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Full text of "Essai sur la vie et les ouvrages de L.-A.-J. Quételet"

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ESSAI 

Sin LA VIE KT LKS (H'VliACES 
DE 

L.-A.-J. QUETELET, 

PAR '^ 

ErP. MAILLY, 



COlJMKSroNtlANT I)K l.'.VCADKMIK HOYM.K hK l5KI,i;iUl K. 




BRUXELLES, 



^ » 



F. liAYËZ, IMPKIMBUK DK L ACADEMIE ROYALE DES SCIËiNCES, 
DES LETTRES ET DES BEAUX-ARTS DE BELGIQUE. 



1875 

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Extrait de VAnnuaire de l'Académie royale de Belgique, 
quarante et unième année, 1875. 



(3 ) 



TABLE. 



1 — 

11.— 
III. -- 

IV.— 



^ô V. 



"^ VI. 
VII. 

>sv VIII. 



^ 
-ç 



Pages : 

Les jeunes années de QueteleV. — Ses débuts 
comme professeur, comme poète et comme géo- 
mètre. — L'Université de Gand 5 

L'arrivée de Quetelet à Bruxelles. — Ses poésies. 
— Son Essai sur la Romance 14 

L'entrée de Quetelet à l'Académie des sciences et 
belles-lettres de Bruxelles. — Ses mémoires de 
géométrie 27 

Quetelet considéré comme professeur. — Ses ou- 
vrages élémentaires. — Ses idées sur l'enseigne- 
ment public. — Le Musée des sciences et des 
lettres. — Le Musée des arts et de l'industrie . 50 

L'excursion de Quetelet à la grotte de Han. — Ses 
voyages en France, en Allemagne et en Italie. — 
li'Observatoire de Bruxelles; historique de sa 
construction 65 

Quetelet considéré comme physicien. — Ses pre- 
mières recherches statistiques 85 

Quetelet à l'Observatoire et à l'Académie des 
sciences et belles-lettres. — Son élection comme 
secrétaire perpétuel de l'Académie. — Son Essai 
ub rurgiQUE SOCIALE 105 

Les mesures prises pour arriver à une détermina- 
tion plus exacte du temps. — Le second voyage 
de Quetelet en Italie. — L'extension donnée aux 
travaux de l'Observatoire. — L'observation des 
phénomènes périodiques. — La création de la 
Commission centrale de statistique 130 




(4) 

Pages : 

«-jL- IX.. — Les lellres sur la théorie des probabilités. — Le 
mémoire sur la statistique morale. — L'ouvrage 
sur le système social. — La réorganisation de 
l'Académie et rétablissement d'une classe des 

beaux-arts 1^9 

X.. — Les préoccupations politiques de Quetelel en 1848. 
— Ses travaux sur les températures de la terre, 
sur la végétation des plantes , sur l'électricité de 
l'air, sur les ondes atmosphériques. — L'ouvrage 
sur le climat de la Belgique. — La Conférence 
maritime et le Congrès de statistique de 1853.— 
La détermination de la différence des longitudes 

entre Bruxelles et Greenwich 1 1:2 

XI. — Quetelet dans son intérieur. — Ses dernières années. 

Sa mort 157 

XII. — Les dernières publications de Quetelet ig4 

XIII. - Conclusion 179 

Notes 183 



S 



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ESSAI 

SUR LA VIE ET LES OUVRAGES 



DE 



lAMBBRT-ADOlPHE-JAGQUES QUfiTELET, 

né à Gamd U ft février 1796. mort à ânactUn /• 17 février 1874. 



I. — Les jeunes années de QtÂetelet. — Ses débuts comme 
professeur, comme poète et comme géomètre,^ L'Univer- 
sité de Gand. 

L'homme dont nous allons essayer d'écrire la vie et d'ap- 
précier les travaux, tiendra sa place dans Thistoire des 
sciences et des lettres : il est du petit no^ibre des Belgçs qui 
ont su je faire un grand nom à l'étranger. 

La nature l'avait doué d'un esprit pénétrant, d'une imagi- 
nation vive et d'un jugement solide; elle lui avait donné en 
outre une qualité précieuse, la persévérance , sans laquelle 
les facultés les plus brillantes restent quelquefois stériles. 

Adolphe Quetelet fut poète, littérateur, géomètre, physi- 
cien, astronome, statisticien. U eut toujours du goût pour les 
beaux-arts , et c'est même un dessin exposé à Gand, en 1812, 
qui attira sur lui l'attention du public. Ce dessin, l'un des 

1 



(6) 

plas beaux du SaloD, avait remporté le premier prix au Lycée 
de Gand, et, lorsqu'il en fit Téloge, M. Cornelissen eut soin 
d'ajouter que Tauteur « honorait le Lycée par de grands 
succès dans tous les genres ^. w 

Ayant perdu son père à Tâge de sept ans, Quetelet, à peine 
sorti du Lycée, se vit forcé, par des malheurs de famille, de 
chercher des moyens d'existence. En 1813, il entra comme 
professeur dans un établissement d'instruction publique à 
Âudenaerde^ où il enseigna les mathématiques, le dessin, 
la grammaire, etc.; il y eut pour élève M. Liedts qui fut 
longtemps après ministre de l'intérieur et qui fonda la Com- 
mission centrale de statistique. 

Après un an de séjour à Audenaerde, Quetelet revint à 
Gand. Le Lycée de celte ville s'était dissous à la chute de 
l'Empire; mais, dès le mois de novembre 1814, le prince 
souverain des Provinces-Unies des Pays-Bas avait autorisé 
le Conseil municipal à remplacer le Lycée par un collège; 
le 5 décembre, le Bureau d'administration de ce collège fai- 
sait un appel à tous ceux qui avaient « les qualités requises 
pour se vouer à l'instruction de la jeunesse ' » ; et , le 22 fé- 
vrier 1815, le commissaire général du département de l'inté- 
rieur, duc d'Ursel , nommait les professeurs *, 

Quetelet fut désigné pour la chaire de mathématiques. 
Le jour même de sa nomination , il accomplissait sa dix- 
neuvième année. Le sort qui lui était fait n'avait rien de 
brillant ; mais son existence était assurée, et la ressource 
des leçons particulières lui restait. Le ciel avait exaucé le 
plus cher de ses vœux, il était indépendant. Désormais il 
^urrait, en toute liberté, s'occuper d'art, de science, de lit- 
térature; dessiner, jouer de la flûtei lire Pascal, étudier New- 
ton , faire des vers. 



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(7) 

Un ancien élève du Lycée (feGand, G.DandeliD, avait quitté 
I^École polytechnique pour rentrer en Belgique; à son retour 
il s*étail lié étroitement avec Quetelet dont il partageait tous 
les goûts. 

Les deux amis voulurent écrire pour le théâtre; ils asso- 
cièrent à leur projet un musicien distingué, Ch. Ots ^ et le 
fruit de cette collaboration fut un opéra « en un acte , en 
prose et à grand spectacle, » représenté sur le théâtre de 
Gand , le 18 décembre 1816. La pièce avait pour titre: Jean 
Second ou Charles-Quint dans les murs de Gaîid '. Elle 
réussit, mais ne fut jouée que deux fois, Dandelin ayant pré- 
tendu que le parterre avait fait acte de civisme et de dévoue- 
ment, et qu'il serait peu loyal de le mettre à une troisième 
, épreuve. Les auteurs renoncèrent à la carrière dramatique, 
quoiqu'ils eussent en préparation deux autres pièces, Les 
deux Troubadours et Le Railleur. Dandelin , nommé sous- 
lieutenant du génie le 16 avril 1817, reçut Tordre de se rendre 
à Namur, et Tinfluence de Garnier qui vint occuper la chaire 
de mathématiques à FUniversité de Gand ramena Quetelet 
dans la carrière des sciences. 

L'installation de l'Université eut lieu le 9 octobre 1817, 
en présence du prince d'Orange, et le 3 novembre, la cloche 
du beffroi annonça l'ouverture solennelle des cours. 

Les professeurs de la faculté des sciences étaient MM. Gar- 
nier, Hauff et Cassel. Ce dernier devait enseigner la zoologie, 
la minéralogie, l'anatomie comparée, la botanique et la phy- 
siologie des plantes : c'était un homme distingué, d'une 
grande modestie ^. Son compatriote Ch. Hauff, qu'on avait 
chargé des cours de physique et de chimie, ne lui res> 
semblait guère sous ce dernier rapport ^. Garnier figurait au 
programme pour les mathématiques élémentaires et l'astro- 



(8) 

Domie physique; il devait commencer ultérienrement des 
leçons sur Tastronomie mathématique, sur les mathémati- 
ques transcendantes, l'hydraulique et Thydrostatique. 

La position que Quetelet occupait au collège de Gand le 
mit naturellement en relation avec le professeur de mathé- 
matiques de rUniyersité. Voici le portrait qu'il a laissé de 
Garnier. a . . . La physionomie fortement caractérisée de 
M. Garnier, • dit-il, u ses yeux vifs, enfoncés sous des 
sourcils très marqués, son sourire un peu satirique, ses 
réponses promptes et presque toujours spirituelles, devaient 
le faire remarquer dans la société, où il aurait pu facilement 
briller au premier rang , s'il avait aspiré à y paraître. Sa 
taille petite et courbée et ses formes grêles contrastaient 
singulièrement avec le tour décidé et incisif qu'il donnait à 
son langage. Il avait une habitude qui aurait pu paraître 
choquante chez tout au^'e, mais qui, chez lui, ne faisait 
qu'ajouter au pittoresque de sa conversation : c'était d'être 
assez prodigue de certains mots expressifs qu'on entend peu 
dans la bonne société où M. Garnier avait toujours vécu 
comme le prouvaient suffisamment ses autres habitudes. Ces 
mots, rapidement prononcés, formaient une espèce de ponc- 
tuation parlée; ils arrivaient , on peut dire si naturellement , 
qu'on unissait par n'y plus faire attention. 

»... Peu à peu » , ajoute-t-il, a sa conversation, toujours 
instructive et spirituelle, toujours abondante en anecdotes 
piquantes, se rattachant aux hommes les plus éminents de 
cette époque, avec qui il avait eu de fréquents rapports, 
donna une direction spéciale à mes goûts qui m'auraient 
porté de préférence vers les lettres. Je résolus de compléter 
mes études scientifiques et je suivis les cours de mathé- 
matiques supérieures de M. Garnier. 11 fut, en même temps, 



(9) 

convenu entre nous que, pour le soulager dans ses travaux , 
je donnerais quelques-uns des autres cours dont il était sur- 
chargé. Je me trouvais ainsi de fait son élève et son col- 
lègue.... » 

 Fouverture des cours de la nouvelle Université, la 
faculté des lettres ne comptait que deux professeurs, 
MM. Mabne et Schrant : le premier était chargé d^enseigner 
les littératures latine et grecque, et les antiquités grecques 
et romaines; le second , Thistoire universelle et la littérature 
hollandaise. Le programme annonçait que ces deux derniers 
cours commenceraient à Parrivée du professeur, » qui ne 
pouvait tarder; » on avait été obligé de conGer la logique 
et la métaphysique aux professeurs Hauff et Cassel de la 
faculté des sciences. 

Une nomination heureuse eut lieu au commencement de 
Tannée 1818. M. Raoul, Français comme Garnier, fut appelé 
à Gand et chargé de renseignement de la littérature française. 
« II choisit une modeste habitation dans un des quartiers les 
plus reculés de la ville; cette habitation , entourée de jardins , 
devint bientôt le rendez-vous d'une société choisie. Les jeunes 
gens qui se distinguaient par leurs talents étaient sûrs de 
trouver chez lui un accueil bienveillant et d'excellents con- 
seils pour la direction de leurs études : sa bibliothèque, sa 
table , sa bourse même étaient mises à leurs disposition ^. » 

Raoul devint un des collaborateurs desJnnales belgiques, 
dont la création avait suivi de près celle du Mercure belge : 
c^est dans Ces recueils, dans les almanachs poétiques de 
répoqne et dans le supplément aux Études et leçons fran- 
çaises de littérature et de morale, publiées à Gand chez 
De Russcher, que Ton trouve les pièces de vers de Quetelet. 

La Veillée des Bardes fut son début : d'une couleur un 

1. 



(10) 

pea sombre, ce morceau révélait un poète sérieux , classique 
dans la forme, mais n'ayant rien de commun avec les versifi- 
cateurs du temps. Les Adieux du poète à sa lampe qui vin- 
rent ensuite, respiraient une douleur vraie, une profonde 
mélancolie; en voici le commencement et la fin : 

Du haut de son char nébuleux 
Le sommeil a versé sur la nature entière 

L'oubli des maux et les songes nombreux ; 
Mais il ne descend plus sur ma faible paupière : 

Il fuit, hélas! le lit du malheureux. 
toi, de mes douleurs compagne solitaire, 
Toi qui me restes seule au sein de la misère, 
Seule de tant d'amis qui sont sourds à ma voix : 
Lampe chérie , ah ! viens pour la dernière fois , 

Viens me prêter ta flamme tutélaire. 



Le poète chantait : et son front doucement 
Se penche vers son lit, tombe et se décolore. 
Accusant la lenteur du mal qui le dévore , 
Sa voix plaintive expire en sons interrompus : 
Il se soulève encore , et sa vue affaiblie 
Traîne un regard mourant vers sa lampe chérie. 
Sa lampe s'éteignit... Il n'était déjà plus. 

Les deux morceaux que nous venons de citer parurent au 
commencement de Tannée 1818. Sauf une traduction d'un 
court fragment de VAjax de Sophocle, nous ne trouvons plus 
de vers de Quetelet avant le mois d'août de Tannée 1819. 
Dans Tintervalle, il se prépara à subir ses examens. Â cause 
de sa position exceptionnelle, il fut autorisé à passer consécu- 
tivement les examens de candidat et de docteur en sciences. 
Le 24 juillet 1819, il prit le bonnet de docteur, et invita cour- 



( 11 ) 

toisement ses professeurs au banquet qui suivit lapromotioD. 
Ce dut être un beau jour pour ces derniers comme pour lui- 
même. La dissertation inaugurale de Quetelet allait jeter un 
grand lustre sur PUuiversité et préparer un brillant avenir à 
son auteur. Elle était divisée en deux parties : dans la pre- 
mière, Quetelet démontrait, d'après des considérations qui 
lui étaient propres, que le lieu des centres d'une série de cer- 
cles tangents à deux cercles donnés de position, est toujours 
une section conique; dans la seconde partie, il faisait con- 
naître une courbe nouvelle du troisième degré, la focale, lieu 
des foyers de toutes les sections coniques déterminées par 
un plan transversal tournant autour d'un point pris sur la 
surface du cône droit. 

La découverte de la focale fut célébrée dans les Annales 
belgiques et dans le Mercure belge .* « La découverte de la 
focale et de ses propriétés, par un des élèves de notre Uni- 
versité naissante, * disait Garnier, « est un titre si flatteur 
pour nous, que nous ne croyons pouvoir trop nous en préva- 
loir. » — « La découverte d'une courbe, » s'écriait Raoul, » a 
suffi pour faire la réputation de plus d'un grand géomètre, et 
Ton ne sépare plus le nom de cycloïde de celui de Pascal. » 
Ce dernier trait fut encore exagéré par de Reifienberg : 

Par le compas enfin , que guide ta pensée. 
Sur le papier savant une courbe est tracée ; 
Pascal est attentif, et son œil étonné 
Admire un résultat qu'il avait soupçonné. 

Dandelin , à qui son ancien ami s'était empressé d'envoyer 
son travail, répondit sur-le-cbamp qu'il se réservait de l'exa- 
miner avec soin et de lui en dire son avis. « J'ai justement 
sous la main les œuvres de Pascal, • écrivait-il; u le rapport 



(12) 

qui existe eDlre vos idées et les siennes me fournira un point 
de départ pour mes observations. » 

Nous avons dit que la lecture de Pascal était devenue une 
des occupations favorites de Quetelet ; nous ajouterons que 
toute sa vie il conserva le culte de ce grand homme. Si la 
focale ne peut pas être comparée à la cycloïde pour l'impor- 
tance des propriétés , elle n'en est pas moins une courbe des 
plus remarquables, comme nous le verrons bientôt : nous re- 
nonçons à en parler avec plus de détails pour le moment, afin 
de ne pas scinder ce que nous avons à dire des travaux de 
géométrie de Quetelet, travaux dont la connexion intime ne 
permet pas qu'on les sépare. 

La promotion du 24 juillet avait été une véritable solennité; 
le 25, on lisait dans le Journal de Gand : « Hier, le grade de 
docteur dans la faculté des sciences physiques et mathéma- 
tiques a été conféré pour la première fois dans notre Univer- 
site. C'est M. Quetelet, de Gand et professeur de mathéma- 
tiques à notre collège royal, qui a eu Thonneur de cette 
initiation, après une discussion solennelle et publique dans 
laquelle ce jeune professeur a argumenté avec une grande 
distinction. MM. les professeurs, tous les élèves, beaucoup de 
fonctionnaires et un public éclairé, ont assistée cette récep- 
tion, qui, en promettant à la Belgique un homme distingué, 
a prouvé que l'étude et Tamour des sciences savent multiplier 
le temps et triompher de la jeunesse. Puissent, lui a dit le 
recteur de PUniversité, M. Gassel, promoteur de la faculté 
dans cette séance, vos nobles efforts servir à propager la 
science et à en augmenter le domaine ! • 

Parmi les thèses qui étaient jointes à la dissertation de Que- 
telet, se trouvait la suivante : Haud mihi paradoxa videlur 
opinio lapides, qui vulgà vocantur aërolithif è luuâ esse 



( 15) 

tnissos (L^opinion que les aérolithes sont projetés par la lune 
ne me semble point paradoxale), a Cette position, » disait 
Gamier, « n'a pas paru très orthodoxe à certaines gens qui, 
sans prétendre s'opposer à ces chutes de pierres , sont néan- 
moins fort scandalisés de Topinion qu'elles puissent venir de 
la lune. Notre jeune docteur, » ajoutait-il , a était prémuni 
contre toutes les attaques; il savait d'an' ?urs que le préjugé 
scientifique contre ce phénomène n'exisuit plus que dans la 
tête de quelques individus qui semblent préposés à la conser- 
vation des erreurs et des sottises, comme Tétaient les vestales 
à la garde du feu sacré. » Nous citons ce passage, parce qu'il 
fournit un échantillon de l'esprit de Gamier et que la thèse 
dont il parle marque le point de départ des recherches de 
Quetelet sur les aérolithes et les étoiles filantes. 

M. Falck, ministre de l'Iustruction publique, vint à Gand 
au commencement du mois d'août. Le 5, il visita le collège 
royal; le 4, il assista à la pose de la première pierre des bâti- 
ments de l'Université, et, le lendemain, un banquet lui fut 
offert par la Société royale des beaux-arts. Ce banquet fut 
précédé d'une séance littéraire, dans laquelle plusieurs lec- 
tures furent faites : « On a particulièrement remarqué , • di- 
sait le Journal de Gand du 7 août, • uneépîtreen vers sur 
la mort de Grétry, par M. Quetelet. Cette pièce est remplie 
de beaux vers et de traits d'une sensibilité exquise. On a pu 
regretter que l'émotion de l'auteur, dont la modestie honore 
et embellit le talent, ait pu nuire à cette lecture. » 

La pièce de vers, qualifiée ici d'épttre, parut dans le Mer- 
cure belge, sous le titre : Éloge de Grétry. L'auteur y chante 
la puissance de l'harmonie et la gloire du musicien dont la 
lyre consolait l'univers de la perte de Molière : à sa mort, 
Apollon , sensible aux larmes de Thalie , voudrait révoquer 



(14) 

Tarrét dn Destin , mais celui-ci est inflexible, et pour adoucir 
l^aflSiction de la Muse, Apollon lui donne l'assurance que la 
gloire de Grélry sera étemelle : 

Son nom vainqueur du tempg, et du temps respecté 
Toujours croissant ira vers la postérité : 
Calmez donc ces chagrins , cette douleur profonde , 
Assez longtemps il fit les délices du monde. 
Qu'il vienne parmi nous recevoir de vos mains 
Les lauriers réservés à ses accords divins. 

Quoi quMl en soit du mérite de ce morceau et de l'effet 
qu'il produisit à la séance de la Société des beaux-arts, 
M. Falck à qui Quetelet avait été présenté lors de sa visite 
au collège royal, dut prendre intérêt à un jeune homme, poète 
et géomètre, lettré et savant, recommandé à la fois par Raoul 
et Garnier, bons connaisseurs. 

L'effet de cette recommandation ne se fit pas attendre. II 
y avait justement à TAthénée de Bruxelles, un vieux profes- 
seur de mathématiques élémentaires, M. Delhaye, disposé à 
prendre sa retraite. Quetelet fut nommé à sa place au com- 
mencement d'octobre *<^, et par un arrangement particulier, 
il s'engagea à lui abandonner le quart de son traitement à 
titre de rente viagère. Chaque fois qu'il recevait le terme 
échu, le vieillard ne manquait pas de s'excuser d'être encore 
en vie. 

II. — L arrivée de Quetelet à Bruxelles, — Ses poésies, — 

Son Essai sur la romance. 

Le premier soin de Quetelet, en arrivant dans la capitale, 
fut de courir à la demeure du commandeur de Nieuport. 



(15) 

Nieaport avait à cette époque au delà de soixante-treize 
ans. Pendant longtemps il avait été pour ainsi dire le seul 
représentant des sciences exactes en Belgique. « Je trouvai, » 
dit Qnetelet**, « un beau vieillard, d'une UiUe élevée, d*un 
parier brusque, mais plein de franchise et de bienveillance. 
11 me reçut avec bonté : ma jeunesse et mon goût pour sa 
science de prédilection Tintéressèrent en ma faveur ; il avait 
commencé par me recevoir comme un père, et, peu à peu 
en causant de sciences, il finit par se mettre à mon niveau et 
à me parler en véritable ami des divers objets de mes études. 
Dans un âge avancé, il avait conservé toute Tardeur, toute 
la vivacité de la jeunesse; quand la conversation s'animait, 
on s'apercevait facilement à ses mouvements d'impatience, 
au tremblement de ses mains, à l'agitation de toute sa per- 
sonne, que sa langue ne suffisait pas à rendre toutes les pen- 
sées qui se présentaient presque en même temps à son esprit. 
Son parler était vif , coupé, plein d'images ; j'ai connu peu 
d'hommes qui eussent un langage plus pittoresque. Sa figure, 
dont les traits n'étaient pas sans noblesse et dont la teinte, 
brunie par les feux du midi, contrastait avec la blancheur de 
ses cheveux, avait une expression animée ; ses yeux étaient 
petits et bleus, mais pleins de vivacité. Quand la discussion 
s'échauffait, son geste même avait de l'éloquence, et il ne fal- 
lait pas attendre sa réplique pour connaître le fond de sa 
pensée. » 

Le commandeur, comme on l'appelait par abréviation, 
avait en horreur les idées libérales. Pendant la révolution 
brabançonne, dont il s'était montré le ferme adhérent, il 
avait imaginé de faire voter par l'Académie des sciences et 
beUe&>lettres de Bruxelles , quatre canons pour soutenir la 
cause de Vandemoot et des patriotes : ce qui faillit tourner 



fort mal pour rAcadémie,à la rentrée des Autrichiens **. 
11 aurait bien consenti à accorder la liberté de la presse, 
mais en latin seulement, et avec défense formelle de rien 
traduire sans une autorisation préalable *K 

Quetelet avait pris un logement dans une maison de la 
petite rue de rÉcuyer, oii demeurait le baron de ReifTenberg, 
régent de troisième à TAthénée , à qui il avait été présenté 
par Raoul, leur ami commun. « Je n'oublierai jamais cette 
première visite, » disait-il trente ans après^^;« quelle gaieté 
bruyante! quelle volubilité de langue ! quels élans de ten- 
dresse ! et comme si la parole ne suffisait pas à sa vivacité 
naturelle, il était dans un mouvement continuel, allant, ve- 
nant, montant et descendant Téchelle de sa bibliothèque avec 
la rapidité de Técureuil. Au bout d'une demi-heure , j'étais 
véritablement étourdi au point de ne plus trouver une seule 
idée. Malgré sa petite taille, malgré ses cheveux d'une cou- 
leur un peu hasardée, de Reiffenberg, à cet âge, avait un 
extérieur véritablement agréable. Ses yeux pleins de vivacité 
donnaient à sa physionomie beaucoup d'expression et de 
finesse : sa conversation vive et spirituelle rachetait d'ail- 
leurs ce qui aurait pu lui manquer sous le rapport du phy- 
sique. » 

Le petit Reiffenberg, comme l'appelait le commandeur, 
avait précédé Quetelet à. Bruxelles de huit mois. 11 s'était 
promptement faufilé dans la compagnie des réfUgiés fran- 
çais, parmi lesquels on remarquait David, Arnault, Bory 
de Saint-Vincent, Berlier, Merlin , etc., et n'avait pas tardé à 
conquérir leurs bonnes grâces par son esprit vif et brillant. 
11 leur présenta son nouvel ami, et ce dernier ne se fît pas 
moins bien voir d'eux, mais par des qualités plus solides. 
Les événements extraordinaires dont il avait été le témoin, 



(17) 

et les fortes études auxquelles il venait de se livrer avaient 
mûri son jugement La chute de TEmpire en 1814, les cent 
jours, la bataille de Waterloo, avaient dû laisser chez lui des 
traces profondes. Je ne pense pas qu'il eût des sympathies 
bien vives pour Tancien régime dont il avait pu contempler à 
Gand les augustes débris : son instinct et son éducation le 
portaient plutôt vers les représentants des idées nouvelles, 
qui , après la réaction royaliste , avaient demandé un asile à 
la Belgique hospitalière; c'étaient d'ailleurs presque tous des 
hommes distingués et d'un commerce agréable. 

Les relations de Quetelet avec les réftigiés ne l'empêchè- 
rent pas du reste d'en nouer d'autres. Il rechercha les ar- 
tistes et s'en fit des amis; il entra au (Comité de lecture des 
théâtres royaux et à la Société de littérature *^, qui venait 
d'être réorganisée. Gomme membre du Comité de lecture, 
il avait ses entrées au théâtre de la Monnaie, où Talma, 
Mil* Mars et les principaux artistes de la Comédie française 
venaient chaque année donner des représentations. L'un des 
membres du Comité était Ph. Lesbroussart, professeur de 
rhétorique à l'Athénée de Bruxelles , qui occupait déjà la 
même chaire au Lycée de Gand, quand Quetelet y était 
élève. Ph. Lesbroussart faisait aussi partie de la Société de 
littérature avec de Reiffenberg, Vautier, le baron de Stas- 
sart, Rouveroy, etc. 

La Société de littérature, publiait annuellement un Aima- 
nach poétique. Le vingtième et dernier volume parut en 1823, 
époque oii la Société s'éteignit sans bruit. Un recueil de 
pièces de vers continua à être publié par les soins de 
M. Coché-Mommens et de M. Tarlier jusqu'en 1826, puis 
pendant plusieurs années, il ne fut plus question de poésie en 
Belgique. La lutte contre le gouvernement des Pays-Bas vint 

2 



(18 ) 

imprimer un autre cours aux idées, et ceux des anciens tri- 
butaires d'Apollon qui restèrent étrangers à la politique mi- 
litante avaient déjà commencé à concentrer leurs forces sur 
d'autres objets. Quetelet était du nombre de ces derniers. 
Gomme sa vie poétique semble avoir cessé vers cette époque, 
nous ferons ici une halte afin de présenter un tableau suc- 
cinct des principaux morceaux publiés par lui depuis son 
Éloge de Grétry. 

Les derniers instants ont un grand rapport avec Les 
adieux du poète à sa lampe^ mais leur sont inférieurs. Le 
19 janvier ou la veillée des dames renferme des traits char- 
mants. VÉpitre à Tollens est dans le genre d'Horace, le 
poète favori de Quetelet. VÉpitre à Odevaere est d'un stjrle 
plus relevé et plus noble; elle paraîtra peut^tre étrange à 
cause de Tenthousiasme de l'auteur pour un peintre presque 
oublié aujourd'hui ; mais cet enthousiasme était partagé par 
tout le monde en 182i, et ne doit pas faire trop douter du 
guût de Quetelet ni de sa connaissance des tableaux. David 
exerçait à cette époque une influence considérable; la fré- 
quentation de cet homme célèbre avait dû entretenir un pré- 
jugé favorable à son école chez un jeune homme déjà pré- 
paré par son professeur de dessin à tout admirer de ce qui 
rappelait de loin ou de près le maître français. Puis Odevaere 
était un homme charmant, spirituel, lettré et discourant très- 
bien sur l'art, beaucoup plus fort sur la théorie que dans la 
pratique. N'a-t-on pas vu d'ailleurs, à tontes les époques, 
de grandes admirations aboutir à l'indifférence et à l'oubli ? 

Nous citerons quelques vers de Tépttre qui nous a sug- 
géré ces réflexions : 

Élève glorieux de ce peintre enchanteur, 
Qu'a proicrit son pays, dont il était l'honneur; 



(19) 

toi qui retraças , sons tes pinceaux facAes , 
De Thésée indigné les regrets inutiles , 
Et ces combats fameux ^^^ où le Belge deux fois , 
Aux fureurs des tyrans opposant ses exploits. 
Fit tomber sous les coups de son noble héroïsme 
Le sceptre dont s'armaient les mains du despotisme; 
Que tu sais bien , savant en tes conceptions. 
Émouvoir à ton gré toutes nos passions ! 
Oui je crois voir encor cette scène charmante. 
Où Raphaël s'avance , i^ert par le Bramante 
Aux regards attendris du pontife romain ; 
combien ce tableau s'embellit sous ta main ! 
Quel maintien gracieux ! quel feu , quelle noblesse 
Respirent dans ces traits où brille la jeunesse! 
Laissez-moi contempler ce bel adolescent , 
Ce front qui noblement s'incline en rougissant, 
Qui semble malgré lui révéler son génie. 
Et dire : Je serai Thonneur de l'Italie. 

Noble et belle Italie! mère des beaux-arts! 
Du milieu des débris de tes trônes épars, 
Renversés , confondus sous le torrent des âges , 
Lève, lève ton front courbé par les orages ! 

Malgré le deuil affreux dont ta tête est voilée , 

Oui , j'irai saluer ton ombre désolée. 

Oui , je veux contempler la ville des Césars , 

Où planait la victoire, où régnent les beaux-arts; 

Pour les murs glorieux du Gapitole antique , 
Fuyons , ami , fuyons le ciel de la Belgique ; 
C'est là que ton talent prit son premier essor; 
Viens, suis-moi: qui pourrait te retenir encor? 
Mais que dis-je ! pourquoi quitter notre patrie , 
Quand j'y trouve partout les traces du génie? 



( 20 ) 

Ici raateur cite le Vanderwerffde Van Brée; les Disciples 
(TEmmaUSy de Paelinck; la Bataille des Quatre-Bras, de 
PieDeman; V Angélique et Médor, de M. Duc, de Bruges; 
VAntigone^ de M. de Cauwer, aîné; et il continue : 

Mais toi-même, mais toi?... Qae vois-je? Qael tableau 
Se forme et s'agrandit sous ton noble pinceau ! 

11 s'agit du Triomphe de Jean Cimàbué, fondateur de 
recelé florentine, tableau qui forme le pendant de la présen- 
tation de Raphaël au pape Jules II. Le morceau finit par la 
description de ce triomphe : 

Oui^ je veux t'imiter : tandis que ton pinceau 
Retrace sur la toile un triomphe si beau , 
Brûlant du noble feu qui t'anime et t'inspire. 
Je veux , cher Odevaere, essayer de redire 
Gomment un peuple entier, et sensible et brillant, 
Quand il aime les arts , honore le talent. 



Odevaere était fort bien en cour. Vers 1823, il avait peint 
pour le roi des Pays-Bas un grand tableau, L'investiture de 
la principauté d'Orange donnée par Charlemagne à Guil- 
laume au comety dont la maison de Nassau paraît descendre 
par les femmes; « scène du plus haut intérêt, » disait M. de 
Stassart *', « réunion des principaux personnages d'une des 
plus héroïques époques de l'histoire, variété prodigieuse de 
traits et d'expression, entente admirable de la perspective, 
ornements d'architecture distribués avec ordre et sans pro- 
fusion, groupes placés avec un art infini, contrastes bien 
ménagés, enfin , le coloris des grands maîtres, tout concourt 



/ 

I 

f 

I (21) 

à faire de cette prodaction un chef-d'œavre... G^esl eo pein- 
ture ce qae serait en littérature un poème épique. > 

Qnetelet avait traité le même sujet; il en avait fait une 
romance qu'on lira peut-être avec plaisir. 

Preux cheraliers, laissez le cimeterre 
ÏSt la cuirasse et ces casques pesans; 
Que les plaisirs de la danse légère 
Du jour qui fuit abrègent les instans. 

Le Maure , enflé d'une vaine espérance , 

Croyait déjà nous soumettre à sa foi ; 

En admirant les beaux champs de la France , 

Il avait dit : <r tous ces champs sont à moi : • 

Et s'endormant sous la voûte fleurie 

Des orangers qu'embaume le zéphir , 

Fils indolent de la molle Ibérie , 

Il rêve encor la gloire et le plaisir. 

Mais de Français une troupe guerrière 
Du fier Guillaume a reconnu la voix ; 
Et s'unissant sous sa noble bannière 
Vole avec lui vers de nouveaux exploits. 
Le Maure alors tout à coup se réveille , 
Mais c'est en vain; confondus dans les airs , 
Des cris de mort ont frappé son oreille, 
Et ses deux rois sont tombés dans les fers. 

Preux chevaliers , laissez le cimeterre , 
El la cuirasse et ces casques pesans; 
Que les plaisirs de la danse légère 
Du jour qui fuit abrègent les instans. 

Oui, c'est ici, c'est dans ces mêmes plaines, 

Teintes du sang que vos bras ont versé, 

2. 



{ i!2 ) 

Que Marius sous les aigles romaines 
Anéantit le Gimbre terrassé. 
L'arc triomphal , qui sur ces champs de gloire 
S'élève encor comme un vieux souvenir, 
De vos hauts faits gardera la mémoire 
Pour la transmettre aux siècles à venir. 

c Preux chevaliers, laissez le cimeterre, » 
S'est écrié l'empereur des Romains : 
« Que dans Orange un trône militaire 
B Soit avec pompe élevé par vos mains. 
» Que les vaincus^ paraissent à la fête, 
» Que leurs drapeaux relèvent sa splendeur; 
n Venes, je veux célébrer ma conquête 
» Et dans Guillaume honorenla valeur. 

» Preux chevaliers , laissez le cimeterre, 
» Et la cuirasse et ces- casques pesans; 
» Que les plaisirs de la danse légère 
» Du jour qui fuit abrègent les instans. » 

Ainsi parlait le puissant Gharlemagne ; 
Et cependant la flûte avec douceur , 
En s'unissant au luth qui l'accompagne , 
Par ses accords annonce le vainqueur. 
Les ménestrels vont chantant sa victoire ; 
Les rois vaincus tremblent à son aspect. 
Mais lui, honteux, il rougit de sa gloire. 
Et près du roi s'incline avec respect. 

« Du Musulman je te dois la défaite ; 
» Viens recevoir le prix de tes exploits : 
» Jeune héros. Orange est ta conquête; 
» Va , sois son prince , et donne-lui tes lois. » 



(25) 

Pais annitôt deMcndsBt de ton trôse. 
Le roi français l'embrasse avec booté ; 
Et sur son front attache la couronne , 
Noble ornement de la principauté. 

Les preux alors laissent le cimeterre , 
Et la cuirasse et les casques pesans ; 
Et les plaisirs de la danse légère 
Du jour qui fuit abrègent les instans. 

La romaDce est un des genres qu'affectionnait Quetelet 
Son Essai sur la romance, qui parut en 1823 dans les 
Annales belgiqtieSf n*a rien perdu de son intérêt : il mérite- 
rait, comme ses poésies, d*étre réimprimé. 

L'auteur fait remonter Torigine de la romance aux temps 
de la chevalerie. Les châteaux avaient perdu leur aspect 
sinistre, et s'étaient transformés en cours brillantes que 
j^résidait la beauté. Des débris de la langue latine, on avait 
composé la langue romance; il fallut la polir, et elle perdit 
jusqu'à son nom, que Ton donna depuis au genre de poésie, 
dont le plus ancien type paraît être la romance de Roland, 
t Oh considère ordinairement et avec raison la romance, 
comme représentant chez nos ateux la poésie épique des 
anciens, mais dans un cadre plus restreint.... La romance , 
telle qu'on la conçoit maintenant, est un récit naïf qui laisse 
une impression mélancolique... Destinée à être mise en 
musique, elle doit offrir au chant une chute de distiques 
égale, une coupe de vers uniforme, peu d'inversions dans 
ses tours: quant au style, il faut, dit Honcrif, qu'il soit 
naïf... La répétition d'un même vers produit quelquefois un 
grand effet , surtout lors qu'on le ramène avec adresse.... » 

L'auteur étudie successivement la romance chez les dif- 



( 24 ) 

férents peuples; il traduit en vers la romance de Schiller, 
intitulée : Le chevalier de Toggenburg, et en prose, diffé- 
rentes romances tirées de l'espagnol et de l'anglais. 

Quetelet , on le voit, était versé dans les littératures étran- 
gères. La connaissance des langues modernes lui fut de 
bonne heure familière : il lisait Titalien, Tespagnol, le portu- 
gais, Tanglais, Tallemand, le hollandais. 

Il n'avait aucun préjugé classique, et partageait l'avis de 
M^^ de Staël, quand elle écrivait : • La littérature des anciens 
est chez les modernes une littérature transplantée; la littéra- 
ture romantique ou chevaleresque est chez nous indigène , et 
c'est notre religion et nos institutions qui l'ont fait éclore. » 

a Les peintures de l'antiquité, si vives, si ingénieuses, » 
disait-il , « ne peuvent produire sur notre esprit les mêmes 
illusions qu'elles enfantaient chez les Grecs et les Romains. 
Flore, Zéphir, Vénus, qui ont tant de charmes dans leurs ta- 
bleaux, en ont bien rarement dans les nôtres. Il est beau 
sans doute d'être l'écho de l'antiquité, mais les sons que l'on 
répète ne sont souvent compris que par ceux qui ont les 
moyens de remonter à plusieurs siècles et de secouer pour 
quelques instants leur religion et leur caractère national. 
Imitons les Grecs dans leur admirable simplicité , dans leurs 
peintures délicieuses de la nature; mais ayons comme eux 
nos bocages, nos héros, notre divinité; ayons enfin une pa- 
trie. Et qu'aurait dit le siècle de Périclès, si les Euripide , 
les Sophocle , n'eussent transporté sur la scène que l'Osiris 
ou les fêtes mystérieuses des Égyptiens?... Peu de personnes 
lisent aujourd'hui des vers qui n'ont que le mérite d'être 
tournés avec grâce : il ne suffit plus de parler à l'imagination 
seule, il faut encore contenter l'esprit et lui faire de grands 
sacrifices. » 



(15) 

Hais il est temps de clore oe chapllre. Citons encore b ro- 
mance intitulée : Le Scalde et Lysis , à propos de laquelle 
Raoul écrivait dans le Mercure belge : a Sans rejeter la litté- 
rature Scandinave, nous aimons mieux celle du Midi; la mé- 
lancolie et la douleurne sauraient être placées au nombre des 
Muses. Cependant nous avons lu avec plaisir la nmiance de 
A. Quetelet ayant pour titre : Le Scalde et Lysis. U. A. Qae- 
telet, pour qui la poésie n*est qu*un délassement, écrit en 
yers avec beaucoup de facilité, et il est du nombre de ceux 
qui prouvent que les Muses sont sœurs. » Le classique Raoul 
se peint tout entier dans ces quelques mots : la correction 
des vers de Quetelet pouvait seule lui faire pardonner le 
choix du sujet. 

Citons aussi Les Chatellenies et La comtesse Ide^ fabliaux; 
Ma nacelle, romance allégorique , dédiée k M. Faick; une 
élégie sur la mort d*Ado1phe Delemer; VOde à Orion , tra- 
duite du hollandais^ de Niewland; un fragment de traduction 
du Siège de Corinthe, de lord Byron; des fragments de tra- 
duction de la Lttsiade, du Camoëns; Les dames de Crève- 
cœur. Terminons par un extrait de VÉpitre à de Reiffen- 
berg, qui présente le résumé de la carrière de Quetelet 
jusqu'au moment où nous nous sommes arrêté pour faire 
connaître son œuvre littéraire. 

Miues , mon espoir ! près de vous plus tranquille. 
Loin du bruit, loin des sots, je trouve un doux asile; 
Vous charmez mon esprit , éclairez ma raison : 
Quand brillaient les beaux jours de ma jeune saison, 
Vous m'avez indiqué, dans l'avenir paisible. 
Vers la mort qui m'attend , un chemin moins pénible ; 
Et guidé par vos feux , qui brûlent devant moi , 
Voyageur rassuré, je marche sans effroi. 



(M) 

Oui , l'amour des beaux-arts, par sa flamme immortelle , 

Rend le plaisir plus doux , la peine moins cruelle. 

J'ai connu l'infortune , et j'en rends grâce au sort. 

Le malheureux , dit-on , voit fuir à son abord 

De ses amis nombreux la troupe mensongère : 

Il reste seul... pour moi, j'éprouvai le contraire; 

J'en vis croître le nombre ; oui , je vis les beaux-arts, 

Amis consolateurs, offrir à mes regards 

De leurs trésors divers les pompeuses merveilles : 

fit, pour chasser l'ennui leur consacrant mes veilles , 

Sans braver le malheur , sans en être abattu, 

A vivre indépendant je mettais ma vertu. 

Sur le luth enchanteur de la molle élégie , 

J'essayais de plier aux lois de l'harmonie 

Les vers que de mon sein arrachaient mes douleurs, 

Et qui plus doucement coulaient avec mes pleurs. 

Les neufs Sœurs tour à tour recevaient mes hommages; 

Pavai , en m' éclairant par ses divins ouvrages , 

Guida les premiers pas de ma jeune raison ; 

Bientôt , j'étudiai les secrets de Newton. 

Osant paraître alors avec plus d'assurance , 

D'un bonnet de docteur je coiffai ma science ; 

Et, grâce à mes deniers, paré d'un nom pompeux , 

Sans être plus savant je devins plus heureux. 

Un ministre éclairé que la sagesse inspire. 

Vit mes premiers essais et daigna me sourire : 

L'espérance aussitôt ramena la gaîté. 

Dans Bruxelle à sa voix je me vis transporté. 

Un vieillard généreux fit place à ma jeunesse ; 

Et puis un beau conti'at„par une clause expresse. 

De sa rente entre nous distribuant les parts , 

Pour prix de mes efforts m'en laissa les trois quarts. 

Enfin d'un jour plus doux je saluai l'aurore ! 

J'étais indépendant ! ce n'était rien encore; 



(27 ) 

le vins ches toi conduit par le modeste auteur , 

Du bouillant Juvénal éloquent traducteur; 

Je te TÎs et bientôt je sentis dans mon âme 

De la tendre amitié naître la douce flâme ; 

Ton cœur comprit le mien, tu comblas tous mes vœux ; 

Sous son paisible abri nous rassemblant tous deux. 

Le même toit couvrit notre amitié fidelle , 

Protégea de nos cœurs l'union naturelle, 

Et nous vit, entraînés vers les mêmes plaisirs, 

Ensemble par l'étude égayer nos loisirs. 



m. — L entrée de Quetelet à V Académie des sciences et belles- 
lettres de Bruxelles. — Ses mémoires de géométrie. 

Ainsi qu'on l'a vu, la première visite de Quetelet, à son ar- 
rivée à Bruxelles, avait été pour le commandeur de Nieuport. 
Celui-ci, politique en retard d'un demi-siècle, écrivain mé- 
diocre , quoiqu'il composât des vers grecs et latins, se con- 
naissait beaucoup aux mathématiques; les idées libérales de 
Quelelet auraient été mal accueillies; ses morceaux de poésie 
n'auraient pas été compris, mais il ne fut question ni des unes 
ni des antres, la géométrie fil seule les frais de l'entretien. 
Le commandeur avait lu la dissertation inaugurale du jeune 
docteur; il avait apprécié comme elle le méritait, la décou- 
verte de la focale, et il engagea vivement Quetelet à pour- 
suivre ses travaux, lui promettant son appui et sa protec- 
tion. Nous allons montrer quels furent les résultats de ces 
bons conseils. 

La focale, avons-nous, dit, est le lieu des foyers de toutes 
les sections coniques déterminées par un plan transversal 
tournant autour d'un point pris sur la surface du cône droit. 



