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ESSAIS DE SCIENCES HARilTES
Z SERPENT DE l; /NÈSE
SECONDE SEPTALNi t
(Livre II) W
LA CLEF DE LA MAQl^ WIRE
(OUVRAGE ORNÉ DE NOMBREUSES GRAVURES)
PAU
Stanislas DE GUAITA
PARIS
OIÎAMI'EL, .ÉDITEUR
5, nue i)E sAvoiB, 5
1897
\Digitized byCjOOÇlC
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LE SERPENT DE LA GENÈSE
SECONDE SEPTAINE
L.\ CLEF DE LA MAGIE NOIRE
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« McditaCus sum graviter die ac nocte super liisce
quœ videram, legeram, audieram, didiceram....
« Âudivi omncs, spernebam nullum... Non eniin
scicntia mali» sed usus damnât... »
(H. KHVNRATH, ex Amphitheatro
Sapientiœ œternœ, pag. 146-147, passim;.
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ESSAIS DE SCIENCES MAUDITES
^SERPENT DE LA GENÈSE
SECONDE SEPTAINE
(Livre II)
LA CLEF DE LA MAGIE NOIRE
(OUVBAGE ORNÉ DE NOMBREUSES GRAVURES)
PAR
Stanislas DE GUAITA
PARIS
CIIAMUEi:, KDITEUK
5; BUB DE SAVOIE^ 5
1897
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AYANT - PROPOS
JOTRE seconde Septaine a pour objet (Téclaircir
el d'interpréter scientifiquement Veiisemble
des faits et des légendes produits au cours
de la première. , "
Lfl'CIef de la Magie Noire doit ouvrir aux curieux
rultime sanctuaire de ce Temple de Satan dojit ils ont,
en notre compagnie, parcouru les parvis encombrés d'un
briC'à-brac de fétiches sans nom, pêle-mêle avec d'étranges
simulacres :
As, nummos, lapides^ cadaver, simulacra, nihilque... (1).
Ils reverront au grand jour ce pandémonium qu'ils
ont fouillé naguère à tâtons, ou munis seulement d'une
lanterne sourde, jusqu'en ses cryptes hantées dlialluci-
nantes ténèbres.
Voir, c'est bien ; comprendre vaut mieux. — Close la
fantasmagorie du Sabbat, place à qui veut connaître le
démoîi tel qu'il est.
(!) Tryphon, moine et poète du \iV siècle, cité par Victor Hugo, les
Misérables (ir, 2i.
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8 LA CLEF DE LA MAGIE NOIRE
Lheure a sonné de Vépiphanie salanique. Le taber-
nacle s'ouvre, et voici que, révélant le suprême arcane de
son inconscience meurtrière^ l'Idole va s'éclairer du feu
cosmique et omnilatent qui est sa substance propre et sa
vie.
Ce présent volume commente et corrige le précédent ;
il en redresse les images, renversées ou falsifiées par
r artifice du Maître des enchantements ; il remet en leur
place les horizons intervertis ^ substitue un jour probe au
fallacieux éclat des torches infernalesy si prompt à dé-
praver les formes y à faire mentir les couleurs. Il rétablit
en un mot la perspective normale^ au lieu de celle sabba-
tique {toute factice et clémente aux prestiges) dont
s'épeuraient Us yeux ensorcelés, sur la lande du bouc.
Le parallélisme interprétatif des sept chapitres, d'un
tome à Vautre, nous a paru une méthode servik, à
quoi nous n'imaginons pas qu'il soit urgent de s'astreindre.
Ce serait renoncer au système autrement fécond des cor-
respondances tarotiques. Il s'agit moins, comme on
pense, de reprendre im à un, pour en démonter le méca-
nisme, les phénomènes mentionnés au Livre précédent,
que d'établir une théorie générale des forces occultes,
décisivement synthétique, et dont P intelligence permette
à nos Lecteurs de découvrir par eux-mêmes — et, le cas
échéant, d'inférer à priori — le comment et le pourquoi,
non pas seulement des faits que nous avons choisis pour
exemples, mais indistinctement de tous ceux, similaires,
qui, chaque jour, défient la sagacité de Vobservateur.
Nous tentero7is, du reste, pour quelques-uns des cas si-
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AVANT- PROPOS
(pialés au tome i, ce quil serait oiseux (T entreprendre
pour tous : l'adaptation des principes aux faits. Bien
plusy nous ne balancerons pas, en vue de rompre la mo-
notonie des spéculations abstraites, àétayer nos théories
éC un contrôle nouveau, moyennant de nouveaux exemples ^
proposés çà et là.
La Sorcellerie ou Magie Noire, qu'ailleurs jwus défi.^
nissons » la mise en œuvre, pour le Mal, des forces
occultes de la Nature, » diffère de la haute et divine
Magif en trois points essentiels: elle s'en distingue
(Tabord par la diversité d^ intention, puis par le degré de
science ou dlgnorance des moyens employés, enfin par le
contraste des résultats obtenus.
Mais, — nous l'avons noté dans un autre livre et ny
.saurions trop revenir^ — Mage et Sorcier plient aux
buts les plus discords, aux œuvres les plus disparates,
un même agent qui leur est commun à tous deux —
r Astral.
Cest dire que notre deiucième Septaine (Clef de la
Magie Noire) se réduira presque à une étude du plan
astral (I): champ de bataille hyperphysique où se heur-
teut, en un cliquetis d'éclairs, la lumineuse flamberge de
Saint Michel-Archange et la fourche fulgurante de Sataii-
Panthée. Formidable duel ! D'une part, le champion fati-
dique d'IIylê, Vaveugle Instinct, mo7istre collectif réac-
iionnépar les dévorantes passions individuelles ; d'autre
part, la sainte guerrière cCArkê, Vlnlelligence sereine,
(1) Particulièrement dans tes rapports avec le plan matériet.
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10 L.\ CLEF DE LA MAGIE NOIRE
sciemment ralliée au plan providentiel : c'est VAn^e et le
Démon légendaires^ sescrimajit à armes égales dans la
région du feu cosmique!
Voilà r Astral — fourche ignée aux griffes de Satan,
glaive de flamme aux mains du Kéroub. Nous pourrions
ajouter, dans V esprit d'une savante école de gnose : voilà
V Astral — agent pantomorphe et co7ivertible ; tantôt
Satan lui-même, lorsqu'il subit les forces collectives du
Mal; tantôt, quand il est 7nû par les puissances provi-
dentielles, lumière de gloire des élus et corps mystique du
Saint-Esprit. ^
Une étude consciencieuse de V Astral doit embrasser
ces deux aspects contradictoires ; d'où il résulte que la
Clef de la Magie Noire 7ie donne pas seulement accès
dans V édifice des sciences réprouvées, mais peut ouvrir
au^si le temple — sinon le sanctuaire — de lu haute et
divine Magie,
Pourquoi le temple et non le sanctuaire? — Cest
qu'abstraction faite du plan astral, que nous savons
commun par essence aux adverses milices du Ciel et de
l'Enfer, le mage est actif sur d'autres plans encore,
parfaitement inconnus des fauteurs de sortilège. De pa-
reilles altitudes ne se révèlent accessibles qu'à V essor de
l'aigle ou de la colombe mystiques; mais, hiboux ou
vautours de IWrcane, jamais les immondes cohortes n'en
souilleront l'éther immaculé (l).
(i) C'est le vulgaire sorcier qxi ici nous désignons, et les forces mises
en œuvre par lui. Le premier tome du Serpent de la Genèse a fait assez
voir en quels misérables bas- fonds d'abrutissement et d'esclavage moral
se confinent les artisans de la Goëtie,
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AVANT-PROPOS 1 1
i» félonne donc point, Ami Lecteur, de rencontrer.
presque à tous feuillets du présent tome^ des théories qui
intéressent également les hiérophantes de la lumière et
de la nuit. Sur toute chose, garde-toi de croire tous les
principes éternels de la Kabbale et de la sainte Magie
condensés en ce tome II. Il ne renferme qu'en mode
indirect leurs tmins sublimes enseignements : nous n ou-
trepasserons guelfe à cette fois la zone temporelle, qu'en
notre troisième Septaine il nous faudra délibérément
franchir, pour élucider j dans la mesure peinnise à ms
efforlSy le tenible Problème du Mal.
Alors même, tout sera loin d^étre exposé, l'n autre
ouvrage affrontera ultérieurementy s'il plaît à Dieu, les
suprêmes révélations de la science traditionnelle des
mages ; du moins ce qui peut en être livré par notre
humble intermédiaire paraîtra en temps et lieu. Persuade-
toi d'ailleurs que le dernier mot de ces arcanes ne sera
jamais dit, ni par nous, ni par aucun autre.
En veux-tu savoir la raison profonde ? — Cest que,
même en supposant qu'un adepte intégralement initié
consentît, par impossible, à dépouiller^ l'Isis céleste de
Toutefois, n'ayons garde éC oublier que Satan se métamorpho*** rommf
il contient, pour tenir infester le plan intellectuel même. Mais sur ce
niveau, il prend nom /'Erreur {tome /, page 52). et sous cette formp
métaphysique, il n*a plus rien à coir avec la sorcellerie proprement dite.
Si donc nous avons parlé (tome /, chapitre VU) des magiri^ns noir%
de VArt et de la Pensée, cest dans une acception ésotêrique plu* Inrgi' ,
et nos lecteurs déjà initiés n* ont pu se méprendre sur F^'xprit qui nous
dicta naguère cet aphorisme : — • // n'est point de mode ou s'i'.ffvrt^
V activité de Vhomme, que le Satanitme ne soit susceptible (Venrahir fl
d'imprégner ; comme il n'en est pas que l'inspiration dirine nepuiax^
érertuer et ennoblir • (Tome /, page 5Î8).
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42 LA CLEF DE LA MAGIE NOIUE
son dernier voile, la main du profanateur, soudainement
paralysée^ serait impuissante au sacrilège. Les exprès -
sio7is feraient banqueroute à sa pensée ; bien plus^ dans
rhypothèse même où il en trouverait d'adéquates, il
s'expliquerait en une lanyue à toi inconnue. Trêve de
métaphores. Écoute ce que présage l'un des maîtres de
VésotérismCy à V égard d'un tel adepte :
« Plus il s'élèvera (dit-il) dans la sphère intelligible, plus
il s'approchera de VÊtre insondable dont la contemplation
doÀt faire son bonheur, moins il pourra en communiquer aux
autres la connaissance ; car la vérité, lui parvenant sous
des formes intelligibles, de plus en plus universalisées, ne
pourra nullement se renfermer dans les formes rationnelles
ou sensibles qu'il voudra lui donner. C'est ici que beaucoup
de contemplateurs mystiques se sont égarés Comme ils
n^avaient point assez approfondi la triple modification de
leur être, et qu'ils ne connaissaient pas la composition intime
du quaternaire humain^ ils ignoraient la jnanière dont se
fait la transformation des idées, tant dans la progression
ascendante que dans la progression descendante ; en sorte
que, confondant sans cesse Veiitendement et V intelligence,
et ne faisant point de différence entre les produits de leur
volonté, suivant qu'elle agissait dans l'une ou Vautre de ces
modifications, ils montraient souvent le contraire de ce qu'ils
votdaient mo7itrer ; et que, de voyants qu'ils auraient été
peut-être, ils devenaient des visionnaires (I). »
Ces lignes de Fabre d'Olivet sembleront péremptoires
à quiconque possède bien sa théorie de F homme tri-un.
Comme exemple à l'appui de la démonstration ci-dessus
transcrite^ le théosophe i^ivoque les égarements notables
du plus génial voyant des temps modernes, ce twrtigineux
(1 ) Vers dorés de Pythagoro, p. 359-360.
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AVANT-PROPOS 13
Jacob BœJimeque Saint-Martin^ Vun des premiers mailre<i
de Fabre (TOlivei^ n hésite point à proclamer « la plus
grande lumière qui ait paru sur la terre, depuis Celui
qui est la Lumière même (I). » Cest quen effet il na
reculé devant aucun arcane, cet artisan sans lettres
« dont le regard audacieux {dit d'Olivet) a pénétré jusque
dadis le sanctuaire divin (i) ». Xon content f avoir
plongé à F abîme de Wodh sans en être anéanti, et vu la
face fulgurante de lod-hévê sans en mourir j le grand
mystique y ivre du feu-principe^ a tenté le Seigneur! Jacob
Bœhme a voulu tout dire, tout révéler à nu, — tout, jus-
quaux racines anié-éternelles de la Sature et de Dieu
même.... Alors, sa plume a été frappée d'impuissance el
sa langue de bégaiement.
Nous ne saurions disconvenir, au reste, que Bœhme na
pas payé trop cher sa témérité. Du moins fions semble-t-
il ainsi, quand nous comparons ce Yoyint à tant de pau-
vres visionnaires frappés d'aveuglement, de folie on de
mort, pour être descendus en un goujre bien méprisable
au regard du divin abîme ; pour avoir consumé leurs pru-
nelles au flamboiement de F Enfer; — enfin Jsll faut tout
dire), pour avoir épuisé leur substance à évoquer un être
qui ne se manifeste point qu'on ne le crée de son désir,
quon ne le pétrisse de sa chair et de son sang, quon ne
F anime et ne F abreuve de sa propre vie : puisque Satan
n existe pas, au sens où se Fimaginent les agnostiques de
1 1 1 Lettres à Kirchberger de Liebîstorf, page 9 •!♦* la Corrpxi^udnnrp
inédite de Saint- Martin, publiée par MM. Schauor cl Clm.jui't iPari^,
1962, f?rand in-8>).
{i) Vers dorés, p. 360.
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14 LA CLEF DE LA MAGIE NOIHE
rortliodoxie étroite, incurablement férus du manichéisme
officiel.
Cet art suicide autant que meurtrier — Vauto-vampi-
risme évocateur du Néant fait diable — rentre dans les
mystères que ce présent volume entreprendra de résoudre.
II
Mais avant d'éclaircir les œuvres coutumières du Mage
noir, en précisant à quelles armes y à quels auxiliaires,
à quelh tactique son vouloir opiniâtre sait demander la
victoire dans Viniquité, il importe de déblayer le champ
des folles hypothèses et des préjugés populaires, afin de
ne plus laisser prise aux malentendus.
Une distinction peut y suffire, mais cette distinction
s impose, et mal en a pris aux magistes qui ont cru pou^
voir biaiser en face de la difficulté, trouvant sans doute
moins compromettant de broder dans les teintes neutres
leur canevas théosophique^ sans avoir à débrouiller de
prime abord un si délicat et si voyant écheveau. D'autres
ont estimé plus commode de trancher ce nœud gordien
par une affirmation ou une négation gratuites imais, sui-
vant qu'ils ont décidé dans un sens ou dans Vautre^ ils
ont vainement alarmé la conscience des simples, ou émis
au gré des savants une allégation sa7is portée.
Cet insidieux point d'interrogation qui se dresse au
seuil des sciences naturelles et même mathématiques^
comme au seuil de la philosophie et de Vhistoire, le voici
nettement posé :
LE SURNATUREL EXISTE-T-IL?
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AVANT-PROPOS II
Sous réserve de la disiinciion qui va suivre, notre réponse
sera catégorique : — non, le Surnaturel n'existe point.
Qu'on nous puisse objecter comme indéniables, et même
expérimenlalement vérifiés, des faits auxquels le lan-
gage courant accole Vépithèle de surnaturels, c*est ce qui
ne saurait soulever le moindre doute.
Le tout est de s'entendre sur les mots. Or celui-ci
prête à confusion^ et, qui pis est, contribue au discrédit
des doctrines théologiques^ en favorisant, sous leur ga-
rantiCy une des opinions les plus choquantes pour la rai-
son et injurieuses au sens commun lui-même, qui se soient
répandues par le monde à la joie des fanatiques et des
sots : la croyance à rarbitraire divin, gouvernant Vuni-
vers en dépit et souvent à V encontre des lois naturelles.
Lorsqu'un vocable comporte ou semble comporter plu-
sieurs sens disparates, ne convient-il pas de fixer sa pré-
férence sur celui qui se réclame de Vétymologie radicale,
sans préjudice des significations figurées qui en dérivent,
par une sorte non plus de filiation légitime, inais d^ affi-
liation rationnelle, réglée d'après les lois invariables de
l'Atialogie? {Principe générateur de toute comparaison
comme de toute synthèse, V Analogie engendre en effet des
séries successives de significations dérivées, qui sont, aux
sens purement radicaux, ce que sont les fils d'adoption
aux enfants nés dans le mariage).
Revenons au mot surnaturel, qv^on entend communé-
ment au p}*opre, et non pas au figuré. Pressons-le; d'où
dérive^t-il? — Sans conteste, du mot nature (l).
(i] La racine de Nature est natus. En sorte que^ si l'on voûtait user
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IG LA CLKF DE l\ MAGIE NOIRE
QiCeat-ce donc que la Naluret — Vne drfiniiion nette
est moins aisée à fournir, qu'il ne peut paraître de prime
abord.
Esl'il au vocabulaire des penseurs un mol dont on ait
fait un pire abus, nous en douions fort. CJiaqu^ fois
qu'un ptumilif, s égarant aux dédales de rontologie (sort
commun à quiconque prétend à briUe-pour point disserter
du principe des êtres, ou de leur origine, ou de leur es-
sence), chaque fois qu'un plumitif s' est trouvé dans rem-
barras, cesi immanquablement au mot nature qu'il a fait
appel, pour couvrir la déroute de ses idées, et, sous un
semblant de profondeur, déguiser le vague ou Vinsuffi-
sance de sa conception. Nature! voilà qui répond à tout ;
à la faveur de ce substantif, on n'est jaynais en passe de
rester court. Aussi a-t-il perdu toute signification caté-
gorique, tout caractère décisif, toute valeur précise; telles
ces pièces de monnaie qui ont trop circulé : V effigie n'en
est plus distincte, à peine l'ébauche subsiste-t-elle d'un
profil incertain.
Grâce aux phraseurs de la philosophie, Nature est une
locution qui dit tout et ne dit rien. Dans l'ombre d'ac-
ception qui lui reste, on la qualifierait volontiers Ce qui
existe, comme Dieu Celui qui est.
d'un raisonnement (fuelque peu suspeci de paradoxe, on pourrait déjà
scandaliser les partisans du surnaturel, en déduisant de cette étymo-
logie la conséquence que voici :
La religion chrétienne elle-mèmp est nalurolle, puisque le Christ est
l'incarnation du divin Fils, nk du Père de toute éternité : « et e,r
pâtre natum, ante omnia sœcula.., Deum de Deo. . » Voilà donc un Dieu
naturel? — Mais nous ne comptons pa^ pousser plus avant cette argutie.
Dieu seul est surnaturel, car il n'existe point, il est.
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AVANT-PROPOS 17
Or donc ^ admettant pour V instant celle vulgaire défini-
tioHj nous pourrions déjà dire qu'il est aussi absurde d'affir^'
mer V existence d'une chose ou (Fun phénomène au-dessus
da la nature, qu il serait chimérique de concevoir un être
ou une Puissance au-dessus de Dieu. Si naturel veut dire
qui existe, surnaturel signifie donc qui est au-dessus de
Texislence, ce qui revient à dire qui n'existe pas. — Uon
sortira difficilement de là. Le vocable surnaturel, appli-'
que à des phénomènes de la nalurCy nous semble aussi
bouffon que serait, attribué à des essences spirituelles, le
vocable hyperdivin.
Pour rendre le mot Nature à son se7ts véritable et lui
restituer toute sa portée^ il ne faut rien moins qu'enta-
mer la révélation de quelques-uns des plus hauts mystères
de la Scieyice. Cest ce que nous tenterons au tome III
(Problème du Mal), en recherchant ce quest la Nature
dans son principe, dans son essence, dans sa substance,
dans ses opérations; comment il faut la concevoir en
son intégrité, avant la chute adamique; ce qu'enfin elle
est devenue dans la matérialisation universellCy produit
de cette catastrophe et de la sous-multiplication de VA-
dam céleste, à travers Vespace et le temps. Toutes ces
questions s'enchaînent de la sorte la plus rigoureuse, et
semblent appartenir exclusivement aux matières de notre
troisième Septnine.
Le programme de cette deuxième Septaine (Clef de la
Magie noire) 7i appelle en effet aucun de ces développe-
ments. Les înystères de^ip (Kadôm) — ou des principes
originels^ — ceux rf'aS^V (Oùlam) — ou des destinées
finales — n'intéressent notre thèse actuelle que d'une
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18 LA CLEF DE LA MAGIE NOIRE
manière assez indirecte. Nous prenons Vhomme terrestre^
au point d'évolution où la vague de la vie Va porté sur
notre planète; et nom recherchons jusqu'Où sa malice j)eHl
induire en complicité la Nature élémentaire^ dont les lois
fatales sont indifférentes à servir la perversité, comme à
seconder le bon vouloir y des êtres habiles à mettre en
œuvre cesdites 4ois, vers un' but d'égoisme à satisfaire
ou de bien général à accomplir.
Au contraire, notre troisième Septaine (Le Problème du
Mal) comporte un tout autre cadre. Voyez comme s'élar-
git le domaine qu'il doit embrasser : Vhorizon mystique
recule au levant, (tune part, jusqu'à l'engendremenl de
l'Eternelle Nature (1), à la promulgation du Décret fon-
damental antérieur à la chute adchnique; — au couchant,
d'autre party il se prolonge jusqu'à la consommation des
siècles et la réintégration des sous-multiples dans VUnité ;
jusqu'à l'apothéose d'Adam au giron du Verbe éternel!
Quelques d?veloppements que requière l'élucidalion de
ces arcanes, étrangers d'ailleurs à l'objet du présent tome,
il va bien falloir en toucher un thot dès cette heure ; car
il nous serait impossible de répondre, même sommaire-
ment, à cette question — qu'est-ce au juste que la Nature ?
— sans préciser, en quelques traits fermes et brefs^ V his-
toire de la chute, conçue non plus dans les termes d'une
fable cosmogonique^ mais dms l'esprit de la Synthèse
ésotérique et traditionnelle.
En dehors même de la question du naturel et du sur-
naturel que noire silence en ces mxtières laisserait pen-
{i](Bœhme),
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AVANT-PROPOS 49
iante^eet empiétement forcé sur le programme du Livre
lll présente encore V avantage de jeter un dair sur rori-
giiie de l'astral, qui, sans cela^ fût demeurée fort obs-
cure. Du même coup, la digression qu'on va lire nous
permettra de mettre en lumière une divergence fonda-
mentale entre les écoles théosophiques d^Orient et d'Oc-
cident, — divergence dont il semble d'autant plus ur-
gent de bien fixer les termes, quelle a été moins sentie
jusqu'à ce jour. L a- t-on seulement signalée avant nous?
Espérons en tout cas que le Public saura apprécier Vim-
portaiice d'une distinction qui nous paraît essentielle.
En effet j si nous interrogeons les différentes sources
de Venseignertient occulte, nous voici en présence de deux
courants très distincts, de traditions pour ainsi dire
contradictoires (I).
Le premier courant {qui est celui de Vésotérisme mo-
saïque, interprété par Fabre d'Olivet, et, en général^
celui de la doctrine .secrète en occident : soit qu'on s en
tienne à la tradition kabbalistique purCy ou qu'on suive
celle des mystiques, depuis Alexandrie jusqu'à nos jours,
en passant par la Gnose, les Templiers, les Rose f Croix,
Paracelse, Fludd et Crollius, pais V Ecole des voyants :
Bœlime, Gichtel, Leade, Martinès, Dutoit-Mambrini,
Saint-Martin et Molitor, etc.), — le premier courant
nous amène tout droit à la conception d'un absolu de Vie
(I) Contradictoires^ quant au point de dépari de leur Cosmogonie,
rouions-nous dire ; nullement quant à l'enseignement des grande» lois
de la Nature actuelle. Sur ce point, il y a le plus souvent parfait
accord entre les deu^c Écoles.
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20 LA CLEF DE LA MAGIE NOIRE
éternelle et de Nature-essence, dont la Nature sensible et
contingente, dont V Univers matériel et concret ne se-
raientquun produit en mode de déviation éventuelley un
accident passager.
Conçue antérieurement à la déchéance^ VÊternelle
Nature, épouse féconde de Dieu {quelle manifeste en
mettant au jour son Logos), constituerait cette sphère
de VVnilé divine {le Plérôme de Valetitin) où se meu-
vent harmonieusemeiit tous les êtres intra-émanés,
dont la synthèse est Adam Kadmon (I), alias le Verbe.
Le Verbe — engendré de Vindissoluble union de l'Es-
prit pur et de VAme vivante universelle, ou, si Ton
préfère^ du Dieu mâle et de la Nature féminine ; — le
Verbe, idéal MacrocosmCy qu'à ce point de vue nous ap~
pellerions encore Adam-iElohîra {^)jpar opposition à Vun
(1) y\rr^'p din.
(2) DmSn DIN. Mais h nom véritable du Verbe éternel est
Ihôah itllohlm DmSn T\^7\^ (Voy, la note que nous avons publit^e
dans un autre ouvrage : Au Seuil du Mystôre, pages 112-114).
Cette inexplicable identité de V Homme conçu dans son essence uni-
verselle, et de Dieu même en tant que manifesté par son Verbe, —
constitue le Grand Arcane kabbalistique,
• Ce quest Adam dans son essence universelle, ne peut pas être e.r-
primé sans une instruction préalable, attendu que la civilisation euro-
péenne n'étant pas, à beaucoup près, aussi avancée que l'avait été celle
d'Asie et d'Afrique avant Moïse, elle n'a pas encore acquis les mêmes
pensées universelles, et manque par conséquent de termes pour les
exprimer, a).,. Ce qu'est Adam dans son essence particulière, peut
être exprimé ; quoique cette idée, particularisée dans la pensée de
Moise, se présente encore pour nous sous une forme universelle. Adam
est ce que fai appelé le liègne hominal, ce qu'on appelait impropre-
ment le genre humain ; c'est l'Homme conçu abstractivement : c'est-à-
dire la masse générale de tous les hommes qui composent, ont composé,
au composeront l'humanité ; qui jouissent, ont Joui ou jouiront de la
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AVANT-PROPOS 21
de ses membres qu on pourrait nommer Adam-iEloha (1).
Dam ce dernier ^ il faudrait voir T auteur à la fois et la
viciifne de Vaccidenl dont nous parlions tout à Vheure.
Cet accident, d'où proviendraitr-il ? — De r imprudence
d'Adam, considéré {au sens le plus restreint), comme un
£loha consubstantiel au Verbe — Adam jElohim —
dont il serait en quelque manière à son origine un organe
vivant.
Au lieu de invre heureux dans lu substance maternelle
de la divine Nature et dans l Unité du Verbe, — Adam,
incité par Nahàsh MfTM [CÉgoïsme), veut connaître
el saisir lu Nature en elle-même {dans son essence radi-
cale antérieure au divin baiser générateur de tÊtre,
datis ce que Bœhme appelle sa racine ténébreuse : en un
moi,da7is sa matrice avant la fécondation). S'emparer de
celte essence occulte, antécédente à V élémentisation lumi-
neuse; de ce pivot de la vie possible qui voudrait être,
^ms qui n est point: telle est V ambition confuse d'Adam-
^Eloha. Il plonge éperdûment en ce baralhre, y cherche
lumière, vie autonome et toute-puissance ; mais il n'y
irouve que ténèbres angoisseuses (2), appétentes et tou-
ri> humaine ; et cette masse ainsi conçue comme un seul être vit d'une
n> propre, universelle, qui se particularise et se réfléchit dans les
individus des deux sexes. Considéré sous ce dernier rapport, Adam est
^iic et femelle, b), » (Caïn, pages 29-30).
Awu cette citation très remarquable de Fabre d'Olivet, il est
ff abord question du Verbe, Ihôah /Elohim, ou Adam Kadmôn, ou
Adam iElohJm a); — puis d'un membre du Verbe, d'Adam-Éve,
ou (f Adam yEloha b),
(Il nr^H DIN.
(-i "Cn Hosheck de Moïse, enveloppant DÎnn Thôm ; — et en
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22 LA CLEF DE LA MAGIE NOIRE
jours déçmSy tourment stérile, effort aveugle.,., lls'eu^
gloutit dans un néant avide d'être, qui pompe sa vie et
dont il va devenir la larve incessaimnent dévorée (1).
Mais la Provide)ice, intelligence supérieure de la Na-
ture, a prévu cette lugubre possibilité : elle darde un
rayon créateur dans Pabîme — c'est le Fiat de Paracelse
et de Bœhme (2) — et le remède, préparé en puissance
de toute éternité, va passer en acte pour le salut dWdam .
Les Ténèbres du limbe anté-éternel {ce fonds primitif
où vient s'élémentiserj en s'y réfléchissant, la Lumière
correspondance avec 1 esotérisine hellénique : la Grande Nuit d'Of-
phée, nuit-mère, matrice de Prothyrêe, (la Grande Déesse), avant
que, fécondée du Grand Être, celle-ci n'engendre Priraigène, le Logos
universel, d* où émaneront fous les dietur par couples (Cf. Hymnes «*-
phiquos).
(1) Notons ici deux mystères des plus profonds :
a. — Jamais la Racine ténébreuse ne se serait produite au dehors,
puisqu'elle est néant par elle-même, si Adam neCavait manifestée, en
lui communiquant son être et en lui prêtant sa substance. Il Va ainsi
réalisée en s'y abîmant, d'où le Mal, produit de cette crtériorisatiofi,;
— le mal, qui n'était point destiné à paraître dans la Nature.
h. — Ceci nous explique cette opinion^ singulière en apparence, de
Fabre (TOlivet commentant Moïse : « La vie d'Adam, qui s'avançait
d'un cours majestueux etdou.r dans l'Éternité, s'arrêta tout à coup, et
prit un mouvement rétrograde. Elle rentra donc dans la nuit d'où elfe
était sortie, et ce fut l'Espace; elle recula dans rÉternité, et ce fut le
Temps... » (V, Gain, Remarques, page 202).
(2) C'est par suite d'une confusion assez grave, que ces grands hom-
mes ont pu professer cette opinion. Le Fiat lux, c'est f'élémentisation
lumineuse, la révélation de la Nature-essence, de la noire Déesse
devenue l'Épouse divine, au premier regard de l'Epowr, Le Fiat est
donc antérieur à fa chute. Ce qui a égaré Paracelse et Bœhme dans
leur interprétation de ce verset mosaïque (Genèse, /, 3), c'est l'hypo-
thèse d'une chute antérieure à celle d'Adam (ta Chute angélique).
Car^qu'il y ait eu, ou non, deux catastrophes successives, il est certain
que Moise n'en a connu ou admis qu'une, celle d'Adam-Eve, d'où'
découle toute manifestation sensible et tout ordre temporel.
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AVANT-PROPOS 23
inimible de VEsprit pur)^ ces Ténèbres sont tissues de
trois Forces potentielles^ concaténées en pile physiogé-
nique : une force corapressive (mh^e de la densitéjj une
force expansivefmàra de la rarité), 'enfin une force rota-»
toire, produit de la lutte des deux premières {et mère dw
feu'principe). ^Ce triple dynamisme, base occulte de toute
vie cre'aturelkj s'empare d'Adam-Êve : la force expan-
sivcy dilat/int la substance d'Adam, don^e San Abel,
TEspace élhérç, centrifuge; la force compressive a donné
^'p Kaïfi, le Temps .diviseur, centripète'. Car, devenu
inuable, Adam comiait h Temps ; devenu corporel, il va
connaître TEspace.
Le Temps compacte en nébuleuses la substance éthérée
de V Espace ; Cam accable Abel : d'où le monde matériel,
qui s'organise sur la base de te troisième propriété de
V Abîme {la force rotatoife), laquelle engendre TW Sèth,
la répartition sidérale de la substance adamique dans
l'Espace, au moyen du Temps.
Le Fiat de Bœhme (1), ou le rayon dardé par la Pro-
vidence a allumé la Lumière astrale dans V abîme : les .
systèmes solaires s'organisent.... Désormais Adam se
disséminera par sous-jnultiplication, au moyen du Temps,
dans tous les mondes qui roulent à travers l'Étendue :
jusqu'au jour de sa totale épuration et du retour à
r Unité, par mtégration de V Espace divisible, et rupture
du moule du Temps diviseur.
Telle est la substance de cet enseignement (2), soit
{\] Voir la note précédente.
(2) Les différente» écoles que nom avons rangées sous la rubrique
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24 LA CLEF DE LA MAGIE NOIRE
qu'on veuille, avec Bœhme et toute Vérole mystique^ ima-
giner deux chutes successives: celle de Lucifer-uElaha,
englouti le premier aux ténèbres abyssales dd la Nature-
essence {avant V illumination'), et s' enveloppant — pour
séduire Adam-Ëve — dans lîfHi Nahàsh, la 3^ propriété
de r Abîme ;dans cette Rotation angoisseuse (produit des
deux forces compressive et expansive), qui est la base
latente de la double vie psychique et volitive de tous les
êtres créés ; — soit qu^on suppose, avec Moïse intoYi^éte
par Fabre d'Olivet, que Nahàsh, force impersonnelle, a
suffi pour déterminer la chute d'Adam-Ève.
Il importe d'ailleurs assez peu qu antérieurement à la
chute dWdam, un autre Ailloha, — un Adam avant la
générale de Doctrine Secrète en Occident, ont chacune, ou peu s'en faut,
son langage propre ; et si le fond essentiel reste identique» les symbo-
les et les vocabulaires varient à l'infini.
Dans notre exposé, nous adoptons le langage de l'École que nous
croyons la plus savante, celle qui va de MoUe à Fabre d'Olivet, en
passant par la Kabbale et par Bœhme.
Encore y a-til, au long de cette chaîne de transmission ésotèrique,
diverses opinions à sélecter et plusieurs dialectes à unifier.
Ces dénominations ^'orientale et d'occidentale, par rapport à la tra-
dition occulte, ne présentent rien d'absolu; elles nous sont dictées par
les circonstances.,. Plusieurs écoles asiatiques et même hindoues peu-
vent enseigner une doctrine d'accord avec la nôtre^ comme il se peut
voir en Europe des ésotériciens partisans de l'éternité de l'i'nirers
physique.
Mais nous avons tenu à nous distinguer de certains occultistes,
d'ailleurs instruits, à tendance matérialiste et même athée, qui se
donnent pour les disciples et les seuls représentants de la Sagesse
orientale. La Société théosophique, fondée par eu.r à Madras, a rapi-
dement propagé ses branches en Europe et en Amérique. C'est ce qui
a décidé un grand nombre de Kabbalistes, d'Hermétis/es, de G nos-
tiques, de Rose-Croix, de Martinistes et de Mystiques européens, dont
les doctrines concordent sur tant de points essentiels, à lever V éten-
dard spiritualiste de la Tradition occidentale.
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AVANT-PROPOS 25
letlrej nommé Lucifer — ait, ou noUy rompu le pre-
mier Véquilibre céleste. Car, en admettant^ avec l'École
mystique, F hypothèse des deux chutes successives de
Lucifer et d^Adam, le premier entraînant Vautre : il n'en
reste pas moins certain que Lucifer^ tout au moins^ a
succombé par lui-même, et sans que nul Esprit malin
provoquât s'a défaillance. Donc l'intervention d'un tenta-
teur conscient ne s impose aucunement pour expliquer la
chute. Qu'un tel être s'en soit ou non mêlé, c'est là une
controverse d'un iîitérét secondaire j et qui ne doit pas
diviser des théosophes d'accord touchant le reste.
Si laconique que soit notre exposé, nous en avons assez>
dit pour caractériser le premier courant, celui de l'Occulr
tisme occidental.
L'autre courant {qui est celui de l'Èsotérisme bouddhi-
que, et, nous semble-t'il, de toutes les Écoles ioniennes)
nous conduit à envisager l'Univers matériel comme une
inanifestation éteimellement renouvelée de l'Univers ar-
chétype ; — la Chute, comme une figure simplement allé-
gorique de la descente de l'Esprit dans la matière ; et la
Rédemption, comme un emblème simplement mystique du
mouvement évolutif inverse, qui sublime les formes pro-
gressives de l'Être vers une spiritual isation en quelque
sorte mécanique. Si bien que l'Esprit, s'irradiant sans
cesse pour descendre dans la matière; et la matière,
élaborée sans trêve en vue de la délivrance de l'Esprit
captif, qui tend à remonter pour descendre encore^ re-
monter, redescendre et ainsi de suite indéfiniment :
V Objectif concret ne peut plus être conçu comme un dé-
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* 26 * LA CLEF Dfi LA MAGIE NOIRE
bordemenl glacé, viais tarissable, du Subjectif polentiel ;
car la Nature vivante (balancée en un perpétuel va-et-
vient du pôle ^fférenciation au pôle intégraHon^ et vice--
versa) se réduit à un pur dynamisme : — où le Bien et
le Maly étant nécessités, ne sont plus imputables à la
comcience de Vêtre moral ; — où Parabrahm^ avec la
même indifférence, envoie ses émanations peupler V enfer
de la matière différenciée, et réengloutit au non-étre
abyssal de sa douteuse essence les sous-multiples rendus
à sa dévorante unité: ces êtres qui ont en vain langui ,
souffert, désespéré; puis lutté, et conquis d'assaut V équi-
voque bonheur de Nirvana, pour le perdre encore (l)
après un repos illusoire, et s'offrir derechef à la calami-
terne étreinte de l'indestructible Maïa, ogresse d'un
éternel cauchemar, qui crée et dévore les apparences
formelles sans pouvoir s'en rassasier jamais, et qui peuple
intarissablement les royaumes de h vie dolente et de la
mort, sans jamais parvenir tout à fait elle-mêine ni à
vivre, ni à mourir.
Il nous répugne, en Occident, de faire de l'univers une
machine, de Vhomme un esclave à la torture, et d'un
Dieu inconscient Vauteur du Mal éternel! Conséquences
(1) On nous objectera que les entitéê qui ont atteint Nivcdnà ne
quitteront plus leur Ciel d'oisive béatitude ^ pour redescendre dans
l'arène, de la vie cosmique.
Nous répliquerons que c'est un pur sophisme* Si, en effet, ces enti-
tés, pleinement réintégrées en V Unité divine, se fondent en elle à tout
jamais, tout au moins participent-elles à la sous-multiplication inces-
sante que subit et subira ladite i^ni té, sans qu'il soit possible d'entrevoir
la guérison de cette incontinence morbide, non plus chronique, mais
éternelle.
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AVANT- PROPOS 27
ejpirêmes, qiCil nest que. trop facile de tirer des prémisses
de la Synthèse hindoue (1) : car enfiny Vuni\)ers physique
supposant f existence du Mal, éterniser l'un, c'est éterni-
ser Pautre.
Sur ce point-là, les sectes exotériques du Christior-
nisme seynblént elles-mêmes présenter une solution moins
dommageable à Vhomme et moins révoltante pour sa wi-
son. En effet, si elles professent, à V égard des pervers,
le dogme absurde des peines éternelles, du moins pro-
me ttef libelles justice aux justes, en enseignant la « fin
du monde », cestrà-dire, à tout prendre, le caractère
accidentel et transitoire de ce monde physique, où le
Mal sévit indistinctement sur les bons comme sur les mé-
chants (i).
Le parallèle que nous avons esquissé entre les deux
ésolérismes d^Occident et d'Orient suffit à en faire sen-
tir le fort et le faible; et il paraît presque superflu (Pa-
jouter que nos ouvrages se réclament expressément du
premier de ces deux courants occultes.
Que si nous remontons à Vorigine de la digression qu*on
(i) Voir la note, page 24.
ii)Ence moment, nous raisonnonn dans V esprit très étroit de ce
même exotérisme, qui n*admet pas la grande toi de justice distributive
présidant aiur incarnations ; — loi que les hindous connaissent en re-
vanche parfaitement et qu'ils enseignent sous le nom de Karma. Seu-
lement Us ont le tort d'en exagérer la portée et d'en universaliser la
norme inflexible. Rien n'est plus dangereiirr que cette extension d'ufw
doctrine correcte en elle-même. Nous prendrons soin de préciser ail-
leurs les justes limites où il convient de la restreindre.
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28 LA CLEF DE LA MAGIE NOIRE
vient de lire, H nous sera plus facile de donner un sens
au mot natui'e.
Nous comprendrons mieux qu'on peut envisager la Na-
ture sous deux aspects :
l** La Nature éternelle et céleste, qui est fÉden supé-
rieur, le royaume de TUnité. Les notions du Temps et de
l'Espace y disparaissent dans le double concept de V Éter-
nel et deV Infini. Les âmes qui y sont réintégrées cessent
d'être sujettes aux alternatives de la mort et des renais-
sances ; car leur substance, tout à fait spiritualisée, n offre
plus de prise aux vagues rétrogrades du torrent des gé-
nérations., é
2^ La Nature temporelle et cosmique (1), ou de dé-
chéance, triple comme VUnivers dont elle est la loi. Elle
se subdivise : — 1*^ en Nature providentielle ou natu-
T2Lnle,qui est commune au Ciel et à la Terre; c'est par
elle quela Nature temporelle se relie à V Éternelle nature^
que VUnivers aboutit à VEden et le Temps à VÉternité;
2^ en Nature hominale, ou psychique et volitive, inter-
médiaire (2); — 3° en Nature fatidique ou naturée.
Ceux qui voudraieyit quelques développements sur cette
hiérarchie trinitaire, en trouveront d!admirables dans
/'Histoire philosophique de Fabre d'Olivet, qui les a ex-
cellemment distinguées et magistralement décrites. Quant
à nous, il co7ivient de nous en tenir là. Nous n'avons
(1) La Nature temporelle est (V ailleurs contenue dans V Éternelle
Nature. L immense Univers est comme une tache sur la blancheur de
V incommensurable Eden.
(2) Ainsi l'homme devient le centre et le moyen-terme de l'Univers
qui est le produit de sa chute.
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AVANT- PROPOS • 29
t^oulu^ pour Vinstant, que prévenir un enchaînemenl de
malentendus qui s'annonçaient à perle de vue, et souli-
gner^ — en pre'cisant les différentes significations attri-
buables au mot Nature, — ce qu'offre de ridicule et de
chimérique celui de Surnaturel.
Quant à nier les essences spirituelles, et même la pos-
sibilité de rapports entre les êtres de cet ordre et les âmes
descendues dans la déchéance de la chair; quant à con-
tester la claire-vue, la bilocation, les apports, la commu-
nication de pensée, fenvoùtempnt à distance et tant
Œ autres phénomènes psycho-fluidiques et mystérieux à
des titres divers^ — nous n'y pensons pas. SU nous pre-
nait fantaisie d'y contredire au mépris de toute évidence,
nous n'écririons pas de gros livres à dessein de les ex-
pliquer. Ce sont là des faits, que nous appellerons -pro-
diges, miracles inême, si Von y tient.
Il nous suffit d! avoir protesté contre F interprétation
irrationnelle et agnostique des exégèles qui veulent voir,
dans tout phénomène de ce genre^ une infraction aux
lois de naturCy une interruption arbitraire dans l inces-
sante filiation des causes et des effets : — en un mot, la
volonté actuelle de Dieu ou de ses anges, se substituant
aux causes naturelles, pour produire sur la matière (ex-
ceptionnellement soustraite aux lois qui la régissent) une
action immédiate, directe.
Voilà rhypothèse absurde par excellence^ et qui fait
pendant (si f ose dire) dans l'ordre des idées, au mol non
moins absurde, examiné plus haut,
La Providence influe satis doute sur le monde physique,
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30 «LA CLEF DE LA MAGIE NOIRE
en suivant la o/iaîne (Tor des intermédiaires naturels, tour
à tour déterminés et déterminants. Mais d'abord, c'est une
grave erreur que d'assimiler à Dieu la Providence, laquelle
H est autre, en dernière analyse, que /'Intelligence de la
Nature : nous espérons le rendre évident par la suite. Au
surplus, cette facul té supérieure du vivant Macrocosme, la
Providence, agit en mode physiologique, (?/i plus ni motus
que la faculté correspondante chez un homme de chair et
d'os : chez un écrivain, par exemple, saisissant la plume
à l'instigation de son intelligence^ qui, d'accord avec sa
volonté, va lui dicter quelque note). Jamais la Providence
ne bouleve7*sej ou même n'entrave dans leur mécanisme
les grandes lois primordialement établies, comme des té-
moins à jamais incorruptibles de V Éternelle Sagesse.
Que si Dieu pouvait troubler l'harmonie de ces immua-
bles lois, il en ferait de faux témoins, et, s'infligeanl à
lui-même un démenti solennel^ il sèmerait la confusion^
non pas seulement dans l'Univers sensible, mais encore et
surtout dans les mondes moral et intelligible. L'inacces-
sible sphère des principes en serait elle-même ébranlée.
Ce qui ne se peut. — Un figuier qui soudain produirait
des noix ne serait plus un figuier : de même un principe,
coërcible au point d'engendrer, sous la pression d'tme
Puissance quelconque, des résultats contraires à ceu.r
qu'il fournissait dans sa libre expansion, ne serait plu.s
un principe. — Nous irons plus loin. L'enseJiible des lois
universelles {issues des mutuelles relations des Principes ,
tendant à se manifester en potentialités, puis en actes),
l'ensemble des lois est comme un prodigieux engrenage,
rigoureusement un dans sa raison d'être ; un mécanisme
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AVANT-PROPOS * 31
OÙ chaque pièce cominande toutes les autres, et reçoit en
retour j par une sorte d'action collective et réciproque, les
vertus de T Unité-principe. Cette réversibilité des plus di-
verses fonctions s'observe dans tout système cohésif et ré-
ductible à une rigoureuse synthèse.
Sous Vavom dii : Vidée d'un Principe susceptible d'al-
tération dans son entité ou de variation dans ses consé-
quences est une idée radicalement fausse, en ce qu'elle
implique, dans les termes même où elle se formule^ une
évidente contradiction (i). Mais en admettant pour un peu
cette instabilité possible^ telle est la vertu solidaire des
premiers principes^ que la moindre altération de iun
(feux aurait son contrecoup dans l'univers intelligible
tout entier : de là, le Chaos, se propageant au long
de la chaîne de causalité, romprait éC emblée l'équilibre
du Ciel et de la Terre; ce serait la fin du monde, telle-
que, vers l'an mil, les populations terrifiées se la figuraient
imminente.
Iji cause occulte en gît dans la nature de Dieu lui-
même, qui étant F Absolu-conscient — Wronski dirait
r Absolu-raison — ne se conçoit susceptible ni d'une er-
reur, ni d'une hésitati07i, ni d'une variation quelconque
dans ses volontés. Les lois préfixes sont l'œuvre de sa Sa-
gesse; la Providence en règle l'emploi. Si Dieu violait
une des lois qu'il a fondées dans le principe {Be-rœshith
n*iyS"l":2), Use nierait lui-même : car il manifesterait
la mutation de l'immuable, V imprévoyance de Vomiii-
(1) Tout principe est simple, radicalement un ; or un changement
d'état suppose le binaire.
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32 LA CLEF DE LA MAGIE NOIRE
scient, les hésitations de la suprême Pensée, les tergi-
versations du Verbe absolu.
III
Nul ne s'est mépris sans doute sur la valeur des quel-
ques axiomes énoncés dans la section H de cet avant-
propos; leur portée est iticalculable ; elle embrasse et do-
mine tout cet ouvrage.
Il convenait de les inscrire en tête de notre deuxième
Septaine, au point précis où s'ouvre l'enseignement dog-
matique de Haute Doctrine, après l'exposé pur et simple
des faits qui intéressent notre sujet (première Septaine :
LE Temple de Satan).
Bien plus, {au risque d'anticiper formellement sur les
matières du présent tome), il semble utile de courir, d'ores
et déjà, au-devant des objectio7is probables.
A ces deux axiomes : — Le Surnaturel n'est point; —
rÈtre absolu n'est susceptible ni d'hésitations ni de re-
mords, — on opposera le récit du Déluge^ d'une part,
tel que le donnent les traductions officielles de la Bible ;
et de l'autre, ce fameux verset de la Vulgate, où chacun
peut lire que le Seigneur se repentit d'avoir créé l'homme
ici'bas. Or Moïse étant, pour les fidèles, l'infaillible
porte-parole de V Esprit-Saint, et pour les adeptes de
rÉsolérisme occidental une de leurs plus imposantes
autorités, de telles objections paraissent asse:^ graves
pour requérir de notre part une réponse immédiate.
Puissions-nous, sans être taxé de suffisance^ affirmer
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AVANT-PROPOS 33
ici que rien n'est plus facile au inonde que de réduire à
néant ces spécieuses difficultés. Prions le Lecteur d^être
arbitre.
V Le Déluge. — Que notre planète ait été ravagée à
plusieurs reprises par des déluges formidables, encore
que partiels, c'est ce que VOccultisme ne conteste pas
plus que la science universitaire. Sachant même ce
qu'ignore celle^i, les causes géologiques (1) et méta-
physiques (2) de pareils cataclysmes, il a pu formuler
Vinflexible Im de leur retour périodique, déterminable
à date fixe. — Quant à travestir, comme la VulgatCy le
déluge ueiversel en événement historique du cycle pré-
sent, c'est une autre affaire. Le fait est très contestable
et généralement contesté. Quoi qu'il en soit de ce point
de controverse, qu'il n'y a pas lieu de débattre ici, il de^
meure constant que Moïse admet en principe la possibi-
lité d'un déluge universel (3). C'est assez pour quHl soit
(4) ïoy. nommément Delormel,lAGnxiàe Période, Paris, 1789, in-S.
(2) Voy. Fabre cCOlivet, Langue hébr. restit., (t, II, p. 174-257) ; Hist.
philos., ff.//, p. 188-194).
(3) Ce qi^il importe de n'oublier Jamais, c'est l'erreur grossière de
ceux qui veulent voir dans la Genèse, suivant l'opinion malheureuse-
ment accréditée, les Annales du peuple juif à l'époque patriarcale. Le
Sepher de Moïse est, non pas le récit d'une série de faits historiques,
accomplis dans le passé, mais le Livre transcendantal des principes
cosmogoniques et androgoniques : principes dont les adaptations se sont
produites, se produisent ou se produiront dans le temps et l'espace.
Nous jugeons utile de transcrire à cette heure quelques lignes de
rHisloire philosophique du genre humain, où Fabre d'Olivet, par une
double définition des plus précises, prévient toute éventualité de con-
fusion et jusqu'à la possibilité d'un malentendu,
m... Il est deux espèces de déluges, qu'on ne doit pas confondre en-
seinble : le Déluge universel; celui dont parle Moïse sous le nom de
3
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34 LA CLEF DE LA MAGIE NOIRE
permis de raisonner sur le fait réputé possible, comme
sur un fait accompli. Aimi allons-nous faire.
Le Déluge, comme tous les cataclysmes généraux ou
partiels^ est un effet rigoureusement logique des causes
naturelles ; il ne se réalise en acte qu'en suivant la filière
hiérarchique des causes mues et motrices.
Le Verbe de Dieu, pour s'accomplir, peut providentiel-
lement (1) influer sur les lois secondaires ^sansles altérer
dans leur essence.
Soit donnée une roue entée sur un axe mobile ; cette
roue tourne à dextre. Si nous la faisons tourner à se-
nestre, rious aurons modifié le sens de sa rolation, sans
altérer sa nature intime, qui est de tourner. Sa fonction
n'est Jiullement corrompue, pour inversée qu'elk soit (2).
Maboul ; celui que les Brahmes connaissent sous le nom de Dina-pra-
layam, est une crise de la Nature qui met un terme à son action ; &est
une reprise en dissolution absolue des êtres créés... Moïse en parle
comme d'une funeste possibilité... La description de ce déluge, la con^
naissance de ses causes et de ses effets, appartiennent à la cosmogonie,..
Les déluges de la seconde espèce sont ceux qui n'occasionnent qu'une
interruption dans la marche générale des choses, par des inondations
partielles, plus ou moins considérables. Parmi ces cataclysmes, on peut
considérer celui qui détruisit l'Atlantide comme un des plus terribles,
puisqu'il submergea un hémisphère tout entier et fit passer sur l'au-
tre un torrent dévastateur qui le ravagea. •• (Hist. philos., tome //,
p. 191-192, passim).
(i ) Voir ce que nous disons {page 30) sur le rôle physiologique de
la Providence, cette intelligence de la Nature,
(2) Nous ne nous dissimulons point l'imperfection ni même le ridi-
cule de rapprochements pareils : du particulier à l'universel, comme
du nombre à l'unité, toute comparaison est inévitablement, ou défec^
tueuse, ou du moins mesquine; et pourtant les analogies du sensible
sont seules aptes à rendre à notre raison un compte indirect des réri-
tés intelligibles. Résignons-nous donc à l'insuffisance du rapproche^
ment, et le reprenons.
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AVANT-PROPOS 35
En fabriquant cette roue muable dans les deux sens^
nous nous étions réservé d'en intervertir à notre capiice
la rotation, de droite à gauche, ou de gauche à droite. —
Ainsi {pour user d*un langage exotérique jusqu'à la tri-
vialité). Dieu s'était réservé de dilater à son gré, ou de
condenser les eaux. — Comment?
Sous touchons à l'un des arcanes de rinitiation mo-
saïque, et ceux-là seuls en auront V intelligence pleine et
entière, qui savent ce qu'il faut entendre par le fameux
Roûach iElohîm D^nSs m"l , qui , dans le Principe
r*ttr*ï^13, se mouvait en puissance de fécondité
PSmQ sur la face des doubles-eaux D^DH >3S Sj.
Par son essence, ce Roûach iElohim se rattache au
Roùach HakkadôschU^npn nn, TE^prit Saint, dont il
est la manifestation première, édénale. En substance et
dans Vunivers, il constitue ce mystérieux agent que les
hindous nomment Akasa {le fluide pur), lorsqu'une force
intellige7ite le dirige; mais qui, abandonné à la fatalité
de son mouvement propre, devient le cyclone de Naliàsh
i:M13, ou du serpent de la Genèse — en un mot, la Lu-
mière astrale. Dans l'un et Vautre cas, il a été appelé
rame du inonde, comme on le verra plus avant. Il est le
suprême facteur de V équilibre élémentaire, JEmeshM^lû^,
et le glaive du jugement ou de V équilibre moral, Hocq
pn (l). Comme principe de la manifestation sensible.
Moïse le fait couler à la région d'Eden sous le nom de
Phishôn ]W^S, te fleuve producteur de la création ob-
jective ou physique (2) ; comme expansion de la Faculté
{Il Voy. le Sepher letxirah. traduit par Papus (Chap. II et III).
(2) Gih6n, Hiddekel et PhraUi, la trois autres fleuves symboliques
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LA CLEF DE LA MAGIE NOIRE
plastique génératrice, et spécialement comme Puissance
universelle (Tindividualisation vitale, ce théocrate le
désigne sous Vemhlème de la colombe de Noéj lônah
nSV (1). Voilà ce que nous pouvons dire.
Mais le détail de ces spécificatiom nous entraînerait
trop loin. Le problème du déluge doit seul nous occuper^
à cette heure. Tenotis-nous-en, quant au reste, à des gé-
néralités.
Tous les termes ci-dessus, énoncés, et d'autres encore
qui seront ultérieurement définis, expriment la filiation
occulte émanée de Rouâch Hakkadôsch, V Esprit Saint;
soit une hiérarchie de Principes et de Puissances, hiérar-
chie qui pour nous ^ sous-multiples déchue d^Adam, vient
aboutir dans le monde astral^ ou des fluides hyperphysi-
ques. Déjà, Au Seuil du Mystère, nous avons éclair ci,
d'après la tradition constante des Maîtres de la Sagesse,
la triple nature de Vuniversel fluide, selon qu'il est con-
sidéré dans son mouvement d'expansion, Aôd TÎt*, dans
son mouvement de restriction, Aôb aîS, ou dans le cycle
inté-gral de son double mouvement, ascendant et descen-
dant, Aôr lis (2). — Si nous observons à cette heure
que ks eaux ont toujours passé, dans les sanctuaires de
Vancien monde, pour Vhiéroglyphe matériel du principe
passif et restrictif (3), nous ne serons pas surpris d'ap-
du paradis terrestrCy expriment également diverses modifications de
l'Agent astral.
(1) Voy, Langue hébr. rcst. (t. If, p. 230).
(2) La plupart des occultistes écrivent Aoûr 1^!»t. — Avec Fabre
d'Olivet, nous trouvons plus précis de distinguer le feu (Aoùr) de la
lumière (Aôr).
(3) Le feUfpar contre, était V emblème du principe d'activité expamive.
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AVANT-PROPOS 37
prendre que ces eaux, dans leur état normal, sont
comprimées^ condensées et comme enchaînées (l) par
une force victorieusement compressive, astringente et
liante (2). Ce nœud statique venant à se dissoudre, il
s'ensuit que les eaux obéissent, dans la mesure de leur
prodigieuse élasticitéy à l'agent universel de fécondité et
dexpansion qui dynamise et distend toutes choses, selon
la multiplication quateme propre au monde élémentaire.
— Ce dernier agent, très voisin d'Iônah, était bien connu
des anciens Sages: ils lui avaient assigné pour emblème
la pierre cubique, qui devient, au quatrième feuillet du
Tarot, le trône où siégera l'Empereur mystérieux, le
Rhawôn de Thoth et le Moloch •]Sd des Phéniciens
{substantif qui, par une simple mutation des voyelles
latentes, donne en hébreu le mot Melech^ qui veut dire
Roi).
Auretraitde U agent compressif qui neutralisait la force
d'expansion, Peau se dilute donc avec une extrême vio-
lence : c'est ce que Fabre d^Olivet traduit par la grande
intumescence Sl3Dn"ni< (3) ; c'est ce que Moïse lui^
(IJ Se rappeler la chaîne symbolique que Xerxès (dit la légende tra-
ditionnelle) fit jeter dans V archipel indien, pour enchaîner la tem-
pête.... Voir le Crocodile, poème épiquo*magique, par un amateur de
choses cachées (Claude de Saint-Martin). Paris, an VIII de la Hépu^
blique, 1 vol, in-B (p. 13-14).
12) ffereb 317.
(3) Uadepte Saint-Martin a écrit d*étonnantes pages sur le déluge,
qu'il traite en fait accompli. Il n*a garde de soutenir qu'une pluie
tomba, assez abondante pour inonder toute la terre : version ridicule
et contre laquelle s'insurgent à l'envi le simple bon sens et le texte
même du Sepher.
• ... Le mot hébreu raiN arubboth, quoique signifiant cataractes.
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38 LA CLEF DE LA MAGIE NOIRE
même veut faire entendre plus au clair, quand il dit : Et
furent ouvertes toutes les sources de TAbîme poten-
tiel (1),
: Dinn n:>:yQ-S3 ^^ypa:
Ainsi le Déluge s^opère par un phénomètie d'ordre na-
turelj — le retrait d'une force constinctive du Cosmos, et
cause permanente de V affaissement des eaux. Entravée à
point nommé dans sa fonction condensatriccy cette Force
abandonne les masses liquides à la merci d'une force
opposée^ indéfiniment jnultiplicatrice et dilatante.
Ce retrait décisifs qui en reste le provocateur immé-
diat ? — Là encore y Dieu n'opère que par les principes
préétablis; la liberté humaine est Vun de ces principes.
Ainsi que Fabre d'Olivet le laisse entendre à merveille^
ce n'est pas le Verbe de la divine Volonté qui sponta-
nément délie les sources de V Abîme : lod-hévê cède à
V effort de VAdam teirestre qui se débattait contre Lui;
il le laisse choir du poids de son lourd destin; voilà tout,
Uhoyninalité luttait à outrance pour se rendre indépen-
dante de son Principe céleste; le Créateur cède à regret;
il s'éloigne, alors qu'on voulait s'éloigner de sa face; il
selon la lettre, n'estil pas un dérivé du verbe 11"! rabab ou ni"l
raba, qui veut dire, il a été multiplié ? Alors le texte présente Vidée
naturelle d'une action plus étendue dans l'Agent qui produit l'eau, et
nullement celle du simple écoulement d'une eau auparavant exis-
tante... » (Saint-Martin, Tableau naturel, Edimbourg (Lyon), i78f,
2 voL t.n-8, p, 32 (/m second tome).
Dans ce même ouvrage, Saint^Martin expose encore comme quoi le
déluge est la conséquence naturelle et fatale de la corruption adami^
que, et non point une punition divine, au sens coutumier du mot. il
laisse également entendre pourquoi le cataclysme, évoqué par la dépra-
vation des hommes, a choisi Veau comme instrument dévastateur.
(i) Langue hébr. rest., tome II, p. 202 et 333.
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AVANT-PROPOS 39
affranchit qui tentait de s'affranchir. Toute négative, la
condamnation qu^il prononce se réduit à un acquiesce-
ment tacite.
Lhomme, abandonné au tourbillon de sa corruption
croissante, a fait, satis le savoir, un pacte avec la Mort :
il appartient, dès lors, à la fatalité du suicide. Il appelle
le cataclysme; il V évoque en une langue à soi-même in-
connue... Malheureux, il ignore que le Cataclysme va
venir. — Fabre d'Olivet est formel sur ce point : « la
véritable pensée de Moïse est que l'Être des Êtres ne dé-
truit la terre qu'en l'abandonnant à la dégradation, à la
corruption qui est son propre ouvrage : pensée déjà ren-
fermée dans le renoncement dont il est question au ver-
set 6. » {Chap. VI) (1).
^ Cest ce Renoncement que nous avons précisément
choisi, comme deuxième exemple des objections qui pour^
raient nous être faites.
Ici, nous aurons recours encore à Fabre d'Olivet, dont
les explications doctrinales, souvent bien sommaires, ont
pour elles d^être toujours d'une netteté et d'une correction
parfaites. Les notes qui criblent sa traduction du texte
hébreu de Moïse répugnent aux commentaires proprement
dits ; elles portent de préférence sur l'analyse grammati-
cale et hiéroglyphique^ — recherches qu'un vocabulaire
radical, placé à la suite de son admirable grammaire, per-
met de pousser asse^i loin... Penseur et savant dont l'érur
dition prodigieuse ne le cède qu'à une modestie et une
conscience d'un autre âge, Fabre d'Olivet a su pénétrer
(1) Lang. hébr. rest., tome II, p. 190.
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40 LA CLEF DE LA MAGIE NOIRE
fort avant dans la crypte des sanctuaires écroulés (1),
jusqu'au tabernacle des plus mystérieux arcanes. Maintes
fois V occasion nous sera fournie de recourir à ses lumières ;
aussi avons-nous eu à cœur de le saluer ici, comme une
autorité de premier ordre.
Fermons cette parenthèse^ pour retourner à notre con-
troverse.
La première objection supposée aurait eu pour but d^ in-
valider nos principes, en opposant à notre dénégation
formelle un exemple évident des grandes lois naturelles
violées. Le DétugCy en effet, tel qu'assez communément on
se le représente^ constituerait un cas d'impossibilité phy-
sique ; mais nous croyons avoir montré, d'une sorte assez
concluante, que^ dans la production de ce phénomène ex-
ceptionnel, rien n'autorise à voir une action directe de la
Volonté divine sur l'univers sensible^ mais un effet né-
cessaire des causes naturelles, agissant, il est vrai, sous
Nmpulsion de la Providence, sans que les lois premières
en souffrent nulle atteinte.
C'est à la conception (Tun Dieu invariable dans ses
desseins, exempt de toutes passio7is, incapable de tout
remords, que s'attaquerait la seconde objection élue pour
exemple. Ici, comme tout à l'heure, les apparences mili-
tent contre nous : et le texte sacré, tel que le traduit Saint
Jérôme, légitimerait sans conteste ridée d'un Dieu gros-
sièrement anthropomorphe. Mais il faut voir quels mots
(1) Pour plus de détails sur Vœuvre de Fabre d'Olivet, consulter le
beau travail de Papus : Fabre d'Olivet et Saint- Yves d'Alveydre (Paris,
1888, plaquette grand tn-8.). Voir aussi la troisième édition de notre
livre: Au seuU du Mystère (Paris, 1890, tn-8), p. 69-72.
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AVANT-PROPOS 41
hébraïques le fougueux Père de VÉglise rend par : a pse-
nituit Eum quod hotninem fecîsset in terra : H (lod-hévê)
se repentit d'avoir créé Vhomme sur la terre. »
Nette est cette traduction, mais le texte authentique
de Moïse ne Vest pas moins, et malheureusement il ne dit
rien de tout cela :
(fest-à-dircy mot à mo<(l), selon le savant d'Olivet: —
€ Et il renonça entièrement (ilsereposadu soin) IIIOAH,
à cause de quoi il avait créé l'ipséité d'Adam {l'homme
universel) en la terre. » Ou, en bon français (2) : « Et
Ihôah renonça entièrement au soin conservateur qu'il
donnait à Texistence de ce même Adam, sur la terre. »
Vanalyse radicale du mot Innachem Dn3^ prouve en
effet qu'il ne peut signifier se repentir qu'en un sens
absolument détourné, pour ne pas dire bâtard, — contre
lequel protestent à F envi le contexte de Moïse et F opinion
très philosophique et très haute des initiés de Mitzraîm
et d'Israël, touchant VÊtre-des-êtres : « le verbe ni3,
généralisé par le signe collectif t3, signifie pi'oprement
renoncer entièrement, cesser tout à fait, se désister, dé-
poser un soin, abandonner une action, un sentiment...
Dieu ne se repent pas, comme le dit Saint Jérôme ; mais
il renonce, il délaisse ; tout au plus, il s'irrite (3). »
Si Fabre d'Olivet eut poursuivi la restitution raisonnée
(1) Lang. hébr. rest., /. //, p. 183.
(2) Lang. hébr. restit., t. Il, p. 330.
(3) Ung. hébr. restit., t. II, p. 185-186.
Dans la construction de cette dernière phrase, Fabre d'Olivet a, se-
lon nous, le tort de laisser prise à un malentendu. Sa pensée — c'est
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42 LA CLEF DE LA MAGIE NOIRE
de la Genèse au delà du dixième chapitre, on se demande
de quelle encre il aurait bafoué les interprètes à coup sûr
plus mystificateurs que naïfs y qui, lors de r incendie des
cinq villes immondes (1), métamorphosent à la lettre la
femme de Lot en une statue de sel ! Il faut être bien
généreux, vraiment, pour prêter à Moïse ces géniales
trouvailles ; mais alors qu'on jouit d'une aussi féconde
imaginationy se dérober de la sorte à la gloire de se^
découvertes, voilà pécher par excès de modestie.
Cest d'un saisissement d'épouvante, mortel ou non (2),
du moins notre conviction — n*ett pas que VÈtre des êtres soit sujet à
s'irriter; mais bien que le verbe DïIm^ pourrait à la rigueur y dans tel
autre cas, revêtir cette extrême signification, La suite de la note le
prouve bien ; d'Olivet poursuit en ces termes : « Ce dernier sens (s'ir-
riter) qui est le plus fort qu'on puisse donner au verbe 0TVi2, a été
généralement suivi par les écrivains hébreux postérieurs à Moyse,
Etc.. .
(1) Là, comme partout dans la Genèse, V intérêt se concentre sur
l'intelligence des significations comparative ou symbolique, et superla-
tive ou hiéroglyphique. Le sens direct ou positif du récit a trait à
l'embrasement et à Veffondrement d'une vallée entière, qui recouvrait
de véritables lacs de naphte et de matières bitumineuses. Le feu du
Ciel (la foudre), communiquant Vincendie à ces formidables réservoirs
de liquides inflammables ou explosifs, toute la vallée s'effondra dans
de souterraines anfractuosités; le gouffre enfin fui noyé par une voie
d'eau que l'explosion avait ouverte, et le lac asphaltite ou mer morte
recouvrit de son morne niveau les ruines de Sodome et de Gomorrhe,
La signification littérale semble, on le voit, d'assez mince consé»
quence, — Ce n'est pas toutefois une raison suffisante pour autoriser
le traducteur à enluminer sa version d'un merveilleux aussi grotesque.
(2) Saisissement mortel sans doute, puisqu'au désert les filles de Lot
eurent peu après fantaisie d'enivrer le vieillard, puis de dormir à
tour de rôle avec lui, afin de « susciter de la semence de leur père » ;
petite escapade que ces demoiselles ne se fussent pas vraisemblablement
permise, sous l'œil vigilant de Madame leur mère, — Dieu ! la belle
chose qu'un livre dicté par l'Esprit-Saint, lorsque les hommes s'avisent
de l'interpréter suivant la lettre!,,.
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AVANT-PROPOS 43
— qu'il s agit dans ce verset (Genèse, xix, 26) :
: rSd n>s3 Mm inn^a inurs tasm
que les Bibles vulgaires rendent toutes à peu près comme
suit : tt La femme de Lot regarda derrière elle, et elle
fut changée en une statue de sel. (Traduction Le Maistre
de Sacy). »
Par une métaphore aussi hardie qu'expressive, nous
disons volontiers: pétrifié de stupeur ou glacé de crainte.
Même il nous advient d'écrire, sans spécifier davantage :
il ne bougeait plus... un vrai marbre ! ou encore : il resta
pétrifié sur place ; ou mêmCy à la rigueur : cette pétri-
fiante nouvelle en fit une statue. Coutumières en fran-
çais jusqu^à la banalité , de pareilles figures sont-elles
jamais prises au pied de la lettre?... Cependant y Une
faut désespérer de rien : quand notre idiome sera passé
à Vélat de langue morte, les traducteurs à venir de nos
livres d^ aujourd'hui, s'ils ont un faible pour les récits
merveilleux, pourront s'offrir à des milliers d'exemplai-
res la réédition du miracle de la statue de sel; à de légè-
res variantes pi'ès, du moins : car ce sera de statues de
pierre, de marbre ou de glace que parleront nos vieux
textes français, dociles à l'art évocateurde cette docte et
infaillible exégèse.
Ce rapprochement s'impose à tel point, que, voulu ou
non, Paveuglement des interprètes de Moïse reste incom-
préhensible..,.
Au demeurant, pourquoi ne pas semer l'absurde à plei-
nes mains ? Le doigt de Dieu n' est-il pas là pour légitimer
r impossible, au gré des simples, et V expliquer dé/initive-
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4i LA CLEF DE LA MAGIE NOIRE
menty en le proclamant à jamais inexplicabU? Ce verset
demeure fermé à ton entendement^ cher commentateur de
la Bible. Qu'à si peu ne tienne! Vite un petit miracle, et
tout deviendra clair. Et béni soit-il^ n'est-ce pas^ ce Deus
ex machina qui descend du Ciel à point nommé, pour lu
pleine satisfaction des esprits les plus difficiles à satis-
faire !
Le Miracle ! au détour de toutes les pages de glose re-
ligieuse, nous le retrouvons, invariablement revêtu de cette
signification hybride et agnostique, si révoltante pour le
bon sens, et si contraire à Vidée que les adeptes d'Egypte
et de Chaldée s'étaient faite des phénomènes mystétneiix,
théurgiques ou magiques.
Qu'était-ce qu'un prodige (1), aux yeux de ces sages
du monde antique ? — Un effet naturel, dont la cause
nous échappe; un phénomène imprévu, qui ne viole en
apparence une loi bien vérifiée, que pour obéir aune autre
loi moins connue, d'un ordre supérieur et plus général.
IV
Les scioices naturelles notes fournissent de ces exem-
ples à foison.
(1) Nous employons indifféremment ici detix vocables qu^une nuance
distingue : Prodige et Miracle.
Le Prodige est laïque : Cagliostro faisait des prodiges.
Le Miracle affecte un caractère religieux et plus grave : Jésus-Christ
faisait des miracles.
Quant au mot Prestige, il s'applique de préférence aux tours de
passe^passe, aux trompe-Vœil de pure adresse manuelle. Cependant
Prestige s'emploie aussi comme synonyme de Prodige, mais toujours en
mauvaise part.
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AVANT- PROPOS 45
Lecteur ami, pour peu que tu sois chimiste à tes heu-
res de loisir, tu n'ignores pas le principe qui trouve au
laboratoire une si fréquente application; nous voulons
parler de la loi de double décomposition des sels : lorsque
Vacide de Vun peut former avec la hase de Vautre une
combinaison insoluble ou très peu soluble^ il se produit^ à
r instant même du contact (1), un échange réciproque.
Soient mélangées deux solutions filtrées, Vune d'acé-
tate de phmb. Vautre de chromate de potasse. V échange
est immédiat : abandonnant la potasse, Vacide chromi-
que se combine avec Voxyde de plomb, pour former un
chromate insoluble, qui se précipite instantanément, sous
V aspect d'une poudre jaune. — D'autre part, Vacide acé-
tique, saturant la potasse, engendre un sel hygroscopi-
que, et qui reste en dissolution dans la liqueur. Soit, se-
lon le système des équivalents (S) :
PbO,C^H303 + K0,Cr03 = PbCCrO» + KO,C^IPO^
Jusqu'ici, nulle difficulté. — Mêlons cette fois une so-
lution d^iodure de potassium à une autre de cyanure de
mercure : Viode, formant avec le mercure un protoiodure
presque insoluble, il s'ensuit qu'aux termes de la loi ci-
dessus énoncée, V échange se devrait faire aussitôt. — //
n'en est rien: au lieu du précipité rouge éclatant que nous
[1)7/ 8*açit, bien entendu, de deux sels en dissolution dans l'eau ;
car ce n'est qu'à la faveur d*un véhicule liquide, ou d'une trituration
fort intime, que deux sels susceptibles de double décomposition peu-
vent se pénétrer moléculairement, en sorte que l'échange soit complet
et non partiel,
(2} La notation atomique ne nous étant pas familière, nous avons
recours à celle des équivalents. Nous réduisons d'ailleurs les formules
à leur plus simple expression.
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46 LA CLEF DE LA MAGIE NOIRE
attendions, une cristallisation spontanée, incolore, se
forme sous nos yeux dans toute la masse du liquide^ et
dépose lentement au fond du vase ses paillettes nacrées et
légères.
Une loi supérieure est intervenue : celle de la formation
des sels doubles ; loi d'une application moins fréquentey
et dont Vexameny d'ailleurs hors de propos, nous entrai-
nerait trop avant dans des digressions abstraites.
Bref y t'échange ne se fait pas ; les deux sels se combi-
nent pour n'en plus former qu'un seul : le cyatihydrar-
gyrate d'iodure de potassium :
Kl -}- HgCUz = KI,HgC*Az.
Da7is ce sel double, le cyanure de mercure joue le rôle
diacide complexe et l'iodure de potassium celui de base
composée. Et il faut une goutte d'un acide quelconque —
l'acide azotique, par exemple — pour rompre la cohésion
chimique du sel double, et refouler (si Von peut dire) les
deux sels primitivement mélangés, dans la sphèred^ action
de la loi du double échange :
KTjHgC^Az + AzO»,HO = K0,Az05 -f Ilgl + HC«Az.
Subitement oxydé, le potassium de Viodure s'unit à
l'acide azotique, avec lequel il a le .plus d'affinité : l'iode,
libre dès lors, attaque le mercure, pour former avec lui
l'iodure écarlate qui se précipite au fond de Véprouvette.
Enfin l'odeur d'amandes amères qui se développe est due
à la production de V acide prussique, engendré par l'union
du cyanogène avec l'hydrogène contoiu dajis l'eau d'hy-
dratatio7i de l'acide azotique, laquelle eau a déjà cédé son
oxygène au potassium naissant, dont cet acide s'est
emparé.
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AVANT-PROPOS 47
Cet exemple est significatif : pour qui ne connaîtrait
pas la formation des sels complexes, V expérience ci-des-
sus paraîtrait une stupéfiante anomaliCy une violation
vraiment inexplicable de la loi de double décomposition
des sels.
Les prodiges sont tels : phénomènes d'exception, qui
refusent de se ranger sous l'empire d*une loi donnée^
bien connue des savajits ; pour le motif assez simple qu'ils
relèvenléPune loi supérieure^ ignorée ou méconnue desdits
savants.
« Pas de loi sans exception... * Qui ne comiaît ce pro-
verbe^ paradoxal enthéonCy très juste en pratique ? Lin-
tuilion populaire ne se trompe guère au fond : elle for-
mule parfois ses oracles en termes gauches et même
inexacts ; mais cette phraséologie sentencieuse et poncive
habille une pensée souvent profonde, et presque toujours
juste.
Toute importante découverte fait rentrer dans Vordre
des phénomènes rationnels quelque fait miraculeux au
sentunent des naïfs, et que la science officielle niait obsti-
nément jusqu'alors, faute de pouvoir l'expliquer.
Il n'est pas de science occulte, dit excellemment
M. de Saint-Yves ; il n'y a que des sciences occultées.
Vn autre exemple, qui relève à titre égal de la chimie,
delaphgsique et de l'histoire naturelle,paraîtraplus frap-
pant encore : il s'agit d'un phénomène dont la science des
universités serait fort inhabile à justifier la production.
Cest un fait tangible, patent, et que chacun peut véri-
fier sam peine. Mais, pour en donner la raison, pour en
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48 LA CLEF DE LA MAGIE NOIRE
démontrer le mécanisme^ il faut, de toute nécessité, recou-
rir aux lumières traditionnelles des Maîtres de la sa-
gesse ésotérique...
Nous allons surprendre et saisir sur le vif la force de
création (1) : nous verrons la matière se produire de tou-
tes pièces sous nos yeux, au grand jour de Vexamen
scientifique; et cela, dans des conditions de contrôle ex-
périmental à confondre tout contradicteur par V évidence,
et à paralyser toute velléité d' « ergotage », sur les lèvres
du plus fougueux défenseur de l'apophtegme fameux :
a rien ne se perd, rien ne se crée (2). »
— Parl&xrvous sérieusement? Ce serait à n'eti pas croire
ses yeux...
— Libre à vous.
— D'ailleurs, c'est impossible!
— Notre répome pourrait être celle de William Crookes,
le grand chimiste, de qui Von contestait, à priori et sous
le même prétexte, les décisives etmémorables expériences:
(1) l/n bon prêtre, à qui nous faisions cette démonstration, s'écria
dans les transports d'une naïve allégresse : — Voilà qui s'appelle
prendre le Bon Dieu la main dans le sac t l'exclamation nous parait
belle en sa trivialité et digne d'être transcrite.
(2) « Rien ne se perd, rien ne se crée »... Cet apophtegme n'est fatix
d'ailleurs qu'appliqué exclusivement à la matière sensible, • Ei nihilo
nihil », disaient les anciens sages, et ils avaient raison : le néant n'en-
gendre pas. — C'est-à-dire, que tout être sort d'un principe réel, posi-
tif et non abstrait. Gréer, c'est tirer d'un principe occulte, comme nous
l'expliquons plus bas; mais ce n'est pas faire de rien. Ex nihilo nihiL
La substance cosmique absolue engendre éternellement la matière
transitoire. Celle-ci se livre à d'innombrables métamorphoses, jusqu'au
jour oit elle rentre dans son subslratum essentiel : la matière physique
(différenciée) redevient substance hypcrphysique (homogène).
En ce sens, — qui n'est point celui de la science moderne, — l'axiome
contesté se soutient.
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AVANT-PROPOS 49
« Je ne soutiens pas que ce soilpossible ; j'affirme que cela
est, » A peu de frais vous pouvez» vous en convaincre.
Un kiJogramme de soufre en fleur ^ lavé avec soin ;
quelques litres d'eau distillée; quelques grammes de se-
mences de cresson vous en fourniront l'irrésistible preuve :
ces objelspeu cabalistiques vous pourront servir , au besoin,
d'arguments péremptoireSy pour réduire au silence les
plus obstinés positivistes de notre inonde occidental. Son-
ge:>y bien cependant, un tel honneur n' est pas sans péril :
si loyalement que vous expérimentiez, ils vous traiteront
d* escamoteur.,..
Étendez votre fleur de soufre (1) efi une couche égale
de moyenne épaisseur; semo-y vos graines et les arrosez
exclusivement d'eau distillée : les semences ne larderont
guère à germer, les tiges à grandir, et bientôt vous pour-
rez faire votre première cueillette de cresson. Quand un
certain nombre de récolles successives vous aura fourni
tiges et feuilles en abondance, incinérez toute cette sub-
stance végétale : vous obtiendrez facilement ainsi une
quantité de sels fixes dépassant de beaucoup le poids des
graines semées. Quelle ne sera pas votre surprise, en sou-
mettant à l'analyse chimique cette cendre végétale, d'y
trouver en proportions normales de la potasse, de l'alu-
mine, de la chaux, des oxydes de fer et de manganèse,
combinés pour une part aux acides carbonique, sulfurique
et phosphorique, — à l'état libre pour l'autre part ! Ainsi,
pour passer sous silence les corps volatils ou décompo-
(i) L'expérience réussirait aussi bien, si l'on remplaçait le soufre
par de rart/de de plomb, de la silice pure, ou par toute autre substance
poreuse, inerte et insoluble dans l'eau.
4
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50 LA CLEF DE LA MAGIE NOIRE
sables évaporés au cours de la calcination, vous y cons-
taterez la présence d'un assez grand nombre de corps
réputés simples, métaux et métalloïdes, — les mêmes exac-
tement qui se retrouvent dans la cendre du cresson nor-
mal (1), poussé en pleine terre et en pleine eau, et dont
les racines adhèrent au lit même d'une source ou d'une
rivière.
La présence de V oxygène et du carbone s* explique assez
par elle-même : gorgées d'eau distillée, les racines se sont
assimilé V oxygène ; les feuilles ont aspiré l'acide carbo-
nique de ïair et retenu le carbone. Quoi de plus simple ?
— Mais le silicium? Le soufre n'en contient pas plus que
Veau distillée. Serait-^e l'atmosphère qui aurait servi de
véhicule à ce métalloïde? C'est bien improbable : abstrac-
tion faite des poussières qui ne sont point assimilubles, et
des eaux de pluie dont la composition chimique assex^
connue exclut la présence du silicium, l'air ne peut guère
servir de véhicule qu'à des gaz, et je ne sache point que
le silicium forme, si ce n'est avec le fluor y des combinai-
sons gazeuses : le fluorure de silicium est un gaz. Mais^
outre que la nature n'est pas fort riche en foyers de réac-
tion propres à lui donner naissance, il est très corrosif,
désorganisaleur des tissus végétaux, et toute plante aspi-
rerait la mort avec ses effluves. — L'on ne justifierait
pas avec un meilleur succès la présence, dans Vair, des
composés volatils du soufre et du phosphore; toutefois, il
(1 ) Les savants Schrader, Greefet Braconnât ont vérifié le fait et le
confirment. L'expérience n'est donc pas de notre invention ; nous
nous bornons à ta commenter. (Voir le livre très remarquable de Chau-
6<irrf ; L'Univers expliqué par la Révélation. — Paris, 1831, in -8,
page 301).
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AVAî^T-PROPOS 64
n'y a point là d'impossibilité matérielle^ à priori.
Mais ce qui semble une hypothèse bien ingrate et dure
à admettre en ce qui concerne ces trois métalloïdes : soufre,
phosphore, silicium, devient^ en rétat actuel delà chimie,
une supposition gratuitement absurde^ pour expliquer la
pré^sence, dans les cendres du cresson^ d'autres corps dits
simples^ tels que le fer, le manganèse, le calcium et raln^
minium ; car ils n'entrent dans aucune combinaison
gazeuse ou volatile à la température ordinaire.
— Waccord, mais les graines en contenaient.
— Je le veux bien, et f attendais Tobjection N' avons-
nous pas dit que le poids des cendres, obtenues en calci-
nant les liges et tes feuilles^ dépassait de beaucoup celui
des graines semées dans la fleur de soufre ? D'ailleurs,
cest cinq grammes de graines de cresson que vous aviez,
$emé,n est-ce pas? Eh bien^ calcine:^ cinq grammes des
mêmes graines et soumette::» la cendre aux analyses qua-
litative et quantitative : si vous y découvrez des traces des
mêmes corps simples^ sera-ce en poids égal à celui des
éléments que nous offrent les résidus abondamment pro-
duits par V incinération des tiges et feuilles, récoltées à di-
verses reprises sur les mêmes pieds? — Son, n'est-ce
point ?...
Alors nous voici claquemurés dam ce dilemme : ou ces
métalloïdes et ces métaux se sont formés inexplicable-
ment de toutes pièces, — tranchons le mot : ont été
créés sous vos yeux, — ce que votre science déclare
impossible à priori ; ou bien vous en êtes réduits à Taveu
du phénomène taxé par vous de suprême absurdité dans
le magistère des alchimistes : la multipUcation substan-
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52 LA CLEF DE LA MAGIE NOIRE
tielle des corps soumis aux lois de la densité (1).
Nous serions fâché qiion se fne'prîi sur nos sentiments
personnels : il en est dont Fimputation nous serait dou-
loureusement sensible.
Nul ne professe plus que nous pour la science moderne
une admiration sincère et à certains égards enthousiaste :
et si ses méthodes d'induction nous semblent insuffisantes
parfois j sises divulgations sans réticences témoignent à
nos yeux d'une téméraire légèreté^ confinant au crime (2),
la science n'en est pas inoins pour nous une des plus véné-
rables déesses du monde intelligible.
Exploratrice intrépide et sagace, dans la splière positive
dont elle s'est tracé les limites à elle^mêmCy là nul obsta-
cle n'a pu Vémouvoir^ nulle puissance n'a été capable
d'entraver son essor. Deuxinfiîus s'ouvraient devant elle:
ni les scintillantes profondeurs de l'empire des étoiles,
ni Vimpénéirable et troublant mystère dont s'enveloppent
les univers d'atomes organiques gravitant dans une goutte
d'eau, n'ont intimidé son zèle; étoile par étoile, atome par
atome, elle a entrepris cette double conquête. Chaque jour,
(1) Pour la multiplication de la pierre philosophai e, voir Raymond
Lui le, Flamel et les autres alchimistes.
Henin Khunrath est aussi clair que formel sur ce point, dans son
Amphithéâtre de la iSagcsse éternelle [page 206).
(2) S'agit'il de théories métaphysiqueSy nou^ admettons toutes les
franchises : d'autant plus qu'il est facile de ne rien celer aux amis de
la Sagesse, tout en demeurant impénétrable auœ profanes... Mais dès
lors qu'il est question de livrer à tout venant la préparation^ souvent
si simple, de produits formidables (nitroglycérine, acide cyanhydri-
que, iodure d'azote, ptofnaïnes, cultures microbiologiques, etc.), In
fameuse • probité scientifique » n'est plus à notre gré qu'une dange-
reuse bavarde, et rien davantage.
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AVANT- PROPOS 53
elle i* enorgueillit et une lûctoire nouvelle; itifatigabUy elle
refoule dans les deux sens la frontière de Vlnconnu.
Mais répétons-le ; pour tout ce qui ne rentre pas dans
son doinaine strictement positifs elle se déclare incotupé-
tente. Les faits seuh V intéressent : elle les accumule sans
discernement, parfois sans distinction ; fidèle à sa mé-
thode analytique^ elle ejicombre des gerbes mêlées de sa
moisson les greniers de la mémoire humaine. Mais jamais
elle n atteint à la vraie synthèse ; car on ny peut remonter
quen pénétrant au delà du sensible, en allant plus loin
que les faits.
Cet archange du monde contemporain n'a pas d'ailes.
Colosse invincible, comme Antée, quand ses pieds touchent
à la terre, adieu sa force prodigieuse et sa pénétrante
intelligence, et son initiative sagace, pour peu qu'elle s'é-
lève à quelques pieds du sol. Sur ce champ de bataille
éthéré^ Vadversaire la sait vaincue d'avance : en vain se
débal-elky défaillantey presque inaniméCy dans une lutte
inégale^ faute d'avoir pu retrempe)' son énergie au sein
maternel de Dèmèter. — Sœur (TAntée, enfant de la Terre
comm^ lui^ la Scietice moderne attend son rédempteur y le
second père de qui elle doit naître à nouveau ^ enfant du Ciel.
En matière (ï investigations positives, elle n'a point son
égale : autant la dire infaillible. Mais on la voit soudain
frappée d'impuissance y lorsqu'un problème d'ordre pure-
nient intelligible se pose devant elle ; parfois même,
comme nous venons de le voir, acculée à l'un de ces pro-
blèmes mixtes (tels que la genèse de la matière ^ dans cer^
taifis cas anormaux de croissance organique, chez V ani-
mal ou chez la plante), elle se tait ou balbutie.
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54 LA CLEF DE LA MAGIE NOIRE
Mais OÙ trouver une justification plausible de noire
phénomène de prodigieuse végétation, puisque F Académie
des Sciences nous laisse en vain frapper à sa porte ?
Peut-être serons-nous plus heureux en abordant, au
seuil de leur humble retraite, ce rabbin décrié qu'on dit
versé dans la sorcellerie, ou ce vieux chanoine sauvage
et sédentaire qui passe communément pour un maniaque
renforcé (l). Un même souci cloître V Israélite et le Chré-
tien dans une solitude laborieuse ; une même réprobation
les enveloppe dans un injurieux abandon. Uon tremble
devant l'un, et Vautre fait pitié. Les bo7ines gens les évi-
tent tous deux ; mais Vun et raulre s'eti consolent : à
vivre en un monde meilleur y ils ont perdu la souvenance
des amertumes de celui-ci. Persécutés de leurs pairs comme
de leurs supérieurs hiérarchiques, ils ont tu jusqu'au cri
de la conscience opprimée, désappris jusqu'à la protesta-
tion du dédain
Que nous interrogions le sémite ou le chrétien, la doc-
trine s affirmera la mêmey en un langage presque identi-
(1) En crayonnant ces deux types d'adeptes, comme assez communs
et significatifs au Panthéon des sciences occultes, — nous disculpe-
rons-nous ici de toute prétention à pourtraira telle ou telle individua-
lité contemporaine? Ce soin nous avait semblé superflu, lorsquen 1888,
le Lotus publia ces pages pour la première fois.
Aussi ne fûmes-nous pas médiocrement surpris alors, de recevoir coup
sur coup tant de lettres et même de visites quasi-suppliantes,,. Signa-
tures et visages inconnus, des amateurs de chimériques ressemblances
s'évertuaient, en dépit de nos plus énergiques protestations, à nous ar-
racher le nom et l'adresse imaginaires du vietw chanoine et du mysté-
rieux rabbin! Ce fut peine perdue, comme bien on pense, et ce, pour le
meilleur de tous les motifs. La présente note suffira-t-elle enfin (nous
en doutons fort) à désabuser les excellents badauds qui naguère, incri-
minant notre prétendue discrétion, nous assiégeaient dans nos derniers
retranchements f
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AVANT-PROPOS 56
que. Et ce sera VËsolemme vivant de V antique tradition
judéo-chrétienne qui par leur bouche nous répondra : —
a Ouij la croissance du végétaly dans les conditions d'iso-
lement que t^ous dites, est un fait mystérieux pour la
science positiviste, une réalité inexplicable à jamais pour
les philosophes qui soutiennent Véternité de la matière :
car nous sommes en présence d'un transfert de puissance
en acte ; en un mot, il y a eu création.
Chanoine ou rabbin^ ainsi répondrait le vieux Kabba-
liste, qui ne manquerait pas d'invoquer, à Vappui de sa
thèse, la Doctrine secrète transmise jusqu'à nos jours
(f adepte en adepte, et par voie strictement orale. Or, ce
qi^il exposerait de vive voix, en termes généraux et peut-
être sous la garantie du secret juré^ le Lecteur va le trou-
vai' ici même^ sans réticence et par écrit.
Nous avons parlé de création. N* ayons garde d'attribuer
à ce mot le sens irrationnel si cher aux théologiens d'un
autre âge. Avec les initiés de l'ancien monde et les phi-
losophes du nouveau, répétons encore : Ex nihilo nihil, le
néant n'engendre pas.
Moïse, au premier verset de sa Cosmogonie, ex-
prime hiéroglyphiquement le vrai sens du mot créer :
tt DNH^t^ Sna n^tt^t^ia — in principio creavit Deus
deorura... » Le mot t^nil(i) (Barâ, creavit) , ouvert à F aide
(i) Ce mot Î411 est au prétérit. Généralisé et porté à /'infinitif, il
devient HVa.
Entre le 1 et /*K, a trouvé place le signe convertible à son pôle de
lumière, le Vaf^ pointé en haut. Ce qui nous donne la même significa-
tion, mais universalisée, mais soustraite à tout régime temporel, ac'
guise à V étemelle abstraction.
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56 LA CLEF DE LA MAGIE NOIRE
des clefs de Salomon^ manifeste le sens ésote'rique suivanl :
« Paternité (3) du-raouvement-actif-producteur (*î) » de
l'existence potentielle-à-la-millièmc-puissance (^); ^cesi"
à'dire : « Produclioii du mouvement extériorisateur qui
fait passer du primîpe absolu à V essence radicale^ sus-
ceptible à son tour de multiplication divisionnelle, dans
la genèse des individus. »
Tous les êtres se Gvé^ni donc par série d'extériorisations
successives.
/. L irradiation féconde du Verbe les détermine en
Principes, et c'est la première étape.
2. Du Principe^ ils passent à /'Essence ou Puissance
d'être générique, spécifiée et spécifiante : seconde étape.
3. Cest à ce degré de réalisation, cest parvenu à ce
moyen terme (4) entre la principiation et Vexistence^ que
Vétre s'individualise en centres d'activité potentielle ;
c'est la Puissance d'être germinale : troisième étape.
Pour compléter ces données occultes si délicates à saisir,
il nous reste à préciser le rôle maternel de la Vie, dans
cette filiation d'êtres virtuels. Reprenons.
Ainsi, dans V expansion du Verbe créateur, la Vie (qui
lui est indissolublement associée) ne se conçoit qu-nm-
verselle, et, si Von ose dire, sans destination particulière.
(1) N'oublions pas qu'ici-bas nous sommes dans la loi de déchéance.
Sous cet angle trompeur, la grande illusion matérielle nous semble
réalité, tandis que nous ne parvenons à la réalité essentielle que par un
effort de V intelligence. C'est un renversement des choses.... Les essences
n'apparaissent un moyen terme qu'à notre point de vue terrestre; elles
ne sont puissances d'être (ou plutôt d'exister) qu'à ce même point de
vue. Dans l'ordre primitif, antérieur à la chute, les essences sont réa^
litèSy et les choses physiques seraient illusion.
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AVANT-PROPOS 57
MaiSy à celte fm (ranimer et cV évertuer les Principes des
êtres, la Vie s'impose une première particularisation. Elle
époiise ces Principes ou Types radicaux, et de leur union,
sfmt engendrées les Essences.
Puis, pour vivifier à leur tour les êtres déterminés en
Essences (ou Puissances collectives spécifiées) la Vie subit
une deujcième particularisation.
Enfin les Puissances collectives de la vie spécifiée (ou
Essences), se sou^-multipliant en d'innombrables germes
individuels^ génèrent ces centres d'activité potentielle dont
nous avons parlé : troisième particularisation.
En chacun de ces centres^ se manifeste alors un iMoi
plus ou moins défini, plus ou moins instinctif ; perfectible^
suivant son espèce, mais non encore conscient : ce Moi,
c^est raffirmation individuelle de chaque germe, son àme
de vie particulière (1).
// va sans dire que ces doctrines n'impliquent rien con-
tre la théorie traditionnelle de l" Évolution, Indiquer les
stad?s deVInvolution créatrice, ce n'est pas enseigner que
tout être qui s incarne vient immédiatement de les par-
courir. Nous 7ie pensons pas, avec les théologiens primai-
res du Christianisme, que, dans le règne hominal, par
(f) Il est expédient de noter ici, pour l'édification des étudiants déjà
avancés, que, dans /'état êdénal. toute cette genèse s'opérait intus ot in-
tra : en sorte que chaque sous-multiple naissait à la vie individuelh*
au sein maternel d'Adamah (l'élément homogène avec ta substance
d'Adam), sans renoncera la vie collective ni ro?npre le cadre mys-
tique de la grande Unité, — Depuis la chute, cette genèse s'effectue
extra forisque, hors du giron unitaire.
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58 LA CLEF DE LA MAGIE NOIRE
exemple^ « Dieu crée les aines à Vinstanl même de la
conception chaimelle. »
En rappelant ici quil est une échelle de la vie descen-
dantCy comme il en est une de la vie progressive, et qu'un
ordre hiérarchique répartit sur les échelons d^ cette der-
nière les moules des différentes espèces, il convient encore
d'ajouter que ces échelons sont gravis, ces moules occupés
tour à tour par les monades individuelles en ascension ,
suivant les lois de Vuniverselle métempsycose.
Les races elles-mêmes s'élaborent et évoluent, comme
les monades individuelles qui en sont les exemplaires. Ce
sont deux modes de rédemption bien disti7icts{i). Il en est
même un troisième, qui tient de Vun et de Vautre; c*est
ce que nous verrons en détail au Livre III : le Problème
du Mal.
Quand Vintelligence lucide aborde ces profondeurs, il
lui semble voir la vision d'Ezéchiel. L engrenage univer-
sel des vies est bien syjnbolisé par cet ensemble formida-
ble de roues constellées, qui tourtient les unes dans les
autres: infinie complication de détails concourant à rii"
nité simple et grandiose du total Cosmos.
Nous n'avions pas affaire ci-dessus auproblème de rÉvo-
lutioji, inséparable de V énigme des existences successives.
Notre commentaire du mot création nous limitait à un
autre point de vue : nous tachions à esquisser le méca-
(1 ) Oji caractériserait assez bien ces deux, modes par une locution
triviale : les individus peuvent avancer sur le chemin de la vie pro-
gressive, soit en marchant pour leur propre compte, soit en se laissant
trainer par la masse de leurs semblables.
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AVANT-PROPOS 59
mme général de rinvolulion, qui fonctionne sur le plan
a^iraly ou hyperphysique.
Là est la genèse animique et biologique (l), la genèse
dV)ixJre intelligible. Est^-il besoin de noter que la genèse
dVirdre sensible en est distincte, et affecte sur le plan
pinjsique une direction tout inverse ? — Le germe est le
}'"int de rencontre des ddux lignes (verticale-active et ho-
rrjmtale-passive) ; c'eM le nœud d^ union de la matière et
de la vie, du monde sensible et du monde hyperphysique ;
c'est la cellule organique où s'emprisonne Tàme vitale:
rest, en un mot, la molécule inerte qui tressaille et s'a-
nime, microscopique sanctuaire^ tabernacle d'amour où
V célèbre et s'accomplit^ des milliards de fois par seconde,
le mariage vivificateur de la Terre et du CieL
Si nous examinons le germe (2) dans les phénomènes
de sa production et de sa croissance^ il est clair que nous
le supposons placé dans des conditions de développement
possible, et même favorable : car rame vitale où dort l'es-
prit latent s'incorpore au milieu le mieux disposé pour
la recevoir : et s/, primordialement, lorsqu'il n existait
point encore de matière organisée, des âmes de vie ont du
nécessairement féconder la matière inerte, pour créer la
cellule, il n'en saurait plus être ainsi de nos jours, où ces
énergies virtuelles infléchissefit de préférence leur mouve-
ment germinal vers des cellules organiques, élaborées ad
lioc, cellules appartenant à un être de race identique à la
(i) Toujours sottg le bénéfice de la restriction formulée plus haut
fP' 56 et 57, en noie),
(i) Végétal ou animal.
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60 LA CLEF DE LA MAGIE NOIRE
leur{\), — Cesl la loi de filiation, chez les animaux comme
chez les plantes : 7wus en négligeons à dessein Vexpo-
siiion raisonnée, qui nous détournerait du sujet principal,
pour nous entraîner hors du cadre de cet Avant-propos.
Or donc, étant données ces conditions de formatioti pos-
sible, — dans un végétal, par exemple, — dès que rame
a individualisé la molécule qu'elle anime et féconde, elle
obéit à son instinct de conservation, en groupatU autour
de la cellule centrale d'autres cellules, dont l'agrégation
forme une sorte de chrysalide protectrice : en cet état, le
germe cuirassé constitue la graine, qui tend à se détacher
de la plante mère. — Vient le jour où, mure pour une
existence individuelle, cette graine voit se rompre le der-
nier lien qui, la rattachant à la tige maternelle, la faisait
participer encore^ dans une mesure moindre de jour en
jour, à la vie collective de la plante,
(Nous passons, en tout cecij les détails techniques et
topiques ; nous omettons la description des phases décrois-
sauce, — variables d'espèce à espèce, — pour 71' esquisser
que le schéma essentiel de la formation germinale, La
première botanique venue suppléera copieusement à ce que
ces pages, trop délibérément synthétiques, peuvent pré-
senter d'insuffisant pour les esprits méticuleux, ou même
d'irritant pour les amateurs d'une analyse ponctuelle et
suivie. — Le Lecteur est prié de ne point perdre de vue
qu'il ne s'agit de rien, pour le présent, sinoyi de quel-
ques données très générales de biolocjie occulte, acci-
(1) S'oublion^ pas que ces dmes de vie, étant spécialisées, appar-
tiennent nf^cessairenipnt à une race particulière.
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AVANT-PROPOS 61
deniellemeni tangentes à Vobjet de ces prolégomènes).
En somme, que pemer de celte force inconnue, qui,
après avoir e'iu domicile dans une cellule organique, attire,
ijroupe et s'assimile les atomes avoisinants, pour s'en
faire un corps de défense? Car, — chose bien digne de
notre attention! — ce n est pas tant la plante fécondée qui
concentre sa vitalité sur un points afin de former la se-
mence conservatrice de sa race (I) : cest le germe uni-
miqm de la future graine {énergie potentielle déposée, il
est vrai y d^ms un terrain organique approprié pour la re-
revoir) (2), cest ce germe, — aimant mrjsiérieux et invi-
sible^ — qui centralise à son profil les éléments dont il a
besoin^ qui les distingue, les sélecte, se les approprie^ pour
se constituer lui-même en semence parfaite.
Pareillement, chez l'animal, cest l'œuf fécondé qui at-
tire à soi, et non pas tant la mère qui fait affiner vers
l'œuf (S) les matériaux requis pour la formation de son
corps de défense.
{ 1 ) Sans doute ^ il y a réciprocité harmonique dans tes fonctions, mer-
reilleusement concordantes, de l'être qui veut perpétuer sa race et du
(jerme qui veut éclore; mais le travail actif, et pour ainsi dire savant
(sélection, assimilation, répartition des matériaux, etc.), est f œuvre de
ce dernier.
(2) Ou, pour préciser, (\à,ns l'ovaire dont le pollen a fécondé les ovn-
1,»5^ — C'est donc en chaque ovuln qu'il faut voir (après la fécondation),
le microscopique sanctuaire dont nous avons parlé ; le nœud d'union
de la matière et de la vie; le point d'intersection des deux lignes (ver-
ticale-^ctive et horizontale-passive), symboliques des deux genèses com-
plémentaires: /'intellectuelle et la sensible.
(3) Sous entendons ici par œuf fécondé la volonté obtuse et ins-
tinctive qui réside en lui ; comme nous avons entendu par ^ernie la
force efficiente analogue, l'étincelle de vie spécifiée qui anime le germe.
Tout cela se conçoit aisément. Soiwieux. sur toute chose d'être intel-
ligible au grand nombre, nous éludons le plus possible la terminologie
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6â LA CLEF DE LA MAGIE NOIRE
// en est de même eneoi^e des kystes, cancers et autres
excroissances de nature analogue : c'est d'eux-mêmes qu^ils
se forment j dans les tnilieux idoines à subir leurs ravages ;
leur développement matériel est actif y nullement passif.
Germes végétaux ou animaux : la graine, le fœtus et le
polype en voie de formation se façonnent eux-mêmes, se-
lon le vouloir instinctif inné en eux, puissance efficiente et
qui tend à se réaliser en acte^ — sauf à emprunter autour
d'elle tous les matériaux indispensables à cette réalisatioff.
L'âme de vie collective, universellement distribuée aux
êtres des trois règnes 7iaturels{l), est nommée par Moïse
routumière aux naturalistes. Il serait très facile à eeur^ide nous sus-
citer mainte querelle de mots; d'autant que la précision de notre voca-
bulaire se doit ressentir beaucoup d'un pareil effort de vulgarisation.
(1) Les minéraux ont également une vitalité, et même une âme la-
tente : la cristallisation est un phénomène aussi fatalement instinctif
que la croissance des végétaux. Nous n'avons gardé le silence sur la vie
minéra\Q, qu'en raison de l'étendue déjà excessive de cet Avant-propos.
La biologie minérale eût nécessité des commentaires hermétiques très
développés; nous avons dû nous abstenir à l'égard de cet important
problème, que nous aurons sans doute f occasion de poser ailleurs.
Un seul mot à ce sujet. Nous disons que les Énergies virtuelles, au-
tour de qui se groupent les matériaux nécessaires à la formation des
corps, existent également ches les êtres des trois Règnes. Notons néan-
moins que, dans les règnes minéral et végétal, ces énergies ne sont pas
libres, ni vraiment volontaires; mais soumises à la toute-puissance du
Destin : tandis que, dans le règne animal, le reflet de la volonté propre
se manifeste déjà (quoique bien faiblement!) dans un sens qui n'est
point toujours celui du Destin. — Enfin le règne hominalÇqui vaudrait
d'être classé quatrième, à part des trois autres), n'est plus que partielle-
ment soumis à la Puissance fatidique. Les Énergies virtuelles du genr^e
humain sont libres dans une notable proportion ; elles jouissent d'une
volonté propre, et qui, bien qu'actuellement inconsciente, apparaît tim-
brée d'une originalité qui distinguera telle personnalité de telle autre.
Les âmes humaines se constituent une enveloppe physique à leur image
individuelle; le Destin ne les lie qu'en les assujettissant aux formes gè-
nérales de la race.., La Providence elle-même peut avoir une influence
sur le développement du fœtus humain, et cela est un grand mystère.
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AVANT-PROPOS 63
^in CTÎJJ Nephesh-ha-haïah (1) en tant qiion la cotisi-
dère dans son essence homogène; et HJV lônah, en tant
que faculté génératrice^ expatisive, plastique; ou souffle
hiogénique de Nature y apte à se spécifier d'abord en essences
(jénériques^ puis à s'individualiser en d'innombrables
mis-mulliples, pour former ces potentialités d'assimila-
tion et d'auto-création corporelle^ qui sont l'étincelle vi-
vante et le vouloir instinctif de toutes les créatures en voie
de se développer organiquement sur le plan physique.
Mais sur quel modèle^ sur quel patron, cette étincelle
vitale et vivifiante façonnera-t-elle un corps qui lui soit
approprié? Ceci, (comme nous l'avons vu) dépend de Téta-
Ion spirituel^ savoir du Principe, gwi, modalisant la Vie
universelle. Va déterminée en telle ou telle Essence par-
ticulièrey ou Puissance d'être spécifiée.
Ces Principes sont les formes pures, les archétypes
immortels et préfixes de chaque espèce. Ce sont eux —
MUS n'y saurions trop insister — qui particularisent et
façonnent la Force universelle de viviftcation, lônah. De
l'union première du Principe radical et dlônah, iiaîl donc
l* incorruptible essence de chaque espèce. Enfin cette Es-
^^nce, ou puissance d'être collective, engendre la multipli-
cité des individus virtuels instinctifs, auxquels il sera
(J) Les Kabbalistes donnent aussi ce nom de ^2- Nephcsh au corps
f^^ral, par opposition à rW^ Roûach, rdme, ef à HOwJ Neshamah, l'esprit
^u ^intelligence. Mais cet hiérogramme Nephcsh, que Moïse a formé
P«r lacontraction de trois racines : TTN HS-'I^ exprime dans le Sépher
^^ synthèse de ces trois facultés, instinctive^ animique et mentale : « =^3
f^prime la partie naturante de l'âme, T\Z la partie naturée, CN lapav-
ii^ naturelle. » (Voy. Fabre c^Olivet, Lang. hébr. reslit., /. //, p. 52).
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64 LA CLEF DE LA MAGIE NOIRE
donné d'élire et d'agréger à soi, sur le canevas de leur
forme astrale, tous les éléments dont ils ont besoin pour
se réaliser objectivement ici-bas.
A ces types radicaux, à ces Principes spécificateurs des
races, d'autres Kabbalistes attribuaient le nom rf'Imagi-
nos^vocable dont l'interprétation s'altéradans la suite (1).
— Quoi que l'on puisse penser de ces étalons des races, ce
sont bien en effet les Images, les patrons intelligibles
sur quoi se déterminent et se modèlent les exemplaires
individuels.'
Résumons-nous une dernière fois : le Type ou /'Image
— force active de spécification — pénètre et féconde lu
Vie universelle hijperphijsique ou lônah, — force passive.
— Les Essences spécifiées, qui résultent de cet hiimen^
engendrent à leur tour les germes virtuels, c'est-à-dire
les individus déterminéAi en puissances d'être.
Telle est, en ses principaux stades^ la Genèse occulte
et vitale des germes, bien distincte, encore un coup^ de
la Genèse apparente ou matérielle des semences. Il faut
de toute nécessité, si l'on veut prévenir les plus regretta-
blés confusions et les malentendus les plus burlesques,
avoir toujours présente à l'esprit la distinction fondamen-
tale qui s'impose, entre /(?.s Principes d'ordre intelligible
(1 ) Suicant iex Kahbalistoa pfm modernes, le Type (i mago)yde}tcenfian t
du Ciel au moment de la conception, est imbu du caractère indiridufl.
Ils le nomment TM^W Jechidah ou principe d'individualité, et veulent
y voir l'empreinte différentielle du sceau divin sur chaque exemplaire
terrestre.
Le JcM'hidah de la nouvelle Ecole (U^yj Zolcni de Moschè Corduero)^
équivaudrait en somme à l'émanation individuelle du principe nommé
plus anciennement huix^o. Le sens n'est donc pas positivement altéré.
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AVANT-PR01H)S 6o
et l€4 origines d'ordre sensible. Ce sont les deux sources
inverses et complémentaires de l'existence mixte : l'une^
véri fiable expérimentalemenl^ relève des sciencBspûsiiives ;
Tatiire n est connue que par Vexpérience mystique et les
inductions de rÉsotérisme;au dire de tels docteurs con^-
temporains, elle n'existerait même pas.
Pour clore ce long et abstrait exposé de principesy qui
nous ramènera naturellement à notre point de départ, —
T examen du phénomène observé par les savants Schraderj
Greef et Braconnoty — un mot nous reste à dire des
plantes en général.
Nous avons précisé comment le germe, énergie indivi-
duelle en puissatice d'être, a déjà accoynpli un premier
travail d autour éation, pour se déterminer en graine et se
détacher à ce titre de la planter-mère : étape initiale de
son développement matériel. On doit y voir une adapta-
tion élémentaire, ety pour ainsi dire, la fixation d'une
étincelle de vie spécialisée dans un corps de défense; ou
sa claustration, si Vonveuty dans un étui protecteur.
En cet étaty la semence n'est toutefois encore qu'un
individu végétal embryonnaire, incapable de se développer
en dehors de certaines conditions indispensables à révo-
lution végétative, — exigences qui sont communes à toutes
les plantes. Il lui faut : r une couche de matière poreuse
où prendre racine (l); 2*» une certaine quantité d' eau
{{) Ce n'est là une condition sine quâ. non, que pour la grande majo-
rité des espèces. Telles plantes marines ou paludéennes naissent, gran-
dissent et meurent dans l'eau, sans avoir jamais adhéré au sol par leurs
racines.
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66 LÀ CLEF DE LA MAGIE NOIRE
pour s'abreuver ; 3^ une atmosphère normaU (1) pour sa
double respiration, diurne et nocturne. {Chacun sait en
effet que l$s plantes aspirent de jour V acide carbonique,
dont elle^ expirent l'oxygène^ après s' être assimilé le car-
bone ; tandis que de nuit leurs fonctions sont à V inverse :
c^est V oxygène qu'elles aspirent alors, et elles rejettent Va-
cide carbonique, — produit de la combustion lente {dans
V oxygène) du carbone en excès, assimilé pendant le jour).
Telles sont les conditions générales de la germination
des graines, — conditions, répétons-le, communes à tou-
tes les essences végétales. Mais il est, en outre, des exi-
gences particulières à chaque espèce : par exemple, la
présence dans le sol de substances azotées, phosphatées,
siliceuses, calcaires (2)... Car il faut apparemment que
les végétaux à la composition chimique desquels ces corps
sont indispensables, les puissent rencontrer dans le rayon
de leur attraction nutritive, afin de les emprunter au sol
et de se les assimiler, au gré de leur nature. Ainsi telle
fleur croît abondamment sur les terrains siliceux, qui se
refuse à pousser sur un tuf calcaire.
En règle générale, la plante élabore, pour sa nutrition,
les éléments assimilables que lui fournissent le sol et
Vair ambiants ; elle décompose ou combine à son gré les
oxydes, les sels, les gaz simples ou complexes, ets'appro-
({) Normale, — non seulement en oxygène, azote, vapeur d'eau, aride
carbonique, etc., mais encore en chaleur, lumière, électricité.,.
(2) Quand tels de ces produits manquent à la tei*re arable, et qu'on y
veut semer des plantes, à la germination comme à la croissance des-
quelles ils sont indispensables, on supplée à l'indigence native du sol,
par l'apport artificiel des substances requises, qui prennent alors les
noms «/'amendements et rf'engrais.
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AVANT-PROPOS 67
' prie toules ces substances, dans la mesure de ses besoins:
I
Mais nous avons établi Vinsuffisance de celte loi de
nutrition^ à justifier la présence du Fer, du Manganèse j
de r Aluminium et du Calcium, dans les tiges et les
feuilles cTun cresson semé dam la fleur de soufre, et
arrosé exclusivement d^eau chimiquement pure. Cet
exemple isolé suffit à établir la réalité d'un autre mode
de nutrition. Sig7ialées en effet dans les cendres dudit
I cresson, les substances ci-dessus n'ont pu provenir, ni de
fatmosphère qui baigne sa tige et ses feuilles, ni du
soufre en fleur où plongent ses racines, ni de Veau dis-
I iillé^ dont il s'abreuve..,
I Ces substances, où donc les a-t-il trouvées? — Nulle
* pari, nous l'avons vu : elles ont été créées pour lui, au fur
et à mesure que ses besoins les réclamaient.
Quand une graine ne trouve pas, dans le sol qui l'a
reçue, non seulement les conditions nécessaires à la ger-
mination des semences en général, mais encore toutes
celles que requiert son espèce en particulier, elle avorte
et pourrit : c'est la loi commune. Cependant, il est des
plantes si vivaces et d'un si rigide destin, que leurs
graines s'obstinent à germer dans un terrain apte en
principe, il est vrai, à la germination des semences végé-
tales, mais dépourvu, au cas particulier, des éléments
chimiques qui entrent dans la composition spécifique et
normale de la plante à naître. Alors, de deux choses
Vune : ou le végétal se prive, dans l'évolution de sa crois-
sance, des principes particuliers qu'il s'assimilerait dans
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68 LA CLEF DE LA MAGIE NOIRE
les circonstances ordinaires, et dont, pour cette fois^
V analyse chimique établit V absence (i), ou il a recours,
afin de se Us procurer quand mêm<î, à une voie eîn^traor-
dinaire et d'exception.
Celte voie, inconnue à la science des Universités, est
celle des fluides impondérables, ou plutôt de TÉther vital,
— dont la lumière, lu chaleur, le magnétisme et V élec-
tricité sont les quatre manifestations phénoméniques.
Le végétal s'alimente des effluves créateurs de cette
Substance première, qm les anciens nommaient âme du
monde, et sur la nature de laquelle roulera notre pre-
mier chapitre en particulier^ et tout notre ouvrage en
général.
Que fait la plante? — Le vouloir latent de son Moi
biologique fait office d'aimant. Son organisme fait office
à la fois et d'alambic et d'atlianor: si bien qu élaborant
les fluides hyperphysiques, selon les exigences de ses fonc-
tions naturelleSy il les réduit de puissance en acte ; — et
que, substance permanente et absolue, VAôr se diffé-
rencie en tel ou tel mode de matière transitoire et contin-
gente.
Nous Vavons fait voir Au Seuil du Mystère (2) : VAme
du monde, ou Lumière asfrale, est le substratum insaisis-
sable de toute existence physique; et, à un point donné
de son évolution, rame du monde se compacte en matière
pondérable et sensible.
( 1 ) Dans ce cas, la plan te, après avoir poussé hâtivement une tige grêle,
s'étiole le plus souvent et meurt de mort précoce,
(2) Pages 85-86 de la 3e édition.
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AVANT-PROPOS 69
Cest sur celle matérialisalion de la substance^ que
repose tout V édifice spagifrique des alchimistes. La
suprême ambition du fils d'Hermès consiste à déterminer
le point précis où s'opère cette condefisation mystérieuse^
à laquelle le Trismégiste fait une allusion directe^ en son
symbole de la Table d'Émeraude, lorsqu'il dit, du secret
agent réalisateur de toute perfection corporelle (Telestna) :
« Vis ejus intégra est, si versa fueril in terrain » ; sa force,
(d'extériorisation) est parfaite (révolue), quand elle s'est
métamorphosée en terre (matière sensible),
La Table d'Éraeraude est une page magistralement
initiatique, qui trouvera sa place au cours du premier
chapitre, ^ous comptons traduire en entier ce testament
sacerdotal d'un monde qui n'est plus ; peut-être confir-
mera-t'iU dans son laconisme sacrée les principes que
nous avons eu V occasion d^ émettre, — et fournira-l-il de
fermes assises à notre explication de la grande théorie,
traditionnelle en occulte, (Tun agent universel des mira-
cleSy prodiges et maléfirces.
Le Surnaturel n'est point. Nos Lecteurs conçoivent pré-
sentement qu'en tête de cet avant-propos, nous ayons ar-
boré cet axiome péremptoire : — tout prêt que nous puis-
sions être à confirmer VexistencCy bien plus, à fournir
r explication de certains phéiiomènes contestés d'ordinaire,
et qui trouveraient assex, sceptiques tels défenseurs intran-
sigeants du Surnaturel en général. Cest qu'il y avait là
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70 LA CLEF DE LA MAGIE NOIRE
une notion essentielle à redresser, et y du même coup y tout
un ordre de connaissances à garantir.
En vue de ruiner un faux concept {si fâcheu-setnent fa-
milier au plus grand nombre de ceux-là, pour qui la matière
tangible nemarque pas V ultime frontière du Connaissable)^
notre effort nous induisit en une prolixité de développe-
ments prélimiyiaireSy qui empiètent quelque peu sur la
substance même du livre.
Ce luxe de détails anticipés s'adressait au public pro-
fanCy à dessein de mettre en garde les superficiels y —
éventuellement curieux de jeter un regard dans la lor-
gnette ésotériquCy — contre un angle de déviatiott du rayon
visuely imperceptible à Vexamen de Vinstrument, et qui
n'en fausserait pas moins, de sorte irrémédiable, le champ
normal de la vision.
«.4 quoi servent les préfaces? A vider certaines ques-
tion préalables, à lever certaines préventions qui empê-
chent de lirCy à écarter certains obstacles qui empêchent
d'entrer. » — Voilà ce que nous pensons, avec le comte
Agénor de Gasparin, Vauteur d'un très beau livre de
recherches occultes, aujourd'hui presque oublié {i).
Pour déférer à ce judicieux conseil y il nous reste à
prévenir un second malentendu, corollaire du premier.
Nous n'avons pas voulu qu'on se mépnt sur lu question
du Surnaturel : à plus forte raison, ne faut-il pas qu'en
des pages que la Go'étie va hanter par intervalles de ses
ténébreux simulacres, une confusion devienne possible,
(1) Des Tables tournanles,du surnaturel cl des Esprits. Paris, Dentu,
1855, 2 vol. i/i-18.
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AVANT-PROPOS 71
touchant V essence de la véritable Magie. Cette fois, nos
éclaircissements sont dédiés au^ étudiants déjà sur la
voie^ — en un mot, aux initiés. Le parallèle (g^on a
pu lire, au début du présent discours^ ne saurait satis-
faire à les préserver des faux pas.
Une conception des moins connectes court le public^
accréditée par certains demi-érudits en la matière. On
croit communément que la Magie réside, avant tQut\ dans
Tart de produire à volonté ce que les spirites appellent
des phénomènes. Définir de la sorte la Magie^ c\est voir
dans l'Adepte par fait, dans le Mage^une façon de Médium,
habile à régulariser le jeu des manifestations {intermittent
d'ordinaire) ; à mettre un frein au caprice familier des
Invisibles ; tranchons le mot, — à domestiquer hs « Es-
prits »/
En vérité, si la haute Magie consistait en cela^ conve-
nons qu'elle se réduirait à bien peu de chose
Rien n'est moins fixe et plus mal défini que ces mani-
festalions prétendues sensibles, qui s'ébauchent confuse-
ment dans le nimbe élastique des médiums.
Jouets de Larves dépourvues d'essence propre et sans
trêve balancées du non-être radical à V apparence physi-
que, les Médiums offrent à ces formes lémuriennes un
miroir paradoxal, où refléter leur semblant d existence.
Eux-mêmes font paraître à V examen du psychologue une
personnalité capricante, absurde, protéenne, et qui porte
la signature équivoque des soi-disant Esprits.
Quels produits peuvent naître du concours éventuel de
ces deux instable facteurs — Larve et médium, — on
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72 LA CLEF DE LA MAGIE NOIRE
rUnagine aisément ; et nul ne s'étonnera de constater que
ce caractère fallacieux et trouble^ qui leur est propre à
tous deux, distingue à fortiori les phénomènes issus de
leur collaboration.
La curiosité du plus grand nombre se confine dans le
spectacle amusant de ces phénomènes : manifestations
fugaces, dont Vétude relève assurément du magiste et de
sa compétence; mais l'on aurait toi't de croire que le pro-
gramme de la Magie (même déviée à gauche) se limite à
cet examen.
Ce qu'assez, pertinemment, bien qu*en un sens très res-
treint, les spirites dénomment phénomène, n'intéresse
V occultiste qu'à titre exceptionnel et en mode très indirect.
Comment et pourquoi? — Cest le problème qu'il con-
viendrait d'aborder sur l'heure^ sauf à requérir de ceux
qui veulent bien nous suivre^ en ce dédale d'explications
préliminaires^ une attention quelque peu soutenue. La
question en vaut la peine; car, s'il nous est donné de met-
tre en lumière une fondamentale distinction^ aussi ur-
gente à bien établir que délicate à bien pénétrer, peut" être
aurons-nous dit une chose assez, neuve, — et même fourni
à la sagacité des chercheurs l'une des maîtresses-clefs de
l'Èsoiérisme.
Supposons la soudaine production d'un phénomène bien
évident^ bien incontestable, devant un nombreux concours
de spectateurs de toute classe. If ores et déjà, nous pou-
vons mettre à part trois catégories de témoins, que le mys-
tère de ces manifestations, si surprenant soit-il, n'in-
triguera guère. Cest d^ abord le dévot étroit, qui porte à
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AVANT-PROPOS 73
Factif du Diable tout incident de cet ordre... Puis ces
bonz-es de Forthodoxie officielle^ dont remploi est de pan-
iifiev scientifiquement y Vodil clos à toute lueur suspecte
(Tkérésiey les oreilles bouchées à toute voix qui fie sonne
point à Vunisson du concert académique. Ces deux sortes
de témoins ont leur siège fait d'avance : Vun a vu V ombre
des cornes de Béehébuth; Vautre n'a vu goutte^ et savait
de reste, en venant à la séance, qu'il se dérangeait pour
rien... Éliminons enfin cette triste variété de non-valeurs,
pantins du scepticisme à la modCy imperynéables à tout
noble souci, dont le tic est de ricaner leur vie : devant
eut, véritables eunuques de l'intelligence, Vadorable Vé-
rité pourrait s'épanouir dans le resplendissement de sa
nudité céleste^ sans les émouvoir d'un frisson, ni réveil-
1er en eux l'apparence même d'un désir.
Ces trois types écartés^ reste l'homme de bonne foi, le
témoin pur et simple, sans parti pm, qui en est pour ce
quil a vu et s'ingénie peut-être à en découvrir la cause...
Pour celui-là, — soit chercheur consciencieux ou simple
badaudy — le phénomène dûment constaté revêtira une
importance capitale. Badaud, ce miracle à proportions
bourgeoises, réalisé dans un cadre bourgeois ^ le trouble
et le ravit... Esprit sérieux, il n'est guère moins cap-
tivé par l'évidence d'un fait inaccessible aux lois de la
science contemporaine, cette Révélatrice qu'il avait pris
V habitude d'envisager comme universellement compétente
et infaillible sur son trépied. Aurait-il fait fausse route?
Façonné au moule de r école positiviste (où Von n'admet
d'autre critérium de la réalité que le témoignage de ses
cinq sens) f voilà qu'il se heurte àV évidence d'un faithos-
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74 LA CLEF DE LA MAGIE NOIRE
lilôy du moins il le croit, à V esprit de la science positive,
et ses sens même lui en attestent à Venvi Vauthenticité !
Va-lr-il renier ses dieuXy ou saurort-il pousser jusqu'au
bout les conséquences logiques des prémisses qui s'infligent
à son assentiment?.. En toute hypothèse, converti à lu
mode de saint Thomas^ nul doute que, pour lui, le phéno-
mène énigmatique ne prenne une valeur et une portée
excessives.
Il n'en saurait être de même pour roccultiste, à qui la
Nature universelle offre, au delà même du plan physique
{seul accessible aux moyetis de recherches et de contrôle
de la science dite positive), trois autres plans d'investi--
galion et d^ expérience :
1° Le plan astral, monde inférieur des énergies poten-
tielles : c'est le royaume de la Nature-naturéCy où domine
le Destin ;
2^ Le plan psychique, monde passionnel, intermédiaire:
c'est le milieu propre de la Substance adamique, où se
meut l'âme vivajite universelle, athanor de la Volonté;
3° Le plan spirituel, monde supérieur, intelligible :
c'est l'éden de la Nature-naturante, où règne la Provi-
dence,
Sur chacun de ces trois plans ^ l'initié peut avoir accès ;
nous verrons ailleurs sous quelles conditions, et par
quelles issues.
A même le monde spirituel, il peut étudier la généra-
tion des principes^ dans Vordre préfix de Vabsolutisme
divin ; — à même le monde psychique, il peut surprendre
l'élaboration des vies, au cremet de la tourmente passion-
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AVANT-PROPOS 75
îielle {où s'affirme, jusque dans la lutte intérieure, l'an^
linomie des âmes et des volontés (1) ; — à rnénie le monde
astral, il peut connaître le substratum de toute manifes-
tation sensible, et déchiffrer cette mystérieuse langue des
signatures^ où s'inscrit la genèse dynamique des formes.
Inutile d^ajouter que le inonde matériel et tangible
présente à Vinitié^ comme au profane^ un champ physique
(T expériences, merveilleusement défriché du reste et mis
en valeur par les pioimiers du positivisme contemporain.
Voilà donc quatre ordres de réalités , {matérielles,
astrales, psychiques et spirituelles) y que r adepte ésoté-
ricien peut observer à loisir sur les divers plans qui leur
sont propres. Quel intérêt relatif et secondaire présen-
teront pourluiy dès lors, les phénomènes aussi éphémères
qu illusoires, également déplacés sur tous ces plans, et
qui n appartiennent en propre à aucun d'eux ?
Car, il importe essentiellement de s'en rendre compte,
— et c'est là le nœud gordien du problème qui nous
occupe, — le phénomène, conçu dans le sens de manifes^
talion fugace de Vlnvisible (2), ne présente ni existence
(1) Dans celle anlinomie réside le principe de la perfectibililè. —
Cf. l'admirable page de Lacuria, De l'âme et de la volonté, ou de la
double vie de Thomine (Harmonies de l'Être exprimées par les nom-
bres ; Paris, 1847, 2 toi. in-S, tome I, ch. XVIJJ, pages 31o-3i9).
(2) Sous visons principalement ici les apparitions fltiidiques d'êtres
virants ou de parties d'êtres, telles que mains, pieds, etc., qui se dissi-
pent après s être un instant condensées. Quant aux définitives ma.iêfidi-
lisatioDS (dont il faut se défier, car elles se réduisent le plus souvent à
de simples apports), elles constituent, quand elles sont réelles^ une caté-
gorie à part et d^ exception; elles relèvent de la haute magie propre-
ment dite.
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76 LA CLKF DE LA MAGIE NOIRE
physique, ni virtualité astrale : c*est une sorte dlUusmi,
un mirage résultant (Tun compromis anormal entre ces
deux classes de réalités. Il ne se produit que par rinler-
section {si Von peut dire) tout accidentelle des plans
physique et astral.
Dans une phase d'instabilité^ dans un instant de dé-
sordrCf les deux lignes natui*ellement parallèles viennent
à se couper sur un point, — où le phénomène se produit^
fallacieux, paradoxal. Mais bientôt la norme rétablit son
empire, et sitôt que les deux plans ont repris leur niveau
parallèle, le phénomène a disparu.
Est-ce à dire qu'il n'y ait point de relations légitimes,
normales, entre le monde astral et le monde matériel? —
Nul doute qu'il n'y en ait, puisque ce dernier n'est que
l'expression de l'autre, sa résultante, son effet. La subs-
tance astrale s est manifestée en engendrant la matière
physique, et celle-ci retournera en temps voulu à son état
premier. Jusque-là, elle est incessamment élaborée par
Vinflux du monde astral, qui subit en revanche une ré-
percussion constante des phénomènes du monde physique.
Voilà qui suppose, d'un monde à l'autre, un double courant
descendant et ascendant, comme l'enseigne la Table
d'Émeraude. Il s'opère là une véritable endosmose d'in-
fluences. Mais les deux grandes portes de communication,
entre le monde liyperphysique ou astral et le monde phy-
sique ou matériel, sont les portes de la Naissance et de
la Mort ; ou, pour plus de précision, celles par où s'effec-
tuent, d'une part, l'incarnation des âmes, — et Uur
désintégration posthume, de l'autre.
C'est même en faussant ces rapports normaux quil
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AVA.NT-PROPOS U
devient possible de provoquer celte phase de trouble (assez
rare en létal ordinaire des choses), phase où V intersection
fortuite des deux plans engendre la fugace illusion.
Ceci est très remarquable, A part certains cas peu fré-
quents^ où la nature fait elle-même tous les frais de ces
fantasmagories {i);si Von excepte encore telles œuvres de
haute Magie, quund le Thaumaturge crée la matière hors
de lui^-mêine, soit en extériorisant sa propre substance, soit
en compactant VAôr par l'intermédiaire de son médiateur
plastique ; — on peut dire à coup sûr, partout où se ma-
(1) V occasion nous sera fournie, ultérieurement , de signaler
quelques-uns de ces cas.
Mais on nous saura gré de transcrire, sous toutes réserves, un pas^
sage très singulier de Saint Martin, touchant les caprices anarchiques
des Puissances naturelles, « Ce n*est (dit- il) qu'en agissant dans leur
détordre et dans leur désharmonie, qu'elles (les Puissances) produisent
ces formes monstrueuses que Von remarque dans les différents règnes
de la nature; de même que ces formes de bêtes, et ces voix animales
qui se manifestent quelquefois dans les oragen et les tempêtes, et qu'il
n'est pas nécessaire (V attribuer à l'intervention des Esprits..,. Les Puis-
sances de la Nature soni contenues les unes dans les autres, quand
elles jouissent de leur harmonie. Leur frein se brise dans les temps
d'orage, et comme elles portent en elles-mêmes les germes et les prin-
cipes de toutes les formes, et surtout le son ou le mercure, il n'est pas
étonnant que quelques-unes d'entre elles, se trouvant alors plus réac-
tionnées que les autres, elles produisent à notre vue des formes carac-
térisées, et à nos oreilles des voix d'animaïux à nous connus. Il ne
faut pas être surpris non plus de ce que ces voix et ces formes n'ont
qu'une courte durée et qu'une existence éphémère ; elles 7ie peuvent
avoir ni la vie, ni les qualités substantielles dont elles jouissent, quand
elles sont le résultat de l'union harmonique de toutes les Puissances
génératrices. » (Le Ministère de rHonime-Esprit,Pa/"i>, 1802, in-%, p.
142-443).
Ces lignes, prises au pied de la lettre, semblent au moins contesta-
bles; mais qui nous garantira que Saint-Martin les entendit exclusi-
vement de la sorte f Elles offrent, en tous cas, un symbole frappant et
suggestif, dont notre Lecteur saura faire profit.
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78 LA CLEF DE LA MAGIE NOIRE
nifesle le phénomène j qu'il y a perturbation^ profanation,
viol en quelque manière, ou des arcanes de la naissance,
ou des arcanes de la mort.
V immoralité des médiums est passée en proverbe dans
les milieux où ils sont connus. Beaucoup d^ entre eiuc,
sinon tous, paraissent les irresponsables victimes d'une
dépravation toute pathologique. D'aucuns soiit génitale-
ment des monstres^ et nous jugeons inutile de revenir sur
les révélations que nous avons faites à cet égard {pp. 406^
407 du Temple de Satan). D'autre part, nous verrons en
ce présent tome [notamment au chapitre II, Mystères de
la Solitude), le rôle efficace attribué au sperme dans les
maléfices des nigromans de toute époque et de tout pays.
— Voilà pour la profanation des mystères de la naissance;
quant à celle des mystères de la mort, il suffit de nommer
le Spiritisme^ cette doctrine si répandue de nos jours et
qui élève à la hauteur d'une religion V antique Nécroman-
cie, dépouillée de toute science (expérimentale ou tradi-
tionnelle) de la vie posthume, comme de tout souci des
rites psychurgiques, qui, dans le culte des ancêtres^ appa-
raissaient jadis la garantie et Vhonneur mutuels des
vivants et des morts.
On doit mieux sentir à cette heure Vimportance secon-
daire du phénomène, dans les enseignements de la Syn-
thèse ésotérique. Si les manifestations de cet ordre sont
tout dans le Spiritisme ; si .elles ont une valeur encore
prépondérante, quoique déjà partielle^ dans la Sorcellerie
ou Magie Noire, qui est avant tout Vart des illusions et
des prestiges ; — on concevra sans peine que la haute et
divine Magie^ qui peut se définir la Science de l'Être, élu-
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AVANT-PROPOS 79
diésous tous ses aspects de réalité, d'essence et de prin-
cipe^ relègue au second plan d'illusoires artifices. Prendre
essor à travers tous les mondes, pour aller étudier les
merveilles de F Être soitë toutes latitudes^ et cueillir les
fleurs du Vrai et du Beau, les fruits du Bien et du Juste
sous tous les climats du vivant Univers, — et jusqu'en
Édeti perdu et reconquis, — telle doit être surtout V ambi-
tion de Vadepte.
VI
La Science ésotérique nous propose donc un triple objet
d^ étude: la Nalure-naturante, la Nature psychique et vo-
Vilive (Vhomme) et la Nature-nalurée. Uon est convenu
de dire, en termes moins exacts, mais aussi moins
abstraits : Dieu, VHoniîne et F Univers.
Le Temple de Salomon s'appuyait sur deux colonnes :
Iakin et Bohaz, l'Actif et le Passif, l'impulsion et la ré-
sistance, la Liberté et la Nécessité, le Moi et le Non-moi.
Ces deux mêmes colonnes décorent le péristyle du temple
de la Science; elles symbolisent V Expérience et la Tra-
dition.
V Expérience n'est pas tout : à s' aventurer sans guide
en pays inconnu, l'on s' égare infailliblement. — La Tra-
dition n'est pas tout; elle devient lettre morte, pour qui-
conque ne prend point Vinitiative d'en contrôler V oracle.
Beaucoup ont le tort de s'en tenir à ce mode tout passif
d'acquérir la Vérité.
La méditation des ouvrages d'occulte absorbe exclusi-
vement la plupart des chercheurs que préoccupe le pro-
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80 LA CLEF DE LA MAGIE NOIRE
blême mystique; — nous disons des plu^ séneux, {les plus
futiles, véritables badauds en foire, se traînant volontiers
d'une baraque à Vautre^ en quête de phénomènes). Comme
si le labeur de s'initier se bornait à des efforts d'assimi-
lation doctrinale! L œuvre écrite des inaîtres n'est pas
impunément négligeable^ — qui en doute ? — et nous fai-
sons peu de cas de tel présomptueux novateur j qui se tav^
gue de suppléer, par V exubérance de sa propre imagina"
lion, à Vétude approfondie des classiques de VÉsoté-
risme.
Mais cette étude ne saurait suffire. H faut encore payer
de sa personne et s aventurer résolument à la conquête
du vrai, à travers les ténèbres d'un monde inconnu. Cest
par là que, se distinguant du simple érudit, qui n est sou-
cieux d'intervenir que dans les batailles d'opiniom, l'oc-
cultiste tend à pémtrer V essence des choses^ et va déchif-
frer à même la grande stèle de la nature, qui est écrite
au dedans comme au dehors.
Imagine::» une feuille de parchemin, couverte (Thiéro-
glyphes sur ses deux faces, mais adhérente à un tableau
par Vune d'elles. Les caractères du recto, — qu'on les sa-
che ou non interpréter, — apparaîtront visibles aux yeux
de chair ; tandis que les signes tracés au verso ne seront
perceptibles qu'à l'organe visuel de l'âme, ce qui revient
à dire qu'un bon lucide pourra seul les distinguer.
Ceci 71' est qu'une métaphore, — ^t le néophyte ferait
fausse route, s'il allait en conclure que la lucidité magné-
tique est la faculté maîtresse à développer en soi, la su-
prême prérogative de l'adeplat. Il y a plusieurs degrés
de voyance, comme il y a plusieurs :cOnes de vision. Que
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AVANT-PROPOS
8i
d'illustres voyants n'ont été aucunement lucides sur le
plan physique! Tel, en revanche, peut être un merveilleux
lucide^ au sens démotique et cher aux somnambules y qui
nen est pas moins un imbécile accompli : ces deux quor
Hlés n'ont rien qui s'exclue, et Vexpéinence Va maintes
fois prouvé....
Siy indépendamment du monde physique^ dont Vobser-
ration relève des sens charnels j V Univers comporte trois
SDÎrituet
"^ • 1--
plans de réalité ou mondes hiérarchisés, — Vâmehumaine
possède trois étages aboutissant à ces trois plans : U/S3
Nephesch ou le corps astral, correspond au monde hyper-
physique ;TVr\ ^oùsich ou P Ame passionnelle, au monde
psychique ; nQW3 Neschamah ou rintelligence {réceptive
de PEspril pur), au monde intelligible.
Ces trois centres principaux^ comme Va péremptoirer
ment établi Fabre d'Olivet, possèdent chacun une sphèi*e
6
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82 LA CLEF DE LA MAGIE NOIRE
d action qui lui est propre : et ces trois sphères étagéés
s'enchaînent de telle sortCj que la circonférence déployées
par le centre inférieur, Nephesch {Instinct^ vie sensitive^
corps astral), atteint le centre médian, Ro\xdLch{ Ame pas-
sionnelle, vie psychique) ; et que la circonférence déployée
par celui-ci touche au point central de la circonférem^e
supérieur Cy Neschamah {Intelligence y vie spirituelle). —
Enfiny ce ternaire est tonalisé par une unité relative^ qui
en fait un quaternaire ; en d^ autres termes, ces trois sphè-
res sont enveloppées par une quatrième, d'un rayon dou-
ble d^étenduCj la sphère volitive, dont le point central se
confond nécessairement avec celui de la sphère psychique,
médiane.
Le schéma ci-contre permettra de saisir d!un coup d'œil
ces rapports de l'homyne triple, avec le triple univers.
Vétre humain (soit individuel, soit collectif) peut être
conçu comme englobant et maîtrisant, sous V empire de sa
volonté souveraine, une portion des trois essences cosmi-
ques, — Esprit, âme, fluide astral, — qui le font parti-
ciper à la triple vie de r Univers.
Par son intelligence (réceptive de V Esprit pur), F homme
confine à Vunité des choses, à la Nature-naturante, à la
Providence divine. Par son corps astral, il touche à Pin-
finie divisibilité, aMDestind^/a nature physique, naturée.
Lame intermédiaire de Vhomme est la substance propre,
passive de son être; enfin sa volonté incline cette âme à se
mettre d'accord, soit en haut, sur le plan spirituel, avec la
Providence; soitenbas, avec le Destin,sur leplan astral.
Aussi doil'On concevoir la volonté comme f essence
propre de Vhomme : car elle le constitue ce qxiil est, en
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AVANT-PROPOS 83
bieti Ole en mal, selon qu'elle gouverne^ soit à dextre^
soit à seneslre, sa substance propre, qui est VAme.
Cest ce que Fabre d'Olivet a éclairci le premier, avec
cette lucidité géniale qui caractéinse le grand métaphysi-
cien de VÉsotérisme au XW siècle. Envisageant V homme
sous son aspect d'universalité transcendante Jl désigne la
Volonté hwnaine comme Vune des trois grandes Puissances
rectrices du Cosmos; /a Providence et le Destin sont les
deux autres. Dans le règne hominal^ dit-il, « le lieu pro-
pre de la Volonté est F Ame universelle. Cest par V Ins-
tinct universel de Vhomme qu^elle se lie au Destin, et par
son IntelUgence universelle qu'elle communique avec la
Providence : lu Providence n'est même, pour Vhomme in-
dividuel, que cette Intelligence universelle, et le Destin,
que cet Instinct universel. Ainsi donc le règne hominal
renferme en lui tout l'Univers. // n'y a absolument hors
de lui que la Loi divine qui le constitue, et la Cause pre-
mière d'où celte Loi est émanée. Cette Cause première
est appelée Dieu, et cette Loi divine porte le nom de
Nature (l). »
Ces généralités bien comprises, nous retrouvons le
-néophyte au seuil du sentier mal aplani qui mène au Tem-
ple de la Science.
Désireux de s'initier, non seulement par l'élude des
maîtres, dépositaires de la Tradition, mais encore par sa
propre expérience ; résolu d'étendre ses iiivestigations
partout où le pourra conduire une volonté ferme, entraî-
(1) Hist. philos, du genre humain, tome //, p. IO0-IO6.
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84 LA CLEF DE LA MAGIE NOIRE
née par de persévérants efforts; il demandera peut-être
quelles portes donnent accès aux différents étages de
Vêlre humain, sur les plans qui, dans V univers invisible y
leur correspondent ; il demandera le secret de la détente
par quoi s'ouvrent ces portes, et le mol de passe encore^
pour être admis à les franchir,..
Mais ce sont là trophées de victoire, que chacun doit
personnellement et progressivement conquérir. Si parfaites
qu* apparaissent ses intentions^ si noble son but, si ar-
dent son courage, Vlnitiable s'attend-ily en vérité ^à d'aussi
brusques révélations? Pense-t-il qu'on va placer ainsi,
dans sa main novice et mal affermie, toutes les clefs du
sanctuaire ?. . . Pourquoi ne demander point à rhié*opluinte,
en Vabordant, les formules d'énoncialion et de mise en
œuvre du Grand Arcane? Les deux demandes, d'une naï-
veté congénère, équivaudraient Vune à l'autre.
Voilà ce qu'auraient répondu à de pareilles questions
les Maîtres de V antique Sagesse,.. Dans les cryptes de
Memphis, d'Eleusis ou de Thèbes, on n'allait pas si vile
en besogne.
Ils ne sont plus, ces temples grandioses d'un monde
aboli, derniers asiles et témoignages adéquats d'une doc-
trine surhumaine, expérimentale et tradilionnelh tout
ensemble; les monuments de pierre et de métal sont
écroulés, mais le seritier étroit et glissant, qui, de chaque
côté, surplombe un abîme, aboutit toujours au sancliuiire
idéal de la Vérité.
Sans doute il appartient aux aînés de mettre sur la
voie leurs frères plus jeunes. Mieux expérimentés, ils
sont tenus d'encourager les novices par la parole et par
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AVANT-PROPOS 85
fexempU; ils doivent encore les prémunir de leurs con-
seils, contre Us embûches d'une route qu'ils commissent^
pmr ravoir eux-mêmes parcourue. Mais là doit se bor-
ner leur concours tout indirect.
yul ne parfait son initiation que de soi-même. Cest
un aphorisme fondamental de la Magie.
Ce qu^il importe de préciser d'ores et déjà, tout en ren-
voyant pour le surplus aux notes sur r Extase, incluses
en notre chapitre II (I), — notes révélatrices dliori%ons
peu fréquentés^ et grosses de profitables renseignements
sur la question des arcanes à découvrir par Vexpérience
directe et V essor de V initiative personnelle, — ce qu'il
importe de préciser, h voici.
Cest que l'homme astral, Hiomme psychique et Vhoynme
spirituel, destinés à connaître et à dominer les inondes
divers qui leur correspondent, sont pouiwus à cet effet
d'organes spéciaux de réceptivité {astrale, psychique et
mentale), aussi réeU que les organes physiques des sens.
Ces subtils orgaiies, très généralement ignorés, sont
fort inégalonent développés chez Vhomme de chair et
(Tos; mais ils existent, au moins à l'état rudimentaire, —
// serait plus exact de dire, à l'état d'atrophie par suite
de non-usage : car il s'agit moins d'évoluer les sens
internes, que de les réveiller petit à petit.
Quiconque est rentré en possession des facultés récep-
tives de son âme sur tous les plans (2), celui-là peut se
(1) Mystères de la solitude, p. 202-216.
(2) Nous voulons dire: autant que faire se peut ici-bas » — Nous
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86 LA CLEF DE LÀ MAGIE NOIRE
dire réintégré dès ici-bas à V Unité de la Nature céleste.
Chez quelques rares hommes, tels sens internes peuvent
avoir gardé presque toute leur acuité de perception ; lu
déchéance de la chair où ces hommes sont descendus
semble 7i'avoir altéré^ que d'une façon minime, r intensité
fonctionnelle des facultés de leur âme. Ces privilégiés
sontj en mode conscient, les Voyants des différents or-
dres ; en mode de relative inconscience, ce sont les Ins-
pirés de toute classe.
Vhomme de génie n'est autre, en dernière analyse,
qu^un adepte intuitif et spontané, magnifiquement in-
complet, mais riche de ces dons si rares et qui manquent
trop souvent aux plus sublimes mystiques : les facultés
de transposition esthétique de r Intelligible au Sensible, et
de convertibilité du Verbe divin au Verbe humain.
Dépareilles facultés d^ expression ne s' acquièrent point ;
elles sacreront toujours Vhotnme de génie, de droit divin
et de grâce antérieure ; tandis que Vadepte est de droit
humain et de conquête ultérieure, les efforts de sa libre
volonté rayant élaboré tel. — Cette distinction fonda-
mentale une fois établie, V analogie peut et doit se pour-
suivre.
Le Génie consiste dans la faculté de réintégration
spontanée, (plus ou moins consciente et sujette à inter-
mittences), du sous-multiple humain dans la patrie céleste
de r Unité, Adamah.
n'avons jamais pensé que P homme déchu puisse soustraire absolument
ses facultés au marasme qui est la conséquence fatale de son incarna-
tion terrestre. La répercussion du corps physique sur Vdme ne peut
être tout à fait amortie.
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AVANT-PROPOS 87
Aussi les poètes^ peintres^ musiciens, sculpteurs, et
en général tous les artistes qui se croient, — à tort ou à
raison, du reste, — des génies, emploient-ils la tnênie
locution que les mystiques y pour caractériser les péinodes
de facilité à produire. Ils ont, ou non^ /'inspiration. Cela
est remarquable...
Lœuvre capitale de V initiation se résume donc, si Von
veut, dans l'art de devenir artificiellement un génie (i);
à celte différence près, toutefoiSy que le génie naturel
donne rinspiration à de certaines heures, plus ou moins
souvent, lorsque l'Esprit veut bien descendre ; tandis que
le Génie acquis serait, à son plus haut stade, la faculté
de forcer V inspiration et de communiquer avec le Grand
Inconnu, toutes et quantes fois on le désire.
Il est, à celle différence^ une raison vraiment assez
simple : c'est que le Dieu descend vers l'homme de géniCy
tandis que le Mage monte jusqu'au Dieu.
L'homme de génie est une sorte d'aimant, attractif par
intermittences. — L'Adepte est une Puissance conver-
tible, un lien comcienl de la terre au Ciel : un être qui
peut, à volonté, rester sur terre, jouir de ses avantages
et cueillir ses fruits, — ou monter au Ciely s'identifier à
la Nature divine, et boire à longs traits la céleste am-
broisie.
Le Génie, force naturelle d'attraction, établit par pé-
riodes avec l'Unité une corrélation plus ou moins éphé-
mère. — L'Adeptat, passeport illimité pour l'Infini, im-
(1) Les facultés de transposition esthétique mises à part ^ bien entendu :
nous avons dit qu'elles ne s'acquièrent pas.
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8ê LA CLEF DB LA MAGIE NOIRE
plique un droit de réintégration, en quelque manière ad
libitum.
Aussi TAdepte (1) prendril dans Vlnde le nom signifi-
catif de Yoghi, — uni en Dieu.
Expérience et Tradition, voilà donc les deux colonnes
du Temple ésotérique. La véinté peut se transmettre^
comme un héritage; elle peut s'acquérir par Vinilialive
de V homme ^ sur tous les pluns.
Mais, nous l'avons dit, la science transmise resterait
lettre morte sans V expérience personnelle; de même que
celle-ci pourrait conduire à sa ruine Vaventurier témé-
raire de VArcane, à défaut de cet héritage sacré : la Tra-
dition.
Entre ces deux modes, actif et passif, intelligible et
sensible (2) d'acquisition de la Connaissance, vient se pla-
cer une méthode intermédiaire, très féconde, qui concilie
les autres, les complète et parvient d'aventure à leur
suppléer : c'est lu méthode analogique ; elle relève à la
fois de la Sagacité et de la Raison.
L'homogénéité de la Nature, ce principe fondamental,
(1) Nous nommerons ainsi le hiérarque parvenu à cumuler la su'
prème sagesse et la suprême puissance, dont la nature humaine peut
devenir réceptive, — par opposition à V étudiant qu'on a seulement mis
sur la voie, et que nous qualifierons d'initié.
Celui-ci est iniliatus, c'est-à-dire commencé. Vautre est Adeptus*
ayant su par lui-même acquérir (adipisci) la Doctrine et la Force.
On est convenu pourtant de qualifier aussi d'Adeptes, les magistes
parvenus à la maîtrise purement spéculative.
(2) On conçoit dans quel esprit nous employons ce mot : sensible.
N'avons-nous point parlé tout à f heure des sens propres (ou facultés
réceptives) de Vhomme astral, de Vhomme psychique, de l'homme spi^
rituel?
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AVANT-PROPOS 89
qui s'inscrit au fronton de toute synthèse magique, a pour
premier corollaire un aphorisme, dont Hermès Trismé--
ffisie a donné la formule : Ce qui est en haut est comme
ce qui est en bas ; ce qui est en bas, comme ce qui est en
haut. Là se fonde en droit la méthode analogique^ qui
permet d^ inférer du connu^ pour déterminer rincon7iu.
La méthode analogique est double^ inductive et déduc-
live; elle s'exerce de bas en haut, comme de haut en
bas: soit qu'elle parte des faits constatés, pour aboutir
à la loi qui les régit, ou au principe dont relève cette loi ;
soit qu'elle s'étaye d'une loi déjà admise, d'un principe
déjà fixéy pour conclure à des faits non vérifiés encore, ou
simplement pour motiver le triage et la clussification
des faits connus.
Un exemple n'est pas inutile.
Si le magiste, analysant les facultés de V Amehumaine,
découvre en celle-ci, d'une part, trois modifications prin-
cipales, hiérarchiquement réparties sur trois plans d'acti-
vité; et, d'autre part, une force synthétique (la Volonté),
qui, englobant ce triple dynamisme, le maîtrise et le ra-
fnène à F Unité ontologique : il pourra en induire par
analogie, que le triple dynamisme correspoiidant de l'Uni-
vers invisible est enveloppé, régi, unifié, par une Puissance
synthétique (la Volonté divine créatrice), qui est, à l'Uni-
vers conçu dans son ensemble, ce que la volonté humaine
est à l'homme conçu daiu son ensemble ; savoir : son agent
d'unification, son essence propre (Y). — Méthode analo-
gique inductive.
(i) Voy. p€tge8 84-83. — A un autre point de vue» on peut induire
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90 LA CLEF DE LA MAGIE NOIRE
Si le même magislef à rinversey reporte sa vue men-
tale du Cosmos intégral sur F homme individuel : il pourra
déduire par analogie, vu Videntité de constitutioUy que
Vhomme esty à vrai dire, un petit monde, un microcosme ;
par opposition au tnacrocosme, ou grand monde. — Mé-
thode analogique déductive.
Nous avons montré le contrôle réciproque où V Expé-
rience et lu Tradition s'évertuent et se confirment à Venvt.
L étude exclusive des maîtres n'aboutirait qu'à engendrer
des érudits en mysticisme; et la seule pratique de Vextase,
qu'à produire des visionnaires : l'une et l'autre doivent
concourir à former le véritable Adepte.... Eh bien, le rai-
sonnement par analogie peut suppléer dans une certaine
mesure soit à l'un, soit à l'autre de ces modes d'acquéiir
la Connaissance; il le peuty en fournissant la contre-
épreuve des données traditionnellement t7*ansmises y comme
aussi de celles expérimentalement obteîiues.
En conséquence, l'Analogie sera surtout précieuse à
l'initié sur la voie, qui ne sait pas toujours où saisir le fil
d'Ariane de la tradition ésotérique orthodoxe, et sent
fondre parfois ses ailes d'Icare, lorsqu'il veut pluner aux
régions supérieures de l'expérience mystique. Reste-t-il
pour lui des lacunes dans renseignement des Maîtres ?
Entrevoitnil des escarpements inaccessibles à son essor
personnel? — Il trouvera dans l'Analogie un double cri^
encore, que l'univers matériel, sensible, (qui fréquemment usurpe le
nom de Cosmos)-, est au total Cosmos, ce que la bâtisse de muscle, de
chair et d'os (qui souvent usurpe le nom d'homme), est à l'homme indi-
viduel : savoir, son corps matériel, sensible.
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AVANT-PROPOS 91
térium un instrument à Vaide duquel combler les unes,
et gravirles autres.
VII
Le niomeîit est venu de conclure.
Résolu démettre un terme à cette introduction déjà trop
dense et qui déborde son cadre normal, ce n'est point à
dire que nous regrettions ces pages, — préventives^ nous
respéroyiSy de méprises funestes et d'imminents quipro-
quos.
Nous nous flattons qu'au point où nous voici, V assidu
Lecteur s'est fait de la haute Magie une idée claire^ pré-
cise et correcte, qui exclut en lui toute velléité de confu-
sion^ soit avec la Sorcellerie proprement dite^soit avec cette
pitoyable mystification à quoi se réduit VÉsotérisme, tel
que se le figurent les profanes et aussi nombre de soi-
disant Mages, toujours prêts à s'intituler, en quatrième
page du Gil-Blas ou du Figaro, professeurs de Sciences
occultes.
Une distinction péremptoire importait d^ autant plus,
entre la Haute Doctrine et la Sorcellerie, que le présent
ouvrage doit parallèlement traiter de Vune et de Vautre,
ou du moins de théories applicables à toutes deux,
comme nous V avons marqué dès V abord.
Voici V arbre de la Science du Bien et du Mal ; son
trotte bifurqué s' élève sur une seule racine.
Voici la vierge symbolique qu'Apollonius a rencontrée
sur les bords de VHyphasis : son corps est mi-partie, noir
et blanc.
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AVANT-PROPOS 93
Voici le mystérieux losange du pentacle de Trithème :
dans le triangle supérieur rayonne le schéma divin, le
Télragramme incommunicabk ; et l'image de Satan ricane
dans les ténèbres du triangle inférieur.
Ce dernier emblème sert de frontispice à notre Clef
de la Magie noire ; nous ne Vavons pas choisi sans in-
tention.
M. Oswald Wirth Va reconstruit sur la description
qu'en donne ÉliphaSy d'après un spécimen qu'en possé-
dait son élève, le comte Alexandre Branitzki; car ce des-
sin est d'une insigne rareté, et ne se trouve que dans
quelques exemplaires manuscrits du Traité des Causes
secondes (I).
// se compose, dit Êliphas Lévi, « de deux triarigles
unis par la base, Fun blunc et Vautre noir; sous la pointe
du triangle noir est couché un fou qui redresse pénible-
ment la tête et regarde avec une grimace d'effroi dans
V obscurité du triangle où se reflète sa propre image ; sur
la pointe du triangle blanc s'appuie un homme dans la
force de Vâge, vêtu en chevalier, ayant le regard ferme, et
Vattitude du commandement fort et paisible. Dans le
triangle blanc sont tracés les caractères du télragramme
divin (2).
(!) Outrage lui-même peu commun, de iabbé Jean Trithème. Il a
été imprimé en 1367, à Cologne, sous ce titre : De septem Secundeis :
8ive de spiritibus orbem post Deum moventibus, reconditissimœ scien-
tiîe et eruditionis libellus, etc. — Coloniœ, apud/ohan. Birkmannum,
pet, in-8 (avec une vignette sur le titre et sept gravures sur bois, très
remarquables, diaprés Sebald Beham).
(2) Élipkas Lévi, dans une lettre adressée à un autre de ses disciples.
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94 LA CLEF DE LA MAGIE NOIRE
« On pourrait expliquer ce penlacle par cette légende :
le Sage s'appuie sur la crainte du vrai Dieu, l'insensé est
écrasé par la peur d'un faux dieu fait à son image. Cest
là le sens naturel et exotmque de Vemblème ; mais en
le méditant dans son ensemble et dans chacune de ses
parties, les adeptes y trouveront le dernier mot de la
Kabbale y la formule indicible du Grand Arcane : la dis-
tinction entre les miracles et les prodiges^ le secret des
apparitions, la théorie universelle du magnétisme et la
science de tous les mystères (1). »
Sans ouvrir à nos lecteurs d'aussi gigantesques aper-
çus, ni flatter personne d'illécébrants espoirs, ne ba-
lançons point à faire Vaveu, que, dans rintelligence du
pentacle de Trithème, il peut être donné à plusieurs de
saisir sur le vif la pensée-mère qui présida constamment
à la genèse du présent livre.
Stanislas de Guaita.
M. le baron Spédalieri , donne du même pentacle un croquis s' éloignant
fort de la description ci-dessus transcrite. Il faut que Vauteurde THis-
toire de la Magie ait vu deux exemplaires très différents du symbole
de Trithème.
Le chevalier est devenu une sorte d'Hercule, accoudé sur un écu de
guerre, au sommet duquel s'inscrivent les quatres lettres nin^« ''<?'"*
le milieu du bouclier, on remarque l'étoile à six pointes, le sceau de
Salomon, où se mire le fol, sur qui pèse la pointe inférieure de Vécu.
La tète diabolique apparaît dans l'entrelacement des deux triangles, au
centre même de l'étoile (Voir le dessin ci-contre).
(1) Éliphas Lévi, Histoire de la Magie, p, 345-346.
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LE SERPENT DE LA GENÈSE
SECONDE SEPTAINE
LA CLEF DE LA MAGIE NOIRE
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7
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(Sectiox 8)
La Jastice (huit) = Équilibre = Balance
Harmonie... L'Équilibre et son Agent.
Chapitre I
L'ÉQUILIBRE ET SON AGENT
^uvREz le Livre de Thoth au huitième feuillet (1).
Thémis qui, trônant entre deux colonnes,
tient ferme en sa droite le glaive et les ba-
lances dans sa main gauche, vous révélera l'arcane de
l'universel équilibre.
Les deux plateaux qui se font contrepoids symbolise-
ront pour vous :
jo — Dans le monde divin, les nuptiales harmonies de
la Sagesse et de Tlnlelligence (2) ;
(i) Huitième clef du Tarot : la Justice,
[2) Le français n'étant pas une langue sacrée, la plupart des mots
de cet idiome sont arbitrairement dévolus aux genres masculin ou fé-
minin ; or le hasard et l'intuition vague ne peuvent toujours tomber
juste.
Il ne faut donc pas trop s'étonner qu'il soit question des noces de la
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100 LA CLEF DE LA MAGIE NOIRE
2© — Dans le monde psychique, l'union salutaire et
féconde de la Miséricorde et de la Justice ;
3* — Enfin, dans le monde hylique (1) ou astral
(substratum du monde matériel), ces deux plateaux se-
ront pour vous l'emblème des deux Puissances mâle et
femelle génératrices du Cosmos, lui-même androgyne ;
c'est à savoir d'Hereb et d'Iônah (2), principes des deux
forces centripète et centrifuge, qui se manifestent : la
Sagesse et de V Intelligence, et plus bas, de l'union féconde de la Misé-
ricorde et de la Justice.
Ce sont là termes kabbalistiques. Or, dans la classification des ter-
naires séphirothiques polarisés, que nous visons en ce passage, Hoch-
mah, ncsn (la Sagesse) est marquée du signe mâle et positif, comme
aussi Hesed TOn (Ifi Miséricorde); — et ce, par opposition à Binah
\\y^ZL (V Intelligence) eX à Geburah niim (la Rigueur, la Justice),qm
sont marquées du signe féminin et négatif. (Voir n'importe quel traité
de Kabbale).
(1) Ésotériquement, Hyléne veut pas dire ^matière brute, sens très
restreint qui lui est vulgairement dévolu. — TXy) des philosophes grecs,
^S^3r et ^Svn des rabbins initiés, signifie : substance en fermentation,
matière subtile en travail.(Gonsulter Fabre d'Olivet, la, Lang. héhr, rest.,
II, 77 ; — Drach : l'Harmonie entre l'Église et la Synagogue, I, 564 ;
— et l'Hist. du Manichéisme de Beausobre, II, 268).
(2) Pour rester fidèle à la terminologie des Kabbalistes zoharites (en
suspendant la balance séphirothique dans le troisième monde au clou
de Yésod 110% comme nous l'avons fait dans les deux premiers aux
clous de Kether ins et de Thiphereth niNSn), il nous faudrait
écrire Hod T[7\ et Nettach nïi, au lieu d'ffereb 317 et d'Iônak
Mais aux mots sacrés de la Kabbale, nous préférerons toujours,
quand l'occasion se présentera d'en faire usage, les hiérogrammes ori-
ginaux de Moïse, d'une précision ésotérique bien supérieure. Ne met-
tons jamais en oubli ce fait, que le Zohar, livre fondamental et sacré
de la Kabbalah, n'est (si sublime soit-il et révélateur) qu'un humble
commentaire du Pentateuque mosaïque, et principalement de la Genèse.
Il est écrit d'ailleurs en dialecte de Jérusalem, c'est-à-dire en hébreu dé-
généré.
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L*ÉQUIL1BRE ET SON AGENT 10 1
première, par le Temps, créateur et dévorateur des formes
transitoires; l'autre, par l'Étendue éthérée. L'Étendue
est Rhéa, (épouse de cet implacable Kronos, dont le rôle
est d'évertuer sans trêve la substance plastique qui est en
elle, de l'élaborer et de la condenser en d'éphémères
modes de matière diversement spécifiée, vivante et pro-
téenne à l'infini).
Ce que de pareilles notions peuvent ofi'rir d'étrange et
d'énigmatique à l'esprit, sera tiré au clair par la suite.
Quant au glaive qui charge la main droite de Thémis,
il symbolise la Puissance et ses moyens d'action, à tous
les degrés et dans tous les Mondes. — Pour nous en
tenir au plan astral, qui nous occupe surtout en ce tome,
ce glaive est celui du collectif Kéroubim, image de l'É-
ther instrumental et potentiel, qui détermine et maintient
l'équilibre cosmique.
Ce mystérieux agent compte ses noms par centaines.
— C'est, au dire des Kabbalistes, le serpent fluidique
(TAsiah. — Les vieux platoniciens y voyaient rame phy-
sique du monde, qui tient enclose la semence de tous les
êtres, et les Gnostiques Valentiniens le personnifiaient
en Démiurge^ « l'ouvrier inconscient des mondes d'en
bas. » — Au gré des hermétiques, c'est, suivant le point
de vue, la Quintessence des éléments^ VAzoth des Sages
(ou V fécondé par le A,) ou encore le Feu Secret, vi-
vant et philosophai. — C'est, pour les magiciens, Vlnr
termédiaire des deux natures; c'est le Médiateur couyer-
tible, indifférent au Bien comme au Mal,etqu'une volonté
ferme peut plier à l'un comme à l'autre. ~ C'est le
Diable en&Uj si Ton veut; c'est-à-dire la Force substan-
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102 U CLEF DE LA MAGIE NOIRE
tielle que les sorciers mettent en œuvre pour leurs malé-
fices.
Puissance inconsciente par elle-même, mais propre à
réfléchir toutes les pensées ; Puissance impersonnelle,
mais susceptible de revêtir toutes les personnalités ;
Puissance envahissante et dominatrice, que l'adepte peut
néanmoins pénétrer, contraindre et subjuguer, — et ce,
dans une mesure plus stupéfiante encore que ne l'imagi-
nait le populaire superstitieux, au beau temps desLancre
et des Michaêlis : c'est, en un mot, la Lumière astrale,
ou Médiateur plastique universel (1).
Ce chapitre d'ouverture, — qui, par intervalles, sem-
blera peut-être à plus d'un traiter de tout autre chose, —
fera connaître au Lecteur averti la nature déconcertante
et les modes d'activité de cet agent effectif de l'équilibre ;
de ce mysticum robur que les scélérats de la Goëtie ont
personnifié monstrueux à leur propre image, avec les
stigmates distinctifs de l'animalité, vers laquelle eux-
mêmes régressent. Si bien que le poète Piron a pu, pour
leur plus grande joie, crayonner, en huit vers drolati-
ques, le portrait du Diable d'enfer, — sans le flatter, il est
vrai ; mais sans qu'il ait droit aussi de récuser la ressem-
blance :
11 a la peau d'un rôt qui brûle,
Le front cornu,
Le nez fait comme une virgule,
Le pied crochu,
(4) Voir Au seuil du Mystère {3e édit.). pp. 83-92, U5-147, et le
Temple de Satan, passim.
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l'équilibre et son agent 103
Le fuseau dont fi loi t Hercule
Noîr et tordu,
Et^ pour comble de ridicule,
La queue au eu.
C'est un axiome, en Magie, que tout verbe crée ce qu'il
aflBrme. Or donc, à force d'évoquer le discourtois per-
sonnage, les imbéciles ou les coquins qui Vimaginaient
sous cet aspect traditionnel mais peu hiératique (1), —
type fixé depuis des siècles par le consensus de leurs
semblables, — ont, petit à petit, réalisé leur rêve en
astral.
Ajoutons que chaque fois qu'un nouveau goëtien fait
appel à la hideuse Image, l'évoquant avec toute l'énergie
créatrice de la foi et le cri des mauvaises passions à leur
paroxysme; non seulement Tlmage lui apparaît, mais en-
core il ajoute à l'esquisse fluidique un nouveau trait de
vigueur et précise l'existence du monstre, en le nourris-
sant de sa propre substance hyperphysique.
Ceci n'est point un paradoxe, comme on le pourrait
croire; c'est une vérité qui sera mieux sentie plus loin,
quand nous aurons fait connaître la nature équivoque,
inqualifiable, de certains spectres sans consistance ontolo-
gique, sortes de compromis entre le néant qu'ils mani*
Testent et l'être qu'ils blasphèment. L'occultisme les
nomme des Larves (se référer particulièrement au Chapitre
II : Mystères de la Solitude).
Mais trêve d'anticipations d'un pareil genre. Nous n'a-
vons point affaire, pour l'heure, au Satan fantastique et
(i) Tout au moins, d'un hiératisme singulièrement dépravé.
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104 LA CLEF DE LA MAGIE NOIRE
burlesque, ambigu, malingre et falot, — vain reflet im-
primé par les imaginations malades sur le miroir psy-
chique de notre planète. Fi du simulacre blême qui se
rétracte devant un souffle d'air, se dissout au moindre
effort de la volonté humaine, et qu'un éclair d'intelli-
gence foudroie !... Non, ce croquemitaine n'est qu'une
Larve, entre combien d'autres (1) ! Le démon positif et
formidable nous réclame, celui-là qui sert d'enveloppe à
Nahàsh urn3 et de substratum à la matière ; l'universel
Atlas qui soutient les mondes en équilibre ; le dispensa-
teur de la vie et de la mort physiques ; le Démiurge aux
mille noms, dont quelques-uns nous sont déjà connus :
c'est le Feu panthomorphe; c'est l'âme plastique et ima-
ginative du monde ; c'est le dragon de r Astral.
Le dragon de l'Astral est le symbole absolu de la lumière
du même nom, envisagée dans son double mouvement
cosmique et dans la synthèse de ses opérations.
Or, si nous avons laissé pressentir jusqu'ici la nature
et le rôle de ce grand agent, ce que nous en avons dit ne
doit guère s'éclairer d'un jour précis et satisfaisant qu'en
faveur des fidèles de nos précédents ouvrages, ou des
chercheurs déjà sur la voie, ou des érudits en mysticisme.
Pour entrer au cœur du sujet, abordons d'emblée la
Table d'émeraudey cette page révélatrice que le monde
(1) Une Larve, dans l'acception la plus large de ce mot (Voyez la
fin de notre chapitre III : la Roue du Devenir),
A proprement parler, le Diable est une Image astrale vitalisée.
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l'équilibre et son agent 105
antique nous a léguée. — L'équilibre universel et son
agent y sont magistralement décrits.
Ne déchiffre pas qui veut ce vieux texte des Mystères
égyptiens. Très propre à dérouter les profanes, son laco-
nisme étrange et premier ravit le chercheur studieux des
causes, en proposant à sa persévérante sagacité plus de
sens profonds que de vocables. Il les découvre tour à tour.
Ainsi les successives énigmes se dépouillent deleurder-
nier voîle, comme les déesses rivales de beauté, devant
le royal pasteur du Mont Ida.
En interprétant dans son entier l'inscription de la
Table (TÊmeraude, nous tenons simplement parole, aux
termes de YAvant-propos qui précède.
Mais ici, traduire ne suffirait point ; il importe de
commenter. On trouvera, dans le texte même, tels mots
d'éclaircissement, — intercalés entre parenthèses, comme
il sied aux fins de prévenir toute confusion. Puis, à la
suite du texte, quelques développements plus étendus
permettront au Lecteur d'en mieux scruter l'ésotérisme
médullaire.
LA TABLE D'ÉMERAUDE
PAROLES DES ARCANES D'HERMÈS (1).
IL EST VRAI {en principé)lL EST CERTAIN {en théo-
(1) Verba secretorum Hermelis. — « Verum sine mendacio, cerlum
et yerissiraum : quod est inferius est sicut quod est superius ; et quod
est superius est sicut quod est inferius, ad perpetranda miracuia rei
unius.
« Et sicut omnes res fuerunt ab uno, mediatione unius, sic omnes
res natœ fuerunt ab hac un& re, adaptatione.
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106 LA CLEF DE LA MAGIE NOIRE
rie), IL EST RÉEL (en fait, en application) (1) : QUE
CE QUI EST EN BAS (le monde physique et matérieV)
EST COMME CE QUI EST EN HAUT {analogue et pro-
portionnel au monde spirituel et intelligible) ET CE QUI
EST EN HAUT COMME CE QUI EST EN BAS [récipro-
cité complémentaire) : POUR L'ACCOMPLISSEMENT
DES MERVEILLES DE LA CHOSE UNIQUE (loi suprême
en vertu de quoi se parfont les harmonies delà Créalioriy
omniverselle (2) en son unité).
ET DE MÊME QUE TOUTES CHOSES SE SONT
FAITES [accomplies, réalisées) D'UN SEUL (en vertu
d'un seul principe), PAR LA MÉDIATION D'UN SEUL
(par le ministère d'un seul agent) : AINSI TOUTES
« Pater ejus est Soi, mater ejus Luna ; portavit illud Ventus in ven-
tre 8U0 ; nutrix ejus Terra est.
« l^ater omnis Teiesmi totius mundi est Iiic.
« Vis ejus intégra est, si versa fuerit in terram.
« Separabis terram ab igné, subtiie à spisso, suaviter, cum magno
ingenio.
« Ascenriit à terra in cœlum, iterumque descendit in terram, et re-
cipitvim superiorum et inferiorura.
« Sic habebis gloriam totius mundi. Ideô fugiet à te omnis obscu-
ri tas.
« Hic est totius fortitndinis fortitudo fortis ; quia vincet omnem rem
subtilem, omnemque solidam penetrabit.
« Sic mundus crcatus est. Hinc erunt adaptationes mirabiles^ quarum
modus est hic.
« Itaque vocatus sum Hermès Trismegistus, habens très partes phi-
losophie totius mundi.
« Gompletum est quod dixi de operatione Solis. »
(Version latine de Khunrath).
(1) Textuellement : « H est vrai sans mensonge, certain et très véri-
table ». — Cette triple affirmation correspond évidemment aux trois
mondes de la magie.
(2) Néologisme assez heureux, nous semble-t-il, créé par un mysti-
que de nos jours, Louis Michel de Figannières.
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l'équilibre et son agent 107
CHOSES SONT NÉES DE CETTE MÊME UNIQUE
CHOSE, PAR ADAPTATION {ou par une sorte de copu^
lation){i).
LE SOLEIL {condensateur de Virradiation positive ou
delà Lumière aurouge,'y\^ Aôd, Od) EST SON PÈRE
{élément producteur actif de cet agents [ce qui n'est vrai
qu'à notre point de vue terrestre]) ; LA LUNE {miroir de
la réverbération négative ou de la Lumière au bleUy 3"ît<
AÔK Ob) EST SA MÈRE {élément producteur passif
[même remarque]) ; LE VENT [atmosphère éthérique
ambulatoire) L'A PORTÉ DANS SON VENTRE {lui a
$ervi — ou lui sert — de véhicule). LA TERRE (envisagée
comme type des centres de condensation matérielle) EST
SA NOURRICE {Vathanor de son élaboration).
C'EST LA LE PÈRE {élément producteur) DE L'UNI-
VERSEL TÉLESME (2) {perfection, but final à atteindre)
DU MONDE ENTIER {de VUnivers vivant).
SA PUISSANCE (force d'extériorisation créatrice y le
fleuve Phishôn T^^^ff^Si de Moïse) EST ESTIÈRE {par faite,
accomplie ; intégralement déployée, jusqu'au total épa-
nouissement) QUAND ELLE S'EST MÉTAMORPHOSÉE
(mot à mot : quand elle s est tournée) (3) EN TERRE
(Aretz yiK de Moïse, substance condensée et spécifiée;
(1) c Per conjunctionem », variante de la version Glauber (Miraculum
Mundi, de mercurio philosophorum, Amstel.p 1653, in-8, p. 74).
(2) Aotre version : Théième, QMfA'x, volonté. Cette version admise,
il faudrait restreindre Tacception symbolique du mot père au sens
d'élément de manifestation.
(3) « Si versa fuerit » (version Khunrath) ; — « ^i mutetur i» (ver-
sion R. GJauber).
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108 LA CLEF DE LA MAGIE NOIRE
forme ultime de F extériorisation créatrice, matière sett--
sible).
TU SÉPARERAS LA TERRE {ici, dans un sens plus
général, la Terre signi/ie ce qui appartient au monde^
matériel et tangible, au monde des effigies) D\] FEU
{Principe d'action; ce qui appartient aux mondes moral
et intelligible); — LE SUBTIL DE L'ÉPAIS (sens analo^
gués) (1) AVEC DÉLICATESSE ET UNE EXTRÊME
PRUDENCE.
IL {le fluide pur, universel, médiateur, et — Saprès
tels gnos tiques — Corps du Saint-Esprit) MONTE DE
LA TERRE AU CIEL {courant hémicyclique de retour (2),
ascendant; reflux de Synthèse) ET DERECHEF {par un
mouvement à la fois alternatif et simultané), IL DES-
CEND DU CIEL EN TERRE {couraiit hémicyclique d^é-
missi07i, descendant; influx d^analyse), ET IL REÇOIT
(// se charge, il s'imprègne tour à tour de) LA FORCE
{les vertus, les propriétés^ les influences) DES CHOSES
D'EN HAUT ET D'EN BAS {des mondes physique ou
matériel et hyper physique, ou astral; et encore, à un au-
tre point de vue, des sphères sensible et intelligible).
AINSI {c'est par ces principes que) TU AURAS {tu ac-
(1) C'est-à-dire, envisagés du môme point de vue, comme antithèse
du spirituel au sensible. Mais nous ne pensons pas que ces mots, sub-
tile à spisso, forment pléonasme avec le membre de phrase précédent ;
on pourrait préciser nombre de significations difTérentes, toutes rigou-
reusement exactes. A l'égard des opérations du grand œuvre, par
exemple, le subtil et V épais signifieront le volatil et le fixe.
Cette Table d'Èmeraude recèle plus de sens que de mots.
(2) Hermès parle du retour, avant de parler de l'émission ; par là il
veut faire entendre qu'il s'agit d'un double mouvement Incessant.
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l'équilibre et son agent 409
querras^ tu ^approprieras) LA GLOIRE {la souveraineté,
r empire) DE L'UNIVERS ENTIER; PAR LA TOUTE
OBSCURITÉ {toute impuissance, toute indécision, toute
erreur, Vhiérogramme mosaïque 'yifH Hoshek eœpnme
ésotériquement toutes les idées négatives, symbolisées
par le cône cTombre de la terre) S'ENFUIRA DE TOI.
LA RÉSIDE LA FORCE FORTE DE TOUTE FORCE
{le principe mutuel d'activité; le potentiel de toute mani'
f^tatiotij le support de toute action, la base immanente
de tout ordre phénoménal) QUI VAINCRA (s'^wpûr^a d^,
coagulera, fixera) TOUTE CHOSE SUBTILE {volatile,
fuyante, insaisissable, — fluidique) ET PÉNÉTRERA
{^immiscera dans, décomposera, — dissoudra) TOUTE
CHOSE SOLIDE {cohésive, dense et permanente, — con-
crète).
AINSI {par cet agent, ou encore, — par cette voie),
L'UNIVERS A ÉTÉ CRÉÉ {réduit de principe en essence,
d'essence en puissance sementielle, de puissance en acte ;
en un mot, — réalisé). DE LA PROVIENDRONT {là trou-
veront leur origine, leur principe) DES ADAPTATIONS
{des applications, ou des productions) MERVEILLEUSES,
DONT LE MODE (/a manière d'être, le type de formation)
EST ICI {indiqué, révélé, exposé).
C'EST POURQUOI JE FUS APPELÉ HERMÈS
(hpmhs, Mercure, mythe complexe-, au cas présent, em-
blème de la Mathèse, science intégrale vivante, dont le
caducée de Mercure (1) symbolise le double courant : f/i-
tuitif'Synthétique et analytique-expéinmental) LE TRIS-
(1) Voyez plus loin, page i48, le commentaire du motUPMHS.
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110 LA CLEF DE LA MAGIE NOIRE
MÉGISTE (trois fois très grand ou le plus grand) y
POSSÉDANT (pour avoir acquis) LES TROIS PARTIES
DE LA PHILOSOPHIE (la totale connaissance des trois
mondes : divin ou intelligible, psychique ou passionnely
naturel ou sensible) (1) DE L'UNIVERS TOUT ENTIER.
CE QUE J'AI DIT (mon enseignement^ mon verbe) EST
COMPLET (consommé, intégralement proféré) SUR LE
MAGISTÈRE (2) (ou V opération, le Grand Œuvre) DU
%OLE\\j (mille significations : le Magistère du Soleil peut
désigner tout travail conduit à sa perfection ; l'on peut y
voir la Genèse intellectuelle ; la source et le rôle des couv-
rants fluidiques universels ; l'évolution de VAôr androgyne
ou Lumière engendreuse ; enfin le Magistère des alchi-
mistes, à proprement parler, dont le secret, disent-ils, se
trouve à découvert dans ce texte de la Table smaragdine).
Nous ne chicanerons point sur Tauthenticité, Tattribu-
tion et la date de l'un des monuments les plus magistra-
lement initiatiques que nous ait transmis l'antiquité gréco-
égyptienne.
Les uns s'obstinent à n'y voir que l'œuvre amphigou-
rique d'un rêveur alexandrin, d'autres taxent même ce
document d'apocryphe du v* siècle. Quelques-uns le
veulent de quatre mille ans plus ancien...
Que nous importe ? Découverte ou non par Alexandre-
le-Grand dans la sépulture d'Hermès, gravée ou non sur
(1) Le monde astral peut t^lre rattaché, soit au monde psychique,
soit au monde sensible (Voy. Au seuil du Mystère, p. 87-89, en note).
(2) « De magisterio Solis » [version Glauber).
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l'équilibre et son agent 111
une tablette d'émeraude, il est certain que cette page
résume les traditions de l'antique Egypte. Or l'Egypte a
été, de nombreux siècles durant, la dernière citadelle de
i'Êsotérisme intégral : ses sphinx ont été les gardiens du
trésor légué aux temps futurs par plusieurs cycles de
civilisations, tellement lointaines et refoulées dans la
nuit préhistorique des temps, que ces foyers aveuglants
de lumière intellectuelle ne dégagent plus une lueur qui
les dénonce à nos archéologues.
Les quelques mots explicatifs d'analyse, intercalés dans
notre version, exigent un commentaire général et synthé-
tique. Nous pourrions dire que ce commentaire doit
s'étendre à tout le présent volume, puisque la Table
éCÉmeraude va servir de point de départ à nos dévelop-
pements sur les merveilles de l'Astral.
Mais nous tâcherons d'être, dès Tabord, aussi expli-
cite qu'il se pourra.
L'initiateur, — quel qu'il soit, il mérite bien ce nom, —
promulgue en premier lieu la grande loi d'analogie her-
métique : elle domine sur tous les mondes, et met l'intel-
ligence armée du compas de la logique à même de for-
muler des inductions, en procédant du connu à l'inconnu,
du sensible à l'intelligible et du particulier à l'universel.
Nous offrir ce fil d'Ariane, voilà le premier souci
de THermès hiérographe.
Puis il passe à la description du Lien qui rattache ces
extrêmes ; du grand Médiateur des êtres et des choses,
ce Père de l'universel Télesme^ dont il est question jus-
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112 LA CLEF DE LA MAGIE NOIRE
qu'au bout. Voici l'agent essentiel de l'art royal, et le
Trismégiste prend soin de nous prévenir qu'en décrivan t
sa nature, il nous fournit la clef mystique du Grand—
(£uvreet nous enseigne le magistère du Soleil.
Le Grand-CEuvre se peut concevoir à divers points de
vue ; il se peut réaliser sur divers plans. Mais il reste
toujours la Chysopée^ ou l'art de tirer le pur de l'impur
et For des viles scories.
L'Alchimiste cherche l'or métallique ou terrestre.
L'Adepte de la Maîtrise vitale cherche la Médecine
universelle, ou l'or physiologique.
Le Magicien cherche l'or thaumaturgique ou la Puis-
sance.
Le Mystique cherche l'or moral ou la Sainteté.
Le Théosophe enfin cherche l'or spirituel, l'identifica-
tion de l'intelligence humaine et de l'essence divine : en
un mot, il cherche la Vérité absolue, la Science.
Tous veulent acquérir te Lumière sous ses différents
aspects. Car l'or physique n'est, au dire des Spagyristes,
que lumière condensée ; — la médecine universelle réside
en une quintessence vitale de l'or ; — la puissance ma-
gique reste acquise à qui saura diriger la Lumière astrale
ou l'or hyperphysique ; — la communion des saints reçoit
dans son giron quiconque a transmué sa substance ani-
mique en or moral ; — et la Vérité-lumière des théoso-
phes n'est autre que l'or spirituel et divin.
Mais nous traiterons principalement ici de l'or hyper-
physique : c'est lui que l'auteur de la Table d^Émeraude
désigne comme engendrant le Télesme (ou la perfection
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l'équilibre et son agent 113
des choses corporelles). Il est d'ailleurs le moyen-terme
de tous les autres ors.
