Skip to main content

Full text of "Essai sur cette question: quand et comment l'Amérique a-t-elle été peuplée d'hommes et d'animaux?"

See other formats


Google 



This is a digital copy of a book that was preserved for generations on library shelves before it was carefully scanned by Google as part of a project 

to make the world's books discoverable online. 

It has survived long enough for the copyright to expire and the book to enter the public domain. A public domain book is one that was never subject 

to copyright or whose legal copyright term has expired. Whether a book is in the public domain may vary country to country. Public domain books 

are our gateways to the past, representing a wealth of history, culture and knowledge that's often difficult to discover. 

Marks, notations and other maiginalia present in the original volume will appear in this file - a reminder of this book's long journey from the 

publisher to a library and finally to you. 

Usage guidelines 

Google is proud to partner with libraries to digitize public domain materials and make them widely accessible. Public domain books belong to the 
public and we are merely their custodians. Nevertheless, this work is expensive, so in order to keep providing tliis resource, we liave taken steps to 
prevent abuse by commercial parties, including placing technical restrictions on automated querying. 
We also ask that you: 

+ Make non-commercial use of the files We designed Google Book Search for use by individuals, and we request that you use these files for 
personal, non-commercial purposes. 

+ Refrain fivm automated querying Do not send automated queries of any sort to Google's system: If you are conducting research on machine 
translation, optical character recognition or other areas where access to a large amount of text is helpful, please contact us. We encourage the 
use of public domain materials for these purposes and may be able to help. 

+ Maintain attributionTht GoogXt "watermark" you see on each file is essential for in forming people about this project and helping them find 
additional materials through Google Book Search. Please do not remove it. 

+ Keep it legal Whatever your use, remember that you are responsible for ensuring that what you are doing is legal. Do not assume that just 
because we believe a book is in the public domain for users in the United States, that the work is also in the public domain for users in other 
countries. Whether a book is still in copyright varies from country to country, and we can't offer guidance on whether any specific use of 
any specific book is allowed. Please do not assume that a book's appearance in Google Book Search means it can be used in any manner 
anywhere in the world. Copyright infringement liabili^ can be quite severe. 

About Google Book Search 

Google's mission is to organize the world's information and to make it universally accessible and useful. Google Book Search helps readers 
discover the world's books while helping authors and publishers reach new audiences. You can search through the full text of this book on the web 

at |http: //books .google .com/I 



Google 



A propos de ce livre 

Ccci est unc copic num^rique d'un ouvrage conserve depuis des generations dans les rayonnages d'unc bibliothi^uc avant d'fitrc numdrisd avoc 

pr&aution par Google dans le cadre d'un projet visant ii permettre aux intemautes de d&ouvrir I'ensemble du patrimoine littdraire mondial en 

ligne. 

Ce livre etant relativement ancien, il n'est plus protege par la loi sur les droits d'auteur et appartient ii present au domaine public. L' expression 

"appartenir au domaine public" signifle que le livre en question n'a jamais ^t^ soumis aux droits d'auteur ou que ses droits l^gaux sont arrivds & 

expiration. Les conditions requises pour qu'un livre tombc dans le domaine public peuvent varier d'un pays ii I'autre. Les livres libres de droit sont 

autant de liens avec le pass^. lis sont les t^moins de la richcssc dc notrc histoire, de notre patrimoine culturel et de la connaissance humaine ct sont 

trop souvent difRcilement accessibles au public. 

Les notes de bas de page et autres annotations en maige du texte pr^sentes dans le volume original sont reprises dans ce flchier, comme un souvenir 

du long chemin parcouru par I'ouvrage depuis la maison d'Mition en passant par la bibliothi^ue pour finalement se retrouver entre vos mains. 

Consignes d 'utilisation 

Google est fler de travailler en parienariat avec des biblioth&jues a la num^risaiion des ouvragcs apparienani au domaine public ci de les rendrc 
ainsi accessibles h tous. Ces livres sont en effet la propriety de tons et de toutes et nous sommes tout simplement les gardiens de ce patrimoine. 
D s'agit toutefois d'un projet coflteux. Par cons6juent et en vue de poursuivre la diffusion de ces ressources in^puisables, nous avons pris les 
dispositions n&essaires afin de pr^venir les ^ventuels abus auxquels pourraient se livrcr des sites marchands tiers, notamment en instaurant des 
contraintes techniques relatives aux requfites automatisdes. 
Nous vous demandons ^galement de: 

+ Ne pas utiliser lesfichiers & des fins commerciales Nous avons congu le programme Google Recherche de Livres ^ I'usage des particuliers. 
Nous vous demandons done d'utiliser uniquement ces flchiers ^ des fins personnelles. lis ne sauraient en effet Stre employes dans un 
quelconque but commercial. 

+ Ne pas proc^der & des requites automatisees N'envoyez aucune requite automatisfe quelle qu'elle soit au syst^me Google. Si vous effectuez 
des recherches concemant les logiciels de traduction, la reconnaissance optique de caractferes ou tout autre domaine n&essitant de disposer 
d'importantes quantit^s de texte, n'h^sitez pas ^ nous contacter. Nous encourageons pour la realisation de ce type de travaux I'utilisation des 
ouvrages et documents appartenant au domaine public et serious heureux de vous etre utile. 

+ Ne pas supprimerV attribution Le flligrane Google contenu dans chaque flchier est indispensable pour informer les intemautes de notre projet 
et leur permettre d'accMer h davantage de documents par I'intermediaire du Programme Google Recherche de Livres. Ne le supprimez en 
aucun cas. 

+ Rester dans la Ugaliti Quelle que soit I'utilisation que vous comptez faire des flchiers, n'oubliez pas qu'il est de votre responsabilitd de 
veiller h respecter la loi. Si un ouvrage appartient au domaine public americain, n'en d^duisez pas pour autant qu'il en va de m£me dans 
les autres pays. La dur^e legale des droits d'auteur d'un livre varie d'un pays ^ I'autre. Nous ne sommes done pas en mesure de rdpertorier 
les ouvrages dont I'utilisation est autorisee et ceux dont elle ne Test pas. Ne croyez pas que le simple fait d'afflcher un livre sur Google 
Recherche de Livres signifle que celui-ci pent etre utilise de quelque fa§on que ce soit dans le monde entier. La condamnation h laquelle vous 
vous exposeriez en cas de violation des droits d'auteur pcut £tre s6vtre. 

A propos du service Google Recherche de Livres 

En favorisant la recherche et Facets ^ un nombre croissant de livres disponibles dans de nombreuses langues, dont le frangais, Google souhaite 
contribuer h promouvoir la diversite culturelle gr§ce ^ Google Recherche de Livres. En effet, le Programme Google Recherche de Livres permet 
aux intemautes de decouvrir le patrimoine litteraire mondial, tout en aidant les auteurs et les editeurs ^ eiargir leur public. Vous pouvez effectuer 
des recherches en ligne dans le texte integral de cet ouvrage h I'adresse fhttp: //books .google . coinl 



,/?- c . /z 






ESS A I 

SUR CETTE (QUESTION: 
QUAND ET COMMENT 

L'AME RIQ.UE 

A-T-ELLE ETk PEUPLEE 

D'HOMMES ET D'JNIMJUXf 

Par E. B. d'E. 

TOMS SlUAT RIIME. 






'<cm> 



A AMSTHK DAM, 

Cim MAKC MICHEL RET, 

MD C C LXrl L 



Suite de h fecondef Partfe. . Tome IV. 

• L I VK% S E P T I EM E. *" 

Examen de THiilolre andeiiDe & de la Cfaro* 
nologie des Egypcieos , des Ecbtopfens , des 
A(ryriens.& des autres Peuples Orieotaurv 

Chapitke I. CridibilM de Plliftoire anciemte 
desEgyptiens. Page X 

I II. LEgypt& a iUpeupUe auant k-r. 

diluge : Et de Vancierme mefure du temps. . 7 
IIL Hifiifire am^diluffienne des 



Egyptiens defcendans deCatn. 16 

■■ IV. AntiquiUdes P.yramides. 21 

V. Hijioire des Egyptiens immi- 



diatemeni apris k diluge, (^ celk d^OJi- 
ris. 1$ 

Vl. Si Pon admet Ptmiverfdliti du 



deluge^ ce qu'il y a d^plus certain dans 
r Hijioire Egyptienne eft inexplicabk. 34 

— ■ VII, Fragment 6? g^alogie de 
Sancbotnatbon, ^^ 47 

- VIII. Des Etbiopiens. Difpute eth 
tre ks Egyptiens 6? ks Etbiopiensfur leur 
antiquitS. Ce qu'en difent Diodare de Sicik . 
fif divers Auteurs. 55 

I IX. Des Amazones Afriquaines,^ ._ 64 

X. Les, Eibiopiem ne defcendent 



pas de Chus, .66 

XL Les Epbiopierunefmtpas vne: 



cohnie d'lnJiens, . (jg 

XII. Les Ethiopiens ont iti tris^. 



renommis pour kur fagejje 6f /w <wifi- 

: .:■ '■■■■'■ ♦ 3 



CHAPixg^ XIII. OriginedesNegres^u&bia-' 
' piens'Sims. * 75 

, XVT. La z6netorride n'ejl point 

eraUremera iiabit^e par des Nigres , S* ^« 
Bland ne devkfinerU jamais fmblables aux 
EgjpiiinS'Sims. 77 

■ _ I XV. Le dimat ne firoduit point- 
lei caraSeres diJiinQ0 des Etbiopiens-Si- 
mes ou v'Mtables Nigres, Lauteur de Us 
yinuS'PbyJique rifuti. 82 

XVJ. SyJiSm^ d'un Anmyme fur 



rorigine des N6gres^ enpartie apprmvL Z6 
XVII. Obfefvations (f fyjl^me de 



M. Mitcbelfur la couleur des Nigres. 5(6 
XVIII. Caufe de la couleur bazO" 



fUe^jaundtre ou cuvorie^ de divers peu- 
pies. .94. 

XIX. La noirceur fip les autres' 



caraSeres diftinSifs des NigresSimes vien" 
nent d'une caufe fumatureUe g? de la ma- 
kdlQion que Dieu pronotifa contre Cain, 
dom les lUigresfont defcendus, g$ 

XX. Obje&ions propofies (f rifu^ 



ties de fnaniere d confirmer lefyjlime de la 
vraie origine des NigresSimes. 105 

XXI. Cbrofiologie des Bdbyloniens 



& des Affy^i^s ; fon incertitude, 1 1 1 

XXII. Ctijias difendu : fm auto* 



rit6 ejl pri fir able h ceJle d'Hirodote. i2iy 
XXIII Obfervations fur ce que 



les Auteurs de VHifioire UniverfeUe d^ent 
des Babyloniens, I2S 

XXIV. j^^Jurfondateur de IdviL 



le de Ninive fif du Royaume d'Affyrie. 134, 

ESSAI 



ChAwtre XXV. Nimbrod fonda le Royau- 
me de Bahyhne. 149 

. XXV. Epoque de la difperjiorf du 

genre bumain. 143 

,, XXVII. mjloire de Ninus & de 

Simiramis. Confirtnation du cakul H^breu. 

15s 
■■ I ■ XXVIII. Ce que Us jijjyriens & 

les Bdbyloniens difent du ddluge, (f des 

temps q;ui VM pr6cid6. i6g 

■ ■..; XXIX. Des Scythes. 177 

• XXX. Des Indes. igi 

■ XXXI. Des Araes £f des Pbi^ 
mciens. 184 

LIVRE HUITIEME. 
Ilidoire des Chioois. 

Chapitrb I. Autenticiti de PHiftoire des Cbi* 

mis. ObjeSiohs £f Ripmjes. Page 188 
I II. Ce que c*eji que les cordelettes 

Cbinoifes. r 226 

m ■ III. RicapituUUion des preuves qui 

itdbligent Fautbenticit^ de VHiJhire Cbi. 

noife. 23^ 

IV. Diffirens calculs des AuUurs 



Cbinois pour fixer le rigne d'Yao, 242 

V. M. Frent rejeite malapropos 



la Cbronelogie de Ssi-ma- cmang pmrfui- 
vre le Tsou-cbou aufujet d*Tao. 244. 

VI. Diverfes epinions des Cbrma- 



logijies Cbinois fur Yaa* 2sz 

■- VII. Hiftoire Cbinoifc jufqu'i, 
Febi. 2S6 



Chafitm yill. Explication des fabks ^ 
traditions Chimtjiis, . 25 j 

^. " IX. Fmrquri on atdebi d^abr^g^ 

laChronologie Cbinoife, , 2(5^ 

'1 X. Les cinq gMrathns qui m 

pricid^ Fobifofa ant^iluviennes. . . 280 

- XL L*Hiftoire ancienne ff la 
CbfonoU^ie des Cbinois font inexplicables 
en fuptiqfant runiverfaliti du diluge, M 
Puonku , fji Fobi , ni ICao ne peuvent itre 
Noi. y „ .283 

■ XII. Puotfiku ejl jidam. 288 

XIII. Rifutatipn des raifens qu'on^ 



allegue pour montrer que Fobi ejl Noii. %92 
■ I XIV. Le deluge ejl arrive fous 

Too, y ... ' ." 307 

XV. Les Cbinois defcenient d^A- 



lei auffl bien que les Scytbei: 3 1 7 

XVI Les Cbinois ne fauroient 



defcendre rii de Sem ni de Japbet. 330 

XVII. Confirmation dece qui a iti 



expofi ci'deJJuSj £f examen des opinions 
de M. de CuigMs dans Jon Hijioire des 

Hurts. ' . ;■'•■ ; :*"^^^"334 

XVllVRefumi de tout ce qui a 



iti expofi ci-dejjus de la Cbronologie Cbi^ 
noije (f de h non-univerfqUU du t)iluge^ 

. . - ■' ■ ■■ '\ ■ ■ • y 343 

XIX. Famine extraordinaire dopt 



I'HiJlsirt Ctmoifefmt menthri. 352 




ESSAI 



E S S A I 

SUR CETTE QUESTION: 
QJJJNT ET COMMENT 

L'AMERIQUE 



I / 



A-T'ELLE ETE PEUPLEE 
D'HOMMES ETD'^NIMJUXl 

Suite de la feconde Partie. 



LIVRE SEPTIEME. 

Examn de THifioire ancienne ^ de la 
Chronologie des Egyptiens , des EthiO' 
pens , des AJJyriens ^ des autres 
Peuples Orientaux. 

CHAPITRE L 

Cridibiliti de VHiJloire ancienne ' 
des Egyptiens. 

j\.PRE*S avoir pofd pour bafe que 
la Chronologie des H^breux eft prdft- 
rable k celle des Samaricains & des 
TmclK A 



^ Di la Population 

Tradufteurs Grecs, & qu'il ne faut pas 
s'en doigner & principalement dans le 
Cb. V. fif XL de la Genefe. 

Examinonscelle des Egyptiens. Je 
ne me propofe pas de dfichifFrer un 
niyftere qui a 6i6 jufqu'ici impenetra- 
ble aox favans faute de fecours neces- 
faires & vu la contradiftion qui fe trou- 
vt Chez les anciens meme au fujet des 
Dynafties & de leur ordre : Davus fum 
nonOtdfpus. Je me contenterai de rap- 
porter les points dans Jelquels ils diffe- 
rent, & de choifir le fentimient le plus 
probable. Pour mettre quelque ordre a 
mes reflexions, je les diviferai en dif- 
Krentes thefes. 

I **. L'Egypte a du ^tre peuplee avant 
le deluge. 

2^ Ce qui s'accorde avec leur his- 
toire antediluvienne. 

3 °. Avec leur hiftoire apres le deluge. 
4°. Et avec les fragmens & la gd- 
n^alogie dc Sanchoniathon. 

Avant que de difcuterces thefes, j'd- 
tablirai que Thiftoire des Egyptiens, 
quoiqu'i-prefent fort embrouillde & 
defeftiieufe faute de fubfides & d'eclair- 
ciflemens, n'eft pas fabuleufe , mais 
bien plus vdritable que celle de plufieurs 
autres peuples. 



La fainte Ecriture & les Auteurs 
profanes s'accordent parfaitemenc en- 
tr'eux fur leur fagefle & leur grand fa- 
voir. Tons les anciens, quelque jalouz 
qu*ils ayent et^ de dpnner la pr^f(^en« 
ce a leurs nations, fur-tout les Grecs, 
ont ^te obliges de convenir & de con- 
fefler que I'Egypte dtoit la mere des 
arts & des fdences ; les plus fages d*en- 
tre eux , Platon , Pythagore , OrpWe, 
& un nombre infini d'autres, fe font 
fait honneur de dire qu*ils y ont puifS 
leurs plus fublimes connoifTances, Dio- 
dore de Sicile dit qu'on croit commu- 
ndment que les Dieux font nds en Egyp- 
te ; que c'efl: Ik qu'on a d'abord obfer- 
v^ le cours des aflxes & que cet heu* 
reux pays a produit le premier des He- 
ros & des grands hommes. Macro- 
be dans fes Saturnales & fur le fonge 
de Scipion dit, que TEgypte ^toit la 
mere de tons les arts & que les Egyp* 
tiens ^toient les peres de toutes les 
fciences philofophiques , & encore, 
quails font les feuls inftruits des fciences 
divines. La plus grande partie des Au- 
teurs leur attribue invention des let- 
tres , premidrement des Hi^roglyphes , 
dont nous pouvons voir un Eflai chez 
HorappoUo , & enfuite des cara^eres 

A 1 



4 De la Population 

d'Ecriture par Thot ou Mercure; & 
Warburton (i) fbutient que Moyfe a 
adopte leurs lettres , en les changeanc 
un peu & en augmentant leur noinbre. 
Nous ne faurions douter qu'ils n'ayent 
^t^ les nieilleurs Aftronomes & qu'ils 
ii*ayent compt^ les premiers 565 jours 
pour Tannfe, meme de fort bonne 
heure, vu le Cerde d'or d'Olymandias. 
On ignore Torigine & Tantiquice du 
Puits de Syrene , mais il ell incontefla- 
ble qu'il a dtd conftruit pour obferver 
le jour du Solftice. 

Si nous reflechiflbns fur Tordre ad- 
mirable qui r^gnoit chez eux des les 
premiers temps de leur Monarchie Sc 
Fetat floriflant que cet ordre a produit, 
on ne fauroit douter de leur extreme 
fagefle , de leur pietd , & de leur bon- 
ne foi qui brillent en tout & par-tout. 
Nous ne finirions jamais fi nous vou- 
lions en apporter des preuves , mais 
comme perfonne n'en doute , & que 
phacun eft a portee de confulter les Au- 
teurs , nous ajouterons feulement quel- 
ques t^moignages de I'Ecriture. 

Au premier Livre des Rots IF. 29, 
30. 3 1 * „ L' Auteur dit que Dieu don- 
^, na la fageffe a Salomon & une fort 

(i) Traits des Hi^roglyphes, T. I. p. l^u 



ie TAiniri(pi€. 5 

,, grande intelligence & une dcendue 
„ d'efprit en aom grande abondance 
y^ que celle da fable qui efl fur le bord 
,, de la mer ; apres cecte expreflion 
„ hyperbolique il ajoute, & la fagefle 
„ de Salomon furpaflbit la fage^e de 
„ tous les Orientaux , & toute la fa- 
„ gefle des Egyptiens (2). Enfin pour 
faire comprendre ce qu il emend par 
ces expreflions, il finic en difant; „ II 
,, ^toit meme plus iage qu'aucun hom- 
,, me,*' ce qu'il d^duit un peu plus aa 
long. 

Donnons auffi un paffage du N. T. 
M. des Jp^tres Ch. Vll. 22. S^Etien- 
ne dit a Thonneur de Moyfe, qu'ila 
^t^ inflruit dans toute la fagefle des 
Egyptiens. Moyfe inflruit & infpird 
par le S\ Efprit, qu'avoit-il befbin de 
cette louange , H chez tous les peuples 
la fageffe des Egyptiens n'avoit pas 6tJ& 
en la plus haute veneration? Si done 
tous les peaples; quelquejaloux, quel-< 
que prdv^us en leur propre faveur 
qu'ils ayent pa gtre, avoient en v^n^ 
ration les Egyptiens poiu: leur fagefle , 
leur favoir , Jeur pi^te , & leur ordre 
dans toutes les parties du goaveme» 

(2) Voyez auin Efaie XIX. 11, 12. 

A3 t 



6 D& la Populaion 

meat & enfin dans toutes les qualic^s 
qui peuvent former de grands iiommes , 
il efl: naturel de fuppofer que leur his- 
toire doit £tre la plus veritable , parce 
que d'un cdt^ ils ^toient a meme par 
toutes ces qualites de ne pas fe laiiTcr 
leurrer pas des fables, & que de Tautre 
ils ne peuvent 6tre foupjonn^s, com- 
me tant d'autres , d*avoir voulu impofer 
aux autres nations. 

Auffi Behr dit (3). „ On ne fauroic 
„ accufer les Egyptiens de fanfaron- 
„ nade k Tegard de Tantiquit^ quails 
„ s'attribuent. Leurs chartes , leurs 
hiftoires , ^c. dtoient confiees a des 
Colleges ou des Academies ; & les 
Etrangers qui y ont voyag^, & qui 
„ nous ont apporte ces relations , n*e- 
„ toient pas des imbeciles: c'etoient 
„ un Solon, un Hdcatde, un Hero- 
„ dote, un Diodore, un Platon & au- 
„ tres de cette clafle, auxquels il n'e- 
^ toit pas pofTible de faire accroire ce 
^^ qu*on vouloit. " 

Si done leur hiftoire authentique & 
digne de foi par elle-meme, eft feule- 
ment inintelligible en quelques points 
pour nous par fbn extreme antiquice , 
& par le peu de fragmens qui nous m 

(3) EcIaircifFement fur la Cbronologie. 



5> 
99 



reflefit, il faudra juger par ce qui nous 
en eft parvenu, de oe qui a €t6 rap« 
port6 par les andens, comme inco^- 
td^iable. Apres cette remarqae pr^U* 
minaire, examinons la thefe premieie. 



CHAPITRE II. 

VEgypte a iti peupUe aoanf le diluge : 
Jit de Vancienne mefure du temps. 

j3*abord perfonne ne doute qu*il n'y 
ait eu plufieurs des anciens Dieux da 
meine nom , comme le Soleil , Satume » 
Jupiter, Rhea, Junon, Vulcain, Ves- 
ta, Mercure, Apollon, Bacchus, Ofi- 
ris , Hercule. Ceci a et^ d^montr^ trop 
fouvent par les Savans & fi incontelfa^ 
blement qu'il ne faurdt s'dever le moin- 
dre doute k cec egard. 

Nous avons vu ci-deflus que Dio« 
dore die que les Dieux font n^ en 
Eg;ypte ; ailleurs il dit , les Dieux ter- 
reftr^s n^uirent mortels & ont obtd- 
nu rimmortalitd ; quelques-uns d'entre 
eux one dte Koisd'Egypte & lesuns 
ont eu des noms communs avec certains 
Dieux. Et il en donne des exemples. 

Quand meme cette verite ne feroit 

A4 



8 De la Population 

pas d^montr^e hiftoriquement , on ne 
iauroic en douter. Tons les noms des 
Dieux ont eu une certaine fignifica- 
don , c'efl pourquoi les mSmes ont eu 
divers noms chez les difFcrens peu- 
pies , k caufe de la difference des lan- 
gues ; & comme ce nom exprimoit 
quelque quality fublime, ils le donnoient 
a leurs Rois , quand meme ils n'auroient 
pas eu de fignification , & ce par jflat- 
terie afin de les mettre au meme rang 
pendant leur vie ; & nous ne trouvons 
que trop d'exemples de cette folie dans 
les hiftoriens. Comme il y a eu plu- 
Ceurs Saturnes, Jupiters, Bacchus , Her- 
cules , (^c. il y a eu aufli plufieurs Ofi- 
ris. Dela vient que les Savans , en at- 
tribuant tout au m6me perfonnage , ont 
tout rempli de confufion. lis ont rejet- 
t^ la faute fur la Chronologie , qu'ils 
ont d^figur^e d'une maniere imprtoya- 
ble fous prdtexte de la corriger. lis di« 
ibient p. ex. Jupiter a ^t^ de tel pays, 
il a v^cu dans tel temps , tel fait qu'on 
lui attribiie eft arrivd k telle ^poque , 
dependant ou trouve la vie & les faits 
de Jupiter dans une autre; il faut done 
<jue Tune ou Tautre foit erronnfe: au 
lieu qu'ils auroient du conclure qu'il y 
avoit eu deux ou plufieurs Jupiters fort 

dif« 



de rAmirique. 9 

dlfferens. II en ed de meme des aatres; 
par confequent il ne faut que diflinguer 
Jes temps & les perfbnnes , pour un 
peu debrouiller ce chaos chronologique. 
On ne fauroit nier que TEgypte n'ait 
^td habitue avant le deluge. Je ne veux 
pas faire valoir la preu ve tir^ de Taug- 
mentation & de la multiplication pro- 
digieufe du genre humain depuis Adam 
a No^ ; qu*on la fuppofe fl petite qu'on 
voudra , je veux meme que ce nombre 
n'ait pas furpafle celui de nos jours 9 il 
eft clair ^ue fi Adam & les Patriar« 
ches jufqu'k No^ ont habit^ la Syrie & 
fes environs , FEgypte a du etre une 
des premieres colonies, au moins pour 
la fup^rieure ; car pour I'infi^rieure , les 
Ethiopiens & les Egyptiens meme as* 
futoient qu*elle etoit un prefent du Nil,' 
ce qui n'efl: pas incroyable , car met- 
tant le deluge k part on pent jugec 
combien un pareil fleuve qui charie 
tant de limon, de gravier, de terre, 
^c. en a du amener en tant de iiecles : 
mais enfin que le Delta ait exifl^ des 
la formation du globe & n'ait ^t^ qu'un 
mardcage , ou qu'il fe foit forme de^ 
puis , on ne fauroit douter que I'Egyp- 
te n'ait ^te habitue, peut-£tre du vi- 
vant d'Adam m6me. Dans cette fup« 

A 5 



lo De la Population 

pofition nous jpourrons fort bien pla- 
cer les Dieux & les demi-Dieux avant 
le ddluge^ Je fais que la pluparc des 
Savans de nos jours aflbrent que le nom- 
hte de 365,25 ann^ que les Auritae, 
te MeftrSgei & les Egyptiens ont regu^ , 
ne iGgnifie qu'une revolution complette 
des aflres ; mais je f^ai audi que d'au- 
tires fbotiennent d'apr(b les anciens, 
tomme Pline , Diodore de Sicile, & 
iiircout Jean Malala, que dans les com- 
hiencemens 11 y a eu des ann^s d'un 
fpur, d'unmois, de trois,*de quatre, 
« de fix mois, ^ que c'eft ce qui eft la 
taifon de ces nombres prodigieux. 

II eft tres-probable que la premiere 
ineiure du temps a it6 h jour ; tous les 
hommes quelque ftupides qu*ils foienc 
remarquent fa durde; enfuite les mois^ 
Tu qii^ bien des peuples barbares & 
infime poKcds ont toujours compt6 d*u- 
Be nouvelle Lune k I'autre ; chaque pay- 
fin obferve cette p^riode : ainfi il dcoit 
6rds-naturel qu'ils comptafTenc dans les 
eommencemens combien il s^dtoit pas- 
Si de telles revolutions de la Lune; 
qu*ils les nommaflent des anndes ou feu- 
tement des revolutions , n'importe, 
mais il eft infoutenable qu'ils ayent 
ptt fi bien obferver celle du f<deil j puis* 



de TAmirique. ii 

que chez les peuples les plas ^lair^ 
il s'ed pafTd nombre de iieclesavanc 
qu'on ait pu d&erminer la vdricable 
longueur ds j*annde ; & fi nos payfan 
n'avoient point d'AImanacbs , i\s ie> 
roient obliges de s'en tenir a des ann^s 
lunairesy fur-tout ceux qui approcfaanc 
plus de I'Equateur ne peuvent pas aus- 
(i bien diftinguer les faifons que nous? 

]e crois done que dans les premiers 
Sges du monde on a cotnpt^ par les r^^ 
volutions des jours , bientdt apr^ par 
celles de la Lune, qu'enfuite trouvaitt 
qu'il falloit auffi avoir une cercaine r^ 
gle pour <$tablir & reconnoitre k xivo* 
lution annueiie du Soleil , on a elTay^ 
par dix, par 12 rdvo/utions de Ja lii- 
ne, jufqu k ce qu'on en ait le p/us ap« 
prochd , & que les Egyptiens , eniuite 
Jules-C^far , ayent fait une computation 
plus exa6le. 

n eft toujours (Br que Plutarque ai« 
fure des Egyptiens que leur premiere 
ann^ a ^t^ d'un mois , enfuite de qua- 
tre. Varron dans La6iance dit la m&- 
me chofe; on croit que I a divifion en 
quatre mo\$ a 6t6 occafionn^e par le 
Nil qui croiilbit pendant quatre mo», 
dtoroiflbit pendant 4 autres , & qui 
enfia les 4 reftans demeuroit tranquile: 

A 6 



12 De la Population 

1 a raifbn de cette divifion eft done fort 
naturelle & meme elle devoit Jeur fer- 
vir fort utilement pour determiner Je 
cours annuel du Soleil, lorlqu'ils eu« 
rent obfervd que le Nil commenjoic 
h croitre toujours apres un certain nom- 
bre de jours & de mois. 

A la fin cette p^riode de 4 mois fut 
confervde chez eux encore apr^s qu'ils 
eurent fixd Tann^e k 365 jours, ce qui 
arriva de bonne heure , comme on le 
voit par les Epagomenes qui dtoient 
d'une grande antiquitd chez les Egyp- 
tiens; & elle fut appell^ alors Hora. 
Car Eratofthene dit qu'il n'a man- 
qu^ aux 100 ann^es d'Apappus qu'une 
feule Hora ou quatre mois. 

Mais enfin je ne veux me brouiller , 
ni avec les uns , ni avec les autres. 
Suppofons que ce grand nombre d'an- 
ndes ne foit qu*une pdriode ou un cy- 
cle Aftronomique, on ne fauroit dire 
qu'elle n'a point d'autre but & qu'elle 
ne fert dq rien ^ Thiftoire, puifqu'il eft 
dit dans la mSme Chronique qui en fait 
mention , que 30 Dynafties oot regnd 
pendant ce temps- la durant 113 gene- 
rations. D'abord ils eft inconteftable 
que les Egyptiens ont occupd le trd- 
ne. Quant aux Meftra&i, onfuppofe 



ie VJmirique. 13 

que c'etoient ks defcendans de Mis- 
raim , par conf^quenc des bommes ef- 
feftifs & non des phant6mes. On com- 
mence les Dynafties par Menes ou Mis- 
raim , par confequent voila deja deox 
races qui font de ce pr^endu calcnl 
Aflronomique ; rede done les Aurits : 
eft-ce que ceux-ci (euls doivent etre r6- 
legues dans Ie pays de fables? SiTE- 
gypte a 6t6 habit^ avanc Ie d<$luge il 
y aura regne quelqu'un , & ce fort tom- 
bera fur les Auritae, qui ont prdced^ 
immediatement Miliaim & les Meftraei 
fes defcendans. 

Si on m'objefte ce nombre exorbi- 
tant d*annees dts regnes de Vulcain* 
& du Soleil , & qu'on ne vueille pas ac- 
confer que les premiers Egyptiens ayent 
comptd par jours & enfuite par mois, 
je ne m'y opiniatrerai pas. Qu'on choi* 
fifle quelqu'autre opinion , p. ex. qae Ie 
regne de Vulcain n'appartient pas & cei 
Dynafties , peut-6tre a-t-on r^trogra« 
d^ , comme on fait avec la p^iode Ja« 
li^nne, qui commence 710 ans avaot 
Ja formation de notre globe (i). 

Je reviens a mon fojet: fi jecede 

(i) On peut confulter l^-ceflus I'Hifloire 
Univerfelle par une Soci^t^ de Gens de L«eu 



^ 



14 De la Population 

tout: ce qu'on veut , il faut audi me c^- 
der quelqae chofe, c'efl: que du moins 
use partie de ces Dieux, & les demi- 
Dieux ont ^te des Rois qui one regne 
a\^anc le deluge. 

II eft pourtaut tres-remarquable que 
le nombre des Dieux fe moqte a 16 & 
celui des Rois avant le ddluge chez les 

OrlentauxaiS. 

Auffi M^ L'Englet du Frefnoy eft 
dans ridde qu'il n'eft pas neceflaire de 
de rejetter le regne des Dieux & de- 
mi-Dieux , puifque les Egyptiens pou- 
voient facilement en avoir eu long- 
temps avant le deluge d'une autre bran- 
•che que de celle done Noe defcendit. Je 
veux pourtant encore ceder davantage 
& fuppofer contre ce que j'ai ddmon- 
tr^ ci-deflus avec le celebre Shukford , 
que les 36,525 ans doivent gtre comp- 
uJs pour rien & que feulement enfuite 
huit demi- Dieux pendant 317 reigne- 
rent; qu*apres ceux-ci commencerent 
les cycles Cyniques dans les premiers 
defquels il y eut les 15 Heros en I'es- 
pace de 443 ans & apres ceux-ci Me- 
n^s le premier. Je dis done, qu'en 
fuppofant tout ceci, ces demi-Dieux 
& ces He'ros ont regn^ avant le delu- 
ge, puifque perfonne ne nie que Me- 



de rjmMque. 15 

nes ou Mifraim, ou peut-£tre Cham, 
n'ait 6t6 le premier Roi d*Egypte apr& 
]e dduge. Auili Shukford eft dans 
la mSme id^e , & comme ces deox 
periodes prifes enfemble fie font que 
660 ans , il croit que TEgypte n'a com- 
mence d'etre habitee que 660 avant le 
deluge, quoique h confi^uence non- 
feulemenc ne ibic pas jufte, mais que 
par le calcul de la multiplication des 
nommes cette hypothefe foit inloute- 
cable , & que plufieurs autres raifbns 
doivent nous perfuader du contraire; 
je veux encore fuppofer toutceci; 3 
luffit qu'il y ait eu avant le deluge des 
Rois & des Princes en Egypte & qtfon 
fache leurs noms & la dure& de leut 
regne: Et alors , je demande par quel- 
le voye on a pu apprendre ces particu- 
lar! t^s« Serace des colomnes ou des 
piliers de la Seiriade dont nous parle* 
rcns bientot? mais alors le deluge n'aa- 
ra pas fait une telle devaftation qu'on 
fe I'imagine commundment , & les fyft^ 
mes de Burnet , & de Woodward & de 
Whifton feront entierement d^truits. 
Vu que ce n'auroit ii6 qu'nne inon- 
dation mediocre, fi on avoit pu retrou* 
ver ces piliers faufs & m£me fans que 
ks caracleres en euflent ^t^ efface. 



1 6 De la Population 

Quelle raifon les defcendans de Nod 
auroient-ils eu de faire valoir ces an- 
clens Rois qui ne les regardoienc en 
rien ? N'auroient-ils pas plutot fait re- 
inonter leur gdnealogie par Noe & fes 
ancetres , & ce jufqu'a la creation & 
non-feulement de quelques fiecles? 

Ceux- ci n'dtoient - ils pas peut - fetre 
d'une origine auflj ancienne , lorfqu'eU 
le remontoic a celle du monde? Bref , 
de tout cela je ne puis conclure autre 
chofe , finon , que la plupart des Egy p- 
tiens, fujets de Mdnes & leurs defcen- 
dans avoient pour ancetres , ceux qui 
avoient habite ie pays avant le delugei 



CHAPITRE III. 

Hijloire antidilmienne des Egyptiens 
defcendans de Cain. 

J e viens au fecond Article. Nous avons 
ddja rapport^ fort fuccinftement une 
partie ae leur hifloireantddiluvienne^ 
nous renvoyons les Lefteurs aux Au- 
teurs qui ont traitd plus prolixement ce 
fujet , furtout k Thiftoire univerfelle 
fufdite & a Shukford. 
Je me vols pourtant obligd de co- 



ie TAmirique. 17 

pier encore un paflage de la premiere 

<p. 501). 

Rm d'Egyptefuivara les Hijlo- 

riens Orientaux. 

I **. Nakraiis ou Bakraus fils de Mefr , 
fils de Tonkil , fils de Zarayil , fils d'Ar- 
yan , fils d^ Adam , le retira en Egypte 
avec 78 perfonnes, y fm: le premier 
Roi & regna j 80 ans. 

2^ Natrasfonfilsb^dtdiveriesvilles. 

3^ Mefi^m Ton frere pafle comme 
les deux prdcedens pour avoir 6t6 un 
grand Magician. 

4°. Aicam fut un Devin: fous Ion 
regne Henoch ou Edris fut transf^^. 

5^ Aryak fon fils; de (on temps, 
les Anges Harfltet Marut doivent etre 
defcendus du Ciel. 

6°. Hafilim inventa & conflruifit le 
premier Nilometre. 

7°. Hufal: fous fon regne ndquit 
No^. 

8°. Tedarfan fon fils fit creufer des 
Canaux de communication avec le Nil. 

90. Sarkak. 
lo^ Sahluk fon fils. 
11®. Saurid Ion fils: ce Prince, a ce 
que pr^tendent les Coptes , ^rigea des 
pyramides & eft enfeveli dans une d'el«- 
Jes avec tous fes trefors. 



l8 De la Population 

12^ Hucub fon frere , fuivant le me- 
me peuple , eft depofd dans la pyrami- 
de voifine. 

13^ Manus ou Makaus. 

14**. Afrus fon fils. 

I5^ Malinus fon fils. 

1 60. Pharaoh coufin dii dernier Prirh 
ce p^ric dans le dduge. 

Suivanc les Auteurs de cette hiftoire 
tons ces Rois dcoient de la race de Cain. 
Comme je fais on Article parciculier de 
rhiftoire poft^rieure , je rdferverai pour 
cela ce que Thiftoire orientate rapporte 
a ce fujet. 

On me demandera fi je veux donner 
cette fuite des Rois pour av6r6e & au- 
thentique. Je rdponds que non ; mais 
comme elle vient des Orientaux , meme 
des defcendans des anciens Egyptiens , 
desCoptes , il me femble qu*elle ne doit 
pas etre entierementjejett^e, a moins 
qu'on ne faffe voir quelqu*autre hiftoi- 
re qui ait un plus grand degr^ d'au- 
thenticit^ , ou du moins de probability , 
car il eft clair que ceux qui veulent 
approfondir une hiftoire , ou un fait , 
feront des recherches plut6t dans le 
pays mSme ou ce fait eft arriv^, que 
dans un autre fort dloign^. 

On objeflera que ces noms n'ont 



de rJmerique. 19 

pas la moindre reflemblance avec ceux 
qui font cit^s dans les autres hifloires 
& que ceci feul prouve que le tout eft 
fabuleux ; excufez , cette raifon ne vauc 
pas grand' chofe ; ou il faut avoir ces 
noms propres , comme ils ont 6t6 Merits 
& ^rononc^s dans la langue originale » 
ou il faut audi adopter leur tradu£lion 
dans une autre langue. Or je deraan* 
de , fi ceux de Vulcain , Soleil , Sa- 
tume , Jupiter , Apollon , Hermlft oa 
Mercure, RhfJa , Junon , Bacchus , Her- 
cule & autres 9 font des noms Egyp- 
tiens. Perfonne rfofera TaflBrmer : fi 
ce font done , pour la plupart , des noms 
des Grecs & Romains, iuppofez , Phd- 
niciens, Celtes, &c. gae ceux-d ont 
imports aux memes Divinitds , que les 
Egyptiens avoient nomm^es tout autre- 
ment , il eft clair que le nom n*y fait 
rien & qu'il dtoit permis aux Orien* 
taux , aux Arabes & autres de traduire 
les noms des Dieux & des Rois dans 
leur langue auffi bien qu'aux Grecs & 
aux Romains. Mais dira-t-on : doit-on 
ajouter foi aux particularitis que les 
Coptes & Jes Orientaux rapportent> 
Je repond qu'elles peuvent 6tre mel&s 
de fables & cependant avoir un fond 
de v^rite. 



20 De la Population 

Si TEgypte, comme on n'en-fauroit 
douter , a et^ habitee avant le deluge , il 
faut bien que ce fflt par un des defcen- 
dans d'Adam , & la tradition qui porce 
que cefut le5^ en ligne defcendante 
qui s'y domicilia , n'a rien que de tres- 
vraifembkble. Qu'on 6ce la qualite de 
Magiciens donn^ aux trois premiers , 
cda ne fera rien au rede. Combien 
d'Auteurs (i) ont donne dans ce foi- 
ble , de rapporter des fuperflitions, 
qui cependanc ont accufS jufte quant 
aux Rois fous lefquels tels faits s'd- 
toient pafKs ? D en eft de meme des 
Anges defcendus du del. Cetce fable a 
6t6 rejue comme veritable. II falloit 
lui fixer une ^poque & m6me antddilu- 
vienne , felon les Rabins & les pre- 
miers Chretiens. Les fables des anciens 
n'ont-elles pas du vrai? Les favans ont 
t^chd de ddchifixer celles d*Ovide & 
d'en rdtablir le fens hiftorique , en re- 
jettant le fabuleux, & en gardant le 
vrai. II faudroit done foutenir tout au 
contraire qu'abfolument aucun des Prin- 
ces , au regne duquel on afligne Y6v6^ 
nement , n'a jamais exift^. 
On demandera quelle conf^quence 

fen 

(i) Entre autres Tite-Live, 



it TJmifique. zt 

fen penx tirer. Point d'aatre que celle 
que j'ai deja indiqu^ ; favoir , que per- 
fonne n'en auroic rien pu (avoir, fi toa«' 
te cetce race aAt^ovienne avoit p6^ 
ri; & enfidte que fi la nouvelleraoe 
apres le deluge ecoit deibendue de Nod , 
par conf^quenc de Sech , die anroit ea' 
en horreur la miSmoire de Cain , & 
n'auroit pas voulu fe (aire honneur d'en: 
avoir eu des Rois & apparenunent d'en^ 
toedefcendue. 



CHAPITRE IV. 

Jntiquite des Pyramides. 

V^uant aux Pyratnides , ce ne font pat 
ies Coptes feuls qui foht Chretiens i* 
qui afTurent Tantiqaite de quelques-unes; 
Ies Mahometans , Ies Arabes mSme,' 
tandis qu'ils ont ^i Payens, ont aUii-' 
re la meme chofe. Les Coptes difenc- 
qu'on y lit une infcription rapportfe- 
dans FHiftoire Univerfelle , & les Ao^* 
tears difent que c'eft ropinion commu^' 
ne , que trois ont ^te conftruites par* 
Saurid. H^rodote qui vecut quelquei^ 
fiecles avant J^fiis-Chrift, malgrd toai^ 
tes fes recherches a ^voud n'avoir r&n* 
Tame IF. B 



I 



s^ . De Ja Population 

pu d^couvrir de certain k ce fujet, par; 
conH^quenc il fauc qu'elles foienc d'une^ 

tfes-grande antiquity. 

Woublions pas Je^ colomnes ou.pi-' 
liers de la Syriade;, & rapporcons xnot : 
a mat ce qui fe trotlve dans la remar-i; 
que -4c THiftoire Univerfelle (p. 136.) 
,, Topinion la plus certaine eft, que le 
„ pays d?. §yriade ^toit en Egypte,. 
,1^ car nousr favons que Manechon a 
„ tir^ fon hirtoire de certaines colom-3 
„ nes qui fe trouvoient en Egypte , <S5 
„ fur lefquelles il y avoit des infcrip- 
„ tions trachea en langues & lettres la- 
„ crees pair Thoth ou le premier Mer- 
„ cure, mais qui apres le d^lyge ont 
„ ^te traduites de la langue facree en 
3^ Grec ecrit en lettres facrdes & ont 
„ it6 rddigdes en Livres, que le fe- 
^ cond Mercure a mis dans les lieux 
„ les plus refpeftables & les plus reti« 
„ r^s des temples des Egyptiensj ces 
„ . colomnes etoient dans des cavernes 
,^ fouterraines pres de Thebes & au 
,,. dela du Nil, pas loin de la ftatue 
,,, r.efonnante de Memnon , dans ua 
,^ endroit nomme Syringes, qu'on dd* 
^ ait comme des appartemens qui 
„. voat en toumoyant fous la terre, & 
^f que c^u:^ qui prevoyoient le deluge. 



A TAmMqUe. tj; 

^ & qui. craignoienc qae la m^moiie 
9^ de teurs c^r^monie3 reljgieufes ne fe 
,, perdit, formerenc en voutedaiMplu^ 
,p ueurs eodroitf ; gravant fur Jes mu- 
^ raiUes la figure de plufieurs forte$. 
,9 d*aniinaux » doac IWemhlage f<^* 
^ moit.une efpece de dtfcoqrs Hidro« 
»» glyphique. Que le nom de Seth ifa 
^ point ec^ ioconnu en Egypce, par 
,h le temojgnage de Flutarque, qu'ila. 
^ donnoienc conflamnaenc k Typhon » 
^ qui eft un nom Grec, le nom de 
,,. Seth ; c'efk de la apparemment qu'eft; 
,^ venue Terreur de Jofephe lorfqu'il 
^ fait bStir ces cdomnes par un filt. 
,, d'Adam/' 

V Voila tout le paflage de nos Auteurs ; 
qui veut examiner ceux qu'ils citent i ce 
Iujet,n'a qu*iconfulterrouvragem6me^ 

; yn autre Auteur modeme (i) ne 
rejecte pa9 les propheties de Thot ecri« 
te$ fur ces colomnes; ^^fant que Dieu 
avoit daigne fe communiquer familie- 
renient auz hommes » qu'il s'etoit ma- 
xiifeft^ k Pharaon.& a Abimeledi da 
temps d*Abrah^m , S^^ & que par con-, 
ftquent Thot avoit pu ^rire pareilleir 
lijiv^tion^ fur ces colomnes ^ lefquel*^ 

• • ■ . 

• • • • - ■ 

(0 B«hr..p,.i3T. . . .:.. :: 

B 2 



24' -D^ la Population 

les le (econd Thot ou Agathodomon 
avoit traduites apr^s le deluge & r^di^ 
gfes en LiyreSw 

Def cefr colomnes prouv^es par tant 
d'AuteUrs ahciens, il rdfulte que TE- 
gypte a 6t6 peupl^e avanc le deluge, 
qte Thot premier, qui a vdcu alors , &- 
Thot fecond apres le deluge devoient 
sCvoir-eu la mgme ]angue& les metnes: 
({arafleres, non-feulement parce^u'ils 
portent le mSme nom , mais encore 
parce que fans cela ce dernier n'auroit 
leu , ni lire , ni entendre ces prophdtiesi 
De quoi il s'enfuit fens replique qu*i!« 
etoient de mgme nation, ou que du- 
moins la langue & les cara£leres qui? 
Aoient en ufage avant le deluge , y 
ont fubfiftd encore apres , & que le 
gros des Egyptiens apres le deluge dtoit 
indigenes , & non dtrangers , ou venus 
dlun autre endroit, Au contraire com- 
me il y a eu 3 ou 4 fortes de carac-^ 
teres, deux fortes de langues, on n*en 
comprendroit point la raifon , en fup- 
pofant que tous les.Egyptiens dtoienc 
de la' famille-de tJham, fi on ne p6u-- 
wit donner cettfe explicati<!wi , qu'une 
di^G^s4&ngues^tbit P^^t^diluvienne <&- 
I'autre celle des Chamites, les deux na- 
tions s'dtant melees apres le deluge. 



de rjmeriqut, %s 



CHAFITRE V. 



* » 



Hijioire des Egyptiens immSdiatement 
apris le diluge (^ celle d'Ofiris. 

V enons k leur hiftoire, qui fait im- 
m^diatement le d^lugd. II y a encore 
diverfes opinions ^ ce fujet , qui ne dif- 
ferent pourlant gueres entr'elles : Tun 
veut que Cliam lui-meme foit defcendu 
en Egypte, parce que le pays fe nom- 
me celui de Cham dans TEcriture , & 
chez les anciens habitans Chemia ; d'au- 

' tres , que c'eft Mifraim fon fils ; d*au- 
tres veulent que Mdnes ait 6t6 le pre- 
mier Roi , dont les uns font Cham, 
d^autres Mifraim ; ainfi tout cela roule 
entre le pere & le fils , encore y en a- 
t-il qui difent que le fils en a pris pos- 
feflion avant la difperfion de Babel & 
que Cham s'y eft rendu feulement apres. 
Commenjons cependant parOfiris, 
On en auroit pu parler d^ja dans This- 
toireantddiluvienne, m^s nousavons 
era mieux faire en refervant cet article 

. pour cet endroit , & ce parce qu'il eft 
plus que probable qu'il y a eu plufieurs 

: Ofiros , comme plufieurs Saturnes , Ju- 

B3 



't6 Deh Population 

pt§TSi,^c. Chez lesEgypriens, fui- 
vant Diodore & d'autres , ce fut ou Vul- 
cain oule Soleil , qu'on nbmmoit Ofiris , 
& la Lune Ifis ; & comme fuivant I'his- 
toire des Egyptiens, ce fut ou V\il- 
cain bu le Soleil qui regna le premier 
entre les Dieux , que meme Ofiris eft . 
nomtn^ tantpt entrc les Dieux , tantdc 
entre les demi-Dieux , tant6t entre les 
Heros , il faut ndceffairement qu'il y en 
ait eu plufieurs de ce nom , lequel en 
: quality de celui d*un Aftre bienfairant 

• fut auffi impoft a ceux d'entre ces Hd- 
:ros & des Rois que le peuple vouloit 

- honorer par deffus les autres , par re- 

- connoiflance pour leurs bienfaits. Per- 
fonne ne rdvoque en doute I'exiften- 

r ce d'Ofiris. Veut - on le placer avant 
:^ou aprcs le deluge ? J^en donne le 

• choix; S*il a exifte avant le ddluge & 
qu*on puiffe donner une hiftoire com- 

: plette de fa naiflance, defon Educa- 
tion , de ks aftions , de fa mort , fcf r. 

. Ton aura une confirmation de ma the- 
fe & de la confequence que j^ai fi fou- 
vent rdpEt^. 

Mais fuppofbns, comme je le crois 
moi-meme , qu'Ofiris Roi ait vEcu apres 
le di^luge y chacun convient qu'il faut 

' Je placer dans les premiers temps qui 



■ de I Amirique. 27 

fuivirent ce memorable ^v^nement. 
Examinons fuccinEiement ce qui i*e- 
•garde ce Roi cdebre & ce Oonqudraric 
fameux. 

Ofiris & Ifis Aoient enfans. de Satiir- 
Tte & de RWa fuiv^ttt les uns , ou de 
Jupiter & de Junon fuivant les autres. 
Ifis etQit felon quelques-uns fille de I'an- 
cien Promdth^e; d'autres veulent que 
Rhea eut pour Amant , Cronus ; & qub 
dans les 5 Epagomenes naquirent Ofi- 
ris, Arveris ou Agollon, ou le premier 
"brus, enfuite Typhon , Ifis, & Neph- 
tis ou Venus : Saturne 6toit encore, 
fuivant Topiriion des uns, Cham, & 
fuivant Jes autres No^, don t. les trois 
fils connus par rhiftoire /ainte de- 
voient etre les mfimes que Jupiter & 
fes freres: ainfi quelque opinion qu'on 
fuive , Ofiris auroit 6t6 le premier Roi 
apres ]e deluge. 

V Ofiris etoit nd a Byblus, (i) ou biea 
n6 & elev^ a Nifa, ville d' Arabic j (2) 
& rHiftoire UniverfeUe dit (3). „ Ofi- 
„ ris ne fut pas plut6t parvenu au trd- 
„ ne d'Egypte, qu*il adoucit les moeur^ 
„ fauvages de fes fujets, leur apprit a 

(i) Cumberlanci Sauchon. p. 106. 

(2) Diod. de Sicile Tom. I. p. 32. 

(3) Tom. I. p. 436. 

B 4 



■A 






xS Dc /^ Papulation 

„ connoitre les fruits de la terre^ dk 

*,, inflitua le Culie desDieux, batis- 

y^ fant , £?f. la Ville de Thebes & fai*- 

',, laht conftruire plufieurs tempks, en* 

3^^ tt'^utres un a rhonaeur de Jupiter 

'„ Urariius , &.un autre i celui de Tur 

,, pite'r Ammon' fon pere , auquel il 

^, avoit fuccdde; mais afin que les ef- 

yj fets de (on cara6tere bienfaifent ne 

yy fuflent point renfermes dans fon pay% 

il entreprit de vifiter les differences 

nations de la terre, qiii furenc toor 

^ tes civilifees par fes foins , & parti- 

„ culi^rement par les charmes de foa 

^ Eloquence , & par les atcraits de la 

;',, nlufi^ue & de la poef^e , ^c. Je ne 

copierdi pas davahtage de cet oyvj^f 

"^e^ qui eft entre les niains de tout le 

tnonde; on pourray voir fesaftions, 

fes voyages, fes fils,. ks filles, ks, mir 

hiltres^ Ton- (avoir, fon gouvernement^ 

camnve iV bltit des villes en Efchiopie y 

ienfeigna aux habitans pluGeurs -vts^ 

Turtout par rapport ^^ TAgriculcure^ fut 

(dela en Arable, auje^lndes,, parcourul 

TAfie , tua le Roi de Thrace , donna- 

ce pays & la Mac^doine i Maro & ^ 

Macedo , enfih comrae il fut tue a fon^ 

retour par fon frere; niais ce que je ne 

puis paffer (bus fiience , ce font les in- 

fcnptiODft 



de rAmerique. 29 

fcriptions a Nyfa (4) dont Diodore & 
autres font mention , & qui prouvent 
invinciblement que non • feulemenc 
Qfiris a exifte, mais'que^ du moins en 
gros , il a ^t^ un grand Sf, puiflant Roi ^ 
a fait de grands voyages pour le bien 
du genre humaih , & a eu ae nombreu* 
fes armies. ^ 

, II n'efl: pas moins flir qu*Ofiris a 
iti Mdnes , puifque Hermes , Mercii- 
re ou Thot, ou Thoyth, a ^te fon 
premier miniftre, qui a gouvernd fon 
Royaume conjointemeiit avec Ifis , pen- 
dant les voyages d'Ofiris. 

Or \t% anciennes hiftoires, Egyp-' 
tiennes, Orien tales & Grecques; s'ac- 
cordent la-deiliis, que Thot ou Atho- 
tes a ^t^ le fecond Roi apres le deluge^ 
& fi ce miniftre n'efl pas nommd Roi 
par I'hiftpire Orientate ^ du moins e!le 
en parle fous le noni de Canca-hendi , 
petfpnnage fameux & premier miniftre 
de Beifar , Els de Cliam , premier Rdi 
apres le deluge. 

Puifque nous parlons de.cette his- 
toire Orientale continuons Jifapporter, 
ce qu*elle dit des premiers Rois apres 
le deluge, & nous >errons fl elle eft 

(4) Tom. I. p. 55. 

" B5 ■ ■■ ■ 



JO De la Population 

contraire, ou conforme aux autres. 

i*». Beifar fils de Cham dont nouS 
venons de parler. 

2"". Mefr fils de Beifar ; il fut ainfi 
nomtn^ parce qu'il vine au monde dans 
le temps qu*on bdtiflbit la ville de Mefr , 
& CO Prince ne s'occupa k autre cho- 
ie, pendant tout le temps de Ion re- 
gne , qu'a batir des villes & k faire la 
guerre aux ennemis; il efl dit avoir 
Dartag^ TEgypte entre fes fils , donnant 
la partie du milieu a Kifc, la fuperieu- 
i-e a Ashmun , & Tinftrieure k AtWib 
^^ k Sa. ^ 

[. 3*. Kift ou Kibt fils de Mefr, c*efl: 
'de lui que les Coptes ont tird leur nom. 
40. Ashmun fucccde a fon frere fie 
'parolt avoir 6t6 le meme qu'Efmunus 
]oa iBfculape; il a donne le nom k 
"Aihmunaim ville de la haute Egypte. 
: 50. Athfib, fils de Mefi-, batit Ain 
;Shams ou Heliopolis k la diflance dk 
quelques milies de Mefr ; Athribis h 
jQapitdle d'un gouvemement de la bas* 
'fe^gypte tira fon nom de ce Prince. 
V * fS\ Sana , ou Sa , autre fils de Mefi* , 
left fupppfii avoir biti la yille de Sais, {?^. 
'Nous ne coiitihuerons pas ce catald- 
gue^ ceci peut fuffire , & on y voit que 
ces 4 derniers font mis en ligne com- 



^.» 



de TAtmrique. %t 

me fuccefleurs^ au lieu qu'iis cnt re- 
gnd en meme temps , puifqu'ils ont bd« 
ti chacun des villas , precifement dans 
r^tendue de leurs divers Royaumes, 
dont il efl parle ci-deiTus a rardcle de 
Me& ; en outre quoiqu'on m^pcKe cec- 
te hiftoire orientate ^ ilme paroit qu'e}- 
fe devroit avoir un autre fort ; on co» 
vient que Mifraim a 6t6 le premier, 
it>u tout au plus le fecond Roi d'Egyp- 
tt; ici c'eft Mefr,. qui rdpond parfai- 
tement a ce mot Mizraim ^ d'autaxfc 
plus qu'il patott etre le fingulier de cb- 
lui-ci qui efl: en pturiel:, & les autrai 
noms s'accordent aufli mieux avec la 
langue Egyptienne & aux noms origi- 
naux des villes, que ceux des autres 
catalogues changes par les Grecs, com- 
me il efl: facile de I'appercevoir. 

Le cdebre Marsfaam , dont je n'essi« 
minerai pas les Dynafl:ies, comme ne 
faifant rien k mon fujet , s'accorde as- 
fez it cette hifloire orientate. H fiuc 
M^nes Roi de toute TEgypte, Atho- 
(es le fecond k Thebes , le m£me ou 
un autre Athotes k This, Toforthris 
ou ^fculape 4 Memphis , & Cumdes 
dansTEgypte infdrieure. 

Or nous voyons que dans rhiftoire 
wientale I'^Efculape, oq Ashmunqpi 

B 6 



%% Be Id Populatim 

fi^pond Hueux a Efrauous que le nonr 
de Tolcartbris , eft defignd pour 3^, Roi 
dans r£gypce ftip^ieure, & que les 
autres noms^ comme il eft dit ^ parois- 
itnt plus originaoix que ceux de Mars* 
ham ,!tiri£s d'Eratofthene ^ Syncelle, H6 
ioicfte.y^&c. qni fafis doute les aroient 
46p, gr^canif^; d'aotres oonmieQC le 
Hoi de This Eenchares , & Lenglec 
die que fans -doute Achotes eft celui> 
4]ue les Egyptiens 5 nomment Cope , & 
Jkr Girecs Thot ou Thaut , les La- 
-lins Merctire, & les Celtes Teucates : 
aifid cet :Autbur tiouve aufti que le 
fiom Egyptien de Cope ^ ou comme 
il eft die ci-defFus Ktfc , Kipt , eft le 
.Tamable. II faut pourtatit encore pas- 
-krd'Ofymandias , qu'on ne fait oti pla- 
cer. Newton veut que ee foit M^nes> 
& Bdarsham, que c'eft Amdnophis & 
Memnon. . Sui vant Diodore il etoit le 
huitieme avant Achoreus: SiFopinion 
de Newton ^toic averse & rejue^ j'es' 
ferois ufage , mais ^tant infoutenabte 
•par toQtes fortes de raiTons^^ ne m'f 

arr^tcrai pasv 

Je.renmrqucrai encore quelque pett 
de chofe fur les Rois Pafteurs. 

Marsham les place dans le VUL & 
partie du IX fiecle^ la plupart des aur 



trcs Auteurs les placent plus en arrie- 
fe, & de nos jours Behr vcut qa'iis 
ayent ctd des Gen^Faux d'Oguz, Roi 
des Scythes , le 7*. apres Nod , i o j ans 
avant linaiffance de Moyfe; (j) que, 
fuivant Abulgafi, Oguz^etok un grana 
Conqudrant » inais que fes cooquetes 
s'etendoient vers Tocddent & Ie midi , 
& nofl veFS Torient 00 les lodes* 
. Comberland affure que rirruptioD 
des Pafteurs Phdniciens s'ell fake du 
temps de Miiraim* 

, Difons encore un mot de Gnefac- 
tus , Roi d*Egypte (pere de Bochoris) 

3iul^ a pronbnoi les plus forC€;s maid- 
lotions contre Mdnes, & les fit ecri- 
.re en cara6):eres facrds dans Ie temple 
de Jupuer a Thebes, parce que M6ne$ 
ayok introduit le kixe. en Egypte , qu'il 
a b^ti Memphis & y a tranTporte Ton 
fiege depuis Thebes. Je Temarquerai 
«core qu'Eufebe x^ppone d aprds Aby- 
denus , que vers le temps de la confa* 
iion des l^gues , il y a eu une guerre 
entre Chronusou Cham^ bci Mifraim , 
j&' Tkan on Nimtod ; & Schuk^rd 
croit que ces guerres ont pa toe arri- 
ves 200 ans avant Nlnus.. 

' (5) Mr. de Guignes place OgHz Chan i 
tSoa a&s avant l^ros-Chrid. p. 217. 

B 7 



34 De la Population 



^p" 



CHAPITRE VL 

Si Ton admet Tuniverfalite du diluge , ce 
qu'il y a de plus certain dans Fbijloire 

Egyptienne eji inexpltcahle. 

« ■ 

RtJcapitulons ipr^fent ce que nous 
avons rapport^ fur cette thefe , & d- 
rons-en la conH^quence la plus naturelle. 

I °. Cham ou fes fils font defcendus 
en Egypte, y ont fond^ un Royaume, 
& leurs fils en ont fonde quatre. ^ 

2®. Cham , ou Mifrai'm a €i€ OCms. 

3®. OGris a fait de grands voyages 
avec des armies nombreufes , a ci vili- 
f6 les peuples , les a inftruits dans lei 
arts, a biti chez eux des villes, fifr. 

4^ Les Pafteurs ont fait leur inva- 
fion , peu de fiedes apr^s le deluge. 
' S\ M&nhz a introduit le luxe par^ 
mi les Egyptiens. 

6^ Cham ou Mifraim a dt^ en guer- 
re avec Nimrod. 

Or je demande a quiconque tfeft 
pas pr^enu , fi tous ces faits f(Mit pos- 
fibles , lorfqu'on foutient Funiverfalitd 
du diluge , & que tout le genre humaiii 
a ite extirpi, except^ Nod & fes fils; 






ie VAmirique. 55 

Je commence par le premier article 
<le la recapitulation ; raifbnnons fans 
prevention ; il ne s'agit que de Cham 
& non de fes freres , ou de leurs defcen- 
dans : on fuppoPe que lui ou Mifraim 
eft arriv^ en Egypte en 1772, ainfi 116 
ans apres le deluge. Les partiians de 
la lettre de TEcriture veulent qu*il n*a 
point eu de fils avant le dduge , quoi- 
<}ue Chanaan paroifle avoir et^ le cadet 
de fes freres , au moins de ceux qui 
font rapport^s vs. 6^ du Ch. X de la 
Gen. , non-feulement parce qu*il y eft 
nomm^ le dernier , mais parce qu'il eft 
dit Ch. IX. 24. fott jeune fils ou le plus 
petit de fes fils, ainfi que nous Tavons 
dit plus haut. Comme done il paroJt 
que cet accident d^yvreffe eft arrivd k 
N06 peu d'ann^es apres le ddluge & 
aufli-tdt que les vignes , plus pr^coces 
dans ces pays que dans les notres, eu* 
rent port^ du fruit , il eft clair que fi 
Chanaan a 6t6 le cadet de fes trois fre- 
res & ceux-ci nds apres le deluge , il 
ne devoit avoir eu que 3 ou tout au 
^luli 4 ans 9 par confi^uent peu capa* 
ble d'une malice rdf^^cnie, & qui me- 
rit^t une pareille maUdlStion : raais en- 
Iki paflbns ceci ; la difficuke deviendra 
ftlors beaucoup plus forte , de quelle ma* 



^6 De Id Population 

niere tous ces enfans pouvoient aroir 
eu une famille aflez nombreufe , pour 
avoir 6i€ d;)Iig^s de fortir de leur pays 
natal , faire un (i long trajet & y ^ca* 
bijr des Royaumes. 

. Qu'on n^ dife point que cela fait en 
faveur des Chronologies Samaritaines & 
de3 I,«XX , puifque I'eipace de temps 
n'eft: pas fuffifant pour trouver le nom- 
bre reauis des hommes a retabliflemeat 
de tant de Royaumes. 

Mais qq'ils ne.s*y trompent pas , je 
prouverai que eet efpace de temps ed 
plus grand que celcti que donnent les 
LXX. & l63 Samaritains; le paradoxe 
eft fort, & on dira: comment ceux-d 
ajoutent 7 i 800 ans de plus que les 
H^reux^ & on.ofe foutenir que dans 
.ces 7 ^ 8 Cedes de plus , il n'a pas ^te 
poilible que la mulciplication ait iii 
auifi grande qu'en les omettant & en 
les retranchant ? Qui , Je le foutiens , & 
qui plus eft , je le prouve par un calcti 
inconteftable. . 

Les LXX, (Sc Ibutienneftt par ex^ 
qu'on a retranchd 100 ans ^ tous les 
Fatriarches poft-diluviens^ lor(qu*;il eft 
parld de leur premier fils. Je ne m*ar- 
reterai pas a r^peter ce que j'ai dit fur 
le ridicule qu'il y a a parler toujpurs di| 



ie rjmirique. 37 

premier n6 , lorfqu'il ne s'agit que de ' 
h g^nealogie cF Abraham, en vue de 
celle du Meflie, ceci ^tanc d^ja ddduit 
ailleurs ; mais enfin je fuppofe moi , que 
ees Patriarches ont engendr^ des leur 
15*. ou 20*^. ann^e. On objeftera : mais 
TEcriture ne parie que de 5 fils de Sem ^ 
aind i( n'y en a pas eu davantage: mais 
n'eft-ce pas fe moquer ? Comment des 
gens qui vivoient encore 600 ans , qm 
venoient d'etre b^nis tout r^cemment 
du Dieu cr^teur , qui leur dit Ch. IX. 
vs. 7. Croiffez & muhipliez, & rem- 
pliffez la terre , ou croiffez en toute 
abondance fur la cerre & multipliez fur 
elle;ceuX'Ci, disje, nedevoient avoir 
eii que quatre fils lorfque de nos jours 
dans le temps que notre Sge ne s*^tend 
& mfimerarement, qu'a 70 ou 80 ans, 
& que nous fommes fi remplis d'infir*- 
mites , on a vu des hommes avoir jus* 
qa*a 20 & 30^ enfans d'une feule fera- 
me, & que 4 a 6 fils mSme ne foit 
rien d^ rare par mi nous 1 On voit done 
que Moyfe ne nous a conferv^ que 
tres-peu des noms des deTcendans de 
No^, apparemment feutement ceuxqui 
font parvenus par h tradition jufqu'^ 
lui y comme les plus c^lebres ; on peut 
ineme dire qu'il n'ea a pas toujouxa 



jg D$ la Population 

connu les v^^ricables noms , puifqae par* 
tout 11 a donn^ k fes defcendans les 
noms des peuples en pluriel quoique les 
Chefs de leur race en doivent avoir eu 
d'autres en fingulier;p. ex. ceux de Ki« 
thim , Dodanim , Mifra'i rn, Ludim^ 
Ananim, Leabim, Naphtahim, Path- 
^fim, Cafluhim, & autres, tous com* 
me les Philiftim , • par lefquels Moyfe in- 
dique manifeftement un peuple & non 
un feul homme ; je conjefture done 
par bien des raifbns, que par-tout ofi 
le trouve la terminaifon en im il eft par^ 
le non-feulement de peuple, mais de 
peuple m61^, defcendant de plufieurs 
diflF^rens chefs & peres ; que pour cet- 
teraifon Moyfe , en hiftorien fidele, n'a 
pas of^ leur en adigner un feul ; nous 
}e voyons clairement par les Aflurim ^ 
qui tirent indubitablement leur nom 
tfAflur, & que pourtant Moyfe don- 
ne (i) pour enfans de Didan , fous le 
nom a Aflurim , & non d'Aflur. On 
voit encore par-I^ , & par tanc d'autres 
faits rapportes ^ que fouvent ces peuples 
ont eu plufieurs tiges, bien loin que 
d'un feul ayent pu lortir diverfes colo- 
nies nombreufes & en fi peu de temps ; 
& par confequent Arphaxad , Salah ^ 

I (I). Gen. XXV. 3. . . ^ 



>;i. 