(28) 

Dans sa dissertation , Qaetelet avait donné Téquation de la 
focale en coordonnées rectangulaires, puis Téquation en coor- 
données polaires , d'où il avait déduit par le calcul différen- 
tiel, les équations des tangentes et des normales, et les 
expressions des sous-tangentes et des sous-normales, ainsi 
que celle des rayons de couii)ure ; ensuite il avait fait con- 
naître plusieurs belles propriétés de cette courbe, relatives 
à ses tangentes et à ses rayons osculateurs ; il lui avait trouvé 
une asymptote et un point d'inflexion. Il avait examiné les 
modifications que subissaient la courbe et ses propriétés les 
plus notables, en passant du cône au cylindre droit. 

«En terminant sesi>remières recherches, il s'était proposé 
d'examiner, en particulier, les six courbes que Newton a ran- 
gées dans la même classe sous le nom d'hyperboles défec' 
tueuses qui n*onï qu'un diamètre. Après un court examen, il 
reconnut que ces courbes jouissent de propriétés communes : 
il parvint à décrire plusieurs d'entre elles en prenant le cercle 
pour base, comme il l'avait fait dans la génération de la 
focale; il découvrit quelques propriétés de cette dernière 
courbe qu'il rapprocha d'ailleurs d'autres courbes connues, 
et termina son travail par la quadrature de la focale consi- 
dérée sur le cylindre. » 

On lisait, dans le numéro de novembre 1819 des Annales 
belgiques, l'article suivant, signé des initiales de Garnier 
(J. G. G.) : « Nous recevons à l'instant un mémoire de M. le 
D' Quetelet, professeur à l'Athénée de Bruxelles, ayant pour 
titre : De quelques propriétés nouvelles de la focale et de 
quelques autres courbes. » Ici se trouvait la courte analyse 
que nous venons de reproduire, et l'auteur de l'article finis- 
sait en disant : « Ce mémoire dont M. le commandeur de 
Nieuport a bien voulu accepter l'hommage, a été présenté à 



( 29) 

r Académie royale de Braxelles, qui a nommé des commis- 
saires pour lui en rendre compte; nous aimons à croire quMls 
prononceront que cet écrit est digne de Timpression, et que 
son auteur est digne de Tadraissiou à TÂcadémie. • 

Le vœu de Garnler fut exaucé : TAcadémie reçut Quetelet 
parmi ses membres, le 1«' février 1 820, et sa nomination ayant 
été confirmée par le roi, le secrétaire perpétuel, Gh. Van Hul- 
them, lui adressa le 24 février, le diplôme suivant, dont la 
forme inusitée mérite qu'on le rappelle ici. 

« L'Académie royale des sciences et belles -lettres de 
Bruxelles, voulant témoigner à monsieur Adolphe Quetelet de 
Gand, docteur dans les sciences mathématiques et physiques 
de rUniversité de cette ville, et professeur de mathématiques 
à TAthénée de Bruxelles, Testime particulière qu'elle a pour 
ses connaissances et ses talents; prévoyant d'ailleurs qu'en 
s'attacbant un jeune savant de ce mérite et d'une grande 
espérance, elle facilitera la communication des lumières et le 
progrès des sciences, elle l'a, de l'aveu de Sa Majesté notre roi 
bien-aimé, nommé et le nomme académicien ordinaire regni- 
cole; elle lui accorde en cette qualité le droit d'entrée aux 
assemblées et séances, se promettant qu'il remplira avec zèle 
les devoirs prescrits par le règlement de Sa Majesté du 
5 juillet 1816. 

» En foi de quoi j'ai signé les présentes, auxquelles j'ai 
apposé le sceau de l'Académie. 

> Fait à Bruxelles, le 24 février 1820. 

• Le Secrétaire perpétuel^ 
» Gh. Van Hulthem. * 

Van Hulthem s'est fait un nom comme amateur de livres : 
on dit même qu'ils furent sa seule passion ; il avait du bon- 

5 



( 30) 

heur à les amasser pour en jouir, un peu comme Tavare de 
son trésor. Ses connaissances étaient du reste variées, mais 
il répugnait beaucoup à écrire : ce n'eût pas été un défaut 
peut-être s'il n'avait été appelé à des fonctions qui récla- 
maient impérieusement Texercice de la plume. A Tépoque 
dont nous parlons, il avait déjà dû renoncer à sa charge de 
greffier de la seconde chambre des États Généraux, et le 
commandeur ne manquait pas une occasion de lui reprocher 
la négh'gence avec laquelle il remplissait ses fonctions de 
secrétaire de TÂcadémie : il finit même par mettre à sa place 
rhistorien Dewez, homme d'une grande souplesse et d'une 
grande facilité, sinon de style, au moins de caractère, qui 
s'était accommodé parfaitement de tous les régimes par oii 
la Belgique avait passé depuis 1789. 

Quetelet retrouva à l'Académie le spirituel Gornelissen, dont 
il s'était concilié la bienveillance dès l'année 1812, et de qui 
il a tracé ce portrait : .* Ceux qui ne l'ont point connu se figu- 
reraient difficilement combien sa conversation était amusante 
et pittoresque, combien elle était parsemée de saillies et 
d'anecdotes piquantes. Le jeu de sa physionomie , ses gestes 
nombreux et tout méridionaux, les inflexions et jusqu*au son 
de sa voix imprimaient à ce qu'il disait un cachet particulier; 
quelquefois même, sans l'entendre, il suffisait de le voir pour 
saisir toute sa pensée. D'une franchise à toute épreuve, il don- 
nait le cours le plus libre à ses paroles. Parfois on restait tout 
étourdi de ses boutades; mais, chez lui, l'absence complète 
de toute arrière-pensée malveillante ne pouvait produire de 
blessure durable. D'un commerce sûr, d'une probité à toute 
épreuve, il eût été désolé d'avoir été, même involontairement, 
cause de quelque peine. » 

Parmi les académiciens qui assistaient d'une manière régu- 



(51 ) 

Hère anx séances, on remarquait le pharmacien Kickx. (Tétait 
un homme froid et réservé; il prenait rarement la parole, mais 
quand il jugeait à propos de le faire , dit Quetelet, il s'énon- 
çait sans ménagement pour les expressions ; ses sorties brus- 
ques et mordantes, Tâpreté de ses observations atteignaient 
indistinctement ses confrères présents, même les plus haut 
placés. 

Le chimiste Van Mons, longtemps pharmacien à Bruxelles 
comme Rickx, son ami, avait un tempérament et des habi- 
tudes toutes différent^: vif et actif, aimable et poli, doué 
d*une imagination fertile, il avait le défaut de se laisser aller 
parfois à d'étranges exagérations. 

Garnier faisait partie de l'Académie depuis Tannée 1818 : 
il avait beaucoup poussé à l'élection de son élève favori, et ce 
dernier eut à son tour le plaisir de contribuer à celle de Dan- 
delin (1832) et de Reiffenberg (1823) qui , de régent de troi- 
sième à l'Athénée de Bruxelles, était devenu professeur de 
philosophie à l'Université de Louvain,au grand ébahissement 
de ses amis. « On se ferait difficilement aujourd'hui, » écri- 
vait Quetelet en 1847, « une idée exacte de ce qu'était l'Aca- 
démie des sciences et belles-lettres de Bruxelles à l'époque 
oli Dandelin y fut appelé. Composée en grande partie de sa- 
vants qui habitaient les provinces septentrionales du royaume 
ou qui se trouvaient disséminés dans nos Universités, elle né 
comptait guère qu'une demi-douzaine de membres qui sui- 
vissent assidûment ses séances. On causait bien plus qu'on ne 
dissertait sur des points scientifiques; mais en causant, on 
était souvent conduit à s'occuper des mêmes recherches , et 
l'un dénouait une difficulté devant laquelle l'autre aurait 
échoué. La géométrie pure occupait à peu près exclusive- 
ment quelques-uns des membres... • 



(52) 

Le premier mémoire présenté par Quetelet à TAcadémie, 
après sa réception , avait pour titre : Mémoire sur une for^ 
mule générale pour déterminer la surface (Tun polygone 
formé sur une sphère par des arcs de grands ou de petits 
cercles, disposés entre eux d'une manière quelconque. 

Ce travail fut déposé le 14 octobre 1830. Garnier en rendit 

compte dans les Annales belgiques *^ : « La symétrie de la 

formule à laquelle Fauteur est parvenu , » disait-il , « et son 
élégante simplicité jettent de l'intérêt sur une recherche qui 
pourrait paraître oiseuse, si on n'eût pas souvent reconnu 
que des matériaux réputés d'abord inutiles, avaient trouvé 
leur emploi dans la science. Si l'auteur a pu pressentir que 
l'aire d'un polygone sphérique, formé d'arcs de petits cercles, 
doit être une fonction symétrique ou invariable de certains 
éléments qui caractérisent le polygone , parce qu'il en est 
ainsi de l'expression de l'aire d'un polygone formé d'arcs de 
grands cercles et de celles des aires des polygones plans, il 
lui restait, au moins, à choisir convenablement ces éléments 
entre beaucoup d'autres, et c'est dans ce choix où il n'avait 
plus pour lui le fil de l'analogie, qu'il fait preuve de sagacité... 
Nous terminerons en observant que ce mémoire est un véri- 
table bijou qui figurera très-bien dans le second volume des 
Nouveaux Mémoires (de l'Académie de Bruxelles). » 

Le second mémoire présenté par Quetelet à l'Académie (le 
23 décembre 1820), traitait d'une Nouvelle théorie des sec- 
tions coniques, considérées dans le solide. 

Dans ce mémoire, la théorie des sections coniques est 
présentée d'une manière beaucoup plus générale qu'on ne le 
faisait communément. L'auteur considère un cône de révo- 
lution coupé par un plan, et le sommet du cône devient un 
point analogue à celui qu'on nomme foyer dans les sections 



(33) 

coniques. Les rayons vecteurs sont menés du sommet du cône, 
et Ton rentre dans la théorie ordinaire, quand le sommet 
vient se placer dans le plan de la section. Voici quelques théo- 
rèmes énoncés pour l'ellipse : on les étendra sans peine aux 
autres sections coniques. 

1. La différence des deux rayons vecteurs menés du som- 
met du cône aux extrémités du grand axe de Tellipse, vaut 
la distance des deux foyers de cette même ellipse. 

â. Si Ton joint un même point quelconque d^une ellipse au 
foyer de cette ellipse et au sommet du cône, la différence des 
rayons vecteurs est une quantité constante. 

3. La somme de deux rayons vecteurs menés du sommet 
du cône aux extrémités d'un même diamètre de. Teilipse est 
constante. 

4. La surface aplanie d'un cône à base elliptique est une 
ellipse, qui a même excentricité que Tellipse qui sert de base. 

[tt 11 faut concevoir que tous les éléments de la surface 
du cône se désunissent pour venir s'appliquer dans un plan 
et se disposer, en forme d'étoile, autour du sommet du cône. 
Les bases des petits éléments triangulaires sont alors sur une 
ellipse. »] 

5. L'aire d'un cône qui a pour base une ellipse, est à l'aire 
de cette ellipse, comme la somme des rayons vecteurs, 
menés du sommet aux extrémités du grand axe de l'ellipse , 
est à ce même grand axe. 

6. Tous les cônes qui ont pour base une même section co- 
nique, ont leurs sommets sur une autre section conique située 
dans un plan perpendiculaire à celui de la première, les 
foyers de l'une de ces courbes servant de sommets à l'autre , 
et réciproquement. 

Le mémoire dont nous venons de donner les principaux 

3. 



(34 ) 

résultats faisait le plus grand honneur au jeune académicien. 
« Les géomètres anciens, » disait Garnier *o, « et ceux qui à 
leur exemple ont considéré les sections coniques comme des 
coupes faites sur le cône par un plan, ont ensuite isolé ces sec- 
tions pour en rechercher les propriétés, sans aucun égard au 
cône et au pian générateur. M. Quetelet a eu Theureuse idée 
de ne pas séparer le cône de la section et de reprendre, sous 
ce point de vue, les propriétés principales des trois courbes 
dont il a donné des énonciations qui nous ont paru nouvelles. » 
L'idée de mener par le sommet du cône un plan parallèle à 
la base et de ramener sur ce plan les éléments triangulaires 
du cône était féconde, et Garnier avait raison de féliciter 
Tauteur « d'avoir rencontré une vue heureuse et même ori- 
ginale. » 

Le sixième théorème fut donné par M. Gh. Dupin, comme 
étant de lui (Mémoire sur les routes suivies par la lumière 
et par les corps élastiques. Applications de géométrie et 
DE MÉCANIQUE, 1 vol. in-4», chcz Gourcier, 1822). La priorité 
de ce théorème appartient évidemment à Quetelet ; mais le 
tome II des Nouveaux Mémoires dans lequel il parut, ayant 
été publié la même année que Touvrage du célèbre géomètre 
français, celui-ci n*en avait pas eu connaissance. 

Le mémoire qui servit à Dandelin de pièce de réception à 
l'Académie, et qui avait été présenté par Quetelet à la séance 
du 4 mars 1822, avait pour titre : Mémoire sur quelques pro- 
priétés remarquables de la focale parabolique. 11 a été im- 
primé dans le tome II des Nouveaux Mémoires^ à la suite du 
travail dont nous venons de parler, et il se rattache trop in- 
timement aux recherches de Quetelet, pour que nous puis- 
sions le passer sons silence. On ne lira pas sans intérêt Tarti- 
cle que Quetelet lui consacra dans les Annales belgiques <o : 



(35 ) 

«... Ce D'est point Thabitode de ressasser des équations ou 
d^exécuter proprement quelques dessins qui constitue le vrai 
mathématicien; mais celte force d'imagination qui saisit les 
corps dans l'espace, rapproche en même temps leurs diffé- 
rentes parties, et fait jaillir de leur comparaison une foule de 
Tentés qui échappent aux yeux du vulgaire. L'imagination 
même ne suffit pas; il faut encore une qualité qui semble in- 
compatible avec elle; il faut un calme imperturbable qui 
maîtrise l'imagination et la dirige au milieu de ses plus 
grands écarts. 

o M. Dandelina partagé son travail en trois parties: dans 
la première, il s'occupe de la détermination des foyers d*une 
section conique; dans la seconde, des diverses générations 
de la focale, de sa forme et de quelques-unes de ses pro- 
priétés ; dans la troisième enfin, il indique les analogies et 
les relations qui existent entre la focale et l'hyperbole. 

n Première partie. Si l'on coupe un cône supposé droit 
par un plan, les foyers de la section seront les deux points de 
contact du plan et de deux sphères, tangentes en même temps 
à l'intérieur du cône. Ce théorème conduit naturellement à 
la génération de la focale... 

» Seconds partie. La focale par sa forme ressemble assez 
à la partie inférieure d'une conchoïde nouée. Elle a, comme 
cette courbe, un nœud et une asymptote que, dans certains 
cas, elle embrasse des deux paris: elle doit conséquemmenl 
avoir un point d'inflexion. Le cercle peut servir de base pour 
engendrer la focale de différentes manières... 

« M. Daudelin fait d'abord servir la focale à résoudre le 
problème si connu de la trisection de l'angle; ensuite il mon- 
tre que le cercle tangent en un point quelconque de la focale 
et qui passe par le nœud a son centre sur une parabole qui 



(36) 

jouit de différentes propriétés. Une des plus remarquables 
est celle-ci : La développante de la focale n*est autre que la 
caustique par réflexion de la parabole supposée réfléchis- 
sante, le nœud de la focale étant le point lumineux ou le 
centre dé départ des rayons de lumière : de là il déduit la 
construction des normales et des tangentes, et plusieurs gé- 
nérations nouvelles delà focale. 

» 11 me serait impossible de suivre Tauteur pas à pas au 
milieu du champ de ses découvertes, et de donner une idée 
bien précise de la nature des différents théorèmes. Je mécon- 
tenterai d'en citer un qui est curieux par la singulière res- 
semblance de son énoncé avec celui de l'hexagone mystique 
de Pascal : a Si Ton inscrit dans la focale un hexagone com- 
posé d'arcs de cercles, et que Ton suppose ces arcs prolongés 
suffisamment pour que ceux qui forment les côtés opposés 
de rhexagone se coupent deux à deux, on a ainsi trois points 
d'intersection, lesquels, avec le nœud de la focale, se trouvent 
sur une même circonférence. » 

*> J'arrive à la troisième partie. Je lui donnerais volontiers 
la préférence, si Ton pouvait choisir au milieu de tant de 
beaux théorèmes : elle est entièrement fondée sur la théorie 
des projections stéréographiques. M. Dandelin suppose dans 
l'espace une sphère quelconque, et il projette stéréographi- 
quement la focale sur sa surface. Il obtient de cette manière 
une nouvelle courbe qu'il nomme sphérifocale , et qui doit 
avoir, je pense, à peu près la forme d'un huit ou d'une Lem- 
niscate, 11 prend ensuite son nœud pour sommet d'un nou- 
veau système de projections stéréographiques et il projelle 
la sphérifocale sur un plan correspondant à ce nouveau som- 
met. Cette fois il obtient une hyperbole; de sorte que la 
sphérifocale sert d'intermédiaire pour transformer une hy- 



/ 



(57) 

perbole en focale et réciproquement Ces trois courbes, à 
quelques modifications près, jouissent, comme on doit s'y 
attendre, de propriétés communes. L'auteur en indique plu- 
sieurs dans un tableau comparatif qu'il forme à ce sujet; il 
donne aussi le moyen de retrouver dans les deux focales les 
foyers, le grand axe et les asymtotes deThyperbole. On pour- 
rait, à cause de ces analogies, nommer le théorème d'où on 
les déduit, la symbolisation de la focale avec l'hyperbole, 
comme on a nommé symbolisation de la spirale avec la pa- 
rabole, la découverte de Grégoire de Saint-Vincent. 

» Le mémoire est terminé par une note fort intéressante 
sur les caustiques par réflexion, et l'auteur finit e9 appliquant 
la théorie des caustiques à la recherche du point d'inflexion 
de la focale... 

» Au moment où je reçus le premier mémoire de M. Dan- 
delin, je m'occupais de réunir dans' un second écrit ce que 
j'avais trouvé jusqu'alors pour la focale ; mais il m'apprit 
une foule de choses que j'étais loin de soupçonner. Je le priai 
donc de vouloir se charger tout seul du travail... ; il fit de 
nouvelles recherches, et, par des méthodes purement géomé- 
triques qu'il sut se former, il trouva des vérités qu'on aurait 
vainement demandées à l'analyse. Il semble se créer des diffi- 
cultés pour avoir le plaisir de les vaincre ; partout il s'assu- 
jettit à la rigueur de la synthèse, et son mémoire peut être 
considéré comme un modèle en ce genre : de sorte que s'il me 
reste encore quelques prétentions sur la focale, c'est celle 
d'en avoir donné la première idée et d'avoir été assez heu- 
reux pour qu'un ami l'élevât par ses recherches au raog des 
plus belles courbes connues. » 

Pour l'intelligence de ce dernier paragraphe, il faut se 
rappeler que Dandelin, à la réception de la dissertation 



(58) 

inaugurale de Quetelet , avait exprimé l'intention d'examiner 
avec soin ce travail consacré à la découverte de la focale , 
et d'en dire son avis. Il commença par envoyer à Quetelet 
un mémoire dans lequel il ajoutait aux deux générations 
que celui-ci avait données de la focale , « deux générations 
nouvelles de cette courbe et la solution d'un grand nombre 
de problèmes intéressants. » C'est très probablement le pre- 
mier mémoire dont il est question plus haut. Quetelet , de 
son côté, on s'en souvient, avait présenté à l'Académie, peu 
de temps après son arrivée à Bruxelles, un mémoire sur 
quelques nouvelles propriétés de la focale et sur quelques 
autres courbes. Ce mémoire reçut un fort bon accueil; 
Garnier, ainsi qu'on l'a vu, en rendit compte dans les An- 
nales belgiques , et , d'après le rapport favorable qui en fut 
fait à l'Académie , Aîuetelet fut élu membre le !«' février 1820. 
Mais le mémoire ne fut pas imprimé : l'auteur le retira, ayant 
trouvé que les recherches de Dandelin l'emportaient de beau- 
coup sur les siennes propres; nous ne le connaissons que 
par l'analyse succincte de Garnier et par un court extrait 
que Dandelin a inséré dans son Mémoire sur la focale para- 
bolique : a Je terminerai ce mémoire, o dit-il, « en donnant 
une formule quadratique pour la focale, laquelle m'a été 
fournie par M. A. Quetelet, dans un mémoire qu'il a bien 
voulu me confier et qui contient, sur les courbes du troisième 
degré en général, des choses curieuses et qui mériteraient 
d'être plus développées par lui • 

Nous arrivons maintenant à un sujet qui a beaucoup 
occupé Quetelet et auquel il a consacré trois mémoires dans 
le recueil de l'Académie et de nombreux articles dans la 
Correspondance mathématique et physique. 

tt Après avoir longtemps songé, » dit-il ^* , « aux moyens 



(39) 

de simplifier une des parties les plus importantes de Top- 
tique , celle qui a pour but la détermination des caustiques , 
soit par réflexion, soit par réfraction, j'avais été conduit à 
on principe d'un usage assez commode.. L'idée première de 
ce principe consistait à considérer les caustiques en général» 
comme des développées d'autres courbes beaucoup plus faciles 
à déterminer, soit par l'analyse, soit par des constructions 
graphiques. En partant de cette idée , je ne tardai point à 
remarquer que les courbes que je voulais substituer aux 
caustiques, pouvaient être produites d'après un mode de gé- 
nération uniforme. Je réunis alors mes premières recherches, 
et je les développai dans un écrit que l'Académie royale de 
Bruxelles fit paraître, environ deux ans après, dans la col- 
lection de ses Mémoires. » 

On lit, à l'occasion de cet écrit, dans le Journal des 
séances de l'Académie : — Séance du 3 février 1823. 
« M. Qnetelet a donné communication d'un mémoire sur les 
conchotdes circulaireSf faisant partie d'un mémoire plus 
étendu dans lequel il se propose de traiter différents autres 
objets qui formeront un ensemble. » — Séance du 28 fé- 
vrier 1825. « M. Quetelet a lu une note additionnelle à un 
mémoire sur les causliques, présenté à la séance du 3 fé- 
vrier 1823, sous le titre de mémoire sur les conchMes cir- 
culaires, et il a été résolu que cette note serait jointe à ce 
mémoire. • Le mémoire parut dans le tome 111 des Nouveaux 
Mémoires, publié en 1826, sous le titre : Physique mathé- 
matique. — Mémoire sur une nouvelle manière de consi- 
dérer les caustiques f produites soit par réflexion, soit par 
réfraction. 

Quetelet y posait le théorème suivant, qui doit être rangé, 
pour son importance , à côté et même au-dessus de sa décou- 



(40) 

verte de la focale : « La caustique par réflexion ou par 
réfraction pour une courbe quelconque, éclairée par un 
point rayonnant, est la développée d'une autre courbe, la- 
quelle a la propriété d*étre Tenveloppe de tous les cercles 
qui ont leurs centres sur la courbe réfléchissante ou diri- 
mante, et dont les rayons sont égaux aux distances des 
centres , au point rayonnant dans le premier cas , et propor- 
tionnels à ces mêmes distances dans le second cas; le rapport 
constant étant celui du sinus dMncidence au sinus de ré- 
fraction. « 

« Au moyen de ce principe, » dit Quetelet **, «la théorie 
des caustiques rentrait entièrement dans la théorie des 
courbes enveloppes et des courbes développées. Je faisais 
observer de plus que le point rayonnant , la courbe réflé- 
chissante , la caustique et sa développante , avaient de telles 
relations ensemble, qu*i\ suffisait de connaître deux de ces 
quatre choses, pour en déduire les deux autres; pourvu que 
les deux données ne fussent point la caustique et sa dévelop- 
pante. Je rattachais de cette manière, Tune à l'autre , plu- 
sieurs théories considérées jusque-là isolément ; et sous ce 
rapport, le rapprochement fut peut-être utile à la géométrie, 
comme le théorème de Guldin le fut également en méca- 
nique. • 

Il ne fut pas difficile d'étendre le théorème aux surfaces , 
en considérant des sphères enveloppées au lieu de cercles *', 
et Timmermans, ancien condisciple de Quetelet à l'Uni- 
versité de Gand, en donna une démonstration tellement 
simple **, « qu'elle peut , » disait Gergonne «», « être intro- 
duite dans l'enseignement même le plus élémentaire, et 
qu'on a seulement lieu d'être surpris que, dans rinlervalle 
de près d'un siècle e1 demi, tant de géomètres aient réuni 



(41 ) 

tant cl*efforts et fait tant de dépense^de calcul, pour parvenir 
Gnalement à un résultat qu'ils avaient, pour ainsi dire , sous 
la main. • 

Les caustiques, considérées pour la première fois en 1682, 
par le médecin allemand Tschirnhausen, firent pendant long- 
temps Tobjet des recherches de BernouUi, de L'Hôpital et 
de Lahire : leurs travaux semblaient en avoir épuisé la 
théorie, et elles étaient tombées dans une sorte d'oubli, 
lorsque, en 1810, Malus reprit la matière; il fut suivi de 
MM. Petit, Hachette, Gergonne, Dupin; mais les mémoires 
de ces géomètres distingués étaient tous d^une analyse très 
compliquée. Cependant, dès Tannée 1815^ M. Gergonne avait 
été conduit à soupçonner que , le plus souvent, des caustiques 
fort compliquées pourraient très bien n'être que les dévelop- 
pées d'autres courbes beaucoup plus simples. En 1825, 
M. Sturm vint donner un nouveau poids à ces conjectures. 
« Pendant l'impression du mémoire où j'établissais le prin- 
cipe fondamental de la nouvelle th&)rie que je proposais, » 
dit Quetelet^^, « parut un écrit de M. G.-H. Sturm, de 
Genève , qui renfermait quelques théorèmes curieux sur les 
caustiques. Je me hâtai de communiquer alors les premières 
épreuves de mon mémoire à M. Gergoone , pour éloigner de 
moi l'idée que j'aurais pu tirer parti des travaux d'un autre 
géomètre. Ce savant voulut bien me tranquilliser à cet 
égard. • Non-seulement il le tranquillisa, mais il lui adressa 
un compliment flatteur. « Il y a longtemps, » lui écrivit-il , 
« que je répèle à mes élèves qu'on n'a pas encore le dernier 
mot de la science sur une théorie, tout aussi longtemps 
qu'on ne l'a pas amenée au point de la raconter à un passant, 
dans la rue ; voilà bien positivement , monsieur, à quoi votre 
mémoire réduit évidemment la catoptrique et la dioptrique. • 

4 



( 42) 

Quetelet nommait caustiques secondaires les courbes en- 
veloppes des cercles qui ont leurs centres sur la courl)e 
réfléchissante ou dirimante. 

Une autre génération des caustiques secondaires, analogue 
à celle que Nicomède employait chez les anciens pour décrire 
la conchoïde, avait fait donner à ces courbes le nom de 
conchoïdes circulaires, et c'est sous ce nom que notre 
auteur les avait présentées d'abord à TAcadémie , ainsi qu'on 
Ta vu. Enfin d'après un troisième mode de génération , on 
pouvait encore les appeler épicycloïdes. 

Dans son mémoire, Quetelet considère comme première 
application de son théorème le cas oii des rayons émanés 
d'un même point tombent sur une surface cylindrique qui 
les réfléchit, comme dans une tasse, par exemple. 11 envisage 
ensuite la réflexion sur les surfaces de révolution , et il est 
conduit à examiner une classe de courbes qui jouissent de 
propriétés fort singulières : ces courbes sont les développées 
des caustiques du cercle; elles s'engendrent de la manière la 
plus facile et ofi'rent des moyens très simples pour résoudre 
les problèmes des pointe brillants, des courbes d'égale 
teinte, etc. 

Si l'on projette stéréographiquement sur une sphère la 
caustique secondaire d'une section conique , on trouve que 
la projection n'est autre chose que la ligne d'intersection de 
cette sphère avec un cône du second degré, dont le sommet 
est sur la sphère. Cette propriété singulière conduit à établir 
de nombreux rapports entre les sections coniques et leurs 
caustiques secondaires : par exemple, une grande partie des 
énoncés de théorèmes qui conviennent aux premières courbes, 
étant légèrement modifiés, conviennent aussi aux secondes , 
et Ton transporte ainsi un grand nombre de propriétés des 



\ 



(43) 

oourbes do second degré à la plupart des courbes du troi- 
sième et du quatrième degré; c'est ainsi que la cissoide des 
anciens, qui correspond à la parabole, jouit de beaucoup de 
propriétés analogues à celles de cette dernière courbe. De 
plus, la cissoïde est la développée de la caustique par 
réflexion d'une parabole, pour laquelle le point rayonnant 
serait au sommet de la courbe. 

Ici Quetelet a fait une application heureuse d'une idée de 
Dandelin, dont il a été question précédemment. Dandelin, 
on s'en souvient, projetait la focale sur une sphère, et il 
obtenait ainsi une nouvelle courbe qu'il appelait sphérifocale; 
Quetelet appelle , de son côté , sphéricaustique , la projection 
de la caustique secondaire sur la sphère. 

Le mémoire de Quetelet obtint beaucoup de succès. On a 
déjà vu ce que Gergonne écrivait à l'auteur ; voici mainte- 
nant comment s'exprimait la Revue encyclopédique ^^ : 
• Outre l'intérêt du sujet traité dans ce mémoire, la géné- 
ralité des vues, la variété des applications et le mérite de 
quelques vérités nouvelles, on y remarque la clarté, Tordre 
et la précision qui donnent encore plus de prix aux bons 
ouvrages. L'auteur ne dit rien de trop , et n'omet rien. • 

Dans un second mémoire, lu à l'Académie à la séance du 
5 novembre 1825, et qui avait pour titre : Bésumé dune 
nouvelle théorie des caustiques ^ suivi de différentes appli- 
cations à la théorie des projections stéréographiques, Que- 
telet s'attacha à démontrer qu'en faisant rentrer la théorie 
des caustiques dans celle des courbes enveloppes et des 
courbes développées, il avait peut-être rendu plus de services 
à la géométrie qu'à l'optique. Un grand nombre de théo- 
rèmes qui auraient exigé des combinaisons assez longues, 
se présentaient maintenant, pour ainsi dire, d'eux-mêmes. 



(44 ) 

Il revint sur la déterminatioD des courbes dégale teinte et 
sur celle des points brillants. Ces problèmes étaient ramenés 
à chercher les points communs à deux courbes qui se con- 
struisaient facilement toutes deux en même temps : Tune était 
la caustique secondaire de la courbe proposée, et Tautre, 
une courbe auxiliaire semblable à cette proposée , dans le 
cas du problème des teintes égales. 

L'application de la théorie des projections stéréographiques 
à la théorie des caustiques secondaires le conduisait encore à 
plusieurs conclusions remarquables. Elle lui permettait, par 
exemple , d'établir des rapports entre les caustiques secon- 
daires des courbes et leurs polaires ou lignes qui com- 
prennent les pôles de toutes leurs tangentes relativement à 
un cercle donné, et de poser ce théorème curieux : « Si Ton 
construit à la fois la polaire et la caustique secondaire d'une 
même courbe , et si on les projette stéréographiquement sur 
la sphère qui a même centre et même rayon que le cercle par 
rapport auquel on a construit la polaire (l'œil étant placé à 
l'extrémité du diamètre de la sphère perpendiculaire au plan 
de la courbe et du cercle) , les deux projections stéréogra- 
phiques sur la sphère seront égales et symétriquement 
placées; de manière qu'en projetant une seconde fois ces 
lignes, de la sphère sur un plan (l'œil étant dans une posi- 
tion diamétralement opposée à celle qu'il avait d'abord ) , la 
polaire deviendra caustique de la courbe proposée, et vice 
versa. • 

A l'aide de ce théorème, et sachant que la caustique 
secondaire est une épicycloïde , Quetelet démontrait que le 
cercle a pour polaire une section conique, et il transportait 
à répicycloïde plusieurs propriétés des sections coniques, 
notamment celles qui concernent l'hexagone de Pascal. Il 



(45) 

démontraii pareillement que la polaire d'une section conique 
est une autre section conique* théorème également donné par 
Dandelin. 

Un troisième mémoire, lu par Quetelet à TAcadémie à la 
séance du 4 février 1829, avait pour titre : Démonstration et 
développements des principes fondamentaux de la théorie 
des caustiques secondaires. <* Mon but , * disait Tauteur en 
commençant, « est de simplifier et de compléter , autant que 
possible, mes premières recherches. Dans les sciences, on 
prend rarement le plus court chemin pour arriver à la vérité; 
et souvenjt, après bien des peines, on s'aperçoit qu'on avait, 
pour ainsi dire, sous la main ce qu'on allait chercher par de 
longs détours. Je m'étais contenté de donner dans mon pre- 
mier travail les énoncés des principes que je prenais pour 
point de départ ; j'en présente ici la démonstration qui est à 
peu près telle que je me l'étais faite alors. Seulement , les 
recherches des géomètres qui ont eu égard à la théorie 
que j'ai proposée , m'ont permis de lui donner plus de géné- 
ralité. Cette démonstration est assez simple, je crois, pour être 
comprise par une première lecture et sans l'aide de construc- 
tions. J'en ai déduit avec la même facilité plusieurs théo- 
rèmes curieux, et j'ai traduit les principes fondamentaui^ en 
analyse, afin d'éviter un travail préliminaire à ceux qui 
voudraient en faire des applications. J'ai cru utile de présen- 
ter quelques exemples particuliers afin de faire ressortir les 
avantages de cette théorie, et je me suis attaché de préfé- 
rence aux caustiques par réflexion et par réfraction dans le 
cercle, ainsi qu'aux lignes aplanétiques qui jouissent de la 
propriété d'avoir deux foyers conjugués tels, que les rayons 
émanés de l'un de ces foyers sont réfléchis ou réfractés vers 
le second. • 

4. 



(46) 

Les lignes aplanéliques dont il est ici question avaient un 
grand nombre de propriétés remarquables. Parmi celles 
que Quetelet leur trouva, les trois principales étaient : 
l** d*étre les caustiques secondaires du cercle; 2<> d'être les 
projections de Pintersection de deux cônes de révolution; 
3* d*étre les projections stéréographiques de Tintersection 
d'une sphère par un cône du second degré. 

Les recherches de Quetelet, qui avaient déjà fixé l'attention 
de Gergonne et d'autres géomètres distingués, furent parti- 
culièrement remarquées par M. Chasles, après que la Cor- 
respondance mathématique et physique leur eut donné une 
plus grande publicité. 

On trouvera dans ce dernier recueil des témoignages 
divers de la haute estime qu'elles avaient inspirée à l'illustre 
géomètre français pour notre compatriote. En rappelant, par 
exemple , les propriétés des lignes aplanétiques dont nous 
parlions à Tinstant, M. Ghasles écrivait à Quetelet *^ : » Ces 
propriétés, sans parler de celle d'oii [les lignes aplanétiques] 
tirent leur nom , peuvent former chacune un chapitre étendu 
et fort intéressant : je verrai avec grand plaisir que les 
géomètres répondent à votre appel en prenant part à l'étude 
de ces courbes; il est vrai que leur portion de gloire sera bien 
faible, puisqu'il ne reste qu'à tirer des conséquences, par 
une discussion bien dirigée de vos belles propositions. » 

A propos delà focale, M. Ghasles disait ^^ : • [Les focales] 
dont la géométrie vous est redevable. Jouissent de propriétés 
caracléristiques vraiment bien curieuses; j'ai compté jusqu'à 
huit descriptions différentes de la focale dans le cône droit. » 
Le 1 1 février 1838, il écrivait encore à Quetelet s» : ^ [J'ai été 
conduit] à plusieurs propositions qui roulent sur votre focale. 
Vous savez que j'ai déjà rencontré cette courbe dans d'autres 



(47) 

recherches sur des sujets très différents... Cette focale mérite 
d'être étudiée à fond , d'autant plus que la plupart des pro- 
priétés qu'on lui trouve, peuvent être transportées à toutes 
les courbes du troisième degré qui ont un. point double ou 
conjugué. « 

M. Van Rees s'était aussi occupé des focales considérées 
dans un cône quelconque du second degré; et Quetelet s'était 
empressé d'insérer son mémoire dans la Correspondance >*. 

M. Plateau, au commencement de la carrière qu'il a si 
glorieusement parcourue, avait rencontré la focale dans une 
expérience d'optique fort curieuse. Voici ce qu'il écrivait à 
Quetelet, le 20 novembre 1828 '* : « Si l'on suppose deux 
courbes brillantes quelconques tournant d'un mouvement 
uniforme, mais avec une grande vitesse, dans des plans 
parallèles, autour d'un centre commun ou de deux centres 
différents; l'œil placé devant le système distinguera, au 
milieu de l'espèce de gaze produite par le mouvement des 
deux lignes , l'image immobile d'une troisième courbe plus 
sombre que le fond sur lequel elle se dessine. Ce spectre 
curviligne est le lieu des points d'intersection [apparents] 
successifs des deux lignes en mouvement... Les courbes fixes 
obtenues de cette façon singulière sont très diversifiées ; 
mais ce que vous apprendrez sans doute avec plaisir, c'est 
qu'en prenant pour lignes mobiles deux droites, et en leur 
donnant des vitesses dont l'une soit double de l'autre, le 
spectre résultant est une focale.Les deux vitesses doivent être 
dirigées dans le même sens. Si à l'origine du mouvement les 
deux droites sont perpendiculaires à la ligne qui joint les 
deux centres de rotation (je suppose ici pour la rigueur 
géométrique que les deux droites tournent dans le même 
plan), on obtient la focale du cylindre ; si dans leur position 



. ( 48 ) 

initiale, les droites sont toutes deux dirigées suivant la ligne 
des centres, la focale se réduit à un cercle et à une droite 
qui le traverse; dans tous les autres cas, on obtient la focale 
ordinaire du cône. Le point oîi les deux branches se croisent 
se trouve au centre du mouvement le plus lent. Ainsi , à part 
le spectre curviligne, voilà une nouvelle génération très 
simple de la focale, au moyen de deux droites. J*ai fait con- 
struire un instrument au moyen duquel je pourrai produire 
ces images fixes avec facilité, et je me réjouis de voir ainsi 
les cour))es se dessiner dans Pair. • 

Il nous reste à mentionner deux autres mémoires de Quête- 
let, insérés dans le recueil de TAcadémie. L'un a pour titre: 
Mémoire sur quelques constructions graphiques des orbites 
planétaires. J*ai eu occasion de parler ailleurs ^^ de ce mé- 
moire; je n'y reviendrai ici que pour faire connaître les pro- 
^ positions suivantes de géométrie dont Tauteur avait fait 
usage : a Le lieu géométrique des sommets de toutes les pa- 
raboles situées dans un même plan , qui ont pour foyer un 
point donné , et qui sont assujetties à passer par un autre 
point donné, est une éplcycloïde engendrée par un point 
d'une circonférence de cercle qui roule sur un autre de même 
rayon. — Si les paraboles , b^ lieu de passer par un même 
point, sont tangentes à une même droite située d'une ma- 
nière quelconque , on trouve que leurs sommets sont sur un 
cercle. » 

L'autre mémoire : Sur différents sujets de géométrie à 
trois dimensions y fut présenté à la séance de l'Académie du 
28 octobre 1826. Le compte-rendu qu'on va lire en donnera 
une idée ^^ : « M. Bruno, de Naples, avait fait paraître, 
en 1825, dans un opuscule ayant pour titre : Soluzione geo- 
metrica di un difficil problema di silo ,une solution synthé- 



(49) 

tique du problème suivant : Étant donnés un point et deux 
droites, mener par le point, tu plan qui coupe les deux 
droites en deux autres points tels que les trois points soient 
les sommets d'un triangle semblable à un triangle donné. 
Cette question qui trouve son application dans la topogra- 
phie , avait déjà mérité de fixer successivement Tattention 
d'Esteve de Montpellier, de Lagrange, de Monge et de M. Ha- 
chette qui s*en sont occupés à différentes reprises. M. Que- 
lelet donne deux solutions générales du problème, Tune par 
la géométrie descriptive et l'autre par l'analyse; il discute 
aussi les différents cas particuliers. — 11 s'occupe ensuite de 
plusieurs problèmes et théorèmes qui dépendent de la tbéo- 
.rie des projections et particulièrement des projections stéréo- 
graphiques. Ses recherches ont surtout pour objet la détermi- 
nation des propriétés des polygones inscrits aux sections 
coniques et celles des sections coniques qui se coupent deux 
à deux... » 

La Correspondance mathématique et physique , dont il a 
été plusieurs fois question dans ce qui précède, avait com- 
mencé à paraître au commencement de Tannée 1825 : ses 
fondateurs étaient Garnier et Quetelet. Le désir de propager 
le goût des sciences mathématiques et de donner aux per- 
sonnes qui s'en occupaient dans le royaume, les moyens de 
faire connaître leurs recherches, en avaient suggéré l'idée. 
On y proposait des problèmes et l'on en publiait les solutions, 
suivant un usage qui remonte aux plus beaux temps de l'his- 
toire des mathématiques et que les rédacteurs avaient déjà 
fait revivre, pour notre pays, dans les Annales belgiques. 
Une partie du journal était consacrée aux sciences physiques, 
et la météorologie, la physique du globe, la statistique y pri- 
rent avec le temps une extension de plus en plus grande. 



(50) 

Les questions à résoudre finirent par disparaître , ainsi qae 
les travaux des jeunes élèves des collègues et des Universités, 
après que des géomètres tels que MM. Ampère, Bobillier, 
Ghasles, Hachette, Hamilton, Levy, Plana, Poncelet, Van 
Rees, etc., furent devenus les collaborateurs de Quetelet resté 
le seul éditeur du recueil à partir du troisième volume. Les 
événements de 1830 portèrent un rude coup à la Corres~ 
pondance ei aux mathématiques en Belgique : les esprits se 
détournèrent des sciences; Dandelin, Timmermans et d*au- 
très prirent du service dans Tarraée; MM. Levy et Van Rees, 
les collègues de Dandelin à TUniversité de Liège et que Tin- 
fluence de Quetelet venait de faire entrera TÂcadémie, quit- 
tèrent le pays. 11 parut encore quelques volumes de la Cor- 
respondance jusqu'en 1839, puis le journal cessa de vivre, 
faute d'être soutenu. 



IV. — Quetelet considéré comme professeur, — Ses ouvrages 
élémentaires. — Ses idées sur renseignement public. — 
Le Musée des sciences et des lettres. — Le Musée des arts 
et de l'industrie. 

Nous avons essayé de donner une idée de Quetelet poète, 
littérateur, géomètre; nous avons épuisé ses productions 
sous le premier et le troisième aspect; comme littérateur, 
nous le retrouverons encore dans ses rapports à TÂcadémie 
et dans ses publications relatives aux sciences morales et 
sociales. Avant d'examiner le physicien, Tastronorae et le 
statisticien, nous dirons ce que fut le professeur et de quelle 
manière il envisageait les questions d'enseignement. 

A répoque oii Quetelet fut nommé professeur de mathé- 



(51 ) 

matiques élémentaires à TÂthénée de Bruxelles, la chaire de 
mathématiques transcendantes était occupée par M. Thiry, 
professeur pensionné de Tancienne Académie impériale de 
Bruxelles et membre de TÂcadémie des sciences et belles- 
lettres de la même ville; et celle de physique et d'histoire 
naturelle, par M. Bachelier , également professeur pensionné 
de FAcadémie. Deux ans après, les notions générales de phy- 
sique et d'histoire naturelle avaient disparu du programme 
des cours, bien qu'elles fussent prescrites par le règlement 
général du 5 avril 1817. D'un autre côté, M. Thiry, chargé 
depuis la un de 1815 des affaires du cadastre dans les pro- 
vinces méridionales, avait été nommé inspecteur en chef, et 
ces fonctions l'obligeaient à de fréquentes absences dont le 
Bureau administratif finit par s'émouvoir. Le 2 mai 18â4, le. 
Bureau proposa d'étendre l'enseignement de Quetelet et d'y 
comprendre les éléments de physique, d'histoire naturelle et 
de chimie. M. Thiry, qui était sur le point de devenir inspec- 
teur général du royaume, renonça à sa place de professeur, 
et, pendant l'année scolaire de 1824 à 1825, nous voyons 
Quetelet enseigner d'une part, à l'Athénée, la géométrie des- 
criptive de Monge, la théorie des ombres et la perspective, le 
calcul des probabilités de Lacroix; d'autre part et publique- 
ment, au Musée, la physique expérimentale et les éléments de 
l'astronomie qu'il avait substituée à l'histoire naturelle et à la 
chimie. L'année suivante, il donna en plus : à l'Athénée, 
l'algèbre supérieure et la géométrie analytique ; au Musée, le 
calcul des probabilités (simple transfert), les éléments du 
calcul différentiel et intégral , et l'application de l'analyse à 
la géométrie, de Monge, jusqu'au chapitre XL 

On voit que l'activité de Quetelet était grande. Je puis 
certifier d'après mes souvenirs qu'il était fort considéré des 



(52) 

élèves. Il y avait en lui quelque chose d'imposant et d'aima- 
ble à la fois, une absence complète de pédanttsme et de mor- 
gue. Quoique marqué de peiile vérole, il avait une belle phy- 
sionomie, de grands yeux surmontés d'épais sourcils noirs et 
qu'il lui suffisait d'arrêter sur nous poiir nous ramener au 
silence et au respect. 11 gagnait beaucoup aussi par le con- 
traste avec certains de ses collègues et entre autres avec 
rhomme qu'on lui avait donné comme successeur pour les 
mathématiques élémentaires, et dont l'insuffisance notoire 
forçait Quetelet à recommencer chaque année l'arithmé- 
tique, l'algèbre et la géométrie. Il faisait deux classes; les 
élèves les plus forts étaient placés dans une chambre, et les 
plus faibles dans une chambre attenante; Quetelet allait 
d'une chambre à l'autre, et n'avait aucune peine à faire 
régner le silence dans les deux. Son enseignement était aussi 
simple et aussi naturel que sa personne; il faisait reposer 
toute l'arithmétique sur quelques principes généraux, et, 
dès que nous étions initiés à la notation de l'algèbre et à ses 
premières règles , il nous montrait comment cet admirable 
instrument pouvait servir à résoudre toutes les questions 
usuelles. Son talent de dessinateur se faisait voir dans la 
manière dont il traçait avec la craie les figures de la géomé- 
trie. Je me souviens qu'un jour il avait amené son ami Dan- 
delin ; je pourrais dire sur quel problème de géométrie celui-ci 
nous interrogea, et je l'entends encore nous féliciter d'avoir 
un professeur tel que Quetelet. 