Un dans son principe, androgyne (c'est-à-dire double
et triple) dans sa nature, quadruple dans ses modalités
manifestatives (les quatre éléments occultes), — cet être
protécn se révèle multiple à Tinfini dans ses ultimes
réalisations. Car il constitue la substance cosmique non
différenciée, dont la matière polymorphe présente à nos
sens les spécifications éphémères.
C'est lui l'universel Médiateur; i'Éther instrumental,
convertible, omnilatent ; le Serviteur de toutes les Puis-
sances, bonnes ou mauvaises ; la Splendeur équivoque
des Cieux, apte à revêtir alternativement d'une appa-
rence plastique et à draper dans son manteau d'étoffe
sidérale le dragon Nahàsh ou l'ineffable Roûach Hakka-
dôsch (1).
(1) Peut-être sera-t-on surpris de nous voir recourir de préférence au
▼ocabulaire hébreu, en des commentaires qu'a motivés un monument
(l'origine égyptienne.
Nous permettra-t-on de rappeler que la langue hébraïque pure, telle
que Ta mise en œuvre Tauteur du Berœschith, n'est autre précisément
que l'idiome le plus occulte des sanctuaires de Mitzralm? C'est ce que
Pabre d'OIivet a victorieusement établi.
Moïse, prêtre d*0siris, a tracé son livre des Cinquante Chapitres en
biérogrammes (du troisième degré), intelligibles seulement, dans leur
ésotérJsme, aux adeptes memphites du plus haut grade. Ce livre, vul-
gairement la Genèse, parait le seul qu'on ait transcrit au temps d'Es-
dras, sans en allérer l'esprit, ni même la lettre.
La doctrine .«lecrète de Moïse constitue ce que nous appelons la
Kabbale primi/tre, laquelle s'est matérialisée parallèlement à la lan-
gue même du sanctuaire. L'enseignement de Shiméon-ben-Iockaî est
à celui de Moïse, ce que le dialecte syrochaldaïquc, qui se parlait à
Jérusalem sous les Césars, est à l'hébreu primitif de Moïse.
Nous n'avons recours à la Kabbale Zoharite (ou du moins ne fait-elle
8
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m LA CLEF DE LA MAGIE NOIRE
Sous l'empire et Tinflux des Principes d'En Haut, cet
agent remplit l'espace des Shamaîm d'une irradiation
céleste et bienfaisante : on peut alors le considérer commo
la lumière mystique où s'incorpore le Saint-Esprit.
Mais abandonné à lui-même, ou lorsqu'une Volonté per-
verse s'empare de sa direction, il devient fatal et démo-
niaque : c'est le corps même de Satan.
Avec Paracelse, Éliphas Lévi, Keleph-ben-Nathan,
Martinès et toute l'école ésotérique d'Occident, nous rap-
pellerons de préférence lumière astrale.
Lalumière astrale constitue le support liyperphysique de
l'Univers sensible; le virtuel indéfini dont les êtres corpo-
rels sont, sur le plan inférieur, les manifestationsobjecti ves.
Qu'on aitqualifié d'âme cosmique cette lumière secrète
qui baigne tous les mondes, il n'y a rien là pour nous sur-
prendre. L'on a pu légitimement encore l'appeler sperme
expansif de la vie et réceptacle aimanté de la mort :
puisque tout est né de cette lumière (par matérialisation
ou passage de puissance en acte),, et que tout s'y doit
réintégrer (par le mouvement inverse, ou le retour de
l'objectif concret au subjectif potentiel).
Comme l'électricité, la chaleur, la clarté, le son, etc.,
(ses divers modes d'activité fluidi(iue), elle est à la fois
substance et force.
Ceux qui ne voient en elle que le mouvement tombent
dans une grave erreur: comment imaginer un mouve-
ment effectif, à défaut de quelque chose qui soit mû ? Le
autorité pour nous) que subsidiairement, à défaut de l'ésolérisme plus
pur et plus profond des livres mosaïques, dont le Zohar n'est qu'un
tardif commentaire.
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l'équilibre et son agent iiti
néant ne vibre pas. Concevoir une agitation quelconque
ou toute autre qualité dans le vide absolu, c'est manifes-
tement absurde. — Et réduire la lumière astrale à
Vobsirail du mouvement, c'est en faire un être déraison,
ce qui revient à nier son existence, même latente.
L'on est donc obligé de la définir : une substance qui
manifeste une force ; ou, si l'on préfère, une force qui
met en œuvre une substance : les deux inséparables.
En tant que substance, nous Tavons dit, il faut envi-
sager la lumière astrale comme le substratum de toute
matière ; le potentiel de toute réalisation physique ;
rhomogénéité, racine de toute diflerenciation. — C'est
l'expression temporelle d'Adamah nDlH, — cet élément
primordial d'où, selon Moïse, l'universel Adam a tiré
son être : ou, pour emprunter le langage de l'exoté-
risme, cette terre dont le Très-haut façonna le premier
ancêtre humain.
En tant que force, l'Astral nous apparaîtra comme
évertué par l'influx et le reflux de cette vivante essence
que nous avons nommée, à l'instar de Moïse, Nephesch-
ha-chaïah n^nn tt^SJ, le souffle de vie (i).
Pour motiver ce flux et ce reflux de Tàme vivante, il
suffit de la peindre tiraillée, pour ainsi dire, entre deux
aimants : en haut, Roûach jElohîm, souffle vivificateur de
la substance collective, homogène, édénale ; . en bas,
Nakàsh, agent suscitateur des existences individuelles,
particulières, matérialisées.. C'est le principe de la divi-
sibilité en face du principe de l'intégration ; c'est le
(1) Avant-propos, p 63; —cf. a.\xssï Au seuil du Mystère, p. 146.
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116
LA CLEF DE LA MAGIE NOIRE
morcellement des Moi naissants ou à naître, qui s'op-
pose à l'unité du Soi éternel.
De cette opposition résulte un double dynamisme de
forces hostiles, qu'il convient d'étudier Tune et l'autre
dans leur nature propre et dans la loi de leur mutuel
mécanisme. Puis, revenant à Nahàsh (le dragon de
l'Astral), nous surprendrons plus aisément le mystère du
fluide lumineux de même nom, avec le contraste de ses
courants opposés et son point central d'équilibre.
t
-m.
La lumière astrale est, somme toute, la substance
universelle animée, mue en deux sens inverses et
complémentaires, par l'effet d'une polarité double, du
pôle intégration au pôle dissolution, et vice versa.
Elle subit en effet deux actions contraires: la puis-
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l'équilibre et son agent 117
^nce d'expansion féconde, la lumineuse lônah rui^
effective des générations et dispensatrice de la vie, d'une
part; — et de l'autre, la puissance de constriction des-
tructive des formes, le ténébreux Hereb 31?, agent
principal de la mort, et par là de la réintégration (retour
des individus à la collectivité ; de la matière différenciée
et transitoire, à la substance une, permanente et non
différenciée) (l).
Ces deux hiérogrammes, Hereb et lônah^ que nous
empruntons à Moïse, reviennent à plusieurs fois dans le
texte hébreu de la Genèsey et notamment au VIII* cha-
pitre, qui traite du déluge (y. 6 à 12).
Tous les traducteurs officiels rendent Heréb et lônah
par corbeau et colombe : sens que ces deux vocables
peuvent en effet revêtir, dans l'acception la plus circons-
crite et matérialisée dont ils soient susceptibles.
Nous résumerons pour mémoire le récit qu'on prête à
Moïse.
Le déluge a fait son œuvre, et les eaux se desséchant
petit à petit, le sommet des montagnes commence à pa-
raître. — Noé laisse quarante jours s'écouler, puis il
ouvre la fenêtre de l'arche, et donne l'essor à un corbeau
(Hereb)y qui s'envole pour ne plus revenir (2). Sept jours
après, Noé met en liberté une colombe {lônah) ; mais
(1) La force d'expansion, en agissant sur VÀdr, engendre le courant
de la lumière positive, Aôd; et la force de constriction, celui de la lu-
mière négative, Àdb.
(2) Les Septante traduisent ainsi ; mais S. Jérôme est plus exact :
le corbeau, ditril, sortait et rentrait alternativement (egrediebatur et
revertebatur).
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118 LA CLEF DE LA MAGIE NOIRE
celle-ci revient, n'ayant point trouvé où prendre pied (l),
et Noé la réintègre dans l'arche. Une semaine s'écoule
encore ; il lâche à nouveau la colombe qui lui revient le
soir du même jour, mais portant en son bec un rameau
d'olivier-. • Enfin, après sept nouveaux jours d'attente,
Noé l'ayant laissée partir pour la troisième fois, la colombe
ne reparaît plus.
Telle est, du moins en substance, la version commu-
nément accréditée.
Mais il suffit de recourir à la traduction littérale de
Fabre d'Olivet, soutenue de notes étymologiques déci-
sives, pour entrevoir, sous les puérils emblèmes de la
Vulgate et des autres versions reçues, toute la portée
ésotérique et grandiose d'un texte aussi pitoyablement
travesti. Sans entreprendre un commentaire général qui
serait un hors-d'œuvre en ce chapitre, et d'ailleurs né-
cessiterait à lui seul un chapitre de développements, —
précisons, avec le précieux appui du restaurateur de la
langue hébraïque, le vrai sens attribuable aux deux hiéro-
grammes en litige.
a H est bien vrai, dit Fabre d'Olivet, que le mot hébreu
nJV signifie une colombe; mais c'est de la même manière que
le mot 3*12? signifie un corbeau: c'est-à-dire que les noms de
ces deux oiseaux leur ont été donnés, dans un sens restreint,
par une suite des analogies morales et physiques qu'on a cru
remarquer dans la signiBcation primitive attachée aux mots
11*1^ et r\3Vy et les qualités apparentes du corbeau et de la
(1 ) Môme au sommet des montagnes, qui émergeaient déjà 47 jours
auparavant? Telle est la logique du sens admis des théologiens.
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l'équilibre et son agent 119
eoiombe. La noirceur de VErèbe, sa tristesse, Tavidité avec la-
quelle on croyait qu'il dévorait les êtres qui tombaient dans
son sein, pouvaient-elles être mieux caractérisées que par un
oiseau ténébreux et vorace tel que le corbeau ? — La blan-
cheur de la colombe, au contraire, sa douceur, son inclination
à r&mour ne semblaient-elles pas inviter à la choisir pour être
1 emblème de la faculté génératrice, de la force plastique de
la Nature?... La colombe fut le symbole de Sémiramis, de
Derceto, de Mylitta, d'Aphrodite, de Vénus, de tous les person-
nages allégoriques auquels les anciens attribuaient la faculté
génératrice, représentée par cet oiseau...
Il est évident que le nom de Tlonie, le nom de cette contrée
fameuse, que TAsie et l'Europe réclament également, découle
de la même source que le mot qui nous occupe, J13V (1)... »
On le voit, l'antithèse est rigoureuse entre Hereb et
ïdnaA. Celle-ci désigne en effet la faculté d'expansion, gé-
nératrice des êtres corporels; celui-là exprime la force de
compression destructive, qui pousse tout ce qui vit vers
la décrépitude et la mort, puis dissout et engloutit la
dépouille de ce qui a vécu (2). Hereb exprime aussi le
(i) Langue hébr. restit,, tome II, pages 231-232, passim.
[2) Cette antinomie des deux Agents prôlerail à une foule de paral-
lèles fort étranges, et d'intérêt majeur pour ceux dont l'œil s'exerce à
sonder certains mystérieux abîmes de la Nature et de la Vie.
Ainsi, nous pouvons dédier aux étymologistes le contraste que voici :
d'une part, la racine sur laquelle s'élève Vlônah mosaïque (cette faculté
génératrice dont la colombe est l'emblème), — la racine iôh se retrouve
intacte aux Indes dans le vocable Yôni, par quoi les Brahmes dési-
gnent l'organe sexuel de la femme ; — d'autre part, la racine consti-
tutive à'Hereb se retrouve à peine altérée (1 s'est adouci en 1) dans
kerwah, (au pluriel Herwath TW^V), le mot dont se sert Moïse
(Berœshith, IX, 22) pour désigner cet objet de scandale, que Noé^ dans
son ivresse, avait laissé découvert, à la joie sacrilège de Cham, et que
Saint Jérôme qualifie sans ambages de « verenda nudata ».
Remarquons encore que les Sémites, ^ arabes et hébreux^ Harbi
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120 LA CLEF DE LA MAGIE NOIRE
champ d'action où domine par Tunivers cette force cor-
rosive.
C'est plus particulièrement dans cette dernière accep-
tion que l'ont connu les grecs, héritiers de la Cosmogo-
nie d'Orphée. Cethéocrate, contemporain de Moïse, avait
puisé aux mêmes sanctuaires que lui la notion de son
Erèbe ÈpeÇè;, le gouffre d'Hécate ou de la Lune infernale,
le champ de Proserpine, le séjour des ombres, enfin...
VHereb mosaïque, que l'on pourrait rattacher à Kain
"[>p (principe du Temps), pactise en tous lieux avec l'obs-
^213r et Hebri ^IIV — ces âpres adorateurs du Dieu mâle, unique,
portent un nom notoirement formé d'Hereb, (le nom du Maroc, Afaugreb,
en dérive aussi) ; — tandis qu'Iônah sen\ble avoir nommé cette molle
lonie, itàvioL» le type des contrées où Ton adorait la Nature féminine
et plastique, sous ses innombrables et éblouissantes incarnations.
Les curieux se demanderont enfin, par quel chassé-croisé d'in-
fluences, le màlc Hereb gouverne le courant de la lumière négative et
sélénique 3* ^^^ ^*l^ • — cependant que la féminine lôncth domine
sur le courant de la lumière positive et solaire Q, Aôd, TIN.
Observons à cet égard, que la plupart de ces attributions sont, non
point arbitraires, mais relatives. — Absolument parlant, il n'y a qu'un
Principe mâle, qui est Dieu ; qu'un Principe féminin, qui est la Nature.
— Dans le monde subjectif, il n'y a qu'un Principe mâle, qui est l'Es-
prit universel, et qu'un Principe féminin, qui est l'Ame vivante ; dans le
monde objectif, enfin, qu'un Principe mâle, qui est la Force, et qu'un
Principe féminin, qui est la Matière. — Mais, sur ces divers plans, il
est loisible de qualifier de masculines ou de féminines, les diverses
modifications, facultés, énergies, etc., qui ressortissent à l'un ou à l'au-
tre de ces Principes ; ainsi avons-nous qualifié lônah de féminine,
parce qu'elle appartient plutôt à la Nature et à la substance plastique:
et Hereb de masculin, parce qu'il constitue une Force, et que, par son
office de compacter la substance, il devient en quelque sorte le véhicule
de la Forme, laquelle relève de l'Esprit.
Qu'il nous suffise d'avoir attiré l'attention sur ces singularités occultes,
dont la raison d'être, si elle était connue, pourrait conduire assez
loin
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l'équilibre et soî< agent 121
curité, Hosheck y^H; — Vlônah, qui déploie son énergie
dans le royaume d'Abel San (principe de l'Espace
éthéré), montre partout l'affinité la plus intime avec Té-
lémenl lumineux, Aôr 1W.
L'une est la colombe de la lumière et de la vie; l'autre,
le corbeau des ténèbres et de* la mort (1).
La douce colombe fait l'amour et bat des ailes partout
où s'irradie la clarté sidérale à travers l'espace ; mais où
l'obscurité domine, c'est le fief de l'âpre corbeau carnas-
sier.
Disons, pour préciser le point de vue spécial à notre
planète, que le soleil darde Tinfluence dlônah sur Thé-
misphère qu'il baigne de ses rayons, — et que l'influence
d'Hereb, liée aux phases de croissance et de déclin lu-
naires, se localise dans le cône d'ombre que la terre traîne
à sa suite, en gravitant par les cieux. Nous reviendrons
en détail sur cette organisation physique et hyperphysique
du système planétaire, — à laquelle sont subordonnés le
voyage cosmique des âmes et toute la biologie de notre
monde, non moins que l'existence positive et la localisa-
tion strictement déterminable des séjours d'épreuve et de
félicité posthumes, connus ou soupçonnés sous les noms
(1) Le môme symbolisme préside èi la terminologie des philosophes
hermétiques. Us nomment Tête de corbeau la stase de dissolution,
quand la matière, réduite en noir, semble toute décomposée et perdue
(c'est le Nigrum nigro nigrius) ; — et colombes de Diane» la stase de
régénération de ladite matière» l'ablution du fixe par les larmes du
volatil, quand la couleur blanche va paraître. Les colombes annoncent
et préparent le régime de Diane : ^ors naît la terre blanche feuillée
(où germe la semence de l'Or vif).
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122 LA CLEF DE LA MAGIE NOIRE
de paradis, de purgatoire et d'enfer (voy. chap. VI, la
Mort et ses Arcanes).
Ainsi, la substance universelle est réceptive d'une in-
fluence géminée : lônah la rend fertile, plastique et con-
figurative ; Hereb lui comniunique une force conipressive
et dévorante.
D'où, deux propriétés contraires dans la lumière as-
trale : Tune qui tend à volatiliser le fixe, l'autre qui tend
à fixer le volatil.
Dissoudre ici, pour concréter là(l)... L'électricité nous
offre, dans ses adaptations à l'art galvanoplastique, une
image sensible de cette double propriété : tandis que le
métal se corrode, au pôle positif de l'appareil, les parti-
cules qui s'en détachent vont, charriées par le courant,
s'accumuler, se répartir et se fixer à la surface du moule
ou de l'objet quelconque suspendu à l'électrode négative.
Cependant, par un mystère admirable — qui contri-
bue à confirmer la grande loi de l'harmonie par l'antago-
nisme des contraires (2), — la lutte même des deux
principes devient féconde. Tous deux concourent, nous
Talions voir, en dépit de leur hostilité apparente, à la
génération, à la croissance, à la succession des formes
corporelles.
Hereb, agent centripète, se manifeste, avons-nous dit,
(i) Solve, Coagula C'est l'inscription double qui se lit sur les
deux bras du Grand Androgyne d'Henry Khunrath, magnifique pentacle
que nous avons reproduit et commenté, au Seuil du Mystère (pages
127-150).
(2) Voir Éliphas Lévi, qui énonce et démontre cette loi (Dogme et
Rituel, passim).
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l'équilibre et son agent 123
au cours du temps, — et lônak, agent centrifuge, se déploie
à travers l'espace. Or le temps et l'espace ne sont-ils pas
les conditions essentielles de toute existence physique?
c Ces deux actions, dit Fabre d*01ivet, selon la forme des-
quelles tout existe dans la nature, issues de la même source,
sont ennemies dès leur naissance. Elles agissent incessamment
Tane sur Tautre, et cherchent à se dominer réciproquement,
et à se réduire à leur propre nature. L'action compressive,plus
énergique que l'action expansive, la domine toujours dans
iori^ne, et Taccablant pour ainsi dire, compacte la substance
universelle sur laquelle elle agit, et donne l'existence aux
formes matérielles qui n'étaient pas auparavant (t). >
Ce qui est vrai pour la condensation des nébuleuses,
Test aiissi pour toute formation corporelle.
La force coërcitive, subjuguant sa complémentaire,
condense la substance originelle, selon tel type généri-
que, dans la sphère d'action de tel règne.
Si nous examinons les règnes végétal et animal (où les
individus, mieux définis, naissent, croissent, déclinent et
meurent en des conditions cycliques plus accessibles à
notre observation si bornée), la victoire première de la
force compressive se manifestera évidente dans l'exemple
delà semence, qui tient prisonnière en un si petit espace,
et, pour ainsi dire, à haute tension, la potentialité d'un
être; lequel, sous l'empire de la force inverse, va passer
en acte, s'organiser, grandir, etc. A l'action succède en
effet la réaction : c'est le tour de l'agent expansif, qui sus-
cite l'être à son plein développement, pousse à la crois-
sance du dedans au dehors, et favorise ainsi la bâtisse
(1) Caîn, Lettre à Lord Byron, page 31.
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124 LA CLEF DE LA MAGIE NOIRE
progressive d'un corps matériel, qui s'édifiera sur le pa-
tron du corps astral, et selon l'estampille individuelle
imprimée à celui-ci par la faculté plastique, efficiente,
de l'être en voie d'incarnation.
Cependant la force compressive, centripète, s'exerco
toujours du dehors au dedans : après avoir participé à la
création de l'être matériel (1), en compactant la substance
éthérée, — il faut maintenant que cette même Force ac-
cable son ouvrage, et agisse sur lui à l'instar d'un fer-
ment dissolutif. Le dynamisme convergent d'Hereb n'a
pas varié; mais il produit des effets inverses, selon qu'il
opère sur la substance non encore condensée, ou sur la
matière physique : dans le premier cas, l'action est créa-
trice; elle est plus ou moins promptement destructive
dans le second cas.
Rien n'est plus mystérieux, quand on y songe, que
cette propriété inhérente au Temps, de tout modifier,
altérer et dissoudre, d'une sorte lente, parfois insensible,
mais inéluctable et sans remède. Pourquoi cette fatale
décadence des choses, cette usure progressive des formes
matérielles? Pourquoi (précurseur d'une totale dissolu-
tion), ce déclin qu'inflige le vieux Saturne à tous les êtres
qui peuplent l'Étendue ? Enfin, pourquoi la vieillesse et
la Mort, inversement complémentaires de la Naissance
et de la Jeunesse? — C'est la réplique d'Hereb au verbe
universel d'iônah.
Que la substance expansive, vivante, soit liée au prin-
cipe de l'Espace, l'esprit humain le conçoit sans peine;
(1) Et, par conséquent, collaboré avec /dna^.
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l'équilibre et son agent 125
} mais il se persuade moins aisément de l'affinité seci èle
qui rattache au principe du Temps, l'insaisissable facteur
de la décrépitude et de la mort.
Le Temps lui-même est fort difficile à saisir dans sa na-
ture, comme à représenter par une image sensible : « com-
ment pourrait-il affecter nos organes corporels, puisque
passé, il n'est plus; que futur y il n'est pas; que présent, il
est renfermé dans un instant indivisible ? Le Temps est une
énigme indéchiffrable pour quiconque se renferme dans
le cercle des sensations, et cependant les sensations seules
lui donnent une existence relative. Si elles n'existaient
pas, que serait-il ? — Ce qu'il est : une mesure de la vie.
Changez la vie, et vous changerez le Temps. Donnez un
autre mouvement à la matière et vous aurez un autre
Espace (1). »
Ainsi donc, comme Fabre d'Olivet le donne à entendre
avec sa profondeur accoutumée, le Temps procède de la
Vie en fermentation, comme l'Espace, de la Matière en
travail. — Traduisons en hiérograrames mosaïques :
Kaïn s'apparie à Nephesh^horChaïah j comme Abel à
Hetz yy (2).
On peut voir, dans le principe du Temps, la règle de
succession cosmique des formes éphémères, où viennent
s'élaborer les âmes en voie de rédemption, — ou d'évo-
lution, car c'est tout un.
Plus la vitalité des êtres s'affirme intense, plus il
semble que le Temps ait de prise sur elle, pour la tarir.
(1) Fàhre d'OUvei, Langue hébr. restii,, tome I, pages 114-115.
(2) y7, identique au Hioulé ^SvH rabbinique, et àlTXt) des grecs.
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126 LA CLEF DE LA MAGIE NOIRE
en altérant, puis en ruinant les organismes qui consti-
tuent les foyers de son élaboration. — L'action corrosivc
du Temps, très lente sur les minéraux, dont Tâme de
vie est à peine éveillée, se fait sentir davantage sur les
exemplaires végétaux; cette action, plus intense encore
sur la moyenne des êtres du règne animal, devient fou-
droyante pour tels d'entre eux..
Et cependant, les âmes de vie distribuées à tous les
êtres n'en sont pas moins les éléments de conservation
temporaire des organismes où elles s'incarnent.
Il semble que ce soit là une contradiction, mais elle
n'existe que dans les termes.
Nous savons qu'en tout être organisé, il y a plusieurs
vies : depuis la vie universelle, à quoi l'individu se rat-
tache par l'intermédiaire de l'Espèce, jusqu'à la vie
(réfractée) des cellules constitutives de son corps (1).
Ces extrêmes, qui touchent à l'absolu de l'unité d'une
part, à l'infini de la divisibilité de l'autre, n'appartien-
nent point en propre à l'individu : dans l'intervalle se
place logiquement sa vie personnelle, — synthétique par
rapport aux vitalités cellulaires, mais subdivisionnelle
par rapport à la vie collective des êtres. Cette vie
moyenne, la sienne propre, la vie de son âme {^hx^) est
triple et quadruple, comme cette Psyché même.
Supposons-la intégralement développée, chez l'homme
parfait, par exemple; elle se manifestera sous trois mo-
difications: intellectuelle, passionnelle, instinctive. La
(1) Et jusqu'à la vie chimique des atomes dont les cellules sont for-
mées.
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l'équilibre et son agent 127
vie passionnelle, médiane, d'un individu constitue en
eflSet le foyer central de son existence proprement dite.
Par sa vie intellectuelle, supérieure, cet individu confine
à la vie collective de l'espèce ; par sa vie instinctive, in-
férieure (vie du corps astral), il maîtrise les vitalités
subdivisées des cellules de son corps physique. Une qua-
trième vie, qui a sa racine dans le foyer central de
Tànae, la vie volitive, englobe enfin les trois modifications
susdites, pour les ramener à l'unité.
D'ailleurs, la vitalité cellulaire n'est point elle-même
le dernier terme de la subdivision, pas plus que la vie
collective de l'espèce ne constitue le dernier terme de
rinlégration : cette vie collective aboutit à la vie univer-
selle, intégrale ; et pareillement, au-dessous de la vita-
lité des cellules, se place la vie atomique, dont témoi-
gnent les affinités cmmiques des atomes.
Cela posé, l'apparente contradiction ci-dessus se résout
d'elle-même. Nous avons dit, en effet, que — règle gé-
nérale — le Temps exerce ses ravages en raison directe
de l'activité vitale des êtres, et qu'on doit nonobstant
considérer les âmes de vie, comme les palladia d'éphé-
mère conservation des corps. Mais nous désignons alors
par âme de vie la Psyché elle-même, la substance propre
de l'être individuel ; et par vitalité, la synthèse de ces
énergies biologiques réfractées, qui sont comme les âmes
des cellules.
Hé bien, la force hérébique du Temps fomente la vie
chimique des atomes, — et ce, en tendant à relâcher,
puis à dissoudre le lien sympathique qui tient groupées,
suivant une loi de hiérarchie unitaire, les vitalités innom-
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128 LA CLEF DE LA MAGIE NOIRE
brables et infimes des cellules constitutives de Torg^a-
nisme. Voici comme.
Le lien sympathique mentionné n*est autre que le corps
astral. Sa rupture occasionne la libération de la Psyché,
autrement dit — la Mort, dont la prime conséquence est
l'anarchie déchaînée parmi les vitalités moléculaires. Mais
ces vitalités de cellules, n'étant que le produit d'une ré-
fraction de la vie générale individuelle, ne tardent guère
à s'éteindre, à l'instar de celte dernière : rien ne maîtrise
plus, dès lors, ce que nous avons appelé la vie chimique
des atomes ; bref, le jeu des affinités, (qu'asservissait ou,
pour mieux dire, que réglait naguère le principe aggré-
gatif des vies), s'exerce enfin sans nulle contrainte: d'où
la décomposition organique, que certaines Larves (1)
fluidiques viennent activer encore, cm y développant des
ferments spéciaux de putréfaction...
Toutes ces ruines se réfèrent au mystérieux Aôb siS de
la primitive Kabbale; elles jonchent le domaine delà lu-
mière négative, laquelle reçoit son impulsion d*Herebj le
principe universel constrictif {Vastringence de Jacob
Bœhme). Aussi les adeptes de certaine école désignaient-
ils Hereb sous cette mystique dénomination : c'est k bras
de Moulh (le bras de la mort) ; c'est l'agent du retour à
l'unité.
(1) Le mot Larve s'emploie souvent en magie comme synonyme de
Lémure^ c'est-à-dire dans un sens plus large que celui de notre défini-
tion au chapitre II. — C'est ici le cas. Cf. chap. VI, ia Mort et ses
Arcanes.
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L*£QU1UBRE £T SON AGENT 129
Quant à la lumière positive, Aôd TX, nous l'avons vue
gouvernée par le principe expansif de l'universelle vivi-
fication, lônah {Vamertume de J. Bœhme).
Enfin, ces actions opposées se balancent et se tempè-
rent Tune par l'autre, dans les eflduves de la lumière
astrale équilibrée, AÔr "lis.
VAôr génère intarissablement les formes matérielles,
qui naissent, prennent leur développement, puis décli-
nent, passent et se succèdent, grâce au concours des
deux Puissances hostiles, dont l'éternel conflit a la fécon-
dité d'un embrassement d'amour.
Cette mutualité (créatrice et destructive tout ensemble)
apparaît réglée par l'empire qu'exerce sur VAôr certain
agent occulte, Nahàsh, qui est le principe même de la
divisibilUé indéfinie et de Végo-isme à outrance : attribu-
tions qui semblent s'exclure, et s'unifient néanmoins en
lui. Cet agent n'est pas moins que le Diable, au sentiment
de plusieurs mystiques.
En tout être qui s'incarne ici-bas, il fomente un Moi
terrestre, inférieur, passager, exclusif et ambitieux de
s'étendre aux dépens d'autrui. Pareillement, il dote
d'une tendance féroce à l'autonomie (nous allions dire
qu'il revêt d'un simulacre de Moi) chacune des cellules
constitutives de tout corps organisé, chacun des atomes
groupés pour former ces cellules. D'où, un résultat que
nous avons signalé plus haut : tant que le corps astral,
ou frein aggrégatif des vies, déploie la puissance de
maîtriser toutes ces vitalités fragmentaires, non seule-
ment elles restent soumises ; bien plus, elles concourent
harmonieusement à Texistence commune. Mais que ce
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130 LA CLEF DE LA MAGIE NOIRE
frein vienne à faiblir, et l'anarchie se déclare parmi ces
infimes vitalités : la mort s'ensuit, et la décomposition
commence. En un mot, l'Agent qui nous occupe multi-
plie sous toutes les formes et attise chez tous les êtres le
sauvage instinct dnstruggle for life.... Si le démon n'est
pas un mythe, en vérité, voilà bien son signalement.
— « Crée encor pour détruire, et détruis pour créer, »
clame vers Dieu le Lucifer de Lord Byron. Lucifer se
trompe d'adresse. Ce n'est point Dieu, c'est lui-même
qu'il devrait interpeller ainsi, — lui-même, aveugle Dé-
miurge du monde inférieur, despote de TAstral, impla-
cable de fatidique inconscience, et dont l'instinct seul
vivace s'agite et se multiplie, indifférent au mal comme
au bien.
Fauteur de toute division, n'est-il point cet Antéchrist
virtuel, que le Fils de l'homme est venu combattre et
terrasser? Notre Seigneur Jésus-Christ le nomme posi-
tivement le Prince de ce monde: « Confidete! Ego
vici mundum!... Princeps hujus mundi ejicietur foras ! »
Nos Lecteurs savent déjà son vrai nom : urna Nahàsh.
C'est par de poétiques fictions qu'on Ta personnifié sous
les appellations de Satan, de Lucifer, du Diable, etc..
Il n'est point une personne distincte, mais une Puis-
sance impersonnelle, au contraire, un agent occulte de
la création. 11 domine d'en bas sur VAôr, de même
qn'Iônah et qn'Hereb, ses termes de polarisation (1)
(1) L'on ne saurait s'étonner qua défaut d'un vocabulaire adéquat,
et lorsque nous traitons un sujet inouï (au sens radical de ce terme),
nous soyons contraint à quelques à peu près d'expression.
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l'équilibre et son agent 431
(relaUfs aux flux et reflux de Nephesch-ha-chaïah, rame
uQÎverselle vivante) dominent de droite et de gauche sur
Aâd et Aôb, les courants de lumière positive et négative.
Nahàsh^ dragon-sphinx, proposant l'énigme de son
inqualifiable essence aux Œdipe du mysticisme, oflre à
leur sagacité un sujet de constante méditation. Son ori-
gine, — dont nous traiterons au tome III, — se réfère
aux plus vertigineux arcanes de la Nature et de la Vie.
Faire la lumière intégrale sur Nahàsh, équivaudrait à
résoudre le problème du mal.
Un théosophe allemand a eu l'audace d'affronter le
monstre dans sa caverne originelle. Jacob Bœhme a per-
scnilé la « raciïie ténébreuse » des choses; il en a
décrit le pivot, qui est Nahàsh. Mais Bœhme ne le connaît
pas sous ce nom : il l'appelle le vortex ou le tourbillon
(tangoisse^ et en fait la troisième propriété de son abîme
virtuel. Les deux premières propriétés ennemies dont
l'étreinte réciproque engendre la troisième, sont les po-
tentialités comprcssive et dilatante (1), où Ton ne peut
se défendre de voir les principes radicaux d'Hereb et
d'Iônah. Ces trois vertus combinées (2) concourent à un
ensemble que Bœhme qualifie de racine ténébreuse de
l'Être, antérieure à toute manifestation d'icelui : c'est la
matrice occulte de l'éternelle Nature (3), tourmentée d'une
(1) Vctstringence et Vamertume, selon la terminologie étrange que lui
a fidèlement conservée son traducteur français, le marquis de Saint-
Martin. Mais le théosophe d'Amboise est loin d'avoir toujours compris
son < divin Bœhme »..
(2) « Les trois propriétés du Désir » (Bœhme),
(3] L'enfer est la matrice du Macrocosme (Paracelse),
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132 LA CLEF DE LA MAGIE NOIRE
appétence à générer la vie, appétence qu'il définit TA/-
tract originel. Singulière rencontre ! Ce sont les propres
termes que choisira Fabre d'Olivet, pour traduire l'hiéro-
gramme hébreu tt^na ... Mais elle se tordrait à jamais
stérile, cette angoisse magique du possible qui voudrait
être, elle s'épuisei^ait en efforts impuissants, si Dieu n'y
dardait un rayon de sa lumière invisible : le Roûach
jElohîm de la Genèse. Sous l'influx divin, la roue d'an-
goisse s'allume (1), et le désir devient plaisir : de là s'en-
gendre le feu-principe ou médium universel du théosophe
allemand.
Nous empruntons en passant ces quelques traits
fragmentaires au système de Bœhme, parce qu'ils offrent,
avec l'objet de ce chapitre, des rapports frappants et
d'intérêt majeur. Cependant, s'il y a correspondance
analogique, il n'y a point identité. On fera bien d'y
prendre garde. Le feurprincipe\ notamment, n'est pas la
lumière astrale, cosmique ; mais sa source universelle,
céleste (2)....
Retenons seulement que le principe originel de Nahàsh
tient au mystère de toute génération ontologique, — et
que, dans les profondeurs du limbe potentiel, Nahàsh est
(1) "T1î< ■'n^l (Élémentisation lumineuse).
(2) Ainsi du reste. — Le grand mystique traite des principes de la
céleste Nature, conçue antérieurement à la déchéance (Voy . notre Avant-
propos, page 20). Ce décor éternel une fois posé, Bœhme passe seule-
ment aux drames do la chute des anges et du péché originel. — En ce
tome, au contraire, nous acceptons la chute comme un fait accompli :
nous traitons de la Nature déchue, sans chercher ce qu'elle pouvait être
avant la catastrophe.
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f
l'équilibre et son agent 133
encore le point de soudure entre l'Homme et le Cosmos,
à naître tous deux.
Au demeurant, c'est surtout Moïse qu'il faut interroger,
touchant Nahàsh. Le théocrate d'Israël n'est point seule-
ment l'éditeur (l'auteur peut-être) de cet hiérogramme ;
historien, par surcroît, de l'Être ambigu qu'il nomme
ainsi. Moïse a tracé une page décisive de sa légende
ésotérique, au troisième chapitre du Berœshith.
Il désigne sous cette appellation, urna, l'Agent primor-
dial de la chute, le Tentateur édénal ; — sous ce même
nom, les Bibles vulgaires désignent « un serpent, subtil
animal des champs (1) », et le scoliaste agnostique ajoute
en marge : c'est-à-dire le Démon, déguisé sous cette appa-
rence.
€ Nahàsh, écrit Fabre d'Olivet, caractérise proprement ce
sentiment intérieur et profond qui attache Tétre à sa propre
existence individuelle, et qui lui fait ardemment désirer de la
conserver et de l'étendre. Ce nom, que j'ai rendu par celui
d*attract originel, a été malheureusement traduit dans la ver-
sîoD des hellénistes par celui de serpent ; maïs jamais il n'a
eu ce sens, même dans le langage le plus vulgaire. L'hébreu
a deux ou trois mots, entièrement différents de celui-là, pour
désigner un serpent. Nahàsh est plutôt, si je puis m'exprimer
ainsi, cet égoîsme radical qui porte l'être à se faire centre et à
tout rapporter à lui. Moïse dit que ce sentiment était la pas*
(1) Les modernes traducteurs, qui n'y voient point malice, suivent
la remorque de saint Jérôme mystifié et des Septante mystificateurs.
Chacun peut se reporter à V Introduction générale du Serpent de la
Genèse (tome I, page 20-21), où nous avons transcrit le texte hébreu
du verset en litige, avec les deux traductions, — ezotérique et ésoté-
rique, — en regard.
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134 LA CLEF DE LA MAGIE NOIRE
sion entratnante de ranimalité élémentaire, le ressort secret
ou le levain que Dieu avait donné à la nature. Il est très re^
marquable que le nom employé ici par l'écrivain hiérographe
pour exprimer cette passion, ce ressort ou ce levain, esiHarym,
le même que Zoroastre, parmi les Perses, avait employé pour
désigner le Génie du Mal Ainsi, d'après Tesprit du Sephei*
et la vraie doctrine de Moyse, Nahàsh Harym ne serait pas un
être distinct, indépendant,.... mais bien un mobile central
donné à ta matière, un ressort caché, un levain agissant dans
la profond! té des choses, que Dieu avait placé dans la nature
corporelle pour en élaborer les éléments (1). »
C'est de ce levain, inséparable pour nous du fluide
universel qui constitue sa base de manifestation, — c'est
de ce levain que parle Quantius Aucler, l'hiérophante
païen de la Thréïcie, dans une page étonnante, où il
effleure le grand problème de la biologie sidérale.
c Vous avez des idées bien grossières : vous pensez que ces
globes lumineux, qui gardent toujours leurs places dans un
fluide qui ne peut les soutenir ; qui, dans des oppositions et
divers aspects, ont des marches toujours régulières, ont été
placés sur vos tètes pour amuser vos yeux et les calculs de vos
astronomes ! Il n'y a dans la nature que des corps morts ou
vivants ; tout ce qui est mort n'est pas vivant ; tout ce qui est
vivant n'est pas mort.
a II y a un ferment qui est l'esprit (2) qui joint l'âme au
monde : son action est continuelle ; il change tout, c'est le
grand Protée ; il dissout les êtres morts, et il les prépare, en
les dissolvant, à être le lieu où de nouveaux êtres, d'une ma-
nière que vous ne pouvez pas même maintenant soupçonner,
viennent du grand abîme de la Nuit pour se corporifier. Si
(1) Caïn, p. 34-35, passim.
(2) Esprit est employé par Aucler dans le sens de spiritueux, et non
pas de spirituel.
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l'équilibre et son agent 135
TOUS savez interpréter THymne à la nuîtd*Orphée, vous aurez
oodes premiers points de la Doctrine : vous saurez comment
tout se forme, vous pourrez voir vos yeux sans miroir, et
ébranler les cornes du taureau.
f Ce ferment n'agit pas sur les corps vivants (1), parce que
YAnimttë qui les informe, les maintient, est plus fort que le
ferment qui tend à les dissoudre, étant d'une nature supé-
rieure. Si le ferment pouvoit quelque chose sur les êtres, il
les dîsposeroit à recevoir de nouveaux AnimtiS, qui de l'abîme
de la Nuit, viendroient se corporiBer ; ainsi il tes dissoudroit.
Il faut donc qu'ils aient quelque chose en eux qui repousse les
atteintes du ferment et qui soit supérieur à cet esprit ; il faut
donc qu'ils aient en eux chacun un animus qui les informe,
qui maintient leur forme et qui repousse l'action du ferment:
ainsi ils vivent donc. Si la terre n'étoit pas animée, le ferment
aussi la dissoudroit^ et la disposeroit à recevoir de nouveaux
êtres qui rongeroient les récoltes, tourmenteroient les espèces
primitives, leur nuiroient, les détruiroient ; et elles ne seroient
plus alors une simple altération^ mais ne ressembleroientplus
aux idées archétypes.
< Le propre du cadavre est de tomber ; c'est de là qu'il est
appelé cadavre à cadendo ; le propre de l'être vivant est de se
dresser et de se soutenir, parce qu'il a le principe de son mou-
vement et de sa vie en lui. C'est ainsi que je soutiens mon
bras, que je dresse ma tête ! — Si les astres n'étoient que des
cadavres, ils tomberoient ; c'est-à-dire qu'ils se rassemble-
roient dans un même lieu, selon les lois de la pesanteur (2). >
(1) Ceci n'est point toat à fait exact. Le ferment agit sur les corps
vi\'anis : il les vieillit et tend à les dissoudre, mais à la longue... C'est
ce que nous avons tâché de faire comprendre plus haut. Nous avons
ajouté que cette immunité relative et temporaire était due à l'énergie
réactive des âmes de vie.
(2) La Thrèîcie, ou la seule voie des Sciences divines et humaines,
par Quantius Âucler. — Paris, an VII de la République, in-8 (pages
228-230).
Si cet ouvrage n'était écrit d'un style inculte, rocailleux jusqu'à de-
venir insupportable par endroits, il mériterait à coup sûr les honneurs
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436 LA CLEF DE LA MAGIE NOIRE
L'opinion qu'exprime Aucler ne doit point surprendre,
bien que le sentiment contraire ait prévalu. Elle est con-
forme à la doctrine secrète de tous les Sages de l'anti-
quité.
L'on enseignait partout dans les temples que l'Uni-
vers est animé. Sur ce point tombaient d'accord les deux:
Écoles rivales, — Ihéosophique et naturaliste, — que di-
visait pourtant la question fondamentale de la Divinité.
Soit que les penseurs ne reconnussent point de Cause
première en dehors de la Nature productrice, immanente
à rUniversqu'Elle engendre éternellement; soit qu'ils ad-
missent l'existence indépendante d'un Être ineffable qui,
principe de cette Nature, en demeure néanmoins distinct :
le Macrocosme était pour eux un être vivant, dans son
ensemble comme dans ses parties.
Tous les initiés du monde antique, — Hermès, Zoroastre,
(le la réimpression, dont on se montre si étourdiment prodigue de nos
jours : d'autant plus qu'il est devenu fort rare.
Le fragment que nous reproduisons là peut compter parmi les moins
mal écrits ; encore avons-nous dû amender la ponctuation de rhiéro-
phante.
Kliphas {La Science des Esprits, page 242) a eu le tort de ridiculiser
Quanlius Aucler. La Thréïcie constitue, telle quelle, un traité de paga-
nisme occulte, tout à fait unique en son genre, et dont on ne saurait
trop rccommamler la lecture aux amateurs de mysticisme. Ils y trou-
vonmt de piquants détails, et, qui mieux est, quelques vues infiniment
précieuses et qu'ils seraient fort empêchés de découvrir nulle autre part.
La doctrine ésotérique y est présentée sous une forme polythéiste, d'un
archaïsme étrange et savoureux. L'ouvrage n'est pas moins singulier
que remarquable et difficile à trouver en librairie.
La Thréïcie était un des livres de chevet du noble poète des Chi-
mères. On peut consulter la notice qu'il a consacrée à son auteur (Les
Illuminés^ par Gérard de Nerval, Paris, 1842. in-12, p. 318-354).
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l'équilibre et son agent 137
Pytbagore, Platon, les Kabbalisles, les Alexandrins, etc.,
— pensaient ainsi. Mais n'allez pas en induire que Py-
thâgore, par exemple, s'il revivait de nos jours, s'ins-
crirait en faux contre Newton, et le système de l'attrac-
tion universelle. De ce que les corps célestes s'attirent
mutuellement, en raison directe des masses, et en raison
inverse du carré des distances, il ne résulte pas qu'ils
soient inanimés. Le mécanisme invariable de leur gravi-
tation n'implique rien contre l'hypothèse en litige. Vie et
Liberté ne sont point synonymes. — Ce chêne, de l'aveu
de tous, est vivant: mais sa croissance n'en est pas moins
soumise à des lois fixes; il se revêt de son feuillage et
s'en dépouille, selon les alternatives des saisons. — Cet
homme est vivant : mais une loi indépendante de sa vo-
lonté n'en règle pas moins chez lui la circulation du
sang; il n'est point libre d'arrêter les battements de son
cœur...
Les Maîtres de l'antique Sagesse contesteraient d'au-
tant moins le mécanisme de la gravitation universelle,
que nécessaireinent ils furent amenés à en construire la
théorie, par suite de la connaissance très certaine et très
approfondie qu'ils avaient acquise, non seulement des
forces centripète et centrifuge, mais encore, comme
nous l'avons laisse entendre, des essences occultes dont
ces forces ne sont que la résultante sur le plan physique.
Que si notre assertion semblait téméraire, et qu'on
supposât les anciens théosophes trop arriérés en cosmo-
logie pour se pouvoir élever à de pareilles notions, il nous
serait facile de prouver aux incrédules, que la doctrine
secrète des temples comportait les théories le plus en fa-
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138 LA CLEF DE LÀ MAGIE NOIRE
veur aujourd'hui, — théories dont la science se fait gloire
comme de récentes conquêtes, et que ses Aristarques
ont enregistrées depuis deux ou trois siècles à peine,
après lesavoir revêtues de leur haute sanction. Les Pytha-
goriciens n'enseignaient-ils pas ouvertement, au grand
scandale des profanes, que la Terre gravite autour du
Soleil? Aristote nous en est garant. Ne lit-on point dans
le Zohar « que la Terre tourne sur elle-même en forme
de cercle; que les uns sont en haut, les autres en bas;...
qu'il y a telle contrée de la terre qui est éclairée, tandis
que les autres sont dans les ténèbres ; que ceux-ci ont le
jour quand pour ceux-là il fait nuit ; et qu'il y a des
pays où il fait constamment jour, où du moins la nuit
ne dure que quelques instants (1)? »
Voilà cinq lignes qui, connues ou ignorées de Coper-
nic, réduisent à peu de chose son mérite d'inventeur.
Du reste, les témoignages que nous avons produits sont
loin d'être des faits isolés. Le système anticipé de Coper-
^ nie se trahit sous la plume d'un grand nombre d'auteurs
grecs ou latins, initiés à la tradition ésotérique. C'est au
point qu'on a lieu d'être surpris, avec Dutens, « qu'un
système si clairement enseigné par les anciens, ait pris
son nom d'un philosophe moderne. Pythagore, Philo-
laùSjNicétasde Syracuse, Platon, Aristarque et plusieurs
autres parmi les anciens, ont, en mille endroits, parlé
de cette opinion : Diogène Laërce, Plutarque et Stobbée
nous ont transmis avec précision leurs idées là-dessus ;
(1) Le Zohar, cité par Adolphe Franck (la Kabbale, 1843, in-8, p.
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l'équilibre et son agent 139
et si on ne Ta pas admis plus tôt, cela ne doit s'attribuer
qu'à la force du préjugé (1)... »
Ces choses notifiées pour mémoire, nous n'insisterons
pas davantage sur l'identité des théories astronomiques
anciennes et modernes. Le présent chapitre fait con-
naître les principes de Y équilibre magique, dont nous dé-
crivons l'Agent. L'équilibre matériel des mondes n'en
est qu'une conséquence, facile à déduire au même titre
que plusieurs autres; une adaptation secondaire sur le
plan objectif.
En insistant sur les influences peu connues qui s'op-
posent, se croisent et se marient dans les ondes fluidi-
ques de l'Astral; en précisant plusieurs notions assez
neuves, sinon insoupçonnées, sur la genèse des divers
courants qui s'y forment et sur les Agents occultes dont
ils procèdent, — nous estimons avoir été plus intéressant
et plus utile que si, prodigue de développements descrip-
tifs, nous eussions ressassé ce que d'autres ont déjà dit,
et tràs bien dit.
Éliphas Lévi est particulièrement à consulter, au sujet
de l'équilibre des mondes, que nous n'avons fait qu'ef-
fleurer. Nous emprunterons seulement à ce magiste une
page remarquable, interprétative de la Table d'Êmeraude :
il y décrit la Lumière universelle, au point de vue spécial
à notre planète :
« L'Âme de la terre, dit-il, est un regard permanent du so-
leil, que la terre conçoit et garde par imprégnation.
(1 ) Dutcns, Origine des découvertes attribuées aux modernes, Paris,
1776, 2 vol. in-8 (t. I, p. 205-206).
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i40 LA CLEF DE LA MAGIE ISOIRE
a La lune concourt à cette imprégnation de la terre, en re-
poussant vers elle une image solaire pendant la nuit, en sorte
qu*Hermès a eu raison de dire, en parlant du grand agent :
le Soleil est son père, la Lune est sa mère. Puis il ajoute : le
vent Ta porté dans son ventre, parce que l'atmosphère est le
récipient et comme le ereuset des rayons solaires, au moyen
desquels se forme cette image vivante du soleil, qui pénètre la
terre tout entière, la vivifie, la féconde et détermine tout ce
qui se produit à sa surface par ses effluves et ses courants con-
tinuels, analogues à ceux du soleil lui-même.
tf Cet agent solaire est vivant par deux forces contraires :
une force d'attraction et une force de projection, ce qui fait
dire à Hermès que toujours il remonte et redescend.
« La force d'attraction se fixe toujours au centre des corps,
et la force de projection dans leurs contours ou à leur surface.
c C'est par cette double force que tout aété créé et que tout
subsiste.
c Son mouvement est un enroulement et un déroulement
successifs et indéfinis^ ou plutôt simultanés et perpétuels^ par
spirales de mouvements contraires qui ne se rencontrent ja-
mais.
c C'est le même mouvement que celui du Soleil, qui attire
et repousse en même temps tous les astres de son système.
« Connaître le mouvement de ce soleil terrestre, de manière
à pouvoir profiter de ses courants et les diriger, c'est avoir ac-
compli le grand œuvre, et c'est être mattre du monde (1). . »
Nous l'avons dit ailleurs : ce qu'ÉIiphas Lévi appelle
courant de projection (actif), c'est VAôd ns ou le Soufre-
principe des alchimistes; — courant d^ attraction (passif),
c'est YAôb sis ou Mercure-principe des alchimistes. —
Enfin, ce qu'il nomme mouvement équilibré, c'est YAôr
lis ou TAzoth des Sages : c'est le foyer de la quintes-
sence, où réside la force de leur dissolvant universel.
(1) Dogme et Rituel de la Haute-Magie, t. I, p. 152-153
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[
l'équilibre et son agent 141
Aâdy Aôb, Aôr : positif (+), négatif (—), intégral (oo).
— Sommes-nous curieux de voir quel sens Fabre d'OIi-
vet, dans son vocabulaire radical, assigne à ces trois ra-
cines hébraïques?
Consullons-le; sa réponse semblera peut-être énigma-
tique et déconcertante, à Tabord. Mais qu'on y veuille
bien réfléchir, premier que de se croire déçu : car nous
protestons ici, qu'à la faveur des trois lignes qu'on va
lire, studieusement rapprochées de nos explications sur
les Puissances motrices de l'Astral (savoir Hereb, lônah
et Nahàsh), il deviendra loisible aux amateurs de théo-
sophie d'entrevoir l'essence même de V Anima mundi, et
de surprendre, non point seulement le quomodo, mais le
quia de l'Équilibre universel :
c y\H Le Désir, agissant à l'intérieur .
€ nK Le Désir, agissant à l'extérieur .
€ TtM Le Désir, livré à son mouvement propre, pro-
duisant i'ardeur, tout ce qui enflamme, ce qui brûle^ etc. (i). »
Sans commenter outre mesure un texte dont il con-
viendrait que chacun saisît par soi-même et appréciât
toute la portée, quelques observations n'en seront pas
moins de mise, qui aideront à y parvenir...
Le théosophe Jacob Bœhme, cet explorateur enfiévré
des suprêmes arcanes, nous dénonce le Désir comme la
(1) La Langue hébraïque restituée, iA,^,^ du Vocabulaire radical,
— Rappelons-nous que Bœhnie appeUe les trois formes de son Abime
potentiel « les trois propriétés du Désir », et que la Racine ténébreuse
des choses, que nous avons qualifiée de pile physiogénique, est formée
de ces trois éléments.
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142 LA CLEF DE LA MAGIE NOIRE
racine première de tout être, et de la Nature productrice
elle-même.
Le Désir est plus spécialement la Puissance magique
d'évocation aux mirages de l'existence objective, sensible.
11 s'affirme créateur comme la Volonté, dont il n'est peut-
être qu'une forme obscure, rudimentaire ou dégradée (1).
Il se diversifie d'ailleurs, selon les milieux où il se dé-
veloppe. Simple conséquence de la chute et répercussion
de la chair sur l'àme, quand il fermente au cœur humain,
— le Désir prend un autre caractère chez tous les êtres
qui vivent de la vie céleste : il témoigne d'un acquiesce-
ment de la sensibilité aux suggestions tacites de Na-
hàsh.
Dans le monde des âmes, il incite les monades à dé-
choir, et les fait rouler sur la pente de l'incarnation ; —
au royaume de la vie et de la mort physiques, il pousse
les incarnés à perpétuer leur race :
Ef/icU ul cupide generatim sœcla propagent.
Le Désir apparaît donc à la base de toute manifestation
objective. Le Feu secret constitue le lien, l'instrument
médiateur entre le Désir et l'objet désiré ; enfin la matière
marque le terme, la limite, l'aboutissement infime du
Désir réalisé.
La Forme spirituelle, que le Désir a fait descendre du
Ciel empyrée, se fixe un instant dans la matière qu'elle
pétrit à son image ; puis, ses potentialités taries, la Forme
(1) Imaginons la Volonté qui s'éveille, inconsciente et despotique,
aux limbes des vies instinctive et passionnelle ; la Volonté aveugle,
acoquinée aux séductions de la vie physique, — le Désir semble*t-il
autre chose ?
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I
l'équilibre et son agent 143
^ fait retour à l'occulte, par l'entremise de ce même Feu
, secret, qui avait servi naguère à la manifester. La terrestre
dépouille de la Forme spirituelle envolée en garde la fu-
^tive empreinte: c'est la signature, ici-bas, d'une Énergie
^ réintégrée à sa source d'en haut. Mais la signature va
^ s'effacer graduellement, l'empreinte disparaître, sous l'ac-
tion du ferment universel, c'est-à-dire encore et toujours
du Feu secret!...
I L'on serait lort en peine de rien expliquer de la nature
ni de l'origine du Cosmos, sans recourir à la connais-
sance de cette mystérieuse Lumière, invisible aux yeux
charnels ; car c'est d'elle que tout est sorti, et rien ne
subsiste encore que par elle.
Indépendamment des matérialisations objectives dont
l'ensemble constitue l'univers physique, la lumière astrale
se spécialise encore et se fixe partiellement, selon les
milieux : elle forme ainsi le corps sidéral, et par suite le
nimbe de tous les êtres qu'elle baigne de ses ondes,
f Ainsi chaque astre est enveloppé d'une atmosphère
hyperphysique appropriée à sa nature : c'est son âme vi-
tale et inférieure, ou son corps arômal et supérieur. Cette
atmosphère, réserve virtuelle et milieu nourricier, s'éla-
bore et s'entretient elle-même, en aspirant et en expirant
tour à tour la substance universelle, ou Lumière astrale
non spécialisée, non fixée.
Il en est de même de tous les êtres, quels qu'ils soient ;
tous ont leur corps astral ou médiateur plastique.
Le Lecteur pourra bientôt comprendre à quels trou-
blants mystères la connaissance positive des corps sidé-
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144 LA CLEF DE LA MAGIE NOIRB
raux (et particulièrement du corps sidéral humain) peut
servir de clef. Nous nous contenterons d'observer, en ce
chapitre, qu'il n'est point de peuple sur la terre, dont les
traditions mystiques se taisent sur ce point.
Si la Lumière astrale compte plusieurs centaines de
noms, le corps fluidique peut lui faire concurrence sous
ce rapport. La liste énumérative en serait fastidieuse ;
nous y mettrons quelque discrétion, et nul ne songera
peut-être à s'en plaindre.
L'idée même du fantôme, si universellement reçue des
hommes à toutes les époques de l'histoire, traduit en mode
exotérique l'occulte notion de cette réalité : le corps as-
tral.
Qu'on l'appelle avec les brahmes Linga Sharira, Ne^
phesh avec les Kabbalistes, Eidôlon avec l'école helléni-
que, Houen avec les magistes chinois, — c'est toujours ce
rfottfc/e mystérieux, dont Psellus enseigne qu'il tient le mi-
lieu entre le corps physique et l'àme spirituelle. C'est
YAngoëidê d'Origène et le Simulacrum des latins (1).
(1) Oswald Crollius, élève de Paracelse, énuraèro quelques autres
noms, coutumièrement allribués au corps astral par les adeptes de son
École. Après avoir parlé du corps physique (dans l'introduction de la
Bot/aile Chymie), le célèbre Docteur poursuit en ces termes : « ... Quant
à l'autre partie de l'homme, c'est-à-dire le corps syderique, appelé le
Génie de l'homme, d'autant qu'il tire son origine du firmament, les la-
tins l'appellent encore Pénates, à cause de la proximité qu'il a de nous
et vient encor au monde avec nous, Ombre visible. Esprit domestique.
Homme ombrageuse, petit homme familier des Philosophes, Démon ou
bon Génie, Adech interne de Paracelse, Spectre-lumière de nature, Eues-
tre prophétique en V homme. Outre ces noms, il s'appelle encore Ima-
gination, qui enclosttous les astres dans soy... L'imagination est comme
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L^ÉQUILIBRE ET SON AGENT 145
Virgile en fait mention plus d'une fois ; il le montre
survivant au cadavre de chair :
< Et nunc magna mei sub terras ibit iinago... » (1).
Saint Paul écrit hardiment : — « S'il y a un corps ani-
mal, il y a aussi un corps spirituel (2). »
la porte, la fontaine et le commencement de toutes les opérations ma-
giques : et sans le détriment ou diminution de l'Esprit astral ou syde-
riqne, elle a la puissance de produire et engendrer des corps visibles ;
voire (ce qui surpasse l'entendement humain), soit qu'elle soit présente
ou absente, elle peut mettre au iour toutes les plus admirables opéra-
tions.... L'imagination de l'homme est un vray Aymant, lequel a puis-
sance de tirer à soy de cent lieues :... D'où le sage ou vray magicien
peut attirer l'opération des astres, et la ioindre aux pierres, images et
métaux, lesquels par après ont le mesme pouuoir que les astres... tout
ce que nous voyons au grand monde peut estre produict par le moyen
de rimagination ; d'où s'ensuit que toutes les plantes, métaux, et tout
ce qui a les vertus crescitiues, peut estre produict par l'imagination ou
la vraye Gabalie ; et cecy est la partie de magie appelée Cabalisti-
que, appuyée sur ces trois colomnes suiuantes : premièrement, aux
rrayes prières, faictes en esprit de Vérité, où se faict vnion de l'es-
prit créé auec Dieu.... Secondement, par la foy naturelle ou sapience
ingeneree ;... tiercement par la forte exaltation de l'imagination, les
forces de laquelle sont manifestement demonstrees tant par le baston
de lacob, duquel Moyse faict mention, que par les marques imprimées
aux enfans dans le ventre maternel : donc l'imagination ou fantaisie en
l'homme est semblable & TAymant... » (La Royalle Chymie de
Crolliits, traduitte en français par I. Marcel de Boulene (Lyon, 1624,
in-8). Préface admonitoire, p. 74-76 et 80-81, passim).
Ces lignes surprenantes deCroUius donnent, par anticipation, un aperçu
des magiques merveilles qui peuvent s'accomplir & la faveur du corps
astral, évertué ad hoc. L'auteur de la Basilica Chymica était profondé-
ment versé dans les arcanes de la Science.
(1) Enéide, livre IV, v. 654.
(2) Corinth., XV, 44. — Peut- être saint Paul fait-il allusion, non
point au Corps astral proprement dit (expression terrestre de la fa-
culté plastique de l'àme), mais bien au Corps glorieux (son expression
céleste). Cette distinction sera tirée au clair dans les chapitres qui vont
suivre, particulièrement au IVe et au Vie du présent tome.
10
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146 LA CLEF DE LA MAGIE NOIRE
« Les âmes, dit Saint Ililaire, qu'elles soient ou non
incarnées, possèdent en outre une substance corporelle
inhérente à leur nature (1). »
On pourrait multiplier les citations, mais il n'importe. . .
Le corps astral, — qui n'est autre que le Périsprit des
Kardécistes, — double exactement le corps physique, dont
il se peut séparer sous certaines conditions, comme nous
le verrons au chapitre IL
Distinct de Vénergie vitale passive qui réside dans le
globule sanguin (3) et qui entretient la subsistance des
cellules, le périsprit a pour siège le système cérébro-spi-
nal et le grand sympathique : toute fibre nerveuse, si
minime soit-elle, sert de véhicule à sa force élastique,
invisiblement diffuse en toutes les parties du corps visible.
Cette substance insaisissable se répare et se renouvelle
par un phénomène en tout point analogue à celui de la
respiration pulmonaire. Mais le produit de Texpir fluidi-
que forme, autour du corps astral, une sorte de halo d'é-
ther spécialisé, atmosphère individuelle de pureté ou de
corruption, de vertu ou de vice, dans laquelle vivent et
se meuvent les êtres potentiels générés par la volonté ou
par les passions (Voir le chap. II).
Chez rhomme et les animaux, même chez les plantes.
(i) In Matth , V, 8. — Môme remarque qu'à la note précédente.
(2j Voyez Papus, Traité méthodique de Science occulte, pages 182-
186.
Cette forcevitale des cellules est le Jiva des hindous. Inséparabledu
corps, la vie durant, elle forme après la mort cette silhouette, vague-
ment phosphorescente parfois, qui se décompose très vite, après avoir
erré quelque temps autour de la dépouille mortelle, dont elle ne s'éloigne
jamais.
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f
l'équilibre et son agent 447
le nimbe est très distinct du corps astral, auquel- il sert
d'enveloppe, de vêtement fluidique. Dans le règne miné-
ral, au contraire, les deux termes se confondent en quel-
que sorte ; du moins la ligne de démarcation semble-
t-elle vague et malaisée à définir.
II en est de même pour la vie des astres : le corps
fluidique et le nimbe y paraissent intimement combinés,
comme ailleurs il sera dit.
Mais le présent chapitre doit se limiter à l'examen de
l'Équilibre et de son Agent, c'est-à-dire à l'élude de la
Lumière astrale, envisagée dans l'antagonisme de ses
principes moteurs et dans la synthèse de ses mouvements.
Cest ce que nous avons tâché de mettre au jour, en in-
sistant sur les ressorts trop ignorés qui commandent le
dynamisme universel. Que si nous avons pu paraître obs-
cur, on daignera nous excuser en faveur de l'aventureuse
audace qu'il y avait, peut-être, à scruter l'essence même
des Puissances cosmogéniques, au lieu de nous en tenir
à la description, souvent produite et reproduite, du monde
astral, soupçonné d'après l'étude de ses phénoménales
manifestations, — reflets fugaces qu'il' jette sur notre
monde matériel.
Dans tous les sanctuaires du vieux monde, la substance
universelle, avec son double mouvement, a été représen-
tée par le signe symbolique de Mercure ^ .
Nous sommes heureux d'off'rir au Public, à ce propos,
la primeur d'une noté entièrement inédite, due à l'obli-
geance de réminent apôtre des Missions, le marquis de
Saint-Yves d'Alveydre.
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148
LA CLEF DE LA MAGIE NOIRE
3. v^ Esprit universel.
2. O Mouvement,
i. -\- Amour, conjonc-
tion.
-j-=2 = K=Hh=H =
Ê= A.
0=u = v=va=w =
boû = bou.
i^ = t, substitutif de d.
€ Vedha, Boudha, Hermès
sont synonymes. — ^ , dans
la langue sacrée de Tan-
cienne race rouge, écrite de
bas en haut, ce signe signi-
fie : Ki-vort : — £i(amour)y
Va (mouvement), T (esprit
universel).
« C'est le Savoir, ou la
Connaissance, dans son es-
sence cosmique (1).
« Le mot HPMHi: est le
commentaire du signe hiéro-
glyphique et atlantique ^ ,
et doit se lire de gauche à
droite pour te sens apparent,
et de droite à gauche pour le
sens caché :
« S, H(=a-ft), ^(syl-
labiquema), R,H{=ia-\-i).
— Total : Si (conjonction,
lien) la ou Ya (mouvement
circulaire double de va-et-
vient), Ma ^ y a (mère de
Mercure et de Boudha).
« Donc, lien du double mouvement $ de la Nature
universelle. »
Telle est rexplication donnée par M. de Saint-Yves.
L'hiéroglyphe mercuriel ^ comporte une autre analyse,
familière aux alchimistes. Il peut se décomposer en trois
termes, comme suit :
(1) Saint- Yves fait ici allusion à un ordre de concepts que nous ne
pouvons, ni ne voulons aborder en ce volume.
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f
l'équilibre et son agent 149
1 . Le signe du Soleil (O ou 0)i image du Principe rnâle,
spirituel et fécondateur de l'Univers vivant, d'une part ;
2. Et de l'autre, le signe de la Lune (3 ou U), em-
blème de la Faculté féminine, réceptive et morphogéni-
que;
3. Ce principe et cette faculté sont nuptialement com-
binés à la faveur de la croix (+), représentation lingha-
mique du Thau Sacré {r\ ou T)» qui symbolise lui-même
tout Agent de SynthèsCy de réciprocité, de mutuelle réac-
. tîon : tout lien agglutinatif et cohobant.
Ce n'est pas tout : le pentacle ^ souffre une troisième
décomposition : n'y peut-on voir Vastérisme zodiacal du
taureau {\i)y dominant le quaternaire des éléments -\-t
Rien n'est arbitraire en Kabbale hiéroglyphique : le si-
gne du Taureau marque en effet l'action, également ré-
partie, des influences phébiqueet isiaques éparées \i (1).
(1) Noas défendrons-nous du grief d'avoir, en cette phrase, placé le
Taureau sous la dépendance du Soleil et de la Lune 9 En d'autres ter-
mes, d'avoir soumis la synthèse zodiacale de plusieurs univers loin-
tains, & l'influence d'une modeste étoile de troisième grandeur, et d'un
infime sous-satellite: l'un négligeable, l'autre parfaitement impercep-
tible dans l'immensité cosmique? Le Lecteur voudra bien,du moins
l'osons-nous croire, nous faire gr&ce d'un pareil soupçon de surpre-
nante naïveté !
Les qualités positive et négative, irradiante et absorbante, m&le et
femeUe, se répartissent et se localisent dans les astres de toutes les ré-
gions du Cosmos ; elles s'équilibrent et s'opposent harmonieusement
l'une & l'autre, selon des lois préfixes. Les astrologues tirent grand parti,
pour leurs calculs, de ces contrastes bissezuels des corps célestes.
Le Soleil et la Lune étant, & notre point de vue terrestre, les types
locaux de ces deux vertus opposées, nous avons qualifié celles-ci de
phébique et d^isiaque, — au même sens où Moïse, pour figurer cette gé-
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150 LA CLEF DE LA MAGIE NOIRE
— Faites dominer ce signe sur celui de la Croix (emblème
binaire de la conjonction des deux lignes, verticale-active
et horizontale-passive, — ou, si Ton préfère, emblème
quaternaire des Éléments occultes, qui sont les fruits de
cette conjonction même) : et vous aurez la représentation
parfaite des vertus latentes du Mercure des Sages ou de
VÀnima mundi.
Quelquefois, pour préciser certaines spécifications du
Mercure des Sages, les alchimistes l'ont figuré par cet
hiéroglyphe 5^ , substituant au signe féminin du Taureau
(symbole de Thumide radical) le signe mâle du Bélier
<? ou Î5* (expressif du feu-principe).
Nous sommes entré dans ces détails, pour fournir un
exemple frappant de l'inflexible logique déployée par les
adeptes, dans la formation et l'emploi du verbe hiéro-
glyphique. On a pu voir trois méthodes d'analyse assez
diff*érentes, donner trois résultats absolument concor-
dants.
Notre livre II, — Clef de la Magie Noire, — est édifié
tout entier, répétons-le, sur la connaissance de la Lu-
mière secrète et de ses principales modifications. Mais
mination d'influences, et signifier le type de leur répartition, écrit au
premier chapitre de la Genèse, ;i^- 16e ; «Et -il-fit, Lui-les-Dieux, cette
duïtb-de-clartés-extérieures, les-grandes : ripseïtô-de-la-luraière-cen-
trale, la-grande, pour-représenter-symboliquement-le-jour, et-l'ipseîté-
de-la-lumière -centrale, la-pctite, pour-représenter-symboliquement la-
nuit... » (Version Fabre d'Olivet). — La Bible d'Osterwald traduit :
• Dieu donc fit deux grands luminaires^ le plus grand pour dominer
sur le jour, le moindre pour dominer sur la nuit. » Autant dire : le
Soleil et la Lune. Était-ce bien U toute la pensée de Moïse ??
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l'équilibre et son agent 15 i
un aveu s'impose, par quoi l'on nous saura gré de con-
clure.
Sans doute aurons-nous, au cours de sept chapitres,
le loisir et l'étendue nécessaires à Télucidalion des pro-
blèmes qu'il nous sera permis d'aborder. Il en est quel-
ques-uns, pourtant, sur le voile hiératique desquels nous
ne saurions porter la main, sans nous voir taxé par nos
pairs de témérité sans exemple (1).
Il est bon que nul n'en ignore : bien que n'étant lié
visr-à'Vis d'aucun maître, puisque le peu que nous sa-
vons est le fruit de nos seules études, — nous entendons
néanmoins respecter les traditions séculaires de l'occul-
tisme et la majesté des symboles religieux.
Cela posé, prévenons les chercheurs consciencieux,
que, tout en épaississant sur certains mystères une
obscurité imperméable aux yeux profanes, il est un souci
qui ne nous quitte point : en toute occurrence, nous nous
ingénions à marquer la voie aux initiables. Pour peu que
ceux-ci s'appliquent à confronter les diverses notions
que nous aurons pris soin de répartir par tout cet ou-
vrage, rien au monde ni personne ne pourra mettre
obstacle à leur opiniâtre volonté de lire entre les lignes.
— Cherchez, a dit le grand Maître, et vous trouverez :
frappez, et il vous sera ouvert.
(1) Quoi qu'il en soit, nous osons bien augurer que,lecture faite, il ne
viendra à l'esprit de personne, que nous ayons mal tenu notre engage-
ment, de faire un coup de jour sur Tidole de la Goêtie, réfugiée dans
son ultime sanctuaire. — Mais autre chose est d'expliquer aux cher-
cheurs studieux les arcanes du Mal, autre chose, de fournir aux raala-
yisés tous les moyens de le commettre... iVbn enim scientia Mali {dît un
grand Kabbaliste), sed tutis damnât!
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B L'ERMITE
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<■««» eA» <»Sgr) eiS» e«s^
(Section 9).
L'Ermite (neuf) := Isolement =<= Puissance
sur l'Astral (Mystères de la Solitude).
Chapitre II
LES MYSTÈRES DE LA SOLITUDE
^x neuvième clef du Tarot ouvre à rintelligence
affranchie les mystères de la solitude.
Un ermite à barbe inculte, la main gauche
appuyée sur sa canne, se guide aux clartés d'une lan-
terne qu'il soulève de la droite et dissimule un peu sous
les plis de son large manteau. — Voilà l'emblème.
Le sens en est multiple, comme celui de tous les hiéro-
glyphes. Nous nous attacherons à la signification moyenne,
celle qui se propose naturellement à l'esprit. Néanmoins,
dans la sphère même où notre interprétation se limite,
le pentacle peut s'éclairer de deux jours très différents,
selon qu'on l'envisage de deux points de vue opposés.
L'ermite symbolisera toujours le solitaire ; mais cet
ermite peut être un sage, — ou un fou.
Sage, il s'isole dans sa science et sa pureté ; drapé de
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156 LA CLEF DE LA MAGIE NOIRE
la bure de sa vertu sereine, il brave toutes les conta-
gions du dehors. Mais plein de sollicitude envers ce
monde imparfait d'où il s'exile, et par égard pour les
yeux faibles qu'aveuglerait une trop éblouissante lumière,
il cache aux trois quarts le flambeau du Vrai sous son
manteau de prêtre, qui n'en laisse prudemment filtrer
que des rayons affaiblis. Son bâton à sept nœuds, —
emblème du critérium infaillible que confère à l'initié
l'intelligence du Grand Arcane, — son bâton représente
la verge de Moïse, la baguette des miracles, la crosse du
parfait épiscope : c'est le sceptre de l'unité-synthèse.
Autre version : le fou protège à grand peine la flamme
vacillante de sa pauvre lanterne, lumière illusoire et dé-
cevante, qu'éteindrait le moindre souffle de cet instinct
collectif des foules, qui a nom le sens commun. C'est que
l'insensé a peuplé sa solitude d'hallucinations fugitives
comme le rêve, et de mensongères créatures, auxquelles
son vouloir peut seul prêter un semblant d'existence,
son obstination une apparence de durée... Il végète ainsi,
cloîtré dans un séminaire de formes vaines et vides, qu'il
prend pour la réalité ; se fiant au faux jour de son
système à priori, dont la lanterne est le symbole. La
canne ? ne figure-t-elle point sa logique de maniaque,
puissante encore que dévoyée; sa déraison toujours systé-
matique, et les artifices où son imagination se dépense,
sans s'épuiser jamais, pour prolonger l'illusion et pou-
voir se mentir à elle-même avec une conviction de jour
en jour plus affermie?...
Parlons du fou d'abord, nous voulons dire— du sorcier.
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LES MYSTÈRES DE LA SOLITUDE i57
Cet homme vit seul d'habitude. Redouté des uns, ba-
foué des autres» odieux à tous, la vie commune lui est un
supplice ; il s'en affranchit le plus qu'il peut.
Mais l'état de société étant pour Thomme une condi-
tion normale, organique, presque absolue de l'existence,
le sorcier ne fuit guère ses voisins, parmi lesquels il
serait une exception monstrueuse, que pour se créer à
l'écart une compagnie d'êtres décriés, suspects et hideux
comme lui.
Là se révèle la raison majeure de ces assemblées tou-
jours excentriques, parfois criminelles, que nous avons
dépeintes d'après la légende (1).
On ne saurait mettre en doute l'effective réalité de ces
nocturnes réunions de malfaiteurs et de nigromans;
maintes fois la sorcellerie y servait de prétexte et de
couverture à des forfaits moins pittoresques, ainsi qu'ail-
leurs nous l'avons noté (2). Mais les adeptes qui ne
pouvaient se rendre en corps à la synagogue y allaient
en esprit : tel sorcier fréquentait communément les
sabbats y sans quitter son lit ou son fauteuil.
A l'appui de cette opinion, le philosophe Gassendi nous
a conservé le souvenir d'une aventure bien remar-
quable (3) et dont la portée n'échappera sans doute à
personne.
Comme il se promenait par la campagne, il aperçut un
(1) Le Serpent de la Genèse, t. I, le Temple de Satan, p. 151-166.
(2) Au Seuil du Mystère, p. 49-50.
(3) Cf. Gassendi (Physique, liv. Vni, ch. vni) cité par Debay, His-
toire des sciences occultes, Paris, 1883, in-18 (pages 422-426).
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158 LA CLEF DE LA MAGIE NOIRE
groupe de manants furieux qui traînaient brutalement
un malheureux berger, ligotté dans d'étroites courroies.
Gassendi s'en émut et s'informa. — C'est un sorcier, lui
dit-on, redouté de tous pour les maléfices qu'il exerce
sur les hommes et sur les troupeaux. Nous l'avons sur-
pris en flagrant délit de sortilège ; de ce pas nous Talions
livrer au magistrat.
L'homme de science les en dissuada vivement : —
Conduisez le gaillard chez moi : je veux voir... je veux
l'interroger seul à seul.
Les paysans vénéraient Gassendi, connu pour ses bien-
faits dans tout le pays d'alentour. Ils n'eurent garde de
rien objecter à cet ordre, et quand ils se furent retirés :
— Fais ton choix, dit Gassendi : tu vas tout avouer et
je te baille la clef des champs. Si tu refuses, la justice
aura son cours...
L'homme, tout tremblant d'une si chaude alerte, ne
témoigna nul goût à lier connaissance avec Nosseigneurs
du Parlement : on brûlait encore, à cette époque-là, pour
crime de sorcellerie. Il commença donc, sans hési-
ter, la plus étrange confession.
— Je suis sorcier depuis trois ans. Monsieur, et deux
fois la semaine je me rends au Sabbat... C'est affaire
d'avaler si peu que rien d'un extrait balsamique. Vers
minuit, parait le Malin, sous l'apparence d'un bouc
monstrueux ou d'un chat géant aux ailes de ténèbres ; il
s'envole par la cheminée, après vous avoir chargé sur
ses épaules...
— Tu me donneras de ce baume, répliqua Gassendi
sans s'émouvoir. L'expérience parait originale; j'en veux
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LES MYSTÈRES DE LA SOLITUDE 159
courir la chance... bref, je compte te suivre au Sabbat.
— Qu'à cela ne tienne, mon maître ! J'y dois aller ce
soir même ; nous cheminerons de compagnie.
En attendant Theure fatidique de la médianoche, le
berger, plus à son aise, fit au savant la description cir-
constanciée des lieux incultes où Satanas convoquait ses
féaux ; il avoua les plus innommables débauches, peignit
d^ignobles accouplements et de sauvages agapes. Nous
ferons grâce au Lecteur des détails qu'il a pu lire au
chapitre II du Temple de Satan : une réédition de ce
genre parait inopportune; c'est vraiment assez d'une fois.
Au sabbat, — et surtout dans l'imagination polluée de
ceux qui s'y rendent, de fait ou en esprit, — l'obscène le
dispute au grotesque et l'horrible au pitoyable.
A l'heure dite, le sagace philosophe reçut sans bron-
cher sa part du balsamique électuaire, qu'il fit mine de
prendre, au même instant qu'il l'escamotait. Son compa-
gnon absorba la sienne en conscience, et tous deux
s'étendirent à terre, auprès de la cheminée. Le berger ne
larda point à s'endormir d'un sommeil rauque et fort
agité. Sa face se congestionna vivement, d'incompréhen-
sibles paroles s'exhalèrent de ses lèvres, entrecoupant
par saccades sa respiration sifflante et pénible. Entre
temps, des soubresauts convulsifs marquaient l'inten-
tion bien nette de s'élancer par les airs... Gassendi
observait et notait à mesure.
Au réveil, le pauvre hère félicita celui que désormais
il saluait son complice, et l'interpellant avec une volubi-
lité comique : — N'êtes-vous point ravi de l'accueil du
bouc Léonard ? 11 faut qu'il vous ait de suite reconnu
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160 LA CLEF DE LA MAGIE NOIRE
grand clerc, pour vous avoir, dès la première fois, con-
cédé l'insigne honneur de lui baiser le derrière...
Dans le cas précité, le sorcier avale un électuaire ; le
plus souvent, avons-nous dit, il se frotte le corps d'un
onguent (i ).
(1) Jean de Nynauld, médecin et démonographe sous Henri IV et
Louis XlII^est fort curieux à consulter sur le chapitre des compositions
diaboliques en général et des pommades hallucinatoires en particulier.
Son traité De la Lycanthropie^ transformation et extase des sorciers
[Paris, 1615, in-8) est sans contredit l'ouvrage ancien où nous ayons
lu les plus piquantes anecdotes à cet égard, et aussi les renseignements
les plus précis et circonstanciés (Voir au Catalogue le titre exact;.
« Entre tous les simples (dit Nynauld), desquels le Diablese sert pour
troubler les sens de ses Esclaves, les suiuans semblent tenir le premier
rang, desquels aucuns ont vertu d'endormir profondement, les autres
légèrement, ou point ; mais qui troublent et trompent les sens par
diuerses figures et représentations, tant en veillant, qu'en dormant,
comme pouroit faire la racine de Belladona, Marelle furieuse, sang de
Chauve-souris, d'huppe, r Aconit, la Berleja Morelle endormante, VAche,
la Suye, le Pentaphylon, feuilles du Peuplier, VOpium, VHyoscyame,
Cyguê, les espèces de Pavot, VHyuroye, le Synochytides qm fait voiries
ombres des enfers, c'est-à-dire les mauvais esprits, comme au contraire
VAnachitides (aici apparoir les images des saincts anges, ains... il per-
suade et induit les Sorciers à rauir des petits enfans, pour d'iceux ex-
traire la gresscet faire vn consommé pour meslerdans leurs onguens ;...
(n'oubliant en ceste composition l'inuocation particulière de leurs
Démons, et cérémonies magiques instituées par iceux), ils s'en oignent
toutes les parties du corps, après les auoir frottées iusques à rougir,
afin que les pores estans ouuerts et relaxez, l'huyle ou onguent pénètre
plus fort » (pages 24-26, passim).
Nynauld distingue trois sortes de pommades magiques : le premier
onguent, à base de sucd'ache, d'aconit, de quinte feuille et de suie, etc.,
toutes substances incorporées avec de la. graisse d'enfant, a pour effet
de provoquer la seconde vue, l'extase, le sabbat en imagination, et tous
les rêves lucides ou non, cependant que le corps endormi ne bouge
point.
La formule du second onguent est plus étrange, comme aussi
son effet : il n'y entre point « de simples narcotiques, mais seulement
qui ont vertu de troubler les sens en les aliénant, comme pour exemple.
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LES MYSTÈRES DE LA SOLITUDE 161
n est probable que notre philosophe, mis en goût par
cette expérience tout improvisée, fut curieux de tenter
/e rtJi pris démesurément, la belle done, la ceruelle de chat et autres
choses qae ie tairay, de peur de donner occasion aux meschansde faire
mal ; de sorte que ce transport ne se fait pas simplement par illusion
estant endormy profondement. .., mais aussi réellement, non pas en
rerta de cest onguent, mais par l'ayde du Diable qui les emporte veil-
lants où bon luy semble, tout ainsy qu'il faict les Magiciens par l'air,
comme cela n'est que trop commun > (pages 37-38). Le Tentateur n'a~
t-il pas transporté Jésus -Christ sur le pinacle du temple? Les saints
LîTres l'attestent ; c'est donc un fait incontestable, sur quoi le bon
Nynauld étaie sa théorie du transport réel, en chair et en os. U y joint,
à titre d'exemples, le récit de plusieurs faits contemporains dont il se
porte garant. — Tout en laissante notre auteur la responsabilité de cette
opinion, peu congruente à l'esprit positiviste de nos jours, nous ne
tçaarions nous défendre de marquer en passant que les expérimenta-
teurs de phénomènes psycho-fluidiques n'en sont plus à compter les
cas avérés de lévitation et d'apport. L'hypothèse du transport réel sem-
ble même une des moins invraisemblables qu'on puisse offrir, pour jus-
tifier l'apparition parfaitement réelle et positive de Katie King dans le
lalx>ratoire du savant chimiste William Crookes (voy. plus bas, p. 166).
Le troisième onguent m&gique de Nynauld se compose «de certaines
choses prises d'vn Crapaud, d'vn Serpent, d*vn Hérisson, d*vn Loup,
d'en Renard et du sang humain, étc mesleesauec herbes, racines et
autres choses semblables qui ont vertu de troubler et deceuoir l'yma-
ginaliue» (page 49). Les sorciers qui s'en oignent se croient trans-
formés en loups, en chats ou en quelque autre animal, et courent la
campagne ou la forôt sous cette apparence, attaquant les passants,
égorgeant et dévorant les a jeunesses» qu'ils parviennent à saisir.
Mais le loup-garou n'apparait tel, au sentiment de Nynauld, que par
l'effet d'une illusion magique : « quant à la réalité de ceste métamor-
phose d'hommes en bestes, i'ay assez suflisamment prouué cy-dessus,
qu'elle ne pouuoit estre réellement faicte par aucunes choses natu-
relles, ny mesme par le Diable, iaçoit qu'il y employast toutes ses for-
ces, attendu qu'il ne sçauroit seulement faire une mousche. Cela donc
appartient à vn seul Dieu, Créateur et Conseruateur de tout ce qui a
eslre et mouvement» (pages 53-54). Plus loin, il insiste encore sur le
caractère illusoire de la Lycanthropie : « ... d'autant que les Diables ne
peuuent créer les natures : mais seulement peuvent faire qu'vne chose
semble estre ce qu'elle n'est pas » (page 62).
Le livre de la Lycanthropie de Nynauld, dont nous avons tiré ces ex-
il
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162 LA CLEF DE LA MAGIE NOIRE
une autre épreuve, en substituant cette fois un liniment
à la pilule, et Fusage externe de la drogue magique à son
usage intérieur. En effet, s'il en faut croire Eusèbe Sal-
verte, qui relate le fait dans son livre des Sciences
occultes^ Gassendi, ayant préparé une pommade à base
d'opium, « en oignit des paysans à qui il persuada que
cette cérémonie les ferait assister au Sabbat. Après un
long sommeil, ils se réveillèrent, bien convaincus que le
procédé magique avait produit son effet ; ils firent un
récit détaillé de ce qu'ils avaient vu au Sabbat, et des
plaisirs qu'ils y avaient goûtés; récit où l'action de l'opium
était signalée par des sensations voluptueuses (1). »
Salverte cite encore une expérience analogue, réussie
par un savant du xvi° siècle : « En 1545, dit-il, on trouva
chez un sorcier une pommade composée de drogues
assoupissantes. Le médecin du pape Jules III, André
Laguna, s'en servit pour oindre une femme attaquée de
frénésie et d'insomnie. Elle dormit trente- six heures de
suite, et lorsqu'on parvint à l'éveiller, elle se plaignit
qu'on l'arrachait aux embrassements d'un jeune homme
aimable et vigoureux... (2). »
traits, est le seul que nous ayons lu de cet auteur; mais les bibliogra-
phes en signalent un autre» publié par lui quatre ans plus tôt, et qui,
à en croire son titre, aurait plus directement encore trait aux compo-
sitions et aux pommades magiques : Les Ruses et Tromperies du Dia-
ble, descouuertes sur ce qu'il prétend auoir enuers les corps et âmes des
sorciers : ensemble, la composition de leurs onguens, par I. de Nynauld.
— Paris, 1611, in-8 (Voir GraCsse, Bibliotheca magica et pneumatica,
Leipsig, 1843, in-8, page 55).
(1) Eusèbe Salverte, Des Sciences occultes, 1829, in-8 (tome H, ch.
xvai, page 11).
(2] A. Luguna., Commentaire sur Dioscoride, liv. LXXVI, chap. lu, cité
par Salverte, ibid,, II, 12;.
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LES MYSTÈRES DE LA SOLITUDE 163
Tous les bouquins de magie superstitieuse donnent des
formules de pommades hallucinatoires. Le libellé n*en
varie guère. C'est toujours une axonge plus ou moins
diaboliséCy pétrie d'extraits de plantes narcotiques et de
poudres aphrodisiaques (l). L'absorption cutanée de cette
drogue procure un profond sommeil, traversé de visions
luxurieuses qui vont jusqu'à la folie, de sensations exas-
pérées qui simulent tous les contacts.
Autant d'hallucinations, provoquées sans doute par le
toxique, mais pourtant proportionnelles à la dépravation
mentale du patient. D'inconscientes auto-suggestions dé-
terminent la direction de ces rêves impurs.
Il faut songer que, jusqu'au dernier siècle, la tradition
classique des rites du Sabbat fixait assez, dans l'imagina-
tion populaire, les diverses phases de ces conventicules
(1) Les suppositoires de jusquiame jouaient un grand rôle: VHyos-
ciamus niger passant, & tort ou à raison, pour cumuler toutes les
vertus précieuses au nécroman (utile dulci suaviter miscendo).
Quant à la drogue d'usage interne, nous produirons, à titre de cu-
riosité, une formule dont nous sommes sûr, d'un effet prompt et véri-
tablemenl prodigieux. Mais nous ne conseillerions à personne d'en faire
l'essai... Et d'abord^ en précisant les proportions, nous n'aurons garde
dlndîquer la dose.
% (Luna decrescente) :
Suce. iEnanth. Crocat 3
Extract. Opii Smyrn 50
Extract, nucis Bethel 30
Extract. Penlaphyll 6 F. S. A.
Extract. Belladonsc. .) .^ )
Extracl. Hyosciami . > . aa, p. e. . | 15
Extract. Conii maculât ; ) \ Pour X ... prises.
Extract, pingue Cannabis indic. . . 250
Extract. Cantharid 5 i
Gum. Adrag. • • < — n g
Saccfaar. pulverat. ) ^' '
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164 LA CLEF DE LA MAGIE NOIRE
orgiaques, pour que le cerveau du somnambule les tra-
duisit en un enchainement d'images dont il reflétait la
suite, à la façon d'une glace devant laquelle se déroule-
rait la scène entière.
Dans le sommeil, toute idée précise évoque aussitôt
la forme qui lui est adéquate en morphologie analogique.
C'est un fait connu...
Le mot imaginatiofiy pitoyablement travesti, détourné
de son sens initial, semble avoir été créé par un adepte.
L'imagination, qu'en haute Magie on nomme encore le
translucide ou diaphane^ c'est le miroir où viennent
sHmaginer, se réfléchir en images, les formes flottantes
dans la lumière astrale. Vintuition est Tart de contem-
pler (m<uer/), à travers ces images évoquées dans le dia-
phane, les vérités d'ordre intelligible dont elles peuvent
être expressives.
Le sorcier qui dort du sommeil satanique peut assister
au Sabbat sous deux modes très distincts : il peut faire
venir le Sabbat, en évoquer les scènes ; mais il peut
y aller aussi, en corps astral. Il peut même, s'il s'agit
d'une assemblée réelle de personnages en chair et en os,
y manifester sa présence, y être vu et même touché...
Car, indépendamment des phénomènes subjectifs, de
beaucoup les plus fréquents en sorcellerie, il en est par-
fois qui présentent une certaine objectivité : tels, les faits
de bilocation, dont nous avons signalé plusieurs (1).
(1) Au Seuil du Mystère, pages 216-218 ; et le Temple de Satan,
passim.
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LES MYSTÈRES DE LA SOLITUDE 165
Ceux qui ont lu nos précédents Essais de Sciences
Maudites sont familiers avec ces choses étranges de
l'Astral; d'ailleurs, le chapitre I du présent ouvrage '
donne une suite aux renseignements antérieurement
produits, et les complète... Sans revenir sur des généra-
lités qui se trouvent partout, rappelons aux curieux que
le Médiateur plastique de l'homme, ou corps astral, —
ce substratum éthéré du corps physique, en un mol le
Périsprit des Docteurs du Spiritisme, — peut être pro-
jeté méthodiquement au dehors : il n'y faut qu'une vo-
lonté ferme et beaucoup d'entraînement.
A l'état normal, ce corps fluidique est invisible ; mais
il peut, en s'objectivant, se compacter dans une mesure
plus ou moins accessible aux sens : soit qu'il obéisse à
Tefficace volonté de Tadepte, ou qu'il se trouve dans
certaines conditions peu fréquentes, que déterminent les
variations de l'atmosphère hyperphysique dont noire
planète est enveloppée. Il devient visible alors, et pré-
sente même une incroyable résistance au toucher. Sa
compaction offre parfois l'apparence parfaite de stabilité
et de cohésion, qui est propre au corps matériel : tous
les sens de Tobservateur sont correctement impression-
nés.... Et qu'on ne fasse point intervenir cette fameuse
théorie de l'hallucination collective et concomitante de
tous les spectateurs présents. C'est une hypothèse rece-
vable, nous l'admettons, en présence de certaines pro-
ductions fallacieuses de nos médiums, quand telle per-
sonne distingue une forme précise, que telle autre voit
un petit nuage gris ou blanchâtre, cette dernière abso-
lument rien. — Mais en regard de faits comme ceux que
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166 LA CLEF DE LA MAGIE NOIRE
nous allons rappeler pour mémoire, une pareille hypo-
thèse ne mérite qu'un succès de fou-rire.
Voulez-vous que nous prenions l'exemple de Katy
King? Nul n'est sans avoir ouï narrer l'apparition de ce
fantôme, sa matérialisation positive, obtenue plusieurs
fois la semaine, des années durant, non pas sur un
théâtre par un barnum, mais dans un laboratoire de
chimie et par l'un des plus illustres savants que reven-
dique l'Europe intellectuelle du xix'^ siècle, Sir William
Crookes? Les universitaires presque en masse ont vili-
pendé ce génie : d'aucuns même ont insinué qu'il était le
compère de la fillette qui servit de médium.
Les faits scientifiquement observés, enregistrés et
classés par M. Crookes dans l'ouvrage qu'il a mis au
jour il y a quelque vingt ans, Recherches sur les phéno^
mènes du spiritualisme (1), fracassent à tel point toutes
les catégories meiUales de nos pauvres pédants de la
matière, et bouleversent si bien de fond en comble leur
petite chapelle scientifique, en trahissant à la fois l'insuf-
fisance de leur méthode et le mal fondé de leurs critères,
que les collègues de M. Crookes à la Société Royale de
Londres ont poussé l'affolement jusqu'à se couvrir d'un
ridicule éternel ! jusqu'à mettre en doute la loyauté et
même suspecter l'état mental de l'inventeur qui, — en
dehors de ses découvertes psychiques, — a conquis à la
science tant et de si merveilleuses certitudes !
(1) C'est un recueil de divers mémoires publiés, de 1870 à i874,
dans le Quaterly Journal of Science et autres revues. Nous n'avons
sous les yeux que la version française de ce livre, traduction Âlidel,
Paris, S. D., in-12, fig.
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LES MYSTÈRES DE LA SOLITUDE 467
Quelques-uns à peine, (conviés à la vérification scien-
tifique des phénomènes, ceux-là avaient vu, touché, expé-
rimenté... et même photographié Tapparition !) quelques
rares, — sont-ce les plus courageux ou les plus lâches?
— ont louvoyé quand il s'est agi pour eux de déposer à
la barre de l'opinion : ils réservaient leur jugement et
déclinaient Thonneur de se prononcer.
Et le grand chimiste, qu a-t-il répliqué, lui, aux insul-
teurs et aux incrédules? — Ah ! je suis halluciné... El
mes balances, et mes appareils photographiques, et mes
enregistreurs, sont-ils hallucinés, eux aussi?...
Mais, sans pudeur de couvrir sa défaite, sans un mot
de réponse à cette décisive objection, la logique de
M. Prudhomme a rendu sa sentence en ces termes : ou
cet homme est un imposteur, ou c'est une dupe, ou c'est
un fou !
Voilà donc votre salaire, la paye obligatoire qui vous
attend tous, tant que vous êtes, boucs-émissaires de la
Vérité sainte, prophètes de la Lumière nouvelle qui blan-
chit l'horizon ! expérimentateurs hardis, profonds pen-
seurs, qui, appliquant au monde hyperphysique les pro-
cédés mêmes de la science positive, avez établi l'inébran-
lable base d'un monument synthétique des connaissances
humaines, et posé la première pierre du temple auguste
où se célébrei^, — l'heure est proche ! — la solennelle
réconciliation des sœurs ennemies, la Science et la Foi !.. .
En effet, depuis une quinzaine d'années, l'horizon des
esprits n'est plus le même ; le glas sonne du matérialisme
agonisant, l'évolution mystique s'accentue de jour en jour.
Au firmament intellectuel scintille une magnifique
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m
LA CLEF DE LA MAGIE NOIRE
pléiade: /m^t m/ /Que de savants du premier ordre, con-
vertis à la vérité spiritualiste (ou du moins à la conscience
d'un au-delà) par la logique de leurs mémorables expé-
riences : Aksakoff en Russie, Crookes, Russel Wallace et
de Morgan en Angleterre, Cari du Prel et Zœllner en
Allemagne, Edland et Tornebon en Suède, Lorabroso et
Chiaïa en Italie !... En France, Téminent colonel de Ro-
chas veut être salué d'abord : ses découvertes de physio-
logie occulte balancent celles même du grand chimiste
anglais; nommons en outre M. le D' Gibier, M. le D' Bara-
duc, MM. Charles Richet et Marillier,et nous n'aurons men-
tionné qu'un petit nombre des plus notables d'entre eux.
Mais quand WiHiam Crookes publia d'une plume intré-
pide le résultat de ses recherches, c'était encore, — en
Europe du moins, — chose inouïe et scandale sans pré-
cédent, qu'une célébrité scientifique telle que lui donnât
dans l'étude des forces occultes et s'avisât d'expérimen-
ter sur les spectres et les « Esprits » (1). Ce fut un toile.
Le savant ne broncha point. Il confirma ses dires.
(1) Pourtant, dès 1869, une Société dialectique^ qui comptait parmi
ses membres actifs des notabilités de la science anglaise, avait nommé
une commission de 33 enquêteurs, pour l'étude des phénomènes « soi-
disant spiritualistes ». Il était temps d'en unir avec cette billevesée à
la mode ; ces Messieurs comptaient sur un rapport écrasant t Mais à
l'issue d'une longue et minutieuse enquête, la commission avait conclu
à l'incontestable réalité des phénomènes.
Rien n'avait pu faire prévoir pareil résultat. La Société dialectique en
fut attérée. Elle refusa de prendre la responsabilité du rapport de ses
33 membres délégués pour l'enquête, les laissant libres de publier leurs
conclusions, mais a leurs risques et périls !... Et pourtant il ne s'agis-
sait que de phénomènes assez anodins, au regard des condensations
fantômales. La commission n'avait observé et contrôlé, du moins par
elle-même, que la production de bruits sans cause appréciable, des dé-
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LES MYSTÈRES DE LA SOLITUDE 169
— Pour me bien assurer que c'était une vraie femme,
insiste M. Crookes, une femme en chair et en os, j'ai ob-
tenu de Katy King de la prendre dans mes bras !...
Cependant, toujours indulgente et propice à tous les
contrôles, cette Katy King se matérialisait de toutes piè-
ces aux yeux de Crookes, et causait familièrement avec
lui et les visiteurs qu'il admettait en son laboratoire : elle
se compactait instantanément, tandis que son médium,
dans un état d'absolue catalepsie, gisait sur un tapis ou
sur un canapé.
Dans le Fakirisme Occidental (1), très curieux et très
courageux livre, hardiment pensé, délicatement écrit, le
D' Gibier donne la reproduction phototypique des clichés
obtenus par William Crookes. L'une des épreuves nous
montre groupés, — tous trois parfaitement distincts ! —
le savant, le fantôme et le médium. D'ailleurs le médium
était une enfant brune, assez délicate et de taille moyenne
(M"* Cook), et Katy, beaucoup plus forte et plus grande,
placements d'objets sans contact, des faits de télégraphie psychique et
antres du même genre.
Voilà où en étaient les choses, quand Crookes commença ses inves-
tigations, et qu'on le vit publier successivement ses expériences si con-
cluantes avec le concours de D. Dunglas Home, puis la série des déci-
sives épreuves auxquelles Katy King et M'^« Cook son médium se sou-
mirent de si bonne grâce.
(1) Le Spiritisme (Fakirisme occidental), Paris, Doin, 1887, in-18,
fig. — Le Dr Paul Gibier, aide-naturaliste au Muséum, eut également
l'honneur d'encourir l'excommunication majeure des savants oiTiciels ;
mais les foudres universitaires ne l'ont pas pulvérisé... 11 a publié de-
pois, sous ce titre. Analyse des choses (Paris, 1890, in-12), un essai de
synthèse philosophique et scientifique, dont les conclusions sont en
concordance avec celles de loccultisme, 11 est arrivé, par l'induction
d'une partj et l'intuition de l'autre, à reconstruire de lui-même le plan
de l'édifice traditionnel.
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170 LA CLEF DE LA MAGIE NOIRE
avait les cheveux « châtain doré ». Crookes en a coupé
une mèche, qu'il garde, comme une pièce à conviction
assez éloquente et une preuve péremptoire de ces maté-
rialisations. Voici textuellement ce qu'en écrit le grand
chimiste: « une boucle des cheveux de Katy, qui est là
sous mes yeux et qu'elle m'a permis de couper au milieu
de ses tresses luxuriantes, après l'avoir suivie de mes
propres doigts jusque sur le haut de ma tête et m'être
assuré qu'elle y avait bien poussé, est d'un riche châtain
doré » (i).
Non, rillustpe inventeur de VÊtat radiant n'est ni un
imposteur, ni un halluciné.
Reste l'hypothèse de la supercherie dont le Maître au-
rait été la dupe... Nous le demandons, est-il un instant
admissible qu'un homme du poids de M. Crookes, un
investigateur scientifique de cette expérience, un savant
de cette compétence en physique et en chimie, se soit
laissé jouer, berner, bafouer par une naïve miss, une
timide enfant de quinze ans ? Et jouer plusieurs fois la
semaine, des années durant, presque toujours dans son
propre laboratoire, au milieu de ses instruments de con-
trôle expérimental qui n'ont dénoncé aucune fraude ; en
présence d'amis également compétents, inaccessibles à
toute illusion des sens et qui ont vu comme lui !
Nous croyons, pour notre part, à la réalité de ces phé-
nomènes, comme si nous en eussions été témoin ; nous
les estimons scientifiquement vérifiés. Mais attendu que
(1) Recherches sur le spiritualisme (traduction Alidel, p. 9 de l'Ap-
pendice, intitulé : Médiumnité de Af^ Cook).
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LES MYSTÈRES DE LA SOLITUDE 171
jamais faits analogues ne se sont encore produits sous
nos yeux, nous nous réservons d'en fournir ultérieure-
ment la théorie occulte. — Que peut-elle être au demeu-
rant, cette théorie, sinon le développement logique et la
déduction Jusqu'aux plus extrêmes conséquences, de celle
qui nous a servi et nous doit servir encore à expliquer
les phénomènes dits fluidiques, — bilocations, dédouble-
ments, apports, objectivations incomplètes, — tels que
nous-même en avons vu et étudié plusieurs ?
Nous mentionnions tout à l'heure la faculté que chacun
possède en puissance et peut réaliser et développer en
soi par lé double effort de sa persévérante volonté : sa-
voir, d'opérer le dédoublement de l'homme interne et de
Fhomme extérieur, de l'être essentiel et de son vêtement
terrestre. C'est ainsi que, sous l'impulsion du vouloir, le
périsprit ou double sidéral, enveloppe fluidique de l'âme,
peut se projeter hors de l'organisme physique, diriger sa
locomotion, se transférer aux lieux les plus lointains, et
même se condenser au point d'aflFecter normalement les
sens matériels ; tandis que le corps déserté reste en ca-
talepsie, ou du moins n'est plus animé que d'une vie au-
tomatique et en quelque sorte végétative.
Dans certains cas, ce dernier offre même à l'examen les
symptômes d'une mort récente : la chaleur baisse très
sensiblement; la respiration cesse et le cœur ne bat plus,
ou c'est d'un si faible essor que ces deux fonctions devien-
nent imperceptibles à l'oreille la mieux exercée.
C'est là ce que les occultistes appellent une sortie en
corps astral.
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172 LA CLEF DE LA MAGIE NOIRE
Si loin qu'il se soit envolé de sa prison de chair, le Pc-
risprit reste toutefois lié à celle-ci par une chaîne sym-
pathique d*une exquise ténuité ; ce cordon ombilical est
le seul lien qui rattache encore à sa matrice objective
rârtie humaine (dont le périsprit n'est que l'enveloppe
fluidiqueet la partie la moins épurée). En resserrant sou-
dain la chaîne, le corps fluidique peut réintégrer le corps
matériel ; mais si la chaîne vient à se rompre, la mort
arrive instantanée, foudroyante, comme à la suite d'une
rupture d'anévrisme.
Cette expérience est chose grave ; quelques précau-
tions qu'on prenne, elle ne se tente jamais sans danger.
D'abord, le Périsprit en stase de condensation qui ren-
contre en chemin une pointe métallique est sérieusement
menacé : pour peu que sa substance centrale soit enta-
mée, le coagulât se dissout et la mort est certaine. Dans
le cas où l'objet aigu se borne à en effleurer la périphérie,
une part notable de sa vitalité est subitement soutirée
par lui, comme l'électricité d'un nuage par la pointe d'un
paratonnerre. Le corps astral court le même risque, de
ce fait, que le corps matériel après une abondante hé-
morragie, — la syncope.
Mais d'autres dangers, d'un ordre plus étrange et plus
mystérieux, menacent l'étourdi chercheur qui se hasarde
à tenter une projection de sa sidéralité, sans s'être envi-
ronné de toutes les garanties préalablement requises, pour
mener à bien une aussi redoutable expérience...
Il faut bien convenir que, — mage ou sorcier, — ce-
lui qui la réussit réalise en soi-même un chef-d'œuvre
d'équilibre, ou plutôt résume en sa personne une antino-
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LES MYSTÈRES DE LA SOLITUDE 173
raie sans pareille. Mort et vivant tout ensemble, il subit
à la fois deux conditions d*être contradictoires : l'objective
ou terrestrCy et la subjective ou posthume.
Pendant le sommeil, il est vrai, tout être mène simul-
tanément ces deux existences ; le corps astral, épuisé
par la dépense nerveuse subie durant la veille, s'exté-
riorise au moins partiellement pour plonger à l'océan
collectif astral, et faire provision de nouvelles forces.
Mais outre qu'en ce cas quotidien, le corps astral ne s'é-
loigne guère de sa dépouille (1) et même ne la quitte
point, — tel un baigneur timide se cramponne des mains
aux branches du rivage, afin de braver sans péril la force
du courant, — il faut noter que l'être abmatérialisé par
le sommeil ne s'évertue pas à compacter au loin sa
substance pour la rendre visible. Or le danger des sor-
ties en astral réside sur toute chose dans cette phase de
condensation, qui, nécessitant sur un point éloigné le
concours et l'effort de toute la vitalité disponible, a pour
prime conséquence d'en tarir complètement le corps phy-
sique, de vider ses dernières réserves de force nerveuse,
et de réduire à la plus indigente ténuité le lien sympa-
thique intermédiaire. Enfin l'être qui dort obéit à l'ins-
tinct commun, qui le guide infailliblement dans les rou-
tes aplanies de la nature : l'occultiste, au contraire, en
phase de bilocation, prétend diriger sa tentative au gré
(1) n peut s*en éloigner, même à d'énormes distances, comme nous
lavons dit au Setâl du Mystère, (pages 216-218) ; mais c'est là Vexcep-
(ion. Le cauchemar vague et sans objet précis peut être le symptôme
d'un éloignement anormal : le corps matériel souffre alors d'un ma-
laise extrême, et l'àme dépaysée s'effraie
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174 LA CLEF DE LA MAGIE NOIRE
de son intelligence parfois inexpérimentée et de sa vo-
lonté souvent téméraire.
C'est donc de ce dernier qu'il est question pour l'ins-
tant. Il a sciemment dépouillé son vêtement de chair, et
il s'élance, emporté vers un but préfix par le char subtil
de son âme, dirait un disciple de Pythagore : car le grand
philosophe nommait ainsi le corps lumineux, double
éthéré du corps physique (1).
Nous dirons d'abord les périls qui s'adressent au corps
astral dénudé. — Quels dangers (plus effrayants peut-
être) menacent le corps matériel laissé vide et inerte ?
C'est-ce qu'ensuite nous exposerons.
Dès le sortir de l'enveloppe objective, le Périsprit se
trouve entraîné à la dérive des ondes torrentielles qui en-
cerclent la planètô de leurs tourbillons : c'est le Maëlstrom
fluidique (2) ; c'est le vortex où se love Nahàsh VfnS,
le Serpent d'Ashiah n^tt*V ; c'est le véhicule grondant
de tout le possible qui voudrait êh^e, de toutes les virtua-
lités subjectives avidesde s'objectiver, de toutes les âmes
des différentes hiérarchies impatientes de s'incarner
Si le corps astral ne parvient pas à franchir ce fleuve im-
pétueux, ou du moins à s'y diriger, il est perdu.
Il faut qu'il sache triompher de la succion d'/dnafe, de
l'accablement d'Ùereb : résister aux deux forces ceniri-
(1) Le char subtil de Pythagore est plutôt le corps spirituel élaboré
par l'épreuve et dynamisé par l'eiitrainement magique, que le Péris-
prit ou corps astral brut (Voir noschap. iv, v et vi). Cependant celui-ci
peut être ainsi nommé par extension, comme en ont coutume beau-
coup d'occultistes de l'école même de Pythagore.
(â) Ceque plusieurs voyants désignent sous ce nom : l'engrenage des
grandes roues noires.
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LES MYSTÈRES DE LA SOLITUDE 175
fuge et centripète ; manifestations des principes occultes
de l'Espace éthéré, rayonnant^ où s'exerce l'influx de la
Vie, et du Temps dévorateur, ténébreux, qui gouverne le
reflux de la Mort !
La Lumière astrale roule en ses ondes les mirages
animés les plus repoussants, les plus terribles, les plus
monstrueux : que la frayeur, la haine ou quelque pas-
sion vive envahisse soudain l'âme en sortie sidérale, le
lien se rompt et l'àme ne peut plus rentrer.
Ce n'est pas tout. Dût-on nous accuser de folie, nous
voulons tout dire.
Le véhicule du potentiel en instance d'objectivité re-
gorge donc, — et nous y insistons, — de formes parfois
hideuses, que le pinceau de Goya serait impuissant à
rendre dans toute leur horreur. Ces spectres, dont nous
reparlerons, — êtres obscures ou luisant d'un vague
instinct, semi-conscients et d'une intelligence limitée
comme beaucoup d'Élémentaux et même d'Élémentaires,
ou brutaux et inconscients comme les Larves proprement
dites, — veulent à tout prix s'incarner : ce sont les Lé-
mures de tout ordre.
Vous représentez-vous ce fleuve torrentiel de l'existence
subjective (1)? Ces lémures y roulent, emportés pêle-
mêle avec les âmes à naître... — Çà et là se forment
(1) Subjectif s*emp\o\e en occultisme pour qualifier ce qui n*est que
virtuel à letat d'essence, par opposition à ce qui est manifeste à letat
de matière. Non point qu'il s'agisse d'une chose qui est néant en de-
hors de la pensée qui la conçoit, d'une illusion du sujet : les choses
du plan subjectif deviennent objets pour tous ceux qui savent se main-
tenir sur ce plan, où s'épanouit la réalité intérieure de la Nature.
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176 LA CLEF DE LA MAGJE NOIRE
de petits vortex à l'aigu sifflement, prompts à se ré-
soudre après un arrêt brusque. C'est un être qui vient de
s'objectiver en s'incarnant : il est passé de puissance en
acte.
Comment? — Soit en animant l'ovule fécondé d'une
femelle animale de sa race : le fantôme s'est fait embryon ;
sa virtualité d'extériorisation progressive s'y exerce au
gré des normes, et détermine sa forme organique sur le
patron de la faculté plastique qui lui est propre : après
une gestation plus ou moins longue, il nait, incarné sous
une forme adéquate à sa nature, analogue et propor-
tionnelle à son verbe intérieur. Telle est la règle pour
les âmes de toute hiérarchie terrestre. — Soit en s'en-
gouffrant dans une effigie matérielle, encore vivante,
mais actuellement abandonnée et vide : les Larves, dé-
nuées, comme nous le dirons, de principe morphique cl
d'essence individuelle, (incapables en conséquence de se
bâtir en corps), usent surtout de ce mode d'incarnation
par surprise...
Conçoit-on la portée de cette éventuelle abomination ?
L'expérimentateur téméraire, quand il veut réintégrer
son corps, peut le trouver occupé par une Larve, qui s'y
est installée, a pris possession des organes, s'y est for-
tifiée pour ainsi dire.
Alors, de quatre choses. Tune :
Ou bien l'occultiste parvient à chasser l'ennemi et re-
prend la place d'assaut ; c'est Vuniqiie chance desaluL
Ou bien, après avoir délogé l'intrus, la fatigue de la
lutte ne lui laisse plus la force de réintégrer son orga-
nisme i et c'est la mort.
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LES MYSTÈRES DE LA SOLITUDE 177
) Ou bien, il rentre sans avoir pu expulser le fantôme ;
I il doit se résoudre à vivre en partage avec lui ; d'oii la
foliCy la monomanie^ ou tout au moins la possession.
Ou bien, c'est la Larve qui demeure maîtresse du
; champ de bataille ; elle va désormais végéter en ce corps,
( et c'est Vidiolisme (1).
i
Si vous êtes sage, Lecteur ami, vous pouvez prendre
ces quelques lignes pour le récit d'un cauchemar : vous
aurez même raison de hausser les épaules aux révéla-
lions qu'elles contiennent ; car elles n'expriment plus
une réalité que pour les téméraires qui tentent Dieu et
bravent la Nature, jusqu'à ambitionner de descendre vi-
vants au Royaume de la Mort, puis de rentrer dans la
vie terrestre, après avoir bu dans une coupe mortelle
Veau dormante du Styx, mêlée aux flammes liquides du
Phlégéton.
Dans les sanctuaires de l'antique magie, derrière l'au-
(1) Cette invasion de l'effigie humaine par une Larve est un cas moins
rare qu'on ne se l'imagine; il est loin de se produire uniquement dans
le cas de bilocation magique. Nombre de praticiens, spécialistes des
maladies mentales, en savent long sur ce sujet. Livrent- ils bien leur
pensée tout entière, lorsqu'ils épiloguent et raffinent à l'envi sur les
variations de la personnalité ? Peut-être la seule crainte d'égayer les ri-
caneurs de profession leur interdit-elle de paraître pluu explicites. Quoi
qu'il en soil, le créateur du vocable aliénation peut se flatter, ou d'une
heureuse rencontre d'expression, ou d'un libre choix plus heureux
encore (Cf. chap. V).
Observons d'ailleurs qu'il convient, au cas présent, d'entendre le mot
Larve dans son sens le plus étendu. Bien que d'ordinaire le mode vio-
lent de soudaine incarnation soit le fait de Larves proprement dites,
d'autres entités moins infimes du monde invisible le pratiquent aussi
d'aventure. Voir, plus bas, l'énumération des « indigènes de l'Astral ».
12
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178 LA CLEF DE LA MAGIE NOIRE
tel des Dieux immortels, les Mages, purifiés par de
saintes ablutions et de rigides austérilés, pouvaient, sous
l'œil paternel de l'hiérophante, réaliser, presque sans
péril, cette œuvre psychurgique. C'était même Tultime
épreuve de l'initiation aux mystères d'isis : une sorte de
mort suivie d'une résurrection miraculeuse, et le vain-
queur de l'épreuve se nommait devant le peuple : celui
qui vit malgré la mort. C'est encore, dans l'Inde, une
des secrètes significations attribuées au titre de l'initié
Dwidja^ ou deux fois né.
Mais que de garanties accumulées autour du néophyte î
Souvent il ne partait pas seul ; mais un Mentor accompa-
gnait et guidait ce Télémaque du mystère, dans son
voyage aux sombres bords. Puis, sept mages expéri-
mentés (1) faisaient la chaîne sympathique autour du
corps de l'absent; à tout moment, pour peu qu'un dan-
ger s'annonçât, ils pouvaient d'un effort rappeler cette
âme à l'existence.
Le dragon de feu qui garde la porte des mondes au
delà n'était évoqué qu'à bon escient : on savait modérer
le choc de son abord et l'effroyable étreinte de son
baiser.
Pour ce qui est des Larves (qui deviennent phospho-
rescentes aux yeux clairvoyants, quand les gagne le rut
(1) En dos cas moins fréquents, le nombre des atleptes de la chaîne
magique était porté à doute. Pourquoi sept et douée? El quand douze
plutôt que s«>pt? Nous laisserons au chercheur le plaisir de résoudre
ce facile problème : les significations symboliques du Septénaire des
planètes et du Duoiénaire roiianal, c'est-à-dire du petit ci du grand
cycle, ne laissent guère de latiturle à l'imagination pour s'égarer en de
fallacieuses hypothèses.
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LES MYSTÈRES DE LA SOLITUDE 179
d'une imminente incarnation), Ton prenait soin de les
disperser avec l'instrument requis (1), selon les rites.
D'ailleurs, enveloppé d'un vaste manteau de laine
qu'on repliait trois fois sur lui, le corps cataleptisé re-
posait dans un état de salutaire isolement : en aucun cas,
il ne risquait d'être envahi ou possédé (2).
L'on pense bien qu'à la suite de ces peintures, du
reste assez peu engageantes, nous n'allons pas livrer la
formule du Sémme, ouvre-loiy qui donne l'accès du
monde astral.
Nous estimons en avoir dit assez.
Bornons-nous à signaler pour mémoire l'existence du
vampire et du loup-gavou, deux formes particulières- de
(1) Uq de nos vieux amis, M. Léon Sorg, président du tribunal do
Pondichéry, nous a rapporté l'instrument sacré qui sert, , au Thibet,
a dissoudre ces coagulations malfaisantes de la Lumière négative. Cette
manière de lance en cuivre ciselé présente à l'admiration du déchiffreur
de pentacles toute une synthèse hiéroglyphique, révélatrice, et de la
doctrine des fantômes astraux, et du mode de dispersion d'iceux. Nous
en détaillerons ailleurs la forme symbolique et la signification occulte.
M. Augustin Chaboseau, le très distingué indianiste, a soigneusement
examiné ce rare objet, l'un des plus sacrés, parait-il, aux yeux des prê-
tres thibétains, qui le nomment P'ur-b'u (lisez Phourboù). Il leur sert
pour l'exorcisme et la mise en fuite des mauvais esprits. Cet instrument
liturgique a d^ être primitivement dérobé dans quelque couvent thi-
bétain, car les lamas initiés lui attribuent un caractère si auguste, qu'ils
repousseraient, à l'égal d'un sacrilège, l'idée seule de le donner ou de le
vendre à un profane. M. dhiboseau, en 1892, n'avait encore eu l'heu-
reuse chance de découvrir qu'un seul P*ur b'u, dans les nombreuses
collections étudiées par lui à, celte époque; mais le nôtre serait, nous
a-t-il assuré, le plus beau des deux et le plus curicaseinent ciselé. (Voir
la photogravure ci contre).
(2, Le célèbre minteau d'Apollonius n'était pas autre chose. Ce mys-
tique linceul a été conservé, à titre de symbole, dans le rituel de l'ini-
tiation martiniste.
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tSO LA CLEF DE lli MAGIE NOIRE
la bilocation magique, ou Sortie en Corps astral. L'étude
de ces phénomènes cadrera parfaitement aux VI* et VU*
Chapitres, intitulés, l'un : la Mort et ses Arcanes, et
Tautre : Magie des transmutations.
11 nous reste à effleurer d'autres mystères, plus logi-
quement attribuables au présent chapitre.
La solitude engendre tous les fantômes, et les amis des
fantômes cultivent la solitude.
Ceux qui se cloîtrent dans la retraite par haine de leur
prochain, obéissent à cet égoïsme radical (reflet de
Nahàsh), que les hindous désignent sous ce vocable :
Tanha (1). C'est le principe de toute aberration et de
toute perversité ; la perdition est au bout.
Le mage de lumière, lui aussi, recherche volontiers la
solitude; mais c'est pour mieux la fuir.... Voilà qui a
tout l'air d'un paradoxe ; il n'en est rien.
Quand le mage se résout à rompre ses attaches mon-
daines, c'est que pour lui la foule est un désert fait de
multitude, et qu'il a statué de vivre dans la communion
des saints, ou de s'élever, dans l'apothéose de l'Esprit,
jusqu'à l'état sublime de sérénité omnisciente en Dieu,
bien connu des hindous sous le nom, aussi calomnié
qu'incompris en occident, de Nirvana.
Il n'y a pas de moyen-terme : on ne s'abstrait de l'huma-
nité que pour vivre avec Dieu, — ou avec Satan.
Aussi les anciens Sages disaient-ils de la soUlude que
(1) Tanha consiste proprement dans la soif de Texistcnce indivi-
duelle, isolée ; Tidolàtric du moi en procède.
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LES MYSTÈRES DE LA SOLITUDE iSt
rhomme s'y trempe fortement, et s'y fixe désormais
dans sa voie, droite ou tortueuse; en un mot, qu'il en
sort Esprit de lumière ou de ténèbres. Rien n'est plus
Trai.
Dans la solitude, en effet, on vit face à face avec son
Karma. L'atmosphère secrète des lieux déserts, qu'une
perpétuelle saturation des volontés antagonistes n'a point
neutralisée, banalisée, blasée, en quelque sorte, — une
telle atmosphère est essentiellement réceptive d'un verbe,
quel qu'il soit : la moindre pensée, le moindre vouloir,
le moindre désir s'imprègnent dans la substance effi-
ciente de l'Aôr ; ils s'y développent et s'y manifestent
avec une merveilleuse intensité.
Ce sont autant d'êtres potentiels, générés au jour le
jour, suivant les caprices de la pensée et des aspirations,
et qui exercent à la longue sur leur auteur une influence
répercussive, que lui-même ne soupçonne pas. Car, le
plus souvent, il n'a l'expérience que de la vie habiluelle et
mondaine.
Or, au cours de l'existence commune, les perpétuels
échanges de fluides, d'idées, de vouloirs, impriment à
une personnalité des variations dans sa marche, des
fluctuations dans son allure, des hésitations dans sa
pensée.... Il n'est pas jusqu'aux convictions les plus
assises, que ne modifie peu à peu le souffle des ambian-
ces. Le frottement use et polit insensiblement les tran-
chantes arêtes des individualités les plus anguleuses.
Mais, dans la solitude, l'homme ne subit aucune in-
fluence directe du dehors ; sa propre pensée, se repliant
toujours sur elle-même, s'y repose avec complaisance et
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182 LA CLEF DE LA MAGIE NOIRE
s'y réfléchit avec ivresse: aussi le solitaire aflîrme-t-il
inébranlablement sa marche, dans la direction où le
portent ses habitudes cérébrales.
De ces observations, on peut induire un apophtegme :
c'est que l'isolement absolu, qui trempe le caractère,
n'élargit point l'intelligence ; l'on s'y façonne indompta-
ble, — incorrigible aussi.
Une légende rabbinique nous présente les Larves
comme les enfants de la solitude d'Adam, rêvant à la
femme archétype, avant que le Seigneur eût dédoublé
l'homme primitif, pour donner naissance à Eve. Des
éphialtes recueillaient le témoignage de ces confuses
aspirations et leur donnaient une forme.... Nous espé-
rons qu'on nous entend.
Paracelse enseigne à son tour que ces sortes de fantô-
mes sont engendrés abondamment, chaque fois qu'on
laisse sécher au soleil des vêtements pollués. Son école
ne fait en cela que reproduire l'opinion des anciens hié-
rophantes : une loi religieuse expresse interdisait aux
peuples de la Grèce, d'exposer à la flamme de l'àtre les
linges Lîirhés de sperme ou de sang menstruel (I).
(1) <( Lémures gignuntur per deperditiones œsticas spermatis et san-
guinis menstrualis.
■ Sunt ephemeri et maxime mortales. Constant aère coagulalo in
vapore sanguinis vel spermatis, et quasi buUa quœ si ferro frangatur,
périt anima imperfecta lemurum.
«Quœruntsimplices et credulos...
t Timidi sunt et fugitivi sicut avescœli etsemper mori reformidant.
quia bulla aëris est vita eorum, et statu facile corrumpitur.
(Paracelse, cité par Éliphas, la Cief des grands mystères, page 386).
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LES MYSTÈRES DE LA SOLITODE 183
L'on aurait tort de croire que ces prohibitions fussent
puériles, ces précautions vaines : le sang est un liquide
mystérieux ; il déborde d'une vie emphatique, expansive
et prompte à revêtir, dès qu'on répand son véhicule,
toutes les formes imaginables. Les abattoirs et les amphi-
théâtres sont devenus, de nos jours, des séminaires de
Larves sans nom : nous ne souhaitons pas aux sceptiques
d'empoisonner leur atmosphère individuelle par la fré-
quentation de ces lieux, tout dégoûtants de fantômes san-
glants ; que de cas de folie et d'épilepsie n'ont point d'au-
tre origine !
L'idée est à l'intelligence ce que le sang est au corps ;
aussi les cogitations passionnelles engendrent des spec-
tres à foison : les pensées libidineuses développent des
fantômes de luxure ; les rancœurs inavouées de lajalousie
déterminent de vivantes obsessions, qui ravivent la plaie
des cœurs envieux; les aspirations délirantes de l'or-
gueil génèrent des Larves inspiratrices de vanité jamais
assouvie..,, et ainsi des autres vices.
Telles sont les Larves passionnelles et mentales, qui,
au lieu de s'engendrer dans le nimbe extérieur, comme
leurs congénères d'origine plus matérielle, se développent
dans la substance même de l'àme! Celle-ci, règle géné-
rale, les évacuant à mesure, les refoule dans l'atmo-
sphère fluidique individuelle. Cependant l'àme ne peut
quelquefois les éliminer toutes, lorsqu'elles sont générées
quotidiennement et à foison : alors, ces productions mal-
saines s'amalgament, d'une part avec la substance du
corps sidéral, de l'autre avec celle de la Psyché môme,
qu'elles troublent, épaississent et modifient à la longue.
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184 LA CLEF DE LA MAGIE NOIRE
Nous verrons au chapitre VI, — h Mort et ses arcanes^
— comment elles deviennent, à l'issue de la terrestre
existence, les tortionnaires de l'âme, avant même que
le supplice de la seconde mort n'ait commencé pour
celle-ci.
Il n'est question, à cette heure, que des Larves évoluant
dans le nimbe ou atmosphère occulte de chaque individu,
quelle que soit d'ailleurs leur nature et leur origine. Tou-
tes ne sont pas également meurtrières, mais toutes sont
nuisibles, en ce qu'elles aliènent la liberté de l'homme et
limitent ses potentialités de vouloir et d'agir : leur réac-
tion la plus coutumière sur leurs auteurs se traduit par
Vhabitude, cette forme moins anodine qu'on ne peut
croire de l'esclavage à tous les degrés. Les cas où l'on
voit l'habitude dégénérer en obsession dénoncent, à peu
près à coup sûr, la tyrannie des Larves de provenance
corporelle, animique ou mentale.
Ces diverses créations aôbiques sont la conséquence
fatale et le juste châtiment de tous les onanismes du corps,
de l'âme et de la pensée. Elles vivent, ces coagulations
de la lumière astrale ; mais c'est aux dépens du pervers
qui les engendra, et qui les doit nourrir, — comme le
marque fort bien Éliphas, — de toute la sève de son cœur
et de toute la substance de son cerveau : elles l'obsèdent,
le harcellent, et le vampirisent sans merci. — Et s'il de-
mande aux livres de la Sagesse traditionnelle un moyen
violent de s'en délivrer, ce n'est encore, hélas! qu'à ses
risques et périls ; car une si étroite solidarité le rattache
à ces enfants de son délire, qu'il est sujet à se blesser
lui-même en les dispersant. Nous traiterons, à propos du
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LES MYSTÈRES DE LA SOLITUDE i85
loup-garou, de ces effets répercussifs et mutuels, dont la
réalité n'est que trop indiscutable.
Les médiums sont pour la plupart de pauvres valétu-
dinaires, coutumiers sans le savoir d'un véritable ona-
nisme cérébral, et qui marchent dans la vie, escortés,
obsédés, souvent dévorés tout vifs par ces Larves : elles
ne se coagulent qu'en les épuisant, puisque c'est à eux
qu'elles empruntent la substance plastique dont elles ont
besoin, pour s'objectiver et devenir sensibles.
En somme, ce sont bien là les vrais, les seuls démons;
caries esprits, même le plus profondément sombres dans
les abîmes de la perversité, ne sont pas tout entiers mau-
vais ; tandis que ces Larves, — grimaces mensongères de
l'Être, blasphèmes incohérents de la vie universelle, —
se montrent invariablement nuisibles et dépourvues de
toute conscience : il serait donc permis de voir en elles
d'équivoques manifestations de l'abstrait qu'on nomme
le Diable ou Satan.
Formant, pour ainsi dire, autant d^appendices vampiri-
ques de l'homme dont elles remplissent l'atmosphère
sidérale, elles vivent de sa vie, et les semblants d'intelli-
gence qu'elles font paraître en des cas très rares, ne sont
d'ailleurs et ne peuvent être que de vagues reflets de sa
pensée.
11 raessiérait fort de confondre ces Larves, — en qui
les Kabbalistes ne voient que des écorces, des coques ina-
nes {corticesy Kliphôth niB^Sp), — avec les essences spi-
rituelles plus ou moins obscurées dans la nuit de la ma-
tière, qui flottent entraînées et ballottées aux torrents
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186 LA CLEF DE LA MAGIE NOIRE
génésiques des trois règnes inférieurs : minéral, végétal ,
animal.
Compactions de la lumière au bleu (Aôbôlh niaii^), les
Larves proprement dites sont des substances dépourvues
d'individuelle entité. Parasites comme \egui de chêne (i)^
elles n'existent que par autrui : vienne à leur manquer
ce support ontologique (2), elles rentrent dans le Non-
être, dont elles sont comme des manifestations, nous
allions dire des Anges, des Messies.
Elles s'attachent à la façon des sangsues ; elles mordent
à même la sidéralité d'un être réel, s'en nourrissent, y
pompent leur vie d'emprunt et leur virtualité d'objecti-
vation éphémère ; et, dépourvues qu'elles sont de type
essentiel qui leur soit propre, d'étalon générique sur quoi
se modeler une forme, — elles se concrètent sur le pa-
tron sidéral de l'être dont elles deviennent ainsi les reflets
animés, les appendices lémuriens, les mirages fur-
tifs
Une Larve dans votre atmosphère, — c'est pour vous le
fantômed'un très vague Sosie... ; maisd'un sosie qui vous
énerve au physique et vous épuise, vous ébranle au mo-
ral et vous déprave, vous débilite à l'intellectuel et vous
abrutit! C'est pour vous une ventouse toujours avide
de substance vivante, une vulve braquée sans répit sur
le phallus de votre intellect, une réceptivité qui aspire à
toute heure, pour se les approprier en les déformant, les
(1/ La comparaison n'ost pas similitude: le gui de chêne, pour para*
site qu'il soit, jouit d'une forme et d'une essence propres.
(2) Les Larves peuvent changer d'atmosphère individuelle ; mais ja-
mais, encore un coup, elles ne peuvent vivre d'une existence propre.
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LES MYSTÈRES DE LA SOLITUDE 187
verbes viables auxquels votre esprit peut donner. nais-
sance.
La potentialité absorbante, que déploient si puissam-
ment les Larves, est le propre de la substance mercu-
rielle négative (Aôb), qui leur sert de véhicule et dont elles
sont les coagulations.
Qu'on s'étonne à présent de cette anomalie, problème
jusqu'à ce jour insoluble pour les physiologistes : nous
voulons dire l'innocuité relative du coït, même abusif, en
regard de la prompte déchéance, physique et mentale, où
tonibent ceux qui s'adonnent aux vices solitaires... —
Mystère de la Solitude.
Que dire de la fréquence de ces maladies de langueur
si rapides, et de ces foudroyantes consomptions, qui traî-
nent en quelques mois au tombeau l'homme le plus vi-
goureux, la femme la plus excellemment constituée, dans
les cas d'emprisonnement cellulaire ? — Toujours Mys-
tère de la Solitude,
Tous ces êtres sont victimes, soit d'une invasion, soit
d'une génération spontanée de Larves dans leur atmo-
sphère fluidique...
Les Larves apparaissent les microbes, les bacilles, les
vibrions de l'Invisible, — et nous serions tenté de croire
(n'était leur défaut d'entité et de forme propre), — qu'elles
s'incarnent pour servir d'âmes vivantes à ces légionnaires
infinitésimaux de la Destruction.
On peut considérer les Larves comme des agents léthi-
fères, des Puissances de dissolution émanées d'Hereb (1),
(1) S'il 09t curieux d'approfondir ces théories, notre lecteur voudra
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188 LA CLEF DE LA MAGIE NOIRE
OU, d'une façon plus générale, des missionnaires de Na^
hâsh. Rivalisant d'inconsistance avec cet Être formida-
ble, elles participent de sa nature ambiguë, — illusoire
et pourtant réelle (1), intermédiaire entre le conscient et
l'inconscient, flottante et ballottée de Tétre au non-être .
Donc, le mauvais solitaire, — ou Sorcier, — génère
en masse, au hasard de sa déraison, au caprice de ses
élans passionnels, ces parasites vampiriques dont il est
fatalement condamné à mourir rongé : les Larves.
Mais le bon solitaire, — ou Mage, — opérant dans la
plénitude consciente de son intellect et de sa libre volonté,
donne méthodiquement naissance à des êtres potentiels,
toujours bénéfiques, parfois conscients et intelligents. —
« Toute pensée est une àme (2), » dit Mejnour, dans Za-
nonL Nous verrons ailleurs comment tel produit de nos
bien conférer les chapitres i et vi de la Clef de la Magie noire, i et ii
du Problème du Mal. Alors il pourra se faire une idée de Nahàsh, soit
qu'on veuille y voir l'agent dualistique producteur du Mal> ou l'instru-
ment quaterne des extériorisations et des objectivations individuelles.
11 comprendra quelle parenté lie Kaïn rp, le Principe du Temps, à ce
mystérieux ffereb 111^, facteur des désintégraUons individuelles et des
intégrations collectives ; — cet ffereb qui apparaît le bras déployé et la
main constrictive de Mouth D^D, l'Être accablant, dévorateur, dont le
rôle providentiel est de ramener la Diversité à l'Unité, de réduire la
circonférence au point central d'où jaillit le rayon qui la détermina,
et de confisquer enfin les différenciations de la matière sensible, pour
convertir toutes ses modalités particulières à l'homogénéité de la sub-
stance universelle et non différenciée.
C'est ce rôle providentiel de Mouth qui inspira aux auteurs du Zohar
cette sublime pensée : la Mort est le baiser de Dieu.
(1) Nahàsh n'existe point à proprement parler, et pourtant il est la
source, la racine de l'existence matérielle.
[2] Zanoni, tome II, page 69.
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LES MYSTÈRES DE LA SOLITUDE i89
volîtions peut devenir un être parfaitement défini, par
suite de sa fusion avec un Êlémental (1) Le mage est
un vrai créateur dans les limites de sa sphère d'action,
puisqu'il produit et développe, à l'instar de l'Être su-
prême, des émanations de son verbe^ — Puissances effi-
cientes de Charité, de Science ou de Lumière.
Certains mystiques ont nommé ces Puissances : les
Anges du Ciel inférieur.
Il nous faut bien confesser ici que le sorcier, s'il joint
à la perversité quelque vigueur d'intelligence et de vou-
loir, peut pareillement évoluer des êtres réels, de vérita-
bles démons.
(i) Sur ce point, les deux Écoles d'Occident et d'Orient sont en par-
faite concordance dogmatique.
Koat-Houmi, l'initié thibétain, correspondant mystique de M. Slnnett,
lui a écrit une longue et importante lettre, que le Marquis de Saint-
Yves a traduite intégralement dans sa Mission des Juifs. Nous en déta-
chons ces lignes remarquables :
«c Dans son évolution invisible, toute pensée humaine passe dans l'en-
droit dont l'ordre physique est l'envers et devient une entité active, en
s*as80ciant, en s'unifîant avec un élément particulier, c'est-à-dire une
des forces semi-intellectuelles des royaumes de la Vie.
« Cette pensée survit comme une intelligence active, comme une
créature engendrée de l'Esprit, pendant une période plus ou moins lon-
gue et proportionnelle à l'intensité de l'action cérébrale qui l'a générée.
«Ainsi une bonne pensée se perpétue comme une Puissance active
et bienfaisante, et une mauvaise comme un Pouvoir démoniaque et
maléfique. De sorte que l'homme peuple continuellement sa course dans
l'espace, d'un monde à son image, rempli des émanations de ses fan-
taisies, de ses désirs, de ses impulsions et de ses passions.
« Mais à son tour, ce milieu invisible de l'homme réagit, par son
seul contact, sur toute organisation sensitive et nerveuse, proportion-
nellement à son intensité dynamique. C'est ce que les Bouddhistes
appellent Shambda, les hindous Karma.
e L'adepte crée sciemment ces formes ; les autres les génèrent au
hasard... « (La Mission des Juifs, page 111).
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190 LA CLEF DE LA MAGIE NOIRE
Bénéfiques OU maléfiques, ces êtres forment une classe
à part (1); ils sont, à vrai dire, autre chose que des Lar-
ves proprement dites.
Engendrées de Taveugle instinct ou de la passion dé-
réglée, les Larves n'ont point de consistance ontologique ;
— par contre, les êtres produits de la libre intelligence
et de la volonté réfléchie possèdent une substance psy-
chique — bonne ou mauvaise, — et sont sujets à mener
une vie propre, en se combinant avec un Élémental.
Cependant, par extension, les occultistes appellent sou-
vent Larves toutes les substances lémuriennes qui ne
jouissent pas d'une conscience bien nette, ou d'une per-
sonnalité bien tranchée.
Notons une chose en passant, sur les apparitions engrè-
nerai.
Quand les Lémures sont condensés en fantômes, ils re-
doutent la pointe des épées et fuient tout objet aigu, sus-
ceptible d'entamer leur coagulât fluidique et de les dis-
soudre en soutirant leur vitalité; (on se souvientde ce que
nous avons énoncé plus haut, au sujet du corps astral
abmatérialisé).
Les Lémures périssent-ils alors tout entiers, ou per-
dentrils seulement, avec leur corps éphémère, le moyen
de se manifester? C'est ce qu'il ne convient pas d'éclair-
cir pour l'heure.
Quoi qu'il en soit, on peut dire que lout fantôme, d'où
qu'il provienne et d'où qu'il vienne, disparaît instantané-
(i) Celle des Concepts ritalisés.
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[
LES MYSTÈRES DE LA SOLITUDE 191
ment, lorsqu'une pointe métallique le traverse (I). La
dissolution en est signalée parfois, comme à Gideville,
par un phénomène électromorphe, une étincelle suivie de
quelque perturbation atmosphérique Si le spectre
frappé d'une pointe ne s'est pas dissous, la vision est
purement hallucinatoire ; ce critérium de Tobjectivité
fantômale est certain.
Pour nous en tenir aux Larves proprement dites, elles
manquent, faisions-nous observer, de type générique et
par conséquent de forme qui leur appartienne en propre.
Cela est si vrai, qu'elles sedéterminent exactement sur le
modèle des individus qu'elles hantent (2) ; — bien plus,
( 1) Qu'on n'oublie pas, qu'en effleurant d'une pointe le corps astral
condensé d'un médium ou d'un magicien en phase de bilocation, l'on
risquerait fort de commettre un homicide. (Voy. le Temple de Satan,
pages 402-404, — et le chapitre VII du présent tome).
(2) « Le jésuite Paul Saufidius, qui a écrit sur les mœurs et les cou-
tumes des Japonais, raconte une anecdote bien remarquable. Une troupe
de pèlerins japonais, traversant un jour un désert, vit venir à elle une
bande do spectres dont le nombre était égal à celui des pèlerins, et qui
marchaientdu même pas. Ces spectres, di/Tormes d'abord et semblables
a des larves, prenaient eu approchant toutes les apparences du corps
humain. Bientôt ils rencontrèrent les pèlerins et se mêlèrent à eux,
glissant en silence entre leurs rangs : alors les japonais se virent dou-
bles, chaque fantôme était devenu l'image parfaite etcomme le mirage
de chaque pèlerin. Les japonais effrayés se prosternèrent, et le bonze
qui les conduisait se mit à prier pour eux avec de grandes contorsions
et de gran Is cris Lorsque les pèlerins se relevèrent, les fantômes avaient
disparu et la troupe put continuer librement son chemin. Ce phénomène,
que nous ne révoquons pas en doute, présente les doubles caractères
d'un mirage et d'une projection soudaine de larves astrales, occasion-
nés par la chaleur de l'atmosphère et l'épuisement fanatique des pèle-
rins, » (La Clef de^ grands Mystères, pages 248-249).
Celte citation d'Éliphas, qui trouve ici sa raison d'être, aurait pu être
également réservée pour le chapitre Ilf, qui traite des phénomènes
collectifs.
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192 LA CLEF DE LA MAGIE NOIRE
variant de contour avec une inconcevable souplesse, elles
se décalquent sur le patron fugitif de ses pensées.
Changent-elles d'atmosphère fluidique? Se détachent-
elles d'un être pour en obséder un autre? — C'est une
mutation de forme instantanée, leur nature simiesque
se pliant aussitôt à la ressemblance de leur nouveau
père nourricier. Pour se coaguler et prendre une figure
visible, elles empruntent à ce dernier la substance bio-
logique requise : aussi l'être obsédé ressent-il une subite
impression de froid pénétrant, et même a-t-il conscience
d'une déperdition vitale assez notable.
Tel est le cas du médium qui s'efforce de produire en
public des fantômes astraux. Son vouloir étant habile à
modifier l'aspect de ces coagulais, il sait, pour peu
qu'entraîné convenablement, les revêtir de toutes les
formes qu'il arrête en son imagination. Faire apparaître
une main, un pied, une tête, l'apparence d'un animal,
ou même celle d'objets de toute autre nature, tels qu'un
meuble, une carafe, un bouquet, — tout cela, pour cer-
tains médiums extraordinaires, n'est qu'un jeu.
Cette magie des transmutations touche de très près,
d'une part aux mystères de la Lycanthropie, de l'autre
à ceux de la Palingénésie; une nuance seule l'en dis-
tingue : les phénomènes de palingénésie et de lycanthro-
pie se réduisent à des modalisations du double éthéré
d'un animal ou d'une plante ; tandis que le corps astral
n'est pas acteur, mais instrument, dans l'esquisse des
formes extérieures par coagulation d'une larve ; il joue
seulement (comme l'indique son nom de médiateur plus-
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r
LES MYSTÈRES DE LA SOLITUDE
193
tiqué), un rôle d'intermédiaire entre la volonté du mé-
dium et rétre lémurien qui constitue l'appendice fluidi-
que de celui-ci.
Les médiums de cette force ne sont pas légion. Le
plus grand nombre se contente de transsuder une cer-
taine dose de force psychique et d'en saturer leur nimbe,
où les Indigènes de rA«/ra/ (dont nous parlerons bientôt)
viennent se manifester et s'ébattre. Les Élémentaux, —
et très rarement les Élémentaires, — qu'attire ce bain
de vie extravasée, entrent alors en communication avec
les assistants et se mettent volontiers en dépense de
phénomènes fluidiques. Parmi ces Invisibles, il en est
pourtant de plus avisés et de moins prodigues, qui,
n'ignorant pas ce qui se consume de force nerveuse en
de pareils jeux, ménagent le médium, aux fins de ne
point tarir en lui la source complaisante où leur sensua-
lité s'abreuve. Us en jouissent le plus longtemps possible,
mais ils n'ont garde d'en abuser; et, pour prolonger le
plaisir, divertissent le cercle des badauds spirites par
d'interminables confidences, dont (de la meilleure foi du
monde) Timaginative réactionnéc du « truchement des
esprits » fera tous les frais : et le médium-écrivain de
faire crier sa plume, et le médium à incarnations de
multiplier ses pantomimes et ses ventriloijuies, au cours
de séances qui n'en finissent plus ! ... Du reste, il est
présumable que les Invisibles venus du dehors ne négli-
gent point eux-mêmes, pour obtenir des « effets physi-
ques », de mettre à profil les Larves qui peuplent le
nimbe hospitalier de l'Évocateur.
La Dlupart des médiums, procédant par objectiva-
^ ^ 13
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194 LA CLEF DE LA MAGIE NOIRE
lions de Larves ou par évocation des Élémentaux (cons-
ciente ou non), en sont quittes pour un peu de fatigue,
sauf à payer chèrement un jour pareille collaboration .
Quelques rares, en qui l'on peut voir d'intuitifs occul-
tistes, ne procèdent que par sorties en corps astral, par-
tielles ou complètes. Plutôt que subir l'esclavage du
pauvre possédé que les Larves dévorent ^out vif; plutôt
même que d'appeler à l'aide les capricieux génies des
éléments, ils préfèrent prendre sur soi les frais dynami-
ques et les dangers immédiats de l'expérience, — quitte
à tomber, celle-ci durant, en condition seconde ou même
en catalepsie (1). Ils réalisent ainsi des apports d'objets
matériels, et parviennent à distendre leur sidéralité
jusqu'à produire tous les phénomènes ubiquitaires, —
où sans doute excelleront toujours les magiciens noirs
et les passifs de la médianité, qui ne vont pas sans le
déploiement de toute une légion de Larves ou d'Élé-
mentaux.
Mentionnerons-nous ici ces prétendus médiums dont
le talent se réduit à des subtilités d'escamoteur? On ne
saurait trop se mettre en garde contre ces faussaires,
ingénieux à toutes les contrefaçons phénoméniques.
Rappellerons-nous la manie commune à tant de mé-
diums excellents, qu'on voit compromettre l'évidence de
(1) Beaucoup de médiums et de magiciens ne peuvent extérioriser
leur force, môme paptiellemont, sans perdre connaissance et offrir les
symptômes de la catalepsie : c'est ce que les fakirs de l'Inde appellent
dormir du sommeil des Dieux ondes Esprits. — D'autres ne tombent
dans cette phase léthargique, que s'ils réalisent la projection intégrale
de leur sidéralité.
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LES MYSTÈRES DE LA SOLITUDE 195
faits probants à coup sûr, par un déplorable mélange
avec des phénomènes impudemment et parfois grossiè-
rement simulés? Nous avons fait ailleurs (1) nos ré-
serves à ce sujet, en démêlant la vraie cause d'un char-
latanisme aussi fréquent : elle réside dans la superbe
obstinée de ces glorieux, qui, mettant leur amour-propre
à donner le change sur une maladie où ils voient leur
maîtrise, se trouvent acculés à la supercherie et con-
traints de suppléer tant bien que mal aux intermittences
de cet Agent qui les épuise, et qu'ils appellent leiw force.
Il est à propos de faire observer, en effet, que la fa-
culté d'extériorisation fluidique n'est point normale chez
l'homme, à son présent degré d'évolution. Cette faculté
tout exceptionnelle se développe spontanément, ou s'ac-
quiert par la persévérance de l'effort. Spontanée, on doit
y voir l'effet d'une maladie véritable, qui se trouve déjà
mentionnée au précédent tome (2), et dont nos lecteurs
doivent comprendre à cette heure la cause et l'origine
probables.... Maladie fort enviée, en tous cas, et volon-
tiers contrefaite de ceux qui n'en sont pas atteints.
Pour un médium conscient et volontairement actif;
pour dix médiums loyaux et sûrs qui sont strictement
passifs, l'on rencontre peut-être trente industriels dou-
teux et cinquante escamoteurs sans vergogne.
(1) Le Serpent de la Genèse, {omel(le Temple de Satan), pages 12i-
122. — n est juste d'avouer, pourtant, qu'on voit de bons médiums tri-
cher d une manière inconsciente et en parfaite candeur d'âme. (Cf. le
récent livre de M le colonel de Rochas, V Extériorisation de la Mo-
trieité, Paris, Chamuel, 1896. in-S").
(2) Ibid., p. 399.
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196 LA CLEF DE LA MAGIE NOIRE
Tel est, au surplus, le cachet des phénomènes non
simulés, qu'un observateur d'expérience ne parvient à
s'y méprendre qu'en y mettant de la bonne volonté.
Explorateur, en ce chapitre, des arcanes de la soli-
tude, nous avons particulièrement insisté sur la nature
déconcertante des Larves fluidiques, calamiteuses compa-
gnes de tout humain qui s'entête, insociable et fanatique,
à vivre dans l'isolement. La voix unanime des premiers
siècles chrétiens nous désigne la Thébaide comme la
patrie légendaire des apparitions et des mirages : et la
célèbre eau-forte où Jacques Callot a buriné la Tenta-
lion de Saint-Antoine ferait un pendant fort convenable
à la planche pittoresque et malheureusement assez rare
du Sabbat des Sorciers, dont Pierre de Lancre illustra la
seconde édition de son Tableau de rhiconstance des
Mauvais anges (Paris, Buon, 1613, in-4*').
Les Larves sont, par excellence, les spectres de la so-
litude.
Mais au royaume de TAstral pullulent d'autres races
d'êtres spirituels ou pseudo-spirituels, susceptibles de se
manifester transitoirement ici-bas, par le ministère du
médium.
Les uns sont, pour ainsi dire, les indigènes de V Astral;
d'autres n'y séjournent que de passage. Quelques-uns n'y
paraissent qu'à titre exceptionnel, en missionnaires, ou
comme ambassadeurs. Il sera traité de chacun en son
lieu. Pourtant, dès cette heure, une classification som-
maire ne semble point hors de propos.
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LES MYSTÈRES DE LA SOLITUDE 107
Les principaux Indigènes de TAstral (1) sont: l'aies
Mirages errants^ — 2* les Élémentaux,— 3* les Élémen-
taires, — 4*» les Ombres y — et 5** les mauvais Daïmones.
L'on peut aussi ranger dans celte classe les vivantes
créations de Tlntelligence et de la Volonté humaines,
savoir: les Concepts vitalisés, la plupart des Puis-
satices collectives el les Dominations Iheuvfjiques (faux
dieux).
Les Passagers de l'Astral sont les Ames humaineSy
s'il est permis de dire, en instance d'incarnation.
Les êtres enfin qui ne paraissent dans ce royaume in-
férieur de la nature que pour accomplir une mission,
sont les Ames glorifiées et les Anges célestes.
L — L'apocryphe des Oracles de Zoroastre vaticine
<run feu bondissant, configuratif et plastique ; d'un feu
plein d'images et d'échos, et encore d'une lumière qui
abonde, rayonne, parle et s'enroule (2). Voilà bien ce
fluide astral, intarissable en Mirages errants. — Pas un
être ayant eu vie, pas un fait accompli jadis, pas un
verbe proféré, pas une passion ayant dardé son éclair
au ciel psychique, qui n'aient laissé leur trace vécue, leur
tl) Nous roulons dire VÀstral proprement dit ou inférieur, car il
faut s'entendre. — Certains adeptes de la Science généralisent le terme
« Astral », jusqu'à y comprendre les régions mystérieuses où habitent
les Réintégrés, dans l'irradiation plus subUle de la Lumière de gloire.
(2) « Ignis simulacrum saltatim in aure in tumorem extcndcns ; —
vel etiam ignem infiguratum unde vocem currentcm — Vel lumen
abundans, radians, streperum, convolutum... • (Trinum magicum,
Francof., 1629, in-12, Oracula Chaldneorum; DcBmones,sacrificia, po.f^e
344). — Cf. F. Patricii Magiam phUosophicam, (Hamburgi, 1593, in-8,
fol 44).
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198 LA CLEF DE LA MAGIE NOIRE
reflet sonore, leur image ou leur écho dans cet infini
réceptacle des témoignages du passé, mouvant miroir où
s'incruste en traits de feu le contour des êtres et des
choses jadis réfléchis. Tel est ce mystérieux Livre du
Jugement dont parle TÉcriture, et qui sera manifesté
grand ouvert à l'heure suprême, pour que chacun puisse
lire, au cours de sa propre vie écoulée, le brevet de son
triomphe ou la sentence de sa condamnation. Mais ce
livre, clos aux regards profanes, les enfants delà Sagesse
ont licence de le feuilleter à loisir.... Fantômes des êtres,
des choses, fantômes des événements aussi (1), les mi-
rages errants s'y déroulent en suite confuse d'hiéro-
glyphes, que les adeptes et les voyants ont toujours su
évoquer et rétablir dans l'ordre normal : le grand labeur
est ensuite de les interpréter et de les rendre en un texte
hiératique, où se révèle le passé, s'explique le présent et
se motive l'avenir !
Voilà pour les Mirages errants: simples images fluidi-
ques (2), impersonnelles, inconscientes.
II. — Les Élémentaux jouissent d'une personnalité;
(1) Pour les fantômes d événements, se référer à la très remarquable
étude de Bulwer Lytton^ la Maison hantée (Chamuel, 1894, petit in-8).
Les pages 28-29 décrivent la resUtulion fan tômale d'un crime, commis
près d'un siècle auparavant. Bulwer avait une grande pratique des phé-
nomènes de la magie; ses peintures sont toujours surprenantes de vé-
rité et d'intense émotion.
Rien ne ressemble de plus près aux mirages errants, que les appa-
rences qu'affectent volonUers certains élémentaux transitoires, tels que
les âmes végétales ou minérales en stase d'abmatérialisation. La confu-
sion est aisée, — et pourtant il y a un abtmo entre ces êtres libérés
de leurs entraves matérielles et de simples mirages errants. Ces deux
sortes diffèrent autant par l'essence qui leur est propre, que par leurs
futures destinées.
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LES MYSTÈRES DE LA SOLITUDE 199
du moins toujours en ont-ils l'apparence. Ils se subdi-
visent en de nombreuses variétés, dont les dissemblances
expliquent les contradictions où quelques auteurs sont
tombés à leur sujet : les uns les peignant dénués de toute
conscience, tandis que d'autres vantaient leur intelli-
gence et leur subtilité. UÉlémental, ou Esprit élémen-
taire (1) est bien, comme le marque son nom, l'indigène
par excellence, l'aborigène des éléments occultes. C'est
à ce point de vue que l'École de Paracelse a classé ces
esprits en Salamandres on ministranls du feu, en Sylphes
(1) Ne pas confondre Esprit élémentaire, avec Elémentaire ioxii court
(voyez plus bas).
Une observation d'importance trouve ici sa place.
La terminologie coutumiëre en occultisme qualifie d'Élémentaux ou
Esprits élémentaires une classe parUculiôre d'invisibles. — Mais il est
argent de bien comprendre qu'à strictement parler, tout être relatif est,
dans sa nature propre, un Esprit élémentaire. Ni les âmes humaines,
ni les anges célestes, ne sont purs Esprits comme on l'entend d'ordi-
naire. En d'autres termes, tous les êtres réels sont tirés d'un élément
similaire & eux, d une substance plus ou moins épurée.
Moïse le dit en toutes lettres, pour ce qui concerne Âdam-Êve. Ihôah
gourmandant l'homme, après sa défaillance, lui déclare, entre autres
choses, qu'il devra désormais se nourrir des fruits Acres de la nature
physique : « tu t'en nourriras (ajoute TÉternel) dans l'agitation conti-
nuelle de ton esprit, et jusqu'au moment de ta réintégration à l'élément
adamique, homogène et similaire & toi : car, comme tu as été tiré de
cet élément, et que tu en es une émanation spiritueuse, c'est & cet élé-
ment que tu dois être restitué (Genèse, ch. III, v. 19, traduction Fabre
d'Olivot). Voici le mot-à.-mot des doux dernières lignes : «tel Esprit-
élémentaire tu-es, et tel & l'élément spiritueux tu dois être restitué. »
Les traducteurs autorisés, rendant Adamah nDTN (l'élément essen-
tiel d'Adam) par terre, et Haphar 127 (Esprit élémentaire) par pom-
siére, arrivent & tirer de l'hébreu ce sens matérialiste : « car vous êtes
poussière et vous retournerez en poussière ».
Ces choses notifiées pour mémoire, nous ne changerons rien au voca-
bulaire reçu des initiés. — Mais il importe de bien s'entendre sur les
mots.
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200 LA CLEF DE LA MAGIE NOIRE
OU génies de l'air et des tempêtes, en Ondins ou dé-
mons des eaux, en Gnomes ou Puissances terrestres,
gardiens des cavernes et des trésors enfouis.
Les Élémentaux, connus ou soupçonnés des hommes à
toutes époques, sont d'excellents acteurs, qui ont fait les
frais de bien des rôles : tour à tour divinités locales
(gefiii loci de l'antiquité payenne), faunes, sylvains,
nymphes, œgipans ; puis elfes et fées au moyen âge, far-
fadets, gobelins, esprits familiers, etc. ; génies des contes
orientaux, Niebelungen du Rhin, etc.. Autant de per-
sonnages qu'ils ont joués en conscience ; car ils se con-
forment aux traditions et ils excellent à changer de dé-
guisement, d'allures et de langage. Nul n'ignore sous
quelles gracieuses allégories les Rose + Croix, — qui
connaissaient ces êtres et savaient en tirer parti, — se
sont plu à symboliser leurs relations avec l'homme, et
la puissance que l'adepte affranchi peut acquérir sur eux,
en les domestiquant à son service.
L'on ne saurait mieux qualifier leur nature, qu'en les
définissant les animaux de V Invisible, On pourrait ajouter,
pour toute une catégorie d'entre eux, les animaux dans
rinvisible, c'est-à-dire les âmes désincarnées d'animaux.
Le genre Élémcntal comporte en effet toutes sortes d'êtres,
susceptibles ou non de revêtir un corps physique : depuis
les plus inintelligents et brutaux, jusqu'aux plus éminents
en esprit, en ruse, en science même. Sous ce rapport,
quelques-uns dépassent de beaucoup le niveau mental des
animaux supérieurs et soutiendraient la comparaison
avec l'homme; mais le défaut de sens moral, l'inaptitude
qu'ils témoignent à décider du juste et de l'injuste, les
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LES MYSTÈRES DE LA SOLITUDE SOI
assimilent sensiblement aux races bestiales. Cependant,
ils ne sont pas incapables d'affection, et qui plus est, de
dévoùment : pareils à l'éléphant ou au chien, ils poussent
parfois jusqu'au fanatisme l'amour que tel ou tel être leur
a inspiré, souvent à son insu. Le magicien qui les domine
et les gouverne à son gré, accomplira de surprenantes
merveilles par leur intermédiaire, car ils jouissent sur
l'Astral, qui est leur milieu propre, d'une puissance pres-
que illimitée. D'ailleurs, capricieux et autoritaires de leur
nature, ils deviennent aisément de dangereux amis, pour
quiconque n'a pas su leur inspirer la crainte ou le res-
pect : excellents serviteurs, les Élémentaux font des maî-
tres détestables. Us tyrannisent le malheureux qui une
fois a plié sous le joug ; ils le protègent obéissant, le cir-
conviennent et l'obsèdent de leur fastidieuse amitié ; in-
soumis, ils le châtient sans ménagement. Jamais ils ne
pardonnent une tentative de rébellion, et leur vengeance
est terrible.
Génies recteurs des forces de la Nature, ils répugnent
à voir les énergies qu'ils gouvernent maîtrisées et rédui-
tes en esclavage par le savant ou l'industriel. Les grands
cataclysmes physiques, les explosions souterraines de
grisou, les accidents de laboratoire et d'usine leur sont
souventes fois attribuables (1)...
(1) Jules Lermina, dans sa. Magie pratique, a, très bien vu ces choses;
il dénonce avec sagacité la revanche de rÉlémental: « Pour l'Éléniental,
l'homme est un ennemi, puisqu'il est un destructeur. Mais aussi qu'il
prenne garde, TÉlémental se défend et c'est avec les précautions les phis
grandes que l'homme doit entrer dans son domaine. Les choses se
vengent. Elles souffrent. Sunt lacrymœ rerum t Le poète a dit vrai. »
Tout ce chapitre VI est à lire (Magie pratique, pages 205-220).
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202 LA CLEF DE LÀ MAGIE NOIRE
III. — Les Élémentaux ne sont point encore évolués
au stade hominal, et toute une importante École mystique
leur dénie la faculté d y pouvoir jamais atteindre. — Les
Élémentaires consistent, à rencontre, en des individus
humains désincarnés : ce sont les âmes retenues dans la
sphère d'attraction planétaire par leur corps astral, point
encore dégagé des terrestres attaches. Elles souffrent en
cet état les tourments du purgatoire (Voy. chap. VI, la
Mort et ses Arcanes). — Il n'est pas impossible à un Élé-
mentaire de se manifester ici-bas, par l'entremise d'un mé-
dium ; mais rien n'est plus rare, au moins dans les séan-
ces spirites. Les fantômes qui se donnent pour des humains
désincarnés consistent d'ordinaire en des Élémentaux
mystificateurs, ou en des Larves avides d'objectivité...
IV. — *A moins que ces fantômes ne soient des Ombres^
cadavres astraux en voie de désintégration. L'on donne
ce nom aux résidus ou dépouilles des Élémentaires qui
ont fini leur temps de purgatoire. La seconde mort con-
sommée, l'âme spirituelle a pris l'essor, inséparable de
sa faculté plastique, — en laissant dans l'atmosphère oc-
culte de la planète un cadavre fluidique, qui va se dis-
soudre par degrés : telle est V Ombre proprement dite.
Elle garde comme un vague reflet, une réminiscence ma-
chinale de la personnalité à laquelle naguère elle fut
unie ; si bien qu'évertuée par la force psychique du Mé-
dium et réactionnée par le vouloir de l'évocateur, cette
Ombre apparait susceptible de grimacer quelques-unes
des attitudes familières du défunt, et de jeter en son nom
quelques faibles lueurs pseudo-mentales.
V. — Les Mauvais Daïmones enfin, les plus redouta-
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LES MYSTÈRES DE LA SOLITUDE 203
bles auxiliaires que puisse évoquer le magicien noir, sont
des âmes irrémédiablement vicieuses et perverses (1), dont
rétincelle divine est à jamais disparue. Ce même élément
igné, qui sert de purgatoire aux Élémentaires, devient
Tenfer pour de telles âmes, — TEsprit pur, leur céleste
Époux, étant remonté à sa patrie d'En-haut. Ce divorce
a eu pour prime conséquence de ravir à ces âmes perdues
riiérilage d*immortalité ; mais animées parfois d'une vo-
lonté intense pour le mal et d'un âpre désir de vivre, elles
ont encore, bien que périssables en définitive, une lon-
gue et sinistre carrière à fournir. Le téméraire qui les
évoque court grand risque d'être englouti dans leurs téné-
breux remous : dès lors, un destin similaire l'attend, qui
aboutit au Maëlstrom de la perditron totale.
Mirages, Élémentaux, Élémentaires, Ombres et Dé-
mons, — telles se dénombrent les principales espèces
indigènes de l'Astral, auxquelles on doit ajouter diverses
sortes d'êtres, produits de création humaine, évolués sur
ce même plan, savoir : — l'* les Concepts vitalisés (2)
dont nous avons parlé plus haut ; — 2® les Puissances col-
lectives fiisionnelles, dont nous détaillerons au chapitre
III les modes de naissance et d'activité ; — S"" enfin, les
(1) Ces Mauvais Datmoneê ne sont point mauvais absolument, cruels
et perfides k tous égards, comme le vulgaire se figure les diables. Ce
sont des &me8 que des vices invétérés, des passions sans frein désor-
mais, possèdent et déchirent; mais tous leurs sentiments, comme aussi
tous leurs actes, ne sont pas nécessairement détestables.
(2) Ayant à traiter de matières assez neuves^ nous ne trouvons pas
toujours de termes consacrés, pour traduire ce que nous avons vu :
force nous est alors d'en improviser. Nous prions, une fois pour tou-
tes, qu'on veuille bien nous pardonner ces barbarismes nécessaires.
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LA CLEF DE LA MAGIE NOIBE
Dominations ihéitrgiques, divinités réelles, engendrées et
développées dans les grands courants de foi, de confiance
religieuse et d'amour; et qui sont en quelque sorte, à leui*
origine, les concepts vilalisés non plus d'un solitaire, mais
d'une multitude unanime en son fanatisme créateur. II
n'en est pas longtemps ainsi, car ces Dieux ne tardent
point à réagir sur les fidèles de leur culte, et s'amalga-
mant avec Tàme unifiée des foules, ils dégénèrent assez
vite en Puissances collectives fusionnelles.
Nous ne rappellerons que pour mémoire la présence,
dans l'Astral terrestre, des êtres qui n'y séjournent qu'à
litre passager, comme les âmes humaines emportées au
torrent des générations, ou même à titre exceptionnel,
comme les âmes glorifiées et les Anges missionnaires.
Tels sont les « exotiques » de l'Astral, par opposition avec
ses i( indigènes ».
Les rites et les procédés évocatoires varient, selon la
nature de l'Invisible que le magicien veut rendre présent
et propice. Le (Cérémonial, riche en violents contrastes,
voue l'opérateur, — pieux ou sacrilège, — à des œuvres
étrangement disparates : depuis l'explosion des paroles
de blasphème dans la tiède vapeur du sang répandu, jus-
qu'aux harmonies des saintes hymnes, flottantes parmi
les volutes de myrrhe, de cinnamome et d'encens.
Ces mystères de l'Astral sont malheureusement moins
exploités par le mystique des sublimes Écoles que par le
mauvais solitaire, l'adepte de la magie noire.
Nous avons un peu négligé le bon solitaire^ qui volon-
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LES MYSTÈRES DE LA SOLITUDE 205
tiers vise plus haut qu à un commerce avec les Esprits,
même des plus glorieuses hiérarchies. Préférant en gé-
néral la pratique de V Extase à celle des Magies cérémo-
niales, il ne s'attarde guère aux rites évocatoires que dans
ses périodes d'expériences. On cite néanmoins d'illustres
exceptions; mais la voie n'est pas sans péril...
Réintégration, dès ici-bas, du sous-multiple humain
dans rUnité divine, voilà l'œuvre majeure de l'adeptat.
C'est là l'ambition du bon solitaire.
En quoi consiste cette Réintégration ?
]Xous en connaissons deux : \dL passive et Vactive. L'une
el l'autre comportent plusieurs degrés.
L'on parvient à la première par la sainteté ou l'austère
épuration de son essence animique, unie d'amour au pur
Esprit des Cieux ; — à la seconde, par l'apothéose de la
Volonté libre et consciente, ou la réalisation du penta-
gramme mystique.
La première (réintégration en mode passif) nécessite
une abdication du Moi, qui se fond, sans réserve ni es-
prit de retour, dans le Soi divin. On n'agit plus par soi-
même ; c'est Dieu qui agit par vous. Ce qui a fait dire à
l'apôtre : « et déjà ce n'est plus moi qui vis ; c'est Christ
qui vit en moi. »
La seconde (réintégration en mode actif) équivaut à une
conquête positive du Ciel, à un viol de l'Élément céleste,
et de son Esprit collectif: Rouâch Haschamaîm.
Toutes deux, à leur plus haut degré, rendent à Tàme
l'état primordial d'Éden, la jouissance AWdamah, l'Élé-
ment pur, où se réfléchit VAôr Aîn-Sôph. — Mais la
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206 LA CLEF DE LA MAGIE NOIRE
passive implique une renonciation des volontés indivi-
duelles, et le dédain de toute science qui n'est pas
TAmour : — « Heureux, a dit Christ, les pauvres en es-
prit : à eux le Royaume du Ciel. » — L'active, au con-
traire, permet dans certains cas, ici-bas même, Texercice
d'une toute-puissance relative, délégation de la puis-
sance de Dieu. Elle met en main l'iEsch tt^i^, glaive
flamboyant de Ihôah JElchîm. C'est la prise de posses-
sion, par droit de conquête, du Ciel mystique dont Christ
a dit que les Esprits violents le prennent de force :
0 violenti rapiunt illud. »
L'ineffable charité de N.-S. Jésus-Christ ne l'a induit
à revendiquer que la réintégration passive, et il est mort
sur la croix, en doutant de Lui-même et de son Père :
— « Eli, Eli, lamrna sabachtani! ... (1). »
L'audace de Moise lui a fait préférer les privilèges de
la réintégration active : aussi, après avoir exercé sur
terre l'omnipotence céleste, en maniant d'une main ferme
le glaive igné du Kéroub, Moïse est-il monté vers Dieu,
(comme après lui devait faire Élie), vierge du baiser de
la Mort (2), laissant à son peuple le nom de peuple du
(1) Assurément n'était-ce que le cri de la chair, défaillante aux affres
d'une suprême épreuve; mais l'évocation de ce cri de doute nous a tou<
jours épouvanté t
(2) Est-ce mourir, en vérité, que délier volontairement ses entraves,
à l'heure et au lieu choisis, et, rayant d'un vol de flamme le purgatoire
de l'Astral, prendre son essor vers le séjour solaire des Ames gloriQées :
tandis que sa dépouille charnelle repose en quelque crypte ignorée
et inaccessible ? « Tous les initiés antiques parvenus au grade de Molsp,
écrit Saint- Yves d'Alveydre, sont morts sans que leur corps ait laissé
plus de traces que le sien. Jusqu'à Pythagore, jusqu'à Apollonius de
Tyane, jusqu'à Jésus-Christ, nous verrons se reproduire le même fait
mystérieux. » (Mission des Juifs, page 476).
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LES MYSTÈRES DE LÀ SOLITUDE 207
Seij^neur et la libre entrée de la terre de Chanaan, dont
les Juifs ne sont sortis qu'en apparence, mais où ils
régnent plus que jamais (1).
La réintégration passive est plus divine peut-être, plus
absolument méritoire ; c'est celle des Saints et des Mes-
sies. — La réintégration active est à coup sûr plus
avantageuse, plus riche en prérogatives : c'est celle des
Mages et des Titans.
C'est la seule à quoi doivent prétendre les hommes
qui, n'ayant pas dit un définitif adieu à la vie et aux
joies de ce monde, se sentent encore le désir de récolter
ce qu'il peut y avoir de bon dans ses illusions et ses mi-
rages.
La vie éternelle est si longue ! Même décidés à toujours
ascendre, sans dévier de la route qui ramène au Père, il
ne nous serait pas permis de faire des stations? Dieu,
qui est si bon, n'a créé (ou plutôt laissé créer) (2) que
pour cela, — dans cette nature même de la déchéance et
sur cette terre de l'épreuve, — l'herbe moelleuse et
l'ombre propice des Illusions...
(1) Chanaan VfZ2, au sens le plus matériel, veut dire homme de
spéculation et de négoce. La terre de Chanaan des juifs modernes,
c'est l'Usure, c'est l'Agio, c'est la Hausse et la Baisse des valeurs.
(2) Le monde physique, conséquence de la chute d'Adam, n'a pas
été créé tel par Ihôah ifilohlm. — On peut méditer deux aphorismes
kabbalistiques, péremptoires sur ce point, pour qui sait les comprendre.
Ils sont extraits des dogmes recueillis par le Père Angélus de Burgo-
novo, l'un des auteurs compilés par l'érudit Pistorius. Voici la traduc-
tion de ces formules, d'un profond ésotérisme :
— Le Péché et Adam, c'est ia mutilation de Malkouth, détaché de V ar-
bre téphirothique.
— Ceit avec V arbre du Péché que Dieu a créé V Ordre temporel.
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208 LA CLRF DE LA MAGIE NOIRE
Le plaisir bien compris et accepté dans Texpansion
normale d'un cœur honnête, est-il autre chose, en somme,
que la modalisation et l'adaptation au milieu terrestre et
transitoire, de la joie éternelle des Élus? Puisque nous
sommes descendus en ce monde inférieur, n'est-il pas
naturel et conforme à la logique j que nos consolations,
nos satisfactions et nos joies temporelles, forcément pro-
portionnées à notre nature déchue (c'est-à-dire moins
parfaite), soient elles-mêmes moins parfaites et moins
angéliques? Homo sturiy disait Gaton, l'un des saints du
paganisme sloïque, et huniani nil à me alienum puto (1).
L'on ne saurait mieux dire, et Pascal semblait lui-même
commenter celte belle parole de Caton, lorsqu'il écrivait
en ses Pensées que l'homme n'est ni ange ni bêle, et le
reste.... Il est probable que Caton et Pascal lui-même,
s'ils eussent été initiés et qu'il fût dans leur destin
de choisir entre la réintégration passive des saints et la
réintégration active des Titans, auraient préféré cette
dernière.
D'ailleurs, il n'y a pas même le choix, lorsqu'on aspire
à la royauté kabbalislique du G.-. A.-., ou seulement à
la pénétration des mystères de l'au-delà, sans vouloii*
quitter le monde pour s'enfermer dans un cloître, au
propre ou au figuré. La réintégration en mode d'activité
est la seule qui souffre le relatif.
L'i est la raison profooile du péril des cloîtres, pour
certaines âmes qui ne sont pas prêles au sacrifice inté-
(1) Le vers est do Tércnce, mais la pensée est do Caton.
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LES MYSTÈRES DE LA SOLITUDE 209
gral, sans restriction ni limites, d'elles-mêmes et de leur
volonté. — Elles se sont données en mode passif:
lâchent-elles de biaiser? font-elles quelque effort pour se
reprendre ? L'Époux les lâche (car, en mode passif, elles
se laissent posséder, mais ne possèdent point), et elles
tombent au pouvoir de l'Adversaire. La perdition est au
terme de leur vocation réticente.
Aussi ne faut-il jamais hésiter, sous prétexte de respect
du libre-arbitre, à traverser de mondaines épreuves la
vocation des religieux en général, mais surtout des
jeunes filles qui croient se sentir appelées à la vie con-
templative. Si leur vocation est véritable, elle sortira
victorieuse desdites épreuves, indemne desdites tra-
verses ; toute difficulté suscitée n'aboutira qu'à une con-
firmation nouvelle de leur premier vouloir.
S'agit-il de jeunes filles du monde, par exemple? —
Nous estimons criminel pour leurs parents de leur laisser
prendre le voile, sans les avoir conduites d'autorité dans
le monde, et pas seulement en soirée, — au bal... Si
l'appel de ces âmes se fait toujours entendre après cette
diversion, si leur goût de la vie religieuse résiste à ce
dissolvant, c'est qu'elles sont d'un métal incorruptible
aux acides temporels, et nul autre Alkahesty — fût-ce
celui de Paracelse et de Van Helmont, — nul autre dis-
solvant, si corrosif soit-il, n'y pourra rien. Si, au con-
traire, quelque levain terrestre, quelque ferment mon-
dain est latent aux profondeurs les plus inavouées de leur
Moi inconscient, elles seront entamées, et nul doute que
l'espiègle Érôs ne les chatouille de sa flèche, virtuellement,
en possibilité, si tant est qu'il ne les pique pas en fait.
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210 LA CLEF DE LÀ MAGIE NOIRE
Mais, fermant cette parenthèse, il convient de revenir
aux modes de la réintégration, pendant cette vie.
Nous 2Lppe\ons réintégré {Yoghi de Fécole mystique or-
thodoxe, aux Indes) celui qui peut, toutes les fois qu'il le
désire, maîtriser entièrement son Moi sensible extérieur,
pour s'abstraire en esprit et plonger, par Torifice du Moi
intelligible interne, dans l'océan du Soi collectif divin, où
il reprend conscience des arcanes complémentaires de
l'Éternelle Nature et de la Divinité.
Nous appelons deux fois né (Dwidja de l'école mysti-
que hindoue) celui qui peut quitter son effigie terrestre,
et revêtu de son corps astral ou élhéré, aller puiser dans
l'océan astral la solution des mystères qu'il recèle.
La réintégration spirituelle interne peut prendre le
nom d'Extase active. — On est convenu de donner, à la
projection de la forme sidérale, celui de sortie en corps
fluidique (1)...
L'extase active a deux degrés. — Au premier, l'adepte
pénètre l'essence de la Nature providentielle, nalurante,
qui lui communique directement, sans symbole, la Vérité-
lumière. — Au deuxième degré, il peut communiquer
même avec l'Esprit pur, qui le ravit au Ciel ineffable des
Archétypes divins : dans ce cas, il y a transfusion de la
Divinité-pensée qui se fait humanité-pensante en l'intel-
ligence de l'adepte, par l'effet d'une intime alchimie,
d'une transmutation formidable et inexpliquée.
La sortie en corps astral diffère de l'extase active; car
(1) Voyez plus haut, pages 165, 171-179.
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LES MYSTÈRES DE LA SOLITUDE 211
le corps physique semble alors en catalepsie, actionné
par une vitalité presque imperceptible ; cependant que le
corps astral ou médiateur plastique (enveloppe ambula-
toire de Tàme spirituelle) flotte dans l'immensité de Té-
ther sidéral ou lumière universelle, et se dirige où il veut,
rattaché qu'il est au corps matériel par une manière d'om-
bilication fluidique. Nous l'avons déjà expliqué.
Ainsi, la personnalité consciente vogue en forme astrale
où bon lui semble, et va d'elle-même prendre connais-
sance des réalités lointaines qui peuvent l'intéresser (1).
(1) Exemples, rapportés de Cornélius Agrippa : « C'est ainsi que nous
lisons qu'Hermès, Socrate, Xénocrate, Platon, Plo tin, Heraclite^ Pytha-
gore et Zoroastre étaient coutumiërement ravis hors de leur chair, et
qu'ils acquéraient de la sorle la science de bien dos choses. Nous lisons
de m^medans Hérodote, qu'il y avait autrefois dans l'Ile Proconèse un
philosophe d'un savoir merveilleux, du nom d'Atheus, et que son Àmc
sortait quelquefois de son corps ; après de longs voyages , elle y
rentrait plus savante qu'auparavant. Pline nous rapporte que l'àme
d'Hermotime de Clazomène avait coutume de pareilles sorties ; que
délaissant son corps, elle voyageait çà et là, et rapportait ainsi de loin
des nouvelles exactes. Et il y a encore de nos jours, chez les Nor-
wégiens et les Lapons, nombre de gens qui quittent leur corps trois
jours durant, et racontent à leur retour bien des choses des pays éloi-
gnés. Cependant qu'ils voyagent de la sorte, il faut garder leurs corps,
et veiller à ce que nul animal vivant ne passe dessus ou ne les touche :
autrement, on dit que ces âmes ne pourraient y rentrer » (de Occulta
pkilosophid, m, 50).
De quels c animaux vivants • l'occultiste en phase de bilocation
doit-il redouter l'abord, pour sa dépouille corporelle : c'est ce que nous
laisserons à la sublilité du Lecteur le soin de discerner. Qu'il n'oublie
pas qu'Agrippa nous enjoint formellement de lire entre les lignes de
son livre : « Que nul ne s'irrite contre nous, si nous avons caché la vé-
rité de cette science sous l'ambigu des énigmes, et si nous l'avons dis-
persée en divers endroits de ce traité. Car ce n'est point aux sages que
nous l'avons cachée ; c'est aux pervers et aux méchants : et nous l'avons
enseignée d'un tel style, que nécessairement le profane n'y voit goutte,
mais que le sage n'aura point de peine à y parvenir. * Telles sont les
dernières phrases du traité de la Philosophie occulte»
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âl2 LA CLEF DE LA MAGIE NOIRE
Mais alors, — si ce sont des notions d'ordre intelligible
qu'elle prétend acquérir, — ces notions ne lui sont que
symboliquement transmises, par l'intermédiaire de la
lumière astrale, qui, avant tout configurative, ne parle
qu'en offrant à la sagacité de l'esprit une série d'images,
que celui-ci doit traduire ensuite, comme des hiéro-
glyphes de rinvisible. Ce langage concret et tissu d'em-
blèmes est donc le seul dont la Vérité se puisse servir,
pour s'exprimer par l'intermédiaire de l'Astral.
En mode passif, la haute Extase comporte aussi deux
degrés : — !• Communication avec la Nature-essence,
dans la Lumière de gloire; — 2** avec l'Esprit pur.
Quant à l'extase passive astrale ou inférieure, elle n'est
autre que la lucidité, soit naturelle, soit magnétique. De-
vant le diaphane du sujet visionnaire, se succèdent les
images, les formes, les reflets, les fantômes que roule le
torrent fluidique ; mais la science occulte peut seule ap-
prendre à distinguer l'irradiation essentielle du reflet illu-
soire, en sorte qu'on sache éliminer celui-ci, pour retenir
celle-là. Le péril est d'évoquer à son insu des mirages
errants adéquats à ses pensées coutumières, et de trouver
par suite, dans une vision estimée céleste, l'éloquente
confirmation, — disons mieux : la traduction fidèle — du
verbe intérieur de sa foi ou de ses désirs. L'extase pas-
sive inférieure a fait bien des dupes et des victimes ; la
plupart des visions béatifiques lui sont expressément at-
tribuables.
Ce qui importe avant tout à l'adepte, c'est de parvenir
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LES MYSTÈRES DE LA SOLITUDE 213
à se mettre en communication spirituelle avec rUnitc di-
vine ; c'est de cultiver l'un des degrés de l'Extase active,
et d'apprendre à faire parler au dedans de soi, vil atome,
la voix révélatrice de l'Universel, de l'Absolu...
Est-il donc possible au Relatif de comprendre l'Absolu?
— Xon, sans doute ; mais d'y assentir, en s'unissant à
Lui... Un fragment de miroir convexe ne reflète-t-il point
tout le Ciel ? Toute la grande voix de l'Océan ne chante-
t-clle pas au creux du plus humble coquillage, qui a eu
la fortune (dit la Légende) d'essuyer, fût-ce une heure,
son immense et sonore baiser ?
Ainsi l'Extase laisse à l'àme extasiée (ne fût-ce qu'une
heure) l'imprégnation de l'Infini, la notion vécue de l'Ab-
solu, — le murmure intarissable du Soi révélateur, qui
contient tous les Moi sans être contenu d'aucun. Quelles
jouissances ! Retremper sa vie individuelle à l'océan col-
lectif de la Vie inconditionnée, ou aspirer la sève spiri-
tuelle à même l'Esprit pur — et s'en nourrir ! C'est une
décisive initiation : une fenêtre ouverte sur l'immensité
de laLumière intelligible et de l'Amour divin, de la Vérité
céleste et du Beau typique.
Retrouver le chemin du primitif Éden !... Beaucoup
passent à côté de la porte qui commande ce sentier, sans
même apercevoir cette porte ; ou, la voyant, dédaignent
d'y frapper. Peut-être même tel curieux y frappe-t-il,
qui ne sait point faire résonner le seuil des trois coups
mystiques : il heurte en profane, et il ne lui sera pas ou-
vert.
Le Christ a dit : — Petite et accipietis ; pulsate et ape-
rietur vobis ; mais il a dit aussi : Multi vocatif pauci veto
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2i4 LA CLEF DE LA MAGIE NOIRE
electi. — Comment concilier ces deux textes ? Ah ! c'est
que parfois ceux-là frappent à la porte, qui ne sont point
appelés encore ; souvent ceux qui sont appelés n'y frap-
pent pas, ou plus souvent, y frappent mal.
Si donc tu aspires à devenir un adepte, évoque le Ré-
vélateur qui réside au dernier tabernacle de tout être ;
impose au Moi le plus religieux silence, afin que le Soi
se puisse faire entendre, — et alors, te réfugiant au plus
profond de ton Intelligence, écoute parler l'Universel,
l'Impersonnel, ce que les gnostiques appellent V Abîme...
Mais il faut être préparé, — et c'est le rôle de l'initia-
teur humain de surveiller ces préliminaires, — à défaut
de quoi l'Abime n'a qu'une voix pour celui qui l'évoque
étourdiment, voix terrible qui a nom le Vertige.
Au résumé, c'est un grand et sublime arcane que ce-
lui-ci : Nul ne peut parfaire son initiation, que par la
révélation directe de V Esprit universel, qui est la voix
qui parle à V intérieur.
Il est le Maître unique, l'indispensable Gourou des su-
prêmes initiations. Nous connaissons les diverses ma-
nières d'entrer en rapport avec Lui : de L'aller chercher,
— de Le faire venir, — de Le laisser venir — de se don-
ner à Lui, — ou de prendre part à Sa souveraineté (1).
