  peu  connu.  Puisse-t-il  servir  d'éternelle  leçon  aux 
admirateurs  de  ce  grand  homtne,  que  d'incomparables 
ouvrages  désignent  sans  doute  pour  Timmortalité,  mais 
dont  l'œuvre  de  restauration  théocratique,  celle-là  préci- 
sément qu'il  se  flattait  d'éterniser  par  un  sanglant  sacri*- 
fice,  a  été  glacée  dans  son  germe  et  peut-être  stérilisée 
jusqu'en  son  principe  (1). 

C'est  que  le  théosophe  en  question  (n'importe  son  nom 
vénéré)  a  déplorablement  confondu  la  mort  volontaire 
avec  le  suicide.  La  différence  est  un  abîme  que  rien  ne 
saurait  combler. 

Jésus-Christ  pouvait  fuir,  le  soir  du  jardin  des  Olives; 
mais  il  a  voulu  boire  la  coupe  d'agonie  et  souffrir  la  mort 
infâme,  afin  que  tout  verbe  prophétique  reçût  son  accom- 
plissement. —  Jeanne  d'Arc  triomphante  pouvait  et  vou- 
lut d'abord  regagner  Domrémy,  une  fois  Charles  VU  sa- 
cré à  Reims  :  mais,  sur  les  instances  de  son  roi  qui  la 
conjurait  de  rester  pour  la  trahir  lâchement  ensuite,  la 
Pucelle  fit  le  sacrifice  de  sa  vie  ;  et  pourtant  sa  mission 
n'allait  pas  au  delà  du  sacre,  et  ses  Voix  l'en  avaient 
prévenue  (2).   Dès  lors,  et  de  science  certaine,  elle  se 

(1)  La  palme  du  martyre  est  bien  le  sceptre  d'une  royauté  posthume; 
mais  il  faut  des  mains  pures  pour  y  toucher. 

Un  exemple  d'actualité  notable  nous  est  offert  par  l'École  des  anar- 
chistes militants.  Leur  «  propagande  par  le  fait»  reste  un  crime,  et  de 
quelque  héroïsme  que  témoigne  ensuite  leur  attitude  en  face  du  cou- 
peret, vainement  se  flatteraient-ils  d'immortaliser  leur  dogme  subversif 
en  le  sacrant  sur  l'échafaud.  C'est  qu'ils  ont  donné  la  mort,  avant  de 
la  recevoir. 

Notre  docte  ami  Papus  a  très  bien  expliqué  comment  Karma  les 
accable  d'un  fardeau  qui  doit  paralyser  leur  action  d'outre -tombe. 

(2)  A  partir  de  ce  jour,  Jeanne  d'Arc  n'a  plus  été  qu'un  soldat  héroï- 
que. Son  mandat  céleste  était  périmé. 


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570  LA   CLEF   DE  LA   MAGIE   NOIRE 

vit  promise  à  la  trahison  et  dévolue  à  l'échafaud  !...  Voilà 
bien  la  mort  volontaire,  dans  l'héroïsme  de  son  sacrifice 
d'avance  et  librement  consommé,  dans  la  souveraineté 
de  son  irréfragable  vertu  posthume,  dans  Tapothéose 
anticipée  de  sa  victoire  douloureusement  conquise  sur  le 
«  dragon  du  seuil  »  !  —  Aussi  Christ  ressuscité  a-t-il 
subjugué  le  monde  ;  aussi  la  grande  ombre  de  Jeanne 
d'Arc  a-t-elle  chassé  de  France  Fennemi  d'outremer. 

Telle  est  la  loi  dispensatrice  d'une  royauté  future,  en 
faveur  de  qui  consent  au  libre  holocauste  de  son  exis- 
tence ici-bas  :  tandis  que  l'homme  qu'une  aberration, 
si  généreuse  soit-elle,  voue  au  suicide  proprement  dit; 
loin  de  se  sacrer  l'Intelligence  rectrice  d'un  cycle  à  venir, 
en  s'associantla  Providence  pour  partager  ses  préroga- 
tives ;  celui-là  double  son  mauvais  destin  d'un  pire  des- 
tin qui  est  son  œuvre  ;  il  appesantit  son  Karma  d'un 
nouveau  bagage  fatidique,  au  risque  d'en  être  accablé. 

Assurément  une  âme  bien  née  n'a  jamais  connu  ces 
basses  terreurs  que  la  seule  idée  de  la  mort  inspire  aux 
lâches.  Il  faut  savoir  faire  bonne  figure  à  la  mort,  immi- 
nente ou  seulement  possible.  Est-ce  à  dire  qu'il  soit  no- 
ble d'en  professer  le  mépris  ou  de  la  braver  étourdi- 
ment  ? 

Sombre  et  solennelle  énigme,  qui  se  pose  à  Tissue  de 
cette  autre  énigme,  —  l'existence,  —  la  mort  apparaît 
chose  grave  et  sérieuse,  qu'il  messied  d'aborder  le  sou- 
rire aux  lèvres.  Mais  se  précipiter  dans  son  gouffre, 
comme  Curtius,  c'est  une  suprême  témérité  qu'il  faudra 
payer  cher  et  longtemps. 


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LA  MORT  ET  SES  ARCANE&  :  571 

Soit  déserteur  affolé  des  luttes  d'ici-bas,  —  o.u  théoso- 
phe  vieilli  dans  la  contemplation  des  mystères  et  victime 
d'un  piège  de  Nahàsh,  —  ou  jeune  étourdi  qu'une  foi 
instinctive  en  l'autre  vie,  jointe  au  dédain  mortel  de 
celle-ci,  entraîne  à  franchir  d'un  bond  le  gouffre  qui  les 
sépare  :  la  science  occulte  n'excusera  ni  ce  désespéré  en 
quête  d'un  pire  désespoir,  ni  cet  algébriste  fautif  des 
problèmes  de  l'Au-delà,  ni  cet  enfant  terrible  de  l'immor- 
talité. 

Mais  fermons  cette  parenthèse.  —  Le  théâtre  de  la  Nature 
nous  convie  à  l'un  de  ses  spectacles  d'émotion  certaine. 

La  forfanterie  des  bravaches  ne  détonne  pas  moins 
que  le  rire  des  sceptiques,  au  grand  drame  de  la  mort 
physique.  Nous  n'évoquerons  du  reste,  pour  mieux  inti- 
mider le  public  et  doubler  son  épouvante,  ni  l'Enfer  et 
ses  brasiers,  ni  le  Diable  et  ses  cornes  :  vieilles  toiles  de 
fond  aux  bariolages  grimaçants,  aux  criardes  couleurs, 
hors  d'usage  de  longue  date  ! 

La  nudité  formidable  de  l'action  sera  d'effet  plus  in- 
tense dans  son  cadre  réaliste Mais  le  rideau  se  lève, 

Qu'est-ce  que  la  mort  ? 

C'est,  dans  tout  être  organisé,  la  rupture  du  lien  sym- 
pathique des  vies.  Le  gouvernement  centralisateur  venant 
à  fléchir,  l'anarchie  se  déclare  parmi  les  atomes  qu'il 
tenait  groupés. 

C'est,  au  point  de  vue  matériel,  immédiat,  la  victoire 
de  l'individualisme  moléculaire  sur  l'état  d'unitarisme 
collectif,  auquel  concouraient  ces  éléments  jusqu'alors 
associés.  La  dissociation  commence. 


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572  LA  CLEF  DE  LA  XAGIE  NOIRE 

Au  point  de  vue  de  l'être  qui  est  dit  —  mourir,  —  la 
mort  consiste  en  la  libération  de  Pâme  et  du  corps  astral, 
hors  de  Torganisme  qui  les  retenait  captifs  :  nous  don- 
nerons' plus  bas  une  étude  détaillée  de  cet  exode. 

Mais  pour  mieux  saisir,  dans  Tensemble  de  ses  opé- 
rations, ce  problème  compliqué  de  la  mort,  il  sera  bon 
de  rappeler  ici  l'esquisse  de  cet  infini  Prêtée  qui  est  la 
vie,  —  et  dont  nos  savants  positivistes,  indifférents  à 
l'essence,  ne  daignent  enregistrer  que  les  symptômes  phy- 
siques, comme  ils  n'en  savent  analyser  que  les  résidus 
matériels. 

Évidente  est  l'impuissance  de  nos  méthodes  actuelles 
k  surprendre  la  nature  de  la  vie  (énergie  omniprésente  ou 
omnilatente),  et  les  lois  qui  président  à  ses  manifestations. 
Cette  impuissance  est  avouée  par  l'un  des  plus  doctes 
penseurs  contemporains,  philosophe  et  chimiste  d'une 
égale  distinction  ;  bien  plus,  l'un  des  très  rares  qui  ont 
su  lever  un  coin  du  voile  sacré  d'Isis. 

«  Je  cueille  (dit  Louis  Ménard)  une  branche  chargée  de 
feuilles,  de  fleurs,  et  de  fruits  ;  j'en  détache  une  graine  et  je  la 
pèse.  Dans  l'autre  plateau  de  la  balance,  je  mets  le  même  poids 
d'une  autre  partie  de  la  plante  :  feuille,  fleur  ou  tige.  Voilà 
deux  masses  égales  de  matière  organisée  ;  elles  sont  formées 
des  mêmes  éléments  :  carbone,  hydrogène,  oxygène  et  azote, 
avec  un  peu  de  chaux  et  de  silice.  La  proportion  de  ces  éléments 
est  la  même,  et  ils  semblent  groupés  d'une  manière  identique. 
Pourtant,  si  je  mets  en  terre  ces  deux  poids  égaux  de  la  même 
substance,  l'un  vase  résoudre,  par  une  décomposition  succes- 
sive, en  molécules  plus  simples:  eau,  acide  carbonique,  ammo- 
niaque; l'autre,  la  graine,  va  tirer  du  sol  ces  mêmes  produits  : 
eau,  ammoniaque,  acide  carbonique,  pour  les  grouper  en 
molécules  complexes,  malgré  leurs  afQnités,  et  les  faire  servir 


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LA  MORT  ET  SES  ARCANES  573 

à.  la  germination  d'un  végétal.  Il  y  a  là  une  énergie  opposée 
aux  forces  chimiques  et  insaisissable  à  tous  nos  moyens  d'ana- 
lyse ;  c'est  la  Vie  (1).  » 

Après  avoir,  à  la  faveur  d'un  contrôle  expérimental  si 
simple  et  pourtant  péremptoire,  souligné  TinsuilBsance 
de  nos  méthodes  scientifiques  et  touché  du  doigt  les 
lacunes  de  l'enseignement  contemporain,  Louis  Ménard 
pose  cet  aphorisme  : 

(I  La  vie  n'est  pas  une  résultante,  c'est  un  principe.  De  ses 
attributs,  le  plus  caractéristique  est  sa  faculté  d'individua- 
tion  »...  c  L'individuation  (poursuit-il  bientôt)  est  une  donnée 
primordiale.  I^a  vie  est  un  terme  abstrait  représentant  le  mode 
d'activité  de  ces  énergies  particulières  qui  résident  au  sein 
des  germes.  Elles  seules  sont  réelles  et  observables,  non  en 
elles-mêmes,  mais  dans  leurs  manifestations,  objet  immédiat 
de  lascience.  Ce  sont  des  centres  d'action  et  de  réaction,  d'at* 
traction  et  de  répulsion  (2),  de  véritables  causes  preipières  ; 
du  moins  sommes-nous  obligés  de  les  considérer  comme 
telles,  puisque  nous  n'en  connaissons  pas  la  source  et  que 
nous  ne  pouvons  remonter  au  delà  de  leur  apparition. 

«  Voulez-vous  me  permetlrede  les  appeler  des  âmes  (3)?...» 

(i)  Rêveries  d'un  païen  mystique, pdxLonis  Ménard.  Paris,  Lemerre, 
4886,  in-12,  pages  76-77. 

(2)  Cf.  TÂvant-propos  de  la  présente  Clef  de  la  Magie  noire,  pages 
59-69. 

(3)  Rêveries  d'un  païen  mystique,  pages  77-78,  passim. 

Des  éimes  t  Jamais,  monsieur  Ménard,  les  physiologistes  du  positi- 
visme ne  vous  «  permettront  »  pareille  terminologie.  Que  dis-je  ?  Ils  ne 
vous  la  pardonneront  jamais.  —  Des  âmes  î  Où  en  avez- vous  observé, 
je  vous  prie?  Sous  l'objectif  de  quel  microscope?...  Comment!  c'est 
vous,  savant  imbu  de  nos  méthodes  modernes  et  ■  nourri  de  la  moelle 
des  lions  »,  c'est  vous  qui  avez  émis  ce  vocable  malsonnant  t  Mais  vous 
seriez  un  renégat,  si  vous  n'étiez  un  fantaisiste,  un  rêveur,  un  mys- 
tique,  un  poète,  et  disons-le  tout  de  suite  :  un  artistk  !  Voilà  le  mot 
qui  vous  absout  et  vous  condamne  sans  appel  ;  vous  n'êtes  pas  sérieux. 

N'en  convenîez-vous  pas  de  bonne  grâce,  quand  vous  intitul&tes  vos 


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574  LA   CLEF   DE  LA   MAGIE  NOIKE 

Considérer  la  vie  en  mode  d'individuation  physio-psy- 
chique,  et  décerner  à  tout  individu  radical  le  nom  d'âme, 
c'est  déjà  voir  très  clairet  aller  fort  loin.  Mais  ce  n'est  là 
qu'un  aspect  de  la  vérité. 

La  vie  ne  se  conçoit  pas  seulement  individuqlle  :  — au- 
dessus  des  individus  de  toute  race  terrestre,  comnre  de 
toute  hiérarchie  céleste,  elle  apparaît  collective,  univer- 
selle et  une  d'essence  ;  —  de  même  qu'au-dessous, 
mieux  vaudrait  dire  au  dedans  des  individus  corporels, 
cette  vie  s'affirme  molécularisée  (si  on  l'ose  écrire)  dans 
une  subdivision  de  multiples  énergies,  inhérentes  aux 
innombrables  cellules  constitutives  des  corps  vivants  ;  — 
enfin,  lors  de  la  décomposition  des  cellules  mêmes,  la 
vie  s'accuse  encore  en  chaque  atome  de  matière.  Toute 
affinité,  chimique  ou  auli'e,  suppose  vie  instinctive  et  tra- 
duit une  volonté  obscure...  La  cristallisation  est  une  des 
formes  sensibles  de  l'animation  minérale,  nous  pourrions 
dire  exotériquement  ;  les  cristaux  sont  des  corps  où  s'em- 
prisonnent les  âmes  minérales  vivantes  (1). 

Voilà  donc,  dans  un  homme,  par  exemple,  quatre  vies 


élucubrations  :  Rêveries  d'un  païen  mystique^  —  «  Rêveries  mysti- 
ques», vous  voilà  jugé  aux  yeux  de  la  Science  positive  et  de  la  saine 
philosophie  :  (vous  qui  aviez  donné  de  si  belles  espérances,  vous  l'inven- 
teur du  coliodion  )...  À  qui  se  fier  désormais  ?)  —  «  Païen  o  I  Fi  donc! 
Les  catholiques  scandalisés  vont  faire  chorus  avec  les  savants  sans  &me 
et  les  philosophes  sans  Dieu,  pour  vous  conspuer  et  vous  maudire. 

Ah  !  Monsieur  Ménard,  si  votre  livre  profond  et  fort  n'était  pas  un 
défi,  (le  gant  jeté  à  tous  les  sectarismes  par  un  chevalier  de  la  Tradi- 
tion), auriez -vous  assez  imprudemment  choisi  votre  titre  !... 

(1)  Seulement  dans  le  règne  minéral,  \d.\o\d*indimduation  ne  s'exerce 
qu'à  titre  exceptionnel  et  sous  un  mode  à  peine  distinct.  Dans  le  règne 
végétal,  elle  se  manifeste  déjà  beaucoup  plus  saisissable,  sans  devenir 


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LA   MORT  ET   SES  ARCANES  575 

ciistinctes  :  la  vie  universelle,  d'abord:  il  s'y  rattache  par 
la  vie  de  l'espèce  ;  —  sa  vie  propre,  ensuite,  celle  qui 
est  inhérente  à  son  être  individuel  (l)  ;  puis  la  vie  par- 
ticulière (réfractée)  de  chacune  des  cellules  dont  le  grou- 
pement organique  a  constitué  son  corps  ;  —  enfin,  au  de- 
gré inférieur,  la  vie  chimique  des  atomes  de  matière,  qui 
se  sont  groupés  eux-mêmes  pour  former  la  cellule. 

On  doit  concevoir  à  cette  heure  pourquoi,  cherchant 
à  définir  la  mort,  nous  avons  formulé  :  la  rupture  du 
lien  sympathique  des  vies. 

Ce  lien,  c'est  le  corps  astral,  enveloppe  de  l'àme  hu- 
maine. 

Comment  s'effectue  le  définitif  exode  de  l'un  et  de  l'au- 
tre (âme  et  corps  subtil)  hors  de  la  terre  de  captivité, 
nous  voulons  dire  de  l'organisme  physique,  — on  le  verra 
sous  peu  de  pages. 

Nous  supposons  la  mort  consommée. 

L'âme  (avec  sa  triple  vie  d'analyse  :  instinctive,  pas^ 
sionnelle,  mentale,  et  sa  vie  unifiante  de  synthèse,  voli- 
tive,  qui  ramène  le  ternaire  à  l'unité  absolue,  parle  qua- 
ternaire, cette  unité  contingente),  —  l'âme  est  partie, 
l'âme  est  ailleurs. 

Le  corps  astral,  ce  frein  agrégatif  du  triple  et  qua- 


encore  la  règle  absolue;  il  en  est  de  mémo  pour  les  plus  infimes  es- 
pèces du  règne  animal.  Mais  dans  les  races  supérieures  de  l'animalité 
comme  dans  le  règne  hominal,  chaque  exemplaire  d'une  espèce  constitue 
un  être  individuel  bien  à  part,  une  personnalité  parfaitement  tranchée. 
(1)  Cette  vie  individuelle,  ou  vie  de  Vdme,  est  elle-même  quaternaire  : 
les  trois  vies  intellectuelle,  passionnelle  et  sensitive  trouvent  leur  syn- 
thèse dans  la  vie  volitire,  qui  constitue  leur  unité  tonalisante  (voy. 
Fabre  d'Olivet). 


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? 


576  LA  CLEF  DE  LA  MAGIE  NOIRB 

druple  dynamisme  vital,  en  ses  rapports  avec  l'orga- 
nisme matériel,  ou  agglomérat  de  cellules  vivant  chacune 
d'une  étincelle  de  vie  par  réflexion,  —  le  corps  astral 
est  exhalé,  il  est  ailleurs. 

Reste  le  corps  physique.  Les  cellules  qui  le  constituent 
sont  autant  de  petites  bouteilles  de  Leyde,  ayant  emma- 
gasiné du  fluide  biologique  réfléchi.  Lesdites  cellules  ne 
sont  chargées  que  par  influence,  comme  on  dit  en  élec- 
tricité statique  (1). 

Les  systèmes  cérébro-spinal  et  nerveux  ganglionnaire, 
où  se  localisait  physiologiquement  la  forme  astrale  à  cette 
heure  disparue,  sont  donc  vidés  de  leur  fluide  lumineux 
circulatoire.  Ces  appareils  sont  morts  comme  appareils  ; 
la  seule  vitalité  moléculaire  y  réside  encore,  au  même  litre 
provisoire  qu'en  toutes  autres  parties  du  récent  cadavre  (2). 

(1)  S'il  s'agissait  d'un  courant,  comme  en  électricité  dynamique,  on 
serait  tenté  d'écrire  que  la  vitalité  cellulaire  s'engendre  par  tn^uc/t on. 
Mais  l'image,  plus  frappante  à  un  point  de  vue,  serait  moins  exacte  à 
l'autre,  puisque  c'est  en  vérité  le  courant  qui  fait  défaut  pour  centraliser 
toutes  ces  énergies  éparses. 

De  môme,  si,  détournant  la  vue  des  analogies  que  nous  offre  Télec- 
tricité,  nous  en  cherchons  d'autres  dans  les  lois  qui  régissent  la  lumière, 
nous  n'arrivons,  non  plus,  qu'à  des  à  peu  prés  :  nous  avons  recours 
alors,  selon  le  point  de  vue,  aux  épithètes  de  réfléchi  ou  de  réfracté, 
pour  définir  le  fluide  nourricier  des  cellules. 

(2)  Cette  vitalité  des  cellules,  réfléchie  et  passive,  forme,  par  addi- 
tion de  ses  atomes  subtils  juxtaposés,  une  phosphorescence  occulte, 
inséparable  du  corps  physique  vivant,  —  et  parfaitement  disUncte  du 
corps  astral  qui  peut,  à  rencontre,  sous  certaines  conditions,  sortir 
do  son  enveloppe  matérielle.  Qu'on  prenne  garde  à  ce  contraste.  Ainsi, 
la  vitalité  cellulaire,  statique  et  passive,  ne  s 'abmatérialise  jamais,  l'exis- 
tence durant  ;  tandis  que  la  forme  astrale,  cette  synthèse  de  la  force 
nerveuse  active  (ou  vie  dynamique  du  corps)  est  sujette  à  s'abmatéria- 
liser. 

La  première  est  Jiva  des  hindous,  inhérente  à  Rupa  (le  corps  maté- 
riel) ;  —  la  seconde  est  Linga  Sharira. 


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LA   MORT  ET  SES  ARCANES  577 

Celle-ci  s'épuise  rapidement,  comme  toute  provision 
n'est  plus  renouvelée,  et  la  décomposition  se  déclare  par- 
tout, avec  une  intensité  inégale... 

Il  s'en  faut  bien,  que  les  affinités  chimiques  soient  les 
seuls  artisans  de  cette  ruine  corporelle.  De  hideuses  Lar- 
ges y  viennent  collaborer,  que  les  kabbalistes  connais- 
sent et  désignent  sous  le  nom  de  Masikîm.  Sitôt  la  mort, 
dit  Isaac  de  Loria,  ces  monstres  se  disputent  le  cada- 
vre :  ils  s'abattent  sur  lui  par  trombes  et  s'amoncellent 
souvent  au  lieu  où  il  repose,  «  jusqu'à  une  hauteur  de 
quinze  aunes  par- dessus  lui.  »  Quoi  qu'il  en  soit  de  cette 
image...  romantique,  les  Masikim  sont  des  ferments  spé- 
ciaux de  putréfaction  ;  ils  viennent  hâter  la  restitution 
qui  doit  être  faite  à  l'orbe  planétaire,  de  tous  les  maté- 
riaux que  l'invisible  architecte  lui  avait  empruntés,  pour 
son  œuvre  d'édification  corporelle. 

Les  Masikim  sont  les  vers,  les  corbeaux  et  les  hyènes 
de  rinvisible...  Les  cellules  organiques  sont  leur  proie  : 
en  les  désagrégeant,  ils  mettent  en  liberté  la  force  fluidi- 
que  passive  qu'elles  retenaient  encore,  et  qui  bientôt 
conflue  au  réservoir  occulte  de  la  vitalité  terrestre. 

Il  semble  qu'en  certaines  variétés  de  cellules,  le  fluide 
soit  accumulé  à  plus  haute  tension  qu'en  d*autres  ;  du 
moins  la  vitalité,  s'y  conservant  un  temps  beaucoup  plus 
long,  manifeste-t-elle  encore,  bien  après  le  départ  du 
corps  astral,  l'impulsion  qu'elle  a  reçue  de  lui.  Exemple  : 
les  ongles  et  les  poils,  si  résistants  à  la  destruction,  qu'il 
n'est  pas  rare  de  les  voir  continuer  à  croître  :  ce  qui 
veut  dire  que,  loin  de  se  dissoudre,  leurs  cellules  sécrè- 
tent encore  de  la  matière  cornée. 

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578  LA  Gl.EF  DE  LA  MAGIC  KOIRE 

Mais  enfin,  comme  nous  Tavons  expliqué  plus  haut. 
rinfluence  accablante  d'Hereb,  (le  principe  constrictif  du 
Temps)  fait  partout  triompher  le  jeu  chimique  des  aflB- 
nités  d*atomes,  lequel  tend  à  dissoudre,  plus  ou  ntioins 
rapidement,  toutes  les  constructions  dont  la  Vie  avait 
été  Tarchitecte. 

Il  ne  parait  point  mal  à  propos  de  rappeler  ici,  en  les 
complétant,  les  notions  que  nous  avons  émises  sur  la 
nature  et  le  rôle  de  cet  âpre  et  mystérieux  ftereb,  dans 
ses  rapports  avec  lônah,  sa  douce  ennemie.  Ces  deux 
Puissances  exercent  une  décisive  action  dans  ce  monde 
hyperphysique,  où  nous  allons  bientôt  suivre  Todyssée 
des  éléments  qui  survivent  au  corps. 

La  terrestre  épreuve  durant,  l'être  humain  se  trouve  à 
l'abri  des  flux  et  reflux  de  la  substance  universelle  vi- 
vante, dont  les  ondes  incoercibles  bouillonnent  à  travers 
l'immensité.  Le  corps  physique,  —  pareil  au  scaphandre 
de  nos  plongeurs,  —  garantit  l'homme  des  atteintes  de 
cet  océan  collectif,  âme  mouvante  du  vivant  cosmos  (1), 
et  tumultueux  réservoir  des  êtres  de  toute  espèce,  pen- 
dant l'intervalle  de  leurs  successives  existences  (2). 


(1)  Nous  entendons  —son  âme  inférieure  et  instinctive. 

(2)  Est-ce  &  dire  que,  d'une  incarnation  matérielle  à  une  autre,  les 
âmes  soient  sans  trêve  emportées  à  la  dérive  de  ces  ondes  ignées  et 
torrentielles  ?  Non,  sans  doute.  Il  est  des  astres  éthérés  (dont  plusieurs 
invisibles  aux  meilleurs  télescopes),  astres  qui  constituent,  pour  chaque 
planète  de  l'existence  opaque,  l'antithèse  lumineuse,  que  Platon  nomme 
quelque  part  (Phédon)  VAntichtone  ou  la  terre  spirituelle.  C'est  le  séjour 
de  la  vie  agatho-fluidique,  où  les  âmes  victorieuses  delà  seconde  mort 
attendent,  revêtues  d'un  corps  subtil,  l'épreuve  d'une  future  réincar- 
nation sur  une.  planète  plus  dense.  Car  la  plupart  des  Psychés  ne  sont 


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LA  MORT  ET  SES  ARCANES  579 

Or,  cette  immensité  psycho-fluidique  est  mue  sans  trêve^ 
comme  nos  Lecteurs  l'ont  vu  déjà,  par  deux  agents  oc- 
cultes, recteurs  de  ses  courants  ;  une  force  astringente 
(pr\y  Ùereb)  et  une  force  expansive  (HJV  lônah)\  la  pre- 
mière constrictîve  au  long  de  la  chaîne  des  Temps; 
l'autre,  abondant  à  travers  les  plaines  de  l'Espace. 

On  sait  que  l'une  (lônah)  gouverne  l'amour,  la  géné- 
ration et  la  vie  :  c'est  le  sourire  de  la  Nature  et  l'atmo- 
sphère du  paradis  ;  —  l'autre  (Hereb)  pèse  en  despote 
sur  les  êtres  qu'il  afflige,  sous  les  espèces  lugubrement 
insaisissables  de  la  décrépitude,  de  la  mort,  et  de  la  se- 
conde mort;  ajoutons,  au  point  de  vue  mystique,  sous 
celles  de  Tépreuve,  du  purgatoire  et  de  l'enfer. 

Nous  avons  fait  entendre  au  premier  chapitre,  en  dé- 
voilant l'action  respective  de  ces  deux  forces  nuptiale- 
ment  hostiles  (1),  qu'une  telle  affinité  relie  l'amoureuse 
lônah  à  l'élément  lumineux,  et  le  dévorant  Hereb  aux 
ténèbres,  que   partout  oii   la  lumière  domine,   lônah 


pas  assez  pures  pour  gagner  tout  droit  le  soleil,  ce  bienheureux  séjour 
des  âmes  gloriQées,  définitivement  sauves  du  reflux  des  générations. 

Les  citoyens  de  l'Antichtone  ne  sont  point  assurément  rivés  à  leur 
astre  par  l'attraction  physique  :  ils  peuvent  s*élancer  dans  la  lumière 
astrale,  au  secours  des  agonisants  de  la  seconde  mort,  ainsi  qu'on  l'in- 
diquera plus  loin.  Mais  pour  qu'ils  séjournent  à  demeure  dans  l'atmo- 
sphère fluidique  de  notre  terre,  il  faut  que,  morts  ou  mourants  à  la  vie 
antichtonique,  eux-mêmes  soient  en  instance  de  terrestre  .incarna- 
tion. 

Voilà  pourquoi  nous  avons  écrit  ci-dessus  :  ■  pendant  l'intervalle  de 
leurs  successives  existences  »,  et  non  «  de  leurs  successives  incarna- 
tions  ». 

(i)  Dans  l'univers  physique,  I6nah  se  manifeste  en  déployant  la 
force  centrifuge  ;  —  Hereb^  en  lui  opposant  la  force  centripète  :  d'où 
la  gravitation  des  astres  et  toute  l'économie  de  l'Équilibre  universel. 


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S80  LA   CLEF  DE  LA   MAGIE  NOIRE 

remporte  la  victoire,  tandis  qu'Èereb  triomphe  où  règne 
robscurité  (1). 

Par  rapport  à  nous,  citoyens  du  monde  terrestre,  lônah 
exerce  sa  fécondité  dans  les  rayons  solaires  qui  viennent 
inonder  Tun  des  flancs  de  la  planète,  tandis  que  Vsuxtn' 
flanc  est  en  proie  à  THereb,  dont  Tâpreté  se  localise  dans 
le  cône  d'ombre  que  la  terre  traîne  à  sa  remorque,  en 
gravitant  par  les  cieux. 

Quelle  tempête  astrale,  avec  ses  courants  et  ses  tour- 
billons, s'engendre  du  formidable  antagonisme  entre 
Ùereb  et  lônah,  c'est  ce  que  les  initiés  savent  par  expé- 
rience; mais  chacun  peut  y  suppléer  par  Tinduction 
analogique.  Les  plus  violents  remous  d'un  liquide  en 
proie  à  deux  impulsions  contraires  en  offrent  un  peu 
l'image. 

On  se  figure  aisément  l'impression  de  vertige  et  d'eflfroi 


(1)  La  force  léthifère  (Hereb)  est  aussi  évidemment  inhérente  aux 
ténèbres  nocturnes,  que  la  force  vivifiante  (lônah)  est  liée  au  rayonne- 
ment du  jour.  Les  intuitifs  ne  sauraient  s'y  méprendre. 

Le  comte  Joseph  de  Maistre  semble  l'avoir  pressenti  avec  une  mer- 
veilleuse sagacité  :  •  L'air  de  la  nuit  (dit-il),  ne  vaut  rien  pour  l'homme 
matériel  ;  les  animaux  nous  l'apprennent  en  s'abritant  tous  pour  dor- 
mir. Nos  maladies  nous  l'apprennent  en  sévissant  toutes  pendant  la 
nuit.  Pourquoi  envoyez-vous  le  matin^  chez  votre  ami  malade,  demander 
comment  il  a  passé  la  nuit,  plutôt  que  vous  n'envoyez  demander  le 
soir  comment  il  a  passé  la  Journée?  Il  faut  bien  que  la  nuit  ait  quelque 
chose  de  mauvais.  »  (Les  soirées  de  Saint-Pétersbourg,  Paris,  1821,  2 
vol.  in-8,t.  Il,  page  82). 

Le  missionnaire  Hue  nous  détaille  les  cérémonies  bizarres  auzqueUes 
se  livrent  les  Chinois,  dans  l'espoir  de  sauver  un  moribond  :  elles  se 
célèbrent  le  plus  souvent  de  nuit,  car  c'est  un  précepte  de  doctrine  que 
«  l'âme  est  dans  Tusage  de  profiter  des  ténèbres  pour  s'en  aller.  •  (Cf. 
UEmpire  Chinois,  par  M.  Hue,  Paris,  1857,  2  vol.  in-12.  —  Tome  II. 
page  243). 


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LA   MORT  ET  SES  ARCANES  581 


dont  l'àme  est  poignée,  lorsque,  déjà  tout  étourdie  de 
son  cruel  divorce  avec  la  matière  dont  elle  a  brisé  les  en- 
traves, cette  âme  veut  prendre  son  essor.  Terrifiée,  au  seul 
pressentiment  du  goufire  vorace  et  de  ses  hôtes  mons- 
trueux, elle  bat  en  retraite  ;  son  premier  mouvement  est 
de  réintégrer  l'abri  protecteur  qu'elle  abandonnait  comme 
un  logis  en  ruines,  et  qui  lui  apparaît  à  cette  heure  le 
plus  désirable  des  refuges. 

Lorsqu'en  des  conjonctures  assez  rares,  Tàme  parvient 
à  reprendre  empire  sur  l'organisme,  le  mort  ressuscite  : 
alors  les  savants,  qu'intimide  ce  mot  de  résurrection, 
préfèrent  balbutier  ceux  de  léthargie  trompeuse,  et  de 
réveil  inespéré. 

Mais  presque  toujours,  soit  que  l'organisme,  lésé  à  titre 
pathologique  ou  traumatique,  se-  trouve  désormais  im- 
propre à  soutenir  l'existence;  soit  que  la  force  psychique, 
épuisée  durant  l'agonie,  fasse  défaut  à  la  volonté  pour 
ressaisir  le  gouvernement  du  corps,  (où  naguère  tant  de 
ressorts  cachés  obéissaient  à  la  moindre  injonction  voli- 
tive)  ;  —  l'âme,  dans  ces  deux  cas,  s'épuise  en  efforts  in- 
fructueux pour  reprendre  possession  de  l'épave  qu'elle 
vient  de  quitter. 

11  n'y  a  point  de  remède  au  mal,  dans  la  première  hy- 
pothèse. La  lésion  de  quelque  organe  essentiel  équivaut 
à  la  fêlure  entamant  une  carafe  de  cristal  :  la  liqueur 
subtile  de  la  vie  n'y  peut  plus  être  conservée.  Mais  dans 
l'autre  cas,  s'il  ne  s'agit  que  de  suppléer  à  l'extrême  dé- 
bilitation  dynamique,  l'œuvre  du  rappel  à  l'existence  peut 
être  tentée  par  un  thaumaturge.  La  réussite,  encore  que 
très  rare,  n'est  point  sans  exemples  bien  avérés. 


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582  LA   CLEF  DE   LA   MAGIE  NOIRE 

Les  grands  théocrates  fondateurs  de  religions  oui 
communément  accompli  ce  prodige,  le  plus  merveilleux 
de  tous  peut-être,  car  il  requiert  chez  son  auteur  des 
qualités  presque  contradictoires  :  autant  d'enthousiasme 
que  de  sang-froid,  et  d*amour  que  de  volonté. 

La  Bible,  TÉvangile,  les  Actes  des  Apôtres,  les  Vies  de 
saints  spécifient  un  assez  grand  nombre  de  cas  de  résur- 
rection: récits  d'événements,  à  coup  sûr,  et  non  point 
allégories.  C'est  Élie  et  le  fils  d'une  veuve  de  Sarepta, 
Elisée  et  le  fils  de  la  Sunamite,  Jésus-Christ  et  Lazare 
et  la  fille  de  Jaïr,  Saint  Pierre  et  Dorcas,  Saint  Paul  et 
Eutychès,  —  pour  ne  pas  sortir  des  livres  canoniques 
du  Christianisme. 

En  aucun  des  cas  plus  récents  que  nous  pourrions  in- 
voquer, l'organisme  du  sujet,  irréparablement  atteint 
dans  ses  œuvres  vives,  n'opposait  au  thaumaturge  un  veto 
péremptoire  :  la  mort  était  venue  par  congestion,  syn- 
cope, asphyxie,  ou  par  le  contre-coup  d'un  exceptionnel 
ébranlement  des  nerfs. 

On  cite  encore,  au  faubourg  Saint-Antoine,  l'exemple 
d'un  sieur  Candy,  rappelé  à  la  vie,  en  1799,  parun  raa- 
réchal-ferrant  du  quartier,  disciple  de  la  philosophie 
hermétique,  et  aux  mains  de  qui  la  médecine  universelle 
passait  pour  faire  miracle.  Il  avait  nom  Leriche,  et  géné- 
reux autant  que  serviable,  se  faisait  bénir  des  petites  gens. 
Appelé  au  chevet  de  Candy,  que  les  médecins  tenaient 
pour  trépassé  depuis  six  grandes  heures,  il  crut  perce- 
voir un  semblant  de  chaleur  vers  le  diaphragme  du  cada- 
vre, partout  ailleurs  de  glace.  Leriche  en  tira  un  favora- 
ble augure  et  risqua  l'épreuve.  Médecine  universelle  à 


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LA  MORT  ET  SES  ARCANES  583 


part  (la  sienne  était  sujette  à  caution),  les  moyens  qu'il 
mit  en  œuvre  font  penser  à  ceux  qu'emploient  les  hin- 
dous pour  réveiller  leurs  fakirs,  après  plusieurs  semaines, 
souvent  plusieurs  mois  d'inhumation  (1).  Cependant,  la 
maîtresse  du  défunt  pleurait  près  de  sa  dépouille  ;  elle 
parlait  à  l'âme  fugitive,  l'évoquait  en  quelque  sorte,  par 
ses  caresses  jointes  aux  plus  tendres  supplications..... 
En  peu  d'heures,  le  «  malade  »  fut  sauvé,  —  et  pour 
longtemps,  car.«  en  1845,  (dit  Éliphas),  il  vivait  encore, 
et  demeurait  place  du  Chevalier-du-Guet,  n°  6.  Il  racon- 
tait sa  résurrection  à  qui  voulait  l'entendre,  et  prêtait  à 
rire  aux  médecins  et  aux  prud'hommes  du  quartier.  Le 
bonhomme  s'en  consolait  à  la  manière  de  Galilée  et  leur 
répondait  :  oh  !  riez  tant  qu'il  vous  plaira.  Tout  ce  que  je 
sais,  c'est  que  le  médecin  des  morts  était  venu,  que  l'in- 
humation était  permise,  que  dix-huit  heures  plus  tard  on 
m'enterrait,  et  que  me  voici  (2).  » 

La  double  condition  à  quoi  satisfaire  (3),  en  pareille 
occurrence,  c'est  :  —  1*  de  mettre  à  la  disposition  de 
l'âme  en  allée  la  force  nerveuse  dont  elle  a  besoin  pour 
ressaisir  les  guides  de  la  vie  corporelle  ;  —  2°  de  secou- 
rir sa  volonté  chancelante,  en  l'enveloppant  dans  un  cer- 
cle de  désir  et  d'amour,  ou  en  tendant  vers  elle  une 


(1)  Cf.  le  Serpent  de  la  Genèse,  l,  le  Temple  de  Satan ,  pages  226- 
229. 

(2)  La  Clef  des  grands  Mystères,  p.  305. 

(3)  Noas  ne  disons  mot  des  soins  matériels  trop  évidents,  tels  que 
ceux  de  réchauffer  le  corps,  de  pratiquer,  s'il  se  peut,  la  respiration 
artificielle,  etc..  L'œuvre  n'est  point,  a  proprement  parler,  dans  l'usage 
de  pareils  adjuvants  :  ils  sont  pourtant  si  nécessaires,  que  le  fait  de  les 
négliger  perdrait  tout. 


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584  LA   CLEF  DE   LA   MAGIE  NOIRE 

chaîne  de  volontés  amies  (telle,  la  corde  de  sauvetage 
où  se  cramponne  un  malheureux  qui  se  noie). 

II  va  de  soi  que  la  chaîne  magique  satisfait  tout  en- 
semble à  ces  deux  desiderata,  comme  pile  génératrice  de 
fluides  vivifiants,  d'une  part  ;  et  de  l'autre,  comme  appa- 
reil dynamisateur  des  vouloirs  unifiés  vers  un  but  à 
atteindre.  La  collaboration  d'un  bon  médium,  généreu- 
sement résigné  au  sacrifice  d'une  portion  de  sa  force  ner- 
veuse, pourrait  être  d'un  secours  décisif. 

Si  le  thaumaturge  est  seul,  il  recourra  au  procédé  d'in- 
cubation magnétique,  tel  que  Saint  Paul  le  mit  en  œuvre 
avec  succès  pour  ressusciter  Eutychès.  Étendu  corps  à 
corps  auprès  du  cadavre,  les  extrémités  en  contact  avec 
les  siennes,  l'adepte  pratiquera  lentement  l'insufflation, 
bouche  à  bouche,  avec  une  extrême  tension  de  vo- 
lonté. 

La  prière,  jointe  aux  signes,  —  mieux  encore,  aux  sa- 
crements de  la  religion  commune  au  défunt  et  au  psy- 
churge,  —  serait  une  aide  inappréciable,  en  ces  suprê- 
mes tentatives.  Nul  ne  s'en  étonnera,  qui  aura  pénétré  la 
doctrine  des  hiéroglyphes  d'appui,  et  celle  de  la  chaîne 
magique,  reliant  à  la  communion  intégrale  de  ses  core- 
ligionnaires, quiconque  fait  usage  des  signes  sacramen- 
tels d'un  culte  en  vigueur. 

Nous  ne  saurions  nous  défendre  de  transcrire  à  cette 
page  le  simple  récit  d'une  résurrection  que  nous  n'avons 
garde  de  suspecter;  elle  date  d'une  trentaine  d'années  au 
plus.  Voici  en  quels  termes  le  magiste  Éliphas,  au  IX* 
cahier  de  sdi  Correspondance  intime  avec  son  élève,  M.  le 
baron  Spédalieri,  raconte  comment  il  lui  fut  donné  de 


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LA   MORT  ET   SES  ARCANES  585 

r^appeler  à  la  vie  son  propre  enfant,  une  petite  fille,  hélas, 
morte  depuis. 

«  L'enfant  (écrit-il)  était  froide  ;  le  cœur  ni  le  pouls  ne  bat- 
taient plus J'emporte  le  pauvre  corps  sur  un  lit  ;  j'ouvre 

mes  vêlements,  je  la  place  sur  ma  poitrine  ;  je  lui  souffle  à  la 
fois  dans  la  bouche  et  dans  tes  narines  :  je  sens  qu'elle  com- 
mence à  se  dégourdir.  Alors,  je  prends  un   peu  d'eau  tiède,  et 
je  m'écrie,  en  la  lui  versant  doucement  sur  le  front  :  Maria  ! 
Si  quid  est  in  baptismate  catholico  resurrectianis  et  vitœ, 
vive  christiana  :  ego  enim  te  haptizo,  in  nomine  f  Patrie  et 
-[-  Filii  et  f  Spintûs  sancti.  Amen  !  Mon  ami,  je  ne  vous  ra- 
conte pas  ici  des  rêves.  L'enfant  ouvrit  immédiatement  ses 
grands  yeuxbleus  étoiinés  et  se  mit  à  sourire.  Je  me  levai  pré- 
cipitamment avec  un  grand  cri  de  joie,  et  je  la  portai  dans  les 
bras  de  sa  mère,  qui  ne  pouvait  en  croire  ses  yeux Re- 
marquez bien  que  je  ne  crois  pas  au  miracle,  tel  que  le  com- 
prend le  vulgaire;  mais  il  ya  pou  rtant  bien  quelque  chose.dans 
de  pareils  faits,  qui  passe  l'intelligence  de  l'homme  (1)...  9 

Toutes  les  grandes  religions  ont  eu  des  rites  relatirs 
au  résurrectionnisme  ;  mais  ces  rites  ne  purent  être  ja- 
mais que  d'exception,  vu  l'extrême  rareté  des  cas  où  cette 
œuvre  thaumaturgique  semble  offrir  quelques  chances  de 
succès. 

Il  fut  de  tradition  sacerdotale,  à  toute  époque,  de  ne 
tenter  qu'à  peu  près  à  coup  sûr  le  miracle,  ou  ce  qui  doit 
passer  pour  tel  (2).  Le  pontife  agit  au  nom  de  Dieu  :  il 


(1)  Correspondance  d'Éliphas  Léviavec  M.  le  baron  Spédalieri.  Mss. 
inédit,  IX'  cahier,  page  2Z,passim. 

(2)  Qu'on  n'objecte  pas  les  grands  pèlerinages,  les  miracles  de 
Lourdes  et  de  la  Salette.  ^  Là,  c'est  la  foule  des  fidèles  qui  va  implo- 
rer la  Sainte  Vierge  ;  et  non  le  prêtre  qui  commande  au  miracle  et 
rannonce  d'avance  au  nom  du  Ciel.  A  Lourdes  et  dans  les  sanctuaires 
analogues,  le  rôle  du  prêtre  se  borne  à  dire  :  «  Pria,  ayez  la  foi;  faites 


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586  LA  CLEF  DE  LA   MAGIE   NOIRE 

n'a  pas  le  droit  de  se  tromper,  et  répugnera  toujours  à 
risquer  un  échec.  Aussi  ne  tentera-t-il,  —  du  moins  offi- 
ciellement et  en  public,  —  une  œuvre  à  ce  point  aléa* 
toire,  s'il  n'y  va  d'un  intérêt  majeur  pour  son  Église.  En- 
core prendra-t-il  soin  de  subordonner  les  rites  solennels 
du  résurrectionnisme  à  ceux  d'une  cérémonie  occulte 
préalable,  qui  lui  accordéon  lui  refuse  l'indice  d'une  heu- 
reuse issue. 

Si  l'on  nous  demandait  où  nous  puisons  la  substance 
d'informations  aussi  précises,nous  dirions,  sans  nous  ex- 
pliquer davantage,  que  c'est  à  la  réserve  ésotérique,  — 
source  toujours  une  et  invariable  des  multiples  symbo- 
lismes  et  des  cultes  contradictoires  d'aspect  qui  se  sont 
succédés  sur  la  terre. 

Il  n'est  point  d'autorité  légitimement  initiatique  dont 
nous  ayons  à  craindre  un  démenti.  Les  enseignants  qui 
pourraient  nous  contredire  ont  perdu  la  clef  de  leurs  pro- 
pres mystères.  Quant  à  ceux  qui  savent,  le  seul  reproche 
qu'ils  seraient  tentés  de  nous  faire,  d'aventure,  c'est  de 
nous  être  montré  trop  explicite.  Mais  ils  n'ignorent  point, 
ceux-là,  que  nul  engagement  ne  nous  lie,  et  que,  pour- 


jaillir  de  vos  cœars  vers  la  Bienheureuse  Vierge  un  suprême  élan  de 
confiance  et  d'amour!  Peut-être  serez- vous  exaucés,  comme  beaucoup 
l'ont  été  déjà».  Elles  miracles,  assez  fréquents,  sont  toujours  en  rai- 
son directe  des  influx  collectifs  d'enthousiasme  et  de  résignation  mys- 
tique à  la  Volonté  d'En  haut. 

Quant  aux  miracles,  et  particulièrement  aux  résurrections,  opérés 
par  de  saints  personnages,  dans  une  irrésistible  jaculation  de  charité 
et  de  foi,  nous  n'avons  garde  d'y  contredire.  Exemple  :  Saint  François 
Xavier  aux  Indes.  Ce  sont  là  œuvres  spontanées  et  individueUes,  nul- 
lement sacerdotales  et  ritualisées  ;  le  secret  en  reste  entre  Dieu  même 
et  l'instrument  humain  qu'il  a  choisi. 


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LA   MORT   ET  SES  ARCANES  587 


nt,  nous  sommes  des  leurs,  dévoués  à  la  mêmeœuvre, 

tendant  au  même  Ciel!... 

Le  vêtement  de  la  Vérité  change,  mais  la  déesse  de- 
eure,  et  son  esprit  rayonne,  immuable  éternellement, 
)us  les  variations  temporelles  delà  lettre. 

Cest  s^u  culte  catholique  lui-même  que  nous  allons  de- 
lander  un  exemple  confirmatif  des  allégations  que  notre 
^ublic  a  prises  peut-être  pour  paradoxales. 

Le  rite  que  nous  mettrons  en  lumière  nous  fournira 
'occasion  d'exposer  à  mesure  les  mystères  posthumes 
mxquels  il  a  trait,  et  dont  nous  réservions  le  détail  pour 
les  pages  qui  vont  suivre. 

On  lit  dans  Y  Histoire  des  Chapelles  papales  : 

«  A  peine  le  papi  a-t-il  cessé  de  vivre,  que  le  cardinal 
camerlingue,  prévenu  par  le  maître  des  cérémonies,  se 
rend,  EN  HABIT  VIOLET,  dans  le  palais  et  au  pied  du  lit 
où  repose  Fanguste  défunt,  le  visage  couvert  d*un  voile 
blanc.  Le  cardinal  fait  la  génuflexion  et  une  courte 
prière;  il  se  relève,  et  les  adjuvants  de  chambre  décou- 
vrent la  figure  du  pape;  puis,  s*approchant  du  corps,  IL 
FRAPPE  TROIS  FOIS  SUR  LA  TÊTE  DU  PONTIFE  AVEC 
UN  PETIT  MARTEAU  D'ARGENT,  et  L'APPELLE  TROIS 
FOIS  PAR  SON  NOM.  Il  se  tourne  ensuite  vers  les  assis- 
Unts,  et  dit  :  LE  PAPE  EST  RÉELLEMENT  MORT  (1).  » 

Qu'est-ce,  en  vérité,  que  cette  bizarre  cérémonie?... 
Quelles  gorges  chaudes  pour  les  incrédules  !  Jamais  rite 
plus  singulier  et  moins  justifiable  a-t-il  enrichi  l'histoire 
des  pratiques  superstitieuses  ? 

(1)  Histoire  des  chapelles  papales,  page  477. 


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588  LA   CLEF  DE   LA   MAGIE  NOIRE 

C'est  une  superstition,  en  effet,  c'est-à-dire  une  forn. 
religieuse  qui  se  survit  à  elle-même,  et  comme  un  résid  ' 
de  la  science  sacerdotale  épuisée  ;  c'est  un  symbole  éteint 
veuf  de  la  flamme  vivante  qui  fut  son  âme  ;  c'est  la  de-' 
pouille  enfin  d'une  thaumaturgie,  d'efficace  vertu  sar- . 
doute  aux  âges  de  science  et  de  foi,  mais  qui  s'est  pétri- 
fiée dans  la  matérialisation  générale  des  dogmes^  dan* 
l'incurie  des  enseignants  et  l'indifférence  des  fidèles. 

Ah!  la  plaine  des  ossements,  dans  la  prophétie  d'Ezt^- 
chiel  !  Dogmes  et  rites,  cadavres  épars  d'une  religion  qui 
fut  universelle  (i),ils  gisent,  enlisés  dans  la  lettre  mortf 
comme  des  squelettes  dans  le  sable  du  désert  ;  Vàme 
vivante  s'en  est  allée,  et  l'esprit  vivificateur  n'est  plus  là. 
—  Mais  vienne  à  souffler  cet  esprit  qui  souffle  avec  les 
quatre  vents  du  ciel,  et  les  os  se  rapprocheront,  soudain 
revêtus  de  muscles  et  de  chair  ;  et  les  ressuscites  surgi- 
ront à  l'appel  d'en  haut,  glorifiant  le  Seigneur,  et  ver- 
meils de  tous  les  fluides  de  leur  vie  renouvelée  ! 

0  vieux  rites,  ô  défunts  symboles,  ainsi  votre  âme  vous 
sera  rendue,  quand  le  Christianisme,  retrempé  aux  flots 


(1)  Toute  religion  envisagée  comme  culte  est,  k  strictement  parler, 
l'adaptation  de  la  Vérité  éternelle  à  une  époque,  à  une  race,  àun  pa^-s; 
c'est  son  incarnation  dans  une  forme  mystique  plus  ou  moins  adéquate, 
générée  sur  tel  point  d'intersection  du  Temps  et  de  TEspace  :  donc  re- 
lative et  transitoire,  au  même  titre  que  toutes  choses  astreintes  à  ces 
deux  conditions  de  l'existence  manifestée.  Ainsi,  toute  religion  se 
conçoit  forcément  particulière»  à  Tégard  de  ses  symboles,  car  ils  va- 
rient de  Tune  à  l'autre;  mais  elle  peut  se  concevoir  universeiie,  à 
l'égard  de  l'immuable  Esprit  que  ces  symboles  traduisent.  Tant  que  la 
lumière  intérieure  s'irradie  à  travers  les  emblèmes  du  culte,  et  que 
l'immortel  Ésotérisme,  cette  âme  des  religions,  en  vivifie  les  formes 
extérieures,  on  peut  parler  de  religion  universelle  :  c'est  le  vrai  sens 
du  mot  catholique. 


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LA  MORT   ET   SES   ARCANES  589 

le  sa  source,  en  sortira  transfiguré  ;  quand  réternelle 
*eligion  qu'il  manifeste,  émettant  le  soufïle  réparateur  de 
jon  ésotérisme  intime,  ressuscitera  la  lettre  morte  au  bai- 
ser de  l'immortel  esprit. 

Ce  miracle,  que  nos  cœurs  unanimes  attendent  en  bat- 
tant d'espoir,  peut-être  n'appartient-il  qu'au  Souverain 
Pontife  de  l'accomplir,  quand  l'heure  de  la  Providence 
aura  sonné  au  cadran.  Le  cycle  de  PierrCy  étant  révolu, 
marquera  Tavénement  du  cycle  de  Jean  ;  l'ère  du  Christ 
douloureux  sera  close  alors,  et  Ton  verra  poindre  à  l'ho- 
rizon l'aube  du  Saint  Paraclet,  inaugurant  le  règne  du 
Christ  glorieux,...  sur  la  terre  comme  au  Ciel...  Amen  ! 
Hâtez  ces  temps  bénis,  Très-Saint- Père.  En  vos  mains 
sont  les  deux  clefs  qui,  suivant  une  tradition  vénérable 
par  son  âge,  commandent  les  portes  du  Ciel  et  de  l'En- 
fer. D'équivoques  et  redoutables  paroles  en  soulignent 
l'emblème  :  «  Il  ouvre,  et  nul  ne  fermera  plus  ;  il  ferme, 
et  personne  ne  pourra  plus  ouvrir.  Aperit  et  nemo  clau^ 
del^  claudit  et  nemo  aperiethy  Si  vous  avez  tout  pouvoir 
au  spirituel,  vous  avez  aussi  toute  responsabilité,  étant 
Celui  qui  lie  et  qui  dénoue  ! 

Hâtez  ces  temps,  Très-Saint-Père.  La  Providence  n'est 
présente  que  là  même  où  on  l'évoque.  C'est  Elle  qui  vous 
inspirera  d'ouvrir  l'ère  nouvelle,  où  la  Science  et  la  Foi 
réconciliées  marcheront  de  pair,  appuyées  Tune  sur  l'au- 
tre ;  mais  pour  que  la  Providence  vous  éclaire,  il  faut 
que  vous  sachiez  la  rendre  présente  à  vos  conseils... 
Hâtez  ces  temps  bénis  ! 

Dans  celte  attente  de  l'avénemênt  du  Paraclet,  qui  est 

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590  LA   CLEF  DE  LA   MAGIE  NOIRE 

précisément  cet  Esprit  dont  parle  le  Prophète,  s'il  n  e^  ■ 
point  donné  à  la  science  laïque  de  ressusciter  les  mori^ 
elle  peut  du  moins  galvaniser  les  cadavres. 

C'est  Texpérience  que  nous  allons  tenter,  en  éleclr.- 
sant  ce  vieux  rite  au  courantderÉsotérismetraditionne! 

Le  rite  du  marteau  d'argent  et  du  triple  appel  consL- 
tue  une  cérémonie  magique  au  premier  chef.  —  Ce  n'es: 
pas  qu'il  semblât  dilHcile  de  signaler  à  toutes  pagres  de> 
rituels  catholiques  d'autres  cérémonies  aussi  notoirement 
occultes  ;  mais  enfin,  si  nous  relevons  celle-là  de  préfé- 
rence, nous  avons  en  vue  la  singulière  portée  de  son 
esprit,  non  moins  que  Tà-propos  des  commentaires  que 
va  requérir  son  élucidation. 

Pour  justifier  en  effet  l'emploi  du  marteau  d'argent,  il 
faut  dépouiller  de  leurs  voiles  deux  mystères  très  profonds  ; 
l'un  plutôt  kabbalistique  :  la  possibilité,  dans  certains  cas, 
de  rappeler  à  la  vie  un  cadavre,  ou  du  moins  ce  qu'on 
est  convenu  de  nommer  ainsi  ;  —  l'autre  plutôt  religieux, 
car  les  Docteurs  du  Catholicisme  l'enseignent  sous  le  sym- 
bole du  jugement  des  imes  par  Jésus-Christ,  à  Tinstant 
de  la  mort.  Telle  est  d'ailleurs  la  connexité  de  ces  deux 
arcanes,  qu'on  serait  fort  empêché  d'éclaircir  entièrement 
le  premier,  sans  avoir  fait  un  coup  de  jour  sur  Tautre. 

Nous  avons  exposé,  en  quelques  traits  rapides,  ce 
qu'est,  au  sentiment  des  adeptes,  la  Mortconçue  synthé- 
tiquement,  dans  l'ensemble  de  ses  éléments  constitutifs. 
Il  importe  à  présent  d'indiquer  comment  s'accomplit  le 
phénomène  de  l'abmatérialisalion  posthume  (ou  libéra- 
lion  de  la  Psyché)  :  en  d'autres  termes,  le  divorce  entre 


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LA  MORT  ET  SES   ARCANES  591 

bomme  psychique  qui  survit,  et  Thomme  matériel  qui, 
leurt  et  se  décompose,  —  phénomène  qui  coïncide  avec 
arrêt  des  fonctions  vitales. 

Nous  disons  improprement  que  ces  deux  phénomènes 
oï7icident  :  c'est  affaire  de  prendre  un  moyen-terme.  Car 
antôt  l'exode  animique  précède  immédiatement  l'arrêt 
les  principaux  organes,  tantôt  —  et  le  plus  souvent  — 
3et  arrêt  précède  et  détermine  l'exode. 

En  effet,  imaginons  d'une  part  un  médium  cataleptisé 
en  séance  de  matérialisation,  ou  un  occultiste  en  phase 
de  dédoublement  (sortie  du  corps  astral)  :  une  impru- 
dence a  été  commise  ;  le  lien  sympathique  venant  à  se 
rompre,  occasionne  la  mort  (1).  D'autre  part,  supposons 
un  soldat  frappé  d'une  balle  au  cœur.  —  Dans  la  première 
hypothèse,  l'exode  provoque  ou  du  moins  précède  l'arrêt 
fonctionnel  ;  dans  l'autre  cas,  c'est  l'arrêt  fonctionnel  qui 
détermine  l'exode. 

Encore  faut-il  se  garer,  en  matière  aussi  délicate,  de 
termes  trop  absolus  ou  trop  prompts  à  peindre  laconsom- 
nnation  de  phénomènes  lentement  déployés  et  d'un  accom- 
plissement progressif. 

Force  nous  est  de  rappeler  ici  ce  que  nul  n'ignore, 
peut-être.  Un  corps  est  là,  livide,  en  train  de  se  glacer  : 
les  poumons  ne  respirent  plus,  le  cœur  a  cessé  de  battre; 


(1)  Éliphas  Lévi  noas  cite  un  cas  de  mort  soudaine,  attribuable  à  la 
même  cause  que  l'exemple  choisi  par  nous.  L'exode fluidique  y  estévl- 
demment  antérieur  &  l'arrêt  des  fonctions  vitales.^Quoi  qu'il  en  soit,  ce 
premier  ternie  de  l'alternative  est  beaucoup  plus  rare  que  l'autre.  (Voy. 
ia  Clef  des  Grands  Mystères,  pages  137-138), 


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592  LA  CLEF  DE  LA   MAGIE  NOIRE 

pour  tous,  c'est  un  cadavre,  c'est-à-dire  la  dépouille  d'un 
homme  qui  est  mort...  Cependant,  le  foie  secrète  tou- 
jours de  la  bile;  la  moindre  excitation  électrique  se  tra- 
duit par  une  vive  contraction  des  muscles.  Bref,  certai- 
nes fonctions  organiques  s'exercent  encore. 

L'on  errerait,  à  définir  la  mort  une  cessation  instantanée 
et  décisive  de  toutes  les  fonctions  corporelles.  Nous  ver- 
rons tout  à  l'heure  qu'il  n'est  pas  plus  juste  de  soutenir 
rimmédiatité  de  l'exode  animique  et  astral. 

C'est  même  sur  la  lenteur  concomitante  et  la  progres- 
sion réciproque  des  deux  phénomènes,  qu'est  fondée 
toute  la  théorie  du  résurrectionnisme,  telle  que  jadis  on 
la  transmettait  oralement  dans  les  temples  aux  initiés 
d'un  grade  supérieur. 

Le  programme  du  présent  chapitre  comporte  l'esquisse, 
en  ses  traits  essentiels,  de  cette  théorie  Ihaumalurgique, 
—  elle-même  indissolublement  liée  à  l'arcane  mystique 
du  premier  jugement  des  âmes  par  le  Christ;  traduisons  : 
à  la  loi  providentielle  de  justice  et  d'équilibre,  qui  fixe  le 
destin  et  la  localisation  posthume  des  divers  éléments, 
naguère  constitutifs  de  l'homme  individuel. 

Ces  éléments,  quels  sont-ils  ?  Nous  le  savons  déjà.  La 
sainte  Kabbale  en  compte  quatre  principaux  :  «^W  Goûph^ 
le  corps  ;  MfSii  Nephesh,  le  Corps  astral  ;  —  TVn  Romeh, 
râmeetnau^J  Neschamahy  l'esprit  (1). 


(1)  Les  hindoas  nomment  le  corps  Ritpa  ou  Sthuîa^Sharira;  le  corp? 
astral,  Linga-Sharira;  l'âmè  humaine,  Manas,  et  l'Esprit  pur,  Aima. 

Par  des  subdivisions, — d'ailleurs  analytiques  et  facultatives,  d'aucuns 
diraient  arbitraires,  —  les  adeptes  de  la  thèosophie  boudhiste  obtien- 
nent une  constitution  septénaire  de  l'homme,  au  sujet  de  laquelle  on 


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LA   MORT   ET   SES   ARCANES 


593 


Li'àme  seule,  selon  les  enseignements  de  Tradition 
►i^lhodoxe,  Vâme  seule  (l)  nous  appartient  en  propre  : 
^lle  constitue  notre  substance  individuelle. 


peut  lire  dans  le  Lo/ux des  débats  interminables,  diffus  et  médiocrement 
concluants  :  unanimes  sur  le  principe  d'une  classification  septénaire, 
les  diverses  écoles  ésotériques  de  la  péninsule  ne  peuvent  tomber  en- 
tièrement d'accord  sur  le  détail  des  sept  éléments,  leur  ordre  hiérar- 
ohàique,  ni  leurs  fonctions  respectives. 

En  fait  de  classiûcation  analytique^  la  Kabbale  nous   propose,  abs- 
traction faite  du  corps  physique,une  subdivision  des  trois  principes  su- 
périeurs en  neuf  éléments,  nomenclature  qui  semble  avoir  la  logique 
pour  elle. 

Cependant  nous  pourrions,  d'accord  avec  M.  Sinnett,  et  sans  contre- 
dire  la  Kabbale  ni  Pabre  d'Olivet,  établir  une  classification  plausible 
en  quatre  entités  et  sept  éléments,  comme  suit  : 


natr: 


mi 


tps: 


T^ 


L'ESPRIT  PUR  

I  Vâniê  intelligente  et  spiri- 

ëg.     l     tuelle  - 

S  J  S    ]cdme  p<u»ionnelle,  logique 

^  "S  ^  \    et  eompréhemive 

^•r**  ii^àme   instinctive   et    tm- 
—  "§      I     pultioe  

LE  CORPS  ASTRAL  

phosphoreteent  (la  viU- 

lilé)    

LECORPS( 

matériel    (  la    chair    et 

les  ou) 


7 

6 



5 



4 



3 

2 



1 



ATMA. 
BLODHI. 
MANAS. 
KAMA  RUPA. 
LINGA  SHARIRA 
JIVA. 

RUPA. 


(1)  Elle-même  vit,  nous  l'avons  déjà  plusieurs  fois  marqué,  des  trois 
vies  intellectuelle,  psychique  et  instinctive  [alias  :  spirituelle,  passion- 
nelle el  sensitive).  La  vie  psychique,  intermédiaire,  est,  pour  ainsi  dire, 
la  vie  de  sa  propre  substance  ;  dans  sa  vie  intellectuelle  se  réfléchit  la 
Nature  providentielle  et  naturante;  dans  sa  vie  instinctive  se  résume 
la  Nature  fatidique  et  naturée.  Une  quatrième  vie,  celle  de  la  Vo- 
lonté propre,  enveloppe  les  trois  autres,  dont  elle  constitue  le  lien 
agglutinant,  et  réalise  la  synthèse  unitaire  (Voy.  Fabre  (TOliret). 

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894  LA   CLEF   DE  LA  MAGIE  NOIRS 


L'esprit,  ess^m^  illuminative,  est  une  étincelle  divise 
irradiée  du  Principe  mâle,  qui,  fécondant  Tâme,  Prindi^ 


féminin,  engendre  en  elle  ^intelligence  (i),  ou  conscient- 
supérieure  de  son  individualité* 

Quant  au  corps  astral,  actuelle  expression  de  la  fâcultt^ 
plastique,  immanente  à  Tâme,  il  n'est  autre  que  le  patror 
sur  quoi  se  détermine,  s'informe  et  se  modèle  notrp 
corps  physique.  Nous  supposons  bien  connu  ce  troi- 
sième élément,  dont  nous  avons  traité  assez  au  lon£^  dan? 
cet  ouvrage  et  même  en  ce  chapitre.  Puisque  des  méta- 
phores peuvent  seules  faire  soupçonner  la  nature  d'en- 
tités occultes  telles  que  le  corps  astral,  disons  encore 
qu'on  peut  voir  en  lui  Téchafaudage  virtuel,  à  la  faveur 
de  quoi  se  construit  et  s'élève  lentement  cette  bâtisse  de 
chair,  de  muscles  et  d'os  qui  s'appelle  le  corps  humain  ; 

—  en  un  mot,  le  moule  invisible  de  la  forme  visible. 
Engageons  notre  Lecteur  à  concentrer  son  attention  ; 

l'objet  qui  s'offre  à  sa  vue  mentale  en  vaut  la  peine. 
Jamais,  semble-t-il,  aucun  occultiste  n'a  précisé  d'une 
plume  un  peu  nette  la  distinction  que  voici.  Elle  est  du 
reste  assez  délicate  à  saisir. 
Puisque  l'esprit  pur  est  d'essence  divine,  universelle, 

—  et  que  la  forme  matérielle  se  réduit  à  une  agrégation 
de  molécules  vivantes,  groupées  sur  le  patron  du  double 
éthéré,  ni  Vun  ni  Vautre  ne  nous  appartient.  C'est  d'un 
côté,  la  lumière  céleste  qui  se  réfléchit  en  nous  ;  de  l'au- 


(1)  Quand  les  Kabbalistes  envisagent  Netchamah  comme  appartenant 
en  propre  à  l'homme  individuel,  ils  entendent  non  plus  VExprii  pur, 
mais  V Intelligence  qui  le  reflète. 


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LA   MORT  ET  SE$   At\CA?lE§ 


tre,  un  simple  emprunt  que  nous  faisons  à  la  planète, 
et  qu'à  la  mort  nous  lui  restituerons  jusqu'au  dernier 
atome  :  —  écartons  pour  un  instant  l'esprit  et  le  corps. 
Restent  l'âme  et  le  corps  astral  :  ils  constituent  ici- 
bas  la  substance  individuelle  de  l'homme  (1). 

Eh  bien,  nous  disons,  qu'à  l'âme  proprement  dite  se 
restreint  Ibl  persontialité  vraie  ;  ei  que  le  corps  astral  sert 
d*enveloppe  et  de  moule  à  la  fausse  personnalité. 

La  personnalité  vraie,  c'est  la  substance  propre  de  l'ê- 
tre individuel,  conscient  et  libre.  —  La  fausse  person- 
nalité, c'est  la  substance  de  superfétation,  d'acquisition 
éventuelle  :  une  assimilation  pseudo-psychique,  ambiguë, 
et  susceptible  de  se  fusionner  avec  l'âme,  temporaire- 
ment, il  est  vrai  ;  toutefois,  d'une  sorte  assez  intime  pour 
que,  tant  que  dure  la  vie  terrestre,  il  devienne  difficile, 
sinon  radicalement  impossible  au  psychologue  le  plus 
averti,  de  les  distinguer  l'une  de  l'autre. 

Mais  la  Mort  vient  tôt  ou  tard,  dénonciatrice  de  cette 
homogénéité  illusoire;  la  Mort  vient,  impeccable  arbitre 
de  cette  distinction,  et  l'on  peut  ajouter  :  implacable  ar- 
tisan d'une  séparation  violente  entre  l'âme  vraie  et  l'âme 
fausse  ! 

Il  faut  qu'il  en  soit  ainsi,  non  seulement  pour  le  bien  du 
sous-multiple  hominal,  dont  la  réintégration  dans  l'Unité 

(1)  Encore  pourrait-on  dire  que  le  corps  astral  est  un  emprunt  au 
milieu  fluidique  ambiant,  (cette  Ame  inférieure  de  la  planète),  et  lui  sera 
resUtué  progressivement,  après  avoir,  ensuite  de  son  divorce  avec 
TAme  individuelle,  joui  un  temps  plus  ou  moins  long  d'un  vague  reflet 
de  vie,  et  d'une  apparence  factice  de  personnalité. 

Mais,  parlant  au  point  de  vue  terrestre,  -^  le  corps  astral  fait, 
comme  nous  Talions  voir, partie  intégrante  de  la  personnalité  humaine. 


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596  LA  CLEF  DE  LA  MAGIE  NOIRE  \ 

divine  serait  singulièrement  cora promise,  pour  peu  qu'un 
pareil  fardeau  vint  aggraver  son  bagage  à  chaque  exis- 
tence nouvelle  :  il  descendrait,  au  lieu  de  remonter  ;  — 
mais  encore  pour  un  motif  d'ordre  universel  et  d'intérêt 
cosmique,  étranger  à  l'objet  du  présent  tome.  N'oublions 
pas  que  l'homme  est  le  grand  démiurge,  le  pondérateur 
et  l'intermédiaire  des  royaumes  spirituel  et  sensible;  sa 
chute  Ta  banni  d'Éden,  mais  cet  exil  aura  une  fin... 

Poursuivons  notre  étude,  sans  nous  dépailir  du  point 
de  vue  spécial  à  notre  planète.  El  sans  souci,  pour  l'ins- 
tant, du  rôle  dévolu  à  l'Homme  dans  l'harmonie  des 
choses,  ni  du  pourquoi  de  sa  mission,  ni  du  comment  de 
sa  présence  ici-bas,  —  prenons  cet  être  individualisé,  au 
point  d'évolution  qu'il  a  atteint  sur  la  terre,  et  àTinstant 
précis  oh  s'opère  en  lui  ce  phénomène  assez  complexe, 
qui  a  nom  la  mort. 

La  mort,  avons-nous  dit,  consiste  essentiellement  en 
deux  faits  concomitants  :  l'arrêt  des  organes  corporels, 
et  l'expulsion  de  l'être  invisible  et  subjectif,  hors  de  son 
enveloppe  objective  et  concrète.  (Un  troisième  phéno- 
mène suit  bientôt,  que  nous  avons  noté  à  part  :  la  disso- 
ciation des  atomes  de  matière  qui  s'étaient  groupés  pour 
constituer  le  corps.) 

Arrêt  des  fonctions  organiques,  et  libération  des  prin- 
cipes survivant  au  corps  :  le  concours  s'impose  de  ces 
deux  conditions  (la  deuxième,  d'un  si  difficile  contrôle!) 
pour  qu'on  puisse  dire  que  la  mort  est  consommée,  dé- 
finitivement acquise...  Sans  doute,  l'un  de  ces  phénomè- 
nes, lorsqu'il  se  prolonge,  a  pour  conséquence  très  pro- 
che l'accomplissement  de  l'autre  :  mais  encore  sied-il, 


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LA    MORT  EN    SES   ARCANES  59? 

en  l'absence  du  diagnostic  de  décomposition,  qui 

vient  fournir  la  contre-épreuve,  —  de  ne  se  prononcer 
que  sur  un  examen  minutieux  et  tardif  :  la  fréquence  des 
exemples  de  mort  apparente,  dans  les  cas  dûment  véri- 
fiés de  catalepsie,  de  vampirisme  ou  même  simplement 
de  sortie  en  corps  astral,  prêche  assez  la  circonspection. 
Quoi  qu'il  en  soit,  supposons  la  mort  réelle,  chez  un 
sujet  normalement  constitué.  —  Dans  la  sphère  animi- 
que,  que  va-t-il  se  produire? 

—  L'inéluctable  divorce  entre  la  personnalité  vraie, 
c'est-à-dire  l'âme,  inséparable  de  sa  faculté  plastique 
efficiente,  —  et  la  fausse  personnalité,  dont  le  corps  as- 
tral constitue  la  base  pseudo-psychique,  ou  le  moule 
éphémère. 

C'est  là  le  jugement  dont  parle  TÉcriture  ;  c'est  aussi 
l'agonie  de  la  seconde  morU  ou  la  douloureuse  épreuve, 
plus  ou  moins  longue  et  difficile,  qui,  —  sans  préjudice 
da  cycle  karmique  à  venir,  — réalise  d'ores  et  déjà  pour 
nous  le  purgatoire  et  l'enfer. 

Le  bon  grain  séparé  de  l'ivraie,  celle-ci  se  voit  dispersée 
aux  quatre  vents  du  ciel... 

Comment  s'est  formée  la  personnalité  fausse  et  de  su- 
perfétation?EIle  s'est  formée,  dans  la  matrice  du  corps 
astral,  comme  une  concrétion  calcaire  en  une  bouteille, 
par  couches  infinitésimales  ;  ou  comme  un  dépôt  limo- 
neux dans  un  réservoir  :  par  imperceptibles  allu viens. 
Goutte  à  goutte,  le  vin  trouble  de  l'existence  physique 
a  déposé  sa  lie  au  fond  du  vase  ;  il  s'est  dépouillé  sur 
les  parois.  A  présent,  c'est  le  grand  nettoyage  ! 
L'heure  a  sonné  du  procès  suprême  et  de  la  solennelle 


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598  LA   CLEF   DE   LA   MAGIE  NOIRE 


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sentence  :  au  tribunal  de  Fàme  collective,  Fàme  indi\> 
duelle  va  se  juger  et  se  condamner  elle-même,  avouar 
les  Toiles  illusions,  l'ivresse  des  fantasmagories  mensorr 
gères  où  sa  vanité  s*est  déçue,  au  cours  de  la  terrestre 
épreuve. 

C'est  une  confession  véritable,  et  le  confessionnal  <ir 
r  Abîme  peut  s'appeler  aussi  le  tribunal  de  la  pénitence  !... 
Ultime  confession,  où  l'âme  (constitutive  de  lapersonnalitt! 
vraie),  se  décharge  une  à  une  de  ces  molécules  hétéro- 
gènes et  peccantes,  dont  l'accumulation  dans  la  formr 
astrale  a  généré  la  personnalité  fausse,  parasitaire,  inca- 
pable de  survivre  au  corps  matériel,  et  qui  doit  se  dis- 
soudre avec  lui  (1). 

Voici   la  restitution  à  la  substance  universelle,   de 
tout  ce  qui  lui  demeurait  dû  (2);   l'expulsion  de   ces 

(i)  Qu'on  nous  pardonne  encore  une  image  hideuse  et  triviale. 
Comme  ces  crustacés,  homards  ou  crabes^  tirés  de  leur  élément,  se  ci- 
dent  avec  un  bruit  de  dissolution  lente  et  progressive,  —  T&me  va  se 
vider  ainsi...  Épouvantable  et  laborieuse  désagrégation  de  la  fausse 
substance  psychique  I 

Ceux  qui,  aptes  à,  percevoir  les  choses  delà  vie  subjective,  et  intuitifs 
de  ses  mystères,  ont  veillé  le  cadavre  d'un  parent  ou  d*un  ami,  ceux- 
là  comprendront  et  ne  riront  pas...  D'autres  crieront  à  rhallucination. 
à  l'hypocondrie,  à  la  folie.  Il  s'en  trouvera  pour  nous  qualifier  de  lu- 
gubre mystificateur,  de  sacrilège,  peut-être.  Nous  préférons,  à  tout 
prendre,  les  premières  imputations  :  comment  nommer  en  effet  ces 
présomptueux  qui  pensent  avoir  ouvert  les  yeux  et  les  oreilles,  où 
d'autres  n'avaient  su  ni  voir,  ni  entendre  ?  —  On  est  convenu  de  les 
nommer  des  fous. 

(i)  Certains  Maîtres  veulent  que  l'homme  dépouille  à  la  mort 
rame  instinctive  (ce  qu'ils  nomment  l'âme  animale,  Kama-Rupa  des 
hindous,  vouée,  prétendent-ils,  à  se  dissoudre  en  Kama-Loka).  —  Nous 
ne  voyons  point  ainsi. 

Pour  nous,  à  l'exemple  de  Fabre  d'Olivet,  nous  envisageons  Vhomme 
essentiel  comme  un  principe  de  volonté,  englobant  et  maîtrisant  les  trois 
vies  intellectuelle^  psychique  et  instinctive.  L'àme  est,  par  conséquent. 


LA   MORT   ET   SES   ARCANES  599 

arves  (l)  d^assimilable  imposture  :  substances  pseudo- 
nimiques,  engendrées  au  jour  le  jour  à  l'impure  ca- 
esse  de  la  matière,  dans  la  délectation  des  sens  bestia- 
isés  et  le  mauvais  usage  du  libre  vouloir. 

Les  voulions,  avons-nous  dit  ailleurs,  ne  sont  pas  seu- 
lement créatrices  hors  de  l'homme,  mais  en  l'homme 
même.  Le  verbe  de  perversité  souille  à  la  fois  la  lumière 

externe  de  l'homme  et  sa  lumière  intérieure  :  son  nimbe 

et  son  corps  fluidiques. 

Au  gré  du  Lecteur  soucieux  de  localisations  physiolo- 
giques, on  peut  préciser  par  où  s'opère  la  désintégration 
animique  et  astrale  :  c'est  par  le  sommet  de  la  tête,  aux 
environs  de  la  suture  crânienne.  Les  traditions  secrètes 
du  sanctuaire  sont  confirmées  à  cet  égard  par  l'expé- 
rience des  voyants. 

La  logique  des  choses  le  veut  d'ailleurs  ainsi.  Est-il 
besoin  de  renvoyer  au  chapitre  ni,  qui  s'ouvre  par  cette 


ternaire  et  quaternaire  :  elle  évolue  à  travers  les  mondes,  sans  rien 
rejeter  que  les  écorces,  matérielles  et  fluidiques,  de  ses  existences  suc- 
cessives et  imparfaites  de  moins  en  moins;  mais  elle  épure  progressi- 
vement ses  éléments  constitutifs  et  se  sublime  à  mesure.  L'instinct  de- 
viendra intuition  ;  la  psyché,  amour;  l'intelligence,  spiritualité.  Toutes 
les  facultés  secondaires  se  transmueront  d'une  sorte  analogue,  paral- 
lèlement aux  principales. 