Au Musée, ses cours de physique et d'astronomie attiraient 
un grand nombre d'auditeurs, pris dans toutes les classes de 
la société. Il était doué d'un vrai talent d'exposition, et il 
fallait voir le parti qu'il savait tirer d'un cabinet de physique 
très imparfait. Pour lui, du reste, un cabinet ne devait pré- 



( 55 ) 

senter que les instruments les plus indispensables, tels que 
des balances, une machine électrique, une pile vol laïque et 
quelques autres instruments de peu de valeur: il n^aimait 
pas les expériences faites avec des instruments compliqués; 
« souvent,» disait-il, <« ils occupent plus Tattention que le ré- 
sultat qU*on veut mettre en évidence. » 

Quetelet a composé pour ses cours publics plusieurs ou- 
vrages élémentaires. Le premier en date est une Astronomie 
élémentaire qui parut en 1826, à Paris, dans la Bibliothèque 
INDUSTRIELLE dc Malhcr, et qui a été souvent réimprimée en 
France et en Belgique et traduite dans plusieurs langues. Il 
est bien difficile, sinon impossible, de mettre Tastronomie à 
la portée des gens du monde, et des livres du genre de celui 
dont nous parlons, quelque soit leur mérite, ne donneront 
jamais qu*une instruction bien légère. Les personnes qui con- 
naissent déjà la science pourront y trouver une lecture 
agréable; quant aux autres, on devrait se borner à leur expli- 
quer les principaux phénomènes célestes en se servant d'un 
planisphère ou d'un globe et d'un planétaire : c'est dans cet 
ordre d'idées que Quetelet publia, en 1827, sous le format 
in-18; une Astronomie populaire réellement digne de ce nom. 

Les Positions de physique suivirent de près l'Astronomie 
élémentaire. Ce résumé d'un cours de physique générale, 
dédié à Dandelin, nous paraît supérieur à l'Astronomie: il 
était destiné à servir de mémento, pour dispenser les per- 
sonnes qui fréquentaient le cours du Musée de prendre à la 
hâte des notes souvent fautives. 

Nous avons dit que Quetelet n'aimait pas à faire usage 
d'instruments compliqués. L'idée d'enseigner les éléments de 
la physique en les basant sur des observations et des expé- 
riences que tout le monde peut faire, fut mise en pratique par 

5 



( 54 ) 

lai dans un petit volame intitulé : De la chaleur^ publié en 
1832, et que Fauteur se proposait de faire suivre d'un traité 
analogue sur le magnétisme, Télectricité et la lumière. Celle 
idée fut reprise plus tard par M. Plateau dans la Physique 
quMl composa pour V Encyclopédie popiUaire de Jamar, et 
dont Quetelet écrivit le chapitre consacré à Tacoustique. 

Enfin, Quetelet publia encore eu 1828 des Instructions 
populaires sur le calcul des probabilités, u Ce petit ou- 
vrage, » dit-il dans sa préface, « est le résumé des leçons 
que je donne depuis plusieurs années au Musée de Bruxelles, 
pour servir d'introduction à mes cours de physique et d'as- 
tronomie. 11 m'a paru que le calcul des probabilités, malheu- 
reusement trop négligé, devrait, d'après l'état actuel des lu- 
mières, servir de base à l'étude de toutes les sciences et 
particulièrement des sciences d'observation. » Nous aurons 
l'occasion de revenir plus tard à ce petit ouvrage, qui formait 
une espèce d'entrée en matière pour les travaux de Quetelet 
sur la Physique sociale. 

Restant sur le terrain de l'enseignement public, nous de- 
vons mentionner ici la création, à Bruxelles, du Musée des 
sciences et des lettres. 

Le succès des cours publics de Quetelet n'avait cessé de 
grandir depuis 1824. Le gouvernement pensa qu'il serait utile 
d'organiser d'autres cours de la même espèce. Vers la fin de 
1826, l'administrateur général Van Ewyck demanda à Que- 
telet, de la part du roi , un rapport sur les moyens d'organi- 
sation , et, le 17 décembre, un arrêté royal établissait à 
Bruxelles le Musée des sciences et des lettres. En même temps 
le roi faisait inviter quelques hommes instruits à vouloir bien 
se charger des leçons qui devaient y être données: une in- 
demnité de cinq cents florins leur était allouée ^^ 



(55) 

Le 23 janvier 1827, le gouverneur du Brabaut Ûtcounaitre 
à la Régence les personnes qui avaient accepté de donner 
des leçons au nouveau Musée. Quetelet figurait , parmi elles, 
pour la physique et Tastronomie , mais comme il donnait déjà 
ces cours en sa qualité de professeur à TAthënée , il obtint 
de faire un cours d'histoire des sciences. M. Van de Weyer, 
depuis ministre plénipotentiaire de Belgique à Londres, s'était 
chargé d'enseigner la philosophie; M. Lesbroussart, Thistoire 
générale; M. Baron, la littérature générale; M. Lauts, la litté- 
rature nationale; M. Vanderlinden, la zoologie; M. Drapiez, 
la chimie générale ; M. Kickx, la botanique; M. Roget, les 
constructions. 

M. Dewez ne se trouvait pas sur la liste des personnes à 
qui le ministre de Tintérleur s'était adressé tout d'abord, 
mais , sur sa réclamation probablement et grâce à IMnterven- 
tion de Quetelet, on lui con6a le cours d*histoire des Pays- 
Bas. 

L'installation du Musée d es sciences et des lettres eut lieu 
le 3 mars Î8î?Tën présence 3u ministre He^intérieur, 
Van Gobbelschroy, et de l'administrateur général Van Ewyck. 
Des discours furent prononcés par le bourgmestre de 
Bruxelles, de WeUens,et par M. Baron. Trois jours après, 
Quetelet ouvrit son cours. Dans le résumé qui nous a été con- 
servé de cette première leçon ^^, on trouve une idée qu'il a 
reproduite plus tard : « Plus les sciences physiques ont fait 
de progrès, • disait-il, « plus elles ont tendu à rentrer dans 
le domaine des mathématiques, qui est une espèce de centre 
vers lequel elles viennent converger. On pourrait même ju^ 
ger du degré de perfection auquel une science est parvenue, 
par la facilité plus ou moins grande, avec laquelle elle se 
laisse aborder par le calcul, • 



(56) 

Au mois d'avril, Queielet demanda et obtint pour trois de 
ses anciens élèves, MM. Nerenborger, Verhulst et Jules 
Kindl, Tautorisation de donner au Musée des leçons sur les 
différentes branches des mathématiques pures et sur la 
mécanique industrielle. M. Kindt, qui s'était chargé de ce 
dernier cours , est depuis longtemps inspecteur général de 
rindustrie. Nerenburger et Verhulst devinrent après 1830 
les confrères de Queteletà TAcadémie; plusieurs autres de 
ses élèves eurent le même honneur: je citerai MM. Plateau, 
Ch. Morren , Gustave De Man ; d'autres parvinrent à des grades 
élevés dans Tarmée, dans les ponts et chaussées, etc. ^7. 

Il n'entre pas dans notre cadre de faire l'histoire du Musée 
des sciences et des lettres. La révolution de 1830 lui causa un 
grand dommage comme à tous les établissements d'instruc- 
tion publique, et, après avoir langui pendant quelques 
années , il fut absorbé en 1854 par l'Université libre. Quetelet 
n'avait pas tardé à abandonner le cours d'histoire des 
sciences. Après sa sortie de l'Athénée , au commencement de 
1828, il avait reporté sur le programme du Musée les cours 
de physique et d'astronomie qu'il donnait, depuis 1824, en sa 
qualité de professeur du premier établissement, et il les con- 
tinua jusqu'à la 6n de l'année scolaire 1833-1834. Des propo- 
sitions lui furent faites pour entrer à l'Université libre, mais 
il crut devoir les décliner. « Ce refus, » disait-il dans une 
lettre adressée le 26 octobre au bourgmestre de Bruxelles , 
« ce refus repose sur différents motifs ; il en est un en parti- 
culier dont j'ose me flatter que vous apprécierez facilement 
la convenance : ma nomination à l'Observatoire m'assimile 
aux professeurs des Universités de i'Ëtat et me range parmi 
eux. J'ai |)ensé dès lors devoir m'abstenir de prendre part à 
un établissement qui me mettrait plus ou moins dans une 



( 57) 

fausse position à Pégard du gouvernemeDl et surtout de mes 
collègues. » Dans la même lettre il offrait de continuer à 
donner ses cours à TObservatoire, celui de physique et de 
météorologie pendant ThiTer, et celui d'astronomie pendant 
les soirées d*été. « Ces cours étant publics et gratuits, • 
ajoutait-il , • rien n'empêcherait les jeunes gens qui suivent 
les cours de TUniversité libre, de venir y prendre des notions 
de météorologie, d'optique et d'astronomie, avec des moyens 
d'enseignement qui, j'ose le dire, n'eiistent pas ailleurs; 
ainsi ma demande se réduirait, en définitive, à avoir un cours 
dépendant, non de l'Université libre, mais bien de la 
Régence. » 

Cette demande ne fut pas agréée, et Quetelet sortit momen- 
tanément de l'enseignement public dans lequel il comptait 
déjà vingt années de services : il ne tarda pas du reste à y 
rentrer, ayant été nommé professeur d'astronomie et de 
géodésie à l'Ecole militaire par un arrêté royal du 6 jan- 
vier 1836. 

Quetelet avait en matière d'enseignement des idées très 
larges et très élevées; il eut à deux reprises l'occasion de les 
développer, une première fois sous le gouvernement des 
Pays-Bas, une seconde fois après la révolution de 1830. 

Dans la Commission instituée parle roi Guillaume eu 1828, 
il fut de l'avis de la faible minorité qui voulait émanciper 
l'enseignement public ^. Il demanda la réduction du nombre 
des Universités et rétablissement de deux Écoles polytech- 
niques, l'une pour les provinces septentrionales du royaume, 
l'autre pour les provinces méridionales. Enfin, il soutint que 
le moment était venu de substituer l'emploi des langues 
modernes à celui du latin, encore en usage. 

La révolution de 1830, procédant comme toutes les révo- 

5. 



( 58 ) 

lutions, commença 'par détruire; les Universités furent 
démembrées, et, pendant qu*e]Ies se rapetissaient, de petits 
collèges affichaient des prétentions encyclopédiques. Après 
une année d'anarchie, il fallut songer à reconstruire ce qu'on 
avait démoli. M. Lesbrousaart, devenu administrateur général 
de rinstruction publique, avait préparé un projet de réorga- 
nisation de renseignement. Le 30 aotit iS31 , M. Teichmann, 
ministre de l'intérieur ad intérim^ établissait près son dépar- 
tement une Commission de six membres dont il se réservait 
la présidence, à Teffet de discuter ce projet : Quetelet, qui 
en faisait partie, fut nommé secrétaire-rapporteur ^^ 

Dès ses premières séances, la Commission fit valoir des 
considérations tendant au rejet du projet de l'administrateur 
général. Ayant été invitée par le ministre à préparer un autre 
projet de loi, elle remit son travail, le 20 mars 1832, à 
M. de Theux qui avait succédé à M. Teichmann. Nous allons 
analyser ce travail aussi succinctement que possible. 

Voici d'abord comment la Commission envisageait l'ensei- 
gnement à un point de vue général. 

L'enseignement inférieur devait avoir le triple objet de 
développer les qualités physiques, intellectuelles et morales 
de l'enfance. 

Au premier degré, qui était le même pour toutes les classes 
delà société, et dont la lecture, l'écriture, le calcul et le 
dessin devaient constituer la base dans l'ordre intellectuel , 
succédait un enseignement plus relevé, embrassant l'étude 
des langues et des éléments des sciences. 

Le second degré ne tardait pas à prendre deux directions 
différentes: l'une, dans les Collèges^ ayant pour auxiliaires 
les langues anciennes et les principes des sciences, allait 
aboutir aux Universités; l'autre, dans les Écoles industrielleSy 



(59) 

par les langues modernes, les arts du dessin et les applica- 
tions des sciences, conduisait aux différents établissements 
de commerce et d'industrie et aux Écoles polytechniques 
qui , par des études approfondies et par des ressources maté- 
rielles plus nombreuses, devenaient pour Tindustrie, Tart 
militaire et certaines branches d'administration , des foyers 
de lumière. 

Autour des Écoles moyennes, des Universités et des Écoles 
polytechniques se groupaient d'autres établissements qui en 
dépendent plus ou moins directement, tels que les Écoles 
vétérinaires, les ÈvxAes de navigation, d'agriculture, des 
beaux-arts , etc. 

On pouvait encore y joindre les établissements tels que les 
Musées, les Bibliothèques, les Jardins des plantes, les Obser- 
vatoires, qui, bien qu'en dehors de l'instruction, y tiennent 
cependant d'une manière directe. 

Un Conseil de perfectionnement maintenait la coordination 
si nécessaire entre les différents degrés de l'enseignement e^ 
veillait à ce que celui-ci fût toïgours à la hauteur de la 
civilisation. 

Après avoir posé ces principes généraux , la Commission 
en faisait l'application à la Belgique. Nous ne nous arrêterons 
pas aux deux premiers degrés, nous dirons seulement que 
les cours constituant l'enseignement moyeu dans les Collèges 
et dans les Écoles industrielles , pouvaient être réunis dans 
les Athénées, et que, parmi les moyens d'encouragement, la 
Commission plaçait en première ligne les prix à distribuer à 
la fin de l'année scolaire, le concours devant embrasser 
l'ensemble des compositions de l'année. 11 y avait aussi des 
prix généraux. • Indépendamment de ces concours, » ajou- 
tait la Commission, a concours qui ont pour objet d'exciter 



(60) 

rémulatioD dans Tintérieur des écoles moyennes , il sera très 
avantageux d'en établir d'autres entre les élèves les plus 
avancés qui sortent de différents établissements et de déter- 
miner le degré relatif de la force des études... Les élèves des 
établissements privés pourront être appelés à ces concours, 
en prenant certaines mesures de précaution... » 

L'instruction supérieure se composait de l'enseignement 
académique et de l'enseignement polytechnique. 11 n'y avait 
qu'une seule Université pour le royaume, avec trente-huit 
professeurs ordinaires. Le roi pouvait nommer des professeurs 
extraordinaires, et autoriser de jeunes docteurs et des savants 
à donner des leçons ou à faire des répétitions. La Commission 
proposait la collation annuelle de quinze médailles en or et 
de quinze médailles en argent , destinées à servir de premier 
et de second prix pour les deux élèves de chaque année 
d'études différentes, qui, dans une composition à faire à la 
fin de l'année, sur toutes les matières qui leur auraient été 
enseignées, l'emporteraient sur leurs condisciples. 

Quatre Commissions d'examen, composées chacune d'un 
président et de six membres, étaient nommées annuellement 
par le roi : les membres devaient être choisis en partie parmi 
les professeurs de l'Université, en partie parmi d'autres per- 
sonnes du royaume, distinguées par leurs connaissances. 

H était créé une École polytechnique destinée principale- 
ment à former des ingénieurs civils, soit pour l'administration 
publique, soit pour les établissements industriels, des ingé- 
nieurs militaires et des officiers d'artillerie et d'état-major. 
Les études y étaient de trois années, et il y avait , comme à 
l'Université, un concours par écrit entre les étudiants , à la 
fin de chaque année. Pour être admis à l'Ecole polytechnique, 
il fallait faire preuve de toutes les connaissances enseignées 



(61 ) 

dans les Écoles industrielles ou dans la division industrielle 
des Athénées. 

La dépense de TUniversité était évaluée à cent trente- 
cinq mille florins, et celle de TÉcole polytechnique à cin- 
quante-deux mille florins. 

La résolution de n^établir qu^une seule Université avait été 
prise d'une commune voix, et, pour dégager la discussion de 
Tesprit étroit de localité, la Commission proposait de ne 
s'occuper du cb(Mx de la ville où serait établie PUniversité , 
qu'après Tadoption du projet et par une loi spéciale. Les 
villes lésées pourraient alors obtenir des compensations, en y 
plaçant TÉcole polytechnique ou d'autres institutions dont 
réi'ection serait reconnue nécessaire. 

La Commission , avons-nous dit , avait remis son projet au 
ministre de l'intérieur, le 20 mars 1832 : il n'y fut donné 
aucune suite, et, le 18 novembre de Tannée d'après , M. Ro- 
gier nomma une nouvelle Commission dont ne faisait partie 
aucun membre de la première. 

Cette nouvelle Commission fit son rapport dans le courant 
de Pannée 1834. Elle se prononça pour la conservation de 
deux Universités complètes à Gand et à Liège , et distribua 
l'enseignement dans les facultés des sciences , • de telle 
sorte, A disait-elle, uque, sans créer une École polytech- 
nique, le pays en aura tous les avantages sans en supporter 
les frais ; à cet effet, la faculté des sciences de Gand servira 
d'école pour l'architecture civile, les ponts et chaussées; 
celle de Liège , pour les mines , et toutes les deux , pour les 
arts et manufactures. • — « Nous n'avons pas eu à nous 
occuper, » ajoutait-elle, «des cours pour le génie militaire 
et l'artillerie qui font partie de TÉcole militaire, dont le gou- 
vernement a proposé rétablissement à la législature. 11 suffit 



(62) 

de créer trois chaires de plus dans chacune des facultés des 
sciences, pour organiser renseignement polytechnique sur 
une grande échelle, les autres professeurs de ces facultés pou- 
vant servir aux élèves qui suivent spécialement cette partie , 
comme à ceux qui étudient les sciences en général... La Com- 
mission attend les meilleurs fruits de cette organisation des 
facultés des sciences. Elles seront en même temps des édoles 
complètes pour Tétnde théorique des sciences, des écoles 
d*application pour ceux qui se destinent aux divers services 
du génie civil , des hautes écoles industrielles où se forme- 
ront des hommes capables de diriger nos manufactures. » 

Le système proposé par la Commission de 1833 a prévalu. 
Au lieu de séparer renseignement scientifique d*avec rensei- 
gnement industriel, comme Pavaient conseillé Quetelet et 
Ch. de Brouckere dans la Commission de 1828, et comme 
rivait recommandé d*une voix unanime la Commission de 
1831, on a transformé les facultés des sciences en écoles 
spéciales, et, selon la prédiction de Quetelet, renseignement 
industriel a étouffé renseignement scientifique. Dans la notice 
qu'il a consacrée à Brasseur, M.* le colonel Liagre dit, en 
parlant des réformes que ce professeur éminent aurait voulu 
voir réaliser: t [L'enseignement] de la faculté et celui de 
récole spéciale souffrent d'être annexés Tun à l'autre : tel 
cours qui conviendrait à la première sera trop spéculatif 
pour la seconde; ou bien, s'il est donné en vue de celle-ci, 
il ne sera plus à la hauteur du doctorat... » Et cependant la 
Commission de 1833 attendait les meilleurs fruits du sys- 
tème proposé par elle. Il est vrai que cette Commission ne 
comptait aucun mathématicien ou savant parmi ses membres, 
tandis que celle de 1831 renfermait, outre Quetelet, trois 
anciens élèves de l'École polytechnique de Paris. 



(68) 

II nous reste encore, avant d'aborder une autre matière, 
à dire quelques mots du rôle que joua Quelelet et des idées 
quMl ebercha à faire prévaloir dans Torganisation du Musée 
des arts et de Vinduslrie. 

Le Musée des arts et de Tindustrie avait été créé par un 
arrêté royal du 16 décembre 1826. Conçu dans de vastes 
proportions , ce Musée devait coûter à TÉtat au delà d*un 
million de francs pour frais d*établissement ^<>, non compris 
le palais que la ville de Bruxelles s'était engagée à con- 
struire a6n que le Musée fût placé dans la capitale. 

Le directeur, M. Onderdewyugaart-Ganzius, .voulait faire 
du Mufiée la base d'une grande Université industrielle : il y 
aurait eu, — outre les collections proprement dites, compre- 
nant les mathématiques, la pbysique expérimentale, la 
cbimie, la minéralogie, Tagriculture, la technologie, — une 
grande bibliothèque technologique, dés ateliers de con- 
struction , un laboratoire, une salle pour les expériences et 
un amphithéâtre pour les leçons. 

Ces idées grandioses avaient reçu un commencement 
d'exécution, lorsque la révolution de 1830 éclata : le gou- 
vernement avait dépensé plus de trois cent mille francs eu 
achats dinstruments et de machines, et le palais de l'in- 
dustrie avait coûté près du double *^. 

La révolution ayant écarté M. Canzius, qui était Hollan- 
dais , le ministre de l'intérieur Teichmann institua, le 3 sep- 
tembre 1831, une Commission spéciale de trois membres, 
parmi lesquels se trouvait Quetelet, pour rechercher et pro- 
poser les mesures nécessaires à la bonne conservation des 
collections du Musée et à leur extension graduelle. Dans les 
développements du budget présenté à la Chambre des re- 
présentants, le 23 septembre, ce ministre éclairé, dont 



(64 ) 

radministration fut malheureusement trop courte, mani- 
festa rintention d^annexer le Musée à une École d'arts et 
métiers. 

La Commission spéciale fit peu de besogne; elle semble 
n'avoir eu en vue que la réintégration de M. Ganzius, et son 
dessein n'échoua que par le refus de ce dernier de prêter 
serment. Au commencement de janvier 1833, le nouveau 
ministre de l'intérieur, M. de Theux, lui substitua une 
Commission administrative, dont Quetelet devinl le secré- 
taire, et qui remit en avant le projet d'une Université indus- 
trielle, conçu par M. Canzius; mais aucune suite ne fut 
donnée à cette idée. Les ministres se succédaient avec rapi- 
dité, et l'un n'avait rien de plus pressé que d'abandonner 
les plans projetés par l'autre. Ainsi , M. Rogier, ayant rem- 
placé M. de Theux, avait fait proposer en 1834 la place de 
directeur du Musée à M. Levy, ancien professeur à l'Uni- 
versité de Liège et membre de l'Académie de Bruxelles, qui 
était rentré en France après la révolution : c'était un homme 
versé non-seulement dans les sciences exactes, mais encore 
dans la mécanique appliquée, la chimie, la physique; il 
désirait revenir parmi nous et son acquisition eût été pré- 
cieuse pour le Musée, mais M. Rogier ftit remplacé par 
'M. de Theux , et l'idée de nommer un directeur fut aban- 
donnée. Il ne fut plus question non plus du journal ou 
Bulletin que la Commission administrative aurait voulu 
publier, encore moins des cours dont elle avait, à dififérentes 
reprises , réclamé l'institution : ces cours , d'après le rap- 
porteur de la section centrale du budget, M. Dubus, auraient 
été regardés comme un double emploi inutile, au moment 
oii l'on allait organiser des écoles spéciales à Liège et à 
Gand. 



(65) 

Quetelet cessa bientôt après de s'occuper du Musée des 
arts et de TiDdustrie. Nous rabandounerons avec lui pour 
retourner en arrière. 



V. — L'ecocursion de Quetelet à la grotte de Bon, — 
Ses voyages en France , en Allemagne et en Italie, — 
L Observatoire de Bruxelles; historique de sa construc- 
tion, 

» 

Reçu à PAcadémie à Tâge de vingt-quatre ans , Quetelet 
n'avait pas tardé à conquérir la faveur de ses confrères, et le 
premier usage qu'il avait fait de son crédit avait été , ainsi 
qu'on Ta vu , de faire élire son ami Dandelin. 

Son premier voyage ofiQciel date de l'année 1822. II avait 
été désigné par PÂcadémie , au mois de mai , pour visiter 
avec M. Kickx la célèbre grotte connue sous le nom de 
Trou-de^Ban , sur laquelle M. de Burtin avait présenté 
autrefois un mémoire à la Compagnie. La visite eut lieu pen- 
dant les vacances, et le rapport fut lu à la séance du 28 oc- 
tobre. Le procès-verbal de cette séance porte ce qu'il suit : 
« MM. Quetelet et Kickx qui, conformément à la résolution 
de l'Académie du 16 mai dernier, ont été visiter la grotte 
connue sous le nom de Trou-de-Ban, ont donné lecture 
d'un rapport détaillé et circonstancié de leur voyage, de leurs 
découvertes et de leurs observations..., et ils ont déposé sur 
le bureau le plan de l'intérieur de la grotte , dessiné par 
M. Quetelet, ainsi que les planches litbographiées reprodui- 
sant , l'une : Ls village et la montagne de Ban, et l'autre, 
la grotte de sortie de la Lesse au trou de Han , et l'Acadé- 
mie, non moins satisfaite des opérations de ces deux mem- 

6 



(66) 

bres, que de la rédaction de leur rapport, a résolu quMl 
serait imprimé dans le second volume des Mémoires qui 
sont sous presse... » Les vues avaient été dessinées par 
Quetelet et lithograpbiées par Madou. La relation insérée 
dans le recueil de TAcadémie renferme encore deui autres 
planches : Vancienne entrée de la Lesse et la Grotte du 
Gouffre, 

En 1823, Quetelet qui , depuis quelque temps déjà , pour- 
suivait ridée de fonder en Belgique un grand Observatoire, 
vainement réclamé parTancienne Académie et dontPabsence 
avait été plus d'une fois regrettée par les astronomes étran- 
gers , Quetelet, disons-nous, put espérer que son vœu allait 
être accompli. Les sciences et les lettres, dans notre pays, se 
trouvaient alors conâées à un noble et rare esprit, M. Falck. 
« J'étais bien jeune, » écrivait Quetelet après la mort de cet 
homme éminent ** , « lorsque j'eus le bonheur de fixer son 
attention; et, sans aucun titre, sans avoir jamais vu d'Ob- 
servatoire, j'osai lui parler d'en fonder un à Bruxelles... 
M. Falck eut la bonté de m'écouter, de se faire expliquer les 
avantages qui pouvaient résulter d'un pareil établissement 
pour les sciences en général et pour le pays en particulier; 
et il m'engagea à venir lui en parler encore. Peu de temps 
après, il m'envoya à l'étranger pour me faciliter les moyens 
de m'initier à la pratique de l'astronomie. . . » 

Quetelet, avant de partir, adressa au roi un mémoire dont 
il a donné un extrait dans le tome I de la Correspondance 
mathématique, H passa à Paris les derniers mois de l'année 
1823. Laissons-le raconter lui-même sa première visite à 
l'Observatoire *' : « ... J'étais arrivé à Paris , vers la fin de 
1823, avec la perspective de pouvoir construire un Obser- 
vatoire en Belgique, mais en même temps avec la conviction 



(67) 

que toute mon instruction en astronomie pratique restait à 
faire. Mon premier soin fut de me rendre à I*Observatoire 
royal; mais en entrant dans ce monument illustré par tant 
de grands travaux , je sentis mieux encore tout ce qui me 
manquait. Je n'avais pas même de lettres d'introduction 
pour sauver les embarras d'une première visite. Je montai 
cependant avec assez d'assurance le grand escalier; mais 
quand je me trouvai entre les portes voisines d'Arago et de 
Bouvard, je restai quelque temps Indécis. J'allais frapper à 
la première , quand Bouvard , qui sortait de chez lui pour se 
rendre dans les salles d'observation, me demanda qui je 
cherchais. Je lui racontai tout d'abord mon histoire que cet 
excellent homme parut écouter avec intérêt ; puis il m'em- 
mena avec lui et me mit en présence des instruments astro- 
nomiques , spectacle tout nouveau pour moi. 11 eut la bonté 
de m'en expliquer la destination et l'usage, et me permit de 
venir observer, quand je le voudrais. Dès le soir même, je 
profitai de cette permission; et, à mon grand étonnement, 
je pus pénétrer librement et seul au milieu des instruments 
et des papiers de l'Observatoire. Je revins les jours suivants, 
et toujours même confiance... Pendant que je m'exerçais, le 
bon Bouvard venait de temps en temps s'informer de mes 
observations et il les examinait. Ses paroles étaient toujours 
encourageantes; et, quand il remarquait que j'avais trop 
froid, il m'invitait à passer chez lui. Peu à peu, il me 
témoigna plus d'affection , et me proposa de m'initier aux 
calculs pratiques de l'astronomie. Dès lors il voulut bien 
diriger toutes mes études avec une bienveillance vraiment 
paternelle. 11 ne s'en tint pas à ces témoignages de bonté ; 
il me présenta à ses amis, et parmi eux se trouvaient 
Laplace et Poisson. Je fus admis aussi à ses petits dîners 



(68) 

des jeudis, et je devins en quelque sorte un membre de sa 
famille. . . » 

D'après ce que nous apprend encore Quetelet, ce fut 
Alexandre de Humboldt qui le conduisit à Plnstitut. Fresnel 
répéta pour lui et pour Mitscberlicb ses belles expériences 
sur la lumière et il se lia à l'Observatoire avec M. Alfred 
Gautier, qui venait également s'y exercer à la pratique de 
Pastronomie, en attendant la construction du nouvel Obser- 
vatoire de Genève dont la direction lui était promise. L'amitié 
de ce savant astronome lui resta Gdèle jusqu'au bout : 
M. Gautier n'a jamais cessé de porter un vif intérêt aux tra- 
vaux de l'Observatoire de 'Bruxelles et d'en rendre compte 
dans la Bibliothèque universelle de Genève et dans les 
Archives des sciences physiques et naturelles; sa bienveil- 
lance s'est même étendue aux adjoints de l'Observatoire. 

C'est aussi à partir de cette époque que Quetelet fut 
appelé à écrire dans la Revue encyclopédique ** , journal 
dont l'origine remontait à l'année 1819 et qui a rendu de 
vrais services. Disons en passant qu'il travailla aussi à la 
Bibliothèque universelle : on a déjà vu qu'il avait été l'un 
des collaborateurs des Annales belgiques et du Mercure 
belge. 

Il était de retour à Bruxelles au commencement de l'année 
1824. Le l'^' mars, il entretint l'Académie de l'établissement 
d'un Observatoire en Belgique; et dans la séance du 5 avril, 
il fut résolu que l'Académie prendrait ce projet en haute 
considération: le président, prince de Gavre, voulut bien 
se charger de le présenter à Sa Majesté, et de l'appuyer. Les 
choses ne marchent pas vile , quand il s'agit de sciences, 
surtout s'il faut dépenser de l'argent à leur profit. On va 
voir, par le rapport que le bourgmestre de Bruxelles fit au 



(69) 

€k)nseil de régence, le 9 février 1826, ce qui se passa après 
la démarche officielle du président de T Académie. Ce rapport 
de M. de Wellens était conçu dans les termes suivants : 

« Depuis quelque temps il est question d'ériger dans le 
royaume un Observatoire ainsi qu'une école d'astronomie; il 
y a à peu près dix-buit mois que des ouvertures m'ont été 
faites pour savoir quels sacrifices la ville de Bruxelles serait 
disposée de faire pour voir ériger dans ses murs ce nouvel 
élablissemenL Cette question, nobles et honorables seigneurs, 
me paraissait trop vague pour y répondre, et, sans perdre de 
vue un objet aussi intéressant , j'ai tâché de temporiser afin 
de savoir à quoi pourraient se réduire les sacrifices demandés. 
La ville de Liège se met sur les rangs pour obtenir l'Obser- 
vatoire, elle était prête à faire des ofi'res et ne perd pas de 
vue cette négociation. Un entretien que j'ai eu récemment 
avec l'inspecteur général des études (M. Walter) m'a mis à 
même de vous proposer de faire la demande afin de le voir 
ériger ici et j'ai toute raison de croire que si on ofi'rait une 
somme de dix mille florins pour aider à la construction, nous 
aurions l'espoir fondé de l'obtenir... » 

La proposition du bourgmestre ayant été votée, un extrait 
du procès-verbal de la séance fut envoyé le 20 mars à M. Wal- 
ter et à la députation des États : celle-ci donna son approba- 
tion le 8 avril; dès le 29 mars, l'inspecteur général avait écrit 
au ministre de l'intérieur pour l'informer de la décision du 
Conseil de régence. « Si Sa Majesté » disait M. Walter, « dai- 
gnait accorder maintenant une pareille somme de dix mille 
florins, j'ai lieu d'être assuré qu'en surveillant attentivement 
la formation des plan et devis estimatif des travaux ainsi 
que leur exécution, dont je me chargerais très volontiers, 

cette somme réunie à celle votée par la Régence suffirait pour 

6. 



(70) 

• 

l'établissement d'un Observatoire pour lequel on aurait plutôt 
en Yue rulilité que le luxe... * — » Je n'ai pas négligé, « ajou- 
taitril, « de faire pressentir à M. le bourgmestre que cette 
dépense ne serait pas la seule à laquelle cette construction 
donnerait lieu, mais on peut tout espérer de la. libéralité de 
la Régence et de ses bonnes dispositions à cet égard. « La 
lettre comprenait encore le paragraphe suivant : « M. le 
bourgmestre m'a^ant donné l'assurance que la ville fourni- 
rait le terrain nécessaire, M. Quelelet en a fait la recherche 
et a trouvé un emplacement très convenable dans un terrain 
communal qui se trouve à droite en sortant de la porte de 
Schaerbeek d'où l'on découvre l'horizon le plus convenable; 
cet emplacement serait encore à côté du jardin des plantes 
que l'on a le projet d'établir sur le revers de la colline qui 
s'étend vers la Senne, de manière que le local réunit tous les 
avantages que l'on peut désirer. » 11 paraîtrait résulter d'une 
autre pièce que l'idée de Quetelet avait été d'abord d'établir 
l'Observatoire sur une des hauteurs avoisinant le boulevard 
de Waterloo. C'est la ville qui désigna l'emplacement où il a 
été bâti, et dont elle était propriétaire, le terrain faisant par- 
tie des anciennes fortifications. 

Le 8 juin 1826, le- roi signa un arrêté par lequel il accep- 
tait l'offre de la Régence de Bruxelles de fournir un terrain 
pour l'érection d'un Observatoire et de contribuer pour une 
somme de dix mille florins aux frais de bâtisse. Sa Majesté, 
après avoir témoigné sa satisfaction à la Régence au sujet de 
cette nouvelle preuve de son désir de fonder des institutions 
utiles, décidait qu'un Observatoire pour l'astronomie serait 
érigé à Bruxelles dans le but de contribuer au développement 
des sciences; et que les frais évalués à vingt mille florins se- 
raient supportés moitié par le trésor public, moitié par la ville. 



(71 ) 

M. Walter et Quetelet furent chargés de préparer les plans 
et devis du nouvel établissement, et le bourgmestre mit à 
leur disposition Tarcbitecte de la ville, M. Roget. Quand 
leur travail fut achevé, et qu'il eut reçu l'approbation du 
roi, ils Tadressèrent , le 15 mars 1827, au bourgmestre de 
Bruxelles. 11 résulte de leur lettre qu'ils auraient préféré 
placer l'Observatoire hors du mur d'enceinte de la ville , mais 
qu'ils avaient dû se soumettre au désir de la Régence de voir 
bâtir l'édiBce sur son territoire. Cet édiûce devait comprendre 
l'Observatoire proprement dit ou salle d'observation et deux 
pavillons dont l'un contiendrait un amphithéâtre pour les 
leçons et des locaux pour le dépôt des instruments, et dont 
l'autre servirait eu partie au même objet et au logement de 
l'observateur : la partie supérieure de chacun d'eux était 
destinée aux observations et aux opérations astronomiques. 
Le devis des travaux pour la construction de l'Observatoire 
proprement dit ne s'élevait qu'à la somme de dix mille et 
quelques florins. « Nous proposons , • disaient les signataires 
de la lettre, « d'employer le restant de la somme accordée, 
tant par Sa Majesté que par la Régence , à la construction des 
deux pavillons, jusqu'à concurrence du montant de la somme 
de vingt mille florins, tel, qu'il est dit à la Gn du devis. L'achè- 
vement pourra se faire à volonté avec plus ou moins de 
dépense, suivant le montant des fonds qui pourront être 
accordés par la suite^ tant par la muniGcence royale que par 
la générosité et le zèle qui animent la Régence en faveur des 
sciences. • 

C'était une faute de commencer les constructions sans 
qu'on se fût assuré les voies et moyens nécessaires pour les 
terminer, et sans que les détails, — à ce qu'il paraîtrait, — 
en eussent été soigneusement examinés et arrêtés. 



(72) 

L*architecte de la ville , qui était devenu le collège de 
Quelelet au Musée des sciences et des lettres, ne fil pas 
preuve d^une grande condescendance pour lui. Homme d'une 
mince valeur, il recevait très-mal les observations, et se gê- 
nait d'autant moins qu'il avait la confiance du bourgmestre. 

Le 10 mai 1827 eut lieu Tadjudication publique et au 
rabais « pour la construction , » portaient les affiches, « du 
monument dit Observatoire à ériger entre les portes de 
Schaerbeek et de Louvain. » M. Walter et Quetelet y assis- 
tèrent comme simples témoins et sans avoir été invités à y 
intervenir selon les pouvoirs qui leur avaient été délégués 
par le gouvernement. 

Les travaux de l'Observatoire proprement dit furent adju- 
gés pour une somme de huit mille quatre cents florins, et l'on 
fît exécuter sur des bordereaux de prix les ouvrages de ma- 
çonnerie relatifs à l'habitation de l'astronome jusqu'à concur- 
rence des vingt mille florins dont on avait la disposition. — 
Le montant des devis dressés par l'architecte Roget pour 
la construction de l'Observatoire s'élevait à 71447 florins : 
cette somme fut réduite, d'après le rabais de l'entreprise, à 
60223 florins. On était loin, comme on voit, des 20000 flo- 
rins mentionnés dans l'arrêté royal du 8 juin 1826. Les tra- 
vaux commencèrent immédiatement après l'adjudication du 
10 mai. 

Le 31 juillet (1827) , l'administrateur de l'instruction pu- 
blique, des sciences et des lettres, M. Van Ewyck, écrivait à 
la Régence qu'il avait plu à Sa Majesté, par résolution du 
19 du mois courant, d'ordonner que le premier achat d'instru- 
ments à l'usage du futur Observatoire aurait lieu aux frais de 
l'État , et de décider que M. Quetelet, professeur à l'Âthénée, 
se rendrait à Paris et à Londres pour y commander sur place 



( 73 ) 

les instruments les plus perfectionnés à Tusage de i*astrono- 
mie. La somme allouée était de vingt-cinq mille florins. 

Quetelet partit pour Londres le 20 août, en compagnie de 
Dandelin qui avait été également chargé d'une mission. La 
veille, ils étaient allés faire leurs adieux au commandeur de 
Nieuport. a J'étais loin de prévoir, a dit Quetelet, « qu'ils 
dussent être éternels. Je le trouvai assis à la même place et 
dans le même fauteuil où je l'avais vu lors de ma première 
visite... Le bon vieillard parut heureux de se retrouver avec 
nous; il nous tendit affectueusement la main, et nous parla 
de notre séparation, de l'objet de notre voyage, de nos 
études. » 

Quetelet se lia en Angleterre avec les représentants les plus 
illustres de la science. Après avoir traité avec MM. Trougbton 
et Simms pour la construction d'un cercle mural et d'un 
équatorial, il parcourut l'Ecosse et l'Irlande, visitant les 
Observatoires **, les Universités, les Sociétés savantes. Au 
mois de novembre, il était de retour à Bruxelles, et le 10, il 
répétait devant l'Académie deux expériences qui lui avaient 
été communiquées à Londres : l'une concernant le mouve- 
ment de rotation d'une lentille qui descend le long d'un plan 
incliné , l'autre ayant pour but de montrer quelques effets 
singuliers, dépendant des axes permanents de rotation dans 
des corps de formes différentes. Dans la même séance du 
10 novembre Jl faisait élire correspondants de l'Académie, 
MM. Barlow et South. Déjà l'année précédente, il avait pro- 
voqué l'élection de MM. Babbage et Herschel ; enfin le 2 fé- 
vrier 1828, il faisait nommer M. Sabine, qu'il avait aidé à 
Londres dans sa détermination de la longueur du pendule. 

Les faits nouveaux recueillis par Quetelet pendant son 
voyage furent communiqués au public par l'intermédiaire de 



(74) 

la Correspondance mathématique; c'est aussi dans ce jour- 
nal qu'il donna la description des principaux Observatoires 
du Royaume-Uni. 

Outre la commande du cercle mural et de Téquatorial , il 
avait encore fait Tacquisition d'un assez grand nombre 
d'instruments parmi lesquels se trouvaient un appareil de 
Troughton pour mesurer Tinclinaison de Taiguille aimantée 
et un autre appareil du même artiste pour observer la décli- 
naison de Taiguille. 11 avait aussi rapporté le pendule inva- 
riable dont le capitaine Sabine s'était servi dans son voyage 
aux régions polaires. 

Il n'avait point passé par Paris : M. Bouvard, qui se trou- 
vait à Bruxelles au mois de juillet , s'était chargé de négocier 
avec M. Gambey l'acquisition d'une lunette méridienne et de 
signer le contrat pour le gouvernement. 

Deux pendules astronomiques avaient été commandées, 
l'une chez M. Enebel, à Amsterdam , l'autre chez M. Kessels, 
à Âilona. De plus, par une résolution du 15 juin 1827, le roi , 
pour marquer l'intérêt qu'il portait à l'Observatoire en con- 
struction, avait daigné lui faire cadeau d'un télescope de 
4uatre pieds, confectionné par l'artiste frison Rienks et acheté 
par Sa Majesté à la dernière Exposition de Harlem. 

Le 9 janvier 1828, le roi signa l'arrêté par lequel « M. A. Que- 
telet, professeur à l'Athénée de Bruxelles, était nommé astro- 
nome près l'Observatoire de la même ville, aux appointements 
de quatre mille florins, et sous la condition de se consacrer 
exclusivement à celte institution. 9 

On remarquera que la qualité donnée à Quetelet par cet 
arrêté est celle d'astronome et non de directeur : peut-être le 
gouvernement voulait-il attendre que l'Observatoire fût ter- 
miné pour lui octroyer ce dernier titre qui présuppose un 



(75) 

personnel; peut-êlre ajournait-il à cette époque i*organisa- 
tion du nouvel établissement. 