On sait de quelle sorte ambiguë certains ouvrages de
(1) A un autre point de vue. les RosQ-Groix ont classé les divers modes
de l'extase en quatre catégories, selon les caractères qu'elle affecte et
les résultats qu'elle donne : lo V Extase musicale, 2« Y Extase mystique,
30 V Extaie sybilline, 4* V Extase d'amour. Dans l'Appendice de la troi-
sième édition 6! Au seuil du Mystère, nous avons commenté et éclairci
la tradition reçue sur ce point (voy. ce livre, pages 218-224).
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LES MYSTÈRES DE LA SOLITUDE 215
haute science déguisent les Mystères, — à telles enseignes
que ces ouvrages, souvent très profonds, semblent à la
première lecture des libelles de honteuse superstition.
Sous quel voile donc les auteurs ont-ils enseigné cet in-
signe arcane, dont nous avons entr'ouvert ci-dessus le
tabernacle mystique?
Sous quel voile ? — Voilà qui est supérieurement cu-
rieux. Car c'est pour avoir confondu «la Lettre qui tue»
avec r « Esprit qui vivifie », que tant d'étudiants en oc-
cultisme donnent à cette heure dans le spiritisme pur et
simple.
D'une plume presque unanime, les hiérographes noti-
fient qu'il faut évoquer les Intelligences célestes, comme
seules susceptibles d'enseigner au théosophe les derniers
mystères. Moïse sur le Sinaï, N.-S. Jésus-Christ au jar-
din des Olives, visités par des Anges ; — Socrate et Plo-
tin, consultant leur génie ; — Paracelse et son démon
familier inclus au pommeau de sa dague; — Zanoni et
Mejnour interrogeant Adonai, etc Toutes ces légen-
des, selon leur plus haute signification, symbolisent ce
qui présentement nous est connu.
Non pas que nous contestions la possibilité ni l'utihté
de se mettre en rapport avec les Intelligences supérieu-
res, avec les âmes glorifiées ; mais tout cela n'est que
Magie secondaire, initiation au deuxième degré.
Au troisième degré, les esprits disparaissent... TEs-
prit demeure seul, irradiant, impersonnel, bouillonnant à
travers les éternelles profondeurs d'un Infini qui n'est pas
l'Espace; débordant d'Amour divin, de Vie, de Joie, de
Lumière, d'Espérance et de Beauté divines ; gorgeant
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216 LA CLEF DE LA MAGIE NOIRE
l'àme d'une ineffable omniscience qui l'enivre, sans qu elle
s'en puisse jamais saouler.
La personnalité égoïste se fond, disparaît, s'éteint à
l'horizon du fini que l'âme a déserté. En Dieu, comme
dans la Nature (rÉternelle Nature de Bœhme), tout est
beau, doux, évident, sublime — et formidable comme
un baiser dont on se sentirait mourir, noyé dans la vie!...
Voyez comment Abraham le Juif décvity sous l'emblème
que nous avons dénoncé captieux, l'accomplissement de
ce mystère : — « Tu verras alors que tu as bien employé
les mois passés, car, si tu as cherché la véritable Sagesse
du Seigneur, ton ange gardien, l'Élu du Seigneur pa-
roitra devant toy, et te parlera des paroles si douces et
si amicales, que nulle langue humaine n'en pourra ja-
mais exprimer la douceur (1). »
Au cours de ces notes sur l'Extase, nous nous sommes
élevés presque constamment dans une atmosphère plus
pure que celle de la zone astrale ; il est temps d'y re-
descendre, car tout n'est point dit encore du vieil er-
(i) La sagesse divine d'Abraham le juif, dédiée à son fils Lantech
(Mss. xviii* siècle, traduit de rallemaad [1432], 2 vol., pet. in-8. tome
II, page 76).
En publiant naguère, sous la rubrique de Notes sur V Extase, un
fragment du présent chapitre, nous avions transcrit cette même phr&se
d'Abraham le Juif,où nous avions cru lire ces mots : • l'Élu du Seigneur
apparaîtra dedans toy. » Nous les avions même soulignés, tant ils nous
avaient paru significatifs et profonds. Par malheur, en examinant le
manuscrit de plus près, nous avons constaté qu'une surcharge, très
habilement faite, nous avait induit en erreur. U est fâcheux d'avoir
à modifier la phrase dans un sens de banalité ; mais le texte original
portant <c devant toy », il a bien fallu rétablir la citation en conséquence.
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LES MYSTÈRES DE LA SOLITUDE 217
mile pentaculaire, ni des conséquences de son isolement,
sur le plan des fluides hyperphysiques.
Nous devons, pour clore ce chapitre, toucher un mot
des Incubes et des Succubes. Le lecteur ne saurait s*en
étonner, car ces spectres sont les légitimes enfants de la
solitude sexuelle.
On peut paraître se jouer des lois de la Nature ; mais
qui la violente s'expose à des représailles d'ordre sou-
vent inattendu, avec accompagnement d'humiliations
étranges Derrière ces humiliations même, la Mère
Céleste, toujours indulgente, s'ingénie à glisser quelque
salutaire leçon pour ceux qu'elle juge capables de s'a-
mender, ou un grain d'ellébore en faveur des monomanes
encore curables.
N'est-il point des orgueilleux de la vertu, comme il est
des austères du vice?.. Que de simples mortels, alléchés
et déçus par une vanité un peu naïve, se flattent, en gar-
dant toute leur vie une rigoureuse continence, d'éluder
la norme sexuelle !
Le traducteur autorisé de Moïse fait bien dire au Créa-
teur du monde : — Croissez et multipliez (Genèse jly 28);
— l'homme se joindra à la femme et ils seront une même
chair (Genèsey 11,24). Mais qu'importe aux mystiques de
la continence ? Cet avis et ces prescriptions ne sauraient
être pour eux, les purs, les saints, les privilégiés!... Eh
bien, qu'ils ne l'ignorent plus, ces présomptueux d'une
vertu scandaleuse, puisqu'elle est anormale : en reniant
la loi des sexes, en se refusant à l'amour d'un époux, en
se dérobant au baiser d'un être comme eux de chair et
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218 LA CLEF DE LA MAGIE NOIRE
d'os, ils se sont désignés aux dégradantes promiscuités
de rinvisible et voués d'eux-mêmes aux stériles embras-
sements des fantômes.
Sans doute, il est des cas où la continence absolue se
légitime logiquement ; mais nous verrons tout à l'heure
à quelle quotité négligeable ils se réduisent.
Si l'on excepte d'ailleurs les exemples assez fréquents
d'atrophie par non-usage des organes physiques, — à
quoi correspondent parallèlement la dégénérescence de
certaines fonctions du cerveau, et quelque altération, au
moins partielle, du sens moral : à part ces cas patholo-
giques d'une castration sans chirurgien ni scalpel, il est
certain qu'en sevrant leur cœuret leurs sens de toute sa-
tisfaction, ces fidèles d'un inflexible célibat n'ont pu abo-
lir en eux ni la virtualité de l'amour sentimental, ni l'ap-
pétence au plaisir physique, — et schismatiques déso-
rientés du sentiment comme de la sensation, ils aiment
sans but, ils désirent sans objet. Leur verbe intérieur
s'empare dès lors de ces préoccupations, pour les for-
muler.
Or, tous les verbes sont créateurs. — Comme le verbe
impératif objective ce qu'il veut, comme le verbe dogma-
tique réalise ce qu'il affirme, ainsi le verbe appétent évo-
que et suscite ce qu'il convoite.
Ici, pour éviter les redites, nous renvoyons le Lecteur
à notre théorie des Larves et des Concepts vitalisés ; il y
trouvera l'explication du choc en retour que ces fantô-
mes exercent sur les auteurs de leur existence.
Ce qui est vrai pour les individus ne l'est pas moins
pour les collectivités humaines, — et la potentialité créa-
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LES MYSTÈRES DE LA SOLITUDE 219
trice des communs vouloirs se développe et s'accroît en
progression géométrique, et en raison directe du nombre
des êtres rassemblés sous une même oriflamme, tous épris
d'une chimère identique ou fervents d'un même idéal.
Là sans doute réside la force des plus sublimes reli-
gions, comme des sectes les plus excentriques et des
eomniunaulés même les moins respectables. — Le cow-
sensus des sorciers crée le sabbat en Astral ; ainsi le con-
scfisus du fanatisme musulman crée à la lettre pour ses
fidèles le paradis rêvé par Mahomet ; ainsi le comensus
de certains mystiques rompt l'équilibre du monde hyper-
physique, en y créant des tourbillons de folle et conta-
gieuse extase... — Mystères de la multitude : voilà qui va
faiie, en partie, l'objet de notre troisième chapitre in-
titulé : la Roue du Devenir,
Mais revenons à V Incubent au iSw(^cii&6 proprement dits,
où plusieurs ne veulent voir que l'expression d'un mythe
suranné, les figures personnifiées et purement poétiques
d'une chose qui ne l'est guère : la Pollution nocturne.
Ceux-là, pour accuser avec décence ce petit désagrément
intime et assez ridicule en soi, disent simplement : fai
rêvé...,.
Mais les anciens, — estimant que les diverses angois-
ses du sommeil sont dues à la malice de certains êtres
fantastiques (1), pernicieux démons qui se plaisent à
(1) Ces deaz opinions sont un peu extrêmes. Toutes deux, dans la
moyenne des cas, expriment une part de la vérité. C'est la môme ques-
tion, envisagée sous deux faces différentes. On trouvera dans notre
théorie des Larves, le moyen de concilier ces deux appréciations d appa •
rence inconciliable.
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220 L\ CLEF D5 LA MAGIE NOIRE
molester, étouffer et tourmenter le dormeur, en pesant sur
lui de tout leur effort malveillant ou libidineux, — les
anciens confondaient volontiers les idées de pollution
nocturne et de cauchemar.
Les grecs ont synthétisé les deux, en les personnifiant
sous l'appellation assez vague d'Ephialle (racine c(pii>J«,
je m'élance sur) \ le mot latin /^switor (racine : insullOy je
saute sur) témoigne par son étymologie que cette concep-
tion n'avait pas varié, en passant de Grèce à Rome.
Le vocable tyiàXttiç, qu'on a traduit par cauchemar y
offrait donc un double sens. « L'Éphialte, dit le bon
Pierre Le Loyer, estoit vne maladie populaire et épidé-
miale »... et il ajoute : « le croiray qu'il y auoit quelque
chose d'extraordinaire, voire supernaturel en TÉphialte
de Rome (i). *
Ne haussons pas les épaules à la légère : cette opinion
du Conseiller au siège présidial d'Angers est très remar-
quable. Notons bien qu'il dit épidémiale et non point
contagieuse.
Or, qu'est-ce qu'une épidémie? — C'est un agent mor-
bide, extérieur au malade, et qui, répandant l'infection
dans une zone parfaitement déterminable et circonscrite,
frappe d'un même mal un grand nombre des êtres vi-
vants qui s'y trouvent inclus. La zone dangereuse s'étend-
elle? On dit: l'épidémie a gagné; elle est ici, elle s'ar-
rête là... Il s'agit donc bien d'une cause réelle, objective,
en dehors des êtres qui en éprouvent les effets.
C'est en revenir à la thèse des Loca infesta du Père
(1) Tome I de l'Histoire des Spectres (Paris, Buon, 1605, in-4, p. 97).
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LES MYSTÈRES DE LA SOLITODE 221
Thyrée, dont le livre appuie sur de nombreux exemples
la vieille idée traditionnelle des lieux hantés.
Parmi ceux-ci, les cloîtres ont toujours tenu le pre-
mier rang. Cela devait être, puisqu'à tous égards ils
constituent un terrain remarquablement propre à la pro-
duction comme au développement des Larves en général,
et plus particulièrement de VIncube et du Swccw&a. L'his-
toire ecclésiastique le constate ; les dossiers de sorcellerie
en présentent la preuve officielle, revêtue d'une sanction
juridique; enfin l'unanimité des traditions populaires,
locales, viendrait, pour peu qu'il parût nécessaire, en
fournir l'éloquente confirmation.
D'ailleurs, tout le moyen âge, — l'ascétique moyen
âge, avec son fanatisme d'austérité fiévreuse et chagrine,
— a vécu, si l'on peut dire, en concubinage réglé avec
les Invisibles.
Voulons-nous des faits modernes? Les livres de mé-
decine en foisonnent, et c'est au docteur Calmeil, pen-
sons-nous, que revient l'honneur d'avoir introduit dans
le vocabulaire médical le terme assez piquant (1) à*Hysté-
rodémonopathie. — D'autre part, les missionnaires ca-
tholiques en Chine sont là, pour nous garantir le carac-
tère également épidémique et meurtrier qu'affecte en
Extrême-Orient ce mal étrange (2), sous l'étreinte du-
(i) N*implique-t-il pas un aveu tacite et peut-être inconscient?
M. Gougenot des Mousseaux cite, entre autres, les RR. PP. Desjac-
ques et Lemaltre, comme particulièrement édifiés sur le chapitre de ces
incroyables épidémies. Les indigènes qui en sont atteints, meurent à
l'échéance de quatre à cinq ans, dans la consomption et le marasme.
Un troisième missionnaire écrit : « C'est une maladie presque endé-
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222 LA CLEF DE LA MAGIE NOIRE
quel succombent des populations entières, et que les in-
digènes qualifient de commerce d'amour avec les Esprits.
Il ne s'agit plus d'un coït en astral, pendant le sommeil
ou la crise somnambulique, mais bien de véritables rela-
tions chamelles, consommées, le plus souvent à l'état de
veille, avec des spectres objectivés (1).
Dans certaines conditions d'ailleurs exceptionnelles,
nous ne nions pas la possibilité de copulation d'un être
humain avec un Êléinental (2) ou un Élémentaire con-
mique de certaines provinces de la Chine que nous avons explorées :
nous l'appelons la maladie du Diable ■. Consulter les Hauts Phénomènes
de la Magie, (Paris, Pion, i864, in-8, pages 392-393).
(1) Quant à la possibilité du coït dans ces conditions, et sans enga-
f^er une discussion scabreuse sur les difficultés qu'on pourrait soulever
À cet égard, — il suffira de dire que les objections s'évanouissent au
gré de ceux-là qui ont vu et touché les phénomènes de matérialisation,
totale ou partielle, éphémère ou durable, qui s'opèrent par l'entremise
de quelques médiums.
(2) Un théologien catholique du xvii* siècle, le R. P. Sinistrari
d'Ameno, capucin (1622-1701) a très curieusement examiné ce problème,
au double point de vue des faits observés et delà doctrine théologique.
Son ouvrage latin, resté deux cents ans manuscrit, n'a été traduit et
publié qu'en 1875, par les soins de l'éditeur Liseux. Sontitreest signi-
iicatif : de la démonialité et des animaux incubes et succubes, où Von
prouve qu'il existe sur terre des créatures raisonnables autres que
Vhomme, ayant comme lui un corps et une âme, naissant et mourant
comme lui, rachetées par N.-S. Jésus-Christ et capables de salut et de
damnation (Paris, Liseux, 1875, in-8).
Le P. Sinistrari d'Âmeno décrit la nature des Esprits élémentaires c(
leurs relations avec l'homme, en des termes assez souvent corrects, au
point de vue de la Science occulte. On dirait d'un Paracelse devenu
casuiste et controversiste romain, mais ne rétractant que le moins pos-
sible de ses théories hermétiques.
Les Incubes et les Succubes ne seraient point, selon lui, des démons
d'enfer Ces créatures • seraient des animaux raisonnables, munis de
sens et d'organes corporels, ainsi que l'homme; toutefois elles différe-
raient de l'homme, non seulement par la nature plus subtile de leur
corps, mais par la matière. En effet, l'homme a été formé, comme le
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LES MYSTÈRES DE LA S0L1TUDK 223
denses, ni celle du viol acconfpli par le magicien noir en
sortie de corps astral.... Mais sur le mode de perpé-
tration d*u0 tel acte, il convient de laisser un voile
impénétrable : tout commentaire serait lui-même cri-
minel.
Pour en finir avec l'Incube et ses équivalents, il faut
bien toucher un mot, aussi prudent que possible, du plus
secret arcane de la théurgie pratique ; effleurer ce que
constate l'Écriture, de la partie la plus épaisse de tous les éléments,
c est-à-dire de boue, mélange épais d'eau et de terre : ces créatures, au
contraire, seraient formées de la matière la plus subtile de tous les élé-
ments, ou de l'un d'eux ; ainsi les unes tiendraient de la terre, les au-
tres de l'eau, ou de l'air, ou du feu... » (page 79). Le pèro Sinislrari
ajoute, quelques feuillets plus loin : « Nous admettrons encore que ces
Aires naissent et qu'ils meurent ; qu'ils se divisent en mâiles et femelles ;
qu'ils ont, comme les hommes, des sens et des passions ; que leur corps
se nourrit et se développe : toutefois, leur nourriture ne doit pas être
grossière comme celle qu'exige le corps humain, mais une substance
délicate et vaporeuse, émanant, par efHuves spiritueux, de tout ce qui,
dans lanature, abonde en corpuscules très volatils, etc.. • (page 83).
Vers l'époque où le Père d'Ameno écrivait ce traité, l'abbé de Villars
publiait son Comte de Gabalis, 1680, in-12, qui traite également des
Esprits élémentaires et de leurs rapports avec les hommes. Mais l'abbé
de Villars, interprétant au pied de la lettre les allégories des Kabba-
Ustes (Voy. Au seuil du mystère, pages 214-216 de la 3* édition), ne re-
connaît à l'Élémental qu'une àmc périssable, et l'exclut de la Rédemp-
tion chrétienne ; à moins qu'une créature humaine du sexe opposé ne
l'immortalise, en s'unissant à lui par les liens de l'amour. Les deux
volumes, tous deux écrits d'un style agréable, sont des plus curieux à
rapprocher.
Cf. également les opinions de François Hédelin (plus tard l'abbé
d'Aubignac), qui publiait, environ 50 ans avant le Père d'Ameno, un
livre fort piquant, où il soutient la thèse en quelque sorte opposée à la
sienne : Des satyres brutes, monstres et démons^ contre l'opinion de
ceux qui ont estimé les Satyres estre une espèce d*hommes distincts et
sépares des Adamicques iParis, Buon, 1627, in-8). — L'éditeur Liseux
a réimprimé ce livre, qui n'est pas commun.
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224 LA CLEF DE LA HAGIE NOIRE
certains Pères de la primitive Église ont flétri de ces
noms : mystère d'abomiJiationy abîme d'iniquité, honte du
sanctuaire, éternel opprobre des liommes et des dieux ^ —
tandis que les hiérophantes des nations y voyaient la
commmiion céleste et la chaîne de vie.
Écoutons d*abord Quantius Aucler, ce fou si paradoxal
et souvent sensé, ce païen mystique du xvm* siècle, qui
prêchait aux sans-culottes le culte de Gérés et de la
Grande Nuit :
« Ce n*est pas ici le lieu de vous dire comment une femme
peut penser que l*image des Forces de la Nature répandue
dans sa personne ; l'ordre de tous ses membres; la modestie,
rinnocence et toules les vertus dont sa taille, sa démarche el
son visage sont Texcellent tableau, puissent plaire à une In-
telligence supérieure, et lui faire désirer de s*y mêler et d'eu
jouir: c'est ainsi que saint Paul prescrit que toutes les femmes
soient voilées dans les temples, de peur que leur beauté ne
cause des dislraclions aux Intelligences supérieures qui assis-
tent aux sacrés mystères.... Vous aurez peine à comprendre
comment les dieux peuvent être épris de la beauté mortelle
d'une femme, et désirer de posséder les signes que la beauté
intellectuelle répand sur la forme extérieure : vous connaissez
peu l'amour!... Encore moins, comment une Déesse peut
s'adapter au corps solide, et désirer de recevoir en son sein le
symbole des forces et des vertus d'un héros, ou de celles d'un
sage puissant (1)... »
En transcrivant ces lignes embarrassées d'Aucler,
nous ne prétendons ni les expliquer, ni moins encore
entreprendre la justification de l'idée qu'elles trahissent...
(1) La Thréicie, seule voie des sciences divines et humaines, pages
192-193 et 285-286, passim.
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LÊ^ 5IVST£K£î* m IX
Cela dit, rapjjellerona-nou^ jk
niipliale et sucrre, tendue au soiiir
tours superposées, qui doiuitiLtiei
raille du iScpleutriou? Là ruuclja]
femijie cliQisie jjai'îes niàges pour
dieu Béliis.
Ce rile était commun a lats les
païenne.
Les seeptiques, loujoui's [)rom|i
cation su[>erlleielle et piquante^ d
souiiçonneut ]ias toujours la portci
de pi'oduire a fe [n^upos l'aucedtjt
et eliaste niatîxitie, vendue un lil
prètï'es dWnulus ( I fj — et d insi
passaient en tous Iinix rournn^ a
comme sou^ Til)ere, le?; inini^li'es
volontiers, tlans les ras analoi^rm^^^
Loin de nous !a prétention de nu
ainsi. Mais de la (^nuslLiLalioii d'u
cooelure à la periuanenrr, à Vnli
L-e ?eî'ait l'aisoimer iVnnr ^uvlxj. iln
Ml rs'yii^^ avofi?=^ r[>nt« vn rl<'i.arl rétif avi-i
Sf^rpf'tit fli^ la fii'Ht'fî*' iit' Tittijift' t(i' Sff/fiti.
(i) n s'aqit J'iïrnj «|(ii'^hini d*' Utl, jumi
niûrLil ou saccTihital. — .\H5-i tu* ifi^^Lnii tn
qnihi sai^rçi^, ciliuqnr lY-sprit (■rjiitriii|ci.N'iiiri
le proloml coiitrasln^ i|n\fili.nt h'^ \< rn]»- \\
relativement ii la ni-Hii' rv jI- < otninvinJi > I
el J [iiitiiurak siirlouL,
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226 LA CLEF DE LA MACIE NOIRE
De pareils rites existaient-ils, oui ou non^dans la plu-
part des sanctuaires du vieux monde (1) ?
Qu*était-ce que V Autopsie des anciens mystères? —
Qu'appelait-on Yétat pneumatique des Élus, au cours de
la neuvième nuit des Éleusines? — En quoi consistait
proprement la Télétie^ ou possession extatique des dieux
deTHadès?
Qu'est-ce que certains Kabbalistes appellent encore le
baiser du serpent de feu? Qu'entendaient-ils, — en ma-
gie cérémoniale, — par Shéekinah PIJOU^, la Présence
réelle de la Divinité f
A quel arcane enfin fait allusion Moïse, au IV^ chapitre
de la Genèse :
nnta-om»n nîan-n» nnnSun ^aninTi
: nna yifn Sdd n»w3 nnS ^npn nin
Abstraction faite du sens hiéroglyphique pur, quelle
signification positive attribuer à ce f. Il, ainsi rendu par
Fabre d'Olivet : — EtAls-considérèrent, les-fils de-Lui-
leS'Dieux, ces-filles d'-Adam, que-bonnes elles-étaient :
et-ils'prirent pour^eux des-épouses-corporelles de- toutes
celles qu'ils-chérirent-le-plus (1)?
Il doit nous suffire, pour cette fois, d'avoir attiré sur
ces replis du serpent l'attention des esprits audacieux,
investigateurs sans défaillance, que le respect humain n'a
pas encore figés dans un entêtement de négation à priori.
Ceux-là n'ont pas peur d'encourir l'excommunication
(1) Langue hébr, restit,, tome II, page 177.
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LES MYSTÈRES DE LA SOLITUDE 227
majeure du ridicule que le vulgaire attache à la recherche
de ces arcanes troublants.
En somme, et sans revenir outre mesure sur les théories
que nous avons développées assez au long en ce chapitre,
ni sur des principes généraux dont il est loisible à chacun
de tirer les conséquences détaillées et des adaptations
spéciales au problème de TÉphialte^ disons, pour con-
clure, qu'en règle générale il faut voir, dans les Incu-
bes et les Succubes, des Larves de luxure, engendrées à
foison partout où des humains se laissent rouler à la
pente des concupiscentes rêveries, que leur suggère un
célibat contraint.
Le célibat rigoureux est un outrage à la Mère-Nature.
Tous les êtres, en effet, se manifestent en mode bissexué
sur ce plan physique de la déchéance : ils ne peuvent être
restitués dans leur plénitude ontologique, progressive-
ment rendus à leur intégrale unité, que par la fusion des
électricités complémentaires et la clôture du circuit qui va
d'un pôle à l'autre. On sent bien que nous ne parlons pas
seulement au physique, mais au moral surtout et à Tin-
tellectuel. C'est ce qu'on pourra mieux saisir au prochain
chapitre, où nous exposons la grande loi, généralement
insoupçonnée, de la polarisation double et quaterne de
l'Androgyne humain.
Telle est la règle. — Voici l'exception : en deux cas
seulement, l'homme ou la femme peut logiquement s'abs-
traire :
1^ En vue de l'acquisition de certaines facultés magi-
ques, ainsi que nous comptons le détailler ailleurs ;
2" Pour la pratique d'un mysticisme particulier, tout
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228 LA CLEF DE LA MAGIE NOIRE
d'abnégation et de renoncement final, où tendent intuitive-
ment ceux-là qu'une irrésistible vocation prédestine à la
vie religieuse, dans le sein de telle communauté, des or-
dres dits contemplatifs.
Ces deux cas limitatifs mis à part, la solitude sexuelle
n'a pas d'excuses, et quand elle se prolonge, — atrophie
ou obsession — Ton sait à quoi s'exposent ses fervents. . .
Nous l'avons dit : les êtres constitutifs de l'Univers vi-
vant sont comme lui androgynes ; ils se manifestent par le
binaire, en mode d'antagonisme équilibré.
Ils ne peuvent se produire et se reproduire, dans le temps
et rétendue, qu'à la faveur d'une double polarité et d'un
schisme en deux natures dont l'hostilité n'est qu'appa-
rente : car les pôles ne s'opposent l'un à l'autre que pour
être confondus. Le Vide appelle le Plein ; le Plein recher-
che le Vide : et ces deux termes complémentaires du
grand arcane de la vie n'ont de valeur et de raison d'être
que dans la loi de leur mutuelle pénétration ; isolés, ils
ne sont. rien, et ne peuvent qu'efforts stériles, subversion,
désordre...
Que serait le Père divin, sans la Mère céleste ? Que
serait le lody sans le Hé ?
Dieu lui-même ne se manifeste que par l'entremise de
son éternelle Épouse, la Nature naturante, dont le rôle
est de fournir aux Principes qu'il déploie une substance
plastique oii s'informer et prendre vie. L'Esprit demeure-
rait incompréhensible sans la Vie, qui le réactionne en l'é-
laborant; la Vie demeurerait un non-sens informe et
chaotique, à défaut d'Esprit qui l'élaborât.
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LES MYSTÈRES DE LV SOLITDDE 229
Céleste el mutuel amour des deux facteurs de TUnivers-
essence : Esprit et Vie ! Le Verbe rayonne à jamais dans
rharmonie de leurs noces indissolubles.
Aussi le Kabbaliste fameux Rabbi Shiméon-ben-Iockaï,
s'efforçant d'exprimer le Non-être initial, ou plutôt, (car
il n'y a pas eu de commencement au sens où Ton croit
d'habitude), Vinanité respective des deux Principes abs-
traits Vun de Vautre, dit-il :
: ]^S3«3 VS3^ Vn^awn lin «S
« Non respiciebat faciès ad faciem... »
(SiPHRA d'zENIHOUTHA, I, 2).
Il faut que les deux Faces d'En Hautse regardent : c'est
alors, — mais alors seulement, — que l'Éternel mascu-
lin et l'Éternel Féminin se révèlent l'un à l'autre, en un
baiser d'où naît perpétuellement TÊtre.
Ces principes sont d'ordre absolu ; ils portent en eux
l'évidence de leur rectitude... Mais, puisque nous avons
ouvert le Zohar, nous ne le refermerons pas sans en avoir
transcrit un autre texte, où la mutualité créatrice des cé-
lestes Époux est rendue par une image étrange et sublime:
— Le feu (lit-on dans les Commentaires) avait jailli du
lod paternel de Dieu, comme un serpent, et sous son
étreinte, la terre allait périr dévorée, quand la Mère cé-
leste, — que béni soit son nom ! — suscita les vagues
marines j qui vinrent affluer, libératrices, sur la tête brû-
lante du Serpent.
L'arcane universel de la Vie réside en l'incessante réci-
procité des Deux qui ne font qu'Un. L'isolement défini-
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230 LA CLEF DE LA MAGIE NOIRE
tif des facteurs complémentaires de l'Être ferait, en réa-
lisant la suprême solitude, flamboyer sur le mur de la nuit,
désormais sans aurore, une sentence qui serait la révéla-
tion soudaine de Tabsurde et du néant: la formule du
grand arcane de la Mort éternelle.
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0 ROUE DE FORTUNE "^
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(SEcnon 10]
La Boue de Fortune (dix) = Causalité = Vie
collective => Devenir {La Roue du Devenir).
Chapitre III
LA ROUE DU DEVENIR
Jne solide plate-forme, où siège le sphinx impas-
sible.
Plus bas, une vaste roue, entée sur un axe
mobile, que deux supports maintiennent à la hauteur
voulue.
Deux monstres» — les Génies antagonistes du Mal et
du Bien, — cramponnés à cette roue, de gauche et de
droite : là descend un démon cornu, la tête en bas, la
fourche au point sénestre ; il entortille au volant ses jam-
bes incertaines et squammeuses. Ici, c'est un cynocéphale
qui remonte ; sa tête est près d'atteindre à la plate-forme
du sphinx, et sa droite lève un caducée...
Tel est l'admirable emblème que nous présente la
dixième lame du Livre de Thoth.
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234 LA CLEF DE LA MAGIE IVOIRE
En haut, l'Absolu manifesté, le Verbe, potentiel d'une
inépuisable création. C'est le sphinx égyptien, qui résume
en sa forme synthétique celles des quatre animaux sa-
crés de la Kabbale (Haïoth hakkadosch tt^iipn nvn),
figuratifs des quatre lettres de Tincommunicable lod-hé-
vau'hé tl^tl^.
Typhon, descendant à gauche, symbolise Texode in-
volutif des sous-multiples verbaux, qui sombrent dans la
matière, entraînés au poids de leur chute, et qui donnent
ainsi le branle à la grande roue du Devenir.
A droite, Hermanubis emblématise, en remontant,
révolution des formes progressives de cette matière
même, réactionnée par l'Esprit, et le retour des sous-
multiples à l'intarissable Unité-mère d'où ils furent éma-
nés.
C'est, d'une part, le daïmon de Vlnvolution, qui, dans
sa chute grimaçante, n'a pu perdre entièrement la figure
humaine, — similaire de l'image divine, — cette figure
que ne parviennent point à dénaturer les cornes de la ré-
bellion, de l'égoïsme et de l'orgueil. — D'autre part, le
daïmon de FÊvolution ascendante, qui, brandissant le
caducée de la science et de l'équilibre, et sur le point
d'escalader la plate-forme sphingienne, garde encore sur
son visage le stigmate infamant de l'animalité, symbole
des règnes inférieurs d'où il émerge... Quel contraste
plus grandiose et plus significatif?
Les deux silhouettes monstrueuses figurent, en der-
nière analyse, un seul et même personnage, — VAdam
Cosmiquey — sous les deux aspects complémentaires de
la chute et de l'ascension, ou, si Ton veut, dans les deux
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LA ROUE DU DEVENIR 235
tendances inverses de l'Analyse et de la Synthèse, de la
différenciation et de l'intégration universelles.
Mais que dire de la conséquence immédiate de ce
mouvement double : le branle imprimé à la roue du
Temps sans bornCy qui va multiplier ses tours, embras-
sant V Espace illimité dans la sphère de sa rotation ?
N'est-ce point qu'elle touche au sublime, l'éloquence
hiéroglyphique des auteurs du Tarot, habiles à préciser,
en cette simple image, le Gomment et le Pourquoi du
rapport mystérieux et profond qui lie à la déchéance de
l'Adam céleste, la création de l'univers physique ef l'ou-
verture du cycle temporel ?
Au point de vue du total Cosmos, envisagé non plus
dans les principes de sa genèse, mais dans le fait de son
gouvernement et les ressorts de son déterminisme oc-
culte, notre pentacle ne sera pas moins significatif : le
sphinx deviendra l'emblème de la Providence, le cyno-
céphale, celui de la Volonté, et le démon celui du Destin.
Or, ces trois Puissances rectrices du Cosmos consti-
tuant en vérité sa triple nature, intellectuelle, psychique
et instinctive, — voilà la transition logique entre les vues
qui précèdent et un autre ordre de correspondances non
moins essentielles.
Que si nous passons en eff'et de la Cosmogonie à l'On-
tologie, la dixième clef du Tarot nous révélera la consti-
tution ternaire de tout être : Esprit, AmCy Corps.
Le sphinx symbolisera Vêlement spirituely actif et
mâle, ou le soufre-principe A des Alchimistes ; — Ty-
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236 LA CLEF DE LA MAGIE NOIRE
phon, Vêlement corporel, passif et féminin, ou le sel O
des alchimistes; — Hermanubis, enfin, figurera le moyen
terme entre l'Esprit et le Corps : X élément animique, ou
Mercure ^ des alchimistes, qui est androgyne, c'est-à-
dire actif relativement au Corps et passif à Tégard de
TEsprit (1).
Ceci nous donne la polarisation générale de chaque
être : pôle positif, +, l'Esprit; pôle négatif, — , le Corps ;
centre d'équilibre, <x, TAme.
D'ailleurs, l'Esprit, l'Ame et le Corps, envisagés sé-
parément, présentent chacun son ternaire de polarisation
bien distinct : pôle positif, pôle négatif, et neutre équi-
libré ; — ainsi qu'on peut s'en rendre compte en étudiant
à ce point de vue le magnifique schéma publié par Fabre
d'Olivet, dans son Histoire philosophique du Genre hu^
main (2), en une planche hors texte (3), et qui fait
malheureusement défaut dans un grand nombre d'exem-
plaires.
Mais c'est loin d'être tout. — Nous sommes amené à
(1) Voy. l'estampe du Grand Androgyne de Khunrath, qae nous
avons reproduite au Seuil du Mystère, et le Commentaire que nous en
avons donné (pages 129-150).
A un autre point de vue, — car tout est dans tout, — les herméti-
ques, pour qui le Soufre (universel ou spécifié, volatil ou fixe) est
toujours le Père ou principe actif, envisagent le Mercure comme la
Mère, ou principe passif, et le Sel comme le Fils, ou produit de l'union
du Soufre et du Mercure, du Père et de la Mère, de l'Actif et du Passif.
Cf., au chap. VII, notre précis d'art hermétique.
(2) C'est la 2« édition (1824) de son État social de V Homme, publié
en 1822. Le schéma ne se trouve point dans les exemplaires du pre-
mier tirage.
(3) Insérée à la page 26 du tome I.
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LA ROUE DU DEVENIR 237
faire connaître ici les principes d'un système de polari-
sation double et sextuple, applicable à tous les êtres vi-
vants, depuis les Puissances constitutives de l'Univers
envisagé comme tel, jusqu'au plus humble exemplaire
individuel qu'on veuille choisir, soit chez l'homme, soit
même dans la série animale (1),
Cette loi d'universelle polarisation des êtres constitue
lun des arcanes les plus occultes de la Magie. Sa révéla-
tion précise s'adresse aux seuls initiés... C'est un joyau
qu'on détache en leur faveur de cet écrin magnifique
où l'Antiquité sacerdotale entassa les trésors de son éso*
térisme : profonde réserve scientifique du passé, où l'a-
venir peut longtemps puiser à mains pleines, sans nul
risque d'en tarir les richesses.
Nous ne sachions pas que cette théorie ait jamais été
divulguée. Le docteur Adrien Péladan lui-même n'en fait
pas mention dans son livre génial de YAnatomie homolo-
gique (2). Du moins est-il certain qu'il la connaissait.
Joséphin Péladan transcrit en efifet, dans l'introduction
qu'il a mise en tête du livre posthume de son frère, une
page très remarquable d'une brochure antérieure, où le
docteur Adrien fait une allusion directe à la loi de pola-
rité cérébro-sexuelle, et déduit ingénieusement l'une de
ses conséquences. Quant aux autres ouvrages du même
genre que nous avons pu consulter, il ne s'y trouve pas
vestige de cette théorie.
(1) Jusque dans les règnes végétal et minéral, on pourrait relever
des analogies, susceptibles d'être rattachées à cette loi.
(2) UAnatomie homologique ou Triple dualité du corps humain,
Paris, 1887, in-8o.
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238 LA CLEF DE LA MAGIE NOIRE
Nous parcourions naguère la collection du Lotus, ex-
cellente revue d'occultisme, qu^une disparition préma-
turée empêcha seule de tenir ce qu'elle promettait, et ce
qu'un bon lexique des matières collationnées par ordre
en eût fait à coup sûr : l'encyclopédie théosophique des
études boudhistes en France. La page 102 du premier
tome mit sous nos yeux un article (reproduit du Théoso-
phist), où se trouve posé, sous la signature N. C, le pro-
blème de la polarité humaine, à propos de deux livres
parus quelques mois auparavant, Tun de M. le docteur
Chazarin, l'autre de M. le Professeur Durville.
Tout en rendant justice au mérite comme à la coura-
geuse initiative dont firent preuve ces deux explorateurs
d'un monde assez nouveau, M. N. G. aborde, au nom de
la science occulte, la critiquedes deux ouvrages. Ce n'est
guère le lieu de résumer ces opinions. Bien que le cen-
seur nous paraisse, à vrai dire, sinon partial en faveur
du docteur Chazarin, du moins un peu sévère pour M;
Durville, dont l'ouvrage est des plus remarquables, nous
ne prétendons point décider à qui revient la palme de la
découverte, ni même examiner si découverte il y a.
C'est le critique lui-même que nous mettrons sur la
sellette.
Il cueille et nous offre, avec la curiosité consciencieuse
d'un érudit herboriseur du Mystère, un certain nombre
de détails d'un réel intérêt; mais qu'il nous permette de
lui marquer notre surprise, — puisqu'il prend la parole
au nom de l'Occultisme, de le voir négliger les grandes
avenues de la science, pour battre les buissons à la re-
cherche de ses fleurettes.
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LA ROUE DU DEVENIR 239
Sans doute, les amateurs de physiologie secrète se-
ront heureux d'apprendre (s'ils ne le savent déjà), que
dans l'homme il y a sept forces, correspondant aux sept
principes analytiques de M. Sinnett, et que chacune de
ces forces se polarise à part sur son plan spécial d'acti-
vité ; que la moitié droite du corps est positive, Tautre
négative ; que les artères et les nerfs moteurs sont de
nature positive, les veines et les nerfs sensitifs de nature
négative; que deux liquides de caractère chimique diffé-
rent, séparés par une cloison poreuse, génèrent, ainsi que
Ta démontré M. John Trowbridge, un courant d'électri-
cité : d'où il résulte que l'endosmose, s'exerçant à travers
les tissus de l'organisme, doit donner naissance à un
courant ; — qu'enfin le coude est légèrement positif pour
la poitrine» et la main quelquefois négative pour le pied,
quelquefois positive.
Il y a beau temps que les étudiants en occultisme sa-
vent ces choses et quelques autres de même impor-
tance: les eussent-ils oubliées, du reste, que les analogies
des révolutions de levé, d'une part, et de l'autre, l'étude
du Penlagramune ou de l'Étoile flamboyante appliquée à
la physiologie, leur permettraient de reconstituer géo-
métriquement tous ces rapports.
L'auteur de l'article cite fort à propos la Kabbale et
renvoie au glossaire de Rosenroth (tome 1 de la Kabbala
Denudata)y où se trouvent d'intéressantes notions sur la
polarité : entre autres la localisation de l'axe magnétique
(1) Découverte de la Polarité humaine, Paris, Doin, 1886, ia-18.
(2) Traité expérimental et thérapeutique du Magnétisme, 1 886, in-8.
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240 LA CLEF DE LA MAGIE NOIRE
dans Taxe du système cérébro-spinal, ce qui semble, en
vérité, d'un intérêt déjà capital.
Mais ce que les étudiants ignorent et ce que, — par-
lant au nom des maîtres, — il eût été sans doute à pro-
pos de leur enseigner, c'est la grande loi de l'équilibre
vital, cette loi synthétique et rigoureuse qui permet de
déduire tant d'autres lois^et, englobant à la fois les trois
foyers d'activité qui constituent la vie de tout être, sert
d'infaillible critérium pour localiser à priori, non seule-
ment la bipolarité de chacun des trois systèmes dyna-
miques, — l'intellectuel, l'animique et l'astral, — mais
aussi les termes d'une polarisation qui s'affirme cruciale,
en mode double de réciprocité inverse et complémentaire,
et qui va de l'intellectuel au physique, d'une part, et de
l'individu mâle à l'individu femelle, de l'autre.
C'est bien là, non pas ailleurs, la clef absolue de la
biologie occulte, — dite en magie, clef de la composition
des aimants j — une loi vraiment universelle, et, par sur-
croît, révélatrice d'une foule d'autres : celles, par exem-
ple, de la Sociologie et de THistoire primitive; ou (si,
nous élevant du plan terrestre à des plans supérieurs
d'existence, nous voulons généraliser), celles de la Cos-
mogonie et de la Théogonie occultes.
Nous voici derechef dans l'ésotérisme le plus secret des
temples antiques. La connaissance de celte loi pivotale
n'était transmise qu'au seul Épopte, par voie tradition-
nelle etsousla garantie d'un serment solennel et terrible...
Non pas qu'une pareille révélation se traduisit par un
aphorisme immoral ou dangereux en soi; mais elle
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LA ROUE DU DEVENIR 241
permettait de fabriquer uti passé-partout, à Thabile em-
ploi duquel il n*était guère de portes, dans le sanctuaire,
qu'on estimât susceptibles de résister.
Or, si le secret juré ou quelque motif du même genre
fermait la bouche à M. N. C, du moins aurait-il dû, —
montant dans la chaire Ihéosophique pour juger ex ca-
thedra MM. Durville et Chazarin, — démontrer l'exis-
tence d'une loi de synthèse, et en déduire celle, plus
particulière déjà, mais encore générale, d'une loi de po-
larité chez l'homme,
Quant à nous^ que nul engagement ne lie^ nous allons
prendre à tâche d'exposer au bref cette théorie, large
comme l'univers, simple comme la nature, et rigoureuse
comme une équation d'algèbre : néanmoins, pour ne pas
nous écarter du point de départ de cette digression, nous
entendons, la formule générale une fois énoncée, en
resireindre l'application toute schématique à la physio-
logie de l'homme, ou, pour mieux dire, à la biologie de
TAndrogyne humain.
Le Lecteur nous saura gré, peut-être, de laisser à son
intelligence sagace le soin, d'ailleurs facile, soit d'en éten-
dre l'adaptation à des objets plus universels, soit au
contraire de la restreindre à de plus spéciaux.
La loi peut se formuler en ces termes :
Le mâle est positif dans la sphère sensible, négatif dans
la sphère intelligible.
La femelle, par contre, est positive dans la sphère intel-
ligible, négative dans la sphère sensible.
Inversement complémentaires, le mâle et la femelle
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S42 LA CLEF DE LA MAGIE NOIRE
sont neutres dans la sphère médiane du psychique. Cette
similitude animique (1) est même leur seul point de fu-
sion. C*est moralement la charte d*En haut qui consacre
ridentité de la race, entre individus de sexe opposé.
Mais cette règle se conçoit à peine, condensée en une
formule aussi générale, et son incalculable portée appa-
raît bien vague encore, pour ne pas dire bien nulle.
A cette heure, il convient d'en faire brièvement l'adap-
tation, dans les limites que nous nous sommes tracées
d'avance.
Donc, appliquant cette loi vraiment universelle à
l'homme terrestre, — au couple humain, — c'est-à-dire
à rêtre adamique envisagé au plus haut point où son
évolution aboutit sur notre planète ;
Considérant qu'on peut compter en lui trois centres
d'activité: — 1° le foyer intellectuel, localisé dans le cer-
veau, et dont le pôle occulte réside aux circonvolutions
supérieures de cet organe ; — 2° le foyer animique, loca-
lisé principalement dans le cœur et le grand sympathi-
que et dont le centre occulte n'est autre que le plexus
solaire ; — 3° le foyer sensitif^ qui distribue son énergie
aux divers organes des sens, et dont le pôle occulte (2)
aboutit à l'organe génital ;
Nous disons que chez l'homme^ Vorgane génital est
mâle ou positif, et le cerveau féminin ou négatif;
(1) Que si Ton était porté à mettre en doute cette similitude, en
songeant quelles nuances très marquées différencient les &mes mascu-
line et féminine, nous prierons qu'on se reportât à la note 3 de la
page 246 (et suiv.). Nous croyons avoir résolu cette difficulté.
(2) Non le centre apparent.
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LA ROUE DU DEVENIR 243
^
Qu'à l'inverse, chez la femme, Vorgane sexuel est fémi-
nin ou négatif et le cerveau mâle ou positif;
Qu'enfin, chezVhomme comme chez la femme, le plexus
solaire consiste le point central équilibrant de l'organisme
tout entier.
Qu'est ce qu'un organe mâle? — C'est celui qui pro-
duit la semence, le germe rudimentaire que l'organe fé-
minin reçoit, réactionne, geste, nourrit, élabore et déve-
loppe un lemps plus ou moins long, à l'expiration duquel
ce dit organe met au jour un être parfait, c'est-à-dire
évolué en acte, et conforme au germe fécondateur qui
ne contenait cet être qu'en puissance.
Ces choses apparaissent évidentes, à n'envisager que
le pôle génital chez les individus des deux sexes : nul
ne contestera que le phallus de Thomme est actif, c'est-
à-dire un instrument de fécondation ; le ctéis de la femme
passif, c'est-à-dire un instrument de réception, de gesta-
tion et d'élaboration définitive.
L'inverse n'est pas moins certain, si nous considérons
le cerveau, cet organe où se manifeste la contre-polarité
du sexe (1).
(1) Vainement objecterait-on la presque identité du cerveau, chez les
individus des deux saxes, en regard de la dissemblance profonde qui
s*accuse aux organes de la génération. Les idées, étant d'ordre intelli-
gible, n ont que faire de véhicule phallique ou de cavité utérine pour
Taccom plisse ment de l'hymen idéal. U leur suffit d'un organe conden-
sateur qui est le cerveau, analogue chez l'homme et chez la femme,
comme deux bouteilles de Leyde toutes pareilles peuvent être chargées
d'électricité de nom contraire, (Qu'on nous pardonne ce grossier rap-
prochement t]
D'ailleurs, c'est fréquemment sous une apparence sentimentale, que
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^44
LA CLEP DË la magie NOIRE
Le cerveau mâle delà femme ne donne que des germes
d'idées, mais lui seul donne ces germes, c'est-à-dire le
mouvement initial et la substance première, en un mot
le sperme intellectuel (1).
C'est le cerveau mâle de la femme qui féconde la cer-
velle féminine de l'homme.
Ainsi, d'une part, le cerveau de la femme est à la cer-
velle de l'homme, comme le phallus de l'homme est au
ctéis de la femme.
D'autre part, chez la femme, le cerveau est au ctéis,
comme, chez l'homme, le phallus esta la cervelle.
4
ÉQUILIBRE
:^^
\
[Cœur et ) *^
le sperme d'ordre intelligible est transmis par la femme : ce sont, dans
ce cas, les centres animiques, ou médians, qui deviennent les lieux pro-
pres au phénomène de la copule, non pas à celui de la fécondation : car
le sentiment, transmis au centre animique de l'homme, se sublimé pour
atteindre sa cervelle, matrice appropriée où il va reprendre sa première
qualité de sperme idéal.
(i) L'ère préhistorique nous en présente un exemple frappant, si
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LA ROUE DU DEVENIR 245
De ces prémisses on peut déduire d'innombrables con-
séquences, dont nous n'esquisserons que les principales
et les plus décisives (1).
Cest ici le lieu d'invoquer la loi fameuse en physique
générale : les contraires s'attirent, les semblables se re-
poussent.
En faisant à notre schéma l'application de cette for-
mule, nous comprendrons de suite :
L'horreur de la femme intellectuelle pour le type du
viveur, expressif à son gré de toute la bestialité du mâle;
— et réciproquement, le mépris du viveur pour la femme
intellectuelle, qu'il traite volontiers de bas-bleu (ligne
positive des semblables);
Le dédain de l'homme de pensée pour la femme pure-
Dous Oxons nos regards sur Torigine des sociétés humaines. Ces temps
reculés n'ont sans doute laissé que d'indécis vestiges, et des monuments
d'une authenticité comme d'une signification souvent douteuses. Mais
la Légende supplée presque avantageusement aux récits de faits posi-
tifs : elle synthétise, en des types de généralisation Symbolique, des
notions que les récils de faits ne pourraient nous offrir que particula-
risées et disséminées... Or, l'Histoire et la Légende ne s'appuient-elles
pas l'une sur l'autre, pour venir nous apprendre que les premiers ger-
mes de civilisation furent toujours semés par la femme, dans le Destin
des races adolescentes ? L'œuvre que la femme a ébauchée, l'homme la
développe et la perfectionne.
N'est-ce point l'Amour, dans la cosmogonie phénicienne, qui tire le
monde du chaos? (Voy. Sanchoniaton, iexie et trad. dans Fourmont,
Réflexions sur l'origine des anciens peuples. Paris, 1747, 2 vol. in-4o,
tome I, pages 4-21). — Cf. Fabre d'Olivet, Hist. philos., iom^X, passim,
(1) L'examen du présent schéma va permettre au Lecteur de les
déterminer toutes géométriquement, pour ainsi dire. Une figure ulté-
rieure lui doit offrir encore d'autres indications, k l'effet de pousser ses
recherches plus avant, si bon lui semble.
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246 LA CLEF DE LA MAGIE NOIRE
ment sensuelle, — et réciproquement, l'aversion de
celle-ci pour celui-là (ligne négative des semblables).
La raison de ces antipathies ? — Voici : la tête positive
de la femme méprise le phallus également positif de
l'homme, et vice versa. — La tête négative de l'homme
a le plus profond dédain pour l'utérus de la femme, né-
gatif aussi, et réciproquement ; c'est que : les semblables
se repoussent.
Il ne serait pas plus difficile de qualifier de même les
sympathies inverses de ces antipathies; c'est que : les
contraires s'attirent (1).
Quant au centre moral (ou médian), équilibrant les
deux pôles occultes, — intellectuel (ou cérébral) et sen-
sitif (ou génital), il est neutre, aussi bien chez l'homme
que chez la femme. Aussi faut-il voir en lui le point de
suspension, non seulement de la balance bi-polaire dans
chaque individu, mais encore de la balance quadri-polaire
dans l'androgyne humain.
l! Amour proprement dit, qui est bien la force dé-
ployée par ce centre et qui lui appartient en propre (2),
l'amour est de même essence chez l'homme et chez la
femme. Il se révèle identique, ici et là (3), avec son cor-
(1) Chacun peut poursuivre et compléter le tableau de ces relaUvités.
(2) Comme étant avant tout passionnelle, c'est-à-dire animique, bien
que susceptible de se porter plus haut ou plus bas : soit au pôle céré-
bral (adoration), soit au pôle sexuel (appétit vénérien).
(3) Identique en son essence, non point en sa tendance. Ceci mérite
un surcroit d'attention... Le Lecteur est prié de porter les yeux sur le
précédent schéma : les courants passionnels y sont figurés par des flè-
ches en divers sens.
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LA ROUE DU DEVENIR 247
tège misérable et sublime de dévouement et d'égoïsme,
de tendresse et de jalousie, de serments éternels et d'ef-
fective instabilité.
Ajoutons qu'il constitue encore le moyen-terme, la
relativité sentimentale entre individus de sexe opposé.
Il est donc toujours central, ou médian, soit qu'on envi-
sage les individus isolés, ou les couples humains.
Aussi bien (comme nous l'avons fait voir au Seuil du
Pour nous en tenir à l'Amour envisagé séparément, chez l'homme,
puis chez la femme, notons qi>e la logique môme de notre figure le dis«
tingoe» ici et là, en deux courants de direction précisément inverse. Le
coarant, chez l'homme, monte du sexe (positif) à la cervelle (négative) ;
chez la femme, au contraire, 11 descend du cerveau (positif) vers l'uté-
rus fnégatif).
Ce contraste doit nous suffire ; c'est là qu'il faut chercher la cause
profonde de ces nuances qui différencient l'Amour d'un sexe à l'autre,
— nuances que nous négligeons de détailler, car chacun les connaît.
Un exemple, pourtant, et significatif. — Pourquoi, chez l'homme, le
désir a-t-il coutume de paralyser les facultés intellectuelles, qu'il semble
au contraire stimuler chez la femme?... C'est un fait indubitable et
cent fois vérifié, que l'homme le plus spirituel devient aisément gauche
et parfois stupide, en présence do la femme qu'il aime ou simplement
qu'il convoite ; alors que celle-ci se montre à l'homme qu'elle a distin-
gué, plus brillante, plus désirable que jamais... L'homme demeure en
panne, ou brûle ses vaisseaux^ sitôt débarqué : timide outre mesure,
il parait niais ; ou, résolu soudain, il casse tout. — La femme, elle,
ourdit à loisir les plus subtiles trames, pour capter sa chère proie ; et,
le sourire aux lèvres, achève de la fasciner, dissimulant les manœuvres
d'une tactique impeccable derrière les enfantillages de sa coquetterie
et les grâces de son babil... — C'est que, chez cette dernière, le courant
passionnel va du cerveau à l'utérus, laissant toute liberté d'action à
l'organe de la pensée. Chez l'homme, au contraire, le fluide erotique
(si Ton peutdire), remontant par brusques bouffées de l'organe génital,
afflue au cerveau, Toffasque et y détermine une congestion fatale au
libre jeu des facultés intellectuelles.
Cela se vérifie même de visu, et s'inscrit en hiéroglyphes purement
physiques : l'homme rougit au feu du Désir, et la femme devient pâle.
Les lèvres de l'un sont brûlantes, celles de l'autre toujours glacées, etc.
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248
LA CLEF DE LA MAGIE NOIRE
Mystère (1), c'est TAmour qui peut, — s'il est réalisé
dans sa perfection et qu'il s'affirme dans la stabilité d'un
merveilleux équilibre, — replacer l'être humain dans la
voie de sa future réintégration, en le restituant à l'état
d'androgyne harmonique.
C'est alors qu'identifiés dans une fusion tout intime, les
centres neutres de l'homme et de sa compagne ne font
plus qu'un seul centre : les deux époux ne font plus
qu'un seul Adam-Ève, en voie de se réintégrer à sa plé-
nitude ontologique, dans l'apothéose de l'Unité adami*
que et céleste, qui a nom l'éternel Verbe.
L'androgyne est devenu cet aimant quaterne, dégagé
des quatre courants élémentaires, dont le schéma peut
se tracer comme suit :
( 1 ) Appendice^ pages 1 4 3 • 1 4 4 •
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LA ROUB DU DEVENIR 249
Il parait superflu de pousser plas avant ces déductions.
Nous avons formulé la loi suprême qui régit la compo-
sition des aimants dans les trois mondes, — formule
vraiment magique, pour ceux-là qui sauront la saisir et
l'appliquer à propos. La grande Isis peut être conjurée
par l'adepte qui aura toute Tintelligence de cet apo-
phtegme sacré ; qu'il sache le proférer en temps et lieu,
les derniers voiles de la déesse tomberont à sa voix.
Un mot encore, avant de poursuivre notre chemin :
nous ne saurioiw dissimuler au Lecteur que cette loi (1),
dont l'enseignement vient de lui être transmis, est celle-
là précisément que vise Éliphas Lévi, à la page 132 de son
Dogme de la haute Magie. Après avoir exposé les doctri-.
nés attribuables au second feuillet du Livre universel
(1) Fabre d'Olivet en fait plusieurs foi? mention dans ses œuvres,
sans jamais en livrer la formule. Nous relevons ici une allusion presque
directe, qu'on peut lire au tome I de son Histoire philosophique : « Mais
l'homme n'avait pas été destiné à vivrô seul et isolé sur la terre; il
portait en lui un principe de sociabilité et de perfectibilité qui ne pou-
vait pas rester toujours stationnaire : or, le moyen par lequel ce prin-
cipe devait être tiré de sa léthargie, avait été placé par la haute Sagesse
de son auteur dans la compagne d'homme, dans la femme, dont Vorga-
nisation différente dans des points très importants, tant physiques que
métaphysiques, nîi donnait des émotions inverses. (Page 73). » Mais
Fabre d'Olivet n'a garde d'exposer en quoi cette organisation diffère.
Passant de suite à l'un des corollaires du théorème dont il élude renon-
ciation, il ajoute seulement : « Les mômes sensations, quoique procé-
dant des mômes causes, ne produisaient pas les mômes effets sur les
deux sexes. Ceci est digne de la plu? haute attention et je prie le lec-
teur de fixer un moment avec force sa vue mentale sur ce point
presque imperceptible de la constitution humaine. C'est ici le germe de
toute civilisation,le point séminal d'où tout doit éclore, le puissant mo-
bile d'où tout doit recevoir le mouvement dans l'Ordre social. — Jouir
avant de posséder, voilà Tinstinct de l'homme ; posséder avant de jouir,
voilà l'instinct de la femme^ etc. » (page 74).
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250 LA CLEF DE LA MAGIE NOIRE
de la vie, le savant maître trace ces lignes mystérieuses
et inquiétantes «pour les profanes :
« Tels sont les secrets hiératiques du binaire ; mais il en est
un, le dernier de tous, qui ne doit pas être révélé... L*arbre de
la science du bien et du mal, dont les fruits donnent la mort ,
est rimage de ce secret hiératique du binaire... Ce n'est point
le grand arcane de la magie ; mais le secret du binaire conduit
à celui du quaternaire, ou plutôt il en procède et se résout par
le ternaire, qui contient le mot de Ténigme du sphinx, tel
qu*il eût dû être trouvé pour sauver la vie, expier le crime in-
volontaire, et assurer le royaume d'OEdipe (1). »
Nous avons vu, en eflFet, par l'inspection des schémas,
comment le Binaire engendre le Quaternaire. Curieux
d'exprimer par un symbole graphique le mécanisme de
la résolution par le Ternaire, et du même coup celui
du retour à l'Unité (qu'Éliphas sous-entend), il va nous
suffire de considérer la figure de l'aimant quaterne
(â« schéma) comme analogue à une paire de ciseaux, mon-
tés sur axe au point central du schéma, et susceptibles
de se fermer comme de s'ouvrir, ad libitum. Puisque,
sur chaque plan d'activité, les semblables se repoussent
et que les contraires s'attirent, les pôles positif et néga-
tif de la région conceptuelle, d'une part; les pôles né-
gatif et positif de la région sensible, de l'autre, vont
s'attirer et se confondre. Quant au point central, équili-
brant, il ne bouge point : les ciseaux se sont fermés, et
nous avons obtenu, — selon la manière d'envisager no-
tre figure, — soit un Ternaire, soit une Unité.
Les quelques pages qu'on vient de lire seraient mieux
[t] Dogme et Rituel, tome I, pages 132-133, passim,
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LA ROUE DU DEVE?ÎIR 251
à leur place, peut-être, au cours de notre troisième sep-
taine : le Problème du Mal. De puissants motirs nous
ont dicté cette anticipation. D'ailleurs nous avions hâte
de munir ceux qui veulent bien nous accorder leur at-
tention suivie, d'un 7not de passe occulte, qu'ils trouve-
ront plus d'une fois l'occasion de proférer, lorsqu'un obs-
tacle imprévu paraîtra leur barrer la route.
Le dixième pentacle du Tarot est susceptible de com-
mentaires que nous ne saurions développer en ce
tome.
Tout le cycle temporel s'y inscrit symboliquement, sous
la figure de la Roue Mystique. La roue tourne, et le De-
venir s'engendre dans Torbe de sa rotation. Quand elle
s'arrêtera, l'antagonisme étant aboli, avec le règne du
Binaire impur, le monde physique aura cessé d'être.
Mais elle tourne : au côté sénestre, descendant, TEs-
prit choit dans la matière; au côté droit, ascendant, la
Matière évertuée darde la progression de ses formes am-
bitieuses vers la récupération d'une vie spirituelle. L'être
qui revêt ces formes successives n'atteint la spiritualité
pleine qu'après le dépouillement de ses écorces corpo-
relles, dont il ne garde qu'un simulacre arômal, flexible
comme un rêve... Ainsi, toute la série matérielle évolue
vers cet idéal ; mais meurt, en tant que matière, avant
que d'y atteindre : de cet effort proviennent les êtres
mixtes, de vie double et triple : matérielle et spirituelle,
et fluidique ; les êtres mitoyens entre le Ciel originel où
ils tendent à se rapatrier, et la Terre d'exil qu'ils n'ont
pas désertée encore.
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252 LA CLEF DE LA MAGJE NOIRE
. Tout ordre temporel réside là, dont le Devenir cons-
titue la norme. Le mode de formation de tous les êtres
dérive de la Loi.de composition des aimants, dont nous
avons livré la formule (1).
nàvta pci, dit Heraclite. Tout s'écoule. Nulle chose
n'est; toute chose devient. Dans l'univers, du moins,
ajouterons-noUs, pour n'infliger point un démenti à
l'axiome kabbalistique : c l'Ange qui a six ailes ne change
jamais. »
Or donc, si le fugitif Devenir est bien la loi de ce
monde déchu, demandons-nous comment ce Devenir
s'engendre. Voyons de quoi il est fait.
(1) Peut-être l'occasion nous sera-t-elle fournie ultérieurement, de
souligner quelques-uns des cas où cette formule trouve son application
directe. Pour l'instant, un exemple de détail suffira, qui mette en évi-
dence, après les adaptations d'ordre plus général qui ont été proposées,
quelle lumière répand la loi universelle des polarités, sur les moindres
phénomènes do la psychologie et de la physiologie courantes.
Les aspirants de la vie mystique connaissent bien, au même titre
que les novices de l'existence religieuse, la répercussion génitale des
ofTorts de spiritualisation, qui se traduit, dans la période qui succède,
par de phis fréquentes et de plus sauvages révoltes des sens. — De
quels contrastes est faite la vie claustrale ! Quelles alternatives de
ferveur religieuse et d'aspirations mondaines! Quelle recrudescence
d'orages sensuels, après la lumineuse sérénité des Ciels paisibles de
r&me !... A l'inverse, qui n'a constaté, en suite des pires concessions
faites à la chair et à la brutalité d^s instincts, cette reprise d'idéalité
qui sollicite l'être avec toute l'àpreté d'un désir ; ce besoin de travail,
cette.sainte fièvre de l'inspiration qui fermente au cerveau de l'artiste ;
cette atibe spirituelle, enfin, qui dissipe l'enténèbrement passager de
r&me subjuguée par la matière ?
« Dans la brute assoupie un ange se réveille ! »
(Bauoblairb] .
L'application de la loi susdite s'impose, aussi nécessaire, en ce cas
particulier, qu'elle s'imposait dans les exemples généraux d'ordre reli-
gieux ou social. '
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^c4t^ /fArC^ t-*-»^»
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LÀ liOVE ml DEVENIR 2S3
L'on se rendra .compte aisément, à observer les choses
de haut, que trois Puissances concourent à lé prodùrre.
Peu de penseurs l'avaient bien nettement senti, avant
que Fabre d'Olivet n'eût fixé les termes de cette triple
collaboration. Mystiques piirs, ou purs déterministes, ou
apologistes d'une liberté sans frein, tant d'autres avaient
trouvé plus simple d'assigner une source unique, au
fleuve de l'Eternel Devenir (1) ! Beaucoup de philosophes
en sont encore là.
— Tout se modifie, disent les uns, au gré du divin
Vouloir: la Providence est la cause voilée, l'Agent secret
et la mesure occulte de l'évolution universelle. —^ Hé !
non, répliquent lés autres: pouvez-voùs méconnaître
qu'une inflexible loi enchaîné l'effet à la cause, néces-
sairement? Le déterminisme est absolu, bu n'est point :
du Destin seul découle le fatal Devenir. ^— Et la liberté
humaine, protestent d'autres philosophes, qu'en faites-
vous ? C'est la Volonté qui engendre et règle le Futur :
et le Devenir n'est autre que le mode normal de sa gé-
nération.
Nulle de ces trois Écoles n'est méprisable, car chacune
enseigne une part de la vérité. Les trois Puissances
qu'elles préconisent isolées concourent à motiver l'ordre
des choses futures ; tout le mystère de l'Avenir réside
(1) « ... La plupart des écrivains qui m'ont précédé dans la carrière
u ont vu qu'un principe là où il y en avait trois. Les uns, comme
Bossuet, ont tout attribué à la Providence ; les autres, comme Hobbe»,
ont tout fait découler du Destin ; et les troisièmes, comme Rousseai^
n'ont voulu reconnaître partout que la Volonté de l'homme. • (Fabre
d'Olivet, Histoire philos., 1. 1, p. 55).
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254 LA CLEF DE LA MAGIE NOIRE
dans la loi de leur mutualité féconde. Loi créatrice et
capitale s'il en fut : absconse et voilée comme le Futur
qu'elle commande. Loi sibylline par excellence : tout art
divinatoire doit, pour être sérieux, fonder ses règles sur
la formule algébrique de son énonciation; et la prophétie,
exercée en mode intuitif ou rationnel, extatique ou dé-
ductif, conscient ou non, ne se justifie logiquement que
par l'évaluation d'un calcul de probabilités, qui se puisse
chiflFrer sur la valeur réciproque de ces trois facteurs,
combinés et proportionnés en raison de cette souveraine
loi.
Les fatalistes disent vrai, quand ils promulguent les
aphorismes suivants : une cause étaut donnée, l'effet s'en-
suit irrésistible. L'effet git inclus dans la cause comme
Toiseau dans l'œuf. Sitôt produit, l'effet devient cause à
son tour, pour engendrer de nouveaux effets, et ainsi de
suite, à perte de pensée. Mais les innombrables causes
existantes s'enchaînent et se combinent, s'enchevêtrant
de telle sorte qu'elles produisent, conjointement ou sé-
parément, des effets variés à l'infini. Si bien, qu'en dépit
du plus rigoureux déterminisme, l'effroyable complexité
des combinaisons rend impossible le calcul des effets à
naître.
Les mystiques de la Liberté n'ont pas tort, quand, fai-
sant émaner toute chose de la libre initiative du Vouloir
adamique, dont l'homme est actuellement la plus haute
expression incarnée, ils soutiennent que la Volonté serait
encore toute-puissante si elle ne s'était divisée, d'où la
chute, et l'ouverture du cycle temporel ; — quand ils ne
voient dans les obstacles fatidiques qu'elle a maintenant
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LA ROUE DU DEVENIR 255
à combattre, que Texpression, en quelque sorte consoli-
dée, d'un vouloir antagoniste au passé ; — quand ils sa*
luent dans le Destin (cette Puissance même qui lie indis-
solublement Teffet à la cause), une sorte d'attribut de la
Volonté, savoir : la garantie de pérennité des libres voli-
tions antérieures, irréductibles et vivaces, à Tépreuve
contre les possibles retours de celte Volonté même, et
prolongeant désormais leur essor palingénésique à tra-
ders la succession des apparences.
Les avocats de la Providence, enfin, ne sont pas moins
véridiques, lorsqu'ils célèbrent l'irréfragable et pacifique
impulsion que la suprême Puissance imprime à l'Uni-
vers : Tinfaillible empire exercé sur toutes choses par
celle Prévoyance maternelle, — qui est rinlelligence
même de la Nature, et qui agit immédiatement sur
Thomme, par illumination, inspiration, persuasion; et
médiatement sur le Destin, par l'intermédiaire de l'homme,
capable de modifier celui-ci, soit en combinant les causes
existantes, soit en en créant de nouvelles. Ainsi la Pro-
vidence édifie l'Avenir, sur les plans de la sagesse ; et,
répugnant à jamais contraindre la liberté humaine,
comme à violenter la règle du Destin, n'en influe pas
"^oins sur l'une et sur l'autre. En cas de conflit,. le der-
nier mot reste toujours à la Providence. Les deux autres
Puissances peuvent bien contrarier momentanément ses
desseins, en retarder l'exécution. Mais qu'est le temps,
pour la divine Sagesse ? Rien ne prévaut, en définitive,
contre «l'événement providentiel, précisément parce qu'il
est indifférent dans sa forme, et qu'il parvient toujours
à son but par quelque roule que ce soit : c'est le Temps
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!256 LA CLEF BIT LA' MAGIE NOIRE
seul et la Forme qui varient. La Providence n'est en-
chaînée ni à Tun, ni à l'autre (1). >
Nos Lecteurs savent déjà comment Tâme humaine,
placée ici-bas entre Tesprit et le corps, comme entre un
légitime époux et un séducteur de rencontre, décide de
sa vie future et en détermine le rhythme, selon qu'elle
se comporte à l'égard de Tun et de Tautre amant, qui
d'en haut et d'en bas la sollicitent: soit qu'elle se voue
à la fidélité conjugale, ou qu'elle s'obstine dans un adul-
tère dégradant. Or, une stricte analogie homologue l'Uni-
.vers total au moindre individu qui le reflète, en le résu-
mant; car identique est l'essence des êtres et des choses.
Tout sort du Grand Adam, l'Adam Kadmôn du Zohar...
Providence, Volonté et Destin sont au Cosmos intégral
ce que les trois vies spirituelle, psychique et instinctive
sont à l'exemplaire humain. Aussi la Volonté (soit collec-
tive, soit individuelle), inséparable de l'àme (universelle
ou particulière), devient l'artisan du Devenir, en collabo-
ration avec la Providence et le Destin, disons mieux —
en commerce avec l'Époux céleste ou le Fatum séduc-
teur (2).
Cependant, en conséquence de la chute universelle el
de la matérialisation qui en fut le résultat, la Volonté
(1) Hist. philos, du genre humain, t. I, pages S3-54.
(2) U convient de notifier, en passant, que la grande loj de sexuelle
polarisation trouve à s'appliquer ici, par analogie nécessaire. Qu'on ait
le talent de manier avec art la clef que nous avons fournie, et l'on sera
surpris de la fécondité avec laquelle se déploieront, et la genèse des
principes et le processus des conséquences, dans l'ordre tant universel,
que particulier.
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LA ROLE DU DEVENIR 257
générale se trouve astreinte à l'engrenage du Destin ;
comme l'âme, en conséquence de sa chute individuelle
(lisez de son incarnation terrestre), se trouve assujettie
aux exigences de l'organisme physique. Il est des rap-
ports forcés entre la Volonté et le Destin, de même qu'en-
tre la Psyché et le Corps.
Tout un monde de mutualités en procède, inéluctable-
ment : contraintes réciproques, répercussions, échanges...
Mais, en dépit de cette communauté forcée entre TAme
et le Corps, entre la Volonté et le Destin : l'âme peut
s'interdire de multiplier par sa faute ces points de contact
trop nombreux déjà, et vivre dans l'intimité de la vie in-
tellectuelle, en commerce avec l'Esprit pur. La Volonté
peut pareillement gouverner de conserve avec la Provi-
dence, en éludant les écueils du Destin.
Ainsi, Providentialistes, Fatalistes et Volontaires exclu-
sifs ont raison chacun pour une part. En conciliant leurs
systèmes, ils pourraient, d'un commun accord, déter-
miner la suprême formule de synthèse et d'équilibre qui
leur manque isolément. Et, pour énoncer en mode exoté-
rique la vérité sur ce point, nous dirons que si la genèse
pouvait être éclaircie des événements à échoir, elle nous
les révélerait attribuables pour un tiers à la fatalité du
Destin, pour un tiers à l'initiative de la Volonté, pour un
tiers à l'instigation de la Providence.
Seulement, qu'on y prenne garde : cette répartition
proportionnelle semblera le plus souvent erronée, par
suite d'une illusion d'optique mentale; cela tient à l'exer-
cice constamment occulte de l'influence céleste ici-bas-
L'action providentielle défie l'observateur, parce qu'elle
17
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258 LA CLEF DE LA MAGIE NOIRE
est médiate, et ne s'exerce qu'en mode fatidique, sous
l'apparence du déterminisme le plus strict ; ou en mode
volilif, sous celle de l'initiative humaine la moins con-
trainte qui soit. — Tel homme, par exemple, apparaît
très libre d'accomplir un acte donné, et l'accomplit en
effet; mais la Providence Tinclinait intérieurement à ce
faire : dira-t-on qu'il a librement voulu et agi ? Sans
doute, car il pouvait résister à l'action céleste; mais
spontanément? Non point, puisqu'il a voulu et agi en
conformité de l'inspiration d'En haut. — D'autre part,
tel événement, qui apparaît fatalement nécessité par une
cause antérieure, et semble par là ressortir au pur Des-
tin, fut préparé de longue date et suscité par la Providence,
qui, inspirant Tintelligence d'un Élu, ou même utilisant
la malice d'un pervers, a fait, en temps utile, semer
par l'un ou l'autre, ou par tous deux, dans le champ du
Devenir, la graine d'une plante qui lève à son heure en
plein terreau fatidique. — Voilà l'action providentielle
déguisée, au premier degré en action volitive, au second
degré en action fatidique, ainsi que nous l'avions fait
pressentir.
En résumé, des trois Puissances collaboratrices dont
dépend l'avenir, la seule Providence peut prévoir à coup
sâr, en décidant ce qu'elle fera, et promulguer la marche
des choses, en statuant sur l'essor de sa propre initiative.
Théorème évident, d'où procède un irrésistible corol-
laire : c'est que l'inspiration d'En haut peut seule conférer
au prophète une intuition certaine des choses futures.
Encore ce dernier ne les percevra-t-il qu'en puissance
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LA ROUE DO DEVENIR 259
d'être, et non point en acte accompli : puisque la forme
des événements à intervenir n'est aucunement fixée
d'avance, mais dépend des conjonctures plus ou moins
propices que fera naître le jeu mutuel du Vouloir humain,
toujours spontané dans ses libres allures, et du Destin
physique, toujours inflexible en son déterminisme
aveugle.
Ainsi tonne un Verbe de prophétie sur les lèvres des
Nabis, affirmatif quant à l'essence d'un événement à
venir, mais muet, — ou hypothétique et par suite faillible,
— touchant le fait de sa forme et l'époque fixe où il
adviendra. Sur ces derniers points, la Voix céleste (1)
elle-même ne peut prononcer que par calcul de proba-
bilités ; mais quelle vraisemblance en faveur de ce qu'a
disposé et prévu Celle-là qui, par excellence, prévoit et
dispose : prœvidel elprovidet! L'aléa se réduit à la quo-
tité négligeable.
La prophétie d'Orval, pour prendre un exemple pé-
remptoire en dehors des prophéties dites canoniques,
montre à quelle lucidité peut s'élever l'InteUigence hu-
maine, sous l'inspiration de la Providence divine.
Deux mots touchant l'authenticité de la prophétie
(1) Nous disons céleste (ou providentielle) et non divine. Cette dis-
tinction importe, au cas particulier. Rappelons en effet que la Providence
est l'Intelligence de la Nature (Cf. page 30). Quand nous accolons à la
Providence l'épithèle do divine, nous nous conformons au langage
reçu. C'est d'ailleurs à travers la Providence que Dieu se fait sentir à
nous. Puis ces extensions du sens des vocables sont coutumières en
toutes les langues, et nous pensons avec d'Olivet qu'il ne messied
point de sacrifier & l'usage en pareil cas, pourvu qu'on le fasse pour
la commodité du style, et non par ignorance ou confusion.
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260 LA CLEF DE LA MAGIE NOIRE
d'Orval. — L'hypothétique, d'abord : elle aurait été écrite
dans la première moitié du xvi® siècle, par un solitaire
de l'abbaye d'Orval, et publiée pour la première fois
dans un recueil de prédictions imprimé à Luxembourg,
en 1544. Voilà ce que nous n'avons pu vérifier. — Mais
le certain, c'est qu'on commença d'en parler lors des
événements de 1814-1815, etque Mademoiselle Lenormand
la connaissait en 1827, puisqu'elle en publia un impor-
tant extrait dans ses Mémoires de Joséphine^ imprimés
celte même année. Cette prédiction fut insérée in-extenso
dans le Journal des villes et des campagnes, en 1837
(n*» du 18 juillet, n<» 100 de la XXV' année) ; et depuis
cette époque, souvent citée et reproduite dans nombre
de publications.
Or, les événements de notre histoire y sont prédits, de
1797 à 1873, avec une stupéfiante précision; et si, à
partir de cette date, la prophétie ne s'adapte plus aux
faits, peut-être n'est-ce point défaillance de l'inspiration
sibylline, mais, comme nous le verrons, rupture de la
chaîne fatidique, par suite d'un acte imprévu, invrai-
semblable, de la libre volonté d'Henri V.
PROPHÉTIE D'ORVAL (1)
En ce lemps'là, un jeune ftomme (Napoléon) venu
d: Outremer (Corse) dans le pays du Celte gaulois se
manifestera par conseils de force (Toulon, Vendémiaire,
(1) Est-il besoin de prévenir que les observations entre parenthèses
sont de nous ? Le texte (en italiques) reproduit les termes mêmes de la
prophétie d'Orval.
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LA ROUE DU DEVENIR 261
campagne d'Italie) ; mais les grands qu'il ombragera
(les membres du Directoire) Venverronl guerroyer dans
les pays de la Captivité (réminiscence biblique : Egypte,
lieu de captivité d'Israël).
La Victoire le ramènera au pays premier (retour
d*Ég\pte). Les fils de Brutus (les Républicains) moult
slupides seront à son approche ^ car il les dominera (18
Brumaire) 6< prendra nom empereur (iSOi). Moult hauts
et puissans Roys seront en crainte vraye^ et son aigle
enlèvera moult sceptres et moult couronnes. Piétons et
cavaliers portant aigles el sang autant que moucherons
dans les airSy courront avec luy dans toute V Europe qui
sera moult esbahie et moult sanglante (guerres conti-
nuelles de l'Empire).
Il sera tant fort, que Dieu sera cru guerroyer d'avec
luy : r Église de Dieu moult désolée (par l'impiété révo-
lutionnaire) se consolera tant peu en voyant ouvrir encore
les temples à ses brebis tout plein égarées (suites du
Concordat) et Dieu sera béni.
Mais c'est fait, les lunes sont passées ; le vieillard de
Sion (le pape) maltraité (captivité de Fontainebleau)
criera à Dieu, et voilà que le puissant (Napoléon) sera
aveuglé par péchés et crimes. Il quittera la grande ville
avec armée si belle que oncques fut jamais pareille (levées
en masse pour la campagne de Russie, 1812) ; mais
oncques guerroyeur ne tiendra bon contre la face du tons,
(Anathème contre les conquérants, dont les jours sont
comptés). La tierce part et encore la tierce part de son
armée périra par le froid du Seigneur puissant (c'est
précis : retraite désastreuse de Moscou). Alors deux
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262 LA CLEF DE LA MAGIE NOIRE
bistres seront passés depuis le siècle de solution; et voilà
que les veuves et les orphelins crieront à Dieu, et voilà
que les hauts abaissés (princes français et nobles émi-
grés — ou encore les souverains étrangers) reprendront
force; ils s'uniront pour abattre Vhomnie tant redouté.
Voicy venir avec maints guenoyers le vieux sang des
siècles (retour des Bourbons, à la faveur des armées
coalisées), qui reprendra place et lieu en la grande ville
(première Restauration : Louis XVIII, 1814) ; alors
r homme tant redouté s'en ira tout abaissé (abdication de
Fontainebleau) près le pays d'outremer d'où il étoit ad-
venu (l'ile d'Elbe est à côté de la Corse).
Dieu seul est grand! (Cette exclamation, dans la prose
du bon Solitaire, marque presque toujours un change-
ment de règne). La lune onzième n'aura pas encore reluy,
et le fouet sanguinolent du Seigneur (Napoléon, autre
Fléau de Dieu) reviendra en la grande ville (retour de
IMle d'Elbe) et le vieux sang quittera la grande ville (fuite
des Bourbons, 1815).
Dieu seul est grand! Il aime son peuple et a U sang
en liaine. La cinquième lune reluyra sur maints guer-
royers d'Orient (les Alliés, bataille de Waterloo); te
Gaule est couverte dliommes et de machines de guêtre
(seconde invasion des Alliés). Cest fait de F homme de
mer! (Napoléon, captif à Sainte-Hélène). Voicy venir
encore U vieux sang de la Cap (le sang des Capétiens,
les Bourbons ; retour de Louis XVHI ; deuxième Res-
tauration, 1815).
Dieu veut la paix^ que son saint nom soit bény ! Or,
paix grande sera dans le pays Celte-gaulois ; lu fleur
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LA ROUE OU DEVENIR 263
blanche (la fleur de lys) sera en honneur moult grand;
les maisons de Dieu ouyront moult saints cantiques (flo-
raison du culte, protection du clergé). Mais les fils de
Brutus (les Républicains) voyeiit avec ire la fleur blanche
et obtiennent règlement puissant (seraient-ce les Ordon-
nances royales contre les jésuites ?) dont Dieu est encore
moult fasché à causes des siens ; et pour ce que le saint
jour est encore moult profané, ce pourtant Dieu veut
éprouver le retour à luy par 18 fois 12 lunes.
Dieu seul est grand! Il purge son peuple par maintes
tribulations ; mais toujours les mauvais auront fin. Sus
donc lors, une grande conspiration contre la fleur blanche
chemine dans V ombre par mainte compagnie maudite, et
le pauvre vieux sang de la Cap quitte la grande ville.
(Révolution de juillet 1830, Charles X prend la route de
l'exil). Et moult gaudissent les fils de Brutus (courtes
illusions des Républicains). Oyez comme les servans Dieu
crient tout fort à Dieu et que Dieu est sourd, par le bruit
de ses flèches qu'il retrempe en son ire pour les mettre
au sein des mauvais.
Malheur au Celte-gaulois ! Le coq (symbole de la bran-
che cadette, de la maison d'Orléans) effacera la fleur
blanche (le lys de la branche ainée, symbole des Bour-
bons). Un Grand s'appellera roy du peuple (Louis-Phi-
lippe). Grande commotion se fera sentir chez les gens,
parce que la couronne aura été posés par mains d'ou-
vriers qui ont guerroyé dans la grande ville (premières
années de la Monarchie de juillet : instituée révolution-
nairement, elle est constamment menacée par la Révo-
lution).
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264 LA CLEF DE LA MAGIE NOIRE
Dieu seul est grand! Le règne des mauvais sera tm
croître. Mais qu'ils se hâtent : voilà que les pensées du
Celte-gaulois se heurtent et que grande division est dans
V entendement. (Instabilité ministérielle?) Le Roy du
peuple est en abord vu moult foible (jusqu*au ministère
Périer) et pourtant contre-ira bien les mauvais Mais
il n^ était pas bien assis et voilà que Dieu le jette bas !
(Révolution de Février 1848).
Huj'leZy fils de Brutus! (République de 1848). Appelez
sur vous les bêtes qui vont vous dévorer! (Fanatisme du
peuple pour Louis-Napoléon ; l'aigle de l'Empire repa-
rait en France avec son cortège d'oiseaux de proie). D/>m
grand! quel bruit d'armes (guerre de Crimée, guerre
d'Italie, guerre du Mexique, guerre franco-allemande).
// w'j/ a pas encore un nombre plein de lunes et voicy
venir maints gueiroyers... C'<?sf /a/<.' (L'année terrible
va amener l'invasion et la chute du second Empire)- La
montagne de Dieu (Pie IX), désolée, a crié à Dieu (poli-
tique perfide avec Rome). Les Fils de Juda 07it crié à
Dieu de la tene étrangère et voicy que Dieu n'est plus
sourd.
Quel feu va avec ses flèches ! Dix fois six lunes et pas
encore six fois dix lunes ^ ont nouiri sa colère. Malheur
à toy^ grande ville! Voicy les Roys (le roi de Prusse, les
rois de Saxe, Bavière, Wurtemberg, etc. ! Les rois !) ar-
mes par le Seigneur (rien ne prévaudra donc contre eux,
tout effort est inutile). Mais déjà le feu Va égalée à la
terre (bombardement de Paris). Pourtant^ les justes ne
périront point. Dieu les a écoutés. La place du crime est
purgée par le feu {les incendies de la Commune). Le grand
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LA ROUE DU DEVENIR 265
ruisseau (la Seine) a éconduit toutes rouges ses eaux à la
mer (implacables représailles des Versaillais : la Com-
mune est écrasée dans le sang). La Gaule vue comme
délabrée (l) (l'Alsace et la Lorraine en sont violemment
arrachées) va se rejoindre (reprendre haleine et se ré-
parer).
Dieu aime la paix. Venez, jeune prince : quittez Vile de
la Capt/vf te' (Premier voyage de M. le comte de Cham-
bord en France. — Le prophète voit le comte de Cham-
bord dans l'intégrité de son droit ancien ; il le voit, en
4830, lorsqu'àgé de dix ans à peine, il part pour Texil,
accompagné de son grand-père Charles X et de son
oncle le duc d'Angouléme qui ont abdiqué tous deux, et
gagne l'Angleterre, l'Ile de la Captivité : un roi exilé
n'est-il pas un roi captif?) Voyez! (Réfléchissez avant
d'agir : l'heure n'est pas encore venue). Joignez le lion
à la fleur blanche. (Faites alliance, ô prince des lys, avec
celui dont le Lion est l'héraldique emblème ; abouchez-
vous avec le Maréchal de Mac-Mahon, président de la
République intérimaire). Vejiez! (Deuxième appel; l'heure
a sonné : 1873, — A partir de cette ligne, la prophétie
d'Orval ne concorde plus avec les événements ; pourquoi?
Serait-ce point qu'Henri V a modifié l'ordre des choses,
en ne répondant pas à l'appel combiné du Destin et de
la Providence?... La prophétie finit ainsi) :
Ce qui est prévu. Dieu le veut ! Le vieux sang des siè-
cles terminera encore grandes divisions. Lors un seul
pasteur sera vu dans la Celte-gaule. L homme puissant
(1) D'autres copies portent décabrée.
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S66 LA CLEF DE LA MAGIE NOIRE
par Dieu s'asseoira hien. Moult sages réghmens appelle-
ronl la paix. Dieu sera cru d'avec luy, tant prudent et
sage sera le rejeton de la Cap.
Grâce au Père de Miséricorde, la sainte Sion rechaiite
en ses temples un seul Dieu bon. Moult brebis égarées
s'en viennent boire au ruisseau vif; ti'ois princes et roys
mettent bas le manteau de l'erreur et voyent clair en ht
foy de Dieu, En ce tems4à, un grand peuple de- la mer
reprendra vraye croyance en deux tierces parts (l'Angle-
terre et rÉcosse?) Dieu est encore béni pendant 14 fois
6 lunes et 6 fois 13 lunes (13 ans, 54 jours)... Dieu est
saoul d'avoir baillé miséricordes et, ce pourtant, il veut
pour ses bons prolonger la paix encore pendant 10 fois
12 lunes.
Dieu seul est grand! les biens sont faits; les saints
vont souffrir. L'homme du Mal arrive; de deux sangs
prend croissance : la fleur blanche s'obscurcit pendant 10
fois 6 lunes et 6 fois 20 lunes (14 ans, 200 jours...), puis
disparoît pour ne plus paroître.
Moult de mal et guère de biens en ces temS'-â; moult
grandes villes détruites par le feu. Israël viendra à Dieu
Christ tout de bon; sectes maudites et sectes fidèles sont
en deux parts bien marquées. Mais c'est fait; lors Dieu
seul sera cru ; et la tierce part de la Gaule et encore la
tierce part et^ demie n'a plus de croyance ; comme aussy
tout de même les autres gens. Et voilà 6 fois 3 lunes et
4 fois 5 Unies que tout se sépare et le Siècle de Fin a
commencé. Après le nombre non fait de ces lunes, Dieu
combat par ses deux Justes (Elie et Hénoch?) et l'homme
du Mal (PAnlechrist) a le dessus.
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LA RODE DU DEVENIR 267
Mais c'est fait ! Le haut Dieu mft un mur de feu qui
obscurcit mon entendement^ et je n'y voyplus.,. Qu'il soit
bény à tout jamais.
Amen!
Telle est celte surprenante prophétie, qui, — en sup-
posant même sa rédaction postérieure aux premiers évé-
nements qu'elle relate, — demeure incontestablement
contemporaine, au moins, des dernières années de la
Restauration. Abandonnons aux risées du scepticisme les
faits énoncés jusqu'à cette date : resterait à expliquer la
révélation de ceux qui s'échelonnent de l'avènement de
la Monarchie de Juillet à la Présidence du Maréchal de
Mac-Mahon (1). Rien d'essentiel qui ne soit indiqué, jus-
qu'au calcul des lunaisons, qui se trouve d'une exactitude
constamment vérifiable (2).
(1) On relèvera peu t-ôtre, dans le texte de la Prophétie d'Orval, cer-
taines expressions suspectes et quelques tournures maladroitement
archaïques : Ton s'empressera d'en conclure à une pitoyable fraude
contemporaine. La conclusion ne nous paraît pas irrésisllble. On sait
quelles altérations subit un texte dont les copies ont longtemps circulé
sous le manteau. Si la rédaction primitive était sous nos yeux, peut-
être serions-nous surpris de constater, une fois de plus, à quel point
quelques variantes de transcription moderne dégradent un texte au-
thentique et en ruinent la vraisemblance. — Puis, encore une fois,
admettons que cette prophétie date de la Restauration : les événements
prédits et révolus de 1830 à 1873 en sont-ils moins avérés?...
(2) Chacun peut s'éviter de fastidieux calculs, en consultant une
intéressante brochure, parue, on 1873, sous les initiales F. P. ; en voici
le titre : Au il février \%lk, le grand Avènement, etc., prouvé par le
commentaire le plus simple et le plus méthodique, etc., delà célèbre
prophétie d'Orval (Bar-le-Duc, août 1873, in-S^, de 94 pages, plus 1 f'
non paginé, pour la table des matières).
L'auteur^ un fervent de l'autel et du trône, commente mot à mot le
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268
LA CLEF DE LA MAGIE NOIRE
A partir de 1873, nous l'avons déjà dit, la concordance
cesse, entre les pronostics et les événements accomplis.
Nous avons même fait pressentir le pourquoi de celte
anomalie.
Henri V fut-il, — oui ou non, — appelé au trône de
France par le vœu national, ou du moins à la requête de
l'Assemblée nationale, en 1873 ? C'est un fait indubita-
lexte que nous donnons ici (collationné avec quelques variantes sur
une copie plus ancienne) ; et prouve, par un calcul minutieux des lu-
naisons, que l'auteur de la prédiction (chose assez rare chez les pro-
phètes eux-mêmes) localise à. jour fixe chaque événement qu'il an.
nonce.
L'Introduction de cette brochure renferme une concordance bien
frappante entre les événements de la Restauration et ceux qui signa-
lèrent le règne de Louis-Philippe. Résumons quelques traits de ce long
parallèle :
RESTAURATION
Le Duc de Berry, héritier légi-
time du trône de son père (Char-
les X), épouse une princesse étran-
gère (Sicilienne), qui lui donne
un fils appelé à. régner (le Duc de
Bordeaux; ; — puis meurt assas-
siné, le 13 février 1820, mois de
la chute de Louis-Philippe.
La Révolution de 1830 dure
trois jours. •
Charles X tombe, À 74 ans, k
cause des ordonnances de son mi-
nistre ; — il abdique en faveur
de son petil-fils, âgé de 10 ans :
— on répond qu'il est trop tard I
Charles X s'embarque pour
l'Angleterre, avec son petit-fils, le
Duc de Bordeaux, — et meurt en
exil.
MONARCHIE DE JUILLET
Le Duc d'Orléans, héritier légi-
time du trône de son père (Louis-
Philippe), épouse une princesse
étrangère (Mecklembourgeoise)
qui lui donne un fils appelé k ré-
gner (le Comte de Paris) ; — puis
meurt de mort violente, le 13
juillet 1842, mois de la chute de
Charles X.
La Révolution de 1845 dure
trois jours.
Louis-Philippe tombe, à 74 ans,
à cause des ordonnances de son
préfet de police; — il abdique
en faveur de son petit-fils, âgé de
10 ans; — on répond qu'il est
trop tardl
Louis-Philippe s'embarque pour
l'Angleterre, avec son petit-fils, le
Comte de Paris, — et meurt en
exil.
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LA ROUE DU DEVENIR 269
ble (1). La fin de non-recevoir plus ou moins déguisée
qu'il objecta se réclamerait peut-être des motifs les moins
futiles et les plus consciencieusement pesés ; sans doute
y a-t-il là un mystère de loyalisme et d'équité que nous
n'approfondirons pas : tout au plus risquerions-nous une
hypothèse (2), tout à Thonneur du prince qu'on a si du-
(1) L'Assemblée nationale n*eut pas à voter en forme le rétablisse-
ment de la monarchie, à cause de la lettre du Prince à M. Ghesnelong,
en date du 27 octobre, où la revendication du drapeau blanc s'affirmait
absolue. — Mais une commission, dite des neuf, où se trouvaient re-
présentées, sous la présidence du Général Changarnier, toutes les
nuances de la majorité monarchiste, avait préalablement délégué
M. Ghesnelong auprès de M. le Comte de Ghambord, pour fixer, d'ac-
cord avec lui, les conditions et les termes de son rappel au trône do
France. Ce rappel ne faisait plus question. L'accord semblait parfait,
sur tous les points de la Constitution; seule la difficulté du drapeau
subsistait encore... Le Prince, dans l'entrevue du 14, parut lever la
dernière incerUtude, en chargeant M. Ghesnelong de l'assurance for-
melle « que rien ne serait changé au drapeau, avant qu'il eût pris pos-
session du pouvoir. » Henri Y se réservait seulement de «c présenter
au Pays, à l'heure qu'il jugerait convenable, et se faisait fort d'obtenir
de lui par ses représentants, une solution compatible avec son honneur
et qu'il croyait de nature à satisfaire l'Assemblée et la Nation. »
(Textuel). Sur cette double assurance, les députés de toutes les frac-
tions de la majorité ayant promis leur vote, le gouvernement du Ma-
réchal ayant assuré son concours, la Monarchie semblait faite, quand
la désastreuse lettre du 27 vint anéantir toutes ces espérances, en
■ revendiquant le drapeau blanc, sans admettre ni conditions ni ga-
ranties préalables. » (Voyez la Campagne monarchique d'octobre 1873
parGh. Ghesnelong, Pion, 1896, in-8o).
(2) Supposons un instant que M. le Gomte de Ghambord crût les
revendications de NaûendorfT, sinon justifiées, du moins soutenables,
aurait-il agi différemment? — Dans l'hypothèse de la survivance de
Louis XVII et de sa postérité directe, Henri V n'aurait pu toucher à la
couronne qu'en usurpateur. Son devoir était donc de s'abstenir. D'autre
part, refuser sans motifle trône offert, et reconnaître, môme tacitement,
le droit des Naûendorff, équivalait pour lui à noter d'infamie la mémoire
de son grand-père Charles X et de son grand oncle Louis XVIII, —
rois dès lors illégitimes. Il fallait donc un prétexte, valable ou spécieux,
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270 LA CLEF DE LA MÂGiË NOIRE
remcnt blâmé en cette conjoncture... Quoi qu'il en soit,
le fait demeure évident. M. le Comte de Cliambord na
pas voulu régner. Le moyen dilatoire qu'il invoqua sou-
dain, cette acceptation du drapeau blanc, dont il fit, k la
surprise de beaucoup de ses plus fidèles serviteurs, une
condition expresse de son avènement au trône, ful-oUc
autre chose qu'un prétexte à repousser le sceptre offert?
Personne ne s'y trompa, que les intéressés qui firent
semblant. — Substituer, au lendemain de nos désastres,
la bannière des lys au drapeau tricolore, c'eût été dire
au million de braves qui s'étaient fait décimer sous ses
plis : — « Vous avez pris cette loque pour l'étendard
national, naïfs que vous êtes, ou rebelles? Ce chiffon aux
trois couleurs, pour la gloire duquel vous braviez la mort
d'un cœur si léger, n'existe point même! Ouvrez les
yeux, Français : voici le drapeau de la France! Et
saluez les trois lys d'or brodés sur satin blanc! » Quelle
énorme billevesée! Si peu que les ennemis de M. le Comte
de Chambord accordassent d'intelligence et de tact à ce
prince, lui ont-ils fait de bonne foi l'injure de prendre au
sérieux pareille proposition, à l'adresse d'un peuple qui
semblait alors acclamer son royal sauveur, en se jetant
dans ses bras?...
pour décliner Tinvitation de rAssembléc, en 1873. Ce prétexte, la ques-
tion du drapeau blanc l'offrait au Comte de Chambord.
Voilà une pure hypothèse : nous la donnons pour ce qu'elle vaut...
— n est certain que l'année suivante, en 1874,1e Comte de Chambord,
intimé devant la Cour de Paris par les héritiers Naûendorff, crut devoir
faire défaut. Le prince laissa au ministère public le soin de contredire
à leurs prétentions. Demandeurs on restitution d'état civil, ils furent
déboutés, en dépit des efforts de Jules Favre, dont il faut lire l'admi-
rable plaidoirie.
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LA ROUE DU DEVENIR 271
La magnifique précision de la prophétie d'Orval, de
1797 jusqu'en 1873, trahit, au moins par intermittences,
l'inspiration céleste. Les décrets mêmes de la Providence
peuvent être contrariés, avons-nous dit, par le veto du
libre Vouloir humain; mais leur accomplissement, avorté
sous une forme, s'effectuera bientôt sous une autre. Si
donc le solitaire d'Orval a subi sans mélange Vinfiux pro-
videntiel, la volonté d'Henri V aura bien pu susciter à
l'adaptation des plans énoncés une éphémère entrave ;
mais alors ils ne sont que différés et s'adapteront sous
un autre mode, impossible à prévoir ou même à pres-
sentir sans révélation expresse. Que si, au contraire, la
claire-vue du bon ermite procédait d'une source ou moins
haute, ou moins pure, alors l'inhibition d'une volonté
intercurrente, en 1873, peut avoir dérangé toute la trame
fatidique, et rien n'adviendra des événements désignés à
s'ensuivre.
Dès le milieu de mars de la présente année 1896, l'opi-
nion s'est passionnément émue des prophéties d'une exta-
tique de 24 ans, qui se dit inspirée par l'archange Gabriel.
Des mois ont coulé, sans que la vogue se démentit. C'est
par centaines de mille que les curieux se sont fait inscrire
pour être admis à voir et à entendre M"® Henriette
Couédon, » la voyante de la rue de Paradis ».
L'ange nous annonce pour la fin de cette année des
tribulations amères et d'épouvantables épreuves : inon-
dations, cataclysmes naturels, de grandes émeutes, une
guerre générale... Rien ne manque au tableau des châ-
timents que le Ciel réserve à la France oublieuse de son
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272 LA CLEF DE LA MAGIE NOIRE
Dieu. Enfin, le rétablissement de la royauté nous est pré-
dit comme devant ouvrir une ère faste, à l'issue de la
période expiatoire que nous vaudra notre impiété et notre
corruption. Le monarque, un Bourbon d'une branche
latérale, régnera sous le nom d'Henri V (l).
On cite plusieurs phénomènes de seconde vue, où la
véracité de M"' Couédon se serait fait paraître. Mais au-
tre chose est la clairvoyance d'une lucide, autre chose
l'inspiration d'une sibylle ou d'une céleste missionnée.
Dans le premier cas, c'est M"' Lenormand qui nous in-
trigue et nous étonne; dans l'autre cas, c'est Jeanne
d'Arc qui nous réveille et qui nous sauve...
L'avenir se chargera bientôt de détruire ou de centu-
pler le prestige de lu Voyante, car ses prédictions sont
toutes à brève échéance. Quoiqu'il en advienne, la sin-
cérité de cette jeune fille ne fait pour nous aucun doute,
pas plus que le fait d'une influence occulte, ni la réalité
d'un être invisible dont elle est lorgane. Médium à in-
carnation, elle s'exprime en vers assonnants de sept
pieds, et ne se souvient plus, dans son état normal, des
choses qu'elle a débitées lorsqu'elle se trouvait en con-
dition seconde. Mais l'identité de son inspirateur reste un
problème insoluble. L' « ange » serait-il un Élémental?
un Élémentaire ?...ou véritablement, comme elle le croit,
un messager du Ciel ?
C'est ce que Demain nous révélera.
(1) Cf. la Voyante de la rue de Paradis, par Gaston Méry, Denlu,
1896. in-12 (pages 34-36).
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LA ROUE DU DEVENIR 273
Ces considérations nous amènent tout droit aune étude
succincte des arts divinatoires, examinés dans leurs prin-
cipes.
Étant données les trois Puissances collaboratrices dont
le Futur est l'ouvrage, on serait tenté d'établir une clas-
sification ternaire, où se répartissent les différents moyens
divinatoires, selon qu'ils procéderaient d'une origine
providentielle, ou volitive, ou fatidique.
Mais en fait, la divination proprement dite semble le
monopole du Destin.
La seule Providence infuse, il est vrai, l'Esprit de pro-
phétie pur de tout mélange. Mais le Verbe providentiel
est incoercible; sa transmission, toute spontanée, est
volontaire de sa part. Il ne s'évoque, — exceptionnelle-
ment, — que par la pratique de Textase active. C'est ce
qu'un Lecteur attentif du précédent chapitre a dû com-
prendre d'avance.
On n'interroge guère directement la Volonté univer-
selle : c'est un fait, et la raison profonde n'en est point
facile à justifier... Notons seulement que de deux choses,
Tune : ou cette Volonté universelle suit les voies de la
Providence, et son Verbe se confond avec le Verbe pro-
videntiel (dont on peut dire : Spiritus fiai ubi vulty, ou
bien la hautaine, se dégageant de cette tutélaire influence,
devient dès lors sujette à se tourner contre elle-même :
« les pensées se choquent, et grande division est dans
Tentendement »!... La Volonté émet par suite des ora-
cles contradictoires, selon que le consultant s'est jeté dans
l'un ou l'autre de ses courants hostiles. Du reste, on
18
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274 LA CLEF DE LA MAGIE NOIRE
peut envisager en ce cas la Volonté comme vassale
du Destin à bref délai : finalement elle fléchit d'autant
plus sous la loi fatidique, qu'elle parut s'y heurter d*iin
plus superbe effort. Soient dites ces choses à Tégard de
la Volonté ou des volontés collectives; car les volontés
individuelles échappent à tout augure : lorsqu'elles-mê-
mes s'interrogent, savent-elles toujours quoi se répon-
dre? Non pas. Elles sont la spontanéité même, dans
l'indéfinie multiplicité. Elles ne formulent que des in-
tentions : savez-vous rien de plus variable?... L'on con-
çoit donc qu'il n'y ait nul avantage, comme nulle sécurité
aussi, à consulter l'àme universelle volitive : puisqu'elle
s'élève, en prime hypothèse, à la collaboration provi-
dentielle; ou devient, si elle y répugne, le hochet multiple
du Destin, — idole beaucoup plus facile à faire parler.
C'est au Destin que ressortissent tous les arts divina-
toires, plus ou moins imparfaits, qui sont actuellement
ou pratiqués, ou connus. On peut les dire innombrables,
du moins innombrés. Boissard et Peucer, qui leur ont
consacré tant de centaines de pages in-folio, semblent
fort loin d'en offrir la nomenclature intégrale. Le livre
de Pierre de Lancre, Incrédulité et Mescreance du Sorti-
lège, en produit, (pages 198-199), une liste sinon com-
plète, à coup sûr fort détaillée, et Jean Belot présente
sur ce point le double avantage d'être explicite à la fois,
et concis.
Nous renverrons à ces auteurs pour le détail des prati-
ques divinatoires. Il nous suffira de souligner qu'elles ne
sont tant diverses que dans la prolixité de leurs formes
extérieures : car, en ce qui concerne leur nature essen-
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LA ROUE DU DEVENIR 275
tielle, ces pratiques diffèrent beaucoup moins qu'il ne
semble, — et nous n'en sachons guère qui débordent le
cadre d'une classification quaterne, vraisemblablement
inédile (1), et que voici :
j !• Par révocation ou la consultation directe des In»
I visibles. — Exemples : Théomancie (néo-platonicienne),
I Nécromancie, Recours à Tassistance des génies ou des
démons, Fureur sibylline, etc.
IF» Par r interprétation des signatures naturelles,
(dont il sera traité aux chapitres iv et v). — Exemples :
Science analogique des formes universelles, (Anatomie
cosmique de Crollius); Morphologie qualitative; Phy-
sîognomonie, Phrénologie, Méloposcopie, Chiromancie,
Graphologie, etc. ; Art augurai, Ilaruspicine, Tératos-
copie, Interprétation des images fatidiques : Onéiro-
mancie ou explication des songes, etc..
IIP Par Vétude des combinaisons artificielles^ plus
ou moins simples ou complexes, présentant à Vesp7Ht Ti-
l mage contractée du f as et du nefas éternels. — Exem-
' pies : Urim et Thummtm, pile ou face ; Tarots, Cartes,
Jeux symboliques de la vie humaine (jeu d'oie), etc.,
Sorts de tous genres...
IV® Par la fixation ^prolongée de certains objets, in-
formes et multiformes, où Tœil croit voir passer des
images confusément sibijllines ; appel à la lucidité, par
une sorte d^ pratique auto-hypnotique, état que provo-
quent de concert Tefforl prolongé de Tattention et la fa-
tigue du nerf optique. — Exemples : divination par les
éléments : Pyromancie, Aéromancie,Hydromancie, Géo-
mancie, (nous parlons de la vraie ; la fausse Géoman-
cie qu'on pratique d'ordinaire rentrant dans la 3" caté-
gorie), Cristal lomancie, Divinations par la Carafe, le
Miroir magique, le Blanc d'oeuf, le Marc de café, etc..
(1) Cf. rintroduction des Miroirs magiques, par P. Sédir (Chamuel,
4 895, in-12). — On trouve, en cet excellent travail, un tableau qui
n*est pas sans analogie avec le nôtre.
o
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376 LA CLEF DE LA MAGIE NOIRE
Ces divisions, nullement arbitraires, n'ont cependant
rien d'absolu : certains procédés peuvent relever à la
fois de plusieurs d'entre elles. — Ainsi, l'Astrologie, qui
appartient à la deuxième sorte, en raison des aspects
célestes (véritables signatures du firmament), sur quoi
reposent les calculs génethliaques, — l'Astrologie res-
sortit également au troisième mode, par suite des règles,
toutes d'artifice et de convention, auxquelles cette science
est actuellement (1) astreinte. — De même encore, la
pratique du Tarot, attribuable sans doute au troisième
genre de divinations, dont un pur hasard semble la loi,
est réversible aussi sur le quatrième : cette pratique se
fonde bien en effet sur les combinaisons, toutes fortuites
en apparence, d'emblèmes artificiels et imaginaires, non
pas sur l'interprétation de signes ou d'hiéroglyphes
spontanément fournis par la nature ; mais, d'autre part,
ce kaléidoscope d'images sibyllines, miroitant sous le
regard de l'expérimentateur, peut être conçu comme un
moyen perfectionné de provoquer en lui la seconde
vue.
L'interprétation des signatures naturelles parait, k
coup sûr, en ses diverses variétés, le mode de divina-
tion le plus rationnel et le moins trompeur ; l'examen de
la physionomie, le discernement des lignes du front et de
la main, l'étude sagace des écritures, présentent à l'envi
une sérieuse documentation, multiple et de mutuel con-
(1) Sur lo conlraste entre l'Astrologie des anciens, et la Babel de
notions arbitraires qui porte aujourd'hui ce nom, consultez d'Olivet,
Verg dorés de Pythagore, pages 2 C 9-27 8).
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LA ROOE DO DEVENIR 277
trôle : et, sur cette base de certitude psychologique, ré-
vélatrice autant qu'irrécusable, on peut bâtir tout un
édifice de lumineuses conjectures.
Il ne faut pas médire non plus des cartes, des TarotSy
— ces jeux symboliques de la vie humaine, déroulée à
travers ses alternatives d'heur et de malheur, ses con-
trastes de chance et de malchance, dont les Arcanes, —
fastes ou néfastes, — burinent l'emblème tour à tour.
Un devin véritablement doué s'exalte au maniement de
ces figures fatidiques ; il sourcille, on dirait qu'il tend
l'oreille... Ces cartons bariolés lui deviennent Oracles
parlants! Soudain, il a tressailli; son œil s'éclaire du
jour intérieur : à sa seconde vue, un immense horizon
s'est ouvert. Le voile de l'Astral est déchiré...
Nous ne songeons même pas, on le concevra sans
peine, à résumer ici les principes généraux de ces sciences
partiellement contestables, aussi nombreuses d'ailleurs
qu'ambiguës, ni les règles fondamentales des arts sibyl-
lins qui leur correspondent. Aii précis essentiel d'une seule
méthode prise pour exemple, un long chapitre ne satisfe-
rait point. C'est aux traités spéciaux qu'il faut recourir :
les curieux n'auront, en vérité, que l'embarras du choix.
En dévoilant la triple source du FutuT, nous n'avons
manifesté que le principe des variations où le Devenir se
joue : le pourquoi de l'universel Demain dans sa causalité
secrète, et non pas le comment des instabilités corpo-
relles, dans leur phcnoménalisme patent. — Il resterait
à jeter un regard sur le Devenir particulier des apparences
physiques, — énigme dont la loi des polarisations, bien
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278 LA CLEF DE LA MAGIE NOIRE
comprise en son esprit général, élucide singulièrement
l'arcane.
De la mutabilité des choses physiques, nous n'effleure-
rons en deux mots que le mécanisme immédiat, — dé-
pendant des réactions, des échanges, des réciprocités
incessantes qui ont pour milieu propre l'Astral, ce com-
mun réservoir des êtres, ce mystérieux athanor des
Puissances collectives de la vie.
Qu'il s'agisse de la croissance des êtres organisés, ou
de leur déclin, pu des modifications qu'ils subissent, —
soit accidentellement, soit volontairement, — étrangères
à ces deux phases, ascendante et décadente, de Texis-
tence : toutes ces mutations s'effectuent par un travail
indiscontinu du tissu cellulaire sur l'instable canevas du
corps astral. Or, celui-ci se modifie incessamment dans
ses rapports avec l'atmosphère hyperphysique, véhicule
des mutualités, des échanges et des répercussions qui
s'exercent, soit avec d'autres corps astraux, soit avec les
Êtres individuels ou collectifs qui peuplent cette invisible
atmosphère.
Au livre 111, — qui embrasse des horizons moins res-
treints que le présent tome, — nous verrons par quelles
règles d'agrégation les monades se combinent pour for-
mer des entités plus complexes : mouvement évolutif de
synthèse (1) qui n'est que la contre-partie (dans la pé-
(1) Ne serait-il pas plus logique d'appeler évolutive la période de
désintégration, qui va de l'Unité absolue au nombre, du point central
au déploiement circonférenciel, (par l'émission du rayon); — et invo-
lutive la période du processus inverse, qui aboutit à la réintégration
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LA ROUE DU DEVENIR 279
riode ascendante) du mouvement inverse, involutif et
d'analyse, par lequel, (dans la période décadente), les
êtres émanés de TUnité-mère se désagrègent en sous-
multiples infinitésimaux, pour s'éparpiller aux doubles
profondeurs du Temps et de l'Étendue.
Mais en ce livre II, — qui ne traite des mondes invi-
sibles qu'au regard de la magie terrestre et des possibles
relations entre les habitants de ces mondes et les êtres
incarnés ici-bas, — nous n'aborderons point le problème
de ces définitives fusions d'exemplaires adamiques évo-
luant vere rUnité.
I! doit nous suffire d'esquisser ici quelles combinaisons
souvent fortuites donnent naissance à des êtres collectifs,
plus ou moins éphémères ou durables, — sortes de vi-
tiu nombre dans l'Unité, à la résorption de la circonférence dans le
point d'où elle émane ? — On peut en débattre, mais nous avons cru
devoir maintenir à ce sujet la terminologie coutumière en occultisme.
Ces deux vocables semblent choisis à contre-sens, lorsqu'on examine
les choses du haut des principes, du point de vue transcendental. —
C'est apparemment au point de vue terrestre qu'on s'est placé, pour la
fixation des deux termes en litige : in-volution (descente de l'Esprit
dans la matière), e-volution (efTort réascentionnel de l'Esprit captif, à
travers la progression des apparences].
11 ne s'agit que de s'entendre sur les mots...
C'est à quoi les occultistes n'arrivent pas toujours. Que d'obstinées
controverses entre adeptes d'écoles différentes, parfaitement d'accord
pour le fond des choses t De très superficielles contradicUons verbales
défendaient seules aux adversaires de lever le malentendu.
Sans vouloir abolir, avec le vocabulaire et le symbolisme propres de
chaque groupe enseignant, la couleur locale et l'originalité qui font le
charme des divers styles du Mystère ; sans pousser à la création désas-
treuse d'une sorte de Volapûk théosophique, — il est bien permis de
souhaiter la rédaction d'un bon lexique doctrinal, précisant les rigou-
reuses équivalences de langage et de symbolisme, d'une école à l'autre.
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280 LA CLEF DE LA MAGIE NOIRE
vantes synthèses, résultats du groupement de plusieurs
individualités, sous les conditions requises.
Après les Mystèi*es de la solitude, nous allons abordei'
les arcanes de la vie collective, les mystères de la
MULTITUDE.
Quel homme du monde, curieux des choses de l'Oc-
culte, n'a vu réussir d'aventure quelque expérience de
table tournante ou parlante ? Pas un lecteur, peut-être,
de nos Essais de Sciences maudites.
Ces pratiques de magie bourgeoise, que la coterie kar-
déciste a érigées en une manière de sport nécroman-
tique assez anodin, se maintiennent, depuis près d'un
demi-siècle, à l'ordre du jour de certains salons.
Exhibitions tragi-comiques! Les premiers rôles en
sont tenus, neuf fois sur dix, dans les milieux les plus
frivoles, par d'aimables comparses volontiers mystifica-
teurs, ou par quelques apôtres de la foi nouvelle, dogma-
tiques et farouches commis - voyageurs de la maison
Révoil et successeurs, laquelle n'est pas sise au coin du
quai.
Ces conditions peu sérieuses n'empêchent que Texpé-
ricnce ne réussisse de temps en temps. De curieux phé-
nomènes ont lieu. Quelquefois la présence d'un vrai mé-
dium, soit professionnel ou spontané, permet la manifes-
tation de quelque indigène de l'Astral ; mais ces visites
d'un autre monde sont l'exception : dans la plupart des
cas, la table oraculaire répond par coups frappés, et fort
pertinemment, sans que nulle Puissance soit intervenue,
étrangère au cercle des assistants.
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LA ROUE DU DEVENIR 281
Inutile d'insister sur les éléments de Texpérience : ils
sont des plus simples. L'ordonnance n'en varie guère, et
seulement dans les détails de la mise en œuvre.
Quelques personnes sont assises en cercle autour d'un
guéridon. Les mains, étendues à plat sur le bord de la
tablette supérieure, y reposent le plus légèrement pos-
sible, tous doigts écartés. On prend soin de rejoindre
les pouces des deux mains, tandis que les auriculaires
effleurent, de chaque côté, les petits doigts des voisins
de droite et de gauche. Ainsi se forme d'ordinaire la
chaîne magnétique ; ainsi se clôt le circuit de cette bat-
terie d'éléments humains.
Ces préparatifs, on le remarquera, sont les mêmes,
soit qu'on veuille interroger la table, ou simplement la
faire tourner. La pensée, le vouloir, le désir des expéri-
mentateurs, déterminant seuls la direction de l'expérience,
en dominent les résultats. Tout dépend de cette mysté-
rieuse Force, — inconsciente et spontanée chez les uns,
asservie et canalisée chez les autres, — que Paracelse
nomme quelque part le magique aimant, le Magnes inté-
rieur et secret.
Après une phase plus ou moins longue de contention
mentale, quand, la chaîne s'étant favorablement établie,
roxpérience doit réussir, une sorte de trépidation (1) fé-
(i) Il se produit aussi des craquements, quelquefois des coups net-
tement frappés, comme au choc d'un invisible maillet. — Ce dernier
phénomène est plus rare ; il décèle la présence d'un fort médium et
l'intervention probable de Larves ou d'entités astrales avides de se ma-
nifester, à la faveur de la force psychique dont il dispose. — Mais dans
la plupart des cas, la trépidation révélatrice de la vie et même de lé-
gers craquements n'impliquent rien de pareil. Ces phénomènes accu-
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383 LA CLEF DE LA MAGIE NOIRE
brile naît et se propage dans Tépaisseur même du bois :
indubitable symptôme, qui accuse Tinfusion de la vie à
même celte inerte matière; la pénétration du fluide sibyl-
lin dans ràpre tissu ligneux; et la présence, enfin, de
rOracle invoqué : Ueus, ecce Deus!
Qu'une des personnes présentes pose alors une ques-
tion : le meuble s'ébranle aussitôt pour répondre ; il vibre
tout entier, comme imbu de vie propre, doué d'àme et
d'intellect. Bientôt, Tun des pieds se soulève lentement,
et retombe de son poids pour se soulever à nouveau et
frapper un autre coup en retombant encore. Ainsi de
suite. — Un alphabet percussif de convention permet
d'engager de la sorte avec l'Invisible une conversation
suivie. On interroge l'Oracle de vive voix, ou même
mentalement : TOracle répond par coups frappés.
Ecce Deus ! Un être invisible est là, ce n'est point dou-
teux. Il pense, il raisonne; il parle, il répond. Parfois
même il interroge à son tour.
Mais vint-il du dehors ? Nullement. Accompagnait-il
une des personnes assises en cercle autour du guéridon ?
Pas davantage. Tout à l'heure il n'était point là; le voici
présent, et néanmoins il n'est pas venu. Quand bientôt,
la séance finie, les expérimentateurs se disperseront,
sent simplement, comme nous Talions montrer, Tefficace propagation
de l'efTIuve sympathique, transmis d'un élément à l'autre de la pile
humaine, et la soudaine formation d'un Être colleclif, totalisant en soi
les virtualités des personnes présentes, et qui constitue VOracle. Cela
étant, toutes les personnes coopérantes peuvent être qualifiées de mé-
dium à des titres divers, ou plutôt le Médium est l'ensemble des assis-
tants qui forment la chaîne magnétique.
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LA ROUE DU DEVENIR 283
l'Invisible aura disparu, et pourtant il ne sera point
parti.
Comme il s'était formé de toutes pièces, en synthèse
éphémère d'éléments rapprochés pour lui donner nais-
sance, — pareillement il se dissipera, ce concours venant
à cesser.
C'est une chose notable, et dont tous les spectateurs
attentifs de ces sortes d'expériences ont été certaine-
ment frappés, — qu'en aucun cas, et si fort à souhait
que la tentative réussisse, l'oracle n'émet quelque ré-
ponse révélatrice d'inconnu, et dont les éléments nepuis-
sent être fournis par les assistants, ou tout au moins
par l'un d'eux (1). L'intelligence qui se manifeste ne re-
présente ni plus ni moins que la somme des intelligences
présentes, additionnées en une seule.
M. le comte Agénor de Gasparin, — qui avait beau-
coup expérimenté les tables oraculaires, en une suite de
rigoureuses épreuves, dont l'enchaînement, non moins
que les résultats, attestent chez lui autant de persévérance
que de sagacité, — M. de Gasparin conclut formellement,
à rencontre de l'hypothèse spirite : « Les esprits (dit-il)
sont des échos; ils renvoient à chacun son propre lan-
gage (2). »
(1) Exemple: «r La table indiquera l'heure qu'il est, mon âge, le
nombre des pièces de monnaie que contient ma bourse ; à une condi-
tion, toutefois, c'est que je connaîtrai ce nombre. Quand personne ne
le connaît, ni dans la chaîne, ni dehors, l'erreur est certaine, et l'on n'a
plus d'autres chances que celles fournies p'ar les coïncidences, et aussi
par un calcul assez simple de probabilité. » (Gasparin, des Tables tour-
nantes, etc., t. II, pp. 430-431).
[2j Gasparin, Des Tables tournantes, etc. [t. Il, p. 504).
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384 LA CLEF DE LÀ MAGIE NOIRE
C'est bien cela ; c'est encore quelque chose de plus.
Une table parlante se peut définir un thermomètre
psychique et mental qui révèle, au moral comme àl'in-
tellectuel, la température des milieux humains.
L'invisible discoureur fera montre d'idées, de manières
et de style parfaitement adéquats aux façons d'être, de
penser et de sentir, propres à ses interlocuteurs.
Il sera léger et spirituel dans un cercle de gens d'es-
prit; compassé et pédantesque dans un aréopage de so-
lennels imbéciles; irrévérencieux et frondeur, si l'élément
voltairien domine. Dans une compagnie panachée de
vieilles dévotes et d'ecclésiastiques, fourvoyés autour
d'un guéridon bien pensant (malgré l'enfer qui le pos-
sède !), le Diable se montrera tour à tour édifiant et acri-
monieux, bon catholique et mauvaise langue. Entre aca-
démiciens, un invisible Vaugelas discutera la lettre B du
fameux Dictionnaire ; entre athées, c'est Sylvain Maré-
chal qui viendra, frais émoulu de la tombe, déblatérer
contre l'immortalité de l'âme et l'existence de Dieu (1).
Quand la chaîne est formée d'éléments hétérogènes et
par trop discords, les résultats sont insignifiants, ou
nuls.
L'oracle mensal paraît le plus souvent Texpression
d'une moyenne ; mais il peut s'élever à un maximum, ou
descendre à un minimum de lucidité, de science et de
conscience.
(1) Kliphas Lnvi cite quelque part, non point à propos de tables tour-
nantes, mais d'apparitions spectrales, une manifestation bien curieuse
d'athéisme posthume, dont le fantôme de Sylvain Maréchal aurait été
l'instrument (la Science des Eifprtts, pp. 307-212).
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LA ROUE DU DEVJENIU 285
Ces différences tiennent à la proportion variable des
natures, actives et passives (1), qui concourent à la genèse
de l'entité collective, fluidique.
Le minimum phénoménal est attribuable à une sura-
bondance de Psychés plus ou moins négatives, dont les
vertus éparses se contrarient et se neutralisent partielle-
ment, à défaut d'un élément positif qui les groupe, les
féconde et les unifie.
Y a-t-il équivalence et compensation entre les deux
natures, tant au point de vue du nombre qu'à Tégard de
l'intensité dynamique, une moyenne proportionnelle s'é-
tablit.
Mais, pour atteindre au maximum, il faut grouper un
certain nombre d'éléments négatifs, — intelligences plus
intuitives et réfléchies qu'expansives et spontanées, —
sous la prédominance d'un élément tout à fait positif;
c'est-à-dire sous l'influx d'un homme riche de qualités
organisatrices, doublées d'un vouloir énergique et domi-
nateur. C'est alors que, parfaitement agencée, la batte-
rie psycho-fluidique fournit son summum de rendement.
Car les pensées, même les plus rudimentaires, les rémi-
(1) Nous avons observé, dans notre théorie d'inverse polarisation
des individus mâle ou femelle, que chez tous deux, la Psyché apparaît
neutre comme centre d'équilibre, entre les pôles positif et négatif chez
Tan, négatif et positif chez l'autre. — Mais ces termes de polarisation
n'ont rien d'absolu, en ce qu'ils n'expriment que de simples rapports.
Ainsi telle Psyché, ou centre animique, neutre en vérité relativement
à ses deux pôles, peut être conçue soit négative, soit positive, à
regard d'autres Psychés, comme il est facile de s'en rendre compte.
n serait oiseux de relever et de résoudre chaque fois ces sortes d'ap-
parentes contradictions, qu'un Lecteur attentif s'expliquera de lui-
même, au moindre effort de raisonnement.
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S86 LA CLEF DE LA MAGIE NOIRE
niscences, fussent-elles les plus vagues, qui peuplaient
nébuleusement les cervelles négatives, se développent
et se précisent à souhait, réactionnées par l'influence de
rélément positif : et l'Être potentiel, s'en emparant,
les formule et les exprime par coups frappés.
Comment définir cette classe d'êtres potentiels, en qui
l'on ne peut guère méconnaître l'autonomie momentanée?
Ils ne sont point des Larves, sans doute, puisqu'ils jouis-
sent d'une personnalité intelligente autant que fugitive;
et pourtant leur nature semble inqualifiable, à l'égal de
celle des Larves. Par quelles obscures et brusques réac-
tions s'intègrent de toutes pièces ces Éphémères collec-
tifs ; sous quel mode se désintègrent-ils plus soudaine-
ment encore : c'est ce qu'on a peine à concevoir, et qui,
même conçu, se dérobe à l'interprétation par l'écriture
ou la parole.
Essayons de soulever un coin du voile.
Le résultat capital de la chaîne magnétique mensalc
est l'unification des atmosphères secrètes individuelles,
leur fusion en une seule atmosphère. La commune ir-
radiation fluidique est cette force qui pénètre, imbibe et
anime le guéridon.
C'est dans ce halo collectif, agglomération et synthèse
des nimbes occultes de tous les assistants, que l'Oracle
va naître et mourir.
On se souvient que le nimbe, ou atmosphère lumineuse
spécifiée qui enveloppe chaque individu, s'engendre de
son expir astral. Là sont coagulés, en Lémures obsé-
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LA ROUE DU DEVENIR 287
dants, de flottants mirages et des Larves parasitaires, —
véritables fantômes déterminés par les pensées coutu-
mières de chacun (i), et déterminants à leur tour de
pensées nouvelles et d'actes proportionnels à ces pensées :
le tout dans un même cercle vicieux de fatalité, ou dans
un même entraînement de progrès volontaire. Ainsi s'ex-
plique rhabitudôy bonne ou mauvaise, et sa tendance à
devenir « une seconde nature ».
L'énigmatique ascendant astral (2), dont Paracelse
fait dépendre les principaux arcanes de la Goëtie, n'est
rien autre que ce courant de vivantes images, signatu-
res (3) symboliques des passions dominantes, des maî-
tresses pensées, des volitions habituelles de chacun. C'est
ce cycle de reflets psychologiques réagissant sur leur
auteur, et suggestifs pour une part de son Futur animiquc
et mental (4).
(1) Non seulement par ses pensées, mais par ses rêveries, ses impul-
sions passionnelles, ses volitions, etc.
(2) • Tout homme est dominé par un ascendant astral, dont la direc-
tion est indiquée par les lignes de vie et de mort. C'est en agissant sur
cet ascendant astral qu'on peut envoûter ; les cérémonies ne sont qu'un
moyen de produire le contact astral sympathique. L'ascendant astral
est on double tourbillon, qui produit les attractions fatales et déter-
mine la forme du corps astral. Les maléficiants rendent leur ascendant
agressif et l'exercent à troubler celui des autres. > {Paracelse, cité par
Éliphas Lévi : La Clef des Grands Mystères, p. 387).
(3) Voir, pour la théorie des signatures naturelles et les rapports du
signe à la chose signifiée, chap. IV et V, passim.
(4) Ainsi chaque individualité modifie son propre ascendant, lors-
qu'elle imprime une direction nouvelle à ses facultés mentales, psychi-
ques ou volitives. L'ascendant astral, modifié de la sorte, transforme à
son tour le double éthéré ou médiateur plastique, en réagissant sur lui.
Dans la mutualité de ces deux actions (directe et répercussive) on
trouvera la clef du mécanisme de Karma terrestre.
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288 LA CLEF DE LA MAGIE NOIRE
Quand des rapports suivis s'établissent entre deux
personnes, et surtout si elles habitent ensemble, les at-
mosphères astrales se pénètrent d'une sorte plus ou
moins intime, parfois jusqu'à se confondre temporaire-
ment. Les deux ascendants sont-ils d'intensité à peu près
égale? 11 s'effectue maint échange d'images déterminan-
tes et de formes lémuriennes, si bien que les caractères
s'apparient en réagissant l'un sur l'autre. — Dans l'hy-
pothèse contraire, celui dont l'ascendant est le plus fort
l'emporte en définitive, et fonde sur son prochain une
domination qui peut se perpétuer jusqu'à la tombe. Les
adeptes disent alors qu'une personnalité absorbe l'autre,
et l'entraîne en son tourbillon. Ascendant et Tourbilloîi
sont termes synonymes en magie.
Il va de soi que l'imagination, ou faculté naturelle d'/-
niaghier, de créer des images, constitue la base néga-
tive de l'ascendant.
L'ascendant est riche (en mode passiQ chez ceux qui
ont l'imagination vive et féconde. — Il est énergique (en
mode actif) chez ceux dont la volonté est puissamment
organisatrice.
Car la force de l'ascendant ne réside point dans l'a-
bondance des images qui pullulent, emportées au hasard
d'un tourbillon giratoire; elle réside au contraire dans le
vouloir assez ferme pour les sélecter, les mettre en ordre
et leur imprimer une influence favorable, une direction
utile.
G'eîst pourquoi, pour obtenir, dans l'expérience des
tables parlantes, le maximum de rendement de la pile
psycho-dynamique, il convient de subordonner plusieurs
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LA ROUE DU DEVENIR 289
natures négatives (fécondes en images générées sans or-
dre) à l'empire volontaire et régulateur d'une seule na-
ture énergiquement positive...
Maintenant, comment s'engendre l'oracle éphémère
des tables? Jusqu'à quel point l'un des expérimentateurs,
— le plus passif, sans doute, — peut-il servir d'incon-
scient médium, non pas au sens ordinaire de ce mot,
mais en tant que condensateur des électricités psychiques
unifiées? La pensée collective ne pourrait-elle, sinon
naître, du moins s'élaborer, se traduire et trouver sa
formule au cerveau de cet homme, organe plus ou moins
exproprié, à titre fugitif, et pour cause d'utilité com-
mune? Dans quelle mesure enfin son corps astral exté-
riorisé peut-il devenir l'instrument immédiat et local de
la percussion alphabétique ?
Nous ne hâterons point la solution de ce problème,
dédié à la sagacité des théoriciens de l'Inconscient.
11 s'en faut bien que toutes les Puissances invisibles
nées d'un concours d'êtres humains , — groupés ou non
suivant la norme hiérarchique, — ressemblent à l'oracle
mensal, que nous avons élu pour type d'une classe par-
ticulièrement instable d'entités collectives.
La parole d'Adam, Vhomme tmiversely est essentielle-
ment créatrice. Il pense des êtres, et son verbe impératif
engendre des Puissances et des Dominations. Telle est la
loi de Gan-bhlieden pyO"]!!, la sphère organique où
s'exerce son empire, la mystérieuse enceinte de mani-
10
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29U LA CLEF DE LA MAGIE NOIRE
festalion, que les traducteurs agnostiques de la Genèse
qualifient de paradis terrestre.
La chute a dépossédé Thorame de sa divinité, et nous
vivons sous la loi de déchéance. Mais il n'importe.
Rien n'est changé qu'à la surface. La matérialisation
de la substance universelle a bien perverti son mode, non
point altéré son essence. L'homme universel n'a pu dé-
choir qu'en se subdivisant; à mesure qu'il renaît collec-
tif, l'homme reconquiert ses privilèges. Dès ici -bas, il
rentre dans ses droits par l'intégration sociale; et ce,
dans la mesure où la collectivité dont il fait partie, con-
sidérable par le nombre et la valeur de ses membres, le
rapproche du primitif Adam, c'est-à-dire de l'universa-
lité.
C'est ainsi que dans Tordre politique, ou social, ou re-
ligieux, des millions d'hommes, hiérarchiquement orga-
nisés, tant de siècles durant, sous le niveau d'une règle
inflexible, ont pu créer, — conscients ou non de leur
œuvre (bonne ou mauvaise) dans Tinvisible, — des Êtres
virtuels, des Entités collectives, en un mot des Domina-
tions fastes ou néfastes, d'une puissance et d'une durée
également incalculables ?
Un des maîtres contemporains de la pensée ésotérique,
le marquis de Saint-Yves, a traité de ce mystère avec
une parfaite compétence, à propos du Nemrodisme, en
une page de la Mission des Juifs que nous lui demande-
rons la permission de reproduire.
* Une fois que rifomme (dit-il) a im|)régné.cie sa volonté
I
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LÀ ROUE DD DEVENIR 291
certains éléments de Tord rein visible; quand 11 a conçu, voulu,
créé, non seulement un Pouvoir visible, mais, sans le savoir,
un être potentiel, occulte, évoqué, se manifestant par des ins-
titutions, ce dernier ne meurt pas sans avoir vécu, et, s*il est
insliactif et passionnel, il vit en détruisant.
c II combat et dévore dans Tordre invisible, comme dans le
visible, les autres Êtres collectifs de cette Terre; il s'abreuve
du sang, il se nourrit de la chair de leurs membres; il aspire
les énergies ignées de ce globe et des régions inférieures de
son atmos(>hère ; il les respire, et il les insj)ire dans les ins-
tincts dominateurs du Pouvoir qu'il hante et des individus qui
Toccupent (1).
€ Voilà pourquoi, à Rome, les actes politiques de ce dernier
sont, dans la vie de relation de cet Etat, une série indisconti-
nue de massacres militaires, et, dans sa vie organique, une
chaîne indiscontinuée d'assassinats politiques.
< Or, s*il est relativement facile de créer ou de susciter des
Puissances instinctives, des Dominations destructrices, il est
presque impossible de les effacer de la biologie de la Terre et
de sa substance primitive, à moins d*un déluge.
€ Dans Tordre invisible comme dans le visible, rien ne se
perd, et la substance première d*un Astre quelconque garde
imprimés en elle, dans sa Lumière secrète, jusqu'au mou-
vement d*une Volonté, jusqu'à la radiation d'une Passion,
jusqu'à T image d'une Pensée.
< Une fois l'Espace terrestre occupé, le Temps terrestre une
fois saisi, rien ne peut plus être rattrapé, rétrogresséni détruit,
et, si THommo a souillé la Lumière intérieure, les Vivants et
les Morts en sont infestés, et les derniers rejettent sur les pre-
miers cette souillure.
c Dans le domaine du Mal, dans la sphère d'action de Tins-
linct, que ne gouvernent ni la Conscience ni Tlntelligence, le
(i) Cette conception du dévorant minotaurc d'un régime d'iniquité
comporte une lumineuse antithèse. A TÉgrégore noir d'un état social
séculaire, hiérarchisé dans le mal, s'opposerait TÉgrégore blanc d'un
état théocratique harmonieux et pondéré, — l'Archange de la « Synar-
chie ■.
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292 LA CLEF DE LA MAGIE NOIRE
pouvoir créateur de l'Homme sur celle Terre ne dépasse pas
certaines régions de son atmosphère; mais ii peut en modifîer
singulièrement la constitution et la substance hyperphysiques.
c Du même coup, la voie ascendante et descendante des
âmes, la Mort et la Génération en sont terriblement affec-
tées (1). >
Ainsi, voilà deux exemples, bien distincts à tous égards,
d'êtres générés par l'intégration collective.
Si l'on se reporte à l'oracle des tables, cet éphémère
de rinvisible, dont l'existence, obscure et soudaine en
son origine comme en son terme, s'accuse aléatoire au
point de paraître un mirage intellectuel, un fallacieux re-
flet des mentalités coopérantes, — quel contraste avec ce
formidable Archange de l'iniquité politique et du blas-
phème antisocial, pour qui les siècles sont des jours, les
hécatombes humaines de périodiques repas, et les cata-
clysmes qui bouleversent les empires, le contre-coup d'un
accès d'humeur ou capricieuse ou furibonde !
Cependant, l'un et l'autre cas présentent ce trait de
ressemblance, que l'Être collectif, généré pour un quart
d'heure ou pour des lustres séculaires, jouit d'une exis-
tence et d'une conscience propres : sans que les individus
dont il forme la synthèse perdent rien de leurs person-
nalités respectives. Ceux-ci subissent bien, il est vrai,
l'impérieuse suzeraineté du monstre potentiel pétri de
leur substance, nourri de leur sang parfois et abreuvé
de leurs larmes ; mais ils ignorent profondément ce
despote invisible. Alors même que, pour satisfaire son
[i] La lUission des Juifs, pp. 794-79.-).
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LA RODE DU DEVENIR 293
caprice, on les verra succomber dans l'arène de la vie
terrestre, ils ne s'écrieront pas, comme le gladiateur ex-
pirant : AvCy Cœsar; morituri le salutant! Ainsi les cel-
lules du corps humain, s'il leur était donné de philoso-
pher, nieraient sans doute l'existence du vaste organisme
dont elles font partie intégrante, et pour le salut duquel
un irrésistible instinct les porte à se sacrifier si sou-
vent (1).
Entre ces deux extrêmes de Texistence collective, on
sent qu'il y a place pour beaucoup d'entités intermédiai-
res, plus ou moins stables et conscientes. Nous ne son-
geons point à en fournir un catalogue, même sommaire.
De si délicates nuances en distinguent les variétés,
qu'une sèche classification ferait peu de profit. Il suffira
de produire quelques spécimens de ces Collectifs, pour
qu'un Lecteur intelligent et réfléchi puisse, en comblant
les lacunes de la nomenclature, suppléer à ce que nous
tairons des Arcanes delà Multitude.
Les assemblées politiques offrent, au point de vue qui
nous occupe, un champ d'observations propice et fertile,
avec le contraste de leurs flux et de leurs reflux pareille-
ment désordonnés : irrésistibles et soudaines impulsions
qui s'y manifestent à rimproviste,et revirements invrai-
semblables qui leur succèdent. Dans une enceinte bien
(1) Lire, dans le Traité méthodique de Science occulte de notre ami
le Dr Papus^ une page bien remarquable et singulièrement instructive,
intitulée: • Une blessure à la phalange; Défense de l'organisme. »
(Pag. 794-798).
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294 LA CLEF DE LA MAGIE NOIRE
circonscrite, les électricités humaines s'opposent ou se
confondent, se neutralisent ou s'exaltent dans leur anta-
gonisme, au hasard des rencontres ; cette enceinte est
un séminaire d'êtres collectifs, générés pêle-mêle avec
des Larves et des Concepts vitalisés. Lorsqu'un certain
nombre de citoyens habiles, résolus et fermes dans leurs
principes, ne se groupent pas pour former un noyau
compact, un centre agrégatif, un point fixe enfin dans
ce chaos dynamique, — le sabbat se déchaîne sans trêve
des volontés et des passions adverses. Tous les mérites
individuels, s'entre-détruisant alors, concourent à la
nullité de l'ensemble : et l'on aboutit, en période de
lutte ouverte, à regorgement mutuel ; en période d'ap-
parente accalmie, à la parfaite stérilité... Une Assemblée
de citoyens personnellement adroits, humains et justes,
peut devenir un modèle historique de sottise, de barba-
rie ou d'iniquité collectives. Tacite ne l'ignorait pas, qui,
d'une image familière et saisissante, nous dépeint à ce
double égard les Pères Conscrits de son temps : Sena--
tores boni viri, Senatus vero tnala bestia.
L'âme des foules est partout la même, aveugle et cré-
dule, perméable à toutes influences de bon et de mauvais
aloi, et, sur toute chose, susceptible d'étranges revire-
ments.
Eugène Sue a bien connu et décrit cette instabilité du
caméléon populaire. Pas un lecteur du Juif Errant, que
n'ait ému l'allocution du missionnaire Gabriel, sauvant
le Père d'Aigrigny que la foule ameutée à Notre-Dame
allait occire sur les marches mêmes du chœur; et dans
les Mystères de Paris, on se rappelle la scène touchante
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LA ROUE DU DEVENIR 295
de Saint-Lazare, quand le souffre-douleur des détenues
devient, à la voix de Fleur-de-Marie, l'objet de l'intérêt
général; si bien que la plus implacable persécutrice de
l'idiote enceinte prend l'initiative d'une collecte, en vue
d'assurer une layette à l'enfant qui viendra.
La popularité (qui est à la gloire véritable ce que l'ins-
tant fugace est à Téternelle durée), le succès immédiat,
la vogue enfin, pour faire usage d'un mot qui dira tout,
sont caprices de Tàme des foules.
Nous verrons, au chapitre iv, comme il faut unifier
cette âme multiple et divergente, afin de mettre à profit
les forces qu'elle déploie, — irrésistibles, quand on a su
les grouper en fulgurant faisceau.
C'est le mystère de la chaîne magique. Son intelligence,
soit dit en passant, peut conduire à celle du Grand Ar-
cane. Son impeccable emploi garantirait Tomnipotence
à l'adepte assez froidement calculateur dans le péril pour
n'hésiter point à la mettre en œuvre, et trop austère dans
le triomphe pour en abuser jamais.
Contentons-nous, cette parenthèse étant close, d'ajou-
ter que la chaîne magique est un moyen sûr de créer
des Potentiels collectifs à qui rien ne résiste. Si les au-
teurs de la chaîne y mettent quelque persévérance et
quelque intensité volitive, l'existence du colosse évoqué,
d'abord contingente et mal définie comme celle de TO-
racle mensal, se précise et s'affirme à proportion; il de-
vient une Force subjugante et énergiquement assimila-
trice, une Domination du Ciel humain : il dévore et
résorbe en soi, dans l'Invisible, les Puissances qui lui
font obstacle sans être à même de sauvegarder leur au-
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296 LA CLEF DE LA MAGIE NOIRE
tonoraie. Dans le monde physique, c'est par ses membres
qu'il agit, en inspirant aux individus réunis pour former
son corps social, des impulsions, des passions et des
idées dont ceux-ci ne songent point à se défendre, les
croyant leurs.; et qui se traduisent par des actes, dont le
résultat est l'asservissement, la ruine ou la mort des
champions de volonté adverse, non point tant à la leur,
comme ils le peuvent croire, mais plutôt à la sienne
propre.
Qu'on évalue le développement dynamique où doivent
nécessairement atteindre les Collectifs recteurs d'agréga-
tions impersonnelles, — Pouvoirs constitués, par exem-
ple, Ordres religieux, Sociétés secrètes, — toutes compa-
gnies se perpétuant au service d'un principe, d'une
idée, d'une volonté, d'un sentiment invariables, impres-
criptibles, censés absolus !
L'organisation normale de telles collectivités, avec son
système de ressorts et d'engrenages assortis, en fait des
corps vivants, perdurables à la faveur d'un recrutement
régulier; ce sont là, dans toute la force du terme, des
organismes physiques géants, où s'incarne une âme pas-
sionnelle vivante et vivifiante, pourvue d'un vouloir irré-
fragable et réceptive d'un immortel Esprit.
De telles institutions humaines, doublées dans l'Invi-
sible d'un pareil support ontologique, deviennent les ci-
tadelles souvent inexpugnables des sectes, dans la ba-
taille chronique des idées. A l'abri du rempart, les
vieux partis prolongent la lutte, alors même qu'elle
semble désespérée. El dans les cas extrêmes, quand les
corps sociaux collectifs paraissent abolis, par suite de la
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LA ROUE DU DEVENIR 297
dispersion ou du massacre des membres qui les com-
posent, l'àme collective demeure plus vivace que jamais;
elle survit aux pires désastres, prompte à se refaire un
corps, sous un nom ou sous un autre, par Tafirégalion
d'individus sains et robustes, qu'elle inspire et possède
après les avoir sélectes: si bien qu'en se réincarnant,
elle se rajeunit, elle se transfigure, assume une vigueur
nouvelle et inaugure un cycle nouveau de domination
terrestre.
La survivance de Jacques Molay nous offrit, au tome
précédent, un mémorable exemple de rénovation pos-
thume en ce genre. Vainement l'Autorité pontificale dis-
sout l'Ordre du Temple, en vain les pouvoirs politiques
écrasent et diffament les Templiers. On peut croire l'Or-
dre anéanti, mais il renaît de ses cendres dans l'ombre,
grandit et se propage au long de quatre siècles et plus,
Protée insaisissable, multiplié sous mille apparences
étrangères, conspirateur affublé de mille oripeaux d'em-
prunt... Dirait-on pas qu'il perd sa tradition comme il a
perdu son titre; qu'il abdique sa personnalité avec la
conscience de son origine? Mais, sous le voile des mé-
tamorphoses, l'Ame collective est là qui veille, gardienne
d'un mot d'ordre! Ce mot d'ordre ne sera point divulgué ;
il se perpétue néanmoins, inconnu constamment des
subalternes, méconnu des chefs eux-mêmes à de certai-
nes époques; il se formule W/ia/re, comme l'iniquité com-
plice du pontife et du monarque au xiv® siècle.
Sa double et secrète devise, le Temple Vivant ne l'a
pas oubliée; l'heure venue, il l'insufflera au cœur des
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298 LA CLEF DE LA MAGIE NOIRE
artisans de sa vengeance testamentaire : « Pulvérise ta
tiare (1), — foule aux pieds les lys (2) ! «
Et voici ! La seconde partie du siècle de Voltaire verra
la revanche des Templiers. Le but se devine à mesure
que l'heure approche, mais la forme de rÉvénement
flotte encore indécise.
C'est ainsi que vers 1772, la postérité occulte de Jac-
ques Molay revêt d'abord, sous Adam Weishaupt, le ca-
ractère d'une vaste société secrète, où se trame une
conspiration contre l'autel et le trône. D'Ingolsladt, le
foyer central de son incandescence, la secte aréopagito
rayonne au loin sur l'Empire. La vieille Allemagne, mi-
née sur toute son étendue, n'attend plus qu'une étincelle.
Mais l'Électeur de Bavière est prévenu à temps (3). Il
prend d'énergiques mesures, frappe ou bannit les conju-
rés, et le complot échoue : l'illuminisme a vécu Du
moins le peut-on croire; mais la Révolution française
démontrera, moins de vingt ans après, l'illusion qu'on
s'est faite en pensant détruire le ferment templier, dont
le grand coup frappé en Allemagne a seulement éconduit
(1) Latro pontifex deleatur (L. P. D.). — Cf. la déclaraUon des
Rosc-Groix, ppoclaïuanl, en 1613, « que par leur moyen le triple Dia-
dème du Pape sera réduit en poudre *. (Gabriel Naudé, Instmct. à la
France sur la vérité des frères de la Bote-Croix, p. 36).
(2) Lilia pedibus destrue (L. P. D.)
(3) « On sait qu'un des adeptes do cette société subversive, frappé
d'un coup de tonnerre dans la rue et porté évanoui dans la maison
d'un particulier, laissa saisir sur lui l'écrit qui contenait le plan de la
conspiration et les noms des principaux affidés. o (Histoire philos, du
Genre humain, t. I, p. 103). Cet adepte, foudroyé à Ratisbonne aux
côtés de Weishaupt lui-mt^me, était un prêtre renégat du nom de Lanz.
Son portefeuille, saisi par la justice, fiit envoyé à la Cour de Bavière.
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LA ROUE DU DEVENIR 299
l'invasion et dépaysé l'énergie. Cette fois, rien ne peut
mettre obstacle à la précipitation des conjonctures : un
cataclysme d'une violence inconnue ébranle tout d'abord
la France, par contre-coup l'Europe et le monde. Puis
une évolution en procède, qui depuis un siècle se pour-
suit, graduelle et sûre, à travers des phases contrastées
d'ordre et de désordre, des alternatives de bouleverse-
ments politiques radicaux et de restaurations mitigées.
Sensiblement, Taxe social a fléchi ; le monde oscille en-
core à rheure où nous parlons, et tend vers un nouvel
équilibre, vers un ordre de choses inédit.
Quelle que soit la part, prépondérante selon nous,
des menées occultes dans le drame de 1789-1793, cette
cause décisive ne fut pas la seule à nos yeux. A plus
forte raison n'attribuerons-nous point à l'exclusive pré-
méditation des néo-templiers l'avènement d'un cycle so-
cial rénové. C'est qu'en France, l'œuvre vehmique s'est
combinée, enchevêtrée avec le processus normal des
événements; cette vigoureuse impulsion en a hâté, mais
aussi troublé le cours.
Voyez cependant les lys noyés à deux reprises « dans
l'effusion de leur sang d'azur », — et la triple cou-
ronne du Pape qui perd ses fleurons, avec le Pouvoir
temporel par trois fois aboli! Voilà bien l'accomplisse-
ment du double programme de la vengeance templière:
Pulvérise la tiare, foule aux pieds les lys.
La grande Révolution, cette période culminante et
peut-être unique dans l'histoire du monde; alors que
l'action providentielle et la Nécessité fatidi(|ue, également
éclipsées pour une heure, parurent anéanties dans l'é-
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300 l'A CLEF DE LA MAGIE NOIRE
norme explosion où la Volonté (1) se complut, triom-
phante, mais sur-le-champ divisée et tournant ses armes
contre elle-même dans l'ivresse de sa victoire; la Révo-
lution française se signale entre toutes autres crises, par
le conflit des grands Collectifs humains.
L'âme templière s'incarna dans la vaste Société jaco-
bine, tandis que les Génies potentiels d'autres traditions
secrètes, plus vénérables par leur antiquité et leur sa-
gesse, prenaient corps, mais trop hâtivement, dans les
groupes feuillant et girondin. L'esprit libéral et décen-
tralisateur fléchit sous le despotisme unitaire de la Mon-
tagne. La Commune de Paris fit échouer la cause des
communes de France. Les feuillants se dispersèrent, et la
Gironde fut sacrifiée!...
L'histoire de la Convention est surtout précieuse à qui
veut saisir sur le vif les rivalités meurtrières d'Entités
collectives, dont Tâpre compétition dans l'Invisible se
traduit ici-bas en actes sanglants. Dans quel enthou-
siasme de toute-puissance s'épanouit l'Égrégore victo-
rieux ! Comme il imprime à son armée terrestre l'irré-
sistible élan de sa confiance et de son courage ailiers !
Mais, s'il vient à faiblir dans la lutte avec son adversaire
(1) Il semble que la Volonté domine tout à l'époque révolutionnaire,
— comme la Providence parait tout conduire au temps de Jeanne
d'Arc, — et le Destin tout nécessiter aux derniers jours de Byzance.
Cette prépondérance alternée des Puissances rectrices du monde
rentre, à titre d'exception, dans le système de l'Équilibre universel.
Aussi n'est-ce point l'empire passager d'une Puissance sur les deux
autres, mais l'absolutisme de cette domination souveraine, qui nous
fait qualifier d'unique l'époque des Mirabeau, des Sieyès et des Robes-
pierre.
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LA ROUE DU DEVENIR 301
(occulte comme lui), quelle déroute parmi ses légiens !
Quels revirements au cœur de l'Assemblée !... Tout ap-
pui cède qu'il aurait cru ferme, toute fidélité mollit qu'il
croyait à l'épreuve d'un revers de fortune. Les plus sûrs
instruments de son règne lui manquent à la fois (1).
Qu'on étudie à ce point de vue la crise du fédéralisme
girondin, et Teffondrement d'un parti qui, disposant d'une
majorité massive, tenait tous les postes d'honneur et de
sûreté à la Convention ; — puis la chute inopinée du co-
losse en qui respirait l'esprit et semblait battre le cœur
des foules, et qui, prévenu des projets de ses ennemis
la veille de son arrestation, haussa si magnifiquement
les épaules : « Ils n'oseraient^ dit-il ; on ne touche
pas à Danton : je suis l'arche ! »; — enfin, plus tard,
au lendemain de l'apothéose de Robespierre dicta-
teur, la réaction dévorante de Thermidor : on jaugera
mieux, à la faveur de ce triple exemple, l'inanité des ma-
rionnettes individuelles, en de pareilles tempêtes d'àmes
collectives. Le vouloir de tel ou tel acteur isolé équivaut
au Néant même, quand les Volontés générales se heur-
tent et se brisent dans l'éthcr orageux ! La vraie bataille
est au Ciel psychique : tout se décide entre les grands
champions collectifs. Ces formidables Dominations de
l'Invisible posent et sacrifient les pions de chair sur l'é-
(1) Pour qu'il en fût autrement, il aurait fallu que l'Égrégore mis en
échec comptât parmi les siens quelque auxiliaire rompu au maniement
occulte des foules ; un lieutenant capable de le suppléer à l'heure de la
défaillance, et qui sût conjurer la débandade, en resserrant la chaîne
sympathique de groupement. Mais de tels hommes sont rares. La Ré-
volution» si féconde en valeurs individuelles, n'en vit surgir dans au-
cun des groupes qui se succédèrent au pouvoir.
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302 LA CLEF DE LA MAGIE N01R6
chi(|4iier social; ils se jouent de nos individualités hau-
taines, avec la désinvolture d'un enfant qui range ses
soldats de plomb sur une table, et d'une pichenette, les
abat par files !
D'ailleurs, dans la mêlée occulte dont la Convention
nationale est le centre, interviennent d'autres acteurs
invisibles. Tandis que les intérêts majeurs s'agitent en-
tre les grands Collectifs séculaires, d'autres initiatives,
subsidiairement intercurrentes, viennent modifier les
événements dans leur forme extérieure et dans les dé-
tails qui leur font cortège. En pareil cas, les Volontés
individuelles, à peu près nulles au regard des résultats
décisifs k obtenir, suffisent à provoquer isolément des
résultats secondaires, notables encore. La somme de l'ad-
dition n'en varie guère, mais licence est faite aux indi-
vidus d'intervertir ou même d'altérer (en les balançant) les
chiffres de la colonne.
Toute rivalité mise à part entre les Dominations collec-
tives qui troublent de leurs orages la sérénité du Ciel hu-
main,— il reste àl'àme des foules assez d'autres mobiles
pour justifier son allure instable, ambiguë, et ses fiévreux
écarts. C'est la réciprocité des atmosphères fluidiques, le
jeu mutuel des Ascendants, puis aussi l'influence réper-
cussive que les Larves passionnelles exercent sur leurs au-
teurs : voilà bien des éléments à porter en compte.
Qu'on s'étonne après cela de la complication des trames
enchevêtrées, chaos où prennent leur origine ces entraî-
nements soudains de pitié, d'enthousiasme ou de terreur,
ces courants imprévus, ces revirements à confondre
l'esprit !
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LA ROUE DU DEVENIR 303
Au sein même des grands Collectifs se forment de
moindres agrégations, jouissant d'une vie propre en
même temps que de la vie commune; pareillement, dans
l'unité d'un parti politique, se détachent plusieurs compa-
gnies de nuances distinctes, et dans chacune, on dis-
cerne sans peine plusieurs groupes : toutes fractions
qui participent de l'ensemble sans se fondre ni disparaî-
tre en lui.
Du reste, les rares individus restés libres de toutes
attaches, pour ne s'être point inféodés aux Entités po-
tentielles préexistantes, peuvent, en se groupant, donner
naissance à des Collectifs nouveaux.
C'est ce qui se produisit tardivement au berceau du
Socialisme, par l'effort de Babeuf et de ses amis... Qua-
tre-vingt-treize ne fut pas plus socialiste que ne l'avait
été Quatre-vingt-neuf: pareille tendance ne s'observe, ni
dans la rédaction des cahiers du Tiers, ni dans le tem-
pérament des plus fougueux tribuns de la Montagne ; et,
lorsque éclata la Révolution, il paraît certain que nul
courant n'existait en ce sens. Tant d'autres réformes, et
plus urgentes, sollicitaient la Conscience publique ! Ba-
beuf se fit fort d'en créer un ; et s'il y parvint, sous le
règne du directoire, ce ne put être que par l'emploi, plus
ou moins instinctif, de la chaîne sympathique. La conspi-
ration de l'an V devait échouer : le moderne Gracchus
paya de la tête son humeur partageuse et l'imputation de
rêver une nouvelle loi agraire (1) (5 prairial) ; mais le
(1) Babeuf allait plus loin. Son idéal était le communisme, comme
le prouve une Adresse au Peuple français, trouvée dans ses papiers.
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304 LA CLCF DE LA MAGIE NOIRE
vaste complot qu'il avait su ourdir demeure un singulier
exemple de mouvement improvisé dans un milieu sinon
réfractaire, du moins sans préparation à cet effet.
L'ordre religieux, aussi bien que l'ordre politique et
social, comporte ses Entités collectives, dont l'examen
relève pareillement des mystères de la Mullitude.
Nous nous estimons tenu sur ce point à la plus scrupu-
leuse réserve : ce n'est pas qu'il nous parût contre-in-
diqué de produire ici des explications catégoriques;
mais, — la matière étant ardue et délicate, — nous
n'appréhendons pas tant d'être trop compris, que mal
interprété.
Aussi ne prendrons-nous nos exemples que dans les
cultes qui appartiennent au passé. Il est certain que tel-
les faces delà question demeureront ainsi dans l'ombre :
peut-être scmblera-t-il au public qu'à certains égards
nous nous soyons contredit. Quoi qu'il en soit, nous pré-
férons nous taire.
Pour les adeptes de la Science, nous en aurons dit
assez.
Une classe particulière d'êtres collectifs mérite d'être
— « La loi agraire (y lit-on) ou le partage des terres fut le vœu inslan-
lanê de quelques soldats sans principes... Nous tendons à quelque
chose de plus sublime, de plus équitable, le Bien commun, ou la coiu-
niunautti des Biens!... La terre n'est à personne... Les fruits sont à
tout le monde... » {Extrait des pièces trouvées chet Babeuf, impriméex
par ordre de l' Assemblée: Adresse au Peuple français, passim. — Cité
par Barruel, Mémoires pour servir à Vhistoire du Jacobinisme, Lyon,
1818, t. IV, p. 312).
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LA ROUE DU DEVENIR 305
signalée à part, et nous toucherons un mot des Domi-
naliong théurgiques.
< La théurgie (s*exclaine Ëliphas Lévi, dans un de ses livres
les plus admirables et les moins connus), la Théurgie, mot
terrible, mot à double sens, qui veut dire création de Dieu !
Oui, dans la théurgie, on apprenait au prêtre comment il
doit créer des dieux à son image et à sa ressemblance, en les
tirant de sa propre chair et en les animant de son propre sang.
C'était la science des évocations par le glaive et la théorie des
fantômes sanglants... Les grands mystères étaient la sainte
Vehme de l'antiquité, où les francs-juges du sacerdoce pétris-
saient de nouveaux dieux avec la cendre des anciens rois, dé-
trempée dans le sang des usurpateurs et des assassins (1). »
(i)lLa Science des Esprits (pp. 216-217, passim).
Quelques lignes plus loin, Ëliphas Lévi s'explique par un exemple :
« Ni DUS était le roi des prêtres : Stiiniramis voulut être la reine des
peuples, et s'assura, par un crime, la possession de la couronne de
Ninus. Le monde politique n'avait pas alors de tribunal qui pût juger
cette femme, tant elle se justifia par de grandes choses. Elle semait le
monde de merveilles. Ses envieux soulevaient contre elle les multitu-
des : elle venait seule, et les révoltes s'apaisaient. Mais elle avait un
fils, que les prêtres gardaient pour otage; Ninyas était initié aux grands
mystères, et il avait juré de venger Ninus, dont il ne connaissait pas
encore le meurtrier. Sémiramis, de son côté, était obsédée de fan-
tômes et de remords. La femme, chez elle, l'emportait secrètement sur
la reine, et souvent elle descendait seule dans la nécropole, pour
pleurer et frémir sur les cendres de Ninus. C'est là qu'elle rencontra
Ninyas, poussé par les hiérophantes: entre le fils et la mère, se dressa
le spectre du roi assassiné. Sémiramis était voilée ; le fantôme ordonna
de frapper. Le jeune initié s'avance : Sémiramis pousse un cri et lève
.son voile; elle a reconnu Ninyas: « Non, tu n'es plus Ninyas, dit le
spectre, tu es moi-même, tu es Ninus sorti de la tombe! » Et il sembla
absorber le jeune homme en lui-même et se confondre avec lui ; de
telle sorte que la reine ne vit plus devant elle que le spectre de Ninus,
pâle et le glaive sacré à la main. Elle retira alors le voile sur sa tête
et présenta son flanc, comme devait faire plus tard Âgrippine. Quand
Ninyas revint à lui, il était couvert du sang de sa mère : « Est-ce donc
moi qui l'ai tuée ? s'écriait-il avec égarement. — Non, répondit Sémi-
ramis en l'embrassant pour la dernière fois, nous sommes deux victimes;
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31)6 LA CLEF DE LA MAGIE NOIRE
Éiiphas Lévi, nous l'osons croire, n'a garde de con-
fondre cette théurgie sacei'dotale des grands mystères
déjà dégénérés, avec la sainte Ihéurgie dont Porphyre et
lamblique, héritiers des plus glorieuses traditions de la
Mysticjue héroïque et divine, nous ont transmis les rites
et les formules. A toutes pages de son traité si révélateur
de V AbslinencCy Porphyre laisse percer son mépris pour
les arcanes de la chair et du sang, indissolublement liés
à l'évocation des mauvais Génies :
« Ces esprits (dit-il) ne sont occupés qu'à tromper par tou-
tes sortes d'illusions et de prodiges. Les philtres amoureux sont
de leur invention : Tintempérance, le désir des richesses,
ramhition viennent d'eux, et principalement Tart de tromper;
car le mensonge leur est très familier. F-.eur ambition est de
passer pour dieux, et leur chef voudrait qu*on le crût le grand
Dieu. Ils prennent plaisir aux sacrifices ensanglantés : ce
qu'il y ade corporel en eux s'en engraisse, car ils vivent de
vapeurs et d'exhalaisons et se fortifient par les fumées du sang
et des chairs. Cest pourquoi un homme prudent et sage se
gardera bien de ces sacrifices, qui attireraient ces génies. 11
ne cherchera qu'à purifier entièrement son àme, qu'ils n'atta-
queront point, parce qu'il n'y a aucune sympathie entre une
âme pure et eux (1). »
On pourrait citer vingt passages analogues du même
Porphyre, d'accord sur ce point avec tous les adeptes de
et le sacrificateur, ce n'est pas toi : Je meurs assassinée par le grand-
pr.Hre de Bélus I » (Ibid., p. 223-224;.
Cf. l'histoire d'Athaiie {Rois, liv. IV, chap. i\ ; Paralipomènes, liv.
n, chap. \\iv). Jérusalem, comme à Ninivo, l'esprit sacerdotal reste
identique.
(1) Traité de Porphyre, touchant l'Abstinence de la chair des ani-
tnau.r, avec la vie de Plotin, etc., et une dissertation sur les Génies ,
par .M. de Burigny. (Paris, de Bure, 1747, in-12. pp. 146-1 '»7).
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LA ROUE DU DEVENIR 307
la haute et angélique Théurgie. Le magiste de lumière
conjure les Intelligences du Ciel par les invocations, les
parfums et le pentacle étoile. Désireux de les rendre pré-
sentes, non plus seulement aux sens, mais à l'esprit, —
il s'efiforce surtout de leur devenir semblable par la pu-
reté, Tamour et l'essor intellectuel : car il n'est pas de
plus infaillible secret pour évoquer l'un de ces êtres, que
de s'assimiler à son essence, — ce qui s'appelle, en Ma-
gie, forcer la demeure de l'Ange, ou prendre ascendant
siur lui (1).
Reste la théurgie prestigieuse dont parle Éliphas, et
qui, même au service du Juste et du Vrai, garde toujours
un caractère d'ambiguïté, de violence, et comme un stig-
mate de réprobation.
Cette théurgie est celle dont s'enorgueillit le prêtre fé-
licheur des tribus sauvages, et, en général, tout pontife
d'idolâtrie, lorsque, baignant l'autel du sacrifice de sang
victimal et conjurant les Puissances de l'Invisible, il
semble prêter pour une heure le mouvement, la pensée
et la vie, — qui à ses Manitous de bois ou de pierre, qui
à ses Belphégor d'airain.
Cette théurgie fut encore celle des mages politiciens de
Babylone et de Ninive, de Suze et d'Ecbatane : instru-
ment de domination théocratique, elle servit longtemps
(1) Méditer, dans l'Initiation du. 1er octobre 1893 (pp. 7-23), l'étude
sur Martinès de Pasqually et les Miroirs magiques, par F.-Gh. Barlet.
— On y verra la différence essentielle entre les pratiques incomplètes
de rUluminisme proprement dit et les rites de la Haute Magie. L'auteur
de ces pages péremptoires est sans doute aujourd'hui le plus savant
initié de cette vaillante École française, à laquelle nous-méme revendi-
quons l'honneur d'appartenir.
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308 LA CLEF DE LA MAGIE NOIRE
à établir sur des prestiges cette religieuse terreur dont
les sacerdoces ambitieux de la toute-puissance ont cou-
tume de frapper le populaire et d'éblouir jusqu'aux
grands de ce monde, jusqu'aux monarques qu'ils se flat-
tent ou d'asservir ou d'exploiter.
Or, si nous demandons sur la vertu de quels auxiliaires
ces adeptes d'une théurgie cléricale justifiaient leur foi
et fondaient leur puissance, l'Ésotérisme nous répondra ;
Sur la coopération d'Entités collectives, qu'ils appelaient
leurs dieux.
Oui, de tels prêtres, amalgamant leur âme et celle des
multitudes, au moule d'une volonté consciente ou d'un
fanatisme instinctif, en façonnaient un Ciel à l'image de
leur commun idéal ; — et la plus essentielle fonction du
Sacerdoce consistait à créer, à nourrir, à entretenir des
dieux.
On sent qu'il n'est point question d'idoles, en tant
qu'effigies matérielles. D'ailleurs, idole veut dire autre
chose, et plus. Le vocable «^«Xov n'exprime pas seule-
ment en grec la représentation, l'image ou la statue d'un
(lieu; il signifie surtout un spectre, un fantôme, une
Puissance occulte, enfin. — Même sens au mot latin
Idolum,
Sur ce point, l'Antiquité n'a qu'une voix, et la Bible
confirme Hérodote et Pausanias, Plutarque et Tite-Live.
Ne lit-on pas dans les Psaumes que tous les dieux des
nations sont des démons : Omnes dii (fentium dœ-
monia (I)?
(I) Psaume XCV. :;.
Nous avons proposé du même lexle une inicrprôlalion ilifTérenle (le
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LA ROUE DU DEVENIR 3U9
Nous savons déjà sous quels auspices les Collectifs du
Ciel humain prennent naissance et accroissement.
Pas de chaine magique plus irrésistiblement efficace
que celle des volitions adoratrices, dynamisées par la
Foi. C'est ici surtout que le Verbe humain réalise d'em-
blée ce qu'il affirme.
Taxera-t-on de fabuleuses les voix du chêne dodonien
et de la statue de Memnon? L'antique autel a pu prophé-
tiser sans doute; le guéridon spirite se mêle bien d'en
faire autant.
Pontife et Mage ont été longtemps synonymes...
Le grand œuvre théocratique serait-il pas, somme
toute, la transposition religieuse et l'extension en espace
et en durée de cette occulte genèse, — animique et spi-
rituelle et fluidique, — d'où émerge encore sous nos
yeux l'Oracle raensal? La danse et le verbiage des tables
n'équivaudraient-ils point aune réduction démonstrative
des phénomènes théurgiques et sybillins : de même qu'au
laboratoire, moyennant une forte machine de Ramsden
et une batterie de condensateurs, l'électricien reproduit
la foudre en miniature, l'éclair et sa détonation ?
Quoi qu'il en soit, les éléments demeurent les mêmes,
et pareille la loi de génération collective : c'est toujours
un cercle de Psychés passives, d'âmes similaires à ten-
dance uniforme, éparses faute de cohésion, et qu'une
Volonté énergique, ou un groupe de telles Volontés uni-
fiées synthétise, évertue et féconde. Ainsi, à la faveur
Temple de Satan, ^. 63) ; mais ces deux sens, loin de s'exclure, s'éclai-
rent et se complètent mutuellement.
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310 LA CLEF DE LA MAGIE NOIRE
d'une chaîne sympathique dûment établie, une Entité
collective s'engendre.
Mais, une fois clos le circuit d'enthousiasme religieux,
rien ne tend à le rompre. Le courant, loin de faiblir,
s'accentue avec le temps; car les éléraenls transitoires
de la pile psycho-dynamique, non seulement se rempla-
cent à mesure, mais encore se multiplient. L'être po-
tentiel s'affirme, se développe et consacre bientôt son au-
tonomie, en réagissant d'une sorte despotique sur les
membres de son corps social, grouillant et divers.
Car ce serait une étrange erreur que de croire, avec
certains Kabbalistes dévoyés, que la Déité s'incorpore lit-
téralement à son effigie symbolique, y séjourne à de-
meure; enfin, pour tout dire, qu'elle hante de sapr/-
sence réelle les images de bois ou de marbre, d'or ou
d'airain. Son corps véritable n'est point là. Quant à la
forme fluidique, nous verrons plus loin ce qu'elle peut
être, lorsque d'aventure elle se manifeste : phénomène
insigne et d'une tout exceptionnelle rareté.
Ici se dresse une objection, facile à prévoir, non moins
facile à rétorquer. Les voix traditionnelles de l'Antiquité
nous attestent que de multiples apparitions, — totales ou
partielles, splendides ou monstrueuses, ravissantes ou
terribles, — ont pullulé autour des autels de ces dieux.
Cicéron en'rapporte un certain nombre de cas dans son
ouvrage de Naturâ Deorum. L'histoire du mysticisme
alexandrin abonde en constatations analogues, et le bon
le Loyer, notant d'après Virgile les rites d'usage, lors
des sacrifices solennels en l'honneur des grands Olym-
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LA ROUE DU DEVENIR 311
piens, observe que cr les sacrificateurs voiloient leur
teste, de crainte que pendant qu'ils sacrifioient, ils ne
fussent troublez et empeschez de quelque visage ou face
ennemie qui eust peu se présenter et offrir à leur
veué (1) ».
Dans les temples du Polythéisme, les Immortels ne
furent point avares de leur présence visible, et depuis le
spectre de l'infernale Hécate glaçant d'effroi les fidèles
de ses orgies, jusqu'aux radieuses visions qui signalaient
rÉpiphanie des mystères du Samothrace et d'Eleusis, il
était permis à l'initié de parcourir du regard la gamme
lumineuse des dieux.
Que croire de toutes ces apparitions qui peuplaient
l'ombre des sanctuaires et semblaient liées à l'autel? N'y
peut-on voir, sinon les formes astrales des divinités, du
moins des corps fluidiques d'emprunt, que s'adaptaient
les Entités collectives pour se manifester aux yeux de
chair? Nous ne le pensons pas. — Si nous écartons l'hy-
pothèse de supercherie sacerdotale, admissible et même
probable dans un certain nombre de cas, mais que la cri-
tique négative des modernes a le tort de généraliser (2) à
(1) Histoire des Spectres, 1603, in-4o (t. II, pp. 878).
(2) L'école en question arbore comme un étendard cet absurde axiome
de Y impossibilité des phénomènes dont la science contemporaine est
inapte à rendre raison. Un pareil à priori dispense de toute contro-
verse et même de tout examen des circonstances et des témoignages.
11 est d'ailleurs vraisemblable qu'en quelque occurrence les prêtres
aient utilisé leurs notions d'optique, pour suppléer aux phénomènes
réels par des effets de fantasmagorie. — E. Salverte cite une descrip-
tion de Damascius, que Photius nous a conservée en sa Bibliothèque
(Cod. 242) et dont les termes tendraient à le faire croire. La voici :
< Dans une manifestation qu'on ne doit pas révéler,... il apparaît sur la
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312 LA CLEF DE LA MAGIE NOIRE
priori, ces formes lémuriennes se décèleront des indigènes
du plan astral, évoluant dans le nimbe ou l'atmosphère
occulte de l'Égrégore collectif. Simples Larves le plus
souvent, ou encore Êlémentaux, ou Concepts vitalisés.
Dans les sanctuaires où le culte des ancêtres a rétabli la
grande communion des vivants et des morts, les âfn^s
ghrifiées peuvent s'irradier aussi, ou du moins objectiver
une image astrale adéquate à leur verbe spirituel. Très
exceptionnellement, les substances angéUques manifeste-
ront leur gloire.
C'est qu'en ces murs hospitaliers, les visiteurs de toute
hiérarchie trouvent un asile convenable à leur nature.
Le milieu s'y prête à miracle : soit un temple voué de
temps immémorial aux pérégrins d'un autre monde, —
soit la crypte des mystères, toute saturée du triple ma-
gnétisme de la terreur, de l'enthousiasme et de l'amour !
L'air qu'on y respire vibre au rythme incessant des litur-
gies, des conjurations, des prières; les lourdes volutes
des parfums consacrés se tordent et se déroulent dans la
tiède vapeur du sacrifice quotidien.
Là les démons souterrains, les Ombres exhalées du
puits de l'abime trouveront, comme l'enseigne la Magie
ténébreuse, à se vêtir de sang condensé; — . là de même
les Visiteurs d'outre-ciel se tisseront un corps arômal de
paroi du temple une masse de lumière qui semble d'abord très éloignée:
elle se transforme, comme en se resserrant, en un visage évidemment
divin et surnaturel, d'un aspect sévère, mais mêlé de douceur, et très
beau à voir. Suivant les enseignements d'une religion mystérieuse, les
Alexandrins l'honorent comme Osiris et Adonis. » Eusèbe Salverte
ajoute, après avoir rapporté ce passage: a Si j'avais à décrire une fan-
tasmagorie moderne, m'expliquerais-je autrement ? » (Des Sciencen
occm/(m, 1829, in-80, t. I, p.309).
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LA ROUE DU DEVENIU 313
lumière, de musique et d'encens, selon les rites de la
glorieuse Théurgie.
La Divinité locale est d'ailleurs présente, encore qu'in-
visible : mais le halo frémit de son âme collective : âme
vivante et mouvante, faite des âmes de milliers ou de
millions d'adorateurs, et toute peuplée de rêves lému-
riens de cette multitude fanatique.
Pour se rendre manifeste aux organes de la vue, par-
fois de l'ouïe et du toucher, les Puissances occultes ont
besoin d'un milieu tout imbu de force psychique disponi-
ble : soit qu'elles s'assimilent le fluide vital émané des
chairs meurtries ou du sang répandu; soit qu'un médium
leur prête pour un temps sa propre substance biologique,
qu'elles lui restitueront dans l'acte de se dissoudre et de
s'évanouir aux regards.
Quant aux parfums consacrés, ils n'offriraient (du
moins par eux-mêmes) aux Puissances invisibles que la
faculté de revêtir un contour fallacieux et fugace, une
image sans consistance et sans vie. Mais, si les fumiga-
tions tiennent une très large place dans le Rituel Ihéur-
gique, c'est que là ne se borne point apparemment leur
secret emploi. Improviser des médiums, par l'extase
qu'elles provoquent chez les sensitifs; puis épurer les
fluides qui s'exsudent des corps sidéraux abmatérialisés
de la sorte : voilà la double destination de ces effluves
aromatiques. On peut en dire autant, à d'autres égards,
des hymnes religieuses dont la magie enchante l'oreille,
et des pompes liturgiques dont l'ordonnance charme la
vue.
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314 LA CLEF DE LA MAGIE NOIRE
Nous verrons plus loin, à propos des décisives expé-
riences du colonel de Rochas d*Ayglun, que les divers
états physiologiques ressortissant au magnétisme passif,
au somnambulisme et à Textase, sont liés à un phéno-
mène très particulier de dilatation extra-corporelle de
la substance vivante et sensible; dilatation qui s'effectue
par couches ou zones concentriques: c'est là ce que le
savant physicien entend par c l'extériorisation de la
sensibilité (1) ». Celte faculté a si bien disparu de la
peau du sujet, qu'on peut en piquer ou en échauder la
surface sans qu'il s'en aperçoive; mais, si l'on répète les
mêmes expériences sur l'une des couches sensibles, dis-
tantes du corps de plusieurs centimètres ou même de
beaucoup plus, l'hypnotisé perçoit la sensation doulou-
reuse, et l'accuse aussitôt (2). Cette sensibilité abmaté-
rialisée est sujette à se dissoudre en certaines substances,
telles que la cire, par exemple; à telles enseignes qu'une
poupée de cire imprégnée du fluide vivant devient elle-
même sensible; ou plutôt qu'un lien s'établit entre elle
(1) Peu t-LHro devrait-on dire: extériorer, <'jp/<?rïorafion, par analogie
avec améliorer, amélioration. Ces mots reposent également sur des
comparatifs : exterior et melior. — De môme, il conviendrait d écrire
individuer, individuation, et non individualiser, individualisation.
Mais ces termes d'un détestable aloi sont consacrés par l'usage, en
occultisme, et tout souci de correction doit disparaître devant la crainte
de provoquer dans le vocabulaire de nouvelles contradicUons gramma-
ticales. Cette appréhension est si forte chez nous, que nous n'hésitons
môme pas à faire usage de vocables bâtards^ composés d'un radical
grec et d'un mot latin, en cette sorte : auto-suggestion, auto-création,
etc.
Excusons-nous une fois pour toutes, au sujet de ces locutions que
les délicats trouveront baibares, et même quelque chose de pis.
(2) Yoy. les États profonds de l' Hypnose, Paris, 1892, in-8 (p. 57).
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LA ROUE DU DEVKNIK 315
et le système nerveux du sujet, qui, dès qu'on touche la
poupée, perçoit de suite la sensation telle qu'il l'eût
^'•prouvée à l'état de veille, si Ton avait agi sans inter-
médiaire sur la peau même. Bien plus, il la perçoit à la
place de son corps précisément correspondante à celle
où Ton a touché le volt. Enfin, — chose plus étrange
encore! — de mémorables expériences du colonel de
Rochas ont établi qu'une plaque photographique étant
irabue de la sensibilité du sujet en hypnose, dès qu'on
égratigne la pellicule à un point donné de l'image, un
stigmate s'imprime aussitôt par répercussion sur la
chair du sujet (1), au point correspondant. L'expérience
a réussi d'une chambre à l'autre, en des conditions de
contrôle et de publicité qui ne peuvent laisser aucun
doute. Ainsi M. de Rochas a scientifiquement vérifié le
principe de l'envoûtement à distance.
Fermons cette parenthèse, pour revenir à nos mystères
de la multitude.
Nous n'avons mentionné ces étonnantes constatations
que pour faire mieux comprendre comment, — à for-
tiori, — des Invisibles peuvent s'emparer du fluide vi-
vant épanché par les sensitifs dans le phénomène do
l'extase ; puisque d'inertes objets qu'on immerge dans
les couches de ce fluide le retiennent en s'en imbibant.
C'est à ce titre que nous avons pu dire, que les parfums,
en provoquant l'extase chez des sensitifs, improvisent
des médiums.
Mais il faut bien convenir que les authentiques apo-
(1) Ce phénomène ne réussit bien que sur des sujets très sensibles.
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316 LA CLEF DE LA MAGIE NOIRE
théoses flamboyaient assez rares dans les temples du
vieux monde païen : les spectres de la lumière négative
y étaient surtout chez eux, au détriment des purs Esprits
de la lumière de gloire.
Comme un prince pervers et cruel n'invite et ne retienl
guère à sa cour que des hommes hypocrites ou corrom-
pus, l'Égrégorc du lieu, rarement pur, attirait de préfé-
rence à soi des Entités d'ordre équivoque; et Vaura san-
glante des victimes aimantait l'atmosphère au profit des
Larves, des Lémures semi-conscients et des démons
mauvais.
La loi des sacrifices sanglants gardait, comme on Ta
vu, dans l'antiquité sacerdotale, une autorité quasi-uni-
verselle.
Moïse, sous ce rapport, n'inaugura point d'exception :
son culte apparait, dans toute la force du terme, un culte
de sang.
Le grand prêtre de sa Loi n'ofi^rait pas seulement à
Jéhovah des prémices d'huile et de farine en fleur : nom-
bre de génisses, de béliers, de colombes étaient journel-
lement immolés sur l'autel des holocaustes ; le feu sacré
en dévorait la graisse et les entrailles, le sang en était
répandu tout alentour. On aspergeait le voile du sanc-
tuaire de pourpre vivante ; on en frottait les cornes d'ai-
rain, sur l'autel des parfums, « pour être à Ihôah une
oblation de très agréable odeur » ! Le sang enfin parait
un Nectar dont Adonaï seul a droit d'être abreuvé; le
sang devient la propriété du Seigneur, si exclusive et si
inviolable, que, contre tout homme qui mangerait le sang
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LA ROUE DU DEVENIR 317
des animaux avec leur chair, Moïse édicté la peine de
mort (1)!
Les sacrifices humains ne font pas défaut en Israël : à
toutes les pages de la Bible, le Seigneur ordonne des
massacres ou des holocaustes. La dévotieuse barbarie
est une tradition qui date de loin. A cette postérité d'A-
braham, qui devait être un jour plus nombreuse « que
les étoiles du ciel et les grains de sable de la mer » (2),
ce saint Patriarche apparaît constamment dans une
gloire, le glaive sacerdotal levé sur son propre sang.
Tantôt, sur l'ordre d'Adonaï, c'est Moïse qui fait égor-
ger vingt-trois mille Israélites adorateurs du veau d'or,
et qui félicite les enfants de Lévi « d'avoir consacré leurs
mains au Seigneur en tuant leur fils et leur frère, afin
que la bénédiction de Dieu leur fût donnée » (3). Et de
fait, le sacerdoce est, de ce jour-là, exclusivement acquis
aux Lévites : ils ont reçu l'onction ! Tantôt c'est Jephté,
triomphateur des Ammonites, qui accomplit un vœu, en
(!) CeUe loi draconienne est répétée à plusieurs reprises dans la
Bible. Nous citerons seulement deux passages du Léoi tique: • Toute
personne qui aura mangé du sang périra du milieu de son peuple
(vil, 27) ; t « Car la vie de toute chair est dans le sang; c'est pourquoi
j*ai dit aux enfants d'Israël : vous ne mangerez point du sang de toute
chair, parce que la vie de la chair est dans le sang; et quiconque en
mangera sera puni de mort (xvn, 14). » (Traduction Le Maistre de
Sacy; c'est à elle que nous empruntons nos citations, quand il s'agit
d'une version exotérique).
En méditant le Traité de V Abstinence de Porphyre, on découvrira
les vrais motifs de cette interdiction si sévère. La raison capitale qui a
décidé Moïse était bien connue des platoniciens. La vérité est une. et
identique à elle-même sur l'Olympe et sur le SinaT.
(2) Genèse, xxii, >''. 17.
{'X) Exode, wxiï, >\ 29.
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318 LA CLEF DE LA MAGlË NOIRE
sacrifiant sa propre fille au dieu dlsaac et de Jacob.
Quant aux ennemis vaincus, le Seigneur exige leur ex-
termination jusqu'au dernier (1). Chananéens, Madiani-
tes, Amalécites, etc., ils y passeront tous : Moïse Tor-
donne au nom d'Adonaï, et surveille avec un zèle jaloux
Texécution de cette loi. Le successeur du Ihéocrale n'est
pas plus débonnaire : les habitants de Jéricho, d'Azor et
des autres villes que ses armes ont soumises sont passt/s
au fil du glaive, et Josué accumule, en l'honneur de
Jéhovah et toujours par son ordre, une hécatombe de
trente et un monarques ! Si impérative est la prescrip-
tion de tailler en pièces les Amalécites et de tuer tout,
« depuis rhomme jusqu'à la femme, jusqu'aux petits en-
fants et ceux qui sont encore à la mamelle » (2), que
Samuel, cinq siècles plus tard, vient signifier au roi
Saùl son anathème, le Seigneur l'ayant rejeté pour ce
qu'il a fait miséricorde à son prisonnier Agag, roi d'A-
malcc; après quoi l'illustre et saint Nabi, sans se laisser
attendrir par les lamentations du malheureux Agag, « le
coupe en morceaux devant le Seigneur, à Galgala » (3).