(1)  Le  mot  Larve  doit  s'entendre  ici  dans  son  acception  la  plus  éten- 
due. 

Nous  n'inventons  pas  la  doctrine  ci-dessus  formulée.  Toutes  les 
Écoles  d'Ésotérisme  l'ont  connue.  Les  gnostiques  basilidiens  rensei- 
gnaient môme  ouvertement.  Ils  qualifiaient  d'  «  appendices  de  VAme  » 
les  «Esprits  impurs»  qui  alourdissent  et  dénaturent  celle-ci.  Saint 
Clément  d'Alexandrie  ajoutait  que  l'Esprit  de  Dieu  sépare  de  l'âme  ses 
appendices  démoniaques,  ainsi  que  la  paille  du  bon  grain. — Cf.  Beau- 
sobre,  Histoire  du  Manichéisme,  tome  II,  p.  22. 


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600  LA  CLEF  DE  LA  MAGIE  NOIRE 

simple  et  grandiose  théorie  de  polarisation,  qui  est  la  clef 
de  tant  de  mystères  ?  Le  chercheur  attentif  ne  prendra-t- 
ii  pas  l'initiative  de  recourir  à  cette  clef?  La  loi  de  bî- 
polarité  cérébro-génitale  lui  rendra  raison  du  problème 
par  une  analogie  qui  s'impose.  —  A  quelle  porte  d'entrée 
vient  aboutir  le  grand  courant  des  générations,  par  où 
les  àraes  descendent  dans  la  matière  ?  Par  quelle  porte 
de  sortie,  nécessairement  opposée  à  celle-là,  les  âmes 
émancipées  de  la  chair  doivent-elles  rejoindre  le  grand 
courant  (inverse  et  complémentaire  du  premier),  celui 
par  où  les  âmes  remontent  au  Ciel? 

Le  pôle  cérébral  semble  normalement  désigné  pour  la 
sortie  de  Tentité  psychique,  puisque  l'entrée  s'effectua 
par  l'organe  génital,  contre- polarité  du  cerveau. 

Or,  c'est  au  sommet  de  la  tête  que  le  cardinal  camer- 
lingue vient  frapper  trois  coups  de  son  marteau  d'argent. 
Le  Lecteur  voudra  bien  ne  pas  perdre  de  vue  ce  détail... 
Quant  au  sens  occulte  de  cette  mystérieuse  cérémonie, 
la  suite  de  notre  examen  va  le  dégager  dans  toute  la 
profondeur  de  son  ésotérisme. 

Tant  que  le  corps  astral,  lourd  de  la  fausse  substance 
psychique,  pèse  sur  Tàme  vivante,  celle-ci,  prisonnière 
du  cadavre,  travaillée  par  Thorreurde  sa  croissante  dé- 
composition, s'épuise  en  efforts  stériles  pour  s'affranchir 
de  ces  odieux  restes,  désormais  inertes  et  rebelles  aux 
injonctions  du  vouloir. 

Ce  supplice  effroyable  va  durer  tout  le  temps  requis 
pour  l'élimination  lente  et  consécutive  des  nombreuses 
formes  lémuriennes  dont  l'éphémère  fusion,  avec  le  péris- 


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LA   MORT   ET   SES   ARCANES  601 

prit  d'une  part,  avec  l'àme  véritable  de  l'autre,  avait  mo- 
difié cette  dernière,  en  doublant  la  personnalité  réelle 
d'une  personnalité  fausse  et  toute  d'apport. 

Voilà  donc  une  première  sanction  de  l'existence  terres- 
tre, droite  ou  perverse,  spirituelle  ou  bestiale.  Le  nom- 
bre et  la  ténacité  des  Larves  à  extraire  sont  en  raison 
directe  de  la  mesure  où  l'àme  s'est  enganguée  dans  le 
vice  et  le  mensonge.  Pour  les  âmes  probes  et  vraies,  la 
confession  au  tribunal  de  Vabime  se  réduit  au  minimum 
d'épreuve  :  de  tels  hommes  se  fussent-ils  trompés,  leur 
sédiment  d'illusion  se  détache  sans  peine,  car  ils  ne  tien- 
nent qu'à  la  vérité  seule  et  sont  prêts  à  répudier  tout  ce 
qui  n'est  pas  elle.  Il  n'en  saurait  aller  de  même  de  l'homme 
qui  s'est  encanaillé  dans  la  satisfaction  des  ignobles  ins- 
tincts. Chez  lui,  le  vice  et  l'erreur  sont  à  ce  point  deve- 
nus une  seconde  nature,  qu'en  les  renonçant,  il  se  croi- 
rait renoncer  lui-même.  Pourtant,  il  le  sent  bien,  pareil 
lest  l'immobilise,  le  cloue  à  la  putréfaction.  Son  salut  veut 
qu'il  se  sépare  da  ces  Larves  chères  ;  mais  à  chaque  fois 
qu'il  en  arrache  une  de  sa  substance  pantelante,  c'est 
un  déchirement  affreux. 

L'Odyssée  lamentable  que  nous  détaillons  n'incombe 
pas,  —  est-il  besoin  de  le  dire  ?  —  au  destin  des  âmes  dès 
ici-bas  entièrement  purifiées.  Celles-là  sont  l'exception, 
de  qui  le  miroir  psychique  n'est  point  resté  terni  par  les 
buées  de  la  matière.  Quel  rapide  et  facile  voyage  les  doit 
conduire  au  but,  nous  le  verrons.  Mais  la  majorité  des 
hommes  meurt  entachée  de  quelques  vices,  et  la  série 
d'épreuves  qui  nous  occupe  devient,  dans  une  proportion 
variable  du  plus  au  moins,  le  partage  des  natures^  ou  bes- 


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602  LA  CLEF   DE    LA   MAGIE  NOIRE 


tiales,  ou  perverses,  ou  simplement  matérielles.  Le  geur  | 
d'obstacles  est  le  même  pour  toutes  :  mais  ce  qui  senoM 
aux  âmes  imparfaites  un  pas  difficile  et  pénible  à  fran- 
chir, devient  un  si  épouvantable  supplice  pour  les  àm^ 
vicieuses,  criminelles  et  délibérément  mauvaises,  que  nour 
ne  parviendrons  à  en  donner  ici  qu'une  très  faible  idée. 

Les  magiciens  noirs  surtout,  et  tous  ceux-là  souffrent 
mille  morts  au  lieu  d'une,  qui  se  polluèrent,  leur  exis- 
tence durant,  dans  la  promiscuité  spectrale.  Ah  î  qu'elles 
se  paient  cher,  alors,  les  prérogatives  du  pacte  médiaof- 
que!  Toutefois  l'angoisse  est  bien  moindre  pour  de  tels 
hommes,  s'ils  ont  mené  sans  malice  leur  vie  suspecte  ; 
mais  le  grand  péril  que  leur  réserve  l'épreuve  d'outre- 
tombe,  gît  dans  l'aide  qui  peut  leur  venir  du  dehors.  Les 
natures  médianiques,   aisément  dominables,  sont  une 
proie  précieuse  à  saisir  pour  les  affidés  (vivants  ou  pos- 
thumes) des  cercles  mauvais.  Les  médiums  ne  soupçon- 
nent pas  le  piège,  lorsqu'à  l'heure  de  l'épouvante,  ils  se 
cramponnent  à  la  main  secourable  qui  leur  est  tendue  de 
ce  côté.  Ils  risijuent  cependant  d'être  entraînés  dans  une 
impasse  d'oii  Ton  ne  revient  guère,  et  de  jouer  sur  un 
coup  de  dé  leur  immortel  héritage. 

Pour  ce  qui  est  des  sorciers  conscients  et  volontaires, 
qu'on  nous  pardonne  d'ouvrir  une  parenthèse  concernant 
une  difficulté  qui  d'elle-même  se  propose  à  tout  esprit 
attentif.  Puisque  ces  artisans  d'infamie  restent  cloués  à 
leurs  cadavres  tant  qu'ils  n'ont  pas  douloureusement  éva- 
cué, molécule  par  molécule,  le  lest  écrasant  de  leur  fausse 
personnalité,  —  comment  pouvaient-ils,  durant  leur  vie, 


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LA    MORT  ET  SES  ARCANES  603 

•ojeter    au  loin  leur  forme  astrale,  messagère  de  mort 
a  de  maléfice?  S'ils   en  étaient  alors  capables,  qui  les 
m  pêche    maintenant  de  s'évader,  en  corps  fluidique, 
>in  de  ces  restes  inanimés?. . .  L'objection  paraît  très  forte; 
lie  est  spécieuse  en  tous  cas.  Mais  comptera-t-on  pour 
\en  le  coup  terrible  de  la  mort,  qui  paralyse  l'énergie 
morale,  tandis  que  le  combat  d'une  agonie  souvent  très 
longue  a  épuisé  les  forces  proprement  dites  ?  Et,  sur 
toute  chose,  car  c'est  la  réponse  décisive,  oubliera-t-on 
quel  point  d'appui  fournissait  au  magisteen  stase  debilo- 
cation  un  organisme  vigoureux  et  sain,  athanor  de  fluide 
nerveux  constamment  renouvelé  ;  un  organisme  avec  le- 
quel, —  si  loin  qu'il  se  projetât,  —  le  corps  astral  demeu- 
rait en  rapport  sympathique? La  chaîne  tendue  de  l'un  à 
Vautre  lès  faisait  vivre  l'un  par  l'autre;  elle  servait  de 
levier  à  la  forme  sidérale,  en  même  temps  qu'à  cette 
dernière  le  corps  physique  servait  de  point  fixe  et  d'appui. 

Enfin,  rame  individuelle  a  successivement  avoué  ses 
péchés  au  tribunal  de  l'Ame  collective  :  autant  de  Larves, 
autant  de  bulles  de  savon  qui  s'échappent  et  voltigent 
quelque  temps,  avant  de  crever  (1),  dans  le  nimbe  occulte 
de  l'individu  qui  leur  donna  naissance  ;  dans  le  milieu 
qui  fut  son  atmosphère  astrale,  où  déjà  fourmillent  (au- 
tres Larves)  les  simulacres  lémuriens  des  actes  passés  du 
défunt,  de  ses  volitions,  de  ses  désirs,  et  jusqu'aux  fan- 
tômes de  ses  pensées  coutumières. 


(1)  Ces  Larves  ne  se  dissoudront  ainsi,  bien  entendu,  que  si  leur 
père  noarricier  cesse  de  les  entretenir  en  leur  prêtant  subsistance  :  voy. 
page  611. 


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604  LA  CLEF   DE  LA   MAGIE  NOIRE 

Cependant,  l'àme  véritable  est  délivrée  la  dernière, 
toute  saignante, pour  ainsi  dire,  des  mille  déchipupes  que 
sa  substance  vient  de  subir,  en  son  divorce  avec  la  fausse 
Psyché.  Le  coup  terrible  de  la  mort,  ébranlant  son  intel- 
ligence, ne  lui  laisse  plus  de  sentiment  que  ce  qu'il  en 
faut  pour  savourer  la  torture  de  sa  double  agoni e«  ter- 
restre et  posthume. 

Mais  un  lucide  instinct  persiste  en  elle,  qui  lui  enjoint 
de  fuir  au  plus  vite  la  pourriture  montante  de  son  abjecte 
dépouille.  Donc  Tàme  s'élance,  éperdue  d'horreur,et  d'an- 
goisse, et  de  dégoût.  Un  vertigineux  courant  fluidique, 
dont  elle  pressent  la  fureur  plus  qu'elle  ne  l'éprouve  en- 
core, va  l'emporter  comme  une  flèche.  Ici  la  nausée, 
là-bas  l'épouvante  :  l'àme  se  décide  pour  l'épouvante, 
puisqu'il  en  faudra  toujoui*s  passer  par  là.  Aveugle, 
sourde  (I),  elle  s'élance,  vêtue  de  son  corps  sidéral  qui, 
blessé  comme  elle,  se  sent  au  moins  allégé,  enfin  !... 

Peine  perdue  :  un  lien  sympathique  la  rattache  encore 
à  ces  restes  défigurés,  —  un  lien  qu'il  va  falloir  doulou- 
reusement rompre.  C'est  le  cordon  ombilical  d'une  nou- 
velle naissance  ;  il  aboutit  à  cette  matière  déliquescente, 
placenta  de  la  gestation  d'immortalité(2),  caput  mortuum 
qu'il  importe  de  dépouiller  sur  le  seuil  de  la  vie  étemelle. 

Et,  tandis  qu'à  dessein  de  briser  le  joug  qui  la  retient 
captive,  la  pauvre  âme  s'épuise  en  tumultueux  efforts, 


(i)  «  Sa  clairvoyance  lumineuse  demeure  frappée  de  cécité  par  ha- 
bitude des  yeux  ;  son  entendement,  de  surdité,  parhabitude  des  oreil- 
les... »  (Saint-Yves,  Testament  Lyrique,  la  Mort). 

(2)  Cf.  Éliphas  Lévi,  Le  Grand  Arcane  de  la  Mort.  (Clef  des  Grands 
Mystères,  pages  306-309). 


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LA   MORT  ET  SES  ARCANES  605 

"luelle  épreuve  d'un  nouveau  genre  vient  fondre  encore 
sur  elle  ! 

Qu'est-ce,  à  présent,  que  ceblôme  halo,  à  la  fois  trou- 
ble et  clarteux,  qui  Tenvironne?  Cette  atmosphère  de  si- 
nistre moiteur  phosphorescente,  où  se  meuvent  confusé- 
ment de  vagues  formes  de  monstres  prompts  à  l'assaillir? 
Elle  ne  les  voit  pas,  mais  les  sent  et  les  devine.  Quelle 
horreur  nouvelle!  L'être  désintégré  lutte  et  se  débat,  au- 
tant que  le  peut  un  aveugle  garrotté...  Elles  se  pressent 
contre  lui,  ces  hideuses  apparitions  ;   elles  Taccablent 
de  toutes  parts  :  on  dirait  qu'elles  veulent  s'amalgamer 
avec  son  essence,  se  fondre  en  lui  ! 

Ce  sont  les  Larves  de  son  astral  externe  et  interne  : 
r  celles  qui,  la  vie  durant,  se  généraient  au  jour  le  jour 
dans  son  atmosphère  fluidique  et  peuplaient  son  ascen- 
dant,—  2**  celles  qu'il  vient  lui-même  d'expulser  une  par 
une,  et  dont  l'agglomération  passagère  constituait  la  sub- 
stance de  sa  fausse  personnalité. 

Voilà  donc  l'être  abmatérialisé,  contraint, —  dans  une 
désolante  alternative,  —  ou  de  chercher  un  refuge  en  sa 
dépouille  inanimée,  froidie,  et  que  la  décomposition  crois- 
sante rend  plus  inhabitable  d'heure  en  heure,  tandis 
qu'une  chaîne  magnétique  l'y  rattache  encore  dans  un 
élat  de  captivité  provisoire  ;  —  ou  de  prendre  essor  au 
loin,  après  avoir  rompu  cette  chaîne,  et  de  fuir  à  travers 
une  tempête  fluidique,  emportant  avec  lui  cette  atmo- 
sphère hostile  qui  est  sienne,et  regorge  de  vampires  dont 
il  peut  devenir  la  proie... 

C'est  à  ce  moment  critique,  surtout,  que  le  mort  a  be- 


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606  LA  GLEF  Ofi  LA   MAGIE  NOIRE 

soin  d'être  secouro.  Vienne  l'aide  ou  de  là-haut  ou  d'ici- 
bas,  de  l'endroit  ou  de  l'envers  de  la  Nature  universelle* 
du  plan  astral,  en  un  mol,  ou  du  plan  terrestre  :  le  pa- 
tient d'une  telle  épreuve  se  sent  perdu  s'il  ne  reçoit  aucun 
subside  de  force  psychique  ;  il  désespère,  s'il  n'entrevoit 
aucune  lueur  pour  se  guider  dans  la  nuit  et  la  tempête 
de  son  épouvante. 

Hâtons-nous  de  noter  qu'il  en  est  bien  rarement  ainsi  : 
une  situation  à  ce  point  douloureuse  ne  se  prolonge  qu'en 
des  conjonctures  tout  exceptionnelles. 

Les  traditions  secrètes  de  l'antiquité  autorisent  ce  dire, 
et  l'étude  des  symbdlismes  religieux  le  confirme.  Le 
fleuve  Styx  n'est  qu'un  lieu  de  traverse.  Sans  doute  le 
Tartare  réserve  des  supplices  à  la  mesure  de  tous  les 
forfaits  ;  cependant,  pour  criminel  que  se  présente  un 
homme  aux  sombres  rivages,  dès  que  les  rites  de  la  sé- 
pulture ont  été  fidèlement  accomplis,  Charon  le  reçoit 
dans  sa  barque  moyennant  une  obole,  et  lui  fait  passer 
l'eau  noire. 

Une  influence  bénéfique  intervient  donc,  pour  aider 
Vâine  en  peine  à  rompre  ses  entraves.  Le  secours  con- 
siste en  une  provision  suffisante  de  force  psychique  ; 

nous  ne  tarderons  pas  à  voir  d'où  il  émane Mais 

répreuve  n'est  pas  à  son  terme. 

Le  lien  sympathique  enfin  rompu,  l'onde  stygienne 
saisit  et  entraine  la  pauvre  Psyché,  vêtue  de  son  corps 
astral,  et  enveloppée  de  son  nimbe  vengeur.  Telle  est  la 
barque  de  Charon. 

Le  passage  ne  dure  guère.  Emportée  comme  une  flèche 


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LA  MORT  ET  SES  AUCANES  607 

au  fil  du  torrent,  déjà  la  voyageuse  a  touché  Tautre  bord. 
Voici  le  ténébreux  empire  de  TÉrèbe.  C'est  le  séjour 
d'épreuve  où  s'attardent  toutes  les  âmes  insuffisamment 
purifiées,  afin  d'y  consommer  leur  seconde  mort,  en  dé- 
pouillant la  forme  astrale.  Pythagore,  comme  généra- 
lement tous  lesadeptes  de  l'hellénisme  occulte,  nommait 
ce  lieu  le  gouffre  d'Hécate  ou  encore  le  champ  de  Proser^ 
pine  (1).  C'est  le  cône  d'ombre  de  la  terre;  à  son  som- 
met brille  Hécate,  la  lune  infernale,  dispensatrice  de  la 
lumière  négative,  Aôb,  et  de  l'écrasant  influx  d'Hereb 
(Érèbe). 

Tandis  que  le  soleil,  patrie  céleste  des  âmes  glorifiées, 
darde  avec  ses  rayons  l'amoureuse  lôrtah^  attractive  du 
pur  élément  psychique;  l'influence  accablante  d'Hereb 
retient  invinciblement  captive,  en  cet  abime  sublunaire, 
toute  âme  encore  vêtue  de  son  corps  astral  contaminé. 

La  lune  nous  montre  le  pâle  visage  du  génie  des  ex- 
piations. Elle  est  la  sentinelle  de  l'enfer  terrestre,  le  Cer- 
bère ésotérique  veillant  non  seulement  à  l'entrée,  mais 
surtout  à  la  sortie  du  Ténare. 

Un  illustre  théosophe  qui  est,  par  surcroît,  un  poète 
inspiré,  M.  de  Saint-Yves  a  décrit,  en  mode  lyrique,  le 
rôle  providentiel  dévolu  à  notre  satellite  glacé,  dans  le 
voyage  cosmique  des  âmes.  C'est  la  belle  Hymne  à  la 
LunCy  dont  nous  citerons  les  dernières  strophes  : 

LE    POETE 

«  ...  Je  veux  la  Vérité  !  Dans  ton  temple  d'opale 

Si  tu  n'es  que  stérilité, 
Quel  but  poursuîs-tu  donc  dans  le  Ciel,  vierge  paie, 

(i)  Voy.  Hiéroclès,  Commentaires  sur  /es  Vers  dorés  (passim). 


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608  LA   CLEF  DE   LA   MAGIE  NOIRE 


Autour  de  ce  globe  habité  ? 
Au  nom  de  In  Magîe,  an  nom  du  Tétragramme, 
Parle!... 

DIANB 

«  Fils  d'Apollon,  je  garde  à  jamais  le  passage 

Par  où  les  âmes  vont  aux  Cieux. 
Tu  ne  vois  qu'un  côté  de  mon  double  visage  : 

L'autre  regarde  vers  les  Dieux  ! 
Je  coinpriuie  ici-bas  l'effluve  de  la  terre  ; 

De  tout  le  poids  de  mon  cratère 
Je  presse  les  E-^prils,  les  Ames  et  les  Corps  ; 

Et  tout  monte  sous  ma  pesée, 
Tout  entre  dans  mon  rythme  et  subit  la  rosée 

De  mes  silencieux  accords. 

(t  Je  joins  et  je  disjoins,  je  rapproche  et  j'oppose 

Tout:  pôles,  sexes,  éléments; 
Je  suis  le  féminin  latent  de  toute  chose  : 

J'attire  à  moi  les  mouvements  ; 
Ils  cèdent,  dans  leur  forme,  aux  lois  de  mes  semaines  : 

Bétes,  plantes,  foules  humaines. 
Les  fluides,  les  vents,  les  nuages,  la  mer, 

Tout  flue  à  moi  dans  sa  marée, 
Depuis  le  feu  central  grondant  vers  l'Empyrée, 

Jusqu'aux  subtils  conQns  de  l'Air. 

«  Je  préside  à  la  Mort,  je  règle  la  Naissance, 

Car  naître,  c'est  mourir  encor. 
Les  générations  roulent  sous  ma  puissance  : 

J*en  tiens  les  clefs  d'argent  et  d'or  ; 
Je  renvoie  au  Soleil  les  âmes  immortelles 

Dont  l'Esprit  a  gagné  ses  ailes 
Pour  s'enfuir  du  torrent  des  générations  ; 

Autrement,  au  fond  de  TEspace, 
Je  les  noue  à  la  femme,  et  leur  destin  repasse 

Dans  le  jeu  de  mes  tourbillons. 


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LA  MORT  BT  SES  ARCANES  609 

c  ...  Ah!  si  tu  les  voyais,  les  âmes  invisibles 

Sortir  par  essaims  des  tombeaux^ 
Vaciller  et  monter  dans  mes  rayons  paisibles. 

Glisser  en  foule  sur  les  eaux  ! 
Les  unes,  par  les  champs  prenant  leur  course  folle, 

Plus  rapides  que  la  parole, 
Passent,  rasent  le  sol,  se  lancent  dans  les  airs, 

Se  suspendent  aux  brouillards  vagues, 
Retombent  sur  les  mers,  et  dansent  sur  les  vagues, 

Ou  ré  vent  sur  les  rocs  déserts. 

c  Les  autres,  franchissant  la  sphère  des  nuages, 

S'entraînent  à  voler  vers  moi, 
Escaladant  Téther,  grimpant  dans  mes  mirages, 

Dégringolant,  tremblant  d'émoi, 
Remontant,  m'arrivant  palpitantes  de  rêves, 

Jouant  par  troupeaux  sur  mes  grèves, 
Plongeant  dans  mes  volcans,  se  cherchant,  s'appelant, 

Se  retrouvant,  formant  leurs  groupes, 
Et  promenant  leurs  chœurs  de  mes  vallons  auj^  croupes 

De  mon  grand  cirque  étincelant. 

c  Mais  la  Terre  t'emporte,  adieu  !  Parle  aux  Étoiles  : 

Moi  je  te  perds  à  l'horizon. 
Barde,  quand  de  ton  corps  tu  laisseras  les  voiles 

Dans  leur  funéraire  prison, 
Ne  crains  rien  :  viens,  saisis  mes  coursiers  de  lumière, 

Crois,  —  et  vers  la  source  première 
Dont  tu  sors,  vers  le  Dieu  superbe,  à  Tare  vermeil, 

Fixant  fortement  ta  pensée. 
Va  !  je  te  laisserai,  de  ma  sphère  glacée 

Monter  sans  obstacle  au  Soleil  (1)  !...  » 


Le  c  langage  des  dieux  »  ne  doit  pas  être  pris  dans  sa 


(1)  Le  Testament  lyrique,  par  Alexandre  Saint-Tves,  pages  384-387 

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610 


LA  CLEF  DE  LA  MAGIE  NOIRE 


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rigueur  la  plus  littérale  ;  mais 
les  admirateurs  de  cette 
hymne  dégageront  aisément 
la  pure  Vérité,  du  chatoyant 
péplos  de  métaphores  qui 
l'enveloppe  sans  déguiser  ses 
divins  contours 

Voilà  donc  le  rôle  hiéra- 
tique de  la  lune .  Sentinelle 
du  pur  éther,  elle  ne  souffire 
pas  que  rien  de  souillé  en  ap- 
proche. Elle  dispense  ici-bas 
l'influx  d'Hereb,  —  l'agent 
constrictif  qui  oppose  son 
veto  centripète  à  l'essor  de 
toute  âme  encore  empreinte 
de  terrestres  macules. 

Le  cône  d'ombre  est,  sui- 
vant les  cas,  Tenfer  ou  le 
purgatoire  véritables.  — Les 
âmes,  prisonnières  du  corps 
astral  et  de  son  atmosphère 
fluidique,  y  souffrent  mar- 
tyre, en  proie  à  l'assaut  des 
Larves  douloureusement  ex- 
pulsées du  cadavre,  et  qui, 
ayant  élu  domicile  dans  le 
nimbe,  cherchent  à  prolon- 
ger leur  existence  parasi- 
taire,  en  dévorant  Psyché 


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LA   MORT  ET  SES  ARCANES  611 

toute  vive.  Celle-ci  doit  dissoudre  ces  coagulais  Tuu  après 
r  autre,  par  la  force  de  sa  volonté,  en  renonçant  intérieu- 
rement les  vices  dont  ils  sont  les  fantômes  tout  ensemble 
et  les  symboles.  C'est  une  guerre  à  mort,  car  le  périsprit 
est  un  domicile  qu'ils  visent  à  réintégrer,  et  c'est  à  quoi 
Psyché  doit  mettre  obstacle  de  tout  son  vouloir.  Si,  de 
guerre  lasse,  elle  se  laissait  envahir  (et  il  suffit  pour 
cela  d'un  instant  de  défaillance  ou  de  consentement  ta- 
cite), les  efforts  de  la  désassimilation  déchirante  seraient 
à  recommencer. 

Le  plus  grand  nombre  des  âmes  contaminées,  sentant 
bien  qu'il  y  va  pour  elles  de  la  suprême  alternative,  — 
to  bee  or  not  to  bee,  —  luttent  avec  courage  et  parvien- 
nent à  dissoudre  assez  vite  leurs  Larves.  Et  si  quelque  dé- 
faillance les  condamne  à  la  récidive  du  douloureux  effort, 
ces  âmes-là  ne  font  que  passer  par  l'état  d'Élémentaire. 

D'autres  âmes,  en  moins  grand  nombre,  ne  réagissent 
point  ;  mais  acceptant,  sans  un  effort  pour  en  sortir,  la 
misérable  condition  qui  leur  est  faite,  elles  perpétuent  leur 
passagère  épreuve  et  n'aspirent  plus  qu'à  repaître  d'exha- 
laisons terrestres,  à  désaltérer  de  fluide  humain  ce  corps 
astral,  qu'elles  ont  laissé  généralement  envahir  à  nouveau 
par  les  Lémures  du  nimbe.  Tels  sont  les  Élémentaires  qui 
se  manifestent  parfois  dans  les  séances  spirites.  Ils  han- 
tent volontiers  les  lieux  où  ils  ont  mené  leur  existence 
matérielle  et  assouvi  leurs  passions  dominantes.  C'est 
ainsi  que  le  spectre  d'un  avare  gardera  le  trésor  qu'il  a 
jadis  enfoui  ;  ou  que  le  fantôme  d'un  malheureux  fou  d'a- 
mour obsédera  de  ses  assiduités  posthumes  la  femme  que, 
naguère  amant,  il  persécutait  de  ses  déclarations  et  de 


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612  LA  CLEF  DE  LA  MAGIE  NOIRE 

ses  poursuites.  D'ailleurs»  pour  se  manifester  sur  Le  plan 
objectif,  les  Élémentaires  ont  besoin,  comme  tous  autres 
lémures,  de  la  force  psychique  qui  normalement  leur 
fait  défaut  (1)  ;  aussi  s'abreuvent-ils  le  plus  possible  à  la 
source  équivoque  et  souvent  fangeuse  de  la  médianité. 

Si,  malgré  les  secours  qui  leur  parviendront  de  la  part 
de  l'humanité  céleste  (laquelle  envoie  à  leur  aide,  jus- 
qu'au fond  du  gouffre  d'Hécate,  des  missionnaires  de 
miséricorde),  ces  pitoyables  Élémentaires  persistent  indé- 
finiment dans  une  existence  dégradante,  ils  risquent 
d'aboutir,  après  des  siècles  de  ce  lent  suicide,  à  l'abru- 
tissement, à  Tobscuration  totale  de  l'étincelle  divine  ;  ils 


(i)  La  force  psychique  fait  défaut  à  rÉlémentaire  humain,  poor  un 
motif  très  simple.  C'est  que  l'état  d'Élémentaire  n'est,  à  vrai  dire,  qa'uoe 
transition  entre  deux  existences  :  le  corps  matériel  n'est  plus  là  pour 
sécréter  la  force  psychique  sous  sa  modification  terrestre  de  fluide 
nerveux  ;  et  plus  tard  seulement,  sur  rAntichtone,  on  nouveau  corps, 
approprié  &  une  existence  nouvelle,  élaborera  la  force  psychique  sous 
la  modification  convenable  à  la  vie  éthérée. 

C'est  pourquoi,  en  règle  générale,l'Ëlémentaire  a  besoin,  pour  ae  ma* 
nifester  sur  le  plan  terrestre,  du  ministère  d'un  médium.  Si,  par  excep* 
tion,  il  peut  spontanément  apparaître,  gr&ce  à  une  notable  proportion 
de  fluide  nerveux  qu'il  a  su  conserver  de  son  existence  matérieUe,c*est 
en  conséquence  de  certains  cas  de  mort  subite,  quand  l'homme  est 
tombé  foudroyé  dans  sa  vigueur. 

Quant  aux  mauvais  daîmones,  — *  ces  Élémentaires  qui  ont  fait  à  la 
persistance  posthume  de  la  fausse  personnalité  le  sacrifice  étemel  de 
la  vraie,  —  ils  deviennent  les  maîtres  et  les  initiateurs  des  magiciens 
noirs  ici-bas,  et  peuvent,  grè.ce  au  concours  de  leurs  complices  vivant 
sur  la  terre,  entretenir  des  provisions  constamment  renouvelées  de 
force  disponible.  Aussi  l'accès  leur  est-il  garanti  sur  le  plan  physique, 
où  il  leur  devient  loisible  de  se  produire,  même  à  défaut  d'un  médium 
en  trance  sur  les  lieux  de  leur  manifestation.  Ces  êtres  pervers,  se  sa- 
chant voués  par  avance  à  la  destruction  totale  (puisqu'ils  ont  immolé, 
l'Éternité  au  Temps),  n'ont  point  de  plus  grave  souci  que  de  perpétuer 
coûte  que  coûte,  leur  égoïste  et  misérable  existence. 


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LA  MORT  ET  SES  ARGAN£S  613 

risquent  même,  prétend  certaine  École,  de  se  réincarner 
sous  forme  animale  ! 

En  principe,  le  cône  d'ombre  n'est  qu'un  séjour  d'é- 
preuve passager,  un  purgatoire  ;  pour  ceux-là  seuls  qui 
s'y  éternisent  volontairement,  il  devient  un  abîme  de 
tortures  sans  fin,  un  enfer  (1). 

D'ailleurs,  dans  les  cas  fort  rares  où  une  exception- 
nelle volonté,  jointe  en  ces  êtres  à  une  vigueur  animique 
peu  commune,  ne  leur  a  pas  servi  à  s'aflFranchir  de  cette 
«  vallée  de  l'ombre  de  la  mort  »  qui  leur  était  assignée 
comme  purgatoire,  ils  peuvent,  —  on  l'a  vu  plus  haut  (2), 
—  troquer  leur  héritage  immortel  contre  un  fief  d'iniquité 
au  royaume  du  «  Satellite  obscur  »,  et  devenir  les  légion- 
naires de  rOmbre,  les  mauvais  Daïmones  de  l'orbe  ma- 
gnétique inférieur. 

Les  Élémentaires  résignés  et  les  Daïmones  pervers  se 
complaisent  dans  les  basses  régions  du  cône  d'ombre  ; 
mais  les  âmes  en  peine  qui  luttent  bravement,  s'efforcent 
d'en  sortir,  et  s'élèvent  à  mesure  qu'elles  perdent  de 
leur  poids  terrestre  (3),  Lorsqu'elles  n'ont  plus  rien  à 
dépouiller,  si  ce  n'est  leur  forme  astrale,  il  leur  est  donné 
de  se  tenir  dans  la  pénombre,  où  quelque  lueur  d'espoir 
leur  parvient.  Hereb  a  perdu  pour  elles  de  sa  brutalité, 


(1)  C*est  &  un  autre  point  de  vue,  que  notre  schéma  de  la  page  610, 
désigne  le  cône  d'ombre  comme  l'enfer,  et  les  régions  de  la  pénombre 
comme  le  séjour  du  purgatoire  :  il  s'agit  là  d'une  localisation,  relative 
aux  phases  décroissantes  de  l'épreuve  posthume. 

(2)  Voy.  chap.  ii,  pages  202-203. 

(3)  Nous  devons  prévenir  nos  Lecteurs  que  ces  termes,  empruntés 
au  phénomalisme  patent  du  monde  physique,  ne  peuvent  être  ici  que 
des  à  peu  prés» 


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614  LA   CLEF  DE   LA   MAGIE  NOIRE 

et  la  caresse  dlônah  se  fait  déjà  pressentir  :  si  bien  que 
la  pénombre  n'est  qu'un  purgatoire  fort  adouci,  à  l'égard 
de  Venfer  du  cône. 

Enfin,  toutes  les  Larves  étant  dissoutes  dans  le  halo, 
comme  elles  ont  été  éliminées  du  corps  astral,  une  tor- 
peur s'empare  progressivement  de  l'âme  en  peine  ;  c'œt 
la  fin  de  l'épreuve,  c'est  l'aube  de  la  liberté  !  La  seconde 
mort  se  consomme  :  Psyché  dépouille  sa  forme  astrale, 
dont  la  substance,  empruntée  ou  assimilée  à  l'atmosphère 
occulte  de  la  planète  (i),  doit  lui  faire  retour  jusqu*au 
dernier  atome. 

Et,  sa  nudité  céleste  enfin  reconquise,  Psyché  émerge 
avec  l'aide  de  ses  guides  éthérés,  au  sommet  du  cône 
d'ombre  :  affranchie  de  l'influence  hérébique,  et  mondi- 
fiée  (2)  par  la  vertu  lunaire,  elle  va  jouir  de  la  vie  éthé- 


(1)  Le  corps  astral,  comme  nous  l'avons  dit  ailleurs  (page  349),  pré- 
existait en  vérité  &  la  conception  du  fœtus  ;  mais,  dans  son  labeur  d'édi- 
fication organique,  il  s'incorpore  avec  la  matière  en  sorte  si  intime,  que 
sa  propre  substance  éthérée  se  transmue  profondément,  et  acquiert  la 
qualité  terrestre  :  c'est  pourquoi  désormais  le  corps  astral  ne  pourra 
plus  s'affranchir  de  l'attraction  physique  de  cet  orbe. 

Suivant  une  autre  école,  que  nous  croyons  dans  l'erreur,  le  corps  as- 
tral ne  se  formerait  qu'après  la  conception  et  parallèlement  au  corps 
physique  :  ses  éléments  seraient  donc  littéralement  empruntés  au 
fluide  terrestre.  Il  est  certain  que  le  corps  physique  à  venir  n'existe 
pas  en  puissance  immédiate  dans  l'âme,  mais  dans  le  corps  astral.  Ce 
dernier  n'existerait  donc  lui-môme  qu'à  l'état  potentiel  dans  l'âme  [di- 
sons dans  la  faculté  plastique  d'appropriation)  ? 

Tel  se  conçoit  l'état  deux  fois  conditionnel  que  Fabre  d'Olivet  définit  : 
puissance  contingente  d* être ^  dans  une  puissance  d^ être.  Ce  même  mys- 
tagogue  soutient  que  c'est  là,  dans  la  pensée  de  Moïse,  le  sens  véritable 
de  l'hiérogramme  ^^^y\  *inn,  qui  a  fait  l'objet  de  tant  de  controverses, 
et  qui  est  passé  littéralement  dans  notre  langue,  comme  synonyme  de 
chaos,  de  désordre  :  tohu-bohu, 

(2)  Les  anciens  adeptes  distinguaient  la  mondification  d'avec  la  pu- 


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LA  SECONDE  MORT 

(TKEIZlillB  CUF  D*UM  AMOSK  TAKOT). 

Celle  tf  lampe  fort  singitlUre  se  distingue  de  Vestampe  XIII  de  tous  les  autres  Tarots  (éditions 
de  Marseille  et  de  Besançon ,  éditions  italiennes,  etc.). 

C'est  visiblement  dans  le  feu,  que  le  spectre  de  la  Mort,  à-deuus  figuré,  faudte  les  iita 
d'homme  et  defemnu  :  emblème  dont  l* interprétation  n'a  rien  d'obscur.  Les  âmes  passagères  du 
purgatoire  astral  sont  au  terme  de  leur  épreuve  posthume.^-  Désintégration  du  corps  astral, 
et  lib&ation  de  la  Psyché,  captive  jusqu'alors  dans  le  cane  d'ombre  ou  dans  les  secteurs  de  pé- 
nombre. (Voir  notre  schéma,  quelqua  pages  plus  haut). 


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616  LA  CLEF  DE  Là  MAGIE  NOIRE 

rée  sur  les  libres  plagesde  rAotichtone  ;  jusqu'à  ce  qu'une 
épreuve  ultérieure,  aboutissant  pour  elle  à  la  purification 
définitive,  lui  assure  droit  de  cité  dans  la  divine  citadelle, 
solaire  et  centrale,  qui  est  le  paradis  des  ftmes  glorifiées 
de  notre  système  planétaire. 

Ces  mystères,  bien  connus  de  Moïse,  ont  été  recou- 
\ev\s  par  lui  d'un  triple  voile. 

Rien  de  plus  clair  désormais,  si  l'on  nous  a  bien  suivi, 
que  telle  page  d'abord  énigmatique,  où  Tauteur  de  la 
Mission  des  Juifs,  commentant  leur  grand  hiérograpbe, 
intrigua  tant  d'amateurs  passionnés  des  sciences  secrètes. 


ri/tcation;  c'est-à-dire  le  lavage  par  Veau,  grâce  auquel  on  devient 
mundus  (rac.  unda,  u  j«*p),  d'avec  le  nettoyage  par  le  feu,  gr&ce  au- 
quel on  devient  purm  (rac.  icOp).  —  Cf.  Fabre  d'Olivet,  Langue  kébr. 
rest.,  tome  II,  page  208. 

La  mondificaiion  est  superficielle,  en  quelque  sorte  ;  Teau  dissout 
les  malpropretés  extérieures  ;  —  la  purification  est  profonde  :  le  feu 
dévore  les  impuretés  au  cœur  môme  des  substances  soumises  à  son 
action. 

La  lune,  emblème  de  l'eau,  était  considérée  comme  la  déesse  de  la 
mondification  ou  du  lavage  extérieur.  Son  influence  dépouiUe  en  effet 
l'âme  de  son  corps  astral  ;  mais  celle-ci  garde  encore,  dans  sa  faculté 
plastique,  le  stigmate  répercussif  des  souillures  contractées  pendant 
l'existence  terrestre.  Aussi,  après  un  beureux  séjour  sur  la  planète 
éthérée  que  Platon  nomme  Antichtone,  ou  contre-terre,  ou  terre  spiri- 
tuetue,  l'âme  simplement  mondifiée  subira  une  nouvelle  épreuve  en  se 
réincarnant,  soit  sur  la  terre,  comme  le  veut  l'école  bindoue,  soit  sur 
une  autre  planète,  et  dans  des  conditions  meilleures,  ainsi  que  l'ensei- 
gnent la  plupart  des  adeptes  occidentaux. 

Pour  purifier  la  substance  intime  de  l'âme,  il  faudra  l'épreuve  du 
feu,  dont  le  soleil  est  l'emblème  :  alors  seulement,  ^  la  faculté  plas- 
tique absolument  détergée  de  toute  macule  interne,  —  l'âme  n'offrira 
plus  de  prise  aux  torrents  des  générations  ;  mais  glorieuse  désormais, 
pourra  goûter  dans  lacitadeUe  solaire  les  allégresses  de  la  communion 
universelle  des  élus. 


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LA  MORT  ET  SES  ARCANES  617 

Il  s'agissait  de  la  suivante  de  lia  et  de  sa  postérité 
ésotérique. 

a  Zelpha(dit  M.  de  Saint-Yves),  la  suivante  de  Lia,...  signi- 
fie la  Caverne  béante,  TOuverture  de  la  Profondeur,  le  Bàille- 
inent  du  Dessous,  la  Voix  du  Silence,  la  Lueur  des  Ténèbres, 
l 'Aspiration  du  Vide. 

«  Elle  est  l'Orbe  du  Cône  d'Ombre  de  la  Terre,  elle  est  la 
Heine  de  TÉpouvante,  qui,  pourtant,  sourira  un  jour. 

«  Elle  a  deux  fils,  comme  Rachel,  son  antithèse. 

ce  Le  premier  est  Cad,  TEntrée  et  rEnvahisssement,  la  Porte 
et  la  Portée,  le  Détroit  et  le  Large,  le  Golfe  et  TEngouffrement. 

«  Le  second,  le  fond  ou  le  sommet  du  Cône,  est  Azher,  le 
Seuil  de  la  Maîtrise,  le  Socle  de  TApothéose.le  Piédestal  de  la 
Volonté  maîtrisante,  Tlssue  céleste  de  TAme  victorieuse  de  la 
seconde  Mort,  l'Entrée  apothéotique  dans  TAkasa  (1). 

a  Dans  les  mystères  d'Eleusis  et  d'Isis,  on  appelait  cette 
issue  la  Couronne  des  Ailes  (2).  > 

Ce  tableau  de  Texode  posthume  et  de  ses  vicissitudes, 
que  nous  ne  tarderons  point  à  parfaire,  est  déjà  suffisam- 
ment esquissé  pour  rendre  raison  du  rite  singulier  dont 
nous  avons  promis  la  justification.  Â  présent,  peu  de 
lignes  y  peuvent  suffire. 

Qu'est-ce  que  la  lune,  eii  Kabbale  hermétique  ?  Quel 
métal,  évolué  sous  son  influence  directe,  revêt  pour  les 
alchimistes  l'hiéroglyphe  bien  connu  :  3  ?  L'étudiant  le 
moins  avancé  répondra  sans  hésitation  :  VargenL  L'école 
de  Géber  n'enseignait-elle  pas  que  la  condensation  des 
rayons  lunaires  engendre  la  fleur  argentine,  cette  reine 
spagyrique,  de  même  que  la  convergence  des  rayons  so- 
laires fait  germer  l'or,  ce  roi  des  métaux  ? 

(1)  VAkasa  des  hindous,  c'est  le  pur  éther,  la  lumière  de  gloire. 
(3)  La  Mission  des 'Juifs,  pages  371-372. 


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618  LA   CLEF  DE  LA   MAGIE  NOIRE 

La  correspondance  analogique  du  marteau  n'apparait 
pas  moins  évidente.  En  liturgie  occulte,  aussi  bien  qu'en 
magie  cérémoniale  (car  c'est  tout  un),  le  marteau  d'ar- 
gent sera  le  symbole  de  la  vertu  secrète  de  la  lune,  eu 
tant  que  pondéreuse,  compressive  et  accablante. 

Or,  il  est  temps  de  le  dire,  pour  ceux  qui  ne  Tonl  pas 
deviné  :  l'action  sélénique  ne  se  manifeste  pas  exclusi- 
vement sur  les  hôtes  du  cône  d'ombre  ;  elle  se  fait  sentir 
sur  les  morts  avant  même  qu'ils  y  soient  arrivés  (1). 
C'est  à  la  lune,  dispensatrice  d'Hereb,  qu'est  due  la  sé- 
questration de  l'âme  dans  le  cadavre,  tant  qu'elle  n'a 
pas  éliminé  successivement  les  molécules  hétérogènes 
sur  quoi  l'astre  geôlier  a  prise,  même  de  jour  ;  car  il 
exerce  sa  pesée  sur  toute  substance  pseudo-psychique, 
coagulation  des  fluides  épais  de  l'astralité  terrestre...  Et 
bien  plus,  au  deuxième  acte  du  drame  de  la  posthume 
agonie,  quand  l'être  abmatérialisé  demeure  assujetti  au 
cadavre  par  une  chaîne  d'humiliante  solidarité,  c'est  Tin- 
flux  lunaire  qui  prolonge  cette  contrainte. 

La  lune  darde,  en  un  mot,  la  puissance  astringente  et 
ligatrice  des  formes  astrales  sur  le  plan  matériel,  —  à 
rinverse  du  soleil,  agent  libérateur,  puis  attractif  des 
essences  spiritualîsées,  au  royaume  du  pur  éther. 

La  signification  occulte  se  précise,  de  la  cérémonie  en 
usage  au  lit  de  mort  des  souverains  pontifes.  Il  s'agit  de 
savoir  si  le  corps  de  l'auguste  défunt  se  trouve  dans  les 


(1)  Quand  la  mort  frappe  Thomme  pendant  la  nuit,  l'acUon  séléni- 
que se  déploie  sur  le  cadavre  avec  une  intensité  plus  grande  ;  et  si 
l'Ame  parvient  &  briser  sa  chaîne  avant  le  lever  du  soleil,  elle  est 
«  toute  rendue  »  au  champ  de  Proserpine,  où  la  seconde  mort  Tattend. 


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LA   MORT  ET   SES  ARCANES  619 

conditions  requises,  pour  que  la  tentative  thaumaturgi- 
que  du  rappel  à  la  vie  puisse  offrir  quelques  chances  de 
succès. 

Tous  les  détails  de  la  cérémonie  donnent  à  penser  que 
la  mort  n'est  pas  encore  tenue  pour  définitive.  La  tète  du 
pape  est  couverte  d'un  voile  blanc,  couleur  emblématique 
de  l'influence  lunaire  (i);  le  cardinal  camerlingue  est 
vêtu  de  violet  :  c'est  l'indication  d'un  deuil  provisoire  et 
mitigé  d'espérance.  Quant  aux  paroles  du  cardinal,  à 
l'issue  de  l'infructueuse  tentative,  elles  sont  assez  claires 
pour  qu'on  se  dispense  de  les  souligner. 

Que  si  l'on  ne  voulait  voir  dans  ce  rite,  encore  machi- 
nalement pratiqué  de  nos  jours,  qu'une  simple  formalité 
équivalant  à  la  visite  du  docteur  municipal^  en  vue  d'ob- 
tenir de  lui  licence  d'inhumer  :  nous  accorderions  que 
c'est  sans  nul  doute  l'avis  de  bien  des  interprètes  con- 
temporains, et  —  nous  le  craignons  fort  —  du  cardinal 
camerlingue  lui-même  !  De  là,  vraiment,  à  convenir  que 
telle  était  toute  la  visée  des  auteurs  du  très  ancien  rituel, 
il  y  a  fort  loin.  Dans  l'hypothèse  eu  litige,  le  médecin  se- 
rait mandé  de  préférence  au  prélat,  pour  une  constatation 
qui,  sans  contredit,  ressortirait  à  l'homme  de  l'art.  Puis 
l'approche  d'un  fer  rouge  à  la  plantedes  pieds  semblerait 
d'un  critérium  plus  certain  que  trois  coups  légèrement 
frappés  sur  la  tète  avec  un  marteau  d'argent  I  Pourquoi 
d'argent?.  .  Mais  nous  aurions  mauvaise  grâce  —  ajou- 


(1)  Peut-être  le  blanc  est-il  la  couleur  des  vêtements  pontificaux, 
pour  donner  à  entendre  que  le  vicaire  de  Jésus-Christ  est  son  image 
et  son  reflet  sur  la  terre  ténébreuse^  comme  la  lune  est  Timage  noc- 
turne du  soleil,  et  sa  blanche  clarté  un  pâle  reflet  de  l'astre  glorieux  ? 


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620  LA  CLEF  DE  LA  MAGIE  NOIRE 

tez-y  :  quelque  honte  —  à  discuter  plus  longtemps  une 
thèse  pareille.  Nous  ne  la  mentionnons  au  passage,  que 
parce  qu'elle  a  été  soutenue  devant  nous,  le  plus  sérieu- 
sement du  monde,  par  un  prêtre  d'ailleurs  érudit  et  sin- 
cère. 

Les  trois  coups  frappés,  joints  au  triple  appel  qui  les 
souligne,  équivalent  à  une  évocation  précise  de  l'ànie 
défunte,  adjurée  par  le  thaumaturge  sacerdotal  de  donner 
un  signe,  au  cas  où  l'essai  du  rappel  à  l'existence  ofiFri- 
rait  quelque  espoir  de  réussite.  Trois  est  le  nombre  sa- 
cramentel du  Verbe,  de  la  Résurrection  et  de  la  Vie. 

Les  adjuvants  de  chambre,  familiers  respectueusement 
dévoués  à  la  personne  du  pape,  servaient,  selon  toute 
vraisemblance,  d'éléments  négatifs,  pour  l'improvisation 
d'une  chaîne  magique,  où  figurait  le  cardinal  camerlingue, 
à  titre  de  nature  positive.  D'une  part,  le  thaumaturge 
ecclésiastique  tendait  au  défunt  un  câble  de  fluide  et  de 
volontés  unies,  par  quoi  il  mettait  un  subside  de  force 
nerveuse  à  sa  disposition,  pour  ressaisir  les  rênes  de 
l'organisme  ;  d'autre  part,  le  rapport  kabbalistique  du 
signe  à  la  chose  signifiée  conférait  au  triple  appel  nomi- 
nal une  eflficacité  suprême,  tandis  que  la  même  loi  décu- 
plait et  concentrait  pour  ainsi  dire  sur  un  point  la  vertu 
assujettissante  et  ligatrice  de  la  lune,  symbolisée  par 
l'usage  du  marteau  d'argent.  C'était  paralyser  pour  un 
temps  l'effort  de  l'âme  sortante,  en  accumulant  sur  elle 
l'influence  hérébique  à  son  maximum  d'intensité,  que 
multipliait  et  dynamisait  la  volonté  conforme  du  thau- 
maturge et  le  veto  de  son  verbe  d'inhibition.  Au  cas  où 
l'âme,  encore  captive,  peinait  à  se  défaire  de  sa  fausse 


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LA  MORT  ET  S£S  ARGANES  ijlii 

personnalité,  le  rite  du  marteau  d'argent  devait  interrom- 
pre la  €  confession  au  tribunal  de  T Abîme  ». 

Si  quelque  signe,  —  un  mowvement  musculaire  du 
cadavre,  ou  des  coups  frappés,  ou  tout  autre  indice,  — 
eût  manifesté  la  présence  de  Tâme  auguste  et  présagé  son 
possible  retour,  nul  doute  que  le  cardinal  pontifiant  n'eût 
alors  mis  en  œuvre  quelqu'un  des  procédés  du  rés.urrec- 
tionnisme,  bien  connus  des  apôtres  et  des  premiers  adep- 
tes de  la  religion  chrétienne,  et  que  nous  avons  signalés 
plus  haut.  Par  contre,  la  cérémonie  manquant  son  effet, 
il  restait  loisible  aux  oracles  du  sacerdoce  de  la  taxer  de 
pieux  usage,  ou  de  feindre  de  n'y  voir  qu'une  simple  for- 
malité de  solennelle  constatation. 

Notons,  pour  en  finir  avec  ce  rite  étrangement  signi- 
ficatif, que  les  coups  sont  frappés  au  sommet  de  la  tête, 
parce  que  c'est  là,  un  peu  en  arrière  de  la  suture  crâ- 
nienne, —  par  le  trou  de  Brahma,  diraient  les  maîtres 
hindous,  —  que  s'opèrent  à  la  mort  la  désassimilation 
et  l'exode.  Mais  si  l'on  voulait  se  servir  du  marteau  d'ar- 
gent pour  provoquer  le  réveil  d'un  médium  ou  d'un 
adepte  cataleplisés,  en  phase  de  bilocation,  il  faudrait 
également  agir  sur  les  régions  du  cœur  et  du  grand  sym- 
pathique; puisqu'en  cette  dangereuse  expérience,  de  no- 
tables agrégats  fluidiques  s'extériorisent  à  hauteur  de 
ces  organes.  Dans  ces  cas  de  léthargie,  l'influence  com- 
pressive  évoquée  par  l'usage  du  maillet  d'argent  n'agirait 
plus  identiquement  comme  au  lit  de  la  mort  :  c'est  en 
resserrant  la  chaîne  sympathique  qu'elle  favoriserait  la 
réintégration  du  corps  astral. 
On  voit  qu'entre  l'état  posthume  et  celui  qui  résulte 


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622  LA   CLEP  DE  LA  MÀGIfi  NûlRR 

de  la  projection  du  double  corporel,  il  sied  de  releyer  de 
très  essentielles  différences,  non  seulement  dans  les  rap- 
ports qui  relient  l'âme  à  sa  dépouille  physique,  mais  en- 
core dans  le  mode  du  dédoublement,  comme  à  Tégard 
des  issues  par  où  ce  phénomène  s'accomplit. 

Le  magicien  en  phase  bilocative  peut  appeler  à  soi  la 
force  nerveuse  de  son  organisme,  par  le  véhicule  de  la 
chaîne  qui  reste  tendue  de  l'un  à  l'autre  ;  —  tandis  que 
l'âme  en  peine,  qui  a  épuisé  sa  réserve  dynamique  au  cours 
de  la  double  agonie  qu'elle  vient  de  subir,  (terrestre  et 
posthume),  ne  peut  compter  que  sur  autrui  pour  renou- 
veler la  provision  de  forces  disponibles,  qui  lui  est  indis- 
pensable, afin  de  sortir  victorieuse  des  épreuves  de  son 
purgatoire. 

Quelquefois,  avons-nous  dit,  de  pareils  subsides  peu- 
vent être  octroyés  par  les  goëtes  des  cercles  mauvais, 
qui  veulent  accaparer  une  âme  et  lui  feront  payer  bien 
cher  un  secours  passager...  Mais  ce  piège  assez  rare  peut 
être  déjoué.  En  règle  générale,  c'est  d'une  source  avoua- 
ble que  procède  le  bienfait  :  la  loi  de  solidarité  humaine 
est  intervenue... 

Nous  avons  promis,  on  s'en  souvient,  de  revenir  sur 
cet  adorable  mystère  de  l'amour  et  de  la  bienfaisance 
posthumes  ;  car  c'est  à  l'heure  du  désespoir  que  l'âme, 
accablée  par  une  épreuve  qui  passe  ses  forces,  sentira 
qu'elle  n'est  point  seule,  et  recevra  le  gage  de  la  phis 
tendre  sollicitude. 

Mais  d'où  viendra  cette  aide  à  l'âme  désincarnée?  — 
D'ici-bas  et  de  là-haut  :  de  la  douleur  des  parents  ter- 


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LA  MORT  ET  SES  ARCANES  623 

restres,  et  de  la  pitié,  disons  mieux,,  de  l'amour  des  cé- 
lestes parents.  L'âme  n'a  pas  commencé  son  purgatoire 
dans  le  gouffre  d'Hécate,  que  déjà,  sur  l'Antichtone  lumi- 
neuse, sa  venue  est  annoncée  et  sa  place  préfixe. 

Si  bizarre  que  semble  cette  théorie,  qu'on  daigne  y 
réfléchir  ;  et  peut-être  ne  l'estimera-t-on  dépourvue  ni  de 
logique,  ni  de  vraisemblance. 

La  famille  est  une  réalité  sur  le  plan  subjectif  comme 
sur  la  terre.  Quand  un  enfant  s'incarne  ici-bas,  qui  nous 
dit  qu'un  groupe  de  parents  ne  pleure  point  là-haut  la 
mort  d'une  âme  ? 

c  Encore  une  étoile  qui  file^ 
Qui  file,  file,  et  disparaît  !...  » 

Mais,  en  perdant  une  famille  au  monde  de  la  vie  em- 
pyrée,  cette  âme  qui  va  naître  en  acquiert  une  autre  au 
monde  de  la  vie  charnelle.  Des  bras  seront  là  pour 
recueillir  l'ange  au  terme  de  sa  chute  ;  une  ineffable  sol- 
licitude va  désormais  veiller  sur  lui.  Ses  parents  lui  ap- 
prendront peu  à  peu  à  faire  usage  de  son  corps,  masse 
opaque  où  vient  sa  lumière  de  s'engloutir  et  de  s'étein- 
dre ;  mais  dont  les  organes  seront  plus  tard  autant  d'ins- 
truments de  contrôle  à  son  service,  pour  explorer  et 
connaître  ce  monde  étrange  où  il  est  descendu.  Ainsi 
sans  doute  le  nouveau-né  de  la  vie  arômale  retrouve  une 
famille  prête  à  l'accueillir  au  delà  du  sombre  fleuve  :  de 
tendres  parents  qui  vont  l'initier  progressivement  à  sa 
vie  nouvelle. 

La  famille  se  composera-t-elle  des  mêmes  individus 
là-haut  qu'ici-bas,  ou  réciproquement?  Les  aînés  qui  ac- 


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624  LA  CLEF  DE  LA  MAGIE  NOIRE 

cueilleront  le  néophyte  de  la  vie  céleste  sont-ite  des  an- 
cêtres j  au  pied  de  la  lettre  ?  nous  voulons  dire  —  des 
individus  de  la  même  famille  terrestre,  morts  avant  lui? 
—  Gela  est  une  autre  question,  et  tout  ce  que  nous  en 
pouvons  dire,  c'est  qu'il  paraît  consolant  de  le  supposer. 
L'examen  de  cette  hypothèse  va  d'ailleurs  fournir  Toe- 
casion  d'une  remarque,  omise  par  nous  jusqu'à  présent  : 
à  savoir  que,  le  plus  souvent,  sur  cette  terre,  nous  ne 
connaissons  d'un  homme  que  s^  fausse  personnalité,  celle 
qu'il  dépouillera  dans  les  affres  delà  mort  et  delà  seconde 
mort,  et  qui  est  vouée  à  se  dissoudre,  plus  ou  moins 
vile,  conjointement  ou  parallèlement  au  corps  astral,  pé- 
rissable aussi.  L'entité  vraie,   l'individualité  durable, 
l'âme  en  un  mot,  n'apparaît  point  ordinairement  mar- 
quée à  ce  sceau  d'originalité  ou  de  particularisme  qui 
commande  et  fixe  l'attention  :  l'entité  vraie  nous  échappe 
totalement.  —  Ce  qui  nous  frappe  à  chaque  instant,  chez 
l'immense  majorité  des  hommes,  c'est  le  tour  d'esprit, 
aussi  bien  que  l'allure  extérieure:  ce  sont  la  désinvolture 
ou  la  timidité,  la  manière  d'être,  de  s'exprimer,  de  se 
tenir;  joignez-y  les  minuties  du  caractère,  la  bonne  ou 
la  fâcheuse  humeur,  les  petites  manies,  les  faiblesses 
pittoresques  ou  ridicules...  toutes  ces  choses  enfin,  dont 
l'addition  forme  un  total  qui  nous  représente  «  Monsieur 
un  tel  ».  Voilà  ce  qui  constitue  la  personnalité  terrestre. 
Eh  bien,  toutes  ces  choses,  caractéristiques  à  nos  yeux, 
d'un  être  que  nous  estimons  connu,  par  cela  même  que 
nous  les  avons  notées  ;  —  toutes  ces  choses,  marchan- 
dises prohibées  du  bagage  immortel,  n'outrepasseront 
point  l'atmosphère  seconde  de  la  planète  dont  elles  sont 


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LA   MORT  £T  SES   ARCANES  625 

des  produits  :  elles  resteront,  il  est  vrai,  le  propre  de  la 
personne  défunte,  tant  que  celle-ci  se  maintiendra  dans 
1  a  condition  d'Élémentaire  ;  mais  une  fois  la  réelle  entité 
libre  de  ses  entraves  et  sublimée  vers  un  nouveau  mode 
d'existence,  toutes  ces  choses,  inséparables  de  la  fausse 
substance  animique,  resteront  captives  de  l'Astral  terres- 
tre. Enfin  YOmbre  (ou  coque  fluidique  en  voie  de  se  dis- 
soudre) les  attirant  à  soi,  en  accueillera  le  reflet  dans  sa 
lumière  moribonde,  pour  en  garder  quelque  temps  l'in- 
décise empreinte  !  Ainsi,  soit  qu'avec  l'aide  d'un  médium, 
les  habitants  de  notre  planète  évoquent  l'Élémentaire 
humain,  soit  qu'ils  parviennent  à  réactionner  l'Ombre 
inane,  qui  n'en  est  plus  qu'une  dépouille,  un  résidu,  une 
scorie  :  ce  sera,  dans  les  deux  cas,  la  personnalité  ter- 
restre, —  celle  que  nous  avons  connue,  —  qui  se  mani- 
festera, parfaite  ou  imparfaite. 

La  conséquence,  c'est  que  la  plupart  des  êtres  qui  ont 
vécu  sur  la  terre  dans  une  étroite  intimité,  se  croiseront 
sur  l'Antichtone  sans  se  reconnaître  aucunement,  puisque 
leurs  traits  de  ressemblance  auront  disparu,  avec  la  mé- 
nnoire  de  tout  ce  qui  ne  résidait  pas,  ou  dans  l'intellec- 
tuel pur,  ou  dans  les  sentiments  les  plus  nobles  de  l'àme. 
A  peine  de  rares  humains  pourraient-ils  se  retrouver  là- 
haut  tels  qu'ils  se  sont  connus,  qui,  —  dès  leur  existence 
physique,  fervents  de  l'altruisme  et  de  la  spiritualité,  se 
sont  manifestés  ici-bas  l'un  à  l'autre  par  les  plus  subli- 
mes attributs  de  l'intelligence  et  du  cœur.  L'exception- 
nelle faculté  de  se  reconnaître  dans  l'autre  monde  devien- 
drait ainsi  le  privilège  aristocratique  des  âmes.  Elle  serait 

la  récompense  des  adelphats  intellectuels  les  plus  purs, 

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626  LA  CLEF  DE  LA  MAGIE  NOIRE 

des  affectioDS  hautement  désintéressées,  des  absolus  dé- 
vouements, des  belles  et  saintes  amours  :  parce  qu'il  est 
écrit  que  V amour  est  plus  puissant  que  la  mort.  —  Quant 
au  commun  des  hommes,  s'ils  se  rencontrent  là-haut,  ils 
ne  se  soupçonneront  même  pas.  Tout  au  plus  éprouveront- 
ils  parfois  la  vague  impression  de  déjà  vu,  que  nous  res- 
sentons en  présence  de  certaines  personnes,  qui,  dès  le 
premier  coup  d'œil,  nous  semblent  familières,  et  com- 
mandent notre  amitié  immédiate,  ou  soulèvent  en  nous 
de  farouches  et  soudaines  antipathies.  Et  ce  sera  tout... 

C'est  assez  dire,  qu'à  supposer  que  les  aïeux  terriens 
devinssent  les  parents  antichtoniques,  cette  identité  serait 
de  médiocre  conséquence  pour  le  plus  grand  nombre  de 
nous,  puisqu'il  ne  nous  serait  probablement  donné,  ni 
d'être  reconnus  d'eux,  ni  de  les  reconnaître. 

Quels  qu'ils  soient  d'ailleurs,  ces  parents,  —  dès  que 
l'individu  trépassé  sur  terre  commence  son  voyage,  une 
respectable  tradition  nous  les  montre  attentifs,  qui  déjà 
veillent  sur  lui,  de  près  ou  de  loin,  et  lui  viennent  en 
aide  dans  la  lutte  qu'il  va  soutenir.  Mais  le  touchassent- 
ils,  que  le  nouveau-mort  ne  les  verrait  pas  plus  qu'un 
nouveau-né  n'aperçoit  encore  le  médecin  qui  l'aide  à 
rendre  le  méconium,  ou  tranche  le  cordon  ombilical  qui 
rattache  l'enfant  à  sa  mère.  La  Psyché  posthume,  à  me- 
sure que  ses  organes  propres  se  développeront,  prendra 
connaissance  du  monde  subtil  qui  l'entoure. 

Toutefois,  une  dissemblance  profonde  est  à  saisir,  en- 
tre le  nouveau-né  et  le  nouveau-mort  (I).  L'âme  du  pre- 

(1)  L'analogie  serait  plus  exacte,  qui  homologuerait  l'état  posthume 


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LA  MORT   ET  SES  ARCANES  627 

mier  est  une  page  blanche,  pour  ainsi  dire  :  du  moins 
les  écritures  karraiques,  comme  tracées  à  l'encre  de  sym- 
pathie, ne  se  développeront  que  plus  tard  aux  réactifs 
temporels  ;  tandis  que  l'autre  a  besoin  de  sa  conscience 
et  de  sa  volonté  terrestres,  pour  soutenir  l'épreuve  qui 
l'attend.  Ce  n'est  qu'une  {o'\s\dL  seconde  mort  consommée, 
et  le  corps  astral  dépouillé  comme  une  tunique  en  lam- 
beaux, que  l'être  humain,  avant  son  assomption  sur  l'An- 
tichtone,  perdra  connaissance  dans  l'eau  du  Léthé  :  bap- 
tême d'une  vie  nouvelle,  et  absolution  de  l'ancienne  ! 

Mais  s'il  est  permis  de  pressentir  l'accueil  fait  à  l'être 
abmatérialisé  sur  le  seuil  de  la  vie  arômale,  et  l'influence 
tutélaire  dont  il  bénéficie  peut-être,  sans  la  sentir  encore; 
c'est  d'ici-bas  que  peut  et  doit  émaner  l'auxiliation  dé- 
cisivement  efficace,  et  plus  ou  moins  promptement  libé- 
ratrice. 

Tous  les  théocrates  l'ont  compris,  et  toutes  les  religions 
solennisent,  règlent,  consacrent,  par  les  rites  funéraires  et 
le  culte  des  morts,  l'émission  de  ce  subside  bénéfique. 
De  quel  secours  sont  les  prières,  les  symboles  et  les  céré- 
monies religieuses,  à  l'agonisant,  puis  au  défunt  :  c'est 
ce  qu'ignorent  ceux-là  même,  qu'un  vivace  et  sublime 
instinct  pousse,  —  indifférents,  sceptiques,  voire  athées, 
—  à  rendre  un  culte  aux  trépassés.  Par  une  dérogation 
bien  remarquable  à  leurs  habitudes,  on  les  voit,  sous 
prétexte  d'un  enterrement  ou  d'une  cérémonie  commé- 
raorative,  fouler  à  nouveau  le  parvis  des  églises  longtemps 

de  rame  avec  celui   qu'elle   a  connu  dans  l'inten'alle  de  sa  chute  à 
son  incarnation  (Voy.  pages  480  et  suiv.). 


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628  LA  CLEF  DE  LA   MAGIE  NOIRE 

désertées  par  eux.  Routine,  se  disent-ils,  et  sacrifice  aux 
bienséances  ;  mais  quelle  secrète  influence  les  subjugue 
au  caprice  d'une  routine,  aux  respects  des  convenances 
dont  ils  s'affranchissent  sans  scrupule  en  toute  autre  con- 
joncture ?  Se  le  sont-ils  demandé?... 

Le  cérémonial  funèbre  est  une  savante  orchestration 
de  la  douleur  des  amis  et  des  proches,  exhalée  en  un 
concert  de  bruyants  sanglots  ou  de  muets  soupirs. 

Nous  avons  démêlé,  au  chapitre  v,  Tésot^risme  de  cer- 
taines causes  passionnelles,  celles  enparticulierdela  peur 
sans  motif  appréciable,  et  de  Tinstinct  sadique.  Du  même 
coup,  nous  laissions  entrevoir  la  fonction  providentielle 
des  larmes  pleurées  sur  un  cercueil. 

Il  n'est  point  de  passion  intense  de  l'âme  qui  ne  se 
traduise,  à  son  paroxysme,  par  une  abdication  de  la  Vo- 
lonté inconsciente  (1)  dans  le  gouvernement  de  la  vie. 
Alors,  les  liens  compressifs  de  l'organisme  occulte  venant 
à  fléchir,  le  réservoir  de  la  force  nerveuse  disponible  laisse 
échapper  à  flots  sa  précieuse  liqueur.  La  vie,  au  degré  de 
perfection  qu'elle  atteint  chez  l'homme,  n'est  point  ainsi 


(1)  Nous  n'ignorons  pas  que  la  volonté  de  l'individu»  consciente 
lorsqu'elle  s'exerce  dans  les  sphères  de  son  intelligence  ou  de  son  en- 
tendement, ne  l'est  plus  lorsqu'elle  agit  dans  les  bornes  de  sa  Psyché 
passionnelle  ou  dans  le  domaine  de  son  instinct.  Or  la  Puissance  qui 
commande  sur  le  corps  astral,  et  par  lui,  sur  le  système  ganglionnaire 
et  ses  réserves  de  force  nerveuse,  —  c'est  la  volonté  inconsciente,  c'est- 
à-dire,  qui  veut  en  nous  sans  que  nous  ayons  conscience  de  vouloir,  et 
cesse  de  vouloir  en  nous,  sans  que  nous  sachions  ne  vouloir  plus. 

L'art  de  porter  la  lumière  dans  cette  portion  obscure  de  la  volonté 
constitue  l'un  des  plus  profonds  arcanes  de  la  magie.  Nous  en  avons 
dit  quelque  chose,  mais  en  termes  discrets,  au  chapitre  iv  de  cet  ou- 
vrage. 


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LA   MORT   ET   SES   ARCANES  629 


répandue  sans  destination  naturelle,  ou  du  moins  sans 
immédiat  emploi  :  tant  d'êtres,  autonomes  ou  parasitai- 
res, en  sont  avides  insatiablement!  Magique  breuvage,  la 
vie  donne  jusqu'à  l'illusion  de  Timmortalité  à  ces  Lémures 
inconsistants  qui  peuplent  le  nimbe,  et  ne  sont  que  les 
blasphèmes  du  verbe  inférieur,  les  mensonges  de  l'Exis- 
tence prompte  elle-même  à  se  décevoir  !  A  plus  forte  raison 
pareil  élixir  sera-t-il  un  réconfort  pour  des  Entités  moins 
infimes  et  d'un  grade  notable  sur  l'échelle  de  l'évolu- 
tion. 

Le  plus  souvent,  l'hémorragie  fluidique  de  source 
passionnelle  tourne  au  profit  des  Élémentaux,  comme 
dans  le  cas  de  peur  irraisonnée,  —  ou  sert  à  nourrir  des 
Larves,  comme  dans  le  cas  de  jalousie.  Mais  pour  utiliser 
les  affres  du  désespoir,  consécutif  à  la  perte  d'un  être 
cher,  une  loi  providentielle  intervient,  qui  réserve  au 
bénéfice  du  mort  cette  effusion  vivifiante;  et,  tribut  su- 
prême de  la  terre  à  l'enfant  qui  vient  de  la  fuir,  ce  sub- 
side dynamique  dont  nous  avons  parlé,  qui  corrobore 
Yâme  en  peine  au  plus  dur  de  l'épreuve  posthume,  —  n'a 
point  d'autre  origine. 

Que  si  l'on  s'enquiert  du  véhicule  intercosmique, 
propre  au  transport  de  cette  force  ainsi  libérée  ;  si  l'on 
demande  quel  canal  l'endigue  et  la  conduit  jusqu'au  pau- 
vre défunt  qui  s'en  abreuvera  :  c'est,  répondrons-nous, 
l'afiinité  sympathique  et  secrète  qui,  de  la  terre  au  Ciel 
et  d'une  vie  à  l'autre,  relie  tous  les  membres  d'une  même 
famille,  la  tige  virtuelle  qui  porta  toutes  les  fleurs  d'ua 
même  sang.  —  Affinité  si  réelle,  qu'à  vrai  dire,  elle 
seule  explique  le  phénomène,  fort  étrange  et  fréquent, 


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630  LA  CLEF  DE  LA  MAGIE  NOIKE 


des  trépas  sériels j  qui  déconcerte  les  doctes,  mais  dont 
le  naïf  populaire  a  de  suite  compris  le  sens  occulte,  qu'il 
a  traduit  et  consacré  par  un  proverbe  :  les  maris  s'ajh 
pellent  ! 

Quoi  de  moins  rare,  en  effet,  quoi  de  plus  impression-    I 
nant  aussi,  que  de  voir  une  famille  prospérer  vingt  ans 
et  plus,  à  Tabri,  non  pas  seulement  d'une  catastrophe, 
mais  de  la  moindre  disgrâce  du  Sort,  gagner  du  terrain 
par  la  naissance,  sans  en  perdre  par  le  décès;  sans  qu*au 
recensement  des  anniversaires,  un  seul  de  ses  membres 
défaille  à  l'appel!...  Enfin,  après  une  lutte  prolongée, 
l'un  d'eux  succombe,  et  c'est  souvent  l'aïeul.  Tel  un  chêne 
sous  la  cognée,  il  a  longtemps  et  vaillamment  souflFert 
les  atteintes  du  mal  qui  remporte.  Il  tombe>  —  et  le 
spectre  de  la  Mort,  tant  d'années  absent,  ne  cesse  plus 
de  planer  sur  le  home;  et  successivement,  en  quelques 
mois,  autant  de  cercueils  s'alignent  au  caveau  funèbre, 
qu'on  avait  vu  de  berceaux  se  multiplier  au  logis.  Parfois 
la  contagion  gagne  les  branches  latérales...  On  dirait 
qu'une  invisible  chaîne  reliât  entre  eux  tous  ces  parents, 
et  que  l'un  d'eux,  s'effondrant,  ait  entraîné  tous  les  au- 
tres dans  sa  chute.  Il  n'est  que  trop  vrai  que  la  chaîne 
existe,  et  le  peuple,  qui,  à  s'élire  un  avis,  opte  de  préfé- 
rence pour  le  moins  complexe,  opine  que  le  premier  en 
allé  a  fait  aux  autres  signe  de  le  suivre  :  les  niorts  s'ap^ 
pellent! 

,  Toutes  ces  notions  de  sohdarité  familiale  et  de  réversi- 
bilité dynamique,  rattachant  aux  incarnés  ceux  qui  vien- 
nent de  fuir  la  prison  du  corps,  —  étaient  parfaitement 


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LA    MORT  ET  SES  ARCANES  631 

connues  et  mises  en  pratique  dans  les  temples  de  l'anti- 
que Sagesse. 

Sur  ces  données  occultes,  un  monument  s'élevait  de 
toutes  parts,  sanction  de  la  vie  immortelle  dans  la  mort 
même,  promesse  deTéternité  bienheureuse  dans  le  temps! 
C'était  la  religion  des  sépultures,  si  célèbre  en  Egypte  et 
en  Assyrie  ;  le  culte  des  ancêtres,  encore  si  vivace  dans 
tout  l'Extrême-Orient,  et  qu'au  siècle  dernier  les  mis- 
sionnaires dominicains  ont  fait  proscrire  par  TÉglise  ro- 
maine, comme  impie  et  superstitieux.  Plus  habiles,  les 
missionnaires  de  la  compagnie  de  Jésus  en  avaient  toléré, 
de  longue  date,  le  cérémonial  chez  leurs  catéchumènes  : 
si  bien  que,  sous  la  direction  des  bons  Pères,  les  Chinois, 
pour  qui  ce  culte  ancestral  est  tout,  adoptaient  en  nom- 
bre la  foi  du  Christ,  dans  lequel  ils  pensaient  voir  un 
nouveau  Bouddha.  Mais  les  Frères  prêcheure,  jaloux  des 
succès  de  leurs  rivaux  séculaires,  obtinrent  de  Rome  une 
bulle  de  condamnation  contre  le  procédé  jésuitique  (1): 
la  source  des  conversions  en  tarit  soudain,  et  de  ce  jour- 
là,  c'en  a  été  fait  du  Catholicisme  en  Extrême-Orient. 

Aujourd'hui,  que  l'hostilité  flagrante  de  la  Science  et 
delà  Foi  semble  avoir  déterminé  comme  un  schisme  dans 
l'indivisible  Vérité,  réduite  à  l'antinomie  de  deux  aspects 
contradictoires,  il  est  difficile  de  concevoir  jusqu'où,  dans 
les  cryptes  de  TÉsotérisme,  le  contrôle  scientifique  le 
plus  rigoureux  s'exerçait  jadis,  pour  la  vérification  des 


(1)  La  querelle  dura  cent  ans,  entre  les  héritiers  spirituels  de  Saint 
Dominique  et  ceux  de  Saint  Ignace  de  Loyola.  Ce  fut  Benoit  XIY  qui 
prononça,  au  siècle  dernier,  la  condamnation  définitive  de  la  méthode 
Jésuitique  en  Chine. 


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632  LA  CLEF  DE  LA  MAGIE  NOIRE 

doctrines  religieuses  :  loin  de  se  contredire,  alors,  h: 
positivisme  expérimental  et  l'intuition  mystique  s  ému- 
laient vers  la  découverte  et  la  mutuelle  consécration  du 
Vrai  (1).  Nos  contemporains  auraient  peine  à  se  repré- 
senter quels  liens  de  correspondance  immédiate  les  an- 
ciens sacerdoces  avaient  su  tendre,  d'une  rive  à  l'autre 
de  Texistenoe,  de  l'envers  à  l'endroit  de  la  substance 
cosmogonique  ;  et  quels  rapports  hiérarchiques,  précis 
et  indiscutables,  ils  entretenaient  avec  les  âmes  déga- 
gées des  entraves  du  corps. 

La  communion  avec  le  Ciel  antichtonique,  ou  même 
avec  la  citadelle  solaire  des  âmes  glorifiées,  n'est  inter- 
dite qu'aux  hommes  dont  la  personnalité,  restreinte  dans 
les  régions  inférieures  de  la  Psyché  passionnelle  et  ins- 
tinctive, doit  conséquemment  se  dissoudre  à  la  mort, 
comme  nous  l'expliquons  à  la  page  625.  Mais  il  est  des 
hommes  qui  dominent  la  chair  d'assez  haut  pour  se  main- 
tenir conscients  et  actifs  dans  la  région  spirituelle  de 
leur  être  :  ceux-là  peuvent  lier  commerce  avec  les  âmes 
victorieuses  de  la  seconde  mort.  Telle  était  la  base  du 
glorieux  culte  des  ancêtres,  docte  et  hiérarchique,  dont 
la  religion  des  Mânes  n'était  déjà  plus  à  Rome  qu'un  reste 
dégénéré,  une  réminiscence  presque  machinale,  tandis 
que  le  spiritisme  anarchique  de  nos  jours  en  présente  la 
contrefaçon  pitoyable  et  la  burlesque  caricature  (2). 