Dans la notice qu'il a consacrée à Pagani, Quetelet nous 
apprend qu'il avait pensé à s'associer ce géomètre. « Pagani, » 
dit-il, « était arrivé à Bruxelles vers la fin de 1822... A Taide 
d'un ami [Quetelet] , il fit la connaissance de MM. le com- 
mandeur de Nieuport, Waller, Dewez, etc. , et se prépara en 
même temps les moyens d'entrer à l'Académie... [Des] dispo- 
sitions furent arrêtées entre Pagani et l'ami qui désirait se 
l'associer plus tard, à tUre dégcdité, dans l'établissement 
dont il méditait alors la création. Pagani , jeune et sémillant, 
ne sut pas attendre , et crut qu'une première difficulté entraî- 
nait la ruine de l'édifice projeté... Par arrêté royal du 17 jan- 
vier 1826, il fut nommé professeur extraordinaire à l'Uni- 
versité de Louvaln... » 

Pagani était Taîné de Quetelet de dix jours seulement. S'il 
n'avait été pressé de se caser, il eût sans doute été chargé à 
l'Observatoire de la partie théorique et des calculs, et Que- 
telet de la partie pratique, c'est-à-dire des observations. 
Nous admettons très bien, quant à nous, cette division du 
travail dans un Observatoire , mais nous rejetons le principe 
d'égalité, et nous ne comprenons pas comment Quetelet, à 
moins qu'il n'ait subi des influences puissantes, a pu l'ad- 
mettre. ^ 

Le 21 janvier 1828, la Régence était avertie officiellement 
par le gouverneur de la province de la nomination de Que- 
telet. Le 23, celui-ci lui écrivait de son côté : a J'ai l'honneur 
de vous annoncer que Sa Majesté , par arrêté du 9 de ce 
mois, a bien voulu m^attacher à l'Observatoire de Bruxelles, 
en qualité d'astronome. J'ose espérer, messieurs, que dans 
cette nouvelle carrière, je continuerai à trouver chez vous la 



( 76) 

bienveillance et Tappui qui me sont si nécessaires pour 
atteindre le pénible but que je me suis proposé. Grâce à la 
munificence de Sa Msgesté et à votre généreuse intervention , 
nous aurons, j*espère,un Observatoire qui pourra rivaliser 
avec les premiers de TËurope. Mais il ne suffit pas que ce 
monument contribue à embellir la ville; s*il ne devient utile à 
la science, il sera un sujet de continuels regrets pour les 
autorités qui Tout fait construire et pour Vastronome qui y 
devra passer ses jours. • Quetelet rappelle ici que la craint e 
d'être dérangé par le voisinage de la route extérieure, aujour- 
d'hui rue de V Astronomie , et par les maisons que Ton bâtit 
dans les alentours , Tavait porté à demander avec instance 
d'établir l'Observatoire sur la hauteur de Schaerbeek , hors 
des murs : le désir, exprimé par la Régence de voir ce monu- 
ment contribuer à embellir la ville. Ta porté à supprimer sa 
demande. Quoique la position actuelle soit moins avanta- 
geuse, elle paraît convenable; mais il importe d'avoir le méri- 
dien libre, tant du côté du nord que du côté du midi. Il 
importe également de ne pas laisser rapprocher encore de 
l'Observatoire le mur et la route extérieure qui en sont déjà 
beaucoup trop rapprochés, a Dans le cas où ce changement 
serait projeté, » ajoute Quetelet, « je vous prierais avec 
instance, messieurs, de le suspendre et d'en faire l'objet d'un 
nouvel examen. Si le désir ardent que j'ai de servir une 
science qui a été si longtemps négligée parmi nous, si mes 
constantes études , mes voyages et les conseils que j'ai reçus 
des premiers savants de l'Europe ne vous inspirent aucune 
confiance, prenez les astronomes que vous croirez pouvoir 
consulter avec plus cf avantage, je m'en remets d'avance à 
leur jugement. Ce n'est point ici une afiaire de caprice; mais 
je tiens à mon honneur, au vôtre, messieurs, les savants 



(77) 

étrangers se détourneront pour visiter votre Observatoire» et 
je désirerais pouvoir les recevoir sans lionte. C'en serait une, 
si j'avais manqué aux premières règles de prudence , si je 
m'étais laissé cerner par des routes sans avoir éclairé Pau- 
torité, sans avoir exposé les besoins de l'astronomie qui de- 
mande à être cultivée dans le silence et le recueillement... » 

Les craintes conçues par Quetelet ne tardèrent pas à se 
dissiper. Il n'avait pas été question de rapprocher la route de 
rObservatoire ; de plus, les propriétaires des terrains lon- 
geant cette route étaient astreints à une servitude qui leur 
interdisait de bâtir à front de rue; et, pour que le méridien du 
coté du nord restât libre, il fut proposé à la députation des 
États d'établir, dans cette direction, une rue de quinze mètres 
de largeur sur un développement de sept cent cinquante 
mètres. 

Quand les vingt mille florins dont Tarchitecte Roget dispo- 
sait pour la construction de l'Observatoire eurent été dépen- 
sés , la Régence fit suspendre les travaux, et elle en informa 
le gouverneur de la province par une lettre en date du 
39 juillet 1828. Il fallait encore quarante mille florins pour 
achever la construction : la Régence , alléguant la situation 
embarrassée de ses finances, demandait que le gouvernement 
prît cette somme à sa charge, a d'après la remarque fonda- 
mentale que l'Observatoire devait être considéré bien plus 
comme un établissement de l'État que comme un établisse- 
ment de la ville, son but étant de développer les arts et les 
sciences dans tout le royaume. • 11 fut répondu, au nom de 
l'État, que « l'Observatoire, pour ce qui concernait le bâti- 
ment, était une afiaire communale à l'établissement dé 
laquelle le gouvernement ne contribuait que par l'octroi d'un 
subside; que cela résultait du rapport de M. Walter (voir 

7 



(78) 

ci-dessus), et que la somme de dix mille florins allouée par la 
ville n'était présentée par le même M. Walter que comme une 
première allocation. » Enfin, après une longue correspondance, 
officielle d'une part entre la Régence et Tautorité provinciale, 
confidentielle d'autre part entre le ministre de Tintérieur et 
le bourgmestre, celui-ci présenta le 15 novembre au Conseil 
de régence un rapport qui fut approuvé , et dont ta conclu- 
sion implicite était que la ville supporterait la dépense des 
quarante mille florins, si le gouvernement, comme il était à 
craindre, refusait d'y contribuer pour li moitié : on avait, 
d'un autre côté, l'espoir fondé d'obtenir l'avance d'une somme 
de vingt mille florins. En effet , un arrêté royal du 9 mars 
1829 ajouta quarante mille florins aux vingt mille stipulés 
dans i rrêté du 6 juin 1826 et décida que la moitié de cette 
somme serait portée au budget de la ville , et que l'autre 
moitié serait avancée par l'Etat à la Régence, à condition 
pour celle-ci de la rembourser par cinquièmes d'année en 
année , à partir du 1^' mai 1830. 

Le gouverneur, en transmettant cet arrêté à la Régence, 
lui écrivait le 30 mars : « J'invite vos seigneuries, mainte- 
nant que les aff'aires financières concernant l'Observatoire 
sont entièrement réglées, à vouloir prendre soin de terminer 
cet établissement aussi vite que possible. » 

Cependant, malgré les instances du gouvernement, malgré 
les démarches personnelles de l'administrateur des sciences 
et des lettres, les travaux qui avaient été repris marchaient 
lentement. Les déboires que la mauvaise volonté de l'archi- 
tecte de la ville donnaient à Quetelet, devaient faire désirer 
à celui-ci d'aller se retremper dans un milieu scientifique. Il 
quitta donc Bruxelles au commencement de juillet et se diri- 
gea vers la Hollande, d'où il comptait se rendre en Allemagne. 



(79) 

Il avait emmené avec lui sa femme , quMl avait épousée le 
20 septembre 1825. M»« Quetelet était fille d'un médecin 
français, M. Curtet, établi à Bruxelles depuis la fin du siècle 
dernier, et nièce du chimiste Van Mons : elle joigmait à 
beaucoup d'esprit un grand usage du monde et des connais- 
sances littéraires assez étendues. Excellente musiciennç, elle 
avait remplacé avantageusement la flûte de son mari par le 
piano , dont elle jouait très^bien. M^^ Quetelet avait tenu de 
bonne heure le salon de son père, oii se réunissait la meil- 
leure société de Bruxelles ; elle contribua beaucoup à embel- 
lir celui de son époux, lorsque, arrivé à la renommée et à la 
gloire, il exerça une noble hospitalité envers les étrangers de 
tous les pays, savants, littérateurs, artistes, qui « se détour- 
naient, » sinon pour voir TObservatoire, du moins pour visi- 
ter et saluer son directeur. 

Nos deux voyageurs étaient allés par mer d'Amsterdam à 
Hambourg, où Quetelet fit la connaissance de Schumacher, 
le fondateur des Astronomische Nachrichten, et de Repsold, 
le fameux constructeur d'instruments de précision. Vers la 
fin de juillet, Schumacher, Repsold, Quetelet et sa femme 
se rendirent à Brème auprès de l'illustre Olbers, à qui l'on 
doit la découverte de Pallas et de Vesta. « J'aurais peine à 
exprimer,» dit Quetelet, <* le respect que j'éprouvai en 
approchant de ce beau vieillard, dont la physionomie, pleine 
de noblesse , respirait en même temps la bonté et la plus 
touchante bienveillance. » De leur côté, Quetelet et « sa 
très aimable femme » plurent beaucoup au grand astronome, 
qui, le 20 juillet 1836, écrivait à Quetelet : « Le souvenir de 
votre agréable , mais trop courte visite avec M. Schumacher, 
me sera toujours précieux. Si vous ne voulez pas être trop 
jaloux d'un jeune homme de soixante dix-huit ans, je vous 



(80) 

avouerai que je suii^, depuis ce temps, ardeut adorateur de 
votre aimable et charmante épouse. » 

A Berliu , Quetelet eut l'occasion de voir un grand nombre 
de savants, entre autres Encke, Poggeudorff, Crelle, avec 
lequel il était en relation depuis longtemps, Mitscberlicb, 
qu'il avait rencontré à Paris chez Fresnel , etc. Sa femme 
s'y lil d'amitié avec M"» Fanny Henselt, la sœur chérie de 
Mendelssohn jt dont ia mort prématurée contribua à amener 
celle de l'il ..sire compositeur. 

A Dref , M. Lobrmann lui montra ses nouvelles cartes 
de la lunt' A^e 24 août, il arrivait à Leipzig, après avoir visité 
la Suisse .saxonne; le 28, il assistait à Weimar à la célé- 
bration du qual^e-vingtième anniversaire de la naissance de 
Goethe. Soi } H avait été de passer quarante-huit heures 
seulement da..^« l'Athènes moderne; il y demeura huit jours, 
retenu par l'accueil que lui fit Goethe. Le grand poète prit 
plaisir à l'entretenir de ses expériences d'optique , et de sa 
théorie des couleurs. Ayant su qu'il devait assister, à Heidel- 
berg, à la réunion des naturalistes allemands, fixée au 18 sep- 
tembre, il lui dit : « Vous allez donc à ce grand bazar scien- 
tifique; chacun y viendra étaler sa marchandise, la prisera 
fort et dépréciera peut-être celle du voisin. Or je suis un 
voisin, moi ; et j'avoue que je serais assez curieux de savoir 
ce qu'on pense de mes recherches ; me promettez-vous de 
me dire la vérité? «« Quetelet ayant répondu qu'il pouvait 
l'attendre pleine et entière : «> Cela me sufiSt, » continua-l-11 
• je compte sur votre promesse. • 

Après Weimar, Quetelet visita successivement Gotha et 
Goettingue, dont les Observatoires avaient pour directeurs 
respectifs Hansen et Gauss. A Francfort , il revit le baron 
de Lindenau qui, après avoir été astronome à Gotha, avait 



(81 ) 

représenté la Saxe près le roi des Pays-Bas , et se disposait 
à partir pour Dresde oîi il allait prendre le portefeuille de 
l'instruction publique. 

Le congrès de Heidelberg dura huit jours : il était présidé 
par M. Tiedemann, beau-père de Fobmann, professeur à 
rUniversité de Liège. Parmi les étrangers , on remarquait un 
seul Français, le baron de Ferussac, qui venait communiquer 
à la réunion le plan de son Bulletin universel ; TAngleterre 
était représentée par Robert Brown, parWbeweU., et par 
quelques autres savants. « Dans une séance de la * tion de 
physique, » écrivait Quetelet à son retour, « il fut aussi 
question de la théorie des couleurs , à propos d^expériences 
de M. le professeur Roux, dont les idées f ^approchent 
beaucoup de celles du célèbre Goethe. On saii ^ ces idées 
n'ont pas été généralement accueillies d'une ii.a&ière favo- 
rable ; j'ai encore trop peu approfondi les écrits de Tillustre 
vieillard de Weimar, pour oser me prononcer à cet égard ; 
mais j'ai recueilli avec intérêt les expériences que j'ai vu 
produire des deux parts , abstraction faite de toute considé- 
ration de théorie. » Nous ignorons quelle fut sa réponse à 
Gœthe ; il est probable que cette réponse fut évasive comme 
la note dont nous venons de citer le contenu. 

Quetelet s'arrêta ensuite à Mannbeim et à Bonn, et rentra 
en Belgique par Cologne, Aix-la-Chapelle et Maestricht ^^. 
Nous parlerons plus tard des observations magnétiques qu'il 
avait faites et qu'il devait étendre , l'année suivante , à la 
France, à la Suisse et à l'Italie. 

Les constructions de l'Observatoire n'avaient guère avancé 
pendant son absence ; il aurait désiré , à son retour, apporter 
quelques changements au projet primitif, mais M. Roget , 
consulté par la R^ence à ce sujet , ne voulut rien entendre. 

7. 



(82) 

Le 11 mars 1830, cet architecte tout-puissant écrivait au 
Ck>llége : « J'aurai TboDiieur de faire observer à vos sei- 
goeuries que si M. Quetelet continue à voyager chaque année 
pour son instruction, nous aurons chaque année de nouvelles 
demandes de sa part, et que, par conséquent, on devra 
ajouter un nouveau crédit pour terminer TObservatoire. » Il 
promettait, du reste, que le logement de' Pastronome serait 
prêt au mois d'octobre , mais il conseilla d'attendre encore 
un an avant de placer les instruments dont le ministre de 
rintérieur avait annoncé Parrivée pour cette époque. C'est 
dans ce sens que le Collège répondit au ministre le 23 juin. 

Le 23, Quetelet faisait connaître à la Régence « qu'afin 
d'utiliser ses loisirs et d'achever de visiter les Observatoires 
de l'Europe savante, il avait obtenu du gouvernement de 
parcourir à ses frais rilalie et la Sicile. » Ce voyage devait 
durer quatre mois. 

Quetelet se rendit d'abord à Paris, puis il alla à Genève et 
de là en Italie. A Rome il apprit les troubles de Bruxelles, 
mais cette nouvelle ne semble pas l'avoir alarmé beaucoup, 
car il continua son voyage. Toutefois, après avoir été à Naples, 
il renonça à visiter la Sicile et revint en Belgique par le 
Tyrol, Munich et Francfort; il arriva à Bruxelles à la fin 
d'octobre. 

La révolution ne lui avait pas été favorable. Je ne suis pas 
bien sur qu'il n'ait pas été question, dans les premiers mo- 
ments, de lui prendre sa place d'astronome. Mais je sais qu'on 
ne l'avait pas porté sur l'état de traitements des professeurs 
du Musée des sciences et des lettres, dont l'institution lui était 
due pour la plus grande part. Et l'Observatoire, dans quel 
état le retrouvait-il! Pendant la journée du 23 septembre, un 
parti de volontaires liégeois s'était jeté dans l'intérieur de 



( 85) 

rédifice, qui venait d'être couvert, et avait tiraillé par les fe- 
nêtres nouvellement placées; on Tavait ensuite palissade et 
converti en une espèce de fort. 

Un arrêté du régent, en date du 21 mai i831, alloua à la 
ville, à titre de prêt, une somme de deux mille florins pour 
Tacbèvement des travaux. Mais les entrepreneurs exigèrent , 
avant de mettre la main à Toeuvre, que les dégâts commis au 
mois de septembre leur fussent préalablement payés ou que 
Tadministratiôn communale se reconnût leur débitrice pour 
le montant de l'indemnité réclamée par eux. 

Enfin une transaction survint; les travaux furent repris, 
et, le 31 janvier 1832, Quetelet écrivait au bourgmestre qu'il 
allait pouvoir loger à l'Observatoire. 

Le 4 mars 1833, les entrepreneurs prévinrent le Collège 
qu'ils avaient terminé tous les travaux détaillés au cahier des 
charges , et demandèrent qu'il fit procéder à leur réception. 
Celui-ci nomma une commission d'architectes pour examiner 
les diverses parties de la construction et donner son avis. Le 
rapport de la Commission conclut à la réception des ouvrages, 
tt quoique peu soignés, » et le Conseil de régence décida 
que les travaux restant à faire pour l'achèvement de Pédi- 
fice seraient exécutés en régie. Mais les choses continuèrent, 
selon la coutume, à marcher avec une lenteur désespérante. 
Le 8 juillet 1834, le ministre de l'intérieur, Ch. Rogier, écri- 
vait à la Régence: «... Je vous prie de remarquer, messieurs, 
que depuis le commencement de l'année 1832, époque à la- 
quelle j'ai commencé à appeler votre attention sur la néces- 
sité desdits travaux [pour achever l'Observatoire] , vous n'a- 
vez cessé de me dire que vous aviez pris des dispositions ou 
donné les ordres nécessaires pour leur exécution ; et quoi- 
qu'une avance de fonds vous ait été faite pour cet objel, par 



( M) 

le gouveroement, rétablissement dont il s*agit reste inachevé 
et les travaux scientifiques eu souffrance... » 

Ici le bourgmestre Rouppe semble avoir perdu patience; 
il écrivit de sa main sur la dépêche ministérielle : a Mais pour 
Dieu, qu'on en finisse donc de cet objet, au moins pour les 
travaux à exécuter en régie. Rapport prompt, projet de ré- 
|)onse. • 

Nous croyons aussi devoir en finir, car la patience pourrait 
échapper à nos lecteurs comme elle échappait à ce bon 
M. Rouppe. 

Quand la salle d'observation eut été mise et) ordre, quaml 
on eut construit les cheminées de Taile orientale, auxquelles 
M. Roget n'avait pas songé, on vit surgir la question des tou- 
relles, puis celle du mur d'enceinte, qui se compliqua d'une 
emprise de terrain, puis celle de la loge du concierge dont 
M. Roget ne s'était pas occupé davantage, puis celle du cabi- 
net magnétique. 

Constamment harcelée par le ministère de l'intérieur, la 
Régence, pour en finir, mit à la disposition du gouvernement, 
au mois d'avril 1835, les douze mille francs qu'elle était par- 
venue u avec peine, » disalt>elle, à faire porter au budget de 
l'exercice courant, et demanda à être déchargée de toute 
obligation ultérieure : w L'établissement de l'Observatoire , » 
répétait-elle avec Pancienne Régence, «> est bien moins dans 
rintérêt local que dans l'intérêt général du pays, et il est 
fort peu probable que la ville se fut jamais chargée des 
frais de construction des bâtiments, si Ton avait pu prévoir 
que la dépense pût finir par s'élever à la somme très consi- 
dérable qu'elle a déjà absorbée. » 

La proposition delà Régence fut acceptée, et l'intervention 
pécuniaire de la ville dans les travaux de l'Observatoire vint 



(85) 

à cesser. Lorsqu'en 1842 une convention fut conclue entre 
le Collège des bourgmestre et échevins et le gouvernement, 
pour la cession à l'État de divers immeubles et collections 
scientiGques, la part de la ville dans la propriété des bâti- 
ments de rObservatoire fut évaluée à cent quarante-cinq mille 
soixante-huit francs; et les experts estimèrent à cinquante 
francs le mètre carré, le terrain de Tédiâce et du jardin qui 
Tenvironnait. Ce jardin fut considérablement rétréci plus 
tard , lors de la suppression des octrois: encore fallut-il toute 
rénergie de Quetelet et une puissante intervention pour qu'il 
ne le fût pas davantage *''. 



VI. — Quetelet considéré comme physicien. — Ses premières 

recherches statistiques. 

Quetelet, comme on Ta vu, s'était installé à l'Observatoire 
au commencement de 1833. il y passa quarante- deux ans 
qui furent bien employés ainsi que nous espérons le démon- 
trer. Pour mettre un peu d'ordre dans l'histoire de cette vie 
si active et si féconde, nous commencerons par liquider le 
passé et nous continuerons la liquidation jusqu'à la fin de 
1852, époque à laquelle commencèrent les observations mé- 
téorologiques régulières de l'Observatoire. Nous irons même 
un peu plus loin , afin de ne pas couper l'exposé de certains 
travaux. 

On sait que les étoiles filantes ont beaucoup occupé 
Quetelet : II y songeait déjà en 1819 , lorsqu'il posait sa 
thèse sur l'origine des aérolithes. Quelques années après, il 
donna dans le premier volume de la Correspondance mathé- 
matique une méthode pour déterminer la hauteur d'un 



(M) 

météore diaprés deux observations faites en des lieux diffé- 
rents. En 1 826, des'observations simultanées d'étoiles filantes 
furent organisées par ses soins à Bruxelles, à Gand et à 
Liège; puis il abandonna ce sujet et ne le reprit que dix ans 
plus tard. 

Quetelet avait une prédilection marquée pour Poptique. 
Il sut y intéresser à des degrés différents deux de ses anciens 
élèves, MM. Plateau et Verbulst. L'un, pour lui témoigner 
sa reconnaissance, lui dédia en 1829 sa dissertation inaugu- 
rale, dont plusieurs fragments avaient été insérés dans la 
Correspondance mathématique et qui traitait de quelques 
propriétés des impressions produites par la lumière sur For- 
gane de la vue; l'autre entreprit de traduire le Traité de la 
lumière de sir Jobn Herscbel. La publication du second 
volume de cette traduction fut longtemps retardée par les 
événements de 1850 ; il parut avec un supplément de Que- 
telet, consacré à «l'exposition des recherches récemment 
faites en optique. » 

Ce supplément comprend quarante-cinq numéros. Le n<> 4 
traite de la photométrie. Quetelet s'était servi d'abord d'un 
instrument semblable dans son principe à celui du comte de 
Maistre, pour comparer l'éclat des corps célestes; mais il 
l'abandonna bientôt et en adopta un autre dont la construc- 
tion reposait sur la diminution que la lumière subit par des 
réflexions répétées. — L'es n»* 5 et 6 présentent les résultats 
des recherches de Quetelet sur les lignes brillantes, sur les 

m 

caustiques et sur les lignes aplanétiques. — Le n« 32 est 
relatif à la polarisation de la lumière par l'air serein : « J'avais 
essayé en 1825, » dit Quetelet avec une entière franchise, 
« d'indiquer la quantité de lumière polarisée que nous 
envoient les différentes parties du ciel , quand il est dégagé 



(87) 

de nuages. M. Arago m'a fait observer depuis , que renoncé 
de la loi que j'avais cru pouvoir poser doit être rectifié. » — 
Les n<>* 20 et âl sont de M. Plateau, Dans le premier, consa- 
cré à la persistance des impressions de la rétine, M. Plateau 
présente des détails sur les procédés imaginés par M. Wheats- 
tone, et qui permettent à ce physicien de prouver Tinstanta- 
néité de certains phénomènes lumineux , tels que Tétincelle 
électrique, ou d'en apprécier la durée , quelque courte qu'elle 
soit. • Ces détails, » dit M. Plateau, « m'ont été communi- 
qués par M. Quetelet, qui a été témoin, en Angleterre, de 
ces curieuses expériences. » Ceci se rapporte probablement 
au second voyage que Quetelet fit en Angleterre, en 1833, et 
dont nous parlerons ci-après. Un peu plus loin, M. Plateau 
rappelle un article de Quetelet sur les stries d*une forme 
particulière que présente une flamme agitée , article publié 
en 1828 dans la Correspondance mathématique.— Le n^âl 
traite des couleurs accidentelles. M. Plateau cite Quetelet 
comme ayant répété certaines de ses expériences et en ayant 
fait avec lui d'autres , qui avaient pour objet de déterminer 
le mouvement oscillatoire, dans certains cas, de l'impression 
lumineuse sur la rétine. 

Nous avons dit qu'à son retour d'Angleterre, en 1827, 
Quetelet avait répété devant l'Académie l'expérience de la 
lentille qui descend le long d'un plan incliné. 11 donna le 
secret du phénomène dans une lettre à M. Hachette ^ : ce 
secret , selon lui , se réduisait à faire tomber le centre de 
gravité de la lentille à droite ou à gauche du plan de plus 
forte pente. 

En même temps que l'expérience précédente , Quetelet 
avait répété devant l'Académie une expérience de Gregory 
sur les axes permanents de rotation *®. Il engagea Neren- 



(88) 

burger à examiner les différenles circonstances da mouve- 
ment d*un corps suspendu par un point à Textrémité d'un fil, 
et assujetti à se mouvoir en vertu d'une vitesse de rotation 
imprimée au fil. Nerenburger entreprit quelques expériences 
à ce sujet, et les résultats très curieux et très précis aux- 
quels il arriva, furent publiés dans la Correspondance ^^. 
MM. Pagani et Desalis traitèrent la question par l'analyse 
mathématique , et la Correspondance leur ouvrit également 
ses colonnes ^*, de même qu'elle avait inséré deux lettres de 
M. Crahay sur l'expérience de la lentille ^>. 

Ces expériences n'étaient pas les seules que Quetelet eût 
répétées pour ses confrères. On lit dans le procès-verbal de 
la séance du 2 juin 1827 : « Cette séance a été terminée par 
la lecture d'une lettre de M. Hachette, correspondant, portant 
la date du 11 mal, dans laquelle il rend compte d'une nou- 
velle expérience sur la combinaison du choc de l'air ou de 
l'eau avec la pression atmosphérique. M. Quetelet la vérifie 
aux yeux de l'assemblée ^'. » 

Les premières observations de l'aiguille aimantée furent 
faites par Quetelet, de septembre 1828 à mai 1829, avec les 
instruments de Troughton qu'il avait rapportés d'Angleterre. 
Les lieux d'observation étaient le jardin de l'Observatoire en 
construction et une maison de campagne près de V Arbre 
béiity dans la commune d'ixelles. Il s'agissait de déterminer 
la déclinaison et l'inclinaison absolues de l'aiguille , et de 
rechercher ses variations diurnes. Au mois de novembre 1828, 
le capitaine Sabine détermina à Bruxelles l'intensité magné- 
tique. « Je ne pense pas, * dit Quetelet, « qu'aucune obser- 
vation eût encore été faite à Bruxelles, pour déterminer 
rinclinaison ou l'intensité magnétique...; j'avoue même que 
je ne connais aucune observation un peu précise qui ait eu 



(89) 

pour bat de déterminer la déclinaison magnétique pour ce 
point si important de notre royaume ^K » 

Nous avons dit que dans ses voyages de 1829 et de 1830, 
Quetelet avait fait des observations magnétiques en diffé- 
rents points des pays qu'il avait parcourus. Les résultats en 
furent publiés dans le tome VI des Nouveaux Mémoires de 
TAcadémie. 11 faut regretter que Tauteur se soit borné à 
déterminer la composante horizontale de l'intensité sans 
observer Tinclinaison , qui lui aurait permis de calculer Tin- 
tensité totale. 

En passant par Paris, au mois de juin 1850, Quetelet avait 
remis à Arago un mémoire intitulé : Recherches sur les 
degrés successifs de force magnétique qu'une aiguille d'acier 
reçoit pendant les frictions multiples qui servent à l'ai' 
manter. Ce mémoire dont Arago entretint PAcadémie des 
sciences, le 12 juillet, fut inséré plus tard dans les Annales 
de chimie et de physique (juillet 1833). Quetelet avait trouvé 
que les degrés successifs de force de Taiguille étaient repré- 
sentés par une formule exponentielle contenant trois con- 
stantes, en sorte qu'ayant observé Tintensi lé magnétique 
après une, deux et trois frictions, par exemple, on pouvait 
calculer ce qu'elle serait après quatre, cinq, dix, vingt, etc. 
En étudiant ensuite la manière dont le magnétisme d'une 
aiguille se renverse quand on la frictionne en sens contraire 
avec les mêmes barreaux qui ont seryi d'abord à Taimau- 
ter, il avait reconnu que la charge maximum devenait de 
plus en plus faible à mesure que les renversements se multi- 
pliaient. 

il ne paraît pas que Quetelet ait fait, avant 1833, d'autres 
observations astronomiques que celle du passage de Mercure 
sur le soleil , du 5 mai 1832, et les observations des.tacbes 

8 



(90) 

da soleil dont il avait entretenu rAcadémie dans sa séance 
da 7 avril précédent. Les observations des taches , comme 
je Tai dit ailleurs ^^, étaient les premières de ce genre qui 
eussent été faites en Belgique, au moins depuis la fondation 
de TÂcadémie : le passage de Mercure du 5 mai était le 
second qu*ou eût observé dans notre pays. 

Il est temps de parler des recherches statistiques de Que- 
telet. 11 leur a dû une partie de sa gloire, et elles ont peut- 
être contribué plus que ses autres travaux à populariser son 
nom. • ' 

Le premier mémoire de statistique quMl ait composé fut lu 
à TÂcadémie, le 4 juin 1825; il avait pour litre: Jf^motre sur 
les lois des naissances et de la mortalité à Bruxelles. « L'in- 
troduction de sociétés d'assurances sur la vie, dans nos pro- 
vinces, » disait Fauteur, « et le désir de voir se consolider 
parmi nous ces établissements qui peuvent devenir si utiles 
quand ils sont dirigés dans de louables intentions , nous ont 
porté à faire des recherches sur les lois de la mortalité et à 
examiner en même temps ce qui concerne les lois des nais- 
sances. • Après avoir constaté que les naissances pendant 
Tannée procèdent à peu près exactement comme les décès, 
en suivant les variations du thermomètre prises dans un sens 
opposé, il donnait des tables de mortalité et de population, 
avec la distinction des sexes , et montrait remploi que Ton 
pouvait en faire dans les spéculations des sociétés d'assu- 
rances. Gomme les éléments des calculs avaient été empruntés 
aux registres de la ville de Bruxelles, les tables n'étalent va- 
lables que pour cette ville. Deux remarques importantes 
étaient présentées dans le cours du mémoire : l'une établis- 
sait que la marche annuelle des naissances, comme celle des 
décès, correspondait assez bien à une sinusoïde dont les ab- 



(9t ) 

scisses auraient été les difiërentes époques de Tannée, et les 
ordonnées, le nombre des naissances ou des décès à ces épo- 
ques. L'autre remarque portait sur la vérification de Tobser- 
valion de Maltbus, que le nombre des naissances augmente 
lorsqu'il s'est fait un vide dans la population, même à la suite 
de fléaux destructeurs. 

Ce mémoire fut présenté à l'Académie des sciences de 
Paris parle baron Fourier, l'un des secrétaires perpétuels, et 
il mit Quetelet en relation avec le docteur Villermé qui lui 
donna d'excellents conseils et se chargea plus tard de revoir 
les épreuves de sa Physique sociale et de son Système social, 

Quetelet avait été aidé dans le dépouillement des registres 
de la ville de Bruxelles, par Gb. Morren , son élève à l'Âtbé- 
née. Quand il s'occupait d'une question , il en parlait à ses 
élèves et à ses amis : qu'il s'agtt de géométrie, de physique 
ou de statistique, il excitait leur curiosité et réveillait leur 
zèle. Â sa demande, Lemaire, Timmermans, Yerbulst, pré- 
parèrent des tables de mortalité respectivement pour Tour- 
nai, Gand et Amsterdam. Profitant alors de la table de Le- 
maire , dressée d'après 8771 décès , et d'une autre qui avait 
paru à Maestricht et qui était basée sur 8413 décès , Quetelet 
refondit sa première table calculée d'après 1-4261 décès ob- 
servés à Bruxelles : il obtint ainsi une table de mortalité 
provisoire pour les provinces méridionales du royaume des 
Pays-Bas , mais sans distinction des sexes. 

La nouvelle table parut dans un mémoire qui fut lu à 
l'Académie à la séance du 24 février 1827, et dont le titre 
était: Recherches sur la population , les naissances, les 
décès, les prisons, les dépôts de mendicité t etc., dans le 
royaume des Pays-Bas, 

Ge mémoire était destiné à compléter et à développer le 



(92) 

précédent. Qaetelet y revenait sar les variations que les nais- 
sances et les décès semblent subir pendant le cours de Tan- 
née et même aux différents instants du jour. 11 s'occupait 
aussi de l'état de la population , en exprimant le désir que le 
gouvernement fit faire un nouveau dénombrement : « Les 
données que nous avons jusqu'à présent, • disait-il, « ne peu- 
vent être considérées que comme provisoires et ont besoin 
d*élre rectifiées. » Les renseignements sur les dépenses dans 
les dépôts de mendicité et dans les prisons du royaume 
avaient été communiqués par M. de Keverberg. <» Le gou- 
vernement, » lisait-on dans une note de Tintroduction, <* en 
créant une Commission de statistique, a fait espérer la pu- 
blication des documents précieux quMI possède. Ces élé- 
ments, soumis à la discussion des savants, présenteront des 
résultats qui ne pourront manquer de tourner au profit de 
la science et de la société. « 

Le baron de Keverberg dont il est ici question faisait 
partie de TÂcadémie de Bruxelles depuis sa réorganisation. 
Dès la fin de Tannée 1817, étant gouverneur de la Flandre 
orientale, il avait ordonné la rédaction d'une statistique de 
cette province et la formation d'une Société de statistique 
chargée, sous sa présidence, de recueillir, examiner et classer 
les renseignements nécessaires pour atteindre le but proposé. 
La Société était divisée en six sections correspondant aux 
brancbes que voici : Histoire et antiquités; — topographie 
et histoire naturelle; — ordre politique et religieux; — 
agriculture, manufactures et commerce; — sciences, lettres 
et arts ; — population. Un comité central et dirigeant , com- 
posé du gouverneur et de douze membres, devait être formé 
à Gand , et des comités auxiliaires organisés dans les villes 
d'Alost, Audenaerde^ Eecloo, Saint-Nicolas et Termonde. 



(93) 

L'arrêté du gouverneur, en date du 22 décembre, était ac- 
compagné du Plan (Tune description statistique de la Flan- 
dre orientale , précédé de quelques vues qui se rattachent à 
cet objet: a La statistique d'un pays, » y était-il dit, « est la 
description de ce qui existe actuellement. Un pareil ouvrage 
doit faire connaître tout ce que le pays, qui en est l'ob- 
jet , renferme de remarquable... La statistique de la Flandre 
orientale sera précédée d'une introduction historique et com- 
prendra la description physique de la province et ce qui se 
réfère à son ordre social , à sou état industriel , au rang 
moral qu'elle occupe dans le monde civilisé et à sa popu- 
lation. • 

M. de Keverberg continuait les traditions de l'ancien pré- 
fet du département de l'Escaut, M. Faitpoul, dont le nom est 
resté cher aux Gantois. Toutefois son projet ne semble pas 
avoir eu de suite sérieuse, et ce ne fut qu'en 1826 que la 
statistique reçut dans notre pays un commencement d'orga- 
nisation officielle. Un arrêté royal du 5 juillet créa près le 
département de l'intérieur un Bureau de statistique : les 
opérations de ce bureau devaient être dirigées par une Com- 
mission présidée par le ministre, et dont faisaient partie les 
administrateurs de l'intérieur, de l'instruction publique et de 
rindustrie nationale , assistés d'un secrétaire. Ces administra- 
teurs entraient dans la Commission, non par suite d'études 
spéciales, mais simplement en vertu de leurs fonctions : leurs 
attributions et leurs connaissances étaient loin d'embrasser 
toutes les branches de la statistique. Le ministre, qui aurait 
dû donner l'impulsion, avait tous ses instants absorbés par de 
nombreux travaux. 11 y avait des Commissions provinciales, 
mais aucun lien ne les rattachait à la Commission centrale; 
elles étaient nommées par les gouverneurs, qui pouvaient 

8. 



(94) 

aussi les dissoadre. Le secrétaire da Bureau aurait dû sup- 
pléer aux lacunes et aux vices de Torganisation ; malheureu- 
sement l'homme qu'on avait choisi n'était pas à la hauteur 
de ses fonctions. Plus occupé de ses tragédies que de son 
emploi, M. Ed. Smits ne produisit de travaux utiles qu^à 
répoque où la collaboration de Quetelet vint Taider à tirer 
parti de documents amassés pendant des années. 

Les Recherches sur la population ^ etc. parurent d'abord 
dans le tome IV des Nouveaux Mémoires de TAcadémie : 
elles furent réimprimées ensuite chez Tarlier, dans le format 
in-8o, et obtinrent Thonneur d'un article de J.-B.Say,dans la 
Revue encyclopédique ^. 

Le recensement que réclamait Quetelet fut décrété par un 
arrêté royal du 29 septembre 1828 : il devait constater Pétat 
de la population au l'** janvier 1830, et être renouvelé tous 
les dix ans. L'arrêté royal prescrivait en même temps l'orga- 
nisation des registres de population , comme partie complé- 
mentaire essentielle. 

Les opérations du recensement se firent sans difficulté. 
Plusieurs personnes compétentes, Quetelet entre autres, 
avaient été consultées sur le meilleur mode à suivre pour 
le mener à bonne fin. Les résultats étaient déjà recueillis , 
lorsque la révolution éclata; et quand plus tard, le nouveau 
gouvernement de la Belgique s'occupa de les réunir, il ne fut 
pas possible d'obtenir les chiffres de la population du Lim- 
bourg et du Luxembourg, parce que les documents avaient 
été déposés dans les chefs-lfeux des provinces. 

Quetelet avait lu à la séance de l'Académie , du 6 décem- 
bre 1828, un troisième mémoire, sous le titre : Recherches 
statistiques sur le royaume des Pays-Bas, 

Ce ti'avail, dont les principaux documents avaient été 



(95) 

puisés à des sources officielles, n'élait pas destiné d'abord à 
être rendu public. « S. M. le roi des Pays-Bas , • dit Fauteur 
dans son introduction, « ayant bien voulu m'autoriser à le 
livrer à Timpression , je le présente ici comme faisant suite à 
quelques essais sur la statistique que j'ai déjà publiés précé- 
demment. A 

Pour rimportance des faits, la largeur des vues el la nou- 
veauté des déductions , il nous paraît bien supérieur aux deux 
mémoires qui Tavaieut précédé. Une courte introduction fait 
connaître Torigine, le but, les ressources et l'emploi de la 
statistique, le degré de probabilité qu'elle peut atteindre, les 
incertitudes dont elle ne sera jamais délivrée complètement , 
les objections que lui opposent l'ignorance et le faux-savoir. 
L'auteur écarte de la statistique l'bisloire et la topographie 
que le baron de Keverberg voulait y faire entrer; pour lui 
elle forme, avec l'histoire considérée sous son point de vue le 
plus large, la base de l'économie politique, tandis que, d'après 
J.-B. Say, celle-ci était le fondement de la statistique. 
« Gomme Belge, > dit-il ensuite, « j'ai par inclination porté 
mon attention sur la Belgique , dont j'ai cherché à comparer 
l'état à celui des peuples voisins qui se sont élevés si haut 
par leur industrie et par leurs lumières. Je crois devoir garan- 
tir, du reste, que je n'ai eu en vue que la vérité, seul but de 
mes études et de mes travaux Je n'écris sous l'influence 
d'aucun système, d'aucun parti. » 

Voici les divisions admises par l'auteur : Étendue du 
royaume des Pays-Bas. — De la population. — Des impôts et 
du commerce. — De la librairie et des journaux. — De l'in- 
struction et des institutions de bienfaisance. — Des crimes 
et des délits. — Examen comparatif des différentes parties 
du royaume. 



(»6) 

Qaelqaes-uns des résultats auxquels il parvient durent 
frapper vivement Tattention. Ainsi, comparant la fécondité 
des mariages chez nous et chez les Anglais : « La Grande-Bre- 
tagne, V dit-il, « produit moins que notre pays, mais les fruits 
y sont plus durables; elle donne le jour à moins de citoyens, 
mais elle les conserve mieux. Si la fécondité y est moindre, 
les hommes utiles y sont plus nombreux, et les générations 
ne se renouvellent pas aussi souvent, au détriment de la na- 
tion. L'homme pendant ses premières années vit aux dépens 
de la société; il contracte une dette qu'il doit acquitter un 
jour; et s'il succombe avant d'avoir réussi à le faire, son 
existence a été pour ses concitoyens plutôt une charge qu'un 
bien. « 

Parlant des crimes et délits, il fait remarquer que devant 
les tribunaux correctionnels et les tribunaux de simple po- 
lice, la répression est la même en Belgique qu'en France; mais 
que devant les cours d'assises, S4^ accusés sur 100 sont con- 
damnés chez nous, tandis que 65 seulement le sont en France 
comme en Angleterre. Doit-on chercher la cause de c^tte dif- 
férence dans Tabsence du jury qui existe chez nos voisins? 
Nous te croyons, dit-il. Celle conjecture se changea en cer- 
titude lorsque, après le rétablissement du jury, on vil la ré- 
pression devant nos Cours d'assises descendre au chiffre de 
la France, tandis que la répression des simples délits n'avait 
pas varié. 

L'auteur présente ensuite, d'après les documents français 
de 1826 et 1827, une table indiquant les nombres de 
crimes qui se commettent aux différents âges et qui 
donnent ainsi la mesure de ce qu'il appelle le penchant 
au crime, u Nous ignorons,» dit-il, « si une table sem- 
blable a déjà été construite: il serait à désirer qu'on pût 



^ 



(97) 

en avoir de pareilles pour les autres pays; afin de conslater 
si elles suivent une marche aussi régulière que les tables 
de mortalité. "S'appuyant toujours sur \es Comptes généraux 
de l'administration de la justice en France : * ce qui frappe 
le plus , » fait-il observer, * c'est Teffrayante exactitude avec 
laquelle les crimes se reproduisent... L'on passe d'une année 
à l'autre, avec la triste perspective de voir les mêmes crimes 
se reproduire dans le même ordre et attirer les mêmes peines 
dans les mêmes proportions. Triste condition de l'espèce hu- 
maine! La part des prisons, des fers et de l'écbafaud semble 
fixée pour elle avec autant de probabilité que les révenus de 
l'Ëtat. Nous pouvons éoumérer d'avance combien d'individus 
souilleront leurs mains du sang de leurs semblables, combien 
seront faussaires, combien empoisonneurs, à peu près comme 
on peut énumérer d'avance les naissances et les décès qui 
doivent avoir lieu. » 

Le mémoire se termine ainsi: u Un travail, tel que le mien, 
n'exigeait pour qualité essentielle que de l'exactitude et delà 
bonne foi : je n'ai rien négligé pour atteindre à la première 
de ces qualités ; quant à la seconde, je puis affirmer qu'elle a 
constamment présidé à la composition de cet écrit. » 

Il est digne de remarque que les Recherches statistiques 
sur le royaume des Pays-Bas précédèrent de deux mois seu- 
lement le dernier mémoire de mathématiques que Quetelet 
ait présenté à l'Académie: celui-ci terminait la vie du géo- 
mètre, signalée par des travaux qui auraient suffi à la renom- 
mée d'un autre homme; celles-là ouvraient au statisticien 
une carrière brillante et plus propre à le faire connaître rapi- 
dement à l'étranger. 

Quetelet se plaint quelque part de la lenteur que les théo- 
rèmes de géométrie mettent à se répandre dans le monde. 



(98) 

Longtemps après avoir publié les siens, il les voyait encore 
annoncés sous le nom d*autres mathématiciens. Est-ce cette 
considération qui le détourna de ses premières études? 
Ou bien, aurait-il fini par adopter Tavis de Pascal, son auteur 
favori, écrivant à Fermât : » Pour vous parler franchement 
de la géométrie, je la trouve le plus haut exercice de Tesprit; 
mais en même temps je la connais pour si inutile, que je fais 
peu de différence entre un homme qui n'est que géomètre et 
un habile artisan Aussi je rappelle le plus beau métier du 
monde; mais enfin ce n'est qu'un métier; et j'ai dit souvent 
qu'elle est bonne pour faire l'essai, mais non pas l'emploi de 
notre force : de sorte que je ne ferais pas deux pas pour la 
géométrie, et je m'assure que vous êtes fort de mon 
humeur. » 

Aucun mémoire nouveau ne parut en 1830; mais pendant 
les années 1831 et 183:3, Quetelet consacra la plus grande 
partie de son temps aux recherches statistiques. Cinq mé- 
moires furent le fruit de sou labeur; trois d'entre eux, inti- 
tulés : Recherches sur la loi de croissance de Vhomme ; 
Recherches sur le penchant au crime aux différents âges; 
Recherches sur le poids de Vhomme aux différents âges , 
parurent dans le recueil de l'Académie; les deux autres 
furent publiés en commun avec M. Ed. Smits : c'étaient les 

« 

Recherches sur la reproduction et la mortalité ^ et la Sta- 
tistique des tribunaux de la Belgique pendant les années 
4826ài83i. 