Terminons par ce trait du plus grand des prophètes :
après qu'à sa prière le feu du ciel est descendu, Élie or-
donne l'immolation des prêtres de Baal, ses concurrents
(1) f Mais quant à ces villes qui vous seront données pour héritage,
vous ne laisserez la vie à aucun de leurs habitants ;
• Mais vous les ferez tous passer au fil de l'épée, c'est-à-dire, les
Hétéens, les Amorrhéens, les Chananéens, les Phérezéens, les Hévéens,
les Jébuséens, et les Gergeséens, comme le Seigneur votre Dieu vous
l'a commandé, etc. » {Deutéronomey \\, jt. 16-17).
(2) Premier livre des /{ois, w, >^ 3.
(3) /fjid.y XV, y\ 33.
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LA UOUE DU OEVEMIl ol9
maladroits, qui s'étaient nionlrés inhabiles à obtenir le
même miracle, et les fait .périr jusqu'au dernier sur le
bord du torrent de Cison (1).
L'implacable despote qui commande toutes ces hor-
reurs, qui semble se complaire à ces barbaries, est-il
bien le Dieu vivant, Ihôah yElohîm? Il est permis d'en
douter un peu.
Hrfléchissons pourtant. L'œuvre mosaïque n'est pas
une œuvre aimable; sublime et nécessaire, elle l'a été!
Le théocrate des Hébreux a déployé une force écrasante,
mais pour le triomphe du plus pur Esprit... De brutalité
l)lus idéale, il n'en fut jamais.
Moise ? Un saint, mais plus encore un Titan. Or, si
la force n'est point chose sympathique, même exercise
par des mains surhumaines et pour un résultat capital ;
gardons-nous de méjuger d'un homme tel que Moïse, non
plus que de l'autorité céleste dont il fut le mandataire et
le porte-glaive, ici-bas !
Voyez ce puissant Législateur, cet Épopte de l'absolue
Vérité, dont la mission exceptionnelle est de pétrir de la
glaise humaine, pour y imprimer le sceau divin !
Il a écrit le Livre des principes cosmogoniques, Seplier
Berœshithj oix la science colossale du passé (2) dort sous
(1) Troisième livre des Rois, xviii, ^i", 40.
(2) « Fils du passé et gros de l'avenir, ce livre, hérilier de toute la
science des Égyptiens, porte encore les germes des sciences futures.
Fruit d'une inspiration divine, il renferme en quelques pages et les élé-
ments de ce qui fut, et les éléments de ce qui doittHre. Tous les secrets
de la nature lui sont confiés. Tous. 11 rassemble en lui, et dans le seul
Berteshithy plus de choses que tous les livres entassés dans les biblio-
thè<iues européennes. Ce que la nature a de plus profond, de plus
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320 LA CLEF DE LA MAGIE NOIRE
un triple voile d'hiéroglyphes (1), jusqu'au préfîx de la
manifestation.
Il a érigé TArche, symbole irrévélé d'un suprême Ar-
cane, témoignage cher au théurge de son alliance avec
le Ciel et point d'appui de son verbe fulgurant; l'Arche
sainte, redoutable athanor du feu céleste, où repose laj
présence réelle de son allié d'en Haut, la Shéekinah
d'iElohîm!
Et il a placé le Livre dans l'Arche. — Comme rœui'
d'Orphée ou le coffre d'Osiris, l'Arche contient désormai>
le germe d'un monde futur, la graine intellectuelle qui
doit ensemencer l'avenir.
Maintenant, cette Arche sainte, il faut un peuple pour
la porter, pour la servir et pour la défendre.
Moïse a sélecte ce peuple et l'a constitué en corps de
nation, après l'avoir affranchi de la servitude : puis,
vingt ans et plus, il l'a traîné de désert en désert jus-
qu'au seuil de Chanaan !
Pétrir en un tout homogène une foule diverse et bario-
lée (plus d'àme encore que d'aspect); frapper l'Israël nou-
veau d'un cachet indélébile et unique au monde, en lui
révélant TUnité de Dieu, dogme jusqu'alors tout ésotéri-
que, elle plus secret arcane du sanctuaire des nations ;
graver au cœur sémite le nom d'iElohim et l'horreur de
mystérieux, ce que l'esprit peut concevoir de merveiUes, ce que l'in-
telligence a de plus sublime, il le possède... ■ (Fabre d'Olivet, Langue
hébraïque restituée, t. H, discours préliminaire, p. 6).
(l) « Le sacerdoce judaïque, destiné à garder le Sépher de Moyse.
n'a point été généralement destiné «i le comprendre, et encore moins à
l'expliquer... a (Id., ihid., p î)).
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LA ROUE DU DEVENIR 321
ridolàtrie; improviser le peuple de Dieu, puis enfin l'é-
purer, — fût-ce en le décimant!... ce n'était point une
médiocre tâche, ni de celles qu'on peut accomplir par la
douceur, la mansuétude et le pardon.
De toutes parts surgissent autour de la multitude en
marche des peuplades vautrées dans les abominations du
paganisme le plus obscène, et les revenants d'un exil
égyptien n'ont pas encore désappris le culte du veau d'or.
Que fera Moïse? Pour éprouver ce métal humain qu'il
façonne, Moïse le fera passer au creuset de l'épreuve :
dans la fournaise du désert, il jettera sans doute un mi-
nerai d'âmes bien alourdi de gangue; or, il veut que la
statue se coule en pur bronze, pour l'immortalité. Coûte
que coûte, il va falloir que l'impur s'évanouisse en fumée,
ou s'élimine en scories...
— Vous avez beau dire, objectera-t-on. Rien ne jus-
tifie ces atrocités dont Thistoire juive est tissue, et cette
Loi draconienne, que Moïse, élu de Dieu, instaura. Pour
transmuer les cœurs. Bien n'avait qu'à faire un miracle...
Raisons humaines, que toutes vos raisons !
— Ces raisons humaines sont des raisons divines aussi,
car il n'y a qu'une Raison, comme il n'est qu'un Dieu.
Quand l'homme est atteint de certaines maladies, une
opération devient nécessaire, et le chirurgien ne doit pas
craindre de débrider la plaie. Lorsqu'un membre est
perdu de gangrène, qui plus est, il faut l'amputer, pour
le salut du corps qui reste. Eh bien ! au temps de Moïse,
une opération pouvait seule garantir laguérisondugrand
malade Humanité.
Avant Jésus-Christ, Moïse a sauvé le monde!
21
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322 LA CLEF DE LA MAGIE NOIRE
— Soit! admettons, s'il le faut, l'urgence de cette lé-
gislation terrible et aussi de cette politique sanguinaire
dont Machiavel a, depuis lors, consacré le principe (1).
Mettons que ces violences fussent légitimes, par la grâce
non point du Seigneur, certes ! mais de la Nécessité, cette
norme païenne, que les Grecs plaçaient au-dessus de tous
les dieux. Mais une objection reste debout, spécieuse
pour le moins.
Pourquoi ce culte de sang, en Israël? Pourquoi ces
sacrifices pontificalement inaugurés par Moïse, et ritua-
listiquement sanctionnés par sa Loi ? S'il faut répandre le
sang, qu'au moins ce ne soit pas sur un autel! Abomi-
nable holocauste ! Quel Adonaï de contrebande a pu s'y
complaire?
Point assurément lod-liévê (ou Ihôah-jElohm)^ le vé-
ritable Seigneur Dieu des dieux : nous ne ferons nulle
difficulté d'en convenir.
Selon toute vraisemblance, ceux-là seuls s'y complai-
saient, que la vapeur de telles offrandes abreuve et ré-
conforte : Élémentaux, Larves et Lémures de tout ordre.
Moïse savait, comme tous les maîtres de la sagesse, tirer
parti de pareilles forces. Et, si notre Lecteur s'en scanda-
lisait. Jugeant celles-ci équivoques, nous lui ferions ob-
server qu'il est écrit au Rituel kabbalistique de Salomon,
(1) Machiavel, dans ^on Livre du Prince, conseille au conquérant de
faire tomber, en son nouvel empire, toutes les têtes qui dépassent ; de
ne pas laisser vivre un seul rejeton de la souche de ses anciens rois, et
de disperser ou de massacrer en masse le peuple qui pourrait avoir
joui de la liberté. Mais^ dit-il, mieux vaut anéantir que disperser une
telle population.
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LA ROUE DU DEVENIR 323
« que le Sage règne avec tout le Ciel, et se fait servir par
tout l'Enfer d (1).
Admettrons-nous d'autre part que, lors de l'exode des
hébreux fugitifs, ce fut le Vrai Dieu encore dont la Bible
parle en ces termes : « Et le Seigneur marchait devant
eux pour leur montrer le chemin, paraissant durant le
jour en une colonne de nuée, et pendant la nuit en une
colonne de feu, pour leur servir de guide le jour et la
nuit (2)?» Le tabernacle du témoignage une fois construit,
« la nuée du Seigneur se reposait sur le tabernacle durant
le jour, et une flamme y paraissait pendant la nuit » (3).
A regard des phénomènes miraculeux que prodigua la
science du prêtre d'Osiris, chacun peut consulter le Pen-
tateuque. On y verra comme ce théocrate, éducateur d'un
peuple récalcitrant sous la verge d'airain, le fit marcher
de Mitzraîm à la Terre promise dans un feu roulant de
miracles, dont l'instrument immédiat était l'arche, ce
formidable condensateur des forces hyperphysiques.
L'Arche sainte apparaît une batterie d'électricité cé-
leste (4), construite sur un plan rigoureusement scienti-
(1) Mss. hébreu cité par Éliphas : Dogme et Rituel de la Haute Magie,
tome r. page 80 (troisième prérogative (i) de celui qui tient les clavi-
cules de Schlômoh dans sa droite, et dans sa main gauche la branche
d'amandier fleuri).
(2) Exode, XIII, 21.
(3) Exode, XL, 36.
(4) < L'électricité est là [opine le marquis de Saint- Yves), mais sim-
plement comme force intermédiaire dans notre atmosphère ; il y a
derrière, d'autres forces encore, enveloppant ce que les Indiens appel-
lent TAkasa, voile elle-même d'une concentration de l'Âme du Monde
et de l'Esprit pur sur ce tabernacle et sur ce théurge. > (La Mission
des Juifs, p. 449).
Nous partagerions sans réticences l'avis du savant auteur, pourvu
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324 LA CLEF DE LA MAGIE NOIRE
fique. L'élude sagace des prescriptions relatives au ta-
bernacle mettrait sur la voie de bien des mystères, inouïs
pour nos contemporains. Tout a son importance, rorien-
tation du tabernacle, la structure compliquée de l'Arche,
le Voile, l'Autel des parfums (qui est d'or), TAutel des
holocaustes (qui est d'airain) avec sa grille, le Chandelier
aux sept branches et aux vingt-deux coupes, le Bassin
des ablutions avec sa base, et les Colonnes du temple et
les Rideaux du parvis, etc., et, par-dessus toute chose,
la disposition réciproque de ces objets consacrés. Les
indications significatives abondent, que souligne encore
le Rituel des cérémonies.
Les ingénieurs des temples thébains et memphites sem-
blent avoir poussé l'étude approfondie des forces fluidi-
ques ou mystérieuses bien au delà du possible contrôle
qu'il convint avec nous que Ihôah ou lod-hévé (mn^), le Dieu-Nature, ne
se manifeste aux sens physiques, par des phénomènes anormaux, que
moyennant la médiation d'un homme, ou d'une collectivité humaine
(terrestre ou céleste); d'une Puissance adamique en un mot : laquelle
Puissance met en œuvre, dans une intention particulière et contingente,
les divers agents dont la Divinité ne dispose que pour un usage uni-
versel et transcendantal.
C'est d'ailleurs en niH^ que Thomme-synthèse et Dieu manifesté
révèlent k l'ésotéricien leur identique essence ; mais le Tout divin ne
prend l'initiative que de l'ensemble cosmique ; les détails sont du res-
sort du sous-multiple hominal.
M. de Saint- Yves, après avoir détaillé les merveilles théurgiques ac-
complies par Moïse, conclut en ces termes : « Telle était la puissance
de la Sagesse et de la Science antiques, au sommet de l'initiation do-
rienno, quand, chose rare, l'Épopto se trouvait être un homme de
génie^ capable de manifester la Divinité d*une manière convenable. »
(Ibid., p. 464).
Cette phrase, fort significative, semble mettre notre opinion d'accord
avec celle de l'éminent occultiste, et nous en sommes très flatté.
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LA ROU£ DU DEVENIR 325
de nos savants positivistes du jour; mais les connaissan-
ces que Moïse devait à la culture ésotérique égyptienne
n'étaient pas moins positives que les leurs.
Li*Être-des-Êtres, que ce théurge a si bien connu
(H^nS IWS n^n») {Aehïeh asher Aehïeh), l'universel
Principe mâle dont il a poursuivi la notion jusqu'en son in-
sondable Unité {^lod ou Wodh), n'a rien qui soit accessible
aux yeux charnels. Il n'agit sur la matière que par les lois
préétablies... Toute Puissance d'En haut qui se manifeste
par des phénomènes et se révèle à nous par d'autres in-
termédiaires que la lumière occulte des Intelligences, ne
peut être qu'une Divinité de remplacement.
Quel est donc cet allié divin que Moïse évoque dans la
détresse ou le péril; ce céleste Interlocuteur qui le con-
seille, le réconforte et l'instruit? avec lequel il discute et
dont il détourne la colère embrasée (1)?
Qu'on lise, au chapitre xxxm du Deuté^onome, cette
(1) « ... Comme la sédition se formait et que le tumulte s'augmen-
tait» Moise et Âaron s'enfuirent au tabernacle de l'Alliance. Lorsqu'ils
y furent entrés, la nuée les couvrit, et la gloire du Seigneur parut de-
vant tous.
« Et le Seigneur dit à Moïse : « Retirez-vous du milieu de cette muU
tt titude, je vais les exterminer tous présentement. > Alors, s'étant
prosterné contre terre. Moïse dit à Aaron : a Prenez votre encensoir,
« mettez-y du feu de l'autel et de l'encens dessus, et allez vite vers le
« peuple, afin de prier pour lui ; car la colère est déjà sortie du trône
« de Dieu, et la plaie commence à éclater. >
m Aaron fit ce que Moïse lui commandait ; il courut au milieu du
peuple que le fou embrasait déjà, il offrit l'encens, et, se tenant debout
entre les morts et les vivants, il pria pour le peuple, et la plaie cessa.
« Le nombre de ceux qui furent frappés de cette plaie fut de qua-
torze mille sept cents hommes, sans ceux qui avaient péri dans la
sédiUon de Coré... »
(Nombres, ch. xvi, ;i^. 42-49. Traduction Le Maistre de Sacy.)
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326 LA CLEF DE LA MAGIE NOIRE
sublime vision du Sinaï : des milliers d'Élus, réintégrés
aux privilèges de la divine Essence, se pressent en une
apothéose colossale, dans la fulgurante lumière d^Ihôah
(t. 2). Le voilà, l'Allié céleste : il s'est levé de Séïr !
La grande Communion des Saints de l'initiation do-
rienne, telle est donc l'Entité collective avec qui Moïse
est en constant rapport, organique, hiérarchique et ma-
gique !
Tel est le Dieu de sa Théurgie, — la plus haute, la
plus sainte, la plus légitime qu'Épopte ait jamais prati-
quée.
Voilà l'Ame de lumière et l'Esprit de Vérité que vou-
lait insuffler Moïse au cœur du peuple de son choix.
Un peuple « de col roide (4) », cet Israël nouveau; ré-
sistant, indomptable, mais obstiné et inflexible aussi !
L'incarnation se fait mal... Un instant, l'Allié céleste
perd espoir et patience et se désintéresse delà race juive ;
il parle de la sacrifier, et d'établir Moïse à la tête d'un
autre peuple plus grand et plus fort (2). C'est Moïse qui
l'en dissuade.
Car cette race est brillante de vertus, parmi les ténè-
bres de ses vices. Elle pourra se vautrer en fait dans la
plus crapuleuse idolâtrie ; rien n'effacera le dogme mo-
nothéiste, imprimé au fer rouge dans la chair de son
cœur : Ihôah jElohîm est un Dieu unique! — Puis, tel
qu'un dragon commis à la garde d'un inestimable tré-
sor, le défend sans rouvrir et sans le connaître, Israël,
(i) Exode, XXXIII, ;i^. 3 et 5.
(2) Nombres, xi\\^. 12.
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LA ROUE DU DEVENIR 327
se transmettant de génération en génération le précieux
dépôt de la Genèse^ cette réserve ésotérique du passé,
grosse de Tavenir intellectuel d'un monde, Israël va mé-
riter le titre de gloire hiéroglyphiquement inclus dans
son nom : Ss"i<l"W% manifestation rayonnante de
Dieu.
L'essentiel est garanti de la sorte ; la race juive salis-
fait à sa mission. Dans les limbes de l'Inconscient pro-
phétique, jusques aux temps prescrits, sommeille encore
la Parole qui sauve!...
Cependant, les successeurs du grand théocrate seront
la plupart au-dessous de leur tâche, si facile et si simple
comparée à la sienne. La lumière d'iElohîm va d'abord
s'affaiblir, puis s'éclipser par degrés jusqu'à totale obs-
curation. Entre la Vérité vivante évoquée par Moïse et le
Sacerdoce même élu par lui pour en devenir le récepta-
cle, un rideau de brumes s'interposera, ténébreux. A la
faveur du crépuscule, les pontifes de la pire Goëtie por-
teront l'abomination dans le lieu saint; et la Lumière de
gloire de Sina ne se fera plus connaître aux Nabis que par
intermittences, en de rares éclaircies, ou parmi les om-
bres et les reflets d'une épiphanie orageuse.
Revenons à Moïse et résumons-nous. Ses rapports
religieux avec l'Invisible apparaissent multiples et di-
vers.
1*» Ce prophète a surpris et extatiquement pratiqué
Y Absolu divin, dans le tabernacle de son incommunica-
ble Unité.
2* Il a connu, adoré, glorifié Ihôah MloMm^ savoir
Dieu manifesté dans la Nature par son Verbe éternel.
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328 LA CLEF DE LA MAGIE NOIRE
Ihôah n'est-il point resté le Dieu d'Israël par excellence ?
3<» Moïse a fait alliance théurgique avec VÊgrégore de
la grande Communion des Élus. — Le mystique interlo-
cuteur du théurge, rAdonaï personnel réalisant Vlmage
divine, n'est autre que le plus sublime des Collectifs hu-
mains, réintégré dans la Loi du Règne de Dieu.
4* Enfin, certaines prescriptions du culte sanglant de
Moïse donneraient à penser qu'il entretenait de massives
colonnes de substances élémentales ou lémuriennes, qui
devaient lui servir pour les œuvres de sa Magie sacer-
dotale, lorsqu'il ne jugeait pas à propos de recourir aux
prérogatives de son alliance, et d'évoquer l'Égrégore.
Voilà des nuances bien complexes pour le discerne-
ment des sémites « au col roide ». Engagé par son chef
dans ces multiples voies de l'Art sacerdotal, le peuple
hébreu, ignorant comme il l'était, fût tombé prompte-
ment dans l'idolâtrie. Or Moïse voulait, avant tout, im-
primer le verbe monothéiste dans la conscience d'Israël;
il voulait que son dogme unitaire fût l'étoile sainte des
destinées juives. Aussi, réservant pour les initiés de
tradition orale toutes ces périlleuses distinctions, il se
garda bien d'en embarrasser son peuple.
En toutes circonstances, c'est toujours Ihôah iElohîm
qu'il met en avant. Il est l'unique Adonaï, le Seigneur,
dieu d'Israël.
Des ennemis sont-ils taillés en pièces ? Le Seigneur
les a livrés au bras vengeur de son peuple... — Un pas-
sage de cailles pourvoit-il à la nourriture des juifs au dé-
sert? Le Seigneur a envoyé des cailles... — Une dé-
charge fluidique a-t-elle foudroyé Nadab et Abiu, cou-
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LA ROUE DU DEVENIR 329
pables d'une imprudence en offrant Tencens? Une flamme
sortie du Seigneur les a dévorés (1).
Dans les envoyés de Dieu, c'est Dieu que le rédacteur
de la Genèse enseigne à voir. C'est si vrai, que Jacob,
ayant lutté avec l'Ange, donne au lieu de la rencontre
« le nom de Phanuel ou Pheniel, c'est-à-dire la face de
Dleu^ en disant : J'ai vu Dieu l'ace à face, et cependant,
mon ame a été sauvée (2). »
Presque toujours, quand Moïse parle du Seigneur à
propos d'un fait historique ou d'une prescription sacer-
dotale, et non point au sujet des mystères cosmogoniques
ou théogoniques, c'est son Allié céleste qu'il entend ;
c'est-à-dire la plus noble Entité collective qui puisse hu-
mainement représenter et divinement suppléer l'Être-
des-Êtres.
Si l'on insistait pour mieux connaître cet Égrégore
de la grande Communion des Élus, nous n'hésiterions
pas à le désigner par son vrai nom : Sfc<DJ3, MICHAEL.
Michaël est (pour notre tourbillon), le tabernacle du
(1) Les manifestations ignées ou fulgurantes, à travers quoi le Sei-
gneur se révèle et rend des oracles, frappe ou guérit, prononce la bé-
nédiction ou l'anathème, etc., — manifestations qui abondent à toutes
les pages de la Bible, — ont fait délirer bien dos exégètes. Jéhovah
(ose écrire M. Renan), « ce bizarre agent électriforme » (p. 390), c est
le Ro&ah universel sous forme globale, une sorte de masse électrique
condensée » (p. 289». (Histoire d'Israël, t. I. passim.)
Pareils commentaires, qui témoignent peut-être chez leur auteur de
plus de naïveté encore que de malice, semblent la mieux éloquente
critique du système juif d'exclusive centralisation diviniste. Tout ra-
mener exotériquoment au Jéhovah personnel, c'est éluder les interpré-
tations polythéistes qui pourraient naître en l'esprit des foules... Mais
toute médaille a un revers.
(2) Genèse, xxxii, ;^. 30.
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330 LA CLEF DE LA MAGIE NOIRE
Seigneur; or il est écrit : c In sole posait Deus tdbemn-
culum suum... » Notons ici que Hichaêl n'est qu'un
iEloha d'iElohîm, qu'un membre vivant de Ihôah Ado-
naï, le Verbe éternel ; enfin, qu'Adonai même n*est que
la manifestation de Wodh ou d'Aïn-Soph, *]iD yn^ le
Dieu suprême et irrévélé.
Par rapport à l'Absolu, c'est-à-dire contemplé de haut
en bas, le Verbe universel est l'Homme typique, l'Adam
Kadmon du Zohar; relativement à nous, c'est-à-<lipe
conçu de bas en haut, le Verbe est Ihôah lui-même, ou
Dieu manifesté.
Ainsi l'homme-synthèse et Dieu manifesté se confon-
dent, et dans cette identité sublime (1) réside un des plus
profonds mystères de la tradition kabbalistique. « Qui
peut accorder ensemble (dit Éliphas) le Dieu de la terre
et l'Homme du Ciel, en touchant au point fixe de leur
union : celui-là a trouvé le G.*. A.*.; arcane indicible,
puisque c'est l'alliance du Kether humain et du Kether
divin, figurée par la lutte de Jacob avec l'ange. Parcet
arcane, Lucifer se fait Dieu, non plus en se révoltant,
(1) t La lance composée de quatre métaux (voy., pour la description
de ce symbole. Des Erreurs et de la Vérité, Edimbourg, 1775, in-8*,
p. 35) n'est autre chose que le grand nom de Dieu composé de qua-
tre lettres nin>. Cest r extrait de ce nom qui constitue V essence de
Vhomme; voilà pourquoi nous sommes formés à l*image et à la res-
semblance de Dieu ; et ce quaternaire que nous portons, et qui nous
distingue si clairement de tous les Ctres de la nature, est l'organe et
l'empreinte de cette fameuse croix, dans laquelle l'ami Bœhme nous
peint si magniûquement l'ôternelle génération divine, et la génération
naturelle de tout ce qui reçoit la vie, soit dans ce monde, soit dans
l'autre. » (Correspondance de Saint-Martin avec le baron Kirchberger
de Liebistorff, p. 45).
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LA ROUE DU DEVENIR 331
mais en obéissant librement à Dieu. Qui aiires habet
audiendi audiat!... C'est le iVon-^;tô d'en-haut équilibré
par celui d'en-bas, et de ces deux négations jaillit une
affirmation inattendue et immense, qui est adéquate à
l'homme-dieu (1). »
Pour en revenir à l'Allié de Moïse, sa déification exoté-
rique se légitime par une frappante analogie. Puisque
Chrishna, manifestant Wishnou sur la terre, a pu légiti-
mement dire : Je suis Wishnou ! — pourquoi Michaël,
manifestant Ihôah au Ciel des âmes, ne pourrait-il pas
dire : Je suis Ihôah?
Si quelque Puissance a le droit de prendre exotérique-
ment le nom de l'Éternel, c'est bien cette vivante Syna-
gogue de ses Élus, la plus haute expression collective du
Verbe humain divinisé !
Néanmoins, en donnant le Dieu qui se manifestait dans
la nuée pour l'éternel Dieu-des-dieux, Moïse a fait en
quelque sorte ce dont l'auteur juif du Sepher Toldos in-
crimina plus tard Jésus de Nazareth : d'avoir montré
aux nations, comme étant la véritable pierre cubique du
Temple, un cube d'argile fait à la ressemblance de cette
mystérieuse pierre de l'angle, qu'il n'était parvenu à dé-
rober...
Il ne nous appartient pas d'en dire davantage. Nous
n'avons nulle autorité pour juger Moïse, pas plus que le
Rabbaliste auteur du Sepher Toldos Jeschii n'était qtfa-
lifié, ce semble, pour se faire l'arbitre de notre Messie.
(1) Correspondance de VAbbé Constant avec le baron Spédaliéri,
M83. (Ilie Cahier, p. 72].
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332 LA CLEF DE LA MAGIE NOIKE
Ce grimoire syro-chaldaïque, presque contemporain
de Jésus-Christ, accuse le « fils de Miriam » d"avoîr ac-
compli tous ses prestiges à Taide du Nom incommunicable
UrmSDn TDMf (Schefïia Hamphorasch), dérobé au temple
de Jérusalem, dont il aurait forcé les portes par de cou-
pables enchantements.Suivent des récits de prodiges plus
surprenants encore que ceux des Évangiles... Retenons
ce fait au passage, que les miracles de Jésus étaient
chose hors de doute au sentiment des Juifs de son temps.
Nous aurions pu nous étendre beaucoup plus sur le
mode de génération comme sur le rôle des Entités col-
lectives humaines, étudiées soit au point de vue reli-
gieux, soit au point de vue social. Le peu d'exemples
que nous avons proposés serviront de jalons de repère,
pour le cadastre d'une région peu fréquentée des pen-
seurs. Nous nous flattons d*avoir dit à ce sujet des cho-
ses assez neuves et généralement insoupçonnées.
L'intégration collective est une réalité aussi constante,
sur les plans astral et psychique, que les combinaisons
de la chimie, par exemple, sur le plan matériel.
Bien des questions laissées dans l'ombre à dessein s'é-
claireront, si l'on sait faire usage de la loi, si féconde
en imprévu, dite de l'analogie des contraires.
Ainsi, la Communion des Saints, dont Michaël est la
personnification lumineuse, comporte pour antithèse la
Synagogue des pervers, dont l'incarnation ignée sera
Samaël SïîDD, le Satan ésotérique de la Kabbale.
Il messiérait de confondre ce Collectif caco-psychique
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LA ROUE DU DEVENIR 333
(d'une réalité formidable à de certaines époques, quand
des divisions intestines ne stérilisent point sa vigueur en
Topposant à elle-même), — avec le Satan légendaire,
griffu et cornu, digne fils des imaginations fanatiques et
qui n*est, comme on l'a laissé entendre plus haut, qu'une
hnage astrale vitalisée...
Nous terminerons ce chapitre par quelques strophes
très remarquables du marquis de Saint-Yves (i), tou-
chant Samaël. On y verra la description, plus vraie que
réellCj du phénomène dont, page 310, nous réservâmes
Texamen : savoir, ce que peut être le corps astral totalisé
d'une Entité collective, aux yeux du Voyant admis à ce
très exceptionnel spectacle :
c Quand la nuit vient, Satan, dans la forêt de chênes
Sonne, et son vrai Sabbat accourt, éclairs de haines
Roulant des sombres monts.
Les Vosges, répondant aux Alpes, tonitruent,
Kt, dans cette clairière où leur chef luît, se ruent
Des troupeaux de Démons.
< Il en vient de partout; ils ont toutes les formes
Des Vices accouplés aux Passions difformes,
Éternel rut boueux ;
Il en vient du sommet de toute Hiérarchie,
Il en jaillit du goufîre où git toute Anarchie,
Et tous sont monstrueux...
« Au milieu, double corne au front, Monstre électrique,
Le vrai Satan, celui du Rit ésotérique,
Météore géant.
(1) Jeanne d*At'c victorieuse, p9.ges ii^-MA, passim.
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331 LA CLEF DE LA MAGIE NOIRE
Assis sur un Dolmen, les regarde et préside;
Et tous disent : — c S&Iut aa premier Homicide,
Roi des rois du Néant ! »
€ A ces mots, rayoQQanl, Flamme et milliers de flammes,
Satan a resplendi, car ces Feux sant les Ames
Qu'il s'incorpore ainsi
Du front aux pieds, selon le crime ; et sous son aile
Droite ou gauche, selon que l'Ame criminelle
Fut hommeou femme ici (i)... •
\ 1 ) L auteur aurait pu dire aussi justement :
« ... Selon que l'àine criminelle
ElsT homme ou femme ici. >
Les âmes criminelles des vivants font aussi bien partie du corps de
Samael que les âmes perverses des morts, — et cela est un grand
mystère.
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(Section 11)
La Force (onze) = Énergie = Ses moyens
de déploiement {Force de la Volonté).
Chapitre IV
FORCE DE LA VOLONTÉ
•A volonté!
Le Tarot des bohémiens porte inscrit, sur
son feuillet onze, le simple et majestueux em-
blème de celle déesse.
On y voit une jeune fille, debout dans les plis d*un
manteau d'apparat, et coiffée du signe cyclique de la Vie
universelle 00, dompter sans le moindre effort un lion
en fureur, dont elle clôt des deux mains la gueule rugis-
sante. Sur son visage transparait la sérénité de la Force
consciente d'elle-même ; l'attitude est si calme qu'on y
lirait l'indolence, si la virilité de l'acte n'infligeait un dé-
menti à l'expression placide des traits.
Son genou fait saillie sous la robe, il semble ployé (l).
Cet indice donne à penser que l'hiéroglyphe original la
peignait assise. Sans doute un cartier malhabile, repro-
(1) Voir les éditions anciennes du Tarot.
22
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338 LA CLEF DE LA MAGIE NOIRE
duisant remblème primitif, aura cru pouvoir supprimer
le fauteuil, sans prendre soin de redresser entièrement
la posture du sujet.
Ce détail fautif se trouve corrigé dans le Tarot d'El-
teilla, qui date de la fin du xvur siècle. La déesse y est
peinte sur un trône ; contre son genou repose la tête du
lion apaisé, qui va s'endormir. Une fois, par hasard,
Etteilla nous semble avoir vu juste.
Qui ne connaît, au moins de nom, ce perruquier gen-
delettres, contemporain de Mesmer et de Cagliostro?
Peu enthousiaste de son gagne-pain cosmétique, il s'en
élut un autre, et cultiva fructueusement les hautes
sciences, en particulier celle du Tarot, que le savant
Court de Gébelin venait de mettre à la mode : bref, le
digne coiffeur, qui se nommait tout simplement Alliette,
s'établit astrologue, devin et philosophe hermétique,
sous son nom inversé d'Etteilla. Il ne manquait ni de
clairvoyance naturelle, ni d'une certaine érudition tu-
multueuse et mal digérée. En son domicile de la rue de
rOseille, au Marais, Etteilla, c professeur d'Algèbre
(comme il s'intitulait) , astro-phil-astre et restaurateur
de la cartonomancie pratiquée chez les Égyptiens, »
donna, moyennant salaire honnête, des consultations et
des leçons particulières. La vogue lui fut bientôt acquise;
il fit fortune et roula carrosse. Malheureusement, il se
mêla d'écrire, et ses œuvres, — qu'on réunit d'ordinaire
en deux forts volumes, ornés de figures en taille-douce,—
ne donnent pas l'idée de ce que pouvaient être ces fa-
meuses consultations divinatoires, qui ont fait courir
tout Paris. — Doué d'une perspicacité peu commune, et
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FORCE DE LA VOLONTÉ 339
d'une grande aisance dans le maniement des nombres et
des figures, il étonnait chez lui, le crayon ou le compas
k la main, parmi les bizarreries de ses diagrammes et le
bariolage de ses tarots. Mais l'illusion tombe, en face de
son œuvre écrite. Cette pénible compilation, sans ordre
ni clarté, trahit le manque d'instruction première et ne
soutient pas la lecture... Etteilla fit pis encore : il publia
une édition expurgée du Tarot ! On peut dire que la fan-
taisie laborieuse mais biscornue de ce singulier correc-
teur a bouleversé de fond en comble les arcanes du Livre
de Thoth, intervertissant Tordre des lames, et parfois
substituant aux vieux symboles magiques les caprices
d'une imagination superlativement brouillonne et déré-
glée. Une fois ou deux, néanmoins, il a rencontré juste,
— et c'est, en vérité, le cas du feuillet qui nous occupe.
La onzième clef du Tarot s'explique et se commente
d'elle-même. La déesse, assise ou debout, signifie tou-
jours la Volonté vivante, dont la vertu, décuplée par l'en-
trainement, dompte sans effort la rébellion des forces
instinctives et passionnelles.
Le lion, qui symbolise ces dernières, figure aussi leur
milieu nourricier, la lumière astrale, dont il est un des
plus antiques hiéroglyphes. A ce point de vue, le pen-
tacle exprime l'empire qu'exerce la Volonté sur les fluides
hyperphysiques, les Esprits élémentaires et les Lémures
qui hantent la région sans limite.
L'apocryphe des Oracles de Zoroastrey que nous avons
déjà cité, à propos des mirages errants, désigne le lion
comme la figure synthétique en quoi se résument, quand
le voyant prolonge son extase, toutes les Puissances
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340 LA CLEF DE LA MAGIR NOIRE
hallucinantes du royaume astral. « Cernes omnia leo-
nem (1) », dit le texte latin.
« Le signe [zodiacal] du lion (peut-on lire au très eslimable
traité de Light of Egypt), symbolise ta force, le courage el le
feu... Kabbalistiquement, le signe du Lion figure le cœur du
Grand Homme, et représente le centre vital du système circu-
latoire fluidique de rbumanité. C'est aussi le tourbillon de
feu de la vie physique (2). »
. Telles sont les forces, également insurrectionnelles
dans le monde et chez Thomme (dans les sphères du
Macrocosme et du Microcosme), et que la Volonté do-
mine et dirige magiquement, — comme l'adepte des mys-
tères chaldéens faisait des lions sacrés, nourris dans le
(1) Le chapitre des Démons et des Sacrifices, où so lit cette phrase,
constitue une page essentielle, au point de vue des rites théurgiques :
Éliphas Lèvi en a donné une belle traduction (Histoive de la Magie,
pages 58-60).
Ces curieux Oracles, recueillis dans les livres des alexandrins, qui
volontiers s'y réfèrent, ont été imprimés par François Patricius, en
tête de sa Magia Philosophica (Uamburgi, 1593, pet. in-8o). On les
trouve également in-extenso dans le Trinum magicum (Francofurti,
1616 ou 1663, in-i2, pages 326-401). La citation que nous avons faite
se trouve à la page 345 de ce dernier recueil.
(2) La Lumière d'Egypte (traduction française), Paris, Chamuel,
1895, in-40, fig. (Page 185, passim).
Cet important traité, dont nous venons de prendre connaissance
(Décembre 1895) est à la fois un curieux ouvrage et une bonne action.
11 n'est pas sans taches, et plusieurs des critiques émises à son sujet
semblent fondées. Néanmoins, bien que nos vues ne concordent pas
sur tous les points avec celles de l'auteur, nous nous permettrons de
recommander à notre public la Lumière d'Égypfe. Certaines pages de
co livre nous ont paru émaner d'une source particulièrement intéres-
sante. Enfin, pour emprunter une expression familière à Saint-Martin
(comparant les diverses nourritures de l'intelligence), c'est quelquefois
« du très bon ».
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FORCE DE LA VOLONTÉ 341
temple en vue des épreuves, et qu'il devait rendre do-
ciles au magnétisme du geste et de la voix.
Quant à l'héroïne symbolique de l'emblème, nous la
préférons assise, car elle représente alors la Volonté
calme et robuste, sur le trône de l'inébranlable Raison.
Et le fauve, vaincu par le double prestige de la fermeté
jointe à la douceur, repose son mufDe apprivoisé sur les
genoux de Tlmmorlelle !
L'indication n'est point négligeable encore, que fournit
le signe vital universel placé sur la tête de la déesse. Il
proclame, — ce huit renversé, — qu'en tous lieux de
Tunivers où la vie étend son empire, la Volonté humaine
peut saisir le sceptre, et que sa sphère d'action n'a pas
d'autres frontières que celles mêmes de l'existence cos-
mique, soit occulte ou manifestée.
La Volonté de l'homme, ainsi que Fabre d'Olivet l'a
magistralement établi, constitue l'une des trois grandes
Puissances qui régissent l'Univers.
Dans l'individu, comme dans l'être collectif humain,
la Volonté embrasse et maîtrise de son étreinte unitaire
les trois vies instinctive, animique et spirituelle, qui ali-
mentent et soutiennent trois modifications de la Psyché :
l'âme sensitive, l'âme passionnelle et l'âme intelligente.
Le siège central de la Volonté réside en la partie mé-
diane de l'Être humain ; mais cette faculté peut s'amoin-
drir ou s'accroître, descendre dans l'instinct ou ascendre
dans l'intelligence, pour y séjourner plus ou moins à de-
meure.
Ces choses remémorées succinctement, car le Lecteur
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342 LA CLEF DE LA MAGIE NOIRE
les connaît déjà, notifions encore ce fait que nous atteste
runanimilé des traditions sacerdotales : qu'en la sphère
d'Éden, avant la chute, la volonté d'Adara-Ève était cn'^a-
trice, sans restriction ni tempérament à ce pouvoir quasi-
divin. L'homme universel exerçait la souveraineté dans
toute rétendue de l'enceinte organique dont il occupait
le centre ; il y régnait au même titre que les autres
dieux, — consubstantiels au Verbe comme lui, — régnaient
chacun dans sa sphère propre ; au même titre enfin, s'il
le faut dire, que ce Verbe divin lui-même régnait au ph'»-
rôme intégral de la Divinité.
La Volonté d'Adam était le seul support des êtres in-
nombrables dont il avait peuplé son domaine ; en sorte
qu'il pouvait, d'une seule volilion, « les porter en un
moment de l'être au néant et du néant à l'être ». Cette
formule significative est de Fabre d'Olivet. Nous ne ré-
sistons pas au plaisir de citer ici quelques lignes de ce
grand maître, qui met dans la bouche d'Adam un dis-
cours où 7wtre premier père dC'Cviiy en style transparent
encore qu'eûcotériquey les conséquences de sa témérité, et
toute l'horreur de sa déchéance.
« Le cours que suivait ma vie dans rélernité s'arrêta; tout
s*arréta autour de moi ; et je vis, avec une indescriptible stu-
peur, que toutes les productions de mon Éden, et toutes les
créatures que j*y avais mises, consolidées par une force qui
m'était incomiue, ne dépendaient plus des actes de ma vo-
lonté. Un mouvement rétrograde avait tout envahi. Emporté
avec tout le reste dans ce mouvement épouvantable, c'est en
vain que j'essayerais de te peindre mon angoisse... C'est au
milieu de cette angoisse que la voix du Très-haut se fit en-
tendre à moi, et que sa miséricorde daigna y mettre un terme
en changeant, par sa toute-puissance, le mode de mon exis-
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FORCE DE LA VOLONTÉ 343
tence, que rien autre ne pouvait changer. Alors je pris des
formes analogues à celles que mes productions avaient
prises. Je devins corporel comme elles. L'Éternel Dieu aurait
pu sans doute anéantir mes productions ; mais comme la
soufTrance, qui était la suite inévitable de ma faute, ne pou-
vait se guérir qu'en se divisant à Tinfini, et que, plus elle
était partagée et divisée, plus elle devenait supportable, et
tendait d'autant plus vite à s'eiïacer, il daigna faire concourir
à ma guérison toute la nature corporelle qui était mon ou-
vrage. Ainsi la masse de douleurs qui devait peser à l'avenir
sur la totalité des hommes h naître de moi, fut allégée dans un
très grand degré par le partage qui en fut fait sur les ani-
maux... Ils n'étaient pas plus innocents que mes descendants
ne le seront ; car, encore une fois, tous ces êtres, sous quel-
que point de vue qu'on les considère, ne sont que moi, que
moi-même, dont l'unité est passée à la diversité (1). »
Primordialement, en Éden, les volitions de l'homme
s'objectivaient donc, dans l'instant qu'il les proférait. —
Depuis la chute et la dissémination d'Adam-Êve en de
multiples humanités à travers le temps et l'espace, cette
magnifique prérogative créatrice semble ravie à l'hom-
me (2). Aux yeux de l'observateur superficiel, la Volonté
de chaque individu n'a plus sur la matière d'action
réelle et directe que dans les limites du corps matériel ;
même en cette sphère étroite, son autorité ne s'exerce
que sur certains organes; le système nerveux moteur
reste soumis à la Volonté ; mais sur les nerfs sensitifs,
son empire est presque nul.
(1) Caîn, pag&s 211-212, pcasim,
(2) L'ôtre qu'ici nous appelons rhommo, c'est, — qu'on ne s'y
trompe pas, — le sous-multiple adamique, Adam hal-ha-arets
Y^KH Sv DIN, au degré d'évolution où il se trouve actuellement sur
la terre.
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344 LA CLEF DE LA MAGIE r^OlRE
Tel est, en deux mots, — à première vue, — le misé-
rable bilan terrestre de cette faculté déchue.-.
Mais, à observer les choses de plus près, pareille dé-
chéance ne serait-elle pas plus apparente que réelle? Les
cas n'abondent-ils point, où la Volonté reconquiert spon-
tanément quelque influence directe sur les êtres et les
choses du monde extérieur? Un peu d'entraînement enfin
ne rend-il pas à cette faculté une part de son énergie
virtuelle? N'en peut-on pas alors faire magiquement
usage, pour le mal ou pour le bien? — Au point où
nous en sommes de ce travail, la réponse n'est plus dou-
teuse. C'est elle qui fera l'objet du présent chapitre.
Consultons la Genèse, Quand Ihôah chasse du « para-
dis terrestre » le couple symbolique, voici les termes de
la sentence qu'il signifie à la Femme, type expressif de la
faculté volitive d'Adam : — « Je multiplierai le nombre
des obstacles physiques de toutes sortes, opposés à l'exé-
cution de tes désirs, en augmentant en même temps le
nombre de tes conceptions mentales et de tes enfantements.
Avec travail et douleur tu donneras l'être à tes produc-
tions, etc. (!)... » Telle est la traduction profonde de
Fabre d'Olivet. La version exotérique de Le Maistre de
Sacy renferme un sens tout pareil, sous une image plus
enveloppée : « Je vous affligerai de plusieurs maux pen-
dant votre grossesse; vous enfanterez dans la douleur,
etc. (2)... »
Le Seigneur ne frappe donc point de stérilité la puis-
(1) Langue hébraïque restituée, lome H, page 316.
(2) Genèse, chap. m, ;^^. 16.
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FORCE DE LA VOLONTÉ 345
sance volitive dont Eve est le symbole; il la condamne
à multiplier de laborieux efforts, pour obtenir un moin-
dre résultat.
La désintégration de THomme universel, et Tcmpri-
sonnement de ses sous-multiples en des geôles de chair,
opaques, et massives, — tels sont les obstacles i\nu
sous la loi de déchéance, entraveront dès l'abord la fa-
culté créatrice dévolue à la nature humaine. Tout épar-
pillement substahtiel comporte une diminution quanti-
tative de la force liée à cette substance; et l'obscuration
d'une enveloppe translucide autour d'un centre lumineux
ne va point sans une altération qualitative, au moins ap-
parente, des rayons qui émanent de ce foyer.
Mais dans l'acte même de bâtir cette prison temporaire
— le corps, — quel merveilleux pouvoir créateur déploie
la Volonté! Comme elle triomphe, jusqu'en son humilia-
tion ! Ici, elle est collective et essentielle, non pas encore
individuelle et réfléchie.
L'individu qui s'incarne ne se doute point, — plongé
d'ailleurs en un engourdissement profond, — qu'un ar-
chitecte et des ouvriers d'essence identique à la sienne
travaillent à lui construire une habitation congruente à
son nouvel état. L'édifice s'élève, en d'autres termes,
sans qu'il en ait conscience : car celui qui trace le plan
comme ceux qui l'exécutent ressortissent à cette moitié
obscure de l'être humain, que nos psychologues moder-
nes commencent à soupçonner sous le nom A' Inconscient.
L'Inconscient est cette Entité absconse qui se manifeste
en nous, cet aller ego, ce Moi non-moi (jui pense, veut
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346 LA CLEF DE LA MAGIE NOIRE
et agit dans notre intérieur, sans que nous ayons nul
sentiment, parfois nulle notion, de ce penser, de ce vou-
loir, de cet agir, étrangers et nôtres tout ensemble. Si les
philosophes ont assigné pareille dénomination à celle
chose si malaisée à définir, ce n'est point qu'elle appa-
raisse inconsciente en soi, ils n'en savent rien; c'est
seulement parce que nous n'avons point conscience
d'elle.
Notre Volonté propre, tout d'abord, consciente lors-
qu'elle s'élève dans les modifications supérieures de l'ê-
tre (intelligence, sagacité), ou qu'elle se maintient dans
l'entendement et la raison, — ne l'est plus quand elle
s'exerce dans le sentiment pur ou qu'elle descend dans
l'instinct.
11 y a en outre, par rapport à la conscience individuelle
(qu'on la suppose ou non développée), deux Inconscients
collectifs : celui d'en haut et celui d'en bas. L'architecte
du corps appartient à l'Inconscient supérieur, à l'Ame
humaine collective par quoi l'Esprit universel se mani-
feste. Cet architecte est la Volonté de l'Espèce. —Quant
aux artisans, ils relèvent de l'Inconscient inférieur et se
meuvent dans le royaume de l'Instinct : ce sont les éner-
gies moléculaires que le Corps astral, cet entrepreneur de
la bâtisse, évertue en les unifiant, et qui deviennent les
âmes des cellules constitutives de l'organisme physique
en voie de formation.
Mais entre l'architecte et l'entrepreneur, — entre la
Volonté de l'Espèce et le Corps fluidiquc de l'individu, —
se place un intermédiaire, dont il faut bien toucher un
mot.
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FORCE DE LA VOLO!>ITÉ 347
Puisque nous ébauchons le rôle de la Puisssance vo-
lilive, dans la manifestation des individus sur les plans
astral et physique, — peut-être Tinstant est-il venu de
mentionner l'importance d'une faculté occulte assez peu
connue, et qu'on pourrait définir la matrice psychique
du corps astral.
Sa notion formelle préservera les étudiants en Occulte
de bien des quiproquos.
En effet, sans mieux s'expliquer, les Occultistes ont
coutume de dire : d'une part, que le corps astral, étant
périssable, doit après la mort se dissoudre lentement
dans l'atmosphère terrestre; — d'autre part, que l'adepte
doit, dès ici-bas, élaborer (prétendent les uns), épurer
(soutiennent les autres) son corps lumineux : lequel, à
l'issue de la terrestre épreuve, servira de char à l'âme
affranchie, pour atteindre la Citadelle ignée et parfaire sa
réintégration dans l'Unité céleste... On s'y perd!
Le malheur, c'est que certains enseignants ont tou-
jours pris soin de confondre l'effet avec la cause : le
corps astral avec la faculté plastique d'appropriation,
pour ne pas dire qu'ils ont entièrement méconnu la na-
ture de celle-ci. La faculté plastique n'est point un
moyen-terme éventuel, un lien d'éphémère union entre
le corps et l'âme ; elle tient d'une manière intime à l'es-
sence de la Psyché, dont elle constitue l'instrument de
précision et de 77iise au point pour les milieux où elles
séjourneront ensemble.
Notifions-le donc à ceux qui l'ignorent : toute âme indi-
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348 LA CLEF DE LA MAGIE NOIRE
viduelle est pourvue d'une faculté plastique (1) invisible,
qui, docile à la Volonté eflîciente de TEspèce (essence
elle-même émanée du principe ou archétype), tisse sur
ce modèle un vêtement fluidique à Tàme : un corps si-
déral, plus ou moins subtil, selon les divers milieux as-
traux qu'elle traverse. Si Tàme s'incarne sur une planète,
c'est en vérité ce corps sidéral qui servira de patron à
l'organisme matériel, dont les cellules s'agenceront en se
juxtaposant sur les traits de son esquisse ignée. Mais^,
par ce fait, les deux formes corporelles, la visible et Tin-
visible, consomment un indissoluble hymen : la destinée
leur est commune désormais, jusqu'à l'heure où la mort
de la première sonnera l'agonie de la seconde.
C'est alors que, l'àme émigrant toute nue vers un
autre séjour, la faculté plastique qui lui est inhérente
aura mission d'élaborer pour elle un nouveau corps sub-
til, vêtement approprié aux nouvelles ambiances. Jusque-
là, cette faculté se bornait au rôle de régulatrice à l'é-
gard de l'ancien.
En effet, tant que l'âme humaine passe d'un milieu as-
tral dans un autre sans s'incarner physiquement, le corps
élhéré, expression actuelle de la faculté plastique, se subti-
lise tour à tour ou se condense, afin de demeurer en har-
monie avec le milieu nouveau qui le baigne. Mais si l'àme,
(i) Ce que nous désignons ^nr faculté plastique est connu des théo-
soplies védantins sous un nom différent. — Cf., à V Appendice du
présent tome, la note brève, mais substantielle, où M. Paul Sédir a ré-
sumé les enseignements de rÉsotérisme adwaïti sur ce point de doc-
trine; On constatera qu'il n'y a guère de différence entre la notion
védantine du Corps causal et notre conception de la faculté plastique
efficiente.
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FORCE DE LA VOLONTÉ 349
emportée au torrent des générations, s'engouffre en un
corps de chair, où son élastique forme astrale, captive
et comprimée à haute tension, va, par son dynamisme
expansif guidant le travail cellulaire, pourvoir à la crois-
sance de l'organisation corporelle : une invincible affi-
nité relie dès lors les deux effigies ; l'objective et la sub-
jective. L'union terrestre est consommée entre elles;
leurs destins sont inséparables désormais.
Notre Public s'en souvient à coup sûr : Si loin que le
corps astral, abmatérialisé durant le sommeil ou l'extase,
s'éloigne de sa coque matérielle, une chaîne sympathique
reste tendue entre elle et lui. Sa rupture occasionnerait
la mort. Corps physique et corps astral appartiennent
tous deux à l'orbe de la terre, et quoi qu'on en ait dit,
ni l'un ni l'autre n'en peut outrepasser les secrètes
limites : ceux qui savent ne nous démentiront pas.
Lorsqu'un adepte, — mais le cas est si rare ! — s'é-
lance au delà de ces bornes, sur les ailes d'un corps
éthéré, ce véhicule n'est point la forme astrale propre-
ment dite. C'est le corps glorieux qu'a su élaborer cet
adepte, réintégré dès ici-bas dans la plénitude de ses
droits d'en haut: si bien qu'avant même de mourir, il
est ressuscité d'entre les morts. Le corps glorieux (1), ce
(1) Le corps astral est formé do la substance fluidique empruntée
telle quelle au nimbe de la planète ; car, — bien que nous soutenions^
à. rencontre de certains magistes, que le corps astral préexistait à la
conception du fœtus, — il reste certain pour nous qu'au cours de la
gestation, sa substance fluidique se renouvelle entièrement, par des
échanges avec Tastral terrestre. C'est une conséquence nécessaire do
son commerce avec le corps matériel qu'il informe. — Il ne s'agit plus
d'une adaptation provisoire au milieu, comme quand le corps astral
changeait d'atmosphère sans s'incarner : il s'agit d'une modification
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350 LA CLEF DE LA MAGIE NOIRE
€ char subtil de l'âme », comme l'appelaient les Pythago-
riciens, n'est point captif de l'attraction terrestre ; mais
son ac(iuisition, posthume chez le plus grand nombre,
ne peut s'effectuer sur cette terre qu'au bénéfice d'une
rare élite. Quiconque y parvient ressemble au prisonnier
qui réussirait, dans son cachot même, à construire l'ap-
pareil aérostatique de son évasion.
Ce cas est d'ordre exceptionnel; voici la règle. —
Chaque fois qu'après une mort physique, l'àme émigré
vers un autre monde, elle abandonne un cadavre visible
à la voirie terrestre et un cadavre invisible à l'atmosphère
occulte de la planète. Ce dernier est le corps astral, qui
se dissout lentement, comme nous le disons au chapitre
VI (la Mort et ses Arcanes). L'âme alors, transférée en un
autre séjour, se revêt d'une enveloppe neuve, appropriée
aux conditions hyperphysiques du milieu nouveau qui la
reçoit. Et c'est encore la faculté plastique, intimement
liée d'une part à la Puissance volitive de l'espèce, d'au-
tre part à la propre nature individuelle de la Psyché, —
c'est la Faculté plastique qui élabore et qui adapte à
l'àme pérégrine tel corps astral de rechange, plus dense
profonde, d'une appropriation définitive du corps astral à l'orbe plané-
taire, dont il ne pourra plus s'affranchir désormais.
Le corps astral, tel que nous le connaissons ici-bas, est donc fait de
lumière astrale spécialisée.
Mais le corps spirituel, glorieux, est tissu de la pure substance
édénale, agathomorphe ; alias de l'élément adamique (nClK de Moïse),
ou originelle Lumière de gloire.
L'un appartient au monde de la déchéance ; l'autre ne relève que du
monde céleste, où s'épanouit VÉternelle Nature de Bœhme.
Ce corps glorieux, c'est l'expression définitive «le la faculté plasti-
que ; son expression adéquate au pur éther reconquis.
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FORCE DE LA VOLONTÉ 381
OU plus épuré, mais toujours en proportion de la sidéra-
lité ambiante.
Nous venons de dire que cette faculté obéissait tout
d'abord à la Puissance volitive de l'Espèce : cela, pour
les traits généraux ; mais qu'elle se conformait aussi à la
nature individuelle de l'âme : ceci, pour les traits parti-
culière. Les difiérences de physionomie sont dues, en très
notable proportion, à l'influence irréfragable du Karma.
Or si le Karma terrestre, tout d'alluvion fluidique et d'ap-
port lémurien, réside au corps astral, il n'en saurait être
de même du Karma intercyclique, produit d'une réper-
cussion prolongée des corps astraux d'existences précé-
dentes, sur la pure substance de l'âme ; celui-là se loca-
lise précisément dans la faculté plastique individuelle.
Cette mystérieuse faculté, dont l'homme n'a pas le
monopole, sculpte ou modèle la forme extérieure de tous
les êtres; et, ce faisant, traduit leur nature propre en
hiéroglyphes révélateurs desinnéités latentes en elle.
Ainsi, à quelque Règne qu'il appartienne, chaque être
vivant se manifeste au monde des effigies et s'élit une
apparence corporelle adéquate à ses vertus intimes, par
l'entremise de sa faculté plastique, obéissante à la vo-
lonté de l'espèce.
En cette dernière, on doit voir une modification de la
Volonté cosmique, — c'est-à-dire humaine, puisque de
rUnivers à l'homme, l'essence est identique. La tradition
unanime des sanctuaires nous désigne l'Homme, conçu
dans son universalité, comme étant Yâme du Cosmos in-
tégral; et toute âme de vie comme émanée, en mode di-
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352 I.A CLEF DE LA MAGIE NOIRE
rect ou indirect, de la substance biologique humaine
(Adamah),
a Ihôah (lit-on au deuxième chapitre de la Genèse) avait
formé hors de Vêlement adamique[\) toute ranimallté de la
nature terrestre et toute l'espèce volatile des cieux ; il les Ht
venir vers Adam, pour voir quel nom relatif à lui-même cet
Homme universel assignerait à chaque espèce ; et tous les
noms qu'il assigna à ces espèces, dans leurs rapports avec lui,
furent l'expression de leurs rapports avec l'âme vivante uni-
verselle (2).
Ce verset du Berœshilh a trait au mystère que nous
dévoilons.
En nomtnant les animaux, Adam détermine les natures
volitives qui, — au regard de sa propre nature univer-
(1) C'est-à-dire, l'Élément homogène d'où provient la substance
d'Adam. -— Mais Ihôah n'avait créé les animaux qu'en principes ; c'é-
tait à l'homme de les faire passer de puissance en acte.
Rien d'ailleurs n'est moins facile que de pénétrer ces arcanes du
Gan-bi-Héden. Sur toute chose, il importe, pour ne se point égarer
dans un labyrinthe de contradictions vocabulaires, d'avoir toujours
présent à l'esprit, que Ihôah-iElohim constitue l'Adam Céleste absolu,
— et qu'Adam représente, en Éden, un organe vivant de Uiôah, im
iEloha d'.45lohlm.
Par suite de sa déchéance, Adam se divise ; la matière est l'instru-
ment passif de cette division. L'homme matériel et tous les êtres vi-
vants sont, (à des degrés plus ou moins proches), des sous-mulliples
d'Adam déchu, dont le corps matériel intégral n'est autre que l'Uni-
vers physique lui-même.
(2) Berœshith, chap. ii, ^.19 (Langue hébraïque restituée, tome H,
pages 85 et 315).
Nous avons donné la version ésotériquc de Fabre d'Olivet : nous
allons transcrire en regard l'a peu près littéral de M. Sylvestre de Sacy :
« Le Seigneur Dieu ayant donc formé de la terre (!) tous les animaux
terrestres et tous les oiseaux du ciel, il les amena devant Adam, afin
qu'il vit comment il les appellerait. Et le nom qu'Adam donna à chacun
des animaux est son nom véritable. »
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FORCE DE LA VOLONTÉ 353
selle, — caractérisent ces êtres émanés de son verbe.
Les facultés plastiques des individus se conforment à
l'essence volitive de chaque espèce. Toute effigie parU-
ciilière, bestiale, va donc dépendre de la virtualité plas-
tique où viennent s'inscrire ces essences.
Les animaux peuvent être conçus comme personnifi-
cations incarnées des passions divergentes, et souvent
contradictoires, qui se disputent Tàme inférieure de
l'homme; ou, plus exactement, comme monades adami-
ques déviées en tous sens, vers les extrémités polaires
du dynamisme, dont Adam occupe le point central d'é-
quilibre.
De telles notions, délicates à saisir, semblent d'ailleurs
inédites. Soulignons-les.
Ainsi, les âmes bestiales consistent en modalisations
outrancières et désharmoniques de Tâme humaine, jadis
harmonieuse en Éden. Mais l'accord parfait est rom-
pu-
Productions indirectes d'Adam, antérieurement à sa
chute, — les animaux sont depuis lors (au même titre
que les êtres incorporés des autres Règnes), autant d'a-
tomes dispersifs de sa substance corrompue, autant de
sous-multiples dégénérés de son unité dissoute. Car lui-
même s'est emprisonné sous l'écorce de ses productions.
Ce n'est qu'au fur et à mesure d'une évolution progres-
sive, que les monades de pure substance adamique,
émergeant des âmes minérale, végétale, animale, pour
revêtir les états hominal, puis spirituel, puis angélique,
vont consommer leur céleste réintégration.
L'humanité terrestre achève, à l'heure où nousparlons,
23
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354 LA CLEF DE LA MAGIE NOIRE
de dépouiller la nature bestiale d'où elle est issue : mais
cette âme inférieure ne desserre point son étreinte; il
s'en faudra violemment arracher.
L'Anima bruta, cette région basse de la psyché hu-
maine et cosmique tout ensemble; cet empire où Nahàsh
règne en despote ; cet orbe, réel et symbolique à la fois,
qui encercle la planète et gravite autour de nous ; le sa-
tellite obscur (ainsi le nomment les adeptes d'une savante
fraternité occidentale) : voilà le commun réservoir des
âmes d'animaux non incarnés, — et le magique récep-
tacle d'une pseudo-spiritualité, plus meurtrière à l'àme
que le matérialisme abject des savants théophobes con-
temporains.
La digression qu'on vient de lire importait pour l'in-
telligence, et de la faculté individuelle que nous nom-
mons plastique, et de son rôle à l'égard de l'essence
volitive spécifiée.
D'ailleurs, ces considérations nous amènent à la théo-
rie des signatures, qui sont les empreintes naturelles où
la faculté plastique de tout être frappe, à même les
corps, ses sceaux révélateurs.
t Les secrets de la Nature, dit l'hiérophante de la Thrétcie,
sont les mêmes que ceux de la religion, et il ne peut y avoir
qu'une doctrine, puisqu'il n'y a qu'un principe des êtres. Nous
sentonsj par l'impulsion de notre génie, que Thomme est né
pour connoîlre ; aussi nous devons lire la nature et la qualité
des êtres sur leurs enveloppes. Savoir lire ces caractères est le
premier degré de la science j mais ces natures et ces qualités
ont des rapports entre elles, qu'on doit aussi savoir lire : les
caractères en sont plus déliés, plus difficiles à lire ; c'est là le
second degré de la science : mais dépouiller les êtres de leurs
enveloppes, les voir tels qu'ils sont, est le dernier degré de la
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FORCE DE LA VOLONTÉ 355
science ; peu d'hommes y parviennent. C'est alors que Thomme
est puissant en paroles et en œuvres... (i) >
La théorie des signatures est de tradition dans les dif-
férentes écoles d'occultisme.
Les adeptes de l'Astrologie, qui attribuent aux orbes
célestes des vertus distinctes, et voient, dans les rayons
dorés qui pleuvent sur notre terre, des influences fastes
ou néfastes émanant des planètes et des constellations
zodiacales, dans le jeu mutuel de leurs aspects contrastés,
— les astrologues relèvent, à l'examen des êtres physi-
ques des quatre règnes, les signatures des astres qui
concoururent le plus à la formation de leurs effigies.
Il paraît superflu d'insister sur l'attribution classique
des septmétaux de l'ancienne chimie, dont chacun repré-
sentait l'adaptation parfaite de l'un des sept termes pla-
nétaires du système de Ptolémée. Les substances miné-
rales comportaient aussi une filiation astrologique, sou-
vent plus complexe. Végétaux, animaux ont subi le
même classement.
Sur cette base dogmatique des correspondances et des
analogies, ont été calculés, formulés et prescrits le sym-
bolisme cérémonial des grandes religions, et pareille-
ment les rituels de la plus secrète magie, blanche ou
noire (2). Il y aurait un beau livre à faire, sur Tésoté-
(1) La Thréïcie, page 246.
(2) Cf. la Philosophie occulte d'Agrippa, Dogme et Rituel de la
Haute Magie, par Éliphas Lévi, et rexcellent ouvrage de Papus :
Traité élémentaire de Magie pratique. On y trouvera des listes, tr^s
précises et satisfaisantes, des correspondances planétaires sur quo
repose le Cérémonial kab balistique.
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356 LA CLEF DE LA MAGIE NOIRE
risrae du culte catholique et ses correspondances, —
dont Testimable essai du F.-. Ragon, la Messe et se^
Mystères (1), est loin d'offrir la nomenclature exacte, et
surtout complète.
Les Magistes de tous les temps ont voulu déchiflFrer le
langage des signatures.
Elles jouent un rôle de première importance dans les
œuvres de Paracelse et de son école. Ce prodigieux gt^nie
universel de la science au xvi® siècle, infatigable expéri-
mentateur qui savait tant de choses, et devinait ce qu'il
n avait pu ni apprendre ni découvrir, Paracelse interro-
geait à un triple point de vue la physionomie des choses,
révélatrice pour lui, et du principe qui les avait formées,
et des vertus latentes sous leur écorce. Astrologue, chi-
miste et médecin d'une égale transcendance, il étudiait
l'histoire de la Nature au miroir des hiéroglyphes oix se
trahit la Pensée créatrice; et pour peu que l'expérience
et la sagacité flssent défaut au savant, le Mage forçait
alors Uranie, Hermès et Esculape à se rencontrer en son
laboratoire, pour y forger de concert la triple clef des
arcanes où il aspirait.
Les livres de Paracelse seront consultés avec fruit,
pour ce qui a trait aux signatures. Son contemporain,
Cornélius Agrippa est explicite à cet égard, dans sa Phi-
losophie occulte. Enfin, sous le titre de u Signatura re-
rum (2; », le glorieux mystique Jacob Bœhme a publié
(1) Cf. la Messe et la Magie, par Paul Sédir, Chamuel, éditeur
(sous presse).
(â) Il n'exisle de cet ouvrage allemand qu'une seule traduction,
dirons-nous française ? Elle est en quelque sorte illisible. Elle a paru à
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FORCE DE LA VOLONTÉ 357
un traité où ceux-là trouveront plaisir et profit, que ne
rebutent point la méthode insolite, le style rocailleux et
la terminologie barbare du théosophe de Gœrlitz.
Mais le nom qui s'impose à la plume, dès qu'il est
question des hiéroglyphes naturels, est celui d'Oswald
CroUius, auteur de la Royalle Chymie (1), à la suite de
laquelle on trouve un opuscule assez considérable, sous
ce titre: Traictédes signatures j ou vraye etviue anato-
mie du grand et du petit monde.
€ CroUius (dit Éliphas, qui résume en une curieuse page
les conclusions de cet auteur) CroUius cherche à établir que
Dieu et la Nature ont, en quelque sorte, signé tous leurs ou-
vrages, et que tous les produits d'une force quelconque de la
nature portent, pour ainsi dire« Testampille de cette force
imprimée en caractères indélébiles, en sorte que l'initié aux
écritures occultes puisse lire à livre ouvert les sympathies et
les antipathies des choses, les propriétés des substances et
tous les autres secrets de la création (2). Les caractères des
Francfort, sous le titre de Miroir tempoî'el de l'Éternité, 1664, pet.
in-80.
Un jeane occultiste du plus sérieux mérite, M. Paul Sédir, initié des
hauts grades martinistcs et rosi-cruciens, prépare de la Signatura
rerum une version exacte et française.
(1) Publiée en latin sous ce titre : Basilica Cheinica, Francofurti,
1604, in-4° (souvent réimprimé). La traduction française, dont il existe
quatre éditions, est de I. Marcel de Boulène. Nous en avons extrait, au
chap. I, quelques passages très significatifs, Couchant le corps astral et
la puissance magique.
(â) « ... Les charactëres et signatures naturelles (dit CroUius en sa
Préface) lesquelles nous auons dès nostre création, non marquées auoc
l'ancre, ains auec le doigt de Dieu (chasque créature estant un liure de
Dieu), sont la meilleure partie par laquelle les choses occultes sont
rendues visibles et descouuertes. )»
Sans dédaigner les signatures purement astrologiques, Oswald CroUius
s'attache de préférence aux indications médicinales que lui suggèrent
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358 LA ClEF DE LA MAGIE NOIRE
différentes écritures seraient primitivement empruntés à ces
signatures naturelles qui existent dans les étoiles et dans les
fleurs, sur les montagnes et sur le plus humble caillou. Les
figures des cristaux, les cassures des minéraux, seraient les
empreintes de la pensée que le créateur avait en les for-
mant (1). Celte idée est pleine de poésie et de grandeur, mais
il manque une grammaire à cette langue mystérieuse des
mondes, il manque un vocabulaire raisonné à ce verbe primi-
tif et absolu. Le roi Salomon seul passe pour avoir accompli
ce double travail ; mais les livres occultes de Salomon sont
perdus : Crollius entreprenait donc, non pas de les refaire,
mais de retrouver les principes fondamentaux de cette langue
universelle du Verbe créateur.
€ Par ces principes on reconnaîtrait que les hiéroglyphes
primitifs formés des éléments mêmes de la géométrie corres-
les analogies de forme, souvent très frappantes, qui homologuent les
produits de la Nature et, en particulier, les plantes (leurs fleurs, leurs
fruits, leurs tiges, leurs racines), soit au corps humain pris dans son
ensemble, soit & telle de ses parties, à tel de ses organes. Quand la
ressemblance s'impose, l'usage de la plante est indiqué pour la gué-
rison des organes de pareil aspect. Notre auteur donne une nomen-
clature complète de cette pharmacie, que nous révèlent le doigt de
Dieu et le sourire en fleurs de la Nature. Quelquefois les inductions de
Crollius se fondent aussi sur l'analogie des contraires. L'ouvrage se
termine par une table détaillée de la notation hiéroglyphique des
corps : ces signes crochus et bizarres sont autant de petits pentacles.
par quoi l'adepte d'Hermès révèle à ses initiés les propriétés chimiques
ou physiologiques des substances, cependant qu'il les dérobe du même
coup & la curiosité profane.
(1) Ne nous lassons pas de le redire : i£lohim n'a rien créé quen
principe, en archétype. — La mission édénale de THomme universel
était d'extérioriser les êtres, en les faisant passer du principe idéal à
l'essence réelle, et de l'essence à la manifestation sensible, par la seule
magie de sa volonté. C'était donc Adam le créateur véritable, au sens
que l'on attribue à ce mot; car il produisait les êtres au dehors^ les
rendQ.ii patents, en les tirant d'un principe occulte, interne et latent.
Mais il tomba lui-même dans les entraves de sa création ; et, se
subdivisant & son tour, il se revêtit de matière, à l'instar de ses pro-
duits...
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FORCE DE LA VOLONTÉ 38Ô
pondraient aux lois constitutives et essentielles des formes
déterminées parles mouvements alternés ou combinés que
décident les attractions équilibrantes ; on reconnaîtrait, à leur
seule fîgure extérieure, les simples et les composés, et par les
analogies des figures avec les nombres, on pourrait faire une
classitication mathématique de toutes les substances, révélées
par les lignes de leurs surfaces. 11 y a au fond de ces aspira-
tions, qui sont des réminiscences de la science édénique, tout
un monde de découvertes à venir pour les sciences. Paracelse
les avait pressenties, Crollius les indique, un autre viendra
pour les réaliser et les démontrer. La folie d'hier sera le génie
de demain, et le progrès saluera ces sublimes chercheurs qui
avaient deviné ce monde perdu et retrouvé^ cette Atlantide du
savoir humain (1) ! »
Notons, en attendant raccomplisseraent de cette géné-
reuse prophétie, que les moins aléatoires d'entre les
modes de divination, énumérés au précédent chapitre, se
réclament de principes invariables, et que . leurs règles
reposent tout entières sur la lecture et l'interprétation des
signatures naturelles.
La Chiromancie, par exemple, charriée jusqu'à nous
par la tradition des siècles, puis épurée naguère et ra-
jeunie par Desbarrolles, enfin passée par les soins de
Papus au crible d'une savante critique, — la Chiromancie
attribue un sens absolu aux lignes de la main. Ajoutons
qu'elle est rarement trompeuse, lorsqu'on la pratique
avec prudence et discernement. 11 est parfaitement logi-
que d'admettre, en effet, que certaines passions — pre-
nons l'avarice — se traduisent par tels mouvements cou-
tumiers des muscles de la main. L'homme rapace a les
(1) Histoire de la Magie, pages 370-371.
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360 LA CLEF DE LA MAGIE NOIRE
doigts crochus, et sa main s'exerce volontiers au gesJrc
convulsif de saisir. Cette habitude peut déterminer tell^:
ligne spéciale, ou telle croix, ou telle étoile, expressive <.
de rapacité, au regard exercé du chiromancien. NoLi-?!
supposons à priori ce qui précède, sans même nous eri— -
quérir si, en fait, l'avarice se traduit de cette façon. Gel ^
importe peu pour notre raisonnement... Allons plus loin -
Imaginons un sujet qui apporte en naissant ce stigmate^
dans le bagage de son Karma. L'hypothèse n'a rien quo-
de vraisemblable, puisqu'on sait déjà que le corps physi-
que se brode, pour ainsi dire, cellule par cellule, sur le
canevas de la forme astrale, (cette adaptation de la fa-
culté plastique, strictement adéquate au milieu). Voilà
donc l'avarice, avec tout ce qui s'ensuit, inscrite dans la
main du sujet, et clairement lue par l'expérimentateur.
C'est un premier résultat. Quant au surplus, qui empê-
chera l'habile chiromancien de bâtir, sur cette donnée
psychologique, renforcée de plusieurs indications adja-
centes, tout un édifice de conjectures, moyennant un
calcul de probabilités ? Et, pour peu qu'il soit intuitif
par surcroît, ou lucide, la vraisemblance des prédictions
ne s'érigera-t-elle pas en quasi-certitude?... Rien n'in-
terdit à la Raison la plus méfiante d'admettre ces con-
clusions-là. Mais si l'on veut, sur la foi d'un grand
nombre de vieux auteurs, faire de la « Chiromance » un
infaillible critérium de l'avenir du consultant, fixé dans
ses moindres détails, et lui prédire des naufrages sur mer,
par exemple, ou l'emploi de grand vizir, ou la mort dans
un incendie : les initiés, qui savent comment l'avenir s'en-
gendre et dans quelle mesure la libre Volonté, jointe à
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FORCE DE LA VOLONTÉ 361
'influence providentielle, modifie la trame fatidique des
'^vt'nements futurs (si difficile elle-même à augurer, fût-ce
>ar k peu près!) les initiés ont peine à s'interdire, — la
politesse étant de stricte obligation chez eux, — un doux
haussement d'épaules. On peut raisonner mêmement, à
regard de tous procédés divinatoires, dont l'interpréta-
tion des hiéroglyphes naturels fournirait la clef.
Mais il est d'autres signatures spontanées, que Toceul-
tiste déchifiFre et interprète à l'heure même de leur ma-
nifestation (souvent fugace) au monde des effigies.
L'art divinatoire en tire également parti, non sans
succès ; à ce point de vue, les principes demeurent tou-
jours les mêmes, et nous n'avons rien à dire de parti-
culier. Ce qui précède trouve son application dans tous
les cas...
Les phénomènes de cet ordre valent d'ailleurs d'être
signalés. Ils sont dus invariablement à des formes as-
trales, et touchent aux problèmes de la faculté plastique
et de la volonté efficiente.
Notre Public, mis au courant des propriétés essen-
tielles de la Lumière astrale par nos ouvrages antérieurs
et les précédents chapitres du présent tome, n'a eu garde
d'oublier l'une des plus caractéristiques et des plus
étranges : sa vertu configurative et conservatrice des for-
mes et des reflets, des arômes et des sonorités mêmes.
Ses courants charrient d'innombrables êtres fluidiques,
dont le corps astral est sujet à se manifester sur le plan
sensible, soit à titre d'instable apparence, soit sous un
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362 LA CLEF DE LA MAGIE NOIRE
mode d'illusion plus prolongée. Nous avons nommé les
principaux d'entre eux. Les formes astrales d'animaux,
déplantes et de substances minérales aussi, flottent et
circulent en ces ondes striées d'énergies diffuses et satu-
rées de mirages errants (fantômes de choses abolies et
d'événements lointains). Chaque vague de lumière astrale
est une page révélatrice du livre universel des vies.
Concevez présentement, Lecteur, que ces comparses
de l'existence subjective se décèlent pour la plupart, —
du moins en ces régions basses de l'atmosphère hyper-
physique où nous les observons, — avides d'objectiva-
tions même passagères, aCFamés de corporéité sensible,
assoiffés d'illusoire réalité. C'est que les êtres en période
durable de subjectivisme, et bien vivants de cette vie
arômale, répugnent à la frontière mitoyenne des deux
existences, au cercle inférieur de l'Astral planétaire: un
autre séjour leur est assigné. Mais ceux-là seuls se
pressent aux portes de la citadelle physique, qui, mori-
bonds de la vie subjective, se trouvent en instance de
très prochaine incarnation, (Exceptons pourtant les Larves
et certains daïmones, abrutis ou sensuels, ou pervers,
qui se tiennent sans trêve à l'affût d'un morceau de ma-
tière à conquérir ou à posséder).
Si les âmes en quête d'incarnation trouvent de suite à
s incorporer normalement, elles paraissent au monde
matériel, sous une effigie revêtue de signatures conformes
à leur essence. Dans le cas inverse, ces âmes, dépaysées
au seuil de la matière comme au pied d'une muraille
qu'elles ne peuvent franchir, s'acharnent à y grimper et
plaquent leur empreinte sur la surface de tout objet ca-
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FORCE DE LA VOLONTÉ 363
pable de la recevoir: tel un voleur, qui a tenté l'escalade
d'une propriété, laisse sur le plâtre ou le crépi du mur
le témoignage de son infructueux effort : on y relève
Tempreinte de sa main, la marque de son pied, etc..
C'est ainsi que des Invisibles, dont le savant Aksakoflf
expérimenta la présence, plongeant leur main fluidique
en un vase de paraffine liquéfiée, puis dans un bain
d'eau froide, ont fourni des moulages d'une surprenante
perfection.
C'est ainsi que la forme sidérale d'orties brûlées a pu
s'imprimer dans un bloc de glace, en des circonstances
d'ailleurs toutes fortuites, que Jacques Gaffarel relate en
ces termes :
« Comme M. du Chesne, sieur de la Violelte... s'amusoit
auec M. de Luynes, dit de Formentières, conseiller au Parle-
ment de Paris, à voir la curiosité de plusieurs expériences,
ayant tiré de sel de certaines orties bruslées, et mis la lesciue
au serein en hyuer, le matin, il la trouua gelée, mais auec
cesl« merueille, que les espèces des orties, leur forme et leur
figure estoient si naïvement et si parfaictement représentées
sur la glace, que les viuantes ne Testoyent pas mieux. Cet
homme estant comme rauy, appela ledit sieur Conseiller pour
eslre tesmoin de ce secret, dont l'excellence le fit conclure en
ces termes :
Secret dont on comprend que y quoy que le corps meure ,
Les formes font pourtant aux cendres leur demeure.
« A présent ce secret n'est plus si rare, car M. de Claues, vn
des excellens chimistes de nostre temps, le faict voir tous les
iours (i). »
(1) Curiosités inouyes sur la Sculpture talismanique des Persans,
Horoscope des Patriarches et Lecture des Estoilles, pari. Gaffarel.—
Paris, 1629, în-8o (pages 211-212).
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364 LA CLEF DE LA MAGIE NOIRE
Gaffarel, qui était plus initié qu'il ne seyait d'en con-
venir, à une époque où le bûcher de Gauffridy famaît
encore en Provence, tandis qu'on apprêtait à Loudun
celui d'Urbain Grandier, — prêtres tous deux comme
Tauteur des Curiosilez inouyes, perdus l'un et l'autre sur
l'éternel grief de sorcellerie, — Gaffarel tire de ce qui
précède une induction logique et fort bien amenée. Quel
prétexte, qu'une inoffensive expérience de « physique
végétative », pour lui permettre d'aborder tout naturelle-
ment le terrain brûlant de la spectrologie ! Dans l'espèce,
la similitude doctrinale s'impose à tel point, que toute
transition semble superflue :
« D'îcy (poursuit TAstrologue du grand Cardinal) d'icy on
peut tirer ceste conséquence, que les ombres des Trespassez,
qu'on void souuent paroistre aux cimetières sont naturelles,
estant la forme des corps enterrez en ces lieux, ou leur Gg^ure
extérieure, non pas Tame (1), ny phantosmes bastispar les dé-
mons, comme plusieurs ont creu... Estant très certain qu'aux
armées, où plusieurs se meurent, pour estre à grand nombre,
on void assez souuent, principalement après vne bataille, de
semblables ombres, qui ne sont (comme nous auons dit) que
les figures dos corps excitées ou esleuées, partie par vne cha-
leur interne, ou du corps, ou de la terre, ou bien par quelque
externe comme celle du soleil, ou de la foule de ceux qui sont
encore envie, ou par le bruit et chaleur du canon qui es-
chauiïe Tair (2) »
(1) Cela est parfaitement correct au point de vue occulte. H s*agit
là de coques inanes, de corps astraux en phase de dissolution, ombres
vaquant autour de leur dépouille mortelle, à quoi les rattache une
secrète affinité. Ces vagues formes peuvent être encore quelque chose
de moins ^ la phosphorescence de la vitalité cellulaire, étroitement liée
au cadavre {Jiva des théosophes bouddhistes).
Cf. chap. Il, page t02, et chap. VI, passim,
(2) Curiosités inouïes^ pages 213-214.
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FORCE DE LA VOLONTÉ 366
Il y aurait à glaner, au livre de Gaflfarel, un nombre
notable d'observations singulières; il traite assez perti-
nemment du plus constant et du moins croyable des phé-
nomènes de signature spontanée : nous voulons dire —
ces figures naturellement gravées au cœur des cailloux
et des marbres les plus denses, et qu'il nomme Gamahez
ou camaïeux. On en a vu de délicatement peintes et
comme modelées en ronde-bosse par couches multicolores,
dans la substance même du marbre ou du granit; si bien
que, pour sculpter la figurine, en rejetant la gangue ou
l'enveloppe adhérente, on n'aurait qu'à suivre avec le ci-
seau les veines intérieures coloriées : on obtiendrait ainsi —
et ron a obtenu — des statuettes polychromes qui sem-
bleraient en mosaïque, si, de toute évidence, elles ne
formaient une seule masse avec la pierre environnante ;
niasse compacte qu'il fallut scier en deux, afin d'obtenir
une coupe, ou difficultueusement tailler à vif, pour dé-
gager la statue enganguée en un caillou fort dur.
Le prodige, en vérité, c'est que ces figurines, inexpli-
cablement empreintes au centre de la pierre, ne repré-
sentent point toujours des objets tels que la nature les
produit ; mais de véritables compositions artificielles, —
on le jurerait du moins, — et que l'intelligence humaine
semble avoir pu seule concevoir, la main de l'homme
seule exécuter : a comme est ceste colomne (écrit Pierre
de Lancre) que i'ay veuë en l'Eglise Sainct-Georges à
Venize, dans laquelle on void l'image prétieux d'vn
lesus-Christ crucifié, qui s'est trouué miraculeusement
dans le marbre, si bien graué dans sa durté, qu'il n'y a
peintre qui le sçeût mieux figurer. Et vne autre colomne
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366 LA CLEF DE LA MAGIE NOIRE
de la flagellation, auec une teste de mort, en cesle pierre
ou marbre qui sert d'ornement au deuant de Tautel. '
Lancre cite encore quelques exemples analogues ; il dé-
crit entre autres, d'après Pline et Solin, « l'Agathe du
Roy Pyrrhus, dans laquelle se voyoit naturellement
emprainte l'image d'vn Apollon qui sonnoit delà Gythare
au milieu des neuf Muses, qui paroissoient toutes dis-
tinctement, auec leurs enseignes; etc.. » Enfin, à la
page 39 de notre exemplaire de Y Incrédulité et Mescreanee
du Sortilège (Paris, Buon, 1622, in-4*), d'où nous avons
transcrit ces lignes du conseiller de Lancre, on peut Vive
en marge une note manuscrite, d'une très lisible écriture
xvai* siècle, ainsi rédigée : « Un Christ crucifié étoit aussy
représenté dans un caveau de marbre rembruni, emplacé
dans la muraille de clôture du cœur (sic), dans l'aile
droite de la Cathédrale de Paris, Je l'ay vu le 22 août
1769. — P' C. A. B. » On trouve, dans les ouvrages latins
du Père Kircher, jésuite (1), plusieurs reproductions en
taille douce de camaïeux analogues.
Quelles Puissances du royaume astral ont pu donner
lieu à de pareils phénomènes? Le Lecteurl'a déjà deviné.
— Ualte-là! s'exclamerait ici un théologien primaire.
(1) Voy. entre autres le tome H du Mundus Sttbterraneus (Xmsiero-
daini, apiid Jansonium, 1664, 2 vol. in-folio), pages 27 à 48.
Un auteur presque oublié, en qui l'on peut voir, à de certains égards,
l'anciHre intellectuel de Darwin, — J.-B. Robinet, reproduil la figure
do certaines productions spontanées, très analogues aux camaïeux. —
Voir la planche n* IV, à la page 50 de son remarquable ouvrage, dont
le seul titre est bien significatif: Vue philosophique de la gradation
naturelle des formes de l'Etre, ou les Essais de la Nature qui ap-
prend à faire Vhomme (Amsterdam, 1768, in-8*». fig ).
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FORCE DE LA VOLONTÉ 367
N'avez- VOUS point honte de parler phénomènes naturels,
quand le miracle vous crève les yeux? — Quel miracle?
répliquerons-nous... Miracle divin, sans doute, pour
chaque fois que la Force créatrice inconnue a fait con-
currence aux fabricants de bondieuseries de la place
Saint-Sulpice; mais miracle diabolique, apparemment,
à l'égard decette agathe païenne de l'idolâtre roi d*Épire ?
Tant il est vrai, qu'en bonne théologie, des causes non
seulement divergentes, mais radicalement contradictoires
produisent des effets d'une rigoureuse identité!...
L'origine de ces singularités physiques dépend à coup
sur, quel que soit l'esprit de leur composition, d'une loi
productrice invariable : loi de nature, comme toutes les
lois, et pas plus divine que diabolique. L'idée première
provient de sources différentes, soit; mais l'exécution
est une, et tous les gamahés ou camaïeux portent même
marque de fabrique. Si l'artiste inventeur change, l'ar-
tisan graveur ne change point. C'est toujours la lumière
astrale, configurative et plastique.
Quant à l'auteur du croquis, il faut distinguer. Il y a
camaïeux et camaïeux. — S'agit-il de simples images
d'êtres ou de choses, tels que la nature les produit?
Point de difïiculté bien grande : ce sont photogravures de
mirages errants, fortuitement imprimés dans quelque
substance récegtive. — Il n'en va pas ainsi de la genèse
des camaïeux d'une composition savante, d'un agence-
ment en quelque sorte réfléchi, comme nous en avons
cité plusieurs exemples.
Que. l'hypothèse d'une empreinte, — sigillée à même la
^ pierre selon l'esquisse sidérale d'êtres particuhers, — ne
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368 LA CLEF DE LA MAGIE NOIRE
justifie point de tels phénomènes (ïiœnogénie complexe :
voilà, nous en conviendrons, ce qui tombe dès l'abord
sous le sens... Mais ne serait-ce point le cas d'invoquer
notre théorie des Êtres potentiels, des Dominations théur-
giques, — ces mouvantes âmes collectives où tant de
Psychés, ravies au même tourbillon exalté ou fanatique,
cherchent et trouvent leur unité religieuse? où pullulent
tant de Larves simiesques, et modelées à l'imagination
des fidèles? où tant de concepts vitatisés, tant de mirages
errants roulent et se succèdent, sous apparences con-
formes, nécessairement, aux rêves de leurs géniteurs ? Le
tout mû en d'irrésistibles courants de foi, d'enthousiasme
et d'amour; influx de création, s'il en fut jamais, et
dociles à la Volonté consciente de ces Égrégores domina-
teurs?
Les Potentiels collectifs, on s'en souvient, présentent
des types de toute sorte et de toute hiérarchie, — depuis
Michaël, allié céleste de Moïse et archange totalisant en
soi la grande communion dorienne, jusqu'à l'Esprit sau-
vage qui rend ses oracles sous la tente du sacrifice, où les
Indiens scalpeurs couronnent de chevelures sanglantes
l'autel de Guiché-Manitou.
Autant Moïse diffère du sacerdote peau-rouge, autant
diffèrent les deux Égrégores. L'âme fluidique de l'un n'a
pas la même qualité arômale que le nimbe éthéré de l'au-
tre. Les Ascendants font contraste : le cycle d'images
familières qui s'y déploie ne se ressemble point. Chaque
religion a ses rites, ses symboles, ses superstitions, ses
hiéroglyphes, — ses signatures propres, en un mot. Ajou-
tons, ses serviteurs lémuriens, aimantés soit du Vouloir
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FORCE DE LA VOLONTÉ 369
des thaumaturges, soit de celui qu'émet TEntité collec-
tive d'unification.
C'est avec le concours de ces éléments divers que s'en-
gendrent des courants d'images, ou spontanés et soumis
à d'inflexibles lois, ou que provoque et dirige la magie
consciente des prêtres. A tels points donnés d'intersec-
tion, sur le parcours fluidique, lémures et mirages se
coagulent en apparitions béatifiques ou en spectres terri-
fiants. Qu'à ces points précis, mathématiquement déter-
minables, une matière se rencontre, malléable et récep-
tive, ou sujette à se modifier quant à la couleur et au
grain, selon les angulaisons du magnétisme radiant ou
les intersections de plans dynamiques : et des emprein-
tes de figures variées, — emblèmes, pentacles, caractères
hiératiques ou démotiques, — s imprimeront dans le
cœur de la substance modifiable, à la haute édification
des fiidèles, transportés de ferveur et de foi.
On sait d'ailleurs que les plus durs granits n s'éthéri-
sent », lorsqu'un adepte leur applique, dans les condi-
tions voulues, VAlkahest spiritueux, autrement dit l'Agent
universel dynamisé par le vouloir humain. A la faveur
d'une extrême distension moléculaire, ces corps sont
susceptibles de traverser d'autres matières solides, que
leur porosité rend perméables; puis ils se rétablissent
dans leur état primitif, dès que la vertu dilatante cesse
de les actionner... Or, quelques secondes d'éthérisation
suffisent à rendre plastiques et réceptifs à la photogra-
vure astrale, les substances normalement les plus ré-
fractaires.
24
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370 LA CLEF DE LA MAGIE NOIRE
Ce phénomène de gravure occulte, qui donne nais-
sance aux gamahés dans le règne minéral, fournit, appli-
qué à un arbre de TAsie, l'un des exemples les plus in-
téressants que nous puissions retenir. Le R. Père Hue a
vu cet arbre, qui fleurit dans Tenceinte de la lamaserie
de Roun-boum, au Thibet. La légende veut qu'il soit né
de la chevelure de Tsong-Kaba, fameux réformateur
bouddhiste au xiv* siècle, et fondateur de la grande la-
maserie de Kaldan, sise à trois lieues de Lha-Ssa, la ca-
pitale de TËmpire. Nous ne changerons pas un mot à la
relation du digne missionnaire, qui a pu inspecter de très
près V Arbre aux dix mille images.
c Oui, (nous atteste le Père Hue) cet arbre existe encore et
nous en avions entendu parler trop souvent, durant notre
voyage, pour que nous ne fussions pas quelque peu impatients
d*aller le visiter. Au pied de la montagne où est bàlie la la-
maserie, et non loin du principal temple bouddhique, est une
grande enceinte carrée, formée par des murs en brique. Nous
entrâmes dans cette vaste cour et nous pûmes examiner à
loisir l'arbre merveilleux dont nous avions déjà aperçu du de-
hors quelques branches.
(I Nos regards se portèrent d'abord avec une avide curiosité
sur les feuilles, et nous fûmes consternés d'étonnement, en
voyant, en eiïet, sur chacune d'elles, des caractères thibétains
très bien formés ; ils sont d'une couleur verte, quelquefois
plus foncée, quelquefois plus claire que la feuille elle-même.
Notre première pensée fut de suspecter la supercherie des
f^amas; mais après avoir tout examiné avec Tattention la
plus minutieuse, il nous fut impossible de découvrir la moin-
dre fraude. Les caractères nous parurent faire partie de la
feuille, comme les veines et les nervures; la position qu'ils
affectent n'est pas toujours la même ; on en voit tantôt au som-
met ou au milieu de la feuille, tantôt à la base et sur les
côtés; les feuilles les plus tendres présentent le caractère en
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FORCE DE LA VOLONTÉ 371
rudiment, à moitié formé ; Técorce du tronc et des branches,
<|ui se lève àpeu près comme celle des platanes, est également
chargée de caractères. Si Ton détache un fragment de vieille
écorce, on aperçoit sur la nouvelle les formes indéterminées
de caractères, qui déjà commencent à germer, et, chose sin-
gulière, ils diffèrent assez souvent de ceux qui étaient par
dessus. Nous cherchâmes partout, mais toujours vainement,
quelque trace de supercherie : la sueur nous en montait au
front...
a V arbre des dix mille images nous .parut très vieux : son
tronc, que trois hommes pourraient ù peine embrasser, n'a
pas plus de huit pieds de haut ; les branches ne montent pas,
mais elles s'étendent en panache et sont extrêmement touffues ;
quelques-unes sont desséchées et tombent de vétusté ; les
feuilles demeurent toujours vertes ; le bois, d'une couleur
rougeàtre, a une odeur exquise et qui approche un peu celle
de la cannelle. Les Lamas nous dirent que, pendant l'été,
vers la huitième lune, il produisait de grandes fleurs rouges
d'une extrême beauté.
« On nous a assurés que nulle part il n'existait d'autre ar-
bre de cette espèce ; qu'on avait essayé de le multiplier par
des graines et des boutures dans plusieurs lamaseries de la
Tartarie et du Thibet, mais que toutes ces tentatives avaient
été infructueuses (1). »
Prêtre aussi recommandable par son intelligence que
par son caractère, Tobservateur qui se porte garant du
prodige de Koun-Boum n'est point de ceux dont il con-
viendrait de récuser le témoignage. Son récit, au reste,
respire la franchise et commande le respect...
Le phénomène relaté paraît moins incroyable, lorsqu'on
songe à celui (contrôlé maintes fois) des écritures secrè-
tes, soit crayonnées à distance ou obtenues par précipi-
(1) Souvenirs de voyage dans la Tartarie et le Thibet ^ parle lais-
sîoQQaire Hue. — Paris, 1857, 2 vol. in-12 (tome II, pages 116-117).
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372 LA CLEF DE LA MAGIE NOIRE
talion. C'est une des expériences favorites de nos mé-
diums. Home en était coutumier, et l'ardoise de Slade
est passée en proverbe chez les Spirites. On se rappelle
d'ailleurs les virulentes controverses motivées naguère
par la correspondance du « mahatma » Koot-Hoomi,
avec madame Blavatzky, son élève.
Mais il y a quarante ans que le Baron de Guldenslubbé
avait étudié et signalé ce phénomène. A la suite du livre
curieux qu'il publia dès 1857, la Réalité des Esprits et
leur écriture directe, se succèdent un grand nombre de
planches oii Ton a reproduit en fac-similé des spécimens
d'écritures occultes, obtenues par l'auteur et plusieurs
de ses amis, non pas les premiers venus. Citons entre
autres MM. le comte d'Ourches, le général baron de
Brewern, le colonel de Kollmann, le professeur Georgii,
le baron Boris d'UexkùU, etc. — M. de Guldenstubbé a
pu suivre le procédé de précipitation, qu'il attribue aux
esprits des morts illustres que son désir évoque. Il pla-
çait primitivement un crayon avec une feuille de papier
dans une petite cassette dont la clef ne quittait pas sa
poche ; il ne rouvrait la boîte que pour vérifier la réus-
site de ses tentatives. Un jour pourtant, qu'il avait laissé
la boite ouverte, il put constater que les caractères s'im-
primaient d'eux-mêmes, en noir sur blanc, sans que le
crayon y fût pour rien.
« Depuis ce moment, Tau leur, voyant rînutilîté du crayon,
a cessé de le mettre sur le papier ; il place simplement un pa-
pier blanc sur une table chez lui, ou sur le piédestal des sta-
tues antiques, sur les sarcophages, sur les urnes, etc., au
Louvre, à Saint-Denis, à Véglise Saint- Étienne-du-Mont,
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FORCE DE LA VOLONTÉ 373
etc. Il en est de même des expériences faites dans les diiï«é-
rents cimetières de Paris (I). >
Rien n'est plus réel que le phénomène des caractères
sanglants qu'obtenait Vintras, empreints dans la subs^
tance même des hosties consacrées par lui ou par les
prêtres de sa secte : hiéroglyphes le plus souvent blas-
phématoires, et signatures kabbalistiques des Forces dé-
sordonnées, aveugles ou malfaisantes de l'antique Goëtie.
Que dire des cas de stigmatisation, mille fois avérés
en mystique? La a folie de la croix » consomme le mi-
racle. La Foi et le Désir, ces modes indirects de la Vo-
lonté, réagissant sur d'ardentes imaginations, n'impri-
ment-ils pas à la forme astrale, — et, par son intermé-
diaire, au corps physique, — les cicatrices de la Passion
de Notre-Seigneur : l'empreinte de la couronne d'épines,
et la marque des clous aux pieds et aux mains, et l'ap-
parence contuse de la flagellation, et le stigmate du coup
de lance au flanc droit? — Les témoignages abondent.
Rappelons pour mémoire, en confirmation analogique
du phénomène de la stigmatisation, l'expérience décisive
de MM. Focachon et Liébeault, qui réalisèrent la pose
d'un vésicatoire imaginaire, par simple suggestion?
Uépispastique idéal « prit » à merveille : le derme se sou-
leva, s'emplit de sérosité laiteuse, enfin l'escarre apparut:
une suite d'épreuves photographiques en fait foi, où Ton
(1) Pneumatologie positive et expérimentale. — La Réalité des
Esprits et le phénomène merveilleux de leur écriture directe, dé-
montrées, parle baron L. de Guldenstubbé. — Paris, Franck, 1857,
in-80 (page 68).
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374 LA CLEF DE LA MAGIE NOIRE
peut suivre la marche et les progrès de la vésication (I ).
Que si nous rapprochons de ces derniers faits la dé-
couverte déjà mentionnée du colonel de Rochas, sur
r « Extériorisation de la sensibilité » et le phénomène de
l'Envoûtement (2), il semble que nous puissions entre-
voir le mécanisme parfaitement naturel des écritures
spontanées, sous leurs principaux modes de manifesta-
lion.
La stigmatisation prouve en effet que, dans les Umiles
du corps humain, le médiateur plastique peut, docile à
Tessor du Désir, objectiver les signatures de l'imagina-
tion. Et les expériences du savant Rochas démontrent,
d'autre part, qu'en des conjonctures définies, ce même
médiateur plastique est parfaitement capable d'outrepas-
ser les frontières anatomiques de la chair, pour mani-
fester à l'extérieur les propriétés dont il dispose.
La Lumière astrale terrestre, âme physique et imagi-
native de la planète, roule en ses ondes les simulacres
de son rêve d'évolution ; elle est de plus le réceptacle
de la vie (ou, pour mieux dire, de l'agonie posthume)
des Écorces. Plusieurs races d'indigènes la hantent, dont
nous avons détaillé la nature... Elle a enfin ses grands
flux et reflux polaires, et ses vents et ses tempêtes
comme TOcéan, — courants dont peut se servir la
Volonté humaine, soit individuelle ou collective, quand
elle a su les calculer. (Il existe, en magie, des instru-
(1) Voy. Fabart, Histoire de l'Occulte, Appendice (Lettre à M. Fo-
cachon, pharmacien à Charmes), pages 330-337.
(2) Voy. pages 4S3 et suiv. du présent tome.
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FORCE DE LA VOLONTÉ 375
ments dont c'est la seule destination). La Volonté peut
faire plus : elle peut créer des courants nouveaux. C'est
le mystère de la chaîne magique. Il en a été question
déjà au sujet des Entités collectives; nous y reviendrons
encore par la suite.
Toute force, en magie, réside essentiellement dans la
Volonté et dans la Foi.
Volonté et Foi sont les deux termes antinomiques d'une
même Force, en ses modes spontané et passif. La Foi en
soi-même et en sa puissance, voilà la base de la volonté
individuelle. — La confiance en la volonté infaillible et
bénéfique des dieux, voilà la base de la Foi collective.
Homme de volonté, le héros, dont Napoléon peut ser-
vir de type contemporain, témoigne d'une aveugle con-
fiance en « son étoile », ce qui revient à dire qu'ignorant
les lois fatidiques, il s'appuie cependant sur le Destin. Un
tel tempérament objectif heurte de front tous les obsta-
cles et les brise ; jusqu'au jour où lui-même, se heurtant
à quelque Destin plus rigide que le sien propre, en est
écrasé. — Le héros se jette en avant et paie de sa per-
sonne : en un mot, agit par soi-même.
Homme de foi, le mystique entre en communion avec
un cercle de pensée et d'action où domine une Volonté,
bonne ou mauvaise. Un tel tempérament subjectif l^iisse
agir en lui, soit Dieu, manifesté par le concours de ceux
qui veulent le bien et y aspirent ; soit Satan même,
qu'on peut définir à ce point de vue la Volonté collective
dans le mal. — Le mystique, en un mot, agit par au-
> trui.
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376 LA CLEF DE LA MAGIE NOIRE
•
Homme de volonté et de foi tout ensemble, le véritable
adepte n'ignore point que dans l'accord équilibré de ces
deux puissances, réside la suprême force magique : le
Magnes intérieur et occulte n'est pas autre chose. Un tel
tempérament harmonique entre dans un cercle de volon tés
unies, sans abdiquer en rien la sienne propre. Addition-
nant sa force et celle de ses adelphes, il commande en
son nom comme au leur. Il prend empire sur les fluides
et met l'embargo sur l'escadre des volontés adverses. —
L'adepte agit, en effet, par lui-même et par les autres.
Il est écrit que la Foi transporte les montagnes, il n'est
pas moins certain que rien ne résiste à l'emprise de la
Volonté. Que dire de l'efficacité où parvient la Volonté
adeptale, qui participe harmonieusement des deux?
Le Désir même est créateur, parce qu'il procède indi-
rectement aussi de l'une et de l'autre : il tient de la Vo-
lonté, par le despotisme inconscient de son coup d'aile,
et de la Foi par sa confiance irraisonnée et souvent dé-
raisonnable en la satisfaction où il appète.
Nous avons insisté sur le problème des signatures
naturelles, traductions hiéroglyphiques très précises des
spécialités innées, dont la Faculté plastique reçoit le pro-
tocole de la part des Vouloirs collectif et individuel : à
l'effet d'en transmettre l'empreinte à la forme sidérale.
Celle-ci élaborera le corps physique en conséquence.
Ce mécanisme de la virtualité créatrice, impliquant la
volonté pour point de départ et la matière pour ultime
aboutissement, importait à bien connaître, premier que
d'entreprendre ce qui nous reste à dire, sur l'emploi de
la volonté humaine, en magie cérémoniale.
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FORCE DE LA VOLONTÉ 377
Comme transition, Saint-Martin nous offre un épisode
singulièrement instructif, et dont notre Public est invité
à faire son profit. Les quelques pages, d'apparence bi-
zarre, que nous allons lui faire connaître, renferment, en
pratique aussi bien qu'en théorie, plus de valables secrets
([lie tant d'ouvrages fort massifs, sérieux et solennels à
en bâiller, et qui traitent ex professo de sciences occul-
tes- Le Lecteur se tienne pour averti !
Quel amateur d'occultisme, en conscience, (et nous
n'exceptons pas la postérité intellectuelle de Saint-Martin),
a pris la peine de méditer « Le Crocodile^ ou la guerre
du Bien et du Mal, poëme épico-magique en 102 chants,
œuvre posthume d'un amateur de choses cachées? »...
Par un tiacite accord, les nombreux admirateurs du grand
mystique s'abstiennent même de critiquer cette « erreur
d'un maître » (c'est le cliché reçu). — Hé bien, nous Tat-
testons ici, — et pas un initié véritablement instruit ne
nous démentira, — Is Crocodile estime prodigieuse épo-
pée burlesque, où se trouve la révélation du Grand Ar-
cane, du Mysterium magnum de Jacob Bœhme.
Tous les personnages sont allégoriques : Madame Jof,
épouse du Joaillier des mondes,n'est autre que la Foi , la Sa-
gesse ou la Sophia céleste ; — Sédir, c'est 1' « homme de dé-
sir», qui cherche la Vérité sainte, sans abdiquer son rôle
d'hommed'action, par quoi il se rend utile à ses conci-
toyens;—le volontaire Ourdeck[Aoârd'^sch TΫ d'Wfc<,
la Lumière du Feu), représente le Médium naturel qui
devient adepte, et dont les facultés astrales s'affinent et
se subliment dans la Lumière de gloire ; — enfin Racket
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1
378 LA CLEF DE LA MAf.IE NOIRE
(Sfc<"Wfc<T Raesch-.El, le principe divin [de l'àme]),
Rachel, fille de l'adepte Éléazar (1), sera la fiancée pro-
mise à Ourdeckt etc..
Le Crocodile (ou Typhon), personnification égjptienne
de l'Astral inférieur, reptile igné où s'incarne Nahàsh, a
englouti les deux armées du Bien et du Mal. Expliquer
le sens caché de cette aventure rabelaisienne, serait une
tâche qui nous mènerait trop loin. Il suffira, pour l'intel-
ligence de l'épisode où nous voulons en venir, de noter
qu'Ourdeck, l'explorateur des mondes mystérieux, est du
nombre des nouveaux Jonas. Les merveilles dont il est
témoin dans le ventre du reptile, ont trait aux mystères
des diverses régions hyperphysiques du Macrocosme,
dans leurs rapports avec le Microcosme hominal.
Enfin, après plusieurs péripéties symboliquement fort
significatives, le volontaire Ourdeck débouche en un es-
pace souterrain, voûté de roche vive et clos de toutes
parts. Un jour incompréhensible y brille. Là se présente
à ses regards une cité antique, engloutie à la suite d'un
tremblement de terre, l'an 425 avant Jésus-Christ. Le
frontispice d'une porte de marbre révèle à Ourdeck le
nom de cette ville : ATALANTE.
Le fléau a tout respecté : les maisons et les palais sont
intacts, les rues entièrement libres et nettes de décom-
bres ; les citoyens, foudroyés comme ils vaquaient à leurs
affaires, sont debout, dans l'attitude où la mort les a sur-
pris... Ourdeck visite en détail cette curieuse nécropole,
(1) n est très vraisemblable que Saint-Martin ait youlu peindre son
maitre Martinës de Pasqiially, sous les traits du juif portugais Éléazar.
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FORCE DE LA VOLONTÉ 379
qu'on pourrait nommer la capitale du monde astral.
Les prodiges qu'il observe, nous ne pouvons les détailler
par le menu, mais nous engageons très fort les amateurs
de choses curieuses à méditer d'un bout à Tautre cette
fabuleuse narration, où le théosophe d'Amboise, plus que
nulle autre part, a décrit, sous une allégorie transparente,
les mystères d'une région qu'il connaît si bien : la région
hyperphysique,
La puissance configurative du fluide astral y est d'abord
caractérisée en traits de vigueur. Rien n'est plus facile au
jeune soldat que de prendre connaissance des mœurs de
ce peuple, de son esprit, du caractère enfin de chaque
habitant.
a Car la même loi de physique qui a fait que toutes les sub-
stances et tous les corps renfermés hermétiquement dans cette
ville, n*ont point souffert à Textérieur, a étendu son pouvoir
conservateur sur les paroles mêmes des citoyens d'Atalante, et
a fait que les traces en sont corporisées et sensibles, comme le
sont tous les autres objets renfermés dans cette malheureuse
enceinte (i). »
Ourdeck entre successivement chez le gouverneur de
la ville, puis chez un philosophe ; chez un médecin mou-
rant qui accuse un énigmatique personnage, u l'hiéro-
phante de la rue des Singes », de l'avoir envoûté; Our-
deck assiste encore à l'examen des mémoires couronnés
par une académie scientifique : suprême séance que le
cataclysme a interrompue. Il pénètre enfin dans un tem-
ple où prêche le redoutable Hiérophante, grand-maître
d'un cercle de magiciens pervers; guidé par l'influx ma-
{{) Le Crocodile, page 263.
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380 LA CLEF DE LA MAGIE NOIRE
gnétique de ce mage ténébreux, noire volontaire s'aven-
ture jusqu'au laboratoire occulte du malfaiteur, et détaille
les merveilles dont il a été témoin.
Allégorie tellement révélatrice, —soit au point de vue
des courants astraux gouvernés par le Vouloir humain,
soit à l'égard des sortilèges collectifs et des lois terribles
présidant au choc en retour comme à la ruine mutuelle
des éléments mauvais, — qu'on nous saura gré de repro-
duire les pages essentielles de cette histoire.
Voici le péristyle d'un temple, dédié à la Vérité ; fran-
chissons-en le seuil, en compagnie d'Ourdeck, auquel il
est temps de laisser la parole.
• J'entre (dit-il), je trouve un grand concours dépeuple as-
semblé et paroissant écouler un homme qui étoit assis dans
une chaire et qui leur parloit. Je pus, à mon aise, lire toutes
les paroles de son discours, parce que, comme il parloit seul,
elles s*étoient conservées d'une manière très distincte ; et je
puis dire que ce discours renfermoit tout ce que la plus sage
philosophie du Portique et du Pyrée a jamais enseigné déplus
pur et de plus imposant, quant à la sévérité des principes et à
la sainteté de la doctrine.
« Mais, chose étonnante ! indépendamment de ces paroles
visibles, et qui étoient sorties de la bouche de Torateur, j'en
appercevoisdans son intérieur qui étoient un peu moins mar-
(|uées, mais qui Tétoient assez pour que je pusse les lire et
les discerner; c*étoit comme des germes de paroles, dont les
uns étoient presque entièrement développés, d'autresà moitié,
d'autres au tiers (1). Ce qui me confondit et me remplit d*in-
dignation, ce fut de voir que ces paroles que j*appercevois dans
rinlérieur du cor])s de l'orateur, avoient un sens absolument
opposé à celles qui étoient sorties de sa bouche; autant celles-
(1) Cf. la description de V arbre aux dix mille images, pages 370-
37i.
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FORCE DE LA VOLONTÉ 381
ci étoient sensées, sages et édîRantes, autant les autres étoîent
impîesy extravagantes et blasphématoires, de façon que je ne
pus douter alors que cet orateur en avoit imposé audacieuse-
ment à son auditoire, et qu*il ne croyoit pas un mot de ce qu'il
lui avoit débité
• Comme cet orateur traitoitde matières saintes et divines,
et qu'il les traitoit publiquement, il falloit qu*il fit tous ses
efforts, non seulement pour ne pas scandaliser son monde,
mais encore pour Tédifier; d'un autre côté, ces efforts eux-
mêmes contrariant ses sentiments intérieurs, il redoubloit
aussi d*efforts en dedans, pour faire le contre-poids de ce qu'il
étoit obligé de débiter tout haut ; et ce sont ces efforts secrets,
quiy donnant à ses pensées sacrilèges un plus grand degré de
fermentation, donnoient en même temps aux paroles internes
qui en naissoient, une forme plus déterminée et un caractère
plus marqué...
• A force de l'examiner avec attention, je remarquai
encore qu'il sortoit de son cœur comme un courant de ces
mêmes paroles impies et sacrilèges.
n Ce courant étoit d'une couleur sombre et bronsée : il étoit
double, c'est-à dire qu'il y en avoit un rentrant et l'autre sor-
tant ; et le cœur de l'orateur étoit à la fois comme le foyer et le
terme de ce double courant : ces effluves se succédoient avec ra-
pidité, et s'étendoient dans le temple et même au delà, car elles
passoient outre par la grande ported'entrée ; mais comme je les
voyois aussi rentrer par cette même porte, je présumai qu'il
devoit y avoir un second foyer à l'autre extrémité de ce cou-
rant, et je résolus de le chercher à l'instant, en suivant Ips
traces très sensibles de cet extraordinaire phénomène.
« Je parcours donc, non sans souffrir, cette longue chaîne
de paroles impies sortant du cœur de l'orateur; je détourne
mes yeux de tout autre objet, tant j'avois envie de satisfaire
ma curiosité En sortant de la grande porte du temple, je
vis ce courant infect tourner à gauche dans une grande rue,
au bout de laquelle se trouvoit une place elliptique assez vaste ;
il la traversoit par le milieu, et delà entroit dans une petite
ruesombre, mal-propre, mal alignée et d'une longueur à m'en-
nuyer; au bout de cette rue, il en enfiloit une autre, qui me
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382 LA CLEF DE LA MAGIE NOIRE
parut encore plus désagréable, plus sale et plus tortueuse.
a Mais ces dégoûts furent tempérés, en partie, par la joie et
l'espoir de trouver ce que je désîrois avec tant d'ardeur ; car
enQn, en regardant l'inscription de cette vilaine rue, je vis
qu'elle s'appeloit la rue des Singes ; et je n'eus pas atteint la
vingtième maison de cette rue, que ce double courant de paro-
les qui m'y avoit conduit, entra dans une porte au*dessus de
laquelle je vis écrit : l'hiérophante.
«Jugez de ma satisfaction. Je ne doutai point que cet hié-
rophante ne fût ce même personnage dont les paroles du mé-
decin mourant m'avoient donné quelques indices, et qu'ainsi
il ne fût le même que je venois devoir préchantdans le temple.
«J'entre précipitamment dans cette porte: je traverse, tou-
jours à la lumière sombre du double courant, une petite allée
obscure, au fond de laquelle se trouvoit un escalier, dont une
partie montoit à des appartemens supérieurs ; mais dont Tau-
tre, recouverte seulement par une trappe, descendoit dans
une cave; le courant se dirigeoit sur cette trappe, je la lève
et je le suis jusque dans la cave, où j'arrive après avoir des-
cendu cinquante marches.
€ Là, je trouve un grand emplacement de forme pentago-
nale. Quatorze personnes étoient rangées tout autour sur des siè-
ges de fer, ayant chacune au-dessus de leur tête un nom écrit,
qui indiquoit leur fonction et leur emploi dans cette assemblée;
au fond de cette cave et sur une estrade élevée de deux gra-
dins, étoit un autre siège de fer plus ample que les autres et
mieux travaillé, mais vuide ; et au-dessus de ce siège étoit
écrit en grande lettre : Vhiérophante. J'eus alors une pleine
conviction que j'avois trouvé ce qui étoit l'objet de mes recher-
ches.
«Indépendamment de ce courant de paroles qui m'avoît
conduit jusqu'à cette cave et qui avoit précisément le fauteuil
de l'hiérophante pour second centre, il y avoit de semblables
couransqui alloient depuis ce fauteuil derhiérophantejusqu'à
la bouche de chacun des quatorze assistans,et qui retoumoienl
de leur bouche à ce fauteuil ; de façon que je jugeai que cet
h'érophanle éloit comme l'âme de leurs paroles, et qu'ils n'en
étoient que les organes et les inslrumens.
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FORCE DE LA VOLONTÉ 383
« Au milieu de la place étoit une grande table de fer, ayant
la forme pentagonale comme la cave, et sur cette table une
espèce de lanterne de papier, transparente, également penta-
gonale» et dont les côtés répondoicnt aux côtés delà table et à
ceux de la cave ; au centre de cette lanterne, il y avoit une
pierre brune, mais luisante, et qui laissoit voir à chaque as-
sistant, des mots et des phrases tout entières, écrites sur les
faces du papier qui lui étoient correspondantes; et ces phrases
répondoient aux paroles que j'avois lues dans l'intérieur de
r hiérophante.
c Devant son fauteuil, il y avoit une autre table oblongue,
aussi de fer, et sur cette table, deux singes de fer qui avoient
chacun à chaque patte et au col, une chaîne de fer rivée sur
cette table; ce qui faisoit dix chaînes. Devant ces deux singes
de fer^ il y avoit un gros livre dont les feuillets étoient aussi de
fer, et que je pouvois remuer et lire à mon gré.
c J'y lus clairement les traités des dilTérens émissaires des
docteurs occultes, avec plusieurs conquérans de la terre, et les
horribles conditions sous lesquelles ils leur livroient les nations
de ce monde
o J'y lus que ces entreprises avoient pour but défaire anéantir
Tordre de toutes choses^ et d'établir à sa place un ordre fictif
qui ne fût qu'une fausse figure de la vérité. On devoit renver-
ser tous les calculs connus depuis, sous le nom de calculs de
Pythagore, et tellement les confondre, que l'esprit le plus
simple et le mieux conservé no pût jamais en retrouver les
traces*
« On devoit ramener par cette même loi tous les règnes de
lii nature et del'esprityàun seul règne ; toutes les substances,
soit élémentaires, soit spirituelles, aune seule substance;
toutes les actions visibles ou occultes des êtres à une seule
action ; toutes les qualités, bonnes ou mauvaises, vivantes ou
mortes, à une seule qualité ; et ce seul règne, cette seule sub-
stance, cette seule action, cette seule propriété devoit résider
dans cechefde l'assemblée, ou danscet hiérophante, quialloit
bientôt lancer hautement dans le monde cette doctrine, et exi-
ger pour récompense, dès son vivant, les honneurs de l'apo-
théose et sa divinisation, à l'exclusion de tout autre Dieu... >
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384 LA CLEF DE LA MAGIE NOIRE
Ourdeck, frémissant d'indignation, lit dans ce Gri-
moire l'annonce de tous les malheurs qui devaient fondre
sur l'Europe; il apprend qu'un mage de lumière, désigné
comme l'implacable adversaire du théurgiste mauvais,
doit seul découdre au vif de ses horribles trames et fo-
menter la ruine d'aussi exécrables projets.
Alors Ourdeck se sent naître au cœur le violent désir
que le nom de cet auguste personnage lui soit révélé.
c Ce désir (poursuit-il) s'empara tellement de moi, qu'il fut
comme un feu brûlant dans mon sein ; mais bientôt ce feu ne
pouvant plus se contenir en moi, il en sortit une lumière d'une
blancheur ravissante (i ), au milieu de laquelle je vis clairement
le nom à'Éléazar, et cela par trois fois consécutives...
n Sachez donc qu'à Tinstant où ce nom d*Éléazar fut ainsi
manifesté dans cette enceinte souterraine, les quatorze hom-
mes qui éloient assis sur des sièges de fer reprirent la vie, en
faisant des grimaces et des contorsions épouvantables ; sachez
que les courants particuliers qui les lioienl au fauteuil de
rhiérophante, se détachèrent de ce fauteuil, et rentrèrent dans
ces quatorze hommes, ce qui sembla rendre leur état plus vio-
lent : sachez que les deux singes de fer qui étoient enchaînés
sur la petite table, furent détachés àTinstant; qu'ils devinrent
vivans et engendrèrent aussitôt chacun six autres singes vi-
vans comme eux; que ces quatorze singes se jetlèrent comme
des éperviers, chacun sur un des quatorze hommes, et les dé-
vorèrent tous.
€ Sachez que Thiérophante môme, par une violente attrac-
tion, fut amené en un clin d*œil, depuis le temple jusque sur
son fauteuil, où il me parut à lui seul plus tourmentéque les
quatorze autres; sachez que les quatorze singes se précipilè-
(1) Cf. Bœhme, les trois Principes de V Essence divine, tome I.
chapitres i et ii, et particulièrement pages 14-15 (la Lumière engendrée
du feu).
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FORGE Dfi LA VOLONTÉ 388
rent aussitôt sur lui, et le dévorèrent, après lui avoir arraché
les yeux; sachez que les quatorze singes, après avoir mangé
tout le monde, Qnirent par se manger les uns les autres, sans
qu'il en restât vestige devant mes yeux...
• Sachez enfin, qu'il se fit un tremblement de terre si vio*
lent, que tout sembla prêta s'écrouler sur moi. Maisau milieu
de ces scènes si efTrayantes, une main invisible s'est emparée
de moi...; et elle m'a transporté, je ne sais par où ni parquet
moyen, jusqu'à cet égout de larue Montmartre, où vous savez
que j'ai pris terre (1). i»
Nous osons croire notre Public trop avancé sur la voie,
pour méconnaître rimportance de l'allégorie que nous
avons tenu à mettre sous ses yeux.
Cet épisode est la description symbolique d'un cercle
de magiciens noirs, saisi et crayonné sur le vif de leurs
opérations scélérates. La pile génératrice d'influences
mauvaises est amorcée, la chaîne magnétique tendue : le
Crime fonctionne.
Examinons les principaux détails de la scène.
La machine infernale est disposée dans une cave... De
temps immémorial, partout où l'homme a maudit l'homme
et secoué sur la tête de son frère les foudres de Vulcain,
TExécrateur a choisi pour ses opérations une retraite
souterraine, comme la forge du dieu de Lemnos. Depuis
la crypte de la théurgie sanglante, au plus lointain des
cycles préhistoriques, jusqu'aux cavernes de l'infernale
Hécate et la cave cintrée des envoûteurs au moyen âge,
ce fut toujours en sous-sol que les œuvres de colère, les
(1) Le Crocodile, pages 359-369, ;wm«w.
2j
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386 LA CLEF DE LA MAGIE NOIRE
pratiques de Shatan, de Seth (1), de Saturne ont été ac-
compiles. Le rituel magique le veut ainsi : un double
motif, d'analogie d'abord, d'empirisme occulte ensuite,
justifieraient sans nul doute cette prescription universel-
lement reçue.
On descend en cette cave par une trappe qui s'ouvre
sur cinquante marches d'ombrcy antithèse figurative des
cinquante Portes de Lumière, ou de Tlntelligence.
L'emplacement de forme pentagonale équivaut à l'Étoile
flamboyante renversée, emblème de la volonté crimi-
nelle. On sait que le Pentagramme, où s'inscrit la figure
du microcosme humain (Vouloir, Intellect, Amour, Puis-
sance et Beauté) constitue un hiéroglyphe convertible :
dans sa position normale, une seule pointe en haut, il est
le bouclier du mage de lumière, et traduit les vertus
bienfaisantes et les glorieuses prérogatives de l'Intelli-
gence, volontairement ralliée au plan providentiel; les
cinq lettres du nom de l'homme-dieu mtt^n^ scintillent
aux rayons de TÉtoile. — Mais orienté en sens inverse,
l'Astre pentagrammatique n'est plus qu'un symbole d'ini-
quité, de perdition, de blasphème : ses deux pointes en
l'air deviennent les cornes du Bouc immonde menaçant
le Ciel, et dont la tête s'encadre au pentacle stellairo,
avec ses oreilles basses dans les branches latérales, et
sa barbe en désordre dans Tunique pointe inférieure.
Notons du reste que le système particulier du théosophe
d'Amboisc assigne au nombre cinq des attributs néfastes
et funèbres : au Livre universel de Tllomme, qui a dix
(1) Typhoji'Seth (Egypte).
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388 LA CLEF DE LA MAGIE NOIRE
feuillets, le cinquième est celui « de l'idolâtrie et de la
putréfaction (1). »
La forme pentagonale de la table de fer et de la lan-
terne de papier comporte le même sens secret. En ma-
gie cérémoniale, blanche ou noire, les opérateurs s'en-
ferment en un cercle, symbole des volontés amies :
communion des saints ou synagogue des pervers. — Ici
le pentagone mauvais supplée au cercle des évocations.
Les trois figures concentriques forment une citadelle
occulte, à triple rempart, autour de X^pierre noire qui, du
centre de la lanterne, darde une lumière pâle. C'est Êla-
gabale (2), la pierre philosophale d'iniquité, emblème
héliaque d'idolâtrie. Elles viennent du soleil, mais réfrac-
tées et froidies par la Lune infernale, ces fausses lueurs
qui, s'effluant de celte pierre, font reluire les hiérogram-
mes d'imposture tracés sur les faces de la lanterne. Le
caillou noir est phosphorescent d'une lumière morte, et le
papier mi-opaque la rend plus incertaine encore : c'est
Aôb ni^, le fluide négatif où glissent les Larves, où na-
gent les écorces de la Nécromancie.
Quatorze auxiliaires de l'hiérophante sont assis en cer-
cle sur des sièges de fer, autour d'une table de fer. Joi-
gnez le maître aux disciples, et le total donnera le nom-
bre de la Perversité collective et des courants fatals de
rinstinct : quinzième clef du Tarot — le Diable. Quant à
la table, aux sièges et autres objets, tous de fer, ils mar-
(1) Des Erreurs et de la Vérité, ou les hommes rappelés au principe
universel de la Science, Edimbourg (Lyon), 1775, in-8o (page 256).
(2) V. Éliphas, Dogme de la /faute Magie, page 336.
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FORGE DE LA VOLONTÉ 389
quent le caractère de rassemblée que gouverne Mars (/ ;
or cette planète, maléficiée par le voisinage de Saturne :5 ,
dont nous rele vions tantôt la signature, annonce perver-
sité froidement implacable, orgueil sauvage et chagrin,
et, grâce à Dieu, ruine, écroulement final.
Uestrade élevée de deux gradinsy où se dresse le fau-
teuil de l'hiérophante, n'est-il point l'emblème du Binaire
impur, principe de tout antagonisme, de toute division,
de tout pouvoir schismatique et arbitraire? La table oblon-
gue, avec ses deux singes de fer enchainés, confirme cet
emblème, en le précisant. Rien ne peut offrir de la sor-
cellerie une plus parfaite image que ces deux singes,
occupant les deux foyers de l'ellipse mensale, en face du
fauteuil de l'hiérophante.
Satan, singe de Dieu, apparaît binaire, incapable qu'il
est d'une entente, même avec les siens, d'un accord, fût-
ce avec lui-même ! Sa magie de ténèbres ne présente
rien d'original : imitation servile de la Religion-sagesse
défigurée, ses rites sont ceux d'une théurgie à rebours.
L'hiérophante aussi est un singe : pontife de l'ombre, il
se déguise en prêtre de lumière; et sectaire du mensonge,
il va faire son édifiante grimace au temple de la Vérité.
Hypocrisie simiesque!... La table elliptique figure le cer-
cle mauvais qu'il a fondé. Les deux singes, aux deux
foyers de l'ellipse, peignent la volonté du misérable,
rectrîce de la chaîne sympathique tendue par ses mains ;
sa volonté double et ambiguë, qui se stérilise presque
toujours en s'opposant sans cesse à elle-même, comme
c'est la sentence rendue contre tout principe d'Erreur et
d'Iniquité. On doit comprendre à présent ce qu'entend
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390 LA CLEF DE LA MAGIE NOIRE
Saint-Martin, par « l'hiérophante de laru^ des Shiges... »
Le secret de la chaîne magique se résume en un apho-
risme dont voici les termes : créer un point fixe où pren-
dre appui; y établir sa batterie psycho-dynamique; et,
de ce point élu pour centre, faire rayonner à travers le
monde la lumière astrale, évertuée par un vouloir net-
tement défini et formulé.
C'est là une application de la célèbre devise androgj-
nique d'Henry Khunrath : Coagula, Solve. — <^ Coagule »y
c'est-à-dire, concentre le fluide à haute tension autour d'un
centre équilibrant; — « dissous », c'est-à-dire, répands
au loin le fluide dynamisé et soumis à ton vouloir: darde-
le vers l'objet sur quoi tu veux agir. Le fameux arcane
de la Magnésie universelle docile aux adeptes n'est pas
autre chose. La Magnésie est la traduction extérieure,
rendue patente par ses eflets, du Magnes intérieur et ca-
ché dans son essence.
La lumière astrale spécialisée aux mains de l'adepte
devient le véhicule de sa volonté ; — disons mieux :
de son verbe (1). Voilà le sens du double courant de pa-
roles qui se propage en ondulations magnétiques, de
l'hiérophante en chaire aux affîdés de son cercle occulte;
puis, centuplé d'énergie, fait retour à son point de dé-
part.
Les principes émis au précédent chapitre, à propos de
rOracle mensal, pourraient trouver ici leur place; mais
(1) Nous verrons tout à l'heure, à propos du Signe et de son impor-
tance en magie, comment définir le Verbe humain, qui est la Volonté
formulée et traduite par le signe.
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FORCE DE LA VOLONTÉ 391
il suffira d'y renvoyer. A coup sûr, notre Lecteur en a
déjà fait l'adaptation (car elle s'impose); et décerné la men-
tion négative au groupe des quatorze auxiliaires, occu-
pant le pourtour de la table pentagonale; tandis qu'il ré-
serve pour l'hiérophante la qualité d'élément /^osife/, dont
le rôle est d'unifier les âmes passives de son cercle, sous
la prédominance d'un vouloir impérieux et dominateur.
Disons tout de suite que l'établissement de la chaîne
secrète est rarement aussi méthodique, aussi voulu, aussi
savamment combiné. Il arrive que ses éléments constitu-
tifs, spontanément fournis, — nous dirions par le ha-
sard, s'il existait pour les initiés, — se trouvent ou mal
proportionnés entre eux, ou compromis par un mélange
d'éléments hétérogènes. L'appareil fonctionne alors tant
bien que mal; mais il n'atteint qu'un minimum de rende-
ment. C'est la répétition de ce qu'on a pu lire, section X,
au sujet des tables parlantes et de la génération des êtres
collectifs...
Rien n'est plus certain que la plupart des grandes
choses qui se font ici-bas, s'accomplissent par les spé-
cialités de chaînes magiques, — tendues consciemment
ou non, avec la Providence ou sans elle, à travers les
enchevêtrements de circonstances plus ou moins favo-
rables.
Ils sont rares, les grands Initiés (1) qui, — tels Chri-
(1) Voyez le beau livre de M. Edouard Schuré : les Grands Initiés»
Esquisse de l'histoire secrète des Religions (Paris, Perrin, 1889, in-8®).
— A vrai dire, nos idées diffèrent de celles de M. Schuré sur certains
points ; mais nous n'hésitons pas à signaler son ouvrage comme un
des travaux les plus forts et les plus complets qui proposent une solu-
tion sur ces hauts problèmes.
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392 LA CLEF DE LA MAGIE NOIRE
shna, Moïse, Apollonius (1), et d'autres qu'il ne semble
point convenable de nommer, — ont établi délibérément,
et d'accord avec les plans de la divine Sagesse, des
chaînes magiques idoines à renouveler la face de la terre.
Ils se comptent aussi, les puissants magiciens de lu-
mière ou d'ombre, qui, — tel Jacques Molay, tel Ignace
de Loyola, — ont sciemment créé, dans un esprit ou
moins sublime ou moins pur, des chaînes d'une étendue
également immense.
Mais les auteurs ne se comptent pas, de chaînes sym-
pathiques i7uti7ictive7nenl tendues ; et ce sont eux dont
l'œuvre, garantie et perpétuée grâce au concours des
grands Collectifs qu'ils évoquèrent ou même engendrè-
rent sans le savoir, nous étonne après tant de siècles par
leur sève prodigieusement vivace encore. Exemples,
beaucoup d'ordres religieux, certaines corporations ci-
viles, les Fénians, etc.
Alors, objectera-t-on, les « profanes » font souvent de
la magie, comme M. Jourdain de la prose, — sans le
savoir? Mais assurément, cher Lecteur. Êtes- vous encore
au point de vous en étonner?
Voyez les grands hommes, — et les hommes extraor-
dinaires, — qui ont fanatisé leur époque : d'une part
Napoléon, de l'autre Cagliostro. Si vous compulsez leur
histoire au flambeau de l'Ésotérisme, vous vous convain-
(1) La mission d'Apollonius peut paraître moins féconde au premier
examen : c'est qu'elle fut tout ésotérique. Les résultats, — immenses
en vérité, — se localisent dans la sphère d'action des sociétés secrètes,
où les mystères do Pythagore et des fraternités platoniciennes se sont
perpétués, pour le salut du monde à venir.
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FORCE DE LA VOLONTÉ 393
crez que, tous prodiges à part (prodiges de génie chez
Tuu, de ... fakirisme chez l'autre) la souveraineté leur
fut acquise sur l'opinion par la nnise en œuvre, ou sa-
vante ou instinctive, de la chaîne sympathique tendue
sur leur entourage immédiat (1). Seulement, après eux,
la fascination qu'ils exerçaient ne s'est point perpétuée
avec le même empire, parce qu'elle reposait moins sur
le principe que sur l'homme.
Celte digression close, il sied d'en finir avec l'épisode
d'Atalante et son commentaire.
Le double courant de blasphèmes comporte d'autres
interprétations que nous avons tues... Abstenons-nous
de trop souligner, afin de laisser quelque chose à faire à
la sagacité du Lecteur.
Pourquoi l'effluve magnétique tourne-t-il à gauche, en
sortant du temple? La réponse est trop facile vraiment.
11 n'en est pas de même de celle qui pourrait justifier la
forme elliptique d'une place qu'il traverse par le milieu :
l'énigme vaut la peine d'être levée, et nos préalables ex-
plications peuvent contribuer à l'éelaircir...
Désignerons-nous par son vrai nom le Livre aux feuil-
lets d'acier, où l'explorateur d'Atalante épèle avec des
frissons le sortilège qui trahit l'Avenir ? Les initiés ont
déjà reconnu le a Livre de sang, toujours ouvert » de
l'éternel Illuminisme noir ! Ce cercle infâme de « frères
inversifs » ou mages d'abomination, tend, comme tou-
(i) « Napoléon, (dit très remarquablement Fabre d'Olivet), homme
fatidique^ dominé par l'opinion qu'il se créait de lui-môme et qu'il sa-
vait imposer aux autres... • {Histoire philosophique, tome II, page 334).
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394 LA CLEF DE LA MAGIE NOIRE
jours, à deux buts capitaux qu'ils se flattent d'atteindre,
par fas et nefas (c'est leur devise), et grâce à leur chaîne
d'influx : un résultat dogmatique, l'assassinat de la Vérité;
— un résultat social, regorgement de la Justice.
Politiquement, ces hommes n'hésitent jamais, en retour
de quelques garanties, à .vendre les nations au Despotisme,
comme Judas vendit son Maître, — pour trente deniers.
De longue date, ils connaissent Nemrod, leur vieux com-
plice, un pantin formidable et sanglant dont ils savent
jouer ; car, dans l'instant qu'ils baisent la poudre de ses
sandales, ils tiennent et pratiquent à leur gré les ficelles
qui le font mouvoir. Tel est le pacte d'iniquité entre la
Tyrannie adoratrice du Diable et les sacerdoces prodi-
teurs de l'Homme-Dieu.
Dogmatiquement, c'est l'Idolâtrie et la Corruption que
les mages noirs veulent installer au sanctuaire, en place
du pur spiritualisme de Diaus-pitar, de Zcv;jrarJip, du
Dieu suprême. Par exemple, aux Indes, c'est la doctrine
désolante de l'inconscience originelle et du faux Nirvana
qu'ils substitueront à celle du pur Védisme ésotérique.
Au cas particulier, leur chef est un faux Épicure assoifl'é
d'apothéose, — une contradiction vivante, — qui s'im-
patronisera aux lieu et place de Pythagore aboli.
Une chose pourtant inquiète l'hiérophante. Il est écrit
au Livre de fer qu'un sage fera tout échouer : c'est un
adepte de la haute et divine magie, issu de la postérité
du théosophe de Samos. Il est mandataire d'un auguste
collège d'Enfants du Ciel, d'où il tient ses pouvoirs et ses
droits mystiques. Sous le nom de Société des Indépen-
dantSy Saint-Martin décrit en effet le sublime Aréopage
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FORCE DE LA VOLONTÉ 395
des élus réintégrés à l'Unité céleste (l). Éléazar, qui
n'en fait pas encore partie, doit y recevoir la palme d'é-
(1) Cf. les vues d'Eckartshausen, très correctes et fort analogues.
Voici quelques fragments détachés du dernier livre qu'il publia :
« La religion se divise en une religion extérieure et intérieure... Les
écoles de sagesse se divisent aussi en des écoles extérieures et inté-
rieures. Les écoles extérieures possèdent la lettre des hiéroglyphes, et
les écoles intérieures l'esprit et le sens.
m La religion extérieure est liée avec la religion intérieure par les
cérémonies. L'école extérieure des mystères se lie parles hiéroglyphes
avec rintérieure...
* Fils de la Vérité, il n'y a qu'un ordre, qu'une confrérie, qu'une
associaUon d'hommes pensants de même, qui a pour but d'acquérir la
lumière. De ce centre, le malentendu a fait sortir des ordres innom-
brables... Le multiciple est dans le cérémonial de l'extérieur, la vérité
n'est que dans l'intérieur. La cause delà multiplicité des confréries est
dans la multiplicité de l'explication des hiéroglyphes, d'après le temps,
les besoins, et les circonstances. La vraie communauté de lumière ne
peut être qu'une...
< Toutes les erreurs, toutes les divisions, tous les malentendus, tout
ce qui, dans les religions et les associations secrètes, donne lieu à tant
d'égarements, ne regarde que la lettre ; l'esprit reste toujours intact et
saint ; tout ne se rapporte qu'au rideau extérieur sur lequel les hiéro-
glyphes, les cérémonies et les rites sont écrits ; rien ne touche à l'in-
térieur...
« Notre volonté, notre but, notre charge est de vivifler partout la
lettre morte et de donner partout aux hiéroglyphes l'esprit, et aux
signes sans vie la vérité vivante ; de rendre partout l'inactif actif, le
mort vivant ; nous ne pouvons pas tout cela de nous-mômes, mais par
l'esprit de lumière de celui qui est la Sagesse, l'Amour et la Lumière
du monde, qui veut devenir aussi votre esprit et votre lumière.
« Jusqu'à présent, le sanctuaire le plus intérieur a été séparé du
temple, et le temple assiégé de ceux qui étaient dans les parvis ; le
temps vient où le sanctuaire le plus intérieur doit se réunir avec le
temple, pour que ceux qui sont dans le temple puissent agir sur ceux
qui sont dans les parvis, jusqu'à ce que les parvis soient jetés dehors.
« Dans notre sanctuaire, qui est le plus intérieur, tous les mystères
de l'esprit et de la vérité sont conservés purement ; il n'a jamais pu
être profané des profanes, ni taché par les impurs. Ce sanctuaire est
invisible, comme Test une force que l'on ne connaît que dans l'ac-
tion...
« Dans notre école, tout peut être enseigné, car notre maître est la
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39(i LA GI.EP DE LA MAGIE NOIRE
lection ; Sédir et Ourdeck lui-même y seront admis un
jour. - Voilà donc, bien nettement posée, la vivante
Providence de notre planète : la fraternité lumineuse,
en face de la fraternité de ténèbres et d'iniquité; voilà
les enfants du Soleil, en face des missionnaires du Satel-
lite obscur (l).
Une notion vive illumine Ourdeck; un violent désir
Tembrase, de connaître celui par qui crouleront les con-
seils des mauvais. Ourdeck, médium d'influences, objec-
tive son désir : le nom d'Éléazar est manifesté... Aussitôt
l'équilibre instable du mal est rompu. La foudre occulte
ayant manqué son but, la loi de choc en retour intervient :
les misérables affiliés doivent ravaler leur haine et leurs
imprécations ; l'influx blasphématoire est un poison qui
rentre en eux, et les torture avant de les tuer.
Cependant, le Mal se multiplie dans l'enceinte du Mal
même ; les volitions perverses pullulent en désordre : les
deux singes détachés reprennent vie; ils accouchent cha-
cun de six autres singes vivants comme eux, et ces
quatorze animaux dévorent les quatorze sorciers, ce qui
revient à dire que chaque auxiliaire du Mal périt, victime
de sa volonté mauvaise.
Lumière môme et son esprit... Nos sciences sont l'héritage promis aux
élus ou à ceux qui sont capables de recevoir la lumière, et la pratique
de nos sciences est la plénitude de la divine alliance avec les enfants
des liommes... Maintenant, nous avons rempli notre charge et nous
vous avons annoncé l'approche du grand midi, et la réunion du sanc>
tuaire le plus intérieur avec le temple... > {La Nuée sur le Sanctuaire,
ou quelque chose dont la philosophie orgueilleuse de noire siècle ne se
doute pas, — Paris, 1819, pet. in-8, pages 67 à 84, passim.
({) Cf. la Lumière d'Egypte, pages 112 et suivantes.
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FORCE DE LA VOLONTÉ 397
Une trombe répercussive, s'abattant surrHiérophante^
s'en empare et Je rejette irrésistiblement au centre de sa
chaîne infâme : ie voilà qui apparaît sur son fauteuil,
plus tourmenté que ses quatorze disciples. Il a dû ravaler,
en effet, non seulement son propre poison volitif, mais
le boucon des quatorze volontés discipulaires, dont il est
responsable, en sa qualité de maître inspirateur : tous
les singes Tattaquent à la fois. Peut-être eùt-il pu sau-
ver sa vie par un nouveau crime, en dirigeant le reflux
mortel sur une victime substituée pour mourir à sa place;
mais il perd la tête, assailli qu'il est par tant de forces
adverses, et sa lucidité habituelle lui fait défaut : parti-
cularité que symbolise pour nous ce fait, des singes qui
lui crèvent les yeux à titre de prélude... Dès lors, c'en
est fait ; il reçoit le prix de ses maléfices et meurt dé-
voré...
Enfin, ô miracle ! la multiplication des singes n'a pro-
cédé que de peu d'instants leur anéantissement total ;
car, ne voyant plus d'êtres humains à dépecer, leur rage
se tourne contre eux-mêmes et ils se dévorent les uns les
autres. Et voici qu'il n'en reste plus vestige. Ainsi en est-
il des volontés perverses : le jour où le Mal se multiplie
et pullule, marque souvent la veille de son suicide ou de
sa mutuelle destruction.
Telle est l'interprétation ésotérique de cette page sur-
prenante, qui nous témoigne que le marquis de Saint-
Martin, si détaché des rites théurgiques de sa première
école, et se confinant avec Bœhme sur les vierges cimes
de la Théosophie transcendante, répugnait au monde
astral, non par incompétence, mais par antipathie ; et
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398 LA CLEF DE LA MAGIE NOIRE
qu'il aurait été, s'il l'eût bien voulu, un très grand adepte
de la magie pratique et cérémoniale.
Un peu négligée par Saint-Martin, cette branche n'en
brille pas moins entre les plus enviées, sur l'arbre lumi-
neux des hautes sciences. Le premier initiateur du
« Philosophe inconnu », Martinès de Pasqually en faisait
l'objet capital de son enseignement, comme notre ami le
Docteur Papus Ta fait ressortir dans une admirable
étude (1). Nul doute qu'en idéalisant son vieux raaitre
sous les traits d'Éléazar, l'auteur du Crocodile n'Bil tenu
à lui solder une dette de gratitude, en même temps qu'if
(1) L7lluminisme en France (1767-1774). Martinès de Pasçtta/iy.
etc., d'après des documents entièrement inédits. — Paris, Chainuel.
1895, in 12, fig.
Ce livre, où le Président actuel du suprême Conseil martiniste a
mis en œuvre, avec une critique sagace, plusieurs liasses d'importantes
notices et de lettres autographes, provenant en ligne directe de Martinès
et de son disciple Wuillermoz, ^> ce livre accomplit une révolution
dans l'histoire du mysticisme. H infirme une bonne part des notions
que Ton croyait positives, sur la doctrine du théosophe, et redresse
un certain nombre d'inexactitudes généralement accréditées, touchant
sa personne.
Ainsi, don Martinès, qu'on estimait juif et d'origine portugaise, est
bel et bien catholique et espagnol : comme en font foi son nom même,
«l'un côté; et de l'autre, l'acte de baptême de son fils.
Ce nom, généralement orthographié de la sorte: Dom Martinès-
Pascalis, et que, sur la foi de ses disciples immédiats (Saint-Martin et
l'abbé Fournie), nous avions personnellement coutume d'écrire Marti-
nets de Pasquallys, s'écarte, en réalité, de ces deux transcriptions.
Don (et non pas Dom) Martinès de Pasqually de la Tour, — telle
serait la véritable orthographe, d'après la signature même du théurgc.
Notons d'ailleurs qu'à l'époque où il vécut, l'orthographe des noms
propres n'était pas fixée : on voyait très souvent deux frères signer
difTéremment le nom de leur famille.
F.-Gh. Barlet, en sa judicieuse critique, publiée par Ylnitiation (oc-
tobre 189ii), sous ce titre : Martinès de Pasqually et les miroirs magi-
qnesj discute lo fort et le faible de la Ihéurgie martinésiste.
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FORCE DE LA VOLONTÉ 399
lui rendait Thommage spontané de son admiration
filiale.
L'épisode symbolique d'Atalanle, dont nous avons
transcrit et commenté quelques pages décisives, sera le
meilleur trait d'union entre ce qui précède et ce qui va
suivre, touchant la force de la Volonté, dans Thorame et
dans Tunivers.
Comment la volonté collective, r-dont l'individu n'est
point conscient, puisqu'elle appartient à l'espèce, —
exerce son empire sur la matière, l'informe et l'élabore,
(grâce à l'action médiatrice de la faculté plastique indivi-
duelle, façonnant un corps astral approprié aux milieux
que l'âme traverse), — nous l'avons dit.
Comment, ici-bas môme, la volonté individuelle de
rhomnie peut récupérer, sciemment ou non, son privi-
lège édénal, et devenir créatrice, sur les plans hyper-
physique et par suite matériel : voilà le problème dont, à
maintes reprises, nous avons fait pressentir la solution,
et qu'il nous reste maintenant à bien fixer en ses
termes.
C'est dans l'exercice de ce pouvoir créateur que réside,
à proprement parler, la MAGIE.
La Magie se pratique : ou directement, par l'action du
corps éthéré sur les fluides impondérables, (soit que l'a-
depte fasse naître des courants dans la masse de l'Astral,
soit qu'il en utilise les marées existantes), — ou bien in-
directement, par l'empire que la Volonté peut étendre
sur certains êtres de l'Invisible.
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400 LA CLEF DR LA MAGIE NOIRE
L'un et l'autre ordre d*opérations supposent des pou-
voirs qui ne s'acquièrent (disons mieux : ne se dévelop-
pent) que par une méthode graduelle d'entrainement,
dont tous les hommes ne sont pas susceptibles.
Cette règle générale, comme toutes les règles, com-
porte des exceptions. Quelques individus naissent m/i-
giciensy c'est-à-dire médiateurs actifs, ou médiums,
c'est-à-dire magiciens passifs.
Nous avons déjà traité de Ceux:-ci, en notre premier
tome, — • le Temple de Satan (1) — ; nous y reviendrons
encore au chapitre V de la présente septaine, relatif à
VEsclavage magique. Là trouveront leur place quelques
remarquas tangentes aux questions controversées du ma-
gnétisme et du spiritisme, sur quoi notre opinion est
déjà connue (2).
Le Magnétisme et la Suggestion peuvent être envisagée
sous deux modes, actif et passif: soit au regard de l'ex-
périmentateur qui agit, soit au regard du sujet qui
(comme son nom l'indique) subit l'action. Le premier
point de vue ressortirait au présent chapitre. Il suffira
d'en toucher quelques mots, pour éclaircir bien des phé-
nomènes dits magiques (tels que la fascination, le mau-
vais œil et plusieurs autres), qui se réduisent, en somme,
à des cas déguisés d*influence magnétique ou sug-
gestive.
M. le Baron du Potet généralise un peu trop sa for-
(1) Le Temple de Satan, pages 121, et 399-408. — Cf. en cette Clef
de la Magie noire, les pages 71-78, 169-171, 185, 192-196, etc.
(2) Le Temp/e de Satan, pages 376-377, 393-427, etc.
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FORGE DE LA VOLONTÉ 401
raule, quand il proclame que a le Magnétisme est la clef
de la science occulte de tous les temps et de tous les
pays (1) » ; et, contraint plus tard d'admettre l'existence
d'êtres invisibles doués d'intelligence et de vouloir, le
rnéme auteur dut, loyalement et de la meilleure grâce,
convenir que, si loin qu'on élargit le domaine du magné-
tisme animal, certaines manifestations en outrepassaient
les rationnelles frontières (2). Mais il en est certain qu'un
très grand nombre de faits réputés occultes seraient jus-
ticiables de cette science, telle que ses champions la dé-
finissent, et voire qu'ils la pratiquent.
En effet Mesmer, dans son résumé théorique des
XXVII Propositions^ comme en ses écrits ultérieurs,
ébauche un système intégral du Magnétisme, dont la
formule, maladroite et confuse à quelques égards, n'en
trahit pas moins l'intuition positive qu'il paraît avoir
eue, de la doctrine, traditionnelle en occultisme, de l'uni-
versel Aôr.
Le fluide cosmique baigne toutes choses. — Véhicule
de la vie, il est substance et force à la fois ; et, par sa
(1) La Magie dévoilée, ou Principes de Science occulte, Saint-Ger-
maÎD, 1875, in-4^ fig. (page 58).
(2) ff Un jour, pendant que j'écrivais ma Magie dévoilée, je me
sentis saisi fortement en arrière, par ma cravate. Je levai forcément
la tôte et j'aperçus trois individus groupés derrière moi. Tout était
clos chez moi ; je ne savais pas comment ces gens étaient là, et mon
premier mouvement fut de me défendre. Je donnai un violent coup de
poing à celui qui me tenait: ma main et mon bras passèrent au travers
de son corps. — C'était un esprit, qui alors posa son doigt sur sa
bouche, et me dit : • Tu dis dans ton livre des choses qu'il faut taire ; •
et après cela, les trois hommes disparurent. » (Baron du Potet, cité
par M. Dunand, Révolution en philosophie, page 376).
26
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402 LA CLEF DE LA MAGIE NOIRE
double polarité, conséquente à sa double nature, il crée,
vivifie, renouvelle tous les corps. — Inapulsion et ré-
sistance, forces centrifuge et centripète : tel est le mode
binaire de sa manifestation. — Un double courant uni-
versel en procède, flux et reflux : les astres s'attirent et
se repoussent; de là résulte la gravitation des orbes. —
Cet agent se décèle, particulièrement dans le corps hu-
main, par des propriétés analogues à celles de Taimant
(magnétisme). — Le système nerveux, docile à la Volonté^
l'emmagasine et le répartit. — Le magnétisme peut se
communiquer aux objets, vivants ou inanimés, selon leurs
réceptivités respectives. — L'action fluidique peut s'exer-
cer à de grandes distances, sans intermédiaire visible.
— Cette force peut être accumulée, concentrée, trans-
portée. — Comme la lumière, elle est réfléchie et mul-
tipliée par les glaces. — Le son la propage en la dyna-
misant. — Chez les êtres vivants, la santé résulte de
l'équilibre fluidique ; l'équilibre venant à se rompre, la
maladie s'ensuit. — Par l'effet de la volonté et l'emploi
des passes, l'homme peut dissoudre les accumulations
excessives; concentrer du fluide, où ce véhicule delà vie
fait défaut; faire circuler celle-ci à grands courants dans
l'organisme... L'homme peut, en un mot, guérir son
semblable, en rétablissant l'équilibre en lui.
Voilà, singulièrement réduite, mais éclaircie et filtrée
en revanche, la théorie du D' Mesmer : on sait quelles
additions lui ont apportées les découvertes de ses succes-
seurs.
Avec M. de Puységur, le magnétisme parut se res-
treindre aux bornes de la thérapeutique : la phase de !
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PORC£ DE LA VOLONTÉ 403
vivification paisible remplaça les crises et les convul-
sions naguère à la mode ; on suppléa très avantageuse-
ment au fameux baquet condensateur des fluides, par
rorme magnétisé de la grand'place de Buzancy : des
centaines de malades vinrent chaque jour se suspendre
aux branches de l'arbre séculaire, entre les racines du-
quel semblait sourdre la fontaine de Jouvence... Mais
tout à coup, un phénomène insoupçonné se déclare parmi
les malades en traitement : le sommeil magnétique !
Grande révolution dans le royaume de Mesmer : avène-
ment du somnambulisme. A sa remorque, toutes les
merveilles de la lucidité viennent confondre les savants,
qui trouveront plus simple de méconnaître les faits, ce qui
dispense de les expliquer. « Ignoramus (s'écrie Tun d'eux),
et ignorabimus! » Depuis lors, c'est un feu roulant de
prodiges. — Faria, d'un seul mot impérieusement pro-
féré, frappe de sommeil des groupes entiers de scepti-
ques. Un geste de lui transmue, au gré des sujets, l'eau
pure en liqueurs délicieuses et variées. Puis d'autres
expérimentateurs réalisent la clairvoyance, la clairau-
dience, la seconde vue, l'intuition diagnostique, jointe à
celle des remèdes appropriés, etc. Consulté dans son
sommeil par le magnétiseur, le malade même devient
son propre médecin. — De nos jours, Liébeault et Foca-
chon réussissent par suggestion la pose d'un vésicatoire
imaginaire; tandis que le Colonel de Rochas démontre
Textériorisation des couches sensibles et laréalité du phé-
nomène répercussif qui explique l'envoûtement. Mais nous
touchons à la frontière des faits attribuables au seul ma-
gnétisme; avec Crookes, nous l'eussions dépassée. Quant
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404 LA CLEF DE LA MAGIE NOIRE
à la théorie stupéfiante de la Suggestion (1), que Técole
de Nancy a portée à son extrême et rigoureuse formule,
— son mécanisme apparent, si strict et (peut-on dire) si
(1) Lft théorie de la Suggestion ne date point d'hier, pas plus que
les découvertes prétendues de bien des docteurs magnétistes.
Écoutons la voix d'un moine du xiii* siècle : « Il est un prodig-e
(dit Roger Bacon) qui l'emporte sur tous les autres. L'âme raisonnable,
qui ne peut être asservie, puisqu'elle possède la liberté, peut cependant
ôtre efficacement circonvenue, dominée et disposée de telle sorte,
qu'elle changera volontiers ses habitudes, ses affections, ses voli lions,
selon la volonté d'un autre ; et non seulement on peut ainsi dominer
une personne, mais encore une armée, une cité, tout un peuple. Aris-
tote, dans son livre des Secrets, enseigne la manière de faire celte
expérience, aussi bien sur un peuple ou une armée, que sur les indi-
vidus. L'on peut dire que c'est là l'extrême limite de la nature el de la
science. » (Lettre sur les prodiges de la nature et de l'art, tradnite et
commentée par Albert Poisson, Paris, Chamuel, 1893, in-li, pages
40-41).
Puisque nous sommes sur le chapitre des légitimes revendications
de la science d'autrefois, contre le naïf aplomb des novateurs contem-
porains, produisons encore deux exemples, piquants, en vérité.
Que diraient MM. les Docteurs Bourru et fiurot, qui se croient très
légitimes inventeurs de « l'action des médicaments à distance», s'ils
lisaient dans Agrippa (ou dans tout autre auteur qui le relate) le cas
observé par Guillaume de Paris, d'un homme qui, chaque fois qu*il
sentait le besoin de prendre médecine, se contentait de regarder la
drogue, et tout aussitôt se sentait purgé ?(Voy. Philosophie occulte,
chap.Lxiv, page 183 du tome 1 de la traduction française de 1727). —
Cf. le cas analogue rapporté par Ragon (Or /Aorfoxte mafo/iniç'tte, Paris.
1853, in-8, page 501). Là, de toute évidence, il y a suggestion : ce
n'est pas la drogue, mais bien l'idée de la drogue, qui agit sur le sujet.
On parlait, l'an dernier, d'une nouvelle découverte d'Édison, qui
devait porter à son comble la gloire de l'illustre inventeur. Il s'agissait
d'un instrument très simple, grâce auquel, d'un bout à l'autre du
monde, deux amis pourraient correspondre télégraphiquement : nul
fil conducteur ; l'électricité secrète dégagée par la volonté de 1* « expé-
diteur » doit suffire à actionner l'appareil de réception. (Cette décou-
verte — entre parenthèses — fait-elle pas songer aux Escargots sympa-
thiques, dont nos pères se sont moqués de si bon cœur ?)
Eh bien, ouvrons la même traduction d'Agrippa, mentionnée plus
haut. Qu'y lisons-nous, page 17 du tome premier? Voici : «... Un
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FORCE DE LA VOLONTÉ 405
mathématique, est bien fait pour satisfaire les esprits
positifs en même temps qu'elle les confond ; mais la rai-
son d'être occulte, le pourquoi du phénomène suggestif
est profondément ignoré, de ceux-là même qui, d'un
soin studieux, observèrent le comment, et en induisirent
la loi, avec autant de sagacité que de logique. Or, ce
pourquoi réside en un arcane terrible. Nous ne ressas-
serons point ici les observations émises au tome précé-
dent, pas plus qu'il ne convient d'empiéter sur les ma-
tières du chapitre qui va suivre. Le Lecteur retiendra
seulement que toute suggestion infligée à un être pen-
sant et volitif, équivaut au sortilège d'une possession
réelle, encore que limitée dans sa tyrannie; et que tout
suggestionneur professionnel apparaît un envoûteur au
petit pied, un maléficiant en détail, — c'est-à-dire,
sciemment ou non, un sorcier. Il aliène Tâme de ses
sujets, en la peuplant de Larves, de concepts vitalisés ou
de mirages astraux, suivant les cas; heureux, quand il
ne la voue point à des vampires dévorants.
Toute âme pense; et toute pensée est elle-même une
àme, à titre infinitésimal ; et toute âme, sur la terre, cher-
che à s'incarner : c'est encore une des formes de la lutte
pour l'existence... Que la pensée émise tâche donc, par
la persuasion, de conquérir sa place dans les cerveaux
étrangers, c'est son rôle, et rien de plus juste. Mais que le
homme peut naturellement et sans aucune superstition, sans le secours
d'aucun esprit, communiquer sa pensée à un autre, quelque éloignés
qu'ils soient, en moins de vingt-quatre heures, quoique Ton ne puisse
précisément fixer le temps : c'est une chose que j'ai vu faire, et que
j'ai faite moi-même; c'est aussi ce qu'a fait autrefois l'abbé Trithème. »
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406 LA CLEF DE LA MAGIE NOIRE
père de cette pensée l'impose au cerveau d'un être ma-
giquement dépossédé de son libre arbitre, quoi de plus
pesant à la responsabilité morale ! Faut-il être assez sûr
de soi, pour l'oser entreprendre, non pas une fois, dans
un cas donné, après mûre délibération et en vue d'un
résultat capital ; mais quotidiennement, par profession
ou par habitude, ou par manie, et en pleine sécurité de
conscience !...
Le phénomène de la fascination s'opère par vertu sug-
gestive.
Un jour, nous conte Bodin, le fameux sorcier Deses-
chelles (I) avise un brave homme de curé au milieu de
ses paroissiens : — Voyez l'hypocrite, s'exclame-t-il.
Vous pensez que c'est un bréviaire quil porte là, sous
son bras? Vous n'y êtes point, c'est un jeu de caries î...
Le digne ecclésiastique, pour confondre le mauvais plai-
sant, exhibe un objet que toutes ses ouailles et lui-même
le premier reconnaissent pour un jeu de cartes : si bien
qu'il s'esquive, tout confus, non sans avoir jeté par terre
ce profane objet... Peu après, des passants ramassent le
prétendu jeu de cartes : c'est bel et bien le bréviaire du
curé... « En quoy on apperceut, (conclut Bodin) que
plusieurs actions de Sathan se font par illusions (2)... »
Nos hypnotiseurs du jour se feraient un jeu de renou-
veler cette expérience. Courammenl, ils en produisent
d'analogues.
{i) Probablement Trois-Échelles, célèbre sorcier sous Charles IX; î]
fut exécuté en 1571.
(2) Démonomanie des sorciers (Paris, 1587, in-4, feuillet 154).
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FORCE DE LA VOLONTÉ 407
La forme extérieure de Tobjet en litige n'a point
changé; son image vraie se réfléchit fidèlement sur la
rétine du sujet; mais c'est le casde dire que, voyant,
celui-ci ne voit pas : comme percevant des sons, il n'en-
tendrait point, si l'expérience portait sur un phénomène
auditif, au lieu d'avoir trait à la fonction visuelle.
Qu'a donc fait le sorcier ? — Il a évoqué le mirage as-
tral d'un jeu de cartes, et imposé ce mirage à l'imagina-
tion des personnes présentes : si bien que l'image, reflé-
tée au translucide (I) des spectateurs, et se superposant
à celle du bréviaire que le regard percevait normalement,
a masqué celle-ci pendant toute la durée du phénomène.
Voici un autre exemple de fascination, rapporté par
le médecin Jean de Nynauld, (premières années du xvn'
siècle). Un hobereau magicien, natif de Granson en
Suisse, le sieur de la Pierre,
a... estant en lanopce d'vn certain Gentil- homme, où il y
auoil plusieurs Dames et Damoiselles qui dançoient seules en
vne chambre à part, print vn petit tambour qu'il gardoit à
cest usage, puis s'estant approché contre la porte pour le tou-
cher doulcement, au premier son d'iceluy, les Dames croyoient
que ce fustle bruit d*vn ruisseau qu'elles virent à Tinstant sor-
tir de la muraille, comme il leur sembloit, lequel s'accroissoit
ou appetissoit selon qu'il touchoit fort ou bellement le tam-
bour. Ce voyant, les Dames, comme rauies et ensorcelées,
(i) En magie, on nomme translucide^ ou encore diaphane, l'instru-
ment de la vision sur le plan avStral. C'est, en quelque sorte, la rétine
de rame, miroir où se viennent réfléchir les formes de l'existence sub-
jective, — lesquelles n'ont de réalité, ou mieux de virtualité, que dans
l'atmosphère seconde.
Le translucide peut se définir l'organe réceptif des images, le milieu
propre de Y imagination.
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4U8 LA CLEF DE LA MAGIE NOIRE
leuoîent peu ù peu leurs robbes de peur de les mouiller, et
enfin le ruisseau s' accroissant déplus en plus, furent contrain-
tes de leuer et robes et chemises iusques au nombril ; dequoy
estant content ledit de la Pierre et les Spectateurs qui estoîent
en dehors avec luy, le fit diminuer peu à peu, et à la fin dis-
paroir entièrement. Car s'il eust continué à le faire aggrandîr,
elles se fussent espouuantées et peut estre fussent defaillies
par la crainte de se submerger (t). »
Ce nouveau cas de puissance fascinatoire semble plus
complexe que le premier, (il est plus simple, au con-
traire) ; mais l'un et l'autre seront également vraisem-
blables, pour qui connaît les phénomènes de suggestion
mentale, et la potentialité occulte des signes analogiques.
Les initiés de la Doctrine secrète n'ignorent pas que,
de toutes les modifications fluidiques de l'Agent universel,
le Son (2) est peut-être la plus foudroyante d'occulte in-
flux; c'est aussi l'une des plus hautes dans la hiérarchie
des forces sensibles. Une volonté d'adepte, portée sur des
ondulations sonores d'un certain ordre rhythmique,
constitue une Force intelligente, à quoi nul ne résiste.
(1) 1. de Nynauld, delà Lycanthropie, transformation et extase
des sorciers, VB.ns, 1615^ in-8 (pages 59-60).
(2) Dans le système de Louis-Michel de Figannières, — mystique
liétérodoxe, illuminé par de brusques éclairs, et qui voit juste et loin,
quand, d'aventure, il n'exlravague pas, — le • fluide sonique » occupe
le sommet do la hiérarchie des forces naturelles ; au-dessus, Michel ne
mentionne plus que le « fluide divin ». (Cf. Clé de la Vie, Paris, 1858,
in-8. page 52.)
Cela concorde en quelque manière avec le système du grand Bœhme,
qui qualifie (symboliquement, il est vrai) de Son, la 6^ et pénultième
propriété (ou forme génératrice) de Toriginelle Nature: il ne place au
delà, dans l'ordre des réalisations, que la septième forme, qui est la
substance en soi, l'être, la chose, ou plutôt Tessencede laréaUté.
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FORCE DE LA VOLONTÉ 409
— ni rien, dans les mondes astral et matériel. Elle dé-
ploie les virtualités les plus énergiques et diverses tout
ensemble : une véritable gamme d'effluves nuancés.
Le son est le meilleur véhicule, et le mieux flexible, de
la magnésie universelle des Sages.
Bien des légendes en témoignent, où Ton peut voir à
la fois des symboles et des réalités... La lyre d'Orphée
enchantait les fauves attendris, et donnait une âme sen-
sible aux choses immobiles ; aux arbres inclinés, d'har-
monieuses flexions. Ses accords un instant ressuscitèrent
Eurj'dice!... — Sur un plan régulateur, les pierres éver-
tuées se superposaient en cadence, aux hymnes créa-
trices d'Âmphion : ainsi s'édifia la Thèbes dorienne, aux
cent portes, la cité du mystère.
Ni le culte officiel^ ni la magie n'ont méconnu jamais
la puissance mystique du chant. Actuellement encore,
aux Indes, c'est par des Mentras psalmodiés à mi-voix
que les Fakirs obtiennent leurs phénomènes, si incroya-
bles aux Européens. — Les illuminés de Saint-Joachim
utilisaient en leurs séances les sonorités dissolvantes de
l'harmonica : c'est là que Mesmer dut emprunter l'usage
de cet instrument, presque aussi fameux que son baquet,
et physiologiquement plus efficace, peut-être.
Les cloches et les carillons des églises, des chapelles et
des couvents, dont l'importance diminue chaque jour
dans les pompes du culte, jouaient au moyen âge un rôle
capital. Pour peu qu'on examine, aux lumières de la
Symbolique et de la Liturgie, l'histoire des cloches, et
qu'en regard des propriétés mystiques que leur prêtaient
nos ancêtres, l'on étudie les rites traditionnels de leur
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410 LA CLEF DE LA MAGIE NOIRE
fonte, de leur baptême et de leur consécration, l'on so
persuadera sans peine du caractère hautement occulte
des cérémonies qui les concernent (1).
Pour désintégrer en quelques secondes les roches les
plus dures, le savant américain Keeley a construit un ap-
pareil portatif, générateur de sa « force inter^thérique »,
et que le son prolongé d'un fort diapason suffit à mettre
en activité.
Bref, sous l'empire d'un vouloir exercé, le Son peut
tout en magie. Le son met en extase ou procure des
convulsions, il tue ou guérit. Il dispense le bien-être ou
l'angoisse, rend héroïque le soldat craintif ou démora-
lise le plus vaillant. Il intègre la matière par masses énor-
mes, ou la réduit en impalpables atomes.
Deux mots du phénomène relaté par Nynauld vont
nous ouvrir de curieux horizons.
Les vibrations du tambourin, la sonorité imitative de
Teau qui jaillit d'une fontaine, et susurre et s'écoule, —
remplacent au cas présent la suggestion de la parole,
par celle, non moins efficace, du signe analogique, con-
forme à la pensée. La parole elle-même n'apparait-elle
pas un signe de la pensée, un truchement d'iceile, —
abstractivement plus explicite, mais figurativement moins
expressif?
La volonté de l'homme au tambourin, appuyée sur un
signe sensible qui la représente, évoque dans l'atmo-
(1) M. Hûysmans a réuni dans Là-Bas (Paris 1891, in-12) quelques
détails curieux ot instructifs sur les cloches. (Voy. pages 52-58,101-
103, 187-189, 285-286^ 329-331, et passiin.)
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FORCE DE LA VOLONTÉ 411
sphère astrale le mirage animé d'une source vive, et en
réfléchit Timage dans le translucide des spectateurs, sur
qui tout d'abord le magicien a pris ascendant. Nos Lec-
teurs savent ce qu expriment tous ces vocables ; il est
inutile d'y revenir.
Nous voici en face de la théorie des signes d'appui dont
a besoin la Volonté humaine, pour agir au dehors : théo-
rie complémentaire de celle des signatures spontanées,
où la Nature, (déchue parallèlement à l'homme dans
l'éparpillementdes sous-multiples adamiques), inscrit, du
haut en bas de Téchelle des effigies, le barrême de ses
déviations.
Au miroir des signatures naturelles, on peut étudier
Tessence propre des choses,surprendrc la pensée qui pré-
sidait à leur concrétion. Ainsi est-ce la loi de ce monde
soraatique, que les essences ne s'y peuvent manifester
qu'à la faveur d'une forme adéquate, qui leur serve d'en-
veloppe et de garant.
D'où il résulte que Tessence volitive de l'homme, pour
devenir créatrice à l'extérieur de sa geôle corporelle, doit
prendre appui sur un signe, analogiquement correspon-
dant à la volition proférée.
Affermi sur un signe proportionnel à sa nature, et qui
en est la traduction parfaite et l'absolu symbole, le Vou-
loir devient Verbe, et la virtualité édénale lui semble à
nouveau dévolue.
Ainsi qualifions-nous, à ce point de vue, le Verbe hu-
main : une volition définie, étayée sur un emblème qui la
confirme.
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412 LA CLEF DE LA MAGIE NOIRE
c Le si^ne (dît quelque part Éliphas Lévî), le signe ex-
prime la chose. — La chose est la vertu du signe.
u II y a correspondance analogique entre le signe et la chose
signifiée.
< Plus le signe est parfait, plus la correspondance est en*
tière.
< Dire un mot, c*est évoquer une pensée et la rendre pré-
sente. Nommer Dieu, par exemple, c*est manifester Dieu.
€ La parole agit sur les âmes et les âmes réagissent sur les
corps ; donc on peut effrayer, consoler, rendre malade, guérir,
tuer même et ressusciter par des paroles.
€ Proférer un nom, c'est créer ou appeler un être.
« Dans le nom est contenue la doctrine ver&aZe ou spirituelle
de l'être même.
« Quand Tàme évoque une pensée, le signe de cette pensée
s'inscrit de lui-même dans la lumière.
« Invoquer, c'est adjurer, c'est-à-dire jurer par un nom :
c'est faire un acte de foi en ce nom, et c'est communiera la
vertu qu'il représente.
€ Les paroles sont donc, par elles-mêmes, bonnes ou mau-
vaises, vénéneuses ou salutaires...
« Les choses sont pour chacun ce qu'il les fait en les nom-
mant. Le verbe de chacun est une imprécation ou une prière
habituelle.
c Bien parler, c'est bien vivre. — Un beau style est une
auréole de sainteté (t). »
On ne saurait trouver formule plus claire et plus juste.
Éliphas Lévi, sans contester positivement la rigueur de
cette doctrine, observe qu'elle a égaré certains Kabba-
listes superstitieux, qui en tiraient des conclusions d'un
réalisme immédiat et grossier. Mais l'auteur de Dogme et
Rituel ne saurait oublier que ces principes sont ceux-là
mêmes qui ont fourni la pierre angulaire de son édifice,
(1) La Clef des Grands Mystères, pages 205-206.
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FORCE DE LA VOLONTÉ 413
lorsqu'il ritualisait la magie cérémoniale. Au demeurant,
il ne pouvait bâtir sur d'autres fondations.
La doctrine absolue des signes et des correspondances
de la Volonté constitue la clef de voûte de la magie cé-
rémoniale. Nous sommes contraint d'ajouter — la clef de
voûte de tous les cultes ; puisque les religions mettent
en œuvre officiellement la magie cérémoniale, à dessein
de faire voir, sentir, toucher Dieu à leurs fidèles. Le rituel
sacerdotal et le rituel kabbalistique sont expressifs d'une
doctrine commune, invariable, unique ; et dans l'applica-
tion, ridentité des deux méthodes ne laisse rien à dési-
rer non plus.
En un autre de ses ouvrages, Éliphas définit avec pro-
fondeur la Superstition : ce substantif « vient d'un mot
latin qui signifie survivre. C'est le signe qui survit à la
pensée ; c'est le cadavre d'une pratique religieuse » (I). —
Alors, dirons-nous au savant Maitre, qu'importe que des
Kabbalistes superstilieiix, c'est-à-dire des initiés de la
lettre morte, aient tiré de ces principes éternels de fausses
conséquences, injurieuses à la Divinité ou répugnant à
la Raison? La lettre tue, et l'esprit vivifie... Il faut que
le néophyte des mystères sache entrer dans l'esprit
vivificateur de l'enseignement ésotérique. — Fruit de
l'arbre du Bien et du Mal, la Haute Science perd ceux
qu'elle ne sauve pas. Ceux-là ({ui se nourrissent de
la lettre morte deviendront à leur tour la pâture des
Êcorces de la lumière morte : Kliphôth nîS^Sp. Toujours
la loi des correspondances...
(1) Dogme et Rituel de la haute Magie, page 332.
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414 LA CLEF DE LA MAGifi^ NOIRE
Ainsi, toute chose spirituelle veut être traduite ici-bas
par signes, afin de devenir transmissible d'un être à l'au-
tre, d'acquérir sa naturalisation au monde des effi-
gies.
Avant la chute, la transmission verbale, d'une pure
Intelligence à Tautre, fut possible en mode essentiel et
direct. Ce nonobstant, il faut croire qu'au royaume d'Êd en
même, la pensée, la volition,le verbe gagnaient à se ma-
nifester à l'extérieur: puisque Adam, selon la mythologie
kabbalistique, trouvait du plaisir à objectiver ses con-
cepts; qu'autrement dit, il prenait soin de leur faire pro-
duire au dehors le symbole morphique de leur essence,
et de les en vêtir !
Mais sous la loi de nature déchue, comment les Intelli-
gences emprisonnées dans la matière correspondraient-
elles directement, par communication d'essence pro-
pre (1) ? Elles ont recours au siflf»^, traduction rigoureuse
et nécessaire des pensées dans le langage des formes.
Nous pourrions dire — traduction naturelle, — puisque
chaque effluence spirituelle se vêt aisément de son pro-
pre symbole, évolué au dehors (2). Supposez deux amis
que l'Atlantique sépare: l'un habite Bordeaux, Tautre
(1) Nous ne disons pas que la communication directe soit magique-
ment impossible, d'un individu à l'autre. Mais Tadepte qui la réalise
est dès ici -bas réintégré dans la norme édénale, et il exerce les préro-
gatives de cet état glorieux.
(2) Il y a des signes absolus et des signes relatifs. -~ Nous appelle-
rons signe <ibsolu celui que Teffluence spirituelle pousse spontanément
hors d'elle-même et dont elle se vêt; signe relatifs le symbole plus ou
moins adéquat qu'on peut imaginer, pour suppléer au signe absolu.
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FORCE DE LA VOLONTÉ 416
Ne>v-Tork. Toute communication directe leur étant inter-
dite par la dislance, comment correspondront-ils sur le
plan matériel ? Ils s'écriront, sans nul doute, ou s'enver-
ront une dépêche : la lettre, le télégramme seront signes
intermédiaires, entre eux. — De même, la matière iso-
lant les âmes humaines Tune de l'autre, celles-ci commu-
niqueront en revêtant d'un signe matériel leur pensée,
en l'incorporant à un symbole significatif.
Le signe peut être transmis, une fois fixé, par le véhi-
cule des fluides impondérables, sur quoi la Volonté com-
mande par l'intermédiaire du corps astral ou médiateur
plastique ; alors c'est exactement le mécanisme du télé-
graphe Brett et Bain.
Sur ce principe se fondent la Télépathie et tous les
arts similaires, la précipitation des écritures et la télé-
graphie psychique, telle que la pratiquèrent l'abbé Tri-
thème et son élève Agrippa, comme nous l'avons marqué
dans une note. L'illustre inventeur Edison pourrait seul
nous dire si la nouvelle découverte que la Presse annon-
çait naguère en relève également. La chose est vraisem-
blable.Édison aurait construit un instrument grâce auquel
pouiTaient correspondre, sans fil conducteur, deux amis
séparés par l'énormes distances. Le seul vouloir de l'un
suffirait pour actionner l'appareil récepteur de l'autre...
La parole articulée est un signe; le geste est un signe
confirmatif de la parole, et plus celle-ci apparaît imagée y
plus vigoureusement elle traduit l'effort mental ou voli-
tif ; plus elle le transmet efficace et réalisable.
Pourquoi, dans les conjonctures décisives de la vie,
quand l'homme veut accomplir un acte de conséquence,
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416 LA CLEF DE LA MAGIE NOIRE
s'exprime-t-il volontiers en larges métaphores, et souli-
gne-t-il en outre, par l'ampleur de son geste, la portéede
sa parole? — Pourquoi lève-t-il la main devant le cruci-
fix, pour attester en justice? A quel instinct obéit Ponce-
Pilatc, lorsque après d'infructueux efibrts pour sauver
l'Auguste Victime, il tint à se laver cérémonialement les
mains du sang précieux qui allait couler ? — Songez au
père ému, qui, bénissant son fils au départ, éprouve le
besoin de lui imposer les mains sur la tête. — Rappelez-
vous le tableau de Greuze : la Malédiction paternelle :
quel geste emphatique de réprobation !
Il est bon de consulter parfois les clichés de la vie et
des mœurs : ces poncifs nous insupportent, ainsi que des
airs moulus par quelque odieux orgue de barbarie ; mais
qui pourrait dire si telles habitudes n'ont point dégénéré
en clichés, proportionnellement à leur valeur secrète :
comme souvent les mélodies n'ont subi l'outrage de la
boîte à musique qu'en raison du charme même qui les a
rendues populaires ?
Un livre serait à écrire sur la vertu du gestôy comme
signe expressif d'idées et de volitions... Le pontife offi-
ciant multiplie les gestes mystérieux et solennels, qui
contribuent pour une grande part à la magie du sacer-
doce. C'est ce qu'en général ignore trop le clergé, comme
Musset le reproche,par la bouche de Fortunio, à son mé-
chant abbé Cassius :
« Eh quoi, toi confesseur, toi prêtre, toi romain,
Tu crois qu'on dit un mot, qu'on fait un geste en vain ?
Un geste, malheureux ! Tu ne sais pas peut-être
Que la Religion n'est qu'un geste, et le prêtre
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FORCE DB LA VOLONTÉ 417
Qui, rhostîe à la main, lève le bras sur nous.
Un saint magnétiseur qu'on écoule à genoux (1) !... »
Mais c'est à Tégard du Vouloir impératif et de sa vir-
tualité créatrice, que le signe devient un puissant auxi-
liaire, soit en Magie, soit en Religion.
Il sert d'abord à préciser la Volonté, à la circonscrire
en la formulant.
Une fois celle-ci fixée et traduite, il sert encore d'api-
pui pour la projeter à distance, dans la direction voulue.
Il sert enfin, et c'est sa plus haute vertu, à dynamiser
l'effort solitaire du théurge, en multipliant cet effort par
tous ceux analogues des Volontés amies, qui font usage
du même signe. L'intelligent emploi du signe crée en un
instant la chaîne magique dans un cercle déterminé, et
sitôt, évoque VÉgrégore qui régit cette communion.
Se couvrir du signe de la croix, par exemple, c'est
participer aux biens spirituels de toute la communauté
de croyants, pour qui ce signe a été l'étendard du rallie-
ment religieux, en même temps que l'hiéroglyphe de la
rédemption et le schéma de la Doctrine.
D'autre part, le magicien qui, s'enfermant au cercle
pentaculaire des évocations, tient en sa main l'Étoile du
Microcosme, — communie de volonté, de science et d'in-
tention avec tous les initiés, morts ou vivants, qui ont
fait emploi du cercle à titre de symbole de la communion
adelphale, et se sont fiés à la vertu kabbalistique du
pentacle étoile : deux emblèmes classiques d'une vérité
invariable, au cérémonial universel de la Science.
(1) Alfred de Musset, Premières Poésies (Suzon).
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418 LA CLEF DE LA MAGIE NOIRE
Religieux ou magiques, les rites constituent dans leur
ensemble des guirlandes de signes évocateurs^ des sym-
phonies d'emblèmes thaumaturgiques.
Est-il vraiment besoin d'expliquer, à cette heure, pour-
quoi ces minuties ritualistiques, et cette norme inflexible
qui préside à Tagencement du Cérémonial? — Qu'alors
on nous pardonne une comparaison bien profane. Sup-
posons que les maîtres du sanctuaire aient pourvu la
porte du tabernacle d'une serrure de sûreté, comme nos
gens de finances en apposent à leurs coffres-forts. L'hom me
de Dieu monte à l'autel : c'est l'heure de faire resplendir
sur les fronts courbés des fidèles l'ostensoir de mystique
alliance... Demandera-t-on pourquoi le prêtre s'attarde
au soin minutieux de restituer, lettre par lettre, le mot
de passe qui commande à la serrure et va permettre de
l'ouvrir? Telle se dévoile analogiquement la première
raison d'être du cérémonial.
Les initiés de tous les sanctuaires n'ont qu'une voix
pour justifier la rigueur des prescriptions à cet égard ;
et pour peu que nous interrogions l'esprit des antiques
sacerdoces, il confirmera sur ce point l'esprit du nou-
veau. C'est un épopte des mystères païens qui va nous
répondre :
« Aucun rite reh'gieux ne doit se négliger ; ils sont tous
l'expression de ce qui est; ils descendent tous du Ciel... Si
vous en négligez volontairement un seul, qui sont ceux que
vous négligerez, qui sont ceux que vous conserverez? Si vous
en négligez volontairement quelqu'un, qui vous dira où vous
devez vous arrêter? Les anciens disoient que la négligence de
quelque rite religieux étoit un crime inexpiable, parce qu'elle
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FORCE DE LA VOLONTÉ 419
attaque directement ce qui est, le Ciel d'où ils émanent... (i).
c Mais je vois venir encore à moi des nuées de philoso-
phisles, pour me dire : pourquoi des rites extérieurs ? tout ne
|M)urroit-il pas se passer dans l'intérieur? Non, parce que tout
n'est pas resté dans Tintérieur de l'entendement divin ; tout a
été manifesté ; tout doit s'exprimer, et nous devons être actifs
dans les analogies de l'Univers: nous devons être avec ce qui
est, sinon nous n'y serons point compris (2). Mais peut-être,
direz-vous, ces rites nous paroissent minutieux? Hélas ! je le
conçois, VOU& êtes de si grands hommes ! Cependant ces rites
sont l'expression de ce qui est ; ces rites sont ceux qui ont été
pratiqués scrupuleusement par les plus grands héros, — par
les Hector, les Énée ; par les plus grands philosophes, les
Platon, Cicéron, Xénophon, Plutarque: puisque vous êtes
diiîérens de ces grands hommes, ce dont nous convenons éga-
lementy demandez aux Dieux des rites qui conviennent à votre
grandeur. Vains philosophistes, vous dont la vanité et l'envie
de se distinguer est la vie ; nation frivole et opiniâtre, car
vous conciliez les extrêmes ; vous n'êtes que de vains philoso-
phistes, et je suis un prophète qui vous parle des choses
divines : comment pourrons*nous nous entendre?... Ëh bien !
puisque vous êtes si bons raisonneurs, je n'ai qu'un mot à
vous dire. Outre ce qui est, rien n'est; hors de l'Unité, rien
n'existe, et sous ce point de vue, vous n'existez déjà plus (3). »
(1) La Thréîcie, pages 376-377 (passim).
(2) Quantius Aucier fait allusion ici au terrible arcane de Timpasse
finale, qui est aux antipodes de la réintégration dans l'éternelle Unité.
C'est là que se dresse la cité dolente, où il n'y a plus d'espoir pour la
gent perdue. Il est permis, au reste, d'affirmer que cet épouvantable
destin (nous en toucherons un mot au chapitre vi) sera le partage
d'un très petit nombre, de ceux-là qui l'auront tout à fait voulu.
(3) La Thréîcie, pages 403-404 (passim),
 côté de quelques vaines observances, Quantius Âucler donne des
rites occultes d'une grande logique, et d'une riche et simple beauté.
Citons, à titre d'exemple :
c Vous ne ferez aucune adoration, aucune invocation, aucun sacri-
fice, sans vous être puriûé, en vous lavant le corps ou au moins les
mains : la religion est l'expression de ce qui est, et ces actes sont les
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420 LA CLEF DE LA MAGIE NOIRE
Nous avons tenu à citer ce très curieux passage, en
dépit de son style décousu ; mais qu*on se garde d*en
prendre la doctrine au pied de la lettre. Elle n'est vraie,
— et d'une vérité toute frappante, — qu'entendue dans
son esprit général. Exclusivement appliquée aux rites du
paganisme romain, comme Quantius Aucler l'entendait
peut-être (mystagogue un peu fanatique, malgré sa
grande érudition), cette doctrine serait même tout à fait
erronée...
Les cérémonies tiennent à l'essence du culte, et rien
syjbboles qui expriment les actes invisibles et qai les opèrent... Si
Teau vous manque, vous vous purifierez au feu ; si vous n'avez ni eau
ni feu, vous vous purifierez à l'air, en demandant que l'eau qui emporte
tout, emporte votre souillure. Dans l'eau dont vous vous laverez, vous
mettrez du sel de sapience...