• de TAtmrlque. 3p 

EbCT, (^c. peuvent fort bien avoir eu 
-des freres ainds ; mais je reviens a moa 
calcul 

Suppofons done qu'Arphaxad ait en- 
gendr^ feulement dans fa 35^ annde & 
qu'il ait cefTd d'engendrer 35 ans avant 
fa mort, cela fera 70 ans qui ddduits de 
438 ans de fa vie fuivant les Hebreux, 
-il aura pu engendrer 368 enfans; par- 
centre fuppolons fuivant les LXX. qu'il 
ait commence d'engendrer feulement k 
ragede 135 ans & qu'il ait vdcu 538 
ans, il eft tres-naturel de croire, & 
ingme on nie faoroit en difconvenir, 
qu'un homme qui refte pafTd 100 ans fans 
avoir d'enfans, doit ceiTer d'autant plu- 
. t6t ^ engendrer \ proportion ; ainfi on 
dcvroit aufli compter 135 ans. Suppo- 
fons cependant 100 ans en tout, 235 
ans ddduits de 538 il ne refte que 303 
' enfans qu'il auroit produits , ainfi 65 
moins que de I'autre maniere; ou plu- 
t6t il faut fuppofer feulement 30 en- 
fans , s'il falloit allaiter 10 ans , comme 
' le foutient Jakfon. Je dis la m£me cho- 
fe de ^e$ enfans, au lieu que jefUppofe 
que ceuxci ont commence des leur 15 
ou 2o^ annde & qu'ils ont continue k 
proportion. Conduons done que ce 
calcul ne fauroit tourner k I'^vanuge 



40 De b Population 

de la Chronologie Grecque : mais en- 
fin fuppofons encore, ce qui efl: im* 
poffible, que ceux qui n'ont cooimen- 
c6 a engendrer qu*i leiir I35^ ann^e 
ayenc condnue audi longcemps que 
s'ils avoient commence a la 35* , a quoi 
: cela aboutiroic - il en faveur de cette 
, Chronologie des LXX. ? a rien , qu'a 
allonger les temps, mais non a multi- 
plier les hommes. Qu'ils aienc vecu 100 
ans, plus ou moins, cela ne faic rien 
k IWaire putfque ces 100 ans ife font 
pajQTes fans engendrer ; au contraire on 
trouvera qu*en fuppofant la meme cho- 
• fe pour tons leurs enfans , le monde 
devoit 6tre bien moins peuple fi la 
/Chronologic des LXX. ^toit veritable, 
-que fuivant celle des Hebreux : foit 
done qu*on adopte le Texte Hebreu, 
ou qu*on fuive la VerGon Grecque , il 
ell; impodible de trouver la quantity du 
monde requife. 

. Deja il ne s'agit pas de toute la fa- 

.mille de Cham. Chus a ^te le pere des 

►Arabes & nori des Ethyopiens deTA- 

frique, comme le prouvent les noms de 

fes fils; & les Auteurs modernes font 

aflez d'accord a cet dgard, Phuth , fui- 

., vant Bochart, doit avoir peupl^ la Ly- 

bie 9 cependant Ez^chiel en parle com* 



de TAmerique. 41 

me d'un peuple allid aux ennemis Sep- 
tencrionaux des Juifs, de mSme que 
de Chus & Lud , cous dans i'arm^ de 
Gog ; & fui vane J^r^mie , ces trois peu- 
ples devoient inonder TEgypte. 

Pour Chanaan , chacuD fait que fki 
defcendans occupoienc la Paleftine. Ain- 
fi , il ne rede que Mifrai'm , & quoique 
les peuples qui en defcendoienc n'ajenc 
pas occup^ , pour la plus grande partie ^ 
lEgypte, laiiTons-le defcendre avec 
touce fa famifle. Enfuivant la Chrono* 
bgie des H6breux , Mifrai'm ou Mefr , 
fi (^parex?) Chusn'^toitn^ (]|uequelque 
temps aprds le deluge , auroit pu avoir 
en 1772 environ 80 ou 90 enfans, ou 
45 couples dont environ 30 auroJeot 
^t^ en dge d'ayoir des en^ms^ & meme 
les 10 ou 15 ainds d'avoir des pecics- 
fils, ainfi route la faroille de MiTraim au- 
ra confide en 200 , (uppofons 300 per- 
fonnes, dont la moiti^ ^toit en bas ige. 

Les void arrives en Egypte , pays 
ddfert, fuivant Vopimon commune: 
'"^comment done dire qtfil y a ^bli un 
Royaume & que fes fils Tent parugi 
en 4, chacun ayant fa rffidence, fie 
& bad des villes? Comment parler de 
la conflaruaion de Thebes ^ de Memphis ^ 
de Sa & de tant d'autres viiies , desi 



* « 



4®^ De la Population 

temples magnifiques & autres ouvraget 
immenfes ? Ce feroit vouloir debited 
des contes-bleus de nous le vouloir; 
perfuader. 

Venons k la thefe 2 & 3. Mifraim 
z 6t6 OGris, celui-ci a eudes armies 
Bombreufes , fait des voyages de long, 
cxmrs, civilifd & inflruk les peoples » 
bad des villes , ^c. 

Que dire a ceci ? II en efl: de meme 
que du pr^cddent. Ofiris a fUremenc 
exifl^: eft-ce avant ou apres le deluge? 
Qn convient que c'eft apres, cepen- 
dant chacun eft forc^ de convenir 
qu'il a ete un de^ premiers Rois , & 
mSme quelques-uns difenc que ce fat 
Mifraim , ou M^nes: ofi a-t-il done 
pris fes armies ? Quels pays a-t-il vifi-» 
tes ? Quels peuples a-t-il civilifts , fi tout 
^toit d^Pert, ou que les peuples qui 
exiftoient alors fufTent tous fils, petitsr 
fils, ou arriere-petits-fils de No^, qui 
par confequenc ont du avoir joui des 
memes lumieres & des mSmes con- 
noiflances que lui ? A quoi bon batir 
des villes dans les pays ddferts , candid 
qu'il auroit du fonger a peujrfer (on pro-i 
pre pays , puifque fuivant ropinioji. 
commune il ne s'y trouvoit 4^e fa 
femiHe? . . . .A 



de rjmerique. 41 

me d'un peuple alli^ aux ennemis Sep- 
tentrionaux des Juifs, de rn^me que 
de Chus & Lud , cous dans I'anni^e de 
Gog ; & fuivant J^r^mie , ces trois peu« 
pies devoient inonder TEgypte. 

Pour Chanaan y chacuD fait que fef 
defcendans occupoienc la Paleftine. Ain- 
fi, il.ne rede que Milra'im, & quoique 
les peupies qui en defcendoienc n'aienc 
pas occup^ , pour la plus grande parde » 
TEgypte , laiflbns - le defcendre aveo 
toute fa famiile. £n fuivant la Chrono* 
logie des H6breux , Mifraim ou Mefr , 
fi (par ex.) Chu«n*6toitn6 cyie quelque 
temps aprds le d^lQge, auroit pu avoir 
en 1772 environ 80 ou 90 enfans, ou 
45 couples dont environ 30 auroient 
iti en ige d'avoir des enfans, & meme 
les 10 ou 15 atnds d*avoir des petits- 
fiis^ ainfi toQte la faroille de MiTrai'm au» 
ra confi(l6 eti 200 , ffappofons 300 per* 
fbtmes, dont la nioitid ^toit en bas age. 

Les void arrives en Egypte , pays 
d^fert, fuivant I'opinion commune: 
"^comment done dire qu'il y a dtabli un 
RoyaOme & que fes fils Font partagd 
en 4, cbacun lyant fa r^dence, & 
& bditi des yilles ? Comment parler de 
la conQaru&ion de Thebes ^ de Memphis ^^ 
de Sa & de tant d'autres viU^^ dea 



V 



* 



44 ^^ ^^ Population 

duit le luxe , la fuppofjtion feroit ridi« 
cule ; il ne devoit y avoir que cette 
feule fatnille , felon la fuppoflcion vul* 
gaire ; s'il y a eu d'autres habicans, 
ce feroit confirmer mon (y fteme , ou- 
tre que dans ces temps fi recules on 
ignore ce qui fe pafle dans Tintdrieur 
aune famille quelque grande qa'elle 
ibit J furtout pour la police & Toeco- 
nomie. Si on pofe le commencement 
de cette Peuplade k Tarriv^ de M^nes 
& qu'apres 30 fuppof^ 100 ans il e^c 
iritroduit le luxe , perfonne n'y auroit 

Slus fong^ apres tant de fiecles. U efl 
one dair que la (Implicit^ dans la ma- 
piere de vivre y fubfiftoat depuis bien 
des fiecles , & que c'eft pour cela qu*on 
a conferve la m^moire d'un change- 
ment (1 ruineux & fi fatal ; il faut que 
Gnefa6lus ait pu inflituer une compa- 
raifon entre la maniere de vivre an-: 
cienne & celle que M^nes avoic intro- 
duite. 

: Si Cliam , fuivant la thefe fixieme , a 
pu faire la guerre a Nimrod fon petit- 
fils & que Nimrod ait ete un puiilanc 
Monorque comme il fera d^montr^ ci- 
apreS) il faut qu'il ait eu des troupes, 
nombreufes ians compter fur fes fils & 
leurs defcendans> dont il efl; fait men- 

tion 



de TAmirique. 45 

tlon dans TEcriture , vu qu'ils fe trou- 
voienc deja tous ecablls dansd'autres 
contr^es. 

De toat ceci je conclud » que routes 
ces hifloires ne peuvent fubmler avec 
un deluge tellemenc univerfel , qu'il aic 
fait perir tout le genre hamain fans au- 
tre exception que celle de No^ & de 
fa famille; fi par-contre on fuppofe 
avec moi qu'il en a echapp^ une bonne 
partiedans les autres pays, tout eft fa- 
cile a expliquer , & voici comment. 
UEgypte a fans-doute audi fouffert du 
deluge , non - feulement le Delta ou 
I'Egypte inKrieure a ix.€ inondee , mais 
aufli lesp/aines de h haute Egypte, fur- 
tout parce que le Nil , principalement 
dans fon accroiflement, ayant rencon- 
ix6 cecte inondation , s'ell enfle & I'a 
augmentde, de forte que quantitd de 
gens & de bStes ont peri; le refle fe 
iera fans-doute fauv^ partie en Ethio- 
pie , ou plut6t en AfTyrie , & fur les 
montagnes adjacentes ; ce qui les au- 
ra jett^s dans une maniere de vivre 
barbafe , a laquelle ils fe font de plus 
en plus accoutumds , juiqu'i ce que 
Mifraim ^tant arriv^ avec Jes fiens en 
Egypte, a conflruit une ville, & la- 
bour^ les champs : les andens habitant 

Tome IF. C 



4() De la Population 

voyant que rinondation ne re\^enoit 
plus, comme ils avoient craint , retour- 
noient peu - a - peu fe joindre k cette 
nouvelle colonic; & comme TEgypte 
ZL et^ fans-doute audi, fertile avant ]e 
deluge qu'apres , le nombre des anciens 
babitans reftans a pu 6tre fort gr&pd , 
& ils ont du fe multiplier i Yimm , de 
maniere qu'il n'etoit pas impoffible 
qu'Ofiris ait pu lever une forte arm^e, 
& qu'apres lamort de M^nes, ou Ofi-: 
ris , ou Mifrai'm , on -ait pu former 
4 Royaumes. 

OGris lui-meme ayant 4i6 dans Fidee 
comme fon grand-pere N'o6 , & les fils' 
de celui-ci , que tout le genre humain 
avoit peri , & voyant le contraire , ju- 
gea des autres^ar ce refte des anciens 
Egj^ptiens, & voujut leurrendrelemg-' 
me fervice ; c'eft pourquoi il fit le vo- 
yage dans d'autres pays, ramaffa les 
hommes difperfefs, bitit des villes, les 
civilifa, & ne demanda d'autre rdcom* 
penfe que, la fatisfa6i:i(Mi . ineffable d'a- 
voir ^t^ utile au genre humain. 

Tout ceci eft d'autaffc plus probable- 
que Mandthbn ne fait pas la tnoindre 
njention du deluge. Quelle raifon en 
peut-il avoir ? Ceft parce qu'il tire fon 
hiftoire des monumens jqu'il a trouv^ 

' i "* i * ' * 



de TAmirique. 47 

dan3 la haute Egypte , qui n'avoic fouf- 
ferc qu'une inon^don , & non un tel 
deluge defbuaif: Thot, n'^aivant 
que les principaux dvenemens & i'fajs- 
toire des Rois , n'a pas trouv^ que ce« 
hii-ci mdricac d*£tre rapportd. 



CHAPITRE VII. 

Fragment ^ginialogic de Sanchoniathm. 

JL erminons ce que nous difons des 
Egyptiens par la g^nealogie antedila- 
vienne de Sanchopiathon. 

Prealablement ,' il faut ^tablir que 
cet ouvrage n'eft pas fuppofe , comme 
le Pere Simon , Dodwel , P. Montfau* 
5on, Van Dale, D. Calmet, P. Tour- 
nemine & autres voudroient le faire ac« 
croire. 

Parmi ceux qui en reconnoiflent Fau- 
thenticit^ fe trouvent , Eufebe qiii a 
donn^ le plus grand, fragnaent de cette 
hiftoire craduite , dit-il, parPhilonde 
Byblus ; Porphyre qui le premier en a 
donn^ connoiflance , s'en fervant con- 
tre leg Chretiens j Jheodoret, Voffius, 
P. Thomaflin , P. Pezron, Bochart, 
^SdUlingfle^) ^ Foorwqt^tisec au 



4$ De la Population 

nombre des premiers , je ne iais pour-* 
quoi , vu qu'aucontraire il fe donne 
bien de la peine de proaver cecte au- 
thenticity. 

Les objeftions qu'on y oppofe , font 
fl foibles , & Fourmonc les a fi bien r^« 
futees que je ne veux pas le copier ici. 
J*ajourerai feulement qu'Eufebe grand 
z^lateur du Chriftianifme , qui fe trou« 
voit a portee d'examiner la veritd des 
chofes par le voifinage de Ceferfe, n'au- 
roit pas manque de d^couvrir {'impos- 
ture , ou m6me fes doutes , s'il lui avoit 
cte pbflible d'en concevoir. 

Je ne m'arreterai pourtant pas k exzr 
miner cette g^ndalogle, cela me mdne- 
roit trop loin , je me contenterai dc 
rapporter celle julqu'apres le dduge, & 
que tons les Auteurs reconnoiflenc Sere 
celle de Cain 

Ginealogie tirie de Sanchoniathon. 

Sanchoniatbon. Moyfe. 

1. n^iywoq, A/«if. i. Adam. Eve. 

2. Tsif0i9 ysvsi. 2. Cain. 

3. eat;, ^hp. (pAog. 3. Enoch. 

4. .]^,o«. A/^o«. 4.\omi8. 

' <S. AypA<;. AA*fv4 6. Irad. 



• ie TAmiriquel 4 J) 

%. T^t-ni^ , Tihot;. 8. Methufale. 
9. Aypbc^ 'Aypowfpo^. 9. Lantech. 
10. ''Afjum^j Mtfp^. 10. JabaLJubaL 

II. St/^K, M^owp. 

12. Ka^ipol. Thoth, DiofcurL 

13. BAiow , 4 t;4;/<;<«. 

14. Ejrfyioi^ fi AvToxTctifj fi Oupoi^ ^. 

15. 'lAo^ li Myo$ 1 BfTvAo^ , Aft9^A» y AtA^. 

Fourmont place Texyhn^ & Tsim^ avec 
Xpt/^^P & omec cette g^n^ration 8"'^ * 
je ne fais pourquoi; il efl: vrai qu'il 
ajoute dans la tranflation du fragment , 
que de cetxe race (de Chrifor) il s'^coic 
6kv6 deux autres jeunes hommes ^ que 
Ton avoit appell^ , I'un , TArdfle ou le 
Batifleur,<& 1 autre, Ie faifeur ou com- 
poQteur de terre ; ainfi je ne comprens 
pas pourquoi il n'en a pas fait une gd- 
n^ration. 

Parcontre il veut abfolument faire 
de Cronus , Abraham ; c'eft pourquoi 
il traduit ; de leur race , c'eft-Ldire de 
Elion & de fa femme Berouth , fort 
ETrfyevoq OU Uranus , au lieu que le Texte 
Grec porte 6^ ^ y&nSrm , d'cux ndquiu 
Mais enfin ceci ne regarde pas mon 
fujet. 

Tons les Auteurs qui reconnoiflent 
I'authenticit^ de ce fragment de San- 

C3 



so De b Population- 

choniathon, admectenc auffi la veritd 
des faits & de la g^n^logie de Cain ; 
feulemenc lis trouvent a redire qu^apres 
'AfAwo^ & M^o$, notre Auteur ometce 
]e deluge y & comme ils font dans la 
ferme idee qu'apres cet evenement il 
ne pouvoit 6tre queftion qiie de Noe , 
ils dTurent que celui- ci eft liuSutc, ne poo- 
vant comprcndre pourquoi Sanchonia- 
thon fait defcendre ce Sydyk de Cain » 
plut6t que de Seth. 

lis ont raifon , & (i toute la Race de 
Cain B,vok6t6 d^truite, il feroit incon>- 
prthenfible pourquoi les defcendans de 
SethparNod, tous gens pieux , favo- 
lis pour ainfi dire da Dieu tout-puis- 
fent , fe feroient fait honte d'en des- 
cendre , & auroient prefer^ de recon- 
noitre pour chef de leur tige Cain , 
dont la memoire etoit en execration 
chez tout le monde. Si de nos jours 
quelqu'un pouvoit prouver qu*il defcend 
en Kgne direfte d'Augufte ou de Tite, 
voudroit-il fe forger une nouvelle ge- 
n^alogie pour parottre defcendre de Ca- 
ligula ou de Neron ? 

Tout ceci fait voir clairement que 
la premiere partie de cette genealogie 
& de cette hiftoire dtant recue pour ve- 
ritable , la derniere ne fauroit fitre x^ 



de TAmirique. 51 

voqu^e en doute , pui/qu'elle efl: moins 
^loignee du temps de G^ddon , auqael 
a.peu-pres Sanchoniathon vivoit, car 
de le placer apres les temps de Da^d 
parce qu il parle de Tyr qui n'dtoit pas 
batie au temps du premier & qu'il de- 
die fon Hifloire k Abibalus qu'on fup- 
pofe le pere de Hiram, c'cft vouloir 
rever. 

Ces mfimes favans conviennent qu'll 
y a eu une autre Tyr bien ancienne,& 
Sanchoniathon lui-memedit qu'elle a 
ete batie avant le deluge : ainfi un en« 
fant concluroit que c'eft de celle-ci 
qu*il veut parler& non de Ja nouvelle; 
& quant a Abiba/us on /pait qu'ii y en 
a eu un de ce nom Roi de Beryte, Pa- 
trie , a ce qu'on croit , de Sanchonia- 
thon , fort anterieur k celui de Tyr. 

Si done les Phdniciens dtoient & 
fe faifoient gloire d'etre delcendans de 
Cain , il fera auffi probable que la vil- 
le de Cain dans la Tribu de Juda (i) 
ait ete batie par fes defgendans ; vu que 
ceux de No^ n'auroient pas voula im- 
pofer un nom fi fort en abomination a 
une de leurs villes. Ce qui rend men 
opinion encore plus probable eft, que 

(I) Jofu^. XV. 57- 

C 4 



52 De la Population 

la Paleftine ^coit fi voifine de la Phem* 
de 9 que chez les etrangers elle fiit fba- 
venc comprife fous la meme denomi- 
nation ; que m£me les prdcendus LXX. 
ont nommd Rois Pbenkiens ceux dii 
Chanaan ; cc qui eft encore une preuve 
que ces tradu£ieurs etoient Juifs Hel- 
leniftes de TEgypte, & non Hdbreux 
de la Paleftine. Si done les Ph^niciens 
Etoient defcendus de Cain , eux ou 
leurs ancetres avanc le deluge ont fort 
bien pu avoir bati cette villeancienne* 
Que Sanchoniathon ne parle pas du de- 
luge il n'en faut pas £tre furpris , va 
qu*]l ne donne pas une hiftoire dten- 
due , roais^plutdt une relation des per- 
Tonnes illuftres dans la race, defquelles 
lui & fes conipatriotes defcendoiene ,, 
principalement de celles qui ont invcn- 
le des arts necefiaires & utiles au gen* 
re humain, ou qui ont fait qudque ac- 
tion extraordinaire ; ainft ayant regar- 
ds le deluge comme une inondation ex- 
traordinaire & non comme ayant fait 
pdrir tout le genre humain , il Ta pas- 
fte fous Glence; ce qui rend cette prd- 
tendue univerfalite du deluge toujours 
plus douteufe. 

Enfin il y a encore une remarque a 
faireici. 

Da 



de rAmirique. 53 

Du temps du deluge , fuivant que 
ks Auceurs ajuflenc cecteg^n^alogie, 
Sanchoniathon rapporte deux hommes, 
favoir Sydyk & Mifbr. 

Fourraont vcut que Sydyk fbit Nod 
& Mifor Mifraim , mais il veuc que 
Taaut ou Toot ne fut qu'un de» defcen- 
dans de Mifor : je n'entreprendrai pas 
de refuter toutes les tres-favantes reve- 
ries de ce c(^lebre Auteur , jie me tien- 
drai feulement a ce qui Fait a mon fu- 
jet. Dans leGrec il y a, ord Mmf^^ t««uu 

To^ , S; 6up6 lYpf T&f TTfdrw voiXJtMf ypaUPvp^. 

^EUkip^i ii *EfiMVf » hk}jsffeaf. II a traduit 
les trois premiers mots » Mifor eu$ cm 
nombre de fes fuccejfeurs Taaut ; je con- 
fefle que ces termes lar^ Mt^iip fbot fus- 

» ceptibles de cette explication., mais aus- 
fi on peut plus natureHement interpre- 
ter , de Mifor ndquit Taaut ; il faut feu- 
lement examiner lequel (ens eft le ve- 
ritable; dans les deux articles prdc^* 
dens Sanchoniathon dit Asr^ rourom yt* 
ififfteuy aind H eft a croire que par el- 
lipfe fort naturelle ici le t^Mm eft 
onus & qu'il faut y donner le meme 
fens comtne s'il yavoit afraNk^iuytm 
>wSfl» Ttutvro^ & c*eft-ce qui s'accorde 

• parfaicemenc avec Thiftoire: Taaut a 

C5 



54- ^^ f^ Population 

6t6 le premier miniftre d'Ofiris ou de 
M^n^s premier Roi d'Egypte & n'i- 
toit pas Ton fils : Thifloire Orientale le 
nomme Canca-hendi ou Canca F Indien ^ 
prefque tous conviennent qu*il a ^t^ In- 
dien. Si done M6n6s a ^t^ le Mifrai'm 
de Moyfe & Taaut le fils de Mifor de 
la race de Cain , cela s'accorde fort 
bien , qu^il a 6t6 Stranger » & que peut* 
6tre alors ces defcendans de Cain habi- 
toient quelque partie des Indes; tout ce 
qui ^toic k FOrient ayanc 6t6 nommd 
Indes par les peuples plus occidentaux ^ 
furtouc pendant la grande inondation ^ 
d*oii Taaut & peut-fetre encore plufieurs 
autres ont pu fe joindre k Mifraim pour 
defcendre en Egypte , vu que les des* 
cendans de No6 aprds leur fortie de 
Farche, ne devoient etre gueres ^loi-, 
gnds des Indes; & alors on concevra plus 
aifement que Mifraim ait pu rafTembler 
oHe colonie aflez nombreufe pour aller 
peupler la partie infi^rieure cte FEgyp- 
te ,au lieu que , comma il a 6ti d^mon* 
trd ci-deflus , la feule famille de Mis* 
raim , pris pour le fils de Cham , n*y 
auroit pas k beaucoup pres fuffi. Je dis 
TEgypte infdrieure, car je fuppofe que 
la fup^rieure fur les confins de FEthio- 
pie , (quoique4>euc-etre efte ait eu des 
Rois de la m£me nce^ vu que Mifraim 



it TAmiriqixt. 55 

doit avoir fondc 'I'hebes,) a eu pour k 
plus grande partie des anciens habitans 
antediluviens. Mes raifons font que 
generalement on croit , & cette opinion 
eft fondle fur TEcriture, que Zoan qui 
n'etoic pas dans la haute Egypce a ^te 
la plus ancienne ville de ce pays & ba- 
tie avant Thebes. II eft done apparent 
que M^nes ne fongea a conftruire une 
auffi grande ville que Thebes avec fon 
peu de monde , que lorfque peu-i- 
peu les anciens habitans fuflent reve- 
nus au pays & dans les plaines de la 
haute Egypte. Une autre raifon eft que 
la baile Egypte a ^t^ infeClee de bon- 
ne heure de J 'idoJatrie & que la haute 
a et^ exempte pendant bien 61^ Geeks 
des cultes fuperftitieux. Tous les Au- 
teurs conviennent que ne reconnoiffant 
que I'Etre fupreme , fous le nom de 
Cneph , lis furent exempts des contri- 
butions qu'on levoit pour Fentretien 
des temples & des pretres des idoles. 
Hecat^e reconnoit que les Egyptiens 
n'avoient ador6 Dieu fous diverfes fi- 
gures, que parce qu'on ne lui peut en 
attribuer une dAerminee. Je rdp^terai 
dans un autre endroit les raifons qui me 
perfoadent que les anciens habitans 
^toient plus religieux que ks noaveaoz. 
• C 6 



56 De la Poputation 



CHAPITRE VIII. 

Dis Ethiopiens. Difpute entre les^ Egyp^ 
tiens £y les Ethiopiens fur kur anti^ 
quiti. Ce qu'en difent Diodore de S> 
file ^ divers auteurs. 

Avant que de quitter fartide de^ 
Egyptiens , il me paroit qa'il eft ^ 
propos de parler des Ethiopiens leurs 
voiCns. 

Tous les Auteurs anciens convien- 
nent de I'antiquit^ de ces peujples , & 
alTiirent qu*ils font indigenes ; ieule- 
ment, ils ne favent quel parti prendre 
dans la difpute qu'il y avoit entre les 
Egyptiens & les Ethiopiens, chacun< 
de ces peuples foutenant que Tautie 
^toit une de fes colonies; & peut-etre 
avoient ils raifon tous les deux, puis- 
. que nous \^yons que dans d^a^tres pays 
il e(l forti qudquefois une colonie, 
& que de cette colonie il en eft refor- 
ti apres quelques (iecles une autre pour 
retoumer dans Ton ancienne patrie: 
xnais examinons ce que les anciens Au- 
teurs les plus authentiques & les plus 
approuv^s en difent. 



de TAmerique. 57 

Diodore de Sicile rapporte (i) que 
les Eihiopicns fe difenc les premiers de 
tous les hommes, ^c. Ton convient 
afTe^ g^dralement qu'^tant nds dans 
le pays, & n'y ecanc point venus d'ait* 
kurs, ils doivent etre appellds AiKocb- 
thones. 

Ils difent (2) que ce font eux qui 
ont inftitu^ le culte des Dieux, les fd» 
tes, les aflemblees fdemnelles , les fa- 
crifices, en un mot toutes les pratiques ^ 
par lefquelles nous honorons la Divini- 
te; c*eft pour cela qu'ils pailentpour 
les plus reli^eux de tous les hommes 
& qu*on croit que leurs facrifices font 
les plus agrdables aux Dieux: Tuo des 
plus anciens Poetes & le plus eflim^ de 
la Grece, Homere Iliade vs. 422. leur 
rend ce t^moignage , lorfqu'il introduit 
Jupiter & les autres Dieux allant en 
Ethiopie aSifler aux feftins & aux fa- 
crifices annuels , qui leur etoient prd* 
par^s chez les Ethiopiens. 

Jupiter aujourd'hui , fuivi de torn 
les Dieux des Ethiopiens, re- 
joit les facrifices. 
lis difent (3) de plus que les Dieux ont 

(i^ Tom. I. p. 337. traduaioH de VAbb^ 
Terraflbn. 

(2) P. 338. (3) P. 339^ 

C7 



58 De la Population 

recompenfe leur pidt^ par des avantages 
confiderables comme de n*avoir jamais 
^ce fous la domination d'aucun Prince 
Stranger. En efFet ils ont toujours con- 
ferve leur liberty par la grande union 
qui a regne en tout temps entr'eux ; & 
plufieurs Princes tres-puiflans qui les 
ont voulu fubjuguer , ont dchoue dans 
leur entreprife. 

Ils difent encore que les Egyptiens 
font une de leurs colonies , qui fut mS- 
nee en Egypte par Ofiris. Ils preten- 
dent meme que ce pays , TEgypte, 
n'^toit au commencement du monde 
qu'une mer , mais que le Nil entratnant 
dans fes crues beaucoup de limon de 
TEthiopic Tavoit enfin combl^ & en 
avoit fait une partie du continent. 

On voit (4) aux embouchures du 
Nil une particularity qui femble prou- 
ver que TEgypte eft un ouvrage du 
fleuve ( j). 

lis ajoutent que les Egyptiens tien- 
nent d'eux comme de leurs Auteurs & 
Ancfitres , la plus grande partie de leurs 
loix ; c'eft d'eux qu'ils ont appris a ho- 

(4) P. 340. 

(5) Voyez Plutarque,H<5rodotequi prouve 
ce fait par plufieurs raifons cr£s-fortes, & nom* 
bre d'auties hldorkns. 



de TAmhique. 59 

Borer leurs Rois comme des Dieux , & 
a enfevelir leurs morts avec tant de 
pompe; la Sculpture & TEcriture ont 
pris naiffance chez les Ethiopiensj les 
Egyptiens fe fervent de carafterea qui 
ne font propres qu'a leur nation^ & les 
Ethiopiens ont auffi deux fortes de ca- 
radleres , mais ils font conimuns a (out 
le monde chez eux , ^c. 

Les Ethiopiens (6) ont plufieurs loix 
fort diffdrentes de celles des autres peo- 
ples, furtout pcMir ce qui regarde Td- 
le6lion des Rois. 

II y a (7) plufieurs autres nations 
Ethiopiennes dont les unes cultivent les 
deux ci&t^s du Nil avec les Ifles qui 
font au milieu ; les autres habitent les 
Provinces voifines de TArabie ; d'autres 
font plus enfoncdes dans TAfrique; 
prefque tous & entr'autres ceux qui 
font le long du fleuve, (apparemment 
le Niger , nomm^ aiiffi Nil par quelques- 
tins) ont la peau noire, le nez camus, 
& les cheveux crepus ; ils paroifFent 
tres-fauvages & tres-ftroces & fe font 
pourtant beaucoup moins par tempd- 
ramment que par volontd & par af- 
.Ceftation ; ils font fort fees & fort brfi- 
les, leurs ongles font toujours tongues 

. ifi) P. 342. (7) P. 346- 



(Jo De la Population 

comme celles des animaux j ils ne cod* 
noiffent point Thumanitd j ils ne pous- 
fent qn'un fon de voix aigu, ne s'dtu- 
dienc point comme nous k rendre la 
vie plus douce & plus agn^le^ ils 
n'ont rien des moeurs ordinaires. 

Les Echiopiens (8) diflferent encore 
des autres nations dans les honneurs 
qu ils rendent a leurs moits : les uns 
jettent leurs corps dans le fleuve , (^c. 
les autres les confervent dans leurs mat- 
fons dans des niches de verre , d'au« 
tres les enferment dans des cercueils de 
terre cuite , & les enterrent aux envi* 
rons de leurs temples. 

Les Africains (9) & les Ethiopiens 
font continuellement en guerre pour fe 
difputer ce terrain. 

Pour moi, (10) dans le temps que 
je voyageois en Egypte , je me fuis 
fouvent rencontre avec des Pr&res 
•Egyptiens & des Ambaffadeurs Ethio- 
piens. Ayant recueilH avec foin ce que 
je leur entendois dire & y ayant ajoutd 
ce que j'ai trouvd dans les meilleurs 
hiftoriens , j'ai compofd cette partie de 
mon ouvrage, de ce qui m'a para* le 
plus gdn^ralement avoudpar les uns & 
par les autres, 

(8) P. 348. (9) P- 350. (lo) P. 35** 



ie TAmirique. 6r 

La Troglodytique (ii) i*. Les Ich- 
tyophages fur la Mer Rouge qui n*ont 
aucune id^ de ce qui efl honnete & 
de ce qui ne Tefl: pas , point de maifons 
ni d'inftrumens , vivent des poiflbns 
qu'ils prennenc entre les rochers apres 
le reflux de la mer (i 2). 

lis p£chenc (13^ & mangent pen- 
dant 4 jours , & Ie cinquieme ils vonc 
boire aux fources d'eau , & s'en rem- 
pliflenc par provifion. Ce{l-la cons- 
tammenc leur maniere de vivre. 

Les Ichtyophages (14) qui habicent 
plus pres du d^troit font encore plus 
brutes » ils ne boivent jamais , & font 
entierement fans (entimenc. 

L'Auteur donne (15) encore la des- 
cription des Chelenophages, des Rizo* 
phages , des Hilophages , des Sperma- 
tophages , des Hylogones , des Eldphan- 
tomaques, gfc. 

II ait (16) que leurs voifins du c6t^ 
du Couchant font les Ethiopiens Simes » 
& au Midi les Strutophages , qui font 
fort fouvent en guerre avec les Ethio^ 
piens Simes. 



(") P. 357» Cra) P. 260. 

C13) p. 3<52. (T4) P. 3<?3. 

(15) P. 368—377. (16; P. 380. 



62 De la Population 

II park (17) des Acridophages & 
des Cynamines. 

Les Troglodytes (18) proprement 
ainfi nommds ou Nomades, qui paflenc 
lear vie i garder des troupeaux , font 
divifts en differentes Tribus, qui ont 
chacune leur Roi. 

lis font circoncis (19) a la maniere 
des Egyptiens. 

Nous ferons mention plus bas de ce 
que TAuteur dit des Atnazones Ethio- 
piennes. 

Les Auteurs de THiftoire Univerfelle 
difent (20) au fujet de Tinvention des 
lettres. „ II fuffira d'obferver ici que 
„ quoique la plupart des autres nations 
„ foient fuppofees les avoir regues des 
„ Egyptiens, il fe pourroit neanmoins 
„ bien , que ceux-ci les euflent emprun- 
„ tees de leurs Voifins les Ethiopiens 
„ parmi lefquels les lettres furent en 
„ ufage de bonne heure, & dont le 
„ caraftere vulgaire devint celui dont 

les Egyptiens firent leur caraftere 

facr^/' 

Hdrodote dit qu*il ignore laqudledes 
deux nations , Egyptienne ou Ethiopien - 
ne,a pratique la premiere la circoncifion^ 

(»7) P. 381. (18) p. 3?<5, ef^. 

09) P. 388. (20) T..1. p. 4C9. 



5J 



de TJmiriqu^. 63 

Philoftrate dans la vie d'ApoIIonius 
de Tyr loue fort la Philofophie morale 
des Ethiopkns & Quint. Septimius dlt : 

Primijujlitiam^tbiopes docuijje feruntur 
Et primi coluiffe DeoSj ritusque facrorum ; 
EtCultuSy Cantufque pm didiciJJ'e, ff bonefiis 
Aftihus injiravijj'e viam, 

Lucien les a auili efUme's plus fages Sc 
plus favans que les autres peuples, 
meme dans I'Aftronomie ; & il aflure 
avec Diogene-Laerce, qu'ils ont 6t6 1^ 
premiers qni ont connu que la June 
n'avoit qu'one lumiere emprunt^e ; qui 
ont determine & impofe les noms aux 
Planetes , ^c. que c'eft d'eux auffi , que 
les Egyptiens ont appris cette fcience, 
de meme que TAftrologie judiciaire. 

H^rcdote dit encore , k - peu - pres 
comme Diodore , que les Ethiopiens 
dans les plus anciens temps ont enduit 
les corps morts de verre, & qu'ils les 
ont dreiRs en quelque endroit, pour 
pouvoir les conferver & contempler. 

Le favanc Ludolf dans fes Commen- 
taires dit (21) que les Ethiopiens ^cri- 
vent de la gauche a fa droite, & les 
leities une a une, au Meuque les Arabes 
font le contraire , & les joigncnt en- 

(2X) — p. ^o. 




.64 De la Populatien 

femble, qu'on en peut condure que les 
Ethiopiens one eux-memes invent^ les 
lettres , avant que les Arabes en ayenc 
eu connoiffance. 

Les noms (22) des mois chez les 
deux peuples n'onc aucune refTemblan^ 
ce, il faut que les Abyffins les ayent 
empruntes des anciens habitans qu*ilg 
one trouves, ou bien des Ethiopiens 
leurs voifins. 

Enfin outre les Auteurs all^gu^s , Ho- 
mere , Strabon , Pline & plufieurs au- 
tres anciens afTurent unanimement que 
les Ethiopiens font indigenes ou n6s 
dans le pays, & non venus d'ailleurs; 
qu*ils font les plus anciens des mortels 
qui n'ont point et^ meles avec les etran- 
gers, qu*ils ont eu leurs propres Rois, 
que ces Rois ont 6t6 celebres par leurs 
guerres en Egypte , puiflans, 6?c. 



CHAPITRE IX. 

Des Amazones Afriquaines. 

V oyons a-prdfent ce que les Auteurs 
difent des Amazones d'Afrique, Dio- 

(22) Ibid. p. 6u 



de rjmeriqtie. 6$ 

dore eft celui qui en donne la connois- 
fance la plus ample. 

11 dit (i) que celles-ci font plus an- 
ciennes que les autres & les ont furpas- 
fdes par leurs exploits: cette nation, 
dit-il, a ete dteinte plufieurs fiecles 
avant la guerre de Troye. 

Denis de Mitylene en parle & die 
(2) que dans TAfrique il y a eu plu- 
fieurs nations de femmes recomman- 
dables par leur valeur, celle des Gor- 
gones yaincue par les Amazones , qui 
vivoient dans le voifinage de TEthio- 
pie , dans une Ifle nommde Hefpdrie 
(3) , fitude au couchant du Lac Trito- 
nides ; Myrine leur Reine aflembla 
goooo femmes d'infanterie & 2000 de 
cavalerie , avec lefquelles elle fit une 
irruption dant le pays des Atlantides 
& s'en rendit maitrefle. 

Les Gorgones (+) leur faifant tou- 
jours la guerre, Myrine les d^truific 
prefque toutes; quoiqu'enfuite elles fe 
foient relev^es , elles furent encore at- 
taqu^s par Per fte & detruites par Her- 
cule. 

Myrine (5) entra en Egypte & lia 
amitie avec Orus fils d'Ifis ; attaqua en- 

(1) Tom. I. p. 433, (2) P. 434, 

(i) p. 436, - (4) P. 439. 

(5) P. 441. 



I 



66 De la Popufation 

fuite les Arabes & en extermina un 
grand nombre ; foumit la Syrie ; entra 
en Cilicie & en Phrygie ; bitit plufieurs 
villes & les nomma de Ton nom , de ce- 
lui de fa foeur , & de fes compagnes. 

Voili done ce que Diodore en dit. 
Tacite eft aufli dans Tid^e que Jes Ama- 
zon es de I'Afrique foBi les plus an- 
ciennes. 



CHAPITRE X. 

Les Ethiopiens ne defcendent pas de Chus. 

K xaminons encore de qui quelques 
Auteurs yeulent fairc defcendre les 
Ethiopiens. 

Le plus grand nombre a et6 pour 
Chus, & pretend que I'Ethiopie a tou* 
jours it6 d^fign^e par ce nom dans 
I'Ecriture fainte. Cependant le contrai- 
re fe trouve par - tout. Le terme de 
Chus deOgne toujours TArabie & aufli 
la Province de Sufe ou le Chufiftan. 
La femme de Moyfe etoit Cuflite ou 
ou Madianite , ce qui eft hors de doute. 

Les fils de Chus furent Seba , Hevi-. 
lah, Sabtha, Raema '& Sabtecha ; les 
fils de Kaema^ Scheba &.Dedan} & 



de TAmerique. 6'j 

tous les Auteurs les plus cdlebres pla- 
cent ceux - ci en Arabic , & non en 
Ethiopie ; aiiffi Bochart fuppofe que les 
Ethiopiens font les Ludim, mais il a 
it€ aflez refute , fans que je m'en mele 
encore. Revenons k Cfaus , nous pour- 
rions apporterplufieurs raifons pour re- 
futer Terreur de ceux qui confondent 
TEthiopie avec le pays de Chus. Nous 
nous bornerons k deux qui font tran- 

Le Prophete Ezechiel dit Ch.XXIX. 
'QS. lo. au nom du Seigneur , je rddui- 
rai le pays d'Egypte en d^fert de fe- 
chereffe & de defolation , depuis la 
Tour de Syene jufques aux frontieres 
de Chus. 11 eft furprenant qu'un grand 
& favant Theologien dans fes notes fur 
la Bible , ajoute ici ; depuis Syene qui 
^toit vers Textremit^ de la Mer Rouge , 
jufqu'en Ethiopie ; au lieu que tous ceux 
qui ont la moindre notion , fuperficiel- 
le meme , de I'hiftoire & de la geogra- 
phie d'Egypte , ancienne ou modeme , 
favent que Syene a tpujous ^te fituee 
dans la haute Egypte fur fes confins de 
rEtbiopie, qu'elle a toujours ete con- 
nue p^r des Edifices Jes plus magnifi- 
ques (i), les pyramides & le Puits fa« 

(0 Voyez les Voyages de Pocoke, 



68 De la Population 

meux du foleil , comme etant fitu& di- 
reftement fous le Tropique du Cancer:, 
ainfi fuppofer Cus TEthiopie , ce fe- 
roit dire autanc que fi on vouloit prd- 
dire la ruine de tout le Royaume de 
France en difant depuis Perpignan jus- 
qu'en Efpagne ; & pour faire voir en- 
core plus clairement, ce qui n efl ddja 
que trop clair, c'eft que le m8me Pro- 
phete ajoute, Ch. XXX. vs. 6. oule 
Seigneur continue fes menaces, & die: 
lis y tombcront par Tdpfe depuis la Tour 
de Syene , ainfi depuis Textr^mit^ la 
plus ^loignde de la Paleftine. 

L'autre pafTage n'efl pas moins d^ci- 
Cf. Efaie dans fa Prophdtie contre I'E- 
gypte Ch.XFIU. vs. i. dit: malheur au 
pays , qui eft au del^ des fleu ves de. 
Cus ! par confdquent , le pays de Cus 
^toit fitud entre TEgypte & la PaleflJ-, 
ne , c'eft done T Arabic & non rEthiopie. 



CHAPITRE XL 

Les Ethiopiens ne font pas une 
colonie d'Indms. 

JD'autres veulent que les I'Ethiopiens 
foienc une colonie d'Indiens ; mais 9et- 

te 



ie TAmirtque. 6^ 

K opinion eft infoatenable : les Indiens 
oflfC toujours afliire qu'ils n'avoienc ja« 
mais envoye de colonie hors de leur 
pays. Les hiftoriens des autres peuples 
s'accordent audi la-deflus & MdgafUiS- 
ne leur meilleur Auteur fore lou^ par 
Pline, Solin & Arrien, & nomm^ par 
ce dernier un homme d'une foi eprou- 
vee , affure la mfime chofe. On voit 
parfaitemenc , que fi tous les hommes 
defcendoienc de No^ , il auroit fallu 
bien des fiecles avanc que les Indiens 
eufTent ^t^ alTez nombreux pour envo- 
er des colonies , premierement en Ara- 
ie & de-Ik en Ethiopie; par confe- 
quent les anciens Auteurs qui afTurent 
unanimement que les Echiopiens font 
Indigenes ou Auto£lhones auroienc fa- 
cilement pu etre inftruits de leur origi- 
ne, & fur- tout les Egyptiens , peuple 
fi favant , fi fage , fi ichir6 , auroient 
bientdt fju trancher la difpute qui rou- 
loit fur Tantiquite des deux peuples ; les 
Egyptiens, dis-je, auxquels on ne re- 
fufe pas une grande antiquite. Au res- 
te par ou ces Indiens ont-ils pafK? On 
a bien prevu cecte objeftion , c eft pour- 
quoi on dit qu'Amdnophis donna pafla- 
ge a une colonie d'Indiens , qui allerent 
s'dtablir en Ethiopie , quoiqu'il foic pea 
Tome IV. D 



I 



76 De la Population 

veritable que ce Roi qui vdcut fuivant 
L'Englet du Frenoy 1742 ans avant J^- 
fus-Chrift, ait donne paflage a une for- 
te colonie par fon pays ; & que rien n'e- 
toit plus facile que d'indiquer leur ori- 
gine , qui n'auroit pu fe dater que de- 
puis cette epoque. Nous ne laiflerons 
pas de le fuppofer, & on n'en fera pas 
plusavancd, puifqu'Eufebe & Syncel- 
le qui fuppofent cette colonie, remar- 
quent que depuis ce temps on a tou- 
jours diftingue entre les Ethiopiens o* 
rientaux qui avoient les cheveux longs 
& les occidentaux qui les avoient cre- 
pus comme de la laine : ainfi Ton ne 
fauroit jamais donner une idde feule- 
ment apparente & probable de Forig:- 
lie de ceux-ci. Ce que nous allons bien- 
t6t examiner, apres que nous aurons 
fait quelques remarques fur ce que nous 
venons de rapporter des Ethiopiens fur 
la foi des meilleurs Auteurs : je dirai ea 
paflant que Diodore & la plupart de 
ceux qui ont parle des Egyptiens & des 
Ethiopiens ayant v^cu fous Jules-Cefar 
& Augufte , dans un (lecle fi ^clair^ , 
auroient 6t6 bien redrelRs par d*autres, 
s'ils avoient ecrit quelque chofe qui 
ft^t contraire aux anciennes hifloires & 
k ce qu'on en favoic d'ailleurs j comme 



i 



de TAmirique. 71 

il en arriveroit de nos jours, ou on 
trouve d'abord plufieurs Antagoniftes 
qui relevent non-feulemcnt pareilleser- 
reurs, roais tout ce qui a Tair de noa- 
veaut^ , furtout en fait d'hiftoire. 






CHAPITRE XII. 

Les Ethiopiens ont iti tris-renommes pour 
leur fagejfe & leur aniiquite. 

IN ous voyons que dans les temps les 
plus recul^s les Ethiopiens ^toient re- 
nommes pour leur fcience & pour leur 
fagefle, leurs arts, leur gouvernement, 
leur valeur & leurs autres grandes qua- 
lites , & que les Egyptiens , fi celebres 
eux-m§mes , ne d^daignoient pas d'en- 
trer en concurrence avec eux, &de 
xlifpucer laquelle des deux nations des* 
cendoit de Tautre , quoiqug ceux - ci ' 
^uflent fait remonter leur antiquity bicn 
au dela du deluge. 

Nous avons vu qu'Ofiris ou Menes 
a voyagd en Ethiopie , qu'il y a trouvd 
des habitans, que les Egyptiens fup- 
pofent qu'il leur a appris Tagriculture 
•& qu'il y a b&ti des villes ; d'oii peu- 
vent-iisdoncdefcendre? M^nes a gou- 



jt De la Population 

verne TEgypte environ ii(fansapre« 
Je deluge & cependant il trouva TEthio- 
pie deja peuplee. Orus fut fon fils, 
Myrina la Reine des Amazones , Ethio- 
pienne (i fameufe parfes guerres & 
viftoires , fit connoiflance avec lui. Ces 
'^Amazones furent d^truites plufieurs, 
quelques-uns difent environ huit*ficcles 
avant la ruine de Troye; celle-ci arriva 
1135 ans apres le deluge & fui vane d'au^ 
tres encore plut6t , ainfi cela s'accorde 
parfaitement avec ce que Diodore mai> 
que de Myrina & de T^poque ou elJe a 
vecu. Cetce nation des Amazones au- 
roit encore fubfifte apres Orus environ 
un ou deux fiecles , mais d'oii les pren- 
dre & de qui faire defcendre ces peu- 
ples , foit hommes , fbit femmes , fi on 
fe tient au fyft^me , que tout le genre 
humain a peri dans le deluge? 

Si nous confid^rons en outre les Tro- 
glody tes & autres barbares , connus pour 
tels des plus anciens peuples , on ne fau- 
roit difconvenir de leur extreme anti^ 
quit^ , vu que plus les peuples font bru- 
tes , & plus anciens ils font ; parce que 
c'cft une marque non douteufe qu*ils 
ont et^ fepares depuis bien des fiecles 
de tout commerce avec les autres hom- 
mes. Or ceux-ci font dans le cas, les 
plus anciens Auteurs en font mention 



ie TAtnirique. 73 

fur ce pied ; par confequent leurs an- 
c6tres doivent avoir habite Ces pays de- 
puis un grand nombre de fiecles. 

Les Auteurs conviennent aufli que 
]a circoncifion s'efl: trouv^e chez les 
Egyptiens wk'uj^ des le commence- 
ment & n'en ont pu afligner aucun 
temps ; cependant on ne peut decider 
s'ils Tout regue des Echiopiens ^ ou ceux- 
ci de ceux-la : il faut done qu'il fe foit 

iiafle bien du temps depuis que Tun & 
'autre peuple s'en eft fervi j 13 les 
Egyptiens qui ^toient fl foigneux , m6« 
xne d^ja avant le deluge , d'ecrire leurs 
c^r^monies & culte , leurs arts, leur 
religion fur des colonnes & de les con- 
fer ver avec le dernier fpin entre les 
mains des Pretres, n'en pouvoient ren- 
dre raifbn. 

Nous pouvons dire la mSme chofe 
des lettres, &qu'il paroitque les Egyp- 
tiens ont emprunt^ certaine forte d'E- 
criture des Echiopiens , quoique ce f(it 
d'abord apres le deluge, auquel temps 
les Egyptiens defcendus de Cham de- 
voient avoir apportd avec eux les ca- 
rafteres de leurs ancetres ; on volt qu'il 
s'agit ici de celle des anciens habitans 
de TEgypte fuperieure qui fe font mfi- 
l^s aux nouveaux ; aind les Echiopiens 

D 3 



74 De^ '^ Population 

cxiftoient d^ja auparavant. 

Us font reconnus par les meilleurs 
Auteurs pour ceux qui les premiers en- 
tre tous les peuples one cultive la reli- 
gion, rendu des hommages convena- 
bles aux Dieux , ^c. comme auffi in- 
vent6 TAftronomie & TAflrologie; 
tout ceci ^toit connu , & pratique d a- 
bord apres Ic deluge chez les Egyp- 
tiens , par confequent les Ethiopiens 
doivent etre antdrieurs, Suivant Helio* 
dore, il y avoit des Nilimetres a Sye- 
ne, a Elephantine & ii Merod, tres* 
anciens , & qui paroiflent I'ecre plus 
que celui de Memphis. 

Quant aux Amazones & leur guerre 
contre les Gorgones , par laquelle cel- 
les-ci furent prefque ddtruites, il leur 
falloit fans-doute bien du temps pour 
fe relever & redevenir puiflantes , ce- 
pendant elles le furent encore du temps 
de Thdfde, celui-ci v^cut environ 50 
ans avant la deftruftion de Troye; par 
confequent les Amazones ont du etre 
tres-anciennes comme il a e'te dit. 

On pourroit alleguer encore bien des 
Auteurs , des faits & des raifonnemens ^ 
mais je me vois oblige de pafler a un 
point t res- important & qui eclaircira 
encore mieux cette antiquit^. Je veux 
parler de I'origine des Ndgres^ 



de rJmerique. 75 



CHAPITRE XIIL 

Origine des Negres ou Etbiopiens-Simes. 

V^'efl: une queftion fi fouvent agitfe 
& cependant a mon avis , toujours ayec 
(i peu de fucces , qu*on peat encore 
tenter de Vexaminer & en dire fon opi- 
nion. J'entends ici par Negres , non 
ceux qui font bruns, meme noiratres, 
mais les v^ritables Negres d*un noir fon- 
q€ , luifant , Ji groffes levres , & Ji ch©- 
veux crepus comme de la laine ; ccox 
enfin qui ont 6t6 nommes Ethiopiens- 
Simes par les anciens ; car le nom de 
Negres eft pris trop generalement d*a- 
pres les Grecs ; parce que par le mot 
JEthiops ils ont voulu dire , comme le 
mot meme & fon Etymologie le prou- 
vent , face hruUe ; de forte que tous 
ceux dont la couleur ^toit alterde en 
furent nommes Ethiopiens, Ceft ce 
qui a mis une (i grande confudon dans 
leur defcription des peuples, & des pays 
qu'ils habitoient ; tout comme ils nom- 
moient Scythes ceux de TAfie Septen- 
trionale ; Indiens le refte des AGatiques; 
Celtes les Europdens; & comme aa« 

D4 



76 De la Population 

joard*hai les Orientaux donnent le nom 
de Francs h tous ceux-cl fans diftinfUon. 

La membrane r^ciculaire , qui efl cau- 
fe de kar couleur noire & qui ne fe trou- 
ve pas ainfi chez les Blancs a donnd 
bien de la tablature aux Savans. La 
Peyrere n'a pas fait difficuke d'en dd- 
duire une forte raifon en faveur de fes 
Fr^- Adamites ; d'autres ont cru que 
Cham 9 k caufe de la malddiflion de fon 
pere <toit T Auteur de cette race ; d'au- 
tres enfin ont voulu Texpliquer par des 
caufes naturelles, en Tattribuant (im- 
plement au climat brdl^ que ces Ne- 
gres habitent. 

II ne fera pas ndceflaire de r^futer 
la premiere opinion ; TAuteur s*en eft 
r6tr2L6t6j & je ne connois perfonne de 
quelque condderation , qui Tait adoptee. 

Pour la feconde , elle a et^ fouvent 
rtfutde, je n'en rapporterai qu'un feul 
argument ; nous ne voyons pas que 
No6 ait maudit Cham^mais feulement 
Chanaan. Or aucun de fes defcendans 
dans la Paleftine n'a ^t^ noir , & fuppo« 
16 que les autres enfans de Cham eus- 
fent particip^ a cette maledi6lion , nous 
favons que les Babyloniens , les Arabes, 
les Egyptiens, ^c. n'^toient pas des 
N^gres ; ainfi cette opinion eft infoute- 
nab!e, Venons 



de TJmirique. yj 

■ Venons a la troifieme qui merite le 
plus d'actention , mais qui n'efl pas plus 
fondee pour cela. II s'agira d'examiner. 

1°. Si toute la z&ne torride eft ha- 
bitee par des Negres? 

2"^. Si les hommes de race blanche 
apres plufieurs gdndrations deviennenc 
Ndgres? 

3"". Si de mgme les defcendaus des 
Negres deviennent blancs dans les cli- 
mats temperds. ' 

4°. Si la chaleur pourroit agir fur 
cette reticule de maniere a operer cet- 
te noirceur & furtout de produire cet« 
te laine en place des cheveiix? 



CHAPITRE XIV. 

La zSne torride r!efi pint entierement 
habit ie par des Negres^ & les Blancs 
ne deviennent jamais femblables aux 
EgyptienS'Simes. 



Q 



uant au premier article , il n'y a 
perfbnne qui en ofe prendre raffirraa- 
tive, Ie contraire itant trop bien con- 
nu: les Abyfliins font plut6t bruns, oa 
couleur de cuivre , que noirs , guoir 
^ue tout pr^s & meme fous la Ligne^ 

D 5 



78 -D^ I^ Population 

II y a meme en Ethiopie , prife gend- 
ralement pour rinterieur de TAfrique , 
des peuples entiers de blancs ; on y 
trouve audi des bazanes , enfin de tou- 
te couleur : les habitans des Philippines 
tout pres de la Ligne font prefque blancs 
& beaux ; ceux de Ternate fous la Li- 
gne ne font que bazands ; & lors- 
qu^ils font vieux , ils ont la barbe Ion- 
gue. Ceux de rAmerique entre les Tro- 
piques font en partie blancs , en partie 
bazands ou roux : dans ridhme de Da* 
rien , il doit exifter une nation blanche » 
6c dans la Nouvelle - Guinde de - mS- 
me. Suivant le Voyage le plus nouveau 
en Amerique dont nous ayons la rela- 
tion , Je veux dire celui d'Ulloa , les 
habitans de Guayaquil a 2 degrds 11 
minutes de la Ligne font prefque tous 
blonds , blancs & beaux (except^ ceux 
qui defcendent d'un melange) audi 
blancs que dans les pays Septentrionaux 
& plus qu'en Efpagne ; les Naturels mg- 
me du pays ne font ni olivatres , ni ba- 
zands ; cependant Thy ver meme y eft 
d'une chaleur dtouffante. Si ceci arri- 
ve dans un pays ou la chaleur eft dtouf- 
fante , on doit d'autant moins s'eton- 
ner s'll n'y a pas dans tous les pays en- 
ire les Tropiques des Negres ou meine 



d€ rjmirique. 75^. 

dQ^ Noirs, vu que plufieurs contrdes 
en font fort tempdrdes : p. ex. fuivant 
Je m€me Auteur , Quito /bus la Ligne 
Ted ; Ludolf dit la m£me chofe de plu- 
fieurs pays de la z6ne torride en Afri- 
que. Tellis dit que la chaleur en Abyfli- 
nie n'eft pas plus forte qu'en Portu- 
gal : un Ambaffadeur Ethiopien dit k 
Th^venot, qu'elle ne I'^toit pas plus 
chez lui qu'a Alep & Damas , qpe feu** 
lement les contr^es vers Ja Mer Rouge 
effuyoient une forte chaleur. 

Ulfle de Ceylan eft prefque fous la 
Ligne , cependant la chaleur y eft 
moins forte qu'a Surate, & ici moins 
qu'a Gamron ^ cependant ks peuples 
n'y font pas noirs. 

Lorlque M'. Vander Stel fit un vo- 
yage dans rintdrieur de TAfrique , il 
trouva une nation fort traitable ; lei 
hommes dtoient grands , bien faits , 
avec des cheveux longs ^ & des fem- 
mes parmi eux auffi blanches que des 
Europ^ennes , mais qui fe noirciITent k 
deflein. 

* Les habitans des Ides de Nicobar 
qui font entre le 7 & le 10 degrd d( 
latitude Septentrionale font jaundtres 
de vifage , a cheveux longs. 

K rifle de Piques, fuivant la rebh 

D (5 



8o* De la Population 

tion de rexpddicioa des trois vaifTeaux 
pour la ddcouverte des Terres. Auflrales, 
quoiqu'a 28} degr^s de latitude, on a 
crouv^ diverfes races , noirs, bruns, 
rouges & blancs. Schoutens dit qu'il a 
aum trouv^ dans les Terres Auflrales des 
hommes noirs , des bruns , & des blancs. 
Herrera parle de cette nation d'hotn- 
mes blancs dans la Nouvelle-Guinee a 
Madre de Dios , peu diftant de la Ligne. 
Nous voyons done par tout ce que 
nous venons de rapporter , que la z6ne 
torride n'efl pas entierement habitue 
par des Noirs ^ encore moins par des 
Ndgres. 

. La (econde queftion eft; deja d6cU 
6ie par la prec^dente; qu'il me foil 
cependant permis d'ajouter ce que les 
Voyageurs en difent. 
B^ L>. UUoa que nous avons deja citd 
dit T. I. p. 28. que les Mulatres font 
les enfans des Europ^ns & des N6- 
gees , Tercerons ceux des Mulatres & 
des blancs, Quinterons des Quarterons 
& des blancs, & qu'on ne pent plus les 
diftinguer des blancs, & ce jtdixde- 
grds 25 minutes de latitude. 
; Le P. Labat dans fon Voyage aux 
Ifles de I'Am^ique (i) dit des Mula- 

"(x) Tom. IL p. 120. Edition in Z^\. . 



ie tAmiriqut. g^ 

tres , nes d'une Negrefle & d'un Blanc , 
ou vice verfd^ que la couleur tient des 
deux & faic une efpece de Biftre j que 
leurs cheveux font moins crepus & 
font meme cha tains, ce qu'on ne trou- 
ve point aux N^gres ; que les e'nfans 
viennent blancs ou prefque blancs aa 
monde , mSme ceux des N^gres ; mais 
que ceux-ci ont les parties honteufes 
toutes noires au lieu que celles des Mu- 
latres font blanches ou prefque blanches; 
qu'il en eft de meme de la naiffance 
des ongles ; enfin que les Mulatres k la 
3^. g^n^ration ne peuvent etre connus 
que par le blanc des yeux qui paroitra 
toujours un peu bactu ; mais que ce 
defaut ceffe a la 4^ generation, pour- 
vfl qu'on continue de Its unir avec des 
Blancs ; car fi c^dtoit avec des Noirs , 
lis retourneroient dans Ie m£me nom« 
bre de generations a leur premiere 
noirceur. 

, On apper9oit la mSmo chofe dans 
les Indes-Orientales, dans flfle de Ja- 
va, ou a Batavia, k Goa, & autres 
endroits oi les Europiens font Aablis 
depuis longues annees & dont les des* 
<:endans melanges font nommes Me* 
tis, Caftices, Poftices, Sc 
, II eft done prouve que non-feulement 



82 De la Population 

les blancs ne deviennent pas noirs apres 
plufieurs generations , mais que Ja noir- 
ceur contraftde par le melange, la cou- 
leur, la qualice des cheveux, celle des 
yeux , enfin que tout fe perd apres la 
quatrieme generation, quoiqu'ils ha- 
bitent conftamment la z6ne torride. 
Nous ne pouvons pas parler avec tant 
d'aflurance fur le changement des des- 
cendans des Ndgres dans les zones tem« 
perdes parce qu'on n*en tient gueres en 
Europe. Mais il eft certain que leurs 
^nfans naiffent & reftent audi noirs que 
leurs peres , & leur reffemblent en tout. 
Je fuis meme tres-perfuad^ que'cette 
noirceur refidant dans cette membrane 
rdticulaire , il eft impoflible qu'elle puis- 
fe jamais Ce perdre. 



I 



CHAP IT RE XV. 

Le climat ne produit point les cara6teres 
difiin6tifs des Ethiopiens-Simes ou vi* 
ritables Nigres. Lauteur de la f^enus* 
Phyjique rifuti. 

v^uelque conduantes que fbient ces 
obfervations , pour prouver que le cli^ 
txax, & la chaleur ne fauroienc c^drer 



de rAmirique. gj 

cette conBguration , la matiere eft fi 
iniportante qu'elle merite d'etre exa- 
minee un peu plus a fond. 

Le celebre Auteur de la Finus-Phy^ 
fique pretend (i) que les hommes ont 
ec^ formes d'ceufs en oeufs ; il y a en 
dans la premiere mere des oeufs de dif- 
Krentes couleurs qui contenoient des 
fuites innombrables d'oeufs de la meme 
efpece , mais qui ne devoient ^clorrf 
que dans leur ordre de d^veloppement , 
apres un certain nombre de gdndra- 
tions , & dans les temps que la Provi- 
dence avoit marques pour Torigine des 
peuples , qui y ^toient contenus. n ne 
feroit done pas impoflible qu'un jour la 
fuite des oeufs blancs qui peuplenc nos 
regions , venanc a manquer , toutes les 
nations Europdennes ne changeailenc 
de couleur , comme il ne feroit pas ira- 
poilible que la fource des oeufs noirs 
etant epuif^e TEthiopie ne fiit plus 
habitue que de blancs. 

J'avoue franchement que ce fyftfime 
eft trop fublime pour moi & que je n'y 
comprend rien. 

Eve notre bonne grand' mere a eu 
des oeufs de diflFerentes couleurs. Ne 
confid^rons ici que les noirs & }&$ 

(l) P. 161. 



84 De la Population 

blancs, Suivant mon petit entendement 
les oeufs noirs devoient done produire 
des homines noirs , & les blancs des 
hommes blancs. Mais I'Auteur ne le dit 
point. II dit que cela ne devoit fe faire 
qu'apres un certain nombre de genera- 
tions. Or en ce cas , ou les oeufs noirs 
ont p^ri inutilement dans la premiere 
mere , ou ils ont produit des etres 
Wanes , ou il y a quelque part un maga- 
zin des diffdrentes efpeces d'osufs , ou 
la nature va puifer pour les tranfporter 
dans les matrices; & TAuteur craint 
quHl ne s'epuife.' Dans le premier cas 
tous les N^gres font perdus ; mais fi 
des oeufs, qui i^toient d'abord blancs, 
il en peut iortir des hommes noirs ou 
vice verfd , pourquoi ne voyons - nous 
plus rien de pareil ? Pourquoi les oeufs 
noirs chez les Ndgres produifent • ils 
conflamment des noirs , les blancs chez 
ks autres nations toujours des blancs , 
& cela fans aucune variation ? Ainfi , 
fiippofant ces oeufs, il faut de n^ceffit^ 
pe chez les blancs iis foient blancs 
e maniere qu'ils ne produifent que 
des blancs , & que chez les noirs des 
eeufs noirs ne produifent 'que des hom- 
mes noirs. D'oi!i vient done la rdticule 
noire, la forme du vifage, leslevre?, 
la laine en place de cheveux , &; le 



I 



de TAmirtque. SS 

cQrps blanc a la naiflance , tandis que 
les parties honteufes font toutes noi- 
res, & dans les pays ou les en^ns des 
blancs reftent blancs ? 
' II y a encore une difficult^. M cou« 
leur du pere ne fait-elle rien ici? On 
le croiroit par le raifonnement de TAu- 
teur, quoique Texpdrience le contre- 
dife. Adam at-il ^t^ blanc ou noir? Si 
les deux ^toienc blancs comme jufqu'i- 
ci on Fa cru , il n'efl pas etonnant que 
tous leurs defcendans Tayenc 6t6 ; li 
Tun des deux avoit €t6 noir ^ ils n^aa- 
roient produit , ni des blancs , ni des 
noirs ; nous ferions tous mulatres. 

Malgrd les oeufs noirs d'une Negrefle 
fon enfant , lorfque le pere eft blanc ^ 
devient tel. Suppofons que cette en- 
fant foit du fexe feminin , il y a appa- 
rence qu'elle confervera bJen des oeuft 
noirs , qui fecondds par un pere blanc 
changeront infenfiblement. C^s oeufs ne 
fauroient garder leur fup^riorit^ , ils 
formeront enfin des hommes blancs 
comme Texp^rience le prouve. Tout ce 
lyfteme eft done renverfd ; au moin* Je 
ne puis le comprendre autrement , ju^ 
qu'a ce qu'on convainque ma ftupiditd 
par des raifons qui foient plus b, ma 
portee & qui puiffent me perfuader* 



S(5 De la Population 



CHAPITRE XVI. 

^yjlime d'un anonyme fur 'Yorigine des 
,. NigreSy en partie approuvL 



J 



e pafle a un autre fyfteme , qui eft 
plus a mon godt , quoique je ne le trou- 
ve pas enti^rement folide & convain- 
quant; c*eft celui d'lm Savant, anony- 
me dans la Bibliotheque Impartiale, 
Tome V. Mars & Avril 1752. p. tvf. 
& fuivans , que nous allons exa- 
miner. 