Voici ce que raconte Quetelet au sujet des ouvrages, — car 
ce sont plutôt des ouvrages que des mémoires, — qui portent 
son nom et celui de M. Smits. • Le 24 février 1831, Smits fut 
nommé par le gouvernement provisoire directeur de la statis- 
tique générale au ministère de l'intérieur. Je profitai de cette 



( 99) 

circonstance favorable pour lui demander communication 
des documents du recensement [de 1830] auquel j'avais pris 
une part indirecte, et de toutes les pièces relatives au mou- 
vement de la population. Smits me les confia avec la plus 
grande obligeance , et je m'en servis pour calculer les pre- 
mières tables générales de mortalité et de population, rela- 
tives à la Belgique. Peu de temps après, il me proposa de 
publier avec lui les principaux résultats des documents qu'il 
avait entre les mains : j'acceptai son offre avec plaisir, el, sur 
sa proposition, un arrêté du régent de la Belgique nous char- 
gea de mettre au jour le premier recueil officiel relatif à la 
population. Cet ouvrage in-8<> parut, en 1832, sous le titre : 
Recherches sur la reproduction et la mortalité , et sur la 
population de la Belgique, [Smlts] me proposa en même 
temps une seconde publication, celle relative aux tribunaux 
de la Belgique... Ce travail faillit être étouffé à sa nais- 
sance... L'ouvrage renfermait quelques renseignements fort 
curieux sur les causes locales de la criminalité... Le ministre 
craignait le mauvais effet que pouvaient produire ces rensei- 
gnements dans le public; et après quelques discussions , il 
fallut les supprimer... Quelques exemplaires complets se 
trouvaient déjà en circulation, et il fut impossible de les 
retirer ^^7. » 

Les recherches sur la taille et sur le poids de l'homme 
étaient toutes neuves à l'époque où elles parurent. Quetelet 
trouvait que la loi de la croissance, du moins à partir de la 
naissance jusque vers l'âge de treize à quatorze ans, était 
représentée par une hyperbole. Or vingt ans après, MM. Bra- 
vais et Martins arrivaient également à une hyperbole pour la 
courbe d'accroissement diamétral du pin sylvestre : c'était là, 
tout au moins , une coïncidence remarquable. 



535752 



( 100 ) 

Dans le mémoire sur le peucbant au crime, Quetelet 
s'étendait sur des idées déjà connues par les Becherches'sta- 
tistiqties sur le royaume des Pays-Bas. Il passait en revue 
les différentes causes qui agissent pour développer ou pour 
amortir le penchant au crime, et niait que l'instruction eût 
rinflueuce énergique qu'on lui suppose ordinairement. « On 
confond d'ailleurs trop souvent, a disait-il, <* l'instruction 
morale avec l'instruction qui ne consiste qu'à lire et à écrire, 
et qui devient la plupart du temps un nouvel instrument de 
crime. 11 en est de même de la pauvreté, n ajoutait-il; a plu- 
sieurs des départements de France réputés les plus pauvres , 
sont en même temps les plus moraux. » Et il terminait par 
ces mots énergiques : « 11 est un budget qu'on paie avec une 
régularité effrayante, c'est celui des prisons, des bagnes et 
des écbafauds ; c'est celui-là surtout qu'il faudrait s'attacher 
à réduire! » Ces paroles et celles que nous avons reproduites 
à la page 97 furent citées à la Chambre des représentants 
par M. Henri de Brouckere , lorsque , dans la séance du 4 juil- 
let 1832, il développa une proposition ayant pour objet de 
modifier le système de pénalité encore en vigueur. 

Les mémoires sur la croissance de l'homme, sur son pen- 
chant au crime , sur son poids étaient accompagnés de con- 
sidérations qui méritent de fixer notre attention et que nous 
allons tâcher de résumer. « L'homme, • dit Quetelet, « sans 
le savoir et lorsqu'il croit agir d'après son libre arbitre, est 
soumis à certaines lois et ^ubit certaines modifications aux- 
quelles il ne saurait se soustraire. — On pourrait dire que 
ce qui se rattache à l'espèce humaine , considérée en masse , 
est de l'ordre des faits physiques ; plus le nombre des indi- 
vidus est grand , plus la volonté individuelle s'efface et laisse 
prédominer la série des faits généraux qui dépendent des 



( 101 ) 

causes générales» d*après lesquelles existe et se conserve la 
société, n Ce sont ces causes quMl s'agit de saisir et Tobser- 
valion seule peut nous les dévoiler. — L'homme que Fauteur 
considère est dans la société Tanalogue du centre de gravité 
dans les corps : < Si Tbomme moyen était déterminé pour 
une nation, Il présenterait le type de cette nation ; s'il pou- 
vait être déterminé d'après l'ensemble des hommes, il pré- 
senterait le type de l'espèce humaine tout entière. » Bien que 
son libre arbitre soit resserré dans des limites très étroites, 
rhomme possède en lui des forces morales par lesquelles il 
se distingue des animaux et qui lui permettent de modifier, 
du moins d'une manière apparente , les lois de la nature. Ces 
forces perturbatrices produisent des efiets si lents qu'oa 
pourrait les nommer perturbations séculaires par analogie 
avec celles que les astronomes ont considérées dans le sys- 
tème du monde. — La science dont le but serait d'étudier les 
forces naturelles et les forces perturbatrices de l'homme 
serait une véritable mécanique sociale : elle présenterait des 
lois tout aussi admirables que la mécanique des corps bruts, 
et mettrait en évidence des principes conservateurs qui ne 
seraient peut-être que les analogues de ceux que nous con- 
naissons déjà. On ne peut, du reste, exiger de ceux qui 
s'occupent d'une mécanique sociale plus que de ceux qui 
auraient entrevu la possibilité de former une mécanique 
céleste à une époque où il n'existait que des observations 
astronomiques défectueuses, et des théories nulles ou fausses 
avec des moyens de calcul insuffisants. Le premier pas à faire 
était de s'entendre sur les moyens d'exécution et sur la pos- 
sibilité de les obtenir; il fallait recueillir ensuite avec zèle et 
persévérance des observations précises , créer et perfection- 
ner les méthodes pour les mettre en œuvre, et préparer ainsi 

9 



( 102) 

tous les éléments nécessaires à Tédifice (fuMI s'agissait d*éle- 
ver. Or, c'est la marche quMI convient de suivre pour former 
une mécanique sociale. 

« Quant à l'accusation de matérialisme , elle a été repro- 
duite si souvent et si régulièrement toutes les fois que les 
sciences essayaient un nouveau pas, et que Tesprit philoso- 
phique, en se jetant hors des antiques ornières , cherchait à 
se frayer des chemins nouveaux, qu'il devient superflu d'y 
répondre, aujourd'hui surtout qu'elle est dépouillée de l'appa- 
reil des fers et des supplices. Qui pourrait dire, d'ailleurs, 
qu'on insulte à la divinité en exerçant la plus noble faculté 
qu'elle ail mise en nous, en tournant ses méditations vers les 
lois les plus sublimes de l'univers, en essayant de mettre au 
jour l'économie admirable, la sagesse infinie qui ont présidé 
à sa composition. Qui oserait accuser de sécheresse les phi- 
losophes qui, au monde étroit et mesquin des anciens, ont 
substitué la connaissance de notre magnifique système solaire, 
et qui ont tellement reculé les limites de notre ciel étoile, 
que le génie n'ose plus en sonder les profondeurs qu'avec un 
respect religieux. Certes, la connaissance des merveilleuses lois 
qui règlent le système du monde, que Ton doit aux recherches 
des philosophes, donne une idée bien autrement grande de la 
puissance de la divinité que celle de ce monde que voulait 
nous imposer une aveugle superstition. Si Torgueil matériel 
de l'homme s'est trouvé frustré en voyant combien est petite 
la place qu'il occupe sur le grain de poussière dont il faisait 
son univers, combien son intelligence a dû se réjouir d'avoir 
porté si loin sa puissance et d'avoir plongé si avant dans les 
secrets des cieux. Après avoir vu la marche qu'ont suivie les 
sciences à l'égard des mondes , ne pouvons-nous essayer de 
la suivre à l'égard des hommes ; ne serait-il pas absurde de 



( 103 ) 

croire que pendant que tout se fait d*après des lois si admi- 
rables , Tespèce humaine seule reste abandonnée aveuglé- 
ment à elle-même , et qu'elle ne possède aucun principe de 
conservation ? Nous ne craignons pas de dire qu'une pareille 
supposition serait plus injurieuse à la divinité que la re- 
cherche même que nous nous proposons de faire. » 

Les lignes que nous venons de transcrire sont extraites du 
mémoire sur le penchant au crime : elles témoignent en 
faveur de Télévation d'esprit qui distinguait Quetelet. 

Vhomme moyen n'avait guère soulevé d'objections en ce 
qui concerne les qualités physiques, mais on contesta l'emploi 
qu'on pourrait faire de la considération de cet homme moyen 
dans les beaux-arts et dans les lettres. « Certes, » dit Que- 
telet dans l'introduction de son mémoire sur le poids de 
l'homme aux différents âges, « j'aurais donné prise à la cri- 
tique, si j'avais prétendu que, par des calculs ou de froids 
raisonnements, l'artiste et le littérateur doivent chercher à 
saisir le type d'une nation , pour ne plus nous présenter que 
ce même type dans tous leurs ouvrages; telle n'a pu être ma 
pensée. » Il faut que le type soit approprié aux sujets: ainsi, 
quelque admirable que soit le type grec, l'artiste, s'il le 
reproduit dans les sujets modernes , sera froid et sans action 
sur le spectateur. Il faut qu'il peigne ce qu'il a sous les yeux; 
c'est ce que les artistes de la renaissance avaient admirable- 
ment compris; Raphaël et après lui Rubens ont eu chacun 
leur type. La nature n'est pas invariable. « Les anciens ont 
représenté avec un art infini l'homme physique et moral tel 
qu'il existait alors; et la plupart des modernes, frappés de la 
perfection de leurs ouvrages, ont cru qu'ils n'avaient rien de 
mieux à faire que de les imiter servilement; ils n'ont pas 
compris qu'ils avaient une autre nature à étudier. De là, ce 



( 104 ) 

cri universel : Qui nous délivrera des Grecs et des Romains! 
De là, cette scission violente entre les classiques et les roman- 
tiques; de là enfin, le besoin d*avoir une littérature qui fût 
véritablement Vexpression de la société. Cette grande révo- 
lution s'est accomplie... » — On se souviendra que, dès Tan- 
née 1823, Quetelet avait exprimé les mêmes idées dans son 
Essai sur la romance; la lutte entre les classiques et les 
romantiques venait à peine de commencer; c'était Tépoque 
ob Raoul disait, en croyant plaisanter fort agréablement: 
« Les classiques sont ceux qui ont fait leurs classes, et les 
romantiquett ceux qui ne les ont pas faites, t* i 

Quetelet émet ensuite des doutes sur Texistence du beau l 

absolu. Si la race caucasique venait à disparaître , et que les 
débris d'une autre race, telle que la race mongole, par 
exemple, retrouvassent les restes des beaux-arts, choisiraient- 
ils la forme grecque de préférence à la leur, s'ils avaient à 
représenter leur divinité sous une forme humaine? Les belles 
figures grecques ne seraient-elles pas pour eux des figures de 
convention comme sont à nos yeux les figures égyptiennes?... 
« Du reste, l'artiste et l'homme de lettres peuvent et doivent 
même rechercher les traits saillants , et faire contraster les 
physionomies et les caractères les plus divers ; mais il faut 
que le vrai vienne toujours se placer entre les oppositions 
qu'ils Qous présentent, et que ces oppositions mêmes restent 
dans les limites tracées par la nature. » 



( 105) 

VJI.— Quetelel à l'Observatoire et à l' Académie des sciences 
et belles-lettres. — Son élection comme secrétaire perpé- 
tuel de l'Académie. — Son Essai de physique sociale. 

Nous voilà à la veille de Tannée 1833. Qaetelet est installé 
à rObservatoire; il a réuni quelques instruments, et il s'ap- 
prête à entreprendre cette longue série d'observations rela- 
tives à la météorologie et à la physique du globe, qu'il discu- 
tera dans une suite de mémoires séparés et qui fonderont la 
Climatologie et la Périodologie de la Belgique. Il n'a aucun 
adjoint officiel , le budget de l'établissement étant réduit à sa 
plus basse limite; mais deux jeunes gens ont demandé à 
suivre les travaux de l'Observatoire : l'un, M. Edmond Gon- 
thier, est devenu plus tard ingénieur civil; l'autre, celui qui 
écrit ces lignes, ancien élève de Quetelet à PAlhéuée de 
Bruxelles et docteur en sciences de l'Université de Liège, 
avait vu sa carrière brisée par la révolution ; beaucoup de ses 
camarades étaient entrés dans l'armée avec la perspective 
d'un avancement rapide; mais ne se sentant aucun goût pour 
l'état militaire, et désespérant d'obtenir une place dans l'en- 
seignement public auquel il avait été destiné, il avait sollicité 
vainement un petit emploi , d'abord à la Bibliothèque de la 
ville de Bruxelles, et ensuite au Corps des ponts et chaussées: 
ici, on lui avait proposé d'aller recevoir les droits de barrière 
sur une nouvelle route qu'on venait d'ouvrir; là, on avait 
donné la préférence au domestique d'un grand seigneur. Que- 
telet, à qui il aurait dû s'adresser d'abord , le recueillit géné- 
reusement. Pour lui faire gagner un peu d'argent, il l'attacha 
d'abord à la Commission administrative du Musée des arts 
et de l'industrie, dont il était le secrétaire; ensuite il sollici^^ 

9. 



(106) 

un subside sur les fonds des sciences et des lettres afin de 
rémunérer jusqu'à un certain point ses travaux à PObserva- 
toire; puis, trois^ans après, il contribua à le faire nommer 
répétiteur de Verbulst à TËcoIe militaire. 

L'année 183«? fut signalée à TObservatoire par le commen- 
cement des observations météorologiques et par les pre- 
mières observations pour déterminer la latitude et la longi- 
tude de rétablissement. 

Quetelet ne possédait à cette époque que de médiocres 
instruments d'astronomie. La petite lunette de Tinslrument 
^ destiné à mesurer la déclinaison magnétique, lui servait à 
régler une pendule de Rouma, de Liège, qui marchait d'après 
le temps moyeu et donnait l'heure aux horloges de la ville. 
11 l'employait aussi à l'observation des passages de la lune et 
des étoiles du même parallèle, afin d'arriver à la détermina- 
tion de sa longitude. Un cercle répétiteur de Fortin , de six 
pouces de rayon , fut employé à tenter une détermination de 
la latitude, par les passages de la polaire. Enfin le télescope 
de Rienks, qui avait été donné à l'Observatoire par le roi 
Guillaume, permit d'observer des occultations d'étoiles et des 
éclipses des satellites de Jupiter. 

Quetelet, dont le rôle dans l'Académie des sciences et belles- 
lettres de Bruxelles était devenu prépondérant, avait fait 
adopter, le 7 janvier 1832 , la publication d'un Bulletin; le 
5 mai, il avait été nommé directeur, et , le l^^' mai 1833 , il 
adressait , en cette dernière qualité , au ministre de l'inté- 
rieur, un rapport dans lequel il analysait rapidement les tra- 
vaux de l'Académie depuis le 30 octobre 1830, « époque à 
laquelle, • disait-il, «l'Académie reprit ses séances qui 
avaient été suspendues, non par l'efiet de la révolution , mais 
par suite .des vacances qui avaient commencé au mois de 



( 107 ) 

juin. » Pour qui savait comprendre , cela voulait dire que 
rAcadémie n'était nullement disposée à bouleverser son 
organisation , et à chasser de son sein les académiciens bol- 
landais, comme on avait chassé les professeurs hollandais des 
Universités. Du reste, le cas n*était pas le même : la destitu- 
tion des professeurs hollandais avait été une mesure impé- 
rieusement exigée par Topinion publique; celle-ci avait res- 
pecté l'Académie , peut-être à cause de l'obscurité dans 
laquelle elle se complaisait, ne recherchant nullement la po- 
pularité et la dédaignant peut-être trop. Mais si la foule 
restait indifférente à ses faits et gestes, il n'en était pas ainsi 
de certains hommes, comme il s'en renéontre à toutes les 
époques, mais surtout au lendemain des révolutions, d'autant 
plus ambitieux qu'ils sont plus médiocres, qui auraient voulu 
se parer du titre d'académicien el dont la résistance opposée 
à leur désir ne faisait qu'augmenter les intrigues. D'un autre 
côté, le gouvernement issu de la révolution était, selon la 
règle, tourmenté d'une fièvre de changements. L'Académie 
sut échapper à ce double danger; si, d'une pari, elle combattit 
avec énergie toute modification radicale dans ses statuts, elle 
se montra disposée à les améliorer; d'autre part, la sage len- 
teur qu'elle mit à se compléter et l'institution de membres 
correspondants, tout eu écartant les médiocrités vaniteuses, 
lui permirent de s'adjoindre peu à peu des hommes éminents 
dont les titres n'étaient contestés par personne, et des jeunes 
gens qui avaient marqué par de brillants succès leurs pre- 
miers pas dans la carrière des sciences ou des lettres. 

Quetelet, dans son rapport du 1<^' mai 1833, faisait ressor- 
tir l'empressement qu'avaient témoigné un grand nombre 
de savants étrangers à correspondre avec l'Académie de 
Bruxelles; il pouvait le faire avec orgueil, car c'était à lui, 



( 108 ) 

à ses relalious personnelles que cel empressement était dû. 
Ne l'oublions pas» Quetelet a été, pendant de longues années, 
le seul savant qui représentât la Belgique à l'étranger ; con- 
sultons les hommes distingués , venus chez nous pour étu- 
dier notre pays ou pour s'y établir, ils nous diront que leurs 
lettres de recommandation , qu'elles fussent datées de Paris, 
de Londres ou de Berlin , de Rome ou: de Saint-Pétersbourg, 
étaient toutes adressées à Quetelet. 

Dans rénumération qu'il faisait des mémoires , disserta- 
lions et autres ouvrages présentés par chaque membre de 
l'Académie, conformément à l'article 15 du règlement du 
3 juillet 1816, Quetelet citait ses recherches sur l'aiguille 
magnétique, à Bruxelles et en différents points de l'Europe, 
et il ajoutait : u J'ai eu l'honneur de présenter encore à l'Aca- 
démie le résultat du peu d'observations astronomiques que 
m'a permis de faire jusqu'à présent l'état de notre Observa- 
toire. J'ai communiqué de plus à l'Académie quatre mémoires 
qui font partie d'un vaste travail dont je réunis depuis long- 
temps les matériaux. Ce travail a pour objet l'étude du déve- 
loppement successif des différentes facultés physiques, 
morales et intellectuelles de l'homme, et l'analyse de leurs 
actions et réactions réciproques. » Les mémoires dont il 
est ici question étaient les Recherches sur la croissance de 
l'homme, sur son penchant au crime et sur son poids, et un 
quatrième mémoire intitulé : Recherches sur ^influence com- 
binée des saisons et des âges sur la morlalilé, Nous n'avons 
pas retrouvé la date de la séance dans laquelle ce dernier 
mémoire fut présenté; Quetelet le retira et en fit lecture à 
l'Académie des sciences morales et politiques de l'Institut de 
France, qui en a donné une analyse et des extraits dans le 
tome 1*^' de ses Mémoires. Plus tard il y fit des additions et le 



(109) 

représenta , le 10 février 1 838, à r Académie de Bruxelles : il a 
paru dans le tome XI des Nouveaux Mémoires.— Eu énumé- 
rant ses travaux, Quetelet aurait pu citer encore un articIeSur 
la possibilité de mesurer l'influence des causes qui modifient 
les éléments sociaux , publié par la Revue encyclopédique, 
en mars 1833, et dont M. Villermé parla avec éloge, lorsque, 
dans la séance du 38 mai suivant, il rendit compte à TAca- 
demie des sciences morales et politiques des Recherches sur 
le poids de l^ homme aux différents âges. Le numéro de 
février 1832, de la Revue encyclopédique^ avait donné un 
autre article de Quetelet , intitulé : De Vinfluence des sai- 
sons sur les facultés de l'homme ^. 

Remarquons ici que dès qu'une idée arrivait à Quetelet , 
dès qu'il avait obtenu un résultat, il s'empressait de les faire 
connaître , souvent même avant que l'idée ne fût parvenue à 
un degré suffisant de maturité, et avant que le résultat ne 
fût parfaitement sûr. De là de nombreuses répétitions dans 
les écrits qui succédaient aux premiers pour les améliorer, 
pour les développer. Cette manière de travailler a ses avan- 
tages et ses inconvénients : elle pousse aux travaux parallèles 
et prouve à la fois chez l'auteur un vif désir de répandre la 
lumière au fur et à mesure qu'elle se fait dans son esprit, et 
la crainte de se voir devancé; mais elle occasionne une perte 
de temps, et la coordination des recherches devient peut-être 
difficile. Ne vaudrait-il pas mieux attendre que les matériaux 
soient d'abord réunis, puis complètement élaborés ; que l'ob- 
jet et le cadre de l'ouvrage auquel ils doivent servir aient 
été longuement médités avant de mettre la main à l'œuvre. 
Alors on serait certain d'obtenir cette unité de composition 
et de style que donnent avec peine des pièces rapportées. 
L'effet d'un ouvrage doit, d'un autre côté, être beaucoup 



( 110 ) 

plus vif lorsque le public n'a pas été mis déjà dans la confi- 
dence de quelques-unes de ses parties. 

Quetelet avait été chargé, par le gouvernement, d'assister 
à la réunion de TAssociation Britannique pour Tavancement 
des sciences, qui devait se tenir à Cambridge, à partir du 
25 juin J833 ^K II passa par Paris, et donna lecture à PAca- 
demie des sciences morales et politiques, de son mémoire sur 
la mortalité. A Cambridge, il provoqua la création d'une 
section de statistique dont firent partie Malthus, Babbage et 
d'autres savants. A Londres, il fut appelé devant une Com- 
mission d'enquête instituée par le Parlement, pour fournir 
des indications sur la tenue des registres de l'état civil en 
Belgique et sur le recensement du {«^janvier 1830. 

Les principaux faits qui marquèrent l'année i834 sont: la 
publication du premier Jnnuaire de l'Observatoire; celle de 
la première partie du tome I des Annales de cet établisse- 
ment ; les premières observations des températures de la 
terre , et l'élection de Quetelet comme secrétaire perpétuel 
de l'Académie. 

V Annuaire était composé sur le modèle de celui du Bu- 
reau des longitudes ; il reçut successivement diverses amé- 
liorations , et , en 1854, la publication de VJlmanaeh sécu- 
laire de l'Observatoire permit d'écarter de VAnnuaire les 
documents qui sont constants ou qui ne subissent que des 
variations à longues périodes. 

La première partie des Annales renfermait un Aperçu 
historique des observations météorologiques faites antérieu- 
rement en Belgique, les observations météorologiques faites 
en 1833 à TObservatoire, et un chapitre consacré aux obser- 
vations magnétiques. Pour épargner les frais de composition, 
Quetelet avait présenté l'Aperçu historique à l'Académie , de 



(111 ) 

sorte que ce travail fut inséré également dans les Nouveaux 
Mémoires {i,yill). 

Les observations des températures de la terre étaient en- 
core fort rares à cette époque , et Ton ne s'était guère occupé 
de déterminer les couches oU vont s'éteindre les variations 
diurnes et annuelles du thermomètre. C'est à propos de cette 
dernière couche que M. Falck écrivait plaisamment à Quete- 
let : * Merci pour votre mémoire sur la température de la 
terre. Je juge d'après le tracé des courbes , que , pour avoir 
moins à souffrir des variations qu'on dit si nuisibles aux 
goutteux, je ferai bien de m'établir à une profondeur de 
sept mètres , quatre-vingts centimètres. C'est une précaution 
que je compte bien recommander dans mon testament à ceux 
qui auront à diriger mon établissement définitif. Pauvres 
fossoyeurs ! • 

M. Dewez étant mort le 26 octobre 1834, TAcadémie pro- 
céda à son remplacement le 22 novembre. Vingt membres 
prirent part au vote, et Quetelet fut nommé secrétaire per- 
pétuel par dix-neuf voix ^o. (jn seul compétiteur s'était pré- 
senté, mais, après quelques démarches , il avait renoncé à sa 
candidature, et il vota de bonne grâce pour Quetelet ; quel- 
ques années après il fut nommé secrétaire de l'Académie 
de médecine, et il remplit ce poste avec une grande dis- 
tinction. 

Quetelet était le sixième secrétaire perpétuel de l'Académie 
des sciences et belles-lettres, et le troisième qui fût redeva- 
ble de sa nomination aux suffrages de ses confrères. 

L'ancienne Académie avait eu pour secrétaires MM. Gérard, 
Des Roches et Mann; la nouvelle, MM. Van Hultbem et Dewez. 
Gérard, Des Roches et Van Hultbem avaient été désignés par 
le gouvernement. Le.premier, homme d'un caractère difficile, 



(112) 

s'était vu retirer ses fonctions à rAcadémle au pro6t de Des 
Roches, beaucoup plus souple et fort supérieur, il faut le 
dire , en activité et en mérite. Parti de très bas , Des Roches 
^vait fini par arriver à une brillante position quand il mou- 
rut, jeune encore : si des besoins incessants d'argent ne lui 
avaient fait entreprendre trop de choses à la fois, il aurait pu 
laisser une grande trace dans Tbistoire des lettres. Son suc- 
cesseur au secrétariat de TAcadémie, Tabbé Mann, était une 
de ces rares intelligences qui embrassent Tensemble des con- 
naissances humaines ; il avait toutes les qualités voulues 
pour bien remplir le poste auquel Tavait appelé le vote una- 
nime de ses confrères. Cultivant les sciences et les lettres, 
possédant les langues anciennes et modernes, doué d*un 
grand esprit d'ordre et de méthode , au-dessus d'une mes- 
quine envie et dans une position d'indépendance complète , 
bienveillant et désintéressé, connu à l'étranger et en rela- 
tion avec les principales sociétés savantes, il aurait certaine- 
ment donné du lustre à l'Académie , sans les troubles politi- 
ques qui vinrent enrayer son zèle. 

J'ai déjà parlé de Van HuUhem , de ses querelles avec le 
commandeur de Nieuport et de son remplacement par Dewez. 
Ce derniei^, esprit exact mais étroit, s'acquitta de ses fonc- 
tions avec la ponctualité d'un chef de bureau; là s'arrêtèrent 
les services qu'il rendit à la Compagnie. Inconnu hors du 
pajrs, en butte, à l'intérieur, aux critiques des jeunes gens 
moins amoureux de la sèche érudition que de l'élégance du 
style , il n'exerça aucune iniluence. 

C'est à Quetelet que l'Académie a dû, pour la plus grande 
partie, le développement de ses travaux et la considération 
dont elle jouit à l'étranger. D'un autre côté, il sut toujours 
défendre ses prérogatives et sa dignité; il l'eût voulue même 



( 115) 

plus indépendante que ne le permettent nos règlements 
d*administration générale. A ses yeux , le subside annuel 
accordé à TAcadémie aurait dû être une dotation , et il n*ad- 
metlait pas d*autre contrôle que celui de la Compagnie sur 
Femploi des fonds qui lui étaient alloués. 

Quetelet, comme on Ta vu» avait inauguré Tannée 1834 
par la publication de VAnnuaire de TObservatoire : il fit 
paraître, dès les premiers jours de Tannée 1835, un Annua&e 
de TAcadémie, destiné à contenir les statuts et les règlements, 
la liste des membres, etc., et les biographies des académi- 
ciens décédés. 

Il s^occupait à la même époque d*un travail qui lui avait 
été demandé par TAssociation Britannique pour Tavancement 
des sciences, et qui fut inséré dans le recuelldes actes de 
la session tenue à Dublin au mois d*août 1835 <^*. 

Ce travail est intitulé : J perçu de Vétat actuel des sciences 
mathématiques chez les Belges. L^auteur commence par jeter 
un coup d'œii sur Tbisloire des lettres, des sciences et des 
arts en Belgique : il les montre brillant d*un vif éclat sous 
les ducs de Bourgogne; continuant à fleurir au seizième siècle, 
jusqu*au moment où les fatales mesures du gouvernement de 
Philippe II forcèrent des hommes éminents à quitter leur 
patrie; puis se ranimant sous les archiducs Albert et Isabelle, 
pour s^éteindre après la conclusion du traité de Munster. 
Marie-Thérèse chercha à tirer nos provinces de leur état de 
léthargie; TAcadémie fondée par Tillustre impératrice ne se 
montra pas indigne de sa mission , et Ton remarquait une 
amélioration sensible, quand arriva la grande catastrophe qui 
termina le dix-huitième siècle... En 1814, la Belgique profita 
de Télat plus avancé de la Hollande, oii s^éiait conservé 
Tamour des sciences et des lettres : elle eut des universités, 

10 



1 



(114) 

des jardins bouniques, des bibliothèques; r Académie fut 
réorganisée et Ton vit s'élever un Observatoire conçu sur une 
grande écbeUe ; mais toutes ces institutions faillirent s'abîmer 
après la révolution de 1830... 

L'auteur énumère ensuite les principaux travaux qui ont été 
produiu dans les derniers temps : les mathématiques, la méca- 
nique, la physique, la météorologie, l'astronomie l'occupent 
successivement. « Je ne crois pas devoir parler ici des ouvrages 
élémentaires, «dit-il à propos des mathématiques; « si la 
Belgique a produit peu du côté des ouvrages originaux, je ne 
pense pas qu'il y ait de pays qui puisse lui disputer la palme 
pour le nombre des traités d'arithmétique, d'algèbre, de géo- 
métrie et de mécanique industrielle... » 

« Dans ce qui concerne les sciences exactes, « dit-il en 
terminant, « l'opinion publique ne sert pas même de stimu- 
lant, elle est trop peu éclairée dans ces matières, en sorte que 
réut des sciences est, chez nous, comme un vrai tableau 
chinois (qu'on me passe cette comparaison), où tout est sur 
un même plan, l'homme instruit et l'ignorant, le savant mo- 
deste et le charlatan. Je m'estimerais heureux si cet essai, lu 
par mes compatriotes, pouvait contribuer à débrouiller un 
peu ce chaos , et à faire rendre justice au vrai mérite. • 

Au mois de juillet 1835,M.Gambey vint à Bruxelles, et pro- 
céda au placement de la lunette méridienne et du cercle 
mural. L'équatorial ne put être monté qu'au mois de juin de 
Tannée suivante. 

Le premier soin de Quetelet fut de déterminer la position 
de l'Observatoire : les observations qu'il avait faites dans ce 
but, deux ans auparavant, n'étaient que des essais fort 
imparfaits dont il n*a pas donné les résultats. 

J'ai résumé ailleurs «* ses travaux relatifs à l'astronomie 



(115) 

et aux phénomèoes qu'on a Thabitude d*y rapporter ; je D*y 
reviendrai donc ici que pour compléter ce que j'en ai dit. Le 
là mars 1835, Quetelet écrivait simultanément au bourg- 
mestre de Bruxelles et au ministre de Tintérieur : « J*ai appris 
avec beaucoup de plaisir qu'on se propose de reprendre lundi 
prochain les travaux de la grande salle d'observation, et que 
je pourrai me servir bientôt de la lunette méridienne emballée 
depuis près de huit mois. Mais rien ne semble préparé pour 
la tourelle destinée à Téquatorial, et ce serait une honte pour 
l'Observatoire s'il devait rester étranger à l'observation de la 
comète de Halley dont le retour est attendu avec impatience 
par toute l'Europe. » Malgré ces vives instances, malgré la 
bonne volonté du ministre, rien ne fut fait, et Quetelet dut se 
borner à suivre la marche de la comète au moyen de son 
télescope. 

L'année 1835 fut encore marquée : 1° par les observations 
des marées entreprises sur les côtes de la Belgique , à la 
demande de M. Wbewell et à l'intervention de Quetelet et de 
l'Académie ; 2<> par le commencement des observations météo- 
rologiques horaires aux époques des solstices et des équi- 
noxes, dont sir John Herschel avait été le promoteur. 

Lorsque Quetelet se trouva seul devant les grands instru^ 
ments d'astronomie, dont il avait si longtemps et si énergi- 
quement sollicité la mise en place , il fut, paratt-il, un moment 
découragé; il n'avait qu'un seul aide, inhabile à observer à 
cause de l'état de sa santé et de ses yeux , et il venait de 
recevoir de M. Gambari, de Marseille, élève et fils adoptif 
comme lui de M. Bouvard, la lettre suivante qui n'était pas 
faite pour le ranimer ^^: a L'Observatoire que vous avez créé 
est de nature, ce me semble, et par sa construction et par ses 
instruments, à être en première ligne. Ce n'est pas la quan- 



( 116) 

tilé des instruments qui fait le mérite d*un Observatoire, c'est 
leur qualité, c'est leur puissance; mais ce qui vous manque 
essentiellement aujourd'hui, c'est un aide, je pourrais même 
dire des aides; faute d'en avoir, j'ose vous le prédire , toutes 
les recherches demeureront stériles ou à peu près stériles 
pour les sciences. Serait-il possible que ceci vous étonnât? 
J'ai souvent réfléchi sur ces choses, et j'ai toujours été plus 
convaincu qu'il est impossible, mais absolument impossible» 
à un homme seul, quelque talent, quelque force physique 
qu'il ait, de remuer et de mettre en œuvre ces grosses pierres 
qui composent les bases de l'édifice de notre science... J'ai « 
tel que vous me voyez , été découragé devant mon petit cercle 
méridien de cinq pieds. Tout ceci n'est point une théorie, 
c'est un fait que vous subirez vous-même dans toute sa plé- 
nitude, quand vous aurez pu commencer à vous mettre à 
l'œuvre. Au surplus, voyez tous les autres Observatoires, où 
en trouverez-vous un qui n'ait qu'un astronome?... • Gam- 
bart terminait sa lettre en se proposant comme astronome 
adjoint. Entré à l'Académie de Bruxelles, à la fin de 1826, il 
avait été l'un de ses correspondants les plus assidus: son 
acquisition pour l'Observatoire eût été précieuse, s'il n'avait 
été miné par une phthisie pulmonaire et en proie à une 
inquiétude qui ne lui permettait pas de rester longtemps 
dans un même lieu ou de se livrer à un travail suivi. « Je dus 
me priver d'un aussi utile auxiliaire, » dit Quetelet, w les 
ressources manquant à l'établissement pour indemniser cet 
habile observa teur, mais je fus autorisé à lui faire, pour 
des fonctions différentes de celles qu'il demandait, des pro- 
positions qui, pécuniairement, auraient été plus avanta- 
geuses : il mit sa science de prédilection avant ses intérêts 
et répondit avec une modestie qui honore son caractère. • 



(117) 

Il s'agit probablement ici d'une chaire dans une des deux 
Universités de PËtat qu'on s'occupait alors d'organiser. Le 
ministre de l'intérieur, M. de Tbeux, ne négligeait rien pour 
faire entrer dans les facultés des sciences des hommes d'un 
mérite éminent, et Quetelet fut encore chargé de faire des 
propositions à M. Sturm, dont les recherches sur les caus- 
tiques étaient du même temps que les siennes, ^t qui depuis 
avait attaché son nom à un théorème devenu célèbre. Sturm 
refusa, mais pour d'autres raisons que Gambart; comme ce 
dernier, il mourut à un âge peu avancé. 

Puisque nous parlons des Universités, disons que pendant 
longtemps Quetelet fut appelé par les suffrages de la Chambre 
des représentants à faire partie du jury central des sciences. 
Il apporta dans ces fonctions délicates une grande bienveil- 
lance et une sagacité qui lui permettait de discerner l'élève 
intelligent et sérieux d'avec celui dont la mémoire entée sur 
la présomption constituait tout le mérite. II a raconté lui- 
même ^* comment un homme, devenu plus tard son confrère 
à l'Académie et l'un de nos savants les plus distingués, se 
serait vu, sans son intervention, refuser le grade de doc- 
teur. 

Dans le courant de 1855 parut à Paris l'ouvrage capital de 
Quetelet, sous le titre : Sur Vhomme et le développement de 
ses facultés f ou Essai de physique sociale. C'était le résumé 
de tous ses travaux antérieurs sur la statistique et u l'es- 
quisse, » disait-il, » d'un vaste tableau dont le cadre ne 
pouvait être rempli que par des soins infinis et par d'im- 
menses recherches. • 

L'ouvrage est divisé en quatre livres. Les deux premiers 
sont consacrés au développement des qualités physiques de 
l'homme; le troisième, au développement de ses qualités 

10. 



(118) 

morales el intellectuelles; le livre IV traite des propriétés de 
rbomme moyen, du système social et des progrès ultérieurs 
de cette science. 

L'auteur s*occui)e d'abord : I. de la détermination de 
rbomme moyen en général; II. de la détermination de 
rbomme moyen sous le rapport des qualités pbysiques. 

Il examine ensuite tout ce qui tient à la vie de Tbomme» 
à sa reproduction, à sa mortalité, au développement de sa 
taille, de son poids, de sa force, aux inspirations et pulsa- 
tions, à la vitesse, à Tagilité, etc. 

« L'appréciation des qualités physiques de Tbomme moyen,* 
fait-il observer, » ne présente aucune difficulté réelle, soit 
qu'on puisse les mesurer directement, soit qu'elles ne de- 
viennent sensibles que par leurs effets. 11 n'en est pas de. 
même de ses qualités morales et intellectuelles. Je ne sacbe 
même pas que personne ait songé à les mesurer avant l'essai 
que j'en ai fait sur le développement du penchant au crime 
aux différents âges. 

> Certaines qualités morales sont à peu près dans le même 
cas que les qualités pbysiques ; et l'on peut les apprécier, en 
admettant qu'elles sont proportionnelles aux effets qu'elles 
produisent... 

L'homme apporte en naissant les germes de toutes les 
qualités qui se développent successivement el dans des pro- 
portions plus ou moins grandes : la prudepce prédomine 
chez l'un, Timagination chez Tautre, l'avarice chez un troi- 
sième; nous trouvons ailleurs un excès de taille en raison de 
l'âge, ou une imagination précoce, ou une \ieillesse active 
et vigoureuse. Le fait seul, que nous remarquons ces écarts 
lorsqu'ils existent, prouve déjà que nous avons le sentiment 
d'une loi générale de développement, et que même nous en 



(119 ) 

faisons usage dans nos jugemeDts. Je crois que non-seule- 
ment il n'est pas absurde, mais même qu'il est possible de 
déterminer l'homme moyen d'une nation ou de l'espèce hu- 
maine... » 

L'auteur considère successivement l'homme moyen : i'sous 
le rapport des lettres et des heaux-àrts ; S** sous le rap- 
port des sciences naturelles et médicales { • La considéra- 
tion de l'homme moyen > dit Quetelet, • est tellement im- 
portante dans les sciences médicales, qu'il est presque 
impossible de juger de l'état d'un individu sans le rapporter 
à celui d'un autre être fictif qu'on regarde comme étant à 
l'état normal et qui n'est au fond que celui que nous consi- 
dérons a) ; 5" sous le rapport de la philosophie et de kk mo^ 
raie; ^'^ sous le rapport politique. 

On sera peut-être curieux de voir comment il envisage 
les systèmes politiques. Il rejette le système qui consiste, lors- 
que deux idées sont dominantes dans un pays , à prendre une 
espèce de moyenne entre ces idées: « il sera toujours imfios- 
slble, » dit-il, «de concilier les esprits en plaçant , entre leurs 
opinions, une opinion qu'ils repoussent également." Le sys- 
tème qu'il a en vue est basé sur les éléments qui sont com- 
muns à tous, et là où il y a divergence , sur les idées qui 
appartiennent au plus grand nombre. « Les gouverne- 
ments, comme les choses, • fait-il remarquer, « ont aussi 
leur état d'équilibre; et cet état d'équilibre peut être stable 
ou instable. L'équilibre stable a lieu, quand, à la suite des 
actions et des réactions de toute espèce, un gouvernement 
rentre constamment dans son état normal ; si , au contraire , 
sous l'action des moindres causes , un gouvernement tend à 
s'écarter de plus en plus de son état normal ; et si , chaque 
année, on le voit, sans motifs suffisants, changer sa forme 



( lâO ) 

et ses institutions , sa cbule est prochaine... Les révolutions 
ne sont que des réactions exercées par le peuple ou une 
partie du peuple, pour des abus vrais ou supposés. Elles ne 
peuvent avoir aucun caractère de gravité, si la provocation 
apparente n'en a présenté. La liberté de la presse a rendu 
un service éminent , c'est d'avoir singulièrement contribué à 
faciliter la réaction , et par suite à rendre les grandes révo- 
lutions presque impossibles; elle présente cet avantage im* 
mense qu'elle ne permet pas aux forces de s'accumuler d'une 
manière effrayante, et que la réaction se manifeste presque 
aussitôt après l'action , quelquefois même avant que l'action 
ait eu le temps de se propager. • Quetelet, on le voit, n'était 
nullement de l'avis du commandeur de Nieuport, qui ne vou- 
lait entendre parler de la liberté de la presse qu'à une con- 
dition, c'est qu'elle s'exerçât en latin. 

VEssai de physique sociale acheva de placer son auteur 
très haut dans l'opinion du monde savant. L'ouvrage fut 
traduit en anglais et en allemand , et il eut l'honneur d'une 
contrefaçon à Bruxelles. 



Vin. — Les mesures prises pour mriver à une détermi- 
nation plus exacte du temps,] — Le second voyage de 
Quetelet en Italie. — L'extension donnée aux travaux de 
l'Observatoire. — Uobservation des phénomènes pério- 
diques. — La création de la Commission centrale de 
statistique. 

Au temps où l'Observatoire fut érigé, les horlogers fai- 
saient usage de cadrans solaires pour régler les horloges de 
nos grandes villes; ces cadrans, généralement défectueux , 



( 121 ) 

étaient sujets à se déranger, et comme de plus chaque église 
avait son horloger, il en résultait que l'heure des différents 
quartiers d'une même ville différait quelquefois de vingt à 
vingt-cinq minutes. Lorsque rétablissement des chemins de 
fer eut amené la nécessité de donner Theure avec une cer- 
taine exactitude, on songea à améliorer les moyens de Tob- 
tehir. Un arrêté royal du 22 février 1836 prescrivit rétablis- 
sement : i^ d'une petite lunette méridienne dans chacune 
des villes d'Anvers, d'Ostende, de Bruges, de Gaud et de 
Liège; 2<» de méridiennes à placer dans les murs des cathé- 
drales, hôtels de villes ou autres édifices favorables à leur 
tracé, des autres villes de quelque importance. Par une dé- 
pêche du 29 février, le ministre de l'intérieur chargea Que- 
telet de l'exécution de cet arrêté , et lui désigna particuliè- 
rement quarante et une villes où devaient être tracées les 
méridiennes. 

Les lunettes méridiennes furent commandées à MM> Trough- 
ton et Simms, de Londres, et, en attendant qu'elles fussent 
prêtes, Quetelet entreprit, au mois de juin, le tracésde la 
méridienne dans l'église $^«-6udule, à Bruxelles. L'année 
1857 fut à peu près uniquement consacrée à l'établissement 
des quatre petits Observatoires de Gand, Bruges, Ostende et 
Anvers : le premier, au-dessus de ITJniversité; le second, sur 
le bâtiment de l'Athénée; le troisième, dans les fortifications 
de la ville, et le quatrième à proximité du grand bassin. A 
Liège, la lunette méridienne n'était pas encore placée au 
mois de janvier 1839; mais un petit Observatoire devant 
servir pour les leçons d'astronomie de l'Université, était en 
construction. Le tracé des méridiennes fut repris au com- 
mencement de 1838. A Gand, la méridienne fut établie dans 
le vestibule de l'Université; à Anvers, dans la cathédrale; 



( 122 •) 

à Termonde, dans Téglise de Notre-Dame. Pour Bruges, 
Oslende, Malines, Quelelet s'arrêta à Tidée que les ancieus 
avaient eue de construire les lignes méridiennes en dehors 
des édifices , de manière qu'elles fussent toujours sous les 
yeux du public. 

On parait en élre demeuré là ou à peu près dans l'exécution 
de l'arrêté royal du 22 février 1836 : l'insouciance des villes 
et les nombreuses occupations de Quetelet empêchèrent 
qu'on allât plus avant. 