4 Pour adorer, vous vous présenterez d'abord devant les dieux, tourné
le matin du côté de l'orient, à midi et le soir, du côté du midi et du
couchant; là est le cœur du monde et son foyer... Vous porterez en-
suite la main droite, qui est la main de la puissance, le pouce appuyé
sur l'index, ce qui la désigne, h votre bouche : parce que c'est votre
verbe qui doit adorer le verbe des dieux et leur parler leur langage,
ab ore orare; puis vous vous prosternerez devant eux ; vous tournerez
ensuite en rond, en traçant un cercle. Les Romains tournoient de
droite k gauche ; les Celtes, vos ancêtres, ô Européens, tournoient de
gauche à droite : je vous dirois, choisissez : mais vous avez vu que ce
sont les rites romains que vous devez avoir; vous n'êtes que des dé*
membremens de l'empire romain. Ainsi vous verrez les dieux et vous
en serez vu, et vous vous assoierez ensuite dans leur repos et dans
leur unité. Grande Déesse, je ne crois pas divulguer vos mystères en
disant ces choses t Et, soit que vous offriez des parfums, soit les par-
ties de la victime qud vous devez brûler, qui sont les graisses et les in--
testins, vous les agiterez en croix de l'orient à l'occident, du midi au
septentrion. Vous tracerez une croix par qui tout se fait, qui est le
symbole de la puissance des dieux, de la vie future et éternelle ; la
croix dans la capacité du cercle faisant quatre angles droits : c'est ce
que les anciens nommoient ferctum oàmovere, « (Pages 377-379,
passim).
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FORGE DE LA VOLONTÉ AU
ne leur supplée, àcause de la débilité mentale de la foule,
en tout temps incapable d'atteindre à la hauteur de la
mystique abstraite. Il n'est pas de religion sans rites.
L'on peut dire que, leur ensemble constituant la guirlande
d'efficace transmission, en omettre un seul, c'est, en
quelque sorte, rompre la chaîne d'or qui relie la Terre
au Ciel.
On peut même en dire autant, à certains égards, du
cérémonial magique, où le néophyte surtout doit scru-
puleusement s'astreindre.
Mais qu'on ne s'y trompe pas : toutes ces règles ritua-
listiques ne sont promues que pour l'humanité moyenne,
et en raiâon de sa nature imparfaite. Ce qui le fait bien
voir, c'est la vertu réelle attribuable à divers symbolis-
mcs, et l'efficacité possible de cultes différents et même
contradictoires dans la forme. Que si la minutieuse pra-
tique des cérémonies était de nécessité absolue pour tous,
il ne pourrait donc y avoir qu'un seul symbolisme et qu'un
seul culte efficaces : car l'Absolu, c'est l'unité, et le Re-
latif comporte seul le multiple et le divers.
Il importe de le bien comprendre. Sans la chute, l'em-
ploi du signe extérieur ne serait point indispensable aux
intelligences pour correspondre. Libre aux Régénérés de
s'en aflfranchir : les Yoghis n'ont pas besoin, même ici-
bas, du signe matériel, pour se faire comprendre l'un de
l'autre. Le sage n'a que faire de rites pour plonger aux
océans de la divine Essence, non plus que de cérémonial
pour déployer son activité sur les plans supérieurs de la
vie spirituelle et céleste.
Si la Magie enfin comporte un cérémonial nécessaire,
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422 LA CLEF DE LA MAGIE NOIRE
le motif en est dans l'imperfection des êtres sur qui Inac-
tion magique doit s*exercer. Les pensées et les volitîons
du Mage sont contraintes de prendre un corps sensible et
de s*appuyer sur des signes sensibles, afin d'acquérir
droit de cité et de magistrature dans le monde inférieur,
où vivent ces hommes sur qui le mage veut agir. Car il
faut bien, selon Tadage fameux des Kabbalistes, que Tes-
prit se vête pour descendre, comme il faudra qu'il se dé-
pouille pour monter.
Gela dit, on comprendra mieux que le disciple de lâ
Science puisse simplifier les rites, à mesure qu'il gravit
l'escalier lumineux, et que son objectif magique s'élève
avec son effort. Cependant, si haut qu'il monle, l'initié
ne répudiera jamais l'usage de certains signes — ne fût-ce
que l'emploi kabbalistique des pentacles, ces schémas
de toute une synthèse doctrinale. Ce sont symboles d'une
splendeur et d'une vertu trop suprêmes, pour qu'on se
résigne à les dédaigner ainsi.
Paracelse, un grand Maître, réduisait les signes essen-
tiels de la magie à deux souverains pentacles, les Étoiles
du Macrocosme et du Microcosme, plus connues sous les
noms de Pentagramme et de Sceau de Salomon. Voyez
quelle minutieuse description il en donne, au discours de
la Philosophie Occulte, C'est une page curieuse et qu'on
nous saura gré de traduire; car de ce traité du fameux
théosophe, il n'existe encore, que nous sachions, aucune
version française.
« Il y a (dit Paracelse) deux pentacles principaux, qui rem-
portent sur tous autres caractères, sceaux et hiéroglyphes
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FORGE DE LA VOLONTÉ
423
c Imaginez deux triangles
entrecruisés, si bien que l'es-
pace intérieur est partagé en
sept fractions, et que les six
angles font saillie au dehors.
Dans ces six angles, on ins-
crit en ordre convenable les
six lettres du nom divin
ADONAI. Voilà pour le pre-
mier pentacle. — L'autre le
dépasse de beaucoup ; ses
vertus et son étonnante effi-
cacité lui valent un rang plus
sublime. 11 se compose ainsi :
trois angles ou crochets s'y
entrecroisent et s'y compli-
quent; l'espace intérieur se
trouve divisé de la sorte en
six parties, et cinq angles
font saillie au dehors. Dans
ces cinq angles, on trace et
Ton répartit dans l'ordre
voulu les cinq syllabes du
très illustre et très éminent nom divin TE-TRA-GRAH-HA-
TON...
c Les Kabbalistes et les nigromans juiTsont accompli bien
des choses par la vertu de ces deux caraclèfes. Aussi plus d'un
en fait aujourd'hui le plus grand cas, et les conserve soigneu-
sement en secret... (1). »
Nous épargnerons à nos Lecteurs déjà initiés l'analyse
bien connue de ces hiéroglyphes primordiaux. Un com-
mentaire serait ici presque une impertinence. Il suffira
(i) Paracelsi opéra omnia... — Genevae. 1636, 3 vol. in-folio, fig.
(Tome II, de Occulta philosophià, pages 484-485, p(u<tm.)
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4Z4 LA CLSF DE LA MAGIE NOIRE
de rappeler que Téloile lumineuse du Macrocosme est le
symbole absolu du dogme universel d'Hermès : Quod su-
perius, sicul et quod inferius, et vice versa; tandis que
l'étoile flamboyante du Microcosme, dont nous avons
parlé plus haut (1), constitue le parfait emblème du mys-
tère qui est le corollaire du grand Arcane, divin et hu-
main : Inconscient et Volonté, Chute et Réintégration,
Épreuve et Béatitude; Dieu se faisant homme, pour que
l'Homme, à son tour, se fasse Dieu; la Mort physique,
enfin, motif discordant qui prélude au concert de la Vie
éternelle...
Ce qui explique un peu la vertu merveilleuse qu'ac-
quièrent ces pentacles dans la main d'un adepte, c'est
qu'expressifs, de temps immémorial, de la domination
que le Mage exerce sur les Esprits élémentaires et sur
d'autres races encore des Royaumes de l'Invisible, de tels
caractères constituent comme les signaux convenus du
maître incarné à ses serviteurs d'oulre-monde. Diverse-
ment efficaces, selon le mode d'emploi et la volonté du
magisle, l'aspect de ces diagrammes peut porter l'enthou-
siasme, ou la terreur, ou l'amour, parmi les phalanges
turbulentes de l'Astral; surtout quand l'expérimentateur
a pris soin de « précipiter l'image » dans l'atmosphère
seconde : soit en consumant, sur l'autel-des-parfums, le
parchemin où ces signes furent tracés (non pas avec de
l'encre, mais avec les substances requises) ; soit en réali-
sant l'esquisse ignée de ces pentacles, au moyen de la
machine de Holtz (ou d'une forte bobine d'induction),
(1) Kn ce môme chapitre^ pages 386-387.
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TOBCE DE LA VOLONTÉ 425
sur une plaque de verre ponctuée de fines découpures
métalliques, que rejoint Tétincelle en jaillissant de l'une
à l'autre (1). L'instrument en usage à cet effet rappelle
le tableau magique ou carreau fulminant de nos labora*
toires.
Li'étoile du Macrocosme s'électrise ainsi à permanence,
pour qu'elle scintille avec la majesté calme de l'Ordre
universel dentelle est l'emblème; — l'étoile microcos-
mique, à l'inverse, doit fulgurer par brusques intermit-
tences, comme l'édair d'iEIohîra ou le verbe dévorant
de Michaël : aussi l'électrise-t-on par saccades.
c Ignescunt signa deorum », disaient les anciens adep-
tes... L'homme affranchi est un dieu, éclipsé dans les
ténèbres corporelles; mais quand sa volonté fulgure au
dehors, les Esprits élémentaires obéissent en tremblant...
Paracelse d'ailleurs, malgré sa prédilection pour les
deux signes qui sont comme la synthèse radicale des au-
tres, ne négligeait point ceux-ci, surtout en matière de
médecine occulte. Ses sept livres des Archidoxes magi-
ques (2) présentent une interminable série de caractères
(1) La précipitation électrique servit vraisemblablement à Martinës
de Pasqaally, pour projeter en astral les hiéroglyphes lumineux qu'il
faisait apparaître à ses disciples travaillant dans leur « quart de cercle •.
Cf. le livre de Papus, Martinè$ de Pasqually, pages 92-93, 109 et
pasêim,
(2) On trouve dans les Opéra omnia de Paracelse, publiées à Ge--
nève, en 1636 (3 vol. in-folio), deux recueils d^Archidoxes (ou Prin-
cipes doctrinaux), relatifs k des sciences très distinctes. Il faut se
garder de confondre les Archidoxes magiques, en sept livres^ qui ter-
minent le tome II, avec les Archidoxes hermétiques, en dix livres, qui
se trouvent au début du même tome.
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4S6 LA CLEF DE LA MAGIE NOIRE
presque inintelligibles au prime abord, et que Ton ne dé-
chiffre qu'à force de patience, et sous condition de bien
connaître le tour d'esprit de cet homme étrange, et ses
caprices d'abréviations. Chacun de ces pentacles consti-
tue une amulette, pour préserver ou guérir de telle ou
telle maladie. C'est un signe, à la fois de direction et
d'appui, où, comme en une citadelle imprenable aux in-
telligences profanes, il a inclus telle volition curative,
circonscrite et dynamisée par sa correspondance avec les
influx astrologiques de similaire vertu, que le signe ré-
sume abrégés, dans sa concision monogrammatique.
L'arcane d'où dépend l'efficacité des pentacles, amu-
lettes et talismans, n'est point autre.
Prenons pour exemple une médaille- talismanique du
soleil (1). — L'influence céleste y est doublement évo-
(1) Nous relevons, dans les œuvres de ce brouillon d'Etteilla, une
explication des talismans qui, pour être matérialiste et naïve à l'excès,
ne laisse point que d'exprimer figurativement, d une sorte assez frap-
pante, la nature du talisman et ses propriétés. Mais c'est ici surtout
qu'il faut se garder de « la lettre qui tue ».
« A Etteilla. -> Est-il vrai, Monsieur, que vous fabriquiez des mé-
dailles que l'on nomme talismans, pour avoir du bonheur? Si cela est,
faites-m'en passer une demi-douzaine.
« RépoysB. — Madame,... ceux qui ne sont pas profonds se figurent
que je peux, pour huit k dix louis, vendre à mon gré le bonheur, et
de cette conséquence, ils vont jusqu'à m'avouer la puissance de faire
le malheur des autres... Pour qu'un talisman, et non une demi^dou-
zaine, porte bonheur, c'est-à-dire pour qu'il conduise et prévienne celui
pour qui il est établi, il faut que les souhaits du requérant soient dans
sa sphère, et que ces souhaits soient légitimes, enfin qu*ils n'aient
rien contre la science et la sagesse.
<i Figurez-vous, Madame, qu'un talisman est un creux, qui reçoit
pures les influences des astres, comme le creux reçoit la cire que le
figuriste en retire;... que ces influences se reportent sur celui pour
qui est fait le talisman.
« Figurez-vous à présent que ces influences talismaniques ont une
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FORGE DE LA V0L0?IT£ 427
quée : en mode passif^ par le choix de Tor, pour métal
correspondant au soleil, et réceptif de ses rayons occul-
tes ; en mode actif, par l'apposition des figures astrologi-
ques que l'opérateur y burine. La pensée du magiste s'y
inscrit dans le choix et la disposition des caractères; son
vouloir est sigillé à même le métal par reflfort matériel
de la gravure, qu'il doit exécuter lui-même. Enfin, les
deux Puissances génératrices du talisman, influx astral
et volonté humaine, célèbrent leur union secrète dans la
cérémonie de la consécration, effectuée par le magiste,
à l'heure astrologique voulue, avec l'aide des élémentaux
et des génies planétaires invoqués.
Presque toujours le fabricaleur du talisman, de l'amu-
lette ou du pentacle n'en est pas l'inventeur premier; il
faut, en ce cas, pour obtenir un résultat eflScace, que la
pensée et le vouloir potentiels de l'inventeur (déjà liés à
rhiéroglyphe astral), passent en acte, réactionnés par
l'intention et la volonté conformes du magiste, qui, tirant
d'un ancien modèle un exemplaire nouveau, consacre ce
dernier pour son usage (1).
odeur agréable qui, portée par l'homme au talisman, se fait sentir de
tous ceux sur qui ses desseins sont jetés;... que cette môme odeur
puissante renvoyé naturellement le venin qui veut approcher le pos-
sesseur du talisman, sur celui qui le lui lance, etc.. » (Etteilla^ Philo-
Sophie des hautes Sciences, Amsterdam, 1785, pages 137-138, passim).
(1) Les talismans peuvent être aussi fabriqués et consacrés pour
autrui.— Les charlatans du plus bas étage en procurent volontiers aux
badauds, « pour huit ou dix louis i^et môme pour beaucoup moins...
Quand donc ces excellentes dupes comprendront-elles, qu'un soi-disant
occultiste qui exploite fructueusement sa science et fait payer, fût-ce
un sou, les services qu'il rend, ne peut être à coup sûr qu'un impos-
teur ou... un pauvre diable?
La Doctrine et ses bienfaits se donnent ou se refusent, mais ne se
tendent jamais.
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428 LA CLEF DE LA MAGIE IfOIRE
La vertu secrète attribuée très anciennement aux Ca-
maïeux ou talismans naturels, nous marque rorigîne pro-
bable des talismans créés par Tartifice humain, et frap-
pés au cachet de la volonté humaine. En toute chose, et
surtout en magie, la Nature a toujours été l'institutrice
de Thomme.
Ces longues dissertations qu on vient de lire, tant sur
l'origine des signatures physiques, que sur la vertu des
signes d'appui, permettent de comprendre l'usage ma-
gique de la Volonté, soit dans le bien, soit dans le mal.
Car, — nous ne nous lassons pas de le redire, — la
Magie n'est rien autre que Texercice du pouvoir créateur,
récupéré dès cette vie terrestre; et si l'homme, ayant
reconquis cette prérogative, peut l'exercer ici-bas même,
c'est par la magie cérémoniale, dont le symbolisme com-
porte pour base la science des signatures, et dont la pra-
tique exige, pour condition primordiale, l'emploi du signe
d'appui.
Point de limite alors, pour ainsi dire, à la royauté que
le Vouloir humain peut étendre sur le plan matériel.
C'est ainsi qu'on peut voir l'adepte entraîné produire
de toutes pièces des corps sensibles, par objectivalion de
la substance universelle, qu'il aura spécifiée en une ma-
tière et moulée en uneformeégalementvouluesdelui. La
première condition d'un tel phénomène est, pour le thau-
maturge, d'imaginer nettement l'objet qu'il veut obte-
nir ; puis, l'image étant bien évoluées dans sa pensée, la
deuxième condition sera de savoir compacter la lumière
astrale en mode voulu, sur la forme évoquée cérébrale-
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FORCE DE LA VOLOIfTÉ 429
ment, — laquelle sera tout ensemble, et le signe d*appui
de la Volonté créatrice, elle patron idéal de l'objet créé.
Ce tour de force occulte s'observe rarement, soit que
les thaumaturges capables de le réussir soient eux-
mêmes assez rares, soit pour tout autre motif. On peut
considérer d'ailleurs ce phénomène comme le nec plus
ultra de la puissance magique.
A l'inverse, il est loisible au magicien de désintégrer
tout objet matériel, en ramenant la matière qui le com-
pose à l'unité de la substance radicale et non différenciée.
Il peut aussi rendre l'objet invisible, en « l'éthérisant » .
Dans cet état, la matière passe aisément à travers la
matière, quitte à reprendre son apparence concrète et
impénétrable, dès que l'Agent universel qui la subtilisait
cesse de lui être appliqué. C'est le phénomène qui se
produit autour de certains médiums, par le ministère
des Ëlémentaux, dont le pouvoirsur l'Astral est si grand.
Un pot de fleurs, placé sur une table, s'évanouit sou-
dain aux regards des assistants qui ne l'ont pas perdu
des yeux une seconde; puis, au même instant, le bruit se
fait entendre sous la table, d'un léger choc contre le par-
quet : c'est le pot de fleurs qui, en phase d'éthérisation, a
traversé les pores du bois, et qui se rétablit aussitôt de
toutes pièces, dans sa forme et sa matière primitives.
Ce que le médium obtient avec l'aide des Invisibles
évoluant dans son nimbe, l'Adepte le peut réaliser, soit
par la même voie, soit par l'application pure et simple, à
l'objet, de la Lumière astrale au rouge, Aôdy dont sa vo-
lonté dirige la vertu expansive et dilatante.
L'action du vouloir sur les fluides impondérables se
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430 LA CLEF DE LA MAGIE NOIRE
traduit par un grand nombre de phénomènes prodigieux,
qu*on n*aura garde de détailler tous, leur mécanisme
occulte ne variant guère.
Tels sont les apports d*objets matériels, ce^ « bouquets >
de rigueur, au terme de toute séance spirite un peu
réussie. L*apport s'effectue d'ordinaire invisiblement ;
c'est-à-dire que l'objet subit, pendant le transport, la
métamorphose moléculaire de l'éthérisation, jusqu'au
point d'arrivée où il redevient visible, l'Agent astral cessant
de lui être appliqué. Tant qu'agit cette force sur les corps,
il sont réduits à Tétat de formes fluidiques, impondéra-
bles : nulle matière en apparence dure et compacte, qui
ne devienne, grâce à ses pores invisibles, perméable à la
matière rendue subtile pour un temps. Le métal même
passe à travers le métal. Enfin, — merveille qui se con-
çoit à peine, mais se vérifie par l'expérience, — les
corps organisés et vivants se désintègrent et se réin-
tègrent ainsi, sans souffrir la moindre altération; un
bouquet de fleurs récemment cueillies se reconstitue
dans toute sa fraîcheur, avec une goutte de pure rosée
au creux de chaque corolle!...
Des témoins dignes de foi affirment avoir vu le mé-
dium Dunglas Home, en chair et en os, se fondre et
disparaître au seuil d'une porte close; quelques instants
après, ils relevaient le téméraire expérimentateur de
l'autre côté de la porte, profondément évanoui, mais sans
une égratignure ni même une ecchymose. Or, que les
tissus vivants et délicats, constitutifs du corps humain,
se réintègrent de la sorte après s'être soudain désinté-
grés, et qu'il n'en résulte aucun dommage, la chose est
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FORCÉ DE LA VOLONTÉ 431
iéjàbien difficile à concevoir; mais qu'un homme survive
i pareille épreuve, que le sang se remette à circuler
normalement, que chaque organe reprenne aussitôt sa
fonction coutumière, voilà, nous le déclarons^ qui nous
semble passer les limites de Fintelligence et braver la
raison. Et pourtant, cela est.
Combien de phénomènes, du reste, bien constatés par
les savants, portent à Tintelligence et à la raison d*aussi
formidables défis ! Prétendra-t-on, de bonne foi, com-
prendre le mécanisme de la génération spontanée ? L'ex-
pliquer, on le tentera peut-être ; mais le comprendre /...
Et quand la vue mentale se porte aux confins sacrés du
temps et de l'espace : cette conception de l'éternité,
d'une part, qui, en deçà et au delà de l'instant actuel,
semble créer deux infinis ; d'autre part, ce fait universel
de la vie dans la vie, qui s'affirme et s'observe du haut
en bas de l'échelle des êtres, et de cercle concentrique
en moindre cercle, jusqu'à l'atome (réduit peut-être au
point géométrique, c'est-à-dire à n'exister pas !) Sont-ce
point là autant de mystères, révulsant la logique et l'en-
tendement humains ?... Ne nous hâtons jamais trop, en
matière phénoménale, de crier à l'impossible, à l'absurde.
L'impossible nous assiège, l'absurde nous étreint; et la
raison de l'homme, lorsqu'elle veut tout contrôler par
A-f-B, est alors plus cruellement victime de l'inexpli-
cable; car l'absurde l'investissait naguère, et maintenant
il est en elle.
L'apport magique peut s'efiectuer visiblement aussi,
soit par extériorisation partielle du corps astral, soit par
l'office des Élémentaux.
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432 LA CLEF DE U MAGIE NOIRE
Fabre d'Olivet, chez qui la science était doublée d'un
entraînement magique considérable, affectionnait ce genre
d'expériences. L'empereur Napoléon, son ennemi per-
sonnel, avait pourvu à ce que nul message de la part du
théosophe n'arrivât jusqu'à son cabinet des Tuileries.
L'auteur des Vers dorés de Pylhagore ayant intérêt, lors
de la publication de ce chef-d'œuvre, à forcer le blocus,
fut lui-même, en corps astral, porter une lettre à TEm-
pereur. Napoléon crut qu'on avait violé la consig^Q^ cl
s'en irrita fort ; mais il ne put jamais découvrir le coupa-
ble. On trouve une allusion à ce fait curieux, dans le
deuxième tirage des Notions sur le sens de l'ouïe (1 )
(1819, in- 8®). — Cet opuscule, publié d'abord en
1811, sous ce titre : Guérisonde Rodolphe Grivel^ relaie
et commente six cures de sourds et muets de naissance,
opérées par Tau leur, d'après les procédés des mages
de rÉgypte, dont Moïse a condensé la science aux dix
chapitres du Sépher. Toutes les pièces à conviction dési-
rables font suite au texte principal : elles ne peuvent lais-
ser aucun doute sur la réalité de ces guérisons magiques.
D'Olivet les avait entreprises sur le défi de M. de Mon-
talivet, alors ministre de l'Empire, qui avait mis le magiste
en demeure de justifier, par quelque phénomène décisif,
(1 ) « Mais ce n'était pas tout de l'avoir écrit (ce livre des Ver$ dorés),
il fallait le faire imprimer, et Napoléon y consentirait-il ? Je le sondai
par une lettre flatteuse, qui, malgré les obstacles qu'il opposait à ce
que rien de moi lui pût parvenir, lui arriva néanmoins par une rouie
tout extraordinaire, et faite pour piquer sa curiosité. Il jeta ma lettre
au feu après l'avoir lue ; et, quoique je le priasse instamment de me
répondre oui ou non, il ne me répondit ni l'un ni l'autre. » (Notions
sur U sens de l'ouie, pages 20-21).
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FORCE DE LA VOLONTÉ 433
de la science qu'il prétendait incluse au seul Berœshith,
L'impression, aux frais de l'État, du grand ouvrage qui ne
vit le jour qu'en 1815, la Langue hébraique restituée, de-
vait être le trophée de la victoire. Une préface ajoutée à
rédilion de 1819, Notions sur le sens de Vouie, relate les
détails de celte piquante aventure. — Nous lisons d'autre
part, dans la Notice biographique la plus complète que
nous connaissions sur Fabre d'Olivet, ces lignes signifi-
catives : « 11 attachait une si grande foi au pouvoir de la
Volonté, qu'il assurait avoir souvent fait sortir un volume
de sa bibliothèque en se plaçant en face, et en s'imagi-
nant fortement qu'il avait l'auteur devant les yeux. Cela,
dit-il, lui arriva souvent avec Diderot (1). » Nous citons
sans commentaires cette allégation, certainement vraie
pour le fond des choses, bien que sans doute incorrecte
dans les termes que nous avons transcrits...
La lévitation^ ou déplacement visible et suspension
aérienne des objets, par l'acte de neutraliser leur pesan-
teur, s'obtient en réfrénant Hereb, le principe de la force
centripète.
On connaît les expériences célèbres de Daniel Dunglas
Home, s'élevant sans appui jusqu'au plafond de la salle
où il donnait ses séances. Le médium Eglington renou-
velait naguère (1887), à la cour de Russie, le même pro-
dige, entre beaucoup d'autres. Nous empruntons quel-
(1) Dictionnaire de la conversation et de la lecture, Paris, 1837,
in*8^ (Tome XLI, page 16). La notice concernant Fabro d'Olivet a
paru sous la signature de M. Charles du Rozoir.
28
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434 LA CLEF DE LA MAGIE iNOlRE
ques lignes au récit très circonstancié et certainement
sincère que lui*niême en publiait à cette époque.
c L*1mpératrîceprît place à ma gauche, la Grande-Duchesse
d'Oldenbourg à ma droite. A gauche de l'impératrice, le Grand-
Duc d*Oldenbourgy puis le Czar, la Grande-Duchesse Serge, le
Grand-Duc Vladimir, le Général Richler, le Prince Alexandre
d'Oldenbourg et le Grand-Duc Serge. Nous joignîmes nos
mains, l'Impératrice saisit fortement la mienne, puis les lu-
mières furent éteintes. Aussitôt, les manifestations commen-
cèrent; la plus frappante fut une voix qui s'adressa à l'Impé-
ratrice, et avec qui elle s'entretint pendant quelques minutes...
Une forme de femme se matérialisa entre le Grand-Duc Serge
et la Princesse d'Oldenbourg, mais elle ne resta qu'un instant
et disparut. Je ne mentionne pas les phénomènes moins impor-
tants, si familiers aux spiritualistes; je dirai seulement qu'une
énorme botte à musique, pesant au moins 40 livres, fut trans-
portée autour du cercle, jusqu'à ce qu'elle se posÂt sur la main
de l'Empereur, qui demanda alors qu'on l'enlevÀt, ce qui fut
fait de suite. Pendant ce temps, les nombreuses bagues qui
couvraient les doigts de Tlrapératrice s'enfonçaient dans ma
chair, si bien que je dus la prier de ne pas serrer si fort ma
main. Je commençai à m* élever en Vaxr; Tlmpératrice et la
Princesse d'Oldenbourg me suivirent. La confusion devint
indescriptible, à mesure que je m'élevai plus haut et plus haut ^
et que mes voisins grimpaient comme ils pouvaient sur des
chaises. Il n'était guère favorable à l'équilibre mental du
médium de savoir qu'une Impératrice se livrait à une gymnas-
tique si insensée et qu'elle pourrait se blesser ; et je ne cessai
de demander, tout en m'élevant en l'air, que l'on me permît
de mettre fin à la séance. C'était en vain, et je continuai à
m'élever jusqu'à ce qu'à la fin, mes pieds se trouvassent en
contact avec deux épaules sur lesquelles je restai, et qui se
trouvèrent être celles de l'Empereur et du Grand-Duc d'Olden-
bourg. Comme une personne le fit remarquer malicieusement
après : « C'était la première fois que l'Empereur de Russie se
trouvait sous les pieds de quelqu'un ! » Lorsque je descendis,
la séance prit fin...
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FORGE DE LA VOLONTÉ 435
(Suit la narration d'autres phénomènes).
c ... L'Empereur se leva de son siège, et me serrant forte-
ment la main, il me dit : « Tout cela est vraiment extraordi-
«c naire et je vous remercie d'avoir été Foccâsion de me faire
<L voir ces manifestations... > J'ajouterai qu'avant de quitter
la RussiCyje reçus deux paires de solitaires en diamant et en
saphir, que je porte en souvenir des événements que je viens
de raconter, et à cause de l'honneur qui y est attaché... (1) » >
Il n'est pas rare d'assister dans l'Inde à des expériences
analogues. Ces phénomènes que nos médiums réussissent
quelquefois avec l'aide des Élémentaux, les Fakirs et les
Yoghis les réalisent, soit en s'assurant des mêmes auxi-
liaires, soit par l'action directe de la volonté sur TAkasa.
11 est juste d'observer pourtant que plusieurs de ces
thaumaturges hindous prétendent avoir recours à l'assis-
tance des Pitris^ ou des âmes de leurs ancêtres... Bien
des voyageurs ont pu vérifier ce surprenant prodige de
rélévation sans support. M. Louis Jacolliot, qui a été
longtemps magistrat dans nos possessions françaises de
rinde, a publié un livre des plus curieux, où il relate, entre
autres merveilles accomplies par les Fakirs, ce phéno-
mène, si rare en Occident, de la soi-lévilation (2).
Nous aurions fort à faire, s'il nous fallait rechercher
l'emploi magique de la Volonté partout où elle joue un
rôle, puisqu'il n'est point d'œuvre, soit de lumière, soit
de ténèbres, où elle n'intervienne : tantôt pour exercer
son empire (ainsi procèdent les adeptes), et tantôt pour
{i) Le Spiritualisme en Russie, par W. Eglington (L'^wrore du 15
juillet 1887, pages 432-434, passim),
(2) Le Spiritisme dans le monde. L'Initiation et les Sciences occultes
dans VInde; Paris, Lacroix, 1879, in-8 (pages 287-288 et 307-308).
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436 LA CLEF DE LA MAGIE NOIRE
Tabdiquer au profit des Larves et des lémures (dont le
sorcier devient finalement l'esclave).
D'autre part, notre intention n'est aucunement de dis-
séquer par le menu les œuvres mauvaises, ni d'enrichir
de gloses le Rituel du Mal, en sorte de rendre sa pratique
ou plus facile, ou moins dangereuse. Si l'on trouve en ce
tome, comme au précédent, l'analyse de certains malé-
fices, nous ne la proposons que pour exemple des lois
occultes, saisies sur le vif de leur application ; non point
à titre de commentaire cérémonial, offrant des armes au
service des passions coupables ou des mauvaises curio-
sités.
La Justice immanente des choses édicté et exécute,
dès ici-bas, la sentence du maléficiant. La norme du choc
en retour, presque impossible à éluder pour lui, le frap-
pera sur cette terre, — sans préjudice des abominables
horizons karmiques dont il s'ouvre le cycle posthume.
Le sorcier ne l'ignore point : assurance d'un présent mi-
sérable et pressentiment d'un sinistre futur, — il y a là
un frein salutaire. Dieu nous garde de l'affaiblir!
Celui-là serait déçu, qui demanderait à notre Clef de
la Magie Noire des moyens pratiques de nuire au pro-
chain, tout en réduisant pour soi les risques au mini-
mum. Cewor quisavent nous rendront ce témoignage, que
dans le détail des plus perverses opérations, mentionnées
en ce livre, nous primes soin, — sans rien omettre du
nécessaire à l'intelligence doctrinale, — de négliger tou-
jours l'indication de quelque procédé pratique, de nature
soit à garantir le succès expérimental, soit à en suppri-
mer le péril, au profit de l'opérateur.
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FORCE DE LA VOLONTÉ 437
Chez le commun des hommes, les passions animiques
sont assez intenses pour réactionner la volonté et la ren-
dre magiquement efficace. Rien n'est plus fréquent, d'un
individu à Tautre, ou d'un groupe humain à une commu-
nauté soit amie, soit rivale, que les volitions bienveillan-
tes ou hostiles, exprimées ou tacites, sous la forme de
bénédictions, d'anathèmes, de souhaits, d'imprécations,
elc...
S'il suffisait de lever le doigt au ciel pour frapper son
ennemi à distance, on verrait bien des morts soudaines.
On n'a pas oublié l'hypothèse fantasque d'un philosophe
du siècle dernier, peut être Jean- Jacques : il suppose
qu'un simple geste, exécuté par Paul, toutes portes closes,
au fond de son cabinet, ait la vertu de faire mourir aux
antipodes un très riche mandarin, dont l'héritage soit
acquis à Paul, sans que nul puisse jamais soupçonner la
cause de cette mort(l). Combien de civilisés, conclut le
sophiste, répudieraient pareille tentation? Qui oserait,
en semblable occurence, répondre de sa prud'homie?...
(1) Voici la phrase aUribuée à Jean-Jacques par Balzac et Protai :
• S'il suffisait, pour devenir le riche héritier d'un homme qu'on n'au-
rait jamais vu, dont on n'aurait jamais entendu parler, et qui habite-
rait le fin fond de la Chine, de pousser un bouton pour le faire mourir,
qui de nous ne pousserait ce bouton et ne tuerait ce mandarin? >
C'est presque en termes identiques que Chateaubriand formule cette
môme hypothèse, qu'il semble présenter comme de lui {Génie du
Christianisme, i^e partie, vi, 2). D'autre part, M.Jules Claretie, faisant
allusion & ce célèbre paradoxe, remarque avec raison que jamais on
n'a su au juste qui l'avait inventé (Cf. Jean Mornas, page i3). — Un
fait constant, c'est que la locution « tuer le mandarin • est passée en
proverbe, dans le sens de « commettre une mauvaise action, avec la
certitude de n'être jamais soupçonné. >
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438 LA CLEF DE LA MAGIE NOIRE
Nous avons de la majorité des humains une opinion
meilleure. Mais à écarter ce mobile ignoble de la cupi-
dité motivant un lâche assassinat, — resteraient la haine,
l'envie, la colère, la jalousie d'amour, toutes passions
très capables d'égarer la Volonté jusqu'au crime, ainsi
qu'on le voit tous les jours. Un froid calcul déciderait les
natures mauvaises à se venger ainsi sans risques ; quel-
ques natures généreuses même subiraient l'entraînentient
au crime, dans un premier mouvement d'indignation, de
fureur ou de dépit.
Héritage et impunité à part, le maléfice peut faire une
réalité terrible de la folle hypothèse du mandarin. — Voilà
encore une de ces choses qu'ignoraient profondément,
avec Rousseau, tous ces « génies universels du xvih* siè-
cle », badineurs des superficies philosophiques et mora-
les, à qui le bel esprit, l'ironie facile ou le paradoxe élo-
quent tinrent lieu si souvent de science et de conscience.
Supposons la possibilité du maléfice universellement
admise, comme elle le sera peut-être à la fin du xx« siè-
cle. De cette conviction à l'essai curieux, puis à l'essai
profitable, sans doute pour le plus grand nombre n'y au-
rait-il pas très loin. Spontanée ou préméditée, l'intention
ne manquerait pas; c'est le détail pratique, le procédé
immédiat qui feraient défaut à beaucoup d'hommes, pour
exercer la magie noire.
Non qu'il y faille grande science : quand bien même
de dangereuses recettes ne traîneraient pas dans les gri-
moires populaires, à la portée de chacun, — la malice
humaine, l'intuition perverse, l'ingéniosité de la haine et
de l'envie suffiraient à y suppléer. Malheureusement au
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FORCE DE LA VOLONTÉ 439
5ré des mauvais, pour eux la mêlée occulte n'est pas
>ans risque à courir : c'est donc du bouclier qu'ils seraient
3n peine, bien plus que de la lance ou du poignard. Le
privilège de l'impunité immédiate, le moyen pratique et
sûrement efficace de conjurer le péril, voilà ce que les
grimoires ne fournissent guère, et ce que les adeptes de
la science pourraient seuls garantir au maléficiant. Mais
ceu7c-ci ne parleront pas. Que la loi formidable du choc
en retour demeure suspendue sur qui veut mal faire,
comme le glaive sur Damoclès !
Quant à la théorie générale, elle est la même pour
l'œuvre à accomplir par le mage, le sorcier ou le thau-
maturge sacerdotal. L'intention seule varie, et le décor,
et les accessoires prescrits; mais le fond des choses ne
saurait changer. En toute opération magique, la volonté
de l'homme, exprimée par un signe qui lui sert à la fois
de formule et d'appui, agit sur les fluides impondérables
ou sur les Invisibles, à la faveur du médiateur plastique
ou corps astral.
La Volonté dans le Bien s'exerce presque toujours col-
lective, parce que la division, l'isolement, la limite, cons-
tituent en quelque sorte l'essence même du Mal ; ce qui
revient à dire, les qualités susdites étant privatives, que
le Mal est dépourvu de réelle essence.
Dans le Mal, souvent le Vouloir individuel tente d'agir
isolé; mais ce Vouloir s'exerce aussi collectivement.
Alors il faut compter sur TÉgrégore, ainsi que nous
Tavons expliqué au chapitre précédent. L'Égrégore a
une volonté propre; il exploite et utilise, sans les consul-
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440 LA CLEF DE LA MAGIE NOIRE
ter, les individualités de son groupement; il se joue de
leurs douleurs ou de leurs joies, et jongle à son caprice
avec leurs existences; mais en retour, ces infimes vou-
loirs individuels peuvent évoquer l'Égrégore et s'en ser-
vir. — Solidarité et réversibilité magiques.
Est-il besoin de revenir sur nos enseignements anté-
rieurs ? — Rappelons alors que les grands courants de
vertu ou de perversité, de fanatisme ou de foi, dont une
chaîne magique plus ou moins artistement tendue est tou-
jours la pile génératrice, sont régis par les Dominations
collectives de l'Invisible, ces anges du Ciel humain.
De ces arcanes relève la création des grandes religions,
comme la genèse des associations ténébreuses.
Les verbes créateurs : bénédictions, anathèmes, puisent
là leur force et leur efficacité. On ne bénit, on ne réprouve
qu'au nom de quelque Principe, et conséquemment de
quelque Puissance, traduction vivante du Principe abs-
trait. Par ces actes solennels, enfin, l'on attache à celui
qui en est l'objet la protection ou la vengeance de TÉ-
grégore, recteur de la Collectivité au nom de laquelle on
prononce.
L'excommunication est, à la lettre, l'acte d'expulser
un homme du groupe vivant auquel il participait jusqu*a-
lors : communion des saints ou communion des pervers.
C'est l'élimination d'une cellule animée, hors de l'orga-
nisme à quoi elle se rattachait. L'analogie est exacte;
car, si les Églises et les Associations occultes possédaient
encore la sève et la virtualité de leur prime jeunesse; si
l'Égrégore qui constitue leur àme ne s'abâtardissait ou
ne se civilisait à la longue, tandis que leur corps social
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FORGE DE LA VOLONTÉ 441
se débilite à sommeiller dans la nécropole de ta lettre
morte, — l'excommunication serait encore, comme elle
Ta été, une sentence capitale, à délai plus ou moins bref.
Que d'exemples on pourrait citer, qu'il vaut mieux
taire!...
L*excommunié d'une collectivité quelconque, soucieux
de conjurer le verbe de réprobation qui pèse sur lui, ne
doit point rester dans l'isolement. Il convient, ou qu'il
se réconcilie de suite avec ses frères, si tant est qu'on
l'admette à résipiscence; au cas contraire, ou encore lors-
qu'en son for intérieur, il juge néfaste l'œuvre à laquelle il
avait cru devoir collaborer jusque-là, il devient urgent
qu'il s'affilie, de fait ou d'intention, dans un groupe si-
non positivement hostile au premier, du moins autre.
L'individu qui brave, isolé, une Puissance collective
adverse, sera fatalement brisé, — ou converti, — en un
mot, vaincu.
C'est pour le soustraire aux courants des volontés ad-
verses, et lui permettre de défier le pouvoir des Collec-
tifs qui les gouvernent, que la Magie ordonne à l'opérateur
de s'enclore dans un cercle, avec les hiéroglyphes de sa
religion gravés au pourtour. Ces cercles, véritables for-
teresses pentaculaires, symbolisent la communion spiri-
tuelle dont il fait partie, et la protection efficace que lui
vaut son adhésion au verbe collectif. Toujours le signe
d'appui de la Volonté! S'il sait bien en tirer parti, l'oc-
cultiste centuple sa force en la multipliant par celle de
tous ses adelphes vivants; et même, comme nous l'avons
énoncé ci-dessus, il peut évoquer l'Égrégore qui régit la
collectivité, et se couvrir de son égide.
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442 LA CLEF DE LA MAGIE NOlRË
Le baron de Gleichen, dont les Souvenirs posthumes
sont si précieux pour l'histoire de TÉsotérisme au
xvni^ siècle, raconte un fait des plus significatifs, qu'on
sera bien aise de nous voir enregistrer à l'appui de nos
dires. Il en tient le récit de la bouche du sieur de la
Chevallerie, le personnage même de l'aventure. Les lec-
teurs du livre très documenté de Papus sur rilluminisme
en France{i) n'ignorent point comment Martinès dePas-
qually prescrivait à ses disciples de disposer le local de
leurs évocations. Rappelons, en deux mots, que chaque
néophyte « travaillait » seul, dans un segment ou quart de
cercle tracé à l'Orient, avec de mystérieux monogrammes
inscrits et des cierges allumés aux angles. A l'opposite oc^
cidentale, se trouvait un cercle plus grand, dit Cercle d^
retraite, qui symbolisait le Maître absent et la Puissance
suprême de la chose (2). . Les œuvres magiques de l'Ordre
consistaient surtout en d'opiniâtres luttes contre les forces
inversives des cercles mauvais. Ces batailles se livraient
aux solstices et aux équinoxes (3). Or, il advint qu'un
(1) L'/iiuminisme en France, Martinès de Pasqually, etc.. (pages
80-82).
(2) Les disciples do Marlinès désignaient sous cette énigmatique
appellation le Collectif invisible de l'Ordre, et généralement tout prin-
cipe des manifestations occultes : « la Chose veut (disaient-ils volon-
tiers), la Chose permet, la Chose a défendu..., Obéissons à la Chose,
etc.. )•
(3) « Les travaux magiques de ces Messieurs ont pour objet sur-
tout de combattre les démons et leurs satellites, sans cesse occupés à
répandre les maux physiques et spirituels sur toute la nature par leur
magie noire. Les combats se font particulièrement aux solstices et aux
équinoxes, de part et d'autre. Ils travaillent sur des tapis crayonnés,
sur lesquels ils établissent leurs citadelles, qui consistent en un grand
cercle au milieu pour le grand medtre, et deux ou trois plus petits pour
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FORCE DE LA VOLONTÉ 443
jour, la Chevallerie, contrevenant aux prescriptions de
rÉcole, voulut accomplir les saints rites en dépit d'une
souillure récemment contractée. C'était une imprudence;
ses assistants. Le chef, quoique absent, voit toutes les opéraUons de
ses disciples, quand ils travaillent seuls, et les soutient. » (Souvenirs
de Charles- Henri, Baron de Gleichen ; Paris, Techener, 1868, in-8,
pa^e i52.)
Quelques détails diffèrent, si l'on compare les renseignements four-
nis par Gleichen et ceux que donne Papus. Mais ce ne sont pas des
contradictions. La place assignée au grand cercle variait certainement,
d*aprës le grade de l'affilié et la nature des opérations : il n'y a donc
rien d'étonnant k ce que l'un de ces auteurs le localise au centre, et
l'autre à l'occident. Quant aux petits cercles mentionnés par Gleichen,
ils correspondent certainement aux quarts de cercle, ou segments, de
la correspondance de Martinès, éditée en substance par les soins de
Papus. 11 est d'ailleurs vraisemblable, et c'est l'hypothèse que nous
avons admise, qu'un petit cercle était inscrit dans chaque segment, et
devenait ainsi la citadelle du néophyte. De la sorte, tout est concilié.
Les œuvres magiques des disciples de Martinès ne variaient pas seu-
lement d'après le grade, mais aussi selon l'idiosyncrasie occulte de
chaque disciple. Quelques-uns pratiquaient la Sortie en corps astral,
comme nous le témoigne la correspondance de Saint-Martin avec Liebis-
torff. Le Bernois écrit à son maître, à la date du 25 juillet 1792 :
« L'École par laquelle vous avez passé pendant votre jeunesse me rap-
pelle une conversation que j'ai eue, il y a deux ans, avec une personne
qui venoit d'Angleterre et qui avoit eu des relations avec un françois
habitant ce pays, nommé M. d'Hauterive. Ce M. d'Hauterive, d'après ce
qu'elle me disoit, jouissoit de la connoissance physique de la Cause
active et intelligente ; qu'il y parvenoit à la suite de plusieurs opéra-
tions préparatoires, et cela pendant les équinoxes, moyennant une
sorte de désorganisation dans laquelle il voyoit son propre corps sans
mouvement, comme détaché de son âme; mais que cette désorganisa-
tion étoit dangereuse, à cause des visions qui ont alors plus de pou-
voir sur l'àme ainsi séparée de son enveloppe, qui lui servoit de bou-
clier contre leurs actions, etc. » (Corresp., page 49). — Saint-Martin
répond, & la date du 25 août : « M. de Hauterive, qui a eu le même
maître que moi, s'est donné plus que moi à cette partie opérative, et
quoiqu'il en ait reçu plus de fruits que plusieurs de nous, je vous avoue
cependant que je n'en ai pas vu de sa façon qui m'aient engagé à chan-
ger d'idées. Il a assez d'autres mérites à mes yeux. » (Ibid.y page 30).
— Dans une lettre ultérieure, du 6 septembre, Saint-Martin explique
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444 LA CLEF DE LA MAGIE NOIRE
il ne tarda guère à s'en repentir. A peine avait-il engagé
le combat, dans son quart de cercle, qu'il sentit la vie
refluer de son cœur, et une mortelle angoisse l'envahir
et l'étreindre. La force de ses adversaires l'accablaif, il
était près de succomber. Soudain, une brusque inspira-
tion se fit jour en lui, et il trouva la force de s'élancer
dans le cercle de retraite. Dès qu'il y fut, une réaction
s'opéra, salutaire : son cœur se remit à battre, la cons-
cience lui fut rendue avec la vie. En même temps, une
délicieuse sensation de tiédeur moite et parfumée Tenve-
loppa comme un bain... Le péril était passé... A quel-
ques jours de là, Martinès écrivit à son disciple qu'il veil-
lait sur lui de loin, et l'avait assisté dans sa détresse, en
lui suggérant de se jeter ainsi « dans le grand cercle de
la Puissance Suprême (1) ».
L'emploi du cercle magique est indiqué, toutes les fois
qu'on affronte des colères ou des haines collectives, et
qu'on s'expose en butte à la réprobation d'une Puissance
constituée (2).
L'aphorisme bourgeois qull ne faut pas braver Vapi-
que la séparation du corps et de Tâine ne saurait être absolue qu'à la
mort, et qu'ainsi « il y a quelque chose d'exagéré » asoutenirqueM.de
Hauterive se dépouillait de son enveloppe corporelle : « l'àme ne sort
du corps qu'à la mort; mais pendant la vie, les facultés peuvent s'étendre
hors de lui et communiquer à leurs correspondants extérieurs sans
cesser d'être unies à leur centre» etc. » (Jbid., page 38). Ici, Saint-
Martin est au-dessous de la vérité, et Ton voit bien qu'il ne connaît que
par oul-dire le phénomène dont il parle.
(1) C/". Souvenirs du Baron de Gleichen (pages 152-153).
(i) On entend bien que nous parlons occultisme^ et qu'il ne s'agit
point d'enfermer dans un cercle un gros propriétaire en bisbille avec
lo Conseil municipal de §a commune, ni un braconnier rebelle au
garde-champétre.
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FORCE DE LA VOLONTÉ 445
niorij n'est point aussi ridicule qu'on serait tenté de le
croire. La Volonté active détermine sur le plan astral
des courants fluidiques évaluables, si Ton peut dire, en
volts et en ampères : aussi, — magiquement parlant,
— un vouloir isolé, si énergique soit-il, ne brave pas sans
risques un faisceau de vouloirs hostiles, groupés avec in-
telligence et dirigés selon la norme dont nous avons dit
la formule. La volonté humaine est une puissance formi-
dable ; mais il est dans sa nature de se diviser aisément :
alors elle s'oppose volontiers à elle-même, cependant
qu'elle croit encore agir dans une direction unique. C'est
ce qui arrive quelquefois dans les ententes pour le bien,
toujours et presque aussitôt dans les coalitions pour le
mal.
Voilà qui nous ramène de nouveau, ainsi que le Lecteur
Ta sans doute compris, au mystère de la chaîne sympa-
thique. Lorsqu'un concours de Volontés unanimes ne
produit que de faibles résultats, et n'a point raison d'un
Vouloir isolé, c'est que les éléments de la batterie hu-
maine sont anormalement disposés. La chaîne est mal
tendue : c'est comme si, en amorçant des piles électriques
de Daniel, le garçon de laboratoire reliait les zincs aux
zincs et les cuivres aux cuivres, au lieu d'alterner, sui-
vant la règle. Dans ce cas, les courants se neutralisant,
le résultat est nul.
Quand, à l'inverse, les multiples Vouloirs, correcte-
ment agencés en chaîne d'influx, réalisent leur maximum
de rendement, l'être isolé qui veut leur tenir tête n'a
d'autre ressource que d'entrer virtuellement dans une
autre chaîne : soit qu'il s'enferme, s'il veut combattre.
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446 * LA CLEF DE LA MAGIE NOIRE
dans une citadelle occulte (le cercle) ; soit en mode pas-
sif, et s*il lui suflit de se garantir, qu'il se fie à la vertu
d'autres signes, également expressifs des Puissance^
collectives amies, tels que pentacles, talismans, rites sa-
cramentaux, etc..
L'excommunication majeure, telle qu'on la pronoDce
dans le catholicisme, ressemble fort à un maléfice sacré,
avec les anathèmes imprécatoires et le lugubre cérémo-
nial dont on l'accompagne.
11 n'était point rare, aux époques de foi militante et
d'intransigeance religieuse, de voir le malheureux que
l'Église avait frappé de ses foudres (c'est le terme reçu)
dépérir en des maladies singulières et terrifiantes, oii la
vengeance du Ciel semblait s'inscrire et transparaître.
On cite des cas de mort soudaine : d'autres fois, c'est la
lèpre qui ronge le réprouvé, ou des vers qui le dévorent
tout vif.
Combien l'histoire ecclésiastique n'enregistre-t-elle
point de cas analogues! Bien avant la consolidation du
Pouvoir pontifical, les premiers Pères relatent plusieurs
exemples des anathèmes d'un thaumaturge, sentences
immédiatement exécutoires et traduites en mortelles
catastrophes ; et sans sortir du Nouveau Testament (ni
redescendre à l'ancien, où les épisodes similaires abon-
dent), les Actes des Apôtres nous montrent Ananias et
Saphira foudroyés, dans l'instant que Saint Pierre leur
signifie la sentence du Ciel.
M. Josophin Péladan, ce grand artiste excentrique de
qui les œuvres^ inégales et de rédaction trop hâtive,
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FORCE DE LA VOLONTÉ 447
cHîncellent d'étranges et captivantes beautés, propose
dans Istar un procédé de chaîne monastique bissexuelle,
pour l'extermination des ennemis de l'Église, — concep-
tion moins paradoxale qu'il n'y paraît à l'abord. On nous
permettra de transcrire, à titre de curiosité, ces lignes
assurément peu banales.
DES CONDAMNATIONS CAPITALES
a Lorsqu'il sera nécessaire de frapper un ennemi de TEglise,
— et pour cela il faudra le double assentiment du Sacré-Col-
lège cardinalice et du collège gnostique des vingt-deux, — on
réunira deux cents moines et nonnes, cent de chaque sexe ;
ils se tiendront tous par la main ; au moment où le prêtre
élève rhostie, ils s'uniront de volonté avec rofficianl : celui-
ci alors élèvera Thostie contre le condamné, — qui tombera
roide mort en n'importe quel lieu du monde où il sera.
€ Attendu que la somme de force nerveuse de cent volontés
bissexuelles représente un mouvement électrique d'une force
déterminable, et que Tofficiant est à la fois le point convergent
et Texcitateur électrique, il projettera un cou rantd*u ne vitesse
énorme et de la puissance d'étincelle d'une pile excitable à
vingt mètres.
c Ceci est de la physique pure : en hyperphysique, il y a
bien autre chose (1). d
Cette ébauche de magie sacerdotale (2) donnerait à
{i) /ftor, Paris, 1888, 2 vol. in-8 (page 130).
La théorie apparaît claire et correcte, en dépit de quelque inexacti-
tude dans l'expression scientiGque. Ce qui parait plus critiquable, c'est
l'emploi de l'hostie rédemptrice comme arme de mort.
(2) Une autre théorie d'envoûtement sacré se peut lire dans l'ouvrage
d'un initié, d'ailleurs sujet à caution, M. Adolphe Bertet, qui a cru
trouver dans V Apocalypse de Saint Jean le rituel complet de cette œuvre
de colère.
Cette page, dont chacun peut penser ce qu'il veut, est incontestable-
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448 LA CLEF DE LA MAGIE NOIRE
rêver de quelque Grégoire Vil, dont l'écusson portât en
sautoir les clefs d'Hermès croisées avec celles de Saint-
Pierre. Mais quand un politique doublé d'un adepte s'as-
ment très curieuse, et comme le volume est fort difficile à trouver.
nous la reproduirons sous toutes réserves. Il est bon de prévenir que
l'auteur commente le viiie chapitre de V Apocalypse, et que par « 1^
Microcosme », il entend le Mage ofiiciant, vicaire du Christ...
« Ici (dit M. Bertet), comme nous allons le voir, il ne s'agit pas
d'une œuvre de miséricorde. Il faut, au contraire, rompre l'équilibre
de la balance qui est entre les mains de Dieu, forcer le plateau qui re-
présente la miséricorde à céder k celui qui représente la justice, qui
est chargé de tous les crimes qui ont lassé la patience des saints.
<r Pour déterminer l'œuvre magique de justice et de vengeance, le
Microcosme réunit dans son encensoir tout le feu qui est resté dans la
cassolette sur l'autel des parfums ; puis il le répand sur la terre, en de-
hors du cercle magique dont il a eu soin de s'entourer, en invoquant
le bras ou l'appui du Très-Haut pour le ch&timent des coupable^.
{Echéziel, chapitre x, verset 2 ; ch. xxiv, v. 3 et suivants ; chap. iv.
V. 3).
«( Le cercle doit servir à graver dans le souvenir des anges chargés
de l'exécution de la vengeance, qu'en frappant les hommes, ils doivent
épargner tous ceux qui sont marqués au front du signe de la ré-
demption, et qui sont mentalement censés placés dans le cercle, sous
l'égide et la protection immédiate du Microcosme : c'est là l'égide ou !<'
bouclier du Seigneur, qui doit préserver toute sa milice sainte sur ta
terre des atteintes de l'armée de Satan. C'est là une opération analogue
a celle que Jésus enseigne à ses ap6tres, lorsqu'il leur dit de secouer,
en signe de malédiction, la poussière de leurs souliers contre ceux qui
les rebuteront (Matthieu, chap. x, v. 14).
« C'est là la plus redoutable et la plus périlleuse des opérations ma-
giques ; elle est analogue à celles par lesquelles nous avons vu précé-
demment Elle attirer le feu du ciel sur l'autel, et faire tomber la foudrt*
sur deux compagnies de cinquante hommes chacune; Jésus sécher le
figuier, et les apôtres demander à Jésus la permission de foudroyer ceux
qui refusaient de les recevoir, lorsqu'il les gourmanda vertement sur
l'abus qu'ils se préparaient à faire de cette vertu ou puissance (Luc,
chap. i\, V. 35).
K Si la prière est agréée par la justice de Dieu, des signes se mani-
festeront à l'instant dans le ciel : les éclairs sillonnent les nues ; la
foudre éclate ; les vents soufflent avec impétuosité des quatre points
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FORCE DE LA VOLONTÉ 449
seoira-t-il sur le trône. du Prince des Apôtres ? La chose
serait^elle heureuse et désirable, à tout prendre? Ce
rôle de théocrate agressif apparaitrait-il congrueut au
caractère d'un pontife romain?... Le césarisme et l'a-
gression ne furent point, sans doute, incompatibles avec
la tiare : l'histoire est là pour en témoigner. Toutefois-
la question semble de droit strict, nullement de coutume
reçue...
Nous ne disputerons point si l'essence du Christianisme
comporte le despotisme théocratique tel que Moïse l'ins-
taura, ou même si elle le tolère sous un mode plus adouci,
Il y a deux points de vue à prendre en considération :
celui de Tabsolutisme divin et celui des possibilités hu-
maines... « Quiconque frappera du glaive (a dit le grand
Maitre) périra par le glaive; — Si Tonte donne un souf-
flet sur la joue droite, présente l'autre joue... » Ces
maximes se passent de commentaires. Il n*est pas moins
évident d'ailleurs, qu'à considérer les choses de moins
haut, tout gouvernement a le droit et le devoir de se dé-
fendre. Or, en fait, la hiérarchie romaine est couronnée
par un Pouvoir centralisateur, qui est un gouvernement
au premier chef. Et si les armes mystiques sont jamais
cardinaux ; un grand tremblement de terre semble annoncer la fin du
monde (Luc, ch. xxi. v. 25)...
« Si, au contraire, la prière est rejetée, comme téméraire, le ch&ti-
ment retombe sur celui qui a vainement invoqué le nom et le courroux
du Très-Haut, suivant ce précepte du Décalogue : « Dieu en vain tu ne
jureras ou conjureras... »
(Apocalypse du Bienheureux Jean..., dévoilée, par Adolphe Bertet,
Docteur en droit civil et en droit canonique, avocat près la Cour
d'Appel de Chambéry. — Paris, Arnauld de Vresse, 1861, in-8, chap.
VIII, v. 5 et suiv., pages 170-172).
29
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450 LA CLEF DE LA MAGIE NOIRE
légitimes, c*est assurément au service d*une théocratie.
Telles semblent se balancer les raisons, pour e\
contre.
L'ancien monde a vu plus d'une fois Tépée flamboyante
deMichaël dans la main du pontife ou du prophète thau-
maturges. L'antinomie ne s'accusait pas plus alors entre
rÉsotérisme et la Religion, que Tantagonisme entre la
loi humaine et le droit divin : toutes ces choses n*en
faisaient qu'une, — la Vérité, — dont l'arche était le
tabernacle. L'hiérophante cumulait dès lors tous les droits
du prêtre qui officie, du Docteur qui enseigne, du juge
qui statue et du monarque spirituel qui gouverne les
intelligences.. • Toute la question est de savoir si le Droit
sacerdotal s'est périmé à l'avènement du Fils de l'homme,
et si leglaive magique est fait pour le bras du Serviteur
des Serviteurs. Ce problème, un pape initié pourrait le
résoudre, avec Taide d'un Sacré-Collège qui prit sa part
de la responsabilité qui découlerait d'une solution, pro-
mulguée dans un sens ou dans l'autre.
La solution positive ne semblerait acceptable qu'à la
condition qu'on fit voir, à la lumière supérieure de l'Éso-
térisme, (dont l'Église transfigurée se réserverait le
flambeau), l'accord non seulement possible, mais néces-
saire, entre la Science et la Foi. Leurs enseignements do
la veille, trop analytiques d'une part, et de l'autre enve-
loppés de symboles à l'usage des peuples adolescents,
trouveraient leur harmonieuse synthèse dans l'initiation
progressive, désormais offerte aux hommes de race
adulte. Tous seraient appelés, et non plus, comme
aux siècles antiques, quelques-uns. Ainsi se trouverait
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FORCE DE LA VOLONTÉ 4^1
rétablie, et resplendirait après une longue éclipse,
V Unité DoctrinalCy qui est la sanction lumineuse et le
sceau divin de la Vérité. Alors seulement le pape, vi-
vant sommet de la hiérarchie spirituelle, exercerait l'em-
pire légitime sur les intelligences : bien plus, la souve-
raineté dans sa plénitude impliquant droit de vie et de
mort, ne deviendrait-il pas juste que le Pontife se pût
servir, contre les irréconciliables adversaires de la Vérité,
des armes que la Vérité même place entre ses mains ?
Qu'on ne s'y trompe point, du reste. Le Souverain
Pontife n'exercerait un tel pouvoir qu'en des conjonc-
tures exceptionnellement graves, dans l'hypothèse d'un
péril collectif imminent. Un gouvernement fort ne sup-
pose pas de toute nécessité une suite de mesures violen-
tes, et les actes tyranniques sont souvent les indices
d'un gouvernement faible. Nous ne concevons la théo-
cratie, (ou, pour parler comme Saint- Yves, la Synarchie)
qu'assurant aux individus la plus grande somme de li-
berté compatible avec la vie organique de l'État social.
— Si nous allons plus loin dans l'ordre actuel des choses,
(mettons le désordre, pour peu qu'il vous plaise) ; si,
n'admettant d'autres bornes à la licence individuelle que
le préjudice directement causé à autrui, nous revendi-
quons la liberté absolue, non pas seulement de parler
et d'écrire, mais d'entreprendre, même contre les pré-
rogatives de l'autorité, c'est que celle-ci nous apparaît
dépourvue de sanction légitime ; c'est que la plus large
initiative laissée aux individus est la première condition
qui permette à quelques-uns d'entre eux l'espoir de
substituer un jour l'ordre absolu à l'ordre relatif; et Tau-
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452 LA CLEF DE LA MAGIE NOIRE
torité radicale et légitime à la pseudo-autorité légale et
contingente.
Étant donnée la réalisation d'un État synarchique fondé
sur les lois mêmes de l'Universelle Nature, on conçoit
qu'un Souverain Pontife aurait le droit de brandir le
glaive du Kéroub contre les ennemis de l'Ordre social...
Si jamais le siège apostolique était occupé de la sorte,
nous ne doutons pas que les apôtres à redingote de qua-
ker, les petits Jésus du Messianisme huguenot, — veni-
meux, au demeurant, comme pas un ! — ne qualifiassent
un tel pape d'Antéchrist, et n'étiquetassent ses œuvres
de légitime défense : lâche assassinat, opérations satani-
ques, envoûtement...
Ce dernier mot nous fait songer qu'à part l'analyse et
le commentaire des sortilèges décrits et symbolisés tout
ensemble par le « Philosophe inconnu )>, dans son épo-
pée du Crocodile^ nous avons omis de passer en revue
les multiples efforts de la Volonté mauvaise. Nous ne le
regrettons pas, n'ayant été précédemment que trop ex-
plicite à cet égard.
Néanmoins, entre les innombrables opérations que Ton
peut cataloguer sous cette rubrique de la Volonté dans
le Mal, nous retiendrons à l'étude un exemple, — l'En-
voûtement, — dont il est traité assez au long déjà dans
notre précédente Septaine.
L'Envoûtement constitue bien le maléfice. par excel-
lence.
Multiforme comme le Mal même, variable de siècle en
siècle et de climats en climats, il se retrouve partout
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FORGE DE LA VOLONTÉ 453
SOUS un mode ou sous Tautre. Le Temple de Satan en a
fait connaître quelques-uns ; à les énumérer tous, il fau-
drait une patience de bénédictin glossateur et plusieurs
rames de papier blanc.
On sait qu*un savant physicien français, le colonel
Albert de Rochas, administrateur de l'École polytechni-
que, a scientifiquement contrôlé et reproduit ce phéno-
mène, dont le nom seul faisait pouffer naguère les princes
de la Science. A cette heure, ils secouent la tête d'un air
pensif, mais ils ne rient plus, — ou c'est d'un rire qui
sonne faux. Dans cinquante ans, peut-être, ils enseigne-
ront gravement du haut des chaires officielles la possi-
bilité de nuire à distance, par l'envoûtement. Rien ne
manquera sur leurs lèvres à l'exposé de la vieille tradi-
tion magique ressuscitée par Rochas, sauf le nom de la
chose, qu^on aura pris soin de changer, et le nom de
l'inventeur, dont on escamotera plus soigneusement en-
core la mention.
Nous comptons transcrire, pour clore ce chapitre, quel-
ques extraits d'une relation oi^ M. de Rochas a consigné
son étonnante découverte : c'est la démonstration du
sortilège célèbre par le volt ou l'image de cire, tel qu'ail-
leurs nous l'avons détaillé (1). Mais il nous parait cu-
rieux d'esquisser auparavant quelques variétés pittores-
ques et moins connues de l'Envoûtement.
On mène grand bruit, aux environs de Naples, de la
Jeltatura, ou sort jeté par le regard ; c'est le mauvais
(1) Le Serpent de la Genèse, l. Le Temple de Satan (pages 185
et suiv.).
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454 LA GLEP DE LA MAGIE NOIRE
œil, également redouté en d'autres pays. Cette pratique
peut constituer renvoùtement par suggestion : maïs elle
ne sert d'habitude qu'à établir le contact, à créer le rap-
port, à tendre le lien fluidique entre le maléficiant et le
maléficié.
Il résulte d'un rapport officiel, rédigé par ordre des au-
torités françaises en Ânnam, qu'un envoûtennent fort
étrange a fait nombre de victimes dans la province de
Quangbinh. Le sorcier qui en est coutumier annonce à
jour fixe, plusieurs mois d'avance, la mort de ceux qu'il
va frapper. Il se promène toujours armé d'un sabre ou
d'une lance indigène. Sous un prétexte quelconque, il
engage la conversation, en plein soleil^ avec sa future
victime, que, durant l'entretien, il dévisage avec persis-
tance ; puis, dès qu'elle tourne le dos pour s'éloigner, il
fiche vivement son arme en terre, sur l'emplacement
où se découpe encore l'ombre de son interlocuteur.
Quelques paroles marmottées à voix basse accompagnent
ce geste et en soulignent l'intention. Il est remarquable
que ce n'est point alors que la victime se sent frappée ;
mais à l'heure précise où le magicien noir arrache du
sol le fer qui a encloué Vomhre : un jour, — un mois, —
un an s'écoulent... Puis la mort subite du pauvre diable
marque l'instant où l'enchanteur a repris son sabre ou
sa lance (1).
L'ombre physique, antithèse négative du corps et me-
sure proportionnelle d'Hereb par rapport à lui, a cons-
(1) Extrait d'un rapport de M, C. D.„d, vice-résident de France à
Donghoï, à M. le Résident supérieur en Annam (i2 mars i%9i,
pièce no 3); document transmis par M. de Pouvourville.
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FORCE bK LA VOLOiNTÉ 455
tamment joué en Goëtie (naturelle Ou diabolique) un rôle
trouble et néfaste. C'est ainsi qu'au dire d'Agrippa, « les
sorciers observent que leur ombre couvre celui qu'ils
veulent ensorceler ; c'est ainsi que l'hyène, par l'attou-
chement de son ombre, fait taire les chiens (1) ».
J.-A. Vaillant, quia si curieusement étudié les mœurs
des Rômes ou Bohémiens de race pure, nous décrit un
rite d'envoûtement en faveur parmi ces tribus demi-sau-
vages de devins-nés, pour qui, au sentiment du popu-
laire, le monde occulte n*a plus de secrets. Avant que de
relater cette bizarre cérémonie, notons au passage une
superstition de plus, relative à Tombre corporelle et aux
maléfices dont on accuse les bohémiens à son sujet : « Si
quelque jeune garçon passe assez près d'eux pour que
son ombre se dessine sur la muraille au pied de laquelle
ils sont assis, où toute une famille mange et repose au
soleil : Au large^ enfant, lui crie son pédagogue, ces Stri-
goî (vampires) vont prendre votre ombre, et votre âme
ira danser avec eux le sabbat toute l'éternité (2). » L'au-
teur des Contes fantastiques songeait peut-être à cette
singulière tradition, lorsqu'il écrivit la légende de l'homme
qui a perdu son ombre.
Voici maintenant comme, au récit de Vaillant, le Rome
vindicatif fait travailler la Daïa (sorcière), pour la ruine
de l'impitoyable dame du château, qui a fait périr une
(1) Agrippa, Philosophie occulte, édition française de 1727 (tome I,
page 125).
(2) Vaillant, les Rômes, Histoire des vrais bohémiens, Paris, 1857,
in-80 (page 209).
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4S6 LA CLEF DE LA MAGIE NOIRE
jeune bohémienne qu'il adorait. C'est la nuit; Piino
frappe à la chaumière de la vieille.
Celle-ci c élait alors occupée à distribuer par las de trois,
quatre et sept, quarante-deux grains de maTs, qui semblaient
courir et sauter, comme malgré elle, sur un crible renversé.
— Que veux-tu? demande-t-elle à Purvo, en le voyant entrer.
— Je veux, lui répond Purvo, que tu enfonces le couteau :
et si le sort me seconde, je te donne mes gages de cet le année.
A celte promesse, la Data se sent émue, laisse là son crible
et ses grains, et le regardant : — Tu le veux ; eh ! bien, reste
là, je reviens. Ce disant, elle éteint la chandelle et sort. A
minuit précis, elle rentre, tenant en main un pot dans lequel
elle a fait infuser trois simples dont elle ne dit pas le nom,
s'approche du foyer, rapproche trois tisons, les allume, et
quand la flamme s'en échappe, elle délie sa ceinture, dénoue
ses cheveux, et, le couteau à la main, elle appelle Purvo.
Purvo se lève et s'approche. Alors elle enfonce le couteau
dans la terre et, posant le pied dessus : — Souffre-t-elle assez?
demande-t-elle à Purvo. — Non, répond-il. — Et, appuyant
le couteau : — Souffre-t-elle assez? lui demande-t-elle encore.
— Non ! répond encore Purvo. — Et maintenant? s'écrie-t-elle
en appuyant plus fort, es-tu content? — Non, daïa, non ! —
Tu veux donc qu'elle meure ? — Tu l'as dit, elle et les siens,
et si elle ne meurt pas, je la tue. En ce moment, un des tisons
se détache, renverse le pot et roule hors de Tàlre. — Malheur î
s'écrie la daïa; et à Purvo : — Va ! tu rouleras comme ce
tison ; le feu de la vengeance s'éteindra dans le sang, et le
sang de la vie sera renversé. Ainsi dit le Sort (1) ! »
Un mode d'envoûtement fort usité jadis, est le scopé-
Usine. Il consistait dans l'acte de déposer une pierre
dans l'enclos de son ennemi ; le maléficiant prenait soin
(1) Les Rames, etc. (pages 408-409).
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FORCE DE LA VOLONTÉ 45T
*Vy joindre quelques paroles enchantées (I), afin de pré-
ciser son intention et d'inscrire en astral le verbe de sa
haine, tendant soit à la ruine, soit à la maladie, soit à la
mort de la victime désignée. Pour vouer toute une famille
k la ténèbre occulte, il devait déposer, ou mieux planter
en terre ennemie, autant de moellons rancuneux que la
Tamille comptait de membres. — Le scopélisme ne se
pratique plus guère ; à peine quelques vieux bergers ont-
ils gardé souvenance de ce rite imprécatoire, dont bien
desérudits ignorent jusqu'au nom. Et pourtant ce sorti-
lège parait l'origine d'un dicton bien usuel. Que de fois,
lorsqu'un causeur enveloppe dans renonciation d'une
généralité, ou déguise, sous une phrase polie et souvent
complimenteuse, quelque malice, — allusion mordante
ou critique acérée, — l'interlocuteur témoigne qu'il n'est
point dupe, en s'écriant : Ah! ceci est une pierre dans
mon jardin!
Ce cliché peut faire le pendant de l'adage que nous
avons signalé déjà : Qu'un tel se garde ! fai une dent
contre lui. L'une et l'autre locution, n'en déplaise à
MM. de l'Académie, dérivent du grimoire en droite ligne.
Inutile de pousser plus loin la description des procé-
dés d'envoûtement. On les peut varier à l'infini ; car,
nous ne saurions trop le redire, les rites extérieurs ne
valent que comme signes d'expression et d'appui pour la
Volonté ; et toute vertu magique (ainsi qu'on en verra
(1) Toujours la volonté exprimée et le signe d'appui; c'est-à-dire la
forme et la matière du maléfice, comme nous l'avons expliqué au tomr
précédent (le Temple de Satan , pages 172-174).
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458 LA CLEF DE LA MAGIE NOIRE
encore une preuve tout à l'heure) réside au Verbe du ma-
gicien ou du sorcier, c*est-à*dire en son Vouloir, que le
signe traduit et manifeste.
Les expériences de M. de Rochas, dont les conclusions
paraissent applicables, à titre indirect, à toutes les formes
du maléfice, ont trait plus immédiatement à certains
procédés classiques d'envoûlenient.que nous avons décrits
au tome premier de cet ouvrage. Cependant, nous avous
promis de consigner ici les détails de sa mémorable dé-
couverte, tels que lui-même les a rédigés. Il est temps de
tenir notre parole et de clore, avec cette relation d'un
exceptionnel intérêt, le présent chapitre iv, allongé outre
mesure par des digressions d'ailleurs indispensables à
rintelligencede nos doctrines.
Nous empruntons les extraits qui vont suivre à 17«i-
liation{n!' de novembre 1892).
EXPBRIBNCES DB M. LE COLONEL DE ROCHAS
« La plupart des sujets, quand on hypereslhésîe leurs yeux
par certaines manœuvres, voient s'échapper, des animaux,
des végétaux, des cristaux et des aimants, — des lueurs. —
C'est ce qu*a constaté pour la première fois, il y a une cin-
quantaine d'années, par de nombreuses expériences, un savant
chimiste autrichien, le Baron de Relchenbacfa.
c Chez rhomme, ces effluves sortent des yeux, des narines,
des oreilles et de l'extrémité des doigts, pendant que le reste
du corps est simplement recouvert d'une couche analogue à
un duvet lumineux. Quand on extériorise la sensibilité d'un
sujet, le sujet voyant voit cette couche lumineuse quitter la
peau et se porter précisément dans la couche d'air, où l'on
peut constater directement la sensibilité du patient par des
attouchements ou des pincements.
c En continuant les manœuvres propres à produire Texte-
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FORCB DE LA VOLONTÉ 459
rîorisatioD, j*ai reconnu, à Taide de divers procédés, qu'il se
produisait successivement une série de couches sensibles très
minces, concentriques, séparées par des couches insensibles,
et cela jusqu'à plusieurs mètres du sujet. Ces couches sont
espacées d'environ cinq à six centimètres, et la première n'est
séparée de la peau insensible que de la moitié de celte dis-
tance
« ... Ce que je considère comme nettement établi, c'est que
les liquides, en général, non seulement arrêtent VOd (1),mais
le dissolvent : c'est-à-dire qu'en faisant traverser, par exemple,
un verre rempli d'eau par une des couches sensibles les plus
rapprochées du corps, il se produit une ombre odique, les
couches suivantes disparaissant derrière le verre sur une cer-
taine étendue; de plus, l'eau du verre devient entièrement
sensible et émet même au bout d'un certain temps (probable-
mentquandelle est saturée) des vapeurs sensibles qui s'élèvent
verticalement de sa surface supérieure. Entin, si l'on éloigne
le verre, l'eau qu'il contient reste sensible jusqu'à une certaine
distance, au delà de laquelle le lien qui l'unit au corps du
sujet semble se rompre, après s'être graduellement affaibli.
Jusqu'à ce moment, le sujet perçoit, sur la partie la plus rap-
prochée de l'endroit où était Teau lorsqu'elle s'est chargée de
sa sensibilité, tous les attouchements que le magnétiseur fait
subir à cette eau, bien que la région de l'espace où l'on a
transporté le verre ne contienne plus, en dehors de ce verre,
de parties sensibles.
« L'analogie que présente ce phénomène, avec les histoires
des personnes qu'on a fait mourir à distance, en blessant une
figure de cire modelée à leur image, était évidente. J'essayai
si la cire ne jouirait pas, comme l'eau, de la propriété d'em-
magasiner la sensibilité, et je reconnus qu'elle la possédait à
(1) Aôd, Od (tin), lumière astrale positive : c'est la force psychi-
que de Crookes. — Roclias a conservé ce nom, que M. de Reichenbach
avait attribué aux effluences lumineuses dont il est question plus haut.
Vu la longueur de cette relation, nous supprimons tout ce qui ne
tend pas directement au but. Plusieurs points, chaque fois, signalent
la coupure.
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460 LA CLEF DE LA MAGIE NOIRE
un haut degré, ainsi que d'autres substances grasses, vis-
queuses ou veloutées, comme le cold-cream et le velours de
laine. Une petite statuette, confectionnée avec de la cire à mo-
deler et sensibilisée par un séjour de quelques instants en
face et à une petite distance d'un sujet, reproduisit les sensa-
tions des piqûres dont je la perçais, vers le haut du corps, si
je piquais la statuette à la tète, vers le bas, si je la piquais
aux pieds... Cependant je parvins à localiser exactement la
sensation, en implantant, comme les anciens sorciers, dans la
tète de ma figurine, une mèche de cheveux coupée à la nuque
du sujet pendant son sommeil. C'est là l'expérience dont notre
collaborateur du Cosmos a été le témoin et même l'acteur; il
avait emporté la statuette ainsi préparée derrière les casiers
d'un bureau, où nous ne pouvions pas la voir, ni le sujet, ni
moi. Je réveillai Madame L***, qui, sans quitter la place, se
mit à causer jusqu'au moment où, se retournant brusquement
et portant la main derrière la tète, elle demanda en riant qui
lui lirait les cheveux ; c'était l'instant précis où M. X*** avait,
à mon insu, tiré les cheveux de la statuette.
< Les effluves paraissant se réfracter d'une façon analogue
à la lumière, qui peut-être les entraîne avec elle, je pensai
que si Ton projetait, à l'aide d'une lentille, sur une couche
visqueuse, l'image d'une personne suffisamment extériorisée,
on parviendrait à localiser exactement les sensations trans-
mises de Pimageà la personne. Une plaque chargée de gélatino-
bromure et un appareil photographique m'ont permis de
réaliser facilement l'expérience, qui ne réussit d'une façon
complète que lorsque j'eus soin de charger la plaque de la
sensibilité du sujet avant de la placer dans l'appareil. Mais
en opérant ainsi, j'obtins un portrait tel, que si le magnétiseur
touchait un point quelconque de la figure ou des mains, sur
la couche de gélatino-bromure, le sujet en ressentait l'impres-
sion au point exactement correspondant ; et cela, non seule-
ment immédiatement après l'opération, mais encore trois
jours après, lorsque le portrait eut été fixé et rapporté près
du sujet. Celui-ci paraît n'avoir rien senti pendant l'opération
du fixage, faite loin de lui, et il sentait également fort peu
quand on touchait, au lieu du gélatHio-bromure, la plaque
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FORCE DE LA VOLONTÉ 461
de verre qui lui servaîl de support. Voulant pousser l'expé-
rience aussi loin que possible, et profilant de ce qu'un méde-
cin se trouvait présent, je piquai violemment, sans prévenir
€^t par deux fois, avec une épingle, Tirnage de la main droite
die Madame L***, qui poussa un cri de douleur et perdit un
instant connaissance. Quand elle revint à elle, nous remar-
c| uàmes sur le dos de la main deux raies rouges sous-cutanées
<|u'elle n'avait pas auparavant, et qui correspondaient exacte-
iTient aux deux écorchures que mon épingle avait faites en
glissant sur la couche gélatineuse.
€ Voilà les faits qui se sont passés le 2 août, non pas en pré-
sence de membres de l'Académie des Sciences et de l'Académie
<le Médecine, comme on Ta raconté, mais devant trois fonc-
lionnaires de l'École (polytechnique)... Je partis le soir même
pour Grenoble.
€ ... A mon retour de Grenoble, j'ai retrouvé Madame L***,
et j'ai pu recommencer Texpérience de la photographie, qui a
réussi sans tâtonnements en suivant le mode d'opération re-
connu bon le 2 août.
c L'image ayant été immédiatement fixée, je fis avec une
épingle une légère déchirure sur la couche de collodion, à
l'emplacement des mains croisées sur la poitrine: le sujet
s'évanouit en pleurant, et, deux ou trois minutes après, le
stigmate apparut et se développa graduellement, sous non
yeux, sur le dos d'une de ses mains, à la place exactement
correspondante à la déchirure.
« Le cliché n'était^ du reste, sensible qu'à mes attouche-
ments ; ceux du photographe n'étalent perçus que lorsque
j'établissais le rapport, en touchant sa personne, soit avec le
pied, soit autrement.
« Le 9 octobre, une épreuve sur papier ayant été tirée, je
constatai que cette épreuve n'avait qu'une sensibilité confuse,
c'est-à-dire que le sujet percevait des sensations générales,
agréables ou désagréables, suivant la manière dont je la tou-
chais, mais sans pouvoir les localiser. Deux jours après, toute
sensibilité avait disparu, aussi bien dans le cliché que dans
répreuve.
c Le D' Luys m'a dit que, pendant mon absence, il avait
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46S LA CLEF DE LA HAGIE NOIRE
essayé de reproduire le phénomène dont on lui avait parlé, et
qu'il avait pu obtenir la transmission de sensibililé à 35 mè-
tres, quelques instants après la pose... »
(Paris, le 15 octobre 1892).
Cette suite d'expériences, ordonnées avec autant de
sagacité que de logique, révèle si clairement la nature
du sortilège, que tout commentaire ne ferait qu'en amoin-
drir la portée. Mieux vaut laisser l'éloquence des faits
convaincre le Lecteur. Aussi nous bornerons-nous à
quelques brèves remarques.
Le colonel de Rochas, bien que familiarisé avec ren-
seignement des Écoles mystiques, et très au courant
des traditions populaires de la Goëtie, n'admet toutes ces
données qu'à titre de simples renseignements à vérifier.
Bref, il est et veut demeurer un pur expérimentateur,
un simple physicien. Les occultistes ne sauraient trop
s'en réjouir, car c'est ce qui décuple auprès du public-
profane l'autorité de ses expériences. Ainsi M. de Rochas
est amené par la force des choses et par la stricte induc-
tion scientifique, au contrôle progressif des secrètes
doctrines, plus de cent fois séculaires, de l'uni verselÉso-
térisme, toujours invariable sous la multiplicité des my-
thes et des emblèmes.
Il vérifiera de la sorte, une à une, les notions tradi-
tionnelles qui forment la base de la physique et de la
physiologie occulte.
Mais de pareilles expériences ne sauraient être sans
danger.
La loi de répercussion traumatique, si magistralement
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FORCE DE LA VOLONTÉ 463
démontrée par Rochas, lui réserve peut-être de désagréa-
bles surprises.
Tant que ses sujets en seront quittes pour une sensa-
tion douloureuse, des égratignures sous-cutanées et un
évanouissement de quelques secondes, Tinconvénient sera
minime, et de qualité négligeable. Mais il est des organes
essentiels à la vie, auxquels la moindre lésion serait fu-
neste. Le fait de la stigmatisation répercussive, eflfectuée
à dislance, sous certaines conditions, est désormais hors
de doute ; mais le secret mécanisme en demeure obscur.
Quel expérimentateur oserait répondre qu'accidentelle-
ment, un jour, par suite de quelque réfraction imprévue
ou d'une interférence de plans dynamiques, le cœur ou
le cerveau du sujet ne deviendront pas le siège du phé-
nomène encore inexpliqué ?...
Il parait certain que la plupart des cas d'envoûtement
criminel, préparés d'avance par des menaces, se bor-
naient à un système de piqûres ou de brûlures quotidien-
nes et superficielles. Un état d'obsession en résultait
pour le maléficié ; une angoisse de chaque instant cen-
tuplait chez lui les maux physiques par leur répétition
auto-suggestive. Son esprit se frappait; il perdait l'appé-
tit, le sommeil... La mort enfin pouvait s'ensuivre à lon-
gue échéance. — Mais il appert de pièces authentiques,
et plusieurs dossiers de procès de sorcellerie en font foi,
que souvent aussi la mort occulte frappait la victime, à
distance, d'une sorte instantanée et foudroyante. La cer-
titude d'une possibilité semblable doit servir d'avertisse-
ment k tous les investigateurs, curieux de contrôler au
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464 LA CLEF DE LA MAGIE NOIRE
laboratoire les expériences de M, de Rochas. Tout le
inonde ne peut se flatter de joindre,comme lui, à des con-
naissances spéciales, une habitude et une prudence indis-
pensables en ces recherches.
Lui-même nous a fait part d'un accident regrettable,
arrivé à Tun de ses sujels ; accident qui, grâce au Ciel,
ne comportait pas de suites bien graves. Un soir que le
physicien avait terminé la suite de ses expériences, il
jeta par la fenêtre le contenu d'un verre qui avait servi
à Tune d'elles : c'était de l'eau, chargée de la sensibi-
lité d'un sujet. On était alors en plein hiver, et l'eau
vivante se congela dans l'instant qu'elle fut répandue.
Rochas referma sa fenêtre et n'y songea plus. Aussi ne
fut-il pas médiocrement stupéfait d'apprendre, le lende-
main, que son sujet de la veille avait passé une nuit
affreuse. Transi jusqu'aux moelles, rien n'avait pu le
réchauffer dans son lit, où il s'était tordu, en proie à de
douloureuses tranchées. Par bonheur, l'indisposition fut
passagère, et l'accident n'eut pas de conséquences plus
fâcheuses.
Peut-être l'expérience des plaques sensibilisées serail-
elle sujette à réserver de pires surprises, à l'essai de
procédés où l'on fait usage de substances extrême-
ment vénéneuses. Nul doute que la loi de réversibilité
magique ne s'exerçât identiquement, de l'objet sensibi-
lisé à l'organisme humain, — soit que le fluide vital fût
répandu sur une plaque, ou qu'il saturât l'eau d'une
éprouvelte. On fera bien d'y prendre garde.
C'est ce même principe de la réversibilité qui, d'un
être vivant à l'autre, préside au transfert d'un état neu-
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FORCE DE LA VOLONTÉ 465
rologique, — phénomène étrange et positif, dont le méde-
cin en chef de la Charité, M. le D^ Luys, fait à la théra-
peutique une application quotidienne. Il a des sujets
sensibles, auxquels il communique en apparence la mala-
die des valétudinaires en traitement. Pour effectuer ce
transfert, il fait usage d'aimants, de couronnes magnéti-
ques d'une certaine puissance. Tous les symptômes patho-
logiques du malade se manifestent chez le sujet influencé,
et c'est sur ce dernier que le D' Luys opère, au lieu
d'agir sur le malade : ce qui fait songer au grand Para-
celse, réalisant des cures merveilleuses, non point, il est
vrai, sur une tierce personne, mais sur une statuette de
bois ou de cire, en rapport sympathique avec son client
malade ou blessé(l). Contre-envoûtement, sortilège pour
le bien, et l'on serait tenté d'écrire « bénéfice », n'était le
mot consacré dans un autre sens.
Pour en revenir à l'envoûtement par l'image photo-
graphique, observons qu'il ne serait pas impossible d'ob-
tenir, au moyen d'un cliché dont on redressât l'image,
un véritable spectre de pénombre, un pseudo-corps astral
de la personne absente, et d'agir directement sur ce fan-
tôme comme sur un volt.
(i) Souvent, lorsque le mal était bien localisé, et ne ressortissait
pas & un état pathologique général, Paracelse moulait en cire ou
sculptait en bois la représentation exacte du membre malade, qu'il
traitait par les caustiques, ou par la poudre de sympathie, selon les
cas, après avoir établi le rapport entre l'organe malade et son
image. — Cette méthode curative était décriée comme absurde, et les
confrères du grand Auréole s'en égayaient fort. Celui-ci n'en conti-
nuait pas moins, avec sérénité, à guérir tel genou malade en appliquant
«r des cautères sur une jambe de bois i. De là le proverbe, apparem-
ment.
30
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466 LA CLEF DE LA MAGIE NOIRE
Les Lecteurs du Temple de Satan se rappellent sans
doute que les anciens sorciers faisaient entrer dans la com-
position du volt des débris d'ongles, une dent, des che-
veux, — en un mot, quelque détritus provenant du des-
tinataire du sortilège, — et qu'ils habillaient, si possible,
la figurine avec des étoffes qu'il eût beaucoup portées.
Cela était en vue d'établir le rapport, à défaut de quoi
toutes les cérémonies sont en pure perte. Il est présuma-
ble que ces brigands soulignaient de paroles ambiguës,
ou qu'ils aggravaient par une attitude menaçante, l'acte
ostensible de soustraire à leur future victime quelque
objet usager, pour la composition ou le costume de la
€ manie ». La terreur, comme nous l'exposerons au
prochain chapitre, a pour conséquence une immédiate
déperdition de fluide vital, effluve que peut-être avaient-
ils l'art de concentrer sur l'objet de leur larcin manifeste.
Ce qui rendait dangereuse au sorcier même la prati-
que de l'envoûtement, — et en raison directe de sa pos-
sible efficacité, — c'était la passion féroce qu'il dévelop-
pait en lui jusqu'au délire, dans le rite de rexécration.
Lui-même, à son insu, saturait le volt de sa propre vie
extériorisée ; et, pour peu que le destinataire de ses haines
ne se trouvât pas en phase de passivité réceptive, c'était
alors Texécrateur qui devenait victime de son malengin.
La loi du choc en retour le surprenait désarmé, dans la
période de dépression et de lassitude, consécutive à celle
de fièvre et d'exacerbation physiologique.
Pareil effet répercussif était surtout à craindre, dans
les cas de véné/ice, ou d'envoûtement par les fluides
empoisonnés. Les anciens bergers, à qui ces pratiques
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FORCE DE LA VOLONTÉ 467
semblent avoir été familières, jetaient la contagion ma-
gique sur tout un pays, ou seulement sur une famille,
ou sur les bestiaux d'une seule étable. Nous avons résu-
mé au tome précédent la curieuse affaire des Sorciers de
la Brie (1), à la fin du xvn« siècle, et nous prions
le Lecteur d'y reporter les yeux. La charge d'empoison-
nement magique (ou c gogue », ou « gobbe (2) ») usitée
par ces bandits, avait nom le BeaurCiel'Dieu;i\s l'appe-
laient encore le magistère des neuf conjurements. Nous
n'insisterons pas sur sa composition, qui, selon toute
vraisemblance, ne se bornait point au mélange des in-
grédients bizarres dont ils ont livré le détail à leur pro-
cès (3). Ce qui est hors de doute, c'est l'effroyable
efficacité de ces malengins ; les pièces authentiques de
l'enquête ne laissent place pour aucune incertitude à cet
égard. Les gogues, enterrées dans le voisinage des étables
proscrites, ne dégageaient leurs effluves mortifères qu'à
la condition d'être arrosées de temps en temps de vinai-
gre: les laissait-on se dessécher, le mal cessait de sévir;
dès qu'on y versait à nouveau le liquide voulu (4), la con-
tagion reprenait de plus belle.
(1) Le Serpent de la Genèse, I. Le Temple de Satan, pages 176-
181 et suiv.
(2) Cf. Thiers, curé de Vibraie, Traité des superstitions gui regar-
dent les sacrements, Paris, 1741^ 4 vol. in-12 (tome I, page 132).
(3) Le Serpent de la Genèse, l, Le Temple de Satan, pages 180-181.
(4) Peut-être les sorciers ont-ils parlé de vinaigre pour donner le
change k leurs juges : nous avons tout lieu de croire que le liquide
dont on humectait les gogues renfermait du purin ou du lait des bes-
tiaux voués à mourir...
Cette hypothèse nous remet en mémoire une pratique abominable,
relatée par L.-A Cahagnet, dans sa Magie magnétique. Il en tient l'indi-
cation d'un maître-ouvrier chez qui il a exercé quelque temps son état
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468 LA CLEF DE LA MAGIE NOIRE
L'aventure sinistre de Bras-de-fer, que nous avons
produite et dont on aurait mauvaise grâce à suspecter
l'authenticité, témoigne des foudroyanles atteintes du choc
en retour. A la moindre étourderie, cette mort affreuse
menace le magicien noir, dans la pratique de l'envoûte-
ment en général, du vénéfice en particulier.
C'est pour conjurer ce péril, que les fauteurs de sorti-
lège ont imaginé l'envoûtement réversible sur un tiers, à
titre conditionnel. Tel est le maléfice de dMalion. Le
ricochet de l'influx mortel, qu'un obstacle a brusquement
détourné du but, peut alors rebondir sur une victime
subsidiairement désignée d'avance, et qui sera tantôt
un homme, tantôt un animal (I).
de touraeur. Nous allons transcrire, dans son réalisme na!f, le récit
du paLron de Gahagnet : « Encore très jeune, lorsque je faisais mon
tour de France, je trouvai de l'ouvrage dans une boutique dont la
maîtresse devint amoureuse de moi. Je ne tardai pas, vu mon âge et
mon peu d'expérience, & obtenir d'elle ce qu'elle m'offrait volontiers;
mais comme elle était vieille et qu'elle avait une fille de mon âge en-
viron, je me sentais plus amoureux de la fille que de la mère, aussi le
lui laissais-je apercevoir; je fis même une condition de notre liaison,
de les connaître toutes les deux. La mère me promit tout ; mais elle
voulait m'êpouser elle-m>me avant de m'accorder sa ûlle. Je trouvai la
proposition d'autant plus étonnante, que le mari de cette femme exis-
tait et dirigeait notre atelier. Je lui en fis l'observation. Elle me dit:
<( Ta vois quelle mine il a, il va descendre la garde au premier jour,
e travaille à nous en débarrasser. Il était un dur à cuire; voilà plus
de quinze mois que je fais celte besogne; mais avant trois mois, il sera
parti 1 — Ehî quelle besogne fais-tu donc, luidemandai-je? — Pardié,
me répondit-elle, tous les matins il va faire son cas sur le fumier ;
et moi, j'y vais jeter une pincée de... Tu vois, reprit la femme, quelle
courante il a,... il n'y a plus qu'espoir. » (Magie magnétique, Paris,
1858, in-18, pages 441-442.)
(1) N.-S. Jésus-Christ, délivrant une possédée, envoie les démons
dans les corps d'une troupe de pourceaux. Cette allégorie évangélique
a cerlainement traita la loi occulte de substitution.
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FORCE DE LA VOLONTÉ 469
.Quiconque ne craint pas les envoûteurs se trouve par
le fait même à l'abri de leurs atteintes. Cette règle géné-
rale comporte, à notre connaissance, une exception, —
presque négligeable, en raison de sa rareté. L'une et
l'autre reposent d'ailleurs sur des données qu'il vaut
mieux taire.
Quant à ceux qui ont peur des sortilèges et qui se sa-
vent des ennemis capables de recourir à ces criminelles
pratiques, l'emploi des talismans, des pentacles leur sera
utilement conseillé, ainsi que l'exact accomplissement de
leurs devoirs religieux. Les personnes pieuses s'en tien-
dront même avec raison à ce dernier moyen de défense,
qui est peut-être le meilleur, car il renferme aussi les
autres. L'usage des sacrements et des sacramentaux ne
fera-t-il point participer ces fidèles à la chaîne sympathi-
que de leur communion religieuse, tandis que chapelets,
Agnus dei, médailles miraculeuses, etc., leur devien-
dront d'efficaces amulettes? Un dernier conseil, d'une
capitale importance, aux timides et aux passifs : qu'ils se
gardent, sur toute chose, d'aliéner leur ascendant^ par
leur complaisance à servir de sujets au premier venu,
qui se montrerait désireux de reproduire à tâtons quel-
que expérience de magnétisme ou d'hypnose ! Le consen-
tement, en pareil cas, peut équivaloir à une abdication
positive de la volonté, et même à quelque chose de pis.
Un pacte tacite peut être conclu de la sorte. Avec qui ?
Avec l'Inconnu...
Les faits aussi paradoxaux qu'incontestables, de l'ordre
de ceux que Rochas a contrôlés et décrits, sont infini-
ment plus complexes qu'on ne le croit ; ils restent mys-
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470 LA CLEF DE LA MAGIE I<IOiRE
térieux dans leurs causes et dans leur mécanisme secret.
Peut-être un lecteur superficiel de la relation rédigée
parce savant, en conclurait-il que l'envoûtement consiste
en un phénomène fort analogue à ceux qui relèvent de
l'électricité dynamique, ou des autres forces occultes de la
Nature. Un tout petit détail lui prouverait sa bévue, pour
peu qu'il y réfléchit un moment.
< Le cliché, dit Rochas, n'était sensible qu'à mes at-
touchements; ceux du photographe n'étaient perçus que
lorsque j'établissais le rapport, en louchant sa personne,
soit avec le pied, soit autrement. » — Ainsi, loi^s des
expériences de Rochas, la sensibilité du sujet, insépara-
ble de la force occulte qui lui sert de substratum, imbi-
bait en réalité la pellicule gélatineuse où l'image était
empreinte : et néanmoins, — qu'on nous passe l'expres-
sion, — cette sensibilité n'était sensible et vulnérable que
pour le magnétiseur, ou pour ceux auxquels un acte de
sa volonté^ traduite par un signe (le contact), concédait
le privilège d'influer sur la couche sensible !
Soutiendra-t-on que (le courant n'étant transmis, du
sujet à l'objet, et vice-versâ, que par l'intermédiaire du
magnétiseur seul), le cliché perde toute sensibilité dès la
cessation du contact, direct ou non ?— L'hypothèse n'est
point recevable, puisque mainte expérience a prouvé qu'il
s'agit bien d'une saturation de fluide statique, perma-
nente plusieurs jours durant.
Supposera-t-on que, — lors d'un accident relaté plus
haut, quand le malheureux sujet grelotta la fièvre toute
une nuit, — M. de Rochas ait sournoisement passé cette
nuit entière à la belle étoile, par on ne sait combien de
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FORCE DE LA VOLONTÉ 471
degrés de froid, pour ne pas rompre le rapport fluidique
avec Teau répandue sur le sol glacé ?
Non ! Cet ordre de phénomènes composites, où les
forces de la Nature et de la Vie ne se manifestent que
maîtrisées, maniées, ou tout au moins évertuées par le
vouloir humain, relèvent de la Magie proprement dite,
non point seulement de la physique secrète.
Paracelse invoquerait ici les spécialités de son merveil-
leux Aimant, le Magnes intérieur et occulte, qui n'est au-
tre que le Verbe adamique.
« La Natureest en somnambulisme », pour emprunter
à Saint-Martin son étonnante métaphore, qui peut-être
n'en est pas une. Elle dort, etc'est à la Volonté de l'homme,
cette divine Essence (c'est-à-dire à l'homme même), qu'est
dévolue la mission de l'éveiller.
L'homme « rendra le verbe » à la Nature muette, —
à la Belle-en-l'Univers-Dormant, — entraînée jadis avec
lui dans le gouffre de déchéance. Tel se formule le
Ministère de VHomme^Esprit.
Que la volonté soit créatrice et la spiritualité malheu-
reusement active dans le mal comme dans le bien, c'est
une conséquence inévitable du libre-arbitre. La décou-
verte de Rochas (révélatrice de criminelles manœuvres,
longtemps reléguées par la Science dans le domaine de
Tabsurde) n'en porte pas moins témoignage, par les
réflexions qu'elle suggère, de la royauté mystique du
Vouloir humain.
L'époque actuelle, — où émergent au grand jour de
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472 LA CLEF DE LA MAGIE NOIRE
la publicité ces notions mixtes d'une Science qui subju-
gue les Forces naturelles au service du Vouloir, ~ mar-
que l'ouverture d'un nouveau cycle :
Magnus ah integro sxclorum nascitur ordo !
Le point tournant est doublé ; la nuit de la matière tire
à sa fin : une pâle blancheur dénonce, à l'horizon orien-
taly l'aube future de réhabilitation et de délivrance.
L'Adam kabbalistique apparaît, dans Texil de MalkouUi,
un céleste monarque détrôné, à qui la souveraineté d'en-
bas fut offerte en dérisoire compensation. Mais le vérita-
ble empire de l'Homme, plus tard lui sera rendu...
Déjà certains indices font pressentir, selon la parole de
rÉcrilure, que son royaume n'est pas de ce monde. Déjà
ràpre diadème d'acier qui déchirait son front s'éclaire
par intermittences d'épiphaniques reflets. Un jour vien-
dra, de gloire et d'apothéose, où sur sa tête la couronne
terrestre étincellera, transmuée dans un nimbe en fleu-
rons d'or fluide et mélodieux.
Ce sera le Symbole de la Volonté triomphante ; et le
Monarque, remis en jouissance de son légitime héritage,
assumera, dans sa transfiguration, l'universelle Nature
régénérée.
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support,
euillet.
êle en bas,
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ii:t;'!!£H!^
il LE PENDU ^
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b
(Section 12).
Le Pendu (douze) = Sacrifice volontaire =
Interférences de plans. (L'Esclavage Magique),
Chapitre V
L'ESCLAVAGE MAGIQUE
TOURNONS un feuillet du Livre des Arcanes.
C'est une déconcertante et bizarre énigme
que nous propose sa douzième clef. La
légende, au bas de l'emblème, naïve et brutale, ne nous
apprendra rien: LE PENDV.
Mais quel étrange pendu !
Sur un tertre s'élève le gibet improvisé, en forme de
Thau hébraïque. Il se réduit à une traverse horizontale,
que maintiennent à hauteur voulue deux supports verti-
caux, fichés en terre. Ce sont de jeunes troncs d'arbre,
encore munis de leur écorce et grossièrement ébranchés :
six rameaux, abattus d'un coup de hache à leur naissance,
forment autant de nœuds artificiels sur chaque support.
En tout, cela fait douze nœuds, le nombre du feuillet.
A la poutre transversale, un homme, la tête en bas,
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476 LA CLEF DE LA MAGIE NOIRE
est suspendu par le pied droit. La jambe gauche repliée
forme la croix avec l'autre jambe. Deux sacs d'argent
pendent de chaque côté, sous Taisselle ; il s'en échappe
des écus. Les bras du patient semblent liés derrière son
dos, en sorte que les coudes dessinent, avec le chef ren-
versé, un triangle la pointe en bas, triangle que la croix
des jambes surmonte... Au premier coup d'oeil, s'impose
l'hiéroglyphe bien connu des alchimistes y (l).Il s'enca-
dre ainsi dans le carré que forme le gibet avec la ligne
du sol :
La douzième clef du Tarot nous initie aux gloires et
aux misères de l'Esclavage magique.
C'est qu'il y a, en magie, deux sortes d'esclavages, le
bon et le mauvais, celui de l'Esprit et celui de la Matière :
— l'esclavage du devoir, de l'altruisme et du dévouement ;
l'esclavage des passions, de l'égoïsme et de la routine.
L'adepte de la haute science est ce supplicié symbolique.
Retenu entre ciel et terre par les exigences de la mission
qu'il s'est choisie, il reste exilé du Ciel à cause du corps
périssable qui le soumet à l'attraction physique ; et ses
pieds ne fouleront plus les avenues de l'Illusion terres-
tre, dont les doux mirages lui sont interdits désormais:
(1) Nous pourrions, à ce propos, dire quelque chose du Grand-
Œuvre ; mais le chapitre vu du présent tome. Magie des transmuta-
tions, nous a paru mieux qualifié pour des notes de ce genre. La Clef
de la Migie noire se fermera sur quelques données très précises d'Al-
chimie proprement dite.
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l'esclavage magique 477
car la discipline qu'il pratique a dessillé ses yeux. Il ne
peut plus de bonne foi s'enivrer aux caresses de la char-
meuse Maïa, si éblouissante dans l'éclat de sa parure men-
songère, et si désirable aux hommes dans l'imposture de
sa souriante beauté !
C'est l'adepte parfait que nous peignons là, l'être sur-
humain qui, parvenu au sommet du triangle de sapience,
n'a plus rien à recevoir de la terre, mais peut avoir en-
core beaucoup à lui donner : ce que figurent les pièces
d'argent, tombant en pluie sur le sol. Ses bras, liés pour
le mal, sont encore libres pour la bienfaisance et l'amour.
Si rare est le mage véritable, surtout à notre époque
d'initiés spéculatifs ou incomplets et de médiums dou-
teux, que cette interprétation marque plutôt un idéal à
poursuivre, qu'une réalité fréquente à inscrire au livre
d'or des fils de la Science et de la Volonté.
L'esclave de la matière pullule, en revanche.
Pour ce qui le touche, les détails du pentacle XII se
commentent d'eux-mêmes. Si nos Lecteurs sont curieux
néanmoins d'un déchiffrement analytique, nous laisse-
rons cette fois leur ingéniosité satisfaire à cet exercice,
en appliquant la loi bien connue de l'analogie des con-
traires. Et puis, le chapitre entier va paraphraser copieu-
sement l'interprétation désastreuse, bien plutôt que le
sens faste et glorieux de l'emblème.
Deux remarques semblent pourtant essentielles à met-
tre en valeur.
On sait que le Thau n, dernière lettre de l'alphabet
sacré, signale toute période consommée, toute opération
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478 LA GLKF DE LA MAGIE NOIRE
accomplie, et aussi chaque tour successivement révolu
dun*e spirale sans fin. Le Thau s*inscrit ici dans la forme
de la potence qui signifie la mort et la régénération mys-
tiques ; il marque la clôture du cycle duodénaire, pre-
mier que de reparaitre pour symboliser^ dix lames plus
loin, la révolution intégrale des XXII hiéroglyphes cla-
viculaires du Tarot. Notez que cette figure du Thau se
retrouve, invariablement, au chiffre de clôture de tous les
cycles mineurs : elle s'esquisse dans la forme du chariot^
à Tarcane septénaire ; dans le support de la Roue de For-
tune, à Tarcane dénaire. Gela est caractéristique.
Notez enfin qu'à l'examen de la carte qui nous occupe,
si nous complétons le carré, en supposant droite (et non
sinueuse) la ligne du sol qui ferme le thau par la base,
nous obtiendrons le symbole des quatre éléments, enca-
drant la figure humaine, circonscrite dans la geôle de
l'existence élémentaire.
Sans revenir sur ce que nous avons notifié au seuil du
Mystère (1), il semble à propos de souligner, en consé-
quence, queTarcaneXII concerne exclusivement l'homme
descendu dans la déchéance de la chair.
En effet, lorsqu'on songe aux destinées de l'homme
universel avant sa chute, ou même au sort de l'homme
individuel dans les libres espaces de la vie éthérée, l'in-
carnation terrestre apparaît la mise en captivité préludant
au plus dur esclavage.
Du haut du Cîel profond, vers le monde agité
S'abaissent les regards des âmes éternelles :
(1) Pages 137 et suiv. de la 3* édition.
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l'esclavage magique 479
Elles sentent monter de la terre vers elles
L'ivresse de la vie et de la volupté ;
Les effluves d'en bas leur dessèchent les ailes,
Et, tombant de l'éther et du cercle lacté.
Elles boivent, avec l'oubli du Ciel quitté,
Le poison du désir, dans des coupes morlelles (1). . »
La flamme vivante, descendue en voltigeant vers un
mirage embaumé de fleurs merveilleuses, a roulé, brus-
quement captive, dans la boue : sa lumière paraît s'y
éteindre et sa conscience s'y noyer : c'est un engloutis-
sement morne. Les fleurs séductrices masquaient la glu
fangeuse.... Et voici ! Un ange est mort au Ciel, un en-
fant naîtra sur la terre.
Étrange mystère, en vérité, que celui qui préside à la
descente des âmes au cloaque de l'existence matérielle,
où elles doivent subir l'infamante incarnation. Étrange
mystère, — et lugubre. L'Amour en tient les clefs (2).
A n'envisager l'Amour qu'au point de vue du Désir
qui le manifeste, esl-il rien de plusinsondable queFessence
de cet obscur attract, dont le magnétisme se fait égale-
ment sentir sur les deux rives de la Vie? C'est la force
d'Iônah, terrible et douce ; elle gouverne le flux torren-
tiel des générations...
(1) Louis Ménard, Rêveries d'un païen mystique, Paris, Lemerre,
1890, 3* édiUon, page 30.
Qui donc a dit que le verbe poétique répugnait & renonciation de
l'austère Doctrine ? Il parait impossible d'en mieux formuler renseigne-
ment sur ce point, en moins de mots, et plus sobrement expressifs.
(2) Cf. Au Seuil du Mystère, pages 143-144.
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480 LA CLEF DE LA MAGIE NOIRE
Llônah de Moïse équivaut à Y Aphrodite d'Homère, à
Valma Venus (1) de Lucrèce.
Évocatrice des âines sur le rivage de Tillusion physi-
que, la Charmeuse couvre d'une parure mensongère les
tristes réalités de la chair et du sang. Sur tous les plans
de l'existence, son rôle est de séduire.
Sa fantasmagorie fait scintiller l'illusion d'un paradis
au fond du gouffre de l'enfer physique, et les âmes se
laissent prendre à son piège d'incarnation, comme, une
fois incarnées, elles se laisseront prendre à son piège d'u-
nion sexuelle. Vénus a besoin d'exercer parallèlement
cette double et complémentaire fonction séductrice, afin
de garantir, par les flots successifs de la génération, la
perpétuité du transitoire objectif. Que la déesse veuille
capter les âmes ou accoupler les corps, ses moyens ne
varient guère : le Désir est sa voix solliciteuse, et son
divin piège, c'est la Volupté.
Car il faut bien formuler enfin ce que notre Public a
déjà pressenti, peut-être; c'est qu'à l'appel de Vénus, un
trouble sensuel très intense, une irrésistible soif de jouir
envahit les âmes au déclin de leur vie arômale. Exceptons
celles de qui la nature, entièrement spiritualisée, n'offre
plus de prise au flux rétrograde des générations. Toutes
les autres, quand l'heure a sonné d'une nouvelle épreuve,
se laissent charrier au torrent : le monde physique où il
aboutit leur apparaît un éden de lascive béatitude; bien-
tôt la passion succède au désir et le centre animique est
envahi. L'incurable amour dont ces âmes brûlent alors
(1) Notez que Vénus est l'épouse de Vulcain, principe du feu terrestre.
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l'esclavage magique 481
pour la matière marque l'agonie de leur existence supé-
rieure. Dès qu'elles ont consenti à leur déchéance, le
courantles entraine etles roule en ses remous : leur men-
talité se trouble, leur conscience s'affole, leur substance
s'épaissit. Ravies par l'attraction fluidique de la planète
prédestinée, un vertige indescriptible leur voile l'horreur
d'une dégradation imminente, et lorsqu'enfin la matière
les engloutit, elles perdent connaissance dans l'ivresse
des voluptés.
Il s'en faut d'ailleurs qu'en tous les cas l'incorporation
suive immédiatement la chute. Les Psychés demeurent
parfois un temps très prolongé en instance d'incarnation ;
elles errent alors, dans une demi-inconscience, aux régions
inférieures de l'Astral planétaire. Elles peuvent influencer
les médiums, posséder les faibles, et même, en des cas
heureusement assez rares, s'incarner par surprise, comme
nous l'avons dit. Ordinairement, tout étourdies et dépay-
sées, le serpent fluidique d'Ashiah (qui s'enroule autour
du globe) les emporte en cercle ; — jusqu'à ce que, les
exigences physiologiques étant satisfaites, elles trouve-
ront à s'incorporer, selon des lois inconnues d'appropria-
tion et de sympathie sélective. Ces lois gouvernent les
rapports entre ces âmes errantes et les couples humains
qui leur livreront l'accès du monde matériel.
La même ardeur que les âmes éprouvent à descendre
dans la chair, elles l'inspirent aux terrestres géniteurs
désignés pour leur en ouvrir la porte.
a On ne peut expliquer la sélection naturelle par le hasard,
car un mot n'explique pas un fait. S*il y a choix, il y a dis-
cernement; toute énergie suppose une volonté. Mais est-ce la
31
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482 LA CLEF DE LA MAGIE NOIRE
nôtre? Non, c*est une volonté étrangère {{) ; l'amour n*est pas
une action, c'est une passion. Les Puissances cosmiques nous
renvoient pour nous employer à leur œuvre créatrice, en fai-
sant descendre des âmes dans la naissance. L'A mou r,c' est un
enfant qui veut naître ; les anciens l'appelaient de son vrai
nom, le Désir (Erôs, Cupido), parce qu'en efTel c'est le Désir
qui appelle les germes à l'existence. Il y a autour de nous des
âmes qui veulent s'incarner : pour cela» elles se changent en
désirs et sollicitent les vivants de leur donner un corps. L'Art
grec les représente par des enfants ailés : ce sont les désirs qui
voltigent autour des amants.
« La Beauté est mère du Désir, d'après la mythologie.
Qu'est-ce que la beauté ? C'est une harmonie de lignes, une
pondération de formes qui annonce l'aptitude à l'éclosion des
germes et au perfectionnement de larace. L'ampleur des han-
ches, la fermeté de la gorge sont des garanties pour l'enfant
qui naîtra. Les âmes errantes nous poussent vers nos com-
plémentaires ; elles choisissent pour entrer dans la vie les
conditions organiques dont elles ont besoin, et elles nous im-
posent leur choix sans nous consulter. Ce choix est rarement
d'accord avec nos convenances sociales ; ce n*est pas leur
faute, elles ne connaissent que les convenances physiologi-
ques (2). »
Peut-être ne faut-il pas interpréter trop à la lettre la
prose délicieuse et poétique de Louis Ménard (3), plus
précis tantôt, quand il chantait. Nous n'avons pu nous
défendre de transcrire ces lignes pour la satisfaction de
(1) Étrangère à l'homme individuel qui la subit. — Cf. Chap. iv,
pages 345 el suiv.
(2) Itèveries d'un païen mystique, p. 80-81.
(3) Les âmes qui « se changent en désirs «et « choisissent les condi-
tions organiques dont elles ont besoin » ; la Beauté réduite à une pro-
messe de fécondité, etc., constituent des à-peu-près d'expression ; mais
les théories n'en semblent pas moins belles et profondes.
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l'esclavage magique 483
nos Lecteurs ; car elles sont suggestives etrévélatriceè h
qui sait lire et comprendre.
La préexistence de TAme, sa défaillance et son nau-
frage au gouffre de la matière étaient bien connus, dans
rAnti(|uité, des adeptes de toute école. L'Art auguste
s'empara de ces notions. Pour traduire en une langue
accessible aux profanes la doctrine universellement reçue
dans les temples, les rhapsodes-initiés la transposèrent
en emblèmes : leur verve prodigua toutes les parures de
la poésie et du rhythme, aux cent fables, gracieuses ou
terribles, ^ dont les scribes du sanctuaire, ces maitres
gardiens du Symbole, avaient formulé le thème initial.
Ainsi partout se trouvèrent brodées, sur un canevas
théqsophique invariable, les multiples images de tant
d'éclatantes Mythologies.
Dans la légende édénale, que Moïse inscrivit en fron-
ton à son édifice du Berœshilhy il ne semble point témé*
raire de voir le prototype de toutes celles analogues, et
relatives au même arcane. La déchéance d*Adam-Ëve est
une tradition mystique, vraisemblablement empruntée
aux É^ptiens, qui la tenaient des Hindous. Peut-être
Moïse en recueillit-il même la notion originaire dans la
crypte madianite, où léthro conservait pieusement le tré-
sor doctrinal des premiers âges. Elle remonterait ainsi jus-
qu'à la synthèse scientifique issue du génie de la race noire,
et se rattacherait par elle à la symbolique antédiluvienne
des Atlantes, au cycle primitif de la race cuivrée (1).
(1) Cf. Fabre. d'Olivet, Histoire philos, du genre humain, lom« I,
pages 326-327 ; — el SainUYves, Mission des Juifs, pages 414 etsaiv.
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484 LA CLEF DE LA MAGIE NOIRE
Quoi qu'il en soit, cette fable a des correspondances
dans tous les symbolismes. La désobéissance de Pandore,
celle de Proserpine, sont en stricte analogie avec la dé-
sobéissance d'Eve. Ici, c'est un fruit dont il ne faut pas
goûter, là c'est une boîte qu'il est défendu d'ouvrir, ou
encore une fleur dont il faut respecter la tige. Mais la
curiosité féminine l'emporte, et la pomme est mangée, et
la boite est ouverte, et le narcisse cueilli. La prévarica-
tion d'Eve exile du paradis terrestre le premier couple
humain; celle de Pandore fait pleuvoir sur le monde des
maux qu'il n'aurait dû jamais connaître ; celle de Pro-
serpine aboutit à son enlèvement par Pluton, qui l'en-
traine aux gouffres infernaux.
La fable de Psyché recèle un sens identique, sous un
symbolisme qui diffère peu, et l'analogie s'impose.,.
Que d'autres mythes on pourrait invoquer, expressifs
de la même doctrine, quoique d'une similitude entre eux
moins rigoureuse, quant à la forme? Partout, c'est le ré-
cit d'une catastrophe humiliante,joint à la promesse d'une
réhabilitation de l'être déchu ou dépossédé. L'ésotérisme
des anciens mystères, toujours immuable dans son dogme,
comportait invariablement pour support symbolique une
fable de ce genre (1).
(i) 0 Partout c'est un Dieu tué, déchiré, démembré par lesgéans ; c*esl
une déesse qui le cherche; qui, en le cherchant, parcourt le monde;
qui, en le parcourant, donne les mœurs, les lois, fonde les cités, donne
la nourriture, donne les arts, le culte, les rites : c'est un Dieu tué,
démembré par les géans, qui, après bien des combats et des douleurs,
ressuscite et demeure enGn triomphant et victorieux.
' « C'est, en Phrygie, Gybële désolée de l'infidélité d'Atys, qui parcourt
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L^ESGLAVAGE MAGIQUE 485
C'était, à Eleusis, l'enlèvement de Persephonê (ou Pro-
serpine) et les infructueuses pérégrinations de Dêméter,
le monde en furieuse, et le force à se mutiler de désespoir de l'inAdôlité
qu'il lui a faite.
« En Egypte, c'est Isis, désolée de la mort d'Osiris, que Typhon a tué
en trahison» en lui faisaat essayer son cercueil ; que les géans ont dé-
chiré en pièces ; qui parcourt le monde pour en rassembler les mem-
bres, qui les rassemble tous, hors le membre viril dont elle consacre
une image; et en parcourant le monde, elle lui donne les lois, les arts,
le culte, 1(L nourriture ; et Osiris, après bien des peines et des combats,
est vainqueur de Typhon et des géans, et ressuscite pour le bonheur
du monde.
< En Phénicie, c'est Vénus désolée de la mort d'Adonis, que le cruel
Mars a tué, déguisé en sanglier; qui parcourt le monde pour retrouver
son corps; miîs Adonis terrasse enQn l'immonde animal, ressuscite
glorieux et console Vénus.
• En Assyrie, c'est Salambo et Bélus, à qui il arrive les mêmes aven-
tures.
« En Perse, c'est Mythras et Mythra.
• Chez les Scandinaves, c'est Freya et Balder, à qui il arriva les
mêmes accidens.
• A Samothrace, à Troie, en Grèce, à Rome, c'est Gérés, désolée de
l'enlèvement de sa fille, qui parcourt le monde, qui ne peut se conso-
ler que lorsqu'elle a vu le goufTre par où Plu ton l'a enlevée. C'est Bac-
chus tué, déchiré, démembré par les géans,dont Pallas a trouvé le cœur
encore pal pi tant, dont Cérès rassemble les membres.qui ressuscite, par-
courltoutes les nations, remplit le monde de ses exploits, demeure vain-
queur et prend sa place parmi les dieux. • (Q. Aucler, la Thréîcie, p
34-36.)
On conçoit assez que le dieu démembré par les géants (forces bruta-
les de la Nature physique), c'est le Principe ontologique de l'homme,
qui se désintègre par sous-multiplication, à travers le temps et l'espace
La déesse qui lui vient en aide, et qui prépare son apothéose en ras-
semblant ses membres épars, c'est l'Humanité céleste et providentielle,
descendue au secours de l'huminité souffrante et terrestre, lui envoyant
des Messies, lui enseignant l'intégration sociale pendant l'existence et
la réintégration mystique après la mort. EnQn. la résurrection du dieu,
son apothéose, c'est le retour des sous-multiples à l'Unité, de la ma-
tière différenciée à la substance première, du temps à l'Éternité, de
l'espace à l'Infini : c'est l'homme-synthèse rendu à la gloire de ses
destinées divines.
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486 LA CLEF DE LA MAGIE KOIRE
(ou Gérés), parcourant le monde à la recherche de sa fille.
Persephonê, vivante image de l'Ame humaine, déso-
béit à sa mère (la Nature céleste). Séduite par les con-
seils du perfide Érôs, elle cueille et porte à ses lèvres le
narcisse étoile, emblème du désir. A peine en a-t-elle
respiré le parfum, qu'une défaillance la saisit : le sol
tressaille, s'entr'ouvre et livre passage au char de Pluton,
attelé de sinistres chevaux à la crinière de ténèbres. Le
dieu des expiations s*empare de Pei*sephonê, la ravit sur
son char d'ébène, et tout s'effondre dans la nuit. L'abime
s'est refermé (1)... Voilà bien l'attraction du feu terres-
tre, qui, trouvant prise sur toute âme alourdie par lacon*
cupiscence, l'enlraine au fond du gouffre des générations»
dans le royaume de la vie physique et de l'épreuve !
Proserpine épouse Pluton (le principe de rattraclion
ignée), et devient reine du monde inférieur.
Sur ces entrefaites, Jupiter, attendri par les prières et
les larmes de Cérès (la Nature céleste), décide que Pro-
serpine lui sera rendue, si pourtant elle a su s'abstenir
de toute nourriture, au séjour des enfers. La malheureuse
n'a rien pris, si ce n'est trois grains de grenade : c'en est
assez pour qu'elle appartienne au dieu noir !... Mais Zeùs
mitigé la rigueur de la sentence primitive. Persephonê
partagera son existence entre Démêler et Aidonée : elle
vivra six mois au Ténare, près de son époux, et six mois
au Ciel, près de sa mère.
Le sens occulte de l'ingénieuse allégorie transparaîtra
(1] Lire dans les Grandn Initién (pages 422 et suivantes^ la scène
de l'enlèvement de Persephonê, très habilement remise au point par
M. Edouard Schuré, selon l'esprit des £leu8i068.
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l'esclavage magique 487
mieux au prochain chapitre, — la Mort et ses Arcanes.
Qu'il suffise d'observer que la nourriture est ici l'emblème
d'une assimilation des choses terrestres à la pure sub-
stance de l'âme. Si l'âme s'est entièrement matérialisée
durant son épreuve corporelle, les enfers la retiendront
pour jamais captive, à la sortie du corps ; si elle a su se
préserver de toute macule, elle sera pour jamais rendue
à la vie du Ciel. Mais au cas plus ordinaire où l'âme
ne s'est assimilé, comme Proserpine, qu'une plus ou
moins faible portion de l'aliment défendu, la Terre aura
sans doute acquis des droits sur elle, sans que sa nature
céleste ait abdiqué pour si peu. Ses destins se partage-
ront dès lors, comme nous le pourrons voir, entre le Ciel
et la terre, dans la succession de ses existences alternées :
jusqu'au jour de son épuration totale et de son retour à
l'essence.
Le mystère de l'incarnation des âmes a inspiré Saint-
Yves, qui lui doit une de ses plus belles pages, de celles
où le noble poète se souvient qu'il est un grand initié.
Les austères leçons de la science y sont transposées en
matière d'art, avec une maîtrise et un tact exquis ; et ce
nous est scrupule et presque remords d'avoir dû mutiler
celte prose lyrique, afin d'en tirer de profitables extraits.
L'âme descendue dans la prison du corps nous conte
l'odyssée de sa chute individuelle. La voici sur la terre.
a. . Ainsi cette âme est née au monde des effigies et des
épreuves ; et elle en crie.
€ Son élément était le fluide céleste, la lumière intérieure
de rUnivers, Téther spiritueux, le dedans et Tendroit de la
substance cosmogonique.
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488 LA CLEF DE LA MAGIE NOIRE
« La voilà à Tenvers, au dehors, en pleine nu il.
€ Elle ne voit plus son corps céleste : il s'éclipse.
€ Elle en a perdu la science, la conscience, la vie réelle.
Son intelligence se ferme, sa clairvoyance directe ne voit plus,
son entendement n'entend plus, sa sensibilité psychurgique
est partout accablée.
€ Entre elle et l'Univers s'interpose un obsl^icle terrible :
quelque chose d'obscur et de limitant, de courbe, d'obtus,
d*àcre et de chaud, étrange composé qui bruit et fourmille,
voile savamment et artistement tissé, replié sur lui-même et
sur elle, dont toutes les contextures animées, images de 1* Uni-
vers, en communion précise avec lui, figures des facultés de
Tàme.en conjonctionsubstantielle et spécifique avec elle, s'en-
lacent et l'enlacent dans les méandres tortueux des organes et
des viscères : c'est le corps.
c Si le corps crie, c'est que l'âme souffre.
c Elle veut fuir, mais elle retombe sous une irradiation qui
lui rappelle la lumière vivante, Iô)iah, la Substance céleste :
c'est un baiser maternel.
€ Parfois il lui semble qu'elle est morte. Elle se rappelle
comme dans un songe l'immensité de cette lumière secrète où
elle se baignait nue dans des tourbillons resplendissants ; les
croupes, les vallons élhérés d'un astre aimé, sans atmosphère
élémentaire, sans attraction physique, mondedes essences, des
arômes et des parfums de la Vie, d'où elle entendait monter et
descendre les harmonies et les mélodies intérieures des temps
et des espaces; d'où elle s'élançait, frémissante, à la voix intime
des bien-aimés et des bien-aimées, pour contempler Sha-
maim, l'éther, la mer azurée du Ciel, les lies, les flottes sidé*
raies, les mouvements de leurs Génies animateurs et de leurs
Puissances animatrices.
< Comme un reflet d'étoile sur une eau qui frissonne, un
souvenir tombe et tremble encore en elle de la grande réalité.
€ Elle exhale encore la céleste ambroisie des Mystères éter-
nels du Saint-Espnt, et les effluves de l'autre monde ne
s'évaporent que lentement de sa balsamique essence que la
mère boit, respire et baise, avec une ivresse étrange pour les
profanes.
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l'esclavage magique 489
< Ne fenvole pas, doux reflet de l'astre des mages! Immor-
telle» souviens-loi !
< Elle croit les voir encore, les blanches, les divines, hom-
mes et femmes, déesses et dieux, diaphanes, lumineuses for-
mes, types de la Beauté, calices de la Vérité, se mouvant, pla-
nant, s'enlaçant dans tes ondes magiques du céleste Amour,
dans les communions éblouissantes de la Sapience.
€ Ne sont-ce point encore les théories sacrées, les poèmes
vivants du Verbe occulte, les hymnes des Pensées créatrices, les
symphonies des sentiments animateurs, les enseignements
hiérarchiques des cercles psychurgiques, le trouble saint des
;;^rands Mystères, les Dieux, rayons du Dieu dont la lumière est
Tombre, le sillon lumineux, le vol arômal des Génies, des
Envoyés, des Intelligences parfaites, des Esprits immortels,
des Ames victorieuses et glorifiées.
€ 0 vertige ! là n'est-ce pointencore le quadruple cercle in-
férieur des âmes montant et descendant, Tocéan fluidique,
étincelant, sur lequel passe la brise de TAmour, dans le fond
duquel crient la Naissance et la Mort?
€ N'est-ce point encore... ? Mais qu*allais-je dire?
< Que s*est-il donc passé? Chante, fille des Dieux !
< Ecoutez !
« Un grand trouble, un vertige, un enivrement subit,
une lourdeur étrange, un magnétisme lointain, une attrac-
tion douce et terrible, une incantation des astres, un mot
d'ordre, un cri de sphère en sphère, des adieux déchirants à
la vie supérieure, aux bien-aimés, une prière, une cérémo-
nie solennelle aux rite.« funèbres, une dernière étreinte,
un dernier baiser, un serment de se souvenir eC de revenir,
un Génie aux pieds ailés qui prend Tlmmortelle et Tentratne
vers les gouffres, Timmensité d'en haut qui se ferme, celle
d'en bas qui s*ouvre avec fracas, Tocéan tumultueux des
générations, abîmes d'âmes gagnant ou quittant la cime
ou le fond de l'atmosphère d'un autre astre, bataille élec-
trique des passions et des instincts de la terre... puis... quoi
donc?
€ ("est l'orbe de la terre, c'est l'océan métallique déroulant
ses flux, enroulant ses reflux.
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490 LA CLEF DE LA MAGIE lYOlRE
c On traverse des lourbi lions d^àmesquî montent et s'abais-
sent
c Ce sont dans ratmosphère» Les nuées, les grands courants
polaires, les souffles de Torîent, les rafales de roccident, les
fleuves aériens secouant Técume des nuages, enroulant leurs
serpents électriques; c'est Tocéan inférieur de Tair, avec ses
quatre régions, celle des aigles, des grands migrateurs, des
alouettes et des colombes.
« Dans cette dernière^ commence le règne de la substance
plastique sur la terre, avec ses quatres nômes : minéral, vé-
gétal, animalp hominal, et ses sept tourbillons de Puissances
génératrices et de générations spécifiées.
• Après les cirques et les amphithéâtres vertigineux des
montagnes blanches, après la féerie éblouissante des glaciers
et des abîmes, voici venir à Tinfini les molles ondulations des
collines vertf>s, l'écoulement écumeux des torrents, le serpen-
tement écaillé des rivières et des fleuves métalliques, le balan-
cement des forêts sonnantes,rimmensité circulaire des campa-
gnes herbeuses, où courent et se jouent des frissons.
c C*est la terre, l'une des mille citadelles du royaume de
l'homme, fils immortel et mortel de Dieu-les-dieux...
« Voici les cercles de pierres de métropoles, des cités, des
villes et des villages, avec le bourdonnement des voix d'airain,
qui, du haut des dômes et des clochers, scande et annonce,
au-dessus du fracas des grandes eaux populaires, la Xais-
sance et la Mort.
« L'Immortelles'arréte brusquement; s*attachant avec force
à la clarté des astres, elle mesure l'espace parcouru, la dis-
lance qui la sépare des cieux
« — ... Où suis-je ? Ciel, terre, tout a disparu ; mais une
attraction invincible m'enchatne tout entière.
a — Ame immortelle, voici ta mère !
a Au nom de Dieu, au nom de la Nature, au nom d*/od et
de Hévah, voici ta patrie vivante ici -bas.
c Sois unie à elle par toutes les Puissances magiques de la
Vie !
a Adieu ! —
a Elle se rappelle encore ses entretiens avec l'Âme mater-
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L*E8CLAVAGE MAGIQUE 491
nelle, leur indivisible et mutuelle pénétration, leurs commu-
nions mystérieuses, pleines de souvenirs et d'espérances sur-
terrestres, douleurs et joies, frissons, extases, musiques
wnuettes ; le long enroulement des neuf cercles séléniques, Fin-
caniatioQ des épigénèses, puis... une souffrance crucian te,
terrible, une vapeur sulfureuse, un effluve ferrugineux mon-
tant brusquement desgouffres ignés de la terre.tourbitlonnant,
l'arrachant à l'âme maternelle, la clouant à un vide pneuma-
tique, à un antre pulmonaire chaud, mouvant, ..é un cri dans
cet antre, dans cette efOgie creuse, et... le Souvenir rentre
dans ses profondeurs avec les Innéïtés célestes.
< Il ne revivra plus que par la Science (1) !... »
Ainsi, la naissance physique est la véritable mort des
âmes, et la mort physique leur véritable renaissance.
L'initiation, — ce réveil de l'âme en somnambulisme
ici-bas, ce Remember de la grande réalité ultra-terres-
tre, — l'initiation était considérée par les anciens adep-
tes comme figurative de la mort, et procurant un avant-
goût de l'existence arômale, intérimaire aux incarnations.
• « L*Âme (nous dit S(obbée), éprouve à la mort les mêmes
passions qu'elle ressent dans l'initiation, et les mots mêmes
répondent aux mots, comme les choses répondent aux choses.
Mourir ou être initié, s'exprime par des termes semblables :
ce n'est d'abord qu'erreurs et incertitudes, que courses labo-
rieuses, que marches pénibles à travers les ténèbres épaisses
de la nuit. Arrivé aux confins de la mort, — ou de l'Initiation,
tout se présente sous un aspect terrible ; ce n'est qu'horreur,
tremblement, crainte, frayeur: mais dès que ces objets
effrayants sont passés, une lumière miraculeuse et divine
frappe les yeux, etc.. (2). »
(1) ^ Testament Lyrique, par Alexandre Saint-Yves, Paris, 1877.
in 8 (pages 5 à 1 0, passim).
(2) Stobbée, cité par l'abbé Richard, Recherches sur les initiations
anciennes et modernes, Amsterdam, 1779, in-S, pages 42-43.
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492 LA CLEF DE LA MAGIE NOIRE
Apulée s'exprime en termes analogues (1).
Un initié du vieux monde, quand on Tinterrog^eait sur
son âge, répondait volontiers : je suis mort en telle
année (celle de sa naissance corporelle) ; à telle date
(celle de son initiation), je renaquis en esprit. El il comp-
tait son âge, non point d'après son grade, comme nos
francs-maçons ont coutume de le faire, mais à dater de
son admission aux mystères des dieux. Alors, comine de
nos jours, il n*était point rare d'entendre un homnae fait,
un vieillard même, annoncer qu'il avait trois ans. Cette
énigmatique réponse, qui veut dire à notre époque : Voye:^
en moi un simple apprenti, signifiait alors : il y a trois
ans que je suis initié.
Mais revenons aux arcanes de la Naissance.
L'incorporation matérielle delà Psyché ne compromet
aucunement les rapportsqui la faisaient participer àrhar-
monie des mondes invisibles ; mais cet accident astreint
l'Immortelle à une communion indirecte avec l'Univers
physique, dont elle devait ignorer les servitudes.
Les âmes humaines appartiennent par essence à la
région animique du grand Tout, cet organisme colossal
dont l'univers matériel n'est que le corps visible. En pre-
nant corps elles- mêmes, les âmes tombent dans le domaine
propre de la Nature naturée, et sous le joug plus étroit
du Destin qui la gouverne.
Désormais, l'Univers possède intégralement l'être hu-
main : des rapports d'anatomie et de physiologie occulte
(i) Cf. LAned'or, in fine.
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l'esclavage magique 493
rattachent et homologuent l'individu dans son ensemble
au total Cosmos, et chaque détail de la constitution
Immaine au détail correspondant de l'organisme universel.
On voit sur quelles bases, à la fois mystiques et ration-
nelles, les anciens théosopbes édifiaient leur système d'à*
nalogies, quand ils qualifiaient l'homme terrestre de Micro-
cosme (ou de. petit monde), rigoureusement assimilable,
en son tout comme en ses parties, au grand monde ou
Macrocosme (l).
Cette possession de l'individu humain par la Nature
déchue s'affirme à l'instant même de la conception, et se
confirme à chaque nouveau stade, dans l'évolution et le
développement du fœtus.
On peut dire que ce rudiment corporel, progressive-
ment élaboré sur le patron fluidique du corps astral, est
le terrain où se règle un compromis entre les Puissances
du Ciel et de la terre. Tandis que les virtualités latentes
de l'espèce et de l'individu s'efforcent de produire une
enveloppe aussi appropriée que possible à l'être qui prend
corps, il semble que le Génie de l'univers physique, con-
trôlant cette auto-genèse, veille à en maîtriser de toutes
parts, ou du moins à en répartir la libre expansion. Ainsi,
au fur et à mesure de la croissance, il rattache par d'in-
visibles liens chaque cellule, chaque fibre, chaque organe
(1) n semble qu'une lumière puisse jaillir du rapprochement de
cette théorie av^ec celle» précédemiuent émise, des signature* spontanées,
que nous définissons : les hiéroglyphes oùla Nature des choses consigne
leurs propriétés et révèle leur origine. Peut-être les penseurs recon-
naitront-ils, en juxtaposant les deux théories, qu'elles n'en font qu'une
au total ; mais que ce sont là deux manières différentes de faire valoir
une même vérité.
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494 LA CLEF DE LA MAGIE NOIRS
naissants, aux diverses régions de l'Univers qui leur sont
analogues et correspondantes ; il distribue harmonieuse-
ment en lieux utiles les influences des astres» des élé-
ments et des orbes magnétiques de la planète, et règle,
par rapport au fœtus, la juridiction naturelle des Puissan-
ces occultes qui président à l'activité formatrice^ sous les
divers modes applicables au plan matériel.
La connaissance de ces rapports, et la mise en œuvre
raisonnée des lois dont ils témoignent, constituent la
science et Fart que les anciens auteurs englobaient sous
Tappellation de Magie naturelle. Cette magie serait, à les
entendre, celle qui permet à Thomme d'accomplir des
œuvres en apparence miraculeuses, par l'emploi des
seules forces de la Nature, et sans recourir à l'évocation
des Esprits, ni même côtoyer la limite du « Surnaturel ».
Incorrecte définition, qui s'étaie d'une conception très
fautive de l'Univers, de son principe, de ses lois et de sa
fin. Un tel langage serait, sur les lèvres d'un adepte, la
marque certaine d'une initiation foncièrement erronée, —
si lesdures exigences des temps de persécution et de fana-
tisme nejustifiaient assez lea meilleurs théosophes, d'avoir
adopté la terminologie reçue des scolastiques alors pon-
tifiants.
Nos Lecteurs savent déjà que le Surnaturel n'est point, —
puisque la Volonté de l'homme et la Providence même,
ces facteurs de miracles, constituent l'âme et l'intelligence
de la Nature spirituelle, comme le Destin constitue la loi
de la Nature corporelle.
La totale Nature, c'est la grande Isis des sanctuaires
égyptiens. Sa glorieuse image se profile à travers les trois
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l'esclavage magique 495
mondes : sa tête rayonne au Ciel intelligible; son divin
cœur bat au Ciel des âmes, ses flancs augustes engen-
drent au Ciel éthéré l'esquisse des apparences ; le monde
élémentaire lui fait un piédestal.... Et les philosophes
qui bornent la Nature à Tordre des choses sensibles, ne
voient même pas les talons de la Grande Déesse, mais
seulement Tombre qu'ils projettent.
Hors de la Nature, miroir manifestatif de la Divinité,
l'esprit ne conçoit que l'Absolu, c'est-à-dire Dieu dans
son impénétrable essence.
Tous les êtres finis, jusqu'aux anges des plus sublimes
hiérarchies, vivent et se meuvent dans le sein profond
de la Nature. Ainsi, quels que puissent être les auxiliaires
spirituels que le magicien évoque à son aide, si surpre-
nants qu'apparaissent les miracles qu'il opère grâce à
leur concours, sa théurgie n'a rien de surnaturel (1).
Le cadre tout arbitraire d'une « Magie naturelle » et
licite, en contraste avec la Magie illicite et démoniaque,
résulte de cette fausse conception du Surnaturalisme,
dont plusieurs sont encore férus. En somme, la Magie
naturelle des anciens auteurs n'est que la science posi-
tive (ou prétendue telle), appliquée à la justification de
certains phénomènes déconcertants et paradoxaux.
€ Cette magie (déclare Porta), douée d'vne plantureuse
puissance, abonde en mystères cachez et donne la contempla-
tion des choses qui gisent sansestre appréhendées, et la qua-
lité, propriété et cognoissancede toute nature, comme sommet
de toute philosophie. Encore enseigne-elle que, par Taide des
choses et paria mutuelle et opportune application, elle fait des
(1) Voyez l' Avant-propos, pages 14 et suivantes.
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496 LA CLEF DE LA MAGIE NOIRE
œuvres que le inonde estime miracles, surpassans toute ad mi-|
ration^ et capacité de tout humain entendement (!). b
L'instruction n'était point jadis aussi généreuse menl
prodiguée qu'aujourd'hui. Les expériences dont la curio-
sité de nos enfants s'égaie sous le nom de Physique
amusante (depuis les applications élémentaires de chimie
ou d'électricité, jusqu'aux tours de gobelets, qui, en dé-
finitive, appartiennent à la science de l'optique, puisqu*ils
reposent sur une illusion des yeux), toutes ces expérien-
ces eussent passé pour prodiges de Satan, au gré des
badauds du moyen âge, (témoin le bon rabbin Jéchiel et
la légende de son clou merveilleux et de sa lampe en-
chantée) (2). Or, tout n'était pas rose alors, dans le per-
sonnage, d'ailleurs considérable, du sorcier. Lorsque
des physiciens s'avisaient de publier quelque recette sur-
prenante, peu curieux de récolter sur un bûcher la menue
monnaie d'une réputation de nigromans, ils prenaient
soin de cataloguer leur découverte sous la rubrique de
magie naturelle, ou de physique occulte.
C'est sous ce dernier titre que l'abbé de Vallemont
remplit six cents pages de sa prose, pour disculper de
diabolisme les praticiens de la fameuse baguette divina-
toirej encore contestée de nos jours : savoir, une fourche
de coudrier, influençable, dans la main des sensitifs, par
certaines émanations, telles quel'aMra des sources et des
(1) La Magie naturelle^ qui est les secrets et miracles de nature,
mise en IV livres, par lean-Baptiste Porta, Neapolitain. A Lyon, par
Jean Martin, 1565, in-8, p 2.
(2) Cf. Au Seuil du Mystère, page 5o.
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L*£SCLAVAGE MAGIQUE 497
nînières. L'expérimentateur saisit les branches bifur-
|uées de la baguette et la maintient horizontale : Tautre
>o\xt fléchit à point nommé, et se tourne vivement dans
a direction de la masse liquide ou de la veine métallique
i découvrir. Il y a là sans doute un phénomène d'attrac-
tion objective (1) ; mais il s'y mêle vraisemblablement
un phénomène tout subjectif de psychométrie, puisque la
baguette n'est sensible qu'en de certaines mains ; — et
que Jacques Aymar, pour ne citer qu'un cas célébré et
d'ailleurs exceptionnel, a pu, muni de sa baguette, suivre
a la piste un meurtrier, sur terre et sur mer, depuis Lyon
jusqu'à Beaucaire, puis de Beaucaire jusqu'en vue de
Gênes (1692) (2). On expliquera difficilement pareil fait
par l'action directe des corpuscules de l'awrasur la four-
che de coudrier.
Aussi, bien que la baguette divinatoire ait été souvent
élue pour type des applications de la Magie naturelle
(comme l'entendaient les vieux auteurs), nous est avis
qu'on pourrait mieux choisir.
\i) Jean Bodin nous est garant que la baguette divinatoire étaitcon-
nue et usitée, plus d'un siècle auparavant. Et ce démonographe, qui
pourtant voit le diable partout, conclut à un phénomène physique :
« Encores y a- t-il la Phytoscopie, qui est la prédiction des choses
occultes par les plantes, comme la verge deCoryles ou Coudres, diuisée
par moictié, tenue en la main, inclinée de la part où il y a des métaux.
Et c'est chose assez expérimentée parles métalliques... Toutes ses pré-
dictions cogneuês par l'expérience, encores que les causes soient occultes
et ignorées, neantmoins elles sont naturelles, et la recherche d'icelles
descouure la grandeur et beauté esmerueillable des œuuresde Dieu. »
(Demonomanie des Sorciers, Paris, 1587, in-4 (feuillet 38 6 et 39 a>
passim).
(2) Voy. la Physique occulte ou traité de la baguette divinatoire,
Paris, 1793, in-12, fig., pages 37 et suiv.
32
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498 LA CLEF DE LA MAGIE NOIRE
L'influence du monde extérieur sur les sens, — action
mal définie, dont les puissants effets sont banaux à ce
point, qu'on n'y porte plus attention, — semblerait un
meilleur exemple. L'harmonie captivante des formes,
l'enchantement des parfums, des sonorités, des jeux de
lumière et de couleurs, cette permanente féerie de la
grande Maïa (l'Illusion physique), — voilà bien des mer-
veilles d'une magie non seulement naturelle, mais spon-
tanée.
Nulle science humaine n'a su démasquer les prestiges
delà charmeuse ; nulle Puissance ne Ta détrônée encore,
la Reine des fantastiques apparences!
Lorsqu'aux premiers soleils de printemps, toute chose
créée tressaille et s'égaie sous la caresse du ciel bleu, les
organismes les plus blasés prennent leur part du grand
jubilé d'Érôs et de Cybèlc. La Nature, prodigue de sé-
ductions, exhale toute sa poésie latente avec ses énergies
cachées ; elle nous assiège par tous nos sens. Ni vieillard,
ni valétudinaire, ni même hypocondriaque ne s'en défend:
c'est irrésistible. Le corps sent travailler en lui les fer-
ments réactioniiés de la vie et du désir; un alanguisse-
ment indéfinissable l'envahit, fait de bien-être et d'op-
pression, de vertige latent et de volupté diffuse ; le cœur
est plein, l'allégresse déborde. Toute l'animalité vibre à
l'unisson de l'homme ; la nature végétale y répond de
son mieux en participant au concert. Une puissante mon-
tée de sève fait éclater les bourgeons et les feuilles éclore.
Sous l'impulsion de l'éréthisme universel, êtres et choses
fraternisent, fusionnent en quelque sorte, et l'on sent
positivement à cette heure-là quel lien occulte etproCond
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l'esclavage magique 49d
les rattache et les assimile, conrondus en la vivante unité!
C'est là le côté lucide de cette singulière extase, d'ailleurs
si féconde pour tous en illusion et pour plusieurs en dé-
boires.
Les liens mystiques et physiologiques à la fois, qui
rattachent l'homme au grand Tout vivant comme lui,
s'imposent alors; ils sont intuitivement perçus. L'accord
des sphères célestes se fait pressentir, — comme dans le
Songe de Scipion. Alors se révèle la savante orchestration
d'influences qui nous enveloppe, êtres et choses, dans les
mailles sonores du Destin ; tandis que, découpée sur ce
fond harmonique, l'universelle incantation des volontés
fait participer ce qui est libre dans l'homme au concert
providentiel des mondes. Nulle part, en effet, du haut en
bas de l'échelle, l'homogénéité de la Nature ne se peut dé-
mentir : son essence est une, si son mode varie. Ellecon-
tient toute chose, et rien de manifesté ne se conçoit en
dehors d'elle. Ainsi, des libres sommets de l'apothéose
aux abîmes de la déchéance et de la servitude, tout vibre
et donne sa note, spontanée ou contrainte, consciente ou
non. Ainsi les dissonnances de l'enfer contribuent elles-
mêmes à la symphonie du Total Cosmos.
Pareille extase, bienfaisante à l'homme dégradé, par
le témoignage des correspondances glorieuses dont elle
trahit l'inaliénable empire, n'en présente pas moins, au
point de vue des communions inférieures qu'elle dénonce
évidentes, l'indubitable symptôme de la possession de
l'homme par la Nature naturée.
* Voilà Yesclavage magiquey dans son expression natu-
relle et spontanée.
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500 LA CLEF DE LA MAGIB NOIRE
Cet esclavage se traduit, au jour le jour, par les exigen-
ces du corps et toutes les suggestions de la matière : la
faim, la soif, le sommeil, les appétits brutaux, etc.. .
Il ne se révèle que trop clair, au jeu des sympathies et
des antipathies, dont nous sommes volontiers les ma-
rionnettes. Le raisonnement compte pour bien peu dans
nos déterminations coulumières : tantôt c'est un <c mou-
vement du cœur » qui nous emporte en son irrésistible
et déraisonnable élan, ou quelque répugnance qui nous
barre le sentier, brusque effluve jailli des profondeurs
mystérieuses de l'Instinct. Dociles à ces obscures et sou-
daines impulsions, sans même nous être enquis de leur
pourquoi, nous modifions notre itinéraire moral vers la
droite ou la gauche, et n'en restons pas moins convaincus
d'avoir librement opté pour ou contre. Si fréquente est
la confusion entre notre volonté propre et celle de notre
Inconscient, qui est un autre Moi, ou qui plutôt en ren-
ferme deux {i)\ N'apparait-elle pas doublement esclave,
la créature qui, contrainte d*agir, croit à sa franche ini-
tiative?
Sans doute, et nous l'avons dit, la liberté est dévolue
(1) Est-ce à dire qu'il faille se rendre sourd k la voix des deux In-
conscients, inférieur et supérieur, savoir : aux avertissements de l'Ins-
tinct, d'un côté ; et de l'autre, à l'inspiration de la Providence? — Il
s'en faut tellement, que nous devons, au contraire, apprendre & discer-
ner ces voix, les étudier et les éprouver, s'il le faut, afin de savoir tou-
jours qui nous parle. Car, à. défaut de bien saisir le langage respectif
de ces deux conseillers occultes, nous serions sujets à négliger les pro-
fitables avis de l'un, comme à subir sans contrôle le despotisme parfois
intempestif de l'autre.
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l'esclavage magique 501
à l'homme, ici-bas, pour un tiers environ de ses actes,
tandis que, pour les deux autres, il obéit à des détermi-
nations étrangères. Mais cette relative liberté ne lui ap-
partient qu'en puissance, à charge pour lui de la faire
passer en actes, par Texercice et le constant effort du
vouloir : alors seulement l'homme jouit du tiers d'ini-
tiative qui lui est concédé. Mais s'il néglige de con-
quérir son domaine légitime, le Destin l'envahit et s'en
empare.
Supposons, par contre, un homme ayant pris posses-
sion de son héritage, et — comme le Béarnais, — deux
fois maître chez lui,
< Et par droit de conquête et par droit de naissance. »
Que cet homme évoque en son intérieur l'action
providentielle, et défère aux inspirations qu'il en rece-
vra : non seulement, grâce à pareille alliance, il aura
élargi au double le champ de son activité, et par là,
restreint à un tiers le fief de l'adverse Destin; mais il
pourra, jusque sur le territoire ennemi, éluder une part
des embûches fatidiques, sinon les affronter de face et
les réduire de haute lutte. Voilà dans quel sens on peut
motiver cet adage d'assez paradoxale allure et qui n'en
est pas moins juste : « La véritable liberté consiste
invariablement à faire son devoir ; la réelle servitude
consiste à s'en affranchir. » Il est d'ailleurs dans l'es-
sence de l'Inspiration providentielle de se proposer à
l'assentiment, et c'est de choix délibéré qu'on y accède ;
au contraire, le joug du Destin, s'infligeant à l'être qui
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503 LA CLEF DE LA MAGIE NOIRE
lui a donné prise, s*appesântit brutalement sur lui (l>
Ainsi, sans se soustraire entièrement aux entraves do
la Nature naturée, qu'il ne parviendrait à rompre qu'avec
les liens de Texistence physique, Thorame peut néanmoins
distendre ces entraves, et les réduire au minimum d'em-
pêchement.
C'est la première œuvre, et la plus difficile, de Ta-
deptat.
Entre toutes les sujétions qui composent ici-bas le ser-
vage de l'homme, le tribut sexuel mérite une mention à
part.
Le despotisme dont il témoigne est d'autant plus si-
gnificatif de notre déchéance, qu'à tout prendre, ce n'est
point chose matériellement impossible, que d'y contre-
venir. La faim, la soif, le besoin de sommeil ont cela de
brutalement inéluctable, qu'on encourt la mort à leur re-
fuser satisfaction périodique ; toute la résistance qu'on
y peut faire, c'est de réduire au moinSy le plus des conces-
sions forcées. Il est donc loisible au sage de restreindre
l'exigence de ces tyrans et de régler l'impôt quotidien
qu'ils prélèvent : nullement, d'en abolir en soi la norme
assujettissante ; tandis qu'avec une bonne méthode d'en-
trainement et beaucoup de volonté, le sage se rendra
maître de l'instinct sexuel.
Cet instinct repose pourtant, comme les autres besoins
somatiques, sur une fonction spéciale de l'organisme.
C'est assez dire que lui dénier à jamais toute satisfaction
(1) Cf. Histoire philos, du genre humain, tome H, page 107, — et
Gain, page 247.
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l'esclavage magique 503
serait une imprudence grave; bien plus, un outrage à la
Nature : et nous avons mentionné les multiples périls
d'une continence absolue (t). Mais l'homme peut se sous-
traire au joug sexuel, en ce sens qu'au lieu d'obéir à la
chair, il lui commandera, et lui imposera même silence
durant une période indéfiniment extensible.
Il est bien puissant alors, ayant réalisé en lui la condition
du grand œuvre ésotérique. Il a triomphé à la fois d'une
exigence physiologique de son organisme, et déjoué l'em-
bûche de la Vertu démiurgique qui lie l'esprit à la ma-
tière. Dansl'occulte séduction qu'il a vaincue, git l'essence
même de Maïa, la grande Illusion, dont la permanence
fait toute la réalité de l'univers physique.
Telle se dévoile la véritable raison, ou du moins la
principale, qui légitime ces prescriptions de continence,
si fréquentes à toutes les pages des Rituels, magiques ou
sacerdotaux. Le prêtre ou l'épopte, avant de franchir la
frontière des mondes au delà, doivent avoir maîtrisé la
chair, non point que « l'innocence soit agréable au Sei-
gneur », ni que « le Très-Haut se courrouce » d'un acte
congruent à l'ordre actuel des choses et à l'économie de
la Création ; le prêtre ou l'initié le doivent pour des mo-
tifs très précis, oserons-nous dire, de positivisme Irans-
(1) Cf. Chapitre if, Mystères de la solilude, pages 217-230.
La continence est si peu de règle inflexible en haute magie, que telles
œuvres théurgiques d'un ordre très relevé impliquent l'acte vénérien
comme condition expresse de leur accomplissement. L'amour sexuel,
non pas subi, mais volontaire, se révèle une des forces les plus efficaces
dont le magiste puisse ritualiser l'emploi, en vue de certains résultats
d'exception. Au surplus, ce sont là des arcanes que l'Ésotérisme doit
envelopper de son triple voile : gardons -nous d'y porter une main scan-
daleuse.
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5U4 « LA CLEF DE LA MAGIE ?I01RE
cendental. C'est en passant dans la lettre morte, que ces
préceptes ont revêtu le caractère de sentimentalisme pié-
tiste qu'on leur connaît aujourd'hui.
Il en fut de même pour l'abstinence de certains ali-
ments, prescrite dans la période de préparation à quel-
ques œuvres mystiques.
Nous avons insisté plusieurs fois dans nos ouvrages sur
la vertu magnétique du sang, et subsidiairement de la
chair qui s'en trouve imprégnée. Le sang attire les Larves
et les génies néfastes, avides d'acquérir, par cela même
qu'ils s'en abreuvent, la force de se manifester un instant
sur le plan objectif. C'est pourquoi les juifs, obéissant au
précepte de Moïse, ont en abomination toute viande qui
n'est pas rigoureusement exsangue. Quant à la défense
solennelle de goûter à la chair des animaux immondesy
desquels le Pentateuque fournit la minutieuse nomencla-
ture, cette proposition semble justifiable à la lumière d'un
autre arcane, bien connu des hiérophantes de la gentilité.
« Les Théologiens (dit Porphyre) ont observé avec une
grande attenlîon l'abstinence de la viande. L'Égyptien nous
en a découvert la raison, que lexpérience lui avoit apprise.
Lorsque Tàme d*un animal est séparée de son corps par vio-
lence, elle ne s'en éloigne pas, et se tient près de lui. Il en est
de même des âmes des hommes qu'une mort violente a fait
périr ; elle reste près du corps : c'est une raison qui doit em-
pêcher de se donner la mort. Lors même qu'on iuë les ani-
maux, leurs âmes se plaisent auprès des corps qu'on les a
forcées de quitter ; rien ne peut les en éloigner ; elles y sont
retenues par sympathie ; on en a vu plusieurs qui soupiroient
près de leurs corps. Les âmes de ceux dont les corps ne sont
pas en terre, restent près de leurs cadavres : c'est de celles-là
que les Magiciens abusent pour leurs opérations, en les for-
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l'esclavage magique 50o
çant de leur obéîr, lorsqu'ils sont les maîtres du corps, ou même
d'une partie. Les Théologiens qui sont instruits de ces mystè*
res ont avec raison défendu Tusage des viandes, afin que
nous ne soyons pas tourmentés par des âmes étrangères, qui
cherchent à se réunir à leurs corps, et que nous ne trouvions
point d'obstacles de la part des mauvais génies en voulant
nous approcher de Dieu.
c Une expérience fréquente leur a appris, que dans le corps
il y a une vertu secrète qui y attire Tàme qui Ta autrefois
habité. C'est pourquoi ceux qui veulent recevoir les âmes des
animaux qui savent l'avenir, en mangent les principales
parties, comme le cœur des corbeaux, des taupes, des éper-
viers. L'àme de ces bétes entre chez eux en même tems qu'ils
font usage de ces nourritures, et leur fait rendre des oracles
comme des Divinités (1).»
Celte citation de Porphyre semble piquante et instruc-
tive, bien que l'absolutisme des termes où elle s'énonce
confine à la naïveté. Les théosophes d'Alexandrie outre-
passaient fréquemment la Vérité, par le fait d'une intran-
sigeance fort en désaccord avec leur éclectisme ; — intran-
sigeance qui s'affichait d'ailleurs bien plus dans l'expres-
sion que dans la doctrine. Au reste, il n'est pas douteux
que cette proposition assez suspecte, des « animaux qui
savent Tavenir » et dont la chair « fait rendre des ora-
cles », ne fût presque universellement reçue dans la tra-
dition exotérique des sanctuaires. L'Aruspicine, TOrni-
thomancie et les autres pratiques augurâtes des nations
furent-elles jamais autre chose que des arts occultes dé-
générés, en passant des mages de la Science secrète aux
prêtres du culte extérieur?
(1) Porphyre, de l'Abstinence, traduction Burigny, 1767, in-12, pa-
ges 153-155.
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506 LA CLEF DE LA MAGIE NOIRE
Quant au surplus des opinions de Porphyre, la Haute
Magie a toujours enseigné : — 1* que le sang attire Larves
et Lémures, qui s'en abreuvent et lui empruntent la vir-
tualité passagère de se rendre visibles ; — 2*» qu'un lien se-
cret rattache les âmes récemment désincarnées à leur
dépouille matérielle, en sorte qu'on puisse altraire ou
même évoquer ces âmes, par des opérations magiques
célébrées sur les cadavres ; — 3*» qu'à se nourrir habi-
tuellement de la chair d'un animal, on risque de s'ap-
proprier, dans une certaine mesure, les passions et les
instincts dominants qui faisaient le fond de son naturel.
Ainsi, celui-là contracterait une tendance à l'hypocrisie, à
la cruauté, à la luxure, qui consomme à son ordinaire la
viande d'animaux rusés, ou féroces, ou lascifs par tem-
pérament.
Tel est sans doute le secret mobile qui détermina Moïse
à interdire la chair d'un certain nombre de créatures vi-
vantes, frappées dans leur forme extérieure des stigma-
tes du mauvais principe. Car il est très remarquable que
le Législateur des hébreux fonde nettement, sur la théorie
des signatures naturelles, sa distinction dogmatique entre
les espèces pures et impures (1).
Consultez sur ce point la doctrine ésotérique des nations
païennes, dont l'érudit Quantius Aucler s'est fait, à la fin
du siècle dernier, le scrupuleux organe, — et vous y
verrez peu de différence (2).
La justification des préceptes de continence et d'absti-
(1) Cf. Léoi tique, chap. xi, et Pentateuque (pcLssim),
(2) Cf. la Thréîcie, pages 343-347.
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l'esclavage magique 507
nence, inscrits aux rituels sacerdotaux ou magiques, né-
cessiterait, pour être complète, des développements à te-
nir tout un volume. Les exigences de notre cadre nous
astreignent à de nombreuses réticences : nous posons
surtout les principes; pour l'application, le Lecteur pourra
consulter les ouvrages spéciaux, qui ne manquent pas.
La lettre morte, s'emparant du régime rationnel des
abstinences, Ta enlisé sous un arbitraire amoncellement
de réglementations puériles et de prohibitions excessives.
De là provient le célibat ecclésiastique, dont le principe,
essentiellement d'exception, comme ailleurs nous l'avons
dit, ne devait se voir généralisé à aucun titre. De là découle
l'obligation des jeûnes et des abstinences, périodique
pour les fidèles, permanente à l'usage d'un grand nom-
bre de religieux et de moniales (Chartreux et Trappistes,
Bernardines, Clarisses et Carmélites, etc.). D'équivalen-
tes austérités se pratiquent partout, chez les Derviches
mahométans et les Fakirs de l'Inde ; car, dans toutes
religions comme à toutes époques, le culte extérieur a
corrompu l'esprit de la Science secrète, àTégaixl des abs-
tinences et de leur usage normal, fondé sur les exigen-
ces passagères des œuvres mystiques. Le sacerdoce a
toujours universalise ce régime d'exception, en faisant
un pieux mérite de ce qui n'était qu'une condition pour
réussir, et en promulguant la doctrine sentimentale et
foncièrement erronée, — nous allions mettre scanda-
leuse, — des t sacrifices méritoires » et des « mortifi-
cations agréables à Dieu ! »
Chacun sait quelle importance Pythagore, — ce grand
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508 LA CLEF DE LA MAGIE NOIRE
génie de rÉsotérisme, — attribuait au choix des aliments ;
les Vers dorés de Lysis en témoignent, et le commenta-
teur Hiéroclès nous en détaille les motifs (1). Le princi-
pal avait trait à l'élaboration du corps spirituel ou a char
subtil de Tâme », dont la genèse, compromise par une
alimentation défectueuse, peut être favorisée par lin ré-
gime convenable.
Sans nous attarder à la confusion que nous signalâmes,
chez les Pythagoriens mêmes, entre le corps astral péris-
sable et la forme glorieuse qu'ils nommaient le char sub-
til, — observons que la faculté plastique, leur matrice à
Tun comme à l'autre, ne peut, dans la condition terres-
tre, faire éclore la forme immaculée, qu'à mesure que la
forme astrale s'élimine. C'est ce double labeur, inverse-
ment proportionnel, que le sage exécute pendant sa vie
terrestre, en vue d'une délivrance immédiate et du re-
tour à l'essence, dès que cette vie aura cessé. Il obtient
ce résultat, dit Hiéroclès, par l'épuration progressive et
parallèle de Tâme et du corps lumineux. L'âme se sublime
en acquérant la science, et le corps lumineux en se pur-
geant des souillures contractées dans son union avec le
corps matériel (2). La première condition de cette puri-
(1) Cf. Hiéroclès, tome II delà Bibliothèque des anciens philosophes
de Dacier, pages 230-246.
(2) On voit qu'Hiéroclès lui-même n'échappe point à la confusion
que nous avons dite. Le corps glorieux n'est pour lui que le corps
astral purifié et qui, de ce fait» a conquis ses ailes.
La Vérité, c'est que le Sage, pour élaborer dès ici-bas son corps glo-
rieux, doit faire rentrer en quelque sorte lecorpsastral périssable dans
l'organisme matériel, qui, loin d'en p&tir, en deviendra plus subtil. Cette
résorption ne se peut effectuer que très lente, et^pour ainsi dire, atome
par atome. Â mesure qu'iine molécule astrale se sera assimilée en corps
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l'esclavage magique 509
fication consiste en un régime approprié, qui proscrit
tous aliments impurs.
Moïse, qui donne une classification si minutieuse des
animaux mondes et immondes, ne semble point avoir
étendu cette nomenclature aux exemplaires des règnes
végétal et minéral.
Pythagore avait à coup sûr comblé cette lacune, en fa-
veur de ses initiés ; mais il n'en reste exotériquement
que certains préceptes, formulés en sentences énigmati-
ques. Exemples : — « Fabis abstine. — Herbam molo-
chinam fere, ne tamen edas (1) ». Le premier de ces pré-
ceptes, qui interdit Tusage des fèves, prouve que cette
nomenclature, demeurée occulte, était basée, comme celle
du Pentateuque, sur la théorie des hiéroglyphes naturels.
Ces! que (nous dit Aucler, tardif interprète d'une anti-
que tradition pythagoricienne), « les fèves font lire sur
leurs fleurs les portes mêmes de l'Enfer (2) ».
Les produits dangereux des trois règnes portent ins-
crit dans leur forme extérieure l'aveu de leur malice la-
physique, celui-ci éliminera une molécule de sa plus grossière sub-
stance. Inversement, à mesure que le corps astral se résorbera, la forme
glorieuse, se développant petit à petit, occupera la place laissée libre.
A la mort du Sage, tout ce qui est périssable, l'organisme matériel et
le corps astral fusionnés se dissoudront ensemble, et l'âme, revêtue de
la forme glorieuse des élus, sera immédiatement assumée au royaume
du pur Éther.
{{) PythagorcB Philosophi Symbola ((evLiWQi 37 a, des traductions
latines de Marsile Ficin, sous ce titre : lamblichus de Mysteriis, etc.,
Venetiis, in œdibus Aldi et Ândreœ soceri, 1516, in-folio].
(2) La ThréxciCy page 347.
Les fleurs de fève affectent la forme ctéine. Or le Ctéis féminin est
la porte de l'engloutissement des âmes, la porte de l'Enfer terrestre.
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510 LA CLEF DE LA MAGIE NÛIRB
tente. Quel naturaliste assez sourd au langage muet des
choses le contestera ? La physionomie, révélatrice des
vertus bonnes ou mauvaises, est une réalité sur chaque
échelon de la vie ascendante. Du bas en haut, la noirceur
des âmes transparait sur les visages. Tout Gain porte an
signe au front.
L'aspect du poulpe et du scorpion, de la hyène et du
crocodile dénonce leur nature ; évoquant la crainte et la
nausée tout ensemble, ces monstres dégagent une aver-
tissante horreur. Il n'y a point à s'y méprendre. D'autres
bêtes meurtrières n'inspirent que l'effroi, chez qui le
stigmate delà violence n'exclut pas une allure noble, par-
fois une réelle beauté : tels les grands félins, lion, tigre
ou panthère ; tels les oiseaux de proie, aigle, épervier,
grand-duc et condor. Ils portent l'estampille de la féro-
cité, plus que de Tignominie ; mais tout, dans leur figure
et dans leur geste, tout dit à l'observateur : garde- toi !
Les exemplaires dangereux du règne végétal n'ont pas
un aspect plus trompeur, pour qui sait observer et voir.
Élancées, ou bien courtes et trapues, les Solanées véné-
neuses ne savent point mentir : l'avertissement est dans
leur port, dans leur feuillage sombre ou blême. Voyez la
Belladone, la Mandragore et le Datura; fleurs livides,
pommes épineuses ou baies fades. Observez la Jusquiame
aux feuilles velues et dentelées, à l'odeur vireuse et ré-
pulsive : quelle menace éloquente sur les lèvres de ses
corolles ! — Les Ombellifères toxiques n'ont pas un air
plus engageant. Les Ciguës épanouissent un feuillage
agressif; des macules de pourpre ensanglantent leur tige ;
la Ciguë vireuse et TiEnanthe safranée répandent, quand
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l'esclavage magique 511
on les brise, un suc jaunâtre comme du pus. Toutes ces
plantes se décèlent malfaisantes par la fétidité de leur
haleine. — Des Euphorbiacées, sinistres à la vue, gicle
à la moindre égratignure un lait corrosif.— Issues de deux
familles très distantes, la Sabine et la Rue trahissent di-
versement, par leur physionomie antipathique et le relent
qu'elles dégagent, leur emploi d'antiques avorteuses. —
Les roides dentelures de l'Aconit, d'un vert presque noir
et livide par en dessous, encadrent bien la fleur élégante
et triste, d'un bleu vénéneux d'azotate de cuivre. — La
Digitale pourprée est aussi singulièrement lugubre, en
dépit de ses charmes: sa feuille gaufrée, sombre et
poilue n'impressionne pas moins que le tigridement in-
terne de ses corolles. — Le Colchique d'automne montre
à niveau du sol sa fleur violacée, sans tige ni feuillage :
c'est la « veilleuse » des deuils prochains. L'Arum obs-
cène étale sous bois son phallus malade, d'un lilas ma-
culé.— La Renoncule scélérate rampe à terre et se cache
à demi sous l'herbe et la mousse, comme un serpent.
D'autres végétaux mortels aflectent une allure moins
cynique, une physionomie plus composée ; mais à les
étudier en détail, ils portent tous des stigmates de répro-
bation.
Il n'est pas jusqu'au règne minéral, moins expressif
en faveur de l'homme, parce qu'il s'éloigne davantage de
lui, où le déchiffreur de signatures spontanées ne puisse
découvrir les caractères bénéfiques ou maléfiques, et lire
sur les écorces les propriétés des essences. La cassure
des minéraux, les formes cristallines et leurs modes de
groupement, les couleurs, la saveur, l'odeur même sont
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512 LA CLEF DE LA MAGIE NOIRE
autant d'indices. Demandez au minéralogiste, si des
échantillons de laboratoire savent refuser à son instinct
l'aveu tacite de leurs propriétés, avant même qu'il en
ait fait Tépreuve !
Naguère encore, la toxicologie participait des sciences
occultes, moins peut-être à cause du fari nefas^ que
parce que les seuls intuitifs s'y rendaient experts, guidés
par la lecture des hiéroglyphes naturels, autant et plus
que par l'expérience proprement dite. Les livres sur le
discernement des poisons étaient rares alors, et souvent
mystificateurs. Pour acquérir cette doctrine maudite, il
fallait aller de l'avant et payer de sa personne. Il nous
reste des fragments significatifs d'un poème d'Héliodore
sur les Poisons ; le début solennel ressemble à un ser-
ment d'initié :
Non mihi, per sacram venerandœ Palladis artem,
Non per luciferum Solem, mortaLibus œquum,
Non per te, divi cui subsunt, Juppiter, omnes,
Muneribus quisquam, nec vi, nec gratî amoris,
Adduxit me aliîs lethalia prodere versu.
Sed sacras palmas splendentia ad œthera tendo,
Nuilius atque mali mens est sibi conscia nostra(i) !
Mais la toxicologie, telle que nous l'entendons aujour-
d'hui, n'était qu'une section de la science des venins,
comme elle était enseignée dans les cryptes de l'antique
Ésotérisme. Tous les initiés du vieux monde, — Moïse
et Pythagore en particulier, — pensaient que la gnose
(1) Apud Galenum.
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l'esclavage magique 513
des poisons ne se limite pas à ceux qui détruisent la santé
physique. Comme il y a des substances nuisibles ou mal-
saines pour le corps, il y aurait, selon leur dire, éparses
dans les trois règnes, des substances non moins funestes*
pour l'âme et pour Tesprit. Théorie singulière, mais qui
ne répugne en rien à la logique de leur doctrine : car, en
conséquence de la chute, les trois mondes se pénètrent
par intersections de plans, et trop souvent se confondent.
En vertu de cette théorie, ces théocrates prohibaient Tu-
sage de certaines viandes tenues pour très saines de nos
jours, et même de substances végétales, qui, telles que
les fèves, comptent parmi nos légumes les plus appré-
ciés.
Les docteurs contemporains classent bien certains pro-
duits sous la rubrique de poisons de rintelligence ou de
la volonté ; mais en tant qu'ils peuvent, ou léser les or-
ganes matériels par quoi ces facultés se manifestent, ou
provoquer des troubles physiologiques immédiatement
appréciables. — Tel n'était pas le point de vue des anciens
sages, pour qui le corps astral, ce lien régulateur des vies,
cet intermédiaire entre T homme-essence et l'homme
matériel, constituait une réalité perpétuellement à la
merci de leur subtile analyse. Ils classaient les produits
de la Nature, soit médicamenteux ou simplement alimen-
taires, d'après l'action, non pas apparente et manifestée,
mais interne et profonde, que ces produits exerçaient sur
le médiateur plastique.
Ainsi, guidés à priori par l'indication des signatures
spontanées, dont la langue leur était familière, et s'étayant
à posteriori du contrôle que leur offrait l'étude du corps
33
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Mi LA Clef de la magib noire
astral (1), — appareil de précision susceptible de s^affi-
ner ou de pâtir, selon le régime auquel est soumis le corps
matériel, — les Adeptes avaient pu établir une nomen-
clature des êtres et des choses, sous la double rubrique
de pur et d'impur, c'est-à-dire de faste ou de néfaste à la
triple santé physique, morale et intellectuelle de l'homme.
C'est en modifiant le corps astral, que le plus grand
nombre des substances assimilées au corps physique réa-
gissent durablement sur lui; exceptons celles dontractîon
est mécanique, donc immédiate, non point physiologique
et partant médiate.
Le corps astral est sujet à s'appesantir ou à se subtili-
ser, premier point qui requiert surveillance. Il est sujet
ensuite à s'amalgamer des Larves et des âmes animales,
qui n'épaississent pas seulement sa substance, mais en
quelque sorte la dénaturent. Les lecteurs du prochain
chapitre sentiront l'importance capitale de cette possible
altération du périsprit.
Enfin nous avons déterminé, dans une note ci-des-
sus (2), comment l'acquisition dès ici-bas du corps de
gloire (ou char subtil de l'âme) se trouve subordonnée à
la résorption progressive et lente du Périsprit dans le
corps visible : voilà le grand œuvre d'immortalité, dont
l'homme est à la fois la matière, l'œuf philosophai et
l'athanor, tandis que sa Volonté fait l'office du feu secret.
Cette mystique et sublime chrysopée de l'enveloppe
(i) La science occulte leur offrait, en dehors même de Teztase, diffé-
rents critères très sûrement révélateurs des variations du corps astraJ.
(2) Pages 508-509.
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l'esclavage magique 815
lumineuse requiert, pour atteindre sa perfection, un ré-
gime d'une exceptionnelle sévérité ; car la forme astrale
subit les contre- coups d'une alimentation défectueuse. Sa
substance alors s'épaissit : trouble de mélanges étrangers
et lourde d'acquisition lémurienne, elle s'acoquine bien
à l'organisme matériel, en s'homologuant avec lui : mais
ellenesauraitplus, — telle une liqueur subtile, — impré-
gner cet organisme jusqu'à saturation ; ni le quintessen-
cier ensuite, en lui faisant éliminer à mesure ses gros-
sières molécules.
Ainsi s'expliquent les variables degrés d'abstinence
prescrits à l'initié, selon l'œuvre à quoi il se consacre, et
tel se justifie le régime scrupuleux imposé par les anciens
Sages au postulant du suprême arcane réalisable sur la
terre: celui de Tauto-création, qui aboutit à l'apothéose
posthume.
S'il fallait énumérer et répartir normalement les pro-
duits de la Nature, selon qu'assimilés au corps de l'homme,
ils exercent sur son âme, son esprit, sa volonté ou ses
instincts une influence répercussive, à peine un traité
spécial ysuffiraiUil.
Le Lecteur trouvera, disséminés au tome précédent,
des notions intéressantes et généralement peu connues,
sur les propriétés occultes de quelques productions des
règnes inférieurs ; nous n'y reviendrons pas ici. Nous
avons tout lieu de croire que ces renseignements ont été
appréciés pour curieux et instructifs; car on y a largement
puisé : nous avons eu le plaisir de relire notre prose
sous la signature de tels de nos confrères, qui nous ont
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516 LA CLEF DE LA MAGIE NÔlRE
fait l'honneur d'emprunts textuels (1) ; il n'y manquait
que des guillemets et l'indication d'origine du texte
qu'ils avaient transcrit...
Pour peu qu'on veuille réfléchir à ces secrètes proprié-
tés des simples sur les facultés supérieures de l'homme,
on conviendra que ce sont autant de symptômes dénon-
ciateurs de l'esclavage hominal en ce bas monde, puisque
ces vertus impliquent une sujétion au moins indirecte de
l'intelligence, du vouloir, de la sensibilité, au despotisme
de la matière (2).
V esclavage magique, tel que l'homme est coutumier de
le souffrir ici-bas, se conçoit quadruple et peut se formu-
ler : élémentaire, hyperphysique, hominal, enfin spirituel.
I. — V esclavage élémentaire^ sur quoi nous avons
insisté, s'affirme la conséquence fatale de l'incarnation.
L'âme humaine, engloutie dans la matière, subit toutes
les exigences de l'organisme charnel et toutes les séduc-
(1) Citons, entre autres, la très recommandable étude de M. Peter
Davidson, sur le Gui et sa Philosophie (Chap. ii, Plantes mystiques et
leurs propriétés), i^9Z, (traduit en français par P. Sédir, Paris, Charnu el.
1896. in-8). Nous ne fûmes pas médiocrement flatté de relire, sous la
signature du plus haut officier de VU. B. of, L., des pages entières de
notre Serpent de la Genèse, tome I, textuellement traduites, sans la
moindre mention d'emprunt. — Quoi qu'il en soit de cette méthode
américaine de silencieuse appropriation des idées et môme des phra-
ses glanées sur autrui, nous nous sommes retrouvé en si excellente
compagnie, qu'il y aurait ingratitude k nous plaindre.
(2) Ces propriétés des simples sont assurément dues aux virtualités
des Élémentaux qui les régissent ; mais ces Élémentaux sont les Ar-
chontes obscurs ou inférieurs de la théurgie alexandrjne (Voy. Iam>
blique) : ils appartiennent à la sphère de la Nature naturée, où l'homme
originairement n'était pas destiné à vivre. S'il s'est ravalé jusque-là,
c'est la conséquence de la chute adamique.
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L* ESCLAVAGE MAGIQUE 517
tiens de rillusoire Maïa: celle-ci déploie les prestiges de
sa magie fantasmagorique, pour appesantir davantage sur
la créature déchue le joug de la Nature naturée.
IL — V esclavage hyperphysique apparaît la résultante
du Karma terrestre ; son instrument principal est Thabi-
tude. On sait comment les images astrales qui peuplent
le nimbe individuel et constituent par leur enchaînement
les archives des pensées, des volitions, des actes de cha-
cun, réagissent sur celui qui leur a donné naissance, et
rinclinent à persévérer dans sa voie (1). L'initiative est
enchaînée d'autant, et c'est ainsi que, limitant l'essor du
libre-arbitre, le passé d'un être commande son avenir,
dans une très notable mesure.
IIL — L'esclavage hominal résulte de l'aliénation de
l'Ascendant individuel, au profit d'un autre individu, ou
d'une collectivité humaine. Notre Public sait ce que nous
entendons par ces termes. L'aliénation peut être partielle
et passagère, ou totale et définitive. C'est le magnétisme
(soit qu'on l'exerce en mode instinctif ou conscient, ou-
vertement ou par des procédés clandestins) qui se révèle
l'instrument principal de cet ordre d'esclavage.
IV. — Vesclavage spirituel, enfin, consiste dans la
sujétion d'un homme à une Puissance invisible, qui le do-
mine, l'obsède ou le possède, comme on n'en voit que
trop d'exemples. La médianité est la forme la plus ordi-
naire qu'affecte ce genre de servitude.
Nous dirons quelque chose de ces modes divers que
revêt l'esclavage magique.
(1) Voyez nos Mystères de la Solitude (Chap. n du présent tome).
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518 LA CLBT DE LA MAGIE NOIRE
La répartition que nous en avons proposée peut servir
de fil dWriane, dans ce labyrinthe d'influences qui se
croisent et s'enchevêtrent sur le sentier de Tinitiative hu-
maine, et qui tantôt entravent celle-ci et tantôt la déna-
turent. Toutefois pareille classification ne rime à rien
d'exclusif, comme on va le voir par deux exemples.
Les magiciens, pour seconder leurs manœuvres ma-
gnétiques, mettent souvent à contribution les secrets de
la Magie naturelle : ils savent d'autant mieux appesantir
sur autrui les entraves de l'illusoire Maïa, qu'eux-mêmes
ont mieux réussi à s'y soustraire. La servitude qu'ils in-
fligent à leur prochain rentre ainsi dans la première
et la troisième catégorie tout ensemble. — D'autre part,
il est souvent difficile de marquer la frontière entre les
phénomènes dépendant de la seconde et de la quatrième
rubrique. Le jeu des passions humaines, en efi'et, aboutit
à générer dans le nimbe individuel de véritables Puis-
sances invisibles; l'homme peut même évoquer, par
sympathie et sans le savoir, des Esprits qui désormais
s'attacheront à son destin. De leur côté, les Êtres spiri-
tuels, parvenus à s'emparer d'un homme, n'ont garde
parfois de lui rendre sa dépendance manifeste et de pa-
raître à ses regards : ils n'influenceront leur esclave in-
carné que par d'anonymes suggestions, ou en faisant
surgir, au miroir de son translucide, des images astrales
qu'il puisse prendre pour les reflets de sa propre pensée.
Des deux premières formes qu'aflFecte le servage magi-
que, nous avons suffisamment discouru. Les pages pré-
cédentes ont décrit les entravesdont le Destin de la Nature
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l'esclavage magique 519
matérielle nous charge et nous empêche, dès le ventre de
nos mères. Quelques chapitres plus haut, les Mystères de
la Solitude d^vsient donné à entendre combien l'atmo-
sphère individuelle de chacun, toute hantée des vivants
reflets de ses concepts, de ses passions et de ses rêves,
réagit sur Tintelligence, sur Tàme et l'imagination qui ont
donné l'être à ces fantômes : si bien que, pour borner
rinitiative de tout homme ici-bas, son futur psychologique
se décalque le plus possible sur le modèle de son passé.
On peut dire que la troisième forme (esclavage homi-
nal) implique virtuellement les trois autres. C'est que
l'homme, placé sur la frontière des mondes physique et
spirituel, participe à Tun par son corps, à l'autre par son
âme ; à tous deux, son corps astral sert de « médiateur
plastique », pour faciliter les transitions. Ainsi l'homme,
actif sur tous les plans, peut se servir tout à tour, et
même à la fois, des divers instruments qu'il y rencontre.
Rien n'apparaît donc variable et complexe, comme la
domination qu'il est capable d'acquérir sur son prochain,
et dont les pratiques du magnétisme nous oflFrent le type
le plus ordinaire et le plus frappant.
D'abord, — et c'est la magie psychique dans toute sa
pureté, — rame peut agir directement sur l'àme, au mé-
pris des distances ; elle peut la dominer, la contraindre et
même la frapper de paralysie, pour se substituer à elle.
On sait que les âmes humaines, encore qu'originelle-
ment égales, puisqu'elles sont d'identique essence, ont
subi, en fait, un développement plus ou moins poussé;
nous en avons fait connaître ailleurs la loi régulatrice.
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520 LA GLKF DE LA MAGIE NOIRE
Elles se sont accrues ou amoindries, fortifiées ou débili-
tées, selon que le Vouloir, instrument de leur élaboration,
les a sublimées dans le royaume de Tintelligence, ou
ravalées dans le domaine de l'instincl. Cette alternative,
qui pose la condition de la perfectibilité des âmes, ou de
leur déclin, dénonce en même temps la raison de leur
inégalité présente.
Ces différences animiques favorisent le phénomène de
la substitution de personnalité, — un mode supérieur de
magnétisme qui n'est connu et pratiqué, en occident, que
d'une élite d'expérimentateurs psychologues, et géné-
ralement confondu avec la suggestion pure et simple.
Quelle diflTérence, pourtant !
Suggérer, c'est faire naître, par un moyen ou par un
autre, dans le cerveau d'un sujet (éveillé ou endormi), une
pensée d'origine étrangère,— pensée potentielle, ou non,
soit d'un acte, soit d'une série d'actes à accomplir. N'est-
ce point la définition la plus large de ce phénomène, tel
que le conçoivent et se l'expliquent, ou du moins cher-
chent à l'expliquer, les savants officiels ? Nous revien-
drons sur cette manière de voir, en vue de la contrôler et
de l'éclaircir, au flambeau de l'Occultisme.
Se Substituer à un sujet, c'est exproprier l'organisme
d'autrui, au triple point de vue de la volonté, de Tintelli-
gence et du sentiment, pour y installer son propre vou-
loir, son propre penser, son propre sentir, aux lieu et
place des mêmes facultés qu'on déposséda. Celles-ci .
semblent dès lors frappées de léthargie, sinon en elles-
mêmes, du moins dans leurs fonctions corporelles, c'est-
à-dire dans le rapport normal qui les liait à l'organisme.
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l'esclavage magique 521
C'est à un étranger que cet organisme obéira, pendant
toute la durée de cet état extraordinaire. Disons mieux :
le corps du sujet ne sera pas seulement soumis à Tex-
périmentaleur, mais c'est l'expérimentateur lui-même
qui agira, dans ce corps et par ce corps exproprié.