(1)  n  est  vrai  de  dire,  au  reste,  que  le  positivisme  expérimental  des 
hiérophantes  connaissait  d'autres  critères  que  la  science  positive  de 
nos  docteurs  contemporains,  et  savait  s'ouvrir  un  champ  d'observation 
plus  étendu. 

(2)  «  Un  spirite  en  rencontre  un  autre.  —  Quoi  de  neuf,  cher  ami, 
depuis  que  j'ai  eu  le  plaisir  de  vous  voir  à  l'évocaUon  de  la  mère  Mo- 


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LA   MORT  ET   SES   ARCANES  633 

Mais  dès  les  temps  reculés  où  la  haute  et  divine  Magie 
était  rame  même  du  sacerdoce,  les  adeptes  de  la  goëtie 
parodiaient,  dans  les  ténèbres  profanes,  les  théurges  du 
sanctuaire. 

Plus  une  lumière  scintille  brillante  et  pure,  plus  noire 
et  plus  précise  se  projette  Tombre  des  objets  qu'elle  bai- 
gne de  ses  rayons.  Hors  de  Tenceinte  consacrée,  les 
vérités  occultes  se  traduisent  presque  toujours  en  dégra- 
dantes superstitions  ;  et  les  cérémonies  augustes  dégé- 
nèrent en  pratiques  subversives,  ambiguës  et  parfois  hi- 
deuses. C'est  une  conséquence  fatale  de  l'imperfection 
humaine,  —  et  nous  ajouterions,  le  seul  inconvénient  de 
la  méthode  ésotérique,  si,  dans  le  catholicisme  moderne, 
d'où  Tésotérisme  est  exclu,  la  même  matérialisation  su- 
perstitieuse ne  se  faisait  apercevoir,  nonobstant  la  publi- 
cité des  mystères...  La  caractéristique  des  formes  reli- 
gieuses ainsi  défigurées  par  la  réfraction  en  un  milieu 
moins  pur,  c'est  de  grimacer  dans  l'outrance. 

La  haute  psychurgie  se  bornait  à  solenniser  la  douleur 
des  amis  et  des  parents,  afin  de  mettre  en  œuvre,  au  bé- 
néfice du  mort,  le  subside  de  force  nerveuse  qui  lui  doit 
être  si  utile.  La  sorcellerie  prétendit  faire  plus. 

Les  adeptes  de  la  magie  noire,  pour  décupler  l'émis- 


reau,  chez  TabbéX?...  —  Pas  grand  chose,  si  ce  n'est  toutefois  que 
ma  tante  est  morte...  —  Ah  1  elle  est  morte  ?  C'est  très  bien  t  —  Mon 
Dieu  oui,  morte  et  enterrée.  —  Elle  se  porte  bien,  du  reste  ?  —  Mais 
parfaitement  ;  je  vous  remercie.  Elle  vient  mo  voir  tous  les  jeudis.  — 
Ahl  c'est  votre  jour  de  réception?  —  Pour  les  morts,  seulement;  je 
reçois  les  vivants  le  lundi.  »  (Le  Siècle,  n°  du  15  juillet  1853.) 

Cette  spirituelle  saillie  d'un  journaliste  est  à  peine  une  charge  ;  nous 
savons  des  spirites  qui  parlent  sérieusement  ainsi  t 


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634                          LA  CLEF  DE  LA  MAGIE  NOIRE 
f 

I 

sion  dynamique,  imaginèrent  d'ajouter  la  douleur  physi-  . 
que  au  chagrin  moral,  et  de  mêler  le  sang  aux  larmes?-*  \ 
Ils  prescrivirent  aux  proches  de  se  balafrer  d'incisioris 
par  tout  le  corps,  en  pleurant  les  trépassés  :  praUqu»* 
sauvage,  que  certains  sacerdoces  dégénérés  adoptèrent 
par  la  suite,  et  qui  était  devenue  bien  coutumièreen  Asie- 
Mineure,  au  temps  de  Moïse,  car  il  dut  la  proscrire  ex- 
pressément dans  sa  Loi.  Citons  un  verset  des  plus  curieux 
du  Sepher  Wa4kerâ  mp^^  "ISD  (traité  plus  connu  des 
modernes  sous  le  titre  du  Léuitique)  ;  un  verset  dont  la 
portée  véritable  a  échappé  aux  commentateurs  : 

«  Une  incision  pour  une  âme  (défunte),point  n'en  ferez  à  la 
chair  à  vous;  des  marques  stigmatisées  (tatouages), point  n'en 
ferez  sur  vous  :  moi  Ihôah  !  » 

(lévitique,  chapitre  xix,  y.  28). 

La  Bible  d'Osterwald,  d'accord  avec  toutes  les  versions 
exotériques,  interprète  ainsi  ce  verset  :  «  Vous  ne  ferez 
point  d'incisions  sur  votre  chair  pour  un  mort,  et  vous 
n'imprimerez  pas  de  caractères  en  vous  :  je  suis  TÉter- 
nel.  » 

M.  S.  Cahen,  auteur  d'une  bonne  traduction  littérale 
de  la  Bible,  rend  par  «un  cadavre  »  le  mot  qu'Osterwald 
rend  par  a  un  mort  »,  et  que  nous  avons  cru  devoir  tra- 
duire par  «une  âme  »  :  car  tel  est,  en  vérité,  le  sens  éso- 
térique  du  vocable  tt^S3  Nephesch  (2).  Mais  en  admettant 

(1)  Par  rhiérogramme  TTSJ,  Nephesch,  Moïse  entend  presque  toujours 


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LA   MORT  ET  SES  ARGA:<ES  635 

Le   sens  accrédité  par  les  traducteurs,  notre  thèse  n'en 
souffrirait  pas. 

M.  Cahen  consigne  en  note  cette  remarque,  que  «  les 
peuples  orientaux,  et  même  les  Romains  avaient  Thabi- 
Ivide,  aux  funérailles  de  leurs  proches,  de  se  faire  des 
incisions  en  différents  endroits  du  corps.  Cet  usage  (ajou- 
te-t-il)  subsiste  encore  chez  les  Arabes...  On  voit  dans 
Jéréraie  que  cette  prohibition  était  mal  observée  chez  les 
Hébreux.  Voy.  Jérémie,  chap.  xvi,  ^.  6;  ch,  xli,  jf,  5; 
ch.  xLvn,  f.  5,  etc..  (1)  » 

Les  tatouages,  ou  stigmates,  qu'interdit  en  outre  le 
Lévitiquey  sont  magiquement  quelque  chose  de  plus  que 
de  simples  incisions  :  ils  symbolisent  Té  vocation  des  Invi- 
sibles, et  sanctionnent  le  pacte  avec  ces  Puissances,  par 
l'indélébile  inscription  de  l'hiéroglyphe  évocatoire,  à 
même  la  chair  des  évocateurs. 

Moïse  ne  condamnait  pas  sans  raison  ces  rites  abusifs, 
et  beaucoup  plus  profitables  aux  Larves  impures  qu'à  toute 
autre  classe  d'Invisibles.  Non  seulement  de  pareilles  scè- 
nes d'ivresse  astrale  et  sauvage  sont  nuisibles  aux  assis- 
tants, qui  multiplient  dans  leur  milieu  les  spectres  para- 
sitaires et  attirent  les  Lémures  vagabonds  en  leur  offrant 


l'àme  dans  sa  triple  nature,  et  dans  Tensemble  de  ses  opérations.  (Voy. 
Fabre  d'Olivel,  Langue  hébraïque  restituée,  tome  II,  page  51-53). 
Mais  les  Kabbalistes  entendent  de  préférence,  par  ce  vocable^  le  corps 
astral,  et  la  faculté  plastique  qui  lui  sert  de  substratum  :  en  un  mot, 
la  vie  fluidique  de  Tàme,  par  opposition  à  n^l  Roûach,  sa  vie  passion- 
nelle, et  à  7XQX02  Neschamah,  sa  vie  spirituelle.  Ce  sens  est  précieux  & 
relever,  au  point  de  vue  qui  nous  occupe. 

(1)  La  Bible,  traduction  nouvelle  avec  l'hébreu  en  r;egard,  par  8.  Ca- 
hen, Directeur  de  l'École  Israélite  de  Paris,  etc.  —  Paris,  1832,  in-8, 
tome  ni,  page  89. 


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636  LA  CLEF  DB  LA  MAGIE  NOIRE 

des  banquets  ensanglantés;  bien  plus,  ces  pratiques  n 
se  conçoivent  que  funestes  à  Tàme  en  détresse,  vers  qui 
s'épanche  un  courant  de  fluide  orgiaque,  saturé  de  Lar- 
ves malfaisantes,  aveugles  et  brutales. 

Accomplir  des  rites  sanglants  sur  une  tombe  entr'oi:- 
verte,  c'est  faire  pis,  peut-être  :  c'est  suggérer  à  l'àme 
encore  empêchée  dans  les  entraves  magnétiques  du  ca- 
davre la  tentation  de  ne  les  point  rompre  ;  c'est  tendnî 
vers  elle  la  coupe  abominable  du  vampirisme. 

Nous  avons  agité,  au  tome  précédent,  la  question  dt^> 
Vampires;  ce  qui  nous  dispense  de  nous  appesantir  en 
celui-ci  sur  les  turpitudes  d'un  crime  posthume,  heureu- 
sement assez  rare,  quoiqu'il  en  existe  nombre  d'exem- 
ples dûment  avérés.  Nous  avons  le  droit  de  tenir  nolro 
Lecteur  pour  sufiîsamment  renseigné  sur  la  question 
de  fait  ;  au  surplus,  la  Magia  posthuma  de  C.-F.  de 
Schertz  (1)  et  le  Traité  sur  les  apparitions  des  Esprits  et 
les  Vampires  du  P.  dom  Calmet  (2)  cataloguent  une  cer- 
taine quantité  de  récits  où  l'on  pourra  se  reporter.  C'est 
au  siècle  dernier  surtout  que  le  problème  du  vampirisme, 
bruyamment  posé  et  diversement  résolu,  a  fatigué  les 
trii)les  échos  de  l'Europe  savapte,  philosophique  et  reh*- 
gieuse  ;  mais  les  revenants  meurtriers  ont  été  connus  de 
tous  temps  sous  les  noms  divers  de  Broukolaques,  de 
Str liges,  de  Gliôtes  et  de  Lamies  (3). 

(1)  OlmOlz,  1706.  in-8. 

(2)  Paris,  1751,  2  vol.  in-12. 

(3)  Pausanias,  cité  par  M.  de  Mirville  (des  Esprits  et  de  leurs  mant 
festations  diverses,  tome  IV,  page  392),  signale  un  article  do  la  légis- 
lation des  Cretois,  qui  ordonnait  de  «  brûler  les  cadavres  qui  sortaient 


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LA   MORT  ET  SES  ARCANES  637 

Ces  dernières  appellations  s'appliquaient  tantôt  à  des 
spectres  sanguinaires  (l),  et  tantôt  à  des  monstres  à  face 
Inumaine,  .qui,  affamés  et  libidineux  tout  ensemble,  vio- 
1  aient  les  sépultures,  et,  convives  du  ver  et  du  corbeau, 
y  célébraient  les  frénétiques  agapes  de  la  putréfaction  et 
les  orgies  silencieuses  de  la  mort.  Cette  double  déprava- 
lion,  qui  n'est  point,  comme  on  le  sait,  sans  exemple  de 
nos  jours,  relève  plutôt  de  la  pathologie  mentale  que  de 
l'Occulte  proprement  dit.  Nous  ne  nous  y  arrêterons  pas. 
Véritable  maladie  posthume,  héréditaire  parfois  et  même 
ci)idémique,  le  vampirisme  serait  aussi  du  ressort  de  la 
médecine  :  mais  il  tombe  au  premier  chef  sous  la  com- 
pétence du  magiste.  11  est  d'ailleurs,  à  l'ordinaire,  con- 
testé par  les  oracles  de  la  science,  qui  recourent,  en  vue 
d'expliquer  les  faits  garantis  par  tant  de  témoins  oculai- 
res, à  un  édifice  infiniment  compliqué  d'hallucinations 
réciproques  et  de  délires  concomitants.  Le  docteur  Cal- 
meil,  qui,  pour  définir  la  cause  d'autres  phénomènes,  à 
son  gré  purement  subjectifs,  nous  parlait  naguère  de 
troubles  hystérodémonopathiqueSy  tire  cette  fois  de  son 
sac-à-malice  le  vocable,  aussi  lumineux  que  péremptoire, 
de  spectropathie  (2). 


de  leurs  tombeaux  pour  rentrer  dans  leurs  familles,  ou  de  leur  percer 
la  tète  avec  un  clou  ».  Ainsi,  non  seulement  le  vampirisme  était  connu 
des  anciens,  mais  ils  pratiquaient  déjà  le  remède  usité  depuis  en  Grèce, 
en  Moravie,  en  Pologne,  en  Hongrie,  pour  arrêter  les  ravages  du  fléau. 

(1)  Souvent,  par  extension,  les  occultistes  nomment  Vampires  les 
entités  fluidiques  parasitaires  qui,  plus  consistantes  que  les  Larves 
proprement  dites,  perpétuent  leur  existence  aux  dépens  de  l'individu 
complaisant  à  les  nourrir.  —  C'est  en  ce  sens  qu'au  chapitre  iv,  nous 
avons  parlé  de  vampires  dévorants  (page  405). 

(2)  Galmeil,  de  la  Folie,  Paris,  1845,  2  vol.,  tome  II,  in  fine. 


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638  LA  CLEF  DE  LA  MAGIE  NOIRE 

C'est  beau,  la  Science!... 

Il  faut  bien  que  le  revenant  meurtrier  se  présente  à  s*- 
victimes  en  corps  astral,  puisqu'il  pénètre  dans  les  dt- 
meures,  toutes  portes  et  fenêtres  closes,  et  disparaît  son 
dain  comme  il  est  apparu.  Il  tue  en  deux  ou  trois  visitas 
parfois  en  une  seule,  les  êtres  vivants  qu'il  assaille  :  il  le^ 
épuise  en  leur  dérobant  leur  vitalité,  par  une  sorte  'Je 
succion  fluidique.  Il  serait  surperflu  d'insister  sur  l'ana- 
logie homologuant  le  cas  qui  nous  occupe  avec  les  mys- 
tères dynamo-spirituels  effleurées  au  chapitre  v(I),  coranit 
avec  l'énigme  de  la  Lycanthropie,  que  nous  aborderons 
au  chapitre  vn,  sous  le  titre  de  Magie  des  transmuUi- 
lions. 

Le  Vampire  s'attaque  d'aventure  aux  animaux  domes- 
tiques. Parmi  les  hommes,  il  s'en  prend  à  ceux  dans  la 
familiarité  desquels  il  a  vécu  ;  préférablement,  à  ses  pro- 
ches. Une  tradition,  d'ailleurs  sujette  à  conteste,  veut 
que  les  personnes  mortes  du  baiser  vampirique  devien- 
nent vampires  à  leur  tour... 

Souvent  leur  cadavre  ne  porte  aucune'marque  de  vio- 
lences. On  cite  néanmoins  des  cas  où  le  Vampire,  prati- 
quant une  blessure  au  cou  de  sa  victime,  se  serait  abreuvé 
à  même  son  sang. 

«  Il  se  trouvait  (écrit  le  D'  Calmeil)  au  nombre  des  vampi- 
res, auxquels  le  Comte  de  Cabreras  fît  couper  ia  tête,  en  1728, 
un  homme  mort  depuis  plus  de  trente  ans,  qui  était  revenu 
par  trois  fois  dans  sa  propre  maison,  à  l'heure  du  repas,  et 
avait  sucé  le  sang  au  cpu,  la  première  fois  à  son  propre  frère, 


(1)  Voyez  pages  552  et  suiv.  —  Cf.  aussi  notre  théorie  des  Larves. 
chap.  n  de  la  Clef  delà  Magie  noire. 


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LA  MORT   ET  SES   ARCANES  639 

la  seconde  à  Tun  de  ses  fils,  la  troisième  à  un  valet  ;  tous 
€rois  étaient  morts  sur  le  champ.  Il  fit  brûler  un  troisième 
^vampire,  qui  était  enterré  depuis  plus  de  seize  ans,  et  avait 
«»ucé  le  sang  et  causé  la  mort  de  ses  deux  fils  (1).  » 

Les  faits  sont  constants,  certifiés  par  des  procès- ver- 
baux nombreux  et  authentiques.  Ce  qu'on  observe  uni- 
formément à  l'exhumation  des  cadavres  inculpés,  on  peut 
en  lire  le  détail  au  premier  tome  du  Serpent  de  lu  Genèse  (2). 
Quant  à  l'occulte  justification  de  ces  phénomènes  anor- 
maux, à  coup  sûr  on  l'entrevoit...  Il  n'est  rien  d'étonnant 
à  ce  que  le  R.  Père  Calmet,  qui  ne  soupçonnait  point  la 
théorie  kabbalistique  du  corps  astral,  s'étonne  de  la  con- 
servation et  de  la  vie  végétative  des  cadavres,  dûment 
enterrés. 

«  Ce  n'est  pas  là  (dît-il  pourtant)  la  principale  difficulté  qui 
m'arrête  ;  c'est  de  savoir  comment  ils  sortent  de  leurs  tom- 
beaux :  comment  ils  y  rentrent,  sans  qu'il  paroisse  qu'ils  ont 
remué  la  terre,  et  qu'ils  l'ont  remise  *en  son  premier  état  : 
comment  ils  paroissent  revêtus  de  leurs  habits,  qu'ils  vont, 
qu'ils  viennent,  qu'ils  mangent.  Si  cela  est,  pourquoi  retour- 
ner dans  leurs  tombeaux  ?  que  ne  demeurent-ils  parmi  les  vi- 
vans?  pourquoi  sucer  le  sang  de  leurs  parens?  pourquoi  in- 
fester et  fatiguer  des  personnes,  qui  doivent  leur  être  chères, 
et  qui  ne  les  ont  pas  offensés  ?  Si  tout  cela  n'est  qu'imagination 
de  la  part  de  ceux  qui  sont  molestés,  d'où  vient  que  ces  Vam- 
pires se  trouvent  dans  leurs  tombeaux  sans  corruption,  pleins 
de  sang,  souples  et  maniables  ;  qu'on  leur  trouve  les  pieds 
crottés  le  lendemain  du  jour  qu'ils  ont  couru  et  effrayé  les 
gens  du  voisinage,  et  qu'on  ne  remarque  rien  de  pareil  dans 
les  autres  cadavres  enterrés  dans  le  même  tems,  dans  le  même 
cimetière?  D'où  vient  qu'ils  ne  reviennent  plus,  et  n'infestent 

(1)  Dr  Galmeil,  de  la  Folie,  tome  II,  page  432. 

(2)  Pages  222-224. 


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640  LA  CLEF  DE  LA  MAGIE  NOIRE 

plus,  quand  on  les  a  brûlés  et  empalés?  Sera-ce  encore  V'v^  ! 
gination  des  vivans  et  leurs  préjugés,  qui  les  r&ssurernr 
après  ces  exécutions  faites?  D*où  vient  que  ces  scènes  se  i 
nouvellent  si  souvent  dans  ces  pays,  qu^on  ne  revient  p«  ! 
de  ces  préjugés,  et  que  Texpérience  journalière,  au  lieu  dt- 
détruire,  ne  fait  que  les  augmenter  et  les  fortifier  (i)  ?  » 

On  voit  que,  sur  le  fait  de  la  réalité  des  phénomène- 
i'érudit  bénédictin  répond,  plus  d'un  siècle  à  ravan. 
aux  théories  des  savants  tels  que  le  D'  Calmeil,  qui  n. 
voient  dans  les  êtres  vampirisés  que  les  victimes  d'in  - 
maladive  imagination.  La  doctrine  esquissée  par  noi;^ 
au  précédent  tome  (pages  229  et  381)  semble  résoutl; 
la  plupart  .des  difficultés  dont  s'effare  la  logique  du  bu: 
Père  (2).  L'assassin  d  outre-tombe  n'est  pas  un  cadavi- 
galvanisé  pour  un  temps  par  une  soif  monstrueuse  li- 
pourpre  humaine,  puis  rentrant  dans  sa  fosse  pour  \ 
cuver  ce  sanglant  breuvage,  comme  un  ivrogne  cum 
son  vin.  Non,  le  revenant  serait  un  Élémentaire  anti- 
cipé, —  Tàme  du  défunt  qui,  vaguant  en  corps  sidéral 


(i)  Dom  Calinel,  Traité  des  apparitions  et  des  vampires,  tome  ÏI. 
pages  211-212. 

(i)  Le  seul  détail  qui  semble  répugner  à  cette  doctrine,  c'est  labou- 
dont  les  pieds  du  cadavre  apparaissent  souillés,  et  qui  témoignerait  ii*' 
l'exode  extra-sépulcral,  en  chair  et  en  os.  Nous  ne  hasarderons  pas  la 
supposition,  —  invraisemblable  au  présent  cas,  —  d'un  transfert  par 
réversibilité,  du  fantôme  au  cadavre.  Mais  outre  qu'il  est  fort  possibU'. 
en  pareille  circonstance,  de  confondre  avec  de  la  boue  toute  autre  ma- 
culaturc,  sur  quoi  l'on  nous  dispensera  d'insister  (la  propreté  nVlait 
point  coutume,  alors,  surtout  dans  les  classes  inférieures),  peutrtrv 
mcnlionne-t-on  les  pieds  crottés  pour  plus  de  merveilleux,  ou  plus  df 
vraisemblance  de  l'hypothèse  en  faveur  à  cette  époque.  Autant  le  fait 
essentiel  s'impose,  avéré  comme  il  l'est  par  tant  de  témoins,  sous  la  sanr- 
tion  des  autorités  locales,  autant  il  parait  supposable  que  !a  tradition 
ait  brodé  quelque  détail  fantaisiste,  sur  le  canevas  du  récit  originel. 


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LX  MORT  ET   SES  ARCANES  641 

autour  de  sa.  dépouille,  n'a  garde  de  rompre  le  lien 
d'ombilication  fluidique  qui  la  rattache  au  cadavre,  dont 
elle  entretient  la  vitalité  végétative  et  retarde  la  désagré- 
gation moléculaire,  par  un  phénomène  exceptionnel 
d'hyperphysique  nutrition. 

Mais  pour  nourrir  la  mort,  il  faut  épuiser  et  détruire  la 
vie.  —  L'impalpable  malfaiteur  se  mêle  aux  vivants,  il  les 
terrifie  pour  s'emparer  de  leur  fluide  vital  extériorisé  par 
l'effroi  ;  et  ce  fluide,  il  va  le  transmettre  au  cadavre,  au- 
quel son  existence  est  liée...—  Figurez-vous  un  poulpe, 
embusqué  dans  sa  caverne  sous-marine  ;  il  étend  au 
dehors  ses  huit  tentacules  armés  de  suçoirs  :  tel  le 
cadavre  meurtrier  dans  sa  tombe  ;  le  spectre-ventouse 
vagabonde  alentour  : 

...  tumulum  circumvolat  umbra! 

Voilà,  dans  toute  son  immondice,  le  mystère  infâme  de 
l'erraticité  vampirique. 

L'intuition  populaire  l'avait  de  longue  date  pressenti, 
puisque  l'usage  voulait,  en  Grèce  et  ailleurs,  qu'on  plan- 
tât des  glaives,  la  pointe  en  l'air,  sur  la  sépulture  des 
Vampires,  après  qu'on  leur  avait  tranché  la  tête  ou  féru 
le  cœur  d'un  épieu.  Peut-être  quelque  magicien  avait-il 
révélé  l'efficacité  d'une  telle  pratique...  Tournefort  a  été 
à  Mycone  (l'une  des  Cyclades),  témoin  fort  incrédule  de 
cette  singulière  cérémonie,  qu'il  relate  en  ses  Voyages. 

Or,  on  sait  la  vertu  que  possèdent  les  pointes  de  métal, 
d'anéantir  les  fantômes  en  rompant  tout  coagulât  fluidi- 
que. Elles  soutirent  et  décomposent  l'électricité  vivante 

en  ses  anormales  condensations.  Sur  la  fosse  des  Vampi- 

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642  LA  CLEF  DE  LA  MAGIE  NOIRE 


^ 


res,  les  épées  servaient  donc  à  dissoudre  le  nœud  qui 
relie  au  cadavre  l'entité  erratique  du  défunt,  —  aussitôt 
entraînée  au  gouffre  d'Hécate.  C'est  là,  dans  ces  ténèbres 
extérieures  dont  parle  l'Évangile,  que  cette  âme  prolon- 
gera, selon  toute  vraisemblance,  sa  triste  condition  d'Élé- 
mentaire extraligné  de  la  voie  lumineuse,  en  attendant 
de  devenir  un  légionnaire  de  l'ombre,  un  Daimon  per- 
vers. 

M.  Jules  Lermina,  dans  son  Êlixir  de  me^  dramatise 
en  mode  saisissant  T hypothèse  d'un  Vampire  par  antici- 
pation  :  imaginez  un  vieillard  qui  a  trouvé,  en  dépit  de 
rage,  le  secret  d'un  perpétuel  entretien  de  ses  réserves 
nerveuses,  qu'il  renouvelle  sans  fatigue  en  s'assimilant 
les  forces  élaborées  par  d'autres  organismes.  C'est  aux 
enfants,  nécessairement  doués,  dans  la  période  de  leur 
croissance,  d'une  surabondante  sève  de  vie,  que  le  sinistre 
héros  du  romancier  emprunte  le  fluide  d'immortelle 
Jouvence.  Bien  que  la  fabulation  de  M.  Lermina  soit 
purement  fantaisiste,  son  hypothèse  se  réclame  d'une 
théorie  très  curieuse  et  très  solide,  dont  nous  lui  em- 
prunterons l'énoncé. 

c  Écoutez- moi  (c*est  la  confession  du  Vampire).  —  Il  y  a  en 
l'homme  trois  périodes  distinctes  :  Tune  de  rayonnement,  c>st 
l'en  Tance  jusqu'aux  extrêmes  limites  de  l'adolescence  ;  la  se- 
conde de  consommation,  qui  va  jusqu'à  la  fin  de  Tàge  mûr; 
puis  la  troisième,  de  réduction,  qui  est  la  vieillesse  else  ter- 
mine par  la  mort. 

<  De  l'organisme  vivant,  de  Thomme  surtout,  qui  est  jus- 
qu'ici la  plus  complète  expression  de  la  vie,  s'exhale  pendant 
la  première  période  le  trop  plein  de  la  vitalité.  L'enfant  absorbe 


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LA   MORT  ET  SES   ABGANES  643 

plus  de  fluide  vital  qu'il  n'en  consomme^  et  de  tout  son  être 
rayonne  une  force  en  excès.  Dans  la  seconde  période,  Tétre 
consomme  autant  qu'il  absorbe  :  c'est  l'équilibre  des  forts. 
Dans  la  vieillesse»  cet  équilibre  est  rompu  ;  la  résorption  est 
inférieure  àla  consommation,  la  dépense  vitale  supérieure  à 
l'acquisition, d'où  la  faiblesse,  d'où  la  mort. 

a  Maintenant,  en  l'état  actuel  de  la  science,  il  vous  parait 
impossible,  n'est-il  pas  vrai?  qu'un  bomme,  un  vieillard, 
puisse  rompre  ces  lois  de  nature  et, par  des  pratiques  spéciales, 
voler  à  l'enfant,  par  exemple,  ces  effluves  vitaux  qui  sont  en 
excès,  et  même,  par  une  sorte  d'endosmose,  attirer  à  soi  tout 
le  fluide  dont  une  partie,  celle  extérieure,  serait  à  sa  disposi- 
tion immédiate?  Là  est  pourtant  la  vérité.  Oui,  je  suis  un 
criminel  ;  oui,  je  suis  un  assassin,  car  depuis  quarante  ans  je 
procède,  nouvel  Éson,  à  un  rajeunissement  perpétuel  de  moi- 
même.  Oui,  j'ai  tué  des  enfants,  mais  non  pas,  comme  les 
ignorants  le  pourraient  croire,  ou  comme  l'avait  follement  in- 
venté Jean-Henri  Cohausen,  dansf  son  Hermippus  redivivus, 
en  absorbant  l'air  qui  s'écbappe  des  poumons  de  l'enfant,  ou 
bien  encore,  à  la  façon  des  Vudoklaks  légendaires,  en  suçant 
leur  sang...  non  pas,  mais  en  attirant  à  moi  le  fluide  vital  qui 
s'écbappe  en  excès  de  tout  leur  organisme. 

«  Ah  !  si  j'avais  eu  le  courage  de  m'en  tenir  là  !  Mais,  je  vous 
Tavoue,  il  n'est  pas  d'ivresse  plus  profonde,  plus  attrayante, 
plus  follement  beureuse  que  celle-là  !  Quand  dans  les  mem- 
bres refroidis  pénètre  ce  fluide  cbaud  et  vivifiant  ;  quand  l'im- 
bibition  s'accomplit,  pénétrant  les  pores,  se  glissant  à  tous  lés 
organes,  c'est  la  jouissance  inouïe,  entière,  absolue!...  C'est 
la  sensation  de  la  résurrection,  si  un  cadavre  pouvait  renaître. . . 

«  Et  toujours  je  me  criais  :  «Arrête -toi,  mais  arrête-toi 
donc!  2>  et  toujours  mon  être  tout  entier  continuait  à  boire  ces 
effluves...  Et  je  tuais  !  Et  j'assassinais!...  ne  conservant  pour 
tout  remords  qu'une  soif  inassouvie  ! 

a  Par  les  doigts,  par  le  regard,  —  ob  !  par  le  regard  sur- 
tout! —  s'exerce  cette  attraction,  qui  donne  à  la  victime  une 
sensation  d'abandon  de  soi-même,  non  pas  douloureuse,  mais 
délicieusement  enivrante!... 

€  Il  parlait  !  11  parlait  toujours,  le  misérable  vieillard,  ayant 


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644  LA  CLEF  DE  LA  MAGIE  NOIRE 

dans  la  voix,  dans  le  geste,  dans  les  yeux,   la   volupté  d*un 
spasme  (t)!...  » 

Voilà  le  vampirisme  anticipé,  vraiment  pratique,  celui 
qui  perpétue  la  vie  et  non  la  mort.  Quelques  sorciers 
s'en  sont  transmis  le  secret,  comme  en  témoignent  les 
traditions,  habillées  d'une  forme  vague  et  fantastique  à 
dessein,  qu'a  recueillies  Cohausen,  l'auteur  cité  par  Ler- 
mina  (2).  L'hypothèse   dramatiquement  historiée  dans 


(1)  l'Initiation,  2«  année,  tome  II,  pages  263-265. 

(2)  Hermippu»  redivivus,  ou  le  triomphe  du  sage  sur  la  vieillesse 
et  le  tombeau,  contenant  une  méthode  pour  prolonger  la  vie  et  la  saiit4i 
de  l'homme,  traduit  de  l'anglois,  d'après  le  Dr  Cohausen,  par  M.  de  la 
Place.  -7  A  Bruxelles,  et  se  trouve  a  Paris  chez  Maradan,  libraire,  1789, 
2  vol.  in-8,  portrait. 

Nous  transcrivons,  à  titre  de  curiosité,  la  recette  qu'on  peut  lire  au 
tome  II dt  Vffermippus,  p.  129-130:  «Que  Ton  prépare  une  petita 
chambre  bien  close,  et  qu'on  y  établisse  cinq  petits  lits,  chacun  pour 
une  seule  personne.  Qu'on  fasse  coucher  dans  ces  cinq  lits  cinq  jeunes 
vierges,  c'est-à-dire  au-dessous  de  treize  ans,  et  de  bonne  constitution. 
Qu'au  printemps  de  l'année,  vers  le  commencement  du  mois  de  mai. 
un  trou  soit  percé  dans  la  muraille  de  cette  chambre,  et  à  travers  le- 
quel  on  fera  passer  le  col  d'un  matras,  dont  le  corps  de  glace  sera  ex- 
posé à  la  fraîcheur  de  l'air  extérieur.  11  est  aisé  de  concevoir  que  lors- 
que la  petite  chambre  se  trouvera  remplie  de  l'haleine  et  de  la  matière 
respirée  par  ces  jeunes  vierges,  les  vapeurs  passeront  continuellement 
du  col  du  matras  dans  le  corps  du  vaisseau,  où,  a  travers  la  fraîcheur 
de  l'air  dont  il  est  environné,  elles  se  condenseront  en  une  eau  très 
limpide,  c'est-à-dire  en  une  teinture  de  l'efTicacité  la  plus  admirable,  et 
qu'on  peut  très  justement  appeler  un  véritable  Elixir  vitœ...  » 

Cette  formule  d'alchimie  biologique  apparaît,  on  en  conviendra,  d'un 
vampirisme  assez  innocent.  Nous  voudrions  croire  la  liqueur  qui  en 
résulte  plus  tonique  qu'elle  n'est  appétissante;  mais  son  eJBQcacité  comme 
élixir  de  vie  reste  à  établir. 

La  formule  de  l'élixir  vital  a  passionné  plusieurs  siècles  de  cher- 
cheurs, et  les  disciples  d'Hermès  partageaient  leurs  laborieux  efforts 
entre  la  queste  de  la  pierre  philosophale  et  la  recherche  de  la  méde- 
cine universelle. 

Jamais  les  anciens  adeptes  n'ont  connu  l'élixir  de  vie,  au  sens  où  le 


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LÀ  MORT  £T   SES  ARCANES  645 

YÉlixir  de  Vie  n'a  plus  rien  qui  choque  l'esprit,  pourvu 
qu'on  ne  la  pousse  point  à  l'extrême  ;  et  nous  n'étonne- 
rons personne  en  affirmant  qu'à  de  telles  pratiques  ne  se 
borne  point  ce  qu'un  magicien  noir  peut  perpétrer,  dans 
cet  ordre  de  magnétisme  occulte. 

Mais  revenons  aux  choses  de  la  mort  et  de  l'immorta- 
lité. 

Tout  à  l'heure,  en  exaltant  le  culte  des  ancêtres,  dont 
les  rites  répondaient  ésotériquement  aux  plus  profonds 
arcanes  du  sanctuaire,  nous  avons  omis  d'insister  sur  le 
problème,  aussi  célèbre  que  complexe,  de  la  Nécromancie. 
C'est  qu'indirectement  déjà  nous  avons  abordé  cette 
question  sous  plusieurs  de  ses  faces,  et  que  nous  nous 
réservions  d'en  fixer  ici  les  termes  avec  sobriété. 

L'on  n'attend  pas  de  nous  l'énumération  de  tous  les 
rites  et  procédés  évocatoires,  qui  sont  en  usage  de  nos 


vulgaire  se  l'imagine,  d'après  les  légendes.  Rien  au  monde  ne  peut 
conférer  l'immortalité  b.  un  corps  fait  de  matière  putrescible  ;  on  peut 
seulement  en  retarder  la  dissolution,  régénérer  l'organisme  par  la  lu- 
mière astrale,  qui  concentre  ses  vertus  dans  l'or  potable  des  spagyri- 
ques...  La  médecine  universelle  a  fait  miracle  aux  mains  de  Paracelse 
et  des  Rose-Croix,  et  Cagliostro  possédait,  s'il  faut  en  croire  d'imposants 
témoignages,  un  élixir  de  vie  «  qui  rendait  instantanément  aux  vieillards 
la  vigueur  et  la  sève  de  la  jeunesse.  Cette  composition  (nous  dit  Éli- 
phas),  avait  pour  base  le  vin  de  malvoisie  et  s'obtenait  par  la  distilla- 
tion du  sperme  de  certains  animaux  avec  le  suc  de  plusieurs  plantes. 
Nous  en  possédons  la  recette,  et  l'on  comprendra  pourquoi  nous  devons 
la  tenir  cacbée.  »  (Dogme  de  la  Haute  Magie,  p.  287). 

Cf.  :  l'Histoire  des  personnes  qui  ont  vécu  plusieurs  siècles  et  qui  ont 
rajeuni,  avec  le  secret  du  raJeunissement^tiréd'Arnauldde  Villeneuve, 
par  M.  de  Longueville-Harcouet.  —  Paris  et  BruxeUes,  1716,  un  vol. 
iD-12,  front. 


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646  LA  CLEF  DE  LA  MAGIE  NOIRE 

jours  OU  qui  le  furent  en  d'autres  temps  :  nous  en  avons  cité 
un  certain  nombre  et  même  décrit  quelques-uns  dans  cet 
ouvrage.  Quant  au  surplus,  il  suffit,  et  la  Clef  de  la 
Magie  noire  ne  saurait  être  un  rituel.  Nous  expliquons, 
nous  ne  prescrivons  pas... 

Qu'est-ce  que  la  Nécromancie  ?  Où  aboutissent  ses 
pratiques  ? 

On  la  définit  d'ordinaire  Tart  d'évoquer  les  morts  : 
un  énorme  malentendu  réside  en  puissance  dans  cette 
formule  équivoque. 

Les  morts  !  En  eflFet,  qu'entendrons-nous  par  là  ?  — 
Nous  avons  vu  que  l'être  psychique,  dépouillé  de  son 
organisme,  se  désagrège  plus  ou  moins  vite.  Élémentaire, 
il  groupe  encore  en  soi  l'ensemble  des  principes  survivant 
à  son  corps;  mais,  après  un  variable  séjour  dans  le 
gouffre  d'Hécate,  l'âme  réelle,  siège  de  la  personnalité 
vraie,  rejetant  le  lest  impur  de  la  fausse  personnalité,  va 
rejoindre  sur  l'Antichtone  (ou  terre  spirituelle)  les  aînés 
de  sa  race.  Dès  lors,  il  ne  reste  plus,  dans  l'atmosphère 
de  la  planète,  que  l'Ombre,  ou  la  dépouille  astrale  élimi- 
née, en  proie  à  la  désintégration  lente  et  progressive  ; 
car  le  spectre  phosphorescent  de  la  vitalité  inférieure, 
qui  ne  s'éloigne  point  du  cadavre  de  chair,  s'est  déjà 
dissous  avec  lui. 

En  quoi  consistera  donc  le  mort,  que  l'art  du  nécro- 
mancien se  flatte  d'évoquer?  —  L*âme  antichtonique 
répond-elle  aux  évocations?  Presque  jamais.  —  L'Élé- 
mentaire peut-il  se  manifester?  Quelquefois.  —  L'Ombre 
réactionnée  peut-elle  apparaître?  Rarement. 

Mais,  à  l'ordinaire  des  expériences  de  Nécromancie, 


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LÀ   MORT  ET  SES  ARCANES  647 

les  êtres  qui  se  produisent  sont  parfaitement  étrangers  à 
la  race  humaine. 

Il  n'en  fut  pas  toujours  ainsi.  Les  conditions  ne  sont 
plus  ce  qu'elles  étaient.  Une  réserve  s'impose  à  l'égard 
d'une  Nécromancie,  coutumière  aux  prêtres  de  l'ancien 
inonde,  et  qu'on  pourrait  qualifier  d'orthodoxe,  car  elle 
se  fondait  sur  la  gnose  hiérarchique  des  posthumes 
étapes,  et  faisait  partie  intégrante  de  la  synthèse  scienti- 
fique et  religieuse  qui  mariait  la  terre  au  Ciel.  Nous  avons 
nommé  le  culte  ancestral... 

Dans  les  religions  unitaires,  un  lien  constamment  tendu, 
de  l'endroit  à  l'envers  de  la  substance  cosmogonique, 
reliait  la  lumineuse  Antichtone  à  la  terre  d'épreuve  et 
d'objectivité.  Des  communications  étaient  normales  et 
faciles  alors,  qui  ne  s'établissent  plus  qu'à  titre  excep- 
tionnel, et  par  Tefifort  de  quelques  initiatives  isolées.  Quand 
l'aïeul  évoqué  ne  manifestait  pas  sa  présence  réelle,  du 
moins  pouvait-il,  à  la  faveur  de  la  chaîne  sympathique 
intermédiaire,  épanouir  sa  gloire  sous  une  forme  d'em- 
prunt, —  image  astrale  vitalisée  par  lui,  et  toujours 
docile  au  magnétisme  de  sa  volonté  lointaine. 

De  tels  rapports  théurgiques  se  sont-ils  maintenus  de 
nos  jours  chez  les  peuples  d'Orient  qui,  tels  Indous  et 
Chinois,  ont  pieusement  conservé  la  tradition  de  l'an- 
tique Alliance,  et  qui  pratiquent  les  rites  ancestraux 
avec  un  religieux  scrupule?  —  Nous  ne  le  saurions  dire. 
En  ces  contrées  d'Asie,  l'ésotérisme  vif  du  dogme  et  du 
culte  se  perpétue  dans  l'ombre  des  fraternités  adeptales, 
et  nul  doute  que  la  chaîne  de  communion  intercosmique 


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648  LA  CLEF  D£  LA  MAGIE  NOIRE 

ne  fonctionne  pour  ces  initiés.  Mais  aux  foyers  fanûliaux, 
où  se  dressait  originairement  l'autel  évocatoire  des  ancê- 
tres, il  est  difficile  d'évaluer  dans  quelle  mesure  la  supers- 
tition et  la  routine  ont  pu  compromettre  Tefficacité  de 
leur  culte.  Là,  du  moins,  si  le  lien  thaumaturgique  s*esi 
relâché,  il  n'est  pas  rompu. 

La  lettre  morte  est  comme  la  cendre  qui  recouvre  de  la 
braise  ardente  et  la  dissimule  sans  l'éteindre  :  une  poi- 
gnée de  sarments  et  un  souffle  d'air  suffiraient  à  ressus- 
citer la  flamme  vive,  à  la  libérer  voltigeante  au  dehors.-. 
C'est  le  cas  des  religions  d'essence  ésotérique,  —  n'en 
exceptons  pas  même  les  plus  enlisées  dans  la  matérialisa- 
lion  des  symboles  :  sous  leur  écorce  sommeille  l'esprit,  que 
cet  amoncellement  littéral  n'a  point  étoufie.  Partout  où 
le  sacerdoce  officiel  consacre  le  culte  des  défunts,  la  vertu 
évocatoire  et  miraculeuse  peut  bien  avoir  disparu  des 
rites  dégénérés,  mais  la  communion  d'amour  des  vivants 
et  des  morts  n'a  point  cessé  d'être  providentiellement 
garantie.  A  défaut  même  de  la  consécration  religieuse, 
toute  solidarité  ne  serait  pas  abolie  :  resteraient  les  Êtres 
collectifs,  ces  synthèses  humaines,  qui,  englobant  dans 
leur   unité  les  âmes  d'ici -bas  et  celles  de  là-haut, 
serviraient  encore  d'ultimes  traits-d'union,  de  la  terre 
au  Ciel. 

Mais  entre  ces  rapports  nécessités,  obscurs  et  latents, 
et  les  relations  manifestes,  lumineuses  et  libres  que  la 
Haute  Magie  des  sacerdoces  unitaires  procurait  d'un 
monde  à  l'autre,  —  le  même  contraste  éclate  qui 
oppose  l'Inconscient  au  Conscient,  l'instinct  à  l'intelli- 
gence. 


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LA  MORT  ET   SES   ARCANES  649 

La  thaumaturgie  évocatoire  des  anciens  temples  ne  se 
limitait  point  d'ailleurs  à  une  transfiguration  de  Tart 
nécromantique,  sous  prétexte  de  cérémonies  ancestraleg. 
La  prévoyance  de  ses  mages  devançait  l'incarnation  des 
âmes  :  ils  conjuraient  et  faisaient  parler  les  Invisibles,  du 
fond  des  limbes  expectatifs  de  l'existence,  avant  l'épreuve 
terrestre;  comme,  après  l'épreuve,  ils  interrogeaient 
encore  les  âmes  émancipées  et  les  forçaient  à  répondre, 
du  cœur  même  des  Cieux  reconquis.  Ainsi  la  naissance 
et  la  mort  livraient  alternativement  à  ces  privilégiés  du 
savoir  humain  les  arcanes  de  l'avenir  et  ceux  du  passé. 
Par  les  deux  issues  de  l'existence,  à  travers  le  chaos  appor 
rent  qui  avoisine  les  mondes  matériels,  les  mages  avaient 
su  démêler  et  saisir  la  chaîne  d'or  dont  parle  Homère,  la 
chaîne  des  effets  et  des  causes  ! 

Si  la  pensée  du  Lecteur  nous  a  suivi,  attentive,  sur  le 
seuil  des  deux  portes  de  la  naissance  et  de  la  mort,  — 
c'est  sous  l'aspect  symbolique  d'un  flux  et  d'un  reflux 
effrénés,  qu'elle  a  dû  percevoir  les  deux  courants  d'âmes 
(inversement  analogues)  de  la  génération  physique  et  de 
l'émancipation  spirituelle.  Quel  tumultueux  remous!  Et 
si  l'on  ajoute  au  tableau  l'évocation  du  grand  fleuve 
astral,  qui,  —  pareil  au  serpent  Ovpoeopoc,  —  encercle  la 
planète,  et,  reliant  le  cône  d'ombre  hérébique  à  la  voie 
lumineuse  d'Iônah,  roule  en  ses  ondes  torrentielles,  (mi- 
partie  ténèbres  et  splendeur),  les  expectants  de  la  nais- 
sance et  les  retardataires  de  l'immortalité  :  n'obtient-on 
point  le  schéma  du  chaos  lui-même.  ?...  Toutefois  ce 
pêle-mêle  n'est  qu'illusoire,  et  nous  avons  bien  mal 
rendu  notre  pensée,  si  l'on  a  pu  s'y  méprendre  un  seul 


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650  LA  CLEF  DE  LA  MAGIE  NOIRE 

instant  :  à  travers  ce  mouvant  dédale,  fonctionne  en 
effet  un  dynamisme  admirable,  réglé  par  d'inflexibles  et 
justes  lois. 

Ce  spectacle  idéal  comporte  deux  aspects.  Perçu  d'en 
bas,  sous  Tapparence  désordonnée  de  la  Nature  fatidique, 
il  évoque  l'image  d*un  Maêlstrom  engendré  du  choc  di" 
deux  torrents  ;  —  mais  embrassé  d'en  haut,  sous  le  poinî 
de  vue  harmonique  de  la  Nature  providentielle  et  répa- 
ratrice, le  même  spectacle  fait  songer  à  la  vision  emblé- 
matique de  Béthel  :  Jacob  aperçut  en  rêve  une  échelle 
colossale,  qui  s'élevait  de  terre  et  dont  les  suprêmes 
échelons  se  perdaient  dans  la  hauteur  des  cieux  ;  échelle 
double,  où  de  gauche  et  de  droite,  parallèlement,  il  voyait 
les  anges  du  Seigneur  descendre  et  remonter  !... 

Telles  se  représentent  à  l'esprit  les  réalités  sublimes 
que  contemplaient,  pratiquaient,  —  et,  jusqu'à  un  cer- 
tain point,  gouvernaient  —  les  sacerdotes  de  l'Ésoté- 
risrae  intégral,  alors  que  l'Unité  triomphait  encore  dans 
sa  triple  affirmation,  intuitive,  expérimentale  et  dogma- 
tique. L'Antagonisme  (ce  ver  rongeur)  ne  s'était  pas  en- 
core insinué  dans  le  beau  fruit  de  la  Connaissance  :  sous 
la  diversité  des  symbolismes  extérieurs,  Tàme  occulte 
irradiait  sa  lumière  intime,  immarcessible,  immuable. 
La  synthèse  était  faite  ;  l'Alliance  régnait... 

On  conçoit  que  de  telles  harmonies  favorisassent  les 
rapports  possibles  d'un  plan  à  Tautre,  ceux  en  particulier 
de  l'Antichtone  à  la  terre,  et  réciproquement.  Ne  soyons 
pas  surpris  que  le  culte  des  ancêtres,  dans  ces  temps  qui 
marquèrent  son  épanouissement  et  sa  fortune  majeure, 
se  montrât  plus  fertile  en  thaumaturgies  qu'à  l'heure  ac- 


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LA   MORT  ET   SES  ARCANES  651 

tuelle,  où,  pétrifié  dans  la  matérialisation  de  ses  dogmes 
et  la  dégénérescence  de  ses  rites,  il  apparaît  méconnais* 
sable. 

L'Ésotérisme  intégral  comportait  des  œuvres  dont  il 
ne  reste  plus  que  le  souvenir,  aux  secrètes  archives  des 
sacerdoces  dégénérés. 

Il  fut  un  temps  où  les  mains  pontificales  dispensaient 
des  prodiges,  qui  bientôt  ne  seront  plus  accordés  qu*aux 
téméraires  initiatives  de  l'exceptionnel  adeptat,  et  encore 
aux  saintes  violences  de  la  foi  solitaire  ou  cénobitique. 
Les  ipTèlvesn'of/iciaient  pas  seulement  à  l'autel  :  ils  opé- 
raient,.. 

Que  le  commerce  de  Thomme  avec  les  âmes  victorieu- 
ses et  même  réintégrées  fût  alors  hiérarchiquement  en- 
tretenu et  sacerdotalement  garanti  ;  que  fréquemment 
des  messages,  des  signes  admoniteurs,  des  voix  augu- 
râtes, des  apparitions  même  d'Ancêtres  apportassent  aux 
orphelins  de  la  terre  les  marques  de  la  sollicitude  pater- 
nelle par  delà  le  tombeau,  aux  captifs  les  témoignages 
de  la  délivrance,  aux  prédestinés  de  la  mort  la  sanction 
de  l'immortalité  :  ce  n'est  point  douteux.  Mais  ce  qui  fut 
la  règle  des  siècles  d'harmonie  et  de  synthèse  hiérarchi- 
que, n'est  point  celle  des  âges  d'anarchie  spirituelle  et 
d'antagonisme. 

Telles  praticables  issues  ne  sont  plus  ouvertes  depuis 
la  ruine  de  l'Unité,  et,  pour  parler  comme  les  kabbalistes, 
depuis  l'avènement  du  Binaire  impur.  Les  portes  de  la 
naissance  et  de  la  mort  qui  se  prêtaient,  complaisantes, 
aux  rapports  exceptionnels  entre  les  deux  mondes,  ne 
s'acquittent  même  plus  de  leur  office  ordinaire  avec  la 


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652  LA  CLEF  DE  LA  MAGIE  NOIRE 

régularité  d'autrefois  :  du  moins  les  fonctions  normales  i 
de  rincarnationet  de  Texode  posthume  ne  s'opèrent  pli:> 
sans  quelque  trouble,  au  passage  du  point  mort.  Elles 
ont  subi  le  contre-coup  du  désastre. 

Si  Ton  nous  demandait  en  quoi  de  pareilles  perturba- 
tions nous  semblent  imputables  à  la  rupture  de  TUnilé 
scientifique  et  religieuse  ici-bas,  la  réponse  serait  facile... 
Qu'il  nous  suffise  de  mentionner,  comme  conséquence  de 
cette  rupture,  l'abolition  des  sanctuaires  féminins,  où  l'on 
montrait  aux  jeunes  initiées  l'art  d'arracher  à  TAmour 
son  bandeau,  et  de  corriger,  par  l'appel  de  la  Volonh* 
consciente  (et  avec  l'aide  de  la  Providence)  la  fatidique 
sélection  que  font  les  âmes,  en  quête  de  géniteurs  con- 
formes à  leurs  tempéraments  respectifs  :  c'était  licence 
octroyée  aux  mères,  d'évoquer  à  la  vie  des  âmes  de  leur 
choix.  —  Quant  aux  choses  du  trépas,  lapsychurgie  pos- 
thume (précédée,  comme  le  dit  énergiquement  Sainl- 
Yves  (1),  du  traitement  de  V agonie),  avait  pour  résultat 
de  prémunir  Témigrant  contre  les  périls  de  la  route.  Que 
reste-t-il  de  tous  ces  rites  efficaces  de  la  primitive  Reli- 
gion-Sagesse?... Dès  longtemps,  les  inséparables  mys- 
tères de  Tamour,  de  la  naissance  et  de  la  mort,  ne  sont 
plus  soupçonnés. 

Il  convient  donc  de  reléguer  à  part  les  antiques  mer- 
veilles du  culte  des  Ancêtres.  Sa  splendeur  thauma- 
turgique  appartient  au  passé... 

Présentement,  les  pratiques  de  la  Nécromancie  ressor- 
tissent  à  la  Magie  noire. 

(1)  Testament  lyrique,  la  Mort. 


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LA   MORT  ET  SES   ARCANES  653 

Soit  que  Topérateur  accomplisse,  comme  le  roi  d'Itha- 
que (i),  des  sacrifices  sanglants  ;  soit  qu'il  procède  avec 
le  concours  d'un  médium,  à  la  manière  des  spirites  con- 
temporains, l'évocation  des  morts  se  dénonce  une  œuvre 
de  ténèbres.  Bien  plus,  l'entreprise  du  magiste,  qui,  cons- 
cient des  mystères,  s'évertue,  de  la  meilleure  foi  de  son 
cœur,  à  galvaniser  le  cérémonial  d'un  culte  aboli,  est 
une  tentative  sinon  suspecte,  du  moins  téméraire.  Nous 
nous  sommes  expliqué  ailleurs  sur  ce  point  ;  il  paraît 
surperflu  d'y  revenir. 

Mais,  à  part  les  âmes  glorifiées,  si  coutumièrement  ré- 
fractaires  à  Tappel  du  nécromancien,  passons  une  revue 
sommaire  des  êtres  qui  font  les  frais  des  manifestations. 

Il  va  de  soi  que  nous  écartons  d'abord  les  hallucina- 
tions purement  subjectives,  dont  le  véritable  critérium, 
d'un  emploi  dangereux  d'ailleurs,consiste  dans  l'épreuve 
des  pointes  métalliques  (2). 

Les  phénomènes  présentent-ils  quelque  réalité  objective? 

—  Neuf  fois  sur  dix,  ils  procéderont  soit  de  Larves  mo- 
delées au  moule  de  la  pensée  humaine,  soit  d'Élémentaux 
mystificateurs  et  multiformes,  soit  enfin  d'Images  astra- 
les, attraites  et  mues  par  la  volonté,  consciente  ou  non. 

—  Si  l'opérations'effectue  dans  la  sphère  magnétique  d'un, 
être  collectif,  tous  les  Lémures  peuvent  apparaître,  qui 
évoluent  dans  son  âme  mouvante,  ou  qui  se  pressent 
au  circuit  de  la  chaîne  sympathique  dont  il  estl'Égrégore 
recteur. 


(i)  Cf.,  au  tome  précédent  f/e  Temple  de  Satan),  les  pages  215-218. 
(2)  Voy.  chap.  ii,  pages  190-19i. 


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654  LA  CLEF  DE  LA  MAGIE  NOIRE 


Il  peut  arriver,  mais  rarement,  que  les  Élémentaire 
du  cône  d'ombre  ou  les  mauvais  Dalmones  de  l'Astri! 
inférieur  se  rendant  visibles,  manifestent  une  personna- 
lité originale  et  une  volonté  propre  ;  mais,  soit  qu'év»)- 
qués  sciemment  pour  ce  qu'ils  sont,  ils  aient  répondu  au 
verbe  du  désir  ou  du  vouloir  humain,  soit  qu'ils  se  prr- 
sentent  à  titre  mensonger,  sous  l'apparence  de  quelque 
autre  âme  rétive  à  l'appel,  TÉvocateur  et  le  médium 
courront  les  risques  les  plus  graves.  Infiniment  avides 
d'objectivité,  ces  sortes  d'Invisibles  s'attachent  à  la  per- 
sonne qui  a  eu  la  mauvaise  fortune  de  les  attirer  dans 
son  atmosphère  :  ils  reviennent  boire  constamment  à  la 
source,  —  médianique  ou  sanglante,  —  qui  les  a  une 
fois  abreuvés  ;  et  si  la  fontaine  de  sang  ou  de  fluide  sem- 
ble tarie,  ils  ne  seront  pas  en  peine  de  la  rouvrir... 

Dans  certains  cas  exceptionnels,  des  êtres  vivants,  en 
sortie  de  corps  astral,  peuvent  se  concréter  dans  le  nimbe 
d'un  bon  médium  matérialisant  (i). 


(1)  Ceci  nous  sera  prétexta  à  transcrire,  du  curieux  ouvrage  de 
M.  YvelingRam  Baud  (Force  psychique),  des  détails  d'un  haut  intérêt 
touchant  M.  Eglington,  le  plus  extraordinaire  médium  de  notre  époque. 
On  se  souvient  que  nous  avons  déjà  introduit  ce  personnage,  au  sujet 
d'une  séance  de  lévitation  à  la  cour  de  Russie.  (Cf.  chap.  iv,  pages  434- 
435). 

«  Voici  la  manière  de  procéder  du  fameux  médium  matérialisant. 
Il  demande  avant  tout,  pour  opérer,  une  demi-obscurité  :  on  baisse  la 
flamme  du  gaz,  jusqu'au  moment  où  on  en  arrive  au  blue  Ught,  k  la 
lumière  bleue.  Les  spectateurs  s'asseyent,  et  l'expérience  a  lieu,  je 
n'ai  pas  besoin  de  le  dire,  dans  n'importe  quel  local,  de  façon  à  éloi- 
gner toute  idée  de  supercherie,  de  machinerie  ou  de  préparation.  Si  le 
gaz  n'est  pas  dans  l'appartement,  on  tamise  et  on  atténue  la  vivacité 
de  la  lumière^  en  entourant  de  papier,  comme  font  chez  nous  les  mar- 
chandes d'oranges,  le  foyer  des  lampes  ou  des  bougies. 


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LA   MORT  ET  SES  ARCANES  685 

Enfin  rOmbre  d'un  défunt,  sa  coque  astrale  mori- 
bonde est  susceptible  d'apparaître  :  réactionnée  pour  un 

a  Cela  fait,  le  médium  Ellington  commence  à  entrer,  suivant  l'ex- 
pression anglaise,  en  trance  ;  il  va  et  vient,  se  promène,  s'énerve  un 
peu,  à  la  façon  des  derviches,  piéUne  sur  place,  frotte  et  tord  furieu- 
sement ses  mains  ;  puis  il  s'arrête  tout  à  coup,  croise  les  bras  et  de- 
vient immobile. 

«  A  ce  moment,  sur  diverses  parUes  du  vêtement  du  médium^  ap* 
paraissent  des  plaques  lumineuses  et  blanches,  qu'on  ne  saurait  com- 
parer à  la  phosphorescence  produite  par  le  frottement  d'une  allumette 
sur  un  mur  dans  l'obscurité,  mais  bien  plutôt  à  «  de  la  poussière  de 
lune.  •  Puis  ces  plaques  lumineuses  disparaissent  pour  se  réunir  sur 
la  poitrine  du  sujet,  d'où  elles  tombent  lentement  en  une  nappe  trans- 
parente suivant  le  corps,  jusque  sur  le  sol.  Figurez-vous  de  la  fumée 
lourde  de  cigarette,  qui,  une  fois  qu'elle  a  atteint  le  parquet,  s'enroule 
en  évolutions  nuageuses,  épaissit  et   remonte,  toujours  plus  opaque, 
jusqu'au-dessus  de  la  tête  du  médium.  Alors  celui-ci  pousse  un  grand* 
cri,  tombe  raide  par  terre,  dans  un  état  de  catalepsie  absolue,  et,  à  sa 
place,  la  fumée  lumineuse  se  matérialisant  tout  &  coup,  prend  la  forme 
d'un  être  quelconque,  ou  mort  depuis  longtemps,  ou  simplement  ab- 
sent. Cette  matérialisation  est  complète  ;  l'individu  dont  on  voit  l'image 
est  le  môme,  visible  pour  tous  :  il  parle,  il    marche,   il  est  palpable. 
Quelquefois,  l'expérience  se  prolongeant,  il  arrive  que  le  médium,  sans 
bouger  de  place,  toujours  étendu  sur  le  sol,  se  matérialise  lui-même, 
et  apparaît  à  son  tour  à.  côté  du  spectre  évoqué. 

«c  Ces  matérialisations  sont  encore  d'une  durée  relativement  assez 
grande;  je  n'en  veux  pour  preuve  que  le  fait  suivant  :  un  jour  M.  Tissot 
vit  apparaître  chez  Eglington  une  jeune  femme  qui  lui  était  chère, 
morte  quelques  années  auparavant.  En  la  voyant,  il  s'écria  d'abord  : 
—  C'est  bien  elle  t  Puis  se  remettant  peu  à  peu,  il  ajouta  :  —  Je  ne 
lui  croyais  pas  le  menton  aussi  petit  que  cela. 

n  II  prit  alors  ses  pinceaux,  esquissa  immédiatement  son  image,  qui 
se  dédoubla,  et  derrière  laquelle  parut  celle  d'Eglington,  dont  il  fit  aussi 
le  portrait.  Il  questionna  son  ancienne  amie,  mais  il  n'en  obtint  point 
de  réponse. 

«  Les  mains  seules  de  l'apparition  devinrent  lumineuses,  du  côté  de 
la  paume,  comme  si  elle  cachait  une  lumière  pâle.  Tout  ce  que  put  ob- 
tenir le  peintre,  c'est  un  baiser  que  l'apparition  lui  rendit. 

<c  Puis  la  femme  évoquée  et  matérialisée,  et  le  médium  la  dédou- 
blant disparurent  comme  disparaîtrait  une  bulle  de  savon  remplie  de 
fumée  de  tabac  qui  crèverait  tout  à  coup.  »  (Force  psychique,  Paris, 
1889,  in-4,  pages  6-8). 


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650  LA  CLEF  DK  LA  MAGIE  NOIRE 

temps  par  la  volonté  de  Tévocateur,  nourrie  de  la  force 
psychique  du  médium,  évertuée  par  le  désir  et  ramou; 
d'une  assistance  unanime,  l'Ombre  présentera  comme u:. 
pâle  reflet  de  la  personne  dont  elle  a  été  renvelop^^e 
sidérale.  —  Quant  au  fantôme  électro-vital,  phosphores- 
cence vaguement  conforme  à  la  silhouette  humaine,  il  s-^ 
montre,  d'aventure,  dans  le  voisinage  d'une  tombe,  les 
premiers  jours  qui  suivent  l'inhumation  d'une  dépouille 
charnelle  :  mais  il  ne  s'en  peut  éloigner.  Ce  spectre  est, 
au  demeurant,  parfaitement  incapable  de  manifester  le 
moindre  reflet  d'intellect  ou  de  mémoire,  pas  même  d'ins- 
tinct. C'est  un  assemblage  inerte  de  molécules,  déga- 
geant une  pâle  lueur... 

Enfin  Ton  a  pu  voir,  en  des  circonstances  d'une  insi- 
gne rareté,  quelque  âme  céleste,  revêtue  d'une  mission 
temporaire,  —  soit  assumée  ou  acceptée,  —  se  choisir 
un  médium,  à  la  personne  duquel  cette  âme  reste  atta- 
chée, durant  sa  période  de  manifestation.  Mais  ce  mystèn* 
n'a  plus  rien  de  commun  avec  la  Nécromancie. 

Peut-être  notre  Public  s'attendait-il  à  trouver  en  ce  cha- 
pitre des  commentaires  au  problème  de  la  Métempsycose, 
si  célèbre  dans  les  fastes  mystiques  de  l'Antiquité.  Mais 
on  en  conviendra,  ces  arcanes  sont  du  ressort  exclusif 
de  notre  troisième  Septaine.  Peut-être  avons-nous  même 
anticipé,  en  insistant,  comme  nous  l'avons  fait,  sur  la  vie 
posthume  de  ce  qui  survit  à  l'animal  humain,  savoir 
l'être  psychique  émancipé  de  l'orbe  terrestre.  Du  moins 
était-ce  un  empiétement  nécessaire,  et  conforme  à  l'es- 
prit de  ce  chapitre. 


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LA  MORT  ET  SES  ARCANES  657 


La  doctrine  orphique  et  pythagoricienne  du  voyage 
cosmique  des  âmes  faisait,  —  telle  qjue  nous  l'avons  ex- 
posée, —  le  fond  de  l'enseignement  occulte,  dans  tous  les 
sanctuaires  du  vieux  monde. 

Qu'on  fouille  les  emblèmes  mythologiques  des  nations, 
et  l'on  reconnaîtra  l'universalité  de  cette  doctrine,  im- 
muable en  dépit  des  multiples  fabulations  qui  lui  servi- 
rent de  voiles. 

Au  début  de  l'ère  chrétienne,  ce  dogme  fondamental 
s'était  introduit,  avec  la  Gnose,  dans  l'Ésotérisme  médul- 
laire de  la  Religion  nouvelle.  Malheureusement  les  in- 
discrètes révélations  du  Gnosticisme,  ses  savants  désor- 
dres, ses  scandaleuses  orgies  de  spiritualité  l'ont  fait 
proscrire  et  répudier  in  toto  et  sous  toutes  ses  formes, 
alors  qu'il  ne  convenait  que  d'opérer  une  sélection  judi- 
cieuse, dans  ce  richissime  trésor  d'éléments  hétéro- 
gènes. 

Quel  magnifique  manteau  l'Église  pouvait  tailler  à  ses 
hiérophantes,  dans  l'étoffe  si  précieuse  des  mystères  de 
la  gentilité  ! 

Les  gnostiques  l'avaient  senti.  —  Leur  premier  tort 
fut  de  confondre  syncrétisme  éclectique  avec  synthèse 
unitaire.  —  Leur  seconde  erreur  fut  de  multiplier  les 
formes  symboliques  du  Vrai,  et  d'ouvrir,  au  détriment  de 
la  grande  Assemblée,  nombre  de  petites  chapelles.  — 
Leur  troisième  faute  (un  crime  de  lumière  !)  fut  de  di- 
vulguer, dans  le  parvis  du  temple,  ce  qui  devait  rester 
secret  dans  les  cryptes  initiatiques  du  sanctuaire. 

Les  gnostiques  furent  condamnés  :  ils  devaient  l'être. 

42 


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658  LA  CLEF  DE  LA  MAGIS  NOIRE 

Mais,  avec  Tivraie,  TÉglise  romaine  a  rejeté  le  pur  fro- 
ment... 

Sous  prétexte  d'épuration,  le  Catholicisme  s'est  appau- 
vri ;  nous  pourrions  dire  qu'il  s'est  ruiné...  Toutefois, 
quand  sonnera  l'heure  de  la  Providence,  que  l'Église  in- 
terroge l'esprit  de  ses  dogmes  vulgarisés,  et  son  Ésoté- 
risme  lui  sera  rendu.  La  réserve  des  richesses  spiri- 
tuelles qu'elle  a  renoncées  existe  toujours,  ensevelie  sous 
les  décombres  de  la  lettre  morte.  Vienne,  oh  !  vienne 
l'immortel  Pontife  qui  déterrera  le  trésor! 

Les  hérésies  des  premiers  siècles  ont  consisté  toutes 
en  des  adaptations  plus  ou  moins  heureuses,plus  ou  moins 
opportunes,  du  vieil  Occultisme  rénové. 

Nous  emprunterons  un  exemple  à  la  doctrine  très  l'e- 
marquable  d'un  grand  mage  chrétien,  dont  nous  avons 
déploré  les  erreurs,  tout  en  magnifiant  sa  science  et  ses 
vertus  (i).  Du  même  coup,  nous  reviendrons  à  notre 
propos. 

Le  savant  hérésiarque  Manès,  ou  Manichée,  nourri  des 


(1)  Cf.  notre  tome  I  (le  Temple  de  Satan),  p^es  139-140  (en  note), 
et  passim. 

Nous  avons  eu  le  tort,  dans  cette  première  septaine,  de  ne  pas  dis- 
tinguer suffisamment  la  pure  doctrine  de  Manès,  de  celle  que  lui  ont 
attribuée  les  controversistes  hostiles. 

L'ésotérisme  de  Manès  fut  erroné  sur  quelques  points  ;  mais  la 
monstrueuse  doctrine  des  deux  Principes,  devenue  célèbre  sous  le  nom 
de  Manichéisme,  n'est  imputable  qu'aux  perfides  adversaires  qui  ont 
tiré  des  enseignements  du  maître  de  fausses  conclusions,  et  aux  dis- 
ciples imbéciles  qui  les  ont  soutenues.  «  Rien  n*est  moins  prouvé  (dit 
Fabre  d'Olivet),  que  Manès  eût  en  effet  admis  deux  Principes  opposés 
du  Bien  et  du  Mal,  indépendants,  éternels,  et  tenant  d'eux-mêmes  leur 
existence  propre  et  absolue...  »  (Vers  dorés  de  Pythagore,  page  2tl). 


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LA  MORT  ET  SES  ARCANES  659 

plus  secrètes  traditions  des  temples,  nous  paraît  fort  ré- 
vélateur sur  la  question  du  périple  cosmique  des  âmes. 
Son  génie  austère  et  puissant  a  revêtu  ces  hauts  arcanes 
d'un  symbolisme  inoubliable,  en  sa  simple  et  grandiose 
étrangelé.  Il  les  a  frappés  dans  leur  forme  d'un  cachet 
indélébile,..  Les  adversaires  de  Thiérophante,  obstinés 
à  prendre  indistinctement  tous  ses  dogmes  au  pied  de  la 
lettre,  n'ont  pas  eu  de  peine  à  en  faire  ressortir  Texlra- 
vagance,  en  tant  que  notions  positives  (1)  ;  mais  l'ésoté- 
ricien,  qui  les  étudie  comme  symboles,  admirera  leur 
lucide  profondeur  :  car  ils  sont  d'une  grande  science  et 
d'une  grande  beauté. 

C'est  ainsi  que  Manès  représente  le  cycle  zodiacal  sous 
la  figure  d'une  immense  roue,  à  la  circonférence  de  la- 
quelle sont  suspendus  douze  vases,  remplis  d'âmes  vi- 
vantes. A  mesure  que  la  roue  tourne,  ils  se  vident  les 
uns  dans  les  autres  :  ainsi  les  âmes  font  le  tour  du  cycle 
universel.  C'est  la  machine  du  Salut,  La  meilleure  épi- 
graphe à  ce  pentacle  est  dans  une  belle  parole  de  Jean 
Reynaud  :  «  Je  me  souviens  d'avoir  longtemps  pratiqué 
l'Univers...  » 

Poursuivons,  sans  commentaires,  l'exposé  des  emblè- 
mes de  Manès.  Ses  contemporains,  —  Archélaûs  en  par- 
ticulier, et  saint  Épiphane,  les  ont  interprétés  gauche- 
ment; ils  ont  même  jeté  quelque  désordre  dans  leur  suite 
normale  ;  mais  il  n'importe.  Voici  (quant  à  l'objet  qui  nous 
occupe)  le  résumé  essentiel  du  symbolisme  manichéen  : 

—  C'est  par  la  vertu  du  Christ,  type  et  synthèse  de 

(1)  C'était  d'autant  plus  facile,  —  d'autant  plus  perfide  aussi,  — 
que  la  réalité  y  est  étroitement  mariée  au  Symbole. 


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660  LA  CLEF  DB  LA  MAGIE  NOIRE 

rhumanité,  que  se  régénèrent  les  âmes,  polluées  durant 
leur  séjour  dans  les  corps.  —  Le  Christ  est  Amour  et  Sa- 
gesse :  la  Sagesse  du  Christ  se  concentre  dans  la  lune,  et 
sa  Vertu  (ou  son  Amour)  dans  le  soleil.  —  Ces  astres 
majeurs  (1)  sont  deux  vaisseaux  voguant  par  Téther  sans 
limites  :  la  lune  est  pleine  d'une  eau  subtile  et  translu- 
cide ;  du  soleil  s'irradie  un  feu  très  pur.  Ce  sont  comme 
deux  bains,  où  les  âmes  se  dépouilleront  tour  à  tour  des 
terrestres  macules  (2). 

—  Elles  séjourneront  d'abord  dans  la  lune,  pour  y  être 
mondi/iées  par  l'eau  (T^wp,  unda,  mundus)  et  par  la  Sa- 
gesse (ou  gnose  de  la  Vérité)  ;  puis  dans  le  soleil,  où  elles 
seront  pwrt/î^^s  par  le  feu  («op,  parus)  et  par  TAmour 
(vertu  essentielle  du  Christ). 

—  Le  vaisseau  sélénique  (barque  d'isis)  reçoit  toutes 
les  àmcs  qui  s'élèvent  de  la  terre  ;  il  se  remplit  peu  à  peu 
deleur  substance  éthérée. — Quand  elle  est  pleine  d'âmes, 
la  lune  s'en  décharge  dans  le  soleil;  puis  elle  se  remplit 
à  nouveau  et  se  vide  encore  de  la  précieuse  liqueur.  — 
La  plénitude  de  son  disque  est  un  signe  qu'elle  regorge 
d'âmes  passagères  ;  après  que  le  soleil  en  a  reçu  livrai- 
son, la  lune,  à  son  premier  quartier,  ne  présente  plus 
que  le  profil  d'une  barque  égyptienne  :  un  faible  crois- 
sant argenté.  —  Ainsi,  dans  le  système  des  phases  de  la 
lune,  s'inscrit  l'hiéroglyphe  de  sa  providentielle  fonction. 

—  Le  soleil  est  le  paradis  de  notre  système  planétaire. . . 


(1)  Majeurs,  —  à  notre  point  de  vue  terrestre. 

(2)  Dans  le  môme  sens  mystique,  il  est  écrit  qu'après  avoir  été  bap- 
tisé par  l'eau,  le  chrétien  doit  être  régénéré  dans  le  feu  et  l'Esprit 
saint. 


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LA   MORT   ET  SES   ARCANES  661 

Mais  l'état  d'âme  glorifiée  dans  la  cité  solaire  représente 
t-il  le  dernier  terme  de  l'évolution  adamique  ?  Tant  s'en 
faut.  —  Du  soleil,  enseigne  Manès,  les  âmes  seront  trans- 
férées dans  Vair  parfait  ou  dans  la  colonne  de  lumière  et 
de  gloire,  qui  n'est  autre  que  la  voie  lactée*  Ce  séjour, 
patrie  originelle  des  âmes,  est  leur  Ciel  perdu  et  regagné.. . 

C'est  la  doctrine  du  Songe  de  Scipion  :  N'y  est-il  pas 
formellement  énoncé  que  les  âmes,  parties  de  la  voie  de 
lait,  y  seront  réintégrées  un  jour  ?  «  Hinc  profecti  (animi) 
hùc  revertuntur.  » 

Telle  était  d'ailleurs  la  figure  universellement  reçue, 
dans  les  temples  de  l'antiquité,  pour  faire  pressentir  les 
destinées  finales  de  l'homme,  au  giron  de  l'Unité  recon- 
quise* Le  Songe  de  Scipion  ne  fait  que  résumer  les  notions 
unanimes  à  cet  égard. 

Une  analogie  bien  frappante  et  bien  significative  est  à 
relever,  entre  ces  doctrines  formulées  à  Rome  et  celles 
des  philosophes  gaulois,  que  leurs  collègues  romains 
qualifiaient  volontiers  de  barbares.  Dans  le  système  des 
Bardes  druidiques,  les  âmes  humaines,  purifiées  par  de 
successives  transmigrations,  aboutissent  finalement  à  la 
voie  lactée,  que  ces  mystagogues  nomment  la  ville  de 
Gwyon  (la  cité  de  l'homme  archétype).  —  C'est  Adamah 
de  Moïse,  la  patrie  céleste  de  l'Unité,  dans  sa  localisation 
symbolique. 

Quoiqu'il  ne  nous  appartienne  pas  d'aborder  en  ce 
volume  le  mystère  de  la  réintégration  définitive,  dont 
nous  parlerons  au  tome  111,  nous  avons  tenu  à  fixer  sur 


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662  LA  CLEF  DE  LA  MAGIE  NOIRE 

ce  point  d'un  trait  de  plunne  la  doctrine  ésotérique  des 
sanctuaires.  Cette  doctrine,  nous  l'avons  appuyée  sur 
ridentitédes  emblèmes  qui  l'exprimaient  :  car  on  obtien- 
dra la  même  réponse,  soit  qu'on  aille  en  Perse  interroger 
Manès,  héritier  chrétien  de  Zoroastre  et  de  Pythagore 
rénovés,  soit  qu'au  fond  des  forêts  de  la  Gaule  et  de  la 
Bretagne,  on  prête  l'oreille  à  la  voix  lointaine  des  Druides, 
ces  interprètes  inspirés  du  vieux  génie  de  l'Occident 


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(Section  14) 

La  Tempérance  (quatorze)  =  Mutations  =  Chan- 
gements =  Combinaisons  =  Échanges  {Magie 
des  Transmutations,) 

Chapitre  VII 

MAGIE  DES  TRANSMUTATIONS 


^oiT  qu'on  examine  la  succession  des  apparences, 
ou  que  Ton  poursuive  l'entité  psychique  à  tra- 
vers la  chaîne  de  ses  manifestations,  on  voit 
toujours  les  formes  nouvelles  croître  sur  le  fumier  des 
anciennes  formes  abolies.  C'est  donc  selon  Tordre  naturel 
et  Tordre  spirituel  tout  ensemble,  qu'après  Timage  de  la 
mort,  les  ingénieux  auteurs  du  Tarot  burinent  l'emblème 
des  transmutations  et  des  métamorphoses. 

Tel  est  le  sens  principal  de  la  quatorzième  figure,  qui, 
par  suite  d'une  méprise  évidente,  arbore  cette  fautive 
mention,  perpétuée  de  tirage  en  tirage  :  la  Tempérance. 

Un  personnage  céleste  se  tient  debout,  ailes  éployées 
à  demi  :  le  sourire  de  Tétemelle  placidité  épanouit  ses 


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666  LA  CLEF  DE  LA  MAGIE  NOIRE 

lèvres.  A  son  front,  comme  un  joyau,  brille  le  signe  her- 
métique du  Soleil  ©. 

L'ange  solaire,  levant  de  la  main  droite  une  urne  d'or, 
en  transvase  la  liqueur  dans  Fume  d*argent  qu'il  soutient 
de  la  gauche  (1).  Ses  deux  bras^  dans  cette  attitude,  es- 
quissent avec  sa  poitrine  le  quatorzième  hiérog[Iyphe  de 
Talphabet  hébreu  moderne  (2),  le  Noun  J. 

L'emblème  souffre  une  interprétation  complexe  ;  mais 
la  signification  immédiate,  qui  s'impose  au  prime  examen, 
—  c'est  l'identité  d'essence,  sous  la  disparité  des  formes 
sensibles. 

Le  vase  change  ;  mais  la  liqueur  reste  la  même. 

Le  vase,  c'est  l'apparence  extérieure  ;  c'est  l'enveloppe 
de  matière  patente,  protéenne  et  multiple;  c'est  le  corps 
transitoire.  —  La  liqueur,  c'est  l'être  intime  ;  c'est  la 
substance  une  et  invariable,  qui  sert  de  support  à  toutes 
matières  ;  c'est  l'âme  perdurable  enfin. 

Les  métamorphoses,  ou  mutations  de  formes,  s'accu- 
sent apparentes  ;  elles  ne  sauraient  en  aucun  cas  altérer 
l'essence.  Les  modes  seuls  varient,  externes  ou  intérieurs, 


(1)  Dans  les  éditions  modernes,  l'ofûce  des  deux  mains  est  transposé; 
mais  les  Tarots  plus  anciens  (voir  le  jeu  de  Jacques  Gringonneur,  dit 
des  cartes  de  Charles  VI)  nous  montrent  l'ange  versant  de  très  haut 
dans  l'urne  d'argent  (sénestre)  la  liqueur  du  vase  d'or  incliné  dans  sa 
droite  (Planche  X  de  l'ouvrage  de  Merlin^  Origine  des  caries  à  jouer ,  etc. 
Paris,  s.  d.,  in-4). 