Aujourd'hui que la Belgique entière reçoit l'heure de TOb- 
servatoire par le télégraphe, on ne fait plus guère usage de 
cadrans solaires ou de méridiennes; les horlogers et les par- 
ticuliers règlent leurs montres d'après les cadrans électriques 
placés aux coins des rues ou d'après les horloges des stations 
du chemin de fer. A l'époque dont nous parlons, on était bien 
loin de penser « qu'une pendule pourrait donner l'heure à 
toute une maison , à toute une ville , même à tout un pays , et 
que les pendules auxiliaires qui marqueraient les heures, les 
minutes, les secondes aux mêmes instants que la pendule 
régulatrice, ne se composeraient que d'un simple cadran. » 
Et cependant on était à la veille de voir s'accomplir ce mi- 
racle. Quetelet l'annonça à l'Académie dans la séance du 
1 7 octobre 1 840 ; le thaumaturge était sir Charles Wheatstone 
qui venait de faire fonctionner à l'Observatoire de Bruxelles 
des télégraphes électriques de son invention. Je me souviens 
que M. Falck, devenu ambassadeur du roi des Pays-Bas 
près le gouvernement belge, assistait à ces expériences 
et y prenait un très vif intérêt. Déjà M. Wheatstone s'était 
rendu à Bruxelles au commencement de l'année 1838, avec 
l'intention d'établir des télégraphes électriques dans notre 
pays, et Quetelet s'était empressé de donner à l'Académie 



( m) 

un aperçu des procédés alors tout nouveaux de l'illustre phy- 
sicien anglais. Mais il devait s'écouler encore treize à qua- 
torze ans avant que le télégraphe électrique trouvât place en 
Belgique, u Si notre pays , » disait Quelelet dans la séance 
publique de TAcadémie du 16 décembre 1851 , « a tardé 
longtemps à mettre en pratique cette brillante découverte, 
sbn Académie a été du moins Tune des premières à la 
proclamer. » 

Une autre invention merveilleuse avait vu le jour entre les 
deux communications faites à l'Académie relativement au 
télégraphe de Wheatstone. Quetelet, qui se rendait en Italie, 
se chargea de commander à Paris un daguerréotype pour le 
Musée des arts et de Tinduslrie. 

Il quitta Bruxelles, en compagnie de sa femme, dans les 
premiers jours du mois d'août 1839. Son voyage avait un 
triple but. Ildevait d'abord constater la conformité des étalons 
prototypes des poids et mesures belges avec ceux de France : 
les deux autres commissaires étaient MM. Dùmortier et 
Teicbmann , et M M. Arago , Bouvard et Gambey avaient bien 
voulu se joindre à eux. En second lieu , il devait assister au 
Congrès des savants italiens qui , celte année-là, se tenait à 
Pise; et, enfin, il se proposait de revenir sur les détermina- 
tions de l'intensité magnétique dont les résultats, obtenus en 
1830, avaient laissé des doutes dans son esprit. Ainsi que 
nous l'avons fait remarquer et comme il le reconnaissait lui- 
même, il manquait à ces observations un élément nécessaire, 
c'est-à-dire Tinclinaison de l'aiguille. Son absence fut d'en- 
viron trois mois. Dans la séance du 7 décembre , l'Académie 
recevait une expédition du procès-verbal des opérations de 
la Commission envoyée à Paris au mois d'ao!tit, et Quetelet 
lui présentait le résultat des observations magnétiques qu'il 
avait faites en Italie et dans le Tyrol. 



(124) 

AYdDt de se mettre en route, Quetelet avait xîommuniqaé 
à rAcadémie un nouveau catalogue des apparitions les plus 
remarquables d'étoiles filantes. C'était le second catalogue 
de ce genre quMl avait formé : le premier datait du mois 
d'octobre 1837. On se souviendra qu'il avait tourné de bonne 
heure son attention vers les étoiles filantes, et que des ob- 
servations simultanées avaient été faites par ses soins en 
1826, à Bruxelles, à Liège et à Gand; il avait ensuite aban- 
donné ce sujet pour le reprendre dix ans plus tard. Le 3 dé- 
cembre 1836 , il avait signalé pour la première fois la nuit da 
10 au 11 août comme digne de prendre place à côté de celle 
du 13 au 1-5 novembre, déjà célèbre par l'observation de 
Humboldt en 1799 et par l'averse de l'année 1832. Il conti- 
nua à donner une vive impulsion à l'observation de ce phé- 
nomène , mais il ne semble pas avoir eu des idées bien arrê- 
tées sur son origine : après avoir considéré longtemps les 
étoiles filantes comme un phénomène météorologique, il fut 
conduit à leur donner une origine cosmique, puis il parut 
revenir à l'hypothèse qu'elles prenaient naissance dans les 
régions élevées de l'atmosphère. 

L'année 1839 fut marquée à l'Observatoire par le commen- 
cement des observations sur la floraison des plantes. Au 
mois de janvier 1840 eurent lieu les premières observations 
magnétiques qui devaient se faire simultanément chaque 
mois en divers points, durant vingt-quatre heures et de 
cinq en cinq minutes : ces dernières observations avaient été 
sollicitées par la Société royale de Londres et venaient se 
joindre aux observations météorologiques horaires des sol- 
stices et des équinoxes, instituées en 1835, à la demande de 
sir John Herschel. 

Au mois de mai 1841 , le système d'observations météo- 



( 125 ) . 

rologîques de TObservatoire prit une extension considérable. 
Pour satisfaire à une nouvelle requête de la Société royale 
de Londres, les observations, à partir de cette époque, se 
firent régulièrement jour et nuit, de deux ep deux heures. 

11 fallait le dévouement des aides de Quetelet et le pouvoir 
moral qu'il exerçait sur eux pour leur faire accepter ce sur- 
croît de besogne. Mal payés, obligés, pour vivre, de remplir 
d'autres fonctions accessoires , ne pouvant aspirer à aucun 
avancement dans un pays où, même de nos jours, les tra- 
vaux de PObservatoire jouissent d'une si mince considéra- 
tion , ils auraient déserté si Tbonneur du drapeau ne les 
avait retenus et s'ils n'avaient été, jusqu'à un certain point , 
fiers d'un chef dont la réputation à l'étranger rejaillissait plus 
ou moins sur eux. 

L'Observatoire de Bruxelles, comme nous croyons l'avoir 
démontré, n'avait pas été assez discuté au point de vue maté- 
riel. Sous le rapport de l'organisation , le gouvernement des 
Pays-Bas s'était borné à nommer un astronome: il est pro- 
bable que, sans la révolution de 1830, un personnel suffi- 
sant eût été attaché à l'institution, car, ainsi que le disait 
Gambart, un astronome, quel que soit son mérite, ne peut 
pas se passer d'aides; il est probable aussi que, selon les tra- 
ditions hollandaises, ce personnel eût été bien rétribué. Après 
la révolution , il fallut biaiser pour sauver l'établissement. 
La crainte d'effaroucher les Chambres rendit Quetelet pru- 
dent, trop prudent, peut-être ; il chercha à faire une posi- 
tion à ses acijoints en leur permettant le cumul de petits 
emplois dont il leur facilitait l'accès^ mais leur besogne dou- 
blait ou triplait ainsi, et malgré le cumul, ils étaient encore 
misérablement payés. Du reste cette crainte d'effaroucher les 
corps de qui l'on attendait de l'argent, avait été l'une des 

11 



( 126) 

principales causes du retard apporté aux constructions de 
rObservatoire. 

L'année 1841 occupe une place importante dans la vie de 
Quetelet. Nous venons de parler de l'extension donnée aux 
observations météorologiques et magnétiques. Les observa- 
tions sur les plantes comprirent de leur côté , outre la floraison , 
la feuillaison et Peffeuillaison; et Quetelet provoqua un vaste 
système d'observation des phénomènes périodiques naturels : 
« Ces phénomènes, » disait-il, « sont en général indépen- 
dants des phénomènes sociaux ^ mais il n'en est pas de même 
de ceux-ci à l'égard des premiers. «» On se rappellera les 
études qu'il avait faites pour rechercher l'influence des sai- 
sons, non-seulement sur tout ce qui se rapporte au physique 
de l'homme, mais encore sur ses qualités morales et intel- 
lectuelles. 

Les phénomènes sociaux étant plutôt du domaine de la 
statistique, Quetelet, dans l'appel qu'il fit aux observateurs, 
se borna aux phénomènes périodiques naturels. Il obtint 
immédiatement un grand nombre de collaborateurs. Au com- 
mencement de 1842, il rédigea, à leur demande, des instruc- 
tions sur les objets à observer, et sur la marche à suivre dans 
les observations pour les rendre comparables ^^. 

Les instructions embrassaient la MéT^ROLOGiE et la phy- 
sique DU globe; le régime végétal {observations pour la 
période annuelle; observations pour la période diurne; 
tableau des plantes pour la période annuelle); le règne 
ANIMAL (mammifères, reptiles, mollusques, poissons, 
oiseaux). Elles étaient rédigées avec une grande clarté et 
une extrême précision. Les observations se faisaient sous le 
patronage de l'Académie et devaient trouver place dans ses 
Mémoires, « Il semblerait, n disait Quetelet, dès la fin de 



( 127 ) 

1839, « que dans Télat acluel des scieuces d'observation, et 
particulièrement de celles qui s'occupent de l'étude de notre 
globe, les individus ont exploré tout ce qui se trouve dans 
le cercle étroit où ils peuvent agir; et que désormais les 
grands problèmes physiques et météorologicfbes ne peuvent se 
résoudre que par l'association -d'un grand nombre d'hommes; 
de sorte que les corps savants qui paraîtraient avoir fait leur 
temps, comme quelques esprits superficiels se plaisent à le 
répéter, deviendraient plus utiles que jamais, et formeraient 
le lien intellectuel qui unit naturellement les nations entre 
elles. • 

Pour l'observation des phénomènes périodiques relatifs à 
l'homme, Quetelet comptait sur la Commission centrale de 
statistique. 

Il est temps de parler de cette institution , dont la Belgique 
fut redevable à M. Liedts, l'ancien élève de Quetelet à Aude- 
naerde. 

L'idée n'en était pas nouvelle ; comme tant d'autres elle 
était due au gouvernement des Pays-Bas. Nous avons vu, en 
effet, qu'un arrêté royal du 3 juillet 1826 avait organisé un 
Bureau central de statistique près le ministère de l'inté- 
rieur; nous avons vu également quelles causes avaient 
empêché ce Bureau de produire de bons résultats. Éclairé par 
cette expérience, M. Liedts décida que chaque département 
serait représenté dans la Commission centrale par un ou plu- 
sieurs délégués ayant fait une étude spéciale et approfondie 
des branches de statistique ressortissant à ce département, 
et que la réunion de ces délégués serait présidée « par un 
homme de science, versé dans l'économie sociale et habitué 
à résumer les travaux de statistique. • 

On se souviendra que la Commission de 1826 était com« 



(128) 

|)osée du ministre de rintérieur , président, et de trois admi- 
nistrateurs généraux : c'était déjà un progrès que de substi- 
tuer k ces administrateurs dés hommes spéciaux représentant 
les différentes branches de la statistique; c'était un progrès 
plus grand encorirt que de substituer au ministre absorbé par 
les travaux de Padministration et les soucis de la politique, 
un homme de science , surtout quand on avait sous la main 
un savant tel que Quetelet, d'une capacité hors ligue et d'une 
réputation européenne. Mais ce n^est pas tout : il importe 
beaucoup au succès des commissions d'avoir un secrétaire 
zélé, actif, qui prenne ses fonctions au sérieux et les aime 
pour elles-mêmes. La commission de 1841 eut le bonheur 
de trouver cet homme : M. X. Heuschling lui apporta, avec 
des connaissances réelles, un dévouement absolu. 

La Commission centrale de statistique avait été instituée 
par un arrêté royal du 16 mars 1841 : un arrêté subséquent 
du 6 août 1843 établit des Commissions provinciales, dont les 
membres devaient être nommés par le ministre de l'intérieur, 
sur la proposition de la Commission centrale, ce qui permet- 
tait de maintenir l'unité dans les travaux et les recherches. 

Il ne peut entrer dans notre plan de retracer l'histoire de 
la Commission centrale, nous devons nous borner à quelques 
indications sommaires. Installée le 12 juin 1841, elle com- 
mença par arrêter le cadre de ses travaux et s'occupa ensuite 
du soin de le remplir; puis elle rendit compte au ministre, 
le 19 octobre 1842, de ce qu'elle avait fait et de ce qu'elle 
se proposait de faire. Elle rappelait ce qui avait été dit à 
Cambridge, en 1833, sur l'importance dont pouvait être 
la Belgique pour faire avancer les études de la statistique : 
Malthus assimilait notre pays, sous ce rapport, à la Suède et 
à la Suisse, et, aux yeux d'autres hommes non moins com- 



( 129 ) 

péleots, il offrait mieux que ces contrées les caractères qui 
donnent à la statistique un but d'utilité générale. La Commis- 
sion insistait ensuite sur la nécessité de procéder à un recen- 
sement de la population. Le dernier recensement remontait 
au i<^' janvier 1830; il aurait dû être renouvelé en 1840, aux 
termes de Tarrêté royal du 29 septembre 1828; mais les 
préoccupations politiques du temps avaient empêché qu'on 
n'y pensât, ta Commission avait fait pendant Tannée 1842 un 
premier essai de recensement dans la capitale : elle aban- 
donna à Quetelet le soin d'en publier les résultats, et celui-ci 
s'occupa en même temps d'un travail sur les anciens recen- 
sements de la population belge. Le nouveau recensement fut 
retardé jusqu'au 15 octobre 1846; deux autres l'ont suivi, 
le 51 décembre 1856 et le 31 décembre 1866. 



IX. — Les lettres sur la théorie des probabilités. — Le 
mémoire sur la statistique morale. — L'ouvrage sur le 
système social. — La réorganisation de l'Académie et 
rétablissement dune classe des beaux-arts. 

Plus nous avançons, et plus il nous devient difficile de 
suivre Quetelet au milieu de ses travaux si nombreux et si 
variés. Nous aurons recours à un moyen que nous avons 
employé déjà : nous fixerons une étape et nous passerons en 
revue ce que nous rencontrerons sur notre route: l'étape sera, 
si nos lecteurs le veulent bien , la révolution de 1848. 

Puisque nous en étions restés à la statistique, occupons- 
nous d*abord des productions de Quetelet qui s'y rapportent. 

Le premier ouvrage important, dans l'ordre des dates, a 
pour titre : Lettres à S.AR. le duc régnant de Saxe-Cobourg 

11. 



( i30 ) 

et Gotha f sur la théorie des probabilités appliquée aux 
sciences morales et politiques. 

• Des circonstances particulières , » dit Tauteur dans sa 
préface datée du 18 décembre 1845, « qui m^onl laissé de 
bien doux souvenirs me mirent, il y aura bientôt dix ans, 
dans la nécessité déporter toute mon attention sur Tapplica- 
tion de la théorie des probabilités à Tétude des sciences 
morales et politiques. » Quelelet fait allusion ici à rinvilation 
qu'il avait reçue du roi Léopold 1«', de donner quelques le- 
çons aux princes Ernest et Albert de Saxe-Gobourg, pendant 
leur séjour à Bruxelles. « Cet ouvrage, » conlinue>t-il , 
tt commencé en 1837 , a été écrit sous forme de lettres pour 
répondre à une demande aussi honorable que flatteuse pour 
moi... A mesure que mon travail prenait plus de développe- 
ment, j'ai mieux compris la nécessité de le séparer en deux 
parties. » 

L'une de ces parties est Touvrage dont nous avons donné 
le titre et qui était dédié au prince Ernest , devenu duc ré- 
gnant de Saxe-Gobourg et Gotha ; l'autre partie fut publiée à 
Paris, au commencement de 1848, sous le titre : Du système 
social et des lois qui le régissent. Ce second ouvrage était 
dédié au prince Albert, devenu l'époux de la reine Victoria. 
tt L'ouvrage était écrit d'abord sous forme de lettres , » dit 
l'auteur dans sa préface datée du 14 janvier 1848; u j'ai 
cru devoir adopter ensuite une marche plus didactique et 
plus en harmonie avec la gravité du sujet dont j'avais à 
m'occuper. » 

. Entre ces deux ouvrages se place un mémoire sur la sta- 
tistique morale et les principes qui doivent en former la 
base, mémoire qui fut présenté à l'Académie royale de Bel- 
gique le 1^' décembre 1846, et imprimé dans le tome XXI 



( 131 ) 

des Mémoires, avec les rapports des commissaires, MM. De 
Decker et Van Meenen. 

Dès rannée 1828,Quelelet avait publié des 7n«/ruc/ion« 
populaires sur le calcul des probabilUés. Ce petit livre , 
fort bien écrit, était divisé en vingt-neuf leçons, suivies 
chacune d'un questionnaire. Il donnait une idée claire et 
nette, quoique succincte, du calcul des probabilités et de 
ses applications à la vie humaine, aux assurances et aux 
rentes viagères, et apprenait à s'en servir pour apprécier la 
valeur des faits et des traditions, pour régler la composition 
des tribunaux ou pour mesurer la bonté de leurs jugements, 
et enfin pour arrêter les meilleurs modes d'élection. 

Les Lettres qui parurent en 1846 n'étaient plus destinées 
h des commençants , elles avaient un but beaucoup plus re- 
levé: l'article étendu qu'un savant illustre, sirJohnHerscbel, 
leur consacra dans la Revue d'Edimbourg f en fournit la 
preuve évidente. 

Elles sont au nombre de quarante-six : les neuf premières 
ont pour objet la théorie des probabilités et l'explication de 
ses propositions fondamentales; les formules et les tableaux 
se trouvent relégués dans les notes placées à la fin de l'ou- 
vrage. — Les lettres X à XXII traitent des moyennes et 
des limites^ qui , d'après Herschel .constituent l'application la 
plus importante du calcul des probabilités, parce qu'elles 
offrent une mesure du degré de précision qu'on atteint dans 
toutes les déterminations numériques. La démonstration du 
principe des moindres carrés , donnée par Laplace , a été ré- 
duite par Quetelet à « la forme la plus élémentaire, la plus 
simple •• dit Herschel , « que nous ayons jamais vue. » L'au- 
teur présente des exemples de l'emploi des moyennes dans 
la météorologie , dans l'astronomie et dans les mesures de 



(152 ) 

rbomme. — L'étude des causes occupe les letlres XXIII à 
XXXIJJ : elle offre un inlérét puissant. « Il n*est personne , » 
dit Herschel , « qui ne soit étonné de trouver que non-seu- 
lement les résultats moyens de différentes séries d'épreuves 
présentent entre eux un accord remarquable , mais que les 
erreurs mêmes des épreuves individuelles se groupent au- 
tour de la moyenne avec une régularité qu'on serait tenté de 
prendre pour l'effet d'une inteniiou délibérée. » L*auteur 
partage les causes en trois classes : les causes constantes , ^ 
les causes variables, et les causes accidentelles. Les der- 
nières peuvent être considérées comme éliminées complète- 
ment par leur destruction mutuelle, quand il s'agit de 
grands nombres, et que toute la série des cas recueillis est 
traitée de manière à donner un résultat unique. Le même 
procédé neutralisera très sensiblement l'effet des causes va- 
riables , si la loi de leur variation est périodique , et que les 
observations se rapportent à toutes les phases de la période. 
Les causes constantes agissent d'une manière continue, avec 
des énergies et des tendances qui changent, soit d'après des 
lois déterminées, soit sans aucune loi apparente. — Les 
lettres XXXIV à XLVI sont consacrées à la statistique. L'au- 
teur y appelle l'attention sur les méthodes et les principes 
qui doivent prévaloir dans la formation des documents sta- 
tistiques et dans leur mise en œuvre, u Que la statistique soit 
un art ou une science, peu importe, elle est la base de la 
dynamique sociale et politique, et présente le seul terrain 
solide sur lequel la vérité ou la fausseté des théories et des 
hypothèses de cette science compliquée peut être mise à 
l'essai. Ce que sont les données astronomiques ou les regis- 
tres météorologiques pour une explication raisonnée des 
mouvements des planètes ou de l'atmosphère , les documents 



( 133) 

statistiques le sont pour la philosophie sociale et politique. 
Ils assignent, à des intervalles déterminés, les valeurs nu- 
mériques des variables qui forment Tobjel principal de ses 
raisonnements, ou du moins les fonctions de ces variables 
que Tobservation directe peut atteindre j c'est alors Taf- 
faire d'une bonne théorie d'analyser ces variables ou leurs 
fonctions , et de les combiner de manière à en tirer les élé- 
ments moins accessibles qui entrent dans l'expression des 
lois générales. » 

Les lignes qu'on vient de lire sont d'Herschel. Pour cet 
homme illustre comme pour Quetelet , la statistique devait 
constituer, on le voit, la vraie base de la science sociale. On 
est assez généralement d'accord sur ce point aujourd'hui ; 
mais lorsque Quetelet avait commencé ses recherches, il 
avait dû lutter contre des préjugés de différentes sortes. Des 
hommes politiques considérables s'étaient montrés, si non 
hostiles, du moins fort peu disposés à le seconder, surtout 
après 1830. Ce qui pouvait excuser du reste les détracteurs 
de la statistique, c'est l'abus qu'on faisait des chiffres. Quand 
des géomètres tels que Ch. Dupin se laissaient aller à des 
conclusions peu réfléchies, que fallait-il attendre des statis- 
ticiens d'occasion, qui exploitaient la nouvelle science au 
profit de leurs passions ou de leur vanité ! 

Quetelet avait été conduit par ses recherches sur la phy- 
sique sociale à conclure que l'homme est placé sous l'empire 
de lois fixes qui dirigent sa volonté sans nuire à son libre 
arbitre. Peut-on calculer ces lois, leur donner une expres- 
sion mathématique ? Telle est la question qu'il s'était posée 
depuis longtemps et que son mémoire sur la statistique mo- 
rale acheY&ii, selon lui, de résoudre dans un sens affir- 
matif. 



( 134 ) 

Au risque de nous répéter, nous rappellerons quelques 
priucipes par lesquels il terminait ce mémoire : < Les faits 
moraux , » disait-il , a diffèrent essentiellement des faits phy- 
siques , par Tintervention d*uue cause spéciale qui semble, 
au premier abord , déjouer toutes nos prévisions , c'est-à- 
dire, par IMntervention du libre arbitre de Vhomme. Toute- 
fois Texpérience nous apprend que ce libre arbitre n'exerce 
son action que dans une sphère très restreinte, et que très 
sensible pour les individus, il n'a pas d'action appréciable 
sur le corps social , oîi toutes les particularités individuelles 
viennent en quelque sorte se neutraliser. Quand on considère 
les hommes d'une manière générale , les faits moraux et 
les faits physiques sont sous l'influence des mêmes causes, 
et doivent être soumis aux mêmes principes d'observation. 
Or les causes qui influent sur notre système social ne subis- 
sent en général que des altérations lentes, et l'on pourrait 
presque dire séculaires ; de là la permanence remarquable 
qui domine les faits sociaux , tels que les mariages, les cri- 
mes, les suicides... • 

M. De Decker, appelé par l'Académie à donner son avis sur 
le mémoire de Quetelet, présenta quelques objections. En 
premier lieu, le moment était-il bien venu de réduire en 
système les confuses et incomplètes séries d'investigations 
que la statistique avait pu réunir jusque-là? a 11 importe, 
dans ce genre de recherches surtout, » disait M. De Decker, 
« de se prémunir contre le danger de conclure trop tôt et de 
se croire trop vite arrivé au but, « C'était l'objection qui 
avait été présentée autrefois, dans h Revue encyclopédique^^, 
contre les premiers aperçus de Quetelet. Lui-même, du 
reste, vepait d'exprimer la même pensée dans ses Lettres au 
duc de Saxe-Gobourg : s'il avait tiré des conclusions, c'est 



( 135) 

que les données mises à sa disposition lui avaient paru suffi- 
santes. D'ailleurs, la constance des faits moraux qu'il avait 
signalée était trop marquée pour qu'on pût la révoquer en 
doute. 

M. De Decker combattait ensuite Topinion que la science 
sociale devait désormais rentrer dans les sciences d^obser- 
vation et en suivre toutes les phases. • Il ne faut pas, » 
disait-il non sans raison,» il ne faut pas que, emporté par une 
passion légitime pour des études qui lui ont valu de si glo- 
rieux succès, notre honorable confrère exagère le rôle que 
peut jouer la science spéciale dans laquelle il contemple, 
pour ainsi dire, son œuvre. Les études sociales ne sont pas 
plus exclusivement du domaine de Vexpérience qu'elles ne 
sont exclusivement du domaine du raisonnement. Les deux 
écoles, qui ont constamment représenté Tune et l'autre de 
ces deux prétentions exclusives , ne seront dans le vrai et , 
par conséquent, utiles, que pour autant qu'elles se com- 
plètent l'une l'autre, c'est-à-dire, en réunissant les éléments 
philosophiques et historiques, dont l'ensemble seul constitue 
la science sociale. » — a Du reste, » ajoutait M. De Decker, 
« si je crois devoir faire quelques réserves relativement à 
l'opportunité et à la portée des conclusions formulées en prin- 
cipes par M. Quetelet, j'aime à déclarer que je suis parfaite- 
ment d'accord avec cet honorable confrère sur le fond même 
de la vérité qu'il s'est attaché à déinontrer... Des lois con- 
stantes et invariables régissent le monde physique : notre 
raison nous ledit, l'observation le constate. Le monde moral 
serait-il, lui, livré au hasard des événements, abandonné à 
l'anarchie des idées, des intérêts ou des passions des hommes ? 
Il est impossible de le soutenir... • 

Après avoir cherché à démontrer que le libre arbitre de 



( 136 ) 

rhomme n'exerce pas d'influence sur les faits sociaux f 
Quetelet proclamait que le rôle important de la statistique 
morale est de montrer au législateur le point où il doit agir 
pour modifier Vétat social, a Je crois, moi, » disait M. I>e 
Decker, • qu'il est plus logique d'en tirer cette conclusion : 
rhomme n'exerçant pas, dans le domaine des faits sociaux, 
l'empire qu'il est tenté de s'attribuer, son action est bien peu 
efficace pour modifier directement l'état social. En d'autres 
termes : plus on apporte d'éléments personnels, spontanés f 
humains, dans les institutions, moins elles sont appelées à 
régler la marche de la société ; au contraire , plus il y entre 
d'éléments naturels j nécessaires , divins, plus elles dominent 
la société. D'ob il suit qu'ici nous nous exagérons l'influence 
de notre libre arbitre sur les institutions sociales,quelànous 
exagérons l'Influence des institutions sur la marche de la 
société. » 

L'appel de Quetelet au législateur avait surtout pour objet 
de voir diminuer le nombre des crimes. C'est là , aux yeux de 
M. De Decker, une chimère : d'abord parce qu'il ne croit 
pas à une grande influence des institutions sur l'homme, 
ensuite et surtout parce que les désordres moraux comme 
les désordres physiques , les maladies de l'esprit comme celles 
du corps, ont leur but marqué dans l'organisation de l'uni- 
vers. • Puisque le libre arbitre, » dit-il en finissant, • est, 
pour ainsi dire, sans influence sur les faits sociaux, et que 
l'homme n'est réellement libre que dans le cercle restreint 
de sa personnalité , il est logique que tous les efforts des 
publicistes et des hommes d'État soient dirigés vers le per- 
fectionnement de cette personnalité. » 

Nous arrivons maintenait à l'ouvrage intitulé : Du système 
social et des lois qui le régissent. « C'est, » dit l'auteur 



( 157 ) 

dans sa préface, « la continuation de mes études sur 
rbommeet Tétat social. — -En donnant la théorie de T homme 
moyen j**ayais insisté sur la nécessité de présenter, en même 
temps qu*une moyenne, les limites inférieure et supérieure 
entre lesquelles tous les résultats individuels se trouvent 
compris. J'ai fait voir ensuite, dans les Lettres sur la théorie 
des probabilités, que ces résultats individuels, dans certains 
cas, sont asstgettis h un ordre régulier : ainsi, quand il s'agit 
de la taille des hommes d'une même nation , les valeurs indi- 
viduelles se groupent symétriquement autour de la moyenne , 
'selon une loi que j'ai nommée la loi des causes accidentelles. 
J'ai été conduit à démontrer ainsi , ce que je n'avais d'abord 
émis qu'hypothétiquement, savoir, que l'homme moyen joue, 
dans une nation, un rôle ijnportant; qu'il en est véritable- 
ment le type ou le module ; et que les autres hommes n'en 
différent, en plus et en moins, que par l'influence des causes 
accidentelles dont les effets finissent par devenir calculables, 
quand les épreuves sont suffisamment prolongées. ~ Dans ce 
nouvel ouvrage je montre que la loi des causes accidentelles 
est une loi générale qui s'applique aux individus comme aux 
peuples, et qui détermine nos qualités morales et intellec- 
tuelles tout aussi bien que nos qualités physiques. En sorte 
que ce qui est regardé comme accidentel, cesse de l'être, 
quand les observations portent sur un nombre considérable 
de faits. « L'auteur parle ensuite de la régularité avec 
laquelle procèdent les faits sociaux, et de l'analogie que l'on 
remarque entre les lois du monde moral et celles du monde 
physique. 11 considère son ouvrage comme une esquisse d'une 
science nouvelle dont l'objet est d'étudier l'homme dans ses 
divers états d'agrégation, et de rechercher les principes de 
conservation des différentes parties du système social. 



( 138 ) 

L'ouvrage est divisé en trois livres : I. De l'homme. {Qtia- 
lités physiques t morales ^intellectuelles.) — II. Des sociétés. 
{État physique, moral, intellectuel,) — III. Db l'humanité. 

Dans la section consacrée aux qualités physiques de Thomme, 
Quelelet touche à un sujet auquel ii devait revenir plus tard 
avec de grands développements, v II existe, » dit-il, « entre 
les différentes parties du corps une harmonie et des conve- 
nances que Pœil saisit mieux que le raisonnement. Cette har- 
monie a fait depuis longtemps Tobjet de mes études spéciale!, 
du moins dans les courts instants de loisir que me laissaient 
mes autres travaux. J'espère pouvoir publier un jour les 
résultats que j'ai réunis et les comparer à ceux qui ont été 
obtenus chez les anciens et chez les modernes. Si je ne 
me fais illusion, ces rapprochements ne seront pas sans 
intérêt pour l'histoire des arts. — [L'homme] moyen, type 
de notre espèce, est aussi le type de la beauté ; et [les] limites 
se resserrent d'autant plus chez un peuple, qu'il se rap- 
proche davantage de la perfection. — Je serais moins disposé 
à pencher vers des idées innées au sujet du beau , que vers 
des conceptions qui nous sont acquises par l'habitude. « 
Quetelet avait déjà, on s'en souvient peut-être, émis une 
opinion analogue dans l'introduction de ses recherches sur 
le poids de l'homme. Avant lui, sir Joshua Reynolds avait 
posé comme principe fondamental de l'art de la peinture, 
que la beauté des formes et des traits consiste dans leur rap- 
prochement étroit avec la conformation moyenne du modèle 
humain.» Si c'était là le cas, » écrivait Herschel en 1857, «la 
laideur devrait être excessivement rare, tandis que les plus 
hauts degrés de la beauté constitueraient les cas les plus com- 
muns : conclusion absolument contraire à l'expérience <^7. *> 

En parlant des méthodes suivies pour étudier les qualités 



( 159 ) 

morales et iotellecluelles, Quelelet rend hommage aux tra- 
vaux de Gall et des physiologistes de son école qui ont cherché 
à établir des rapports entre ces qualités et le physique de 
rhomme. 

Il fait observer ensuite que le corps social a son anatomie, 
désignée improprement sous le nom de statistique. Quand on 
établit un parallèle entre les éléments constitutifs de deux 
pays, on fait de Vanatomie comparée, comme on ferait de 
Tanatomie comparée en établissant des rapprochements entre 
les êtres organisés du règne végétal ou du règne animal. La 
société a aussi sa physiologie ^ qu'il ne faut pas confondre 
avec réconomie politique. « Ce que nous présente Thuma- 
nité, » dit Tauteur eu terminant, u n'est que le tableau 
réduit du spectacle imposant de l'univers; nous y trouvons 
des lois de subordination analogues à celles qui lient entre 
eux tous les corps dont Punivers est peuplé... [La divine 
sagesse de Têtre suprême a tout équilibré dans] le monde 
moral et intellectuel; mais quelle main soulèvera le voile 
épais jeté sur les mystères de notre système social et sur les 
principes éternels qui en règlent les destinées et en assurent 
la conservation? Quel sera Pautre Newton qui exposera les 
lois de cette autre mécanique céleste? «> 

Nous attendrons, pour parler des travaux de Quetelet 
relatifs aux phénomènes de notre atmosphère et de ceux qui 
se passent à la surface de la terre ou à une petite profondeur, 
qu'il ait commencé h les réunir dans son ouvrage Sur le climat 
delà Belgique. Bornons-nous, pour le moment, à rappeler 
que, dès Tannée 184S, un anémomètre d'Osier avait été monté 
sur une tourelle de Paile orientale de PObservatolre; que les 
observations régulières de l'électricité de l'air avaient com- 
mencé en 1844, et qu'en 1846 ou avait placé les instruments 



(140) 

de M. Kreil, enregistrant par eax-mémes la pression , la tem- 
pératare et ThumidUé de Tair. 

L^année 1845 avait été signalée à TAcadémie de Bruxelles 
par rétablissement d'une classe des beaux-arts et par la sé- 
paration de la classe des sciences d'avec celle des lettres. Dès 
le mois de septembre 183^, l'Académie , réunie en séance 
extraordinaire , s'était prononcée d'une voix unanime pour la 
création d'une classe des beaux-arts; mais la séparation des 
classes avait été écartée à parité de suffrages. M. Tan de 
Weyer, durant son court passage au ministère de l'intérieur, 
trouva le temps de résoudre des questions en suspens de- 
puis de longues années et souvent débattues : il établit l'an- 
tique institution de Marie-Thérèse sur de nouvelles bases et 
V Académie royale des sciences , des lettres et des beaux-arts 
de Belgique fut installée par le roi , le 16 décembre 1845. 

Quetelet avait été l'un des promoteurs de la nouvelle or- 
ganisation. Quoiqu'elle vînt lui apporter un grand surcroit 
de besogne , il l'accepta avec reconnaissance : tout ce qui 
pouvait relever l'Académie était bien reçu de lui. Ayant tou- 
jours recherché les artistes , il allait se trouver en relations 
régulières avec les plus distingués d'entre eux; amoureux de 
l'art, il allait, par sa position, lui rendre ou tout au moins 
essayer de lui rendre des services. 

La première communication faite au sein de la nouvelle 
classe émana de l'honorable secrétaire perpétuel : elle était 
relative au projet d'une histoire de l'art en Belgique. 11 s'agis- 
sait de retracer, « pour les différentes é()oques, depuis les 
temps les plus reculés, les costumes en usage soit chez le 
peuple, soit chez les grands, la forme et les ornements des 
habitations , les meubles et les instruments les plus employés 
pour les besoins de la vie , et tout ce qui peut, en général , 



( 141 ) 

caractériser les différentes classes de la société. » Ud Musée 
national devait servir de complément à cette histoire de 
Part. 

Plus tard, Quetelet recommanda la formation d*un Musée 
etfmologique y qui permettrait d^étudier, en les comparant, 
les différents types des races humaines : on prendrait des 
empreintes des monuments dans lesquels ces types ont été 
reproduits d'après nature, et Ton y joindrait des épreuves de 
différentes parties du corps, au moyen de moulages exé- 
cutés sur de beaux modèles. 

La classe proposa de rédiger une statistique générale des 
objets d'art qui se trouvent en Belgique, et d'aviser aux 
moyens de les conserver et de les classer : le projet primitif 
de Quetelet fut ainsi lié intimement à celui d'un atlas archéo- 
logique, dont il avait, dès l'année 1843, soumis le principe à 
l'Académie. On lit en effet dans le Bulletin de la séance du 
8 octobre : • Le secrétaire appelle l'attention de l'Académie 
sur l'utilité qu'il y aurait de former une commission spéciale 
pour les antiquités du royaume. Cette commission aurait 
particulièrement à s'occuper de l'examen des matériaux déjà 
recueillis, d'apprécier la valeur des ouvrages qui en ont traité, 
de donner des indications sur les fouilles et les explorations 
à faire ultérieurement, de veiller à la conservation des objets 
historiques et d'aviser avant tout aux moyens de dresser une 
carte exacte de la Belgique ancienne; l'on y indiquerait soi- 
gneusement les localités dans lesquelles on a constaté l'exis- 
tence de monnaies, d'armes, de tumuli^ de constructions ou 
d'autres objets quelconques qu'on peut considérer comme 
monuments historiques. Une pareille carte formerait un do- 
cument statistique d'une haute importance pour notre his- 
toire nationale; en ce qui concerne les Romains en particu- 

1 ••• 



; *i 



( 142 ) 

lier, 00 pourrait, par les vestiges qu'ils ont laissés à la 
surface de notre sol, suivre d'une manière plus sdre les voies 
qu'ils fréquentaient et déterminer les campements et les ré- 
gions qu'ils s'étaient choisis. D'une laïutre part, les décou- 
vertes partielles que Ton fait chaque jour ne demeureront 
pas stériles, on pourra les rapporter à un centre commun, et 
former un dépôt d'antiquités nationales qui ne sera pas la 
moins intéressante de nos collections. » 

Cette dernière idée seule fut réalisée en 1847 par la créa- 
tion du Musée d'antiquités de la porte de Hal à Bruxelles : 
l'histoire de l'art et le Musée ethnologique restèrent à l'état 
de projets. 



X. — Les préoccupations politiques de Quetelet en i848, — 
Ses travaux sur les températures de la terre, sur la végé- 
tation des plantes f sur l'électricité de rair,sur les ondes 
atmosphériques.-— L'ouvrage sur le climat de la Belgique. 
— La Conférence maritime et le Congrès de statistique 
de 4853, — La détermination de la différence des longi" 
tudes entre Bruxelles et Greenwich. 

La révolution de 1848 ne fut pas une surprise pour Quete- 
let : il avait prévu avec tous les esprits sensés que l'opposi- 
tion de Louis-Philippe à des réformes peu redoutables en 
elles-mêmes amènerait une catastrophe, mais peut-être ne 
s'attendait-il pas h l'ébranlement que les événements de 
Paris allaient causer dans la vieille Europe. 

Comme tout le monde, dans ces temps d'émotions, il 
tourna soh attention vers la politique : dès le mois de mars, 
nous le voyons présenter à la classa des lettres de l'Académie 



(145) 

une note sur la nature des Étals constitutionnels , et sur 
quelques principes qui en dérivent. 

Parmi les causes nombreuses, soit constantes, soit acci- 
dentelles , qui peuvent avoir une action marquée, il distingue 
particulièrement les causes constantes qui résultent de la 
forme des institutions et qui» par cela même, finissent par 
prédominer à la longue. — Pour lui , Texistence de deux 
partis est une chose nécessaire, mais à condition que ces 
deux partis aient une certaine consistance , et que Tun ne 
prédomine pas exclusivement aux dépens de Tautre. — C'est 
quand un parti demeure évidemment le plus faible que le 
danger commence. Il ne lui reste plus alors qu'à subir ce 
qu'il regarde comme un pacte inique, comme une véritable 
oppression ; ou bien à recourir à la violence dès, que Tocca- 
sion favorable s'en présentera. — Les gouvernements consti- 
tutionnels sont soumis à des crises périodiques qui amènent 
avec elles des changements de ministère. Les époques de 
ces crises varient selon les dififérents pays, mais elles parais- 
sent se succéder plus rapidement dans les petits que dans 
les grands (?) : les passions individuelles , l'en vie surtout y 
ont une large part. — Un changement de ministère est en 
général le triomphe passager d'un parti sur l'autre, il ramène 
souvent les mêmes hommes au pouvoir. — Ces intermit- 
tences sont plus ou moins longues. La durée de la période, 
les circonstances qui accompagnent la crise , le nombre de 
fois qu'un même homme peut représenter une même' opi- 
nion sans risque de la compromettre, l'influence opérée par 
le changement dans l'état économique du pays et dans tous 
les rouages de l'administration , sont autant de choses qui 
méritent une attention spéciale. — Il ne faut pas perdre de 
vue que les crises ministérielles sont assez souvent impré- 



( 144) 

vues, el qu'elles portent pac suite les caractères des change- 
ments brusques , qui ne se font jamais sans pertes de forces 
vives, pertes que subissent les masses et qui ne produisent 
avantage à personne. — Cependant ces alternatives sont né- 
cessaires dans le corps de PËtat , elles lui donnent Tactivité 
et la vie. Il faut tâcher seulement d*en régulariser la marche, 
pour éviter les trop grandes pertes de forces vives , et de 
faire que le principe vital , dans ces manifestations périodi- 
ques, continue à fonctionner avec la même économie que 
celui du corps de Thomme. — Le gouvernement a le plus 
grand intérêt à étudier les intervalles que les opinions oppo- 
sées parcourent dans leurs plus grandes excursions, et à juger 
si les oscillations se font, des deux parts, sans divergences 
trop fortes par rapport à Tordre des choses établi, qui doit 
toujours rester le centre du mouvement pour conserver la 
stabilité nécessaire. — Il importe surtout de ne jamais ou- 
blier que la réaction est égale à Taction, et qu'une opposition 
ne saurait produire des effets gi'aves, si elle n'a été violem- 
ment comprimée d'al)ord. 

Nous retrouvons ici les idées déjà émises par Quetelet dans 
son Essai de physique sociale : il était Tennemi du système 
du juste milieu si longtemps préconisé en France , et des 
ministères mixtes , comme on les appelait en Belgique ; mais 
il reconnaissait la nécessité d'un tempérament qui, tout en 
maintenant les principes, écartât les périls de l'exagération» 
ou, si l'on veut , de la réaction. 

On sait comment la Belgique resta debout au milieu des 
gouvernements qui s'écroulaient de toutes parts. Tandis 
qu'ailleurs régnait l'épouVanle, elle s'apprêtait à célébrer 
l'anniversaire de son indépendance. Jamais fête plus brillante 
que celle dont Quetelet fut l'organisateur, en sa qualité de pré- 



(145) 

sidenl du Cercle artistique et littéraire , n'avait été donnée à 
Bruxelles. On se souvient encore du bal du marché de la 
Madeleine, auquel nos peintres les plus distingués prirent 
une part aussi active que désintéressée : la décoration splen- 
dide du local donna la mesure de leur talent dans un genre 
où Rubens n'avait pas dédaigné de s'exercer ; elle montra 
aussi combien était grande à cette époque Tinfluence de Que- 
telet. 

La violente crise que subissait l'Europe continuait à préoc- 
cuper Quetelet, et la politique était devenue de plus en plus 
J'objet de ses méditations. Au mois de janvier 1849, il lisait à 
l'Académie une nouvelle note, intitulée : Fragments sur la 
manière dont il convient ^envisager les sciences politiques 
et sur Pintervention du gouvernement dans les affaires des 
particuliers. « Si la science gouvernementale était absolue, » 
disait-il , « la même forme de gouvernement conviendrait à 
tous les peuples. Mais où trouver deux peuples entièrement 
semblables ? Cette observation si simple est cependant géné- 
ralement méconnue , au milieu des agitations qui signalent 
notre époque. Avec les meilleures intentions possibles, chacun 
veut imposer à son voisin la forme gouvernementale qu'il 
préfère. Un des premiers problèmes qu'ait à résoudre l'homme 
d'État, est de faire la part d'action du gouvernement et celle 
des individus qui composent la nation. Cette part doit-elle 
être la même dans tous les temps, dans tous les pays? Certaine- 
ment non. Qui songerait à transporter subitement les institu- 
tions anglaises au fond de la Russie. Chez un peuple parfai- 
tement éclairé, le gouvernement se réduirait à peu de chose: 
son action se bornerait, en déûnitive, à faire respecter les 
lois et à ne se mêler que des affaires d'un intérêt tout à fait 
général, qui sont placées par cela même en dehors de la 



(146) 

sphère des individas. 11 est d'ailleurs nécessaire que le gou- 
yemement se chaîne le moins possible. En sMmmisçanl dans 
les affaires des particuliers , il court le risque de tuer Tindi- 
vidualité et de détruire la prévoyance, Tune des premières 
conditions de la prospérité des peuples. Malheur aux pays 
dont les habitants ne croient pouvoir régler leurs affaires 
sans rintervention à peu près continuelle du gouvernement, 
et lui demandent constamment aide et protection... • 

Les événements extérieurs n^avaient apporté aucune inter- 
ruption dans les travaux dé TObservatoire. Parmi les questions 
que Quetelet avait entrepris d'élucider, celles qui se rappor- 
taient aux températures de la terre, aux phénomènes pério- 
diques des plantes, à Téleclricité et aux ondes atmosphériques, 
méritent spécialement de nous occuper. 

Un géomètre , dont les travaux sur la théorie de la chaleur 
ont illustré le nom, M. Fourier, examinant en particulier la 
question des températures de la terre , avait sollicité.des phy- 
siciens les séries d'observations nécessaires à la solution de 
plusieurs parties du problème. Mais son appel n'avait guère 
été entendu , et il existait peu d'observations de ce genre, 
lorsque Quetelet fit établir ses thermomètres dans le jardin 
de l'Observatoire de Bruxelles. Cet exemple trouva des imita- 
teurs, parmi lesquels il faut citer MM. Forbes, à Edimbourg; 
Rudberg, à Upsal; Bisschof, à Bonn; Galdecott, à Trevan- 
drum, sur la côte de Malabar, c Les phénomènes qui se rap- 
portent aux variations diurnes et annuelles de la température 
de la terre, » disait Quetelet à la séance publique de l'Aca- 
démie du 15 décembre 1840, « n'offrent pas seulement un 
intérêt réel par leur nouveauté et par l'appui qu'ils prêtent à 
la météorologie, en indiquant comment vont expirer au sein 
de la terre les variations de température atmosphérique. 