Il agira même à distance, pourvu qu'ayant établi au
préalable le contact sympathique, une invisible chaîne
de communication rattache sa personne à celle du sujet,
qu'il se propose d'envahir. Absent, il possédera le sujet
par le seul acte de sa volonté lointaine, et sans une parole
et sans un geste, il le fera parler et se mouvoir.
Pareille puissance, rare en occident et presque ignorée
des savants européens, n'en est pas moins cultivée et
connue des orientaux, nommément aux Indes, où tant
de pandits et même de fanatiques procèdent à l'entraî-
nement du fakir, par des exercices quotidiens à peine
croyables : ils pratiquent ainsi le développement, l'édu-
cation, l'essor ubiquitaire de la volonté ; c'est quelque-
fois au détriment de l'intelligence, et par là, de la liberté
véritable, toujours proportionnelle à la spiritualisation
du vouloir humain.
Le prodige de la substitution psychique n'a point
échappé à Jules Verne, cet ingénieux conteur doublé d'un
érudit, dont l'œuvre restera comme les Mille et une Nuits
de la Science exacte. Il a crayonné dans Matthias Sandorf
l'esquisse du phénomène en question, et ses lecteurs n'ont
pas oublié l'audacieux enlèvement du traître Carpena,
que le D' Antékirtt, simple visiteur du bagne de Ceuta,
possède, anime et meut à distance : il le fait choir, à point
nommé, du haut d'une falaise dans la mer, où une embar-
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522 LA CLEF DE LA MAGIE NOIRE
cation le recueille. Pour tous les fonctionnaires du pré-
side, le bandit s'est noyé; les courants ont emporté son
cadavre au large... L'escamotage passe pour un accident,
et tout est dit.
Une variété beaucoup moins i^are du < Magnétisme ^
humain, consiste dans la suggestion proprement dite.
Nos Lecteurs savent déjà que « toute pensée humaiue
survit comme une intelligence active, comme une créa-
ture engendrée de l'esprit, pendant une période plus ou
moins longue, et proportionnelle à l'intensité de Faction
cérébrale qui l'a géoérée ». Ce sont les propres paroles
de Koot-Hoomi (1) : nous les préciserons encore, en
ajoutant que ces êtres potentiels se perpétuent, vivaces
et persistants, en raison directedun^ft^voKfa/, conscient
ou obscur, qui a présidé à leur émission. En effet, le
Concept, dynamisé par le vouloir du penseur, se vivifie
en se combinant avec un Élémental, de grade variable,
mais toujours en affinité avec l'essence du concept.
Si la volition génératrice est consciente, il est loisible
à rémetteup, non seulement de dégrossir, de corriger et
d'affiner en quelque sorte l'Être spirituel qui s'engendre
ainsi, mais encore de le modaliseràsa guise, en ledouant
de propriétés particulières, ou de virtualités qui se déve-
lopperont ullérieurement, soit d'une manière soudaine,
soit d'une façon lente et progressive.
On se gardera de confondre ces créations préméditées
et voulues du Verbe humain, avec les Larves et les Lému-
(l) Voy. page 189, en note.
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l'esclavage magique 523
res proprement dits, qui se génèrent abondamment,
comme on sait» au hasard aveugle des passions surexci-
tées ou satisfaites. Nous avons été assez explicite, à l'égard
de ces distinctions (i).
Quoi qu'il en soit des Puissances très diverses dont
rhomme peuple son sillage astral et grossit son Karma
terrestre, elles ont cela de commun, qu'elles sont trans-
missibles d'un individu à l'autre, — et là se fonde le
principe, communément ignoré, de toute suggestion...
Nous avons vu comment Lémures, Images astrales et
Concepts vitalisés, réagissent sur leur auteur, soit
qu'ils hantent son nimbe occulte (mode indirect), soit
qu'ils s'assimilent à sa substance psychique (mode im-
médiat). — Ces entités peuvent de même, à condition que
le vouloir humain s'y emploie, passer dans l'atmosphère
astrale d'un autre individu ; et, qui plus est, envahir son
être intime et porter 1 antagonisme en lui. Obsession ex-
terne ou possession intérieure.
La suggestion n'est rien autre que l'acte de faire pé-
nétrer, soit dans le nimbe, soit dans la substance psychi-
que d'une autre personne, quelqu'une de ces entités de
hiérarchie plus ou moins haute, qui, résultant du fonc-
tionnement instinctif, ou passionnel, ou mental de l'ex-
périmentateur, ont été dynamisées par sa volonté, cons-
ciente ou non.
Les contrastes qui différencient de tels êtres parasitaires
expliquent d'ailleurs la diversité des suggestions, soit en
nature, soit en puissance, soit en durée.
(i) Cf. Chapitres ii et m.
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524 LA CLEF DE LA MAGIE NOIRE
Le phénomène auto-suggestif ne se distingue du phé-
nomène de la suggestion transmise, que par Tintra-geoèse
des Pensées vivantes, par opposition à leur extra-genèse
et à leur transfert d'un individu à un autre.
Nous invoquerons la gravité de ces notions, et la dan-
gereuse portée de leurs conséquences pratiques, pour
excuse de nous maintenir, ici du moins, dans Taridite
des définitions abstraites...
Les théoriciens de Thypnotisme s'abusent étrangement
sur la cause et les conditions latentes du phénoinène
suggestif, dont ils ont, à la faveur d'une si patiente et
minutieuse analyse, déterminé le mécanisme apparent.
Sur le rôle secondaire du sommeil provoqué, relative-
ment au fait capital de la suggestion, les auteurs avertis el
compétents en ces matières tombent aujourd'hui d'accord.
Le phénomène de l'hypnose oifre, à ses différents de-
grés, une foule de particularités physiologiques d'un haut
intérêt ; il peut sans doute, au point de vue thérapeutique,
mériter les honneurs du premier plan ; enfin il est hors
de conteste que, chez la plupart des sujets, le sommeil favo-
rise le développement de la suggestion. Aux divers sta-
des de l'hypnose, le sujet semble présenter au façonnage
suggestif une glaise plus malléable à pétrir. Gela dit, il
n'en est pas moins certain que la suggestion réussit à mer-
veille sur des sujets parfaitement éveillés; du reste, à en
croire les savants modernes qui rejettent l'hypothèse du
fluide, le sommeil artificiel ne s'obtient lui-même que par
l'effet d'une suggestion, exprimée ou tacite... Le phéno-
mène suggestif n'implique donc pas nécessairement
comme condition celui de l'hypnose.
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L*ESGLAVAG£ MAGIQUE 525
A. tout instant de la vie courante, les pratiques sug-
gestives s'exercent dans les relations d'homme à homme,
>i*esque toujours à Tinsu de celui qui émet la sugges-
lon, aussi bien qu'à Tinsu de celui qui la subit (1).
S'il suffisait, pour imprimer une suggestion dans Tes*
prit d'un autre individu» d'émettre un conseil à son
adresse ou même de lui intimer un ordre, tous les avis
seraient reçus en bonne part, d'où qu'ils vinssent ; tous
les ordres seraient obéis. Nous voyons chaque jour qu'il
en est autrement.
— Mais les hommes, nous objectera-t-on, se révèlent
plus ou moins dominables; les idiosyncrasies morales
diffèrent entre elles par une réceptivité plus ou moins
grande à l'influence suggestive, comme les tempéraments
physiques se distinguent par leur variable susceptibilité
à l'action physiologique des médicaments.
— Il est facile de répondre, qu'en vérité, s'il en était
ainsi, Pierre, très accessible et très malléable à l'influence
suggestive de Paul, obéirait de même aux suggestions
toutes pareilles qui lui viennent -de Jean, et ne diffèrent
ni par l'idée émise, ni par l'expression qui la traduit.
Pierre, en effet, très sensible (ou très réfractaire) à l'ac-
tion du sirop de Chloral, ingéré à dose constante, ne su-
bira-t-il pas cette action également intense (ou mitigée),
que la drogue provienne de telle ou telle pharmacie ?
— Sans doute, répliquera notre adversaire ; et il en
serait de même encore pour des granules d'Aconitine,
(1) Qu'est-ce donc que Téducation des enfants, si ce n'est la mise en
œuvre d'une savante méthode de suggestions graduées ?
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526 LA CLEF DE LA MAGIE NOIRE
par exemple : parce que le Ghloral et rAconitioe sont àt^
substances fixes et nettement définies. Mais prenons,
s*il vous plait, la teinture d* Aconit, sujette à de n<MQ-
breuses variations qualitatives, selon le climat où la planta
a poussé, la date et les conditions de la récolte, le point
de siccité des feuilles lors de leur macération dans Valcoo,
la qualité même de Talcool employé, etc.. Telle suggesr
tion, dites-vous, efficace sur Pierre à la voix de Paul, a
totalement échoué sur lui à la voix de Jean : elle ne dii-
férait pourtant ni par ridée, ni par l'expression. De même
cette teinture ne diffère, d'une officine à l'autre, ni par
la plante qui en fournit la base, ni par le véhicule appro-
prié; quant à la façon, le Codex en règle minutieusement
les détails. L'action n'en sera pas moins variable sur le
même organisme, selon que la drogue aura été préparée
en des conditions favorables ou médiocres, et par un
pharmacien soigneux ou négligent. Cela est si vrai, que
les praticiens ont presque délaissé cette préparation peu
fidèle. Ils lui préfèrent l'emploi du principe actif, de l'al-
caloïde, de l'Aconitine enfin, administrée à d'invariables
degrés de trituration, comme à des doses précises... La
suggestion est comparable aux produits galéniques et
mal définis de l'ancienne pharmacopée, non point aux i
produits chimiques, fixes et constants, de la nouvelle.
— Il est bien certain qu'analogie n'est pas similitude,
comme dit Molière, et que notre comparaison, reprise
sous ce nouvel aspect, semble donner gain de cause au
contradicteur que nous avons introduit. A vrai dire, nous
ne sommes pas loin de nous entendre...
Les suggestions varient de qualité, quoique identiques
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l'esclavage magique 527
en apparence, quant à la pensée et à l'expression, c'est-
à-dire quant au fond et à la forme. En dépit de cette
double parité, le fait est qu'elles se révèlent efficaces ou
sans vertu sur le même sujet, suivant la source d'où elles
émanent.
De ces prémisses, il faut nécessairement conclure que
dans la suggestion, formulée ou tacite, il y a autre chose
qu'une simple idée, exprimée ou signifiée. Il y aune force.
Derrière l'idée transmise, palpite une Énergie vi-
vante qui, inséparable de cette idée, l'anime et l'évertué.
C'est le Daïmon, l'être potentiel dont nous parlions tout
à l'heure. Il obsédera ou possédera la personne, dans l'at-
mosphère ou dans le centre psychique de laquelle il sera
transféré. Le « fluide magnétique » sera l'instrument,
l'intermède, le véhicule de ce transport.
Pour qu'une suggestion réussisse, il est nécessaire :
1** Que la pensée qui en fait la base soit vitalisée, au-
tant dire doublée d'une âme vivante, de hiérarchie plus
ou moins haute, de volonté plus ou moins intense, de
nature plus ou moins éphémère ou consistante, — et qui
agira diversement, selon son grade originel et ses desti-
nées, conformes aux intentions de son créateur adamique.
2^ Il faut que la volonté du « suggéreur » surpasse en
énergie, en décision, en autorité celle du patient; ou du
moins, qu'elle s'exerce plus active que la sienne, à l'heure
où le phénomène s'accomplit. Exceptionnellement, à sup-
poser que le sujet consentant se maintienne en état de
réceptivité passive, une suggestion peut lui venir d'un
homme dont le vouloir serait inférieur au sien.
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528 LA GLBF DE LA MAGIE NOIRE
3® Il importe que le rapport fluidique soit établi d'avance
entre Tagent et le patient. L^influx magnétique (manifesté
ou non par des passes, ou par toute autre pratique mes-
mérienne) constitue le véhicule habituel de la pensée vi-
talisée, le canal dont elle a besoin pour que s'effectue
son transfert, de celui qui émet la suggestion à celui qui
la reçoit.
Le sommeil, qu'en principe il n'est pas indispensable
de provoquer chez un sujet, pour le rendre accessible à
la suggestion, — n'en favorise pas moins ce phénomène,
dans la plupart des cas.
On peut voir dans l'hypnose, à ses divers degrés, le
résultat d'une sorte d'ivresse astrale ; le somnambule
cuve, en dormant, la lumière magnétique qu'il a digérée
en excès. Car il ne suffit pas, pour endormir un sujet, de
projeter une certaine quantité de fluide vers lui, avec l'in-
tention de le frapper de sommeil : il faut encore que le
médiateur plastique de cet individu assimile ce fluide et
le digère. Et comme il est loisible à la volonté de l'homme
d'influer sur son propre corps astral, afin de le rendre
réceptif, ou de le maintenir impénétrable et rebelle aux
influences du dehors, il en résulte que, les premières
fois surtout, un magnétiseur ne peut endormir un sujet
que de son consentement, à moins que le praticien
n'abuse d'un prestige inné (i ) ou d'une supériorité voliti ve
qui s'impose. Il se peut qu'il recoure aussi à de certaines
(1) Prestige est encore un terme magique, très pertinemment adapté
au langage usuel. La faculté d'imposer aux hommes est un don fort
complexe : quelque virtualité magnétique native y met en valeur des
avantages corporels qui puissent impressionner et éblouir; mais presque
toujours un art instinctif s'y ajoute, qui contribue à la séduction.
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l'esclavage magique 529
pratiques occultes qu'il vaut mieux taire, à des adjuvants
connus et trop exploités en Goëtie...
On rencontre souvent d'ailleurs des sujets absolument
réfractaires à Thypnose. Ce n'est pas qu'ils s'obstinent
dans une volonté d'inhibition ; mais, sans eflfiort de leur
part et tout naturellement, leur périsprit demeure imper-
méable aux influx extérieurs.
D'autres hommes, à l'inverse, possèdent un périsprit
constamment accessible à de tels influx ; en sorte que ces
somnambules prédestinés deviennent la proie du premier
magnétiseur de rencontre qui voudra les endormir. Ce
sont d'ailleurs de débiles natures, qui se laissent investir
et dominer tour à tour par les premiers venus, au hasard
de la vie coutumière. Esclaves-nés, ils tissent de leurs
mains les mailles de leurs entraves : de simples pensées,
émises sans effort volitif, leur deviennent suggestions,
car ils sont sujets à vitaliser eux-mêmes les concepts qui
leur sont transmis. Par bonheur, le verbe incontinent et
diffusible de ces somnambules étant de virtualité faible,
les suggestions générées de la sorte ont peu d'avenir.
Puis elles pullulent, contradictoires autant qu'adynami-
ques, et se neutralisent ou s'abolissent mutuellement.
Toute suggestion aboutit donc à la possession — ou à
l'obsession — d'un individu par une entité parasitaire.
Mais ces entités, nous espérons qu'on l'a bien saisi, pro-
fondément dissemblables quant à leur puissance et quant
à leur durée, difi'èrent également quant au mode de la
tyrannie qu'elles exercent, infinitésimale ou complète,
périodique ou continue, éphémère ou perdurable.
34
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530 LA CLEF DE LA MAGIE NOIRE
Un hypnotiseur suggère à son sujet qu'en ouvrant le
surlendemain le tiroir de son secrétaire, il verra une mé-
sange s'en envoler. Si l'annonce se réalise, si le suje.
voit ou croit voir ce qu'on lui a prédit, c'est que l'expé-
rimentateur a su dynamiser le concept, et l'a transmis au
sujet sous forme d'une image astrale vitalisée. Cette image
astrale, à défaut de quoi la suggestion échouerait, possède
au plus bas degré une consistance ontologique; cette
image constitue un être potentiel, latent du reste et in-
saisissable, jusqu'à l'heure préfixe oîi il se manifestem,
en passant de puissance en acte. Mais là se bornent ses
destins. L'entité occulte va donc mourir dans l'instani
même de sa manifestation, le rôle étant rempli que lui
assignait l'acte de volonté conscient qui avait présidé à
sa naissance. — Voilà un exemple de possession, tout éi»i-
sodique et transitoire, par le fait d'un être infiniment ins-
table et éphémère.
D'autre part, bien des cas de folie, de monomanie,
d'idiotisme, sont des exemples de possession par le fait
d'un daïmon puissant et durable (1). Les lésions qu'on
relève à l'autopsie des malheureux aliénés n'invalident en
rien notre théorie, car les savants contemporains se mé-
prennent, selon nous, qui voient en ces lésions la cause
du mal : elles n'en sont souvent que le résultat. Il ne
messied point de noter au passage, que le terme reçud'û/zV-
nation mentale semble contenir étymologiquement un
aveu tacite bien conforme à la thèse hermétique, en ce
(1) Quant aux crétins et aux idiots de naissance, il y a là un mys-
tère de substitution psychique, pendant la grossesse. Nous le signa-
lons, sans prétendre y insister.
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l'esclavage magique 531
qu'il sanctionne là dépossession de l'organisme humain,
au bénéfice d'un étranger, — aliénas.
Quelquefois le despote étranger, le formidable agent
possesseur qui aliène à son profit un corps humain, dont
il expulse, paralyse ou tourmente l'âme légitime, peut
être engendré d'une suggestion ou d'une opération ma-
gique, d'un envoûtement moral.
Parfois aussi, dans certains cas décrits sous la rubrique
de « dédoublement de la personnalité », l'intrus n'est
autre qu'une âme humaine en instance d'incarnation :
elle s'est introduite par surprise en un corps passagère-
ment déserté du légitime possesseur. C'est durant une
phase d'hypnose ou de léthargie, que s'est consommé ce
viol mystérieux ; soit encore à la faveur d'un évanouisse-
ment, consécutif à quelque émotion foudroyante, à quel-
que ébranlement du système nerveux : toutes circons-
tances où l'âme du sujet s'abmatérialise en astral. Fiez-
vous aux commentaires des hommes de l'art : si quelque
lacune compromettait l'enchaînement de leurs déductions,
ils auraient bientôt fait de la combler avec des mots dé-
rivés du grec. Quant aux clichés qui satisferont le public,
vous les entendez d'ici : — « Ce pauvre X ! Curieux d'ex-
périences bizarres, ne s'était-il pas mis entre les mains
de ces charlatans de magnétiseurs ? Sa raison n'a pas
résisté à de telles pratiques. » Ou encore : — « Quand
le malheureux a su la mort soudaine de son unique en-
fant, il est tombé en syncope ; à son réveil, il était fou ! »
Ou bien enfin : — « Vous savez l'accident, arrivé à Z... ?
Il a fait une chute dans son escalier, et si fâcheuse, qu'on
l'a relevé sans connaissance. II n'a pas succombé sur le
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532 LA CLEF DE LA MAGIE NOIRE
coup, mais la secousse nerveuse a été terrible : une lésion
du cerveau est à craindre. On parle d'internement dans
une maison spéciale... » — En réalité, la catastrophe
qu'on désigne pour la cause du mal n'en a été que rocca-
sion (1). Deux âmes se disputent un seul corps, voilà le
fait. C'est désormais un antagonisme continuel ou par
intermittences, entre l'ancien propriétaire et le nouvel
occupant.
Ce fait anormal constitue un désordre dans la nature.
Souventes fois, il dépend d'une ténébreuse alliance :
quand les âmes qui se pressent, étourdies et affolées, aux
portes de la vie terrestre, se sont laissées circonvenir par
les émissaires des cercles mauvais constitués dans l'In-
visible, parallèlement aux aréopages de magiciens noirs
qui fonctionnent ici-bas. Les Élémentaires et les mauvais
Daïmones, avides d'objectivité, font usage aussi pour
eux-mêmes de l'incorporation par surprise. Les maîtres
Kabbalistes désignent, sous le terme assez équivoque
d*embryonnat des âmes, la calamiteuse anomalie qui en
résulte.
Les cas de possession radicale et définitive, heureuse-
ment assez rares, ne sont point le fait, indistinctement,
de tous les bandits du plan astral. On sait que les Lému-
res parasitaires de certaine provenance demeurent dans
le nimbe à titre obsessif, ou s'amalgament avec la subs-
tance de l'âme, qu'ils alourdissent et dénaturent à la lon-
gue, mais sans entrer en lutte ouverte avec la person-
(1) Nous Dévouions pas dire que la folie ne puisse en aucun cas
résulter d'une lésion cérébrale ; nous pensons seulement que l'effet
souvent fut pris pour la cause, comme nous l'avons marqué.
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l'esclavage magique 533
nalité légitime. C'est ce que nous avons déjà fait entendre,
et sur quoi nous reviendrons à propos des arcanes de la
mort (chapitre vi).
En combien de sortes l'homme peut-il devenir indirec-
tement l'esclave de son semblable? Elles se multiplient
à tel point, que nous n'en pousserons pas plus avant la
nomenclature.
La servitude où les Esprits peuvent réduire la nature
humaine est parfois de leur part un fait spontané ; d'au-
tres fois, la tyrannie spirituelle ne s'exerce qu'à l'instiga-
tion d'un magicien. On n'a pas oublié qu'en effet il est
permis à l'homme, actif sur tous les plans de la nature,
de mettre en œuvre tous les ressorts qui la font agir.
Mais sur le point de clore ce discours par quelques
remarques, touchant l'esclavage magique en son mode
spirituel, nous rappellerons pour mémoire la souverai-
neté que déploient les êtres collectifs, que nous avons
qualifiés d'Égrégores. Ces invisibles Dominations du Ciel
humain possèdent et meuvent les cohortes de leurs ter-
restres esclaves, sans que ceux-ci soupçonnent le plus
souvent que leur libre arbitre est enchaîné. C'est le ser-
vage inconscient et machinal, la subordination de la par-
tie au tout, du membre isolé à la volonté qui gouverne
Tensemble du corps. Nous en avons assez dit, au chapi-
tre m, sur la génération, l'essence et le rôle de ces grands
Collectifs humains (Cf. la Roue du Devenir).
Présentement renseigné sur la nature du fluide astral
et les Puissances motrices de ses flux et reflux, le Lec-
teur, à coup sûr, n'aura garde de confondre les courants
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534 LA CLEF DE LA MAGIE NOIRE
cosmiques spontanés, avec les courants artificiels qui
fonctionnent au circuit des chaînes sympathiques. Les
uns comme les autres sont saturés de Lémures et d'Ima-
ges flottantes ; mais ces êtres se succèdent sans ordre,
dans le premier cas, au gré de leurs volontés obscures,
ou suivant les combinaisons multiples, résultant des sym-
pathies et des antipathies mutuelles ; tandis que, dans
l'autre cas, évertuées, au cours des chaînes d'influx, par
le vouloir de TÉgrégore recteur, ces êtres se groupent,
vivants reflets de sa pensée, et se répartissent harmo-
nieusement en vue d'une action commune ; ils devien-
nent des messagers, des artisans ou des soldats. D'une
• part, le règne du désordre et de l'antagonisme, c'est l'anar-
chie spectrale ; de l'autre, la distribution des énergies
synthétisées, c'est la hiérarchie dynamique, utilisant jus-
qu'aux écorces de l'existence, jusqu'aux ébauches del'idée-
Voilà ce dont le magiste doit tenir compte, lorsqu'il
prétend utiliser les courants divers de l'Astral :car il peut
se servir des uns comme des autres, et faire ainsi beau-
coup de bien, ou beaucoup de mal... Seulement, il s'y
prendra diflféremment selon les cas.
Lui-même joue gros jeu. — S'il affronte les courants
cosmiques, le péril à conjurer pour lui, c'est l'émiette-
ment, la désintégration partielle ou même totale ; s'il
pénètre dans le circuit d'une chaîne puissante, le péril
qui le menace est l'asservissement, l'absorption (parfois
inconsciente !) de sa personnalité dans celle de l'Égré-
gore qui régit la chaîne. Mais si, téméraire, il s'oppose
au courant pour le combattre, sans avoir pris le soin
préalable de tendre une chaîne magnétique adverse, et
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l'esclavage magique 535
de force à neutraliser la première, il court même risque
d'être foudroyé, au sens le plus positif de ce terme. —
Négligeons ici les commentaires : après ce que nous avons
précédemment énoncé, cette triple indication suffira.
Au chapitre ni se trouvent éclaircis le système des
chaînes de sympathie, et la genèse des êtres collectifs.
Qu'on prenne la peine d'y réfléchir, et les obscurités se
dissiperont.
On pénétrera du même coup divers arcanes, relatifs à
la vie intellectuelle des sociétés. On s'expliquera mieux,
non seulement l'énorme essor qu'un acte isolé, un livre
ou une parole publique impriment tous les jours à l'opi-
nion et même aux mœurs ; mais encore l'éclosion spon-
tanée d'idées nouvelles, germant tout à coup en mille
cerveaux à la fois.
Vers de certaines époques, des pensers inédits, des
vues neuves émergent soudainement à fleur d'opinion :
sur toutes les lèvres, sous toutes les plumes se retrouvent,
sans qu'on sache pourquoi, tels concepts jusque-là fort
ignorés. On donne créditet autorité à ce qu'on méprisait ;
l'on formule de tous côtés ce qui, la veille encore, ne se
fût jamais offert à l'esprit. Et couramment des penseurs,
qui s'ignorent l'un^ l'autre, témoignent des mêmes pré-
occupations imprévues : ils profèrent à la fois, ils pré-
conisent d'identiques idées, et, chose plus étrange encore,
les habillent des mêmes vocables. Il semble qu'au ser-
vice des idées nouvelles, si brusquement écloses, un
nouveau langage ait surgi...
— Ces idées-là étaient dans l'air, opine la sagesse des
foules. Et le bon peuple n'a pas tort; il est rare du reste
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536 LA CLEF DB LA MAGIE !«OIRE
que ses clichés les plus naïfs n'enveloppent point de hau-
tes vérités.
Les brusques virements d*opinion se décèlent à Téso-
téricien comme résultant d'influences occultes. Ne sait-il
pas que les fraternités de lumière et les cercles de mages
noirs luttent sans trêve au Ciel de l'Invisible humain, et
que la direction politique tient moins immédiatement au
cœur de ces champions, que le gouvernement des intelli-
gences? L'antagonisme est imprescriptible entre Satan
et Saint Michel-archange, représentés par leurs terrestres
et spirituelles milices.
Que l'opinion évolue tout d'un coup à droite ou à gau-
che, qu'elle s'épure ou se déprave, c'est dans les aréopa-
ges occultes que s'est dessiné le geste initial du mouve-
ment nouveau. De ce que tant de gens croient marcher
au hasard, qui, ne sachant point qu'on les mène, igno-
rent doublement où ils vont, il ne résulte pas que celui-
là qui les fait marcher ignore où il les conduit.
On agit sur V ascendant global des foules comme sur
Vascendant propre des individus : on y détermine des
courants d'idées, on y crée des cercles d'images ; il suf-
fit que l'atmosphère y soit réceptive à la semence invi- ;
sible. C'est ainsi qu'à la faveur des chaînes sympathi- '
ques, se développent à foison des formes intellectuelles ;
et se propagent des concepts vitalisés. Ainsi se justifie le
poncif des idées qui sont dans Vair... Ajoutons que l'un
des secrets de la puissance, autant sur les multitudes que
sur les hommes isolés, trouve sa formule dans un autre
proverbe, non moins populaire, non moins profond, et
que voici : prendre chacun par son côté faible... t
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l'esclavage magique 537
Après avoir discerné, à travers les stries du fluide
astral, les entités erratiques qui peuplent ses ondes, la
mention s'impose à nous des Invisibles localisés, gouver-
neurs des énergies latentes de la matière. Ce sont les
genii loci de TÉsotérisme antique ; ils comprennent plu-
sieurs classes d'Ëlémen taux, conscients, semi-conscients,
et purement instinctifs.
Pas une pierre, dit la Kabbale, pas un brin d'herbe au
monde^ sur quoi ne règne un Esprit.
Un écrivain de race, qui avait l'intuition de ces mysté-
rieuses Puissances et qui est mort leur victime, — Gérard
de Nerval les célèbre en ses Vers dorés, (le XII® sonnet
du surprenant poème des Chimères).
• Hé quoi t tout est sensible t •
(PYTHAGORE.)
Homme, libre penseur, te crois-tu seul pensant
Dans ce monde où la vie éclate en toute chose ?
Des forces que tu tiens ta liberté dispose,
Mais de tous tes conseils l'univers est absent.
Respecte dans la bête un esprit agissant :
Chaque fleur est une àme à la nature éclose ;
Un mystère d'amour dans le métal repose,
« Tout est sensible », et tout sur ton être est puissant.
Crains dans le mur aveugle un regard qui t'épie ;
A la matière même un verbe est attaché...
Ne la fais pas servir à quelque usage impie !
Souvent dans l'être obscur habite un dieu caché,
Et, comme un œil naissant couvert par ses paupières,
Un pur esprit s'accroît sou» l'écorce des pierres.
1845.
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(
538 LA CLEF DE LA MAGIE NOIRE
Ces agents occultes, dont nous avons discouru plus
haut (1), riches en variétés très diverses, se laissent
difficilement circonscrire dans une définition générale.
Répartis sur tous les échelons de la Nature manifestée,
ils forment contraste au moral, autant que se ressemblent
peu au physique les objets sur quoi ils régnent : la fou-
dre et la fleur, la houille et le zoophyte, etc..
Les Esprits élémentaires, qu'ont rendus célèbres les
vulgarisateurs d'une Kabbale exotérisée, ne représentent
que les moins sédentaires d'entre ces Agents : ce sont les
Gnomes, les Ondins, les Sylphes, les Salamandres, etc.
D'autres, plus ou moins étroitement liés aux choses
matérielles qui dépendent d'eux, ne leur sont point
immanents d'une sorte rigoureuse, puisqu'ils peuvent la
plupart, — sous les conditions requises pour l'objectivation
des Invisibles en général, — se manifester dans le voisi-
nage de ces objets. Chose étrange au premier examen,
mais logique si l'on prend la peine d'y réfléchir, plus ces
êtres s'élèvent sur l'échelle de l'évolution, moins ils de-
viennent libres de s'éloigner du corps qui tend de plus
en plus à devenir leur enveloppe.
L'antiquité mythologique a poétiquement personnifié
certains d'entre eux ; elle en a fait d'innombrables demi-
dieux (Faunes, Sylvains, Dryades, Néréides, Cyclopes,
etc.). Quant aux noms que ces êtres ont reçus au moyen
âge, dans les pays chrétiens et musulmans, dont ils encom-
brent les légendes, on remplirait plusieurs pages à les
juxtaposer.
(1) Voyez chapitre ii, etpassim.
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l'esclavage magique 539
La plupart des Élémentaux ne sont hostiles à l'homme
qu'autant qu'il envahit leur domaine, et, sciemment ou
non, travaille à les déposséder (i). Explosions au labo-
ratoire, éboulements à la raine, accidents à la fabrique
peuventêtre alors les marques de leur colère. Cependant,
rhommeest né leur maître : il les asservit par la Science,
et comme Tempire que ces êtres exercent sur la matière
est subordonné à des lois régulatrices qu'ils ne peuvent
transgresser, l'observateur de qui ces lois sont connues
parvient, avec de laprudence et du sang-froid, à conjurer
chez eux tout maiivais vouloir.
Le savant n'agit pas directement sur les Élémentaux ;
c'est en manipulant la matière qu'il les force à venir
rélaborer, suivant un plan préconçu par lui.
Le sorcier procède à l'inverse ; il cherche à se conci-
lier la bonne grâce et la synfipathie de ces Archontes
(1) H faut lire dans le Lotus (aeconde année, pages 650-658) la remar-
quable étude où, sous le titre de Magie, M. Guymiot aborde, avec une
grande sûreté d'intuition, le problème qu'ici nous effleurons. « Le
monde astral (écrit-il) n'est pas moins varié que le monde physique ;
tout comme celui-ci, il est peuplé d'une foule d'êtres qui ont en lui leurs
conditions d'existence, comme nous avons les nôtres dans le monde
matériel. Imaginez un être souterrain, qui vienne prendre à l'homme
ses moyens d'existence. Que fait l'homme ? H cherche à tuer cet être
qui lui cause un dommage grave. Le fait se passe tous les jours. La
taupe cherche les racines des plantes et les mange, sans faire de distinc-
tion entre celles qui poussent librement et celles que l'homme a semées.
Le jardinier, dont elle dévaste les légumes, la surveille et la tue. L'in-
venteur joue quelquefois le rôle de la taupe dans le monde astral. Tout
ce qui existe dans ce monde y a son utilité ; l'inventeur, en allant
s'emparer des forces du monde astral, peut porter préjudice aux êtres
qui emploient ces forces à leur usage ; quand ils le surprennent en train
d*opérer^ ils font ce que le jardinier fait à la taupe : un coup de bêche,
et c'est fini ; comme la taupe est mise à l'air qu'elle ne cherchait pas,
l'inventeur est attiré dans le monde astral et y reste... > (Page 654).
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540 LA CLEF DE LA MAGIE NOIRE
inférieurs, et les amène parfois à travailler à son profit:
il dispose par là sur la matière d^une puissance indirecii.
dont les manifestations apparaissent merveilleuses et
inexplicables aux profanes. La légende désigne plusieurs
enchanteurs, auxquels la collaboration des génies était
ouvertement acquise. A quel prix ? C'est ce que nous
avons marqué plus haut, en donnant une idée de l'hu-
miliante servitude qui en résultera pour le magicien, si
jamais il vient à fléchir.
L'adepte affranchi, de son côté, ne dédaigne point
l'aide des Élémentaux; seulement, il les domestique à
son service, loin de se livrer à leur merci, comme fait le
magicien noir. La haute Magie enseigne de sûrs procédés
à cet effet, et prescrit une méthode d'entraînement qui
constitue l'un des arcanes de la Doctrine (1). Le présent
ouvrage contient des notions claires et positives, dont le
rapprochement permettra d'y parvenir. Mais qu'on ne
s'y trompe pas : autre chose est de retrouver une mé-
thode efficace ; autre chose de la mettre avantageuse-
(\) Laprescription traditionnelle da ««cre/, dans raccomplissement
des œuvres magiques, est mystérieusement relative au rôle des Élé-
mentaux auxiliaires... ((Toute expérience de magie (dit Tanteur af« la
Philosophie occulte) abhorre le Public, veut être cachée, réussit par le
silence et avorte par la divulgation, et le plein effet ne s'ensuit point...
Il faut donc que l'opérateur des œuvres occultes demeure secret, s'il
veut qu'elles soient fructueuses. Il importe qu'il ne révèle à personne
ni la nature de l'opération, ni le lieu, ni le temps, ni ce qu'il désire, ni
ce qu'il veut : si ce n'est à son maître, à son coadjuteur ou à son as-
socié, qu'il devra choisir fidèle, confiant et taciturne, enfin digne de la
science par sa valeur innée ou par son instruction acquise. En effet,
labavarderie d'un collaborateur, son scepticisme ou son indignité en-
travent le résultat de l'œuvre et le réduisent à néant » (Comelii Agrip-
pœ de Occulta philosophie, lib. 111, cap. ii, in fine).
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l'esclavage magique 541
ment en pratique. La Science a des couronnes pour tels
adeptes spéculatifs, qui n'ont jamais su forger à leur
profit le sceptre de la maîtrise opératoire...
Il est traité au tome premier de l'intelligence de Té-
clair (1) : les Élémentaux du feu, — vulgo Salamandres,
— comptent parmi les plus puissants et les plus dange-
reux. — Ils collaborent avec les Ondins et les Sylphes,
pour susciter les tempêtes, Içs trombes et les cyclones,
quand l'ouragan se marie à la foudre, dans l'éclaboussure
des baves de la mer. Ils peuvent encore animer et mou-
voir de traîtres feux-follets, guides infidèles du voyageur
égaré, vers les précipices ou les marécages.
Les Esprits élémentaires, avons-nous dit, ne souffrent
pas aisément qu'on envahisse leur domaine. Périsse
l'intrus! Ils lui tendent des embûches. Le vertige des
altitudes est le perfide appel des Sylphes ; l'attirance de
l'eau, celui des ondins, symbolisé dans les fables grec-
ques de Narcisse et d'Hylas. Quant aux gnomes des ca-
vernes souterraines, ils invitent l'homme au suicide, en
lui inspirant un morne désespoir.
Au demeurant, rien n'est plus réel que la fatalité
inhérente à certains lieux, hantés par des Larves insti-
gatrices de suicide.
Qui n'a entendu mentionner, à propos du camp de
Boulogne, cette fameuse guérite que Napoléon dut faire
brûler, parce que plusieurs sentinelles, coup sur coup et
sans mobile apparent, s'y étaient donné la mort ?... On
(1) Le Temple de Satan, pages 207-215.
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542 LA CLEF DE LA MAGIE NOIRE
parlait aussi, vers la même époque, d'une certaine cham-
bre de caserne, où il était <c de tradition » de se pendre à
l'espagnolette. L'empereur, qui pressentait d'instiact
les choses mystérieuses, à défaut de toujours les connaî-
tre, fit murer la pièce, et cette singulière épidémie de
la corde cessa tout aussitôt.
Nous connaissons une famille où le suicide par immer-
sion semble à Tordre du jour, de père en fils. Les hommes
de ce sang finissent par se noyer, tôt ou tard, et toujours
au même coude d'une même rivière. Chose étrangement
lugubre ! Le dernier qui s'y jeta, il y a quelques années
à peine, s'était longtemps roidi contre la mortelle impul-
sion ; mais il ne se dissimulait point que la fatalité héré-
ditaire le saisirait un jour ou l'autre, trop impérieuse
pour qu'il s'y dérobât. Il va sans dire qu'il évitait les ap-
proches de la berge d'où son aïeul, puis son père, s'étaient
précipités ; mais à de certains jours, il se sentait poussé,
entraîné jusqu'à ce lieu par une force irrésistible comme
le Destin, et passait des heures à s'hypnotiser, perdu dans
la contemplation muette des stries, moirant le fil de l'eau
profonde. Parfois, il se cramponnait aux broussailles,
pour conjurer la tentation qui grondait en lui ; mais un
jour enfin, il fit le saut, et se noya.
Cet exemple, dont nous sommes garant (1), paraît
curieux à double titre, car l'influence néfaste y est loca-
lisée deux fois : d'une part, elle s'attache aux mâles d'une
lignée, aux mâles seuls; d'autre part, à un point de l'es-
pace nettement défini...
(1) Nous pourrions citerle nom delafamille.etaussile nom de la rivière.
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l'esclavage magique 543
Sont-elles assez fréquentes, si Ton y songe, ces singu-
lières et sinistres influences ? La légende a-l-elle eu tout
à. fait tort de les personnifier, en les poétisant, dans les
contes de Nixes, de Sirènes, de Dames blanches ; dans
l'histoire du petit Sauteret (ou Sauteriot) et d'autres gé-
nies dont les attributions ne varient guère, mais qui
revêtent difierents noms, suivant les temps et les pays?...
Cependant, en face des catastrophes les plus significati-
ves, on invoque les caprices de la foUe, héréditaire ou
spontanée. C'est une réponse à tout.
Quand nous retracions, il y a cinq ans, au premier
tome de cet ouvrage, l'impressionnant épisode du pres-
bytère de Cideville, nous étions loin de prévoir que l'a-
venture de Valence-en-Brie (1896) allait en offrir la
réédition. Notre ami le D' Papus a suivi ces saturnales
de phénomènes, qu'il analyse en leurs péripéties principa-
les, avec la sagacité d'un occultiste érudit et l'autorité
d'un témoin oculaire. Il suffira de renvoyer le Lecteur
aux termes du rapport publié dans Yhiilialion (1), sans
qu'il soit besoin de résumer à nouveau l'afifaire. Les phé-
nomènes semblent calqués sur ceux de Cideville, et at-
testés, ici comme là, par des centaines d'observateurs.
Dans les deux cas, l'infestation provient d'un maléfice ;
mais à Valence, le médium était une pauvre valétudi-
naire, dont les sorciers, présents quoique invisibles, as-
piraient en larve astrale la vie extravasée. C'est à l'inter-
vention de Papus et d'un autre occultiste expérimenté,
(1) No d'août 1896.
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544 LA CLEF D£ LA MAGIE NOIRE
M. Tabbé Schnébelia, que la malade doit son rétablisse-
ment. Tous les remèdes prescrits parles médecins avaient
été inefficaces : le traitement magique emporta un plein
succès. Ricane qui voudra ! L'emploi des pointes métal-
liques délivra la maison de ses impalpables visiteurs, et
Ton put, à plusieurs reprises, constater les phénomènes
lumineux qui signalent la rupture d'un coagulât fluidi-
que. Les coups portés dans la direction où la Voix se
faisait entendre ont provoqué des pluies d'étincelles...
Finalement, les phénomènes ont cessé tout à fait, — et
la malade est guérie.
On avait pu craindre un instant qu'à Valence l'auteur
principal de la hantise ne fût un Élémentaire haineux, ou
un Daimon malfaisant : la chose eût été pire ; car alors
on aurait eu affaire à une coalition de magiciens noirs,
ramifiée dans l'Invisible avec quelqu'un des cercles mau-
vais ; en d'autres termes, à des bandits occultes encore
vivants, liés par un pacte avec une société de bandits
d'outre-tombe.
Cette hypothèse, fondée sur quelques indices ambigus,
mais que rien, par bonheur, n'est venu confirmer, nous
amène tout naturellement à l'examen d'un problème
d'intérêt supérieur : l'occasion nous semble propice de
redresser certaines notions incorrectes, mais fort en fa-
veur, qui répondent au terme, usité souvent à l'aveuglette,
de pacte avec le Démon.
Le pacte! Il n'est pas d'œuvre occulte plus célèbre et
plus légendaire ; il n'en est point aussi de plus défigurée
dans l'opinion du peuple et même des personnes instruites.
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l'esclavage magique 545
Ce n'est pas faute pourtant d'une formule adéquate,
révélant la nature du pacte. Le mot paraît clair en lui-
même ; d'ailleurs la définition qu'en donne la théologie
et la distinction qu'elle en fait, expriment parfaitement
la réalité de la chose : reste à les comprendre et à les in-
terpréter comme il faut.
Le pacte, selon la doctrine de l'Église, forme la base
et le point de départ de toute magie. C'est un accord li-
brement contracté entre le magicien et le Diable, — avec
ou sans cédule signée des contractants, ou de Tun d'eux,
Le pacte est exprès ou tacite. — Dans le premier cas,
dit M. l'abbé Ribet, « il se conclut par des paroles que
l'on adresse au Démon, ou par l'acceptation d'une for-
mule que propose le Démon lui-même, soit qu'il appa-
raisse et offre son concours, soit qu'on l'évoque par des
adjurations et des promesses » (l). — Quant au pacte
tacite, il se conclut implicitement, par le seul fait d'en-
treprendre, même h titre expérimental, une opération
dont le résultat doit être en dehors du cours naturel des
choses ; car on se doute de reste que le Diable peut seul
accomplir pareille œuvre; et, qui veut la fin doit vouloir
aussi les moyens...
Voilà, dans toute son intransigeance, la doctrine or-
thodoxe sur ce point : elle est formidable et translucide.
Ainsi donc, — car il faut être logique, — la moindre
expérience de table tournante, le moindre contrôle de
médianité, une tentative quelconque d'étudier les forces,
(1) La mystique divine et ses contrefaçons diaboliques, etc., tome III,
page 291.
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546 LA CLEF DE LA MAGIE NOIRE -
non point surnaturelles (il n'en est pas), mais non encore
cataloguées par les bonzes de la science positive ; tout
essai curieux tendant à mettre en œuvre des Agents ou
des Puissances « au-dessus des forces de la nature »,
pour user du détestable langage en cours ; toute entre-
prise de ce genre implique nécessairement un pacte au
moins tacite avec l'Enfer !
Quelle que soit la rigueur d'une semblable doctrine,
rOccultisme adopte in loto les termes de la définition,
sauf à délimiter le sens véritable et scientifique des mots
Démon et Enfer.
CUt sait déjà que nous répudions Texistence du Malin
Esprit, en tant qu'absolu du Mal et antithèse de Dieu,
l'absolu du Bien. Mais on a pu le voir, nous ne contes-
tons pas plus l'existence des Esprits pervers dans le monde
occulte, que celle des hommes pervers dans le monde vi-
sible.
Au surplus, nous n'avons garde de nier la réalité for-
midable du grand Agent magique dont le serpent est
Temblème. Nous la nions si peu, que la plupart de nos
livres reposent sur la connaissance expérimentale et ra-
tionnelle de cet universel Protée, à défaut duquel pas un
phénomène, magique ou non, de l'ordre sensible, ne se
produirait.
Selon nous, le Diable esta envisager sous deux aspects:
en corps et en âme ; comme Force ou substratum dyna-
mique d'une part (1), et de l'autre, comme Esprit de
(1) Force inséparable de la substance non différenciée. Cf. Ghap. i,
page 115.
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l'esclavage magique 547
perversité ou de perversion, selon l'étymologie de sop
nom même Aia€ô).oç (1).
Rappelons en deux mots ce que nos Lecteurs savent
déjà.
Le Diable, envisagé comme agent, est la Lumière as-
trale, corrélation des forces physiques et synthèse des
forces hyperphysiques du Cosmos. Quiconque entre en
rapport direct avec la Lumière astrale, dont l'enve-
loppe matérielle de Thomme sert à l'isoler dans une cer-
taine mesure, celui-là crée un lien durable entre sa per-
sonne et cette multiforme Puissance, « dont il deviendra
le maître ou l'esclave, le directeur ou le jouet » (2). —
Voilà le pacte tacite, découlant irrésistiblement de toute
expérience téméraire qui a réussi.
Le Diable, envisagé comme Esprit de perversité, cons-
titue le type abstrait et la synthèse idéale des Intelligen-
ces et des Volontés, incarnées ou non, qui se prévalent
des forces hyperphysiques, vers un but d'égoïsme à satis-
faire ou de crime à perpétrer. Il n'est pas rare de voir
un homme s'immiscer aux grands courants d'égoïsme et
de malice, et conclure, avec les Esprits recteurs d'iceux,
soit un pacte implicite par le fait du désir et de l'adhé-
sion morale, soit un pacte exprès par le fait d'une évo-
cation et d'une entente explicites et formulées. Mais le
pacte exprès ou formel consistera, neuf fois sur dix, dans
les engagements réciproques qui résultent de l'affiliation
. à quelques sociétés secrètes sur cette terre, ou à telle
(1) Voyez le tome I du Serpent de la Genèse, p. 57 (note au bas de
la page).
(2) Au Seuil du Mystère, page 15.
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548 LA CLEF DE LA MAGIE NOIRE
communauté mystique du monde ultra-terrestre : autant
dire, de Tincorporalion à des cercles magiques, soit visi-
bles» soit latents, presque toujours à la fois l'un et Tautre.
M. le baron du Potet,run des plus hardis explorateui-s
du Magnétisme contemporain, nous décrit en mode inou-
bliable, dans une page émouvante et vécue de sa Magie
dévoilée, la conclusion du pacte tacite. Portez attention
à cette confidence, l'une des plus significatives à coup
sûr et des plus révélatrices qu'il ait consignées, au cours
de ce compendium de ses recherches, touchant l'essence
et les propriétés de la Force occulte qui entre en œuvre
dans le magnétisme :
c ... Qu'une trombe renverse et éparpille les habitations,
qu'elle déracine les arbres séculaires et les transporte au loin,
qui s'en étonne maintenant ?
«Maïs qu'un élément, inconnu dans sa nature, secoue
l'homme et le torde comme l'ouragan le plus terrible fait du
roseau, le lance au loin, le frappe en mille endroits à la fois,
sans qu'il lui soit permis d'apercevoir son nouvel ennemi et
de parer ses coups, sans qu'aucun abri puisse le garantir de
cette atteinte à ses droits, à sa liberté, à sa majesté ; que cet
élément ait des favoris et semble pourtant obéir à la pensée, à
une voix humaine, à des signes tracés, peut-être à une in-
jonction ; voilà ce que l'on ne peut concevoir, voilà ce que la
raison repousse et repoussera longtemps encore. Voilà pour-
tant ce que je crois, ce que j'adopte ; voilà ce que j'ai vu, et,
je le dis résolument, ce qui est une vérité pour moi à jamais
démontrée.
< Tai senti les atteintes de cette redoutable puissance. Un
jour, entouré d'un grand nombre de personnes, je faisais des
expériences dirigées par des données nouvelles qui m'étaient
personnelles, cette force, — un autre dirait ce démon, — évo-
quée, agita tout mon être; il me sembla que le vide se faisait
autour de moi, que j'étais entouré d'une sorte de vapeur légè-
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l'esclavage magique 549
reine ni colorée. Tous mes sens paraissaient avoir doublé d'ac-
tivité, et ce qui ne pouvait être une illusion, mes pieds se re-
courbaient dans leur prison, de manière à me faire éprouver
uoe très vive douleur; et mon corps, entraîné par une sorte
de tourbillon, était, malgré ma volonté, contraint d'obéir et
de fléchir. D'autres êtres pleins de force, qui s'étaient rappro-
chés du centre de mes opérations magiques, — pour parler
en sorcier, — furent plus rudement atteints : il fallut les sai*
sir à terre, où ils se débattaient comme s'ils eussent été près
de rendre Tàme.
< Le lien était fait, le pacte consommé; une puissance oc-
culte venait de me prêter son concours, s'était soudée avec la
force qui m'était propre, et me permettait de voir la lumière.
« C'est ainsi que j'ai découvert le chemin de la vraie ma-
gie... (I). »
Si nos Lecteurs prennent le soin de parcourir le compte
rendu des expériences qui ont préludé au phénomène
décrit par du Potet, ils se persuaderont qu'en vain on
chercherait un exemple plus frappant du pacte tacite,
tel que nous l'avons défini plus haut.
Qu'il nous sufïïse d'ajouter, à l'égard du pacte formel^
que l'engagement écrit fut toujours de rigueur, dans les
plus sérieuses sociétés d'initiation : cet acte, à part son
caractère de garantie exotérique, constitue un signe d'ap-
pui, lequel corrobore et formule magiquement la volonté
du néophyte. Chaque association terrestre est doublée,
dans rinvisible, d'un cercle correspondant, et régie par
unÉgrégore, comme nous l'avons, à plusieurs reprises,
péremptoirement exposé. Quant aux Fraternités invisi-
bles qui n'ont point d'organisme matériel connu, — nous
[1) Baron du Polet, /a i/a^ie(/é&oi7ée, Saint-Germain J875,in-4, flg.,
pages 161-162.
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550 LA CLEF DE LA MAGIE NOIRE
voulons dire de groupe humain parallèle et eonforme
ici-bas, la rédaction s'impose d*un engagement écrit, et
brûlé par après avec de certains rites : outre la valeur
du signe d*appui, sur laquelle nous avons déjà insistt\
l'incinération du contrat équivaut k\2i projection en Astral
dudit signe, confirmatif de l'entente adeptale. Il n'est
point invraisemblable que l'invisible Communauté y ré-
ponde par le phénomène de la précipitation d^écriture,
bien connu des spirites et de l'entourage de Madame
Blavatzky. — Voilà l'échange de la ccdule rédigée en
partie double, et garantie réciproque ou sanction magi-
que, comme on en relève plus d'un exemple dans la mi-
nute des procès de sorcellerie.
Toutes ces choses paraissent concorder d'une sorte
bien frappante avec les enseignements de la théologie
romaine. Ses Docteurs nous diront, qu'à l'apparition près
du Malin, dont les cornes et les griffes n'ont pas visible-
ment percé, nos a aveux » corroborent singulièrement
les doctrines exotériques de l'Église!...
Hé bien, nous concéderons encore à ces Messieurs les
cornes et les griffes auxquelles ils semblent si fort tenir ;
car, dans les phénomènes évocatoires, qui équivalent à la
dénudation d'un pan de l'Astral, les silhouettes les plus
congruentes à la définition diabolique se profilent d'aven-
ture. Il n'y a rien là pour étonner des adeptes de l'Oc-
cultisme. Ne suffit-il pas, en effet, qu'une forme soit
imaginée par l'homme, pour qu'aussitôt ébauchée en as-
tral, elle se conserve aux archives de la lumière seconde?
Et cent générations ascétiques n'ont-elles pas rêvé l'En-
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l'esclavage magique 551
ier ? Or, tous Lémures, toutes Dominations théurgiques,
comme aussi tous Mirages errants peuvent être évoqués
et apparaître.
Ainsi triompheront nos adversaires. Après cet aveu,
(diront- ils), rien ne manque plus à la confirmation que
vous apportez malgré vous des indéfectibles vérités du
Dogme, touchant le Diable et son royaume...
Nous connaissons ce langage, et ce procédé de polé-
mique, assimilatif, au profit d'une thèse préconçue, des
arguments qui devaient servir à la ruiner; mais aux-
quels il suffira de bailler Tentorse, pour qu'ils viennent
en confirmation de la thèse adverse. Une telle méthode
est triomphante : elle a quelque chose d'infaillible et de
péremptoire,dumoinsaugrédes convaincus départi pris.
N'est-ce pas s'emparer des pièces de Tenhemi, leur faire
faille volte-face, et les mettre en batterie contre les régi-
ments qu'elles devaient couvrir et défendre? Exploit
plus facile à accomplir, la plume à la main, que sur le
champ de bataille.
C'est grâce à cet ingénieux système que M. de Mirville
trouvait jadis, dans les plus fortes pages d'Éliphas Lévi
contre l'existence du Diable personnel, l'aveu et la
preuve irrésistibles que le Diable, pour Éliphas, était bel
et bien une personne. La même méthode a servi récem-
ment, contre les occultistes actuels, à un autre historio-
graphe du Démon, auteur de deux énormes in-4'» (1),
(1) Le Diable au xix« siècle, par le Dr Bataille. Paris, s. d., 2 vol.
in-4.
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552 LA CLEF DE LA MAGIE TfOlKE
OÙ sa très spacieuse imagination s'est allégée des chimè-
res qui Tencombraient : Chimœrœ in vacuum hombinan-
tes ! Ce prodigieux docteur apparaît à la fois, au double
point de vue philosophique et anecdotique, le Nonotle
et le Ponson du Terrail de la Magie.
N'appuyons pas sur ces ridiculités...
L'Occultisme, si vaillamment rénové en France depuis
trois lustres, n'a pu conquérir l'attention des esprits sé-
rieux et les suffrages d'une élite, sans que plusieui*s cau-
ses de discrédit ne vinssent compromettre ses progrès et
ternir sa renommée. Il a subi au dedans l'épreuve de l'en-
vahissante médiocrité, au dehors les atteintes du déni-
grement et de la moquerie.
Combien de ratés littéraires ou scientifiques, ignorants
d'ailleurs des principes élémentaires de l'Occultisme, se
sont réclamés bruyamment de son crédit spirituel, au
risque de déconsidérer la Haute-Science, en abritant sous
son pavillon leur marchandise de contrebande !
Combien de faméliques intrus ont eu hâte de battre
monnaie sur la crédulité des badauds, en exploitant la
pratique fructueuse de l'Astrologie, de la Chiromancie et
d'autres arts divinatoires, que la renaissance de l'Ésolé-
risme semblait galvaniser pour un temps, même entre
des mains ignares, suspectes ou vénales !
Que de barbouilleurs de copie au mètre, bénéficiant de
la vogue acquise à ces études, ont su s'improviser un
gagne-pain mieux lucratif, dans le négoce des révélations
calomnieuses, sous prétexte d'arracher le masque à
d'hypocrites suppôts de l'Enfer ?
Nous ne rappellerons que pour mémoire ceux-là qui se
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L*£SGLAVAGE MAGIQUE 553
sont fait initier à riUuminisme, pour trahir leurs ser-
ments, leurs frères et leur Dieu.
Au demeurant, ces misères étaient prévues.
C'est un aphorisme en magie, qu'on ne peut faire le
jour sur certains arcanes, sans soulever aussitôt une op-
position formidable de la part des Forces adverses,.. Le
Lecteur qui, parvenu au point où nous en sommes, ne
saisirait pas d'emblée le pourquoi et le comment de cette
réaction fatale, peut fermer le livre et renoncer à l'étude
des Hautes Sciences.
A chaque renouveau de la pensée, toutes les fois que
le monde intellectuel penche à suivre une orientation
inédite, cette loi de l'Antagonisme susciterait de funestes
subversions, si le Falum (cette Puissance qui noue l'effet
à la cause) ne maintenait, dans une certaine mesure,
sur l'avenir, comme une garantie régulatrice, l'esclavage
étroit du passé.
Contrainte salutaire, bien que parfois très cruelle aux
novateurs de l'art, de la science et de l'action.
« Le mort saisit le vif », prononce le Droit ancien :
la mort règne sur la vie et lui inflige sa loi ; quoique
étant Hier, elle domine sur Demain, à cause du respect
religieux qu'inspirent les êtres et les choses qui ne sont
plus.
La routine n'est que la règle morte imposée au futur
par l'autorité du passé, à la vie par la majesté de la mort.
Comme dans le corps humain, où les cellules se jux-
taposent et se groupent sur l'emplacement de celles qui
s'étiolent à mesure et disparaissent : ainsi l'effet d'une
cause devient cause à son tour, pour reproduire son
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554 LA CLEF DE LA MAGIE NOIRE
semblable; ainsi ce fuisera se calque et se découpe sur
ce qui fut. G*est la force subjugante du Destin, la nora>
de la mort qui règle le développement de la vie !
Contre le Destin, les volontés et la Providence même
ont à combattre, pour improviser autre chose, rénover
les formes vieillies, * enfm garantir la variété du Beau,
Tune des conditions pour que le Beau soit aimable :
mais, encorç un coup, cette puissance épouvantable de
la Fatalité est nécessaire au monde tel qu'il est. Sans elle
(la force morte), les forces vives réagiraient trop impé-
tueusement Tune sur l'autre, dépourvues qu'elles seraient
d'obstacle qui réglât leur action, par le fait même qu'il
l'entrave. Les transitionsn'étant plus ménagées, le monde
muerait par secousses désastreuses ; il se renouvellerait
par séries de cataclysmes, au lieu d'évoluer avec une
savante lenteur.,.
Nous voici loin du pacte et de la cédiUe, dont il s'agis-
sait, quand notre plume a dévié vers des considérations
générales que nous ne regrettons point d'avoir énoncées.
Il n'en faut pas moins mettre un terme à cette digression,'
qui, sans répugner au caractère du présent chapitre, nous
a distrait un instant des rapports possibles entre Thorame
et les Puissances d'un monde plus subtil.
Ces rapports apparaissent ordinairement fâcheux ou
nuisibles à l'homme. Le contraire, hélas! est l'exception.
5i Ton y réfléchit, peut-être se demandera-t-on quel
avantage trouvent certaines classes d'Invisibles à molester
les vivants, à leur inspirer l'horreur, le spleen ou l'épou-
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l'esclavage magique 555
vante, et même à les pousser au suicide, comme nous
en avons signalé plusieurs cas.
Quand Tinfestation est la conséquence d'un sortilège,
soit que les maléficiants agissent par eux-mêmes en corps
sidéral, soit qu'ils fassent intervenir les Lémures évoluant
dans la sphère de leur action magnétique, ou d'autres
collaborateurs spirituels qui leur sont dévoués, — l'ex-
plication est facile. C'est à l'initiative humaine que le
mal s'accuse attribuable; c'est une volonté humaine,
individuelle ou collective, qui est l'auteur, sinon l'acteur
de la tragi-comédie.
Mais il est telles circonstances où les Invisibles entrent
en lice pour leur propre compte : ils aspirent à posséder
l'homme, ou à l'obséder.
Toutes les natures humaines n'offrent pas un accès
également facile à l'invasion spirituelle. Au point d'évo-
lution où l'homme se trouve ici-bas, son corps matériel
constitue, en fonctionnement normal, une forteresse qui
garantit l'âme, non pas seulement une prison qui la
retient. La grande majorité des hommes se trouve à
fabri des influences spirituelles, ou du moins n'est-elle
pas consciente de les subir.
Tant que les êtres du plan astral n'ont point acquis
quelque objectivité passagère, le médiateur plastique de
l'homme devient, en s'extériorisant, le seul point de con-
tact qui soit possible entre eux et l'âme incarnée.
Les forts médiums, qui sont sujets à extravaser en
tous temps leur fluide nerveux, jusqu'à en saturer l'at-
mosphère astrale qui les baigne, doivent être regardés
comme des malades. Chez le commun des hommes, la
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556 LA CLEF DE LA MAGIE NOIRE
force nerveusene s'abmatérialise que fort exceptionnellt^
ment, dans certains cas soit physiologiques, soit patholo-
giques (1),
Nous allons révéler à ce sujet une chose des plus mys-
térieuses et des moins connues, — réponse à bien des
points d'interrogation.
Beaucoup de passions acerbes et de sensations violen-
tes et pénibles (2), — spécialement le chagrin moral, la
douleur physique, la peur, etc., — ont pour conséquencr-
immédiate, chez l'être qui les subit, une extériorisalion
tout ensemble et un abandon de fluide vital. La force
nerveuse, en pareil cas, s'écoule comme le sang d'une
blessure. La vie ne se défend plus ; elle s'offre, du moins
elle se laisse prendre. On devine ce qui en peut résulter :
le banditisme spirituel. L'être quia provoqué chez autrui
le paroxysme diffusif, en peut physiologiquement profi-
ter : source pour lui d'un délicieux bien-être.
Il serait facile de multiplier les exemples. Les trois que
nous avons choisis paraissent surtout frappants, car ils
manifestent le pourquoi insoupçonné du deuil moral,
après la perte des êtres chers ; le pourquoi de la peur.
(1) Au chapitre m, pages 313-315, nous avons parlé de l'extase à ce
point de vue : quant au sommeil, qui délivre Tétre psychique des en-
traves de la chair, le mode suivant lequel cette abmatérialisation s'effec-
tuo assure à l'homme une garantie très sérieuse contre les atteintes des
indigènes de l'Astral. Le sommeil n'est pas un état exceptionnel ; c'est
une des fonctions naturelles de la vie humaine . Cf. Chap. n, pages 1 73-174.
(2) Au paroxysme des sentiments et des sensations agréables, —
nous citerons l'amour par exemple et le plaisir physique, — il y a un
échange de fluides, idoine à compenser les pertes. Encore certaines
natures sont-elles absorbantes, au point de recevoir sans donner. Voir,
plus bas, ce que nous disons du Sadisme.
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l'esclavage magique 557
i naturelle à rhomme» en face d'une corporisation sou-
Laine de l'Invisible ; le pourquoi enfin de cette étrange
tt sauvage passion qui lie le désir charnel à l'instinct de
'érocité, et intrigua tant de modernes psychologues, sous
Le nom de sadisme.
Cherchez dans les profondeurs de la nature la raison
de ces choses, les unes si normales, les autres si étran-
ges!
Pourquoi les épouvantes vagues et sans objet, en parti-
culier la peur des fantômes?— Parce que les Indigènes de
l'Astral, pour se manifester sur le plan physique, ont
besoin de force nerveuse, et que l'effroi qu'ils inspirent,
sciemment ou par instinct, est un moyen sûr de voler cette
force au premier venu. Plus une apparition est nourrie
de fluide nerveux, plus elle se précise et se revêt de l'éa-
lité physique : là gît la raison occulte de l'intensité crois--
sante des phénomènes terrifiants, en proportion directe
de l'effroi... Dans les séances des méfdiMms matérialisant,
la sensation glaciale qu'éprouve le spectateur, au voisi-
nage des apparitions fluidiques, est due à la perte subite
de force nerveuse, dont le spectre s'empare avidement (4).
La netteté du phénomène s'accroît à mesure. —Du reste,
en cas ordinaire, les Invisibles n'ont pas besoin d'appa-
raître aux regards, pour insuffler à l'homme l'épouvante,
dispensatrice à leur profit du breuvage d'objectivité (2).
Pourquoi ce monstrueux instinct du sadisme, qui par-
fois gronde au tréfonds des meilleures natures ? — Il
(1) Cf. Le Temple de Satan, page 402.
(2) Qui a pu lice sans un frisson le Horla de Maupassant, où de si
singulières intuiUons se font jour, touchant ces mystères ?
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558 LA CLEF DE LA MAGIE NOIRE
repose sur rinluition latente de ce fait, qu'en faisant
souffrir la victime de sa brutalité, le sensuel bourreau
provoquera une hcmorrhagie de cet invisible sang, d**
cette force vitale, dont le rapt et rappropriation décuple-
ront chez lui le plaisir physique, en exacerbant jusqu'au
délire la répercussion cérébrale de l'acte vénérien (l).
Pourquoi enfin cette tribulation morale, cette persis-
tante angoisse qui fait qu'on pleure longuement les êtres
chers que la mort a frappés ? — Rien, à coup sûr, qui
s'explique mieux au cœur de l'homme ; mais une loi pro-
videntielle intervient,pourutiliser au bénéfice du défunt
la désolation, si naturelle à ceux qui restent. Ainsi, par
une admirable économie des transitions, ménagées d'un
monde à l'autre, c'est au fort de l'épreuve posthume que
l'énergie psychique, émanée de la douleur des proches,
viendra en aide au nouveau-né d'une vie future !...
Sans éclaircir ce mystère d'efficace solidarité familiale,
que nous examinerons de plus près au sixième chapitre,
il suffit de souligner ici l'emploi, — utile ou voluptueux,
— auquel se prête indistinctement la force nerveuse ab-
matérialisée. Intérêt et volupté! Ce sont là deux puissants
mobiles : la molestation et l'infestation spirituelles, attri-
buables à l'un comme à Tautre, peuvent même les com-
porter tous deux.
A l'égard du profit que les Invisibles pervers peuvent
retirer du suicide humain, il est bien évident que, chez
l'individu qui se frappe de mort dans la vigueur de sa
(1) Cf. noire théorie de la polarité humaine, chap. m, pages 241
et suiv.
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l'esclavage magique 559
pleine santé, la mise en disponibilité de la force nerveuse
sera totale, au lieu d'être partielle, et ce, au bénéfice de
quiconque s'en voudra saisir.
Au demeurant, la haine, la vengeance ou la jalousie
peuvent déterminer et mouvoir certains êtres de VAu-
delâj aussi bien qu'elles meuvent et déterminent les
hommes de chair et les Lémures de VEn-deçà (sous-
humanifé).
Il va sans dire que les Invisibles dont nous signalâ-
mes l'intervention possible, dans les œuvres égoïstes et
ténébreuses, soit comme acteurs principaux, soit comme
complices du maléficiant, ne sauraient être les Intelli-
gences supérieures. Ames glorifiées ou Anges mission-
naires. Nous entendons réserver pour un autre ouvrage
les notions relatives à ces Esprits émancipés.
Leurs rapports immédiats avec l'homme sont d'ailleurs
exceptionnels, et moins fréquents qu'on ne le saurait
croire. Il y a eu des méprises et des déceptions sur ce
point. Satan (est-il écrit) se transfigure parfois en ange
de lumière : c'est ce que plusieurs mystiques ont oublié.
L'infaillible discernement des Esprits n'a pas été tou-
jours leur privilège ; et tels, qui ont été déçus par les
Puissances de l'ombre ou du crépuscule, se croyaient
d'une foi robuste les mîssionnés du Dieu solaire !
Quant aux cas avérés de direction angélique, de haute
médianité et même A'embryonnat céleste, ils impliquent
de la part des favorisés quelque déférence à la Voix d'En
haut; mais qui voudrait taxer celte sujétion toute volon-
taire d'esclavage spirituel? — A moins d'interpréter ce
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:1
560 LA CLEF DE LA MAGIE NOIRE
mot selon ic sens adeptal, comme nous Tavons fait à Y<a
verture de ce chapitre.
Ceci nous reporte au douzième feuillet du Livre hiéra-}
tique de Tbôlh, où Ton voit un homme, la téta en bas
la cheville garrottée à la traverse d'un gibet. « Le pend
(dit Éliphas Lévi), c'est donc l'adepte, lié par ses enga-
gements, spiritualisé ou les pieds tournés vers le Qel.
c'est aussi l'antique Proraéthée, subissant dans une tor-
ture immortelle la peine de son glorieux larcin (1). »
Le temple de la Vérité ésotérique possède un par^'j>
d'où l'on entrevoit ses rayons, et un sanctuaire où res-
plendit sa présence réelle.
Le parvis est pour tous, le tabernacle est accessible
à quelques-uns.
Mille sentiers conduisent au temple ; mais on ne péné-
tre au sanctuaire de la suprême initiation que par deux
issues : la porte de la science et de la lumière, et celle
de répreuve et de l'amour (2).
Les initiés spéculatifs et volontaires qu'a guidés la
chaste mais froide ambition de savoir pour savoir, n'ont
pas nécessairement renoncé aux pompes de Maïa, la
déesse de l'Illusion terrestre, ni souffert et désespéré par
elle. Seulement, ils ont appris à traduire le nom de TEn-
clianteresse : ils savent qu'elle n'est point la réalité sub-
(1) Dogme de la Haute Magie, page 256.
(2) Ces deux portes correspondent symboliquement aux deux modes
que nous avons fait connaître, pour la réintégration dans TUnité : le
mode actif et le mode passif. — C'est à ce dernier surtout que fait
allusion la douzième lame du Tarot.
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l'esclavage magique S61
tantielle, mais le mirage. Ils ne peuvent plus se laisser
éduire à la fantasmagorie de ses charmes, si délicieuse
d'autres hommes... Gomme en une danse macabre, ils
nt entrevu le squelette, sous la gaze et les falbalas de la
ballerine.
Cette acuité clairvoyante, prérogative de la Science
>ure^ en devient en quelque sorte le châtiment.
L'adepte intellectuel peut bien encore prendre sa part
les illusions terrestres, mais en sceptique désabusé, et
;ans y croire désormais. Il ressemblée l'acteur, qui rend
sur la scène les passions violentes de l'ambition, de la
haine et de l'amour, et qui peut un instant s'enfiévrer
au jeu, jusqu'à se paraître sincère à lui-même» Voyez-le,
qui s'épanouit dans la joie, ou se contracte dans la dou-
leur... Mais adieu l'émotion, si peu qu'il réfléchisse! Il
rit alors de ses larmes faciles, et, chose plus triste encore,
il rit de son rire.
Les Élus entrés au sanctuaire par l'autre porte, celle
de l'Amour, ont connu toutes les amertumes et renoncé
les joies trompeuses de l'existence. Car il fautqu'ils aient
épuisé la coupe des déboires temporels, pour que, désen-
chantés de la cité terrestre, ils se soient tournés vers la
Jérusalem céleste, cette éternelle patrie de la Science,
de la Justice et de l'Amour.
Ce sont les plus pures colombes, qui s'abattent ainsi,
blessées, sur le seuil de l'immatériel refuge.
Quel sublime désenchantement est le leur !
Le désespoir, chez ces nobles âmes, n'est qu'un dépla-
cement de l'espérance.
36
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562 LA CLEF DE LA MAGIE NOIRE
Vint-il pas du Ciel, puisqu'il y remonte, TAnge de5
tribulations qui, brutalement, au vif de ces tendres cœurs,
défricha le parterre d'optimisme illusoire dont les arômes
charriaient des mirages heureux, et transfigurant la réa-
lité terrestre, réfléchissaient sur elle l'illusion du paradis ?
Roses incandescentes d'amour! Lys de candeur intan-
gible ! Sensiti ves de douloureuse fierté ! Vos graines dépay-
sées ne sont point d'ici. Quelque semeur aux six ailes ( I »
les a laissées choir des mondes de la lumière, dans Je
chaos tumultueux de la chair et du sang. Dans cette
fange même, le séraphin surpris les a vues germer, croî-
tre et fleurir. Sans doute ne veut-il pas que soient pro-
fanées les fleurs idéales, si anormalement écloses au
bourbier du cœur humain. Mais il ne les déracine que
pour les transplanter en meilleure terre, — oii fleurissent
leurs pareilles, — là-haut !
(1) « Angélus sex alas habens nunquam mutatur». (Aphorisme^ kab'
balistiques, dans la coUection de Pistorius.)
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lll) LA MORT
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(Section 13)
La Mort (treize) = Désintégration = Dépouille-
ment = La Mort et ses Arcanes.
Chapitre VJ
LA MORT ET SES ARCANES
Treizième clef du Tarot : la MorL
Le livre de Thoth nous offre, à son treizième
feuillet, l'image d'un grand squelette faucheur,
à travers les plaines de l'existence. 11 tranche tout ce
qu'anima le souffle des vies : il abat des herbes, des
fleurs, péle-mêle, et des têtes humaines. Mais à mesure
que s'exerce la Destruction sur le champ illimité que lui
ouvre la Nature physique, le terreau fertile de l'espace
pousse à la lumière de nouvelles productions. Le Devenir
fermente intarissablement en lui. Réactionné parla mort,
il crée à nouveau la vie ; la pourriture le féconde, afin
qu'il engendre des êtres organisés.
Double mouvement, inverse et complémentaire, de la
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566 LA CLEF DE LA MAGIE NOIRE
dissolution et de la génération universelles. Cet emblème
symbolise la Mort et ses arcanes.
Gomme aux campagnes de Golchide, où Jason sema
les dents du dragon égorgé, voici surgir une moisson
d'hommes, armés pour le combat de la vie... Mais le
champ commence à lever seulement ; Ton en voit sortir
de toutes parts les jeunes pousses de chair humaine : ce
sont des mains et des pieds (1).
Hiéroglyphe révélateur d'un profond mystère, que
nous allons noter dès l'abord. Il a trait à l'inviolabilité de
l'initiative humaine, dont la Mort,destructive des individus
sur le plan physique, ne saurait paralyser ni même in-
terrompre la marche.
Intervertir les plans d'activité où cette initiative s'exerce,
voilà tout ce que peut faire la reine des épouvantemenls.
Car insoumis à sa loi, le Vouloir de l'homme ressemble
au mystérieux personnage dont Moïse a dit : Qui tentera
d'accabler Lantech, en multipliera soixante-dix-sept fois
les forces vives (2)... Ainsi la mort, loin de servir les
projets du despote qui voudrait faire d'elle un des instru-
ments de sa politique, favorise dans leur œuvre, au con-
(1) Par suite des altérations que des cartiers malhabiles ont fait
subir à certains tarots, on pourrait confondre la moisson humaine qui
germe du sol, avec les débris du carnage. Une erreur est très possible
au premier examen. Pourtant, à consulter la plupart des éditions usa-
gères, celle de Marseille entre autres, le pied gauche du squelette
écrase en passant la tète de femme ; la tôte d'homme couronnée, que
sa faux vient d'abattre, glt couchée sur la joue gauche.
Originairement, il n'est pas douteux que les mains et les pieds pous-
saient de terre, tandis que les tètes jonchaient le sol, tranchées par la
faux du Temps-squelette.
(2) Genèse, chB^ji. iv, f. 24.
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LA MORT ET SES ARCANES 567
traire, les hommes qu'elle a retranchés du monde visible.
Elle motive, sur le plan physique, la soudaine éclosion
des germes dont ceux-ci travaillaient à ensemencer les in-
telligences; et telle pensée, graine d'un futur lointain,
qui mûrissait lentement peut-être au cerveau d'un philo-
sophe, va pousser une moisson hâtive, sous la fécondante
rosée de tout son sang répandu.
Tu as beau, squelette faucheur, piétiner la. tête humaine
que tu viens d'abattre, et fouler avec elle le diadème de
j>ensée qui parait son front : du sol, abreuvé de pourpre
vivante, surgissent de toutes parts des mains qui vont
agir et des pieds qui vont marcher. La pensée s'incarne
et se fait action.
Voilà le verbe intime de cette allégorie.
Puisque, avant d'envisager la mort sous son aspect
universel (qui d'ailleurs s'explique de lui-même), un
détail pentaculaire nous a préalablement retenus, com-
plétons ce qu'il convient d'en dire.
La mort violente qui frappe le penseur ne détruit pas
la pensée ; mais la mûrit, la féconde et hâte sa réalisation
pratique. Reste à savoir d'où procède cette vertu auxi-
liatrice, dévolue au martyre. Elle découle d'une loi occulte
que Fabre d'Olivet a bien connue: cependant il n'y touche
que d'une sorte très indirecte, en quelques mots réticents.
Le prompt et total écroulement de l'immense édifice
bâti par Charlemagne lui en fournit le prétexte :
« Si Charlemagne (dit-il) avait intéressé la Providence à
son œuvre, son œuvre aurait persisté en raison même de l'ac-
tion providentielle qu'il y aurait évoquée. Voulez-vous savoir
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568 LA CLEF DE LA MAGIE NOIRE
comment? Je vais vous le dire et vous dévoiler ud grand mys-
tère ; faites-y attention. Son œuvre aurait persisté, para
qu'il aurait continué à la conduire (t). »
Eh bien, souffrir la mort pour ce qu*on croit le Juste
ou le Vrai, tel est le plus infaillible rite évocatoire de
l'action céleste ici-bas.
La prérogative que Gharlemagne eût acquise en faisant
pacte avec la Providence, devient le partage de celui qui
meurt pour une idée. Cette idée, scellée de son sang, vi-
vra désormais de sa vie, qu'il lui infuse en la perdant.
Jusque-là, simple abstraction, la doctrine qu'il défendait
s'amalgame avec son être transfiguré; il la sacre d'im-
mortalité ; il en devient l'ange tutélaire, mieux encore —
l'Esprit recteur (2).
Ainsi se légitime, devant la raison, cet instinct en
apparence déraisonnable, qui, chez les apôtres de toute
foi proscrite, se traduit souvent par la soif du martyre.
Ainsi, l'apparente absurdité se justifie en s'érigeant su-
blime.
Au demeurant, le faux sublime confine dangereusement
au vrai ; le voisinage même de l'absurde en fait le péril.
La pente est glissante de l'un à l'autre, et un exemple
s'impose ici, qui donnera fort à réfléchir !
Le vain espoir de perpétuer son effort de réalisation
n'a-t-il pas fait trébucher au piège du suicide l'un des
plus illustres maîtres de la Doctrine ésotérique ? Le fail
(1) Histoire philosophique du genre humain, tome II, page 90.
(2) Cf. cette tradition avec notre théorie des Êtres collectifs, au
chapitre lu : le rapprochement ne sera point stérile.
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LA MORT ET SES ARCANES 569
est peu connu. Puisse-t-il servir d'éternelle leçon aux
admirateurs de ce grand homtne, que d'incomparables
ouvrages désignent sans doute pour Timmortalité, mais
dont l'œuvre de restauration théocratique, celle-là préci-
sément qu'il se flattait d'éterniser par un sanglant sacri*-
fice, a été glacée dans son germe et peut-être stérilisée
jusqu'en son principe (1).
C'est que le théosophe en question (n'importe son nom
vénéré) a déplorablement confondu la mort volontaire
avec le suicide. La différence est un abîme que rien ne
saurait combler.
Jésus-Christ pouvait fuir, le soir du jardin des Olives;
mais il a voulu boire la coupe d'agonie et souffrir la mort
infâme, afin que tout verbe prophétique reçût son accom-
plissement. — Jeanne d'Arc triomphante pouvait et vou-
lut d'abord regagner Domrémy, une fois Charles VU sa-
cré à Reims : mais, sur les instances de son roi qui la
conjurait de rester pour la trahir lâchement ensuite, la
Pucelle fit le sacrifice de sa vie ; et pourtant sa mission
n'allait pas au delà du sacre, et ses Voix l'en avaient
prévenue (2). Dès lors, et de science certaine, elle se
(1) La palme du martyre est bien le sceptre d'une royauté posthume;
mais il faut des mains pures pour y toucher.
Un exemple d'actualité notable nous est offert par l'École des anar-
chistes militants. Leur « propagande par le fait» reste un crime, et de
quelque héroïsme que témoigne ensuite leur attitude en face du cou-
peret, vainement se flatteraient-ils d'immortaliser leur dogme subversif
en le sacrant sur l'échafaud. C'est qu'ils ont donné la mort, avant de
la recevoir.
Notre docte ami Papus a très bien expliqué comment Karma les
accable d'un fardeau qui doit paralyser leur action d'outre -tombe.
(2) A partir de ce jour, Jeanne d'Arc n'a plus été qu'un soldat héroï-
que. Son mandat céleste était périmé.
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570 LA CLEF DE LA MAGIE NOIRE
vit promise à la trahison et dévolue à l'échafaud !... Voilà
bien la mort volontaire, dans l'héroïsme de son sacrifice
d'avance et librement consommé, dans la souveraineté
de son irréfragable vertu posthume, dans Tapothéose
anticipée de sa victoire douloureusement conquise sur le
« dragon du seuil » ! — Aussi Christ ressuscité a-t-il
subjugué le monde ; aussi la grande ombre de Jeanne
d'Arc a-t-elle chassé de France Fennemi d'outremer.
Telle est la loi dispensatrice d'une royauté future, en
faveur de qui consent au libre holocauste de son exis-
tence ici-bas : tandis que l'homme qu'une aberration,
si généreuse soit-elle, voue au suicide proprement dit;
loin de se sacrer l'Intelligence rectrice d'un cycle à venir,
en s'associantla Providence pour partager ses préroga-
tives ; celui-là double son mauvais destin d'un pire des-
tin qui est son œuvre ; il appesantit son Karma d'un
nouveau bagage fatidique, au risque d'en être accablé.
Assurément une âme bien née n'a jamais connu ces
basses terreurs que la seule idée de la mort inspire aux
lâches. Il faut savoir faire bonne figure à la mort, immi-
nente ou seulement possible. Est-ce à dire qu'il soit no-
ble d'en professer le mépris ou de la braver étourdi-
ment ?
Sombre et solennelle énigme, qui se pose à Tissue de
cette autre énigme, — l'existence, — la mort apparaît
chose grave et sérieuse, qu'il messied d'aborder le sou-
rire aux lèvres. Mais se précipiter dans son gouffre,
comme Curtius, c'est une suprême témérité qu'il faudra
payer cher et longtemps.
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LA MORT ET SES ARCANE& : 571
Soit déserteur affolé des luttes d'ici-bas, — o.u théoso-
phe vieilli dans la contemplation des mystères et victime
d'un piège de Nahàsh, — ou jeune étourdi qu'une foi
instinctive en l'autre vie, jointe au dédain mortel de
celle-ci, entraîne à franchir d'un bond le gouffre qui les
sépare : la science occulte n'excusera ni ce désespéré en
quête d'un pire désespoir, ni cet algébriste fautif des
problèmes de l'Au-delà, ni cet enfant terrible de l'immor-
talité.
Mais fermons cette parenthèse. — Le théâtre de la Nature
nous convie à l'un de ses spectacles d'émotion certaine.
La forfanterie des bravaches ne détonne pas moins
que le rire des sceptiques, au grand drame de la mort
physique. Nous n'évoquerons du reste, pour mieux inti-
mider le public et doubler son épouvante, ni l'Enfer et
ses brasiers, ni le Diable et ses cornes : vieilles toiles de
fond aux bariolages grimaçants, aux criardes couleurs,
hors d'usage de longue date !
La nudité formidable de l'action sera d'effet plus in-
tense dans son cadre réaliste Mais le rideau se lève,
Qu'est-ce que la mort ?
C'est, dans tout être organisé, la rupture du lien sym-
pathique des vies. Le gouvernement centralisateur venant
à fléchir, l'anarchie se déclare parmi les atomes qu'il
tenait groupés.
C'est, au point de vue matériel, immédiat, la victoire
de l'individualisme moléculaire sur l'état d'unitarisme
collectif, auquel concouraient ces éléments jusqu'alors
associés. La dissociation commence.
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572 LA CLEF DE LA XAGIE NOIRE
Au point de vue de l'être qui est dit — mourir, — la
mort consiste en la libération de Pâme et du corps astral,
hors de Torganisme qui les retenait captifs : nous don-
nerons' plus bas une étude détaillée de cet exode.
Mais pour mieux saisir, dans Tensemble de ses opé-
rations, ce problème compliqué de la mort, il sera bon
de rappeler ici l'esquisse de cet infini Prêtée qui est la
vie, — et dont nos savants positivistes, indifférents à
l'essence, ne daignent enregistrer que les symptômes phy-
siques, comme ils n'en savent analyser que les résidus
matériels.
Évidente est l'impuissance de nos méthodes actuelles
k surprendre la nature de la vie (énergie omniprésente ou
omnilatente), et les lois qui président à ses manifestations.
Cette impuissance est avouée par l'un des plus doctes
penseurs contemporains, philosophe et chimiste d'une
égale distinction ; bien plus, l'un des très rares qui ont
su lever un coin du voile sacré d'Isis.
« Je cueille (dit Louis Ménard) une branche chargée de
feuilles, de fleurs, et de fruits ; j'en détache une graine et je la
pèse. Dans l'autre plateau de la balance, je mets le même poids
d'une autre partie de la plante : feuille, fleur ou tige. Voilà
deux masses égales de matière organisée ; elles sont formées
des mêmes éléments : carbone, hydrogène, oxygène et azote,
avec un peu de chaux et de silice. La proportion de ces éléments
est la même, et ils semblent groupés d'une manière identique.
Pourtant, si je mets en terre ces deux poids égaux de la même
substance, l'un vase résoudre, par une décomposition succes-
sive, en molécules plus simples: eau, acide carbonique, ammo-
niaque; l'autre, la graine, va tirer du sol ces mêmes produits :
eau, ammoniaque, acide carbonique, pour les grouper en
molécules complexes, malgré leurs afQnités, et les faire servir
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LA MORT ET SES ARCANES 573
à. la germination d'un végétal. Il y a là une énergie opposée
aux forces chimiques et insaisissable à tous nos moyens d'ana-
lyse ; c'est la Vie (1). »
Après avoir, à la faveur d'un contrôle expérimental si
simple et pourtant péremptoire, souligné TinsuilBsance
de nos méthodes scientifiques et touché du doigt les
lacunes de l'enseignement contemporain, Louis Ménard
pose cet aphorisme :
(I La vie n'est pas une résultante, c'est un principe. De ses
attributs, le plus caractéristique est sa faculté d'individua-
tion »... c L'individuation (poursuit-il bientôt) est une donnée
primordiale. I^a vie est un terme abstrait représentant le mode
d'activité de ces énergies particulières qui résident au sein
des germes. Elles seules sont réelles et observables, non en
elles-mêmes, mais dans leurs manifestations, objet immédiat
de lascience. Ce sont des centres d'action et de réaction, d'at*
traction et de répulsion (2), de véritables causes preipières ;
du moins sommes-nous obligés de les considérer comme
telles, puisque nous n'en connaissons pas la source et que
nous ne pouvons remonter au delà de leur apparition.
« Voulez-vous me permetlrede les appeler des âmes (3)?...»
(i) Rêveries d'un païen mystique, pdxLonis Ménard. Paris, Lemerre,
4886, in-12, pages 76-77.
(2) Cf. TÂvant-propos de la présente Clef de la Magie noire, pages
59-69.
(3) Rêveries d'un païen mystique, pages 77-78, passim.
Des éimes t Jamais, monsieur Ménard, les physiologistes du positi-
visme ne vous « permettront » pareille terminologie. Que dis-je ? Ils ne
vous la pardonneront jamais. — Des âmes î Où en avez- vous observé,
je vous prie? Sous l'objectif de quel microscope?... Comment! c'est
vous, savant imbu de nos méthodes modernes et ■ nourri de la moelle
des lions », c'est vous qui avez émis ce vocable malsonnant t Mais vous
seriez un renégat, si vous n'étiez un fantaisiste, un rêveur, un mys-
tique, un poète, et disons-le tout de suite : un artistk ! Voilà le mot
qui vous absout et vous condamne sans appel ; vous n'êtes pas sérieux.
N'en convenîez-vous pas de bonne grâce, quand vous intitul&tes vos
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574 LA CLEF DE LA MAGIE NOIKE
Considérer la vie en mode d'individuation physio-psy-
chique, et décerner à tout individu radical le nom d'âme,
c'est déjà voir très clairet aller fort loin. Mais ce n'est là
qu'un aspect de la vérité.
La vie ne se conçoit pas seulement individuqlle : — au-
dessus des individus de toute race terrestre, comnre de
toute hiérarchie céleste, elle apparaît collective, univer-
selle et une d'essence ; — de même qu'au-dessous,
mieux vaudrait dire au dedans des individus corporels,
cette vie s'affirme molécularisée (si on l'ose écrire) dans
une subdivision de multiples énergies, inhérentes aux
innombrables cellules constitutives des corps vivants ; —
enfin, lors de la décomposition des cellules mêmes, la
vie s'accuse encore en chaque atome de matière. Toute
affinité, chimique ou auli'e, suppose vie instinctive et tra-
duit une volonté obscure... La cristallisation est une des
formes sensibles de l'animation minérale, nous pourrions
dire exotériquement ; les cristaux sont des corps où s'em-
prisonnent les âmes minérales vivantes (1).
Voilà donc, dans un homme, par exemple, quatre vies
élucubrations : Rêveries d'un païen mystique^ — « Rêveries mysti-
ques», vous voilà jugé aux yeux de la Science positive et de la saine
philosophie : (vous qui aviez donné de si belles espérances, vous l'inven-
teur du coliodion )... À qui se fier désormais ?) — « Païen o I Fi donc!
Les catholiques scandalisés vont faire chorus avec les savants sans &me
et les philosophes sans Dieu, pour vous conspuer et vous maudire.
Ah ! Monsieur Ménard, si votre livre profond et fort n'était pas un
défi, (le gant jeté à tous les sectarismes par un chevalier de la Tradi-
tion), auriez -vous assez imprudemment choisi votre titre !...
(1) Seulement dans le règne minéral, \d.\o\d*indimduation ne s'exerce
qu'à titre exceptionnel et sous un mode à peine distinct. Dans le règne
végétal, elle se manifeste déjà beaucoup plus saisissable, sans devenir
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LA MORT ET SES ARCANES 575
ciistinctes : la vie universelle, d'abord: il s'y rattache par
la vie de l'espèce ; — sa vie propre, ensuite, celle qui
est inhérente à son être individuel (l) ; puis la vie par-
ticulière (réfractée) de chacune des cellules dont le grou-
pement organique a constitué son corps ; — enfin, au de-
gré inférieur, la vie chimique des atomes de matière, qui
se sont groupés eux-mêmes pour former la cellule.
On doit concevoir à cette heure pourquoi, cherchant
à définir la mort, nous avons formulé : la rupture du
lien sympathique des vies.
Ce lien, c'est le corps astral, enveloppe de l'àme hu-
maine.
Comment s'effectue le définitif exode de l'un et de l'au-
tre (âme et corps subtil) hors de la terre de captivité,
nous voulons dire de l'organisme physique, — on le verra
sous peu de pages.
Nous supposons la mort consommée.
L'âme (avec sa triple vie d'analyse : instinctive, pas^
sionnelle, mentale, et sa vie unifiante de synthèse, voli-
tive, qui ramène le ternaire à l'unité absolue, parle qua-
ternaire, cette unité contingente), — l'âme est partie,
l'âme est ailleurs.
Le corps astral, ce frein agrégatif du triple et qua-
encore la règle absolue; il en est de mémo pour les plus infimes es-
pèces du règne animal. Mais dans les races supérieures de l'animalité
comme dans le règne hominal, chaque exemplaire d'une espèce constitue
un être individuel bien à part, une personnalité parfaitement tranchée.
(1) Cette vie individuelle, ou vie de Vdme, est elle-même quaternaire :
les trois vies intellectuelle, passionnelle et sensitive trouvent leur syn-
thèse dans la vie volitire, qui constitue leur unité tonalisante (voy.
Fabre d'Olivet).
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?
576 LA CLEF DE LA MAGIE NOIRB
druple dynamisme vital, en ses rapports avec l'orga-
nisme matériel, ou agglomérat de cellules vivant chacune
d'une étincelle de vie par réflexion, — le corps astral
est exhalé, il est ailleurs.
Reste le corps physique. Les cellules qui le constituent
sont autant de petites bouteilles de Leyde, ayant emma-
gasiné du fluide biologique réfléchi. Lesdites cellules ne
sont chargées que par influence, comme on dit en élec-
tricité statique (1).
Les systèmes cérébro-spinal et nerveux ganglionnaire,
où se localisait physiologiquement la forme astrale à cette
heure disparue, sont donc vidés de leur fluide lumineux
circulatoire. Ces appareils sont morts comme appareils ;
la seule vitalité moléculaire y réside encore, au même litre
provisoire qu'en toutes autres parties du récent cadavre (2).
(1) S'il s'agissait d'un courant, comme en électricité dynamique, on
serait tenté d'écrire que la vitalité cellulaire s'engendre par tn^uc/t on.
Mais l'image, plus frappante à un point de vue, serait moins exacte à
l'autre, puisque c'est en vérité le courant qui fait défaut pour centraliser
toutes ces énergies éparses.
De môme, si, détournant la vue des analogies que nous offre Télec-
tricité, nous en cherchons d'autres dans les lois qui régissent la lumière,
nous n'arrivons, non plus, qu'à des à peu prés : nous avons recours
alors, selon le point de vue, aux épithètes de réfléchi ou de réfracté,
pour définir le fluide nourricier des cellules.
(2) Cette vitalité des cellules, réfléchie et passive, forme, par addi-
tion de ses atomes subtils juxtaposés, une phosphorescence occulte,
inséparable du corps physique vivant, — et parfaitement disUncte du
corps astral qui peut, à rencontre, sous certaines conditions, sortir
do son enveloppe matérielle. Qu'on prenne garde à ce contraste. Ainsi,
la vitalité cellulaire, statique et passive, ne s 'abmatérialise jamais, l'exis-
tence durant ; tandis que la forme astrale, cette synthèse de la force
nerveuse active (ou vie dynamique du corps) est sujette à s'abmatéria-
liser.
La première est Jiva des hindous, inhérente à Rupa (le corps maté-
riel) ; — la seconde est Linga Sharira.
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LA MORT ET SES ARCANES 577
Celle-ci s'épuise rapidement, comme toute provision
n'est plus renouvelée, et la décomposition se déclare par-
tout, avec une intensité inégale...
Il s'en faut bien, que les affinités chimiques soient les
seuls artisans de cette ruine corporelle. De hideuses Lar-
ges y viennent collaborer, que les kabbalistes connais-
sent et désignent sous le nom de Masikîm. Sitôt la mort,
dit Isaac de Loria, ces monstres se disputent le cada-
vre : ils s'abattent sur lui par trombes et s'amoncellent
souvent au lieu où il repose, « jusqu'à une hauteur de
quinze aunes par- dessus lui. » Quoi qu'il en soit de cette
image... romantique, les Masikim sont des ferments spé-
ciaux de putréfaction ; ils viennent hâter la restitution
qui doit être faite à l'orbe planétaire, de tous les maté-
riaux que l'invisible architecte lui avait empruntés, pour
son œuvre d'édification corporelle.
Les Masikim sont les vers, les corbeaux et les hyènes
de rinvisible... Les cellules organiques sont leur proie :
en les désagrégeant, ils mettent en liberté la force fluidi-
que passive qu'elles retenaient encore, et qui bientôt
conflue au réservoir occulte de la vitalité terrestre.
Il semble qu'en certaines variétés de cellules, le fluide
soit accumulé à plus haute tension qu'en d*autres ; du
moins la vitalité, s'y conservant un temps beaucoup plus
long, manifeste-t-elle encore, bien après le départ du
corps astral, l'impulsion qu'elle a reçue de lui. Exemple :
les ongles et les poils, si résistants à la destruction, qu'il
n'est pas rare de les voir continuer à croître : ce qui
veut dire que, loin de se dissoudre, leurs cellules sécrè-
tent encore de la matière cornée.
37
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578 LA Gl.EF DE LA MAGIC KOIRE
Mais enfin, comme nous Tavons expliqué plus haut.
rinfluence accablante d'Hereb, (le principe constrictif du
Temps) fait partout triompher le jeu chimique des aflB-
nités d*atomes, lequel tend à dissoudre, plus ou ntioins
rapidement, toutes les constructions dont la Vie avait
été Tarchitecte.
Il ne parait point mal à propos de rappeler ici, en les
complétant, les notions que nous avons émises sur la
nature et le rôle de cet âpre et mystérieux ftereb, dans
ses rapports avec lônah, sa douce ennemie. Ces deux
Puissances exercent une décisive action dans ce monde
hyperphysique, où nous allons bientôt suivre Todyssée
des éléments qui survivent au corps.
La terrestre épreuve durant, l'être humain se trouve à
l'abri des flux et reflux de la substance universelle vi-
vante, dont les ondes incoercibles bouillonnent à travers
l'immensité. Le corps physique, — pareil au scaphandre
de nos plongeurs, — garantit l'homme des atteintes de
cet océan collectif, âme mouvante du vivant cosmos (1),
et tumultueux réservoir des êtres de toute espèce, pen-
dant l'intervalle de leurs successives existences (2).
(1) Nous entendons —son âme inférieure et instinctive.
(2) Est-ce & dire que, d'une incarnation matérielle à une autre, les
âmes soient sans trêve emportées à la dérive de ces ondes ignées et
torrentielles ? Non, sans doute. Il est des astres éthérés (dont plusieurs
invisibles aux meilleurs télescopes), astres qui constituent, pour chaque
planète de l'existence opaque, l'antithèse lumineuse, que Platon nomme
quelque part (Phédon) VAntichtone ou la terre spirituelle. C'est le séjour
de la vie agatho-fluidique, où les âmes victorieuses delà seconde mort
attendent, revêtues d'un corps subtil, l'épreuve d'une future réincar-
nation sur une. planète plus dense. Car la plupart des Psychés ne sont
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LA MORT ET SES ARCANES 579
Or, cette immensité psycho-fluidique est mue sans trêve^
comme nos Lecteurs l'ont vu déjà, par deux agents oc-
cultes, recteurs de ses courants ; une force astringente
(pr\y Ùereb) et une force expansive (HJV lônah)\ la pre-
mière constrictîve au long de la chaîne des Temps;
l'autre, abondant à travers les plaines de l'Espace.
On sait que l'une (lônah) gouverne l'amour, la géné-
ration et la vie : c'est le sourire de la Nature et l'atmo-
sphère du paradis ; — l'autre (Hereb) pèse en despote
sur les êtres qu'il afflige, sous les espèces lugubrement
insaisissables de la décrépitude, de la mort, et de la se-
conde mort; ajoutons, au point de vue mystique, sous
celles de Tépreuve, du purgatoire et de l'enfer.
Nous avons fait entendre au premier chapitre, en dé-
voilant l'action respective de ces deux forces nuptiale-
ment hostiles (1), qu'une telle affinité relie l'amoureuse
lônah à l'élément lumineux, et le dévorant Hereb aux
ténèbres, que partout oii la lumière domine, lônah
pas assez pures pour gagner tout droit le soleil, ce bienheureux séjour
des âmes gloriQées, définitivement sauves du reflux des générations.
Les citoyens de l'Antichtone ne sont point assurément rivés à leur
astre par l'attraction physique : ils peuvent s*élancer dans la lumière
astrale, au secours des agonisants de la seconde mort, ainsi qu'on l'in-
diquera plus loin. Mais pour qu'ils séjournent à demeure dans l'atmo-
sphère fluidique de notre terre, il faut que, morts ou mourants à la vie
antichtonique, eux-mêmes soient en instance de terrestre .incarna-
tion.
Voilà pourquoi nous avons écrit ci-dessus : ■ pendant l'intervalle de
leurs successives existences », et non « de leurs successives incarna-
tions ».
(i) Dans l'univers physique, I6nah se manifeste en déployant la
force centrifuge ; — Hereb^ en lui opposant la force centripète : d'où
la gravitation des astres et toute l'économie de l'Équilibre universel.
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S80 LA CLEF DE LA MAGIE NOIRE
remporte la victoire, tandis qu'Èereb triomphe où règne
robscurité (1).
Par rapport à nous, citoyens du monde terrestre, lônah
exerce sa fécondité dans les rayons solaires qui viennent
inonder Tun des flancs de la planète, tandis que Vsuxtn'
flanc est en proie à THereb, dont Tâpreté se localise dans
le cône d'ombre que la terre traîne à sa remorque, en
gravitant par les cieux.
Quelle tempête astrale, avec ses courants et ses tour-
billons, s'engendre du formidable antagonisme entre
Ùereb et lônah, c'est ce que les initiés savent par expé-
rience; mais chacun peut y suppléer par Tinduction
analogique. Les plus violents remous d'un liquide en
proie à deux impulsions contraires en offrent un peu
l'image.
On se figure aisément l'impression de vertige et d'eflfroi
(1) La force léthifère (Hereb) est aussi évidemment inhérente aux
ténèbres nocturnes, que la force vivifiante (lônah) est liée au rayonne-
ment du jour. Les intuitifs ne sauraient s'y méprendre.
Le comte Joseph de Maistre semble l'avoir pressenti avec une mer-
veilleuse sagacité : • L'air de la nuit (dit-il), ne vaut rien pour l'homme
matériel ; les animaux nous l'apprennent en s'abritant tous pour dor-
mir. Nos maladies nous l'apprennent en sévissant toutes pendant la
nuit. Pourquoi envoyez-vous le matin^ chez votre ami malade, demander
comment il a passé la nuit, plutôt que vous n'envoyez demander le
soir comment il a passé la Journée? Il faut bien que la nuit ait quelque
chose de mauvais. » (Les soirées de Saint-Pétersbourg, Paris, 1821, 2
vol. in-8,t. Il, page 82).
Le missionnaire Hue nous détaille les cérémonies bizarres auzqueUes
se livrent les Chinois, dans l'espoir de sauver un moribond : elles se
célèbrent le plus souvent de nuit, car c'est un précepte de doctrine que
« l'âme est dans Tusage de profiter des ténèbres pour s'en aller. • (Cf.
UEmpire Chinois, par M. Hue, Paris, 1857, 2 vol. in-12. — Tome II.
page 243).
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LA MORT ET SES ARCANES 581
dont l'àme est poignée, lorsque, déjà tout étourdie de
son cruel divorce avec la matière dont elle a brisé les en-
traves, cette âme veut prendre son essor. Terrifiée, au seul
pressentiment du goufire vorace et de ses hôtes mons-
trueux, elle bat en retraite ; son premier mouvement est
de réintégrer l'abri protecteur qu'elle abandonnait comme
un logis en ruines, et qui lui apparaît à cette heure le
plus désirable des refuges.
Lorsqu'en des conjonctures assez rares, Tàme parvient
à reprendre empire sur l'organisme, le mort ressuscite :
alors les savants, qu'intimide ce mot de résurrection,
préfèrent balbutier ceux de léthargie trompeuse, et de
réveil inespéré.
Mais presque toujours, soit que l'organisme, lésé à titre
pathologique ou traumatique, se- trouve désormais im-
propre à soutenir l'existence; soit que la force psychique,
épuisée durant l'agonie, fasse défaut à la volonté pour
ressaisir le gouvernement du corps, (où naguère tant de
ressorts cachés obéissaient à la moindre injonction voli-
tive) ; — l'âme, dans ces deux cas, s'épuise en efforts in-
fructueux pour reprendre possession de l'épave qu'elle
vient de quitter.
11 n'y a point de remède au mal, dans la première hy-
pothèse. La lésion de quelque organe essentiel équivaut
à la fêlure entamant une carafe de cristal : la liqueur
subtile de la vie n'y peut plus être conservée. Mais dans
l'autre cas, s'il ne s'agit que de suppléer à l'extrême dé-
bilitation dynamique, l'œuvre du rappel à l'existence peut
être tentée par un thaumaturge. La réussite, encore que
très rare, n'est point sans exemples bien avérés.
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582 LA CLEF DE LA MAGIE NOIRE
Les grands théocrates fondateurs de religions oui
communément accompli ce prodige, le plus merveilleux
de tous peut-être, car il requiert chez son auteur des
qualités presque contradictoires : autant d'enthousiasme
que de sang-froid, et d*amour que de volonté.
La Bible, TÉvangile, les Actes des Apôtres, les Vies de
saints spécifient un assez grand nombre de cas de résur-
rection: récits d'événements, à coup sûr, et non point
allégories. C'est Élie et le fils d'une veuve de Sarepta,
Elisée et le fils de la Sunamite, Jésus-Christ et Lazare
et la fille de Jaïr, Saint Pierre et Dorcas, Saint Paul et
Eutychès, — pour ne pas sortir des livres canoniques
du Christianisme.
En aucun des cas plus récents que nous pourrions in-
voquer, l'organisme du sujet, irréparablement atteint
dans ses œuvres vives, n'opposait au thaumaturge un veto
péremptoire : la mort était venue par congestion, syn-
cope, asphyxie, ou par le contre-coup d'un exceptionnel
ébranlement des nerfs.
On cite encore, au faubourg Saint-Antoine, l'exemple
d'un sieur Candy, rappelé à la vie, en 1799, parun raa-
réchal-ferrant du quartier, disciple de la philosophie
hermétique, et aux mains de qui la médecine universelle
passait pour faire miracle. Il avait nom Leriche, et géné-
reux autant que serviable, se faisait bénir des petites gens.
Appelé au chevet de Candy, que les médecins tenaient
pour trépassé depuis six grandes heures, il crut perce-
voir un semblant de chaleur vers le diaphragme du cada-
vre, partout ailleurs de glace. Leriche en tira un favora-
ble augure et risqua l'épreuve. Médecine universelle à
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LA MORT ET SES ARCANES 583
part (la sienne était sujette à caution), les moyens qu'il
mit en œuvre font penser à ceux qu'emploient les hin-
dous pour réveiller leurs fakirs, après plusieurs semaines,
souvent plusieurs mois d'inhumation (1). Cependant, la
maîtresse du défunt pleurait près de sa dépouille ; elle
parlait à l'âme fugitive, l'évoquait en quelque sorte, par
ses caresses jointes aux plus tendres supplications.....
En peu d'heures, le « malade » fut sauvé, — et pour
longtemps, car.« en 1845, (dit Éliphas), il vivait encore,
et demeurait place du Chevalier-du-Guet, n° 6. Il racon-
tait sa résurrection à qui voulait l'entendre, et prêtait à
rire aux médecins et aux prud'hommes du quartier. Le
bonhomme s'en consolait à la manière de Galilée et leur
répondait : oh ! riez tant qu'il vous plaira. Tout ce que je
sais, c'est que le médecin des morts était venu, que l'in-
humation était permise, que dix-huit heures plus tard on
m'enterrait, et que me voici (2). »
La double condition à quoi satisfaire (3), en pareille
occurrence, c'est : — 1* de mettre à la disposition de
l'âme en allée la force nerveuse dont elle a besoin pour
ressaisir les guides de la vie corporelle ; — 2° de secou-
rir sa volonté chancelante, en l'enveloppant dans un cer-
cle de désir et d'amour, ou en tendant vers elle une
(1) Cf. le Serpent de la Genèse, l, le Temple de Satan , pages 226-
229.
(2) La Clef des grands Mystères, p. 305.
(3) Noas ne disons mot des soins matériels trop évidents, tels que
ceux de réchauffer le corps, de pratiquer, s'il se peut, la respiration
artificielle, etc.. L'œuvre n'est point, a proprement parler, dans l'usage
de pareils adjuvants : ils sont pourtant si nécessaires, que le fait de les
négliger perdrait tout.
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584 LA CLEF DE LA MAGIE NOIRE
chaîne de volontés amies (telle, la corde de sauvetage
où se cramponne un malheureux qui se noie).
II va de soi que la chaîne magique satisfait tout en-
semble à ces deux desiderata, comme pile génératrice de
fluides vivifiants, d'une part ; et de l'autre, comme appa-
reil dynamisateur des vouloirs unifiés vers un but à
atteindre. La collaboration d'un bon médium, généreu-
sement résigné au sacrifice d'une portion de sa force ner-
veuse, pourrait être d'un secours décisif.
Si le thaumaturge est seul, il recourra au procédé d'in-
cubation magnétique, tel que Saint Paul le mit en œuvre
avec succès pour ressusciter Eutychès. Étendu corps à
corps auprès du cadavre, les extrémités en contact avec
les siennes, l'adepte pratiquera lentement l'insufflation,
bouche à bouche, avec une extrême tension de vo-
lonté.
La prière, jointe aux signes, — mieux encore, aux sa-
crements de la religion commune au défunt et au psy-
churge, — serait une aide inappréciable, en ces suprê-
mes tentatives. Nul ne s'en étonnera, qui aura pénétré la
doctrine des hiéroglyphes d'appui, et celle de la chaîne
magique, reliant à la communion intégrale de ses core-
ligionnaires, quiconque fait usage des signes sacramen-
tels d'un culte en vigueur.
Nous ne saurions nous défendre de transcrire à cette
page le simple récit d'une résurrection que nous n'avons
garde de suspecter; elle date d'une trentaine d'années au
plus. Voici en quels termes le magiste Éliphas, au IX*
cahier de sdi Correspondance intime avec son élève, M. le
baron Spédalieri, raconte comment il lui fut donné de
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LA MORT ET SES ARCANES 585
r^appeler à la vie son propre enfant, une petite fille, hélas,
morte depuis.
« L'enfant (écrit-il) était froide ; le cœur ni le pouls ne bat-
taient plus J'emporte le pauvre corps sur un lit ; j'ouvre
mes vêlements, je la place sur ma poitrine ; je lui souffle à la
fois dans la bouche et dans tes narines : je sens qu'elle com-
mence à se dégourdir. Alors, je prends un peu d'eau tiède, et
je m'écrie, en la lui versant doucement sur le front : Maria !
Si quid est in baptismate catholico resurrectianis et vitœ,
vive christiana : ego enim te haptizo, in nomine f Patrie et
-[- Filii et f Spintûs sancti. Amen ! Mon ami, je ne vous ra-
conte pas ici des rêves. L'enfant ouvrit immédiatement ses
grands yeuxbleus étoiinés et se mit à sourire. Je me levai pré-
cipitamment avec un grand cri de joie, et je la portai dans les
bras de sa mère, qui ne pouvait en croire ses yeux Re-
marquez bien que je ne crois pas au miracle, tel que le com-
prend le vulgaire; mais il ya pou rtant bien quelque chose.dans
de pareils faits, qui passe l'intelligence de l'homme (1)... 9
Toutes les grandes religions ont eu des rites relatirs
au résurrectionnisme ; mais ces rites ne purent être ja-
mais que d'exception, vu l'extrême rareté des cas où cette
œuvre thaumaturgique semble offrir quelques chances de
succès.
Il fut de tradition sacerdotale, à toute époque, de ne
tenter qu'à peu près à coup sûr le miracle, ou ce qui doit
passer pour tel (2). Le pontife agit au nom de Dieu : il
(1) Correspondance d'Éliphas Léviavec M. le baron Spédalieri. Mss.
inédit, IX' cahier, page 2Z,passim.
(2) Qu'on n'objecte pas les grands pèlerinages, les miracles de
Lourdes et de la Salette. ^ Là, c'est la foule des fidèles qui va implo-
rer la Sainte Vierge ; et non le prêtre qui commande au miracle et
rannonce d'avance au nom du Ciel. A Lourdes et dans les sanctuaires
analogues, le rôle du prêtre se borne à dire : « Pria, ayez la foi; faites
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586 LA CLEF DE LA MAGIE NOIRE
n'a pas le droit de se tromper, et répugnera toujours à
risquer un échec. Aussi ne tentera-t-il, — du moins offi-
ciellement et en public, — une œuvre à ce point aléa*
toire, s'il n'y va d'un intérêt majeur pour son Église. En-
core prendra-t-il soin de subordonner les rites solennels
du résurrectionnisme à ceux d'une cérémonie occulte
préalable, qui lui accordéon lui refuse l'indice d'une heu-
reuse issue.
Si l'on nous demandait où nous puisons la substance
d'informations aussi précises,nous dirions, sans nous ex-
pliquer davantage, que c'est à la réserve ésotérique, —
source toujours une et invariable des multiples symbo-
lismes et des cultes contradictoires d'aspect qui se sont
succédés sur la terre.
Il n'est point d'autorité légitimement initiatique dont
nous ayons à craindre un démenti. Les enseignants qui
pourraient nous contredire ont perdu la clef de leurs pro-
pres mystères. Quant à ceux qui savent, le seul reproche
qu'ils seraient tentés de nous faire, d'aventure, c'est de
nous être montré trop explicite. Mais ils n'ignorent point,
ceux-là, que nul engagement ne nous lie, et que, pour-
jaillir de vos cœars vers la Bienheureuse Vierge un suprême élan de
confiance et d'amour! Peut-être serez- vous exaucés, comme beaucoup
l'ont été déjà». Elles miracles, assez fréquents, sont toujours en rai-
son directe des influx collectifs d'enthousiasme et de résignation mys-
tique à la Volonté d'En haut.
Quant aux miracles, et particulièrement aux résurrections, opérés
par de saints personnages, dans une irrésistible jaculation de charité
et de foi, nous n'avons garde d'y contredire. Exemple : Saint François
Xavier aux Indes. Ce sont là œuvres spontanées et individueUes, nul-
lement sacerdotales et ritualisées ; le secret en reste entre Dieu même
et l'instrument humain qu'il a choisi.
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LA MORT ET SES ARCANES 587
nt, nous sommes des leurs, dévoués à la mêmeœuvre,
tendant au même Ciel!...
Le vêtement de la Vérité change, mais la déesse de-
eure, et son esprit rayonne, immuable éternellement,
)us les variations temporelles delà lettre.
Cest s^u culte catholique lui-même que nous allons de-
lander un exemple confirmatif des allégations que notre
^ublic a prises peut-être pour paradoxales.
Le rite que nous mettrons en lumière nous fournira
'occasion d'exposer à mesure les mystères posthumes
mxquels il a trait, et dont nous réservions le détail pour
les pages qui vont suivre.
On lit dans Y Histoire des Chapelles papales :
« A peine le papi a-t-il cessé de vivre, que le cardinal
camerlingue, prévenu par le maître des cérémonies, se
rend, EN HABIT VIOLET, dans le palais et au pied du lit
où repose Fanguste défunt, le visage couvert d*un voile
blanc. Le cardinal fait la génuflexion et une courte
prière; il se relève, et les adjuvants de chambre décou-
vrent la figure du pape; puis, s*approchant du corps, IL
FRAPPE TROIS FOIS SUR LA TÊTE DU PONTIFE AVEC
UN PETIT MARTEAU D'ARGENT, et L'APPELLE TROIS
FOIS PAR SON NOM. Il se tourne ensuite vers les assis-
Unts, et dit : LE PAPE EST RÉELLEMENT MORT (1). »
Qu'est-ce, en vérité, que cette bizarre cérémonie?...
Quelles gorges chaudes pour les incrédules ! Jamais rite
plus singulier et moins justifiable a-t-il enrichi l'histoire
des pratiques superstitieuses ?
(1) Histoire des chapelles papales, page 477.
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588 LA CLEF DE LA MAGIE NOIRE
C'est une superstition, en effet, c'est-à-dire une forn.
religieuse qui se survit à elle-même, et comme un résid '
de la science sacerdotale épuisée ; c'est un symbole éteint
veuf de la flamme vivante qui fut son âme ; c'est la de-'
pouille enfin d'une thaumaturgie, d'efficace vertu sar- .
doute aux âges de science et de foi, mais qui s'est pétri-
fiée dans la matérialisation générale des dogmes^ dan*
l'incurie des enseignants et l'indifférence des fidèles.
Ah! la plaine des ossements, dans la prophétie d'Ezt^-
chiel ! Dogmes et rites, cadavres épars d'une religion qui
fut universelle (i),ils gisent, enlisés dans la lettre mortf
comme des squelettes dans le sable du désert ; Vàme
vivante s'en est allée, et l'esprit vivificateur n'est plus là.
— Mais vienne à souffler cet esprit qui souffle avec les
quatre vents du ciel, et les os se rapprocheront, soudain
revêtus de muscles et de chair ; et les ressuscites surgi-
ront à l'appel d'en haut, glorifiant le Seigneur, et ver-
meils de tous les fluides de leur vie renouvelée !
0 vieux rites, ô défunts symboles, ainsi votre âme vous
sera rendue, quand le Christianisme, retrempé aux flots
(1) Toute religion envisagée comme culte est, k strictement parler,
l'adaptation de la Vérité éternelle à une époque, à une race, àun pa^-s;
c'est son incarnation dans une forme mystique plus ou moins adéquate,
générée sur tel point d'intersection du Temps et de TEspace : donc re-
lative et transitoire, au même titre que toutes choses astreintes à ces
deux conditions de l'existence manifestée. Ainsi, toute religion se
conçoit forcément particulière» à Tégard de ses symboles, car ils va-
rient de Tune à l'autre; mais elle peut se concevoir universeiie, à
l'égard de l'immuable Esprit que ces symboles traduisent. Tant que la
lumière intérieure s'irradie à travers les emblèmes du culte, et que
l'immortel Ésotérisme, cette âme des religions, en vivifie les formes
extérieures, on peut parler de religion universelle : c'est le vrai sens
du mot catholique.
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LA MORT ET SES ARCANES 589
le sa source, en sortira transfiguré ; quand réternelle
*eligion qu'il manifeste, émettant le soufïle réparateur de
jon ésotérisme intime, ressuscitera la lettre morte au bai-
ser de l'immortel esprit.
Ce miracle, que nos cœurs unanimes attendent en bat-
tant d'espoir, peut-être n'appartient-il qu'au Souverain
Pontife de l'accomplir, quand l'heure de la Providence
aura sonné au cadran. Le cycle de PierrCy étant révolu,
marquera Tavénement du cycle de Jean ; l'ère du Christ
douloureux sera close alors, et Ton verra poindre à l'ho-
rizon l'aube du Saint Paraclet, inaugurant le règne du
Christ glorieux,... sur la terre comme au Ciel... Amen !
Hâtez ces temps bénis, Très-Saint- Père. En vos mains
sont les deux clefs qui, suivant une tradition vénérable
par son âge, commandent les portes du Ciel et de l'En-
fer. D'équivoques et redoutables paroles en soulignent
l'emblème : « Il ouvre, et nul ne fermera plus ; il ferme,
et personne ne pourra plus ouvrir. Aperit et nemo clau^
del^ claudit et nemo aperiethy Si vous avez tout pouvoir
au spirituel, vous avez aussi toute responsabilité, étant
Celui qui lie et qui dénoue !
Hâtez ces temps, Très-Saint-Père. La Providence n'est
présente que là même où on l'évoque. C'est Elle qui vous
inspirera d'ouvrir l'ère nouvelle, où la Science et la Foi
réconciliées marcheront de pair, appuyées Tune sur l'au-
tre ; mais pour que la Providence vous éclaire, il faut
que vous sachiez la rendre présente à vos conseils...
Hâtez ces temps bénis !
Dans celte attente de l'avénemênt du Paraclet, qui est
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590 LA CLEF DE LA MAGIE NOIRE
précisément cet Esprit dont parle le Prophète, s'il n e^ ■
point donné à la science laïque de ressusciter les mori^
elle peut du moins galvaniser les cadavres.
C'est Texpérience que nous allons tenter, en éleclr.-
sant ce vieux rite au courantderÉsotérismetraditionne!
Le rite du marteau d'argent et du triple appel consL-
tue une cérémonie magique au premier chef. — Ce n'es:
pas qu'il semblât dilHcile de signaler à toutes pagres de>
rituels catholiques d'autres cérémonies aussi notoirement
occultes ; mais enfin, si nous relevons celle-là de préfé-
rence, nous avons en vue la singulière portée de son
esprit, non moins que Tà-propos des commentaires que
va requérir son élucidation.
Pour justifier en effet l'emploi du marteau d'argent, il
faut dépouiller de leurs voiles deux mystères très profonds ;
l'un plutôt kabbalistique : la possibilité, dans certains cas,
de rappeler à la vie un cadavre, ou du moins ce qu'on
est convenu de nommer ainsi ; — l'autre plutôt religieux,
car les Docteurs du Catholicisme l'enseignent sous le sym-
bole du jugement des imes par Jésus-Christ, à Tinstant
de la mort. Telle est d'ailleurs la connexité de ces deux
arcanes, qu'on serait fort empêché d'éclaircir entièrement
le premier, sans avoir fait un coup de jour sur Tautre.
Nous avons exposé, en quelques traits rapides, ce
qu'est, au sentiment des adeptes, la Mortconçue synthé-
tiquement, dans l'ensemble de ses éléments constitutifs.
Il importe à présent d'indiquer comment s'accomplit le
phénomène de l'abmatérialisalion posthume (ou libéra-
lion de la Psyché) : en d'autres termes, le divorce entre
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LA MORT ET SES ARCANES 591
bomme psychique qui survit, et Thomme matériel qui,
leurt et se décompose, — phénomène qui coïncide avec
arrêt des fonctions vitales.
Nous disons improprement que ces deux phénomènes
oï7icident : c'est affaire de prendre un moyen-terme. Car
antôt l'exode animique précède immédiatement l'arrêt
les principaux organes, tantôt — et le plus souvent —
3et arrêt précède et détermine l'exode.
En effet, imaginons d'une part un médium cataleptisé
en séance de matérialisation, ou un occultiste en phase
de dédoublement (sortie du corps astral) : une impru-
dence a été commise ; le lien sympathique venant à se
rompre, occasionne la mort (1). D'autre part, supposons
un soldat frappé d'une balle au cœur. — Dans la première
hypothèse, l'exode provoque ou du moins précède l'arrêt
fonctionnel ; dans l'autre cas, c'est l'arrêt fonctionnel qui
détermine l'exode.
Encore faut-il se garer, en matière aussi délicate, de
termes trop absolus ou trop prompts à peindre laconsom-
nnation de phénomènes lentement déployés et d'un accom-
plissement progressif.
Force nous est de rappeler ici ce que nul n'ignore,
peut-être. Un corps est là, livide, en train de se glacer :
les poumons ne respirent plus, le cœur a cessé de battre;
(1) Éliphas Lévi noas cite un cas de mort soudaine, attribuable à la
même cause que l'exemple choisi par nous. L'exode fluidique y estévl-
demment antérieur & l'arrêt des fonctions vitales.^Quoi qu'il en soit, ce
premier ternie de l'alternative est beaucoup plus rare que l'autre. (Voy.
ia Clef des Grands Mystères, pages 137-138),
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592 LA CLEF DE LA MAGIE NOIRE
pour tous, c'est un cadavre, c'est-à-dire la dépouille d'un
homme qui est mort... Cependant, le foie secrète tou-
jours de la bile; la moindre excitation électrique se tra-
duit par une vive contraction des muscles. Bref, certai-
nes fonctions organiques s'exercent encore.
L'on errerait, à définir la mort une cessation instantanée
et décisive de toutes les fonctions corporelles. Nous ver-
rons tout à l'heure qu'il n'est pas plus juste de soutenir
rimmédiatité de l'exode animique et astral.
C'est même sur la lenteur concomitante et la progres-
sion réciproque des deux phénomènes, qu'est fondée
toute la théorie du résurrectionnisme, telle que jadis on
la transmettait oralement dans les temples aux initiés
d'un grade supérieur.
Le programme du présent chapitre comporte l'esquisse,
en ses traits essentiels, de cette théorie Ihaumalurgique,
— elle-même indissolublement liée à l'arcane mystique
du premier jugement des âmes par le Christ; traduisons :
à la loi providentielle de justice et d'équilibre, qui fixe le
destin et la localisation posthume des divers éléments,
naguère constitutifs de l'homme individuel.
Ces éléments, quels sont-ils ? Nous le savons déjà. La
sainte Kabbale en compte quatre principaux : «^W Goûph^
le corps ; MfSii Nephesh, le Corps astral ; — TVn Romeh,
râmeetnau^J Neschamahy l'esprit (1).
(1) Les hindoas nomment le corps Ritpa ou Sthuîa^Sharira; le corp?
astral, Linga-Sharira; l'âmè humaine, Manas, et l'Esprit pur, Aima.
Par des subdivisions, — d'ailleurs analytiques et facultatives, d'aucuns
diraient arbitraires, — les adeptes de la thèosophie boudhiste obtien-
nent une constitution septénaire de l'homme, au sujet de laquelle on
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LA MORT ET SES ARCANES
593
Li'àme seule, selon les enseignements de Tradition
►i^lhodoxe, Vâme seule (l) nous appartient en propre :
^lle constitue notre substance individuelle.
peut lire dans le Lo/ux des débats interminables, diffus et médiocrement
concluants : unanimes sur le principe d'une classification septénaire,
les diverses écoles ésotériques de la péninsule ne peuvent tomber en-
tièrement d'accord sur le détail des sept éléments, leur ordre hiérar-
ohàique, ni leurs fonctions respectives.
En fait de classiûcation analytique^ la Kabbale nous propose, abs-
traction faite du corps physique,une subdivision des trois principes su-
périeurs en neuf éléments, nomenclature qui semble avoir la logique
pour elle.
Cependant nous pourrions, d'accord avec M. Sinnett, et sans contre-
dire la Kabbale ni Pabre d'Olivet, établir une classification plausible
en quatre entités et sept éléments, comme suit :
natr:
mi
tps:
T^
L'ESPRIT PUR
I Vâniê intelligente et spiri-
ëg. l tuelle -
S J S ]cdme p<u»ionnelle, logique
^ "S ^ \ et eompréhemive
^•r** ii^àme instinctive et tm-
— "§ I pultioe
LE CORPS ASTRAL
phosphoreteent (la viU-
lilé)
LECORPS(
matériel ( la chair et
les ou)
7
6
5
4
3
2
1
ATMA.
BLODHI.
MANAS.
KAMA RUPA.
LINGA SHARIRA
JIVA.
RUPA.
(1) Elle-même vit, nous l'avons déjà plusieurs fois marqué, des trois
vies intellectuelle, psychique et instinctive [alias : spirituelle, passion-
nelle el sensitive). La vie psychique, intermédiaire, est, pour ainsi dire,
la vie de sa propre substance ; dans sa vie intellectuelle se réfléchit la
Nature providentielle et naturante; dans sa vie instinctive se résume
la Nature fatidique et naturée. Une quatrième vie, celle de la Vo-
lonté propre, enveloppe les trois autres, dont elle constitue le lien
agglutinant, et réalise la synthèse unitaire (Voy. Fabre (TOliret).
38
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894 LA CLEF DE LA MAGIE NOIRS
L'esprit, ess^m^ illuminative, est une étincelle divise
irradiée du Principe mâle, qui, fécondant Tâme, Prindi^
féminin, engendre en elle ^intelligence (i), ou conscient-
supérieure de son individualité*
Quant au corps astral, actuelle expression de la fâcultt^
plastique, immanente à Tâme, il n'est autre que le patror
sur quoi se détermine, s'informe et se modèle notrp
corps physique. Nous supposons bien connu ce troi-
sième élément, dont nous avons traité assez au lon£^ dan?
cet ouvrage et même en ce chapitre. Puisque des méta-
phores peuvent seules faire soupçonner la nature d'en-
tités occultes telles que le corps astral, disons encore
qu'on peut voir en lui Téchafaudage virtuel, à la faveur
de quoi se construit et s'élève lentement cette bâtisse de
chair, de muscles et d'os qui s'appelle le corps humain ;
— en un mot, le moule invisible de la forme visible.
Engageons notre Lecteur à concentrer son attention ;
l'objet qui s'offre à sa vue mentale en vaut la peine.
Jamais, semble-t-il, aucun occultiste n'a précisé d'une
plume un peu nette la distinction que voici. Elle est du
reste assez délicate à saisir.
Puisque l'esprit pur est d'essence divine, universelle,
— et que la forme matérielle se réduit à une agrégation
de molécules vivantes, groupées sur le patron du double
éthéré, ni Vun ni Vautre ne nous appartient. C'est d'un
côté, la lumière céleste qui se réfléchit en nous ; de l'au-
(1) Quand les Kabbalistes envisagent Netchamah comme appartenant
en propre à l'homme individuel, ils entendent non plus VExprii pur,
mais V Intelligence qui le reflète.
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LA MORT ET SE$ At\CA?lE§
tre, un simple emprunt que nous faisons à la planète,
et qu'à la mort nous lui restituerons jusqu'au dernier
atome : — écartons pour un instant l'esprit et le corps.
Restent l'âme et le corps astral : ils constituent ici-
bas la substance individuelle de l'homme (1).
Eh bien, nous disons, qu'à l'âme proprement dite se
restreint Ibl persontialité vraie ; ei que le corps astral sert
d*enveloppe et de moule à la fausse personnalité.
La personnalité vraie, c'est la substance propre de l'ê-
tre individuel, conscient et libre. — La fausse person-
nalité, c'est la substance de superfétation, d'acquisition
éventuelle : une assimilation pseudo-psychique, ambiguë,
et susceptible de se fusionner avec l'âme, temporaire-
ment, il est vrai ; toutefois, d'une sorte assez intime pour
que, tant que dure la vie terrestre, il devienne difficile,
sinon radicalement impossible au psychologue le plus
averti, de les distinguer l'une de l'autre.
Mais la Mort vient tôt ou tard, dénonciatrice de cette
homogénéité illusoire; la Mort vient, impeccable arbitre
de cette distinction, et l'on peut ajouter : implacable ar-
tisan d'une séparation violente entre l'âme vraie et l'âme
fausse !
Il faut qu'il en soit ainsi, non seulement pour le bien du
sous-multiple hominal, dont la réintégration dans l'Unité
(1) Encore pourrait-on dire que le corps astral est un emprunt au
milieu fluidique ambiant, (cette Ame inférieure de la planète), et lui sera
resUtué progressivement, après avoir, ensuite de son divorce avec
TAme individuelle, joui un temps plus ou moins long d'un vague reflet
de vie, et d'une apparence factice de personnalité.
Mais, parlant au point de vue terrestre, -^ le corps astral fait,
comme nous Talions voir, partie intégrante de la personnalité humaine.
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7
596 LA CLEF DE LA MAGIE NOIRE \
divine serait singulièrement cora promise, pour peu qu'un
pareil fardeau vint aggraver son bagage à chaque exis-
tence nouvelle : il descendrait, au lieu de remonter ; —
mais encore pour un motif d'ordre universel et d'intérêt
cosmique, étranger à l'objet du présent tome. N'oublions
pas que l'homme est le grand démiurge, le pondérateur
et l'intermédiaire des royaumes spirituel et sensible; sa
chute Ta banni d'Éden, mais cet exil aura une fin...
Poursuivons notre étude, sans nous dépailir du point
de vue spécial à notre planète. El sans souci, pour l'ins-
tant, du rôle dévolu à l'Homme dans l'harmonie des
choses, ni du pourquoi de sa mission, ni du comment de
sa présence ici-bas, — prenons cet être individualisé, au
point d'évolution qu'il a atteint sur la terre, et àTinstant
précis oh s'opère en lui ce phénomène assez complexe,
qui a nom la mort.
La mort, avons-nous dit, consiste essentiellement en
deux faits concomitants : l'arrêt des organes corporels,
et l'expulsion de l'être invisible et subjectif, hors de son
enveloppe objective et concrète. (Un troisième phéno-
mène suit bientôt, que nous avons noté à part : la disso-
ciation des atomes de matière qui s'étaient groupés pour
constituer le corps.)
Arrêt des fonctions organiques, et libération des prin-
cipes survivant au corps : le concours s'impose de ces
deux conditions (la deuxième, d'un si difficile contrôle!)
pour qu'on puisse dire que la mort est consommée, dé-
finitivement acquise... Sans doute, l'un de ces phénomè-
nes, lorsqu'il se prolonge, a pour conséquence très pro-
che l'accomplissement de l'autre : mais encore sied-il,
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LA MORT EN SES ARCANES 59?
en l'absence du diagnostic de décomposition, qui
vient fournir la contre-épreuve, — de ne se prononcer
que sur un examen minutieux et tardif : la fréquence des
exemples de mort apparente, dans les cas dûment véri-
fiés de catalepsie, de vampirisme ou même simplement
de sortie en corps astral, prêche assez la circonspection.
Quoi qu'il en soit, supposons la mort réelle, chez un
sujet normalement constitué. — Dans la sphère animi-
que, que va-t-il se produire?
— L'inéluctable divorce entre la personnalité vraie,
c'est-à-dire l'âme, inséparable de sa faculté plastique
efficiente, — et la fausse personnalité, dont le corps as-
tral constitue la base pseudo-psychique, ou le moule
éphémère.
C'est là le jugement dont parle TÉcriture ; c'est aussi
l'agonie de la seconde morU ou la douloureuse épreuve,
plus ou moins longue et difficile, qui, — sans préjudice
da cycle karmique à venir, — réalise d'ores et déjà pour
nous le purgatoire et l'enfer.
Le bon grain séparé de l'ivraie, celle-ci se voit dispersée
aux quatre vents du ciel...
Comment s'est formée la personnalité fausse et de su-
perfétation?EIle s'est formée, dans la matrice du corps
astral, comme une concrétion calcaire en une bouteille,
par couches infinitésimales ; ou comme un dépôt limo-
neux dans un réservoir : par imperceptibles allu viens.
Goutte à goutte, le vin trouble de l'existence physique
a déposé sa lie au fond du vase ; il s'est dépouillé sur
les parois. A présent, c'est le grand nettoyage !
L'heure a sonné du procès suprême et de la solennelle
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598 LA CLEF DE LA MAGIE NOIRE
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sentence : au tribunal de Fàme collective, Fàme indi\>
duelle va se juger et se condamner elle-même, avouar
les Toiles illusions, l'ivresse des fantasmagories mensorr
gères où sa vanité s*est déçue, au cours de la terrestre
épreuve.
C'est une confession véritable, et le confessionnal <ir
r Abîme peut s'appeler aussi le tribunal de la pénitence !...
Ultime confession, où l'âme (constitutive de lapersonnalitt!
vraie), se décharge une à une de ces molécules hétéro-
gènes et peccantes, dont l'accumulation dans la formr
astrale a généré la personnalité fausse, parasitaire, inca-
pable de survivre au corps matériel, et qui doit se dis-
soudre avec lui (1).
Voici la restitution à la substance universelle, de
tout ce qui lui demeurait dû (2); l'expulsion de ces
(i) Qu'on nous pardonne encore une image hideuse et triviale.
Comme ces crustacés, homards ou crabes^ tirés de leur élément, se ci-
dent avec un bruit de dissolution lente et progressive, — T&me va se
vider ainsi... Épouvantable et laborieuse désagrégation de la fausse
substance psychique I
Ceux qui, aptes à, percevoir les choses delà vie subjective, et intuitifs
de ses mystères, ont veillé le cadavre d'un parent ou d*un ami, ceux-
là comprendront et ne riront pas... D'autres crieront à rhallucination.
à l'hypocondrie, à la folie. Il s'en trouvera pour nous qualifier de lu-
gubre mystificateur, de sacrilège, peut-être. Nous préférons, à tout
prendre, les premières imputations : comment nommer en effet ces
présomptueux qui pensent avoir ouvert les yeux et les oreilles, où
d'autres n'avaient su ni voir, ni entendre ? — On est convenu de les
nommer des fous.
(i) Certains Maîtres veulent que l'homme dépouille à la mort
rame instinctive (ce qu'ils nomment l'âme animale, Kama-Rupa des
hindous, vouée, prétendent-ils, à se dissoudre en Kama-Loka). — Nous
ne voyons point ainsi.
Pour nous, à l'exemple de Fabre d'Olivet, nous envisageons Vhomme
essentiel comme un principe de volonté, englobant et maîtrisant les trois
vies intellectuelle^ psychique et instinctive. L'àme est, par conséquent.
LA MORT ET SES ARCANES 599
arves (l) d^assimilable imposture : substances pseudo-
nimiques, engendrées au jour le jour à l'impure ca-
esse de la matière, dans la délectation des sens bestia-
isés et le mauvais usage du libre vouloir.
Les voulions, avons-nous dit ailleurs, ne sont pas seu-
lement créatrices hors de l'homme, mais en l'homme
même. Le verbe de perversité souille à la fois la lumière
externe de l'homme et sa lumière intérieure : son nimbe
et son corps fluidiques.
Au gré du Lecteur soucieux de localisations physiolo-
giques, on peut préciser par où s'opère la désintégration
animique et astrale : c'est par le sommet de la tête, aux
environs de la suture crânienne. Les traditions secrètes
du sanctuaire sont confirmées à cet égard par l'expé-
rience des voyants.
La logique des choses le veut d'ailleurs ainsi. Est-il
besoin de renvoyer au chapitre ni, qui s'ouvre par cette
ternaire et quaternaire : elle évolue à travers les mondes, sans rien
rejeter que les écorces, matérielles et fluidiques, de ses existences suc-
cessives et imparfaites de moins en moins; mais elle épure progressi-
vement ses éléments constitutifs et se sublime à mesure. L'instinct de-
viendra intuition ; la psyché, amour; l'intelligence, spiritualité. Toutes
les facultés secondaires se transmueront d'une sorte analogue, paral-
lèlement aux principales.
(1) Le mot Larve doit s'entendre ici dans son acception la plus éten-
due.
Nous n'inventons pas la doctrine ci-dessus formulée. Toutes les
Écoles d'Ésotérisme l'ont connue. Les gnostiques basilidiens rensei-
gnaient môme ouvertement. Ils qualifiaient d' « appendices de VAme »
les «Esprits impurs» qui alourdissent et dénaturent celle-ci. Saint
Clément d'Alexandrie ajoutait que l'Esprit de Dieu sépare de l'âme ses
appendices démoniaques, ainsi que la paille du bon grain. — Cf. Beau-
sobre, Histoire du Manichéisme, tome II, p. 22.
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600 LA CLEF DE LA MAGIE NOIRE
simple et grandiose théorie de polarisation, qui est la clef
de tant de mystères ? Le chercheur attentif ne prendra-t-
ii pas l'initiative de recourir à cette clef? La loi de bî-
polarité cérébro-génitale lui rendra raison du problème
par une analogie qui s'impose. — A quelle porte d'entrée
vient aboutir le grand courant des générations, par où
les àraes descendent dans la matière ? Par quelle porte
de sortie, nécessairement opposée à celle-là, les âmes
émancipées de la chair doivent-elles rejoindre le grand
courant (inverse et complémentaire du premier), celui
par où les âmes remontent au Ciel?
Le pôle cérébral semble normalement désigné pour la
sortie de Tentité psychique, puisque l'entrée s'effectua
par l'organe génital, contre- polarité du cerveau.
Or, c'est au sommet de la tête que le cardinal camer-
lingue vient frapper trois coups de son marteau d'argent.
Le Lecteur voudra bien ne pas perdre de vue ce détail...
Quant au sens occulte de cette mystérieuse cérémonie,
la suite de notre examen va le dégager dans toute la
profondeur de son ésotérisme.
Tant que le corps astral, lourd de la fausse substance
psychique, pèse sur Tàme vivante, celle-ci, prisonnière
du cadavre, travaillée par Thorreurde sa croissante dé-
composition, s'épuise en efforts stériles pour s'affranchir
de ces odieux restes, désormais inertes et rebelles aux
injonctions du vouloir.
Ce supplice effroyable va durer tout le temps requis
pour l'élimination lente et consécutive des nombreuses
formes lémuriennes dont l'éphémère fusion, avec le péris-
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LA MORT ET SES ARCANES 601
prit d'une part, avec l'àme véritable de l'autre, avait mo-
difié cette dernière, en doublant la personnalité réelle
d'une personnalité fausse et toute d'apport.
Voilà donc une première sanction de l'existence terres-
tre, droite ou perverse, spirituelle ou bestiale. Le nom-
bre et la ténacité des Larves à extraire sont en raison
directe de la mesure où l'àme s'est enganguée dans le
vice et le mensonge. Pour les âmes probes et vraies, la
confession au tribunal de Vabime se réduit au minimum
d'épreuve : de tels hommes se fussent-ils trompés, leur
sédiment d'illusion se détache sans peine, car ils ne tien-
nent qu'à la vérité seule et sont prêts à répudier tout ce
qui n'est pas elle. Il n'en saurait aller de même de l'homme
qui s'est encanaillé dans la satisfaction des ignobles ins-
tincts. Chez lui, le vice et l'erreur sont à ce point deve-
nus une seconde nature, qu'en les renonçant, il se croi-
rait renoncer lui-même. Pourtant, il le sent bien, pareil
lest l'immobilise, le cloue à la putréfaction. Son salut veut
qu'il se sépare da ces Larves chères ; mais à chaque fois
qu'il en arrache une de sa substance pantelante, c'est
un déchirement affreux.
L'Odyssée lamentable que nous détaillons n'incombe
pas, — est-il besoin de le dire ? — au destin des âmes dès
ici-bas entièrement purifiées. Celles-là sont l'exception,
de qui le miroir psychique n'est point resté terni par les
buées de la matière. Quel rapide et facile voyage les doit
conduire au but, nous le verrons. Mais la majorité des
hommes meurt entachée de quelques vices, et la série
d'épreuves qui nous occupe devient, dans une proportion
variable du plus au moins, le partage des natures^ ou bes-
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602 LA CLEF DE LA MAGIE NOIRE
tiales, ou perverses, ou simplement matérielles. Le geur |
d'obstacles est le même pour toutes : mais ce qui senoM
aux âmes imparfaites un pas difficile et pénible à fran-
chir, devient un si épouvantable supplice pour les àm^
vicieuses, criminelles et délibérément mauvaises, que nour
ne parviendrons à en donner ici qu'une très faible idée.
Les magiciens noirs surtout, et tous ceux-là souffrent
mille morts au lieu d'une, qui se polluèrent, leur exis-
tence durant, dans la promiscuité spectrale. Ah î qu'elles
se paient cher, alors, les prérogatives du pacte médiaof-
que! Toutefois l'angoisse est bien moindre pour de tels
hommes, s'ils ont mené sans malice leur vie suspecte ;
mais le grand péril que leur réserve l'épreuve d'outre-
tombe, gît dans l'aide qui peut leur venir du dehors. Les
natures médianiques, aisément dominables, sont une
proie précieuse à saisir pour les affidés (vivants ou pos-
thumes) des cercles mauvais. Les médiums ne soupçon-
nent pas le piège, lorsqu'à l'heure de l'épouvante, ils se
cramponnent à la main secourable qui leur est tendue de
ce côté. Ils risijuent cependant d'être entraînés dans une
impasse d'oii Ton ne revient guère, et de jouer sur un
coup de dé leur immortel héritage.
Pour ce qui est des sorciers conscients et volontaires,
qu'on nous pardonne d'ouvrir une parenthèse concernant
une difficulté qui d'elle-même se propose à tout esprit
attentif. Puisque ces artisans d'infamie restent cloués à
leurs cadavres tant qu'ils n'ont pas douloureusement éva-
cué, molécule par molécule, le lest écrasant de leur fausse
personnalité, — comment pouvaient-ils, durant leur vie,
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LA MORT ET SES ARCANES 603
•ojeter au loin leur forme astrale, messagère de mort
a de maléfice? S'ils en étaient alors capables, qui les
m pêche maintenant de s'évader, en corps fluidique,
>in de ces restes inanimés?. . . L'objection paraît très forte;
lie est spécieuse en tous cas. Mais comptera-t-on pour
\en le coup terrible de la mort, qui paralyse l'énergie
morale, tandis que le combat d'une agonie souvent très
longue a épuisé les forces proprement dites ? Et, sur
toute chose, car c'est la réponse décisive, oubliera-t-on
quel point d'appui fournissait au magisteen stase debilo-
cation un organisme vigoureux et sain, athanor de fluide
nerveux constamment renouvelé ; un organisme avec le-
quel, — si loin qu'il se projetât, — le corps astral demeu-
rait en rapport sympathique? La chaîne tendue de l'un à
Vautre lès faisait vivre l'un par l'autre; elle servait de
levier à la forme sidérale, en même temps qu'à cette
dernière le corps physique servait de point fixe et d'appui.
Enfin, rame individuelle a successivement avoué ses
péchés au tribunal de l'Ame collective : autant de Larves,
autant de bulles de savon qui s'échappent et voltigent
quelque temps, avant de crever (1), dans le nimbe occulte
de l'individu qui leur donna naissance ; dans le milieu
qui fut son atmosphère astrale, où déjà fourmillent (au-
tres Larves) les simulacres lémuriens des actes passés du
défunt, de ses volitions, de ses désirs, et jusqu'aux fan-
tômes de ses pensées coutumières.
(1) Ces Larves ne se dissoudront ainsi, bien entendu, que si leur
père noarricier cesse de les entretenir en leur prêtant subsistance : voy.
page 611.
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604 LA CLEF DE LA MAGIE NOIRE
Cependant, l'àme véritable est délivrée la dernière,
toute saignante, pour ainsi dire, des mille déchipupes que
sa substance vient de subir, en son divorce avec la fausse
Psyché. Le coup terrible de la mort, ébranlant son intel-
ligence, ne lui laisse plus de sentiment que ce qu'il en
faut pour savourer la torture de sa double agoni e« ter-
restre et posthume.
Mais un lucide instinct persiste en elle, qui lui enjoint
de fuir au plus vite la pourriture montante de son abjecte
dépouille. Donc Tàme s'élance, éperdue d'horreur,et d'an-
goisse, et de dégoût. Un vertigineux courant fluidique,
dont elle pressent la fureur plus qu'elle ne l'éprouve en-
core, va l'emporter comme une flèche. Ici la nausée,
là-bas l'épouvante : l'àme se décide pour l'épouvante,
puisqu'il en faudra toujoui*s passer par là. Aveugle,
sourde (I), elle s'élance, vêtue de son corps sidéral qui,
blessé comme elle, se sent au moins allégé, enfin !...
Peine perdue : un lien sympathique la rattache encore
à ces restes défigurés, — un lien qu'il va falloir doulou-
reusement rompre. C'est le cordon ombilical d'une nou-
velle naissance ; il aboutit à cette matière déliquescente,
placenta de la gestation d'immortalité(2), caput mortuum
qu'il importe de dépouiller sur le seuil de la vie étemelle.
Et, tandis qu'à dessein de briser le joug qui la retient
captive, la pauvre âme s'épuise en tumultueux efforts,
(i) « Sa clairvoyance lumineuse demeure frappée de cécité par ha-
bitude des yeux ; son entendement, de surdité, parhabitude des oreil-
les... » (Saint-Yves, Testament Lyrique, la Mort).
(2) Cf. Éliphas Lévi, Le Grand Arcane de la Mort. (Clef des Grands
Mystères, pages 306-309).
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LA MORT ET SES ARCANES 605
"luelle épreuve d'un nouveau genre vient fondre encore
sur elle !
Qu'est-ce, à présent, que ceblôme halo, à la fois trou-
ble et clarteux, qui Tenvironne? Cette atmosphère de si-
nistre moiteur phosphorescente, où se meuvent confusé-
ment de vagues formes de monstres prompts à l'assaillir?
Elle ne les voit pas, mais les sent et les devine. Quelle
horreur nouvelle! L'être désintégré lutte et se débat, au-
tant que le peut un aveugle garrotté... Elles se pressent
contre lui, ces hideuses apparitions ; elles Taccablent
de toutes parts : on dirait qu'elles veulent s'amalgamer
avec son essence, se fondre en lui !
Ce sont les Larves de son astral externe et interne :
r celles qui, la vie durant, se généraient au jour le jour
dans son atmosphère fluidique et peuplaient son ascen-
dant,— 2** celles qu'il vient lui-même d'expulser une par
une, et dont l'agglomération passagère constituait la sub-
stance de sa fausse personnalité.
Voilà donc l'être abmatérialisé, contraint, — dans une
désolante alternative, — ou de chercher un refuge en sa
dépouille inanimée, froidie, et que la décomposition crois-
sante rend plus inhabitable d'heure en heure, tandis
qu'une chaîne magnétique l'y rattache encore dans un
élat de captivité provisoire ; — ou de prendre essor au
loin, après avoir rompu cette chaîne, et de fuir à travers
une tempête fluidique, emportant avec lui cette atmo-
sphère hostile qui est sienne,et regorge de vampires dont
il peut devenir la proie...
C'est à ce moment critique, surtout, que le mort a be-
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606 LA GLEF Ofi LA MAGIE NOIRE
soin d'être secouro. Vienne l'aide ou de là-haut ou d'ici-
bas, de l'endroit ou de l'envers de la Nature universelle*
du plan astral, en un mol, ou du plan terrestre : le pa-
tient d'une telle épreuve se sent perdu s'il ne reçoit aucun
subside de force psychique ; il désespère, s'il n'entrevoit
aucune lueur pour se guider dans la nuit et la tempête
de son épouvante.
Hâtons-nous de noter qu'il en est bien rarement ainsi :
une situation à ce point douloureuse ne se prolonge qu'en
des conjonctures tout exceptionnelles.
Les traditions secrètes de l'antiquité autorisent ce dire,
et l'étude des symbdlismes religieux le confirme. Le
fleuve Styx n'est qu'un lieu de traverse. Sans doute le
Tartare réserve des supplices à la mesure de tous les
forfaits ; cependant, pour criminel que se présente un
homme aux sombres rivages, dès que les rites de la sé-
pulture ont été fidèlement accomplis, Charon le reçoit
dans sa barque moyennant une obole, et lui fait passer
l'eau noire.
Une influence bénéfique intervient donc, pour aider
Vâine en peine à rompre ses entraves. Le secours con-
siste en une provision suffisante de force psychique ;
nous ne tarderons pas à voir d'où il émane Mais
répreuve n'est pas à son terme.
Le lien sympathique enfin rompu, l'onde stygienne
saisit et entraine la pauvre Psyché, vêtue de son corps
astral, et enveloppée de son nimbe vengeur. Telle est la
barque de Charon.
Le passage ne dure guère. Emportée comme une flèche
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LA MORT ET SES AUCANES 607
au fil du torrent, déjà la voyageuse a touché Tautre bord.
Voici le ténébreux empire de TÉrèbe. C'est le séjour
d'épreuve où s'attardent toutes les âmes insuffisamment
purifiées, afin d'y consommer leur seconde mort, en dé-
pouillant la forme astrale. Pythagore, comme généra-
lement tous lesadeptes de l'hellénisme occulte, nommait
ce lieu le gouffre d'Hécate ou encore le champ de Proser^
pine (1). C'est le cône d'ombre de la terre; à son som-
met brille Hécate, la lune infernale, dispensatrice de la
lumière négative, Aôb, et de l'écrasant influx d'Hereb
(Érèbe).
Tandis que le soleil, patrie céleste des âmes glorifiées,
darde avec ses rayons l'amoureuse lôrtah^ attractive du
pur élément psychique; l'influence accablante d'Hereb
retient invinciblement captive, en cet abime sublunaire,
toute âme encore vêtue de son corps astral contaminé.
La lune nous montre le pâle visage du génie des ex-
piations. Elle est la sentinelle de l'enfer terrestre, le Cer-
bère ésotérique veillant non seulement à l'entrée, mais
surtout à la sortie du Ténare.
Un illustre théosophe qui est, par surcroît, un poète
inspiré, M. de Saint-Yves a décrit, en mode lyrique, le
rôle providentiel dévolu à notre satellite glacé, dans le
voyage cosmique des âmes. C'est la belle Hymne à la
LunCy dont nous citerons les dernières strophes :
LE POETE
« ... Je veux la Vérité ! Dans ton temple d'opale
Si tu n'es que stérilité,
Quel but poursuîs-tu donc dans le Ciel, vierge paie,
(i) Voy. Hiéroclès, Commentaires sur /es Vers dorés (passim).
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608 LA CLEF DE LA MAGIE NOIRE
Autour de ce globe habité ?
Au nom de In Magîe, an nom du Tétragramme,
Parle!...
DIANB
« Fils d'Apollon, je garde à jamais le passage
Par où les âmes vont aux Cieux.
Tu ne vois qu'un côté de mon double visage :
L'autre regarde vers les Dieux !
Je coinpriuie ici-bas l'effluve de la terre ;
De tout le poids de mon cratère
Je presse les E-^prils, les Ames et les Corps ;
Et tout monte sous ma pesée,
Tout entre dans mon rythme et subit la rosée
De mes silencieux accords.
(t Je joins et je disjoins, je rapproche et j'oppose
Tout: pôles, sexes, éléments;
Je suis le féminin latent de toute chose :
J'attire à moi les mouvements ;
Ils cèdent, dans leur forme, aux lois de mes semaines :
Bétes, plantes, foules humaines.
Les fluides, les vents, les nuages, la mer,
Tout flue à moi dans sa marée,
Depuis le feu central grondant vers l'Empyrée,
Jusqu'aux subtils conQns de l'Air.
« Je préside à la Mort, je règle la Naissance,
Car naître, c'est mourir encor.
Les générations roulent sous ma puissance :
J*en tiens les clefs d'argent et d'or ;
Je renvoie au Soleil les âmes immortelles
Dont l'Esprit a gagné ses ailes
Pour s'enfuir du torrent des générations ;
Autrement, au fond de TEspace,
Je les noue à la femme, et leur destin repasse
Dans le jeu de mes tourbillons.
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LA MORT BT SES ARCANES 609
c ... Ah! si tu les voyais, les âmes invisibles
Sortir par essaims des tombeaux^
Vaciller et monter dans mes rayons paisibles.
Glisser en foule sur les eaux !
Les unes, par les champs prenant leur course folle,
Plus rapides que la parole,
Passent, rasent le sol, se lancent dans les airs,
Se suspendent aux brouillards vagues,
Retombent sur les mers, et dansent sur les vagues,
Ou ré vent sur les rocs déserts.
c Les autres, franchissant la sphère des nuages,
S'entraînent à voler vers moi,
Escaladant Téther, grimpant dans mes mirages,
Dégringolant, tremblant d'émoi,
Remontant, m'arrivant palpitantes de rêves,
Jouant par troupeaux sur mes grèves,
Plongeant dans mes volcans, se cherchant, s'appelant,
Se retrouvant, formant leurs groupes,
Et promenant leurs chœurs de mes vallons auj^ croupes
De mon grand cirque étincelant.
c Mais la Terre t'emporte, adieu ! Parle aux Étoiles :
Moi je te perds à l'horizon.
Barde, quand de ton corps tu laisseras les voiles
Dans leur funéraire prison,
Ne crains rien : viens, saisis mes coursiers de lumière,
Crois, — et vers la source première
Dont tu sors, vers le Dieu superbe, à Tare vermeil,
Fixant fortement ta pensée.
Va ! je te laisserai, de ma sphère glacée
Monter sans obstacle au Soleil (1) !... »
Le c langage des dieux » ne doit pas être pris dans sa
(1) Le Testament lyrique, par Alexandre Saint-Tves, pages 384-387
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610
LA CLEF DE LA MAGIE NOIRE
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rigueur la plus littérale ; mais
les admirateurs de cette
hymne dégageront aisément
la pure Vérité, du chatoyant
péplos de métaphores qui
l'enveloppe sans déguiser ses
divins contours
Voilà donc le rôle hiéra-
tique de la lune . Sentinelle
du pur éther, elle ne souffire
pas que rien de souillé en ap-
proche. Elle dispense ici-bas
l'influx d'Hereb, — l'agent
constrictif qui oppose son
veto centripète à l'essor de
toute âme encore empreinte
de terrestres macules.
Le cône d'ombre est, sui-
vant les cas, Tenfer ou le
purgatoire véritables. — Les
âmes, prisonnières du corps
astral et de son atmosphère
fluidique, y souffrent mar-
tyre, en proie à l'assaut des
Larves douloureusement ex-
pulsées du cadavre, et qui,
ayant élu domicile dans le
nimbe, cherchent à prolon-
ger leur existence parasi-
taire, en dévorant Psyché
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LA MORT ET SES ARCANES 611
toute vive. Celle-ci doit dissoudre ces coagulais Tuu après
r autre, par la force de sa volonté, en renonçant intérieu-
rement les vices dont ils sont les fantômes tout ensemble
et les symboles. C'est une guerre à mort, car le périsprit
est un domicile qu'ils visent à réintégrer, et c'est à quoi
Psyché doit mettre obstacle de tout son vouloir. Si, de
guerre lasse, elle se laissait envahir (et il suffit pour
cela d'un instant de défaillance ou de consentement ta-
cite), les efforts de la désassimilation déchirante seraient
à recommencer.
Le plus grand nombre des âmes contaminées, sentant
bien qu'il y va pour elles de la suprême alternative, —
to bee or not to bee, — luttent avec courage et parvien-
nent à dissoudre assez vite leurs Larves. Et si quelque dé-
faillance les condamne à la récidive du douloureux effort,
ces âmes-là ne font que passer par l'état d'Élémentaire.
D'autres âmes, en moins grand nombre, ne réagissent
point ; mais acceptant, sans un effort pour en sortir, la
misérable condition qui leur est faite, elles perpétuent leur
passagère épreuve et n'aspirent plus qu'à repaître d'exha-
laisons terrestres, à désaltérer de fluide humain ce corps
astral, qu'elles ont laissé généralement envahir à nouveau
par les Lémures du nimbe. Tels sont les Élémentaires qui
se manifestent parfois dans les séances spirites. Ils han-
tent volontiers les lieux où ils ont mené leur existence
matérielle et assouvi leurs passions dominantes. C'est
ainsi que le spectre d'un avare gardera le trésor qu'il a
jadis enfoui ; ou que le fantôme d'un malheureux fou d'a-
mour obsédera de ses assiduités posthumes la femme que,
naguère amant, il persécutait de ses déclarations et de
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612 LA CLEF DE LA MAGIE NOIRE
ses poursuites. D'ailleurs» pour se manifester sur Le plan
objectif, les Élémentaires ont besoin, comme tous autres
lémures, de la force psychique qui normalement leur
fait défaut (1) ; aussi s'abreuvent-ils le plus possible à la
source équivoque et souvent fangeuse de la médianité.
Si, malgré les secours qui leur parviendront de la part
de l'humanité céleste (laquelle envoie à leur aide, jus-
qu'au fond du gouffre d'Hécate, des missionnaires de
miséricorde), ces pitoyables Élémentaires persistent indé-
finiment dans une existence dégradante, ils risquent
d'aboutir, après des siècles de ce lent suicide, à l'abru-
tissement, à Tobscuration totale de l'étincelle divine ; ils
(i) La force psychique fait défaut à rÉlémentaire humain, poor un
motif très simple. C'est que l'état d'Élémentaire n'est, à vrai dire, qa'uoe
transition entre deux existences : le corps matériel n'est plus là pour
sécréter la force psychique sous sa modification terrestre de fluide
nerveux ; et plus tard seulement, sur rAntichtone, on nouveau corps,
approprié & une existence nouvelle, élaborera la force psychique sous
la modification convenable à la vie éthérée.
C'est pourquoi, en règle générale,l'Ëlémentaire a besoin, pour ae ma*
nifester sur le plan terrestre, du ministère d'un médium. Si, par excep*
tion, il peut spontanément apparaître, gr&ce à une notable proportion
de fluide nerveux qu'il a su conserver de son existence matérieUe,c*est
en conséquence de certains cas de mort subite, quand l'homme est
tombé foudroyé dans sa vigueur.
Quant aux mauvais daîmones, — * ces Élémentaires qui ont fait à la
persistance posthume de la fausse personnalité le sacrifice étemel de
la vraie, — ils deviennent les maîtres et les initiateurs des magiciens
noirs ici-bas, et peuvent, grè.ce au concours de leurs complices vivant
sur la terre, entretenir des provisions constamment renouvelées de
force disponible. Aussi l'accès leur est-il garanti sur le plan physique,
où il leur devient loisible de se produire, même à défaut d'un médium
en trance sur les lieux de leur manifestation. Ces êtres pervers, se sa-
chant voués par avance à la destruction totale (puisqu'ils ont immolé,
l'Éternité au Temps), n'ont point de plus grave souci que de perpétuer
coûte que coûte, leur égoïste et misérable existence.
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LA MORT ET SES ARGAN£S 613
risquent même, prétend certaine École, de se réincarner
sous forme animale !
En principe, le cône d'ombre n'est qu'un séjour d'é-
preuve passager, un purgatoire ; pour ceux-là seuls qui
s'y éternisent volontairement, il devient un abîme de
tortures sans fin, un enfer (1).
D'ailleurs, dans les cas fort rares où une exception-
nelle volonté, jointe en ces êtres à une vigueur animique
peu commune, ne leur a pas servi à s'aflFranchir de cette
« vallée de l'ombre de la mort » qui leur était assignée
comme purgatoire, ils peuvent, — on l'a vu plus haut (2),
— troquer leur héritage immortel contre un fief d'iniquité
au royaume du « Satellite obscur », et devenir les légion-
naires de rOmbre, les mauvais Daïmones de l'orbe ma-
gnétique inférieur.
Les Élémentaires résignés et les Daïmones pervers se
complaisent dans les basses régions du cône d'ombre ;
mais les âmes en peine qui luttent bravement, s'efforcent
d'en sortir, et s'élèvent à mesure qu'elles perdent de
leur poids terrestre (3), Lorsqu'elles n'ont plus rien à
dépouiller, si ce n'est leur forme astrale, il leur est donné
de se tenir dans la pénombre, où quelque lueur d'espoir
leur parvient. Hereb a perdu pour elles de sa brutalité,
(1) C*est & un autre point de vue, que notre schéma de la page 610,
désigne le cône d'ombre comme l'enfer, et les régions de la pénombre
comme le séjour du purgatoire : il s'agit là d'une localisation, relative
aux phases décroissantes de l'épreuve posthume.
(2) Voy. chap. ii, pages 202-203.
(3) Nous devons prévenir nos Lecteurs que ces termes, empruntés
au phénomalisme patent du monde physique, ne peuvent être ici que
des à peu prés»
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614 LA CLEF DE LA MAGIE NOIRE
et la caresse dlônah se fait déjà pressentir : si bien que
la pénombre n'est qu'un purgatoire fort adouci, à l'égard
de Venfer du cône.
Enfin, toutes les Larves étant dissoutes dans le halo,
comme elles ont été éliminées du corps astral, une tor-
peur s'empare progressivement de l'âme en peine ; c'œt
la fin de l'épreuve, c'est l'aube de la liberté ! La seconde
mort se consomme : Psyché dépouille sa forme astrale,
dont la substance, empruntée ou assimilée à l'atmosphère
occulte de la planète (i), doit lui faire retour jusqu*au
dernier atome.
Et, sa nudité céleste enfin reconquise, Psyché émerge
avec l'aide de ses guides éthérés, au sommet du cône
d'ombre : affranchie de l'influence hérébique, et mondi-
fiée (2) par la vertu lunaire, elle va jouir de la vie éthé-
(1) Le corps astral, comme nous l'avons dit ailleurs (page 349), pré-
existait en vérité & la conception du fœtus ; mais, dans son labeur d'édi-
fication organique, il s'incorpore avec la matière en sorte si intime, que
sa propre substance éthérée se transmue profondément, et acquiert la
qualité terrestre : c'est pourquoi désormais le corps astral ne pourra
plus s'affranchir de l'attraction physique de cet orbe.
Suivant une autre école, que nous croyons dans l'erreur, le corps as-
tral ne se formerait qu'après la conception et parallèlement au corps
physique : ses éléments seraient donc littéralement empruntés au
fluide terrestre. Il est certain que le corps physique à venir n'existe
pas en puissance immédiate dans l'âme, mais dans le corps astral. Ce
dernier n'existerait donc lui-môme qu'à l'état potentiel dans l'âme [di-
sons dans la faculté plastique d'appropriation) ?
Tel se conçoit l'état deux fois conditionnel que Fabre d'Olivet définit :
puissance contingente d* être ^ dans une puissance d^ être. Ce même mys-
tagogue soutient que c'est là, dans la pensée de Moïse, le sens véritable
de l'hiérogramme ^^^y\ *inn, qui a fait l'objet de tant de controverses,
et qui est passé littéralement dans notre langue, comme synonyme de
chaos, de désordre : tohu-bohu,
(2) Les anciens adeptes distinguaient la mondification d'avec la pu-
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LA SECONDE MORT
(TKEIZlillB CUF D*UM AMOSK TAKOT).
Celle tf lampe fort singitlUre se distingue de Vestampe XIII de tous les autres Tarots (éditions
de Marseille et de Besançon , éditions italiennes, etc.).
C'est visiblement dans le feu, que le spectre de la Mort, à-deuus figuré, faudte les iita
d'homme et defemnu : emblème dont l* interprétation n'a rien d'obscur. Les âmes passagères du
purgatoire astral sont au terme de leur épreuve posthume.^- Désintégration du corps astral,
et lib&ation de la Psyché, captive jusqu'alors dans le cane d'ombre ou dans les secteurs de pé-
nombre. (Voir notre schéma, quelqua pages plus haut).
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616 LA CLEF DE Là MAGIE NOIRE
rée sur les libres plagesde rAotichtone ; jusqu'à ce qu'une
épreuve ultérieure, aboutissant pour elle à la purification
définitive, lui assure droit de cité dans la divine citadelle,
solaire et centrale, qui est le paradis des ftmes glorifiées
de notre système planétaire.
Ces mystères, bien connus de Moïse, ont été recou-
\ev\s par lui d'un triple voile.
Rien de plus clair désormais, si l'on nous a bien suivi,
que telle page d'abord énigmatique, où Tauteur de la
Mission des Juifs, commentant leur grand hiérograpbe,
intrigua tant d'amateurs passionnés des sciences secrètes.
ri/tcation; c'est-à-dire le lavage par Veau, grâce auquel on devient
mundus (rac. unda, u j«*p), d'avec le nettoyage par le feu, gr&ce au-
quel on devient purm (rac. icOp). — Cf. Fabre d'Olivet, Langue kébr.
rest., tome II, page 208.
La mondificaiion est superficielle, en quelque sorte ; Teau dissout
les malpropretés extérieures ; — la purification est profonde : le feu
dévore les impuretés au cœur môme des substances soumises à son
action.
La lune, emblème de l'eau, était considérée comme la déesse de la
mondification ou du lavage extérieur. Son influence dépouiUe en effet
l'âme de son corps astral ; mais celle-ci garde encore, dans sa faculté
plastique, le stigmate répercussif des souillures contractées pendant
l'existence terrestre. Aussi, après un beureux séjour sur la planète
éthérée que Platon nomme Antichtone, ou contre-terre, ou terre spiri-
tuetue, l'âme simplement mondifiée subira une nouvelle épreuve en se
réincarnant, soit sur la terre, comme le veut l'école bindoue, soit sur
une autre planète, et dans des conditions meilleures, ainsi que l'ensei-
gnent la plupart des adeptes occidentaux.
Pour purifier la substance intime de l'âme, il faudra l'épreuve du
feu, dont le soleil est l'emblème : alors seulement, ^ la faculté plas-
tique absolument détergée de toute macule interne, — l'âme n'offrira
plus de prise aux torrents des générations ; mais glorieuse désormais,
pourra goûter dans lacitadeUe solaire les allégresses de la communion
universelle des élus.
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LA MORT ET SES ARCANES 617
Il s'agissait de la suivante de lia et de sa postérité
ésotérique.
a Zelpha(dit M. de Saint-Yves), la suivante de Lia,... signi-
fie la Caverne béante, TOuverture de la Profondeur, le Bàille-
inent du Dessous, la Voix du Silence, la Lueur des Ténèbres,
l 'Aspiration du Vide.
« Elle est l'Orbe du Cône d'Ombre de la Terre, elle est la
Heine de TÉpouvante, qui, pourtant, sourira un jour.
« Elle a deux fils, comme Rachel, son antithèse.
ce Le premier est Cad, TEntrée et rEnvahisssement, la Porte
et la Portée, le Détroit et le Large, le Golfe et TEngouffrement.
« Le second, le fond ou le sommet du Cône, est Azher, le
Seuil de la Maîtrise, le Socle de TApothéose.le Piédestal de la
Volonté maîtrisante, Tlssue céleste de TAme victorieuse de la
seconde Mort, l'Entrée apothéotique dans TAkasa (1).
a Dans les mystères d'Eleusis et d'Isis, on appelait cette
issue la Couronne des Ailes (2). >
Ce tableau de Texode posthume et de ses vicissitudes,
que nous ne tarderons point à parfaire, est déjà suffisam-
ment esquissé pour rendre raison du rite singulier dont
nous avons promis la justification. Â présent, peu de
lignes y peuvent suffire.
Qu'est-ce que la lune, eii Kabbale hermétique ? Quel
métal, évolué sous son influence directe, revêt pour les
alchimistes l'hiéroglyphe bien connu : 3 ? L'étudiant le
moins avancé répondra sans hésitation : VargenL L'école
de Géber n'enseignait-elle pas que la condensation des
rayons lunaires engendre la fleur argentine, cette reine
spagyrique, de même que la convergence des rayons so-
laires fait germer l'or, ce roi des métaux ?
(1) VAkasa des hindous, c'est le pur éther, la lumière de gloire.
(3) La Mission des 'Juifs, pages 371-372.
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618 LA CLEF DE LA MAGIE NOIRE
La correspondance analogique du marteau n'apparait
pas moins évidente. En liturgie occulte, aussi bien qu'en
magie cérémoniale (car c'est tout un), le marteau d'ar-
gent sera le symbole de la vertu secrète de la lune, eu
tant que pondéreuse, compressive et accablante.
Or, il est temps de le dire, pour ceux qui ne Tonl pas
deviné : l'action sélénique ne se manifeste pas exclusi-
vement sur les hôtes du cône d'ombre ; elle se fait sentir
sur les morts avant même qu'ils y soient arrivés (1).
C'est à la lune, dispensatrice d'Hereb, qu'est due la sé-
questration de l'âme dans le cadavre, tant qu'elle n'a
pas éliminé successivement les molécules hétérogènes
sur quoi l'astre geôlier a prise, même de jour ; car il
exerce sa pesée sur toute substance pseudo-psychique,
coagulation des fluides épais de l'astralité terrestre... Et
bien plus, au deuxième acte du drame de la posthume
agonie, quand l'être abmatérialisé demeure assujetti au
cadavre par une chaîne d'humiliante solidarité, c'est Tin-
flux lunaire qui prolonge cette contrainte.
La lune darde, en un mot, la puissance astringente et
ligatrice des formes astrales sur le plan matériel, — à
rinverse du soleil, agent libérateur, puis attractif des
essences spiritualîsées, au royaume du pur éther.
La signification occulte se précise, de la cérémonie en
usage au lit de mort des souverains pontifes. Il s'agit de
savoir si le corps de l'auguste défunt se trouve dans les
(1) Quand la mort frappe Thomme pendant la nuit, l'acUon séléni-
que se déploie sur le cadavre avec une intensité plus grande ; et si
l'Ame parvient & briser sa chaîne avant le lever du soleil, elle est
« toute rendue » au champ de Proserpine, où la seconde mort Tattend.
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LA MORT ET SES ARCANES 619
conditions requises, pour que la tentative thaumaturgi-
que du rappel à la vie puisse offrir quelques chances de
succès.
Tous les détails de la cérémonie donnent à penser que
la mort n'est pas encore tenue pour définitive. La tète du
pape est couverte d'un voile blanc, couleur emblématique
de l'influence lunaire (i); le cardinal camerlingue est
vêtu de violet : c'est l'indication d'un deuil provisoire et
mitigé d'espérance. Quant aux paroles du cardinal, à
l'issue de l'infructueuse tentative, elles sont assez claires
pour qu'on se dispense de les souligner.
Que si l'on ne voulait voir dans ce rite, encore machi-
nalement pratiqué de nos jours, qu'une simple formalité
équivalant à la visite du docteur municipal^ en vue d'ob-
tenir de lui licence d'inhumer : nous accorderions que
c'est sans nul doute l'avis de bien des interprètes con-
temporains, et — nous le craignons fort — du cardinal
camerlingue lui-même ! De là, vraiment, à convenir que
telle était toute la visée des auteurs du très ancien rituel,
il y a fort loin. Dans l'hypothèse eu litige, le médecin se-
rait mandé de préférence au prélat, pour une constatation
qui, sans contredit, ressortirait à l'homme de l'art. Puis
l'approche d'un fer rouge à la plantedes pieds semblerait
d'un critérium plus certain que trois coups légèrement
frappés sur la tète avec un marteau d'argent I Pourquoi
d'argent?. . Mais nous aurions mauvaise grâce — ajou-
(1) Peut-être le blanc est-il la couleur des vêtements pontificaux,
pour donner à entendre que le vicaire de Jésus-Christ est son image
et son reflet sur la terre ténébreuse^ comme la lune est Timage noc-
turne du soleil, et sa blanche clarté un pâle reflet de l'astre glorieux ?
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620 LA CLEF DE LA MAGIE NOIRE
tez-y : quelque honte — à discuter plus longtemps une
thèse pareille. Nous ne la mentionnons au passage, que
parce qu'elle a été soutenue devant nous, le plus sérieu-
sement du monde, par un prêtre d'ailleurs érudit et sin-
cère.
Les trois coups frappés, joints au triple appel qui les
souligne, équivalent à une évocation précise de l'ànie
défunte, adjurée par le thaumaturge sacerdotal de donner
un signe, au cas où l'essai du rappel à l'existence ofiFri-
rait quelque espoir de réussite. Trois est le nombre sa-
cramentel du Verbe, de la Résurrection et de la Vie.
Les adjuvants de chambre, familiers respectueusement
dévoués à la personne du pape, servaient, selon toute
vraisemblance, d'éléments négatifs, pour l'improvisation
d'une chaîne magique, où figurait le cardinal camerlingue,
à titre de nature positive. D'une part, le thaumaturge
ecclésiastique tendait au défunt un câble de fluide et de
volontés unies, par quoi il mettait un subside de force
nerveuse à sa disposition, pour ressaisir les rênes de
l'organisme ; d'autre part, le rapport kabbalistique du
signe à la chose signifiée conférait au triple appel nomi-
nal une eflficacité suprême, tandis que la même loi décu-
plait et concentrait pour ainsi dire sur un point la vertu
assujettissante et ligatrice de la lune, symbolisée par
l'usage du marteau d'argent. C'était paralyser pour un
temps l'effort de l'âme sortante, en accumulant sur elle
l'influence hérébique à son maximum d'intensité, que
multipliait et dynamisait la volonté conforme du thau-
maturge et le veto de son verbe d'inhibition. Au cas où
l'âme, encore captive, peinait à se défaire de sa fausse
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LA MORT ET S£S ARGANES ijlii
personnalité, le rite du marteau d'argent devait interrom-
pre la € confession au tribunal de T Abîme ».
Si quelque signe, — un mowvement musculaire du
cadavre, ou des coups frappés, ou tout autre indice, —
eût manifesté la présence de Tâme auguste et présagé son
possible retour, nul doute que le cardinal pontifiant n'eût
alors mis en œuvre quelqu'un des procédés du rés.urrec-
tionnisme, bien connus des apôtres et des premiers adep-
tes de la religion chrétienne, et que nous avons signalés
plus haut. Par contre, la cérémonie manquant son effet,
il restait loisible aux oracles du sacerdoce de la taxer de
pieux usage, ou de feindre de n'y voir qu'une simple for-
malité de solennelle constatation.
Notons, pour en finir avec ce rite étrangement signi-
ficatif, que les coups sont frappés au sommet de la tête,
parce que c'est là, un peu en arrière de la suture crâ-
nienne, — par le trou de Brahma, diraient les maîtres
hindous, — que s'opèrent à la mort la désassimilation
et l'exode. Mais si l'on voulait se servir du marteau d'ar-
gent pour provoquer le réveil d'un médium ou d'un
adepte cataleplisés, en phase de bilocation, il faudrait
également agir sur les régions du cœur et du grand sym-
pathique; puisqu'en cette dangereuse expérience, de no-
tables agrégats fluidiques s'extériorisent à hauteur de
ces organes. Dans ces cas de léthargie, l'influence com-
pressive évoquée par l'usage du maillet d'argent n'agirait
plus identiquement comme au lit de la mort : c'est en
resserrant la chaîne sympathique qu'elle favoriserait la
réintégration du corps astral.
On voit qu'entre l'état posthume et celui qui résulte
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622 LA CLEP DE LA MÀGIfi NûlRR
de la projection du double corporel, il sied de releyer de
très essentielles différences, non seulement dans les rap-
ports qui relient l'âme à sa dépouille physique, mais en-
core dans le mode du dédoublement, comme à Tégard
des issues par où ce phénomène s'accomplit.
Le magicien en phase bilocative peut appeler à soi la
force nerveuse de son organisme, par le véhicule de la
chaîne qui reste tendue de l'un à l'autre ; — tandis que
l'âme en peine, qui a épuisé sa réserve dynamique au cours
de la double agonie qu'elle vient de subir, (terrestre et
posthume), ne peut compter que sur autrui pour renou-
veler la provision de forces disponibles, qui lui est indis-
pensable, afin de sortir victorieuse des épreuves de son
purgatoire.
Quelquefois, avons-nous dit, de pareils subsides peu-
vent être octroyés par les goëtes des cercles mauvais,
qui veulent accaparer une âme et lui feront payer bien
cher un secours passager... Mais ce piège assez rare peut
être déjoué. En règle générale, c'est d'une source avoua-
ble que procède le bienfait : la loi de solidarité humaine
est intervenue...
Nous avons promis, on s'en souvient, de revenir sur
cet adorable mystère de l'amour et de la bienfaisance
posthumes ; car c'est à l'heure du désespoir que l'âme,
accablée par une épreuve qui passe ses forces, sentira
qu'elle n'est point seule, et recevra le gage de la phis
tendre sollicitude.
Mais d'où viendra cette aide à l'âme désincarnée? —
D'ici-bas et de là-haut : de la douleur des parents ter-
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LA MORT ET SES ARCANES 623
restres, et de la pitié, disons mieux,, de l'amour des cé-
lestes parents. L'âme n'a pas commencé son purgatoire
dans le gouffre d'Hécate, que déjà, sur l'Antichtone lumi-
neuse, sa venue est annoncée et sa place préfixe.
Si bizarre que semble cette théorie, qu'on daigne y
réfléchir ; et peut-être ne l'estimera-t-on dépourvue ni de
logique, ni de vraisemblance.
La famille est une réalité sur le plan subjectif comme
sur la terre. Quand un enfant s'incarne ici-bas, qui nous
dit qu'un groupe de parents ne pleure point là-haut la
mort d'une âme ?
c Encore une étoile qui file^
Qui file, file, et disparaît !... »
Mais, en perdant une famille au monde de la vie em-
pyrée, cette âme qui va naître en acquiert une autre au
monde de la vie charnelle. Des bras seront là pour
recueillir l'ange au terme de sa chute ; une ineffable sol-
licitude va désormais veiller sur lui. Ses parents lui ap-
prendront peu à peu à faire usage de son corps, masse
opaque où vient sa lumière de s'engloutir et de s'étein-
dre ; mais dont les organes seront plus tard autant d'ins-
truments de contrôle à son service, pour explorer et
connaître ce monde étrange où il est descendu. Ainsi
sans doute le nouveau-né de la vie arômale retrouve une
famille prête à l'accueillir au delà du sombre fleuve : de
tendres parents qui vont l'initier progressivement à sa
vie nouvelle.
La famille se composera-t-elle des mêmes individus
là-haut qu'ici-bas, ou réciproquement? Les aînés qui ac-
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624 LA CLEF DE LA MAGIE NOIRE
cueilleront le néophyte de la vie céleste sont-ite des an-
cêtres j au pied de la lettre ? nous voulons dire — des
individus de la même famille terrestre, morts avant lui?
— Gela est une autre question, et tout ce que nous en
pouvons dire, c'est qu'il paraît consolant de le supposer.
L'examen de cette hypothèse va d'ailleurs fournir Toe-
casion d'une remarque, omise par nous jusqu'à présent :
à savoir que, le plus souvent, sur cette terre, nous ne
connaissons d'un homme que s^ fausse personnalité, celle
qu'il dépouillera dans les affres delà mort et delà seconde
mort, et qui est vouée à se dissoudre, plus ou moins
vile, conjointement ou parallèlement au corps astral, pé-
rissable aussi. L'entité vraie, l'individualité durable,
l'âme en un mot, n'apparaît point ordinairement mar-
quée à ce sceau d'originalité ou de particularisme qui
commande et fixe l'attention : l'entité vraie nous échappe
totalement. — Ce qui nous frappe à chaque instant, chez
l'immense majorité des hommes, c'est le tour d'esprit,
aussi bien que l'allure extérieure: ce sont la désinvolture
ou la timidité, la manière d'être, de s'exprimer, de se
tenir; joignez-y les minuties du caractère, la bonne ou
la fâcheuse humeur, les petites manies, les faiblesses
pittoresques ou ridicules... toutes ces choses enfin, dont
l'addition forme un total qui nous représente « Monsieur
un tel ». Voilà ce qui constitue la personnalité terrestre.
Eh bien, toutes ces choses, caractéristiques à nos yeux,
d'un être que nous estimons connu, par cela même que
nous les avons notées ; — toutes ces choses, marchan-
dises prohibées du bagage immortel, n'outrepasseront
point l'atmosphère seconde de la planète dont elles sont
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LA MORT £T SES ARCANES 625
des produits : elles resteront, il est vrai, le propre de la
personne défunte, tant que celle-ci se maintiendra dans
1 a condition d'Élémentaire ; mais une fois la réelle entité
libre de ses entraves et sublimée vers un nouveau mode
d'existence, toutes ces choses, inséparables de la fausse
substance animique, resteront captives de l'Astral terres-
tre. Enfin YOmbre (ou coque fluidique en voie de se dis-
soudre) les attirant à soi, en accueillera le reflet dans sa
lumière moribonde, pour en garder quelque temps l'in-
décise empreinte ! Ainsi, soit qu'avec l'aide d'un médium,
les habitants de notre planète évoquent l'Élémentaire
humain, soit qu'ils parviennent à réactionner l'Ombre
inane, qui n'en est plus qu'une dépouille, un résidu, une
scorie : ce sera, dans les deux cas, la personnalité ter-
restre, — celle que nous avons connue, — qui se mani-
festera, parfaite ou imparfaite.
La conséquence, c'est que la plupart des êtres qui ont
vécu sur la terre dans une étroite intimité, se croiseront
sur l'Antichtone sans se reconnaître aucunement, puisque
leurs traits de ressemblance auront disparu, avec la mé-
nnoire de tout ce qui ne résidait pas, ou dans l'intellec-
tuel pur, ou dans les sentiments les plus nobles de l'àme.
A peine de rares humains pourraient-ils se retrouver là-
haut tels qu'ils se sont connus, qui, — dès leur existence
physique, fervents de l'altruisme et de la spiritualité, se
sont manifestés ici-bas l'un à l'autre par les plus subli-
mes attributs de l'intelligence et du cœur. L'exception-
nelle faculté de se reconnaître dans l'autre monde devien-
drait ainsi le privilège aristocratique des âmes. Elle serait
la récompense des adelphats intellectuels les plus purs,
40
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626 LA CLEF DE LA MAGIE NOIRE
des affectioDS hautement désintéressées, des absolus dé-
vouements, des belles et saintes amours : parce qu'il est
écrit que V amour est plus puissant que la mort. — Quant
au commun des hommes, s'ils se rencontrent là-haut, ils
ne se soupçonneront même pas. Tout au plus éprouveront-
ils parfois la vague impression de déjà vu, que nous res-
sentons en présence de certaines personnes, qui, dès le
premier coup d'œil, nous semblent familières, et com-
mandent notre amitié immédiate, ou soulèvent en nous
de farouches et soudaines antipathies. Et ce sera tout...
C'est assez dire, qu'à supposer que les aïeux terriens
devinssent les parents antichtoniques, cette identité serait
de médiocre conséquence pour le plus grand nombre de
nous, puisqu'il ne nous serait probablement donné, ni
d'être reconnus d'eux, ni de les reconnaître.
Quels qu'ils soient d'ailleurs, ces parents, — dès que
l'individu trépassé sur terre commence son voyage, une
respectable tradition nous les montre attentifs, qui déjà
veillent sur lui, de près ou de loin, et lui viennent en
aide dans la lutte qu'il va soutenir. Mais le touchassent-
ils, que le nouveau-mort ne les verrait pas plus qu'un
nouveau-né n'aperçoit encore le médecin qui l'aide à
rendre le méconium, ou tranche le cordon ombilical qui
rattache l'enfant à sa mère. La Psyché posthume, à me-
sure que ses organes propres se développeront, prendra
connaissance du monde subtil qui l'entoure.