,- II commence par afllirer (i) , qu'A- 
clam a et^ blanc, que les N^gres des- 
cendent des Blancs, & que leur n om- 
bre , y compris les Noirs que je diftin- 
ue des Ndgres , n'efl en comparaifoa 
es Blancs, que comme i. a 12. 
II dit (2) que tout le monde eft 
d'accord que le fiege de la couleur des 
N^gres rdfide dans cette membrane re- 
ticulaire qui couvre tout le corps hu- 
ipajln , placce entre la peau & la fur- 
peau , cuticule que le D'. Barrefe attri- 
bue a la bile des Negres qu'il fuppo- 
fe noire , ce qu'il refute par des raifons 

(x) Ch. I, (2) Cb. II. 



de TAtniTique. 8t 

invincibles ; il rappone ropinion de 
I'Auteur du Spefbde de la Nature, que 
fes Negres defcendenc d'lfmael , laquel- 
le lui paroic aflez vraifemblable , quoi- 
qu'Ifmael mourdt dans le voiiinage de 
fon pere , fans quo! on ignoreroit cec- 
te circonftance , 575 ans apres le ddu- 
ge , fuivant la Chronologic des Hebraix 
& fuivant les Samaricains 1156 ans 
apres cet evenement ; opinion qui n'a 
pas le moiadre degre de probabilite , 
vu que les Ethiopiens etoient connos 
des les premieres anndes des Rois d'E- 
gypte longtemps avant Ifmael & que 
jamais on n'a vu de Negres dans le pays 
des I/maeJites. Enfuite cet Auteur qui 
n'ofoit aller que bride en main contre 
le Pr^fident d'une Academie^ a laquel- 
le il offroit fbn Difcours, refute fort 
fuccinftement Topinion de ce favant. 

EnBn il donae fon fyfteme en attri- 
buant la couleur des Negres a I'impres- 
(lon de I'air & a la nature du dimat^ 
il n'ofe Tattribuer h la proximity du fo- 
leil , avouant lui-meme que les Negres 
du Congo entre le 5 & le 11*. degrd 
de latitude font olivatres, & ont les 
cheveux roux. 

II I'attribue done i"". a la grofli^ 
ret^ & a Thumidit^ de Tair; il die ji ce 



V 



88 De la Population 

fujet que dans TAfrique & /bus la zone 
torride , lorfqu'on avance dans les ter- 
res , la couleur des N^gres diminue fl 
confid^rablement , que ce font plut6t 
des blancs que des noirs ; il cite Dei 
Marchais qui a 500 lieues dans les ter«> 
res , crouva des nations prefque blan* 
ches , ce qu'il atcribue a la hauteur de- 
puis la mer; que les habitans de Cale- 
cut a 10 ou II degr^s de la Ligne font 
prefque blancs quoique .proche de la 
mer & dans des pays plats Si en partie 
inardcageux; ainfi contre fon fyfteme, 
il attribue le peu de noirceur des Carai- 
bes auffi a la hauteur des terras & don- 
ne pour exemple la Martinique, mais 
il ne dit rien des autres Hies plates , 
furtout de la Dominique & autres qu'ils 
habitent. II donne pour bonne raifon 
de la noirceur des Hottentots , favoir 
I^ leur frottement avec de la graifle 
& de la fuye ; 2^ les vents ; il 'dit que 
les vents d'Eft rendent les Peruviens 
qui y font plus ou moins expof^s, plus 
ou moins bazan^s : mais outre que ces 
vents d'Efl: viennent des montagnes 
& principalement des Cordillieres, qui 
devroient les rafraichir, il faut done 

3u'en Afrique ce foient les vents 
'Oueft qui faflent cet eflfet , & fi c'eft 



(fe rAmerique. %^ 

(implement le vent de mer, pourquoi 
ceux du Congo font^ils olivatres ? Et 
pourquoi les habitans blancs ne devien- 
nent-ils pas noirs meme^par fucceflion 
du temps? Pour ce qu'il dit aa fujet 
des N^gres blancs, s'entend de ceux 
qui defcendent de pareils Noirs , je fuis 
enti^rement de fon avis , que cette 
difference doit fitre attribute k une dd- 
faillance de la membrane reticulaire ou 
k une alteration de cette partie du 
corps des N^gres due au hazard , k 
quelque accident ou a quelque vice in- 
terne , & que ce vice n'efl: pas heredi- 
taire. Car quant aux nations toutes blan- 
ches qu'on trouve en Afrique & ail- 
leurs, j'ai etd toujours rdvoltd, lorfque 
j'ai lu chez des Auteurs graves que 
c'^toit une lepre ou une autre maladle. 
(i) Pourquoi font-ils plus forts & plus 
courageux que les autres , de forte que 
le Roi de Loango les prdfere aux au- 
tres pour fa garde ? Pourquoi laifleroit* 
il approcher des Idpreux qui pour- 
roient Tinfefter de leurs perfonnes? B 
fe pent fort bien que certaine maladie 
fafTe changer cette rdticule en tout ou 
en partie & en fafle un N^gre blanc 
ou mouchet^ , mais le mal e(l que bien 

(i) he favant Ludoif die foit bien, ii c^eft 
une It^pre ou maladie. 



^o De la Population 

des Philofophes , ou foi-difant tels, 
trouvant que tel eiFet provient de telle 
caufe dans tel fujet , ou telle occaGon , 
concluent qu^ cette caufe eft genera- 
le; &*coinme ici la blancheur en g^nd- 
ral des habitans de la z6ne torride ne 
peut provenir que de la meme caufe, 
il feroit a craindre que bient6t ils ne 
.fiffent pafler pour lepreux tous les peu- 
|)les blancs. 

Pline parle deja des Mores blancs 
comme d'un peuple particulier ; il dit 
qu'ils ont les yeux bleus & les cheveux 
blonds & roux , deux marques Hires 
-d'un peuple fain & de race blanche 
particuliere & naturelle. Ludolf aflii- 
re qu'il y a un pareil peuple en Gui- 
nee , fi accoutume a la Liberie qu'ils 
aiment mieux mourir que de fupporter 
FEfdavage. 



CHAPITRE XVII. 

Obfervations 6f fyftSme de M. Mttchel 
fur la couleur des Negres. 

jyi'. Mitchel (i) eft en general dans 
ridde de notre Anonyme en ce qu'il at- 

L .(i) Tranfaftions Philofophiques. N*. 474* 
Art. IV. 



de TAmerique. pi 

tribue la difference couleur des hommes 
aux diverfes contr^es qu'ils habitent; 
mais du rede il s'en dloigne entiere- 
ment & il fait d'ailleurs des raifonne- 
mens dgalement infoutenables. 

II dit p ex. que les hommes font 
plus noirs a mefure qu'ils. fe trouvent 
plus avant dans les terres , proche des 
deferts fablonneux ou la chaleur eft in- 
fupportable , & il s'en rapporte aux re- 
lations des voyageurs & des hiftoriens. 

Que dire de ceci ? L'anonyme & 
M^ Mitchel fe referent au ttimoignage 
des voyageurs pour des faits diam^tra- 
lement oppofes, il faut pourtant que 
Tun ou Tautre ait tort , ou bien tous 
les deux. 

Je dis tous les deux ; parce que cha- 
CUD fait une regie gendrale d'un fait 
particulier ; Tun afll^re qu'a tel endroit 
fur laCdte les hommes font tres-noirs, 
& qu'a un autre bien avant dans le pays, 
ils ne le font pas; le fait eft vrai , & il 
en tire une confequence gdndrale: Tail- 
■tre cite des faits contraires , il n'a pas 
tort en ceci, mais bien par la con- 
fequence g^nerale qu'il en tire. D'ou 
je conclud que toute perfonne non pre'- 
venue doit convenir, que la chaleur & 
fes autres circonflances ne produifeM 
jamais des Negres. 



92 jD^ la Papulation 

M\ Mitchel aflure encore que le de- 
faut d'eau contribue beaucoup a cet- 
te noirceur, & Tanonyme Tattribue 
au concraire aux exhalaifbns des eaux. 
M^ Mitchel afliire que les corps des 
Blancs font plus propres a la tranrpira« 
tion que ceux des Noirs , cependant il 
eft oblig^ H'avouer que ceux-ci trans- 
pirent davantage & que Todeur defa« 
grdable de ces gens-la en provient ; il 
a raifon , car le Pere Labat aflure que 
leur tranfpiration eft forte au point 
que ceux qui n'y font pas accoutum^s, 
n'en peuvent fupporter Todeur. Et pour 
concilier Torigine de deux peuples fi dif- 
ferens en couleur , il fbutient que No^ 
a dte bazane, que le teint de ceux de 
fes defcendans qui font all^s habiter la 
z6ne temp^rde, s'eft ^dairci & qu'il 
s'eft blanchi a merure qu'ils fe font ^loi- 
gn^s de la z6ne torride ; & qu'au con- 
traire ceux qui ont dtabli leur demeure 
vers la Ligne ont acquis dans la mSme 
proportion la couleur noire. 

Or on voit en ceci , que , de Ion 
aveu meme, les faits y contredifent, 
puifque dans la z6ne torride il y a ou- 
tre les Noirs des peuples bruns , des 
rouges de cuivre & des blancs , & que 
par contre en Groenlande , au Canada 



ife rjmirique. 95 

& autres pays Sepcentrionaux , plus aa 
Nord , il y a des bazan^s. II veuc encore 
^ppuyer te changement qui fe fait dans 
la couleur par celui qu il attribue aux 
habitans de la Colchide , qui autrefois, 
fuiyant Hdrodote , one ^td noirs ^ k 
cheveux crepus , & que leurs defcen« 
dans font les plus blancs & les plus 
beaux d'entre les peuples ; mais outie 
qtfil n'y a qu'H^rodote qui en parte,, 
n'efl-il pas poflible que cecce nation aic 
quitt^lepays&fbitretoum^een Ethio^ 
pie, ou qu'elle ait ^c^ entierement di^ 
cruite comme il efl: surrive k bien d'aii* 
tres, dont le nom menae s'eft perdu , ou 
•que du moins leur nombre fe foit (i 
fort diminud , que le refte fe foit m^\6 
avec les peuples blancs , & que par lar 
fuite naturelle prouvde ci-defFus, la. 
^Doirceur ait diiparu entierement apr^g 
3 ou 4. generations ? Je trouve que 
cet exemple combat meme fon fyftg- 
me , car ii le climat y fait quelque cho- 
fe, d'ou vient que ces habitans ont 6t^ 
noirs? D'oii font-ils venus? Je fai que 
Sefoftris doit y avoir laifle une colonic 
d'Egyptiens ,mais ceux-ci n'^toient pas 
Negres. 



Tome IF. 



^4- ^f ^ Populatkn 



CHAPITRE XVril. 

,Cmfi de ia toukur hazanie , jmndtre 
y - m cuvoKe , de divers feupley. 

On me dka que jefais uo peuple par- 
tiGulier des Negres-Simes , <jue cepen- 
(dant iJ y en a d'autres qui font noirs , 
d'autres bruns , d'mitres coideur de cui- 
vre , & qu'il feut aufli Tendre raifon de 
ce« diffi^rentes codetirs; il eft vrai: 
mais d^ja il eft incomeftable que ces 
nations fe font mfel^es. On Tait qu'ils 
font prefque toujoors oi guerre en-^ 
femble , que s'ils prennent des fern-- 
mes, ordinairement ik les ^oufent, ou" 
dn font leurs concubines, ce qui joint 
Ahrs i I'ardeur & a la chaleur brfllante 
du climat peut bien contribuer a la noir- 
cenr , qui n'eft pourtant jamais aufli par- 
feite que chez les N^gres : qu'on joigne 
^ cela la coutume de ces peuples de 
s'oindre de graifle ou d'huile, & il ne 
faudra pas s'etonner slls font noirs ou 
bruns , car je ne nie pas que les ra- 
yons du foleil dans ce climat, joints 
aux vapeurs des eaux & aux vents , ne 
MIent la peau des habitans^ Pour Jes 



de T/lmirique. ^ 

Abyffins ou codeur de cuivre a cequ*on 
dit , je crois que ceux-ci etoient de ra- 
ce blanche , mais que ce changement 
fait voir leur extreme antiquity & que 
ce n'efl: que h chaleur qui leur a don- 
n^ cette couleur; enfin, je le rdpete:, 
les Ndgres vdritables avec leur reticu- 
le , leurs cheveux cr^pus ou lain^ , leuis 
vifages & nez ^cachds , ce qui leur a 
fait donner de toute anciennet^ le nom 
de Simes , leurs grofles levres , & en- 
fin tout ce qui les caradleriie, ne fauroit 
provenir d'aucune caufa naturelle. 



CHAPITRE XIX. 

La noirceur &? ks autres cara&eres dis^ 

tinSlifs des NigreS'Simes viennera d't^ 

ne caufe furnatureUe S de la maUdic" 

' tion que Dieu prononpa contre Cain^ 

• dont les Nigresfont defcendus. 

1 

On me demandera un nouveau fyftq- 
tne ; il eft fuivant moi tout fimple. Cette 
noirceur , cette configuration des traits 
& ces cheveux cr^pus , ne pouvant 
provenir que d'une caufe funifatureJle 
6c d*un miracle , ]e fuk periu^e que 
c'efl le figne que Dieja mt dam la j^t 

£ 2 



p6 De la Population 

fonne de Cain apres Ton fratricide , Ie« 
quel a it6 continue fur les enfans qu'il 
a engendres apres cecce ^poque & fur 
kurs defcendans. 

Si je parle de fyftfime nouveau , je 
ne veux pas aflurer que j*aye 6t6 le 
feul k qui une pareille id^ (bit ve* 
nue, il eft pourtant vraiqu*ayanc feuii- 
let^ pendant ma vie une infinite d'Au* 
teurs , je n'en ai point trouvd qui ait 
con;u la meme iddeque moi, jufqu'a 
ce que j'aye lu THiftoire Univerfelle fi 
fouvent at^e> void ce qu'eUe dit (i). 

,, 11 y a eu m£me un Auteur qui a 
^y fait la fuppofition hardie, que tout 
3, le genre nuroain n'a point pdri dans 
,, le deluge , & qui a tich^ de prouver 
^ par une explication particuliere des 
jy mal^iftions de Cain & de Lamech 9 
3, que les Africains & les Indiens font 
33 leur poft^rit^ , mais comme lui-me- 
33 me a dans un autre endroit combat- 
33 tu cetce opinion par d'invincibles 
33 argumens , nous ne nous y arretons 
33 pas davantage: " & au has de la par 
e 3 on indique cet Auteur en ajoutant 

id. BedfordScripture Cbronolog. pag. 39. 

Conune je a'ai pu me procurer cet 
ouvrage, je ne feis ce qu'il en dit , en- 



% 






de rjmirique. 9^" 

tore moins , quels fonc ces invincibles 
argumens , dont il doit avoir combac« 
tu (a propre opinion ; apparemment lis 
rouloienc fur runiverfalit^ du dduge* 
car Tun eft incompatible avec Tautre ; 
mais je ne vois pas que , rien ne (bute^ 
nant cette univerfalite , que des parole$ 
de TEcriture qui font fufceptibles d'un 
autre fens & par - contre toutes les 
circonftances & les raiibns Phyfiques , 
Hiftoriques , Th^ologiques meme y 
^tant contraires , on ne puifTe adopter 
I'opinion la plus probable. 

pignore done fes raifons , & fi noQS 
nous trouvons entierement dans les m^ 
ines iddes , du moins ne le rommes-nou$ 
pas au fujet de Lamech , ne voyant pas 
quelle mal^diclion il peut avoir encou- 
ru , puifqu'il me paroit que le pailage 
qui concerne Lamech doit Stre traduit 
comme Font fait les Targums d'Onkelos 
& de Jonathan BenUziel, audi bieii 
que la Verfion Arabe, interrogative* 
tnent ou n^gativement ; ai-je tu^ un 
homme ? parce que fk famille craignoit 
que le meurtre d'Abel ne ftt veng6 fur 
elle , & que lui les voulant raffurer dit : 
comment ! moi qui fuis innocent , qui 
n'ai tu^ perfonne devrois 6tre puni? 
Certainement Cain qui a tue fon frere, 

E 3 



f)%r De la Populatitm 

z 6t6 protdgd de Dieu, qui a aflliri 
qtt'il feroit vei^^ fept fois; par confe-* 
quent , moi qui fuis innocent , je ferois 
iSirement veng^ 77 fois. 

Mais enfin fuppofbns fuivanc notre 
eoutume , que Lamech edc commis un 
meurtre ; nous ne voyons point de ma- 
I^i£lion contre lui , & fi chaque meur- 
trier avoit du £tre la tige d'une race 
noire, brune ou olivitre, que le non> 
bre des blancs feroit petit ! 

II n'en eft pas de mSme de Cai'n« 
Dieu a formellement prononc^ une ma* 
l^i£lion fur lui. Cain boorrel^ d^is fa 
eonfcience , & fentant T^iormite de 
fon p^ch^, en meme temps qa'il etoit 
accable par la mal^di6Uon divine , pou- 
voit croire feat naturellement & avec 
jadice qu'dtant vagabond & fugitif fur 
la terre , quiconque le trouveroit le 
tueroit ; c'efb pourquoi Dieu pour le 
caiTurer non-foilement hii prosnit que 
cetoi qui le tderoit feroit puni fept fois ; 
mais, pour fceller cette promeffe , il 
mit une marque fur hii , afin que qui- 
conque le trouveroit ne le tuat point ; 
ce qui efl d'autant plus remarquable , 
que fi , comrae pluGeurs Taflurent , il n y 
avoit eu fur la terre qu'Adam & Eve ^ 
Dieu I'auroit aifement raflfure en lui di- 



fant , que crainsHu > brfijtf iln'y a point 
d'habitans fiii; la terre? Auwliea de eela 
Dieu le rafTure fur: cetie ct^te fon« 
dee, par un figne ou one marque qui 
pouvoit frapper tousi oeux qui le ren» 
contreroient. 

Voila done cette marque , Died le 
rendit Negre. Autrefoia perfonne ne 
doutoit qu'en eflFet une marque ne fe 
trouv^c fur Cain , & Ton a A&>k6 k ce 
fujec les opinions les plus abfur^. 

i^ Quelques-uns ont em que cette 
marque ecoit une letcre du nom deDieu 
ou celui d' Abel imprimtf fer fon front* 
Mais leslettres^toient-ellesddjain^cren^ 
tdes? Ghacun favoic-il lire? & compre^ 
noic-on ce que cette lettre vouloit dire? 

2°. On a dit que c'dtoit un Chien 
qui a(5compagnoit Cain & qui aboyoit 
concre ceux qur vouloient Tattaquer^ 
aind tous ceux q«f mt des chiens avec 
euK , lefquela aboyjcntcontre lesi gens^ 
font des mcUrtriersi* - 

3°. Qu*ii avoit le vifage I^reux : la 
l^pre n'efl: done plus une maladie natu- 
fdle, mais les ldpreux,.par confiKquent 
lantde Juifs, ^toient meurtriersh 

4^ Qu'il trembloit, fuivant ces in^ 
f aillibles LXX , par tout fon corps. II 
y a la metne reflexion a faire que 
; . E 4 



V 



TOO De Id Popuhthm 

for les deux marques prdcddente^. 

5^ Que la terre trembloit fous lun 

tf "*. Qu'il avoit une come au front. 

Enfin «*il ii*y a qu*i inventer fans ri- 
me ni raifon quelque Hgne, on pourra 
former encore mille autres conjefturcs, 

Mais aujourd*hui il s'agit de toute 
autre chofe ; touces ces marques ne con- 
tentant aucune perfonne raifonnable, 
& rien ne fe pr^fentanc pour fournir 
une idde plus jufle, on s*efl: jett^ fur 
une autre interpretation & explication , 
en foutenant que I^u n'a pas mis une 
marque ^r Ca!n, mais qu*il lui a con- 
firme fa promefle afin de faire evanoufr 
fa crainte , par un flgne miraculeux 
[ui pfit le raifurer & fortifier fa con- 
lance en Dieu. 

Mais je demande, fi un paretl (Igne 
auroit pu le raflurer? Oui, s*il avoit pu 
douter de la toute- puil&nce de Dieu 
& de fa v^racit^. Ceft ainfi que des 
Anges, des Prophetes, des Saints ont 
eu befoin de verifier leur miflion par un 
miracle & par un figne, mais ce n'efl: 
point ici le cas. Ca'in favoit qu'Adant 
ion pare & tout notre globe dtoit de- 
puis peu (brti des mains du Tout-Puis- 
&nt, il avoit des notions non douteu- 
fe$ de la veracite de Dieu par Tex&u- 

tioQ 



de VAmiriqut^ koi 

tion de fes menaces envers le^ premiert 
parens, quel iigne auroic pu faire plus 
d'impreffion fur Cain , que la promefle 
fornielle mSme que Dieu lui fiufoic? 
II n'en etoic pas de mgrae des autres 
hommes , far-tout des Abelkes qui pou- 
voient regarder cette promefle , com- 
me un conte invent^ par Cain , afia 
de fe fouftraire au chatiment qu'il me* 
ritoic. Mais grand nombre de fes con- 
temporains ne le connOiflbient pas^ 
puifque le nombre des hommes ^toic d^- 
ja tres- grand & qu*en ne donnant que 
8 enfans a chaque coufde ^\ y en avoit 
pres d'un million » m£me plus de deux. 
Le bruit de cc premier meurtre s'eft 
fans-doute rdpandu de-meme que celul 
de la promefl!e divine ; mais commenc 
connoitre cet botx>me que Dieu protd* 
geoit encore? Et comment etre aflur^ 
que Dieu lui avoit reellement accord^ 
» prote£Uon ? C'eft k quoi ce figne de* 
voic fervir , comme TEcriture f expri- 
me f«is Equivoque {Gen. IF.vs^ 1$^ 
afin que quiconque le trouveroit ne le tudt 
foinU' On voit done que c'etoit un 
ilgne de fauvegarde aupr^ de ceux: 
qui le trouveroient. C^coit pour eox 
que ce flgne etoit donn^ ; ceux qui de*^ 
voient le voir apprenoient par ceter 



rcra Vh kt Pdpulathn 

marque que d'6tok']k ce meurtrier, i 
qui Dieu avoic promis qu'on ne le tue- 
roitpoinf, 

Un de mes amis des plusfavans dans 
les hngues Orientales dtant venu chelB 
moi , pendant que j'dcrivois ceci , j'eus 
une converfetion avec lui fur ce fujet, 
B prA:endoit, fuivant Tidde k la mo- 
de, que ce figne de Cain dtoit hors de 
loi a non pas for lui , s'appuyant fur 
ce qu'il fe trouw au JieudeJa letito 
J cellede h. S'il y avoit , difoit-if, un a 
il faodroit inconteftablement traduire 
#n Cain ; n»is que le h vouloit feule- 
ment dire , po£i un figne k ou pour 
Cain (i). Je loi objeftois que te h 6to\t 
fouvent pris dans TEcrieure dans lie 
mfime (ens. fl en convint , & meme que 
dans le paflage en queftion , on le pou- 
Toit traduire dans Tun & l*autre fens, 
mais que s'il y avoit une marque, com- 
"me p^ ex. une lettre on que^oe 5^/^- 
'tnafty il y auroit eo furement le 3. 

Lorfque je lui eus ezpoTd le doute 
dbnt j'ai parl6 cJ-deflus , qa'vm figne 
pour confirmcr la v^rit^ de ce que Dieu 
difoit ^toie donn^ aux ^nge^ ou au>c 
ftints hommes, pour prourer qu*ils ve- 
noient v^ritabtemene de la part de Dieu. 

(i) CaIho ou ad Cdiftum* 



de TAmifique. i o j •• 

II m*objeaa ce qui eft die YG^ XF. %.) 
au fujet d'Abraham. Je jui r^pliquai 
que Dieu ne lui avok point donri^ de 
figne , tnais qui'il lui< avoic confirm^ (9 
promeUe en Iboge;, & quaadmSme ih 
y auroit eu un Hgne ,, cela neferaic pas 
applicable a noDre caa, vu qu'iH ne s'2r> 
giflfoic que de eoovaincre/a propre & 
unique pesfonne ^ puifque c: toic uoe 
r^v^lat'ion feerccte que Bieu lui faifbit 
& quiii fe ^da^bien de CQinniunv{ner 
k aucrui, pour aepasri/querd'Stre tsA 
par les habiiians d'ua paysdont lesdeft* 
cradaos deyoient. etre fubjugues & 6x>- 
(ermifi^ pa^r tes fiens. Mais id je le 
i;epete9 le figiie fe dohnaim pour que 
perfbnnene cuat Caiii:, il dtoit pour touct 
le refte-du genre humain'beaucoup>pJu« 
n^ceflaive , que pour Cain lui-meme ; 
d'ou je canclud que la. lettre h per- 
mettant men explicadon , je fuis en 
diioit de dio&que Dku & connoicre ce 
meurtrier a.eousrles homines:, par une 
xaarque ext^risure ^- fzaj^ante , fecii« 
ble, &/vifible k coul: le monde. 

Or quel figne, de tous^ ceux qui ju8<( 
qtt'id QfU 6Dd ima^i^ oa fuppD^V, 
pQuraitetie|dusfi^ppant^ p]us:&n& 
ble & plus vifi&le , qoe cdur d'tov 
change CQ Negre?. Un parai ^vi^e« 

E (S 



164 D^ '^ Population 

ment a d*abord da faire du bruit cher 
tout le refte des homtnes ; des qu'on \^ 
voyoit on le connoifTok , ce qui ne 1<^ 
roit arriv^ avec aucane autre des mar- 
ques fuppof^es. AjoutoDs h cela que 
comme la couleur , la configuration oss 
traits, & le changement des cbeveus 
ne &uraiem Stre expliqu^ par aucune 
caufe naturelle , & qu'il faut ndcef&i*' 
rement avoir recours a un miracle , oil 
ne pent troaver aucune occasion plu^ 
naturelie quecelle-d, pour fixer le 
temps oi!r ce miracle a €t6 ei^ri. En« 
fin i) ed: d^nK>ntrd par le tdmQignage 
nnanime de tous les anciens hiftoriens ,, 
Gueles Ethiopiens-Simes, les N^res, 
K>nt de la demiere antiquity ; ceux mS« 
me qui attribuent ce changement ^ 
i'ardeur du foleif , k F^^, aux yapeurs^ 
i la maniere de vivre, 0^r, font for*^ 
c^s d'en convenir , puifqu'ils difenc 
ou'il a fallu bien des fiedes pour op^rer 
de fi^ notables diangemens , drcons* 
lance qui ne s'accorde pdnt avec This- 
toire, & fur-tout avec celle des Egyp- 
tiens^ qui quoique jaloux k Texc^s de 
leur antiquitd & fe vantant d?£tre une 
nation^ antdrienre an dduge , n- ofbient 
pourtant dire que ces !Ndgres ou Elhio* 
fiensrSimes ^^ fofleat un peuple plui. 



ie TAmhique. te^ 

iiouveatt qa'euX - memes. Par conf^- 
quent, fi nous fuppofions qu*il eftt feu* 
lement fallu trois ou quatre fiecles pour 
former des N^gres-Simcs , ilfaudroit 
fuivanE le food de ce fy(l8me remonter 
jufqa'avant le deluge. En ce cas encor 
re on eft obligd de renoncer k Topinioa 
que cette inondation a ecd gdndrale. 



•CHAPITRE XX. 

Obje&ions propofees G? rifutiet de ma* 
niere h confirmer lefyftSme de la vrays- 
origine des NigreS'SimeK 

\\ me parotc qu^on ne fauroft faire con»» 
tre mon opinion que trois obje£tioni 
de quelque confid^ration. 

1^ Si la race de Cain a iii noire ^ 
comment a-t-on pa dire des filles des 
hommes qu'elks ^toient fi belles & que 
les enfans de Dieu en font devenus 
amoureux? 

2^ Si Caih s'eft retird & Torient du 
Jardin d*Eden , qiii ^toit ara environ* 
de Babylone, commait peu^il avoir 
peupW I'Ethiopie? 

3^. Quand m6me on fuppoferoit cet*^ 
te (Kig^ne des Ne^es; celle des aa^ 



ip6' De la Population 

tres couleors , des noirs a cheveuxt 

longs, des bruns, des bazanes,des oli-, 

vatres , £5*^. ne feroit pas eelaircie pour 

cela. 

Qaam a la premiere objeftion je r^- 
pond 

1°, Que les honimes ayant tt6 ex- 
tremement corrompus , lis Tauronc ecd 
pour le moins au meme degre que les 
plus libertins de nos jours , qui pr^fe- 
reront toujours une joHe Negrefle a 
la plus'grande beautd blanche. 

W. J'ai demontr^ dans cet ouvrage^ 
ue le terme de fils de Dieu , & de fils 
es hommes , ^coient des noms de >re- 
ligion & non de race ; de forte que par- 
mi ces deraiers il n y aura eu que trop 
ile Secbites , & parmi les^ premiers il 
s'efl pu trouver des Cainices, quoi- 
qu'en- plus petit noflobre. Nous avons 
ddja fait voir au memeendroit, qu'on 
ne doic pas juger que cous les defcen* 
dans de Cam ayenc &d de& impies, 
auffi peu que tous ceux de Se&h fi^enc 
des gens pieux ; oir xst peut meme as- 
furer, fans pecber centre la charitd, 
que Cain aic ete €in(i^remem exclu de 
la mifi^ricorde divine &. qo^il ait et^ 
damn^« On a poor fordinaire la chari- 
t^ de croire un meurtrier oa oaautr^ 



3: 



de TAmiuque. I07 

criminel condamne au dernier fuppli- 
ce, fi Tapparence peut le faire fuppo- 
far repentant & par confequent par* 
ticipanc au faluc ; pourcpioi ne pas da 
moins fufpendre fon jugement au fujet 
de Cain , au lieu de le damner fans mi* 
ftricorde? L'Ecriturememeparoitplu- 
tdt nous condiuire a porter fur fon comp^ 
«te un jugement adouci que rigoureux: 
Apfes-bt mal^dxflioii: que Dieu pronon- 
5a contre Im, Cain die, Ma peine eji 
plus grande que je ne puis porter ; d'au* 
tres traduifenc , mon picbi eft trop grand 
pmr Hre pardonni J on bien en forme 
ide queftion , eft-U trop grand? Ne puis^ 
je efpher grace ? 

Je f^ai que la pluparc des Auteurs 
croient que c'eft-la une preuve qu'il 
eft tomW dans le d^fefpoir ; mais qu'ib 
prennent garde k eux- memes , s'ils n'ont 
jamais &mi de pareilles mgoiffe^; ils 
poiffront peuc-6tre fe troovcr dans un 
-^at pire pour leur fafoc , que ne fuc 
alors Cain. Le St Roi & Prophgte Da- 
vid, homme felon le coeur de I>ieu> 
fe plaint fi aradrement de fes p&lies , 
de ce fardeau qui Taccable y abandonni^ 
de Dieu, que tout homme qui ne fa 
pas ^rouv^, doit fouhaicer ferieufe* 
ment de iencir k mSme chofe^ car fim 



lot ly^ l(^ Populatim 

k vive connoiflance de fts p^ch^ & 
des peines qa'ils m^ritent » il ne doit 
jamais efpdrer que Dieu lui fafle gra- 
ce; puHque c*efl: le premier degrd de 
la convemon , & par conf^quenc aufS 
le premier pour paryenir au falut. Ec le 
bon Larron , qu*on fuppofe ordinaire- 
ment avoir et^ un meurtrier ^ n'a t-it 
pas obtenu par fa repentance & fa foi » 
la grace que Jefus-Cbrift Itii accorde ^ 
S^ Luc Ch. XXII F. vs. 42. tuferas au>- 
jourd'hui avec mot en Paradis ? D'aillearf 
ie crime de Cain ne fauroit 6tre mis eoi 
parallele avec Tenormic^ de celui d'A« 
dam , qae la plus grande patcie det 
Th^ologiens n'exclud pas de couce es- 
perance du falut. Audi Dieu ailura Cam 
d*une fauvegarde qa'il rait en fa per- 
fonne. Enfin je ne veux didder ni pour 
ni contre , c'efl: un fecret que Dieu 
ne nous a pas voulu r^vder; mais je 
crois pouvoir affiirer que les defcen* 
dans de Cain n'ont pas ^ce cous des inv- 
pies, & qa'il y en a ed. parml les fiU 
de Dieu. 

IIP. pabandonne cependant volon* 
tiers ces deux raifons, & je m'en tiei^ 
drat uniquement a la fuivante. 

On convient prefque gdn^ralement 
^e Cam avanc fon meurtre avoic en 



ie TAmiriqufi lo^ 

qnamit^ d'enfans qui fans-doote ne par- 
tkriperent pas a ce changement de cou« 
leur ; mais il n'en eft pas de mdme de 
ceux qa']} eat aprSs ; cette couleur & 
cetce configurauoD^toit une qualic^ in^ 
hdrente , comme oh le voit chez les Nd- 
gres ; & par confdquent k^ enfans du« 
rent , apres Ton changement , naitre 
femblables k }eur pere : on dira » & la 
mere a - 1 - elle p^ch^ , pour devenir 
^i^grefle? Mais qui peut foutenir que 
ce foit une punition ? Ce n'^toit qu'un 
figne en faveur de Catn : qu'on deman* 
de aux N^gres s'iis (bnt laids, ilsdi* 
ront que c'efl: nous qui le fommes ; aus* 
(i lis ne font pas daiis Tidde des Euro* 
p^ens qui donnent un teint noir aa 
Diable , & eux le fuppofent blanc , quoi* 
que ni les uns ni les autres ne Tayent 
vu. Si done les blancs font r^putds plus 
beaux chez nous que les noirs , n'eft-ce 
point par un principe d'amour-propre? 
Dieu done voutant une race noire , de« 
voit naturellement changer la conftitu* 
tion de cette femme de fa^on k parve« 
nir a Ton but dans tous les fiecles par 
une voye naturelle. 

Si c'efl une punition , eft-il impos* 
fible que la femme de Cain ne Tail 
pas meric^e » foit en approurant le cr^ 



f 10 D^ la Population 

me de Cain , foic par d'aucres fenti? 
mens J. confeils, &faics criminels? La 
fainte Ecriture n'cn dit rien ni pour ni 
contre, ainfi toute conjefture nous eft 
permife a cat egard. • 

Peat-etre que quelques-uns de ceux 
qui ne veulent s'eloigner en aucune ma- 
mere de la lettre, mefurant le temps 
ou tane chofe s'eft pafRe par le nom- 
bre des verfets du Chapitre de la Bi- 
ble qui en parlent , diront qu'Hanoch ^ 
I'aline des fils de Gain , naquic feu- 
lement apres le meurtre d'Abel , & 
que par confequent toute fa race de* 
voit etre noire ; mais ils fe trompenc 
& ils fe tromperont toujours par cette 
m^thode. On doit fuivre une critique 
plus faine. 

Au commencement du Ghapitre IV. 
de la Genefe, Moyfe fait mention des 
premiers n^s d'Adam , favoir, de Gain 
& d' Abd : alors , comme bien des his- 
toriens ont fait & font encore de nos 
jours , il donne toute Thiftoire de Gain , 
.& fur-teut de fon demfile avec Abel , 
pour rfenplus parler.. U traite enfuite 
un autre fujet , favoir , la genealogie ds 
Ca'fn jufqu'a Lamech; apres quoi il par- 
te de Seth, & dans le Ghap. V. il ex* 
pofe toute fa g^^alogie en ligne des* 



Ik 



<fe TAmhique. lit 

cendante jafqu'a No^ : Peut-^tre aufli 
Moyfe a-t-il Toulu fimplement indiquer 
ks inveateurs des arcs & leur faire hon- 
lieur. Dans ce but il falloic que cet His- 
torien notnmat Hanoch , done lis des- 
cendoient, & qui par confequent pou- 
voit fort bien n'etre pas Taine ; quoi 
qu*il en foit, il eft ridicule d*aflurer 
qu'Hanoch foit n^ apres la mort d'A- 
bel, h caufe qu'il en eft feulement fait 
mention imm^diatement apres, vu qu'on 
auroit la meme raifon de dire que tous 
les defccndans de Cain naquirent avant 
Seth , & que Seth ne naquit qu'apres 
Jabal & Tbubalkain , puifqu'il rfea eft 
aufli fait mention qu*immediatenient 
apres, & m^me prdcif^ment dans hs 
m^rces termes: or comme chacun con^ 
viendra qu'une paireiHe fuppofition fe- 
roit abfiirde , on peut juger fi Topinion 
pareille fur Hanoch eft plus foutena- 
ble. On ne dira pas , c^eft dans un au- 
tre Chapitre ; tout homme qui a ua 
peu lu , fait que la divifion en Chapi- 
tres eft aflez recente. 

Je dis done , que ceux des Cainites 
qui ecoient blancs , & dont la meilleu- 
7e partie refta peut-etre dans le voifi- 
rage des Sdihites , puifqu'on a connu 
1^5 noms & les aftions de plufieurs ju$- 



119 Dela P&putatSm 

qu*k h (ixieine g^ndration , ne doitrent 

pas £tre confondus avec leurs freres lei 

^^gres 9 iflus de Cain apres Ton fra-' 

tricide. II parott par TEcriture que cet 

tiomme fut vagabond & fugicif ; audi 

fon ne fait abfolument rien de ce qu'il 

a fait & on ignore ce qu'il eft devenu; 

car les contes qu'on debice h fon fu* 

jet , fe contredifent fi fort , qu'ils proiw 

vent manifeftement qu'ils n'ont d'au- 

tre fondement qu'une imagination vive. 

Les uns ne lui donnent qu*un pen plus 

de 600 ans de vie, & difent qu'il a et6 

tue par Lamech: on a vu ci-deflus que 

cette fuppofition efl; deftitude de tout 

fondement : d'autres lui donnent au de- 

]ii de 900 ans , & debitent qu'il fu( 

^craf^ fous les ru'ines d'une maifon; 

d'autres encore, qu'il a vdcu jufqu'au 

deluge , & qu'il y eft p6ri ; ce qu'il y 

a done de plus certain eft qu'on n'en 

peut rien favoir , parce qu'il s'eft ^loi- 

gn6 de fes parens , & qu'il s'eft retire 

dans des pays fort ^loignds ; furtout (1 

on compare cette ignorance totale de 

fa vie & de fa fin avec ce qu'on fait de 

Nod , qui ^- felon tous les Auteurs , a 

fini fa vie dans un pays e'loignd de peut- 

etre 1000 lieues de celui qu'habitoit 

Sem,& qu'on fait pourtant a quel a|p 

il eft parvenu« 



ij. 



d€ TAmirique. ' 113 

Paffons a Texamen de la feconde ob* 
jeftion tirfe de la lettre de I'Ecricure. 
Cctte objefiUon fera bientdt exp^- 
diee ; je ne dirai rien de rincercitade 
oil Ton efl: fur la ficuatlon du pays de 
No^ , done quelques-uns font TArabie 
JD^ferte; mais fuppofons qu'Eden ait 
^t^ aux environs de Babylone, & que 
Cain fe foit d'abord recir^ du c6td de 
rOrient; eft-ce que rimpoffibilit^ d'al- 
Jer de \k en Arabie, enfuite en Egypte 
& en Ethiopie, fera plus grande que 
de fupnofer que TArarat a et^ le Cau* 
cafe , QL que les fils de*No^, ^tant vc^ 
nus de 11 loin , ayent peupl^ en (1 peu 
de temps les memes pays d'Egypte, 
d'Ethiople , & quantity aautres , fur-^ 
tout ceux qui font fituds entre le Cau- 
cafe & TEgypte ? On fentira aifdment 
que cette derniere fuppofition eft infi» 
niment moins vraifemblable que la pre* 
miere. Que dis-je? n'eft-il pas tres»^ 

Srobable qu'au commencement la Mer 
louge ^toit un Vallon fee, ou un petit 
Lac qui s'agrandit dans le temps du dd« 
luge , & que ce rfeft que des-lors que 
f Arabic s'eft ftparee de TEthiopie 
Orientale? Strabon n'afTure - 1 - il pas, 
comme une chofe non douteufe , que 
le Detroit de Babelmandel avoit iti fer- 



114- De la Population 

me encore pea de temps avant Darrias- 
te qu'il cite,ainfi encore apres le delu* 
ge ; & par conftquent cela rend pro- 
bable )a conjefture qu'avant le deluge 
ce n'etoit qu'un Vallon. Si done Yon 
fuppofe que les Cai'nites ayenc pris ce 
diemin, comme le plus court, pour fe 
Tendre en Ethiopie , il fera facile d'ex- 
pliquer pourquoi prefque tous les Au- 
teurs ont donnd une fup^rioritd d'anti- 
quit^ aux Ethiopiens fur les Egyptiens, 
ique ceux-Ia pr^tendoient £tre les Aur 
teurs de ceux- ci , & que les Egyptiens 
€toient une de leurs Colonies ; pui»- 
qu'en eflFet TEthiopie auroit ^e habitde 
avant TEgypte , JaqueJIe , fuivant le 
calcul le plus reju , n'a 6t6 peuplte (i) 
qu'environ 660 ans avant le deluge , par 
confequent prefque 1000 ans apres la 
Creation ; h quoi on peut ajouter que 
nombre d'exemples de TEcriture prou- 
vent que fouvent TOrient eft pris pour 
ie N. E. ou S. E. Si done avant le d^- 
lu^ k Golfe Periique n'a peut-fitre pas 
exift^ , Cain aura pu pafler de ce c6t^ 
vers TArabie & TEthiopie. 

LfL troifieme obje£lion qui paroit 

f i) Quant ^ l*Egypte du milieu , & i la 
Balfe-Egypte, & quant 4 une coJonie nouvel^ 
^ venue de rOrient. 



i 



ie TAmhique. iij 

tres- forte ne fera pas mal aif^e a r^« 
foudre. 

Si Ton fuppofe, comme il le faut nd- 
eeffairement , que du temps de la more 
d* Abel qui arriva environ la 1 29. an- 
n^e de la Creation , le nombre des hom- 
ines ait deja ete' conGddrable ; fi Ton 
r^flechit en outre que, fuivant les dis- 
pofitions connues de la nature humai^ 
Be , il r^gne entre fcs hommes par tout , 
de tout pays , & de toute quatit^ , un es-^ 
prit de parti , il eft tres- vraifemblable 
que , quoique le meurtre d' Abel ait pa- 
ru execrable k la plupart de fes freres; 
des fes neveux, ou de fes petics-ne- 
veux , il y en aura pourtant eu qui 
^oient amis de Cain , d'autres qui 
^toient auffi jalonx que lui de I'affeflion 
divine qui fe manifeftoit fi clairement 
en faveur d'Abel ; d*autres qui crai* 
gnoient peut-etre & qui haiflbienttes 
bons ; d'autres qui ayoient des iddes & 
de^ inclinations conformes a celles de 
Cain ; enfin quelques-uns de fes enfeni 
n^s avant cette trifte cataftrophe , plus 
craintifs que les autres, ou en bas Sge, 
cu bien aimant plus tendrement leur 
pare , auront pris le parti de le fuivre. 
Voili done une colonic de Blancs , qui 
ibrtit avec Cain : d'abord la codeuf 



■r • 



Xi6 De U Popuhtim 

iK>ire dans leurs freres leur aura para 
aflfreufe ; pcu-a peu ils s'y feront ac^ 
coutum^s , & les races fe feront en par- 
tie m6I^es & confondues : alors il arri^ 
va ce qui eft dit ci-defTus des mul&« 
tres , & de leurs defcendans ; ceux de^ 
blancs qui fe font mel^s le plus avec leii 
N^gres , auront procrde un peuple 
noir, mais a cheveux longs ; ceux qui 
avoient eu moins de communication 
auront produit une racebrune, d'au- 
tres bazande , & olivitre ; & ceux des 
blancs, qui n'ont eu aucun melange, 
ou du moins fi peu , comme par exem- 
pie ci-deflus , d'un Blanc avec un Quar* 
teron , ^c. feront reftj^s blancs , an 
milieu de la zdne torride. De cette ma- 
niere il eft tres-aife deyendre raifon de 
ces diverfitds de couleurs , & infini- 
ment mieux que par aucun raifonne- 
ment phy Oque , qui n'admettroit point 
une fouche Ndgre originelle. 

Qu'on ne dife point que les £gyp- 
tiens dtant fortis d'Ethiopie devroient 
audi etre noirs ; car outre que je n*ac- 
corderois cette colonie que pour une 
partie deTEgypte, croyant facilement 
que la Bafle-Egypte , mSme celle du 
milieu, Font ^t^ des autres defcendans 
d'Adwi^ & que la colonie Ethiopiea- 

ne 



i$ TAmirique. 117 

ne regarde que la haute Egypte, ou en 
efFet de tout temps il s'eil trouve une 
partie des habitans d'une couleur plus 
foflcee que dans les deux autres parties : 
on n'a qu'a fe fouvenir, que tous les 
anciens Auteurs ont parle des Ethio- 
piens de toute couleur , & qu'i!s ont 
fait une drfE^rence fort diftinfte entre 
ceux-ci & les Ethiopiens-Simes , oa 
les N^gres , qui tfetoient pas voifins 
de TEgypte. 

Si done les Ethiopiens font d'une an- 
tiquity fans dgale, & reconnue pour 
telle par tous les Auteurs , fi on ne peut 
abfolument rendre une raifon fatisfai- 
fante du changement de leur couleur 
& des autres marques caradldrifliques; 
fi , en fuppofant m8me que tout puifle 
provenir du climat, il a fallu pour ce-' 
la un fi grand nombre de fiecles , qui 
ne s'accorderoit pas felon leur origine 
poft-diluvienne avec leur antiquite in- 
conteflable ; s'il faut ndceflairement 
avoir recours a un miracle de Dieu ; fi 
nous.ne trouvons aucune occafion ou 
Ton puifTe cenfer, foiipjonner meme 
que ce miracle foit arrive , que celle que 
nous fuppofons ; & fi au contraire par 
notre fyfteme tout devient clair , aifd , 
& facile ; on doit en conclure qu*il 

Tome IV. F 



1 1 8 D^ la Population 

fauc , fuivant les regies de la plus faine 
critique , preferer celui ou il y a Je plus 
de vraifemblance & de probabilice, 
a tous ceux qui en font deflituds, ou 
qui du moins lui font inferieurs en cet- 
te quality, & juger que ce changement 
eft arrive avant le dduge dans la per- 
fonne de Cain, & que par confequent 
toute la race des humains n*y a pas p^ri. 



CHAPITRE XXI. 

Chronologic des Babyloniens ^ des 
JJJyriens , fon incertitude. 

jSTous paflerons a la Chronologie des 
Babyloniens , des Aflyriens , & des au- 
tres peuples Orientaux , en exceptant 
les Chinois qui meritent un examen par* 
ticulier. 

Si la Chronologie des Egyptiens eft 
inexplicable , celle des Babyloniens & 
des Aflyriens I'eft infiniment davanta- 
ge ; dans celle- la on s'accorde ddja fur 
plufieurs points ; favoir , que cette mo- 
narchie en excluant m^me les Dieux 
& les demi-Dieux, a commence peu 
apres le deluge , & que le premier Roi 
en a ^t^ Cham ou fon fils. La plus 



i$ TJmirique. 119 

grande difficult^ ne roule que fur les 
Dynafties, leur ordre & leur dur^e; 
mais iciiTn'en eft pa^de meme, on dif- 
fere de plus de 1000 ans, fur les com- 
mencemens des Royaumes de Babylo- 
ne & d' Aflyrie. Je ne puis done com- 
prendre comment s y eft pris un Au- 
t^r moderne dans la nouvelle Chrono- 
logic , que je n'ai point lue. Mais on 
m'affure qu'il prend pour bafe de tout 
le calcul Chronologique en gdndral, 
cette hiftoire des Babyloniens & des* 
Affyriens qui eft pr^ciKment la plus 
incertaine 'de toutes. 
; II faudra pourtant opter entre les 
divers fyftemes. Nous favons que Ct6^ 
(las ^tend beaucoup la durde du rdgne 
des Affyriens, que Syncelle renchdrit 
for lui , & Pezron fur les deux : que 
d'un autre c6t6 Herodote I'abrege , & 
les Auteurs de I'Hiftoire Univerfelle 
encore plus. 







F 2 



no Dc la Population 



\ 



CHAPITRE XXII. 

Ctijias difendu : fon autoriti ejl prifera* 
ble h celle d'Herodote. 

X our moi je me determine pour Ct€» 
fias. Ceft-a-dire pour ce qu*il a dit v^- 
ritablement , & non pour ce qu'on lui 
attribue fauflemenc. On a c^cnd de le 
rendre fufpeft , de le d^crier meme 
comme un Impofteur: mais fur quo! 
cette accufation eft-elle fondee? Cte- 
fias, dit- on, a rapportd des fauiletes 
manifefles dans fon hiftoire des Lides; 
ii a fait voir une crafFe ignorance dans 
la Philofophie , & par confdquent il ne 
m^rite aucune crdance dans fon hifloi* 
re de rAflyrie & de Perfe. Ce raifon* 
nement me parott pitoyable. II a rap- 
port^ plufi'eurs chofes des Indes, com- 
me s'il en etoit exaftement inftruit, 
quoiqu'il ne le fQt pas, il ed fans-doute 
blamable. Mais la foiblefle de Thomme 
eft n grande que bien des honnetes 
gens rapportent (burenc des faics , cro- 
yant en 6tre fflrs, par la relation des 
autres, comme s'ils les avoient vus, 
qui dans le refte font d'une v^racit^ re- 



de TAmirique. 121 

connue* Si done on en a impofH a Ct6- 
fias, & qu'i) aic rapport^ tout ce qu^il 
avoit appris des Indes fur la foi d'au- 
trui comme veritable , il ne pent ^tre 
traitd de menteur. Quelqu'un peut etre 
menteur en rapportant une v^rit^ lors- 
qu'il la croit faufle , comme audi un au- 
tre ne fera pas moins homme v^ridi- 
que , pour rapporter une faufletd lors- 

' qu*il la croit veritable. 

Quant k la Philofophie , rien de plus 
admirable que de dire qu'un mauvais 
Philofophe ne fauroit 6tre bon hifto- 
rien , ou qu'un bon Philofophe fera par- 

- la mSme un excellent hiftorien. New-* 
ton ) ie plus grand des Philofophes , n'a 
pas 6t6 k beaacoup pres (1 gott6 poor 
fa Chronologie que pour fts decou* 
vertes phyGques. Suivant cette r^gle 
il faudroit Stre un Panfophe parfait, 

. fi on vouloit ^crire une bonne hiftoire. 
On apporte une autre raifon tir^e de 

. la diver (it^ des noms , & de ce que 

?iuelques-uns font Grecs ; majls cette rai« 
on n'efl: pas moins frivole ; it faut done 
rejetter tous les Auteurs profanes , vu 
qu'on ne trouve pas chez tous entidre* 
tnent les mgmes noms que dans r£eri« 
ture. II faudroit £tre bien ignorant 
poujT ne pas favoir que tous les noms 

F3 



122 De kt Population 

propres avoienc dans leur origine une 
ugnification , & qu'on en cotnpofoit 4 
fon gr^ , pour d^iigner quelque qualit;^ 
de celui auquel on les hnpofoit (i) ; & 
plus ignorant encore pour ne pa$ favoir 
qu'on les traduifoit fouvent dans une 
autre langue , & qu'ainfi la pluparc des 
noms Aflyriens ont ^t^ traduits en Per- 
ian foQs TEmpire des Perfes : CtdOas en 
a donn^ quelques-uns en cette langue, 
& en a traduit d'autres en Grec. Cette 
preuve qu'on fait fbnner fi haut , qu'on 
trouve dans Ctddas des noms Grecs, 
tombe done d'elle-mfime: ne favons- 
nous pas que les noms des Dieux Egyp- 
dens, Babyloniens, & Phdniciens one 
^ce pour la pliiparc traduits en Grec & 
en Latin ? Tous les Auteurs en font 
foi, & perfonne ne le contefte ; nous 
en trouvons m§me des exemples dans 
TEcriture (2), Ceferoit une foiblefle, 

(i) On \e\\x donnoit le nom d'une chofe ti- 
r^e de la nature, ou celui de quelque b^e, 
.tout comme che^ les Sauvages Am^ricains il y 
a eu des chefs qui ont port^ celui de Loup, 
de Cerf , de Loutre, 6r<r. 

(2) Plufieurs Auteurs en trouvent encore 
une raifon en ce que ces Rois ont toujours 
adopts en montant fur le tr6ne un autre nom 
qu'lls ne portoient auparavant, & que les his- 
toriens fe font fervis des uns , d*autres des 
autres. 



iV. . 



de fJmirique. 11^3 

que dtf s'arrfeter davantage a cette ob- 
jefition. 

Arr6tons-nous un moment a exami- 
ner le3 raifons que j'ai pour donner la 
preference a Ctefias plutdt qu*a Hero- 
dote ; celui-ci n'a pas ete moins taxe 
de febulifte que Ctefias , & il y a des 
preuves fuffifantes pour cela ; aufli les 
Auteurs de VHiftoire Univerfelle ne 
-peuvent citer qu'environ deux Auteurs 
anciens , qui ayent fuivi le fyfteme 
' d'Herodote , qu'ils corrigent encore a 
leur gr^ ; & tout le grand nombre des 
autres a et^ pour Ctdfias ; voila d^ja 
une raifon de grand poids , & qui de- 
vroit abfblument decider en faveur de 
ce dernier. HA'odote vecut 469 ans 
avant J^fus-Ghrift & Ctefias 337, Celui- 
ci avoit lu les ouvrages du premier, & 
il avoit demeure pendant vingt ans k la 
Cour de Perfe, 17 ans feulement fous 
Artaxerxes Mnemon, dtant en gran* 
de faveur aupres de ces Monarques ; il 
jugea n^ceffaire de redreffer les erreurs 
d'Herodote ^ & de compofer une his- 
toire veritable de cet empire; il con- 
fiika les archives , & s'en fervit pour 
fdm ou vrage : il eft vrai que fes ad veN 
faires nouveaux veulent douter quil 
ait employ^ ces fecours ^ maxs je ne 

F4 



124 De la Population 

vois pas fur quel fondement; nous vp- 
yons qu'il avoit form^ le defleiir de 
compofer une hiftoire ; il fit fans-dou- 
te ce que tout homme fenf^ fait , il ne 
n^gligea rien pour prendre les infor- 
mations les plus exa^es. 

II a ete a meme de les prendre , vu 
qu'il a et^ en faveur k la Cour; ce que 
perfonne n'ofe nier : les Perfes avoient 
d'ailleurs un foin particulier de confer- 
ver leur hiftoire & de la connoitre. 

Nous en voyons la preuvt EJiber III. 
23, £? FI. I. par confequent tout con- 
court k prouver que Ct^Gas, qui s'efl: 
trouv^ tres k port^e de s'inflruire , s'eft 
inftruit en effet. 

Pobferve en troifleme lieu que Ct^- 
fias ^toit contemporain de X^nophon , 
grand hiilorien , & homme de g^nie. 

lis ne s'accordent pas au fujet de 
riiifloire de Cyrus le Grand ; quelques 
favans des plus eftimds regardent la 
Cyropedie comme une fiftion ing^nieu- 
fe , & fes partifans mSme avouent que 
rhiftoire en eft embellie. Cependant 
ce grand homme ne dit pas un moc 
pour refuter I'hiftoire Aflyriennede Cti- 
fias. Comment fe perfuader que Xdno- 
phon, contredit par Ctefias fon con- 
temporain fur fon hiftoire de Cyrus » 

eat 



de rJniirique. 125 

eiit n^Hge d'attaquer a Ton tour la ve- 
racity de Ct^fias, s*il y avoit vu Je 
moindre jour ? ou fi Touvrage de Ct^- 
fias n'a paru qu'apres la mort de Xd- 
Dophon, ne fe feroit-i} trouvd aucun 
ami de Xenophon qui efit releve Ctd- 
fias, fur-tout dans un fiede od on a 
. vu un fi grand nombre de Savans & 
. d' Auteurs ? il faut done qu'alors on aic 
^t^ dans une toute autre idde fur Cte- 
. fias que ne le font les hiftoriens de nos 
jours;, il eft meme tres-remarquabTe 
: que depuis Ct^fias les fciences ont ^t^ 
dans un tr^s-grand luftre pendant plu- 
fieurs fiedes ; & Ton a pris la peine de 
recberdier avec foin tous les monu- 
mens hiftoriques ; cependant prefqu^ 
tous les Auteurs ont fuiviCcefias. Nous 
devons done juger trfe-naturellement 
que les Anciens infiniment plus a portde 
que nous d'examiner la varied des faits » 
& qui connoiflbienc quantite d^ouvr^- 
ges enti^rement perdus pour nous y doi* 
vent nous rdgler fur le degri^ de cr^an- 
, ce >qu€ nous devons k un Auteur^ k 
. moms que nous n'ayons des argumens 
invindbles pour prouver le contraire. 
On rapporte encore en faveur d'KK- 
rodote , qu'il a voya^d dans le pays & 
qu'il s'eft inform^ foigneufemenc d^ U 



% 



It6 De la Population 

v6rit6 aupr^s des habitans. Je pourrois 
trds-bien rdtorquer le doate qu'cMi alle- 
gue centre Ctefias , & dire, puifqu'He'- 
rodote eft convaincu de bien des meri- 
fonges il n'eft pas flir qu'il ait pris tou- 
tes ces precautions ; mais eh admettant 
le fait , il s'en enfaivroit feulement 
qu'H^rodote a ^crit de bonne foi , nlais 

Siu*il a pu le tromper , comme Ctdfias 
ur les Indes, Je dis plus : fuppofons 
qu'un Francois allSt voyager en Angle- 
terre, qu'il s'inform^t de toutes les par- 
ticularirds poffibles , *& qu*il compolUt 
une hiftoire de ce pays, & qu'erifuite 
un autre qui feroit en taveur a la Cour , 
obtlnt communication des regftres pu- 
blics des archives , & ^crivit aufli une 
hiftoire , lequel des deux devroit-on 
prtfi^rer? 

Nous n'avons que trop d'hiftoires 
Arrites par des perfonnes finceres , fa- 
vantes , qui ont^ pris toute la peine ima- 
ginable pour s'informer au jufte de 
tout; mais qui n'entendant pas Jilan- 
gue du pays, 'pour tirer parti de$ Au- 
teurs , ou n'ayant pu cofnfulter Jes Ma- 
nufcrits , les Titres ou les Chartres, 
" ont infdrd des erreurs pppulaires fans 
nombre, & par-li fe font rendusme- 
prifables chez la ,natioh , tie laqudle Ms 
ont d^bit^ ces/aits erronnes. 



de rAmerlque. . 127 

MaiS paflbns a d'autres preuves. Dio- 
dore a cir^ de Ctdfias ce qu'il nous 
donne de I'Aflyrie; Eufebe a profite de 
ces deux Ecrivains , & Syncelle qui a 
fait ufage de tous ceux qui I'onc pr^- 
Q&diy a fi fort altere cette hiftoire, 
qu'a la fin on a mis toutes les erreurs 
lur le compte de Ctefias : Pczron le 
pouffe encore plus loin , afin de jufti- 
fier fon calcul ^norme de 5872 ans de- 
puis la Creation jufqu'^ Jefus-Chrift. 
Ctefias ne donne que 1306 ans, oi|, 
pour faire compte rond , 1300, a cet 
Empire, ou fuivant Diodore un peu 
plus , ce qui revient ^ ces 1 306 ans. 
Mais Syncelle ue lui donne pas nioins 
de 1460 ans, fans dire o£i il apuif^ 
ces additions , vu qu'aucun des Anciens 
ne parle d'unefi grande antiquity. M^s 
fuivant Eufebe & Syncelle , le rei- 
verfement de la Mpnarchie eft arrive 
du temps d'Ariphron; celui-ci a vdcu 
889 ans avant JefusChrifl: ,. lelquels 
ajout^s k 1306 ans, feront 2195 aw 
avant J^fus-Chrift, par confequent fui- 
vant le calcul des Hdbreux que nous 
fuivons , k Tannde 1 805 du monde , ou 
J 4.9 ans apres le deluge; ce qui s^ac- 
corde fi merveilleuferoent avec ce que 
rEcriture dit d^AfTur & de NiraFq4 

Y 6 ' 



I2S De la Population 

qu*il e(l difficile d*en douter ; d'autant 
moins que Cc^Oas , un Grec , un Payeir, 
^crivit cette hiftoire fans avoir la moin* 
dre nocion des Livres Sacr^s ; & c'efl: 
encore une preuve invincible en faveur 
de rauthenticic^ de la Chronologie dcs 
H^breox. 



C H A P I T R E XXIir. 

Obfervations fur ce que les Auteurs de 
rmjloire Univerfelle difent des Baby- 
loniens. 

J'ai une efliime infinle pour les Au- 
teurs de THiftoire Univerfelle y mais 
Javoue que je ne comprens pas com- 
ment des perfbnnes d'elprit peuvent fe 
laifTer eblouir fl fort par la nouveauc^ 
de kur f^^dme , pour ne le fonder 

Slue fur la poffibilit^. Tout ce qu'ils di- 
ent du regne des Babyloniens, tfeft 
fonde fur aucune preuve ; ils rdpetent 
k tout moment, il eft poiTible, il eft 
probable; fans fonger qu^en fait d'his- 
toire la poflibilitd n eft rien, & la pro- 
bability peu de chofe , (i on ne pent s'ap- 
Suyer de Tautcwitd d'Ecrivains c^lebres 
: reconnus pour authentiques. S'U ne 



ie TAmirique. lap 

s'agit que de pollibilitey autane vau- 
droit-il fe tenir au Cyrus de Mad^ de 
Scud^ry pour Thiftoire de ce grand 
• Monarque ; tout en efl pofSble ; & tout 
eft arrangd dans ces fortes de Romans 
d'une maniere a paroitre probable aux 
perfonnes qui n'ont point de connois- 
fance de Thiftoire ; la poffibilite , la pro- 
babilite eft k peine permife aux philofo- 
- phes de nos jours , qui le plus fouvent 
n*ont point d'autre fondement k leurs 
hypothefes ; mais pour Thiftoire , la 
probability n'eft bonne au'en optant en- 
tre les faits rapportds oiverfement par 
. diflFdrens hiftoriens. 

lis ont encore une autre opinion 
qui contredit abfolument toate This- 
taire ancienne ; ils aiTurent pofitive- 
ment que tous les Dieux des autres na- 
tions font venus originairement des Ba- 
byloniens , & que Pul ou Phul , qui ne 
mourut qu'en Tan 758 avant Jdfus- 
Chrift , a it€ le premier qui ak 6i& 
ador6 comme Dieu, fous le nom de 
Bdlus : or fans parler de I'hiftoire des 
Egyptiens , celle des Pheniciens par 
Sanchoniathon , infiniment plus an- 
den que Phul , ddtruit abfolument cet- 
te opinion inouie. Rapportons-en (eu- 
kment uiie preave ; die eft tirde des 

F7 



tjo Dt h Ptipnlmlon 

Grecs, les plus nouveaux (except^ les 
Remains) qui ayent apothdofe leurs 
Rois & lairs Hdros. 

Je veux parler des Marbres de Pa- 
res ou d'Arondel , dont la Chronique 
a et^ oompof^e 2(^5 ans avant TEce 
Chf Aienne j & elle commence 1 3 1 8 
ans auparavant , ou 1583 ans avant 
J^fus • Chrift. Or fuivant Marbre V, 
ou Epoque 3. v^curent Mars & Nep- 
tune Grecs , & fuivant Marbre VII. 
Epoque 4. arriva alors, c eft-a-dire 1530 
ans avant Jefus - Chrift , le deluge de 
Deucalion , qui batit un temple i Fhoa* 
neur de Jupiter phyxius & Olympias, 
Marbrfe XVIII. XIX* XX. XXI. il eft 
pairle de Ja mere des Dieax , Cybele , de 
Dionyfe ou B^chus , de Pan &, d'au- 
tres Dieux, i§c: Homere, qui vivoic 
"200 ans avatft Phul, fait mention des 
Dieux , <& des tombeaux de quelques- 
uns. 

Mais 5podrqudi i^ous arreter,a ceci? 
nos Auteurs fe tiennetit fi foTti& ferme 
i TEcriture , que c'eft une de lears rai- 
fons principales pour ne pas recomK)i- 
tre les Rois d'Aflyrie avant Pul-, par- 
ce qu'elle n*en fait point mention. Pour- 
quoi done ne pas admettre cette meme 
preuve lorfqu'il s^agii des Divinites^Pa- 



V 



ie TAmirtque. 13 1 

yennes ? Us avouent eux - toemes ail- 
leurs que celles, auxquelles les Ifrae- 
lites facrifioient , etoient des Dieux Sy- 
riens , Ph^niciens & autres , tous an- 
terieurs, fuivant leur propre fyfbSme, 
a la Monarchic Affyrienne. Comment 
peuvent-ils aflurer que Pul a et^ le pre- 
mier Mus , & le premier ador^ lous 
le nom de Bel ou Baal , lorfque Moy- 
fe en fait d^ja mention Nomb. XXII. 
41 , fans parler du grand nombre des 
paflages de TEcriture, ou il en eft par- 
]6 depuis ce temps jufqu'a celuj de Ful, 
qui ne paroit fur le th^&tre que pour 
mettre fin an Royaume d'Ifrael , lequel 
n'a €U ce fort que par fes peqhes^ ayant 
.^r^ pendant pluueurs Qecles Baal oil 
Bel? II fut felon eux le nfieme qui les 
'pqnit d^avoir reconnn fa divinitd , plu* 
fieurs fiecles aupatavant,.quoiqu*on ne 
Tait ^potWoft qu'apres fa mort , <& non 
avant fsi naiflance. II eft fSir qu'on ne 
fauroit cpmprendre comment on peut 
.4<A5er dans de pareilles r^ri^s*; . 

Ms^is afin qu'on ne dife pas que i^ons 
Jeur imputons a credit pareilles abfdr- 
dites , rapportons leur^ propres paro- 
les, (t) „ Cependant c'Jtoit une opi- 
^y .nidnLg^neralepaent r^pandue , :qiie 

Ci) Tora. III. p. 2^8. 



132 De la Population 

„ Ninus fut le premier qui ^rigea dfe» 
•,, images pour 6tre adordes, en parti- 
„ culier celle de fbn pere Bdlus, ^c. 
„ ce Ninus ne peut avoir ete que Ti- 
„ glathpiWfar , fils de Pul , ou Belus , 
„ dont il eft parl^ dans TEcriture , ain- 
„ fi ce doit avoir 6t6 Pul , & aucua 
„ autre, qui fut ador^ comme Dieu 
„ dans le pays, dont il s*agit ; & com- 
„ me c'eft lui inconteftablement qui 
„ fonda les Empires d'Aflyrie & de 
„ Baby lone , il faut qu'il ait 6t6 le fa- 
„ meux B^lus des BabylonienSy Phe- 
„ niciens & autres , fur lefquels les 
,, defcendans de fa famille etendirent 
,, une dosmiatiott, qu'il avoit fond^* 

„ Quoi qu'il en foit , (2) ce grand 
^ Jupiter ^toit certainement le meme 
yj que le grand Pul ou B^Ius (3^. En 
jj un mot pour achever la hfte de 
,, toutes les idoles des Babyloiuens il 
,, fauckoit faire T^num^tion de tous 
9, les Dieux des nations , dont nous 
9, avons dtfja fait Fhiftoire , car ils font 
,, tous originaires de Babylone , &c. 

„ Nous avons vu que les Jupiters & 
„ les autres Divinit^ d*brigine mor- 
yy telle viennent des bords de l*Eupbra- 
^y te ou du Tigre & qu'aulieu de cec- 

(2) P, 239. (3) P- 2S7* 



de TAmiriqm. 135 

,, te grande antiquity que leur attri- 
„ buent les Mythologifles & queiqaes 
„ hiftoriens , T^poque de leur origine 
„ panni les Aflyriens doit 6tre fisee k 
„ 771 ans avant la naHTance de Jefus- 
„ Chrift." 

Cela fuffit pour faire voir Terreur 
groffiere , dans laquelle ces hiftoriens , 
d'ailleurs tr^s-eftimables , font tombds. 
J'ajouterai fealement , qu'apr^s avo^ 

!)r^ftrd Hdrodote a Ct^Gas, corame 
eur fyft^me I'exigeoit , ils font oblig^ 
d*accufer Hdrodote d'avoir trop dten- 
du les temps. 