( 147) 

mais ils se rattachent encore à quelques parties de la géolo- 
gie, qui ont peu occupé les savants. D'une autre part, leur 
étude était devenue indispensable, puisqu'il s'agissait de 
vériâer par Tobservation les résultats de plusieurs des tra- 
vaux les plus remarquables qu'aient produits les géomètres 
modernes. Deux mémoires sur les températures de la terre , 
qui ont été insérés dans nos recueils, ont montré qu'en effet 
l'analyse mathématique, encore cette fois, avait marché d'un 
pas sur et avait heureusement embrassé dans ses formules 
tous les détails de phénomènes que l'observation aurait pu 
difficilement saisir. » 

Nous avons vu que Quetelet avait institué en 1841 un sys- 
tème général d'observation des phénomènes périodiques de la 
végétation. Cinq ans plus lard , il chercha à résoudre la ques- 
tion du mode d*action de la température sur ces phénomènes, 
et il fut conduit à apprécier l'influence de la chaleur, non par 
la sommç des températures moyennes journalières , comme le 
faisait Réaumur, mais par la somme de leurs carrés. 

Les résultats de ses recherches sur l'électricité de l'air pa- 
rurent en 1849. Les observations, commencées au mois d'aoCkt 
1842, avaient été suspendues au bout d'un an, et n'avaient 
été reprises qu'en 1844, époque à partir de laquelle, comme 
nous l'avons dit, elles se firent d'aune manière régulière. 

Voici en quels termes un célèbre physicien , M. De la Rive , 
en parla dans les Archives des sciences physiques et natU' 
relles^^ : « M. Quetelet vient de publier une série d'observa- 
tions du plus haut intérêt sur l'électricité de l'air... [Il] a 
adopté pour ses recherches les instruments et la méthode 
proposés par M. Pallier... Les expériences d'Ermann et de 
Saussure avaient déjà fait connaître depuis longtemps que 
rélectricité,qui esta peu près de même intensité dans une 






( 148) 

couche d'air horizontale, est plus forte dans les couches 
supérieures; mais il n'existait pas d'observations suivies 
faites dans la vue spéciale de connaître les rapports qui exis- 
tent dans les circonstances ordinaires entre les différentes 
hauteurs et les intensités électriques. M. Quetelet a essayé 
de remplir cette lacune, [et il a été conduit] à reconnaître 
que dans un milieu nullement dominé par des corps avoi- 
sinantSy l'intensité de l'électricité de l'air croît à partir 
d'un point déterminé, proportionnellement aux hauteurs. » 
Il est dommage que cette loi n'ait pu être vérifiée que dans 
des limites de hauteurs assez restreintes... M. Quetelet ob- 4 

serve que les maxima d'électricité atmosphérique , indiqués 
par l'électromètre, correspondent aux minima de déclinai- 
son magnétique, et réciproquement. Cette remarque impor- | 
tante se concilie parfaitement bien avec l'opinion que j'ai À 
avancée, que les variations de déclinaison sont dues à des 
courants électriques, provenant de la réunion des deux 
électricités accumulées aux parties inférieures et supérieures 
de l'atmosphère, et se réunissant aux pôles, à travers les 
régions supérieures de l'atmosphère d'une part, et la surface 
de la terre, de l'autre... » 

M. De la Rive ne fut pas le seul à apprécier l'importance | 

des résultats obtenus par Quetelet, résultats qui embras- 
saient, outre les deux points mentionnés ci-dessus, les 
variations annuelles et diurnes de l'électricité , l'électricité 
dynamique, les orages et leur fréquence. Deux antres phy- 
siciens du premier ordre, MM. Faraday et Wheatstone, en 
firent l'objet, l'un d'une leçon à l'Institution royale de la 
Grande-Bretagne, le second d'une lecture devant l'Associa- 
tion Britannique pour l'avancement des sciences y réunie à 
Birmingham, au mois de septembre 1849 ^'. 



I 



\ 



( U9 ) 

Le travail de Quetelet sur les ondes atmosphériques est 
|)Ostérieur de deux ans à ses recherches sur réleclricilé de 
Pair. Il est divisé en trois chapitres. Après avoir parlé des 
ondes atmosphériques en général, Tauteur traite 1° de la 
forme, de la grandeur et de la vitesse de ces ondes, diaprés 
les observations des mois de juin , juillet et août 1841 ; 2° du 
système d'ondes atmosphériques de TEurope centrale, d'après 
les observations horaires du solstice d'été de 1841 et du 
solstice d'hiver de 1843. Dans le troisième chapitre , il expose 
les recherches déjà faites sur la nature des ondes atmo- 
sphériques '0, 

Ce travail obtint un très-grand succès; il avait, comme 
celui sur l'électricité de l'air , l'avantage d'être nouveau. La 
Bibliothèque universelle ^* et les Archives '* de Genève en 
firent ressortir les résultats curieux et inattendus. Nous 
rappellerons ici ce que M. Sonrel écrivait en 1867 dans Vjén- 
nuaire de la Société météorologique de France : a De nom> 
breuses tentatives ont été faites pour saisir les phénomènes 
météorologiques sur de grandes étendues et les suivre à la 
surface delà terre. Plusieurs ont donné naissance à des théo- 
ries célèbres. L'une des plus remarquables et des plus con- 
nues est celle des ondes atmosphériques , due à M. Quetelet. 
Ce savant marque sur une carte tous les points où le baro- 
mètre passe en même temps par un maximum ou un 
minimum, et il joint tous ces points par une ligne courbe. 
Les courbes se déplacent les jours suivants, en obéissant à 
des lois que M. Quetelet s'est attaché à déterminer... Les 
ondes atmosphériques ont marqué un grand pas de la mé- 
téorologie; elles étaient un acheminement vers les travaux ré- 
cents de météorologie internationale, auxquels on doit la loi 
remarquable de M. Marié-Davy [loi des tempêtes]... » 

13 



( 150 ) 

Les recherches de Quetelet dont nous venons de parler 
avaient paru successivement dans les Annales de l'Observa- 
toire. Celles qui avaient trait aux températures de la terre 
avaient fait d'abord l'objet de deux mémoires insérés dans 
\es Mémoires 6e l'Académie, comme on l'a vu précédem- 
ment. II les réunit avec d'autres travaux de météorologie 
dans un ouvrage en deux volumes Sur le climat de la Bel- 
gique. Le tome I comprend les parties suivantes : L Du 
rayonnement solaire et des températures de C air et du sol; 
— H. Les phénomènes périodiques des plantes; — \\\. De 
l'électricité atmosphérique. Le tome II s'occupe: IV. De la 
pression atmosphérique et des ondes atmosphériques ; — 
V. Des pluies f des grêles et des nuages; — \l. De l'hygro- 
métrie ; — De Vétat du ciel en général. 

L'année 1853 fut signalée par trois événements scientifiques. 
Le 35 aoiîl, une Conférence s'ouvrit à Bruxelles , dans le but 
« d'établir un système uniforme d'observations météorolo- 
giques à la mer, de concourir à l'observation des vents et 
des courants de l'océan , à l'efiFet d'être utile à la navigation 
et de donner une connaissance exacte des lois qui régissent 
ces éléments. » — Du 19 au 22 septembre, eut lieu, à 
Bruxelles également, le premier Congrès de statistique, dans 
le but d'organiser un système uniforme d'observations statis- 
tiques sur les diflérents points du globe. — Enfin, le 25 no- 
vembre, commencèrent les opérations qui devaient relier 
l'Observatoire de Bruxelles à celui de Greenwich , au moyen 
de signaux galvaniques. 

Le promoteur de la Conférence maritime avait été M. Maury, 
directeur de l'Observatoire de Washington. Dix pays s'étaient 
fait représenter par des hommes spéciaux r d'une voix 
unanime, les délégués élurent Quetelet pour président. 



( 151 ) 

Le 8 ^plembre, ils signèrent un rapport dans lequel se 
trouvaient résumés les travaux de la Conférence avec Tindi- 
cation des moyens à employer pour atteindre le but qu'on 
avail en vue. •< Chacun de vous, » disait Quetelet à ses con- 
frères de la classe des sciences , le 8 octobre , a chacun de 
vous connaît les travaux immenses auxquels on s'est livré , 
dans ces derniers temps , pour perfectionner la météorologie 
et la physique du globe, et pour chercher à saisir les lois 
qui règlent les grands phénomènes de la nature... Toutefois 
les divers systèmes de recherches qui ont été entrepris , 
avaient généralement pour objet des observations faites dans 
des lieux déterminés sur terre ; mais la plus grande partie du 
globe, la surface des mers , restait en quelque sorte inex- 
plorée. Un ofiQcier américain, M. le lieutenant Maury, direc- 
teur de rObservatoire de Washington, eut Theureuse idée 
de combler cette lacune. Pour concevoir Tingénieuse méthode 
qu'il propose d'employer, qu'on se figure la surface des 
mers couverte d'un vaste réseau , formé par une série de 
méridiens se succédant de degré en degré et coupés par une 
série de parallèles, ayant également entre eux un intervalle 
d'un degré : supposons, de plus, que, dans chacun des com- 
partiments ou quadrilatères provenant de ce partage, on 
place un observatoire fixe, chargé de recueillir des observa- 
tions à des heures déterminées, et l'on aura un système mé- 
téorologique certainement plus complet que ceux qu'on a 
réussi à établie sur les continents les plus favorisés au pohit 
de vue de la science. On comprend , d'une autre part» qu'un 
observatoire fixe n'est pas absolument indispensable, et 
qu'on peut lui laisser une certaine liberté dans le quadrila- 
tère oii il doit se tenir renfermé ; on peut même le remplacer 
par d'autres observatoires flottants qui se relèveraient suc- 



( 152) 

cessivemenl eloii Tod observerait , aux mêmes heures, avec 
des instrumenls et des méthodes parfaitement comparables. 
Or c'est sur cette substitution que repose tout le système 
d'observation ; on voit dès lors la nécessité de s'entendre , 
dans les différents pays , pour réaliser un plan aussi gigan- 
tesque. • 

Le Congrès de statistique était dû à Tiniliative de la Com- 
mission centrale de statistique, créée eu 1841. « Ce fut à 
Londres, » dit Quetelet, • durant TExposilion universelle de 
Tindustrie [de 1851], que les premiers entretiens eurent lieu 
sur la possibilité de la réalisation d'une idée qui ne laissait 
pas que de présenter des difiScultés d'exécution. » La réunion 
avait été projetée d'abord pour l'automne de 1852, maiâ les 
circonstances politiques la firent ajourner. Les statisticiens 
étrangers que la Commission centrale avait consultés dési- 
gnèrent Bruxelles pour le lieu de la réunion. A la demande 
du gouvernement belge , les principaux pays d'Europe nom- 
mèrent des délégués chargés de les représenter officielle- 
ment. D'une autre part, les questions à soumettre au Congrès 
avaient été préparées avec le plus grand soin et communi- 
quées d'avance aux délégués , de sorte que l'on pouvait se 
promettre un heureux résultat des délibérations : cet espoir 
se réalisa complètement. 

Quetelet fut naturellement appelé à présider le Congrès de 
statistique, comme il avait présidé la Conférence maritime. 
Tous deux laissèrent une trace profonde dans son esprit, et 
il se plaisait à y revenir pendant les dernières années de sa 
vie. 

La détermination de la différence des longitudes entre les 
Observatoires de Bruxelles et de Greenwich fut pour Quetelet 
une source de vives préoccupations. H s'agissait d'une opéra- 



( 153 ) 

tiou toule nouvelle el fort délicate. En parlant à rAcadémie 
des télégraphes de Wheatstone , dans la séance du 17 octobre 
1840, « oh sera sans doute charmé d'apprendre, » avait-il 
dit, u que Tauteur a trouvé le moyen de transmettre les 
signaux entre PAngleterre et la Belgique , malgré Tobstacle 
de la mer. » Puis il avait indiqué la détermination des longi- 
tudes comme une des applications de la télégraphie élec- 
trique. Le premier essai eu fut fait en Amérique, au mois de 
juin 184i, entre Washington et Baltimore; il y fut l'enouvelé 
en 1847, entre New-York, Philadeli)hie et Washington. Celui 
qui allait avoir lieu entre Bruxelles et Greenwich avait une 
importance capitale : la distance des lieux , Tinterposilion de 
la mer, les difficultés réelles ou apparentes qu'on voit tou- 
jours dans une opération qu'on n'a jamais faite, la haute 
renommée du directeur de l'Observatoire de Greenwich , la 
responsabilité assumée devant lui et devant le monde scienti- 
fique, tout cela était bien propre à donner des inquiétudes à 
Quetelet. Pour assurer la sincérité de l'opération, on avait 
décidé, d'un commun accord, que les plis cachetés, renfer- 
mant le calcul des observations faites à Bruxelles et à Green- 
wich, seraient ouverts le même jour dans l'un et l'autre 
endroit. L'anxiété de Quetelet ne cessa qu'au moment où 
cette ouverture ayant eu lieu , il put s'assurer que le résultat 
laissait peu de chose à désirer. 

Ayant eu l'occasion, ainsi que nous l'avons dit déjà, de 
parler ailleurs des travaux astronomiques de l'Observatoire 
de Bruxelles, nous serons très court ici. Nous rappellerons 
seulement qu'après avoir déterminé la position de l'Observa- 
toire, Quetelet s'occupa d'observer les étoiles à mouvements 
propres: à partir de 1848 ces observations furent faites d'une 
manière régulière et depuis elles n'ont plus subi d'interrup- 
tion. 15. 



( 154) 

Nous avons parlé du rapport que Quetelet avait adressé au 
ministre de riulérieur, le 1" mai 1833, en sa qualité de direc- 
teur de TÂcadémie des sciences et belles-lettres. Ce rapport , 
avons-nous dit, embrassait les travaux de TAcadémie depuis 
le mois de juillet 1830. Un second rapport fut envoyé par lui 
au ministre en la même qualité, sur les travaux de Tannée 
1833 à 183é. Lorsqu'il eut été nommé secrétaire perpétuel, 
ces rapports qui, d'après Tarticle 23 du règlement, auraient 
dû être mensuels, continuèrent à être faits chaque année, 
et alternativement par MM. de Stassart et de Gerlacbe, 
jusqu'en 1840 : à cette époque, ils cessèrent. Quetelet 
remplaça les directeurs, mais ses rapports, au lieu d'être 
adressés au ministre, furent lus dans les séances publiques; 
il avait, du reste, pris l'habitude depuis 1835 d'entretenir 
l'assistance des travaux et de l'état de l'Académie, soit dans le 
passé, soit dans le présent. Le 16 décembre 1835, lors de la 
première séance publique, il avait lu un rapport sur les tra- 
vaux de l'ancienne Académie impériale et royale : cinq ans 
après, il lut un rapport décennal comprenant la période de 
1830 à 1840. Deux autres rapports décennaux, relatifs à la 
classe des sciences et à celle des lettres , furent encore lus en 
1850 et 1851; à dater de 185^, les rapports du secrétaire 
perpétuel cessèrent à leur tour. On peut toutefois y ratlacher,^ 
comme une espèce de conclusion , la lecture que Quetelet lit 
le 16 décembre 1853, et à laquelle il donna le titre: Quelques 
remarques sur l'influence des Académies^ des Congrès et 
des Conférences scientifiques. 

Après avoir retracé en quelques lignes l'origine des socié- 
tés savantes et rappelé que les plus anciennes ne remontent 
guère au delà du milieu du dix-septième siècle, « vous le 
voyez, messieurs, • dit-il, « les Académies sont de date 



( 155 ) 

assez réceole; et cependant, aux yeux de bien des personnes , 
elles se présentent déjà comme des corps vieillis qui ont à 
céder la place à d'autres plus vivaces , et, comme on est con- 
venu de le dire aujourd'hui , plus entourés des sympathies 
générales. Les sarcasmes, du reste, ne leur ont pas manqué 
dès Porigine , bien que ceux qui se les permettaient ne fus- 
sent pas toujours les derniers à ambitionner d'être inscrits 
parmi leurs ipembres... Je n'ai point à me faire ici le panégy- 
riste des Académies , ni à énumérer les services qu'elles ont 
rendus. Si j'avais à citer des exemples, je pourrais, avec un 
juste orgueil, prendre ceux mêmes qu'offre notre Académie : 
tout homme impartial qui s^est occupé de l'histoire intellec- 
tuelle de notre pays, sait en effet quel était l'état des sciences 
au moment de sa réorganisation en 1816, et les travaux con- 
sidérables que cette Ck)mpagnie a produits depuis cette épo- 
que... • 

Quetelet s'élève ensuite contre l'idée de rendre publiques 
les séances ordinaires de l'Académie ; puis il montre combien 
est peu fondé le reproche qui a été fait aux Académies de 
se laisser dominer par l'esprit de corps, et d'attirer à elles 
tous les avantages, u On s'obstine aussi », ajoute-t-il, «à y 
voir une société d'assurances mutuelles pour des succès 
scientifiques, un système convenu d'adoration réciproque. 
Hélas! c'est bien mal connaître le cœur humain et l'inté- 
rieur des Sociétés savantes: rien, en général , n'est moins 
adorateur qu'un confrère. » 

11 n'aperçoit aucunement l'utilité des Congrès généraux : 
« S'il peut être agréable de se réunir à un jour et dans un 
lieu déterminé, pour se voir et s'entretenir, on tire presque 
toujours peu d'avantages des séances mêmes. » Mais il ad- 
met les Conférences,* quand il s'agira d'approfondir une 



(156 ) 

quesliOD spéciale et de la soumettre à l'exameu des hommes 
les plus compéteuts. • 

Parlant eusuite du succès de la Conférence provoquée par 
M. Maury, il y voit la preuve a qu'on peut tenter un pas de 
plus, et arriver au plus vaste système d'observations que Pes^ 
prit humain ait jamais conçu : celui qui consiste à couvrir le 
globe entier, dans toutes ses parties accessibles, d'un vaste 
réseau d^observateurs , espacés de manière qu'aucun phéno- 
mène naturel de quelque importance ne puisse se manifes- ■ 
ter sans avoir été vu et observé avec soin, sans qu'on ait le | 
moyen de le suivre et de l'étudier dans sa mai*che; en sorte { 
que l'œil de la science reste pour ainsi dire incessamment { 
ouvert sur tout ce qui se passe à la surface de notre planète. • { 
— < Les officiers distingués , • ajoute-t-il , « qui ont pris part 
à la Conférence de Bruxelles ne se sont point séparés sans 
exprimer le vif désir qu'une seconde réunion pût amener 
une alliance entre les observateurs sur mer et sur terre. 
Cette alliance aura lieu... Je suis heureux de pouvoir annon- 
cer en effet qu'à peu près tous les principaux observateurs 1 
qui s'occupent en Europe de la météorologie et de la physique ) 
du globe, ont déjà donné leur assentiment à la formation d'un 
nouveau Congrès qui aurait pour sujet de ses éludes « la 
terre et la mer... • Une nouvelle Conférence s'organisa effec- 
tivement , mais la réunion des météorologistes n'eut lieu que 
vingt ans après, en 1873, à Vienne : la Belgique y fut repré- 
sentée par MM. Ern. Quetelet et Gloesener. 

Les rapports annuels ou décennaux faits à l'Académie par 
Quetelet sont écrits d'un style simple et clair, mais ils se 
ressentent naturellement des circonstances de temps et de 
lieu dans lesquelles ils ont été composés. D'une part il fallait 
démontrer l'utilité de TAcadémie ; eu second lieu , parlant eu 



(157) 

public, il fallail presque toujours s'en tenir à des généralités, 
et si l'on descendait aux détails, il devenait fort difiScile pour 
un homme seul, quel que fût son mérite, de présenter une 
idée complète de travaux embrassant en quelque sorte 
Puniversalité des connaissances. Puis il y avait à ménager 
Tamour-propre des académiciens, car si, comme le disait 
Quetelet, rien n'est moins adorateur qu'un confrère, d*un 
autre côté, rien n'est plus susceptible. Quetelet surmonta 
presque toujours ces difficultés avec bonheur. Il sait parler 
de l'Académie et des services qu'elle rend, avec dignité et 
convenance; ses généralités ne sont jamais banales, et bien 
qu'ancien poète, il ne remplace pas les idées par des mots, 
et ne fait pas de phrases ; il apprécie presque toujours les 
travaux de ses confrères d'une manière juste , quoique super- 
ficielle. 



/ 



XI. — Quetelet dans son intérieur. — Ses dernières 

années. — Sa mort. 

Nous approchons d'une époque où la belle intelligence de 
Quetelet va recevoir une atteinte fâcheuse. Avant de parler 
des vingt dernières années de sa vie, nous voudrions le pein- 
dre tel qu'il était encore au mois de juin 1855; nous vou- 
drions raconter sa vie privée et décrire son intérieur, en 
nous aidant de nos souvenirs. Essayons, et retournons en 
arrière pour que notre tableau soit plus complet. 

Après quelques années de séjour à Bruxelles, Quetelet 
avait appelé auprès de lui sa mère et une sœur utérine, issue 
d'un second mariage et à qui il servait de père. Comme nous 
l'avons dit, il avait épousé, en 1825, M"«Curtet, nièce du 
professeur Van Mons : deux enfants, un garçon et une fille, 



( 158 ) 

élaient Dés de cette union. Au moment où j'entrai à TObser- 
vatoire, la sœur de Quetelet apprenait à peindre dans 
râtelier de M. Navez; elle était promise à M. Madou, dont le 
talent ne s'était encore exercé qu'à la lithographie , au dessin 
et à Taquarelle. L'éducation des enfants se faisait à la maison: 
M'"" Quetelet leur apprenait à lire et ils avaient un maître 
d'écriture. Tous les dimanches un dîner réunissait la famille 
et quelques amis à tour de rôle -, le soir , il venait du monde, 
on causait, on faisait de la musique, ou bien l'on jouait des 
charades : ce jeu prit surtout faveur , lorsque Galamatta se 
fut fixé à Bruxelles, où il dirigeait l'École de gravure; Gala- 
matta et Quetelet y étaient de première force. 

Ceux qui n'ont connu Quetelet que de loin et par ses 
ouvrages , ou déjà usé par l'âge ou la maladie, ne peuvent se 
faire une idée .de ce qu'il y avait en lui d'esprit , de gaieté et 
d'entrain. Il aimait beaucoup à rire, et Rabelais lui était 
presque aussi cher que Pascal. C'était, en outre, un causeur 
très agréable, sachant se borner au besoin à donner la ré- 
plique , qualité assez rare, et mettant son monde fort à l'aise. 
Ayant cultivé de bonne heure l'art du dessin, il maniait le 
crayon avec beaucoup d'adresse. Il doit avoir laisséune grande 
collection de portraits; voici ce qu'il avait imaginé pour 
en rendre l'exécution plus facile: au moyen de la chambre 
claire, inventée par le physicien Amici, de Florence, il pre- 
nait le contour de la figure , et Madou ou lui achevait le por- 
trait. 

Quetelet exerçait l'hospitalité d'une manière très libérale. 
Tous les hommes de quelque distinction qui passaient par 
Bruxelles, étaient sûrs de trouver un bon accueil à l'Obser- 
vatoire : j'y ai rencontré des artistes, des savants, des litté- 
rateurs , des hommes politiques de toutes les opinions. Parmi 



ï 



( 159 ) 

ces derniers figurait Tabbé Gioberti,qui devint plus lard 
premier ministre du roi de Sardaigne, et qui ,à Tépoque dont 
je parle, était simple professeur à l'institut Gaggia où le fils 
de Quetelet faisait ses humanités. Gioberti était grand et 
maigre ; il parlait le français avec beaucoup de facilité et 
même de volubilité , mais avec un accent piémontais très 
prononcé. Jl ne venaità TObservatoire que pendant la semaine ; 
les charades n'auraient pas été de son goût et je doute 
qu'il aimât beaucoup la musique. C'était un homme grave et 
sérieux. Après avoir donné ses leçons à l'institut Gaggia, il 
se rendait , dès qu'il avait dîné , au café des Trois Suisses , 
dont les propriétaires et les garçons appartenaient à la partie 
italienne de la confédération ; on lui apportait successivement 
les journaux disponibles, et, au bout d'un quart d'heure, sa 
tête disparaissait au milieu d'un monceau de feuilles de tous 
les pays. 

De temps en temps le comte Ârrivabene, aujourd'hui sé- 
nateur du royaume d'Italie, venait faire une visite de céré- 
monie. Grand seigneur jusqu'au bout des ongles, il était 
toujours bien ganté et je ne me rappelle pas l'a voir jamais 
vu sans le chapeau à la main. Lorsque sa visite se prolongeait 
un peu, s'il avait le malheur de s'asseoir dans le canapé, ses 
yeux se fermaient malgré lui et il courait le danger de som- 
meiller ; aussi il aimait à se tenir debout, ce qui lui était per- 
mis quand il y avait du monde au salon. Personne , je pense, 
n'eut jamais moins qu'Ârrivabene les dehors d*un conspira- 
teur, et cependant c'était sous le poids d'une accusation de 
ce genre qu'il avait dû fuir de l'Italie, et que sa fortune avait 
été mise sous séquestre. Réfugié en Belgique, il s'occupait 
d'économie, mais nullement d'intrigues politiques , et sup- 
portait avec dignité un état de gêne relative. 



(160) 

La révolution de 1848, rébranlemenl qu'elle donna à 
TEurope et le coup d'État du 2 décembre 1851 qui en fut le 
dénoûment , conduisirent en Belgique beaucoup de Français 
et d'Allemands. Parmi ceux-ci et au premier rang figurait 
le prince de Metternich : je sais que pendant son séjour à 
Bruxelles l'ancien premier ministre de l'empire d'Autriche 
vit souvent Quetelet, dont la conversation lui plut beaucoup. 

Au nombre des Français était M. Quinette, qui venait re- 
présenter la Bépublique auprès du roi Léopold. Le père de 
M. Quinette , ancien conventionnel, avait trouvé un refuge 
parmi nous après 1815, et avait, comme les autres réfugiés 
de l'époque, été bien accueilli par M. Curtet dont Quetelet 
épousa plus tard la fille. Il était donc naturel que le nouvel 
envoyé se montrât à l'Observatoire : il y continua ses visites 
après l'avènement de Louis Napoléon , bien qu'il fût exposé 
alors à se trouver en présence de victimes du coup d'État, 
nullement d'humeur à faire bon visage à un homme devenu 
l'ambassadeur du second Empire après avoir été celui de la 
République. 

Le 2 décembre avait amené à Bruxelles un ancien pro- 
fesseur de l'École normale de Paris, M. Descbanel; il 
s'adressa à Quetelet pour être autorisé à donner des confé- 
rences au Cercle artistique et littéraire. Le crédit du prési- 
dent du Cercle avait un peu baissé à cause de l'insuccès, au 
point de vue du résultat pécuniaire, d'une seconde fête à 
l'instar de celle dont le retentissement avait été si vif en 
1848; mais son influence était encore très grande, et il n'eut 
aucune peine à faire agréer la demande de M. Deschanel. Jl 
arriva même que le succès obtenu par celui-ci releva beau- 
coup son protecteur dans l'esprit des membres de la Société. 
Telle est la force de la nouveauté , quand elle s*appuie sur 



(161 ) 

un talent réel , que les conférences du professeur français le 
mirent sur un véritable piédestal et contribuèrent à établir 
sa réputation et sa fortune. 

Quetelet n'aimait pas le monde et ne l'avait jamais aimé, 
mais il affectionnait les réunions intimes, les dîners d'amis. 
Avant 1830, la Société des Douze dont il faisait partie , avait 
acquis une certaine notoriété ; elle comptait parmi ses mem- 
bres MM. De Potter, Van de Weyer, Tielemans , Baron, Les- 
broussart, Odevaere, Drapiez etc.; ce dernier y représentait 
avec Quetelet la science proprement dite. Quelques années 
après la révolution , une société analogie se constitua ; elle 
était, cette fois, composée presque exclusivement d'artistes. 
Les arts avaient reçu une impulsion puissante et avaient 
laissé derrière eux les sciences et les lettres; la faveur pu- 
blique leur était acquise, et Quetelet conservait pour eux un 
goût très prononcé , bien que souvent , dans ses discours à 
TAcadémie , il eût déploré l'espèce d'abandon oii languissaient 
les autres manifestations du génie de l'homme... 

Mais les années ont passé. Quetelet est arrivé à l'une des 
plus belles positions qu'un savant puisse ambitionner. Gomme 
chef de famille , il a peu de chose à désirer : le mari de sa 
sœur est devenu un peintre d'un rare mérite ; sa fille a épou- 
sé un jeune artiste, M. Clays,à qui l'avenir réserve éga- 
lement de grands succès; son fils, après avoir été l'un des 
meilleurs élèves de l'École militaire, a quitté l'arme du génie 
oh il était arrivé au grade de lieutenant , pour entrer à l'Ob- 
servatoire. A la vérité il a i)erdu sa mère qu'il aimait beau- 
coup, mais elle est morte dans un âge très avancé et il a dû 
se résigner à une loi de la nature; il lui reste d'ailleurs une 
femme distinguée , sa compagne depuis trente ans. 

Tout à coup, un malin du mois de juillet 1855, nous le 

14 



1 



( m ) 

trouvons affaissé sur un paquet de livres; nous le portons sur 
la terrasse du jardin ; pendant que l'on court chez son méde- 
cin, j'envoie chercher un interne de Thôpital S^Jean,et 
quand ils arrivent, ils constatent un cas d'apoplexie, pas très 
^rave, mais dont les conséquences devaient lui être funestes. 

L'énergie de Quetelet ne faiblit pas cependant. Le lende- 
main il nous faisait appeler dans sa chambre pour constater 
qu'il nous reconnaissait ; après huit ou dix jours, il voulait 
se remettre au travail; et dès le mois de septembre, il 
assistait à la séance publique de la classe des beaux-arts. Je 
ne pense pas qu'il se fît illusion sur son état, mais il réagis- 
sait de toutes ses forces contre le mal. La mémoire, chez 
lui , avait été fortement atteinte : c'était chose triste que de 
voir les articles qu'il envoyait à l'imprimeur et dont il nous 
remettait ensuite les épreuves pour les corriger ; il y avait 
des phrases dont la fin n'avait aucun rapport avec le com- 
mencement, des répétitions incessantes des mêmes idées et 
des mêmes mots. Le travail de révision devenant impossible , 
nous refaisions l'article, on l'imprimait de nouveau et l'au- 
teur ne s'apercevait de rien. 

Peu à peu cependant il se rétablit assez bien, et l'on put 
espérer que, sauf la mémoire, ses facultés résisteraient au 
coup qui l'avait frappé. Mais les personnes qui lui étaient le 
plus sincèrement attachées et qui le voyaient de près, ne tar- 
dèrent pas à se convaincre que le mal était irréparable. Il 
continuait du reste à travailler avec une grande ardeur. Plus 
tard même, quand Je malheur se fut appesanti sur sa maison, 
quand il eut perdu sa femme, sa fille et plusieurs de ses 
petits-enfants parmi lesquels se trouvait une jeune personne 
charmante, le travail devint sa seule consolation ; il y eût eu 
de la barbarie à l'en détacher. 



I 



I 



( 165) 

M. Ernest Quetelet avait pris la direction des travaux as- 
tronomiques de l'Observatoire : lui , il ne s'occupait plus que 
de météorologie, de physique du globe et de statistique; il 
continuait à présider la Commission centrale et assistait ponc- 
tuellement aux Congrès internationaux de statistique qui se 
tenaient dans les grandes capitales d'Europe. Six mois avant 
sa mort, il fit le voyage fatigant- de Saint-Pétersbourg pour 
répondre à une invitation pressante du grand-duc Constan- 
tin, sous les auspices duquel le Congrès de statistique devait 
avoir lieu. Rien n'avait pu le détourner de ce voyage» ni la 
crainte du choléra, ni les instances de sa famille jet il se 
trouva que les appréhensions de ses proches et de ses amis 
n'étaient pas fondées. A son retour, il nous parut rajeuni : la 
réception qui lui avait été faite l'avait fort touché. 11 était du 
reste dans une phase heureuse; le 18 mai 1872, l'Académie 
des sciences morales et politiques de l'Institut de France 
l'avait promu à une place d'associé, ce qui est la plus grande 
distinction dont elle dispose, et, dix jours plus tard, dans une 
adresse de félicitaiion envoyée à l'Académie royale de Bel- 
gique, à l'occasion du centième anniversaire de sa fondation, 
l'Académie des sciences de Berlin l'avait proclamé le créateur 
d'une science nouvelle. 

Quetelet fut exact jusqu'au bout à remplir ses fonctions 
de secrétaire perpétuel de l'Académie. Le lundi 2 février 1874» 
quoique déjà atteint de la maladie des bronches dont il mou- 
rut quinze jours après, il assistait encore à la séance de la 
classe des lettres. Le jeudi matin , il descendit pour la der- 
nière fois dans son cabinet, et l'on eut beaucoup de peine à 
l'empêcher de se rendre à la séance de la classe des beaux- 
arts. Son état ayant empiré, on perdit bientôt l'espoir de le 
sauver. Lorsqu'il tomba dans le délire, l'Académie et TObser- 
vatoire revinrent souvent sur ses lèvres... 



( 164 ) 

XII. — Us dernières publication de Quetelet, 

Il nous reste à parler des ouvrages que Quelelet 6t impri- 
mer pendant la dernière période de sa vie : ils sont nombreux 
et fort étendus; la plupart sont des réimpressions ou se com- 
posent de pièces rapportées, écrites à différentes époques. 

Nous avons d'abord l'ouvrage : Sur la physique du globe, 
qui forme le tome XIII des Annales de^ TObservatoire. La 
dédicace : A la mémoire de son Altesse Royale le prince- 
consort Albert de Saxe-Cobourg et Gotha, porte la date du 
15 décembre 1861. 

En rendant compte de cet ouvrage dans les Archives de 
Genève^', M. delà Rive s'exprimait ainsi: * Il est peu de pby« 
siciens qui aient plus que M. Quetelet contribué aux progrès 
de cette partie des sciences naturelles, désignée sous les noms 
de météorologie et de physique terrestre. Ce n'est pas seule- 
ment par une longue série d'observations de genres très 
différents et poursuivies avec un zèle aussi persévérant qu'é- 
clairé que M. Quetelet a droit d'occuper le premier rang 
parmi les météorologistes, mais il a en outre le mérite d'avoir 
su réunir depuis longtemps les observations faites dans dif- 
férentes parties du globe, et, en les soumettant à une saine 
critique, d'en avoir tiré un grand parti pour arriver à des lois 
générales. 

» L'ouvrage que nous annonçons n'est qu'un résumé ac- 
compagné de réflexions générales, de bien d'autres travaux 
du savant physicien de Bruxelles. Il renferme différents cha- 
pitres consacrés à la météorologie en général et plus parti- 
culièrement à l'étude des températures de l'air et du sol , à 
l'électricité de l'air, au magnétisme terrestre et aux étoiles 



( 165) 

filantes. L'ouvrage se termine par deux chapitres ayant pour 
objet : Fun, les phénomènes périodiques des plantes et des 
animaux ; Tautre , les phénomènes des marées en vue surtout 
de la Belgique. 

» La physique terrestre et la météorologie sont de toutes 
les parties des sciences naturelles, celles dans lesquelles les 
progrès sont nécessairement les plus lents. Tandis que dans 
les sciences expérimentales, le savant peut à volonté repro- 
duire les faits qu'il veut étudier, il faut ici quMl attende pa- 
tiemment que la nature veuille bien amener sous ses yeux les 
phénomènes quMi s'agit pour lui d'observer et dont il doit 
rechercher les causes. C'est donc souvent une œuvre de 
longue haleine qui exige autant de patience que d'exactitude... 
Les progrès que peut faire cette branche des connaissances 
humaines sont nécessairement subordonnés à ceux des au- 
tres sciences d'observation et surtout des sciences expéri- 
mentales... Plus, en effet, on avance dans l'étude des sciences, 
plus l'art de l'observation et de l'expérience se perfectionne, 
plus on découvre une liaison intime , je dirai presque une so- 
lidarité entre tous les phénomènes naturels, et plus on entre- 
voit la possibilité de parvenir une fois à les rattacher tous à 
une cause commune. Envisagées à ce point de vue, la physique 
terrestre et la météorologie revêtent un caractère tout nou- 
veau, qui fait comprendre comment des hommes d'une haute 
capacité ont pu se décider à consacrer aux observations 
qu'elles exigent, un temps et une intelligence qui, aux yeux 
de ceux qui ne considèrent les choses que légèrement, au- 
raient pu être employés d'une manière plus fructueuse. « 

Quetelet avait émis l'idée que l'atmosphère est composée 
de deux parties essentiellement distinctes, l'une inférieure, 
toujours mobile, à l'état de courant, l'autre supérieure, rela- 

14. 



(166 ) ' 

tivement Qx^ el appuyée sur la première, les cirri. nuages les 
plus élevés et les plus légers, indiquaut la position de la 
courbe limite où les deux atmosphères se séparent. La diffé» 
rence entre ces deux parties ne parait pas à M. De la Rive 
devoir être aussi tranchée que Quetelel le supposait ; elle lui 
semble devoir s'établir par degrés sensibles, et non pas d^une 
manière brusque ; mais il est, par contre, très disposé à croire 
avec le directeur de rObservnloire de Bruxelles , que Tatmo- 
spbère a une hauteur beaucoup plus grande qu'on ne Tid- 
met généralement et qu'elle est le lieu où se passent bien 
des phénomènes qu'on a longtemps regardés comme étant 
extra-atmosphériques. 

« Dans le nombre des remarques faites sur Thumidité àe 
Tair par M. Quetelet, il en est une qui nous a frappé, t dit 
M. De la Rive, a c'est que la marche de l'humidité paraît 
avoir des rapports intimes avec celle de la végétation | ainsi 
quand le feuillage n'existe plus, l'humidité de l'air est la plus 
forte, et elle a la moindre valeur, au contraire, à l'époque où la 
végétation est dans toute son activité. 

» Les variations d'intensité dans l'électricité de l'air sem- 
blent [aussi] avoir une liaison très intime avec les variations 
de l'humidité , ce qui est une conséquence naturelle du fait 
que les instruments qui servent à percevoir et à mesurer cet 
agent sont dans la partie inférieure de l'atmosphère, et que 
l'électricité qui est dans les couches supérieures y parvient 
d'autant plus facilement que l'air est plus humide. Aussi 
l'écoulement tranquille de l'électricité sur la terre est plus 
fréquent en hiver; il se fait généralement sans secousse; le 
contraire a lieu en été; cet écoulement, à cause de la séche- 
resse, se fait plus brusquement alors et produit de nombreux 
orages... 



( '«n 

• M. Quetelet consacre dans son chapitre sur rélectricité 
de Tair un paragraphe étendu aux aurores boréales quMI con- 
sidère bien comme des phénomènes électriques. [Elles se 
produisent , selon lui] , dans [la] partie supérieure [de Tat- 
mospbère]... 

» Le magnétisme terrestre occupe une très grande place 
dans Touvrage de M. Quetelet. [On a déjà reconnu] à côté 
[des] phénomènes diurnes [du magnétisme] et de ses varia- 
tions qui se lient à toutes les perturbations atmosphériques, 
des périodes plus ou moins longues, dont nous ignorons les 
véritables causes... A côté de ces périodes régulières de va- 
riations, il existe des perturbations irrégulières qui , comme 
on le sait, coïncident avec les apparitions des aurores boréales. 
Ce qu'il y a de caractéristique dans ces perturbations, c'est 
qu'elles s'étendent à la fois sur tout le globe , même dans les 
parties où l'aurore boréale n'est pas visible... » 

En 1864, Quetelet (H paraître son Histoire des sciences 
mathématiques et physiques chez les Belges. Pour qu'on ait 
de suite une idée de cet ouvrage, nous en donnerons d'ai)ord 
le cadre : Introduction. — Livre premier. Depuis Vorigine 
de ta Belgique jusqu'au règne de Charles-Quint. — Livre H. 
Depuis Charles-Quint jusqu'à la fin du gouvernement d'Ah 
bert et d'Isabelle. — Livre lU. Fin du règne d'Albert et d* Isa- 
belle , jusqu'à Npoque de la création de l'Académie impé- 
riale et royale de Bruxelles. — Livre IV. Depuis la création 
de r Académie de Bruxelles jusqu'à 1830. — Aperçu géné- 
ral. — Appendice. 

Dans l'introduction, Tauteur retrace à grands traits This- 
toire des sciences depuis les Grecs, • à qui Ton est surtout 
redevable d'en avoir recueilli les premières notions chez leurs 
voisins et d'avoir puissamment contribué à les développer. • 



( 168 ) 

Il expose le plan qu'il se propose de suivre : il s'arrêtera , 
dit-il, à l'époque de 1830 , comptant faire des temps posté- 
rieurs l'objet d'un ouvrage particulier. 

Nous ne pouvons natarellement présenter qu'un résumé 
très rapide des quatre livres qui viennent après cette intro- 
duction. ^ 

On fait commencer généralement la reprise des sciences 
mathématiques à l'époque du pape Sylvestre II. La Belgique 
eut une part très active à ce mouvement de l'esprit humain. 
Au treizième siècle, le goût des sciences s'était répandu dans 
toute l'Europe. Deux siècles plus tard, l'Université de Lou- 
vain est fondée, mais elle ne porte son attention sur les 
sciences et surtout sur les sciences mathématiques , que 
lorsque Charles-Quint est venu donner une vive impulsion 
au développement de l'intelligence dans notre pays. Elle ap- 
pelle alors au nombre de ses professeurs Gemma Frisius, 
plus célèbre encore par ses élèves que pas ses ouvrages. 
L'étude de la géométrie fait des progrès rapides , et parmi 
ceux qui se distinguent le plus , il convient de citer en pre- 
mière ligne les géographes Mercator et Ortelius. 

Les persécutions religieuses forcèrent ensuite les Simon 
Stevin, les Philippe Van Laensberge et tant d'autres de quit- 
ter la Belgique. Il se fit dans le pays un vide déplorable, et 
lorsque, après l'avènement des archiducs Albert et Isabelle, 
la tranquillité se rétablit, les jésuites durent se charger de 
réparer les pertes occasionnées parla tyrannie du duc d'Albe. 
Anvers devint lé principal centre d'enseignement des révé- 
rends Pères : ils avaient des savants d'une grande force, 
qui se mêlaient fort peu de politique. M. Chasles cite le 
P. d'Aiguillon , comme l'auteur de la projection stéréogra- 
phique : • Les principes de cette projection, • dit-il, « trans- 



( Î69) 

portés aux . surfisices du second de^é, forment aujourd'hui 
une méthode de recherches en géométrie rationnelle. » [On 
se rappellera Pheureux usage que Queteiet et surtout Dan- 
delin firent de cette méthode). — L'un des membres les plus 
illustres de POrdre fut Grégoire de Saint-Vincent ^*, dont les 
nombreuses inventions en géométrie excitaient l'admira- 
tion de Leibnitz. — Une école scientifique qui s'était formée 
à Liège sous le protectorat des jésuites, fut un autre centre 
qu'il ne faut pas perdre de vue quand on étudie l'histoire 
des sciences dans nos provinces. 

Pendant que les jésuites originaires de Belgique montraient 
une ardeur si grande pour les sciences, plusieurs de leurs 
frères pénétraient en Chine et essayaient d'y propager la foi 
et d'y répandre leurs connaissances : parmi ceux-ci brille au 
premier rang le P. Verbiest, qui mourut à Pékin. 

Lorsque arriva le commencement du dix-huitième siècle , 
la Belgique scientifique dormait d'un profond sommeil. 
Simon Stevin , Grégoire de Saint -Vincent, le P. De la Faille, 
Tacquet, VanLangren, le chanoine de Sluze, avaient été 
les derniers représentants de la géométrie : api^s eux, 
on ne trouve plus à citer que Le Poivre, auteur d'un Traité 
des sections du qflindre et du cône considérées dans le 
solide et dans le plan , avec des démonstrations simples et 
nouvelles '*. 

L'Académie des sciences et belles-lettres de Bruxelles, 
fondée par Marie-Thérèse, rendit de grands services: res- 
taurée après la réunion de notre pays à la Hollande, elle eut 
quelque peine à se ranimer, mais bientôt une étude suivie 
de la géologie du pays , et des recherches de géométrie pure 
attirèrent sur elle l'attention du monde savant. — Des insti- 
tutions utiles furent créées par le gouvernement des Pays- 



( 170) 

Bas , et les sciences avaient trouvé de nombrepz adeptes, 
lorsque survint la révolution de 1830. 