(2)  Plusieurs  lettres  de  l'alphabet  hébreu  moderne  se  retrouvant  très- 
à  propos  dans  les  figures  correspondantes  des  tarots  actuels^  ainsi  que 
divers  signes  d'hermétique  et  de  Kabbale,  nous  donnent  à  croire  que 
certaines  éditions  du  Livre  de  Thoth  ont  subi  les  retouches  de  quelque 
rabbin  initié. 


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MAGIE  DES  TRANSMUTATIONS  667 

visibles  ou  non  :  d'où  le  terme  de  modification,  syno- 
nyme de  métamorphose. 

On  nous  objectera  cependant  que,  si  l'essence  est  une, 
nous  n'avions  que  faire  de  disserter,  dans  notre  avant- 
proposj  de  la  génération  des  essences. 

Mais  c'est  par  extension  qu'on  a  qualifié  d'essences  les 
natures  d'êtres  typiques,  différenciées,  au  sein  de  l'âme 
universelle,  par  la  Pensée  créatrice.  Il  est,  en  effet,  deux 
sortes  de  modifications,  intàs  et  extra  :  les  essences  ne 
sont  que  des  modifications  internes  de  l'âme  universelle  ; 
comme  les  matières  sont  des  modifications  externes  de  la 
substance  universelle,  — base  unique  de  toutes  choses, 
y  compris  cette  âme  même. 

Ce  qui  est  en  haut  est  comme  ce  qui  est  en  bas  ;  ce 
qui  est  occulte,  comme  ce  qui  est  manifeste.  Ainsi  l'Es- 
sence une  se  modalise  au  dedans  en  essences  multiples, 
comme  la  Substance  une  se  modalise  au  dehors  en  mul- 
tiples matières. 

Seuls  le  Père  et  la  Mère  universels,  —  Dieu  seul  et  la 
Nature  naturante  qui  émane  de  Lui,  —  sont  éternelle- 
ment immuables  en  soi. 

Les  êtres  spirituels  finis  évoluent,  il  est  vrai;  ils  subis- 
sent donc,  en  un  sens,  la  loi  du  Devenir  ;  mais  ils  possè- 
dent l'immortalité  en  tant  qu'êtres  :  et,  par  conséquent, 
ils  sont  en  même  temps  qu'ils  deviennent.  —  On  n'en  peut 
pas  dire  autant  des  formes  matérielles,  qui  passent  et  se 
succèdent,  sans  que  rien  doive  subsister  de  la  matière  qui 
les  compose,  après  que  celle-ci  aura  fait  retour  à  l'unité 
de  la  substance.  Les  formes  extérieures  existent,  mais  ne 
sont  pas. 


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668  LA  CLEF  DE  U  MAGIE  NOIRE 

Toute  chose  sensible  existe  sans  être,  et  subit  fon- 
cièrement la  loi  du  Devenir;  ce  qui  équivaut,  —  qu'on  y 
prenne  garde,  —  à  cette  formule  outrancière  d'aspect  : 
toute  chose  sensible  consiste  en  une  apparence  de  fantas- 
magorie plus  ou  moins  durable  ;  pour  aboutir  à  ce  corol- 
laire :  toute  métamorphose  se  réduit  donc  au  passage 
d'un  mode  illusoire  à  quelque  autre  mode  collusion. 

L'unanimité  des  Écoles  mystiques  a  dénoncé  les  men- 
songes de  la  matière,  et  nous  verrons  sous  peu  que  telle 
était  aussi  la  doctrine  des  alchimistes. 

Ces  principes  une  fois  établis,  nous  ne  voyons  plus 
d'inconvénient  à  sacrifier  au  vocabulaire  qui  a  cours  en 
ce  monde  transitoire,  ni  à  appeler  réels  les  objets  qui 
semblent  stables,  et  illusoires  les  phénomènes  que  leur 
inconstance  soustrait  au  critérium  de  cette  réalité  con- 
tingente, que  traduit  le  verbe  exister.  Pareille  distinction 
repose  pourtant  tout  entière  sur  une  différence  du  plus 
au  moins  ;  c'est-à-dire,  sur  un  contraste  de  relativités, 
qui  s'évanouit  devant  l'absolu  de  l'Être. 

Qu'est-ce,  en  dernière  analyse,  que  l'Ordre  temporel  ? 
—  Un  Devenir,  tissu  de  perpétuelles  métamorphoses, 
dont  un  triple  dynamisme  (providentiel,  volilif  et  fatidi- 
que) règle  la  succession. 

C'est  assez  dire  qu'un  chapitre,  intitulé  magie  des  trans- 
mutations, comporterait  l'intégrale  étude  de  l'Univers 
manifesté  !  Moins  ambitieux,  nous  prétendons  circons- 
crire le  sujet  du  présent  discours  à  l'interprétation  la  plus 
étroite  qui  puisse  convenir  à  son  titre,  et  nous  borner 


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MAGIE  DES  TRANSMUTATIONS  669 

SLUi  rapide  examen  de  quelques  phénomènes  exceptionnels 
de  physique  secrète,  communément  qualifiés  de  transmu- 
ta sitoires. 

On  peut  distinguer  d'abord  les  cas  de  métamorphose 
abjective,  quand  la  matière  se  trouve  modifiée  en  elle- 
lïiênie,  au  point  d'apparaîti^  à  tous  sous  l'aspect  d'un 
nouveau  corps,  comme  dans  les  combinaisons  chimiques, 
par  exemple  ;  —  et  ceux  de  métamorphose  subjective^ 
quand  les  formes  sensibles  de  l'objet  n'étant  aucunement 
altérées,  le  phénomène  se  réduit  à  une  illusion  du  sujet  : 
tel  est  le  prodige  de  la  fascination,  que  nous  avons  expli- 
qué plus  haut. 

Que  si  l'on  observait  qu'en  ce  dernier  cas,  il  n'y  a 
point  métamorphose  :  il  serait  aisé  de  répondre  que,  les 
formes  dites  réelles  équivalant  elles-mêmes  à  une  illusion 
générale  et  en  quelque  sorte  consolidée  (1),  on  ne  peut 
voir,  comme  nous  l'avons  dit,  entre  la  transmutation 
effective  et  la  transmutation  imaginaire,  qu'une  diffé- 
rence du  plus  au  moins  dans  l'ordre  du  relatif. 

Mais  quittons  ce  langage  transcendantal  :  aussi  bien 
est-il  entendu  que  nous  parlerons  celui  de  la  vie  positive 
et  coutumière. 
Or,  au  point  de  vue  des  apparences,  tout  change  d'as- 


(1)  «  La  matière  existe,  mais  non  d'une  existence  telle  que  se  le  fi- 
gure le  vulgaire  ;  elle  existe^  mais  elle  n'a  point  d'essence  indépendante 
des  perceptions  intellectuelles  :  car  l'existence  et  la  perceptibilité  sont, 
dans  ce  cas,  des  termes  convertibles.  Le  sage  sait  que  les  apparences 
et  leurs  sensations  extérieures  sont  purement  illusoires,  et  qu'elles  s'éva- 
nouiraient dans  le  néant,  si  la  divine  énergie  qui  les  soutient  seule 
était  suspendue  un  moment.  »  (Extrait  du  Vedania,  cité  par  Fabre 
d'Olivet,   Vers  dorés  de  Pythagore,  pages  306-307). 


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670  LA  CLEF   DE  LA   MAGIE  NOIRE 

pect  ;  et  nulle  part  contraste  ne  s'accuse  plus  évident, 
qu'à  rapprocher  les  transmutations  objectives,  de  celles 
qui  n'existent  que  dans  l'imagination  (i)  du  sujet 
«  halluciné  ». 

Entre  ces  deux  modes  nettement  distincts  de  phéno- 
mènes objectifs  et  subjectifs,  vient  s'en  placer  un  troi- 
sième :  le  mode  mixte  des  manifestations  fluidiques. 

Ces  phénomènes,  qui  seraient  attribuables  à  la  première 
classe,  en  tant  que  perceptibles  aux  sens  de  plusieurs 
personnes  à  la  fois,  voire  de  tous  les  spectateurs  présents, 
—  ces  phénomènes  ressortiraient  également  à  la  seconde, 
en  raison  du  caractère  non  seulement  fugace,  mais 
ambigu,  qu'ils  affectent  (2). 

Nous  examinerons,  en  ce  chapitre,  deux  exemples 
fort  surprenants,  réversibles  dans  cette  catégorie  m(^ 
diane  :  la  Lyeanthropie  et  la  Palingénésie. 

Il  s'agit  là  de  métamorphoses  semi-objectives,  de 
phénomènes  passagers  de  Tordre  physique  ;  —  tandis 
que  la  transmutation  des  métaux  (dont  nous  traiterons 
dans  une  notice  à  part,  qui  terminera  ce  chapitre  vu  et 
ce  tome  II  tout  ensemble)  constitue  un  phénomène  de 
l'ordre  chimique  :  c'est  une  métamorphose  objective,  s'il 
en  fut  jamais. 

A  successivement  aborder  ces  trois  problèmes,  nous 
aurons  fourni  des  exemples  de  transmutations  dans  les 
règnes  animal,  végétal  et  minéral. 


(1)  L'organe  propre  de  Yimagination,  Ton  s'en  souvient^  est  le  trans- 
lucide ou  diaphane  des  magistes  occidentaux. 

(2)  Nous  en  avons  ailleurs  exposé  la  nature  et  les  causes.  (Cf.  Atant- 
propos,  pages  71-79,  et  passim,  au  cours  de  cet  ouvrage). 


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MAGIE  DES  TRANSMUTATIONS  671 


L'énigme  de  la  Lycanthropie  (1)  ne  porte  pas  au 
scepticisme  des  modernes  un  défi  moins  paradoxal,  que 
rénigme  congénère  du  Vampirisme,  qui  fait  son  pendant. 
Dans  l'un  et  l'autre  cas  de  bilocation  (souvent  pseudo- 
morphique),  les  causes  apparaissent  sensiblement  analo- 
gues, comme  aussi  les  résultats.  La  différence  essentielle, 
opinâmes-nous  ailleurs,  t  consiste  en  ceci  précisément, 
que  le  Loup-garou,  tandis  que  sa  forme  astrale  vagabonde 
au  dehors,  est  un  sorcier  vivant  qui  sommeille  dans  son 
lit  ;  et  que  le  Vampire,  au  contraire,  est  un  sorcier  mort 
qui  végète  dans  sa  tombe  »  (2). 

L'analogie  est  très  remarquable  ;  elle  se  poursuit  dans 
les  moindres  détails. 

Nos  Lecteurs,  édifiés  sur  le  phénomène  générique  de  la 
sortie  en  corps  élhéré,  qui  constitue  la  base  opératoire  et 
se  dénonce  la  condition  primordiale  des  deux  modes 
d'erraticité  meurtrière  que  nous  mettons  en  parallèle, 
(savoir  :  la  Lycanthropie,  du  vivant  du  sorcier,  et  le  Vam- 
pirisme après  sa  mort),  —  nos  Lecteurs  remarqueront 
l'identité  du  but  poursuivi,  la  parité  des  moyens  mis  en 
œuvre,  et  jusqu'à  la  similitude  des  formes  extérieures  que 
revêt  l'apparition. 

Il  s'agit,  en  effet,  dans  les  deux  cas,  d'un  larcin  de  force 
vitale,  accompli  par  la  violence  sur  la  personne  d'un 
être  vivant.  La  consommation  du  vol  est  facilitée,  comme 
nous  l'avons  vu  (3),  par  l'épouvante  qu'inspire  le  spectre 


(1)  Voy.  tome  I^  le  Temple  de  Satan,  pages  229-233. 

(2)  Le  Temple  de  Satan,  page  229. 

(3)  Cf.  cbap.  V,  pages  556-557. 


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672  LA  CLEF  DE  LA  MAGIE  NOIRE 

à  sa  victime.  Cette  dernière  enfin  se  voit  assaillie,  — 
par  le  Lycanthrope  ou  par  le  Vampire,  —  tantôt  sous 
un  aspect  humain,  tantôt  sous  l'apparence  d'un  animal 
sauvage. 

Une  perte  dynamique  très  notable  sera,  chez  la  victimr, 
la  conséquence  de  cet  assaut,  parfois  meurtrier  du  pre- 
mier coup,  et  qui,  en  tous  cas,  s'il  se  renouvelle,  entraine 
la  consomption  et  la  mort. 

Le  Vampire  procède  tantôt  par  exhaustion  fiuidique 
et  sans  répandre  le  sang  :  les  bonnes  gens  disent  alors 
qu'il  a  étouffé  sa  proie  ;  tantôt  en  pratiquant  une  saignée, 
afin  de  s'abreuver  de  la  matière  hématique  :  alors  le 
bruit  court  que  la  victime  a  été  «  sucée  ».  —  Le  Loup- 
garou,  puisqu'on  est  convenu  d'employer  ce  terme 
impropre  (1)  autant  que  ridicule,  tue  également  de  ces 
deux  manières  :  ses  attaques  sont  sanglantes  ou  non 
sanglantes  (2). 

Il  n'est  pas  jusqu'aux  contrefaçons  pathologiques  du 
Lycanthrope,  qui  ne  s'apparient  avec  celles  du  Vampire  : 
les  archives  judiciaires  nous  attestent  des  cas  avenus 
d'anthropophagie,  chez  tels  vagabonds  embusqués  sous 
bois,  à  l'aff'ût  de  gibier  humain.  Véritables  loups-garous 
en  chair  et  en  os,  l'existence  de  ces  frénétiques  doit  être 
alléguée,  en  regard  de  celle  d'autres  maniaques,  Ghôles, 
Stryges  et  Lamies,  —  ces  abominables  convives  du  se- 


(1)  Cf.  Le  Temple  de  Satan,  page  829. 

(2)  Éiiphas  Lévi  avance  un  peu  légèrement  «  que  personne  n'a  été 
tué  par  un  loup-garou,  si  ce  n'est  par  suffocation^  sans  effusion  de  s&n^ 
et  sans  blessures,  »  {Dogme  de  la  Haute  Magie ^  page  227)  :  en  quoi  les 
annales  judiciaires  lui  donnent  tort. 


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MAGIB  DES  TRANSMUTATIONS  673 

piulcre,  dont  mention  fut  faite  au  chapitre  précédent  (l). 
Ces  exemples  de  vésanies  spéciales,  qu'il  suffisait  de 
généraliser,  ont  servi  à  MM.   les  physiologistes  pour 
réduire  à  des  exploits  de  monomane  toutes  les  aventures 
indéniables  de  Lycanthropie.  Voilà,  dirent-ils,  ce  qu'on 
trouve  de  constant  et  de  positif,  au  fond  de  toutes  ces 
m  légendes  »  populaires  :  un  fou  furieux  ou  un  crétin 
féroce,  monstrueusement  travestis,  cousus  dans  une  peau 
de  bête  fauve!...  Enfin,  parmi  le  peuple  même,  «  histoire 
de  loup-garou  »  est  devenu  un  cliché,  une  locution  pro- 
verbiale, synonyme  de  «  conte  à  dormir  debout  ». 

Dussions-nous  poitriner  aux  quolibets,  nous  n'hésite- 
rons pas  à  maintenir,  à  côté  de  la  Lycanthropie  naturelle 
des  anciens  auteurs,  ce  qu'ils  appelaient  la  Lycanthropie 
diabolique.  Pour  expliquer  ce  phénomène,  nous  n'avons 
plus  que  faire  de  l'intervention  du  Maudit;  mais  le  phéno- 
mène demeure,  et  nous  croyons  à  l'existence  du  Lycan- 
thrope,  spectre-assassin.  Anos  yeux,  les  cas  de  bilocation 
en  forme  animale  sont  cas  pathologiques,  disons  même 
épidémiques,  bien  qu'on  en  favorisât  les  crises  par  cer- 
tains procédés... 

Celle  maladie  occulte  et  volontaire,  —  la  Lycanthropie 
spectrale,  —  semble  à  notre  époque  avoir  disparu,  comme 


(1)  Sans  reproduire  ici  les  renseignements  inclus  au  tome  premier, 
il  convient  de  rappeler  que  les  faits  de  lycanthropie  effective,  certifiés, 
—  comme  ceux  de  vampirisme,  —  par  de  concordants  témoignages, 
et  sanctionnés  par  des  arrêts  nombreux,  abondent  aux  recueils  de  pro- 
cédures et  d'actes  authentiques  dans  une  mesure  très  supérieure. 

Le  vampirisme  s'est  localisé,  dans  certains  pays  comme  à  de  cer- 
taines époques.  La  lycanthropie  fut  de  tous  les  pays,  et  beaucoup  plus 
fréquente  au  cours  des  temps. 

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674  LA  CLEF  DE  LA  MAGIE  NOIRE 

tant  d'autres  mystérieuses  épidémies  qui  terrifièrent  le 
moyen  ftge  et  jusqu'aux  siècles  plus  récents.  Mais  suppo- 
sons un  instant  qu'avéré  par  cent  témoignages,  un  pareil 
phénomène  se  produisit  de  nos  jours»  nous  demandons, 
en  conscience,  ce  qu'opineraient  les  c  hommes  de  Tart  »  1 
—  Un  malheureux  vient  d'être  relevé,  à  demi  mort  dans 
la  forêt  ;  il  prétend  avoir  lutté  contre  un  loup  fantastique. . . 
Et  vingt  personnes  ont  vu  le  fantôme...  —  Attaque  d'hy- 
pocondrie !  Aliénation  partielle,  probablement  consécu- 
tive à  quelque  accident  épileptiforme...  Quant  aux  rado- 
tages des  bonnes  gens  qui  ont  vu  le  loup...  fantôme, 
l'épouvante  leur  a  donné  la  berlue.  —  La  victime  a-t-elle 
été  saignée?  Un  animal  féroce  l'a  mise  en  cet  état.  — 
L'a-t-on  trouvée  morte  dans  le  bois,  sans  traces  d'au- 
cunes violences?  C'est  plus  simple  encore  :  elle  a  été 
frappée  d'apoplexie...  Et  la  cause  de  Tattaque  se  devine 
de  reste  :  la  peur,  sans  doute  !  Dans  le  pays,  toutes  les 
têtes  avaient  été  mises  à  l'envers,  par  ces  racontars  de 
loups-garous...  N'est-ce  point  ainsi  qu'on  raisonnerait, 
en  vérité?  De  la  sorte,  ces  Messieurs  les  hommes  graves 
auraient  toujours  le  dernier  mot... 

Ce  qui  nous  intéresse  plus  particulièrement  chez  les 
Lycanthropes,  c'est,  d'une  part,  la  question  des  onguents 
spéciaux,  et  de  l'autre,  les  problèmes  de  la  métamorphose 
animale  et  de  la  répercussion  traumatique. 

Jean  de  Nynauld,  docteur  en  médecine  au  début  du 
xvii'  siècle,  a  recherché  curieusement  la  nature  des  pom- 
mades hallucinatoires,  aux  points  de  vue  de  la  Lycan- 
thropie  et  du  transport  au  Sabbat.  Nous  avons  donné  en 


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MAGIE  DES  TRANSMUTATIONS  675 

note,  (pages  160-162)  un  aperçu  sommaire  de  son  très 
rare  et  très  singulier  opuscule.  On  se  souviendra  qu'il  y 
décrit  trois  onguents  :  car  la  drogue  change  suivant  que 
le  sorcier  désire  être  ravi  par  les  airs  sous  son  naturel 
aspect,  ou  courir  les  bois  sous  forme  animale*  Nynauld 
distingue  avec  soin  la  composition  de  ces  pommades,  dont 
il  s'est  diligemment  enquis. 

A  l'égard  du  Sabbat,  notre  Lecteur  n'ignore  point  qu'il 
y  avait  plusieurs  manières  d'y  assister.  Les  sorciers 
pouvaient  s'y  rendre  corporellement,  comme  à  un  ren- 
dez-vous ordinaire  ;  ils  pouvaient  s'y  transporter  en  véhi- 
cule astral;  ils  pouvaient  en  évoquer  les  scènes  dans  leur 
imagination... 

Le  premier  mode,  le  plus  simple  de  tous,  dispensait  de 
recourir  à  la  vertu  magique  d'aucune  drogue  ;  mais  les 
deux  autres  exigeaient  du  magicien  qu'il  se  mît  en  com- 
dition  seconde,  à  la  faveur  d'un  électuaireoud'un  onguent 
appropriés.  Nynauld  précise  les  substances  intégrantes 
des  deux  pommades,  qui  permettaient  à  celui  qui  s'en 
était  graissé,  soit  d'évoquer  au  miroir  de  son  diaphane 
les  scènes  de  l'infernale  tragi-comédie,  soit  de  se  rendre 
en  personne  audit  spectacle  ;  —  cependant  que  le  Diable 
disposait  dans  la  couche  de  l'absent  une  apparence  de 
corps  en  tout  semblable  au  sien,  en  telle  sorte  que  nul 
au  monde,  fût-ce  le  mari  ou  l'épouse,  ne  pût  soupçonner 
l'escapade.  Telle  est  du  moins  l'hypothèse  du  bon  démo- 
nographe,  qui  répugne  à  supposer  la  bilocalion. 

Enfin,  Nynauld  nous  révèle  un  troisième  onguent,  spé- 
cialement destiné  aux  Loups-garous.  Ceux  qui  s'en 
frottent,  s'imaginant  métamorphosés  en  bêtes  fauves, 


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676  LA  CLEF  DE  LA  MAGIE  TfOlKE 

courent  les  bois  à  la  mode  quadrupède,  attaquent  les 
passants,  les  étranglent,  les  sucent  ou  les  dévorent.  Cesl 
par  une  illusion  satanique  en  partie  double,  —  objective 
et  subjective,  —  que  ce  Docteur  explique  le  cas  des  Sor- 
cières lycanthropes,  ou  plutôt  lycogynes  : 

c  Car  premièrement  (dit-il)  leurs  sens  intérieurs  sont  trom- 
pez de  violentes  impressions  dVne  mesme  figure  et  sont 
mesme  poussez  de  furie,  que  leur  excitent  naturellement  tels 
onguens  et  potions,  de  sorte  qu'elles  se  croyenk  vrayement 
bestes,  marchent  à  quatre  pattes,  se  seruans  de  leurs  mains 
au  lieu  de  |^edz  de  deuant.  Finallement,  estant  ainsy  dispo- 
sées, le  Diable  les  enlourne  d'vn  air  espoissy,  qui  représente 
extérieurement  à  tous  les  spectateurs  la  forme  d'vn  loup,  et 
emporte  ainsy  la  Sorcière  soubs  ceste  forme  par  monts  et 
vaux  (!)..•  » 

Il  était  curieux  de  connaître  l'opinion  de  notre  auteur, 
si  grossière  qu'elle  parût  de  nos  jours;  car,  de  toutes  les 
théories  que  proposèrent  ses  contemporains  pour  expli- 
quer le  Loup-garou,  celle  du  médecin  Nynauld  est  encore 
la  moins  choquante. 

C'est  en  plein  xix*  siècle,  qu'Éliphas  Lévi  a  le  premier 
rendu  le  problème  à  sa  vraie  lumière,  en  esquissant, 
avec  sa  sûreté  de  main  habituelle,  un  aperçu  de  la  doc- 
trine hermétique  sur  ce  point  obscur  et  contesté, 

c  Lafoime  denotre  corps  (écrit  El  iphas)  est  conforme  à  Tétat 
habituel  de  nos  pensées,  et  modifie,  à  la  longue,  les  traits  du 
corps  matériel.  C'est  pour  cela  que  Swedenborg,  dans  ses  in- 
tuitions somnambuliques,  voyait  souvent  des  esprits  en  forme 
de  divers  animaux. 


(i)  Nynaald,  De  la  Lycanthropie  et  extase  des  5orci>rf^  Paris,  1615. 
in-8,  p.  56 


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MAGIE  IXE8  TRANSMUTATIONS  677 

c  Osons  dire  maintenant  qu*un  loup-garou  n'est  autre  chose 
que  le  corps  sidéral  d*un  homme,  dont  le  loup  représente  les 
instincts  sauvages  et  sanguinaires,  et  qui,  pendant  que  son 
fantôme  se  promène  ainsi  dans  les  campagnes,  dort  pénible- 
ment dans  son  lit  et  rêve  qu'il  est  un  véritable  loup. 

c  Ce  qui  rend  le  ioup-garou  visible,  c'est  la  surexcitation 
presque  somnambulique  causée  par  la  frayeur  chez  ceux  qui 
le  voient  (i),  ou  la  disposition,  plus  particulière  aux  personnes 
simples  de  la  campagne,  de  se  mettre  en  communication  di- 
recte avec  la  lumière  astrale,  qui  est  le  milieu  commun  des 
visions  et  des  songes.  Les  coups  portés  au  Ioup-garou  bles- 
sent réellement  la  personne  endormie,  par  congestion  odique 
et  sympathique  de  la  lumière  astrale,  par  correspondance  du 
corps  immatériel  avec  le  corps  matériel.  Bien  des  personnes 
croiront  rêver  en  lisant  de  pareilles  choses,  et  nous  demande- 
ront si  nous  sommes  bien  éveillé  ;  mais  nous  prierons  seule- 
ment les  hommes  de  science  de  réfléchir  aux  phénomènes  de 
la  grossesse  et  aux  influences  de  l'imagination  des  femmes  sur 
la  forme  de  leur  fruit.  Une  femme  qui  avait  assisté  au  supplice 
d*un  homme  qu'on  rouait  vif  accoucha  d'un  enfant  dont  tous 
les  membres  étaient  rompus.  Qu'on  nous  explique  comment 
rimpression  produite  sur  l'àme  de  la  mère  par  un  horrible 
spectacle  pouvait  atteindre  et  briser  les  membres  de  l'enfant, 
et  nous  expliquerons  comment  les  coups  portés  et  reçus  en 
rêve  peuvent  briser  réellement  et  blesser  même  grièvement  le 
corps  de  celui  qui  les  reçoit  en  imagination,  surtout  quand 
son  corps  est  souffrant,  et  soumis  à  des  influences  nerveu- 
ses et  magnétiques (2).  > 

Pour  déconcertante  que  soit  l'énigme  de  la  répercussion 
traumatique,  lors  des  manifestations  bilocatives,  elle 
couvre  une  réalité  qu'on  ne  saurait  plus  mettre  en  doute. 


(i)  Il  semble  qa'il  y  ait  là  un  cercle  vicieux  ;  mais  en  conférant  ce 
qae  nous  avons  dit  dans  noire  Avant-propos  (pages  71  et  suiv.),  ainsi 
qu'au  chapitre  v  (page  557)»  on  pourra  compléter  la  pensée  d'Éliphas. 

(2)  Dogme  de  la  HatUe  Magie,  pages  278-280. 


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678  LA  CLEF  DB  LA  MAGIE  IfOIRE 

L'événement  décisif  du  presbytère  de  Cideville  (4851)  (1; 
et  tout  récemment  celui  de  Valence-en-Brie  (1896)  (2) 
apportent  la  plus  éclatante  confirmation  aux  phénomènes 
de  blessures  par  contre-coup,  qu'appuyaient  déjà  de  si 
nombreux  témoignages  dans  les  affaires  de  sorcellerie 
(et  notamment  de  lycanthropie)  dont  pullulent  les  recueils 
des  démonographes.  Combien  d'autres  cas  modernes 
pourraient  être  invoqués!  Il  n'est  pas  de  «  médiums 
matérialisant  »,  que  des  mésaventures  ou  du  moins 
quelque  incident  du  genre  répercussif  n'aient  avertis,  à 
plusieurs  reprises,  de  garantir  de  toute  atteinte  leur 
double  extériorisé,  avec  plus  de  sollicitude  encore  qu'ils 
n'entourent  de  précautions  leur  corps  matériel  en  cata- 
lepsie. —  Enfin,  les  expériences  de  M.  le  colonel  de 
Rochas,  rapportées  en  notre  quatrième  chapitre,  sont  trop 
démonstratives  à  cet  égard,  pour  que  nous  jugions 
opportun  d'insister.  Suggestives  prémisses,  elles  donnent 
à  réfléchir,  fort  au  delà  de  leurs  conclusions  immédiates 
et  rigoureuses... 

Les  débats  judiciaires  de  Lycanthropie  reposent  sur 
une  incontestable  base  de  phénomènes  observés.  Que 
souvent  des  exagérations  aient  trouvé  place  dans  le 
récit  des  faits  réels,  ce  n'est  pas  douteux.  Le  principe 
avéré,  c'est  dans  les  détails  que  se  réfugie  l'inéluctable 
erreur... 

Dans  l'espèce,  la  réalité  des  contusions  et  des  blessures, 
répercutées  du  fantôme  astral  sur  l'organisme  physique. 


(1)  Cf.  tome  I^  le  Temple  de  Satan,  pages  385-393  et  402-404 

(2)  Voy.  chap.  v,  pages  543-544. 


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MAGIE  DES  TRAIVSMUTATIONS  679 

encouragea  nos  pères  à  enjoliver,  de  quelque  merveilleux 
qui  nous  est  suspect,  les  anecdotes  de  loups-garous.  —  Tel 
ce  conte  invraisemblable  recueilli  par  Boguet,  d'un  gen- 
tilhomme chasseur,  en  Auvergne,  qui,  attaqué  par  un 
loup,  le  manque  d'un  coup  d'arquebuse.  Tirant  alors  son 
coutelas,  c'est  corps-à-corps  qu'il  va  engager  la  lutte, 
quand  l'animal  parvient  à  s'esquiver  :  mais  une  de  ses 
pattes  git,  abattue  ;  le  chasseur  la  ramasse  et  la  serre 
en  son  carnier.  Au  retour,  il  passe  chez  un  seigneur  de 
sa  connaissance,  auquel  il  a  promis  de  sa  chasse  :  il 
ouvre  son  sac  ;  mais  il  y  trouve,  en  guise  de  patte,  une 
mignonne  main  de  femme,  fort  proprement  tranchée,  et 
le  maître  du  logis  reconnaît  avec  horreur,  à  l'un  des 
doigts  de  cette  main,  l'anneau  de  fiançailles  de  sa  propre 
épouse  !  Celle-ci,  vérification  faite,  est  bien  amputée  du 
poignet  :  la  plaie  saigne  encore,  et  la  main,  confrontée, 
s'y  adapte  à  merveille.  Plus  de  doute  !  C'est  bien  la 
noble  châtelaine  qui,  courant  forêt  en  forme  de  louve,  a 
traîtreusement  assailli  l'hôte  de  son  maitre  et  seigneur. 
Dénoncée  par  lui  conune  sorcière,  elle  montera  sur  le 
bûcher  (1). 

Quoi  qu'il  en  soit  du  merveilleux  apocryphe  qui  frappe 
d'invraisemblance  certains  détails  d'histoires  parfaite- 
ment véridiques  au  fond,  —  il  convient  de  cueillir  en 
passant  cette  tradition  de  sorcellerie  (que  partout  on 
retrouve),  du  charme  diabolique  rompu  par  V effusion  du 
sang  du  charmeur.  Nos  aïeux  croyaient  que  le  maléfice 

(1)  Cf.  Boguetj  Diseottrs  des  Sorciers,  P&ges  341-343.  —  Nous  avons 
transcrit  au  premier  tome  le  récit  in  extenso  du  juge  de  Saint  Claude 
(le  Temple  de  Satan,  pages  230-231). 


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680  LA   CLEF  DE  LA  MAGIE  NOIRE 

I 

étant  aboli,  pour  peu  que  Ton  parvint  à  tirer  du  loup- 
garou  une  goutte  de  sang,  l'illusion  tombait  et  qu'aus- 
sitôt Tenchanteur  métamorphosé  reprenait  sa  forme 
naturelle. 

Il  y  a  dans  cette  conviction  du  vrai  et  du  faux.  La 
métamorphose  cesse,  en  vérité;  mais  le  charmeur  n'est 
point  démasqué  sur  place. 

Ce  qui  doit  advenir  en  pareil  cas,  le  voici  :  sitôt  féru, 
le  fantôme  se  désintègre,  non  sans  mouiller  le  sol  d'une 
trace  sanglante,  si  la  condensation  fut  assez  complète. 
Voilà  le  monstre  disparu...  Mais  le  plus  souvent    la 
rumeur  publique  dénonce  un  sorcier  du  voisinage,  sus- 
pect de  ces  sauvages  équipées.  Aussitôt  on  se  précipite  : 
on  envahit  la  retraite  du  solitaire  à  réputation  trouble, 
qui  passe  pour  fréquenter  les  sabbats,  pour  courir  en 
loup  la  campagne,  et  s'accoupler  avec  les  fauves  au  fond 
des  bois...  On  le  trouve  couché,  tout  sanglant,  sous  son 
naturel  aspect,  —  sous  sa  forme  humaine,  plus  hideuse 
peut-être  que  sa  figure  d'emprunt  !  Ses  blessures  saignent 
encore,  celles-là  précisément  dont  on  a  frappé  sa  larve 
vagabonde...   Nier?  A  quoi  bon?  Le  crime   apparaît 
flagrant  ;  l'ami  du  diable  ne  cherche  point  même  à  s'en 
défendre.  On  se  jette  sur  lui  ;  on  le  garrotte  agonisant, 
pour  le  magistrat  et  le  bourreau.  A  moins  toutefois  que 
les  bonnes  gens  n'aient  préféré  se  faire  justice,  en  ache- 
vant ce  misérable,  dans  un  premier  et  irrésistible  élan 
de  vengeance  ou  de  miséricorde.  On  lui  épargne  ainsi  la 
torture,  le  bûcher... 

Entre  la  scène  réelle  que  nous  venons  de  dépeindre  et 
les  légendes  de  métamorphose,  non  seulement  accomplies 


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NA6IB  DES  TRANSMUTATIONS  684 

sur  rheure,  mais  sur  le  champ,  —  il  n'y  a,  semble- t-il, 
de  différence  que  dans  l'addition  d'une  inexatitude  portant 
sur  un  détail...  L'on  se  rend  compte  comment,  sur  le 
fond  authentique,  la  fantaisie  populaire  a  brodé  tels  orne- 
ments accessoires,  qui  dénaturent  la  vérité. 

Pour  en  revenir  à  la  tradition  magique  du  charme, 
qu'abroge  la  moindre  atteinte  portée  à  l'enchanteur,  c'est 
une  croyance  générale  et  qui  ne  se  limite  point  au  cas  du 
Lycanthrope.  Cette  tradition,  Richard  Wagner  Ta  inter- 
prétée et  mise  en  valeur  dans  l'immortel  poème  de 
Lohengrin.  —  Le  défetiseur  d'Eisa  n'a  triomphé  de  ta 
vaillance  que  par  sortilège^  souffle  au  comte  de  Telramund 
la  vipérine  Ortrude.  Glisse-toi  jusqu'à  Lohengrin,  et 
frappe  .'•..  Car  si  tu  parviens  à  verser ^fûtrce  une  goutte 
de  son  sang  maudit,  le  charme  sera  rompu  qui  le  faisait 
invincible...  Mais  ce  n'est  pas  dans  un  charme  vulgaire 
que  réside  la  force  du  héros  de  Montsalvat.  Telramund 
en  croit  la  sorcière,  et  meurt  victime  du  guet-apens  qu'il 
a  tendu. 

Nous  en  avons  fini  avec  le  traumatisme  répercussif, 
que  nous  comptons  toutefois  appuyer  encore  d'un  exem- 
ple contemporain. 

Quant  au  pseudomorphisme  spectral,  il  y  a  deux  ma- 
nières de  l'expliquer  :  soit  par  la  modification  passagère 
du  corps  astral  abmatérialisé,  soit  par  l'entremise  de 
quelque  Lémure  du  nimbe,  fantôme  évertué  et  rendu  ob- 
jectif sous  l'influence  du  magicien. 

Nos  Lecteurs  sont  assez  au  fait  des  phénomènes  de  ce 
dernier  ordre,  pour  qu'il  paraisse  inutile  d'y  insister. 


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682  LA  CLEF  DE  LA  MAGIE  NOTRE 

N'en  avons-nous  pas  discouru  copieusement  et  en  détail? 
—  La  bilocation  pseudomorphique  du  double  humain  sol- 
licite, en  revanche,  quelques  commentaires. 

Les  légendes  de  Nabuchodonosor  transmué  en  bœut, 
des  compagnons  d*Ulysse  dégénérés  en  pourceaux,  nous 
offrent  des  symboles  révélateurs  d'une  vérité  profonde. 
L'effigie  astrale  de  l'homme  est,  en  certains  cas,  suscep- 
tible de  métamorphose  :  elle  peut  revêtir  la  forme  ani- 
male, soit  d'une  sorte  complète,  mais  à  titre  passager, 
soit  plus  dangereusement,  quoique  d'une  sorte  partielle, 
et  à  titre  de  dégénérescence  lente  et  durable.  Les  traiU 
du  corps  matériel,  peu  à  peu  modifiés,  participent  aloi's 
de  cette  altération  typique,  ainsi  qu'il  est  facile  d'en 
justifier  ésotériquement. 

Si  l'on  s*avisait  de  trouver  étrange  que  le  périsprit  put 
ainsi  se  modèlera  des  ressemblances  bestiales,  nous  insis- 
terions pour  qu'on  se  souvînt  d'un  mystère  ontologique, 
énoncé  plus  haut  (1).  Son  sens  intime  prête  à  se  résumer 
dans  une  formule  que  voici  :  l'Homme,  expression  supé- 
rieure de  la  Pensée  divine  dans  la  chair,  constitue  la  syn- 
thèse harmonique  de  cette  animalité,dont  les  types  exces- 
sifs représentent  les  diverses  tendances  passionnelles  et 
les  différents  vices,  au  paroxysme  de  leurs  significations 
analytiques,  autrement  dit  aux  points  extrêmes  de  leurs 
divergences  ;  tandis  que  le  type  humain,  évolué  à  sa  per- 
fection, occupe,  hiéroglyphe  central,  le  juste  milieu  d'é- 
quilibre :  il  symbolise,  dans  ses  proportions  symétriques 


(1)  Voy.  chap.  iv,  pages  351-354. 


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MAGIE  DBS  TRANSMUTATIONS  683 

et  parfaites,  le  terme  ultime  du  règne,  et  comme  le  but 
de  son  effort  sublimé. 

Les  modèles  animaux  équivalent  à  des  signatures  de 
passions outrancières et  désordonnées.  De  celles-ci,  cha* 
que  homme  apporte  en  naissant  son  lot.  Les  différences 

ne  sont  que  du  plus  au  moins Les  innéités  de  Tâme 

qui  s'incarne  la  vouent-elles  à  des  passions  ou  l'inclinent- 
elles  à  des  vices  qui  Téloigneront  du  type  idéal  de  l'hu- 
manité  ?  Le  corps  fluidique  en  porte  d'ores  et  déjà  Tem- 
prcinte,etrorganisme  naissant  se  modèle  en  conséquence. 
Ainsi  s'expliquent  les  physionomies,  en  quelque  sorte 
déviées,  qui  rappellent,  d'une  manière  plus  ou  moins  dis- 
tincte et  parfois  frappante,  les  traits  particuliers  de  tel  ou 
tel  animal.  Nous  l'avons  dit  :  ces  signatures  spontanées 
ne  sont  point  mensongères,  pour  qui  s'applique  à  en 

déchiffrer  l'alphabet Plus  un  homme  persévère  dans 

la  voie  de  ses  passions  dominantes,  plus  s'accentue  en 
astral  sa  ressemblance  avec  l'animal,  ou  les  animaux, 
dont  il  porte  le  cachet  d'origine.  Et  l'on  sait  que  le  corps 
matériel  ne  se  moule  pas  seulement  sur  le  médiateur 
plastique  dans  la  période  de  formation,  mais  que  les  cel- 
lules de  ce  corps,  perpétuellement  renouvelées,  se  juxta- 
posent sur  ce  patron  mobile  et  en  accusent  à  mesure  les 
modifications  :  si  bien,  que  les  signatures  empreintes  sur 
l'épreuve  intérieure  et  occulte  se  renforcent  ou  s'effacent 
parallèlement  sur  l'exemplaire  externe  et  visible. 

Il  va  sans  dire  que  le  corps  fluidique,  d'une  élasticité 
supérieure,  se  prête,  plus  malléable  que  le  corps  matériel, 
à  ces  mutations  de  forme  :  elles  ne  se  répercutent  sur  ce 
dernier  que  progressivement  et  à  la  longue  ;  tandis  que 


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684  LA  CLEF  DE  LA  MAGIE  NOIRE 

c'est  iastantanément   que   Teffigie  astrale   est  {mrfois 
sujette  à  les  contracter. 

Dans  certains  états  passifs,  en  effet,  et  qui  tienn^fH  du 
sommeil  ou  de  l'extase,  l'imagination,  complice  ou  non 
de  la  volonté  consciente,  réagit  sur  le  double  éthéréavec 
une  sorte  de  toute-puissance  :  la  faculté  imaginative  se 
substitue  pour  un  temps  à  la  faculté  plastique,  et  pétrit  à 
son  caprice  Tenveloppefluidique  extériorisée.  C'est  excep- 
tionnel et  passager  ;  il  faudrait  que  ces  dédoublemeots 
pseudomorphiques  se  renouvelassent  bien  souvent  et  se 
prolongeassent  outre  mesure,  pour  que  la  physionomie 
visible  en  contractât  durablement  Tempreinte.  La  modi- 
fication répercussive  n'influe  guère  sur  les  traits  corporels, 
qu'en  conséquence  des  étatsd'âme  habituels  et  continus... 

Cependant»  même  à  ces  heures  exceptionnelles  et  dan5 
ces  cas  anormaux,  où  l'écart  devient  si  notable  entre  la 
forme  d'emprunt  du  corps  astral  vagabond  et  la  forme 
propre  du  corps  matériel  déserté,  une  si  étroite  sympa- 
thie les  fait  communier  l'un  à  l'autre,  en  dépit  des  dis- 
tances, et  vivre  l'un  par  l'autre,  au  moyen  de  la  chaîne 
fluidique  intermédiaire,  qu'il  est  impossible  de  frapper 
l'un  sans  que  l'autre  en  subisse  le  contre-coup.  Atteindre 
l'un,  c'est  blesser  ou  tuer  aussi  l'autre. 

On  peut  lire,  dans  la  revue  Vlnitiation  (1),  le  récit  d'un 
fait  moderne  très  proche  des  cas  connus  de  Lycanthropie. 
Papus  Ta  reproduit  in-extenso,  dans  son  Traité  élémen- 
taire de  Magie  pratiqué  (2),  auquel  nous  invitons  le  Lec- 

(1)  NO  d'avril  1893. 

(S)  Paris,  Gh&muel,  1893,  gr.  in-8^  pages  184-195. 


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MAGIE  DES  TRANSMUTATIONS  685 

t.eur  à  se  référer  pour  les  détails  ;  car  nous  résumerons 
le  plus  possible. 

L'auteur  de  la  relation,  M.  Gustave  Bojanoo,  officier  de 
l'armée  autrichienne,  nous  fait  part  de  la  mort  violente 
d'une  sorcière,  qui  habitait  une  masure  à  l'écart  de  la 
petite  bourgade  de  P.,  où  lui-même  possède  une  ferme 
et  divers  immeubles  adjacents. 

La  femme  B.  n'avait  guère  passé  la  quarantaine  ;  son 
visage  désagréable  et  un  peu  bestial  inspirait  la  défiance, 
et  les  gens  du  pays  la  redoutaient  et  la  haïssaient  à  la 
fois.  Ils  l'accusaient  de  mille  sortilèges^  et  entre  autres 
choses,  de  pérégrinations  nocturnes  sous  l'apparence 
d'une  lumière  pâle  :  on  avait,  à  cause  de  cela^  surnommé 
cette  femme  la  Lanterne. 

M.  Bojanoo  avait  été  témoin  de  plusieurs  faits  de  nature 
suspecte,  à  tout  le  moins  fort  bizarre,  auxquels  cette  créa- 
ture se  trouvait  mêlée,  quand,  de  séjour  au  village  lors 
d'un  congé,  il  dut  à  un  concours  de  circonstances  for- 
tuites, de  passer  la  nuit  au  premier  étage  d'une  maison- 
nette abandonnée,  qui  touchait  à  la  demeure  de  la  ma- 
gicienne. 

A  peine  sa  lumière  est-elle  éteinte,  qu'un  vacarme  in- 
quiétant retentit  à  la  porte  de  la  première  chambre,  qui 
livrait  accès  dans  celle  o£i  son  lit  avait  été  dressé.  L'on 
eût  dit  le  grattement  impérieux  d'un  chien  de  forte  taille, 
en  train  de  vouloir  forcer  la  porte.  C'est  dire  que  ce  grat- 
tement atteignait  une  intensité  particulière.  M.  Bojanoo 
pense  que  son  chien  s'est  faufilé  derrière  lui  dans  la 
maison,  sans  qu'il  s'en  soit  aperçu;  il  l'appelle  par  son 
nom  :  point  de  réponse,  mais  un  redoublement  du  bruit 


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686  LA  CLEF  DS  LA  MAGIB  NOIRE 

mystérieux.  L'officier  fait  de  la  lumière,  le  bruit  cesse  \ 
aussitôt.  L'officier  visite  scrupuleusement  tous  lesrecoini  | 
de  la  maison,  et  ne  découvre  rien  d'insolite.  Il  se  re- 
couche enfin,  après  avoir  fermé  derrière  lui  la  porte  d€  ^ 
la  pièce  d'entrée,  et  tout  rentre  dans  l'obscurité.  Mais  le 
tapage  reprend  de  plus  belle.  Très  énervé,  pour  ne  paâ 
dire  un  peu  ému,  M.  Bojanoo  met  sabre  au  <dair^  et  se 
précipite  dans  la  première  chambre,  où  le  bruit  se  fai- 
sait entendre,  contre  la  porte  d'entrée,  mais  —  chose 
étrange  —  du  côté  intérieur  de  cette  porte.  C'est  là  qu'il 
pense  discerner  une  ombre  lumineuse,  au  lieu  précis  du 
grattement. 

«  Sans  réflexion,  je  ne  fis  qu'un  bond  en  avant,  et  je  portai 
un  formidable  coup  de  sabre  dans  la  direction  de  la  porte. 

<  Une  gerbe  d'étincelles  jaillit  de  la  porte,  comme  si  j'avais 
touché  un  clou  enfoncé  dans  le  panneau.  La  pointe  du  sabre 
avait  traversé  le  bois,  et  j'eus  de  la  peine  pour  retirer  Tarme. 
Je  me  dépêchai  de  retourner  dans  ma  chambre  pour  allumer 
la  bougie,  et,  sabre  en  main,  j'allai  d*abord  voir  la  porte. 

«  Le  panneau  était  fendu  de  haut  en  bas.  Je  me  mis  à  cher- 
cher le  clou  que  je  pensais  avoir  touché,  mais  je  ne  trouvai 
rien  :  le  côté  tranchant  du  sabre  ne  paraissait  pas  non  plus 
avoir  rencontré  du  fer. 

«  Je  descendis  à  nouveau  au  rez-de-chaussée  ;  je  visitai 
partout,  mais  je  ne  trouvai  rien  d*anormaL 

«  Je  remontai  dans  ma  chambre  ;  il  était  mûmii  noîiis  le 
quart  (!)...» 

Le  lendemain  matin,  M.  Bojanoo  apprend  que  la 
femme  6.  repose  sur  son  lit,  sans  connaissance  et  tout 
ensanglantée.  II  se  précipite^  suivi  de  plusieurs  personnes 
de  la  bourgade,  déjà  informées  de  l'accident. 

(1)  Traité  élémentaire  de  Magie  pratique,  page  190. 


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MAGIE  DES  THANSHDTATlOIfS  687 

«  Arrivé  chez  B.^  un  spectacle  terrible  se  présentait. 

<  La  femme,  en  délire,  couchée  sur  son  lit,  avait  la  figure 
presque  entièrement  couverte  de  sang  coagulé,  les  yeux  fer- 
més et  collés  par  le  sang,  qui  sortait  encore  lentement  d'une 
blessure  mortelle  au  front.  La  blessure,  faite  par  un  instru- 
ment tranchant,  commençait  à  deux  centimètres  au-dessus 
de  la  lisière  des  cheveux  et  se  prolongeait  en  ligne  droite  jus- 
qu'à la  racine  du  nez,  parcourant  ainsi  sept  centimètres  et 
demi.  Le  crâne  était  littéralement  fendu,  et  la  masse  cérébrale 
sortait  à  travers  la  fente  (1)...  » 

Le  soir  du  même  jour,  vers  sept  heures,  la  sorcière 
mouruL  Son  triste  a  accident  »  inspira  peu  de  sympa- 
thie. Enfin,  s*écriait  un  voisin,  fi...  a  attrapé  ce  qu*elle 
mérite.  Ce  fut  toute  son  oraison  funèbre.  •• 

A  rhistoire  de  la  femme  B...  se  mêlent  les  aventures 
d'un  grand  chien  berger,  qu'elle  semblait  haïr  et  qui,  de 
son  côté,  montrait  pour  elle  une  aversion  singulière.  Si 
romanesque,  en  vérité,  que  paraisse  la  remarque  suivante, 
nous  ne  la  passerons  pas  sous  silence,  puisque  Fauteur 
Va  gravement  consignée  en  son  récit.  Les  deux  ennemis, 
—  la  femme  et  le  chien,  —  présentaient  la  même  parti- 
cularité, et  fort  bizarre.  Leurs  yeux  n'étaient  pas  de  cou- 
leur identique  :  chez  l'un  comme  chez  l'autre,  «  l'œil  droit 
était  de  couleur  grise  ;  l'œil  gauche,  en  sa  partie  supé- 
rieure, était  d'un  bleu  très  clair,  verdâtre  ;  la  partie  in- 
férieure était  brun  foncé  (2)...  •  —  Où  se  fondait  le  se- 
cret de  cette  hostilité  implacable,  entre  deux  êtres  de 
race  diflerente,  mais  marqués  d'une  signature  étrange  et 


(4)  Traité  élémentaire  de  Magie  pratique,  p.  191. 
(t)  Ibid.,  page  185. 


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688  LA  CUr  DE  LA  VAGIE  NOIRK 

toute  pareille?  Nous  ne  nous  aviserons  pas  de  Teipl 
quer!... 

Il  existe,  — surtout  à  l'état  de  nature,  —  entre  rhomin- 
et  ranimai,  des  affinités  et  des  antipathies  à  confonàrt  \ 
la  raison.  Certaines  opérations  magiques  peuvent  même 
créer  entre  eux  une  solidarité  fluidique  allant  jusqu'à  là 
réversibilité  la  plus  stricte.  Le  lien  est  une  entité  invi- 
sible et  le  plus  souvent  parasitaire.  Ici,  le  souvenir  s'im- 
pose à  nous,  des  exemples  stupéfiants  de  Nag^alisme. 
que  nous  avons  fait  connaître  au  premier  tome  de  ctt 
ouvrage  (1).  Nous  n'y  reviendrons  pas... 

Ce  qui  nous  préoccupe  en  ce  chapitre,  c'est  le  mirack 
des  transmutations  et  des  métamorphoses. 

Or,  le  règne  végétal  nous  offre,  dans  cet  oi'dre  d'idées, 
un  phénomène  remarquable,  dont  le  secret  pratique 
semble  perdu,  mais  que  plusieurs  chimistes  des  derniers 
siècles  connaissaient  parfaitement  et  reproduisaient  à 
volonté,  sous  les  noms  de  palingénésie  et  de  Phénix  vé- 
gétal  (2). 

Cette  merveille  tient  de  fort  près  aux  arcanes  de  la 
biologie  des  plantes,  et  Jacques  Gaffarel,  que  nous  avons 
eu  déjà  l'occasion  de  citer  plusieurs  fois,  explique  fort 
au  clair,  en  son  naïf  langage,  «  que  bien  qu'elles  soient 


(1)  le  Temple  de  Satan^  pages  368-369. 

(2)  «  Coxe  a  fait  en  Angleterre  des  essais  très  curieux  sur  ce  sujet. 
Digbi  a  connu  les  miracles  de  la  palingénésie.  Le  célèbre  père  Kircker 
en  a  beaucoup  parlé.  /.  Daniel  Majer  donne  un  traité  de  palingénésie. 
Le  père  Ferrari,  jésuite,  Jean  Fabre,  Hannemann,  ParaceUe,  Liba- 
vins,  Bary,  dans  sa  physique,  etc.,  ont  tous  traité  de  cette  opéraUon  » 
(Le  Grand  Livre  de  la  Nature,  page  15). 


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VA6IE  DES  TRANSMUTATIONS  689 

hachées,  brisées  ^t  mesme  bruslees,  elles  ne  laissent  point 
de  retenir  au  ius,  ou  aux  cendres,  par  Vne  secrette  et 
admirable  puissance  de  la  nature,  toute  la  mesme  forme 
et  figure  qu'elles  auoient  auparauant  :  et  bien  qu'on  ne 
la  voye  pas,  on  peut  pourtant  la  voir,  si  par  art  on  la 
sçait  exciter  •  (1).  A  l'appui  de  son  dire,  Gaffarel  renvoie 
aux  œuvres  de  M.  du  Chesne,  sieur  de  la  Violette, 

«  vn  des  meilleurs  chimistes  que  nostre  siècle  ait  produit, 
rapportant  qu'il  auoit  veu  vn  très  habile  Polonois,  médecin  de 
Cracouie,  qui  conseruoit  dans  des  phioles  la  cendre  de  presque 
toutes  les  plantes  dont  on  peut  auoir  cognoissance,  de  façon 
que  lorsque  quelqu'vn  par  curiosité  vouloit  voir,  par  exemple 
vne  rose  dans  ces  phioles,  il  prenoit  celle  dans  laquelle  la 
cendre  du  rosier  estoit  gardée,  et  la  mettant  sur  vne  chandelle 
allumée,  après  qu'elle  auoit  vn  peu  senti  la  chaleur,  on  com- 
mençoità  voir  remuer  la  cendre, puis  estant  montée  et  disper- 
sée dans   la  phiole,   on   remarquoit  comme  vne  petite  nuë 
obscure,  qui  se  diuisant  en  plusieurs  parties,  venoit  en  fin  à 
représenter  vne  rose  si  belle,  si  fresche,  et  si  parfaite,  qu'on 
Teust  iugee  estre  palpable  et  odorante  comme  celle  qui  vient 
du  rosier.  Ce  sçauant  homme  dit  qu'il  auoit  souuent  tasché  de 
faire  le  mesme,  et  n'ayant  sçeu  par  industrie,  le  hazard  en  fin 
luy  fit  voir  ce  prodige  :  car  comme  il   s'amusoit  auec  M.  de 
Luynes,  dit  de  Formentières,  conseiller  au  Parlement,  à  voir 
la  curiosité  de  plusieurs  expériences,  ayant  tiré  le  sel  de  cer- 
taines orties  bruslees,  et  mis  la  lesciue  au  serein  en  hyuer,  le 
matin  il  la  trouua  gelée,  mais  auec  ceste  merueille  que  les  es- 
pèces des  orties,  leur  forme  et  leur  figure  estoientsi  naïuement 
et  si  parfaitement  représentées  sur  la  glace,  que  les  viuantes 
ne  Tesloientpas  mieux.  Cet  homme  estant  comme  raui,  appela 
ledit  Sieur  Conseiller  pour  estre  tesmoin  de  ce  secret...  A  pre- 


(1)  Curiosités  inouyes  sur  la  sculpture  talismanique  des  Persans, 
horoscope' des  patriarches,  et  lecture  des  Estoiles,  pari,  Gaffarel.  — 
Paris,  1629,  m-8,page  209. 

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690  LA  CLEF  DE  LA  MAGIE  NOIRE 

sent,  ce  secret  n*estpius  si  rare,  car  M.  de  Claues,  vn  desexceV 
iens chimistes  de  nostre  tems,  le  fait  voir  tous  les  iours  (1)...  >  I 

Il  faut  conclure  de  cette  seconde  expérience,  déjà  re-  = 
lalée  plus  haut,  que  la  forme  astrale  des  plantes  dépose 
volontiers  son  empreinte  sur  des  substances  naturelle- 
ment impropres  par  elles-mêmes  à  la  végétation. 

Qui  n'a  pris  la  peine  d'admirer  les  improvisations 
cristallines  de  la  froidure,  si  finement  découpées  en  tiges 
et  en  feuilles,  suivant  un  modèle  variable,  mais  toujours 
correct  et  minutieux,  de  manière  à  former  ces  arbore5- 
cences  parfaites,  ces  groupes  d'épis,  ces  feuilles  de  fou- 
gère d'un  impeccable  dessin,  et  d'un  port  si  vrai,  que  la 
couleur  et  l'opacité  manquent  seules  à  l'illusion  ?  C'est 
presque  toujours  sur  quelque  type  végétal  que  se  con- 
dense et  se  gèle,  en  hiver,  à  la  surface  des  vitres,  /a 
buée  de  l'atmosphère  intérieure  des  appartements-  Un 
groupement  moléculaire  analogue  préside  à  la  cristalli- 
sation des  seh  grimpants^  qui  escaladent  les  parois  des 
récipients  de  laboratoire,  ou  s'enguirlandent  à  leur  ori- 
fice. 

Il  n'est  pas  jusqu'à  la  nature  métallique,  qui  ne  con- 
tracte elle-même  l'apparence  végétative,  dans  certaines 
occurrences  favorables  à  l'intersection  des  plans  dynami- 
ques, du  minéral  au  végétal.  Ceux-là  sans  doute  hésite- 
ront à  nous  contredire,  qui  ont  examiné  à  la  loupe  les 
frondaisons  éclatantes  qu'affectent  les  arbres  de  Diane 
et  de  Saturne,  dont  il  est  aisé  d'étendre  et  de  modifier 


(i)  Gairarel,/6iV/.,  pages  209-211 


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MAGIE  DES  TRANSMUTATIONS  691 

les  formes  typiques,  en  variant  la  provenance  acide 
et  en  graduant  la  concentration  des  bains  (les  alchi- 
mistes diraient  des  menstrues)  à  base  d'argent  ou  de 
plomb. 

Nombre  de  substances  liquéfiées  par  la  chaleur,  et 
notamment  certains  métaux  en  fusion,  deviennent  très 
propres  à  contracter,  par  le  refroidissement,  la  marque 
et  comme  la  griffe  des  vertus  lémuriennes  de  l'ambiance. 
Les  Larves  et  les  Élémentaux  interviennent  d'aventure 
en  pareil  cas,  et  frappent  de  leurs  hiérogrammes  ces 
matières,  réceptives  dans  l'instant  où  elles  se  concrètent. 
Autant  dire  un  cachet  empreint  dans  la  cire  molle  et 
durcissante. 

Ainsi  s'explique  le  procédé  de  quelques  sorciers  guéris- 
seurs, qui,  consultés  pour  une  maladie,  veulent  savoir 
tout  d'abord  si  l'origine  en  est  un  maléfice.  Dans  un 
vase  d'eau  saturée  des  fluides  du  valétudinaire,  ils 
versent  du  plomb  fondu,  goutte  à  goutte...  Sur  cette 
grenaille  improvisée,  les  influences  magiques  viennent 
signer  leur  présence,  et  trahissent  ainsi  la  volonté  du 
«  jetteux  de  sort  ».  Ce  sont  graphismes  à  déchifi'rer.  Le 
sorcier  diagnostique  et  prononce,  en  suite  de  cette  épreuve 
bizarre. 

Ces  pratiques  étaient  en  usage  au  temps  de  Bodin,  et 
même  de  Sprenger  :  l'on  avait  fréquemment  recours  aux 
thérapeutes  noirs,  pour  la  levée  des  gogues  et  la  cure  des 
envoûtements. 

c  Mais  quant  aux  maladies  (écrit  le  jurisconsulte  angevin) 
qui  aduiennent  autrement  que  par  sort,  les  Sorciers  confes- 
sent qu'ils  n'en  peuuenf  guarir.  Et  pour  sçauoir  si  c'est  sort, 


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692  LA   CLEF  DE  LA  MAGIE  NOIRE 

Spranger  escrit  qu*ils  en  font  la  preuue,  mettant  du  plomb 
fondu  en  vn  vaisseau  plein  d'eau  sur  le  patient  (f  )... 

a  El  défait,  l'Inquisiteur  Spranger  recite  y  n  exemple»  quea 
faisant  le  procès  aux  Sorciers  de  la  ville  d'Isprug  en  Allema- 
gne, il  y  eust  vn  Potier  Sorcier,  lequel  voyant  vne  pauure 
femme  sa  voisine  affligée  extrêmement,  comme  si  on  luy  east 
donné  des  coups  de  cousteaux  aux  entrailles  :  le  sçauray,  dit- 
il,  si  vous  estes  ensorcelée,  et  ie  vous  guariray.  Et  prenant  da 
plomb  fondu,  il  ie  versa  dedans  vn  plat  plein  d'eau,  le  tenant 
sur  la  femme  malade.  Et  après  auoir  dit  quelques  parolles,qoe 
ie  ne  mettray  point,  il  apercent  au  plomb  glacé  certaines ima- 
ges,parlesquelles  il  cognent  qu'elle  estoit  ensorcelée.  Cela  fait, 
il  meine  le  mary  de  ceste  femme,  et  tous  deux  ensemble  vont 
regarder  soubs  le  sueïl  de  la  porte^où  ilstrouuereqt  vne  image 
de  cire  de  la  grandeur  dVne  paume,  ayant  deux  aiguilles  fi- 
chées des  deux  costez,  auec  d*aulres  poudres,  graines  et  os  de 
serpens,  et  ietta  tout  dedans  le  feu  :  et  la  femme  guarit^ayaot 
engagé  son  âme  à  Sathan  et  aux  Sorciers  ausquels  elle  de- 
manda guarison  (2).  » 

Ces  tablettes  métalliques  où  viennent  «  graphier  »  les 
Invisibles,  ce  plomb  fondu  frappé  à  l'empreinte  de  leur 
malice,  nous  ramèneraient  aux  mystères  des  signatures, 
que  nous  avons  suffisamment  éclaircis  (chapitre  iv,  de  la 
Volonté)...  Il  convient  de  nous  en  tenir  aux  exemples  de 
palingénésie  végétale,  dont  Gafifarel  nous  entretenait  tan- 
tôt, savoir  :  la  lessive  d'orties  brûlées  qui  contracte,  en 
se  congelant,  les  fines  ciselures  des  feuilles  d'orties  en 
relief,  et  la  cendre  du  rosier,  faisant  revivre,  par  la  chaleur, 
l'image  fugitive  d'une  rose  au  naturel. 

Voici  dans  quels  termes  un  savant  du  xvn*  siècle,  Guy 


(4)  DelaDemonomanie  des  Sorciers,  ^wt  I.  Bodin,  angevin.  —  Paris. 
1587,  in-4  (f»  143). 
(2)  Demonomanie  des  Sorciers  (fol.  145,  a  et  b). 


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MAGIE  DES  TRANSMUTATIONS  693 

de  la  Brosse,  botaniste  célèbre  et  médecin  de  Louis  XIII, 
rapporte  cette  dernière  expérience.  Le  texte  que  nous 
transcrivons,  rapproché  de  celui  de  Gafifarel,  complétera 
la  description  du  phénomène. 

«  Vn  certain  poIoDois  (écrit  la  Brosse)  sçauoit  renfermer  les 
phantosmes  des  plantes  dedans  desphioles  ;  de  sorte  que,  tou- 
tes les  fois  que  bon  luy  sembloitj'l  faisoit  paroistre  vne  plante 
dans  vne  phiole  vuide.  Chaque  vaisseau  contenoit  sa  plante  : 
au  fond  paroissoit  vn  peu  de  terre,  comme  cendres.  II  estoit 
scellé  du  sceau  d'Hermez. Quant  il  vouloit  Texposer  en  vue,  il 
chauiïoit  doucement  le  bas  du  vaisseau.  La  chaleur  pénétrant 
faisoit  sortir  du  sein  de  la  matière  vne  tige,  des  branches  ; 
puis  des  fueilles  et  des  fleurs,  selon  la  nature  de  la  plante  dont 
il  auoit  enfermé  Tàme.  Le  tout  paroissoit  aussy  longtems 
aux  yeux  des  regardans  que  la  chaleur  excitante  duroit  (1).  » 

L'on  n'est  pas  médiocrement  surpris  de  constater  une 
fois  de  plus  que,  de  nos  jours,  la  chimie  et  la  physique 
officielles,  —  d'ailleurs  si  riches  en  merveilleuses  décou- 
vertes, —  n'ont  pas  seulement  abandonné  ces  recherches 
si  curieuses  sur  la  vitalité  des  êtres  et  la  perpétuité  de 
leurs  effigies  potentielles  ;  mais  encore  perdu  le  secret 
d'expériences  maintes  fois  répétées  et  réussies  par  les 
savants  d'alors,  et  que  tant  de  passages  des  plus  graves 
auteurs  dénoncent  comme  coutumières  et  pour  ainsi  dire 
banales  au  xvu*  siècle. 

Bien  plus,  le  terme  de  palingénésie  n'était-il  point 
passé  dans  le  langage  courant  de  la  philosophie  et  de  la 
science  :  à  telles  enseignes  que  nous  voyons,  au  siècle 

(i)  De  la  nature,  vertu  et  vtilité  des  plantes  et  dessin  du  lardin 
royal  de  médecine,  —  Paris^  1664,  in-fol.  fig.,  (chapitre  vi,  pages  44  et 
suiv.) 


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694  LA  CLEF  DE  LA  MAGIE  NOIRE 

dernier»  le  grand  naturaliste  Charles  Bonnet  intituler 
Palingénésie  philosophique  son  chef-d'œuvre  le  plus 
admiré  (1769),  et  sur  le  seuil  du  présent  siècle,  Tillustre 
et  malchanceux  Ballanche  réunir  ses  œuvres  complètes 
sous  la  rubrique  significative  d'Essais  de  Palingénésie 
sociale  ? 

Peut-être  sera-t-il  donné  à  quelques  intrépides  éclai- 
reurs  de  la  science  non  sectaire,  tels  que  le  D'  Gibier 
ou  le  colonel  de  Rochas,  de  reproduire  et  d'expliquer  les 
phénomènes  décrits  par  Gaffarel,  et  qui  sont  dans  la 
logique  des  choses  de  la  nature,  étudiées  au  flambeau  de 
l'Ésotérisme. 

La  même  loi  se  manifeste  en  actes,  pour  rendre  possi- 
bles l'une  et  l'autre  expériences,  que  nous  avons  relatées 
d'après  l'astrologue  du  grand  Cardinal.  C'est  invariable- 
ment sur  le  patron  morphique  de  la  plante,  sur  son  corps 
sidéi'al  ou  potentiel,  —  substratum  de  la  matière  visible 
(réduite  elle-même  à  l'état  de  caput  morluum),  —  que  le 
fantôme  végétal  se  dessine,  en  objectivation  éphémère 
dans  le  premier  cas;  et  que,  dans  l'autre,  il  préside,  en 
mode  végétatif,  au  groupement  moléculaire  de  la  glace 
naissante. 

On  trouve  dans  le  Grand  Livre  de  la  Nature  (1),  publié 
au  dernier  siècle  par  les  soins  d'un  chapitre  de  Rose- 
Croix,  toutes  les  phases  de  l'opération  spagjTique,  requise 
pour  obtenir  le  phénix  végétal.  L'auteur  désigne,  par 
cette  métaphore,  le  vase  préparé  pour  l'épreuve  de  la 

(1)  Le  Grand  Livre  de  la  Nature  ou  V Apocalypse  philosophique  et 
hermétique,  etc.,  vu  par  une  Société  de  Ph...  Inc.,  et  publié  par  D... 
—  Au  Midi,  et  de  l'Imprimerie  de  la  Vérité  (1790),  in-8. 


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MAGIE  DES  TRANSMUTATIONS  695 

palingénésie.  Quant  aux  manipulations  essentielles,  c*est 
sous  réserves  que  nous  en  relèverons  l'ordonnance,  en 
tâchant  à  résumer  le  détail  des  minutieuses  prescrip- 
tions formulées  de  la  page  15  à  la  page  19... 

1®  Il  faut  piler  avec  soin  quatre  livres  des  graines  bien 
mûres  de  la  plante  dont  on  veut  dégager  Vâme  ;  puis 
conserver  cette  pâte  au  fond  d'un  vaisseau  bien  transpa- 
rent et  bien  net. 

2^  Un  soir  que  l'atmosphère  sera  pure  et  le  ciel  serein, 
on  exposera  le  produit  à  Thumidité  nocturne,  afin  qu'il 
s'imprègne  de  la  vertu  vivifiante  qui  est  dans  la  rosée. 

3°  et  4°  L'on  aura  soin  de  recueillir  et  de  filtrer  huit 
pintes  de  cette  rosée,  mais  avant  le  lever  du  soleil,  qui 
en  aspirerait  la  partie  la  plus  précieuse,  laquelle  est  ex- 
trêmement volatile  ; 

5*  Puis  on  distillera  la  liqueur  filtrée  :  du  résidu  ou 
des  fèces,  il  faut  savoir  extraire  un  sel  «  bien  curieux  et 
fort  agréable  à  voir.  » 

6"*  On  arrosera  les  graines  avec  le  produit  de  la  distil- 
lation, que  l'on  aura  saturé  du  sel  obtenu.  Ensuite  on 
enterrera,  dans  le  fumier  de  cheval,  le  vaisseau  herméti- 
quement scellé  au  préalable  avec  du  borax  et  du  verre  pilé. 

7°  Au  bout  d'un  mois,  «  la  graine  sera  devenue  comme 
de  la  gelée  ;  l'esprit  sera  comme  une  peau  de  diverses 
couleurs  qui  surnagera  au-dessus  de  toute  la  matière. 
Entre  la  peau  et  la  substance  limoneuse  du  fond,  on  re- 
marque une  espèce  de  rosée  verdâtre  qui  représente  une 
moisson  (1).  » 

(1)  Le  Grand  Livre  de  la  Nature^  pages  17-18. 


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696  LA  CLEF  DE  LA  MAGIE  NOIRE 

8^  A  ce  point  de  fermentation,  le  mélange  doit  être 
exposé,  dans  son  bocal  exactement  clos,  de  jour  à  Tar- 
deur  du  soleil,  de  nuit  à  l'irradiation  lunaire.  Par  les  pé- 
riodes pluvieuses,  on  remet  le  vaisseau  en  lieu  sec  et 
tempéré  jusqu'au  retour  du  beau  temps.  —  Il  faut  plu- 
sieurs mois,  souvent  une  année,  pour  que  l'opération  soit 
parfaite*  Voit-on,  d'une  part,  la  matière  se  boursoufler 
et  doubler  de  volume  ;  de  l'autre,  la  pellicule  disparaî- 
tre ?  C'est  signe  certain  de  réussite. 

9"  La  matière,  à  son  dernier  stade  d'élaboration,  doit 
apparaître  pulvérulente  et  de  couleur  bleue. 

«...  C*estde  ceUe  poussière,  que  s'élèvent  le  tronc,  les  bran- 
ches et  les  feuilles  de  la  plante,  lorsqu'on  expose  le  vaisseau  à 
une  douce  chaleur.  Voilà  comment  se  fait  le  Phœnix  végétal. 

c  La  palingénésie  des  végétaux  ne  seroit  qu'un  objet  dV 
musement,  si  cette  opération  n'en  faisoit  entrevoir  de  plus 
grandes  et  de  plus  utiles.  La  Chymiepeut,  par  son  art,  faire 
revivre  d'autres  corps;  elle  en  détruit  par  le  feu,  et  leur  rend 
ensuite  leur  première  forme.  La  transmutation  des  métaux,  la 
pierre  philosophale  sont  une  suite  de  la  palingénésie  métalli- 
que. 

a  On  fait  sur  les  animaux  ce  qu*on  fait  sur  les  plantes; 
mais  telle  est  la  force  de  mes  engagemens,  que  je  ne  peux  pas 
m'expliquer  ouvertement  (1)... 

a  Le  degré  le  plus  merveilleux  de  la  palingénésie,  est  l'art 
de  pratiquer  sur  les  restes  des  animaux.  Quel  enchantement  de 
jouir  du  plaisir  de  perpétuer  l'ombre  d'un  ami,  lorsqu'il  n'est 
plus!  Artémise  avala  les  cendres  de  Mausole  :  elle  ignorait, 
hélas,  le  secret  de  tromper  sa  douleur  (2).  » 


(1)  «Cette  étude  (dit  plus  loin  l'auteur)  est  celle  des  Ph..,  /ne... 
(Philosophes  inconnus).  C'est  d'eux  que  jeUens  les  vérités  que  je  con- 
signe en  cet  ouvrage  »  (Page  22). 

(2)  Le  Grand  Livre  de  la  Nature,  pages  18-1 9. 


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MAGIE  DES  TRANSMUTATIONS  697 

Conçoit-on  la  valeur  de  cette  indication  rapide  ?  L'ho- 
mogénéité de  la  Nature  universelle  autorise  Thomme  à 
inférer  par  analogie  :  et  s'il  a  raisonné  juste,  l'expérience 
confirme  toujours  ses  inductions.  Or,  ce  qui  a  lieu  dans 
le  règne  végétal  doit  parallèlement  se  produire  dans  les 
règnes  inférieur  et  supérieur  à  lui  :  c'est  justifier,  dans 
l'un,  la  transmutation  des  métaux  ;  dans  Fautre,  la  re- 
viviscence posthume  des  formes  abolies. 

Admirons  du  reste  quelle  unité  de  doctrine,  dans  tou- 
tes les  écoles  d'Ésotérisme.  A  suivre  les  pas  d'un  alchi- 
miste du  siècle  dernier,  voici  que  nous  rejoignons  Por- 
phyre et  les  Alexandrins  (1). 

Jacques  Gaffarel,  que  nous  citions  tantôt,  a  parfaitement 
senti  la  portée  de  ces  correspondances,  puisqu'après 
mention  de  ces  phénomènes  palingénésiques,  il  passe  à 
l'examen  des  manifestations  spectrales,  et  conclut  au  ca- 
ractère parfaitement  naturel  des  fantômes  qui  hantent 
parfois  les  lieux  de  sépulture.  Les  Ombres  des  trépassés 
qu'on  voit  aux  cimetières  se  réduisent,  d'après  son  dire, 
à  la  silhouette,  à  l'esquisse  fluidique  des  corps  défunts  : 
mais  ils  ne  sont  ni  Yârne  des  morts  (2),  ni  spectres  d'o- 
rigine diabolique.  Nous  avons  transcrit  ailleurs  le  pas- 
sage (3). 

Le  bon  abbé  Gaffarel  n'est  pas  toujours  aussi  heureux. 
La  crainte  de  passer  pour  magicien  le  fait  parfois  chan- 


(1)  Cf.  chap.  V,  pages  504  et  suiy. 

(2)  Gaffarel  distingue  sagement  ici  V Ombre  passive,  de  Tâme  spiri- 
tuelle et  môme  du  corps  sidéral. 

(3)  Voy.  chap.  iv,  page  364. 


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LA  CLEF  DE  LA  MAGIE  NOIRE 


celer  à  mi-côte  sur  le  sentier  du  vrai  :  ce  qui  nuit  a 
Tautorité  de  sa  parole,  sans  interdire  pour  cela  aux  ama- 
teurs de  Diablerie,  de  trouver  à  ce  prêtre  astrophile  u:3 
arrière^goût  de  fagot.  — Ainsi,  quelques  lignes  plus  loin, 
il  a  la  mauvaise  fortune  de  s*en  prendre  à  Paracelse. 
<  qui  dit  que  la  Mumie  contient  toutes  les  vertus  des 
plantes,  pierres,  etc.,  et  qu'il  y  a  vne  force  occulte  magnt^ 
tique,  qui  attire  les  hommes  auprès  des  tombeaux  de 
ceux  qu^on  estime  saints,  où,  par  la  vertu  de  la  mesrae 
Mumie,  on  voit  les  effets  que  l'on  appelle  miracles,  estans 
plus  fréquens  (dit-il)  en  esté  qu'en  toute  autre  saison,  à 
cause  de  la  chaleur  du  soleil,  qui  esueille  et  excite  Thu- 
meur  qui  est  en  la  Mumie  ;  resueries  que  nous  réfutons. . .  » 
Or,  par  le  terme  assez  étrange  de  Mumie,  Paracelse  ex- 
prime l'action  d'Iônah  sur  les  cadavres,  c'est-à-dire,  la 
force  d'expansion  vivifiante  qui  agit  dans  la  lumière  as- 
trale, autour  des  capita  mortua,  pour  les  dissoudre  ;  et 
qui  féconde  la  matrice  de  la  Mort,  pour  lui  faire  produire 
la  Vie  inépuisable  !  Peut-être  Paracelse  déduit-il  parfois 
de  trop  audacieuses  conclusions  des  principes  naturels 
qu'il  a  su  mettre  en  lumière  avec  tant  de  bonheur.  Mais 
si  l'auteur  des  Curiositez  eût  appris  à  l'école  de  Para- 
celse la  science  de  la  Mwnie,  nous  ne  le  verrions  nulle 
part  aucunement  embarrassé  pour  rendre  un   compte 
scientifique  et  rigoureux  de  tous  les  mystères  palingéné- 
siques. 

Nous-même  ne  pousserons  pas  plus  avant  nos  com- 
mentaires sur  ce  point.  Expliquer  plus  en  détail  la  Pa- 
lingénésie,  après  tout  ce  que  nous  avons  produit  sur  la 
Lycanthropie,  et  les  modalisations  très  diverses  dont  les 


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MAGIE  DES  TRANSMUTATIONS  699 

corps  fluidiques  apparaissent  susceptibles,  ne  serait-ce 
point  abuser  des  redites,  et  n'aurions-nous  pas  Tair  de 
mettre  une  médiocre  confiance  dans  la  sagacité  du  Lec- 
teur? 

L'intitulé  de  ce  chapitre  —  Magie  des  transmutations, 
—  nous  invite  à  dire  un  mot  des  talismans  d'invisibilité  ; 
mais  nous  ne  nous  y  arrêterons  point. 

L'anneau  de  Gygès  n'est  qu'un  symbole,  et  les  théories 
antérieurement  émises  doivent  suffire  à  rendre  compte 
de  tous  phénomènes  justiciables  de  cette  rubrique  en  par- 
tie double  :  apparitions  et  disparitions  mystérieuses. 

A  part  les  cas  rarissimes,  et  néanmoins  avérés,  d'éthé- 
risation  des  corps  matériels  vivants,  —  l'invisibilité  cor- 
porelle peut  dépendre,  soit  d'un  phénomène  tout  subjec- 
tif de  fascination,  soit  de  l'entremise  réelle  d'un  voile 
opaque,  interceptant  la  vue.  Cet  artifice,  qui  paraît  du 
ressort  exclusif  de  la  prestidigitation,  relève  en  certains 
cas  de  la  Magie  proprement  dite  :  quand  l'obstacle  inter- 
posé consiste  en  une  modification  moléculaire  du  milieu 
atmosphérique,  par  l'efiet  de  la  volonté  adeptale  sur 
TÂkasa. 