Toutefois, une dissemblance profonde est à saisir, en-
tre le nouveau-né et le nouveau-mort (I). L'âme du pre-
(1) L'analogie serait plus exacte, qui homologuerait l'état posthume
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LA MORT ET SES ARCANES 627
mier est une page blanche, pour ainsi dire : du moins
les écritures karraiques, comme tracées à l'encre de sym-
pathie, ne se développeront que plus tard aux réactifs
temporels ; tandis que l'autre a besoin de sa conscience
et de sa volonté terrestres, pour soutenir l'épreuve qui
l'attend. Ce n'est qu'une {o'\s\dL seconde mort consommée,
et le corps astral dépouillé comme une tunique en lam-
beaux, que l'être humain, avant son assomption sur l'An-
tichtone, perdra connaissance dans l'eau du Léthé : bap-
tême d'une vie nouvelle, et absolution de l'ancienne !
Mais s'il est permis de pressentir l'accueil fait à l'être
abmatérialisé sur le seuil de la vie arômale, et l'influence
tutélaire dont il bénéficie peut-être, sans la sentir encore;
c'est d'ici-bas que peut et doit émaner l'auxiliation dé-
cisivement efficace, et plus ou moins promptement libé-
ratrice.
Tous les théocrates l'ont compris, et toutes les religions
solennisent, règlent, consacrent, par les rites funéraires et
le culte des morts, l'émission de ce subside bénéfique.
De quel secours sont les prières, les symboles et les céré-
monies religieuses, à l'agonisant, puis au défunt : c'est
ce qu'ignorent ceux-là même, qu'un vivace et sublime
instinct pousse, — indifférents, sceptiques, voire athées,
— à rendre un culte aux trépassés. Par une dérogation
bien remarquable à leurs habitudes, on les voit, sous
prétexte d'un enterrement ou d'une cérémonie commé-
raorative, fouler à nouveau le parvis des églises longtemps
de rame avec celui qu'elle a connu dans l'inten'alle de sa chute à
son incarnation (Voy. pages 480 et suiv.).
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628 LA CLEF DE LA MAGIE NOIRE
désertées par eux. Routine, se disent-ils, et sacrifice aux
bienséances ; mais quelle secrète influence les subjugue
au caprice d'une routine, aux respects des convenances
dont ils s'affranchissent sans scrupule en toute autre con-
joncture ? Se le sont-ils demandé?...
Le cérémonial funèbre est une savante orchestration
de la douleur des amis et des proches, exhalée en un
concert de bruyants sanglots ou de muets soupirs.
Nous avons démêlé, au chapitre v, Tésot^risme de cer-
taines causes passionnelles, celles enparticulierdela peur
sans motif appréciable, et de Tinstinct sadique. Du même
coup, nous laissions entrevoir la fonction providentielle
des larmes pleurées sur un cercueil.
Il n'est point de passion intense de l'âme qui ne se
traduise, à son paroxysme, par une abdication de la Vo-
lonté inconsciente (1) dans le gouvernement de la vie.
Alors, les liens compressifs de l'organisme occulte venant
à fléchir, le réservoir de la force nerveuse disponible laisse
échapper à flots sa précieuse liqueur. La vie, au degré de
perfection qu'elle atteint chez l'homme, n'est point ainsi
(1) Nous n'ignorons pas que la volonté de l'individu» consciente
lorsqu'elle s'exerce dans les sphères de son intelligence ou de son en-
tendement, ne l'est plus lorsqu'elle agit dans les bornes de sa Psyché
passionnelle ou dans le domaine de son instinct. Or la Puissance qui
commande sur le corps astral, et par lui, sur le système ganglionnaire
et ses réserves de force nerveuse, — c'est la volonté inconsciente, c'est-
à-dire, qui veut en nous sans que nous ayons conscience de vouloir, et
cesse de vouloir en nous, sans que nous sachions ne vouloir plus.
L'art de porter la lumière dans cette portion obscure de la volonté
constitue l'un des plus profonds arcanes de la magie. Nous en avons
dit quelque chose, mais en termes discrets, au chapitre iv de cet ou-
vrage.
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LA MORT ET SES ARCANES 629
répandue sans destination naturelle, ou du moins sans
immédiat emploi : tant d'êtres, autonomes ou parasitai-
res, en sont avides insatiablement! Magique breuvage, la
vie donne jusqu'à l'illusion de Timmortalité à ces Lémures
inconsistants qui peuplent le nimbe, et ne sont que les
blasphèmes du verbe inférieur, les mensonges de l'Exis-
tence prompte elle-même à se décevoir ! A plus forte raison
pareil élixir sera-t-il un réconfort pour des Entités moins
infimes et d'un grade notable sur l'échelle de l'évolu-
tion.
Le plus souvent, l'hémorragie fluidique de source
passionnelle tourne au profit des Élémentaux, comme
dans le cas de peur irraisonnée, — ou sert à nourrir des
Larves, comme dans le cas de jalousie. Mais pour utiliser
les affres du désespoir, consécutif à la perte d'un être
cher, une loi providentielle intervient, qui réserve au
bénéfice du mort cette effusion vivifiante; et, tribut su-
prême de la terre à l'enfant qui vient de la fuir, ce sub-
side dynamique dont nous avons parlé, qui corrobore
Yâme en peine au plus dur de l'épreuve posthume, — n'a
point d'autre origine.
Que si l'on s'enquiert du véhicule intercosmique,
propre au transport de cette force ainsi libérée ; si l'on
demande quel canal l'endigue et la conduit jusqu'au pau-
vre défunt qui s'en abreuvera : c'est, répondrons-nous,
l'afiinité sympathique et secrète qui, de la terre au Ciel
et d'une vie à l'autre, relie tous les membres d'une même
famille, la tige virtuelle qui porta toutes les fleurs d'ua
même sang. — Affinité si réelle, qu'à vrai dire, elle
seule explique le phénomène, fort étrange et fréquent,
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630 LA CLEF DE LA MAGIE NOIKE
des trépas sériels j qui déconcerte les doctes, mais dont
le naïf populaire a de suite compris le sens occulte, qu'il
a traduit et consacré par un proverbe : les maris s'ajh
pellent !
Quoi de moins rare, en effet, quoi de plus impression- I
nant aussi, que de voir une famille prospérer vingt ans
et plus, à Tabri, non pas seulement d'une catastrophe,
mais de la moindre disgrâce du Sort, gagner du terrain
par la naissance, sans en perdre par le décès; sans qu*au
recensement des anniversaires, un seul de ses membres
défaille à l'appel!... Enfin, après une lutte prolongée,
l'un d'eux succombe, et c'est souvent l'aïeul. Tel un chêne
sous la cognée, il a longtemps et vaillamment souflFert
les atteintes du mal qui remporte. Il tombe> — et le
spectre de la Mort, tant d'années absent, ne cesse plus
de planer sur le home; et successivement, en quelques
mois, autant de cercueils s'alignent au caveau funèbre,
qu'on avait vu de berceaux se multiplier au logis. Parfois
la contagion gagne les branches latérales... On dirait
qu'une invisible chaîne reliât entre eux tous ces parents,
et que l'un d'eux, s'effondrant, ait entraîné tous les au-
tres dans sa chute. Il n'est que trop vrai que la chaîne
existe, et le peuple, qui, à s'élire un avis, opte de préfé-
rence pour le moins complexe, opine que le premier en
allé a fait aux autres signe de le suivre : les niorts s'ap^
pellent!
, Toutes ces notions de sohdarité familiale et de réversi-
bilité dynamique, rattachant aux incarnés ceux qui vien-
nent de fuir la prison du corps, — étaient parfaitement
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LA MORT ET SES ARCANES 631
connues et mises en pratique dans les temples de l'anti-
que Sagesse.
Sur ces données occultes, un monument s'élevait de
toutes parts, sanction de la vie immortelle dans la mort
même, promesse deTéternité bienheureuse dans le temps!
C'était la religion des sépultures, si célèbre en Egypte et
en Assyrie ; le culte des ancêtres, encore si vivace dans
tout l'Extrême-Orient, et qu'au siècle dernier les mis-
sionnaires dominicains ont fait proscrire par TÉglise ro-
maine, comme impie et superstitieux. Plus habiles, les
missionnaires de la compagnie de Jésus en avaient toléré,
de longue date, le cérémonial chez leurs catéchumènes :
si bien que, sous la direction des bons Pères, les Chinois,
pour qui ce culte ancestral est tout, adoptaient en nom-
bre la foi du Christ, dans lequel ils pensaient voir un
nouveau Bouddha. Mais les Frères prêcheure, jaloux des
succès de leurs rivaux séculaires, obtinrent de Rome une
bulle de condamnation contre le procédé jésuitique (1):
la source des conversions en tarit soudain, et de ce jour-
là, c'en a été fait du Catholicisme en Extrême-Orient.
Aujourd'hui, que l'hostilité flagrante de la Science et
delà Foi semble avoir déterminé comme un schisme dans
l'indivisible Vérité, réduite à l'antinomie de deux aspects
contradictoires, il est difficile de concevoir jusqu'où, dans
les cryptes de TÉsotérisme, le contrôle scientifique le
plus rigoureux s'exerçait jadis, pour la vérification des
(1) La querelle dura cent ans, entre les héritiers spirituels de Saint
Dominique et ceux de Saint Ignace de Loyola. Ce fut Benoit XIY qui
prononça, au siècle dernier, la condamnation définitive de la méthode
Jésuitique en Chine.
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632 LA CLEF DE LA MAGIE NOIRE
doctrines religieuses : loin de se contredire, alors, h:
positivisme expérimental et l'intuition mystique s ému-
laient vers la découverte et la mutuelle consécration du
Vrai (1). Nos contemporains auraient peine à se repré-
senter quels liens de correspondance immédiate les an-
ciens sacerdoces avaient su tendre, d'une rive à l'autre
de Texistenoe, de l'envers à l'endroit de la substance
cosmogonique ; et quels rapports hiérarchiques, précis
et indiscutables, ils entretenaient avec les âmes déga-
gées des entraves du corps.
La communion avec le Ciel antichtonique, ou même
avec la citadelle solaire des âmes glorifiées, n'est inter-
dite qu'aux hommes dont la personnalité, restreinte dans
les régions inférieures de la Psyché passionnelle et ins-
tinctive, doit conséquemment se dissoudre à la mort,
comme nous l'expliquons à la page 625. Mais il est des
hommes qui dominent la chair d'assez haut pour se main-
tenir conscients et actifs dans la région spirituelle de
leur être : ceux-là peuvent lier commerce avec les âmes
victorieuses de la seconde mort. Telle était la base du
glorieux culte des ancêtres, docte et hiérarchique, dont
la religion des Mânes n'était déjà plus à Rome qu'un reste
dégénéré, une réminiscence presque machinale, tandis
que le spiritisme anarchique de nos jours en présente la
contrefaçon pitoyable et la burlesque caricature (2).
(1) n est vrai de dire, au reste, que le positivisme expérimental des
hiérophantes connaissait d'autres critères que la science positive de
nos docteurs contemporains, et savait s'ouvrir un champ d'observation
plus étendu.
(2) « Un spirite en rencontre un autre. — Quoi de neuf, cher ami,
depuis que j'ai eu le plaisir de vous voir à l'évocaUon de la mère Mo-
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LA MORT ET SES ARCANES 633
Mais dès les temps reculés où la haute et divine Magie
était rame même du sacerdoce, les adeptes de la goëtie
parodiaient, dans les ténèbres profanes, les théurges du
sanctuaire.
Plus une lumière scintille brillante et pure, plus noire
et plus précise se projette Tombre des objets qu'elle bai-
gne de ses rayons. Hors de Tenceinte consacrée, les
vérités occultes se traduisent presque toujours en dégra-
dantes superstitions ; et les cérémonies augustes dégé-
nèrent en pratiques subversives, ambiguës et parfois hi-
deuses. C'est une conséquence fatale de l'imperfection
humaine, — et nous ajouterions, le seul inconvénient de
la méthode ésotérique, si, dans le catholicisme moderne,
d'où Tésotérisme est exclu, la même matérialisation su-
perstitieuse ne se faisait apercevoir, nonobstant la publi-
cité des mystères... La caractéristique des formes reli-
gieuses ainsi défigurées par la réfraction en un milieu
moins pur, c'est de grimacer dans l'outrance.
La haute psychurgie se bornait à solenniser la douleur
des amis et des parents, afin de mettre en œuvre, au bé-
néfice du mort, le subside de force nerveuse qui lui doit
être si utile. La sorcellerie prétendit faire plus.
Les adeptes de la magie noire, pour décupler l'émis-
reau, chez TabbéX?... — Pas grand chose, si ce n'est toutefois que
ma tante est morte... — Ah 1 elle est morte ? C'est très bien t — Mon
Dieu oui, morte et enterrée. — Elle se porte bien, du reste ? — Mais
parfaitement ; je vous remercie. Elle vient mo voir tous les jeudis. —
Ahl c'est votre jour de réception? — Pour les morts, seulement; je
reçois les vivants le lundi. » (Le Siècle, n° du 15 juillet 1853.)
Cette spirituelle saillie d'un journaliste est à peine une charge ; nous
savons des spirites qui parlent sérieusement ainsi t
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634 LA CLEF DE LA MAGIE NOIRE
f
I
sion dynamique, imaginèrent d'ajouter la douleur physi- .
que au chagrin moral, et de mêler le sang aux larmes?-* \
Ils prescrivirent aux proches de se balafrer d'incisioris
par tout le corps, en pleurant les trépassés : praUqu»*
sauvage, que certains sacerdoces dégénérés adoptèrent
par la suite, et qui était devenue bien coutumièreen Asie-
Mineure, au temps de Moïse, car il dut la proscrire ex-
pressément dans sa Loi. Citons un verset des plus curieux
du Sepher Wa4kerâ mp^^ "ISD (traité plus connu des
modernes sous le titre du Léuitique) ; un verset dont la
portée véritable a échappé aux commentateurs :
« Une incision pour une âme (défunte),point n'en ferez à la
chair à vous; des marques stigmatisées (tatouages), point n'en
ferez sur vous : moi Ihôah ! »
(lévitique, chapitre xix, y. 28).
La Bible d'Osterwald, d'accord avec toutes les versions
exotériques, interprète ainsi ce verset : « Vous ne ferez
point d'incisions sur votre chair pour un mort, et vous
n'imprimerez pas de caractères en vous : je suis TÉter-
nel. »
M. S. Cahen, auteur d'une bonne traduction littérale
de la Bible, rend par «un cadavre » le mot qu'Osterwald
rend par a un mort », et que nous avons cru devoir tra-
duire par «une âme » : car tel est, en vérité, le sens éso-
térique du vocable tt^S3 Nephesch (2). Mais en admettant
(1) Par rhiérogramme TTSJ, Nephesch, Moïse entend presque toujours
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LA MORT ET SES ARGA:<ES 635
Le sens accrédité par les traducteurs, notre thèse n'en
souffrirait pas.
M. Cahen consigne en note cette remarque, que « les
peuples orientaux, et même les Romains avaient Thabi-
Ivide, aux funérailles de leurs proches, de se faire des
incisions en différents endroits du corps. Cet usage (ajou-
te-t-il) subsiste encore chez les Arabes... On voit dans
Jéréraie que cette prohibition était mal observée chez les
Hébreux. Voy. Jérémie, chap. xvi, ^. 6; ch, xli, jf, 5;
ch. xLvn, f. 5, etc.. (1) »
Les tatouages, ou stigmates, qu'interdit en outre le
Lévitiquey sont magiquement quelque chose de plus que
de simples incisions : ils symbolisent Té vocation des Invi-
sibles, et sanctionnent le pacte avec ces Puissances, par
l'indélébile inscription de l'hiéroglyphe évocatoire, à
même la chair des évocateurs.
Moïse ne condamnait pas sans raison ces rites abusifs,
et beaucoup plus profitables aux Larves impures qu'à toute
autre classe d'Invisibles. Non seulement de pareilles scè-
nes d'ivresse astrale et sauvage sont nuisibles aux assis-
tants, qui multiplient dans leur milieu les spectres para-
sitaires et attirent les Lémures vagabonds en leur offrant
l'àme dans sa triple nature, et dans Tensemble de ses opérations. (Voy.
Fabre d'Olivel, Langue hébraïque restituée, tome II, page 51-53).
Mais les Kabbalistes entendent de préférence, par ce vocable^ le corps
astral, et la faculté plastique qui lui sert de substratum : en un mot,
la vie fluidique de Tàme, par opposition à n^l Roûach, sa vie passion-
nelle, et à 7XQX02 Neschamah, sa vie spirituelle. Ce sens est précieux &
relever, au point de vue qui nous occupe.
(1) La Bible, traduction nouvelle avec l'hébreu en r;egard, par 8. Ca-
hen, Directeur de l'École Israélite de Paris, etc. — Paris, 1832, in-8,
tome ni, page 89.
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636 LA CLEF DB LA MAGIE NOIRE
des banquets ensanglantés; bien plus, ces pratiques n
se conçoivent que funestes à Tàme en détresse, vers qui
s'épanche un courant de fluide orgiaque, saturé de Lar-
ves malfaisantes, aveugles et brutales.
Accomplir des rites sanglants sur une tombe entr'oi:-
verte, c'est faire pis, peut-être : c'est suggérer à l'àme
encore empêchée dans les entraves magnétiques du ca-
davre la tentation de ne les point rompre ; c'est tendnî
vers elle la coupe abominable du vampirisme.
Nous avons agité, au tome précédent, la question dt^>
Vampires; ce qui nous dispense de nous appesantir en
celui-ci sur les turpitudes d'un crime posthume, heureu-
sement assez rare, quoiqu'il en existe nombre d'exem-
ples dûment avérés. Nous avons le droit de tenir nolro
Lecteur pour sufiîsamment renseigné sur la question
de fait ; au surplus, la Magia posthuma de C.-F. de
Schertz (1) et le Traité sur les apparitions des Esprits et
les Vampires du P. dom Calmet (2) cataloguent une cer-
taine quantité de récits où l'on pourra se reporter. C'est
au siècle dernier surtout que le problème du vampirisme,
bruyamment posé et diversement résolu, a fatigué les
trii)les échos de l'Europe savapte, philosophique et reh*-
gieuse ; mais les revenants meurtriers ont été connus de
tous temps sous les noms divers de Broukolaques, de
Str liges, de Gliôtes et de Lamies (3).
(1) OlmOlz, 1706. in-8.
(2) Paris, 1751, 2 vol. in-12.
(3) Pausanias, cité par M. de Mirville (des Esprits et de leurs mant
festations diverses, tome IV, page 392), signale un article do la légis-
lation des Cretois, qui ordonnait de « brûler les cadavres qui sortaient
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LA MORT ET SES ARCANES 637
Ces dernières appellations s'appliquaient tantôt à des
spectres sanguinaires (l), et tantôt à des monstres à face
Inumaine, .qui, affamés et libidineux tout ensemble, vio-
1 aient les sépultures, et, convives du ver et du corbeau,
y célébraient les frénétiques agapes de la putréfaction et
les orgies silencieuses de la mort. Cette double déprava-
lion, qui n'est point, comme on le sait, sans exemple de
nos jours, relève plutôt de la pathologie mentale que de
l'Occulte proprement dit. Nous ne nous y arrêterons pas.
Véritable maladie posthume, héréditaire parfois et même
ci)idémique, le vampirisme serait aussi du ressort de la
médecine : mais il tombe au premier chef sous la com-
pétence du magiste. 11 est d'ailleurs, à l'ordinaire, con-
testé par les oracles de la science, qui recourent, en vue
d'expliquer les faits garantis par tant de témoins oculai-
res, à un édifice infiniment compliqué d'hallucinations
réciproques et de délires concomitants. Le docteur Cal-
meil, qui, pour définir la cause d'autres phénomènes, à
son gré purement subjectifs, nous parlait naguère de
troubles hystérodémonopathiqueSy tire cette fois de son
sac-à-malice le vocable, aussi lumineux que péremptoire,
de spectropathie (2).
de leurs tombeaux pour rentrer dans leurs familles, ou de leur percer
la tète avec un clou ». Ainsi, non seulement le vampirisme était connu
des anciens, mais ils pratiquaient déjà le remède usité depuis en Grèce,
en Moravie, en Pologne, en Hongrie, pour arrêter les ravages du fléau.
(1) Souvent, par extension, les occultistes nomment Vampires les
entités fluidiques parasitaires qui, plus consistantes que les Larves
proprement dites, perpétuent leur existence aux dépens de l'individu
complaisant à les nourrir. — C'est en ce sens qu'au chapitre iv, nous
avons parlé de vampires dévorants (page 405).
(2) Galmeil, de la Folie, Paris, 1845, 2 vol., tome II, in fine.
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638 LA CLEF DE LA MAGIE NOIRE
C'est beau, la Science!...
Il faut bien que le revenant meurtrier se présente à s*-
victimes en corps astral, puisqu'il pénètre dans les dt-
meures, toutes portes et fenêtres closes, et disparaît son
dain comme il est apparu. Il tue en deux ou trois visitas
parfois en une seule, les êtres vivants qu'il assaille : il le^
épuise en leur dérobant leur vitalité, par une sorte 'Je
succion fluidique. Il serait surperflu d'insister sur l'ana-
logie homologuant le cas qui nous occupe avec les mys-
tères dynamo-spirituels effleurées au chapitre v(I), coranit
avec l'énigme de la Lycanthropie, que nous aborderons
au chapitre vn, sous le titre de Magie des transmuUi-
lions.
Le Vampire s'attaque d'aventure aux animaux domes-
tiques. Parmi les hommes, il s'en prend à ceux dans la
familiarité desquels il a vécu ; préférablement, à ses pro-
ches. Une tradition, d'ailleurs sujette à conteste, veut
que les personnes mortes du baiser vampirique devien-
nent vampires à leur tour...
Souvent leur cadavre ne porte aucune'marque de vio-
lences. On cite néanmoins des cas où le Vampire, prati-
quant une blessure au cou de sa victime, se serait abreuvé
à même son sang.
« Il se trouvait (écrit le D' Calmeil) au nombre des vampi-
res, auxquels le Comte de Cabreras fît couper ia tête, en 1728,
un homme mort depuis plus de trente ans, qui était revenu
par trois fois dans sa propre maison, à l'heure du repas, et
avait sucé le sang au cpu, la première fois à son propre frère,
(1) Voyez pages 552 et suiv. — Cf. aussi notre théorie des Larves.
chap. n de la Clef delà Magie noire.
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LA MORT ET SES ARCANES 639
la seconde à Tun de ses fils, la troisième à un valet ; tous
€rois étaient morts sur le champ. Il fit brûler un troisième
^vampire, qui était enterré depuis plus de seize ans, et avait
«»ucé le sang et causé la mort de ses deux fils (1). »
Les faits sont constants, certifiés par des procès- ver-
baux nombreux et authentiques. Ce qu'on observe uni-
formément à l'exhumation des cadavres inculpés, on peut
en lire le détail au premier tome du Serpent de lu Genèse (2).
Quant à l'occulte justification de ces phénomènes anor-
maux, à coup sûr on l'entrevoit... Il n'est rien d'étonnant
à ce que le R. Père Calmet, qui ne soupçonnait point la
théorie kabbalistique du corps astral, s'étonne de la con-
servation et de la vie végétative des cadavres, dûment
enterrés.
« Ce n'est pas là (dît-il pourtant) la principale difficulté qui
m'arrête ; c'est de savoir comment ils sortent de leurs tom-
beaux : comment ils y rentrent, sans qu'il paroisse qu'ils ont
remué la terre, et qu'ils l'ont remise *en son premier état :
comment ils paroissent revêtus de leurs habits, qu'ils vont,
qu'ils viennent, qu'ils mangent. Si cela est, pourquoi retour-
ner dans leurs tombeaux ? que ne demeurent-ils parmi les vi-
vans? pourquoi sucer le sang de leurs parens? pourquoi in-
fester et fatiguer des personnes, qui doivent leur être chères,
et qui ne les ont pas offensés ? Si tout cela n'est qu'imagination
de la part de ceux qui sont molestés, d'où vient que ces Vam-
pires se trouvent dans leurs tombeaux sans corruption, pleins
de sang, souples et maniables ; qu'on leur trouve les pieds
crottés le lendemain du jour qu'ils ont couru et effrayé les
gens du voisinage, et qu'on ne remarque rien de pareil dans
les autres cadavres enterrés dans le même tems, dans le même
cimetière? D'où vient qu'ils ne reviennent plus, et n'infestent
(1) Dr Galmeil, de la Folie, tome II, page 432.
(2) Pages 222-224.
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640 LA CLEF DE LA MAGIE NOIRE
plus, quand on les a brûlés et empalés? Sera-ce encore V'v^ !
gination des vivans et leurs préjugés, qui les r&ssurernr
après ces exécutions faites? D*où vient que ces scènes se i
nouvellent si souvent dans ces pays, qu^on ne revient p« !
de ces préjugés, et que Texpérience journalière, au lieu dt-
détruire, ne fait que les augmenter et les fortifier (i) ? »
On voit que, sur le fait de la réalité des phénomène-
i'érudit bénédictin répond, plus d'un siècle à ravan.
aux théories des savants tels que le D' Calmeil, qui n.
voient dans les êtres vampirisés que les victimes d'in -
maladive imagination. La doctrine esquissée par noi;^
au précédent tome (pages 229 et 381) semble résoutl;
la plupart .des difficultés dont s'effare la logique du bu:
Père (2). L'assassin d outre-tombe n'est pas un cadavi-
galvanisé pour un temps par une soif monstrueuse li-
pourpre humaine, puis rentrant dans sa fosse pour \
cuver ce sanglant breuvage, comme un ivrogne cum
son vin. Non, le revenant serait un Élémentaire anti-
cipé, — Tàme du défunt qui, vaguant en corps sidéral
(i) Dom Calinel, Traité des apparitions et des vampires, tome ÏI.
pages 211-212.
(i) Le seul détail qui semble répugner à cette doctrine, c'est labou-
dont les pieds du cadavre apparaissent souillés, et qui témoignerait ii*'
l'exode extra-sépulcral, en chair et en os. Nous ne hasarderons pas la
supposition, — invraisemblable au présent cas, — d'un transfert par
réversibilité, du fantôme au cadavre. Mais outre qu'il est fort possibU'.
en pareille circonstance, de confondre avec de la boue toute autre ma-
culaturc, sur quoi l'on nous dispensera d'insister (la propreté nVlait
point coutume, alors, surtout dans les classes inférieures), peutrtrv
mcnlionne-t-on les pieds crottés pour plus de merveilleux, ou plus df
vraisemblance de l'hypothèse en faveur à cette époque. Autant le fait
essentiel s'impose, avéré comme il l'est par tant de témoins, sous la sanr-
tion des autorités locales, autant il parait supposable que !a tradition
ait brodé quelque détail fantaisiste, sur le canevas du récit originel.
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LX MORT ET SES ARCANES 641
autour de sa. dépouille, n'a garde de rompre le lien
d'ombilication fluidique qui la rattache au cadavre, dont
elle entretient la vitalité végétative et retarde la désagré-
gation moléculaire, par un phénomène exceptionnel
d'hyperphysique nutrition.
Mais pour nourrir la mort, il faut épuiser et détruire la
vie. — L'impalpable malfaiteur se mêle aux vivants, il les
terrifie pour s'emparer de leur fluide vital extériorisé par
l'effroi ; et ce fluide, il va le transmettre au cadavre, au-
quel son existence est liée...— Figurez-vous un poulpe,
embusqué dans sa caverne sous-marine ; il étend au
dehors ses huit tentacules armés de suçoirs : tel le
cadavre meurtrier dans sa tombe ; le spectre-ventouse
vagabonde alentour :
... tumulum circumvolat umbra!
Voilà, dans toute son immondice, le mystère infâme de
l'erraticité vampirique.
L'intuition populaire l'avait de longue date pressenti,
puisque l'usage voulait, en Grèce et ailleurs, qu'on plan-
tât des glaives, la pointe en l'air, sur la sépulture des
Vampires, après qu'on leur avait tranché la tête ou féru
le cœur d'un épieu. Peut-être quelque magicien avait-il
révélé l'efficacité d'une telle pratique... Tournefort a été
à Mycone (l'une des Cyclades), témoin fort incrédule de
cette singulière cérémonie, qu'il relate en ses Voyages.
Or, on sait la vertu que possèdent les pointes de métal,
d'anéantir les fantômes en rompant tout coagulât fluidi-
que. Elles soutirent et décomposent l'électricité vivante
en ses anormales condensations. Sur la fosse des Vampi-
41
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642 LA CLEF DE LA MAGIE NOIRE
^
res, les épées servaient donc à dissoudre le nœud qui
relie au cadavre l'entité erratique du défunt, — aussitôt
entraînée au gouffre d'Hécate. C'est là, dans ces ténèbres
extérieures dont parle l'Évangile, que cette âme prolon-
gera, selon toute vraisemblance, sa triste condition d'Élé-
mentaire extraligné de la voie lumineuse, en attendant
de devenir un légionnaire de l'ombre, un Daimon per-
vers.
M. Jules Lermina, dans son Êlixir de me^ dramatise
en mode saisissant T hypothèse d'un Vampire par antici-
pation : imaginez un vieillard qui a trouvé, en dépit de
rage, le secret d'un perpétuel entretien de ses réserves
nerveuses, qu'il renouvelle sans fatigue en s'assimilant
les forces élaborées par d'autres organismes. C'est aux
enfants, nécessairement doués, dans la période de leur
croissance, d'une surabondante sève de vie, que le sinistre
héros du romancier emprunte le fluide d'immortelle
Jouvence. Bien que la fabulation de M. Lermina soit
purement fantaisiste, son hypothèse se réclame d'une
théorie très curieuse et très solide, dont nous lui em-
prunterons l'énoncé.
c Écoutez- moi (c*est la confession du Vampire). — Il y a en
l'homme trois périodes distinctes : Tune de rayonnement, c>st
l'en Tance jusqu'aux extrêmes limites de l'adolescence ; la se-
conde de consommation, qui va jusqu'à la fin de Tàge mûr;
puis la troisième, de réduction, qui est la vieillesse else ter-
mine par la mort.
< De l'organisme vivant, de Thomme surtout, qui est jus-
qu'ici la plus complète expression de la vie, s'exhale pendant
la première période le trop plein de la vitalité. L'enfant absorbe
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LA MORT ET SES ABGANES 643
plus de fluide vital qu'il n'en consomme^ et de tout son être
rayonne une force en excès. Dans la seconde période, Tétre
consomme autant qu'il absorbe : c'est l'équilibre des forts.
Dans la vieillesse» cet équilibre est rompu ; la résorption est
inférieure àla consommation, la dépense vitale supérieure à
l'acquisition, d'où la faiblesse, d'où la mort.
a Maintenant, en l'état actuel de la science, il vous parait
impossible, n'est-il pas vrai? qu'un bomme, un vieillard,
puisse rompre ces lois de nature et, par des pratiques spéciales,
voler à l'enfant, par exemple, ces effluves vitaux qui sont en
excès, et même, par une sorte d'endosmose, attirer à soi tout
le fluide dont une partie, celle extérieure, serait à sa disposi-
tion immédiate? Là est pourtant la vérité. Oui, je suis un
criminel ; oui, je suis un assassin, car depuis quarante ans je
procède, nouvel Éson, à un rajeunissement perpétuel de moi-
même. Oui, j'ai tué des enfants, mais non pas, comme les
ignorants le pourraient croire, ou comme l'avait follement in-
venté Jean-Henri Cohausen, dansf son Hermippus redivivus,
en absorbant l'air qui s'écbappe des poumons de l'enfant, ou
bien encore, à la façon des Vudoklaks légendaires, en suçant
leur sang... non pas, mais en attirant à moi le fluide vital qui
s'écbappe en excès de tout leur organisme.
« Ah ! si j'avais eu le courage de m'en tenir là ! Mais, je vous
Tavoue, il n'est pas d'ivresse plus profonde, plus attrayante,
plus follement beureuse que celle-là ! Quand dans les mem-
bres refroidis pénètre ce fluide cbaud et vivifiant ; quand l'im-
bibition s'accomplit, pénétrant les pores, se glissant à tous lés
organes, c'est la jouissance inouïe, entière, absolue!... C'est
la sensation de la résurrection, si un cadavre pouvait renaître. . .
« Et toujours je me criais : «Arrête -toi, mais arrête-toi
donc! 2> et toujours mon être tout entier continuait à boire ces
effluves... Et je tuais ! Et j'assassinais!... ne conservant pour
tout remords qu'une soif inassouvie !
a Par les doigts, par le regard, — ob ! par le regard sur-
tout! — s'exerce cette attraction, qui donne à la victime une
sensation d'abandon de soi-même, non pas douloureuse, mais
délicieusement enivrante!...
€ Il parlait ! 11 parlait toujours, le misérable vieillard, ayant
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644 LA CLEF DE LA MAGIE NOIRE
dans la voix, dans le geste, dans les yeux, la volupté d*un
spasme (t)!... »
Voilà le vampirisme anticipé, vraiment pratique, celui
qui perpétue la vie et non la mort. Quelques sorciers
s'en sont transmis le secret, comme en témoignent les
traditions, habillées d'une forme vague et fantastique à
dessein, qu'a recueillies Cohausen, l'auteur cité par Ler-
mina (2). L'hypothèse dramatiquement historiée dans
(1) l'Initiation, 2« année, tome II, pages 263-265.
(2) Hermippu» redivivus, ou le triomphe du sage sur la vieillesse
et le tombeau, contenant une méthode pour prolonger la vie et la saiit4i
de l'homme, traduit de l'anglois, d'après le Dr Cohausen, par M. de la
Place. -7 A Bruxelles, et se trouve a Paris chez Maradan, libraire, 1789,
2 vol. in-8, portrait.
Nous transcrivons, à titre de curiosité, la recette qu'on peut lire au
tome II dt Vffermippus, p. 129-130: «Que Ton prépare une petita
chambre bien close, et qu'on y établisse cinq petits lits, chacun pour
une seule personne. Qu'on fasse coucher dans ces cinq lits cinq jeunes
vierges, c'est-à-dire au-dessous de treize ans, et de bonne constitution.
Qu'au printemps de l'année, vers le commencement du mois de mai.
un trou soit percé dans la muraille de cette chambre, et à travers le-
quel on fera passer le col d'un matras, dont le corps de glace sera ex-
posé à la fraîcheur de l'air extérieur. 11 est aisé de concevoir que lors-
que la petite chambre se trouvera remplie de l'haleine et de la matière
respirée par ces jeunes vierges, les vapeurs passeront continuellement
du col du matras dans le corps du vaisseau, où, a travers la fraîcheur
de l'air dont il est environné, elles se condenseront en une eau très
limpide, c'est-à-dire en une teinture de l'efTicacité la plus admirable, et
qu'on peut très justement appeler un véritable Elixir vitœ... »
Cette formule d'alchimie biologique apparaît, on en conviendra, d'un
vampirisme assez innocent. Nous voudrions croire la liqueur qui en
résulte plus tonique qu'elle n'est appétissante; mais son eJBQcacité comme
élixir de vie reste à établir.
La formule de l'élixir vital a passionné plusieurs siècles de cher-
cheurs, et les disciples d'Hermès partageaient leurs laborieux efforts
entre la queste de la pierre philosophale et la recherche de la méde-
cine universelle.
Jamais les anciens adeptes n'ont connu l'élixir de vie, au sens où le
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LÀ MORT £T SES ARCANES 645
YÉlixir de Vie n'a plus rien qui choque l'esprit, pourvu
qu'on ne la pousse point à l'extrême ; et nous n'étonne-
rons personne en affirmant qu'à de telles pratiques ne se
borne point ce qu'un magicien noir peut perpétrer, dans
cet ordre de magnétisme occulte.
Mais revenons aux choses de la mort et de l'immorta-
lité.
Tout à l'heure, en exaltant le culte des ancêtres, dont
les rites répondaient ésotériquement aux plus profonds
arcanes du sanctuaire, nous avons omis d'insister sur le
problème, aussi célèbre que complexe, de la Nécromancie.
C'est qu'indirectement déjà nous avons abordé cette
question sous plusieurs de ses faces, et que nous nous
réservions d'en fixer ici les termes avec sobriété.
L'on n'attend pas de nous l'énumération de tous les
rites et procédés évocatoires, qui sont en usage de nos
vulgaire se l'imagine, d'après les légendes. Rien au monde ne peut
conférer l'immortalité b. un corps fait de matière putrescible ; on peut
seulement en retarder la dissolution, régénérer l'organisme par la lu-
mière astrale, qui concentre ses vertus dans l'or potable des spagyri-
ques... La médecine universelle a fait miracle aux mains de Paracelse
et des Rose-Croix, et Cagliostro possédait, s'il faut en croire d'imposants
témoignages, un élixir de vie « qui rendait instantanément aux vieillards
la vigueur et la sève de la jeunesse. Cette composition (nous dit Éli-
phas), avait pour base le vin de malvoisie et s'obtenait par la distilla-
tion du sperme de certains animaux avec le suc de plusieurs plantes.
Nous en possédons la recette, et l'on comprendra pourquoi nous devons
la tenir cacbée. » (Dogme de la Haute Magie, p. 287).
Cf. : l'Histoire des personnes qui ont vécu plusieurs siècles et qui ont
rajeuni, avec le secret du raJeunissement^tiréd'Arnauldde Villeneuve,
par M. de Longueville-Harcouet. — Paris et BruxeUes, 1716, un vol.
iD-12, front.
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j
646 LA CLEF DE LA MAGIE NOIRE
jours OU qui le furent en d'autres temps : nous en avons cité
un certain nombre et même décrit quelques-uns dans cet
ouvrage. Quant au surplus, il suffit, et la Clef de la
Magie noire ne saurait être un rituel. Nous expliquons,
nous ne prescrivons pas...
Qu'est-ce que la Nécromancie ? Où aboutissent ses
pratiques ?
On la définit d'ordinaire Tart d'évoquer les morts :
un énorme malentendu réside en puissance dans cette
formule équivoque.
Les morts ! En eflFet, qu'entendrons-nous par là ? —
Nous avons vu que l'être psychique, dépouillé de son
organisme, se désagrège plus ou moins vite. Élémentaire,
il groupe encore en soi l'ensemble des principes survivant
à son corps; mais, après un variable séjour dans le
gouffre d'Hécate, l'âme réelle, siège de la personnalité
vraie, rejetant le lest impur de la fausse personnalité, va
rejoindre sur l'Antichtone (ou terre spirituelle) les aînés
de sa race. Dès lors, il ne reste plus, dans l'atmosphère
de la planète, que l'Ombre, ou la dépouille astrale élimi-
née, en proie à la désintégration lente et progressive ;
car le spectre phosphorescent de la vitalité inférieure,
qui ne s'éloigne point du cadavre de chair, s'est déjà
dissous avec lui.
En quoi consistera donc le mort, que l'art du nécro-
mancien se flatte d'évoquer? — L*âme antichtonique
répond-elle aux évocations? Presque jamais. — L'Élé-
mentaire peut-il se manifester? Quelquefois. — L'Ombre
réactionnée peut-elle apparaître? Rarement.
Mais, à l'ordinaire des expériences de Nécromancie,
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LÀ MORT ET SES ARCANES 647
les êtres qui se produisent sont parfaitement étrangers à
la race humaine.
Il n'en fut pas toujours ainsi. Les conditions ne sont
plus ce qu'elles étaient. Une réserve s'impose à l'égard
d'une Nécromancie, coutumière aux prêtres de l'ancien
inonde, et qu'on pourrait qualifier d'orthodoxe, car elle
se fondait sur la gnose hiérarchique des posthumes
étapes, et faisait partie intégrante de la synthèse scienti-
fique et religieuse qui mariait la terre au Ciel. Nous avons
nommé le culte ancestral...
Dans les religions unitaires, un lien constamment tendu,
de l'endroit à l'envers de la substance cosmogonique,
reliait la lumineuse Antichtone à la terre d'épreuve et
d'objectivité. Des communications étaient normales et
faciles alors, qui ne s'établissent plus qu'à titre excep-
tionnel, et par Tefifort de quelques initiatives isolées. Quand
l'aïeul évoqué ne manifestait pas sa présence réelle, du
moins pouvait-il, à la faveur de la chaîne sympathique
intermédiaire, épanouir sa gloire sous une forme d'em-
prunt, — image astrale vitalisée par lui, et toujours
docile au magnétisme de sa volonté lointaine.
De tels rapports théurgiques se sont-ils maintenus de
nos jours chez les peuples d'Orient qui, tels Indous et
Chinois, ont pieusement conservé la tradition de l'an-
tique Alliance, et qui pratiquent les rites ancestraux
avec un religieux scrupule? — Nous ne le saurions dire.
En ces contrées d'Asie, l'ésotérisme vif du dogme et du
culte se perpétue dans l'ombre des fraternités adeptales,
et nul doute que la chaîne de communion intercosmique
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648 LA CLEF D£ LA MAGIE NOIRE
ne fonctionne pour ces initiés. Mais aux foyers fanûliaux,
où se dressait originairement l'autel évocatoire des ancê-
tres, il est difficile d'évaluer dans quelle mesure la supers-
tition et la routine ont pu compromettre Tefficacité de
leur culte. Là, du moins, si le lien thaumaturgique s*esi
relâché, il n'est pas rompu.
La lettre morte est comme la cendre qui recouvre de la
braise ardente et la dissimule sans l'éteindre : une poi-
gnée de sarments et un souffle d'air suffiraient à ressus-
citer la flamme vive, à la libérer voltigeante au dehors.-.
C'est le cas des religions d'essence ésotérique, — n'en
exceptons pas même les plus enlisées dans la matérialisa-
lion des symboles : sous leur écorce sommeille l'esprit, que
cet amoncellement littéral n'a point étoufie. Partout où
le sacerdoce officiel consacre le culte des défunts, la vertu
évocatoire et miraculeuse peut bien avoir disparu des
rites dégénérés, mais la communion d'amour des vivants
et des morts n'a point cessé d'être providentiellement
garantie. A défaut même de la consécration religieuse,
toute solidarité ne serait pas abolie : resteraient les Êtres
collectifs, ces synthèses humaines, qui, englobant dans
leur unité les âmes d'ici -bas et celles de là-haut,
serviraient encore d'ultimes traits-d'union, de la terre
au Ciel.
Mais entre ces rapports nécessités, obscurs et latents,
et les relations manifestes, lumineuses et libres que la
Haute Magie des sacerdoces unitaires procurait d'un
monde à l'autre, — le même contraste éclate qui
oppose l'Inconscient au Conscient, l'instinct à l'intelli-
gence.
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LA MORT ET SES ARCANES 649
La thaumaturgie évocatoire des anciens temples ne se
limitait point d'ailleurs à une transfiguration de Tart
nécromantique, sous prétexte de cérémonies ancestraleg.
La prévoyance de ses mages devançait l'incarnation des
âmes : ils conjuraient et faisaient parler les Invisibles, du
fond des limbes expectatifs de l'existence, avant l'épreuve
terrestre; comme, après l'épreuve, ils interrogeaient
encore les âmes émancipées et les forçaient à répondre,
du cœur même des Cieux reconquis. Ainsi la naissance
et la mort livraient alternativement à ces privilégiés du
savoir humain les arcanes de l'avenir et ceux du passé.
Par les deux issues de l'existence, à travers le chaos appor
rent qui avoisine les mondes matériels, les mages avaient
su démêler et saisir la chaîne d'or dont parle Homère, la
chaîne des effets et des causes !
Si la pensée du Lecteur nous a suivi, attentive, sur le
seuil des deux portes de la naissance et de la mort, —
c'est sous l'aspect symbolique d'un flux et d'un reflux
effrénés, qu'elle a dû percevoir les deux courants d'âmes
(inversement analogues) de la génération physique et de
l'émancipation spirituelle. Quel tumultueux remous! Et
si l'on ajoute au tableau l'évocation du grand fleuve
astral, qui, — pareil au serpent Ovpoeopoc, — encercle la
planète, et, reliant le cône d'ombre hérébique à la voie
lumineuse d'Iônah, roule en ses ondes torrentielles, (mi-
partie ténèbres et splendeur), les expectants de la nais-
sance et les retardataires de l'immortalité : n'obtient-on
point le schéma du chaos lui-même. ?... Toutefois ce
pêle-mêle n'est qu'illusoire, et nous avons bien mal
rendu notre pensée, si l'on a pu s'y méprendre un seul
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650 LA CLEF DE LA MAGIE NOIRE
instant : à travers ce mouvant dédale, fonctionne en
effet un dynamisme admirable, réglé par d'inflexibles et
justes lois.
Ce spectacle idéal comporte deux aspects. Perçu d'en
bas, sous Tapparence désordonnée de la Nature fatidique,
il évoque l'image d*un Maêlstrom engendré du choc di"
deux torrents ; — mais embrassé d'en haut, sous le poinî
de vue harmonique de la Nature providentielle et répa-
ratrice, le même spectacle fait songer à la vision emblé-
matique de Béthel : Jacob aperçut en rêve une échelle
colossale, qui s'élevait de terre et dont les suprêmes
échelons se perdaient dans la hauteur des cieux ; échelle
double, où de gauche et de droite, parallèlement, il voyait
les anges du Seigneur descendre et remonter !...
Telles se représentent à l'esprit les réalités sublimes
que contemplaient, pratiquaient, — et, jusqu'à un cer-
tain point, gouvernaient — les sacerdotes de l'Ésoté-
risrae intégral, alors que l'Unité triomphait encore dans
sa triple affirmation, intuitive, expérimentale et dogma-
tique. L'Antagonisme (ce ver rongeur) ne s'était pas en-
core insinué dans le beau fruit de la Connaissance : sous
la diversité des symbolismes extérieurs, Tàme occulte
irradiait sa lumière intime, immarcessible, immuable.
La synthèse était faite ; l'Alliance régnait...
On conçoit que de telles harmonies favorisassent les
rapports possibles d'un plan à Tautre, ceux en particulier
de l'Antichtone à la terre, et réciproquement. Ne soyons
pas surpris que le culte des ancêtres, dans ces temps qui
marquèrent son épanouissement et sa fortune majeure,
se montrât plus fertile en thaumaturgies qu'à l'heure ac-
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LA MORT ET SES ARCANES 651
tuelle, où, pétrifié dans la matérialisation de ses dogmes
et la dégénérescence de ses rites, il apparaît méconnais*
sable.
L'Ésotérisme intégral comportait des œuvres dont il
ne reste plus que le souvenir, aux secrètes archives des
sacerdoces dégénérés.
Il fut un temps où les mains pontificales dispensaient
des prodiges, qui bientôt ne seront plus accordés qu*aux
téméraires initiatives de l'exceptionnel adeptat, et encore
aux saintes violences de la foi solitaire ou cénobitique.
Les ipTèlvesn'of/iciaient pas seulement à l'autel : ils opé-
raient,..
Que le commerce de Thomme avec les âmes victorieu-
ses et même réintégrées fût alors hiérarchiquement en-
tretenu et sacerdotalement garanti ; que fréquemment
des messages, des signes admoniteurs, des voix augu-
râtes, des apparitions même d'Ancêtres apportassent aux
orphelins de la terre les marques de la sollicitude pater-
nelle par delà le tombeau, aux captifs les témoignages
de la délivrance, aux prédestinés de la mort la sanction
de l'immortalité : ce n'est point douteux. Mais ce qui fut
la règle des siècles d'harmonie et de synthèse hiérarchi-
que, n'est point celle des âges d'anarchie spirituelle et
d'antagonisme.
Telles praticables issues ne sont plus ouvertes depuis
la ruine de l'Unité, et, pour parler comme les kabbalistes,
depuis l'avènement du Binaire impur. Les portes de la
naissance et de la mort qui se prêtaient, complaisantes,
aux rapports exceptionnels entre les deux mondes, ne
s'acquittent même plus de leur office ordinaire avec la
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652 LA CLEF DE LA MAGIE NOIRE
régularité d'autrefois : du moins les fonctions normales i
de rincarnationet de Texode posthume ne s'opèrent pli:>
sans quelque trouble, au passage du point mort. Elles
ont subi le contre-coup du désastre.
Si Ton nous demandait en quoi de pareilles perturba-
tions nous semblent imputables à la rupture de TUnilé
scientifique et religieuse ici-bas, la réponse serait facile...
Qu'il nous suffise de mentionner, comme conséquence de
cette rupture, l'abolition des sanctuaires féminins, où l'on
montrait aux jeunes initiées l'art d'arracher à TAmour
son bandeau, et de corriger, par l'appel de la Volonh*
consciente (et avec l'aide de la Providence) la fatidique
sélection que font les âmes, en quête de géniteurs con-
formes à leurs tempéraments respectifs : c'était licence
octroyée aux mères, d'évoquer à la vie des âmes de leur
choix. — Quant aux choses du trépas, lapsychurgie pos-
thume (précédée, comme le dit énergiquement Sainl-
Yves (1), du traitement de V agonie), avait pour résultat
de prémunir Témigrant contre les périls de la route. Que
reste-t-il de tous ces rites efficaces de la primitive Reli-
gion-Sagesse?... Dès longtemps, les inséparables mys-
tères de Tamour, de la naissance et de la mort, ne sont
plus soupçonnés.
Il convient donc de reléguer à part les antiques mer-
veilles du culte des Ancêtres. Sa splendeur thauma-
turgique appartient au passé...
Présentement, les pratiques de la Nécromancie ressor-
tissent à la Magie noire.
(1) Testament lyrique, la Mort.
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LA MORT ET SES ARCANES 653
Soit que Topérateur accomplisse, comme le roi d'Itha-
que (i), des sacrifices sanglants ; soit qu'il procède avec
le concours d'un médium, à la manière des spirites con-
temporains, l'évocation des morts se dénonce une œuvre
de ténèbres. Bien plus, l'entreprise du magiste, qui, cons-
cient des mystères, s'évertue, de la meilleure foi de son
cœur, à galvaniser le cérémonial d'un culte aboli, est
une tentative sinon suspecte, du moins téméraire. Nous
nous sommes expliqué ailleurs sur ce point ; il paraît
surperflu d'y revenir.
Mais, à part les âmes glorifiées, si coutumièrement ré-
fractaires à Tappel du nécromancien, passons une revue
sommaire des êtres qui font les frais des manifestations.
Il va de soi que nous écartons d'abord les hallucina-
tions purement subjectives, dont le véritable critérium,
d'un emploi dangereux d'ailleurs,consiste dans l'épreuve
des pointes métalliques (2).
Les phénomènes présentent-ils quelque réalité objective?
— Neuf fois sur dix, ils procéderont soit de Larves mo-
delées au moule de la pensée humaine, soit d'Élémentaux
mystificateurs et multiformes, soit enfin d'Images astra-
les, attraites et mues par la volonté, consciente ou non.
— Si l'opérations'effectue dans la sphère magnétique d'un,
être collectif, tous les Lémures peuvent apparaître, qui
évoluent dans son âme mouvante, ou qui se pressent
au circuit de la chaîne sympathique dont il estl'Égrégore
recteur.
(i) Cf., au tome précédent f/e Temple de Satan), les pages 215-218.
(2) Voy. chap. ii, pages 190-19i.
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654 LA CLEF DE LA MAGIE NOIRE
Il peut arriver, mais rarement, que les Élémentaire
du cône d'ombre ou les mauvais Dalmones de l'Astri!
inférieur se rendant visibles, manifestent une personna-
lité originale et une volonté propre ; mais, soit qu'év»)-
qués sciemment pour ce qu'ils sont, ils aient répondu au
verbe du désir ou du vouloir humain, soit qu'ils se prr-
sentent à titre mensonger, sous l'apparence de quelque
autre âme rétive à l'appel, TÉvocateur et le médium
courront les risques les plus graves. Infiniment avides
d'objectivité, ces sortes d'Invisibles s'attachent à la per-
sonne qui a eu la mauvaise fortune de les attirer dans
son atmosphère : ils reviennent boire constamment à la
source, — médianique ou sanglante, — qui les a une
fois abreuvés ; et si la fontaine de sang ou de fluide sem-
ble tarie, ils ne seront pas en peine de la rouvrir...
Dans certains cas exceptionnels, des êtres vivants, en
sortie de corps astral, peuvent se concréter dans le nimbe
d'un bon médium matérialisant (i).
(1) Ceci nous sera prétexta à transcrire, du curieux ouvrage de
M. YvelingRam Baud (Force psychique), des détails d'un haut intérêt
touchant M. Eglington, le plus extraordinaire médium de notre époque.
On se souvient que nous avons déjà introduit ce personnage, au sujet
d'une séance de lévitation à la cour de Russie. (Cf. chap. iv, pages 434-
435).
« Voici la manière de procéder du fameux médium matérialisant.
Il demande avant tout, pour opérer, une demi-obscurité : on baisse la
flamme du gaz, jusqu'au moment où on en arrive au blue Ught, k la
lumière bleue. Les spectateurs s'asseyent, et l'expérience a lieu, je
n'ai pas besoin de le dire, dans n'importe quel local, de façon à éloi-
gner toute idée de supercherie, de machinerie ou de préparation. Si le
gaz n'est pas dans l'appartement, on tamise et on atténue la vivacité
de la lumière^ en entourant de papier, comme font chez nous les mar-
chandes d'oranges, le foyer des lampes ou des bougies.
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LA MORT ET SES ARCANES 685
Enfin rOmbre d'un défunt, sa coque astrale mori-
bonde est susceptible d'apparaître : réactionnée pour un
a Cela fait, le médium Ellington commence à entrer, suivant l'ex-
pression anglaise, en trance ; il va et vient, se promène, s'énerve un
peu, à la façon des derviches, piéUne sur place, frotte et tord furieu-
sement ses mains ; puis il s'arrête tout à coup, croise les bras et de-
vient immobile.
« A ce moment, sur diverses parUes du vêtement du médium^ ap*
paraissent des plaques lumineuses et blanches, qu'on ne saurait com-
parer à la phosphorescence produite par le frottement d'une allumette
sur un mur dans l'obscurité, mais bien plutôt à « de la poussière de
lune. • Puis ces plaques lumineuses disparaissent pour se réunir sur
la poitrine du sujet, d'où elles tombent lentement en une nappe trans-
parente suivant le corps, jusque sur le sol. Figurez-vous de la fumée
lourde de cigarette, qui, une fois qu'elle a atteint le parquet, s'enroule
en évolutions nuageuses, épaissit et remonte, toujours plus opaque,
jusqu'au-dessus de la tête du médium. Alors celui-ci pousse un grand*
cri, tombe raide par terre, dans un état de catalepsie absolue, et, à sa
place, la fumée lumineuse se matérialisant tout & coup, prend la forme
d'un être quelconque, ou mort depuis longtemps, ou simplement ab-
sent. Cette matérialisation est complète ; l'individu dont on voit l'image
est le môme, visible pour tous : il parle, il marche, il est palpable.
Quelquefois, l'expérience se prolongeant, il arrive que le médium, sans
bouger de place, toujours étendu sur le sol, se matérialise lui-même,
et apparaît à son tour à. côté du spectre évoqué.
«c Ces matérialisations sont encore d'une durée relativement assez
grande; je n'en veux pour preuve que le fait suivant : un jour M. Tissot
vit apparaître chez Eglington une jeune femme qui lui était chère,
morte quelques années auparavant. En la voyant, il s'écria d'abord :
— C'est bien elle t Puis se remettant peu à peu, il ajouta : — Je ne
lui croyais pas le menton aussi petit que cela.
n II prit alors ses pinceaux, esquissa immédiatement son image, qui
se dédoubla, et derrière laquelle parut celle d'Eglington, dont il fit aussi
le portrait. Il questionna son ancienne amie, mais il n'en obtint point
de réponse.
« Les mains seules de l'apparition devinrent lumineuses, du côté de
la paume, comme si elle cachait une lumière pâle. Tout ce que put ob-
tenir le peintre, c'est un baiser que l'apparition lui rendit.
<c Puis la femme évoquée et matérialisée, et le médium la dédou-
blant disparurent comme disparaîtrait une bulle de savon remplie de
fumée de tabac qui crèverait tout à coup. » (Force psychique, Paris,
1889, in-4, pages 6-8).
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650 LA CLEF DK LA MAGIE NOIRE
temps par la volonté de Tévocateur, nourrie de la force
psychique du médium, évertuée par le désir et ramou;
d'une assistance unanime, l'Ombre présentera comme u:.
pâle reflet de la personne dont elle a été renvelop^^e
sidérale. — Quant au fantôme électro-vital, phosphores-
cence vaguement conforme à la silhouette humaine, il s-^
montre, d'aventure, dans le voisinage d'une tombe, les
premiers jours qui suivent l'inhumation d'une dépouille
charnelle : mais il ne s'en peut éloigner. Ce spectre est,
au demeurant, parfaitement incapable de manifester le
moindre reflet d'intellect ou de mémoire, pas même d'ins-
tinct. C'est un assemblage inerte de molécules, déga-
geant une pâle lueur...
Enfin Ton a pu voir, en des circonstances d'une insi-
gne rareté, quelque âme céleste, revêtue d'une mission
temporaire, — soit assumée ou acceptée, — se choisir
un médium, à la personne duquel cette âme reste atta-
chée, durant sa période de manifestation. Mais ce mystèn*
n'a plus rien de commun avec la Nécromancie.
Peut-être notre Public s'attendait-il à trouver en ce cha-
pitre des commentaires au problème de la Métempsycose,
si célèbre dans les fastes mystiques de l'Antiquité. Mais
on en conviendra, ces arcanes sont du ressort exclusif
de notre troisième Septaine. Peut-être avons-nous même
anticipé, en insistant, comme nous l'avons fait, sur la vie
posthume de ce qui survit à l'animal humain, savoir
l'être psychique émancipé de l'orbe terrestre. Du moins
était-ce un empiétement nécessaire, et conforme à l'es-
prit de ce chapitre.
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LA MORT ET SES ARCANES 657
La doctrine orphique et pythagoricienne du voyage
cosmique des âmes faisait, — telle qjue nous l'avons ex-
posée, — le fond de l'enseignement occulte, dans tous les
sanctuaires du vieux monde.
Qu'on fouille les emblèmes mythologiques des nations,
et l'on reconnaîtra l'universalité de cette doctrine, im-
muable en dépit des multiples fabulations qui lui servi-
rent de voiles.
Au début de l'ère chrétienne, ce dogme fondamental
s'était introduit, avec la Gnose, dans l'Ésotérisme médul-
laire de la Religion nouvelle. Malheureusement les in-
discrètes révélations du Gnosticisme, ses savants désor-
dres, ses scandaleuses orgies de spiritualité l'ont fait
proscrire et répudier in toto et sous toutes ses formes,
alors qu'il ne convenait que d'opérer une sélection judi-
cieuse, dans ce richissime trésor d'éléments hétéro-
gènes.
Quel magnifique manteau l'Église pouvait tailler à ses
hiérophantes, dans l'étoffe si précieuse des mystères de
la gentilité !
Les gnostiques l'avaient senti. — Leur premier tort
fut de confondre syncrétisme éclectique avec synthèse
unitaire. — Leur seconde erreur fut de multiplier les
formes symboliques du Vrai, et d'ouvrir, au détriment de
la grande Assemblée, nombre de petites chapelles. —
Leur troisième faute (un crime de lumière !) fut de di-
vulguer, dans le parvis du temple, ce qui devait rester
secret dans les cryptes initiatiques du sanctuaire.
Les gnostiques furent condamnés : ils devaient l'être.
42
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658 LA CLEF DE LA MAGIS NOIRE
Mais, avec Tivraie, TÉglise romaine a rejeté le pur fro-
ment...
Sous prétexte d'épuration, le Catholicisme s'est appau-
vri ; nous pourrions dire qu'il s'est ruiné... Toutefois,
quand sonnera l'heure de la Providence, que l'Église in-
terroge l'esprit de ses dogmes vulgarisés, et son Ésoté-
risme lui sera rendu. La réserve des richesses spiri-
tuelles qu'elle a renoncées existe toujours, ensevelie sous
les décombres de la lettre morte. Vienne, oh ! vienne
l'immortel Pontife qui déterrera le trésor!
Les hérésies des premiers siècles ont consisté toutes
en des adaptations plus ou moins heureuses,plus ou moins
opportunes, du vieil Occultisme rénové.
Nous emprunterons un exemple à la doctrine très l'e-
marquable d'un grand mage chrétien, dont nous avons
déploré les erreurs, tout en magnifiant sa science et ses
vertus (i). Du même coup, nous reviendrons à notre
propos.
Le savant hérésiarque Manès, ou Manichée, nourri des
(1) Cf. notre tome I (le Temple de Satan), p^es 139-140 (en note),
et passim.
Nous avons eu le tort, dans cette première septaine, de ne pas dis-
tinguer suffisamment la pure doctrine de Manès, de celle que lui ont
attribuée les controversistes hostiles.
L'ésotérisme de Manès fut erroné sur quelques points ; mais la
monstrueuse doctrine des deux Principes, devenue célèbre sous le nom
de Manichéisme, n'est imputable qu'aux perfides adversaires qui ont
tiré des enseignements du maître de fausses conclusions, et aux dis-
ciples imbéciles qui les ont soutenues. « Rien n*est moins prouvé (dit
Fabre d'Olivet), que Manès eût en effet admis deux Principes opposés
du Bien et du Mal, indépendants, éternels, et tenant d'eux-mêmes leur
existence propre et absolue... » (Vers dorés de Pythagore, page 2tl).
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LA MORT ET SES ARCANES 659
plus secrètes traditions des temples, nous paraît fort ré-
vélateur sur la question du périple cosmique des âmes.
Son génie austère et puissant a revêtu ces hauts arcanes
d'un symbolisme inoubliable, en sa simple et grandiose
étrangelé. Il les a frappés dans leur forme d'un cachet
indélébile,.. Les adversaires de Thiérophante, obstinés
à prendre indistinctement tous ses dogmes au pied de la
lettre, n'ont pas eu de peine à en faire ressortir Texlra-
vagance, en tant que notions positives (1) ; mais l'ésoté-
ricien, qui les étudie comme symboles, admirera leur
lucide profondeur : car ils sont d'une grande science et
d'une grande beauté.
C'est ainsi que Manès représente le cycle zodiacal sous
la figure d'une immense roue, à la circonférence de la-
quelle sont suspendus douze vases, remplis d'âmes vi-
vantes. A mesure que la roue tourne, ils se vident les
uns dans les autres : ainsi les âmes font le tour du cycle
universel. C'est la machine du Salut, La meilleure épi-
graphe à ce pentacle est dans une belle parole de Jean
Reynaud : « Je me souviens d'avoir longtemps pratiqué
l'Univers... »
Poursuivons, sans commentaires, l'exposé des emblè-
mes de Manès. Ses contemporains, — Archélaûs en par-
ticulier, et saint Épiphane, les ont interprétés gauche-
ment; ils ont même jeté quelque désordre dans leur suite
normale ; mais il n'importe. Voici (quant à l'objet qui nous
occupe) le résumé essentiel du symbolisme manichéen :
— C'est par la vertu du Christ, type et synthèse de
(1) C'était d'autant plus facile, — d'autant plus perfide aussi, —
que la réalité y est étroitement mariée au Symbole.
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660 LA CLEF DB LA MAGIE NOIRE
rhumanité, que se régénèrent les âmes, polluées durant
leur séjour dans les corps. — Le Christ est Amour et Sa-
gesse : la Sagesse du Christ se concentre dans la lune, et
sa Vertu (ou son Amour) dans le soleil. — Ces astres
majeurs (1) sont deux vaisseaux voguant par Téther sans
limites : la lune est pleine d'une eau subtile et translu-
cide ; du soleil s'irradie un feu très pur. Ce sont comme
deux bains, où les âmes se dépouilleront tour à tour des
terrestres macules (2).
— Elles séjourneront d'abord dans la lune, pour y être
mondi/iées par l'eau (T^wp, unda, mundus) et par la Sa-
gesse (ou gnose de la Vérité) ; puis dans le soleil, où elles
seront pwrt/î^^s par le feu («op, parus) et par TAmour
(vertu essentielle du Christ).
— Le vaisseau sélénique (barque d'isis) reçoit toutes
les àmcs qui s'élèvent de la terre ; il se remplit peu à peu
deleur substance éthérée. — Quand elle est pleine d'âmes,
la lune s'en décharge dans le soleil; puis elle se remplit
à nouveau et se vide encore de la précieuse liqueur. —
La plénitude de son disque est un signe qu'elle regorge
d'âmes passagères ; après que le soleil en a reçu livrai-
son, la lune, à son premier quartier, ne présente plus
que le profil d'une barque égyptienne : un faible crois-
sant argenté. — Ainsi, dans le système des phases de la
lune, s'inscrit l'hiéroglyphe de sa providentielle fonction.
— Le soleil est le paradis de notre système planétaire. . .
(1) Majeurs, — à notre point de vue terrestre.
(2) Dans le môme sens mystique, il est écrit qu'après avoir été bap-
tisé par l'eau, le chrétien doit être régénéré dans le feu et l'Esprit
saint.
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LA MORT ET SES ARCANES 661
Mais l'état d'âme glorifiée dans la cité solaire représente
t-il le dernier terme de l'évolution adamique ? Tant s'en
faut. — Du soleil, enseigne Manès, les âmes seront trans-
férées dans Vair parfait ou dans la colonne de lumière et
de gloire, qui n'est autre que la voie lactée* Ce séjour,
patrie originelle des âmes, est leur Ciel perdu et regagné.. .
C'est la doctrine du Songe de Scipion : N'y est-il pas
formellement énoncé que les âmes, parties de la voie de
lait, y seront réintégrées un jour ? « Hinc profecti (animi)
hùc revertuntur. »
Telle était d'ailleurs la figure universellement reçue,
dans les temples de l'antiquité, pour faire pressentir les
destinées finales de l'homme, au giron de l'Unité recon-
quise* Le Songe de Scipion ne fait que résumer les notions
unanimes à cet égard.
Une analogie bien frappante et bien significative est à
relever, entre ces doctrines formulées à Rome et celles
des philosophes gaulois, que leurs collègues romains
qualifiaient volontiers de barbares. Dans le système des
Bardes druidiques, les âmes humaines, purifiées par de
successives transmigrations, aboutissent finalement à la
voie lactée, que ces mystagogues nomment la ville de
Gwyon (la cité de l'homme archétype). — C'est Adamah
de Moïse, la patrie céleste de l'Unité, dans sa localisation
symbolique.
Quoiqu'il ne nous appartienne pas d'aborder en ce
volume le mystère de la réintégration définitive, dont
nous parlerons au tome 111, nous avons tenu à fixer sur
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662 LA CLEF DE LA MAGIE NOIRE
ce point d'un trait de plunne la doctrine ésotérique des
sanctuaires. Cette doctrine, nous l'avons appuyée sur
ridentitédes emblèmes qui l'exprimaient : car on obtien-
dra la même réponse, soit qu'on aille en Perse interroger
Manès, héritier chrétien de Zoroastre et de Pythagore
rénovés, soit qu'au fond des forêts de la Gaule et de la
Bretagne, on prête l'oreille à la voix lointaine des Druides,
ces interprètes inspirés du vieux génie de l'Occident
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(Section 14)
La Tempérance (quatorze) = Mutations = Chan-
gements = Combinaisons = Échanges {Magie
des Transmutations,)
Chapitre VII
MAGIE DES TRANSMUTATIONS
^oiT qu'on examine la succession des apparences,
ou que Ton poursuive l'entité psychique à tra-
vers la chaîne de ses manifestations, on voit
toujours les formes nouvelles croître sur le fumier des
anciennes formes abolies. C'est donc selon Tordre naturel
et Tordre spirituel tout ensemble, qu'après Timage de la
mort, les ingénieux auteurs du Tarot burinent l'emblème
des transmutations et des métamorphoses.
Tel est le sens principal de la quatorzième figure, qui,
par suite d'une méprise évidente, arbore cette fautive
mention, perpétuée de tirage en tirage : la Tempérance.
Un personnage céleste se tient debout, ailes éployées
à demi : le sourire de Tétemelle placidité épanouit ses
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666 LA CLEF DE LA MAGIE NOIRE
lèvres. A son front, comme un joyau, brille le signe her-
métique du Soleil ©.
L'ange solaire, levant de la main droite une urne d'or,
en transvase la liqueur dans Fume d*argent qu'il soutient
de la gauche (1). Ses deux bras^ dans cette attitude, es-
quissent avec sa poitrine le quatorzième hiérog[Iyphe de
Talphabet hébreu moderne (2), le Noun J.
L'emblème souffre une interprétation complexe ; mais
la signification immédiate, qui s'impose au prime examen,
— c'est l'identité d'essence, sous la disparité des formes
sensibles.
Le vase change ; mais la liqueur reste la même.
Le vase, c'est l'apparence extérieure ; c'est l'enveloppe
de matière patente, protéenne et multiple; c'est le corps
transitoire. — La liqueur, c'est l'être intime ; c'est la
substance une et invariable, qui sert de support à toutes
matières ; c'est l'âme perdurable enfin.
Les métamorphoses, ou mutations de formes, s'accu-
sent apparentes ; elles ne sauraient en aucun cas altérer
l'essence. Les modes seuls varient, externes ou intérieurs,
(1) Dans les éditions modernes, l'ofûce des deux mains est transposé;
mais les Tarots plus anciens (voir le jeu de Jacques Gringonneur, dit
des cartes de Charles VI) nous montrent l'ange versant de très haut
dans l'urne d'argent (sénestre) la liqueur du vase d'or incliné dans sa
droite (Planche X de l'ouvrage de Merlin^ Origine des caries à jouer , etc.
Paris, s. d., in-4).
(2) Plusieurs lettres de l'alphabet hébreu moderne se retrouvant très-
à propos dans les figures correspondantes des tarots actuels^ ainsi que
divers signes d'hermétique et de Kabbale, nous donnent à croire que
certaines éditions du Livre de Thoth ont subi les retouches de quelque
rabbin initié.
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MAGIE DES TRANSMUTATIONS 667
visibles ou non : d'où le terme de modification, syno-
nyme de métamorphose.
On nous objectera cependant que, si l'essence est une,
nous n'avions que faire de disserter, dans notre avant-
proposj de la génération des essences.
Mais c'est par extension qu'on a qualifié d'essences les
natures d'êtres typiques, différenciées, au sein de l'âme
universelle, par la Pensée créatrice. Il est, en effet, deux
sortes de modifications, intàs et extra : les essences ne
sont que des modifications internes de l'âme universelle ;
comme les matières sont des modifications externes de la
substance universelle, — base unique de toutes choses,
y compris cette âme même.
Ce qui est en haut est comme ce qui est en bas ; ce
qui est occulte, comme ce qui est manifeste. Ainsi l'Es-
sence une se modalise au dedans en essences multiples,
comme la Substance une se modalise au dehors en mul-
tiples matières.
Seuls le Père et la Mère universels, — Dieu seul et la
Nature naturante qui émane de Lui, — sont éternelle-
ment immuables en soi.
Les êtres spirituels finis évoluent, il est vrai; ils subis-
sent donc, en un sens, la loi du Devenir ; mais ils possè-
dent l'immortalité en tant qu'êtres : et, par conséquent,
ils sont en même temps qu'ils deviennent. — On n'en peut
pas dire autant des formes matérielles, qui passent et se
succèdent, sans que rien doive subsister de la matière qui
les compose, après que celle-ci aura fait retour à l'unité
de la substance. Les formes extérieures existent, mais ne
sont pas.
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668 LA CLEF DE U MAGIE NOIRE
Toute chose sensible existe sans être, et subit fon-
cièrement la loi du Devenir; ce qui équivaut, — qu'on y
prenne garde, — à cette formule outrancière d'aspect :
toute chose sensible consiste en une apparence de fantas-
magorie plus ou moins durable ; pour aboutir à ce corol-
laire : toute métamorphose se réduit donc au passage
d'un mode illusoire à quelque autre mode collusion.
L'unanimité des Écoles mystiques a dénoncé les men-
songes de la matière, et nous verrons sous peu que telle
était aussi la doctrine des alchimistes.
Ces principes une fois établis, nous ne voyons plus
d'inconvénient à sacrifier au vocabulaire qui a cours en
ce monde transitoire, ni à appeler réels les objets qui
semblent stables, et illusoires les phénomènes que leur
inconstance soustrait au critérium de cette réalité con-
tingente, que traduit le verbe exister. Pareille distinction
repose pourtant tout entière sur une différence du plus
au moins ; c'est-à-dire, sur un contraste de relativités,
qui s'évanouit devant l'absolu de l'Être.
Qu'est-ce, en dernière analyse, que l'Ordre temporel ?
— Un Devenir, tissu de perpétuelles métamorphoses,
dont un triple dynamisme (providentiel, volilif et fatidi-
que) règle la succession.
C'est assez dire qu'un chapitre, intitulé magie des trans-
mutations, comporterait l'intégrale étude de l'Univers
manifesté ! Moins ambitieux, nous prétendons circons-
crire le sujet du présent discours à l'interprétation la plus
étroite qui puisse convenir à son titre, et nous borner
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MAGIE DES TRANSMUTATIONS 669
SLUi rapide examen de quelques phénomènes exceptionnels
de physique secrète, communément qualifiés de transmu-
ta sitoires.
On peut distinguer d'abord les cas de métamorphose
abjective, quand la matière se trouve modifiée en elle-
lïiênie, au point d'apparaîti^ à tous sous l'aspect d'un
nouveau corps, comme dans les combinaisons chimiques,
par exemple ; — et ceux de métamorphose subjective^
quand les formes sensibles de l'objet n'étant aucunement
altérées, le phénomène se réduit à une illusion du sujet :
tel est le prodige de la fascination, que nous avons expli-
qué plus haut.
Que si l'on observait qu'en ce dernier cas, il n'y a
point métamorphose : il serait aisé de répondre que, les
formes dites réelles équivalant elles-mêmes à une illusion
générale et en quelque sorte consolidée (1), on ne peut
voir, comme nous l'avons dit, entre la transmutation
effective et la transmutation imaginaire, qu'une diffé-
rence du plus au moins dans l'ordre du relatif.
Mais quittons ce langage transcendantal : aussi bien
est-il entendu que nous parlerons celui de la vie positive
et coutumière.
Or, au point de vue des apparences, tout change d'as-
(1) « La matière existe, mais non d'une existence telle que se le fi-
gure le vulgaire ; elle existe^ mais elle n'a point d'essence indépendante
des perceptions intellectuelles : car l'existence et la perceptibilité sont,
dans ce cas, des termes convertibles. Le sage sait que les apparences
et leurs sensations extérieures sont purement illusoires, et qu'elles s'éva-
nouiraient dans le néant, si la divine énergie qui les soutient seule
était suspendue un moment. » (Extrait du Vedania, cité par Fabre
d'Olivet, Vers dorés de Pythagore, pages 306-307).
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670 LA CLEF DE LA MAGIE NOIRE
pect ; et nulle part contraste ne s'accuse plus évident,
qu'à rapprocher les transmutations objectives, de celles
qui n'existent que dans l'imagination (i) du sujet
« halluciné ».
Entre ces deux modes nettement distincts de phéno-
mènes objectifs et subjectifs, vient s'en placer un troi-
sième : le mode mixte des manifestations fluidiques.
Ces phénomènes, qui seraient attribuables à la première
classe, en tant que perceptibles aux sens de plusieurs
personnes à la fois, voire de tous les spectateurs présents,
— ces phénomènes ressortiraient également à la seconde,
en raison du caractère non seulement fugace, mais
ambigu, qu'ils affectent (2).
Nous examinerons, en ce chapitre, deux exemples
fort surprenants, réversibles dans cette catégorie m(^
diane : la Lyeanthropie et la Palingénésie.
Il s'agit là de métamorphoses semi-objectives, de
phénomènes passagers de Tordre physique ; — tandis
que la transmutation des métaux (dont nous traiterons
dans une notice à part, qui terminera ce chapitre vu et
ce tome II tout ensemble) constitue un phénomène de
l'ordre chimique : c'est une métamorphose objective, s'il
en fut jamais.
A successivement aborder ces trois problèmes, nous
aurons fourni des exemples de transmutations dans les
règnes animal, végétal et minéral.
(1) L'organe propre de Yimagination, Ton s'en souvient^ est le trans-
lucide ou diaphane des magistes occidentaux.
(2) Nous en avons ailleurs exposé la nature et les causes. (Cf. Atant-
propos, pages 71-79, et passim, au cours de cet ouvrage).
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MAGIE DES TRANSMUTATIONS 671
L'énigme de la Lycanthropie (1) ne porte pas au
scepticisme des modernes un défi moins paradoxal, que
rénigme congénère du Vampirisme, qui fait son pendant.
Dans l'un et l'autre cas de bilocation (souvent pseudo-
morphique), les causes apparaissent sensiblement analo-
gues, comme aussi les résultats. La différence essentielle,
opinâmes-nous ailleurs, t consiste en ceci précisément,
que le Loup-garou, tandis que sa forme astrale vagabonde
au dehors, est un sorcier vivant qui sommeille dans son
lit ; et que le Vampire, au contraire, est un sorcier mort
qui végète dans sa tombe » (2).
L'analogie est très remarquable ; elle se poursuit dans
les moindres détails.
Nos Lecteurs, édifiés sur le phénomène générique de la
sortie en corps élhéré, qui constitue la base opératoire et
se dénonce la condition primordiale des deux modes
d'erraticité meurtrière que nous mettons en parallèle,
(savoir : la Lycanthropie, du vivant du sorcier, et le Vam-
pirisme après sa mort), — nos Lecteurs remarqueront
l'identité du but poursuivi, la parité des moyens mis en
œuvre, et jusqu'à la similitude des formes extérieures que
revêt l'apparition.
Il s'agit, en effet, dans les deux cas, d'un larcin de force
vitale, accompli par la violence sur la personne d'un
être vivant. La consommation du vol est facilitée, comme
nous l'avons vu (3), par l'épouvante qu'inspire le spectre
(1) Voy. tome I^ le Temple de Satan, pages 229-233.
(2) Le Temple de Satan, page 229.
(3) Cf. cbap. V, pages 556-557.
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672 LA CLEF DE LA MAGIE NOIRE
à sa victime. Cette dernière enfin se voit assaillie, —
par le Lycanthrope ou par le Vampire, — tantôt sous
un aspect humain, tantôt sous l'apparence d'un animal
sauvage.
Une perte dynamique très notable sera, chez la victimr,
la conséquence de cet assaut, parfois meurtrier du pre-
mier coup, et qui, en tous cas, s'il se renouvelle, entraine
la consomption et la mort.
Le Vampire procède tantôt par exhaustion fiuidique
et sans répandre le sang : les bonnes gens disent alors
qu'il a étouffé sa proie ; tantôt en pratiquant une saignée,
afin de s'abreuver de la matière hématique : alors le
bruit court que la victime a été « sucée ». — Le Loup-
garou, puisqu'on est convenu d'employer ce terme
impropre (1) autant que ridicule, tue également de ces
deux manières : ses attaques sont sanglantes ou non
sanglantes (2).
Il n'est pas jusqu'aux contrefaçons pathologiques du
Lycanthrope, qui ne s'apparient avec celles du Vampire :
les archives judiciaires nous attestent des cas avenus
d'anthropophagie, chez tels vagabonds embusqués sous
bois, à l'aff'ût de gibier humain. Véritables loups-garous
en chair et en os, l'existence de ces frénétiques doit être
alléguée, en regard de celle d'autres maniaques, Ghôles,
Stryges et Lamies, — ces abominables convives du se-
(1) Cf. Le Temple de Satan, page 829.
(2) Éiiphas Lévi avance un peu légèrement « que personne n'a été
tué par un loup-garou, si ce n'est par suffocation^ sans effusion de s&n^
et sans blessures, » {Dogme de la Haute Magie ^ page 227) : en quoi les
annales judiciaires lui donnent tort.
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MAGIB DES TRANSMUTATIONS 673
piulcre, dont mention fut faite au chapitre précédent (l).
Ces exemples de vésanies spéciales, qu'il suffisait de
généraliser, ont servi à MM. les physiologistes pour
réduire à des exploits de monomane toutes les aventures
indéniables de Lycanthropie. Voilà, dirent-ils, ce qu'on
trouve de constant et de positif, au fond de toutes ces
m légendes » populaires : un fou furieux ou un crétin
féroce, monstrueusement travestis, cousus dans une peau
de bête fauve!... Enfin, parmi le peuple même, « histoire
de loup-garou » est devenu un cliché, une locution pro-
verbiale, synonyme de « conte à dormir debout ».
Dussions-nous poitriner aux quolibets, nous n'hésite-
rons pas à maintenir, à côté de la Lycanthropie naturelle
des anciens auteurs, ce qu'ils appelaient la Lycanthropie
diabolique. Pour expliquer ce phénomène, nous n'avons
plus que faire de l'intervention du Maudit; mais le phéno-
mène demeure, et nous croyons à l'existence du Lycan-
thrope, spectre-assassin. Anos yeux, les cas de bilocation
en forme animale sont cas pathologiques, disons même
épidémiques, bien qu'on en favorisât les crises par cer-
tains procédés...
Celle maladie occulte et volontaire, — la Lycanthropie
spectrale, — semble à notre époque avoir disparu, comme
(1) Sans reproduire ici les renseignements inclus au tome premier,
il convient de rappeler que les faits de lycanthropie effective, certifiés,
— comme ceux de vampirisme, — par de concordants témoignages,
et sanctionnés par des arrêts nombreux, abondent aux recueils de pro-
cédures et d'actes authentiques dans une mesure très supérieure.
Le vampirisme s'est localisé, dans certains pays comme à de cer-
taines époques. La lycanthropie fut de tous les pays, et beaucoup plus
fréquente au cours des temps.
43
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674 LA CLEF DE LA MAGIE NOIRE
tant d'autres mystérieuses épidémies qui terrifièrent le
moyen ftge et jusqu'aux siècles plus récents. Mais suppo-
sons un instant qu'avéré par cent témoignages, un pareil
phénomène se produisit de nos jours» nous demandons,
en conscience, ce qu'opineraient les c hommes de Tart » 1
— Un malheureux vient d'être relevé, à demi mort dans
la forêt ; il prétend avoir lutté contre un loup fantastique. . .
Et vingt personnes ont vu le fantôme... — Attaque d'hy-
pocondrie ! Aliénation partielle, probablement consécu-
tive à quelque accident épileptiforme... Quant aux rado-
tages des bonnes gens qui ont vu le loup... fantôme,
l'épouvante leur a donné la berlue. — La victime a-t-elle
été saignée? Un animal féroce l'a mise en cet état. —
L'a-t-on trouvée morte dans le bois, sans traces d'au-
cunes violences? C'est plus simple encore : elle a été
frappée d'apoplexie... Et la cause de Tattaque se devine
de reste : la peur, sans doute ! Dans le pays, toutes les
têtes avaient été mises à l'envers, par ces racontars de
loups-garous... N'est-ce point ainsi qu'on raisonnerait,
en vérité? De la sorte, ces Messieurs les hommes graves
auraient toujours le dernier mot...
Ce qui nous intéresse plus particulièrement chez les
Lycanthropes, c'est, d'une part, la question des onguents
spéciaux, et de l'autre, les problèmes de la métamorphose
animale et de la répercussion traumatique.
Jean de Nynauld, docteur en médecine au début du
xvii' siècle, a recherché curieusement la nature des pom-
mades hallucinatoires, aux points de vue de la Lycan-
thropie et du transport au Sabbat. Nous avons donné en
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MAGIE DES TRANSMUTATIONS 675
note, (pages 160-162) un aperçu sommaire de son très
rare et très singulier opuscule. On se souviendra qu'il y
décrit trois onguents : car la drogue change suivant que
le sorcier désire être ravi par les airs sous son naturel
aspect, ou courir les bois sous forme animale* Nynauld
distingue avec soin la composition de ces pommades, dont
il s'est diligemment enquis.
A l'égard du Sabbat, notre Lecteur n'ignore point qu'il
y avait plusieurs manières d'y assister. Les sorciers
pouvaient s'y rendre corporellement, comme à un ren-
dez-vous ordinaire ; ils pouvaient s'y transporter en véhi-
cule astral; ils pouvaient en évoquer les scènes dans leur
imagination...
Le premier mode, le plus simple de tous, dispensait de
recourir à la vertu magique d'aucune drogue ; mais les
deux autres exigeaient du magicien qu'il se mît en com-
dition seconde, à la faveur d'un électuaireoud'un onguent
appropriés. Nynauld précise les substances intégrantes
des deux pommades, qui permettaient à celui qui s'en
était graissé, soit d'évoquer au miroir de son diaphane
les scènes de l'infernale tragi-comédie, soit de se rendre
en personne audit spectacle ; — cependant que le Diable
disposait dans la couche de l'absent une apparence de
corps en tout semblable au sien, en telle sorte que nul
au monde, fût-ce le mari ou l'épouse, ne pût soupçonner
l'escapade. Telle est du moins l'hypothèse du bon démo-
nographe, qui répugne à supposer la bilocalion.
Enfin, Nynauld nous révèle un troisième onguent, spé-
cialement destiné aux Loups-garous. Ceux qui s'en
frottent, s'imaginant métamorphosés en bêtes fauves,
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j
676 LA CLEF DE LA MAGIE TfOlKE
courent les bois à la mode quadrupède, attaquent les
passants, les étranglent, les sucent ou les dévorent. Cesl
par une illusion satanique en partie double, — objective
et subjective, — que ce Docteur explique le cas des Sor-
cières lycanthropes, ou plutôt lycogynes :
c Car premièrement (dit-il) leurs sens intérieurs sont trom-
pez de violentes impressions dVne mesme figure et sont
mesme poussez de furie, que leur excitent naturellement tels
onguens et potions, de sorte qu'elles se croyenk vrayement
bestes, marchent à quatre pattes, se seruans de leurs mains
au lieu de |^edz de deuant. Finallement, estant ainsy dispo-
sées, le Diable les enlourne d'vn air espoissy, qui représente
extérieurement à tous les spectateurs la forme d'vn loup, et
emporte ainsy la Sorcière soubs ceste forme par monts et
vaux (!)..• »
Il était curieux de connaître l'opinion de notre auteur,
si grossière qu'elle parût de nos jours; car, de toutes les
théories que proposèrent ses contemporains pour expli-
quer le Loup-garou, celle du médecin Nynauld est encore
la moins choquante.
C'est en plein xix* siècle, qu'Éliphas Lévi a le premier
rendu le problème à sa vraie lumière, en esquissant,
avec sa sûreté de main habituelle, un aperçu de la doc-
trine hermétique sur ce point obscur et contesté,
c Lafoime denotre corps (écrit El iphas) est conforme à Tétat
habituel de nos pensées, et modifie, à la longue, les traits du
corps matériel. C'est pour cela que Swedenborg, dans ses in-
tuitions somnambuliques, voyait souvent des esprits en forme
de divers animaux.
(i) Nynaald, De la Lycanthropie et extase des 5orci>rf^ Paris, 1615.
in-8, p. 56
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MAGIE IXE8 TRANSMUTATIONS 677
c Osons dire maintenant qu*un loup-garou n'est autre chose
que le corps sidéral d*un homme, dont le loup représente les
instincts sauvages et sanguinaires, et qui, pendant que son
fantôme se promène ainsi dans les campagnes, dort pénible-
ment dans son lit et rêve qu'il est un véritable loup.
c Ce qui rend le ioup-garou visible, c'est la surexcitation
presque somnambulique causée par la frayeur chez ceux qui
le voient (i), ou la disposition, plus particulière aux personnes
simples de la campagne, de se mettre en communication di-
recte avec la lumière astrale, qui est le milieu commun des
visions et des songes. Les coups portés au Ioup-garou bles-
sent réellement la personne endormie, par congestion odique
et sympathique de la lumière astrale, par correspondance du
corps immatériel avec le corps matériel. Bien des personnes
croiront rêver en lisant de pareilles choses, et nous demande-
ront si nous sommes bien éveillé ; mais nous prierons seule-
ment les hommes de science de réfléchir aux phénomènes de
la grossesse et aux influences de l'imagination des femmes sur
la forme de leur fruit. Une femme qui avait assisté au supplice
d*un homme qu'on rouait vif accoucha d'un enfant dont tous
les membres étaient rompus. Qu'on nous explique comment
rimpression produite sur l'àme de la mère par un horrible
spectacle pouvait atteindre et briser les membres de l'enfant,
et nous expliquerons comment les coups portés et reçus en
rêve peuvent briser réellement et blesser même grièvement le
corps de celui qui les reçoit en imagination, surtout quand
son corps est souffrant, et soumis à des influences nerveu-
ses et magnétiques (2). >
Pour déconcertante que soit l'énigme de la répercussion
traumatique, lors des manifestations bilocatives, elle
couvre une réalité qu'on ne saurait plus mettre en doute.
(i) Il semble qa'il y ait là un cercle vicieux ; mais en conférant ce
qae nous avons dit dans noire Avant-propos (pages 71 et suiv.), ainsi
qu'au chapitre v (page 557)» on pourra compléter la pensée d'Éliphas.
(2) Dogme de la HatUe Magie, pages 278-280.
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678 LA CLEF DB LA MAGIE IfOIRE
L'événement décisif du presbytère de Cideville (4851) (1;
et tout récemment celui de Valence-en-Brie (1896) (2)
apportent la plus éclatante confirmation aux phénomènes
de blessures par contre-coup, qu'appuyaient déjà de si
nombreux témoignages dans les affaires de sorcellerie
(et notamment de lycanthropie) dont pullulent les recueils
des démonographes. Combien d'autres cas modernes
pourraient être invoqués! Il n'est pas de « médiums
matérialisant », que des mésaventures ou du moins
quelque incident du genre répercussif n'aient avertis, à
plusieurs reprises, de garantir de toute atteinte leur
double extériorisé, avec plus de sollicitude encore qu'ils
n'entourent de précautions leur corps matériel en cata-
lepsie. — Enfin, les expériences de M. le colonel de
Rochas, rapportées en notre quatrième chapitre, sont trop
démonstratives à cet égard, pour que nous jugions
opportun d'insister. Suggestives prémisses, elles donnent
à réfléchir, fort au delà de leurs conclusions immédiates
et rigoureuses...
Les débats judiciaires de Lycanthropie reposent sur
une incontestable base de phénomènes observés. Que
souvent des exagérations aient trouvé place dans le
récit des faits réels, ce n'est pas douteux. Le principe
avéré, c'est dans les détails que se réfugie l'inéluctable
erreur...
Dans l'espèce, la réalité des contusions et des blessures,
répercutées du fantôme astral sur l'organisme physique.
(1) Cf. tome I^ le Temple de Satan, pages 385-393 et 402-404
(2) Voy. chap. v, pages 543-544.
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MAGIE DES TRAIVSMUTATIONS 679
encouragea nos pères à enjoliver, de quelque merveilleux
qui nous est suspect, les anecdotes de loups-garous. — Tel
ce conte invraisemblable recueilli par Boguet, d'un gen-
tilhomme chasseur, en Auvergne, qui, attaqué par un
loup, le manque d'un coup d'arquebuse. Tirant alors son
coutelas, c'est corps-à-corps qu'il va engager la lutte,
quand l'animal parvient à s'esquiver : mais une de ses
pattes git, abattue ; le chasseur la ramasse et la serre
en son carnier. Au retour, il passe chez un seigneur de
sa connaissance, auquel il a promis de sa chasse : il
ouvre son sac ; mais il y trouve, en guise de patte, une
mignonne main de femme, fort proprement tranchée, et
le maître du logis reconnaît avec horreur, à l'un des
doigts de cette main, l'anneau de fiançailles de sa propre
épouse ! Celle-ci, vérification faite, est bien amputée du
poignet : la plaie saigne encore, et la main, confrontée,
s'y adapte à merveille. Plus de doute ! C'est bien la
noble châtelaine qui, courant forêt en forme de louve, a
traîtreusement assailli l'hôte de son maitre et seigneur.
Dénoncée par lui conune sorcière, elle montera sur le
bûcher (1).
Quoi qu'il en soit du merveilleux apocryphe qui frappe
d'invraisemblance certains détails d'histoires parfaite-
ment véridiques au fond, — il convient de cueillir en
passant cette tradition de sorcellerie (que partout on
retrouve), du charme diabolique rompu par V effusion du
sang du charmeur. Nos aïeux croyaient que le maléfice
(1) Cf. Boguetj Diseottrs des Sorciers, P&ges 341-343. — Nous avons
transcrit au premier tome le récit in extenso du juge de Saint Claude
(le Temple de Satan, pages 230-231).
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680 LA CLEF DE LA MAGIE NOIRE
I
étant aboli, pour peu que Ton parvint à tirer du loup-
garou une goutte de sang, l'illusion tombait et qu'aus-
sitôt Tenchanteur métamorphosé reprenait sa forme
naturelle.
Il y a dans cette conviction du vrai et du faux. La
métamorphose cesse, en vérité; mais le charmeur n'est
point démasqué sur place.
Ce qui doit advenir en pareil cas, le voici : sitôt féru,
le fantôme se désintègre, non sans mouiller le sol d'une
trace sanglante, si la condensation fut assez complète.
Voilà le monstre disparu... Mais le plus souvent la
rumeur publique dénonce un sorcier du voisinage, sus-
pect de ces sauvages équipées. Aussitôt on se précipite :
on envahit la retraite du solitaire à réputation trouble,
qui passe pour fréquenter les sabbats, pour courir en
loup la campagne, et s'accoupler avec les fauves au fond
des bois... On le trouve couché, tout sanglant, sous son
naturel aspect, — sous sa forme humaine, plus hideuse
peut-être que sa figure d'emprunt ! Ses blessures saignent
encore, celles-là précisément dont on a frappé sa larve
vagabonde... Nier? A quoi bon? Le crime apparaît
flagrant ; l'ami du diable ne cherche point même à s'en
défendre. On se jette sur lui ; on le garrotte agonisant,
pour le magistrat et le bourreau. A moins toutefois que
les bonnes gens n'aient préféré se faire justice, en ache-
vant ce misérable, dans un premier et irrésistible élan
de vengeance ou de miséricorde. On lui épargne ainsi la
torture, le bûcher...
Entre la scène réelle que nous venons de dépeindre et
les légendes de métamorphose, non seulement accomplies
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NA6IB DES TRANSMUTATIONS 684
sur rheure, mais sur le champ, — il n'y a, semble- t-il,
de différence que dans l'addition d'une inexatitude portant
sur un détail... L'on se rend compte comment, sur le
fond authentique, la fantaisie populaire a brodé tels orne-
ments accessoires, qui dénaturent la vérité.
Pour en revenir à la tradition magique du charme,
qu'abroge la moindre atteinte portée à l'enchanteur, c'est
une croyance générale et qui ne se limite point au cas du
Lycanthrope. Cette tradition, Richard Wagner Ta inter-
prétée et mise en valeur dans l'immortel poème de
Lohengrin. — Le défetiseur d'Eisa n'a triomphé de ta
vaillance que par sortilège^ souffle au comte de Telramund
la vipérine Ortrude. Glisse-toi jusqu'à Lohengrin, et
frappe .'•.. Car si tu parviens à verser ^fûtrce une goutte
de son sang maudit, le charme sera rompu qui le faisait
invincible... Mais ce n'est pas dans un charme vulgaire
que réside la force du héros de Montsalvat. Telramund
en croit la sorcière, et meurt victime du guet-apens qu'il
a tendu.
Nous en avons fini avec le traumatisme répercussif,
que nous comptons toutefois appuyer encore d'un exem-
ple contemporain.
Quant au pseudomorphisme spectral, il y a deux ma-
nières de l'expliquer : soit par la modification passagère
du corps astral abmatérialisé, soit par l'entremise de
quelque Lémure du nimbe, fantôme évertué et rendu ob-
jectif sous l'influence du magicien.
Nos Lecteurs sont assez au fait des phénomènes de ce
dernier ordre, pour qu'il paraisse inutile d'y insister.
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682 LA CLEF DE LA MAGIE NOTRE
N'en avons-nous pas discouru copieusement et en détail?
— La bilocation pseudomorphique du double humain sol-
licite, en revanche, quelques commentaires.
Les légendes de Nabuchodonosor transmué en bœut,
des compagnons d*Ulysse dégénérés en pourceaux, nous
offrent des symboles révélateurs d'une vérité profonde.
L'effigie astrale de l'homme est, en certains cas, suscep-
tible de métamorphose : elle peut revêtir la forme ani-
male, soit d'une sorte complète, mais à titre passager,
soit plus dangereusement, quoique d'une sorte partielle,
et à titre de dégénérescence lente et durable. Les traiU
du corps matériel, peu à peu modifiés, participent aloi's
de cette altération typique, ainsi qu'il est facile d'en
justifier ésotériquement.
Si l'on s*avisait de trouver étrange que le périsprit put
ainsi se modèlera des ressemblances bestiales, nous insis-
terions pour qu'on se souvînt d'un mystère ontologique,
énoncé plus haut (1). Son sens intime prête à se résumer
dans une formule que voici : l'Homme, expression supé-
rieure de la Pensée divine dans la chair, constitue la syn-
thèse harmonique de cette animalité,dont les types exces-
sifs représentent les diverses tendances passionnelles et
les différents vices, au paroxysme de leurs significations
analytiques, autrement dit aux points extrêmes de leurs
divergences ; tandis que le type humain, évolué à sa per-
fection, occupe, hiéroglyphe central, le juste milieu d'é-
quilibre : il symbolise, dans ses proportions symétriques
(1) Voy. chap. iv, pages 351-354.
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MAGIE DBS TRANSMUTATIONS 683
et parfaites, le terme ultime du règne, et comme le but
de son effort sublimé.
Les modèles animaux équivalent à des signatures de
passions outrancières et désordonnées. De celles-ci, cha*
que homme apporte en naissant son lot. Les différences
ne sont que du plus au moins Les innéités de Tâme
qui s'incarne la vouent-elles à des passions ou l'inclinent-
elles à des vices qui Téloigneront du type idéal de l'hu-
manité ? Le corps fluidique en porte d'ores et déjà Tem-
prcinte,etrorganisme naissant se modèle en conséquence.
Ainsi s'expliquent les physionomies, en quelque sorte
déviées, qui rappellent, d'une manière plus ou moins dis-
tincte et parfois frappante, les traits particuliers de tel ou
tel animal. Nous l'avons dit : ces signatures spontanées
ne sont point mensongères, pour qui s'applique à en
déchiffrer l'alphabet Plus un homme persévère dans
la voie de ses passions dominantes, plus s'accentue en
astral sa ressemblance avec l'animal, ou les animaux,
dont il porte le cachet d'origine. Et l'on sait que le corps
matériel ne se moule pas seulement sur le médiateur
plastique dans la période de formation, mais que les cel-
lules de ce corps, perpétuellement renouvelées, se juxta-
posent sur ce patron mobile et en accusent à mesure les
modifications : si bien, que les signatures empreintes sur
l'épreuve intérieure et occulte se renforcent ou s'effacent
parallèlement sur l'exemplaire externe et visible.
Il va sans dire que le corps fluidique, d'une élasticité
supérieure, se prête, plus malléable que le corps matériel,
à ces mutations de forme : elles ne se répercutent sur ce
dernier que progressivement et à la longue ; tandis que
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684 LA CLEF DE LA MAGIE NOIRE
c'est iastantanément que Teffigie astrale est {mrfois
sujette à les contracter.
Dans certains états passifs, en effet, et qui tienn^fH du
sommeil ou de l'extase, l'imagination, complice ou non
de la volonté consciente, réagit sur le double éthéréavec
une sorte de toute-puissance : la faculté imaginative se
substitue pour un temps à la faculté plastique, et pétrit à
son caprice Tenveloppefluidique extériorisée. C'est excep-
tionnel et passager ; il faudrait que ces dédoublemeots
pseudomorphiques se renouvelassent bien souvent et se
prolongeassent outre mesure, pour que la physionomie
visible en contractât durablement Tempreinte. La modi-
fication répercussive n'influe guère sur les traits corporels,
qu'en conséquence des étatsd'âme habituels et continus...
Cependant» même à ces heures exceptionnelles et dan5
ces cas anormaux, où l'écart devient si notable entre la
forme d'emprunt du corps astral vagabond et la forme
propre du corps matériel déserté, une si étroite sympa-
thie les fait communier l'un à l'autre, en dépit des dis-
tances, et vivre l'un par l'autre, au moyen de la chaîne
fluidique intermédiaire, qu'il est impossible de frapper
l'un sans que l'autre en subisse le contre-coup. Atteindre
l'un, c'est blesser ou tuer aussi l'autre.
On peut lire, dans la revue Vlnitiation (1), le récit d'un
fait moderne très proche des cas connus de Lycanthropie.
Papus Ta reproduit in-extenso, dans son Traité élémen-
taire de Magie pratiqué (2), auquel nous invitons le Lec-
(1) NO d'avril 1893.
(S) Paris, Gh&muel, 1893, gr. in-8^ pages 184-195.
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MAGIE DES TRANSMUTATIONS 685
t.eur à se référer pour les détails ; car nous résumerons
le plus possible.
L'auteur de la relation, M. Gustave Bojanoo, officier de
l'armée autrichienne, nous fait part de la mort violente
d'une sorcière, qui habitait une masure à l'écart de la
petite bourgade de P., où lui-même possède une ferme
et divers immeubles adjacents.
La femme B. n'avait guère passé la quarantaine ; son
visage désagréable et un peu bestial inspirait la défiance,
et les gens du pays la redoutaient et la haïssaient à la
fois. Ils l'accusaient de mille sortilèges^ et entre autres
choses, de pérégrinations nocturnes sous l'apparence
d'une lumière pâle : on avait, à cause de cela^ surnommé
cette femme la Lanterne.
M. Bojanoo avait été témoin de plusieurs faits de nature
suspecte, à tout le moins fort bizarre, auxquels cette créa-
ture se trouvait mêlée, quand, de séjour au village lors
d'un congé, il dut à un concours de circonstances for-
tuites, de passer la nuit au premier étage d'une maison-
nette abandonnée, qui touchait à la demeure de la ma-
gicienne.
A peine sa lumière est-elle éteinte, qu'un vacarme in-
quiétant retentit à la porte de la première chambre, qui
livrait accès dans celle o£i son lit avait été dressé. L'on
eût dit le grattement impérieux d'un chien de forte taille,
en train de vouloir forcer la porte. C'est dire que ce grat-
tement atteignait une intensité particulière. M. Bojanoo
pense que son chien s'est faufilé derrière lui dans la
maison, sans qu'il s'en soit aperçu; il l'appelle par son
nom : point de réponse, mais un redoublement du bruit
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686 LA CLEF DS LA MAGIB NOIRE
mystérieux. L'officier fait de la lumière, le bruit cesse \
aussitôt. L'officier visite scrupuleusement tous lesrecoini |
de la maison, et ne découvre rien d'insolite. Il se re-
couche enfin, après avoir fermé derrière lui la porte d€ ^
la pièce d'entrée, et tout rentre dans l'obscurité. Mais le
tapage reprend de plus belle. Très énervé, pour ne paâ
dire un peu ému, M. Bojanoo met sabre au <dair^ et se
précipite dans la première chambre, où le bruit se fai-
sait entendre, contre la porte d'entrée, mais — chose
étrange — du côté intérieur de cette porte. C'est là qu'il
pense discerner une ombre lumineuse, au lieu précis du
grattement.
« Sans réflexion, je ne fis qu'un bond en avant, et je portai
un formidable coup de sabre dans la direction de la porte.
< Une gerbe d'étincelles jaillit de la porte, comme si j'avais
touché un clou enfoncé dans le panneau. La pointe du sabre
avait traversé le bois, et j'eus de la peine pour retirer Tarme.
Je me dépêchai de retourner dans ma chambre pour allumer
la bougie, et, sabre en main, j'allai d*abord voir la porte.
« Le panneau était fendu de haut en bas. Je me mis à cher-
cher le clou que je pensais avoir touché, mais je ne trouvai
rien : le côté tranchant du sabre ne paraissait pas non plus
avoir rencontré du fer.
« Je descendis à nouveau au rez-de-chaussée ; je visitai
partout, mais je ne trouvai rien d*anormaL
« Je remontai dans ma chambre ; il était mûmii noîiis le
quart (!)...»
Le lendemain matin, M. Bojanoo apprend que la
femme 6. repose sur son lit, sans connaissance et tout
ensanglantée. II se précipite^ suivi de plusieurs personnes
de la bourgade, déjà informées de l'accident.
(1) Traité élémentaire de Magie pratique, page 190.
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MAGIE DES THANSHDTATlOIfS 687
« Arrivé chez B.^ un spectacle terrible se présentait.
< La femme, en délire, couchée sur son lit, avait la figure
presque entièrement couverte de sang coagulé, les yeux fer-
més et collés par le sang, qui sortait encore lentement d'une
blessure mortelle au front. La blessure, faite par un instru-
ment tranchant, commençait à deux centimètres au-dessus
de la lisière des cheveux et se prolongeait en ligne droite jus-
qu'à la racine du nez, parcourant ainsi sept centimètres et
demi. Le crâne était littéralement fendu, et la masse cérébrale
sortait à travers la fente (1)... »
Le soir du même jour, vers sept heures, la sorcière
mouruL Son triste a accident » inspira peu de sympa-
thie. Enfin, s*écriait un voisin, fi... a attrapé ce qu*elle
mérite. Ce fut toute son oraison funèbre. ••
A rhistoire de la femme B... se mêlent les aventures
d'un grand chien berger, qu'elle semblait haïr et qui, de
son côté, montrait pour elle une aversion singulière. Si
romanesque, en vérité, que paraisse la remarque suivante,
nous ne la passerons pas sous silence, puisque Fauteur
Va gravement consignée en son récit. Les deux ennemis,
— la femme et le chien, — présentaient la même parti-
cularité, et fort bizarre. Leurs yeux n'étaient pas de cou-
leur identique : chez l'un comme chez l'autre, « l'œil droit
était de couleur grise ; l'œil gauche, en sa partie supé-
rieure, était d'un bleu très clair, verdâtre ; la partie in-
férieure était brun foncé (2)... • — Où se fondait le se-
cret de cette hostilité implacable, entre deux êtres de
race diflerente, mais marqués d'une signature étrange et
(4) Traité élémentaire de Magie pratique, p. 191.
(t) Ibid., page 185.
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688 LA CUr DE LA VAGIE NOIRK
toute pareille? Nous ne nous aviserons pas de Teipl
quer!...
Il existe, — surtout à l'état de nature, — entre rhomin-
et ranimai, des affinités et des antipathies à confonàrt \
la raison. Certaines opérations magiques peuvent même
créer entre eux une solidarité fluidique allant jusqu'à là
réversibilité la plus stricte. Le lien est une entité invi-
sible et le plus souvent parasitaire. Ici, le souvenir s'im-
pose à nous, des exemples stupéfiants de Nag^alisme.
que nous avons fait connaître au premier tome de ctt
ouvrage (1). Nous n'y reviendrons pas...
Ce qui nous préoccupe en ce chapitre, c'est le mirack
des transmutations et des métamorphoses.
Or, le règne végétal nous offre, dans cet oi'dre d'idées,
un phénomène remarquable, dont le secret pratique
semble perdu, mais que plusieurs chimistes des derniers
siècles connaissaient parfaitement et reproduisaient à
volonté, sous les noms de palingénésie et de Phénix vé-
gétal (2).
Cette merveille tient de fort près aux arcanes de la
biologie des plantes, et Jacques Gaffarel, que nous avons
eu déjà l'occasion de citer plusieurs fois, explique fort
au clair, en son naïf langage, « que bien qu'elles soient
(1) le Temple de Satan^ pages 368-369.
(2) « Coxe a fait en Angleterre des essais très curieux sur ce sujet.
Digbi a connu les miracles de la palingénésie. Le célèbre père Kircker
en a beaucoup parlé. /. Daniel Majer donne un traité de palingénésie.
Le père Ferrari, jésuite, Jean Fabre, Hannemann, ParaceUe, Liba-
vins, Bary, dans sa physique, etc., ont tous traité de cette opéraUon »
(Le Grand Livre de la Nature, page 15).
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VA6IE DES TRANSMUTATIONS 689
hachées, brisées ^t mesme bruslees, elles ne laissent point
de retenir au ius, ou aux cendres, par Vne secrette et
admirable puissance de la nature, toute la mesme forme
et figure qu'elles auoient auparauant : et bien qu'on ne
la voye pas, on peut pourtant la voir, si par art on la
sçait exciter • (1). A l'appui de son dire, Gaffarel renvoie
aux œuvres de M. du Chesne, sieur de la Violette,
« vn des meilleurs chimistes que nostre siècle ait produit,
rapportant qu'il auoit veu vn très habile Polonois, médecin de
Cracouie, qui conseruoit dans des phioles la cendre de presque
toutes les plantes dont on peut auoir cognoissance, de façon
que lorsque quelqu'vn par curiosité vouloit voir, par exemple
vne rose dans ces phioles, il prenoit celle dans laquelle la
cendre du rosier estoit gardée, et la mettant sur vne chandelle
allumée, après qu'elle auoit vn peu senti la chaleur, on com-
mençoità voir remuer la cendre, puis estant montée et disper-
sée dans la phiole, on remarquoit comme vne petite nuë
obscure, qui se diuisant en plusieurs parties, venoit en fin à
représenter vne rose si belle, si fresche, et si parfaite, qu'on
Teust iugee estre palpable et odorante comme celle qui vient
du rosier. Ce sçauant homme dit qu'il auoit souuent tasché de
faire le mesme, et n'ayant sçeu par industrie, le hazard en fin
luy fit voir ce prodige : car comme il s'amusoit auec M. de
Luynes, dit de Formentières, conseiller au Parlement, à voir
la curiosité de plusieurs expériences, ayant tiré le sel de cer-
taines orties bruslees, et mis la lesciue au serein en hyuer, le
matin il la trouua gelée, mais auec ceste merueille que les es-
pèces des orties, leur forme et leur figure estoientsi naïuement
et si parfaitement représentées sur la glace, que les viuantes
ne Tesloientpas mieux. Cet homme estant comme raui, appela
ledit Sieur Conseiller pour estre tesmoin de ce secret... A pre-
(1) Curiosités inouyes sur la sculpture talismanique des Persans,
horoscope' des patriarches, et lecture des Estoiles, pari, Gaffarel. —
Paris, 1629, m-8,page 209.
44
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690 LA CLEF DE LA MAGIE NOIRE
sent, ce secret n*estpius si rare, car M. de Claues, vn desexceV
iens chimistes de nostre tems, le fait voir tous les iours (1)... > I
Il faut conclure de cette seconde expérience, déjà re- =
lalée plus haut, que la forme astrale des plantes dépose
volontiers son empreinte sur des substances naturelle-
ment impropres par elles-mêmes à la végétation.
Qui n'a pris la peine d'admirer les improvisations
cristallines de la froidure, si finement découpées en tiges
et en feuilles, suivant un modèle variable, mais toujours
correct et minutieux, de manière à former ces arbore5-
cences parfaites, ces groupes d'épis, ces feuilles de fou-
gère d'un impeccable dessin, et d'un port si vrai, que la
couleur et l'opacité manquent seules à l'illusion ? C'est
presque toujours sur quelque type végétal que se con-
dense et se gèle, en hiver, à la surface des vitres, /a
buée de l'atmosphère intérieure des appartements- Un
groupement moléculaire analogue préside à la cristalli-
sation des seh grimpants^ qui escaladent les parois des
récipients de laboratoire, ou s'enguirlandent à leur ori-
fice.
Il n'est pas jusqu'à la nature métallique, qui ne con-
tracte elle-même l'apparence végétative, dans certaines
occurrences favorables à l'intersection des plans dynami-
ques, du minéral au végétal. Ceux-là sans doute hésite-
ront à nous contredire, qui ont examiné à la loupe les
frondaisons éclatantes qu'affectent les arbres de Diane
et de Saturne, dont il est aisé d'étendre et de modifier
(i) Gairarel,/6iV/., pages 209-211
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MAGIE DES TRANSMUTATIONS 691
les formes typiques, en variant la provenance acide
et en graduant la concentration des bains (les alchi-
mistes diraient des menstrues) à base d'argent ou de
plomb.
Nombre de substances liquéfiées par la chaleur, et
notamment certains métaux en fusion, deviennent très
propres à contracter, par le refroidissement, la marque
et comme la griffe des vertus lémuriennes de l'ambiance.
Les Larves et les Élémentaux interviennent d'aventure
en pareil cas, et frappent de leurs hiérogrammes ces
matières, réceptives dans l'instant où elles se concrètent.
Autant dire un cachet empreint dans la cire molle et
durcissante.
Ainsi s'explique le procédé de quelques sorciers guéris-
seurs, qui, consultés pour une maladie, veulent savoir
tout d'abord si l'origine en est un maléfice. Dans un
vase d'eau saturée des fluides du valétudinaire, ils
versent du plomb fondu, goutte à goutte... Sur cette
grenaille improvisée, les influences magiques viennent
signer leur présence, et trahissent ainsi la volonté du
« jetteux de sort ». Ce sont graphismes à déchifi'rer. Le
sorcier diagnostique et prononce, en suite de cette épreuve
bizarre.
Ces pratiques étaient en usage au temps de Bodin, et
même de Sprenger : l'on avait fréquemment recours aux
thérapeutes noirs, pour la levée des gogues et la cure des
envoûtements.
c Mais quant aux maladies (écrit le jurisconsulte angevin)
qui aduiennent autrement que par sort, les Sorciers confes-
sent qu'ils n'en peuuenf guarir. Et pour sçauoir si c'est sort,
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692 LA CLEF DE LA MAGIE NOIRE
Spranger escrit qu*ils en font la preuue, mettant du plomb
fondu en vn vaisseau plein d'eau sur le patient (f )...
a El défait, l'Inquisiteur Spranger recite y n exemple» quea
faisant le procès aux Sorciers de la ville d'Isprug en Allema-
gne, il y eust vn Potier Sorcier, lequel voyant vne pauure
femme sa voisine affligée extrêmement, comme si on luy east
donné des coups de cousteaux aux entrailles : le sçauray, dit-
il, si vous estes ensorcelée, et ie vous guariray. Et prenant da
plomb fondu, il ie versa dedans vn plat plein d'eau, le tenant
sur la femme malade. Et après auoir dit quelques parolles,qoe
ie ne mettray point, il apercent au plomb glacé certaines ima-
ges,parlesquelles il cognent qu'elle estoit ensorcelée. Cela fait,
il meine le mary de ceste femme, et tous deux ensemble vont
regarder soubs le sueïl de la porte^où ilstrouuereqt vne image
de cire de la grandeur dVne paume, ayant deux aiguilles fi-
chées des deux costez, auec d*aulres poudres, graines et os de
serpens, et ietta tout dedans le feu : et la femme guarit^ayaot
engagé son âme à Sathan et aux Sorciers ausquels elle de-
manda guarison (2). »
Ces tablettes métalliques où viennent « graphier » les
Invisibles, ce plomb fondu frappé à l'empreinte de leur
malice, nous ramèneraient aux mystères des signatures,
que nous avons suffisamment éclaircis (chapitre iv, de la
Volonté)... Il convient de nous en tenir aux exemples de
palingénésie végétale, dont Gafifarel nous entretenait tan-
tôt, savoir : la lessive d'orties brûlées qui contracte, en
se congelant, les fines ciselures des feuilles d'orties en
relief, et la cendre du rosier, faisant revivre, par la chaleur,
l'image fugitive d'une rose au naturel.
Voici dans quels termes un savant du xvn* siècle, Guy
(4) DelaDemonomanie des Sorciers, ^wt I. Bodin, angevin. — Paris.
1587, in-4 (f» 143).
(2) Demonomanie des Sorciers (fol. 145, a et b).
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MAGIE DES TRANSMUTATIONS 693
de la Brosse, botaniste célèbre et médecin de Louis XIII,
rapporte cette dernière expérience. Le texte que nous
transcrivons, rapproché de celui de Gafifarel, complétera
la description du phénomène.
« Vn certain poIoDois (écrit la Brosse) sçauoit renfermer les
phantosmes des plantes dedans desphioles ; de sorte que, tou-
tes les fois que bon luy sembloitj'l faisoit paroistre vne plante
dans vne phiole vuide. Chaque vaisseau contenoit sa plante :
au fond paroissoit vn peu de terre, comme cendres. II estoit
scellé du sceau d'Hermez. Quant il vouloit Texposer en vue, il
chauiïoit doucement le bas du vaisseau. La chaleur pénétrant
faisoit sortir du sein de la matière vne tige, des branches ;
puis des fueilles et des fleurs, selon la nature de la plante dont
il auoit enfermé Tàme. Le tout paroissoit aussy longtems
aux yeux des regardans que la chaleur excitante duroit (1). »
L'on n'est pas médiocrement surpris de constater une
fois de plus que, de nos jours, la chimie et la physique
officielles, — d'ailleurs si riches en merveilleuses décou-
vertes, — n'ont pas seulement abandonné ces recherches
si curieuses sur la vitalité des êtres et la perpétuité de
leurs effigies potentielles ; mais encore perdu le secret
d'expériences maintes fois répétées et réussies par les
savants d'alors, et que tant de passages des plus graves
auteurs dénoncent comme coutumières et pour ainsi dire
banales au xvu* siècle.
Bien plus, le terme de palingénésie n'était-il point
passé dans le langage courant de la philosophie et de la
science : à telles enseignes que nous voyons, au siècle
(i) De la nature, vertu et vtilité des plantes et dessin du lardin
royal de médecine, — Paris^ 1664, in-fol. fig., (chapitre vi, pages 44 et
suiv.)
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694 LA CLEF DE LA MAGIE NOIRE
dernier» le grand naturaliste Charles Bonnet intituler
Palingénésie philosophique son chef-d'œuvre le plus
admiré (1769), et sur le seuil du présent siècle, Tillustre
et malchanceux Ballanche réunir ses œuvres complètes
sous la rubrique significative d'Essais de Palingénésie
sociale ?
Peut-être sera-t-il donné à quelques intrépides éclai-
reurs de la science non sectaire, tels que le D' Gibier
ou le colonel de Rochas, de reproduire et d'expliquer les
phénomènes décrits par Gaffarel, et qui sont dans la
logique des choses de la nature, étudiées au flambeau de
l'Ésotérisme.
La même loi se manifeste en actes, pour rendre possi-
bles l'une et l'autre expériences, que nous avons relatées
d'après l'astrologue du grand Cardinal. C'est invariable-
ment sur le patron morphique de la plante, sur son corps
sidéi'al ou potentiel, — substratum de la matière visible
(réduite elle-même à l'état de caput morluum), — que le
fantôme végétal se dessine, en objectivation éphémère
dans le premier cas; et que, dans l'autre, il préside, en
mode végétatif, au groupement moléculaire de la glace
naissante.
On trouve dans le Grand Livre de la Nature (1), publié
au dernier siècle par les soins d'un chapitre de Rose-
Croix, toutes les phases de l'opération spagjTique, requise
pour obtenir le phénix végétal. L'auteur désigne, par
cette métaphore, le vase préparé pour l'épreuve de la
(1) Le Grand Livre de la Nature ou V Apocalypse philosophique et
hermétique, etc., vu par une Société de Ph... Inc., et publié par D...
— Au Midi, et de l'Imprimerie de la Vérité (1790), in-8.
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MAGIE DES TRANSMUTATIONS 695
palingénésie. Quant aux manipulations essentielles, c*est
sous réserves que nous en relèverons l'ordonnance, en
tâchant à résumer le détail des minutieuses prescrip-
tions formulées de la page 15 à la page 19...
1® Il faut piler avec soin quatre livres des graines bien
mûres de la plante dont on veut dégager Vâme ; puis
conserver cette pâte au fond d'un vaisseau bien transpa-
rent et bien net.
2^ Un soir que l'atmosphère sera pure et le ciel serein,
on exposera le produit à Thumidité nocturne, afin qu'il
s'imprègne de la vertu vivifiante qui est dans la rosée.
3° et 4° L'on aura soin de recueillir et de filtrer huit
pintes de cette rosée, mais avant le lever du soleil, qui
en aspirerait la partie la plus précieuse, laquelle est ex-
trêmement volatile ;
5* Puis on distillera la liqueur filtrée : du résidu ou
des fèces, il faut savoir extraire un sel « bien curieux et
fort agréable à voir. »
6"* On arrosera les graines avec le produit de la distil-
lation, que l'on aura saturé du sel obtenu. Ensuite on
enterrera, dans le fumier de cheval, le vaisseau herméti-
quement scellé au préalable avec du borax et du verre pilé.
7° Au bout d'un mois, « la graine sera devenue comme
de la gelée ; l'esprit sera comme une peau de diverses
couleurs qui surnagera au-dessus de toute la matière.
Entre la peau et la substance limoneuse du fond, on re-
marque une espèce de rosée verdâtre qui représente une
moisson (1). »
(1) Le Grand Livre de la Nature^ pages 17-18.
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696 LA CLEF DE LA MAGIE NOIRE
8^ A ce point de fermentation, le mélange doit être
exposé, dans son bocal exactement clos, de jour à Tar-
deur du soleil, de nuit à l'irradiation lunaire. Par les pé-
riodes pluvieuses, on remet le vaisseau en lieu sec et
tempéré jusqu'au retour du beau temps. — Il faut plu-
sieurs mois, souvent une année, pour que l'opération soit
parfaite* Voit-on, d'une part, la matière se boursoufler
et doubler de volume ; de l'autre, la pellicule disparaî-
tre ? C'est signe certain de réussite.
9" La matière, à son dernier stade d'élaboration, doit
apparaître pulvérulente et de couleur bleue.
«... C*estde ceUe poussière, que s'élèvent le tronc, les bran-
ches et les feuilles de la plante, lorsqu'on expose le vaisseau à
une douce chaleur. Voilà comment se fait le Phœnix végétal.
c La palingénésie des végétaux ne seroit qu'un objet dV
musement, si cette opération n'en faisoit entrevoir de plus
grandes et de plus utiles. La Chymiepeut, par son art, faire
revivre d'autres corps; elle en détruit par le feu, et leur rend
ensuite leur première forme. La transmutation des métaux, la
pierre philosophale sont une suite de la palingénésie métalli-
que.
a On fait sur les animaux ce qu*on fait sur les plantes;
mais telle est la force de mes engagemens, que je ne peux pas
m'expliquer ouvertement (1)...
a Le degré le plus merveilleux de la palingénésie, est l'art
de pratiquer sur les restes des animaux. Quel enchantement de
jouir du plaisir de perpétuer l'ombre d'un ami, lorsqu'il n'est
plus! Artémise avala les cendres de Mausole : elle ignorait,
hélas, le secret de tromper sa douleur (2). »
(1) «Cette étude (dit plus loin l'auteur) est celle des Ph.., /ne...
(Philosophes inconnus). C'est d'eux que jeUens les vérités que je con-
signe en cet ouvrage » (Page 22).
(2) Le Grand Livre de la Nature, pages 18-1 9.
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MAGIE DES TRANSMUTATIONS 697
Conçoit-on la valeur de cette indication rapide ? L'ho-
mogénéité de la Nature universelle autorise Thomme à
inférer par analogie : et s'il a raisonné juste, l'expérience
confirme toujours ses inductions. Or, ce qui a lieu dans
le règne végétal doit parallèlement se produire dans les
règnes inférieur et supérieur à lui : c'est justifier, dans
l'un, la transmutation des métaux ; dans Fautre, la re-
viviscence posthume des formes abolies.
Admirons du reste quelle unité de doctrine, dans tou-
tes les écoles d'Ésotérisme. A suivre les pas d'un alchi-
miste du siècle dernier, voici que nous rejoignons Por-
phyre et les Alexandrins (1).
Jacques Gaffarel, que nous citions tantôt, a parfaitement
senti la portée de ces correspondances, puisqu'après
mention de ces phénomènes palingénésiques, il passe à
l'examen des manifestations spectrales, et conclut au ca-
ractère parfaitement naturel des fantômes qui hantent
parfois les lieux de sépulture. Les Ombres des trépassés
qu'on voit aux cimetières se réduisent, d'après son dire,
à la silhouette, à l'esquisse fluidique des corps défunts :
mais ils ne sont ni Yârne des morts (2), ni spectres d'o-
rigine diabolique. Nous avons transcrit ailleurs le pas-
sage (3).
Le bon abbé Gaffarel n'est pas toujours aussi heureux.
La crainte de passer pour magicien le fait parfois chan-
(1) Cf. chap. V, pages 504 et suiy.
(2) Gaffarel distingue sagement ici V Ombre passive, de Tâme spiri-
tuelle et môme du corps sidéral.
(3) Voy. chap. iv, page 364.
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LA CLEF DE LA MAGIE NOIRE
celer à mi-côte sur le sentier du vrai : ce qui nuit a
Tautorité de sa parole, sans interdire pour cela aux ama-
teurs de Diablerie, de trouver à ce prêtre astrophile u:3
arrière^goût de fagot. — Ainsi, quelques lignes plus loin,
il a la mauvaise fortune de s*en prendre à Paracelse.
< qui dit que la Mumie contient toutes les vertus des
plantes, pierres, etc., et qu'il y a vne force occulte magnt^
tique, qui attire les hommes auprès des tombeaux de
ceux qu^on estime saints, où, par la vertu de la mesrae
Mumie, on voit les effets que l'on appelle miracles, estans
plus fréquens (dit-il) en esté qu'en toute autre saison, à
cause de la chaleur du soleil, qui esueille et excite Thu-
meur qui est en la Mumie ; resueries que nous réfutons. . . »
Or, par le terme assez étrange de Mumie, Paracelse ex-
prime l'action d'Iônah sur les cadavres, c'est-à-dire, la
force d'expansion vivifiante qui agit dans la lumière as-
trale, autour des capita mortua, pour les dissoudre ; et
qui féconde la matrice de la Mort, pour lui faire produire
la Vie inépuisable ! Peut-être Paracelse déduit-il parfois
de trop audacieuses conclusions des principes naturels
qu'il a su mettre en lumière avec tant de bonheur. Mais
si l'auteur des Curiositez eût appris à l'école de Para-
celse la science de la Mwnie, nous ne le verrions nulle
part aucunement embarrassé pour rendre un compte
scientifique et rigoureux de tous les mystères palingéné-
siques.
Nous-même ne pousserons pas plus avant nos com-
mentaires sur ce point. Expliquer plus en détail la Pa-
lingénésie, après tout ce que nous avons produit sur la
Lycanthropie, et les modalisations très diverses dont les
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MAGIE DES TRANSMUTATIONS 699
corps fluidiques apparaissent susceptibles, ne serait-ce
point abuser des redites, et n'aurions-nous pas Tair de
mettre une médiocre confiance dans la sagacité du Lec-
teur?
L'intitulé de ce chapitre — Magie des transmutations,
— nous invite à dire un mot des talismans d'invisibilité ;
mais nous ne nous y arrêterons point.
L'anneau de Gygès n'est qu'un symbole, et les théories
antérieurement émises doivent suffire à rendre compte
de tous phénomènes justiciables de cette rubrique en par-
tie double : apparitions et disparitions mystérieuses.
A part les cas rarissimes, et néanmoins avérés, d'éthé-
risation des corps matériels vivants, — l'invisibilité cor-
porelle peut dépendre, soit d'un phénomène tout subjec-
tif de fascination, soit de l'entremise réelle d'un voile
opaque, interceptant la vue. Cet artifice, qui paraît du
ressort exclusif de la prestidigitation, relève en certains
cas de la Magie proprement dite : quand l'obstacle inter-
posé consiste en une modification moléculaire du milieu
atmosphérique, par l'efiet de la volonté adeptale sur
TÂkasa.
C'est ce phénomène, bien connu des initiés de tous
temps, que l'abbé de Villars signale au passage, dans
ses entretiens si instructifs du Comte de Gabalis :
a En cet endroit, un laquais vint me dire qu*un jeune sei-
gneur venoît me voir. — Je ne veux pas qu'il me voye, dit le
Comte. — Je vous demande pardon, Monsieur, lui dis-je ; vous
jugez bien, au nom de oe Seigneur, que je ne puis pas faire
dire qu'on ne me voit point : prenez donc la peine d'entrer
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I
700 LA CLEF DE LÀ MAGIE NOIRE
dans ce cabinet. — Ce n'est pas la peine, je va me rendre in-
visible. — Ha ! Monsieur, m'écriai-je, trêve de diablerie, s'il
vous platl ! Je n'entends pas raillerie là-dessus. — Quelle
ignorance, dit le Comte en riant et haussant les épaules, de
ne sçavoir pas que pour être invisihlej U ne faut que mettre
devant soi le contraire de la lumière!... Il passa dans moa
cabinet, etc. (i)... »
Au demeurant, rien n'est plus fréquent et plus aisé à
produire sur des sujets hypnotiques, que X hallucination
négative. Que de fois avons-nous vu, chez M. le D' Lié-
beault, ailleurs aussi, une suggestion anéantir, pour un
individu, la notion de vingt personnes réunies dans la
même pièce, causant et circulant, et que le sujet coudoie
sans même soupçonner leur présence ! Elles lui parlent,
mais il n'entend rien ; elles le touchent, il ne les sent pas.
Elles le menacent vivement de la main : il marche au
milieu d'elles, impassible et sans sourciller.
Nous avons décrit, aux précédents discours, plusieurs
cas de fascination ou de métamorphose subjective. —
En ce chapitre, les mystères de la lycanthropie et de la
palingénésie nous ont présenté deux exemples mixtes de
métamorphose réelle, mais passagère. — Nous allons
examiner enfin, avec les phénomènes du grand œuvre, la
transmutation objective et durable tout à la fois. Ces der-
nières pages formeront une notice à part, et comme un
précis sommaire de la science d'Hermès.
Nous aurons étudié de la sorte les différents modes de
(1) Le comte de Gabalis.^ Londres, 1744, 2 vol. in-12, (tome I, pa-
ges 135-136).
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MAGIE DES TRANSMUTATIONS 701
métamorphose, aux termes de la distinction qui clôt no-
tre exposé de principes, vers le début du présent chapitre.
Et ces phénomènes nous seront apparus successivement
en actes, dans les trois règnes de la nature physique :
animal, végétal, minéral.
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ALCHIMIE
l'art de la CHRYSOPÉE (1)
' A plupart des savants contemporains taxent de
chimérique le problème de la Chrysopée.
La théorie de l'unité de la matière est timi-
dement défendue, à titre d'hypothèse, par quelques-uns
d'entre eux, qui, sans nier à priori la possibilité d'obtenir
un jour de l'or artificiel, n'en ébauchent pas moins un sou-
rire pitoyable, dès qu'on leur parle de transmutations au
passé : (or, il en est d'historiques, notre ami Papus l'a vic-
torieusement élabli)(2). — « Croyez-vous qu'il y en ait eu?
(1) La science d'Hermès réduite à l'art delà Chrysopée, — son plus
célèbre problème^ — pourra paraître un objectif assez mesquin : d'au-
cuns regretteront de voir se rétrécir de la sorte d'aussi magnifîques
horizons. Mais nous ne disposons que de quelques pages, où plusieurs
chapitres ne seraient pas de trop; et deux volumes suffiraient & peine
pour un traité général de philosophie hermétique. Le précis d'alchimie
ci-dessus^ nos I^ecteurs daigneront en faire la remarque^ doit tenir
dans une subdivision du présent chapitre vu, intitulé Magie des trans-
mutations.
Notons, au demeurant, que si les vocabulaires varient d'une École
ésotérique à l'autre, la concordance est parfaite, au fond, entre les doc-
trines généralisées de la Spagyrie et les enseignements de cette science
occulte^ & laquelle nous avons dévoué notre plume. C'est au point que
les adeptes font usage de ces termes : Occultisme, Hermétique, Magie,
Kabbale, comme de véritables synonymes.
(2) Papus, la Pierre philosophale, preuves irréfutables de son exis-
tence, Paris, 1889, in- 8. — Cf. Traité méthodique de science occulte,
pages 643 et suiv.
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704 LÀ CLEF DE LÀ MAGIE NOIRE
En vérité!... (une pause). C'est possible. Rien ne nous dé-
fend en principe de Tadmettre. » Et ils soulignent d'un^^
moue ces condescendantes paroles. Visiblement, on les
désobligerait, à insister. Encore ceux-là forment-ils Tex-
trême avant-garde de la science.
Mais les autres ne veulent rien entendre. En vain leur
produit-on le témoignage de graves et sagaces observa-
teurs, qui, sceptiques ou fougueux adversaires de la veille,
s'écrient : j'ai vu, j'ai expérimenté de mes mains, et dé-
sormais, suis forcé de croire ! En vain peut-être leur fe-
rait-on toucher du doigt, — comme jadis à Van Helmont
(1618), à Bérigard de Pise (1643), à Helvétius(1666)(i:),
— la vertu transmutatoire de la pierre. Nos savants se-
raient capables de fermer les yeux, comme ils se bouchent
les oreilles.
Pas de valable témoignage contre leur opinion, puis-
qu'ils récusent les témoins. Pas d'expérience concluante
à leurs yeux, puisqu'ils se prétendent, si elle réussit, les
dupes de quelque subtil escamotage. Les exemples pul-
lulent d'une pareille obstination, dans les archives du
Magnétisme animal. Le dogmatisme scientifique est pire
que le dogmatisme religieux. Une chose n'est point,
parce qu'elle est impossible. Cercle vicieux dont la logi-
que positiviste ne daigne pas sortir...
Un argument péremptoire, et dont nul ne semble s'être
avisé encore, en faveur de l'alchimie, c'est renonciation
d'un simple fait, incontestable pour tous : l'existence
même de Tor sur la planète. — A. moins de s'en tenir à
(1) Papus, Traité méthodique, pages 653-658.
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MAGIE DES TRANSMUTATIONS 705
l'hypothèse anti-scientifique (parce qu 'anti-uni taire) d'une
matière complexe, multiple, préexistant au système so-
laire et devant lui survivre ; à moins de proclamer les
prétendus corps simples, irréductibles et éternels, diffé-
renciés dès la genèse de la nébuleuse, aussi bien qu'ils
le sont sur Tastre issu de sa condensation, — il faut bien
admettre comme possible la synthèse de l'or, puisque la
Nature le produit.
Reste à ssivoir comment...
Que la Nature dispose de moyens d'action qui passent
l'actuelle portée de la science humaine, c'est plus que
probable. Que, pour produire l'or, des conditions soient
requises, de chaleur, de lumière, d'électricité, de pression,
au delà de ce que M. le professeur Z. peut réunir au la-
boratoire, c'est encore vraisemblable, mettons évident si
vous y tenez. Mais la Science étend chaque jour son em-
pire : ce qui semblait hier l'impossible, on le réalise au-
jourd'hui sans peine; on accomplira demain, comme en
se jouant, ce qui paraît l'impossible aujourd'hui.
Quoi qu'il en soit des conquêtes scientifiques du futur,
nous sommes contraint d'envisager l'art transmutatoire
comme une réalité du passé.
Nous n'évoquerons point l'ombre de ces hiérophantes
des théocraties antiques, pourvoyant aux frais d'une
guerre décrétée équitable et sainte : ils ouvraient au mo-
narque de Justice, enfant lui-même du sanctuaire, les
cryptes où dormaient les énormes réserves dehngots d'or,
entassés là par plusieurs générations desacerdotes voués
45
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706 LA CLEF DE LÀ MAGIE NOIRE
à Tart d'Hermès. — Les adeptes du moyen âge chrétien
n'avaient point perdu cette tradition des vieux temples,
puisque nous voyons, au xni° siècle, Raymond Lulle de
Palma s'enfermer à la tour de Londres, et y fabriquer
d'un coup pour six millions de lingots, masse d'or énorme
pour l'époque. Le roi Edouard, que Lulle se flattait, par
cette occulte largesse, d'entraîner à la croisade, fit du
moins frapper cet or en l'honneur de la mémorable trans-
mutation : telle fut l'origine des nobles à la rose, dont quel-
ques rares spécimens subsistent encore, que les collec-
tionneurs se disputent sous le nom de Raymondines. —
Nous ne retiendrons que pour mémoire les gestes de Ni-
colas Flamel, humble écrivain public au xiv® siècle, qui,
parvenu au but de ses travaux hermétiques, dota des
églises, des hôpitaux, fit construire le portail de Saint-
Jacques-la-Boucherie, puis celui de Sainte-Geneviève-
des-Ardents, restaura les églises Saint-Côme et Saint-
Martin-des-Champs, éleva deux arcades au charnier des
Saints-Innocents, distribua de magnifiques aumônes, et
mourut en laissant une fortune princière.
De pareils problèmes historiques peuvent impression-
ner l'esprit, mais sans le convaincre. Tandis que des ex-
périences telles que les réussirent de leurs mains Bérigard
de Pise, Helvétius et Van Helmont, adversaires décidés
de l'alchimie et trop compétents au laboratoire pour se
laisser duper ; des projections telles que Lascaris et ses
émissaires en multiplièrent par toute l'Europe, au début
du siècle dernier, et qui sont attestées aussi solennelle-
ment qu'événements historiques le furent jamais; voilà
de ces faits qu'il nous semble difficile de mettre à néant.
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MAGIE DES TRANSMUTATIONS 707
Et quand on les serre de près, la réalité de Télixir trans-
mutatoire en découle, brutale.
La pierre existe ; et d'illustres témoignages ont de tous
temps confirmé son existence et magnifié ses vertus.
Mais les adeptes n'ont jamais traité en vulgaire de Tart
sacré : les arcanes en sont défendus par tout un rempart
de symboles. C'est une langue à apprendre et un laby-
rinthe à pénétrer. Que de studieuses insomnies, pour
déchiffrer ces emblèmes! Que de tâtonnements, pour
découvrir le vrai chemin !
Les alchimistes ne semblent pas toujours d'accord,
touchant la classification des phénomènes du grand
œuvre. Ils s'ingénient à donner le change aux profanes,
par un luxe assez variable de divisions et de subdivisions
arbitraires (1).
Jaloux pour notre part d'étendre la sincérité jusqu'aux
dernières limites du possible, il nous importe d'allier
l'extrême précision des détails à l'extrême simplicité
du plan d'ensemble, — et d'élaguer à cet effet toute vue
théorique comme toute spécification opératoire, dont
l'énoncé ne tendrait pas directement au but.
(1) Ce qui crée un chaos plus inextricable encore, pour l'étudiant à
ses débuts, c'est la masse des écrivains ou présomptueux ou mystifi-
cateurs, qui encombrent les avenues de la Science d'un péle-môle de
théories souvent absurdes, en tous cas erronées, et qui professent au
nom d'une expérience qu'ils n'ont pas acquise, ou promulguent les
oracles d'un Dieu qui ne leur a point parlé. En alchimie, le discerne-
ment et le choix des auteurs semblent plus malaisés qu'en toute autre
étude, n est prudent de s'en tenir aux maîtres incontestés; encore d'in-
trigants spéculateurs ont-ils mis parfois d'ineptes rhapsodies sous le
patronage de ces noms célèbres.
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1
708 LA CLEF DE LA MAGIE NOIRE
De brèves observations préliraiDaires caractériseront
d'abord l'esprit général de rHermétisme et les bases
fondamentales de sa doctrine. Puis, sous les auspices de
la classification la plus normale et la moins complexe,
s'ébauchera le Sommaire des opérations du grand œuvre.
Quelques développements trouveront leur place à la suite
de ce schéma : nous reprendrons plus en détail les tra-
vaux de la Chrysopée, en partant de la première mani-
pulation essentielle pour aboutir à la dernière, — ce que
nul des anciens adeptes ne s'était permis d'éclaircir.
Ces derniers, en effet, parlant d'après leur propre
expérience spagyrique, ou d'après la doctrine qui leur
avait été transmise sous le sceau du serment adeptal, se
croyaient tenus, soit envers les autres, soit envers eux-
mêmes, à une réserve qui ne saurait nous contraindre, —
explorateur désintéressé des mystères, qui nous sommes
fait une conviction, à l'issue d'une longue et patiente étude
comparative des œuvres publiées par les adeptes, et
sous le contrôle des connaissances que nous avons pu
personnellement acquérir au laboratoire.
Nous l'avons dit : peu crédules aux transmutations
d'autrefois, les Maîtres avancés de la chimie moderne
n'en sont plus, du moins, à soutenir Pirréductibilité des
prétendus corps simples ; plusieurs pressentent, à l'instar
des hermétiques, l'unité de matière (ou mieux de subs-
tance), sous la multiplicité des apparences phénoménales.
Même les plus clairvoyants de celte élite ont déjà signalé
le retour de la science adulte à des théories qu'elle
considéra trop longtemps comme les rêves qui flottaient
jadis autour de son berceau.
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MAGIE DES TRANSMUTATIONS 709
Taxer de songes enfantins les doctrines hermétiques,
était-ce point aller un peu vite en besogne?
La chimie actuelle a fort étendu la zone des explora-
tions et des constatations positives, c'est une justice à
lui rendre; et, pour ne citer qu'un exemple de ses
plus illustres conquêtes, il est hors de doute que
Lavoisier, par sa théorie de l'oxydation, a jeté sur l'étude
analytique des corps une splendide lumière, dont les
vieux alchimistes eussent été les premiers éblouis. Les
travaux avancés de Louis Lucas, de sir William Crookes,
de MM. Newland, Lothar-Meyer et Mendeleef auront été
les glorieuses assises du monument synthétique en
cours d'édification. Quant à la mise en œuvre, pratique
et industrielle, des récentes découvertes, le génie de la
science contemporaine pourra-t-il jamais lasser l'admi-
ration ?
Quoi qu'il en soit de ces merveilles, les alchimistes
ne verraient là, en théorie comme en application, que
l'étude minutieuse des écorces matérielles, des résidus
du travail biologique, la science du caput mortuum uni-
versel. Bref, Raymond Lulle, Henry Khunrath ou Paracelse
reprocheraient au savant moderne de ne travailler que
sur des cadavres.
Il ne suppute en effet que la matière morte, ou du
moins traite-t-il toute matière comme si elle l'était :
la Vie, l'Ame, les Puissances animatrices et formatrices
des corps lui échappent absolument. Ainsi notre savant
observera les phénomènes de la cristallisation ; il étudiera
comparativement les formes géométriques des différents
cristaux, et les conditions requises pour les obtenir :
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TIO LA CLEF DE LA MAGIE NOIRE
cela fait, il se flattera d'avoir pénétré les lois de cet ordre
de phénomènes. Mais l'agent interne qui en est la cause
réelle, mais la vie latente dont témoignent les aflanités
qui président aux groupements moléculaires, mais Vâme
minérale, en un mot, — le savant contemporain ne
l'ignorera point seulement, il aura la témérité d'en nier
l'existence.
Or, la science de la Vie, à tous ses degrés, voilà l'ines-
timable trésor dont pouvaient s'enorgueillir les enfants
d'Hermès. Le subslralum universel des formes sensibles
leur était connu. Ils étudiaient la matière à l'état naissant ;
une fois produite, ou pour mieux dire engendrée, ils la
manipulaient vivante ^ avec mille soins scrupuleux pour
ne la pas tuer. Bien plus, ils en provoquaient à volonté
réclosion, en réglaient les énergies ; tels passages de
puissance en acte leur étaient familiers; et nous ne
balancerons point à soutenir qu'ils ont connu, pratiqué,
utilisé certains états latents de la substance, — insépa-
rables de telles forces secrètes de la nature, — états et
forces qui sont totalement inconnus de nos plus grands
maîtres du jour, ou pressentis à peine par les plus intui-
tifs d'entre eux.
La philosophie d'Hermès était à la fois pour ses fidèles
une science positive et une doctrine mystique, nous
dirions presque — une religion.
Sans revenir sur leur symbole (1), que nous avons
traduit et commenté plus haut, resserrons ici en quel-
(1) C'est la Table d'émeraude, (voy. chap. r, pages 105-110).
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MAGIE DES TRANSMUTATIONS TU
ques lignes les canons essentiels de leur dogme cosmo-
gonique.
Comme toutes les Écoles d'occultisme, ils enseignaient,
avons-nous dit, Tunité de substance sous la multiplicité
des apparences phénoménales.
La matière sensible, diverse et multiforme, n'était
pour eux qu'une illusion plus ou moins durable, pro-
longée en divers modes convertibles : les transmutations,
dans leur système, consistaient au passage d'un de ces
modes à l'autre.
Ils connaissaient trois principes générateurs des choses
manifestées, et quatre éléments de manifestation.
Soufre ^, Mercure W et Sel Q : ainsi dénommaient-
ils leurs trois principes; — le Feu /\y VAir A,
VEau \J et la terre ^ : tels étaient les emblèmes de
leurs quatre éléments.
Soufre, Mercure et Sel correspondaient à ce qu'ils
nommaient encore : feu inné^ humide radical et base
essentielle des corps (I). Traduisons: le Soufre, principe
de la forme ; — le Mercure, principe de la substantiation ;
— et le Sel, principe mixte de la manifestation objective.
En correspondance occulte : la substance une est
l'Éther cosmique, dont la polarisation donne au positif
YAôd lit», la Force ou l'Agent ^ ; — au négatif VAôb
lis, la Résistance ou le Patient ^ ; — au centre d'équi-
libre, VAôr 1W ou lumière astrale, substratum de toute
matière ©.
(1) Ou bien encore^ ù^ Archée, O Azoth, et © Hylé.
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712 LA CLEF DE LA MAGIE HOIRE
Le Soufre-principe sera donc, suivant le dire naïf d'un
ancien alchimiste (1), « le feu céleste qui, s'introduisani
dans les semences inférieures, suscite et fait paroistre la
forme intérieure du plus profond de la matière, avec tout |
son ornement et équipage : et voilà comme la génération
se fait par le moyen de ce feu céleste, et comme toutes
choses élémentaires icy-bas en dépendent, comme de
leur vraye source et origine (2). »
Ce vieil auteur n*est pas moins e3q)licite, quand il
définit le Mercure-principe : « L'humide radical de toutes
choses qu'en Chymie on appelle Mercure, c'est la subs-
tance humide, première née en la semence de toutes
choses ; sur laquelle le feu naturel ou souphre vital agit
pour en pousser les formes mussees et cachées dans le
thresor de son abysme. l'appelle abysme, les vertus et
proprietez de cet esprit de vie qu'il a presque infinies,
pour tirer de soy mesme toutes sortes de formes (3)- *
Le Sel-principCj dit encore Jean Fabre, « est le siège
fondamental de toute la nature en gênerai et en parti-
culier ; c'est le poincl et le centre où toutes les vertus et
proprietez célestes et élémentaires aboutissent et se ter-
minent... Principe de corporification, qui est le nœud et
le lien des autres deux principes souphre et mercure, et
leur donne corps, et par ainsi les fait paroistre visible-
ment aux yeux d'vn chascun (4). »
(1) Jean Fabre, VAbregé dei secrets chymiques, — Paris, Billainc,
1636, in-8.
(2) Fabre, Secrets chymiques, page 20.
(3) Secrets chymiques, pages 23-24.
(4) Secrets chymiques, page 34 {passim).
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MAGIE DES TRANSMUTATIONS 713
Ainsi donc, — il importe de s'en bien pénétrer, — les
trois Principes, dans leur signification universelle, ne
sont ni les corps vulgairement dénommés Soufre, Mercure
et Sel, ni aucune substance analogue, qui tombe sous
nos sens. Il faut y voir les trois aspects complémentaires
d'une même essence, générative des choses matérielles ;
les trois termes de polarisation du virtuel occulte, sur le
point de se manifester, en passant de puissance en acte.
Conçus dans leur synthèse opératoire, les Principes
représentent, à eux trois, l'énergie réalisatrice des corps.
Envisagés séparément, ils se réduisent à de pures abstrac-
tions, car ils n'existent que les uns par les autres.
Notons, en passant, que les disciples d'Hermès dési-
gnent tantôt par © , A et ^ les trois Principes univer-
sels que nous avons dits, et tantôt leur incorporation
dans le règne minéral, savoir : des corps manipulablcs
es cornues et ballons, et qui, dans l'œuvre préparatoire,
sont les mixtes à travers lesquels ces trois Principes ra-
dicaux, spécifiés au stade minéral, font respectivement
sentir leur action propre.
Pas de matière sensible au monde, qui ne soit compo-
sée des trois Principes unis. Il en résulte que la liqueur
mercurielle des travaux préliminaires, pour prendre un
exemple, renferme aussi du Sel et du Soufre. Mais le
Mercure s'y trouve en excès, ce qui revient à dire que la
Substance passive, le Principe féminin, la polarité né-
gative de l'Être (résistance) s'y manifestent particulière-
ment. — On peut faire la même remarque, touchant les
préparations désignées comme sulfureuses, ou salines.
Au laboratoire, et dans leur acception la plus large, le
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714 LA CLEF DE LA MAGIE NOIRE
Mercure est une fumée blanche, le Soufre une grais>^
agglutinante, et le Sel un acide. L'Azoth des Sag^, s}^
thèse des trois, consiste en un menstrue, rAIchaêst ol
dissolvant des métaux, qui ramène ceux-ci à leur pre-
mière substance et met leur sperme androgynique en li-
berté.
Enfin, au laboratoire toujours, et dans leur acception
restreinte à la nature métallique, le Soufre des métaux
sera le point fixe (l),séminal, qui, déterminant le Mercure
métallogène, spécifie chaque métal en une nature carac-
téristique, où s'inscrit chaque étape de maturité ; — le
Mercure sera la première substance des métaux, diverse-
ment spécifiable par tel ou tel Soufre, — et le Sel sera U
matière de l'œuvre.
Ces distinctions établies, poursuivons notre exposé-
Les trois Principes universels de la substance engen-
drent les mixtes à travers les quatre Éléments^ ces qua-
tre types fondamentaux de la manifestation objective.
Les corps apparaissent en effet sur le plan physique,
selon quatre modes, dont les Éléments des anciens of-
frent la signature spontanée et l'immédiat symbole : ce.s
(1) Ainsi, en principe nalurant^ le Soufre est un feu subtil, occulte,
insaisissable ; tout ce qu'il y a de plus éthéré, de plus spiritueux ; —
en application naturée^ ce même Soufre, incorporé et spéciGé dans la
nature métallique, devient la semence fixe, inaltérable des mét&ux, IV-
talon de leur type sigillé & môme leur matière : tout ce qu'on peut con-
cevoir de plus dense et permanent.
Toujours Tanalogie des contraires, rendue sensible dans le ehassé-
croisé d'influences s'exerçant du Ciel à la terre ; interversion que nous
avons déjà signalée (note des pages 119-120) et dont l'emblèoie naturel
s'inscrit au reflet renversé d'une image dans l'eau.
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MAGIE DES TRANSMUTATIONS 715
3orps apparaissent so/ides (Terre), liquides (Eau), gazeux
<^Air) ou ignés (feu).
L.a quintessence, ou moyen terme radical des formes
sensibles, réside au point central équilibrant des quatre
modes élémentaires, de même qu'en l'absolue Substance
réside la synthèse équilibrante des trois Principes.
Quant au problème de la Chrysopée, aux termes duquel
nous devons restreindre cette courte notice, sa solution
théorique ne présentera plus d'obstacle à la compréhen-
sion, si l'on se pénètre bien de ceci :
La nature métallique est une : tous les métaux sont
formés de Soufre et de Mercure, spécifiés au minéral,
conjoints en variables proportions de poids comme de
réciproque maturité, et condensés en un corps salin plus
ou moins pur, c'est-à-dire en un mode d'incorporation
moléculaire plus ou moins adéquat.
Variations qualitatives et quantitatives des Trois Prin-
cipes unis, et plus ou moins d'intimité dans le mélange,
— voilà les causes de la différenciation minérale.
Les métaux sont fruits de maturité plus ou moins
avancée, sur Tarbre de la nature métallique. Les métaux
inférieurs sont des fruits fades et crus, qui se sont
détachés de l'arbre, c'est-à-dire de la vie de croissance,
avant que le Soufre et le Mercure qui les constitue
se fussent combinés et mûris en de justes proportions
salines. Trouvez un levain qui supplée à ce défaut, en
soumettant derechef ces matières inanimées et refroi-
dies à la fermentation de la vie minérale : la Nature re-
prendra son œuvre élaboratrice,^ et d'imparfaits, ces
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716 LA CLEF DE LA MAGIE NOIRE
métaux deviendront parfaits ; c'est-à-dire qu'ils abouti-
ront, dans la série négative et féminine^ à la Lune ou à
l'argent, et dans la série masculine et positive, au Soleil
ou à Tor.
La pierre philosophale n'est autre que ce ferment qui
porte à maturité les fruits aigres ou mal digérés de la
nature métallique. Cette transmutation s'opère en un très
court délai, qui varie de quelques minutes à quelques
heures, suivant que la projection du levain métallique
est faite sur un métal fondu, plus ou moins éloigné du
point de perfection à atteindre.
Tout Tœuvre réside donc dans l'élaboration du fer-
ment, — soit au blanc, soit au rouge.
Voilà la question nettement posée...
« Les métaux (dit ÉUphas Lévi) se forment dans les entrail-
les de la terre comme les planètes dans le ciel, par les spécia-
lités d'une lumière latente, qui se décompose en traversant
divers milieux.
€ S^emparer du sujet dans lequel la lumière métallique est
latente, avant qu'elle se soit spécialisée, et la pousser à Tex-
Irème positif^ c'est-à-dire au rouge vif (I), par un feu em-
(1) « Tout se régénère pkr le dissolvant universel, qui est la sub-
stance première. Ce dissolvant concentre sa force dans la quintessence,
c'est-à-dire au centre équilibrant d'une double polarité.
« La vibration de la quintessence autour des réservoirs communs se
manifeste par la lumière, et la lumière révèle sa polarisation par les
couleurs.
a Le blanc est la couleur de la quintessence. Vers son pôle négatif,
cette couleur se condense en bleu et se fixe 'en noir; mais vers son p<)'<?
positif, elle se condense en jaune et se fixe en rouge.
• La vie rayonnante va donc toujours du noir au rouge en passant
par le blanc ; et la vie absorbée redescend du rouge au noir en traver-
sant le même milieu. » Éliphaa Lévi, Histoire delà Magie, pages 536-
537.
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MAGIE DES TRANSMUTATIONS 717
prunté à la matière même, tel est le secret du grand œuvre,
c Od comprend quecette lumière positive à son extrême de-
gré de condensation est la vie même devenue fixe, et peut
servir de dissolvant universel et de médecine à tous les règnes
de la nature (1). :»
Que si l'on médite ces ,paroles d'un grand maître, on
se persuadera qu'elles expriment à la fois une réalité et
un symbole. A ce double titre, positif et analogique, elles
valent d'être bien comprises. Nous ne les avons pas
transcrites sans motif, pour conclure les préliminaires
généraux qu'il importait d'énoncer.
Passons à la description du grand œuvre.
Nous en esquisserons d'abord le schéma quaternaire ;
car la Chrysopée se divise rationnellement en quatre
groupes bien distincts d'opérations et de phénomènes.
SOMMAIRE
DES TRAVAUX DU GRAND OEUVRE
I. — Opérations préparatoires.
Tout Varcane gît dam la préparation du Mercure phi-
losophai, ou Dissolvant universel, ou Azoth des Sages ^.
On Vobtient par une sublijnation mystérieuse^ en appli-
quant à la matière première le feu secret, qui est V Acier
des philosophes. Pour préparer cet Acier ^ il faut connaître
el savoir utiliser leur Aimant.
(1)
Éliphas Lévi, Hist, de la Magie, page 537.
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7{8 LA CLEF DB LA MAGIE NOIRE
Le propre de VAzolh est de dissoudre tous les tnélaujr)
— au cas paj'ticuliery V or et V argent, — et les rafnemr\
à leur première substance mercurieUe^ en abolissant le
nœud gordien qui joignait ce Mercure éUme^itaire des mé-
taux à kur Soufre. \
Le Soufre A et le Mercure V mélalUgènes ainsi sé-
parés récupèrent leur qualité végétative; de combinés et |
morts quils étaient, ils redeviennent libres et vivants,
I
II. — L'Œuvre proprement dit (préparation de la pierre). I
En dissolvant l'or et Vargent vulgaires dans FAzoth ou '
Mercure des SageSy Vadepte d'Hermès a libéré le Soleil
O vif et la Lune ^ vive^ le Roi et lu Reitie^ le mâle et la
femellCy dont les noces produiront V Enfant royal, le mi- i
racle de la Nature et de l'art : la pierre philosophale.
Le O vif n'est autre que le Soufre métallogène A , évo-
lué à sa perfection dans Vor vulgaire; — la ^ vive est
le Mercure métallogène ^ (1), amené à sapins haute
perfection dans Vargent vulgaire. {Tous tes autres métaux
sont formés des mêmes principes spécifiés, au minéruL
mais en combinaison désharmonique ou à l'état impur).
Le lA et le ^ métalhgènes, isolés à l'état de pureté
parfaite^ et revivifiés {les adeptes disent réincrudés) par \
l'Azoth des Sages {ou combinaison du ^etdu'd univer-
sels dans une prison saline), constituent la matière pro-
(1 ] Nous appelons métallogènes le Soufre et le Mercure spécifiés au
minéral, et dont la combinaison, en de justes proportions salines,
donne naissance aux divers métaux.
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MAGIE DES TRANSMUTATIONS 719
haine de T œuvre : les deux ferments dont le concours
ïiébis) forme le pur sperme des métaux.
Rien autre ne doit être emprisonné dans Vœuf et soumis
m i^égime gradué de VAthanor, La chaleur d!une seule
Uxinpe doit conduire V œuvre à sa perfection.
Oependant, sous Vinfluence combinée de la chaleur et
iii temps, une série de phénomènes parfaitement déter-
fuinés se manifeste dans l'œuf. Les phases de volatilisa-
tion partielle^ de fixation et de déliquescence de la matière
alternent comme il convient^ tandis que cette matière
affecte successivement des teintes caractéristiques^ dont
V apparition dans l'ordre voulu atteste à V adepte qu'il n^a
pas dévié du droit chemin.
Les couleurs principales se succèdent dans Vordre sui-
ifant : le noir ;5 > (corruption, tête de corbeau) le blanc 3
(ablution, terre blanche feuillée^ petit Êlixir), et le rouge
O (grand Êlixir ou pierre philosophale). — Les nuances
secondaires ou transitoires sont nombreuses : « Avant
le noir y il y a un mélange de couleurs assez confus ; en-
tre le noir et le blanc se trouve le gris ; entre le blanc et
le rouge, le vert et le bleu, les couleurs de Vdrc-en-ciel
on du spectre solaire ; puis le jaune, V orangé et enfin le
rouge (1). »
La matière parvenue à la blancheur parfaite constitue
le petit Êlixir, ou pierre transmutaloire au blanc, qui
change les métaux imparfaits en argent ; — parvenue au
(1) Théories et symboles des alchimistes, par Albert Poisson (Collec-
tion d'ouvrages relatifs aux sciences hermétiques). — Paris, Chacornac^
1891^ petit, in-8 carré, fig., page 129.
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720 LA CLEF DE LA MAGIE NOIRE
rouge^ elle constitue le grand Élixir ou pierre au rouge :
c'est la pierre philosophale parfaitCj qui transmue les
métaux en or.
III. - Haltiplication de la pierre.
On multiplie la pierre^ non seulement en quantité^ mais
en vertu, par sa digestion et sa coction dans dix fois son
poids j environ, de Mercure philosophai ou d'Azoth des Sa-
ges -ç-. Cette opération ne va pas moins qu'à recommencer
tout rœuvre, en scellant dans Fœuf une matière qui est
Rébis exalté à la deuxième puissance. Dans la prépara-
tion de cette matière^ lesfertnents Qet ^ sont remplacés
par une égale quantité de rÊlixir qu'on prétend mulli-
plier. Les couleurs se succèdent dans le même ordre inva-
riable ; mais l'œuvre évolue bien plus rapidement ; lors-
que toute la matière est fixée au rouge, la pierre ne se
trouve pas seulement décuplée en volume^ mais en poten-
tialité transmutatoire. Une seconde multiplication^ iden-
tique à lu première j aboutit à centupler la pierre ^ à titre
non seulement quantitatif, mais encore qualitatif. El ainsi
de suite f dans cette proportion : 10, 100, 1000, 10.000,
etc.
ïy autres philosophes multiplient la pierre beaucoup
plus simplement, en la projetant sur de Vor vulgaire en
fusion, qu'elle réduit à sa propre nature de pierre.
Vf. — Projection.
La pien'e philosophale (ou ferment maturatif) étant
obtenue, le phénomène de la transmutation {oumatura-
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MAGIE DES TRANSMUTATIONS 721
tion) des métaux imparfaits s'opère en peu de temps.
Il suffit de projeter dans la masse liquéfiée du métal
qu*on veut ennoblir (mercure, étain ou plomb en fusion)
une petite quantité de la pierre^ réduite en poudre fine
et soigneusement enrobée dans un peu de cire, en forme
de pilule. Après une phase de fusion assez brève d'ordi-
naire, on laisse refroidir le creuset^ et toute la masse mé-
tallique se trouve transmuée en 3 ou en O, selon qu'on
a fait usage de la poudre transmutatoire au blanc ou au
rouge.
Il nous reste à compléter les indications du Sommaire
qu'on vient de lire, en insistant sur les points laissés
dans l'ombre par les Maîtres. Peu de paroles y suffiront.
Toute la difficulté réside aux opérations préparatoires.
— Le reste, disent les Adeptes, n'est qu'un jeu d'enfants
et de femmes. Or, ces travaux préliminaires se bornent
à la préparation de l'Âzoth ou Mercure des Sages.
Nous savons déjà qu'il n'est pas le mercure com-
mun ^ . Ajoutons qu'il ne s'en tire pas, quoi qu'en aient
dit bien des théoriciens du grand œuvre.
Qu'est-ce donc que le Mercure des Sages, cette maî-
tresse-clef du magistère, à défaut de quoi nul ne peut
entrer au palais du Roi-Soleil ?
Conçu abstractivement, c'est-à-dire à l'exclusion des
substances matérielles où il s'incorpore pour l'usage de
l'alchimiste, c'est tout uniment la Lumière astrale, avec
sa double polarité et son centre d'équilibre où réside la
quintessence des éléments.
46
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722 LA CLEF DE LA MAGIE NOIRE
Tel que le manipulent les enfants d'Hermès, c'est-à-
dire à l'état de Lait virginal ou de Vinaigre très aigre,
ou de Dissolvant universel des métaux, le Mercure ou
Azoth des Sages est une liqueur magique, peut-on dire,
où l'humide radical (Mercure féminin), fécondé par le
principe vivificateur (ou Soufre mâle), a pris corps, à la
faveur du principe salin, — cette base des choses sensi-
bles, que Bœhme définit, par un heureux barbarisme, la
« cause de la saisissabilité » (i) .
La matière première, — Magnésie ou Marcassiie ou
Minière des Sages^ — dont il s'extrait, n'est, à proprement
parler, ni un métal, ni un sel. C'est un minéral connu de^
enfants d'Hermès et très répandu dans la nature. C'est
le Serviteur Rouge, la Vierge hermaphrodite de nature,
« le rocher qui contient une mer et dont Tesprit se su-
blime... » Ce minéral est formé, comme tous les corps
sensibles, de Soufre et de Mercure élémentaires, enchaî-
nés dans une prison saline. Mais ce qui le distingue de
ses congénères, c'est qu'outre ces deux principes con-
joints et spécifiés, c'est-à-dire morts, il est imprégné de
Soufre et de Mercure non combinés, non spécifiés en-
core (2), c'est-à-dire vivants.
En d'autres termes, celte marcassite est un aimant de
la Lumière métallique potentielle, ou spécification préli-
minaire de l'Aôr bi polarisé, dont l'extrême positif (A (îrf)
(1) Des trois prit^cipes de V Essence divine, ou de V éternel engendre-
ment sans origine, etc., par Jacob Béhme (sic), traduit de l'allemand
par le Philosophe Inconnu (Cl. de Saint-Martin). Paris, an X (1802). 2
vol. in-8, (t. I, page 4).
(2) Non fixés en une combinaison définie, voulons-nous dire, mais
tendant néanmoins déjà à se spécifier au minéral.
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MAGIE DES TRANSMUTATIONS 733
constitue le Soufre mâle de nature, et l*extrême négatif
{^Aôb) le Mercure féminin.
Une fois la minière unique bien connue, et récoltée en
des conditions favorables, il s'agit d'en extraire séparé-
ment le Mercure et le Soufre libres, condensés chacun
dans le véhicule qui leur convient ; de les purifier, de les
joindre en Azoth des Sages, dans une liqueur saline qui
est le Lait virgiital et le Dissolvant des alchimistes.
Mais nul ne peut dégager Mercure de ses liens, sans
trancher ceux-ci avec Y Acier des philosophes^ et pour
posséder leur Acier, il faut savoir Tattraire à soi par l'ar-
tifice de leur Aimant.
Voilà le grand arcane d'Hermès : nous l'énonçons à
découvert, en dévoilant la nature de l'Acier des Sages,
qui n'est autre que Y électricité, et celle de leur Aimant,
symbole de la pile d'où elle émane.
Avant nous, Éliphas Lévi avait déjà signalé l'emploi de
l'agent électrique dans les opérations du grand œuvre ;
non sans y mêler des vues fort sujettes à caution, sur
l'usage parallèle du magnétisme humain. En parlant
d' « électricité magnétisée », Éliphas confondait, à des-
sein peut-être, deux ordres très distincts de réalisations
hermétiques.
Nous avons fait entendre plus haut (1) comment un
adepte entraîné, rendu puissant sur l'Astral par l'inter-
médiaire du médiateur plastique docile à son vouloir,
peut objectiver de la matière de toutes pièces, sous un
(1) Voy. chap. iv pages 428-429 et passim, .
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724 LÀ CLEF DE LA MAGIE MOIRE
mode préfix. Le magicien peut ainsi réaliser de l'or, aussi
bien que toute autre substance corporelle : son œuvre
est un transfert de puissance en acte, une véritable créa-
tion. Alchimie positive, mais supérieure.
D'autre part, si Ton qualifie de Magnétisme, la Force
mystérieuse qui permet à la volonté humaine d'agir sur
le Prptyle et de le différencier en l'objectivant : on pourra
certifier, dès lors, que le thaumaturge a fait usage du
magnétisme en alchimie. On conviendra néanmoins qu'un
tel art hermétique diffère sensiblement de la pratique
opératoire du grand œuvre, qui nous occupe à cette
heure: nous traitons de Spagyrie, et non plus de Magie.
Nous écarterons en conséquence l'emploi du magné-
tisme humain en alchimie proprement dite, et retiendrons
Tusage de l'électricité, qu'Éliphas a dénoncé avant nous.
Il nous suffira de préciser cet usage et d'en circonscrire
la minute opportune.
Cette minute est celle des aigles volantes ou de la
sublimation du Mercure, centre essentiel ou pivot des
travaux préliminaires de l'œuvre. C'est alors qu'ayant
attiré du CiélV Acier des Sages au moyen de leur Aimant,
l'artiste brandit cet Acier, pour la délivrance de Mercure
captif.
<( Notre Acier (dit Philalèthe) est la vraie cleT de l'œuvre,
sans quoi il est inutile d'allumer la lampe ou le fourneau phi-
losophique. C'est la minière de Tor ; c'est l'esprit le plus pur
de la nature ; c'est un feu infernal et secret, et même en «ow
genre extrêmement volatiLGesi le miracle du monde et l'as-
semblage des vertus supérieures dans les êtres inférieurs.
C'est pourquoi leToul-Puissantl'a distingué par un caractère
particulier. Les Mages et les Philosophes ont connu sa nais-
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MAGIE DES TRANSMUTATIONS 725
sance en Orient, et ils ont remarqué avec admiration qu'un
g^rand roi étoit né dans le monde. — Imitez-les donc, et lors-
que vous aurez vu son étoile (1), suivez-le jusqu'à son ber-
ceau (2). •
La pile est clairement désignée, plutôt que décrite, au
chapitre suivant du même auteur. Citons-en quelques
traits.
(( ... Ayant dit que notre Acier est la minière de l'or, il faut
pareillement remarquer que notre Ayman est la vraye minière
de l'Acier des Sages. Sçachez que notre Ayman a, dans son
centre le plus intime, une abondance de sel merveilleux...
Ce centre se tourne naturellement vers le pôle, où la vertu de
notre Acier se fortifie par degrés. C'est dans ce pôle que se
trouve le cœur de notre Mercure, gui 6Sf le vray feu où se
repose son Seigneur, et (ce feu) nageant sur cette grande
iner, arrivera jusqu^aux deux Indes, pourvu que Ton ait
soin de régler sa route par la vue de VétoUe du nord (3)^ que
7iotre Ayman fera paroître (4). »
Mais il ne suffit pas de libérer Mercure de ses liens, il
faut le fixer, ou il se perd en fumée blanche. Les alchi-
mistes abondent en images plus ou moins mythologiques,
pour dépeindre la vertu fugitive de leur Mercure, qui se
dérobe, si un personnage, ordinairement paré des attri-
(1) L'étincelle électrique.
(2) Irénée Philalèthe, Introîtus apertus, III, 2, 3 (Entrée au palais
fermé du roi), traduction de Lenglet Dufresnoy, dans son Histoire de
la Philosophie Hermétique. Paris, Goustelier, 1742, 3 vol. in-12, (t. 11^
pages 19-21 de la seconde pagination),
(3) Toujours l'étincelle.
(4) Introitus apertus, IV, 1, 2 (Hist, de la philos, hermétique, tome
H, pages 21-23).
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726 LA CLEF DE LA MAGIE NOIRE
buts de Saturne, ne tranche d'un coup de faux ses ta-
lons ailés.
Un exemple très analogue nous est fourni par VAm-
monium, à l'état naissant. Lorsqu'on décompose par la
pile le chlorhydrate d*ammoniaque humecté d'eau, on ne
peut fixer, qu'en le combinant au mercure, le métal com-
plexe qui tend à se former àTélectrode négative. Le vif-
argent se gonfle, se boursoufle, prend la consistance
butyreuse, et Ton obtient de la sorte l'amalgame d'am-
monium. — Supposez un instant que l'ammonium soit
le Mercure féminin des hermétiques : ne seront-ils pas
tentés de le désigner aux adeptes tout en le cachant aux
profanes, sous le nom même du métal qui sert à le fixer,
à le rendre saisissable (1) ?...
Ce qui précède n'est qu'un exemple ; moins encore,
si Ton veut, une comparaison. Le dissolvant ou lait vir-
ginal n'est pas un amalgame ; c'est nécessairement un
liquide, un «menstruevégétable», obtenu par la combi-
naison du Soufre et du Mercure, extraits de la même
marcassite, laquelle donne encore par purification le Sel
vif, où ces deux principes trouvent à s'incorporer.
Qu*on ne perde pas de vue qu'il s'agit des trois Prin-
cipes minéralisateurs, non encore spécialisés : ils repré-
(1) En admeUantj — pure hypothèse, — qa'one analogie de ce genre
ait abouti à nommer Mercure la substance féminine du coït élémen-
taire, dans la préparation de Tazoth des sages : on s*expliquera mieux
que, d'autres analogies s'étant greffées sur la première, les alchimistes
en soient arrivés^ par généralisations successives, et correspondances
entre les divers plans, à qualifier de noms aussi matériels que Mer-
cure et Soufre de pures abstractions, telles que les termes de polarisa-
tion générale de la substance non différenciée.
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MAGIE DES TRANSMUTATIONS 727
sentent une seule et même substance sous trois modes
différents, et c'est d'une seule et même matière qu'on les
a extraits : au pôle positif, igné, se manifeste le A ; au
pôle négatif, humide, le ^ ; au centre d'équilibre, le ©
s'engendre de Tunion des deux.
Le Soufre universel est invariablement envisagé comme
le père. — A un certain point de vue, Mercure est la
mère, et le Sel l'enfant.
D'autres diront que le Sel estla mère et Mercure l'en-
fant. C'est que tel désigne par Mercure androgyne non
pas le y principe, mais le Dissolvant (alias, TAzoth des
Sages), qui est engendré du Sel ; — tandis que le même
adepte qualifiera le Sel de mère ou de principe féminin,
parce qu'il envisagera ce dernier comme matériel et pas-
sif, par opposition au Soufre universel, qui est invisible
et ^ctif. — On le voit, c'est affaire de point de vue
Pour que le Lait virginal (ou Dissolvant mercuriel) de-
vienne propre au bain du Roi et de la Reine, il le faut pu-
rifier par un certain nombre d'aigles, lisezde sublimations
successives. Philalèthe en prescrit de sept à neuf; mais,
bien que très clair à certains égards, il faut bien se gar-
der de prendre toujours cet auteur à la lettre : on serait
aisément déçu par lui comme par tous les autres. Son
affectation de sincérité brutale est fréquemment un
leurre, et l'on trouve en son livre bon nombre d'opéra-
tions inutiles, décrites avec la dernière minutie, aux
seules fins d'égarer le profane
Lorsque la liqueur d'Azoth, que plusieurs adeptes appel-
lent encore « notre Mercure», est amenée aune suffisante
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728 LA CLEF DE LA MAGIE NOIRE
perfeclion, Tarlisle y doit ajouter le fermentroyal, sur la
nature duquel nous allons nous expliquer.
Pour le petit magistère, c'est-à-dire si Ton ne prétend
point pousser l'œuvre au delà de la couleur blanche, ni
rien obtenir de plus que la pierre transmutaioire des
métaux en argent, il suffit de dissoudre dans rAzoth une
petite quantité de Lune immaculée ou d'argent très pur.
Pour le grand magistère, il faut y dissoudre en égales
proportions Lune et Soleil, c'est-à-dire argent et or
francs de toute impureté.
Ces métaux doivent se fondre dans le Lait virginal ou
Mercure des Sages, comme de la glace dans l'eau tiède,
sans effervescence ni difficulté d'aucune sorte. Le propre
de ce dissolvant est de s'assimiler tous les métaux sans
le moindre effort, et de les réduire en leur propre sub-
stance de Soufre et de Mercure.
C'est dans ce Soufre et ce Mercure, libérés et revivifiés,
que consiste le double ferment qui est le sperme métal-
lique, d'où naîtra l'enfant royal.
L'argent renferme une notable quantité de Mercure
métallogène très pur (passiO,unià du Soufre blanc, c'est-
à-dire à du Soufre évolué à sa perfection dans la série
féminine.
L'or renferme, comme l'argent, du Mercure passif
immaculé, mais il recèle en outre du Soufre rouge (actiO
très pur, c'est-à-dire évolué à sa perfection dans la série
masculine.
Gomme en dissolvant tout métal, la liqueur azothique
sépare le Mercure du Soufre, et qu'elle rend la vie et la
liberté à ces deux principes jusque-là fixés et morts dans
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MAGIE DES TRANSMUTATIONS 729
leur combinaison métallique, on conçoit qu'il suffirait,
à la rigueur, pour l'œuvre au rouge, de dissoudre de Tor
dans TAzoth, comme il suffit, pour l'œuvre au blanc, d'y
dissoudre de l'argent. Car, pour le grand magistère, l'or
réincrudé par le Mercure des Sages fournira séparément
les deux levains essentiels, y métallogène et A rouge,
tous deux à l'état de pureté parfaite : comme aussi l'ar-
gent, pour le petit magistère, fournira séparément, à la
faveur du môme réactif, les deux ferments requis, savoir
le ^ métallogène et le A blanc, tous deux très purs. —
C'est pourquoi les adeptes ont accoutumé de dire, avec
Basile Valentin, que, pour TArgyropée (1), il faut de
l'argent et de l'Azoth ; et, pour la Chrysopée (2), de l'or
et de l'Azoth.
En conséquence, beaucoup d'artistes travaillent uni-
quement sur l'or et l'Azoth des sages : et, nous le répé-
tons, ces deux produits suffisent à constituer RébiSy la
matière spermatique de l'œuf... Mais si l'on fait fondre
dans le Laitvirginal de l'or et de l'argent, comme quelques
adeptes le recommandent, les deux ferments, étrangers
de provenance, se combinent plus amoureusement, et,
disent les philosophes, «notre enfant royal en sera plus
beau et mieux venu *. Ce qui paraît certain, c'est qu'en
agissant de la sorte, on abrège la durée de l'œuvre, et
que l'on se prépare une moisson plus riche et plus abon-
dante.
Une fois les ferments obtenus et affrontés, par la dis-
(1) Art de faire de l'argent.
(2) Art de faire de l'or
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730 LA CLEF DE LA MAGIE NOIRE
solution sans effervescence des deux métaux parfaik
dans le bain royal, l'on soumet la liqueur à la congéla-
tion, ce qui revient à dire qu'on la fait cristalliser.
Tel Rébis se prépare. C'est la masse amorphe ou cris-
talline, mais toujours d'aspect homogène, que i*arUste
scelle définitivement dans l'œuf; elle n'en sortira plus
qu'à l'état d'élixir accompli, c'est-à-dire de pierre phi-
losophale.
La période est close des travaux préliminaires, diffi-
ciles ou périlleux. L'art d'Hermès exige encore beaucoup
de patience et d'esprit de suite, qualités plus rares qu'on
ne le croit; mais l'œuvre ne comporte plus désor-
mais, ni subtils calculs ni manipulation délicate : c'est
en ce sens qu'on a qualifié ce qui reste à faire, de jeu
d'enfants et de labeur de femme.
Deux mots de YAthanor, ou immortel fourneau, ainsi
nommé parce que le feu doit y brûler sans trêve, jusqu'à
la perfection de l'élixir.
Pénétrons au sanctuaire delà Vesta philosophique...
«f Le véritable athaaor.., (dit Albert Poisson) est une sorte
de fourneau à réverbère, pouvant se démonter en trois par-
ties. La partie inférieure contenait le feu ; elle était percée de
trous pour permettre l'accès de l'ai r et présentait une porte.
La partie moyenne, cylindrique aussi, offrait trois saillies
disposées selon un triangle, sur lesquelles reposait Técuelle
contenant Tœuf. Cette partie était percée, selon un de ses
diamètres, de deux trous opposés, fermés par des disques de
cristal, ce qui permettait d'observer ce qui se passait dans
rœuf. Enfin la partie supérieure pleine, sphérique, constituait
un dôme ou réflecteur, réverbérant la cbaieur. Tel était Tatha-
nor généralement en usage (i). »
(1) Théories et symboles des Alchimistes, page 106.
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MAGI£ DES TRANSMUTATIONS 731
L'adepte remplit Técuelle de sable tamisé ou de cendre
fine. Sur cette couche bien unie, il dépose l'œuf philoso-
phai, qui ne doit s'y enfoncer que d'un tiers environ.
Certains artistes préfèrent le bain-marie au bain de sa-
ble. Ce n'est pas de conséquence décisive. D'autres, plus
avisés, emploient successivement les deux : ils commen-
cent par soumettre l'œuf au bain-marie, qui distribue
une chaleur plus douce et plus égale ; puis, quand l'œu-
vre avancé requiert un feu plus ardent, ils substituent
récuelle de sable ou de cendre fine au récipient à l'eau.
L'œuf, dont la matière y incluse ne doit pas occuper
plus du quart, est ordinairement un ballon de verre scellé
par son goulot, ou encore Valudel de l'ancienne chimie,
qui s'obtient en lutant deux matras, emboîtés l'un dans
l'autre, en forme d'haltère. Ce dernier appareil présente
l'avantage de favoriser la circulation des esprits : les
vapeurs se condensent aisément dans le vaisseau supé-
rieur, maintenu à une température peu élevée ; de là,
elles retombent en pluies sur la matière, qu'elles déter-
gent et régénèrent par cette distillation perpétuelle de
soi sur soi. C'est ce que les maîtres nomment l'ablution
du fixe par les larmes du volatil. Ce phénomène marque
particulièrement la fin du régime de Saturne, et présage
la blancheur ou le régime de Diane, annoncé par l'appa-
rition de ses colombes.
Le gouvernement du feu (regimen ignis) a été tenu
secret par la plupart des philosophes, qui en font le plus
insigne arcane du magistère. La grande malice des au-
teurs, soucieux de déconcerter le profane, réside à con-
fondre, d'une part, le feu secret des travaux préparatoi-
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732 LA CLEF DC LA MAGIE NOIRE
res (rélectricitéy dont il n'est plus besoin désormais!,
avec le feu de lampe requis pour mûrir les ferments et
parfaire Tceuvre; — d'autre part, le feu extérieur d<»
Tathanor avec le feu interne de Rébis, l'énergie chimi-
que du composé. Dès lors, ce sont quiproquos à perte
de vue.., et de patience.
Plusieurs s'expriment pourtant à découvert sur ce
point.
Tout d'abord, il est inutile de s'approvisionner de
charbon : les seuls Souffleurs ruinent en charbon les
Mécènes de leur empirisme ; et l'excuse de ces pauvres
diables, s'il en est une, c'est qu'ils se sont ruinés les pre-
miers à cet exercice. Pas d'ivrogne plus insatiable d'al-
cool qu'un fourneau de souffleur ne l'est de charbon de
terre. Il se bonde de combustible, ronfle nuit et jour, et
rend de la fumée. Spectacle délectable et fascinatoire à
ce point, que notre homme, ayant épuisé son bien, son
crédit et la complaisance des autres, devient escroc,
non pour s'enrichir, mais pour entretenir son feu de
charbon. Il improvise de variables et surprenantes in-
dustries, cultive la prestidigitation de laboratoire ; il at-
trape quelques nigauds, par un trompe-l'œil anodin de
multiplication de l'argent ou de l'or; bref, après mille
traverses, il échoue de nos jours en police correctionnelle :
bénigne destinée, si on la rapproche du sort de ses pré-
curseurs en duperie, au temps encore peu lointain où
l'on exécutait les fripons. Même alors, cette perspective
ne calmait point la frénésie du souffleur, coutumier de
ces multipUcations fructueuses. Il soufflait tant et multi-
pliait si bien, qu'il finissait, selon le dire plaisant d'un
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MAGIE DES TRANSMUTATIONS 733
médecin de Louis XIV, par être soufflé lui-même au bout
ci*une potence, ou multiplié sur un échafaud (1)!
Donc, point de charbon dans Tathanor. L'excessive
ardeur de ce combustible tuerait la matière, en brûlant
le sperme métallique androgyne d'où doit naître l'enfant
royal. Ce n'est qu'une fois la pierre acquise et multipliée,
que, l'heure de la projection étant venue, le feu de char-
bon sera ulile^ non dans Tathanor, mais bien dans un
simple réchaud, pour la fusion du métal imparfait que
rélixir mûrit et régénère.
Tout l'œuvre, nous l'avons dit, s'exécute à la chaleur
d'une seule lampe, — la modeste lampe à huile de l'a-
depte et du philosophe. La mèche, préférablement tissue
d'amiante, est de quatre fils au début, jusqu'à l'appari-
tion de la noirceur ; puis de quatorze, enfin de vingt-
quatre, pour obtenir la couleur blanche. Voilà ce dont
les auteurs ont fait tant de mystère (Voy. Hapellius,
Aphorismes royaux) (2).
Quant aux modifications phénoménales et aux couleurs
que présente successivement la matière, tous les philo-
sophes hermétiques sont en accord parfait : faisant trêve
à leurs réticences, ils s'expriment en termes positifs, sin-
cères et concordants (3). Nulle diflBculté désormais, plus
d'équivoque. Aussi n'insisterons-nous guère sur des no-
tions que l'on trouve partout identiques.
(i ) Voy. le Tombeau de la Folie, par le S' de la Martinière. Paris,
s. d., petit in-8,page 74.
(2) Cité par Poisson^ Théories et symboles des Alchimistes, page 409.