L'ouvrage se termine par un tableau synchronique des- 
tiné à rendre sensibles les diverses phases scientifiques par 
lesquelles la Belgique a passé successivement. « On remar- 
quera , » dit Tauteur, » que le développement des lumières 
suit toujours d'un temps plus ou moins long les causes qui 
l'ont fait naître; mais il n'en est peut-être pas de même de 
leur extinction. • 

Quetelet nous apprend dans un Appendice , que l'Histoire 
des sciences mathématiques et physiques chez les Belges 
était composée depuis longtemps. Il veut dire sans doute 
qu'il en avait préparé les matériaux. Le plan général est bon, 
mais l'ouvrage laisse à désirer pour l'ordre et la méthode, et 
il faut regretter que les matériaux n'aient pas été mis en 
œuvre par une main plus sûre. 

L'ouvrage intitulé : Sciences mathématiques' et physiques 
chez les Belges, au commencement du XI X^ siècle, que 
Quetelet fît paraître en 1866, renferme peu de choses nou- 
velles. Le cadre est le suivant : Préface. — Livre premier. 
État général des sciences. — Livre II. Savants belges, — 
Livre IIL Littérateurs et artistes belges. — Livre IV. Sa- 
vants et litérateurs étrangers. Leurs relations avec la 
Belgique. 

L'auteur, après avoir résumé rapidement l'histoire des 
sciences et les bienfaits dus à l'institution des Académies , 
fait ressortir « les avantages qu'on peut retirer de travaux 
combinés entre eux et dirigés vers un même but, • et « la 
supériorité de l'association d'une réunion d'hommes sur les 
efforts du génie humain le mieux organisé, abandonné à ses 
forces individuelles au milieu des grandes œuvres de la créa- 



( 171 ) 

• 

Uon.» Il revient ensuite à la Conférence maritime de 1853 et 
aux Congrès de statistique. A propos du Congrès tenu à Lon- 
dres en 1860,11 donne un long extrait du discours d'ouverture, 
prononcé par le prince Albert, et cite comme principal résultat 
de cette réunion, l'ouvrage qu'il a fait paraître avec M. Heus- 
chling,au commencement de 1866, sous le titre: Statistique 
internationale (population), publiée avec la collaboration 
des statisticiens officiels des différents États de t Europe et 
des États-Unis d'Amérique. Il présente ensuite un exposé des 
services rendus par l'Académie de Bruxelles , en remontant 
à la création du royaume des Pays-Bas ; il s'étend particuliè- 
rement sur les travaux relatifs aux mathématiques et à la 
physique; puis il parle de l'Observatoire, de la Commission 
centrale de statistique et d'autres sujets qu'il a déjà traités 
plus d'une fois. 

Tout ce premier livre est faible; il est assez mal écrit, sans 
ordre et sans méthode, avec des redites et des phrases par- 
fois incohérentes. Les autres livres contiennent des notices 
biographiques empruntées aux Annuaires de l'Académie, au 
Bulletin de la Commission centrale de statistique et aux 
Annales des travaux publics de Belgique. 

L'auteur disait dans la préface : « Cet écrit et l'Histoire 
des sciences mathématiques et physiques chez les Belges , 
auquel il fait suite , servent en quelque sorte d'introduction 
à trois ouvrages, ^ue je publierai successivement avec l'aide 
de mon 61s, attaché depuis onze ans à l'Observatoire royal 
de Bruxelles. Les trois ouvrages sur l'os^ronom/e, U météo- 
rologie et la physique du globe comprendront les résultats 
des travaux d'observation faits chez nous, pendant les 
trente-cinq dernières années. » 

De ces trois ouvi'ages , le second seul a paru en 1867 , sous 



( 17«) 

le titre : Météorologie de la Belgique comparée à celle du 
globe. Il comprend une introduction et quatre livres. 

L'atmosphère, comme on Ta déjà dit, se compose, d*après 
Fauteur, de deux parties, !*une Inférieure et constamment 
agitée, Vautre supérieure et soumise seulement aux mou- 
vements réguliers de rotation et de translation de la terre. 
Les phénomènes qui se manifestent dans Patmosphère mo- 
bile forment Tobjet de la météorologie, La physique du globe 
traite de ceux qu'on observe dans la partie supérieure de 
l'atmosphère et immédiatement au-dessous de la partie infé- 
rieure, à la surface du sol et à une petite profondeur. Bien 
au-dessus de cette double enveloppe, les mouvements et les 
propriétés des corps célestes constituent le domaine de 
Vastronomie. 

L'auteur annonce que dans les deux premiers livres de la 
météorologie il s'occupera spécialement des éléments relatifs 
à la ville de Bruxelles ; dans le troisième livre, il étendra 
ses recherches à la Belgique entière, et dans le quatrième , 
il examinera les modifications qu'éprouvent nos éléments 
météorologiques, en passant aux pays voisins. Chaque livre 
est divisé en chapitres qui traitent de la chaleur; — de 
la pression de Vair ; — des vents ; — de Vhygrométrie ; 
— des pluies ; — de V électricité ; — des phénomènes lumi" 
neux. 

Dans l'ordre de publication des ouvrages de Quetelet, 
nous arrivons maintenant à la seconde édition de sa Physique 
sociale, sous le titre : Physique sociale ou Essai sur le déve* 
loppement des facultés de l'homme ] 2 vol, in-8o. Bruxelles, 
1869. 

Cette seconde édition , dédiée aux délégués des divers États, 
chargés de la formation dune statistique internationale j 



( 175 ) 

est précédée de Particle que sir John Herscbel avait consacré 
en 1850, dans la Revue d'Edimbourg , aux Lettres sur la 
théorie des probabilités. L'auteur a conservé le cadre de 
l'édition de 1835, auquel il n'y avait en effet rien à changer; 
mais n'ayant plus la force ou le courage de remanier les divers 
chapitres, pour y faire entrer les documents dont la statis- 
tique s'était enrichie depuis quarante ans , il s'est contenté 
d'ajouter au texte primitif des notes et des suppléments, ce 
qui jette une certaine confusion dans l'ouvrage et le rend 
assez difficile à lire. 

Avant de passer à V Anthropométrie de Quetelel,le dernier 
ouvrage qu'il ait publié, nous donnerons, d'après le Bulletin 
des sciences mathématiques et astronomiques , paraissant à 
Paris, une idée de la courbe binomiale, à laquelle il attachait 
un grand prix , et dont il a plus d'une fois entretenu l'Aca- 
démie de Belgique pendant les dernières années de sa vie : il 
y revenait, on peut le dire, avec amour. 

« Que l'on suppose tous les hommes de vingt ans, d'un 
même pays , couchés sur l'horizontale ca^ dans le même sens , 
les pieds en c, les têtes des plus grands en a, des plus petits 
en b; qu'on élève, en chaque point, de 6 en a , des verticales 
ou ordonnées, égales en hauteur au nombre de tètes qui 
viennent s'appuyer en chacun de ces points ; les extrémités 
supérieures de ces droites seront sur une courbe régulière et 
symétrique par rapport à la perpendiculaire au milieu de ba. 
Cette courbe que l'auteur appelle binomiale, est l'une de 
celles que l'on emploie, dans le calcul des probabilités , pour 
rendre plus sensible la répartition des événements. De là 
résulte que Ton peut considérer l'homme de taille moyenne 
comme un type, et la différence entre cet homme et les 
autres comme des erreurs accidentelles, commises dans la 

15 



(174) 

réalisation de ce type, et se répartissant suivant la loi ordi- 
naire des probabilités. 

» Si, au lieu de considérer les (ailles, on considère les 
poids, la courbe binomiale obtenue n'est plus symétrique 
par rapport à son ordonnée maximum, c'est-à-dire que les 
deux termes du binôme ne sont plus égaux. 

» Cette loi semble embrasser tous les corps vivants, non- 
seulement ceux de Tespèce humaine, mais les corps simi- 
laires du règne animal et même du règne végéial. • 

V Anthropométrie ou mesure des différentes facultés de 
r homme parut en 1871 ; sir John Herschel en avait accepté 
la dédicace. 

C'est peut-être le plus faible des ouvrages de Quetelet , au 
point de vue de la forme. Plusieurs chapitres avaient été 
publiés, de 1848 à 1850, dans les Bulletins deTAcadémie, 
et il faut regretter vivement que Tauteur n'ait pas pu termi- 
ner l'ouvrage à cette époque , quand il jouissait encore de la 
plénitude de ses facultés. Si l'on en retranchait les redites 
et les emprunts faits à la Physique sociale, on aurait un 
volume réduit des deux tiers , et d'un très haut intérêt. 

Les recherches de Quetelet sur les proportions du corps 
humain lui avaient coûté beaucoup de peines et beaucoup 
d'argent, et il s'en était occupé pendant de longues années. 
Plusieurs de ses confrères à l'Académie, parmi lesquels il 
cite spécialement M. Gluge, et des artistes d'un grand mérite 
lui avaient prêté leur aide et leur concours. 

V Anthropométrie est divisée en cinq livres dont voici les 
titres : Livre I. Sur les proportions du corps humain. — 
Livre II. — Sur les proportions humaines chez les anciens 
et chez les modernes. — Livre III. Moyennes et limites de la 
croissance. — Livre IV. Population moyenne; expériences. 



(175) 

— Livre V. De l'Anthropométrie et de l'avenir de cette 
science. 

L'auieur présente le résumé suivant de son ouvrage : 
« Dans le premier livre , j'ai essayé de tracer largement les 
principes les plus importants de ranlhropométrie... — J'ai 
essayé de donner dans le second livre , un aperçu des princi- 
paux travaux sur les proportions de l'homme. -- [La] théorie 
des proportions moyennes [était] inconnue aux anciens et 
[n'a] guère été cultivée par les modernes. Un peuple ne doit 
[point] être considéré comme un assemblage d'hommes 
n'ayant aucuns rapports entre eux; il forme un ensemble des 
plus parfaits, composé d'éléments qui jouissent des pro- 
priétés les plus belles et les plus admirablement coordonnées. 
C'est ce bel ensemble que j'ai tâché de rappeler dans le troi- 
sième livre. Qu'on prenne les hommes d'un même âge, [ceux 
de] trente ans, par exemple; qu'on les mesure pour la hau- 
teur, pour le poids , pour la force ou pour toute autre qua- 
lité physique quelconque, même pour une qualité intellec- 
tuelle ou morale, et l'on verra ces hommes se ranjçer ù leur 
insu et d'après la grandeur des mesures, de la manière la 
plus régulière... [Ils se classeront] numériquement pour 
chaque âge, comme les ordonnées d'une même courbe. Cette 
loi est uniforme , et la courbe que j'appelle binomiale reste 
la même. [La] loi [avait] été entrevue par quelques philoso- 
phes, mais sans qu'ils fussent frappés de l'élégance et de la 
généralité qu'elle comporte. — Le quatrième livre traite 
spécialement des parties les plus intéressantes delà théorie 
de l'homme, en faisant usage du langage mathématique. — 
Dans le cinquième et dernier livre, j'ai essayé de faire voir 
que les mêmes formules qui m'ont servi à déterminer la 
partie physique de l'homme, peuvent également servir à dé- 
terminer ses qualités intellectuelles et morales. » 



(176) 

Entrons maintenant dans quelques détails : ils feront 
comprendre Touvrage mieux que les titres un peu vagues 
des livres et leur résumé donné par Fauteur lui-même. 

L'auteur croit avoir réussi à démontrer que non-seule- 
ment Tunité de l'espèce humaine existe, mais encore que 
notre espèce admet un type ou module dont on peut facile- 
ment déterminer les différentes proportions. Il a donné à ce 
type le nom d'homme moyen : la preuve de son existence se 
trouve dans la manière même dont les nombres obtenus pour 
chaque partie du corps se groupent autour de la moyenne , 
en obéissant à la loi des causes accidentelles. Ces causes 
sont-^lles assez nombreuses et assez influentes pour qu'il 
soit nécessaire de recourir à un grand nombre de personnes 
pour éliminer les particularités qu'elles présentent? L'expé- 
rience nous apprend que non. « J'ai mesuré, • dit Quetelet, 
a trente individus de même âge, régulièrement construits 
et j'en ai formé trois groupes de dix individus chacun. Après 
ces déterminations, j'ai pris les moyennes pour chaque partie 
du corps de chacun de ces groupes , et , en considérant les 
moyennes comme appartenant à trois personnes distinctes, 
je les ai comparées entre elles : elles diflféraient si peu , qu'en 
mesurant un même modèle trois fois de suite, j'eusse obtenu 
entre les valeurs des différences plus grandes. Ce résultat 
inattendu a singulièrement abrégé mon travail... Je me suis 
borné à mesurer avec soin dix individus de chaque âge, chez 
les hommes comme chez les femmes. Les moyennes des 
divers groupes me donnaient le développement d'année en 
année, et la continuité de ces nombres me permettait de 
juger, par une autre voie, du degré de confiance qu'ils pou- 
vaient inspirer. J'ai pris ensuite, à chaque âge, la taille 
pour unité et j'ai ramené tous les nombres à cette nouvelle 






/ 



i ( 177 ) 

échelle , ce qui m'a permis de juger quels sont les membres 
^ qui, comparativement à la taille totale, prennent aVec l'âge 
le développement le plus rapide. • 

La fixité du type humain n'est pas telle qu'il ne puisse 
subir l'influence de causes constantes ; mais la loi des causes 
accidentelles ne sera point effacée, il arrivera seulement que 
les oscillations se feront autour d'une moyenne plus ou 
moins grande. Nous pouvons également élargir ou resserrer 
les limites entre lesquelles les oscillations s'accomplissent. 
La couleur, sur laquelle ou a établi en général les divisions 
que l'on admet entre les hommes , n'est pas de nature à dé- 
truire l'unité de l'espèce. 

Ce qui semble le plus merveilleux, c'est que l'ordre général 
des choses et les lois de la création ne reçoivent aucune 
atteinte par l'intervention Aumaioe. L'enfant naît organisé 
comme il Tétait aux premiers âges du monde , il apporte les 
mêmes qualités, les mêmes aptitudes, les mêmes facultés 
intellectuelles, les mêmes penchants au bien comme au mal , 
mais le milieu dans lequel il se trouve et l'éducation qu'on 
lui donne vont le diversifier. 

L'auteur revient ensuite à Pidée du beau dans les arts, et 
il persiste à croire que le beau absolu n'existe pas. Beaucoup 
de philosophes, dit-il, ont rangé l'appréciation du beau 
parmi nos idées-mères ; d'autres croient que nous n'arrivons 
à ce sentiment que par l'observation; et, dans le fait, nous 
ne regardons comme belles que les formes auxquelles nous 
nous sommes habitués , ou vers lesquelles notre goût parti- 
culier nous entraîne. 

Il explique comment il faut entendre le principe qui fait 
de l'homme moyen le type du beau : le type qui convient à la 
généralité des hommes se modifie selon au'on veut repré- 

15. 



( 178) 

senter plus spécialement la grâce, la force ou toute autre 
qualité physique du corps; il faut, en ce cas, donner une 
prépondérance à certaines proportions. Xa physionomie joue 
aussi un grand rôle ; la pensée et la passion peuvent opérer 
une espèce de transfiguration. La connaissance seule des 
proportions ne rendrait pas plus de services pour composer 
une belle statue que celle de la grammaire pour composer 
un beau poème. 

Dès la plus haute antiquité, on s'était occupé des diffé- 
rentes parties du corps de Fhomme et des rapports qui 
existent entre elles. Les Grecs et les Romains tournèrent éga- 
lement leur attention vers ce sujet : à la renaissance , il fut 
traité par le statuaire Léon -Baptiste Alberti et par les 
peintres Léonard de Vinci et Albert Durer. L'auteur analyse 
les ouvrages sur les proportions , que ces artistes nous ont 
laissés. II passe ensuite en revue les travaux analogues des 
Allemands modernes, des Belges et des Hollandais. Puis 
vient le tour des Français, des Anglais, des Espagnols. 

La plupart des auteurs qui ont écrit sur les proportions 
humaines ont choisi quelques modèles qu'ils jugeaient les 
mieux conformés, et ils se sont attachés à les faire connaître. 
Les uns ont donné la préférence aux statues antiques, d'autres 
ont pris leurs mesures sur des modèles vivants , quelques 
autres enfin ont présenté des mesures qu'ils avaient conçues 
dans leur propre imagination. 

Quetelet , ainsi qu'on l'a déjà vu , s'est borné à mesurer 
dix individus de chaque âge, des deux sexes, mais il a eu 
soin de les prendre d'une forme qu'on pouvait regarder 
comme régulière. Les moyennes sont données à la lin du 
volume, pour chaque âge, de à 20 ans inclusivement; 
puis à 25, 30 et 40 ans. Les proportions sont exprimées en 



(179 ) 

mesures métriques, et pour chacune des parties mesurées, on 
a calculé le rapport entre les deux extrêmes cori-espondant 
à et à 40 ans ; elles concernent les hommes et les femmes 
pris séparément et forment huit tableaux ; dans huit autres 
tableaux , on donne les valeurs relatives , en prenant pour 
unilé la hauteur totale de Tindividu. 

L'auteur a mesuré dix modèles de femmes belges et il a 
rapproché ses mesures de celles fournies par Aux beaux 
modèles romains , par une femme espagnole et par un mo- 
dèle français : « on pourra voir , » dit-il , » que les différences 
sont purement accidentelles. » II y a plus : tout, d'après lui , 
tendrait à établir que le type humain , dans nos climats , est 
identique avec celui qu'on déduit de l'observation des statues 
anciennes les plus régulières. La iinesse et la beauté des 
traits, l'expression de la physionomie, l'élégance des formes 
peuvent ne pas être les mêmes , sans pour cela que les pro- 
portions soient différentes. 

Si l'on considère l'espèce humaine dans toute sa généra- 
lité, les grands linéaments varient fort peu pour les diffé- 
rents pays et pour les différentes races ; les caractères qui 
les séparent se trouvent dans des parties d'une apprécia- 
tion moins facile: l'angle facial. la largeur du nez , l'épaisseur 
des lèvres, la couleur, la chevelure, la barbe, etc. C'est la 
conclusion que lire Quetelet des mesures qu'il a prises sur 
des Indiens , des Chinois et des Cafres pendant leur séjour 
à Bruxelles. 

XIII. ~ Conclusion. 

Nous sommes arrivé à la fin de la tâche que nous nous 
étions prescrite ; nous avons raconté ce que nous connais- 






le 



( 180) 

sions de la vie de Quetelet, et nous avons apprécié ses 
œuvres avec impartialité et bonne foi , en nous appuyant sur 
le sentiment des étrangers , toujours mieux placés que les 
compatriotes pour bien juger. 

Les recherches de Quetelet sur Thomme et sur le déve- 
loppement de ses facultés seront son éternel honneur. 

L'Observatoire qu'il a créé a beaucoup ajouté à nos 
connaissances sur la météorologie et sur la physique du 
globe: sa force productive sous ce rapport était signalée en 
1850 dans les termes les plus élogieux par sir John Herschel. 
Des physiciens tels que De la Rive, Faraday, Wheatstone ont 
rendu pleine justice aux travaux de cet établissement. No- 
tons encore ce que disait M. Gh. Sainte-Claire Deville , à la 
séance du 2 mars 1*74, de l'Académie des sciences de Paris, 
après que M. Ëlie de Beaumont eut annonce la mort de 
Quetelet : a La météorologie est une des sciences qui a le 
plus longtemps et le plus vivement occupé Tesprit si net et 
si varié de M. Quetelet. Pendant plus de quarante ans , il a 
dirigé TObservatoire météorologique , annexé par lui à l'Obser- 
vatoire astronomique de Bruxelles. Il a publié avec tous leurs 
détails (aidé dans ces' derniers temps par un fils digne de lui , 
M. Ernest Quetelet), les observations recaeillies par lui depuis 
1852 : il en a calculé les moyennes et déduit les conséquences 
les plus intéressantes. Enfin il a étudié, avec un soin parti- 
culier , le retour des phénomènes périodiques (végétation , 
passage d'oiseaux , etc.), et l'on peut dire qu'il a laissé le vrai 
modèle a suivre dans ce genre de travaux. » 

L'astronomie n'a sans doute pas à Quetelet personnel- 
lement les mêmes obligations, mais il en a réveillé le goût, 
et c'est à son impulsion que la Belgique est redevable des 
nombreux travaux que cette science a vu naître chez nous 



^ 



(181) 

depuis quarante ans ; c*est lui qui a dirigé les grandes opéra- 
lions par lesquelles l'Observatoire de Bruxelles a été relié à 
ceux de Greenwich et de Berlin ; enfin il a été le promoteur 
des belles observations sur les étoiles à mouvements propres 
qui ont établi la réputation dé M. Ernest Quetelet à l'étran- 
ger. 

Comme géomètre, Quetelet a fait preuve d'un véritable 
esprit d'invention ; comme littérateur et comme poète, son 
mérite ne saurait être contesté. 

lia donné une vive impulsion àj'étude des sciences en 
Belgique; on peut dire qu'il a créé l'Académie comme il a 
créé l'Observatoire, et la Commission centrale de statistique 
lui doit une grande partie de son renom. 

Le professeur ne sera jamais oublié, tant qu'il ^restera de 
ses élèves , et l'on ne saurait mieux peindre l'homme privé., 
qu'en lui appliquant ce passage de son éloge de l'astronome 
Schumacher : « Ceux qui l'ont visité savent qu'il exerçait 
l'hospitalité de la manière la plus grande et la plus affec- 
tueuse. Son commerce était très agréable; avec une instruc- 
tion fort étendue, il causait d'une manière attrayante sur les 
sujets les plus divers: sciences , lettres , arts , les objets même 
futiles en apparence, rien ne lui était étranger. Sa conversa- 
tion était gaie, spirituelle, relevée quelquefois par un léger 
grain de causticité qui jamais ne blessait personne , mais qui 
tendait à mettre en relief le côté plaisant des choses. » 

II était membre de l'Académie des sciences morales et 
politiques de l'Institut de France , de la Société royale de 
Londres, de la Société astronomique de la même ville, de 
r Académie des sciences de Berlin, de l'Académie des sciences 
de Saint-Pétersbourg et de bien d'autres sociétés savantes- 
qu'il serait trop long d'énumérer. On s'est étonné quelque 



( 18S ) 

fois qu'il n'eût pas été nommé de T Académie des sciencef^ 
de Paris : cet étonnement aura cessé quand on a vu, con- 
tre Tusage, les deux secrétaires perpétuels de TÂcadémie; 
MM.ÉliedeBeaumont et Dumas, et IMM.Chasles et Ch. Sainte- 
Claire Deville, exprimer, à la séance du 2 mars, les \ifs 
regrets que la mort de notre compatriote avait inspirés , et 
qu'on a pu lire les paroles suivantes , prononcées par le pre- 
mier de ces académiciens : » L'annonce de la mort de Tillustre 
savant a été adressée officiellement, ainsi que cela devait 
être , à l'Académie des sciences morales et politiques , dont 
il était devenu associé étranger , après en avoir été corres- 
pondant depuis de longues années, comme étant Pun des sta- 
tisticiens les plus éminents de l'Europe. Pour celte raison, 
M.Quetelet ne tenait à l'Académie des sciences par aucun lien 
oflBciel direct, mais il y tenait en quelque sorte virtuellement 
par l'importance de ses travaux, dans plusieurs des sciences 
que l'Académie cultive. H se plaisait à assister à ses séances, 
chaque fois qu'il venait à Paris , et , par l'étendue de ses 
connaissances aussi bien que par l'aménité de ses manières 
et l'élévation de son caractère , il avait su conquérir un rang 
des plus éminents daps l'estime et l'affection de tous ses 
membres. Une perte aussi sensible pour tous ceux qui ont 
connu M. Quetelet ne pouvait passer inaperçue \lans une 
assemblée aux travaux de laquelle il avait si souvent associé 
les siens , dans l'astronomie , la météorologie , la statistique , 
les mathématiques, etc. » 

Avons-nous besoin de Ynentionner les nombreuses déco- 
rations envoyées à Quetelet de tous les pays : il était de ces 
hommes qui honorent les Ordres auxquels ils appartiennent. 
Bornons-nous à rappeler que le Roi des Belges lui avait remis 
lui-même les insignes du grade de grand officier de l'Ordre 



( 183 ) 

de Léopold . dans la séance publique ou l'Académie célébra , 
le 7 mai 1866 , le cinquantième anniversaire de sa réorgani- 
sation. 
Bruxelles, le 7 septembre iH7i. 

Éd. Maillt. 



NOTES. 



* Hommage au talon de Gand. MDGGÇXII. Par un membre 
de la Société des beaux-arts, 5™® et dernier numéro, daté du 
22 août 1812 [dans le t. Il des Miscbllanbâ offerts par M. Gornelis- 
sen, le 20 avril 1837, à l'Acàylémie des sciences et belles-lettres de 
Bruxelles.] « ... De»sin$.., Adolphe Quetelet a exposé un groupe 
d'après un bas-relief de Duquesnoy ; c'est incontestablement un des 
plus beaux dessins du Salon , et qu! a valu à son auteur (1) le pre- 
mier prix au Lycée de Gand ; mais dans cette institution utile, qui 
compte en cette ville des professeurs du plus grand mérite*, ce jeune 
bomroe a remporté plusieurs autres premiers prix bien plus impor- 
tants dans la hiérarchie de l'instruction; il honore le Lycée par de 
grands succès dans tous les genres. 

» (1) Fils d'un père officier municipal , qui dans des temps diffi- 
ciles a rendu avec probité et désintéressement des services que l'ad- 
ministration n'a pas oubliés **. » 

• Le Lycée de Gand, orgnnisc par un décret impérial du M jan- 
vier 1808, avait été mis en activité le 1" mai de la même année. 
Un décret du 12 mars 1812 l'avait élevé à la deuxième classe. 
Voici quel en élail le personnel à cette époque : Proviseur^ 
M.Bayard; Professeurs: rhétorique, Ph. Lesbroussart ; 2"« année 
des humanités, L'Homandie; I" année des liumanités, Avril 
S* Firmin ; 2»n« année de grammaire, Tardival; iw année de gram- 



(IM) 

maire, Deschamps; physique et chimie, Dellard; mathématiques 
spéciales, Richard de Rochelines; mathématiques élémentaires, 
Guvet; maître de dessin, De Gauwer, aîné; maître de musique. 
Gh. Ots. 

** Il s'appelait François-Augustin -Jacques-Henri Quetelet, était 
né le 29 août 1756 à Ham, en Picardie, et mourut à Gand en 1805. 
Très jeune encore il avait quitté la France pour aller en Angle- 
terre ; il paraît même qu'il s'était fait naturaliser anglais. En Ecosse, 
il avait fait la connaissance d'un noble, dont il était devenu le se- 
crétaire et avec qui il avait voyagé sur le continent et parcouru la 
Hollande, l'Allemagne , la Pologne et l'Italie. Après quelque temps 
de séjour dans ce dernier pays, le noble écossais était venu à mou- 
rir, et quoiqu'il eût promis à Quetelet de lui laisser une forte pen- 
sion, celui-ci ne put rien obtenir de la famille et alla s'établir à 
Gand. Il s'y trouvait déjà en 1787, et s'était enrôlé dans la 3°^ com- 
pagnie de volontaires. Le 12 juin 1790, il fut admis comme bour- 
geois {Poorter) de la ville , après avoir fait ses années d'apprentis- 
sage pour exercer l'état de mercier; néanmoins, il ne figure au 
livre des Francs-Merciers qu'en 1791-1793. 

* Get établissement avait été fondé par M. P.-J. Maquaire , de 
Gand. 

s Voir le JourfialdeGand du 7 décembre 1814. 

* L'installation du collège eut lieu le 3 avril 1815, dans le local 
de l'ancienne abbaye de Baudeloo. 

^ Gh. Ots était né à Bruxelles : M. Fétis lui a consacré un article 
dans la Biographie universelle des Musiciens , mais il ne cite que sa 
musique d'église. 

^'Les amateurs de curiosités trouveront l'analyse de cette pièce 
dans le Journal de Gand du 20 décembre 1816. « Le poème , » y 
lit-on , « est l'ouvrage de deux jeunes gens qui cherchent dans la 
littérature dramatique d'agréables délassements à des occupations 
plus sérieuses. Quoique l'invention n'en soit pas neuve, il est plein 
de détails charmants... La musique de M. Ots a rempli et surpassé 
toutes les espérances ; elle est pleine de grâce et de ce sentiment 



I' 



( 1«5 ) 

saus lequel la musique chantée perd tout son charme... Au total la 
pièce a réussi... » Un autre opéra de Gh. Ots, intitulé : David Te- 
nt'ers, fut joué six fois sur le théâtre de Gand , du 28 octobre 1818 
au 18 février 1819, elle compositeur dédia sa partition au prince de 
Saxe-Weimar. 

7 Gassel était do<îteur en médecine et avait été professeur de 
sciences naturelles au Gymnase royal de Cologne. Le 18 jan- 
vier 1819, il fut élu membre de l'Académie des sciences et belles- 
lettres de Bruxelles, et , en 1820 , il publia sous le titre de Morpho^ 
nia Botanica, des observations nouvelles sur la proportion des 
parties dans les organes des végétaux , et des inductions qui jus- 
qu'alors n'avaient pas encore été tirées de la considération de ce 
genre de caractères. Les figures de cet ouvrage furent litbogra- 
phiées (Taprè» le» dessim de Quelelet, Gassel mourut à Gand le 
8 juin 1821. 

s On pourra se faire une idée des prétentions de Gh. Hauff, 
d'après la lettre suivante qu'il écrivit, le 20 janvier 1821 , aux ré- 
dacteurs des Annales belgiques (t. VII, p. 82} : « En date du 
12 septembre 1819 , M. Van Rees, docteur à l'Université d'Utrecht, 
m'a adressé une censure de ma théorie des parallèles , publiée au 
commencement d'août de la même année... Nous sommes convenus 
de choisir pour arbitre dans cette dispute M. Le Gendre, à Paris. 
Get académicien ayant adopté les erreurs de mon adversaire et dé- 
cidé en sa faveur , je suis réduit à la nécessité de soumettre notre 
dispute au jugement de toute la république littéraire , ce que je 
ferai dans un recueil de suppléments à ma théorie,... dans lequel je 
ne manquerai pas de réfuter les erreurs de M. Le Gendre, comme 
j'ai réfuté autrefois celles de MM. La Grange et Lacroix. » 

M. Van Rees, dont il est ici question, fut plus tard un des profes- 
seurs les plus distingués de l'Université de Liège. 
9 Notice biographique de Raoul. 

<o Quetelet eut pour successeur au collège de Gand M. Lemaire, 
son élève et son adjoint , et celui-ci fut remplacé par M. Timmer- 
mant. 

16 



( 186 ) 

** Notice biographique du commandeur de Nieuport. 

^^ On Ut dans le procès-verbal de la séance du 14 mai 1790 : 
Sur la proposition de BI. le commandeur de Nieuport , la Compa- 
gnie prit la résolution de souscrire sur les fonds de l'Académie 
quatre pièces d'artillerie de campagne de six livres de balle, à rate 
de trente louis d'or chacune, et le secrétaire fut chargé d'en donner 
la soumission et de payer en qualité de trésorier provisionnel In 
somme de 130 louis d'or sur demande. » 

>s Voici l'extrait d'un article écrit par Nieuport en 1812 et in- 
séré dans VEipril de» journaux , sous le titre : Sur la préférence à 
donner au lalin,dan» les ouvrages qui concernent les sciences et la 
littérature ancienne, c... Ën6n un dernier avantage, non moins pré- 
cieux , que présente l'usage des langues mortes, est celui de pou- 
voir publier, sans aucun inconvénient, des découvertes, des ré- 
flexions, des détails, etc. , que soit par décence , soit par quelque 
motif relatif au bien général, il n'est pas convenable de livrer aux 
personnes qui, dépourvues d'instruction, chercheraient tout au 
plus à en abuser. Qui 8ait même si on ne pourrait pas étendre cette 
considération jusqu'à la liberté de la presse, accordée en latin seu- 
lement , avec défense expresse de traduire aucun pareil ouvrage 
moderne, sans un octroi préalable. » Cet article a été reproduit par 
Nieuport dans son livre : Un peu de tout ou amusements d'un sexagé- 
naire, l vol. in-80; Bruxc^lles, 1818. 

^* Notice biographique du baron de Reiffenberg. 

^s La Société de littérature, constituée le 10 janvier 1800 , avait 
été réorganisée le 17 janvier 1819. Le même jour elle avait renou- 
velé son bureau d'administration : M. Legros avait été réélu prési- 
dent annuel ; M. Lecocq avait été nommé secrétaire perpétuel , 
BI. Vautier , secrétaire annuel, et M. de Scheppere, trésorier. 

*^ La. bataille de Nieuport, gagnée en 1600 sur les Espagnols 
par Maurice de Nassau , et la bataille de Waterloo. 

*^ Revue encyclopédique, numéro de février 18âS. 

is Numéro d'août 1830. On pourrait demander comment un 
mémoire présenté à l'Académie le 14 octobre a pu faire l'objet d'une 



( 187 ) 

analyse dans le numéro d'août des Annales belgiques : mais cette 
espèce de contradiction s'explique fort bien par le retard que 
subissent souvent les numéros d'un recueil périodique. 

*^ jénnales belgiques t numéro de janvier t821. 

*o Numéro de février 1822. 

'1 Résumé d'une nouvelle théorie des caustiques. 

•^ ibidem. 

*^ C'est ce qui fut fait simultanément par Gergonne dans les 
Annales de.Nismes, numéro de juillet t82{>, et par Quetelct dans la 
Correspondance matliématique , t. I,p. i47. 

^* Correspondance mathématique , t. I, p. 336. 

"^^ Annales de Nismes, numéro d'avril 1826. 

^^ Résumé d'une nouvelle théorie des caustiques. 

''7 Numéro de septembre 182£^. — Le Bulletin des sciences ma- 
thématiques ^'etc ,du baron de Ferussac, consacra également (t. VII, 
p. 15; t. VIII, p. 102; t. XII , p 192) plusieurs articles à ce mé- 
moire et au suivant: nous avons mis à profit les analyses qu'il en 
donne. 

^ Correspondance mathématique , l. V, p. 188. 

«9 Ibidem, i. VI, p. 207. 

50 ibidem, t. X, p. 478. 

51 ibidem, t. V, p. 361. 
3« Ibidem, i. IV, p. 393. 

•»' De Vastronomie dans l'Académie royale f(e Belgique. — Rap- 
port séculaire (1772-1872). 

34 Bulletin des sciences mathématiques, etc., du baron de Ferus- 
sac, t. VIII, p. 161. 

38 Le florin des Pays-Bas valait fr. 2 1 165 c". 

36 Annales du Musée den sciences et des lettres de Bruxelles ; \.l, 
Bruxelles, 1827. 

37 Le 10 mars 1844, quarante-quatre des anciens élèves de 
Quetelet lui offrirent un banquet : on comptait parmi les souscrip- 
teurs, MM. Liedis, président de la Chambre des représentants; 
Van Praet (Jules), ministre de la maison du roi ; le baron Henri 



( 188 ) 

d'Anethan, secrétaire adjoint du roi; Dejaegber, chargé d'affaires 
au Brésil; De Bavay (Antoine^, secrétaire général du ministère des 
travaux publics; Rody, administrateur de la sûreté publique; 
Ed. Stevens, directeur au ministère de l'intérieur; Misson (Victor) et 
Deham, chefs de bureau au même département; Vauthier (Aug.), 
chef de bureau au ministère des finances; Trumper, colonel d'état- 
major , directeur du dépôt de la guerre ; Nerenburger , lieutenant- 
colonel d'éiat-major ; De Man (Emile) et Groetaers (J.-B), capitaines 
du génie; Groetaers (Georges), ingénieur en chef des ponts et chaus- 
sées; Schockeel, capitaine-lieutenant de vaisseau, Colinez et De Man 
(Gustave), architectes; Kickx, Lemaire, Morren , Plateau, profes- 
seurs des Universités de l'État ; Verhuist, professeur à l'École mili- 
taire; De Bavay (Paul) et Mailly (Ed.), docteurs en sciences; des 
magistrats; des avocats, et parmi ceux-ci, M. Metdepenningen , de 
Gand ; M. Ycydt (Laurent), du Conseil provincial d'Anvers, etc. 

3S Cette minorité comprenait le baron de Keverberg de Kessel, 
conseiller d'État, MM. Doncker-Curtius et Ch. de Brouckere, 
membres de la seconde chambre des États Généraux , et Quetelet. 

39 Cette commission était composée de MM. Arnould, secrétaire 
inspecteur de l'Université deLouvain; Belpaire, ancien inspecteur 
des écoles , greffier au tribunal de commerce d'Anvers; Cauchy, 
professeur de minéralogie à l'Athénée de Namur, ingénieur des 
mines; J.-G.-J. Ernst, professeur à la faculté de droit de l'Univer- 
sité de Liège ; Charles Lecocq , ancien membre du Congrès national , 
ancien inspecteur des écoles; Quetelet, professeur au Musée des 
sciences et des lettres à Bruxelles. Elle devait être présidée par le 
ministre. 

*^ Au 31 décembre 1850, il avait été dépensé 128653 florins, 
outre 16000 fl. payés à M. Canzius pour achat de son cabinet 
(M. Canzius avait été constructeur d'instruments à Deift); en 1831, 
il fut dépensé pour compte du gouvernement hollandais , 38063 fl., 
et la somme portée au budget (hollandais) de 1833 s'élevait à 
162284 fl. Pour les ateliers de construction , le cabinet de minéra- 
logie, celui des instruments d'agriculture, etc., il restait à dé- 



( 189 .) 

peuser 16S000 11., ce qui portait la dépense totale, pour compte 
de r État, à 500000 fl. ' 

^1 Le palais de Tindustrie coûta à la ville de Bruxelles, 
578349 francs. 

** Notice biographique de M. Falck. 

*^ Notice biographique de M. Bouvard. 

^ Le premier article de Quetelet parut dans le numéro d'oc- 
tobre 16S3. 

^ Voir la Description de pliuieurs Observatoiret d'Angleterre, 
dans les t. IV et V de la Correspondance. 

^ Voir les /Vofe« extraites £un voyage scientifique, fait en Alk' 
magne pefuiant l'été de 1839, dans le t. VI de la Correspondance. 

*'' La plupart des détails relatifs à la fondation de l'Observatoire 
ont été empruntés aux pièces déposées dans les Archives de la ville 
de Bruxelles, pièces qui ont été mises obligeamment à ma disposi- 
tion par l'archiviste, M. A. Wauters, mon confrère à l'Académie. 

^ Correspondance , i. III, p. 307. 

49 Jbidem, t. III, p. 308. 

80 Ibidem j t. IV, p. 134. 

81 Jbidem, t. IV, p. 38 et p. 106. 
M Ibidem , t. IV, p. 46 et p. 177. 
>8 Ibidem, t. III, p. 34 et p. 145. 
M /6tVi«fn, t. VI, p. 311. 

88 De l'astronomie dans l'Académie royale de Belgique, — Rapport 
séculaire (1773-1873). 

86 Numéro de janvier 1838. 

87 Notice biographique de Smits. 

88 Les deux articles insérés dans la Revue encyclopédique parurent 
aussi dans la Correspondance mathématique, t. VII. Le premier, 
Sur, la possibilité de mesurer V influence des causes qui modifient les 
éléments sociaux, y figurait comme Lettre à M. le docteur Villermé, 

89 On trouve de nombreux détails sur les travaux de la réunion 
de Cambridge , dans les Notes extraiteê d'un voyage en Angleterre 
aux mois de juin et de juillet 1833. CoBBBsronDAiicB HATHteATiQiiB, 



( 190 ) 

t. VIU. — Quetelet assista également à la réunion de rAssoeialion 
Britannique, qui fut ouverte à Plymouth , le 39 juillet 1841. Il y 
fit connaître son système d'observations des phénomènes p^io- 
diques, dont il sera parlé plus loin, et le tableau des principaux 
phénomènes à observer fut inséré dans les Transactions de l'Asso- 
ciation. 

^ Les membres présents étaient : MM. Quetelet, directeur; de 
Reiffenberg , faisant les fonctions de secrétaire ; Cornelissen , Tbiry ^ 
Kestelool , Yan Mons,Dandelin , Pagani, Yandermaelen , Marchai , 
Dumortier, Sauveur, De Gerlache, de Stassart, Timmermans, 
Fohmann, De Hemptinne, Lejeune, Bekker, membres ordinaires; 
Walter, membre hoùoraire. — Assistaient à la séance: MM. Wes- 
mael, Jules van Praet, Plateau, Dumont et Schmerlitig, corres- 
pondants. — C'est dans cette séance du 23 novembre que M. Dumont 
fit connaître son intention de lever une carte géologique de la 
Belgique. « La Compagnie, » lit-on au Bulletin de la séance, 
« qui apprécie toute l'importance de ce projet et qui sait avec quel 
succès M. Dumont est capable de l'exécuter , lui témoigne le vif 
intérêt qu'une pareille entreprise lui inspire et promet de la favo- 
riser de tout son pouvoir. » 
61 11 a été reproduit dans le tome IX de la Correspondance. 
6i De l'astronomie dans V Académie royale de Belgique ,elc, 
63 Annuaire de l'Observatoire pour 1837. 
^ Notice biographique de Schaar. 

65 Plusieurs confrères de Quetelet lui prêtèrent leur concours à 
cette époque, et continuèrent à s'occuper des phénomènes pério- 
diques. Nous citerons MM. Dumortier, Spring, Ch. Morren . Kickx, 
(le fils de l'académicien dont nous avons parlé, et qui était entré à 
son tour à l'Académie en 1837), Martens, de Selys Longchamps , 
Schwaan. 

66 Numéro de décembre 1835 : article sur le premier mémoire de 
statistique présenté par Quetelet à l'Académie. 

67 Cette note fut ajoutée à l'article de la Revue d'Edimbourg d<»nt 
nous avons parlé, lorsque sir John Herschel fit entrer ledit article 



{ 191 ) 

dans un volume auquel il donna le titre de : Essayé from the Edin- 
burghand Quarterly Rfviews , etc., Londres, 1857. 

<>^ Numéro de juillet 1849. 

^ On trouvera une traduction du rapport de M. Wheatstone 
dans V Annuaire de l'Observatoire de Bruxelles pour 1851. 

"^^ Le mémoire sur les ondes atmosphériques parut en 1851 dans 
le t. VIII, ire partie, des Ariiilbb de l'Observatoire. A la page 78, 
l'auteur fait connaître que la réduction et la construction graphique 
des observations, commencées par M. Liagre , ont continué, après 
le départ de celui-ci de l'Observatoire, à être faites •• avec non moins 
de zèle et de sagacité » par M. Houzeau , son successeur. « Je suis 
heureux, > dit-il, « de trouver cette occasion pour exprimer à l'un 
et à l'autre ma reconnaissance pour la manière intelligente dont ils 
m'ont secondé. » 

T^ Article de M. L. Dufour, dans le t. Il de la nouvelle série, 1858. 

'• Numéro de janvier-février 1854. — Article de M. A. Gau- 
tier. 

'» T. XV, 1862. 

"^^ Quetelet avait publié , dès l'année 1821, une biographie de 
Grégoire de Saint- Vincent , dans les Annales belgiques. Il donna 
celle de Gemma Frisius,dans la Correspondance mathématique, 
en 1825 ; celle de Ph. Van Laensberge, dans V Annuaire de l'Obser- 
vatoire pour 1837 ; et celle de Simon Stevin, dans les Belges illus- 
tres, en 1845. 

^' Ce traité parut à Paris en 1704. Le Poivre en donna une nou- 
velle édition à Mons , en 1708 , sous le titre : Traité des sections du 
cône considérées dans le solide , avec des démonstrations simples et 
nouvelles « plus simples et plus générales que celles de l'édition de 
Paris i par M. Le Poivre, contrôleur des ouvrages de la ville de Mons. 
Elle a été réimprimée en 1854, par les soins de M. Camille Wins : 
celui-ci y a joint une notice sur l'auteur , donnée par Quetelet , 
en 1848, dans les Annales de la Société des sciences, des arts et des 
lettres du Hainaut. 



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IV- 



Page 25, ligne 7, au lieu de : A. Qnetelet, lisez: M. A . Quetehi. 

» 86, » 10. » des différents théorèmes, lisez : 

de différents théorèmes. 

M 36, » 16, » on a ainsi, lisez : on aura. 

« 49, » l24. » m avaient suggéré l'idée, \hei: 

en avait suggéré l'idée. 

>' 71 , > 1 , ); plansj lisezj: p/«« . 

)' LW. » 14, on a omis le chiffre r// devant: />f'/V<fl/f/M 

r/>/ <*» général. 

» 16;^, » 6, au lieu (le : .S7»r mois avant sa mort, lisez : 

di.r-huit mois avant sa mort. 

» 190. » ;^), )* Sehwaan, lisez : Schwann. 



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