C'est  ce  phénomène,  bien  connu  des  initiés  de  tous 
temps,  que  l'abbé  de  Villars  signale  au  passage,  dans 
ses  entretiens  si  instructifs  du  Comte  de  Gabalis  : 


a  En  cet  endroit,  un  laquais  vint  me  dire  qu*un  jeune  sei- 
gneur venoît  me  voir.  —  Je  ne  veux  pas  qu'il  me  voye,  dit  le 
Comte.  —  Je  vous  demande  pardon,  Monsieur,  lui  dis-je  ;  vous 
jugez  bien,  au  nom  de  oe  Seigneur,  que  je  ne  puis  pas  faire 
dire  qu'on  ne  me  voit  point  :  prenez  donc  la  peine  d'entrer 


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I 


700  LA  CLEF  DE  LÀ  MAGIE  NOIRE 

dans  ce  cabinet.  —  Ce  n'est  pas  la  peine,  je  va  me  rendre  in- 
visible. —  Ha  !  Monsieur,  m'écriai-je,  trêve  de  diablerie,  s'il 
vous  platl  !  Je  n'entends  pas  raillerie  là-dessus.  —  Quelle 
ignorance,  dit  le  Comte  en  riant  et  haussant  les  épaules,  de 
ne  sçavoir  pas  que  pour  être  invisihlej  U  ne  faut  que  mettre 
devant  soi  le  contraire  de  la  lumière!...  Il  passa  dans  moa 
cabinet,  etc.  (i)...  » 

Au  demeurant,  rien  n'est  plus  fréquent  et  plus  aisé  à 
produire  sur  des  sujets  hypnotiques,  que  X hallucination 
négative.  Que  de  fois  avons-nous  vu,  chez  M.  le  D'  Lié- 
beault,  ailleurs  aussi,  une  suggestion  anéantir,  pour  un 
individu,  la  notion  de  vingt  personnes  réunies  dans  la 
même  pièce,  causant  et  circulant,  et  que  le  sujet  coudoie 
sans  même  soupçonner  leur  présence  !  Elles  lui  parlent, 
mais  il  n'entend  rien  ;  elles  le  touchent,  il  ne  les  sent  pas. 
Elles  le  menacent  vivement  de  la  main  :  il  marche  au 
milieu  d'elles,  impassible  et  sans  sourciller. 

Nous  avons  décrit,  aux  précédents  discours,  plusieurs 
cas  de  fascination  ou  de  métamorphose  subjective.  — 
En  ce  chapitre,  les  mystères  de  la  lycanthropie  et  de  la 
palingénésie  nous  ont  présenté  deux  exemples  mixtes  de 
métamorphose  réelle,  mais  passagère.  —  Nous  allons 
examiner  enfin,  avec  les  phénomènes  du  grand  œuvre,  la 
transmutation  objective  et  durable  tout  à  la  fois.  Ces  der- 
nières pages  formeront  une  notice  à  part,  et  comme  un 
précis  sommaire  de  la  science  d'Hermès. 

Nous  aurons  étudié  de  la  sorte  les  différents  modes  de 


(1)  Le  comte  de  Gabalis.^  Londres,  1744,  2  vol.  in-12,  (tome  I,  pa- 
ges 135-136). 


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MAGIE   DES  TRANSMUTATIONS  701 

métamorphose,  aux  termes  de  la  distinction  qui  clôt  no- 
tre exposé  de  principes,  vers  le  début  du  présent  chapitre. 
Et  ces  phénomènes  nous  seront  apparus  successivement 
en  actes,  dans  les  trois  règnes  de  la  nature  physique  : 
animal,  végétal,  minéral. 


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ALCHIMIE 

l'art  de  la   CHRYSOPÉE  (1) 


'  A  plupart  des  savants  contemporains  taxent  de 
chimérique  le  problème  de  la  Chrysopée. 
La  théorie  de  l'unité  de  la  matière  est  timi- 
dement défendue,  à  titre  d'hypothèse,  par  quelques-uns 
d'entre  eux,  qui,  sans  nier  à  priori  la  possibilité  d'obtenir 
un  jour  de  l'or  artificiel,  n'en  ébauchent  pas  moins  un  sou- 
rire pitoyable,  dès  qu'on  leur  parle  de  transmutations  au 
passé  :  (or,  il  en  est  d'historiques,  notre  ami  Papus  l'a  vic- 
torieusement élabli)(2). —  «  Croyez-vous  qu'il  y  en  ait  eu? 


(1)  La  science  d'Hermès  réduite  à  l'art  delà  Chrysopée,  —  son  plus 
célèbre  problème^  —  pourra  paraître  un  objectif  assez  mesquin  :  d'au- 
cuns regretteront  de  voir  se  rétrécir  de  la  sorte  d'aussi  magnifîques 
horizons.  Mais  nous  ne  disposons  que  de  quelques  pages,  où  plusieurs 
chapitres  ne  seraient  pas  de  trop;  et  deux  volumes  suffiraient  &  peine 
pour  un  traité  général  de  philosophie  hermétique.  Le  précis  d'alchimie 
ci-dessus^  nos  I^ecteurs  daigneront  en  faire  la  remarque^  doit  tenir 
dans  une  subdivision  du  présent  chapitre  vu,  intitulé  Magie  des  trans- 
mutations. 

Notons,  au  demeurant,  que  si  les  vocabulaires  varient  d'une  École 
ésotérique  à  l'autre,  la  concordance  est  parfaite,  au  fond,  entre  les  doc- 
trines généralisées  de  la  Spagyrie  et  les  enseignements  de  cette  science 
occulte^  &  laquelle  nous  avons  dévoué  notre  plume.  C'est  au  point  que 
les  adeptes  font  usage  de  ces  termes  :  Occultisme,  Hermétique,  Magie, 
Kabbale,  comme  de  véritables  synonymes. 

(2)  Papus,  la  Pierre  philosophale,  preuves  irréfutables  de  son  exis- 
tence, Paris,  1889,  in- 8.  —  Cf.  Traité  méthodique  de  science  occulte, 
pages  643  et  suiv. 


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704  LÀ  CLEF  DE   LÀ  MAGIE  NOIRE 


En  vérité!...  (une  pause).  C'est  possible.  Rien  ne  nous  dé- 
fend en  principe  de  Tadmettre.  »  Et  ils  soulignent  d'un^^ 
moue  ces  condescendantes  paroles.  Visiblement,  on  les 
désobligerait,  à  insister.  Encore  ceux-là  forment-ils  Tex- 
trême  avant-garde  de  la  science. 

Mais  les  autres  ne  veulent  rien  entendre.  En  vain  leur 
produit-on  le  témoignage  de  graves  et  sagaces  observa- 
teurs, qui,  sceptiques  ou  fougueux  adversaires  de  la  veille, 
s'écrient  :  j'ai  vu,  j'ai  expérimenté  de  mes  mains,  et  dé- 
sormais, suis  forcé  de  croire  !  En  vain  peut-être  leur  fe- 
rait-on toucher  du  doigt,  —  comme  jadis  à  Van  Helmont 
(1618),  à  Bérigard  de  Pise  (1643),  à  Helvétius(1666)(i:), 
—  la  vertu  transmutatoire  de  la  pierre.  Nos  savants  se- 
raient capables  de  fermer  les  yeux,  comme  ils  se  bouchent 
les  oreilles. 

Pas  de  valable  témoignage  contre  leur  opinion,  puis- 
qu'ils récusent  les  témoins.  Pas  d'expérience  concluante 
à  leurs  yeux,  puisqu'ils  se  prétendent,  si  elle  réussit,  les 
dupes  de  quelque  subtil  escamotage.  Les  exemples  pul- 
lulent d'une  pareille  obstination,  dans  les  archives  du 
Magnétisme  animal.  Le  dogmatisme  scientifique  est  pire 
que  le  dogmatisme  religieux.  Une  chose  n'est  point, 
parce  qu'elle  est  impossible.  Cercle  vicieux  dont  la  logi- 
que positiviste  ne  daigne  pas  sortir... 

Un  argument  péremptoire,  et  dont  nul  ne  semble  s'être 
avisé  encore,  en  faveur  de  l'alchimie,  c'est  renonciation 
d'un  simple  fait,  incontestable  pour  tous  :  l'existence 
même  de  Tor  sur  la  planète.  —  A.  moins  de  s'en  tenir  à 


(1)  Papus,  Traité  méthodique,  pages  653-658. 


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MAGIE  DES  TRANSMUTATIONS  705 

l'hypothèse  anti-scientifique  (parce  qu 'anti-uni taire)  d'une 
matière  complexe,  multiple,  préexistant  au  système  so- 
laire et  devant  lui  survivre  ;  à  moins  de  proclamer  les 
prétendus  corps  simples,  irréductibles  et  éternels,  diffé- 
renciés dès  la  genèse  de  la  nébuleuse,  aussi  bien  qu'ils 
le  sont  sur  Tastre  issu  de  sa  condensation,  —  il  faut  bien 
admettre  comme  possible  la  synthèse  de  l'or,  puisque  la 
Nature  le  produit. 

Reste  à  ssivoir  comment... 

Que  la  Nature  dispose  de  moyens  d'action  qui  passent 
l'actuelle  portée  de  la  science  humaine,  c'est  plus  que 
probable.  Que,  pour  produire  l'or,  des  conditions  soient 
requises,  de  chaleur,  de  lumière,  d'électricité,  de  pression, 
au  delà  de  ce  que  M.  le  professeur  Z.  peut  réunir  au  la- 
boratoire, c'est  encore  vraisemblable,  mettons  évident  si 
vous  y  tenez.  Mais  la  Science  étend  chaque  jour  son  em- 
pire :  ce  qui  semblait  hier  l'impossible,  on  le  réalise  au- 
jourd'hui sans  peine;  on  accomplira  demain,  comme  en 
se  jouant,  ce  qui  paraît  l'impossible  aujourd'hui. 


Quoi  qu'il  en  soit  des  conquêtes  scientifiques  du  futur, 
nous  sommes  contraint  d'envisager  l'art  transmutatoire 
comme  une  réalité  du  passé. 

Nous  n'évoquerons  point  l'ombre  de  ces  hiérophantes 
des  théocraties  antiques,  pourvoyant  aux  frais  d'une 
guerre  décrétée  équitable  et  sainte  :  ils  ouvraient  au  mo- 
narque de  Justice,  enfant  lui-même  du  sanctuaire,  les 
cryptes  où  dormaient  les  énormes  réserves  dehngots  d'or, 

entassés  là  par  plusieurs  générations  desacerdotes  voués 

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706  LA   CLEF  DE  LÀ  MAGIE  NOIRE 

à  Tart  d'Hermès.  —  Les  adeptes  du  moyen  âge  chrétien 
n'avaient  point  perdu  cette  tradition  des  vieux  temples, 
puisque  nous  voyons,  au  xni°  siècle,  Raymond  Lulle  de 
Palma  s'enfermer  à  la  tour  de  Londres,  et  y  fabriquer 
d'un  coup  pour  six  millions  de  lingots,  masse  d'or  énorme 
pour  l'époque.  Le  roi  Edouard,  que  Lulle  se  flattait,  par 
cette  occulte  largesse,  d'entraîner  à  la  croisade,  fit  du 
moins  frapper  cet  or  en  l'honneur  de  la  mémorable  trans- 
mutation :  telle  fut  l'origine  des  nobles  à  la  rose,  dont  quel- 
ques rares  spécimens  subsistent  encore,  que  les  collec- 
tionneurs se  disputent  sous  le  nom  de  Raymondines.  — 
Nous  ne  retiendrons  que  pour  mémoire  les  gestes  de  Ni- 
colas Flamel,  humble  écrivain  public  au  xiv®  siècle,  qui, 
parvenu  au  but  de  ses  travaux  hermétiques,  dota  des 
églises,  des  hôpitaux,  fit  construire  le  portail  de  Saint- 
Jacques-la-Boucherie,  puis  celui  de  Sainte-Geneviève- 
des-Ardents,  restaura  les  églises  Saint-Côme  et  Saint- 
Martin-des-Champs,  éleva  deux  arcades  au  charnier  des 
Saints-Innocents,  distribua  de  magnifiques  aumônes,  et 
mourut  en  laissant  une  fortune  princière. 

De  pareils  problèmes  historiques  peuvent  impression- 
ner l'esprit,  mais  sans  le  convaincre.  Tandis  que  des  ex- 
périences telles  que  les  réussirent  de  leurs  mains  Bérigard 
de  Pise,  Helvétius  et  Van  Helmont,  adversaires  décidés 
de  l'alchimie  et  trop  compétents  au  laboratoire  pour  se 
laisser  duper  ;  des  projections  telles  que  Lascaris  et  ses 
émissaires  en  multiplièrent  par  toute  l'Europe,  au  début 
du  siècle  dernier,  et  qui  sont  attestées  aussi  solennelle- 
ment qu'événements  historiques  le  furent  jamais;  voilà 
de  ces  faits  qu'il  nous  semble  difficile  de  mettre  à  néant. 


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MAGIE  DES  TRANSMUTATIONS  707 

Et  quand  on  les  serre  de  près,  la  réalité  de  Télixir  trans- 
mutatoire  en  découle,  brutale. 

La  pierre  existe  ;  et  d'illustres  témoignages  ont  de  tous 
temps  confirmé  son  existence  et  magnifié  ses  vertus. 
Mais  les  adeptes  n'ont  jamais  traité  en  vulgaire  de  Tart 
sacré  :  les  arcanes  en  sont  défendus  par  tout  un  rempart 
de  symboles.  C'est  une  langue  à  apprendre  et  un  laby- 
rinthe à  pénétrer.  Que  de  studieuses  insomnies,  pour 
déchiffrer  ces  emblèmes!  Que  de  tâtonnements,  pour 
découvrir  le  vrai  chemin  ! 

Les  alchimistes  ne  semblent  pas  toujours  d'accord, 
touchant  la  classification  des  phénomènes  du  grand 
œuvre.  Ils  s'ingénient  à  donner  le  change  aux  profanes, 
par  un  luxe  assez  variable  de  divisions  et  de  subdivisions 
arbitraires  (1). 

Jaloux  pour  notre  part  d'étendre  la  sincérité  jusqu'aux 
dernières  limites  du  possible,  il  nous  importe  d'allier 
l'extrême  précision  des  détails  à  l'extrême  simplicité 
du  plan  d'ensemble,  —  et  d'élaguer  à  cet  effet  toute  vue 
théorique  comme  toute  spécification  opératoire,  dont 
l'énoncé  ne  tendrait  pas  directement  au  but. 


(1)  Ce  qui  crée  un  chaos  plus  inextricable  encore,  pour  l'étudiant  à 
ses  débuts,  c'est  la  masse  des  écrivains  ou  présomptueux  ou  mystifi- 
cateurs, qui  encombrent  les  avenues  de  la  Science  d'un  péle-môle  de 
théories  souvent  absurdes,  en  tous  cas  erronées,  et  qui  professent  au 
nom  d'une  expérience  qu'ils  n'ont  pas  acquise,  ou  promulguent  les 
oracles  d'un  Dieu  qui  ne  leur  a  point  parlé.  En  alchimie,  le  discerne- 
ment et  le  choix  des  auteurs  semblent  plus  malaisés  qu'en  toute  autre 
étude,  n  est  prudent  de  s'en  tenir  aux  maîtres  incontestés;  encore  d'in- 
trigants spéculateurs  ont-ils  mis  parfois  d'ineptes  rhapsodies  sous  le 
patronage  de  ces  noms  célèbres. 


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1 


708  LA  CLEF  DE  LA   MAGIE  NOIRE 

De  brèves  observations  préliraiDaires  caractériseront 
d'abord  l'esprit  général  de  rHermétisme  et  les  bases 
fondamentales  de  sa  doctrine.  Puis,  sous  les  auspices  de 
la  classification  la  plus  normale  et  la  moins  complexe, 
s'ébauchera  le  Sommaire  des  opérations  du  grand  œuvre. 
Quelques  développements  trouveront  leur  place  à  la  suite 
de  ce  schéma  :  nous  reprendrons  plus  en  détail  les  tra- 
vaux de  la  Chrysopée,  en  partant  de  la  première  mani- 
pulation essentielle  pour  aboutir  à  la  dernière,  —  ce  que 
nul  des  anciens  adeptes  ne  s'était  permis  d'éclaircir. 

Ces  derniers,  en  effet,  parlant  d'après  leur  propre 
expérience  spagyrique,  ou  d'après  la  doctrine  qui  leur 
avait  été  transmise  sous  le  sceau  du  serment  adeptal,  se 
croyaient  tenus,  soit  envers  les  autres,  soit  envers  eux- 
mêmes,  à  une  réserve  qui  ne  saurait  nous  contraindre,  — 
explorateur  désintéressé  des  mystères,  qui  nous  sommes 
fait  une  conviction,  à  l'issue  d'une  longue  et  patiente  étude 
comparative  des  œuvres  publiées  par  les  adeptes,  et 
sous  le  contrôle  des  connaissances  que  nous  avons  pu 
personnellement  acquérir  au  laboratoire. 

Nous  l'avons  dit  :  peu  crédules  aux  transmutations 
d'autrefois,  les  Maîtres  avancés  de  la  chimie  moderne 
n'en  sont  plus,  du  moins,  à  soutenir  Pirréductibilité  des 
prétendus  corps  simples  ;  plusieurs  pressentent,  à  l'instar 
des  hermétiques,  l'unité  de  matière  (ou  mieux  de  subs- 
tance), sous  la  multiplicité  des  apparences  phénoménales. 
Même  les  plus  clairvoyants  de  celte  élite  ont  déjà  signalé 
le  retour  de  la  science  adulte  à  des  théories  qu'elle 
considéra  trop  longtemps  comme  les  rêves  qui  flottaient 
jadis  autour  de  son  berceau. 


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MAGIE  DES  TRANSMUTATIONS  709 

Taxer  de  songes  enfantins  les  doctrines  hermétiques, 
était-ce  point  aller  un  peu  vite  en  besogne? 

La  chimie  actuelle  a  fort  étendu  la  zone  des  explora- 
tions et  des  constatations  positives,  c'est  une  justice  à 
lui  rendre;  et,  pour  ne  citer  qu'un  exemple  de  ses 
plus  illustres  conquêtes,  il  est  hors  de  doute  que 
Lavoisier,  par  sa  théorie  de  l'oxydation,  a  jeté  sur  l'étude 
analytique  des  corps  une  splendide  lumière,  dont  les 
vieux  alchimistes  eussent  été  les  premiers  éblouis.  Les 
travaux  avancés  de  Louis  Lucas,  de  sir  William  Crookes, 
de  MM.  Newland,  Lothar-Meyer  et  Mendeleef  auront  été 
les  glorieuses  assises  du  monument  synthétique  en 
cours  d'édification.  Quant  à  la  mise  en  œuvre,  pratique 
et  industrielle,  des  récentes  découvertes,  le  génie  de  la 
science  contemporaine  pourra-t-il  jamais  lasser  l'admi- 
ration ? 

Quoi  qu'il  en  soit  de  ces  merveilles,  les  alchimistes 
ne  verraient  là,  en  théorie  comme  en  application,  que 
l'étude  minutieuse  des  écorces  matérielles,  des  résidus 
du  travail  biologique,  la  science  du  caput  mortuum  uni- 
versel. Bref,  Raymond  Lulle,  Henry  Khunrath  ou  Paracelse 
reprocheraient  au  savant  moderne  de  ne  travailler  que 
sur  des  cadavres. 

Il  ne  suppute  en  effet  que  la  matière  morte,  ou  du 
moins  traite-t-il  toute  matière  comme  si  elle  l'était  : 
la  Vie,  l'Ame,  les  Puissances  animatrices  et  formatrices 
des  corps  lui  échappent  absolument.  Ainsi  notre  savant 
observera  les  phénomènes  de  la  cristallisation  ;  il  étudiera 
comparativement  les  formes  géométriques  des  différents 
cristaux,  et  les  conditions  requises  pour  les  obtenir  : 


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TIO  LA  CLEF  DE  LA  MAGIE  NOIRE 


cela  fait,  il  se  flattera  d'avoir  pénétré  les  lois  de  cet  ordre 
de  phénomènes.  Mais  l'agent  interne  qui  en  est  la  cause 
réelle,  mais  la  vie  latente  dont  témoignent  les  aflanités 
qui  président  aux  groupements  moléculaires,  mais  Vâme 
minérale,  en  un  mot,  —  le  savant  contemporain  ne 
l'ignorera  point  seulement,  il  aura  la  témérité  d'en  nier 
l'existence. 

Or,  la  science  de  la  Vie,  à  tous  ses  degrés,  voilà  l'ines- 
timable trésor  dont  pouvaient  s'enorgueillir  les  enfants 
d'Hermès.  Le  subslralum  universel  des  formes  sensibles 
leur  était  connu.  Ils  étudiaient  la  matière  à  l'état  naissant  ; 
une  fois  produite,  ou  pour  mieux  dire  engendrée,  ils  la 
manipulaient  vivante ^  avec  mille  soins  scrupuleux  pour 
ne  la  pas  tuer.  Bien  plus,  ils  en  provoquaient  à  volonté 
réclosion,  en  réglaient  les  énergies  ;  tels  passages  de 
puissance  en  acte  leur  étaient  familiers;  et  nous  ne 
balancerons  point  à  soutenir  qu'ils  ont  connu,  pratiqué, 
utilisé  certains  états  latents  de  la  substance,  —  insépa- 
rables de  telles  forces  secrètes  de  la  nature,  —  états  et 
forces  qui  sont  totalement  inconnus  de  nos  plus  grands 
maîtres  du  jour,  ou  pressentis  à  peine  par  les  plus  intui- 
tifs d'entre  eux. 

La  philosophie  d'Hermès  était  à  la  fois  pour  ses  fidèles 
une  science  positive  et  une  doctrine  mystique,  nous 
dirions  presque  —  une  religion. 

Sans  revenir  sur  leur  symbole  (1),  que  nous  avons 
traduit  et  commenté  plus  haut,  resserrons  ici  en  quel- 

(1)  C'est  la  Table  d'émeraude,  (voy.  chap.  r,  pages  105-110). 


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MAGIE  DES  TRANSMUTATIONS  TU 

ques  lignes  les  canons  essentiels  de  leur  dogme  cosmo- 
gonique. 

Comme  toutes  les  Écoles  d'occultisme,  ils  enseignaient, 
avons-nous  dit,  Tunité  de  substance  sous  la  multiplicité 
des  apparences  phénoménales. 

La  matière  sensible,  diverse  et  multiforme,  n'était 
pour  eux  qu'une  illusion  plus  ou  moins  durable,  pro- 
longée en  divers  modes  convertibles  :  les  transmutations, 
dans  leur  système,  consistaient  au  passage  d'un  de  ces 
modes  à  l'autre. 

Ils  connaissaient  trois  principes  générateurs  des  choses 
manifestées,  et  quatre  éléments  de  manifestation. 

Soufre  ^,  Mercure  W  et  Sel  Q  :  ainsi  dénommaient- 
ils  leurs  trois  principes;  —  le  Feu  /\y  VAir  A, 
VEau  \J  et  la  terre  ^  :  tels  étaient  les  emblèmes  de 
leurs  quatre  éléments. 

Soufre,  Mercure  et  Sel  correspondaient  à  ce  qu'ils 
nommaient  encore  :  feu  inné^  humide  radical  et  base 
essentielle  des  corps  (I).  Traduisons:  le  Soufre,  principe 
de  la  forme  ;  —  le  Mercure,  principe  de  la  substantiation  ; 
—  et  le  Sel,  principe  mixte  de  la  manifestation  objective. 

En  correspondance  occulte  :  la  substance  une  est 
l'Éther  cosmique,  dont  la  polarisation  donne  au  positif 
YAôd  lit»,  la  Force  ou  l'Agent  ^  ;  —  au  négatif  VAôb 
lis,  la  Résistance  ou  le  Patient  ^  ;  —  au  centre  d'équi- 
libre, VAôr  1W  ou  lumière  astrale,  substratum  de  toute 
matière  ©. 

(1)  Ou  bien  encore^  ù^  Archée,  O  Azoth,  et  ©  Hylé. 


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712  LA  CLEF  DE  LA    MAGIE  HOIRE 

Le  Soufre-principe  sera  donc,  suivant  le  dire  naïf  d'un 
ancien  alchimiste  (1),  «  le  feu  céleste  qui,  s'introduisani 
dans  les  semences  inférieures,  suscite  et  fait  paroistre  la 
forme  intérieure  du  plus  profond  de  la  matière,  avec  tout  | 
son  ornement  et  équipage  :  et  voilà  comme  la  génération 
se  fait  par  le  moyen  de  ce  feu  céleste,  et  comme  toutes 
choses  élémentaires  icy-bas  en  dépendent,  comme  de 
leur  vraye  source  et  origine  (2).  » 

Ce  vieil  auteur  n*est  pas  moins  e3q)licite,  quand  il 
définit  le  Mercure-principe  :  «  L'humide  radical  de  toutes 
choses  qu'en  Chymie  on  appelle  Mercure,  c'est  la  subs- 
tance humide,  première  née  en  la  semence  de  toutes 
choses  ;  sur  laquelle  le  feu  naturel  ou  souphre  vital  agit 
pour  en  pousser  les  formes  mussees  et  cachées  dans  le 
thresor  de  son  abysme.  l'appelle  abysme,  les  vertus  et 
proprietez  de  cet  esprit  de  vie  qu'il  a  presque  infinies, 
pour  tirer  de  soy  mesme  toutes  sortes  de  formes  (3)-  * 

Le  Sel-principCj  dit  encore  Jean  Fabre,  «  est  le  siège 
fondamental  de  toute  la  nature  en  gênerai  et  en  parti- 
culier ;  c'est  le  poincl  et  le  centre  où  toutes  les  vertus  et 
proprietez  célestes  et  élémentaires  aboutissent  et  se  ter- 
minent... Principe  de  corporification,  qui  est  le  nœud  et 
le  lien  des  autres  deux  principes  souphre  et  mercure,  et 
leur  donne  corps,  et  par  ainsi  les  fait  paroistre  visible- 
ment aux  yeux  d'vn  chascun  (4).  » 


(1)  Jean  Fabre,  VAbregé  dei  secrets  chymiques,  —   Paris,  Billainc, 
1636,  in-8. 

(2)  Fabre,  Secrets  chymiques,  page  20. 

(3)  Secrets  chymiques,  pages  23-24. 

(4)  Secrets  chymiques,  page  34  {passim). 


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MAGIE  DES  TRANSMUTATIONS  713 

Ainsi  donc,  —  il  importe  de  s'en  bien  pénétrer,  —  les 
trois  Principes,  dans  leur  signification  universelle,  ne 
sont  ni  les  corps  vulgairement  dénommés  Soufre,  Mercure 
et  Sel,  ni  aucune  substance  analogue,  qui  tombe  sous 
nos  sens.  Il  faut  y  voir  les  trois  aspects  complémentaires 
d'une  même  essence,  générative  des  choses  matérielles  ; 
les  trois  termes  de  polarisation  du  virtuel  occulte,  sur  le 
point  de  se  manifester,  en  passant  de  puissance  en  acte. 
Conçus  dans  leur  synthèse  opératoire,  les  Principes 
représentent,  à  eux  trois,  l'énergie  réalisatrice  des  corps. 
Envisagés  séparément,  ils  se  réduisent  à  de  pures  abstrac- 
tions, car  ils  n'existent  que  les  uns  par  les  autres. 

Notons,  en  passant,  que  les  disciples  d'Hermès  dési- 
gnent tantôt  par  © ,  A  et  ^  les  trois  Principes  univer- 
sels que  nous  avons  dits,  et  tantôt  leur  incorporation 
dans  le  règne  minéral,  savoir  :  des  corps  manipulablcs 
es  cornues  et  ballons,  et  qui,  dans  l'œuvre  préparatoire, 
sont  les  mixtes  à  travers  lesquels  ces  trois  Principes  ra- 
dicaux, spécifiés  au  stade  minéral,  font  respectivement 
sentir  leur  action  propre. 

Pas  de  matière  sensible  au  monde,  qui  ne  soit  compo- 
sée des  trois  Principes  unis.  Il  en  résulte  que  la  liqueur 
mercurielle  des  travaux  préliminaires,  pour  prendre  un 
exemple,  renferme  aussi  du  Sel  et  du  Soufre.  Mais  le 
Mercure  s'y  trouve  en  excès,  ce  qui  revient  à  dire  que  la 
Substance  passive,  le  Principe  féminin,  la  polarité  né- 
gative de  l'Être  (résistance)  s'y  manifestent  particulière- 
ment. —  On  peut  faire  la  même  remarque,  touchant  les 
préparations  désignées  comme  sulfureuses,  ou  salines. 
Au  laboratoire,  et  dans  leur  acception  la  plus  large,  le 


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714  LA  CLEF  DE  LA  MAGIE  NOIRE 

Mercure  est  une  fumée  blanche,  le  Soufre  une  grais>^ 
agglutinante,  et  le  Sel  un  acide.  L'Azoth  des  Sag^,  s}^ 
thèse  des  trois,  consiste  en  un  menstrue,  rAIchaêst  ol 
dissolvant  des  métaux,  qui  ramène  ceux-ci  à  leur  pre- 
mière substance  et  met  leur  sperme  androgynique  en  li- 
berté. 

Enfin,  au  laboratoire  toujours,  et  dans  leur  acception 
restreinte  à  la  nature  métallique,  le  Soufre  des  métaux 
sera  le  point  fixe  (l),séminal,  qui,  déterminant  le  Mercure 
métallogène,  spécifie  chaque  métal  en  une  nature  carac- 
téristique, où  s'inscrit  chaque  étape  de  maturité  ;  —  le 
Mercure  sera  la  première  substance  des  métaux,  diverse- 
ment spécifiable  par  tel  ou  tel  Soufre,  —  et  le  Sel  sera  U 
matière  de  l'œuvre. 

Ces  distinctions  établies,  poursuivons  notre  exposé- 

Les  trois  Principes  universels  de  la  substance  engen- 
drent les  mixtes  à  travers  les  quatre  Éléments^  ces  qua- 
tre types  fondamentaux  de  la  manifestation  objective. 

Les  corps  apparaissent  en  effet  sur  le  plan  physique, 
selon  quatre  modes,  dont  les  Éléments  des  anciens  of- 
frent la  signature  spontanée  et  l'immédiat  symbole  :  ce.s 


(1)  Ainsi,  en  principe  nalurant^  le  Soufre  est  un  feu  subtil,  occulte, 
insaisissable  ;  tout  ce  qu'il  y  a  de  plus  éthéré,  de  plus  spiritueux  ;  — 
en  application  naturée^  ce  même  Soufre,  incorporé  et  spéciGé  dans  la 
nature  métallique,  devient  la  semence  fixe,  inaltérable  des  mét&ux,  IV- 
talon  de  leur  type  sigillé  &  môme  leur  matière  :  tout  ce  qu'on  peut  con- 
cevoir de  plus  dense  et  permanent. 

Toujours  Tanalogie  des  contraires,  rendue  sensible  dans  le  ehassé- 
croisé  d'influences  s'exerçant  du  Ciel  à  la  terre  ;  interversion  que  nous 
avons  déjà  signalée  (note  des  pages  119-120)  et  dont  l'emblèoie  naturel 
s'inscrit  au  reflet  renversé  d'une  image  dans  l'eau. 


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MAGIE  DES  TRANSMUTATIONS  715 

3orps  apparaissent  so/ides  (Terre),  liquides  (Eau),  gazeux 
<^Air)  ou  ignés  (feu). 

L.a  quintessence,  ou  moyen  terme  radical  des  formes 
sensibles,  réside  au  point  central  équilibrant  des  quatre 
modes  élémentaires,  de  même  qu'en  l'absolue  Substance 
réside  la  synthèse  équilibrante  des  trois  Principes. 

Quant  au  problème  de  la  Chrysopée,  aux  termes  duquel 
nous  devons  restreindre  cette  courte  notice,  sa  solution 
théorique  ne  présentera  plus  d'obstacle  à  la  compréhen- 
sion, si  l'on  se  pénètre  bien  de  ceci  : 

La  nature  métallique  est  une  :  tous  les  métaux  sont 
formés  de  Soufre  et  de  Mercure,  spécifiés  au  minéral, 
conjoints  en  variables  proportions  de  poids  comme  de 
réciproque  maturité,  et  condensés  en  un  corps  salin  plus 
ou  moins  pur,  c'est-à-dire  en  un  mode  d'incorporation 
moléculaire  plus  ou  moins  adéquat. 

Variations  qualitatives  et  quantitatives  des  Trois  Prin- 
cipes unis,  et  plus  ou  moins  d'intimité  dans  le  mélange, 
—  voilà  les  causes  de  la  différenciation  minérale. 

Les  métaux  sont  fruits  de  maturité  plus  ou  moins 
avancée,  sur  Tarbre  de  la  nature  métallique.  Les  métaux 
inférieurs  sont  des  fruits  fades  et  crus,  qui  se  sont 
détachés  de  l'arbre,  c'est-à-dire  de  la  vie  de  croissance, 
avant  que  le  Soufre  et  le  Mercure  qui  les  constitue 
se  fussent  combinés  et  mûris  en  de  justes  proportions 
salines.  Trouvez  un  levain  qui  supplée  à  ce  défaut,  en 
soumettant  derechef  ces  matières  inanimées  et  refroi- 
dies à  la  fermentation  de  la  vie  minérale  :  la  Nature  re- 
prendra son   œuvre   élaboratrice,^  et  d'imparfaits,  ces 


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716  LA   CLEF  DE  LA  MAGIE  NOIRE 

métaux  deviendront  parfaits  ;  c'est-à-dire  qu'ils  abouti- 
ront, dans  la  série  négative  et  féminine^  à  la  Lune  ou  à 
l'argent,  et  dans  la  série  masculine  et  positive,  au  Soleil 
ou  à  Tor. 

La  pierre  philosophale  n'est  autre  que  ce  ferment  qui 
porte  à  maturité  les  fruits  aigres  ou  mal  digérés  de  la 
nature  métallique.  Cette  transmutation  s'opère  en  un  très 
court  délai,  qui  varie  de  quelques  minutes  à  quelques 
heures,  suivant  que  la  projection  du  levain  métallique 
est  faite  sur  un  métal  fondu,  plus  ou  moins  éloigné  du 
point  de  perfection  à  atteindre. 

Tout  Tœuvre  réside  donc  dans  l'élaboration  du  fer- 
ment, —  soit  au  blanc,  soit  au  rouge. 

Voilà  la  question  nettement  posée... 

«  Les  métaux  (dit  ÉUphas  Lévi)  se  forment  dans  les  entrail- 
les de  la  terre  comme  les  planètes  dans  le  ciel,  par  les  spécia- 
lités d'une  lumière  latente,  qui  se  décompose  en  traversant 
divers  milieux. 

€  S^emparer  du  sujet  dans  lequel  la  lumière  métallique  est 
latente,  avant  qu'elle  se  soit  spécialisée,  et  la  pousser  à  Tex- 
Irème  positif^  c'est-à-dire  au  rouge  vif  (I),  par  un  feu  em- 

(1)  «  Tout  se  régénère  pkr  le  dissolvant  universel,  qui  est  la  sub- 
stance première.  Ce  dissolvant  concentre  sa  force  dans  la  quintessence, 
c'est-à-dire  au  centre  équilibrant  d'une  double  polarité. 

«  La  vibration  de  la  quintessence  autour  des  réservoirs  communs  se 
manifeste  par  la  lumière,  et  la  lumière  révèle  sa  polarisation  par  les 
couleurs. 

a  Le  blanc  est  la  couleur  de  la  quintessence.  Vers  son  pôle  négatif, 
cette  couleur  se  condense  en  bleu  et  se  fixe 'en  noir;  mais  vers  son  p<)'<? 
positif,  elle  se  condense  en  jaune  et  se  fixe  en  rouge. 

•  La  vie  rayonnante  va  donc  toujours  du  noir  au  rouge  en  passant 
par  le  blanc  ;  et  la  vie  absorbée  redescend  du  rouge  au  noir  en  traver- 
sant le  même  milieu.  »  Éliphaa  Lévi,  Histoire  delà  Magie,  pages  536- 
537. 


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MAGIE  DES  TRANSMUTATIONS  717 

prunté  à  la  matière  même,  tel  est  le  secret  du  grand  œuvre, 
c  Od  comprend  quecette  lumière  positive  à  son  extrême  de- 
gré de  condensation  est  la  vie  même  devenue  fixe,  et  peut 
servir  de  dissolvant  universel  et  de  médecine  à  tous  les  règnes 
de  la  nature  (1).  :» 

Que  si  l'on  médite  ces  ,paroles  d'un  grand  maître,  on 
se  persuadera  qu'elles  expriment  à  la  fois  une  réalité  et 
un  symbole.  A  ce  double  titre,  positif  et  analogique,  elles 
valent  d'être  bien  comprises.  Nous  ne  les  avons  pas 
transcrites  sans  motif,  pour  conclure  les  préliminaires 
généraux  qu'il  importait  d'énoncer. 

Passons  à  la  description  du  grand  œuvre. 

Nous  en  esquisserons  d'abord  le  schéma  quaternaire  ; 
car  la  Chrysopée  se  divise  rationnellement  en  quatre 
groupes  bien  distincts  d'opérations  et  de  phénomènes. 


SOMMAIRE 

DES  TRAVAUX    DU    GRAND   OEUVRE 

I.  —  Opérations  préparatoires. 

Tout  Varcane  gît  dam  la  préparation  du  Mercure  phi- 
losophai, ou  Dissolvant  universel,  ou  Azoth  des  Sages  ^. 
On  Vobtient  par  une  sublijnation  mystérieuse^  en  appli- 
quant à  la  matière  première  le  feu  secret,  qui  est  V Acier 
des  philosophes.  Pour  préparer  cet  Acier ^  il  faut  connaître 
el  savoir  utiliser  leur  Aimant. 


(1) 


Éliphas  Lévi,  Hist,  de  la  Magie,  page  537. 

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7{8  LA  CLEF  DB  LA  MAGIE  NOIRE 

Le  propre  de  VAzolh  est  de  dissoudre  tous  les  tnélaujr) 
—  au  cas  paj'ticuliery  V or  et  V argent,  —  et  les  rafnemr\ 
à  leur  première  substance  mercurieUe^  en  abolissant  le 
nœud  gordien  qui  joignait  ce  Mercure  éUme^itaire  des  mé- 
taux à  kur  Soufre.  \ 

Le  Soufre  A  et  le  Mercure  V  mélalUgènes  ainsi  sé- 
parés récupèrent  leur  qualité  végétative;  de  combinés  et  | 
morts  quils  étaient,  ils  redeviennent  libres  et  vivants, 

I 
II.  —  L'Œuvre  proprement  dit  (préparation  de  la  pierre).    I 

En  dissolvant  l'or  et  Vargent  vulgaires  dans  FAzoth  ou  ' 
Mercure  des  SageSy  Vadepte  d'Hermès  a  libéré  le  Soleil 
O  vif  et  la  Lune  ^  vive^  le  Roi  et  lu  Reitie^  le  mâle  et  la 
femellCy  dont  les  noces  produiront  V Enfant  royal,  le  mi-  i 
racle  de  la  Nature  et  de  l'art  :  la  pierre  philosophale. 

Le  O  vif  n'est  autre  que  le  Soufre  métallogène  A  ,  évo- 
lué à  sa  perfection  dans  Vor  vulgaire;  —  la  ^  vive  est 
le  Mercure  métallogène  ^  (1),  amené  à  sapins  haute 
perfection  dans  Vargent  vulgaire.  {Tous  tes  autres  métaux 
sont  formés  des  mêmes  principes  spécifiés,  au  minéruL 
mais  en  combinaison  désharmonique  ou  à  l'état  impur). 

Le  lA  et  le  ^  métalhgènes,  isolés  à  l'état  de  pureté 
parfaite^  et  revivifiés  {les  adeptes  disent  réincrudés)  par    \ 
l'Azoth  des  Sages  {ou  combinaison  du  ^etdu'd  univer- 
sels  dans  une  prison  saline),  constituent  la  matière  pro- 


(1  ]  Nous  appelons  métallogènes  le  Soufre  et  le  Mercure  spécifiés  au 
minéral,  et  dont  la  combinaison,  en  de  justes  proportions  salines, 
donne  naissance  aux  divers  métaux. 


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MAGIE  DES  TRANSMUTATIONS  719 

haine  de  T œuvre  :  les  deux  ferments  dont  le  concours 
ïiébis)  forme  le  pur  sperme  des  métaux. 

Rien  autre  ne  doit  être  emprisonné  dans  Vœuf  et  soumis 
m  i^égime  gradué  de  VAthanor,  La  chaleur  d!une  seule 
Uxinpe  doit  conduire  V œuvre  à  sa  perfection. 

Oependant,  sous  Vinfluence  combinée  de  la  chaleur  et 
iii  temps,  une  série  de  phénomènes  parfaitement  déter- 
fuinés  se  manifeste  dans  l'œuf.  Les  phases  de  volatilisa- 
tion partielle^  de  fixation  et  de  déliquescence  de  la  matière 
alternent  comme  il  convient^  tandis  que  cette  matière 
affecte  successivement  des  teintes  caractéristiques^  dont 
V apparition  dans  l'ordre  voulu  atteste  à  V adepte  qu'il  n^a 
pas  dévié  du  droit  chemin. 

Les  couleurs  principales  se  succèdent  dans  Vordre  sui- 
ifant  :  le  noir  ;5  >  (corruption,  tête  de  corbeau)  le  blanc  3 
(ablution,  terre  blanche  feuillée^  petit  Êlixir),  et  le  rouge 
O  (grand  Êlixir  ou  pierre  philosophale).  —  Les  nuances 
secondaires  ou  transitoires  sont  nombreuses  :  «  Avant 
le  noir  y  il  y  a  un  mélange  de  couleurs  assez  confus  ;  en- 
tre le  noir  et  le  blanc  se  trouve  le  gris  ;  entre  le  blanc  et 
le  rouge,  le  vert  et  le  bleu,  les  couleurs  de  Vdrc-en-ciel 
on  du  spectre  solaire  ;  puis  le  jaune,  V orangé  et  enfin  le 
rouge  (1).  » 

La  matière  parvenue  à  la  blancheur  parfaite  constitue 
le  petit  Êlixir,  ou  pierre  transmutaloire  au  blanc,  qui 
change  les  métaux  imparfaits  en  argent  ;  —  parvenue  au 


(1)  Théories  et  symboles  des  alchimistes,  par  Albert  Poisson  (Collec- 
tion d'ouvrages  relatifs  aux  sciences  hermétiques).  —  Paris, Chacornac^ 
1891^  petit,  in-8  carré,  fig.,  page  129. 


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720  LA   CLEF  DE  LA  MAGIE  NOIRE 

rouge^  elle  constitue  le  grand  Élixir  ou  pierre  au  rouge  : 
c'est  la  pierre  philosophale  parfaitCj  qui  transmue  les 
métaux  en  or. 

III.  -  Haltiplication  de  la  pierre. 

On  multiplie  la  pierre^  non  seulement  en  quantité^  mais 
en  vertu,  par  sa  digestion  et  sa  coction  dans  dix  fois  son 
poids j  environ,  de  Mercure  philosophai  ou  d'Azoth  des  Sa- 
ges -ç-.  Cette  opération  ne  va  pas  moins  qu'à  recommencer 
tout  rœuvre,  en  scellant  dans  Fœuf  une  matière  qui  est 
Rébis  exalté  à  la  deuxième  puissance.  Dans  la  prépara- 
tion  de  cette  matière^  lesfertnents  Qet  ^  sont  remplacés 
par  une  égale  quantité  de  rÊlixir  qu'on  prétend  mulli- 
plier.  Les  couleurs  se  succèdent  dans  le  même  ordre  inva- 
riable ;  mais  l'œuvre  évolue  bien  plus  rapidement  ;  lors- 
que toute  la  matière  est  fixée  au  rouge,  la  pierre  ne  se 
trouve  pas  seulement  décuplée  en  volume^  mais  en  poten- 
tialité transmutatoire.  Une  seconde  multiplication^  iden- 
tique à  lu  première j  aboutit  à  centupler  la  pierre ^  à  titre 
non  seulement  quantitatif,  mais  encore  qualitatif.  El  ainsi 
de  suite f  dans  cette  proportion  :  10,  100,  1000,  10.000, 
etc. 

ïy autres  philosophes  multiplient  la  pierre  beaucoup 
plus  simplement,  en  la  projetant  sur  de  Vor  vulgaire  en 
fusion,  qu'elle  réduit  à  sa  propre  nature  de  pierre. 

Vf.  —  Projection. 

La  pien'e  philosophale  (ou  ferment  maturatif)  étant 
obtenue,  le  phénomène  de  la  transmutation  {oumatura- 


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MAGIE  DES  TRANSMUTATIONS  721 

tion)  des  métaux  imparfaits  s'opère  en  peu  de  temps. 
Il  suffit  de  projeter  dans  la  masse  liquéfiée  du  métal 
qu*on  veut  ennoblir  (mercure,  étain  ou  plomb  en  fusion) 
une  petite  quantité  de  la  pierre^  réduite  en  poudre  fine 
et  soigneusement  enrobée  dans  un  peu  de  cire,  en  forme 
de  pilule.  Après  une  phase  de  fusion  assez  brève  d'ordi- 
naire,  on  laisse  refroidir  le  creuset^  et  toute  la  masse  mé- 
tallique se  trouve  transmuée  en  3  ou  en  O,  selon  qu'on 
a  fait  usage  de  la  poudre  transmutatoire  au  blanc  ou  au 
rouge. 

Il  nous  reste  à  compléter  les  indications  du  Sommaire 
qu'on  vient  de  lire,  en  insistant  sur  les  points  laissés 
dans  l'ombre  par  les  Maîtres.  Peu  de  paroles  y  suffiront. 

Toute  la  difficulté  réside  aux  opérations  préparatoires. 
—  Le  reste,  disent  les  Adeptes,  n'est  qu'un  jeu  d'enfants 
et  de  femmes.  Or,  ces  travaux  préliminaires  se  bornent 
à  la  préparation  de  l'Âzoth  ou  Mercure  des  Sages. 

Nous  savons  déjà  qu'il  n'est  pas  le  mercure  com- 
mun ^ .  Ajoutons  qu'il  ne  s'en  tire  pas,  quoi  qu'en  aient 
dit  bien  des  théoriciens  du  grand  œuvre. 

Qu'est-ce  donc  que  le  Mercure  des  Sages,  cette  maî- 
tresse-clef du  magistère,  à  défaut  de  quoi  nul  ne  peut 
entrer  au  palais  du  Roi-Soleil  ? 

Conçu  abstractivement,  c'est-à-dire  à  l'exclusion  des 

substances  matérielles  où  il  s'incorpore  pour  l'usage  de 

l'alchimiste,  c'est  tout  uniment  la  Lumière  astrale,  avec 

sa  double  polarité  et  son  centre  d'équilibre  où  réside  la 

quintessence  des  éléments. 

46 


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722  LA  CLEF  DE  LA  MAGIE  NOIRE 

Tel  que  le  manipulent  les  enfants  d'Hermès,  c'est-à- 
dire  à  l'état  de  Lait  virginal  ou  de  Vinaigre  très  aigre, 
ou  de  Dissolvant  universel  des  métaux,  le  Mercure  ou 
Azoth  des  Sages  est  une  liqueur  magique,  peut-on  dire, 
où  l'humide  radical  (Mercure  féminin),  fécondé  par  le 
principe  vivificateur  (ou  Soufre  mâle),  a  pris  corps,  à  la 
faveur  du  principe  salin,  —  cette  base  des  choses  sensi- 
bles, que  Bœhme  définit,  par  un  heureux  barbarisme,  la 
«  cause  de  la  saisissabilité  »  (i) . 

La  matière  première,  —  Magnésie  ou  Marcassiie  ou 
Minière  des  Sages^ —  dont  il  s'extrait,  n'est,  à  proprement 
parler,  ni  un  métal,  ni  un  sel.  C'est  un  minéral  connu  de^ 
enfants  d'Hermès  et  très  répandu  dans  la  nature.  C'est 
le  Serviteur  Rouge,  la  Vierge  hermaphrodite  de  nature, 
«  le  rocher  qui  contient  une  mer  et  dont  Tesprit  se  su- 
blime... »  Ce  minéral  est  formé,  comme  tous  les  corps 
sensibles,  de  Soufre  et  de  Mercure  élémentaires,  enchaî- 
nés dans  une  prison  saline.  Mais  ce  qui  le  distingue  de 
ses  congénères,  c'est  qu'outre  ces  deux  principes  con- 
joints et  spécifiés,  c'est-à-dire  morts,  il  est  imprégné  de 
Soufre  et  de  Mercure  non  combinés,  non  spécifiés   en- 
core (2),  c'est-à-dire  vivants. 

En  d'autres  termes,  celte  marcassite  est  un  aimant  de 
la  Lumière  métallique  potentielle,  ou  spécification  préli- 
minaire de  l'Aôr  bi  polarisé,  dont  l'extrême  positif  (A (îrf) 

(1)  Des  trois  prit^cipes  de  V Essence  divine,  ou  de  V éternel  engendre- 
ment  sans  origine,  etc.,  par  Jacob  Béhme  (sic),  traduit  de  l'allemand 
par  le  Philosophe  Inconnu  (Cl.  de  Saint-Martin).  Paris,  an  X  (1802).  2 
vol.  in-8,  (t.  I,  page  4). 

(2)  Non  fixés  en  une  combinaison  définie,  voulons-nous  dire,  mais 
tendant  néanmoins  déjà  à  se  spécifier  au  minéral. 


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MAGIE  DES  TRANSMUTATIONS  733 

constitue  le  Soufre  mâle  de  nature,  et  l*extrême  négatif 
{^Aôb)  le  Mercure  féminin. 

Une  fois  la  minière  unique  bien  connue,  et  récoltée  en 
des  conditions  favorables,  il  s'agit  d'en  extraire  séparé- 
ment le  Mercure  et  le  Soufre  libres,  condensés  chacun 
dans  le  véhicule  qui  leur  convient  ;  de  les  purifier,  de  les 
joindre  en  Azoth  des  Sages,  dans  une  liqueur  saline  qui 
est  le  Lait  virgiital  et  le  Dissolvant  des  alchimistes. 

Mais  nul  ne  peut  dégager  Mercure  de  ses  liens,  sans 
trancher  ceux-ci  avec  Y  Acier  des  philosophes^  et  pour 
posséder  leur  Acier,  il  faut  savoir  Tattraire  à  soi  par  l'ar- 
tifice de  leur  Aimant. 

Voilà  le  grand  arcane  d'Hermès  :  nous  l'énonçons  à 
découvert,  en  dévoilant  la  nature  de  l'Acier  des  Sages, 
qui  n'est  autre  que  Y  électricité,  et  celle  de  leur  Aimant, 
symbole  de  la  pile  d'où  elle  émane. 

Avant  nous,  Éliphas  Lévi  avait  déjà  signalé  l'emploi  de 
l'agent  électrique  dans  les  opérations  du  grand  œuvre  ; 
non  sans  y  mêler  des  vues  fort  sujettes  à  caution,  sur 
l'usage  parallèle  du  magnétisme  humain.  En  parlant 
d'  «  électricité  magnétisée  »,  Éliphas  confondait,  à  des- 
sein peut-être,  deux  ordres  très  distincts  de  réalisations 
hermétiques. 

Nous  avons  fait  entendre  plus  haut  (1)  comment  un 
adepte  entraîné,  rendu  puissant  sur  l'Astral  par  l'inter- 
médiaire du  médiateur  plastique  docile  à  son  vouloir, 
peut  objectiver  de  la  matière  de  toutes  pièces,  sous  un 

(1)  Voy.  chap.  iv  pages  428-429  et  passim,  . 


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724  LÀ   CLEF   DE  LA  MAGIE  MOIRE 

mode  préfix.  Le  magicien  peut  ainsi  réaliser  de  l'or,  aussi 
bien  que  toute  autre  substance  corporelle  :  son  œuvre 
est  un  transfert  de  puissance  en  acte,  une  véritable  créa- 
tion. Alchimie  positive,  mais  supérieure. 

D'autre  part,  si  Ton  qualifie  de  Magnétisme,  la  Force 
mystérieuse  qui  permet  à  la  volonté  humaine  d'agir  sur 
le  Prptyle  et  de  le  différencier  en  l'objectivant  :  on  pourra 
certifier,  dès  lors,  que  le  thaumaturge  a  fait  usage  du 
magnétisme  en  alchimie.  On  conviendra  néanmoins  qu'un 
tel  art  hermétique  diffère  sensiblement  de  la  pratique 
opératoire  du  grand  œuvre,  qui  nous  occupe  à  cette 
heure:  nous  traitons  de  Spagyrie,  et  non  plus  de  Magie. 

Nous  écarterons  en  conséquence  l'emploi  du  magné- 
tisme humain  en  alchimie  proprement  dite,  et  retiendrons 
Tusage  de  l'électricité,  qu'Éliphas  a  dénoncé  avant  nous. 
Il  nous  suffira  de  préciser  cet  usage  et  d'en  circonscrire 
la  minute  opportune. 

Cette  minute  est  celle  des  aigles  volantes  ou  de  la 
sublimation  du  Mercure,  centre  essentiel  ou  pivot  des 
travaux  préliminaires  de  l'œuvre.  C'est  alors  qu'ayant 
attiré  du  CiélV Acier  des  Sages  au  moyen  de  leur  Aimant, 
l'artiste  brandit  cet  Acier,  pour  la  délivrance  de  Mercure 
captif. 

<(  Notre  Acier  (dit  Philalèthe)  est  la  vraie  cleT  de  l'œuvre, 
sans  quoi  il  est  inutile  d'allumer  la  lampe  ou  le  fourneau  phi- 
losophique. C'est  la  minière  de  Tor  ;  c'est  l'esprit  le  plus  pur 
de  la  nature  ;  c'est  un  feu  infernal  et  secret,  et  même  en  «ow 
genre  extrêmement  volatiLGesi  le  miracle  du  monde  et  l'as- 
semblage des  vertus  supérieures  dans  les  êtres  inférieurs. 
C'est  pourquoi  leToul-Puissantl'a  distingué  par  un  caractère 
particulier.  Les  Mages  et  les  Philosophes  ont  connu  sa  nais- 


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MAGIE  DES  TRANSMUTATIONS  725 

sance  en  Orient,  et  ils  ont  remarqué  avec  admiration  qu'un 
g^rand  roi  étoit  né  dans  le  monde.  —  Imitez-les  donc,  et  lors- 
que vous  aurez  vu  son  étoile  (1),  suivez-le  jusqu'à  son  ber- 
ceau (2).  • 

La  pile  est  clairement  désignée,  plutôt  que  décrite,  au 
chapitre  suivant  du  même  auteur.  Citons-en  quelques 
traits. 

((  ...  Ayant  dit  que  notre  Acier  est  la  minière  de  l'or,  il  faut 
pareillement  remarquer  que  notre  Ayman  est  la  vraye  minière 
de  l'Acier  des  Sages.  Sçachez  que  notre  Ayman  a,  dans  son 
centre  le  plus  intime,  une  abondance  de  sel  merveilleux... 
Ce  centre  se  tourne  naturellement  vers  le  pôle,  où  la  vertu  de 
notre  Acier  se  fortifie  par  degrés.  C'est  dans  ce  pôle  que  se 
trouve  le  cœur  de  notre  Mercure,  gui  6Sf  le  vray  feu  où  se 
repose  son  Seigneur,  et  (ce  feu)  nageant  sur  cette  grande 
iner,  arrivera  jusqu^aux  deux  Indes,  pourvu  que  Ton  ait 
soin  de  régler  sa  route  par  la  vue  de  VétoUe  du  nord  (3)^  que 
7iotre  Ayman  fera  paroître  (4).  » 

Mais  il  ne  suffit  pas  de  libérer  Mercure  de  ses  liens,  il 
faut  le  fixer,  ou  il  se  perd  en  fumée  blanche.  Les  alchi- 
mistes abondent  en  images  plus  ou  moins  mythologiques, 
pour  dépeindre  la  vertu  fugitive  de  leur  Mercure,  qui  se 
dérobe,  si  un  personnage,  ordinairement  paré  des  attri- 


(1)  L'étincelle  électrique. 

(2)  Irénée  Philalèthe,  Introîtus  apertus,  III,  2,  3  (Entrée  au  palais 
fermé  du  roi),  traduction  de  Lenglet  Dufresnoy,  dans  son  Histoire  de 
la  Philosophie  Hermétique.  Paris,  Goustelier,  1742,  3  vol.  in-12,  (t.  11^ 
pages  19-21  de  la  seconde  pagination), 

(3)  Toujours  l'étincelle. 

(4)  Introitus  apertus,  IV,  1,  2  (Hist,  de  la  philos,  hermétique,  tome 
H,  pages  21-23). 


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726  LA   CLEF  DE  LA  MAGIE  NOIRE 

buts  de  Saturne,  ne  tranche  d'un  coup  de  faux  ses  ta- 
lons ailés. 

Un  exemple  très  analogue  nous  est  fourni  par  VAm- 
monium,  à  l'état  naissant.  Lorsqu'on  décompose  par  la 
pile  le  chlorhydrate  d*ammoniaque  humecté  d'eau,  on  ne 
peut  fixer,  qu'en  le  combinant  au  mercure,  le  métal  com- 
plexe qui  tend  à  se  former  àTélectrode  négative.  Le  vif- 
argent  se  gonfle,  se  boursoufle,  prend  la  consistance 
butyreuse,  et  Ton  obtient  de  la  sorte  l'amalgame  d'am- 
monium. —  Supposez  un  instant  que  l'ammonium  soit 
le  Mercure  féminin  des  hermétiques  :  ne  seront-ils  pas 
tentés  de  le  désigner  aux  adeptes  tout  en  le  cachant  aux 
profanes,  sous  le  nom  même  du  métal  qui  sert  à  le  fixer, 
à  le  rendre  saisissable  (1)  ?... 

Ce  qui  précède  n'est  qu'un  exemple  ;  moins  encore, 
si  Ton  veut,  une  comparaison.  Le  dissolvant  ou  lait  vir- 
ginal n'est  pas  un  amalgame  ;  c'est  nécessairement  un 
liquide,  un  «menstruevégétable»,  obtenu  par  la  combi- 
naison du  Soufre  et  du  Mercure,  extraits  de  la  même 
marcassite,  laquelle  donne  encore  par  purification  le  Sel 
vif,  où  ces  deux  principes  trouvent  à  s'incorporer. 

Qu*on  ne  perde  pas  de  vue  qu'il  s'agit  des  trois  Prin- 
cipes minéralisateurs,  non  encore  spécialisés  :  ils  repré- 


(1)  En  admeUantj  —  pure  hypothèse,  —  qa'one  analogie  de  ce  genre 
ait  abouti  à  nommer  Mercure  la  substance  féminine  du  coït  élémen- 
taire, dans  la  préparation  de  Tazoth  des  sages  :  on  s*expliquera  mieux 
que,  d'autres  analogies  s'étant  greffées  sur  la  première,  les  alchimistes 
en  soient  arrivés^  par  généralisations  successives,  et  correspondances 
entre  les  divers  plans,  à  qualifier  de  noms  aussi  matériels  que  Mer- 
cure et  Soufre  de  pures  abstractions,  telles  que  les  termes  de  polarisa- 
tion générale  de  la  substance  non  différenciée. 


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MAGIE   DES   TRANSMUTATIONS  727 

sentent  une  seule  et  même  substance  sous  trois  modes 
différents,  et  c'est  d'une  seule  et  même  matière  qu'on  les 
a  extraits  :  au  pôle  positif,  igné,  se  manifeste  le  A  ;  au 
pôle  négatif,  humide,  le  ^  ;  au  centre  d'équilibre,  le  © 
s'engendre  de  Tunion  des  deux. 

Le  Soufre  universel  est  invariablement  envisagé  comme 
le  père.  —  A  un  certain  point  de  vue,  Mercure  est  la 
mère,  et  le  Sel  l'enfant. 

D'autres  diront  que  le  Sel  estla  mère  et  Mercure  l'en- 
fant. C'est  que  tel  désigne  par  Mercure  androgyne  non 
pas  le  y  principe,  mais  le  Dissolvant  (alias,  TAzoth  des 
Sages),  qui  est  engendré  du  Sel  ;  —  tandis  que  le  même 
adepte  qualifiera  le  Sel  de  mère  ou  de  principe  féminin, 
parce  qu'il  envisagera  ce  dernier  comme  matériel  et  pas- 
sif, par  opposition  au  Soufre  universel,  qui  est  invisible 
et  ^ctif.  —  On  le  voit,  c'est  affaire  de  point  de  vue 

Pour  que  le  Lait  virginal  (ou  Dissolvant  mercuriel)  de- 
vienne propre  au  bain  du  Roi  et  de  la  Reine,  il  le  faut  pu- 
rifier par  un  certain  nombre  d'aigles,  lisezde  sublimations 
successives.  Philalèthe  en  prescrit  de  sept  à  neuf;  mais, 
bien  que  très  clair  à  certains  égards,  il  faut  bien  se  gar- 
der de  prendre  toujours  cet  auteur  à  la  lettre  :  on  serait 
aisément  déçu  par  lui  comme  par  tous  les  autres.  Son 
affectation  de  sincérité  brutale  est  fréquemment  un 
leurre,  et  l'on  trouve  en  son  livre  bon  nombre  d'opéra- 
tions inutiles,  décrites  avec  la  dernière  minutie,  aux 
seules  fins  d'égarer  le  profane 

Lorsque  la  liqueur  d'Azoth,  que  plusieurs  adeptes  appel- 
lent encore  «  notre  Mercure»,  est  amenée  aune  suffisante 


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728  LA   CLEF   DE  LA   MAGIE  NOIRE 

perfeclion,  Tarlisle  y  doit  ajouter  le  fermentroyal,  sur  la 
nature  duquel  nous  allons  nous  expliquer. 

Pour  le  petit  magistère,  c'est-à-dire  si  Ton  ne  prétend 
point  pousser  l'œuvre  au  delà  de  la  couleur  blanche,  ni 
rien  obtenir  de  plus  que  la  pierre  transmutaioire  des 
métaux  en  argent,  il  suffit  de  dissoudre  dans  rAzoth  une 
petite  quantité  de  Lune  immaculée  ou  d'argent  très  pur. 

Pour  le  grand  magistère,  il  faut  y  dissoudre  en  égales 
proportions  Lune  et  Soleil,  c'est-à-dire  argent  et  or 
francs  de  toute  impureté. 

Ces  métaux  doivent  se  fondre  dans  le  Lait  virginal  ou 
Mercure  des  Sages,  comme  de  la  glace  dans  l'eau  tiède, 
sans  effervescence  ni  difficulté  d'aucune  sorte.  Le  propre 
de  ce  dissolvant  est  de  s'assimiler  tous  les  métaux  sans 
le  moindre  effort,  et  de  les  réduire  en  leur  propre  sub- 
stance de  Soufre  et  de  Mercure. 

C'est  dans  ce  Soufre  et  ce  Mercure,  libérés  et  revivifiés, 
que  consiste  le  double  ferment  qui  est  le  sperme  métal- 
lique, d'où  naîtra  l'enfant  royal. 

L'argent  renferme  une  notable  quantité  de  Mercure 
métallogène  très  pur  (passiO,unià  du  Soufre  blanc,  c'est- 
à-dire  à  du  Soufre  évolué  à  sa  perfection  dans  la  série 
féminine. 

L'or  renferme,  comme  l'argent,  du  Mercure  passif 
immaculé,  mais  il  recèle  en  outre  du  Soufre  rouge  (actiO 
très  pur,  c'est-à-dire  évolué  à  sa  perfection  dans  la  série 
masculine. 

Gomme  en  dissolvant  tout  métal,  la  liqueur  azothique 
sépare  le  Mercure  du  Soufre,  et  qu'elle  rend  la  vie  et  la 
liberté  à  ces  deux  principes  jusque-là  fixés  et  morts  dans 


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MAGIE  DES  TRANSMUTATIONS  729 

leur  combinaison  métallique,  on  conçoit  qu'il  suffirait, 
à  la  rigueur,  pour  l'œuvre  au  rouge,  de  dissoudre  de  Tor 
dans  TAzoth,  comme  il  suffit,  pour  l'œuvre  au  blanc,  d'y 
dissoudre  de  l'argent.  Car,  pour  le  grand  magistère,  l'or 
réincrudé  par  le  Mercure  des  Sages  fournira  séparément 
les  deux  levains  essentiels,  y  métallogène  et  A  rouge, 
tous  deux  à  l'état  de  pureté  parfaite  :  comme  aussi  l'ar- 
gent, pour  le  petit  magistère,  fournira  séparément,  à  la 
faveur  du  môme  réactif,  les  deux  ferments  requis,  savoir 
le  ^  métallogène  et  le  A  blanc,  tous  deux  très  purs.  — 
C'est  pourquoi  les  adeptes  ont  accoutumé  de  dire,  avec 
Basile  Valentin,  que,  pour  TArgyropée  (1),  il  faut  de 
l'argent  et  de  l'Azoth  ;  et,  pour  la  Chrysopée  (2),  de  l'or 
et  de  l'Azoth. 

En  conséquence,  beaucoup  d'artistes  travaillent  uni- 
quement sur  l'or  et  l'Azoth  des  sages  :  et,  nous  le  répé- 
tons, ces  deux  produits  suffisent  à  constituer  RébiSy  la 
matière  spermatique  de  l'œuf...  Mais  si  l'on  fait  fondre 
dans  le  Laitvirginal  de  l'or  et  de  l'argent,  comme  quelques 
adeptes  le  recommandent,  les  deux  ferments,  étrangers 
de  provenance,  se  combinent  plus  amoureusement,  et, 
disent  les  philosophes,  «notre  enfant  royal  en  sera  plus 
beau  et  mieux  venu  *.  Ce  qui  paraît  certain,  c'est  qu'en 
agissant  de  la  sorte,  on  abrège  la  durée  de  l'œuvre,  et 
que  l'on  se  prépare  une  moisson  plus  riche  et  plus  abon- 
dante. 

Une  fois  les  ferments  obtenus  et  affrontés,  par  la  dis- 

(1)  Art  de  faire  de  l'argent. 

(2)  Art  de  faire  de  l'or 


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730  LA  CLEF  DE   LA  MAGIE   NOIRE 

solution  sans  effervescence  des  deux  métaux  parfaik 
dans  le  bain  royal,  l'on  soumet  la  liqueur  à  la  congéla- 
tion, ce  qui  revient  à  dire  qu'on  la  fait  cristalliser. 

Tel  Rébis  se  prépare.  C'est  la  masse  amorphe  ou  cris- 
talline, mais  toujours  d'aspect  homogène,  que  i*arUste 
scelle  définitivement  dans  l'œuf;  elle  n'en  sortira  plus 
qu'à  l'état  d'élixir  accompli,  c'est-à-dire  de  pierre  phi- 
losophale. 

La  période  est  close  des  travaux  préliminaires,  diffi- 
ciles ou  périlleux.  L'art  d'Hermès  exige  encore  beaucoup 
de  patience  et  d'esprit  de  suite,  qualités  plus  rares  qu'on 
ne  le  croit;  mais  l'œuvre  ne  comporte  plus  désor- 
mais, ni  subtils  calculs  ni  manipulation  délicate  :  c'est 
en  ce  sens  qu'on  a  qualifié  ce  qui  reste  à  faire,  de  jeu 
d'enfants  et  de  labeur  de  femme. 

Deux  mots  de  YAthanor,  ou  immortel  fourneau,  ainsi 
nommé  parce  que  le  feu  doit  y  brûler  sans  trêve,  jusqu'à 
la  perfection  de  l'élixir. 

Pénétrons  au  sanctuaire  delà  Vesta  philosophique... 

«f  Le  véritable  athaaor..,  (dit  Albert  Poisson)  est  une  sorte 
de  fourneau  à  réverbère,  pouvant  se  démonter  en  trois  par- 
ties. La  partie  inférieure  contenait  le  feu  ;  elle  était  percée  de 
trous  pour  permettre  l'accès  de  l'ai r  et  présentait  une  porte. 
La  partie  moyenne,  cylindrique  aussi,  offrait  trois  saillies 
disposées  selon  un  triangle,  sur  lesquelles  reposait  Técuelle 
contenant  Tœuf.  Cette  partie  était  percée,  selon  un  de  ses 
diamètres,  de  deux  trous  opposés,  fermés  par  des  disques  de 
cristal,  ce  qui  permettait  d'observer  ce  qui  se  passait  dans 
rœuf.  Enfin  la  partie  supérieure  pleine, sphérique,  constituait 
un  dôme  ou  réflecteur,  réverbérant  la  cbaieur.  Tel  était  Tatha- 
nor  généralement  en  usage  (i).  » 

(1)  Théories  et  symboles  des  Alchimistes,  page  106. 


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MAGI£  DES  TRANSMUTATIONS  731 

L'adepte  remplit  Técuelle  de  sable  tamisé  ou  de  cendre 
fine.  Sur  cette  couche  bien  unie,  il  dépose  l'œuf  philoso- 
phai, qui  ne  doit  s'y  enfoncer  que  d'un  tiers  environ. 
Certains  artistes  préfèrent  le  bain-marie  au  bain  de  sa- 
ble. Ce  n'est  pas  de  conséquence  décisive.  D'autres,  plus 
avisés,  emploient  successivement  les  deux  :  ils  commen- 
cent par  soumettre  l'œuf  au  bain-marie,  qui  distribue 
une  chaleur  plus  douce  et  plus  égale  ;  puis,  quand  l'œu- 
vre avancé  requiert  un  feu  plus  ardent,  ils  substituent 
récuelle  de  sable  ou  de  cendre  fine  au  récipient  à  l'eau. 

L'œuf,  dont  la  matière  y  incluse  ne  doit  pas  occuper 
plus  du  quart,  est  ordinairement  un  ballon  de  verre  scellé 
par  son  goulot,  ou  encore  Valudel  de  l'ancienne  chimie, 
qui  s'obtient  en  lutant  deux  matras,  emboîtés  l'un  dans 
l'autre,  en  forme  d'haltère.  Ce  dernier  appareil  présente 
l'avantage  de  favoriser  la  circulation  des  esprits  :  les 
vapeurs  se  condensent  aisément  dans  le  vaisseau  supé- 
rieur, maintenu  à  une  température  peu  élevée  ;  de  là, 
elles  retombent  en  pluies  sur  la  matière,  qu'elles  déter- 
gent et  régénèrent  par  cette  distillation  perpétuelle  de 
soi  sur  soi.  C'est  ce  que  les  maîtres  nomment  l'ablution 
du  fixe  par  les  larmes  du  volatil.  Ce  phénomène  marque 
particulièrement  la  fin  du  régime  de  Saturne,  et  présage 
la  blancheur  ou  le  régime  de  Diane,  annoncé  par  l'appa- 
rition de  ses  colombes. 

Le  gouvernement  du  feu  (regimen  ignis)  a  été  tenu 
secret  par  la  plupart  des  philosophes,  qui  en  font  le  plus 
insigne  arcane  du  magistère.  La  grande  malice  des  au- 
teurs, soucieux  de  déconcerter  le  profane,  réside  à  con- 
fondre, d'une  part,  le  feu  secret  des  travaux  préparatoi- 


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732  LA   CLEF  DC  LA   MAGIE  NOIRE 

res  (rélectricitéy  dont  il  n'est  plus  besoin  désormais!, 
avec  le  feu  de  lampe  requis  pour  mûrir  les  ferments  et 
parfaire  Tceuvre;  —  d'autre  part,  le  feu  extérieur  d<» 
Tathanor  avec  le  feu  interne  de  Rébis,  l'énergie  chimi- 
que du  composé.  Dès  lors,  ce  sont  quiproquos  à  perte 
de  vue..,  et  de  patience. 

Plusieurs  s'expriment  pourtant  à  découvert  sur  ce 
point. 

Tout  d'abord,  il  est  inutile  de  s'approvisionner  de 
charbon  :  les  seuls  Souffleurs  ruinent  en  charbon  les 
Mécènes  de  leur  empirisme  ;  et  l'excuse  de  ces  pauvres 
diables,  s'il  en  est  une,  c'est  qu'ils  se  sont  ruinés  les  pre- 
miers à  cet  exercice.  Pas  d'ivrogne  plus  insatiable  d'al- 
cool qu'un  fourneau  de  souffleur  ne  l'est  de  charbon  de 
terre.  Il  se  bonde  de  combustible,  ronfle  nuit  et  jour,  et 
rend  de  la  fumée.  Spectacle  délectable  et  fascinatoire  à 
ce  point,  que  notre  homme,  ayant  épuisé  son  bien,  son 
crédit  et  la  complaisance  des  autres,  devient  escroc, 
non  pour  s'enrichir,  mais  pour  entretenir  son  feu  de 
charbon.  Il  improvise  de  variables  et  surprenantes  in- 
dustries, cultive  la  prestidigitation  de  laboratoire  ;  il  at- 
trape quelques  nigauds,  par  un  trompe-l'œil  anodin  de 
multiplication  de  l'argent  ou  de  l'or;  bref,  après  mille 
traverses,  il  échoue  de  nos  jours  en  police  correctionnelle  : 
bénigne  destinée,  si  on  la  rapproche  du  sort  de  ses  pré- 
curseurs en  duperie,  au  temps  encore  peu  lointain  où 
l'on  exécutait  les  fripons.  Même  alors,  cette  perspective 
ne  calmait  point  la  frénésie  du  souffleur,  coutumier  de 
ces  multipUcations  fructueuses.  Il  soufflait  tant  et  multi- 
pliait si  bien,  qu'il  finissait,  selon  le  dire  plaisant  d'un 


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MAGIE  DES  TRANSMUTATIONS  733 

médecin  de  Louis  XIV,  par  être  soufflé  lui-même  au  bout 
ci*une  potence,  ou  multiplié  sur  un  échafaud  (1)! 

Donc,  point  de  charbon  dans  Tathanor.  L'excessive 
ardeur  de  ce  combustible  tuerait  la  matière,  en  brûlant 
le  sperme  métallique  androgyne  d'où  doit  naître  l'enfant 
royal.  Ce  n'est  qu'une  fois  la  pierre  acquise  et  multipliée, 
que,  l'heure  de  la  projection  étant  venue,  le  feu  de  char- 
bon sera  ulile^  non  dans  Tathanor,  mais  bien  dans  un 
simple  réchaud,  pour  la  fusion  du  métal  imparfait  que 
rélixir  mûrit  et  régénère. 

Tout  l'œuvre,  nous  l'avons  dit,  s'exécute  à  la  chaleur 
d'une  seule  lampe,  —  la  modeste  lampe  à  huile  de  l'a- 
depte et  du  philosophe.  La  mèche,  préférablement  tissue 
d'amiante,  est  de  quatre  fils  au  début,  jusqu'à  l'appari- 
tion de  la  noirceur  ;  puis  de  quatorze,  enfin  de  vingt- 
quatre,  pour  obtenir  la  couleur  blanche.  Voilà  ce  dont 
les  auteurs  ont  fait  tant  de  mystère  (Voy.  Hapellius, 
Aphorismes  royaux)  (2). 

Quant  aux  modifications  phénoménales  et  aux  couleurs 
que  présente  successivement  la  matière,  tous  les  philo- 
sophes hermétiques  sont  en  accord  parfait  :  faisant  trêve 
à  leurs  réticences,  ils  s'expriment  en  termes  positifs,  sin- 
cères et  concordants  (3).  Nulle  diflBculté  désormais,  plus 
d'équivoque.  Aussi  n'insisterons-nous  guère  sur  des  no- 
tions que  l'on  trouve  partout  identiques. 

(i  )  Voy.  le  Tombeau  de  la  Folie,  par  le  S'  de  la  Martinière.  Paris, 
s.  d.,  petit  in-8,page  74. 

(2)  Cité  par  Poisson^  Théories  et  symboles  des  Alchimistes,  page  409. 

(3)  Us  ne  diffèrent  que  dans  l'interprétation,  et  nous  allions  dire  la 
métaphysique  des  opérations  ;  mais  sur  la  question  de  fait,  Tunanimité 
règne. 


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734  LA  CLEF  D£  LA   MAGIE  NOTRE 


Dans  les  premières  semaines  de  la  calcinalion,  la  ma- 
tière afiFecte  diverses  nuances  instables  et  mal  définies 
(régime  de  Mercure  ^).  Puis  elle  verdit,  s*assombrit  et 
se  fixe  au  noir.  La  noirceur,  d'abord  superficielle  {tête 
de  corbeau)  ne  tarde  point  à  envahir  toute  la  masse  so- 
lide ;  c'est  alors  le  nigrum  nigro  nigrius  [régime  de  Sa- 
^^^  t>)j^^  phase  où  les  adeptes  veulent  voir  la  cor- 
ruption, la  mort  du  sujet,  qu'ils  qualifient  à  ce  degré  de 
compost  philosophai.  Le  noir,  longtemps  stable,  vire  au 
blanc  avec  lenteur,  à  travers  toute  une  série  de  colora- 
tions fugitives  et  peu  tranchées  (dans  les  tons  bruns,  gris 
et  neutres)  ;  cependant  que  les  vapeurs  se  dégagent,  de 
plus  en  plus  abondantes  et  tumultueuses,  et,  se  conden- 
sant contre  la  paroi  supérieure,  retombent  en  pluies,  qui 
détergent  la  matière  déplus  en  plus  {régime  de  Jupiter  %)- 
Enfin  palpait  la  blancheur,  annoncée  par  les  colombes  de 
Diane,  que  nous  venons  de  décrire  (1)  :  on  observe  d'a- 
bord, tranchant  sur  le  fond  obscur,  des  filaments  crayeux 
qui,  du  centre  aux  parois,  rayonnent  à  la  surface  ;  puis 
la  blancheur  gagne  toute  la  masse,  qui,  après  plusieurs 
alternatives  de  déliquescence  et  d'aridité,  sèche  entière- 
ment et  s'écaille  :  voici  la  terre  blamhe  feuillée^  bienlôl 
résohie  en  granulations  d'une  éclatante  candeur  {régim 
de  Diane  3).  En  cet  état,  la  matière,  évoluée  en  mode 
passif,  constitue  Yélixir  ou  la  poudre  transmutatoire  au 


(1)  Les  colombes  de  Diane  montent  et  descendent  :  elles  symbolisent 
l'agitation  de  la  partie  volatile  de  la  matière.  Cette  agitation,  parvenue 
à  son  comble,  prélude  au  régime  de  Diane,  et  signale  Taube  de  1a 
blancheur. 


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^^^iifit4>^$^^^4f^ 


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MAGIE  DES  TRANSMUTATIONS  735 

ilanCy  apte  à  changer  les  métaux  imparfaits  en  Lune  très 
3ure  (Argent)  et  peut-être  en  Lune  fixe  (Platine).  Le  petit 
magistère  est  terminé,  et  si  l'artiste  n'a  travaillé  que  sur 
l' Azoth  et  l'argent,  il  n'a  plus  qu'à  rompre  le  vaisseau, 
pour  recueillir  sa  pierre  blanche. 