Ils ont raifon ; car fuivant leur cal- 
cul , H^rodote place le commencement 
du Royaume d'AfTyrie 1229 ans avant 
J^fus-Chrift, par confiiquent pr^cifd- 
ment dans Tannde de Tenl^vement 
d'H^lene, 20 ans avant la deftru£lion 
de Troye ; & Pul ne r^gna que 770 
ans avant TEre Chr^tienne ; par con- 
fiiquent H^rodote donnant 520 ans aa 
Royaume des AfTyriens , plus que.nos 
Auteurs, il faudroit non-feulement di- 
re qu'il a trop dtendu cette hiftoire, 
mais le taxer de menfonge comme Cti* 
Has, & mettre toute fon hiftoire au 
rang des fables; car en deduifant 520 
ans de 1229 , refte 709 , par confdquenc 



134 ^^ ^^ Population 

feulement 6i ans pour toute la Monar* 
chie ancienne des AfTyriens, ce qui 
ne meriteroit pas feulement d'etre mis 
en ligne de compte; il eft vrai que fi 
nos Auteurs avoient encore reject^ He- 
rodote , ils n auroient pas trouve un 
feul Auteur qui efit eu une opinion 
tant foit peu approchante de la leur , 
en forte qu'ils peuvent fe vanter d'etre 
les in venteurs de ce nouveau fyfteme , 
dont nous ne trouvons pas la moindre 
trace chez les anciens. Mais il eft temps 
d*^tablir le commencement de ces Ro- 
yaumes. , 



CHAPITRE XXIII. 

JJJur fondateur de la ville de Ninive ^ 
du Royaume d*JJfyrie. 

J e fuivrai ici les Auteurs de THiftoi- 
re Univerfelle , en ce que je. me fonde 
comme eux fur TEcriture & fur la con- 
forfnitd qui fe trouve entr*elle & les 
Auteurs profanes. 

Aflur etoit fans contredit fils de 
Sem , comme Nimrod petit - fils de 
Charn; Nimrod a ^tabli un Royaume. 
Gen. X. JO. il eft dit , » & le commen- 



k 



3e TAfhirique. 155 

„ cement de foh rdgne fut Babel, 
„ Erech, Accad & Chaind, aupays 
„ do Sine|r " : le verfet eft fort fujet k 
exf^iaition: les uns le traduifenc ,, il 
„ fordt de ce pays-la en Aflyrie , &- 
„ il batit Ninive, & les rues de la vii- 
„ le & Galah , & Refin entre Ninive 
„ & Calah , qui eft une grande villa " 
d'autres par contra Tinterpretent „ du- 
„ quel pays eft venu enfuite Affur & 
„ bdtit Ninive , & Rehoboth , & 
,^ Calah , en outre ReiTen entre Nini- 
„ ve & Calah , c'eft une grande ville. 

Voilk une queftion des plus difcu- 
tdes , & des plus difficiles k r^foudre. 
Je prdfere la demiera explication , & 
Toici mes raifbns. 

J"*, Affur etbit plus Sge que Nim- 
rod ; pdut - &re dtoit - il I'aine d'Arfa- 
zad ; celui-ci n'dtoit nd qua deux ans 
apres le deluge, & Affur eft nommd 
avant lui; je ne donne cela que comma 
une conjedure & non comme une cho- 
fe prouvte ; mais enfin il devoit etre 
de pluQeurs anndes plus agd que Nim- 
rod , ^2X conf^quent il devoit avoir 
plutdt befbin d*un dtabliffement; ; & 
comme tous les favans aflignent YAiit 
entiera k la race de Sem , quoiqu'en- 
fuite occupee aufG par d'autrai^ il y a 




136 De U P&puUahn 

toute apparence qu'Aflur & les fiens 
s'&ablirenc les preiriiers dans le pays, 
cnfuite nomm^ Babel , & fi^ environs ; 
& que Nirarod , grand chafleur ou 
ufurpateur , Ten chafla , de forte qu'll 
fut oblige de fe retirer dans celui qui 
fut nomm^ enfaite Aflyrie , ou 11 bacit 
Ninive, & les autres villes memion'- 
ndes dans TEcriture. 

2^ Comment fuppofer que la famil- 
le du feal Nimrod ait pu peupler &. 
bdtir neuf villes, entr'autres Babel & 
Ninive , de fi grandes villes ? je parle 
de Ninive fur ce pied , parce que les 
interpretes appliquent prefque unani- 
mement c'efl mots , c^eji une grande 
ville^ k Ninive; & quand mfime on 
fuppoferoit que ce fdt RefTen , une 
grande vilk pour Tautre , i\ eft beaucoup 
moins probable qu'une feule famille en 
ait biti deux , outre fept autres , que (i 
deux families I'avoient entrepris ; je 
dis deux , puifque nous prouverons ci- 
apres, que Babylone a 6t6 bicie par 
Nimrod, 

3*". Si Aflur tt'a point eu de part k 
ces ouvrages & que, fuivant la premie* 
re traduftion , ce fflt Nimrod qui entra 
en Affyrie , d'ou ce dernier pays a- t-it 
tir^ ion nom ? U fauJra avouer que 



de TAmMque. 137 

c'eft d'Aflur; & alors, fi Nimrod en 
a d'abord chaflK Aflur , le pays n'en 
devoic pas conferver le nom , quoiqu'il 
Talc gardd conftammenc , & qu'il le por- 
tit du temps de Moyfe, Nomb. XXIK 
22. 24. Enfin que) pays a done 6t6 oc- 
cupy par Aflur & les fiens, G Nimrod 
s'eft mis en pofleflion de celui-ci ? 

4''. Si les Chasdim ou Chald^ns 
^toient defcendans d'Arphaxad, il efl: 
tres - probable que les enfans de Ton 
frere Aflur n'en auront pas 6t6 fort 
^loign^s ; puifque nous remarquons 
que les defcendans de No^ , nomm^s 
dans TEcriture, n'ont occupy que les 
pays les plus voifins de Sin^ar , vers les 
quatre regions ; & qu'ordinair^ment 
les plus proches parens ont habitd la 
m£me contree , comme les defcendans 
de Chanaan , de Gomer, de Javan, de 
Cus , de Joktan & autres. 

Enfin je crois done qu* Aflur fils de 
Sem a ^t^ le fondatsur du Royaume 
d'Aflyrie & le pere de Ninus,& com. 
me Aflur a baci Ninive , qui a eu (on 
nom de Ninus fbn fils , de quoi on 
convient unanimement , il faut bien 
que Ninus ait exiftd du temps de Nim. 
rod , rEcrit.ure fixant I'^poque de To- 
rigine de cette ville a ce temps-la , ce 



1 38 De la Population 

qui eft bien vraifemblable , vu que ces 
deux hommes .celebres dtoient coufins 
ifliis de germains. 

Voilk done Aflbr dtabli k NiniVe ; 
les Aflyriens faifant figure parmi les 
divers peuples ; il eft vrai qu'on die 
que Nomb. XXLF. 22. il eft parl^ de 
ce peuple comme d'un petit peuple , & 
qu'il eft compart aux Moabites , aux 
Amaledtes, & aux Kenites; mais je 
je ne fai de quels yeux on envifage 
ce paflage , pour y trouver ce fens ; je 
trouye plutot qu'Affur y eft aflbci^ a 
Heber, vs. 24. Or, de ceux-ci ou des 
Ifraelites il eft dit m. 17. que I'dcoile 
de Jacob & le Sceptre dlfrael ddcrui- 
ra tons les Enfans de Seth ; j'avoue 
que ceci eft une prophetic du Meffie , 
mais cela denote pourtant la fupdriori- 
t^ dlfrael , qui eft une branche des en- 
fans d'Hdber j Fautre font les enfans de 
Joketan, peupje nombreux , fans comp- 
ter ceux que nous ignorons ; mais en- 
fin donnons une raifon plus forte. As- 
fur eft aflbci^ a H^ber , ou a Ifrael j 
Balaam pr^it la vidloire & la puiflan- 
ce de ceux-ci , & la deftrufllon des 
autres peuples; comment peut-on di- 
re qu'ils font rapportds fur le meme 
pied , & comme d'une puiflance t^ga- 



ie TAtnirique. 139 

k? Si Ton difoit Bourbon va d^truire 
Genes , Mpdene & Liiques ; par con- 
fequent la Maifon de Bourbon eft cen* 
fte n'etre pas plus puiflante qu'un de 
ces trois Princes & Rdpubliques , ne fe 
moqueroit-on pas avec raifon d'une pa- 
reille coudufion ? Je dis done qu'au 
contraire AfTur ou le Royaiime d'As- 
fyrie devoit- d^ja exifter du temps de 
Bileam , 1452 ans avant TEre Chr^- 
tienne j ddja alors il devoit fitre un 
Empire celebre par tout le monde, 
puifque Moyfe & Bileam en avoient 
connoiflance ; Moyfe , dis- je , qui ne 
connoiflbit aucun pays dtranger, que 
I'Egypte & les pays les plus voifins, 
D*ou je condus que TErapire Afly- 
rien, qui avoit commenfd par Aflur, 
etoit encore dans Ton luftre du temps 
de Moyfe; ce qui s'accorde tres-bien 
avec rhiftoire de Ct^fias. 











I40 De la Population 



CHAPITRE XXV. 

Nimroflfonda le Royaume de Baby lone. 

L'Ecriture ne permet pas de nier que 
Nimrod petit • fils de Cham ait fondd 
le Royaume de Babyione. II eft die 
expreflliment , que le commencement 
de Ton r^gne fut a Babel , & qu'il droit 
un Prince puiffant , ce qui fe prouve 
aulTi par les diverfes villes qu'il a bi- 
ties- Cependant plufieurs Auteurs mo- 
dernes foutiennent que Babyione n'a 
ete batie que par Semiramis ; & les 
Auteurs de THiftoire Univerfelle , fui- 
vant leur fyftfeme particulier, par leur 
Belus ou Pul I malgrd tout-ce que TE- 
criture aflure de contraire , non-feule- 
ment k Tendroit citd, Gen.X. lo. mais 
encore XL 4. o£i leshabitans dirent, 
batiflbns nous une ville & une Tour; 
le Texte eft formel; ils formerent fe 
deflein de conftruire une ville auffi bien 
qu'une tour: mais je veux pour un mo- 
ment mettre de c6td ce que TEcriture 
dit fi pofitivement & fi formel lenient 
& ne raifonner que fur la probabilite. 
Le but de ces habitans dtoit de s'eta- 

b:ir 



ie TJmirique. 141 

blir & de prevenir leur difperfion. Or 
y a-t-U un homme de bon fens , qui 
puiiTe fuppofer qu*ils ayent eu defleia 
de conftruire un ouvrage immenfe feu* 
lemenc pour s'immorcalifer , fans aroir 
eu aucune idde de conflruire une ville 
pour eux & leurs defcendans ? N'efl:- 
il pas nature! que mgme ils ayent com- 
mence par fe procurer des logemens , 
par conf^quenc de batir la vine avanc 
que d'entreprendre la Tour? L'Ecritu- 
re & ]e bon fens nous convainquenc 
que la. ville de Babel ou Baby lone a €t6 
bitie par Nimrod; Sdmiramis Taura, 
fi I'on veut , agrandie & orn^e ; je fup- 
pof^rai meme qu'une feconde Si^mira- 
mis ou Acofle y a ajoutd de nouveaux 
embelUfremens, & que Ndbucadnezar 
9 portd fa grandeur & magnificence 
a Ton comble ; mais toujours doic-ell^ 
ion origine k Nimrod. 

II fe peut tres-bien qu'aprSs la mort 
de Nimrod , fon Empire naiflant foit 
alld d'abord en decadence; maU parta^ 
tnali dilabuntur : il avoit ufurpe ce pays 
fur Affur & f^s defcendans , qui eurenc 
pen apres leur r^vange, & conquirenc 
Babylone fous Ninus. 

On me dira qu'en admettant les an«> 
cienn^s hiftoires, il &ut auffi admettre 

TmelF. G 



142 De la Population 

fesdeuxDynailiesdes Rois Chald^ens 
& Arabes a Babylone ; je ne crois pas 
que cela Soit n^flaire. Jules Afric. 
en 230 & fiufebe 330 ans apres Jd- 
fiit^ChrHt, furent les premiers qui en 
firent mention , &SyncelIe les copia. 
Pezron dche de fortifier cette opinion , 
& donne poar raifon, qu' Alexandre- 
Folyhiftor, qui v^cat 46 ans avant !'£• 
re Chr^tienne, en avoit parl^, fuivant 
le t^moignage de Syncelfe. Je fuppo* 
(e que celui-ci ait accufd jufte; alors 
il n*aura pas la m^e preuve en faveui* 
des Rois Arabes., puifqu' Alexandre, 
fuivant Syncelle mSme , affure que ces 
Rois Chald^ns n'ont rdgnd que 19a 
ans en tout ; a quoi Syncelle ajoute de 
(on chef, comme il fait dans la lifte 
des Rois d'AfFyrie, encore 35 ans. 
Peut-£tre m£me qo'Alexandre if a pas 
tort ; je crois en effet que Nimrod 
p'a pas et^ le fenl Roi de Babylone : 
fes fils & Succefleurs ont pu gtre nom- 
miB Rois Arabes, vn qu'il ^toit fils de 
Chus , pere des Arabes , par confd- 
quent Cuflite ou Arabe lui meme ; & 
fi, fuivant quelques Anteurs, fi^lus a 
6t6 fils, & Ninus petit- fils feulement 
d'Aflur, & que Ninus ait deja rdgnd 
quelque temps avant la prife de Baby- 



f 

le 



> 

de TAmiriifue.^ t+j 

lone, 190 ans one bien pa fe paiTer 

depuis r^cabliiTcment de ce Royaume^ 

ou depuis Nimrod jufqu'a fa conqu6te 

ar les AfTyriens , dans un temps oh 

es homines vivoienc jufqu'^ 4 ou 500 

ans , fuivant FEcriture ; il n 'eft pas ^ton- 

nanc , fl on compte AfTur , n^ aprSs le 

deluge /£^lu3 Ton fils, Nkius Ton petit- 

fils^qiii conquit Babylone, non dans fa 

jeunelTe , mais pendsuit qu'il r^noit & 

par conf^quent k un ^ge affez avanc^ » 

qu'il ait bu fe pafler 300 ans & plus de« 

puis le (kluge jufqu'li la prife de Baby* 

lone. }e mettrai ce calcul fous les yeux 

du Lefleur , mais auparavant je dois 

examiner la queftion fi fouvent difcu- 

ti^e , ^ quelle ^poque 11 faut fixer la dis- 

perfion du genre humain occafionn^e k 

Babel? 



CHAPITRE XXVI. 

Epoiue de la difperfion du genre humain. 

11 efl tr^s-flir que cette dirperfion arri- 
va au temps de Pdeg. Eft-ce i fa nais- 
fancd , ou pendant la durde de fa vie? 
Une grande partie des Auteurs , & reus 
les partifans des LXX. la fixent &xm 

G % 



144 De la Population 

fa^fiter h fa naiflance, fe fondant fur 
ce que fon pere lui donna ce nom, 
parce que de fon temps la terre fuc 
parug^e. Mais il n'efl: point dit que 
fon pere lui impofa ce nom ; il eta ce 
notn 9 dit Moyfe ; il n'eft done pas f{ir 
qu'il le poitat 66$ fa naiOance. ^'y a* 
t-il pas une infinite de noms dans I'E- 
criture & dans rhiftoire profane , qui 
ont 6t6 impofi^ fort tard aux hommes 
a roccaiion de quelgue dvdnement? 
Moyfe impofa les noms a fes fils , non 
a leur naiffance, mais lorfque J^thro 
fon beau - pere les lui amena dans le 
Defert. Augufle eut originairement le 
nom d*Oclavius ou d*06hivianus ; Ca« 
ligula J celui de Cajus , Hdliogabale ce« 
lui d'Anconin ; tous ne font cependanc 
connus que fous les premiers noms. 
S\ Paul n'efl plus nomm^ Saul ; & ain- 
n d'un tres- grand nombre d'autres. II 
efl: a pr^fumer que Pdleg a eu fon nom 
de cette maniere; outre qu'il efl incei' 
tain que tous les hommes ayent eu 
alors des noms impofes des leur hais* 
fance. 

Mais voici une raifbn qui me parott 
invincible. Que ferons-nous de Jake- 
tan ? H ^toit fans-doute le cadet de P^ 
leg y puifque les LXX. ont cru qu'il a 



ie rAtnerique. 145 

{iallo 134 ans a Hdber, avant que d'a- 
voir P^leg. Mais accordons leur , mal- 
grd eux , qu'il fdt I'aind de P^Ieg , que 
m£ine H^ber Talc eu dans ia ioo\ an^ 
nde , c'efl: plus qu'ils n'ofenc ruppofes 
eux-memesy vu qu'ils ne veulent pas 
accorder ^u'aucun ait eu des enfans k 
cet age ; il faudra , fuivanc eux , en* 
core 100 ou plutdt 130 ans , avant qu'il 
ak pu avoir des enfans. Uatne de Ja- 
ketan feroic done n^ 66 ans aprds P^ 
leg, 0U95; ou, fi Hdber n'a eu des en- 
fans qu'k 130 ans, ce feroic 100 ans 
complets; comment done Moyfe comp- 
te-t-il parmi les hommes qui furent dis^ 
perf^s, 13 fils de Jaketan ? II aura ea 
fans-doute aufli des filles , & Ton n'aura 
eu la cniautd de les chafler dans 
leur has ^ge. lis ne feroient ainfi partis 
u'environ 150 ans apres la naiflance 
e P^leg. De deux chofes Tune , ou il 
faut s'^ioigner du fens de Tficriture , & 
dire que tons les hommes mentionnds 
dans le Chapitre X. n'ont pas ^t^ dis- 
perfds alors , & en ce cas permettre 
qu'on explique fuivant les memes priri- 
cipes I'Ecriture dans d'autres paflages , 
ou bien accorder que la difperfton ne 
fe fit pas k la naiflance de P^eg ; ce- 
pendant fans forcer le fens nature! de 

G3 



pas 

leur 

I 



1^6 De U Population 

rEcriture, on ne fauroit dire pourquoi 
Its uns avoient 6t6 difperft^s & non les 
aatres; au lieu que fuivanc la Chrono^ 
logie des H^breux & mon fyfteme il 
n'y a point de difHcuIc^. Jaketan pou- 
voit 6tre Faind de P^leg, parce que, 
comme il a ^c^ d^montre ailleurs, il 
n'eft pas queflioh ici de Faind , mats de 
la i^^n^ogie d'Abrahatn. H6ber poui- 
voit Favoir ea k Fige de 20 , de 1 6 ans 
mSme, & jufqu'a Fdge de 50 k 60 ans 
tous les fils ;& les filles de JsJcetan pou- 
voient etre n6s & en certain age, 
pour s'avaneer pea-a-peuvers FOrient 
ou p1ut6t vers le S. £. : ce qui paroit 
confirm^ par FEcriture qui dit que du 
temps di Pilegy ainfi pendant fa vie, 
& non k fa naiflance, le moode fut 
difperfd. 

Si done, cotnmeil y a quelque appa« 
tence, cette di(perfion fe fit tout au 
plut6t k la 60K 3m\6e de P^leg; nous 
^ablirons. le calcul fuivant 

P^leg n6 apres le deluge ans 10 r 

La difperfion fe fit k Fan de 
(a vie . . . . , 60 

Nimrod doit avoir regnd en 
tout 35 ans, dont 20 ont 6t6 
employes k la con{fa'u6lion de 
Babel, refte .... 15 



b 



de TAmirique. 147 

Ses Succefleurs fuivant Alex- ^ 
andre Polyhiftor . . 190 

Fin du Royaume de Babylo- ' 
He apres le deluge . . 36^5 
' Aflur fonda (on Royaume lorfque 
Nimrod le chafla de Sin^ar, ainfi apres 
\t deluge environ . . . 141 

Je compce qu'il a employe autanc 
de temps 4 b^tir Ninive, que Nim- 
;tod Babel . . . . io 
' Alors !ui , Bdlus fon^ fib & Ninus 
le petit-fils vdcurent <& rdgnerent 
jufqu'i la prife de Babel . . 205 

"366 

On m^objeftera cjue Nimrod eat 7 
Succefleurs & qu'ici Aflurn'en a que 
deux , ce qui ed incompatible. Je r^ 
pond que ce n'ed pas ma faute/fi 
Alexandre-Polyiiiftor en donnant cette 
-lifte n'y a j)as fong^ j qu'il eft bieh 
plus probable qu' Aflur avec ft* deux 
Succefleurs ont vdcu pris de 406 ans 
enfemble , que de leur affigner feulement 
depuis 6 jufqu'i 48 ans de rdgne, en- 
core y a-t-il autant chez Syncelle, qui 
Jeur donne 225 au-lieu de 190 ans: Si 
leurs regnes.avoient 6i6 fi courts il fau- 
droit dire , ou qu'ils ont tous &ii mas- 

G4 



148 De Ja Population 

facr^s par leurs SuccefTeurs, ou bien 
que la longue vie.n'dtoic accordde qu'a 
ceux de la race de Sem , qui vivoient » 
fuivanc le calcul des Hebreux , environ 
500 ans chacun ; & par confdquent 
nous pouvons aiTurer que nocre cat- 
cul, mSme en pla^ant Ninus petit- fils 
d'Aflur , ou plut6t fa conquete de Ba- 
bylone , a 366 ans apres le deluge , eft 
encore trop reflerr^ a proportion de 
r^e ordinaire des hommes en ce 
iemps-}&. 

Ce tf eft pas que j'adopte cette lis« 
te des Rois Chaldeens apres le ddluge , 
d'autant moins que nous ne connoifTons 
point les Auteurs qui ont appris k Po- 
jvhiftor qu'Evechous ait i^gnd 6 ans 
& 8 mois , Chomabalus 7 ans & 6 
mois; tous deux Succeileurs immddiats 
de Nimrod, S'il avoit mis des nombres 
ronds & des anndes complettes on pour- 
roit le paflTer ; mais d'ajouter des mois 
dans des temps (i reculds, cela rend 
toute cette lifte plus que fu(pefte (i ). 
Mais j'ai feulement voulu faire voir, 
qu'en admettant ces Rois Chaldeens., 

Ni. 

Ci) Matj?r6 le t^moipnage fans preuve que 
lui rend Pezron d*avoir tir«S ces lumieres de 
B^roze, d'xibydene, & d'Appollodorc. 



Nimis petit- fils d'-Affur a pn toot de 
meme fe trou ver en dtat , quant k Ton 
age, de prendre Baby lone; je pourrois 
inen>e encore accorder Jes Rois Ara- 
bes , mais comme ill ne font pas nom« 
mds comme venant de la m£me four* 
ce, il ne fera pas neceflaire que j'aie 
cette complaifance : j*accorde done que 
Nimrod a pu avoir des SuccefTeurs ^ 
en petit nombre & foibles, dont fe do- 
mame ufurp^ fur AiTur , a d'abord €t€ 
r^lnt^grd avec le rede ; & je me tiens 
& ce que dit Ct^Has , & que les obfer* 
vations trouvdes a Babylone par CaUis- 
thene confirment. 

J'ai fait voir que, fuivant Ctefiar, 
& mSme en partie Eufebe & Syncelle y 
h fondation de TEmpire d'Aflyrie torn- 
be k Tan 149 ou environ apres le dd- 
hige. Dans ce temps , fuivant le calcul 
des Hebreux , Nimrod pouvoit d(ija 
£tre un H^ros. Cus pouvoit Stre n^ i 
€U 2 ans apr^s le deluge ; Nimrod 20 
ou 30 ans apr^s ; & par confluent ^ 
r^ge de 60 & 70 ans it pouvoit avoir 
voula faire preuve de fon g^nie entre- 
prenant & altier. Les obfervationa 
pottvoient avoir comnieDC^ d^abord 
apr^s le deluge , comme n'dtant qu'uoe 
coQtinuation des pr^c^dentes^ 

G 5 



15© De la Population 

Je ne puis m'empecher de montrer 
ici combien je fuis furpris de toutes les 
foibles raifons qu*on allegue pour inva- 
lider I'authenticltii de ces obfervations 
ou le calcul H^breu. On dit qu'il n'ed 
pas k pr^fumer qu'on ett fait {i*t6t des 
J)rogres dans rAltronomie & des ob- 
fervations; comme fi tous les fils de 
No6 avoient it6 de race Cannibale , & 
que cette fcience ett 6t6 abfolument 
inconnue k leurs ancetres ; lorfque Whis- 
tori donne dans une autre extrdmite & 
fuppofe les Patriarches avant le deluge 
des Aftronomes fi parfalts, qu'ilsont 
pu. determiner Tann^e par mois, par 
jOurs, parheures, par minutes meme. 
D*ailleurs je ne fuppofe pas ces obfer- 
vations telles que celles des Aftronomes 
de nos jours, mais extrSmemeht fim* 
pies , cette fcience ne s'dtant perfec- 
iionnrfe qu'enfuite & peu i-peu ; enfin 
Jajoute que quoique je tf aie fuppofe que 
^o ans pout la conftru£lion de Babel 
& de la Tour , il fe peat fort bien 
qu*on J ait employ^ plus du double; va 
le fuivant toute apparence une partie 
js fils de Cham , & peut-^etre de Ja.- 
ptet , fe^ fimt doignds d^ja avant ce 
llemps , & que par conf^quent la quajj- 
titi d'ottvri^rs ne rdpondoit pasd'^ 
bord k Tentreprife; 



2^' 



de TAmiriqie. i^t 

Donnons encore une conjv^fture; el- 
h% nous font permifes com'me a dau* 
tre*. Suppofons que Peleg aic eu ce 
nova k fa naiffance; & qu*il Tait eu da. 
root divijion ou difperjion. Nous lifons 
que les habitans de la terre ont cpm- 
menc^ leur complot en difant, batis- 
ions une ville , ^c. afin ^ue nous ne 
fbyons pas difperfds fur la Terre*; ou 
fulvant a autres , avant que nous foyons 
difperfds ; voila done une refolution 
onanime de toute la nation , & des plus 
knponantes. P^leg ven^c a na$tre au 
temps de cette refolution ^ n'a t-il pas 
pu en avoir le nom , qui lui a et6 d*aiH 
lant mieux conferv^ , qu'en effet cette 
difperfion arriva difiiite pendant le 
cours de fa vie? - . '- -^ ■ ' 
t Enfin cet Edifice a pu 6tre comment 
c6 k la naiflance^e Pdleg, & iini apres 
20 ans ou plus tard , & en attendant 
Affur a cherche tine autre dexneure, y 
a b&ti Ninive, & y a fond^ un Royau* 
me qui a d^^ 130(5 a!hs, jufqu'a Sar:^ 
danapale. ^ 

: Je crois bien que cet Empire a 6t6 
petit dans fon commencement fous Ai- 
fur, mais d'abord ^ggrandi par B^lus, 
& encore plus par. Ninus^ & S^mirajnqu 




152 De, la Population 

L*obje£lron tiree des petits Rois de 
Sin^ar, d'Elaflar, d'Elam, de Sodo- 
me, ^c. ne prouve abfo!ument rien. 

On fuppofe que le Roi d'Elam a 6i6 
le plus puifTant d'encr*eux, & que ce« 
lui de Sin^ar dcoit ou Ton alli^ ou foit 
vaflal ; d'oi!i Ton conclud qu'alors il 
n'y avoit ni Royaume de Babylone^ 
ni d' Aflyrie , au moins d'une certaine 
Iplendeur ; quelques-uns vont plus loin ^ 
& veulent demoncrer que les cinq Rois 
de Sodcmie ^tanc Rois, il falloic que 
celui d'EIam ft^t un tres-petit Prince ; 
mais ceci fait precif^ment la preuve 
du contraire: il eft dit que ces cinq^ 
Rois avoient 6t6 12 ans tributaires da 
Roi d'EIam , & qu'ils s'&oient rdvol- 
iis ; que K^or- isomer , avec les aut 
tres qui font nomm^s Rois, eft vena 
baccre les G^ns divers , & quantite de 
peuples , qui apparammenc s'^coient at: 
ii& avec les rebelles ; par confequent 
ce Roi d'EIam devoit etre paifl^t ; fur* 
tout fi (Ml fuppofe qu'Elam foit la Per- 
fe; quoique ce ne Hit proprement & 
dans le commencement que la Provin* 
ce la plus occidentale de la Perfe ,. les 
H^breux ayant accoutum^ ,. conune les 
Grecs-mSmes^ k caufe da pea de conr 
noiflance qu'lls avoiebt des peuples 



de TJmirique^ 153 

i\o\gtiis , de leur donner les noms de 
ceux qui les confinoient. Quels pay& 
vaftes avok - il eu i paffer pour venir 
dans la Palefline procbe Sodome \ It 
falloit traverfer rAffyrie,laBabylonie, 
]a M^fopotamie , la Syrie , ^c. ; il faut 
done que tons ces pays lui ayent 616 
foumis , comme il le paroit par les Rois 
de Sinear & d'Elaflar , qui n'auroient 
pas contribu^ k rendre un Roi fl ^loi* 
gn^ plus puiflant, s^ils n'y avoient pas 
^te forces. Examinons quel Roi ce Roi 
d'Elam a pu 6tre; je lecrois un Mo* 
narquc Aflyrien. Mais on dira , c'eft 
un Roi rfElam. N'importe; Ninu* 
ayant faic de fi grandes conquetes & 
ayant avanc^ jufqu*en Baftriane , il doic 
avoir iii makre d'Elam , la Baflriane 
^tant bien au-dela ^ FOrient ou plutdt 
au Nord-Eft, On fjait que ces Monar- 
ques changeoient de reGdence. Alex- 
andre le Grand , s'il avoit vdcu> au 
roic ^tabli fa capicale & Babylone , d 
ne fe feroit plus nomm^ Roi de Macd- 
doine. Les Rois d'Affyrie en fidgeant 
les uns k Nkiive , d*autres \ Babylone^ 
ont ^te caufe qu'on a confondu les 
noms &qu'on les a appell^s tantdc Roiii 
d'Affyrie, tantdt Rois de Babylone^ 
Nous favons que dans les demiers fie^ 

G7 



^ 



154 De la Population 

cles du moyen ^ge , bien des noms 
de Pf incipautd« & de Comtds fe font 
perdus, parce'queJeurs Princes chan- 

ftQient de r^Qdence, de laquelle ces 
rinces ou Comtes ont alors porce les. 
ooms. . . .^..-^ 

Mais il y a plus ici que des conjec- 
Wres. Les.Perfes donnent une grande 
nntiquitd a Perfepolis ^ 4 Sufe, & k 
d'&utres villes; & cous l^s Orientaux 
aflurent que ce font les kojs de Per- 
fe qui ont 6t6 les plus, anciens Mo- 
narques du mpnde ; ils comptent par^ 
mi ces Rois auffi Nimrod ou Caicavus 
le IL , en difant en m6me temps qu'il 
^, r^fidd a Babylone; ils montrent en- 
core aujourd'hui Ton tombeau dans les 
tuines de Perfdpolis. Voili done le 
ipyftere , ce Roi d'EIam r^fidoit en 
quelque villede la Perfe, quoique Mo- 
Biarque Aflyrien. Amraphel^eSindar, 
Arioch d'Elaffaf , & Thddeal , n'e- 
tpient que fes Lieutenans ou fes Vice* 
i;ois , qui portoient par honneuf le li- 
tre de Roia, comme dans les anciens 
^emps & les ten^ps poft^ieurs on a fou^ 
vent donnd le titrp de Rois^a ceux qui 
U'^toient que Vicerois ou tributairei 
d'autres Rois plus puifTans ; ainfi leK6«i 
4Px-LaQmer a pu £tre rArmamithr^ 



v> 



ie TAmirique. 155 

Je fuis au mains de.cet avis, jufqu a ce 
que j'aie vu quelque chofe de plus con* 
vainquant ; d'autant plus que Ctefias 
ayant i\x€ fon hiftoire des archives de 
terfe , il faut bien que cette Province 
ait eu des Chartres & des Chroniques 
exa6les , qui n'y ont pas dtd toutes ap« 
portees de Babylone oade Ninive, 
mais qui ont exiftdde tout temps dans 
lepays; vuque, comme nous Tavons 
demontre, (on hiftoire s'accorde admi- 
rablement avec celle de I'Ecriture, 
quant a I'^poque de I'origine de I'Em- 

fire Aflyrien , en fuivant le calcul dei 
Idbreux ; quoique Ct(6fias n'ait pu pui- 
fer dans cette fource , qui lui <itoit en- 
tidrement inconnue. 



CHAPITRE XXVII. 

Hijioire de Ntnus (^ de Simiramts. 
\ Confirmation du Calcul Hibreu. 

Il s'agit ^pr^fent des aflions de Ni- 
dus & de S^miramis comme Fobjet 
principal de cet article. Apres avoir 
prouv^ combien I'Hiftoire de Ctefias 
en gdndral doit etre prdf(^rde k toutes 
leg autres, il en r^fultera. que nous de- 



156 De la Population 

vons audi )e fuivre pour ces particuFa* 

Ce rfeft pas que f adopte fon recit 
en entier & dans coutes fes circonilan^ 
ces ; je veux bien croire qu'il eft em- 
belli. Je veux mfeme fuppofer qu*une 
fecoude S^miramis a eu part a certai- 
nes a£licms , fur- tout aux erabellifTe- 
mens de Babylone , qu'on attribue en- 
ti^rement k la premiere. Je ne prdtend 
pas meme infifter fur le nombre dc 
troupes dans (es artndes : Ct^fjas dit que 
Ninus ayant conquis le Royaume Bar 
bvlonien, Babylone ^ la Capitale, n'ex- 
iuoit pas eficore ; & c*efl dela qu'on 
pretend conclure aufll, combien peu 
on doit lui ajouter foi ; mais cette rai- 
ibn n*eft pas conduante ; il fe peuc 
tres-bien que Babylone apres la mort 
de Nimrod ait 6t6 negligde & aban- 
donn^e , & que ies SuccefTeurs ayent 
r^fld^ ailleurs , & il fe faut bien, G fui- 
vant Ct^fias , il y a eu un Roi Babylo- 
nien emmene captif , qui ne faifoit pas 
fa r^dence k Babylone. Cet Auteur 
difant que cette vilte n'exifloit pa»^ 
quoiquelle ait donn^ le nom k r£mpi« 
re Babylonien , ces mots , rCexiftoit 
fas , ou riitoit fas bdtie , peuvent auffi 
ues-bien fupporter une autre explic^ 



ie TAmirique. 157 

tion , favoir , qu'elle n'^toit que peu de 
chofe en comparaiibn d'autres vUles 
bacies depuis. 

Les premiers hommes qui ne cher- 
choient qu'a fe loger, & qui dtoient 
tous freres ou proches parens , ne com* 
menjoient pas par conflruire des vilks 
fortifiees & fermdes de murailles , c'e- 
toienc plutot de grands villages ou des 
Bourgs non mur^s ; & il y a apparen- 
ce que les fujets de Nimrod auront 
commence par la ville pour y habiter , 
mais qu'ils n'y ont pas fait grande fa-* 
jon ; & que Nimrod ayant conftruit 
encore d'autres villes , fuivant TEcri- 
ture , il n'a pu en rendre aucune fi ma- 
gnifique , qu'elle ait pu pafTer pour une 
ville Royale; & dans ce fens on pou- 
voit bien dire qu'elle n^etoit pas bS^ 
tie , en comparaifbn de ce qu'elle de- 
vint fous Semiramis (i). 

Ninus. aflujettit enfuite TArmenie, 
& rendit tributaire Ton Roi Barzanes.. 

(i) Tout comme Amfterdam n*eft dite avoir 
txi Mtie » que lorfque les hameaux qui y 
exiftoient, ont ^\A convertis en une ville mu- 
r^e, & ainfi de quantity d'autres villes : on 
voit qu'on attribue la fondation de Rome 4 
Roraufus, quoique fcton Denis d*HaIicarnns* 
fe elle ait €ii Iiabit^e bien des ficeles aupara^ 
vant, mime d^Ja par Janus & Saturne* 



158 De la Population 

Voili encore vtn fait qui n'eft pas in- 
croyable, vu.que ce pays fut des pre- 
miers habitds, fur-tout fi T Ararat s*y 
€& trouv^j que par conftquent No^ 
3& les fiens l*onc occup^ d'abord apres 
le deluge; & qu'il fut contigu a rAffy- 
xie vers le Nord. 

. II en eft de meme de la Mddie, peu- 
pl^e par Mada'i , h ce qu*on fuppofe : 
^nfuite il foumit les autres Provinces 
iVfiatiques , jnfqu'k la Ba6):riane & aux 
|ndes ; par conf^quent aufli Elacn , ou 
la Perfe: il, s'dtendit encore vers I'oc- 
jcident, cequiparoit par Thiftoire de 
^K^dor-Laomer; & les RoisdeSodo- 
me s'^tant r^yoltds douze ans aupara- 
^vant , il &ut que ces pays ayent 6t6 
conquis deja avant ce temps, & fui- 
vant les apparences, du temps de Ni- 
nus , qu'enfuite reloignement de fes 
Succefleurs , lorfqu'ils changerent de 
r^Qdence & la trjuisfererent en Perfe , 
leur infpira le deffein de fe fouftraire k 
fa domination , comme il eft arrivd en 
tout terns & en tous lieux. 

Enfuite Ninus batit la Ville de Ni* 
nive; ceci eft plus que probable; TE* 
criture en attribue la conftruftion a 
Aflur ; Affur pouvoit & devoic natu* 
rellemcnt avoir v^cu Iqngtemps ; peut- 



ie TAmirique. 159 

fetre qu'il Tavoit d^ja commencde, ou 
que ion ills &, fbn petit-fils ont dirigd 
cec ouvrage, ou qu'ils I'ont fini. En un 
mot , cecte famille avoic du gofit pour 
les b^timens; & encore ici 11 y a une 
harroonie admirable entre TEcriture & 
Ct^fias; Tune attribue r^tabliffement 
de cette ville a Affur , & Tautre a fon 
petit-fils; I'Ecriture lui affigne le nom 
de Ninive ; Ctdfias en dit la raifon que 
I'Ecriture omet , en le ddri\^nt comme 
jufte de Ninus ; & Affur pouvoit lui 
avoir donn^ le nom de Ninive k la 
naiffance de Ninns , comme Beiiar en 
Egypte celui de Mefr , i la naiffance 
du fils de ce nom, Venons k Semira- 
mis ; c'eft encore quelque chofe d'inouJ 
& d'incompr^henfible , que les Auteurs 
de THiftoire Univerfelle qui convien- 
nent (2) quela Vdnus, Succoth Bearth, 
Aftartd, Dferceto^ adorde a Afcalon^ 
ou Atergatis , & la Salambo , xi^fignent 
la mfime perfonne., & que Semiramis 
*dtoit adorde fous ce nom , foutiennent 
cependant qu'il n*y a jamais eu de Se- 
miramis antdrieure a la femme de Na- 
bonaffar , frere de Tiglath-piieffei* ; 
qu'on ne trouve aucune trace du nom 
& des faits de cette femme; & que 

. CO Tom. III. p. 240 d 249. 



i6o De la Population 

pourtant c*e(l la meme Semiramis qd 
a fait toutes ces a6lions ^clatances , oc 
qui a dte ador^e bien des flecles aupa? 
ravant fuivant Thifloire lacr^e & pro- 
fane dans d'autres pays. De pareilles 
contradiflions font-elles excufables chez 
des Auteurs aufli favans quexeux de 
THiftoire Univerfelle , qui n'y font 
tombds que pour ne pas laifler tfcrou- 
ler une hypothefe batie uniquen^ent fur 
des repetitions fans nombre, des appa^ 
rammcnt , il ejlpojjibk , il ejl probable , & 
pareilles raifons , qui ne font jamais 
recevables en fait d^hiftoire , lorfqu'el- 
ks font entierement deflitudes de preuy 
ves, & meme contraires k quantity 
d'autres qu'on fournit ? 

Ainfi nous ne nous arrfiterons pas ^ 
un phantdme qui n'exifta jamais que 
dans rimagination de ces Auteurs , mais 
a la Sdmiramis cel^brde par tous ceux 
qui ont ^crit I'Hiftoire Affyrienne. 

Herodote m£me parle d'une toute 
autre fuivant nos Auteurs, & ilsfont 
obliges de contredire encore ici le feul 
hiftorien quails appdient quelquefois 
Ji leur fecours. 

Je rfentrerai pas dans la difcuflion 
des commencemens de fa vie ; je pen* 
fe que tes rdcits qu'en ont donne les 



ie TAmiriqut. i6t 

anciens peuvent etre embellis. Je me 
bornerai k fes faits en qualitd de Rei- 
ne. Ouant a la tnaniere done elle par- 
vint a faireaflailiner Ninus , on ne met« 
tra pas cette fable fur ]e compte de 
CteOas, qui n'en fait point mention^ 
mats bien de Juflin, qui l^a tirde iappa- 
femtnent de quelque hiftoricn fabuleux 
polldrieur k Ct^Qas. 
- Sdmiramis bitit Babylone ; nous 
avons deja remarq^d ci-deillis ,: dans 
ijuel fens i\ faut preQdre cecte expres* 
fion ; elie fuivit un plan ; ^le Fencoura 
de hautes miirailles ; peuc-6tre que Tan* 
cienne Babylone ne fut fitufe que d'un 
c6t6 de I'Euphrate, & alors elle Ta^- 
grandit de maniere que.ce fieuvepas^ 
ia par }e milieu ; elle fit condruire un 
pont, des palais, des murailles, des 
jardins , des terrafles ; elle fit dieter 
des flatues, creufer un lac; enfinelle 
dtablit des ouvrages immenfes , qui 
en comparaifon de Fdtat chdtif oti fe 
trouvoit auparavant cette ville; pou- 
voit avec ju(tice donner a Sdmiramis 
le nom de fondatrice.^ Elle fe rendit it 
Ecbatane , qui fubfiftoit par confdquent 
ddja , de meme que d'autres villes ; el- 
le paffa par la Perfe & le refte dei Pro- 
vinces quelle poflTddoit en Afie, par 



i62 D^ la Population 

confi^uent la Perfe etoit de fa domi- 
nation. 

Diodore de Sidle dit qu'a Ton recour 
de TEthiopie (apparemment TArabie 
(buvent ainfi nommde par les anciens 
Grecs, comme par les H^breux) elle 
vint fe repofer & rdfider k BslQxr ; ce 
qui prouve encore ma thefe , que ces 
Monarques ne r^fidoient pas toujour^ 
au meme eiidroit: del^ elle fie la guer- 
re au.Roi des Indes, avec trois nail- 
lions de fantaflins , 200000 chariots , & 
looooo hommes months fur des cha- 
meaux ; le Roi Indien lui oppofa une 
armee encore plus forte. 
. N'entrons pas dans le refte d*un de- 
tail ennuyeux , on le pent lire ailleurs ; 
vu que voilk le poiiit principal k difcu- 
ter , qui fait au fujet de notre ouvrage; 

Ceux qui combattent le calcul H^« 
breu , demandent comment - il feroit 
poffible que fi peu de temps aprSs le 
d^lcige , on ait pu lever des armies aus« 
fi nombreufes , d'oii ils conduent qu'il 
faut necefTairement avoir recours h la 
Chronologie Samaritaine ou des LXX. 

Ceux qui fuivent Hdrodote, & qui 
veulent faire pafler CtdGas pour mcn- 
teur, fe r^crient tout de meme fur cet- 
te mttltitade d'hommes. 



k 



de TAmerique.' t6% 

Tachons de repondre aux deux pards. 
Quant au premier , je ne' vois pas quel 
la Chronologie des LXX. leur ferve; 
ilscomptent le deluge fuivant les LXX. 
qui etendent Tage plu« que les Samari- 
tains, 3617 ans avant J6fus-Chrift , & 
ialors on place le regrie de B6IUS531 ans 
apres cet dven^ment, eii 3086 avant 
•JefusChrift ; je ne dis rieh de Pezron , 
qui pour venir a fon calcul dnorme 
klonge les temps d'une maniere ridicu- 
le , Sl ne place Ninus que Tan 358 j da 
monde ou 2291 avant J^fus-Chrift , & 
comme s*il n'en avoit pas fait aflez, 
dans un autre calcul il lui afljgne Tan 
3681 du monde, vu que dans celui^i 
il place la naiflance de J^fus-Chjifl: en 
5971 depuis la Creation. Enfin Ninus 
dtant le fils de Belus, fui vons la plu- 
part de ces Auteurs , & plagons Sdmi-^ 
ramis Tan 600 fi on veut , je dirai mgi 
roe 700 apres le deluge j qu'eft-ce qu'il? 
y gagrieront? abfolument rien ; au con- 
traire , ils y trouveront infiniment plus 
de difficultds que dans le calcul He- 
breuJ nous'avons deja fait remarquer 
ailleurs le protopfeudon de ces Auteurs, 
en ce qu'ils difent qu'en 6 ou 700 ans 
11 a pu nattre un plus grand nombre 
d^honunes qu'en 2 \ ou 300 ans : en 



I ($4 De la Population 

thefe ceta eft vrai , mais non pas en 
hypothefe ; c'eft tout le contraire. Si 
Ibivant eux , Its hommes n'onc com* 
mencd k avoir des enfans qu'^ la I30^ 
ann^e de leur age, ou epcore plucot, 
& qa'ils devoient cefler d^mgendrer a 
proportion ; le nombre des homme$ 
devoic etre infiniment moindre en 700 
ans , que fuivant notre calcul en 200 ans. 
Ne rep^tons pas ici nos preuves (3). 

Si 

• (3) Suivant Pezron Arphaxad eut Cainan i 

Tikge de 130 acs , api^ ie deluge • • 2 

Cainan , Sal<^ i^ . . , . 130 

Sal^, H^ber d . . • 130 

H^bcr, Phaleg i . . . 134 

] Pbule^, Regou k . . • 230 

Voili ans 656 

lorfque le e^.defcendant de No^ eut des 

enfans, & voWii done routes ces 100 ann^es, 

qu'on ajoute d celles de cbaque Patriarche eti'^ 

ti^rement perdues, & fans multipliauion. 

Examinons le calcul H^breu » apris le 
deluge • • • . 2 

Arphaxad, SM • . 3$ 

SaM, H^ber • . . 30 

HiJber, P^Ieg . .. 34 

P^leg , Regou . , .30 

ans 131 
On comprtudra aflez que fi tous ceux-ci 
font engendr^s d6s I'&ge de 16 ^ 20 ans , & les 
auires d celui de 130 4 134 feulement , le gen- 
re humain a du fe uiultiplier davantdge en 
J3X ans chez ceux-li, qu*en 656 chez ceuicu 



ie TAmifiqut. i6s 

Si done fuivant le calcul des partifans 
des LXX. il a ete poffibie de faire de 
tulles a6tions, conftruire de pareils ou< 
vrages, former de li grandes arm^ 
700 ans apres le deluge , il le fera en- 
core plus , fuivant celui des H^breux, 
feulemenc 2 a 300 ans apres cec ev^-t 
nement; fur- tout puifque, comme il a 
et^ dit , on peut facilemcnt fuppofer , 
a caufe du grand nombre d'ann^es que 
les hommes vivoient, que Semiramis 
a fait -tout ceci plus tard qu'on ne le 
fuppofe ; car puifqu'on veut abfolu* 
Hient y voir de I'erreur , pourquoi ne 
pas douter du grand nombre des annees 
de chaque rdgne? il fera plutoc permis 
d'y apporter quelque correftion que 
de tout rejetter. 

Suppofons done que Semiramis ait 
regnd environ 300 ans apres le delu- 
ge; nous trouverons affez de monde 
pour compofer fes armees ; quoique je 
ne les eroye pas tout-a-fait fi nombreu- 
fes , & qu'apparemment on n'en a pas 
^n ni conferv^ les roles pour la montre 
ou la revue. 

Cumberland montre (4) que 340 
ans apres le deluge il a pu exifler 

(4) Origine« gentium antiquiffim. Lond. 
1724. P« 150- 

TmiJF. H : c 



i66 De la PopuktiM 

3- 333- 333- 33o o\i paflK 3333 millions 
de couples ; en ne fuppofant que les 
defcendans des trois fils de Noe con- 
nus , fans compter les defcendans dcs 
enfans que No^ a eu apres le deluge , 
^ en ne donnant a chaque enfant que 
10 fils & 10 fiUes; ce qui eft beaucoup 
sm-deflbus de la vraifemblance , etant 
non-feulement probable, mais certain 
que pendant une vie de 4 ^ 500 ans , 
ks Pa^riarches doivent avoir eu plut6t 
100 ou 200 enfans que (eulement 20. 
Mais cnfin tenons-nous-en au nombre 
fufdit^ & rabattons le nombre de la 
derniere ^poque de Tan 340 , reftera en 
300 ans apres le deluge, 300 millions; 
fuppofbns done 100 pour chacun des 
trois fils de No^ ; Sem , qui n'aura pas 
eu moins de part k la bdnedi6Uon divine 
que fes freres , en aura eu autant ; ra- 
battons- en encore tant qu'on voudra , 
il eft manifefte que Sdmiramis, dont 
TEmpire s*^tendoit a peu-pres fur tous 
les defcendans de Sem , aura bien pu 
xnettre une armee auflS forte fur pied , 
meme en ne prenant que T^Iite de fes 
fujets: cependant il s'agit encore des 
Baftriens & des Indiens ; mais a ceci 
je rdpond , que les fils que No^ a pu 
avoir apres le deluge, & dont nous 
sgnorons jufqu'iila moiixlre drcras- 



u^. 



de TAmirique. 16 j 

tance, doivent avoir habitd ces con- 
trives, comme la plupart des favans 
le conjefturent ; par confdquent leur 
defcendance devoit etre nombreufe; 
j*avoue qu'en mettant No^ dans la 
meme claiTe que fes fils, par rapport a 
I'epoque ou il a commence a avoir des 
en fans apres le deluge, & par-contre 
fe trouvant de 500 ans plus age qu'eux, 
on ne doit pas lui fuppofer autant de 
defcendans; & alors, on ne fauroit 
croire les armies des Ba6lriens & des 
Ipdiens audi nombreufes , & encore 
moins ce nombre des Chinois, 

Mais c'eft juftement cette confide'ra- 
tion qui donne a mon fyfteme de la 
force. Le deluge n'ayant detruit la plu- 
part des Stres vivans que dans les con- 
trees qui fe trouvent encre la Mer M^ 
diterran^e , la-Mer Rouge^ la Mer Cas- 
pienne, le Golphe Perfique, & Tlndus, 
ou a-peu-pres ; No^ a fait ce que j'ai 
dit de Mifrai'm ; il a ramafle pluOeurs 
anciens habitans difperf^s par le delu- 
ge , qui 5'etoit fait fentir chez eux , & 
en avoit mSme fait p^rir grand nom- 
bre , de forte que cet accroiflement Ta 
rendu m6me plus puiflant que n'etoient 
tous fes autres fils dans le pays, ou le 
d<£luge avoit tout ddtruit fans exceptioq. 

Hz 



1 68 De la Population 



fc 



CHAPITRE XXVin. 

Ce que les AJfyriens ^ les Babyloniens 
difent du diluge, ^ des temps qui Vont 
fricidi. 

Jr iniffons Tarticle des Aflyriens & des 
Babyloniens, en rapportant fuccinfte- 
ment ce que leurs hiftoires difent du 
deluge & des temps qui le pr^cederent. 
Nous n'avons aucune connoiflance de 
ces faics que par les fragmens de Bero- 
fe que Jofeph nous a confervas, par 
Alexandre furnomme Polyhiftor, par 
Abydene & par Jules Africain, rap- 
portd par Syncelle, 

1 Alorus regna lo Sares, 

2 Alafparus . 3 Sares 

3 Amelon . 23 Sares 

4 Amenon . 22 Sares 

5 Metalarus . 18 Sares 

6 Daonus . . 10 Sares 

7 Evedorachus 18 Sares 

8 Amphis . . 10 Sares 

9 Otiates . • 8 Sares 

I o Xifu thrus 1 8 Sares : en tout 

120 ou i2ooans Chald^ens (i). 

(l) Oo 1 183 aBs, felon DOtre maniere de 
compeer , i fuppofer que le deluge lie folt 



ie VAmirique. 169 

11 y a quelque petite diflFdr^nce entre 
ApoUodore Affyrien , mais de peu d'im- 
portance 

II s'agit feulement de favoir comment 
expliquer le terme de Saros. Abydene 
veut qu'un Saros foit 3600 ans, un Ne- 
ros 600 ans, un Soflus 60 ans; les au- 
tres qu*un Sares foit de 10 ans , ou 3600 
jours , comme Alexandre le die expres- 
fement chez Syncelle , Sc Sapo^ A5y<- 

Ceci s'accorde admirablement avec 
mon fyfteme , vu que Tun nomme an- 
nees ce que I'autre nomme des joura , 
les ann^es des Chaldeens n*ayant ^t^ 
que de 360 jours: auifi les Chaldeens 
nommoienc Jomim , comme les H^- 
breux Samim , tantot les anndes , tantdt 
les jours ; ce qui prouve evidemment 
qu'ils n'ont eu deflein d'indiquer dans 
la premiere antiquity » par de pareils 
mots , qu'une certaine revolution du 
temps, au commencement des jours, 

venu que dans la i8o*. amnde du r^gne de 
XiTuthrus, & ^ laifler fubfifter les ann^es Chal- 
di^ennes qui font fans-doute les m^mes , done 
Moyfes'eft fervi dans fa fupputadon ant^dilu- 
Tienne. Alorus a^ra commenG^ d r^gner en 
456 , de la Creation; ce qui eft tres-probable , 
▼u qu'alors , comme nous l*avons d^raontr^, il 
devoit exifter des peuples nombreux. 

H3 



170 De la Population 

enfuite des mois , ^ la fin des ann^es ; 
ce qui fe prouve encore par ce que 
Berofe en ^crit , fuppofe qu'on pftt lui 
imputer d'avoir cru le monde plus an- 
cien de peuc-6tre 400000 ans; encore 
patience , j'auroit ^te une rSverie beau- 
coup moindre que celle de quelques pa- 
yens & Deifies qui le fuppofent eter- 
nel J ma|s de croire qu'il eflt voulu di- 
re, i ne parler que d'un regne de 10 
Sares , & non de 18 , qu'un homme ait 
v^cu , bien loin d'avoir r^gne , pendant 
36000 ans, il faudroit fuppofer B^ro- 
'fe , Ecrivain d*ailleurs judicieux , di* 

Sne pourtant des petites maifons fur oe 
ernier point. Ajoutons qu'AIexasdre 
dit que le calcul par Sares, Neris, So$- 
fis & Myriades , a ^t^ abrogd depuis le 
regne d*Evdchous aprdsle deluge,- & 
qu*on y a fubftitu^ celui des anndes fo- 
laires. N*efl:-ce pas une preuve eviden- 
tes que dans les temps qui ont precede 
cle deluge, on n'avoit pas connoiflance 
des anndes folaires & qu'on compcoit 
par jours ; que par confequent men fy- 
• ftfeme , foit fur le calcul des Egyptiens , 
foit fur celui* des Chinois, en tire une 
grande force*? • 

Epigenes , qu*on fuppofe avoir v6ca 
du temps de Berofe , ou peu apres^ 



\. 



ie rJmMque. ffi 

comptoit encore par myriades, & Jes 
obfervations Aftronomiques des Chal- 
deens remontoient & 72 myriades , qui , 
Gomptees par jours , en donnant 3(^5 
jours a Tannee, font 1972 ans. S'il a 
vecu 260 ans avant TEre Chretienne, 
fon calcul remonteroit a 2032 ans avapc 
cette Ere , & repondroit aflez exafte- 
ment a la relation de Callifthenes , qai 
vivant 330 ans avant Jdfus-Chrift, pfa- 
joit leur commencement k 1903 aii» 
avant ce temps. 

Nous tirons tout ceci de Jakfon, 
dont Touvrage prouve une ^ruditiqa 
& une lefture imraenfe: s'il n'avoit pa». . 
^t^ pr^venu du prejuge g^u^ral for le» 
effets du deluge univerfel , cet ouvrajje 
auroit pu ddvelopper tons les myfterej 
caches dans les tenebres de I'antiquitdj 
cependant il s'y trouve plufieurs cho- 
fes , dont nous avons remarqu^ deja 
quelques-unes , qui ne peuvent fe con- 
eilier qu'avec mon fyfteme. 11 parle d^s 
Dynafties Egyptiennes avant le delu- 
ge , des generations du m6me temps 
ehez Sanchoniathon , & il veut que cet 
Alorus, premier Roi Chaldeen, ait ete 
le mfime que le Chryfaor chez celui-ci ^ 
& le Vulcain chez les Egyptiens : toos 

H 4 



172 De la PopulatMfi 

le mfeme que Thubalcain. J*y trouve 
. les difficukds fuivantes. 

1°. Comment fe peut-il que le me* 
me Monarque ait r^gne cbez les Chal- 
d^ens, chez les Ph^niciens, & chez 
les Egy ptiens ? 

2^ Suppofons ceci, je reviens tou- 
jours a la remarque que j'ai fouvent 
propofee , pourquoi tous ces peuples 
defcendans de No^ , fe donnoient-ils 
des Rois & des Ancetres defcendans de 
Cain? y trouvoient-ils plus d'honneur, 
plus de gloire , que s'ils fuflent defcen- 
dans de Noe , que Dieu a ch^ri mani- 
fellement par-defTus tous les autries 
hommes? 

Difons un mot de cet Cannes venu 
dans les premieres anndes du regne 
d'Alorus du c6t6 de la Mer Rouge , ou 
felon d'autres , forti de cette mer , qu'on 
fuppofe avoir 6t6 un animal raifonna- 
ble , entidrement reflemblant a un pois- 
fon , ay ant pourtant avec la t&e de pois- 
fon encore une tete d*homme , des pieds 
d'homme qui fortoient de la queue du 
poiflbn, avec une voix humaine; qui 
avoit civiljfd les Chaldeens en leur ap- 
prenant Jes arts & les fciences, qui les 
avoit inftruits k vivre en focietd dans les 
villes, a conftruire des temples, a eta- 

blir 



kj. 



de rAmerique. 17 j 

blir des Loix , a recueillir les fruits des 
arbres & a ciltiver Ja terre, ^c. q^i 
lear avoic appris une forte de Mathema- 
liquesy qui avoit ecrit fur Torigine 4e 
toutes chofes, & donne une relation 
dela creation de rhomme , qu'^Alexan- 
dre rapporce. Cts circonllances foni 
toutes dignes d*attention.. 

1°. Oq ne les traitera pas de fabu- 
feufes k caufe de la figure rnonflrueufe 
de cet Cannes, Tous lespeuples, ex- 
cepte les Juifs qui tenoient leur hifloi- 
re de Dieu par le miniftere de Moyfe, 
avoient de pareils monftres parmi les 
Auteurs de leur nation, ou parmi leurs 
•plus grands & plus anciensRois; les 
Chinois, les Scythes, lesGrecs, £fi 
font dans le cas; cependanc pour cette 
raifon les favans n'ont pas rejette ces 
hifloires; ils one plut6t t^ch^ de de- 
couvrir le fens cacE^ de ces AUdgories^ 
On agiroit done injuftement ,fi on vou- 
loit ici tout prendre a la lettre: Que 
cette fable ou cette Allegorie provint ^ 
corame Jakfon le foupjonne fort ing^- 
nieufement , de ce que cet Cannes fut 
cpuvert de la peau d'un grand poiffon;; 
que les Chaid^ens ayent jugd par (a fta* 
tue , qu'on voyoit encore du temps de 
B&ofe,. qu'eUe faifoit partie dii corpi,. 



174 ^^ ^^ Foputatwn 

comme des Sauvages Font fouvent era 
des habits des Europ^ens , & que cecte 
feble en aic tire fa fburce, comme celle 
des Centaures que les premiers Grecs, 
& dans ces derniers fiecles les Am^ri- 
cains , ont cru £tre un tout , compofd 
des parties d'un homme & d'un che- 
val ; ou qu'on iui ait donnd cee attf i- 
but , parce qu'il venoit du c6t^ de la 
mer , tout ceci eft mal aif^ k decider. 
II^ Comme nous conjeSurons qu'a- 
lors la Mer Rouge n'a pas exifte , a quol 
ceci ne contredit pas , vu qu'en ^cri- 
vant cette hiftoire on fe fera conforme 
k )a fituation de la terre d'alors y tout 
comme Moyfe a iait dans toute Ton his- 
toire ; ou que ce n'a 6t6 qu'un lac de 
petite dtendue , cet Oannes a pu venir ^ 
foit de la colonfe que Cain a conduite 
en Egypte & dont une par tie a pu s'^- 
tablir dans le voiOnage de la Mer Rou- 
ge , & chez laquelle , comme Thiftoire 
lacr^ le prouve, (e font trouvd les in- 
7enteurs des arts , ou de chez un peu- 
pte qui s'eft 6\oiga6 plus tard d'Adam 
& des autres Patriarches qui devoient 
£tre ^us civilifSs que ces peuples nom<- 
'mis enfiiite Chaldi^s , qui pouvoit les 
avoir quittds un ou deux fiecles aupa- 
mrant,. lorfque ces arts n'^toiene pat 



% 



encore inventes. II faut bien que cetre 
ftparation ait eu lieu plutot , vu qu'A- 
lor as fuc dtabli Roi , dignite inconnuer 
parmi les Patriarches, 

IIP. Cet Cannes a dcrit une hifloi* 
le , qui exiftoit encore du temps de &i- 
lofe , par conffiqaent les lettre$ n'^toientr 
pas inconnues k la nation , de laquelle 
Oannes ^toit forti. 

IV°. Les Chalddens pr^tendant hVQ: 
ie ces Antddiluviens^ne reconnoiflbient 
point cette univerfalite du deluge , & 
cette deftruftion de tout etre vivant. 

H eft vrai qu'ils parlent de Xifuthrus , 
^ui fur une revelation de Saturne que* 
ce deluge arriveroit , a fait dcrire tou- 
te rhiftoire & les autres fciences>. St 
ordonn^ d'enfouir & de cacher le tout 
en terredans la ville de Sippara; qu*en* 
fijite il conftruifit un vaifTeau de 5r fta- 
d^s de longueur & de deux de largeiif ,. 
& qu'il s*y mit avec les fiens 6i slv^c 
fes amis ; ils joignent k ceci plu&urs^ 
circonftances qui fc trouvent dana Ic: 
r^it de Moyfe: d'ou on conclud, que- 
Xifiithrus eft le meme que No6. Vol* 
cimes reflexions. 

I^ Tout ce qui precede y contr*- 
dit , n'y ayant aucune reflemblknce ei^ 
tre riiiftoire depais Alorus a XiTucltfriis 

H (5< 



IT 6 De ta Population 

& celle de Seth a No6 ; par confequent 
il ed pofTible que le refle des anciens 
Chald^ens s'^tanc mel^s avec ceux de 
Sem , & ne formant qu'un feul peuple , 
on aic auili mel^ les circonftances de 
cette hiftoire. 

2®. Quand m^me on adopteroit ce 
fait, quelle diflFerence entre ropinion 
commune & cette biftoire ! On y voit 
clairement que ceux qui croyoient Tu* 
niverfalit^ du deluge , parce qu'ils a- 
voient et6 expofes fur le theatre de cet- 
te fcene tragique, n'en avoient abfo- 
lument pas la meme idee , qu'on con- 
fer ve avec tant d'opiniatretd. Les Chal- 
. d^ens difent que le vaiileau avoit 5 fta- 
des de Jong & t de large , quoiqu'ils ne 
foient pas de Topinion qu'on y ait 
mis abfolument de toutes les efpeces 
. fl'animaux ; ils fentoient combien de 
. place il fallmt feulement pour une par- 
tie , & pour les provificMis : ils ne par- 
: lent pas de 8 perfonnes , mais de Xi- 
futhrus , de fes proches & de fes amis : 
enfin eux , comme tous les autres peu- 
ples, ne parlent du deluge que comme 
d'une grande inondation, & non d'une 
.d^ftruftion totale , puifque Xifuthrus a 
.cachd fes Merits dans la ville de Sippa- 
ra^ & les y a retrouv^s. 



Il 



de" T Amir f que. 17,7 



CHAPITRE XXIX. 

Des Scythes. 

Paflbns a d^autres natfons ; les Scythes? 
ont toujours ete regardes comme unc 
des nations les plus anciennes. Us fe 
difoiens indigenes ; & quoiqu'on vou- 
Mc les feirc pafler pour les Gog & Ma- 
gog , de favans Auteurs en ont fait vx)ir 
rimpoffibilite ,. & ont aflignd de tout 
autres demeures a ees peuples* Dans 
Ezechiel XXXFIIL il eft parte de Gog; 
dans le pays de Magog , le premier 
, Prince des Seigneurs de Mefech & 
Thubal , qui mene avec hi des Perfes , 
des Cuffites & Lybiens , ou y felon d'au- 
tres y des Lydiens ; Gbmer eft la maifon 
de Togarma : tout ceci ne con vient pas 
aux. Scythes, & on Fexplique par les 
Princes de rAfie-Mineure;, aufli on ne 
yoit m dans I'Ecriture^nichez les Au* 
teurs profanes , que les Scythes ayent 
ite fubjugpes par aucun Prince , encore 
moins qu'ils ayent foufFert une fi gran*, 
.de deftruftion que celle dont le prophj^. 
te les menace: ainfi,-en reconnois- 
iant . comme Ton doit ,, Taccomplifie- 

H7 



'17$ B? la Population 

mem: de la prophecie , on ne fauroit 

fappliquer aux peoples SepcentrioDaux^ 

Qiez le» anciens c*dtoic comme un 
Axiome refu Scytharum gens antiquiffi^ 
fna^Sc ceux qui veulem: les falre des« 
cendre de Magog, n*ofant pas s'^car* 
tcr d'une opinion fi gdndralement re- 
$ue difenc que les Tartares fe nomment 
Moglos, mot quails derivent de Mo- 
gogli; vcms Fetymologie efl; des plus 
ridicules J vu qu'ils ne fe nomment pas 
Moglos, mais Mougals ouMoungales;. 
& fi la conformite de quelques lectres- 
peut fonder Tongine des nations , il 
fera fort aiffi d*en donner telle qu'o» 
voudra. 

Nous ne dirons rien de Tirruption 
des Scythes en Afie, que qudques-uns- 
fuppofenc 400 ans avant le deluge. Cefli 
une fable manifefte ; vu que les Orien- 
taox, andens & modernes, n*en par- 
tent pas , & que chez- les Scythea il n^y 
eut jamais d'hiftoire dcrite , mais feu- 
kment des poeines & des chanfons,. 
ccMtime chez les Celtes & leurs Druides^ 

Nous ne trouvons done rien depro- 
bable fur Thiftoire des Scythes chez le» 
Grecs , finon Tafliftance pretde par Sa- 
gillus Roi de- cette nation a Orithie^ 
Reine des Amazones contre Thi&Cie^ 



ie rjmerique. j;/^? 

environ loSaans apres le deluge. Ce- 
pendant les anciens nous one confer v£ 
des noms de leur^ Rok antdrieurs a ce 
iSagillus , & qui one n^gnd dans divers 
xemps (i). 

. Je ne veux pas parler non plus dc: 
Scythes & de fon origine fabuleufe,, 
qjaoique tout ce qu'on en dit ne doive 
pas etre reject^. Ces anciens temps (one 
mythologiqucs ; les fables couvrent tod- 
jours quelque v^rit^. Mais^ entre Scy^- 
tbes: & SagUluS' on nomme Napis^ & 
Phiiray qui doivcnt avoir r^gnd dans, 
divers temps. 