(3) Us ne diffèrent que dans l'interprétation, et nous allions dire la
métaphysique des opérations ; mais sur la question de fait, Tunanimité
règne.
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734 LA CLEF D£ LA MAGIE NOTRE
Dans les premières semaines de la calcinalion, la ma-
tière afiFecte diverses nuances instables et mal définies
(régime de Mercure ^). Puis elle verdit, s*assombrit et
se fixe au noir. La noirceur, d'abord superficielle {tête
de corbeau) ne tarde point à envahir toute la masse so-
lide ; c'est alors le nigrum nigro nigrius [régime de Sa-
^^^ t>)j^^ phase où les adeptes veulent voir la cor-
ruption, la mort du sujet, qu'ils qualifient à ce degré de
compost philosophai. Le noir, longtemps stable, vire au
blanc avec lenteur, à travers toute une série de colora-
tions fugitives et peu tranchées (dans les tons bruns, gris
et neutres) ; cependant que les vapeurs se dégagent, de
plus en plus abondantes et tumultueuses, et, se conden-
sant contre la paroi supérieure, retombent en pluies, qui
détergent la matière déplus en plus {régime de Jupiter %)-
Enfin palpait la blancheur, annoncée par les colombes de
Diane, que nous venons de décrire (1) : on observe d'a-
bord, tranchant sur le fond obscur, des filaments crayeux
qui, du centre aux parois, rayonnent à la surface ; puis
la blancheur gagne toute la masse, qui, après plusieurs
alternatives de déliquescence et d'aridité, sèche entière-
ment et s'écaille : voici la terre blamhe feuillée^ bienlôl
résohie en granulations d'une éclatante candeur {régim
de Diane 3). En cet état, la matière, évoluée en mode
passif, constitue Yélixir ou la poudre transmutatoire au
(1) Les colombes de Diane montent et descendent : elles symbolisent
l'agitation de la partie volatile de la matière. Cette agitation, parvenue
à son comble, prélude au régime de Diane, et signale Taube de 1a
blancheur.
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^^^iifit4>^$^^^4f^
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MAGIE DES TRANSMUTATIONS 735
ilanCy apte à changer les métaux imparfaits en Lune très
3ure (Argent) et peut-être en Lune fixe (Platine). Le petit
magistère est terminé, et si l'artiste n'a travaillé que sur
l' Azoth et l'argent, il n'a plus qu'à rompre le vaisseau,
pour recueillir sa pierre blanche.
Mais si l'artiste a réincrudé dans le dissolvant mercu-
riel les deux métaux parfaits. Soleil et Lune (ou même,
comme nous l'avons expliqué, le seul Soleil, qui suffit à
la rigueur pour fournir les deux ferments) : alors l'e/mV
au blanc (quoique en apparence tout pareil à celui du
petit magistère, évolué à perfection dans la série fémi-
nine), Vélixir est susceptible, dans la série masculine,
d'une évolution nouvelle etcomplémentaire de l'ancienne.
Daigne le Lecteur nous prêter attention ; en effet la dis^
tinction est délicate à saisir... La pierre blanche du grand
magistère, identique en acte à celle du petit, lui est dis-
semblable en puissance ;Q^vV\mt a touché le terme de
sa transformation, l'autre est virtuelle d'une transforma-
tion ultérieure: si bien que, soumise derechef à la flamme
graduée de l'athanor, elle va « pousser toute sa teinture
à la surface », c'est-à-dire, rendre actuel et manifeste au
dehors, — patent, — ce qui n'était que potentiel et oc-
culte à l'intérieur, — latent.
Que si l'on poursuit l'œuvre en activant le feu, la ma-
tière de l'œuf, après une station au blanc (et plusieurs
alternatives du liquide au solide, et vice versa), verdit,
puis bleuit, puis passe au rouge sombre {régime de Vé-
nus Ç) ; — elle s'éclaircit et affecte la teinte orangée,
puis présente à la fois toutes les couleurs de l'arc-en-
ciel : les maîtres désignent ce stade sous les appellations
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736 LA CLKF DE LÀ MAGIB NOIRE
de queue de paon et (ïécharpe cFIris {régime de Mars </}.
Enfin, le grand œuvre approche de son terme : le rouge
apparaît; les vapeurs ponceau roulent dans le ciel philo-
sophai leurs volutes pesantes, et la matière, d'abord déli-
quescente, se dessèche, entre en fusion, et se fixera par
le refroidissement en petits grains couleur de coquelicot.
C'est la fin de l'ultime période {régime du Soleil ou
(TApollonQ) : Tenfant de gloire est né, la pierre philoso-
phaleesl obtenue.
Palpitant d'émotion, l'opérateur peut enfin briser le
sceau d'Hermès. Il manie • le miracle de l'art », et con-
trôle avec allégresse les caractères extérieurs qui témoi-
gnent de sa perfection..,
« La pierre » est une poudre cristalline fort pesante»
d'un rouge vif et d'une odeur de sel marin calciné. Quel-
ques grains de cette poudre, chauffés sur une lame mé-
tallique, se fondent comme cire sans répandre aucunes
vapeurs.
Enfin, projetée sur dix fois son poids de mercure ou
de plomb fondus, la pierre transmuerait, après deux
heures d'ébuUition ou à peu près, le métal imparfait en
or très pur.
Mais cette force de transmutation apparaît dérisoire,
auprès de celle que la pierre doit acquérir, une fois fer-
menlée et multipliée.
Nous en avons assez dit sur les méthodes de multipli-
cation : la plus simple et la plus rapide consiste, on s'en
souvient, à chauffer la poudre extraite de l'œuf avec cent
fois son poids d'or, qu'elle réduit rapidement à sa propre
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MAGIE DES TRANSMUTATIONS 737
nature. L'autre procédé, plus long, consiste à reprendre
tout Tœuvre : on dissout la poudre dans le lait virginal,
au lieu d y faire fondre Lune et Soleil ; puis on soumet
ce Rébis exalté au régime de Tathanor.
« Et ainsi (enseigne Artephiiis) la vertu s'augmente et mul-
tiplie en quantité et qualité, de sorte que si, en ta première
GBUure, vne partie de ta pierre teignoit cent, la seconde fois
teindra mille, la troisième dix mille, et ainsi si tu poursuis,
ta protection viendra iusquesà Tinfini, teignant vrayement et
parfaictement et fixement toute quelle quantité que ce
soil {!)...>
Quoi qu'il puisse sembler de cette affirmation hyper-
bolique, beaucoup de maîtres soutiennent qu'on doit la
prendre au pied de la lettre ; nous en doutons pour
notre part. Mare tingerem, s'écriait Raymond Lulle de
Palma, peut-être un peu trop espagnol dans son enthou-
siasme adeptal; inare tingerem, si mercurius essei!
L^ pierre multipliée, soit au blanc, soit au rouge, de-
vient poudre de projection. Pour transmuer, en argent
ou en or, le plomb ou le mercure, il suffit de « proje-
ter » dans ces métaux en fusion une petite quantité de
poudre, soigneusement enrobée dans une boulette de cire
ordinaire : que si l'adepte néglige cette précaution, l'ex-
périence est en pure perte, comme Helvétius eut à le dé-
plorer dans la première épreuve qu'il en fît.
« Il faut observer (écrit Marc Pompée Colonne) que la fixa-
tion du mercure en argent se faisoit en un quart d'heure... ;
(i) Philosophie naturelle de trois anciens philosophes, Artephiits,
Fïamel et Synesius. Paris. 1612, in-4, figures, page 34.
47
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738 LA CLEF DE LA MAGIE NOIRE
mais que pour celle de i'or, il falloit au moins deux heures et
que le feu fui très-fort : ce qui n'étoit pas nécessaire pour l'ar-
gent. Je demandai (à mon maître) laraison de cette différence :
Vous devez comprendre, me dit-il, que pour forcer le mercure
à mettre dehors toute sa teinture, et pour lui faire acquérir la
fixité de Tor, il faut nécessairement un feu et plus grand et
plus long ; et au contraire, pour le fixer en argent, il oe faut
simplement que l'épaissir: il n'est donc pas nécessaire de lui
donner un feu ni si grand ni si violent ; il faut seulement
réchauffer un peu fort. En effet, les fixations de mercure en
argent, comme je l'ai vu plusieurs fois, se faisoient avec plus
de facilité et plus promptement que la présure ne fait épais-
sir le lait en un tems très-chaud. Je remarquai enfin que Tar-
gent qui provenoit de la fixation du mercure, étoitp/tis pon^
déreux que l'argent ordinaire, et que Veau forte n'y faisait
aucune impression, ou du moins fort peu ; mais elle n*y fai-
soit rien du tout, quand il y avoit un peu plus de poudre qu'il
n'en étoit hesoin. C'étoit donc une vraie lune fixe, eltelle que
je ne crois pas qu'on en puisse faire autrement (1). >
On ne peut se défendre ici de songer au Platine^ lors-
qu'on rapproche ces deux propriétés caractéristiques de
ce métal, savoir : une densité très supérieure à celle de
l'argent (elle est double), et l'inaltérabilité aux acides en
général, à l'acide azotique en particulier. Marc Pompée
Colonne n'était point un mystificateur, et il parle d'après
sa propre expérience.... Le platine serait donc la vraio
Lune fixe, le dernier terme de la perfection dans la série
féminine et négative, comme l'or est le dernier terme
dans la série masculine et positive?...
(1) Lei secrets les plus cachés de la philosophie des anciens, décou-
verts et expliqués, à la suite d*une histoire des plus curieuses, par
M. Crosset de la Haumerie (pseudonyme de Marc Pompée Colonne).
Paris, 1722, iQ-12, pages 11-12.
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MAGIE DES TRANSMUTATIONS 739
Tout porte à croire que la pierre philosophale est un
rr^étalloïde inconnu, potentiel de la maturation miné-
Ijes anciens auteurs attribuent à leur Phénix, emblème
ordinaire de l'élixir du rouge, plusieurs propriétés adja-
centes, dont nous ne signalerons que pour mémoire les
deux principales : l'une, — plus qu'hypothétique, — est
de transmuer en gemmes précieuses les pierres de cou-
leur les plus communes; l'autre est de servir de base à
la Médecine universelle, qui répare et régénère la vitalité
compromise des exemplaires végétaux et animaux, et
celle de Thomime même, aussi facilement que, dans le
règne minéral, elle pousse à perfection la vie de croissance
de la nature métallique.
Bien que cette dernière hypothèse soit de conséquence,
comme l'attestent nombre de travaux érigés à son hon-
neur, nous ne saurions nous attarder à ces corollaires du
grand théorème hermétique : notre cadre étroit se limite
à renonciation du problème de la Chrysopée.
Mais notre ouvrage s'intitulant Clef de la Magie Noire ^
nous ne déposerons pas la plume sans avoir touché un
mot de la queste de VHomuncultis. Tant de nobles disci-
ples d'Hermès se sont égarés, parmi de fausses lueurs,
sur cette piste téméraire autant qu'ambiguë, où, le pied
leur manquant soudain, ils ont roulé au précipice innom-
mable, dans les fanges et les glus de la ténébreuse
goëtie !
Quelle plus séduisante chimère ? Ériger l'alchimie en
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740 LA CL£F DR LA MAGIE NOIRE
une science vertigineuse, non plus seulement évocatoire
de la vie, mais formatrice des êtres vivants, — en un
mot, rivaliser le Créateur ! Malheureusement, les adeptes
qui, interprétant à la lettre une ingénieuse allégorie de
Paracelse, s'émulaient à réaliser VUomunculus, n*ont pas
songé à la catastrophe d'Éden.
Pour avoir voulu s'approprier l'essence démiurgique,
sève de la racine ténébreuse des êtres, l'immense Adam
a été pulvérisé par le Temps et les Espaces ; il a sonti-
bré dans la profondeur de la matière, entraînant dans
sa déchéance l'Univers effondré au poids de son Destin.
Ëtnous, infimes émanations obscurées de ce glorieux ar-
change, qu'une tentative extravagante a réduit en pous-
sière, nous réussirions ici-bas l'œuvre qu'Adam là-haut
n'a pu accomplir !
N'importe!... Et pour contraindre la Nature d'infuser
la vie à quelque simulacre artificiel de l'être, au mépris
des lois qu'elle ne transgresse jamais ; pour informer et
animer YHomunculuSy il n'est pas de mixture étrange,
pas de pratique abominable ou téméraire, injurieuse à
la terre comme au Ciel, qui fasse reculer ces sacrilèges
pontifes de la Nature profanée !
Comme les prêtres de Moloch, ils sacrifient des vic-
times à ridole de leur aberration mystique, et marient
l'holocauste pollutionnel à l'offrande stercoraire, à l'obla-
lion sanglante ; désespérant d'arracher leur arcane aux
secrètes albumines où viennent aboutir les limbes de la
vie animale, ils évoquent à l'aide les mauvais Esprits et
combinent l'imprécation avec la vaine observance, le
blasphème avec la prière. Insensés ! Ils réussissent par-
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MAGIE DES TRANSMUTATIONS 741
fois à lier quelque Larve à dos mandragores (l) imbi-
bées de leur sensibilité et galvanisées de leur vouloir.
Tel est le nec plus ultra de leur hermétisme dévoyé. Il
n'est pas enfin de ridicules turpitudes où leur ingénio-
sité ne s'épuise, — vainement. Il ne servirait à rien de
revenir sur ce que nous avons notifié au tome précé-
dent (2). Le curieux de ces tristes mystères s'y repor-
tera.
L'on va vite et loin, dans cette voie de l'opprobre
et de la perdition ; il n'est que le premier pas qui
coûte...
Jacques Gaffarel rapporte un passage du savant Rabbi
Moses, touchant les pratiques des sorciers hébreux, pour
la grefie des arbres fruitiers : « Dixerunt ergo quod in
horâ in quâ imerilur una species in aliam, oportet ut
ramus inserendus sit in manu alicujus mulieris pulchrœ,
et quod uir aliquis carnaliter cognoscat eam, prœter mo-
rem naturalem. Et dixerunt quod in tempore illius actûs
débet mulier inserere ramum in arbore (3).
En admettant qu'il s'agisse bien là de la greffe des ar-
bres, et que le rabbin cité par Gaffarel ne veuille rien
faire entendre au delà de ce qu'il parait dire, — on con-
çoit jusqu'où les goëtes devaient accentuer leurs rites
priapiques, lorsqu'au lieu de préparer des surgeons d'or-
(1) Cf. le tome I de notre Serpent de la Genèse : le Temple de Satan,
chap. V (V Arsenal du Sorcier, pages 335, 363-366, aux moi^Androïde,
Mandragore, et passim).
(2) Le Temple de Satan (passim, et notamment aux chapitres ni et
V).
(3) Gaffarel, Curiositet inouyes, pages 313-314.
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742 LA GLEF DE LA MAGIE NOIRE
dre végétal, ils agitaient le problème pratique de la bi»>
génie artificielle...
La présomption d'un orgueil sans frein aboutit fatale-
ment, en fait, aux monstruosités d'une dépravation qui en
est la conséquence et le châtiment naturels.
Peu d'hermétistes, il le faul dire, — à n'excepter pas
même les plus aventureux, — peu d'hermétistes se sont
ravalés jusqu'à ces turpitudes expérimentales.
C'est à tort qu'on a peint ces hommes sous les cou-
leurs du vice et de la rapacité. La soif de l'or et l'ambi-
tion de la puissance n'ont été les mobiles que du petit
nombre d'entre eux: et ceux-là, même instruits, ont erré
misérablement ; tandis que l'amour désintéressé de la
science, — cette étoile d'Orient, — guidait les mages
véritables vers le Bethléem kabbalistique, jusqu'au ber-
ceau de l'Enfant royal.
Les quelques adeptes qui sont parvenus au but ont
donné invariablement l'exemple de la bienfaisance et de
la vertu : nous ne voyons pas qu'aucun ait abusé des
prérogatives véritablement souveraines que leur confé-
rait la science de l'élixir. Les uns, comme Raymond
Lulle, ont fait l'aumône aux rois, tandis que la bure fran-
ciscaine pesait sur leurs épaules ; — les autres, comme
Flamel, ont vécu dans la plus bourgeoise médiocrité,
prodiguant les bonnes œuvres et les fondations pieuses
avec une munificence princière ; — d'autres enfin, tels
Cosmopolite et Philalèthe, se sont dévouée à l'apostolat
hermétique, au mépris des périls, des épreuves et souvent
des tortures que leur réservait l'insatiable cupidité des
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MAGIE DES TRANSMUTATIONS - 743
grands ; et ils ont sillonné l'Europe, distribuant de leur
poudre et multipliant les transmutations à titre démons-
tratif.
Loin de thésauriser jamais ni d'entasser les millions,
ces adeptes ont, à peine deux ou trois fois dans leur vie,
pratiqué les opérations du grand œuvre.
C'est qu'ils avaient compris que la richesse n'est rien ;
que la vérité et la charité sont toute la fortune d'un sage.
L'amour de la science pour elle-même et l'ambition de
répandre autour d'eux quelques bienfaits, pouvaient seuls
les induire à réitérer l'expérience hermétique, et à renou-
veler leurs réserves de poudre transmutatoire. Mais doré-
navant le grand œuvre d'immortalité les réclamait : la
Chrysopée interne leur souriait plus que l'autre, exté-
rieure, — et la pierre philosophale où ils aspiraient dès
lors, c'était celle de leur propre régénération morale et
spirituelle.
Petra autem erat Christus (1).
P'-S. — Qu'il nous soit permis de reprendre, en ter-
minant, notre propos du discours préliminaire.
La Clef de la Magie iVo/re, disions-nous, est aussi celle
des saints arcanes ; car le domaine astral relève de la
Magie lumineuse, au même titre qu'il dépend de l'Occul-
tisme pervers... Notre premier concept, en prenant la
plume, nous revient confirmé à cette heure où nous la
déposons.
(1) Saint Paul (I" Corinth., chap. x, f. 4).
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744 LA CLEF DE LA MAGIE NOIRE
A nous relire, celte constatation s'impose, — et noiw
en sommes frappé, — qu'en dépit du titre de cet ouvrage*,
le magiste y trouvera bien plus à glaner, que le catéchu-
mène des ténébreuses goëties.
La doctrine exposée par nous est synthélique : si telle-
lacunes se dénoncent évidentes, il importe qu'on sache
qu'elles furent voulues; mais on trouve aussi, non loi»
d'elles, bien des matériaux épars, susceptibles de Io>
combler. N'ayant pu tout dire, la ressource nous restait
de tout donner à entendre. Du moins l'avons-nous tenté...
Pour le public de cette Seconde Septaine, le TempU
de Satan s'éclaire d'un nouveau jour, et l'Idole barbare
fulgure sous d'imprévus reflets.
Reste à édifier le tome III. — C'est à sa philosophie que
l'Essai scientifique de ce jour devra seulement d'être mis
en sa juste valeur ; et les dernières obscurités se dissipe-
ront, s'il nous est loisible de traduire notre pensée aussi
lucide pour tous, qu'elle rayonne dès à présent pour nous
seul.
Puissions-nous, sous un angle favorable, présenter le
miroir au soleil de Vérité qui décore le Ciel ancestral de
la Tradition, — cette jeune déesse des vieux âges, évo-
quée et rendue présente à l'appel de notre foi !
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APPENDICE
I
LE CORPS CAUSAL
selon rÉsotérisme védantin
M. Paul Sédip, qui prépare une étude complète sur la
théosophie védantine, a pris la peine de résumer pour
nous, en une brève et substantielle notice, les données
éparses dans les VpanishadSy sur le Corps causal, —
ce substratum immuable de l'éphémère forme éthérée;
ce principe latent de l'être humain, qui est, aux corps
sidéraux des incarnations successives, ce que Moula-
prakrili est à Pmkrili.
On pourra voir quelle étroite analogie homologue ce
que les Védantins nomment le Corps causal^ avec cette
Faculté plastique dont nous avons, pour la première
fois peut-être, bien précisé dans cet ouvrage la nature et
les attributions.
S. de G.
Les théories védantines sur Thomme ne deviennent com-
préhensibles que si, d'un esprit ingénieux, Ton s'évertue à
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746 LA CLEF DE LA MAGIE NOIRE
les comparer dans tous leurs aspects et à en extraire^ par
l'effort d'analogies multiples, les significations trois fois se-
crètes, voiles dont s'enveloppe Taustère déesse de laGymnoso-
phie.
Sur le tabernacle le plus secret de i'ètre humaîo, planf»
Télernel, l'immuable, Tomniscient Atma, Timpassible Para-
brahm. A l'opposite de cet Indescriptible, les cellules innom-
brables du corps physique développent leurs mutations
perpétuelles. Cependant celles-ci procèdent de celui-là, par
le moyen des deux termes médians du Quaternaire universel.
Ces termes ont été dénommés, dans TAndrogonie adwattisle,
le Corps causal (Karana Sarira) et le Corps subtil (Soukhsma
Sarira),
Le corps causal, enseigne le savant Mohini (I), est la ré-
flexion d'Atma; Jacob Bœhme dit, d'une façon analogue : la
Vierge Sophiaestle miroir où se contemple le Saint Ternaire.
Soubba-Rao, autre brahme, écrit en substance dans ses
Pour lectures onthe Bhagavad Gitâ, que la lumière du Logos
(Daïviprakriti)^ agissant sur la base de la Nature-Essence
(Moulaprahriti), engendre le corps causal. Ce corps est l'in-
dividualité consciente, produite par le courantde viequi meut
toute révolution et augmentée de diverses formes subsidiai-
res, générées par les conditions spéciales d'espace et de
temps ; il est le lien entre les incarnations, et par conséquent
il s'augmente du résultat des expériences de l'individu qui
sont analogues à sa nature: tels les mouvements intellec-
tuels, les hautes émotions de l'âme et les aspirations mystiques.
— Il contient le germe du corps astral et celui du corps
physique; à la mort il va dans le plan solaire ; il y vit, et les
énergies qu'il y développe, se répercutant sur les deux plans
inférieurs : astral et matériel, de nouvelles incarnations se
produisent.
Anatomiquement, ce corps causal est constitué par le grand
Mystère dont la désoccultation confère l'Immortalité.
(1) L'un des auteurs anonymes de l'ouvrage Man, fragments of
forgotten Aw/ory (Londres, 1887, in-8*).
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APPENDICE 747
Nous voulons parler de ce que les Hindous appellent la
Force serpentaire (Koundaiini Sakti) ; c'est elle, dit le même
Soubba Rao(1), a qui produit cette adaptation continuelle des
relations internes aux relations externes qui est l'essence de
la vie selon Herbert Spencer, et celte adaptation continuelle
des relations externes aux relations internes qui est la base de
la transmigration des âmes. » C'est le siège du Logos dans
l'homme, c'est la clé qui ouvre les portes de la « Citadelle
ignée», c'est le circulus de l'Ego, dont la Gxation est le Grand
œuvre psychique.
L'état de conscience qui est propre au corps causal est ce-
lui du sommeil profond et sans rêve.
De même que l'Isis cosmique se revêt de toutes les formes,
de tous les noms et de tous les organismes, le corps causal
engendre chez l'homme le principe animateur de Pêtre, le corps
subtil ou astral. Ce corps est le double résultat des sublima-
tions de l'existence physique et des écorces de l'existence spi-
rituelle ; siège de la nature inférieure de l'homme, il est le
Livre de Karma, où s'enregistrent les désirs instinctifs et les
passions animales.
Dans l'état actuel d'évolution du Règne Hominal, le corps
subtil est constitué par les cinq éléments qu'il perçoit et met
en œuvre par les cinq sens, les cinq organes d'action et les
cinq organes des sens.
Tout l'animisme humain se centralise en un lieu nommé
par Bœhme le centre de la Nature, et par les Hindous, l'Égoïté
{Ahankara); dans ce point de synthèse, le mental {Manas)y
centre réceptif de la sensibilité, enregistre les perceptions ; le
principe de l'entendement (Eoudd/ii) les compare, les digère,
et elles arrivent à la conscience (rc/iit^a) qui, se concentrant
sur son propre intérêt, s'élève à la notion du subjectif et de
l'objectif, pour permettre à la volonté une détermination fu-
ture.
Les Upanishads donnent des notions fort détaillées sur
l'anatomie et la physiologie du corps astral ; mais, outre que
la transcription de tels enseignements serait fort longue, le
(1) Op. cit.
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748 LA GLKF DE LA MAGIE NOIRE
peu d'expérience que je possède de la littérature mystique d«>
l*Inde a suffi cependant pour m'induire à n'accepter qu*aprè^
des conférences minutieuses l'enseignement de textes qui
n*ont eu, m-ilheureusement, que trop de chances d*ètre altéré!^.
P. Sbdir.
Il
UN SUPPLICE ÉTRANGE
En Extrême-Orient.
Nous devons à l'obligeance de M. Albert de Pouvour-
ville, ancien attaché militaire en Indo-Chine, le récit sui-
vant. Les faits qu'il relate paraissent assez curieux, en
dcpit des réserves formulées par le narrateur, pour que
nous n'hésitions pas à reproduire cette note en Appendice y
comme relative aux mystères de rEnvoûtement, — et
peut-être du Vampirisme.
Le malheureux condamné de Ma Ho devait, aux termes
de l'arrêt, souffrir la mortsmis l-approche du fer (i)... Le
caractère fort étrange de l'exécution, joint à la mise en
scène dont elle fut entourée, témoignent assez qu'il s'agis-
sait là d'une œuvre occulte, ou que du moins les auteurs
du supplice voulaient énergiquement le faire passer pour
tel. Au surplus, nous laissons la parole à notre aimable
correspondant. Le Public pourra tirer de son récit telles
conclusions qu'il appartiendra,
S. DE G.
(1) Cette formule s'emploie couramment en Indo-Chine, pour tous
les cas où le supplice ne comporte point Teffusion du sang.
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APPENDICE 749
Au mois de janvier 1889. jeme trouvais, par suite des fonc-
lions spéciales qui m'avaient attaché à lamission de M. Pavie,
oonsul général de France au Siam, dans le village de Ma Ho,
aux environs des montagnes de Loisot, sur la route qui, delà
Rivière Noire meneau Mé Khong, par Muong Bang et Muong
Mouen.
Le chef du district, nommé par le Quan Phong (retiré au-
jourd'hui dans le chaû de Van Ban, aux environs de Luong
Qui), avait un condamné à mort, qui devait subir son sort spé-
cial dans la nuit même que je passais à Ma Ho.
Lecondamnéfut ligotlé étroitement ; on ne lui laissa qu'une
ceinture autour des reins. On le transporta assez solennelle-
ment dans une cabane en torchis, couverte de feuilles de lata-
nier, à une extrémité de Ma Ho, et parfaitement séparée des
autres maisons du village.
Le chef du district, et le nSorcier{\) • restèrent seuls avec
lui quelques instants, et sortirent les derniers. Puis la cabane
fut gardée toute la nuit, aux quatre angles, par quatre sol-
dats des milices indigènes du Quan Phong.
Le Sorcier se retira, après avoir fait quelques tours, quel-
ques signes, et prononcé quelques paroles, autour elen dehors
de la maison. Ce sorcier est précisément de la classe et de l'ex-
périence de ceux auxquels il est fait allusion dans les rapports
officiels des commissaires français au Laos (2).
Le lendemain matin, quand les factionnaires furent relevés,
et qu'on pénétra dans lacabane, je vis le prisonnier mort, déjà
froid, complètement exsanguey et, bien que les chairs fussent
molles encore au toucher, ayant Tair parfaitement desséché
d'un corps embaumé à l'égyptienne.
Je ne veux tirer de là aucune conséquence, car je n'étais pas
bien placé pour connaître les détails ni pour contrôler l'opéra-
(1) Ainsi nomme-t-on les prêtres des Pi, culte grossier, au Laos, des
objets remarquables de la Nature...
(2) Nous avons cité ces rapports, chap. iv, pages 453-454, à propos
du maléfice de fa lance fichée dans Vombre de la victime.
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750 LA CLEF Dfi LA MAGIE NOIRE
tion. Je n'avais pa« ea le temps de m'en occuper sérieusement:
je partais le lendemain, et on ne m'en avait pas parlé eommp
d'une chose remarquable à voir. Je présente simplement ici
ce fait bizarre, dont les esprits analogiques pourront tirer le^
conséquences qu'il leur plaira de supposer vraisemblables.
A. DB Pou VOt'R VILLE.
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C^ C^ Ç^ Ç£^* Ç^ Ç£^ Ç£^ Ç£^ Ç^ Ç£^ Ç^ Ç^ Ç^ Ç£\ Ç£\ Ç^ Ç^
^^^9 ^^9 ^^9 ^^r ^^r ^^r ^^r ^^r ^^9 ^^9 ^^9 ^^9 ^^9 ^^9 ^^9 ^^9 ^^9
CATALOGUE
DES PRINCIPAUX OUVRAGES OU L'ON RENVOIE LE LECTEUR
AU COURS DE
LA CLEF DE LA MAGIE NOIRE (*)
ANONYMES ET COLLECTIFS
AURORE (L*). — Revue théosophique, sous la directioyi de
Madame la duchesse de Pomar, présidente de la Société
théosophique d^Orient et d'Occident. — Paris, Carré,
grand in-8,
AVÈNEMENT. — Au il février, le grand Avènement, pré-
cédé d'un grand prodige !!! Prouvé par le commentaire.. .
de la célèbre prophétie d'Orval, par E. P. — Bar-le-Diic,
imprimerie Comte-Jacquet, août 1873, in-8.
BTBLE (La sainte). -»- Traductions à'Ostervald et Le Maistre
de Sacy. (L'édition n'importe pas).
DICTIONNAIRE DE LA CONVERSATION ET DE LA LEC-
TURE. — Paris, 1837-38, 60 vol. in-8.
GRAND LIVRE DE LA NATURE (Le), ou V Apocalypse philo-
sophique et hermétique ; ouvrage curieux, dans lequel
on traite de la philosophie occulte, de V intelligence des
hiéroglyphes des ajiciens, de la Société des Frères de la
(i) Les ouvrages marqués d*une étoile * se trouvent déjà au ca-
talogue de notre premier tome [le Temple de Satan). — Nous nous
bornons ici, en ce qui les concerne, k une simple mention ; puisque,
pour les titres exacts et tous les détails bibliographiques, le Lecteur
n'a qu'à so référer au précédent volume du Serpent de la Genèse.
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752 LA CLEF DE LX MAGIE NOIRE
Rose-Croix, delà transmutation des fnétatix,et delacohi-
munication de lliomme avec les êtres supérieurs et inter^
médiaires entre lui et le Grand Architecte. Vu par um
Société de Phil... Inc., et publié par D. — Depuis i, jus-
qu'à Tan 1790. Au midi, et de l'imprimerie de la Vérilé, in-S.
HISTOIRE DES CHAPELLES PAPALES. — In-8.
* LNITIATÏON (U), revue in-iS.
* LOTUS (Le), revue in-8 (1887-1888).
LIVRE DE LA TRÈS SAINTE TRINITÉ (Le). ~ S. L. N. D..
Grand in-folio, miniatures rehaussées d'or.
Manuscrit original d'alchimie, enseignée sous des emblèmes mv^-
liques et miMée de notions astrologiques fort précises. — Ce ma-
gnitique ouvrage, calligraphié dans la première moitié du xvw
siècle, se termine par une suite de miniatures sur peau de vélin, d'un
goût exquis, et d'un éclat hors ligne. Plusieurs d'entre elles sont
fort étranges ; on peut voir, à la page 702, le croquis de Tune de ces
compositions. Pour donner aux amateurs quelque idée de la singu-
larité de ce mss., nous allons en transcrire les premières lig'nes :
• < Ce Liure n'est pas vne nouuelle doctrine : c'est vne grande eon-
noissance de Dieu et de la S. Vierge. — A l'égard de mon maître, je
diray autant que j'ay pu apprendre de luy, qu'il n'a appris ny eopîè
ce Liure de la Très S Trinité d'aucun autre L. Car Dieu le Père et
le Saint Esprit le luy ont donné par vne science infuse, moyennant
la contemplation des astres. Alors il l'a écrit par vn don particulier
du Saint Esprit. Ainsy ces merueilles de Dieu luy ont été vérita-
blement communiquées et descouuertes. — C'est vn Liure de mi-
racles. On y trouue la pure vérité. — Qui trouue ce Liure ne lecach»»
pas : il seroit damnable en corps et en àme ; on doit porter ce
Liure de Dieu deuant les plus grands Seigneurs et les plus grand >
Doctoeurs (sic) de la Chrétienté et de la Sainte Eglise. C'est pour-
quoy, apprenés que ce Liure est vn nouueau don de Dieu et du
Ciel. Sur cela, les grands Seigneurs et les Docteurs deuroient
bien réfléchir... etc.. Qui entend bien ce Liure de Dieu et y digert*
ses opérations, en receura grande recompense de sa Doctrine,
sçauoir l'or et l'argent le plus fin... »
LUMIÈRE D'EGYPTE (La).— Paris, Chamuel, 1895. in-4, Ûg,
ORVAL (La prophétie d'). Prophétie authentique arrivée
d'Amérique. — Paris, Poussielgue, S. D., 16 p. iii-8, sans
litre).
SAGESSE DTVWE (La) D'ABRAHAM LE JUIF, dédiée à son
filsLamech, Van iS47, — 2 vol. pet. in-8.
Manuscrit de la fin du xvni* siècle, d'une belle écriture. Ghaqui'
page est encadrée d'un filet rouge, t Abraham (dit VArertixse^
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TABLE DES AUTEURS 753
ment) ëtoit natif de la ville de Worms en Allemagne. Il écrivit plu-
sieurs livres sur les sciences occultes, qu'il possédoit parfaitement...
Il laissa à son fils Lamech, comme un trésor, le manuscrit composé
en allemand, dont je donne ici la traduction. Son fils alnë Joseph
avoit déjà reçu de lui la Cabale...»
SIÈCLE (Le). — Périodique quotidien^ in-fol. — Voir la col-
lection de ce journal, année 1853. (N"" du 15 juillet).
XAROTS. — Voir les éditions de Marseille et Besançon, les
anciens jeux de Jacquemin Gringonneur, de Mantegna, et
les XXII clefs restituées par 0. Wirth. (Cf. le Temple de
Satan, pages 378-380).
* TRINUM MAGICUM. — Francofurti, 1629, pet. in.l2. (Cf.
le Temple de Satan, p. 42, article Longinus).
AGRIPPiE (Henrici Cornelii ab Netlesheym) OPERA, etc. —
Lugduniy per Beringos fratres, deux tomes en 3 vol. in-8,
fig.
Imprimé en italiques. C'est la meilleure édition latine, la plus
rare et la plus complète.
* — La Philosophie occulte (trad. fr.). — La Haye, 1727, 2
vol. ÎD-S, fig.
APULÉE {Œuvres complètes d'}, traduites en français par
V. Bétolaud, (avec le latin en regard). — * Paris, Garnier,
1883,2 vol. in.l2.
ARTEPHIUS, — Philosophie naturelle de trois anciens phi-
losophes renommez, Artephius, Flamel et Synesius, trai-
tant de Vart occulte et de la transmutation métallique.
Augmentée d'vn petit traité du mercure et de la pierre
des Philosophes de G. Ripleus, etc. — A Paris, chez Lau-
rent d'Houry, 1682, in-4, fig.
Edition la plus complète, avec une grande planche qui se déplie.
AUCLER (Quantius). — La Thréïcie ou la seule voie des
Sciences divines et humaines, du vrai culte et de la morale.
— A Paris, chez Moutardier, an Vil de la Républ. franc.,
in-8.
48
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754 LA CLEF DE LA MAGIE NOIRE
BACON (Hoger). — Lettre sur les prodiges de la nature et
de l'art, traduite et commentée par A. Poisson. — Paris,
Chamuel, 1893, in-12.
BARRUEL (Tabbé). — Mémoires pour servir à Vhistoire du
Jacobinisme. — A Hambourg, chez Fauche, 1803, 5 vol.
in-S.
* BAUDELAIRE (Charles). — Les Fleurs du Mal, in-S (por-
Irail).
BEAUSOhRE (M. de). — Histoire critique de Manichée et
du Manichéisme. — Amslerdam, chezJ. Frédéric Bernard,
1734 et 1739,2 vol. in-i.
BELOT (îean). — Familières instructions pour apprendre
les sciences de CUiromance et de Physionomie, etc. ; auec
vn Traicté des Diuinatioyis, Augures et Songes, par Iean
Belot, curé de Mil-monts, maistre ès-sciences diuir.es et
célestes. — A Paris, aux despens de Tautheur, et se vend
chez Nicolas Bourdin, 1624, in-8, planches et figures.
BOEIIME (lacob). — Des trois Principes de l'Essence divine,
ou de Véternél engendrement sans origine, elc. ; par Ja-
cob Bèhme (sic), du vieux Seidenbourg, nommé le philo-
sophe ieutonique, trad. de l'allemand, sur Védit. d'Ams-
terdam de i682;parle Philosophe Inconnu (L. -Claude
de Saint-Martin). — Paris, an X(1802). 2 vol. in-8.
BÉRANGER. — Les Chansons de Déranger, Paris, Perrotin,
1834, in.8.
* BERTET (Adolphe). — L'Apocalypse du bienheureux
Jean,.... dévoilée. — Paris, 1861 ^ in-8. (Voyez le Catal. du
Temple de Satan, page 46, à l'article Saint-Jean).
* BODIN (ïean). — De la Demonomanie des Sorciers. —
Paris, 1587, in-4.
* BOGUET (Henry). Discours des Sorciers, etc. -—Lyon, 1610,
in.8.
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TABLE DES AUTEURS 755
BOISSARD (Janus-Jac.) — De diuinatione et magicis prxs-
tigiis. — Oppenheimi, typis Hier. Galleri (absque anno),
in-foi., fig.
BOURRU et BUROT (professeurs à Técole de médecine de
Rochefort). — La Suggestion mentale et V action à distance
des substances toxiques et médicamenteuses. — Paris,
J.-B. Baillière, 1887, in-12, fig.
BULWER-LYTTON. — La Maison hantée, conte anglais,
traduit par R. Philipon. — S. L. xN. D., in-8.
— Zanoni^ roman anglais, (traduit par M.Sheldon). — Paris,
Hachette, 1867, 2 vol. in-i2.
CAHAGNET. — (L.-A.) Magie magnétique, ou traité histo-
rique et pratique des fascinations, miroirs cabalistiques,
apports, suspensions, pactes, talismans, charme des vents,
convulsions, possessions, envoûtements, sortilèges, magie
de la parole, correspondance sympathique, nécromancie,
etc. — Paris, Germer-Baillière, 1858, grand in-18.
CALMETL (D^. — De la Folie, Paris, 1845, 2 vol. in-8.
CALMET (R. P. Dom Augustin — abbé de Sénones). —
Traité sur les apparitions des Esprits, et sur les Vampires
ou les revenans de la Hongrie, de la Moravie^ etc. — Pa-
ris, Debure i'ainé, 1751, 2 vol. in-12. (Édition la plus com-
plète).
CHAZARIN (D'). -— Découverte de la polarité humaine, —
Paris, Doin, 1886, in-18.
CHAUBARD(L.-A). — U Univers expliqué par la Révélation,
ou Essai de Philosophie positive. — Paris, Debécourt t\i
Baillière, et chez l'auteur, 1841, în-8 (planches).
CHATEAUBRIAND (François René, vicomte de). — Le Génie
du Christianisme, Paris, 1802, in-8.
CHESNELONG (Ch.). — La Campagne monarchique d'août
1873. — Paris, Pion, 1896, in.8.
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756 LA CLEF DE LA MAGIE NOIRE
CLARETIE (Jules). Jean Momat (roman), in-12.
COHAUSEN (D'). — Hermippus redivivus ou le triomphe
du Sage sur la vieillesse et le tombeau, contenant une mé-
thode pour prolonger la vie et la vigueur deVkomnie, tra-
duction de Vanglois,.,, par M. de la Place. — Bruxelles
et Paris, chez Maradan, 1789, 2 vot. ia-8 (portrait).
* COURT DE GÉBELIN. — Le Monde primitif , 9 toI. in-i.
«g-
* CROLLIUS (Oswald). — La Royalle Chymie, traduitte en
françoispar L Marcel de Boulene, — A Lyon, chez Pierre
Drobet, 1624, in-8, frontisp. (Édit. originale).
A la saite, se trouve le Traieté des signatures, ou vraye et vfu^
anatomie du grand et du petit monde,
CROOKES (William). — Recherches sur les phénomèfies du
Spiritualisme, trad. de l'anglais par J. AlideL — Paris.
Librairie des Sciences psychiques, s. d., in-12, fig.
CROSSET DE LA HAUMERIE (pseudonyme de Fr.-M. Pom-
pée Colonne). — Les Secrets les plus cachés de la Philoso-
phie des anciens, découverts et expliqués, à la suite d'une
histoire des plus curieuses. — Paris, d'Houry fils, 1722,
in-12, fig.
DACIER. — Bihliotliêque des anciens philosophes, contenant
la Vie de Pythagore, ses Symboles, la Vie d'Hiéroclès, et
ses Vers dorés, — Paris, 1771, 2 vol. in-12.
Dacier a donné une suite à ce recueil^ qui comporte en tout 9
volumes.
DAVIDSON (Peter). —Le Gui et sa philosophie (irsid, de l'an-
glais, par P. Sédir). — Paris, Chamuel, 1896, in-8.
DEBAY {X,).'^ Histoire des Sciences occultes, depuis Vanti-
quité jusqu'à nos jours (3* édition). Paris, Dentu, 1883, in-
12.
DELORMEL. — La grande période, ou le retour de Vàge
d'or; ouvrage dans lequel on trouve les causes des désor-
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TABLE DES AUTEURS 757
dres passés, des espérances pour V avenir, et le germe du
meilleur plan de gouvernement ecclésiastique, civil et po-
litique. — Paris, BlanchoQ et Beiin, 1790, in-8, fig.
Delormel, dont la mort soudaine a paru mystérieuse, passe pour
avoir été victime de la vengeance des Illuminés, dont il aurait dé-
voilé les arcanes, dans sa Grande Période.
L>RACH (le chevalier P. L. B.). — De VHarmonie entre VÉ-
glise et la Synagogue, ou perpétuité et catholicité de la re-
ligion chrétienne. — Paris, Mellier, 1844, 2 vol. in-8.
L'auteur, kabbaliste et rabbin, motive, dans cet ouvrage, sa
conversion au Catholicisme.
DUNAND. — Révolution en philosophie, i vol. in-8.
DURVILLE (H.). — Traité expérimental et thérapeutique du
Magnétisme. — Paris, 1895, 2 vol. in-16, fig.
DUTENS. — Origine des découvertes attribuées aux moder-
nés, où Von démontre que nos plu^s célèbres philosophes
ont puisé la plupart de leurs connoissances dans les ou-
vrages des anciens, etc. (2* édition, la plus complète). —
Paris, V^ Duchesne, 1776, 2 vol. în-8.
ECKARTSHAUSEN (Le Conseiller d'). — La Nuée sur le
Sanctuaire, ou quelque chose dont la philosophie orgueil-
leuse de notre siècle ne se doute pas. (Trad. de Tallemand).
— Paris, Maradan, 1819, pet. in-8, fronlisp.
* ÉLIPHAS LÉVl (L'abbé Alphonse-Louis-Constant). —
* Dogme et Rituel de la Haute Magie. — Paris, 1855,
2 vol. in-8, fig. (Édition originale).
* — Clef {La) des grands Mystères. — Paris, 1861, in-8, fig.
— Correspondance inédite d'Éliphas avec son élève, M. le
Baron Spédalieri, 9 vol. in-folio, mss.
* — Histoire de la Magie. — Paris, 1860, in-8, fig.
— La Sagesse des anciens, recueil de figures symboliques ,
avec des légendes et explications, par Éiiphas Lévi, pro-
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758 LA CLEF DE LA MAGIE NOIRE
fesseur de Sciences occultes, 1874. — Mss. iii-4 massif,
entièrement inédit.
Recaeil carieax et certainement unique, exécuté par Éliphas, na
an avant sa mort : iné en 1810, Éiiphas est mort en 1875). Ce re-
cueil contient, outre un grand nombre de Ggures rapportées do
Calendrier magique de Duchenteau et d'autres volumes précieux
et rares, plusieurs deuins à la plume, ainsi que des aquarelles ori-
ginales signées d'Éliphas Lévi; la reproduction photographique des
32 planches prophétiques de Paracelse (fx Pro/iox/fca/ioRtf , 1536).
etc. ; le tout enrichi de copieur commentaires, tout entier;; de la
main du célèbre occultiste. — Éliphas Lévi, à la date du 23 janvier
1874, écrit à son élève le Baron Spédalieri : « ... J'espère ton-
jours que nous reprendrons nos leçons régulière*; et que nou^
finirons notre cours, qui est resté inachevé. V Album auquel je
travaille en géra le complément et comme V Atlas. » Nul doute que
cette allusion ne concerne la Sagesse des anciens, (album compose
en 1874).
* — La Science des Esprits. — Paris, 1865, in-8.
ETTEILLA (Alliette). — Œuvres Complètes.
On réunit ordinairement, sous ce titre ou sous celui de Tharoth
(sic), les ouvrages suivants, répartis en 2 vol. in-12. Les Sept
nuances de Vœuvre hermétique, suivies d*un traité de la perfection
des métaux, (1777, fig.). — Philosophie des Hautes Sciences, ou
la Clef donnée aux enfans de l'art, de la Science et de la Sa-
gesse (1775. fig.). — Manière de se récréer avec le jeu de cartes
nommées Tarots (1783-1785, fig.», 4 cahiers avec leurs Supplémens).
— Fragment sur les hautes Sciences, suivi d'une note sur les trois
sortes de médecine, etc, (1783, fig.) — Science. Leçons théoriques
et pratiques du Livre de Thoth (1787. fig.). — Aperçu d^ un rigo-
riste sur la Cartonomancie et son auteur (sic), etc. — On joint
souvent à la collection d'Etteilla les œuvres de son successeur,
M. d'Odoucet (3 vol. pet. in-8).
FABART (Félix). — Histoire philosophique et politique de
V Occulte : Magie, Sorcellerie, Spiritisme, avec une pré-
face de Camille Flammarion. — Paris, Marpon, S.D.,
in-12.
FABRE (Pierre-Iean.de Montpellier). — Vàbregé des Secretî^
chymiques, où Von void la nature des animaux, végétaux
et minéraux entièrement descouuerte, avec les vertus et
proprietez des principes qui composent et conservent leur
estre, et vn Traitté de la Médecine générale. — Paris, Pierre
Biilaine, i636, in-8.
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TABLE DES AUTEURS 759
* FABRE D'OLIVET. — * Caïn, 1823, in-H.
* — Histoire philosophique du genre humain, 1824,2 vol.
in-S.
* — La Langue hébraïque restituée, 1815-1816,2 vol. in-4.
— Notions sur leSens de Vouïe,e7% général, et en particulier
sur le développement de ce sens, opéré chez Rodolphe Gri-
veletchez plusieurs autres enfans, sourds-muets de nais-
sance ; seconde éditioji, augmentée.,. — A Montpellier,
veuve Picot, 1819, in-8.
* — Les Vers dorés de Pythagore, 1813, in-S.
FOURMONT (l'alné) — Réflexions sur Vorigine, l'histoire et
la succession des anciens peuples : Chaldéens, Hébreux,
Phéniciens, Égyptiens, Grecs, etc., jusqu'au temps de
Cyrus. — Paris, de Bure Tainé, 1747, 2 vol. in-4.
FRANCK (Adolphe). — ^La Kabbale, ou la philosophie reli-
gieuse des Hébreux. — Paris, Hachette, 1843, in-8.
* GAFFAREL (lacques). — Curiositez inouyes,sur la sculp-
ture talismanique des Persans, horoscope des Patriarches
et lecture des Estoilles. — A Paris, chez Hervé du Mesnil,
1629, in-8, Rg.
Edition originale, avec deux planisphères plies.
GASPARIN (Comte Agénor de). — Des Tables tournantes, du
Surnaturel en général, et des Esprits, — Paris, Dentu,
1855, 2 vol. grand in-18.
GASSENDI (Pierre). — Œuvres complètes, Lyon, 1658,
6 vol. in-fol.
GIBIER (D' Paul). — Le Spiritisme, Fakirisme occidental,
étude historique, critique et expérimentale.— Paris, Doin,
1887, in- 12, fig.
— Physiologie transcendantale. Analyse des choses. Essai
sur la science future, son influence sur les religions, les
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760 LA CLEF DE LA MAGIE NOIRE
philosophies, les sciences et les arts» — Paris, Dentu,
1890, in-i2.
GLAUBER (Rodolphe). — Miraculum mundi, sive plena
perfectcLque descriptio admirabilis Naturae, elc , ab antî-
quis Menstruum universale, sive Mercurius philosapho-
7*um dicti, etc.. — Amsterodami, apud Joh. Janssoniuin.
1653, in.t2.
GLEICHEN. — Souvenirs de Charles-Henri, baron de GW-
chen, précédé d'une notice par Paul Grimblot, — Paris,
L.Techener 61s, 1868, pet. iD-8.
* GOUGENOT DES MOUSSEAUX (Le chevalier). - Les hauts
phénomènes de la Magie. — Paris, 1864, in-8.
GR-^SSE (J.-G. Theodor). — Bibliothecamagicaetpneuma"
tica, oder Wissenschaftlich geordnete Bibliographie der
luichtigsten in dos Gebiet des Zauber, Wunder, Geister
und sonstigen Aberglaubens,., Werke, etc. — Leipsig,
Engelmann, 1843, grand in-8.
* GUAITA (Stanislas de). — Essais de Sciences maudites.
Au seuil du Mystère (3® édition augmentée). — Paris, (^rré
et Chamuei, 1895, in-8, avec deux planches qui se déplient.
GULDENSTUBBÉ (Baron L. de). — Pneumatologie posUive
et expénmentale. La Réalité des Esprits et le phénomène
merveilleux de leur écriture directe, — Paris, Franck,
1857, in-8, avec planches.
H
* HEDELIN (François, plus tard abbé d'Aubignac). — Des
Satyres, brutes, monstres et démons, etc. — Paris, Buon,
1627, in-8.
HUC (L'Abbé). — Souvenirs d'un voyage dans la Tartarie
et le Thibet, pendant les années 18ii, 1845 et 1846, par
M. Hue, ancien missionnaire apostolique (3* édition). —
Paris, Gaume frères, 1857, 2 vol, in- 12.
— LEmpire chinois, faisant suite aux Souvenirs d\n
voyage dans la Tartarie et le Thibet (3« édit.). — Paris,
Gaume frères, 1857, 2 vol. in-12.
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TABLE DES AUTEURS 761
HUYSMANS (Jorîs-Karl). — Là-Bas (roman). — Paris, Tresse
et Stock, 1891, in-i8.
lAMBLICHVS. — DeMysteriis ^gyptiorum, Chaldxorum,
Assyriorum. Proclu8.,. Porphyriu3.,.P8elh48,..y Mercurii
Trismegisti Pimander et Asclepius, etc. — Lugduni, apud
Ioan.Tornœsium,i570, in-16.
K
• KHUNRATH (Henrici). — Amphitheatrum Sapientiœ œter-
nœ, solius verse, etc. — Hanovise, 1609, in-foL, ûg.
LA BROSSE (Guy de). — De la nature, vertu et utilité des
plantes, et dessin du lardin royal de Médecine, — Paris,
1640, in-foL,fig.
LACURIA (L'abbé P.-F.-G). — Les Harmonies de VÊtre,
exprimées par les nombres, ou les lois de VOntologie, de
la Psychologie, de l'Éthique, de l'Esthétique et de la Phy-
sique, expliquées les unes par les autres et ramenées à U7i
seul principe, — Paris, 1847, 2 vol. in-8, fig.
* LANCRE (Pierre de). — * Tableau de Vinconstance des mau-
uais anges et démons, etc. — Paris, Buon, 1612 ou 1613,
in-4, (avec la planche du Sabbat, que nous reproduisons).
— U Incrédulité et Mescreance du Sortilège plainement con-
uaincue, où il est amplement et curieusement traicté, de
la vérité ou illusion du Sortilège, de la Fascination, de
V Attouchement, du Scopelisme, de la Diuination, de la
Ligature ou liaison magique, des Apparitions : et d\me
infinité d'autres rares et nouueaux subiects, par P. de
U Ancre, conseiller du Roy en son Conseil d*Estat, — A
Paris, chez Nicolas Buon, 1622, in-4, (très rare).
LENGLET DUPRESNOY (L'abbé). -^Histoire de la Philoso-
phie hermétique, accompagnée d*un catalogue raisonné
des écrivains de cette science; avec le véritable Philalèthe,
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762 LA CLEF DE LA MAGIE NOIRE
revu surles oriz/inaux. — Paris, Coustelîer, 1742,3 vol. in-12.
LERMFNA (Jules). — La Science occulte. Magie pratique.
Révélation des mystères de la vie et de la mort. — Paris,
Kolb, S. D., in.l2.
— LÉlixir de vie (nouvelle). — Paris, Cbamuel, grand în-f 8.
LONGUEVILLE-HARCOUKT. — Histoire des personnes qui
ont vécu plusieurs siècles et qui ont rajeuni; avec le secret
du rajeunissement, tiré d*Amauld de Villeneuve, et des
règles pour se conserver en santé, et pour parvenir à un
grand âge, — Paris, veuve Carpentier, 1716, in-12, frontis-
pice de liarrewyn.
* LOYER (Le conseiller Pierre le). — Discours et Histoires
des Spectres, visions, etc. — Paris, Buon, 1605, 2 vol. in-4.
M
MAISTRE (Le comte Joseph de). — Les Soirées de Saint-
Pétershourg, ou entretiens sur le gouvei^nement temporel
de la Providence : suivis d'un Traité sur le^ Sacrifices,
etc. — Paris, 1821, 2 vol. in-8, portrait.
MARTL\IERE(leSieurde la). — Tombeau de la Folie, dan:^
lequel se void les plus fortes raisons que Von puisse appor-
ter pour faire connoitre la réalité et la possibilité de la
Pierre philosophale, et d'autres raisons et expériences
qui en font voir l'abus et l'impossibilité. — Paris, chez
l'Auteur, S. D., pet. in-8, portrait.
MAUPASSANT (Guy de). — Le Horla, — Paris, P. Ollendorff,
1887, in.l2.
MENARD (Louis). — Rêveries d'un païen mystique (2* édi-
tion). — Paris, Lemerre, 1886, petit in-12.
MERLIN (R.). — Origine des cartes à jouer; nouvelles
recherches sur les Naïbis, les Tarots et les autres espèces
de cartes, avec wn album de 74 planches, etc. — Paris,
chez l'Auteur, 1869, in-4.
MÉRY (Gaston). — La voyante de la rue de Paradis. Préface
d'E. Drumont, — Paris, Dentu, 1896, in-8.
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TABLE DES AUTEURS 763
MICHEL DE FIGANIERES (Louis). — Clé de la Vie:
r Homme, la Nature, les Mondes, Dieu, etc. Révélation de
la Science de Dieu, etc. — Paris, 1858, in-8.
MIRVILLE (J.-E. de). — Pneumalologie. Des Esprits et de
leurs manifestations divei'ses, Mémoires adressés aux
Académies, — Paris, Vrayet de Siircv, 1863, 6 vol. grand
in-S.
MOLITOR (Ulrich). — De Lamiis etphitonicis mulierihus, ad
illustrissimum principem dominum Sigismundum archi-
ducem Austrie {sic) tractatus pulcherrimus. — Impressum
Lypzick, par Arnoldum de Colonia. Ânno M. CCGG. XCV,
pet. in-4, Gg.
Très rare édition gothique du xv« siècle, ornt'O de huit curieu-
ses gravures sur bois, d'une exécution tout à fait primitive. —
Nous en offrons, page 158, deux remarquables spécimens.
* moïse. — La Bible, traduction nouvelle avec Vhéhreu en
regard, etc.. — Le Pentateuque, par S. Cahen» — Paris,
chez rauteur,.i831, 5 vol. in-8.
MUSSET (Alfred de). — Poésies complètes. — Paris, Le-
merre,2 vol. pet. in-12.
N
NAUDÉ (Gabriel). — Instruction à la France sur la vérité de
l'histoire des Frères de la Roze-Croix. — Paris, F. luUiot,
1623, in-8.
NERVAL (Gérard de). — Les Illuminés, récits et portraits, —
Paris, V. Lecou, J852, in.i2.
— Poésies coynplètes de Gérard de NervaL — Paris, Calmann
Lévy,1877, in.i2.
*NYNAVLD (1. de). — De la Lycanthropie, transformation
et extase des Sorciers, etc. — Paris, N. Rousset, 1615, in-8
(rare).
— Les Ruses et tromperies du Diable descouuertes, sur ce
qu'il prétend auoir envers les corps et lésâmes des Sorciers,
ensemble la composition de leurs onguens, par L de
Nynçiuld. — Paris, 1611, in-8 (très rare).
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764 LA CLEF DE LA MAGIE NOIRE
ORPHÉE. — Orphica (Hymnes orphiques). — Leipsig, 1805,
in-8.
P
PAPUS (D' Uérard Encausse). — L'illuminismeen France
(t767-l774). Martinès de Pasqually : sa vie, ses pratiques
magiques, son œuvre, ses disciples, suivis des catéchismes
des Élus CohenSt d'après des documents inédits. — Paris,
Chamuel, 1895, in-i2.
— La Pierre phUosophale, preuves irréfutables de son exis-
tence, par Papus. — Paris, Carré, 1889, in-8.
— Le Sépher Jézirah, les 32 Voies de la Sagesse et les 50
Portes de l'Intelligence, traduct. inédite, par Papus. —
Paris, Carré, 1888, grand in-8, fig.
— Traité élémentaire de Magie pratique ; adaptation, réa-
lisation et théorie de la Magie^ etc., par Papus. — Paris,
Chamuel, 1893, grand in-8, Gg.
— Traité méthodique de Science occulte, par Papus ; préface
d*A. Franck. — Paris, Carré, 1891, grand in-8, Bg.
* PARACELSE. — Opéra omnia, Genevœ, 1636, 3 vol. in-
fol., Bg.
PATRICIUS (François). — MagiaphUosophica, hoc est, Fran-
cisci Patricii summi philosophi Z oroaster et ejus 3S0 Ora-
cula Chaldaica, Asclepii dialogus et Philosophia magna
Hermetis Trismegisti, etc. — Hamburgi, 1593, 1 vol. pel.
in-8, portrait.
PÉLADAN (D' Adrien). — Anatomie homologique, La Triple
dualité du cotps humain et la polarité des organes
splanchniques, avec une préface de Joséphin Péladan. —
Paris, J.-B. Baillière, 1886, in-8, portrait.
* PÉLADAN (Joséphin). — Istar, Paris, 1888, 2 vol. in-S»
frontisp.
* l*EUCER (Gaspar). — Les Devins ou commentaire des
principales sortes de devinatioiis, — Anvers, 1584, in-4.
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TABLE DES AUTEURS 765
PHÏLALETHE (Irénée). — Introîtua apertus, etc. (voy. Len-
glet Dufresnoy),
"^ PïSTORIl (loannis), Artis càbalisticœ.,, tomus I, — Basi-
leœ, 1587, in-folio (rare),
POISSON (Albert). ~ Théories et Symboles des alchimistes.
Le grand œuvre, suivi d'un Essai sur la bibliographie al-
chimique au XIX^ siècle. — Paris, Chacornac, 1891, pet.
in-8, planches.
* PORPHYRE. — Traité de Porphyre, touchant Vabsti-
nence de la chair des animaux, etc. — Paris, de Bure
l'aîné, 1747, in-12.
PORTA (J.-B.). — La Magie naturelle^ qui est les Secrets et
Miracles de Nature, mise en quatre livres, par lean-Bap-
tiste Porta Neapolitain, etc., nouuellement traduitte de
Latin en François, — A Lyon, par lean Martin, 1565, pet.
in-S.
* POTET (Baron du), — La Magie dévoilée, ouprincipes de la
Science occulte. — Saint-Germain, 1875, grand in-4, plan-
ches et figures.
R
RAGON (J.-M.). — La Messe et ses mystères, comparés aux
mystères anciens, ou complément de la Science initiati-
que, par rf: Jean-Marie de V..... — Paris et Nancy, 1844,
in-8 (rare édition originale).
— Orthodoxie maçonnique, suivie de la Maçonnerie occulte
et de Vlnitiation hermétique, par J,^M. Ragon. — Paris,
Dentu, août 1853, in-8.
RAM-BAUD. — Force psychique, par Yveling Ram-Baud
(ouvrage illustré par A. Besnard). — Paris, L. Baschet^
1889, in-folio.
RENAN (Ernest), -r Histoire du peuple d'Israël, — Paris,
Calmann Lévy, 1887, 5 vol. in-8.
RIBET (L'abbé M.-J.). — La Mystique divine^ distinguée des
contrefaçons diaboliques et des analogies humaines, —
Paris, Poussielgue, 1879-1883, 3 vol. in-8.
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766 LA CLEF DE LA MAGIE iNOIRE
RICHARD (L'abbé). — Recherches sur les Initiations an-
cienneti et modernes. ^ A Amslerdam, el se trouve à Paris,
chez Valleyre l'aîné, 1779, în.l2.
ROBINET (J.-B.). — Vue philosophique de la gradation
naturelle des formes de l'Être^ ou les Essais de la Sature
qui apprend à faire VHomme, — Amslerdam, Van If arre-
velt, 1768, in-8, planches.
ROCHAS (Colonel de) — Les États profonds de VHypnose.
Paris, Chamuel, 1895, gr. în-8, fig.
— L'Extériorisation de la }fotricité, recueil d'expérien-
ces et d'observations, par Albert de Rochas. — Paris, Cha-
muel. 1896, in.8, fig.
* ROSENROTH (Knorr ab). — Kahbala denudata, etc. —
Sulzbaci, 1677, Francofurti, 1684, 3 vol. in-4, Vig.
S
* SAINT-MARTIN (Louis-Claude de). — Correspondance iné-
dite, avec Kirchberger de Liebistorff, — Paris, 1862, ln-8,
portrait.
* — Le Crocodile, ou la guerre du Bien et du Mal, etc. —
Paris, an Vil de laRépubl., in-8.
— Des Erreurs et de la Vérité, ou les hommes rappelés au
principe universel de la Science, etc., par un Ph... Inc.,
(Sdiiit-Martin). — Edimbourg (Lyon), 1775, in-8.
— Le Ministère de V Homme- Esprit, par le Philosophe In-
connu. — Paris, imprimerie de Migneret, an Xi (1802).
in-8.
— Tableau naturel des rapports qui existent entre Dieu,
V Homme et l'Univers. — Edimbourg (Lyon), 1782, 2 vol.
in.8.
SAINT-YVES D'ALVEYDRE (marquis dç). — Jeanne dWrc
victorieuse, épopée nationale^ dédiée à Varmée française.
Paris, Sauvaître, 1890, in-S.
* — Mission des Juiff^t Paris, Calmann Lévy, 188i, grand
in-8, portrait.
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TABLE DES AUTEURS 767
— T€stame7it lyrique, dédié.,, aux civilisés de la Chrélienté
et de l'Islam, devant Israël comme témoin, par Alexandre
Saint-Yves. — Paris, Didier, 1877, in-8 (rare).
SALVERTE (Eusèbe). — Des Sciences occtdtes,, ou Essai
sur la Magie, les Prodiges et les Miracles. — Paris,
Sébillot, 1829, 2 vol. in-8.
Curieux ouvrage, réimprimé en 1856, avec une importante pré-
face deLittré, et un portrait de Salverte.
SCI1ERTZ(C.-F. de). — Magia posthuma. — Olmûtz, 1706,
in-8.
SCHURE (Edouard). — Les Grands Initiés. Esquisse de
V histoire secrète des religions. — Rama, Krishna, Hermès,
Moïse, Orphée, Pythagore, Platon, Jésus... — Paris,
Perrin,1889, in-8.
SÉDIR (Paul). — Les Miroirs magiques. Divination, clair-
voyance, royaumes de VAstral, évocations, etc. — Paris,
Charauel, 1895, in-12.
SINNETT (A. -P.). — Le Bouddhisme ésotérique, ou Positi-
visme hindou, traduit de l'anglais par M"* Camille
Lemaitre. — Paris, Bailly, 1890, in-12.
SINISTRARI D'AMENO (Le R. P. Louis-Marie^. ~i)e laDémo-
nialité et des animaux incubes et succubes, (u\ Ion prouve
qail existe sur terre des créatures raisojinables autres que
l'homme, ayant comme lui un corps et une âme, naissant
et mourant comme lui, rachetées par N.-S. Jésus-Christ,
et capables de salut et de damnation; ouvrage inédit
publié sur le mss. original, et traduit du latin. — Paris,
Liseux, 1875, in-8.
T
TRlTflÈME (L'abbé Jean). — loannis Trithemii abbatis
Spanheumensis, de Septem SecundxisMi est,lntelligentiis,
sive Spiritibus orbes postDeum move7itibus,reconditissimx
scientiœ et eruditionis Libellus... addictse sunt aliquot
epistolœ Trithemii... — Culoniœ, apud loannem Birknian-
num, 1567, pet. in-8, Vig.
Édition rare du Traité des causes secondes, avec huit bois très
curieux, d'après Sebald Beham.
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768 LA CLEF DE LA MAGIE NOIRE
TilIERS (Jean-Baptîste, curé de Vibraie). — Traité des supen-
tuions qui regardent les sacremens, selon l'Écriture sainte,
les Décrets des Conciles, et les sentiments des Saints Pères
et des Théologiens, (4* édilioa, la plus complète). — - Paris,
1741 (ou Avignon, 1777), 4 vol. in-12.
VAILLANT (J.-A.). — Les Rômes, Histoire vraie des vrav^
Bohémiens, — Paris, Dentu, 1857, in-8.
VALENTIN (Basile). — Les Douze Clefs de la Philosophie de
Frère Basile Valentin, religieux de Vordre de Sainct
Benoistj traictant de la vraye Médecine métallique. Plus
l'Azothj ou le moyen de faire VOr caché des Philosophes.
Traduction françoise. — Paris, Pierre Moël, 1660, pet. in-
8, figures.
On joint à cet ouvrage le Traicté de la Nature de VŒuf des
Philosophes, composé par Bernard, Comte de Trêves, allemand
(le Trévisan)» Paris, 1659, pet in-8. — Cette édition des Dousf
clefs renferme quatorze gravures en taille douce, et quelque^
figures sur bois, d'une étrange et naïve exécution. Nous en aTon>
reproduit plusieurs vers la fin de notre volume.
• VALLEMONT (Pierre le Lorrain, dit de). ~ La Physique
occulte^ ou Traité de la baguette divinatoire, et de son uti-
lité pour la découverte des sources d'eau, des minières,
des trésors cachez, des voleurs et des meurtriers fugitifs ;
avec les principes qui expliquent les phénomènes les plus
obscurs de la Nature. Paris, J. Annisson, 1693, ia*12, fig.
sur bois. (Édition originale).
* VILLARS (L'abbé de Montfaucon de). — Le Comte de Gaba-
lis, ou entretiens sur les Sciences secrètes, etc. — Londres,
1742,2 vol. in-12.
VIRGILE. — Publii Virgilii Maronis Opéra. Œuvres de
Virgile (édition latine-française), par M. Félix Lemaistre^
précédée d'une étude par Sainte-Beuve. — Paris, Garnier,
1877, in-8.
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TABLE DES MATIÈRES
DE
LA CLEF DE LA MAGIE NOIRE
AVANT-PROPOS
I . — Seconde septaine : essai d'explication scientifique des faits
et des légendes présentés dans la première septaine. — Ce
volume commente et corrige le précédent. — Restitution nor-
male des horizons intervertis. — Théorie synthétique des for-
ces occultes. — En quoi la Magie Noire diffère de la ffaute
Magie, — La Clef de la Magie Noire, étude du plan astral,
— Le duel de Saint-Michel- Archange et de Satan- Panthée.
— L'Astral, fourche ignée de Satan ; glaive du feu de Kéroub.
— Les théories du présent volume intéressent également la
haute Magie et TOccultisme noir. — Elles donnent l'accès du
temple, mais non du sanctuaire ; pourquoi. — Tout ne peut être
dit. — Une page décisive de Fabre d'Olivet. — Jacob Boehme
a voulu divulguer les derniers mystères : sa plume frappée
d'impuissance et sa langue de bégaiement. — A-t-il payé trop
cher sa témérité ?
II. — Malentendus qu'il importe de prévenir. — Le surnaturel
eœiste-t^il f — Nullement. Rien n'est au-dessus de la Nature.
Qu'est-ce que la Nature f — Signification imprécise attribuée
à ce mot. — Emploi abusif qu'on en a fait. — Pour rendre son
sens an mot Nature, il faut descendre très avant dans l'inter-
prétation des arcanes. ^ Les mystères de Kadôm et ceux
ô*Oûlam. ~ Cadre étroit du présent tome ; l'horizon doit s'élar-
gir avec le tome III. —Anticipation forcée. — Deux sources
de l'enseignement occulte. — Écoles d'Orient et d'Occident.
— Il n'y a rien d'absolu dans ces appellations. ~ Contraste
des enseignements conti'adictoires, touchant l'origine de l'Uni-
vers et ses destinées futures. — L'Univers physique n'est, se-
lon l'école occidentale, qu'une déviation accidentelle et passa-
gère de l'Univers archétype. — La chute et la rédemption. —
Nahàsh et la Racine ténébreuse des êtres. — Déchéance d'Adam;
49
Paget
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770 LA CLEF DE LA MAGIE NOIRE
le tdmps et l'espace (Kafn et Àbel); la base de Seth. — Triple
dynamisme unirersel, — Sous-multiplication d'Adam-Éte;
son intégration rédemptrice. — Y a-t-il eu deux chutes suc-
cessives et connexes ? Adam et Lucifer. — Éternité de 1 "Uni-
vers physique, d'après Técole hindoue. — Dynamisme étemel.
fait de deux forces inverses et complémentaires. — /af9o/if-
iion et Évolution, — L'indestructible Maya, ogresse d'un cau-
chemar sans réveil. — L'univers, une machine ; l'homme, un
esclave à la torture ; et Dieu inconscient, l'auteur du mal éter-
nel t — La /fn du mondes selon l'ésotérisme chrétien. — La
nature peut être envisagée sous un double aspect : 1* V Éter-
nelle Nature qui est une, et 2<> la nature temporelle et cos-
mique, triple comme 1 Univers, dont elle est la loi. — Pourquoi
le vocable de surnaturel est-il absurde ? — Immutabilité des
grandes lois de nature. — fiole physiologique de la Providence,
cette intelligence de laNature. — Logique et réversibilité du
dynamisme universel. — Dieu ne se conçoit susceptible, ni
d'une erreur, ni d'une hésitation^ ni d'une variation dans
l'exercice de sa volonté 14
III. — Réponse anticipée àdepossibles objections. — Aces deux
axiomes : le surnaturel n'est point; l'Être Suprême ne se
conçoit susceptible, ni d'hésitation^ ni de remords, on opposera
le récit du Déluge et le verset de la Yulgate où l'on peut lire
que Dieu se repentit d'avoir créé l'homme. — Première objec-
tion, le Déluge. — Déluge universel, déluges partiels. — Le
Déluge universel est-il une réalité du passé? — Discutons
sur le fait réputé possible, comme sur un fait accompli. — Le
Déluge, effet logique des causes naturelles. — Quelques hié-
rogrammes hébraïques. — Les deux forces, compressive et di-
latante. — Au retrait de l'agent compressif, qui neutralisait
la force d'expansion, l'eau élastique se dilate avec une vio-
lence extrême. — « La grande intumescence. » — Causes
métaphysiques de ce cataclysme. — Le pacte avec la Mort. —
Seconde objection, le Renoncement divin, — Moise mal tra-
duit. — Consulter Fabre d^Olivet : hommage à cet admira-
ble penseur. — Discussion sur le verbe hébreu /nnachem,que
Saint Jérôme rend par pœnituit. — Versions incorrectes de la
Genèse. — Autres contre-sens burlesques. — La femme de Lot
changée en statue de sel. — Le «doigt de Dieu». — Le mi-
racle, effet naturel dont la cause nous échappe encore .... 3f
lY. — Les sciences naturelles abondent en miracles de la sorte.
— Phénomènes imprévus, qui ne violent en apparence une
loi connue, que pour obéir à une autre loi, d'ordre supérieur
et plus général. — Exemples pris dans la chimie : la loi de
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TABLE DES MATIÈRES 774
Pages
formation des sels doubles, paralysant la loi de double dé-
composition des corps. — Le cyanhydrargyrate (Tiodure de
potassium. — ■ Il n'y a point de science occulte ; il n'y a
que des sciences occultées » (Saint- Yves), — Phénomène de
végétation anormale ; il va nous permettre de saisir sur le
vif la force de création. — « Rien ne se perd, rien ne se crée »,
axiome fautif, dans le sens où d'ordinaire on l'entend. — Expé-
rience significative, contrôlée par les savants Schrader, Greefei
Braconnot.r^ Graines de cresson semées dans la fleur de soufre,
et arrosées d'eau distillée, -* La plante croit ; on l'incinère, et
l'on trouve dans les cendres des métalloïdes et des métaux,
(calcium, aluminium, fer, manganèse, potassium, phosphore,
etc.), qui ne peuvent provenir du soufre, ni de l'eau. — Dis-
cussion chimique à ce sujet. — Les graines contenaient-elles
ces « corps simples » ? Elles ne les ^ contenaient, en tous cas,
qu'en quantité infinitésimale. — Il faut donc conclure à la
création de toutes pièces, ou à la multiplication de la matière, •
dans certains cas anormaux. — La Science contemporaine, ses
gloires et ses conquêtes. — Ses limites et Finsuffisance de ses
critères. — La Science moderne, trop analytique. — Pour expli-
quer le phénomène de végétation anormale, il faut recourir k
la Tradition théosophique. — Deux types d'adeptes, esquissés
en passant. — Dans le cas qui nous occupe, il y a eu transfert
de puissance en acte ; il y a eu création, ^~ Sens véritable du
mot hébreu bard (creavit). — Mécanisme de la création. —
Séries d'extériorisations créatrices. — Le principe, Vessence,
la puissance d'être germinale, — Rôle maternel de /a. Vie, —
Centres d'activité potentielle : le Moi des individus. — Involu-
tion, évolution, métempsycose, — Les deux genèses complé-
mentaires : principiation d'ordre intelligible, origines d'ordre
sensible. — Le germe et la cellule- mère. — Nœud d'union de
la matière et de la vie. — Le germe et la graine. — Force in-
connue de sélection et d'assimilation des matériaux, pour la
formation d'un corps de défense. — Cette énergie efficiente de
chaque être, k quelque règne qu'il appartienne, c'est son ftme
volitive ; son moi virtuel, tendant à se réaliser en acte. — Ames
minérales, végétales, animales, hominales. — L'àme de vie
collective, Nephesh-ha-hafak, — lânak, faculté génératrice,
expansive. — Des Principes ou archétypes ; il faut y voir les
étalons des races. — Exigences des graines végétales, pour
germer et croître. ~ Trois conditions générales indispensables.
— Conditions particulières & chaque espèce.*- De l'air ambiant
et du sol nourricier, où les, plantes puisent normalement les
matériaux de leur croissance. — Insuffisance de cette loi de
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772 LA CLEF DE LA MAGIE NOIRE
nutrition, pour expliquer la présence de certains corps dans
la cendre du cresson, poussé dans la fleur de soufre. — Où le
cresson a-t-il trouvé ces substances étrangères ? Nulle part,
elles ont été créées pour lui. — Par quelle voie ? — Objectiva-
tion de Vdme du monde. — Les fluides impondérables se spé-
cifient et se condensent. — La Table (TÉmeraude, traduite au
chapitre i, nous dira comment 44
V. — Nous avons combattu le concept du Surnaturel, — Autre
malentendu A prévenir : les préfaces ne servent qu'A cela. —
Conception incorrecte, touchant la Hante Magie. — Elle n*est
point l'art de produire des « phénomènes ». — h» phénomène
n'intéresse l'occultiste qu'A titre exceptionnel et fort indirect.
— Pourquoi. ~~ Valeur exagérée, attribuée aux phénomènes. —
L'occultiste, admis A étudier les diverses realités, sur les plans
physique, astral, psychique et spirituel, s'inquiète peu des ma-
nifestations instables et ambiguës. — Le phénomène se réduit
A une illusion fugace, produite parfois dans une phase de
trouble, au point d'intersection de deux plans. — Partout où
il se manifeste, il y a eu profanation, ou des arc^ines de la nais-
sance, ou des arcanes de la mort 69
VI. — L'occultisme comporte un triple objet d'études : Dieu,
VHomme et VUnivers, — Les deux colonnes du Temple, Iakin
et Bohaz : les deux méthodes complémentaires d'acquisition
de la connaissance ; par Yexpérience, ou par la tradition, La
seule expérience, ou la tradition seule, font des initiés in-
complets. Toutes deux sont nécessaires. — Aux plans astral,
psychique et spirituel, correspondent trois étages de l'être
humain : Nepheseh, Roûach et Neshamah. — Par ces trois
étages, l'homme peut avoir expérimentalement accès sur ces
trois plans. — Le Ternaire humain, et l'Unité relative consti-
tuant le Quaternaire. — « Le règne hominal renferme en lui
tout l'univers. » {Fabre d^Olivet). — De l'expérience mystique,
sur les plans supérieurs. — Pour connaître ces plans, il faut
développer en soi les organes de réceptivité qui leur corres-
pondent. — Nul ne parfait son initiation, que de soi-même. —
Quiconque a développé ses organes latents, sur tous les plans
de la Nature, peut se dire réintégré, — Voyants et Inspirés, —
L'homme de génie est un adepte intuitif et spontané, doué de
facultés particulières de transposition esthétique : ces facultés
ne s'acquièrent point. — Devenir artificiellement un génie. —
Le Dieu descend jusqu'A l'homme de génie ; l'adepte monte
jusqu'au Dieu. — Entre l'expérience et la tradition, vient se
placer une méthode intermédiaire d'acquérir la vérité. ^- Mé-
thode analogique, mixte ; elle est très féconde et peut suppléer
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TABLE DES MATIÈRES 773
Pages
aux deux autres, dans une certaine mesure. — Méthode ana-
logique, double ; inductive ou déductive. — Exemples. —
L'analogie, surtout précieuse aux étudiants sur la voie .... 79
VU. — Conclusion. — L'arbre de la science du bien et du mal,
— La Vierge d'Apollonius. — Le pentacle de Trithème. — Deux
variantes de ce pentacle, restitué d'aprôs la description d'Éli-
phas, — L'idée qu'il symbolise a servi de base à l'édification
de ce tome II 94
Chapitre I. — L'ÉQUILIBRE ET SON AGENT
Huitième clef du Tarot : la Justice. — Thémis, avec sa balance,
figure l'équilibre dans tous les mondes ; son glaive symbolise
la Puissance et ses moyens d'action. — Le grand agent de
l'Équilibre cosmique^ — Ses différents noms. — Il est le mé-
diateur plastique universel, ce mysticum robur des œuvres de
la magie, le Diable des sorciers. — Portrait du diable, par
Piron. — Les évocateurs du Diable réalisent son image en as-
tral. -* Le Satan fantastique et le Démon réel, ou Dragon de
l'Astral 99
L'équilibre et son agent sont savamment dépeints dans la Table
d'Èmeraude d'Hermès Trismégiste. — Traduction intégrale
de ce document de premier ordre 105
Origine et authenticité contestées de la Table d'Émeraude, —
Elle résume les traditions de l'antique Egypte. — Commen*
taires de ce texte. — La loi d'analogie, fil d'Ariane des mys«
tères. — Le grand médiateur des êtres et des choses, père du
Telesme ou de la perfection des corps. — Le magistère du so-
leil, ou la science et l'art de la Chrysopèe. — Sous tous les
aspects, et sur tous les plans, le but de la Chrysopèe est de
tirer le pur de l'impur, et l'or des scories. — Les différentes
sortes d'or. — L'or hyperphysique, ou lumière astrale, moyen-
terme de tous les autres ors 110
Ce qu'est la Lumière astrale, ou le grand agent. — Un dans son
principe, androgyne dans sa nature, quadruple dans ses mo-
dalités manifestatives, cet être protéen est multiple & l'infini
dans ses ultimes spécifications. — Il devient, suivant les cas,
le corps du Saint-Esprit ou le corps du Démon. — Il est le sup-
port latent de l'univers physique, le substratum de toute réa-
lité phénoménale. — A la fois substance et force, c'est à tort
que plusieurs veulent voir en lui l'abstrait du mouvement. —
n est l'expression temporelle d'Adamah. — Nephesch-ka-
Chaïak, le souffle devie^ l'anime. — Flux et reflux de la subs-
tance vivante, entre Rouach ^lohîm et Nahàsh 112
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774 LA CLEF DE LA MAGIE NOIRE
Polarité double de la lumière astrale, déterminée par Tantago-
nisme des deux forces constricUve et dilatante, Hereb ei/ônah,
— Signification de ces hiérogrammes mosaïques. — Le cor-
beau et la colombe de Noé. — L'antithèse est rigoureuse entre
Hereb et lônah. — Singularités étymologiques et secrets mys-
tères que dénoncent les racines de ces deux rocables. —
Sexualité dynamique. — ^ Ghassé-croisé d'influences. — UHe-
reb de Moïse et YÈrébe à* Orphée. — Le gouffre (T Hécate, —
Localisation d'Hereb et à'Iônah. — Leur affinité avec les ténè-
bres et la lumière. — Localisation cosmique de ces deux forces. 116
Les deux propriétés contraires de la substance universelle : vola-
tilisation du fixe> fixation du volatil. — Hereb, agent centripète,
principe du Temps ; lânah, agent centrifuge, principe de l'Es-
pace. — Lutte créatrice des deux forces hostiles. — Victoire
de la force compressive, qui subjugue sa complémentaire :
concrétion matérielle. — Cette victoire se manifeste à son apo-
gée dans la semence, qui tient renfermée, en si petit espace,
des potentialités si grandes. — Réaction ; revanche de l'agent
expansif : croissance et développement des êtres. — L'action
d'Hereby créatrice sur la substance qu'elle compacte, est des-
tructive sur la matière sensible. — Décadence et usure des
choses : réplique d'Herebau verbe universel d'/dnoA. — Action
corrosive du Temps. — Elle se fait sentir sur les êtres, en rai-
son directe de leur vitalité. — Les divers modes de la vie : vie
de r&me, vitalité du corps. -* L'&me constitue le palladium
d'éphémère conservation du corps. — La force hérébique du
Temps fomente la vie chimique des atomes, et par là, tend à la
dissolution corporelle. — Ferments spéciaux de putréfaction, iîi
Aôd et Aôby correspondent à lônah et Hereb, — La lumière
astrale équilibrée, Aôr. — Rôle de Nahàsh, principe de la di-
visibilité et de l'égo-isme. — Le struggle for life universel.
— « Crée encor pour détruire et détruis pour créer. » — Na-
hàsh, despote de l'Astral. — Nahàsh personnifié dans Satan.
— Le vortex ou le tourbillon d'angoisse de Bœhme : ce tour-
billon n'est autre que Nahàsh, troisième propriété de sonabime
virtuel. — La matrice occulte des choses. — L'attract originel.
— Nahàsh est bien le tentateur d'Éden. ^ C'est « cet égolsme
qui porte tout être k se faire centre ». — Nahàsh Harym, ou
Ahriman. — Le levain du fluide universel 128
Une citation curieuse de Q, Aucler, sur ce levain, et sur la biologie
sidérale. — L'Univers est animé ; unanimité des doctrines an-
ciennes k cet égard. — L'animation de l'Univers ne contredit
aucunement la loi de l'attraction universelle. — Les anciens
connaissaient le système du monde avant Copernic et Galilée.
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TABLE DES MATIÈRES 775
Pages
-^ Une page décisive du Zohar, — L'équilibre des mondes.
Commentaires d'Éliphas Lévi sur la Table d*Émeraude. — Aôb,
Aôd, et Aôr, selon l'étymologie radicale : les trois mouve-
ments du Désir 134
Le Désir^ racine première de toute chose. ^ Le Désir, créateur
comme la Volonté, dont il n'est qu'une forme obscure. —
Rôle du /eu secre/, ce médium du Désir 141
La lumière astrale se spécialise et se fixe, selon les milieux. —
Atmosphères astrales. — Le corps sidéral et le nimbe. —
Aspir et expir. — Le corps astral aux cent noms. — Extrait
remarquable de CroÙius, — Localisation du corps astral . . 143
L'hiéroglyphe de Mercure ^ , expressif de la lumière astrale.
— Commentaire secret du mot HPMUS. — Note inédite de
Saint- Yves. — Autres explications de l'hiéroglyphe mercuriel.
— Sens alchimique et sens astrologique. — Trois méthodes
d'interprétation différentes aboutissent àun résultat identique. 148
Conclusion du chapitre i. — Réserves de Tauteur. — Pulsate,
et aperietur vobis 130
Chapitre II. — MYSTÈRES DE LA SOLITUDE
Neuvième clef du Tarot : r Ermite. — Arcanes de la solitude.
— Description et sens général de l'emblème. ^ Le solitaire
peut être un sage ou un fou. — Le magiste et le sorcier . • 155
Le sorcier, qui vit à l'écart du commun des hommes, recherche
la compagnie de ses pareils. — Raison majeure des assemblées
onsynagogues» — Le sabbat à domicile. — Aventure curieuse
contée par (rox^encff : un philosophe au sabbat. — Électuaires
et pommades magiques. — Les trois onguents du sorcier,
d'après Nynauld; détails piquants et instructifs. — Autres
expériences de Gassendi, — Expérience analogue, réussie par
André Laguna, en 1545. — Axonge diabolisée. — Recette in-
faillible. — Hallucinations provoquées. — L'imagination, au
point de vue magique. — Du diaphane ou translucide .... 157
Indépendamment des hallucinations subjectives, certains phé-
nomènes présentent de l'objectivité. — De lu sortie en corps
astral. — Les expériences de W. Crookes. — Attitude inqua-
lifiable de ses contemporains. — Nombreux savants conver-
tis & la vérité spiritualiste, ou du moins k la réalité des phé-
nomènes. — La fameuse enquête de la Société dialectique, à
Londres. — Conclusions inattendues. — Katy King, le fan-
tôme qui se compactait dans le laboratoire de Crookes, était
une vraie femme. — Photographies d'apparitions, où l'on voit
le savant, le fantôme et le médium, parfaitement distincts. —
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776 LU CLEF DE LA MAGIE NOIRE
Une boucle de cheveax da « fantôme ». — W, CrookeM, le
grand chimiste, n'est ni une dupe, ni un hallnciné .••... 164
La projection du double tidéral (sortie en corps fluidique). —
Mort apparente de l'expérimentateur. -^ Le lien sympathique
intermédiaire : sa rupture causerait la mort immédiate. —
Vertu dissolvante des pointes métalliques. — Hémorragie
vitale. -* La sortie en corps astral est une expérience témé-
raire. — L'adepte qui la pratique vit à la fois des deux vies,
terrestre et posthume. — Équilibre instable. — Pourquoi,
pendantle sommeil, rétreabmatérialisé ne court généralement
aucun risque. — Les voies aplanies de la nature. — Outre
les périls déjà signalés, l'adepte en sortie de corps astral
court d'autres dangers plus étranges. »- Le serpent tTAshtah.
— Les « grandes roues noires. » — Succion d'Iônah, acca-
blement d'i7ere6. — Péril de l'invasion d'une Larve. — L'adepte
ne peut plus réintégrer son corps, ou doit vivre en partage
avec l'Invisible qui s'y est installé. — Chances de folie, de
possession, d'idiotisme ou de mort. — Aliénation mentale. —
La descente aux enfers des anciens. — Pourquoi, dans les
anciens temples, cette formidable épreuve pouvait être tentée
sans péril. — Le Dwidja ou deux fois né, — « Celui qui vit
malgré la mort. » — Le Mentor et le Télémaque du Mystère,
— Le baiser du Dragon de feu. — Le Manteau d'Apollonius, —
Le P*ur'b% instrument sacré, au Thibet, pour dissoudre les
Larves 171
Les fantômes de la solitude. — Pourquoi Mages et Sorciers re-
cherchent la solitude. — On ne s'abstrait de l'humanité que
pour vivre avec Dieu ou avec Satan. — Dans la solitude, on
vit en face de son Karma. — Les échanges d'idées, de vou-
loirs, de fluides, ne font plus communier l'individu avec l'hu-
manité.— La solitude trempe le caractère; on s'y façonne
indomptable, incorrigible aussi 180
Origine fabuleuse des Larves : les rabbins veulent y voir les en-
fants de la solitude d'Adam. — Pourquoi il était défendu, en
Grèce, d'exposer à la flamme les linges pollués ou tachés de
sang. — Vertu expansive du sang ; il déborde d'une vie empha-
tique. — Les fantômes du sang. — Les Larves passionnelles ;
leur génération et leur influence sur l'être qui les a générées.
— Arcanes répercussifs. — Larves du nimbe individuel, ou de
l'atmosphère secrète de chacun. — Essence de l'habitude. —
Obsession, possession et vampirisme des Larves. *- Larves
de lamédianité. * Grimaces mensongères de l'être, blasphèmes
incohérents de la vie universelle. — Appendices astraux. ^
Les Larves ne sont ni les Élémentaux, ni les Èeorces (Kliphôth).
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TABLE DES MATIÈRES 777
Pages
— Nature parasitaire des Larves. — Chacune est comme le
fantôme d'un vague Sosie. — Arcanes de la solitude. ^ Mala-
dies de langueur. — Les Larves, microbes et vibrions de Tln-
visible; missionnaires é*Hereb et de Nakàsh 182
« Toute pensée est une &me. » — Créations magiques du bon et
du mauvais solitaire. — Les anges du Ciel inférieur, — Les
démons de la malice. — La Pensée dynamisée devient un être»
par sa fusion avec un Élémental (Koot-Hoomi). — Des appari-
tions, en général. — Les pointes métalliques détniisent les
coagulats de l'Astral. — Dissolution des Lémures. — Critérium
certain des manifestations spectrales 188
Les Larves proprement dites manquentde type générique, et par
conséquent de forme propre. — "Elles se décalquent sur le pa-
tron de leurs auteurs, ou sur le modèle de ses pensées. —
Comment le médium entraîné peut donner toutes sortes de
formes aux manifestations astrales.— Modalisations du double
éthéré. — Les Invisibles évoluent dans le nimbe des médiums,
saturés de leur vitalité expansive. — Ils se plaisent dans ce
bain de vie extravasée. — Leurs artifices pour prolonger les
séances. — Médiums passifs et médiums actifs. — Fraudes
médianiques ; leur cause. — La médianité est une maladie. . 190
DifiTérentes espèces d'Invisibles, sujets à se manifester. — Indi-
gènes de l'Astral et passagers de l'Astral. — Missionnés excep-
tionnels 196
Les indigènes de l'Astral. — Des mirages errants, simples reflets
dénués de personnalité et de conscience ; et du <i Livre du Ju-
gement 0 dont parle l'Écriture. — Des Èlémentaux, ces abo-
rigènes des éléments occultes. — Différenciation des espèces
élémentales. — Les animaux de l'Invisible et les animaux dans
l'Invisible. — Source de contradictions entre les auteurs. —
Rôle des Èlémentaux en magie. -^ Bons serviteurs, amis dan- -
gereux, les Èlémentaux sont des maîtres déplorables et tyran-
niques. — La vengeance des Èlémentaux. — Les Élémentaires,
êtres humains désmcarnés. — Ils souffrent, en cet état, les
tourments du purgatoire. — Des Ombres ou coques inanes,
ces cadavres fluidiques. — Les Ombres sont des dépouilles
d'Élémentaires émancipés. — L'Ombre, attirée dans l'atmos-
phère astrale d'un médium, peut apparaître et grimacer quel-
ques-unes des attitudes familières au défunt. — Les Mauvais
Daïmones, enfin, sont des âmes irrémédiablement vicieuses,
privées de l'étincelle divine, et qui prolongent l'état stérile
d^émentaire. — Leur volonté de vivre à tout prix. — Ces
Daïmones n'en sont pas moins mortels. — Dangers qu'on court
en les évoquant. — Aux indigènes de l'Astral, il faut assimiler
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778 LA CLEF DE LA MAGIE NOIRE
— —
les produits de création humaine» évolués sur le même plan :
les Concepts vitalUéi, les Puissances collectives fusionnelles et
les Dominations théurgiques ••••. i9T
Les passagers de V Astral : dmes humaines en instance d'incar-
nation. Ames glorifiées et anges missionnaires 204
Les contrastes du Cérémonial évocatoire 29%
Le bon solitaire vise ordinairement pins haut qu'à un commerce
avec les Esprits. — Il préfère la pratique de Y Extase à celle
de la Magie cérémoniale. — Réintégration du sous-multiple
humain dans l'Unité divine. ^ Les deux réintégrations, en
mode actif ou en mode passif. — Cette dernière nécessite une
abdication du Moi, qui se fond dans le Soi divin. — L'État
primordial d'Éden.le glaive d'i£lohim et la jouissance de l'^dr
Ain-Sôph, — La réintégration passive des saints ; la réinté-
gration active des Titans. -— Jésus-Christ et Moïse. — Est-il
permis de jouir des illusions terrestres ? Le plaisir. — • Homo
sum et humani nil à me alienum puto, « — La réintégration
active est la seule qui souffre le relatif. ~ Dangers de la réin-
tégration en mode passif. — Raison profonde du péril des
cloîtres. — Pierre de touche des vocations contemplatives. . 205
Le réintégré Voghi (uni en Dieu); l'initié />tri^ya (deux fois né):
Définitions. — Les deux degrés de V Extase active. — A quel
mode extatique correspond la Sortie en corps astral : rensei-
gnements inédits. — De quels <r animaux vivants » Agrippa
conseille à l'adepte en phase de bilocation de redouter l'appro-
che, pour son corps en catalepsie. — Degrés correspondants
de V Extase, en mode passif. —■ La Voix gui parle à l'intérieur.
— Comment assentir à l'Absolu ? — Le murmure du Soi révé-
lateur. — L'ivresse spirituelle. — Le sentier de l'Éden. — Le
K Maître impersonnel » ou l' « Abime ». — La voix du vertige.
— Diverses manières d'évoquer le Gourou des suprêmes ini-
tiations. — Sons quel symbole les ouvrages de Haute Science
enseignent-ils communément cet arcane? — Évocation des In-
telligences célestes. — Exemples. — Le commerce avec les
Esprits supérieurs et les Ames glorifiées : ce n'est que l'Initia-
tion au 2e degré. — Au 3* degré, les Esprits s'évanouissent,
pour céder la place & l'Esprit pur. — Toutes les barrières dis-
paraissent. — Un texte d'Abraham-le-Juif 210
Les enfants de la solitude sexuelle : Incubes et Succubes, — Les
avertissements de la Mère -Nature. — Les contempteurs de la
loi des sexes. — Promiscuités dégradantes de l'Invisible. —
Les conséquences du célibat radical : atrophie ou obsession.
— Tout verbe crée ce qu'il affirme. — La pollution nocturne
et le cauchemar. — Mystères de VÉphialte : maladie « épidé-
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TABLE DES MATIÈRES 779
Pa««8
iniale », si l'on en croit Pierre Le Loyer. — Lieux hantés,
iaca infesta du Père Thyrée, — Des cloîtres, à ce point de vue.
— Le moyen âge a vécu en galanterie réglée avec les Invisi-
bles. — Hystérodémonopathie du D^ CalmeiL — La « maladie
du Diable > en Extrême-Orient ; relation des missionnaires. *-
Le livre du Père Sinistrari nTAmeno» sur la Démonialité et
les animaux incubes et succubes, — Thèses analogues du
Comte de Gabaiis et des Satyres brutes. — Possibilité du coït
avec les Élém en taux. — Mystères d'iniquité 217
Équivoques arcanes delaXhéurgie antique : communion d'amour
avec les Dieux. — Vues opposées des Pères de l'Église primi-
tive et des hiérophantes de la gentil! lé. — Une page fort
étrange de Quantius Aucler. — L'alcôve nuptiale de la hui-
tième tour, k Babylone : les maltresses du dieu Bélus. — Aven-
ture de Pauline, vendue au libertin Mundus par les prêtres
d'Anubis. — Vautopsie des anciens mystères. — État pneu^
matique des élus. — La possession des dieux de l'Hadès. —
Le baiser du serpent de feu, — Un texte de Moïse, relatif
aux amours entre les anges et les filles des hommes. — Loi
universelle des sexes ; dans quels cas on peut s'y soustraire.
L'Univers androgyne. — Le plein et le vide. — Le Père divin
et la Mère céleste» le lod et le Hé, l'Esprit et la Vie. — Inanité
respective des deux Principes, abstraits l'un de l'autre. — Les
deux faces du Livre du Mystère. — Un texte sublime du
Zohar. — Les Deux qui ne font qu'un. — Le grand arcane
de la mort éternelle 223
Chapitre III. — LA ROUE DU DEVENIR
Dixième clef du Tarot : la Roue de fortune. — La plate-forme
du Sphinx et la roue du Devenir : Typhon descend à gauche ;
à droite Hermanubis remonte. — Les génies antagonistes du
mal et du bien. — Involution et évolution ; désintégration et
réintégration universelles. — Autre point de vue, pour l'expli-
cation du même symbole; constitution ternaire de tout être:
Esprit, dme et corps. Polarisation de l'Être 233
Arcane de la polarisation quateme : cérébro-génitale et andro-
gynique. — Loi de synthèse généralement inconnue. — Criti-
que d'un article du Lotus sur la polarisation humaine. — - Ren-
seignements de détail; loi d'ensemble méconnue. — Cette
grande loi, tenue secrète dans les temples de l'antiquité. Pour-
quoi? -^ Passe-partout ésotérique. — Énonciation générale : le
mâle, positif dans la sphère sensible, négatif dans la sphère
intelligible; la femelle, négative dans la sphère sensible, positive
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780 LA CLEF DE LA MAGIE NOIRE
dans ia sphère intelligible. Tous deux, neutres, dans la sphère
médiane du psychique, — Application à rhomme terrestre :
chez rhomme, l'organe génital est mâle ou positif, le cerveau
féminin ou négatif; chez la femme, le sexe est féminin ou né-
gatif le cerveau mâle ou positif. Chez tous deux, le plexus
solaire est le point central équilibrant. — Définitions et déve-
loppements.— Le cerveau m&le de la femme donne des germes
d'idées, que la cervelle féminine de Thomme geste et élabore.
*- Premiers germes de civilisation toujours semés par la
femme. — Schéma de la polarisation quaternaire de l'être
humain. — Applications à la physiologie comme à la psycho-
logie, de la loi bien connue en physique : les contraires bat-
tirent, les semblables se repoussent, — Mystère des Sympa-
thies et des Antipathies. — La sphère médiane du psychi-
que. — De l'Amour, chez l'homme et chez la femme : des
nuances qui le distinguent : conséquences fécondes et décisives
du principe énoncé ci-dessus. — Exemples probants. — L'A-
mour, instrument de réintégration. — Fusion des complémen-
taires ; restitution de l'homme à sa plénitude ontologique. —
L'Androgyne parfait devient un aimant quaterne, dont nous
esquissons le schéma. — La loi ci-dessus énoncée est dite, en
magie, loi de la composition des aimants, — Fabre d^Olivet y
fait allusion en termes voilés. — Page mystérieuse d'Éliphas
Lévi, touchant cette loi secrète dont il réserve l'ésotérisme. —
Comment le Binaire engendre le Quaternaire, qui se résout par
le Ternaire, pour revenir à l'Unité. — Mécanisme de la trans-
formation des schémas. — Mot de passe occulte ; clef qui ouvre
toutes les portes 236
Autre interprétation de la roue de fortune. — Tout le cycle tem-
porel s'y inscrit symboliquement. — La roue tourne, et le
Devenir s'engendre dans l'orbe de sa rotation. — Descente de
l'Esprit dans la matière ; sublimation de la série matérielle
vers la récupération de la vie spirituelle. — Êtres mitoyens,
de vie double et triple. 2S1
navra pci, dit Heraclite; tout s'écoule. — Rien n'est, toute chose
devient. — Le Devenir est bien la condition de ce monde déchu :
voyons comment le Devenir s'engendre. — Des trois Puis-
sances, génératrices du Futur, généralement on n'en admet
qu'une. — Providentialistes, volontaires et fatalistes. — Les
premiers voient partout la main de Dieu ; les seconds attribuent
toute chose à l'initiative humaine ; les troisièmes, partisans du
déterminisme strict, soutiennent que tout est nécessité par le
Destin, cette loi qui enchaîne l'effet à la cause. — Providence,
Volonté et Destin (voy. Fabre d'Olivet) collaborent'à la géné-
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TABLE DES MATIÈRES 781
Pages
ration du Futur : tout le mystère du devenir réside dans la
règ^le de leur mutualité féconde. — Arguments résumés des
trois écoles exclusives 252
L'àme humaine, placée ici-bas entre l'esprit et le corps, comme
entre un légitime époux et un séducteur de rencontre, déter-
mine, selon sa conduite, le rythme de sa vie future. — Dans
quelle mesure la Volonté est astreinte à l'engrenage du Destin
qui est la conséquence de la chute. — Mutualités, contraintes,
répercussions, échanges. — Éviter de multiplier les points de
contact avec le Destin. — Gouverner de conserve avec la Pro-
vidence, en éludant les écueils du Destin, — Les trois systèmes
que nous avons mentionnés ont raison chacun pour une part.
— L'avenir, attribuable pour un tiers à. la fatalité du Destin,
pour un tiers à l'initiative de la Volonté, pour un tiers à l'action
de la Providence. — Pourquoi l'action providentielle est tou-
jours déguisée. — Illusion d'optique mentale. — Exemples. . 236
De la prévision des choses futures. — La seule Providence peut
prévoir à coup sûr les événements & venir, mais seulement en
puissance d'être, non pas en acte accompli. — La prophétie,
ou Tinspiration d'en haut. — Curieux exemple, en dehors des
prophéties canoniques ; la prophétie d*Orval, — Authenticité
et attribution d'icelle. — Texte et commentaire de la prophétie
d'Orval, — Prédiction stupéfiante des événements, de 1797 à
1873. — Pourquoi la concordance cesse, & partir de cette date,
entre les événements et les pronostics. — Le comte de Chani'
bord, appelé au trône, en 1873, aurait-il rompu la trame fati-
dique, en restant sourd & l'appel combiné de la Providence et
du Destin? — La campagne monarchique de 1873. — Entente
parfaite sur la constitution. — Le prétexte du drapeau blanc.
— Pourquoi Henri V n'a pas voulu régner? — Hypothèse tout
à l'honneur de ce prince. — Se pourrait-il qu'il crût au droit
des Naûendorfff — Discussion k ce sujet 258
La Voyante de la rue de Paradis. — Les Prédictions de AT'* Hen"
riette Couédon, — Lucide ou céleste missionnée? — Identité
encore douteuse de son Inspirateur , 271
Des arts divinatoires, ramenés à leurs principes. — La seule
Providence infuse l'esprit de prophétie, pur de tout mélange ;
mais le Verbe providentiel est incoercible. — La Volonté de
l'homme émet des oracles contradictoires ; pourquoi ? ^ C'est
au Destin que ressortissent tous les arts divinatoires connus.
— Nomenclatures de Pierre de Lancre et de Jean Belot, —
Classification quateme des arts divinatoires: 1^ par l'évocation
ou la consultation des Invisibles ; 2^ par l'interprétation des
signatures naturelles ; 3^ par l'étude des combinaisons artifî-
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782 LA CLEF DE LA MAGIE NOIRE
cielles (jeux de hasard, etc.) ; 4<> par la fixation prolongée de
certains objets. ^ Ces divisions, nullement arbitraires, n'ont
pourtant rien d^absolu. -*- Exemples; l'Astrologie et Tétude
du Tarot , 2T3
Le devenir particulier des apparences physiques. — Mutabilité
corporelle, chez les êtres organisés. — Travail indiscontinu du
tissu cellulaire sur l'instable canevas du corps astral 277
Génération et mystères des Étreg collectifs, — Phénomènes
curieux des tabhs tournantes et parlantes, — Formation de la
chaîne, cette pile jgénératrice d'influences. — Le magique
aimant de Paracelse, « le magnes intérieur et secret *. —
Imprégnation de la vie dans le bois de la table oraculaire ; inté-
gration de V Oracle collectif, — Ecce Deux t — Un être invisible
est là : il pense, il raisonne ; il parle, il répond. ^ Cet Invi-
sible n'est pas « venu » : il s'est formé de toutes pièces, en
synthèse éphémère des personnes présentes ; il ne « partira ■
pas : il se dissipera, ce concours venant à cesser. — Il ne re>
présente ni plus ni moins que la somme des intelligences coo-
pérantes, additionnées en une seule. — « Les Esprits sont des
échos • (Gasparin), — Thermomntre psychique et mental.
rOracle donne la température morale des milieux humains. —
Constitution de la chaîne fluidique : maximum, minimum et
moyenne de rendement. -^ Éléments négatifs, groupés et éver-
tués sous la prédominance d'un élément positif. — Dévelop-
pement des pensées rudimentaires 879
Théorie de VOracle mensal, — Unification des atmosphères se-
crètes individuelles : c'est dans ce milieu fluidique que l'oracle
va naître, vivre et mourir. — Du nimbe individuel, peuplé de
Lémures, de Mirages et de Larves parasitaires. — Uascendant
astral de Paracelse n'est autre que ce courant de vivantes
images, signatures des passions et des idées dominantes de
chacun. — Rapports d'homme à homme : les atmosphères flui-
diques se pénètrent ; lutte secrète des ascendants. — Comment
une personnalité peut en absorber une autre, et (comme on
dit en magie) V entraîner dans son tourbillon. — L'imagina-
/ton, base négative de l'Ascendant. — La force de l'ascendant
ne réside point dans l'abondance des images, mais dans la vo-
lonté qui les sélecte et les groupe. — Inconscient médium de
l'oracle mensal ' 286
Nombreuses variétés d*étres collectifs, — Tous ne sont pas éphé-
mères et instables comme l'Oracle mensal. — Verbe créateur
d'Adam, l'homme universel, avant la chute. Adam pense des
êtres. — Il n'a pu déchoir qu'en se subdivisant : il reconquiert
ses privilèges par l'intégration sociale 289
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TABLE DES MATIÈRES 783
Pages
Entités collectives d'une puissance et d'une durée incalculables,
créées dans l'ordre politique ou social. — Exemple : le Nemro-
disme. — Une page révélatrice de Saint-Yves (Mission des
Juifs), — Les Ck)llectifs contrastent par leur puissance, comme
par leur durée ; mais tous jouissent d'une existence et d'une
conscience propres, sans que les individus dont ils forment la
synthèse perdent rien de leurs personnalités respectives. —
Arcanes de la multitude. — Ck>llectifs d'ordre intermédiaire . 200
La génération et la lutte des grands Collectifs expliquent bien
des anomalies, à l'égard des assemblées politiques. ^ Comme
une réunion d'hommes personnellement justes et humains
peut être une assemblée inique et féroce. — « Senatores boni
viri, senatus vero mala bestia. » {Tacite), — Revirements
étranges de l'&me des foules. — Eugène Sue a bien connu
cette instabilité du caméléon populaire : épisodes du Juif-Er^
rant et des Mystères de Paris. — La popularité. — Comment
unifier l'àme multiple et divergente des multitudes. — Le se-
cret de la chaîne magique. — Le grand arcane. — Comment
la chaîne magique engendre des Collectifs puissants. — Les
Égrégores. — Collectifs recteurs d'agrégations impersonnelles :
Pouvoirs politiques, ordres religieux, sociétés secrètes. —
Comment les Égrégores dont les milices humaines sont anéan-
ties se créent, sous un nouveau nom^ un nouveau corps so-
cial 293
Reprise d'un exemple déjà produit au tome précédent. — La
survivance de l'ordre du Temple. — L'ordre étant anéanti,
r&me collective est là qui veille, gardienne d'un mot d'ordre.
— La double devise des Templiers : L. P. D. (Lilia pedibus
destrue, — Latro pontifex deleatur), — Les artisans de la ven-
geance templiëre. — Première tentative : Adam Weishaupt et
l'ordre des Illuminés, ~ Dispersés en Allemagne, les héri-
tiers de Jacques Molay se reforment en France. — Explosion
formidable de la Révolution française. — Quelle évolution en
procède : le monde tend vers un nouvel équilibre. — Accom-
plissement du double programme templier : antimonarchique
et anticlérical. — La Révolution se signale par le conflitnles
grands Collectifs humains. — L'&me templière s'incarne dans
la grande Société Jacobine. — Incarnation h&tive d'autres Égré-
gores ; ils sont battus sur le plan terrestre : les Feuillants se
dispersent, et la Gironde est sacrifiée. — Batailles des Égré«
gores dans la Convention nationale. — Écrasement des Giron-
dins ; chute inopinée de Danton ; Robespierre enfin succombe ;
réaction dévorante de Thermidor. — Les vouloirs individuels
sont néant, quand les volontés générales se heurtent et se bri-
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784 LA CLEF DE LA MAGlS NOIRE
Paf^
sent dans l'Éther orageux. — Les pions de chair sur réchi-
quier social. — Rôle secondaire des inttiatÎYes indÎTiduelles, en
de pareilles tempêtes collectives. — Mobiles complexes aux-
quels obéit r&me des multitudes. — La vie individuelle dans
la vie collective. — Les individus restés libres peuvent, en se
groupant, générer de nouveaux Égrégores. — Emploi cons-
cient ou inconscient de la chaîne sympathique. — Exemple
péremptoirê : la tentative de Babeuf et le berceau du socia-
lisme i9T
Les entités collectives dans V Ordre religieux, — Réticences et
réserves de l'auteur. — Les Dominatiotu théttrgiquee» — La
théurgie : une page remarquable d'Éliphas. — Thénrgie déca-
dente, et haute théurgie de Porphyre et de lamblique. — La
théurgie de lumière réprouve les sacrifices sanglants, caracté-
ristique des mystères dégénérés. — Théurgie cléricale ; mages
politiciens de l'Antiquité orientale. — Les dieux des nations
avaient une existence réelle : c'étaient les Entités collectives
des religions. — La première fonction du Sacerdoce consis-
tait à créer, k nourrir, à entretenir des dieux. *- Le vrai sens
du mot Idole. — « Omnes dii gentium daemonia. > (Psaumes),
— Chaîne magique des volitions adoratrices, dynamisées par
la foi. — Le grand œuvre théocratique n'est que la transposi-
tion religieuse et l'extension de cette chaîne de sympathie, dans
l'orbe de laquelle nous voyons naître l'oracle des Tables par-
lantes. — La pile psycho-dynamique. — Formation et déve-
loppement de l'Être potentiel des chaînes sympathiques dura-
bles. — Les dieux résidaient-ils dans les idoles de bois ou de
métal ? — Le corps fluidique des Entités collectives 304
Apparitions des dieux, dans les anciens temples. — Pourquoi les
sacrificateurs se voilaient la tête. — Les « Immortels » du
Polythéisme ne furent point avares de manifestations. — Ra-
dieuses visions et spectres terrifiants. — Ombres qui peuplaient
les sanctuaires et semblaient liées à l'autel. — Formes lé-
muriennes, évoluant dans l'atmosphère occulte de l'Égrégore
collectif. — Dans les temples et les cryptes de l'antiquité,
les visiteurs spirituels de toute hiérarchie trouvaient un asile
convenable k leurs natures. — Les démons inférieurs trou-
vaient à s'y vêtir de sang condensé, les visiteurs d'outre-ciel
pouvaient se tisser un corps de lumière, de musique et d'en-
cens. — Utilité pratique des sacrifices : la vapeur du sang peut
suppléer au fluide des médiums, pour permettre aux Invisibles
d'apparaître. — Quant aux parfums, ils ne pouvaient revêtir
les visiteurs que d'un contour fugace et fallacieux, d'une ap-
parence de corps sans vie. — Seulement, en provoquant l'ex-
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TABLE DES MATIÈRES 785
Pafies
tase chez les sensiUr», les parfums consacrés improvisaient des
médiums. -^ L'extériorisation de la sensibilité et les expé-
riences du Colonel de Rochas. — La force psychique s'exsude
du corps des extatiques. — Dans ce fluide disponible, les Êtres
de rau-delà se baignent et se manifestent. — Rareté des au-
thentiques apothéoses 310
Loi des sacrifices sanglants, universellement sanctionnée par
l'antiquité sacerdotale. — Moïse, sous ce rapport, n'innova
point : son culte apparaît, au premier chef, un culte de sang.
— Rites sanglants de la loi mosaïque. — Jéhovah se réserve le
monopole du sang versé, qui lui est « une oblation de très
agréable odeur >. — Sacrifices humains fréquents en israél,
depuis le sacrifice d'^^raAam, jusqu'à celui de «/ejoA/^. — Nom-
breux exemples à. l'appui. — L'implacable despote qui commande
ces horreurs ne peut être Ihôah ^lohim 316
Mission exceptionnelle de Moïse. — Moïse, un titan plus encore
qu'un saiat. — Dans la dégénérescence universelle, son rôle
est de pétrir de la glaise humaine, pour y imprimer le sceau
divin. — Œuvre colossale de ce théocrate : improviser le peu-
ple de Dieu t Ce n'était pas une médiocre tâche, ni de celles
qu'on peut accomplir par la douceur et la charité. — Moïse a
été le chirurgien de l'ancien monde : il a garanti, par une opé-
ration violente, laguérison de l'humanité. — Pourquoi ce culte
de sang, en Israël.— Adonal put-il se complaire au sang versé
sur son autel ? — Merveilles et mystères delà Théurgie mosaï-
que. — Magie cérémoniale de Moïse. — Construction secrète
de l-Arche et du sanctuaire. — Science colossale et maîtrise
opératoire. — L'Allié céleste de Moïse, son céleste Interlocuteur.
— Entité collective de la grande Communion des Saints (vi-
sion du Sinaï). — Vices et vertus de la race juive. — Is-ra-el,
manifestation rayonnante de Dieu. — Les successeurs de
Moïse : éclipse de la lumière d'i£lohlm. — L'abomination
dans le Lieu saint. — Multiples rapports religieux de Moïse
avec rinvisible : — V Absolu divin. — Ihôah yElohim, le Verbe
éternel. — UÉgrégore de la grande Communion dorienne. —
Colonnes à'Élémentaux et de Lémures, destinés aux œuvres de
la magie sacerdotale. — Nuances dont Moïse n'embarrassa
point son peuple. — Réserves ésotériques de sa Doctrine. Pour
le peuple hébreu, toute chose, bonne ou mauvaise, sort de la
droite do Jéhovah. — Centralisation divine : avantages et in-
convénients de ce système. — Le vrai nom de l'Égrégore :
Michaël. — In sole posuit Deus tabemaculum suum. — Identité
de l'Homme idéal et de Dieu manifesté. — Substitution divine.
— Déification exotérique de l'Allié céleste. — La pierre cubique. 3 1 9
50
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?S6 LA CLEr ht LA IIAGIË I^OlftË
Mofse et Jésus-Christ. — Griefs du Sépher Toldos, — A la Com-
munion des Saints, s'opppose la Synagogue des pervers. —
En face de Mieha€l se dresse SamaéL ~ Le Collectif caco-psy-
chique. — Ce que peut être le corps astral totalisé d'une En-
tité collective humaine. ^ Strophes curieuses de Saint- Yves. 331
Chapitre IV. — FORCE DE LA VOLONTÉ
Onzième clef du Tarot : la Force. — Une jeune fille ferme, des
deux mains, la gueule d'un lion en fureur. — Détail curieux
de l'emblème. — Une correction d'Eltetlla. — Le perruquier
Alliette, devenu l'astrologue Etteilla^ a astro-phrl-astre et res-
taurateur de la Cartonomancie des Égyptiens ». — Etteilla et
le Tarot : une édition expurgée des arcanes. — Sens ésotérique
de l'emblème. — Puissance de la volonté sur l'Astral, dont le
lion est un des plus anciens hiéroglyphes. — Le huit couché
qO et le symbole de la Vie universelle. — Frontières cos-
miques de l'action volitive 337
La Volonté, une des trois grandes Puissances rcctrices de l'Uni-
vers. — Souveraineté de l'homme universel en Éden, avant
la chute. ~ LaYolontë d'Adam réalisait toutes ses pensées :
il peuplait de créatures la sphère de son activité, et il pouvait,
par une seule volition, « porter celles-ci de l'être au néant et
du néant à l'être. » — Citation essentielle de Fabre d'Oliret,
— La chute de l'homme lui a ravi, en apparence, cette préro-
gative quasi-divine : il peut néanmoins, dès ici-bas. la reron*
vrer dans une certaine mesure. — Eve, symbole de la faculté
volitive. — « Tu accoucheras dans la douleur » ; interprétation
ésotérique de cette sentence. — Diminution qualitative et
quantitative de la force d'Adam, par la dissémination et l'obs-
curation de ses enveloppes 341
La force de la Volonté se décèle jusque dans l'élaboration du
corps physique, cette prison du sous-multiple humain. —
Édification inconsciente du corps. — Le Conscient et les deux
Inconscients, — L'architecte et les ouvriers. — L'entrepreneur
de la b&tisse est le corps astral 34.%
De la faculté plastique, cette matrice psychique du corps astral.
— Contradictions dans les notions relatives au corps astral. —
La faculté plastique, instrument de mise au point de l'&me.
pour les différents milieux qu'elle traverse. — Tant qu'une àme
ne s'incarne pas, son corps astral se condense ou se subtilise,
selon les milieux. — Dans le labeur de l'incarnation, le corps
astral se naturalise, compatriote de l'organisme : il partagera
désormais ses destinées. — Quand l'Âme dépouillera celui-ci.
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Table des matières 1S1
Pages
le corps astral se désagrégera parallèlement. — C'est alors que
la faculté plastique devra tisser k r&nie laissée nue, un nou-
veau corps subtil, convenable au milieu nouveau où elle pé-
nètre. — Certaine école veut que le corps astral ne préexiste
point au fœtus. — Du corps glorieux, qui n'est pas le corps
astral. — Le « char subtil de l'&me j». — La faculté plastique,
en tissant le corps astral, obéit & la volonté collective de l'es-
pèce pour les traits généraux, èi la volonté individuelle pour
les traits particuliers • «... 347
L'homme essentiel constitue l'âme de l'intégral Cosmos : toute
vie émane de lui, toute substance émane de la sienne, en mode
direct ou indirect. — Un texte de Moïse : Adam nomme les
animaux ; sens du symbole. — Tous les êtres inférieurs pro-
viennent d'Adam. — Atomes dispersifs de sa substance cor-
rompue. — L'humanité terrestre, émergeant de l'animalité,
dépouille violemment Vanima bruta, — L'orbe du « Satellite
impur » (Lumière (TÈgypte), 351
Théorie des signatures naturelles. — La langue des signatures
(Q. Aucler). — Les signatures et l'école de Paracelse. —
Oswald Crollius et sa Vraie et vive anatomie du grand et du
petit Monde. — Crollius apprécié par Éliphas Lévi. — Les arts
divinatoires, en tant qu'étude des signatures spontanées. —
La chiromancie élue pour exemple : critique de la chiroman*
cie; ses frontières rationnelles 354
Vertu configurative de l'Astral, dont chaque vague est une page
révélatrice du Livre universel des vies. — Les habitants de
l'Astral inférieur ; Ames en instance d'incarnation. ^- Ces âmes
cherchent à escalader la citadelle physique ; elles laissent sur
la matière l'empreinte de leur escalade. — Expériences d'Aksa-
koff: moulages de mains fluidiques. — Expérience du Sieur
de la Violette: empreintes cristallisées des feuilles d'orties sur
la glace d'une lessive de cendres d'orties exposée au froid. —
Gaffarel et sa théorie des Ombres des morts. — Gaffarel et
les Gamahés ou Camaïeux. — Description et exemples de ce
phénomène. — Miracle divin ou miracle diabolique? — Théorie
du gamahé : photogravures de mirages errants, — Iconogénie
spontanée. — Empreinte des signatures naturelles dans la ma-
tière, modifiée ou rendue réceptive par Véthérisation, — Autres
empreintes de signatures mystérieuses. — Varbre aux dix
mille images ei le récit du Père Hue, — Le baron de Guldens-
tubbéei la signature directe des Esprits. — Eugène Vintrasei
le prodige de ses hosties stigmatisées et sanglantes. — Les
stigmates des extatiques. — Merveilles de la foi et du désir. —
En rapprochant la découverte de MM, Focachon et Liébeauft
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788 LA CLEF DE LA MAGIE NOIRE
Paf«s
(pose d'an résicatoire par suggestion) et celle de M, du Rochas,
(extériorisation de la sensibilité)» on arrive à s'expliquer la
production des stigmates mystiques. — Encore un mot des
grandi Collectifs humains 361
Toute force, en magie, réside essentiellement dans la Volonté et
dans la Foi, -^ Le héros, homme de volonté ; le mystique,
homme de foi ; l'adepte, homme de foi et de volonté tout en-
semble. — Le Désir même est créateur, comme forme obscure
de la volonté 375
Vn épisode instructif du Crocodile de Saint-Martin, épopée peu
connue et peu appréciée du théosophe d'Am boise. — Sens
symbolique des principaux personnages : Madame Jof, Sédir,
Ourdeckj Bachel, enfin Èléazar, — Le Crocodile, emblème
égyptien de Nahàsh et de l'Astral inférieur. — Une ville en-
gloutie (Atalante). — Pérégrinations d'Ourdeck. — Allégorie
révélatrice 377
Les mystères d^ Atalante (par Saint-Martin). — Paroles conser-
vées. — Prédicateur dans un temple. — Double courant de
paroles blasphématoires. — L'hiérophante. ~ L'antre du mage
noir. — La table pentagonale, le fauteuil et les quatorze sièges.
— - Les acolytes et le maitre absent. — Le Livre de fer. —
Pacte d'iniquité. — Manifestation du nom d'Éléazar. — Retour
inopiné de Thiérophante. — Multiplication des singes : les
hommes du mal sont dévorés. — Les singes se dévorent entre
eux. — Ourdeck sauvé miraculeusement 379
Explication des mystères d 'Atalante, relatifs au mauvais usage
de la Volonté, en magie. — La machine infernale disposée
dans une cave. — Les cinquante marches d'ombre. ^ Le pen-
tagone et le pentagramme. — La bonne et la mauvaise étoile.
— Les instruments et les meubles de fer. — La lanterne pen-
tagonale, la pierre noire lumineuse et les hiéroglyphes d'abo-
mination. — L'estrade et les singes de fer. — La table ellypti-
que, emblème du cerHe mauvais. — La chaîne magique, et
ses mystères. ~ Application de la chaîne magique. — Grands
initiés et grands magiciens. — Le liwe de sang, toujours ou-
vert, de rilluminisme noir. — La « Société des Indépendants ».
— (Le temple, le parvis et le sanctuaire, d'après le mystique
Eckartshausen). — Multiplication des singes de fer : le mal
pullule dans l'enceinte du mal même. — La trombe répercus-
sive et le choc en retour. — Suicide des satellites du mal. —
Cette page de Saint-Martin le montre très compétent en ma-
gie cérémoniale. — Saint-Martin, son maitre Martinés de PaS'
qually et le livre de Papus 385
De la Volonté, en magie. — La magie se pratique directement
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TABLK DES MATIÈRES 789
Pages
(par Taction du corps astral sur les fluides impondérables) ; in-
directement (par l'empire de la Volonté sur les Invisibles). —
Magiciens, médiateurs actifs, et médiums, magiciens passifs.
— Du Magnétisme : il peut être également conçu en mode ac-
tif ou passif ; ce dernier seul est du ressort de ce chapitre. —
Le Magnétisme est-il • la clef de la Science occulte » ? (Du
Potet), — Mesmer et son système. — Résumé théorique des
XXVII Propositions. — Les héritiers de Mesmer. — Puységur
et l'orme de Buzancy : avènement du somnambulisme. — Pa-
ria l'enchanteur. — Merveilles adjacentes du magnétisme. —
Liébeault, Focachon ei Rochas. — L'école de Nancy. — La sug-
gestion ne date point d'hier. — L'action des médicaments à
distance, au moyen âge. — Une découverte ù' Edison, — Le
pourquoi et le comment de la suggestion (Cf. notre chap. v).
— Toute pensée est une àme. — Responsabilité encourue par
les praticiens de la suggestion 399
La fascination, phénomène suggestif. — Le curé et son bréviaire
(phénomène rapporté par Bodin). -^ Théorie de la fascination.
— Le tambour enchanté et la source miraculeuse (phénomène
narré par Nynauld). — La suggestion mentale et la virtualité
des signes analogiques. — Miracles du son en magie : légen-
des instructives ; les Fakirs et la force des mentras; l'harmo-
nica des Illuminés : cloches et carillons ; le générateur Keeley
et la force « interétherique ». ~ Le phénomène du tambou'
rin 406
Théorie des signes d*appui, complémentaire de celle des signa-
tures spontanées. — Le verbe, en occultisme : volition définie,
étayée sur un emblème qui la confirme. — La doctrine du si-
gne, d'après Éliphas. — Clef de voûte do la magie cérémo •
niale et des cultes religieux. — Abus possible de la théorie du
Signe magique. — Traduction et transmission de l'idée par le
signe. — Télépathie, télégraphie psychique et précipitation
des écritures, — Magie de la parole et du geste. — La force
du cliché. — « La religion n'est qu'un geste » (Musset). —
Une fois la pensée fixée et traduite par le signe, celui-ci sert a
la projeter. — Vertu suprême du signe : dynamisation de l'ef-
fort solitaire, par l'évocation des volontés conformes. — L'em-
ploi du signe tend la chaîne magique et en évoque l'Égrégore.
— Le pentagramme et le cercle des évocations, — Minuties
ritualistiques, en magie comme en religion ; inflexibilité du
cérémonial. — Citations remarquables delà Thréicie. —Chaîne
d'or reliant la terre au Ciel. — Guirlandes de signes évoca-
teurs. — Les rites ne sont promus qu'en raison de la nature
imparfaite de l'humanité, sur quoi le magiste veut agir. — Les
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790 LA CLEF DE LA MAGIE NOIRE
Paf«»
Yoghis peuvent se passer entre eux du signe extérieur. —
« L'esprit se vét pour descendre et se dépouille pour monter »
(axiome kabbalistique) 4il
Encore le signe d'appui. — Les Pentacles. — Paracelse les ré-
duit à deux essentiels : les étoiles du Macrocosme et du Micro-
cosme. — Traduction inédite d une page de Paracelse (Philo-
sophie occulte), — Emploi des deux Étoiles» en magie. — Quod
superiùs, sieut et quod inferiûs. — Vertu des pentacles, dans
la main d'un adepte. — Signe de reconnaissance d'un monde
à l'autre. — Précipitation, en astral, des pentacles brûlés sur
l'autel des parfums. — Précipitation électrique : esquisse ignée
des pentacles, obtenue à l'aide de la machine de Holtz. —
Étoile brillante de Salomon, électrisée à permanence ; Étoile
flamboyante, électrisée par saccades. — t fgnescunt signa
deorum. » — Amulettes et talismans. — Théorie matérialiste
d'Etleilla. — Les monogrammes médicaux des Archidoxes
magiques (Paracelse). — Confection et théorie d'une médaille
talismanique du soleil. — L'origine des talismans est peut-être
aux gamahés. — Exploitation industrielle des talismans. —
Prétendus occultistes opérant pour de l'argent. — La Doctrine
et ses bienfaits se donnent ou se refusent ; mais jamais ne se
vendent kti
La magie est l'exercice du pouvoir créateur, récupéré dès ici-
bas. — Production de toutes pièces des objets matériels, par
objeclivalion du Protyle. — C'est le necplus ultra de la magie
terrestre. — Objets rendus invisibles, par Véthérisation. —
Description et explication du phénomène. — Des apports;
l'objet, éthérisé pendant son transport, redevient visible au
point d'arrivée. — La matière passe à travers la matière. —
Fleurs désintégrées et réintégrées. — Éthérisation du corps
humain : le médium Home, disparu sur le seuil d*une porte
close, se retrouve évanoui de l'autre côté. — Phénomènes
réels et vraiment inintelligibles. — Ne jamais se hâter décrier
à Tabsurde. — Fabre d'Olivet magicien : une lettre portée à
l'Empereur, « en corps astral ». — Fabre d'Olivet thérapeute;
tléfî de M. de Montalivet; le gant est relevé. — Fabre d'Olivet
sybarite : ses livres viennent le trouver dans son fauteuil . . 4f8
La lévitation : déplacement visible et suspension aérienne des
objets. — Lévitation du corps humain ; les expériences de
Home. — Églington montre au czar le phénomène de la soi-
lévitation; récit circonstancié du médium. — Le czar « sous
les pieds » d'un anglais. — Expériences fréquemment obser-
vées dans rinde : l'élévation des fakirs 433
La volonté dans le mal. — Nous ne ritualisons pas la magie
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TABLE DES MATIÈRES 791
Pages
noire. — La justice immanente des choses. — La menace du
choc en retour. — h» paradoxe du mandarin, attribué à Jean-
Jacquet, — La folle hypothèse peut devenir réalité. — Le
bouclier occulte. — L'épée de Damoclès 435
Volontés individuelles ou collectives, dans le bien et dans le mal.
— Les verbes créateurs. — Bénédictions, anathèmes. — Vex-
communication est l'acte d'ezpulser un homme d'un groupe
vivant dont il était une cellule. — V excommunication, sen-
tence capitale. — Pour conjurer le verbe de réprobation, il
faut s'affilier, de fait ou d'intention, dans un autre groupe. —
Mystère des chaînes magiques. — Martinés de Pcuquaily et
ses batailles occultes, aux solstices et aux équinoxes. — Détails
sur le rituel des Martinésistes (souvenirs du Baron de Glei^
chen). — Les « quarts de cercle )> et le « cercle de retraite ».
— Les expériences ôe M. d^Hauterive, critiquées par Saint-
Martin. — M. de la Chevailerie, ayant engagé imprudemment
la lutte sur le plan astral, est près de succomber. Son maître
absent (Martinés) le sauve en l'inspirant à Theure du danger.
— u II ne faut pas braver Vopinion, » — La chaîne sympa-
thique et les lois de l'électricité. — De la vertu du cercle, en
magie • 439
L'excommunication solennelle, sorte de maléfice sacré. — Ter-
ribles effets do l'excommunication, aux âges d'intransigeance
et de foi militante. — L'envoûtement sacré, d'après Adolphe
Bertet (Apocalypse dévoilée). — Les « condamnations capi-
tales » de l'Église^ d'après Joséphin Peladan (/star) : chaînes
monastiques bissexuelles. — Les clefs eT Hermès croisées avec
celles de Saint Pierre. — Le glaive magique est-il fait pour le
bras du Serviteur des Serviteurs ? — Il ne pourrait s'en servir
légitimement que pour la défense d'un Ordre social où la
Science et la Foi seraient ramenées à leur unité-synthèse . • • 446
De V Envoûtement, qui est le maléQce par excellence. — Décou-
verte du Colonel de Rochas. — Il en sera des découvertes de
Rochas comme du magnétisme : la Science officielle s'en em-
parera, pour les débaptiser. — Modes divers de l'envoûte-
ment. — La Jettatura et le mauvais œil. — Envoûtement en-
Annam : la lance fichée dans l'ombre de la victime. — De
l'ombre corporelle, au point de vue magique. — Envoûte-
ment des bohémiens : « enfoncer le couteau » (les Rames, par
J.'A, Vaillant). — Le Scopélisme. — « Ceci est une pierre
dans mon jardin » : origine de ce dicton 452
Expériences de Rochas sur Venvoûtement. — Relation de l'au-
teur. — La plaque photographique sensibilisée. — La poupée
en cire. -^ Phénomène du stigmate par répercussion (15 oc-
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792 LA CI.EF DE LA HAOIE IVOIRE
tobre 1892). — Rochas physicien. — Il Ténûera, ane à une.
les notions traditionnelles de rocculUsme. — Dangers de ce
genre d'expérience. — Envoûtement immédiat: enroûtement
à longue échéance. — Accident imprévu, conté par Hocha» :
eau sensibilisée répandue par une nuit d'hiver. — Réversibi-
lité possible et funeste au sujet, dans le cas de sensibilisation
des plaques photographiques. — Expériences de M. le D' Lu^t :
transfert d'un état neurologique sur un sujet sain, auquel sont
appliqués les remèdes. — c Un cautère $ur une jambe de bois >,
proverbe justiGé par la médecine paracelsique. -— Théorie de
l'Envoûtement. — Théorie de la loi du choc en retour. — Le
vénéfice, on sortilège par les fluides empoisonnés. — De quel
mystérieux liquide les sorciers de la Brie arrosaient leurs go-
gues. — Exemple d'envoûtement populaire, rapporté par Caha-
gnet. — Comment parer aux maléfices 458
Phénomènes composites, où les forces de la nature obéissent
au verbe humain. — Le Ministère de t Homme-Esprit, — Signes
avant-coureurs de l'apothéose adamique «71/
Chapitre V. — L'ESCLAVAGE MAGIQUE
Douzième clef du Tarot : le Pendu ; sens de l'emblème. — Les
gloires et les misères de l'esclavage magique. — Double inter-
prétation : esclavage de l'esprit, esclavage de la matière. — Le
Thau sacré ; dans le Tarot, cet hiéroglyphe reparait, à la clô-
ture de tous les cycles, majeur et mineurs. — L'arcane Xll a
trait à l'homme descendu dans la déchéance de la chair . . . klh
L'incarnation des Ames ; captivité préludant au plus dur escla*
vage. -— Épreuve de la Psyché : sa flamme vivante parait s'é- '
teindre dans la fange terrestre. — Le piège de VénuSt à" Aphro-
dite ou d'/dnaA. — Sous ces divers noms, la Grande Séductrice
exerce ses deux fonctions parallèles. — Pour capter les Ames,
pour accoupler les corps, ses moyens ne varient guère ; le
Désir est sa voix caressante, et son piège est la Volupté. . . 478
Agonie de l'existence arûmale : un trouble sensuel envahit les
Ames ; elles se laissent entraîner au torrent des générations.
Un voluptueux vertige leur voile l'horreur de leur déchéance.
— Leur incarnation est-elle toujours immédiate? — Ames en
instance d'incarnation ; elles deviennent le jouet du Serpent
fluidique d'Ashiah, — Elles peuvent influencer les Médiums.
— Elles obsèdent les couples amoureux, désignés pour leur
donner un corps. — Une page curieuse de Louis Ménard, . . 480
La préexistence de l'Ame, sa défaillance, son naufrage au gouf>
fre de la matière, bien connus, de tous temps, des adeptes de
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TABLE DES MATIÈRES 798
Page»
toute école. — Comment l'art s'empara de ces notions, pour
les traduire en mythes et en symboles. — La légende mosaï-
que d'Éden ; jusqu'où remonte son origine. — Mythes analo-
gues : Pandore, Proserpine, Psyché, etc. — Les fables sym-
boliques de la déchéance constituent la base de tous les mystères
antiques. — C'est partout le récit d'une infamante catastrophe,
joint à la promesse d'une réhabilitation. — Mystères d'Eleusis :
Tenlèvement de Persephonè (Proscrpine), par Aïdonée (Plu-
ton). Intervention de Dèmèter (Gérés) ; ses voyages. — Perse-
phonè aux enfers ; elle a mangé trois grains de grenade. —
L'arrêt de Zeus (Jupiter). — Persephonè vivra six mois de
l'année aux enfers et six mois au Ciel : Symbole des existences
alternées 483
Mystères de la Naissance. — L'épreuve terrestre et l'incarnation
des âmes. — Une belle page de Saint- Yves 487
L'initiation, ce réveil deTàme en somnambulisme ici-bas, figura-
tive de la mort et de l'existence posthume. — L'adeptat (se-
lon Stobbéé) donne un avant- goût de la réintégration. — La
naissance, mort véritable ; l'initiation, renaissance en esprit.
— L'âge des initiés 491
L'incorporation matérielle de l'âme ne compromet pas ses rap-
ports avec les mondes supérieurs ; mais elle la condanme aux
servitudes du monde matériel. — Le joug du Destin. — Possession
de l'âme parla Nature-naturée. — Macrocosme et microcosme ;
analogies. — Formation du corps physique ; compromis entre
les Puissances du Ciel et delà terre. ~~ D'invisibles liens rat-
tachent chaque cellule, chaque fibre, chaque organe, aux di-
verses régions de l'Univers qui leur sont analogues. — Connais-
sance de ces rapports ; leur mise en œuvre : Magie naturelle
des vieux auteurs. — Le surnaturel n'est point ; ce que c'est
que la totale Nature, la. grande Isis des sanctuaires. — C'est
dans le sein profond de cette Mère universelle, que vivent et
se meuvent tous les êtres finis Jusqu'aux plus sublimes archanges 492
La Magie naturelle, selon Porta. — Prestiges. — Physique oc-
culte. — La baguette divinatoire, et le livre de Vabbé de Valle-
mont, — Les merveilles de Jacques Aymar, — Les prestiges
de Maïa la charmeuse, la Reine des apparences. — L'ivresse
de la Nature au printemps ; le grand jubilé d'Éros eideCybéle.
— Les liens mystiques et physiologiques se font sentir alors,
qui rattachent l'homme au grand Tout. — Symphonie du total
Cosmos. — ^ Extase révélatrice 495
L'esclavage magique, dans son expression naturelle et spontanée.
— Comment il se traduit pour nous : suggestions de la ma-
tière : la faim, la soif, le sommeil, les appétits brutaux. —
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794 LA CLEF DE LA MAGIE NOIRE
Sympathies et antipathies. — L'homme croit opter librement,
quand il obéit k ces dernières. —^ Dans quelle mesure sommes
nous libres ? — Liberté potentielle, pour un tiers seulement :
il faut la développer. — En s'alltant à la Providence. Thomme
double son libre domaine originel. Pourquoi. — Les entraves
de la nature nalurée ; Thomme ne peut les rompre. — Il peut
les réduire au minimum d'empêchement 4n'«
Le tribut sexuel : peut-il être éludé ? — Le Sage commande à la
chair. — Il a vaincu Ma!a. — Toute-puissance relative qui eo
résulte ôOf
Prescription de continence (magique ou sacerdotale). — Raisons
positives, et non sentimentales, de cette prescription. — Abs-
tinence de certains aliments ; Motse et les hiérophantes de la
gentililé. d'accord pour les proscrire. — Le sang sert de lien
entre le corps et Tàme : citation curieuse de Porphyre. — Cri-
tique des opinions de Porphyre, — Enseignements de la haute
Magie^ au sujet des virtualités de la chair et du sang. — Les
espèces mondes et immondes, selon MoSse et Pythagore. — Clas-
sifications fondées sur les signatures naturelles 503
Régime rationnel des abstinences : la lettre morte s'en est empa-
rée. «- Réglementations puériles, et prohibitions excessives. —
Généralisation des règles exceptionnelles. — JeCines et macé-
rations. — Le célibat ecclésiastique. — Le culte extérieur a
partout corrompu l'esprit de la Science secrète. — Doctrine
erronée des « Sacrifices méritoires » et des «r mortifications
agréables à Dieu » 5uT
Pythagore, très sévère pour le choix des aliments. Pourquoi? —
Le corps astral et le « char subtil i». — Mécanisme de lelabo-
ration du corps glorieux. — Malentendus sur ce point, même
parmi les disciples de Pythagore. — Classification ésotérique
des aliments permis ou défendus. — Pythagore complétait Moïse
à cet égard. — Fabis obstiné: signature ktéine des fleurs de
fèves. — Les € portes de l'enfer » 507
Aperçu des signatures spontanées. — Les produits dangereux des
trois régnes portent inscrit dans leur forme extérieure l'aveu
de leur malice latente : tout CaXn porte un signe au front. —
Exemples : le poulpe et le scorpion, etc. ; les oiseaux de proie,
les grands félins. — Analyse rapide des formes végétales : —
Belladone, Mandragore, Dalura, Jusquiame : — les Ciguës et
YŒnanthe safranée; — les Euphorbes ; — la Rite et la Sabine;
— Aconit, Digitale, Colchique d'Automne ; — Arum macula-
tum ; Renoncule scélérate, etc... — Signatures minérales : cas-
sure révélatrice ; les formes cristallines, etc. — L adepte sait
lire sur les écorces les propriétés des substances 50»
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TABLE DES MATIÈRES 795
Pages
L.a toxicologie faisait partie des sciences occultes. — Fart nefas,
— Une horreur sacrée enveloppait les arcanes de cette science.
— Le serment d'IIéliodore. — La toxicologie, telle que nous
Tentendons, n'était qu'une section de l'ancienne science des
venins. — Les poisons de l'Ame, de l'esprit, de la volonté. —
— Action bienfaisante ou néfaste des produits naturels sur le
corps astral, ce lien régulateur des vies. «» La science des signa-
tures est celle du corps astral : double contrôle, à priori et à pos-
teriori, — Le pur et Timpur. ^ Variations du corps iluidique ; il
se subtilise ou s'épaissit ; parfois il se dénature. — Chrysopée
de l'enveloppe humaine. — Le grand œuvre d'immortalité : l'a-
pothéose posthume 512
Les quatre formes de l'esclavage magique : il se conçoit élémen-
taire (sujétion à la matière), hyperphysique (répercussion des
lémures du nimbe, force de l'habitude), hominal (servage ma-
gnétique), enfin spirituel (servage médianique). — Cette ré-
partition en quatre classes n'a rien d'absolu; exemples. —
Nous avons traité précédemment des deux premiers modes
d'esclavage ; abordons les deux derniers 516
L>«c/ai;/z^0Aomtna/ implique virtuellement tous les autres ; pour-
quoi. — L'homme actif sur tous les plans. — Les pratiques du
magnétisme nous offrent le type le plus ordinaire de la domi-
nation que l'homme peut acquérir sur son prochain. • . » 518
Magie psychique ; l'âme agit directement sur l'âme, en dépit des
distances. — Inégalité actuelle des âmes. — Le phénomène peu -
commun de la Substitution de personnalité, — En quoi ce phé-
nomène diSëre de \d^ Suggestion, — Dans le premier cas, ce n'est
pas l'être influencé qui agit, c'est l'expérimentateur qui agit
dans lui et par lui. — Sttbstitution psychique aux Indes. — L'en-
lèvement de Cs^rpena,, da,ïis Matthias Sandor/fy de Jules Verne, 519
Suggestion proprement dite. ~~ Toute pensée est une âme. —
Dynamisation de la pensée ; sa vitalisation, par son mariage
avec un Élémental. — Les entités très diverses qui évoluent
dans le nimbe de l'homme^ sont transmissibles d'un individu
à l'autre, — Là se fonde le principe de la suggestion. — Obses-
sion et po^^emon suggestives. —Auto-suggestions. — Du rôle
secondaire du sommeil provoqué, relativement & la suggestion
transmise. — L'hypnose n'est point indispensable, pour que la
suggestion réussisse. — La suggestion ne consiste pas seule-
ment en une idée transmise : derrière l'idée^ il y a une force.
Dalmones de la suggestion. 5ââ
Conditions pour qu'une suggestion réussisse : pensée citalisée;
— volonté plus énergique que celle du sujet ; — rapport flui-
dique établi d'avance 527
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796 LA CLEF DE LA MAGIE NOIRE
Le phénomène de Thypnose. non point indispensable à la réas-
site de la suggestion, mais adjiïvant. — Ivresse astrale. —
Sujets réfractaires. — Sujets prédestinés oi^
Obsession ou possession d'un individu par une entité parasitaire.
— Tyrannie infinitésimale oucomplëte.périodique ou continue,
éphémère ou durable. — Exemples. — Êtres potentiels qui
meurent en se manifestant. — Possession totale : cas de folie,
de monomanie» d'idiotisme. «- Un intrus s'installe au foyer de
l'âme. — Aliénation mentale. — Antagonisme entre Tancien
propriétaire et le nouvel occupant. — Mystère d'iniquité. —
Incarnation par surprise. — L'« embryonnat des âmes »... hV>
Digression sur les courants de TAstral. — Encore les Êtres col-
lectifs, — Servage inconscient et machinal ; subordination de
la partie au tout. -^ Puissances motrices du fluide astral. —
Courants cosmiques spontanés ; courants artificiels, au pour-
tour des chaînes magiques. — Hiérarchie et anarchie spectra-
les. — Dangers menaçant le magiste qui affronte ces cou-
rants : dispersion ou absorption psychiques. — Le coup de
foudre. ^ Vie intellectuelle des sociétés. — Gourants d'idées
nouvelles. — Vocabulaires nouveaux. — « Idées qui sont dans
l'air. » — Brusques virements d'opinions. — D'où procèdent-
ils ? Influence des aréopages occultes. — L'éternel antago-
nisme : Satan et Saint Michel Archange. -^ Ascendant indivi-
duel, ascendant global des foules 333
Esclavage spirituel, — Des entités localisées. Genii loci, — Pas
une pierre, pas un brin d'herbe, sur quoi ne règne un Esprit.
— « Crains dans le mur aveugle un regard qui t'épie I... »
— Los Esprits élémentaires ; races variées et dissemblables.
— Gnomes, Ondins, Sylphes et Salamandres. — Faunes, Syl-
tains, Dryades, Néréides, etc. — Élémentaux hostiles à l'homme
qui envahit leur domaine (Guymiot). — La vengeance des Élé-
mentaux. — Comment se comportent, à leur égard, le savant,
le sorcier, l'adepte. — Secret des opérations magiques, re-
latif à cette classe d'Invisibles. — Tempêtes, trombes et cy-
clones. ~ Feux-follets. — Le vertige est l'appel des sylphes ;
l'attirance de l'eau, l'appel des ondins, etc 537
Larves instigatrices de suicide. — Guérite que iVispo/éoi» fait brû-
ler, chambre de caserne qu'il fait murer, parce qu'on s'y suici-
dait. — Famille prédestinée au suicide par immersion : tous
les mâles de cette lignée se noient, tôt ou tard, au môme coude
de la même rivière. — Contes de Niœes, de Sirènes, de Dames
blanches, etc. — Le petit Sauteret 541
Infestations ; maisons hantées ; — L'affaire de Vatence-en-Brie
fait le pendant de celle de Cideville, — Intervention de Papus
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TABLE DES MATIÈRES 797
Pages
et de M. rabbé Sehnebelin. — L'emploi des pointes métalli-
ques. — Plaies d'étincelles. — Les phénomènes cessent ; la
malade, qui servait de médium, guérit 543
Pacte €tvee le Démon. — Accord librement consenti. — Pacte
formel, pacte tacite, — Toute expérience téméraire suppose
pacte tacite. — Doctrine de TÉglise. — L'Occultisme adopte
in toto les termes de la définition théologique, sauf à délimiter
leur sens véritable. — Le Démon, absolu du Mal, n'est pas.
— Les mauvais Esprits existent. ^ Du Diable, envisagé comme
Agent. — Du Diable, comme Esprit de perversité. — Des so-
ciétés secrètes; engagement réciproque, cédule. — Le pacte
suivant le Baron du Potet, — Fraternités invisibles ; cédule in-
cinérée; précipitation en Astral. — L'Enfer créé en Astral;
apparitions diaboliques. ~ Sommes-nous d'accord avec la théo-
logie? — Procédés péremptoires de polémique. — M. de Mir-
ville et Éliphas Lévi, — Le Diable au xix« siècle et les occul-
tistes contemporains. — Ckimœra in vacuum àombinans. . . 544
Renaissance de la Magie. — Succès et petits déboires de l'Occul-
tisme rénové. — Il subit, au dedans, l'épreuve de l'envahis-
sante médiocrité, au dehors, l'épreuve du dénigrement et de
la moquerie. — Les intrus. — Les exploiteurs. — Les apos-
tats. — Misères faciles à prévoir. — L'opposition fatale des
forces adverses. — La loi du Fatum. — c Le mort saisit le
vif. » — La routine est la règle morte, imposée au futur par
l'autorité du passé, k la vie, par la majesté de la mort. — Ré-
novation toujours lente des formes vieillies. — Transitions
ménagées 552
La familiarité des Invisibles, ordinairement néfaste. — Ils agis-
sent pour le compte d'autrui (en conséquence d'un maléfice),
ou pour leur propre compte. — Quel intérêt ont-ils à obséder,
à posséder? — Mystères médianiques. — Les Invisibles, avi-
des de force nerveuse. — Abandon de fluide vital,au paroxysme
des passions. — • Le banditisme spirituel. — Raisons profondes
de la peur, — - de l'instinct sadique, etc. — R61e providentiel
des larmes, à la mort d'un être cher. — Pourquoi certains
Invisibles poussent l'homme au suicide 554
Rapports exceptionnels avec les Intelligences supérieures, les
Ames glorifiées, les Anges missionnaires. — Méprises et décep-
tions. — Direction angélique. — Embryonnat céleste. — Ceci
nous ramène au sens faste de l'esclavage magique (Xlle clef du
Tarot) 559
La Vérité ésotérique. — Le Temple et le Sanctuaire. — Les deux
portes du sanctuaire : la Science et TAmour. — Initiés spécu-
latifs : la Science pour la Science. — Les désenchantés de la
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798 LA CLEF DE LA MAGIE !COIR£
cité terrestre. — La Jérusalem céleste, — Le désespoir, chez
les plus nobles &mes, n'est qu'un déplacement de respérance. 5€U
Chapitre VI. — LA MORT ET SES ARCANES
Treizième clef du Tarot : la Mort, — Le squelette faachear de
tètes. — Dissolution, et génération universelles. — Jeunes
pousses de chair humaine : ce sont des mains et des pieds. -*
Sens de Temblôme. -^ Inviolabilité de l'initiative humaine. —
Le pensée s'incarne et se fait action. — La mort qui frappe le
penseur ne détruit pas la pensée. — Vertu viviOante du mar-
tyre. — L'homme qui meurt pour une idée immortalise celle-
ci, en lui infusant sa propre vie. — Le piège du suicide. — Le
sublime sacrifice de la mort volontaire : Jésus-Christ et Jeanne
d'Arc. —La palme du martyre devient le sceptre d'une royauté
posthume. — La mort, chose grave et sacrée. — Rien n'ex-
cuse le suicide 563»
Qu'est-ce que la Mort? — Rupture du lien sympathique des vies.
— Victoire de l'individualisme moléculaire sur Tunitarisme
collectif. — Libération de la Psyché. — La vie est insaisissa-
ble à. nos méthodes scientifiques. — Opinions remarquables
de louis Ménard. — Les différents aspects de la vie : vie uni-
verselle, vie collective de l'espèce, vie propre de l'individu,
vitalité cellulaire, vie chimique des atomes 57i
Le lieu sympathique des vies, c'est le corps astral, frein agré-
gatif du triple et quadruple dynamisme vital, dans ses rapports
avec l'organisme. — La vitalité des cellules: fluide biologique
réfléchi. — Le spectre phosphorescent. — Les Masikîm, lar-
ves de la dissolution corporelle. — Cellules survivant un cer-
tain temps : croissance posthume des ongles et des poils. —
Le corps, scaphandre véritable, préserve l'être humain, sa vie
durant, contre les atteintes de l'océan fluidique universel. —
Flux et reflux de l'Astral. — Hereb et lônah, dans leurs rap-
ports avec l'ombre et la lumière. —Atmosphères faste etnéfaste 575
La tempête astrale terrifie l'être humain, au sortir du cadavre.
— Elle veut y rentrer. — Quand y parvient- elle î — Possibilité
exceptionnelle du retour à la vie, quand le corps n'a pas souf-
fert de lésions irréparables. — Le grand œuvre de la résurrec-
tion. — La Bible, V Évangile, les Actes des ApâtresAes Vies de
Saints relatent plusieurs cas de résurrection miraculeuse. —
Rappel à la vie du sieur Candy, par Leriche, adepte de la phi-
losophie hermétique (1799). — Efficacité de la chaîne magique,
pour le rappel & la vie. — Incubation magnétique. ^^ Prati-
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TABLE D£S MATIÈRES 799
Ptges
ques religieuses et sacrements. — Eliphas Léti rappelle sa .
petite-fille à l'existence (lettre inédite d'Èliphas à M. le Baron
Spédaliéri). r— Rites du - résurrectionnisroe» dans toutes les
grandes religions. — Tradition sacerdotale. — Le pontife
n'entreprendra le miracle qu'à coup sûr. *- Des miracles spon*-
tanés : Lourdes et la Salette ; œuvres personnelles des Saints.
-^ Où l'auteur puise ses informations 580
Cérémonial fort étrange, au lit de mort des papes. — Le rite du
marteau d'argent et du triple appel» — Des superstitions ou
rites éteints. — Reririficatîon religieuse. — Le cycle de
Pierre et le cycle de Jean, — Les clefs du Ciel et de l'Enfer.
— L'heure de la Providence. Appel au Souverain pontife. . . S87
Pour expliquer l'emploi du marteau d'argent» et la cérémonie du
tnple appel, il faut éclaircir deux mystères connexes : l'arcane
kabbalistique du résurrectionnisme, et l'arcane religieux du
jugement des âmes, par N. -S. Jésus-Christ. -> De lamort, con-
çue synthétiquement. — Abmatérialisation posthume. — Di*
vorce entre l'homme psychique qui sur\'it, et l'homme matériel
qui se décompose. — Arrêt des fonctions vitales. — Coïnci-
dence relative de ces phénomènes : exemples. — Si le corps
meurt en détail. — Certaines fonctions corporelles s'exercent
encore quelque temps. —* Base rationnelle de la théorie du
résurrectionnisme 590
Des principes constitutifs de l'homme. — Classification ternaire
et classification septénaire. — Goûph, Nephesh, Roûach et
AVjtcAamaA. — La doctrine kabbalistique et la doctrine hindoue :
essai de conciliation. — Qu'est-ce qui appartient en propre à
l'homme individuel? — L'Esprit, essence illuminative (imper-
sonnelle) et le corps, emprunt fait à la matière terrestre, doi-
vent être écartés ; restent l'âme et le corps astral. — L'&mo
constitue la personnalité vraie ; le corps astral est le moule de
la fausse personnalité. — Comment se forme cette dernière,
dans la matrice du corps astral? — L'alluvion fluidique et
l'apport lémurien. — Fusion des Larves et du corps astral.
— La fausse Psyché doit se dissoudre. — La mort sépare la
personnalité d'emprunt de la personnalité légitime. — Consi-
dérations générales 592
Le divorce entre la vraie et la fausse Psyché. — C'est là ce juge-
ment dont parle l'Écriture. — L'ivraie séparée du bon grain. —
Au tribunal de l'àme collective. — Le confessionnal de Vabime.
— Expulsion des Larves, constitutives de la fausse personna-
lité, ces molécules hétérogènes et peccantes. — Le dépût des
pensers et des volitions. — Les Appendices de Vdme (Basilide). ;>97
Localisations physiologiques. — Par où s'opère, à la mort, la
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800 LA CLEF DE LA MAGIE NOIRE
libération animique et astrale ? — Par le sommet de la tête,
contre-polarité de l'organe génital, par où s'est effectuée Tin-
camation. — Analogie des contraires. — C'est an sommet de
la tète que le cardinal camerlingue frappe trois coups de son
marteau d'argent r>99
Le corps astral pèse sur l'àme tant qu'il ne s'est pas déchargé,
une à une, des Larves de la fausse personnalité. — L'àmo
reste tout ce temps captive du cadavre. — Le sédiment d'illu-
sion se détache aisément des âmes sincères, qui n'aiment que
la Vérité, et sont prêtes k renier le mensonge. — Épreuve fa-
cile ; épreuve terrible, suivant les cas 6uO
Comment se paie la dette des magiciens noirs. — Le pacte média-
nique. — Le piège posthume : influence des cercles mauvais.
— Secours néfastes. — Immortel héritage compromis. — Di-
gression sur les mystères de la sortie en corps astral 60 â
L'àme enfln délivrée du cadavre. — Larves expulsées, Larves du
nimbe. — Toute saignante de son divorce avec la fausse Psyché.
l'Ame s'élance et veut fuir. — Nouvelles épreuves. — Le ver-
tige de l'abîme. — Le coup de la mort. — Le lien sympatlii-
que, qu'il faut briser. — L'assaut des monstres dévorants. —
Suprême angoisse 603
C'est le moment critique ; l'àme succomberait, si elle n'était se-
courue. — Le fleuve Siyz. — La barque de Charon. — L'onde*
stygienne emporte l'àme, vêtue de son corps astral, et enve-
loppée de son nimbe vengeur. — L'empire de l'Érèbe; le gouffre
d'Hécate ou Champ de Proserpine. — C'est le cône d'ombro
de la terre. — La Lune symbolise le Génie des expiations. —
La belle hymne à la Lune, de Saint- Yves. — Le Cerbère éso-
térique; la sentinelle du pur Éther 605
Le cône d'ombre est, suivant les cas, le purgatoire ou l'enfer des
âmes. — Les affres de la seconde Mort. — L'alternative su-
prême: to bee, or not to bee. — La condition A* Élémentaire:
détails émouvants. — Les légionnaires de l'ombre : les mat/-
vais daïmone* de l'orbe magnétique inférieur. — L'apothéose
de la seconde Mort. — Mondifîcation par l'eau ; purification
par le feu. — VAntichtone, ou terre spirituelle de Platon. —
La citadelle ignée. — Une page énigmatique de la Mission des
Juifs 610
Que signifie le Marteau d'argent du cardinal, au lit de mort des
Papes. ^ Pourquoi d'argent ? — L'argent, symbole du génie
lunaire, qui gouverne sur Hereb, et refoule l'àme vers la terre.
— Lune et Soleil : Antagonisme d'influences. — Résurrection-
nisme. — Tentative thaumaturgique. — Sens des trois coups
et du triple appel. — Cardinal vêtu de violet : deuil mitigé
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TABLE DES MATIÈRES 801
Pages
d'espérance. — Improvisation de la chaîne magique. — La
suture crânienne et le trou de Brahma 617
Le subside bénéfique. — D'où vient cette aide, à l'àme désin-
carnée ? — D'ici- bas et de là-haut. — L'âme n'a pas commencé
son purgatoire dans le cône d ombre, que, sur VAntichtone,
sa place est marquée. — Célestes parents sur l'antichtone. —
La Camille se composera-t-elle là-haut des mêmes membres
qu'ici-bas ? — Réponse hypothétique. — Nous ne connaissons
ordinairement d'un homme que sa fausse personnalité. Com-
ment? — Marchandises prohibées du bagage immortel. ^- Le
cadavre de la seconde Mort ; VOmbre, ou la coque inane. —
La plupart des hommes, intimes sur la terre, ne se reconnaî-
tront pas sur Tantichtone. — Exception en faveur des plus
nobles d'entre eux. — Privilège aristocratique des âmes. —
Traditions consolantes. — Le nouveau-né et le nouveau mort.
— La page blanche et les écritures karmiques 622
Dans l'épreuve de la seconde mort, c'est d'ici-bas que doit éma-
ner l'influence décisive, auxiliatrice et libératrice. — Émission
du subside bénéfique. — Le culte des Trépassés. — Les indif-
férents, les athées mêmes, ne s'y montrent pas insensibles. —
Sublime instinct. — Le rôle providentiel de la douleur des
amis et des proches ; de là procède l'auxiliation. — Le céré-
monial funèbre, savante orchestration de la douleur. — Hé-
morragie fluidique, au paroxysme des passions violentes. —
La force perdue dans la douleur est mise à la disposition de
l'âme en peine. ^ Comment ? — Le véhicule intercosmique.
Affinité familiale. -— Loi des trépas sériels. — « Les morts
s'appellent / » 627
Le Culte des Ancêtres, si vivace en Extrême-Orient. — La guerre
des jésuites et des dominicains en Chine, à ce sujet. — Dans
quelles conditions devient possible la communion des hom-
mes avec les citoyens de l'Antichtone, et les âmes glorifiées
de la Citadelle Solaire ? — Déformations exotériques du culte
des ancêtres. — La caractéristique des superstitions, c'est de
grimacer dans l'outrance. — Les adeptes de la magie noire,
pour décupler l'émission dynamique, en faveur des trépassés,
mêlent le sang aux larmes, la douleur physique au chagrin
moral. — Incisions et tatouages funèbres. — Un texte incom-
pris du Lévitique. — Le pacte hiéroglyphique au vif de la
chair humaine. — La coupe du Vampirisme 630
Accomplir des rites sanglants sur une tombe, c'est suggérer à
l'âme en peine de se faire Vampire. — Crime posthume. —
Le livre de Schertz et l'ouvrage du Père Calmet. — Les Vam-
pires incarnés. — Maladie posthume ; cas avérés. — La Spec-
51
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!
802 LA CUF OE LA MAGIE NOIRE
iropathie du Dr Calmeil, — Pausanias parle des Vampires. »
Le spectre-assassin. — Cadavres crottés ; texte curieux de Dom
Calmet. — Le poulpe embusqué dans la fosse. — Tumuiam
eircumvolat umbra ! — Vampirisme à Mycone. — Glaives
fixés, la pointe en l'air, sur la sépulture des Vampires. Pour-
quoi ? — Vampirisme anticipé : VÈlixir de Vie de Jules Ler-
mina. — Perpétuer la vie» et non la mort. — L'ffermippus re-
divivus de Cohausen. — Recette mirifique 636
Encore le Cuite des ancêtres. — Pratiques de la Nécromancie.
-^ Évoquer les morts... Qu'eniendons-nons par là? — Malen-
tendu à éviter. — Quels êtres répondent aux appels du nécro-
mancien ? — Les conditions ne sont plus ce qu'elles étaient.
— Les religions unitaires. — Rapports intercosmiques, faciles
autrefois. -> Thaumaturgie des anciens temples. — Double
point de vue. — Les deux torrents, le chaos et l'échelle de Ja-
cob. — Sublimes réalités. — La synthèse. — Le fruit de la
Connaissance et le ver rongeur de l'Antagonisme. — Règne du
Binaire impur. — Les Portes de la naissance et de la mort.
— Fonctions troublées. — Telles pratiquables issues se sont
fermées. — Le point mort. — Abolition des sanctuaires fémi-
nins, où les femmes apprenaient l'art d'évoquer à la vie des
âmes de leur choix. — La splendeur thaumaturgique du culte
ancestral appartient au passé 645
Présentement, les pratiques de la nécromancie ressortissent à la
Magie noire. — Tentatives téméraires ; efforts isolés... ^ Mys-
tères de la médianité. — Apparitions et manifestations diver-
ses. — Dénombrement des êtres susceptibles de répondre à
rappel nécromantique. — Rôle néfaste des Élémentaires. —
Rareté des manifestations supérieures 6.nâ
Le Voyage cosmique des âmes. — Dogme orphique et pythago-
ricien. — Vérité une ; Symboles multiples. — Manteau sacer-
dotal taillé dans la riche étoffe des mystères antiques. — La
Gnose; erreurs et vérités du gnosticisme. — Pourquoi l'Église
catholique a condamné ces tendances — L'ivraie et le bon
grain. ^ L'heure de la Providence. — Gnosticisme de l'avenir.
— Les hérésies des premiers siècles.— Rénovations ésotériques.
La gloire de Manès ; ses vertus et ses fautes. — Mauvaise in-
terprétation de sa doctrine. — Le Symbolisme profond de
Manès, relatif au Voyage cosmique des âmes. -^ La roue aux
douze vases, ou la machine du salut. — Lune et Soleil, Amour
et Sagesse, ^ Phases lunaires ; La lune, pleine d'âmes, se vide
dans le Soleil. — Les deux vaisseaux de l'Éther. — La réin-
tégration. — Colonne de gloire et de lumière. — Analogies avec
le Druldisme : la ci té de Gwyon. — Unité ésotérique du dogme. 657
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TABLE DES MATIÈRES 803
Chapitre VIL — MAGIE DES TRANSMUTATIONS
Ptgei
Après remblëme de la mort, le Tarot nous présente celui des
métamorphoses. — XI V« clef, la Tempérance (mention fautive).
— L'ange solaire, tenant un vase de chaque main, verse le con-
tenu de Tune dans l'autre. — Le vase change, la liqueur
reste la même 665
Les métamorphoses sont apparentes : elles n'atteignent pas l'es-
sence. — De l'essence et des essences. — Modifications intûs
et extra. — Être, exister, — Toute chose sensible existe sans
être, car elle devient. — Toute métamorphose est le passage
d'un mode illusoire & un autre mode d'illusion. — Unanimité
des écoles mystiques, à cet égard 666
Ce chapitre doit se borner à l'examen de quelques exemples de
transmutations. — Métamorphoses objectives. — Métamorpho-
ses mixtes (phénomènes fluidiques). — Nous examinerons un
cas de transmutation dans chacun des règnes de la Nature :
Lycanthropie [règne animal), — Paltngénéste (règne végétal),
— Chrysopée (règne minéral). — L'étude de la Chrysopée for-
mera un précis à part de Science hermétique, qui clora tout
ensemble et ce chapitre et ce volume 668
Métamorphoses animales. — L'énigme de la Lycanthropie fait le
pendant de celle, déjà étudiée, du Vampirisme. — Le loup-
garou, sorcier vivant, qui dort dans son lit ; le lycanthrope, sor-
cier mort, qui végète en sa tombe. — L'analogie se poursuit
dans les moindres détails. — Larcin de force vitale.— Assauts
sanglants ou non sanglants du spectre-assassin. — Contrefaçons
pathologiques du Lycanthrope. — Lycanthropie naturelle, et
Lycanthropie diabolique. « Hypothèses des « hommes de l'art ».
La question des pommades magiques. — Les trois onguents,
selon Jean de Nynauid. — La pommade du Sabbat, et celle de
l'erraticité lycanthropique. — Théories curieuses de Nynauid.
— La théorie hermétique du Loup-garou, selon Éliphas Lévi, 671
De la répercussion traumatique, dans les cas de Lycanthropie. —
Le corps du sorcier est blessé des coups qui atteignent sa lar\'e
astrale. — Certitude des phénomènes répercussifs. — Les
médiums matérialisant en savent quelque chose. — Expérien-
ces décisives de Rochas. — Ce qu'il y a devrai dans les contes
de Lycanthropie, au sujet de la répercussion. — Exemples.
— Le charme détruit, par V effusion du sang du Charmeur.
— Telramund et Lohengrin 677
Du pseudomorphisme spectral, chez le Loup-garou. — Nabucho-
donosor et les compagnons d'Ulysse, etc. — Comment le corps
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80i LA CLEF DE LA MAGIE NOIRE
fluidique peut-il se modeler à des ressemblances animales ? —
L'homme, synthèse de ranimalité. — Formes animales diver-
gentes. — Le type humain réside au point central d'équilibre.
— Métamorphoses de déviation, vers les formes outrancières
de l'animalité. — Transmutations passagères, ou durables, —
Le mystère des physionomies révélatrices. — Théorie occulte
de la bilocation pseudomorphique O^i
Fait de Lycanthropie, très curieux, rapporté par M. Bojanoo,
— Mort de la lanterne. — La femme et le chien. ^ Sympathies
et antipathies de l'homme à l'animal. — Le nagualisme. . . . 684
Métamorphoses végétales. — La Palingénésie ou le Phénix
végétaL — Le fantôme d'une rose sortant des cendres d'un
rosier. — Lessive d'orties, exposée au froid : la glace, en se
prenant, garde l'empreinte des feuilles d'orties. — Opinions de
Uaffarel, — Improvisations cristallines de la froidure. — Ar-
borescences et feuilles de fougère sur les vitres, par la gelée.
— Cristallisations pseudo-végétales : guirlandes de seU grim-
pants» — Arbres métalliques de Diane Qtde Saturne, etc., tous
groupements moléculaires à formes végétales. — Hiéroglyphes
divers, obtenus en refroidissant certaines substances liqué-
fiées. ~ Signatures spontanées des Larves, sur la grenaille de
plomb : elles dénoncent les maléfices. — Procédés tradition-
nels des sorciers guérisseurs. — Une anecdote contée par
Bodin, — Témoignage du naturaliste Guy de la Brosse, tou-
chant le phénomène de la palingénésie 688
Abandon regrettable de ce genre de recherches, banales aux siè-
cles précédents. — Le terme de Palingénésie, familier aux
écrivains du xvm® siècle. — Charles Bonnet et Pierre-Simon
Ballanche. — Le corps sidéral des plantes. — Manifestation
des fantômes végétaux. — Préparation détaillée du Phénix
végétal, d'après le Grand Livre de la Nature, ou V Apocalypse
hermétique. — Les cendres de Mausole. — Théories parfois
hasardées de Jacques GaffareL — La Mumie de ParaceUe. . . 693
Talismans d'invisibilité. — L'anneau de Gygès. — Le Comte de
Gabalis : «je va me rendre invisible... » — Des hallucinations
négatives 699
PRÉCIS D'ALCHIMIE. — Métamorphoses minérales. ^ L'art de
la Chrysopée. — Considérations générales. — L'or artificiel
et les savants. — Intransigeance du dogmatisme scientifique,
de nos jours. — La synthèse de l'or est possible, puisque la
Nature le produit 703
L'art transmutatoire est une réalité du passé. — L'alchimie des
sanctuaires. — Trésors sacerdotaux. ^ Raymond Lulle, à la
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TABLE DES MATIÈRES 805
Pages
tour de Londres : origine des raymondines ou des nobles à la
rose. — Nicolas Flatnel. — La pierre philosophale, aux mains
des adversaires de l'alchimie : Bérigard de Pise, Helvétius et
Van Helmont, — Transmutations de l'émissaire Lascaris . . • 70b
Les arcanes hermétiques, défendus par un rempart de symboles.
Contradictions apparentes des Maîtres. — Pourquoi nous se-
rons explicite. — L'Unité de substance et la chimère des pré-
tendus corps simples. — Grandeurs et misères de la science
contemporaine. — Étude minutieuse des «écorces». — La
science du caput mortuum universel. — L'&me minérale
échappe aux modernes. — Les vieux alchimistes travaillaient
sur la matière vivante ; nous manipulons des cadavres. — Bio-
génie minérale 707
Le Credo alchimique. ^- Unité substantielle, sous la multiplicité
phénoménale. — Les trois principes et les quatre éléments.
— Soufre, Mercure et Sel : Aôd, aôb, aôr. — Définitions de
principes, d'après Jean Fabre, de Montpellier. — L'énergie
réalisatrice des corps ; ses trois aspects. — Les 3 principes,
envisagés séparément, se réduisent à de pures abstractions.
— Le point de vue métaphysique, et le point de vue pratique.
— Génération des mixtes, à travers les 4 éléments 7i0
La nature métallique est une. — Les métaux sont fruits de ma-
turité plus 6u moins avancée, sur l'arbre métallogène. — Les
métaux imparfaits équivalent k des fruits point mûrs. — La
pierre philosophale est le ferment susceptible de porter à ma-
turité ces fruits aigres, et détachés avant terme de la vie de
croissance. -^ Tout l'œuvre réside dans l'élaboration du fer-
ment, soit au blanc, soitau rouge. — L'art d'Hermès, d'après
Éliphas Lévi 715
Sommaire des travaux du grand œuvre : quatre divisions. —
I. Opérations préliminaires — Préparation de l'Azoth des
Sages. — Sublimation mystérieuse. — L'Acier des philosophes
et leur aimant. — Le dissolvant des métaux. — « Réincruda-
tion » de l'or et de l'argent. — Rébis. — II. Vœuvre propre-
ment dit. — Libération du Soleil vif et de la Lune vive. -^
Le Roi et la Reine, dont les noces produiront l'Enfant royal.
— Le Soufre et le Mercure métallogènes se marient. — Les
deux ferments. — Rien autre que Rébis ne doit être enfermé
dans l'œuf et soumis au régime gradué de l'athanor. — Phé-
nomènes successifs dans l'œuf. — Les couleurs. — La pierre
philosophale. — III. Multiplication de la pierre. — Deux pro-
cédés.— IV. Projection. — Transmutation métallique .... 717
Commentaires. — Toute la difficulté réside aux travaux prépara-
toires. — Le reste, jeu d'enfants et de femmes. — Le Mercure
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8(K> LA CLEF DE LA MAGIE NOIRE
des Sages. — La matière première : magnésie, marcassite, ou
minière des philosophes. — V Acier des philosophes peat seal
dégager Mercure de ses liens. — Pour se procurer cet Acier,
il faut l'attirer au moyen de leur Aimant» — L'électricité et la
pile. — Le magnétisme est-il employé en alchimie? *- Objecti-
vations du protyle. — Les aigles volantes de Philaléthe. — Deux
textes décisifs de cet adepte. — L'Ammonium et le Mercure
des Sages. — Hypothèse et analogie. — Le « raenstrue végé-
table ». — Le père^ la mère et l'enfant. — Le batn du roi et
de la reine. — Le grand et le petit magistère. <— Pour le grand
magistère, il faut travailler sur l'or et TAzoth ; pour le petit, sur
l'argent et l'Azoth. — L'or et l'argent réincrudés donnent les
deux ferments, soufre et mercure. — Pourquoi tels maîtres
conseillent de prendre or, argent et Azoth pour le grand ma-
gistère, quand or et Azoth suffiraient. ^ Congélation de B^is, 72 ( '
Le véritable Athanor; sa description (il. Poisson), — Bain de
sable ou bain-marie ? — Ualudel et la circulation des esprits. |
— La distillation de soi sur soi. — > Regimen ignis, — Le •feu
secret » ; confusions et malentendu sur ce point. — Le charbon
de terre et les souffleurs 730
Calcination de l'œuf. — Alternatives de volatilisation et de fixa-
tion, de déliquescence et d'aridité. — Régime de Mercure. — '
Régime de Saturne: la « tète de corbeau • et le « nigrumni-
gro nigrius ». ^ Régime de Jupiter. Les « colombes de
Diane > annoncent la blancheur. *- Régime de Diane : la
« Pierre au blanc ». — En quoi diffère la pierre transmuta- i
toire au blanc, dans les deux magistères : identique en acte,
elle est dissemblable en puissance. — Continuation de l'œuvre.
Régime de Vénus. — Régime de Mars : la « queue du paon » '
et r c écharpe d'Iris ». — Régime du Soleil : la pierre philo-
sophale obtenue. — Ses propriétés physiques. — Sa puissance 734
Les deux méthodes de multiplication de la pierre. — « Mare tin-
gerem, si mercurius esset. » — La poudre de projection, —
La boulette de cire. -— La vraie Lune fixe. — Un métalloïde
inconnu ? — La Médecine universelle 736
Le problème de Vffomunculus, -^ Séduisante chimère. -^ L'idole
de Moloch. — Animation artificielle d'une mandragore. — Su-
prêmes turpitudes de la science déviée à gauche. — Obscénité
des sorciers hébreux, d'après le savant raàbi Moses 739
Apologie des grands adeptes de la science dUermès. — L'apos-
tolat hermétique. — Les grands adeptes ont-ils thésaurisé ? —
La Chrysopée extérieure et la Chrysopée interne. — « Petra
autem erat Christus . • 74!
Post-scriptum ^. . 743
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TABLE DES GRAVURES 807
Pages
Appendice
I . Le corps causal, d'après la théosophie védan fine, par Paul Sédir 745
\\. Un supplice étrange en Extrême- Orient, par A . de Pouvourville 748
Bibliographie. Catalogue des ouvrages cités en ce tome 751
Table des matiârbs 769
Table des gravures 807
TABLE DES GRAVURES
Frontispice : Le Pentacle de Trithème, reconstitué par M. Oswald
Wirth, sur la description qu'en donne Éliphas Lévi (d'après un
exemplaire manuscrit du Traité des Causes secondes de Tri-
thème, de la bibliothèque de M. le Comte Branitzki) i
Schéma de la Constitution de V Homme (Cf. Fabre d'Olivet). . . 81
Variante du pentacle de Trithème, dessiné par M. Wirth, sur un
croquis de la main d'Éliphas, relevé dans une de ses lettres à
M. le baron Spédaliéri 92
La Justice (huitième clef du Tarot), dessin de M. Wirth 98
UEau et le Feu : antagonisme nuptial des contraires (Symbole
hindou, recueilli par Malfatti de Montereggio) 116
U Ermite (neuvième clef du Tarot), dessin de M. Wirth .... 154
En tHtutepour le Sabbat (reproduction phototypique de deux bois
fort étranges du xve siècle, extraits du de Lamiis d'Urich Mo-
litor, 1495, in-4). Sorciers en forme humaine et en forme ani-,
maie, l'un monté sur un loup, les autres à cheval sur le légen-
daire manche à balai. — Gravures curieuses et d'une exécu-
tion tout à fait naïve et première 158
Le p'ur b% lance thibétaine dont se servent les lamas pour dis-
soudre les Larves et chasser les mauvais esprits (Phototypie) . 179
U Sabbaty d'après Pierre de Lancre. (Reproduction phototypique
d'une planche intéressante et qui fait défaut daus presque tous
les exemplaires du Tableau de V Inconstance. Paris, 1612 ou
16ia, in-4) 196
La Roue de fortune (dixième clef du Tarot), dessin de M. Wirth. 232
Schéma de la polarisation cérébro^génitale de VAndrogyne hu-
main 244
Second schéma de la polarisation androgynique 248
Les trois Parques tissant l* Avenir : Providence, Volonté, Destin.
(Reproduction phototypique d'une composition originale, si-
gnée de l'abbé Constant (Éliphas Lévi). — Extrait d'un an-
cien manuscrit des Clavicules de Salomon, intitulé : le Secret
den Secrets, Ce mss. a appartenu à Éliphas, qui l'a orné de nom-
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808 LA CLEF BE LA MAGIE NOIRE
breases compositions à Taquarelle et de dessins à la sanguine). 253
La Force (onzième clef dli Tarot), dessin de M. Wirth 336
Le bon el le mauvais Pentagramme (rhomme et la tête de bouc). 387
L*Étoile brillante du Macrocosme et VÉioile flamboyante du Mi^
crocosme, (d'après la description de Paracelse) 423
Z^ Pendu (douzième clef du Tarot), dessin de M. Wirth. .... 474
Le Pacte: Schémata diabolica. (Reproduction phototypique d'une
composition originale, signée d'Éliphas. — Extrait du même
manuscrit des Clavicules, dont nous avons parlé) 347
La Mort (treizième clef du Tarot), dessin de M. Wirth 564
Le cône d'ombre et la voie lumineuse (Schéma cosmique relatif
aux conditions posthumes de Tàme) 610
La Montagne des douleurs (dessin original à la plume de l'abbé
Constant, extrait d'un manuscrit inédit du maître, la Sagesse
des Anciens), 1874, in-4. -^ « Voici les quelques lignes, de la
plume d'Éliphas, qui commentent cette composition : c Les ré-
prouvés, entassés en montagne de douleur, gravissent les uns
sur les autres pour sucer les mamelles stériles de la Mort, qui
les repousse en découvrant son front où flamboie le mot ter-
rible et ineffaçable : Éternité i Cette fiction épouvantable est
la mise en scène hyperbolique de l'étemelle opposition qui
doit exister entre le bien et le mal. ») 612
La seconde Mort (treizième clef d'un ancien Tarot. Estampe fort
singulière) 615
La Tempérance (quatorzième clef du Tarot), dessin de M. Wirth 664
Le Grand Androgyne alchimique (esquisse au trait d'une admira-
ble miniature, fantastique et symbolique ; extrait du Liure de
la Saincte Trinité, mss. d'alchimie du commencement du xvii«
siècle, 1 fort vol. grand in-folio, calligraphié, avec 25 grandes
miniatures sur peau de vélin, & pleine page, d'un art savoureux
et naïf, et d'une fraîcheur exceptionnelle) 70S
Hébis, les deux élixirs et le septénaire de la nature métallique.
(Reproduction phototypique de trois figures sur bois, très cu-
rieuses, extraites des Douze Clefs de Philosophie du frère Ba-
sile Valentin. — Paris, 1659, în-12, fîg.) 730
La Sirène et les deux sources de la nature métallique; le Com^
post philosophai ou stase de la corruption (Reproduction pho-
totypique de deux autres bois étranges du même ouvrage) . . 7^(4
FIN DE LA CLEF DE LA MAGIE NOIRE
DIJON^ IMPRIMERIE DARANTIERE, 65, RUE CHABOT-CHAR NT.
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GHÂHUEIî, Kditsvr, 5, rug ue Savoie, I'akis
StanitUl de Gaaita. — Essais de Sciences Maudites. Au
**'viidxi Mystère, 4*éditioû, 189:i. Vol. ia-8de ^36 p. av^e
planche.^: 6 r. -
— Le Serpent de la Genèse. — I. ^e Temple de Safan.^' ->*
de 532 p. oraé de nûiiibren^es gravures 15 ^ •
— La Muse noire, —'Heures de Soleil. Poésies, 4883.
Vol. in-12 3 fr. .
— Rosa MyaUra. Poèmes, avec une^ préface sur la poésie
française, 1883. Vol. in 12 . . ." ." 3 fr. »
£lipha« LéTi. — Le Catéchitnie de fa PaU\ Œuvre pos-
thume Vol. in-8 carré 4 fr. •
— Le Livre des Splendeurs. Œuvre posthume'. Vol. iii-8
carré 7 fr. «
— Le Oi'aud Aveane ou fO'^cultisme dévoilé. Œuvre po>-
thume. Vol. in-8 carié 10 fr. •
BarltC. — Essai sur r Évolution de r/dée. Vol. in 18
Jésus avec.ilg 8 fr. 50
— Essai d'instruction tHiégraie. — Instruction primaire -
Vol. in-18 Jésus de 350 p 4 fr. -
— PriMpes de socinlof/fe synthétique. Brtirh. ia-i^ '}ésns. i fr.
— Essai de chimie synthétique. Broch. rn-i8 j-'-us. , ■ 75
P^pas. — Trhitè . élémentaire de Science occ .Vol.
in-18 Jésus (souy presse) . . 5 fr. ■
— Traité élémentaire, de Mayie pralitfue. Voî 8 raisin
de 350 p. avec gravures, planches et table*' c . . 12 fr. •
— La Maqie et l'Hypnose. Volume in-8 carré oniê de
gi 10 fr. V
— iVti. mJîS de Posqually. Vol. in-18 jéstis. .... 4 fr. '
— Pi -o/» entoùterf %tOi:\\. iiî-18 jésus ..... 1 fr. •
— La Science des Mages. Brocli. in-18 jésus .... •> 50
A. de Rochas. — Les États superficiels de VHypnos*',
Vol. in-8 carré avec dessins 2 fr. 50
— Les Etats profonds de V Hypnose. Vol. in-8 carré. . 2 fr. 50
— EjAériorisation de la Sensibilité. Vol. in-8 carré avec ,
olanches en couleurs». • . ^ 7 fr.
— E^dtériorisafion de la Motricité, Vol. in-8 carré avec
planche-} hors texte 8 fr.
P. Sédtr. — Les Tempéraments et la culture psychique.
Brocli. m-18 jésus • 1 fr. r
— Les Miroirs Magiques. Broch. in-18 jésus. ... 1 fr. •
— Les Incantations Vol. in-18 jésus avec dessins. . . 3 fr. »
Marc Ha^n. — La Vie et les Œuvres de Maître Arnaud
de Villeneuve. Vol. in-4 couronne 5 fr. >
Pi>ti6 Sophia. — Traduction do E. \MELiNEAr. Vol. in-S
carré . ^ . . . : , 7 Jt, 50
Lamière d'Egypte. — Vol. in-4<> avec Qjandies ... 7 fr. 50
IMPUIMKHIE I)All.%VTiRKK.
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Goo^e
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WAÏ 3- '353
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