Mais  si  l'artiste  a  réincrudé  dans  le  dissolvant  mercu- 
riel  les  deux  métaux  parfaits.  Soleil  et  Lune  (ou  même, 
comme  nous  l'avons  expliqué,  le  seul  Soleil,  qui  suffit  à 
la  rigueur  pour  fournir  les  deux  ferments)  :  alors  l'e/mV 
au  blanc  (quoique  en  apparence  tout  pareil  à  celui  du 
petit  magistère,  évolué  à  perfection  dans  la  série  fémi- 
nine), Vélixir  est  susceptible,  dans  la  série  masculine, 
d'une  évolution  nouvelle  etcomplémentaire  de  l'ancienne. 
Daigne  le  Lecteur  nous  prêter  attention  ;  en  effet  la  dis^ 
tinction  est  délicate  à  saisir...  La  pierre  blanche  du  grand 
magistère,  identique  en  acte  à  celle  du  petit,  lui  est  dis- 
semblable  en  puissance  ;Q^vV\mt  a  touché  le  terme  de 
sa  transformation,  l'autre  est  virtuelle  d'une  transforma- 
tion ultérieure:  si  bien  que,  soumise  derechef  à  la  flamme 
graduée  de  l'athanor,  elle  va  «  pousser  toute  sa  teinture 
à  la  surface  »,  c'est-à-dire,  rendre  actuel  et  manifeste  au 
dehors,  —  patent,  —  ce  qui  n'était  que  potentiel  et  oc- 
culte à  l'intérieur,  —  latent. 

Que  si  l'on  poursuit  l'œuvre  en  activant  le  feu,  la  ma- 
tière de  l'œuf,  après  une  station  au  blanc  (et  plusieurs 
alternatives  du  liquide  au  solide,  et  vice  versa),  verdit, 
puis  bleuit,  puis  passe  au  rouge  sombre  {régime  de  Vé- 
nus Ç)  ;  —  elle  s'éclaircit  et  affecte  la  teinte  orangée, 
puis  présente  à  la  fois  toutes  les  couleurs  de  l'arc-en- 
ciel  :  les  maîtres  désignent  ce  stade  sous  les  appellations 


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736  LA   CLKF  DE  LÀ  MAGIB  NOIRE 

de  queue  de  paon  et  (ïécharpe  cFIris  {régime  de  Mars  </}. 
Enfin,  le  grand  œuvre  approche  de  son  terme  :  le  rouge 
apparaît;  les  vapeurs  ponceau  roulent  dans  le  ciel  philo- 
sophai leurs  volutes  pesantes,  et  la  matière,  d'abord  déli- 
quescente, se  dessèche,  entre  en  fusion,  et  se  fixera  par 
le  refroidissement  en  petits  grains  couleur  de  coquelicot. 
C'est  la  fin  de  l'ultime  période  {régime  du  Soleil  ou 
(TApollonQ)  :  Tenfant  de  gloire  est  né,  la  pierre  philoso- 
phaleesl  obtenue. 

Palpitant  d'émotion,  l'opérateur  peut  enfin  briser  le 
sceau  d'Hermès.  Il  manie  •  le  miracle  de  l'art  »,  et  con- 
trôle avec  allégresse  les  caractères  extérieurs  qui  témoi- 
gnent de  sa  perfection.., 

«  La  pierre  »  est  une  poudre  cristalline  fort  pesante» 
d'un  rouge  vif  et  d'une  odeur  de  sel  marin  calciné.  Quel- 
ques grains  de  cette  poudre,  chauffés  sur  une  lame  mé- 
tallique, se  fondent  comme  cire  sans  répandre  aucunes 
vapeurs. 

Enfin,  projetée  sur  dix  fois  son  poids  de  mercure  ou 
de  plomb  fondus,  la  pierre  transmuerait,  après  deux 
heures  d'ébuUition  ou  à  peu  près,  le  métal  imparfait  en 
or  très  pur. 

Mais  cette  force  de  transmutation  apparaît  dérisoire, 
auprès  de  celle  que  la  pierre  doit  acquérir,  une  fois  fer- 
menlée  et  multipliée. 

Nous  en  avons  assez  dit  sur  les  méthodes  de  multipli- 
cation :  la  plus  simple  et  la  plus  rapide  consiste,  on  s'en 
souvient,  à  chauffer  la  poudre  extraite  de  l'œuf  avec  cent 
fois  son  poids  d'or,  qu'elle  réduit  rapidement  à  sa  propre 


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MAGIE  DES  TRANSMUTATIONS  737 

nature.  L'autre  procédé,  plus  long,  consiste  à  reprendre 
tout  Tœuvre  :  on  dissout  la  poudre  dans  le  lait  virginal, 
au  lieu  d  y  faire  fondre  Lune  et  Soleil  ;  puis  on  soumet 
ce  Rébis  exalté  au  régime  de  Tathanor. 

«  Et  ainsi  (enseigne  Artephiiis)  la  vertu  s'augmente  et  mul- 
tiplie en  quantité  et  qualité,  de  sorte  que  si,  en  ta  première 
GBUure,  vne  partie  de  ta  pierre  teignoit  cent,  la  seconde  fois 
teindra  mille,  la  troisième  dix  mille,  et  ainsi  si  tu  poursuis, 
ta  protection  viendra  iusquesà  Tinfini,  teignant  vrayement  et 
parfaictement  et  fixement  toute  quelle  quantité  que  ce 
soil  {!)...> 

Quoi  qu'il  puisse  sembler  de  cette  affirmation  hyper- 
bolique, beaucoup  de  maîtres  soutiennent  qu'on  doit  la 
prendre  au  pied  de  la  lettre  ;  nous  en  doutons  pour 
notre  part.  Mare  tingerem,  s'écriait  Raymond  Lulle  de 
Palma,  peut-être  un  peu  trop  espagnol  dans  son  enthou- 
siasme adeptal;  inare  tingerem,  si  mercurius  essei! 

L^  pierre  multipliée,  soit  au  blanc,  soit  au  rouge,  de- 
vient poudre  de  projection.  Pour  transmuer,  en  argent 
ou  en  or,  le  plomb  ou  le  mercure,  il  suffit  de  «  proje- 
ter »  dans  ces  métaux  en  fusion  une  petite  quantité  de 
poudre,  soigneusement  enrobée  dans  une  boulette  de  cire 
ordinaire  :  que  si  l'adepte  néglige  cette  précaution,  l'ex- 
périence est  en  pure  perte,  comme  Helvétius  eut  à  le  dé- 
plorer dans  la  première  épreuve  qu'il  en  fît. 

«  Il  faut  observer  (écrit  Marc  Pompée  Colonne)  que  la  fixa- 
tion du  mercure  en  argent  se  faisoit  en   un  quart  d'heure...  ; 

(i)  Philosophie  naturelle  de  trois  anciens  philosophes,  Artephiits, 
Fïamel  et  Synesius.  Paris.  1612,  in-4,  figures,  page  34. 

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738  LA  CLEF  DE  LA  MAGIE  NOIRE 

mais  que  pour  celle  de  i'or,  il  falloit  au  moins  deux  heures  et 
que  le  feu  fui  très-fort  :  ce  qui  n'étoit  pas  nécessaire  pour  l'ar- 
gent. Je  demandai  (à  mon  maître)  laraison  de  cette  différence  : 
Vous  devez  comprendre,  me  dit-il,  que  pour  forcer  le  mercure 
à  mettre  dehors  toute  sa  teinture,  et  pour  lui  faire  acquérir  la 
fixité  de  Tor,  il  faut  nécessairement  un  feu  et  plus  grand  et 
plus  long  ;  et  au  contraire,  pour  le  fixer  en  argent,  il  oe  faut 
simplement  que  l'épaissir:  il  n'est  donc  pas  nécessaire  de  lui 
donner  un  feu  ni  si  grand  ni  si  violent  ;  il  faut  seulement 
réchauffer  un  peu  fort.  En  effet,  les  fixations  de  mercure  en 
argent,  comme  je  l'ai  vu  plusieurs  fois,  se  faisoient  avec  plus 
de  facilité  et  plus  promptement  que  la  présure  ne  fait  épais- 
sir le  lait  en  un  tems  très-chaud.  Je  remarquai  enfin  que  Tar- 
gent  qui  provenoit  de  la  fixation  du  mercure,  étoitp/tis  pon^ 
déreux  que  l'argent  ordinaire,  et  que  Veau  forte  n'y  faisait 
aucune  impression,  ou  du  moins  fort  peu  ;  mais  elle  n*y  fai- 
soit  rien  du  tout,  quand  il  y  avoit  un  peu  plus  de  poudre  qu'il 
n'en  étoit  hesoin.  C'étoit  donc  une  vraie  lune  fixe,  eltelle  que 
je  ne  crois  pas  qu'on  en  puisse  faire  autrement  (1).  > 

On  ne  peut  se  défendre  ici  de  songer  au  Platine^  lors- 
qu'on rapproche  ces  deux  propriétés  caractéristiques  de 
ce  métal,  savoir  :  une  densité  très  supérieure  à  celle  de 
l'argent  (elle  est  double),  et  l'inaltérabilité  aux  acides  en 
général,  à  l'acide  azotique  en  particulier.  Marc  Pompée 
Colonne  n'était  point  un  mystificateur,  et  il  parle  d'après 
sa  propre  expérience....  Le  platine  serait  donc  la  vraio 
Lune  fixe,  le  dernier  terme  de  la  perfection  dans  la  série 
féminine  et  négative,  comme  l'or  est  le  dernier  terme 
dans  la  série  masculine  et  positive?... 


(1)  Lei  secrets  les  plus  cachés  de  la  philosophie  des  anciens,  décou- 
verts et  expliqués,  à  la  suite  d*une  histoire  des  plus  curieuses,  par 
M.  Crosset  de  la  Haumerie  (pseudonyme  de  Marc  Pompée  Colonne). 
Paris,  1722,  iQ-12,  pages  11-12. 


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MAGIE  DES  TRANSMUTATIONS  739 


Tout  porte  à  croire  que  la  pierre  philosophale  est  un 
rr^étalloïde  inconnu,  potentiel  de  la  maturation  miné- 

Ijes  anciens  auteurs  attribuent  à  leur  Phénix,  emblème 
ordinaire  de  l'élixir  du  rouge,  plusieurs  propriétés  adja- 
centes, dont  nous  ne  signalerons  que  pour  mémoire  les 
deux  principales  :  l'une,  —  plus  qu'hypothétique,  —  est 
de  transmuer  en  gemmes  précieuses  les  pierres  de  cou- 
leur les  plus  communes;  l'autre  est  de  servir  de  base  à 
la  Médecine  universelle,  qui  répare  et  régénère  la  vitalité 
compromise  des  exemplaires  végétaux  et  animaux,  et 
celle  de  Thomime  même,  aussi  facilement  que,  dans  le 
règne  minéral,  elle  pousse  à  perfection  la  vie  de  croissance 
de  la  nature  métallique. 

Bien  que  cette  dernière  hypothèse  soit  de  conséquence, 
comme  l'attestent  nombre  de  travaux  érigés  à  son  hon- 
neur, nous  ne  saurions  nous  attarder  à  ces  corollaires  du 
grand  théorème  hermétique  :  notre  cadre  étroit  se  limite 
à  renonciation  du  problème  de  la  Chrysopée. 

Mais  notre  ouvrage  s'intitulant  Clef  de  la  Magie  Noire ^ 
nous  ne  déposerons  pas  la  plume  sans  avoir  touché  un 
mot  de  la  queste  de  VHomuncultis.  Tant  de  nobles  disci- 
ples d'Hermès  se  sont  égarés,  parmi  de  fausses  lueurs, 
sur  cette  piste  téméraire  autant  qu'ambiguë,  où,  le  pied 
leur  manquant  soudain,  ils  ont  roulé  au  précipice  innom- 
mable, dans  les  fanges  et  les  glus  de  la  ténébreuse 
goëtie  ! 

Quelle  plus  séduisante  chimère  ?  Ériger  l'alchimie  en 


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740  LA  CL£F  DR  LA  MAGIE  NOIRE 

une  science  vertigineuse,  non  plus  seulement  évocatoire 
de  la  vie,  mais  formatrice  des  êtres  vivants,  —  en  un 
mot,  rivaliser  le  Créateur  !  Malheureusement,  les  adeptes 
qui,  interprétant  à  la  lettre  une  ingénieuse  allégorie  de 
Paracelse,  s'émulaient  à  réaliser  VUomunculus,  n*ont  pas 
songé  à  la  catastrophe  d'Éden. 

Pour  avoir  voulu  s'approprier  l'essence  démiurgique, 
sève  de  la  racine  ténébreuse  des  êtres,  l'immense  Adam 
a  été  pulvérisé  par  le  Temps  et  les  Espaces  ;  il  a  sonti- 
bré  dans  la  profondeur  de  la  matière,  entraînant  dans 
sa  déchéance  l'Univers  effondré  au  poids  de  son  Destin. 
Ëtnous,  infimes  émanations  obscurées  de  ce  glorieux  ar- 
change, qu'une  tentative  extravagante  a  réduit  en  pous- 
sière, nous  réussirions  ici-bas  l'œuvre  qu'Adam  là-haut 
n'a  pu  accomplir  ! 

N'importe!...  Et  pour  contraindre  la  Nature  d'infuser 
la  vie  à  quelque  simulacre  artificiel  de  l'être,  au  mépris 
des  lois  qu'elle  ne  transgresse  jamais  ;  pour  informer  et 
animer  YHomunculuSy  il  n'est  pas  de  mixture  étrange, 
pas  de  pratique  abominable  ou  téméraire,  injurieuse  à 
la  terre  comme  au  Ciel,  qui  fasse  reculer  ces  sacrilèges 
pontifes  de  la  Nature  profanée  ! 

Comme  les  prêtres  de  Moloch,  ils  sacrifient  des  vic- 
times à  ridole  de  leur  aberration  mystique,  et  marient 
l'holocauste  pollutionnel  à  l'offrande  stercoraire,  à  l'obla- 
lion  sanglante  ;  désespérant  d'arracher  leur  arcane  aux 
secrètes  albumines  où  viennent  aboutir  les  limbes  de  la 
vie  animale,  ils  évoquent  à  l'aide  les  mauvais  Esprits  et 
combinent  l'imprécation  avec  la  vaine  observance,  le 
blasphème  avec  la  prière.  Insensés  !  Ils  réussissent  par- 


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MAGIE   DES  TRANSMUTATIONS  741 

fois  à  lier  quelque  Larve  à  dos  mandragores  (l)  imbi- 
bées de  leur  sensibilité  et  galvanisées  de  leur  vouloir. 
Tel  est  le  nec  plus  ultra  de  leur  hermétisme  dévoyé.  Il 
n'est  pas  enfin  de  ridicules  turpitudes  où  leur  ingénio- 
sité ne  s'épuise,  —  vainement.  Il  ne  servirait  à  rien  de 
revenir  sur  ce  que  nous  avons  notifié  au  tome  précé- 
dent (2).  Le  curieux  de  ces  tristes  mystères  s'y  repor- 
tera. 

L'on  va  vite  et  loin,  dans  cette  voie  de  l'opprobre 
et  de  la  perdition  ;  il  n'est  que  le  premier  pas  qui 
coûte... 

Jacques  Gaffarel  rapporte  un  passage  du  savant  Rabbi 
Moses,  touchant  les  pratiques  des  sorciers  hébreux,  pour 
la  grefie  des  arbres  fruitiers  :  «  Dixerunt  ergo  quod  in 
horâ  in  quâ  imerilur  una  species  in  aliam,  oportet  ut 
ramus  inserendus  sit  in  manu  alicujus  mulieris  pulchrœ, 
et  quod  uir  aliquis  carnaliter  cognoscat  eam,  prœter  mo- 
rem  naturalem.  Et  dixerunt  quod  in  tempore  illius  actûs 
débet  mulier  inserere  ramum  in  arbore  (3). 

En  admettant  qu'il  s'agisse  bien  là  de  la  greffe  des  ar- 
bres, et  que  le  rabbin  cité  par  Gaffarel  ne  veuille  rien 
faire  entendre  au  delà  de  ce  qu'il  parait  dire,  —  on  con- 
çoit jusqu'où  les  goëtes  devaient  accentuer  leurs  rites 
priapiques,  lorsqu'au  lieu  de  préparer  des  surgeons  d'or- 


(1)  Cf.  le  tome  I  de  notre  Serpent  de  la  Genèse  :  le  Temple  de  Satan, 
chap.  V  (V Arsenal  du  Sorcier,  pages  335, 363-366,  aux  moi^Androïde, 
Mandragore,  et  passim). 

(2)  Le  Temple  de  Satan  (passim,  et  notamment  aux  chapitres  ni  et 

V). 

(3)  Gaffarel,  Curiositet  inouyes,  pages  313-314. 


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742  LA   GLEF  DE  LA  MAGIE  NOIRE 

dre  végétal,  ils  agitaient  le  problème  pratique  de  la  bi»> 
génie  artificielle... 

La  présomption  d'un  orgueil  sans  frein  aboutit  fatale- 
ment, en  fait,  aux  monstruosités  d'une  dépravation  qui  en 
est  la  conséquence  et  le  châtiment  naturels. 

Peu  d'hermétistes,  il  le  faul  dire,  —  à  n'excepter  pas 
même  les  plus  aventureux,  —  peu  d'hermétistes  se  sont 
ravalés  jusqu'à  ces  turpitudes  expérimentales. 

C'est  à  tort  qu'on  a  peint  ces  hommes  sous  les  cou- 
leurs du  vice  et  de  la  rapacité.  La  soif  de  l'or  et  l'ambi- 
tion de  la  puissance  n'ont  été  les  mobiles  que  du  petit 
nombre  d'entre  eux:  et  ceux-là,  même  instruits,  ont  erré 
misérablement  ;  tandis  que  l'amour  désintéressé  de  la 
science,  —  cette  étoile  d'Orient,  —  guidait  les  mages 
véritables  vers  le  Bethléem  kabbalistique,  jusqu'au  ber- 
ceau de  l'Enfant  royal. 

Les  quelques  adeptes  qui  sont  parvenus  au  but  ont 
donné  invariablement  l'exemple  de  la  bienfaisance  et  de 
la  vertu  :  nous  ne  voyons  pas  qu'aucun  ait  abusé  des 
prérogatives  véritablement  souveraines  que  leur  confé- 
rait la  science  de  l'élixir.  Les  uns,  comme  Raymond 
Lulle,  ont  fait  l'aumône  aux  rois,  tandis  que  la  bure  fran- 
ciscaine pesait  sur  leurs  épaules  ;  —  les  autres,  comme 
Flamel,  ont  vécu  dans  la  plus  bourgeoise  médiocrité, 
prodiguant  les  bonnes  œuvres  et  les  fondations  pieuses 
avec  une  munificence  princière  ;  —  d'autres  enfin,  tels 
Cosmopolite  et  Philalèthe,  se  sont  dévouée  à  l'apostolat 
hermétique,  au  mépris  des  périls,  des  épreuves  et  souvent 
des  tortures  que  leur  réservait  l'insatiable  cupidité  des 


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MAGIE  DES  TRANSMUTATIONS  -  743 

grands  ;  et  ils  ont  sillonné  l'Europe,  distribuant  de  leur 
poudre  et  multipliant  les  transmutations  à  titre  démons- 
tratif. 

Loin  de  thésauriser  jamais  ni  d'entasser  les  millions, 
ces  adeptes  ont,  à  peine  deux  ou  trois  fois  dans  leur  vie, 
pratiqué  les  opérations  du  grand  œuvre. 

C'est  qu'ils  avaient  compris  que  la  richesse  n'est  rien  ; 
que  la  vérité  et  la  charité  sont  toute  la  fortune  d'un  sage. 
L'amour  de  la  science  pour  elle-même  et  l'ambition  de 
répandre  autour  d'eux  quelques  bienfaits,  pouvaient  seuls 
les  induire  à  réitérer  l'expérience  hermétique,  et  à  renou- 
veler leurs  réserves  de  poudre  transmutatoire.  Mais  doré- 
navant le  grand  œuvre  d'immortalité  les  réclamait  :  la 
Chrysopée  interne  leur  souriait  plus  que  l'autre,  exté- 
rieure, —  et  la  pierre  philosophale  où  ils  aspiraient  dès 
lors,  c'était  celle  de  leur  propre  régénération  morale  et 
spirituelle. 
Petra  autem  erat  Christus  (1). 


P'-S.  —  Qu'il  nous  soit  permis  de  reprendre,  en  ter- 
minant, notre  propos  du  discours  préliminaire. 

La  Clef  de  la  Magie  iVo/re,  disions-nous,  est  aussi  celle 
des  saints  arcanes  ;  car  le  domaine  astral  relève  de  la 
Magie  lumineuse,  au  même  titre  qu'il  dépend  de  l'Occul- 
tisme pervers...  Notre  premier  concept,  en  prenant  la 
plume,  nous  revient  confirmé  à  cette  heure  où  nous  la 
déposons. 


(1)  Saint  Paul  (I"  Corinth.,  chap.  x,  f.  4). 


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744  LA    CLEF  DE  LA   MAGIE   NOIRE 

A  nous  relire,  celte  constatation  s'impose,  —  et  noiw 
en  sommes  frappé,  —  qu'en  dépit  du  titre  de  cet  ouvrage*, 
le  magiste  y  trouvera  bien  plus  à  glaner,  que  le  catéchu- 
mène des  ténébreuses  goëties. 

La  doctrine  exposée  par  nous  est  synthélique  :  si  telle- 
lacunes  se  dénoncent  évidentes,  il  importe  qu'on  sache 
qu'elles  furent  voulues;  mais  on  trouve  aussi,  non  loi» 
d'elles,  bien  des  matériaux  épars,  susceptibles  de  Io> 
combler.  N'ayant  pu  tout  dire,  la  ressource  nous  restait 
de  tout  donner  à  entendre.  Du  moins  l'avons-nous  tenté... 

Pour  le  public  de  cette  Seconde  Septaine,  le  TempU 
de  Satan  s'éclaire  d'un  nouveau  jour,  et  l'Idole  barbare 
fulgure  sous  d'imprévus  reflets. 

Reste  à  édifier  le  tome  III.  —  C'est  à  sa  philosophie  que 
l'Essai  scientifique  de  ce  jour  devra  seulement  d'être  mis 
en  sa  juste  valeur  ;  et  les  dernières  obscurités  se  dissipe- 
ront, s'il  nous  est  loisible  de  traduire  notre  pensée  aussi 
lucide  pour  tous,  qu'elle  rayonne  dès  à  présent  pour  nous 
seul. 

Puissions-nous,  sous  un  angle  favorable,  présenter  le 
miroir  au  soleil  de  Vérité  qui  décore  le  Ciel  ancestral  de 
la  Tradition,  —  cette  jeune  déesse  des  vieux  âges,  évo- 
quée et  rendue  présente  à  l'appel  de  notre  foi  ! 


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APPENDICE 


I 


LE  CORPS  CAUSAL 

selon  rÉsotérisme  védantin 

M.  Paul  Sédip,  qui  prépare  une  étude  complète  sur  la 
théosophie  védantine,  a  pris  la  peine  de  résumer  pour 
nous,  en  une  brève  et  substantielle  notice,  les  données 
éparses  dans  les  VpanishadSy  sur  le  Corps  causal,  — 
ce  substratum  immuable  de  l'éphémère  forme  éthérée; 
ce  principe  latent  de  l'être  humain,  qui  est,  aux  corps 
sidéraux  des  incarnations  successives,  ce  que  Moula- 
prakrili  est  à  Pmkrili. 

On  pourra  voir  quelle  étroite  analogie  homologue  ce 
que  les  Védantins  nomment  le  Corps  causal^  avec  cette 
Faculté  plastique  dont  nous  avons,  pour  la  première 
fois  peut-être,  bien  précisé  dans  cet  ouvrage  la  nature  et 
les  attributions. 

S.  de  G. 

Les  théories  védantines  sur  Thomme  ne  deviennent  com- 
préhensibles que  si,  d'un  esprit  ingénieux,  Ton  s'évertue  à 


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746  LA   CLEF   DE   LA   MAGIE   NOIRE 

les  comparer  dans  tous  leurs  aspects  et  à  en  extraire^  par 
l'effort  d'analogies  multiples,  les  significations  trois  fois  se- 
crètes, voiles  dont  s'enveloppe  Taustère  déesse  de  laGymnoso- 
phie. 

Sur  le  tabernacle  le  plus  secret  de  i'ètre  humaîo,  planf» 
Télernel,  l'immuable,  Tomniscient  Atma,  Timpassible  Para- 
brahm.  A  l'opposite  de  cet  Indescriptible,  les  cellules  innom- 
brables du  corps  physique  développent  leurs  mutations 
perpétuelles.  Cependant  celles-ci  procèdent  de  celui-là,  par 
le  moyen  des  deux  termes  médians  du  Quaternaire  universel. 
Ces  termes  ont  été  dénommés,  dans  TAndrogonie  adwattisle, 
le  Corps  causal  (Karana  Sarira)  et  le  Corps  subtil  (Soukhsma 
Sarira), 

Le  corps  causal,  enseigne  le  savant  Mohini  (I),  est  la  ré- 
flexion d'Atma;  Jacob  Bœhme  dit,  d'une  façon  analogue  :  la 
Vierge  Sophiaestle  miroir  où  se  contemple  le  Saint  Ternaire. 

Soubba-Rao,  autre  brahme,  écrit  en  substance  dans  ses 
Pour  lectures  onthe  Bhagavad  Gitâ,  que  la  lumière  du  Logos 
(Daïviprakriti)^  agissant  sur  la  base  de  la  Nature-Essence 
(Moulaprahriti),  engendre  le  corps  causal.  Ce  corps  est  l'in- 
dividualité consciente,  produite  par  le  courantde  viequi  meut 
toute  révolution  et  augmentée  de  diverses  formes  subsidiai- 
res, générées  par  les  conditions  spéciales  d'espace  et  de 
temps  ;  il  est  le  lien  entre  les  incarnations,  et  par  conséquent 
il  s'augmente  du  résultat  des  expériences  de  l'individu  qui 
sont  analogues  à  sa  nature:  tels  les  mouvements  intellec- 
tuels, les  hautes  émotions  de  l'âme  et  les  aspirations  mystiques. 

—  Il  contient  le  germe  du  corps  astral  et  celui  du  corps 
physique;  à  la  mort  il  va  dans  le  plan  solaire  ;  il  y  vit,  et  les 
énergies  qu'il  y  développe,  se  répercutant  sur  les  deux  plans 
inférieurs  :  astral  et  matériel,  de  nouvelles  incarnations  se 
produisent. 

Anatomiquement,  ce  corps  causal  est  constitué  par  le  grand 
Mystère  dont  la  désoccultation  confère  l'Immortalité. 


(1)  L'un  des  auteurs  anonymes  de  l'ouvrage  Man,  fragments  of 
forgotten  Aw/ory  (Londres,  1887,  in-8*). 


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APPENDICE  747 


Nous  voulons  parler  de  ce  que  les  Hindous  appellent  la 
Force  serpentaire  (Koundaiini Sakti)  ;  c'est  elle,  dit  le  même 
Soubba  Rao(1),  a  qui  produit  cette  adaptation  continuelle  des 
relations  internes  aux  relations  externes  qui  est  l'essence  de 
la  vie  selon  Herbert  Spencer,  et  celte  adaptation  continuelle 
des  relations  externes  aux  relations  internes  qui  est  la  base  de 
la  transmigration  des  âmes.  »  C'est  le  siège  du  Logos  dans 
l'homme,  c'est  la  clé  qui  ouvre  les  portes  de  la  «  Citadelle 
ignée»,  c'est  le  circulus  de  l'Ego, dont  la  Gxation  est  le  Grand 
œuvre  psychique. 

L'état  de  conscience  qui  est  propre  au  corps  causal  est  ce- 
lui du  sommeil  profond  et  sans  rêve. 

De  même  que  l'Isis  cosmique  se  revêt  de  toutes  les  formes, 
de  tous  les  noms  et  de  tous  les  organismes,  le  corps  causal 
engendre  chez  l'homme  le  principe  animateur  de  Pêtre,  le  corps 
subtil  ou  astral.  Ce  corps  est  le  double  résultat  des  sublima- 
tions de  l'existence  physique  et  des  écorces  de  l'existence  spi- 
rituelle ;  siège  de  la  nature  inférieure  de  l'homme,  il  est  le 
Livre  de  Karma,  où  s'enregistrent  les  désirs  instinctifs  et  les 
passions  animales. 

Dans  l'état  actuel  d'évolution  du  Règne  Hominal,  le  corps 
subtil  est  constitué  par  les  cinq  éléments  qu'il  perçoit  et  met 
en  œuvre  par  les  cinq  sens,  les  cinq  organes  d'action  et  les 
cinq  organes  des  sens. 

Tout  l'animisme  humain  se  centralise  en  un  lieu  nommé 
par  Bœhme  le  centre  de  la  Nature,  et  par  les  Hindous,  l'Égoïté 
{Ahankara);  dans  ce  point  de  synthèse,  le  mental  {Manas)y 
centre  réceptif  de  la  sensibilité,  enregistre  les  perceptions  ;  le 
principe  de  l'entendement (Eoudd/ii)  les  compare,  les  digère, 
et  elles  arrivent  à  la  conscience  (rc/iit^a)  qui,  se  concentrant 
sur  son  propre  intérêt,  s'élève  à  la  notion  du  subjectif  et  de 
l'objectif,  pour  permettre  à  la  volonté  une  détermination  fu- 
ture. 

Les  Upanishads  donnent  des  notions  fort  détaillées  sur 
l'anatomie  et  la  physiologie  du  corps  astral  ;  mais,  outre  que 
la  transcription  de  tels  enseignements  serait  fort  longue,  le 


(1)  Op.  cit. 


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748  LA   GLKF   DE   LA   MAGIE  NOIRE 

peu  d'expérience  que  je  possède  de  la  littérature  mystique  d«> 
l*Inde  a  suffi  cependant  pour  m'induire  à  n'accepter  qu*aprè^ 
des  conférences  minutieuses  l'enseignement  de  textes  qui 
n*ont  eu,  m-ilheureusement,  que  trop  de  chances  d*ètre  altéré!^. 

P.  Sbdir. 


Il 

UN   SUPPLICE    ÉTRANGE 

En  Extrême-Orient. 

Nous  devons  à  l'obligeance  de  M.  Albert  de  Pouvour- 
ville,  ancien  attaché  militaire  en  Indo-Chine,  le  récit  sui- 
vant. Les  faits  qu'il  relate  paraissent  assez  curieux,  en 
dcpit  des  réserves  formulées  par  le  narrateur,  pour  que 
nous  n'hésitions  pas  à  reproduire  cette  note  en  Appendice  y 
comme  relative  aux  mystères  de  rEnvoûtement,  —  et 
peut-être  du  Vampirisme. 

Le  malheureux  condamné  de  Ma  Ho  devait,  aux  termes 
de  l'arrêt,  souffrir  la  mortsmis  l-approche  du  fer  (i)...  Le 
caractère  fort  étrange  de  l'exécution,  joint  à  la  mise  en 
scène  dont  elle  fut  entourée,  témoignent  assez  qu'il  s'agis- 
sait là  d'une  œuvre  occulte,  ou  que  du  moins  les  auteurs 
du  supplice  voulaient  énergiquement  le  faire  passer  pour 
tel.  Au  surplus,  nous  laissons  la  parole  à  notre  aimable 
correspondant.  Le  Public  pourra  tirer  de  son  récit  telles 
conclusions  qu'il  appartiendra, 

S.  DE  G. 


(1)  Cette  formule  s'emploie  couramment  en  Indo-Chine,  pour  tous 
les  cas  où  le  supplice  ne  comporte  point  Teffusion  du  sang. 


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APPENDICE  749 


Au  mois  de  janvier  1889.  jeme  trouvais,  par  suite  des  fonc- 
lions  spéciales  qui  m'avaient  attaché  à  lamission  de  M.  Pavie, 
oonsul  général  de  France  au  Siam,  dans  le  village  de  Ma  Ho, 
aux  environs  des  montagnes  de  Loisot,  sur  la  route  qui,  delà 
Rivière  Noire  meneau  Mé  Khong,  par  Muong  Bang  et  Muong 
Mouen. 

Le  chef  du  district,  nommé  par  le  Quan  Phong  (retiré  au- 
jourd'hui dans  le  chaû  de  Van  Ban,  aux  environs  de  Luong 
Qui),  avait  un  condamné  à  mort,  qui  devait  subir  son  sort  spé- 
cial dans  la  nuit  même  que  je  passais  à  Ma  Ho. 

Lecondamnéfut  ligotlé  étroitement  ;  on  ne  lui  laissa  qu'une 
ceinture  autour  des  reins.  On  le  transporta  assez  solennelle- 
ment dans  une  cabane  en  torchis,  couverte  de  feuilles  de  lata- 
nier,  à  une  extrémité  de  Ma  Ho,  et  parfaitement  séparée  des 
autres  maisons  du  village. 

Le  chef  du  district,  et  le  nSorcier{\)  •  restèrent  seuls  avec 
lui  quelques  instants,  et  sortirent  les  derniers.  Puis  la  cabane 
fut  gardée  toute  la  nuit,  aux  quatre  angles,  par  quatre  sol- 
dats des  milices  indigènes  du  Quan  Phong. 

Le  Sorcier  se  retira,  après  avoir  fait  quelques  tours,  quel- 
ques signes,  et  prononcé  quelques  paroles,  autour  elen  dehors 
de  la  maison.  Ce  sorcier  est  précisément  de  la  classe  et  de  l'ex- 
périence de  ceux  auxquels  il  est  fait  allusion  dans  les  rapports 
officiels  des  commissaires  français  au  Laos  (2). 

Le  lendemain  matin,  quand  les  factionnaires  furent  relevés, 
et  qu'on  pénétra  dans  lacabane,  je  vis  le  prisonnier  mort,  déjà 
froid,  complètement  exsanguey  et,  bien  que  les  chairs  fussent 
molles  encore  au  toucher,  ayant  Tair  parfaitement  desséché 
d'un  corps  embaumé  à  l'égyptienne. 

Je  ne  veux  tirer  de  là  aucune  conséquence,  car  je  n'étais  pas 
bien  placé  pour  connaître  les  détails  ni  pour  contrôler  l'opéra- 


(1)  Ainsi  nomme-t-on  les  prêtres  des  Pi,  culte  grossier,  au  Laos,  des 
objets  remarquables  de  la  Nature... 

(2)  Nous  avons  cité  ces  rapports,  chap.  iv,  pages  453-454,  à  propos 
du  maléfice  de  fa  lance  fichée  dans  Vombre  de  la  victime. 


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750  LA   CLEF  Dfi   LA   MAGIE  NOIRE 

tion.  Je  n'avais  pa«  ea  le  temps  de  m'en  occuper  sérieusement: 
je  partais  le  lendemain,  et  on  ne  m'en  avait  pas  parlé  eommp 
d'une  chose  remarquable  à  voir.  Je  présente  simplement  ici 
ce  fait  bizarre,  dont  les  esprits  analogiques  pourront  tirer  le^ 
conséquences  qu'il  leur  plaira  de  supposer  vraisemblables. 

A.   DB  Pou VOt'R VILLE. 


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C^  C^  Ç^  Ç£^*  Ç^  Ç£^  Ç£^  Ç£^  Ç^  Ç£^  Ç^  Ç^  Ç^  Ç£\  Ç£\  Ç^  Ç^ 

^^^9       ^^9       ^^9       ^^r       ^^r       ^^r       ^^r        ^^r        ^^9       ^^9       ^^9      ^^9       ^^9      ^^9      ^^9      ^^9      ^^9 


CATALOGUE 

DES   PRINCIPAUX    OUVRAGES    OU    L'ON   RENVOIE    LE  LECTEUR 

AU    COURS   DE 

LA  CLEF  DE  LA  MAGIE  NOIRE  (*) 


ANONYMES  ET  COLLECTIFS 

AURORE  (L*).  —  Revue  théosophique,  sous  la  directioyi  de 
Madame  la  duchesse  de  Pomar,  présidente  de  la  Société 
théosophique  d^Orient  et  d'Occident.  —  Paris,  Carré, 
grand  in-8, 

AVÈNEMENT.  —  Au  il  février,  le  grand  Avènement,  pré- 
cédé  d'un  grand  prodige  !!!  Prouvé  par  le  commentaire.. . 
de  la  célèbre  prophétie  d'Orval,  par  E.  P.  —  Bar-le-Diic, 
imprimerie  Comte-Jacquet,  août  1873,  in-8. 

BTBLE  (La  sainte).  -»-  Traductions  à'Ostervald  et  Le  Maistre 
de  Sacy.  (L'édition  n'importe  pas). 

DICTIONNAIRE  DE  LA  CONVERSATION  ET  DE  LA  LEC- 
TURE. —  Paris,  1837-38,  60  vol.  in-8. 

GRAND  LIVRE  DE  LA  NATURE  (Le),  ou  V Apocalypse  philo- 
sophique et  hermétique  ;  ouvrage  curieux,  dans  lequel 
on  traite  de  la  philosophie  occulte,  de  V intelligence  des 
hiéroglyphes  des  ajiciens,  de  la  Société  des  Frères  de  la 


(i)  Les  ouvrages  marqués  d*une  étoile  *  se  trouvent  déjà  au  ca- 
talogue de  notre  premier  tome  [le  Temple  de  Satan).  —  Nous  nous 
bornons  ici,  en  ce  qui  les  concerne,  k  une  simple  mention  ;  puisque, 
pour  les  titres  exacts  et  tous  les  détails  bibliographiques,  le  Lecteur 
n'a  qu'à  so  référer  au  précédent  volume  du  Serpent  de  la  Genèse. 


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752  LA  CLEF  DE  LX  MAGIE  NOIRE 

Rose-Croix,  delà  transmutation  des  fnétatix,et  delacohi- 
munication  de  lliomme  avec  les  êtres  supérieurs  et  inter^ 
médiaires  entre  lui  et  le  Grand  Architecte.  Vu  par  um 
Société  de  Phil...  Inc.,  et  publié  par  D.  —  Depuis  i,  jus- 
qu'à Tan  1790.  Au  midi,  et  de  l'imprimerie  de  la  Vérilé,  in-S. 

HISTOIRE  DES  CHAPELLES  PAPALES.  —  In-8. 

*  LNITIATÏON  (U),  revue  in-iS. 

*  LOTUS  (Le),  revue  in-8  (1887-1888). 

LIVRE  DE  LA  TRÈS  SAINTE  TRINITÉ  (Le).  ~  S.  L.  N.  D.. 

Grand  in-folio,  miniatures  rehaussées  d'or. 

Manuscrit  original  d'alchimie,  enseignée  sous  des  emblèmes  mv^- 
liques  et  miMée  de  notions  astrologiques  fort  précises.  —  Ce  ma- 
gnitique  ouvrage,  calligraphié  dans  la  première  moitié  du   xvw 
siècle,  se  termine  par  une  suite  de  miniatures  sur  peau  de  vélin,  d'un 
goût  exquis,  et  d'un  éclat  hors  ligne.  Plusieurs  d'entre  elles  sont 
fort  étranges  ;  on  peut  voir,  à  la  page  702,  le  croquis  de  Tune  de  ces 
compositions.  Pour  donner  aux  amateurs  quelque  idée  de  la  singu- 
larité de  ce  mss.,  nous  allons  en  transcrire  les  premières  lig'nes  : 
•    <  Ce  Liure  n'est  pas  vne  nouuelle  doctrine  :  c'est  vne  grande  eon- 
noissance  de  Dieu  et  de  la  S.  Vierge.  — A  l'égard  de  mon  maître,  je 
diray  autant  que  j'ay  pu  apprendre  de  luy,  qu'il  n'a  appris  ny  eopîè 
ce  Liure  de  la  Très  S   Trinité  d'aucun  autre  L.  Car  Dieu  le  Père  et 
le  Saint  Esprit  le  luy  ont  donné  par  vne  science  infuse,  moyennant 
la  contemplation  des  astres.  Alors  il  l'a  écrit  par  vn  don  particulier 
du  Saint  Esprit.  Ainsy  ces  merueilles  de  Dieu  luy  ont  été  vérita- 
blement communiquées  et  descouuertes.  —  C'est  vn  Liure  de  mi- 
racles. On  y  trouue  la  pure  vérité.  —  Qui  trouue  ce  Liure  ne  lecach»» 
pas  :  il  seroit  damnable  en  corps  et  en  àme  ;   on  doit  porter  ce 
Liure  de  Dieu  deuant  les  plus  grands  Seigneurs  et  les  plus  grand > 
Doctoeurs  (sic)  de  la  Chrétienté  et  de  la  Sainte  Eglise.  C'est  pour- 
quoy,  apprenés  que  ce  Liure  est  vn  nouueau  don  de  Dieu  et  du 
Ciel.  Sur  cela,  les   grands  Seigneurs  et  les  Docteurs  deuroient 
bien  réfléchir...  etc..  Qui  entend  bien  ce  Liure  de  Dieu  et  y  digert* 
ses   opérations,   en  receura  grande  recompense  de  sa  Doctrine, 
sçauoir  l'or  et  l'argent  le  plus  fin...  » 

LUMIÈRE  D'EGYPTE  (La).—  Paris, Chamuel,  1895.  in-4,  Ûg, 

ORVAL  (La  prophétie  d').  Prophétie  authentique  arrivée 
d'Amérique.  — Paris,  Poussielgue,  S.  D.,  16  p.  iii-8,  sans 
litre). 

SAGESSE  DTVWE  (La)  D'ABRAHAM  LE  JUIF,  dédiée  à  son 

filsLamech,  Van  iS47,  —  2  vol.  pet.  in-8. 

Manuscrit  de  la  fin  du  xvni*  siècle,  d'une  belle  écriture.  Ghaqui' 
page  est  encadrée  d'un  filet   rouge,  t  Abraham  (dit   VArertixse^ 


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TABLE   DES   AUTEURS  753 


ment)  ëtoit  natif  de  la  ville  de  Worms  en  Allemagne.  Il  écrivit  plu- 
sieurs livres  sur  les  sciences  occultes,  qu'il  possédoit  parfaitement... 
Il  laissa  à  son  fils  Lamech,  comme  un  trésor,  le  manuscrit  composé 
en  allemand,  dont  je  donne  ici  la  traduction.  Son  fils  alnë  Joseph 
avoit  déjà  reçu  de  lui  la  Cabale...» 

SIÈCLE  (Le).  —  Périodique  quotidien^  in-fol.  —  Voir  la  col- 
lection de  ce  journal,  année  1853.  (N""  du  15  juillet). 

XAROTS.  —  Voir  les  éditions  de  Marseille  et  Besançon,  les 
anciens  jeux  de  Jacquemin  Gringonneur,  de  Mantegna,  et 
les  XXII  clefs  restituées  par  0.  Wirth.  (Cf.  le  Temple  de 
Satan,  pages  378-380). 

*  TRINUM  MAGICUM.  —  Francofurti,  1629,  pet.  in.l2.  (Cf. 
le  Temple  de  Satan,  p.  42,  article  Longinus). 


AGRIPPiE  (Henrici  Cornelii  ab  Netlesheym)  OPERA,  etc.  — 
Lugduniy  per  Beringos  fratres,  deux  tomes  en  3  vol.  in-8, 

fig. 

Imprimé  en  italiques.  C'est  la  meilleure  édition  latine,  la  plus 
rare  et  la  plus  complète. 

*  —  La  Philosophie  occulte  (trad.  fr.).  —  La  Haye,  1727,  2 
vol.  ÎD-S,  fig. 

APULÉE  {Œuvres  complètes  d'},  traduites  en  français  par 
V.  Bétolaud,  (avec  le  latin  en  regard).  — *  Paris,  Garnier, 
1883,2  vol.  in.l2. 

ARTEPHIUS,  —  Philosophie  naturelle  de  trois  anciens  phi- 
losophes renommez,  Artephius,  Flamel  et  Synesius,  trai- 
tant de  Vart  occulte  et  de  la  transmutation  métallique. 
Augmentée  d'vn  petit  traité  du  mercure  et  de  la  pierre 
des  Philosophes  de  G.  Ripleus,  etc.  —  A  Paris,  chez  Lau- 
rent d'Houry,  1682,  in-4,  fig. 
Edition  la  plus  complète,  avec  une  grande  planche  qui  se  déplie. 

AUCLER  (Quantius).  —  La  Thréïcie  ou  la  seule  voie  des 
Sciences  divines  et  humaines,  du  vrai  culte  et  de  la  morale. 
—  A  Paris,  chez  Moutardier,  an  Vil  de  la  Républ.  franc., 
in-8. 

48 


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754  LA  CLEF  DE  LA  MAGIE  NOIRE 


BACON  (Hoger).  —  Lettre  sur  les  prodiges  de  la  nature  et 
de  l'art,  traduite  et  commentée  par  A.  Poisson.  —  Paris, 
Chamuel,  1893,  in-12. 

BARRUEL  (Tabbé).  —  Mémoires  pour  servir  à  Vhistoire  du 
Jacobinisme.  —  A  Hambourg,  chez  Fauche,  1803,  5  vol. 
in-S. 

*  BAUDELAIRE  (Charles).  —  Les  Fleurs  du  Mal,  in-S  (por- 
Irail). 

BEAUSOhRE  (M.  de).  —  Histoire  critique  de  Manichée  et 
du  Manichéisme.  —  Amslerdam,  chezJ.  Frédéric  Bernard, 
1734  et  1739,2  vol.  in-i. 

BELOT  (îean).  —  Familières  instructions  pour  apprendre 
les  sciences  de  CUiromance  et  de  Physionomie,  etc.  ;  auec 
vn  Traicté  des  Diuinatioyis,  Augures  et  Songes,  par  Iean 
Belot,  curé  de  Mil-monts,  maistre  ès-sciences  diuir.es  et 
célestes.  —  A  Paris,  aux  despens  de  Tautheur,  et  se  vend 
chez  Nicolas  Bourdin,  1624,  in-8,  planches  et  figures. 

BOEIIME  (lacob).  —  Des  trois  Principes  de  l'Essence  divine, 
ou  de  Véternél  engendrement  sans  origine,  elc.  ;  par  Ja- 
cob Bèhme  (sic),  du  vieux  Seidenbourg,  nommé  le  philo- 
sophe ieutonique,  trad.  de  l'allemand,  sur  Védit.  d'Ams- 
terdam de  i682;parle  Philosophe  Inconnu  (L. -Claude 
de  Saint-Martin).  —  Paris,  an  X(1802).  2  vol.  in-8. 

BÉRANGER.  —  Les  Chansons  de  Déranger,  Paris,  Perrotin, 
1834, in.8. 

*  BERTET  (Adolphe).  —  L'Apocalypse  du  bienheureux 
Jean,....  dévoilée.  —  Paris,  1861  ^  in-8.  (Voyez  le  Catal.  du 
Temple  de  Satan,  page  46,  à  l'article  Saint-Jean). 

*  BODIN  (ïean).  —  De  la  Demonomanie  des  Sorciers.  — 
Paris,  1587,  in-4. 

*  BOGUET  (Henry).  Discours  des  Sorciers,  etc.  -—Lyon,  1610, 
in.8. 


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TABLE  DES  AUTEURS  755 


BOISSARD  (Janus-Jac.)  —  De  diuinatione  et  magicis  prxs- 
tigiis.  —  Oppenheimi,  typis  Hier.  Galleri  (absque  anno), 
in-foi.,  fig. 

BOURRU  et  BUROT  (professeurs  à  Técole  de  médecine  de 
Rochefort).  — La  Suggestion  mentale  et  V action  à  distance 
des  substances  toxiques  et  médicamenteuses.  —  Paris, 
J.-B.  Baillière,  1887,  in-12,  fig. 

BULWER-LYTTON.  —  La  Maison  hantée,  conte  anglais, 
traduit  par  R.  Philipon.  —  S.  L.  xN.  D.,  in-8. 

—  Zanoni^  roman  anglais,  (traduit  par  M.Sheldon).  —  Paris, 
Hachette,  1867,  2  vol.  in-i2. 


CAHAGNET.  —  (L.-A.)  Magie  magnétique,  ou  traité  histo- 
rique et  pratique  des  fascinations,  miroirs  cabalistiques, 
apports,  suspensions,  pactes,  talismans,  charme  des  vents, 
convulsions,  possessions,  envoûtements,  sortilèges,  magie 
de  la  parole,  correspondance  sympathique,  nécromancie, 
etc.  —  Paris,  Germer-Baillière,  1858,  grand  in-18. 

CALMETL  (D^.  —  De  la  Folie,  Paris,  1845,  2  vol.  in-8. 

CALMET  (R.  P.  Dom  Augustin  —  abbé  de  Sénones).  — 
Traité  sur  les  apparitions  des  Esprits,  et  sur  les  Vampires 
ou  les  revenans  de  la  Hongrie,  de  la  Moravie^  etc.  —  Pa- 
ris, Debure  i'ainé,  1751,  2  vol.  in-12.  (Édition  la  plus  com- 
plète). 

CHAZARIN  (D').  -—  Découverte  de  la  polarité  humaine,  — 
Paris,  Doin,  1886,  in-18. 

CHAUBARD(L.-A).  —  U Univers  expliqué  par  la  Révélation, 
ou  Essai  de  Philosophie  positive.  —  Paris,  Debécourt  t\i 
Baillière,  et  chez  l'auteur,  1841,  în-8  (planches). 

CHATEAUBRIAND  (François  René,  vicomte  de).  —  Le  Génie 
du  Christianisme,  Paris,  1802,  in-8. 

CHESNELONG  (Ch.).  —  La  Campagne  monarchique  d'août 
1873.  — Paris,  Pion,  1896,  in.8. 


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756  LA  CLEF  DE  LA   MAGIE  NOIRE 

CLARETIE  (Jules).  Jean  Momat  (roman),  in-12. 

COHAUSEN  (D').  —  Hermippus  redivivus  ou  le  triomphe 
du  Sage  sur  la  vieillesse  et  le  tombeau,  contenant  une  mé- 
thode pour  prolonger  la  vie  et  la  vigueur  deVkomnie,  tra- 
duction de  Vanglois,.,,  par  M.  de  la  Place.  —  Bruxelles 
et  Paris,  chez  Maradan,  1789,  2  vot.  ia-8  (portrait). 

*  COURT  DE  GÉBELIN.  —  Le  Monde  primitif ,  9  toI.  in-i. 
«g- 

*  CROLLIUS  (Oswald).  —  La  Royalle  Chymie,  traduitte  en 

françoispar  L  Marcel  de  Boulene,  —  A  Lyon,  chez  Pierre 

Drobet,  1624,  in-8,  frontisp.  (Édit.  originale). 

A  la  saite,  se  trouve  le  Traieté  des  signatures,  ou  vraye  et  vfu^ 
anatomie  du  grand  et  du  petit  monde, 

CROOKES  (William).  —  Recherches  sur  les  phénomèfies  du 
Spiritualisme,  trad.  de  l'anglais  par  J.  AlideL  —  Paris. 
Librairie  des  Sciences  psychiques,  s.  d.,  in-12,  fig. 

CROSSET  DE  LA  HAUMERIE  (pseudonyme  de  Fr.-M.  Pom- 
pée  Colonne).  —  Les  Secrets  les  plus  cachés  de  la  Philoso- 
phie des  anciens,  découverts  et  expliqués,  à  la  suite  d'une 
histoire  des  plus  curieuses.  —  Paris,  d'Houry  fils,  1722, 
in-12,  fig. 


DACIER.  — Bihliotliêque  des  anciens  philosophes,  contenant 
la  Vie  de  Pythagore,  ses  Symboles,  la  Vie  d'Hiéroclès,  et 
ses  Vers  dorés,  —  Paris,  1771,  2  vol.  in-12. 

Dacier  a  donné  une  suite  à  ce  recueil^  qui  comporte  en  tout  9 
volumes. 

DAVIDSON  (Peter).  —Le  Gui  et  sa  philosophie  (irsid,  de  l'an- 
glais, par  P.  Sédir).  —  Paris,  Chamuel,  1896,  in-8. 

DEBAY  {X,).'^  Histoire  des  Sciences  occultes,  depuis  Vanti- 
quité  jusqu'à  nos  jours  (3*  édition).  Paris,  Dentu,  1883,  in- 
12. 

DELORMEL.  —  La  grande  période,  ou  le  retour  de  Vàge 
d'or;  ouvrage  dans  lequel  on  trouve  les  causes  des  désor- 


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TABLE  DES   AUTEURS  757 


dres  passés,  des  espérances  pour  V avenir,  et  le  germe  du 
meilleur  plan  de  gouvernement  ecclésiastique,  civil  et  po- 
litique. —  Paris,  BlanchoQ  et  Beiin,  1790,  in-8,  fig. 

Delormel,  dont  la  mort  soudaine  a  paru  mystérieuse,  passe  pour 
avoir  été  victime  de  la  vengeance  des  Illuminés,  dont  il  aurait  dé- 
voilé les  arcanes,  dans  sa  Grande  Période. 

L>RACH  (le  chevalier  P.  L.  B.).  —  De  VHarmonie  entre  VÉ- 
glise  et  la  Synagogue,  ou  perpétuité  et  catholicité  de  la  re- 
ligion chrétienne.  —  Paris,  Mellier,  1844,  2  vol.  in-8. 

L'auteur,  kabbaliste  et  rabbin,  motive,  dans  cet  ouvrage,  sa 
conversion  au  Catholicisme. 

DUNAND.  —  Révolution  en  philosophie,  i  vol.  in-8. 

DURVILLE  (H.). —  Traité  expérimental  et  thérapeutique  du 
Magnétisme.  —  Paris,  1895,  2  vol.  in-16,  fig. 

DUTENS.  —  Origine  des  découvertes  attribuées  aux  moder- 
nés,  où  Von  démontre  que  nos  plu^s  célèbres  philosophes 
ont  puisé  la  plupart  de  leurs  connoissances  dans  les  ou- 
vrages des  anciens,  etc.  (2*  édition,  la  plus  complète).  — 
Paris,  V^  Duchesne,  1776,  2  vol.  în-8. 


ECKARTSHAUSEN  (Le  Conseiller  d').  —  La  Nuée  sur  le 
Sanctuaire,  ou  quelque  chose  dont  la  philosophie  orgueil- 
leuse de  notre  siècle  ne  se  doute  pas.  (Trad.  de  Tallemand). 
—  Paris,  Maradan,  1819,  pet.  in-8,  fronlisp. 

*  ÉLIPHAS  LÉVl  (L'abbé  Alphonse-Louis-Constant).  — 
*  Dogme  et  Rituel  de  la  Haute  Magie.  —  Paris,  1855, 
2  vol.  in-8,  fig.  (Édition  originale). 

*  —  Clef  {La)  des  grands  Mystères.  —  Paris,  1861,  in-8,  fig. 

—  Correspondance  inédite  d'Éliphas  avec  son  élève,  M.  le 
Baron  Spédalieri,  9  vol.  in-folio,  mss. 

*  —  Histoire  de  la  Magie.  —  Paris,  1860,  in-8,  fig. 

—  La  Sagesse  des  anciens,  recueil  de  figures  symboliques , 
avec  des  légendes  et  explications,  par  Éiiphas  Lévi,  pro- 


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758  LA  CLEF  DE  LA  MAGIE  NOIRE 

fesseur  de  Sciences  occultes,  1874.   —  Mss.   iii-4  massif, 
entièrement  inédit. 

Recaeil  carieax  et  certainement  unique,  exécuté  par  Éliphas,  na 
an  avant  sa  mort  :  iné  en  1810,  Éiiphas  est  mort  en  1875).  Ce  re- 
cueil contient,  outre  un  grand  nombre  de  Ggures  rapportées  do 
Calendrier  magique  de  Duchenteau  et  d'autres  volumes  précieux 
et  rares,  plusieurs  deuins  à  la  plume,  ainsi  que  des  aquarelles  ori- 
ginales signées  d'Éliphas  Lévi;  la  reproduction  photographique  des 
32  planches  prophétiques  de  Paracelse  (fx  Pro/iox/fca/ioRtf ,  1536). 
etc.  ;  le  tout  enrichi  de  copieur  commentaires,  tout  entier;;  de  la 
main  du  célèbre  occultiste.  —  Éliphas  Lévi,  à  la  date  du  23  janvier 
1874,  écrit  à  son  élève  le  Baron  Spédalieri  :  «  ...  J'espère  ton- 
jours  que  nous  reprendrons  nos  leçons  régulière*;  et  que  nou^ 
finirons  notre  cours,  qui  est  resté  inachevé.  V Album  auquel  je 
travaille  en  géra  le  complément  et  comme  V Atlas.  »  Nul  doute  que 
cette  allusion  ne  concerne  la  Sagesse  des  anciens,  (album  compose 
en  1874). 

*  —  La  Science  des  Esprits.  —  Paris,  1865,  in-8. 

ETTEILLA  (Alliette).  —  Œuvres  Complètes. 

On  réunit  ordinairement,  sous  ce  titre  ou  sous  celui  de  Tharoth 
(sic),  les  ouvrages  suivants,  répartis  en  2  vol.  in-12.  Les  Sept 
nuances  de  Vœuvre  hermétique,  suivies  d*un  traité  de  la  perfection 
des  métaux,  (1777,  fig.).  —  Philosophie  des  Hautes  Sciences,  ou 
la  Clef  donnée  aux  enfans  de  l'art,  de  la  Science  et  de  la  Sa- 
gesse (1775.  fig.).  —  Manière  de  se  récréer  avec  le  jeu  de  cartes 
nommées  Tarots  (1783-1785,  fig.»,  4  cahiers  avec  leurs  Supplémens). 
—  Fragment  sur  les  hautes  Sciences,  suivi  d'une  note  sur  les  trois 
sortes  de  médecine,  etc,  (1783,  fig.)  —  Science.  Leçons  théoriques 
et  pratiques  du  Livre  de  Thoth  (1787.  fig.).  —  Aperçu  d^ un  rigo- 
riste sur  la  Cartonomancie  et  son  auteur  (sic),  etc.  —  On  joint 
souvent  à  la  collection  d'Etteilla  les  œuvres  de  son  successeur, 
M.  d'Odoucet  (3  vol.  pet.  in-8). 


FABART  (Félix).  —  Histoire  philosophique  et  politique  de 
V Occulte  :  Magie,  Sorcellerie,  Spiritisme,  avec  une  pré- 
face  de  Camille  Flammarion.  —  Paris,  Marpon,  S.D., 
in-12. 

FABRE  (Pierre-Iean.de  Montpellier).  —  Vàbregé  des  Secretî^ 
chymiques,  où  Von  void  la  nature  des  animaux,  végétaux 
et  minéraux  entièrement  descouuerte,  avec  les  vertus  et 
proprietez  des  principes  qui  composent  et  conservent  leur 
estre,  et  vn  Traitté  de  la  Médecine  générale.  —  Paris,  Pierre 
Biilaine,  i636,  in-8. 


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TABLE    DES   AUTEURS  759 


*  FABRE  D'OLIVET.  —  *  Caïn,  1823,  in-H. 

*  —  Histoire  philosophique  du  genre  humain,  1824,2  vol. 
in-S. 

*  —  La  Langue  hébraïque  restituée,  1815-1816,2  vol.  in-4. 

—  Notions  sur  leSens  de  Vouïe,e7%  général,  et  en  particulier 
sur  le  développement  de  ce  sens,  opéré  chez  Rodolphe  Gri- 
veletchez  plusieurs  autres  enfans,  sourds-muets  de  nais- 
sance ;  seconde  éditioji,  augmentée.,.  —  A  Montpellier, 
veuve  Picot,  1819,  in-8. 

*  —  Les  Vers  dorés  de  Pythagore,  1813,  in-S. 

FOURMONT  (l'alné)  —  Réflexions  sur  Vorigine,  l'histoire  et 
la  succession  des  anciens  peuples  :  Chaldéens,  Hébreux, 
Phéniciens,  Égyptiens,  Grecs,  etc.,  jusqu'au  temps  de 
Cyrus.  —  Paris,  de  Bure  Tainé,  1747,  2  vol.  in-4. 

FRANCK  (Adolphe).  — ^La  Kabbale,  ou  la  philosophie  reli- 
gieuse des  Hébreux.  —  Paris,  Hachette,  1843,  in-8. 


*  GAFFAREL  (lacques).  —  Curiositez  inouyes,sur  la  sculp- 
ture talismanique  des  Persans,  horoscope  des  Patriarches 
et  lecture  des  Estoilles.  —  A  Paris,  chez  Hervé  du  Mesnil, 
1629,  in-8,  Rg. 

Edition  originale,  avec  deux  planisphères  plies. 

GASPARIN  (Comte  Agénor  de).  —  Des  Tables  tournantes,  du 
Surnaturel  en  général,  et  des  Esprits,  —  Paris,  Dentu, 
1855,  2  vol.  grand  in-18. 

GASSENDI  (Pierre).  —  Œuvres  complètes,  Lyon,  1658, 
6  vol.  in-fol. 

GIBIER  (D'  Paul).  —  Le  Spiritisme,  Fakirisme  occidental, 
étude  historique, critique  et  expérimentale.—  Paris,  Doin, 
1887,  in- 12,  fig. 

—  Physiologie  transcendantale.  Analyse  des  choses.  Essai 
sur  la  science  future,  son  influence  sur  les  religions,  les 


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760  LA  CLEF  DE  LA  MAGIE  NOIRE 

philosophies,  les   sciences   et  les  arts»  —  Paris,  Dentu, 
1890,  in-i2. 

GLAUBER  (Rodolphe).  —  Miraculum  mundi,  sive  plena 
perfectcLque  descriptio  admirabilis  Naturae,  elc  ,  ab  antî- 
quis  Menstruum  universale,  sive  Mercurius  philosapho- 
7*um  dicti,  etc..  —  Amsterodami,  apud  Joh.  Janssoniuin. 
1653,  in.t2. 

GLEICHEN.  —  Souvenirs  de  Charles-Henri,  baron  de  GW- 
chen,  précédé  d'une  notice  par  Paul  Grimblot,  —  Paris, 
L.Techener  61s,  1868,  pet.  iD-8. 

*  GOUGENOT  DES  MOUSSEAUX  (Le  chevalier).  -  Les  hauts 
phénomènes  de  la  Magie.  —  Paris,  1864,  in-8. 

GR-^SSE  (J.-G.  Theodor).  —  Bibliothecamagicaetpneuma" 
tica,  oder  Wissenschaftlich  geordnete  Bibliographie  der 
luichtigsten  in  dos  Gebiet  des  Zauber,  Wunder,  Geister 
und  sonstigen  Aberglaubens,.,  Werke,  etc.  —  Leipsig, 
Engelmann,  1843,  grand  in-8. 

*  GUAITA  (Stanislas  de).  —  Essais  de  Sciences  maudites. 
Au  seuil  du  Mystère  (3®  édition  augmentée).  —  Paris, (^rré 
et  Chamuei,  1895,  in-8,  avec  deux  planches  qui  se  déplient. 

GULDENSTUBBÉ  (Baron  L.  de).  —  Pneumatologie  posUive 
et  expénmentale.  La  Réalité  des  Esprits  et  le  phénomène 
merveilleux  de  leur  écriture  directe,  —  Paris,  Franck, 
1857,  in-8,  avec  planches. 

H 

*  HEDELIN  (François,  plus  tard  abbé  d'Aubignac).  —  Des 
Satyres,  brutes,  monstres  et  démons,  etc.  —  Paris,  Buon, 
1627,  in-8. 

HUC  (L'Abbé).  —  Souvenirs  d'un  voyage  dans  la  Tartarie 
et  le  Thibet,  pendant  les  années  18ii,  1845  et  1846,  par 
M.  Hue,  ancien  missionnaire  apostolique  (3*  édition).  — 
Paris,  Gaume  frères,  1857,  2  vol,  in- 12. 

—  LEmpire  chinois,  faisant  suite  aux  Souvenirs  d\n 
voyage  dans  la  Tartarie  et  le  Thibet  (3«  édit.).  —  Paris, 
Gaume  frères,  1857,  2  vol.  in-12. 


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TABLE   DES  AUTEURS  761 


HUYSMANS  (Jorîs-Karl).  —  Là-Bas  (roman).  —  Paris,  Tresse 
et  Stock,  1891,  in-i8. 


lAMBLICHVS. — DeMysteriis  ^gyptiorum,  Chaldxorum, 
Assyriorum.  Proclu8.,.  Porphyriu3.,.P8elh48,..y  Mercurii 
Trismegisti  Pimander  et  Asclepius,  etc.  —  Lugduni,  apud 
Ioan.Tornœsium,i570,  in-16. 

K 

•  KHUNRATH  (Henrici).  —  Amphitheatrum  Sapientiœ  œter- 
nœ,  solius  verse,  etc. —  Hanovise,  1609,  in-foL,  ûg. 


LA  BROSSE  (Guy  de).  —  De  la  nature,  vertu  et  utilité  des 
plantes,  et  dessin  du  lardin  royal  de  Médecine,  —  Paris, 
1640,  in-foL,fig. 

LACURIA  (L'abbé  P.-F.-G).  —  Les  Harmonies  de  VÊtre, 
exprimées  par  les  nombres,  ou  les  lois  de  VOntologie,  de 
la  Psychologie,  de  l'Éthique,  de  l'Esthétique  et  de  la  Phy- 
sique, expliquées  les  unes  par  les  autres  et  ramenées  à  U7i 
seul  principe,  —  Paris,  1847,  2  vol.  in-8,  fig. 

*  LANCRE  (Pierre  de).  — *  Tableau  de  Vinconstance  des  mau- 
uais  anges  et  démons,  etc.  —  Paris,  Buon,  1612  ou  1613, 
in-4,  (avec  la  planche  du  Sabbat,  que  nous  reproduisons). 

—  U  Incrédulité  et  Mescreance  du  Sortilège  plainement  con- 
uaincue,  où  il  est  amplement  et  curieusement  traicté,  de 
la  vérité  ou  illusion  du  Sortilège,  de  la  Fascination,  de 
V Attouchement,  du  Scopelisme,  de  la  Diuination,  de  la 
Ligature  ou  liaison  magique,  des  Apparitions  :  et  d\me 
infinité  d'autres  rares  et  nouueaux  subiects,  par  P.  de 
U  Ancre,  conseiller  du  Roy  en  son  Conseil  d*Estat,  —  A 
Paris,  chez  Nicolas  Buon,  1622,  in-4,  (très  rare). 

LENGLET  DUPRESNOY  (L'abbé).  -^Histoire  de  la  Philoso- 
phie hermétique,  accompagnée  d*un  catalogue  raisonné 
des  écrivains  de  cette  science;  avec  le  véritable  Philalèthe, 


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762  LA  CLEF  DE  LA  MAGIE  NOIRE 


revu  surles  oriz/inaux.  —  Paris,  Coustelîer,  1742,3  vol.  in-12. 

LERMFNA  (Jules).  —  La  Science  occulte.   Magie  pratique. 

Révélation  des  mystères  de  la  vie  et  de  la  mort.  —  Paris, 

Kolb,  S.  D.,  in.l2. 
—  LÉlixir  de  vie  (nouvelle).  —  Paris,  Cbamuel,  grand  în-f  8. 

LONGUEVILLE-HARCOUKT.  —  Histoire  des  personnes  qui 
ont  vécu  plusieurs  siècles  et  qui  ont  rajeuni;  avec  le  secret 
du  rajeunissement,  tiré  d*Amauld  de  Villeneuve,  et  des 
règles  pour  se  conserver  en  santé,  et  pour  parvenir  à  un 
grand  âge,  —  Paris,  veuve  Carpentier,  1716,  in-12,  frontis- 
pice de  liarrewyn. 

*  LOYER  (Le  conseiller  Pierre  le).  —  Discours  et  Histoires 
des  Spectres,  visions,  etc.  —  Paris,  Buon,  1605,  2  vol.  in-4. 

M 

MAISTRE  (Le  comte  Joseph  de).  —  Les  Soirées  de  Saint- 
Pétershourg,  ou  entretiens  sur  le  gouvei^nement  temporel 
de  la  Providence  :  suivis  d'un  Traité  sur  le^  Sacrifices, 
etc.  —  Paris,  1821,  2  vol.  in-8,  portrait. 

MARTL\IERE(leSieurde  la).  —  Tombeau  de  la  Folie,  dan:^ 
lequel  se  void  les  plus  fortes  raisons  que  Von  puisse  appor- 
ter pour  faire  connoitre  la  réalité  et  la  possibilité  de  la 
Pierre  philosophale,  et  d'autres  raisons  et  expériences 
qui  en  font  voir  l'abus  et  l'impossibilité.  —  Paris,  chez 
l'Auteur,  S.  D.,  pet.  in-8,  portrait. 

MAUPASSANT  (Guy  de).  —  Le  Horla,  —  Paris,  P.  Ollendorff, 
1887,  in.l2. 

MENARD  (Louis).  —  Rêveries  d'un  païen  mystique  (2*  édi- 
tion). —  Paris,  Lemerre,  1886,  petit  in-12. 

MERLIN  (R.). —  Origine  des  cartes  à  jouer;  nouvelles 
recherches  sur  les  Naïbis,  les  Tarots  et  les  autres  espèces 
de  cartes,  avec  wn  album  de  74  planches,  etc.  —  Paris, 
chez  l'Auteur,  1869,  in-4. 

MÉRY  (Gaston).  —  La  voyante  de  la  rue  de  Paradis.  Préface 
d'E.  Drumont,  —  Paris,  Dentu,  1896,  in-8. 


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TABLE   DES   AUTEURS  763 


MICHEL  DE  FIGANIERES  (Louis).  —  Clé  de  la  Vie: 
r Homme,  la  Nature,  les  Mondes,  Dieu,  etc.  Révélation  de 
la  Science  de  Dieu,  etc.  —  Paris,  1858,  in-8. 

MIRVILLE  (J.-E.  de).  —  Pneumalologie.  Des  Esprits  et  de 
leurs  manifestations  divei'ses,  Mémoires  adressés  aux 
Académies,  —  Paris,  Vrayet  de  Siircv,  1863,  6  vol.  grand 
in-S. 

MOLITOR  (Ulrich).  —  De  Lamiis  etphitonicis  mulierihus,  ad 

illustrissimum  principem  dominum  Sigismundum  archi- 

ducem  Austrie  {sic) tractatus  pulcherrimus.  —  Impressum 

Lypzick,  par  Arnoldum  de  Colonia.  Ânno  M.  CCGG.  XCV, 

pet.  in-4,  Gg. 

Très  rare  édition  gothique  du  xv«  siècle,  ornt'O  de  huit  curieu- 
ses gravures  sur  bois,  d'une  exécution  tout  à  fait  primitive.  — 
Nous  en  offrons,  page  158,  deux  remarquables  spécimens. 

*  moïse.  —  La  Bible,  traduction  nouvelle  avec  Vhéhreu  en 
regard,  etc..  —  Le  Pentateuque,  par  S.  Cahen»  —  Paris, 
chez  rauteur,.i831,  5  vol.  in-8. 

MUSSET  (Alfred  de).  —  Poésies  complètes.  —  Paris,  Le- 
merre,2  vol.  pet.  in-12. 

N 

NAUDÉ  (Gabriel).  —  Instruction  à  la  France  sur  la  vérité  de 
l'histoire  des  Frères  de  la  Roze-Croix.  —  Paris,  F.  luUiot, 
1623,  in-8. 

NERVAL  (Gérard  de).  —  Les  Illuminés,  récits  et  portraits,  — 
Paris,  V.  Lecou,  J852,  in.i2. 

— Poésies  coynplètes  de  Gérard  de  NervaL —  Paris,  Calmann 
Lévy,1877,  in.i2. 

*NYNAVLD  (1.  de).  —  De  la  Lycanthropie,  transformation 
et  extase  des  Sorciers,  etc.  —  Paris,  N.  Rousset,  1615,  in-8 
(rare). 

—  Les  Ruses  et  tromperies  du  Diable  descouuertes,  sur  ce 
qu'il  prétend  auoir  envers  les  corps  et  lésâmes  des  Sorciers, 
ensemble  la  composition  de  leurs  onguens,  par  L  de 
Nynçiuld.  —  Paris,  1611,  in-8  (très  rare). 


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764  LA  CLEF  DE  LA  MAGIE  NOIRE 


ORPHÉE.  —  Orphica  (Hymnes  orphiques). —  Leipsig,  1805, 
in-8. 

P 

PAPUS  (D'  Uérard  Encausse).  —  L'illuminismeen  France 
(t767-l774).  Martinès  de  Pasqually  :  sa  vie,  ses  pratiques 
magiques,  son  œuvre,  ses  disciples,  suivis  des  catéchismes 
des  Élus  CohenSt  d'après  des  documents  inédits.  —  Paris, 
Chamuel,  1895,  in-i2. 

—  La  Pierre  phUosophale, preuves  irréfutables  de  son  exis- 
tence, par  Papus.  —  Paris,  Carré,  1889,  in-8. 

—  Le  Sépher  Jézirah,  les  32  Voies  de  la  Sagesse  et  les  50 
Portes  de  l'Intelligence,  traduct.  inédite,  par  Papus.  — 
Paris,  Carré,  1888,  grand  in-8,  fig. 

—  Traité  élémentaire  de  Magie  pratique  ;  adaptation,  réa- 
lisation et  théorie  de  la  Magie^  etc.,  par  Papus.  —  Paris, 
Chamuel,  1893,  grand  in-8,  Gg. 

—  Traité  méthodique  de  Science  occulte,  par  Papus  ;  préface 
d*A.  Franck.  —  Paris,  Carré,  1891,  grand  in-8,  Bg. 

*  PARACELSE.  —  Opéra  omnia,  Genevœ,  1636,  3  vol.  in- 
fol.,  Bg. 

PATRICIUS  (François).  —  MagiaphUosophica,  hoc  est,  Fran- 
cisci  Patricii  summi  philosophi  Z oroaster  et  ejus  3S0  Ora- 
cula  Chaldaica,  Asclepii  dialogus  et  Philosophia  magna 
Hermetis  Trismegisti,  etc.  —  Hamburgi,  1593,  1  vol.  pel. 
in-8,  portrait. 

PÉLADAN  (D'  Adrien).  —  Anatomie  homologique,  La  Triple 
dualité  du  cotps  humain  et  la  polarité  des  organes 
splanchniques,  avec  une  préface  de  Joséphin  Péladan.  — 
Paris,  J.-B.  Baillière,  1886,  in-8,  portrait. 

*  PÉLADAN  (Joséphin).  —  Istar,  Paris,  1888,  2  vol.  in-S» 
frontisp. 

*  l*EUCER  (Gaspar).  —  Les  Devins  ou  commentaire  des 
principales  sortes  de  devinatioiis,  —  Anvers,  1584,  in-4. 


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TABLE   DES   AUTEURS  765 


PHÏLALETHE  (Irénée).  —  Introîtua  apertus,  etc.  (voy.  Len- 
glet  Dufresnoy), 

"^  PïSTORIl  (loannis),  Artis  càbalisticœ.,,  tomus  I,  —  Basi- 
leœ,  1587,  in-folio  (rare), 

POISSON  (Albert).  ~  Théories  et  Symboles  des  alchimistes. 
Le  grand  œuvre,  suivi  d'un  Essai  sur  la  bibliographie  al- 
chimique au  XIX^  siècle.  —  Paris,  Chacornac,  1891,  pet. 
in-8,  planches. 

*  PORPHYRE.  —  Traité  de  Porphyre,  touchant  Vabsti- 
nence  de  la  chair  des  animaux,  etc.  —  Paris,  de  Bure 
l'aîné,  1747,  in-12. 

PORTA  (J.-B.).  —  La  Magie  naturelle^  qui  est  les  Secrets  et 
Miracles  de  Nature,  mise  en  quatre  livres,  par  lean-Bap- 
tiste  Porta  Neapolitain,  etc.,  nouuellement  traduitte  de 
Latin  en  François,  —  A  Lyon,  par  lean  Martin,  1565,  pet. 
in-S. 

*  POTET  (Baron  du),  —  La  Magie  dévoilée,  ouprincipes  de  la 
Science  occulte.  —  Saint-Germain,  1875,  grand  in-4,  plan- 
ches et  figures. 

R 

RAGON  (J.-M.).  —  La  Messe  et  ses  mystères,  comparés  aux 
mystères  anciens,  ou  complément  de  la  Science  initiati- 
que, par  rf:  Jean-Marie  de  V.....  —  Paris  et  Nancy,  1844, 
in-8  (rare  édition  originale). 

—  Orthodoxie  maçonnique,  suivie  de  la  Maçonnerie  occulte 
et  de  Vlnitiation  hermétique,  par  J,^M.  Ragon.  —  Paris, 
Dentu,  août  1853,  in-8. 

RAM-BAUD.  —  Force  psychique,  par  Yveling  Ram-Baud 
(ouvrage  illustré  par  A.  Besnard).  —  Paris,  L.  Baschet^ 
1889,  in-folio. 

RENAN  (Ernest),  -r  Histoire  du  peuple  d'Israël,  —  Paris, 
Calmann  Lévy,  1887,  5  vol.  in-8. 

RIBET  (L'abbé  M.-J.).  —  La  Mystique  divine^  distinguée  des 
contrefaçons  diaboliques  et  des  analogies  humaines,  — 
Paris,  Poussielgue,  1879-1883,  3  vol.  in-8. 


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766  LA  CLEF  DE  LA  MAGIE  iNOIRE 

RICHARD  (L'abbé).  —  Recherches  sur  les  Initiations  an- 
cienneti  et  modernes.  ^  A  Amslerdam,  el  se  trouve  à  Paris, 
chez  Valleyre  l'aîné,  1779,  în.l2. 

ROBINET  (J.-B.).  —  Vue  philosophique  de  la  gradation 
naturelle  des  formes  de  l'Être^  ou  les  Essais  de  la  Sature 
qui  apprend  à  faire  VHomme,  —  Amslerdam,  Van  If  arre- 
velt,  1768,  in-8,  planches. 

ROCHAS  (Colonel  de)  —  Les  États  profonds  de  VHypnose. 
Paris,  Chamuel,  1895,  gr.  în-8,  fig. 

—  L'Extériorisation  de  la  }fotricité,  recueil  d'expérien- 
ces  et  d'observations,  par  Albert  de  Rochas.  —  Paris,  Cha- 
muel.  1896,  in.8,  fig. 

*  ROSENROTH  (Knorr  ab).  —  Kahbala  denudata,  etc.  — 
Sulzbaci,  1677,  Francofurti,  1684,  3  vol.  in-4,  Vig. 

S 

*  SAINT-MARTIN  (Louis-Claude  de).  —  Correspondance  iné- 
dite, avec  Kirchberger  de  Liebistorff,  —  Paris,  1862,  ln-8, 
portrait. 

*  —  Le  Crocodile,  ou  la  guerre  du  Bien  et  du  Mal,  etc.  — 
Paris,  an  Vil  de  laRépubl.,  in-8. 

—  Des  Erreurs  et  de  la  Vérité,  ou  les  hommes  rappelés  au 
principe  universel  de  la  Science,  etc.,  par  un  Ph...  Inc., 
(Sdiiit-Martin).  — Edimbourg  (Lyon),  1775,  in-8. 

—  Le  Ministère  de  V Homme- Esprit,  par  le  Philosophe  In- 
connu. —  Paris,  imprimerie  de  Migneret,  an  Xi  (1802). 
in-8. 

—  Tableau  naturel  des  rapports  qui  existent  entre  Dieu, 
V Homme  et  l'Univers.  —  Edimbourg  (Lyon),  1782,  2  vol. 
in.8. 

SAINT-YVES  D'ALVEYDRE  (marquis  dç).  —  Jeanne  dWrc 
victorieuse,  épopée  nationale^  dédiée  à  Varmée  française. 
Paris,  Sauvaître,  1890,  in-S. 