Si nous confultons les Auteurs mo- 
dernes chez les Tartares, nous trou^ 
vons qu'ils donnent a Jeur nation une: 
grande antiquity ; nous avons vu darts 
rWftoire des Egyptiens , qu'un Auteur 
flioderne veut que les Rois Pafteurs 
4iyent ^t^ Scythes , qu'Oguz - Chan , 
Prince faraeux ch^z les Tartares, ay ok 
€nvoy6 fous fes G^n^raux une armee, 
pour en faire k conquSce , comme ils 
firent aufli de plufieurs pays de I'Ocd- 
<knt^ Suivant Abulga£^ cet Ogu^ 

(i) Juftin veut que Tanaus un de leurs RoJ» 
*iit it6 plus ancien que Ninus; cependanr com^ 
me oi): Be faurott deviner d^oh il a iii6 cetib 
itaccdote» noitti n^y inlilleroAs pas. 



igo De la Population 

Chan ^toit en ligne defcendante le 7«^ 

apres Noe. 

J'avoue que les Scythes ont tou jours 
il6 repute un peuple fort fi^cond : maii 
que du temps d'Oguz-Chan , que je pla- 
.ce 1 65 ans apres le deluge , puifque Sa- 
rug fils de R^gou etoit dans le meme 
^loignement depuis Nod , fuppofons 
mfeme dans la 2 ou 3oa™«. annde y com- 
me Semiramis; les Scythes ^ qui n'ai- 
moient pas les conqu^tes , mais qui 
envoyoient des colonies lorfqu'ils fe 
trouvoient trop preffes par le nombre 
de leurs habitans, ayent pu etre aflez 
nombreux apres avoir rempli toutes les 
parties Septentrionales de YAfie , poiir 
fournir de la feule defcendance de Ma- 
gog, ou autre petit- fils de Nod, une 
multitude fi grande pour envahir TE- 
gypte , & encore , comme on le fup- 
pofe ordinairement , peupler toute I'Eu- 
rope , excepte une partie de la Grece , 
il n'y a pas la moindre probabilite. Ce- 
pendant tous les anciens Auteuts con- 
viennent que cette nation n'eft pas 
feulement auffi ancienne qu'aucune au- 
tre , mais qu'elle a 6t6 de toute ancien- 
netd tres-nombreufe & tres-puiflante, 
comment rdfoudre cette difficulte au<- 
treraent que par mop fyfteme? Sya- 



ie TAmirique. i%i 

voir , que quelque defcendant de Nod 
a pu a la verite habiter les bords de la 
Mer Cafpienne , comme la Colchide , 
& les pays voifins ; mais que le gros de 
de la nation eft ant^rieur au deluge , 
kur pays fe trouvant fitue hors de Teny 
ceinte du theatre que j'affigne a cette 
cataftrophe. Nous en parlerons plus 
atnplement , lorfqu'il s*agira d'examiner 
rhiftoire des Chinois & celle des Celtes* 



CHAPI-^RE XXX. 
Des Indes. 

X affons aux Indiens. lis fe font 3k 
conftamment indigenes, & perfonne 
ne leur a contefte cette quality ; foit 
qu'on les regarde comme dnt!^diluviens> 
ou comme defcendans immddiats de 
Noe apres le ddluge, il feut la leur ac- 
corder. 

Suivant Diodore , ils confeflent eur- 
memes que Bacchus, qui n'etoic pas le 
Grec , beaucoup^ plus nouveau , mais 
Ofiris, a ete ehez eux avec tine puis*- 
fante armee ; qu'*'!! a parcouru tout fe 
pays, n'y ayant alors aucune ville qui 
ffit capable de Tarreter j que Bacchus 



i8t De la Papulation 

Len a conftruic de confid^rables ; qu^H 
ir appric la culture de la cerre ; qu'it 
leur donna Tin vencion du vin; qu'il leur 
communiqua divers fecrets neceffaires 
& utiles ; qu'il leur enfeigna le cuke des 
Dieux & leur donna des Loix. 

Voila done ce que les Indiens di- 
ibient du temps de Diodore. L'Hiftoi- 
re des Egyptiens rapporte mot pour 
mot la meme chofe d'QIiris : il faut 
done etre perfuad^ de la verite de ces 
faitSy puifque les deux nations en con- 
yiennenty d'autant plus que les habi- 
tans d*un pays ne ronfeflent que rare- 
ment & feulement vaincus par la vdri- 
t^ , qu'ils liennent quelques fcienees & 
quelque inflru£tion d'uo peuple etranger. 

Oiiris , ou Tancien Bacchus , ^tanc 
done reconnu par tons ceux qui ne le 
p^acent pas avant le ddluge, pour Me- 
nes ou Mifraim , quel peuple nom* 
breux y at-il pu rencontrer? Quel peu- 
ple fauvage , auquel il fallut apprendre 
tous les arts neceflaires pour la vie , & 
ks policer par les Loix ? Ce ne pent 
£tre des fils que No^ eut oa avant ou 
apres le deluge j No^ iui-meme fes au- 
roit pu mieux iodmire de tout cela^ 
fur- tout par rapport au vii^ & a Tagri- 
culture, ^ue fon petit-fils; iL faut done 



ie TAmeriqui. 185 

que ce peuple plus ancien foit peii-&- 
pea tomb^ dans la barbarie comme il 
e(l arrive a quantity de nations apres 
bien des fiecles ; ou qu'il ie foit f^par^ 
des aatres defcendans d'Adam avanc 
rinvention des arts. 

• II n*y avoit que de telles nations qui 
euITent befoin d'un tel roattre qui leur 
enfeignat les arts ndceflaires, Ie culte 
•divin & les Loix. Suivant Pline^ Ws 
'eoniptoientd452 ans depuis fiaechusa 
Alexandre, & 154 Rois; Ie premier 
nombre eft manifeftement erron^ ; 
mais, comme nous Tavons d^montr^ 
lilleurs , les premieres ann^es n'ayaot 
^t^ que des mow , enfuite de plufieurs> 
mois , il fe pourroft que , fi on favofc 
quelles anndes ils one eu dans les com- 
mencemens , ce nonibre n^excedat pas 
la vcrite; & pour les 154 Rois,. il 
en peut 6tre arriv^ comme des Dynas* 
-ties Egyptiennes, qui ^toient collat^- 
rales ; Solin rapporte . la ro£me chofe 

3ue Pline. Une partie des peuples en 
ie$& da Gange furent nommez Indo- 
Scythes; c'^toit doncun peuple mele. 
Ce pays contenoit 118 peuples & pro- 
vinces, dont quelques • unes , comme 
celle de Porus, avoient pres de 3005, 
villes- Hine\ Strabon & PJutarque 



1 8+ De la Population 

affurent qu' Alexandre avoit conquij 
dans cette partie des Indesjooo villes, 
tant ^andes que petites : Arrien , en 
hiftorien veridique & fcrupuleux , die 
qu*il n'en peuc determiner le nooiiDre. 
J'efpere que perfonne ne s'avifera de 
dire qu'Ofiris ait pu faire ce fufdit vo- 
yage , fans y trouver des hommes , & 
beaucoup d'homnoes ; il feroit incon- 
cevable que hii & fes armfes nom- 
breufes euffent pu trouver dts vivres 
pour fubfifter y s*ils avoient parcouru 
des pays incultes & inhabitds^ outre 
que Jes Indiens difent le contraire. 



CHAPITRE XXXI. 

Des Arabes fif des Phiniciens. 

\ our les Arabes, je Tes crois defcerh 
dans de No^ , leur pays ayanc ^t^ entit- 
lement inond^ ; cependant Tidee qu'rls 
ont de cette inondation eft la meme 
que celle de tons les peuples Orientaux 
qui en ont fouflPert ; fls la croyent uni- 
verfelle, mais (elon eux elle diflfere ex- 
trfimement de celle denos Philafophes , 
vu qu'ils ne la regardent que comme 
ime fioiple inondation^ & non comme 



de TAmirique. 1S5 

ttn bouleverfement de notre globe , puis- 
qu'ils aiTurent que la Caabah , ou la mai- 
fon faime ou cjuarrfe de la Mecque, 
a dt6 batie par Seth durant la vie d'A- 
dam, qu'on la nommoit alors Sorab^ & 
que cet Edifice ayai^ foufFert par le d^- 
kige^ a ^xi rebaci enfuite par Ifmae'L 
II ne faut pas oublier les Ph^niciens ; 
car, quoique par la fituation de leur 
pays on dtt juger quails doivent aus« 
fi defcendre de Noe , il y a pourtanc 
quelque reflexion a faire (ur les Merits 
de Sanchoniathon , qui les a tires en 
partie de ceux des Cabiris, que gend- 
ralement on fuppofe fils de Mifraiih 
ou Mdnes , &, en partie des archives 
qu'il a trouY^es dans des temples, lieux 
principalement deftines dans ces temps 
& dans les ikc\Q$ fuivans a la confer- 
vation des Merits les plus importans. Or 
ce Sanchoniathon de Bdryte en Pheni- 
cie , non-feulement ne fait point men- 
tion du ddluge , mais fait defcendre fes 
compatriotes, leurs hommes illuflres, 
leurs Dieux m£me , de Cain. Cumber- 
land dit que les Cabires ont tach^ d'ef- 
facer la m^moire d'un ddluge, qui a 
fait p^rir la race de Cain , a Thonneur de 
laquelle ils s'int^reflbient ; mais pour- 
quoi s'int^refTer a fon honneur,*s'ils 



1 86 De la Population 

n'en defcendoient pas ? Au contraire, 
quand ils auroienc dee de fa race , lis 
devoient cacher cette origine a toute 
la terre, & fe donner un autre pere, 
s'ils n'avoient crainc que , le fait ecanc 
trop public , ils ne pourroient en im- 
pofer a d'aucres ; il fauc done de touce 
neceflice que du moins une parcie ibic 
defcendue de Cain , dc void comment. 
Nous avons fait voir en parlant de I'E- 
gypte, que fa partie fupdrieure a du 
ecre habitde par des delcendans de Cain , 
qui fe joignirent k Mifraim , fils de 
Cham , ou le Mifor de Sanchoniathon , 
de la race de Cain ; fi done les uns one 
pu venir depuis Sin^ pour habiter en 
Egypte , d autres ont auffi bien pu pas- 
fer de la partie fuperieure de I'Egypte 
pour habiter la Phdnicie, d'autant plus 
flue ceux qui les difent Cananeens ne 
tevent dire duquel de ces peuples ils 
defcendoient. D'ailleurs les Pheniciens 
nient cette origine , ce qu'on ne (auroit 
attribuer a la honte de defcendre de 
Chanaan , tout comme s'il n y en avoic 
pas infiniment plus de defcendre de 
Cain. Mais ce qui fortifie raon opinion 
eft le teraoignage d'H^rodote , qui as- 
fure que les Pheniciens fonr venus de 
la Mer Rouge. Ils fe rendirent done en 



Ik 



de TAmirique. 187 

Ph^nicie depuis la haute Egypte , vu 
que depuis cet endroit ils devoient 
paflfer a c^t^ de la mer rouge, & que 
Sanchoniathon place I'origine de Tyr 
avant le deluge, comme bade par Ca'in 
ou fes fils , puifqu'Hypfouranius , le 
3*^. apres Cain , doit y avoir fait fa de- 
meure. 

Je pourrois encore parler des Atlan- 
tes , qui fe difoient auffi un peuple tres- 
ancien , & pr^tendoient que les Dieux 
etoient nds chez eux ; mais pour ne pas 
etre fi prolixe , T^tant ddja plus que je 
ne m'etois propoft , je paffe i la Chro- 
nologie des Chinois , qui eH: un des 
principaux fondemens de mon fyfleme. 



Ftn du Litre Septicme, 




^m^' 
^ 



LIVRE HUITIEME. 

Hljloire des Cbinois, 



k 



CHAPITRE I. 

Autenticiti de VHiJioire des Cbinois. 
ObjeSions (^ Riponfes. 

LORS qu'tJflerius eut ecrit faChro- 
nologie, prefque tous les Savons em- 
braflerent fon pard, & nieme deja long- 
temps auparavanc, les Catholiques oc 
les Proteffans adoptoient la Chronolo- 
gic des H^breux , n'y en ayant qu'un 
tr&-petit nombre qui fuivit le calcul 
des Samari tains ou des LXX. 

Le calcul des Egyptiens n'arreta per- 
fonne ; les uns traitoient les Dynafties 
de fabuleufes ^ ou les faifoient collat^- 
rales , ou enfin ils ies expliquoient tou- 
jours a-peu-pres comme on fait de nos 
jours. L'Hiftoire Aflyrienne a de tout 
temps et6 fi obfcure, qu'elle n'occafion- 
na aucune difficulte efTentielle : feule* 
ment on chercha a prdvenir les objec- 
tions en donnant contre toute raifon la 

pr^- 



De la Population de TAmirique. !?<> 
preference a Herodote contre Ctdfias. 
Mais la queftion changea , Jorfqu'on eut 
connoiffance des Livres Chinois. Ce 
qu'on en rapportoic dans les commence^ 
piens, fu t rejett^, fans autre forme de pro- 
ces , comme fabuleux ; en vain les Mis- 
fionnaires & les autres , qui (e trouvoient 
au fait de rhiftoire & de la langue de 
ce peuple , foutenoient le contraire, & 
afluroient qu'on pouvoit faire fonds fur 
leur hiftoire ; on ne voulut y faire d*a- 
bord aucune attention. Cependant quel- 
ques favans fe mirent en devoir de T^- 
tudier & bient6t on fut furpris de fe 
voir convaincu , malgre tous les preju- 
gds contraires : on tScha alors d'en re- 
jetter du moins unepartie, afin de ga- 
gner les fiecles ndceflaires pour ne pas 
les fuppofer ant^diluviens. Mais tout fe 
trouvant lie de maniere k ne pouvoir 
rejetter comme des fables une des par- 
ties de I'hiftoire eh adoptant I'autre, on 
vit renaitre les partifans du calcul Grec 
& Samaritain , qui fuppofoient que Tu- 
nivcrfalit^ du deluge & le calcul Hebreu 
ne pouvoient abfolument s'accorder a- 
vec celui des Chinois. lis avoient raifon , 
inais lis en tiroient la conf^quence, que 
la Chronologic Chinoife etant av^ree, 
il falloit rejetter le texte Hebreu, <& 
Tom IT. I 



ipo De la PopuUuion 

prtfdrcr celui des LXX. par leqael tone 
fe pouvoit combiner. Le P. Pezron alia 
plus loin encore & allongea alors les 
temps d'une maniere tres-abfurde : les 
LXX. fuivant les uns n'ont que 5^70, 
fuivant d'autres 5508 ans , & ce Chro- 
Dologifte dans fon premier calcul 5872 
& dans le fecond 5971 ans, comme 
nous Tavons d^ja rapportd ; & Voffius , 
6000 tout rond. De cette maniere rien 
de plus aif6 que de placer le commen- 
cement de TEmpire Chinois a la I34^ 
annee de Peleg , mais s*il eft parmis 
d'allonger ou de raccourcir les temps , 
chaque fyfteme qu'on voudra prendre 
la peine de forger, peut 6tre rendu pro* 
bable : pour moi qui me tiens a la Chro- 
nologie du Texte original facr^, & qui 
crois en meme temps celle des Chinois 
veritable , il eft bien neceflaire que je 
fafle remonter Torigine de leurs Rois 
& le regne de Fohi , a Tan 2952 avant 
J^fus-Chrift, par conftquent 608 ans 
avant le deluge. Commenjons done par 
itablir la verit^ & I'autenticit^ des Li- 
vres Chinois. D'abord je ne puis m'em- 
pecher d'examiner cc que YAhh6 Re- 
naudot nous veut infinuer centre les 
Chinois dans la difTertation qu*il a mife 
i la t£te de fes relations des voyage^^ de 



ie TAnUriqutA cjyji 

deux Arabes , qu'il a traduk'es tli^Fid^- 
5ois & publi^es en 1718. - - ' ' 

II prend fort k dche de r^Fut^r & 
d'abaifler Voflias^fur ice ^ulil pfend le 
parti desChinois, entise autres:, dice 
que celui-ci foucienc giie toutes les au- 
tres nations eiilemblen'ont pas inven- 
ts des chofes meilleures & en plus grand 
nombre que les Chinois ou Seres feul^ 

11 nie que les Chinois ayent un nom 
qui expritne pieu , & il le prouve par 
Martini,' & dans le m6me moment il 
affure que celui-ci dit qu'ils fe fervent 
fouvent pour cela du mot de Xang-ti 
pour exprimer celui qui gouverne fou* 
verainement le Ciel&la Terre^ &?c<, 
quelle logomachie J 

Lorfqu'il trourc une conformity en- 
tre les penfdes, les maximes, ^c. des 
Chinois & les maximes des autres peu- 
pies, il veut que ceux-la les tiennent 
de ceux-ci , tout comme s'ils n*avoient 
pas en partage la meme efpece d'ame , 
ou la m^me faculty de penfer , & qu'ils 
fuflent tfune origine diflFerente. 

II veut prouver que les Chinois n'e- 
toient pas Philofophes, parce qu'ils 
n'avoient aucune idee de la creation 
du monde ; il faltoit done dire la m£m^ 
diofe des Grecs & des Romains; la 

1% 



\ 



tfOft De la Population 

Qri&tiW cH'^canc pas de nature k pou« 
voir en d^couvxir le detail par la Phi- 
JofophTe^ il &a y a que la revelation qui 
nous en ^UifTetilonher la connoiflance: 

U dit encote.quejeur idde la-defTus 
approche fore de celle de D^roocrite & 
d'Epicure; coaun^dt ofe-c-il done leur 
refufer toute connoiflance de Fhilofo- 
phie , ces deux grands hommes ayanc 
i^t^ fans-doute des Philofophes , & ayant 
eu I'opinion la plus fain'e pour des gens 
qui dcoient prives des lumieres de la 
revelation ? 

II aflfure que la table des combinai^ 
fons des lignes au nombre de 64. , efl 
jane mauvaife copie des fragmens de 
Tim^e & autres ecrits des Pythagori- 
ciens , & veut le prouver par Martini , 
qui dit que cette philofophie eft aflcz 
femblable h celle des Pythagoriciens , 
quoiqu'elle foit plus ancienne de plu- 
fieurs fiecles que cette derniere , ayanc 
commence du temps de Fohi : par con- 
ftquent , fi notre Abbe veut abfolu* 
ment que deux diverfes nations ou 
perfonnes n'ayent pu avoir originaire- 
ment la meme idee, il faudroit plutdt 
dire que Pythagore contemporain de 
Confucius I'a eue des Chinois; vu qu'il 
a ete aux Indes chez les Brachmanes & 
les Gymnofophiftes; au lieu que ja- 



de TAinirique. 19 j 

mais aucun Chinois n'a paru dans ce 
temps en Perfe mfime , bien loin qu'bn 
en ait vu en Grece ; il faudroic audi 
dire que les Europ&ns tiennent I'lm- 
primerie & la poudre k canon des Chi- 
nois, qui.s'en font fervis longcemps 
avant les Europ^ens ; quoique perfonne 
ne doute que les Europdens n'ayent in« 
vent^ Tun & Fautre , avant que de fa* 
voir que pareil art f(it connu chez les 
Chinois. 

Sur les Cycles , les obfervadons As- 
tronomiques & la Chronologic , il rap* 
porte que Mondeur Caffini ayant cal- 
culi la conionfUon des cinq planetes 
dans la conftellation Xejja tT0\iv6 une 
erreur de 500 ans , & one pareille dans 
un autre calcul ; il ajoute que les Ta« 
bles des Chinois ont 6t6 rdform^s par 
ks J^fuites fur le fyfteme de Tycho- 
Brahd ; tout ceci eft embrouill^ & en 
partie faux: nous verrons ci-apres, ce 
que c'eft que ces erreors, qui ne font 
pas prouv^ ; & quant k la correftion*^ 
le Tribunal des Mathdmatiques k la 
Chine eft fi foigneux de conferver les 
anciens monumens depuis tant de mil- 
liers d'ann^es, qu'il n'auroit jamais per* 
mis an changement fi confiderable dans 

I 3 



ip4 ^^ ^ Population 

I^ monumens les plas precieux & r^ 

y6t6s qu'ils ayenc. 

Suppofons done que M'. Caf&ni ett 
trouv^ cetce erreur fur les tables corri- 
gies , ce feroit k ces corre&eurs qu'il 
en faudroit attribuer ia faute , pour peu 
qu'ils ayenc pris une letcre pour Tautre 
parmi tant de milliers , Terreur auroic 
pu fe trouver chez eux & non dans les 
Sprits Ghinois. 

D eft pourtant forcd d'avouer qu'U- 
Jug-Beig a d^ja parld des Cycles Chi- 
xiois, & que ceux-ci font anciens; ce- 

!>endant voulant detruire Topinion de 
eur grande antiquite, & ne pouvant 
fixer r^poquc de leur origine , il atta- 
que leur anciennetd en rapportant que 
te'P. Martini en fait invrateur Hoam« 
ii& que k Pere Couplet aiTure que ce-* 
lui-ci ne les a que perfe£llonnes ; d'oii 
il condud que fe contredifant dans 
cette circonftance ^tout le fait eft faux; 
au'lieu que precifi^ent ceci le eonfir* 
ptedt la maniere la plus forte. lis con- 
AirienRenc , fui^nt notre Aaceur (car 
sous allons . examiner ce faitxi-apres) 
que les Cycles ont exift^ du temps 
^'Hoam' ti » il fiiut done adopter ce fait ^ 
rapport^ unanimement comme veri^ 
table; Sc il eft permis de rejetter une 



de TAmirique. 195 

des deux opinions , fur lefquelles ils ne 
s'accordent pas ; car fuivant cecte ma- 
xime de notre Abbe il n'y auroit aucu- 
ne hifloire , quelle qu'elle foit , ancien- 
nes ou moderne, de veritable, n'y en 
ayant point ou les Auteurs ne difFe- 
jrent pour les circonftances ; mais Jus- 
qu'ici aucun critique ne s'efl: avift de 
nier pour cela le fond de I'hiftoire. 

Encore fe contredit-il ; il convient 
qu'une Eclyple eft arriv^e 500 ans aprSs 
Hoam-ti,mais il taxe les Cycles d'alors 
d'erreur ; ainfi tant6t il veut qu'ils 
n'ayent pas exift^ & cantdc qu'ils foient 
fautifs. 

II voudroit faire croire qu*on nous en 
impofe pour Thiftoire Chinoife , & ce- 
pendant il die que le P. Martini a afTu- 
t6 par une efpece de ferment qu*il a 
trouv^ dans les Livres Chinois une ob- 
fervation ancienne dont il parle , telle 
qu'il la rapporte. 

Voici encore une excellente preuve 
de rignorance des Chinois pour les fcien- 
ces, & pour TAftronomie enparticu- 
lier: les Arabes, dit-il , font de grands 
Aftronomes & Machf^maticiens ; les A- 
rabes, les Marchands, dont-il donne la 
relation , afTurent que les Chinois n*ont 
aucune connoiflance des fciences ^ que 

1 4 



ig6 De la Population 

par confdquent raflertion eft prouvde. 
Rdpondons par un autre raifonnement 
pareiL Des Arabes Marchands vien^- 
droienc en France , en ignoreroient la 
langue , ne pourroient s'entretenir avec 
les favans, ni confulter les Livres, & 
feroient jgnorans eux-memes, ne s'em- 
barraflant que du commerce ; ils revien- 
droient chez cux , & foutiendroient que 
les Franjois font des ignorans; il faut 
les en croire , pourquoi ? parce que 
chcz les Arabes il fe trouve des perfon- 
nes favantes ; quels pitoyables raifon* 
nemens ? II en apporte un autre de m£- 
me calibre. Depuis plus de 2000 ani 
bien des gens riches chez les Chinois 
cherchent la Pierre Philofophale & le 
breuvage de Timmortalite ; par confe- 
quenc il rdgne parmi eux un derange- 
ment d'efprit extraordinaire. Je repond 
de la meme maniere qu'au precedent. 
En France , en Angleterre , en Alle- 
magne, en Italie, dans toute TEurope, 
il s'eft trouvd depuis tant de fiecles des 
perfonnes , des Princes memes , qui ont 
cherche la Pierre Philofopiale & la 
Medecine Univer/elle ; par confdquent 
il ne regne aucun goflt ni attachement 
pour les fciences dans touscespays^ 
mais un derangement d*e(pric total: 

Une 



^Une <te«:^ifi>ns qtj'il 4piiee pour proa- 
.' ver. teur . ignoraifce ; <j'eft qu'iJs^ n'ont 
pas eu refpric d'iiiventer Z2 a 26 let- 
*rps |»wr,iui Alphabeti,CQ^p d^^^tres 
peupte ^roak H^O 8O0OP ou plos ;#oais 
ioutte iqtf il eft plus fagite;d•inv90t?F;p§^ 

^rdns aiUeuri; ij faut que }^s,Gre(;S) les 
R<3mairis6c l^ra»tres nati^^^^^eac ^ti^ 
•cncipre: plu^ JgaoJian^,^. . yu <^*ils n'ep 
onfilpomtf :iA^§iW^i: &;qu'el|« fw'^ftS 
apport^s en ! Greee : ou de 1^^ Ph4iU@ije 
iM de r£gypt&> & on Italic deppis hi 
XSrece. 

* Je rviens encore ii une de fes preuves 
4:ranchantes, contre rantiquicd de leurs 
Jivres ; c'efl; que ^ diwl ^ le papier n'a p^ 
exiil^ de tdoc temps chez eux; on n*y 
txouve plus aucun Manitfcrit icnt % 
des dcorces, fur lefquelles ils on( ^rl( 
autrefois , par conf^quent toute )eur 
hiftoire doit etre fufpel^e. J*y r6ponr 
drai encore en fuivanf la xtiome m^t^ce 
jde<]iie cidiiTus; nous n^ayons- ppinc 
de Manufcrit qui aiC plus d6 1506 $[te 
.d'anti(|uiti^ ; nous avon^ cependant les 
Xivres facrds d*une antiquit^ de plus de 
.3000 ans, nous en avons des Auteur^ 
profanes depuis 17 i 27Tiecles; par 
exemple Sanchoniachoni Palaef^atus, 

I5 



i^ D^ ^ Population 

H^fiode, Homere, ^c. par c^oniS^qiteHt: 
il faut rejecter toas les Manufcrits qui 
ne font pas des Qriginaux. 

H fait encore vdoir la raiiba » que 
ibas' Chifig ou Tfin-<^-hoaag 2-1 d an- 
-fides avanc I'Ere Cbr^enne , toos leurt 
livfes forentrbrtllds; & mi^l a'^n r^ 
chapa que ce qui fut coniervd paf lef 
fobs d*une vkilte femme. Mais on fait 
depois longtemps que cette vieiHc fen> 
aae vtj entre que poor emt>elbr rhifloi- 
le. Le P. de Premare dit es^efliment 
^i) ^ ce fot alors que plufieuns Lettr^ 
j^ voulant fauver du feu, des nonu^ 
yy mens qui leur dtoient fi cheis, ou- 
^ vrirent ks man de ieurs maifonsy 
^ & tes enf^veliredt la comma dans qr 
^ tombeau de briqite d'oii lis efp^rdent 
'^ les retirer » qsand Torage feroic pas- 
^y (i : voilk ce qu>i a fbnd^ le conte 
yy rapport^ fur la foi des Arabes ^ de 
-^ cecte vieille , qui colla contre & mo- 
^ raille les Lm^.de Confodus. . 
- Dms la Pi^focedu TeboiM&iaou it 
^dit, ,,Tf2fH:h>hoang)ditKm,'ayant 
:y ordonn^ qu'on bruI4t tous ies Livres ^ 
yy l^an des aevetnr de Confbdus cach^ 
^^ in ExemplaiEe cb Tchun*cfi*coE^ & 



•f » • 



<i> XnetMs £di£ T. XUL p. 47i» 



de TAmirique. igiy 

^, de beaucoiip d'autres Livres, dans 

„ une vieille mafure, oii ils furent trou- 

„ v^ fous Hoeiti , le feqond Empe- 

yj reur de la Dynaftie des Hans , qui 

fy en procura de nouvelles copies , gu'il 

yy fit repandre dans tout TEmpire. .. 

LePereParennindk encore (2) „je 

yy dis feulement gu*i confid^rer cette 

i^ Hiftoire des Ghmoifr en g^n^ral v for- 

„ tout depuis rEmpereur Yao jufqu'au 

^^ temps pr^fent, il y a peu de chofqs 

yy a redire pour la doree totkle, j)bur 

yy la diftribution des regnes, & pour 

^, les faits qui font de quelque impor*- 

,9 tance. II ne faut|Kis croire queVin« 

>, cendie qui fe fit des livtes , ffit fern* 

^ blable k cdui d'une Bibliotheque , la- 

,^ quelle en peu d'heureg eft reduite en 

yy cendres; Eous les livres ne furent 

yy pas profcrits , il y en eut d^exceptds y 

9, & entr'autres les livres de m^deci* 

•yi he ; d^uis le triage qu'il en fatlut fai« 

yy Te , CM) trouva le moycn d'en mettr^ 

^y des Exemplaires en furet^ ; 1e2$£)e det 

yy Lettr^s en fauva un bon nombre; 

yy les antres, les tombeaux, les mu- 

yy rallies devinrent un azile contve la 

yy tyrannic; peu-i-pea ond^tefricet 

- * ' * 

(•) Letuet Edlf. T. XXI. p. f ml 

16 



too De la Population 

,, precieux monumens de Tandqait^; 
,, ils commencerenc a reparoicre fans 
„ aucun rifque fous rEmpereur Ven-ti, 
„ c'eft-a-dire environ 54 ans apres Tin- 
^ cendie. Sous Ton SucceiTeur Hiao- 
,, long 9 on trouva les cinq King, & les 
,, ouvrages Philolbphiques de Confu- 
,, cius & de Mendus , que Hia-ou fie 
,, donner au public la cinquieme anne^ 
^ de fon r^gne, 75 ans ajn-^s qu'ils 
y^ avoient difparu. Le fameux vieiiiard 
^, Ouo-ieng, qui vivoit encore da 
j, temps de V enti , fe vantoic de favoir 
,, le Cnou-king par coeur. On le lui fie 
3, d^crire tout ender & Ton fe fioic 
,, ^galement k fa memoire & i fa bon- 
jj ne foi ; quand on euc retrouvd TOri- 
3, ginal , on le confronta avec TEcrit 
„ d'Ouo-feng. L*on trouva que ce bon 
^, vieiiiard ne s'^coic point tromp^ , Sc 
3, que la conformity ^toit endere , k I9 
,, r^ferve de quelques mots , qui ne 
^, mettoient pas de difference pour le 
yj fens; Leou-hiang vintenfuite, qui 
y, d^terra & qui fit lui-m^me quantity 
,, de livres, (^c. ; cependant Jes Chinois 
,, d^piorent encore aujourd'hui la per- 
^ te de leurs livres en gdn^ral, fans 
„ favoir prdcifdment ce qu'ils ont per- 
yy du , je fuis perfuade que plufleors 



L. 



ie tJmirique. flor 

„ inauvais livres p^riretit avcc les bons; 
„ & cet avantage devroit les confolet 
9, de cette perte d'autant plus que leurs 
,y King n'en ont point fouflFert & gifili 
i, ont et6 confervas dans leur entier. - 
Le P. Ganbil dit „ Lieou - pang^ 
,y (a 06 avant J^fus-Chrift) & fes Suc- 
j, ceffeurs favoriferent extremement 
9, les gens de lettrejs, & un de leur 
^ ptemiers foins fut de faire une te^ 
yy cherche exafte des livres & de r^tar 
), biir le Tribunal des Mathdmadques* 
Monffieur Freret dit ; „ on ramaiBi 
9) jufqu'aux moindres fragmens des li- 
-y, vres ^chapp^s k Tincendie , car il ne 
y, fe trouva prefque aucbn ouvrage eij^ 
„ tier. On rejoignit le mieux que Fcai 
,, put, ces fragmens & ceslambeaux; 
„ & Ton en forma neuf volumes , qui 
,j font aujourd'hui ce que la Chine axle 
„ plus authentique. " 

Comme nous aurons encore Jouvent 
occafion de parler de ces ouvrages & 
-de leur authenticity, nous allons feule- 
ment r^capituler les preuves allegu&s^ 
& y joindre quelques rdflexions. 
: Nous voyons done 

1°. Que quantity de Lettr^s tiche- 
rent de conferver les livres les plus prd - 
cieux & les plus importans. Avec tant 

17 



202 De fa Population 

foit peu de bon fens on le fbup^onne^ 
roic, quand m&me rhiftoire n'en diroit 
rien ; il y a eu quantity de livres dans 
tbotes les fdences ^ par conf^quent ua 
npmbre infini de (avans ou du moins 
des amateurs des fciences. 

La Chine ed un Empire d'une tres- 
vafte ^tendue : quelqu'un qui a le moin- 
drebon fens en parcage, peut-il affii- 
ttt un moment que dans tout ce vafte 
fays parmi tant de milliers de perfbn- 
nes intdrefKes a la con(ervatK>b des 
fciences, par confequent des Kvres^ il 
ne fe foit trouve que cette vieille fern- 
sue 9 qui ait eu Tefprit d'eot cadher quel- 
.^pies-uns & de les fou(baire a ia recher- 
che de TEmpereur & de fes Emiffai*- 
TC9 ? S'il arrivoit la meme chofe en 
France, qui n'efl pas k beaucoup pres 
Attffi grande que la Chine ^ croiton 

?u'un Roi , qaelque defpotique qu'il 
\tj vint jamais k boiK de d^troire tous 
les livres de fon Royaume fans excep^- 
ticxi? perfonne^ je penfe, n'ofera Taf- 
firmer. 

2°. Sous Ven-ti, 54 ans apres cet 
incendie, les livres commencerent k 
rejparottre fafls aucun rifque : en efiet 
Tfin-chi-hoang dtant more trois ans 
apres cec Edit terrible > il eUaif^cfe 



foEgci xjxn liAfMks fes phis adcmoes aux 
Idences commencevetU: ^di^terref fears 
tr^fiDrs cadi^s; maH paa tout^a-fait 
i|^ans^tipr& ia mdit» lio^oa-lpsmg^fbitt 
dai^irfideilai JfamiHdl>deiHian ^ msmai 
ibr 16 tsAneJi' &i^Iob^ peDsi-psu on^re'- 

•avqki mis lesiavassv & il oe Bust pat 
tiouter.que.dhes .oe: temps quanticdixk 
jiwesiirayent^eparai; aiiBnous V0y:oiifc 
ipie b P. Gasdnl di^ exprefTiiment ^ que 
d^ Li^u^pang favorifii les Lectreq}; 
^iconfi^aefit TintervaKe fist; fi court 
<|iie tots ies livres cachds^pouToient: 
£tre letroav^ parceux-mSmet qoi les 
avoknt caches } & qja'ainfi Ja perte ne 
lilt que del teiix:.qm fiirent r^ellement 
brfttdsv c^n^'il 7 >Tok apparem^nepiL 
jdi^emfs €3Kemplaires»^\3 , a:s:. :»;i , :.> 
. jf, Les : TribuDaux de Math^natw. 

Sues & d'Hiftoire & d'autres Ttiemrd^ 
ireot fetablis alorsj par confiiqueotlila 
rxiftoieitt-jdi^a !aupacaivaiit$ &i!ofnHi8^ 
on alvoic toujcmrs cbmmis te'fi^rdn 
lbieiices,& prhxripalemeiilCjde FUAob* 
ipe, aim Tribunal, il:futxl'jteii;2mtplut. 
k m^e de juger de rauthenckk^ diea 
ihres & des fvagmens. recrouves qu'il 
^itdk paffii un efpace fi court eiinre 
f kicendie. & le .i^cablilemenc des le^ 



£04 Di la PopuIatioM 

tres ; & on en voit Teffist par ce qiri eft 

die du vieilard Ouo-feng. ... > 

7 4^. Les King , les cinq livres fonda^ 

mentaox de 'kur .hiftoice & deleur 

dofirine avbient 6t6 confervas engender. 

- '5^ Les iivres :de ConEudus & de 

Mencius avoietit ikbi le niSme ibrt ^ its 

avoienc aufli ^e condamn^s. Mais per* 

ibnne ne doute qif on n'en aitrecouvr^ 

k plus grande parcie , par conf^ent 

on doit conclure la m£mechole de .ce 

qai noiis refte de THiftoire Chinoi/ib. 

Puifque nous fommes fur cet article ^ 
faifons encore une reflexion fur I'au^ 
thenticitd de Thiftoire Ciiinoife par un 
paraliele avec celle desi autres nations^ 

Noiis adoptons en^os f hiHoire des 
£gyptiens , des AfFynens:, dies Grecs ; 
des Romains , ^c. examinons la diff6* 
fence entre Thidoire de ceuz-ci & cel- 
le des Chinois, 

- :Les Egyptiens &oient foigneux d*^« 
ctire leur hifloire & de la conferver, 
on ne fauroit le nier, mais audi i\ faut 
avouerque lefoin en ^toit commis aux 
Prgtres, & chez les Giinois a un Tri- 
bunal particulier, avec cette diffi^n- 
ce que les PrǤcres Egyptiens la cachoient 
an peuple & encore plus aux Strangers; 
au lieu que chez les Chinois tout fe pu« 



de VAmirique. 205 

blioit , & que meme les King ^toient 
graves fur des pierres dures & expo** 
fes ^ la vue de tout le monde. D'ail- 
leurs les Pretres Egyptiens fe lervoient 
d'une toiture& de carafteres qui leur 
^toient parciculiers & que le peuple 
n'entendoic pas ; au lieu qu'^ la Chine 
il n'y a , & n'y a jamais eu qu'une me- 
xne forte de carafteres pour tout le 
monJe. 

Si la Chine a fouflfert une grande 
perte dans les livres , TEgypte n'en a 
pas ete exempte : la Bibliotheque d'A- 
lexandrie qui fe montoit a 700,000 
volumes a iti rdduite en cendre : les 
40O9O00 qui dcoient dans le Bruchion 
fous Jules- Cdfar, & le refte placd dans 
le Serapion fous le Calife Omar Succes- 
feur de Mahomet, Jean le Grammai- 
rien voulut les lauver , & le General 
Amrou auroit bien voulu lui accorder 
cette faveur, mais Omar ordonna trop 
poGtivement de les brQler , de forte que 
pendant fix mois on s*en fervitpour 
chaufier ehaque jour plus de 4000 
bains: cependant quelqu'un doute t-il 
qu'il nous foit reft^ quoi que ce foit de 
toute rhiftoire d'Egypte ? Et rejette^ 
t- on les prdcieux frag^ns que nous tm 
avons? Non, on les fuppofe vi^ritabtoi 



%o6 De la Population 

& authentiques, on s'effbrce feulement 
de Ics comprendre, d'en arranger les 
Dy nafties , & de les reintdgrer Tun par 
Fautre; &, au d^faut de ces fragmens , 
on a recours a ce que les Auceurs dea 
autres nations en rapportent. 

Quant k rHiftoire des Aflyriens , fcf r. 
nous B*avons du tout point d'Auteur 
de la nation , except^ le peu que Jofeph 
& Eufebe nous eh ont confervd ; le 
refte fe trouve dans CtdGas , Herodote 
& autres Grecs. Nous ne rejettons pas 
ces monumens, mais nous les compa- 
rons & nous faifons un choix probable 
k>rfqu*ils different. 

Pour les Grecs &les Romains, quoi- 
que trdspeu d*accord , nous les refpec- 
tons en fuivant avec eux les regies de 
la faine critique. Cependant fi la maxi- 
tne de notre Abb^ dtoit vraie, nous de« 
vrions , fond^s fur leur difcordance & 
leurs erreurs manifefles en divers points, 
rejetter tout ce qu'ils difent ; mais per- 
Ibnne ne s'en avife, chacun connoit 
trop bien par foi - mfime la foibleffe 
humaine ; on les confidere comme au- 
thentiques, en fe fouvenant toujours 
que les uns ou les autres ont pu fe trom* 
per fur certains faits & fur leurs cir- 
conflances« 



ie rjmirique. 207 

II y a encore une autre reflexion tr^- 
importante a faire ; tous les pays que 
]es aucres peuples one habicds , ont ^t^ 
fouvent conquis, les villes brfllees , fac- 
cag&s & detruites ; TEgypte par les 
Ethiopiens, les Perfes, les Romains & 
les Arabes; TAflyrie par Babylone, Sc 
Babylone par rAflyrie ; ces deux peu- 
ples , par les M^des , les Perfes , les 
Grecs, les Syrkns, les Romains, les 
Tartares , les Sarrazins , &c. Les Grecs 
fe font ddtruits fouvent eux-memes, 
les Perfans y ont fait de grands ddgats , 
enfuite ce pays a ^t^ conquis par les 
Romains , les Turcs , &c. & i! (c trouv 
ve a6hie]lement dans la pttis grande bar- 
baric, de meme que rfegypte. 

Rome & ritalie a etd en proye k 
tous les Bdrbares du Nord. Les Goths ,. 
les Alains, les Longobardes , les He- 
fules , les Huns , les Vand^es , les Norv 
mahds & autres , qui tous avoient une 
averfion marqu& poor les fciences, ont 
tout d^truit, tout btndeverft en Eurof- 
pe , de forte que pendant pkifieurs fie- 
des notre continent a croupi dans 
Fignorance & fa barb^ie'la plus affreu- 
fe. Quelle difiyrence done entre tous 
*ks |)eu^]efs fans eK & l^s Chu 

noM JDepuis 4i6ocr'ans aucune natioa 



So8 Dc la Population 

n'a fubjugu^ m envahi leur Empire ex- 
cept^ les Tartares qui la conquirent en 
J 2 80 & enfuite encore en 1645 • ^^^ 
qu'on ne s*y tf ompe pas , les Tartares 
ne font pas des barbares, comme ceux 
de I'Occident de TAfie fur les confins 
de TEurope. Le premier qui etoit de 
la famille Yven, nomme Xi-cu,fit fai« 
re de grands & d'utiles ouvragesj le 
S"*\ nomme Vu*cum , eut tant de vd- 
n^ration pour Confucius., qu'il lui don- 
na le titre de Roi ; & quant h Cam- 
hi le fecond Empereur de la Dynaftie 
pr^fente, chacun fait qu*il a 6t6 un 
aufli grand prote6teur des fciences 
qu'aucun Prince de TEurope; & que 
c*eft: par cette voie , que les P. ]6t 
fuices obtinrent la permiffion d'eniei- 
gner & d'exercer publiquement la reli* 
•gion Chrdtienne , permiffion d'autant 

})1us etrange & privilegi^ , que toutes 
. es autres religions , except^ Tancien- 
ne, n*y ^toient que toler^es. Si done 
cet Empire n'a jamais ^t^ conquis par 
des barbares , & fi toutes les autres 
revolutions n'ont 6t6 que de ]6ger$ 
changemens occaGonn^s par une famil- 
le qui ufurpoit TEmpire lur une autre, 
chacun doit comprendre quel avantage 
la Chine a fur tous les autres Etats av 



de TAmirlque. 20^ 

monde, quant a la confervation & a 
rauthenticitd de fon hiftoire originale, 
^crite par leurs propres Auteurs , dans 
une langue & avec des carafteres qui 
n'ont foufFert que peu ou point de 
changement ; hiftoire qui a ii6 I'objet 
des foins foutenus des Empereurs & de 
toute la nation ; non point dans le des- 
fein d'en impofer a d'aatres nations , 
ou de faire valoir leur antiquity fur el- 
les, ce qui a dte de tout temps la marot- 
te des autres peuples; mais uniquement 
pour conferver une hiftoire fidele pour 
eux & leurs defcendans , vu qu*ils n'e- 
loicnt en aucune relation & qu'ils n a- 
voient point de commerce avec les 
Strangers , qu'ils ont toujours m^prir<^s 
& un tel point que quand mSme quel- 
que nation auroit pretendu k une aU'* 
tiquitd fupdrieure , ils n'auroient pas 
pris la peine de les d^fabufer , bien loin 
de forger quelque hiftoire k ce deflein. 
' Toutes les circonftances s'uniflent 
done poor nous convaincre que nulle 
hiftoire profane fans exception ne pent 
entrer en concurrence avec celle des 
Chinois. Cette partie de la rtfutation 
de notre Abbe m'a longtemps occu- 
py , parce qu'il s'agiflbit pr^cilHment 
de ^authenticity de i'hiftoire Chinoifei 



ftio De la Population 

Mais Tarticle ed fi important que nous 
aurons encore occafion de le reprendre 
dans la fuite de cec ouvrage. Revenoni 
aux aucres raifons de M'. Renaudoc^ 
qui en donne une de fa fa^on & coute 
nouvelle pour taxer Voflius d'ignoran^ 
ce : 11 I'accufe d'avoir dit que les Chi- 
XK)is font les Seres , & que ce font let 
Portugais qui leur ont donn^ le nom 
de Sina ; or , dit-il , mes voyageurs 
Arabes leur donnent ce nom ddja au 
IX iiecle , par confdquent voilk une 
ignorance grofliere de Voflius ; par 
inallieur il ne fe fouvenoit plus qu'au 
commencement de fa Prtface il avoic 
aflur^ que lui , Renaudot, avoic tir^ 
cette relation de I'obfcurite ou elle avoit 
6t6 jufqu'alors, qu'il.croit ce MS. uni- 
que dans fon efpece. Quelle extrava* 
gance done de diffamer voflius, & de 
le traiter d'ignorant , parce qu'il n'a- 
voit pas devine que dans un M S , uni^ 
que & inconnu de la Blblioxheque de 
Mr. de Seignelay , les Chinois font nom- 
m& Sina depuis le IX fiecle? Ce titre 
d'ignorant donnd k Voffms eft d'au- 
unt plus impardonnable a TAbbd, qu'il 
fait voir lui-meme immddiatement apres 
une ignorance trds-grofliere , en difant 
gue les Chinois adorent Fo^ ou Fohi 



de TJmeriqiic. 21 r - 

un de leurs premiers Empereurs. 

On voit bien qu'il n'a pas daignd 
confuker le moindre Auteur qui ait 
jamais ^crit fur Thiftoire de la Chine, 
fans quoi il auroic hi impoflible qu'il 
e(it ignord; 1°. que les Chinoisn'ont 
jamais apotheofd aucun homme, pas 
nieme Confucius; 2°. qu'ils n'ont ja- 
mais adord aucun de leurs Empereurs; 
3°. que ridole Fo^ y fut apportde envi- 
ron Tan 67 de Jefus-Chrift a Toccafion 
fuivante a ce qu'on debite. L'Empe- 
reur Mim-Ti le I5^ de la famille de 
Han ayant vu en fonge un G^ant d'or, 
fe rappella en mfeme temps ces mots 
de Confucius , que dans V Occident il exis^ 
te un faint ; ce que les Jefuites ont ex- 
plique de J^fus-Chrift comme jufte: 
Ik-deflus voulant connoitre la vraie reli- 
gion , il envoya des Ambafladeurs vers 
Toccident , qui venant ckns les Indes 
y trouverent le^ adorateurs de Fod, 
qui appliquerent le fonge de TEmpe- 
reur a cette idole , & perfuaderent aux 
Ambafladeurs la puiflance de ce Dieu, 
de forte qu'ils Tamenerent a la Chine, 
& que fon culte fut reju d'une partie 
des Chinois. 

Enfin notre bon Abb^ couronne fts 
raifons par une autre de la m£me va>- 



ai» Dc la Population 

leur^ favoir que le luxe qui a tou4 
jours r^gn^ a la Chine prouve que les 
iciences n'y ont jamais jfleuri ; ce qui 
prouve prtof^ment le contraire : pour 
pea qu'il eiic eu de connoiflance de 
rhiftoire , il en ett 6t6 convaincu ; la 
barbarie des moeurs eft toujours accom- 
pagnde de la barbarie dans les fcien- 
ces , qui d'abord polifTenc une nation^ 
en leur infpirant du gofit, dug^nie, 
de rapplicacion , & en leur procuranc 
le n^ceflaire , Futile , le commode & IV 
gr^able. Des-la nottc naturel corrom- 
pu nous conduit au luxe, c'eft fur ce 
principe qu'un Auteur c^Iebre a Sbu- 
tenu de nos jours le paradoxe , que les 
iciences ont fait plus de mal que de 
bien , comme fi Tignorance tfoccafion- 
noit pas de plus grands abus encore, 
& qu'il ne f(it pas lui-meme un des plus 
favans de ceiiecle. 
II eft temps que je^iffe mes remar- 

Sues fur tous les raifonnemens frivoles 
e notre Auteur; (3) le P. de Premare 
& le P. Parennin Tont deja r^fut^ (4). 

Je 

(3) Voyez L. Edif. T. XIX & XXL 

(4) J^ n'avois pas devant les yeux cet ou- 
vrage lorfque j'^crlvis ce paflage & oil ils trai- 
fenc cetre reia(ion & les raifonnemens pitoysi* 
bles de Renaudot > comme ils le m^rltent. 



k 



de TJmirique. 213 

]e continuerai done a donner enco- 
re quelques raifons en fav'eur de Tau- 
thenticic^ des Hiftoriens Chinois , & 
de lear antiqaitd; ce fujet 6tant impor- 
tant il faut le traiter en ordre. Nous 
avons ddja dit ci-deflus , que les Chi- 
nois n'ont jamais eu deffein de fe faire 
valoir par leur hiftoire , par I'antiquit^ 
de la nation , par des faits extraordi- 
naires y par des Heros , par des Dieux 
mfimes n^s chez eux , &c. comme d*au- 
tres'peuples ; parce qu'ils n*avoient au« 
cune liaifbn avec aucun ; qu'ils les me- 
prifoient ra6me trop pour etre touches 
de ce qu'on pouvoit penfer d'eux ; en 
un mot ils n'ont 6crit leur hiftoire que 
pour la conferver fiddement a la pos- 
terity. Apportons-en des preuves. 

Le P. Couplet dit , „ que plufieurs 
„ rejettent ou doutent des Rois avant 
„ Yao ; ou que du moins Ton a rap- 
port^ leurs faits dans un ftyle anden 
& avec des figures hi^roglyphiques 
„ qu'on ne pent bien comprendre. 

„ II font mfime fi fcrupuleux que 
„ Fouvrage de Leau-chou-tfd , qui don- 
„ ne des Succefleurs a Fohi pendant 
„ 1560 ans , n^eft pas admis chez eux, 
yy & ne fait pas partie des Annales, 
yy mais eft feulement cit^ dans la glofe. 
Tome IF. K 



5> 
5> 



9i 



5> 



214 De la Population 

' Le P. Parennin dit encore „ on ne 
„ voit point que les Chinois, comme 
^y cl*aucres nations, ayent eu des rai- 
,, Tons prifes ou de TihterSt ou de la 
^' jalouiie des peuples voiGns pour al« 
jj titer & falfifier Icur hifloire, elle 
,,, confide dans une expofition fore 
jy fimple des principau:!c faits, ^ui peu- 
„ vent fervir de modele & d'lnftiuc- 
tion a la poflerit^. 
II continue ; ,, les Hiftoriens Cbinois , 

* paroiflent finceres, & ne chercbent 
yj que la vdrite , ils n'affirnient point 
„ ce qu'ils croyent douteux ; & brs- 
,, qu*ils ne s'accordent pas enfemble 
,, fur la durde plus ou moins iongue 
„ d*un rdgne particulier oa d'une Dy- 
„ nadie entiere , ou de quelqu'autre 
yy fait , i]s apportent leurs raifons , & 
jy laiflent k chacun la liberte d'en croi* 
„ re ce qu'il voudra. On ne remarque 
,,' pas que leurs hiftoriens aillent cher- 
,, cher Torigine de leur nation dans les 
,/ temps les plus reculds , 11 ne parott 
,^ pas m£me qu'ils foient perfuad^s 
„' que venir de loin ce foit venir de 
y^ bon lieu, ni aue la gloire de la na- 
y, tion confifle dans Ton anciennetd; 
„' fi cela dcoit, on ne verroit pas. les 
yj Chipois r^voquer en doute les temps 



5> 
5> 



„. avanc Fohi , beaucoup tnoiris ceux 
„/de Fohijufqu'i Hoang-ti ; ils ne 
,, diroient pas que depuis Fdbi i^ Yao 
,,, il y a des r^gites incereaiiis, qu^dn 
ne convient pas que. k$ Empereurs ' 
placid e^reOm-noBg &Hoaiig^tt , 
fefoiem fo^K^^s les mif auz autres^ 
& qu'il fe petit faire qjie ce n'etoit 
>que des PnDces tributaires ou de 
.grands pfEckrs contemporains. II 
,, repond a I'objeAion de leurs grands 
^,:cal!CulSi que ceuz qui les ont adop- 
„ tes, en petit nombre, ont dte trom- 
,, p^s eux*m3mes par les calcuis feints 
,, de quelques Aftronomes ; que la 
„^grande Chronique de la Chine n'a 
,, . garde de rieii dire de femblable , & 
„.qq*elle fixe le : commencement de 
„ rBmpire i Fohi." 

Voil4 des temoignages qui ne de* 
vroknt pas kufler douter de Tauthenti- 
citd de leur hifloire; n'y ayant aucune 
nations^ teflle qiie ce fok, qui puiffe al- . 
leguer depareilles raifons} miais il y en 
a d'autres encore. 

Je ne r^p^terai pas ce que j'ai dit 
contre M'. Renaudot fur ce que la Chi- 
ne D'a jaraais cu i efluyer des invafions . 
& des : d^vaftations de peuples dtran*- 
gersv& qu'flle n'a jamais ^te cojoqujife 

K 2 



I 



21 6 De la, Population 

ue par les Tartares , on y verra la con- 
^uence qui en refuke; paflbns a un 
article tr^reroarquable. 

Chez d'autres nations ^uelconques 
noas ne m)uvons ^s le momdre vdli- 
ge qae lliiftoire ait 6t6 dcrite & con* 
ferv^e , encore moins public par ordre 
ida Sou verain , comme a la Ciiine ; a la 
vdrit^ en £g3rpte elle ^oit confine aux 
Fr^tres , tout comme les autres fcien- 
ces , mais outre qu'ils faifbient tout leur 
podible pour la cacheraux yeuxdetout 
le monde , & qu'ils ne fe contentoient 
pas de la ferrer & de la fouftraire aux 
yeux de cbacun ^ ils fe fervoient meme 
de carafleres inconnus i tout autre , 
afin que perfonne n*en edt connoiflan- 
oe; ceci joint aux fr^quentes revolu- 
tions de ce Royaume eft caufe que nous 
n*en avons que des fra^mens, oii rien 
n'eft plus certain que rmccrtitude. Id 
c'eft toute autre chofe : des les temps 
les plus recul^s il y eut des Tribunaux 
compofds de gens les plus favans , les 
plus ^clair^s & les plus judicieux^pour 
rafTembler les hiftoires, lestitres, les 
pieces les plus authentiques ; pour les 
examiner , difcerner le vrai & tout ce 

3ui ^toit fondd fur des preuves non 
outeuies, d'avec le &ux, ou Tincer- ^ 






ie TAmifiqui. 2x7 

tain (5). Bien plus , quoiqu'il fflc per- 
mis ^ chaam d'^crire des hiftoires, on 
ne faifoic fonds fur ces ouvrages, qu'au- 
tant qu'ils s'accordoient avec ceux qui 
^toient reconnus authentiqaes par les 
Savans & par le Tribanal. 

M'. Freret die expreflKmeiit (6) „ des 
,, les premiers temps il y avoic i la 
„ Chine un hiftorien en titre, charge 
^ de tranfmettre k la poft^ric^ non- 
,, feulement les ^v^nemens g^n^raux , 
3, qui poavoient inc^refler' la nation 
„ entiere,mais encore les aflions par- 
,, ticulieres , & m£me les dilcours des 
„ Princes , lorfque Thiftorien jugeoit 
,, que Ton en pouvoit tirer quelque uti« 
,, lit^. Le Chou-King n'eft autre cho- 
,, fe qu*un Extrait de cette ancienne 
,y hiftoire , fait & revu par Confu* 
„ dus, fife. 

„ Les Empereurs -(7) n*Aoient pas 
^ les feuls qui euilent des faiftorieus 
„ publics ; lea Royaumes tribuuiries 
^ avoient aufli leurs Annales ou leur 

(5) Lorfqu'un membre d^de, nn autre efl 
nomm^ A fa place , ce qui efl la in£me chofe 
i peupris , comme Q. ce Tribunal n*avoic ja- 
mais chang^. • 

(6) Memo, de TAcad. des Infer. , gf c. T. 
XV. p. 501. tfc. 

(7) Ibid. p. 503. 

K3 



I 



2iS De hk Papulation 

3, Ki ; Confucius en parle , & Mencius , 
^ ou M em-ci^rairure en terme&formek. 
Monfr. Fourmonc dit (8) „ ces fairs , 
^^ (il parle des afbions des Empereurs 
,y depuis Yaa jufqu'^ Chim- vang) ces 
jj faits one ^t^ pris dans les Annales , 
5, que 1e Tribunal de I'Hifioire inflitue 
„ par Yao a eu foin de faire continuer 
„ en diflFercns temps. Le mfime (9) " 
J J Su- ma-tan Pj^fident du College d^s 
^9 Han-lin, (ou dn Tribunal de This- 
99 toire) & fon &s Su-mar^ien , iM^is 
,, du premier rang, furent charges ,^e 
„ TEmpereur Vou-ti de recueillir les 
jj anciens livres d'hiftoire; & ceder- 
,, nier , )a quarante & unierne ann^e 
9, de ce Prince, en donna bne de fa 

' ), fa^on^o^ilremontajurqu'aHoatnTp. 

I^ni§i9&(ia) ,yOut>lkrons<»noiifi id, 

„ qu a la Chine retabliflement des di- 

„ vers Tribunaux , fur-tout de ceux 

. „ d'Afttronomic & de THiftoire , felon 
„ le t&noignage de tons -les Lettr^s , 

:^^ efl: du aux pceasers tempsde TEmpi- 
^, re? de la , conclufiofi} lis avoient 
„ done des Archives. Leur hiftoire , par 
9, les raifons que Ponviene d^encen(^e^ 

(8i CataL Lib. Sin. p. 409. 

(9) R^fl. crit. T. II. p. ivsa- 

(10) Ibid. p. 432. 



9> 
91 



39 



de TAmirique. 219 

i> quoique ramaflee plus tard , n*en eft 
„ done pas raoins fure. Martinius s'ex- 
„ prime amfi k Toccafion de Fohi ^ («i 
„ ip7?J Sinis) pro tndubitatis babentury 
3, ac pracipui qua ad annorum rationem 
>» fpc^A'nt J qua curd non ullcmi facilh 
„ nationem Sinis in Orbe reliquo parent 
„ invenias ; fuit enim ^ ejl etiam nunc 
genti huic ujitatum , ut doStiJJimis aU^ 
quot Philofopbis Imperatoris defunSti 
]] Tcs gejla confcribenda i fuccejjirc 
„ tnandentur, fucis £? adulatm^ emni 
remotd , quod munus apud ipfos cum 
primis eji honorificum^ (^ ifummis 
„ quibufdam Viris expetitum : htfioria 
,, Sinica ita Jibi femfer Jtmilis cominu^- 
,, tuTj let quanquam ab alio JuccedentU 
bus annis adauSta^ unius tar^ten Aug- 
torts opus ejje videatur ^ S omnim uni^ 
„ cumejl^ non abalio, quim fcriptor,e 
yy r^gi^ tent at a , magnifque 6f plurimis 
„ voluminibus contenta. " 

L' Auteur a raifon. Quels monumens 
plus prdcieux avons-nous dans nos hi3- 
toires que les ColIe6i:ions des divers Au* 
teurs, qui ont vdcu dans des temps dif- 
fdrens , & defquels on a pu formier 
alors ufle hiftoire complete? Encore 
y a-t-il une diflFdrence totale entre ceux- 
ci & les Auteurs de THiftoire Chinoife i 

K 4 



#9 

99 



120 De la Population 

par -tout aitleurs chacun a dcrit k fit 

Suife ; ils ne conviennent ni des faks fii 
es ann^es; aacun n^a ^crit, du moins 
dans les fiecies recafes & dans le moyen 
Sge, par ordre du Prince, & jatnais Un 
tel ouvrage n*a 6t6 examine & approu- 
v6 par una Academic ^tablie expres a 
ce fu jet ; cependant nous ne revoquons 
pas en doute le gros de rhiftoire , quoi- 
que nous ayons moins de certitude de 
notre hiftowe feulement depuis Charle- 
magne , a I'examiner fur les raifbns al- 
I^guees , que de toute cetle des Qii- 
nois ; auffi Fourmont dit (r r) „ ceta 
„ confirme la reflexion que f ai faite 
„ pluGeurs fois , que des voyageuta 
„ comme Hdrodote, ne font cro3ra- 
,, bles qu*en tres-peu de chofes , & 
5, qu*il taut toujours attendre , ou que 
,, les Lettr^s d'un pays nous donnent 
,, eux-memes leur hidbire , ou que 
yy ceux qui y vont , y ayent fejourne 
„ aflez longtemps pour pouvoir la con- 
„ noitre un peu a fond , ce qui n'arrive 
„ que quand ils poffedent la langoe. " 
Que dirons-nous done, a Toccafion 
d'H^rodote , de fhiftoire des Afly- 
riens & Babyloniens ? Nous ^n'avons 
que de petits fragmens de Bdrofe , d' A« 

' by- 

(lO Wfl. crit. p.4i^ 



dc TAmirique.\ aai 

by dene;, ($c. le premier n*a v^cu que 
260 ans avant Jefus-Chrifl, ou du iqoIqs 
ce fuc alors qu'il compofa fbn hiftoire; 
encore ignorons-nous fi £u(ebe n'y a 
rien alc^r^ comme dans.d'autres^ & cp 
que Syncelle rapporte d*Abydeee eft fi 
peii qde den; c'eft pourquc^ oa s'en 
tient ordinairement a Ce- qu'eQ diienf 
H^rodoce & Ct^fias y encore I^e premiex 
qui n'a eu d'autre avaotage qu^ de par- 
courk un peu ie^pay^, trouire plos de 
f^£laceurs de. jtos jours qtie le dernier^ 
qui a daUeuti^ ao ans k V Cour dey 
Motfarques Per(aQs& qui a fouill^ leurs 
archives; vpili done deux Grecs, oa 
trois en y ajoutant Xdnophon, fur les- 

Juels y roule ^-peu-pres touce Tbiftoire 
es AiTyriens^ des Babyloniens, des 
Perfes & des Medes n^mes j & cepen- 
dant leuif biftdire eft tenue pour veri- 
table; du^mbins en gros ; quel bruit 
feroit*on , fi on trouvoic les ouvraget 
d'un feul Auteur de la notion mi^me, 
je *ne diiai pas du temps des Empirei 
Aflyriens jotf d^s , Medes , mdis fi^uk^ 
ment des Per&oa! chacun fonderoie IV 
defius fon fyftSme hiftorique ; & c^eoF- 
dant ce feroitun rien en Comparaifon 
des A^teur9 Chinois &de leur. autheiir 
ikit^ i ^uifqu -Qn.n'jr tcoaveroic qiii-ane 

K 5 



St2 Dr h ftpulafhn 

des plus petices quality qui font tontes 
r^nies chez les Chihois j comine cka- 
tBD le remarquera par ce que nous v«» 
nous de dire &<ie prouver; maU^ ve- 
jDODS encore \ vat aucre preave ^^ je 
i^neQX parkr des Cydes^ ' 

f avotteqa'on^fe cxcmve dani^des id^ 
div^es far leur antnfaic^} g^ntf^ak- 
ment on en srixribue 1 WentioB & Hoat»- 
d 9 & 1- ufage conftant & immtfmonat 
^ Tritxuial des Matfaenaiciqttes a ^ 
de fixer la premiere ann^ da pteinkr 
C^de 4 la 8x^ ano^ de IRw, :& les 
Almales & k prenaeredcHoam-tlvaitt* 
fi pr^ifi^ment 7 qfccles, ou 420 aos 
avane le Tribunal des Math^madques; 
€^ ces cyder font uniformes ^ & dia« 
^iie ann^ eft d^figh^e.par im carade* 
te; de force qu*unAuteuriie pent /a^ 
dlemenc corrompre l^K^ire • on ie 
Irompet « va qu'en kdiqimnt I'ahi^ 
dtat cyde & le cara&erede faon^ ^ c'eft 
lase affaire de calcut pdui? v^rmer le 
fiiit; ajoatez^y cafit d'dblervaciD&s;^!^ 
«oix)iniques aEcly[^e» dS^aotreii^ q»i 

cesmoyeas, par le£ioeir&9 peiit^nb* 
iater la T^iftd &Tattcbemidt^ de X\£fh 
«re fe trouveaD ict f^is dc font iftft- 
inmeBC %^ri6iirs;4 couc< (ief.^^iio^ 



de TAviirique. Vizy 

avons k ce fujet en Europe,, memi de 
nos jours. 

H eft vfai que'les favan^, furtout 1^ 
Europ^s, difputent encore fur la rti^- 
\tt6 de FEdyple qui doit avoir dri ob- 
fcrv^e 2155 avant TEre ChrAienne. • 

Le P. Gaubil lui^meme en aflure k 
r^aliti^ , quoique dans un aitre endroit 
il paroilfe en douter , & pourtant il 
foutient en avoir calculi 26, qu'il a 
trouvded toutes juffes & exaftes. Cetce 
Edyple fe trouve dians le Chou-King, 
Ivre que la phipart de nos MiflionnS* 
res prwerent a d'autres , & ce Chod- 
King finit 11 15 ans avant Jifus-Chrift^ 
Vbili done en effet un livre tr^s-r^- 
peflable pour fon anriquitd (^2) , miaJs 
nous en parlerons aiReurs, lorfqde notis 
examinerons h, quels ouvrages Chinpis 
on doit donner la pr^ferencfe ; TEd'^ 
de 776 avant j^flis-Chrift a €ti vdrji 
par les Europifens. Oh aflure la m§mb 
chofe de celle; de 1948 ans^vahtTEtfe 
CMtienne, & il n'y*^ rien cjued'mi- 
/bnne, de fithple , & de vriai dans too- 
tes les partfes de leur liSloire. 

(12) Aucun oarnige connii, i I'exoepcidli 
des Uvseft (aa^ , . n*a une (1 gmnde antti^i|i|^ 
Yu que les ouvrages .d*Orpb^, deMufde &. 

d*H^rmd8 qulnous reft^ut, font jtoppefiS; 

£ 6 




£14 ^^ ^ Population 

On obje£lera peut Stre cette iiSi* 
rencedu commencement des Cycles* 
Faut-il cfoire les Annales oa le Trlbu- 
sal des Matfaimaciques ? Peuc-^e cous 
les deux. SuppoTons qjue le Cycle n'aic 
commence que dans la g i ^ ann^ de 
Yao, & que les annales les ayent 6ten^ 
daesjufqu'^ la premiere de Ebam^ti, it 
n'y a point l^de faute. Les annales ont 
Touta dire feulement que les ann^s de* 
pais te commencement du r^gne de 
Hoam-ti font aufli connues & v^rifi^es^ 
& qu'on peut fans hdfiter y adopter 
audi bien le Cycle y tout cc»nme nous 
avons fait avec I'Ere Chrdtienne inven- 
tie par Dinis le Petit feulement en 526; 
& cependant nous Tai^liquons aux 
temps prdc^dens; tout commeencoce 
on a invent^ la piriode Julienne pour 
DOttvoir en partir^ lorfqu'il &ut conci- 
uer I'Ere des H^breux de 713 ans pos- 
t^rieure au commencement de celle-ci^ 
avec celle des Samaritains » &c. Par 
^contre le Tribunal de FHiftoire eft fi 
.ioiipuleux qu*il ne veut pas fe feryir de 
ces Cycles pour les r^nes entre Folu 
& Hoam-ti quoiqu'ils foient re^us una^ 
nimement & auffi conftainment pour 
vrais que les fmvans , bien moins en«^ 
tore pour les pr^^ceflTeurs de Fohi 



deTAmirlqut. 225 

qu'ih ne rejettent pas abfolument, mais 
qu'ils regardent comme doateux. Chex 
quelle nation ancienne ou moderne 
trouve t-on autant de bonne fei, de 
modeftie & d'exaftitude? 

Encore une autre reflexion important 
te. Les Miilionnaires les plus exa£ls a 
rechercher toutes les hiftoires & les 
Chronologies. des Chinois y n'ont pit 
d^terrer que onze opinions diffdrentes 
& qui ne different en tout que de 284 
ans depuis la i^ ansee de Yao. 

Que dirons-nous apres ceJa fur Tan* 
thenticitd de leur hiftoire , Ci nous en 
faifbns la comparaifon avec ceax dc^ 
autres peuples , des Europ^ens mfime , 
chez lefquels an a corapte, il y a long, 
temps, 140 opinions, en en omettant 
encore un grand nombre?- Etces 140^ 
opinions ne different pas moins que de 
3368 ans, c'eft-i-dire pres de s^fie- 
des, au l|eu que les Chinois h'en onr 
pas trois de difference: comment ofe- 
rons-nous apres ceTa vanter notre cert> 
tude hiftoriqije & r^vpqoer eh dbute 
celle des hiftoriens Chinois? Aufli Ab- 
dalla Abufaid Beydaoi , qui a v^cu au 
commencetneoc du I4^ fiecle,^ dit des 
Chinois ou Catayen^ , comme on fe^ 
nommbit alors^ ^ Hijioria mm Cbatcb^ 

7 



. fl;25 De h Population 

„ jorum , £f enumeratio annorum £? C^- 
„ c/i , fumma funt aufthoritatis/' V63a 
done un favant Perfan qui fe trouvoit 
dans les memes idi^es deja au XIV*. 
fiecle malgre les prdjug^s mi domioenc 
chez coutes les nations en faveurde !eur 
antiquity, de leur [^dminence & de 
leur mftaire , contretouces celles des 
Strangers : pr^Jug^s qui devoient regner 
alors chez les Perfans avec les fciences 
qui y fleuriflbient & qu'ils avoient re- 
vues des Arabes; prdjQges» amour-pro- 
jM'e & jaloufie que nous n*appercevons 

?uecrop chez les plus favans memede 
Europe. 

CHAPITRE U: 
Cr ^e c'eji'que ks C^dekttes Cbinotfes. 

Avant que de finir ces preuves en 
jfaveur de rauthenticit^ des Hiftoriens 
jiO^inois en gdn^ral , il ne faut pas. en 
omectre une qui efl: des plus ren»r- 
*4yiables. 

Cette preuve eft fond& fur feurs ca- 
raSeres; ils s'accordenc g^ndraleroent 
[ur ce point, qu'avanc FohJ on s*eft 

rvi de Corddettes i-peu-pr^ comme 



if TAineriquB. 227 

I^s F^ruviens ; que cet £repereur les & 
redukes en cdx^Stsxts ; & chacuD fait 
qa^on confer ve encore ce monument 
te plus prec^ux de coute I'andijuit^ 'y 
je veux dire l^T-Kfttg de ce Fohi, mak 
pqrfonne ne peut le d^iffip^ (& cha* 
can en f^t ce qu'il vent. 

Le P- Premsffe dk (x). ^ Le pen- 
^ pie ignorant ne voit que ce qui frap- 
^ pe les fens, im Ciel , une Terre , des 
y^ Plaqce&^, d^ ABitnaus, &c, les fa* 

gefr y ddcQu vrent biea d'aocres mer- 



^ veyies,** 



M^s je oe fat £i en ceci le peuple 
uTeft pas plus jage que les fages memes. 

Dans un autre endroit Gaubil parle 
de ces. figures y ^u^il diflingue en H(h 
tpu. & KtH/^a-y il dtf qiK ConfuQius a era 
que c'etoit des regies d'Afttononiie;,. 
& qu^ la-d^^^ jb^'en da^^ iavans ont dtl 
dsms cete }A6q , qa'ils oot combing en 
mi\p fa^ons, les ^o-u^^ jes H9 • tou^ 
nombres du Ke^en&dw Ki>m. 

Leibnitz y a prdtendu troqyer TA- 
4thio4oqli^ bb»rp. P. Bouvetapro- 
|tu4(4'y trouyer: toutes tes fcience^ ^ 
IQUS ^ ^yi|ere«. Le Pi Faiennin^k^ 
f^fote tcms deux & ne iroooprend p» 
iCCMxupent Leibnita i)c fauroic croire^ie^ 

(i)' L. EikU T. XI& p„ 47tf. 



228 De la Population 

h calcul par dfx foic fort anden , vo 

Sue pourunt la (eule nature Tenfeigne : 
auroic pu le prouver par tes fauvages 
done le calcul ne va pas ordinairemenc 
plus loin que ce qu'ils peuvent comp- 
ter par feurs doigts. Auffi le P. Prdma- 
re doute qu'il y ait des myfleres dans 
TY-King; il croit plutdt que ces carac- 
teres inintelligibles a-pr^fent 6t<AQTA 
autrefois quelque chofe de bien fimple ; 
le ar^&ere Koua y dit-il, exprimeune 
chofe fufpeiidue, expof^ k la vue da 
public; il ajoute qu'un fameux Auteur 
de la Dynaftie des Tang dit iju^on 
voyoit autrefois la figure des Koua ex- 
pofde k la vue du people pour fon in- 
(truclion , & que cetce coutunfie en a 
fait exprimer les figoreis par les carac- 
teres Koua. 

On a toojocrrs & en tout temps ex^ 
pliqud les 8 Koua, par le del, les eaux 
fup^rieures ou nu^es, le feu, le toI^ 
Berte,les vents, Teau^ krmontagnes^ 
b terre* 

Nous avons d^ja fait voir d-deflte 
TabfUrdit^ de Renaudot , qui fyppofh 
les 64 Koua <une m^uv^ copi6 der 
fragmens de Tim6o & des autres icxks 
des PythagoridenSk DepoisFohi il s'eft 
pafle plus de 2600 an9) ou^ fuu7an(;un> 



ie fAmirique. 229 

calcul plus jufte eomme nous le ver* 
rons , paflK 2900 ans jufqu'a Jefus- 
Chrifl: , auUeu que Pythag(^e a v^cu 
feulement, vironjss ansavant r£re 
Chrdtiemie. 

II y a ea d'autres Ecrivains, eom- 
me Kraktet, qui en one atiffi fait utie 
Arithm^eique, M^Hafenbalg une Lo- 
gique ; & un autre tout rtomment, 
M'. Haupc , en fait des regies d' Alge- 
bre, & il croit , comme il arrive a tou8 les 
Auteurs,que fon fyfteme eft infallible. ^ 
J'avoue que je ne comprends pas 
comment y trouver , & meme pourqaoi ^ 
y chercher , les (ciences les plus abfbrai- 
tes , r Algebre encore moins que toute 
autre. Pourquoi tfen a- t-on jamais con- 
ferva lamoindre notion k la Chine, va 
que ces Tables ont €t6 expo(?es aux 
yeux du public ? Pourquoi paidant un 
ll grand nombre de fiecles a-t-on igno*- 
j& cette fcience chez les nations les plu^ 
pendtrantes & qui s'appliauoient aut 
fciences les plQs abftraites? Comment 
fuppofer que Fohi , qui a raflembl^ 
des hommes barbares, qui les a civili* 
f^s, leur a appris les arts les plus fim- 
pies, mais les plus n^ceflaires k la vie, 
^it d'abord , quand meme il auroit €ti 
infpire pour I'AIgebre , enfeign^ une 




fty> Djs la fopulation 

fdence fi abftraice qui ne fear 6to\t d'au- 
CQoe utility, dans le temps qu'il falioic 
ibien des anoees poor les faire vivre en 
hommes » ecablir un gouFernemeoc , 
leur apprendre ragriculture y les arcs, les 
metiers indifpeDfables? Cette opinion 
me paroit (i incroyable, & fi contra!- 
re au bon fens, que je croirois perdre 
XDon temps , fi je m'arretois davanuge 
k la refuter. Je crois done , pour dire 
xna penfee , que ces Cordelettes ^toient 
^ on Alphabeth , un Rudiment , une 
' ^)auche groffiere , vifible des carafteres 
que Fohi vouloit ^tablir & qu'if expola 
aux yeux de tout le monde , pour que 
chacun apprtt k connottre & k emplo- 
yer let menoes carafteres r veut-o© y 
y chercher davantage ? j^accorcterai 
encore que ces principes de rEcritmre 
Chinotfe expofbient les premiers fon- 
demens de la religion. Tous les legis* 
hteurs one commence, comme de rai- 
ion , par inculquer fat rdigion a leurs 
peuples; & Folii devoit naturelfement 
fi^re la m&ne chofe, en expdfant d*u- 
n6 maniere fimple Tadoration qu'on 
devoit k Fetre fouverain ; tons ces ter- 
mes de ciel , terre , tonnerre, eaux , 
feti , vents , fi?r. qu'on y a fuppof^s eii 
tCKKi£fnpd> confirmedtcecteid^e. 



IlL 



On objeftera, quant a la premiere 
hipothefe , que dans une langue de 
80)Ooo .cara£i:ere8, on ne pent fuppo- 
fer qu'au commencement elle n'en ait 
eu que 64 , qu'on n'auroit quad rien pu 
exprimer par un fi. petit nombre. (2) 
Mais e^aminons cette raifon ^ & on la 
trouvera beaucoup moins force qu'elle 
ne parott d'abord. Chez un peuple fan- 
vage il tfy avoit pas befoin de plus de 
mots, c'eft ce que je vais prouver par 
ce qui arriva apiies Fohi. 

M^ Freret aflbre (3) que les Komi 
fubfifterent jufqu'^ Hoam-ti , par con* 
iequent envkon 200 ans» Fohi ^y ant 
i^gne 1 15 ans , Kin->num i4a& Hoang- 
ti ICO ans^ c'efl done peu de* ne comp»* 
ler que fioo>ans daces. 35 j^ depuis Tin- 
voitioD des Korua de Fobi joTqu'^u. 
temps que Hoam-iti y^t faire du chan^ 
gement ; qu'alors cet fimpereur ordon- 
na & Ton miniftre Tfai|g-Kid de chqr- 
cher d'autte^ cara£l:ere^ plas vmi^^ 
!& pas trop difficile^ , ipbur exprimer ' 
tQutes lea id^a prinudves. . Or de mi- 
ni^ ne porta 1e nombre de ces 

<2) Qiielqpes<im$ les foot monter par i^e 
fulte de cotnoi'iiaifons k 384. 
f3) Mem: de VAcad. des Infefpt. T. XV. 



• 2^2 De h Population 

caradteres , a ce que M'. Freret dit 
d*apre8 tous les Chinois, qu'4 540. Si 
done Fohi cominenfa feulemetit a civi- 
lifer fes fujets & £ les faire vivre en 
hommes; (1 apr^s lui , jafqu'a Hoam- 
ti , on avoic deja invencd bien des arts 
& des chofes n^cefTaires a la vie, Ci 
cependant apr^s 200, peut-fitre 300 ans, 
on pouvoit fe contenter de 540 carac- 
teres , ne pent- on pas en conclure har- 

•i diment que les 64 ou 384 de Fohi n*e- 
toient autre chofe que des carafleres 

' fimples pour tout ce qu'il trouvoJt n^- 
ceflaire d'exprimer en fon temps? D'a- 
bord on n'inventa que des Jignes, & 

- Ton aflure de Tfang-Kid, qu'il ne fe- 
roit pas venu a bout d*en inventer d'au- 
tres , fi les diverfes traces formees 
par des oifeaux fur le faUe , ne lui en 
avoient fait nattre Tidde, H ^Iloit done 
en faire de fimples , de doubles , de tri* 
pies, S^c. d'entieres & de bribes. Mais 
pourquoi judement 04 ? La raifbn en 
eft elaire , il fallot commencer par pea 
de lignes , celles-ci ne fuffirent pas ; il 
Mut en inventer de brifHes ; ceci n*al* 
lant pas loin , i( fallut en varier la dis- 
pofition , les doubler & redoubler , jus- 
qu'k ce que de foi-meme & par une pro- 
grelfion fort qaturelle Tinventeur vlnt 



k 



de rJmeriqtie. 233 

h 64, de I. a 2 & ainfl de fuite k 
64 , comma 8 fois 8 , & enfuite 6 fois 
64. a 384: alors trouvant d'un c6t6 
bien de la difficult^ d'augmenter ces 
lignes , & deTautre que ce nombre pou- 
voit fuffire , il Ven contenta. Hoam- 
ti femarquant que Taugmentadon des 
lignes & one tranfpofttion multipli^e 
de plus en plus rendoit la connoiflkice 
de ces caraderes diiEciles, pour ne pas 
dire prefqu'impoffibles k ddchiflFrer, il 
ctfdonna a Tfang-Ki^ d'en in venter d*u- 
ne autre figure, ce qui lui parut tout de 
meme fi difficile, qu*il fe contenta du 
nombre de 540; ce qui fait 8 fois 64 & 
28 caradreres. On peut juger (i les fignes 
neceflaires depuis Fohi ne devoient pas 
aller pour le moins i 8 fois plus : on fe 
contenta de ce nombre jufqu'aXun, 
environ trois fiecles apres Hoam - ti ; 
mais alors le belbin croiflant, on en 
inventa de noaveaux & on ne pouvoic 
plus s'en tenir k certaines regies , ce 
qui fie qu'on ne fuivit que Timagination 
puree on foutient que ceux de Tfang^ 
Ki^ ^toienc des repr^fentations & des 
peinmres groflieres des chofes. Sous 
Chi- hoam- ti , environ 240 ahs avant 
Jdhs-Chrift , Ton minilbre Ly- fle ou Tfi- 
ne miao, qu'il y employa, imagina d% 



y 



234 D^ Id Population 

dpnner aux carafteres juiqu'alors com- 
pof^ de lignes courbes & de figures 
drculaires , une figure quarree ; cepen- 
drac le Di6lionnaire que Ly-fTe publia 
ne concenoit que 9353 cara£leres, quoi- 
qu'il y eftt. environ 2500 ans d'inter- 
vttte encre Hoam-ti & Chi-Hoam-ti; 
fi done dans un ^pace de temps (i vas« 
te 9 od le luxe avoit ^t^ introdult de- 
plus fi k)ngcemps, le nombre des ca- 
ra6leres ne s*dtoit pas accru davanca* 
ge , on pent aif^ment juger & con- 
dure (ans rdplique que raugmencacion 
de 64 a 540 eft beaucoup plus vraifem- 
Uable dans les premiers temps & que 
Fohi n'avoit pas befoin d'un plus gnuid 
iKmibre que du premier ^ (1 Hoam-ti 2 
h' 3 (lecles apres Fohi a pu fe contenter 
de 540 ; fur-tout fi , comme le font quel^ 
ques uns & qu'il a et^ die, on fait mon- 
ter les premieres lettres tir^ des li- 
glies de Fohi au dom]>re de 384 & que 
le P. Pr<^mare affure , que quand on 
f9ait 5 ou 6000 lettres, iln'y a prefijue 
plus de livre qui arrete. Tout ceci a 
^t^ rapport^ feulement pour faire voir 
que IT-King , qu'on vdut faire paiTer 
ppur contenir des miftares ou fcienceis 
fuUimes, eft probablement plut6t un 
Alphabet improprement iinfi noniiD^« 



de TAmerique. 2'>^s 

ou Rudiment , ou reprefentation des 
carafleres primitifs , ou tout au plus 
une Loi ou des pr^cepces de religion 
fur le cuke du a I'ecre iupreme, que le 
l^giflateur propofbic comme un ^chan« 
tUlon pris des iddes les plus familieres 
au peuple qu'il voubic inflruire. 

Je viens au refte de ce que j'ai i dire 
fur les carafieres & la conclufjon qu'on 
en doit tirer natureUeooent en faveur de 
Tauthendcitd de THiftoire Chinoife. 

Nous avons vu qu'on ne comprend 
plus rien a FY-King compofd du temps 
dii Fohi; il n'y a rien d'extraordinaire, 
vu que 2 a 3 flecles apres fa compo- 
fition les cara6leres one 6t€ changes, 
& que depuis il s'efl paiTd plus de 
4000 ans; mais il n'en eft pas de mg« 
me des autres , quoique ceux-d foient 
auffi un peu change, on n'en a pas 
oubli^ la fignification ; on a encore le 
Chou-King commence fous Yao ou pea 
decemps apres lui, qui finit m£me dd« 
ja' II IS ans avant TEre Clur^tienne,. 
ainfi au temps des Juges ; il a ^t^ dcrit 
originairement fur des feuilles & des 
tablettes de bois avec un (lyle de fer, 
enfuice fur des bambous plus durables , 
que le parchemin , le papier n'ayanc • 
iti invent^ que x (So ans avant J^fus- 



Ti^6 De la Populatron 

Chrift, & riroprimerie Tan 927 de no- 
ire Ere. On montre un Livre de Phar- 
macie ^crit par les Mddecins de Xin- 
num ibccefleur de Fohi ; & dans ledit 
Chou-King des chapicres & fragmens 
Merits du temps de Yao ou du moins 
de Yu, foodaceur de ia premiere Dy« 
naftie , ou de fc»i fils Kiou ; bref les 
Letups i la Chine & les Miflionnaires 
qui ont dtudi^ cette langue, ne font 
pas en peine de comprendre les cara6le* 
res anciens , k la v^ritd avec plus de 
peine que les modernes , comme il eft 
nacurel , puifque tous les livres font 
Merits avec ces derniers ^ inais il y a la 
ipfime diflF6:ence qu'entre nos carafte- 
res Latins ou Francois nouveaux & 
ceux qui ont 6i6 en ufage il y a quelques ; 
fiecles (4). II s'en faut m6me beaucoup 
qu'on ait autant dc peine a d^chifFrer 
les anciens Livres des Chinois , que nous 
en avons a lire les Dip!6mes y ou feu- - 
lenaent TEcriture du 13^. & 14*. fiede , • 
ji.caufe des abrdviations. Surtout queU 

le 

(4) Varron fut bieh embarrafK de d^cfeiiFrer 
les anciens carafleres Latins, quoique tout 
nbuveaux de Ton temps en comparaifon de I'an- 
tiquit^ des caradlerei Chinois , anciens de 
40C0 ans. 



ie TAmiriqiie. 237 

le difference entre les carafteres fort 
anciens & les nouveaux ! Quelle peine 
at-on eue & ddchiffrer les cara6):eres 
Etruiques \ Perfonne n*a pu venir k 
bout de ceux de Tzel-minihar ou de Per- 
fepolis. Que fera-t-on des Manufcrits 
trouvds foivant Gemelli - Carreri dans 
rifle de Salfette? Quant aux Lettres & 
Hi^rogliphes d'Egypte , combien de 
gens le font donne la torture pour les 
expliquer tandis que d'autres fe mo- 
quoient des peines qu'on ie donnoic 
pour les entendre? On difpute entre 
les favans fi les carafteres Hebraiques , 
ou les Samaritains font les lettres ori« 
ginale^. Combien a-t on etudie les let- 
tres Runiques ? Enfin aucune nation du 
monde ne peut fe vanter d'avoir con- 
ferva entidrement fes anciens carafte- 
res , 4 moins de n'etre pas ancienne 
elle-meme & d'avoir adopts les lettres 
d'un autre peuple , comme plufieurs one 
fait celles des Romains , qui meme ne 
font pas extrememenc andennes en 
comparaifon de celles des Chinois qui 
le font meme plus que celles des Hd- 
breux , fi on fuppofe que celles- ci foient 
de 1 invention d'Efdras ; celles des Chi- 
nois n'ayant fouffert aucun change- 
ment depuis Tan 837 avant W\x%* 
Tmt IF. L 



2g8 De la Population 

Chrift; & les anciennes s'y accordent 
fi bien que M'. Fr^ret ne fait pas dif- 
ficult^ d'aflbrer que „ I'Ecriture au- 
„ jourd'hoi en ufageeft la m€me que 
^ celte des premiers temps , & qu'a 
ij Texception de quelques anciens ca- 
^ ra6leres qui one vieilii , la langue 
^ teite n'a point change a la Chine. '* 
Le cerme, qui orU vieilii^ eft tres-bien 
plac^ } car ks cara^teres Chinois n'e- 
tanc pas des lettres mais des mots , des 
cermes oa des pbrafe^, il y a du entrer 
do changement par laps de temps. £t 
fi nous comprenons encore lie vieux 
Francois , que nous nommcHis Gaulbis , 
il eft facile aux Chinois de comprendre 
les ancient cara6beres qui rendtmc le 
fens & non les mots, quoiqoe hors de 
mode , peuvent £tre expliqu^s par des 
terroes modernes & plus ^pure9 ; on 
leur peut fubflatuer d'autres carafteres , 
qui en rendent mieax le fens , & pour* 
tanc le tout fanr que poor cela on per- 
de rid^ de celd que les anciens carac- 
teres avoient. 

On a dans la langue des Chinois lei 
noms du premier homme, Puon-ku , 
& des families qui lui fucc^derent jus* 
qu'i Fohi , c'eft la mSme langue qui 
exifte encore chez les Chinois , &qui 



^ 



ie TAmirique. 23c) 

rfa aucune affinity, ni aved'H^breu 
ni avec aucune autre des langues me* 
les , ce qui prouve qu'dle eft origina* 
le & qu'elle a commence ix Sere en ufa- 
ge peu de temps apres la Creation , par 
confSqaait que les ancetres des Cbinois 
fe font fepart^s des-Iors de leurs freres , 
vu que toutes les nations qui fe font 
divif(ies , feulement apr^s la conflxuc- 
tion de la Tour de Babel , ont eu des 
langues qui paroifTent plutdt feulement 
des diale6les differens ; celles qui en 
difFeroient le plus ^toient auifi les plus 
melees des langues Celtes , Scythes , 
Indiennes, 6f^. gui font dans le meme 
C^s que U Chinoife. 



CHAPITRE III. 

Ricapitulation des preuves qui Stablijffint 
tauthenticiti de rHiJioire Chinoife. 

Qu'on juge prdfentement G rhiftoire 
d*aucune nation a eu un feul des ca« 
rafteres que Thiftoire des Chinois r^u- 
nit. Rappellons-les avant que de finir. 
i"". Une bonne foi & un dednt^res^ 
fement incomparable > un buitunifoiw 
me d'inftruire la pofl^ritd des itint^ 

L t 



140 De la Population 

mens; point d'entfitement k fbutenir 
leurs opinions ; point d*int^ret a vou- 
loir perfuader k leurs voifins ou autres 
Strangers une anciennet^ fabuleufe de 
leur £mpire , enfin un doute judicieux 
iiir tout ce que le Critique le plus feve* 
re pourroit rdvoquer en doute. 

2"*. Leur pays n'a jamais 6t€ entiere- 
ment inond^ ni conquis , moins enco- 
re mine & devafl^ par des nations 
barbares. 

S"". Dh les premiers temps il y a eu 
un Tribunal refpeftable, inftitu^ par 
les monarques memes , pour avoir foin 
de rhiftoire , pour examiner fSvdre- 
ment tout ce qu'on ^cnVoit fur ce fii-^ 
jet , adopter ce qui dtoit conforme aux 
litres authentiques confervas dans les 
archives , ou reconnus pour tels de tou- 
te anciennet^ , & rejetter ce qui ^toit 
faux , ou feulement douteux. 

4^ Dans la Chine on n'efl: jamais 
oblig^ de recevoir pour vrai I'ouvrage 
ou les fragmens d'un fimple particulier 
feute d*avoir quelque monument plus 
autentique. 

5^ Les particuliers mSmes, raalgrii 
]e nombre immenfe de Lettrds ou Sa- 
vans qui ont exifl:6 k la Chine depuis 
psuT^ 4000 ans, ne different entr'eux 



de TAmirique* . 24 1 

que de 284 ans entre les deax extrdmi- 
tes , & il n*y a eu en tout que XI. opi- 
nions diverfes fur la Chronologie pour 
ce petit efpace. 

6^. L'Aftronomie n*y eft pas moins 
ancienne que Thiftoire; les Cycles em- 
pechent toiite erreur , & d'une e'poqile 
k I'autre tout eft prouv^ par des ob- 
ifervations de difFerentes Eclypfes v6- 
rifi^es. 

7*. Enfin les cara6bres, dont on fe 
fert encore aujourd*hui du plus au 
moins , ont ^ti^ inventus & exiftent 
depuis 4000 ans & ont 6ti fimplement 
augmentds^i mefure du befbinqu'oh 
avoit d'en inventer de nouveauz. 

Si done, ie le rdpete , aucun de ces 
cara6teres oauthenticit^ ne fe trouve 
dans aucune autre hiftoire, il faut ou 
ne pas douter un moment de celle des 
Chinoife , qui les r^unit tous , ou re* 
jetter toutes les autres anciennes & moi* 
demes comme faufles, fabuleufes & en- 
tidrement controuv&s. 




14^ 2>f la Popuhaitm 



CHAPITRE IV. 

Difflirens calculs des Auteurs ChinolT 
pour fixer le regne de Tao. 

Ayant dtabli rauthenticitd de I'liJ*- 
toire des Chinois en gen^ra^ palTons 
anx ^poques de cette hiftoii^, Sc com- 
me il ne a/'agit id , par rapport au prin- 
cipal fajec de cet ouvrage , qae de5 
temps les plus r^cul^s^ nous fuivrons 
h meme mdchode que fur lesautres, 
en examinant leur hifloire aacienne 
depuis Puonku julqu'i Yao. 

Pour fixer Tepo^e du r^e de Y ap> 
3 faut examiner les diverf^ computa- 
tions & ali^guer les raifbos pourquoi 
je pr^fere Tune aux autre^. 

On s^accorde parfaitement fur rou- 
tes les ^poques depuis Tan 841 avanc 
FEre Chr^tienne jufqu'a nos jours^ mal^ 
gr^ rincendie des livres arrivde 629 ans 
apres par ordre de TEmpereur Tfin- 
dii-hoangy laquQile ne fut pas a beau« 
coup pres aulli generate qu'on I'a debits. 

Le Tribunal de Thiftoire a adopte 
la Chronologic de Sse-ma*couang & de 
Chaoyoqg poor les temps qui ont pr6> 



de TAmerique. 243 

c^de Tan 841 avant Jefus-Chrift, & ce 
Tribunal place la premiere annde de 
Yao a 2337 avant J'Ere Chretiennej 
Fourmont dans fa lifte tir^e de la Bi- 
bliotheqae de MdSeurs des Millions 
itrangeres a I'annee 2357 , par confe- 
quent la premiere ann^e du 7^ Cycle 
en 2337 ,& la premiere ann^e da 8^ Cy- 
cle en 2277 ou la 81'. de Yao, ou pli> 
fiems pofent le premier Cycle. L'ouvra* 
ge de Ss^-ma-couang fait pour ainfi dire 
le corps de fouvrage des anoales , on y a 
mis pour introdutlion le Tfiene-piene 
de Kine-lufi-ang, en rejettant I'Ouay- 
Ki de Lieou-jou, qui fait remonter 
f origine du monde k 4344 ans avanc 
• J^fus-Chrift : auffi comma fon lyftetrsff 
parut erronne, fon livre fe n^gl%ea de 
telle fa^on qu'aujourd'hui il efl devenu 
tres-rare, & que le P. Gaubil , malgt^ 
toutes fes recherches^ a'a pu parvenk 
k le voir. 




L 4 



^ 



H4 t)c la Populatm 



CHAPITRE V. 

M. Freret rejette malapropos la Chr^- 
nologie de Sfe-ma'Couang pour fuivre 
le TfoU'Chou aufujet de Tao. 

Ax'. Freret & d'autres Auteurs rejet- 
tent la Chronologie de Sf^-macouang 
qu'ils avouent fitre aprouvde & cons- 
tamraent fuivie par le Tribunal , & ils 
adoptent celle du Tfou-chou , rejett^e 
depuis pres de 2000 ans , & ils s'ap- 
puyent encore d'une autre autorite , dt 
&. de qui ? d'un feul Lettre nommd Son 
qui doit prevaloir fur celle de peut etre 
plufieurs milliers de Lettres, qui ont 
it6 fuccefTivement membres de cet il- 
luftre Tribunal, fans compter lesau- 
tres (avans. Pour la curiofitd du fair , 
copions le raifonnement de M^ Freret. 
„ Ce qu'un Lettre Chinois s'eft cr(i 
„ permis au milieu de la Chine , ne 
,, doit pas hre interdit a un Europe'en , 
„ pour qui les ddcifions de ce Tribu- 
,, nal d'Hiftoire & d'Aftronomie ne 
,, font que Topinion d'une compagnie 
„ de gens de Lettres , opinion qui n'a 
19 d'autoritd gue celle des motifs fur les- 

„ quels 



99 
99 
99 
99 
99 



9> 
99 
9> 



ie rjmirique^ 245 

\y cjuels elle eft fondee. Cctte obfer- 
vation inutile dans c^ paysci, eft 
ndceflaire pour r^pohdre aux feni- 
pules de quelques Miffionnaires, 
qu'un long fejour k fa Chine a pres- 
que rendu Chinois fur Particle de 
,, Tautorite du Tribunal y & qui n^odc 
j, pu voir fans une efpece d'indigna- 
„ tion que j'ofafle examiner fes ddci* 
yi (ions dans une autre difpofition que 
„ celle de chercher de notivelles rai- 
fons de m*y foumettre, (^c. L'auto- 
rit^ du Tribunal n'eft au plus pour 
nous , que celie d'un corps de'gens 
\^ de Lettres ^ & ceux qui voyent ce 
„ corps d'un peu pr&, favent com- 
„ ment ils forment leurs d^cifions. ** 

M'. Freret ne prend pas garde i\ 
lue ce n'eft pas une Acad^n»e ^cablie 
iepuis peu d'anndes qui a pr^dr^ Ie 
iyft£me en queftion , mais que c'eft de- 
puis environ 700 ans que ceta s'eft 
fait, que Ie ro£m€ fyft^cne avoit ddja 
auparavant ii€ fuivi conftanimenc pen- 
i3ant 1300 ans 9 qu'on ne )ui a donn^ 
la prdf(^rence qu'aprSs un miir examen , 
qu'U a iti tou}ours fuivi depuis, & 
que tout ce nombre de Lettres dole 
fitre plus k portfe d'^en (avoir la vdrit^ 
qu*ua Europ^en , & qu'un homme qoi 



I 



f:^6 fte ta Population 

2\ tf a qu*une petite partie des fecou» 
que les Chinois ont eu pour vt^rifier les 
faits & le$ Chronologies ; qui ne con^ 
noit qu*une tr^s- petite partie de leun 
fivresy lefquels ne peuvent entrer en 
coQiparaifon avec la multitude innom- 
brabte de ceux qui fe trouvent a la 
Chme ; outre que M^ Freret confefle 
Jui-mfime qu'il entend peu la langue ;. 
fuelqtie peu de cormoijpmce que fate des 
earaSteres , dit-il 3*. II ne fonge pat 
qu'il ne s'agit pas ici d'uae d^cinon qui 
roule fur des opinions ou des fyftSmes^ 
de Philofophie , de Pbyfiquc ou de pu* 
re fp^culation » mais de fi^ts liiilori^ 
ques arrives h la Chine m^mej que di- 
loit- il ^ fi fes Chinois pr^tendoicnt com- 
liactre Fopinion , je ne dir^i pas d*une 
JHcadimie y mais d'un fbul Auteur Eu^ 
rop&n , qui auroit dcrit une Hiftoire 
de la France , ou d'un auore pays ? ap- 
paremment il fe raoqueroit d'eux, dt 
Kjs trouveroit trds-ridicules & avec rai- 
fon f puifqne Topinlon & le fyftteie 
hlAprique d^un llbul homme ae dok 
Jamais fitre mis en pararelte avec celle 
(d*ttn (^vant Tribunal ^cabh' de toute an* 
ci^aneti^, qui a tout examine h la ri* 
gueur , fu? les lieux , & qui s^eft trop- 
vd k wime de confronter I'ouvrage avec 



tfne infinite d'autres qui fotit- incon* 
nus a M^ Freret: 4^ il taxe les Mis- 
fionnaires d'une \rendration aveugle; 
je ne dirai rien en leur faveur que ce 
•que la force de la varied lui fait dire , 
quoique dans un tout autre but ; <:eux 
iit'il^ qui voyent ce corps d'un peu prir 
favent comment • ih forment leurs deci* 
fions; fidonc ceus qui voyent ce corp* 
d'un pcu-pres , ont tant de vdn^'atiou' 

Sour leurs d^cifions en fait d'hiftoire, 
s en doivent 6tre meilieurs juges qufe 
M^ Freret , qui en eft ^loignl de quel* 
qoes mille Heues. 

Pankou Tan ^5 cte notre Ere com- 
pola une Chronologie ; il rapporte ley 
^oques ctes Eclypres & des Solftices, 
quoique, fuivant le P. Gaubil , il ne 
At pas en itat de les calculer, & il lea 
rapporte d^une maniere qui fait voir fir 
bonne foi, & qu*il a tir^ tout des an* 
ciens livres. Pankou place le comment 
cement du regne de Yao k 2303 avant 
Jtfus-Clirift, & il donne k la Dyoaftie 
de Chang 629 ans, c'eft-k- dire 171 aim 
de phis que d^autres qui ne mettent que 
458 ans, mais ce qtfil y a de remar- 
quable , eft que fi on rdduifoit ce» 
771 ans , fa Chronologic feroit plut 
tcuirte qpe ceile de ces Aateurs^de £$ 



t^g Di la Population 

ans,&que celle de Semat-fiene de 6%: 
par conf^quent fi en ceci Pankou avoit 
ea raifon , & Semac-Gene dans le res- 
te , le commencement du r^gne de Yaa 
viendroit k Tan 2364 avant Jdfus-Chrift , 
& je crois que ceci ne s'^loigneroit 
goeres de la v6nt6 , vu que comme 
nous Tavons rapport^ , Fourmonc la 
place a 2557 ans; & comment ne pas 
admettre cette durde de la Dynaftie 
des Chang? Le P. Couplet lui donne 
bien 644 & Fourmont dans fa lifte fus- 
dite de meme ; le Tfou - chou mgme 
lui donne 508 ans : ainfi je ne vois pas 
pourquoi on allegue ceux qui ne lui 
alCgnent que 458 ans; mais c'efl pour 
retrdcir la durde de la Monarchic , & 
nous en verrons la raifon en fon lieu, 
M^ Freret donne encore une excellent 
le raifon en faveur du Tfou-chou; 
» quelques ann^es m6me avant TEnv- 
^, pire de Yeou-vang , en defcendant, 
^ fa Chronologic du Tfou-chou eft 
„ conforme aux autres. Premier prijuf 
$9 gi favorable. 

Ne peut-on pas rdtorquer cet argii- 
ment? II veut que le Tfou-chou foit 
un livre ancien & authentique ; les 
Auteurs y font conformes en quelques 
points 9 le prdjuge n'eft-H done pas 



de TAmiriquej S49 

auffi favorable pour ceux ci que pour 
leTfou-chou? 

Le TfoU' chou place iine Ecly pfe en 
1948 avecle caraftere Kouey-fe, qui 
s'y rencontre ; deux autres Aflronomes 
par contre la fixenc 180 ans plutdt, 
avec le ni^me cara£lere, comme il eft 
naturel , vu que cette diffidrence fak 
trois Cycles entiers ; mak par malheur 
les partifans du Tfou chou n'ofenc as- 
furer d*avoir vdrifid a laquelle de ces 
deux dpoques TEclypfe eft arrivee ; je 
ne fai fi notre Auteur auroit pu r^pd* 
tcr; prijugi favorable. 

Encore une raifon ou plutdt une de^- 
fenfe platr^e pour le.Tfou-ehou qu'on 
donne ; on dk que Pankou compte 
1 061 ans pour la dur^e dea Dynafties 
Hia & Chang , & le Tfou chou feule* 
ment 939 ans; on y coBfefTe en oor 
tre, que Mem-ci ou Mem* 2^ , dont 
Taucork^, die- on, eft d'un tres-grand 
poids a la Chine ,met k la v^ric^ entxe 
Chun & Vou*vang un intervalle de mille 
ans ,, & plus y mais fi on fuppofe que 
„ cet Auteur parle de la jMremiere ao* 
„ nde de Chun , (^c. il fe trouve, 
„ comme Tobferve le-P. Gaubil , que 
„ le fentiment de Memcius , (^c. feroit 
J, i-pcu-pres celui du Tfou-chou > fif ^•^ 

L7 



f9 

y9 



ftjo De la Population 

^ donnez*en 66 a Chun , ^c. fl fc 
trouvera que depuis la premiere an- 
n6e de Chun a la premiere de Vou- 
vang il y a 1005 am, ce qui revieu- 
^j droit au fentiment de M emcius. 

Mais ceci s'appelle-t-il parler feriea^ 
fcment ou badiner ? lorfqu' on dit entre 
tel & tel Roi , j'ai crfi jafques-ici qu'on 
parloic depuis la fin du r^gne d*un let 
jufqu'au commencement d'un tel ; on 
fe fert de ce terme quand on dit par 
example entre Claude o: VefpaGen ont 
regn^ Neron, Galba, Othon & Vi- 
teltius ; mais fuivanc Texplication de 
BOtre Auteur , il faodroit dire qae Ne- 
ron a commend^ k r^gner d^ la pre- 
miere ann^ de Claude ; ainG dire looa 
ans €# plus fe trouve auffi confbrme aux 
1 06 1 ans de Pankou, qo'if left peu au^ 
939 ans du Tfou-chou ; ajoutez que 
M'. Freret (i) avoue lui^meme, mal- 
gr^ la pr^fi^rence qu'il donne pour I'au- 
thenticitd au Tfouchou, fur tousles 
autres ouvrages hiftoriques, que dans 
ce livre, dans le MS. origbal meme, 
k ce qu'il dit , par conf^quent pas par 
la faute d*un copifte , il y avoit une 
emiffion de 60 ans dans la dur^e der 

(I) M6m. dc TAcai dcs Infcript. T.XV. 




ie FAmmque. 25? 

rfgnes des Tchdou ; que cette omiflio»t 
eft prouv^e par les dates , & que pour- 
tant le Lettr^ Sm n> ^ pas fait atten* 
jdon dans fa Chronologies 

De tout ceci H me paroft qu*on peut 
conclure ,. que Je Tfou-chou eft a Ij 
v^rit^ un livre refpeclable par fon an- 
tiquity & fon authenticity ,. mais qu'it^ 
y a ^es erreurs qui nous doivent por- 
ter k ne pas le reconnoi^tre pour le feul 
authentique^ en le pr^fifrant en tous 
le^ points aux autres ouvrages hiftori- 
ques ; ladite oraiffion ayant 4t6 remar- 

3uee par le Tribunal & rcmplac^e par 
*Wtres y i! fcut ndceflairement qu'ils. 
ayent eii des hiftoires auffi anciennes 
& authentiques , d*ou ils ont tire Ie» 
feits, & la p^riode quf manque dans 
cehii-ci , & que le Tribunal , de meme 
que tous les autres Savans ont eu de 
bonnes raifons en examinant le Tlbu- 
chou & en le confromant wee les aci^ 
tres ouvrages , de reffetter cohftamraenfc 
fe Chronologje du premiar depois pr^s 
^e 2000 ans^ cemme Ic confeflfelePt 
GaqbiJ en plufieurs endroitsril eft vrat 
^e M'. Freret & fes partiians aflurent 
ijue le Tribunal n'a point adopti le fj^ 
ft6me.chronQlogique quH fiiit, en Qoth 
fi^ence d^cm ffftemt critique }. inai& 



t5^ Dc la PopulattM 

une pareille fuppofition hardie fake fans 
preuve, fans raifbn m6nie, fe trouve 
fi contraire a toute vraifemblance, que 
ce feroii: une foiblefle que de s*y arre- 
ter pour la combactre. 



CHAPITRE VI. 

Diverfes opinions des Chronologijiesi ' 
Cbinoisfur Too. 

V Enons aux diverfes opinions de» 
autres Chronologiftes. 

Houang-foumi place la premiere an- 
il^ de Yao k Tan 2x56 avant Jifas^ 
Chrift. 

Suma-cuam on Setna-couang , celle 
de Hoam-ti, par lequei il commence, 
k 2697, & c^^'^ ^^ Yao a 2357 ; d'autres 
attribuent cette Chronologie , quant au 
premier cemps , k Kin-gin xan , & aflli* 
rent que Senu-couang ne commence 
fon hliloire qu'avec Gmei-lie-vam, 425 
ans avant J^fus-Chrift. Nan-hien y a 
ajout^ S96 ans pour THifloire de Fohi 
&.de fes Succefleurs, dont-il n'admec 
que (Ix jufqu'a Yao i ordinairement 
on leur donne 635 ans. 
' Le Svyne^ qu*on attiibue a Sei8ai> 



Ik 



de TAinirique, 253 

chinjj, ou Sf<5ma-tfiene, donnep prd- 
d^ceffeurs k Hoam-ti en Tefpace de 
634 ans ; mais ceci n'efl pas admis, 
inon plus que les 1560 ans des Vai-ki 
par Leou chou-tfe , entre Fohi & Chin- 
nong ou Xinnum; 

Seraatfiene , avec (on pere Suma- 
tan charge par TEmpereur Vom-ti de 
drefler les Annales de TEmpire , avoit 
pofe le premier fondement au recueil , 
104 ans avant Jefus-Chrift; il ne corap- 
te que 2527 ans en remontant depuis 
TEre Chri^tienne a la premiere annee 
de Hoam-ti ; mais comme ce n'dtoic 
que 142 ans apres I'incendie & que des- 
lors on a encore d^terrd bien des an- 
ciens livres & monumens , les Auteurs 
nommes ci - deflus , & m^me Sema^ 
couang un des defcendans de Sema-tfiene ^ 
ont dcrit de nouveaux corps d'hiftoire, 
& le Tribunal en a choifi ce qu'il a 
trouv^ de plus authentique & de plus 
conforme a la verite & aux anciens 
nionumens. Nous ne nous arreterons 
pas i rapporter plus au long Thiftoire 
des Auteurs & de leurs ouvrages ; il eft 
temps de former un fyfteme; eflayonsw 

Pankou donne a la famille de 
Ilia, • . . ans 43 e 

a celle de Chang , • 629 



254 ^^ ^ Populathm 

de Tcheou . . 867 

Tfia . . . 49 
k celle des Hans jufqu'a J^fiis- 

Chrift . . . 206 

avant les Hia it Chun . 50 

a Yao . . 7a 

LeTfouchou affigne a la famil- 
le Hia . . 43 1 

aux Chan^ . . 508^ 

aux Chang , Tcheou , & Han , 
jufqu'a Jdfus-Chrifl: . . 1050 

^ Yao & a Chun . . 156 

Or ajoutons ce qu'on confefle 
avoir ete omis dans le Tfou-duxi 
pour le r^gne des Tcheou • 60 

& la difference de Chang, vu 
que nous avons ddmoncrd ci-des- 
itis que Mem-ci lui-mfeme eft a- 

f)eu-pres dans ces id^es , & que 
e Pcre Couplet leur donne (J44 
ans , aind 15 ans plus que Pankou » 
mais tenons - nous • en au calcul 
de celui-ci : il faut done ajouter 121 

voUk ans 2326 

Plrenons-nous y encore d une au- 
tre maniere. LespartifansduTfou- 
chou aiTurent que fans la diffttteo'- 



de TAmirique. ISS 

ce dans la Dynaftie des Change 
Pankou auroit 13 ans moinsqiie 
le Tfou-chouy & 63 ans moins 
que Sema-tfiene; en y ajoutant 
€e qu'il a de moins dans les r^gnes 
de Yao & de Xun que les autres , 
les uns leur donnent 150, d'autres 
156 ans & lui 120 ans: ajoutons 
feulement . . 30^ 

Sema-tfiene donne a la famille 
Hia plus que Pankou . . 2S 

ajoutons y fon calcul cfe . . 230$ 

nous atirons ans 2422 

Je n'expofe ces divers otlculs , que 
feulement pour faire voir k coiribien 
d'ann&s on pourroit faire remonter lea 
temps entre te commencement du re'gne 
de Yao, & celui de I'Ere Chrdiienne; 
mais tenons-nous-en k cdui de Seipa- 
couang, de Couplet, deFourmont& 
autres , qui fixent la premiere annde 
de Yao k 2357 ans avant Jefut- 
Chrift. 




2s6 De la Population 

CHAPITRE VIL 

Hiftoire Chinoife jufqiCh FohU 

EXaminons i-prdfent ks temps & fes 
regnes qui ont prdcedd jufqu'a Fohi; 
(i ces regnes font furs & vdritables, 
ou s'il faut les rejetter. Ddja tous les 
Auteurs que j ai nommds & plufieurs 
autres , les grandes annales mfime, 
fixent le premier Cycle a la premiere 
annde de Hoam-ti ; foit que le Cycle 
exiftit ddja alors , ou que les epoqiies 
ayent toujours ^t^ regard^es de toute 
anciennet^ pour fi cercaines , qu'cn ne 
s'ed fait nulle peine de les y adapter ; 
toujours eft-il /Qr qu'on a comptd 
7 Cycles ou 420 ans depuis la pre- 
miere annfe de Hoam-ti k la premiere 
de Yao, ainfi voila ^777 ans; fi Ton 
veut ne comptons avec Fourmont que 
1704 parce qu'il n*a que 6 Cycles de- 
puis la 8^ annde de Hoam-ti k la pre- 
miere de Yao , & qu*il difiere en la 
dur^e de leur rdgne; Sema-couang la 
fixe a 2697, Nan^hien n'ajoute pour 
les regnes de 5. Rois (i) que 34.0 ans > 

(1) D'autres nc nomment que 4. Rois, 




ie TAmirique. 257 

ce qui feroit avec les 2357 en tout 
2697 ans, comme Sema-couang; M^ 
Freret n'en accorde que 241 pour ces 
regnes. Nous verrons en fon lieu la 
raifon pourquoi la plupart des Mis- 
fionnaires abregent ainfi les temps ; mais 
plufieurs n'en conviennent pas, & s'en 
tiennent k Tautoritd des livres authen- 
tiques des Chinois. 

Enfin adoptons la moyenne de Four- 
mont , & plajons la premiere annde de 
Hoam-ti en 2704 avant Jefus- Chrifl. 
On objeftera : mais puifqu'il y a tant de 
diverfes opinions entre les lavans fur 
ces regnes, ne faut-il pas les rejetter? 
Pe(pere que ce ne fera pas ferieufe* 
ment qu'on infiftera. On ne niepas 
les B^lus, les Ninus, les Semiramis, 
les OGris, lesSefoftris, lesSaturnes, 
les jupiters, & tant d'autres, quoi- 
qu'on diflFere de^ plus de 1000 ans fur 
Ie temps auquel ils ont vdcu ; mais ici 
il y a bien plus. On convient , & on 
n'en fauroit douter, que pour cequi 
f egarde les Dynafties , tout eft verita- 
ble, prouv^ & inconteftable : or la pre- 
miere , Hia , commenffoit par Yao des- 
cendant de Hoam-ti ; celle des Chang 
& des Tcheou en defcendoientaufli; 
par cenf^quentHoam'ti exiftoit ^gaje- 
xnent. 



258 De la Population 

Venons a fes prddecefleurs Xin-num 
& Fohi , ou il n'y a pas Ja meme cer- 
titude chronologique ; cependant voi- 
ci ce que les Miffionnaires en difent 
eux-memes. Nan-hien, fuivant Four- 
mont, qui Ta tire des livres Chinois 
envoy^s par les Million naires, donne 
1 15 ans a Fohi & 140 a Xin-num; or- 
dinairement on compte de Fohi jufqu'i 
Jefus - Chrifl; paflK 2900 , & quelques- 
uns prdciftment 2952 ans ; ainfi avant 
Hoam-ti 248 ans ; ce qui fait moins 
que Nan-hien, 7 ans; car pour les 15 
Rois entre Fohi & Xin-num , les annales 
ne les admettaht pas » il n'en faut pas 

Farler. H auroit dte k /buhaiter que le 
ere du Halde n'edt pas fupprimd une 
traduflion litterale fur ces anciens temps 
critiques, qu'on lui a envoy^ de ]a 
Chine. M'.Freretdit,quedeviendront 
jes neuf Princes que les annales comp- 
lent avant Hoang-ti & dont Texiftence 
eft aujourd*hui une chofe inconteftable 
a la Chine ? Mais il fe trompe ; il tf y 
a que Fohi & Xin-num qui foient re« 
put^s inconteft^les, & nonJes 7 Prin-^ 
ces qui ont T6gn6 dans cet efpace & 
intervalle , que plufieurs regardent com- 
me fabuleux , ou comma contempo* 
rains » foic de k m^me famille , Ait 



de TAminque. 259 

Princes tributaires de Fohi & de Xin- 
num ; nous en parlerons Jorfqu'il s'a- 
gira du temps ante'rieur a Fohi : bref 
tous )es Miffionnaires s'accordent fur ce 
point , qu'iJ n'y a pas plus de doute chez 
Ics Chinois fur residence de Fohi & 
de Xin-num, & fur le commencement 
du r^gne du premier, que fur tout le 
refte de leur hiftoire. Auffi le» Auteurs 
du Recueil des Voyages difent que dans 
le grand temple nomm^ Ti- vang , ou 
celui de tous les Rois pr^cedens, dans 
la ville Imperiale de Peking , on trou- 
ve les (latues de tous les Empereurs de- 
puis Fohi ; ainfi il eft reconnu authen- 
tiquement par les Empereurs, par les 
Grands, par les Savans & par le peu- 
ple. Mais ce qui en proave la v^ritd 
inconteftablement , eft un fait certain 
& av^re par tous les Hiftoriens Chi- 
nois, fjavoir que Vu-vam, de la Dy- 
naftie 6q Ciao, a gratifi^ ua defcendanc 
de Xin num plus de 1700 ans aprds ce« 
lui-ci, d'une Prindpaut^. Or fi fa g^- 
n^alogie n'eftt pas 6t& conftat^ , indu- 
bitable, & reconnue gdo^lement, la 
politique de Vou-vam auroit-elle per- 
niis de reconnoitre qu'il defcendoit d'un 
Empereur fi ancien? N*auroit-il pas du 
le traiter plutdt d'impofteur , de crainte 



fCo De k Pojyulathn 

qu'il ne format des pretentions fur TEm* 
pire? Quand m€me il auroit cru fon 
origine veritable, il en auroit fans-dou- 
te uft tout autrement, s'il n'avoit vu 
que tous fes fujets la croyoient ^gale- 
ment vraie; & c'eflce qui lui fit pren- 
dre le parti de le gratifier d'une Princi- 
paut^, II faut done convenir que Xin- 
num a exifte ; audi pIuHeurs le difent- 
ils frere de Hoam-ti, Quant aux figu- 
res qu'on donne k Fohi , dont on die 
que la partie inferieure etoit celle d'un 
ferpent , & a Xin-num dont la t&e etoit 
celle d'un boeuf , on fent aflez que c'eft 
une alldgorie a la maniere des ancieqs 
temps ; & que par ex. cette t£te de 
boBuf fignifie qu'il a invente ou perfec- 
tionn^ Tagricukure, & peut-etre Tart 
d*elever le b^tail; tout comme au lieu 
de rejetter la Mythologie des autres 
peuples, nous tactions de I'ezpliquer 
en d^couvrant le vrai qui y eft cachd (2). 
Adoptons done Tepoque ordinaire , 
que Fohi a r^gn^ comme premier Em- 
pereur de la Chine 2952 ans avant TE- 
re Chrdtienne. Que ferons-nous des 

temps 

(2) Que deviendroient toutes les techerches 
favantes de M'. TAbb^ Bannier , fi on rejettoit 
tome la Mythologie? 



texDpscantiecedens, depuis Puon-ku k 
Fohi? le voicil 

r Fourraont aflbre que Puon-^ku figni-, 
fie Taine fia vailTeau , & pretend qiie 
cexijndiqqe dsucemetit Japhet ; cotnme 
jdn!ehtends pai Iikitlgife Ghiikfife , j V 
jQuteroii foi 4 ce qu*il dit, s'il n'^coif? 
pas contredi;t par d'autres, par les CHk 
Boismeme^ ^ r - [ -' ^■ 

. . M'v Ereret jditqu^ Pflon-ka , Poiiane^ 
coa,icm(Hdede«dme, Q^i&eleCihbs^ 
i'origiiie da^onde. La Table delvien^ 
seliic expreffment que la Chronologie 
Qunbife commence par ces mots; que 
tfds^anciennehieiH: une hnmenfe- qoati^ 
ttt^d'e^:^toit'iii6l^aavec la terre^, & 
que depuis un grand lOiombre de ^etlt^ 
Sls^en fit une divifion qui produifit la 
forme ou la raifon de toutes chofes. 
J Oh voit par ceci-, que les Chinois ne 
patient point 4^ I'£ternit6( du- monde § 
siajfi.de. tempsi^anciens f di^ ^fleuriii' 
fiedc9^i& .ail'ils 'croyem , aufli peu que^ 
miA^ que du temps de la cr^iation de 
5^yle la terre ait 6t6 CT66e de rien, 
mais feulement tirde du Cahos , oii elle 
a 4c^ pedant peut-itre un grand nom« 
biei^jiedeti c: 'j . . •:. ^ .i-Vi •:••..; 
.t)*3wwaei'^p]ic9tion "i^es iSa^^ h 
JSmn i^ le^ao. ne different- gueres dd. 
TmilF. M 



262 Derla'PapuliitiM 

Taj'ku, ni da P^on-Jka , & qoexeibnc 
comme des Synonymes. .. 
/,.-UTig;j£jHit.'^tlMO fi90|ieiAnm]fierice 

ku il dpooe TiQEKhoiBi avec Ixij^facdrs^ 
i^urs qu'jl nomm^ fireres , :de la Chrono* 
U}gie , doDt nous venoDs^deqparler ^ oom^ 
me Tien-bbang-fchi , I'llluftne finsiUe 
C^lfftede A3 ftef^SL^qmri^ienentt^a- 
cii}n 180C0 aas; eDfuite 3i->b6ani , i:o(» 
Ij^i-hoang' fchi , J'illuftie >fandUe;tems« 
tre de oDze freres , ^ legosBcnt iSf ^;. 
auili igooo an$:i aprestreox-ci ^Giiii* 
beam, oujGnh^hpangifchi, lUlluiii!e'£i«: 
SBiIle ^iMpaine 'de 9. irenes i[m p&gxi^ 
^enc chacun 4560Q ) tfim alora YenkqoOf' 
ichi J la famiUe frii£Ufiaote , qni emei- 
gna aux hommesjk cultirer les artoesf 
& a s'en fervir pour hhix les maifons ; 

en6B lacdiiqiijj^me, iSuiigin-fchivisil^ 
^ille des l^piom^ igi^Svy qui eaaSSpSM 
aux hommes ^ atliMaer Ihiieu y^entoor^ 
nant & froccanc deux pieces ^e boisV^i^ 
ne dans Tautre , k fondre. lesmtfcana: ^ 
^^i cuire la diair. ni 

rVojIajdonc les . famiBes : nimort^i 
avant Fohi ; chez les Chinob'^UrotoaMi 
che:^ r|^ Eur(^^eiis pqQdqtidS»«ld#^e- 



i^nime mythologiquey oa dftronofni^ 
<)ue, cQtnme nowhibvak Yigaxd de 
I'hiiftoire Egypdeniie, V 
. : II eft fQr qu-on n'en ffauroit ijonher 
une folution fQre & incQmeftd>Ie , joxais 
par-]^ m^me il eft permistle faazarder 
4es conje6lures» ^cant dans I'ldee da 
P. Couplet , qui dit qu'un Europ^en 
<i|ui rejQd.cbit: atceiitivement fur ces fa« 
^les que les'Cbinois rejettent, y en* 
treverra quelque lueur de veritd) 
y^ quod eh fidentius affirmo^ continue- 
t-il , quod omnes ferd fabula ortum fuum 
hghant ex.eo quod fabulofum non eft. 
J Je fuls enciieremenc dans ces id^s. 
' • ' ■ ' 

■ ■ • \ . 

chApitre vrit 

^ . £xplkafion des fabks ou tra^ms : 
. ? Cbinoifis.^ . 



! • >■ » 



Onipeutibnner deux hypothefesis* 
£>2 probables. 

... Jja, premiere, que les Giinois ont ea 
ks Biqmes ixadkiooSique les Qrientaux ; 
(gsviQir que ^notre globe a 6ti^ habite 
flotii^flS^IKur.d'^atxef DT^tores:; Atque 
ieief!isiiantiesi£DniUBi;cdtefle Hkm^ 

M 2 



1^4 ^^ ^^ Populaim 

hoang-fchi , & terreftre Ti-hoang-ichi , 
& que feulement enfuite vient Torigine 
des defcendans d'Adam, par la fiunil- 
le Gin-hoang-fchi, la famille humaine. 

La feconde , qui me paroit plus pix>- 
babte , efl: que la famille celefle eft cet 
le des enfans d'Adam ou de Puon-ku, 
nominee c^lefte , puifque leur pere dcoic 
d'origine cdefle , cr^^ immddiatement 
de Dieu; la feconde terreflre, un pea 
rooins illuftre ,& la troifieme hamaine^ 
comme toujonrs moins parfaite. 

Avant que d'entrer dans une difcus- 
lion ulterieure , 11 fauc prdvenir Yob* 
je6lion tres- forte centre cette hypothd- 
fe , & qui feroit fondle fur ce nombre 
exborbitant d*ann^ comme auffi fur 
celui des perfonnes; m^s felpere d^y 
facisfake. 

Nous avons d^ja fait voir ailleursi 
prindpalement k I'occafion de rhiftoi- 
re Affyrienne, qu'pn ne peut rien con- 
clure du terme d*annee , qui ne ddfigqe 
91'uh efpace & une diaoenfion del 
temps eh general , & que liiivant let 
apparences dans les premiers ^es'on 
ne s'eft fervi pendant longtemps ^e da 
iralcttl des jours , oomme il a 6i6 proi^ 
v6 k F endroic citd , par les Sans^ & qQ*OQ 
4idani2^de.m&ne 1iQmjde.Sam2m.aas 

'. v. 



ie TAmirique.^ i6s 

jours & aux anndes; ce qui s*accorde 
encore admirablement avec THiftoire 
Chinoife , ou quelques Auceurs veulenc 
qu 'autrefois Ie Cycle ^toit en ufage pour 
les jours , & qu'il ne fut appliqu^ qu'en^ 
fuice pour les anndes. Qu'on conCdere 
fimplement , fi aujourd'hui encore Dieu 
creoit un hommJe fait ; ou qu'on ^levac 
un enfant fans rinftruire des diffi^rentes 
:dimen(ions des jours » mois ou annees ; 
qiuffi-t6t qu'il pourroit s*exprimer, U 
t^emanderok ; qu'efl-ce que ce change- 
ment de temps ou les tdnebres & la 
clart^ fe fuccedent fi ri^guli^rement ? 
On lui diroit, nous appellons une pa- 
reille revolution de temps d'une fois 
dartd & d'une fois tdnebres , un jour. • 
Bon ! penferoit- il ^ j*ai dequoi me fixer ; 
il compteroit par jours , & feroit longw - 
temps avant cfe remarquer Ie cours de 
la Lune : auffi je doute que parmi les 
habitans des yilles & parmi les perfon- 
nes de condition il y en ait beaucoup 

3ui de leur vie ayent obferv^ Ie cours 
e cet Aftre & fes phafes diff^rentes., 
qui puiflent m6me dire de quel cdt6 el- 
le commence k crottre & a d^croltre j 
ainfi il a pu fe pafTer bien des millions 
de jours, avant qu'on ait commence 
par les lunaifons: ce ne fut qu'apr^ 

M 3 



i66 Dm b Pdpuktion 

blen des mifliers ou miiliaos de jmm^ 
& loriqu'6n troava mcommode' far no^* 
thode d'accumuler & de calculer tatt 
de jours pour exprimer ou fixer une 
^oque, qufon commen(fa a fc fervir 
d'une noureHe p^ode^ par le renoo- 
vellement de la lune ; car poor celle dk 
Ibleil , elle eft (i difficile a obferver, 
qu'il fallut bieades fiecles avant que de 
parvenir k fixer k peo-pres la duree de 
Fann^ folaire, comme nous en ibni- 
mes convaincus par tootes les. hiftoires 
andennes (i). 

Or fi nous calculous les joiirs des trois 

gremieres races , & que nous les rddui* 
ons en znn6^ , nous n'aurons qu^en* 
viron 224 ans;^^ ii reftera alors encoce 
affez dr temps pour PiiCMf^u., fiippoi^ 
que ce (bit Adam , & pour les deux des« 
nieres races , avant Fohi ; & quant: aux 
Bombres des perfbnnes , Ta. Chronologfe 
les nommant freres , il eft clair qu'ils 
ne peuvent avoir regnd fuccdffivement. 
.Com roe te nombre des deux demieres 
races n'eft pas fixd , on peuc ibupyonner 

(i) Les Chfinois cmt m£nie' aoe cfretir dans, 
leur calciil » qui £ait trois Lunaifons ou 8^ 
lours en i88o> anndes , fuivant le calcul de 
M». Freret , M6m. dr I'Acad. des Infciipt. 
T. XV. J). 6gi 



tjd^on commenja 'afofs'^' compter 1^ 
fonailbns^; que ce$ nombres diflKrafnt ft 
fort d*avec Tes pnfcddens von Ifes a;ortii^ 
'Af qite TbW, qirfidoir avoir mvefite 
f AftrotibfftJe , Z' it^hTi^c.prtmkff^- 
iiie^ {o\m€ zu^v %if qfull ^tditprdftft 
t)le ; c*efl: pourqiiof on n*a pu. encore 
€h d^tef minterles annees & les epoqtle^. 
' Encore une raifon pour fortifier nioA 
li^pdch^fe r oti -iompte generalemtnt 
driq' gdh^atyons' apr^ Et^^n-k^ c5a'te 
cdththehceiirenr d a- itionde ; fenfuite' FoJ. 
Ill &-^ Xifi-n\irnf ;; apr^s ■eiii'^ jafqU'i 
Yao: la diflpi^rerice emrecelfe-ti.& cet 
le de Moyfc depuis Adanr'i Nod;etf- 
rfle fi gftWdef? JXl-il ri^fl3ire de'n'oji 
^tt^ttr^; -pr&ifejinetit^ cm6 ^d/kfP^ 
tiotfifti€*vivdedtri.'ift itf iionfcre'i^^^ 
ti'*ifieey? I^tw v^^ non.' M* 
fhttfiftih pstTVmt a g6^ ans, St'Lamecn 
iewV fife- feulement i 77J^ 
*'• II effcfferic trifi^niatiitel de juger qiife 
tea* :q^i' tfaverfoient' liAe d^^ 
menfe -de pays inculte, ipufFrant 
i&(biFiS*mil!eincommi6Jlt^s, deVofeni: 
abregerleur vie bienplus qiiecesdesr 
fcendans de Seth qui reftoient toujour* 
h«ariqi(i1tei diins-'leut patrie: airifi un6 

y^&a lup^er avec Id p^iis fortb probar 

M 4 



a6Z De la Population 

bilit^. FinifTons par une autre remar* 
que. Sanchomathon place I'invendoB 
des arts i-peu-pres dansle meme 
temps; il e{^. vjrai que (Pu^^ ^op & (p/^ 
devoient etfe 6ls de Ttvo^ otd Ca'in\ & 
petit-fils d' Adam , ici ce d eft que la 5^ 
famille qui inventa le fer : par contra 
il. attribue a la 7™^ generation Tart de 
travailler le fer , au lieu qu'ici c'eft la 
mfime s^\ ^ ce qui eft plys vraifembkip 
ble, vu que Cain ayanc bat i .une viliej 
il falloit avoir' Tu/age du kx: k h 4">S 
]es Chinois attribuent Tare de b^tir les 
maifons ; & (i on veut abfolument in* 
h^rer fur cette diflF^rence^ qui eft rres- 
petite pour des temps fi recalls » il faa^ 
dra adopter ma. premiere hypochefei 
alors la 4»^ familfe & la 5«>?. foivroieni 
plus pr^ 9 & reviendroient k-peu pr^s k 
Cain & fes fils^fuivant Sancooni^oo» 
Au refte, en les platan t plus tard» 
11 n'y aura point d^mconv^nient ; un 
peuple errant par le monde n*a pas 1$ 
temps de fonger aux arts dont il n*a 
pas befoin , & bublie plut6t ceux qu'il 
favoic que d*en ixiventer de nouveaux , 
jufqu'a ce qu'il fe foit fix^ ; & par con« 
fdquent on en peut conje£hirer tout 
ce qu'on veut, & que fi les Chinoii 
Tout defcendans d'Abcl , ils ne pou« 

voient 



•I . 



ie TAmhique. 269 

voienc pofleder de vaides connoiflan^ 
-ces: il fuffit que les Chinois eux-meme^ 
comptent environ 4.000 ans depuis 
Puon-ku jufqu'a TEre Chretienne, com- 
iine nous allons rexaminer dans la the* 
•fefuivante. 



— 1 1 " 



CHAPITRE IX. 

Pourquot on a tdcbl Sdbriger la 
Chronologie Chtmife. . 

Pn Ous avons ddja remarqud Ibuvent 
que nos Europ^ens one t^chd d'abr^ger 
la Chronologie Chinoife tanc qu'ils ont 
pii , & qu'ils ont adoptd toujours celle 
qui refTeroit les temps , pr^f^ablement 
a toutes les autres^ 

Pourquoi ? La raifon en eft dair^, 
lis ne pouvoient Taccorder autremenc 
avec Tuniverfalit^ da dduge. > 

^ Us ^toient m6me obliges ^adopter 
le cadcul Samaritain, & encore quel^ 
ques-uns confeflent que ce calcul (& 
i peine celui des LXX.) peut fuffire; 
lis ont raifon ; qu'on fe fouyieiHie de 
ce que f ai d^montr^ ailieurs , que celui 
^ LXX. m^nie n^eft pas plus , ni auh 
taat; favorable que. celui det HdbixuDt^ 

M 5 



tjo Dt la Pt^pubtion 

fuifqu'il ne s'agiflbic pas du nombie tTan- 
n^ & de fiedea^ oaais de la nuiltipii- 
cadon du genre humsun. Ou'en fappo- 
fancavec letH^reux que les homnKit 
ont eu des tnSsuDBdpris ime b^n^iftioa 
toute fraiche & fans-douce efficKe^aotf^ 
fi vile qu*aujourd'hui , al'age de 15 k 
20 ans, it en a pu provenir dans fcim 
pace de 200 an? un nombre infiniment 
fup^rieur k celui qui proviendroic en 
6 oil 760 aASy QVon fiippofe qme les 
hommes n'onc commence k avoir des 
enfans que dans leur I3o^ annte; aiij- 
ii ni celui des Sftcnaontains Bides LXX» 
ne fere en rien a eeci, que poia- le nom- 
bre des ann^: mais faifbns quelgue» 
obfervations tres-impoitances a ce fu- 
jet; Nous avons dit queries Chinois font 
reraonter Tdpoque du premier homme 
irenviron40o(>ans avant Ji^us-Chrifl; 
Lieou«^ibu dans fon Ouay-ki faifoit re^ 
xnoncer Tantiqiiit^ depuis^ r£re Chr^ 
tienne: ^4^44 ans jufquta Puon-kui^ ou 
h Cahot & Torigine du monde^ oe qui 
£ut voir qu'il na pas prift ce nombre 
infini d'ztmi^s poor des amines jfblai;* 
res; on a rgect^pre/que g^ralejsienc 
£6n opmhxij coimne allant troploin: 
jpar^comienoiti toycosiqi^'on place For 

M ^ railap92;& :qufcttlip€ir6raia9;rCI^ 



ans chacune, & onreviendta'p^feH®. 
htient m^ ciftlodli'^d^is^tiehieUf^ ^urque 

Tium '^4o*4>lfo8toitl f^fme i<ikf on 

100, k Xun 50 ans de r^gHgy/Siirfi^ 

d^iiisi f ' 4 ^ 96b >kfis>,;^i^l[<^^ W ^Ui^ 
etih^Oiter ad clefk de idtib'aD^y (! les 
Ctiindis eoK-memes-ne recfemnoiflreleiit 
la piriode Aer 1^44 dfiSGVt prefcfiie Hoo 
ttrA trop k)i^ue^^ & qi^feff^effiSefaS ils 
D0 dor^ene i^ f^i'lbde ^trdPuo&ka 
t& Fdhi cjM 1000 ans; QUS P^i^ug^ 

Une nation, qui ignDroit iji'il ' y efit 
UH caUruI H^breui, Kimaritam ou'^ree 
au m'ondb , .aprdi> pltifiear^ttfiBfe^^s^ 
fbatierit- une^ GhWnofe'gie* aljfo[!ifT^M 
€c«rf6rme S^ celle ^e^' H Arepi ,- dep» 
le Gaho8^ jufi}tfa j^efehcT Qtie I*» pari. 
tifan» de» autres calcoJs merallent vofr 
quelque chofe' d'approchaht en tear fk^ 
vem.' Nfe paflbns pas^ CovtB filepd^ en 
itttre atfidit des^p^bs-iinpontin^;'^ 

M 6 



S7^ ^ ^ Pofult^ion 

Auteuis ne fjachaoc comment s'y pren» 
dre font divers aveux qui m^ritent d'df 
ire examine. 