*  —  Mission  des  Juiff^t  Paris,  Calmann  Lévy,  188i,  grand 
in-8,  portrait. 


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TABLE  DES   AUTEURS  767 


—  T€stame7it  lyrique,  dédié.,,  aux  civilisés  de  la  Chrélienté 
et  de  l'Islam,  devant  Israël  comme  témoin,  par  Alexandre 
Saint-Yves.  —  Paris,  Didier,  1877,  in-8  (rare). 

SALVERTE  (Eusèbe).  —  Des  Sciences  occtdtes,,  ou  Essai 
sur  la  Magie,  les  Prodiges  et  les  Miracles.  —  Paris, 
Sébillot,  1829,  2  vol.  in-8. 

Curieux  ouvrage,  réimprimé  en  1856,  avec  une  importante  pré- 
face deLittré,  et  un  portrait  de  Salverte. 

SCI1ERTZ(C.-F.  de).  —  Magia  posthuma.  —  Olmûtz,  1706, 
in-8. 

SCHURE  (Edouard).  —  Les  Grands  Initiés.  Esquisse  de 
V histoire  secrète  des  religions.  —  Rama,  Krishna,  Hermès, 
Moïse,  Orphée,  Pythagore,  Platon,  Jésus...  —  Paris, 
Perrin,1889,  in-8. 

SÉDIR  (Paul).  —  Les  Miroirs  magiques.  Divination,  clair- 
voyance,  royaumes  de  VAstral,  évocations,  etc.  —  Paris, 
Charauel,  1895,  in-12. 

SINNETT  (A. -P.).  —  Le  Bouddhisme  ésotérique,  ou  Positi- 
visme hindou,  traduit  de  l'anglais  par  M"*  Camille 
Lemaitre.  —  Paris,  Bailly,  1890,  in-12. 

SINISTRARI  D'AMENO  (Le  R.  P.  Louis-Marie^.  ~i)e  laDémo- 
nialité  et  des  animaux  incubes  et  succubes,  (u\  Ion  prouve 
qail  existe  sur  terre  des  créatures  raisojinables  autres  que 
l'homme,  ayant  comme  lui  un  corps  et  une  âme,  naissant 
et  mourant  comme  lui,  rachetées  par  N.-S.  Jésus-Christ, 
et  capables  de  salut  et  de  damnation;  ouvrage  inédit 
publié  sur  le  mss.  original,  et  traduit  du  latin.  —  Paris, 
Liseux,  1875,  in-8. 

T 

TRlTflÈME  (L'abbé  Jean).  —  loannis  Trithemii  abbatis 
Spanheumensis,  de  Septem  SecundxisMi  est,lntelligentiis, 
sive Spiritibus  orbes postDeum  move7itibus,reconditissimx 
scientiœ  et  eruditionis  Libellus...  addictse  sunt  aliquot 
epistolœ  Trithemii...  —  Culoniœ,  apud  loannem  Birknian- 
num,  1567,  pet.  in-8,  Vig. 

Édition  rare  du  Traité  des  causes  secondes,  avec  huit  bois  très 
curieux,  d'après  Sebald  Beham. 


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768  LA   CLEF  DE   LA   MAGIE   NOIRE 

TilIERS  (Jean-Baptîste,  curé  de  Vibraie).  —  Traité  des  supen- 
tuions  qui  regardent  les  sacremens,  selon  l'Écriture  sainte, 
les  Décrets  des  Conciles,  et  les  sentiments  des  Saints  Pères 
et  des  Théologiens,  (4*  édilioa,  la  plus  complète).  — -  Paris, 
1741  (ou  Avignon,  1777),  4  vol.  in-12. 


VAILLANT  (J.-A.).  —  Les  Rômes,  Histoire  vraie  des  vrav^ 
Bohémiens,  —  Paris,  Dentu,  1857,  in-8. 

VALENTIN  (Basile).  —  Les  Douze  Clefs  de  la  Philosophie  de 

Frère  Basile  Valentin,   religieux  de  Vordre  de  Sainct 

Benoistj  traictant  de  la  vraye  Médecine  métallique.  Plus 

l'Azothj  ou  le  moyen  de  faire  VOr  caché  des  Philosophes. 

Traduction  françoise.  —  Paris,  Pierre  Moël,  1660,  pet.  in- 

8,  figures. 

On  joint  à  cet  ouvrage  le  Traicté  de  la  Nature  de  VŒuf  des 
Philosophes,  composé  par  Bernard,  Comte  de  Trêves,  allemand 
(le  Trévisan)»  Paris,  1659,  pet  in-8.  —  Cette  édition  des  Dousf 
clefs  renferme  quatorze  gravures  en  taille  douce,  et  quelque^ 
figures  sur  bois,  d'une  étrange  et  naïve  exécution.  Nous  en  aTon> 
reproduit  plusieurs  vers  la  fin  de  notre  volume. 

•  VALLEMONT  (Pierre  le  Lorrain,  dit  de).  ~  La  Physique 
occulte^  ou  Traité  de  la  baguette  divinatoire,  et  de  son  uti- 
lité pour  la  découverte  des  sources  d'eau,  des  minières, 
des  trésors  cachez,  des  voleurs  et  des  meurtriers  fugitifs  ; 
avec  les  principes  qui  expliquent  les  phénomènes  les  plus 
obscurs  de  la  Nature.  Paris,  J.  Annisson,  1693,  ia*12,  fig. 
sur  bois.  (Édition  originale). 

*  VILLARS  (L'abbé  de  Montfaucon  de).  —  Le  Comte  de  Gaba- 
lis,  ou  entretiens  sur  les  Sciences  secrètes,  etc.  — Londres, 
1742,2  vol.  in-12. 

VIRGILE.  —  Publii  Virgilii  Maronis  Opéra.  Œuvres  de 
Virgile  (édition  latine-française),  par  M.  Félix  Lemaistre^ 
précédée  d'une  étude  par  Sainte-Beuve.  —  Paris,  Garnier, 
1877,  in-8. 


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TABLE  DES  MATIÈRES 


DE 


LA  CLEF  DE  LA  MAGIE  NOIRE 


AVANT-PROPOS 

I .  —  Seconde  septaine  :  essai  d'explication  scientifique  des  faits 
et  des  légendes  présentés  dans  la  première  septaine.  —  Ce 
volume  commente  et  corrige  le  précédent.  —  Restitution  nor- 
male des  horizons  intervertis.  —  Théorie  synthétique  des  for- 
ces occultes.  —  En  quoi  la  Magie  Noire  diffère  de  la  ffaute 
Magie,  —  La  Clef  de  la  Magie  Noire,  étude  du  plan  astral, 

—  Le  duel  de  Saint-Michel- Archange  et  de  Satan- Panthée. 

—  L'Astral,  fourche  ignée  de  Satan  ;  glaive  du  feu  de  Kéroub. 

—  Les  théories  du  présent  volume  intéressent  également  la 
haute  Magie  et  TOccultisme  noir.  —  Elles  donnent  l'accès  du 
temple,  mais  non  du  sanctuaire  ;  pourquoi. —  Tout  ne  peut  être 
dit.  —  Une  page  décisive  de  Fabre  d'Olivet.  —  Jacob  Boehme 
a  voulu  divulguer  les  derniers  mystères  :  sa  plume  frappée 
d'impuissance  et  sa  langue  de  bégaiement.  —  A-t-il  payé  trop 
cher  sa  témérité  ? 

II.  —  Malentendus  qu'il  importe  de  prévenir.  —  Le  surnaturel 
eœiste-t^il  f  —  Nullement.  Rien  n'est  au-dessus  de  la  Nature. 
Qu'est-ce  que  la  Nature  f  —  Signification  imprécise  attribuée 
à  ce  mot.  —  Emploi  abusif  qu'on  en  a  fait.  —  Pour  rendre  son 
sens  an  mot  Nature,  il  faut  descendre  très  avant  dans  l'inter- 
prétation des  arcanes.  ^  Les  mystères  de  Kadôm  et  ceux 
ô*Oûlam.  ~  Cadre  étroit  du  présent  tome  ;  l'horizon  doit  s'élar- 
gir avec  le  tome  III.  —Anticipation  forcée.  —  Deux  sources 
de  l'enseignement  occulte.  —  Écoles  d'Orient  et  d'Occident. 

—  Il  n'y  a  rien  d'absolu  dans  ces  appellations.  ~  Contraste 
des  enseignements  conti'adictoires,  touchant  l'origine  de  l'Uni- 
vers et  ses  destinées  futures.  —  L'Univers  physique  n'est,  se- 
lon l'école  occidentale,  qu'une  déviation  accidentelle  et  passa- 
gère de  l'Univers  archétype.  —  La  chute  et  la  rédemption.  — 
Nahàsh  et  la  Racine  ténébreuse  des  êtres.  —  Déchéance  d'Adam; 

49 


Paget 


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770  LA  CLEF  DE  LA   MAGIE  NOIRE 

le  tdmps  et  l'espace  (Kafn  et  Àbel);  la  base  de  Seth.  —  Triple 
dynamisme  unirersel,  —  Sous-multiplication  d'Adam-Éte; 
son  intégration  rédemptrice.  —  Y  a-t-il  eu  deux  chutes  suc- 
cessives et  connexes  ?  Adam  et  Lucifer.  —  Éternité  de  1  "Uni- 
vers physique,  d'après  Técole  hindoue.  —  Dynamisme  étemel. 
fait  de  deux  forces  inverses  et  complémentaires.  —  /af9o/if- 
iion  et  Évolution,  —  L'indestructible  Maya,  ogresse  d'un  cau- 
chemar sans  réveil.  —  L'univers,  une  machine  ;  l'homme,  un 
esclave  à  la  torture  ;  et  Dieu  inconscient,  l'auteur  du  mal  éter- 
nel t  —  La  /fn  du  mondes  selon  l'ésotérisme  chrétien.  —  La 
nature  peut  être  envisagée  sous  un  double  aspect  :  1*  V Éter- 
nelle Nature  qui  est  une,  et  2<>  la  nature  temporelle  et  cos- 
mique, triple  comme  1  Univers,  dont  elle  est  la  loi. —  Pourquoi 
le  vocable  de  surnaturel  est-il  absurde  ?  —  Immutabilité  des 
grandes  lois  de  nature.  —  fiole  physiologique  de  la  Providence, 
cette  intelligence  de  laNature.  — Logique  et  réversibilité  du 
dynamisme  universel.  —  Dieu  ne  se  conçoit  susceptible,  ni 
d'une  erreur,  ni  d'une  hésitation^  ni  d'une  variation  dans 
l'exercice  de  sa  volonté 14 

III.  —  Réponse  anticipée  àdepossibles  objections.  —  Aces  deux 
axiomes  :  le  surnaturel  n'est  point;  l'Être  Suprême  ne  se 
conçoit  susceptible,  ni  d'hésitation^  ni  de  remords,  on  opposera 
le  récit  du  Déluge  et  le  verset  de  la  Yulgate  où  l'on  peut  lire 
que  Dieu  se  repentit  d'avoir  créé  l'homme.  —  Première  objec- 
tion, le  Déluge.  —  Déluge  universel,  déluges  partiels.  —  Le 
Déluge  universel  est-il  une  réalité  du  passé?  —  Discutons 
sur  le  fait  réputé  possible,  comme  sur  un  fait  accompli.  —  Le 
Déluge,  effet  logique  des  causes  naturelles.  —  Quelques  hié- 
rogrammes  hébraïques.  —  Les  deux  forces,  compressive  et  di- 
latante. —  Au  retrait  de  l'agent  compressif,  qui  neutralisait 
la  force  d'expansion,  l'eau  élastique  se  dilate  avec  une  vio- 
lence extrême.  —  «  La  grande  intumescence.  »  —  Causes 
métaphysiques  de  ce  cataclysme.  —  Le  pacte  avec  la  Mort.  — 
Seconde  objection,  le  Renoncement  divin,  —  Moise  mal  tra- 
duit. —  Consulter  Fabre  d^Olivet  :  hommage  à  cet  admira- 
ble penseur.  —  Discussion  sur  le  verbe  hébreu  /nnachem,que 
Saint  Jérôme  rend  par  pœnituit.  —  Versions  incorrectes  de  la 
Genèse.  — Autres  contre-sens  burlesques.  —  La  femme  de  Lot 
changée  en  statue  de  sel.  —  Le  «doigt  de  Dieu».  —  Le  mi- 
racle,  effet  naturel  dont  la  cause  nous  échappe  encore  ....       3f 

lY.  —  Les  sciences  naturelles  abondent  en  miracles  de  la  sorte. 
—  Phénomènes  imprévus,  qui  ne  violent  en  apparence  une 
loi  connue,  que  pour  obéir  à  une  autre  loi,  d'ordre  supérieur 
et  plus  général.  —  Exemples  pris  dans  la  chimie  :  la  loi  de 


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TABLE  DES  MATIÈRES  774 


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formation  des  sels  doubles,  paralysant  la  loi  de  double  dé- 
composition des  corps.  —  Le  cyanhydrargyrate  (Tiodure  de 
potassium.  —  ■  Il  n'y  a  point  de  science  occulte  ;  il  n'y  a 
que  des  sciences  occultées  »  (Saint- Yves), —  Phénomène  de 
végétation  anormale  ;  il  va  nous  permettre  de  saisir  sur  le 
vif  la  force  de  création.  —  «  Rien  ne  se  perd,  rien  ne  se  crée  », 
axiome  fautif,  dans  le  sens  où  d'ordinaire  on  l'entend.  —  Expé- 
rience significative,  contrôlée  par  les  savants  Schrader,  Greefei 
Braconnot.r^  Graines  de  cresson  semées  dans  la  fleur  de  soufre, 
et  arrosées  d'eau  distillée,  -*  La  plante  croit  ;  on  l'incinère,  et 
l'on  trouve  dans  les  cendres  des  métalloïdes  et  des  métaux, 
(calcium,  aluminium,  fer,  manganèse,  potassium,  phosphore, 
etc.),  qui  ne  peuvent  provenir  du  soufre,  ni  de  l'eau.  —  Dis- 
cussion chimique  à  ce  sujet.  —  Les  graines  contenaient-elles 
ces  «  corps  simples  »  ?  Elles  ne  les  ^  contenaient,  en  tous  cas, 
qu'en  quantité  infinitésimale.  —  Il  faut  donc  conclure  à  la 
création  de  toutes  pièces,  ou  à  la  multiplication  de  la  matière,  • 
dans  certains  cas  anormaux.  —  La  Science  contemporaine,  ses 
gloires  et  ses  conquêtes.  —  Ses  limites  et  Finsuffisance  de  ses 
critères.  —  La  Science  moderne,  trop  analytique.  —  Pour  expli- 
quer le  phénomène  de  végétation  anormale,  il  faut  recourir  k 
la  Tradition  théosophique.  —  Deux  types  d'adeptes,  esquissés 
en  passant.  —  Dans  le  cas  qui  nous  occupe,  il  y  a  eu  transfert 
de  puissance  en  acte  ;  il  y  a  eu  création,  ^~  Sens  véritable  du 
mot  hébreu  bard  (creavit).  —  Mécanisme  de  la  création.  — 
Séries  d'extériorisations  créatrices.  —  Le  principe,  Vessence, 
la  puissance  d'être  germinale,  —  Rôle  maternel  de  /a.  Vie,  — 
Centres  d'activité  potentielle  :  le  Moi  des  individus.  —  Involu- 
tion,  évolution,  métempsycose,  —  Les  deux  genèses  complé- 
mentaires :  principiation  d'ordre  intelligible,  origines  d'ordre 
sensible.  —  Le  germe  et  la  cellule- mère.  —  Nœud  d'union  de 
la  matière  et  de  la  vie.  —  Le  germe  et  la  graine.  —  Force  in- 
connue de  sélection  et  d'assimilation  des  matériaux,  pour  la 
formation  d'un  corps  de  défense.  —  Cette  énergie  efficiente  de 
chaque  être,  k  quelque  règne  qu'il  appartienne,  c'est  son  ftme 
volitive  ;  son  moi  virtuel,  tendant  à  se  réaliser  en  acte.  —  Ames 
minérales,  végétales,  animales,  hominales.  —  L'àme  de  vie 
collective,  Nephesh-ha-hafak,  —  lânak,  faculté  génératrice, 
expansive.  —  Des  Principes  ou  archétypes  ;  il  faut  y  voir  les 
étalons  des  races.  —  Exigences  des  graines  végétales,  pour 
germer  et  croître.  ~  Trois  conditions  générales  indispensables. 
—  Conditions  particulières  &  chaque  espèce.*-  De  l'air  ambiant 
et  du  sol  nourricier,  où  les,  plantes  puisent  normalement  les 
matériaux  de  leur  croissance.  —  Insuffisance  de  cette  loi  de 


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772  LA  CLEF   DE   LA   MAGIE  NOIRE 

nutrition,  pour  expliquer  la  présence  de  certains  corps  dans 
la  cendre  du  cresson,  poussé  dans  la  fleur  de  soufre.  —  Où  le 
cresson  a-t-il  trouvé  ces  substances  étrangères  ?  Nulle  part, 
elles  ont  été  créées  pour  lui.  —  Par  quelle  voie  ?  —  Objectiva- 
tion  de  Vdme  du  monde.  —  Les  fluides  impondérables  se  spé- 
cifient et  se  condensent.  —  La  Table  (TÉmeraude,  traduite  au 
chapitre  i,  nous  dira  comment 44 

V.  —  Nous  avons  combattu  le  concept  du  Surnaturel,  —  Autre 
malentendu  A  prévenir  :  les  préfaces  ne  servent  qu'A  cela.  — 
Conception  incorrecte,  touchant  la  Hante  Magie.  —  Elle  n*est 
point  l'art  de  produire  des  «  phénomènes  ».  —  h»  phénomène 
n'intéresse  l'occultiste  qu'A  titre  exceptionnel  et  fort  indirect. 
—  Pourquoi.  ~~  Valeur  exagérée,  attribuée  aux  phénomènes.  — 
L'occultiste,  admis  A  étudier  les  diverses  realités,  sur  les  plans 
physique,  astral,  psychique  et  spirituel,  s'inquiète  peu  des  ma- 
nifestations instables  et  ambiguës.  —  Le  phénomène  se  réduit 
A  une  illusion  fugace,  produite  parfois  dans  une  phase  de 
trouble,  au  point  d'intersection  de  deux  plans.  —  Partout  où 
il  se  manifeste,  il  y  a  eu  profanation,  ou  des  arc^ines  de  la  nais- 
sance, ou  des  arcanes  de  la  mort 69 

VI.  —  L'occultisme  comporte  un  triple  objet  d'études  :  Dieu, 
VHomme  et  VUnivers,  —  Les  deux  colonnes  du  Temple,  Iakin 
et  Bohaz  :  les  deux  méthodes  complémentaires  d'acquisition 
de  la  connaissance  ;  par  Yexpérience,  ou  par  la  tradition,  La 
seule  expérience,  ou  la  tradition  seule,  font  des  initiés  in- 
complets. Toutes  deux  sont  nécessaires.  —  Aux  plans  astral, 
psychique  et  spirituel,  correspondent  trois  étages  de  l'être 
humain  :  Nepheseh,  Roûach  et  Neshamah.  —  Par  ces  trois 
étages,  l'homme  peut  avoir  expérimentalement  accès  sur  ces 
trois  plans.  —  Le  Ternaire  humain,  et  l'Unité  relative  consti- 
tuant le  Quaternaire.  —  «  Le  règne  hominal  renferme  en  lui 
tout  l'univers.  »  {Fabre  d^Olivet).  —  De  l'expérience  mystique, 
sur  les  plans  supérieurs.  —  Pour  connaître  ces  plans,  il  faut 
développer  en  soi  les  organes  de  réceptivité  qui  leur  corres- 
pondent. —  Nul  ne  parfait  son  initiation,  que  de  soi-même.  — 
Quiconque  a  développé  ses  organes  latents,  sur  tous  les  plans 
de  la  Nature,  peut  se  dire  réintégré,  —  Voyants  et  Inspirés,  — 
L'homme  de  génie  est  un  adepte  intuitif  et  spontané,  doué  de 
facultés  particulières  de  transposition  esthétique  :  ces  facultés 
ne  s'acquièrent  point.  —  Devenir  artificiellement  un  génie.  — 
Le  Dieu  descend  jusqu'A  l'homme  de  génie  ;  l'adepte  monte 
jusqu'au  Dieu.  —  Entre  l'expérience  et  la  tradition,  vient  se 
placer  une  méthode  intermédiaire  d'acquérir  la  vérité.  ^-  Mé- 
thode analogique,  mixte  ;  elle  est  très  féconde  et  peut  suppléer 


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TABLE  DES  MATIÈRES  773 


Pages 
aux  deux  autres,  dans  une  certaine  mesure.  —  Méthode  ana- 
logique, double  ;  inductive  ou  déductive.  —  Exemples.  — 
L'analogie,  surtout  précieuse  aux  étudiants  sur  la  voie  ....  79 
VU.  —  Conclusion.  —  L'arbre  de  la  science  du  bien  et  du  mal, 
— La  Vierge  d'Apollonius.  — Le  pentacle  de  Trithème.  —  Deux 
variantes  de  ce  pentacle,  restitué  d'aprôs  la  description  d'Éli- 
phas,  —  L'idée  qu'il  symbolise  a  servi  de  base  à  l'édification 
de  ce  tome  II 94 

Chapitre  I.  —  L'ÉQUILIBRE  ET  SON  AGENT 

Huitième  clef  du  Tarot  :  la  Justice.  —  Thémis,  avec  sa  balance, 
figure  l'équilibre  dans  tous  les  mondes  ;  son  glaive  symbolise 
la  Puissance  et  ses  moyens  d'action.  —  Le  grand  agent  de 
l'Équilibre  cosmique^  —  Ses  différents  noms.  —  Il  est  le  mé- 
diateur plastique  universel,  ce  mysticum  robur  des  œuvres  de 
la  magie,  le  Diable  des  sorciers.  —  Portrait  du  diable,  par 
Piron.  —  Les  évocateurs  du  Diable  réalisent  son  image  en  as- 
tral. -*  Le  Satan  fantastique  et  le  Démon  réel,  ou  Dragon  de 
l'Astral 99 

L'équilibre  et  son  agent  sont  savamment  dépeints  dans  la  Table 
d'Èmeraude  d'Hermès  Trismégiste.  —  Traduction  intégrale 
de  ce  document  de  premier  ordre 105 

Origine  et  authenticité  contestées  de  la  Table  d'Émeraude,  — 
Elle  résume  les  traditions  de  l'antique  Egypte.  —  Commen* 
taires  de  ce  texte.  —  La  loi  d'analogie,  fil  d'Ariane  des  mys« 
tères.  —  Le  grand  médiateur  des  êtres  et  des  choses,  père  du 
Telesme  ou  de  la  perfection  des  corps.  —  Le  magistère  du  so- 
leil, ou  la  science  et  l'art  de  la  Chrysopèe.  —  Sous  tous  les 
aspects,  et  sur  tous  les  plans,  le  but  de  la  Chrysopèe  est  de 
tirer  le  pur  de  l'impur,  et  l'or  des  scories.  —  Les  différentes 
sortes  d'or.  —  L'or  hyperphysique,  ou  lumière  astrale,  moyen- 
terme  de  tous  les  autres  ors 110 

Ce  qu'est  la  Lumière  astrale,  ou  le  grand  agent.  —  Un  dans  son 
principe,  androgyne  dans  sa  nature,  quadruple  dans  ses  mo- 
dalités manifestatives,  cet  être  protéen  est  multiple  &  l'infini 
dans  ses  ultimes  spécifications.  —  Il  devient,  suivant  les  cas, 
le  corps  du  Saint-Esprit  ou  le  corps  du  Démon.  —  Il  est  le  sup- 
port latent  de  l'univers  physique,  le  substratum  de  toute  réa- 
lité phénoménale.  —  A  la  fois  substance  et  force,  c'est  à  tort 
que  plusieurs  veulent  voir  en  lui  l'abstrait  du  mouvement.  — 
n  est  l'expression  temporelle  d'Adamah.  —  Nephesch-ka- 
Chaïak,  le  souffle  devie^  l'anime. — Flux  et  reflux  de  la  subs- 
tance vivante,  entre  Rouach  ^lohîm  et  Nahàsh 112 


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774  LA  CLEF  DE  LA  MAGIE  NOIRE 

Polarité  double  de  la  lumière  astrale,  déterminée  par  Tantago- 
nisme  des  deux  forces  constricUve  et  dilatante,  Hereb  ei/ônah, 

—  Signification  de  ces  hiérogrammes  mosaïques.  —  Le  cor- 
beau et  la  colombe  de  Noé.  —  L'antithèse  est  rigoureuse  entre 
Hereb  et  lônah.  —  Singularités  étymologiques  et  secrets  mys- 
tères que  dénoncent  les  racines  de  ces  deux  rocables.  — 
Sexualité  dynamique.  — ^  Ghassé-croisé  d'influences.  —  UHe- 
reb  de  Moïse  et  YÈrébe  à* Orphée.  —  Le  gouffre  (T Hécate,  — 
Localisation  d'Hereb  et  à'Iônah.  —  Leur  affinité  avec  les  ténè- 
bres et  la  lumière.  —  Localisation  cosmique  de  ces  deux  forces.    116 

Les  deux  propriétés  contraires  de  la  substance  universelle  :  vola- 
tilisation du  fixe>  fixation  du  volatil.  —  Hereb,  agent  centripète, 
principe  du  Temps  ;  lânah,  agent  centrifuge,  principe  de  l'Es- 
pace. —  Lutte  créatrice  des  deux  forces  hostiles.  —  Victoire 
de  la  force  compressive,  qui  subjugue  sa  complémentaire  : 
concrétion  matérielle.  —  Cette  victoire  se  manifeste  à  son  apo- 
gée dans  la  semence,  qui  tient  renfermée,  en  si  petit  espace, 
des  potentialités  si  grandes.  —  Réaction  ;  revanche  de  l'agent 
expansif  :  croissance  et  développement  des  êtres.  —  L'action 
d'Hereby  créatrice  sur  la  substance  qu'elle  compacte,  est  des- 
tructive sur  la  matière  sensible.  —  Décadence  et  usure  des 
choses  :  réplique  d'Herebau  verbe  universel  d'/dnoA.  —  Action 
corrosive  du  Temps.  —  Elle  se  fait  sentir  sur  les  êtres,  en  rai- 
son directe  de  leur  vitalité.  —  Les  divers  modes  de  la  vie  :  vie 
de  r&me,  vitalité  du  corps.  -*  L'&me  constitue  le  palladium 
d'éphémère  conservation  du  corps.  —  La  force  hérébique  du 
Temps  fomente  la  vie  chimique  des  atomes,  et  par  là,  tend  à  la 
dissolution  corporelle.  —  Ferments  spéciaux  de  putréfaction,     iîi 

Aôd  et  Aôby  correspondent  à  lônah  et  Hereb,  —  La  lumière 
astrale  équilibrée,  Aôr.  —  Rôle  de  Nahàsh,  principe  de  la  di- 
visibilité et  de  l'égo-isme.  —  Le  struggle  for  life  universel. 

—  «  Crée  encor  pour  détruire  et  détruis  pour  créer.  »  —  Na- 
hàsh,  despote  de  l'Astral.  —  Nahàsh  personnifié  dans  Satan. 

—  Le  vortex  ou  le  tourbillon  d'angoisse  de  Bœhme  :  ce  tour- 
billon n'est  autre  que  Nahàsh,  troisième  propriété  de  sonabime 
virtuel.  —  La  matrice  occulte  des  choses.  — L'attract  originel. 

—  Nahàsh  est  bien  le  tentateur  d'Éden.  ^  C'est  «  cet  égolsme 
qui  porte  tout  être  k  se  faire  centre  ».  —  Nahàsh  Harym,  ou 
Ahriman.  —  Le  levain  du  fluide  universel 128 

Une  citation  curieuse  de  Q,  Aucler,  sur  ce  levain,  et  sur  la  biologie 
sidérale.  —  L'Univers  est  animé  ;  unanimité  des  doctrines  an- 
ciennes k  cet  égard.  —  L'animation  de  l'Univers  ne  contredit 
aucunement  la  loi  de  l'attraction  universelle.  —  Les  anciens 
connaissaient  le  système  du  monde  avant  Copernic  et  Galilée. 


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TABLE  DES  MATIÈRES  775 

Pages 
-^  Une  page  décisive  du  Zohar,  —  L'équilibre  des  mondes. 
Commentaires  d'Éliphas  Lévi  sur  la  Table  d*Émeraude.  —  Aôb, 
Aôd,   et  Aôr,  selon  l'étymologie  radicale  :  les  trois  mouve- 
ments du  Désir 134 

Le  Désir^  racine  première  de  toute  chose.  ^  Le  Désir,  créateur 
comme  la  Volonté,  dont  il  n'est  qu'une  forme  obscure.  — 
Rôle  du /eu  secre/,  ce  médium  du  Désir 141 

La  lumière  astrale  se  spécialise  et  se  fixe,  selon  les  milieux.  — 
Atmosphères  astrales.  —  Le  corps  sidéral  et  le  nimbe.  — 
Aspir  et  expir.  —  Le  corps  astral  aux  cent  noms.  —  Extrait 
remarquable  de  CroÙius,  —  Localisation  du  corps  astral  .  .    143 

L'hiéroglyphe  de  Mercure  ^ ,  expressif  de  la  lumière  astrale. 

—  Commentaire  secret  du  mot  HPMUS.  —  Note  inédite  de 
Saint- Yves.  —  Autres  explications  de  l'hiéroglyphe  mercuriel. 

—  Sens  alchimique  et  sens  astrologique.  —  Trois  méthodes 
d'interprétation  différentes  aboutissent  àun  résultat  identique.     148 

Conclusion  du  chapitre  i.  —  Réserves  de  Tauteur.  —  Pulsate, 
et  aperietur  vobis 130 

Chapitre  II.  —  MYSTÈRES  DE  LA  SOLITUDE 

Neuvième  clef  du  Tarot  :  r Ermite.  —  Arcanes  de  la  solitude. 

—  Description  et  sens  général   de  l'emblème.   ^  Le  solitaire 
peut  être  un  sage  ou  un  fou.  —  Le  magiste  et  le  sorcier  .  •    155 

Le  sorcier,  qui  vit  à  l'écart  du  commun  des  hommes,  recherche 
la  compagnie  de  ses  pareils.  —  Raison  majeure  des  assemblées 
onsynagogues»  —  Le  sabbat  à  domicile.  —  Aventure  curieuse 
contée  par  (rox^encff  :  un  philosophe  au  sabbat.  —  Électuaires 
et  pommades  magiques.  —  Les  trois  onguents  du  sorcier, 
d'après  Nynauld;  détails  piquants  et  instructifs.  —  Autres 
expériences  de  Gassendi,  —  Expérience  analogue,  réussie  par 
André  Laguna,  en  1545.  —  Axonge  diabolisée.  —  Recette  in- 
faillible. —  Hallucinations  provoquées.  —  L'imagination,  au 
point  de  vue  magique.  —  Du  diaphane  ou  translucide  ....     157 

Indépendamment  des  hallucinations  subjectives,  certains  phé- 
nomènes présentent  de  l'objectivité.  —  De  lu  sortie  en  corps 
astral.  —  Les  expériences  de  W.  Crookes.  —  Attitude  inqua- 
lifiable de  ses  contemporains.  —  Nombreux  savants  conver- 
tis &  la  vérité  spiritualiste,  ou  du  moins  k  la  réalité  des  phé- 
nomènes. —  La  fameuse  enquête  de  la  Société  dialectique,  à 
Londres.  —  Conclusions  inattendues.  —  Katy  King,  le  fan- 
tôme qui  se  compactait  dans  le  laboratoire  de  Crookes,  était 
une  vraie  femme.  —  Photographies  d'apparitions,  où  l'on  voit 
le  savant,  le  fantôme  et  le  médium,  parfaitement  distincts.  — 


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776  LU  CLEF  DE  LA  MAGIE  NOIRE 

Une  boucle  de  cheveax  da  «  fantôme  ».  —  W,  CrookeM,  le 
grand  chimiste,  n'est  ni  une  dupe,  ni  un  hallnciné  .••...  164 
La  projection  du  double  tidéral  (sortie  en  corps  fluidique).  — 
Mort  apparente  de  l'expérimentateur.  -^  Le  lien  sympathique 
intermédiaire  :  sa  rupture  causerait  la  mort  immédiate.  — 
Vertu  dissolvante  des  pointes  métalliques.  —  Hémorragie 
vitale.  -*  La  sortie  en  corps  astral  est  une  expérience  témé- 
raire. —  L'adepte  qui  la  pratique  vit  à  la  fois  des  deux  vies, 
terrestre  et  posthume.  —  Équilibre  instable.  —  Pourquoi, 
pendantle  sommeil,  rétreabmatérialisé  ne  court  généralement 
aucun  risque.  —  Les  voies  aplanies  de  la  nature.  —  Outre 
les  périls  déjà  signalés,  l'adepte  en  sortie  de  corps  astral 
court  d'autres  dangers  plus  étranges.  »-  Le  serpent  tTAshtah. 

—  Les  «  grandes  roues  noires.  »  —  Succion  d'Iônah,  acca- 
blement d'i7ere6.  —  Péril  de  l'invasion  d'une  Larve.  —  L'adepte 
ne  peut  plus  réintégrer  son  corps,  ou  doit  vivre  en  partage 
avec  l'Invisible  qui  s'y  est  installé.  —  Chances  de  folie,  de 
possession,  d'idiotisme  ou  de  mort.  —  Aliénation  mentale.  — 
La  descente  aux  enfers  des  anciens.  —  Pourquoi,  dans  les 
anciens  temples,  cette  formidable  épreuve  pouvait  être  tentée 
sans  péril.  —  Le  Dwidja  ou  deux  fois  né,  —  «  Celui  qui  vit 
malgré  la  mort.  »  —  Le  Mentor  et  le  Télémaque  du  Mystère, 

—  Le  baiser  du  Dragon  de  feu.  —  Le  Manteau  d'Apollonius,  — 
Le  P*ur'b%  instrument  sacré,  au  Thibet,  pour  dissoudre  les 
Larves 171 

Les  fantômes  de  la  solitude.  —  Pourquoi  Mages  et  Sorciers  re- 
cherchent la  solitude.  —  On  ne  s'abstrait  de  l'humanité  que 
pour  vivre  avec  Dieu  ou  avec  Satan.  —  Dans  la  solitude,  on 
vit  en  face  de  son  Karma.  —  Les  échanges  d'idées,  de  vou- 
loirs, de  fluides,  ne  font  plus  communier  l'individu  avec  l'hu- 
manité.—  La  solitude  trempe  le  caractère;  on  s'y  façonne 
indomptable,  incorrigible  aussi 180 

Origine  fabuleuse  des  Larves  :  les  rabbins  veulent  y  voir  les  en- 
fants de  la  solitude  d'Adam.  —  Pourquoi  il  était  défendu,  en 
Grèce,  d'exposer  à  la  flamme  les  linges  pollués  ou  tachés  de 
sang.  — Vertu  expansive  du  sang  ;  il  déborde  d'une  vie  empha- 
tique. —  Les  fantômes  du  sang.  —  Les  Larves  passionnelles  ; 
leur  génération  et  leur  influence  sur  l'être  qui  les  a  générées. 

—  Arcanes  répercussifs.  —  Larves  du  nimbe  individuel,  ou  de 
l'atmosphère  secrète  de  chacun.  —  Essence  de  l'habitude.  — 
Obsession,  possession  et  vampirisme  des  Larves.  *-  Larves 
de  lamédianité.  *  Grimaces  mensongères  de  l'être,  blasphèmes 
incohérents  de  la  vie  universelle.  —  Appendices  astraux.  ^ 
Les  Larves  ne  sont  ni  les  Élémentaux,  ni  les  Èeorces  (Kliphôth). 


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TABLE   DES  MATIÈRES  777 


Pages 
—  Nature  parasitaire  des  Larves.  —  Chacune  est  comme  le 

fantôme  d'un  vague  Sosie.  —  Arcanes  de  la  solitude.  ^  Mala- 
dies de  langueur.  —  Les  Larves,  microbes  et  vibrions  de  Tln- 
visible;  missionnaires  é*Hereb  et  de  Nakàsh 182 

«  Toute  pensée  est  une  &me.  »  —  Créations  magiques  du  bon  et 
du  mauvais  solitaire.  —  Les  anges  du  Ciel  inférieur,  —  Les 
démons  de  la  malice.  —  La  Pensée  dynamisée  devient  un  être» 
par  sa  fusion  avec  un  Élémental  (Koot-Hoomi).  —  Des  appari- 
tions, en  général.  —  Les  pointes  métalliques  détniisent  les 
coagulats  de  l'Astral.  —  Dissolution  des  Lémures.  —  Critérium 
certain  des  manifestations  spectrales 188 

Les  Larves  proprement  dites  manquentde  type  générique,  et  par 
conséquent  de  forme  propre.  —  "Elles  se  décalquent  sur  le  pa- 
tron de  leurs  auteurs,  ou  sur  le  modèle  de  ses  pensées.  — 
Comment  le  médium  entraîné  peut  donner  toutes  sortes  de 
formes  aux  manifestations  astrales.—  Modalisations  du  double 
éthéré.  —  Les  Invisibles  évoluent  dans  le  nimbe  des  médiums, 
saturés  de  leur  vitalité  expansive.  —  Ils  se  plaisent  dans  ce 
bain  de  vie  extravasée.  —  Leurs  artifices  pour  prolonger  les 
séances.  —  Médiums  passifs  et  médiums  actifs.  —  Fraudes 
médianiques  ;  leur  cause.  —  La  médianité  est  une  maladie.  .     190 

DifiTérentes  espèces  d'Invisibles,  sujets  à  se  manifester.  —  Indi- 
gènes de  l'Astral  et  passagers  de  l'Astral.  —  Missionnés  excep- 
tionnels       196 

Les  indigènes  de  l'Astral.  —  Des  mirages  errants,  simples  reflets 
dénués  de  personnalité  et  de  conscience  ;  et  du  <i  Livre  du  Ju- 
gement 0  dont  parle  l'Écriture.  —  Des  Èlémentaux,  ces  abo- 
rigènes des  éléments  occultes.  —  Différenciation  des  espèces 
élémentales.  —  Les  animaux  de  l'Invisible  et  les  animaux  dans 
l'Invisible.  —  Source  de  contradictions  entre  les  auteurs.  — 
Rôle  des  Èlémentaux  en  magie.  -^  Bons  serviteurs,  amis  dan-  - 
gereux,  les  Èlémentaux  sont  des  maîtres  déplorables  et  tyran- 
niques.  —  La  vengeance  des  Èlémentaux.  —  Les  Élémentaires, 
êtres  humains  désmcarnés.  —  Ils  souffrent,  en  cet  état,  les 
tourments  du  purgatoire.  —  Des  Ombres  ou  coques  inanes, 
ces  cadavres  fluidiques.  —  Les  Ombres  sont  des  dépouilles 
d'Élémentaires  émancipés.  —  L'Ombre,  attirée  dans  l'atmos- 
phère astrale  d'un  médium,  peut  apparaître  et  grimacer  quel- 
ques-unes des  attitudes  familières  au  défunt.  —  Les  Mauvais 
Daïmones,  enfin,  sont  des  âmes  irrémédiablement  vicieuses, 
privées  de  l'étincelle  divine,  et  qui  prolongent  l'état  stérile 
d^émentaire.  —  Leur  volonté  de  vivre  à  tout  prix.  —  Ces 
Daïmones  n'en  sont  pas  moins  mortels.  —  Dangers  qu'on  court 
en  les  évoquant.  —  Aux  indigènes  de  l'Astral,  il  faut  assimiler 


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778  LA  CLEF  DE  LA  MAGIE  NOIRE 

— — 

les  produits  de  création  humaine»  évolués  sur  le  même  plan  : 
les  Concepts  vitalUéi,  les  Puissances  collectives  fusionnelles  et 
les  Dominations  théurgiques   ••••. i9T 

Les  passagers  de  V Astral  :  dmes  humaines  en  instance  d'incar- 
nation. Ames  glorifiées  et  anges  missionnaires 204 

Les  contrastes  du  Cérémonial  évocatoire 29% 

Le  bon  solitaire  vise  ordinairement  pins  haut  qu'à  un  commerce 
avec  les  Esprits.  —  Il  préfère  la  pratique  de  Y  Extase  à  celle 
de  la  Magie  cérémoniale.  —  Réintégration  du  sous-multiple 
humain  dans  l'Unité  divine.  ^  Les  deux  réintégrations,  en 
mode  actif  ou  en  mode  passif.  —  Cette  dernière  nécessite  une 
abdication  du  Moi,  qui  se  fond  dans  le  Soi  divin.  —  L'État 
primordial  d'Éden.le  glaive  d'i£lohim  et  la  jouissance  de  l'^dr 
Ain-Sôph,  —  La  réintégration  passive  des  saints  ;  la  réinté- 
gration active  des  Titans.  -—  Jésus-Christ  et  Moïse.  —  Est-il 
permis  de  jouir  des  illusions  terrestres  ?  Le  plaisir.  —  •  Homo 
sum  et  humani  nil  à  me  alienum  puto,  «  —  La  réintégration 
active  est  la  seule  qui  souffre  le  relatif.  ~  Dangers  de  la  réin- 
tégration en  mode  passif.  —  Raison  profonde  du  péril  des 
cloîtres.  —  Pierre  de  touche  des  vocations  contemplatives.  .     205 

Le  réintégré  Voghi  (uni  en  Dieu);  l'initié />tri^ya (deux  fois  né): 
Définitions.  —  Les  deux  degrés  de  V Extase  active.  —  A  quel 
mode  extatique  correspond  la  Sortie  en  corps  astral  :  rensei- 
gnements inédits.  —  De  quels  <r  animaux  vivants  »  Agrippa 
conseille  à  l'adepte  en  phase  de  bilocation  de  redouter  l'appro- 
che, pour  son  corps  en  catalepsie.  —  Degrés  correspondants 
de  V Extase,  en  mode  passif.  —■  La  Voix  gui  parle  à  l'intérieur. 

—  Comment  assentir  à  l'Absolu  ?  —  Le  murmure  du  Soi  révé- 
lateur. —  L'ivresse  spirituelle.  — Le  sentier  de  l'Éden.  —  Le 
K  Maître  impersonnel  »  ou  l'  «  Abime  ».  —  La  voix  du  vertige. 

—  Diverses  manières  d'évoquer  le  Gourou  des  suprêmes  ini- 
tiations. —  Sons  quel  symbole  les  ouvrages  de  Haute  Science 
enseignent-ils  communément  cet  arcane?  —  Évocation  des  In- 
telligences célestes.  —  Exemples.  —  Le  commerce  avec  les 
Esprits  supérieurs  et  les  Ames  glorifiées  :  ce  n'est  que  l'Initia- 
tion au  2e  degré.  —  Au  3*  degré,  les  Esprits  s'évanouissent, 
pour  céder  la  place  &  l'Esprit  pur.  —  Toutes  les  barrières  dis- 
paraissent. —  Un  texte  d'Abraham-le-Juif 210 

Les  enfants  de  la  solitude  sexuelle  :  Incubes  et  Succubes,  —  Les 
avertissements  de  la  Mère -Nature.  —  Les  contempteurs  de  la 
loi  des  sexes.  —  Promiscuités  dégradantes  de  l'Invisible. — 
Les  conséquences  du  célibat  radical  :  atrophie  ou  obsession. 

—  Tout  verbe  crée  ce  qu'il  affirme.  —  La  pollution  nocturne 
et  le  cauchemar.  —  Mystères  de  VÉphialte  :  maladie  «  épidé- 


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TABLE  DES  MATIÈRES  779 


Pa««8 
iniale  »,  si  l'on  en  croit  Pierre  Le  Loyer.  —  Lieux  hantés, 

iaca  infesta  du  Père  Thyrée,  —  Des  cloîtres,  à  ce  point  de  vue. 
—  Le  moyen  âge  a  vécu  en  galanterie  réglée  avec  les  Invisi- 
bles. —  Hystérodémonopathie  du  D^  CalmeiL  —  La  «  maladie 
du  Diable  >  en  Extrême-Orient  ;  relation  des  missionnaires.  *- 
Le  livre  du  Père  Sinistrari  nTAmeno»  sur  la  Démonialité  et 
les  animaux  incubes  et  succubes,  —  Thèses  analogues  du 
Comte  de  Gabaiis  et  des  Satyres  brutes.  —  Possibilité  du  coït 

avec  les  Élém  en  taux.  —  Mystères  d'iniquité 217 

Équivoques  arcanes  delaXhéurgie  antique  :  communion  d'amour 
avec  les  Dieux.  —  Vues  opposées  des  Pères  de  l'Église  primi- 
tive et  des  hiérophantes  de  la  gentil! lé.  —  Une  page  fort 
étrange  de  Quantius  Aucler.  —  L'alcôve  nuptiale  de  la  hui- 
tième tour,  k  Babylone  :  les  maltresses  du  dieu  Bélus.  —  Aven- 
ture de  Pauline,  vendue  au  libertin  Mundus  par  les  prêtres 
d'Anubis.  —  Vautopsie  des  anciens  mystères.  —  État  pneu^ 
matique  des  élus.  —  La  possession  des  dieux  de  l'Hadès.  — 
Le  baiser  du  serpent  de  feu,  —  Un  texte  de  Moïse,  relatif 
aux  amours  entre  les  anges  et  les  filles  des  hommes.  —  Loi 
universelle  des  sexes  ;  dans  quels  cas  on  peut  s'y  soustraire. 
L'Univers  androgyne.  —  Le  plein  et  le  vide.  —  Le  Père  divin 
et  la  Mère  céleste»  le  lod  et  le  Hé,  l'Esprit  et  la  Vie.  —  Inanité 
respective  des  deux  Principes,  abstraits  l'un  de  l'autre.  —  Les 
deux  faces  du  Livre  du  Mystère.  —  Un  texte  sublime  du 
Zohar.  —  Les  Deux  qui  ne  font  qu'un.  —  Le  grand  arcane 
de  la  mort  éternelle 223 

Chapitre  III.  —  LA  ROUE  DU  DEVENIR 

Dixième  clef  du  Tarot  :  la  Roue  de  fortune.  —  La  plate-forme 
du  Sphinx  et  la  roue  du  Devenir  :  Typhon  descend  à  gauche  ; 
à  droite  Hermanubis  remonte.  —  Les  génies  antagonistes  du 
mal  et  du  bien.  —  Involution  et  évolution  ;  désintégration  et 
réintégration  universelles.  —  Autre  point  de  vue,  pour  l'expli- 
cation du  même  symbole;  constitution  ternaire  de  tout  être: 
Esprit,  dme  et  corps.  Polarisation  de  l'Être 233 

Arcane  de  la  polarisation  quateme  :  cérébro-génitale  et  andro- 
gynique.  —  Loi  de  synthèse  généralement  inconnue.  —  Criti- 
que d'un  article  du  Lotus  sur  la  polarisation  humaine.  — -  Ren- 
seignements de  détail;  loi  d'ensemble  méconnue.  —  Cette 
grande  loi,  tenue  secrète  dans  les  temples  de  l'antiquité.  Pour- 
quoi? -^  Passe-partout  ésotérique.  —  Énonciation  générale  :  le 
mâle,  positif  dans  la  sphère  sensible,  négatif  dans  la  sphère 
intelligible;  la  femelle,  négative  dans  la  sphère  sensible,  positive 


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780  LA  CLEF  DE  LA  MAGIE  NOIRE 

dans  ia  sphère  intelligible.  Tous  deux, neutres,  dans  la  sphère 
médiane  du  psychique,  —  Application  à  rhomme  terrestre  : 
chez  rhomme,  l'organe  génital  est  mâle  ou  positif,  le  cerveau 
féminin  ou  négatif;  chez  la  femme,  le  sexe  est  féminin  ou  né- 
gatif le  cerveau  mâle  ou  positif.  Chez  tous  deux,  le  plexus 
solaire  est  le  point  central  équilibrant.  —  Définitions  et  déve- 
loppements.— Le  cerveau  m&le  de  la  femme  donne  des  germes 
d'idées,  que  la  cervelle  féminine  de  Thomme  geste  et  élabore. 
*-  Premiers  germes  de  civilisation  toujours  semés  par  la 
femme.  —  Schéma  de  la  polarisation  quaternaire  de  l'être 
humain.  —  Applications  à  la  physiologie  comme  à  la  psycho- 
logie, de  la  loi  bien  connue  en  physique  :  les  contraires  bat- 
tirent, les  semblables  se  repoussent,  —  Mystère  des  Sympa- 
thies et  des  Antipathies.  —  La  sphère  médiane  du  psychi- 
que. —  De  l'Amour,  chez  l'homme  et  chez  la  femme  :  des 
nuances  qui  le  distinguent  :  conséquences  fécondes  et  décisives 
du  principe  énoncé  ci-dessus.  —  Exemples  probants.  — L'A- 
mour, instrument  de  réintégration.  —  Fusion  des  complémen- 
taires ;  restitution  de  l'homme  à  sa  plénitude  ontologique.  — 
L'Androgyne  parfait  devient  un  aimant  quaterne,  dont  nous 
esquissons  le  schéma.  —  La  loi  ci-dessus  énoncée  est  dite,  en 
magie,  loi  de  la  composition  des  aimants,  —  Fabre  d^Olivet  y 
fait  allusion  en  termes  voilés.  —  Page  mystérieuse  d'Éliphas 
Lévi,  touchant  cette  loi  secrète  dont  il  réserve  l'ésotérisme.  — 
Comment  le  Binaire  engendre  le  Quaternaire,  qui  se  résout  par 
le  Ternaire,  pour  revenir  à  l'Unité.  —  Mécanisme  de  la  trans- 
formation des  schémas.  —  Mot  de  passe  occulte  ;  clef  qui  ouvre 
toutes  les  portes 236 

Autre  interprétation  de  la  roue  de  fortune.  —  Tout  le  cycle  tem- 
porel s'y  inscrit  symboliquement.  —  La  roue  tourne,  et  le 
Devenir  s'engendre  dans  l'orbe  de  sa  rotation.  —  Descente  de 
l'Esprit  dans  la  matière  ;  sublimation  de  la  série  matérielle 
vers  la  récupération  de  la  vie  spirituelle.  —  Êtres  mitoyens, 
de  vie  double  et  triple. 2S1 

navra  pci,  dit  Heraclite;  tout  s'écoule.  —  Rien  n'est,  toute  chose 
devient.  —  Le  Devenir  est  bien  la  condition  de  ce  monde  déchu  : 
voyons  comment  le  Devenir  s'engendre.  —  Des  trois  Puis- 
sances, génératrices  du  Futur,  généralement  on  n'en  admet 
qu'une.  —  Providentialistes,  volontaires  et  fatalistes.  —  Les 
premiers  voient  partout  la  main  de  Dieu  ;  les  seconds  attribuent 
toute  chose  à  l'initiative  humaine  ;  les  troisièmes,  partisans  du 
déterminisme  strict,  soutiennent  que  tout  est  nécessité  par  le 
Destin,  cette  loi  qui  enchaîne  l'effet  à  la  cause.  —  Providence, 
Volonté  et  Destin  (voy.  Fabre  d'Olivet)  collaborent'à  la  géné- 


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TABLE   DES   MATIÈRES  781 


Pages 
ration  du  Futur  :  tout  le  mystère  du  devenir  réside  dans  la 

règ^le  de  leur  mutualité  féconde.  —  Arguments  résumés  des 

trois  écoles  exclusives 252 

L'àme  humaine,  placée  ici-bas  entre  l'esprit  et  le  corps,  comme 
entre  un  légitime  époux  et  un  séducteur  de  rencontre,  déter- 
mine, selon  sa  conduite,  le  rythme  de  sa  vie  future.  —  Dans 
quelle  mesure  la  Volonté  est  astreinte  à  l'engrenage  du  Destin 
qui  est  la  conséquence  de  la  chute.  —  Mutualités,  contraintes, 
répercussions,  échanges.  —  Éviter  de  multiplier  les  points  de 
contact  avec  le  Destin.  —  Gouverner  de  conserve  avec  la  Pro- 
vidence, en  éludant  les  écueils  du  Destin,  —  Les  trois  systèmes 
que  nous  avons  mentionnés  ont  raison  chacun  pour  une  part. 
—  L'avenir,  attribuable  pour  un  tiers  à.  la  fatalité  du  Destin, 
pour  un  tiers  à  l'initiative  de  la  Volonté,  pour  un  tiers  à  l'action 
de  la  Providence.  —  Pourquoi  l'action  providentielle  est  tou- 
jours déguisée.  —  Illusion  d'optique  mentale.  —  Exemples.  .     236 
De  la  prévision  des  choses  futures.  —  La  seule  Providence  peut 
prévoir  à  coup  sûr  les  événements  &  venir,  mais  seulement  en 
puissance  d'être,  non  pas  en  acte  accompli.  —  La  prophétie, 
ou  Tinspiration  d'en  haut.  —  Curieux  exemple,  en  dehors  des 
prophéties  canoniques  ;  la  prophétie  d*Orval,  —  Authenticité 
et  attribution  d'icelle.  —  Texte  et  commentaire  de  la  prophétie 
d'Orval,  —  Prédiction  stupéfiante  des  événements,  de  1797  à 
1873.  — Pourquoi  la  concordance  cesse,  &  partir  de  cette  date, 
entre  les  événements  et  les  pronostics.  —  Le  comte  de  Chani' 
bord,  appelé  au  trône,  en  1873,  aurait-il  rompu  la  trame  fati- 
dique, en  restant  sourd  &  l'appel  combiné  de  la  Providence  et 
du  Destin?  —  La  campagne  monarchique  de  1873.  —  Entente 
parfaite  sur  la  constitution.  —  Le  prétexte  du  drapeau  blanc. 

—  Pourquoi  Henri  V  n'a  pas  voulu  régner?  —  Hypothèse  tout 
à  l'honneur  de  ce  prince.  —  Se  pourrait-il  qu'il  crût  au  droit 

des  Naûendorfff  —  Discussion  k  ce  sujet 258 

La  Voyante  de  la  rue  de  Paradis.  —  Les  Prédictions  de  AT'*  Hen" 
riette  Couédon,  —  Lucide  ou  céleste  missionnée?  —  Identité 

encore  douteuse  de  son  Inspirateur , 271 

Des  arts  divinatoires,  ramenés  à  leurs  principes.  —  La  seule 
Providence  infuse  l'esprit  de  prophétie,  pur  de  tout  mélange  ; 
mais  le  Verbe  providentiel  est  incoercible.  —  La  Volonté  de 
l'homme  émet  des  oracles  contradictoires  ;  pourquoi  ?  ^  C'est 
au  Destin  que  ressortissent  tous  les  arts  divinatoires  connus. 

—  Nomenclatures  de  Pierre  de  Lancre  et  de  Jean  Belot,  — 
Classification  quateme  des  arts  divinatoires:  1^  par  l'évocation 
ou  la  consultation  des  Invisibles  ;  2^  par  l'interprétation  des 
signatures  naturelles  ;  3^  par  l'étude  des  combinaisons  artifî- 


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782  LA  CLEF  DE  LA  MAGIE  NOIRE 

cielles  (jeux  de  hasard,  etc.)  ;  4<>  par  la  fixation  prolongée  de 
certains  objets.  ^  Ces  divisions,  nullement  arbitraires,  n'ont 
pourtant  rien  d^absolu.  -*-  Exemples;  l'Astrologie  et  Tétude 
du  Tarot , 2T3 

Le  devenir  particulier  des  apparences  physiques.  —  Mutabilité 
corporelle,  chez  les  êtres  organisés.  —  Travail  indiscontinu  du 
tissu  cellulaire  sur  l'instable  canevas  du  corps  astral 277 

Génération  et  mystères  des  Étreg  collectifs,  —  Phénomènes 
curieux  des  tabhs  tournantes  et  parlantes,  —  Formation  de  la 
chaîne,  cette  pile  jgénératrice  d'influences.  —  Le  magique 
aimant  de  Paracelse,  «  le  magnes  intérieur  et  secret  *.  — 
Imprégnation  de  la  vie  dans  le  bois  de  la  table  oraculaire  ;  inté- 
gration de  V Oracle  collectif,  —  Ecce  Deux  t  —  Un  être  invisible 
est  là  :  il  pense,  il  raisonne  ;  il  parle,  il  répond.  ^  Cet  Invi- 
sible n'est  pas  «  venu  »  :  il  s'est  formé  de  toutes  pièces,  en 
synthèse  éphémère  des  personnes  présentes  ;  il  ne  «  partira  ■ 
pas  :  il  se  dissipera,  ce  concours  venant  à  cesser.  —  Il  ne  re> 
présente  ni  plus  ni  moins  que  la  somme  des  intelligences  coo- 
pérantes, additionnées  en  une  seule.  —  «  Les  Esprits  sont  des 
échos  •  (Gasparin),  —  Thermomntre  psychique  et  mental. 
rOracle  donne  la  température  morale  des  milieux  humains.  — 
Constitution  de  la  chaîne  fluidique  :  maximum,  minimum  et 
moyenne  de  rendement.  -^  Éléments  négatifs,  groupés  et  éver- 
tués sous  la  prédominance  d'un  élément  positif.  —  Dévelop- 
pement des  pensées  rudimentaires 879 

Théorie  de  VOracle  mensal,  —  Unification  des  atmosphères  se- 
crètes individuelles  :  c'est  dans  ce  milieu  fluidique  que  l'oracle 
va  naître,  vivre  et  mourir.  —  Du  nimbe  individuel,  peuplé  de 
Lémures,  de  Mirages  et  de  Larves  parasitaires.  —  Uascendant 
astral  de  Paracelse  n'est  autre  que  ce  courant  de  vivantes 
images,  signatures  des  passions  et  des  idées  dominantes  de 
chacun.  —  Rapports  d'homme  à  homme  :  les  atmosphères  flui- 
diques  se  pénètrent  ;  lutte  secrète  des  ascendants.  —  Comment 
une  personnalité  peut  en  absorber  une  autre,  et  (comme  on 
dit  en  magie)  V entraîner  dans  son  tourbillon.  —  L'imagina- 
/ton,  base  négative  de  l'Ascendant.  —  La  force  de  l'ascendant 
ne  réside  point  dans  l'abondance  des  images,  mais  dans  la  vo- 
lonté qui  les  sélecte  et  les  groupe.  —  Inconscient  médium  de 
l'oracle  mensal ' 286 

Nombreuses  variétés  d*étres  collectifs,  —  Tous  ne  sont  pas  éphé- 
mères et  instables  comme  l'Oracle  mensal.  —  Verbe  créateur 
d'Adam,  l'homme  universel,  avant  la  chute.  Adam  pense  des 
êtres.  —  Il  n'a  pu  déchoir  qu'en  se  subdivisant  :  il  reconquiert 
ses  privilèges  par  l'intégration  sociale 289 


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TABLE  DES  MATIÈRES  783 


Pages 
Entités  collectives  d'une  puissance  et  d'une  durée  incalculables, 

créées  dans  l'ordre  politique  ou  social.  —  Exemple  :  le  Nemro- 
disme.  —  Une  page  révélatrice  de  Saint-Yves  (Mission  des 
Juifs),  —  Les  Ck)llectifs  contrastent  par  leur  puissance,  comme 
par  leur  durée  ;  mais  tous  jouissent  d'une  existence  et  d'une 
conscience  propres,  sans  que  les  individus  dont  ils  forment  la 
synthèse  perdent  rien  de  leurs  personnalités  respectives.  — 
Arcanes  de  la  multitude.  —  Ck>llectifs  d'ordre  intermédiaire  .     200 
La  génération  et  la  lutte  des  grands  Collectifs  expliquent  bien 
des  anomalies,  à  l'égard  des  assemblées  politiques.  ^  Comme 
une  réunion  d'hommes  personnellement  justes  et  humains 
peut  être  une  assemblée  inique  et  féroce.  —  «  Senatores  boni 
viri,  senatus  vero  mala  bestia.  »    {Tacite),  —  Revirements 
étranges  de  l'&me  des  foules.  —  Eugène  Sue  a  bien  connu 
cette  instabilité  du  caméléon  populaire  :  épisodes  du  Juif-Er^ 
rant  et  des  Mystères  de  Paris.  —  La  popularité.  —  Comment 
unifier  l'àme  multiple  et  divergente  des  multitudes.  —  Le  se- 
cret de  la  chaîne  magique.  —  Le  grand  arcane.  —  Comment 
la  chaîne  magique  engendre  des  Collectifs  puissants.  —  Les 
Égrégores.  —  Collectifs  recteurs  d'agrégations  impersonnelles  : 
Pouvoirs  politiques,  ordres  religieux,    sociétés  secrètes.   — 
Comment  les  Égrégores  dont  les  milices  humaines  sont  anéan- 
ties se  créent,  sous  un  nouveau  nom^  un  nouveau  corps  so- 
cial   293 

Reprise  d'un  exemple  déjà  produit  au  tome  précédent.  —  La 
survivance  de  l'ordre  du  Temple.  —  L'ordre  étant  anéanti, 
r&me  collective  est  là  qui  veille,  gardienne  d'un  mot  d'ordre. 
—  La  double  devise  des  Templiers  :  L.  P.  D.  (Lilia  pedibus 
destrue,  —  Latro pontifex  deleatur),  —  Les  artisans  de  la  ven- 
geance templiëre.  —  Première  tentative  :  Adam  Weishaupt  et 
l'ordre  des  Illuminés,  ~  Dispersés  en  Allemagne,  les  héri- 
tiers de  Jacques  Molay  se  reforment  en  France.  —  Explosion 
formidable  de  la  Révolution  française.  —  Quelle  évolution  en 
procède  :  le  monde  tend  vers  un  nouvel  équilibre.  —  Accom- 
plissement du  double  programme  templier  :  antimonarchique 
et  anticlérical.  —  La  Révolution  se  signale  par  le  conflitnles 
grands  Collectifs  humains.  —  L'&me  templière  s'incarne  dans 
la  grande  Société  Jacobine.  —  Incarnation  h&tive  d'autres  Égré- 
gores ;  ils  sont  battus  sur  le  plan  terrestre  :  les  Feuillants  se 
dispersent,  et  la  Gironde  est  sacrifiée.  —  Batailles  des  Égré« 
gores  dans  la  Convention  nationale.  —  Écrasement  des  Giron- 
dins ;  chute  inopinée  de  Danton  ;  Robespierre  enfin  succombe  ; 
réaction  dévorante  de  Thermidor.  —  Les  vouloirs  individuels 
sont  néant,  quand  les  volontés  générales  se  heurtent  et  se  bri- 


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784  LA  CLEF  DE  LA  MAGlS  NOIRE 

Paf^ 

sent  dans  l'Éther  orageux.  —  Les  pions  de  chair  sur  réchi- 

quier  social.  —  Rôle  secondaire  des  inttiatÎYes  indÎTiduelles,  en 
de  pareilles  tempêtes  collectives.  —  Mobiles  complexes  aux- 
quels obéit  r&me  des  multitudes.  —  La  vie  individuelle  dans 
la  vie  collective.  —  Les  individus  restés  libres  peuvent,  en  se 
groupant,  générer  de  nouveaux  Égrégores.  —  Emploi  cons- 
cient ou  inconscient  de  la  chaîne  sympathique.  —  Exemple 
péremptoirê  :  la  tentative  de  Babeuf  et  le  berceau  du  socia- 
lisme       i9T 

Les  entités  collectives  dans  V Ordre  religieux,  —  Réticences  et 
réserves  de  l'auteur.  —  Les  Dominatiotu  théttrgiquee»  —  La 
théurgie  :  une  page  remarquable  d'Éliphas.  —  Thénrgie  déca- 
dente, et  haute  théurgie  de  Porphyre  et  de  lamblique.  —  La 
théurgie  de  lumière  réprouve  les  sacrifices  sanglants,  caracté- 
ristique des  mystères  dégénérés.  —  Théurgie  cléricale  ;  mages 
politiciens  de  l'Antiquité  orientale.  —  Les  dieux  des  nations 
avaient  une  existence  réelle  :  c'étaient  les  Entités  collectives 
des  religions.  —  La  première  fonction  du  Sacerdoce  consis- 
tait à  créer,  k  nourrir,  à  entretenir  des  dieux.  *-  Le  vrai  sens 
du  mot  Idole.  —  «  Omnes  dii  gentium  daemonia.  >  (Psaumes), 
—  Chaîne  magique  des  volitions  adoratrices,  dynamisées  par 
la  foi.  —  Le  grand  œuvre  théocratique  n'est  que  la  transposi- 
tion religieuse  et  l'extension  de  cette  chaîne  de  sympathie,  dans 
l'orbe  de  laquelle  nous  voyons  naître  l'oracle  des  Tables  par- 
lantes. —  La  pile  psycho-dynamique.  —  Formation  et  déve- 
loppement de  l'Être  potentiel  des  chaînes  sympathiques  dura- 
bles. —  Les  dieux  résidaient-ils  dans  les  idoles  de  bois  ou  de 
métal  ?  —  Le  corps  fluidique  des  Entités  collectives 304 

Apparitions  des  dieux,  dans  les  anciens  temples.  —  Pourquoi  les 
sacrificateurs  se  voilaient  la  tête.  —  Les  «  Immortels  »  du 
Polythéisme  ne  furent  point  avares  de  manifestations.  —  Ra- 
dieuses visions  et  spectres  terrifiants.  — Ombres  qui  peuplaient 
les  sanctuaires  et  semblaient  liées  à  l'autel.  —  Formes  lé- 
muriennes,  évoluant  dans  l'atmosphère  occulte  de  l'Égrégore 
collectif.  —  Dans  les  temples  et  les  cryptes  de  l'antiquité, 
les  visiteurs  spirituels  de  toute  hiérarchie  trouvaient  un  asile 
convenable  k  leurs  natures.  —  Les  démons  inférieurs  trou- 
vaient à  s'y  vêtir  de  sang  condensé,  les  visiteurs  d'outre-ciel 
pouvaient  se  tisser  un  corps  de  lumière,  de  musique  et  d'en- 
cens. —  Utilité  pratique  des  sacrifices  :  la  vapeur  du  sang  peut 
suppléer  au  fluide  des  médiums,  pour  permettre  aux  Invisibles 
d'apparaître.  —  Quant  aux  parfums,  ils  ne  pouvaient  revêtir 
les  visiteurs  que  d'un  contour  fugace  et  fallacieux,  d'une  ap- 
parence de  corps  sans  vie.  —  Seulement,  en  provoquant  l'ex- 


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TABLE  DES  MATIÈRES  785 


Pafies 
tase  chez  les  sensiUr»,  les  parfums  consacrés  improvisaient  des 

médiums.  -^  L'extériorisation  de  la  sensibilité  et  les  expé- 
riences du  Colonel  de  Rochas.  —  La  force  psychique  s'exsude 
du  corps  des  extatiques.  —  Dans  ce  fluide  disponible,  les  Êtres 
de  rau-delà  se  baignent  et  se  manifestent.  —  Rareté  des  au- 
thentiques apothéoses 310 

Loi  des  sacrifices  sanglants,  universellement  sanctionnée  par 
l'antiquité  sacerdotale.  —  Moïse,  sous  ce  rapport,  n'innova 
point  :  son  culte  apparaît,  au  premier  chef,  un  culte  de  sang. 

—  Rites  sanglants  de  la  loi  mosaïque. —  Jéhovah  se  réserve  le 
monopole  du  sang  versé,  qui  lui  est  «  une  oblation  de  très 
agréable  odeur  >.  —  Sacrifices  humains  fréquents  en  israél, 
depuis  le  sacrifice  d'^^raAam,  jusqu'à  celui  de  «/ejoA/^. —  Nom- 
breux exemples  à. l'appui. — L'implacable  despote  qui  commande 

ces  horreurs  ne  peut  être  Ihôah  ^lohim 316 

Mission  exceptionnelle  de  Moïse.  —  Moïse,  un  titan  plus  encore 
qu'un  saiat.  —  Dans  la  dégénérescence  universelle,  son  rôle 
est  de  pétrir  de  la  glaise  humaine,  pour  y  imprimer  le  sceau 
divin.  —  Œuvre  colossale  de  ce  théocrate  :  improviser  le  peu- 
ple de  Dieu  t  Ce  n'était  pas  une  médiocre  tâche,  ni  de  celles 
qu'on  peut  accomplir  par  la  douceur  et  la  charité.  —  Moïse  a 
été  le  chirurgien  de  l'ancien  monde  :  il  a  garanti,  par  une  opé- 
ration violente,  laguérison  de  l'humanité.  —  Pourquoi  ce  culte 
de  sang,  en  Israël.—  Adonal  put-il  se  complaire  au  sang  versé 
sur  son  autel  ?  —  Merveilles  et  mystères  delà  Théurgie  mosaï- 
que. —  Magie  cérémoniale  de  Moïse.  —  Construction  secrète 
de  l-Arche  et  du  sanctuaire.  —  Science  colossale  et  maîtrise 
opératoire.  —  L'Allié  céleste  de  Moïse,  son  céleste  Interlocuteur. 

—  Entité  collective  de  la  grande  Communion  des  Saints  (vi- 
sion du  Sinaï).  —  Vices  et  vertus  de  la  race  juive.  —  Is-ra-el, 
manifestation  rayonnante  de  Dieu.  —  Les  successeurs  de 
Moïse  :  éclipse  de  la  lumière  d'i£lohlm.  —  L'abomination 
dans  le  Lieu  saint.  —  Multiples  rapports  religieux  de  Moïse 
avec  rinvisible  :  —  V Absolu  divin. —  Ihôah  yElohim,  le  Verbe 
éternel.  —  UÉgrégore  de  la  grande  Communion  dorienne.  — 
Colonnes  à'Élémentaux  et  de  Lémures,  destinés  aux  œuvres  de 
la  magie  sacerdotale.  —  Nuances  dont  Moïse  n'embarrassa 
point  son  peuple.  —  Réserves  ésotériques  de  sa  Doctrine.  Pour 
le  peuple  hébreu,  toute  chose,  bonne  ou  mauvaise,  sort  de  la 
droite  do  Jéhovah.  —  Centralisation  divine  :  avantages  et  in- 
convénients de  ce  système.  —  Le  vrai  nom  de  l'Égrégore  : 
Michaël. —  In  sole  posuit  Deus  tabemaculum  suum.  — Identité 
de  l'Homme  idéal  et  de  Dieu  manifesté.  —  Substitution  divine. 

—  Déification  exotérique  de  l'Allié  céleste.  —  La  pierre  cubique.     3 1 9 

50 


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?S6  LA  CLEr  ht  LA  IIAGIË  I^OlftË 

Mofse  et  Jésus-Christ.  —  Griefs  du  Sépher  Toldos,  —  A  la  Com- 
munion des  Saints,  s'opppose  la  Synagogue  des  pervers.  — 
En  face  de  Mieha€l  se  dresse  SamaéL  ~  Le  Collectif  caco-psy- 
chique.  —  Ce  que  peut  être  le  corps  astral  totalisé  d'une  En- 
tité collective  humaine.  ^  Strophes  curieuses  de  Saint- Yves.     331 

Chapitre  IV.  —  FORCE  DE  LA  VOLONTÉ 

Onzième  clef  du  Tarot  :  la  Force.  —  Une  jeune  fille  ferme,  des 
deux  mains,  la  gueule  d'un  lion  en  fureur.  —  Détail  curieux 
de  l'emblème.  —  Une  correction  d'Eltetlla.  —  Le  perruquier 
Alliette,  devenu  l'astrologue  Etteilla^  a  astro-phrl-astre  et  res- 
taurateur de  la  Cartonomancie  des  Égyptiens  ».  — Etteilla  et 
le  Tarot  :  une  édition  expurgée  des  arcanes.  —  Sens  ésotérique 
de  l'emblème.  —  Puissance  de  la  volonté  sur  l'Astral,  dont  le 
lion  est  un  des  plus  anciens  hiéroglyphes.  —  Le  huit  couché 
qO  et  le  symbole  de  la  Vie  universelle.  —  Frontières  cos- 
miques de  l'action  volitive 337 

La  Volonté,  une  des  trois  grandes  Puissances  rcctrices  de  l'Uni- 
vers. —  Souveraineté  de  l'homme  universel  en  Éden,  avant 
la  chute.  ~  LaYolontë  d'Adam  réalisait  toutes  ses  pensées  : 
il  peuplait  de  créatures  la  sphère  de  son  activité,  et  il  pouvait, 
par  une  seule  volition,  «  porter  celles-ci  de  l'être  au  néant  et 
du  néant  à  l'être.  »  —  Citation  essentielle  de  Fabre  d'Oliret, 

—  La  chute  de  l'homme  lui  a  ravi,  en  apparence,  cette  préro- 
gative quasi-divine  :  il  peut  néanmoins,  dès  ici-bas.  la  reron* 
vrer  dans  une  certaine  mesure.  —  Eve,  symbole  de  la  faculté 
volitive.  —  «  Tu  accoucheras  dans  la  douleur  »  ;  interprétation 
ésotérique  de  cette  sentence.  —  Diminution  qualitative  et 
quantitative  de  la  force  d'Adam,  par  la  dissémination  et  l'obs- 
curation  de  ses  enveloppes 341 

La  force  de  la  Volonté  se  décèle  jusque  dans  l'élaboration  du 
corps  physique,  cette  prison  du  sous-multiple  humain.  — 
Édification  inconsciente  du  corps.  —  Le  Conscient  et  les  deux 
Inconscients,  — L'architecte  et  les  ouvriers. —  L'entrepreneur 
de  la  b&tisse  est  le  corps  astral 34.% 

De  la  faculté  plastique,  cette  matrice  psychique  du  corps  astral. 

—  Contradictions  dans  les  notions  relatives  au  corps  astral.  — 
La  faculté  plastique,  instrument  de  mise  au  point  de  l'&me. 
pour  les  différents  milieux  qu'elle  traverse.  —  Tant  qu'une  àme 
ne  s'incarne  pas,  son  corps  astral  se  condense  ou  se  subtilise, 
selon  les  milieux.  —  Dans  le  labeur  de  l'incarnation,  le  corps 
astral  se  naturalise,  compatriote  de  l'organisme  :  il  partagera 
désormais  ses  destinées.  —  Quand  l'Âme  dépouillera  celui-ci. 


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Table  des  matières  1S1 

Pages 
le  corps  astral  se  désagrégera  parallèlement.  —  C'est  alors  que 
la  faculté  plastique  devra  tisser  k  r&nie  laissée  nue,  un  nou- 
veau corps  subtil,  convenable  au  milieu  nouveau  où  elle  pé- 
nètre. —  Certaine  école  veut  que  le  corps  astral  ne  préexiste 
point  au  fœtus.  —  Du  corps  glorieux,  qui  n'est  pas  le  corps 
astral.  —  Le  «  char  subtil  de  l'&me  j».  —  La  faculté  plastique, 
en  tissant  le  corps  astral,  obéit  &  la  volonté  collective  de  l'es- 
pèce pour  les  traits  généraux,  èi  la  volonté  individuelle  pour 

les  traits  particuliers • «...     347 

L'homme  essentiel  constitue  l'âme  de  l'intégral  Cosmos  :  toute 
vie  émane  de  lui,  toute  substance  émane  de  la  sienne,  en  mode 
direct  ou  indirect.  —  Un  texte  de  Moïse  :  Adam  nomme  les 
animaux  ;  sens  du  symbole.  —  Tous  les  êtres  inférieurs  pro- 
viennent d'Adam.  —  Atomes  dispersifs  de  sa  substance  cor- 
rompue. —  L'humanité  terrestre,  émergeant  de  l'animalité, 
dépouille  violemment  Vanima  bruta,  —  L'orbe  du  «  Satellite 

impur  »  (Lumière  (TÈgypte), 351 

Théorie  des  signatures  naturelles.  —  La  langue  des  signatures 
(Q.  Aucler).  —  Les  signatures  et  l'école  de  Paracelse.  — 
Oswald  Crollius  et  sa  Vraie  et  vive  anatomie  du  grand  et  du 
petit  Monde.  —  Crollius  apprécié  par  Éliphas  Lévi.  —  Les  arts 
divinatoires,  en  tant  qu'étude  des  signatures  spontanées.  — 
La  chiromancie  élue  pour  exemple  :  critique  de  la  chiroman* 

cie;  ses  frontières  rationnelles 354 

Vertu  configurative  de  l'Astral,  dont  chaque  vague  est  une  page 
révélatrice  du  Livre   universel  des  vies.  —  Les  habitants  de 
l'Astral  inférieur  ;  Ames  en  instance  d'incarnation.  ^-  Ces  âmes 
cherchent  à  escalader  la  citadelle  physique  ;  elles  laissent  sur 
la  matière  l'empreinte  de  leur  escalade.  —  Expériences  d'Aksa- 
koff:  moulages  de  mains  fluidiques.  —  Expérience  du  Sieur 
de  la  Violette:  empreintes  cristallisées  des  feuilles  d'orties  sur 
la  glace  d'une  lessive  de  cendres  d'orties  exposée  au  froid.  — 
Gaffarel  et  sa  théorie  des  Ombres  des  morts.  —  Gaffarel  et 
les  Gamahés  ou  Camaïeux.  —  Description  et  exemples  de  ce 
phénomène.  —  Miracle  divin  ou  miracle  diabolique?  —  Théorie 
du  gamahé  :  photogravures  de  mirages  errants,  —  Iconogénie 
spontanée.  —  Empreinte  des  signatures  naturelles  dans  la  ma- 
tière, modifiée  ou  rendue  réceptive  par  Véthérisation,  —  Autres 
empreintes  de  signatures  mystérieuses.  —  Varbre  aux  dix 
mille  images  ei  le  récit  du  Père  Hue,  — Le  baron  de  Guldens- 
tubbéei  la  signature  directe  des  Esprits.  — Eugène  Vintrasei 
le  prodige  de  ses  hosties  stigmatisées  et  sanglantes.  —  Les 
stigmates  des  extatiques.  —  Merveilles  de  la  foi  et  du  désir.  — 
En  rapprochant  la  découverte  de  MM,  Focachon  et  Liébeauft 


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788  LA  CLEF  DE  LA  MAGIE  NOIRE 

Paf«s 
(pose  d'an  résicatoire  par  suggestion)  et  celle  de  M,  du  Rochas, 

(extériorisation  de  la  sensibilité)»  on  arrive  à  s'expliquer  la 

production  des  stigmates  mystiques.  —  Encore  un  mot  des 

grandi  Collectifs  humains 361 

Toute  force,  en  magie,  réside  essentiellement  dans  la  Volonté  et 
dans  la  Foi,  -^  Le  héros,  homme  de  volonté  ;  le  mystique, 
homme  de  foi  ;  l'adepte,  homme  de  foi  et  de  volonté  tout  en- 
semble. —  Le  Désir  même  est  créateur,  comme  forme  obscure 
de  la  volonté 375 

Vn  épisode  instructif  du  Crocodile  de  Saint-Martin,  épopée  peu 
connue  et  peu  appréciée  du  théosophe  d'Am boise.  —  Sens 
symbolique  des  principaux  personnages  :  Madame  Jof,  Sédir, 
Ourdeckj  Bachel,  enfin  Èléazar,  —  Le  Crocodile,  emblème 
égyptien  de  Nahàsh  et  de  l'Astral  inférieur.  —  Une  ville  en- 
gloutie (Atalante).  —  Pérégrinations  d'Ourdeck.  —  Allégorie 
révélatrice 377 

Les  mystères  d^ Atalante  (par  Saint-Martin).  —  Paroles  conser- 
vées. —  Prédicateur  dans  un  temple.  —  Double  courant  de 
paroles  blasphématoires.  —  L'hiérophante.  ~  L'antre  du  mage 
noir.  —  La  table  pentagonale,  le  fauteuil  et  les  quatorze  sièges. 
— -  Les  acolytes  et  le  maitre  absent.  —  Le  Livre  de  fer.  — 
Pacte  d'iniquité.  —  Manifestation  du  nom  d'Éléazar.  —  Retour 
inopiné  de  Thiérophante.  —  Multiplication  des  singes  :  les 
hommes  du  mal  sont  dévorés.  —  Les  singes  se  dévorent  entre 
eux.  —  Ourdeck  sauvé  miraculeusement 379 

Explication  des  mystères  d 'Atalante,  relatifs  au  mauvais  usage 
de  la  Volonté,  en  magie.  —  La  machine  infernale  disposée 
dans  une  cave.  —  Les  cinquante  marches  d'ombre.  ^  Le  pen- 
tagone et  le  pentagramme.  —  La  bonne  et  la  mauvaise  étoile. 