L' f» Vpvani» difentnib ,. que le calcul 
^ dp Tiou-choa pouvoit fe ccmoillet 
^ avep la Chronologle dp Texte Sama- 
^9 ripsun , . 90U8 fomme$ .entr^ dans l^ 
^ detail de cette conciliation ^ ; ijs aflb- 
rent en outre qu'U f^ trouve'^cks Juifs 
dans le Honan^ ^ablis 50a aiis apres 
Lao-kioune. 

Void encor^.qaelque chole de biea 
lemarauable que dit le P. GaubiL »» en- 
9, fin le Tfou-cbou & les Auteurs re^ 
,, jett^s par Pankou pourroient bien 
^1 avoir pris leur id^e de ChronoIogie^ 
'^^ ^u moins en g^n^ral , da calcul de la 
9^: Bible Juive ou H&raique^qoi a ^t^ 
^ furement a la Chine j^tiufieurft fiecles 
^ (ailleurs ils difent cinq /lecles) avant 
^^ Jefus-Chrift; Jai parle plufieursfois 
92 de cela dans ce ^e j'ai envoye eq 
^1 France, des Juifs de la Chine. " . 

Ces av<^ ra^kent refilexiofi. Les 
Jiufs fe font ^tablfs cinq ^ ou du moins 
plufieurs iiecles avant J^fiis-Chrifty ils 
auront ^dians-doute encore longcemps 
jen chemin avant d ; arriver : queU 
Tuifs feroncce? peut-£tre des Tribus 
dc Juda & jie Benjamin^ ^uojq^ue cmsk 



qdi ont et^ emmen^s captifs $ B9 & 606 
ans avant J^fus-Chrifl foient refits pour 
k plupart k Baby lone & dans cet £m« 
.pire; r^Ecriture Sainte le dit, fur-tout 
dans h Livre Eflher , quantic^ fonc ret 
tourn^s k J^rufakm avec Efdras , Ne- 
hi^mle & Zorobabel^ les autres ont 
tnieux aim^ refter k Babylone , & y onf 
€U leuvs principales Synagogues , Aca^ 
4^xnies & leur Prince de la captivitd; 
Jes juifs qui n'ont pas iti cranfport^; 
^anf c^s paySs.fe font fauv^s en Egypr 
[tfi'i. $H]( bie^ ce font <ies reftes des di^i 
TribuSy 4ont on n'a eu aucune nouve!* 
te, & qu'on a places toujours plus au 
J>7iprdy& k l*Orieni: dans quelquespay^ 
jncQnnus» au del4 da prdteti^u Fleavc; 
SaJ^athion, qui pourrolt fort bien ^tre 
b Rivijsre. Jaime , laqubre , c}e in6mq 
que celle de Kian , prend fa fburce dans 
U Thibet & fornoe , avec elle , comme; 
une Ifle des Proyinqes de Xepfi & de 
Honan J lefiflurs:!^ prejcnier 6w» tre^-, 
fapide & ch^ianr|CH]jpurs ck jimon , d^ 

forte que. I'^au ^ef^;tr;0«ble .^^.^^^ 
ce qui lui a donn^ Ton nom : cette capti« 
yit^ eft de 718 ans avant J(^fus-Chrift ; 
& de cette fa^on ils pouvoient bieo 
^tre ^tablis jdnq^jiede^i^yanc r£re 
Chr^tieone d^. lajfrx^vjnce ^eHonaa i 



274 ^ ^ Population 
tnais qu*on fuppofe lefquels on vouiita 
meme de la Tribu de Juda, ils y feront 
arrivez depuis rAflTyrie ou depois Bs^ 
bylone , & non depuis la Jud^ , qu'ib 
re^rdoientcoiBfm^ uneTerre (ajnte& 
laTerre deRtMniffiem, &!. par confer 
quenc R les partijfatlft du texce- Samavi- 
tain » (i un P. P^zron foutienc wee tant 
d'audace que le texte H^btea a dctf 
corrompu depuis que le Meffie eft ve^- 
iiu ; fi les Miflionnaiiies mStnes ptefe- 
reiic la Chronologie SatbiHitmne & 
Greeque k celle des'Hi^breux^ il»^ (bat 
fans doute bien ihfomifSyde tdue ce q» 
regards les Jliifs dtiHbnan,'&1ecK 
Gaubil a envoy d en\£drope ddverfeg 
relations ftr ces Juifs } poupquoi n^ 
Botis font -its pas* parir ^ <l6ur T^ 
tah m Bibfe' ; . pour prauVer qu*etit 
eflfet le Texte PKhreti eft cofrompu-^ 
ft qu^onrecrbovecbezf ces Jliifli jes^ari^ 
dent Exetfiptairet authentiques , con- 
fbrmes fcMt au^^Maritains, foit&la 
Verfion des LXltT^ftein^gloirepotttf 
edx d' afonr £!hc one d^eoay^r te bieii 

?(lus impof tante , que cdie dfe toace 
hiftoire St Chronotegie Chinoife! 
Ma^s ils h*ont garde dt faire urie pft^ 
mUe imprudence oui reiivcrfelrbit feto 
fyftftne^j >u- que cefe cfer jfiiifr dli^ifei 



de TAmirtque^ 27 ^ 

nan eft fans-dcfute conforme a celJe d» 
texte Hebreu des Juifs de TEurope , & 
k celle que nous avons entre les mains : 
ces P. Mifilonnaires ne veulenc pas par- 
Jer clairemenc,.inaisillei^^chappe too* 
jours quelque vix\t& fans y penfo*;^ l^ 
p^age- cit^ le fait voir ^videmment| 
]e TfoU'Cbou & les autres Auteurs, qui 
ont reflerr^ la Chronologje , & qui pour 
cela font rejette's par leshabilesLettrds^ 
& par le Tribunal mSm^ , doivent avoir 
pm lew idie du calcul de la Bibl& Juivf 
ou des Hdbreuxiqu* on ne s'y tromp? 
pas i line sfagit point des Juifs de r£u* 
TOfiQ y mais de ceux qui ont 6t6 etablis 
a la Chine pludeursfjecles^avant Jefus^ 
Ckrifl; & q^ etolent ignores du refl^ 
de leur nsdon , qMi meme^ k ce que 
d-autre& Auteurs afluirent , ne ^^voieoe 
aJsfoIument rien irarxiiit^des premieiv 
Chredens de tout ce qui s'^oit paflS 
par rapport i J^fu»-Chrift , de fa venue 
&de fa ndoru £(l-ce qu^ nes %ani^an«i» 
& les Miflbnnaires fur*toat> ne de* 
viioient pas §tre convakicus p^iaement 
par cette feule raifoiK que la feute Qtro^ 
nolog^e da Teste I^breu doir. §tre re^ 
§ardle pour auth^mique & les autres 
fej^tti^>, pttifi]ue eelledont les Chiimi 
mkfiak Iaxkwi^€^aen]ue{);.confiQrs!» 



276 De la Population 

k celle de notre Texte H^breu, & M> 
fide pourtanc depuis un temps , ou on 
n'accufe pas les Juifs d*avoir alors cor^ 
rompu le texte, mais bien les Samari* 
tains , va que (1 ce font des Juifs des 
dix Tribus qui ont apportd la Loi a la 
Chine , ils devoient avoir un Code Sa* 
tnaritain ; fi ce font de ceux des Tribus 
de Juda , ils font apportee avant la £al^ 
fification prdtendue. 

Difons un mot de la Tradition Chi- 
noife fur la Tortue: le P. Gaubil dit: 
,« Leur Hidoire racohte fous Yao , la 
,, fable d'une Tortue de mille ans , qui 
I, svoit grav^ fur fon dos des cara£te« 
,, res oil Ton voyoit ce qui s'6toit pas* 
I, {6 depuis le commencement du men- 
9^ de. Ces Auteurs Europdens qui fa* 
vent audi peu que mo| comment expli- 
qucr cette Tortue, conviennent pour- 
tant que Thiftoire des anciens temps k 
pa 6tre grav^e fur r&aille d'une Tor-^ 
tue , & y trouver place, comme ne con* 
tenant que pen de faits. Je veux bien 
tie pas les contredire ladeffus, mais 
bien fur ce quails fuppofent que rhifloi* 
re de Yao, de Xun, & de leurs Pr^* 
d^ceffeurs y a ^t^ dcrite , ce gui eft 
contraire aux termes de P. Gaubil , qui 
dit que fous Tao Uf avoifune Tortue d$ 



fnille'Ms qui molt gravifurfon dos des 
caraSerer ok on voyoit ce qui s^itoit pas^ 
fi dipuis le comrfi^cement du monde: Ain*' 
fi lliiftoire de Yao ne s'y trouvoit pasi 
(& encore: moins telle de Xun fori Sac^ 
cefTeur. Si aojourd'hui on difoit , il a 
exifte du temps de PhiUppe de Valois 
un MS. ou 6toit ^crit ce qui s'^toit paflK 
depuis Pharamond , non-(eulement oil 
nepourroic pas fuppofer que Thiftoire 
de Philippe s'y trouva , mais on igno* 
reroit en quelle ann^e cette hiftoire ft- 
niflbit. Ici il n'y a que le terminus h 
quo ; & comme Fohi a commence i' , 
r^gner 2952 ans avant TEre Chr^tiew* 
m J qoe de-^li en remontant il y a & peu^ 

Sres 1000 ans jufqu'au commencement 
D monde , il eft p4us probable que 
cette Tortue ne comprenoic que les 
temps antdrieurs a FdM; 

De quelque manfere <iu'on ^Y P^^ 
ne , ni les reflexions ni les raifohhemenjji 
ne pcuvent permettrfe tin autre cakuh 
du les Ghinois ont raifon de faire re^ 
monter leur hiftoire douteufe & my tho» 
logique jufqu'st la creation, ou ils fe 
trompent encore enceei; AilnesV 
git alors , fuivant les fauteurs des Chro^ 
nologies Samaritaine & Grecque, quef 
da dduge pris pour le commencementf 



&7^ D^ h^ Population 

du monde 'y dans le premier carod' ne 
fauroic admectre d'autxe calcal qa& le 
inien , vu que d^uit k^^ptremiere aab^ 
de Fohijuiqu*^ 1^ endation ily a 1048 
ans, ou ea nooabre -rond, iioooansr^ 
Ciivant la Chrondlogie des H^breux^ 
Dans le dernier cas, comptanc ces niii* 
le ans en arriere , en y faifanc compren* 
dre les regnes de Yao & de Xun , nous 
ne viendrons pas feulemenc an deluge 
fuivanc les LXX^ Sd'efpace feroic trop 
court pour les Samaritains, le r^gne de 
Xun ayanc fini en 2207 avanc Jefus^* 
Chrid, & Tannee du deluge ^tant &x6q 
par les Samaricains k 3040 : zmCi fut^ 
vane eux, 11 y auroic ju/qu'au d^uge 
feulement 834. ans, & fi on ie fi]pp2^& 
depuis la premiere ann^ de Yao en re» 
montane il n'y auroit que 684 ans, ain^ 
fi les 1000 ans ne fe troavent pas; 
ooos prenons le .calcul des LXX qui 

i^lacenf le deluge ^3686 ans avant Je^* 
bs-Chrid, il y aura pour le premier 
calcul 1479 ans , & pour le* fecond 
1329, & toujours plus que les 1000 
ans. Ceux qui veulent pTacer le ddiige 
ibus Fobi, ou un pea auparavant^ n'y 
reufliflent pa&non pliis^ catxune'on pel^t 
s*en afTurer par unodetllbien: facile. Si 
done ces 1000 aM d'hiflcure icrite liiv 



de fJmirique. ^jtrjig 

le dos d*uae Tortoe ne peavcit s'ex- 
pliquerque fuivaBt mon hypocfaeIe>; 
que du temps de Yaa on a eu- une hi«* 
toireyun monument antique , qai con- 
lendc les^ idv^nemens^ arrives depuk le 
commencement du moode pendant en« 
viron looo ans qui finkoient ou This- 
toire depuis Fohi commence , & aloits 
Von peuc aifement repondre k la quea- 
;tk>n des memesAuteurs , comment to»- 
;te rhiftoire de ces temps pouvoit etie 
•contenue fur I'^caiUe d'une iTortue^ Op 
r^pondra affirmativement (I Ton fuk 
mon fyftSme pour les temps antdrieurs 
k Fohi; mais il faudra traiter le felt 
entidrement de fjjribal^x fi pn pretend 
que le dos de cette Tbrtue offroit en- 
•core rhi(k)ire de Fohi & de {&. $ac- 
ceiTeurs, & encore plua Q^ on ajoute 
ceux de Yao & de Xun. 

Qa pourroit encore propofer une 
conjcdfcure fur cette Tortue: le P.Kis- 
.cher afTure que TEmpereUr YaO' a in- 
vente des* carafiieres qui reiTembloieBt 
i de» Tortues ; or c'eft du temps^^ de 
ce meme Yao qu- on doit avoir eu uae 
Tortue ou etoit dcrite Thiftoire; ae 
pourroit-on pas fbup^onner que fau|e 
de bien comprendre lesrcarafli^res Gbi- 
nois» UdevToit £cre die qu'on^y a C|ti 



i$o De la Population 

an icnt en Tortue , ou en cara£teref 
de Tortue , qui rapportoh rhiftoire de- 
pois le commencement du monde? aton 
-quaod meme on (butiendroit que tout 
tut ecrit fur le dos d'une Tortue , on 
trouveroit qu*une hiftoire & une gdnea* 
logie telle que oel)e de Moyfe dans les 
cbapitres I V, & V. de la Gen^fe , au- 
roic bien pu y tenir, fur- tout Iorlqu*on 
anroit onus ce qui ne regarde point les 
Qiinois , Sc qu*en fa place on aurorc 
lapportd fuccindlement rhiftoire de h 
criatioju 



CHAPITRE X. 

Les cinq ginirations qui ont fricidi Fobi 
font m$i£kif)ienne5. 

PS Oos ferons fuffifamment convain- 
cos des temps dont il 8*agit dans ces 
^poques , fi nous r^fl^chiiTons que les 
5 generations avant Fohi r^pondent , 
autant que la mythologie nous permet 
de deviner , aux premieres generations 
de Moyfe , de Sanchoniatfaon , de Bero« 
fe. I^ Elles deOgnent les premiers hom- 
ines qui ont invente les arts les plus 
fimples. 2^. Nous avons obferve que te 



k 



de TAmiriqiie. 281 

nombre des generations y repond a pea 
de chofe pr6$, Remarquons en 3"*. 
Ueu la duree de leur rdgne; 10 gen^-r 
xations ont rempli 1656 ans , qui fonC' 
Tun dans Tautre 165 ;ins; ici il y en a 
1 2 jufqu'i Yao , que je fuppofe con-r 
tempprain de Nod, & alors ce (era 138 
ans par generation : or les deniieres 
4evoieut naturellement etre plus cour« 
tes que les premieres , a caufe des fati* 
gues inexprimables que xres voyageuriS 
ont effuydespour traverfer des pays icur 
menfes & incultes , pour faire tant d'ou« 
vrages , & par confequent nous pou- 
vons leur afUgner 100 ans Tgn dans I'au* 
tre de rdgne, ou un peu plus; & nous 
gvons vu ci-defTus que depuis Fobi k 
Yao ces Princes one r^gnd tous depuis 
75 jufqu'a 140 ans, ce qui s'accorde 
parfaitement avec toutes les bifloires 
anciennes; cependant, ce qui eft tres- 
remarquable, les Chinois n'ont euau< 
cune connoiflance des hiftoires des au- 
|res peuples , & par confdquent ils n'ont 
pii les copier, ou s'accommoder de de8«» 
fein prdmddite a leur tradition. 
• Nous venons de parler des arts j c^- 
tains Auteurs, attaches a I'Ecriture jus* 
m'i. 4e9 minuties & des confequences 
ndicules qu'ils en tirent , fornieac Tob; 



28.2. Be la Population 

jefldon, que rHiftoire Chinoife y con- 
tredic, en ce qu'elle indique d'autr^ 
ktventeiirs fde plufieim arcs ; tout com- 
flie fi alorsy ^xmime depuis & encQ- 
ie de nos jours , .jdiverfes peribnnes 
nieuflent pu avpir les mimes idees^ 
6utteEnberg , Faufl , ou Coder out 
fitivant les diverfes opinions invente 
fiirement f ImprlnieFie en Europe, par 
eonr^quenc il fera faux que les Chinois 
Fayent inventee pldieurs fiecles aupa- 
ravanc chez eux, ni meme des cara6le« 
res , vu que Thaut en a invent^ en 
Egypte , & d'aucres nations de meme ; 
nous apprenons ^ue les Chinois con- 
Miflbienc la f^opri^^ de i'hypocenufe 
dans le triangle Pe^^ngle dds les temps 
de Yao ou du moins de Yu. Pythago- 
fe n'aura done pu avoir la mime idee 
& n'en aura pas fait la ddcouverte? 
^elle abfurdite ! 

i De pareilles objeftions (bnt plus di« 
gnes de pici^ que de refutation. 
^ Mais il faut encore raifonner for les 
earafteres des Chinois : nous en avons 
parie feulement pour en tirer une prea« 
tt ^n faveur de Tautheotidtd de ieur 
Hiiloire , ^ ici ils (ervironc i froavet 

^ c'-eft une aatioB indigene kk o^ 
todcime. 



V ' ..-■... A 



Ik 



de rAmirique-.'^ 283 

ToiM les . fares de rHiftoire Chinoi- 
fe, prisengnos, font indubitables , & 
tous ceux qui ont tftd 'a infenie rte les 
exatnitjer , en conviennCTt ; par centre 
t6u& ceUx^i fembhtent jaTcja'aax pre- 
miers fiecles de Yao & de fes-pr^ces- 
feurs , oht befoin d -explications & d'u- 
fie explication forc^ ^ fi on ibutient 
Cuniveriafit^ du d^hige^ nous en avons 
A€yx vu quelques-preoves , & nous en 
verronis encoite d'autres, 

Olle que je tire de leurs caraft^es, 
de leurs 6gures, de leur anciennet^, 
enfin de toute leur nature , n*eil pas 
one des moindres : • en effet comment 
expliquer tout eed *fi Ton fbutieiit ^e 
te d^k>ge a ix.6 univerfd flrque tout le 
genre humain y a pdri exceptdNo^ Sc 
l«fiens? 



_^j 

• ■ • 



:Chapii:ke xi. 

Jshiftoire nncienne S? Ja Chronologic des 
•CSmoisfont inexplicab'les enfuppofant 
• fmroerfalitidudiluge. NiPuon-ku^ 
'•frf Fobi^ ni Too ne peuvent Stre NoL 

POiir'difcuter cette gueftion plus ai- 
f^mentf/itiaut favoir fi* on fixe cec 

•Li 




^84 ^^ ^ Papulathn 

^vdnement fous Puon-ku , (bus F6hi 
bu fous Yao. La premiere fiippofitioa 
eft impoflible , our fans c^p^cer que 
par Fuon-ku les Ctanois ent^ndent una* 
nimemenc t)u le Qhos & Torigine de 
ix)tre glob)^^ ou bkn le premier bod>? 
me qui exifla immddiatement apresji 
G Puon-ku dit^^No^/ou foivanc 
Fourmont^ Japhet, comment lefen^ 
tan. de.fondre kf mecauxi de bitir lea 
maiforis , ont-ils pu dcre inventus feule*^ 
ment par ks deicendans ? (j^mment 
J)endant pafK looo ans jufqu'i Fohi; 
a c-on ignord Tart d'exprimer les iddes 
)ar des cara£leres?. tqutes les nations 
ans exception font reinoater pette in- 
vention aux temps qi^ precedent l^d^-: 
luge; les E^pt^ns prjitendoi^nt que. 
Fe premier 'Thaut a v^cb dans ces Oe*: 
des reculds , & qu'il a dtd, fuivant 
quelques-uns , le mdme qu'Edris ou He^ 
noch, ffiiymjL d'auur^vSethi ^u'on a 
trouv^Tet iiifi:rit>tloiis'fuf des colom- 
nes ,. piliers , pu pierr^. de la terr;^ Sd» 
riadique &" d'auqres: les JuiFs tn^es 
ont attribu^ des Uvres k Seth » a Emdi , 
& a d'autres ;, des, Chretiens « coipme 
leClbrc^&autre^^^irurerit que bien^es 
'^ages de l^'hiftoit^ de.Mojfe. ont ^ 

i des ^c$ dpf Pacriaccbes ant&liV; 



I 




rfe TAnUrique. ftts 

luviens, entc'autres la harangue d^ La^ 
mech , & d'aucres^ qa*ii prcmre avow 
exid:e ^ PoSrnes, ou &/ la rinateiere des 
andens peuplee, eii Hjrnuissy qui com« 
poToieat leur feule bK«(»re.(i). 

Enfin nos Auteiirs jnemea^ qai font 
d^ Puon-ku No^ ou Japhet , convien« 
nent que No^ avoit eu des cara&e<> 
res d'Ecritur^; par quel hazard done 
lui & fes delcendana en ont-^ils perdu 
I'ufage pendant plus de lo fiecles jus- 
qu'a Fohi, & q(»e cdoi-ci eut cant de 
peine a en inventer un petit nombre^ 
& ce encore eii tie fe fervant que de 
lignes? Peu^etrei^1t«on ^u'^avant ce 
temps on a'enav^ic paji)d[pin; mais' 
cette raifon f^roit &ivoleu& contraire 
au fait 9 Vu qu'avant Fohi cm fe fervoit 
de cordelettes ; par confdquent ilg 
avoient abfolument be(bin d'une m^ 
thode pour s'exprimer dequelquefa- 
90n , & jpour conierver la m^moire de 
certains faits 9 des loix , & des arts. 

Suppofbhs avec d'autres que No6 
f ut Fohi J la meme reflexion revient ; 
pourquoi inventer des cara6i:eres pour 
fubftituer aux cordelettes ufitdes aupara- 

(i) L'Abb^ Anfelme fe trouve dans la m&ne 
!d6e. Voyez M^m. de TAcad. des Infaipt» 
T. VIIL p- I. 2. i8» 

Tim m N 



l8(S Tie la Topuhtim 

vant / fi lui & fes anc^tres en avoient 
deja depiiis plufieurs Hecles? - 

Si^polbiis avec led crmfiemes , qu0 
€'dJ: . Y^ ^ui ftt No^ ; d*6u vient 
que lui ayant apport^ des carafleres 
d^ja en, umge avant \t deluge , aucun 
de fefi trois fils connus n'en avoit con- 
noifTance, & qu'aucun des carafleres 
les plus andens , des Egyptians , des H^- 
breux, ou des Chald^ens V n'a pas la 
xnoindre reiTemblance ni aiialogie avec 
ceuz des Chinois? II eft vrai qae quel- 
ques-uns , comma le P. Eircher4& d'au- 
ues , pr^teodent qu'ii s'en trouve entre 
ceux-ci & ks Hidroglyphes des Egyp- 
tiens^ ce qui a ^6 tSoxi tr^-Zbuvent ; 
& que fur-touc Topinion , que les Chi- 
nois font une cobnie d'Egyptiens, ne 
f^auroit etre rejue, la Chronologic 
qu'on adopte^celie des Hdbreux ou eel- 
le des LXX. y contredifant formelle- 
naent ; quand m£me on fuppoieroic 
qu'QTiris ou M^n^ I'y ait conduite, 
^oique nous ne lifions point que la 
Chine ait ^td^onnue, mime de nom, 
Ji ces anciens peuples & dans ces fie- 
des recul^s : il eft i^rai que parmi les 
anciens caradleres Chinois on apperce- 
voit quelque efpece de rapport avec les 
llie'roglyphes, je dis une efpece, ^z^- 



t. 



' de TAmirique. 28? 

g^yphe voulant dire une figure ou fculp- 
ture facree , & on le prend dans le 
fens d'un caraftere ou reprefentation 
cach^e , employ^ pour les Dogmes 
facr^s & par les miniftres de la religion , 
les Chinois n*en avoient point de cette 
forte , vu que leurs cara6teres ^toient 
communs a tous fans difl:in6Hon; mais 
coiiime on entend par-la auflS des ca- 
rafteres fymboliques ou embldmati- 
ques ; & comme par ex. le P. Martini 
nous en a repr^fentd quelques-uns, en-' 
tre autres celui d'un oeil ouvert pofe au 
boat d'un b^ton, Hidroglyphe qu'on a 
vu auffi chez les Egyptiens ; on en veut 
conclure que les Chinois les tiennent de 
ceux-ci; quelle confdquence! Eft-ce 
que la raifon n'etoit pas la m8me chez 
les deux peuples ? quoi de plus fimple 
& de plus naturel , que de repr^fenter 
la prudence dans le gouvernement d'un 
Etat & la providence des Dieux dans la 
conduite de Tunivers par ce fymbole? 
& ainfi du refte. 

Et^n nous concluons de tout ceci , 
que les carafteres des Chinois n'ayant 
aucune refiemblance avec ceux d'aucua 
autre peuple; que leur origine ayant 
^t^ des plus fimples , premidrement par ' 
d^ lign^ droites ^ enfuite par das cir- 

N 2 



28 S De la Population 

culaires & courbes , enfin par tie par^ 
dcs fymbdiques & partie par des fignes*^ 
arbkraires ; la langue elle^meme n'ayant 
pas la iDoindre reflcmUance ni analogie 
avec aucone autre , quoiqu'elle n'ait 
chang^ que peu , & qu'il nous refle en« 
core aflez de vediges dans les langues 
H^biaique, Arabe,.Chaldeecne, Cop* 
te^pour y troaver ceuxde laChiooife, 
fi jaaiais elle y avoit eu qaelque affioi* 
it ; que les mots ^tant monolyllabes 
tout prouve que la langue & les carac* 
teres font d'uoe teUe antiquity & des 
temps fi recul^^ i^ les Joventeors de 
ces carafleres fe font r^>ares des aii£res 
peuples , avant que ceux-ci eufleoc coo* 
nu I'art d'exprimer leurs penf^es par 
des lettres ou des carad:eres. £t c'dk 
de quoi conviennent ceux-m^mes qui 
pr^tendent que Yao oo bien Fdu a 
^te No^ 



CHAPITRE XII. 
Pcuon^ku eji Adam. 

PAfTons k rartkle princip^^s qui eft 
le deluge ; c'eft id oh nous trouvons 
nm Auteurs extrSoiemenc etsbttzaiT^ 



de TAmirique. igp 

lis nepeuvent fe r^foudre k renoncer 
k lear idte fur fcm univerlalite & ilir fes 
fakes ; its tombent par*la dans des dif- 
ficult^s infurmontables; c'eft encore en 
ceci qa'ils font obliges de s'dloigner de 
THiftdre Cbiooife, ou de Texplijuer 
d'une mamere qui n'eft point reftre 
par les Chrnois ; voici les diflF<frentes 
opinions des Europ^ns. Les uns , com- 
me Foarmont ouautres, aflo^entqtie 
Puonku a ^t^ Nod ou Japhet; notre 
raifoxmement au fajet des cara6):eres 
prouve d<ja le comraire ; tenons -11011$ 
icificnplement ^ la queflion fp^iale du 
deluge; les Chinois font unanimes fur 
r^poque de Puon-ku, & ne different 
qu'en ceci, que les uns foutiennent que 
ce nom ne ddfigne pas une perfonne , 
mais le Cahos m^me ^ I'origine du 
monde ; & les autres , que c'eft le pre- 
mier homme, ou notre Adam. 

Or de fixer une dpoque k la creation 
de noire globe, ou bien k celie d'A- 
dam , ce iera la meme chofe : & nous 
voyons <& devons 4tre convaincus que 
les Chinois ont raifon; ils placent Tin- 
vention des arts les plus n^ceflaires & 
les plus fimples dans la 4^ & 5*. g<5nd- 
ration apres Puon ku j or ni les Hd- 
breux, ni les Egyptiens, ni aucun Au- 




20O De la Population 

teur, foil ancien foil modeme, n'a jamais 
featenu qu'apres le deluge on aic eti 
oblig^ d'inventer de nouveaa ces arts 
les plus (Iraples, de faire dufea, de 
CQire la chair, de fondre les m^taox, 
de batir des maifbns, &c. ils convien- 
cent tous unanimemenc que tout cela a 
ete invente dans les premiers temps qui 
fuivirent la creation ; & cette hUloira 
de PuoD-ku & de fes Succefleurs s'ac- 
cordant en gros fi admirablement avec 
I'hifloire de Moyfe & des autres na* 
cions y on ne f^auroit douter que chez 
Puon-ku il s'agit, non de No^, mais 
d' Adam ou du temps de fa creation ; 
Fourmont lui-meme, extremement en- 
tire de fes hypothefes , & entre autres 
de fon explication de Puon-ku par TaJ- 
n^ de rArche,efl: pourtant oblige d'a- 
vouer (i) que „ la Chine n'a pas 6t6 
„ habitee avant le deluge de No^ ps^r 
„ les hommes , que Ton y met des les 
,, premiers temps , aind le deluge des 
,, Chinois fous Yao aura et6 un dduge 
,, particulier ; il fembleroit done que 
,, les Chinois auroient confonda dans 
,, Puon-ku deux hommes; I^Adam, 
9, parce que ce qu'ils difent de Puon- 
,, ku revient aflez a ce que nous laypns 

(0 R<^fl* ctiL T. II. p. 42a 



;, tf Adam , 2^ N66 ; W caraastte qui 
„ fert k expriraer Poon , renfcrmant 
3, celui de vaifleau , \e$ Chinois pou- 
,, voienttils niieux indiquer Noii & le 
,, ddageri; ii'i-ro 

Nous voyoris parcerailbnnementde 
Fourmont i^ quecequicftifitdePuonf 
Jcu revieni ajjez h ce que nous fawns 
iAiam. . 

^ La force de la y.itxii hii artache cet- 
te confefiion; tenons^rious-y^donCy & 
fuppofoms-Ie Adamyjufqu*^ ceiqoe nous 
IbybriR convainois tiu contraire, 

2"". Qu'il avoue un ddluge fous Yao ; 
de quoi nous ferons ufage ci-apres. 

S^' Q^*i' ^*o^^ affurer pofitivement 
que le carafterp .qui fen 4 f^PP*^^^ 
Puon ; d6ibte precifenient&necenaire- 
roent.vm.vaifleaui, ,B^ai^ qa!il refifetmik 
aufli ce termej par cbnfdquent ce n'eft 
pas ane preuve, mais un faic qui ren- 
droirt fa;^pnjeaure. poffible:6pvm^ 
Pfrobable, fi elle n'^tpic cootrj^dlce paj; 
tatit d'autresargyimens; encore. j). iap^ 
ipofer qq'il ait cbtte Qgnification , eq 
quoi T^Qormonc a eu beau jeu , preique 
perfonne n'^cant k meme de le qootxe- 
dire. 

/ Aj.outons ici une rd£bxion : toiis noi« 
Auteurs convi^nnent'que les dilhois 



tpsi ^^ ^ Population 

one une id^ d^.l'origiiiedu inonde, 
& ^u'ils ont conferva des traditions, 
quoique fort ait^rdes, des temps qui 
prdc^cDt le deluge; d^ou vient n'en 
ont-ils point conferv^ du ddluge m^me, 
^fdnement fi confid^able y difons ]e 
phis confld^rable qui fbit arrivitf depois 
ii Citation, fi ce deluge vn'efl: pas te 
in£me que celui fous Yao? poorqiioi, 
dis«je.| 'taonferver les traditions qui re- 
montCDtj^ >656 ans (dusJoin, &oUi^ 
blier «ntidcenient celui ^ui eft miiffH 
plus r^cemment? il o'^'a^ni poflibifiti 
vi probability k cette fuppoHtion. 



mmm 



CHAPITRE XUt 

Refutation des rai/ons qu'cn allegue^pour 
fnontrer que Fdhi eji Noii. 

xAffonsi Fohi; coimne Ton-pe peut 
nier fon exiftence, ni le tempi i^peo* 
As oh if a r^n^, qui pr&ede tou* 
rs le deluge de plus de 600 ans , tous 
Auteurs root bWigiis de recourir au 
calcu! des LXX. ^& de foutenir que e'eft 
le mfime que .le ddluge de No^ ; void 
fes preuves qu-ils ehapportcnt , (i) 

(i)Hift. Univ. T.L'iiage2op, & fuivantes. 




r 



. Que raivant les Chinois Fohi n*a 
point tn dfe pere, & que ceci peut s*ap- 
pliquer i Noi^ , 

fi^ De mime que la fable que la mfc- 
re de Fohi a conju, 6tant envifonnde 
d'un arc-en-cieK 

3^ Qu^ Fdhi a t\t\€ 7 fortes d'ani- 
maux , avec foin , pour les facrifier k 
rEfpritfuprlme du Ciel&de la Terr^; 
ce qui parott proveiitr des fept animaux 
de chaqoe eibece des betes nettesintro- 
duites dans Tarche pour les conferver 
fur la terre. 

4°. Que Fohi demeura Sans la Prd- 
vince de Xenfi , la plus ficude au Nord« 
Ouefl & peu dloign^e du mont Cauca- 
fe , fur lequel (frjivant uile opinion 
rapportde) Tarche s'eft arretde. 

5^ Que Moyfe d*un c8td ne dit ab- 
folument rien de ceux qui allerent Dea- 
ler la Chine au temps de la difperuoD^ 
e renfermant dans les bornes du mon* 
de alors connu , & que de Tautre il ne 
fait prefque plus mention de Nod apres 
le deluge. 

6^ Cette tradition eft confirm^ p^ 
la tradition Chalddenne del^futhrus 
ou Nod, qu'on ne f^ait ce qu^'il devint ^ 
lui , fa femme , fa fille & le pilote. 

70. Que la langue & Tdcriture des 

. N 5 



f. 



\ 



294. . De la Population 

Chinois font fi differentes des autres , 
qui doivent leur origine k la confufion 
de Babel , qu'il n'y a pas apparence 
qu'elles viennenc de la meme fource. 

8''. Babel eft fi ^loignde de la Chine 
que ce pays tfauroit pu etre peupld fi 
vice , s'il n'y avoic eu des habitans avanc 
ladice difperfion. 

y. Les fciences, &c. de la Chine 
ne peuvent provenir que de la fagefle 
de No^. 

lo^ Le rdgne de Fohi, furvant le 
calcul le plus raifonnable des Chinois , 
doit revenir aux temps de No^ ; & la 
longueur de/vies & des r^gnes de Fo- 
hi & de fes Succefl^eurs conviennent 
avec ce que TEcriture dit de la dur^e 
de la vie des hommes d'alors. 

Je vais examiner ces raifons, fans 
apporter la refutation qu'on y a donnde 
au meme endroit , parce qu'elle me pa- 
Toit toe aufli foible pour le moins , que 
les raifons m6mes , fur-tout puifqu'on 
fuppofe que No^ n'a point eu d'autres 
ISIs que les trois mentionnds dans TE- 
criture. 

!**• On dit que Fohi n*a point eu de 
pcre : que peut-on en conciure , finon 
que fon pere eft inconnu auflS bien que 
celui de Melcbifedec^ & que les Chx« 



I 

de rJmMque. . 295 

nois ont eu quelgue foiblp connoiflance- 
derhiftoirc ant^diluvienne , de rorigine" 
mSme de toutes chofes: urie anh^e de. 
deluge ne devoic pas lear avdir faic per-! 
dre 7a m^thoire di| nom de Lamech^j 
qui ne mourut que cioq axis ayant J^;4^! 
luge, k; pere d'un fond^^mCiiUixJixe!, 
ne pouvoit f oUblier fi vite ; au lieu que 
Foni dtant un desdetcendans d'Adam, 
qui aToic err^, lui & fes ancetres, as* 
fez bngtemps avant que de paryemr k 
la Chine, avec unpeuplefauvage, il 
t^itbit pas ^tonnant qu'on jgnorat le! 
nom de Ion pere, qui peut-etre n'eii 
avoit point ; comme on en voit eiico-^ 
re parmi les plus barbares, qui n'en 
ont que de rencontre; en outre cesSau- 
vages qu'il a ramafKs & civilife s , pocf- 
voient-ce itre fes fils & petits-fils? il 
n'y a pas la moindre apparenp^ , lis 
n'auroient pu 6tre ni {auvages'm dis-^ 
perfds. 

2^. La fable de Tarc-en-ciel ne con- 
dut rien ; lorfque Dieu afli^a pour 
figne de TAlliance Farc-en-ael, No^ 
avoit d^ja plus de 6oe ans ; ainfi dire 
(^u'il lui devoit fa naiffance, cela feroit 
ndicule. Si on veut appliquer tout ce 
qui eft dit de Tare- en- del, k cet dv^- 
nement, il faut aufli dire que la D^eile 

N 6 



t9<5 De ta PopuTaiton 

Iris dibit fiWe 6u fetxnne de Nod. 

3». Les fept fortes d*animaax ne s*y 
accordent pas niieux , car il n'eft pas 

{)arld de 7 fortes d*antmaux nets pour 
e facrifice dans h Gen^e, raiis de 7 
pieces de chaoue forte j ced ne.prou- 
ve autre chore, finon f^ue Fohl avoit 
connoil&ncetle h $fl^ence entre l£s 
animaux nets & immondes, puifqu'on 
cdnvient alfec gdndralement qu'Adam 
en devoit avoir conuoiflance Ik caufe 
des facrifices iaits ddja par Abel , au 
moins voit-on c^ue Noe ne la pas igno- 
rde, puifque Diea ne liii a pas nommd 
les efpeces , mais qa'il lui dit feulement 
cu*il devoit prendre des bStes nettes , 
rept de chaque efpece, en fui)porant 
qirelles lui etoient connues depois long- 
temps, 

4^ Quant i b premiere partie de cet- 
te raSfon » perfonne n'a jamais doutd 
que les premiers habitans ne foient en- 
trds dans la Chine par le c6td ocdden* 
lal , i moins qu*on ne fuppofe des Fr6» 
Ac^mites , ou que la terre a produit des 
hommes pa^tout comme les autres ani- 
maux ; mais en les faifant defcendre 
d'Adam qui fut cr66 aux environs de 
Damas, ou de Babylone , il falloit bien » 
slls fe font readus a la Chine, foit avant • 



detAmirique.- .- .spy 

fciit aprfi3^ k .di^iuge^ qu^Us y fufEnt en- 
tr^ par tex(:6ti£ occi^ntal: ainfi cela 
fte prpuve rkn poiirNo^. 
' VenoM au fecond point , qui iqppo- 
fe que le Taurus efl: le Caufrafe^ & ce- 
|ai-ci rArarat;de Mo^fe ; j^uoiquje^nous 
j^Q 9yQns.jd^bjiarle a roccafion du fy- 
(wrae de wbafton, c'eft id lendroit 
bii il CQUvient de difcuter plus ample- 
inent cence queltion. 
; Je demande diabord ii Moyfe a en« 
(endu le Caucafe pv i^ratat? Jej^]fe 
que .pgrronoe ne raffirmera ., puifque 
t&Dpt lie ^connoiilbk que les j^ys les 
plu6 vpifioi^ & tous les.hiftonens fa- 
cr^s font dans le m^e cas. La Perfe 
futjiomm^ Elam, parce qu'Ebm.alla 
Ijabker la Pxo\unce fa plus occidmitale 
de la Perie , & que ie^ Auteurs ne con- 
noiilant f ien au del ji dkmnerent cq nom 
k tout ce vaite Empire , hormis la 
M^die 5 qu'ils aflignerent ii Madai , & 
jainfi du refle; on ne fjpait pas bien o^ 
placer Askenas, Thogarmas^ Be. teak 
c'dtoit toujours du cot^ du Nord^ Kit- 
tim: les uns veulent^ ^ayfcraifon^ 
que ce foit la IVfacMoine^ & les au« 
tres, que c*e(l: fltalie; je crois qu'ils 
^'ont tort,ni les una » ni les autres;que 
lUttim^toit laMacedoine dans un iens 

N7 



298 De la Population 

tf troic 9 Sc dans un autre plus dtendii I 
tous les pays plus ^loignds vers TocxI- 
dent , par confdguent auffi ritaUe, 
n*ayant pas d'autre nom k lui dobner: 
il en efl de m£me de Gog & de Ma- 
gog, qu'on prdtend 6tre les Scythes; 
je veux bien fuppofer que TEcriture 
veut ddfigner que!quefois>/malgr^ ce 
qui eft rapport^ d'Ezdchiel , par-li Icfs 
Scythes les plus proches de la Petite- 
Tartarie , & peut-etre encore ceux a 
^ Torient de la Mer Calpienne ; mais 
comment auroient-ils donnd ce nom k 
ceux de la Grande-Tartarie , dont ils 
ignoroient Texiftence , auffi bien que 
des Indes , de la Chine , & de tant d*au- 
tres pays ? On croira done facilement 
ue Moyfe favoit auffi peu du pr&en- 
u Caucafe que du Japon & de rAmd- 
rique , cette montagne ou chaine de 
montagnes ^tant fitroe au dela de la 
Baftriane ; par conftquent Moyfe tf en 
eut aucune connoiflance ; ainfi il eft 
impoffible au'en nommant T Ararat 3 
ait voulu defigner par-li le Caucafe. 

Ceci ^tant , je demande s'it fauc 
ajouter foi abfolument i ce que Moyfe 
dit par rapport h Thiftoire ou non? 

Au premier cas , il faut n^ceffaire- 
ment placer F Ararat en Arm^nie, toos 



I 



k 



de TAmirique. . 295^ 
les Ecrivains facrds , les Prophdtes m6* 
me, ddfignant rArmdnie par Ararat; 
& rien de plus rifible que la raifon de 
Whifton; c*efl:que,dit-il, Moyfe n*a 
pas entendu parler d'une montagne, 
tnais d'une chatne de montagnes , ainH 
on peut fort bicn rioihmer Ararat le 
mont Caucafe ; mais outi^fif ^^^/e^ nous 
venons de d^montrer que Sldyfe n*a 
pu favoir qu*il y eftt dans cette contrde 
un mont Caucafe , qu'on confidere que 
le mont Ararat , proche de Tancienne 
Artaxate,& peu doignd de Nakfivan, 
qui fuivant que les habitans Taflu- 
rent , tire fon nom de la conferva- 
tion par TArche, eft fitud beauconp k 
rOueft de la Mer Cafpienne , & le Cau- 
cafe par-contre encore bien plus & TEft 
de ladite mer , de forte que fuivant 
quelques Cartes la diftance en eft de 
500 , fuivant d'autres de 800 lieues , la- 
^dite mer entre deux ; & , outre qu*on 
ne prouve pas que le (^ucafe tienne 
par une chaine de montagnes k celles 
de TArm^nie, on pourroit dire plut6t, 
ue, lorfqu'on parte des Pyrenees bu 
es Alpes , on entend par-li les mon- 
tagnes de la Norv^gue , la diftance n'^« 
tant pas auffi grande. 
Mais fuppofons pour un moment que 



3 



goo Dc la Population 

Tarche ait r^pofe fur le Caucafe, ou 

J3lut6t fur le Taurus , eft-ce une n&es- 
ic^ que No^ & la famille qu'il eut apres 
ledduge, ait peupl^ la Chine? Qui eft. 
le pere des Indiens , de tous les peuples 
ennn qui habitenc cette dtendue de 
pays i^iqtpenre entire la Perfe & la Chi- 
ne? Ce-'n6 font pas les defcendans de 
Sem , Cham & Japhet ; on nous d^gne 
les lieux de leur habitation ; cependant 
(bus Ninus & Semiramis tout fourmil* 
loit d'habitans ; n*eft-il pas done plus 
probable que ce font ceux-ci qui des- 
cendent imm^iatement de No^ apr^s 
fe deluge ? Une reflexion le confirme- 
ra 9 & nous en allons parler far la cin- 
quieme raifbn. Moyfe parle peu de Noe 
apr6s le ddluge , mais du moins il en 
parle, & il ell tres-probable que Nod 
& les (lens en fortant de farche auront 
occupy les parties feptentrionales & 
occidentales de Tlnde , foit le j/ays du 
Grand- Mogol, oubienla Perle. Pen- 
dant plufieurs ann^s ils n'ont fait qu'u- 
he mSme famille; nous favons encore 
que Nod a 6t6 laboureur, qu'il a plan- 
id la vigne , & ce qui lui arriva k cet- 
te occafion ; la benddidlion qu'il donna 
h Sem & Japhet, & la malddi£tion que 
Cham , ou Chanaan encourut ; de-lii 



ie TAmirique. got 

peu.&.pea fes hommes ie mtddpliantt 
fe difperferent ; les trois fils que No^ 
eat avant le dduge^ & peut*etre quel- 
ques^uns de leurs ddcendans , allerent 
Vers Toccident , & fe rendirent dans 
la plaine de Sin^ar , ccmime FEcritare 
le marque ; Noi avcc les fik qu*il eut 
apris le ddluge , & peut-£tre quelques 
defcendans de fes premiers fils , refta 
dans ce pays , & leur poft^c^ peupla 
en partie cette grande ^ccndue entre la 
Perfe& la Chine, c'eft-i-dire la Petfe 
orientale , ce qui fait a^pr^fent TEmpi- 
re du Grand*Mogol , avec les Rovau- 
imes de Bengale, Siam, Aracan, Ava, 
P^gu, & autres. Apparamment Noi 
refta en Perfe au milieu de fes defcen* 
dans , car d'oii auroit*on fu la durde de 
fa vie , s'il avoit Mk\ai Chine? auroic- 
ce did par r^v^lation , on par des cou- 
riers ^ablis? 

Le fait n*efl; pas d'aflez grande im« 
portahce, pour foup^onner one Died 
Fait voulu Tet^tei* a Moyfe auhe ma- 
hiere fi extraordinaire ; mais fes defcen- 
dmsifemt toasfircfes&cDuGns ,Ti*a3ranfJ 
rien i -perdre , Ttmceant fans fraix ^ 
caufe de . Fhdfpitamc dtablie dans ces 
pays dctout temps; quelques- uns (Jtant 
peut-fitreauffi inquie»ique ceiac de hoi 



.\/ >. . «i 



302 De la Population 

jours ^ courent le monde; rien de 
plus naturel que de fuppofer , qa'on a 
pu avoir par leur moyen des nouvelles 
de No^ & fur-tout de fa mort » dont la 
xn^moire s'ed conferyee par tradition 
jufqu'^ Moyfe ; ma^ depuis la Chine , 
dans un temps oii fuivant le fyfleme 
oppofif, ces vaftes pays entre rAffy- 
rie & la Chine ne pourroient pas 6cre 
peuplds , il efl; impoltible qu'on en ait 
pu avoir la moindre connoiiTance. Au 
refte fadopte Tidde , que Moyfe s'efl: 
renfermd pour fa narration dms les bor- 
nes du monde alors connu , pour le de- 
luge comme pour le refte; fansparler 
des pays Strangers qu*il ne connoiflbit 
pas. 

6"". Gette tradition Chaldeenne eft 
de celles dont on doit dire , qui prou* 
ve trop , ne prouve rien ; adoptons-la 
pour un moment , alors il fe trouvera 
que No^ a eu une fille & un Pilote , 
dont r£criture ne parle pas ; que Nod 
a difparu entidrement, & que par con- 
fluent il n eft plus queftion de tout ce 
que FEcriture en raconte apres le ddu- 
ge ; fa voir de ion facrifice , de TAIIian- 
ce que Dieu traita avec lui , de f effet 
ue le vin fit fur lui, ^c. ni enfin de 
n ^ge; ainfi nous ijie rdfuterons pas 
cette raifofl. 



t 



de TAmirique. 303 

Quant aux raifons 7. & S^ comme 
elles s'accordent parfaitement avec mon 
fyftSme , je ne les contredirai pas, d*au* 
tant moins que quant a TEcriture nous 
en avons tire une confSquence toute 
contraire ci-deflus. 

9<>. Pourquoi veut-on conclure que les 
fciences des Chinois n*ont pu provenir 
que de Noe? N'y a-t-il jamais eu ni 
avant ni apres lui des gens d'efprit , des 
inventeuK des arts , des l^giflateurs 
& d'autres perfonnages favans ? Qui 
les a enfeignes a Noe & a fes ancetres ? 
tfetoit-ce pas leur bon fens & leur g^nie? 
lo^ Eiifin quant au calcul du regne 
de Fohi , nous voyons aflez qu'il eft 
incompatible avec la Chronologic des 
H^breux , & que fi on veut concilier 
fbn regne avec I'^poque de la vie de 
Nod , il faut avoir recours a la Chrono* 
logic des LXX ; en ce cas , & lorfqu'on 
eft le maltre de choifir la Chrono- 
logic que Ton trouve a-propos , on 
peut tout concilier J aufli nous voyons 
que Fourmont , qui prdtend prouver 
que Noe a etd Puon-ku , eft aufli peu 
embarralTd xle la Chronologic , que 
ceux qui le font Fohi. 

Venons a une des raifons par lefquel- 
les on pretend prouver que N06 tf a 



304 De la Population 

point eu d*enfaiit apres te IMuge. 
Pour^oi? rEcricure n'en parte pas, 
au contraire eUe dit expreflf^nent , qae 
c'eft de ceax- la (la pofterice namm^ 
dans la Kble Gen. X: 32.) qae fe font 
formees lesNations qui ont 6t6 difperfSes 
far la tame apr^ le Ddluge. Exceflente 
raifon ! mais je voudrois bien que quel- 
qu*un voulQt r^foudre mes queftions. 
Dieu a-t-il h6m Noe , & fes fils apres le 
Deluge? On raffiroiera ; te textedl for- 
mel (Gen. IX.) & Dieu benit Noi &fes 
fits & kur dit croijjez , muhtpliez 6? rem- 
flijfez la terre. Bon ; mais cette b^^ 
didion fut - elte fuivie d*un effet ? on 
n*ofera le nier fans blafph^me Ce- 
pendant il te faut nier quant ^ Nod ^ 
fi apr^s cela malgrd la Benddiftion il 
n*engendra plus. Combien de terns 
voudra-t-on encore s'attacher k la let- 
tre fur des (aits qui n'importent rien 
ji notre falut, lorfque le bon fens y 
eft tout contraire? Comment! No^ vd- 
cut 950. ans , & il n*eut que trois fi!s 
dans fa 500. ann^e ! point auparavant , 
point apres ! Dieu le bdnit a la vdrite 
de nouveau, & lui dit, coinme a fes 
fils, qu'il doit croitre, multiplier, & 
rempUr la terre ; cependant il tf en ar- 

riva rien , li benddiftion de Dieu fut 

fans 



de TAmirlque. 305 

fans cffct. Ne voit - on pas combien" 
il eft ridicule de^etendrefauver Ihon* 
near des Ecrituies » iorfque par un maN 
entendu rigoureux on veuc fe tenir a 
la lettre. Ne deroge -t- on pas direc- 
temeot k rhooaeur de Dieu, en fui-^ 
vant.cette methode? Cta, nous con« 
duit a une autre r^exion de^ na^me na# 
ture. On fuppofe, fur le nadme princi-f 
pe , que Sem, Cham& Japhet n*ont eu 
d'autres fils que ceox qui A>qi; nom* 
mes dans TEcricure;. ceci a^t*il la 
moindre apparence de v^rite? Japhet 
a done eu fept fils,.Cham quaere , & 
Sem cinq, Celui - ci v^cut 500. ans 
apres le deluge., & eut des fils & des 
fiiies, cependanc on ne trouve que le 
qom de.cinq ; defquels, fuivant les pa- 
roles formelles du texte, defcendoit 
toote la race de Sem ; ainO un fils cha« 
que iiecle : eft-ce done une malediftlon, 
au lieu d'une benediflion , que Dieu a 
verfde fur Noe & fur fes fils? Qu*en 
penfer ? Japhet & Cham v^curent a- 
paremment le mSme nombre d'anndes, 
ou apeupr^s, & pourtant Tun n'aura 
eu que fept , Tautre que quatre fi's, 
dans Tefpace de 400. ans ? eux qui 
avoient tout recemment re^u une bd-' 
n^dtion divine 9 & ce Iorfque de 

nos 



3o6 De la Population 

nos jours , ou la nature efl: infiniment 
affoiblie , nous voyoas fouvent k des 
peres6, jufqu'i lo, i£ fils & plus? 
qu'on a vQ des peres de 20 , de 30 en- 
fans , qu'on en voit qui ont fouvent 
des jumeaux » & quelquefois jufqu*^ 
trois k la fois; & ceux-ci , je le rdpete, 
avec une telle b^n&li6lion extraordi- 
naire n'aufbnt eu dans 500 ans, que 
quatre , cinq , ou tout au plus fept fils, 
& autant de fiUes ? il faut renoncer au 
bon fens pour le croire. Je fais bien 
que les myfteres & les v^ritds de la 
Religion doivent 6tre re^ds avec v^ 
n^ration , & fans confulter meme la 
raifon, je veux dire, que fl on vent 
les aprofondir , & qu'on ne puifle fe 
fatisfaire enti^rement par la raifon , il 
faut foumetcre la raifon a la foi , d^ 
qu*on n'y aperfoit pas une manifefte 
contradi£Uon ; nirais des faits purement 
hiftoriques fufceptibles d'une expli- 
cation fimple & raifonnable font d'une 
tout autre nature ; auffi nous pouvons 
en conclure , comme je Tai deja dit 
plus d'une fois, que quelques- uns des 
fils de No^, & de fes petits-fils par 
les trois qui nous font connus, font 
rcM^ avec lui dans la Perfe & aux In- 
des , & fe font ^tendus de 1^ vers 

d'au* 



ie TAinirique. 307 

tfautfes contrdes ; que Moy fe ne parle 
done abfolumenc que de ceux qui 
font venus dans la plaine de Sinear, 
& vers les pays quilui dtoient connusj 
auffi nous voyons que tous ces dtz^ 
cendans nommds par Moyfe n*onc 
peuple qu'une tres - petite ^tendue; & 
qu*en fe tenant a ce fyfteme de la let- 
tre, on fera tofijours extrgmenaent 
embarralK d'ou d^river les autres Co- 
lonies. 

Mais enfin nous avons dit ci - deflbs 
que fi on veut abfolument foutenir que 
le Caucafe efl; la montagne proche le 
Parapomife oii TArche s'eft arretfe , 
& qu'il faille convenir que Moyfe tf a 
pas connu le Caucafe; il faudra done 
fuivre un tout autre fyftSme & s*^ 
carter de la lettre fur cet article, & 
alors il fera permis de le faire auffi 
dans d'autres occurrences hiftoriques* 



CHAPITRE XIV. 

Le Diluge efi amvifous Tao. 

m 

IL s*agit encore d*examiner fi le De- 
luge eft arrivd fous Yao , & je crois 
ue toutes les raifons les plus fortes 
[oat pour cette opinion: 



K 



3o8 ^^ ^ Population 

i"^. Tous les Chinois fans excep- 
tion conviennent que du terns de 
Yao il y eut une fi grande quantity 
d*eaux & la Chine, que Yao fuc obUgd 
de faire faire des cranchdes, des fofli^^ 
des digues, pour vuider le pays & le 
rendre habitable ; il efl vrai qu'ils font 
dans deux diverfes opinions k ce fa« 
jeti les uns veulent que ce foit une 
mondation arriv^ fous le regne de 
Yao , & d'autres que ces eaux ^toient 
encore des relies de Tdtat primitif. 
Qu'on choififle de ces opinions la** 
quelle on voudra, & je ferai Toir 
qu'elle eft favorable k moa fyftfime: Si 
ces eaux provenoient d'un deluge ou 
d*une inondation arrivde fous Yao ^ ce 
fera le Deluge Univeriel , comme nous 
le montrerons bient6t; fi c'ell un rede 
de r^cat primitif, eft - ce qu'il n'y a 
eu que la Chine qui ait Qicmlsxv6 ce 
refte , ou fi d'autres pays fe font trou- 
vtfs dans le cas? Si c'eft le premier » 
quels gens infenfi^s.que les Chmois, de 
traverler tant de pays fertiles , ^ui n*^ 
toient pas inond^s mais tr^-habitables^ 
pour s'etablir dans une contrde inon- 
dde afin d'avoir le plaifir de fake des 
travaux immenfes poor faire ^couler 
Teaul Ceci entre-t-il dans Tid^ de 

qui 



de rAmirique. 30^ 

qui que ce foit ? Si toute Ja terre s en 
reffentoit , d*ou vient que Moife n*en 
parle pas? c'etoit pourtant un point 
important ; mais comma je n'aime pas 
les preuves negatives, venons a une 
pofitive ; comment ont - ils pu traverfer 
une "etendue de pays li vafte qui de- 
voit etre bien plus inondde encore que 
la Chine ? vd que la Province de Xenfii 
oh ils s'^tablirent , ed montagneufe ; 
par contre |es pays de Siam , de Ben* 
gale , de Pegu <S£C. ou ils ont paiTe , 
Ibnt des plaines fujettes aux inonda- 
tions , encore de nos jours. 

2*. En fuivant le calcul Hdbreu , & 
pofant la premiere annde d'Yao 2357 
ans avant J. Chrift, ce feroit 13 ans 
apres le deluge, ou (1 on place I'Ere 
Chretienne a 4004 ans du monde , ce 
fera 17 ans; il eft vrai qu'on place le 
commencement du travail que Yao a fait 
faire dans fa quarantieme annee; mais 
ceci ne changera rien k la certitude; 
d^ja il eft dit que Yao raflembia les 
homraes difperf^s; dequoi nous parle* 
rons plus a^nplement plus bas : ainfi il 
falloit du terns: on aflure qu'il com- 
menga par rendre habitables tes hau- 
teurs ; cela eft natural , il falloit vi vre 
& premidrement cultiver la terre pour 

Tomi ir. O 



3IO De la Population 

fe nourrir, avant que d'entreprendre 
cet ouvrage; &ruivant les apparences 
on ne s'y mk que par n^ceflki^, lors- 
que TaiQIo^nce eioic fi giande qu'ils 
ecoienc obliges a fonger aux fuites, & 
a s'^teadre dans les plaines ; tout ceci 
peuc facitement etnporter z^ ou 27 
ans; auffi un Aoteur dit ^ un fembia* 
,, ble deir^in n!a pa^ dH etre confu. le. 
,^ proaueB ; il deEiandoit beaucoap de 
„ terns ppur etre. executt^y.&unepcfi^ 
fbnne inteUiigsflte deyoic : conduce 
le travail. UHUtoiren^a pacoublid 
,, une feule de ce» drconihmxres. . Eiie 
yy dit que cette entcepriie ne oommen- 
5) 9^ que 1^ 4o^ anmie de Yao ; qu'os 
,, y employa d'abordiieuF ans a&z; ino*^ 
,, tilementt, & enfiii) que Yao parvhit 
yy a detourpor les eaux de difi^emM 
„ manierQs» en tuavaillant eocore 13^ 
yy ann^s. 

.Ceci prouve encose que ce a-eft paft 
le choix ,* mais la neceffitd , qui a ^ 
caufe de ce travail dans un pays d^ 
babite , fans quoi il i&rok in&nf& de 
chercher pi^cxtetneBi! un pajis^ ou on 
atravaille pendant ,.pour dire peu , plus 
de 50 ans , & dont les ouvrag^s^ fubfi- 
(lent en partie emore de nos joars» 
N'ell-il pas dtonnant & IncoBxpB^afa'-' 



9i 
9) 



fible qirer-la-€hr^»9l^e Chftieife^ s-ac- 
corde fi pdxfmemetit avec le^t^xie H^- 
breu? Pout nwJ j'y ri>toH»iofe une pro- 
\ndence adofobl^^r ^i a^v'iiHihi^Ouver 
de nosjoufSy ddft$ c^ f^Ie dei es- 
prits - {om , cornfclen^PEcrkiire fainte , 
& particuli^rt^rtteift le- Texte Hdbreu 
original* eft fiddtement cetifervd&non 
altere comme les^p^tifans des verfions 
Grecqufe Sc Sanntoitaine le foutien- 
nent J je^le repe^e-, le calcu! Chin6i$ 
rdpond pftpfak^n^nt ae Deluge^ ai!i lieu 
qceles 5amaAiail» ^n different de 693 
ou <589 aM, & cekH^deS LXX. fui\rant 
le premier Galeuldflr^ P. Pezrb* de 1269 
0UC1265 aiMV ifdHs partejf de fdn der- 
nicr cafcul, deqaoi il ne faut pai s*d- 
tonirer, vA^ que les^ Chiiiois' tfont pfl 
etPetpirdocGUpds par aaeane Nation, 
rfayaflt coramerctf avec quelle que ce 
foio; les mdprifahc trop pour voutoir 
fttilment entendre parier de leurs 
Chronologies; &'commd de nos jours 
il y a encorfe qoelqee ddfaut tjans le 
caleul de Tannee , n*«-t-il^ pas ^pa gtre 
plus fort dans les fiedes precedens, 
c|e maniere qu*il puifle emporter les 
23 ou 27 ans de difference? 
^ . 3^ Si ce n'dtoit pas un Deluge , 
mais le refte des £aux [Mrimicives y je 

O t 



^12 De k Popuhttm 

Ti^pete mon objeftion , pourquoi les 
Chinois n'avoient - lis aucune connois^ 
fance de celui - la ? ils reconnoiffent 
une inondacion, mais point d*autre 
que celle fous Yao , & alors il faudroic 
accorder que le Deluge n*a pas pene- 
tr6 jufqu'a la Chine ; optez. 

4^ Diroit-onque cette inondation ^ 
etok ancienne , puifque des Auteurs 
affurentque le Chou-King en parle enfe 
fervant du mot autrefois. Deja j'igno- 
re (1 Ton ne pourroit pas traduire le 
terme d'une autre maniere. D*ailleurs • 
le Chou - King etant ^crit fous Xun* ou 
fous Yu , ce terme convient aflez , car 
les travaux ^toient encrepris la 4o^ 
annee de Yao , qui r^gna loo ans, 
Xun 50. & par confequent fuppofd 
meme que le Chou-King fdc ^crit dans 
la premiere annee de Yu , & qu*oa 
pofe rinondation a la 17©. de Yao, on 
pouvoit bien dire autrefois d*un efpace 
de 133 ans. (i) Mais je le repete, fi 
eHe itoit fl aacienne , que ferons • nous 
de Fohi^ del^in-num, deHoang-ti 

(i) Sur tout un des Miffionnaires; le P. Con- 
t^mine fe fervant diimeme terme, lorfqu'il 
fait parler le Fong-ton de la Province de Can- 
con de la i5e. ann^e de Cang«ti, & <:e la fe* 
^pode de Ton &\s You • tecbing. 



ie r Amir i que: 31 J 

•& de leurs fuccefleurs? Fohj & rous 
fes fuccefTeurs pendant grand nombre 
de (lecles one r^Cidi dans la m6me Pro- 
vince de Xenfi , oh ces travaux fe font 
faits ; leur exiflence, de Taveu de tous 
les MilTionnaires , efl une chofe des 
moins douteufes & point contefl^e a 
la Chine; nous avons v(i que la pld- 
part des Chronologiftes commencent 
la lifte de leurs RoisparHoam- ti, que 
deux de fes defcendans dtoient les 
chefs & les tiges de deux families; 
qu'un defcendant de Xin-num a 6t6 
gratifi^ 17 fiecles aprds d'une Princi- 
pautd ; bref qu'on ne peut r^voquer en 
doute leur exiftence ; mais comtnent 
ont- ilspu fubfifter dans ce pays noy^t 
comment ont-ils invent^ des arts, TA- 
ftronomie, FAgriculture, la Medecine, 
les lettres ou les carafteres , Tart de 
cuire, le fel, le commerce, la chaflTe^ 
la poterie, les poids, la navigation, 
la foye & les etofes qu'on en fait , dont 
on attribue Tinveniion k la femine dt 
Yao, & mille autres chofes? Comment 
ont • ils pu avoir des vaflaux , de forte 
que non feulement les Chinois les plus 
fenf^s foutiennent que les Rois fuc- 
ceffeurs qu*on donne a Fohj, a Xin- 
num I a Hoam*ti^ a Xao hao , a Chuea* 



314 De la Population 

hio , & a Co , atoie&c ,d?s cojitCQipQ- 
rains & tribivaares, ;Q9a^$ qu'pfi ^fTuoe 
ineme que FqI» a §f4rle pfi^w«r.<t>b]i- 
g^ de dioiiepijer )m v^tTal r^lle 2 Tqys 
ce Prjkicps , §CM|yer^u|i$ ^ Tfj^t^re^, 
comiaeBt (^ - ijs pu ftjjfiftgr ^^s up 
pays iiQ^ i^tms fe Cf^tiefl?;POur- 
q^9ip'oQCri^ pas d'jltj^Mrd f opened 
par 4€ff#h^r Jep^s, i?# Ijpn. ij'inven- 

%tr des.AfiiSj to plpfilWl? ferypient 
.plOtQjt^u kixg su'ii^i.^fqift? VpiU4e8 
(dpqi^lifs .inlMrpQn}:2ib)fs^ 9ii ^e I^ 
{cmt pftSii^vec mpp fyft^e. Fohi a 
i;aK«fle )esi{^|]$^$ (jui fpnt Yen»$Bvep 

iljeypient s^ureUenaeqt ^re bien l;>»i^- 
t^a^i i(s traverfpie^t ^p>4oute 1q$ 
pays , cotp{|)e nos Sauvagefi du Nord 
.de rAm^rique, en vivant.de la cbafle 
i& des fruits; ils a'arretoienc quelques 
piois Qu des annees n)6nie , i|s pafTpie^c 
plus loin , & de cette fajQn jlj (ievcdcRt 
Stre plus barb^res qjup ^ 1^ .j^auvaggp 
fBodernes ; car app4rje^r?i|?n|pn fKeyoy,- 
dra pas qu'ils ^yent roa^cfej en ordre 
comme les arm^Qs d'aujQurii'imi, & av^ 
4es proviGon^ ne^ef^ir^ lainO iJ{» ^f rir 
voient fucc^vepieDt k h Chiv^.% ou 
au Xend ; Fohi 1^ raflemblQit; » .4E( 1^3 
4bU£!^Pit:4.e WU@.esr(y}6^., jlifut ^ 



de rjmerique. 315 

L^giflitear , leur Roi & tear iBienfai- , 
tfeir; celui-ci eta[nt le premier etabli 
& le ptes fort, n*eat point de peihe ti 
forcer fes chefs des troupes qai fui- 
voient, a fe reconnoitre les Vaflaux; 
-& toat ceci eft parfaitement coiiforme, 
A s'accorde avfec letir Hiftoire : ceci 
dm?a ^viron <5oo ans , alors le deluge 
furvmt qui fit bien du ravage , inonda 
les piaines; les hommes fe fauverent 
^artout ou ils trouverent un azile , fur 
les montagnes & les pays voifins rhon- 
tagneux ; quantity de monde p^rit dans 
tes eaux , de faim ou de fatigue ; les 
•eaux fe retirerent ; Yao fut oblige de 
recommencer I'Ouvrage que Fohi a- 
voit deja fait ; il ramafla ces hommes 
^fFarouch^s & retombes par la mifere 
qu'ils IbufFrirent dans une efpece de 
barbarie ; il les civilifa de nouveau , & 
rdtablit TEmpire : k Yao fucc^da Xun, 
enfuite Yu, tous deux de grands hom- 
me^ quiavoient dirigd rentreprife pour 
Tecoulement des eaux. Yao fut ainfi le 
Chef de la premiere dynaftie , & depuis 
lors TEmpire s'eft conferva dims fon 
luftre jufqii'a nos jours. 

5"". PluGeurs Auteurs Europeens fou- 
^lennent la m§me chofe, fjavoir que 
le deluge eft arrive fous Yao; mais le 

O 4 . 



3i6 De h Population 

P. Martini, dans Tid^e g^n^rate que 
tout le genre - humain y a pdri , eft obli- 
ge , pour concilier le tout , de foute- 
nir que rHiftoire des regnes prece- 
dens eft entie'rement faufle, ou qu'elle 
psrie des terns antdrieurs au deluge , 
en quoi il a raifon ^ mais non dans le 
fens qu'il le comprend, puifque per- 
fonne n'en auroit eu connoiffance. Ce 
qu'il y a de plus curieux , eft qu'il afTu- 
re que Janus , Yao , & No^ ne font 
qu'une m6me perfonne , fans fonger 
gu'on a parle cie Janus comme du plus 
ancien Roi de ritalie, quelques milliers 
d'ann^es avant qu'on eflt connu le nora 
de Yao , & que le mSme Roi n'a pu 
r^gner dans les deux extremices de la 
terre connue, a la fois. Enfin com- 
ment le deluge eft-il arrivd fous No6, 
& tandis qu'il dtoit a la Chine , lors- 
qu'il fe trouvoit en Mefopotamie , ou 
en Armenie , ou au voifinage du mont 
Caucafe?Pa(rons a une nouvelle hypo* 
thefe fur Torigine des Chinois. On 
a vfi que je les fuppofe defcendans 
d* Adam , par d autres que par N66 , 
& qu'ils habitoient la Chine environ 
<3oo ans avant le deluge; par confd- 
quent a peu pres looo ans aprcs la 

Creation. 

CHA- 



de rAmiriqiie. 317 



CHAPITRE XV.. 

Les Chinois defcendent ffAUl aujji bien 

que ks Scythes. 

]^sOus avons donnd ci-devant une 
hypothefe fur Torigine des Ethiopiens , 
& de5 autres habitans de TAfrique, en 
ks faifant defcendre de C^n & de 
quelques - uns de fes freres ; ne ferok - il 
pas poflible que les Chinois defcendis*: 
font d'Abel & d'autres- de fes freres? 
Faifons en voir la poflSbilitd & la pro-, 
babilit^. 

Nous avons d^montr^ ailleurs, que 
oacurellement Abel , lorfqu'il fut t\i6 y 
devoit avoir une famille tresnombreu^. 
fe; il pdric par les mains de fon frere 
I'an 129 ou 130 du monde; Adam 
& Eve*, qui avoient fans doute fatisfait 
k Tordre, & ^prouvd la bdn^diflion 
divine, n'auront gueres vd pafTer d'an- 
n^ fans avoir un enfant ou deux ; & 
comme Seth naquit peu de terns apres - 
cemeurtre, dans la 130-. annde d'A- 
dam, il eft dair que ce fut vers ce 
terns qu*Abel fut tu6; fidonc, com- 
me nous k croyons par dc J^onnes rai«^ 

9 5 



5i8 De la fopufotm 

fons , & Tavons demontre ailleurs , les 
hommes engendroient aufli jeunes qii'au- 
jourd'hui, Abrf pouvoit voir .ifliie de 
fon corps la 5*^ ou la 6^. generation 
taiidis qu'il wsxx ^bbcqt^ ioSjQi)r$. lui* 
mfitne des enfiuas^ p^r conf^quent fes 
defcendans pouvoient compofer deja 
un peuple; & comoie AMm a pu 
avoir pour le mouas i^p wfysfi idpft 
cet lelpiice die tenafft i^i^ ew^t^r l^a 
jumeaux, qpideuoieoi; to?eiil$«r« mQ^W 
sares 4}u!ai9QUEd'iiui ^ ismm& k« Ji;u£| 
& autres le croyeai; fecm^meM ; 'i 
n'efl; pas etomaam, qii^ ^ud^^i^l Au- 
teitfs fatflenc Baooqei: )^ jn&mhsf^ ^a 
ames qui exifloienc du terns de J& mof g; 
dl'Abel, a pkis>de I(»o,PQ6^., Q^fil^s- 
Wis m&ne juiqu';i paflO^ >d ws iQilliflm « 
3 eft done faeite ip'Ab^t dif. 9U ^ 
millier de defoeBdan^, tofi^u'lij ifit ti^ i 
Be (upppfoni, fi on veut., qi^ jq^.; 
car je fuis aoodoimodftnt m pC^ibtejL 
leg AbiJitea devoieoc crsu&d^e m pa? 
reil (brt de Ja pan dt k saoe .dQ CdJiR 
qui a paiTd en tout leaaos poui midi^a*. 
te ^ violence', qui l»^'^it tes A{>^li^ 
tes , dom la vue lour reprQcltQit tQUr 
jours le forfaic de Cain. AuiTi furmc*. 
lis les premiers a conftruire dies viUes ^ 
poux trair en bride les auciiea hGmmu^. 



dc TAmirique. 3^9 

Quoi qu'il en foit, les enfans d'Abel 
crurent fans-doute qufe le meilleuif 
moyen de ffe rbettre en fiiretis, ^toit 
de s'eloigner ; la terre etoit affez gran- 
de ; d'autres de leurs coufins , qui n'a- 
voient pas moins en horreur le cririid 
de Cain , qui p^ut-etre ne connoiflbient 
pas encore la politique , & ddteftoient 
apparemment ouveirtement ce monftre 
infame, commenjant aufli a craindre 
la vengeance des Cainites & de leur 
parti , fe joignirent par cette raifori 
aux Abelites & fe refugierent foit dans 
la Scythie , ou da moiris vers les In- 
des & le Thibet; & apre^ 870 ans 
de marche , pendant lequel efpace dd 
terns ils s'arr^terent en divers Heui 
qu'ils peuplerent , une partie d'entr'eux 
arriva fons Fohi dans la province de 
Xanfi : cette fupofition n'a abfblument 
rien que de poffible , que de probable 
& de vraifemblable meme. On dira : 
pourquoi pliitot des Abelites que! 
d'autres, & pourquoi y meler les Scy- 
thes? Outre la raifon alldguee, queleif 
Abelites & les Cainites avoient le plus 
de (ujet de s'eloigner, il y a endorse une; 
autres raifon qui n*e(l pas des ^lus 
foibles. 
Je fuppofe', & perfonne ne me con- 

O (S 



320 De la Population 

tredira , qu'Abel a 6t6 d'une piet^ 
exemplairej il faut croire qu'il aura 
fait fon poflible pour inculquer les 
m$mes principes a fes fils & a fes des- 
candans; or nous voyons que les 
Chmois de toute anciennete ont eu la 
Religion naturelle, telle qu*elle a 6t6 
enfeign^e & pratiquee par les fideles 
jufqu'a la Loi ; j'en excepte Abraham 
& quelques- uns de fes fils & defcen- 
dans qui ont eu des revelations par- 
ticulieres : toute I'Hiftoire Chinoife eft 
remplie de preuves de cette thefe ; 
Hoam ti, fuivant eux, a bad le pre- 
mier temple a Thonneur de Xam - ti , 
ou du fouverain GouverneUr du Ciel & 
de la Terre; Fohi & Xin- num ay ant 
facrifid fous le Ciel & k decouvert: 
nous .avons deja remarqud que Fohi 
connoifFoit la difference entre les betes 
nettes & immondes , & qu*il garda 
fept fortes des premieres pour les Sa- 
crifices , ce qui eft ddja une prefomp- 
tion bien forte pour Topinion, qu'il 
dsfcendoit d'Abel, lequel avoit facrifid 
des animaux au Dieu ^ternel; en un 
mot aucune Nation ne devoit etre 
mieux inftruite que celle qui avoit 
pour fondateurs des defcendans d'Abel, 
& Ton voit que les Chineis fe font 



de rAincrique. 321 

tf anciennete diftingues par leur piete. 

Cette Religion fe conferva entitfre- 

ment dans toiite fa pureed, jufquVn- 

-viron 65 ou 70 ans apres Jcifus- 

Chrifl , ou Ming • li quinzicme Empe • 

reur dela Dynallie des Hans fie apor- 

ter rido!e & le cuke de Fod , comme 

l^ a etd raport^ plus haut ; cependant 

cette idolitrie & toutes les autrcs fee- 

tes ne font que toler^es a la Chine, 

& Tancienne & naturelle y eft la feu- 

le dominante ; qui ^toit telle , que le 

P. Visdclou, Evfique deClaudiopolis, 

difoit lui • meme, que not re Religion pou- 

voh s^accorder avec ce quoii trouvoit 

dans les anciens Livres^ mais non pas 

avec ce que les interpret es awient ecrit ? 

& le Prince hdricier de Cam-hi difoit, 

que les nouveaux interpretes nont pas 

to&jours bien pris le fens des anciens 

Auteurs. 

II eft vrai qu'on leur impute bien 
des chofes. 

i^ Quails font D^iftes & croyent 
un DIeu materiel qui habite dans le 
Ciel, mai^ceci dtoit une opinion non 
de ceux de la Religion dominante , ce 
(ut celle de Lao-Kioune; on veut en- 
core prouver cette accufation par les 
litres de Cham-ti, de Tien , & de Cham- 

07 



322 De Is Population 

tien , qu'fls donnent a Diea ; c'efl pour- 
tant juftement ce qui proave le con- 
traire; vii que les Juifs ^tablis dans le 
Honan , qui ont fi fort en horreur 
toute idolScrie, fe fervent des memes 
termes pour defigner Jehovah le veri- 
table Dieu. Par Tien ils cntendent 
TEfpritqui pr^fide au Ciel; ce mot de- 
iigne en menne tenis le Ciel nptdriel , 
& encore le premier ou principal de 
la famille , de la province du Royau- 
me; & ici F'Etre fupreme, en y ajou- 
tant le mot Chang ; parce qu'alors cela 
fignifie le fupreme Empereur du Ciel. 
2. On leur impute une idoldtrie en- 
vers les Gdnies Protefteurs des Pro- 
vinces ; il y a quelque chofe 4 dire a 
cet dgard , cependant il n'eft pas prou- 
v6 qu'ils les adore'nt ; ils reconnoiflent 
ces G^nies qu'ils nomment Chin- 
hoang, pour Protefteurs particuliers 
des Provinces & des Villes ; autrefois il 
fe trouvoit dans le Temple de chaque 
ville fimplement une pLtnche ou tablet- 
te avec ces mots , le Jiige du Gardien 
fplrituel de la ville ; & le Gouverneur 
pretoit le ferment devant cette tablet- 
te , avant que de prendre poffeflion 
de fa charge. Dans les derniers temsf 
on a fubllitud k ces tablettes dts (la- 



ie rJmMque. 32~g" 

tues qui reprefentent le Genie tutelai- 
re, afin d'irqprimer plqs de crainte 
lotfjqu'on fait 1^ ferment , Q'efl c^ que^ 
le P. M^rtipi t^tj^t^ ^m Ton Hiftoi- 
re de 1^ Chine. 

Ceci 2L quelqj^e air d^idol^trie, ce^ 
pendant il n'efl: pas dit qu'ils adorent 
ces {latue$, ni meme ks Genias^ on 
qii'iU jui^nt par leur nom; & en ce 
cas , ce r\^ f^roit p^s mie chofe extra- 
ordinaire, qu'ils jpruileQt des Gdnies 
proiie-^pr? : il femble par k Prophete 
Daniel Si ^ plafieurs aqtre^ p^age* 

de J'Ecritmre , que le$ JuT6 mt eu la 
ineme idee, mais fls oe le^ ont p« re- 
py^fentgs par des Hmm^ ; & awjour- 
d'hui exi^i^ ppml le^ Ciy^tiens les 
i^s 0Q( d^s i^imS| P|ipre£leuj:s des 
Rpy«ijnje3t 4^5 Villes, de^ Compewsn 
4(ps 4xts >5p d^ ]Vletkrs.;,-des |)ei;fQHnes, 
p(:jiv^9 ni4ine ; ^ quelques autres 
crpient; (^ chaqw homme h fon An* 
ge tuteWr^; or iln'y 4 poiftt^la d'in 
^tfi^r, lorfijjgiVn w kur read pas^ 
4;s honnwrs d^vias ; %t paw etre per-, 
fuad^ qa'ik p*4dpre»t pas ces Gwief 
ouEfprits, on n'a qii'^ UirerinlkuQ:?W 
de TEuipereiir dans la lettre dM P. Con-' 
ftancin , Icttre idif. T. Z/X. |l 393^ 
conit)ien 11 d^f^couve flKiaqe^r q^'oll 



324 jD^ ^a Population 

leur rend ; inflruftion digne d*un Pr in-' 
ce Chretien , quoique celui - ci Yong- 
tching fils de Gang - Iii flit bien eloign^ 
de Tetre, \t la maniere dont il per- 
ftcuta les Ndophytes & les Miflion- 
naires nifime dans fon Empire. 

Si done la Religion naturelle pure, 
& telle qu'elle a ete exerc^e par les 
premiers Patriarches , s'efl; confervde, 
du moins jufqu*i Jefus • Chrifl: , fans 
interruption & mieux que chez le peu- 
ple de Dieu m6me , qui • tomboit k 
tout moment dans TidolStrie , il eft 
tres - probable que 5'a 6t6 par une h6* 
nddidlion (peciale que Dieu a^^oit ac- 
cordee aux defcendans d'Abel ; & 
Ton voit tant d'exemples d'une vertu 
& d'une morale epurde chez eux , qui ' 
fiirpaffent ou dgalent ceux des Grecs 
& Romains les plus vertueux, qu'on' 
ne peut douter que leur Religion ne 
foit auffi pure qu'elle peut Tfitre fans 
R^v^lation : auffi le P. Martini , le P. 
Trigaut , & d'autres font fi frapds des 
vertus ^minentes des anciens Chinoii^ 
^u'ils ne les croyent pas exdus de la ■ 
beatitude ^ternelle. 

Je viens aux Scythes , & i la raifon ' 
qui m'a fait les joindre aux Chinois. 
Fohi dtant entrd dans la Chine par la-* 



de rjmh'ique, 325 

province de Xenfi , limitrophe du Thi- 
bet qui Teft lui-mfime de la Scythie 
ou Grande - Tartaric , il paroit que les 
deux peuples font a-peu-pres de meme 
origine & antiquity ; fur • tout fi nous 
conflddrons que les anciens Scythes n*^- 
toient point idolatres, &que meme ils 
avoient en horreur les Holes , qu'ils vi- 
voient aufli fuivant les preceptes de la 
Loi naturelle , vertueux , fimples , veri- 
diques, enfin eftimes de'toutes les Na- 
tions pour leufs qualitds & leurs ver- 
tus ; ce n'efl: qu'a mefure que les uns 
font tombes dans la barbarie, & que . 
les autres ont etd en liaifon avec leurs 
voiGns, qu'ils font devenus ou Maho- 
metans ou Idolatres; il y a meme en- 
core des contrdes ou on trouve des 
vefliges de cetce ancienne Religion 
naturelle. Pour leur anciennete , nous 
en avons deja dit quelque chofe, nous 
ajouterons feulement ici j que fuivant 
les Hiftoriens Chinois les Tartares ou 
Scythes doivent avoir fait une irrup- 
tion dans la Chine deja fous le Regno 
de Xun , fuccefleur de Yao , ce qui 
feroit une forte preuve qu*i^s font 
d'dgale anciennet^ avec les Chinois. 

II eft vrai que des Auteurs veulent 
prouver qu'ils ne font pas de meme 



3 ad De la Population 

origine, parce quils ont coOjours etd 
en guerre enfemble; raifon excellence { 
les Francs , dont les Francois tirent 
leur nom , ne (one done pas d'origine 
AUemande , ni une jparpe des Aoglois 
d*origine Normande, parce que lei 
Francois font fi fouvent en guerre avec 
ces Nations ; enfin lorlijue des freres 
font la guerre aux freres, les beaux^ 
peres aux beaux • fils &c, il faut coo? 
dure ^u'il n y a point de parentage 
en fait d-inceret{ mais'^q^e difi-'je« (j 
cette raifon eft valable , notis ne dei? 
cendons pas tous d' Adam , pui%»e tou« 
tes les Nations s'entrefont la guerre » 
& fe la font faite de tout terns , cdmr 
me on dit de Nimrod & d'Aflur, <)ui 
^toient n^s proches parens. 

II faut encore faire une petite re- 
flexion fur ce qu'on veut abfolument , 
que les Scythes defcendent de Gog- 
ol: Magog ;je fjai bien qu'on conjefture 
que les peuples nomm^s de ees noms 
peuvent etre les Scythes; maiscecieft- 
il bien ffir? qui eft ce Gog? Pour Ma- 
jog, je le trouve dans ]a lifte des en- 
:ans de Japhet , mais pour Gog , je 
ne Ty vois pas ; tons les noms ayant 
une fignification, les divers peuples 
n'ont - lis pu porter des noms a caufe 



de rjmerique. 327 

de cette fignification meme plutot que 
.pour ramour d'un homme qui a eu ce 
. mease nom ? Mais enfin aqcocdoins que 
que qaeIfg(&.p9Ut.peuple.S(^|jhe fur les 
coaSm de T Aflyije » de la Perk , ou 
de YAxndnk ait ^0^ ooaiiii^ Gog & 
Magog par les Juif^ , s'leo&lt - il de 
la que toutes les NatioBs innotnbra- 
bles dans la Grande-Tartarie , depuis 
les confins de Tfturppe ^i!^*wt Kam • 
fchacka » & df poi^ la M^ ^laciale 
jufqu'a la Parfe, I'EngipinB iju Gr^nd- 
Mogol y Kiam, Achem , la CWme , j^c. 
defcepdefit cous ^e ce m^me Migog? 
Une pareille ailertietn (eroictrdf^idj- 
cule i ou 11 fgudroic dir$ qf$^ ^DD^s les 
.Europeens defcendent ^ FraQ$Dij$9 
parce que les Ori^ntaux les nosiment: 
tous Francs; que les Francois eux-me- 
mes defcendent tous des Francs , a caq- 
fe qu'ils en porj;ent le nom, & qu'il 
n*y a plus de lang Remain , Gaulois, 
Normand, Bourguignon, fj^c, Toutes 
ces conf^quenc&s fpnt entierement in- 
foutenabks , & eUes proviennent du 
pr^jug^ g^ijj^ral que dans le delu^ 
tout te genue btfjuain ft p^jri , & qu'on 
ne f^ait aui^ei di^s di^fcendans de Nq^ 
.afljgner ehaque QQkmk : cependant ces 
prejuges jetteqt tous cej^ Auteurs dans 



^^'m 



328 De la Population 

des embarras & des difficultds infur 
montables , comme nous Tavons remar- 
qu^ deja fouvent ; ajoutons-en une au- 
tre que me fournit le P.Parennin, (r) 
qui ne peut croire que des hommes 
fi peu 6\oign68 du deluge „ fuffent de- 
5, venus en fi peu de temps fi ftroces, 
„ jufqu*au point de boire le fang des 
y, animaux , de manger leur chair crue y 
yy de s'habiller de leurs peaux fans les 
„ preparer auparavant? comment Fo- 
„ hi auroit-il pu former fa Cour de pa- 
„ reils hommes " ^c. il conclut done 
en difant , ,, il edt done fallu dire que 
99 parmi les premiers Chinois , outre 
„ le Chef, il y en avoic pluGeurs au- 
„ tres capables d'entrer dans le gou- 
„ vemement en executant fes ordres ^ 
„ & que tout le rede, c eft-a dire le 
f> plus grand nombre, confer voit en- 
„ core un peu de barbarie ; c'efl: ce 
II ^^^ parott nature! & plus conforme 
^, a la verite, 

Cette folution eft-elle fttisfaifante ? 
die Teft fuivant mon fyfteme , mais 
rjon lorfqu'on foutient que Fohi eft le 
meme que Nod: comment eft-il pofli- 
ble que deux cens ans environ apres 
le deluge Nod n'ayant avec lui que de 

(0 L. Edif. T. XXVI. p. 70. . 



ie TAtnirique. 329 

fes fils, de fes petits-fils, & fa propre 
famille , comment eft-ilpoffible, dis-je, 
que la plus grande partie d'entr'eux ait 
pu tomber dans une telle barbarie, 
apres avoir ete polices , & fous les yeux 
de leur pere, ayeul ou bifayeul ? Nous 
ne voyons rien dje pareil parmi les des- 
cendans de Sem , Cham & Japhet ; les 
. Babyloniens , les Egyptiens & tous les 
peuples anciensqui nous fontconnus, 
ont plutdt avancd dans les fciences, 
que recul^. La barbarie ne fe ren- 
contre que chez les jpeuples , qui ont 
vecu dans la derniere fimplicite d'abord 
apres la creation , ou bien chez les au- 
tres apres un grand nombre de fiedes , 
lorfque la nation auparavant policee, 
eft retombde peu-a-peu dans la bar- 
baric ; il faut meme d*autres dv^ne- 
mens , des guerres fanglantes , des mar- 
ches longues fans demeures afTurdes, 
& quelques cataftrophes ; pour ici , je 
le rdpete , le cas eft tout different. Cet- 
te barbaric fe feroit dtablie fdus les yeux 
& du vivant de Nod , apres avoir pen- 
dant pres de 1 700 ans cultivd les arts ; 
c'eft-la une chofe abfolument impoffi- 
ble* Mais fuivantmon fyfteme rien que^ 
de tres-naturel : ils s'eloignent 130 ans 
apris la. creation 1 & avant que les Artr 



3 30 De la Populdtlen 

ka plua fimples fufleat connus j lis er- 
rant pendant pres de 900 ans par di- 
vers pays , vivant vraifemblablement 
delachaffe, de fruits, ^c. par con- 
fequent ils devotent ^tre barbares, 
n'ayant pas le loifir d^in venter des arts, 
encore moins de s'adonner au luxe; 
dans ce long, efpace ils'eftraanifefte 
de temps^^ au<>re quelqaes genie5:.rupe- 
r^eurs , camme FoIuf^ qui aidd' dis fes. 
niinifl]^'^<Si de^iaa^.ctefi3ilier9£ndrcpri* 
rent de) civililerr ^d^indruire . uorpeu- 
' pie ign^orant-^ banl^re. 

On*, voiti done , que : fi: on fe> d^ooil^ 
le du?p^^juge<fur ie& eiSstsde'dedtHn- 
ge / ritSfn!de'ptes>&tt:ile qpard'opiiqaer 
tput J :&f rieoHdermoinsi fecile ^ lioirt*: 
qu'on s'y tiieait!ngourevtre»idDt(5 xsonit*.* 
meon Je faitk : . 



•Afi. 



— ■ ■<> 



CBAPItRE X¥I. 

LesrCMmh nefammemdefi^mbre ni 
de Semnide^Ja^het^ 

1 Uifque nous avons^ rapportd ce que 
nous penfons fur I'origine des Chinois , 
^utons^-y ceque d'autres penfent & cet 
4gardi nous avons vu que quetqaes-^ 




de T Amir 2 que. 33 c 

ans les font defcendre dire£l:ement de 
No^, qu'ils fupfofent Fohi; d*autres 
de Cha n & de» Egyptiens ; ces deux 
opinion^ont cte examitifes & rtfutees ; 
je na dir» rkw de eeax quy veitlent que 
fdtA ait? ^ Af phixarf; ceife opinion a 
tre^pcn de fe^tears^ ; tepfds grand 
nombre veut qu'ils foient iflfu^ ou de 
S^, OH de J^phet: toutres les raifohs 
que j'ai a/lt'^guees recent dl^ aflezl'u- 
Be & Xmtri opiwiM:, c'iefft pourquoi 
liousn^y ajouterons qtfun-petit nombre 
de reflexions. 

Quant a Sem , en fe tenant fi rigpu- 
reufement a la lettae de TEeriture , & 
eti fuppofant qu'il n'a eu d'autres fils 
que ceux qui y font expriinds , on ne 
fauroit foutenir I'opinion de ceux qui 
les en fonc defcendre, quand meme on 
fuivroit le calcul des LXX. ; la multi- 
plication du genre humain n'auroit pas 
fuffi pour peupler toute cette etendue 
de pays , depuis Sinear jufqu'a TOcean 
Oriental de la Chine, vers le Japon, 
en fi peu de fiecles ; m^me fuivant le 
P. Pezron , il ne fe feroit dcoul^ depuis 
le deluge jufqu'a la premiere ann^e de 
Fohi que 665 ans; ainfi 5 generations, 
fuivant le calcul des Grdcifans : fi, 
conformement a la lettre de r£crltu- 



332 De la Population 

re , on fuppofe qu'il n'y a eu aucune 
colonie qu'apres h difperfion de Babel , 
que Pezron place a 3086 ans avant J^- 
fus-Chrift , il ne refte que 134 ans d'in- 
tervalle pour peupler coute cetce dten- 
due de pays immenfe entre Sintfar &Ia 
Chine, & fonder en. outre cet Empi- 
re: (i) 

Voilk done encore une de ces diffi- 
ailc^s infurmontables qui r^fultent du 
pr^jug^ gray^fi profond^menc dans Vim 
magination des favans. lis ne fauroient 
jamais fortir de ce labyrinthe quelque 
Ariadne quMls invoquent. 

Voyons fi pour Japhet il y a plua 
de probabilite. On Joutient fort & fer- 
ine que Nod a diilribud les trois par- 
ties du monde a fes trois fils. Mais od 
refte la quatrieme ? Moyfe n'en a rien 
fju , dira- 1- on; il eft tr^s- vrai, mais 
comment a t-il done pu & voulu dire 
que les habicans d'un monde dont il 

igno* 

(i^ Sulvant le fyflSme dcs partiTaiis du cal- 
cul des LXX. ces 134 r(^pondoient juftement 
i Ta^e que P^Ieg devoit avoir pour engendrer 
]a premitre fois, ainfi point de cnu'tiplication 
dans eel intervalle par ceux qui ^toient de Ti- 
ge de P^leg, par conft^quent point de peuple, 
ni pour une colonie k la Chine ni pour les pays 
litu^^s cDtre-dtirx. 



i ■ 



de fAmirique. 333 

ignoroit Texiftence, one cous fans ex- 
ception 61& noyis? Cette diflribution 
s'eft faite par Teflamenc fuivant les uns 
oa par un A£le aiuhencique , touc 
comma fi on y avoit affifl^ comme t^ 
moin , & qu'on eiit etd prdfent k Tho- 
znologation. 

Mais il faut que cette diflribution 
. ait ^t^ attaqu^e par devant quelque 
Tribunal ou Parlement , & qu'on Taic 
auAuU^e. En eflFet , Sem devoit pofK. 
der toute TAfie, cependant les defcen- 
dans de Cham s'emparent d'abordde 
I'Empire Babylonian , de TArabie , de 
la terre de Chanaam , ^c. & Japhet 
de ce pays immenfe de la Grande- Tar- 
carie & de la Chine. Cet a6):e authen- 
tiquerfaA^gueresrefpeftd. Mais par- 
Ions plus fdrieufement. On afligne les 
pays fufdits a Japhet ; il faudroit done 
que fa defcendance fe ^t bien multi- 

i)li^e pour peupler en (i peu de temps 
a Tartaric & la Chine. Accordons - le 
encore pour un moment, mais alors je 
fuls dans une perplexity & une inquie- 
tude extreme ofi prendre de quoi peu- 
pler TEurope & former les Celtes, les 
Aborigenes, les Umbriens, les Pdlas- 
ges , & tant d'autres nations qui prtf- 
tendent a une antiquity ^gale; & cepeo« 
Tm9 IF. P 



334 De la Population 

dant Japhet & fes fil$ auront eu aflet 
k travailler pour peupler cecte ^rande 
parde de TAlie , & il ne pouvoit £tre 

3u€(Hon feulemenc de I'Europe. Voili 
lOdc uoe noavellepreuvedes embams 
dans lefquels ces pr^jug^ plon^nt ceux 
qui les adoptent avec cant d'opioiScretd 

CHAPITRE XVII 

Confirmation de ce qui M expofi cu 
iejfus , 3 examen des optmons de M% 
de Guignes dans Jon bijioire da Buns. 

^ Apportons encore quelques paffigei 
de Fou vrage d'une erudition furpienaattt 
que M'. de Guignes a doiu)^ tout x6osm^ 
ment fous le citre d'Hiftoire g^ndrale 
des Huns; nous ne rapporcerons que 
quelques articles qui peuvent fervir k 
la confirmation de ce que nous avoDf 
deja rappoFt^. 

S rend compte des temps fabuleuz 
des Chinoifi depuis Puonku. (i) U les 
rejette tous k caufe des deux prijagiM 
dans lefquels 3 fe trouve a^ectantd'au^ 
tres , que ces ann^ font Sobir^ & 
que ces regnes font iucceffift: eaadqn 

(0 T.Lp.2^% 



Jt rjmeriqui. 335 

tant mon fyfteme , qui en ceei eft coth 
forme au c^molgnage des anciens Au^ 
teurs, Chaldeens, Egypiiens & Grecs , 
que ces anndes ne font que dts jours , 
& les Dynadies (ou Rois) collateral 
les, tout prend une autre face & Yim^ 
putation de la fable s'evanouit. 

II rapporte (2) la durde du regne del 
Succeffeurs de Fohi , rdduite eh ann^f 
folaires ; & ce qui prouve encore plus 
fort que les precedences dtoient des 
jours , eft la diffdirence dnorme des 
nombres. U aflure que Fohi a regn^ 
loi ans ou no ans & fes 15 Succes- 
feurs 17788, Chinnongenfuite 140 ans^ 
les autres .7 Jufqu'i Hoam-ti qui fdoa 
plufieurs Auteurs n'^toienc pas Succes** 
feurs, maisRois on Viceroisdans dau« 
tres Provinces, feulementde 42 k go 
ins cbacun : ferdit-il poffible qu^on don?- 
nit k des Princes entre Fohi & Chin? 
Dorig des mitliers d'annfes de r^ne & 
au premier feulement un peii plus d^ 
100 n. k. celui-ci 140 & kfesSuccefPburs 
depuis 42 k 80 ans^ G ces taiilliers d*aQ4 
n6es ne devoient pas £tre r^duites eii 
jours ou en mois? On y voit encore 
des particularitds de leurs o^es re^ 






■ Pa 



v^'/ 



336 D€ la Population 

connues pour vdricables par les ChU 
nois , aiiui hors des temps fabuleux. 
. II parle fort (3) de Tincertitude des 
temps juiqu'a Hoam-ti , & m£me de 
ce qui regarde fon r^gne , il aflure pour- 
cant qu'il a exifl^ de mSme que Fohi. 

D dit qu*on eft fhr de Texiftence du 
r^gne de Yao & de Chun par des mo- 
nuraens de leur r^gne qui reftent en- 
core, mais lis font, dit-il, defticu^s de 
Clironologie , <& il en veut douter , 
parce qu^^l faut avoir recours k des ou- 
vrages poft^rieurs dont nous ignorons 
les fources. Si cette conftquence eft 
jufte, adieu toute THiftoire des AlTy- 
riens , des Egyptiens, des Grecs, bref 
de tous les anciens peuples , que dis- 
je 9 des Francois , des Efpagnols & de 
tous les peuples modernes, d^qu'on 
n'eft pas a mime de v^fier les fources 
de leur hiftoire. 

11 dit que Tfbuchou fjgnifie Livre 
it Bambou , lequel avoit ^happd k 
rincendie; ainfi un livre ^cric avant 
I'invention du papier k h Chine, eft 
de la plus grande antiquitd. 

IV parle \4) des travaux que Yao 6c 
Chun ont faits a la Chine & qui ont 
^ternifd leur m^moire, qu'ils font rap« 

(3) P. s. (4) P. ^ 



de rjmeri'que/ 337 

port^s dans le Chou-King ; qae cec ou- 
vrage fuppofe cec Empire , dont il doa* 
ne une defcription exafile , ^cabli long- 
temps avanc Yao , les peuples polices 
& les Arts deja floriflans. Que TEitipi- 
re ne confiftoit qu*en 9 Provinces , & 
ne s'etendoic du c6te du midi que jus« 
qu*au fleuve Kiang, ou peu au dela; 
que le refte des peuples meridionaux. 
^toient des barbares, & le furenc en- 
core longtemps apres ; 11 croit que let 
Arts venoient d'ailleurs , & ont 6t6 por- 
tes dans la Chine par les premieres co- 
lonies qui s'y font Stabiles. Qu'on ob- 
. ferve fur tout ceci, 

1°. Que le Chou-King eft un livre 
infiniment eftim^ k la Chine & men>e 
s^neralement , quoique quelques- una 
fuivent une autre Chronologic , cqmme 
nous I'avons rapport^ » laquelle ne dif-^ 
fere pourtant pas beaucoup de celle-cL 

2®. Que la defcription de FEmpire 
^tabli avant Yao , ainfi avant le dduge , 
eft exafle , par confluent que les 
Chinois ont it6 foigjtieux de Thiftoire 
de toute antiqukd 

3°. Que les ouvrages de Yao & de 
Chun font avdr^s puifqu'ils fubfiftenc. 
encore de nos purs , & qu*ils ont 6t6 
farts pour obvier aux inondations & 

P3 



V 



^33 De la p9pulatm 

pour faire ^couler les eauz t ce qui fait 
voir que fous le rdgne de Yao le delu- 
ge univerfel s'^unt manifefl^ , felon le 
Teste Hdbreu , tout le genre humain 
a'a pas p^rl 

40. Que de fon temps & longtemps 
aprds les peuples m^ridionaux etoient 
des barbares ; ainfi des peuples qui s'y 
font ^tablis longtemps avant le deluge. 
Car en fuppofant que Yao eft Noe, de- 
quoi pourtanc nous avons roontre le ri- 
dicule, d'o6 pouvoient venir ces bar- 
bares , s'ils etoient fes fils ou fes pe- 
tits- fits? 

5*". Qu'il n*y a point de n^ceffite' que 
les arcs y fuflent venus d'ailleurs; nous 
ne ceflerons de rdp^ter que le bon fens 
& la diflp^rence du genie r^fidant chez 
le genre humain en general , il y a ea 
& il y aura de tout temps dans toutes 
k» nations des g^nies fop^rieurs capa- 
bles de grandes chofes & de belles in- 
ventions ; il n*eil point n^ceflaire qu'on 
les y tranfporte d'un autre endroit, t($- 
inoin le papier, Timprimerie , la poudre 
h canon , connus chez les Chinois long- 
temps avant que les arts le fuflent en 
Europe. 

Void un pafTage remarquable (5). 

(5) P- 7. 



' ie tAniirupiCk 339 

BfP. de Gaignes dit que fo^ le reg^e 
de Yao iise partie de la Chine ^toic 
eof^velse Ibus les eaux ; que plufieurs 
Ecrivains Eutopeeas: one faifi cet 6ve- 
netnent pour en former le di^luge d& 
Nod, fif^. Dans leChou-King ileft 
die, ajoute^c^il , que ces eaux mon* 
toient aa del & furpaflbienc les colli* 
nes & les montagnes. Ceft , dic-il , une 
cxag^ationd'un Prince, qui ddplore le 
malheur de ks fujets , &c. Si cecce 
inondatioo, dic-il, edt dtd audi cond- 
derable qu'on Ta depeinte, en quel en* 
droit Yao auroic*il pu habiter avaat 
r^coulement des eaux ? Quoiqu'il ne 
regarde ce deluge que comme un d^ 
bordement ordinaire des fleuves & des 
rivieres dans un pays tnccxte mddiocre'^ 
ment peupld , il avoue qu'on a &\tvA 
des digues , conftruic des canaux , per- 
ci^ des montagnes , i^c. pour porter aiU 
leurs ces eaux , & que fans ces ouvragef 
ta Chine fe trouveroit abimde foas u^ 
nouveau deluge. 

II me parott qu'il fe croav6 id quel- 
que contradi6lion. }e fuis parfaitement 
aaccord avec lui quant a la matliert 
hyperbolique orieqtale dpnt-il eft parW 
de cette inondation ; la remarque qu'il 
fait eft frappante & incontefliable i si 

P4 



340 De la Pofuhtm 

YaOy ni fes fujets n'auroient pa habi- 
ter quelque part, fi I'eau avoit furpailK 
les monugnes. Je fuis feulement frap- 
p6 que deux hiftoires parlant du m^e 
^vdnemeot » Tune celle de Moyfe , fok 
prife k la lettre , I'autre celle du Chou- 
King fok expliqutfe par une maniere 
de parler hyperbolique. 
Par- contre comment pent il penfer 

S|ue le pays itt m^diocremenc peupM 
ous Yao , lor(qu*il reconnoit la v6xit6 
& rexiftence du rdgne de Yao, de Chiii- 
BODg & de Hoam • ti ? II faut qu'ils 
ayent eu des fujets, il faut ^u'ils ayent 

5>u habiter un pays qu*il dit mhabitable 
ans tous ces ouvrages. II faut done 
que ce n'ait pas ^te un ddbordemenc 
ordinaire des fleuves , mais un ^ v^ne- 
ment extraordinaire, tel que le grand 
deluge de Moyfe. 

II parle (6) du commencement de la 
famille de Hia & du choix que Chun 
fit de Yu , tige de cette famille, poor 
lui fuccdder. I! rapporte les particular!- 
t^s de /on r^gne fans douter d'auccme, 
ain(i Ton ne l^auroit contefter ce qui 
t*e{l paff^ fous Chun qui I'a choifi , ni 
ibus Yao fon pr^d^ceiTeur. 

id) Ibid, 



II dk (7) (ce qui efl conffrmd , St 
circonftancie par Martini) qu'il y a en 
beaucoup de martyrs pour }es livres 
lors de Tincendie. |e fais la-defllis une 
reflexion ,. fi les Chinois ont ^6 zel^s 
pour la confervation de leur anciens 
livres, jufqu'au point de facrififer leur 
vie ,. comment pent - on fuppofer UQ 
moment que dans ua Empire d'une 
Vendue inrnienfe , on n'en ait pas con^ 
lervd un tres-grand nombre ? 

Apres avoir exalte (S) I'excellence 
& la certitude de THiftoke Chinoife^ 
qu'il ne croit pas contredire k Thiftoire 
de Moyfe , en adoptant la nouvelle 
Chronologic , il ddcrit lui - meme (p) 
la route que les difierentes colonies 
ont du tenir. Si on la fuit exa6kement, 
fi on y refl^chit & qu on. calcule,, on 
trouvera qu'il eft impoflible que les 
fils de No^ y ayent pu p^ndtrer vers 
ces temps , en fuivant* mdmela Chrono- 
gie Grecque , k moins que de laifler 
toutes les Indes ddfertes & fans coIq^ 
X3ies , ce qui feroit une fuppoficioh de I9 
derniere abfurditd. 

H y ibutient encore que ces eolo^ 
nies Cliinoifes n'ont lien de commuo 

(7) P- 19. (8) Tonu II. pi xcwR. 

(si P« 3. 

5 5 



1^ 



34^ ^ ^ Population 

avec celles de la Tartarfe , en quoi je 

me trouve en partie (Facccnrd avec lui. 

11 parle du partage de No^ , il afli- 
«ie (lo) a Cham les Indes, a Sem Ics 
Gantries vers Tlndus & le Golphe Per- 
llqae, & k Japhet celles au N. & N. 
O. de la Mer Cafpieime , & des Indes. 
Je ne m*^loi^e pas beaucoup de fbn 
opinion; mais pouri^oi laifTet-il fans 
habitans les antres trois parties du mon- 
de ? U efl clair qu'il n'a pas fyi oil en 
prendre pour les peupler. II a raifon , 
& en fuivant le fyftfeme vulgaire & fi 
univerfdlement re^u » jamais on ne 
pourra fe tirer de ces embarras infui- 
montables. 

D6s le temps de Yao , qui eft fur- 
vant M. de Guignes (ii) No^, les 
Anc^tres des Huns & des Tartares ha- 
bitoient au Nord de Chenfi, de Chanfi 
& de Pctcheli , on les appelloit Chan- 
Yong , ou barbares des montagnes ; 
jToos les Hia, Tchong-yo; fous les 
Chan , les pays Kuei - fong ou des Es- 
fnts ; (bus tes Hans , Hiong nou ; dont 
peut-^tre on a fonni le oom de Huns,, 
Oa Hutnti* 

Les Huns (i 2) dtofent conntrs avane 
fe comtpencement de la familfe de Hia^ 
quifiic vers Tan 2207, avant Jefus-Chr. 

(XQJ P. 5^ (if) p. 13. (12) P^ 1(JL 



ie fAmtritpie. 345 



CHAPITRE XVIII. 

JLifumi de tout ce qui a M e%pofi d* 
dejfus de la Chronolegie Cbinpifi (f i9 
la non-unherfaliri du dSluge. 

v^Ue le Le£l:eiir (afle lai-mtoie Jef 
r^exions que ces r^cits foutenus de0 
preuves les plus authendques ^ fournis* 
lent natureilement. 

Nous ne faurions mieux finir nos r^ 
marques fur la ChronologieChinoife, 
que par une reflexion qui m^ite f^* 
menc Tatcention dn le£leur. 

Nous avons fait voir qu'exocpt^ TUhf^ 
toire Sainte , qui m^me n'eft paa adSO 
bien li^e, ni circonfhncide , aocoM 
autre ni ancienne ni du moyen igjt 
ne fait voir aufli ^videmment foB ao* 
thentidt^ que Thidoire Chinoifb , dsan 
htquelle fe trouvent tous les caraflertsi 
qui la mettent hors de doute & d^M 
eautres & peine peuvent fe vanter it^uk 
ieul; un peuple dent Torigine fe perj 
dans les t^nebres des temps qui fbirCK 
knna^iatemenc la Creation , utf peo^ 
qui a une mdme kngae & des ea? a3a» 
let depoifplas de 4ood am eMi^naimt 

F6 



J44 ^^ ^ Populati&n 

diff^rens de ceux de tout autre ; un peer- 
pie qui n'a jamais connu d'autres peu- 
ples , encore moins les civilifes , com- 
me les Europ^ens , les Egyptiens , pas 
mfime les Afiyriens, & les Perfans fore 
tard & ^-peu-prSs comme aous con- 
noifTons ceux des Terres Auftrales ; un 
peuple qui n'a jamais eudecommunicae- 
tion avec eux, tant k caufe de la dis- 
tance iii6nie qu'il y a entre les pays^ 
que les uns & les autres habitent , qu'& 
caufe de leur orgueil ^norme qui leur 
bk m^prifer tous les autres au point 
que quand m£me ils aurdent 6x6 etk 
commerce avec eux ,. ils n^auroieat pas. 
voulu puifer quelque chofe dans leuc^ 
hiftoire; un peuple q^ n'a jamais &d 
fubjugu^ enti^rement par d'autres ytst^ 
cept^ dans ces derniers temps par les 
Tartares ,. ^v&ement qui n'a riea 
chang^ dans les fciences, dans la lan« 
gue lu dans les carafleres ;, des monar- 
aues parmi lef^aels il y en* eut pluf^^ 
fieors qui aoroient pa fervir de mo- 
dele aux plus parfaits des pays les nsieui 
polic^ ; un Tribunal d'hiltQire dtablt 
depais pafT^ 400a ans, exemple nm^ 
que , je ae dirai pas pour la dur^e , mail 
pour retablificment m£me ; des diSS^ 
ie(K»( fi pecites da/is ]a Chronologie d* 



ie TAmirique. ^^^ 

tears meilleurs Auteurs^ qu*elles ne fonc 
rien en comparaifon de celles des aur 
tres peoples , de celles m6me des Au* 
teurs les plas fj;avans & des Critiques 
les plus judicieui£ pansii les Europeens^ 
qui fe vantent davoir feuls le& fcien* 
ces & le bon fens en partage. 

Nous avons yft de plus , que leurs 
Auteurs ne different pre£que dans les 
temps anterieurs k Yao que da plus an 
xnoins ; que les uns font certaines fa^ 
milles ou Dynafties fucceflives, d'aur 
tres collatdrales ; de ceux-ci quelques* 
uns les nomment *de la mSme faxnille, 
d'autres, comme Abdalla Beidar i , ff e« 
res. Que les uns furpris d'un nombre 
d'ann^es fi prodigieux fans avoir la 
marotte deprdtendre a une fi grande 
antiquitd , les rejettoient comme £ibu« 
leufes; les autres jugeant qu'on avoie 
eompt^ au commencement par jours , 
(on voit que les £gyptiens & les Ba^ 
byloniens ^toient d^jk dans la meme 
idee) les ont r^duisi en ann^es» Qu'ils 
s*accordfflt tous gdndralement a dire 
que leur Nation a commencd a Puqo- 
ku ; que Fohi a iti leur premier £nif 
pereur ; que Xin - nung & xioam-ti ont 
iiLiM ; que fous Yao ell arrivd le 
grand deluge; que le livre. Y-King dt^ 

P7 



34<$ De h Popuhaim 

da terns de Fdii$ le Choa-kiog do 

terns de Yao. 

Nous avons audi {ait voir que le 
d^lage dont ils parlent eft an vrai d^- 
luge, & le mteie que celai de No^, 
dans lequel cependant toute crdature 
vivante n'a pas pdri} qae ce n'efl; pas 
feolement an d^bordemeot des rivie- 
res ; en efFet un deluge qui couvroit 
les collines & les montagnes, febn le 
ftile hyperbolique deMoyfe & de Yao^ 
ane inondation dont les effets ont da- 
r^ pendant 9 ans fans compter les 13 
tns employes pour y remddier & ren* 
dre le Piiys habitable , & qui a difperi^ 
une partie des habitans au point d'a* 
voir befbin d'etre de nouveau d vilifies ^ 
dont ni dans les 16. fiectes {nrdc^dens^ 
nidans ks 41. fiecles fuivans, il n'y 
a pas eu d'exemple, ne fjpiuroit avec 
tttcane ombre m vraifemblance 6tre 
donnde pour une inondatiim des rivie* 
tes ; done ce dduge ne %aaroie 
lire que celui de Nod , oomme pres- 
qae tous les Aoteors Europ^s I'a^ 
ircHent avoad avant que d'avoir fenti 
combioi les confi^enc^ en font ter * 
Taflantes pout leur fyft^me & leur$ 
pr^jugds ; nous verrons d'abord a due!- 
wii^l^aoiis €es fidtsQout 



tf!r VJmifiifHi. 347 

Les meilleurs Auteurs Chinois & 
qui font regard^s comme les plus au* 
thentiques^ conriennent que depuia 
Puon-KU, ou la formation du globe 
d'uifc Chaos, jufqu'i Fohi, ils^eft pafK 
environ 1000 ans» Arretons - nous en* 
Core an peu id. 

Les Chinois difent exjN'efiement que 
trSs-anciennement une immenfe quan- 
tity d*eau ^toit m£lde avec la terre , 
& que depuis un grand nondbre de fie- 
des il s^en fit une divifiOD qui pro* 
duifit la forme de toutes chofes. On 
vott par \k qu'ils ne difent pas que 
k Chaos , ou la matiere fok dternelle y 
mais {implement que ce Chaos exis* 
toit longtems avant ce que nous nom-^ 
mons Cr^ion ; on a ▼& auifi que tods 
les plus anciens Auteurs Egyptiens^ 
Grecs & autres , n'en doutoient pointy 
<& yai all^gu^ des raifons qui me d^* 
terminent ^ 6tre de leur ayisw 

Nous difons done ^'on compte 
enriron 1000 ans de la Cr^ion ^ 
Fohi, de celui*ci 600 ans k Yao, dt 
llliftoire de la Chine affure que te 
deluge eft arriv^ dans la 6o^ ann^e 
de ce Monarque. Voili t66o ans^ 
felon le Texte H^breu 1656 ans Quo! 
ie 0lus frappant ooe eeete coafbrmit^t 



^49 De la Popukaion 

On me dira que je ne veus pourtant 
pas foutenir que ce calcul des ann^es 
de Fohi a Yao foic exaflement jufte , 
encore moins celui de Puon-ku k Fohi ; 
UDnjjt me ^derai bien de medomiec 
un p»reil ridicule^ Les Auceurs diffe* 
rent dans leurs opinions fur la Chro- 
Bologie Chinoife^ & les Europdens 
plus que les autres pour fauver leurs 

Sr^ieufes Chronologies Samaritaine 
I Grecque. Void un ^chantillon 
des abfurdit^s dans lefquelles ils tom^ 
bent. Jakfon afllire que Yao a com«- 
menc^ a r^gner Tan. 2338 avant TEre 
Chr^tienne. Deux pages apr^s, ii die 
que Fohi & Xin - nung ont men^ en 
Afie leurs premieres Colonies eaviroa 
I'an 2358* avant ladite Ere^ & dans 
la page fuivante qu'il eft arrii^^ k la 
Chine en 2538.; quelies contiadiffaons 1 
Totts les Auteurs mettent 600 ans 
entre Fohi & Yao , & ici il n'y en a 
que. 20 , comment concilier ced ? 
Nous avoRS dit que la diSii^rence dans 
h> Chronologie depuis Puon - ku k Yao 
eft tres * petite entre les calculs des di- 
vers Auteurs Chinois; en rejettant ce 
Bombre immenfe des anndes , ou les r^- 
duifant en jours , & pla^ant des Dyna? 
Aieicoliat^rales aalieu de fucceflives; 



V 



i$ TAmifiqui. 349 

^n tous le deluge feroit arriv^ dans 
k cours du XVII^ fiecle da Monde« 
Dans quelles Hiftoires anciennes on 
moyennes, tronvons • nous une figran- 
de conformite? Qu'on examine THis- 
toire des Egypciens,. des Babyloniens, 
des AfTyriens, des Grecs, partout la 
difference ed de plufieurs fiecles ; nous 
voyons qu'on croic peat-£tre fans rai* 
fon qu'Hdrodote ne donne que 520 
ans a la dur^ du r^gne des Aflyriens, 
]es Auteurs de THilloire Univerfelle 
encore moins, Ct^fias 1300 ans: des 
Auteurs modemes , entr'autres Jakfoi^ 
veulent que Cceflas ait encore trop 
abr^ge les terns; plufieurs ont fupoie 
que le ddhige d'Ogyges & celui de 
Deucalion ^toient le mSme que celoi 
de No^, quoique celui -ci foil arrivd 
feulement 1529; celui -li 1796, felon 
d'autres 1771 , & celui de No^ Telon 
la veritable Chronologie des Hebreux 
3744 ou 48 avant r£re Chrdtienne ; 
tnais 8 ou 10 fiecles de plus ou de 
nioins n'entrent en aucune confid^ra- 
tion chez ces S^avans j fans quoi com- 
ment faire gofiter leurs diveries opi- 
nions fur la dur^e du monde , dont la 
diflfi^rence va jufqu'a la venue du Mes^ 
fie, k aooa ans? Jakfon lui^n^mo 




350 D^ ^ Poputation 

aui abrese la Chronologie de 19 ans 
otns rHilcoireChinoife plus que d'autres 
Auceqrs , avoue <me te deluge ibus 
Yao feroit l^n la Ctrnxiologie da 
Texte H^breoK de dix ans anc^rieur k 
qelui de Moyfe ; en efiet en r^crogra* 
dant depuis I'Ere Chrdtienne placde 
4004 ansapris la Creation , & qui a 6t6 
mife 4 ans trop tard par Denis le Petit • 
felon Taveu de tous les Auteurs de 
48389^ Tanndedu r^gnede Yao, on 
Tiendra k Tan j666 au lieu de 1656, 
Si par contre on en 6te les 19 ans ce 
iera k Tan 1647 ou i-peu-pres dix 
ans, comme il le dit, avant 1656 que 
feloii le Texte Hdbreu le ddluge ^e 
No^ efl: airive, II en faic une preuve 
en faveur Ju calcul des LXX. En 
^uoi confide- t-elle? Dans uhe peti- 
tion de prindpe. P^ Je dduge de 
No^ tout 6tre vivant a p&L Or la 
Chronologie Chinoife authentique & 
inconteftable, place un puii&nt Empi- 
re y quand meme on omettroit les pr6- 
d^eUeurs de Yao du moins 10 ans 
avant TEpoque des Hebreux ; done ie 
calcul de ceux - ci efb erronn^. 
^ N'eft-ce pas une pitid de voir com- 
bien ces Auteurs fe tourmentent pour 
' leur calcul emuin^t tantdt en 



TAmiriqut. 351 

rejettant tous les Rois avant Yao» tan* 
tdt toute rHiftoire avanc Fohi j tantdt 
faifanc de Puon-ka & de Fohi, de Yao 
metne, la meme perfonne, quoique ce- 
IqI -ci ait pir^cdd^ Tauore de 1000 ans, 
tant&c regardant ce que les Auteurs 
difent de la terre non inond^, mais 
mkMe d'eau, non pendant un terns ^ 
mais pendant nombre de fiecles , com- 
me r^poque du deluge ; tandis qu*il lie 
ie trouve aucune, je dis aucune preuve 
ians exception qui prouve quelque fait 
hillorique ^ dans tous les 40 (lecles 
qui ont pr^c^dd ?a venue du Meffie, 
& m^me de nombre d'autres dans plii- 
fieurs fiecles fuivans , telle que reft 
celle de cette fuputation en faveur de 
la Chronologic du Texte Hdbreu & 
de mon fyfteme. Si on en compte les 
anndes avant le deluge , nous avons 
de Puonku a Fohi. . . 1000 ans» 
de Fohi a Yao. • . 600. 
jufqu'k fon deluge. . 60. 

1660 



Si on retrograde, nous avons, fe- 
lon Jakfon meme, ou 1666 felon Tun, 
ou 1647 felon Tautre; quoi de plus 
frappant I 



S5t Di U Pdpuhiim 



CHAPITRE XIX. 

Famine ixtraordinaire dont THifioire 
Cbinoifi fait mtntion. 

]^^Ous ajoaterons un autre fait & 
un autre calcul tir6 de la memoi 
UidcHre Chiooife , qui joint au pre- 
mier, ne fauroit laifler aucun doute 
fur la foliditd de notre fyfteme , i 
snoins de prendre la ferme r^Folu- 
tion de ne rexaminer que pour le com- 
battre. 

Nous avons dit qu^il n*y a que pea 
d'Auteurs, encore ne fbnt-cei*pea-t 
pres qQe des Europ^ens , qui r^voquent 
en doute la certitude de rHiftoire Chi- 
noife depuis Yao, tout dtant trop bien 
foutenu, lid, fuivi & prouvd, tant par 
toutes les circonftances que nous a* 
vons rapportees , que par les Hifloires 
& les Annates des petics Royaumea 
parcic' liters, tant6t fouvcrains, tantot 
tributaires de la Chine , qui s'y accor- 
dent; les faics qui font arrives pres- de 
600 ans apres le commencement du 
r^gne de Yao ne* doivent done point 
etre rdvo^ue's en doute. En void done 



de TAmirique. 353 

tin aniv^ dans les premieres annees de 
Ching-tang, qui monta fur le trdne 
Tan 1747 av^nt Jefus - Chrift felon le$ 
uns , & en 1735 felon les autres , ou , en 
ddduifant les 19 ans que Jakfon difFere 
des autres, en 1728. Dans ces premie* 
res annees 9 il arriva que pendant 7 
ans il y eut une grande famine & di- 
fette, k caufe qu*il ne tomba aucune 
pluye. Jakfon dit que ces annees ont 
une grande reffemblance avec les 7 ans 
de famine & de ft^rilitd en Egypte fous 
Jofeph , mais que la difFi^rence des 
terns faifoit voir que ce n'^toit pas 
la mSme. II a raifon ; felon le calcul 
des Samaritains, cette famine en E- 
gypte commenja en 1820, felon Pez- 
ron en 2154, felon Voffius 2271 avant 
J^lus • Chrift ; tout ceci ne s'accorde 
pas avec 1747 1735 ou 1728: mais 
voyons ce que le calcul Hdbreu en dit ; 
il place le commencement de cette ftd- 
riht^ en 1716; ainfi feulement 19 ou 
12 ans de difference avec le calcul 
Cbinois. Quelle conformity ^tonnante, 
fine ^s refpace de 1735 ans il ne 
oiffere que de fi peu d'annees! aucu- 
ne Hiftoire ne pent faire parade d'une 
pareille conformity. 
Qq y cberchera des obje6UonS| on 



354 ^^ ^ Popubtwn 

dira I^ Pourquoi ell • il n^cefFaire d*eii 
conclure que ce foit la mSroe famine 
que celle de rEgypte?N*y en a*t-il j*. 
2Xiais eu d'autre? 

Oui , il y en a eu , entr'autres cdle 
du terns d'Achab & d'Elie ; par m^ 
heur pour ce calcul , elle ne dura que 
3 ans, ne fut pas fi gdndrafe ^ & arrive 
felon le calcul ordinaire depuis 910 ^ 
907 ; ainfi elle ne tourne pas k Tayanta- 
ge de ces Cfironologiftes. 

2°. On dira qu'il n'efl; pas k fuppo* 
ier que ceue famine en Egypte aic 
iU fi . gdn^rale qu'elle ait pft fe faire 
fentir auili fort & le m&ne nombre 
d*anndes k k Chine qui en eft ^loign^ 
.d'environ 1200 lieues,& qu'aucun au-* 
tre Auteur n'en parle. 
. A ceci je r^pond premi^rement qu'ii 
eO; dit Gen. XLL 54. (f la> famine fut 
dans tons ks Pays nirwn ^22 dans toutes 
Us terras. Ou il faut admettre ici cette 
gin^ralit^, oil rien ne la concredit, 
00 bien y renoncer^ lorfqu'il s*a^t da 
deluge 9 oil ce fens littdral eft concre^ 
die par touted les autces drcooftances^ 
raifons &hiftoires^ Pajoutequel*^ 
loi^ment en hmgliiide la'eft d*aucuf> 
ne importance k cet ^gpdl, siaii b^ 
U difl^ence de b .laM9<> «QIPHPe 
Texp&Ience le proave. 



de TJmirique. 355 

La rotation de la terre autoar de fon 
axe quoiqu'elle entraine en mSme terns 
fon atmofpfaere, y in&ie beaucoiq^i 
fous les pays du roeme dimat & la« 
tkude. Si les nuages font en grand 
nombre & qu'il n'y ait point de vent , 
ib reltent toujours un pea en arriere $ 
avec on fort vent de TOueO: , ils la de« 
vancoront, mais toujours s'ils n'ont del 
vents . du Sud & du Nord , ils refte^ 
ront dans la meme dire£tion de I'Eft 
i rOueft. Cutout s'il s'agit d*an es* 
pace d'environ 10 degr^s de latitn* 
de. Or ici FEeypte & one partis 
de rAbyffinie Sm cdtd , la Chiiie, 
y cooipris dans om terns le Tunqoin 
& la Cochinchine de I'autre, font 0^ 
tu^es Tune & raotre entre le 20^ A 
le 30^ degr^ de latiode; par coaff^ 
qoent cette rem^rque a pajfaitsmeM 
ilea id. 

3^ Qa'on n'obje6le point le filenot 
des Aeiteurs ; il n'efl d'aucan pmds^ 
outre que je n'admets que tr^-rare« 
nenc les precrves negatives , comme 
nous nous ibmmes expliqu^s (btnrentft^ 
ce figtt ; quels Auteurs auroienc da en 
parter? Lefra^ent deSandioniath(M|. 
eft ie plus anci^n que nous ayons , . tout 
[^ oiimages^ ^ Auteiilii am^rieiat 



35<$ ^^ ^ Populathn 

itBnt fuppof^s, celui-ci a v^cu 700 
ans apr^s cette dpoque , outre qu*il ne 
parle que fucciocemenc des faics hifto* 
riques, & qu'il omet m£me le ddu* 
ge , dv^nemenc tout autrement impor* 
tanc que cette famine; nous n'avons 
que des fragmens de B^rofe & d'Aby- 
dene , fuppofons qu'ils I'ayent auffi 
omis ; on pourroit appliquer encore id, 
qui prouve trop ne proove rien. Ni 
lidandthon ni aucun Auteur Egyptien 
n'en parle, fans quoi on n*auroit pa^ 
ii6 en peine comme tous les S^a* 
vans le font, fous quel Roi Jofeph a 
y^u : done il faudra condure que 
cette famine, & tout ce que Moyfe 
zaconte de la fervitude des Ifraeli- 
tts en Egypte eft fabuleux. 
*\\ Enfin on objefle que dans I'His* 
toire de la Chine cette famine eft at- 
tribute au ddfaut de pluye , mais que 
cette caufe ne fauroit avoir lieu en 
Egypte oil il pleut raren^ent. 
. Je r^pond que la caUfe eft tellement 
la m£me, que, comme chacun le fyait 
Finondation du Nil qui eft la fource 
dc la fertility extreme de TEgypte, 
provient des pluyes qui tomteat fi 
abondamment dans TAbyfllnie. Si done 
i:eIles-Ui out ceiT^ ou dimina^ condd^- 

rable- 



ie TAmirtqixt^ 357 

r^Iement y la caufe des difettes de 
Tun & de I'autre Pays aura etd evi- 
demment la fccherefle & le d^faut de 
pluye. Je crois qjue par tout ce q^ae 
nous venons de dire on fera coa- 
vaincu de ^importance de la rdflci- 
xion^ elle n-erf pourtant pas encore 
d'un aufli grand poids que celle que 
nous y allons ajouter. 

Quels font les argumens fes plus ufl- 
tes des EfprJts-forts, des incredules, 
dont le nombre hdlasl fe inukiplie 
chaque jour contre la vdritd de notre 
£unte religion ? Ne font - ce pas les^ 
contradi6tions ou apparentes ou v^rT- 
tables qu'on rend telles par une opinia.- 
trete deplorable ^ principalement dans' 
le fyfteme vulgaire fur le deluge & 
la deftrudtioa gdn^rale arrivee parmi 
tous les gtres vivans & autres qu'biv 
trouve. dans les livres hiftoriques de 
TEcriture Sainte, d'oii iJs prennenc: 
occafion de rejetter aufli toute la pa&- 
tie dogmatiquet 

On fera forcd d'en convenfr^ & 
qiTil n*y a pas pioyen de concilfeir 
ces contradifiLions aa poinc^ die . Feuir 
&ire goiker ces explications^ fouvenit 
plus ing^nieufes que conformes* S la 
raifon. Pourqiioi done ne paa ^\m:» 



35? ^^ '^ Populatbn 

la voye que jMndique & qui a etd in- 
diquee par d'autres , principalement & 
avec une grande force par Mr. C3iaix 
dans rintroduftion a fon excellent Ou- 
vrage fur le fens literal de la Bible, 
en diftingant entre ce gui eft dcrit 
par infpiration pour enfeigner la ve- 
ritable religion , & ce qni Ta rftd "par 
des hommes infpires , agifl^ de bon* 
ne-foi en toot ce qiri ^toit de leur 
connoiflaiice fur dcs drconftances 
hiftoriqiies qui n'importent en rien 
au fond de THiftoire , encore moins 
aux dogmes de la Rdigion? Pdm> 
quoi pretendre fi opmiatrcment que 
tout Itre vivant a p^ri dans te de- 
luge , lorfque par - tout ailkuts quand 
les memes expreflions font naitre des 
difScultes , on les explique ? Si on 
fuivoit cette voye & qu*on admtt 
mon fyfteme , on ne pourroit s*enip6- 
cher de regarder avec une fainte ad- 
miration & furprife , que la fagefle 
infinie de Dieu nous ait conicrv^ 
pendant tant de niilliers d'ann^es ^ 
chez un Peuple inconnu & en par- 
tie idolatre, les annales les plus aii- 
thentiques qui doivent convaincre les 
plus incredules par toutes les circon- 
flances rapport^es & par leur confoaS 



de rJmeri^ie.' 355 

mit^ unique avcc le r^cit de Moy. 
fe, felon la v^'rite Hebr^rque, llir le 
commencement du monde ou notre glo- 
be flit tire du Chnos , fur le deluge uni- 
verfel de Moyfe, & fur Tepoque de 
cette famine generale ; que ^rHifloirfe 
de Moyfe eft la plus autbentique qu'on 
ait jamais eu & ne peut etre fujet- 
te au moindre doute. Je fouhaite 
done que de plus favans que moi y & 
auffi zel^s pour la gloire de Dieu & 
la religion, fe depouiUant de tout prd- 
juge veiiillent prendre la peine de r^- 
flechir mftrement fur ce que nous ve- 
nons de dire. 

Nous aurions encore bien des cho- 
fes a dire des Chinois , la matiere dtanc 
prefqu'in^puifable ; mais il eft temps 
de les quitter pour venir aux autres 
nation! » particulierement a celles de 
VEurope, 

Fm du IJvre huitieme ^ du, Tomt 

quaPriemi. 




Qa 



CATALOGUE 

DES LIVRES NOUVEAUX 
Qu'oa trouve chez MARC-MICHEL REY^ 

Libraire k Ainflerdam. 

l-*Antiqiik^ ddvoilde par fes Ufagcs, ou Examen cn- 
tique des principales Opinions , Cdrdmonies & In» 
ftitutions Relfeicufes & Politique^ des diffcrensPeu- 
plcs de la Terre ; par feu Mr. Boulanger. 3 vol; 

' grand in - douzc 1766. 

■ dito , en i vol. in 4, 

Gontes des Genies, ou les charmantes Ie9onsd*Hoi> 
ram tils d'Asmar,ouvrage tradoit du Perfan-en An- 
glois , par Sir Ciiarles Morell , ci-devant AmbaflTa- 
deur des Etabiiiremens Anglois dans Tlndc , k la 
Coui; du grand Mogol ; & en Fran9ois fur la tra- 
dudion Angloife , en 12 parties in 8. qui fe relient en 

3 Tomes, Amllerdam 1766. avec XIII. planches en 
CuTvre, ^ / 3 : 15 i* de Hollande. 

■ &nouvellcs en vers, par M. dela Fontaine 8. 
2 vol. avec 14b Planches en Cuivre»8. Amfterdam 
1764. k /21. coiirant de HoJlande. 

Parallele de la Taille Lat^rale de M. Le Cat, avec 
celJe du Lithotomc-Cach^ , fuivi de Deux Differta^ 
tions , fur Tadhdrence des Pierres k la VelBc , fur 
quelques nouveaux moyens de tirer la Pierre &c. 
par Claude Nicolas Le Cat, publid par Alexandre 
Pierre Nahuys grand in 8* i vol. Amfterdam 1765. 
avec VH. grandes Planches gravies en Cuivre par 
DeUbs. 

Voyages & Ddcoavertes faites par les Rufles le loifg 
des cotes de la Mer Glaciale & fur TOcdan Orieri- 
lal , tant vers Fe Japon que vers l-AmdriquCi On J^ 

4 joint rtlirtoirc du Fleuve Amur & des pays ad- 
Jaccns, depuis Ih conqufite des RulTes; avec la 
Bouvdle Carte qui prdfente ces Ddcouvertes & le 
coursde I'Amur, drelfcc fur des mdmoires authen— 
tiqucs, publii5e pat TAcaddmie des Sciences de St.. 
PetLTSbourg,Ck corrigde en dernier lieu. Ouvrages- 
«aduits de TAUemand dfe- Mr. G. P.. Mulier Pro- 
fclTcur & Secretaire de. la dite Acaddmie , parC. G« 
Dumas. 2. vol. grand in-douze , Amfterdam 1766.. 
avec la Carte de ces Dticouvertes publiee garillAr 
cad^uie ^/2-io, de.HoUaiide*