—  Les  instruments  et  les  meubles  de  fer.  —  La  lanterne  pen- 
tagonale, la  pierre  noire  lumineuse  et  les  hiéroglyphes  d'abo- 
mination. —  L'estrade  et  les  singes  de  fer.  —  La  table  ellypti- 
que,  emblème  du  cerHe  mauvais.  —  La  chaîne  magique,  et 
ses  mystères.  ~  Application  de  la  chaîne  magique.  —  Grands 
initiés  et  grands  magiciens.  —  Le  liwe  de  sang,  toujours  ou- 
vert, de  rilluminisme  noir.  —  La  «  Société  des  Indépendants  ». 

—  (Le  temple,  le  parvis  et  le  sanctuaire,  d'après  le  mystique 
Eckartshausen).  —  Multiplication  des  singes  de  fer  :  le  mal 
pullule  dans  l'enceinte  du  mal  même.  —  La  trombe  répercus- 
sive  et  le  choc  en  retour.  —  Suicide  des  satellites  du  mal.  — 
Cette  page  de  Saint-Martin  le  montre  très  compétent  en  ma- 
gie cérémoniale.  —  Saint-Martin,  son  maitre  Martinés  de  PaS' 
qually  et  le  livre  de  Papus 385 

De  la  Volonté,  en  magie.  —  La  magie  se  pratique  directement 


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TABLK  DES  MATIÈRES  789 

Pages 
(par  Taction  du  corps  astral  sur  les  fluides  impondérables)  ;  in- 
directement (par  l'empire  de  la  Volonté  sur  les  Invisibles).  — 
Magiciens,  médiateurs  actifs,  et  médiums,  magiciens  passifs. 

—  Du  Magnétisme  :  il  peut  être  également  conçu  en  mode  ac- 
tif ou  passif  ;  ce  dernier  seul  est  du  ressort  de  ce  chapitre.  — 
Le  Magnétisme  est-il  •  la  clef  de  la  Science  occulte  »  ?  (Du 
Potet),  —  Mesmer  et  son  système.  —  Résumé  théorique  des 
XXVII  Propositions.  —  Les  héritiers  de  Mesmer.  —  Puységur 
et  l'orme  de  Buzancy  :  avènement  du  somnambulisme.  —  Pa- 
ria l'enchanteur.  —  Merveilles  adjacentes  du  magnétisme.  — 
Liébeault,  Focachon  ei  Rochas.  —  L'école  de  Nancy.  —  La  sug- 
gestion ne  date  point  d'hier.  —  L'action  des  médicaments  à 
distance,  au  moyen  âge.  —  Une  découverte  ù' Edison,  —  Le 
pourquoi  et  le  comment  de  la  suggestion  (Cf.  notre  chap.  v). 

—  Toute  pensée  est  une  àme.  —  Responsabilité  encourue  par 

les  praticiens  de  la  suggestion 399 

La  fascination,  phénomène  suggestif.  —  Le  curé  et  son  bréviaire 
(phénomène  rapporté  par  Bodin).  -^  Théorie  de  la  fascination. 

—  Le  tambour  enchanté  et  la  source  miraculeuse  (phénomène 
narré  par  Nynauld).  —  La  suggestion  mentale  et  la  virtualité 
des  signes  analogiques.  —  Miracles  du  son  en  magie  :  légen- 
des instructives  ;  les  Fakirs  et  la  force  des  mentras;  l'harmo- 
nica des  Illuminés  :  cloches  et  carillons  ;  le  générateur  Keeley 
et  la  force  «  interétherique  ».  ~  Le  phénomène  du  tambou' 

rin 406 

Théorie  des  signes  d*appui,  complémentaire  de  celle  des  signa- 
tures spontanées.  —  Le  verbe,  en  occultisme  :  volition  définie, 
étayée  sur  un  emblème  qui  la  confirme.  —  La  doctrine  du  si- 
gne, d'après  Éliphas.  —  Clef  de  voûte  do  la  magie  cérémo  • 
niale  et  des  cultes  religieux.  —  Abus  possible  de  la  théorie  du 
Signe  magique.  —  Traduction  et  transmission  de  l'idée  par  le 
signe.  —  Télépathie,  télégraphie  psychique  et  précipitation 
des  écritures,  —  Magie  de  la  parole  et  du  geste.  —  La  force 
du  cliché.  —  «  La  religion  n'est  qu'un  geste  »  (Musset).  — 
Une  fois  la  pensée  fixée  et  traduite  par  le  signe,  celui-ci  sert  a 
la  projeter.  —  Vertu  suprême  du  signe  :  dynamisation  de  l'ef- 
fort solitaire,  par  l'évocation  des  volontés  conformes.  —  L'em- 
ploi du  signe  tend  la  chaîne  magique  et  en  évoque  l'Égrégore. 
—  Le  pentagramme  et  le  cercle  des  évocations,  —  Minuties 
ritualistiques,  en  magie  comme  en  religion  ;  inflexibilité  du 
cérémonial.  —  Citations remarquables  delà  Thréicie.  —Chaîne 
d'or  reliant  la  terre  au  Ciel.  —  Guirlandes  de  signes  évoca- 
teurs.  —  Les  rites  ne  sont  promus  qu'en  raison  de  la  nature 
imparfaite  de  l'humanité,  sur  quoi  le  magiste  veut  agir.  —  Les 


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790  LA  CLEF  DE  LA  MAGIE  NOIRE 

Paf«» 
Yoghis  peuvent  se  passer  entre  eux  du  signe  extérieur.  — 
«  L'esprit  se  vét  pour  descendre  et  se  dépouille  pour  monter  » 
(axiome  kabbalistique) 4il 

Encore  le  signe  d'appui.  —  Les  Pentacles.  —  Paracelse  les  ré- 
duit à  deux  essentiels  :  les  étoiles  du  Macrocosme  et  du  Micro- 
cosme. —  Traduction  inédite  d  une  page  de  Paracelse  (Philo- 
sophie occulte),  —  Emploi  des  deux  Étoiles»  en  magie.  —  Quod 
superiùs,  sieut  et  quod  inferiûs.  —  Vertu  des  pentacles,  dans 
la  main  d'un  adepte.  —  Signe  de  reconnaissance  d'un  monde 
à  l'autre.  —  Précipitation,  en  astral,  des  pentacles  brûlés  sur 
l'autel  des  parfums.  —  Précipitation  électrique  :  esquisse  ignée 
des  pentacles,  obtenue  à  l'aide  de  la  machine  de  Holtz.  — 
Étoile  brillante  de  Salomon,  électrisée  à  permanence  ;  Étoile 
flamboyante,  électrisée  par  saccades.  —  t  fgnescunt  signa 
deorum.  »  —  Amulettes  et  talismans.  —  Théorie  matérialiste 
d'Etleilla.  —  Les  monogrammes  médicaux  des  Archidoxes 
magiques  (Paracelse).  —  Confection  et  théorie  d'une  médaille 
talismanique  du  soleil.  —  L'origine  des  talismans  est  peut-être 
aux  gamahés.  —  Exploitation  industrielle  des  talismans.  — 
Prétendus  occultistes  opérant  pour  de  l'argent.  —  La  Doctrine 
et  ses  bienfaits  se  donnent  ou  se  refusent  ;  mais  jamais  ne  se 
vendent kti 

La  magie  est  l'exercice  du  pouvoir  créateur,  récupéré  dès  ici- 
bas.  —  Production  de  toutes  pièces  des  objets  matériels,  par 
objeclivalion  du  Protyle.  —  C'est  le  necplus  ultra  de  la  magie 
terrestre.  —  Objets  rendus  invisibles,  par  Véthérisation.  — 
Description  et  explication  du  phénomène.  —  Des  apports; 
l'objet,  éthérisé  pendant  son  transport,  redevient  visible  au 
point  d'arrivée.  —  La  matière  passe  à  travers  la  matière.  — 
Fleurs  désintégrées  et  réintégrées.  —  Éthérisation  du  corps 
humain  :  le  médium  Home,  disparu  sur  le  seuil  d*une  porte 
close,  se  retrouve  évanoui  de  l'autre  côté.  —  Phénomènes 
réels  et  vraiment  inintelligibles.  —  Ne  jamais  se  hâter  décrier 
à  Tabsurde.  —  Fabre  d'Olivet  magicien  :  une  lettre  portée  à 
l'Empereur,  «  en  corps  astral  ».  —  Fabre  d'Olivet  thérapeute; 
tléfî  de  M.  de  Montalivet;  le  gant  est  relevé.  —  Fabre  d'Olivet 
sybarite  :  ses  livres  viennent  le  trouver  dans  son  fauteuil  .  .    4f8 

La  lévitation  :  déplacement  visible  et  suspension  aérienne  des 
objets.  —  Lévitation  du  corps  humain  ;  les  expériences  de 
Home.  —  Églington  montre  au  czar  le  phénomène  de  la  soi- 
lévitation;  récit  circonstancié  du  médium.  —  Le  czar  «  sous 
les  pieds  »  d'un  anglais.  —  Expériences  fréquemment  obser- 
vées dans  rinde  :  l'élévation  des  fakirs 433 

La  volonté  dans  le  mal.  —  Nous  ne  ritualisons   pas   la  magie 


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TABLE  DES  MATIÈRES  791 


Pages 
noire.  —  La  justice  immanente  des  choses.  —  La  menace  du 
choc  en  retour.  —  h» paradoxe  du  mandarin,  attribué  à  Jean- 
Jacquet,  —   La    folle  hypothèse  peut  devenir  réalité.  —  Le 

bouclier  occulte.  —  L'épée  de  Damoclès 435 

Volontés  individuelles  ou  collectives,  dans  le  bien  et  dans  le  mal. 

—  Les  verbes  créateurs.  —  Bénédictions,  anathèmes.  —  Vex- 
communication  est  l'acte  d'ezpulser  un  homme  d'un  groupe 
vivant  dont  il  était  une  cellule.  —  V excommunication,  sen- 
tence capitale.  —  Pour  conjurer  le  verbe  de  réprobation,  il 
faut  s'affilier,  de  fait  ou  d'intention,  dans  un  autre  groupe.  — 
Mystère  des  chaînes  magiques.  —  Martinés  de  Pcuquaily  et 
ses  batailles  occultes,  aux  solstices  et  aux  équinoxes.  —  Détails 
sur  le  rituel  des  Martinésistes  (souvenirs  du  Baron  de  Glei^ 
chen).  —  Les  «  quarts  de  cercle  )>  et  le  «  cercle  de  retraite  ». 

—  Les  expériences  ôe  M.  d^Hauterive,  critiquées  par  Saint- 
Martin.  —  M.  de  la  Chevailerie,  ayant  engagé  imprudemment 
la  lutte  sur  le  plan  astral,  est  près  de  succomber.  Son  maître 
absent  (Martinés)  le  sauve  en  l'inspirant  à  Theure  du  danger. 

—  u  II  ne  faut  pas  braver  Vopinion,  »  —  La  chaîne  sympa- 
thique et  les  lois  de  l'électricité.  —  De  la  vertu  du  cercle,  en 
magie • 439 

L'excommunication  solennelle,  sorte  de  maléfice  sacré.  —  Ter- 
ribles effets  do  l'excommunication,  aux  âges  d'intransigeance 
et  de  foi  militante.  —  L'envoûtement  sacré,  d'après  Adolphe 
Bertet  (Apocalypse  dévoilée).  —  Les  «  condamnations  capi- 
tales »  de  l'Église^  d'après  Joséphin  Peladan  (/star)  :  chaînes 
monastiques  bissexuelles.  —  Les  clefs  eT Hermès  croisées  avec 
celles  de  Saint  Pierre.  —  Le  glaive  magique  est-il  fait  pour  le 
bras  du  Serviteur  des  Serviteurs  ?  —  Il  ne  pourrait  s'en  servir 
légitimement  que  pour  la  défense  d'un  Ordre  social  où  la 
Science  et  la  Foi  seraient  ramenées  à  leur  unité-synthèse  .  •  •     446 

De  V Envoûtement,  qui  est  le  maléQce  par  excellence.  —  Décou- 
verte du  Colonel  de  Rochas.  —  Il  en  sera  des  découvertes  de 
Rochas  comme  du  magnétisme  :  la  Science  officielle  s'en  em- 
parera, pour  les  débaptiser.  —  Modes  divers  de  l'envoûte- 
ment. —  La  Jettatura  et  le  mauvais  œil.  —  Envoûtement  en- 
Annam  :  la  lance  fichée  dans  l'ombre  de  la  victime.  —  De 
l'ombre  corporelle,  au  point  de  vue  magique.  —  Envoûte- 
ment des  bohémiens  :  «  enfoncer  le  couteau  »  (les  Rames,  par 
J.'A,  Vaillant).  —  Le  Scopélisme.  —  «  Ceci  est  une  pierre 
dans  mon  jardin  »  :  origine  de  ce  dicton 452 

Expériences  de  Rochas  sur  Venvoûtement.  —  Relation  de  l'au- 
teur. —  La  plaque  photographique  sensibilisée.  —  La  poupée 
en  cire.  -^  Phénomène  du  stigmate  par  répercussion  (15  oc- 


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792  LA  CI.EF  DE  LA  HAOIE  IVOIRE 

tobre  1892).  —  Rochas  physicien.  —  Il  Ténûera,  ane  à  une. 
les  notions  traditionnelles  de  rocculUsme.  —  Dangers  de  ce 
genre  d'expérience.  —  Envoûtement  immédiat:  enroûtement 
à  longue  échéance.  —  Accident  imprévu,  conté  par  Hocha»  : 
eau  sensibilisée  répandue  par  une  nuit  d'hiver.  —  Réversibi- 
lité possible  et  funeste  au  sujet,  dans  le  cas  de  sensibilisation 
des  plaques  photographiques.  —  Expériences  de  M.  le  D'  Lu^t  : 
transfert  d'un  état  neurologique  sur  un  sujet  sain,  auquel  sont 
appliqués  les  remèdes.  —  c  Un  cautère  $ur  une  jambe  de  bois  >, 
proverbe  justiGé  par  la  médecine  paracelsique.  -—  Théorie  de 
l'Envoûtement.  —  Théorie  de  la  loi  du  choc  en  retour.  —  Le 
vénéfice,  on  sortilège  par  les  fluides  empoisonnés.  —  De  quel 
mystérieux  liquide  les  sorciers  de  la  Brie  arrosaient  leurs  go- 
gues.  —  Exemple  d'envoûtement  populaire,  rapporté  par  Caha- 

gnet.  —  Comment  parer  aux  maléfices 458 

Phénomènes  composites,  où  les  forces  de  la  nature  obéissent 
au  verbe  humain.  —  Le  Ministère  de  t Homme-Esprit,  —  Signes 
avant-coureurs  de  l'apothéose  adamique «71/ 

Chapitre  V.  —  L'ESCLAVAGE  MAGIQUE 

Douzième  clef  du  Tarot  :  le  Pendu  ;  sens  de  l'emblème.  —  Les 
gloires  et  les  misères  de  l'esclavage  magique.  —  Double  inter- 
prétation :  esclavage  de  l'esprit,  esclavage  de  la  matière.  —  Le 
Thau  sacré  ;  dans  le  Tarot,  cet  hiéroglyphe  reparait,  à  la  clô- 
ture de  tous  les  cycles,  majeur  et  mineurs.  —  L'arcane  Xll  a 
trait  à  l'homme  descendu  dans  la  déchéance  de  la  chair  .  .  .     klh 

L'incarnation  des  Ames  ;  captivité  préludant  au  plus  dur  escla* 
vage.  -—  Épreuve  de  la  Psyché  :  sa  flamme  vivante  parait  s'é-  ' 
teindre  dans  la  fange  terrestre.  —  Le  piège  de  VénuSt  à" Aphro- 
dite ou  d'/dnaA.  —  Sous  ces  divers  noms,  la  Grande  Séductrice 
exerce  ses  deux  fonctions  parallèles.  —  Pour  capter  les  Ames, 
pour  accoupler  les  corps,  ses  moyens  ne  varient  guère  ;  le 
Désir  est  sa  voix  caressante,  et  son  piège  est  la  Volupté.  .  .     478 

Agonie  de  l'existence  arûmale  :  un  trouble  sensuel  envahit  les 
Ames  ;  elles  se  laissent  entraîner  au  torrent  des  générations. 
Un  voluptueux  vertige  leur  voile  l'horreur  de  leur  déchéance. 

—  Leur  incarnation  est-elle  toujours  immédiate?  —  Ames  en 
instance  d'incarnation  ;  elles  deviennent  le  jouet  du  Serpent 
fluidique  d'Ashiah,  —  Elles  peuvent  influencer  les  Médiums. 

—  Elles  obsèdent  les  couples  amoureux,  désignés  pour  leur 
donner  un  corps.  —  Une  page  curieuse  de  Louis  Ménard,  .  .    480 

La  préexistence  de  l'Ame,  sa  défaillance,  son  naufrage  au  gouf> 
fre  de  la  matière,  bien  connus,  de  tous  temps,  des  adeptes  de 


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TABLE  DES  MATIÈRES  798 

Page» 
toute  école.  —  Comment  l'art  s'empara  de  ces  notions,  pour 

les  traduire  en  mythes  et  en  symboles.  —  La  légende  mosaï- 
que d'Éden  ;  jusqu'où  remonte  son  origine.  —  Mythes  analo- 
gues :  Pandore,  Proserpine,  Psyché,  etc.  —  Les  fables  sym- 
boliques de  la  déchéance  constituent  la  base  de  tous  les  mystères 
antiques.  —  C'est  partout  le  récit  d'une  infamante  catastrophe, 
joint  à  la  promesse  d'une  réhabilitation.  —  Mystères  d'Eleusis  : 
Tenlèvement  de  Persephonè  (Proscrpine),  par  Aïdonée  (Plu- 
ton).  Intervention  de  Dèmèter  (Gérés)  ;  ses  voyages.  —  Perse- 
phonè aux  enfers  ;  elle  a  mangé  trois  grains  de  grenade.  — 
L'arrêt  de  Zeus  (Jupiter).  —  Persephonè  vivra  six  mois  de 
l'année  aux  enfers  et  six  mois  au  Ciel  :  Symbole  des  existences 
alternées 483 

Mystères  de  la  Naissance.  —  L'épreuve  terrestre  et  l'incarnation 
des  âmes.  —  Une  belle  page  de  Saint- Yves 487 

L'initiation,  ce  réveil  deTàme  en  somnambulisme  ici-bas,  figura- 
tive de  la  mort  et  de  l'existence  posthume.  —  L'adeptat  (se- 
lon Stobbéé)  donne  un  avant- goût  de  la  réintégration.  —  La 
naissance,  mort  véritable  ;  l'initiation,  renaissance  en  esprit. 

—  L'âge  des  initiés 491 

L'incorporation  matérielle  de  l'âme  ne  compromet  pas  ses  rap- 
ports avec  les  mondes  supérieurs  ;  mais  elle  la  condanme  aux 
servitudes  du  monde  matériel. — Le  joug  du  Destin.  —  Possession 

de  l'âme  parla  Nature-naturée.  —  Macrocosme  et  microcosme  ; 
analogies.  —  Formation  du  corps  physique  ;  compromis  entre 
les  Puissances  du  Ciel  et  delà  terre.  ~~  D'invisibles  liens  rat- 
tachent chaque  cellule,  chaque  fibre,  chaque  organe,  aux  di- 
verses régions  de  l'Univers  qui  leur  sont  analogues.  —  Connais- 
sance de  ces  rapports  ;  leur  mise  en  œuvre  :  Magie  naturelle 
des  vieux  auteurs.  —  Le  surnaturel  n'est  point  ;  ce  que  c'est 
que  la  totale  Nature,  la.  grande  Isis  des  sanctuaires. —  C'est 
dans  le  sein  profond  de  cette  Mère  universelle,  que  vivent  et 
se  meuvent  tous  les  êtres  finis  Jusqu'aux  plus  sublimes  archanges  492 
La  Magie  naturelle,  selon  Porta.  —  Prestiges.  —  Physique  oc- 
culte. —  La  baguette  divinatoire,  et  le  livre  de  Vabbé  de  Valle- 
mont,  —  Les  merveilles  de  Jacques  Aymar,  —  Les  prestiges 
de  Maïa  la  charmeuse,  la  Reine  des  apparences.  —  L'ivresse 
de  la  Nature  au  printemps  ;  le  grand  jubilé  d'Éros  eideCybéle. 

—  Les  liens  mystiques  et  physiologiques  se  font  sentir  alors, 
qui  rattachent  l'homme  au  grand  Tout.  —  Symphonie  du  total 
Cosmos.  — ^  Extase  révélatrice 495 

L'esclavage  magique,  dans  son  expression  naturelle  et  spontanée. 

—  Comment  il  se  traduit  pour  nous  :  suggestions  de  la  ma- 
tière :  la  faim,  la  soif,    le  sommeil,  les  appétits  brutaux.  — 


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794  LA  CLEF  DE  LA  MAGIE   NOIRE 

Sympathies  et  antipathies.  —  L'homme  croit  opter  librement, 
quand  il  obéit  k  ces  dernières.  —^  Dans  quelle  mesure  sommes 
nous  libres  ?  —  Liberté  potentielle,  pour  un  tiers  seulement  : 
il  faut  la  développer.  —  En  s'alltant  à  la  Providence.  Thomme 
double  son  libre  domaine  originel.  Pourquoi.  —  Les  entraves 
de  la  nature  nalurée  ;  Thomme  ne  peut  les  rompre.  —  Il  peut 
les   réduire  au  minimum  d'empêchement 4n'« 

Le  tribut  sexuel  :  peut-il  être  éludé  ?  —  Le  Sage  commande  à  la 
chair.  —  Il  a  vaincu  Ma!a.  — Toute-puissance  relative  qui  eo 
résulte ôOf 

Prescription  de  continence  (magique  ou  sacerdotale).  —  Raisons 
positives,  et  non  sentimentales,  de  cette  prescription.  —  Abs- 
tinence de  certains  aliments  ;  Motse  et  les  hiérophantes  de  la 
gentililé.  d'accord  pour  les  proscrire.  —  Le  sang  sert  de  lien 
entre  le  corps  et  Tàme  :  citation  curieuse  de  Porphyre.  —  Cri- 
tique des  opinions  de  Porphyre, —  Enseignements  de  la  haute 
Magie^  au  sujet  des  virtualités  de  la  chair  et  du  sang.  —  Les 
espèces  mondes  et  immondes,  selon  MoSse  et  Pythagore.  —  Clas- 
sifications fondées  sur  les  signatures  naturelles 503 

Régime  rationnel  des  abstinences  :  la  lettre  morte  s'en  est  empa- 
rée. «- Réglementations  puériles,  et  prohibitions  excessives. — 
Généralisation  des  règles  exceptionnelles.  —  JeCines  et  macé- 
rations. —  Le  célibat  ecclésiastique.  —  Le  culte  extérieur  a 
partout  corrompu  l'esprit  de  la  Science  secrète.  —  Doctrine 
erronée  des  «  Sacrifices  méritoires  »  et  des  «r  mortifications 
agréables  à  Dieu  » 5uT 

Pythagore,  très  sévère  pour  le  choix  des  aliments.  Pourquoi?  — 
Le  corps  astral  et  le  «  char  subtil  i».  —  Mécanisme  de  lelabo- 
ration  du  corps  glorieux.  —  Malentendus  sur  ce  point,  même 
parmi  les  disciples  de  Pythagore.  —  Classification  ésotérique 
des  aliments  permis  ou  défendus.  — Pythagore  complétait  Moïse 
à  cet  égard.  —  Fabis  obstiné:  signature  ktéine  des  fleurs  de 
fèves.  —  Les  €  portes  de   l'enfer  » 507 

Aperçu  des  signatures  spontanées.  —  Les  produits  dangereux  des 
trois  régnes  portent  inscrit  dans  leur  forme  extérieure  l'aveu 
de  leur  malice  latente  :  tout  CaXn  porte  un  signe  au  front.  — 
Exemples  :  le  poulpe  et  le  scorpion,  etc.  ;  les  oiseaux  de  proie, 
les  grands  félins.  —  Analyse  rapide  des  formes  végétales  :  — 
Belladone,  Mandragore,  Dalura,  Jusquiame  :  —  les  Ciguës  et 
YŒnanthe  safranée;  —  les  Euphorbes  ;  —  la  Rite  et  la  Sabine; 
—  Aconit,  Digitale,  Colchique  d'Automne  ;  —  Arum  macula- 
tum  ;  Renoncule  scélérate,  etc...  — Signatures  minérales  :  cas- 
sure révélatrice  ;  les  formes  cristallines,  etc.  —  L  adepte  sait 
lire  sur  les  écorces  les   propriétés  des  substances 50» 


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TABLE  DES   MATIÈRES  795 


Pages 
L.a  toxicologie  faisait  partie  des  sciences  occultes.  —  Fart  nefas, 

—  Une  horreur  sacrée  enveloppait  les  arcanes  de  cette  science. 

—  Le  serment  d'IIéliodore.  —  La  toxicologie,  telle  que  nous 
Tentendons,  n'était  qu'une  section  de  l'ancienne  science  des 
venins.  —  Les  poisons  de  l'Ame,  de  l'esprit,  de  la  volonté.  — 

—  Action  bienfaisante  ou  néfaste  des  produits  naturels  sur  le 
corps  astral,  ce  lien  régulateur  des  vies.  «»  La  science  des  signa- 
tures est  celle  du  corps  astral  :  double  contrôle,  à  priori  et  à  pos- 
teriori, —  Le  pur  et  Timpur.  ^  Variations  du  corps  iluidique  ;  il 
se  subtilise  ou  s'épaissit  ;  parfois  il  se  dénature.  —  Chrysopée 
de  l'enveloppe  humaine.  —  Le  grand  œuvre  d'immortalité  :  l'a- 
pothéose posthume 512 

Les  quatre  formes  de  l'esclavage  magique  :  il  se  conçoit  élémen- 
taire (sujétion  à  la  matière),  hyperphysique  (répercussion  des 
lémures  du  nimbe,  force  de  l'habitude),  hominal  (servage  ma- 
gnétique), enfin  spirituel  (servage  médianique).  —  Cette  ré- 
partition en  quatre  classes  n'a  rien  d'absolu;  exemples.  — 
Nous  avons  traité  précédemment  des  deux  premiers  modes 
d'esclavage  ;  abordons  les  deux  derniers 516 

L>«c/ai;/z^0Aomtna/ implique  virtuellement  tous  les  autres  ;  pour- 
quoi. —  L'homme  actif  sur  tous  les  plans.  —  Les  pratiques  du 
magnétisme  nous  offrent  le  type  le  plus  ordinaire  de  la  domi- 
nation que  l'homme  peut  acquérir   sur  son  prochain.  •  .  »     518 

Magie  psychique  ;  l'âme  agit  directement  sur  l'âme,  en  dépit  des 
distances.  —  Inégalité  actuelle  des  âmes.  —  Le  phénomène  peu  - 
commun  de  la  Substitution  de  personnalité,  —  En  quoi  ce  phé- 
nomène diSëre de  \d^ Suggestion,  —  Dans  le  premier  cas,  ce  n'est 
pas  l'être  influencé  qui  agit,  c'est  l'expérimentateur  qui  agit 
dans  lui  et  par  lui.  —  Sttbstitution  psychique  aux  Indes.  — L'en- 
lèvement de  Cs^rpena,,  da,ïis  Matthias  Sandor/fy  de  Jules  Verne,     519 

Suggestion  proprement  dite.  ~~  Toute  pensée  est  une  âme.  — 
Dynamisation  de  la  pensée  ;  sa  vitalisation,  par  son  mariage 
avec  un  Élémental.  —  Les  entités  très  diverses  qui  évoluent 
dans  le  nimbe  de  l'homme^  sont  transmissibles  d'un  individu 
à  l'autre,  —  Là  se  fonde  le  principe  de  la  suggestion.  —  Obses- 
sion et  po^^emon  suggestives.  —Auto-suggestions.  — Du  rôle 
secondaire  du  sommeil  provoqué,  relativement  &  la  suggestion 
transmise.  —  L'hypnose  n'est  point  indispensable,  pour  que  la 
suggestion  réussisse.  —  La  suggestion  ne  consiste  pas  seule- 
ment en  une  idée  transmise  :  derrière  l'idée^  il  y  a  une  force. 
Dalmones  de  la  suggestion. 5ââ 

Conditions  pour  qu'une  suggestion  réussisse  :  pensée  citalisée; 

—  volonté  plus  énergique  que  celle  du  sujet  ;  —  rapport  flui- 
dique  établi  d'avance 527 


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796  LA  CLEF  DE  LA  MAGIE  NOIRE 

Le  phénomène  de  Thypnose.  non  point  indispensable  à  la  réas- 
site  de  la  suggestion,  mais  adjiïvant.  —  Ivresse  astrale.  — 
Sujets  réfractaires.  —  Sujets  prédestinés oi^ 

Obsession  ou  possession  d'un  individu  par  une  entité  parasitaire. 

—  Tyrannie  infinitésimale  oucomplëte.périodique  ou  continue, 
éphémère  ou  durable.  —  Exemples.  —  Êtres  potentiels  qui 
meurent  en  se  manifestant.  —  Possession  totale  :  cas  de  folie, 
de  monomanie»  d'idiotisme.  «-  Un  intrus  s'installe  au  foyer  de 
l'âme.  —  Aliénation  mentale.  —  Antagonisme  entre  Tancien 
propriétaire  et  le  nouvel  occupant.  —  Mystère  d'iniquité.  — 
Incarnation  par  surprise.  —  L'«  embryonnat  des  âmes  »...     hV> 

Digression  sur  les  courants  de  TAstral.  —  Encore  les  Êtres  col- 
lectifs, —  Servage  inconscient  et  machinal  ;  subordination  de 
la  partie  au  tout.  -^  Puissances  motrices  du  fluide  astral.  — 
Courants  cosmiques  spontanés  ;  courants  artificiels,  au  pour- 
tour des  chaînes  magiques.  —  Hiérarchie  et  anarchie  spectra- 
les. —  Dangers  menaçant  le  magiste  qui  affronte  ces  cou- 
rants :  dispersion  ou  absorption  psychiques.  —  Le  coup  de 
foudre.  ^  Vie  intellectuelle  des  sociétés.  —  Gourants  d'idées 
nouvelles.  —  Vocabulaires  nouveaux.  —  «  Idées  qui  sont  dans 
l'air.  »  —  Brusques  virements  d'opinions.  —  D'où  procèdent- 
ils  ?  Influence  des  aréopages  occultes.  —  L'éternel  antago- 
nisme :  Satan  et  Saint  Michel  Archange.  -^  Ascendant  indivi- 
duel, ascendant  global  des  foules 333 

Esclavage  spirituel,  —  Des  entités  localisées.  Genii  loci,  —  Pas 
une  pierre,  pas  un  brin  d'herbe,  sur  quoi  ne  règne  un  Esprit. 

—  «  Crains  dans  le  mur  aveugle  un  regard  qui  t'épie  I...  » 

—  Los  Esprits  élémentaires  ;  races   variées  et  dissemblables. 

—  Gnomes,  Ondins,  Sylphes  et  Salamandres.  —  Faunes,  Syl- 
tains, Dryades,  Néréides,  etc.  —  Élémentaux  hostiles  à  l'homme 
qui  envahit  leur  domaine  (Guymiot).  —  La  vengeance  des  Élé- 
mentaux. —  Comment  se  comportent,  à  leur  égard,  le  savant, 
le  sorcier,  l'adepte.  —  Secret  des  opérations  magiques,  re- 
latif à  cette  classe  d'Invisibles.  —  Tempêtes,  trombes  et  cy- 
clones. ~  Feux-follets.  —  Le  vertige  est  l'appel  des  sylphes  ; 
l'attirance  de  l'eau,  l'appel  des  ondins,  etc 537 

Larves  instigatrices  de  suicide.  — Guérite  que  iVispo/éoi»  fait  brû- 
ler, chambre  de  caserne  qu'il  fait  murer,  parce  qu'on  s'y  suici- 
dait. —  Famille  prédestinée  au  suicide  par  immersion  :  tous 
les  mâles  de  cette  lignée  se  noient,  tôt  ou  tard,  au  môme  coude 
de  la  même  rivière.  —  Contes  de  Niœes,  de  Sirènes,  de  Dames 
blanches,  etc.  —  Le  petit  Sauteret 541 

Infestations  ;  maisons  hantées  ;  —  L'affaire  de  Vatence-en-Brie 
fait  le  pendant  de  celle  de  Cideville,  —  Intervention  de  Papus 


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TABLE  DES  MATIÈRES  797 


Pages 
et  de  M.  rabbé  Sehnebelin.  —  L'emploi   des  pointes  métalli- 
ques. —  Plaies  d'étincelles.  —  Les  phénomènes  cessent  ;  la 

malade,  qui  servait  de  médium,  guérit 543 

Pacte  €tvee  le  Démon.  —  Accord  librement  consenti.  —  Pacte 
formel,  pacte  tacite,  —  Toute  expérience  téméraire  suppose 
pacte  tacite.  —  Doctrine  de  TÉglise.  —  L'Occultisme  adopte 
in  toto  les  termes  de  la  définition  théologique,  sauf  à  délimiter 
leur  sens  véritable.  —  Le  Démon,  absolu  du  Mal,  n'est  pas. 
—  Les  mauvais  Esprits  existent.  ^  Du  Diable,  envisagé  comme 
Agent.  —  Du  Diable,  comme  Esprit  de  perversité.  —  Des  so- 
ciétés secrètes;  engagement  réciproque,  cédule.  —  Le  pacte 
suivant  le  Baron  du  Potet,  —  Fraternités  invisibles  ;  cédule  in- 
cinérée; précipitation  en  Astral.  —  L'Enfer  créé  en  Astral; 
apparitions  diaboliques.  ~  Sommes-nous  d'accord  avec  la  théo- 
logie? —  Procédés  péremptoires  de  polémique.  —  M.  de  Mir- 
ville  et  Éliphas  Lévi,  —  Le  Diable  au  xix«  siècle  et  les  occul- 
tistes contemporains.  —  Ckimœra  in  vacuum  àombinans.  .  .     544 

Renaissance  de  la  Magie.  —  Succès  et  petits  déboires  de  l'Occul- 
tisme rénové.  —  Il  subit,  au  dedans,  l'épreuve  de  l'envahis- 
sante médiocrité,  au  dehors,  l'épreuve  du  dénigrement  et  de 
la  moquerie.  —  Les  intrus.  —  Les  exploiteurs.  —  Les  apos- 
tats. —  Misères  faciles  à  prévoir.  —  L'opposition  fatale  des 
forces  adverses.  —  La  loi  du  Fatum.  —  c  Le  mort  saisit  le 
vif.  »  —  La  routine  est  la  règle  morte,  imposée  au  futur  par 
l'autorité  du  passé,  k  la  vie,  par  la  majesté  de  la  mort.  —  Ré- 
novation toujours  lente  des  formes  vieillies.  —  Transitions 
ménagées 552 

La  familiarité  des  Invisibles,  ordinairement  néfaste. —  Ils  agis- 
sent pour  le  compte  d'autrui  (en  conséquence  d'un  maléfice), 
ou  pour  leur  propre  compte.  —  Quel  intérêt  ont-ils  à  obséder, 
à  posséder?  —  Mystères  médianiques.  —  Les  Invisibles,  avi- 
des de  force  nerveuse.  — Abandon  de  fluide  vital,au  paroxysme 
des  passions.  — •  Le  banditisme  spirituel.  —  Raisons  profondes 
de  la  peur,  — -  de  l'instinct  sadique,  etc.  —  R61e  providentiel 
des  larmes,  à  la  mort  d'un  être  cher.  —  Pourquoi  certains 
Invisibles  poussent  l'homme  au  suicide 554 

Rapports  exceptionnels  avec  les  Intelligences  supérieures,  les 
Ames  glorifiées,  les  Anges  missionnaires.  — Méprises  et  décep- 
tions. —  Direction  angélique.  —  Embryonnat  céleste.  —  Ceci 
nous  ramène  au  sens  faste  de  l'esclavage  magique  (Xlle  clef  du 
Tarot) 559 

La  Vérité  ésotérique.  —  Le  Temple  et  le  Sanctuaire.  —  Les  deux 
portes  du  sanctuaire  :  la  Science  et  TAmour.  —  Initiés  spécu- 
latifs :  la  Science  pour  la  Science.  —  Les  désenchantés  de  la 


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798  LA  CLEF  DE  LA  MAGIE  !COIR£ 

cité  terrestre.  —  La  Jérusalem  céleste,  —  Le  désespoir,  chez 

les  plus  nobles  &mes,  n'est  qu'un  déplacement  de  respérance.     5€U 

Chapitre  VI.  —  LA  MORT  ET  SES  ARCANES 

Treizième  clef  du  Tarot  :  la  Mort,  —  Le  squelette  faachear  de 
tètes.  —  Dissolution,  et  génération  universelles.  —  Jeunes 
pousses  de  chair  humaine  :  ce  sont  des  mains  et  des  pieds.  -* 
Sens  de  Temblôme.  -^  Inviolabilité  de  l'initiative  humaine.  — 
Le  pensée  s'incarne  et  se  fait  action.  —  La  mort  qui  frappe  le 
penseur  ne  détruit  pas  la  pensée.  —  Vertu  viviOante  du  mar- 
tyre. —  L'homme  qui  meurt  pour  une  idée  immortalise  celle- 
ci,  en  lui  infusant  sa  propre  vie.  —  Le  piège  du  suicide.  —  Le 
sublime  sacrifice  de  la  mort  volontaire  :  Jésus-Christ  et  Jeanne 
d'Arc.  —La  palme  du  martyre  devient  le  sceptre  d'une  royauté 
posthume.  —  La  mort,  chose  grave  et  sacrée.  —  Rien  n'ex- 
cuse le  suicide 563» 

Qu'est-ce  que  la  Mort?  —  Rupture  du  lien  sympathique  des  vies. 

—  Victoire  de  l'individualisme  moléculaire  sur  Tunitarisme 
collectif.  —  Libération  de  la  Psyché.  —  La  vie  est  insaisissa- 
ble à.  nos  méthodes  scientifiques.  —  Opinions  remarquables 
de  louis  Ménard.  —  Les  différents  aspects  de  la  vie  :  vie  uni- 
verselle, vie  collective  de  l'espèce,  vie  propre  de  l'individu, 
vitalité  cellulaire,  vie  chimique  des  atomes 57i 

Le  lieu  sympathique  des  vies,  c'est  le  corps  astral,  frein  agré- 
gatif du  triple  et  quadruple  dynamisme  vital,  dans  ses  rapports 
avec  l'organisme.  —  La  vitalité  des  cellules:  fluide  biologique 
réfléchi.  —  Le  spectre  phosphorescent.  —  Les  Masikîm,  lar- 
ves de  la  dissolution  corporelle.  —  Cellules  survivant  un  cer- 
tain temps  :  croissance  posthume  des  ongles  et  des  poils.  — 
Le  corps,  scaphandre  véritable,  préserve  l'être  humain,  sa  vie 
durant,  contre  les  atteintes  de  l'océan  fluidique  universel.  — 
Flux  et  reflux  de  l'Astral.  —  Hereb  et  lônah,  dans  leurs  rap- 
ports avec  l'ombre  et  la  lumière.  —Atmosphères  faste  etnéfaste     575 

La  tempête  astrale  terrifie  l'être  humain,  au  sortir  du  cadavre. 

—  Elle  veut  y  rentrer.  —  Quand  y  parvient- elle  î  —  Possibilité 
exceptionnelle  du  retour  à  la  vie,  quand  le  corps  n'a  pas  souf- 
fert de  lésions  irréparables.  —  Le  grand  œuvre  de  la  résurrec- 
tion. —  La  Bible,  V Évangile,  les  Actes  des  ApâtresAes  Vies  de 
Saints  relatent  plusieurs  cas  de  résurrection  miraculeuse.  — 
Rappel  à  la  vie  du  sieur  Candy,  par  Leriche,  adepte  de  la  phi- 
losophie hermétique  (1799).  —  Efficacité  de  la  chaîne  magique, 
pour  le  rappel  &  la  vie.  —  Incubation  magnétique.  ^^  Prati- 


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TABLE  D£S  MATIÈRES  799 


Ptges 
ques  religieuses  et  sacrements.  —  Eliphas  Léti  rappelle  sa  . 

petite-fille  à  l'existence  (lettre  inédite  d'Èliphas  à  M.  le  Baron 

Spédaliéri).  r—  Rites  du  -  résurrectionnisroe»  dans  toutes  les 

grandes   religions.  —  Tradition  sacerdotale.  —  Le  pontife 

n'entreprendra  le  miracle  qu'à  coup  sûr.  *-  Des  miracles  spon*- 

tanés  :  Lourdes  et  la  Salette  ;  œuvres  personnelles  des  Saints. 

-^  Où  l'auteur  puise  ses  informations 580 

Cérémonial  fort  étrange,  au  lit  de  mort  des  papes.  —  Le  rite  du 

marteau  d'argent  et  du  triple  appel»  —  Des  superstitions  ou 

rites   éteints.    —  Reririficatîon    religieuse.  —  Le  cycle  de 

Pierre  et  le  cycle  de  Jean,  —  Les  clefs  du  Ciel  et  de  l'Enfer. 

—  L'heure  de  la  Providence.  Appel  au  Souverain  pontife.  .  .     S87 
Pour  expliquer  l'emploi  du  marteau  d'argent»  et  la  cérémonie  du 

tnple  appel,  il  faut  éclaircir  deux  mystères  connexes  :  l'arcane 
kabbalistique  du  résurrectionnisme,  et  l'arcane  religieux  du 
jugement  des  âmes,  par N. -S.  Jésus-Christ.  ->  De  lamort,  con- 
çue synthétiquement.  —  Abmatérialisation  posthume.  —  Di* 
vorce  entre  l'homme  psychique  qui  sur\'it,  et  l'homme  matériel 
qui  se  décompose.  —  Arrêt  des  fonctions  vitales.  —  Coïnci- 
dence relative  de  ces  phénomènes  :  exemples.  —  Si  le  corps 
meurt  en  détail.  —  Certaines  fonctions  corporelles  s'exercent 
encore  quelque  temps.  —*  Base  rationnelle  de  la  théorie  du 

résurrectionnisme 590 

Des  principes  constitutifs  de  l'homme.  —  Classification  ternaire 
et  classification  septénaire.  —  Goûph,  Nephesh,  Roûach  et 
AVjtcAamaA.  —  La  doctrine  kabbalistique  et  la  doctrine  hindoue  : 
essai  de  conciliation.  —  Qu'est-ce  qui  appartient  en  propre  à 
l'homme  individuel?  —  L'Esprit,  essence  illuminative  (imper- 
sonnelle) et  le  corps,  emprunt  fait  à  la  matière  terrestre,  doi- 
vent être  écartés  ;  restent  l'âme  et  le  corps  astral.  —  L'&mo 
constitue  la  personnalité  vraie  ;  le  corps  astral  est  le  moule  de 
la  fausse  personnalité.  —  Comment  se  forme  cette  dernière, 
dans  la  matrice  du  corps  astral?  —  L'alluvion  fluidique  et 
l'apport  lémurien.  —  Fusion  des  Larves  et  du  corps  astral. 

—  La  fausse  Psyché  doit  se  dissoudre.  —  La  mort  sépare  la 
personnalité  d'emprunt  de  la  personnalité  légitime.  —  Consi- 
dérations générales 592 

Le  divorce  entre  la  vraie  et  la  fausse  Psyché.  —  C'est  là  ce  juge- 
ment dont  parle  l'Écriture.  —  L'ivraie  séparée  du  bon  grain.  — 
Au  tribunal  de  l'àme  collective.  —  Le  confessionnal  de  Vabime. 

—  Expulsion  des  Larves,  constitutives  de  la  fausse  personna- 
lité, ces  molécules  hétérogènes  et  peccantes.  —  Le  dépût  des 
pensers  et  des  volitions.  —  Les  Appendices  de  Vdme  (Basilide).     ;>97 

Localisations  physiologiques.  —  Par  où  s'opère,  à  la  mort,  la 


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800  LA  CLEF  DE  LA  MAGIE  NOIRE 

libération  animique  et  astrale  ?  —  Par  le  sommet  de  la  tête, 
contre-polarité  de  l'organe  génital,  par  où  s'est  effectuée  Tin- 
camation.  —  Analogie  des  contraires.  —  C'est  an  sommet  de 
la  tète  que  le  cardinal  camerlingue  frappe  trois  coups  de  son 
marteau  d'argent r>99 

Le  corps  astral  pèse  sur  l'àme  tant  qu'il  ne  s'est  pas  déchargé, 
une  à  une,  des  Larves  de  la  fausse  personnalité.  —  L'àmo 
reste  tout  ce  temps  captive  du  cadavre.  —  Le  sédiment  d'illu- 
sion se  détache  aisément  des  âmes  sincères,  qui  n'aiment  que 
la  Vérité,  et  sont  prêtes  k  renier  le  mensonge.  —  Épreuve  fa- 
cile ;  épreuve  terrible,  suivant  les  cas 6uO 

Comment  se  paie  la  dette  des  magiciens  noirs.  —  Le  pacte  média- 
nique.  —  Le  piège  posthume  :  influence  des  cercles  mauvais. 

—  Secours  néfastes.  —  Immortel  héritage  compromis.  —  Di- 
gression sur  les  mystères  de  la  sortie  en  corps  astral 60 â 

L'àme  enfln  délivrée  du  cadavre.  —  Larves  expulsées,  Larves  du 
nimbe.  —  Toute  saignante  de  son  divorce  avec  la  fausse  Psyché. 
l'Ame  s'élance  et  veut  fuir.  —  Nouvelles  épreuves.  —  Le  ver- 
tige de  l'abîme.  —  Le  coup  de  la  mort.  —  Le  lien  sympatlii- 
que,  qu'il  faut  briser.  —  L'assaut  des  monstres  dévorants.  — 
Suprême  angoisse 603 

C'est  le  moment  critique  ;  l'àme  succomberait,  si  elle  n'était  se- 
courue. —  Le  fleuve  Siyz.  —  La  barque  de  Charon.  —  L'onde* 
stygienne  emporte  l'àme,  vêtue  de  son  corps  astral,  et  enve- 
loppée de  son  nimbe  vengeur.  —  L'empire  de  l'Érèbe;  le  gouffre 
d'Hécate  ou  Champ  de  Proserpine.  —  C'est  le  cône  d'ombro 
de  la  terre.  —  La  Lune  symbolise  le  Génie  des  expiations.  — 
La  belle  hymne  à  la  Lune,  de  Saint-  Yves.  —  Le  Cerbère  éso- 
térique;  la  sentinelle  du  pur  Éther 605 

Le  cône  d'ombre  est,  suivant  les  cas,  le  purgatoire  ou  l'enfer  des 
âmes.  —  Les  affres  de  la  seconde  Mort.  —  L'alternative  su- 
prême: to  bee,  or  not  to  bee.  —  La  condition  A* Élémentaire: 
détails  émouvants.  —  Les  légionnaires  de  l'ombre  :  les  mat/- 
vais  daïmone*  de  l'orbe  magnétique  inférieur.  —  L'apothéose 
de  la  seconde  Mort.  —  Mondifîcation  par  l'eau  ;  purification 
par  le  feu.  —  VAntichtone,  ou  terre  spirituelle  de  Platon.  — 
La  citadelle  ignée.  —  Une  page  énigmatique  de  la  Mission  des 
Juifs 610 

Que  signifie  le  Marteau  d'argent  du  cardinal,  au  lit  de  mort  des 
Papes.  ^  Pourquoi  d'argent  ?  —  L'argent,  symbole  du  génie 
lunaire,  qui  gouverne  sur  Hereb,  et  refoule  l'àme  vers  la  terre. 

—  Lune  et  Soleil  :  Antagonisme  d'influences.  —  Résurrection- 
nisme.  —  Tentative  thaumaturgique.  —  Sens  des  trois  coups 
et  du  triple  appel.  —  Cardinal  vêtu  de  violet  :  deuil  mitigé 


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TABLE  DES   MATIÈRES  801 


Pages 

d'espérance.  —  Improvisation  de  la  chaîne  magique.  —  La 

suture  crânienne  et  le  trou  de  Brahma 617 

Le  subside  bénéfique.  —  D'où  vient  cette  aide,  à  l'àme  désin- 
carnée ?  —  D'ici- bas  et  de  là-haut.  —  L'âme  n'a  pas  commencé 
son  purgatoire  dans  le  cône  d  ombre,  que,  sur  VAntichtone, 
sa  place  est  marquée.  —  Célestes  parents  sur  l'antichtone.  — 
La  Camille  se  composera-t-elle  là-haut  des  mêmes  membres 
qu'ici-bas  ?  —  Réponse  hypothétique.  —  Nous  ne  connaissons 
ordinairement  d'un  homme  que  sa  fausse  personnalité.  Com- 
ment? —  Marchandises  prohibées  du  bagage  immortel.  ^-  Le 
cadavre  de  la  seconde  Mort  ;  VOmbre,  ou  la  coque  inane.  — 
La  plupart  des  hommes,  intimes  sur  la  terre,  ne  se  reconnaî- 
tront pas  sur  Tantichtone.  —  Exception  en  faveur  des  plus 
nobles  d'entre  eux.  —  Privilège  aristocratique  des  âmes.  — 
Traditions  consolantes.  —  Le  nouveau-né  et  le  nouveau  mort. 
—  La  page  blanche  et  les  écritures  karmiques 622 

Dans  l'épreuve  de  la  seconde  mort,  c'est  d'ici-bas  que  doit  éma- 
ner l'influence  décisive,  auxiliatrice  et  libératrice.  —  Émission 
du  subside  bénéfique.  —  Le  culte  des  Trépassés.  —  Les  indif- 
férents, les  athées  mêmes,  ne  s'y  montrent  pas  insensibles.  — 
Sublime  instinct.  —  Le  rôle  providentiel  de  la  douleur  des 
amis  et  des  proches  ;  de  là  procède  l'auxiliation.  —  Le  céré- 
monial funèbre,  savante  orchestration  de  la  douleur.  —  Hé- 
morragie fluidique,  au  paroxysme  des  passions  violentes.  — 
La  force  perdue  dans  la  douleur  est  mise  à  la  disposition  de 
l'âme  en  peine.  ^  Comment  ?  —  Le  véhicule  intercosmique. 
Affinité  familiale.  -—  Loi  des  trépas  sériels.  —  «  Les  morts 
s'appellent  /  » 627 

Le  Culte  des  Ancêtres,  si  vivace  en  Extrême-Orient.  —  La  guerre 
des  jésuites  et  des  dominicains  en  Chine,  à  ce  sujet.  —  Dans 
quelles  conditions  devient  possible  la  communion  des  hom- 
mes avec  les  citoyens  de  l'Antichtone,  et  les  âmes  glorifiées 
de  la  Citadelle  Solaire  ?  —  Déformations  exotériques  du  culte 
des  ancêtres.  —  La  caractéristique  des  superstitions,  c'est  de 
grimacer  dans  l'outrance.  —  Les  adeptes  de  la  magie  noire, 
pour  décupler  l'émission  dynamique,  en  faveur  des  trépassés, 
mêlent  le  sang  aux  larmes,  la  douleur  physique  au  chagrin 
moral.  —  Incisions  et  tatouages  funèbres.  —  Un  texte  incom- 
pris du  Lévitique.  —  Le  pacte  hiéroglyphique  au  vif  de  la 
chair  humaine.  —  La  coupe  du  Vampirisme 630 

Accomplir  des  rites  sanglants  sur  une  tombe,  c'est  suggérer  à 
l'âme  en  peine  de  se  faire  Vampire.  —  Crime  posthume.  — 
Le  livre  de  Schertz  et  l'ouvrage  du  Père  Calmet.  —  Les  Vam- 
pires incarnés.  —  Maladie  posthume  ;  cas  avérés.  —  La  Spec- 

51 


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! 


802  LA  CUF  OE  LA  MAGIE  NOIRE 

iropathie  du  Dr  Calmeil,  —  Pausanias  parle  des  Vampires.  » 
Le  spectre-assassin.  —  Cadavres  crottés  ;  texte  curieux  de  Dom 
Calmet.  —  Le  poulpe  embusqué  dans  la  fosse.  —  Tumuiam 
eircumvolat  umbra  !  —  Vampirisme  à  Mycone.  —  Glaives 
fixés,  la  pointe  en  l'air,  sur  la  sépulture  des  Vampires.  Pour- 
quoi ?  —  Vampirisme  anticipé  :  VÈlixir  de  Vie  de  Jules  Ler- 
mina.  —  Perpétuer  la  vie»  et  non  la  mort.  —  L'ffermippus  re- 

divivus  de  Cohausen.  —  Recette  mirifique 636 

Encore  le  Cuite  des  ancêtres.  —  Pratiques  de  la  Nécromancie. 
-^  Évoquer  les  morts...  Qu'eniendons-nons  par  là?  — Malen- 
tendu à  éviter.  —  Quels  êtres  répondent  aux  appels  du  nécro- 
mancien ?  —  Les  conditions  ne  sont  plus  ce  qu'elles  étaient. 

—  Les  religions  unitaires.  —  Rapports  intercosmiques,  faciles 
autrefois.  ->  Thaumaturgie  des  anciens  temples.  —  Double 
point  de  vue.  —  Les  deux  torrents,  le  chaos  et  l'échelle  de  Ja- 
cob. —  Sublimes  réalités.  —  La  synthèse.  —  Le  fruit  de  la 
Connaissance  et  le  ver  rongeur  de  l'Antagonisme.  —  Règne  du 
Binaire  impur.  —  Les  Portes  de  la  naissance  et  de  la  mort. 

—  Fonctions  troublées.  —  Telles  pratiquables  issues  se  sont 
fermées.  —  Le  point  mort.  —  Abolition  des  sanctuaires  fémi- 
nins, où  les  femmes  apprenaient  l'art  d'évoquer  à  la  vie  des 
âmes  de  leur  choix.  —  La  splendeur  thaumaturgique  du  culte 
ancestral  appartient  au  passé 645 

Présentement,  les  pratiques  de  la  nécromancie  ressortissent  à  la 
Magie  noire.  — Tentatives  téméraires  ;  efforts  isolés...  ^  Mys- 
tères de  la  médianité.  —  Apparitions  et  manifestations  diver- 
ses. —  Dénombrement  des  êtres  susceptibles  de  répondre  à 
rappel  nécromantique.  —  Rôle  néfaste  des  Élémentaires.  — 
Rareté  des  manifestations  supérieures 6.nâ 

Le  Voyage  cosmique  des  âmes.  —  Dogme  orphique  et  pythago- 
ricien. —  Vérité  une  ;  Symboles  multiples.  —  Manteau  sacer- 
dotal taillé  dans  la  riche  étoffe  des  mystères  antiques.  —  La 
Gnose;  erreurs  et  vérités  du  gnosticisme.  —  Pourquoi  l'Église 
catholique  a  condamné  ces  tendances  —  L'ivraie  et  le  bon 
grain.  ^  L'heure  de  la  Providence.  —  Gnosticisme  de  l'avenir. 

—  Les  hérésies  des  premiers  siècles.—  Rénovations  ésotériques. 
La  gloire  de  Manès  ;  ses  vertus  et  ses  fautes.  —  Mauvaise  in- 
terprétation de  sa  doctrine.  —  Le  Symbolisme  profond  de 
Manès,  relatif  au  Voyage  cosmique  des  âmes.  -^  La  roue  aux 
douze  vases,  ou  la  machine  du  salut.  —  Lune  et  Soleil,  Amour 
et  Sagesse,  ^  Phases  lunaires  ;  La  lune,  pleine  d'âmes,  se  vide 
dans  le  Soleil.  —  Les  deux  vaisseaux  de  l'Éther.  —  La  réin- 
tégration. —  Colonne  de  gloire  et  de  lumière. — Analogies  avec 

le  Druldisme  :  la  ci  té  de  Gwyon.  —  Unité  ésotérique  du  dogme.    657 


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TABLE  DES   MATIÈRES  803 


Chapitre  VIL  —  MAGIE  DES  TRANSMUTATIONS 

Ptgei 
Après  remblëme  de  la  mort,  le  Tarot  nous  présente  celui  des 

métamorphoses.  —  XI V«  clef,  la  Tempérance  (mention  fautive). 
—  L'ange  solaire,  tenant  un  vase  de  chaque  main,  verse  le  con- 
tenu de  Tune  dans  l'autre.  —  Le  vase  change,   la  liqueur 

reste  la  même 665 

Les  métamorphoses  sont  apparentes  :  elles  n'atteignent  pas  l'es- 
sence. —  De  l'essence  et  des  essences.  —  Modifications  intûs 
et  extra.  —  Être,  exister,  —  Toute  chose  sensible  existe  sans 
être,  car  elle  devient.  —  Toute  métamorphose  est  le  passage 
d'un  mode  illusoire  &  un  autre  mode  d'illusion.  —  Unanimité 

des  écoles  mystiques,  à  cet  égard 666 

Ce  chapitre  doit  se  borner  à  l'examen  de  quelques  exemples  de 
transmutations.  —  Métamorphoses  objectives.  —  Métamorpho- 
ses mixtes  (phénomènes  fluidiques).  —  Nous  examinerons  un 
cas  de  transmutation  dans  chacun  des  règnes  de  la  Nature  : 
Lycanthropie  [règne  animal),  —  Paltngénéste  (règne  végétal), 

—  Chrysopée  (règne  minéral).  —  L'étude  de  la  Chrysopée  for- 
mera un  précis  à  part  de  Science  hermétique,  qui  clora  tout 
ensemble  et  ce  chapitre  et  ce  volume 668 

Métamorphoses  animales.  —  L'énigme  de  la  Lycanthropie  fait  le 
pendant  de  celle,  déjà  étudiée,  du  Vampirisme.  —  Le  loup- 
garou,  sorcier  vivant,  qui  dort  dans  son  lit  ;  le  lycanthrope,  sor- 
cier mort,  qui  végète  en  sa  tombe.  —  L'analogie  se  poursuit 
dans  les  moindres  détails.  —  Larcin  de  force  vitale.—  Assauts 
sanglants  ou  non  sanglants  du  spectre-assassin.  —  Contrefaçons 
pathologiques  du  Lycanthrope.  —  Lycanthropie  naturelle,  et 
Lycanthropie  diabolique.  «  Hypothèses  des  «  hommes  de  l'art  ». 
La  question  des  pommades  magiques.  —  Les  trois  onguents, 
selon  Jean  de  Nynauid.  —  La  pommade  du  Sabbat,  et  celle  de 
l'erraticité  lycanthropique.  —  Théories  curieuses  de  Nynauid. 

—  La  théorie  hermétique  du  Loup-garou,  selon  Éliphas  Lévi,     671 
De  la  répercussion  traumatique,  dans  les  cas  de  Lycanthropie.  — 

Le  corps  du  sorcier  est  blessé  des  coups  qui  atteignent  sa  lar\'e 
astrale.  —  Certitude  des  phénomènes  répercussifs.  —  Les 
médiums  matérialisant  en  savent  quelque  chose.  —  Expérien- 
ces décisives  de  Rochas.  —  Ce  qu'il  y  a  devrai  dans  les  contes 
de  Lycanthropie,  au  sujet  de   la   répercussion.  —  Exemples. 

—  Le  charme  détruit,  par  V effusion  du  sang  du  Charmeur. 

—  Telramund  et  Lohengrin 677 

Du  pseudomorphisme  spectral,  chez  le  Loup-garou.  —  Nabucho- 

donosor  et  les  compagnons  d'Ulysse,  etc.  —  Comment  le  corps 


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80i  LA  CLEF  DE  LA  MAGIE  NOIRE 

fluidique  peut-il  se  modeler  à  des  ressemblances  animales  ?  — 
L'homme,  synthèse  de  ranimalité.  —  Formes  animales  diver- 
gentes. —  Le  type  humain  réside  au  point  central  d'équilibre. 

—  Métamorphoses  de  déviation,  vers  les  formes  outrancières 
de  l'animalité.  —  Transmutations  passagères,  ou  durables,  — 
Le  mystère  des  physionomies  révélatrices.  —  Théorie  occulte 

de   la   bilocation  pseudomorphique O^i 

Fait  de  Lycanthropie,  très    curieux,  rapporté  par   M.  Bojanoo, 

—  Mort  de  la  lanterne.  —  La  femme  et  le  chien.  ^  Sympathies 

et  antipathies  de  l'homme  à  l'animal.  —  Le  nagualisme.  .  .  .  684 
Métamorphoses  végétales.  —  La  Palingénésie  ou  le  Phénix 
végétaL  —  Le  fantôme  d'une  rose  sortant  des  cendres  d'un 
rosier.  —  Lessive  d'orties,  exposée  au  froid  :  la  glace,  en  se 
prenant, garde  l'empreinte  des  feuilles  d'orties.  —  Opinions  de 
Uaffarel,  —  Improvisations  cristallines  de  la  froidure.  —  Ar- 
borescences et  feuilles  de  fougère  sur  les  vitres,  par  la  gelée. 

—  Cristallisations  pseudo-végétales  :  guirlandes  de  seU  grim- 
pants» —  Arbres  métalliques  de  Diane  Qtde  Saturne,  etc.,  tous 
groupements  moléculaires  à  formes  végétales.  —  Hiéroglyphes 
divers,  obtenus  en  refroidissant  certaines  substances  liqué- 
fiées. ~  Signatures  spontanées  des  Larves,  sur  la  grenaille  de 
plomb  :  elles  dénoncent  les  maléfices.  —  Procédés  tradition- 
nels des  sorciers  guérisseurs.  —  Une  anecdote  contée  par 
Bodin,  —  Témoignage  du  naturaliste  Guy  de  la  Brosse,  tou- 
chant le  phénomène  de  la  palingénésie 688 

Abandon  regrettable  de  ce  genre  de  recherches,  banales  aux  siè- 
cles précédents.  —  Le  terme  de  Palingénésie,  familier  aux 
écrivains  du  xvm®  siècle.  —  Charles  Bonnet  et  Pierre-Simon 
Ballanche.  —  Le  corps  sidéral  des  plantes.  —  Manifestation 
des  fantômes  végétaux.  —  Préparation  détaillée  du  Phénix 
végétal,  d'après  le  Grand  Livre  de  la  Nature,  ou  V Apocalypse 
hermétique.  —  Les  cendres  de  Mausole.  —  Théories  parfois 
hasardées  de  Jacques  GaffareL  —  La  Mumie  de  ParaceUe.  .  .    693 

Talismans  d'invisibilité.  —  L'anneau  de  Gygès.  —  Le  Comte  de 
Gabalis  :  «je  va  me  rendre  invisible...  »  —  Des  hallucinations 
négatives 699 

PRÉCIS  D'ALCHIMIE.  —  Métamorphoses  minérales.  ^  L'art  de 
la  Chrysopée.  —  Considérations  générales.  —  L'or  artificiel 
et  les  savants.  —  Intransigeance  du  dogmatisme  scientifique, 
de  nos  jours.  —  La  synthèse  de  l'or  est  possible,  puisque  la 
Nature  le  produit 703 

L'art  transmutatoire  est  une  réalité  du  passé.  —  L'alchimie  des 
sanctuaires.  —  Trésors  sacerdotaux.  ^  Raymond  Lulle,  à  la 


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TABLE  DES  MATIÈRES  805 

Pages 
tour  de  Londres  :  origine  des  raymondines  ou  des  nobles  à  la 
rose.  —  Nicolas  Flatnel.  —  La  pierre  philosophale,  aux  mains 
des  adversaires  de  l'alchimie  :  Bérigard  de  Pise,  Helvétius  et 
Van  Helmont,  —  Transmutations  de  l'émissaire  Lascaris  .  .  •    70b 

Les  arcanes  hermétiques,  défendus  par  un  rempart  de  symboles. 
Contradictions  apparentes  des  Maîtres.  —  Pourquoi  nous  se- 
rons explicite.  —  L'Unité  de  substance  et  la  chimère  des  pré- 
tendus corps  simples.  —  Grandeurs  et  misères  de  la  science 
contemporaine. —  Étude  minutieuse  des  «écorces».  —  La 
science  du  caput  mortuum  universel.  —  L'&me  minérale 
échappe  aux  modernes.  —  Les  vieux  alchimistes  travaillaient 
sur  la  matière  vivante  ;  nous  manipulons  des  cadavres.  —  Bio- 
génie minérale 707 

Le  Credo  alchimique.  ^-  Unité  substantielle,  sous  la  multiplicité 
phénoménale.  —  Les  trois  principes  et  les  quatre  éléments. 

—  Soufre,  Mercure  et  Sel  :  Aôd,  aôb,  aôr.  —  Définitions  de 
principes,  d'après  Jean  Fabre,  de  Montpellier.  —  L'énergie 
réalisatrice  des  corps  ;  ses  trois  aspects.  —  Les  3  principes, 
envisagés  séparément,  se  réduisent  à  de  pures  abstractions. 

—  Le  point  de  vue  métaphysique,  et  le  point  de  vue  pratique. 

—  Génération  des  mixtes,  à  travers  les  4  éléments 7i0 

La  nature  métallique  est  une.  —  Les  métaux  sont  fruits  de  ma- 
turité plus  6u  moins  avancée,  sur  l'arbre  métallogène.  —  Les 
métaux  imparfaits  équivalent  k  des  fruits  point  mûrs.  —  La 
pierre  philosophale  est  le  ferment  susceptible  de  porter  à  ma- 
turité ces  fruits  aigres,  et  détachés  avant  terme  de  la  vie  de 
croissance.  -^  Tout  l'œuvre  réside  dans  l'élaboration  du  fer- 
ment, soit  au  blanc,  soitau  rouge.  —  L'art  d'Hermès,  d'après 
Éliphas  Lévi 715 

Sommaire  des  travaux  du  grand  œuvre  :  quatre  divisions.  — 
I.  Opérations  préliminaires  —  Préparation  de  l'Azoth  des 
Sages.  —  Sublimation  mystérieuse.  — L'Acier  des  philosophes 
et  leur  aimant.  —  Le  dissolvant  des  métaux.  —  «  Réincruda- 
tion  »  de  l'or  et  de  l'argent.  —  Rébis.  —  II.  Vœuvre  propre- 
ment dit.  —  Libération  du  Soleil  vif  et  de  la  Lune  vive.  -^ 
Le  Roi  et  la  Reine,  dont  les  noces  produiront  l'Enfant  royal. 

—  Le  Soufre  et  le  Mercure  métallogènes  se  marient.  —  Les 
deux  ferments.  —  Rien  autre  que  Rébis  ne  doit  être  enfermé 
dans  l'œuf  et  soumis  au  régime  gradué  de  l'athanor.  —  Phé- 
nomènes successifs  dans  l'œuf.  —  Les  couleurs.  —  La  pierre 
philosophale.  —  III.  Multiplication  de  la  pierre.  —  Deux  pro- 
cédés.—  IV.  Projection.  — Transmutation  métallique  ....     717 

Commentaires.  —  Toute  la  difficulté  réside  aux  travaux  prépara- 
toires. —  Le  reste,  jeu  d'enfants  et  de  femmes.  —  Le  Mercure 


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8(K>  LA  CLEF   DE   LA  MAGIE  NOIRE 

des  Sages.  —  La  matière  première  :  magnésie,  marcassite,  ou 
minière  des  philosophes.  —  V Acier  des  philosophes  peat  seal 
dégager  Mercure  de  ses  liens.  —  Pour  se  procurer  cet  Acier, 
il  faut  l'attirer  au  moyen  de  leur  Aimant» —  L'électricité  et  la 
pile.  —  Le  magnétisme  est-il  employé  en  alchimie?  *-  Objecti- 
vations  du  protyle. —  Les  aigles  volantes  de  Philaléthe.  —  Deux 
textes  décisifs  de  cet  adepte.  —  L'Ammonium  et  le  Mercure 
des  Sages.  —  Hypothèse  et  analogie.  —  Le  «  raenstrue  végé- 
table  ».  —  Le  père^  la  mère  et  l'enfant.  —  Le  batn  du  roi  et 
de  la  reine.  —  Le  grand  et  le  petit  magistère.  <—  Pour  le  grand 
magistère,  il  faut  travailler  sur  l'or  et  TAzoth  ;  pour  le  petit,  sur 
l'argent  et  l'Azoth.  —  L'or  et  l'argent  réincrudés  donnent  les 
deux  ferments,  soufre  et  mercure.  —  Pourquoi  tels  maîtres 
conseillent  de  prendre  or,  argent  et  Azoth  pour  le  grand  ma- 
gistère, quand  or  et  Azoth  suffiraient.  ^  Congélation  de  B^is,    72 (         ' 

Le  véritable  Athanor;  sa  description  (il.  Poisson),  —  Bain  de 
sable  ou  bain-marie  ?  —  Ualudel  et  la  circulation  des  esprits.  | 

—  La  distillation  de  soi  sur  soi.  — >  Regimen  ignis,  —  Le  •feu 
secret  »  ;  confusions  et  malentendu  sur  ce  point.  —  Le  charbon 
de  terre  et  les  souffleurs 730 

Calcination  de  l'œuf.  —  Alternatives  de  volatilisation  et  de  fixa- 
tion, de  déliquescence  et  d'aridité.  —  Régime  de  Mercure.  —  ' 
Régime  de  Saturne:  la  «  tète  de  corbeau  •  et  le  «  nigrumni- 
gro    nigrius  ».  ^  Régime  de  Jupiter.   Les  «   colombes  de 
Diane  >  annoncent  la  blancheur.  *-  Régime  de  Diane  :  la 
«  Pierre  au  blanc  ».  —  En  quoi  diffère  la  pierre  transmuta-  i 
toire  au  blanc,  dans  les  deux  magistères  :  identique  en  acte, 
elle  est  dissemblable  en  puissance.  —  Continuation  de  l'œuvre. 
Régime  de  Vénus.  —  Régime  de  Mars  :  la  «  queue  du  paon  »  ' 
et  r  c  écharpe  d'Iris  ».  —  Régime  du  Soleil  :  la  pierre  philo- 
sophale  obtenue.  —  Ses  propriétés  physiques.  —  Sa  puissance    734 

Les  deux  méthodes  de  multiplication  de  la  pierre.  —  «  Mare  tin- 
gerem,  si  mercurius  esset.  »  —  La  poudre  de  projection,  — 
La  boulette  de  cire.  -—  La  vraie  Lune  fixe.  —  Un  métalloïde 
inconnu  ?  —  La  Médecine  universelle 736 

Le  problème  de  Vffomunculus,  -^  Séduisante  chimère.  -^  L'idole 
de  Moloch.  —  Animation  artificielle  d'une  mandragore.  —  Su- 
prêmes turpitudes  de  la  science  déviée  à  gauche.  —  Obscénité 
des  sorciers  hébreux,  d'après  le  savant  raàbi  Moses 739 

Apologie  des  grands  adeptes  de  la  science  dUermès.  —  L'apos- 
tolat hermétique.  —  Les  grands  adeptes  ont-ils  thésaurisé  ?  — 
La  Chrysopée  extérieure  et  la  Chrysopée  interne.  —  «  Petra 
autem  erat  Christus  .  • 74! 

Post-scriptum ^.  .    743 


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TABLE  DES   GRAVURES  807 


Pages 
Appendice 

I .  Le  corps  causal,  d'après  la  théosophie  védan  fine,  par  Paul  Sédir  745 

\\.  Un  supplice  étrange  en  Extrême-  Orient,  par  A .  de  Pouvourville  748 

Bibliographie.  Catalogue  des  ouvrages  cités  en  ce  tome 751 

Table  des  matiârbs 769 

Table  des  gravures 807 


TABLE  DES  GRAVURES 

Frontispice  :  Le  Pentacle  de  Trithème,  reconstitué  par  M.  Oswald 
Wirth,  sur  la  description  qu'en  donne  Éliphas  Lévi  (d'après  un 
exemplaire  manuscrit  du  Traité  des  Causes  secondes  de  Tri- 
thème,  de  la  bibliothèque  de  M.  le  Comte  Branitzki) i 

Schéma  de  la  Constitution  de  V Homme  (Cf.  Fabre  d'Olivet).  .  .       81 
Variante  du  pentacle  de  Trithème,  dessiné  par  M.  Wirth,  sur  un 
croquis  de  la  main  d'Éliphas,  relevé  dans  une  de  ses  lettres  à 

M.  le  baron  Spédaliéri 92 

La  Justice  (huitième  clef  du  Tarot),  dessin  de  M.  Wirth 98 

UEau  et  le  Feu  :  antagonisme  nuptial  des  contraires  (Symbole 

hindou,  recueilli  par  Malfatti  de  Montereggio) 116 

U Ermite  (neuvième  clef  du  Tarot),  dessin  de  M.  Wirth  ....  154 
En  tHtutepour  le  Sabbat  (reproduction  phototypique  de  deux  bois 
fort  étranges  du  xve  siècle,  extraits  du  de  Lamiis  d'Urich  Mo- 
litor,  1495,  in-4).  Sorciers  en  forme  humaine  et  en  forme  ani-, 
maie,  l'un  monté  sur  un  loup,  les  autres  à  cheval  sur  le  légen- 
daire manche  à  balai.  —  Gravures  curieuses  et  d'une  exécu- 
tion tout  à  fait  naïve  et  première 158 

Le  p'ur  b%  lance  thibétaine  dont  se  servent  les  lamas  pour  dis- 
soudre les  Larves  et  chasser  les  mauvais  esprits  (Phototypie) .     179 
U  Sabbaty  d'après  Pierre  de  Lancre.  (Reproduction  phototypique 
d'une  planche  intéressante  et  qui  fait  défaut  daus  presque  tous 
les  exemplaires  du  Tableau  de  V Inconstance.  Paris,  1612  ou 

16ia,  in-4) 196 

La  Roue  de  fortune  (dixième  clef  du  Tarot),  dessin  de  M.  Wirth.     232 
Schéma  de  la  polarisation  cérébro^génitale  de  VAndrogyne  hu- 
main  244 

Second  schéma  de  la  polarisation  androgynique 248 

Les  trois  Parques  tissant  l* Avenir  :  Providence,  Volonté,  Destin. 
(Reproduction  phototypique  d'une  composition  originale,  si- 
gnée de  l'abbé  Constant  (Éliphas  Lévi).  —  Extrait  d'un  an- 
cien manuscrit  des  Clavicules  de  Salomon,  intitulé  :  le  Secret 
den  Secrets,  Ce  mss.  a  appartenu  à  Éliphas,  qui  l'a  orné  de  nom- 


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808  LA  CLEF  BE  LA   MAGIE  NOIRE 

breases  compositions  à  Taquarelle  et  de  dessins  à  la  sanguine).     253 

La  Force  (onzième  clef  dli  Tarot),  dessin  de  M.  Wirth 336 

Le  bon  el  le  mauvais  Pentagramme  (rhomme  et  la  tête  de  bouc).     387 
L*Étoile  brillante  du  Macrocosme  et  VÉioile  flamboyante  du  Mi^ 

crocosme,  (d'après  la  description  de  Paracelse) 423 

Z^  Pendu  (douzième  clef  du  Tarot),  dessin  de  M.  Wirth.  ....     474 
Le  Pacte:  Schémata  diabolica.  (Reproduction  phototypique  d'une 
composition  originale,  signée  d'Éliphas.  —  Extrait  du  même 

manuscrit  des  Clavicules,  dont  nous  avons  parlé) 347 

La  Mort  (treizième  clef  du  Tarot),  dessin  de  M.  Wirth 564 

Le  cône  d'ombre  et  la  voie  lumineuse  (Schéma  cosmique  relatif 

aux  conditions  posthumes  de  Tàme) 610 

La  Montagne  des  douleurs  (dessin  original  à  la  plume  de  l'abbé 
Constant,  extrait  d'un  manuscrit  inédit  du  maître,  la  Sagesse 
des  Anciens),  1874,  in-4.  -^  «  Voici  les  quelques  lignes,  de  la 
plume  d'Éliphas,  qui  commentent  cette  composition  :  c  Les  ré- 
prouvés, entassés  en  montagne  de  douleur,  gravissent  les  uns 
sur  les  autres  pour  sucer  les  mamelles  stériles  de  la  Mort,  qui 
les  repousse  en  découvrant  son  front  où  flamboie  le  mot  ter- 
rible et  ineffaçable  :  Éternité  i  Cette  fiction  épouvantable  est 
la  mise  en   scène  hyperbolique  de  l'étemelle  opposition  qui 

doit  exister  entre  le  bien  et  le  mal.  ») 612 

La  seconde  Mort  (treizième  clef  d'un  ancien  Tarot.  Estampe  fort 

singulière) 615 

La  Tempérance  (quatorzième  clef  du  Tarot),  dessin  de  M.  Wirth  664 
Le  Grand  Androgyne  alchimique  (esquisse  au  trait  d'une  admira- 
ble miniature,  fantastique  et  symbolique  ;  extrait  du  Liure  de 
la  Saincte  Trinité,  mss.  d'alchimie  du  commencement  du  xvii« 
siècle,  1  fort  vol.  grand  in-folio,  calligraphié,  avec  25  grandes 
miniatures  sur  peau  de  vélin,  &  pleine  page,  d'un  art  savoureux 

et  naïf,  et  d'une  fraîcheur  exceptionnelle) 70S 

Hébis,  les  deux  élixirs  et  le  septénaire  de  la  nature  métallique. 
(Reproduction  phototypique  de  trois  figures  sur  bois,  très  cu- 
rieuses, extraites  des  Douze  Clefs  de  Philosophie  du  frère  Ba- 
sile Valentin.  —  Paris,  1659,  în-12,  fîg.) 730 

La  Sirène  et  les  deux  sources  de  la  nature  métallique;  le  Com^ 
post  philosophai  ou  stase  de  la  corruption  (Reproduction  pho- 
totypique de  deux  autres  bois  étranges  du  même  ouvrage)  .  .     7^(4 

FIN    DE   LA   CLEF   DE   LA  MAGIE   NOIRE 


DIJON^    IMPRIMERIE    DARANTIERE,    65,     RUE   CHABOT-CHAR  NT. 


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WAÏ    3-   '353 


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